HISTOIRE
LACADEMIE
ReCV A LE
PUF ONS CHE NIC ES.
ANNÉE M DCCXLVIL.
Avec les Mémoires de Mathématique & de Phyfique,
pour la même Année.
Tirés des Repiflres de certe Académie.
Ar METATR ES,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
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PHYSIQUE GENERALE.
ur l'Eecricité, Page t
Sur l'Aurore Boréale. 32
Obfervations de Phyfique générale, SI
ANATOMIE.
Olfervations Anatomiques. s4
C:H.*Y M LE'E.
Sur l'inflammation des huiles par l'efprit de nitre, | s9
Sur la Chaux & le Plätre, | 6s
Sur les Eaux minérales de Baredge. 72
"Obfervation Chymique. 78
BOTANIQUE 79)
ALGEBRE. 82.
1747e 2 *
TA B-LE.
CHE OO METTRE
Sur une Mefure univerfelle à invariable. 82
À ST R © N'O7M:.L'E
Sur l'équilibre de la Lune dans fon orbite. 89
G:E70.G RSASBAAUME, 96
HY DIR O'G R A'RRRRE
Sur une nouvelle conftrudion de Lock. 96
CASE OP: T-R-I QUE.
Sur des Miroirs ardens qui brälent à une grande diflance. x 03
Sur une manière d'employer les Miroirs ardens, aux mêmes ufages,
© auffi commodément que les verres convexes qui brélent par
réfraction. 113
Sur la comparaifon de l'effet des Miroirs plans à des Miroirs
Jphériques. 117
MECHANIQUE.
Sur la maniere de tracer méchaniquement la courbure des ondes
qui mènent les Balanciers dans plufieurs machines. 121
Machines ou Inventions approuvées par l'Académie en 1747:
126
Eloge de M. de la Peyromnie. 130
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POUR
LES MEMOIRES.
R° CHERCHES fur l'équilibre de la Lune dans fon orbite.
Par M. DE MAIRAN. Page 1
De la Rotation de la Lune. 2
De la Rotation de la Lune, d'après l'idée de Képler, à des
Aflronomes de fon temps. s
De la Rotation de la Lune dans ce qu'elle a de réel, à d après
l’idée des Modernes. 11
Deféription d'un petit Faon de Biche, monfirueux, envoyé par le
Roi a l'Académie. Par M. MoRAND. 23
Méihode de fe fervir des Miroirs concaves, de métal ou de verre,
pour tenir les métaux en fufion, r faire les mêmes expériences
que celles que l'on a pratiquées avec de grands Miroirs de
verre convexes. Par M. Cassini. 25
Sur l'inflammation de l'huile de Térébenthine par l'acide nitreux
pur, fuivant le procédé de Borrichius ; Et Jur l'inflammation
de plufieurs huiles effentielles, &7 par expreffion avec le même
acide, © conjointement avec l'acide vitriolique. Par M.
ROUELLE, 34
Occuliation de Regulus par la Lune. Par M. LE MoNNier
le Fils.
2
Obfervation de l'occultation de Regulus par la Lune, du 2 LÉ:
Mars 1747. Par M. MARALDI s>
* ÿj
TABLE.
Diverfes Expériences fur la Chaux. Par M. Du HAMEL. 59
4 E E
Invention de Miroirs ardens, pour brüler à une grande diflance.
Par M. DE BUFFON. er:
Eclairciffemens fur plufieurs faits concernant l'Eledricité. Pax
M. l'Abbé NOLLET. 102
Obfervations affronomiques faites au Collége Magarin pendant
l'année 1747. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE. 132
Eclairciffemens fur Plufieurs faits concernant l'E Teétricité. Second
Mémoire. Des circonffances favorables ou nuifibles à l'Elec-
tricité. Par M. l'Abbé NOLLET. 149
Sur la longitude de la Conception, ville du Chili à la mer du
Sud, Jituée fous 36° 43" de Latitude aufrale, Pa M. LE
MonNieEeR le Fils 200
Eclairciffemens fur plufieurs faits concernant l'Ele@ricité. Troi-
Jième Mémoire, dans lequel on examine 1° ff l'Elefricité fe
communique en raifon des males, ou en raifon des furfaces ;
2° fi une certaine figure, ou certaines dimenfions du corps
életrilé, peuvent contribuer à rendre [a vertu plus Jen ble ;
3° fi l'électrifation qui j dure long- temps, ou qui eff fouvent répétée
Fe la même quantité de matière, peut en altérer les qualités
ou en diminuer la maffe. Par M. l'Abbé NoLLET. 207
Mémoire fur la manière de tracer mé haniquement la courbure
qu'on doit donner aux ondes, dans les machines ‘pour mouvoir
des leviers ou balanciers, au lieu des ovales qu'on a fubflitués aux
manivelles en plufieurs endroits, Par M. DE PARCIEUX. 24 3
Examen de quelques fontaines minérales de la France, à parti-
culièrement de celles de Baredge. Par M. LE MONNIER
Médecin. 259
Sur les Tangentes des points communs à plufieurs branches d'une
même courbe. Par M. Camus. 272
TABLE
Difcours fur la néceffité de perfedlionner la Métallurgie des Forges,
pour diminuer la confommation des bois ; où l'on donne quel-
ques moyens fort fimples, d'employer les mines en roche de
Bourgogne, auffi utilement que celles en terre de la même
province. Par M. le Marquis DE COURTIVRON. 287
Suite des recherches fur la plus grande équation du centre du
. Soleil, où l'on fait voir qu'elle ne paroît pas conflante. Par
M. Le Monnier le Fils. 305
Observations Botanico-Méréorologiques pour l'année r 746. Par
M. pu HAMEL. 309
Problème de Dynamique. Par M. le Chevalier D'ARCY. 344
Obfervation d'une émerfion du premier Satellite de Jupiter, qui
a anticipé de 8" 5" le calcul fondé fur les Tables. Par M. LE
MonNieR le Fils. 362
ÆEclairciffemens fur le Traité Phylique à Hiflorique de 1 ? Aurore
Boréale, qui fait la fuite des Mémoires de l'Académie Royale
des Sciences, Année 1731. Par M. DE MaiRAN. 363
Premier Eclairciffement. Hifloire Juccinte du fort de ce Traité.
Ibid.
ÎI Eclairciffement. Syfléme de M. Euler, [ur la caufe de la Queue
des Comètes, de l' Aurore Boréale, 7 de la Lumière zodiacale,
en tant qu'il diffère de celui qui eff propofé dans le Traité
Phyfique à Hiflorique de l’Aurore Boréale. + | 368
III E‘clairciffement. Sur l'étendue de l'Atmofphère folaire. 371
IV Etclairciffement. Sur la continuité de l'Atmofphère folaire
€ de la Lumière zodiacale avec le Soleil. 275
V Elairciffement. De l'Analyfe de M. Euler fur ce fujer, à
de la Courbe génératrite de l'Atmofphère folaire. 386
VI E‘lairciffement. Sur l Aurore Boréale, ‘en réponfe à la prin-
cipale objection de M. Euler. 396
VIT Etlaircifemenr, Del Hypothefe de M. Euler fur l’Aurore
Boréale. x 400
VIII Etclairciffement. Sur la Queue des Comiètes. AE
* y
: AACR EE
IX Elaircifement. Sur l'impulfion des rayons Solaires. 423
Obfervation de l'échipfe de Lune, du 25 Février 1747. Par
M. ze Monnier le Fils. 436
Mémoire dans lequel on détermine en quantités incommenfurables
d en parties décimales, les valeurs des côtés ér des efpaces,
de la fuite en progreffion double des Polygones réguliers, infcrits
d circonferits au cercle. Par M. Nicoze. 437
Recherches de Catoptrique, fur la comparaifon de l'effet des
Miroirs plans à des Miroirs fpheriques, à des diflances
quelconques. Pax M. le Marquis DE COURTIVRON. 449
Obfervation de 1 ‘éclipfe totale de la Lune, du 2 $ Février 1747»
faite à l'Obfervatoire royal de Paris. Pax M. CassiNL. 459
Obfervation de 1 ‘échipfe totale de la Lune, du 2 $ Février 1747,
Jaite à l'Obfervatvire royal de Paris. Par Mrs DE THuRY
& MaARALDI. 462
Obférvation de l'échipfe totale de Lune, du 2 $ Février 1 747, faite
à l'Obfervatoire royal de Paris. Par M. DE Foucuy. 464
Olfervations Botanico- Météorologiques faites en Canada, par
M. GaurTiEr Médecin du Roi, Confeiller au Confeil fupé-
rieur de Québec, & Correfpondant de l'Académie. Par M. pu
HAMEL. 466
Nouveau projet d'une mefure invariable, propre à fervir de mefure
commune à toutes les Nations. Pax M. DE LA CONDAMINE.
489
Second Mémoire [ur les glandes des Plantes, & le premier fur
l'ufage que l'on peut faire de ces parties dans l'établiffement
des genres des Plantes. Px M. GUETTARD. S$1$
Théorie d'une Comête obfervée en 1 59 3 à Zerbff, dans le
Principauté d'Anhalt. Pax M. Y Abbé DE LA CAILLE. 560
T AB LE.
Hifloire des maladies Epidémiques de 1 747, obfervées à Paris,
en même temps que les différentes températures de l'air. Pax
M. Mazouin. 563
Troilième Mémoire fur les glandes des Plantes, d le fecond, fur
l'ufage que l'on peut faire de ces parties dans l'établiffement
des genres des Plautes. Par M. GUETTARD. 604.
Sur une nouvelle conftruttion de Loch, avec des Remarques fur
l'ufage des autres inflrumens qui peuvent fervir à mefurer le
Jillage des Vaiffeaux. Par M. BouGuER. 644
Sur la réfolution des Equations. Par M. FONTAINE. 665
Obfervations fur la Chaux &r fur le Plätre. Par M. Macquer.
W\ 678
Obfervations Météorologiques faites à l'Obfervatoire Royal pen-
dant l'année 17247. Par M. DE Foucury. 697
Suite du Mémoire contenant des obfervations- Lithologiques, pour
Jervir à 1 “Hiffoire Naturelle du Languedoc, 7 à la théorie de
la Terre. Par M. l'Abbé DE SAUVAGES. 699
EEE TN GE EE SON CSS EE VER Un
Fautes à corriger dans l'Hifloire de 1747.
Page 6, ligne 10, indifférent, lez fufifant.
Page 10, ligne 2, après les mots &t effet, mettez deux
points, & les Ôtez après ceux-ci, guë
les excite.
Page ‘34, ligne 21, à la fin, axe, lifez aftre.
Page 57; ligne 30, houppe, lifez huppe.
Page Go, ligne 16, pur, Hfez purs.
Page 65, ligne 6, qu'a abforhé, life qu'abforbe.
Page 72, à la marge, voy. Hifloire 1744, p. fuppléez p. 1 8+
Page y2, ligne 3, ce même diamètre, /fez le même
diamètre.
Page 121, ligne 23, fa flituer, fe fubfiituer.
Ibid. ligne 24, défautb, lifez défauts.
Page 123, ligne 4, on fera enfuite, L/ez on fera enfin.
Faute à corriger dans les Mémoires de la même année.
Page 1 87, ligne, 32, tubel, lfez tube.
HISTOIRE
L'ACADEMIE ROYALE
DS "SIC I EINIC ES.
Année M. DCCXLVII.
FOOD OXOXOKOXOHOKOHOXC XOOOOO0OOOX OX
PHYSIQUE GENERALE
SUR TELECTRICITE.
DIU] PU IS que les furprenans effets de l'Eleétricité V- les M.
14 Ÿ ont ouvert aux Phyficiens une noûvelle car- P- 92:
? à [A rière, on ne s’eft prefque attaché qu'à raflembler
Ce He une grande quantité de faits & d'expéri iences';
ES ce n'eft que depuis peu d'années qu'on com-
À entrevoir la liaifon de tous ces phénomènes. Nous.
avons 7 este en1745*, des a deM:V Abbé * Vo. He
PR IZaZ. k NPA See
2 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
Nollet, fur les caufes de l'éleétricité : il eft queftion préfen-
tement d'entrer dans un plus grand détail, & d'examiner fr
chaque! effet eft toûjours proportionnel à la caufe qu'on
fuppofe le produire, ou s'ilsne s'y mêle pas quelque force
étrangère & inconnue, qui trouble l'aétion de là première.
Pour juger avec quelque certitudede l'effet produit par
un corps devenu électrique, la première connoiflance qu'if
eft néceffaire d’acquerir, eft la mefure de fon éleétricité ; il
faut favoir's'il eft plus ou moins éleétrique que tel autre corps
auquel on voudra le comparer. Cet examen n'offre en appa-
rence rien que de très-facile : en effet, quelle difhculté à
mefurer une force dont on voit prefqu'à découvert le jeu &
Faction, & des effets de laquelle plufeurs font fufceptibles
de mefure? mais en examinant de plus près, cette extrême
facilité s'évanouit bien-tôt, & on parvient aifément à croire,
avec M. l'Abbé Nollet, qu'il efl extrêmement difficile de
s’affurer fi un corps eft plus ou moins éleétrique qu'un autre.
Les fignes auxquels on reconnoit ordinairement qu'un
corps eft éleélrique, font F'attraétion & Ja répulfion des corps
légers qu'on lui préfente à une diflance convenable ; une
impreflion femblable à celle d’une toile d’araignée qu'on
rencontreroit flottante en l'air, qu'il fait fentir fur la peau;
une odeur de phofphore ou d'ail, qu'il répand; des aigrettes
d'une matière lumineufe qu’il femble lancer; des étincelles
éclatantes qui en fortent, & qui font capables de piquer très-
fenfiblement le doigt, ou telle autre partie du corps qu’on
lui préfente de près ; & enfin la faculté de communiquer à
d’autres corps les mêmes propriétés pour un certain temps.
Si on confidère en général l'éleétricité comme l'action d’une
matière à qui on a fait prendre un certain mouvement &
une certaine direction, tant dans le corps électrique qu'aux
environs , il eft certain qu'on pourra juger par le plus ou
moins d’intenfité des effets dont nous venons de parler, de
la force de l'électricité, puifque ces effets font le produit de
l'action de la matière éleétrique, & par conféquent pro-
portionnels à cette aétion : mais fi on veut entendre par
DES SCIENCES.
éledricité l’état dans lequel on a mis le corps électrique, &
le degré de force qu'on a imprimé à fes parties, pour ägiter
la matière électrique qui leur eft contigue, alors il fe trou-
vera une infinité de cas dans lefquels tous les phénomènes
dont nous avons parlé, ne pourront rien conclurre pour le
plus ou moins d'électricité du corps. Il y a plus, il eft aifé de
faire voir qu'un corps auquel on ne fuppofe ordinairement
aucune électricité acquife, produit précifément les mêmes
effets que celui qu'on recarde comme Île plus électrique; &
qu'un même corps, duquel l'éleétricité n'a reçû aucun ac-
croiflement ni aucune diminution, peut, par le concours de
quelques circonftances qui lui font abfolument étrangères,
êtré déterminé à exercer une action beaucoup plus confidé-
rable fur les corps qu’on lui préfente. Plufieurs expériences
déjà connues peuvent fervir de preuve à ce paradoxe; mais
nous nous bornerons à rapporter quelques-unes de celles
dont M. l'Abbé Nollet n'avoit point encore fait part à
Académie.
Si on attache une grofle aiguille à coudre, à un fil attaché
à une barre de fer électrique, & qu'on place l'aiguille ainfr
fufpendue entre deux timbres non éleétrifés, elle fera alter-
nativement attirée & repouflée par ces timbres, &formera
ainfi, en allant de l'un à l’autre, un petit carillon, qui durera
autant que l'éleétricité de la barre.
On obfervera un effet à peu près pareil, fi après avoir
éledrifé l'eau d'un baffin, on y met des petites boules de
verre foufflé, où de bois; ces petits corps flottans, électrifés
par communication, feront attirés & repouflés par tous les
corps non électriques, comme ils le feroient par des corps
électriques, s'ils ne l'étoient pas eux-mêmes.
Un corps non éleétrique peut donc, dans bien des occa-
fions, opérer les mêmes attractions & les mêmes répulfions
qu'un corps électrifé ; & on fe tromperoit fi on vouloit juger
de fon électricité par ces feules indications.
On pourroit peut-être objeéter que l'attraction & Ja ré-
pulfion que nous attribuons ici au corps non électrique, n'eft
Ai
HisToirE DE L'ACADÉMIE ROYALE
que l'effet de l'électricité qui réfide dans le plus léger, & 3
laquelle le corps non électrique ne peut obéir à caufe de fa
mafie : on ne peut nier que cette raifon n'entre pour beau-
coup dans les attraétions & les répulfions dont nous venons
de parler; mais efl-il bien vrai qu'elle foit la feule, & lecorps
non électrique n’y auroit-il pas une part très-réelle ?
Une expérience que rapporte M. l'Abbé Nollet, jufifie
le penchant qu'il auroit à croire, que ces corps qu'on re-
garde communément comme non éleétriques , ont reçû, par
la feule proximité du corps éleétrique dont on les a appro-
chés, une préparation fufhfante pour produire des effets
fenfibles ; c’eft que depuis qu'on a employé, au lieu de tubes,
des globes de verre qui communiquent une électricité bien
plus forte, il a vû plufieurs fois des perfonnes s'éleétriler
entièrement fans être ifolées, en plongeant feulement la main
dans la fphère d'aétivité d'un corps électrique.
Non feulement la propriété d'attirer ou repouffer des corps
légers, ne fait pas dans un corps une preuve fufhifante d’élec-
tricité, du moins fr on entend par ce mot, comme nous
Tavons dit, la force qu'on a communiquée à ee corps ; mais
de plus cette force qui lui fait attirer des corps légers, peut
paroître fenfiblement augmentée où diminuée, fans qu'il
foit rien arrivé au corps électrique qui ait pû y opérer un
changement : l'expérience fuivante en fournira la preuve. Un
borume électrifé tient les deux bras étendus à la même hau-
teur, & les mains également élevées au deffus de deux car-
tons pareils, couverts de petites feuilles de métal ; l’un des
cartons eft appuyé fur la main d'une autre perfonne qui fe
tient debout fur le plancher de la chambre, & autre efb
fufpendu par quatre ficelles à un fupport de bois; les petits
corps du carton foûtenu fur la main, feront toüjours attirés
& repouflés plus vivement que ceux qui font fur le carton
foûtenu avec les ficelles : & afin qu'on ne croïe pas que
homme éleétrifé ait acquis plus de force éleétrique dans une
main que dans l'autre, on changera les cartons de place, &
la même différence fubfiftera toûjours.
PO
En
DES SCIENCES.
La raifon de cette différence fe tire aifément des principes
de M. l'Abbé Nollet : les corps légers font portés vers le corps
éledtrique , par le courant de matière afHuente dans lequel
ils fe trouvent; & les corps arfimés ou les fupports de métaf
fur lefquels on pole ces corps légers, fourniflent plus de cette
matière affluente que les corps d’une autre nature, ou qui
feroient ilolés : de mème les corps légers font repouffés plus
vivement en pareils cas, parce que la matièredffuente du
corps électrique, trouvant moins d’obftacle à pénétrer ces
fortes de fupports que l'air même de l'atmofphère, conferve
mieux fon mouvement, & agit avec plus d'efhcacité pour
repoufler les petits corps fur lefquels elle a prife. Il n'eft donc
pas étonnant que ces petits corps portés par le carton qui
eft fur fa main, doivent être attirés & repouflés plus vive-
ment que ceux qui font foûtenus par le carton fufpendu à
des ficelles. On obferveroit une pareille différence en em-
ployant un fupport de métal, & au contraire, on diminue-
roit beaucoup la vivacité des attraétions, en employant pour
fupport une platine épaitle de foufre ou de réfine; ces der-
nières fubftances ne permettant que difficilement le pañlage
aux courans de la matière électrique. Il eft bon d’obferver
que pour diminuer par ce moyen l'éleétricité, il faut, comme
nous l'avons dit, que la platine de foufre, ou d'autre matière
réfineufe, foit épaifle ; fi elle étoit trop mince, la matière
électrique la pourroit traverfer : mais lorfque la platine fera
épaïfle, alors les attractions deviendront beaucoup moin-
dres, elles pourroient même devenir nulles: & M. l'Abbé
Nollet a vü plufieurs fois des morceaux de feuilles d’or, po-
fés fur une boule de foufre, s’y coller fortement à l'approche-
d'un tube éleétrifé, au lieu de s’élancer vers le tube : il ne
faut pas non plus que ces corps foient échauffés,. car pour
lors ils livrent un paflage bien plus libre à la matière élec-
trique , & le jeu des attractions & des répulfions en feroit
bien moins troublé,
La figure des corps légers qu’on veut faire attirer, n’eft
pas indifférente, une trop grande furface, ne leurspermet pas:
À i if
6 H1STOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
échapper aux rayons de la matière efHuente, & ils en font
ou totalement repouffés, ou au moins confidérablement re-
tardés : par la même raifon, lorfque ces petits corps font plats,
il faut qu'ils fe préfentent par lé tranchant, & non par le plat,
en allant vers le corps électrique, pour éprouver de fa part
da plus forte attraétion poffible ; cette fituation les met en
état d'éviter un très- grand nombre de jets de matière ef-
flueme , &tde paffer bien plus facilement dans les efpaces
qu'ils laiflent entreux, & par lefquels la matière afluente
fe rend au corps électrique. 11 n’eft donc pas indifférent de
donner aux corps légers de la même efpèce, un poids égal,
il faut encore que leur figure foit la même, & qu'ils fe pré-
fentent au corps électrique du même fens.
Cette égalité même de figure & de pofition ne met pas
à l'abri d’une autre inégalité dans les effets, celle-ci vient de
la plus grande ou de la moindre promptitude avec laquelle
ces corps s’électrifent : s'ils ne font pas parfaitement homo
gènes , ceux qui s'éleétrifent le plus facilement , acquièrent
cette propriété à une diflance du corps électrique, à laquelle
les autres ne fe peuvent pas éleétrifer; alors, quoique leur
volume foit le même en apparence, les rayons qu'ils lancent
de toutes parts les mettent hors d'état de pafier dans les
intervalles de ceux du corps électrique, & fouvent , au lieu
d'en être attirés, ils en font réellement repouflés. Si, par
exemple, on fufpend à deux fils d'égale longueur, une feuille
de métal de deux pouces de largeur, ou environ, & un difque
de cire d'égal diamètre, & qu'on préfente à ces: corps un
tube éle&rifé, on verra que le difque de cire fera conftam-
ment attiré, au lieu que la feuille de métal ne fait qu'un
léger mouvement vers le tube, & fouvent même commence
par s'en écarter : la raifon de cette différence eft que la feuille
de métal s'éleétrife à la première approche du tube, & qu'au
contraire, le difque de cire ne s'éleétrife pas, du moins aufft
facilement ; en effet, fi auffi-1ôt après l'expérience on exa-
mine les deux corps, on verra que la feuille de métal eff
électrique; & que le difque de cire ne l'eft point.
D'E S SCIE N C/ES# 7
I eft donc bien certain que l'état du corps éleétrique
demeurant le même, la vivacité des attractions & des répul-
fions peut varier à l'infini; & que par conféquent ce phé-
nomène feul & féparé des autres fignes, ne peut fournir
qu'une mefure très-imparfaite & très-équivoque, de la force
électrique communiquée à ce corps. ÿ
+ Les émanations électriques qui portent avec elles une
odeur de phofphore, qui paroifient quelquefois fous la figure
d’aigrettes lumineufes ou de traits de feu, & qui font fentir
fur la peau, lorfqu’on l'y expole, une efpèce de fouffle, ne
font pas un fnoyen plus für de juger de l'électricité d’un
corps. J paroït enggénéral que les corps électrifés par frot-
tement donnent communément des écoulemens bien plus
forts & plus marqués que ceux qu'on éleétrife par commu-
nication. Le globe & le tube frottés, mème médiocrement,
font fentir quelquefois, à plus d'un pied de diflance, une
odeur & une impreffion qu'un corps élerifé par commu-
nication, comme, par exemple, une barre de fer, ne pro-
duira jamais : cependant, fi on en juge par la grandeur & le
brillant des aigrettes, & par les piqüres que caufent les étin-
celles, ces mèmes corps électrifés par communication parot-
ont avoir une éleétricité beaucoup plus forte. On n’allumera
que très-difhcilement de l’efprit de vin avec les étincelles-
qu'on tirera du globe même, & on l’enflammera très-aifé-
ment en fe fervant de celles qu'on tire d’une lame d'épée,
d’une barre de fer éleétrifée par ce même globe. La fenfation:
plus ou moins vive que font reflentir les émanations des
corps électriques, n’eft pas un moyen plus für pour juger de {a
force de l'éledicité, La matière éleétrique qui fort des corps
animés pour fe rendre au corps électrique, ne fe fait ordinaire-
ment que peu ou point fentir lorfque la peau efl sèche; mais
lorfqu’elle eft mouillée par la fueur, ces mêmes particules de
matière qui, dans le premier cas, pafloient librement , fe.
trouvant arrêtées par un liquide ténace & vifqueux , en arra-
chent, pour ainfi dire, les particules, & caufent à la peau une:
impreffon très-fenfible..
*
8 HisToïrE DE L'ACADÉMIE ROYALE
Deux expériences rapportées par M. l'Abbé Nollet, prou-
went que la matière électrique enlève réellement les particules
de liquide qu'elle trouve fur fon paflage. Si on mouille légè-
rement d’eau ou d’efprit de vin une barre de fer, & qu'en-
fuite on l'électrife, on fentira, en paffant la main à quelques
pouces de diftance, un petit vent frais qui n'eft autre chofe
que la matière effluente dont limpreffion eft plus fenfible,
parce qu’elle eft, pour ainfi dire, armée des particules de li-
queur qu’elle a enlevées. La feconde eft encore plus décifive:
lorfqu'on a frotté pendant quelque temps un globe de verre
pour le rendre électrique, on aperçoit qu'il forme à fa
furface un grand nombre de petites taches brunes, compo-
fées d’une matière femblable, en quelque forte, à de la cire,
& qui répand, lorfqu’on la brûle, une odeur de poil ou de
cuir grillé : à ces fignes, il n’eft pas difficile de reconnoître
une matière animale; mais pour décider fi elle venoit de la
perfonne même qui frotte le globe, ou feulement de fes
habits, M. l'Abbé Nollet imagina de fe deshabiller autant
qu'il étoit néceffaire pour cela, & le globe ne laïfla pas de
{e couvrir des mêmes taches. Il eft donc bien für que la
matière qui fort d’un corps animé pour fe rendre au corps
électrique, emporte avec elle une certaine quantité de la
fubftance de ce corps animé : nouvelle fource de variété dans
les fenfations que caufe la préfence du corps électrique,
puifque leur force & leur intenfité ne dépendent pas feule-
ment de la vertu imprimée à ce corps, mais de la difpofition
intérieure & extérieure de la perfonne qui les reçoit : difpo-
fition qui doit être néceflairement différente gn différentes
perfonnes, & fouvent variable dans la même perfonne en
différens temps.
On ne fe tromperoit pas moins fi on vouloit juger de Ia
force de l'électricité d’un corps, par la grandeur & l'éclat des
aigrettes lumineufes qu’il lance, ou par l'impreflion que font
« es étincelles qu’il donne fur celui qui les tire. Un corps qu'on
électrife, & qui ne fait encore paroîtré aucunes aigrettes,
commencera fouvent à en lancer fans qu'on éleétrife plus
fortement,
MT me LS AGIT E NES 9
fortement, fi on en approche un corps animé, un morceau
de métal, & généralement tout corps capable de fournir
beaucoup de matière affluente; & fi le corps électrique donne
de lui-même des aigrettes, ces mêmes corps capables de les
faire naître par leur approche, le font auffi de les faire paroïre
beaucoup plus grandes & plus brillantes : la feule circonftance
de la proximité de ces corps, quoiqu'abfolument étrangère
au degré de force éleétrique du corps auquel on les préfente,
eft donc fuffante pour faire paroître ce figne d’éledricité
beaucoup plus fenfible, quoique l'éleétricité foit toûjours fa
même.
Souvent un globe éleétrifé qui fait paroître très-prompte-
ment de belles aigrettes au bout d’une verge de fer de quel-
ques lignes d'épaiffeur, n'en fait paroître aucune, ou ne
les produit qu'avec peine & après un temps affez long, fi
on fe fert d'une barre de fer plus longue & plus grofle,
quoique les autres fignes annoncent que {a barre a reçu un
degré d'électricité plus fort que celui de a petite verge :
M: l'Abbé Nollét en a fouvent fait l'expérience. II a trouvé
14 même chofe en fe {ervant d'un tuyau de fer blanc de s
pieds de long & de 2 pouces! de diamètre; ce tuyau ap-
proché du globe donna d'abord à l'extrémité qui en étoit
la plus éloignée, des aigrettes très-vives & très-lumineufes 5
il ne fit que boucher cette extrémité avec un cylindre de
fer de 2 pouces? de long, les aigrettes cefsèrent, & on
continua d'éleétrifer pendant 3 minutes, fans qu'il en reparût
aucune, quoique les étincelles qu’on tiroit du tuyau pendant
ce temps, fufient pour le moins auffi fortes, & caufaflent
des piqüres auffi douloureufes.
La force de ces étincelles & Ia fenfation qu’elles caufent
à celui qui les tire, feroient encore un figne peu certain du
plus ou moins d'électricité d’un corps: ces étincelles ne font
autre chofe que les rayons même des aigrettes, réduits par
l'approche du doigt ou du corps qu’on leur préfente, à ne
faire plus qu'un feul trait de feu. Tout ce qui pourra donc aug-
menter les aigrettes, augmentera auffi la force de l’étincelle;
Ff. 1747: + B
10 HisToiIRE DE L'ACADÉMIE RoYaLE
& nous venons de voir que bien des circonftances étrangères
à l'électricité du corps, pouvoient produire cet effet à l'égard
de la fecoufle & de la douleur qu'elles font fentir à celui qui
les excite : il eft aifé de voir que cet effet doit dépendre en
grande partie du plus ou moins de fenfibilité des organes
& de la difpofition du corps, qui, comme on fait, font
infiniment variables,
Il fuit de tout ce que nous venons de dire, qu'aucun
phénomène en particulier ne peut être pris pour une mefure
certaine de la force électrique imprimée à un corps; & qu'on
ne peut éviter l'erreur dans ce jugement, qu'en ufant de
beaucoup de circonfpection, & en fe conformant aux règles
füuivantes.
La première & la principale eft de ne jamais entrepren-
dre de comparer l'éleëtricité de deux corps, de quelque
moyen qu'on veuille fe fervir, fans s'être auparavant bien
affuré que les circonftances font abfolument pareilles de part
& d'autre. ,
La feconde eft de ne s’en rapporter qu'à des effets conf
tans, qu’on foit für de retrouver toûjours les mêmes dans
les mêmes circonflances, & de ne prononcer que d'après
des différences bien marquées, & qui ne puiflent être regar-
dées comme ces petites variétés defquelles tous les effets des
caufes phyfiques font fufceptibles.
La troifième enfin eft d'employer tous les fignes qui
peuvent faire juger du plus ou moins d'éleétricité des corps,
& de ne jamais s’en rapporter à un feul ou à deux, s'il eft
poffible d'en avoir un plus grand nombre.
Si on vouloit s'en tenir à la feule force répulfive, M.l Abbé
Nollet propofe un moyen de l’employer à mefüurer la vertu
électrique des corps : ce moyen eft tiré d’une expérience
de feu M. du Fay, qui s'en fervoit à faire voir avec quelle
promptitude la vertu éleëtrique d'un corps s’anéantit, lorf-
qu'on le fait étinceler. Il mettoit fur une tringle de fer un
fil plié en deux, en forte qu'une moitié pendit d'un côté
de la tringle, & l'autre moitié du côté oppolé; ces deux
D E:S S{C:T E NC E1S TE
moitiés dans cet état étoient exactement parallèles : Je fer
étant électrifé, les deux fils s'écartoient, & s’écartoient d’au-
tant plus, que l'électricité étoit plus forte.
L’embarras étoit de mefurer l'ouverture de cette efpèce
de compas, il n'étoit pas poflible d'y appliquer, ni même
d’en approcher aucune règle ni aucune échelle; on eût anéanti,
ou au moins très-fénfiblement dérangé l'effet de la vertu
élettrique: M. l'Abbé Nollet a remédié à cet inconvénient,
en mefurant l'ouverture de l'ombre de ces mêmes fils qu'il
tranfporte fur un carton, au moyen d’une bougie allumée.
. Il n'eft pas au refte le feul qui ait penfé à mefurer l’élec-
tricité des corps par l’efpèce de recul qu'elle leur caufe,
M: Waits a eu la même idée; mais de plus, il a voulu trouver
par ce moyen la force abfolue des émanations éleétriques,
en oppofant à cette force des poids connus.
Pour cela il fufpend à deux fils de foie deux platines de métal
femblables, longues de fix pouces, & pefant chacune trois
onces, de manière qu'elles pendent librement affez près l'une
de l'autre pour fe toucher; alors il approche au deffous de
ces deux James un tube électrifé, & dans l'inftant même on
les voit s'écarter & décrire un arc de cercle: or la longueur
& le poids d’un pendule étant connus, on fait quelle force
il faut, pour le foûtenir dans tous les points de l'arc qu'on
lui fait décrire en montant, & par conféquent on a, felon
M. Waits, dans cette expérience la force abfolue des courans
de matière életrique qui font écarter les deux corps. Mais
quelque ingénieufe que foit cette idée, il s’y trouve une difi-
culté prefque infurmontable : pour juger par le déplacement
d'un corps de la force qui le pouffe, ce n’eft pas affez d’avoir
Ja quantité de force abfolue qui a été employée à le déplacer;
äl faut encore connoître la direction fuivant laquelle la caufe
qu'on a mife en œuvre a pü agir, puifque la même quantité
de force peut varier fes effets à l'infini, fuivant la manière
plus ou moins avantageufe dont elle agit : or nous ignorons
dans ce cas quelle eft la direction des courans de la matière
électrique; & par conféquent, on ne peut tirer de l'écartement
B à
Vies M.
P- 149-
52 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
des lames aucune conféquence fur la force abfolue de l'é-
ledricité. D'ailleurs, cette efpèce d'électromètre a, ainfi que
le premier dont nous avons parlé, l'inconvénient-de ne
pouvoir s'appliquer qu'à un des phénomènes de l'électricité,
& ne peut par conféquent être regardé comme une mefure
far laquelle on puife abfolument compter : cependant cette
idée mérite bien qu'on y réfléchifle ; peut-être pourra-t-on
quelque jour vaincre les difficultés qui s’y rencontrent : mais,
quelque inflrument qu’on imagine, il y a bien de l'apparence
qu'il faudra toûjours employer avec bien de fa précaution,
& il fera peut-être encore long-temps vrai que les yeux d’un
habile Phyficien bien exercé aux expériences de l'électricité,
font le feul éleétromètre fur lequel on puifle compter.
Non feulement l'éleétricité reçoit différentes modifications
de la part des corps qu'on emploie à la faire naître ou à la
tranfmettre, mais elle reçoit encore de l'accroiflement ou de
la diminution par des circonflances plus étrangères & plus
éloignées. De ce nombre font le froid , le chaud, l'humidité,
la fécherefle, le degré de raréfaction ou de pureté de l'air
dans lequel on opère, l'aétion de la flamme, de Ja lumière,
de la fumée, des vapeurs, la grandeur & la figure des corps
u’on éleétrife, & leur communication avec ceux qu’on ne
q
veut pas électrifer.
Pour éviter la confufion des idées dans Ja matière que nous
allons traiter, il faut foigneufement diftinguer plufieurs états
différens de l'électricité. L'électricité déjà excitée n'eft pas la
même que celle qu'on tâche à faire naître relativement à de
certaines circonftances : il y en a telle qui peut confidéra-
blement retarder ou accélérer le moment auquel cette verta
doit paroître, fans cependant rien changer à fa durée, ni à
fon intenfité. Il eft encore néceffaire de ne pas confondre:
l'élettricité une fois excitée avec celle qu'on cortinue à com-
muniquer au corps qui en eff le fujet. La première eft un état
fixe & limité qui ne peut être altéré par une caufe quelconque,
favorable ou nuifible, fans qu’on y obferve de l'augmentation
ou de là diminution. La feconde, au contraire, fe réparant
D'E S SCIENCES LE)
œontinuellement, peut fouffrir des pertes ou des augmenta-
tions confidérables, fans qu’on puifle s’en apercevoir, l'inten-
fité de la caufe qui lentretient continuellement, ne pouvant
être bien précifément évaluée. Il faut encore difcerner ff
Yélectricité eft très-forte ou fi elle eft foible : tel degré d’alté-
ration qui feroit très-fenfible fur cette dernière, ne paroïtra
nullement fur celle qui a été excitée par les moyens les plus
puiffans & dans les circonflances les plus favorables. Enfin,
on ne doit donner le nom d’éleétricité proprement dite qu’à
celle qui fe manifefle par Île concours des fignes dont nous
avons parlé ci-deflus, & qui ne vont guère Fun fans l'autre,
fi ce n’eft dans le cas d’une éleétricité trop foible,
On fait depuis long temps que le fuccès des expériences
de l'électricité dépend beaucoup du temps qu’il fait lorfque
l'on opère : on convient aflez généralement qu'elles réuf-
fiflent pour l'ordinaire d'autant mieux, que le temps eft plus
beau; mais cette expreflion a paru trop vague à M. l'Abbé
Nollet, il a voulu la réduire à des termes plus précis : huit
années d'expériences dans lefquelles il a eu foin d'obferver
le degré de chaleur & de pefanteur de l'air, celui de fécherefle
& d'humidité, la direction & la force du vent, l'ont misen
état de fe former des idées plus nettes & plus exactes. I
réfuhte de fes obfervations que l'électricité eft prefque toû-
jours foible, quand on en fait les expériences par un temps
‘pluvieux & doux, le baromètre étant à fa moyenne hauteur,
-& le vent au fud ou aux environs ; maisil faut pour cela que
le temps foit véritablement pluvieux & humide. On n’ob-
ferveroit pas la même chofe par une pluie paflagère, fur-tout
4i le vent étoit aux environs de left ou du nord.
Il eft donc bien certain que l'humidité eft un obflacle à
Vélefricité, du moins elle la rend beaucoup plus difficile
-à faire naître. Mais comment opère-t-elle cet effet, & quel
“eftle corps qu'il eft néceffaire d'entretenir fec ? efl-ce le corps
frottant, ou celui qu'on électrife, ou enfin l'air du lieu où
l'on opère?
Les expériences de M. Abbé Nollet l'ont mis à portée de
B ii
s4 HisroirE DE L'ACADÉMIE ROYALE
répondre à toutes ces queftions. Le corps frottant doit être
parfaitement fec par le côté où il s’appliquetau corps qu'il
életrife : pour exciter l'électricité, il faut qu'il ait une certaine
petite rudefle qui puifle ébranler les particules du verre ou
la matière contenue dans fes pores, & que de plus il s’y ap-
plique immédiatement ; le fluide interpofé le rendroit inca-
pable de ces deux effets. Il eft donc abfolument nécefaire
que ce corps foit fec du côté où il frotte; mais il eft indifé-
rent qu'il le foit des autres côtés. M. l'Abbé Nollet a fouvent
réuffi à exciter une électricité très-vive, ayant le corps mouillé
de fueur, ou ayant même mouillé exprès avec de l'eau fes
bras & le deflus de fes mains : il fufhloit que le dedans des
mains qui frottoit le tube, füt exempt d'humidité.
Quand même les particules d'eau interpofées n'empêche-
roient pas le corps de s'appliquer immédiatement au verre,
elles nuiroient toûjours à l'électricité par un autre endroit.
Tous les corps qui peuvent devenir éleétriques par frotte-
ment, ne le deviennent jamais tant qu'ils font mouillés, foit
par dedans, foit par dehors; c'eft un phénomène connu de
tous ceux qui ont tenté les expériences de l'éleétricité. Le
fimple fouffle d'an air humide fuffit pour empêcher la vertu
électrique de paroître, ou même pour la détruire entière-
ment, foit que cette humidité s'y applique par dehors ou par
dedans. La même chofe arrive encore, fi, au lieu d’eau, on fe
fert d’autres liqueurs grafles ou aqueufes. Le’ mercure feul,
bien loin d’affoiblir l'éleétricité, eft capable, par fon frotte-
ment, de l'exciter : cette expérience eft dûe à M. du Tour,
Correfpondant de l'Académie, qui s'aperçut de cet effet en
faifant couler d’une certaine hauteur du vif-argent contre les
parois d’un tuyau de verre; & elle eft d'autant plus belle,
qu'elle donne la raifon d’un autre phénomène connu de-
puis long temps, de la lumière qui paroît au haut des baro-
mètres quand on les remue. Lorfque tant & de fi habiles
Phyficiens s'emprefloient, au commencement de ce fiècle,
de donner de favantes diflertations pour expliquer cette
merveille, eût-on cru, eût-on même foupçonné que fon
Dir: S.ISICL EN CES: II (TS
explication dépendoit du même principe que F'attraétion des
corps légers qu'exerçoit un bâton d'ambre ou de cire d'Efpa-
gne légèrement frotté, dont perfonne ne daignoft s'étonner.
L’obftacle qu’apportent à l'électricité les différentesliqueurs |
dont nous venons de parler, fembleroit indiquer que tout ce
qui peut mouiller le verre, y contracter la même adhérence
que l'eau, peut auffi empècher l'effet de la verty électrique ;
amais un fait que le hafard offrit à M. l'Abbé Nollet, l’obligez
de faire une exception à cette règle trop générale. I faifoit
fondre du foufre en poudre dans un globe de verre pour l'en
enduire intérieurement, & il remarqua que ce globe devenu
électrique ne ceffa point d'attirer les Hammèches & la cendre
des charbons, quoique le foufre füt devenu liquide &'adhérent
au verre, La même chofe lui eft arrivée en employant, au lieu
de foufre , la cire d'Efpagne, & mème la gomme laque toute
pure : il y a donc des corps qui peuvent mouiller le verre,
fans lui ôter fon éledtricité.
On auroit peut-être pü foupçonner que cet effet ne venoit
pas tant de la nature de ces corps, que de la chaleur néceffaire
pour les tenir fluides. Pour difliper cette incertitude, M.
Abbé Nollet prit le parti d'employer de l’efprit de térében-
thine : cette liqueur eft de même nature que le foufre & la
gomme laque, & n’a pas befoin dé chaleur pour être fluide;
il étoit donc bien für que fi 1e même effet arrivoit, la chaleur
_m’avoit aucune part dans le premier : ce fut effectivement le
réfultat de l'expérience : un tube frotté avec un linge imbibé
de cette liqueur devint fr électrique, que M. F'Abbé Nollet
pencheroit prefque à regarder ce procédé comme un des
moyens les plus capables d'exciter une forte & puiflante
électricité dans Les circonftances les moins favorables. +
-: Ce n’eft donc point le degré de chaleur du foufre & de
la laque fondus, qui peuvent empècher ces corps de mettre
obftacle à l'éleGricité du verre : M. f Abbé Nollet croit qu'il
en faut chercher la raifon dans une autre propriété de ces
corps; ils ne contiennent point ou trèsspeu d’eau, & ce n'eft
que ce dernier fluide qui peut, en humeétant le verre,
76 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
l'empécher de devenir électrique par le frottement; aufi en
“mélant quelques gouttes d’eau à l'efprit de térébenthine, ik
le rend auffi capable de nuire à l'électricité que les autres
liqueurs dont nous venons de parler. Il eft donc bien conflant
que l’eau appliquée au verre qu'on veut rendre éleétrique
par le frottement, l'empêche de le devenir, ou au moins de
prendre à beaucoup près autant de vertu électrique qu'il en
auroit acquis fans cela; mais il s'en faut bien que l'eau nuife
de la même manière à l'électricité qui s’acquiert par com-
munication , une corde mouillée, un tube plein d’eau, un jet
d'eau même, tranfmettent l'électricité au point d'allumer les
liqueurs inflammables qu'on en approche : ce qu'il y a de
fingulier, c'eft que l'eau qui ne met aucun obftacle à l'éle&ri-
cité par communication, tant qu'elle eft fous la forme d'eau,
. ui eft au contraire très-nuifible forfqu'elle eft fous la forme
de vapeur; les expériences électriques ne réuffiffent que très-
difficilement dans les lieux bas & humides, & l'humidité
que le vafe de verre attire dans l'expérience de Leyde, affoi-
blit fi fort fa vertu, que Mrs du Tour & Allaman ont pris
le parti de le plonger entièrement dans eau, pour éviter
l'humidité qui pourroit venir de l'air s’y attacher, ce qui leur
a parfaitement réufir. IL femble que lorfqu'il eft queftion de
l'électricité, les fingularités les plus frappantes s'offrent, pour
ainfi dire, à chaque pas.
L'effet que peuvent faire les fumées de différentes ma-
tières fur les corps électriques, a été effayé par M. l'Abbé
Nollet ; il a plongé dans ces famées un tube très-électrique,
en l'approchant jufqu’à fept ou huit pouces du corps fumant,
il a prefque toûjours perdu en très-peu de temps fon élec-
tticité; mais les fumées des matières réfineufes, comme le
karabé, la laque & le foufre, ont moins diminué l'éleGricité
que les autres; celle au contraire qui s'élève de la graifle
brûlée, a paru la plus efficace pour éteindre promptement
cette vertu : cette différence lui a fait foupçonner que ce
n'étoit peut-être qu’à raifon des parties aqueufes que les diffé-
xentes fumées enlèvent, qu'elles ont Ja vertu de détruire
| l'électricité,
D
m1 Ar eDT Er LS 16 ASE AN € MEnsr: : %
léleGtricité, & que les-matières qui, comme des réfines, en
contiennent moins, que, d’autres, lui font, par. celà même,
moins nuifibles : comme ces vapeurs aqueules font én quan-
tité d'autant moindre dans Ja fumée, qu'elle s'éloigne davan-
tage du,corps qui la produit, ,on ne doit réuflir à éteindre
électricité d'un.corps, par leur moyen, qu'en lexpofant à
Jeur aétion.aflez, près du corps famant, c'eft auf cesqui
arrive; d'un, autre côté, Ja fumée qui ne porte avec élle.que
des vapeurs non aqueufes, n'empêche nullement l'éledricité,
M. l'Abbé Nollet atrès-bien réuffi à l’'éxciter dans une forge
remplie, de fumée ; au point. qu'on avoit peine à y:refpirer,
&,dans des. endroits où, par la fauté.des cheminées oùdes
poêles , il fumoit extraordinairement. … rie
= Les vapeurs fubtiles que les corps odorans exhalentnâtu-
rellement ; ne-paroiffent donner aucune-atteinte à l'éle&tri-
cité, du moins elles n’ont point diminué, fenfiblement Ja
vertu des tubes ou des! barres de fer éleétriques qu'on y:ex-
… poloit; & cette obfervation rentre aflez naturellement dans
l'idée de M. l'Abbé Nollet :: ces exhalaifons n'entraînent
- aucune humidité fenfible, & par conféquent ne peuvent
enduire le corps électrique de cette vapeur humide qui eft
{1 pernicieufe. à l'éleétricité, | Story
: La flamme eft un moyen plus efficace de Ja détruire,
M5: Waitz, du Tour, & l'Abbé Needhäm ont été les pret
miers à s’apercevoir de ceteffet : un tube de verre nouvelle-
ment frotté, ne peut être approché à une diftance de 1 2 à
15 pouces d'une bougie allumée, fans perdre abfolument
toute fa vertu. Ce fait a donné à M. l'Abbé Nollet:la raifon
d'un;autre qu'il avoit, malgré lui, remarqué plufieurs fois;
l'électricité du tube lui réufhfloit prefqué toûjours mal aux
lumières, & il fembloit que cé mauvais fuccès fût réfervé
aux occafions dans lefquelles il affiftoit plus belle .& plus
grande compagnie à fes expériences: la raifon. en eft toute
fimple, fon cabinet étoit ordinairement éclairé ces. jours-là
d'un plus grand nombre de bougies, à l'action defquelles le
tube éleétrique ne pouvoit échapper; une expérience qu'ibæ
Hif 1747. . G
78 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
faite à deflein, la confirmé dans cette idée : il fe mit au
milieu d’un cercle de huit pieds, formé par 3 0 bougies allu-
-mées, le tube ne prit qu'une électricité très-foible, & Ja
perdit en très-peu de temps; les bougies furent éteintes, &c
alors il s’'éleétrifa beaucoup mieux, & fon éledricité dura
divantage, tant il eft vrai que, fur-tout. en matière de Phyfr-
we, on peut être trompé par les circonflances les moins pré-
vüûes. Il fuit de cette propriété de fa flamme, qu'elle ne peut
être électrifée que très-diffcilement ; elle détruit, par fon ap-
proche, l'éleétricité du corps qui doit la lui communiquer :
& comment la communiquera-t-il après l'avoir perdue!
Quelques expériences cependant ‘paroïffent prouver que
l'électricité peut être communiquée à Ja flamme, & même
qu'ellé la peut tranfmettre. M. du Fay a tranfmis, par le
moyen d'un tube, léleétricité d'une corde à une autre,
malgré un intervalle de dix à douze pouces dont le milieu
étoittoccupé par une bougie allumée. Il eft vrai qu'on pourroit
croiré que dans cette occafion l'électricité eft trop forte pour
être entièrement éteinte par la bougie, & regarder toûjours
la flamme comme un obftacle à l'électricité, mais comme un
obftacle trop foible pour n’en laifler aucun veftige. Voici
encore quelque chofe de plus fort: M. Waitz a fufpendu
horizontalement àdes fils de foie deux tringles de fer dont
Les extrémités laifloient -entr'elles un efpace d'environ fix
pieds; cet efpace a été rempli par une règle de bois de pareille
longueur, fufpendue de mème; mais huit pouces plus bas,
& qui portoit à chacune de fes deux extrémités une bongie
allumée : l'éleétricité communiquée à une des deux tringles
s'eft fait fentir à l'extrémité de l'autre, tant que les bougies
ont été allamées; & lorfqu'elles ont été éteintes, elle a ceflé
de fe communiquer : il paroît donc que dans cette expérience
la flamme des bougies, bien loin de nuire à l'éle@ricité, lui
fert, poux ainfi dire, de canal de communication d’une tringle
à J'autre. t
Une autre expérience de M. Jallabert, prouve encore qu'un
soyps enflanmé peut devenir électrique ou continuer de
DES SCcTrENCE:;s +9
Pêtre : il éleétrife, par le moyen d’un globe, une chaîne de fer
au bout de laquelleeft un vale plein d’efprit de vin qui s'écoule
par le moyén, d'un petit fiphon de verre. On fait que Î&
liqueur électrifée fe partage en plufieurs petits jets divergens
qui s’approchent de la main ou des autres corps non élec:
triques qu'on leur préfeme: fi on enflamme ces petits jets,
ils continuent à être divergens, & à être attirés par les corps,
non électriques qu'on en approche; Îes corps enflammés peu
vent donc s'électrifer. I eft vrai qu'on pourroit peut-être
oupçonner que comme il ÿ a toûjours au centre de ces jets,
enflammés un filet de liqueur moins: inflammable & plus,
aqueufe, ce filet recevroit continuellement plus d'électricité
que la flamme n'en pourroit détruire :en ce cas, elle ne
cefleroit pas d'être nuifible à l'électricité, mais elle feroit
feulement un moyen trop foible pour la détruire.
s C'eft auffi le parti que prend M. l'Abbé Nollet; il regarde
la flamme comme un obftacle à l'éleétricité, mais il penfe
que cet obftacle n'eft nullement invincible, & que, dans cer-
tains cas, l'électricité peut fubfifter malgré fa préfence; &. il
eft d'autant plus porté à adopter :cette idée;que, quelques
tentatives qu'il ait faites, il n’a jamais pû parvenir à électrifer,
la flamme d'une bougie, quoiqu'il s'y foit pris de toutes les
manières qu'il a pù croire propres à y réuflir.
Cette première queftion décidée en fait auffi-tôt naître,
une feconde : quand la flamme nuit à l'éleétricité, eft-ce par,
falumière, eft-ce par fa chaleur, eft-ce enfin par les parties:
du corps brûlant qu'elle diffipe, & qui forment autour d'elle
une atmofphère ?
Pour voir fi c'étoit par la chaleur, M. l'Abbé Nollet a
employé le fer, qu'il a fait fucceflivement chauffer depuis le,
degré le plus foible jufqu’à le rendre blanc de feu & étin-
celant : le tube électrique ayant été préfenté au fer dans tous.
ces différens états, il a vû 1.° que le fer chauffé au dernier
degré, détruifoit en moins de trois fecondes de temps toute
Yéleétricité d’un tube qu'on en approchoit à cinq ou fix pou-
ces, & que le même effet étoit encore produit par ce même,
Cj
“ii
30 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
fer lorfqu'il avoit paflé du blanc au couleur de cerife: 2.*
dépüis ce dernier état jufqu'à ce qu'il foit devenu prefqué
noir, (la vertu qu'il a pour affoiblir l'électricité va toûjours
en diminuant ; & quand il ne conferve plus qu'une foible
rougeur , à peine s’'aperçoit-on qu'il l'affoiblifie. Le fer, dans
ce dernier degré de chaleur, en a Cependant beaucoup plus
v'une flamme de bougie, qui fait perdre très-prompte:
miéht l'éléGricité d'un tube, fi on l'en approche à fept où
huit pouces de diflance. Seroit-ce donc l'état de ‘corps lu-
mineux ‘qui contribueroit, dahs cette circonflance, effica-
cement à détruire l'éledricité du tube! il étoit aifé de s'en
éclaircir. Le foyer d’un miroir ardent eft un amas de lumière
raflemblée; le tube fut expolé, non pas précifément au foyer
d'un miroir dé deux pieds de diamètre, car il sy fût brifé
dans le moment’, mais à l'endroit où les rayons étoient aflez
féunis pour n’occuper qu’un efpace d'ün pouce de diamètre,
fans que cette chaleur, 5 9 6 fois plus grande que celle que le
foleil faifoit alors fentir, fit la moindre impreffion fenfible
fur l'électricité de ce tube: ce n’eft donc ni par la chaleur,
ni par la lumière, que la flamme agit pour détruire l'éleétri-
cité, & ce ne peut être, par conféquent, que par ces éma-
nations fubtiles dont elle eft prefque toûjours néceflairement
environnée, Les expériences de Mrs du Tour & Needham
ont fourni à M. l'Abbé Nollet de quoi fe confirmer dans
cette penfée. Le premier a remarqué que fi on enferme là
bougie allumée dans une de ces lanternes de verre qui font
cylindriques & fans autre ouverture que le haut, on peut
approcher le tube éleétrifé de la flamme, fans lui faire perdre
fon électricité, pourvû que le verre de la lanterne foit entre
deux, mais qu'auffi-1Ôt qu'on le pañe au deffus de l'ouverture,’
il Ja perd à l'inftant : il a trouvé pareillément que Finterpo-
fition du carreau de verré le plus mince entre le tube &”
la flamme dont on l'approchoit, fuffifoit pour lui conferver
fon électricité; & M. l'Abbé Needham a réuffi en fe fer-!
vant de tôle, de carton, ou de toute autre matière capable
d'arrêter les exhalaifons de la flamme, & de les empêcher de
parvenir au tube éle@rifé,
DE S ‘Sel EN c'e 2E
Puifque ce n'eft ni par la chaleur ni par la lumière que {a
flamme nuit à l'éleétricité, mais feulement par les vapeurs
qui accompagnent, on peut de même croire que ce n’efl que
par les vapeurs dont Fair eft communément chargé dans les
grandes chaleurs , qu'il fait obftacle aux expériences élec-
triques ; car il eft certain qu’elles réuffiffent moins bien en
été, & fumstout quand la chaleur eft grande, qu'en hiver
uand Ja gelée eft vivé: c'en eft aufli la véritable raifon. M.
T Abbé Nollet a remarqué qu’en faifant dans les grandes cha-
leurs l'expérience de Leyde, le vafe de verre attiroit une
humidité qui le ternifloit comme fi on eût foufflé deffus : il
ne faut pas chercher ailleurs la caufe de la difficulté qu'on
trouve à éleétrifer dans les grandes chaleurs. ns
Il y a bien de l'apparence que le froid ne contribue à
augmenter l'électricité, que par la raïfon contraire : l'air n’eft
jamais fi fec, que quand il gèle bien fort : ce qu'il y a de
certain, c'eft qu'il eft néceflaire qu’au moins le globe & la
perfonne qui le frotte aient un médiocre degré de chaleur;
M. l'Abbé Nollet ayant voulu éleérifer, par un temps
très-froid, un globe de verre qui l'étoit auffi, n'a pû y
réuflir qu'en chauffant un peu fes mains & le globe; preuve
évidente que le froid par lui-même n’eft pas fi favorable à
l'électricité qu'on le penfe : il eft cependant des phénomènes
életriques qui n’ont lieu que dans un temps froid & fec,
comme les étincelles qu’on aperçoit fur fon linge lorfqu’on
fe déshabille dans l’obfcurité, & celles qu’on tire du poil de
certains animaux, en les frottant ; mais ces phénomènes lui
. paroiflent tenir à une caufe particulière, & dont l'examen
fera l'objet d’un autre Mémoire.
* Une autre caufe pourroit peut-être encore entrer dans les
effets du chaud & du froid fur l'électricité, c’eft la plus grande
ou la moindre pefanteur de l'air, Il eft déjà prouvé que dans
Jes grandes chaleurs l'air eft beaucoup plus léger que dans les
grands froids ; mais comme cette caufe y eft fûrement mélée
avec beaucoup d'autres, il a fallu prendre une autre route
pour la voir agir feule & avec la plus grande force poffible :
. C iÿ
# Voy. Mén.
£740p.423:
22 Hisroire DE L'ACADÉMIE ROYALE
pour cela il n’y avoit qu'à examiner les effets de l'électricité
dans le vuide & dans un air condenfé à un degré très-grand
& qu'on pôt exactement connoître; c'étoit le moyen: de
voir tout ce que pouvoient la raréfaction & la condenfation
de F'air dans leur plus grand : mais il a fallu fe borner à la
première partie de cet examen. La feconde paroît jufqu'ici
impraticable, par le danger de faire crever vaifieaux
jui, pour être tran{parens , doivent être de verre ou de
criflal, & dans lefquels on condenferoit l'air avecune grande
force; de plus, les pompes avec lefquelles on y forceroit
l'air, même l'éolipile que feu M. du Fay avoit imaginé d'y
fubflituer, y introduiroient néceflairement avec lui une
quantité confidérable de matières étrangères; leur effet fur
l'électricité fe mêleroit avec la compreffion de fair, &,
dans le cas même où on feroit für de n’introduire dans le
vaiffeau que de l'air pareil à celui que nous refpirons, il
arriveroit infailliblement que les vapeurs qu'il contient en
affez grande quantité, s'y trouveroient introduites avec lui;
& qui fait fi la compreffion ne les meuroit pas en état
d'agir fur l'éledricité d'une manière toute différente de ce
qu'elles font étant mélées avec l'air qui eft dans fon état
naturel ?
On ne peut donc examiner que l'effet que produit für
l'électricité l'air prefqu’infiniment dilaté, c’eft-à-dire, le vuide
de la machine pneumatique : la plüpart des Phyficiens qui
avoient tenté cet examen, en étoient fortis perfuadés que
l'électricité ne pouvoit s'exciter dans le vuide, mais que celle
d'un corps qu'on y enfermoit tout éleétrifé, s’y pourroit con-
ferver. M. l Abbé Nollet , plus à portée de décider la queftion,
par l'ingénieufe machine qu'il a publiée *, pour tranfmettre
dans ie vuide le mouvement de rotation le plus rapide, a
trouvé qu'à la vérité on pouvoit exciter l'éle@ricité par le
frottement, mais qu’elle étoit toûjours beaucoup plus foible
que dans l'air, & qu’elle duroit moins long-temps: le verre, le
foufre & la cire d'Efpagne appliqués à cette épreuve, ont tous
donné cette différence bien marquée,
DES SICTENCES. 2
L'air feroit-il donc le véhicule de l'électricité, & feroit-il
la caufe des attraétions & des répulfions des corps non élec-
triques qu'on préfente à celui qui l'eft devenu ? une expé-
rience bien fimple a prouvé le contraire à M. l'Abbé Nollet :
il a fufpendu à un fil, dans le récipient de fa machine pneu-
matique, un fragment de feuille de faux or, & après avoir
fait le vuide, il en a approché en dehors un tube électrifé ;
la petite fuille a toüjours répondu à l'approche du tube, par
des mouvemens très-marqués : donc fair n’a point de part
aux phénomènes d'attraétion & de répullion, puifqu'ils ont
lieu dans un endroit qui en eft prefqu'entièrement privé.
Mais pour‘être encore plus certain que ce n’eft point de
l'air qui-agie la petite feuille, il n'y a qu'à répéter Fexpé-
rience dans l'obfcurité ; on verra bien-tôt quelle eft ne
tière qui agit fur. elle : f-1ôt qu'on approche le tube du réci-
pient où elle eft contenue, on aperçoit un ou plufieurs jets
de matière enflannnée qui pénètrent dans l’intérieur ; & on
peut aifément remarquer que la petite feuille ne fe meut qu'à
proportion qu'elle eft frappée par ces émanations lumineufes,
La lumière que l'électricité fait apercevoir dans le vuide,
eft différente de celle qu’elle répand dans l'air; dans ce der-
nier cas, elle fe préfente fous la forme d’aigrettes compolées
de filets lumineux divergens, qui femblent eux-mêmes com-
pofés de globules enflammés , qui n'éclatent que fucceffive-
ment ; au lieu que dans le vuide, ce font des traits très-gros
& très-continus, d’une lumière diffufe, qui éclate & paroît.
s'enflammer fans explofion & dans un inftant. Cette diffé-
rence paroît fur-tout dans une expérience que M. l'Abbé
Nollet avoit imaginée, pour voir ce que deviendroient les
aigrettes lumineufes qui fortent du bout d'une barre élec-
trifée, fi on en plaçoit l'extrémité dans le vuide ; il maftiqua
pour cela au bout de cette tringle, un vaifieau de verre,
garni à {on extrémité d’un robinet ; le vuide étant fait, {a
tringle produifit, au lieu d’aigrettes, une grofle flimme qui.
s’avançoit au devant d’une pareille qui forteit du robinet:
pour peu quon en*approchât les mains, on voyait le globe
24 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
rempli d'üné lumière très - VIve ; la barre devint beaucoup
plus électrique qu'à l'ordinaire, étant mème Otée de déffus.les
cordons de foie, & portée à pleines mains, elle confervoit
fon électricité, & ne la perdit que quand on eut laillé rentrer
l'air dans le vaiffeau. is li
+ Tous ces phénomènes ont une explication très-facile dans
l'hypothèle de M, l'Abbé Nollet : la matière effluente de:la
barre trouve -bien plus de facilité à fe répandre dans le
vaiffeau vuide d'air, que dans l'air libre ; ce vaiffeau rempli
d'une matière femblable , ne lui offre aucune réfiftance, &
l'inflammation eft d'autant plus grande, plus facile.& plus
prompte , que les molécules de cette matière fe trouvent
plusaoifines & moins mélées de parties étrangères : par là
Pete raifon , l'écoulement de la matière électrique rendu
plus libre, rend aufli fon mouvement plus vif & plus prompt
dans la tringle, & par conféquent fon éleétricité plus forte;
toutes ces conféquences font des fuites fi naturelles du prin-
cipe, qu'aucun des faits dont nous venons de parler, ne
fürprit M. l'Abbé Nollet, il les avoit toys prévüs. Un feul,
qu'il ne s'étoit pas donné le temps de deviner, lui fit fentir
avec combien de réferve on doit s’expofer aux expériences
qu'on n'a pas encore tentées : il étoit naturel de penfer que
puifque la matière éleétrique agifloit fi librement dans le
vuide, ce vuide devoit être un moyen plus puiflant que l'eau
qu'on emploie dans l'expérience de Leyde, pour commu
niquer au verre une forte électricité. En répétant l'expé:
rience de la tringle armée à fon extrémité d'un vaifleau de
verre purgé d'air, il fut fi vivement frappé de la penfée que
cet appareil pourroit être propre à exciter la commotion
de l'expérience de Leyde, qu'il ne fit pas réflexion qu'il
l'étoit peut-être un peu trop; il porta une main au vaifleau,
& tira de l'autre une étincelle de la barre; il efluya une
commotion fr violente, qu'il en fut incommodé le refle de
la foirée, & il n'ofa plus depuis répéter cette expérience,
Mans s'être afluré-que l'éleétricité n’étoit pas trop forte. II ef
donc bien certain que le vuide qui paroît être un obftacle à la
paiflance
DES SCIENCES. 25
naïffance de l'électricité, lorfqu'on veut l'exciter par le frotte-
ment, ne lui eft en aucune façon nuifible, & dans de certains
cas même augmente fa torce lorfqu'elle eft acquile par com-
munication.
Nous avons rendu compte l’année dernière *, des tenta
tives que M. l'Abbé Nollet avoit faites pour augmenter l'é- ;
Zectricité, en fe fervant, au lieu d’uné&tringle de fer, d’une
“barre de même métal qui pefoit 80 livres, & des expériences
que M. le Monnier avoit imaginées pour déterminer fr {a
vertu électrique fe communiquoit en raifon de la mafle, dela
fürface ou de la Jongueur du corps électrifé : nous ne répéte-
rons point ici ce que nous avons dit alors fur cette matière,
nous allons feulement reprendre la fuite des expériences que
M. l'Abbé Nollet a continuées fur ce même fujet .
Pour ôter toute équivoque, il eft bonade fe rappeler que
M. le Monnier, dans les expériences dont nous avons parlé
l'année dernière, s'étoit toüjours fervi, pour communiquer
Yéleétricité aux corps, d’une fiole de verre à moitié pleine
d'eau, éleétrifée à la manière de Leyde, ce qui étoit appli-
quer aux corps, en quelque manière, une mefure donnée
d'électricité ; au lieu que M. l'Abbé Nollet, dans fes expé-
Tiences, a cherché, en appliquant aux corps une éleétricité
continue, à leur en faire prendre toute la quantité dont ils
étoient fufceptibles : différence dans le procédé, qui doit né-
ceflairement en produire dans les réfultats.
Des corps de maffes très-différentes, mais de même fur-
face, comme une barre de fer de quatre pieds de Jong fur
sn pouce 2 d'équarriflage, & un tuyau de fer blanc de même
longueur fur fix pouces de circonférence ; d'autres mor-
sceaux de fer folide, & des lames de tôle qui avôient même
furfice, ou des paquets de clous de même poids & de diffé-
rentes groffeurs; une mafle de cuivre qui pefoit deux livres,
& un morceau de clinquant qui contenoit aufli la même
furface, ont été expofés à l'électricité d'un globe qu'on frot-
toit continuellement, & qui leur étoit tranfmife par deux
chaines égales en groffeur & en longueur; le réfultat de
Hifl. 1747. . D
2 Voy. Hift.
1746,p. 88
iv,
b V Jes Mén.
p. 207.
26 Hi1sTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE |
toutes ces expériences répétées avec le plus grand foin & la
plus fcrupuleufe attention, a été, qu'en général, une plus
grande mafle s'éle&rife, ou eft au moins capable de s'éleétriler
plus qu’une moindre mafle de la même elpèce : nous difons
ou eff capable, parce que la grande mafie a beloin d’être élec-
trifée plus fortement & plus long-temps que la moindre,
pour prendre toute l'électricité dont elle eft fufceptible; &
que fi l'électricité étoit foible, le corps qui auroit la moindre
mafle pourroit paroître autant & plus électrique que celui
qui en auroit une plus grande.
Un fecond réfultat des expériences de M. l'Abbé Nollet,
eft que les corps de plus grande male font, comme nous
venons de le dire, plus long-temps à s’'éleétrifer que les autres:
un morceau de fer de 50 livres, & un autre d'environ huit
onces, ayant été expolés à l'électricité d'un globe, portée juf-
qu’à eux par une mème chaîne de fer qui fe partageoit en
deux, le plus petit des deux corps a commencé à donner des
marques d'éleétricité, prefqu'à l'inflant auquel elle a pü lui être
portée ; au lieu que le morceau de 5 o livres a été plufieurs fois
cinq & fix fecondes avant que de donner les mêmes marques.
Quoiqu'une plaque ou une verge de fer d’une certaine
épaifleur reçoive conflamment plus d’éleétricité qu'une feuille
de même métal extrêmement mince, ce plus a cependant des
bornes : une enclume qui pèle 1 00 ou 1 50 fois plus qu'une
feuille de tôle, ne produira pas des effets 1 00 ou 1 $0 fois
plus forts & plus marqués; une médiocre épaifleur fuffit
pour repréfenter des phénomènes confidérables ; & il pour-
roit fort bien arriver qu'un canon de métal, épais de quel
ques lignes, qui devient certainement plus fortement élec-
trique qu'un tuyau de clinquant de même longueur & de
mème diamètre, eût auffi {a même fupériorité de force fur
une pièce folide du même métal, qui auroit les mêmes di-
menfions. 2
On fe tromperoit encore, fi on s’imaginoit qu’en donnant
beaucoup plus de furface à une même quantité de matière,
on augmenteroit par-là infailliblement fon électricité:
ee
DES SCIENCES. Len
l'expérience a nettement décidé le contraire. M. l'Abbé
Nollet a mis en expérience un carré de plomb laminé, d'une
ligne d'épaiffeur & de fix pouces de côté, & un poids égal à
celui de ce carré, de plomb à tirer, étendu fur un taffetas;
l'électricité ayant été communiquée également aux deux
quantités de plomb, le carré donna des aigrettes vives &
des étincelles piquantes , & le plomb grainé ne donna que
des étincelles foibles, fans aucune aigrette. La même diffé-
rence s’eft trouvée entre un paquet de gros clous, & un
pareil poids de broquettes fines, qu’il avoit expofés à l'élec-
tricité d'un même globe.
_ Les différences qu’on obferve entre l'électricité des corps
de même efpèce, qui ont, avec la même maffe, des longueurs
fort différentes, font aufli fujètes à la même efpèce de reftric-
tion: il y a, sil m'eft permis d'employer ici une expreffion
empruntée de la Géométrie, un maximum dans l'alongement
d'une même mafle, au delà duquel, bien loin d'acquerir une
plus grande force électrique, elle ne peut plus en recevoir
qu'une moindre : les expériences fuivantes en fourniflent la
preuve. Une barre de fer pefant $ 9 livres, & ayant ro pieds +
‘de long, a toûjours paru fenfiblement plus électrique qu'une
autre du même poids, dont la longueur ne pafloit pas quatre
pieds; mais lorfque M. Abbé Nollet a voulu comparer à
une barre de fer de trois pieds, l'affemblage de plufieurs brins
de fil de fer, dont chacun égaloit 1a longueur de la barre,
& qui, pris enfemble, pefoient autant qu'elle ; quoique tous
ces fils mis bout à bout euffent une longueur bien plus grande
_ que celle de la barre, jamais if n’a pü leur faire prendre un
degré d'éleétricité comparable à celui dont elle étoit fufcepti-
ble: la matière éleétrique acquiert probablement une plus
_ grande vitefle en paffant par ce long affemblage de fils de fer,
Qu'en pañfant par une barre plus courte, mais la grofleur du
filet électrique eft trop petite, pour que cette quantité de
matière, reçûe à l'extrémité, puiffe y produire des effets bien
confidérables; elle perd plus, en ce cas, fur la quantité, qu'elle
ne gagne fur la vitefle.
D ïi
.
28 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
La figure que l'on donne au corps qu'on veut éleétrifer
par communication, n’eft nullement indifférente: en général,
il paroît que les parties faillantes d’un corps font celles
qu’affeétent les émanations électriques pour s'y montrer, &
pour y produire les effets les plus marqués ; mais cette règle
eft encore fujète à une modification, il ne faut pas que cette
faillie foit trop longue & trop menue, on courroit. rifque;
en ce cas, de voir diminuer les effets, au lieu de les voir
augmenter. Pour rendre raifon de ce fait, il ne faut que fe
rappeler quelques principes dont nous avons déjà parlé plu-
fieurs fois : les éruptions électriques ne font autre chofe que
Vaffemblage de plufieurs rayons de cette matière, que le
voifinage d’un corps détermine à fortir en même temps par
un petit efpace; plus donc l’efpace fera petit, & le nombre,
des rayons grand, plus auffi l'éruption fera-t-elle vive &
puiflante : or une faillie qui fe trouve au corps électrique,
eft un moyen für pour raffembler la matière qui y coule,
& qui n'en fort que le plus tard qu'il eft poffible, parce
qu'elle s'y meut plus facilement que dans l'air; mais pour
cela il ne faut pas que cette faillie foit fi longue & fi mince,
qu'elle ne puifle contenir qu'un très-petit courant de matière,
car pour lors elle n’en donneroit que très-peu par elle-même,
& elle éloigneroit trop le lieu de léruption du voifinage
des autres points de la barre qui en pourroïient fournir;
par conféquent, en diminuant l’efpace par où doivent fortir
les rayons, on diminueroit encore plus leur nombre, & la
force de leur aétion demeureroit affoiblie: c’eft-là probable-
ment la raifon pour laquelle une barre terminée en pointe
très - alongée, produit ordinairement des effets beaucoup
moindres qu'une pareille barre dont l'extrémité eft formée
en pointe moufle ; & la même différence doit avoir lieu à
l'égard des corps non éleétriques qu'on préfente à ceux qui le
font, pour exciter leur aétion. Cette même propriété donne
auffi la raifon d’une expérience que M. Jallabert avoit com-
muniquée à M. l'Abbé Nollet. On met en équilibre fur un
pivot, un morceau de bois terminé d’un côté par une boule,
ini
D LFDÉE ss ISNCETNLEL NC ENS: 29
_ & de F'autre par une pointe très-alongée, & on approche
cette efpèce d'aiguille, d’un homme rendu életrique, qui
tient en fa Main un autre morceau de bois, à peu près pa-
reil: s’il préfente le gros bout de ce morceau de bois à la
boule de l'aiguille, ordinairement elle en eft repouffée; la
tête de ce morceau de bois & la boule doivent, en ce cas,
être regardées comme deux pommes d'arrofoir, dont les filets
ont une direction oppofée, & font en trop grand nombre
pour fe livrer mutuellement pañlage: mais fi au contraire on
préfente le bout pointu du morceau de bois à la même boule,
elle en eft prelque toüjours attirée, parce que les volumes
étant très-différens, le petit jet de matière électrique qui fort
de cette pointe, n'eft pas capable d'empêcher que les deux
corps ne foient portés l’un vers l'autre, par la matière effluente
qui vient du dehors, & qui pouffe celui des deux qui eft le
plus mobile,
Puifqu'on ne peut fe difpenfer de regarder l'élecriçité
comme l'effet d’une matière en mouvement, qui pénètre les
corps fur lefquels elle s'exerce, il étoit affez naturel de penfer
-qu'elle ne pouvoit les pénétrer, fans qu'on püt la foupçonner
d’en entraîner avec elle quelques parties & de leur caufer un
véritable déchet. Pour s’en éclaircir, M. Abbé Nollet a placé
. dans des efpèces de cages de fer, à plufieurs étages, fufpendues
à des cordons de foie, un grand nombre de corps de diffé-
rentes efpèces, des fluides, des folides, &c. & des quantités
pareilles des mêmes corps ont été mifes féparément dans le
: même lieu, mais hors des cages, pour fervir de termes de
comparailon. Les cages contenant tous les corps qu'on vou-
MHoit électrifer, l'ont été par le moyen d’une chaîne qui leur
communiquoit l'eleétricité d’un globe qu’on frottoit pendant
quatre ou cinq heures fans interruption.
La paru par un grand nombre d'expériences, que l’éva-
poration des liqueurs étoit augmentée par l’aétion de l’éleétri-
cité, & qu'elle l’étoit d'autant pee que les liqueurs étoient
plus fubtiles & plus évaporables. L'efprit volatil de fel
D iij
30 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
ammoniac a fouffert plus de déchet que l'efprit de vin, celui:
ci plus que l'eau commune, &c.
La nature des vaifleaux entre pour quelque chofe dans cet
effet : il a paru un peu plus grand quand les vaifieaux étoient
d'une matière plus facile à électrifer, comme le métal, que
lorfqu'ils étoient de verre.
Toutes choles d'ailleurs égales, l'évaporation a été plus
grande quand le vale a été plus ouvert, fans que cependant
elle ait fuivi la raifon des ouvertures.
Si les vaifeaux de verre ou de métal dans lefquels on tient
es liqueurs, font fcellés hermétiquement, ou feulement exac-
tement bouchés, l'éleétrifation n'en fait paffer aucune partie
à travers leurs pores ; & quelqu'odorantes que foient les
matières qui font contenues dans les vaifleaux, il ne s'en
échappe pas la moindre odeur fenfible, quand même ces
vaifleaux feroient de verre, & qu'on les éleétriferoit par
frettement.
Ï ne paroît aucun changement fenfible dans les liqueurs
électrifées pendant quatre ou cinq heures; le lait même ne
s'aigrit & ne fe tourne pas; tout refle, autant qu'on en peut
juger, dans le même état où il étoit avant l'éleétrifation.
A l'égard des corps folides, il paroît qu'il n’y a que ceux
qui contiennent quelque humidité fufceptible d'évaporation,
qui aient fouffert du déchet par l'électricité : les fruits, les
plantes, &c. y ont perdu une partie de leur poids; mais le
bois exaétement fec, le métal, en un mot, tout ce qui ne
paroifloit point contenir de fuc ou d'humidité, n'en ont
fouffert aucun; & parmi ceux dont le poids a diminué &
qui étoient de même nature, il paroît que cette diminution
s'eft trouvée à peu près proportionnelle à leurs furfaces.
Plufieurs Phyficiens avoient penfé que faimant expofé à
l'électricité perdoit une partie de fa force, d’autres au con-
traire foûtenoient qu'elle s'y confervoit dans tout fon entier ;
l'expérience a décidé en faveur des derniers : deux aimants,
Fun naturel & l'autre artificiel, ont été expofés pendant près
DES SCIENCES. I
de dix heures à une électricité affez forte pour que les lames
de fer dont étoit compofé l’aimant artificiel, lançaffent des
aigrettes très-vives & très-lumineufes, & qu'on tirât de lun
& de l’autre des étincelles très-brillantes, fans qu'une auff
longue éleétrifation les ait affoiblis ni l'un ni l'autre de la plus
petite quantité fenfible : if eft donc bien certain que l'éleétri-
cité ne nuit en auçune manière à la vertu de l'aimant.
IL étoit aflez naturel de penfer que la matière électrique
capable d'allumer les matières inflammables qu'on lui pré-
fente, feroit au moins monter de quelques parties la liqueur
d’un thermomètre qu’on y expoferoit ; il n'en eft cependant
rien : deux thermomètres attachés à la cage de tôle & élec-
-trifés pendant près de dix heures, ont conflamment mar-
qué le même degré qu'un troifième qui étoit dans le même
lieu, & qui n’avoit point été électrifé. La même chofe eft
arrivée à un autre thermomètre dont la boule fut expofée
aux aigrettes lumineufes qui fortoient d’une barre életrifée; la
liqueur ne parut pas monter de la moindre quantité fenfible.
On auroit pü croire de même, que l'électricité qui, comme
on l'a vû ci deffus, accélère l'évaporation des fluides, accé-
léreroit auffi de la même manière celle des parties de feu qu'ils
contiennent ; qu'un vaifleau plein d'eau chaude, par exemple,
qu'on expoferoit à l'éleétricité, perdroit plütôt fa chaleur
qu'un pareil vaifleau plein de la même eau chauffée au même
degré, qui n’auroit point éprouvé fon aétion ; cependant cet
arrangement qui paroît fi naturel, n’eft nullement celui de
Ba Nature. M. l'Abbé Nollet à rempli de la même eau deux
vafes de verre abfolument pareils, & leur a fait prendre dans
1e même bain aflez de chaleur pour faire monter jufqu'au qua-
rantième degré deux thermomètres qui y étoient plongés;
un des deux vafes a été mis avec fon thermomètre fur la cage
de tôle qu'on éleétrifoit, & Fautre fur une table voifine. La
marche des deux ihermomètres, égale de part & d'autre, a fait
voir évidemment que l’eau des deux vaifleaux {e refroidifloit
également, & que par conféquent l'éleétricité ne pouvoit
ni retarder ni accélérer ce refroidiffement. Cette obfervation
V. les M.
P-363-
*Y. Hf
17321h 1e
> Histoire De L'ACADÉMIE ROYALE
eft bién capable de mettre en garde les Phyticiens contre
tout ce qui neft point revêtu de l'autorité de l'expérience:
il y a fouvent bien loin de ce qui {emble le plus naturel à ce
qui exille.
SUR L'AURORE BORF'ALE.
L eft afez ordinaire aux bons Ouvrages d’exciter à la fois
l'admiration & la critique. Tandis que les uns fe hâtent
d'en adopter les principes, d’autres travaillent de leur côté
à les combattre; fouvent même ces derniers contribuent plus
que les premiers à la gloire de l'Auteur & à la perfeétion de
fon Ouvrage. Des objeétions fortes & miles dans tout leur
jour par une main habile, exigent des réponfes & des éclair-
ciflemens qui tournent au profit du public. Tel a été le fort
du Traité que M. de Mairan publia en 1733 fur l'Aurore
boréale, & qui fut imprimé fous le titre de Suite des Mémoires
de 1731. L'Académie a rendu compte au Public de cet Ou-
vrage dans fon Hifloire de 1732*. L'énumération de tous
les habiles Phyficiens qui ont adopté cette hypothèle feroit
trop longue, pour que nous puffions l'entreprendre : nous
nous bornerons ici à une lifte beaucoup plus courte, aux
noms de ceux qui fe font cru aflez de force pour la com-
battre. La première attaque a été faite par le P. Serantoni,
Religieux Auguftin & Profefieur à Lucques : mais M. de
Mairan, occupé pour lors aux fonétions du Secrétariat, trouva
fon fyflème affez à couvert par les differtations du P. Bof
covich, Jéluite, aujourd'hui Correfpondant de l'Académie,
& par les favantes notes que ce même Père avoit ajoûtées au
poëme latin que le P. Noceti, de la même Compagnie, avoit
compofé fur cetie matière, & ne crut pas devoir intérrompre
fes occupations pour entreprendre une réponfe en forme aux
objections du P. Sérantoni.
Un nouvel adverfaire s'eft élevé. M. Euler, dont le nom
& les talens font connus de tout le monde mathématicien,
a publié
DES SCIENCES % 33
a publié dans Îe fecond volume de l’Académie déBerlin, 4s
recherches phyfiques fur la caufe des queues des Comètes, de la Lu-
mière boréale € de la Lumière godiacale, dans lefquelles il attaque
formellement, & dans toutes fes parties, le fyftème de M. de
Mairan. Les réponfes à fes objections, forment la principale
partie de l'Ecrit de ce dernier; mais en éclairciffant les endroits
de fon Traité qui ont pü paroître à M. Euler équivoques &
fufceptibles d’être attaqués, il eft entraîné néceflairement à
répondre aux difficultés qui lui ont été faites par d’autres au-
teurs : il n’a fallu pour cela qu'approfondir cette matière ; 1a
vérité n'a pas befoin d'être défendue chez les véritables phi-
lofophes, il lui fuffit d'être expliquée.
I eft rare qu'un Phyficien fe détermine à attaquer un
fyfème précifément pour l'attaquer, c'eft prefque toûjours
dans la vüe d'en introduire un autre en fa place. Celui que
M. Euler propofe d'établir fur les ruines de l'hypothèfe de
M. de Mairan, doit donc être fcrupuleufement examiné; &
pour mieux faire voir en quoi les deux fyftèmes font d'accord
& en quoi ils diffèrent, nous allons tâcher de donner en peu
de mots une idée de l’un & de l'autre.
L’Aurore boréale a, felon M. de Mairan, pour véritable
caufe la Lumière zodiacale , cette efpèce de traînée lumineufe
qu'on obferve quelquefois devant le lever ou après le coucher
du Soleil en forme de lance ou de pyramide, étendue fuivant
la direction du zodiaque, ce qui lui a fait donner le nom
de Lumière zodiacale pax feu M. Caflini, qui l'a découverte &
décrite. |
Cette Lumière zodiacale n’eft autre chofe que l'itmofphère
{olaire, c’eft-à-dire, un amas de matière rare & ténue, lumi-
neufe par elle-même, ou feulement éclairée des rayons du
Soleil qu'elle environne, non pas également par-tout, mais
en plus grande abondance & plus étendue vers l'équateur de
la révolution de cet aftre, autour duquel elle forme une efpèce
de fphéroïde extrèmement aplati, ou plütôt un gâteau lenti-
.… culaire dont le tranchant cencourt avec 1e plan de Féquateur
du Soleil,
Hife 1747 * £
HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
Les obfervations prouvent que cette atmofphère folaire
atteint quelquefois juiqu'à l'orbite de la Terre, & même plus
Join. C’eft dans les circonflances où elle eft la plus étendue,
que la Terre peut sy trouver plongée; alors une partie de
cette matière lumineufe, follicitée par la pefanteur, tombe
dans l’atmofphère de la Terre, & s'y enfonce plus ou moins,
fuivant qu'elle eft plus ou moins pefante ; chaque molécule
defcend jufqu'à la couche d'air avec laquelle elle fe trouveen
équilibre.
Mais comme la Terre a un mouvement de rotation fur
fon axe, mouvement dont la rapidité décroit depuis l'équa-
teur, dont chaque point décrit un cercle de 9000 lieues en
vingt-quatre heures, jufqu'au pole, dont la révolution eft
nulle ou infiniment petite; il n’eft pas étonnant que la matière
lumineufe foit repouflée de l'équateur vers les poles, où elle
formera les ares lumineux que nous nommons Aurores boréales.
M. Euler admet, comme M. de Mairan, l'atmofphère fo-
lire; mais il y fait entrer fimpulfion des rayons du Soleil
fur les particules qui la compofent, & il penfe qu'au lieu d'être
continue depuis le Soleil jufqu’à {on extrémité, elle pourroit
au contraire être interrompue, & former autour de cet axe
un anneau à peu près femblable à celui de Saturne ; if ne
penfe point que les particules de cette matière, dont Îa
Terre fe pourroit charger, foient la caufe de lAurore boréale:
ce phénomène n’eft produit, felon lui, que par les parties les
plus fubtiles de l'air, ou des exhalaifons terreftres, chaffées
par les rayons du Soleil à la diflance où on obferve l’Aurore
boréale; le phénomène ne tient en rien à la hauteur de
l'atmofphère terreflre, que M. Euler ne croit pas excéder
un mille d'Allemagne, au lieu que M. de Mairan le place dans
la partie fupérieure de cette même atmofphère, à laquelle il
donne plus de 200 lieues.
La queue des Comètes eft, felon M. Euler, auffi indépen-
dante de l'atmofphère {olaire, que l’Aurore boréale; elle n'eft
produite que par limpulfion des rayons folaires, non fur
une matière étrangère dont elles fe feroient chargées en
DES SCIENCES 35
traverfant Fatmofphère folaire, mais fur une atmofphère par-
ticulière qu’il leur croit propre.
La différence qui fe trouve entre les deux fyflèmes, con-
fifte donc, 1.° dans la figure, l'étendue, la génération & Îa
continuité de l'atmofphère folaire : 2.° en ce que M. Euler
explique la queue des Comètes, l’Aurore boréale & la Lu-
mière zodiacale, par les atmofphères propres dés Comètes,
de la Terre & du Soleil, animées par l'impulfion des rayons
folaires ; au lieu que M. de Mairan n’y emploie que l'atmo-
fphère folaire, fans y faire entrer l'impulfion de fes rayons, fi
ce n'eft pour expliquer la direétion de la queue des Comètes :
nous allons examiner féparément tous ces articles.
L'étendue de l'atmofphère folaire a été conclue, par M. de
Mairan, des obfervations réitérées de feu M. Caflini, fur {a
longueur de 11 Lumière zodiacale, à peu près comme on
conclud la diftance des planètes inférieures au Soleil, de leurs
élongations obfervées; c’eft par cette méthode qu'il a trouvé
ue la Lumière zodiacale, ou l'Atmofphère folaire, s’étendoit
quelquefois jufqu'à l'orbite terreftre, & même au delà :
comme fa plus grande épaifleur eft vers fes poles du Soleil,
& que l'éclat de cet aftre empêche de l'obferver, il n'a pas
paru poflible d’en rien dire:de pofitif; d’ailleurs, l'étendue
en longueur eft la feule dimenfion intéreffante pour le point
dont il s’agit, & le plus ou le moins d’épaifieur de cette
atmofphère eft entièrement étranger aux phénomènes de
T Aurore boréale. Cette évaluation eft faite, comme on peut
aïfément le voir, fur de plus bas pied ; car puifque la partie
vifible & obfervable eft néceffairement étendue jufqu’à l’or-
bite terreftre, il eft plus que vrai-femblable qu'il y a encore
au delà une grande quantité de la même mtière, dont les
* parties font trop féparées, & peut-être trop petites, pour être
aperçües malgré la clarté du crépufcule.
M. Euler fait engendrer, comme M. de Mairan , latmo-
fphère folaire par la rotation du Soleil fur fon axe, il lui
donne auffi la forme d’un fphéroïde extrêmement aplati, ou
d’une lentille ; mais il joint à {a rotation du Soleil une autre
E j
36 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYALE
caufe d'expanfion, limpulfion des rayons de cet aftre fur
es particules qui compofent cette atmofphère ; il ne déter-
mine point fon étendue par les obfervations, il prétend au
contraire la tirer d’un calcul dont les élémens font la vitefle
commue de la rotation du Soleil, la pefanteur d’une particule
de fon atmofphère, la force des rayons pour écarter cette
même particule, & enfin la force centrifuge qu'elle a elle-
même en vertu de la rotation.
M. de Mairan convient, avec M. Euler, que le diamètre
du Soleil, fa révolution fur fon axe, & la force centrifuge
qui en doit réfulter pour chaque particule de fon atmo-
fphère, font des quantités vraiment connues ; mais par où
peut-on regarder comme telles, la confiftance & la pefanteur
des particules de cette atmofphère ? comment déterminer la
force impulfive par laquelle les rayons agiffent fur elles ?
fuffit - il de favoir quelle eft la viteffe de la lumière, pour
juger de l'effet que fon impulfion peut produire? ne fau-
droit-il pas connoître la maffe des corpufcules lumineux,
qui, multipliée par cette vitefle, doit donner la force dé leur
impulfion ? toutes quantités plus indéterminées, plus incon-
nues queja véritable inconnue de l'équatiop, qui eft l'étendue
de l'atmofphère folaire, puifqu’on peut au moins déterminer
celle-ci par obfervation, & qu'aucune de celles dont nous
venons de parler & que M. Euler fait entrer dans fon calcul,
n'a pü jufqu'à préfent l'être par aucun moyen connu. Il eft
donc bien certain qu'un calcul, dont les élémens font fi va-
gues & fi incertains, ne peut rien donner de précis, & qu'il
eft infiniment plus fage de s'en tenir aux réfultats des obfer-
vations, comme Va fait M. de Mairan.
La fecondegonféquence que M. Euler tire de fon calcul,
favoir, qu'il pourroit arriver que l’atmofphère folaire fe chan-
geät en anneau, & environnât le Soleil, comme l'anneau de
Saturne environne fa planète, n'eft pas plus légitime. Il croit
que les obfervations ne permettent pas de décider fi la Lu-
mire zodiacale eft contigue au Soleil, ou fi elle eft placée
à quelque diflance de cet aftre, en forme d'anneau.
DES SCIENCES. 37
Cet article ne renfermeroit, à proprement parler, aucune
objeétion contre l’hypothèfe de M. de Mairan ; quand bien
même l’atmofphère folaire feroit abfolument féparée de cet
aftre, l'orbite terreftre ne la traverferoit pas moins, & la
Lumière zodiatale n’en auroit pas moins la figure & la pofi-
tion qu'on lui obferve : mais il eft aifé de faire voir, d’une
part, que ces obfervations que M. Euler croit impofibles,
exiftent , qu’elles tendent à prouver que l'atmofphère folaire
eft abfolument contigue à cet aftre, qu'elle ne l'environne
point en forme d’anneau; & d’un autre côté, que les élémens
- qu'emploie M. Euler dans fon calcul, ne concourent point
à donner à Yatmofphère folaire cette fingulière forme.
Comme nous voyons toûjours la Lumière zodiacale par
fon tranchant, ïl eft bien certain que quand bien même elle
laifferoit un efpace confidérable vuide entr'elle & le Soleil,
elle ne paroïîtroit pas fous une forme différente de celle fous
hquelle on la voit, & que cette obfervation ne peut con-
clurre ni pour ni contre fa contiguité au Soleil : on obferve
cependant que depuis fa pointe jufqu’à l'endroit où elle eft
cachée par l'horizon, elle va toüjours en s’éclairciffant ; en
forte que fi elle pouvoit fe montrer avec le Soleil, on Ja
verroit augmenter de clarté & de denfité jufqu’à la furface
de cet aftre.
-Cette circonftance, qui paroït d'abord impoflible, ne left
nullement , ce cas arrive dans toutes les éclipfes totales de
Soleil; c'eft cette frange folairaique Képler a remarquée, que
les anciens ont fouvent prife pour une partie du difque de
cet aftre ,,& qu'on a clairement diftinguée, dans toutes Îes
éclipfes totales arrivées de nos jours.
Quoique l'éclat de cette partie de l'atmofphère folaire, f
voifne du Soleil, doive faire difparoître les parties les plus
éloignées, on y en aperçoit cependant des traces; ce limbe
lumineux n’eft pas exactement circulaire, on le voit ordi-
nairement plus étendu dans la direction de l'équateur folaire :
cette apparence a été remarquée à Paris, dans l’éclipfe de
«+ 1724, par M. Godin; dans celle de 17 1 5, oblervée à Upfa,
E iij
38 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYALE
par M. Valerius; & en 1733, dans celle qui fut obfervée en
Scandinavie, par Mrs Tiburtius & Chenon. Tous ces Aflro-
nomes font autant de témoins oculaires de la contiguité de
l'atmolphère folaire avec le Soleil.
Quand bien même toutes les obfervations que nous ve-
nons de citer, n’exifteroient point, ou que M. de Mairan n’en
voudroit faire aucun ufage, il pourroit toûjours tirer des
principes avoués de tous les Phyficiens , l'impoflibilité de ces
anneau prétendu.
L'’atmofphère folaire peut être confidérée dans quatre cas
différens.
1.” Dans celui où fes parties feroient animées de la feule
force de la pefanteur vers le centre du Soleil.
2.° Sous la forme qu'elle prendroit par la feule rotation
autour de l'axe du Soleil, & par la force centrifuge qui en
réfulte en tant qu'oppofée à la pefanteur.
3° Dans le cas où on laifferoit agir, avec Ja pefanteur,
la feule impulfion des rayons du Soleil.
4° Enfin dans celii où ces trois caufes agiroient enfem-
ble fur elle,
On voit, avec la moindre attention, que dans le premier
cas, la matière de l'atmofphère {olaire feroit fphériquement
& concentriquement atfemblée autour du corps de cet aftre;
avec cette différence, que fes parties les plus pefantes feroient
plus proches de la furface du Soleil, & que les plus rares &
les plus légères en feroient plus éloignées.
Dans le fecond, la rotation autour de l'axe agiffant fuivant
une direction parallèle à l'équateur, & avec une force qui va
toüjours en décroiflant depuis l'équateur jufqu'au pole, la
matière de l’atmofphère ceffera d'être concentrique au Soleil ;
& comme la force centrifuge eft plus grande vers l'équateur
que par-tout ailleurs, ce fera auffi là que le fphéroïde s’etendra
davantage, tandis qu'il ne s'élevera que peu ou point vers les
poles. Ces effets feront d'autant plus fenfibles, que la force
centrifuge fera plus grande, en fortesque fi elle venoit à fur-
pafler la pefanteur, elle diffiperoit abfolument le fluide, On .
shocali
DES SCIENCES
pourroit peut-être s’imaginer que Îa force centrifuge devenue
fupérieure à la pefanteur de quelques-unes des parties de l'at-
mofphère folaire, les | de au deflus des autres, en forte
que le fluide fe tiendroït, à cette diflance, fufpendu en forme
d’anneau ; mais dans cette fuppofition même, l'anneau fup-
‘poié feroit encore impoffible. La force centrifuge croît en
raïfon direéte des diftances à l'axe, tandis que la pefanteur
décroît en raifon renverfée du quarré de ces mêmes diftances ;
donc la force centrifuge ne peut, un feul inftant, être égale à
la pefanteur, que dans linflant fuivant elle n’en {oit victo-
rieule ; les corpufcules ne fe tiendroient donc pas fufpendus
en forme d’anneau, mais feroient diffipés & emportés bien
au de-là des limites de l'atmofphère.
… Borfque nous venons de parler de la pefanteur, nous avons
examiné en même temps l'effet de limpulfion des rayons
- Solaires : leur force agit fuivant la même loi & la même di-
rection que celle de la pefanteur, mais feulement en fens
contraire ; il n'en doit donc jamais réfulter qu'une pefanteur
moindre, fi l'impulfion a moins de force, nulle, fi elle lui eft
égale, ou enfin une vraie légèreté; ainfi elle ne devroit entrer
pour rien dans cet examen. Cependant, pour ne laiffer aucun
lieu au doute, nous allons examiner fon effet pour la for-
mation de l'anneau dans tous ces cas.
. Si l'impulfion. des rayons folaises eft moins forte que la
pefanteur, elle ne fera que la diminuer ; le fphéroïde en de-
viendra plus étendu, mais fans détruire fa contiguité avec
le Soleil.
Si l'impulfion devient plus forte que la pefanteur, alors
toutes les particules, bien loin d'aller vers le Soleil, s’en
écarteront par des rayons, &c il n’y aura plus ni atmofphère,
ni anneau.
… Que fi au contraire l'impulfion des rayons eft parfaitement
égale à la pefanteur, alors toutesles molécules de l'atmofphère
feront indifférentes à toutes les plices, & n'en affeéteront
aucune : fi cependant on la fuppoloit portée, en cet état, à
une certaine difance du Soleil, il en réfulteroit une fphère
40 HISTOIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE
creufe, & non un anneau. Mais il eft inutile de difcuter une
hypothèfe qui vrai-femblablement n’exifte point, l'équilibre
de la Nature ne tend jamais à l’imaction, il eft l'effet du
conflict de deux forces, qui ne font égales que dans un point,
en deçà'ou au delà duquel l'une ou l'autre lemporteroit fur
celle qui lui eft oppofée.
Si nous raflemblons maintenant toutes ces caufes pour les
faire agir conjointement, il en réfuliera toüjours une pefan-
teur moindre, nulle ou négative, combinée avec le mouve-
ment de rotation & la force centrifuge qui en nait; &
nous venons de voir qu'aucun de ces cas ne peut donner
à l'atmofphère folaire la forme d'un anneau tel que M,
Euler le foupçonnoit, qu'au contraire la théorie concourt
avec l’obfervation, pour affurer la continuité de l'atmofphère
folaire.
Refle donc à examiner l'analyfe de M. Euler, & la courbe
génératrice qu'elle donne de f’atmofphère folaire, pour y
déméler, s’il eft poffible, ce qui a pü donner lieu à la fuppofr-
tion de l'atmofphère difpofée en anneau, à laquelle nous ve-
nons de trouver les obfervations & les principes phyfiques
fi oppolés.
Sur un plan perpendiculaire à celui de l'équateur du Soleif,
& pañlant par fon centre, M. Euler décrit la courbe qui doit,
par fa révolution, produire la furface de l'atmofphère folaire:
l'axe de cette courbe eff la fection du plan de cet équateur
avec celui fur lequel la courbe eft décrite, & cette courbe
eft par-tout perpendiculaire à la direction moyenne des for-
ces par lefquelles un des corpufcules quelconque de l'atmo-
fphère eft {ollicité.
Pour avoir donc la plus grande amplitude poffible de cette
atmofphère, il ne faut que chercher le point où la diagonale
que doit fuivre ce corpufcule, fe confond avec l'axe de la
courbe, ou, ce qui revient au même, avec le rayon prolongé
de l'équateur folaire, on aura alors la plus grande abfciffe de
la courbe, celle qui répond à l'ordonnée infiniment petite,
au point dans lequel la courbe rencontre fan axe, & qui,
par
D ES OCT EUN CHEMS 41
par fa révolution autour de celui du Soleil, doit produire
l'extrémité ou le limbe circulaire de la lentille fous la forme
de laquelle l'atmofphère eft repréfentée.
. L'équation à laquelle M. Euler eft amené par fon calcul,
eft une équation cubique aux abfciffes de la courbe : cette
équation peut être regardée comme fufhfante pour déter-
miner le point dont nous avons parlé ; mais elle ne l’eft cer-
tainement pas pour déterminer la figure de la courbe même.
I eft connu de tout le monde Mathématicien, que les abf-
cifles d'une courbe, fans les ordonnées qui leur répondent,
ne peuvent en aucune manière fervir à déterminer fon cours;
c'étoit cependant ce qu'il falloit faire dans cette occafion,
car pour produire par la révolution de la courbe l'efpèce
- d'anneau détaché du Soleil, dont parle M. Euler, il auroit
fallu que la courbe & toutes fes branches fe trouvafent ré-
duites à un feul ovale éloigné du Soleil, ou à une courbe
quelconque rentrante en elle-même: or c'eft ce qu'il eft
ämpoffible de voir par une feule équation aux abfciffes d’une
courbe, dont les ordonnées qu'on, ne détermine point,
peuvent repréfenter toutes les courbes poffibles du même
ordre ; cette équation n'eft point celle de la courbe entière,
& on n'en peut rien conclurre pour fa defcription. %
Mais, pour lever toutes les difficultés, M. de Mairan conf-
truit lui-même la courbe génératrice & toutes fes branches,
dans les trois feules fuppofitions poflbles, & les faifant
tourner fur l'axe du Soleil, il en réfulte, dans la première
fuppofition, un fphéroïde ovalaire, très-aplati vers fes poles,
& contigu au Soleil; & de plus une efpèce de tuyau infini
en longueur, féparé du fphéroïde, & formé par la révolution
de deux branches conchoïdales infinies, qui naiffent de
: l'équation de la courbe, & dont les afymptotes font parallèles
entrelles, & perpendiculaires au plan de l’équateur folaire,
& par conféquent à l'axe de la courbe.
Dans le fecond cas, la courbe produit un fphéroïde lenti-
culaire, & le tuyau infini ceffe d'être féparé du refle de l’at-
mofphère; il y eft adhérent tout autour par le tranchant de
Hifl 1747 a
2 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
la lentille, vers laquelle il fait en cet endroit une efpèce de
renflement.
Enfin, dans le troifième, ce n’eft plus par le tranchant de
la lentille qu'elle eft jointe au tuyau ; celui-ci avance plus
dans cette occafion vers la partie épaifle du fphéroïde, & S'y
joint par un efpace plus confidérable.
Il réfulte donc des principes de M. Euler, que le Soleil
ne demeure jamais féparé de fon atmofphère, & qu'il n'y a
point d'anneau qui l'entoure, à moins qu'on ne voulüt re-
garder comme tel, le tuyau infini dont nous avons parlé,
qui dans la première fuppofñition fe trouve féparé de l'atmo-
fphère, qui ne répondroit à aucun des phénomènes oblervés,
& qui, quand bien même il exifleroit, feroit toûüjours accom-
pagné d'une atmofphère lenticulaire contigue au Soleil.
Comme cependant cette efpèce de tuyau cylindrique naît
de l'équation propofée par M. Euler, il en rélulie qu'il n’a
pas introduit dans fon calcul les véritables élémens donnés
par la Nature, ou que la courbe qui, par une de fes branches,
exprime l'inflexion de la furface de latmofphère folaire,
exprime par fes autres branches, des rapports & des propriétés
abfolument étrangères à cette atmofphère : efpèce de fuper-
fluité géométrique, dont on trouve plufieurs exemples. D'ail-
leurs, quelque compofée que puifle être l'équation de M.
Euler, elle ne left fürement pas autant que le demanderoit
l'état de la queftion : il eft bien für, par exemple, qu'indé-
pendamment de limpulfion des rayons, dont M. de Mairan
fait voir l'infufhfance , il doit y avoir dans la matière de
l'atmofphère folaire un principe d'expanfion qui augmente
fon étendue vers l'équateur du Soleil, pour lui donner l’éten-
due qu'exigent les obfervations. M. Euler n'a fait aucune
diftinétion entre les particules de l'atmofphère folaire, il les
fuppofe toutes de même confiflance, fans élaflicité, ou en
ayant toutes une pareille ; il les imagine toutes tenant en-
femble, & tournant comme un bloc folide avec la furface
du Soleil : fuppofitions dont on voit aifément le peu de
vrai-femblance, I! faudroit donc, pour ramener le problème
D'E SOC PE N'CAE’S 43
géométrique ou phyfique, y faire entrer bien d’autres con-
ditions que ne l'a fait M. Euler ; mais en voilà fufffamment
pour faire voir que fon calcul ne donne aucune atteinte à l'hy-
othèfe & aux raïfonniemens de M. de Mairan, ni aucune
probabilité à l’atmofphère annulaire qu'il fuppofe au Soleil.
M. Euler trouve une très-grande affinité entre la Lumière
boréale & les queues des Comètes; & il prétend qu’un fpec-
tateur placé fur l'hémifphère obfcur d’une Comète, verroit
cette queue fous la même apparence que nous voyons l'Au-
rore boréale: auffi, dit-il, M. de Mairan qui prétend avoir
trouvé la caufe de cette dernière dans l'atmofphère folaire,
fe propole d'expliquer auffi les queues des Comètes par le
même principe; & comme il y a plufieurs Comètes qui ont
paru avec des queues avant que d'avoir atteint l’atmofphère
folaire, il en tire une objection non feulement contre l’ex-
plication que donne M. de Mairan de ces queues, mais
encore contre fon fyflème fur l’Aurore boréale.
M. de Mairan répond, premièrement, qu'il n'eft nul-
lement prouvé que la reffemblance qui eft entre l’Aurore
boréale & les queues des Comètes, foit auffi grande que le
penfe M. Euler, ni qu'on ne puifle ignorer l’origine de lun
de ces phénomènes, dès qu’on fait celle de l'autre. Quand on
auroit prouvé ce qui eft en queftion, c'efkà-dire, que ces
deux phénomènes ont la même caufe, il faudroit encore que
M. Euler fit voir que cette caufe eft l’impulfion des rayons
folaires. D'ailleurs quand il auroit donné des preuves con-
vaincantes de cette hypothèfe, ce retour de Fun des phéno-
mènes à l’autre eft-il fi naturel, qu'un Phyficien qui a une
fois expliqué par ce moyen l’un des deux phénomènes, foit
abfolument obligé d’expliquer Vautre de la même manière?
La preuve que cette double application du principe de l’im-
pulfion des rayons folaires n'eft ni fi claire ni fi naturelle que
I prétend M. Euler, c'eft que depuis plus de cent ans que
cette explication des queues des Comètes eft employée par
les plus célèbres Auteurs, perfonne n'y avoit encore aperçû
aucune analogie avec l'Aurore boréale. Enfin, quand le fait
Fi
HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
objecté par M. Euler feroit vrai dans toute fon étendue, il n'ex
rélulteroit aucune objeétion contre l'explication de l’Aurore,
boréale de M. de Mairan : celle des queues des Comètes n’a
été propolée que comme une conjecture, & M. de Mairan ya
même adopté le principe de l'impulfion des rayons folaires,
dont il n’a fait aucun ufage dans le refte de fon ouvrage;
ainfi, quand bien même il y auroit plufieurs Comètes qui fe
refuferoient à l'explication qu'il a propolte, K ruine de cette
conjecture qu'il a donnée bien nettement pour telle, & pour
totalement ifolée de fon idée fur l' Aurore boréale, n’entrat-
neroit nullement celle de cette dernière.
Mais il y a plus, & nous aurons occafion de faire voir
que bien loin que plufieurs Comètes aient paru avec des
queues avant que d'avoir atteint la Lumière zodiacale, le
calcul aflronomique de toutes celles dont nous connoiflons
la théorie prouve qu'aucune ne s'eft écartée, en ce point ,
de l'idée de M. de Mairan.
Ce n'eft pas feulement en repouflant les objections de
M. Euler, que M. de Mairan prétend fe défendre contre cet
illuftre Mathématicien , il porte à fon tour la guerre dans fes
Etats, & entreprend d'examiner l'hypothèfe qu'il propofe,
& de faire voir qu'elle ne porte pas, à beaucoup près, les
caractères de vérité que M. Euler a cru y apercevoir.
L'hypothèfe de M. Euler peut être réduite aux trois pro-
pofitions fuivantes :
1.° Que la matière des Aurores boréales n’eft compofée
que des particules fubtiles de l'atmofphère terreftre.
2.° Que notre atmofphère n’excédant pas, felon M. Euler,
un mille d'Allemagne, ou 3270 toiles, & la matière de:
F Aurore boréale étant placée beaucoup plus hant, peut-être
à quelques milliers de milles, elle n'exifle point dans notre
atmofphère, mais en eft extrèmement éloignée.
3. Enfin, que ces particules dont la lumière produit l’Au-.
rore boréile, ne fe trouvent placées auffi loin de la Terre, que.
parce qu'elles y font chaffées par l'impulfion des rayons folaires.
Mais comment fuppoler que des particules de notre.
DES SCIEN CIE:s 45
atmofphère puiflent fe trouver à une pareille hauteur aflez
denfes, pour réfléchn" vivement les rayons du Soleil, tandis
que les crépufcules ne font plus vifibles au delà de 1 $ ou 20
lieues ? pourquoi depuis ce terme jufqu'à celui où fe retrouve
la matière du phénomène, de même nature que celle qui
caufe les crépufcules, n'en retrouve-t-on aucun veftige ? pour-
quoi cette matière chaffée hors de l'atmofphère dans un mi-
lieu non réfiftant, & par une force capable de fürmonter la gra-
vité qui la retient auprès de la T'erre, n’eft-elle pas rapidement
entraînée à des diftances immenfes ? toutes difficultés aux-
quelles ilne paroït pas que M. Euler ait ni penfé, ni répondu.
La hauteur qu'il afligne à l'atmofphère, n'eft pas moins
fujète àconteflation, ou plütôt il eft hors de toute contefta-
tion qu'il la fait beaucoup trop petite; il ne lui donne que
3270 toiles. M. Bouguer a trouvé la hauteur du fommet
d’une des montagnes du Pérou, de 3 2 17 toifes; & ce fommet
eft conflamment couvert de neige : il feroit bien fingulier:
qu'elle eût pü y tomber des $o ou 6o toifes que M. Euler
donne de plus à l'atmofphère ; le même M. Bouguer a.
obfervé que les nuages & Îa fumée des volcans s'élevoient:
encore au moins de 800 toifes plus haut : preuve fans.
replique , que la hauteur de l'atmofphère excède celle que
lui afligne M. Euler; d'ailleurs, les crépufcules ont, felon lui,
une hauteur de plus de 30 milles: il eft certain, & reçû de
tous les Phyficiens, que la matière qui les produit eft dans.
l'atmofphère, Que devient donc la hauteur d'un mille à a-
quelle il fa veut borner, quand il s’agit de Aurore boréale ?
M. Euler prétend que la matière de l'Aurore boréale n’e--
xifte point dans notre atmofphère, mais qu'elle en eft ex-.
tèmement éloignée : en ce cas, pourquoi fe trouve-t-elle.
aflujétie à fuivre exactement le mouvement diurne de 1a:
Terre! circonftance qui, de l’aveu de tous ceux qui fe mêlent:
d’obferver, eft le caractère qui fert à diflinguer un météore:
qui exifte dans Vatmofphère, d'avec un aftre qui eft au delà.
Mais, quand bien même on accorderoit à M. Euler toutes:
fs. fuppoftions, il lui refleroit encore à répondre à une:
F üij,
6 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
difficulté plus confidérable, Un fluide pouffé dans des efpaces
non réfiflans par un autre fluide, ne peut fuivre que la di-
rection de ce dernier : fi donc les particules qui compofent
l'Aurore boréale; font enlevées dans f'ether, à environ 300
lieues au delà de notre atmofphère, par l'impulfion des rayons
folaires, elles doivent toûjours fuivre la même direétion que
ces rayons, & paroître à l'oppofite du Soleil, non fous la
forme d’une aurore boréale, mais fous celle de la queue
d’une comète; ce qui ef démenti par toutes les obfervations:
quand on accorderoit que ces particules portées à cette
diftance y demeuraflent lorfqu'elles font abandonnées des
rayons du Soleil (ce qui eft abfolument impoflible, puifque
la force de la pefanteur les feroit retomber dans l'inftant ) if
réfulteroit toüjours de cette fuppofition, que le plus grand
amas de cette matière feroit vers la Zone torride, & que les
Aurores boréales devroient fe voir ordinairement vers l'équa=
teur, & non pas vers le pole.
Nous voilà enfin arrivés à la feconde partie du fyflème
de M. Euler, à l'explication de la queue des comètes. La
penfée d'attribuer à l'aétion des rayons folaires la direction
de la queue des comètes, ne peut être un objet de difpute
entre M. Euler & M. de Mairan : c’eft certainement à
Képler qu’elle eft dûe : Longomontan qui a fuivi Képler,
a adopté fon idée; & M. Newton reconnoît bien nettement
qu’elle appartient à ce grand Aftronome, Mais quelle ef cette
matière que les rayons folaires arrachent, pour ainfi dire,
aux comètes? c'eft précifément ce point qui divife ici les deux
Phyficiens. M. de Mairan croit que les comètes ne fe char-
gent de cette matière lumineufe que l'impulfion des rayons
folaires étend enfuite à une immenfe longueur, que lorf-
qu'elles paffent dans f'atmofphère folaire où elles la puifents
M. Euler, au contraire, croit devoir donner aux comètes
une atmofphère propre, dont les particules entraïnées par les
rayons du Soleil font capables de réfléchir la lumière de cet
aflre, & nous paroiffent fous la forme de queue; & fa prin-
cipale raifon, pour rejeter en ce point l'hypothèfe de M. de
À
Are
==
DIE S | SN@ LE NUCIEIS 47
Mairan, eft que plufieurs comètes paroiffent avec des queues
avant que d'avoir atteint la Lumière zodiacale,
Pour faire difparoître cette objection, M. de Mairan ne
fait que préfenter le rélultat des calculs que M's Halley & de
Ia Caille ont donnés des élémens de fa théorie de trente-fix
comètés qui ont été obfervées depuis 1 3 37 jufqu'en 1747.
On voit par cette table, que de ces trente-fix Comètes, trente-
une ont eu leur périhélie plus près du Soleil que n’eft la Terre:
des cinq autres, quatre n'ont point eu de queue, une feule
a paru en avoir; mais il eft bon de remarquer qu'elle s'eft
approchée de l’orbe annuel à la diftance de la 30° partie du
rayon de cet orbe: or il eft prouvé, comme nous l'avons dit
ci-deffus, par les obiervations de feu M. Caffini, que l'atmo-
fphère folaire s'étend quelquefois beaucoup au-delà de l’orbe
annuel : il eft donc poffible que la comète en queltion y ait
puifé la matière de fa queue; & en ce cas, de quel poids peut
être une objection qui a pour fondement un fait auffi peu
avéré? Mais d’ailleurs, quand on accorderoit à M. Euler, que
quelques comètes ont paru avec des queues avant que d’avoir
atteint la Lumière zodiacale, 'inverfe feroit encore plus cer-
taine, que plufieurs comètes ont paru avec des queues après
lavoir traverfée : dans ce cas, ou il faut abandonner l’hy-
pothèle de la pefanteur, ou elles ont dû fe charger des parti--
eules de cette atmofphère. Or fi ce point eft une fois accordé, .
pourquoi chercher ailleurs une autre caufe? les obfervations
prouvant que toutes les comètes qui ont paru avec des queues, .
peuvent les avoir prifes dans cette atmofphère.
De plus, fi les parties de l’atmofphère propre des comètes, .
chaffées par limpulfion des rayons folaires, étoient la caufe de”
la queue qu'on leur obferve, la longueur de cette queue de-
vroit toûjours être en raifon inverfe du quarré de la diftance de
la Comète au Soleil, la force impulfive des rayons croiffant:
dans ce rapport, à mefure qu'elle s'approche de cet aflre. Or
é’eft précifément ce que l'on n'obferve point ; au contraire, .
les queues font toüjours plus grandes après le périhélie & dans-
le temps que Îes comètes s'éloignent du Soleil. Toutes ces-
48 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
difficultés, qui ne peuvent trouver de dénouement dans l'hy-
pothèfe de M. Euler, n’en font point pour M. de Mairan :
ainfi, mème en admettant avec le premier la fuppofition de
Yimpulfion des rayons folaires, fon explication de la queue
des comètes n’en fera pas pour cela plus certaine ni mieux
prouvée.
Mais que deviendra cette hypothèle, fi, comme le penfe
M. de Mairan, il eft douteux que cette impulfion exifle?
On fait que les Phyficiens font partagés fur la manière dont
les corps lumineux exercent leur aétion. Selon les uns, c’eft
une émiflion réelle de particules lumineufes qui viennent
frapper l'organe de la vüe, comme les particules que répand
un corps odorant, viennent frapper celui de l'odorat. Selon
les autres, au contraire, la lumière ne fe communique que
par une efpèce de mouvement de vibration ou de preffion
que le corpsslumineux imprime au milieu interpoé entre -
Vorgane & lui. Dans le premier cas, le mouvement de fa
lumière eft véritablement tranflatif, & il peut produire une
véritable impulfion : dans le fecond, il ne peut communiquer
aux corps qu'il rencontre qu'une impulfion de vibration, de
reflion , d'ébranlement, mais toûjours fürement très-inca-
pable de les faire changer de place.
Ce n’efl qu'en adoptant le premier fyflème, qu’on peut
attribuer aux rayons la force de tranfporter hors des atmo-
fphères de la Terre & des Comètes les particules qui doi-
vent produire les Aurores boréales & les queues de ces
dernières : on ne peut, en ce cas, fe difpenfer d'attribuer
une force réelle à un corps en mouvement ; mais cette force
qu'on fuppofe réelle, eft-elle capable de produire des effets
fenfibles? c’eft ce qu'il eft queflion d'examiner.
L'expérience la plus favorable à la force impulfive des
rayons folaires, eft celle que fit M. Homberg en 1708, &
qui eft rapportée dans l'Hiftoire de l’Académie de la même
* Hf.1768. année *. Si on expofe au foyer du miroir ardent une matière
P- 214
fort légère, telle que de l'amiante, elle eft renverfée par
les rayons du foyer de deflus le charbon qui la porte, à
moins
s
2e
RO 0
Dir SMS 20) À E NCIS 49
moins qu'on ne la préfente doucement, & une partie après
l'autre, de forte qu'elle ne foit pas heurtée par ce foyer trop
rudement , ni dans toute fa furfacé à la fois. De plus, un
reflort droit ayant été engagé par un bout dans un bloc de
bois, M. Homberg poufla par fecoufles contre le bout libre
le foyer d’une lentille de douze à treize pouces de diamètre,
& il vit que ce reflort faifoit des vibrations fort.fenfibles;
comme fi on l'eüt pouflé avec un bâton. |
Mais fi ces effets ne devoient pas être plûtôt attribués à
Yair violemment & fubitement échauffé par le foyer, qu'à
l'impulfion des rayons, pourquoi la précaution de préfenter
les corps légers doucement au foyer les garantiroit-elle de leur
action, pourquoi féroit-il néceffaire de,pouffer par fecoufles
le foyer de la lentille contre le reflort? pourquoi, au con-
traire, les corps mème légers ne font-ils plus renverfés, quand
une fois ils fe trouvent au milieu du foyer à l'endroit de la
plus grande force des rayons, fi ce n’eft parce qu'ils font alors
au milieu du ballon d'air raréfié autour duquel il doit né-
ceffairement fe former un courant rapide par l'air froid qui
fuccède à l'air chaud qui a été déplacé? courant au refte qui ne
doit avoir ni force ni direction régulière & conftante.
M. de Mairan s'eft afluré de cette dernière circonftance
en employant une petite roue de fer extrêmement léoère;
garnie d’ailerons, & dont le pivot étoit fufpendu à une baïre
de fer aimantée : rien n’étoit certainement plus mobile que
cette efpèce de tourniquet. Le foyer d’une loupe de fept ou
huit pouces ayant été porté fur les aïlerons de cette roue,
il obferva qu’elle tournoit tantôt d’un fens, tantôt de l'autre,
felon qu'on approchoit plus ou moins l'aile du foyer en deçà
& au-delà : il faudroit donc en condlurre que les rayons at:
tirent ou repouflent dans différens points du cone lumineux
qu'ils forment, ou plütôt il en réfulte évidemment qu'ils n'ont
ni l'une ni l'autre de ces propriétés.
IL fe préfentoit naturellement un moyen de vérifier fi l'air
échauffé étoit la caufe des effets dont nous venons. de parler,
c'étoit de faire ces mêmes expériences dans le vuide : mais
Hifl 1747. . G
o HisrToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
quand bien même on auroit pû avec beaucoup de peine &
de foin fe procurer un vuide très-exact, il refteroit toûjours
un doute confidérable. On ne peut faire ces expériences que
dans des vaiffeaux tranfparens : or, indépendamment de air
groffier que le verre peut exclurre, il paroît par un grand
nombre d'expériences qu'il y a un air plus fubtil auquel fes
res livrent un libre paffage; & qui fait fi cet air fubtil eft
moins fufceptible de raréfaétion que celui que nous refpirons?
d’ailleurs, l’action de la chaleur pouvoit-elle être dirigée dans
le vuide fur un corps quelconque, fans en dégager de Yair
proprement dit ou des vapeurs? d'où if fuit que quand bien
même le mouvement dont nous avons parlé, fubfifteroit fous
le récipient vuidé d'air, on n’en pourroit rien conclurre en
faveur de la force impulfive des rayons, & que par confé-
quent, rien ne prouvant qu'ils aient une force fenfible, on
ne peut légitimement leur attribuer celle qui eft néceffaire
pour les effets que leur attribue M. Euler, mème en adoptant
le fyflème de l'émiflion ou du mouvement tranflatif de la
lumière.
Mais fi on veut admettre, comme il le fait , la propagation
de la lumière par des flots à travers l'éther, ou, ce qui eft la
même chole, par vibration; alors, chaque particule de lumière
n'étant point déplacée, n'acquerant aucun mouvement de
tranflation, comment pourra-t-elle en communiquer à d’au-
tres corps ? L'exemple qu'apporte M. Euler, des corps légers
qui font müs par un fon véhément, ne prouve rien : l'air n’a
ce mouvement qu’en vertu de fon extième compreffbilité,
dont probablement l’éther n’eft point fufceptible, du moins
au même point; d’ailleurs, if n'eft point réellement tranfporté
hors de fa place, & ne chafle pas non plus au loin & par un
mouvement continu les petits corps qu'il ébranle.
Mais, quand bien même on accorderoit à M. Euler que
les rayons du Soleil ont une force impulfive fenfible, il auroit
fallu déterminer la force de cette impulfion pour la pouvoir
appliquer avec vrai-femblance aux phénomènes dont il s’agit,
& c'eft ce qu’il n’a point fait,
DES SCIENCES. st
. Telles font, en général, les réflexions que M. de Mairan a
cru devoir faire fur l'ouvrage de M. Euler. Il réfultera de leur
difpute que cette matière, une des plus curieufes & des plus
intéreffantes de toute la Phyfique célefte, fera examinée, ap-
profondie & portée au plus grand degré de clarté dont elle
foit peut-être fufceptible. Une altercation de cette nature entre
deux Phyficiens fr habiles, & réciproquement fr pleins de
politefle, ne peut que tourner au profit de la vérité.
OBASELRF ATH O NS
DE PHYSIQUE GENERALE.
: I.
O fait depuis long temps que les pierres précieufes
orientales peuvent fouffrir une très-forte aétion du
feu, fans que leur couleur en foit altérée ; & qu’au contraire
les occidentales y perdent en très-peu de temps la leur, &
deviennent femblables à du criftal fi elles font tranfparentes,
ou d’un blanc mat fi elles font opaques; mais on ignoroit
que la topaze du Brefil ne pouvoit être comprife dans aucun
des deux genres dont nous venons de parler ; elle a la fin-
gulière propriété de quitter au feu fa couleur jaune, & d'y
devenir d’un couleur de rofe femblable à celui du rubis
balais, & d'autant plus vif, que le jaune de la pierre étoit
plus fale & plus foncé. ê
Le procédé eft des plus fimples, il ne s'agit que de placer
la topaze dans un petit creufet rempli de cendres, de poufler
le feu par degrés jufqu'à faire rougir le creufet , & après
Yavoir entretenu quelque temps dans cet état, dé le laifler
s'éteindre : quand le tout fera refroidi, on la trouvera con-
veïtie éh un véritable rubis balais ; nous difons convertie,
cat il n'eft pas poflble d'apercevoir la moindré différence
entre les rubis balais naturels & ceux-ci. C'eft ce qui avoit
porté plufeurs Jouaïlliers qui favoient ce sig »àen faire
À ij
52 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
un myflère, & ceft à M. Dumelle Orfèvre metteur en
œuvre, qui l'a communiqué à M. Guettard, que l'Académie
en doit la connoiflance. Il a bien voulu en cette occafion
facrifier fon intérêt au bien public, & à l'avancement de la
Phyfique & de l'Hiltoire TANT
Le P. Bertier de l'Oratoire, Correfpondant de l’Acadé-
mie, a écrit à M. de Reaumur, qu'au mois de Juillet étant
à Saumur, fur les trois heures après midi, à une fenêtre d’un
fecond étage qui donnoit fur la Loire, il avoit obiervé un
arc- en - ciel d’une efpèce fingulière , ce météore étoit couché
fur la furface de la rivière, dont il occupoit exaétement
toute là largeur; il paroifloit un peu elliptique, & fa conca-
vité étoit tournée vers le fpeétateur.
ighs (9h
L'Académie a déjà rapporté dans fon Hifloire, plufieurs
exemples de l'inconvénient qu'il y a de fonner des cloches,
ou d'exciter quelqu'autre violente commotion dans l'air, lorf-
qu'on a au deffus de foi un orage violent. M. du Hamel a
encore cité un nouvel accident de cette efpèce, arrivé auprès
de Pluviers , le tonnerre eft précifément tombé fur le clocher
où l'on fonnoit. Il feroit bien à fouhaiter que la raïfon &
l'expérience püffent détruire un préjugé fi contraire à toutes
les loix de la Phyfique, & dont les fuites peuvent être fi
funeftes. j
I V.
M. de Reaumur a fait voir le deffein d’un petit poiffon
trouvé le 10 Octobre 1747, dans un étang du duché de
Saxe-Gotha; on le préfenta vivant au Prince qui, après fa
mort, l'a fait foigneufement conferver dans l'efprit de vin.
L'étangoù il a été trouvé, avoit été peuplé de carpes; & le :
poiflon en queftion en eft effeétivement une d'environ quatre:
pouces de: long, qui depuis les ouies jufqu'à la qüeue ne
diffère en rien d’une carpe ordinaire; mais la tête eft ablolu-
ment différente de celle de ce poiffon, elle reffemble beau
coup à celle d'un oifeau à bec pointu, qu'on nomme hochequenes
aie es
gr sX SiehrE N'c°E S 53
le bec en diffère en ce qu'il eft exaétement fermé par les
côtés, de façon que la partie fupérieure et adhérente à l'in-
férieure ; mais cette partie fupérieure eft ouverte en defus,
par une fente d'environ un quart de pouce, cette ouverture
{ervoit apparemment de bouche à l'animal, & c'étoit par-[à
qu'il prenoit fa nourriture : les yeux font plütôt ceux d'un
poiflon, que ceux d’un oifeau, du refte la tête eft fans plumes
& unie comme une tête de carpe. Quelle organifation fin-
gulière, ou quel dérangement d'organes a pû produire dans
un même individu ce bizarre & fingulier mélange de deux
efpèces fi différentes, quoiqu'elles aient une origine com-
mune ?
Ous renvoyons entièrement aux Mémoires
Les Oblervations Botanico - météorologiques faites
auprès de Pluviers en Gâtinois, par M. du Hamel.
L'Ecrit du même, fur les pareilles obfervations faites à
Québec, par M. Gaultier Correfpondant de l'Académie, |
L'Ecrit de M. Malouin, fur les Maladies épidémiques
obfervées à Paris en 1747.
Et les Oblervations Météorologiques faites à l'Obferva-
toire royal, en 1747.
P: 309:
p. 466.
Pe 563-
P« 697:
54 Histoire DE L'ACADÉMIE Royare
OBSERVATIONS ANATOMIQUES.
i É
M de Reaumur a dit qu'un Ours dont on vouloit fe
défaire, avoit pris intérieurement jufqu'à une once
d’arfenic, une noix vomique entière, & une quantité de
fublimé corrofif fuffifante feule pour empoifonner un plus
gros animal, fans que cette quantité de poifons ordinairement
fi aétifs lui eût procuré la moindre incommodité. Ce même
animal qui avoit réfifté à une fi forte épreuve, a fuccombé
facilement & très-promptement au poifon duquel font en-
duites les pointes des flèches dont fe fervent les habitans des
bords du Maragnon : il en a été légèrement piqué en deux
endroits, au défaut de l'épaule ; à la feconde piqûre, il eft
tombé, s’eft débattu , & eft mort en moins de quatre ou cinq
minutes. La même chofe eft arrivée, & plus promptement
encore, à un aigle qui étoit deftiné à orner le cabinet d'oifeaux
de M. de Reaumur ; à la première piqûre qui lui fut faite
fous l'aile avec la pointe d'une de ces flèches, il tomba &
mourut en moins de deux fecondes. II faut que les particules
de cette pernicieufe compofition foient d’une étrange aétivité
pour produire un effet fi fubit.
IL
Le 23 Juillet 1747,,M. de Juffeu le cadet étant à her-
borifer fur les buttes de Montmorenci avec fes élèves,
un d'eux faifit avec la main un ferpent qu'il prenoit pour
une couleuvre , & qui réellement étoit une vipère : l'animal
irrité le mordit en trois endroits, favoir, au pouce & au
doigt index de la main droite, & au pouce de la gauche; il
fentit prefque auffi-tôt un engourdiflement dans les doigts,
DES SCIENCES,
& ils s'enflèrent ; l'enflure gagna les mains & devint fi con-
fidérable qu’il ne pouvoit plus fléchir les doigts : ce fut dans
cet état qu’on le mena à M. de Juffieu qui étoit éloigné de
quelques centaines de pas; l'iffpeétion de l'animal le fit auffi-
tôt reconnoître pour une vipère très-forte & très-vive, & le
malade qui avoit été effrayé, fut raffuré par Lefpérance d’une
prompte & füre guérifon. En effet, M. de Juffieu s’étoit
afluré tant par le raifonnement que par un grand nombre
d'expériences faites fur des animaux, que l’alkali volatil étoit,
dans ces occafions, un remède für, pourvû qu'il fût admi-
nifiré promptement : il avoit heureufement fur lui un flacon
rempli d'eau de Luffe qui, comme on fait, n’eft qu'une pré-
paration de l'alkali volatil uni à l'huile de fuccin; il en fit
prendre au malade fix gouttes dans un verre d'eau, & en
vera fur chaque bleffure affez pour fervir à les baffiner & à
les frotter : il étoit alors une heure après midi, & ïf faifoit
fort chaud ; fur les deux heures, le malade fe plaignit de maux
de cœur & tomba en défaillance : on voulut faire une ligature
au bras droit qui étoit très-enflé, mais M. de Juffieu la fit
défaire, & une feconde dofe du même remède pris dans du
vin fit difparoître la défaillance; alors le malade demanda à
être conduit au lieu où il devoit paffer la nuit; il y fut mené
par deux étudians en Médecine, qui fe chargèrent d’en avoir
foin & de lui faire prendre le même remède, s'il lui furvenoit
quelque foibleffe ; il en eut effectivement deux dans la route:
étant au lit, il fe trouva très-mal, donna même quelques
marques de délire, & vomit tout fon diner, mais tous ces.
accidens cédèrent à quelques nouvelles dofes d’alkali volatil ;
après fon vomiffement il refta tranquille & dormit aflez
paifiblement : M. de Juffieu qui arriva fur les huit heures, le
trouva beaucoup mieux, & feulement incommodé de l'abon-
dante tranfpiration que le remède lui avoit caufée: la nuit fut
très-bonne : le lendemain , les mins n’étant pas defenflées,
on fit une embrocation avec l'huile d'olive dans laquelle on
méla un peu d’alkali volatil. L'effet de ce remède fut prompt;
une demi-heure après, le malade pouvoit fléchir librement
56 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYALE F
les doigts, il s'habilla & revint à Paris, après avoir déjeuné
de très-bon appétit; depuis il a été de mieux en mieux &
s'eft trouvé entièrement guéri au bout de huit jours, l'enflure,
l'engourdiffement des mains & une jaunifle qui s'étoit mon-
trée dès le troifième jour fur les deux avant-bras, ont été
diffipés par le même remède, dont il prenoit trois fois par
jour deux gouttes dans un verre de fa boiffon.
Ldsk
M. Bofe a fait part à M. de Reaumur de l'obfervation
fuivante. Un homme âgé de 5 $ ou 56 ans, fort fain d'ail-
leurs, commença à fentir quelques légères attaques de goutte
qui revenoient par intervalles; il devint en même temps
{1 fenfible au froid, qu'il étoit obligé, même en plein été,
de faire allumer fon poële :tout d'un coup, & fans aucun
accident préliminaire, il commença à rendre des urines
femblables à un lait blancheätre; il en fut furpris, mais il le
fut bien davantage, lorfqu'il vit, une heure après, que cette
urine avoit repris la tranfparence qu’elle devoit naturellement
avoir, & qu’elle avoit dépofé un fédiment blanc de l’épaiffeur
d'un quart de pouce : ce fédiment étoit d'abord de Ja con-
fiftance d’une argile détrempée, on le pouvoit couper auf
facilement que du favon, mais en une heure ou deux il
acqueroit la dureté de la craie ou du plâtre; cet écoulement
a duré huit ôu neuf mois, fans interruption, & fans être
accompagné d'aucune incommodité : le malade juge qu'il
a bien rendu foixante ou foixante-dix livres de cette efpèce
de pierre; on en auroit pü faire la flatue de cet homme, qui
auroit été repréfenté de grandeur naturelle avec une pierre
fortie toute entière de fon corps; enfin, au bout d'environ
neuf mois, le malade changea de logement, & dès Ja pre-
mière nuit qu'il coucha dans fa nouvelle maifon, l'urine plà-
treufe cefla fans retour, & fans qu'il y ait eu, ni alors, ni
depuis, aucun changement dans fa fanté, ni en bien, ni en
mal. Quel rapport l'habitation pouvoit-elle avoir avec cet écou-
lement extraordinaire? ce qui paroît plus certain, c'eft que
cet homme étoit menacé de terribles attaques de goutte, fi la
Nature
DES SCIE N C'ENS. s7
Nature n'eût pas fû fe délivrer de cette énorme quantité
de matière pétrifiable,
LV
M. Guettard a rendu compte au public, l'année dernière*,
de fes oblervations fur les racines de plufieurs plantes du
même genre que la garence, qui ont, comme elle, la propriété
de teindre en rouge les os des anigaux qui en mangent. En
voici une de la même efpèce, mais encore plus fingulière :
on a nourri pendant du temps des lapines pleines , avec une
âtée dans laquelle il entroit de la racine de caillelait pulvé-
rifée que l'on méloit avec du fon & des feuilles de choux ha-
chées, pour leur faire un aliment qu'elles puffent manger ; elles
s’en font affez bien accommodées, & leurs petits font venus
à bien : ce qu'il y a de fingulier, c'efl qu'elles ont eu leur lait
‘teint d’un couleur de rofe aflez vif, & que les os de leurs
petits naiflans fe font trouvés fortement colorés de rouge,
fans que ceux des mères, qui ont auffi été difféquées, en euffent
la plus légère teinte. Par quel moyen cette couleur, qui avoit
pü pafler de l'eflomach de la mère aux os du fœtus, avoit-elle
été empêchée d'agir fur fes propres os auxquels elle devoit
parvenir plus aifément? & fi on veut fuppofer que l'état pref
que cartilagineux des os du fœtus avoit favorifé fon action,
n'y avoit-il pas dans le corps de la mère des parties qui ne
fuffent offifiées qu'au même degré? Il faudra plus d’une ex-
périence pour éclaircir cette efpèce de myflère.
On fait communément que les perroquets vivent très-
Tong temps. Comme il y en avoit un à Florence qui avoit
acquis par fa vieilleffe une efpèce de célébrité, M. de Reaumur
« pria M. l'Abbé Cerati de vouloir bien lui mander ce qui en
étoit; & voici ce qu'il en apprit : le plumage de cet oifeau
étoit blanc avec une feule houppe couleur de rofe fur la tête;
il avoit le bec & les pieds noirs, & parloit extrémement bien ;
il étoit de la groffeur & du poids d'un bon poulet de trois
mois. À l'égard de fon âge, il n’a pas été poffible de le favoir au
jufte, il avoit été apporté à Florence en 1 633, par la Grande-
Hit. 1 747 è
58 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
duchefñle Julie-Viétoire de Ia Rovère d'Urbin, lorfqu’elle y
vint époufer le Grand-duc Ferdinand, & cette Princefle dit
alors que ce perroquet étoit l'ancien de fa maifon; il a vécu
à Florence pendant près de cent ans. Quand on ne lui don-
neroit, fur ce que dit la Grande-duchefle, qu'environ vingt
ans de plus, il auroit donc vécu près de cent vingt années.
Ce net peut-être pas le plus long terme de la vie de ces
animaux ; mais au moins eft-ik für, par cet exemple, qu'ils
peuvent aller jufque-là.
IN°* renvoyons entièrement aux Mémoires
La Defcription d’un faon de biche monftrueux, en-
voyé par le Roi à T' Académie, par M. Morand,
2
DES SCrENCcCES. 59
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SUR L'INFLAMMATION DES HUILES
PAR L'ESPRIT IDE NITRE.
Le y a environ quatre-vingts ans que Borrichius, célèbre
Chymifte, propofa dans les journaux de Copenhague,
d'enflammer l'huile de térébenthine par l'efprit de nitre, fui-
vant un procédé qu'il donnoit ; mais foit que fon procédé ne
füt pas aflez bien détaillé, foit qu'on ne l’eût pas exactement
fuivi, les efforts qu'ont faits les plus habiles artifles pour
réufTir dans cette expérience, ont été fans fuccès, du moins
pour ce qui regarde l'huile de térébenthine; car quelques-uns
ayant tenté le mélange de cet acide avec d’autres huiles, font
parvenus à enflammer non feulement les huiles effentielles
pefantes , mais encore quelques autres huiles empyreumati-
ques, comme le gayac. Enfin, Dippelius, M's Hoffman &
Geoffroy, font parvenus à enflammer l'huile de térébenthine,
& plufieurs huiles effentielles légères ; mais en joignant à
Facide nitreux quelques portions d'acide vitriolique, ce qui
s'éloigne de l'idée de Borrichius, qui ne propofe d'employer
que l'acide nitreux pur & fans mélange d'aucun autre, comme
on le peut voir par fon procédé même, dont nous allons
rapporter l'effentiel.
H emploie quatre onces d'huile de térébenthine, & fix
onces d'acide nitreux ; l'un & l’âutre récemment diftillés;
il les mêle enfemble dans un vaifieau aflez grand, les agite
& couvre le vaifleau : il expofe le tout à la plus forte chaleur
du Soleil en été, & au bout d’une demi-heure le découvre,
alors il fe fait une violente effervefcence, accom pagnée d’une
épaifle fumée, & Tés matières s’enflamment.
Il eft aifé de reconnoître à la feule in fpetion de ce procédé,
H ij
6o HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
que l'efprit de nitre dont fe fervoit Borrichius, ne devoit pas
être bien concentré, puifqu'il étoit fi long-temps à agir fur
l'huile, quoiqu'il fût expolé à la plus forte chaleur du Soleil.
Un elprit de nitre plus pur, appliqué à cette huile, produit
fur le champ une effervefcence des plus rapides.
Ce n’eft donc pas de la force de l'efprit de nitre que dé-
pend le fuccès de l'expérience de Borrichius , il doit y avoir
quelqu'autre circonftance plus effentielle à l'opération, &
dont le défaut l’a fait manquer. C'efl à la recherche de cette
circonftance eflentielle que M. Rouelle s’eft appliqué.
Pour bannir de l'opération l'incertitude que la différente
force de l'efprit de nitre qu'on y emploie y pouvoit laifer,
fon premier foin a été de s’affurer, au moyen du pèfe-liqueur,
de fon degré de concentration, en comparant le même vo:
lume d’eau à un pareil volume de différens efprits de nitre
pur & fans mélange; il s'eft par ce moyen afiuré du degré
de force de trois différens acides nitreux, auxquels il avoit
foigneufement enlevé tout ce qui pouvoit leur être étranger :
& afin que les différens degrés de chaleur de l'air ne püfient
occafionner des différences dans l'opération, en donnant plus
ou moins d’aétivité à l'efprit de nitre, toutes les expériences
ont été faites le thermomètre de M. de Reaumur étant au
deffous de la congélation.
Quelques -unes des premières tentatives de M. Rouelle
furent heureufes, il enflamma l'huile de térébenthine, tant
avec un efprit de nitre affez foible, qu'avec un autre très-
concentré, mais il ne l'enflammoit pas toûjours ; & le but
de fes expériences n’étoit pas de l’allumer une fois par hafard,
mais d'apprendre à quoi il tenoit qu'on ne l’allumât toüjours :
il réfultoit cependant de cette recherche, que l'expérience
pouvoit réuffir avec des efprits de nitre de force très-inégale.
L'inflammation réuffit encore une fois, mais avec une
nouvelle circonftance. M. Rouelle avoit agité les matières
avec une baguette pendant qu'elles étoient dans la plus vio-
lente effervelcence; il crut avoir deviné Te mot de l'énigme,
mais plus de vingt épreuves fans fuccès le convainquirent
DES SCIENCES 6r
qu'il n'avoit pas encore frappé au but, & il abandonna ce
travail pendant plus d’une année. Il étoit cependant toûjours
occupé de la même idée qu'il n’avoit pas perdu de vûe, &
quoiqu'il n'eût pas réuff jufque-là , il ne defefpéroit pas en-
core du fuccès. I recommença donc fes mélanges, toûjours
en les agitant pendant leur effervefcence; & enfin il parvint
encore à enflammer l'huile de térébenthine avec un acide
très - concentré ; deux fois mème il l'enflamma fans remuer
le mélange ; mais il aperçut de plus, que ces mélanges don-
noient un champignon ou efpèce de charbon raréfié, pareil
à celui que donne l'huile de gayac enflammée par l'efprit
de nitre; & il fe rappela que dans fa première expérience,
Yinflammation s’étoit faite quand il avoit enfoncé avec fa
baguette le charbon qui furnageoit l'huile dans l'efprit de
nitre qui étoit au deflous de cette dernière. Il crut donc
encore une fois avoir trouvé ce qu’il cherchoit; mais quoi-
qu'il eût fait unepas, & même aflez grand, vers fon objet,
il s'en falloit cependant beaucoup qu'il ne l’eût parfaitement
fair: plus de trente mélanges faits pendant deux années n’eu-
rent aucun fuccès , quoiqu'il eût foigneufement enfoncé le
charbon dans les matières ; & il réuffit trois fois à enflammer
Yhuile fans y avoir touché.
Enfin, les réflexions que M. Rouelle fit fur Ia manière
dont fe fait l'inflammation du nitre par les charbons, lui
découvrirent ce qu'il cherchoit depuis ft long-temps; cet
acide ne s'enflamme qu'avec les matières graffes & chargées.
de phlogiftique, mais il faut pour cela qu’elles foient réduites
en charbon. Nous venons de voir que le mélange en produi-.
foit un, ce n'étoit donc qu’en appliquant quelque nouvelle
portion d'acide fur l'endroit de ce charbon qui paroît à dé-
couvert, qu'on peut réuflir à l'enflamme: ; c’eft en effet ce qui
- arrive, & l'expérience répond parfaitement à cette théories.
Il eft auffi rare de voir l'inflammation manquer lorfqu’on
emploie ce moyen, qu'il l'étoit de la voir réuflir avant qu’on
en eût connoiffance,
On voit de même combien il a dû être rare que le charbon:
H ii
62 HiIsSToiIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
fe foit allumé par le contact de l'efprit acide lorfqu’on Ya
plongé au fond du vaifleau : en traverfant l'huile qui furnage
toûjours l'efprit de nitre, il fe charge néceflairement d’une
couche de cette huile qui empêche l'acide de s'y joindre &
de s’enflammer avec lui. Ce n'eft donc que par quelque
heureux hafard qu'on peut réuffir fans le moyen que pro-
pofe M. Rouelle, & que probablement Borrichius lui-même
ignoroit. | ”
Pour réuffir plus fürement , il faut que l'efprit de nitre
foit au moins aflez fort pour agir fur l'huile auffi-1ôt qu'il
lui eft mêlé; plus foible, il ne feroit aucun effet; mais plus
il fera fort & concentré, plus le fuecès de l'opération fera
affuré. A l'égard de l'huile de térébenthine, il n’y a aucun
choix à en faire; ancienne ou nouvelle, elle eft également
bonne.
Il faut verfer peu d'acide nitreux à la fois fur le champi-
gnon : s’il arrive qu'il ne s'enflamme pas, on attend que le
charbon paroiffe davantage & foit plus confidérable; alors
on verfe de nouvel acide, & avec un peu d'ufage, il eft rare
qu'on ne réuflifle pas.
Les vaifleaux doivent être larges d'ouverture, afin que
le mélange préfente une plus grande furface à l'air qui aide
beaucoup au fuccès de cette expérience.
On doit employer parties égales d'acide & d'huile de téré-
benihine; mais quand on metiroit plus d'acide, on ne nuiroit
aucunement à l'inflammation. L'on obfervera feulement que
le fuccès de l'opération eft plus afluré quand on emploie des
dofes un peu confidérables.
Cette clef une fois trouvée mettoit M. Rouelle à portée
de tenter avec fuccès les mêmes expériences fur d’autres
huiles : c'eft aufli à quoi il n’a pas manqué.
Les huiles de cédra & de lavande, qui font deux huiles
eflentielles légères, ont donné à peu près les mêmes phé-
nomènes que l'huile de térébenthine, fi ce n'eft qu'elles
exigent, fur-tout celle de lavande, un acide un peu plus fort,
Mais l'huile de gérofle, quoique de même efpèce que les
DE s.S4CNIE, NICNENS 63
deux autres, a offert une fingularité remarquable & qui fait
une exception à Ja règle que nous avons donnée de prendre
toûjours par préférence l'acide le plus fort pour aflurer le
fuccès de l'opération : mêlée avec de l'efprit de nitre trop
fort , l'effervefcengæ eft fi vive, qu'il fe fait une efpèce d’ex-
plofion, & que l’huilé eft jetée hors du vaifleau. M. Rouelle
n’a pû réuflir à l'enflammer, qu ’en employant le plus foible
& le moins concentré des trois efprits de nitre dont il s'eft
fervi dans fes expériences.
Les huiles par expreffion fe partagent en deux claffes :
les unes, comme les huiles de lin, de noix, d'œillet & de
chenevis, peuvent, abfolument parlant, s’enflammer comme
les huiles effentielles, par l'acide nitreux feul, pourvü qu’on
le mêle avec elles en plus grande proportion, & qu'il foit
récent & très-concentré. On‘peut cependant réufir à les en-
flammer avec un efprit de nitre plus foible & en moindre
quantité, en y joignant l'acide vitriolique, très-concentré ;
alors l’effervefcence fe fait avec vivacité, Le charbon fpon-
gieux fe forme promptement, & un peu de nouvel efprit de
nitre verfé deflus l'enflamme infailliblement.
Les huiles par expreffion de la feconde claffe, comme
celles d'olive, d'amande douce, de fène & de navette, ne
s’enflamment point parl'acidenitreux feul, quelque concentré
qu'il puiffe être, & en quelque dofe qu’on le mêle avec elles;
mais de plus, elles ont befoin d’un manuel particulier pour
s'enflammer, en ajoûtant l'acide vitriolique à celui du nitre.
Ces deux efprits unis produifoient bien, en les mélant avec
ces huiles, une forte effervefcence, Mae ils ne donnoiïent
jamais ce JE fec & raréfié que l'addition d’un peu de
mouvel efprit de nitre peut enflammer : enfin M. Rouelle
remarqua que lorfqu'il employoit plus d'acide nitreux, Pef-
fervefcence étoit plus grande & le charbon un peu plus fec.
Cette circonftance lui fit foupçonner que, pendant la vive
action de ces matières, l'acide nitreux fe diffipoit en vapeurs,
& que l'acide vitriolique reftoit feul.
LL étoit aifé de vérifier fi cette conjedure étoit vraie, ilne
64 HisTOoIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
falloit que verfer l'efprit de nitre à plufieurs reprifes, pour
fuppléer à la partie enlevée par une trop prompte diffipation;
alors le charbon devoit fe former & s'allumer par l'addition
d'un peu d’efprit de nitre.
C'ett effectivement ce qui eft arrivé M. Rouelle a pris
de bonne huile d'olive, de l'efprit de nitre, & de l'acide
vitriolique très-concentré , de chacun une demi-once, & il
les a mélés; le mouvement s’eft bien-tôt excité, & il s’eft
fait une violente effervefcence ; alors il a ajoûté un peu plus
d'un gros d'acide nitreux, l'effervefcence a été augmentée,
& les vapeurs font devenues plus confidérables & plus blan-
ches; un autre gros ajoûté a accéléré le mouvement, & l'ef-
fervefcence a acquis une rapidité étonnante ; alors verfant
encore pareille quantité d'acide nitreux fur le charbon qui
s'eft formé, il a paru tout d’un coup fcintillant, & l’huile
s'eft enflammée.
La flamme que donne cette huile n’eft pas confidérable
comme celle qu'ont produite les huiles eflentielles & celles
de Ia première clafle des huiles par expreffion : ce font des jets
de flamme qui fortent par plufieurs trous d’une croûte char-
bonneufe qui couvre la matière.
Ce que nous venons de dire doit s'entendre, avec quelques
légères différences , des autres huiles par expreffion de la fe-
conde clafle : le manuel eft le même pour toutes.
I peut paroître étonnant que l'inflammation des huiles
par expreflion dépende de Faddition de l'acide vitriolique
qui, par lui-même, n'a aucune aélion fur les huiles; ce n’eft
pas aufli en agiflant fur elles qu'elle aide à les enflammer, ce
n'eft qu'en enlevant à l'acide nitreux la portion de phlegme
qu'il pouvoit contenir, & le rendant par ce moyen beau-
coup plus fort & plus concentré. On fait avec quelle avidité
cet acide bien déphlegmé fe faifit de l’eau qu’on lui préfente,
il n'eft donc pas étonnant qu'il abforbe celle qui afoiblifloit
l'acide nitreux ; mais par lui-même, il ne produiroit jamais
avec l'huile un charbon fec & raréfié. Cette efpèce de char-
bon eft évidemment dûe à l'efprit de nitre ; d’ailleurs ce
dernier
DSE :8 M SAGE: N) CC 6e 65
dernier ,eft le feul qui puiffe s'enflammer en le joignant à
une, matière grafle réduite en charbon : l'ufage de l'acide
vitriolique, dans cesexpériences, ne peut donc être que de
déphlegmer l'acide nitreux.
Mais ne feroit-il pas plus fimple d'employer de l'efprit de
nitre auquel on eût enlevé cette portion de phlegme qu'a ab-
forbél'acide vitriolique? oui fans doute; mais ileft très difficile,
& peut-être impofhble, de déphlegmer l'efprit de nitre à ce
point, il feroit alors d'une difhculté prefque infurmontable
à retenir : cependant les tentatives que M. Rouelle à faites
fur ce fujet , n’ont pas été tout-à-fait infruétueufes; il a dé-
couvert. des erreurs dans ce qu'on enfeigne communément
fur l'acide nitreux, des chofes fingulières, & mème une nou-
velle méthode de concentrer cet acide; mais il réferve tout
cela pour un autre Mémoire.
Il paroït par tout ce que nous venons de dire, que le
charbon fpongieux eft le principal agent de linflynmation
dans.ices expériences : c'eft une efpèce de mèche embrafée
qui procure l'inflammation de l'acide nitreux ; & celui-ci,
à fon tour, allume l'huile.
L'idée d'employer des matières fi inflammables & dont
T'explofion peut être fi violente dans les opérations militaires,
n’a pà manquer de {e préfenter à M. Rouelle ; elle s'étoit de
même offerte à Glauber : mais quand. on pourroit venir à
bout de .difpofer à fon gré d’un élément auffi terrible que le
feu, quel avantage en pourroit-il réfulter ? pourroit -il de-
meurer fecret? & les hommes n'ont-ils pas déjà malheureuz
fement aflez de moyens de fe détruire? on ne peut donc que
le louer de s'être interdit une fi pernicieufe recherche.
WSUR LA CHAUX ET LE PLASTRE.
N°: avons rendu compte en 1745* des expériences
N par lefquelles M. Malouin a déterminé que la chaux
contient un véritable fel félénitique, c'eft-à dire, l'acide
vitriolique combiné avec une bafe terreufe. Ce point éclairci,
Bif. 1747. A
V. les M.
p. 678.
* V. Hif.
17451 P. 38e
66 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
il refte encore bien d’autres problèmes à réfoudre fur cette
matière. Cette fubftance faline peut être effentielle à Ja chaux,
de telle forte qu'elle lui foit néceflaire pour [à conftituer
chaux; elle peut aufli ne lui être qu'accidentelle, & en ce
cas, la chaux en étant dépouillée autant qu'elle le peut être,
n’en feroit pas moins bonne. Dans le cas où ce {el feroit effen:
tiel à la chaux, on peut demander fi c'eft à lui qu'elle eft
redevable des propriétés falines qu'on lui connoit, ou fr elles
ne font, fuivant le fentiment de Becher & de Stahl, que
Peffet d’une difpofition prochaine à pafler à l'état falin, que
les pierres ont reçüe du feu, en forte qu'elles n’attendent que
le concours de l'eau pour devenir fel; quelle eft la dofe dans
Hiquelle ce fel doit entrer dans la chaux; fi toutes les pierres
en contiennent précilément la quantité néceffaire pour êtré
converties en la meilleure chaux poflible, & fi on ne pourroit
pas en ajoûter à celles qui en manquent; toutes queflions
que M. Macquer a entrepris d'éclaifcir par les expériences
w'il a faites non feulement fur la chaux ordinaire, mais en
core fur le plâtre qui, comme on fait, n'eft autre chofe qu'une
chaux groflière. 1
Les pierres qu'on emploie ordinairement à Paris dans les
bâtimens, font, ou dures, comme celles qu'on tire d'Arcueil,
ou tendres, comme celles qu'on fait venir de Saint-Leu, vit
Jage à quelques lieues de cette ville : des morceaux de l'une
& l’autre pierre ont été expofés à une violente action du feu;
h pierre d'Arcueil a donné une aflez bonne chaux, celle de
Saint Leu n’en a faît qu'une très-mauvaife.
Pour voir ce que pourroient produire différens fels joints
à ces pierres avant la calcination, M: Macquer a mis digérer
des morceaux des pierres d'Arcueil, de Saint-Leu & de pierre
à plâtre, pefant quatre gros chacun, dans de très-fortes diffolu-
tions des acides, vitriolique, nitreux & marin, de fel marin,
de fel detartre alkali, de {el de foude & de borax : des quanti-
tés, pefant aufli quatre gros, de ces trois mêmes pierres, ont été
pulvérifées & détrempées avec ces mêmes diflolutions pour
en former des maflés qui ont été miles féparément dans des
DES SCIENCES. 67
creufets : ces creufets ont été placés dans un fourneau avec
es morceaux des mêmes pierres dont nous venons de parler,
& ces dernières étoient pofées fur des barres dé fer, de façon
qu’elles ne puflent toucher au charbon ni à la cendre, &
qu’elles ne fuffent expolées qu'à action de la flamme. Un feu
clair de menu bois, d’abord très-modéré, a été allumé dans ce
fourneau; enfuite il a été augmenté par degrés & pouffé à la
plus grande violence pendant huit heures, {es pierres paroif-
foient auffi ardentes que la flamme même: alors M. Macquer
a retiré des morceaux de pierres à chaux très-dures qu'il avoit
auffi mis dans le même fourneau fans aucune préparation; &
les ayant trouvés convertis en très-bonne chaux, il a Jaiffé
éteindre le feu & refroidir les matières.
Aucune de ces matières ne s’étoit réduite en chaux : les
ayant mifes dans les acides, aucune de cales qui avoïent été
calcinées avec les fels alkalis & neutres n’en fut fenfiblement
attaquée ; celles au contraire qui avoient été calcinées avec
ces mêmes acides , le furent davantage, fur-tout la pierre à
plâtre qui l'avoit été avec l'acide vitriolique.
M. Macquer fut d'autant plus furpris de ce peu de fuccès
de l'opération , que quand bien même le feu n’auroit pas pû
introduire les fels dans la matière pierreufe, il ne‘paroifloit
pas de raifon pour laquelle ces fels, & fur-tout les alkalis,
auroïent pü l'empêcher de fe convertir en chaux : cependant,
* à force d'y penfer, une circonftance particulière qu'il remar-
qua, la lui fit découvrir. La pierre à plâtre pulvérifée &
combinée avec le fel de foude s’étoit convertie en une efpèce
de caillou blancheätre, très-dur, & demi-tranfparent en quel-
ques endroits. Ce caillou, qui avoit bien l'air d’une demi-
. witrification , lui fit foupçonner que le fel de foude avoit
férvi de fondant à la pierre à plâtre, & F'avoit difpofée à fe
vitrifier; la même chofe pouvoit être arrivée, au moins en
partie, aux autres eflais : or tous les Phyficiens favent qu'à
méfure qu'un corps s'approche de l'état de vitrification, ïl
s’éloïgne de celui de la calcination, ces deux propriétés étant
abfolument incompatibles. js
T'ij
68 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. Macquer penfa que peut-être il avoit donné à fes effais
une trop grande dofe de fels, & qu'en moindre quantité ils
pourroient produire des effets différens : mais, quelques ten-
tatives qu'il ait pü faire & dans quelque proportion qu'il ait
varié la quantité des fels, l'action & la durée du feu, il m'a
jamais pû parvenir à faire de bonne chaux par ce moyen.
L'Auteur de la Nature a probablement donné à chaque pierre
la quantité de fel néceffaire pour fe changer, à l'aide du feu,
en la meilleure chaux qu'elle foit capable de donner.
L'addition des fels et mème fi préjudiciable à la chaux,
que non feulement elle met obftacle à fa formation, mais
qu'elle détruit la chaux déjà formée, Si on met dans un creu-
fet de la meilleure chaux environnée de cendres, & qu'on lui
fafie foûtenir un feu très-vif pendant quelques heures, elle
perd abfolument toutes les qualités de chaux; elle devient
jaune, fe réduit entre les doigts en une poudre impalpable,
& n’excite plus avec l’eau aucune fermentation ni aucune cha-
leur. M. Macquer a opéré les mêmes effets, en expofant à Ja
flamme un morceau de bonne chaux, impregné de leffive de
{el alkali.
Nous n'avons jufques ici parlé que des propriétés qui font
communes à Ja chaux proprement dite & au plâtre : il, eft
temps d'examiner féparement celles qui font propres à cette
dernière efpèce de chaux. Si le plâtre a, comme la chaux, la
propriété de s'éteindre dans l'eau & d'être réduit en une efpèce :
de pâte, & s'il préfente beaucoup de phénomènes chymi-
ques, pareils à ceux qu'elle offre, il en diffère ce pendant en
plufieurs points, il ne s'éteint point avec la même vivacité
que la chaux , à peine produit-il en s’éteignant une chaleur
fenfible, il abforbe beaucoup moins d’eau qu'elle, il attire
& retient l'humidité de l'air bien plus foiblement; mais en
quoi il en diffère plus fenfiblement, c’eft que le plâtre dé-
trempé feul dans l'eau fe sèche aflez promptement & prend
la confiftance d'une pierre tendre, au lieu que la chaux
éteinte eft très-longue à deflécher & devient, étant sèche,
fragile & friable, fans aucune folidité,
HR MDÉE :St MA AT EU NT © ‘F1 60 69
«?, Une feule fuppoñitionque fait M. Macquer, le met à portée
de rendre aifément raifon de toutes ces différences. La pierre
à plâtre n’eft point compolée, felon lui, de parties homogènes
comme la pierre à chaux , mais au contraire de deux fubftan-
ces, dont l’une aifément calcinable eft jointe à une autre qui
_ n’eft point fufceptible de calcination. Cela pofé, rien de plus
facile que d'expliquer les phénomènes dont nous venons de
parler. Onvoit, par exemple, que fi le plâtre s'éteint avec
moins de violence, & donne en s’éteignant moins de chaleur
que la chaux, c'eft que fous un même volume if contient
moins de parties calcinées : fi la chaux acquiert en s’éteignant
une plus grande augmentation de volume quele plâtre, c'eft
que toutes {es parties font pénétrables à l’eau qui s’y infinue, au
lieu que le plâtre n'ayant que la moindre partie de fa fubftance
capable de l’admettre, ne doit auffi éprouver qu'un moindre
gonflement, & par la même raifon il doit aufi exciter dans
l'eau'}un moindre degré de chaleur. La principale différence
quife trouve entre le pltre & la chaux, c'eft-à-dire, la dureté
qu'il acquiert étant détrempé feul, &.le peu de folidité que
conferve la chaux en ce cas, fe déduit auffi facilement que les
phénomènes précédens de fa fuppofition de M. Macquer. On
fait qu'en mélant en proportion-convenable du fable avec la
chaux. éteinte, on en forme un mortier qui fe durcit à l'air :
or la pierre à plâtre compofée en partie d’une fubftance non
calcinable, eft une chaux qui porte fon fable avecelle; il n’eft
donc pas étonnant qu'étantéteinte ellé prenne & s'endurciffe
feule & fans addition de fable étranger. L
On neft jamais plus für en Phyfique d’avoir deviné le
procédé qu'emploie la Nature pour la formation d'un mixte,
que quand. on eft parvenu en quelque forte à la contrefaire :
M. Macquer a voulu s’aflurer par cette voie qu'il ne s'étoit
point trompé; ila pris une partie de-pierre à chaux crüûe, &
Yayant pulvérifée il la mélée dans un creufet avec huit parties
de fable fin , il a eu après fa caicination une efpèce de plâtre
artificiel, qui à la vérité, en fatisfaifant à tous les autres phéno-
mènes qu'offre le plâtre naturel, en différoit en ce qu'il ne
, ; ï ii
7o Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
prenoit pas le même degré de dureté; mais il eft aifé de
voir combien de caufes peuvent produire cette différence : on
pe connoît la nature, ni de la partie calcinable de la pierre à
plâtre, ni de celle qui ne fe calcine point, & moins encorela
proportion dans laquelle elles font mêlées ; il pourroit même
encoré fe trouver une autre caufe jointe à celle dont nous
venons de parler; l'acide vitriolique qui fe manifefte en plus
grande quantité dans la pierre à plâtre que dans celle à chaux,
pourroit, comme nous l'avons vü ci deflus, empêcher plu-
fieurs parties de fe calciner, & leur donner une certaine difpo-
fition à fe vitrifier qui les rapprocheroit de la nature du fable ;
en ce cas, quand bien même la pierre à plâtre ne contiendroit
prefque que des parties calcinables, l'action de l'acide vitrio-
lique en déroberoit toüjours aflez à la violence du feu , pour
qu'on pûttoüjours dire avec vérité, que le plâtreeft une chaux
qui porte fon fable avec elle.
On pourroit peut-être objecter que la fuppofition de l'exif
tence de deux différentes fubflances, calcinable & incalcinable,
dans la pierre à plâtre, eft inutile, & qu'on peut expliquer
ces phénomènes à moins de frais. Le feu qui {ert à calciner
le plâtre, eft bien différent pour la violence & pour la durée,
de celui des fours à chaux : on pourroit donc penfer que,
quoique la pierre à plâtre ne fût compofée que d'une feule
efpèce de parties, il y en auroit toûjours un grand nombre
qui échapperoient à l’aétion de ce feu trop foible pour les
calciner toutes, & qui n'ayant fait que fe dellécher, pour-
roient, étant pulvérifées, tenir lieu de fable.
Une expérience de M. Macquer fournit une réponfe fans
réplique à cette objeétion : fi ce fyflème étoit vrai , ilne fau+
droit que calciner le plâtre plus long-temps & plus vivement
pour en faire de véritable chaux ; mais bien loin qu'on puifle
le rendre plus femblable à la chaux par ce moyen, cette
plus forte calcination lui fait perdre abfolument tout ce qu'il
avoit de commun avec elle ; ainfi, quand on admettroit
qu'il refte dans le plâtre des parties calcinables qui ont échappé
au feu , & qui contribuent à augmenter la dofe du fable qu'il
D'E S SIC TE N CES | 1;
contient, il en faudroit toûjours revenir aux parties de diffé.
rente nature que nous avons fuppolées dans la pierre à plâtre.
H nous refle encore à parler de deux différences bien mar:
quéés qui fe trouvent entre la chaux & le plâtre : ces deux
fubitances préfentent, dans leurs effets, des phénomènes en
quelque forte contraires & oppofés les uns aux autres; le plâtre
prend corps & fe durcit plus vite que le mortier de chaux, mais
Ï n’acquiert jamais la mème dureté que ce dernier; d’un autre
côté, lorfqu'il fe prend & commence à devenir dur, il augmente
fenfiblement de volume, au lieu que le mortiér diminue en
féchant plütôt que d'augmenter.
« Pour apercevoir la raifon du dernier phénomène, il ne
faut que voir la différence qui fe trouve entre la chaux qu'on
emploie à faire le mortier, & le plâtre. Pour faire le mortier
on éimploie de la chaux éteinte qui a pris ou abforbé toute
Veau ‘dont elle pouvoit fe charger, éllé ne peut donc en fé:
chart que pérdie cette humidité étrangère, & diminuer de
volumé ‘au contraire, lorfqu'on gâche le plâtre, fes parties
déchaux qui ne font point étéintes & qui font embarraflées
& mélées parmi fes parties non calcinables, ne s’imbibent
que fucceflivement; pendant que les premières qui ont fait
corps avec le fable naturel du plâtre font déjà durcies , d’autres
reçoivent encore l’eau dans leurs pores, & en fe gonflant font
augmenter fa maffe ; ce gonflement doit durer autant de
temps qu'il en faut pour que toutes les parties calcinées foient
faoulées d'eau, & caufer pendant ce témps une chaleur fen-
fible, c’eft auffr ce qu’on aperçoit.
, Suivant cette théorie, il ne faudroit qu'ajoûter au mortier,
de la chaux vive en poudre, pour le mettre dans le même cas
que le plâtre, & ‘fui donner la propriété de fe gonfler en
prenant. Une expérience fi facile n'a pas été négligée par
M:Macquer, & le fuccès a parfaitement répondu à la théorie.
Cétte explication du renflement du plâtre donne auffi celle
d'un phénomène, que ceux qui emploient le plâtre obfervent
plus fouvent qu'ils ne voudroient : les ouvrages de plâtre qui
ont été faits par un grand froid & expofés àla gelée, n'acquièrens
V. les M.
p.259.
* V. Hif.
H744, p-
2 HisroiRE DE L'ACADÉMIE RoYyALE
aucune folidité. La raifon de cet effet eft aifée à déduire de ce
que nous Veïons de dire; le froid retarde l’extinétion fuc-
cefive des parties calcinées du plâtre, foit en glaçant les par-
ticules d'eau qui les alloient attaquer, foit en détruifant ou
affoibliffant le peu de chaleur qu'elles produifent en.s'éteignant:
il en réfulte néceffairement que les parties qui fe font éteintes
les premières, ont eu le temps de prendre une folidité trop
grande pour fe prêter au gonflement de celles qui viennent à
s'éteindre enfuite. Dans ce cas, la mafle, au lieu de s'étendre,
doit fegercer & s'en alleren morceaux. La mêmechofen’arrive
pas quand l'extinétion eft plus prompte, les parties qui ont fait
corps les premières font encore en étatde prêter & des’étendre,
lorfque les particules fuivantes viennent à s’éteindre, & il
n'en réfulte ni fraéture ni gerçure fenfibles, mais feulement
une infinité de petits vuides caufés par l'écartement des molé-
cules , & c'eft peut-être là, fuivant M. Macquer, la raïfon qui
rendle plâtre moins folide que le mortier de chaux :uneexplica-
tion auffi nette & auffi facile de tous les phénomènes du plâtre,
eft la preuve la plus forte qu'il puifie donner de fon hypothèfe.
SUR LES EAUX MINERALES DE BAREDGE.
D AMEN des propriétés des eaux minérales a toûjours
paru mériter l'attention des Phyficiens : ces fecours ac-
cordés aux hommes par la Nature, feront d'autant plus utiles
que la compofition en fera mieux connue. Nous avons rendu
compte en 1744%*, des obfervations de M. le Monnier Mé-
decin , fur les eaux minérales du Mont d'Or ; nous avons à
parler cetteannée de celles qu'il a faites fur celles de Baredge.
Les bains de Baredge font au bas du village, au pied de Ja
côte méridionale qui forme la vallée du même nom ; la mon-
tagne d’où fortent les fources eft très-haute & couverte de
bois, elle eft formée d'une efpèce de grès à gros grain , & de
quelques veines de marbre blanc vers le bas ; plufieurs fources
y forment quatre bains chauds, mais inégalement : le bain
royal
M
A
D'E s''S'C'rE NC ES 72
royal fait monter le thermomètre de M. de Réaumur juf-
qu'à 40 degrés, les moins chaudes le font élever à 29,
337 & 34 degrés : cette dernière chaleur eft encore 1rès-
füpportable, on peut refter dans ce bain des heures entières
fans en être incommodé; mais l’eau qui a 40 degrés de cha-
leur ne peut être employée qu’à donner la douche, la partie
qui la reçoit devient bien -1Ôt toute rouge, & le corps
du malade mouillé d’une fueur très - abondante.
Lorfqu'on entre dans les filles de ces bains, on fentune
vapeur chaude, plus ou moins épaiffe, fuivant la conftitution
de l'air, & qui répand une odeur de foie de foufre, mais fr
légère & fi modérée qu'on n’en eft nullement incommodé :
cette mème odeur fe fait fentir un peu plus vivement lorfqu'on
approche du nez un verre d’eau nouvellement puifée, fans
cependant être plus defagréable , elle eft feulement femblable
à celle que répand un œuf dur dont on ôte la coque pendant
qu'il eft chaud ; mais fi on iffe refroidir l'eau, fur-tout en
plein air, ou qu'on la fafle bouillir fur le feu, l'odeur difparoit
entièrement.
Le goût de ces eaux eft doux, tirant fur le fade , elles
le confervent bien plus long-temps que leur odeur, & les ma-
lades ont un peu de peine à s y accoûtumer ; elles font douces
au toucher comme la plus parfaite eau de favon, lorfqu'on en
met dans les yeux elles n’excitent aucune cuiflon : M. le Mon-
nier en a verfé dans une coupure qu’il s’étoit faite par hafard,
fans en reffentir la moindre douleur; preuve évidente qu'elles
ne contiennent point de matière âcre, du moins en état d'agir.
Elles font auffi claires & auf tranfparentes que les eaux les
plus pures, on remarque feulement à leur furface une pellicule
très-fine, conime d’une huile légère, qui la couvre.
+ M. le Monnier a mis deuxlivres de ces eaux nouvellement
puifées , dans une bouteille de verre à goulot étroit, & les a
foigneufement examinées fans y apercevoir le moindre figne
d'unefermentation inteftine; il ne s’eft élevé que peu de bulles
d'air à la furface , elles n'ont rien dépofé en fe refroïdiffant ,
pas même lorfqu'on les avoit fait bouillir auparavant.
Hif, 1747. . K
HisTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYyaALeE
Il en arempli un matras de 3 pouces de diamètre, & a ren
verfé le goulot dans une cuvette qui contenoit de l'eau du.
bain le pluschaud, dans la vüe d'examiner la quantité d'air qui
s'en dégageroit : le tout refroidi, il ne s’eft trouvé au haut du
matras-qu'une bulle groffe comme une lentille ; & comme la
même chole eft arrivée à de l’eau commune chauffée au même
degré que celle du bain royal, on en peut conclurre que l’eau de
Baredye ne contient pas plus que l'eau commune de ce prin-
cipe aérien élaflique, qui donne à quelques eaux la propriété
de rompreles vaifleaux dans lefquels elles font contenues.
L'infufion de noix de galle, de ballautes, de thé, de tor-
mentille, &c. ne leur a donné aucune teinture qui puifle y
faire foupçonner rien de martial.
Les eaux nouvellement puifées n'ont apporté aucun chan-
gement au firop violat, ni à la teinture de tournelol; mais con-
centrées, elles ont donné au firop violat une belle couleur d'é-
meraude : aucun acide n’a fermenté avec elles, à moins qu'elles
n'aient été long-temps évaporées , feulement l'huile de vitriol
paroiffoit développer davantage l'odeur de foie de foufre, qui
difparoifioit auffi-tôt ; aucun acide n’en a rien précipité.
L'huile de tartre par défaillance, l'eau de fel de.chaux,
ka folution de fublimé corrofif, & l'efprit volatil de fel am-
moniac, n'ont apporté aucun changement à leur tranfpa-
yence : la folution de fel de Saturne les a rendu feulement.
un peu louches , il s’y eft formé un petit nuage blanc qui s'eft
précipité fans changer de forme.
La difflolution d'argent de coupelle dans l’efprit denitre,
étant mêlée avec ces eaux, a formé auffi un nuage brun, qui,
après s'être épaiffi, eft enfin tombé au fond du vaifleau fous
la forme d'une matière prefque noire, tenace comme de Ja
poix, que M. le Monnier a reconnue pour de l'argent pré-
cipité par le fel, & mêlée d'un peu du pétrole ou bitume
que ces eaux contiennent : cette même matière expolée à
la chaleur fur une lame de coûteau, s’y eft fondue & a
formé un globule de véritable lune cornée, mais un peu dé-
guifée par le bitume,
DES SCIENCES 75
Une lame d'argent plongée dans les eaux nouvellement
puilées, a paflé par différentes nuances & eft devenue noire ;
“mais ce qui eft extrêmement fingulier, c'eft que les deux
dernières expériences ne réuffliflent qu'avec l’eau nouvelle-
ment puifée ; fi on la laiffe refroïdir à l'air , ou qu'on la fafle
bouillir au feu , la Jame d'argent ne fe colore plus, & on
w’obtient point deprécipité : il femble que la chaleurétrangère,
ou le refroïdiffement de l’eau de Baredge, ait comme endormi
prefque toutes fes propriétés.
Nous difons endormi, & non pas détruit, car M. le
Monnier ayant réduit foixante livres de ces eaux à une pinte,
qu'il avoit apportée à Paris pendant les grandes chaleurs de
T'été, dans une bouteille bien bouchée, 1ebouchon fauta au
moindre effort qu'il fit pour l'ôter , & l’eau fe retrouva avec
une très-forte odeur de foie de foufre, & avec la propriété
de noircir la lame d'argent & de précipiter l'argent diffous
par lefprit de nitre. Îl eft vrai que ce précipité ne s'eft
confervé noir dans cette opération que pendant quelques
heures, après quoi il eft devenu auffi blanc que fi l'eau n'eût
contenu que du fel marin. S
Les acides n’ont fermenté que foiblement'avec l'eau con-
centrée, ils n’en ont rien précipité; mais ils ont détruit à
J'inftant fon odeur de foie de foufre.
… Une partie de cette eau concentrée ayant été mile en
évaporation , il a paru , lorfqu'’elle a été réduite à moitié, de
petits flocons qui fe font précipités fous la forme d’une
efpèce de gelée, femblable à du frai de grenouille, & pa-
reille à celle qu'on ramafle à Baredge dans les tuyaux & les
égoûts des bains : cette gelée fe deffèche! aifément & fe
réduit en petits filamens qui ne fermentent. pas avec les
acides , & brülent comme une matière végétale , en répan-
dant cependant une légère odeur de bitume.
Cette efpèce de gelée ayant été ramaflée foigneufement
@& defléchée, M. le Monnier a verfé deflus de l'huile de
vitriol , elle n’a fait aucun effet fur cette matière, & il ne
s'eft point exhalé d’odeur d’efprit de fel; mais pendant toute
K ïÿ
76 HISTOIRE DE L’'ACADÉMIE ROYALE
Vévaporation , l'eau a répandu une forte odeur de feffive.
L'évaporation ayant été continuée, il s’eft formé d’autres
flocons plus épais qui fe font précipités; l’eau verfée par
inclination , il a fait deflécher lentement cette nouvelle réfi-
dence, qui reflembloit alors à de laghaife féchée; elle a fer-
menté avec l'huile de vitriol, & a donné uné odeur d’efprit
de fel, mêlée de celle d'efprit volatil fulfureux : mife fur un
charbon ardent, elle s’eft fondue & noircie fans décrépiter,
elle a répandu une odeur de cuir brülé affez forte.
Enfin , le refte de l'eau ayant été évaporé, il n’a paru fur fa
furface aucune lame faline, elle s’efttroublée, & tout d’un
coup elle a été réduite en confiflince de miel, s'eft gonflée
en fe defféchant, commelle fel de tartre, & a répandu alors
une forte odeur d'urine; cette réfidence peloit quarante-cinq
grains, & a un peu attiré l'humidité de l'air : elle a le goût
de felammoniac mélé de fel marin, avec une grande amer-
tume; elle a donné fur les charbons ardens une odeur de
laine brûlée, une partie s'eft fondue très - promptement,
Jautre s'eft noircie, gonflée, & eft demeurée fous la forme
d’une croûte : l'acide vitriolique a agi bien plus vivement fur
cette matière Que fur les autres réfidences , il en a fait élever
avec une violente ébullition beaucoup de vapeurs d’efprit de
fel, & ce mélange expofé à l'air a attiré beaucoup d'humidité ,
dans laquelle il s'eft criflallifé du fel de Glauber.
Les trois réfidences dont nous venons de parler, ont été
expofées, chacune féparément, à l’aétion de l'acide vitriolique,
pour favoir la proportion dans laquelle elles contenoient de
la terre alkaline, à laquelle, comme on fait, cet acide s’unit
aifément ; la quantité de terre que contenoit chaque réfi-
dence, s’eft trouvée dans le rapport des nombres 3,6, 10;
& M. le Monnier obferve que l'eau de Baredge contient par
livre un grain & deux tiers de matière fixe, difloluble dans
Jacide vitriolique , & qu'il croit être la bafe du fel marin; le
couteau aimanté, promené dans toutes ces réfidences calcinées
avec le charbon pour régénérer le fer qui auroit pû s’y trouver,
nen a enlevé aucune particule de ce métal.
n'UBRE:SLSNCYRE NACrEtS 7
L’analyfe chymique de ces eaux n’étoit pas le feul examen
que M. le Monnier s'étoit propolé de faire, il avoit en vüe
un objet plus important; c'étoit de voir les effets qu'elles
produifent furle corps humain. Quoique leur goût foit, com-
me nous l'avons dit, affez defagréable, cependant elles n’exci-
tent aucune naufée ni aucune pefanteur fur leftomac; bien
loin de là, elles donnent de l'appétit , elles ne purgent point
& pañent par la voie des urines, pas fi facilement cependant
que les eaux minérales qui contiennent des fels ; mais elles fe
déterminent fur-tout très-aifément à pañler par la tranfpira-
tion in{enfible ; elles relâchent & ramollifient les fibres d’une
manière furprenante, & par-là contribuent à entretenir la
liberté des fécrétions. ñ
Pour déterminer l'effet des eaux de Baredge fur la tranf
piration infenfible, M. le Monnier fut obligé d'imaginer un
moyen de fe pefer avec la plus grande exactitude, & fans le
fecours de perfonne : il fit attacher à un excellent fléau de
balance deux lanternes de fapin , dans l’une defquelles il fe
plhaçoit, & chargea l'autre d'un poids égal à la pefanteur
moyenne de fon corps; à cette dernière lanterne étoient
“attachées deux règles parallèles, & fur la muraille oppofée il
ayoit tracé un trait qui répondoit aux deux règles quand tout
étoit en équilibre ; par ce moyen, le moindre mouvement de
1a balance lui étoit aifé à apercevoir. |
…— Muni de cetappareil , il fe baigna pendant vingt jours con-
fécutifs dans l’eau de la fource, qui fait monter le thermo-
mètre de M. de Reaumur à 34 degrés, il y demeuroit à
chaque fois une demi-heure : la chaleur de cette eau ne la
pas fait fuer, la refpiration n’étoit ni plus génée ni plus
-prompte qu'à l'ordinaire, le pouls n’étoit pas plus fréquent,
mais feulement un peu plus fort & plus élevé; le déchet
gaufé par la tranfpiration pendant une demi-heure, a été, en
‘prenant une quantité moyenne, quinze onces & demie, la
tranfpiration naturelle étoit pendant un temps égal d'environ
une demi - once.
À l'égard de {a fource dont la chaleur fait monter le
K iij
V. les M.
P- 59-
p. 287.
78 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
thermomètre de M. de Reaumur à 40 degrés, M. le Mon-
nier a voulu effayer de s’y baigner, maisil n’a pû y refter qu’en-
viron huit minutes; dès la fixième il avoit le vifage couvert
de fueur, & tout le corps rouge & gonflé ; à la feptième
Tagitation devint violente, & les vibrations du pouls fré-
quentes & étendues ; enfin les étourdifiemens vinrent &
l'obligèrent à fe retirer, il a perdu pendant ce court efpace
de temps vingt onces deux gros : il faut prendre un intérêt
bien vit à l'avancement de la Phyfique, pour vouloir s'expofer
à de pareilles expériences.
OBSERVATION CHYMIQUE.
Girard de Villars, Médecin à la Rochelle, & Corref-
. pondant de l'Académie, a mandé à M. de Reaumur
qu'il avoit trouvé moyen de recueillir une quantité confi-
dérable de l'urine d'un gros tigre : cette urine avoit Îa
méme odeur que les mouches cantharides; il en a tiré par
la diflillation un efprit très-fubtil, que l'expérience lui a fait
reconnoître pour excellent dans les fortes attaques de vapeurs
hyftériques. Ce remède mérite d'autant plus l'attention des
Phyficiens, que peut-être il y en a un grand nombre de
femblable efpèce qui font inconnus, & qui n'attendent
qu'une main habile pour fortir de leur état d'inutilité.
Ous renvoyons entièrement aux Mémoires
Les Expériences fur la chaux, par M. du Hamel.
Et le Mémoire de M. le Marquis de Courtivron fur a
néceffité de perfectionner la métallurgie des Forges, pour
diminuer Ja confommation des bois, où l’on donne quel-
ques moyens fort fimples d'employer les mines en roche,
de Bourgogne, aufli utilement que celles en terre de la
mème province.
Be
me sono NC ES 79
re © eee ee + +
e_e ee 0 9 ee + 0 9 0 es ee.
BOTANIQU_E.
ar parut un Ouvrage de M. Guettard, intitulé
Observations fur les plantes. Ce livre étoit originairement
un catalogue des plantes des environs d'Etampes, fait par
M. Delcurain, ayeul maternel de M. Guettard. A cet Ou-
vrage le petit-fils a joint les obfervations, qu'il a faites
lui-même fur les plantes dans les différentes provinces du
royaume qu'il a parcourues : il y a ajoûté les plantes obfer-
vées par le P. Barrellier, qui lui ont été communiquées par
M. de Juflieu ; & les obfervations de M. de Cambrai, Maître
des eaux & forêts d'Orléans, faites aux environs de cette
ville, qu'il a eues de M. du Hamel, entre les mains de qui
elles étoient tombées, & qui les avoit confidérablement aug-
mentées : on peut donc compter d’avoir dans cet Ouvrage
un catalog plantes d'une grande partie du royaume.
L'ordre opte M. Guettard, eft, à peu de chole près,
le mème que celui qu'a donné, dans fes fragmens fur la mé-
thode naturelle, le célèbre M. Linnæus : cet ordre lui a paru
leplus propre à s'ajufler, avec peu de changemens , aux obfer-
vations qu'il avoit faites fur les filets ou glandes des plantes,
& dont nous avons donné une légère idée en MS ee
font les différences entre ces glandes ou poils, qui fervent
à former les fubdivifions des ordres de M. Linnæus dans
TOuvrage de M. Guettard. k
Pour mieux comprendre l'avantage qui peut réfulter de
cet ouvrage, il ne fera peut-être pas inutile de donner ici
une légère idée de ce qu'on appelle /yffême botanique.
La variétédes plantes répandues par toute la terre femble,
au premier coup d'œil, infinie; il faut cependant, fi on veut
pouvoir s'entendre dans la Botanique, lés difcerner par des
noms & des caraétères qui leurfoient propres, former des claf
fes dans lefquelles on range toutes celles qui font femblables:
# Vo. Hifi
17455 P- 53e
80 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
à certains égards, & des fubdivifions de ces clafles qui com=.
prennent celles que des caraélères moins généraux aflemblent.
Ces caraétères ne doivent pas être abfolument arbitraires :
fi on veut que la Nature s'aflujétifle en quelque forte à l'ordre
qu’on établit, il faut que cet ordre foit puifé chez elle-même;
c'eft aux Botaniftes#à déchifrer fes caraétères & à deviner
celui qu'elle s’eft impofé.
Le fyflème de M. de Tournefort confifle à tirer les diftinc-
tions entre les plantes, de la forme de leurs fleurs & de
leurs fruits. Il ne fe trouve qu'un petit nombre de genres
de fleurs, par conféquent l'établifiement des clafles eft peu
nombreux; à la feule infpeétion d'une plante inconnue,
on eft en état de juger par fa fleur à laquelle de ces claffes
elle doit appartenir : peu de jours après, le fruit dont la forme
varie parmi les plantes de la même chafie, en détermine le
genre, & les feuilles, ‘le port de k plante, &c. donnent
l'efpèce ; il eft donc facile de retrouver le nom de la plante
dans les catalogues, fi elle eft connue, ou de l'y infcrire en
fa place, fi elle ne l'étoit pas.
L'ordre qu'a propofé M. Linnæus, diffèr elui de M.
de Tournefort en ce qu'il tire les caraétères diftinétifs des
plantes, principalement du nombre, de la proportion, de la
fituation & de la figure des étamines & piftiles de leur fleur,
& c'eft ce qui l’a engagé à changer quelque chofe dans l'ar-
rangement de M. de Tournefort.
Une plante dont on peut voir feulement la fleur, fe ran-
gera donc comme d'elle-même, dans quelqu'’une des clafles
de M. Linnæus: cet ordre a paru fi avantageux à M. Guet-
tard, qu'il a jugé à propos de le fuivre dans fon ouvrage; ce
n'eft que dans les fubdivifions qu'il emploie fa nouvelle mé-
thode. Au lieu de féparer les plantes fuivant leur figure, leur
port, leurs tiges & leurs feuilles, il emploie l& nature des
différentes glandes dont leurs feuilles font chargées, & des
poils ou filets qui fervent de canaux excrétoires à ces glandes.
Ces organes, auxquels on n'avoit fait jufqu’à préfent que
tsès-peu d'attention, deviennent des caractères diftinétifs &c
inaltérables
"
7
|
|
DES S&IENCES. Sy
inaltérables qui peuvent fervir à établir fûrement les fubdi-
wifions des ordres de plantes.
Ces glandes & çes filets offrent une variété furprenante;
& comme leur figure & leur pofition font toûjours conftantes
dans la même plante, on ne court aucun rifque de les mé-
‘connoître, comme la figure des feuilles & des tiges, qu'une
infinité de circonftances peuvent faire varier de façon à les
rendre tout-à-fait diflemblables.
ILeft vrai que fouvent ces parties caractériftiques échappent
à la vûe, mais on peut toüjours les apercevoir avec une loupe
dequelques lignes de foyer ; & le plaifir de découvrir leur or-
dre, leur couleur & leur figure, eft bien capable de dédomma-
ger un Phyficien de la petite peine qu'il prendra à les chercher.
Les Botaniftes ont coûtume de défigner les plantes par une
phrafe qui en exprime les principaux caractères ; & comme
plufiétrs de ces caractères font relatifs à l’ordre botanique
qu’on adopte, il fuit néceflairement que la phrafe qui défigne
une plante dans un Auteur, eft quelquefois différente de
celle qui eft employée à la défigner dans un autre. Pour
rendre donc fon ouvrage d’une utilité plus générale & plus
étendue, M. Guettard a joint à la phrafe de M. Linnæus,
dont il a fuivi l’ordre, celle de M. de T'ournefort ou de
quelques autres Botaniftes, lorfqu'elles ont paru exprimer
des propriétés de la plante dont il n'étoit point fait men-
tion dans {a première; fouvent même il s’eft vû obligé d’en
-compofer lui-même. Du us
. Ce n'eft au refle ici qu'un effai de fon travail fur cette ma-
. tière: il eft tohjours certain que la méthode qu’il propofe, peut
- fervir utilement à l’arrangement fyftématique des plantes; c'eft
- un moyen de plus pour les diftinguer, & ceux qui s’appli-
“quent à ce genre d'étude, favent qu'on n’en fauroit avoir trop.
NTOus renvoyons entièrement aux Mémoires
Les fecond & troifième Mémoires du même fl. V. les M:
FETE
. Guettard fur les filets, glandes ou poils des plantes. oi ds
A
if. 1747: ce E
V. les M.
p. 665.
V. les M.
p- 489.
@2 HisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
: & o DAS DANS a à
LELESLPFHESESSLESESS
ALGEBRE.
Ous renvoyons entièrement aux Mémoires
L'Ecrit de M. Fontaine fur la réfolution des équations:
PERRERRRRRRRSESEREES
GEO" ME PRE:
SUR UNE MESURE UNIVERSELLE
ET INVARIABLE.
P:: SONNE n'ignore combien Ja diverfité des mefu-
res caufe d'embarras & d'erreurs dans une infinité de
circonflances, & combien il feroit fouhaitable que toutes
les nations vouluffent concourir à en établir une fixe &
invariable ; mais il arrive prefque toûjours que ce qui
feroit le plus utile, n’eft pas ce qui s'exécute le premier ;
divers intérêts particuliers s’oppofent au bien général : quoi
qu'ilen foit, on ne doit pas contefler aux Philofophes la
liberté de propofer les"idées que leur fuggèrent leurs con-
noiflances ; plus exempts que le commun des hommes des
paflions qui ordinairement les divifent, ils font auffi plus
en état de contribuer par leurs travaux au bien général de
la fociété,
C'eft à cetitre que M. de la Condamine a cru devoir
faire part au public du projet qu'il a formé d'établir une
mefure invariable & univerfelle, recherche que feu M. du
Fay avoit commencée dans la dernière année de fa vie, par:
ordre du Miniflère, & qu'il a jugé digne d'être continuée,
La première chofe effentielle à l'exécution de fon deflein,
DES SCIENCES. 83
étoit d'écarter les objections qu'on peut faire, & qu'on a
toûjours faites contre cet établiffement : ces objedtions fe
réduifent à trois : la mefure univerfelle feroit inutile, & même
contraire au bien du commerce ; quand bien même elle feroit
utile, il feroit toüjours extrêmement difficile de l'établir ; &
enfin , il n'eft pas croyable que les différens peuples puiffent
jamais s’accorder fur le choix d’une mefure commune. If eft
queftion de répondre à toutes ces difficultés.
Nous ne nous arréterons point à répondre au reproché
d'inutilité qu'on fait à l'établifiement de la mefure univer-
felle, if ne faut que la plus petite attention pour apercevoir
tous les avantages qui en réfulteroient ; {a feconde partie
de l'objeétion mérite qu'on y fourniffe une répon£e : plu-
fieurs marchands, dit-on, trouvent dans ces différences de
mefures un bénéfice dont ils feroient privés, fi la même
étoit en ufage par-tout; & c’eft ce bénéfice qui anime leur
commerce, & les engage à garnir les foires & les marchés.
Il eft déjà bien certain que es Romains ne penfoient pas
de cette manière; cette nation fi éclairée, qui fe failoit
honneur d'abandonner aux autres peuples la gloire des
fciences & desarts, & ne fe réfervoit que l'importante occu-
pation de gouverner fagement ; cette nation, dis-je, avoit
établi l'uniformité des poids & des mefures dans les vaftes
pays de fa domination, fans que le commerce en eût été
diminué, Cet exemple feul répondroit fuffifamment à l’ob-
jection!, mais M. de la Condamine ne fe contente pas de
la détruire de cette manière, il veut encore prouver que le
_ raïifonnement ne a favorife pas plus que l'expérience. En
effet, que deviendra l'objection , fi ce profit qu’on y donne
pour lame & le mobile d’une grande partie du commerce,
n'eft ni réel ni légitime ? or c’eft ce qu'il eft aïfé de faire
voir. Le commerce fe fait ordinairement, ou de marchand
à marchand, ou de marchand äsparticulier ; dans le premier
cas, efl-il croyable que ceux qui s'appliquent à cette profeffion
aient négligé d’acquerir une connoïflance auffi nécefaire
pour eux que celle des différentes mefures? il n’y a donc
; Li
84 HisTOIRE DE L'ÂCADÉMIE ROYALE
rien à gagner pour les uns ni pour les autres; & fi quel-
u’un d'entr'eux, trop borné pour fe mettre au fait de cette
efpèce de calcul, avoit d'ailleurs toute [a capacité requife
pour fon commerce, ne feroit-il pas fâcheux que fes talens
fuflent rendus par-là inutiles à la fociété ? fi le commerce
fe fait de marchand à particulier, pourquoi donner au pre-
mier un moyen d’abufer de la confiance du dernier? Le
gain du commerce n'eft légitime que quand il eft volon-
taire de part & d’autre; il eft bien certain que profiter de
l'ignorance de celui qui achette pour fui donner moins qu'il
n’a cru acheter, ou pour en recevoir plus qu'il n’a eru ven-
dre, eft commettre une injuflice réelle, & qu'un gain de
cette efpèce n'eft pas exempt de fraude : mais, füt-il légitime
& réel, on devroit toûjours facrifier l'avantage de quelques
particuliers à Futilité publique; & fi on objeétoit que les
marchés en feroient moins garnis, qu’on fe rappelle qu’il y
a, tant en France qu'ailleurs, des pays d’une grande étendue,
qui ne connoiflent qu’un poids & qu'une mefure, & où la
difette n’en eft pas plus commune :la néceffité d'échanger
les denrées qu'on a de trop contre celles dont on manque,
fera toûjours un motif aflez puiflant pour animer le com-
merce, fans avoir recours à cette fraude obfcure, qui ne
peut tourner au profit que d'un petit nombre de gens
méprifables,
La feconde objeétion eft plus forte : nous convenons
qu'il feroit très-difficile d'engager les ouvriers, les gens de
journée, &c. à renonçer tout d’un coup aux mefures dont
ils ont pris l'habitude depuis leur enfance ; d’un autre côté,
une infinité de droits qui fe, perçoivent en nature, font
établis & énoncés dans les titres en mefures du pays; quel
embarras immenfe pour les réformer , & quelles oppofitions
n'y trouveroit-on pas !
Nous commencerons cette réponfe à l'objeétion commé
nous avons fait la précédente, par ufi fait qui la détruit
entièrement, Charlemagne avoit établi dans tous les pays
foümis à fon empire, l'ufage des poids & des mefures
DES SCIENCES 85
romaines. Philippe le Long avoit réfolu Iong-temps après,
de réduire tout dans fon royaume à un feul poids & à une
feule mefure : les obftacles qui empêchèrent l'exécution de
ce projet ne fubfiftent plus ; & à examiner les chofes philo-
fophiquement , il ne devroït pas être beaucoup plus difficile
de changer les mefures dans un royaume, que d'y changer
la valeur de la monnoie; & ce dernier changement éprouve-
t-il Ja moindre difficulté ?
Mais, quand même on voudroit laiffer fubfifter l’objetion
dans toute fa force, on peut faire à la longue ce qu'il ne
feroit quelquefois pas prudent d'entreprendre tout d’un coup:
la nouvelle mefure fe pourroit introduire, fans exclurre d’a-
bord les anciennes: des tarifs de réduction bien clairs &
bien exaéts qu'on feroit diftribuer & afficher, leveroient
toutes les incertitudes; on s’accoütumeroit peu à peu à pré-
férer un ufage plus commode à celui qui left moins, &
infenfiblement on parviendroit au point où l'autorité royale
m'auroit plus qu'à confirmer en quelque forte le jugement
‘du public.
Ce que nous venons de dire pourroit fervir de réponfe à
la troifième objection. Si l'intérêt commun eft capable de
réunir tous les fujets d'un même Prince fur le choix d’une
même mefure, pourquoi ce même intérêt ne réuniroit-il pas
les nations fur le même objet! l'embarras que caufe la variété
des mefures eft prefque également répandu dans les différens
pays du monde; la feule chofe qui pourroit mettre obftacle
à une pareille réunion, feroit l'apparence de recevoir, en
quelque forte , la loi de la nation de laquelle la mefure fe-
roit préférée : cet inconvénient mérite qu'on y fafle atten«
tion; car le Philofophe doit fe prêter, jufqu'à un certain
point, aux opinions mêmes les moins raifonnables. Heu-
reufement la mefure que propofe M. de là Condamine
lève cette difficulté; elle n’eft celle d'aucune nation, il l'a
seçüe directement des mains même de la Nature, & toutes
les nations de l'Univers la peuvent recevoir, fans donney
da moindre atteinte à leurs droits. :
L ï
86 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
On ne fut pas plütôt inftruit par es recherches de Ga
liée, que les vibrations d'un mème pendule étoient toûjours
phyfiquement de la même durée, pourvû que les arcs qu'on
lui faifoit décrire ne fuffent pas trop grands, qu’on crût avoir
trouvé le moyen de fixer une mefure univerfelle; en effet, on
“y: es M.æ trouve par le calcul, & M. de Mairan l'a démontré*, qu'un
l'Acad. 1735, feul centième de ligne, ajoûté à la longueur du pendule qui
P- 1724
bat les fecondes, fuffit, pour le faire retarder d’une feconde
en 24 heures: il étoit donc facile de retrouver toûjours la
même longueur à un centième de ligne près ; & certainement
on ne peut attendre la même précifion d'aucun étalon, quel-
que foin qu'on apporte à e conftruire & à le conferver. La
Société Royale de Londres, M. Moüton, M. Picard, M.
Huygens, propofèrent prefque en même temps fur ce prin-
cipe des projets d'une mefure univerfelle.
On fe trompoit cependant : l'expérience avoit donné cette
mefure pour invariable ; on ofa avancer d'un pas au - delà,
& ce pas fut une erreur : la longueur du pendule n’eft pas la
même dans tous les pays. Les obfervations de M. Richer à
Cayenne, furent les premières qui apprirent qu’il falloit le
raccourcir dans la Zone torride; de pareilles expériences
répétées depuis, tant au nord qu’au fud, & tout récemment par
les Académiciens qui ont travaillé à déterminer la figure de la
Terre, ont confirmé la découverte de M. Richer : enfin il
eft aujourd'hui reconnu de tout le monde, que le pendule
à fecondes eft plus court fous Equateur, & plus long fous
le Cercle polaire, qu'il ne l'eft à Paris.
La mefure tirée de la longueur du pendule, n’eft donc
qu'invariable & non univerfelle, chaque parallèle a un pen-
dule à fecondes d’une différente longueur; & à laquelle de
toutes ces longueurs donner la préférence ? La circonftance
du voyage fait au Pérou pour la mefure de la Terre, a offert
à M. de la Condamine l'occafion d'en conflater une, qu’au-
cune jaloufie nationale ne doit empêcher d'adopter : ila
obfervé, ainfi que M": Godin & Bouguer, la longueur du
pendule fous l'Equateur même, & les mefures des) trois
DES SCIENCES. 87
fAcadémiciens prifes avec différens inftrumens , s'accordent
prefque dans le centième de ligne : M. de la Condamine
a cru devoir en conferver la longueur précife dans le lieu
même, par un monument durable. Il a fait incrufter dans
une table de marbre blanc, épaiffe de cinq pouces, une règle
de bronze un peu plus longue que le pendule, &terminée aux
deux extrémités par des plans circulaires, dont les centres de-
voient être fes extrémités précifes de la mefure du pendule à
Quito. Pour mettre Ja marque de ces deux centres à l’abri de
la rouille & du vert de gris, il a placé au milieu de chacune
des deux plaques circulaires qui terminoient la règle, un clou
d'argent à vis, & au milieu de celui-ci, une aiguille d'or;
le tout ufé & poli à fleur du marbre, préfente à chaque
extrémité un cercle de cuivre, au milieu duquel en eft un
d'argent , & au milieu decelui-ci, un plus petit d'or. C'eft
fur ce dernier métal, qui, comme on fait, eft moins fufcep-
tible d’altération qu'aucun autre, qu'on a marqué avec un
pointeau très-fin , les deux points dont la diftance eft égale
à la mefure du pendule ; & fi on avoit quelque fcrupule
fur la variation qu'y pourroient caufer le chaud & le froid,
il ne faudroit, pour s'en relever, que penfer que ce monu-
ment eft à Quito, où le thermomètre de M. de Reaumur eft
prefque toûjours à 14 ou 1 $ degrés au-deflus de la congéla-
tion, d'où il ne monte & ne defcend guère que de trois degrés.
De plus, fans aller à Quito même confulter le monument,
M. de la Condamine donne le moyen de trouver, avec la plus
grande précifion ; la mefure qu'il y a dépolée, & même la
longueur du vrai pendule équinoxial au niveau de la mer. If
a fait conftruire un pendule à verge d'acier, qui ofcille pen-
dant vingt-quatre heures . il fait par un grand nombre d'ex-
périences, combien d’ofcillatiogs ce pendule fait en un. jour
à Quito, fur la montagne de Pitchincha, au Parà, à Cayenne,
& enfin à Paris, tant en hiver qu’en été. Par la comparaifon
du nombre de vibrations d’un même pendule en différens
lieux pendant un temps égal, il eft aifé de conclurre par le
calcul, de combien le pendule qui bat les fecondes, eft plus
V. les M.
P. 272.
V. les M.
P: 437
88 HrsTOIRE DE L’ÂACADÉMIE ROYALE
long dans un lieu que dans un autre; & il fufhit de ne s'être
pas trompé d'une vibration en vingt-quatre heures, pour
avoir cette différence de longueur, à un centième de ligne
près. Il n'y a donc qu'à convenir une fois pour toutes, de
la longueur abfolue du pendule à fecondes à Paris, fur laquelle
les expériences de M. de Mairan femblent ne rien laiffer à
defirer ; & il ne faudra plus qu'ajoûter à cette quantité trouvée
la quantité en centièmes de ligne, dont le pendule de Paris
excède le pendule équinoxial, pour avoir avec la plus grande
précifion la mefure de celui-ci.
H fe trouve par un heureux hafard, que la Iongueur du
pendule ne diffère que peu de a demi-toife de France.
En introduifant cette mefure dans les inftrumens de Ma-
thématique, on parviendroit peut - être à la faire adopter
aux Ingénieurs & aux Architectes; on pourroit l'appeler
demi-toife phyfique. Les Mathématiciens au moins feroient
à portée de s'en fervir; dans tout pays ils parleroient dé-
formais la mème langue en fait de mefures, & peu à peu
les avantages de celle-ci la feroïent adopter. La réforme des
poids fuivroit de près celle des mefures dont elle dépend.
Dans une affaire de cette nature, ce feroit aux Philofophes
de chaque nation à renoncer les premiers aux préjugés : c'eft
à eux auffi que M. de la Condamine s’adreffe principalement ;
mais, quel que foit le fuccès de fon projet, on ne peut
certainement que louer fon zèle pour le bien public.
Ous renvoyons entièrement aux Mémoires
Celui de M. Camus fur les tangentes des points
communs à plufieurs branches d’une même courbe.
Et l'Ecrit de M. Nicole fur Ia valeur des côtés & efpaces
de la fuite en raifon doublétdes polygones réguliers infcrits
& circonfcrits au cercle,
ue
ASTRONOMIE:
k DES SCIENCE s. 89
A TS
ASTRONOMIE.
SUR L'EQUILIBRE DE LA LUNE
À DANS SON ORBITE,
UELLE que foit la force qui retient les planètes dans
Q leurs orbites, il eft au moins certain qu'elles y font
Parlatement en équilibre, & que cette force ne follicite
nullement {eur globe à changer la pofition qu'il a primiti
vement affectée; c’eft ce que démontre évidemment le pa
rallélifme de l'axe de toutes Jes planètes principales dont nous
connoiflons [a rotation, & cette uniformité de fituation leur
feroit fucceflivement préfenter toutes les parties de leur furface
à un fpectateur placé au centre de leurs orbites, quand même
elles n'auroient aucun mouvement particulier fur leur axe.
* La Luneeft dans un cas bien différent : la même face. de
cette planète eft toûjours tournée vers nous, fans qu’on puifle
y remarquer d'autre variation qu'un léger balancement qu'on
nomme /bration, qui découvre de temps en temps quelque
petite partie de l'hémifphère qui étoit invifible, &cache
au contraire une pareille portion de celui qu'on voit, ordi-
Nairement. À
* Ce phénomène peut être ou réel ou apparent, c'eft-à-dire
qu'il peut arriver que la Lune ait effectivement un tel ba-
ancement, ou que ce changement ne foit que l'effet de
deux mouvemens contraires dont la période n'eft, pas pré-
cifément égale, comme l’avoit fuppofé feu M. Caffini, ou
enfin que cette apparence ne foit dûe qu'à la nature de l'orbite
de Ka Lune qui eft telle, que les perpendiculaires à fa circon-
#érence ne peuvént tendre à un feul point pris.au dedans de
Cette courbe, & bien moins encore s’aflembler à celui de fes
foyers où eft placée la Terre, 1
Hi 1747. | + M
V: les M,
pale
o HisTorrE DE L'ACADÉMIE ROYALE
La difcuffion de ces points & de plufieurs autres articles
importans de l'Aftronomie phyfique lunaire, étoit l’objet
d'un plus grand travail que M. de Müairan avoit entrepris
fur a théorie de cette planète ; mais différentes circonftan-
ces l'ayant empêché d'exécuter cet ouvrage dans toute fon
étendue, il s’eft déterminé à donner au public ce qui en
étoit déjà fait : la rotation de la Lune fur fon axe eft Ja
première queftion qu'il ait entrepris de traiter, & il ren-
voie à un fecond Mémoire ce qui concerne la théorie de {a
libration.
Il doit paroitre affez fingulier aujourd'hui, qu'on ait
pû, & qu'on puifle encore douter, fi la Lune, tourne fur
fon axe ou non :les Aftronomes ont cependant été partagés
fur ce point, & les deux propofitions contradiétoires ont
été foûtenues tour à tour comme vraies, fuivant les différens
points de vüe fous lefquels ce fujet a été confidéré : il eft
donc important de démëler l'équivoque qui peut avoir donné
lieu à cette contrariété de fentimens.
Si on conçoit un corps mü de telle manière, que pen:
dant que fon centre de gravité décrit une ligne droite, ux
de fes diamètres faffe fucceffivement tous les angles poffibles.
avec cette ligne; on dira que ce corps, outre le mouve-
ment de tranflation, a encore un mouvement de rotation
autour d’un axe, c’éft le cas d’une boule qui roule fur le
térrein ‘nous nommons aufli cette efpèce de rotation , rou=
lement; & ce qu'il eft effentiel de remarquer, c'eft que ce
roulement eft abfolument indépendant du mouvement tranf-
latif ou de glffement.
Si on fupprime Îe roulement, alors le corps mü le
long d’une ligne droite, la parcourra de façon que tous
{es points garderont une pofition conftante à fon égard, if
ne fera que glifier fur la ligne, comme fi c'étoit un fil de
fer bien tendu, dans lequel il fût bien enfilé, & un de fes
diamètres quelconque fera toûjours parallèle à Jui-même ,
dans quelque point de la ligne qu'on veuille fuppofer le-
corps ; en un mot, il n'aura aucun mouvement autour
DRE S'USNCUPEINE ETS 92
de lui-même, & ne fera fujet à aucune rotation.
Si nous fuppofons préfentement que {a ligne que le
corps parcourt foit une courbe, ou, pour employer toûjours
la même image, que le fil de fer dans lequel le corps eft
enfilé, devienne une efpèce de cerceau; alors, quoique les
parties de ce corps gardent [a même pofition à f'égard du
fil de fer, il arrivera cependant qu'à chaque inftant un dia-
mètre quelconque de ce corps fera un angle avec la po-
fition immédiatement précédente qu'il avoit ; que lorfque
le corps aura parcouru entièrement le cerceau , chacun de
fes diamètres fe fera fucceflivement trouvé dans toutes les
pofitions poffibles ; & que par conféquent le corps aura
achevé une révolution ‘fur fui- même.
Cette efpèce de révolution eft, comme on voit, bien
différente de celle que nous avons fuppofée d’abord ; celle-
ci étoit indépendante du mouvement tranflatif; cette der-
nière en eft abfolument inféparable : & il eft aifé de voir
que forçant un même diarnètre à être toûjours une tangente
de la courbe , il faut abfolument , fi la courbe eft rentrante,
que lorfque le corps aura achevé de la parcourir, ce dia-
mètre ait fait tous les angles poffibles avec une ligne droite
immobile, & que par conféquent le corps ait tourné fur
lui-même, |
» Mais fi nous Ôtons à ce corps la néceflité d’avoir toûjours le
même de fes diamètres tangent à la courbe, alors rien ne
Fobligeant, comme dans la fuppofition précédente , à changer
à chaque inftant de pofition refpe“tive, il fera fon chemin
le long de la courbe qu’il décrit; de manière que-chacun de
fes diamètres fera toûjours parallèle à lui-même, & ne fubira
aucune rotation dépendante du mouvement tranflatif.
Il y a donc deux efpèces de rotations abfolument diffé-
rentes, que peuvent fubir des corps qu’on fuppofe fe mou-
voir Je long d’une ligne ; la première eft indépendante du
mouvement de tranflation, c’eft celle que nous avons appelée
roulement, & c’eft celle que lon obferve dans les planètes
Principales , qui ayant toûjours feurs axes parallèles à eux-
M ij
92 Histoire DE L'ACADÈMIE ROYALE
mêmes, n’en ont & n'en peuvent avoir d'autre. La fecondé,
né peut avoir lieu que lorfqu'un corps décrit une courbe
rentrante, & que ce même diamètre eft aflujéti à être
tangent à la courbe; c’eft le cas dans lequel fe trouve : la:
Lune, & peut-être tous les faellites.
C'eft donc la différence de ces deux efpèces de rota-
tions, qui a caufé toute la différence de fentimens. Képler.
& ceux qui l'ont fuivi, qui ne connoifloient que k pre-
mière efpèce, c'eft-à-dire, Île roulement, ont conclu de:
ce que la Lune préfentoit toûjours le même hémifphère à:
la Terre, qu'elle n’avoit pas un mouvement femblable au
mouvement diurne de la Terre, & que par conféquent elle
ne tournoit point : la première partie de la conclufion eft.
vraié, mais la feconde eft manifeftement faufle; puifque,
comme nous venons de le voir, tout corps qui parcourt
une courbe rentrante, de façon que le même de fes dia-
mètres foit toüjours tangent à la courbe, tourne réellement
fur fon axe pendant l'efpace de temps qu'il emploie à la
parcourir, quoiqu'on ne lui fuppofe aucune rotation de
roulement.
Mr: Caflini, Newton, & prefque tous les Aflronomes
modernes, ont eu de leur côté raifon de foûtenir que la.
Lune tournoit fur fon axe dans l’efpace d’un mois fynodi-i
que, non d'un mouvement de roulement femblable à celui
de la Terre & des autres planètes principales, mais de {a
rotation de la feconde efpèce, dépendante du mouvement
tranflatif, joint à fa pofition conflante d’un même diamètre:
du corps à l'égard de la courbe parcourue.
IL n'y a donc aucune contradiétion réelle entre les deux
propofitions, puifque Képler n'a refufé à la Lune que la
rôtation de Ja première efpèce, ou femblable à celle de Ja
Terre, & que Mrs Caflini & Newton ne lui ont attribué
que celle de la feconde efpèce, dont Képler n'avoit aucune
Klée,
A l'égard des anciens Aflronomes qui prétendoient ex-
pliquer les inégalités du, mouvement de la Lune par um
SIL DIE S'HÉLICULIEUN.E Eu | 93
épicycle, il n’eft pas difhicile de voir ce qui les avoit en-
gagés à attribuer à cette planète un mouvement de rotation :
obligés, pour préfenter toûjours la même face de la Lune à,
la Terre, de la faire mouvoir dans l'épicycle, de façon,
qu'un de fes diamètres fût continuellement parallè le à lui
même , ils s'étoient aperçû que cette fituation étoit diffé
xente de celle qu'on lui auroit attribuée pour expliquer fa.
même apparence, en ne lui faifant parcourir qu'une fimple
orbite ; & comme ils penfoient que dans ce dernier cas, Îa.
Lune ne tournoit point fur elle-même, ils avoient cru la.
devoir faire tourner dans le premier, qui en eft , en effet.
tout-à fait différent, & par-là , ils étoient parvenus, faute.
de connoître la rotation de la deuxième efpèce , à attribuer.
à la Lune le mouvement fur fon axe dans l’hypothèfe de.
Fépicycle & du _parallélifme de fes diainètres, où en effet.
elle n’en auroit jamais eu, & à le lui refufer dans la fuppo-.
fition d’une fimple orbite, où elle l'a effectivement.
On pourroit peut-être objeéter qu'en admettant fa rotas
tion réelle de tout corps qui parcourt un cercle, ou autre
courbe rentrante, eh gardant toüjours la poftion conftante,
de fes diamètres avec cette courbe, il faut avouer que toutes.
les montagnes, tous les édifices qui font fur la furface de Ja.
. Terre , font une révolution réelle fur eux-mêmes dans l’ef--
pace de vingt-quatre heures. Nous n'avons garde de defa-
vouer cette conféquence; nous dirons plus, non feulement.
ghacun de ces corps, mais même chacune des parties qui.
les. compofent, fubiffent en.vingt-quatre heures une véritable.
rotation, & nous allons tâcher de le faire voir par un
exemple très-fimple. La fleur de lys qu’on voit ordinairement.
au bout de l'aiguille des horloges, eft précifément dans le
cas d'un de ces édifices attachés à la Terre, & l'aiguille
repréfente le rayon du parallèle qui y répond. - Or, non
feulement la fleur de lys, mais chacun de fes points fait:
une révolution réelle autour de lui-même pendant la révo-
lution.de l'aiguille : pour s’en convaincre, qu'on fubftitue à.
da fleur de lys un cercle ou petit cadran, divifé en douze-
M ii
94 Hisroire DE L'ACADÉMIE Royarr
parties, dont les chiffres fe fuivent de droite à gauche, c'eft-
à-dire, que 1 heure foit où on place ordinairement 11
heures, 3 heures où on place 9 heures, & ainfr du refle.
H eft évident que fi on fuppole que le chifre 12 du
petit cadran réponde à {a pointe de l'aiguille, lorfqu'elle
marquera midi, le chiffre 12 du petit cadran fera en haut,
& au fommet de fon cercle; lorfque l'aiguille aura parcouru
un quart de cercle, & marquera 3 heures, le 3 du petit
cadran fe trouvera à fon tour en haut ; en forte que dans
quelque fituation que ce foit, le haut du petit cadran mar-
quera toüûjours la même heure que la pointe de la grande
aiguille marquera fur le grand; d’où il fuit que pendant
une révolution entière de l'aiguille , tous les points du petit
cadran fe feront fucceflivement trouvés en haut, & que
par conféquent il aura fait une révolution fur lui - même:
& comme la même chofe arriveroit à tous ceux qu'on vou-
droit placer fur l'aiguille , il eft évident que tous ces points
font également fujets à la rotation de la deuxième efpèce.
En effet, fi on fuppofe le petit cadran enfilé dans l'aiguille,
de manière qu'il y puifle gliffer, & qu'on le place de façonv
que fon centre concoure avec le pivot de l'aiguille, perfonne
ne doutera qu'il ne tourne fur lui-même ; mais fi on vient
à l'en éloigner tant foit peu, d'où lui viendroit alors la
ceflation de ce mouvement? & fi un petit éloignement
n'anéantit pas ce mouvement de rotation, pourquoi un plus
grand l'anéantiroit - il ? auffi ne f’anéantit-il pas; & la feule
différence qu'il y ait, c'eft que dans le premier cas, l'axe
de la rotation eft immobile, & que dans le fecond il eft
mobile.
Telle eft en général l'idée de la rotation de la Lune, au
moyen de laquelle M. de Mairan Ôte pour jamais toute
léquivoque qui a été ou qui pourroit fe trouver par la
fuite fur cette matière : il eft bien fingulier que dans un :
point qui femble être abfolument du reflort des obferva-
tions , if ait fallu emprunter le fecours de Ja Métaphyfique,
& appeler, pour ainfi dire, les yeux de l'efprit au fecours
de ceux du corps.
|
ni HOME SU SCIE N° EE Se os
pr
N Ous renvoyons entièrement aux Mémoires
L'Obfervation de l'occultation de Regulis par la
Lune, du 23 Mars 1747, par M. le Monnier.
La même, par M. Maraldi.
Les Obfervations aflronomiques faites au collège Ma-
zarin pendant l'année 1747, par le mème.
L'Ecrit de M. 1e Monnier fur la plus grande équation du
centre du Soleil.
L'Obfervation de deux émerfions du premier fatellite de
Jupiter , des 8 & 15 Août 1747, par M. le Monnier,
L'Obfervation de l'éclipfe de Lune, du 25 Février 1747,
par M. le Monnier.
Celle de la même éclipfe , par M. Caffini.
Celle de la même éclipfe, par M's de Thury & Maraldi.
Celle de la même éclipfe, par M. de Fouchy.
£omète obfervée à Zerbft, dans la principauté d’Anhalt.
V. les M.
Ce QU
NS:
« 1326
1307
. 3624.
+ 436%.
+ 459%
P:
P:
Et lEcrit de M. l'Abbé de la Caille, fur la théorie d’une p.
4624.
464
S 60.
V. les M.
b- 644.
96 Histoire DE L'ACADÉMIE RoraALe
10:0:0:0:0:0:0:0:0:9:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0 010: 0:0:00
GÆE-O0:G R À PHIE
Ous renvoyons entièrement aux Mémoires
L'Ecrit de M. le Monnier fur la poñtion de la Con:
ception du Chili.
HYDROGRAPHIE.
SUR UNE NOUVELLE CONSTRUCTION
DYE LL OLGA
oO US ceux qui font même médiocrement verfés dans
Hydrographie, favent que de tous les moyens qui ont
été inventés pour connoître & mefurer la vitefle du fillage
des vaifleaux, celui qui eft le plus généralement & le plus
conflamment pratiqué par les Pilotes, eit l’ufage de l'inf
trument qu'on appelle Lch; cet inflrument eft compofé
d'un morceau de bois attaché à une longue ficelle, on
laiffe tomber ce morceau de bois à la mer, & en fuppo-
fant que l'eau n'ait aucun courant, il devient une efpèce de
oint fixe, duquel fe vaiffeau s'éloigne par fon mouvement :
la ficelle étendue depuis ce point jufqu'au navire mefure le
chemin que le vaifleau a fait pendant l'obfervation , & de la
quantité de ce chemin fait pendant un temps donné, comme
une demi -minute, on tire celui que le navire feroit dans
une heure, ou dans un autre efpace de temps déterminé.
Il fuit évidemment de ce que nous venons de dire, que
J'exactitude de cette opération dépend abfolument de l'im-
mobilité du loch : fi la mer a un courant qui la porte vers
un
SR du 2
re
DES SCIENCES, 97
un certain côté, ou que les vagues excitées par le vent
donnent un mouvement fenfible à la furface, le bois qui
{ert de point fixe, fera emporté; alors au lieu d’avoir la viteffe
abfolue du vaiffeau, on aura feulement l'excès ou le défaut
de cette vitefle fur celle du loch, & lon f trompera en
moins fur la mefure du fillage de tout l’efpace dont le loch aura
été tranfporté, s’il va du même fens que le navire, ou en
lus, s’il va en fens contraire : en un mot, au lieu de la
viefle abfolue du vaifleau, on n’aura que fa vitefle refpective
à l'égard du loch.
! Les mêmes inconvéniens fe rencontrent dans la méthode
de mefurer le fillage par la vitefle avec laquelle le navire
“eft choqué par l’eau, ou fes voiles par le vent : ces impul-
fions ne font jamais que la différence des viteffes du navire
& de 11 mer ou du vent. D'ailleurs, la manière d’eftimer de
cette forte la viteffe avec laquelle fille un navire, n’eft nul-
lement. aufli fimple qu'on fe l'imagine; la figure du navire,
a charge, la manière dont elle y eft arrangée, fa mâture, la
difpofition de fes voiles, & mille autres circonftances doi-
vent influer fur cette détermination, qui devient par - là
d'autant moins füre, qu'on y néglige un plus grand nombre
des élémens qui doivent y entrer.
_ La recherche d’une méthode capable de donner exactement
a mefure du chemin que fait un navire en mer , peut donc
procurer à la navigation un avantage bien effentiel; & c’eft
ce qui a engagé M. Bouguer à tourner fes vües vers cet objet.
La plus grande diffculté qui sy rencontre, eft le défaut
d'un point qu'on puifle regarder comme immobile, &
par rapport auquel on juge de la viteffe & de la direétion
du navire : fi la mer étoit, comme l’eau d’un étang, dans un
parfait repos, le loch ne feroit pas défeétueux ; mais autour
d'un vaifleau qui eft en mer, tout paroït fe mouvoir, rien
n'offre le point fixe dont nous avons befoin; & il eft bien
. certain que fi l'intérieur de la mer étoit agité des mêmes
mouvemens que fa fuperficie, il feroit inutile de l'y chercher ;
ais 1 au contraire l'agitation de la furface de la mer n’eft
Hifl 1747: UN
8 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYALE
plus fenfible à une certaine profondeur, on peut , en chan-
eant la figure du loch, le faire participer à cette immobilité.
C'eft-là précifément l'état dans lequel M. Bouguer penfe
que {trouve la mer; plufieurs raïfons le perfuadent que les
courans ne font fenfibles qu’à une très-médiocre profondeur,
au-delà de laquelle les eaux peuvent être regardées comme
flationnaires : nous allons les parcourir en peu de mots.
Les effets du flux & du reflux doivent être affez fuperficiels
au large; mais au moins ne doivent-ils occafionner qu’une
élévation & un abaiflement des eaux , & jamais un déplace-
ment. Quoique, dans le fyflème de fa gravitation, toute Ja
nafle des eaux foit follicitée à avancer vers le point de la
mer qui répond à la Lune, l'action de cet aftre agiflant
également à la ronde, ne permet pas à la maffe d’eau qu'ellé
foulève de fe déplacer ; l'effort des parties qui font à lorient
s'oppofe à celui des parties qui fe trouvent à l'occident,
& la mafe inférieure demeure immobile ; if n’y a de mou-
vement communiqué qu’à l’efpèce de tumeur qui fe trouve
fous la planète, & cette élévation d'eau n'a au plus que
quelques pieds d'épaifleur.
L’aétion du vent ne doit pas produire des courans plus
profonds, il n’agite d’abord quela furface de l'eau , & le mou-
vement ne fe communique aux couches inférieures que par le
frottement des fupérieures ; par conféquent, il doit fe faire
fentir à une profondeur d'autant plus grande que le vent
continue à fouflier plus fong-temps dans une même direétion :
mais fr, comme c'eft le cas ordinaire, les vents changent
affez fréquemment de direétion , alors l'impreffion qu'ils fe-
ront fur les eaux de la mer, & la vitefle qu'ils leur impri-
meront d'un certain côté, ne feront fenfibles qu’à une mé-
diocre profondeur. Le feul courant équinoétial mérite une
exception , les vents alifés qui le caufent ne ceflent ni ne
varient jamais; il doit donc s'étendre à une plus grande
profondeur que les autres, quoique fon aétion foit bien
ralentie par l'obftacle qu'y apporte la terre qui environne
le golfe de Mexique, où il va néceflairement fe brifer. H
DES LD CCR PIN "CES 99
£ peut faire de même, que dans les détroits qui joignent
deux grands efpaces de mer, le courant s'étende jufqu'au
fond , à caufe de la petitefle du lieu qui refferre les eaux :
il peut même arriver, lorfqu'il n'y a pas d'autre iflue,
qu'il s’y établifle deux courans diférens, l'un au-deflus de
l'autre; celui d'en bas tendant à remplacer ou à vuider l'eau
qu'une caufe fuperficielle a fait fortir ou entrer par le
courant fupérieur.
Il réfulte de ce que nous venons de dire, qu'il peut y
avoir des courans de différentes profondeurs; ceux dont la
diredion eft la plus conftante, feront plus profonds, & ceux
qui doivent leur origine à des cau à variables, feront plus
fuper ficiels. Les premiers ne peuvent apporter aucun obflacle
à fa navigation; les marins connoïflent exactement leur
fituation , {eur force & leur direction; c’eft contre les {e-
conds qu'il faut être le plus en garde, & heureufement
ceux-ci fe prêtent à la reflource i imaginée par M. Bouguer:
les Mae" aflurent qu'à cinquante ou foixante pieds fous
Veau , elle paroît abfolument tranquille, quoique agitation
… foit violente à la furface; enfin la promptitude avec laquelle
£ 15 vagues fe fuccèdent, eft une preuve que les colonnes
27. A qui fe balancent ne font pas longues , puifqu'il y a fi
peu d' intervalle entre leurs ondulations les plus fortes.
re que la mer étoit tranquille à à une nd pro-
ur, & c’eft fur ce principe qu'il a imaginé l'efpèce de
dont nous allons effayer de donner une idée.
da pièce de bois triangulaire qui compofe le Ioch
aire, il fubflitue un cone de bois creux & percé à fa
e, pour laïffer paffer la corde ou ligne dont il eff
ne C'énfité, & à l'extrémité de laquelle eft attaché un
d plomb. Il eft aifé de voir que par cette conftruétion
trouve féparé en deux pièces attachées à Ja
e & dont l'une peut être placée beaucoup au-
1e : c'eft en cela que confifte tout l’avan-
nouvel inftrument. Pendant De le cone de
zoo HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
bois fera foûtenu dans une eau qui aura du mouvement vers
un certain côté, le poids de plomb qu'on peut defcendre à
telle profondeur qu'on voudra, participera à l'immobilité de:
l'eau inférieure dans laquelle il fera plongé ; alors l'inftrument
ne fera ni auffi mobile que le loch ordinaire, ni totalement
immobile : la viteffe du courant qui emporte le cone fupé-
rieur, & qui agit fur lui en raïfon de fa furface, qui lui
donne prife, fera contre-balancée par la réfiftance que le.
plomb éprouve dans l'eau tranquille, qu'il divife d'autant
plus difficilement que fa furface efl plus grande; en forte.
que fi cette furface étoit infinie par rapport à celle du cone.
fupérieur , le loch feroit abfolument immobile : fuppofition,
à la vérité, impoffible, mais que nous n'avons faite que
pour montrer qu'on peut donner à cet inftrument la pro-
priété de ne prendre que telle partie qu'on voudra de Ja
vitefle du courant dans lequel il fera plongé.
Jufque-là le nouveau loch na d'autre avantage fur
l'ancien , que de diminuer l'erreur; ce feroit toüjours beau-
coup : mais on peut en tirer un meilleur parti. Suppofons
pour un moment, qu'on l'ait confhruit de mantèré il ne
prenne que le quart de la vitefle du courant dans lequel
il fera plongé (ce qui arrivera fi la furface du plomb eft
triple de celle du cone de bois}, & que le courant aille du
même fens que le navire; fi on jette en même temps le
nouveau loch & l'ancien à la mer, on trouvera que le nou-
veau donnera la vitefle du navire plus grande que ancien,
mais ni lun ni l'autre ne donneront certainement la véri-
table : pour la conclurre , on fera réflexion que l'ancien loch,
reçoit toute la viteffe du courant, & que le nouveau n’en
prend que le quart; la différence entre la viteffe donnée
par l'un & par autre, eft donc égale aux trois quarts de
celle du courant, & par conféquent on connoîtra aifément.
cette dernière, qui, jointe à la vitefle du vaiffeau déterminée:
par l’ancien loch, donnera fa viteffe abfolue.
Dans la fuppofition que nous venons de faire d'un cou
sant, dont la direction eft la même que celle de 1à route
: <
:DES SCIENCES. TOI
du. vaiffeau , les deux lignes de l’ancien & du nouveau loch
font exactement parallèles entr'elles & à cette route, & la
route elle - même left à la quille du vaifleau : maïs fi la
} direction du courant fait un angle avec celle de la route,
alors les deux lignes ne feront plus parallèles, le nouveau
loch. étant moins entrainé que l'ancien ; fi donc on obferve
par quelque moyen l'angle que font entr'elles les deux lignes,
on aura, en réfolvant deux triangles rectilignes, l’angle de 1a
route avec le courant & avec. la quille du navire, & par
conféquent la quantité dont il le fait dériver.
Toute la théorie de M. Bouguer eft fondée fur ce prin-
cipe, que. le plomb de fon loch eft plongé dans une eau
tranquille & exempte de courant ; mais il doit y avoir,
comme nous l'avons vü, des courans de différentes profon-
deurs : comment donc s'aflurer que le plomb eft defcendu
au deflous de l'eau agitée ? c’eft ce qui fe fait avec la plus.
- grande facilité : on commencera par faire defcendre le plomb
à la profondeur à laquelle on pourra juger que l'eau eft exempte
de courant, & on ferala comparaifon de fa vitefle du navire
déterminée par le nouveau loch, &. de celle que donne
_ Tancien; on defcendra enfuite le plomb plus bas, & on:
_ … recommencera l'opération. Si la différence de vitefle eft la
. même qu'elle l'étoit la première fois, c'efl une marque certaine
… que l'inflrument avoit pris tout le degré d'immobilité dont
- il étoit fufceptible : fr au contraire elle eft plus grande dans La
._ féconde opération, fon fera affuré que dans la première il:
… participoit plus au mouvement que dans la feconde, & on:
recommencera en enfonçant toüjours le plomb jufqu'à ce
»qu'on trouve la même différence par les deux lochs dans deux.
… obfervations fucceflives. Si le peu de profondeur de la mer
| ne
_permettoit pas cette pratique, il n’y auroit qu'à laifler
fer le plomb fur le fond, il jouiroit alors d’une immo--
LA.
u vaifleau. js
… Le Mémoire de M. Bouguer eft terminé par une réflexion:
bien importante fur une caufe d'erreur qui fe trouve dans:
j | N ii
102 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE |
là divifion des lignes de loch ordinaire, & dans la conf-
truétion de lampoullette ou fablier d’une demi-minute, qui
fert à mefüurer la durée de l'opération.
La ligne ou ficelle du loch eft ordinairement divifée en
parties égales, qui font marquées par des nœuds, & il doit
pafier autant de ces divifions pendant une demi-minute que
dure l'opération, que le vaifiéau fait de tiers de lieue par
heure ; il faut donc pour cela, que de même qu'une demi-
minute eft la cent-vingtième partie de l'heure, les intervalles
entre les divifions de la ligne foient auffi la cent-vingtième
partie du tiers de la lieue : or Ia fieue marine eft de 2850
toifes du châtelet de Paris, & par conféquent fon tiers eft de
950; il faut donc prendre la cent-vingtième partie de 9 50
toifes, ou 47 pieds & derni pour l'intervalle entre les nœuds ;
cependant les divifions ordinaires des lignes de Joch font
plus courtes d'environ un huitième, & ïl en réfulteroit
toûjours une mefure plus grande que la véritable, fi on
n'avoit pas altéré prefqu'en même raïfon les fabliers qui
fervent à mefurer le temps de cette opération; par ce moyen
une erreur fe trouve compenfée par une autre : quand on
voudra donc rectifier celle des divifions des lignes , il faudra
bien foigneufement veiller à corriger celle des ampoullettes
ou fabliers, autrement il arriveroit qu'on fe plongeroït dans
l'erreur même qu'on auroit voulu éviter.
DES) CE NICE S$ 103
CATOPTRIQUE.
SUR DES MIROIRS ARDENS
QUI BRUSLENT AlUNE GRANDE DISTANCE,
| eft fingulier que les hommes fi avides du merveilleux
qu'ils l'admettent fouvent contre toute apparence & toute
pofhbilité, fe prêtent au contraire fi difficilement aux faits
hiforiques les mieux conftatés, lorfqu'ils ne ‘rentrent pas
; dans la: fphère très-bornée eee connoiflances, Tel a été
le fort de l'hiftoire des miroirs ardens, avec lefquels Archi-
mède brûla la lotte des Romains devant Syracufe : ce fait
xapporté par plufieurs hiftoriens, cru fans interruption pen-
dant quinze ou feize fiècles ; a été non feulement contefté,
mais même traité uettement de fable dans ces derniers temps.
L'illutre Defcartes a été jufqu'à en nier ouvertement la
pofhbilité, il a été füivi en cela par prefque tous les Phy-
ficiens de'notre temps; & il faut avouer qu'avec les prin-
cipes ordinaires de Dioptrique , Defcartes étoit excufable
de ne pas trouver les miroirs d'Archimède poffbles,
+ Nous pouvons aujourd'hui parler plus pofitivement, &
affurer que l'invention d’Archiimède n’a rien d’ impoffble ;
M. de Buflona entrepris de le prouver, de la feule manière
. querpouvoit être prouvé un fait dont Defcartes avoit nié
la pofübilité, en conftruifant des miroirs capables de pro-
duire le même effet, & il y a parfaitement réuffi; fi cepen-
dant ceux du Mathématicien françois ne furpaffent pas ceux
du Géomètre grec: nous allons tâcher de donner une légère
idée de la route par laquelle il eft arrivé à cette découverte.
IE étoit déjà bien certain que les miroirs ardens ordinaires
étoient infufhfans pour brûler à de très- grandes diflances.,
V. les M,
p: 82.
104 HiIsTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
leur grandeur deviendroit immenfe, & il feroit extréme
ment difficile, pour ne pas dire impofñble , de leur donner
exactement la courbure prefqu'infenfible qu'ils devroient
avoir; mais de plus, il y avoit encore une autre raifon qui
les auroit rendus totalement inutiles, quand on auroit pû
trouver le moyen de les travailler avec la plus grande
exactitude & la plus grande précifion.
On confidère ordinairement des rayons qui viennent
tomber du Soleil fur un miroir ardent, comme phyfique-
ment parallèles ; c'eft fur ce principe que font fondées pref-
que toutes les démonftrations qu'on trouve dans les livres
d'Optique, de l'effet de ces miroirs ; il s'en faut cependant
beaucoup que ce paralléliime n'exifle dans la Nature : ïf
faudroit pour cela que le Soleil n'eût aucun diamètre {en-
fible ; alors, à caufe de fa diflance immenfe, les rayons tom-
bant fur le difque d'un miroir, ne feroient qu'un angle
infenfible, & pourroient être regardés comme parallèles;
mais le diamètre du Soleil occupe dans le ciel un efpace à
peu près d'un demi-degré, les rayons qui partent de fes deux
extrémités tombent donc fur le miroir avec une inclinaifon
d'un demi-degré, par conféquent, au lieu de fe raflembler
au même point après avoir été réflechis, ils iront en s’écar-
tant d’un angle pareil; & c'eft une des raifons pour lefquelles
le foyer d'un miroir un peu grand w’eft pas un point phy-
fique, mais a toüjours une certaine étendue. Tant que le foyer
du miroir n’eft qu’à une médiocre diflance, cet écartement
des rayons eft moindre que la convergence que leur donne
le miroir, & le foyer étant par conféquent beaucoup moin-
dre que fa furface, les rayons y font aflez raflemblés pour
brûler : mais fi on augmentoit la longueur du foyer, alors
l'écartement des rayons devenant plus fenfible, la force du
foyer diminueroit ; de forte que fi on le fuppofoit placé à
telle diflance que le diamètre du miroir ne fût vû de ce
point que fous un angle d'un demi-degré, la convergence
donnée aux rayons par le miroir étant égale à la divergence
caufée par la largeur du diamètre du Soleil, le foyer ne feroit
pas
D! E: SAS ICE NC CES 10%
pas plus d'effet que fi les rayons y avoient été renvoyés par
un miroir plan.
C'eft encore par la même raifon que l'image du foleil
renvoyée par une glace plane, & qui reçûe à une petite
diflance, eft de même figure que la glace, devient en s'éloi-
gnant, de moins en moins femblable à cette glace, & finit
par être parfaitement ronde, quelque figure qu’on donne au
miroir; chaque point phyfique du miroir renvoie une image
entière du foleil, & tous ces difques forment l'image lu-
mineufe : comme ils n'ont tous qu'un diamètre de 32 mi-
nutes , les derniers, ceux qui font réfléchis par les extrémités
de la glace, ne débordent les autres que de peu de chofe
lorfque l'image eft reçûe de près ; mais à mefure qu'on
s'éloigne, ce peu augmente & parvient au point d'abforber
abfolument toute la figure de la glace : il arrive à ces rayons
réfléchis ce qui arrive aux rayons directs du foleil admis
par un trou d'une figure quelconque dans une chambre
obfcure; tant qu'on les reçoit à une diftance moindre
que celle à laquelle le trou paroîtroit fous un angle égal
au diamètre du foleit, ils repréfentent a figure de cette
ouverture plus où moins diftincte, lon qu'ils en font reçûs
plus ou moins près ; mais pañlé cette diftance, ils ne repré-
fentent plus que la figure du foleil.
Toute cette théorie bien entendue, fait voir évidemment
que des miroirs fphériques & d’une feule pièce, n'ont jamais
pü produire l'effet qu'on attribue à ceux dont fe fervit
Archimède; & comme probablement ce grand Mathéma-
ticien avoit fait toutes les réflexions nécefliires far une en-
treprife de cette nature, il eft à croire qu'il avoit employé
une autre méthode, & qu'il s’étoit fervi de miroirs plans;
c'eft aufli le parti qu'a pris M. de Buffon.
Le premier pas à faire dans cette recherche, étoit de
s'aflurer de ce que les miroirs de glace étamée faifoient
perdre de force à la Jumière en la réfléchiffant; nous difons,
les miroirs de glace étamée, parce que les expériences ont
fait voir qu'ils réfléchiffent plus puiffimment la lumière ,
Hiff. 1 747 :
106 HISTOIRE DE L'ÂCADÉMIE ROYALE
que les miroirs de métal les mieux faits & les plus polis:
pour examiner donc leur effet, M. de Buffon fit tomber
dans un endroit obfcur, un trait de la lumière directe du.
Soleil, il reçût enfuite le même trait fur une glace, & le
porta à 4 ou ÿ pieds. On conçoit aifément que la lumière.
avoit été afloiblie par cette réflexion; & en effet, il fallut.
la lumière réfléchie par deux miroirs, pour égaler la viva-
cité de la lumière directe : la réflexion ne fait donc perdre
à la lumière du foleil qu'environ la moitié de fa force, &
cette même lumière réfléchie, peut , fuivant les expériences,
être tranfportée à des diflances très-grandes, comme de
deux ou trois cens pieds, fans en perdre qu'une très - petite:
partie.
Des expériences à peu près femblables furent faites fur
la lumière des bougies : M. de Buffon s'étant placé dans
un lieu obfcur, y fit entrer la lumière d'une bougie allu-
mée dans une chambre voifine, & tenant un livre à la.
main, il fit approcher la bougie jufqu'à ce que la lumière
füt fufhfante pour bien diflinguer les caractères du livre, &
la diftance de ce livre à {a bougie fe trouva de 24 pieds. II
eflaya enfuite de lire le même livre avec la lumière de la
même bougie réfléchie par une glace, & il fallut la rappro-
cher jufqu'à 1 $ pieds; la diminution de la lumière d'une
bougie par la réflexion , eft donc dans le rapport inverfe de
ces nombres, & {a lumière directe de deux bougies doit
éclairer à peu près autant que la lumière réfléchie de cinq. »
La difficulté que pouvoit caufer l'incertitude de la force de-
ha lumière réfléchie à de très-grandes diflances, étant écartée ;.
il y en avoit encore une autre plus grande qui s’élevoit contre
la poffibilité du miroir d'Archimède. Le miroir ardent de-
Y'Académie a un foyer d'environ quatre lignes, & un diamètre
de trois pieds. Pour en conflruire un qui brülât également à
240 pieds, il auroit donc fallu mettre le même rapport entre
les diamètres du foyer & du miroir ; or il eft démontré que
le diamètre du foyer ne peut, à cette diftance, être moindre
que deux pieds : fi donc on cherche le diamètre du miroir,
HE: sh SERRE NÈC'ETS 107
fuivant les règles ordinaires, on le trouvera de 216 pieds,
grandeur énorme qui rend le miroir impoflible, & Defcartes
bien excufable de l'avoir jugé tel.
Il eft vrai que le miroir de l'Académie brüle affez vive-
ment pour fondre l'or ; mais réduit par des zones de papier
qui en couvroient une partie, à la feule grandeur néceflairé
pour enflammer du bois fec, il avoit encore foixante lignes
ou cinq pouces de diamètre: ce qui donne pour le miroir qui
enflammeroit Îe bois à 240 pieds, un diamètre de 30 pieds,
moins grand à la vérité que le premier, mais qui ne rend
guère la conftruétion du miroir plus praticable.
Il eft certain qu'en eftimant la chaleur mathématiquement,
les raifonnemens que nous venons de rapporter, font fans
replique. Les foyers de même longueur doivent avoir une
force proportionnelle aux diamètres des miroirs ; & à égale
intenfité de lumière, un petit foyer doit brûler autant qu'un
grand, & réciproquement un grand foyer ne doit pas
brüler plus qu'un très-petit qui aura même rapport avec le
diamètre de fon miroir : mais la chaleur at-elle été aflujétie
réellement aux loix qu'il a plû aux Géomètres de lui impofer!
& les effets qu'elle produit doivent-ils être toûjours d'accord
avec le calcul qui réfulte de ces principes? c’eft ce que nous
ne pourrions aflurer fans témérité. On n’a que trop d’exem-
ples dans la Phyfique, du peu de fuccès du calcul mathéma-
tique malà propos employé, où on n’auroit dû confulter que
expérience & l’obfervation.
C'étoit en effet le feul parti qui refiât à prendre à M. de
Buffon, & l'expérience décida nettement contre le calcul :
un verre ardent de 32 pouces de diamètre a fon foyer de 8
lignes de largeur à la diftance de fix pieds, & ce foyer fond le
cuivre en moins d'une minute; fuivant le calcul dioptrique,
un verre de 3 2 lignes de diamètre, dont le foyer fera de deux
tiers de ligne, à da diftance de fix pouces, devroit fondre en
même temps le cuivre dans l'étendue de fon foyer : or c'eft
ce qui n'eft jamais arrivé, à peine ce petit foyer pourroit-il:
lui communiquer une médiocre chaleur.
O j
108 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
Pour peu qu'on y veuille faire d'attention, il fera aifé de
trouver la raifon de cette différence ; la chaleur fe commu
nique de proche en proche, & la petite quantité de matière
échauffée par un petit foyer a bien-tôt tran{mis fa fienne aux
parties qui l’environnent : un foyer d’une ligne qu'on fera
tomber fur le milieu d’un écu, partagera fa chaleur à toutes
les parties de cet écu qui n'en fera que très-peu échauffé,
au lieu que fi on fait tomber deflus un foyer d'une égale
intenfité, mais plus grand & qui le couvre entièrement , non
feulement il n'y aura point de chaleur perdue, mais le point
du milieu profitant de celle des autres, fera bien-tôt difpofé
à fe fondre.
Ces expériences ayant donc appris à M. de Buflon que le
miroir qu'il fe propofoit de faire conflruire, pouvoit n'être
pas auffi grand que le calcul fembloit l'exiger, il réfolut d'en
tenter l'exécution, & le fit conftruire tel, à peu près, que
nous allons le décrire,
Il eft compolfé de 168 glaces étamées, chacune de fix
pouces fur huit, éloignées d'environ quatre lignes & portées
fur une monture qui peut fe mouvoir en tout fens : chacune
des glaces a fa monture à part qui lui permet aufli un mou-
vement en tout fens, indépendant de celui des autres & de
celui de toute la machine. Au moyen de ce mouvement,
on peut faire tomber fur le même point, les 168 images, &
brüler à plufeurs diflances. Il y a entre chaque glace un inter-
valle de quatre lignes qui fert non feulement à laiffer de Ia
liberté à ce mouvement, mais encore à donner à celui qui
opère , le moyen de voir l'endroit où il conduit les images
Il faut environ une demi-heure pour faire coincider les
images au même point; alors le miroir eft monté pour cette
diflance , & l’ufage en eft aufli prompt que celui des autres
miroirs; mais il a fur eux l'avantage de brüler en haut, en bas
& horizontalement. Si on veut porter le foyer à une autre
diflance , il n'y a qu'à répéter la même opération, & une
autre demi-heure fuffit pour cela.
U y a un grand choix à faire dans les glaces dont on fe fert::
DE S4 HS CNT EN c ES roy
on doit rejeter toutes celles qui ne donnent pas une image
ronde & bien terminée; elles ne feroient que troubler l'aétion
des autres. Malheureufement celles-ci font le plus grand nom-
bre; & les 168 glaces du miroir de M. de Buffon ont été
choifies entre plus de $00. Voici préfentement le réfultat des
expériences.
Une planche de hêtre goudronnée a été allumée à 66 pieds
de diftance avec 40: glaces feulement , & quoique le miroir
qui n'étoit pas encore’ monté fur fon pied, fût dans une
fituation peu avantageufe.
. Avec 98 glaces on a mis le feu à une planche goudronnée
& foufrée, placée à 1 26 pieds de diftance.
On a produit une légère inflammation fur une planche
couverte de laine hachée, mife à 138 pieds de diftance, en
“employant r12 glaces, & quoique le foleil ne fût pas
bien net.
Le foleil étant fort pâle & couvert de vapeurs, on à
fait fumer avec 154 glaces, une planche goudronnée, à
50 pieds de diflance, & il y a tout lieu de penfer qu'elle
fe feroit enflammée, fi le foleil n’avoit pas difparu.
Par un foleil encore plus foible on a enflammé en une
minute & demie, à la même diftance, & avec le même
nombre de glaces, des copeaux de fapin foufrés & mélés de
charbon.
Le foleil étant plus net, on + très-promptement embrafé
à la même diftance, une planche de fapin goudronnée,
avec 128 glaces feulement, & le feu a pris dans toute
Yétendue du foyer, qui avoit environ 1 6 pouces de diamètre
à cette diflance; on a enfuite porté le feu à la même dif
tance, fur une planche de hêtre goudronnée en. partie, &
ouverte de laine hachée en quelquesendroits, l'inflamma-
tion a commencé par les endroits de la planche qui étoient
découverts ; on avoit employé 148 glaces, &. le feu étoit
f violent, qu'il a fallu plonger la planche dans l'eau pour
Téteindre.
Enfin, le foyer-ayant été raccourci jufqu’à la diftance de:
ïij.
110 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
20 pieds, avec 12 glaces on a enflammé des matières aifé-
ment combuftibles ; avec 21, on a mis le feu à une planche
de hêtre qui avoit déjà été brûlée en partie; avec 45 , on
a fondu un flacon d'étain qui pefoit 6 livres; avec 117,
on a fondu des morceaux d'argent minces, & rougi une
plaque de tôle, & il y a lieu de croire que fi on employoït
toutes les glaces du miroir, on fondroit les métaux à $0
pieds aufli aifément qu'à 20 ; & comme le foyer du miroir
eft à cette diftance de 6 à 7 pouces, on pourra faire par
fon moyen, des épreuves en grand fur les métaux, ce qu'il
n'étoit pas poffble de faire avec les miroirs ordinaires, dont
le foyer eft cent fois plus petit.
Les expériences que nous venons de rapporter ont été
faites par un foleil de printemps & très-foible : fi donc on
a pû dans cette circonftance brüler à 1 $0 pieds, il y a tout
lieu de croire que par un foleil d'été bien net, on brü-
leroit à 200 pieds, & qu'avec trois miroirs femblables, on
porteroit le feu à 400 pieds, & peut-être plus loin.
H ne faut cependant pas s’imaginer qu'on puifle brüler
par ce moyen à telle diftance qu'on le voudra, tout a des
bornes dans la Nature; pour brûler feulement à une demi-
lieue, il faudroit un miroir deux mille fois plus grand que
celui qu'on a employé : on fent aflez qu'il feroit ridicule
d’en entreprendre l'exécution ; aufi M. de Buffon croit - il
qu'on ne pourra guère porter le foyer d'un miroir de cette
efpèce au-delà de 8 à 900 pieds tout au plus. |
Cette découverte procure plufieurs avantages à la Phyfi-
que & aux Arts : indépendamment de l'avantage qu'ont les
nouveaux miroirs, de brüler en bas, au lieu que les mi-
roirs ordinaires portent toüjours la pointe du cone brülant
en haut, ce qui rend l'opération de foûtenir les matières
qu'on veut y expofer, très - difhcile , ils ont encore celui
de donner tel degré de chaleur qu'on voudra; fi on reçoit
fur un miroir concave d'un pied quarré de furface, la
réflexion de 154 glaces du nouveau miroir, la chaleur
de fon foyer fera douze fois plus grande que celle qu'il
DES SCIENCES 117
produiroit naturellement ; on fent affez combien cet énorme
degré de feu, jufqu’à préfent inconnu, doit procurer d’avan-
tages dans de certaines occafions.
En faifant tomber les images l'une après l’autre fur un
thermomètre, ou fur une machine de dilatation , l'on aura
le rapport des expanfons de la liqueur, ou de l’alongement
de la verge, avec des quantités égales de lumière fuccefi-
vement ajoûtées, & on connoîtra les matières dont les effets
approchent le plus d’être proportionnels à ces quantités, &
qui par conféquent doivent être employées par préférence à.
la mefure des augmentations de chaleur. ;
Enfin, on faura par ce moyen, au jufle & avec précifion,
combien de fois il faut la chaleur du foleil pour brûler,
fondre ou calciner certaines matières, ce que l’on n'avoit
pü eflimer jufqu'ici que d'une manière très- vague, & on
pourra connoître exactement le rapport de nos feux avec
celui du foleil.
Ce que M. de Buffon a exécuté en grand, pour brûler
avec force à une grande diftance, fe peut exécuter en petit ;
on peut , avec de médiocres morceaux de glace étamée , faire:
de petits miroirs qui brüleront avec force à une petite dif
tance, on peut rendre leurs foyers variables, & fi on veut.
m'avoir befoin que d’un feul mouvement pour en ajufter le
foyer, on n'aura qu'à.les faire porter par une monture à
peu près femblabie aux parafols : il eft vrai que M. de
Buffon croit avoir trouvé quelque chofe de plus fimple &
de plus commode pour la conftruétion de ces miroirs ; mais
il réferve pour un autre Mémoire cet article, ainfi que plu-’
fieurs idées qu'il a fur les verres qui brûlent par réfraction.
Lorfque M. de Buffon entreprit de travailler à ces miroirs.
ilignoroit le détail, qui lui a été depuis communiqué par M.
Melot, de l’Académie Royale des Belles-Lettres, & fun des
Gardes de la Bibliothèque du Roi, de ce que les anciens avoient
écrit fur ceux dont Archimède s’étoit fervi : les deux Auteurs
qui en ontparlé le plus clairement, font Zonaras & Tzetzès ,
qui vivoient tous deux dans le douzième fiècle; le pañlage du
YVey. Mém.
Ww726,p. 165$.
112 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
premier n'étoit pas fort propre à éclairer fur la conftruétion
des miroirs d’Archimède; il aflure feulement le fait, & le
même Auteur dit dans un autre endroit, que fous l'empire
d'Anaftale, Jan s 14 de Jefus-Chrift, Proclus brüla avec
des miroirs d’airain la flotte de Vitalien qui affiégeoit Conf
tantinople, & il ajoûte que cette invention étoit ancienne,
& que Dion donnoit l'honneur de cette découverte à Ar-
chimède, qui s'en étoit fervi contre les Romains au fiège
de Syracufe.
Tzetzès entre dans un plus grand détail, & la defcription
qu'il donne du- miroir dont s'étoit fervi Archimède, fait
voir que les réflexions de M. de Buffon l'avoient mis pré-
cifément dans la même route que ce célèbre Mathématicien :
cet inftrument étoit, felon lui, compofé d’un miroir hexa-
gone, qui apparemment en occupoit le milieu, & qui étoit
entouré d'autres plus petits, de 24 côtés chacun, qu'on
pouvoit mouvoir à l’aide de leurs charnières & de certaines
lames de métal; ce miroir fut expolé au foleil, de façon
que les rayons de cet aftre qu’il recevoit venant à fe brifer,
allumèrent un grand feu qui réduifit en cendres les vaiffeaux
des Romains, quoiqu'ils fuflent éloignés de la portée d'un
trait : on fait que la portée du trait n’étoit guère que de
150 ou 200 pieds; & le paflage de Tzetzès donne l'idée
d'un miroir ardent compofé de miroirs plans, mobile fur
des charnières & avec des reflorts; peut - on à ce portrait
méconnoitre le miroir de M. de Buflon, & peut-on ne
pas voir qu’il a produit au moins les mêmes effets que celui
d'Archimède ?
Entre les modernes, Kirker a écrit qu'Archimède avoit
pü brûler à une grande diftance avec des miroirs plans,
l'expérience lui ayant appris qu’en réuniffant de cette façon
les images du foleil , on produifoit une chaleur confidérable
au point où on les raffembloit.
Mais celui de tous les modernes qui paroït avoir été le
plus près de cette découverte, eft feu M. du Fay; cet Aca-
démicien dit dans un Mémoire imprimé en 1726 *, que
nant bros “et 2 À à
$
4
L
;
#3;
DE (9 SAC IEIMN GŒUSSe Il 11e
l'image du foleil renvoyée à plus de 600 pieds par un mé-
roir plan, & reçüe fur un miroir concave de 17 pouces
de diamètre, bruüloit encore des matières combuftibles au
foyer de ce dernier; il ajoûte que quélques Auteurs ont
propolé de former un miroir d'un très-fong foyer, avec un
grand nombre de petits miroirs plans, que plufieurs per-
fonnes tiendroient à la main, & dirigeroient de façon .que
“les images du foleil qu'ils renvoyeroiïent, concouruffent au
même point, & que ce feroit peut-être la façon de réufhr,
la plus füre & la moins difficile à exécuter : après ce qu'il
avoit fait, quelques réflexions & un calcul facile auroient pà
le conduire à la découverte des miroirs d'Archimède, qu’il
traite cependant de fable un peu plus haut; il n’avoit plus
qu'un pas à faire, & il ne l’a pas fait : fouvent nous cherchons
avec bien des foins & de la peine, des vérités & des décou-
vertes qui nous échappent, pendant que nous en manquons
d’autres que nous avions, pour ainfi dire, dans les mains,
fans nous en apercevoir.
SUR UNE
MANIERE D'EMPLOYER LES MIROIRS ARDENS
aux mêmes ufages, à aufi. commodément que les.
verres convexes qui brulent par réfraction.
NN fait depuis long temps que les miroirs de métal
| concaves étant expofés au foleil, raffemblent à leur
foyer les rayons de cet aftre en aflez grande quantité pour
fondre en peu de temps tous les métaux qu’on y expofe; mais
la fiuation à peu près perpendiculaire aux rayons du foleif,
qu'on eft obligé de leur donner ,. fait qu'ils portent nécef-
fairement leur foyer en haut, & qu'il eft néceffaire que le
métal foit comme fufpendu à ce foyer qui l'attaque par
deffous, ce qui ne permet pas de le tenir long - temps en
fufon, parce que ne pouvant être contenu dans quelque
xafe , il tombe à terre dans fe moment qu'il fe. fond.
- if. 1747: | bad à Fes
à
V. les M,
p.2f:
114 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoyazeE
. Cette difficulté avoit engagé à employer par préférence dans
des expériences chymiques ; de 1rès-grands verres CONVEXxES,
qui brülent par réfraction, & dont le foyer tombe de haut
en bas fur ces métaux, ce qui donne le moyen de les tenir
en fufion auffi long -temps qu'on le juge à propos dans les
vaifleaux où ils font contenus. Mais ces verres ardens font
Æxtrémement rares, & d'un prix extraordinaire, par la diffi-
éulté de les avoir parfaits, tant du côté de la matière, que de
celui du travail; c'eft ce qui a engagé M. Caffini à chercher
le moyen d'employer aux mêmes ufages les miroirs ardens
concaves, en leur conférvant la même aétivité, ou en leur
en donnant même une plus grande.
Le moyen le plus fimple qui fe préfente pour opérer ce
renvérfement du foyer, eft de recevoir fur un miroir plan
les rayons réfléchis par le miroir ardent, quelques pouces en
decà de leur réunion ; alors la pointe du cone que forment
ces rayons, fe trouvera tournée en bas entre les deux miroirs,
& on pourra fe fervir de ce foyer auffi commodément que
de celui d’un verre qui brüleroit par réfraction.
L'inconvénient de cette méthode fi fimple, eft que ce
foyer n'aura pas la même force qu'aureit eu le foyer du
grand miroir fans cette feconde réflexion, non feulement à
caufe des rayons qu'elle abforbe néceffairement, mais en-
core parce que le petit miroir intercepte une partie des
rayons qui viennent au grand, & précifément la partie Ja
plus effentielle, c'eft-à- dire, les rayons les plus voifins de
l'axe, qui font ceux qui fe réuniffent le plus exaétement; fi
le grand miroir a 3 pieds de diamètre, & le petit 6 pouces,
il y aura fa trente-fixième partie du grand miroir qui fera
privée des rayons du foleil, & qui demeurera fans action.
eft donc à cet inconvénient qu'il s’agit de remédier,
en augmentant, s’il eft poffble, la force du foyer plus que
l'interpofition du petit miroir ne la diminue, & M. Caffini
propofe pour cela plufieurs moyens.
Le premier eft de fubftituer au miroir plan un petit mi-
_roir fphérique : tous les Mathématiciens favent que le foyer
DES :S CIE NC ENS 115$
d'un miroir fphérique n’eft pas un point, c’eft une efpèce
de tuyau lumineux qui a une certaine longueur, & qui ef
d'autant plus long, que le miroir eft d'un plus grand foyer;
recevant les rayons par un fecond miroir fphérique d’un
foyer plus court, on réunit ces rayons dans un plus petit
efpace, & on peut par ce moyen augmenter quatre fois le
degré de chaleur qu'ils peuvent donner, ce qui peut com-
penfer avec avantage la perte que le petit miroir occafionne.
Un fecond moyen feroit de faire le grand miroir de
figure parabolique; alors fon foyer feroit réellement un
point , & le miroir plan feroit fufffant pour le rabattre &
porter en bas; mais on auroit encore un plus grand avan-
tage en fe fervant d'un petit miroir, dont la figure fût
hyperbolique , & telle que le foyer de lhyperbole oppofée
füt le même que celui du grand miroir parabolique; mais
la conftruétion de ce grand miroir deviendroit très-diffcile,
& peut-être impraticable ; & M. Caffini a cherché le moyen
de fe fervir d'un miroir fphérique, en lui confervant les
mêmes avantages qu'au parabolique.
Dans cette vüe il propole d'employer pour Îa courbure
du petit miroir, non une feule hyperbole, mais un affem-
blage de plufieurs zones hyperboliques, ayant toutes un
foyer commun, & telles que tous les rayons parallèles à l’axe
commun au petit & au grand miroir, qui s'y réfléchiront,
iront fe réunir fort près de ce foyer cemmun; on évitera
par ce moyen la dépenfe & l'embarras que de grands mi-
roirs paraboliques occafionneroïent néceflairement, & il ne
s'agira que de travailler les petits miroirs fuivant la cour:
bure que nous venons de décrire, ce qui ne doit pas être
fort difficile. |
La courbure que M. Caflini propofe de donner aux petits
miroirs, eft encore avantageufe en un aufre point : tous les
rayons qui nous viennent du foleil ne font point parallèles, ils
font entr'eux, comme nous l'avons dit en parlant du Mémoire
de M. de Buffon , des angles différens, dont le plus grand
eft égal au diamètre apparent du foleil , & par conféquent
Pij
116 HisTOIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE
au lieu de fuppofer le foyer d’un miroir compolé de rayons
réunis, il faut le concevoir comme formé d’autant de cones
lumineux qu'il y a de points réfléchiflans fur le miroir’;
Ja pointe de ces cones eft à la furface du miroir, & leurs
bafes fe confondent au foyer, qui par ce moyen acquiert
une largeur confidérable , & perd de fa force dans la
même proportion : d'ailleurs, dans le cas d’un miroir
fphérique, toutes ces bafes ne fe raflemblent pas dans
le même efpace , nouvelle diminution de force pour le
foyer; on voit aifément que celle qui naît de la divergence
des rayons, caufée par la largeur du diamètre du foleil,
ne peut être corrigée par aucun moyen; mais celle qui
n’a pour caufe que le déplacement des bafes que le miroir
fphérique ne fait pas coincider exactement, eft abfolument
corrigée par la forme que M. Caflini donne à fon petit
miroir, tous les cones porteront au foyer de ce dernier
leurs bafes dans le même efpace, & ce foyer fera Le plus
exact qu’il foit poflible.
Une autre objection qu'on pourroit faire contre la mé-
thode de M. Caffini, feroit que le vafe qui contient les
matières en fufion, devant être placé entre les deux miroirs,
il interceptera nécefflairement plufieurs des rayons de lu-
mière qui vont du grand au petit, & diminuera d'autant la
force du foyer de ce dernier; maïs cette objection s’évanouira
d'elle-même fi on fait attention que ce vale fe trouve placé
précifément dans l’efpace que le petit miroir couvre & prive
de rayons, il ne nuira donc en aucune manière; on peut
placer au foyer d’un miroir detrois pieds de diamètre, réflé-
chi fuivant cette méthode, un creufet de 1 3 lignes delarge,
fans intercepter le moindre rayon : on pourra donc défor-
mais très-facilement multiplier les inftrumens capables d’ap-
pliquer le feu du foleil aux opérations chymiques, les miroirs
de métal n'étant ni fi rares, ni fi chers, ni fi difficiles à
travailler que les verres ardens qui pourroient produire
les mêmes effets. I y a lieu d’efpérer que la Phyfique & la
Chymie en tireront de nouveaux avantages : en facilitant les
DES SciENCcES, BA
moÿens d'obferver, il eft prefqu'impoffble qu'il n'arrive que
les obfervations devenues plus fréquentes, ne conduifent
auffi plus fréquemment à de nouvelles découvertes.
SUR L'A
COMPARAISON DE L'EFFET DES MIROIRS PLANS
. ET
DES MIROIRS SPHERIQUES.
Tous avons expliqué, en parlant du miroir inventé par
N M. de Buffon, la théorie de la réflexion du foleil par
dés miroirs plans, & nous avons dit qu’à des diftances confi-
dérables , l'effet du foyer d’un miroir concave, pouvoit n'être
qu'un peu plus grand que celui de l’image du foleil réflé-
chie par un miroir plan de même diamètre. C’eft en fuivant
cette théorie que M. le Marquis de Courtivron entreprend
de comparer exactement, & par un calcul rigoureux, l'effet
d'un miroir ardent compolé de miroirs plans, & celui d’un
miroir qui feroit parfaitement fphérique, c’eft - à- dire , de
trouver la quantité de lumière que chaque miroir plan ren-
voie fur la même étendue qu'occuperoit le foyer du miroir
fphérique porté à la même diftance.
- Pour fe former une idée de la manière dont il exécute
fon deffein, qu'on s’imagine un plan perpendiculaire au rayon
qui part du centre du foleil, & dans lequel on ait fait une
ouverture circulaire; il eft évident que fi de tous les points
du bord du foleil on imagine des rayons qui viennent
rafer les bords de l'ouverture circulaire, on aura un cone
lumineux qui comprendra l'efpace éclairé par tout le dif-
.que du foleil : en quelqu'endroit de ce cone que l'œil
foit placé, il apercevra toûjours par l'ouverture le difque
entier; maïs pour peu qu’il en forte, les bords de l'ouverture
lui en cacheront une partie, le cercle qui la termine fera
ou excentrique ou inégal à celui qui borne le difque du
foleil, & Kœil ne fera éclairé dans ce point, que de 1
P ij
V.les M.
P: 449:
118 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE RorALE
partie commune aux deux cercles ; partie qui deviendra d'au-
tant moindre, qu'on s'éloignera plus du cone de lumière, &
qui peut devenir abfolument nulle, fi l'œil s'écarte fuffi{am-
ment de l'axe du cone, car pour lors il napercevra plus
aucune lumière. ;
Pour peu qu'on veuille réfléchir fur ce que nous venons
de dire, on verra aifément que comme il y a à chaque dif-
tance du cone lumineux dont nous avons parlé} une cou-
ronne de points qui en font également éloignés , il y a auffi
un efpace circulaire qui ne reçoit que la même intenfité de
lumière, & que ces couronnes fe fuccédant les unes aux au-
tres, formeront, ft on coupe ce cone par un plan, une
bande circulaire inégalement lumineufe qui environnera
l'image claire, formée par la feétion du cone, & qui fera la
pénombre caufée par le diamètre du foleil.
Si préfentement on conçoit l'ouverture circulaire fermée
par un miroir plan de même figure & de mème grandeur,
les mêmes phénomènes dont nous venons de parler, fe re-
trouveront encore ; la feule différence fera que le cone lu-
mineux & la pénombre qui laccompagnoit, ne fe trouve-
ront plus au delà du plan, mais au contraire en deçà ; Ja
pointe du cone réfléchi par le miroir, fera tournée vers le
foleil, mais il n'en fera pas moins entouré de fa pénombre,
& donnera fur le plan par lequel il fera coupé, les mêmes
apparences que le cone direét : il n’y aura donc rien à chan-
ger à toute la théorie que nous venons d'expliquer , & pour
avoir la quantité de lumière renvoyée fur un plan, il fera
toûjours queflion de calculer ce qu'en reçoivent les cou-
ronnes lumineufes qu'il admet, & par conféquent l'étendue
de la partie du foleil qui les éclaire. On voit bien que chaque
couronne étant infiniment peu différente en lumière de
celle qui la précède & de celle qui a fuit, cette détermi-
nation ne fe peut faire que par le fecours de la Géométrie de
FInfini.
La quantité desfumière que donne un miroir concave à
fon Fsyer, eft plus aifée à trouver, chaque point de fa furface
ME; SSI CNE NUCHEIS 11
y renvoie non un rayon, mais un cone dont F'angle eft égal
‘au diamètre apparent du foleil; de là il réfulte que le foyer
n'eft pas un point, mais un cercle qui a pour diamètre {a
corde du diamètre du foleil, en fuppofant pour rayon la
diftance du miroir à fon foyer : il en réfulte encore que ce
même foyer recevant autant de difques lumineux qu'il y a
de points réfléchiffans dans la furface du miroir, il faut, pour
avoir l'intenfité de la lumière qui s’y trouve, multiplier
l'image par tous les points réfléchiflans du miroir, c'eft-à-
dire, par fa furface.
Un plan quelconque étant donc donné, fur lequel on
fafle tomber le foyer d’un miroir concave, & par confé-
quent la diftance de ce foyer au miroir étant connue, on
trouvera à l’inftant le degré de lumière qui y fera renvoyé;
& en fuppofant à la place du miroir eoncave un miroir plan
du même diamètre, on verra par le calcul dont nous avons
expolé les principaux élémens, quelle fera la quantité de
lumière qui tombera fur l'efpace qu'occupoit le foyer du
miroir concave; par conféquent on pourra comparer l'effet *
des deux miroirs, & voir combien il faudroit faire coincider
de pareilles images, pour égaler la force du foyer du miroir
concave.
- En füuivant cette méthode, M. de Courtivron trouve que
l lumière renvoyée par un miroir plan d’un pied de diamètre
à 50 pieds de diftance, eft à celle qu'un miroir concave de
même diamètre & de 50 pieds de foyer renvoyeroit à ce
foyer, comme 1 84 eft à 3 14, & que par conféquent, à cette
diftance, deux glaces planes donneroient plus de lumière
que le foyer d'un miroir concave; à 100 pieds de diftance,
les effets des deux miroirs feroient entr'eux comme 248
eft à 314; à 150 pieds, ils feroient comme 267 eft à
314: en un mot, à mefure que le foyer devient plus long,
le miroir concave produit un effet moindre, & qui fe rap-
proche de plus tn plus de celui que donne une glace plane
circulaire de même diamètre, par conféquent il y a un point.
120 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYALE
où les effets doivent à la fin devenir égaux. Ileft donc bien .
démontré que les miroirs concaves ne peuvent & n'ont jamais
pû porter le feu à de très-grandes diflances; &.que les
miroirs compofés de miroirs plans, defquels on fait coincider
les images en même point, font les feuls defquels on ait pû
fe fervir pour opérer cet effet, comme fa fait M. de Buffon.
Le calcul géométrique fe trouve en cela parfaitement d’ac-
cord avec la defcription qu'ont donnée les Hiftoriens du
miroir d'Archimède, & avec l'expérience qui en a été faite
de nos jours.
MECHANIQUE.
dus À
“
DES SCIENCES. 121
sec ee
MECHANIQUE.
SUR LA
MANIERE DE TRACER MECHANIQUEMENT
la courbure des ondes qui mênent les Balanciers
dans plufieurs Machines.
.
’INÉGALITÉ de force qu'introduifent dans fes machines
les manivelles coudées qu’on y emploie pour faire aller
& venir les piftons ou les leviers, a toüjours paru un incon-
vénient confidérable ; non feulement elle oblige à donner à
la puiffance motrice une force fuffifante pour faire aller la
machine dans la fituation la plus defavantageufe de la ma-
nivelle, & qui fe trouve trop grande dans les autres pofi-
tions ; mais de plus cette force fuperflue eft employée à ufer
& à fatiguer toutes les pièces qui fa compolent, & à les
détruire en peu de temps : on a tenté inutilement de rendre
ce mouvement plus égal au moyen des volans de plomb,
qui portent dans une partie de {eur tour l'excès de la force
qu'ils avoient reçüe dans l'autre. Cet expédient, qui peut
cependant être quelquefois utile pour foûlager les hommes
qu'on emploie dans de certains cas à faire mouvoir les ma-
chines, ne diminue que très-peu l'inconvénient qui naît de
Vinégalité d'action des manivelles : de plus, ces pièces qui
doivent être très-fortes à caufe du peu de folidité que leur
donne leur figure, font très-difficiles à fabriquer, d’un très-
grand prix, & par-deflus tout cela, très-aifées à rompre,
& par conféquent d’un très-grand entretien.
ILw'eft donc pas étonnant que plufieurs Méchaniciens
aient penfé à fupprimer ces pièces, & à leur en fubfituer
d’autres qui ne fuffent pas fujètes aux mêmes défauth
H paroît qu'en général prefque tous ont tourné leurs vües
Hip 1747: | - Q
V.les M.
P: 243.
22 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
du même côté, les uns fubftituent aux manivelles coudées
des roues elliptiques, qui par leurs rayons de différentes
longueurs élèvent & laiflent alternativement retomber les
balanciers; d’autres ont pris un parti plus fimple, & fe font
cententés de roues circulaires, mais enarbrées par un point
différent de leur centre; d’autres enfin ont employé aufit
des roues circulaires, mais dont le plan étoit incliné à leur
axe: tous moyens qui, comme on voit, conviennent en
ce que c'efltoüjours une efpèce de plan incliné qui meut
les balanciers.
M. de Parcieux qui a entrepris d'examiner cette matière,
fuit encore la même route ; mais au lieu d'adopter, pour
ainfi dire, au hafard la manière de conftruire fes plans incli-
nés , il détermine géométriquement quelle peut être la plus
avantageule.
Les ondes ou plans inclinés qui doivent mener les balan-
ciers, peuvent être placés ou dans le même plan que la roue
qui les porte, ou perpendiculairement à ce plan. Nous allons
examiner dans ces deux cas, quels élémens doivent déter-
miner la figure de l'onde, & effayer de donner une idée de la
méthode de M. de Parcieux, en commençant par le cas le
plus fimple, c'eft-à-dire, en fuppofant que l'onde foit dans le
mème plan que la roue.
Si l'on imagine donc une roue circulaire mue avec une
force déterminée, & qu'on veuille que pendant que cette
roue fera un quart de fon tour, elle élève un poids donné à
une certaine hauteur, comme, par exemple, à un pied, il
faut que l'onde qui s’élevera au deflus de ce quart-de-cercle,
foit de telle courbure que les élévations foient proportion-
nelles au temps, fans quoi le mouvement feroit inégal, &
le poids s’'éleveroit par fauts, ce qui eft précifément ce qu'on
veut éviter. Pour trouver donc la courbure de l'onde, on
partagera la hauteur d’un pied en plufieurs parties égales, par
exemple, en fix, de deux pouces chacune, & on divifera auffs
en fix la circonférence du quart-de-cercle: on mènera des
rayons du centre à toutes ces divifions , & on les prolongera
DYE! SMS MCE E Ni CS dr2
indéfiniment ; on prendra enfüuité une des divifions de a
hauteur d'un pied, qui fera deux pouces, & on l'ajoûtera au
premier rayon ; on ajoütera quatre pouces au fecond, fix au
troifième, &c. on fera enfuite pafler par toës ces points une
courbe qui fera la figure qu’on doit donner à l'onde propofée,
& cette onde élevera le poids donné proportionnellement au
temps : on en demeurera aifément convaincu, fi on fait atten-
tion que la roue tournant uniformément, des rayons égale-
ment écartés paffent en temps égaux, & que les prolongemens
de ces rayons étant en progreffion arithmétique , le poids ne
peut manquer d'être élevé à des hauteurs qui feront entr’elles
comme les temps. La force même conferve fon égalité mal-
gré lalongement des rayons, parce qu'à mefure que ces
derniers croiffent, la courbure de l'onde eft plus près d’être
parallèle & concentrique à la roue, & que l'inclinaifon de
fa füurface, & par conféquent fon effort pour foûlever le
poids, diminue en même raïfon que les rayons augmentent.
Nous wavons jufqu'ici confidéré le poids que comme
élevé fuivant une direétion perpendiculaire à l'horizon; ce
n'eft cependant pas ce qui arrive ordinairement dans ces fortes
de machines, le poids eft attaché à un levier mobile fut un
point, & par conféquent doit décrire un arc de cercle au
lieu d’une ligne verticale ; ce changement de fituation en
introduit néceflairement un dans la conftruction de a courbe
& dans fa figure. M. de Parcieux trouve cependant moyen
d'appliquer encore à ce nouveau cas, la même théorie que
nous venons d’expofer ; un léger changement, ou plûtôt une
légère addition à la méthode, fuffit pour cela ; ce change-
ment a pour principe, de conferver toûjours l'égalité des élé-
vations du poids dans des temps égaux : pour cela, ce n’eft
pas l'arc même de cercle qu’il décrit qui eft divifé en parties
égales, c’eft une ligne verticale qui pañle par fon fommet ;
& il tranfporte par des lignes parallèles à l'horizon, les divi-
fions égales de cette ligne fur l'arc de cercle où elles fe
trouvent inégales : des rayons menés du centre de la roue
par tous ces points de divifion de l'arc décrit par le levier,
Q ïj
124 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
marqueront fur fa circonférence les arcs qu'il faudra ajoûter
aux divifions qu'on y a faites, fuivant la méthode que nous
avons expliquée, pour que les rayons puiflent attraper le poids
qui, par fon mouvement circulaire, a comme fui devant eux :
le refte eft abfolument femblable à ce que nous avons déjà
expolé.
Par la même raifon que le poids a fui les rayons qui
f'élevoient, il vient en quelque forte au devant de ceux qui
le foûtiennent dans fa defcente : la courbe qui fert à le faire
defcendre, doit donc occuper par fa bafe moins de la cir-
conférence du cercle, que n'en occupe la courbe de montée,
loin d’écarter les rayons qui fervent à la conftruire, il faut
au contraire les ferrer, & par conféquent fa courbure fera
auffi très-différente, ce qu'on n'auroit peut-être pas trop
foupçonné.
Cette différence entre la courbe de montée & celle de
defcente, eft plus ou moins grande fuivant la longueur du
levier, & fa pofition à l'égard de la roue; M. de Parcieux
détermine la pofition qui rend les deux courbes les plus
femblables qu'il eft poflble : il y en a une qui leur donne
pour bafe des portions égales de fa circonférence ; mais pour
rendre leur figure abfolument pareille , il faudroit que le
centre de mouvement du balancier fût infiniment éloigné,
alors l'arc fini que décrit le poids, deviendroit phyfiquement
une ligne droite, & tout rentreroit dans le même cas que
s'il s’'élevoit dans une ligne verticale,
Si le poids étoit attaché à une corde, & qu’il y eût au bout
du levier une portion de cercle folide contre laquelle elle
s'appliquât, comme alors à des arcs égaux répondroient des
élévations égales du poids, ce feroit l'arc même qu'il faudroit
divifer en parties égales.
On peut, fi on le veut, faire porter au levier la courbe
néceffaire pour qu'un même rayon garni d’une roulette à fon
extrémité, le faffe monter ou defcendre également en temps
égaux, en employant toûjours la même force. L'égalité des
élévations verticales du poids eft encore le principe de la
DES SCIENCES. 125
defcription des courbes de defcente ou de montée qu’on veut
faire porter au levier. Cette méthode n'eft, en quelque forte,
que l'inverfe de la précédente, quoique les courbes qu'elle
donne, foient très-différentes de celles dont nous avons parlé,
Ce feroit cette courbure que devroient avoir les détentes des
horloges, pour que le mouvement n’efluyât pas de leur part,
plus de réfiftance dans un inftant que dans un autre.
Les ondes qu'on voudroit appliquer à la circonférence
d’une roue, perpendiculairement à fon plan, font infiniment
plus aifées à décrire que celles dont nous venons de parler. Les
mêmes principes appliqués à leur conftruétion leur donnent
pour figure un triangle reétangle dont le plan feroit courbé,
fuivant la circonférence de la roue, & par conféquent leur
furfaice à une double courbure femblable à celle de la co-
quille d’un efcalier à noyau; & fi on fuppoloit le centre de
mouvement du balancier placé infiniment loin , elles devien-
. droient abfolument femblables à une portion d’un pas de vis
carré. us :
La conftruction géométrique des courbes que propofe
M. de Parcieux , fait voir évidemment que toutes celles qui
étoient en ufage & qui en diffèrent très-fenfiblement, n’é-
toient pas celles que l'on cherchoit. Il y a lieu d’efpérer que
cette manière fimple, folide & peu difpendieufe de faire mou-
voir les leviers dans les machines, étant défaite de tous les
inconvéniens auxquels elle étoit fujète, fera déformais em-
ployée par préférence aux manivelles coudées.
Au refte, il n’eft queftion dans le Mémoire de M. de
Parcieux, que des ondes dont les rangs font en nombre pair,
c'eft-à-dire, appliquées fur deux, quatre, fix, &c. circonfé-
rences de roues, parce qu'il y a toüjours dans les machines
- ainfi difpofées, un même nombre d’ondes qui agit à la fois.
La même chofe n'arriveroit pas, fi la machine avoit fes rangs
ondes en nombre impair, comme 3, $, 7, &c. Dans cette
difpofition, une ou deux, ou trois ondes, agiffant pendant un
certain temps; deux, trois ou quatre ondes agiflent pendant
un autre : d'où il réfulteroit une inégalité confidérable d'effort
F Q ii
V. les M.
P- 344
126 HisToiRe DE L'ACADÉMIE RoyazE
dans la machine fi la courbure des ondes étoit tracée comme
les précédentes. Le remède à cet inconvénient eft de rendre
plus roide la pente de la portion des ondes qui doit porter le
levier lorfqu’un moindre nombre de ces ondes fera en action :
par-à on rétablira l'égalité des efforts de la machine, qui ef le
but principal qu'on s’eft propofc. Il eft bien fingulier qu'entre
tous ceux qui ont propofé des ondes pour mouvoir les ba-
lanciers dans les machines, aucun ne fe foit avifé de chercher
par une méthode füre, la figure qu'elles devoient avoir, &
qu’au contraire chacun fe foit contenté de la première idée
qui s’eft offerte à fon imagination , fans faire réflexion qu’il
y en avoit peut-être une meilleure.
N°" renvoyons entièrement aux Mémoires
L’Ecrit de M. le Chevalier d’Arcy fur l'aétion réci-
proque des fyftèmes de corps les uns fur les autres.
MACHINES ou INVENTIONS
APPROUVE'ES PAR L'ACADLMIE
ENT MN DIC CAL V TL
I.
N nouveau Compas de variation, propolé par le fieur
le Maire le fils, Ingénieur en inftrumens de Mathé-
mathique : au moyen de deux miroirs plans parallèles, &
d’une double réflexion de l’image du foleil, ïl fait concourir
cette image avec celle de Ja rofe du compas une fois réfé-
chie; en forte qu'un feul obfervateur peut d'un coup d'œil
remarquer à quel degré de la circonférence de la bouffole
elle répond, obferver l'azimuth de cet aftre relativement
au nord de l'aiguille; & par conféquent, le véritable azimuth
étant donné, la variation de l'aiguille. Cet inftrument a paru
préférable au Compas de variation ordinaire, & on a cru
que l’ufage n'en pouvoit être que commode & avantageux.
sd
Stud ete
MN Pet
]
DES S CLENCES 127
is II.
De nouvelles Lanternes à réverbère, préflentées par le
fieur de Liévreville, pour éclairer les cours & les efcaliers ;
elles font beaucoup plus fimples, plus légères, plus aifées à
préparer & à nettoyer, & elles éclairent plus que les autres
lanternes à réverbère dont on fe fert : leur prix fera beau-
coup moindre, & fi on les cafle, elles fe pourront réparer
à beaucoup moins de frais, le réverbère ne fe noircira point
par la fumée de la lampe, il ne s’y fera point de champignons
autour de la mèche, & l'huile ne s'y peut jamais geler.
EI.
Une machine propre à percer les cuirs des cardes qui {er-
vent à carder la laine, le coton, &c. inventée par le fieur
Chopitel maître ferrurier à Paris : cette machine perce
d'un feul coup tous les trous de 1a peau d’une carde; en
forte qu'étant une fois établie pour percer un nombre de
trous, tel que l'exigent les réglemens, toutes les cardes qui
en viendront feront auffi parfaites & auffi régulières qu’on
le peut demander ; chaque peau eft placée, percée & retirée en
moins de deux minutes, ce qui abrège prodigieufement ce
travail: l’Académie a trouvé que cette machine étoit nou-
velle, bien imaginée, utile aux Manufaétures, & néceffaire
à la perfection des cardes.
I V.
Une nouvelle conftruétion de moulins à eau, propolée
par le fieur Duboft : au lieu qué dans les moulins ordinaires,
la roue motrice eft appliquée au côté du bateau, celle des
nouveaux moulins eft à la poupe, ou plütôt c’en eft moins
une qu'une efpèce de vis fans fin, fixée au bout d’une pièce
de bois de 40 à 50 pieds qui lui fert d'arbre, & qui eft
couchée fur l'eau; la vitefle du courant qui appuie fur cette
vis fans fin la fait tourner, & cette pièce communique fon
mouvement à l'arbre du moulin auquel elle eft jointe; on
évite par ce moyen l'embarras -que caufent les bateaux qui
portent les moulins dans une rivière étroite & rapide, ils
peuvent être très-voifins du rivage, pendant que la longue
128 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
pièce qui porte l'hélice ou vis fans fin, va chercher, pour ainff
dire, le mouvement aux environs du courant, fans embar-
raffer autant la navigation que Îles moulins ordinaires. Cette
machine a paru ingénieufe & utile; & on a appris qu'elle
avoit été exécutée avec fuccès fur le Rhône à Lyon.
E Parlement ayant fait l'honneur à l'Académie, par fon
Arrêt du 14 Février, de lui demander fon avis fur
l'établiffement d'une Calendre, pareille à celle dont les An-
glois fe fervent pour calendrer les moires de leurs fabriques ;
la Compagnie a trouvé que la beauté des ondes des étoffes
moirées par cette calendre, étoit une preuve que l'établiffe-
ment en feroit utile, & qu'il y avoit lieu de croire que
cette machine procureroït des moires qui feroient aban-
donner celles d'Angleterre, dont il entroit ci-devant en
fraude une grande quantité dans le royaume,
2. le nombre des pièces qui ont été préfentées cette
année à l’Académie par divers Savans, & qu'elle a
examinées , elle a jugé les fix fuivantes dignes d'avoir place
dans le recueil de ces ouvrages qu'elle fait imprimer.
Expériences pour fervir à l’analyfe du Borax, premier
Mémoire, par M. Baron d'Hénouville, Doéteur - Régent
en la Faculté de Médecine de Paris.
Mémoire fur un minéral mommé Cobalt, ou mine arfé-
nicale que l'on trouve en France, par M. Saur le jeune,
Correfpondant de l'Académie.
Hifloire d’une Chenille mineufe des feuilles de vigne,
par M. Godeheu de Riville, Commandeur de l'Ordre de
Mülte, Correfpondant de l’Académie.
Differtation fur le Tænia, ou ver folitaire, par M. Bonnet,
de la Société Royale de Londres, Correfpondant de l’Aca-
démie.
Explication de deux phénomènes de PAiïmant, par M.
du Tour, Correfpondant de l'Académie. :
ur
DiE:s4 Se T2) NC ENS 129
Sur Le bleu de Pruffe, premier Mémoire, par M. l'Abbé
Ménon, Correlpondant dé l'Académie,
E fujet du prix propolé par l'Académie pour l’année
11745, étoit la meilleure manière de trouver l'heure
en mer par obfervation, foit dans le jour, foit dans le cré-
pufcule , & fur tout la nuit quand on ne voit pas l'horizon;
aucune des pièces qui lui furent envoyées ne lui ayant paru
mériter le prix, elle en remit la diftribution à cette année :
entre les pièces qu'elle avoit déjà reçües, auxquelles les
Auteurs ont envoyé des fupplémens , & celles qui n’ont été
envoyées que cette année, il s’en eft trouvé deux qui ont
paru avoir un droit égal au prix que le délai avoit rendu
double, & entre lefquelles il a été partagé également.
La première a pour devife : Er quandoque olitor fuit oppor-
tuna locutus, ele eft de M. Daniel Bernoulli, Profeffeur en
Médecine en l'Univerfité Ye Bafle, Aflocié ce de
Académie.
La devife de la feconde eft : Arbor non uno flernitur iGu ;
lAuteur ne s’eft pas fait connoître.
Dans le nombre des autres pièces, il y en a eu trois dans
Jefquelles on a trouvé des machines, ou des vûes utiles, &
qui ont à cet égard mérité les éloges de l'Académie.
La devife de la première eft : Nihi] unquam invenietur, fe
comenti fuerimus inventis.
Celle de la feconde eft: Nautam non pigeat cæli convexe
tuer,
La troifième enfin a pour devife : Semper id melius quod
eptimo propinquius efl.
LRQ
Hifl 1747 M: à
DE M." D EAWL'A"PETRONINEE
| ist DE LA PEYRONNIE naquit à Montpellier le
1 5 Janvier 1678, de Raymond de la Peyronnie, Chi-
rurgien diflingué par une grande habileté & par une probité
univerfellement reconnue, & d’Elifabeth Subreville. Il fit
fes études au collège des Jéfuites de la même ville, & les
fit avec un éclat furprenant : on eût dit que dans un âge
fi tendre, il avoit un preflentiment des honneurs & de la
gloire qui l'attendoient au bout de Îa carrière dans laquelle
il commençoit à courir.
Après avoir fini fes humanités & foûtenu avec applau-
diffement fes thèfes de Philofophie, le jeune la Peyronnie
fongea à prendre une occupation qui püt rendre fes talens
utiles à lui-même & à {es concitoyens : fes parens fouhai-
toient fort qu'il embraffàt la profeflion de Médecin, mais
linclination du jeune homme en avoit décidé autrement ;
ils firent agir en vain les perfonnes en qui il avoit le plus
de confiance ; tous, M. Chirac lui-même, lié dès-lors
avec lui de la plus tendre amitié, furent pénétrés de la
force de fes raifons, & confeillèrent au père & à la mère
de lui laifler la liberté de fuivre fon goût: ce goût cepen-
dant qui le faifoit réfifler à toute fa famille, n’étoit chez lui
qu'une envie fincère d’être utile, & une efpèce de certitude
intérieure de l'être plus dans l’état de Chirurgien que dans
celui de Médecin.
Ce que nous venons de dire feroit prefque croire qu'il
avoit alors atteint l'âge de maturité, il n’avoit cependant
pas encore quinze ans, & même pour employer utilement
Je temps qui lui reftoit jufqu'à l'âge auquel il pouvoit être
reçü Chirurgien, on jugea à propos de lui faire faire un:
fecond cours de Phyfique, mais d’une phyfique tout-à-fait
D'E S IS NCLE N CES, 131
appropriée à la Chirurgie, & dépouillée de tout ce qui
pouvoit y être étranger.
I s’y livra avec ardeur, & pour lui rendre cette étude
plus utile, fon père engagea M. Niflole fon ami & fon
confrère, à permettre au jeune la Peyronnie d’affifter aux
démonftrations publiques & particulières d'anatomie qu'il
faifoit alors à Montpellier, & ce ne fut qu'après qu'il eût
acquis un grand fonds de toutes ces connoiflances, qu’il le
jugea en état d’afpirer à la Chirurgie ; il lui fit fuivre Mrs
Germain & Barancy, deux des plus habiles Chirurgiens de
Montpellier, dont le premier étoit Chirurgien en chef de
lHôtel-dieu de cette ville. Leur élève non content d’aflifter
aux leçons particulières qu'ils lui faifoient, & de les accom-
pagner chez les malades aux opérations, aux panfemens &c
à l’adminiflration des remèdes, fuivoit encore les leçons des
plus habiles Profefleurs en médecine ; rien n'étoit étranger
pour lui, dès qu'il avoit le moindre rapport à une étude
dont il fembloit faire fes délices plûtôt que fon occupation.
Enfin, en 1695 fon père déjà vieux & accablé d’infir-
_ mités, voulut avoir la confolation de le préfenter à la Com-
pagnie des Chirurgiens de Montpellier, & demanda pour
lui a difpenfe d'âge, qu'il obtint fans difficulté; par rapport
aux Lettres & à la Chirurgie il avoit fürement vécu da-
vantage que bien d’autres plus âgés que lui, auffi il fe fé
admirer dans tous les examens, & fut reçû avec applaudif
fement, âgé à peine de 18 ans.
Aufli - tôt après fa réception, M. Chirac & fon père
réfolurent de l'envoyer faire de nouveaux cours à Paris, il
eut le bonheur d’être reçû penfionnaire chez M. Maréchal,
alors Chirurgien en chef de la Charité, depuis premier
Chirurgien du Roi, & le bonheur encore plus grand de
mériter fon amitié; ce fut fous un auffi grand maître qu'il fe
livra avec ardeur à toutes les fciences qui pouvoient avoir
rapport à la Chirurgie, & fur-tout à l'Anatomie qu'il en
regardoit comme la bafe : il pouffa même, à l’exemple du
fameux Borelli, fes études jufqu'aux mathématiques, perfuadé
R ïi
132 HISTOIRE DE L’ACADÉMIE RoYALE
que dans le corps humain, plus que dans tout le refte de fa
Nature, tout eft réglé avec nombre, poids & mefure.
De retour à Montpellier , il fit dreffer chez lui un am-
phithéatre, où il commença à donner des leçons d’ Anatomie
& de Chirurgie; il eut bien “tôt pour auditeurs prefque
tous les étudians de cette fameufe Univerfité, qui fortoient
de fes leçons pénétrés d’admiration, & fe félicitans d’avoir
trouvé un f1 habile maître.
Ce qu'il avoit fait chez lui, il le recommença peu après
en public aux écoles de Médecine, il y fit les démonftra-
tions anatomiques avec un applaudiffement univerfel, il
reprit en même temps fes études de Médecine, fuivit les
meilleurs maitres en ce genre, & pratiqua même avec fuccès
fous leurs yeux : on eût dit qu'il vouloit faire voir qu'il
n'avoit tenu qu'à lui d'être Médecin, & grand Médecin, &
que c'étoit par goût & par inclination qu'il s'étoit déterminé
pour la Chirurgie.
La réputation qu'il s’étoit acquife ne fut pas long-temps
un honneur ftérile & infruétueux ; la place de Chirurgien
en chef de l'Hôtel-dieu de Montpellier étant venue à va-
quer, elle lui fut donnée, & quelque temps après il fut nommé
Chirurgien - major & Infpeéteur des hôpitaux de l'armée,
à la tête de laquelle M. le Maréchal de Villars alloit remettre:
fous l'obéiffance du Roi les rébelles des Sévennes & du
Vivarais. |
Le bruit de fes talens & de fon habileté fe répandit bien-
tôt hors du royaume, on voyoit Montpellier fe remplir,
comme une autre Epidaure, de malades de toutes les na-
tions, qui venoient avec confiance demander à ce nouvel
Efculape, des fecours qu’ils n’avoient pü rencontrer chez
eux; il s’y trouva entrautres un officier du Pape, qui par
le récit qu'il fit à fon maître de fa maladie, & de la manière
dont il avoit été guéri, lui donna une telle idée du mérite
de M. de la Peyronnie, que ce fouverain Pontife le fit
Chevalier de l'Ordre de l'Eperon, & en ascompagna les
Lettres d’une médaille d’or.
DE st, SNCUILE) NC ET T
Le feu Roi ayant fait en 1706 Tétabliffement de la
Société Royale des Sciences de Montpellier, M. de la Pey-
ronnie y eut une place d’Anatomifte, & juftifia ce choix
par plufieurs excellens Mémoires qu'il y dut.
Un homme d’un mérite auffi marqué, ne pouvoit demeurer
Jong-temps au fond d’une province , fans que la Cour & la
capitale réclamañient les droits qu’elles avoient fur jui, &
c'eft auffi ce qui lui arriva quelques années après.
M. le Duc de Chaulnes, depuis Maréchal de France,
ayant été attaqué de la fiftule, M. Chirac fut confulté fur
cette maladie; plufieurs habiles Chirurgiens avoient inuti-
lement tenté de la guérir : le favant Médecin crut avoir une
reflource aflurée dans les talens de M. de la Peyronnie, il
ofa confeiller de l'appeler, & fon attente ne fut point trom-
ée; if vint à Paris au mois de Mai 1714, vit M. le Duc
de Chaulnes & le guérit : plufieurs autres malades mirent
à profit le temps de fon féjour, & fe hätèrent de le con-
fulter; prefque tous eurent lieu de fe favoir gré de lui avoir:
accordé leur confiance.
Tant de fuccès portèrent le nom de M. de la Peyronnie
jufqu'au thrône; le feu Roi, toûjours attentif à favorifer le
mérite, ordonna à M. le Duc de Chaulnes & à M. Chirac de
l'engager à venir s'établir à Paris : cet ordre fut ponctuelle
ment exécuté, il fe préfenta à la compagnie des Chirur-
giens de Paris, & y fut agrégé en 171 s; prefqu'aufii - tôt
après il enfeigna l'Anatomie à S.t Côme, & fut nommé
Démonftrateur de la même Science au Jardin du Roi, il
f fit également admirer dans les deux amphithéatres.
. M. le Duc de Chaulnes qui ne négligeoit rien pour donner:
à M. de la Peyronnie des marques de fa reconnoiflance
joignit à la charge de Chirurgien de la Prevôté de l'Hôtel,
qu'il lui avoit déjà achetée, la place de Chirurgien-major:
des Chevaux - légers de la garde du Roi, qu'il lui fit avoir;
on y ajoûta celle de Chirurgien en chef de l'Hôpital de fa
Charité : toutes ces places étoient autant de dédommagemens
du facrifice qu'il avoit fait en quittant la fortune dont il
R ii
134 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
jouifloit à Montpellier ; mais il n’en avoit pas befoin, ïl
fufñfoit pour "lui d'être connu pour être employé, & fa
réputation lui eut bientôt fait à Paris un établiflement plus
brillant & plus folide que celui qu'il avoit quitté.
Une fituation fi floriflante ne laifloit plus à M. de la
Peyronnie qu'un feul pas à faire pour arriver au dernier
degré d'honneur auquel il pouvoit prétendre ; devenu déjà
d'un confentément unanime un des premiers Chirurgiens de
l'Europe, il ne lui manquoit plus que de fe voir confirmer
ce titre par la confiance de fon maître : cet honneur lui fut
accordé, & en 1717 il fut nommé premier Chirurgien
du Roi en furvivance.
Pierre le Grand, Czar de Mofcovie, le confulta deux fois
pendant le féjour qu'il fit à Paris : ce feul trait fufhroit pref-
que pour faire l'éloge de M. de la Peyronnie, on fait com-
bien ce grand Prince étoit connoifleur en mérite, & que
le mérite feul avoit droit de difpofer de fa confiance ;
lorfque le Czar fut prêt à quitter le royaume , M. Ofterman
fon premier Miniftre & fon Chancelier étant tombé malade,
M. de la Peyronnie à qui il eut recours, le mit promptement
en état d'aller rejoindre fon maître, & l'un & l'autre por-
tèrent au fond de la Ruffie la réputation de celui qui leur
avoit rendu la fanté,
Indépendamment de la grande capacité de M. de la Pey-
ronnie, une autre raifon pouvoit encore engager bien des
malades à recourir à lui : il étoit très-réfervé à employer les
opérations, & ne fe déterminoit à les mettre en ufage que
quand il ne voyoit aucun moyen de les éviter ; méthode
qui épargne fouvent au malade de cruelles douleurs, mais
qui ne peut être mife en pratique que par un homme con-
fommé dans la Chirurgie, & qui fache ne pas fe laifler
prévenir par le mal, dont les progrès pourroïent fouvent
rendre les fecours de l'Art inutiles, & la maladie mortelle,
JL auroit manqué quelque chofe à la gloire de M. de la
Peyronnie, s'il ne s'étoit pas trouvé lui-même dans le cas
d'avoir befoin de ces fecours qu’il accordoit aux autres avec
CA -
DES SCIENCES. 135
tant de fuccès. I fe blefla au petit doigt en faifänt une opé-
ration ; la bleflure eut les fuites les plus fâcheufes, on lui
propofi même Famputation du doigt comme abfolument
néceffaire; il ofa entreprendre de fe le conferver, & en vint
à bout : mais pendant le cours de cette maladie, il en furvint
une autre plus dangereufe, ce fut un dépôt confidérable à 1a
jambe. Les accidens devinrent fi preffans, que fes amis, c’eft-
à-dire, ce qu'il y avoit de plus illuftre en Médecine & en Chi-
rurgie, qui avoient volé à fon fecours, furent unanimement
d'avis de lui couper la jambe. La confultation fe faifoit autour
de fon lit, il recueilloit les avis des confultans & donnoit le
fien auffi tranquillement que s'il n’y eût pas été intéreflé.
Quoiqu'il crût pouvoir encore différer opération, on lui
repréfenta fi vivement {a néceflité dont elle paroïfloit, qu'il
s'y réfolut & la fixa au lendemain matin : il employa la nuit
à mettre ordre à fes affaires, & à faire ranger fur fon lit les
inftrümens & l'appareil néceflaires ; trifles & terribles pré-
paratifs, dont on épargne ordinairement la vüe aux malades,
& qu'un philofophe même eft louable d’envifager fans frémir.
L'intrépidité de M. de la Peyronnie ne fe démentit pas un
feul inftant, il attendit l'heure de l'opération fans en paroître
feulement émû ; mais voyant, à {a levée de l'appareil, que
le mal n’avoit pas augmenté, il propofa de nouvelles inci-
fions, prit lui-même le biftouri & fit la première, laiflant les
autres à faire à M. le Dran qui ne l’avoit pas abandonné pen-
dant toute fa maladie. 11 n’étoit pourtant rien moins qu’affuré
de guérir, ni même d'éviter l'opération : la feule crainte de
refter inutile l'engagea à {e livrer à de cruelles douleurs & à
rifquer fa vie : il fembloit qu'il lui fût moins important de
vivre que de fervir.
* À peine étoit-il remis de cette grande maladie, que le Roi
ne voulant plus qu'il s'éloignâät de fa perfonne, lui donna un
appartement aux Tuileries; & en 1721, ce Prince étant
tombé malade voulut abfolument qu’il le faignât, quoiqu'il
ne fütencore fon premier Chirurgien qu’en furvivance, &
que M. Maréchal fût vivant.
136 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoyaLr
Dans le cours de cette même année le Roi, content des
fervices & du zèle de M. de la Peyronnie lui accorda des
Lettres de nobiefle, récompenie vraiement si que
l'efprit philofophique de cette, Compagnie nous permet de
dire bien dûe à celui qui avoit fauvé la vie à tant de citoyens,
s'ileft vrai qu'il ne foit pas moins utile à l'Etat, & par con-
féquent moins glorieux d'en conferver les défenfeurs ou les
membres, que d'en détruire les ennemis.
Le Roi s'étant rendu à Reims en 1722 pour la céré-
monie de fon facre, M. de la Peyronnie l'y fuivit; pendant
le féjour que la Cour y fit, S. A. S. Madame la ducheffe de
Lorraine qui étoit venue avec toute fa famille pour affifter
au facre, le conlulta fur une maladie dont étoit affligé M. le
duc de Lorraine père de l'Empereur aétuellement régnant :
elle auroit bien fouhaité que M. de la Peyronnie eût pü fe
tranfporter fur le champ auprès du Prince; mais fon devoir
le retenoit, il fallut attendre que le Roi füt de retour à Paris;
il eut ordre alors de fe rendre à Luneville, prépara le ma-
lade, lui fit l'opération dela fiflule ; car ç'en étoit une, &
ne le quitta point qu'il ne l'eût remis en parfaite fanté,
La reconnoiflance du duc de Lorraine pour fon libé-
rateur fut fans bornes , il le renvoya chargé de riches pré-
fens, & avec une penfion confidérable. La ville de Nancy
de fon côté, fut fi fenfible au rétablifiement de la fanté de
fon Prince, que pour en marquer fa reconnoiflance à M.
de la Peyronnie, elle fit battre une bourfe de cent jetons
d’or, aux armes de la Ville d’un côté, & aux fiennes de
l'autre, il refufa conflamment de l'accepter, & prit feule-
ment, pour ne pas défobliger, des fujets fi zélés, une pa-
reille bourfe de jetons d'argent à la même marque : événe-
ment mémorable, & qui fait à la fois l'éloge du Souverain,
du peuple, & de M. de la Peyronnie.
Les changemens arrivés dans les finances, & fur-tout dans
les rentes fur la Ville, avoient prefque anéanti les fonds que
plufieurs Chirurgiens zélés avoient laiflés en mourant, pour
l'entretien de l'école de Chirurgie de Saint Côme : M. de la
Peyronnie
Fe
“r
DES SCIENCES. 137
Peyronnie pénétré de douleur de voir un établiffement fi né-
ceflaire prêt à tomber, s’unit à M. Maréchal pour repréfenter
au Roïla néceffité d'y pourvoir; le fruit de leur repréfen-
tation fut l’inftitution des Démonftrateurs royaux, dont le
. Roi affigna l'honoraire fur fon domaine.
Une longue & cruelle maladie vint interrompre le cours
de fes travaux ; ce fut une colique hépatique, qui pendant
plus de quatre années fit plufieurs fois craindre pour fa vie.
Le Roi voulut, pendant tous fes accès, être informé jour par
jour de fon état; & quand il fut aflez fort pour aller prendre
V'air à à campagne, ce Prince qui connoifloit fon zèle, penfa
qu'il pourroit ui occafionner une rechüte en le rappelant
trop tt à fes fonétions. 11 lui fit ordonner par feu M. le
cardinal de Fleury, de prendre tout le temps néceffaire pour
fe remettre avant que de revenir à la Cour, & joignit à toutes
fes autres bontés une charge de Maître d'hôtel de la Reine,
dont il lui fit préfent, & que M. de la Peyronnie a exercée
juiqu’à fa mort. ;
Lé temps des maladies chroniques eft ordinairement pour
lés gens accoûtumés à penfer, le temps des réflexions ; pen-
dant le cours de celle-ci, M. de la Peyronnie mit la dernière
main à un projet qu'il méditoit depuis long temps, mais
dont il ne jugéa cependant à propos de propofer encore
qu'une pärtie. ps
Cette partie fut l’établiffement de l’Académie de Chirur-
gie, qu'il fit agréer au Roi en 173 1. H voyoit avec chagrin
une infinité de faits & d’obfervations curieufes & utiles s’en-
fevelir dans Foubli, ou fouvent n'être préfentés que d’une
R - manière plus propre à égarer des Chirurgiens médiocrement
— inftruits, qu'a les conduire. Il falloit donc établir une Com-
pagnie compofée d'hommes éclairés, capables de recueillir
ces obfervations , de les conferver, de les examiner, & enfin
de les donner au public avec un tel ordre & de îels éclair-
ciflemens, qu’elles püffent produire toute l'utilité dont elles
étoiïent capables ; car ce n’eft pas affez de connoître & d’ex-
pofer des vérités, il faut encore, ff on veut ne rien perdre
Hif 1747: .S
138 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoyALE
de leur prix, les préfenter dans leur ordre naturel & véritable:
tel eft le plan de l'Académie de Chirurgie; & les ouvrages
que cette Compagnie a déjà donnés au public, Font mis en
état de juger de la manière dont elle remplit fon objet.
Cette même année, le nombre de nos Affociés-libresayant
été augmenté jufqu'à fix, M. de la Peyronnie fut nommé à
une des deux nouvelles places. S'il appartenoit à la Chirurgie
comme grand Chirurgien, l'Académie des Sciences avoit
droit de le revendiquer comme Anatomifte & comme Phy-
ficien.
Malgré les occupations de M. de la Péyronnie, & quoi-
que la place d’Aflocié-libre qu'il occupoit , ne l'aflujétit à
aucun travail académique, il voulut juftifier le choix de
Académie par plufieurs Mémoires qu'il a 1üs dans nos
affembices : telle eft, par exemple, la Defcription anatomique
de l'animal qui porte le mufc, qu'il donna en 173 1 : l'or-
gane deftiné à filtrer ce parfum , eft décrit dans fon Mémoire
avec toute l'exaétitude poffible ; un fac particulier à cet ani-
mal, reçoit la pommade odorante par les canaux excrétoires
de deux grofles glandes placées des deux côtés de ce fac, &
foûtenues chacune d'un muicle deftiné à les comprimer ; ces
glandes font compolées d’une quantité confidérable de petits
facs, qui font eux-mêmes remplis d'autres organes plus déliés :
quoique tout cet appareil eut bien par lui-même de quoi piquer
la curiofité d’un Phyficien, le fubtil Anatomitle étoit encore
animé par un autre motif, il efpéroit que l'anatomie de cet
organe lui découvriroit la manière dont fe fait la fécrétion
des liqueurs dans les glandes; mais malgré tous fes foins &
fon habileté, il n'y trouva rien qui lui pût donner aucune
lumière fur cet article. [l eft dans la Phyfique une infinité
de chofes dans lefquelles if femble que l'Auteur de la Nature
ne nous laifle que la fagefle de les vues à admirer, fans nous
permettre de pénétrer la manière dont il a voulu les remplir,
Le Mémoire qu'il donna en 1741, lur le fiège de l'ame,
n'eft pas moins curieux : on fait quelle a été fur ce point la
variété des opinions philofophiques. M. de la Peyronnie fait
td
L
DE SA SIG ENG UE SU LT +39
voir que toutes les parties du cerveau auxquelles on attri-
buoit cette propriété, ont pü être & ont été réellement
détruites, fans que les fonctions de l'ame aient été altérées,
mais qu'il y en a une nommée corps calleux, qui n’eft jamais
affectée, même légèrement, fans qu’elles foient fufpendues ;
auffi penche-t-il à Ja regarder comme le fenforium de l'ame:
ce qu'il y a de certain, c’eft qu'il détruit par des faits in-
conteftables toutes les opinions qu’il combat; & c’eft beau-
coup en matière de Phyfique, que d’être averti qu’une route
dans laquelle on pourroit s'engager, ne mène à rien,
Nous joindrons à ces pièces une obfervation chirurgicale
aufi intéreflante, qu'il communiqua en 1723 à M. Morand,
pour en faire part à l’Académie, mais en exigeant de lui
de n’être pas nommé : dans la fuite du panfement d'une hernie,
il avoit été obligé d'emporter une partie confidérable du canal
intéftinal : pour prévenir l’épanchement des matières dans le
ventre, on a coûtume d'aflujétir le bout coupé de linteftin
au bord de la plaie extérieure, pour faire, par ce moyen, une
efpèce d'anus artificiel; mais M. de la Peyronnie imagina de
froncer les portions du méfentère qui, rapprochées par un
point d’aiguille, puffent mettre les deux ouvertures de l'in-
teflin en état de fe rejoindre; la Nature profitant de cette
manœuvre fit plus qu'il n'attendoit, & la continuité du
canal inteflinal fe rétablit : cette obfervation valut quelque
temps après à l'Académie un Mémoire de M. Morand fur
la même matière, dans lequel il explique en Phyficien & en
Anatomifte, la manière dont fe fait cette réunion, & les
_accidens qu’elle laifle à redouter.
Le roi de Pologne duc de Lorraine étant tombé malade
à Dantzick, eut recours à M. de la Péyronnie; mais ce Prince
refpectant le devoir & l'attachement qui le retenoient auprès
dela perfonne du Roi, n’ofa lui propoler de venir lui-même,
& fe contenta de lui demander un Chirurgien de fon choix :
M. de la Peyronnie confia fes vûes à M. Houftet fon con-
frère, fon compatriote, fon ami, & bien digne de fa
confiance; celui-ci partit auffi1ôt pour Dantzick, & guérit le
S
»
!
140 HISTOIRE DE L’ÂCADÉMIE ROYALE
roi de Pologne. Il fembloit que la Nature, ordinairement f
rétive & fi intraitable, n'eût ofé s’écarter de ce qu'avoit pro-
noncé M. de Ja Peyronnie.
La mort de M. Maréchal le mit peu de temps après en
poffeffion de Fimportante place de premier Chirurgien du
Roi, dont il n’avoit eu jufqu'alors que la furvivance; & ce
Prince, pour lui marquer combien il étoit content de fes fer-
vices, lui donna l’année fuivante une penfion de dix mille
livres. i
M. le Dauphin ayant été attaqué en 1738 d’un dépôt
confidérable à la mâchoire inférieure, il fut appelé aux con-
fultations avec les Médecins confultans & les autres Méde-
cins de quartier ; ear le Roi, qui connoifloit tous fes talens,
lui avoit donné depuis long temps une de ces charges : quoi-
que cette confultation le mit à couvert de tout événement,
il demanda que Mrs Petit & Boudou fuffent aufi appelés,
aimant mieux partager avec deux illuftres confrères la gloire
d’un fuccès qu'il pouvoit ne devoir qu’à lui feul, que d'avoir
à fe reprocher qu'il eût manqué à quelque chofe pour
la confervation d’une tête fi précieufe. Le Roi lui en marqua
fa fatisfation, par une charge de Gentilhomme ordinaire
de fa Chambre qu'il lui donna, & que M. de la Peyronnie
exerça pendant plufieurs années.
I! tomba malade en 1742 d’une fièvre maligne; au fort
de cette maladie, & pendant même l'efpèce d'obfcurciffement
qu'elle caufe prefque toüjours à la raifon , il ne cefla d'être
occupé des projets qu'il méditoit pour l'avancement de la
Chirurgie : il n'avoit befoin ni d'effort, ni de réflexion poux
aimer le bien public & celui de fa profeflion ; ces mouve-
mens étoient, par une longue habitude, devenus chez lui na-
turels, & comme une efpèce d'inftinét. Cette même année
fut encore marquée par une nouvelle faveur du Roi, par
une place de Médecin confultant, qu'il a exercée jufqu'à fe
mort. -
Enfin, en 1743 M. de la Peyronnie eut la fatisiction
de préfenter au Roi le premier volume de l’Académie de
PMP TIT UN) ten
D'E‘srSterTiE NICE S T4t
Chirurgie, préfent digne du Monarque, & de celui qui le
lui failoit ; & il fe fervit de cette occafion pour exécuter
dans fon entier le projet qu'il avoit formé depuis fi long
temps pour le bien & l'honneur de Ja Chirurgie.
I avoit fenti combien l’efpèce d'aviliflement dans lequel
étoit tombé un art fr néceffaire aux hommes, apportoit
d'obftacle à fon progrès, & il étoit perfuadé que pour le
porter à fa perfeétion, il ne falloit en confier l'exercice qu’à
des hommes en état de profiter de ce que les anciens nous
en ont tranfmis dans leurs livres, capables par une profonde
étude de lAnatomie, de la Phyfique, & de l’économie
animale, de prévoir les fuites des maladies chirurgicales, d'en
difcerner exactement les fyrptomes, d'en porter un pro-
_moflic jufte, d'adminiflrer les remèdes convenables pour les
combattre & pour aflurer le fuccès des opérations; en un
mot, il ne jugeoit la main du Chirurgien füre, qu'autant
qu'elle étoit conduite par le favoir. Tels étoient les motifs
qui l’engagèrent à folliciter la Déclaration de 1743. L'im-
partialité attachée au perfonnage d'Hiflorien, & le refpect
que nous devons au Tribunal fuprême qui s’eft réfervé a
connoïflance des conteftations que ce projet a fait naître, ne
nous permettent pas de décider fi les inconvéniens qu'a cru
y remarquer un Corps digne de Feflime du public, doivent
l'emporter fur les avantages qu'y trouvoit M. de la Pey-
ronnie : mais, quel qu’en foit le fuccès, fon zèle pour le bien
… delhumanité, ce zèle fi pur & fi détaché de tout intérêt, fera
toüjours à couvert de la cenfure, & ne peut que mériter des
éloges. Quand cette idée ne feroit qu'un fonge, au moins
faudroit-il avouer que c’eft le fonge d’un grand homme &
d'un bon citoyen. L'Académie de lInflitut de Bologne fe
häta d’acquerir un pareil Sujet, & fui donna place, cette
même année, parmi fes Aflociés.
Le Roi ayant rélolu, l'année fuivante, de prendre lui-
même le commandement de fes armées, fon premier Chi-
rurgien l'y fuivit. Les événemens glorieux des campagnes de
Sa Majeflé Jui donnèrent plus d’une fois lieu de faire éclater:
S iij
SE ==
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1x4 HisToiRE DE L'ACADÉMIE Royer
fon zèle & fes talens : il fit lui-même les opérations les plus
délicates & les plus confidérables, & veilla avec tant de foin
à maintenir la difcipline & le bon ordre dans les hôpitaux
militaires, qu'il fauva, proportions gardées, un bien plus
grand nombre de malades & de bleflés qu'on n'avoit fait
dans fes campagnes précédentes. .
Malgré l'âge de M. de la Peyronnie qui commençoit à
s'avancer, il ne fe déroboit à aucune de fes fonétions; fon
zèle & fon aétivité lui tenoient lieu de forces ; mais ces
fecours qu'il ne tiroit que de fon cœur & de fon efprit,
n'empêchèrent pas fon corps de fuccomber : il tomba malade,
le 20 Février dernier, d'une fièvre que lui-même jugea mor-
telle dès les premiers jours; il ne penfa plus qu'à ufer du
temps qui lui reftoit, en chrétien, en philofophe & en ci-
toyen : foixante-quatre jours de douleurs & de maladie n'é-
branlèrent pas un feul inftant fa conftance, & ne purent même
altérer fa tranquillité : le chagrin feul auquel il voyoit fes amis
en proie, le toucha quelquefois jufqu'à lui faire répandre des
larmes, tribut précieux qu'il refufoit à la crainte & qu'il
payoit volontiers à l'amitié. Enfin ayant mis ordre avec une
fermeté vraiement philofophique à toutes fes affaires tempo-
relles & fpirituelles, il mourut, le 24 Avril, âgé de foixante-
neuf ans & trois mois.
Après tout ce que nous avons dit jufqu’ici de M. de la Pey-
ronnie, on ne fera pas furpris d'apprendre de quelle manière
il a difpofé de la fortune dont il jouifloit, fortune immenfe,
quoique acquife par les voies les plus droites & les plus légi-
times. Sa famille & fes amis ne font point oubliés dans fon tef
tament ; mais il ne leur laiffe prefque que l'ufufruit d’une partie
de fes biens : le refte & la propriété du tout font partagés en
trois parts, defquelles il lègue deux à la Compagnie des Chi-
rurgiens de Paris, & l'autre à celle des Chirurgiens de Mont-
pellier, & il fpécifie lui-même l'ufage qu'il fouhaite en être
fait. Des honoraires pour les principaux Officiers de l'Aca-
démie de Chirurgie ou de la Compagnie des Chirurgiens,
cinq Adjoints aux cinq Démonftrateurs royaux, un Cours.
D ES S'c'Ÿ E N/C'ES: I
public fur Les accouchemens, l'entretien d'une bibliothèque,
da fondation d’une Médaille d'or pour le prix, des Jetons
pour récompenfer l'afliduité aux aflemblées de l’Académie,
font ce qui regarde principalement la Chirurgie de Paris. Pour
Montpellier, il ordonne la conftruétion d’un amphithéatre
anatomique, fonde cinq Démonftrateurs & cinq Adjoints,
& pourvoit à tout ce qui peut illuftrer cette école, jufqu'à
faire un legs aux hôpitaux de cette ville, à condition qu'ils
fourniront pour les difleétions, des cadavres qu'un préjugé
puérile, conforme en apparence & réellement contraire à
Jhumanité, rend fouvent plus rares qu’il ne feroit à fouhaiter
pour le progrès de l'Anatomie. Mais pour faire voir que
malgré {on amour pour la Chirurgie, c'eft le public même
qu'il a eu principalement en vüe, il implore le fecours de
autorité royale pour empêcher ces deux Compagnies de
détourner à des ufages qui leur feroïent particuliers, les biens
qu'il leur a laïffés. C’eft ainfi que non content d'être utile à
es concitoyens pendant fa vie, il a voulu l'être encore,
même après fa mort.
I! étoit philofophe naturellement & fans oftentation, mais
de cette philofophie tempérée par un long ufage du monde
& de fa Cour, & qui fait aflaifonner la vérité, des graces de
Tagrément. La pénétration & la finefle de fon efprit étoient
extrêmes, & fa converfation infiniment agréable. Tous ces
avantages étoient couronnés par une qualité encore plus efi-
mable , une fenfibilité fans égale pour les misères des pauvres.
Non feulement il fecouroit volontiers de fes foins & de fes
avis tous les pauvres malades ou bleffés, mais encore il leur
donnoit gratis tous les remèdes qui leur étoient néceffaires, &
fouvent même de l'argent ; il faifoit plufieurs charités cachées,
donnant des fommes affez confidérables, par mois, par quar-
tier, à plufieurs familles indigentes. Dès qu'on le favoit à fa
Terre, fon château ne defemplfloit plus de malades qui y
venoient de fept ou huit lieues à la ronde; il avoit même
projeté d’y établir un hôpital dans lequel il comptoit fe retirer
… pour y pafler le refle de fes jours au fervice des pauvres, fi
<
144 Hisr. DE L'ACAD. ROYALE DES Sciences.
fon âge ou fes infirmités ne lui permettoient plus de remplir
fes autres emplois. Ce projet n'a point eu d'exécution; mais
par les difpofitions qu'il a faites, le public a regagné d'un
côté ce qu'il avoit perdu de autre.
Il fouhaitoit fort qu'il y eût des Profeffeurs en Chirurgie
dans les principales villes du royaume, & il a eu le plaifir
de voir cet établiffement fait à Rouen & à Marfeille. Sa
fagacité dans la connoiflance des maladies, étoit étonnante ;
un feul exemple fuffira pour le faire voir : il fe crut attaqué
de la pierre en 1734, & fut fondé à deux différentes re-
prifes, fans qu'on en trouvät aucun veftige : malgré cet exa-
men, il perfifta dans fon opinion, que l'ouverture de fon
corps a juilifiée, on lui trouva dans la veflie une pierre de
trois onces.
Sa réputation lui avoit acquis l’eflime de prefque tous les
Souverains de l'Europe; outre ceux dont nous avons parlé
dans cet Eloge, le duc Théodore de Bavière, le roi de
Prufle père du roi régnant, & l'électeur de Cologne,
entrent dans la lifte de ceux qui lui demandèrent des fecours.
Il répondit à leur confiance, en leur envoyant la fanté, ou
par fes confultations, ou par le même M. Houftet dont
nous avons déjà parlé. :
L'amour du bien public a été fa paffion dominante, &
pour terminer cet Eloge, en remettant fous les yeux toute .
fa vie en peu de mots, il a vécu utile à fon Roi & à fa.
patrie, & eft mort honoré de l'eflime publique, & laiffant
après lui la réputation la plus flatteufe &c la mieux méritée.
MEMOIRES
1 w/
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de HS en EUR ILES
MEMOIRES.
MATHEMATIQUE
DE PHYSIQUE,
EURE SUD ES RE GTETRE"S
de l’Académie Royale des Sciences *
De l'Année M. DCCXLVIL
RECHERCHES
SUR L'EQUILIBRE DE LA LUNE
DANS SON ORBITE.
Par M. DE MAIRAN.
: he que je donne ici fous ce titre, devoit faire partie 31 Mai
dun plus grand Ouvrage fur d'Aftronomie phyfique 1747:
de la Lune, commencé depuis plufieurs années, & dont
Mém. 1747.
2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
tout ceci n'étoit en quelque forte que le préliminaire. Cet
Ouvrage exigeoit un grand nombre d'obfervations que j'a-
vois réfolu de faire, mais que je n'ai point faites, ou que
je n'ai faites qu'imparfaitement , faute de loifir, & d'une
pofition aflez commode pour F'exécution de mon deflein.
Je n’efpère pas mieux de l'avenir : c'eft pourquoi je me dé-
termine à donner ce commencement qui confifte en deux
Mémoires, dont l'un a pour objet la Rotation de la Lune
fur fon axe, l'autre fa Libration, & où il me femble que
ces deux queftions de Statique lunaire font autrement trai-
tées qu'elles ne l'avoient été jufqu'à préfent. Et afin que
mon projet puifle être fuivi, s'il en eft jugé digne, j'ajoû-
terai à la fin du fecond Mémoire un plan de mes obferva-
tions, & Jun des principaux ufages que je me propofois
d’en faire.
PREMI:IER MÉMOIRE.
De la Rotarion de la Lune.
I. La queflion fi la Lune tourne, ou ne tourne pas fur fon
axe, n'eft en un fens qu'une queftion de nom ; elle devient
en un autre fens un objet très-réel, & à tous égards elle
mérite d’être éclaircie, fur-tout à la tête d’un ouvrage où il
s'agit de la libration, & de l'équilibre de la Lune dans fon
orbite. Sa libration n’eft elle-même qu’une rotation, vraie ou
apparente, phyfique ou optique, &, à mon avis l'une &
l'autre, alternativement commencée tantôt d’un côté, tantôt
de l'autre, en longitude & en latitude. Ce que nos prédé-
cefleurs ont penfé fur ce fujet, & fur la rotation en général,
fera le premier point de cette recherche, & je ne ferai nulle
difficulté de m'y étendre, par le rapport immédiat que cette
difcuffion fe trouve avoir avec quelques-unes de celles où
je dois entrer dans Ja fuite.
IT. Les anciens Aftronomes, tels que Ptolomée, & plu-
fieurs fiècles après lui, Peurbach, Copernic, Tycho-Brahé,,
& la plüpart de leurs difciples, ont fait faire à la Lune une
DE S l\SNC TIEN c'e S
révolution entière fur elle-même dans chacune de fes révo-
lutions périodiques autour de la Terre; parce que fans cela,
difoient-ils , il feroit impofñfible qu'elle nous préfentit toû-
jours à peu près la même face, comme nous voyons qu'elle
fait. Képler au contraire, & les Aftronomes de fon temps,
qui ont fuivi lhypothèfe des excentriques, ou des orbes
elliptiques, ont foûtenu que la Lune ne tournoit pas fur elle-
même ou fur fon axe, & précifément par la même raifon,
parce qu’elle nous préfente toûjours la même face, & les
mêmes taches. « Le Soleil & la Terre, dit Képler, tournent
fur leurs axes ; ce qui eft certain par les obfervations : mais la
Lune ne tourne pas fur le fien, comme il eft démontré par le
phénomène conftant de fes taches.» /4) Et long-temps après
Képler, le célèbre Wallis penfoit encore de même, & par
la même raifon, «parce, difoit-il, que la même face de la
Lune eft toüjours tournée vers nous.» * Nous verrons ce-
pendant que tous ces auteurs s'accordent parfaitement en ce
point, qu'ils ont tous entendu la même chofe par tourner fur
fon centre ou fur fon axe.
TL. Mais voici un autre langage, ou plûtôt d’autres idées,
& dont feu M. Caffini a été le premier promoteur; comme
il paroît par l'Hiftoire de l'Académie, année 1 67 s *.
Sans nous arrêter à l'expofition qu'en fait l’hiftorien, &
qui n'eft pas bien exacte, écoutons M. Caffini lui-même,
dans fon difcours De l'origine & des progrès de l'Affronomie.
Comme les Coperniciens, dit-il, attribuent deux mouvemens à la
Terre, l'un annuel, € l'autre journalier ; de même on à confidéré
dans la Lune deux mouvemens différens. Par l'un de ces mou-
vemens, dont la révolution s'achève en 277 jours &7 un tiers, la
Lune paroît tourner d'orient en occident fur un axe parallèle à
celui de fon orbite. L'autre mouvement fe fait réellement d'occident
en orient fur un axe dont les poles font éloignés de ceux de la
Lune tranfportée dans fon globe, de fept degrés &7 demi, & des
(a) Sol &Tellus gyrantur circa fuos axes, quod experientiä certum eft. —
Luna viciffim non gyratur cirça fui corporis axem, maculis id arguentibus.
ÆEpirom, Affron. Cop, p, 555.
AS
* Opeer. to, I],
P: 743:
* Du Hama,
Reg. Sr. Acad.
Hifl, p. 147.
éd. 2.4 1707.
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
poles de l'échptique, de deux degrés © demi; & il a pour
colure ou premier Meridien, le cercle de la plus grande latitude
de la Lune tranfporté auffi dans fon globe. De la complication
de ces deux mouvemens contraires , dont l'un n'eft qu'apparent,
& l'autre eff réel, l'un eff inégal à l'autre égal, réfulte la libration
apparente de la Lune.
Nous examinerons bientôt ce qu'il faut entendre par le
premier de ces deux mouvemens contraires, que je ne fache
pas avoir été expliqué nulle part. Ce que M. Caffini, digne L
fils de ce grand Aftronome, en a dit dans fon Mémoire de
1721, fur la libration apparente de a Lune, eft fans doute |
très-jufte, mais auffi très-fuccinét. C’eft pourquoi, fans pré-
tendre porter aucune atteinte à cet excellent Mémoire, je à
fuivrai le plan d'explications & de recherches que je me fuis 3
fait ici fur toutes ces queflions, & qui eft très différent du
fien. |
IV. Enfin M. Newton fuppofant, de même que feu M. L
Caffini , l'inclinaifon du nouvel axe, a admis auffi la rotation
de la Lune fur cet axe d’occident en orient , fans rien ajoûter
d'aucun mouvement contraire, vrai où apparent. « Jupiter,
pere + » dit-il, dans la troifième édition de fes Principes *, tourne fur
» lui-même par rapport aux Fixes en oh 56", Mars en 24h
» 39’, Vénus en 23 heures ou environ, la Terre en 23h 56’,
le Soleil en 25+ jours, & la Lune en 27 jours 7h 43".»
La reftridtion , par rapport aux Fixes, ne fort pas jufque-là
de l'idée de Képler ; car aflurément cet Aftronome n'auroit
eu garde de dire, que la Lune ne part pas tourner fur
fon axe, étant vüe des Fixes ; mais la comparaifon qu'y
ajoûte M. Newton, tout oppolée à celle de Képler, fait voir
qu'il croyoit la rotation de la Lune fur elle-même auffi réelle
que celle du Soleil, de Jupiter, de la Terre, & des autres
Planètes premières. .
V. C'eft ainfi que l'entendent, & que parlent aujour-
d'hui les Aftronomes; & ils prononcent en cela l'arrêt de
Képler : car ce font ici bien nettement & fans équivoque,
deux propofitions contradictoires. À l'égard de Mrs Caflini
DES SCIENCES. s
& Newton, on verra qu'ils ne diffèrent entreux que dans
l'explication de lhypothèle. ,
Tächons de développer toutes ces idées tant des anciens
que des modernes; & pour mieux entrer dans le fens des
premiers, tranfportons-nous d’abord à leur façon de conce-
voir la rotation d'un globe, en la définiffant de la manière
dont il eft à préfumer qu'ils l'auroient définie eux-mêmes , &
qui eft en effet celle qui fe préfente le plus naturellement à
l'efprit.
De la Rorarion de la Lune, d'après l'idée de Képler,
à des Affronomes de fon temps.
VI. Je dis donc que les anciens Aftronomes, Képler, &
tous ceux qui ont fuivi fon Aftronomie jufqu’en 1675, ont
entendu par wn globe qui tourne fur lui-même, Jur Jon centre, ou
Jur Jon axe, 7 qui parcourt en même temps une ligne droite ou
courbe, celui dont les parties confidérées dans le plan d'un de fes
grands cercles, € dans la direclion de Jon mouvement tranflatif,
prennent fucceffivement toutes les pofitions poffibles par rapport à
cette ligne : & au contraire, par wa globe qui ne tourne pas fur
fon centre ou fur fon axe, celui dont tous les diamètres quelconques
confervent toñjours la même pofition , dr font toëjours le même
angle avec cette ligne.
… VIT. Cette définition de a rotation, que j'appellerai la
définition des anciens ou de Képler, comme étant prife du.
fond de leur doctrine fur. ce fujet ; cette définition, dis-je,
en tant qu'elle fe manifefte par des fignes extérieurs, revient
à l'idée que nous avons du roulement & du gliffement des corps,
qu'on peut définir ainf. Un corps fe meut en roulant, lorfque
pendant que fon centre de gravité decrit une ligne droite ou courbe,
Jes autres points changent continuellement de fituation à l'égard.
de cette ligne dans un même plan, à décrivent fur elle d'autres
lignes qui. la coupent ; à il fe meut en. glifant, lorfque pendant
que fon centre de gravité décrit cette ligne, fes autres points dé-
crivent des parallèles à celle-ci.
VIIT Donc fun diamètre quelconque D 44. du globe. Fig. 1 &2.
| À ii
6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Fig. 1: &2. LL, dont le centre de gravité & de figure parcourt fa ligne
AR, droite ou courbe, & fe trouve tout de fuite tranfporté
de Aen B, &c. fur cette ligne, fait {ucceffivement avec elle
tous les angles poffibles, D AR, DBR, &c. { fig. 1 ) ou
DAE, DBE, &c. (fig. 2) avec fes tangentes G E aux
points À, B, &c. ce globe tourne fur fon centre en parcou-
rant fa ligne À À. Et au contraire, &c.
IX. Donc fi la courbe À R eft rentrante en elle-même,
(fig. 2) & fi le globe L qui la parcourt, par exemple, de 4
vers B, tourne en même temps fur lui-même de D vers F, &
y fait une ou plufieurs révolutions fur fon axe (toüjours fup-
pofé perpendiculaire au plan de cette courbe) foit commen-
furables, foit incommenfurables avec fa révolution périodique
autour d’un point intérieur À, il eft évident que le diamètre
D M fera fucceflivement tous les angles poffibles avec cette
courbe ou avec fes tangentes, & réciproquement avec les
rayons vecteurs À Æ, B Æ, &c.ou, ce qui revient au même,
u'il préfentera fucceffivement tous les hémifphères réfultans
de la fection de fes méridiens ; au centre Æ, ou au point quel-
conque de la développée de fa courbe À À.
X. Donc fi le globe L fait toüjours le même angle avec
Jes tangentes de la courbe rentrante qu'il parcourt, & pré-
fente toûjours le même hémifphère au centre Æ' de fa circu-
lation, ou aux points de la développée, il ne tourne pas fur
lui-même.
XI. Voilà, pour commencer par la théorie la plus fimple,
l'idée que Képler & tous ceux qui avoient adopté fon Aftro-
nomie ou rejeté les épicycles, Bouillaud, Hevelius, Ric-
cioli, Dechales, & cent autres, foit comme Aftronomes, ou
comme Géomètres, parmi lefquels on peut compter Def-
cartes, fe font faite de la rotation d'un globe jufqu’en 1675,
quand ils nt dit, la Lune ne tourne pas fur elle-même, elle
eft énconverfible fur fon centre, puifqu’elle nous préfente toû-
jours le même hémifphère, maculis id arguentibus. Et il y aura
toûjours bien des occafions où il conviendra mieux de con-
fidérer la rotation fous cet afpect, plütôt que fous aucun autre.
D ES) SCIE N CES.
Nous allons montrer que les Aftronomes qui ont précédé
Kébpler, & qui admettoient les épicycles, ne pouvoient penfer
autrement fur la rotation, par cela même qu'ils ont dit tout
le contraire de la Lune dans fon épicycle; mais il faut aupa-
ravant faire deux remarques.
XIL. La première, que dans le cas où la courbe rentrante
parcourue eft un cercle dont le centre fait l'origine & le
point de révolution des rayons vecteurs, le globe L ne fau-
roit ne pas tourner fur fon centre, fans que fon diamètre
D M ne conferve toûjours exaétement la même pofition
à l'égard de la courbe & de fes tangentes, & en même temps
avec chacun des rayons vecteurs; mais que dans le cas de
l'excentricité, il faut néceflairement opter, de la pofition
conftante du globe, & de fon diamètre D M, ou à l'égard
de la courbe & de fes tangentes, ou à l'égard du rayon
vecteur. Car alors, fi le diamètre D 47 fait toûjours un
même angle avec les tangentes GA E, GB E, il quittera en :
B, par exemple, le rayon vecteur avec lequel il fe confon-
doit en À, & ce fera le rayon veéteur qui changera conti-
nuellement de pofition avec les tangentes : & réciproque-
ment {1 le diamètre D M fe confond toüjours avec le rayon
vecteur , ou fait avec lui un angle conftant quelconque, il
changera de pofition par rapport aux tangentes G BE, Si
on mène gBe perpendiculaire au rayon veéteur, la mefure
de ce changement fera indiquée dans le premier cas par
V'angle A8 m— MBK, & dans le fecond, par l'angle
GBg — EBe — M Bm, toùjours proportionnel à l'ex-
centricité actuelle du point 2 où fe trouve le globe. Dans
Jun , favoir , lorfque D M garde une pofition conftante à
l'égard des tangentes, il eft évident par la définition qu'il n’y
aura nulle rotation du globe fur fon centre, quoiqu'il paroifle
y en avoir de la quantité }/m, & que l'œil placé en Æ voie
cette partie ou fon égale G g de lhémifphère fupérieur. Dans
Vautre au contraire, où D M fe confond par-tout avec le
rayon veéleur, il y aura rotation de la même quantité Gg
ou Æe, quoiqu'il paroifle n’y en point avoir, & que l'œil.
Fig, 3°
Fig. 4.
8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
placé en Æ ne voie jamais tout au plus que l'hémifphère du
globe tourné vers ce point; à quoi l'on pourroit ajoûter un
troifième cas qui participeroit plus ou moins de ces deux,
felon qu'on attribueroit plus ou moins d'énergie au rayon
vecteur, ou au point central de la circulation , fur la partie
inférieure du globe. Mais c’eit ce qui doit être plus partieuliè-
rement expliqué, quand nous traiterons de la libration. N'ou-
blions pas cependant qu'il ne s'agit ici que de la rotation pro-
prement dite, ou de la révolution compléte de ta Lune fur fon
centre, & que nous y faifons abftraétion de ces petits balan-
cemens, vrais ou apparens, qui étoient très-connus du temps
de Képler. Prenons garde auffi que dans les auteurs contem-
porains de Képler, ou dans ceux qui l'ont fuivi, & qui ont
traité de fa libration de la Lune, jufqu’à feu M. Cafini, lorf-
qu'ils ont parlé du mouvement de cette planète fur un axe,
c'eft toûjours de fon balancement qu'il faut l'entendre, & fur
un axe très-différent de celui de la révolution totale qui fait
le fujet de la queftion.
XIII. Ma feconde remarque eft, qu'un globe peut, felon
l'idée de Képler, ne pas tourner le moins du monde fur fon
axe par rapport à un point pris hors de la courbe de fà circu-
lation, ou infiniment loin dans le plan de fon équateur,
préfenter toûjours le même hémifphère à ce point, conferver
un parallélifme parfait dans un de fes diamètres ou dans le
plan quelconque d'un de fes méridiens, & tourner cependant
de fait fur fon axe, dans toute la rigueur de la définition ci-
deflus, & des circonflances qui la caraétérifent : & récipro-
quement qu'un globe peut tourner par rapport à un point
pris hors de la courbe de fa circulation, ou infiniment éloigné
dans le plan de fon équateur, & ne pas tourner fur fon axe.
XIV. II fuffit de jeter les yeux fur la figure pour fe con-
waincre de la première partie ou de la directe de cette propo-
fition. Car le diamètre D 4 du globe Z, qui demeure toû-
jours parallèle à Jui - même en À, 2, P, &c. fur la courbe
AR, tandis que le globe y circule de À vers B, parexemple,
ce diamètre, dis-je, fait fucceffivement tous les angles poffibles
avec
pu y #3
60
DÉESN Sc E NC rs
avéc cette courbe ou avec fes tangentes, comme Îe demande
la définition. D'où il fuit qu'à chaque révolution compléte
que le globe aura faite fur la courbe rentrante, il y aura fait en
même temps une révolution entière fur fon propre centre, &
qu'il aura préfenté tous fes hémifphères au point central de
f circulation. F |
X V. L'inverfe eft également démontrée parle n.° 10,8 Fig. 5:
par l'impofñbilité qu’il y a qu'un globe préfente toûjours le
même hémifphère AZ, au dedans Æ, de fa circulation, &
le même hémifphère au dehors. ds
XVI. Venons maintenant au fyflème des Epicycles. Fig. 6.
… Soit lecercle AR de la quatrième figure, confidéré comme
épicycle lunaire, abp (fig. 6), & fon globe L, comme la
Lune même, & le tout tranfporté fur le déférent À F, con-
centrique à la Terre 7° avec les deux mouyemens de circu-
ation & de rotation que nous avons attribués à. ce globe.
Imaginons que, conformément à la doctrine des épicycles, le
centre À de l'épicycle abp fe meut avec fon déférent 4 F;
de À vers P, felon l'ordre des Signes, tandis que la Lune Z
parcourt cet épicycle de a vers 2, contre l'ordre des Signes.
Suppofons de plus que le mouvement angulaire de l'épicycle
ur le déférent foit parfaitement égal à celui de la Lune en
ens contraire fur fon épicycle.
XVII. Cela pofé, il eft clair, que fi le diamètre D M de
a Lune Z demeure toûjours parallèle à lui-même ou à la
_— première pofition 4 À du rayon vecteur de fon épicycle, &
— fait enfuite tous les angles poffibles avec ce même rayon
— parvenu en AÛ, &c. & avec les tangentes de l’épicycle,
comme dans le cas du n.° 1 4, il demeurera toüjours parallèle
vau rayon vecteur A7, BT;, &c. du déférent, & dans toutes
es pofitions poffibles autour du centre 7: Car l'égalité qu'il
y a toûjours, par hyp. des angles alternes 476 À, b Aa,
& MP B, BBa, avec BT' A, engendre ou fuppofe le
parallélifme conftant entre le diamètre D M, & le rayon
-vecteur quelconque 2 7 for
XVIII I fuit de la même conftruction, que D M fera
Mém. 1747: B
10 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
toûjours dirigé vers un point €; au centre, ou à la développée
de la courbe a B EZ que décrit le centre du globe £, par
fon mouvement compolé; & par conféquent, que D Me
confondra toûjours avec le rayon ofculateur PB © de cette
courbe,
XIX. Donc felon la définition n.° 6, & n.° 14, (fig. 4)
la rotation de la Lune eft compléte fur la courbe immédia-
tement décrite par fon centre, ou par fon mouvement fimple
& proprement dit fur l'épicycle; tandis qu'elle efl abfolu-
ment nulle, n.° 15, (fig: ÿ ) fur la courbe Z, décrite par fon
mouvement compolé, en vertu de l’épicycle emporté par le
déférent : d'où il fuit que la rotation doit auffi être réputée
nulle, ou fimplement optique, & tout au plus de la quantité
angulaire ETF, GTH, relativement à l'obfervateur placé
en 7. Ce n'eft que la libration apparente, dont il n'étoit
pas queftion dans le fiècle des épicycles, & qu'enfuite Képler
a fort bien diftinguée de la rotation. Donc, felon les Aftro+
nomes qui admettoient les épicycles, la Lune devoit tour-
ner, faire une révolution entière fur fon axe, tandis que
felon Képler, & les Aftronomes qui ont fuivi fes principes,
elle a dû ne pas tourner fur fon axe. Donc enfin, ceux qui
ont dit, la Lune tourne fur fon axe, & ceux qui ont affuré
qu'elle n'y tournoit pas, n'ont exprimé qu’une feule & même
idée en termes contradictoires; & tous en ont donné la même
raifon, favoir, que la Lune nous préfente toûjours la même
face.
XX. Nous avons pris l'hypothèfe des épicycles dans fa
plus grande fimplicité, fans nous embarraffer des autres cer-
cles dont on l'a chargée, tantôt comme déférens, tantôt
comme épicycles par deflus les précédens, à mefure qu’on a
découvert de nouvelles inégalités dans la Lune : car au fond,
& par rapport à la matière dont il s'agit, on eft toüjours
parti de la même idée.
XXI. Nous n'avons pas eu befoin non plus, de connoître
la courbe Z, que décrit le centre de la Lune par ce double
mouvement fur deux cercles, d’orient en occident fur l'un,
ANT
DES SCIENCES. TI
‘ d'occident en orient fur l'autre : quelle qu’en foit Ia nature,
nous en aurions tiré les mêmes conféquences. Mais on peut
voir d'un coup d'œil, & par le parallélifme conftant des
rayons vecteurs BB de lépicycle, qui forment autant de
droites égales appliquées à la circonférence du déférent, que
la courbe Z, eft encore un cercle de même diamètre que ce
déférent tranfporté de T'en C, & dont l'excentricité CT, par
rapport à celui-ci, eft mefurée par le rayon 4 À de l'épicycle.
Ainti le point C que nous n'avions pas déterminé ci-deffus,
n° 18, comme pouvant appartenir fucceflivement à autant
de points d’une développée, devient unique de pofition', &
le centre même du cercle Z. Les moyennes diftances ET,
GT, fe trouveront fur fon diamètre £G parallèle à FT A,
les grandes & les petites, aZ, PT, fur a P, qui fe confond
avec la ligne des apfides.
De la Roration de la Lune dans ce qu'elle a de réel,
d'après l'idée des Modernes.
XXII. Dans tout ce qu'on vient de voir, la rotation n’a
été confidérée que dans fes circonftances extérieures, & rela-
tivement au chemin parcouru par le centre de gravité du
mobile; il eft temps de l’examiner dans ce qu'elle a d’abfolu,
de phyfique & de réel en elle-même, indépendamment de
toute relation extérieure, & de la définir fous ce nouveau point
de vüe. Nous verrons énfuite jufqu’où cette théorie s'accorde
avec la précédente, l’ufage que M": Caffini & Newton ont
fait de l'une & de l'autre, & celui qu'il convient d’en faire.
Tout corps, tout fphéroïde, & pour ne point nous écarter
de notre fiyet, tout globe, tel que celui de la Lune, fera dit
tourner réellement fur fon centre on [ur fon axe, fi, par fon mou-
vement, des parties qui le compofent acquièrent une véritable force
centrifuge fur fon centre, ou fur l'axe de révolution qui pañle par
Jon centre ; de manière que fi ces parties venoient à fe défunir,
elles s'échapperoient par les tangentes des cercles que décrivent
fous ces points autour de cet axe, Et au contraire, tout globe
B ij
12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
qui, par Jon mouvement , ou en tournant autour d'un centre quel:
conque , H'acquiert point cette force centrifuge fur l'axe de revo-
lution qui palfe par fon centre, ne tournera pas réellement fur lui-
méme ou fur fon axe.
XXII. Les fignes de la rotation des Anciens & de
Képler, conviennent également & fans reflriétion, à la droite
& à la courbe que décrit le centre de gravité du mobile; mais
ils ne font applicables à la rotation phyfique & réelle de Ja
définition ci-deflus, qu'autant que le mobile ne parcourt ”
qu'une ligne droite. Car il eft évident que le globe Z, (fig. 1)
ne fauroit préfenter fucceffivement fon diamètre D M fous
tous les angles poflibles à la droite AR, fans tourner réelle-
ment fur lui-même, c’eft-à-dire, fans acquerir une force
centrifuge relative à fon axe, &, réciproquement, que fi le
globe L préfente toûjours fon diamètre D 47 à la droite
AR fous le même angle, il ne tourne point fur lui-même, ne
pouvant acquerir par ce feul mouvement rectiligne , la force
centrifuge qui fait toute la réalité de la rotation. Mais il n’en
eft plus de même fi le globe fe meut fur une courbe ; Îa
rotation & la non-rotation font alors très-équivoques, y
ayant tel cas où ce qui étoit rotation felon fa première défi-
nition, ou dans relatif, cefle de l'être felon la feconde, ou
dans l'abfolu, & tel autre où ce qui ne l'étoit pas, le devient
très-réellement. C'eft ce qui va être éclairci par les exemples
des nes 13,14, 15, & fur les mêmes figures 4 & 5.
XXIV. Le globe Z, (fig. 4) tournoit für fon axe, felon
la définition de Képler, il n’y tourne pas felon la nôtre; &
il en ef tout au contraire du globe L, (fig. $).
Car, 1.° la direction de la force impulfive quelconque qui
‘fait circuler le globe Z, (fig. 4) fur la courbe À R, eft cenfée
à chaque inflant fe confondre avec la tangente à cette courbe;
& comme nous devons ici fuppofer ce globe parfaitement
homogène dans toutes fes parties, il eft évident qu'il y aura
toûjours un parfait équilibre entre les deux hémifphères quel-
conques, pris de part & d'autre de cette direction ou de Ja
tangente; & par conféquent que la force cireularrice appliquée
#
1DES SCIENCES 13
À fon centre, ou perpeudiculairement à un point de fa {ur-
face, ne fauroit jamais le faire tourner fur lui-même, ni
faire naître en lui aucune force centrifuge ou axifuge ; car
la force centrifuge ne peut être produite fur un globe, que
par une impulfion oblique à fa furface. Donc le globe Z,
(fig: 4) felon la définition de la rotation abfolue ou réelle,
ne tourne pas fur lui-même, n'a nulle rotation.
C’eft une conféquence du grand principe de fa perfévé-
rance des corps dans l’état de repos, ou de mouvement, &
dans la fituation où ils fe trouvent, jufqu’à ce qu’une caufe
étrangère vienne les en tirer. Or dans l’état du globe circu-
Jant fur la courbe AR, (fig. 4) ni dans la force tranflative
ou impulfive qui le fait circuler, on ne voit rien qui puifle
le retirer de la fituation où il fe trouve par rapport à f’efpace
infini & immobile, & cette fituation conftante exclut né-
ceffairement la rotation réelle ; donc, &c.
_XXV. 2.° Puifque de cela feul que le globe L préfente
toûjours le même hémifphère à l’efpace infini, ou à un point
infiniment éloigné hors de fa circulation, le globe L ne
tourne pas réellement fur fon axe, il faut néceflairement
(fig. 5 ) que le globe qui préfente fucceflivement tous fes
hémifphères à un point infiniment éloigné hors de fa circu-
Jation, & 1oùjours le même hémifphère au centre Æ, ou au
dedans de fa circulation, tourne réellement fur lui-même, &
y fafle une révolution compléte de même durée que fa cir-
culation.
XX VI. Cette théorie nous conduit naturellement à l'hy-
. pothèfe de feu M. Caffini, fur la rotation de la Lune, & je
fuis fort trompé, s'il n'y a été conduit lui-même par un
femblable enchaïnement de principes & de réflexions ; mais
foit qu'il n'ait pas voulu s'écarter entièrement du langage de
fon temps, en expofant une nouvelle idée, foit qu'il ait cru
fe faire mieux entendre en fe prétant aux idées reçües, ila
compliqué la rotation phyfique & réelle avec la rotation rela-
tive, telle que Képler l'avoit fuppolée, il en a fait deux mou-
yemens contraires qui {e détruifent, mais après la deftruétion
B ii
14 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
defquels il refte pourtant à la Lune une rotation très-réelle ;
parce que celui-ci l'emporte néceflairement fur le relatif ou
l'imaginaire, comme nous allons l'expliquer.
XXVIL Par l'un de fes mouvemens dont là révolution s'achève,
dit-il, (Sup. n° 3) en 27 jours à un tiers, la Lune paroît tourner
d'orient en occident fur un axe parallèle à celui de fon orbite.
Ce mouvement ne peut être que la rotation qui réfulte,
par la première définition, du parallèlifme perpétuel du dia-
mètre DM, n° 13, (fig: 4) par rapport à un point pris
hors de la circulation À À ; car dans ce cas, n.° 14, & felon
l'idée des anciens Aftronomes, la circulation doit renfermer
une révolution entière de la Lune fur fon axe. Il faut feulement
prendre garde, que commeil ne s’agit plus ici de l'hypothèfe
des épicycles, les mouvemens de circulation & de rotation
indiqués fur cette figure, doivent être pris en {ens contraire;
favoir, le premier, de À vers À, ou d'occident en orient,
comme fe meut la Lune fur fon orbite; & le fecond, de
vers D, ou d'orient en occident, qui conflitue en ce cas la
rotation relative, & qui s'achève en pareil temps que la
circulation. Auffi M. Caffini qualifie-t-il cette rotation de
mouvement apparent © inégal : d'apparent, parce que cette
rotation n’a rien de réel que relativement à la Terre, ou à
quelqu’autre point pris au dedans de la circulation, & difpa-
roitroit fi la Lune L ou fon diamètre D M étoient vûs du
Soleil ou des Fixes : d'inégal, parce que, felon l'hypothèfe,
il fuit toutes les inégalités du mouvement de projection de
la Lune dans fon orbite.
Voilà dans quelle fituation & fous quel afpeét if faut
d'abord confidérer fa Lune, préfentant fucceffivement tous
fes hémifphères à la Terre, d'orient en occident, dans cha-
cune de fes révolutions périodiques.
XXVIIT. L'autre mouvement, ajoûte M. Caffini, Je fait
réellement d'occident en orient, &c.
Vient donc enfin la rotation phyfique & réelle qui rétablit
le phénomène, conftant ou à peu près, du même hémifphère
tourné vers la Terre ; & ce fecond mouvement contraire at
DES SCIENCES. 15
premier, eft celui qui fe fait d’occident en orient, ou, felon
Tordre des Signes, de D vers , fur le nouvel axe incliné
de 7+ degrés au plan de l'orbite. M. Caffini le qualifie de
réel & d'égal : de réel, par nature, n.° 2$, & parce que
pour tirer le globe ou le diamètre D 47 du parallëlifme où
il feroit toûjours en vertu de la feule force tranflative, &
lui faire tourner le même hémifphère AZ, (fig. $ ) vers le
point central # de fa circulation, il faut avoir recours à une
autre force, favoir, celle qui produit la rotation réelle ifo-
chrone à la circulation : d'égal, par hypothèle, & parce que
le phénomène de la libration parut à M. Caffini demander
cette condition, & cette complication d'égalité & d'inégalité
entre les deux rotations contraires qu'il y a introduites ;
comme nous le dirons plus particulièrement quand nous en
ferons à ce phénomène. C’eft-là, à mon avis, toute la théorie
dé feu M. Caffini, fur la rotation lunaire.
XXIX. Quant à la doctrine de M. Newton fur ce fujet,
elle ne diffère prefque point de celle de M. Caffini, fi ce ‘
n'eft qu'il en a retranché la rotation apparente d’orient en
occident, qui ne feroit aujourd’hui que l'embarraffer ; & il
_a été fuivi en cela de tous les modernes qui ont adopté fon
hypothèle, foit qu'on ait entendu cette fiétion aftronomique
de M. Caflini, ou qu’on ait négligé de l'entendre & de l’ex-
pliquer. Mais quoi qu'il en foit, j'ofe dire, que par-là même
Ténoncé de M. Caffini eft marqué au coin de l'inventeur ;
. fans que je prétende pourtant refufer la même gloire à M.
Newton, dont {a date eft de bien peu poftérieure à fa fienne,
fur quoi l'on peut confulter l'appendix aux Inftitutions aftro-
nomiques de Mercator, imprimées à Londres en 1676, &
auxquelles M. Newton renvoie le lecteur, dans la troifième
édition de fes Principes.
-XXX. La rotation ifochrone à la circulation, n’a été
confidérée jufqu'ici, & démontrée n° 2 5, que fur un globe
fuppolé parfaitement libre, dans le vuide ou dans un efpace
non réfiftant , & comme n'étant follicité à fe mouvoir fur
une courbe rentrante en elle-même, que par une infinité
Fig.-7e
16 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d'impulfions fucceflives, & continuellement parallèles aux
tangentes de cette courbe.
Mais imaginons que le globe Z, circulant autour du point
K, y foit retenu & enchaïné par une force centrale quel-
conque, qui dirige fans cefle fon hémifphère 41 vers ce point,
& contraigne ainfi tout le globe à fuivre le mouvement an-
gulaire de fon rayon veéteur, comme fi ce rayon & le dia-
mètre D M ne faifoient qu'une feule & même ligne inflexible
à laquelle il fût attaché. Dirons-nous, en ce cas , que le globe
L, outre fon mouvement de circulation autour du centre #,
& fa force centrifuge autour de ce centre, a auffi un mouve-
ment de rotation, & une force centrifuge autour de fon propre
centre? Il faudra donc en dire autant de tous les points du
rayon vecteur, &, par exemple, de tous les arbres, de tous
les édifices qui tiennent à la terre, en un mot, de tous les
grains de fable qui compofent notre globe : car tous ces points
phyfiques feront par-là chaque jour une révolution compléte
fur eux-mêmes, tandis qu’ils en font une autour de l'axe ter-
reftre; ce qui mérite du moins d'être éclairci, & d'autant plus
que la Lune eft vrai - femblablement dans le même cas ou
approchant, & qu'on ne peut guère douter qu'il n’y ait une
force, quelle qu'elle foit, qui en dirige toüjours à peu près
le même hémifphère vers la Terre, comme il fera plus par-
ticulièrement expliqué en fon lieu.
XXXI. Pour toute réponfe, nous allons démontrer
d'une manière fenfible, & fans replique, que la circulation
de tout corps, quelle que foit la force motrice qui le fait
circuler, & qui l'oblige à préfenter toûjours la même face
vers un point intérieur à la courbe que décrit fon centre de
gravité, renferme néceffairement & phyfiquement Ja rota-
tion fur lui-même. 2
Soit un corps quelconque, par exemple, le globe Z;
comme enfilé par le rayon veéteur ÀÆX, de manière que fans
changer autrement de pofition à fon égard, il puifle couler
le long de ce rayon de À vers Æ, & fe trouver fucceffivement
par fon centre aux points #,G, &c. Admettons auffi pour
un
D'ENS# STCTE N° CES 1
un moment, que pendant la circulation de A vers À, fur le
cercle AR, ce globe n'ait nulle rotation réelle fur lui-même
de D vers Ÿ, ni en aucun autre fens, nulle force centrifuge
relative à fon axe, comme le fuppofe l'objeétion.
Il ne tournera donc point fur fon axe en 7°, non plus qu’en
G, &c. nienfin en À; car d’où lui viendroit fubitement cette
rotation proportionnelle à fa circulation , pour être feulement
defcendu de A en F, de F'en G, & enfin de Gen Æ, où fon
propre centre fe confond avec celui de fa circulation? Mais
comment ne tourneroit-il point fur lui-même en #, y étant
néceffairement contraint par fon rayon vecteur AK, réduit
alors à ÆX fon propre rayon, & fa circulation ne s’y trou-
vant plus être que fa rotation même? Et s’il tourne en Æ, s’il
y fubit une rotation compléte fur fon axe, comme on ne peut
fe difpenfer d'en convenir, comment cette rotation s’anéan-
tiroit-elle tout à coup, de cela feul qu'il remonteroit du point
Æ au point , par exemple, infiniment proche de X, de celui-
ci à un fecond infiniment proche du point Z, & ainfi de fuite
jufqu’à la diftance finie quelconque ÀG, KF, & enfin X A!
I! eft donc de la dernière évidence que la rotation eft inti-
mement mêlée avec la circulation de tout globe qui préfente
ainfi le même hémifphère 47, & le même diamètre DM,
au centre À de fa circulation, & en général de tous les points
phyfiques qui le compofent, & qui circulent avec lui autour
d'un centre commun.
» XXXIT. Pour voir naître cette rotation de fes premiers
principes, & déterminer fa viteffe à chacun des points de
…. j'équateur ou de la circonférence C, foit À a, l'élément de la
courbe de circulation AR, AT fa tangente en À, at fa tan-
gente en 4, AX le rayon veéteur en À, & a K le rayon vec-
teur en a, infiniment proche de AK. Ce dernier prolongé
fra couper la tangente AT'en e, & il formera avec À XVangle
infiniment petit À Xe. Si maintenant on abaiffe du point À
la ligne Ap perpendiculaire à e X, & par conféquent parallèle
à la tangente 4r, on fait qu'il en réfultera trois triangles
femblables & rectangles, eAX, ApK, ep A. Et puifque ep
Mém, 1747: À C
13 MÉMmoiREs DE L’ACADÉMIE ROYALE
infiniment petit du fecond ordre eft à l'élément 4a ou Ap,
infiniment petit du premier, comme celui-ci efl au rayon
vecteur 4 ou aK, il eft clair que ep fera la foûtendante
d’un angle e Ap égal à l'angle À Ka des deux rayons veéteurs,
de même qu’à l'angle que forment les deux tangentes entre
elles. Cet angle exprimera done la quantité dont le diamètre
DM s'incline à la tangente AT, dans l'inftant où il paffe du
point À au point a de la courbe AR, & la rotation vüe
d'un point infiniment loin hors de cette courbe ;. quantité
proportionnelle à la circulation dans le rapport continu de pe
àp A, ou de p À à pK,ou à AK.
Or un arc fini quelconque de la courbe rentrante AR,
que nous fuppofons ici être un cercle ou à peu près, n'étant
que la fomme des arcs de fecteur infiniment petits, tels que
Aa, comme un arc fini femblable de la circonférence ou de
l'équateur €, du globe circulant autour du point À, n'eft
que la fomme de pareils arcs de feéteur infiniment petits ,
correfpondans à l'angle ep égal à p A, ïl eft clair, que la
révolution tranflative du globe € autour du point Æ, s’achè-
vera en même temps que fa rotation compléte fur fon centre
A; & par conféquent, que la vitefle de fa rotation prife à un.
point quelconque de fon équateur, fera à la viteffe de fa cir-
culation, comme fon rayon eft au rayon de la courbe AR,
ou au rayon vecteur À Æ
XXXIIT Donc, le rayon du globe de la Lune étant à
celui du globe de la Terre environ comme 27 à 100, & fa
moyenne diflance étant fuppofée d'environ $ 8 demi-diamè-
tres terreflres, {a vitefle de fa rotation fera à la viteffe moyenne
de fa circulation ou de fon mouvement périodique, à peu
58 x 100
près en raifon de 1 à » OÙ Environ : 1, 215$.
27
XXXIV. Un femblable rapport pour la Terre eft beaucoup
366%
pofant la diftance moyenne de la Terre au Soleil, de 22000
demi-diamètres terreftres, & que la T'erre fait chaque année
plus grand, favoir : : 1 : :: 1: Go ou environ, en fup-
D'E S S'CTEN CE S 19
366 + révolutions fur elle-même, en y comprenant celle que
ténferne fa circulation autour du Soleil : car cette révolution
eft, comme nous venons de le voir, très-réelle, quoique par
la circonftance pareille à celle de la Lune, il n’en réfulte pas
un jour & une nuit de plus que 365 +. Ces deux rapports
de la Lune & de la ere, font donc entreux : ==,
::60.215::1.3 7 Maïs la rotation abfolue de la Lune,
n'éft à la rotation abfolue de la Terre, les deux étant mefurées
bi par les temps ou elles s'achèvent, qu'envi-
ron: 1.27+; d'où l'on voit que la rotation de la T'erre eft de
toutes façons beaucoup plus grande que celle de la Lune, &
ue c’eft félon ce rapport renverfé de 273 à 1, quelle fr oit
plus fenfible pour un obfervateur placé à à une diftance infinie.
XXXV. Détruifez cètte rotation phyfique & actuelle
de la Lure d’occillent en orient, ce fera le cas de la rotation
fimplemént relative & apparente d’orient en occident, &
la Lune noûs montrera fucceflivement en ce fens tous {es
hémifphères à chacune de fes révolutions périodiques, nes 14
& 27. Rétabliffez cette rotation, & ajoûtez-y une feconde
révolution fur fon axe en même fens, laquelle fera & réelle
& relative; la Lune nous préfentera fiécefivement tous fes
hémifohères d'occident en orient à chacune de fes révolutions
périodiques. Aïnfr la rotation phyfique & actuelle de la
Lune, par laquelle cette planète nous montre toüjours un
même hémifphère, tient le milieu, comme elle le doit tenir,
éntre la rotation phyfiquement nulle ou fimplement appa»
rente, & la double rotation phyfique & réelle, qui, l'une
& l'autre, nous feroient voir fucceflivement, mais en fens
©ppolé, tous fes hémifphères. D'où il fuit que la rotation
incompléte, fraétionnaire & au deffous de l'unité, par rapport
à chaque circulation, fera toûjours apparente & ans cn
fens contraire à fa direction réelle : c’eft-à-dire que+, ++
& en général — de rotation, felon Fordre des Signes
(<= étant < 1) paroîtroit toûjours fe faire contre l'ordre des
Sigües, étant vûe du centre dela circulation, & ne s’acheveroit
C ji
-
20 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
qu'après autant de circulations que le dénominateur de Ia
. = . / La x nr:
fraction contient de fois le numérateur. égal à l'unité,
eft donc le cas de la rotation compléte & relativement nulle,
4 ñn , .
& c'eft à — plus grand que l'unité que commence la rota-
m2
tion plus que compléte, & avec cela relative en même fens
que fa réalité, c'eft à-dire, dans l’ordre des Signes, & où
le nombre des rotations furpaflera celui des circulations,
autant que le numérateur furpatie Le dénominateur.
XXXVI Enfin, fi tout le refte demeurant comme dans
les articles précédens, on imaginoit que la force centrale
quelconque qui retient la Lune dans fon orbite, vint à cefier
tout à coup, & que le globe lunaire L s'échappàt de la courbe
AR par fa tangente AT, il eft clair qu'il tourneroit encore
fur fon centre comme auparavant, de la même viefle & de
même part, le long de la droite À 7” prolongée à l'infini ;
n'y ayant rien dans ce qui précède, ni dans ce qui fuit, qui
s'oppofe en aucune manière à [a rotation acquife en même
temps que la circulation. Et cette rotation deviendroit dès- +
lors relative comme celle du n.° 6, fans cefler d’être réelle
comme celle du n.° 23, c'eft-à dire que le globe préfenteroit
fucceflivement fon diamètre D 47 à certe ligne fous tous les
angles poffibles, qu'il y feroit une infinité de révolutions fur
lui même, favoir, une révolution à chaque fois que fon centre
parcourroit une longueur égale à la circonférence AR; &
que toutes fes parties y auroient continuellement une force
centrifuge ou axifuge.
Voilà, fi je ne me trompe, tout ce qu'il y avoit de plus
important à obferver fur cette matière, & la rotation phy-
fique, réelle & compléte de la Lune, fufffamment conftatée.
XXX VII. Cependant le cas d’une rotation précifément
de même durée que la circulation, & où tous les points du
mobile décrivent des lignes parallèles à celle que décrit fon
centre de gravité, eft fi unique par lui-même, & par le peu
d'exemples que nous en avons dans le Ciel, où nous ne
pe
7
|
PP, +. 1
L'IDHEuS, à SÉCUTMEUNr: CES #3
connoiflons que la Lune, & tout au plus quelqu'autre Satellite
à qui il puifle convenir, il tombe fi peu fous les fens, &
s'écarte f1 fort des notions communes, qu'il mériteroit, ce
me femble, d'être diflingué du cas général par quelque déno-
mination particulière. :
L'imagination a toûjours eu bien de la peine à faifir les
mouvermens qui n'ont pour principe que d’autres mouve-
mens avec lefquels ils fe confondent, fans y être indiqués
par aucun changement de diflance entre les objets extérieurs.
C'eft ainfi que la roue d'Ariflote, aflez femblable à notre quef-
tion, & où le mouvement rectiligne ou de rafion fe trouve
continuellement mêlé avec le circulaire, a fait pendant plu-
fieurs fiècles le fujet d'un problèmie prétendu infoluble *, * Vo. Hif.
… Quand parle moyen des lunettes d'approche, on eft venu Ft ie
à découvrir fur la furface des globes planétaires , des marques |
ou des taches qui paroifloient & difparoifloient dans des pé:
riodes réglées, on en a conclu, & bien naturellement, ce me
femble, que ces globes tournoient fur leurs propres centres;
& je ne doute pas qu'on ne eût conclu de même de la Lune,
fï elle nous avoit alternativement montré & caché fes taches,
& préfenté tous {es hémifphères à chacune de fes révolutions
périodiques autour de Ja Terre. Nous venons de voir cepen-
dant qu'on auroit pû s'y tromper, & de là même manière
qu'on fe trompa en effet, lorfqu'on conclut qu'elle ne tour- -
noit pas fur elle-même, de ce qu'elle nous préfentoit toüjours
e même hémifphère. If à fallu, pour revenir de cette théorie
peu exacte, & après des fiècles, approfondir en quelque
forte la métaphyfique du mouvement confidéré dans l’efpace
infini & immobile, & faire une abitraétion continuelle de
_c qu'on avoit fous les yeux; mais le métiphyfique & l'abftrait
n'étant autre chofe en cette occafion que le phyfique même,
& ce qu'il y a de plus réel dans li Nature, il ne nous eft plus
pérmis de nous en écarter, ni de refufer à la Lune ce mouve-
ment, quoiqu'affez difficile à imaginer, mais très-vifible aux
yeux de l'efprit.
XXX VIIL Oferaï-je encore ajoûter que l’analogie de Ia
C ii
22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Lune à la Terre, fi fouvent employée pour faire entendre ce
mouvement, me paroît plus capable d’en embrouiller l’idée
que de l'éclaircir? car quoique Ja Lune & la Terre tournent
en effet fur elles-mêmes en parcourant leurs orbites, ce font
pourtant dans leur efpèce, & vrai-femblablement dans la
caufe qui les produit, deux phénomènes très-différens.
Si lon veut donc les qualifier, ces deux phénomènes,
chacun par un nom qui lui foit propre, fans déroger à la
fpéculation générale, on en a un moyen fort fimple dans la
définition du n.° 7; par le roulement & le gliffement, toûjours
relatifs à {a ligne fur laquelle on fait rouler ou pliffer le mo-
bile, dont tout les points, excepté le centre de gravité, dé-
crivent en même temps des lignes qui la coupent dans le
premier cas, & qui lui font parallèles dans le fecond. On
diroit donc alors des planètes principales, telles que la Terre,
Jupiter, &c. qu'elles roulent fur leurs orbites, & de la Lune,
qu'elle gliffe fur la fienne. C'eft ainfi du moins que je m'ex-
primerai quelquefois dans la fuite de ces Recherches, pour
défigner ces deux cas, & pour éviter de trop fréquentés
circonlocutions. Le roulement fera toûjours entendu dans le
fens général qu'indique la définition, c’eft-à-dire, en tant
que les points de la circonférence de l'équateur du globe,
décrivent des lignes qui coupent en des points quelconques
celle que décrit fon centre de gravité; ou, ce qui revient au
même,quelles que foient les cycloïdes ou épicycloïdes décrites
par ce mouvement, alongées, moyennes ou accourcies, dans
tous les rapports quelconques de la rotation à la circulation,
excepté celui d'égalité ou de l'ifochronifme. Quant au glifie-
ment qui rélulte de cette égalité, & qui fait le cas unique,
il ne peut être fufceptible de diftinétion ni d'équivoque.
La rotation de la Lune, en tant qu'elle fe lie avec fa libra-
tion, foit longitudinale, foit latitudinale, recevra un nouveau
jour de ce que.j'ai à dire dans le Mémoire fuivant.
CODE
+ Hire
;
:
è
H
ÿ
ê
Am. de UAc.R.des Se, 1747, ag: 22. pli,
7 agram deu
JT, Ingram S'eulp ,
DYE, S,1S)Cj1'E N,C.E,S. 23
D ESIOURSI PTT ON
D'un petit Faon de Biche, monflrueux, envoyé par
le Roi a l’Académie.
Par M MoRaAND.
EF: faifant la difleétion d'un. petit Faon de biche mionf-
trueux, que le Roi a envoyé à Académie, j'y ai re-
connu les particularités fuivantes :
Ce Faon étoit double, ou compofé de deux fœtus unis
enfemble par fa poitrine, & ayant à l'extérieur toutes les
parties bien conformées. Ce. qu'il y avoit de remarquable
dans la ftruéture des parties internés ; s'eft trouvé dans la
poitrine ou dans le bas-ventre.
Ils n’avoient qu'un cœur, d’un volume proportionné aux
poulmons doublés qui lenvironnoient ; ayant à l'ordinaire
deux ventricules, deux oreillettes, & les quatre gros vaif-
faux qui, à fa fortie du cœur, fournifloient les divifions
néceffaires à chacun des deux nes
. A l'oreillette gauche, qui feroit, dans le cas préfet, mieux
nommée, l'oreillette de la veine pulmonaire, étoit attaché
un très-petit fac charnu , figuré comme un cœur, ayant une
cavité qui communiquoit avec celle de cette oreillette.
IL partoit de cette efpèce de petit cœur , & à fa ‘fuper-
ficie, une petite artère qui ne communiquoit point avec fa
cavité, & qui s’anaftomoloit par plufieurs branches avec les
premières branches de Faorte; deux petits canaux artériels
fort courts, fournis par artère pulmonaire , communi-
quoient encore avec la petite artère fingulière.
Il y avoit deux veines-caves fupérieures , dont une s’ou-
vroit directement dans le ventricule droit, fans entrer dans
le fac de l'oreillette droite ; il n’y avoit a une veine: cave
inférieure,
24 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
= Dans le -bas-ventre il-s'eft trouvé un feul foie très-gros,
& une feule veine-porte. Un des deux Faons avoit une ratte
dans la fituation naturelle, l'autre en avoit deux petites dont
le volume réuni étoit un peu plus confidérable que la ratte
unique de l'autre.
L'inteflin duodenum de chaque fœtus, partant du qua-
trième eflomach nommé caillette, fe réunifloit, à fort peu de
diflance de leur origine, en un feul canal qui formoit les
inteftins jéjunum & iléon, & ce dernier fe divifoit vers fa
fin en deux bouts d’inteftins grèles dont chacun s'ouvroità
l'ordinaire dans le cæcum correfpondant, & de-là jufqu'à
l'extrémité du reétum : chaque fœtus avoit fes gros inteftins
& un anus.
Ces fœtus étoient mâles, & ils avoient chacun deux reins }
une veffie, & les parties de la génération bien formées. Le
cordon ombilical étoit fait de la réunion des vaiffeaux om-
bilicaux d’un des deux fœtus qui les avoit complets avec
ceux de l’autre auquel il manquoit une artère.
Le fquelette étoit double, & n'avoit rien de remarquable :
la caifle offeufe commune aux deux poitrines, étoit faite,
comme elle left ordinairement dans les monflres de cette
efpèce, par la jonction des côtes de chacun des deux fœtus
avec un côté de lun des flernums, de forte que chaque
flernum étoit commun aux deux fœtus, & que fa face an-
térieure formoit les côtés de l'animal.
Le fquelette a été dépofé au Cabinet du Jardin du Roi,
METHODE |
|
DES SCIENCES. 2ÿ
M ET HODE
De fe fervir des Miroirs concaves, de métal ou de
verre, pour tenir les métaux en fufion, 7 faire les
mêmes expériences que celles que l'on a pratiquées
avec de grands Miroirs de verre convexes,
Par M. CASSINI.
I: y a long-temps que l'on connoiît l'effet des miroirs de
2 métal concaves, & on en a conftruit de nos jours plufieurs
excellens , tels que ceux du feu fieur Villette, dont il y en a
un! que lon a confervé long-temps à 'Obfervatoire, & qui
eft préfentement au Jardin du Roi.
Ces miroirs étant expolés au Soleil fondent tous les mé-
taux en très-peu de temps : mais comme on eft obligé de les
diriger de forte que leur furface foit à peu près perpendi-
culaire aux rayons du foleïl, il faut que le métal que l'on
weut fondre foit fufpendu entre le foleil'& 1e miroir; ce qui
né permet pas de le tenir Jong-temps en füfion, parce que
me pouvant pas être contenu dans un creufet ou quelqu’autre
vafe, il tombe à terre dans le moment qu'il fe fond, & perd
fa fluidité. Q"11 [Sup 3
- C'eft principalement par cette raïfon que l’on a employé
pour ces fortes d'expériences de grands ‘miroirs convexes
de verre, où les rayons du foleil qui les traverfent, agiflent de
haut en bas fur ces métaux, que lon peut par conféquent
tenir en fufion auffi long-temps que l’on en a befoin, dans le
vafe où ils font contenus.
Comme ces fortes de miroirs font rares, & qu'il eft fort
difhcile de les rendre parfaits, tant par rapport à la forme
qu'ondoit leur donner, qu'à caufe de la matière dont ils font :
compofés, qui doit être fort tranfparente, fans veines ni on-
dulations, cela m’a donné Jieu de chercher: on ne pouvoit
Mém. 1747:
22 Juillet
1747:
»6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pas trouver le moyen d'employer aux mêmes ufages les mi-
roirs ardens concaves, en leur confervant la même activité,
ou en leur en donnant même une plus grande; &'il m'a paru
que cela fe pouvoit exécuter en différentes manières, au
moÿen d'un fecond miroir placé entre le premier & fon
foyer, dont on donnera la defcription dans la fuite de ce
Mémoire.
Soit, par exemple, /fg. 1.) ABCDE la furface d'un
miroir concave fphérique dont le centre eft X; SA, SB,
SC, SD, SE, les rayons du foleil que l’on fuppofe parallèles
entre eux & à l'axe S'XC de ce miroir, lefquels tombent fur
fa furface, & vont fe réfléchir, favoir, les rayons SA, SE
en G, & les rayons SZ, SD en N, plus près du foyer F de
ce miroir quieft, comme l’on fait, en à une diftance CF
égale à la moitié du rayon KC. Tous les rayons interceptés.
entre les points À & £ réfléchis fur la furface de ce miroir,
iront fe réunir dans l'axe SC'entre les points G& F..
Si dans cet état on expofe entre la furface du miroir &
fon foyer un autre miroir plan, A7, perpendiculaire aux
rayons du foleil, il eft clair que les rayons AH, E1, qui
alloient fe réunir en G, fe réfléchiront contre la furface de
ce miroir, & fe réuniront dans l'axe en L à une diftinceO Z,
égale à OG ; que les rayons B H, D L, qui fe feroient réunis
en A, {e réfléchiront en #4, à la diftance O M égale à ON,
& que prenant O P égal à OF, tous les rayons parallèles à
l'axe du grand miroir À BC D E qui tombent {ur fa funface,
feront, après une feconde réflexion fur le miroir plan AZ,
compris dans l’efpace qui eft entre Z & P, de forte que:
Yétendue de ce foyer fera repréfentée par LP égal à GF,,
qui mefuroit cette étendue lorfqu'il n'y avoit point de
miroir interpofé.
On pourra par le moyen de ces deux miroirs ainfi difpo-
fés, faire les mêmes opérations que par les miroirs convexes
de verre, en plaçant à leur foyer, entre L & P, un creufet
ou vafe dans lequel feront contenus les métaux que l’on veut
fondre & tenir en fufion; mais on n'aura pas le même degré
L
:
à
t
DES SCIENCES. 27
de chaleur, non feulement parce qu’il y aura quelques rayons
de perdus par cette feconde réflexion, mais auffi parce que
le petit miroir intercepte une partie des rayons qui font
près de l'axe, lefquels fe réuniffent plus parfaitement que
ceux qui en font plus éloignés. Si le grand miroir a trois
pieds de diamètre, & le petit fix pouces, il y aura la trente-
fixième partie de {a furface du grand qui ne recevra pas les
rayons du foleil, & fera fans action. .
Pour réparer cette perte , on peut employer divers
moyens, dont nous expoferons d’abord les plus faciles à
exécuter.
Le premier eft de fubftituer au miroir plan 477 un autre
miroir de métal ou de verre concave A/R 1, dont la con-
cavité regarde le grand miroir.
Si lon fait ce miroir de manière que fon rayon AM foit
égalà G Fou LP, qui mefure l'étendue du foyer du grand
miroir, il eft évident que tous les rayons réfléchis par ce fe-
cond'miroir feront compris dans l’efpace À L qui eft entre fa
furface AR] & fon foyer L qui n'eft que la moitié de fon
rayon; & que par conféquent l'étendue qu'occuperont fur
Yaxe ces rayons ainfi réfléchis, ne fera tout au plus que la
moitié de ce qu'ils auroient occupé par la première réflexion ;
ce qui augmentera quatre fois le degréde chaleur caufé par
T'aétion de ces rayons, & récompenfera avec avantage la perte
de ceux qui ont été interceptés par le fecond miroir.
On pourroit encore augmenter le degré de chaleur, en
diminuant la grandeur du rayon AM: mais il faut avoir
attention que fa courbure du miroir ÆR J foit telle, qu'il
| recevoir tous les rayons réfléchis par le grand miroir.
= Le fecond moyen d'augmenter l'aétion des rayons du foleil,
feroit de donner à la furface du miroir À BC D E une figure
parabolique /fz. 2.) & de placer entre fa furface & fon foyer
un autre miroir plan Æ/0 7: car par la propriété de a para-
bole, tous les rayons qui font parallèles à l'axe fe réuniffant
par leur réflexion au foyer F'de cette courbe, il eft aifé de
démontrer que par une feconde réflexion contre un miroir
D ji
28 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plan HO1, ils concourront tous à un point P, dont Ia
diftance au miroir Æ/0 J eft égale à la diftance de ce miroir
au foyer Æ de la parabole. |
Au lieu du miroir plan ZO7,on peut y employer un
miroir //R 1 de figure hyperbolique, tel que le foyer Fde
l'hyperbole oppolée foit le mème que celui du grand miroir
ABCD E parabolique. Car alors les rayons S'4, S B, pa-
rallèles à axe XC, qui.après une première réflexion fe fe-
roient réunis en F, étant réfléchis par ce fecond miroir, con-
courront au foyer Z de lhyperbole HR Z, puifque, par la
propriété de cette courbe, la tangente 7 coupant en
deux parties égales l'angle FH L, on aura l'angle F HV, ou
fon oppolé À HT, égal à l'angle L HV, & par conféquent
le rayon À A fe réfléchira en L. II en eft de même de tous
les autres rayons, qui rencontrant la furface hyperbolique
HR I, fe réuniroient tous au point Z, fi l'angle de réflexion
de ces rayons étoit égal à l'angle d'incidence.
Comme il feroit difficile de conftruire un grand miroir
ardent de figure parabolique, j'ai imaginé un autre moyen
pour avoir à peu près le même degré de chaleur que par la
méthode précédente, en y employant de grands miroirs
ardens ordinaires, dont la furface eft fphérique. forh
On prendra { Voy. fig. 3) fur l'axe KC, de G vers C, de
point À pour le fommet d’une hyperbole dont la largeur
HRI doit être telle, qu’elle puifle recevoir tous les rayons
SA, SB, SD, SE, parallèles à l'axe AC, qui ont été ré-
fléchis fur le miroir fphérique À BC D E dont le foyer ef
en F'; & ayant pris le point Æ pour foyer de Fhyperbole
oppofée, on choifira, pour foyer du miroir 4 R L, un autre
point tel que Z, dont fa pofition eft arbitraire, mais qu'il
convient de prendre à une diftance LR quine foit pas fort
éloignée de fa furface, afin que la courbure de l'hyperbole
foit plus fenfible ; & on décrira la portion de lhyperbole RAT,
ju dr à fa rencontre avec le rayon BN, qui eft réfléchi de B
en À.
Confervant le point L pour foyer du petit miroir, on
Dsl STIEMRLE NC lisant) 29
prendra le point Vpour foyer d’une autre hyperbole oppofée;
& ayant partagé V L en deux parties égales au point X, on
prendra la différence entre NT & TL, dont on portera la
moitié de côté & d'autre du point X'en O & en V/:le point
V fera au fommet de l'hyperbole Q F/Z oppofée à la nouvelle
hyperbole AT O, dont le fommet fera en O , & qui pañlera
par le point 7°, puifque, par la propriété de cette courbe
NT—TL=VO ; on prolongera enfuite cette nouvelle
hyperbole de T'en H jufqu’à fa rencontre avecle rayon S AG
qui efbréfléchi de À en G, que l'on prendra pour foyer de
Thyperbole oppolée, & ainfi de fuite.
On aura par ce moyen une courbe ATR 1 compolée
d'une fuite de plufieurs portions d’hyperbole, qui fera telle,
que tous les rayons parallèles à l'axe ÀC' qui s’y réfléchiront,
iront fe réunir fort près du foyer L commun à toutes ces
hyperboles. On pourra même en approcher autant que l'on
fouhaitera, en prenant un plus grand nombre de rayons fort
près lun de l'autre, & décrivant des portions d'hyperbole
entre les intervalles compris fur le petit miroir par les rayons
réfléchis par la furface du grand miroir fphérique.
… On évitera par ce moyen la peine & la dépenfe de faire
conftruire de grands miroirs paraboliques , & il ne s'agira
que de donner aux petits miroirs la figure convenable, ce que
je ne crois pas fort difficile à exécuter, |
II eft aïfé de-concevoir que les. dimenfions de ces petits
miroirs & la place qu'ils doivent occuper, doivent être diffé-
rentes, fuivant le plus ou moins de concavité & de grandeur
des miroirs ardens; c'eft pourquoi nous em donnerons un:
exemple, afin que ceux qui voudront y employer leurs mi.
soirs, puiffent y avoir recours.
LR
RU. EXEMPLE
Soit un miroir ardent AC Æ dont la furface-eft fphérique,
tel que fon diamètre À Æ foit de 3: pieds, & le rayon XC
de fa circonférence de 6 pieds : la diftance FC de fon foyer F
à fa furface, qui eft la moitié de fon rayon, fera de 3 pieds;
D ii
Fig: 4.
o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& l'on trouvera que la corde À £ étant de 3 pieds, c'eft-à4
dire, de $0000 parties, dont le rayon eft de 100000; AP
ou PE, finus de l'arc AC, ou de l'angle AXC, eft de 144
28' 40", dont le double mefure l'arc À E, de 284 $7' 20”.
À caufe des parallèles SA, XC, l'angle S' AK eft égal à
l'angle AXC; mais l'angle S A d'incidence ef égal à l'angle
KAG de réflexion :donc l'angle K AG eft égal à l'angle AXC
qui eft de 144 2840", & dans le triangle ifofcèle XAG,
dont le rayon 4 A ou #C'eft connu de 6 pieds ou 8 64 lignes,
& les angles “AG, AKC, de 144 28’ 40", on trouvera ÀG
de 446 lignes 65€, dont retranchant #Fde 3 pieds ou
432 lignes, refle #G de 14 lignes? qui mefurent tout
l'efpace que les rayons parallèles à l'axe XCréfléchis par la
furface du miroir concave AE, occupent fur cet axe.
Pour déterminer quelle eft la grandeur que l’on doit donner
au petit miroir, & à quelle diftance il faut le placer pour
qu'il puiffe recevoir tous les rayons parallèles à l'axe XC qui
tombent fur le grand miroir, on fuppofera un autre rayon tel
que Sa fort près de S'À, dont l'angle d'incidence S'aK'foit,
par exemple, de 144 29° 40", & qui fe réfléchie en g;
& on trouvera de la même manière que ci-deflus, Æg de
446 lignes 226, dont retranchant LG de 446 -I65E, refte
Ggde-—22 Retranchant de l'angle Sag ou S'/g, qui eft
de 284 59° 20", l'angle S AG qui eft de 284 57 20",
on aura l'angle AHa ou G Hg, de od 2° o”, & dans le
triangle G Hg, dont on connoît le côté Gg dei, l'angle
GHg de od 2'0", & l'angle HGg, ou AGC, ou S AG, de
284 $7'20", on trouvera AGde 27 lignes -£5£_. Enfin dans
le triangle HOG rectangle en O, dont l'hypoténufe HG &
l'angle 4GO font connus, on trouvera AO de 13 lignes+,
qui mefure le demi-diamètre que doit avoir le petit miroir
HR 1, pour recevoir tous les rayons du Soleil parallèles à
J'axe, qui font réfléchis par la furface du grand miroir ACE.
On aura auf GO de 24 lignes +, qui étant ajoûté à FG, qui
DES SCIENCES. 31
a été trouvé ci-deffus de 1 4 lignes +, donne la valeur de FO,
de 38 lignes+ qui mefurent la diftance du foyer au point O, où
Yon doit placer le petit miroir, dont le demi-diamètre eft
de r3 lignes +.
On déterminera de la même manière Ja diftance du foyer
F,, au lieu où l’on doit placer un miroir d’une grandeur donnée,
qui doit être entre les lignes AG & GC, lorfque cette dif-
tance excède FO, mais qui, lorfqu’on le placera entre À &
©, fera terminé par la courbe F YA, qui a pour tangente
tous les rayons réfléchis par la furface du grand miroir ardent.
Au lieu d’un miroir hyperbolique concave, on peut fubfti-
tuer un miroir hyperbolique HR J (fig. s,) dont la furface fera
convexe, ou une courbe méchanique compofée de plufieurs
fegmens d'hyperbole, dont la concavité regardera le point F
qui fera le foyer commun du grand & du petit miroir.
Pour décrire cette courbe, on prendra fur le rayon B NW,
un point Z' dans l'efpace AGC, & on décrira de ce point
comme centre, & à l'intervalle TP, qui fera plus grand que
TF, d'une quantité PL prife à volonté, un arc de cercle
qui coupera l'axe XC'au point P. Divifant P F'en deux par-
ies égales au point #, & prenant À, XV'égales à la moitié
de PL, le point À fera au fommet d'une hyperbole qui.
pañle par le point 7; & le point F fera au fommet de l’hy-
perbole oppofée, parce que fuivant la propriété de cette-
courbe PT — TF ou PL, doit être égal à la diftance RP.
“entre le fommet de ces hyperboles.
On prendra enfuite le point W pour foyer d’une nouvelle.
hyperbole , confervant l'autre foyer en P, & on décrira, de-
même qu’on l'a expliqué ci-deflus, une nouvelle hyperbole-
“qui paflera par le point 7, & que l’on prolongera en A juf--
‘qu'à fa rencontre avec le rayon AG, & ainfi de fuite, ce:
qui formera une courbe convexe TRI, compofée de plu-
fieurs fegmens d’hyperbole, qui-par leur réflexion réuniront:
au point P les rayons du Soleil SA, S B, &c. parallèles. à:
Faxe XC, qui tombent fur la furface du miroir ardent, dont:
daétivité fera:cependant moins grande que lorfque la: courbe-
32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
HTR I eft concave, parce que le foyer Feft plus éloigné
de la furface du fecond miroir.
Nous avons jufqu’à préfent confidéré les rayons du Soleil
qui fe réfléchifient fur la furface du miroir ardent, comme
parallèles entre eux ; & cette fuppofition doit s'admettre
pour ceux qui partent d’un même point du difque du Soleil,
à caufe de Ia diflance immenfe du Soleil à nous. II n'en eft
pas de même des rayons qui viennent des divers points de
fa furface & de la circonférence de fon difque. Ils forment
un cone lumineux AW, (voyez fig. 6.) dont le fommet À
fe termine à la furface du miroir ardent, & dont la bafe eft
mefurée par le diamètre du Soleil 7 vü de la Terre, qui,
lorfqu'il en eft le plus proche, eft de 32° 40", & lorfqu'il
en ef le plus éloigné, eft de 3 1° 36". Ainfi les rayons 74,
VA, réfléchis fur la furface concave du miroir, quelque
figure qu'on puifle lui donner, foit circulaire, foit parabo-
lique, doivent occuper fur l'axe du miroir une certaine éten-
due PQ de part & d'autre du point G où eft réfléchi le rayon
SA qui part du centre du Soleil, avec la différence, que fi
cette furface eft parabolique, ils fe réuniront tous autour du
point #’qui eft au foyer de la parabole; au lieu que, fi elle
eft fphérique, ils formeront divers cones lumineux autour
de chaque point de l'axe, où le rayon qui part du centre du
Soleil, a été réfléchi ; ce qui donnera une plus grande étendue
à l’efpace qu'occupent les rayons au foyer de ce miroir.
On peut cependant remédier à cet inconvénient en faifant
conflruire les petits miroirs de réflexion dans la forme que j'ai
prefcrite; car, par la feconde réflexion, les rayons qui viennent
du centre du Soleil, fe réuniffant en un même point de l'axe,
tous les centres des cones lumineux qui étoient difperfés fur
l'axe du grand miroir fphérique, concourront à un même point
qui fera le centre commun de la bafe de tous ces cones, & fera
à peu près le mème effet, que fi ce miroir étoit parabolique.
Il faut confidérer préfentement que la matière que l’on
veut mettre en expérience étant placée entre le miroir ardent
& celui de réflexion, pourroit intercepter une partie des
rayons
DES SCIENCES. 3
rayons du Soleil, qui vont fe réfléchir fur le petit miroir, &
en détruire l'action, entièrement ou en partie, fi cette ma-
tière n'étoit d’une grandeur limitée.
Pour déterminer celle qu’on peut lui affigner, de manière
qu'elle n’y puifle point préjudicier, foit Æ/R 1 le petit miroir
dont le demi-diamètre 0 eft fuppolé de 3 pouces, Jangle
SAG où AGC ayant été déterminé de 284 $7' 20", & le
côté AO de 3 pouces, on trauvers GO de 6P1l:y ajoûtant
FG qui a été trouvé de 14! +, on aura FO de 7P 3! Soit
mené S'B parallèle à XC, ; qui repréfente un rayon qui rafe
le bord du petit miroir, & va fe réfléchir fort près du point
#F: Menant 2 F, qui coupe HR au point 7, tous les rayons .
parallèles à à l'axe XC qui tomberont fur la furface 4 E du
miroir ardent, & font réfléchis fur le petit miroir, feront
. compris entre AG & BF; & il n’y aura aucun de ces rayons
. dans l’efpace conoïde B FC,
On connoîtra l'étendue que la matière que l’on veut
- mettre en fufion , peut occuper au foyer L du petit miroir
ardent, qui doit être plus grande ou plus petite, fuivant que
Le foyer L de ce miroir eft plus ou moins élbigaé du point
O. Si lon fuppofe cette diflance LO de 9 lignes ; l'ajoûtant
àFO qui a été trouvé de 7P 3!; on aura FL de 8 pouces; &
Von fera comme FC 3 6 pouces eft à FL 8 pouces; ainfi BC
ou 0 3 pouces eftà A7L 8 lignes qui mefureroient l’efpace
cherché, fi les rayons du Soleil étoient tous parallèles entre
eux: mais comme ceux qui viennent de fa circonférence font
un angle d'environ 1 6’ avec ceux qui partent de fon centre, ce
qui doit diminuer l'efpace AZL d’une certaine quantité me-
furée par A27 ; on fera comme le finus total, eft au finus de
MBY de 16; ainf BM ou BF— FM 28 pouces eft à
vs on trouvera de 1 ligne, qui étant retranché de AL
3 refte LY de 6 lignes+, dont le double 13 lignes
ire détendue que lon peut donner à fa matière que l'on
veut mettre en expérience, pour qu’elle n’intercepte aucun
des rayons qui tombent fur la furface du miroir ardent,
Mém. 1747: lié E
12 Avril
1747-
Alta medica
êr philofophica,
Hafnienfum ,
an. 1071, pe
433-
34 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
SUR L'INFLAMMATION
De l'huile de Térébenthine par l'acide nitreux pur,
fuivant le procédé de Borrichius ; Et fur l’inflam-
mation de plufieurs huiles effenrielles, à” par ex-
prelfion avec le même acide, 7 conjointement avec
l'acide vitriolique.
Par M. ROUELLE.
’INFLAMMATION de l'huile de térébenthine par l'acide
nitreux, telle que Borrichius l'a propofée dans les Jour-
naux de Copenhague, a pendant long temps exercé le génie &
Vadreffe des plus grands Artifles; à l'envi les uns des autres, ils
ont fait plufieurs tentatives fur cette inflammation ; ils ont
d’abord été peu heureux, il y en a même qui ont eu fi peu de
fuccès, qu'ils ont regardé ce phénomène comme un problème
très-difficile à réfoudre, parce que l' Auteur n’a pas affez détaillé
des circonflances qu'il a peut-être ignorées lui-même; d’autres
moins modérés, ont traité cette expérience de paradoxe.
Le mauvais fuccès fur l'huile de térébenthine, loin de-
décourager plufieurs, les a au contraire conduits à tenter le
mélange de l'acide nitreux avec d'autres huiles effentielles ;
ils ont non feulemént réufli à enflammer les huiles effen-
tielles pefantes, mais encore quelques autres huiles empy-
reumatiques, telle que celle de Gayac*.
Enfin Dippelius, M. Hoffman, & M. Geoffroy de cette
Académie, ont réuffi à enflammer l'huile de térébenthine
& un nombre d'autres huiles eflentiellstéégères, par l'acide
* Ea plüpart des Auteurs, pour Glauber; qui me paroît être le premier
ne pas dire tous, qui ont parlé des | qui en ait parlé, & même aflez au:
inflammations des huiles par lesacides, | long dans plufieurs de fes ouvrages :
ne parlent que de Becher & de Bor-
richius , comme les premiers Auteurs
de ces expériences ; ils ont oublié
Profperitas Germaniæ. pars V1:
ÆExplicatio verborum Salomonis.
Centuria prima,
em. de l'A.
R . des Se, 2 47. pag. 34,
Mem de l'Ac.R dar Se. 1737 pag 84. pl3,
. — FE Jap
NE
di
#
À
(
À
&
énigme.
D'HS ANIGUITEUN GES NA
hitreux, mais avec le concours de quelques portions d'acide
vitriolique concentré.
Quoique ces dernières tentatives aient été heureufes, elles
neremplifient cependant pas les vûes de Borrichius, ou fi l’on
veut, on n'a pas encore réfous le problème; car Borrichius ne
s’eft fervi que d’acide nitreux {eul ; d’ailleurs il étoit trop favant
& trop exact obfervateur pour n'avoir pas employé un efprit
de nitre pur, ou pour n'awir pas averti de fon état.
Perfuadé que j'étois de la bonne foi de Borrichius dans
fes expériences, dont j'avois répété un affez bon nombre,
& les ayant toüjours trouvé exactes & vraies, quoique
fouvent d’une aflez difficile exécution, j'ai avec cette per-
fuafion tenté beaucoup de fois d’enflammer l'huile de téré-
benthine avec l'acide nitreux feul, mais en variant autant
qu'il n'a été poflible Fapplication de ces deux fubftances,
perfuadé que j'étois que tout le myitère ne confiftoit que
dans un tour de main, ou quelque manipulation fmgulière.
Enfin ma longue perfévérance m'a conduit au but: j'ai réufir.
C'eft cette manière d’enflammer l'huile de térébenthine,
que j'ai propofée depuis quelques années dans mes leçons
particulières de Chymie en forme de problème, afin d'exercer
& d’exciter le génie des jeunes gens qui s'appliquent à [a
Chymie; voici ce problème : * Z/ef? poffible d'enflammer l'huile
de térébenthine par l'acide nitreux feul à la faveur d'un peu de
cet acide même, & d'un tour de main fi fimple à Ji peu Jenfible
qu'on peut même l'exécuter en préfence d'un grand nombre de
… perfonnes fans qu'elles s’en aperçoivent.
Afin de donner un ordre naturel & fimple à ce mémoire,
… je le diviferai en trois articles; dans le premier je décrirai
« les moyens d’enflammer l'huile de térébenthine & quelques
\4
“autres huiles effentielles par l'acide nitreux pur. Dans le fecond
article, je traiterai des moyens d’enflammer quelques huiles
(|
par Le par l'acide nitreux feul, & même par le concours
;
M
E l'acide vitriolique. Et dans le troifième article, je ferai
+ Ce DS chymique eft une afertion préfentée fous la forme d’une
Voyez Stahi
E ï
6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
voir limpoffibilité d’enflammer certaines huiles par expref
fion avec l'acide nitreux feul, & je donnerai les moyens de
les enflammer par l'acide nitreux & l'acide vitriolique, à la
faveur d'une manipulation fingulière.
Et pour éviter toute l’obfcurité, je retrancherai tous les
détails inutiles du journal de mes expériences,
ARTICLE :PREMIER.
De l'inflammation des huiles de Térébenthine, de Cédra,
de Genièyre à de Lavande, par l'acide nitreux feul.
Voici en peu de mots l'expérience de Borrichius; il em-
ploie quatre onces d'huile de térébenthine & fix onces d'eau
forte ou d'acide nitreux. H demande que Fhuïle de térében-
thine foit nouvellement diflillée, que l’eau forte foit bonne,
récente, & que le vaifleau foit ample; il fes mêle enfemble
& les agite; if couvre le vaiffeau, & au bout d’une demi-
heure il le découvre; alors les matières produifent enfemble
une effervefcence des plus violentes, accompagnée d’une:
fumée très-épaiffe, & elles s'enflamment en furmontant le vaif
fau & fe répandant. Il ajoûte que pour réuffir, il faut tenter
cette expérience à la chaleur du foleil de midi en été.
Il eft facile de voir par ce récit de Borrichius, que l'acide
nitreux qu'il a employé, étoit peu concentré, & même
très-phlegmatique, puifqu'il a été fi long-temps à agir, quoi-
que le mélange füt expolé à la plus forte chaleur du foleil;
cet état phlegmatique eft des plus fenfibles, fi on le com-
pare à un acide nitreux médiocrement concentré, qui dans
l'inflant même qu'on applique à l'huile de térébenthine,
produit une effervefcence des plus rapides. ;
Il faut obferver que, fuivant qu'un acide nitreux eft plus
ou moins phlegmatique, plus ou moins concentré, il produit
des effets différens fur les huiles, comme on. le verra par les.
expériences & les obfervations fuivantes..
Comme dans ce genre d'expériences Îles Chymifies ,
pour la plüpart, fe font feulement contentés de déterminer
DES UTSLONT EN € 184 27
fimplement que leur acide nitreux étoit très-concentré, &
quoique les plus exacts l’aient beaucoup mieux fait en don-
_ mant le procédé même; il arrive cependant, lorfqu'on répète
leurs expériences, des variétés & même de grandes diffé-
_rences: jai donc cru qu'il étoit beaucoup plus exact de
déterminer l'état réel du plus ou du moins de concentration
d'un acide nitreux; pour cela j'ai eu recours au moyen le
plus fimple & le plus connu, je veux dire, au poids de cet
acide; & afin d’avoir un terme fixe, je lai comparé au poids
d’une liqueur connue & qui ne varie point, c'eft-à-dire,
à l'eau pure ou de pluie. Voici les poids des trois différens
acides nitreux que j'ai employés pour répéter ces expériences
& les comparer enfemble: ”
: Esunifi tit +... +. une once.
1°" acide nireux . . : . une once trois gros deux fcrupules..
2° acide nitreux . . . . une once & demie moins douze grains.
3° acide nitreux . . . . une once & demie deux fcrupules..
.… Ee premier acide nitreux qui ef le plus foible de ceux dont
je me füis fervi, pèfe donc trois gros deux fcrupules plus que
… d'eau, c'eft-à-dire, à un douzième près, la moitié davantage.
Le cond pèfe une demi-once moins douze grains plus que
| | eau, c’eft-à-dire, à un vingt-quatrième près, la moitié plus
. quel'eau, & il pèfe douze grains plus que le premier acide.
… Le troifième acide qui eft le plus fort, pèfe une demi-
| once & deux fcrupules plus que l'eau, & il pèfe un gros
… plus que le premier acide, & foixante grains où deux fcru-
n pules & demi plus que le fecond.
Je me fuis fervi du pèfe-liqueurs de M. Homberg, fait
“de façon qu’une once d’eau le remplit; par-là j'ai un terme
fixe qui me.fert dans les travaux chymiques, lorfque je
.… Meux connoître quels font les rapports de concentrationentre
différentes liqueurs.
. Afinquil n'y eût aucun doute fur la pureté de ces efprits
à ‘de nitre, & ètre certain qu’ils ne contenoient aucun autre:
… acide, & particulièrement le vitriolique, j'ai eu recours à
» tous les moyens connus en Chymie pour les en dépouiller,,
jen ai même imaginé quelques autres.
38 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
Le premier acide, qui efl le plus foible, a été précipité par
une diflolution d'argent fuivant la méthode ordinaire.
Le deuxième a été recifié fur du nitre defléché; par ce
moyen il a paflé dans cette nouvelle diftillationspur, l'acide
vitriolique reftant au fond du vaifleau uni à la bafe du nitre.
Le troifième a été préparé avec de juftes proportions de
nitre & de vitriol, de façon qu'il étoit pur, ce dont je me
fuis afluré par différentes expériences dans lefquelles une
foible quantité d'acide vitriolique devient fenfible.
Afin que les différens degrés de chaleur ne caufaflent pas
des différences réelles, comme ils le font effeétivement en
donnant plus d'aétivité à l'acide nitreux, j'ai répété toutes
ces expériences, le thermomètre de M. de Reaumur étant
au deffous du terme de la glace.
Parmi les premières tentatives que je fis, il y a plufieurs
années, je réuflis une fois à enflammer l'huile de térében-
thine, avec un acide nitreux à peine fumant; l’effervefcence
ne s’excita que près d'un quart d'heure après le mélange ;
je réuffis auffi à produire la flamme fur le champ avec un
acide nitreux très-concentré.
Je répétai un grand nombre de fois la même expérience,
mème avec des dofes variées, des deux matières, & je réuffis
de nouveau à reproduire la flamme par un acide nitreux
très-fumant, mais avec une circonftance nouvelle, elles s’en-
flimmèrent en les agitant avec une baguette, lorfqu’elles
étoient dans la plus violente effervefcence.
Je faifis cette circonftance, la croyant tout le myftère de
ce phénomène: je répétai donc cette expérience jufqu'à vingt
fois, ayant toüjours foin d’agiter ces deux fubftances lors de
leur efferve{cence, & je ne püs jamais reproduire la flamme ;
j'abandonnai tout ce travail prefque une année entière, afin
de méditer & de donner quelque relâche à la dépenfe.
Je commençai de nouveau à faire des mélanges, & venant
toüjours à les agiter fors de leur effervefcence, je réuffis enfin
à exciter de nouveau la flamme avec un acide nitreux très-
concentré, & je les enflammai même deux fois fans y toucher.
DE) S, :SNCID'EUN CE) S 39
La nouvelle apparition de cette flamme que je defirois tant,
me fournit de nouvelles lumières ; j'aperçus que ces mélanges
donnoient un champignon, ou efpèce de charbon raréfié tel
qu'en donne l'huile de Gayac, enflammée par l'acide nitreux,
& que l'inflammation étoit arrivée dans la première expé-
rience lorfque j'avois enfoncé ce charbon au fond du vaifleau.
Par de nouvelles tentatives, je cherchai à développer les
ufages de ce charbon ; mais on peut juger de mon inquié-
tude, puifque de trente mélanges faits par reprifes pendant
l’efpace de deux années, je ne püûs jamais réuffir à exciter la
flamme en agitant & enfonçant le charbon dans les matières ;
cependant j'eus trois inflammations, mais fans y toucher.
Enfin après avoir bien réfléchi & médité en vain pendant
un affez long temps, fur ce que ce charbon raréfié pouvoit
produire en l’enfonçant ainfi dans fa matière, je recommençai
donc ces expériences, non feulement pour voir fi je ne
pourrois point exciter de nouveau la flamme afin de faifir
quelques circonflances nouvelles, mais auffi afin de m'affurer
quel étoit l'état du mélange au fond du vaïffeau. Je fus
_bien-tôt convaincu que ce n'étoit pour la plûpart que de
acide nitreux : dès ce moment même, me rappelant l’étio-
dogie de l'inflammation du nitre par les charbons de Stah],
qui auroit dû fe préfenter à mon imagination, dès la pre-
" mière apparition du charbon, je faifis entièrement létiologie
… de cette inflammation; & en conféquence de fes principes,
- je m'imaginai d'appliquer au champignon ou charbon raréfié,
© Borfqw’il.paroît pendant l'effervefcence, quelque peu d'acide:
… nitreux: dès les premières tentatives; le fuccès répondit en-
… tièrement à mes vües, je neus pas plütôt jeté quelque peu.
- d'acide fur le charbon embrafé, que tout le mélange fut
enflammé. J'ai répété cette expérience un grand. nombre
de fois, & elle ne m'a prefque jamais manqué.
… Les trois acides nitreux dont j'ai déterminé l’état de concen-
tration par leurpoids,enflamment tous l'huile de térébenthine; .
Je premier, qui eft le plus phlegmatique, eft donc{fuffifant pour:
enflammer cette huile avec le moyen nouveau que je propofe..
kty à | «
!
4
40 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Voici les circonftances principales dont dépend le fuccès:
il faut que l'acide nitreux foit tellement concentré, qu'il ait
au moins le poids de mon premier efprit de nitre, & qu'il
agifle aufhi-tôt qu'il eft appliqué à l'huile de térébenthine, le
thermomètre étant au deflous du terme de la glace, toutes
ces expériences ayant été répétées à ce degré de froid, comme
je l'ai déjà dit.
H n'y a point de choix pour f'huile de térébenthine, qu'elle
foit nouvelle ou ancienne, elle eft également bonne. II faut
“verfer peu d’acide nitreux fur le champignon; s'il arrive qu'il
ne fe faffe pas d'inflammation, on attend que le champignon
paroifle davantage & foit plus confidérable, alors on verfe
de nouvel acide ; avec un peu d'ufage, il eft rare qu'on ne
réuflifie pas.
I! faut que les vaiffeaux foient larges; les verres à biére &
les poudriers y font peu propres, ils ont trop peu d'ouver-
ture, & l’effervefcence eft telle qu'il ne refte prefque rien
dedans, tout fe répandant, & la matière préfente peu de fur-
face à l'air, ce qui eft un obftacle à l'inflammation. Une cap-
fule, ou un fragment d’un gros matras ou d’un petit balon,
eft des plus propres; par exemple, pour une once de chacune
des deux matières, une capfule de fept à huit pouces de
diamètre, & de quatre à cinq pouces de profondeur, eft d'une
grandeur convenable.
On peut n'employer qu'une demi-once de l'acide nitreux
& de cette huile, fi on fe fert du fecond acide ou du troifième;
on peut augmenter un peu la quantité de l'acide nitreux, cela
n’eft nullement contraire à l'inflammation,
Pour réuffir le plus fouvent qu'il eft poffible à enflammer
cette huile, fans ajoûter de nouvel acide, il faut fe fervir
du troifième acide nitreux nouvellement fait ; & faire ce
mélange en beaucoup plus grande quantité.
Il eft facile de voir, par le détail de ces obfervations, com-
bien il étoit difficile, pour ne pas dire prefque impofñlible,
de répéter l'expérience de Borrichius, avec le peu de cir-
conftances qu'il a décrites.
L
DES OS CHMEUN CES A
| Il me paroît que la caufe principale pour laquelle on réuffit
fi peu à enflammer ce mélange, vient de ce qu'il faut que fe
charbon raréfié foit fec & anbrlélors de fon centaël avec l’a-
_ cide nitreux, en l'enfonçant dans le mélange, il eft prefque toû-
jours humerté par l'huile avant de toucher l'acide nitreux ; &
Jorfque l'inflammation arrive fans y toucher, il faut que l'acide
agifle fur le champignon qui fe forme à la furface du mélange,
& prefque toûjours le long des bords du vaiffeau: ainfi lorfque
_Borrichius a enflammé ce mélange, & quand je l'ai d'abord
enflammé moi-même, ce n'a été que parun pur hafard, &
non pas par une Fubade fûre, fondée fur l’obfervation tr
circonftances : c’eft ce qui eft entièrement confirmé par ma
nouvelle méthode d'enflammer cette huile.
J'ai également enflammé quelques autres huiles effentielles,
telles que celles de cédra, de genièvre & de lavande, qui ont
_.des caraétères de différence, & peuvent fervir d' exemple, &
donner une méthode pour Erntk toutes fortes d’huiles
eflentielles légères.
L'huile de cédra, qui eftune huile des plus légères, mélée
. avec parties égales d'acide nitreux le plus concentré, je veux
dire le troifième, a fait une effervefcence des plus rapides,
répandant abondamment des vapeurs nitreufes rouges &
de la fumée, telles que celles de l'huile de térébenthine ; en
| appliquant quelque peu d'acide nitreux au charbon A DT r
elle s'eft enflammée.
J'ai employé dans ces inflammations fix gros d'huile dé
cédra, & autant d’acide nitreux le plus concentré; je les ai
auffi enflammées , chacune à la quantité de demi-once;on peut
même diminuer la quantité de l'acide nitreux, puifque j'ai en-
flammé fept gros de cette huile avec cinq gros d’acide nitreux.
Je n'ai point tenté l'inflammation de cette huile avec le pre-
mier & le fecond acide, parce que je n’en avois pas aflez qui
füt pur : mais il eft facile de voir que cette huile qui eft très-
légère, & qui par-hà a beaucoup de reflemblance avec l'huile
de térébenthine, peut être enflammée par le fecond acide, &
. même par le premier, & cela d'autant plus, qu'on voit qu elle
Mém, 174 7
42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Roxare
a été enflammée en diminuant la quantité du troifième acide.
L'huile de genièvre mêlée avec l'acide nitreux le plus con-
centré, c'eft-à-dire, le troifième, ne s'eft point enflamméé ,
parce que, lors du mélange, la plus grande partie de l'huile
a fait une efpèce d'explofion, elle a fauté en l'air, il en eft
refté très-peu dans le vaiffeau; & quoiqu'il y eût un peu de
charbon, je n'ai pû produire inflammation.
J'ai répété la même expérience avec le fecond acide, celui
qui a été recifié, & qui eft plus foible que le troifième : l'ef-
fervefcence a été telle, que l'huile s’eft encore diflipée pour
la plus grande partie.
Enfin je l'ai enflammée avec le premier acide, je veux
dire le plus foible, en appliquant quelque peu d'acide au
champignon charbonneux. L’effervefcence, quoique vive,
ne l'a pas cependant été affez pour diffiper l'huile. La moindre
quantité à laquelle je les ai employés, a été de demi-once de
chacun ; un efprit de nitre trop concentré eft un obftacle à
Yinflammation de cette huile,
Ayant répété plufieurs fois cette expérience avec cet acide
foible, il m'eft arrivé d'enflammer une fois le mélange, en
V'agitant ; il s'éft même enflimmé plufieurs fois de lui-même,
fans addition de nouvel acide, tant l’aétion de l'acide nitreux fur
l'huile de genièvre eft confidérable, & le mouvement rapide,
L'huile de lavande traitée avec le troifième acide nitreux
Je plus concentré, s'eft enflammée à la faveur de la nouvelle
méthode : elle a également réuffi avec le fecond acide; il a été
impoffible de l’enflammer avec l'acide nitreux le plus foible,
même en augmentant la quantité de cet acide en différentes
proportions, & appliquant toûjours à l'ordinaire quelque
peu de nouvel acide fur le champignon. Le phlegme de cet
acide devient donc un obftacle en affoiblifiant fon activité,
& en humedant le charbon : le deuxième acideeft donc fuf-
fifant pour enflammer l'huile de lavande. J'ai auffi tenté la
même chofe fur la térébenthine à parties égales, avec le plus
fort des trois efprits de nitre : ils ont produit une vive ef-
fervefcence ; le mélange étoit mouffeux, mais fans s'élever
|
DES SCIENCES. 43
beaucoup, & répandant des vapeurs nitreufes rouges, & nul-
ement de blanches ; j'ai répété la même expérience avec des
quantités différentes d'acide nitreux ; maïs je n’ai eu aucun fuc-
cès : toutes les fois que j'ai ajoûté de l'acide vitriolique concen-
tré, fuivant la pratique de M. Geoffroi, ils fe font enflammés.
Ces fuccès fur les huiles effentielles m'ont conduit naturelle-
ment à tenter inflammation des huiles préparées par expref-
fon; c’eft ce dont je vais rendre comptedansles articles fuivans.
ANR P'r CL E ET
De l'inflammation des huiles par expreffion, de Lin, de
Noix, d'Œiller, de Chenevis, par l'acide nitreux
Jeul, 7 par le concours de l'acide vitriolique.
Les huiles que j'ai choifies pour les expériences dont je
vais donner l'hiftojre, font les plus communes, & celles dont
l'ufage eft des plus fréquens en Europe.
L'huile de lin avec le premier acide, qui eff le plus foible,
ne fait aucun mouvement , nulle effervefcence, quoiqu’on les
ait laiflés Tong-temps enfemble en expérience, & qu'on les
ait agités fortement.
Cette même huile, avec le fecond acide qui eft plus fort
que le premier, à la quantité de demi-once chacun, ont fait
effervefcence, répandant des vapeurs nitreufes & de la fu-
mée; & en appliquant de nouvel acide au charbon, ils fe
font enflammés; mais il a fallu verfer plufieurs fois de l'acide
nitreux, il en a même étéemployé jufqu'à trois gros. J'ai répété
cette expérience en augmentant l'acide nitreux & le mettant
tout à la fois, & j'en ai employé une once fur une demi-once .
. d'huile de lin; alors ils ont fait une effervefcence beaucoup
plus vive, & produit plûtôt le charbon: auffi ont-ils été fubi-
tement enflammés par quelques gouttes de nouvel acide.
Si au lieu d'augmenter l'acide nitreux d’une “emi-once, on
FE à fa place une demi-once d'acide vitriolique concentré,
l'effervefcence, & les vapeurs blanches font très-confidérables,
le charbon fe forme promptemient; & par un peu d'acide ni-
treux cette huile eft enflammée. ; Fi
44 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
J'ai également tenté le mélange de cette huile avec le plus
concentré des trois acides nitreux, ils ont fait une effervef-
cence des plus rapides, ils ont donné ainfi beaucoup de
vapeurs nitreufes & de famée blanche ; le champignon s’eft
formé très-promptement, & en verfant de l'acide nitreux
deflus , la flamme a été produite fubitement. J'ai auffi réuffr
plufieurs fois à l'enflammer, fans y toucher; cela m'a fur-tout
réuffi lorfque j'ai employé un acide nitreux un peu plus con-
centré que Île troifième dont j'ai déterminé le poids, & qui
étoit nouvellement préparé.
L'huile de noix mêlée en parties égales avec le premier
efprit de nitre, ne fait aucun mouvement, quoiqu’on les ait
agités plufieurs fois pendant plufieurs heures.
© J'ai répété la même expérience avec le fecond acide ; il ne
s'eft fait aucune effervefcence, quoique je l'aie voulu favorifer,
en les agitant : l'huile a feulement un peu changé de couleur.
A un pareil mélange de demi-once de chacune de ces deux
fubftances, j'ai ajoûté demi-once d'acide vitriolique concen-
tré ; l’effervefcence a été fi vive, les vapeurs nitreufes & les
blanches fi abondantes, qu’il a promptement paru un champi-
gnon, fur lequel ayant verfé de l'acide nitreux, huile s’eft
fubitement enflammée.
Il ne me refloit plus, pour réuffir à produire l'inflam-
mation par l'acide nitreux feul, qu'à la tenter par le troifième
acide, ou le plus concentré; je l'ai donc mêlé avec l'huile de
noix, à la quantité de demi-once de chaque, & ils ont produit
une très-vive eflervefcence , beaucoup de vapeurs, en partie
rouges, en partie blanches; & quelque peu d'acide nitreux
appliqué au champignon , fuivant ma méthode ordinaire, a
produit de la flamme. J'ai aufli réuffi à l’enflammer, fans
addition d’acide nouveau, mais en me fervant d’un efprit de
nitre un peu plus concentré que le troifième, récemment
préparé, & faifant le mélange-en plus grande quantité.
L'huile d’œillet a été également enflammée par le troi-
fième acide nitreux, avec addition de nouvel acide appliqué
au charbon : l'effervefcence a été des plus rapides, & il s'eft
élevé beaucoup de vapeurs , fur-tout de la fumée,
:
DES SCIENCES. 45:
Avec le fecond, elle n’a point fait de mouvement , même
en les agitant pendant un temps aflez confidérable : mais en
leur ajoûtant de l'acide vitriolique concentré, de même que
je l'ai déjà dit pour l'huile de lin & de noix, la rapidité du
mouvement qui s'eft excité entre ces difiérentes fubftances,
a été telle, qu'il s'eft non feulement élevé beaucoup de va-
peurs nitreufes & de blanches, mais encore il s’eft formé
très-promptement un charbon raréfié & embrafé, qui, par
le fecours d'un peu d'acide nitreux, a procuré inflammation.
Ileft facile de voir par le détail de ces expériences, combien
le premier efprit de nitre, qui eft le plus foible, doit peu agir fur
cette huile, puifque le fecond, qui eft plus fort, n’y agit point
feul ; aïnfi je fupprime les tentatives inutiles que j'ai faites.
L'huile de chenevis s’eft parfaitement bien enflammée par
1e troifième efprit de nitre, en employant ma nouvelle mé-
thode; je l'ai enflammée quelquefois en l'agitant, lors de la
‘plus violente effervefcence; & même j'ai réufli plufieurs fois à
l'enflammer, fans l'agiter, & fans le fecours de nouvel acide,
mais en employant un efprit de nitre un peu plus concentré
que le troifième, & nouvellement préparé. La plus petite
quantité à laquelle je les ai mêlés, étoit de demi-once de
chacun. Cette huile eft de toutes les huiles par exprefion,
-& de prefque toutes les huiles effentielles, celle qui s'eft le
lus fouvent enflammée fans addition de nouvel acide.
Cette huile, avec le fecond acide, n'a produit aucune effer-
véfcence ; mais en y ajoûtant un gros d'acide nitreux du plus
‘concentré, le mouvement s’eft excité, le charbon s’eft formé:
& en verfant deflus de l'acide nitreux, la flamme s’eft excitée.
: Si au lieu de ce gros d’acide nitreux concentré, on mêle
acide vitriolique, l'effervelcence fe fait, le charbon fe pro-
"duit, & on enflamme l'huile par {a méthode nouvelle.
J'ai auffi eflayé l'acide le plus foible, non pas pour voir s’il
pouvoit exciter la flamme, j'étois perfuadé du contraire par
‘les tentatives précédentes, mais je voulois voir quelles pou-
“voient être les proportions d'acide nitreux le plus concentré
qu'il faudroit lui ajoûter pour exciter aflez l'effervefcence pour.
F ii
46 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
former le champignon, & par fon fecours pouvoir produire
la flamme; j'ai donc tenté plufieurs proportions, & j'ai trouvé
qu'il en faut jufqu'à trois gros. :
ARTIGEE,SITLE
Des huiles par exprefion, d'Olive, d'Amande douce,
de Fêne 7 de Navette qui ne s'enflamment point par
l'acide nitreux feul, 7 demandent le concours de l'acide
viriolique, à un manuel fingulier.
Je ne n'arrêterai point à donner de détail fur lation
du premier & du fecond acide nitreux fur ces huiles, tel
que je l'ai fait pour les huiles eflentielles & les huiles par
expreffion des articles précédens, parce que non feulement
il eft facile de s'apercevoir, par les expériences que j'ai don-
nées, que ces deux efprits font trop foibles pour agir aflez
vivement fur ces dernières huiles, mais encore parce qu'on
verra par la fuite qu'ils font inutiles.
L'huile d'olive & le troifième acide nitreux, c’eft-à-dire,
le plus concentré, mélés enfemble à la quantité chacun
d'une demi-once, n'ont pas d'abord agi, mais environ une
minute après, l'effervefcence s’eft excitée fans que les ma-
tières fe foient raréfiées; il y avoit feulement à la furface
des bulles peu nombreufes, & il s’élevoit quelques vapeurs
nitreufes ; peu de temps après, le mouvement s'eft excité
davantage, il eft même devenu affez rapide, l'huile étoit
moufleufe & les vapeurs nitreufes beaucoup plus confidé-
rables qu'elles n'avoient été d'abord: dans la fuite le mouve-
ment s’eft ralenti peu à peu, jetant feulement quelques bulles,
& alors l'huile étoit blancheître & avoit acquis de la confif
tance : pendant tout le temps que ces deux corps agiffent les
uns fur les autres, il ne s'élève aucune fumée, aucune vapeur
blanche, il ne fe forme aucune matière charbonneufe.
J'ai auffi fait les mêmes mélanges en employant l'acide
nitreux en des proportions différentes, en l'augmentant au
double, & même au triple de la quantité de l'huile, afin
SET
Le
Des IS) CU IL E Nic Eli
de tenter fi, avec cette grande quantité d'acide, je ne réufli-
rois point. Dans toutes ces expériences, j'ai aperçû très-peu
de différence, ce qui ne mérite aucune attention ; il faut
feulement obferver que je n'ai point eu de vapeurs blanches
fenfibles ou de fumée, ni de charbon: ainfi il eft facile de
voir pourquoi l'huile d'olive ne s'enflamme pas avec l'acide
nitreux pur; puifqu'elle ne donne point de charbon, qui eft la
caufe immédiate de l'inflammation, cet acide nitreux agit trop
foiblement fur cette huile.
J'ai également traité les huiles d'amande, de fène & de na-
vette avec l'acide nitreux, en des proportions différentes :
elles n'ont fait voir, à très- peu de chofe près, les mêmes
phénomènes, ce ne font que des plus ou des moins dans l’ef-
fervefcence, qui n’intéreffent nullement.
Après ces tentatives infructueufes, il étoit naturel d’avoir
recours à l'acide vitriolique dont l’ufage étoit connu : j'ai donc
mêlé enfemble, à poids égal, de l'huile d'olive, du troifième
acide nitreux, & de l'acide vitriolique concentré; ils ont
été plus d'une minute fans agir, mais alors ils ont fait une
effervefcence affez violente, en fe gonflant & répandant des
vapeurs nitreufes rouges, très-épaifles, mélées de quelques
fumées blanches; dans la fuite, le mouvement s'eft ralenti :
pour lors les vapeurs blanches font un peu plus confidérables,
il n'y en a prefque plus de nitreufes, & on fent une odeur
forte d’acide fulfureux volatil, alors la matière s’aflaiffe, elle eft
hoire; c’eft une efpèce de matière charbonneule qui eft fans
Hiaifon & fans confiftance ; «elle fe partage facilement entre les
doigts, elle eft humectée par un peu d'huile épaiffie & un refte
d'acide vitriolique. Cette éfpèce de charbon eft tel que celui
ui réfulte de l'action de l'acide vitriolique concentré{ur l'huile
térébenthine. Ce:charbon, comme on le voit, n’eft nulle-
ment dans cet état de raréfaétion & de sèchereffe ( tel qu'il.
s'en forme avec toutes les huiles, foit effentielles, foit par
expreffion, qui s’enflamment avec l'acide nitreux feul, ou par
le concours de l'acide vitriolique ) pour pouvoir s’embrafer;
& par conféquent, occafionner l'inflammation de cette huile.
48 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaALr
Dans ces tentatives, j'ai employé de chacune de ces ma-
tières la quantité d'une demi-once: j'ai même répété ces
expériences, en augmentant l'acide nitreux depuis fix: gros
jufqu'à une once, & mème plus, & je n'ai jamais pü excitér
la Hamme. Voici ce que j'ai feulement obfervé ; le mouve-
ment de l'effervefcence étoit beaucoup plus rapide, il y avoit
plus de vapeurs, particulièrement fur la fin; & la matière
charbonneufe étoit un peu plus aride.
Les huiles d'amande, de fène, & de navette, traitées avec
ce même troifième acide & l'acide vitriolique concentré, ne
m'ont rien fait voir de fingulier, tout a été, à peu près, de
mème qu'avec l'huile d'olive.
L’'effervefcence de l'huile de fêne, à la quantité de derni-
once fur une once d'acide nitreux , a été plus vive que celle
de l'huile d'olive & de l'huile d'amande douce. Celle de
navette avec le double d'acide nitreux, a auffi produit un
mouvement un peu plus vif que n'a fait l'huile d'olive. Mais
tout cela eft d'aflez peu de conféquence pour ce qui regarde
J'inflammation de ces huiles.
Quoique, avec le fecours de l'acide vitriolique, je n'aie
point eu de fuccès, ce font cependant ces expériences qui
m'ont conduit à découvrir le moyen d’enflammer ces huiles.
Voici quelques-unes des circonftances qui m'y ont conduit:
jai déjà fait obferver, qu'ayant augmenté la proportion de
l'acide nitreux, alors l'effervefcence étoit beaucoup plus con-
fidérable, qu'il y avoit plus de vapeurs blanches, & que la
matière charbonneufe étoit un peu plus sèche ; enfin je me
fuis aperçû que, pendant la vive aétion de ces fubftances,
l'acide nitreux fe diffipoit d'abord prefque tout en vapeurs,
& que l'acide vitriolique reftoit feul.
Pour fondement de mes nouvelles tentatives, j'ai donc
augmenté la quantité de l'acide nitreux ; & foupçonnant que
la trop prompte diffipation de cet acide pouvoit être.un
obftacle à l’inflammation de ces huiles, ou plütôt à Ja for-
mation du charbon raréfié, qui eft, comme on l'a déjà vû
dans les articles précédens, une des caufes immédiates de
l'inflammation
D'ÉTNOSTERNCES 49
Tinflammation des autres huiles, ilétoit donc très-naturel, fui-
vant toutes ces circonftances, d'imaginer de ne mêler avec ces
huiles & l'acide vitriolique, qu'une portion d'acide nitreux,
& d’ajoûter le refte, ou tout à la fois, ou par portion, lors
de la plus violente effervefcence, afin de fuppléer par-là à fa
trop prompte difhpation. Par cette méthode, non feulement
Vacide nitreux ne fe diflipe pas fi vite, mais il agit très-puif-
famment fur l'huile qui eft déjà dans une violente effervef-
cence, lorfqu’on l'y applique, & il produit un charbon raré-
fé, fec & embralé, auquel il ne faut qu'appliquer quelque
eu d'acide nitreux pour enflammer l'huile.
Tel éft le manuel que j'ai mis en ufage pour enflammer
ces huiles par expreffion : le détail que je vais donner fur
l'huile d'olive, eft le même pour les autres; je prends de
huile d'olive, de l'acide nitreux nouvellement fait, tel que
le troifième, que j'ai déterminé par le poids, & de l'acide
vitriolique concentré, de chacun une demi-once; je mêle
d'abord enfemble l'acide nitreux & l'acide vitriolique, & je
les verfe fur l'huile; ces matières font un inftant fans agir,
mais le mouvement s’excite bien-tôt, & elles entrent dans
une violente effervefcence, comme je l'ai déjà obfervé; alors
ayant à la main une fiole où il y a une demi-once du même
acide nitreux concentré, j'en verfe environ un tiers fur les
‘matières, ce nouvel acide accélère confidérablement l’effer-
vefcence; les vapeurs qui s'élèvent, font beaucoup plus confi-
dérables & plus blanches : un inftant après, je verfe deflus
Yautre tiers de l'acide nitreux, pour lors le mouvement s’ac-
célère, & l’effervefcence acquiert une rapidité étonnante; les
vapeurs redoublent, & font très-blanches : & je verfe le refte
de l'acide nitreux fur le charbon embralé, il paroît tout d’un
coup fcintillant, & l'huile s’enflamme. Les efpaces de temps
pour verfer ainfi les portions d’acide nitreux, doivent être
momentanés, cependant fans précipitation.
La flamme de cette huile n'eft point confidérable ; elle
n'eft pas telle que celle des autres huiles dont j'ai parlé; ce
font des jets de flamme qui fortent par plufieurs trous d’une
Mém. 1747.
o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pellicule ou efpèce de croûte charbonneufe qui couvre [a
matière, & cela, parce qu'il refte pour lors peu d’huile.
Si l'acide nitreux qu'on emploie, eft nouvellement pré-
paré, & qu'il foit un peu plus concentré que le troifième
dont j'ai déterminé le poids, il en faut moins pour ajoûter,
lors de l’effervefcence; j'ai même réufli avec deux gros.
Les autres huiles dans ces expériences, ne préfentent, par
rapport à l'inflammation, que quelques légères différences;
il n'y a eu, par exemple, que l'huile d'amande douce qui fe
foit raréfiée beaucoup plus que celle d'olive, de fène, & de
navette; aufli a-t-elle produit une flamme plus vive, & qui
n'étoit point partagée en jets, comme celle des autres huiles.
L'huile de fêne s'eft enflammée plufieurs fois par l'addition
feulement de deux gros de nouvel acide nitreux.
On peut enflammer ces huiles avec des proportions diffé-
rentes, un peu plus, un peu moins n’empèche fouvent pas
le fuccès, il faut cependant éviter le trop peu, je donne feu-
lement les proportions qui m'ont le mieux réuffi : je ne me
fuis point attaché à trouver les proportions les plus petites &
les plus exactes, parce que je regarde ces petits détails comme
très-inutiles par rapport à l'inflammation de ces huiles.
I ne me refte plus qu’à établir quelque corollaire ou règle
tirée de ces expériences, pour enflammer toute forte d'huile,
& à développer les ufages de l'acide vitriolique, & l'étiologie
de ces inflammations.
Les expériences du premier article & du fecond, font voir
qu'il eft non feulement pofhible d'enflammer l'huile de téré-
benthine, comme l'a propofé Borrichius, avec l'acide nitreux
feul, mais encore toutes les autres huiles eflentielles, & plu-
fieurs huiles par expreflion.
Cette inflammation n'arrive pas toüjours, comme on l’a vô,
d'elle-même, elle manque très-fouvent, parce que ce n’eft que
par un pur hafard que l'acide nitreux eft appliqué au charbon,
lors de leffervefcence ; & quoique l'agitation des matières
femble d'abord favorifer ce contat, il arrive cependant
qu'il ne sembrafe point, parce que Le charbon ft prefque
D'P Si CODE NC ES s1
toûjours humeété par l'huile avant de toucher l'acide nitreux.
En appliquant un peu d'acide nitreux au champignon char-
bonneux, fec & embrafé, lorfqu’il paroît, je donne le moyen
d'enflammer conftamment ces huiles.
Toutes les huiles qui, mélées avec l'acide nitreux concentré,
font une violente effervefcence, & qui parmi les vapeurs
rouges nitreufés en répandent de blanches ou de la fumée,
donnent un champignon fec & raréfié ; ou fi elles ne le
donnent pas, ou qu'il foit en trop petite quantité pour
pouvoir être allumé, elles en donneront davantage avec un
acide nitreux plus concentré.
Généralement le faccès de ces inflammations dépend de
la grande concentration de l'acide nitreux, aufli ne réuffit-
il jamais mieux avec quelques huiles, que lorfqu'il eft nou-
vellement fait.
H y a certaines huïles qui n’exigent pas, pour être
enflammées, un acide nitreux très-fort : un médiocrement
‘concentré leur fuffit; cependant un plus concentré leur con-
vient encore mieux, puifqu’il les enflamme fubitement.
Quelques huiles demandent un acide nitreux peu vif,
parce que celui qui eft très-concentré, agit fur elles avec une
telle rapidité qu’elles fe diffipent fubitement, & par-là elles
échappent à fon action.
Lorfque l'acide nitreux qu’on emploie, n’eft pas aflez actif
pour exciter l'infflammation, n’y ayant pas affez de charbon,
& qu'on ne veut pas fe fervir d'un acide nitreux plus con-
centré, il faut fe fervir du concours de l'acide vitriolique
concentré, & l’huïle pour lors fera enflammée; parce que
acide vitriolique concentré fe charge du phlegme de l'acide
nitreux, il le concentre, & le met par conféquent en état
d'agir avec beaucoup plus de force fur les huiles, & de for-
“mer le charbon.
Si les huiles qu'on traite avec l'acide nitreux & l'acide
vitriolique les plus concentrés, même en augmentant du
double {a quantité de f'acide nitreux, ne donnent pas abon-
damment des vapeurs blanches, & par conféquent un charbon
G ij
52 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
qui ne foit pas affez fec pour pouvoir être embrafé, il ne faut
leur appliquer l'acide nitreux que par portions, par-là on
remédie à fa trop prompte diflipation, & le charbon raréfié,
fec & embrafé, eft promptement formé.
On eft fans doute furpris de m’entendre dire que l'acide
vitriolique n’agit point fur les huiles, & qu'il ne contribue
en rien par lui-même à leur inflammation, mais feulement
qu'autant qu’il enlève à l'acide nitreux fa partie phlegma-
tique; c'eft cependant une vérité fondée fur l'expérience,
fur des obfervations mèmes de linflammation des huiles,
für les actions différentes de ces deux acides fur les huiles,
& fur les propriétés & la nature différente de ces mêmes
acides : telles en font les preuves.
On fait en Chymie que l'acide vitriolique concentré ou
déphlegmé, eft fi avide de l'eau qu'il Fattire mème de Fair
lorfqu’il y eft expolé, & que mèlé avec de l'eau, il s'unit
à elle avec une telle rapidité, que le feu qui eff répandu entre
les parties de ces deux liqueurs, eft tellement mû & agité,
qu'il produit de la chaleur : ce qui fait voir que le frottement
a également lieu dans les liquides, comme dans les folides,
our produire la chaleur. La même chofe arrive quand on
mêle enfemble l'acide nitreux & l'acide vitriolique concentré,
ils s'échauffent ; mais on pourra m'objecter que ce peut être
Y'acide nitreux qui enlève le phlegme à l'acide vitriolique ?
il n’en eft pas ainfi, l'acide vitriolique concentré, celui que
jai employé dans ces inflammations, comparé par le pèle-
liqueurs avec l'acide nitreux le plus concentré, je veux dire
le 3° dont j'ai déterminé le poids, pèfe beaucoup plus que
lui, puifque fon poids eft de 2 onces 2 fcrupules ; 1l pèfe
par conféquent une demi-once plus que l'acide nitreux le
plus concentré: il eft donc moins phlegmatique que l'acide
nitreux; c’eft donc lui qui enlève le phlegme de l'autre;
car cela eft même fi certain, que l'acide vitriolique concentré
s'échauffe d'autant plus, que l'acide nitreux qu'on lui mêle,
eft plus phlegmatique. .
Dans quel cas a-t-on befoin de l'acide vitriolique, pour
DES SCIENCES 53
enflammer les huiles eflentielles & les huiles par expreffion,
telles que celles du deuxième article? C’eft lorfque l'acide
nitreux qu'on a employé n'eft pas aflez concentré pour agir
vivement fur ces huiles, & produire un mouvement rapide :
V'acide vitriolique ne fert donc, qu'autant qu’il enlève à l'acide
nitreux fon eau, qu'il le déphlegme. Cette vérité n’eft-elle pas
entièrement démontrée, puifque ces mêmes huiles ont été
enflammées par l'acide nitreux feul, mais très-concentré, je
veux dire, par le troifième, dont j'ai déterminé le poids ?
L'état différent de la matière charbonneufe dans laquelle
chacun de ces acides réduit les huiles, fournit encore de nou-
velles preuves. L'acide vitriolique réduit bien les huiles en
une efpèce de charbon, mais dont les parties font fans liaion,
fe.défuniffant facilement entre les doigts, & toûjours humec-
tées d’une portion d'huile épaiflie, & d’une portion d'acide
vitriolique. Tel a été l’état du charbon des huiles du dernier
article, en les traitant avec l'acide nitreux & l'acide vitrio-
lique, comme je l'ai déjà décrit; ce charbon n’a pas la porofité
ni la fécherefle propres pour être embrafé. Au contraire,
J'acide nitreux, comme on l'a vü par toutes les expériences
que j'ai détaillées, produit avec toutes les huiles un charbon
raréfié fpongieux, fec & embrafé.
Quoique je n’aie pas enflammé ces dernières huiles avec
l'acide nitreux feul , il n’en eft pas moins certain, fuivant les
obfervations & les réflexions précédentes , que l'acide vitrio-
lique n'a d'autre ufage que de déphiegmer l'acide nitreux.
Mais afin d'ôter jufqu'au moindre doute, on n'a qu'à fe rap-
peler que l'acide nitreux eft le feul des acides, capable de
produire la flamme, ou plütôt d'être enflammé lui-même,
“& cela fingulièrement par rapport au principe inflammable
qui eft de l'eflence de fa mixtion, & qui n’eft nullement
dans l'acide vitriolique; aufli les expériences dans lefquelles
ona voulu tenter d'enflammer les huiles par l'acide vitrio-
lique feul , ont été fans fuccès; mais quand on y a joint l'acide
nitreux ou le nitre même, ou le foufre, on a réufii.
C'eft cé dont il eft facile de fe convaincre, fi l'on jette les:
Gi
4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
yeux fur les expériences de M. Rouvière, Apothicaire de Paris,
dans les réflexions qu'il a publiées fur la fermentation & la
nature du feu : il enflamme la poudre à canon avec l'huile
glaciale de vitriol : il l'a enflimmée également avec un autre
acide vitriolique qui n'étoit pas auffi concentré ; mais il y a
ajoûté la liqueur fumante de Boyle, afin d’exciter une vio-
lente effervefcence & un plus grand mouvement; il a même
réuffi à enflammer le camphre & l'efprit de vin, mais par le
concours de la poudre à canon.
On voit fans doute combien il eft facile, en fe fervant
de l’étiologie de l'inflammation du nitre de Stahl, des ufages
de Facide vitriolique que j'ai découverts, des phénomènes
de l'inflammation des huiles, & de l’aétion de l'acide vitrio-
lique fur le nitre, de développer l'étiologie des expérienées
ingénieufes de cet Artifte*, né pour les travaux chymiques.
Il feroit à fouhaiter que j'eufle pû enflammer ces dernières
huiles par l'acide nitreux feul, cela eût ajoûté de nouvelles
preuves; mais il eft très-diffcile, pour ne pas dire prefque
impofhble, de pouvoir concentrer l'acide nitreux beaucoup
plus que le 3° acide dont j'ai déterminé le poids; on va bien
un peu au delà, mais quand on veut pouffer cette concen-
tration plus loin , les difhcultés fe multiplient , l'expanfibi-
lité de cet acide fait qu’il eft prefque impoffble de le retenir:
on en peut juger, puifque, pour en avoir un qui fût peu plus
concentré que le 3°, il a fallu prefque trois jours entiers pour
le diftiller, encore en ai-je eu très-peu.
J'ai cependant fait à ce fujet, un nombre de tentatives
qui n'ont pas été infruétueufes, puifque j'ai découvert des
erreurs au fujet de l'acide nitreux, & que j'ai trouvé des
chofes fingulières, & mème une nouvelle methode de concentrer
cet acide; mais comme ces détails qui regardent particuliè-
rement l'acide nitreux, m'écarteroient trop de l'objet de ce
Mémoire, je réferve à les donner lorfque je préfenterai à
l'Académie mes travaux fur cet acide.
* Réflexions fur la fermentation & fur la nature du feu, fondées für des
expériences nouvelles. Paris, 1708,
4 5 DES AMEN IN GES Ne cs
On voit facilement en quoi mes inflammations different
de celles qui ont été faites avant moi ; ces dernières fe font
fi rapidement, parce que l'acide qu'on a employé a été très-
concentré, que les temps de la formation du charbon, de
inflammation de Vacide nitreux & de celle de l'huile, ne
peuvent nullement être diftingués. Dans mes expériences
J'emploie fouvent acide nitreux le plus foible qu'il eft
poffble, fuivant la nature de chaque huile, afin de retarder
l'effervefcence; par ce moyen, je rends vifible toutes les
circonftances de ces inflammations.
Voici encore une obfervation qui regarde l'inflammation
de toutes les huiles, fur-tout celles du premier & du fecond
article : plus la quantité des matières eft grande, plus l'effet
eft für; fi on fait ces mélanges à la quantité de plufieurs
onces, c'eft le moyen de réuflir à les enflammer d’elles-mêmes
le plus fouvent qu'il eft poffible, & fans addition de nouvel
acide, fi l'acide eft très-bien concentré.
L'étiologie de l'inflammation des huiles par l'acide nitreux,
eft entièrement conforme à celle que Stahl a donnée fur
linflammation du nitre par les charbons ; ou plûtôt l'inflam-
mation des huiles confirme entièrement la doctrine de Stahl.
L’'acide nitreux libre, dégagé de toute union, n’a pas une
action aufli vive avec les matières combuftibles, que lorf-
qu'il eft uni à quelque corps qui lui donne des entraves,
comme dans le nitre, où il eft uni à un alkali fixe, de-1à Ja
différence de la vivacité de fes effets.
Le nitre ne s'enflamme aucunement avec Îles huiles ex-
pofées au feu avec lui, elles brülent fans l’enflammer, mais.
lorfqu'elles font confumées & qu'il ne refte plus que leur
charbon embrafé, alors ce charbon allume le nitre & l’en-
flamme; ainfi ce n’eft pas l'huile qui enflamme le nitre, c’eft
le charbon de l'huile.
En appliquant un peu d’acide nitreux au charbon raréfié
& embrafé des huiles, auffi-tôt cet acide s'allume, & dans
l'inftant même il enflamme les huiles qui font pour lors:
d'autant plus fufceptibles d'inflammation, qu'elles font dans:
56 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE E
une expenfion & une chaleur très-confidérables, caufées par
la violence de l'effervefcence & Ia rapidité du mouvement. À
Si on veut fe former une idée exacte de l'ufage de ce
charbon, il faut le confidérer comme une efpèce de mèche
embrafée qui procure l'inflammation de l'acide nitreux, &
Y'acide nitreux à fon tour enflamme huile; cela eft même fr
certain que, lorfqu'on verfe de l'acide nitreux fur le char-
bon raréfié & embrafé, on le voit auffi-1ôt fcintillant, &
dans linftant même l'huile eft enflammée.
En enflammant ainfi prefque toutes les huiles par le moyen
de l'acide nitreux & de l'acide vitriolique , je réfous la plus
| grande partie du problème de Glauber. I ef facile à un artifte
ns. due ingénieux, d'imaginer des vaifleaux & des efpèces de grenades
YL qui puiflent contenir ces feux liquides, pour me fervir des
expreflions de Glauber, & de les mettre en ufage dans fa
guerre. Mais quel fruit, quel avantage en reviendroit-il
à la patrie? la Chymie a fourni à l'art militaire la poudre,
cela ne fuffit-il pas? Je crois qu'il eft de la fageffe des ar-
tifles de taire ces fortes de chofes, d'autant plus qu'il y a
peu de vérité étiologique à gagner : il ne faut pas non plus
s'imaginer , comme fa cru Glauber, qu'on puifle long-
temps les cacher, l'exemple de Ia poudre à canon eft con-
vaincant ; tout devenant égal dans les combats, il n’y a
plus d'avantage, c'eft feulement un moyen de plus pour
détruire les hommes.
OBSERVATION
DES SCIENCES, sn
NN ee à
OCCULTATION DE REGULUS
PARU L.AN L'UNE.
Par M. LE MonNNreR {le Fils,
LE 23 Mars 1747, au Voir, à 8h 3645" de temps vrai,
immerfion fous le difque obfcur. Regulus étoit alors plus bas
de od 22° 25" ou 30”, que le bord fupérieur de la Lune,
ce qui détermine le point du limbe.
À l'égard de l'émerfion, comme j'étois attentif au paflage
de la Lune par le méridien, j'ai aperçû tout d'un coup
Regulus qui fortoit du difque éclairé : & comme il étoit
alors oh 44' 10", je conjecture que l’émerfion s’eft faite
affez jufte, à 9h 44’ 00".
J'ai comparé enfuite Regus au bord de là Lune, en
obfervant leurs paflages par différens filets verticaux de la
lunette du quart-de-cercle mural, & du mobile ; & j'ai
mefuré auffi leur différence de hauteur. A 9h43" 42"1 Je
1: bord de la Lune a dû précéder Regulis au méridien, de
00 25". A 0h45 22" le 10 bord de {à Lune pañloit
LR]
Of 00° 32"+ avant Regulus, qui étoit plus bas alors de 1’ 2 SE
que le bord fupérieur. À oh s 3’48", différence oh oo’ 17",
& Regulus à même hauteur que le bord fupérieur. Le dia-
mètre apparent de la Lune étoit alors 31° 52"; qu'il faudra
corriger par la différence des réfractions, ce qui donne im-
médiatement fe rapport des parallaxes, comme J'ai coûtume
de le pratiquer ordinairement.
À Touloufe, à 8h 32° 07", immerfion obfervée par
M. Garipui.
A
Min. 1747. H
53 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RorALE
OBSERVATION
DE |
L'OCCULTATION DE REGULUS PAR LA LUNE,
Du 23 Mars 17437:
.
Pax M MARALDI.
LE 23 Mars 1747, à 8h 36° 47”, Regulus eft caché par la Lune.
9 44 23, Regulus reparoit.
J'ai fait cette obfervation avec une lunette de 16 pieds,
le Ciel étoit ferein; & pendant que j'étois attentif à l'émer-
fion, M. Caflini obferva le paffage de la Lune par le méridien.
ke 23 Mars 1747, à 943" 43", le bord précédent de Ja Lune au
méridien.
9 45 45, la dernière partie éclairée de fa
une au méridien.
”
Ea hauteur apparente du bord éclairé, a été de 54123" o
Et la hauteur du bord qui manquoit, étoit de 53 $1 20
L'obfervation de cette occultation de Regulus par la Lune,
a été faite à Bayeux par M. l'Abbé Outhier, & à Middel-
bourg par M. Munck, qui l'ont communiquée à M. Caffini.
À Bayeux.
Le 23 Mars 1747, à 8" 19° 42°, immerfion de Regulus.
9 28 20, émerfon.
A Middelbourg.
Le 23 Mars 1747, à 8» 45° 41", immerfon de Regulus,
9 45 43 émerfion.
DpES SCIENCES s9
DIVERSES" EXPERTE NCES
SUR LA, GC H'A.U X,
Par M. pu HAMEL.
Ës l’année 173 3, je m'étois propolé de faire un travail
fuivi fur la Chaux : dans cette vüe, je voulois l’examiner
- pendant fa calcination, dans le temps où la chaux vive fe
chargeant de l'humidité de l'air, fufe d'elle-même, & fe
réduit en pouffière ; & obferver toutes les circonftances qui
accompagnent fon effervefcence avec l’eau lorfqu’on éteint
dans ce fluide, enfin ce qui réfulteroit de fa combinaifon avec
les différens acides, avec les fels alkalis, & avec différentes
autres matières.
D'autrés travaux m'ont obligé d'interrompre mes recher-
ches fur la chaux, qui avoient été commencées avec affez
d’ardeur, & je ne trouve dans mes regiftres d'expériences,
qu'une petite partie du grand nombre de matériaux qui
étoient néceffaires pour remplir l'objet que je m'étois propoit.
Je comptois toüjours avoir le temps de reprendre mes
recherches fur {a chaux, & les expériences qui étoient fur
mes regiftres attendoient que j'eufle le temps de les perfec-
tionner pour, conjointement avec celles que je méditois de
faire, donner fur cette matière quelque chofe de complet;
mais les circonftances m'invitent à en agir autrement.
Les travaux que Mrs Malouin & Macquer ont faits fur
la chaux, m'ayant engagé à rapporter verbalement à l'Aca-
démie la plôpart de mes expériences, quelques-unes ont été
trouvées aflez intéreffantes par plufieurs Académiciens qui
m'ont confeillé de les donner telles qu’elles font. Je me rends
à leur avis, & ce que je préfente n’eft qu’une copie de mon
‘journal d'expériences avec feulement de très-légers change-
mens dans l’ordre des matières.
H ji
2 Août
1747:
6o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Si en quelque point je ne me trouvois pas d'accord avec
M" Malouin & Macquer, je les prie de me le faire re-
marquer, & j'en tiendrai note pour répéter ces expériences
avec de nouvelles précautions; car comme il y a long-temps
que ce travail eft fait, plufieurs circonftances des opérations
font forties dé ma mémoire, & affurément mon but n'eft
point de faire naître des doutes fur le travail de mes confrères.
Chaux dans fa calcinarion.
J'avois emporté de Paris un morceau du marbre blanc
qui avoit fervi à faire les chevaux que M. Couftou a placés
à Marly. Ce marbre étoit fort dur, il n'étoit pas d’un blanc
parfait, & il avoit un grain de grès.
Le 2 Oétobre 1744, ce morceau qui peloit 26 livres
8 onces, fut placé dans l'endroit le plus échauffé du four à
chaux de Courcelles, d’où nous tirons toute la chaux que
nous employons pour nos bâtimens.
En fortant du four, ce morceau ne pefoit plus que 17
livres ; ainfi par la cuifon il avoit perdu 9 livres 8 onces
de fon poids.
Ii faut remarquer qu'à l'extérieur, cette pierre de chaux
étoit d’une blancheur parfaite, intérieurement le blanc n’é-
toit pas fi pur, & au centre du morceau il y avoit la grof-
feur d'un œuf de poule d'inde qui n'étoit pas converti en
chaux, mais qui fe brifoit comme du grès tendre.
Ce marbre n'étoit donc pas parfaitement calciné, & comme
il avoit été placé dans l'endroit du four où le feu avoit le
plus d’aétion, & de plus comme les pierres du pays qui rem-
plifioient le four, & qui étoient moins bien placées, étoient
parfaitement calcinées, il eft clair que ce marbre étoit plus
dur à calciner que les pierres à chaux de Courcelles.
J'avois prié, l'hiver de 1744, M. Ribart Ingénieur des
ponts & chauflées, de faire exécuter quelques expériences
dans le goût de celles que je viens de rapporter.
En 1745 il fit tailler des cubes de pierre à chaux, &ül
les fit mettre dans un four, mais elles fe brisèrent à la cuiflon,
DES SCIENCES Gt,
ce qui priva cette expérience de l'exactitude néceffaire : un
accident à peu-près pareil, m'empêche de faire ufage d’une
expérience que J'ai faite au four de Courcelles, quoique fes
réfultats ne s'écartent pas beaucoup de l'expérience que je
vais rapporter.
Le 1$ Septembre 1746, par un temps calme & doux,
qui eft regardé comme favorable pour la cuiffon des pierres,
M. Ribart fe tranfporta près Senlis aux fours des fieurs Dé-
trées, qui ont la réputation de faire Ja meilleure chaux, &
qui en envoient à Paris par terre.
Parmi les pierres qui étoient deftinées à remplir le four,
il en fit choïfir trois, qu'il fit marquer au cifeau, des chiffres Te
2, 3; il en deffina les contours avec le plus de précifion qu'il
put, il les mefura & les fit pefer exactement.
On plaça les trois pierres dans l'endroit où l'action du
feu devoit être la plus vive, & le four étant rempli, on
alluma le feu.
Avant que d'aller plus loin, il eft bon de favoir que les
pierres dont on fait cette chaux, fe tirent d’une £arrière peu
profonde, & qu'elles forment des moëllons plats, enlités,
fort durs, poreux, chargés de coquilles, & qui font d’un blanc
grifeätre. «
Le jour qu’on devoit tirer la chaux, M. Ribart fe rendit
au four, & vit tirer en fa préfence les trois pierres qui étoient
bien cuites, faines & fans fraétures, ayant refté expofées au
feu environ trente heures.
Au fortir, il pefa de nouveau ces pierres, & enfuite les
mit dans une chambre fur une table, chacune à part, pour
les laifler fe charger de l'humidité de air, jufqu'à ce qu'elles.
fuffent réduites en pouffière.
Le 24 Novembre, ce qui fait à peu près 2+ mois après
la calcination, voyant qu’elles étoient réduites en pouffière,
il les pefa pour la troifième fois. On voit d’un coup d'œil
dans a table fuivante, toutes les obfervations que M. Ribart
a faites fur ces pierres.
H ii
62 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
NUMÉROS. Te 2. 3.
Re
Dimenfions de chaque Longueur 7. Long. 12. o. Long... 8.
pierre, & fa folidité en| Largeur... 7.5343.|Larg. 7. o./ 294:|Larg.……. 6.2 288.
pieds cubes.
Hauteur... 7. Haut. 3. 6. Haut... 6.
Pefanteur de chaque
pierre avant que d'être È
mife au four. 643
onces
HUE 394*
Pefanteur de chaque
pierre devenue chaux, & «4: £.
pefée au fortir du four. PT 276. 227.
Pefanteur des mêmes onc. gros
pierres en pouilière, 481 378. 320
Une livre de pierre
de 16 onces, diminuant
proportionnellementäces
pierres , perd
onc. gros den. grains
NE CU Can 8 4 1075. Dette Passe
Ce qui réduit cette
même livre à
Laiffée à l'air apres la
cuiffon, elle reprend du
poids perdu.
Et par ce moyen, elle
revient à
Si on prend des moyennes proportionnelles entre les
diminutions & les augmentations marquées fur cette table,
on verra que la pierre diminue au four, de 8 onces $ gros
‘
B'E SU SERT MCE MN 63
2 deniers 4 grains, & qu'en fe réduifant en poudre, elle
reprend du poids qu’elle avoit perdu par la calcination, 3
onces 3 gros 6 grains, ce qui fait-S.
J'ai mis fur un papier gris dans mon laboratoire, 6 onces
3 gros de chaux vive : je l'ai repefée au bout de deux ans,
& elle pefoit 9 onces 4 gros; elle avoit donc attiré 3 onces
x gros d'humidité: il eft vrai qu'il s'étoit attaché deflus un
peu de pouffière, mais elle ne peut pas produire une erreur
confidérable.
Le marbre étant comparé avec la pierre de Senlis, auroit
dû perdre proportionnellement à cette pierre, 186 onces;
mais comme il eft plus compaéte & qu'il contient peut-être
moins de parties capables d’être enlevées par le feu, il n’a
perdu que 152 onces, de forte qu'il s'en faut 34, qu'il
n'ait perdu à proportion autant que la pierre. Si le marbre
avoit autant perdu de fon poids proportionnellement à la
pierre, il auroit diminué au four de près de moitié, au lieu
qu'il n’a diminué que d’un peu plus d’un tiers.
La chaux éteinte dans l'eau, peut par une nouvelle calci-
nation, redevenir dans l’état de chaux vive; elle fait effer-
vefcence & s'éteint dans l’eau à peu près comme la chaux
que j'ai faite avec la craie; car il m'a paru que la chaux de
craie faifoit effervefcence fi1ôt qu'on jetoit de l’eau defus,
mais que cette effervefcence n'étoit pas fi vive que celle
de la chaux de pierre dure qui refte un peu de temps dans
Jeau fans s'éteindre.
J'ai expofé dans un four à chaux, au milieu des pierres
& à la plus grande aétion du feu, de gros os de bœuf &
de cheval; ils ne fe font pas réduits en chaux, mais ce qu'il
y avoit de fingulier ; c'eft qu’ils étoient très-durs. Ils avoient
une demi-tranfparence, & en les frappant avec la lame d’un
couteau, ils avoient un fon comme celui de la pierre : tout
le monde fait que les os qu'on calcine pour les coupelles,
n'acquièrent pas cette dureté ; la différence vient-elle de ce
que le feu a été aflez violent dans le four pour produire une
demi-vitrification? ou le voifinage de la pierre auroit-il
64 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
contribué à ce phénomène! ce font des chofes qui méritent
d'être examinées.
Chaux éreinte par l'eau.
On fait que quand on verfe de l'eau fur la chaux vive,
peu de temps aprés il s'excite une grande effervefcence, il
s'échappe beaucoup de vapeurs, & la chaux fe fond dans
l'eau avec laquelle elle fait une bouillie plus ou moins épaifle,
fuivant {a quantité d'eau qu'on a employée. Si on a employé
beaucoup d’eau, il fe forme une eau blanche dont on fe fert
pour blanchir les murailles, & qu'on appelle le lait de chaux.
Si on emploie peu d'eau, la chaux la boit entièrement, elle
fe réduit en pouffière, & la plüpart des chaux ne font pas
propres à faire de bons mortiers quand elles font en cet état;
je dis la plüpart, car il y a des chaux qu'on recouvre de
fable, qu'on afperge d’un peu d’eau, ayant foin de recouvrir
d'un nouveau fable les endroits par où s'échappe la fumée.
Au bout de vingt-quatre heures on mêle bien la chaux avec
le fable, & fur le champ on en fait de très-bon mortier.
Ordinairement on emploie beaucoup d'eau pour éteindre la
chaux; mais quand la proportion ef jufte, on a une fubftance
graffe qui reffemble à de la glaife bien corroyée. Si on tient
long-temps cette fubftance dans un lieu fec, elle prend la
confiftance d’une craie; fi on la tient dans un lieu humide,
elle refle grafle, & en cet état elle fe conferve très-long-
temps, étant toüjours propre à faire de fort bon mortier.
On remarque que la bonne chaux qui eft faite avec des
pierres dures, même du marbre, refle quelque temps fous
l'eau, avant de s'y éteindre, qu'elle boit beaucoup d'eau,
qu'en s'éteignant elle produit beaucoup. de chaleur & une
grande effervefcence. Je vais rapporter les obfervations que
j'ai faites fur la chaux de marbre, par comparaifon avec la
chaux de Courcelles.
J'ai verfé une pinte d’eau fur deux livres de chaux de
marbre : cette eau a été büûe entièrement, & la chaux eft
reflée en partis en pouflière,
La
® DES -S'C IL EN GE S 65
La chaux étoit encore trop épaifle, quand j'ai verfé trois
chopines d’eau fur deux livres de la même chaux.
Quatre livres de chaux avec huit pintes d’eau firent un
lait de chaux.
La chaux étoit encore trop claire, quand je verfai huit
pintes d’eau fur fix livres de chaux ; mais la chaux de marbre
‘me parut bien éteinte, quand j'employois autant de pintes
d'eau, que j'avois de livres de chaux à éteindre.
Il n’en étoit pas de même, fi j'employois de 1a chaux de
Courcelles ; cette chaux ne boit pas tant d’eau.
IL eft bon de remarquer qu'il n’y a aucun inconvénient à
employer beaucoup d’eau pour éteindre la chaux ; & quand
j'ai fait les expériences que je viens de rapporter, mon inten-
tion étoit de reconnoître fi la chaux de pierre dure boit plus
“d'eau que la chaux de pierre tendre, & celle de marbre plus
que la chaux de pierre dure.
L’ufage de ceux qui éteignent a chaux dans nos pro-
vinces, eft de verfer d’abord peu d’eau fur la pierre à chaux;
elle fe fend, il fe fait une grande effervefcence; alors ils ajoû-
tent de l'eau ; quand Ia pierre à chaux eft fendue, ils ajoù-
tent beaucoup d'eau, & ils remuent vivement la chaux avec
‘un inftrument qu'on nomme ## bouloir: alors ils lèvent la
trappe, & laiflent couler la chaux du petit baflin où on l'a
éteinte, dans le grand où elle doit refter, ajoûtant de l’eau
pour laver le petit baflin; peu à peu la partie terreufe de Ja
chaux fe fépare de l'eau farabondante en fe précipitant au
fond du grand baflin ; l’eau furabondante s’évapore ou s’im-
‘bibe dans la terre, & la chaux refte dans une confiftance
graffe qui convient pour faire de bon mortier.
Ce que je viens de dire regarde uniquement Ia chaux de
pierre; car la chaux de marbre eft bien différente.
La chaux de marbre que j'avois éteinte, à la proportion
d'une pinte d’eau pour chaque livre de chaux, au lieu de
refter grafle comme celle dont je viens de parler ; en moins
de huit jours s'étoit tellement endurcie, qu ‘on ne pouvoit
prefque l'entamer avec la pointe d’un coûteau; elle étoit
Mém, 1747: 1
66 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Roya
d’une blancheur parfaite, & la fuperficie étoit brillante pref-
que comme de la porcelaine.
La même chaux qui avoit été éteinte avec une plus grande
quantité d’eau, avoit commencé à fe durcir & à prendre corps
au fond de l’eau ; & l'eau furnageante étoit couverte d’une
crème ctiflalline bien plus épaifle & plus brillante que la
chaux ordinaire.
Les fculpteurs & les marbriers font enlever leurs copeaux
de marbre comme une matière inutile, c'eft bien dommage :
fi on en faifoit de {a chaux, les peintres en impreflion pour-
roient l'employer pour faire des blancs d'une beauté admi-
rable, & bien plus durables que ceux qu'ils font avec la craie
& la colle. Peut-être que fi les peintres à frefque mettoient
de cette chaux avec leurs couleurs, elles feroient de plus
longue durée. Ce que j'ai fait fur la chaux de marbre, con-
firme ce que les auteurs d’Architeëure difent de l'excellence
du fluc qu'on compole avec la chaux de marbre & la poudre
de marbre blanc :enfin il paroît par nos expériences que la
chaux eft d'autant meilleure, qu'elle eft faite avec une pierre
plus dure.
De la ténaciré de l'eau avec la chaux.
J'éteignis deux livres de Ia chaux de Courcelles avec deux
pintes d'eau, elle étoit un peu trop claire: je faiflai cette chaux
ainfi éteinte dans une terrine de grès plus de dix-huit mois,
fouvent même j'expolois cette terrine au foleil pendant les
chaleurs de l'été, ayant eu attention de brifer la mafle de
chaux, pour qu'elle préfentät plus de furface à l'air, & qu'elle
fe defléchät mieux. Au bout des dix-huit mois, cette chaux
fembloit de la craie ; néanmoins, quoiqu'il reflât un peu de
chaux attachée aux parois de la terrine, elle pefoit encore 3
livres 4 onces ; ainfi elle contenoit encore 1 livre 4 onces de
l'eau qu'on avoit employée pour l'éteindre.
Dans la vüe de lui emporter cette humidité, je Ia mis
dans une étuve où elle perdit très-peu de fon poids, ce qui
me détermina à l'expofer dans le creufet à l'action d’un grand
Di EU SU SEINE UN € USE 67
feu de bois. Après cette calcination , elle ne pefoit plus que
2 livres 14 onces 2 gros; ainfi elle avoit perdu $ onces
6 gros; mais elle retenoit encore 14 onces 2 gros de l'eau
qui avoit {ervi à l'éteindre.
Je mis un morceau de cette chaux ainfi calcinée dans un
verre, il y refla fans s’éteindre, & ne fit d'autre ébullition que
celle que feroit un teflon de terre cuite au fortir du four, néan-
moins l’eau avoit contracté un peu de l'aftriétion de la chaux.
11 me paroifloit étonnant qu'après une auffi vive calci-
nation, il reftât encore de l'humidité dans cette chaux. Pour
parvenir à l'en priver entiérement par une calcination des
plus vives, je pris feulement une once de cette chaux cal-
cinée; je la mis dans un creufet que je plaçai dans un four-
neau de fufion , l'expofant à un feu très-violent excité par le
vent d'un fort foufflet. Cette once, par proportion aux deux
livres, contenoit 3 gros 38+ grains d'humidité. Après cette
dernière calcination, elle ne pefoit plus que 4 gros 42 grains,
ainfi elle avoit perdu 3 gros 1 8 grains; & fuivant ce calcul,
chaque once de chaux en cet état contenoit encore 20 grains
d'humidité, à moins qu'on ne voulût attribuer ce furcroît de
poids à la matière du feu qui fe feroit engagée dans cette
chaux, comme dans J'antimoine calciné; ce qui n’eft pas
probable: 1 .° parce que l'augmentation de poids eft encore
trop confidérable : 2.° parce qu'il y a toüjours eu de la dimi-
nution de poids à chaque calcination : 3.° parce que, quand
j'ai pefé les deux livres de chaux avant de les éteindre, elle
fortoit du four où elle avoit été expolée à la plus grande
action du feu, & où elle auroit pü fe charger abondamment
des parties de cet élément.
* J'en mis un petit morceau dans un verre avec de l'eau; il
y eut effervefcence, bruit, chaleur ; & fur le champ il fe ré-
duifit en une bouillie fort blanche, c’étoit de la chaux vive,
affez comparable à la chaux de craie, & qui auroit peut-être
été encore plus vive, fi j'avois continué aflez la calcination,
pour difliper toute l’eau qui avoit fervi pour éteindre la pre-
mière fois. ,
Ti
68 MÉNOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
: On voit par cette expérience, 1.” que l'eau sunit bien
intimement avec les parties de la chaux: 2.° que la chaux
éteinte redevient de la chaux vive quand on a diffipé toute
l'humidité : 3.° que l'adhérence de cette humidité étrangère
qu'on joint à la chaux en l'éteignant, eft du moins auffi diff
cile à difliper que celle qui eft naturellement dans la pierre à
chaux ; car il m'a paru que je n’avois pas befoin d'un feu plus
vif pour faire de la chaux avec les pierres qui n’avoient jamais
été calcinées : 4.° il femble que l'eau contribue quelquefois à
la dureté des corps, quand elle n’eft qu’en petite quantité;
car la chaux éteinte, & fimplement defléchée, a une certaine
dureté qu'on peut comparer à celle de la craie; & quand,
par une vive calcination, l'on a chaffé toute l'humidité, elle
eft plus tendre & plus friable : mais pour avoir quelque chofe
de plus pofitif fur cela, je calcinerai de ma chaux de marbre
qui a pris d’elle-même, & fans addition de fable , une grande
dureté, pour voir fi elle deviendra friable, quand elle aura
perdu toute fon humidité.
Je voulus connoître fi l'eau qu'on emploie pour faire les
mortiers, s'échappe beaucoup plus aifément que celle qui fert
à éteindre la chaux: pour cela, je pris 6 onces de chaux de
Courcelles éteinte & bien defléchée à Fair, qui, fuivant les
obfervations précédentes, devoient contenir 2 onces d’hu-
midité. Je détrempai cette chaux avec fufhfante quantité
d'eau, & j'en fis du mortier avec une livre de ciment bien
ec: je mis ce mortier dans une terrine de grès pour le bien
deffécher dans une étuve, où étant refté quinze jours, il pa-
roifloit fort fec, néanmoins il pefoit encore 4 onces 3 gros
plus que la chaux & le ciment que j'avois employés. Ainfr
en comptant les 2 onces d'eau que la chaux contenoit, le
mortier, quoique fec en apparence, contenoit 6 onces 3
gros d'humidité.
J'expofai ce mortier à un bon feu de calcination, & il re=
vint promptement au poids de a chaux & du ciment qui
le compoloient, n'ayant confervé que les deux onces d'hu-
midité qui étoient dans la chaux; mais ce mortier n'avoit
DIE! Sn [SUCRE Nic ES 69
plus de confiftance; il s’'égrainoit dans les doigts avec affez
de facilité.
Sur l'eau de chaux examinée feule & [ans addrion.
Au mois de Septembre 1734, je mis quelques livres de
chaux dans une terrine de grès, je verfai deflus beaucoup
d’eau bouillante; il fe forma à la fuperficie de l’eau qui fur-
nageoit la chaux, une crême criftalline; je l'enlevois tous les
jours avec un teflon de verre mince; quand l’eau qui furna-
geoit la chaux étoit en bonne partie évaporée, j'y en ajoû-
tois d'autre toute bouillante, & pendant plus de deux mois
la même chaux continua à me fournir de cette crême; mais
j'oubliai de faire du mortier avec cette chaux ainfi lavée,
pour m'aflürer s’il eft vrai, comme on le dit, qu’elle ne prend
point corps avec le fable.
Je fis de l’eau de chaux avec de l'eau diftillée, je Ja filtrai
& j'en évaporai 8 livres dans un matras, à une douce chaleur ;
je n'obtins que des feuillets féléniteux, quelques grains qui
paroifloient de même nature, un peu de terre, avec un peu
d'une eau roufle qui avoit de la faveur.
J'évaporai dans le même temps, & auffi à feu lent, 24
livres de la même eau dans une cloche de jardinier qui me
fervoit de capfule; j'eus beaucoup de feuillets, & la liqueur
prit une couleur un peu fafranée : je la filtrai pour féparer
les feuillets; & ayant continué l’évaporation, il refta au fond
de la capfule, plein une coquille de noix, d’une eau jaune,
grafle, & qui avoit de la faveur.
Cette eau fermenta avec l'huile de vitriol, il s’échappa
quelques vapeurs, qui, à l’odeur, me parurent être de Fefprit
de fel, & la liqueur fe troubla.
L'huile de tartre verfée fur cette eau précipita un peu de
terre.
Enfin cette eau précipita en blanc la folution de mercure,
Je crois que c’eft cette eau, qui, évaporée à ficcité, donne
le {el de chaux de M. du Fay; mais il n’eft pas probable qu'une
auffi petite quantité de fl donne à la chaux les propriétés qui
Li
7o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
la rendent fi approchante des fels alkalis. C’eft néanmoins
ce dont il eft queftion, quand on parle du fel de la chaux.
Les pierres qui contiennent des coquilles, fourniffent de
fort bonne chaux. Ces pierres doivent contenir du {el vo-
latil; & je m'en fuis bien aperçû, quand j'ai fait polir de ces
fortes de pierres, qui étoient prefque dures comme du mar-
bre; car le volatil urineux portoit à l'odorat d’une façon très-
fenfible. Ce fel doit difparoître, en grande partie, dans la
calcination.
Les coquilles qui compofent en partie les pierres à chaux,
font fouvent des coquilles de mer, & alors il doit refter un
eu de fel marin dans les pierres. Le feu n'aura pas beaucoup
d'action fur ce fel, il en doit donc refler dans quelques chaux,
pendant qu'il n’y en aura peut-être point dans d’autres.
L'acide vitriolique fe manifefle dans tous les foffiles, fa
calcination ne les diflipera pas entièrement ; il doit donc s'en
trouver dans toutes les chaux, mais en plus grande quantité
dans celles qui feront faites avec des pierres jaunâtres, ou
teintes de rouge, qu'on peut confidérer comme chargées
d'ochre ou de quelque minéral.
Enfin le nitre, qui fe trouve fi abondamment à la fuper-
ficie de la terre, peut bien pénétrer les pierres à chaux : il eft
vrai que ce fel fera décompolé par la calcination, mais fa bafe
pourra fournir quelques veftiges de {el alkali, lorfqu'on aura
évaporé une grande quantité d’eau de chaux.
On voit par ce que je viens de dire, qu’un de ces fels peut
fe trouver dans une chaux, un autre dans une autre chaux,
mais qu’ils ne font point l'eflence de [a chaux. Néanmoins on
a obligation à ceux qui ont eu la fagacité de nous démontrer
la préfence des acides minéraux dans les chaux qu'ils ont
examinées.
Chaux combinée avec l'efprit de vin.
Le mois de Septembre 1733, je mis dans un verre de
l'efprit de vin avec de l’eau de chaux : il s'excita une vive
effervefcence avec beaucoup de chaleur; mais on fait que
DE}S4 SAC EAN, CHELS: 71
Jefprit de vin bien rectifié s’échauffe avec l’eau fimple.
Je tins ce verre dans une étuve pendant dix à vingt jours;
ayant foin de mettre dans le verre de l'efprit de vin & de
Yeau de chaux, à mefure que le mélange s’évaporoit : il fe
forma à la fuperficie de la liqueur une crème comme féé-
niteufe, mais qui paroifloit fort grafle; elle fe fondoit en
partie fur la langue, & la piquoit vivement.
Pendant l'évaporation, l'odeur de la liqueur étoit celle de
lefprit de vin ; mais après l’évaporation, il refta dans le verre
une odeur aromatique fort femblable à celle de la vanille.
On fait que la crême criftalline qui fe forme fur l’eau de
chaux, fond difficilement dans l'eau, & qu’elle eft prefque
infipide. La matière graffe l'a rendu plus difloluble, & lui a
donné beaucoup de faveur.
Chaux mélée avec l'acide vitriolique.
Dans le mois de Septembre 173 3, je mis dans un verre
de l'huile de vitriol bien concentrée, je verfai deflus de l’eau
de chaux, je tins pendant huit à dix jours le verre dans une
étuve; & à mefure que la liqueur s'évaporoit, j’ajoûtois. de
Veau de chaux.
Quand je verfai pour la première fois l’eau de chaux fur
l'huile de vitriol, je ne remarquai pas plus de chaleur ni
d’effervefcence, que fi j'eufle verfé de l’eau pure fur une
huile de vitriol bien concentrée ; & la limpidité de l'eau de
chaux qui avoit été bien filtrée, fut encore augmentée par
J'addition de l'acide vitriolique
La partie du verre qui étoit au deflus de la liqueur, s’obf
curcit par une pouflière noire & très-fine, qui reflembloit à
une fuie fort légère. ,
J'aperçüs au fond du verre & dans la liqueur, des paillettes
& des feuillets féléniteux.
Je retirai le verre de l’étuve, & je le laiffai en expérience
pendant neuf mois : après ce temps il y avoit au fond du
verre une mafle criftalline & féléniteufe.
Je mis dans un autre verre de la chaux qui s’étoit réduite
> MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE
en poudre à fair, je verfai deflus de l'huile de vitriol, il s'ex=
cita une violente effervefcence avec chaleur, & il s’éleva
beaucoup de vapeurs qui me parurent avoir une légère odeur
d’efprit de fel; néanmoins Îa chaux ne parut pas difloûte par
l'huile de vitriol : je crois que cet acide étoit trop concentré,
& que la criftallifation fe faifoit dans le même temps que la
diflolution ; car on fait, & M. Borelli le remarque, dans
l'Hifloire de l’Académie, année 1 687, page 2 8, que l'huile
de vitriol diffout mieux le marbre quand elle eft affoiblie
avec de l’eau, que quand elle eft concentrée.
Je laiffai ce verre en expérience pendant neuf mois. L'huile
de vitriol attirant l'humidité de l'air, augmenta beaucoup de
volume, au point que le verre, qui n’étoit prefque qu’à moi-
tié plein, fe remplit entièrement : acide s'étant affoibli, parut
mieux agir fur la chaux, qui prit un œil criftallin : je lavai à
plufieurs fois la maffe criftalline, d'abord avec de l'eau froide,
enfuite avec de l'eau chaude, & j'eus des criftaux féléniteux
bien formés; l'intérieur du verre parut enfumé comme dans
l'expérience précédente.
Je répétai cette expérience avec de la chaux de coquilles
d'huîtres *; tout réuflit de même, excepté que les criftaux félé-
niteux étoient plus blancs, & qu'il n'y avoit point de pouf-
fière noire dans l'intérieur de la capfule.
Il eft fingulier qu'une chaux animale paroifie moins char-
gée de matière grafle qu'une chaux minérale ; néanmoins le
même phénomène fe préfentera dans toutes les expériences
que je rapporterai dans la fuite. Se feroit-il formé dans les
coquilles d’huitres un fel ammoniac qui auroit rendu la ma-
tière graffe plus aifée à enlever ?
Comme j'avois remarqué qu'il s’étoit échappé des vapeurs
blanches en verfant l'huile de vitriol fur la chaux, je me pro-
pofai de ramafler ces vapeurs, pour m'afiürer fi elles conte-
noient de l'efprit de fel; car l'odeur des vapeurs me le faifoit
foupçonner.
J'adaptai un chapiteau de verre garni d’un récipient fur
* Avec la chaux d'huîtres, M. Malouin a trouvé du fel de Glauber.
une
1
DES! S'C'LE N G ES 73
uné petite cucurbite, de façon que le chapiteau joignoit affez
exactement la cucurbite, fans qu’on füt obligé de les luter.
Je mis de la chaux dans la cucurbite , & fi-tôt que je ver-
fois de lhuile de vitriol deflus, je remettois promptément le
chapiteau; ce que je faifois toutes les fois que je répétois les
projections : de plus, la cucurbite étoit placée fur un bain de
fable médiocrement chaud.
Pendant l'effervefcence, {a cucurbite, le chapiteau & le
récipient fe remplifloient de vapeurs blanches qui fe condén-
foient dans le récipient; mais ce n’étoit qu’un phlegme à peine
acidule au goût, qui néanmoins rougifloit un peu le firop
violat. Ce phlegme entraïnoit avec lui une terre blanche &
infipide qui s’attachoit à l’intérieur des vaiffeaux. Cet acidule
étoit-il vitriolique ou marin? c’eft ce que jen'ofe décider ;
j'incline feulement à le croire marin.
Je luttai la cucurbite à fon chapiteau, j'augmentai la cha-
leur du bain de fable, & il pafla dans le récipient un acide
de vitriol très-foible.
Je laïffai cette cucurbite en expérience pendant neuf mois
fans la déluter ; il ne parut aucun changement : j'ôtai le cha-
piteau, j'ajoûtai un peu d’eau, & il fe forma une belle fé-
lénite.
M. Charas (anciens Mémoires de l'Académie, tome II,
page 2 $ $ ) admet un fel volatil & cauftique dans la chaux ; ïl
prétend qu'on fait un fel concret en verfant des acides fur l'eau
de chaux : feroit-ce Ia félénite dont nous venons de parler? IE
ajoûte qu'avec de la craie & de l'efprit de foufre on fait de
Yalun; ce qui ne s'accorde pas avec les expériences fuivantes.
L’huile de vitriol tenue long-temps fur différens ftalaétites,
fur la cafline, fur la craie, & fur différentes efpèces de terre,
a formé des fels infipides, bien criftallifés, difficiles à fondre
dans l'eau, en un mot, des fels pierreux, mais qui m'ont paru
différens les uns des autres, puifqu'il y en a qui fe calcinent
aïfément, comme du gip, & d'autres qui réfiftent à un feu
violent : les'uns font plus folubles dans l’eau que les autres; les
uns font des criftaux plats, & les autres prifmatiques. L’encre
Mém, 1747.
MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE ROYALE
s'étant effacée de deffus les paquets qui contenoient ces félé-
nites, je n'ai pû reconnoître avec quelle terre elles étoient
formées : mais cette matière mérite bien d'être examinée de
nouveau ; elle pourra jeter quelque jour fur la formation des
pierres.
Chaux mêlée avec l'acide nitreux.
Dans le mois de Septembre 173 3 je mis dans un verre
de l'efprit de nitre, je verfai deflus de l’eau de chaux; la fi
queur refla très-claire : je la mis dans l'étuve; il ne s’y forma
point de criftaux, ni de feuillets, ni de précipité, quoique
j'euffe ajoûté plufreurs fois de l'eau de chaux pour réparer ce
qui s'évaporoit. On n'apercevoit à l'odeur & au goût que
l'efprit de nitre.
Je tirai ce verre de l'étuve, & je le laïflai en expérience
pendant neuf mois; il n’y eut pas la moindre apparence de
criftaux, mais une efpèce de gomme ou de gelée claire un
peu jaune qui flottoit dans une efpèce de cerum :elle reflem-
bloit fort à celle que j'ai obtenue en mettant des fruits dans
de l'eau forte.
Je mis dans une capfule de verre un peu de chaux éteinte
à l'air, je verfai deflus peu à peu de l'efprit de nitre; ce qui
produifit une grande effervefcence, beaucoup de chaleur,
quantité de vapeurs blanches, & une odeur pénétrante qui
ne paroifloit être que celle de lefprit de nitre. Il eft vrai
qu'elle pouvoit être rendue plus pénétrante par l'efprit de
{el, s’il y en avoit un peu dans la chaux.
Toute la chaux fut difloute, & l'efprit de nitre refta auf
tranfparent que lorfqu’il étoit feul. Je remarquerai en pañfant
que cette diflolution eft bien différente de celle qui fe fait
avec l'huile de vitriol. Avec l'acide vitriolique, il fe fait fur
le champ une criflallifation qui feroit penfer que la chaux
n’eft pas diffoluble par cet acide : avec l'acide nitreux, toute
a chaux difparoït, & la liqueur refte claire.
Je mis cette diffolution de chaux par l'efprit de nitre dans
l'étuve, jufqu'à ce qu'une bonne partie fût évaporée; il
D E18:)8 CEE INC 'ELS s
refta une réfidence gommeule, au milieu de liquelle on aper-
cevoit des criftaux fort confus & ailez femblables à de l'huile
figée.
J'inclinai Ja capfule pour décanter ce qui étoit de plus
liquide; mais comme tout couloit enfemble, je verfai. de
l'eau deflus, efpérant que la matière gélatineufe fe difloudroit
avant les criftaux que je pourrois alors examiner à part; mais
tout fondit en même temps : ce qui me détermina à laiffer
cette folution s'évaporer de nouveau par la feule chaleur de
l'air, efpérant qu'il paroitroit des criftaux mieux formés. Au
bout de neuf mois, je ne trouvai encore que le caillet ou la
matière gélatineufe, qui nageoit dans une efpèce de cerum
avec quelques feuillets féléniteux très-déliés. J’avois intention
de varier les proportions de la chäux avec l'acide; mais
n'ayant pas exécuté ces expériences, je pafle à l'examen que
j'ai fait de la matière gélatineufe, me contentant auparavant
d’avertir que j'ai fait les mêmes expériences avec de la chaux
d’huîtres, & que la feule différence que j'ai remarquée, c'eft
que le caillet fait avec la chaux animale étoit plus clair &
moins jaune.
Ce caillet étoit extrémement cauftique & avoit l'odeur de
lefprit de nitre : il fe fondit prefque entièrement dans l'eau
tiède, il ne refta que quelques feuillets fort légers.
Je verfai fur ces feuillets de l'huile de tartre, ils devinrent
jaunes ; je verfai de l’eau deflus, la couleur fe diffipa, & ils
parurent avoir un peu perdu de leur volume,
Je verfai de l'huile de vitriol fur le caillet, il y eut effer-
vefcence, beaucoup de chaleur, fur le champ il { forma
_une félénite, & il fe répandit des vapeurs d’efprit de nitre.
Comme je foupçonnois que c'étoit la furabondance d’ef-
prit de nitre qui m'empéchoit d'avoir des criftaux; pour
emporter ce furcroit d'acide, je mis la gelée dans une cornue,
efpérant retirer par la diftillation l'acide fuperflu; mais ce
qui me furprit beaucoup, c’efl que tout, ou prefque tout,
paffa dans le récipient , il ne refta prefque rien dans la cornue.
Cette volatilifation de la chaux par l'efprit de nitre eft bien
K i
6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fingulière, & peut être employée utilement en Chymie:
Je verfai deffus la liqueur qui étoit reftée dans le récipient
de l'huile de vitriol , qui fur le champ dégage: l'acide nitreux,
& forma une félénite : fur une autre portion de [a même li-
queur, je verfai de l'huile de tartre qui précipita la terre de
la chaux.
J'ai répété cette même expérience en 17 37, elle m'a réuff,
avec cette différence qu'il m'éft refté plus de terre dans la
cornue, mais il en étoit beaucoup pañlé dans le récipient :
j'ai verfé de nouvel efprit de nitre fur la terre qui étoit reftée
dans la cornue; il a encore emporté de la terre, mais je n'ai
pas pouffé plus loin cette cohobation.
Il feroit bon d'éprouver fi l'efprit de nitre enlève Ia craie,
la pierre difloute, &c.
J'ai dit que quand on verfoit de l'efprit-de-nitre fur Ja
chaux, il s'élevoit beaucoup de vapeurs. Jai effayé de les con-
denfer, comme j'avois fait avec l'acide vitriolique : il s'éleva
beaucoup de vapeurs blanches qui fe condensèrent dans le
récipient ; ils'élevoit de la cucurbite une odeur fi pénétrante,
qu'on ne la pouvoit foûtenir, & la liqueur qui étoit pouffée
dans le récipient, précipitoit Ja folution d'argent dans l'efprit
de nitre, ce qui revient à ce que Becker dit de l'efprit de
nitre mêlé avec la chaux. Cette propriété vient-elle de la terre
de la chaux qui feroit mêlée avec l'efprit de nitre, ou de ce
que l'efprit de nitre fe feroit régalifé en paflant fur la chaux?
La queftion eft aifée à réfoudre:; car il n'y a qu'à examiner fr
le précipité fait une lune cornée. Mon efprit de nitre étoit
bien choifi, & je ne crois pas qu'il contint de l'acide du fel
marin.
Chaux mêlée avec l'acide du [el marin. 1733.
Je mis de l’efprit de fel dans un verre, & je verfai deffus
de l’eau de chaux; je mis ce verre à l’étuve, & à mefure que
la liqueur s'évaporoit, je la renouvellois avec de l’eau de
chaux: il monta quelque chofe le long du verre, qui d'abord
avoit une couleur jaune doré ; mais continuant à ajoûter de
de me BE ee énar à
DA EL SI AS CURE NS CE SU 7
l'eau de chaux, cette couleur difparut, & il fe précipita au
fond ure matière comme faline, la liqueur avoit une faveur
aigrelette. Ayant laiffé ce verre en expérience pendant neuf
mois, je trouvai au fond du verre des criftaux, petits, confus
& jaunâtres.
Je paflai plufieurs fois de l'eau deflus pour laver les crif-
taux, je parvins à les avoir plus reconnoiffables ; mais ayant
continué à verfer encore de l’eau deflus, ils fe fondirent
entièrement, & il ne refta que quelques criftaux ou feuillets
infipides, que je foupçonne être la crème dont j'ai parlé plu-
fieurs fois. s) N
Je mis dans une capfule de verre, un morceau de chaux
éteinte à l'air, il excita une très- violente effervefcence : 1a
chaux but beaucoup d’efprit de fel, mais fans fe diffoudre
parfaitement. Il refta dans la capfule une efpèce de beurre
afez femblable à un jaune d'œuf, ayant une couleur de
gomme pgutte.
Ce mélange refta en expérience pendant neuf mois, & il
n'étoit pas poffble de tenir le nez deffuss à caufe des vapeurs
d’efprit de fel qui s’échappoient : il eft inutile de faire ob-
ferver que ce mélange étoit très- piquant fur la langue.
Au bout de neuf mois le beurre étant dans le même état;
je fis les effais fuivans :
Un peu de ce beurre s’eft prefque diffous dans Peau, la cou-
leur jaunâtre s'eft diffipée fur le champ : il s’eft d'abord préci-
pité une terre pefante, que je crois félénitique, puis un peu
d'une terre légère, que je crois être de la chaux. J'ai verfé
de nouvel efprit fur cette terre, elle a été difloute prefque
entièrement.
L'efprit de nitre a diflous ce beurre, excepté quelques
feuillets féléniteux.
-: J'ai verfé fur une petite portion de ce beurre beaucoup
d'efprit de fel, l'effervefcence n’a pas été fenfible; néanmoins
ayant verfé un peu d’eau deflus, tout s’eft diflous, excepté
une petite portion que je foupçonne féléniteufe.
Sur une autre portion de ce beurre, j'ai verfé de l'huile
K
78 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
de vitriol, il s’eft excité une grande chaleur, l'efprit de fef
a difparu, & il eft refté un fédiment qui paroifloit féléni-
teux ; néanmoins en paflant plufieurs fois de l’eau deflus, il
s'eft diffous prefque entièrement.
Je mis de ce beurre dans une cornue de verre en diftilla+
tion, en 1734, & je donnai aflez de feu pour fondre fa
cornue, il ne pafla qu'un acide extrêmement foible, prefque
tout l'acide refta dans la cornue avec la chaux : le caput mor-
tuum expofé à l'air, tomba en æeliquium. eft fingulier que
l'acide nitreux volatilife la chaux, on auroit plütôt attendu
cette propriété de l'acide du fel marin, néanmoins c’eft tout
le contraire, la chaux le retient & l'empêche de pafer par
la diftillation.
J'ai répété ces mêmes expériences avec Ia chaux d'écailles
d’huitres, mais comme elles n'ont rien de fingulier, je n'en
dirai rien, finon que l’effervefcence n'a pas été à beaucoup
près fi violente qu'avec la chaux ordinaire.
J'ai diffous de la chaux de marbre avec le mênre acide,
ils’eft formé une croûte criftalline, affez épaiffe, dure, diff-
cile à fondre dans l'eau; & au fond du vafe, une efpèce de
beurre qui n'étoit pas jaune, ce qui vient probablement de
ce que mon efprit de fel étant vieux, avoit perdu fa couleur.
Je me fuis propofé de ramaffer les vapeurs qui s’'échappent
uand on verfe l'efprit de fel fur la chaux : dans cette vüe
je fs le mélange dans une cucurbite couverte de fon cha-
piteau, les vapeurs s'élevoient en affez bonne quantité; mais
comme elles avoient peine à fe condenfer, j'échauffai un peu
plus le bain de fable fur lequel étoit la cucurbite. J'eus affez
de liqueur pour faire quelques effais, c’étoit un efprit de
fel foible, qui précipitoit la folution d'argent en lune cornée;
& je trouvai dans la cucurbite le beurre jaune, qui répan-
doit des vapeurs d’efprit de fel extrêmement pénétrantes, &
dont on ne pouvoit foûtenir la vivacité.
L'huile de chaux qu'on retire de la réfidence de la diftilla-
tion du {el ammoniac par la chaux , forme en s’évaporant
une crème, comme l’eau de chaux, & elle donne des feuillets :
m4. . 1 4
D'E IS) SCIE NTC Es 79
on fait que le capur mortuum de la diftillation du fel ammo-
niac, contient une diflolution de la terre de la chaux par
l'efprit de fel avec une portion de a graifle du {el ammorniac.
On ne peut en retirer l'acide du fel marin qu'avec le fecours de
l'acide vitriolique ; & alors on obtient un acide mixte com-
pofé d'un acide vitriolique fulfuré, & de l'acide du {et marin,
La diflolution de notre beurre dans l'eau, diffère de l'huile
de chaux, en ce qu’elle ne contient pas {a graifle que le {el
ammoniac a fournie à l'huile de chaux.
Chaux mêlée avec le vinaigre.
Le mélange de l'eau de chaux & du vinaigre diftillé, mis
dans une étuve, ayant foin de fournir du vinaigre & de
l'eau de chaux pour fubvenir à l'évaporation, n’a fourni que
quelques végétations très-légères & foyeufes,
Le vinaigre diftillé mis fur de la chaux éteinte à air, a
fourni beaucoup de végétations foyeufes, & qui étoient
roufles à l'extérieur.
La chaux des coquilles d’huîtres a fait la même chofe:
mais les végétations étoient plus blanches.
Enfin ayant mis dans un matras, du vinaigre diftillé, & de
l'eau de chaux dans une étuve » je vis de petits criftaux affez
beaux, foyeux, tendres fous la dent, qui nageoient dans {a
liqueur : cette expérience doit être récommencée, car je ne
me fouviens pas fi mon eau de chaux avoit été faite avec
de da chaux de pierre , ou de 1a chaux de coquilles d’huîtres;-
& je crois que les proportions font importantes.
Chaux mêlée avec les [els alkalis.
* Danse mois de Septembre 1 733: je remis en calcination.
de la chaux avec du fel de tartre À un feu fort vif & dans un:
creufet ; je verfai les matières calcinées dans de l'eau diftillée,
il s'excita une grande effervefcence avec chaleur, comme
fait le chaux ordinaire; néanmoins {a chaux ne s'éteignit pas,
& je fus furpris de trouver quelques jours après cette chaux
durcie au fond de l'eau, à peu près comme fi c'eût été du.
80 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plâtre, de forte que je fus obligé d'employer une fpatule dé
fer pour la détacher. L'eau furnageante étoit très-acre ; ce qui
n'eft pas furprenant pour ceux qui favent comme fe fait la
pierre à cautère.
Je décantai & filtrai cette eau, & je paffai plufieurs fois
de l’eau fur le fédiment pour l'édulcorer. Les dernières eaux
n'avoient plus que la faveur de l’eau de chaux ordinaire. J'é-
vaporai les eaux acres; il fe forma au bord du verre quelques
criftaux, & il s'amafla au fond une terre un peu criftalline,
mais qui fe diflolvoit dans l’eau : à la fin de l'évaporation , if
refta une eau-mère fort roufle, grafle & alkaline.
Je fis la même opération avec {e borax , au lieu de fel de
tartre; mais la calcination ayant été fort vive, le borax fe
vitrifia en partie; ce qui m'obligea de piler les matières cal-
cinées : l'eau que je verfai deflus ne laiffa pas de prendre un
peu d’acreté. "
Je mis dans une cloche de jardinier qui me fervoit de
capfule, fix pintes d'eau de chaux filtrée, je verfai deflus
de l'huile de tartre par défaillance, il fe précipita beaucoup
de terre, ce qui m'obligea de filtrer le mélange: j'évaporai
la liqueur filtrée à une lente chaleur ; il fe forma quelques
criftaux dans une eau-mère fort grafle & alkaline. Cette
expérience prouve qu'il y a dans l’eau de chaux un acide
qui tient une terre en diflolution, & qui, s'étant uni au {el
alkali, avoit formé avec lui les criftaux dont nous venons
de parler : je foupçonnois que ces criftaux étoient vitrio-
liques ; mais jé n'ai pû m'en aflurer, parce qu'ils fe font
égarés dans mon laboratoire.
L’'efprit volatil de fel ammoniac précipite pareïllement
la terre de l’eau de chaux, & forme des criftaux qui font
figurés comme des plumes.
Je précipitai encore l’eau de chaux avec le fel de foude ;
il fe forma des concrétions falines qui montèrent aux parois
de la caplule : mais comme le fel de foude monte de même;
je ne remarquerai autre chofe, finon que ces criftaux étoient
plus acres.
Comme
DES SCIENCES. 81
…Perfuadé de Ia difficulté qu’il y a à avoir de l'huile de tartre
qui foit pur alkali, ayant vü des criftaux fe former dans le {el
de tartre le plus parfait, lefquels criftaux étoient un vrai alkali,
enfin fachant qu'il y a peu d'eau qui ne précipite pas une terre,
quand on verfe deflus de l'huile de tartre, je crus devoir re-
commencer mon expérience de l'eau de chaux avec de l'huile
de tartre.
Je pris deux capfules de verre: dans une je mis de l'eau
de chaux bien filtrée, & dans l’autre, la même quantité d'eau
qui m'avoit fervi à faire mon eau de chaux : je verfai fur cette
eau, & fur l'eau de chaux, une même quantité d'huile de
tartre; il fe fit un précipité plus abondant dans la capfule à
Veau de chaux que dans l'autre: je filtrai les deux liqueurs,
& je les mis évaporer lentement.
Dans la capfule où étoit l’eau de chaux, il fe forma des
criftaux aflez gros. Un de ces criftaux mis fur la pelle, y blan-
chit, & enfuite décrépita un peu; ce qui me fit foupçonner
qu'ils contenoïent un peu de tartre vitriolé, quoique, fur
la langue, ils euflent une faveur lexivielle avec beaucoup
d'acreté.
Je mis un de ces criftaux dans du vinaigre diftillé, efpé-
rant qu'il n'y auroit que 'alkali qui s’y difloudroit, & que
le tartre vitriolé, qui eft difficile à fondre, refteroit au fond ;
mais le criftal fe fondit entièrement, & affez paifiblement.
- Un pareil criftal fe fondit entièrement, mais avec grande
effervefcence, dans un foible efprit de nitre.
J'en mis dans une folution de mercure qui fut précipité
en jaune citron, mais pas en forme de caillé.
- Enfin dans la capfule où il n’y avoit que l’eau fimple avec
Yhuile de tartre, j'eus des criftaux tout pareils, mais qui n'é-
toient pas fi gros. J
DEG
&
Môme 1 747 | L
12 Avril
1747:
82 MÉMOIRES DE LE ACADÉMIE RoYALE
INVENTION
DE MIROIRS ARDENS,
POUR BRUSLER À UNE GRANDE, DISTANCE.
Par M. DE BurFronx.
| démen des miroirs.ardens d’Archimède, eft fameufe:
il les inventa pour la: défenfe de fa patrie, & il lança,
difent les anciens, le feu du Soleil fur la flotte ennemie ,.
qu'il réduifit en cendres lorfqu’elle approcha des remparts de:
Syracufe; mais cette hiftoire, dont on: n'a pas douté pendant
quinze ou feize fiècles, a d'abord été contredite, & enfuite
traitée de fable dans ces derniers temps. Defcartes né pour
juger, & même pour furpafler Archimède, a prononcé:
contre lui d'un ton de maître ; il a nié la poffbilité de l'in--
vention , & fon opinion a prévalu fur les témoignages & fur
la croyance de toute l'antiquité : les Phyficiens modernes,
foit. par refpeét pour leur Philofophe, foit par complaifance
pour leurs contemporains, ont été de mème avis. On. n’aç=.
corde guère aux anciens que ce qu'on ne peut leur ter:
déterminés peut-être par ces motifs, dont l'amour propre ne:
fe fert que trop fouvent fans qu'on s'en aperçoive, n'avons-
nous pas naturellement trop de penchant à refufer ce que:
nous-devons à ceux quinous ont précédés? & finote-fiècle
refufe plus qu'un autre, ne feroit-ce pas qu'étant plus éclairé;
ik croit avoir plus de droit à lx gloire, plus de prétentions
à-la fupériorité ?
Quoi qu'il en foit, cette invention étoit. dans le cas: de:
plufieurs autres découvertes de lantiquité, qui fe font éva-
nouies, parce qu’on a préféré la facilité de les nier, à la diff-
culté de les retrouver ; & les miroirs ardens d’Archimède
étoient fi décriés, qu'il ne paroifloit pas poffible d’en rétablir
la réputation: car, pour appeler du jugement de Defcartes,
‘DES STTENCES. 83
falloit quelque chofe de plus fort que des raïfons, & il ne
refloit qu'un moyen für & décifif, à la vérité, mais difficile
& hardi, c'étoit d'entreprendre de retrouveres miroirs, c’eft-
à-dire, d'en faire qui püffent produire les mêmes effets; j'en
avois conçû depuis long temps l'idée, & j'avouerai volontiers
que le plus difficile de la chofe étoit de la voir poffible,
puifque dans l'exécution j'ai réuffi au delà même de mes
efpérances.
J'ai donc cherché %es moyens de faire des miroirs pour
brûler à de grandes diftances, comme dé 100 , d 200 &
de 300 pieds: je favois en général, qu'avec des miroirs
par réflexion, fon n'avoit jamais brûlé à plus de 15 ou 20
pieds tout au plus, & qu'avec ceux qui font réfringens,
la diftance étoit encore plus courte, & je fentois bien qu'il
_étoit impoffble dans a pratique, de travailler un miroir de
métal ou de glace, avec affez d'exactitude, pour brüler à ces
grandes diftances : que pour brüler, par exemple, à 200
pieds, la fphère ayant dans ce cas Boo pieds de diamètre,
on ne pouvoit rien efpérer de la méthode ordinaire de tra-
Vaïller les verres, & je me perfuadai bien -1ôt que quand
même on pourroit en trouver une nouvelle pour donner à
de grandes pièces de verre ou de métal, une courbure auffr
légère, il n'en réfulteroit encore qu'un avantage très - peu
confidérable, comme je 4e dirai dans a fuite.
Mais pour äller par ordre, je cherchai d'abord combien
l lumière du Soleil perdoit par Ja réflexion à différentes
diflances, & quelles font les matières qui la réfléchifient le
plus fortement. Je trouvai premièrement que les glaces éta-
mées , lorfqu'elles font polies avec un peu de foin, réfléchif.
fent plus puiffamment 1a lumière que les métaux les mieux
polis, & même mieux que le métal compofé dont on fe
fert pour faire des miroirs de télefcope ; & que quoiqu'il y
aît dans les glaces deux réflexions , Tune à la furface , & l'autre
à l'intérieur, elesne laïflent pas de donner une lumière plus
vive & plus nette que de métal, qui produit toûjours une
lumière colorée.
L ij
84 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
En fecond lieu, en recevant la lumière du {oleil dans ur
endroit obfcur, & en la comparant avec cette même lumière
du foleil réfléchie par une glace, je trouvai qu'à de petites
diftances, comme de quatre ou cinq pieds, elle ne perdoit
qu'environ moitié par la réflexion , ce que je jugeai en faifant
1omber fur la premiere lumière réfléchie, une feconde lumière
auffi réfléchie ; & la vivacité de ces deux lumières réfléchies,
me parut égale à celle de la lumière directe.
Troifièmement, ayant reçû à de grandes diftances, comme
à 100,200 & 300 pieds, cette même lumière réfléchie par
de grandes glaces, je reconnus qu'elle ne perdoit prefque rien
de fa force, par l’épaiffeur de l'air qu’elle avoit à traverfer.
Enfuite je voulus effayer les mêmes chofes fur la lumière
des bougies ; & pour m'affurer plus exaétement de la quantité
d’affoibliffement que la réflexion caufe à cette lumière, je
fis l'expérience fuivante.
Je me mis vis-à-vis une glace de miroir avec un livre à
la main, dans une chambre où l’obfcurité de la nuit étoit
entière, & où je ne pouvois diftinguer aucun objet : je fis
allumer dans une chambre voifine, à 40 pieds de diftance
environ, une feule bougie, & je la fis approcher peu à peu,
jufqu'’à ce que je püfie diftinguer les caraétères & lire le livre
que j'avois à la main; la diftance fe trouva de 24 pieds du
livre à la bougie : enfuite ayant retourné le livre du côté du
miroir, je cherchai à lire par cette même lumière réfléchie,
& je fis intercepter par un paravent la partie de la lumière
direéte qui ne tomboit pas fur le miroir, afin de n'avoir
fur mon livre que la lumière réfléchie. I fallut approcher la
bougie, ce qu'on fit peu à peu, jufqu’à ce que je püffe lire les.
mêmes caractères éclairés par la lumière réfléchie; & alors la
diflance du livre à la bougie, y compris celle du livre au
miroir, qui n'étoit que d’un demi-pied, fe trouva être en
tout de quinze pieds : je répétai cela plufieurs fois, & j'eus.
toüjours les mêmes réfultats, à très-peu près ; d’où je conclus
ge la force ou la quantité de la lumière directe eft à celle
de a lumière réfléchie, comme 576 à 22 5 ; ainf l'effet de la
D ES S)CM'EIN CE :s 85
lumière de cinq bougies reçüe par une glace plane, eft à peu
près égal à celui de la lumière direéte de deux bougies.
La lumière des bougies perd donc plus par la réflexion
que la lumière du foleil; & cette différence vient de ce que
les rayons de lumière qui partent de la bougie comme d'un
centre, tombent plus obliquement fur le miroir que les
rayons du foleil qui viennent prefque parallèlement. Cette
expérience confirma donc ce que j'avois trouvé d'abord,
& je tins pour für que la lumière du foleil ne perd qu'environ
moitié par la réflexion fur une glace de miroir.
Ces premières connoiflances dont j'avois befoin, étant
acquifes, je cherchai enfuite ce que deviennent en effet les
images du foleil, lorfqu’on les reçoit à de grandes diflances.
Pour bien entendre ce que je vais dire, il ne faut pas, comme
on le fait ordinairement, confidérer les rayons du foleil
comme parallèles, & if faut fe fouvenir que le corps du foleil
occupe à nos yeux une étendue d'environ un demi -degré,
ou de 3 2 minutes; que par conféquent les rayons qui partent
du bord fupérieur du difque, venant à tomber fur un point
d'une furface réfléchiffante, les rayons qui partent du bord
inférieur, venant à tomber auffi fur le même point de cette
furface, ils forment entre eux un angle d'un demi-degré
dans l'incidence, & enfuite dans la réflexion, & que par
conféquent l’image doit augmenter de grandeur à mefure
qu'elle s'éloigne : il faut de plus faire attention à la figure de
ces images; par exemple, une glace plane quarrée d’un demi-
pied, expofée aux rayons du foleil , formera une image quar-
rée de fix pouces : lorfqu’on recevra cette image à une petite
diftance de la glace, comme de quelques pieds; en s’éloi-
_gnant peu à peu, on voit l'image augmenter, enfuite fe
déformer , enfin s’arrondir & demeurer ronde toûjours en
Sagrandiffant, à mefure qu’elle s'éloigne du miroir : cette
image eft compolée d'autant de difques du foleil qu'il y a
de points phyfiques dans la furface réfléchiffante ; le point du
milieu forme une image du difque, les points voifins en
forment de femblables & de même grandeur, qui excèdent
jo;
86 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
un peu le difque du milieu; il en eft de même de tous
les autres points, & l'image eft compofée d'une infinité de
difques, qui fe furmontant régulièrement, & anticipant cir-
culairement les uns fur les autres, forment l’image réfléchie
dont le point du milieu de la glace ef le centre.
Si l'on recoit l'image compofée de tous ces difques à une
petite diftance, alors l'étendue qu'ils occupent n'étant qu'un
peu plus grande que celle de la glace, cette image eft de {a
mème figure & à peu près de la même étendue que la glace :
fi la glace eft quarrée, l'image eft quarrée ; fi la glace -eft
triangulaire, l'image eft triangulaire; mais lorfqu'on reçoit
l'image à une grande diftance de la glace où l'étendue qu'oc-
cupent les difques eft beaucoup plus grande que celle de la
glace, l'image ne conferve plus la figure quarrée ou trian-
gulaire de da glace, elle devient néceffairement circulaire ;
& pour trouver le point de diftance où l’image perd fa figure
quarrée , il n'y a qu'à chercher à quelle diftance {a glace nous
paroît fous un angle égal à celui que forme le corps du foleil
à nos yeux, c'efl-à-dire, fous un angle d’un demi-degré ou
de 32 minutes, cette diftance fera celle où l'image perdra
fa figure quarrée, & deviendra ronde; car les difques ayant
toûjours pour diamètre une ligne égale à la corde de l'arc
de cercle qui mefure un angle de 32 minutes, on trouvera
par cette règle qu’une glace quarrée de fix pouces perd fa
figure quarrée à la diflance d'environ 60 pieds, & qu'une
glace d'un pied en quarré ne Ja perd qu'à 120 pieds en-
viron, & ainfi des autres.
En réfléchiffant un peu fur cette théorie, on ne fera plus
étonné de voir qu'à de très-grandes diftances une grande &
une petite glace donnent , à peu près, une image de la même
grandeur, & qui ne diffère que par l'intenfité de la Jumière;
on ne fera plus furpris qu'une glace ronde, ou quarrée, ou
longue, ou triangulaire, ou de telle autre figure que fon
voudra, donne toüjours des images rondes ; & on verra clai-
rement que les images ne s’agrandiflent & ne s’affoibliffent
pas par la difperfion de la lumière, ou par la perte qu'elle
DES SCrENCESs: 87
fait en traverfant l'air, comme l'ont cru quelques Phyficiens ;
& que cela n'arrive au contraire que par l'augmentation des
difques , qui occupent toûjours un efpace d'un demi-degré
ou de 32 minutes, à quelque éloignement qu’on les porte,
De même on fera convaincu par la fimplé'expofition de
cette théorie, que lesi courbes, de quelque efpèce qu'elles
foient, ne peuvent être employées avec avantage pour brûler
deloin, parce que le diamètre du foyer de toutés ces courbes
ne peut jamais ètre plus petit que la corde de l'arc qui me-
fure un: angle de 32 minutes, & que par conféquent le
miroir concave le plus parfait dont le diamètre feroit égal à
cette corde, ne feroit jamais le double de l'effet d'un: miroir
plan de même furface : & fi le diamètre de: ce miroir courbe
étoit plus petit que cette corde, il ne feroit guère plus
effet qu'un miroir plan de même furface.
Lorfque j'eus bien compris ce que je viens d'expofer,
je me perfuadai bien-tôt, à n'en pouvoir douter, qu’Archi-
mède n'avoit pû brûler de loin qu'avec des miroirs plans:
car indépendamment de l'impofibilité où: l'on étoit alors,
& oùi l’on feroit encore aujourd'hui, d'exécuter des miroirs
concaves d'un aufii long foyer , je fentis bien que les ré-
flexions que je viens de faire, ne Pouvoient pas avoir échappé
à ce grand Mathématicien. D'ailleurs Je penfai que, felon:
toutes les apparences, les anciens ne: favoient pas faire de’
grandes maffes de verre, qu'ils ighoroient l'art de le‘couler
pour: en faire de grandes glaces, qu'ils n’avoient tout au
plus que celui de‘le fouffler, &: d'en faire des bouteilles:
& des vafes; & je me perfuadai aifément que c'étoit avec:
des: miroirs plans de métal poli, & par là réflexion des
rayons: du: foleil qu’Archimède avoit brûlé au loin : mais:
comme j'avois reconnu, que les:miroirs de glace réfléchiflent:
plus puiffamment 14 lumière: que: les: miroirs! de métal le:
mieux poli, je penfai à conftruire une machine pour faire:
coinciderau même point les images réfléchies par un grand
nombre deices glaces planes, bien: convaincu que ce moyen”
étoit le: feul par: lequel. if fût poflible de réuffir,
93 MÉMOIRES DE L'ACADÉMLE RoYALE
Cependant j'avois encore des doutes, & qui me paroif
foient même très-bien fondés, car voici comment je rai-
fonnois. Suppofons que la diflance à laquelle je veux brüler
foit de 240 pieds, je vois clairement que le foyer de mon
miroir ne peut avoir moins de deux pieds de diamètre à
cette diftance : dès-fors quelle fera l’étendue que je ferai
obligé de donner à mon affemblage de miroirs plans pour
produire du feu dans un aufli grand foyer! elle pouvoit
être fi grande, que la chofe eût été impraticable dans l'exé-
cution; car en comparant le diamètre du foyer au ‘diamètre
du miroir, dans les meilleurs miroirs par réflexion que nous
ayons, par exemple, avec le miroir de l'Académie, j'avois
obfervé que le diamètre de ce miroir qui eft de trois pieds,
étoit cent huit fois plus grand que le diamètre de fon foyer,
qui n'a qu'environ quatre lignes, & j'en concluois que pour
brûler aufi vivement à 240 pieds, il eût été néceflaire que
mon affemblage de miroirs eût eu 216 pieds de diamètre,
puifque le foyer auroit deux pieds ; or un miroir de 216.
pieds de diamètre étoit affurément une chofe impoffible.
A la vérité, ce miroir de trois pieds de diamètre brüle
aflez vivement pour fondre l'or, & je voulus voir combien
j'avois à gagner en réduifant fon aétion à n’enflammer que
du bois : pour cela j'appliquai fur le miroir, des zones cireu-
laires de papier pour en diminuer le diamètre, & je trouvai
qu'il n'avoit plus affez de force pour enflammer du bois fec
lorfque fon diamètre fut réduit à quatre pouces huit ou neuf
lignes : prenant donc cinq pouces ou 60 lignes pour l'é-
tendue de diamètre néceflaire pour brûler avec un foyer de
quatre lignes, je ne pouvois me difpenfer de conclurre que
pour brüler également à 240 pieds, où le foyer auroit né-
ceflairement deux pieds de diamètre, il me faudroit un mi-
roir de 30 pieds de diamètre; ce qui me paroifloit encore
une chofe impoffñble, ou du moins impraticable.
A des chofes fi pofitives, & que d’autres auroient regardé
comme des démonftrations de l'impoffibilité du miroir, je
n'avois rien à oppofer qu'un foupçon, mais un foupçon
k ancien
DEAS "SVCNÉTENNE CES 8
ancien, & fur lequel plus j'avois réfléchi, plus je m'étois
‘ perfuadé qu'il n'étoit pas fans fondement; c’eft que les effets
* de la chaleur pouvoient bien n’être pas proportionnel à à la
quantité de lumière; ou, ce qui revient au même, qu'à
égale intenfité de lumière, les grands foyers devoient brûler
= bien plus vivement que les petits.
En eftimant la chaleur mathématiquement , in ef | pas
douteux que la force des foyers de même longueur ne foit
proportionnelle à la furface des miroirs. Un miroir dont la
furface eft double de celle d’un autre, doit avoir un foyer
_de la même grandeur, fi {a courbure eft la même, & ce
foyer de même grandeur doit contenir le double de la quan-
tité de lumière que contient le premier foyer; & dans la
fuppofition que les effets font toûjours proportionnels à
leurs caufes, on avoit toûjours cru que la chaleur de ce fe-
cond foyer devoit être double de celle du premier.
De même, & par la même eftimation mathématique ;
‘on a toujours cru, qu'à égale intenfité de lumière, un petit
foyer devoit brûler autant qu'un grand, & que Teffet de
Ja chaleur devoit être proportionnel à cette intenfité de
Jumière; en forte, difoit Defcartes, qu'on peut faire des verres
où des miroirs extrémement petits qui bräleront avec autant de
violence que les plus grands. Je penfai d'abord, comme je
Jai dit ci-deflus, que cette conclufion tirée de la-théorie
| mathématique pourroit bien fe trouver fauffe dans la pra-
tique, parce que la chaleur étant une qualité phyfique de
l'action & de la propagation, de laquelle nous ignorons les
loix, il me fembloit qu'il y avoit quelque efpèce de témé-
rité à en eftimer ainfi les effets par un raifonnement de
pie fpéculation.
J'eus donc recours encore une fois à I pécieneee ; je pris
4 miroirs de métal de différens foyers & de différens
deprés de poliment ; & en comparant l'aétion des différens
foyers fur les mêmes matières combuftibles, je trouvai qu'à
égale intenfité de lumière, les grands foyers font conftam-
ment beaucoup plus d'effet que Les petits, & praduifent
Mém. 1747: M
Voy. la Diop.
trique de Def-
cartes, difc. 8.°
90 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fouvent l'inflammation, ou l'embrafement , tandis que les
petits ne produifent qu'une chaleur médiocre: je trouvai la
même chofe avec les miroirs par réfraétion. Pour le faire
mieux fentir, prenons, par exemple, un grand miroir ardent
par réfraétion , tel que celui du fieur Segard, qui a 32 pouces
de diamètre & un foyer de 8 lignes de largeur, à 6 pieds
de diflance, auquel foyer le cuivre fe fond en moins d’une
minute, & failons dans les mêmes proportions un petit
verre ardent de 3 2 lignes de diamètre, dont le foyer fera de
# ou + de ligne, & la diftance à 6 pouces; puifque le
grand miroir fond le cuivre en une minute dans l'étendue
entière de fon foyer qui eft de 8 lignes, le petit verre
devroit, fuivant la théorie, fondre dans le même temps la
même matière dans l'étendue de fon foyer qui eft de +
de ligne: ayant fait l'expérience, j'ai trouvé, comme je n'y
attendois bien, que loin de fondre le cuivre, ce petit verre
ardent pouvoit à peine donner un peu de chaleur à cette
matière.
La raifon de cette différence eft aifée à donner, fi fon
fait attention que la chaleur fe communique de proche en
proche, & fe difperfe, pour ainfi dire, lors même qu'elle eft
appliquée continuellement fur le même point; par exemple,
fi l'on fait tomber le foyer d'un verre ardent fur le centre
d'un écu, & que ce foyer n'ait qu'une ligne de diamètre,
Ja chaleur qu'il produit fur le centre de l'écu fe difperfe &
s'étend dans le volume entier de l'écu, & il devient chaud
jufqu'à la circonférence ; dès-lors toute la chaleur, quoi-
qu'employée d'abord contre le centre de Fécu, ne s’y arrête
pas, & ne peut pas produire un auffi grand effet que fi elle
y demeuroit toute entière : mais, fr au lieu d’un foyer d’une
ligne, qui tombe fur le milieu de l'écu, on fait tomber fur
Yécu tout entier un foyer d’égale intenfité, toutes les parties
de l'écu étant également échauffées dans ee” dernier cas,
non feulement il ny a pas de perte de chaleur, comme
dans le premier, mais même il y a du gain & de l’aug-
mentation de chaleur, car le point du milieu profitant de
DES SCIENCES. L
?
Ja chaleur des autres points qui l’environnent, l’écu fera
fondu dans ce dernier cas, tandis que, dans le premier, il
ne fera que légèrement échauffé.
Après avoir fait ces expériences & ces réflexions, je fentis
augmenter prodigieufement l'efpérance que j'avois de réuffir
à faire des miroirs qui brüleroient au loin; car je commen-
çai à ne plus craindre autant que je l'avois craint d'abord,
la grande étendue des foyers, je me perfuadai au contraire
qu'un foyer d’une largeur confidérable, comme de deux
pieds, & dans lequel l'intenfité de la lumière ne feroit pas, à
beaucoup près, aufli grande que dans un petit foyer, com-
me de quatre lignes, pourroit cependant produire avec plus
de force, l'inflammation & l’embrafement, & que par con-
féquent ce miroir qui, par la théorie mathématique, devoit
avoir au moins 30 pieds de diamètre, fe réduiroit fans doute
à un miroir de 8 ou 10 pieds tout au plus; ce qui eft
non feulement une chofe poffible, mais même très- pra-
tiquabie.
Je penfai donc férieufement à exécuter mon projet;
d'abord j'avois deflein de brûler à 200 ou 300 pieds avec
des glaces circulaires ou hexagones d’un pied quarré de fur-
face, & je voulois faire quatre chaffis de fer pour les porter,
avec trois vis à chacune pour les mouvoir en tout fens, &
un reflort pour les aflujétir; mais la dépenfe trop confidé-
rable qu'exigeoit cet ajuftement, me fit abandonner cette
_idée, & je me rabatis à des glaces communes de 6 pouces
fur 8 pouces, & un ajuftement en bois qui, à la vérité,
eft moins folide & moins précis, mais dont la dépenfe
convenoit mieux à une tentative. M. Paffement, dont l’ha-
bileté dans les méchaniques eft connue même de l'Aca-
démie, fe chargea de ce détail; & je n’en ferai pas la def
cription, parce qu'un coup d'œil fur le miroir en fera mieux
entendre la conftruétion qu'un long difcours.
I! füffira de dire qu’il eft compolé de 168 places étamées
de 6 pouces fur 8 pouces chacune, éloignées les unes des
autres d'environ quatre lignes, que chacune de ces glaces
M ji
22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
fe peut mouvoir en tout fens, & indépendamment de toutes
les autres, & que les quatre lignes d'intervalle qui font
entre elles, fervent non feulement à la-liberté de ce mou-
vement, mais aufli à laifler voir à celui qui opère, l'endroit
où il faut conduire fes images. Au moyen de cette conf-
truétion, l'on peut faire tomber fur le même point les 168
images, & par conféquent, brûler à plufieurs diftances,
comme à 20, 30, & jufquà 150 pieds, & à toutes les
- diflances intermédiaires ; & en augmentant la grandeur du
miroir, ou en faifant d’autres miroirs femblables au pre-
mier, on eft für de porter le feu à de plus grandes diftances
encore, ou d'en augmenter, autant qu'on voudra, la force
ou l'activité à ces premières diftances.
Seulement il faut obferver que le mouvement dont j'ai
parlé n’eft point trop aifé à exécuter, & que d'ailleurs il y a
un grand choix à faire dans les glaces : elles ne font pas
toutes, à beaucoup près, également bonnes, quoiqu'elles
paroiffent telles à la première infpection; j'ai été obligé d’en
faire faire plus de soo pour avoir les 168 dont je me
fuis fervi: la manière de les eflayer eft de recevoir à une
grande diftance, par exemple, à 1 50 pieds, l'image réflé-
chie du foleil contre un plan vertical; il faut choifir celles
qui donnent une image ronde & bien terminée, & rebuter
toutes les autres qui font en beaucoup plus grand nombre,
& dont les épaifleurs étant inégales en différens endroits,
ou la furface un peu concave ou convexe, au lieu d'être
plane, donnent des images mal terminées, doubles, triplés,
oblongues, chevelues, &c. fuivant les différentes défeétuo-
fités qui fe trouvent dans les glaces.
Par la première expérience que j'ai faite le 23 Mars der-
nier 1747, à midi, j'ai mis le feu, à 66 pieds de diflance, à
une planche de hêtre goudronnée, avec 40 glaces feulement,
c'eft-à-dire, avec le quart du miroir environ; mais il faut
obferver que n'étant pas encore monté fur fon pied, il étoit
polé très-défavantageufement, faifant avec le foleil un angle
de près de 20 degrés de déclinaifon, & un autre de plus de
10 degrés d'inclinaifon. F
D, BSD SMNOMRUE AN: GUE)S 3
. : Le même jour, une heure après, j'ai mis le feu à une
planche goudronnée & foufrée, à 126 pieds de diftance,
“avec 98 glaces, le miroir étant pofé encore plus défavan-
tageufement. On fent bien que pour brüler avec le plus d'a-
vantage, il faut que le miroir foit direétement oppofé au
foleil, auffi-bien que les matières qu'on veut enflammer; en
forte qu’en fuppofant un plan perpendiculaire fur le plan du
miroir, il faut qu'il pafle par le foleil, & en même temps
par le milieu des matières combuftibles.
Le 3 Avril à quatre heures du foir, le miroir étant monté
& polé fur fon pied, on a produit une légère inflammation
fur une planche couverte de laine hachée, à 538 pieds de
diflance avec 1 1 2 glaces, quoique le foleil fût foible, & que
la lumière en füt fort pâle. Il faut prendre garde à foi, lor{-
qu'on approche de l'endroit où font les matières combuftibles,
& il ne faut pas regarder le miroir; car fi malheureufement
les yeux fe trouvoient au foyer, on feroit aveuglé par l'éclat
de la lumière.
Le 4 Avril à onze heures du matin, le foleil étant fort
pâle & couvert de vapeurs & de nuages légers, on n’a pas
Jaiffé de produire avec 1 54 glaces, à 150 pieds de dif
tance, une chaleur fi confidérable, qu'elle a fait en moins de
deux minutes fumer une planche goudronnée, qui fe feroit
: certainement enflammée, fi le foleil n’avoit pas difparu tout
à coup.
Le fendemain $ Avril à trois heures après midi, par un
foleil encore plus foible que le jour précédent, on a en-
#lammé, à 1 0 pieds de diftance, des copeaux de fapin fou-
frés & mélés de charbon, en moins d’une minute & demie,
avec 1 54 glaces. Lorfque le foleil eft vif, il ne faut que
quelques fecondes pour produire l'inflammation.
Le 10 Avril après midi, par un foleil aflez net, on à
mis le feu à une planche de fapin goudronnée, à 1 so pieds
avec 1 28. glaces feulement, l’inflammation a été très-fubite,
& elle, s’eft faite dans toute l'étendue du foyer qui avoit
environ 16. pouces de diamètre à cette diftance.
M ii;
94 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoxaLE
Le même jour à deux heures & demie, on a porté le feu
fur une planche de hêtre, goudronnée en partie, & couverte
en quelques endroits de laine hachée; l'inflammation s'eft
faite très-promptement, elle a commencé par les parties
du bois qui étoient découvertes; & le feu étoit fi violent,
qu’il a fallu tremper dans l'eau la planche pour l'éteindre: il
y avoit 148 glaces, & la diftance étoit de 150 pieds.
Le 11 Avril, le foyer n'étant qu'à 20 pieds de diftance
du miroir, il n’a fallu que 12 glaces pour enflammer des
petites matières combuflibles : avec 21 glaces on a mis
le feu à une planche de hêtre qui avoit déjà été brûlée
en partie : avec 45 glaces on a fondu un gros flacon d'étain
qui pefoit environ fix livres; & avec 1 17 glaces on a fondu
des morceaux d'argent mince, & rougi une plaque de tôle :
& je fuis perfuadé qu'à so pieds on fondra les métaux auffi
bien qu’à 20 , en employant toutes les glaces du miroir; &
comme le foyer, à cette diftance, eft large de 6 à 7 pou-
ces, on pourra faire des épreuves en grand fur les métaux,
ce qu'il n’étoit pas poflible de faire avec les miroirs ordi-
naires dont le foyer eft ou très-foible, ou cent fois plus petit
que celui de mon miroir. J'ai remarqué que les métaux, &
fur-tout l'argent, fument beaucoup avant de fe fondre, la
fumée en étoit fi fenfible, qu'elle faifoit ombre fur le ter-
rein ; & c'eft-là où je l’obfervai attentivement; car il n’eft
pas poffble de regarder un inflant le foyer, lorfqu’il tombe
fur du métal : l'éclat en eft beaucoup plus vif que celui du
foleil.
Le mauvais temps qu'il a fait depuis un mois que le
miroir eft conftruit, ne m'a pas permis de faire un plus
grand nombre d'expériences ; mais celles que je viens de
rapporter, fuffifent pour conflater l'invention ; & puifque j'ai
brûlé à 150 pieds, par un foleil de printemps très-foible,
je puis préfumer que par un foleil d'été, on brülera à 200 :
pieds; & avec trois autres miroirs femblables, je fuis für de
brûler à 400 pieds, & peut-être plus loin: j'avoue que
n'ayant pü faire autant d'expériences que je le defirois, je
D'ENs ! S'e'tNE Nic S
ne fuis pas encore certain de la diftance à laquelle f portera
l'action de mon miroir au-delà de 1 $o pieds; mais au moins
je puis aflurer ce fait, & j'attends avec impatience les beaux
jours, pour en acquerir de nouveaux.
- Il faut environ une demi-heure pour monter le miroir,
& pour faire coincider toutes les images au même point ;
. mais lorfqu'il eft une fois ajufté, on peut s’en fervir à toute
heure, en tirant feulement un rideau, il mettra le feu aux
matières combuftibles très-promptement , & on ne doit pas
le déranger, à moins qu'on ne veuille changer la diftänce ;
par exemple, lorfqu'il eft arrangé pour brûler à 100 pieds,
il faut une demi-heure pour l'ajufter à la diftance de 150
pieds, & ainfi des autres.
Ce miroir brüle en haut, en bas & horizontalement,
fuivant la différente inclinaifon qu'on lui donne; les expé-
riences que je viens de rapporter, ont été faites publique-
ment au Jardin du Roi, fur un terrein horizontal, contre
des planches pofées verticalement : je crois qu'il n’eft pas
néceflaire d'avertir qu'il auroit brülé avec plus de force en
haut, & moins de force en bas; & de même, qu'il eft plus
avantageux d'incliner le plan des matières combuftibles pa-
rallèlement au plan du miroir : ce qui fait qu'il a cet avantage
de brüler en haut, en bas & horizontalement, fur les miroirs
ordinaires de réflexion qui ne brülent qu’en haut, c’eft que
fon foyer eft fort éloigné, & qu'il a fi peu de courbure,
. qu'elle ef infenfible à l'œil ; il eft environ large de 7 pieds,
& haut de 8 pieds, ce qui ne fait qu'environ la 1 50€
partie de la circonférence de la fphère, lorfqu’on brûle à
150 pieds.
La raifon qui m'a déterminé à préférer des glaces de 6
pouces de largeur fur 8 pouces de hauteur, à des glaces
quarrées de 6 ou 8 pouces, c’eft qu'il eft beaucoup plus
eommode de faire les expériences fur un terrein horizontal
& de niveau, que de les faire de bas en haut; & qu'avec
cette figure plus haute que large, les images étoient plus
rondes , au lieu qu'avec des glaces quarrées , elles awroient été
96 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
_ aplaties, für-tout pour les petites diftances, dans cette fitua-
tion horizontale. |
Cette découverte nous fournit plufieurs chofes utiles pour
la Phyfique, & peut-être pour les Arts. On fait que ce qui
rend les miroirs ordinaires de réflexion prefque inutiles
pour les expériences, c'eft qu'ils brûlent toûjours en haut,
& qu'on eft fort embarraflé de trouver des moyens pour
fufpendre ou foûtenir à leur foyer, les matières qu'on veut
fondre ou calciner : au moyen de mon miroir, on fera brüler
en bäs les miroirs de métal, & avec un avantage fi confidé-
rable, qu'on aura une chaleur de tel degré qu'on voudra ;
par exemple, en oppofant à mon miroir, un miroir de métal
concave d’un pied quarré de furface, la chaleur que ce dernier
miroir produira à fon foyer, en employant 1 5 4 glaces feu-
lement, fera plus de r 2 fois plus grande que celle qu'il pro-
duit ordinairement ; & l'effet fera le même que s’il exiftoit
1 2 ‘foleils au lieu d'un, ou plütôt que fi le foleil avoit 12
fois plus de chaleur.
Secondement, on aura par le moyen de mon miroir, la
vraie échelle de l’augmentation de la chaleur, & on fera un
thermomètre réel, dont les divifions n’auront plus rien d’ar-
bitraire depuis la température de l'air, jufqu’à tel degré de
chaleur qu'on voudra, en faifant tomber une à une fucceffi-
vement, les images du foleil les unes fur les autres, & en
graduant les intervalles, foit au moyen d’une liqueur expan-
five, foit au moyen d’une machine de dilatation ; & de 1à
nous faurons ce que c’eft en effet qu’une augmentation dou-
ble, triple, quadruple, &c. de chaleur, & nous connoîtrons
les matières dont l'expanfion ou les autres effets feront les plus
convenables pour mefurer les augmentations de chaleur.
© Troifièmement, nous faurons au jufte combien de fois il
faut la chaleur du foleil pour brûler, fondre ou calciner
différentes matières, ce qu’on ne favoit eftimer jufqu’ici que
d'une manière vague & fort éloignée de la vérité ; & nous
ferons en état de faire des comparaifons précifes de l'aétivité
de nos feux, avec celle du feu du foleil, & d’avoir fur pas
es
DES SCIENCES.
des rapports exacts, & des mefures fixes & invariables.
Enfin, on fera convaincu, lorfqu’on aura examiné la théorie
que j'ai donnée, & qu’on aura vû l'effet de mon miroir, que
le moyen que j'ai employé, étoit le feul par lequel il fût poffi-
ble de réuffir à brûler au loin; car indépendamment de Ja
difficulté phyfique de faire de grands miroirs concaves fphé-
riques, paraboliques, ou d'une autre courbure quelconque
affez régulière pour brûler à 1 so pieds, on fe démontrera
aifément à foi-même, qu'ils ne produiroient à très-peu près
qu'autant d'effet que le mien, parce que le foyer en feroit
prefqu'auffi large ; que de plus ces miroirs courbes, quand
même il feroit poffible de les exécuter, auroient le défavan-
tage très-grand de ne brüler qu’à une f{eule diftance, au lieu
que le mien brüle à toutes les diftances ; & par conféquent
on abandonner: le projet de faire par le moyen des courbes,
des miroirs pour brüler au loin, ce qui a occupé inutilement
un grand nombre de Mathématiciens & d’Artiftes qui fe:
trompoient toüjours, parce qu'ils confidéroient les rayons
du Soleil comme parallèles , au lieu qu’il faut les confidérer
ici tels qu'ils font, c’eft-à-dire, comme faifant des angles de
toute grandeur, depuis zéro jufqu’à 32 minutes, ce qui fait
qu'il eft impoñlble, quelque courbure qu’on donne à un
miroir, de rendre Île diamètre du foyer plus petit que la corde
de arc qui mefure cet angle de 32 minutes. Ainfi quand
mème on pourroit faire un miroir concave pour brûler à une
grande diftance, par exemple, à r so pieds, en letravaillant
dans tous fes points fur une fphère de 600 pieds de diamètre,
_& en employant une maffe énorme de verre ou de métal, il
efbclair qu'on aura, à très-peu près, autant d'avantage à n’em-
ployer au contraire, que de petits miroirs plans.
ü Au refte, comme tout a des limites, quoique mon miroir
foit fufceptible d’une plus grande perfection, tant pour l'ajuf-
tement, que pour plufieurs autres chofes, & que je compte
bien en faire un autre, dont les effets feront fupérieurs, ce-
pendant il ne faut pas efpérer qu’on puiffe jamais brûler à de
très-grandes diftances; car pour brûler, par exemple, à une
Mém. 1747:
98 MÉNOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyaALeE
demi-lieue, il faudroit un miroir 2000 fois plus grand que
le mien ; & tout ce qu'on pourra jamais faire, eft de brûler
à 8 ou 900 pieds tout au plus, le foyer feroit alors un chemin
d'environ fix pieds par minute.
H n'eft pas néceffaire d’avertir qu'on peut faire avec des
petits morceaux plats de glace ou de métal, des miroirs dont
les foyers feront variables, & qui brüleront à de petites dif-
tances avec une grande vivacité; & en les montant à peu près
comme l’on monte les parafols, il ne faudroit qu'un feul
mouvement pour en ajufter le foyer : cependant quelque
fimple que cela fait, j'ai trouvé quelque chofe d'encore plus
fimple, que je donnerai quelque jour au public ; mais je n'ai
eu pour but dans ce Mémoire, que le miroir d'Archimède.
Je donnerai auffi ce que j'ai trouvé fur les miroirs de réfrac-
tion : j'ai plufieurs moyens de faire des miroirs de réflexion
d’une feule pièce, dont cependant le foyer eft variable ; &c
auffi des miroirs de réfraétion, qui produiront une chaleur
au moins quatre fois plus grande que le miroir du feux
Segard, qui eft le meilleur que je connoifle ; mais quelque
für que je fois du fuccès de ces miroirs, comme ils ne font
pas encore exécutés, je ne dois pas entrer dans le détail de
mes recherches à ce fujet, & c'eft peut-être trop que de
+ es annoncer.
Maintenant que j'ai rendu compte de ma découverte, &
du fuccès de mes expériences, je dois rendre à Archimède
& aux anciens, la gloire qui leur eft dûe: il eft certain
qu'Archimède a pü faire aveo des miroirs de métal, ce que
j'ai fait avec des miroirs de glace ; il ef für qu'il avoit plus
de lumières qu'il n’en faut pour imaginer da théorie qui m'a
guidé, & dla méchanique que j'ai fait exécuter, & que par
conféquent on ne peut lui refufer le titre de premier inventeur
de ces miroirs, que l'occafion où il fut les employer, rendit
fans doute plus célèbres que le mérite de la chofe même,
Pendant le temps que j'ai travaillé à ces miroirs, j'ignorois
le détail de tout ce qu'en ont dit les anciens ; mais après
avoir réuff à les faire, j'ai été bien aife de m'en influire.
DES SCIENCES, 99
M. Melot de l'Académie des Belles - Lettres, & l’un des
Gardes de la Bibliothèque du Roi, dont la grande érudition
& les talens font connus de tous les Savans, a eu da bonté
de me communiquer une excellente Differtation qu'il a faite
fur ce fujet, dans laquelle il rapporte les témoignages de
tous les Auteurs qui ont parlé des miroirs ardens d'Archi-
imède; ceux qui en parlent le plus clairement, font Zonaras
& Tzetzes, qui vivoient tous deux dans le XIIe fiècle : Le
premier dit qu'Archimède, avec fes miroirs ardens, mit en
cendres toute la lotte des Romains : cGéomérre, dit-il, ayant
repé les rayons du Soleil fr un miroir, à l'aide de ces rayons
raffemblés à réfléchis par l'épaiffeur à le poli di miroir, il
embrafe d'air, &* alluma wne grande flamme qu'il lança toute
entière Jur des vaiffleaux qui movilloient dans la fphère de fon
attivité, © qui furent tous réduits en cendres, Le même Zonaras
rapporte auffr, qu'au fiège de Conftantinople , fous l'empire
d'Anaftafe, l'an $ 14 de Jefüs-Chrift, Proclus brûla avec
des miroirs d'airain, la flotte de Vitalien qui afliégeoit Conf-
tantinople; & il ajoûte que ces miroirs étoient une décou-
verte ancienne, & que l'hiftorien Dion en donne l'honneur
à Archimède qui la fit, & s'en férvit contre les Romains,
lorfque Marcellus fit le fiège de Syracufe.
Tzetzes non feulerment rapporte & aflure le fait des mi-
roirs, mais mème il en explique en quelque façon 11 conf
truétion. Lorfque les vaiffeaux Romains , dit-il, firent à la
portée du trait, Archiméde fit faire une efpêce de miroir hexagone,
€ d'autres plus petits de 24 angles chacun , qu'il plaça dans
ane diflance proportiomée , © qu'on pouvoit mouvoir à l'aide de
Ieurs charnitres © de certaines lames de métal ; 4 plaça le miroir
hexagone de fagon qu'il étoit conpé par le milieu par le méridien
d'hiver à d'été, «en forte que les rayons du folkil reçüs fur ce
miroir, venant à fe brifer, allumérent un grand fen qui réduifit en
cendres les vaifleaux Romains, qnoiqu'ils fuffent éloïgnés de la:
portée d'un trait. Ce paflage me paroît aflez clair ; dl fixe la
diftance à Jaquelle Archimède a brûlé, la portée du trait ne
peut guère étre que de 1 so ou 200 pieds; il donne l'idée
Ni
100 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de la conftruétion, & fait voir que le miroir d’Archimède
pouvoit être, comme le mien, compofé de plufieurs petits
miroirs qui fe mouvoient par des mouvemens de charnières
& de reflorts, & enfin il indique la pofition du miroir, en
difant que le miroir hexagone autour duquel étoient , fans
doute, les miroirs plus petits, étoit coupé par le méridien, ce
qui veut dire apparemment que le miroir doit être oppolé
directement au foleil ; d’ailleurs le miroir hexagone étoit pro-
bablement celui dont l'image fervoit de mire pour ajufter les
autres, & cette figure n’eft pas tout-à-fait indifférente, non
plus que celle des 24 angles ou 24 côtés des petits miroirs.
I! eft aifé de fentir qu'il y a en effet de l'avantage à donner
à ces miroirs une figure polygone d'un grand nombre de
côtés égaux, afin que la quantité de lumière foit moins iné-
galement répartie dans l'image réfléchie; & elle fera répartie
le moins inégalement qu'il eft pofñble, forfque les miroirs
feront circulaires : j'ai bien vü qu'il y avoit de la perte à em-
ployer des miroirs quarrés longs de 6 pouces fur 8 pouces;
mais j'ai préféré cette forme, parce qu'elle eft, comme je l'ai
dit, plus avantageufe pour brûler horizontalement.
J'ai auffi trouvé dans la même difertation de M. Melot,
que le P. Kircher avoit écrit qu'Archimède avoit pü brüler
à une grande diftance avec des miroirs plans, & que l’expé-
rience lui avoit appris, qu’en réuniffant de cette façon les
images du foleil, on produifoit une chaleur confidérable au
point de réunion.
Enfin dans les Mémoires de l’Académie, année 1726,
M. du Fay, dont j'honorerai toûjours la mémoire & les ta-
lens, paroît avoir touché à cette découverte. II dit, gw'ayant
reç l'image du foleil fur un miroir plan d'un pied en quarre, &
l'ayant portée jufqu'à Co o pieds fur un miroir concave de 17
pouces de diamètre , elle avoit encore la force de brûler des ma-
tières combuflibles au foyer de ce dernier miroir. Et à la fin de fon
Mémoire, il dit que quelques Auteurs, H veut fans doute parler
du P. Kircher, ont propofé de former un miroir d'un tres-long
foyer par un grand nombre de petits miroirs plans que plufieurs
HI RS) SAC ATIENN CH: 1OT
perfonnes tiendroient à la main, à" dirigeroient de façon que les
images du foleil formées par chacun de ces miroirs concoureroient
en un même point, à que ce feroit peut-être la façon de réuffir
da plus fre & la moins difficile à exécuter. Un peu de réflexion
fur l'expérience du miroir concave & fur ce projet, auroit
porté M. du Fay à la découverte du miroir d'Archimède,
qu'il traite cependant de fable un peu plus haut; car il me
paroît qu'il étoit tout naturel de conclurre de fon expérience,
.que puifqu'un miroir concave de 17 pouces de diamètre fur
lequel l’image du foleil ne tomboit pas toute entière, à beau-
coup près, peut cependant brûler par cette feule partie de
J'image du foleil réfléchie à 600 pieds dans un foyer que je
fuppofe large de trois lignes, 1 1 5 6 miroirs plans femblables
au premier miroir réfléchiflant, doivent, à plus forte raifon,
brûler direétement à cette diftance de 600 pieds, & que par
conféquent 289 miroirs plans auroientété plus que fuffifans
-pour brûler à:300 pieds en réuniflant les 2 89 images : mais
en fait de découvertes, le dernier pas, quoique fouvent le
plus facile, eft cependant celui qu'on fait le plus rarement,
N ii
17 Mai
1747
102 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ECLAIRCISSEMENS
SUR
PLUSIEURS FAITS CONCERNANT L’E'LECTRICITE,.
Par M. l'Abbé NOLLET.
UOIQU'ON ait fait depuis environ vingt-cinq ans,
beaucoup de progrès dans la connoiffance des phéno-
menés éleétriques, & que plufreurs de ces merveilles méditées
avec attention, & manices de diverfes façons par les Phy-
ficiens, nous aient déjà fait apercevoir avec affez d’évidence,
des caufes prochaines d’un grand nombre d'effets de ce genre;
on peut dire cependant qu'il refte encore bien de l'obfcurité
répandue fur cette matière, & que de toutes celles qui font
Tobjet de nos recherches, ilen eft peu qui aient encore autant
befoin qu'elle d'être éclaircie. Ceux qui s'en occupent le plus,
y rencontrent tous les jours des nouveautés qui femblent
contredire ce que l'on a vû ou cru voir précédemment, &
que l’on nommeroit volontiers bizarreries de la Nature, fi Yon
ne favoit pas que la Nature eft toüjours d'accord avec elle-
même, & que ce qui nous paroit contradiétion en elle, eft
une marque certaine de quelqu'ignorance en nous.
Pour tâcher de jeter du jour fur ces connoiflances incer-
taines ou mal établies à quelques égards, j'ai recueilli dans
ce Mémoire & dans ceux quile füivront, tout ce que j'ai pû
trouver de faits & d’obfervations qui peuvent y avoir rapport,
& dont j'ai cru pouvoir tirer des inductions qui diffipent, ou
au moins qui affoibliffent kes difficultés : je n'ai garde de
prétendre que le fuccès réponde pleinement à mes intentions,
j'avoue même que dans ce que je rapporterai pour fervir
d'éclairciffemens à certains faits, il fe trouvera des chofes
qui auront grand befoin elles-mêmes d’être éclaircies , mais
que je n'ai pas cru devoir pafler fous filence, par la raifon
mème qu’elles méritent d’être expliquées, & par conféquent
d'être connues.
DES SCIENCES. 10
H entre dans mon deflein, de citer non feulement ce que
jai découvert & obfervé moi-même, mais encore tout ce
que j'ai pô apprendre d'ailleurs : quand je ne rapporterai pas
mes propres expériences, j'aurai foin de nommer les Auteurs
de qui je les tiens, tant pour autorifer les faits, que pour
rendre juftice à plufieurs Savans qui m'honorent de leur cor-
refpondance; après que je les aurai nommés, on dira, fans :
doute, que j'aurois pû me difpenfer de répéter les expériences.
qu'ils m'avoient annoncées : je l'ai tobjours fait cependant ,
mais c'étoit moins pour en vérifier les réfultats, que pour
en étudier les circonftances, & pour fatisfaire urre curiofité
qu'il eft naturel d'avoir, quand on eft occupé des mêmes
recherches.
Ces éclairciffemens m'ont fourni des matières pour plu-
fieurs Mémoires; j'en ai aétuellement quatre, dont voici les
fujets :
Dans le premier, j'examine quelles règles on doit fuivre
pour juger fi un corps eft plus ou: moins électrique.
Le fecond a pour objet, tout ce qui peut augmenter ou
affoiblir l'éleétricité.
Dans le troifième, je me propofe de réfoudre ces queflions:
1.” fi l'électricité fe communique en raifon des maffes, ou
en raifon des furfaces : 2.° fi une certaine figure, ou certaines
dimenfions peuvent contribuer à rendre la vertu électrique
plus fenfible : 3.° fi l'éeifation. qui dure long-temps, ou
qui ef fouvent répétée fur la même quantité de matière, peut
en altérer les qualités, ow en diminuer la mafle, |
Enfin, le quatrième Mémoire a pour objet, d'examiner
les effets de la vertu éleétrique fur les corps onganifés.
| PREMIER MEMOIRE.
Des règles qu'on doir- Jüivre pour juger ff un corps eff
plus ou moins éledtrique.
Dans l'Electricité, comme dans. toute autre matière de
Phyfique, c'eft fur le rapport de: nos fens que nous jugeons
104 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
des chofes; & l'expérience nous apprend tous les jours qué
nos fens peuvent nous tromper : nous devons donc nous
en défier, & fufpendre notre jugement jufqu'à ce que nous
ayons fufhfamment vérifié la fidélité de leur témoignage.
Pour croire & annoncer ce que j'ai vü, je dois chercher à
le voir plufieurs fois & dans les mêmes circonftances ; & fi
le fait eft difficile à diftinguer, comme il arrive fouvent dans
les phénomènes électriques, il eft à propos que d'autres yeux
fe trouvent d'accord avec les miens. D'ailleurs, comme la
vüe n’eft pas le feul moyen que nous ayons pour juger des
objets fenfibles, il ne doit pas me fufhre d'avoir vû ce que
jai cru voir, s'il eft de nature à fe laiffer faifir par d’autres
fens ; car pourquoi ne pas entendre tous les témoins qui
peuvent dépofer d'un fait, fi funanimité de leurs voix peut
donner plus de certitude à nos connoiflances.
Tout homme qui ne veut ni fe tromper, ni tromper les
autres, fe rendra volontiers, je penfe, à ces maximes; mais
avec beaucoup de bonne foi, on peut prendre le change fur
un fait, parce qu'on en aura changé les circonftances fans
le favoir, ou fans y faire attention. Tel croira répéter une
expérience connue , qui en fera une toute neuve, parce qu'il
aura regardé comme fans conféquence, quelque changement
de procédé qui eft eflentiel, & les réfultats comparés fe trou-
veront différens.
C'eft pour éviter de pareilles erreurs, que j'ai réfléchi fur
certains phénomènes d’éleétricité, la plüpart déjà connus,
mais qu'il eft important de ne point perdre de vüe, quand
on veut favoir fi l'éleétricité d'un corps eft par elle-même
lus ou moins grande : ces réflexions m'ont ouvert les yeux
fur des difficultés qui m'arrétoient depuis Jong temps; j'ai
lieu de croire qu'elles pourront ètre de quelque utilité à ceux
qui auront le même examen à faire.
‘ Attirer & repouffer des corps légers qui font à une diftance
convenable; faire fentir fur la peau une impreffion femblable
peu près à celle du coton légèrement cardé, ou d’une toile
d’araignée qu'on rencontreroit flottante dans l'air; répandre
une
DES SCIENCES. 10
une odeur qu'on peut comparer à celle du phofphore ou de
Vail, lancer des aigrettes d’une matière enflammée, étinceler
avec éclat, piquer très-fenfiblement le doigt ou toute autre
partie du corps qu'on préfente de près, enfin communiquer
à d’autres corps la faculté de produire ces mêmes effets
pendant un certain temps : voilà les fignes les plus ordi-
naires, par lefquels on a coûtume de juger fi un corps eft
actuellement électrique ; & fa vertu pafle pour être d'autant
plus forte, que chacun de ces phénomènes fe manifefte
davantage & avec plus de durée. J'avoue qu’en jugeant avec
toutes ces preuves enfemble , il fera difficile de fe tromper
fi l'on confidère l’éleétricité comme l'action d’une matière à
qui l’on fait prendre un certain mouvement, non feulement
dans le corps électrifé, mais auffi dans ceux qui l'environnent
ou qui le touchent, fuivant l’idée que j'ai tâché d’en donner
dans mon Æffai * : car tous ces effets extérieurs étant l’action
de la matière électrique, on ne rifquera rien de conclurre
que l'éleétricité eft plus ou moins forte, quand on verra
augmenter ou diminuer cette action même, dans laquelle on
da fait confifter. Mais fi l'on regarde le corps électrifé comme
un agent capable d'opérer au dehors, en vertu d'un certain
état qu'on lui a fait prendre, & d’une matière qu'il anime
de fon propre fond, je vois qu'il y aura bien des cas où l'on
pourra porter un faux jugement ; car je crois être en état de
prouver que prefque tous ces phénomènes dont je viens de
faire l'énumération, & que l’on prend communément pour
des marques d'une éleétricité plus ou moins forte, peuvent
s'augmenter ou safloiblir, quoique le corps électrifé perfé-
-vère d’ailleurs dans le même état, ou du moins fans que l’on
ait raifon fuffifante pour croire qu’il en a changé. Je puis
faire plus, il n''eft poffible de montrer qu'un corps que l'on
n'a eu nullement intention d'éleétrifer, & que l'on regarde
communément cômme ne l’étant pas, fait quelquefois d'une
manière très-marquée, tout ce qui annonce une forte électri-
cité acquife par frottement où communiquée, attractions,
* Pages 148 7 Juivantes, à7 page 166,
Mem, 1747: (e)
106 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
répulfions, attouchemens d'émanations invifibles, aigrettes lu-
mineufes, étincelles, piqûres, inflammations. On connoît déjà
une partie des faits qui peuvent fervir de preuves à ce paradoxe,
je vais les rappeler en peu de mots, & j'y en joindrai quelques
autres dont je n’ai point encore fait part à l'Académie.
M. du Fay s'étant fait électrifer *, étendit le bras, & tint
fur fa main un carton À, couvert de petits fragmens de feuilles
d’or: une autre perfonne qui r’étoit point éle&rifée,. porta
le bout du doigt B au deflus du carton, & l'on vit auffi-tôt
les feuilles de métal s’élancer vers le doigt non éle@rifé, &
rejaillir comme elles ont coûtume de faire, lorfqu’étant pofées
fur une table on leur préfente un tube de verre nouvelle-
ment frotté.
Toutes les fois que je répète l’expérience de la feuille d’or
éleétrifée & flottante dans l'air, j'oblerve que non feulement
elle fe jette avec précipitation fur le doigt non électrique
qu’on lui préfente, mais aufli qu'elle rejaillit immédiatement
après, comme lorfqu'elle eft repouflée par le tube qui l'a
éleétrifée.
Le Père Gordon ? attache une groffe aiguille à coudre, au
bout d'un fil qui pend d’une barre de fer éledtrifée, entre
deux timbres de métal qui ne font pas éleétriques; & cette
aiguille va heurter alternativement ces deux corps fonores,
qui femblent l'attirer & la repouffer l'un après l'autre, &
fait entendre un petit carillon qui dure autant que fon élec-
tricité.
On éleétrife un baffin plein d’eau, dans laquelle on met
flotter de petites boules de bois ou de verre foufflé; ces
petits corps éleétrifés par communication, font attirés &
repouffés fenfiblement par tout ce qui n’eft point éleétrique,
comme on fait qu'ils le feroient par un corps élerilé, s'ils
ne l’étoient pas eux-mêmes €,
Ces expériences & une infinité d’autres que je m'abftiens
* Mém. de l’Acad. des Sciences 1733, p. 251 ê7 fuivantes.
Ÿ Plienomena eledricitatis expofita ab Andrea Gordon, p. 43, édit, lat,
< Ibid. p. 40.
DES SCIENCES. 107
de rapporter ici, prouvent, comme on voit, qu'un corps fans
être éleétrifé, peut attirer & repouffér les corps légers qu'on
lui préfente; & que ces mouvemens alternatifs, qu’on peut
regarder pourtant comme des indications certaines d’élec-
tricité, ne nous apprennent pas toûjours par eux-mêmes, le
fujet où réfide cette vertu.
On me dira peut-être que les prétendues attractions &
répulfions que j'attribue aux corps non éleétrifés en préfence
de celui qui left, ne font que de fauffes apparences; que
l'électricité qui réfide alors dans le plus libre des deux, lui
fait faire les mouvemens dont l'autre eft incapable à caufe
de fon immobilité : comme l'aimant qui attire le fer, paroît
en être attiré lui-même, quand fa mañle eft plus mobile que
celle du métal qu'on lui préfente.
L'exemple de aimant ne peut rien éclaircir ici ; tant que.
Yon ignorera par quels moyens la Nature opère les phéno-
mènes du magnétifme, on ne pourra pas décider fi c’eft
Vaimant qui attire le fer, ou le fer qui attire aimant, ou fi
l'action de l'un fur l'autre eft réciproque.
Mais comment me prouvera-t-on que ces apparences dont
il eft ici queftion, font trompeufes, que le corps non élec-
trifé n’attire pas réellement celui qu’on a rendu électrique
par frottement ou par communication ? eft-ce parce qu'il
paffe pour conftant que la vertu électrique ne fe manifefte
pas fans être excitée par quelque préparation? eft-ce parce
que dans le cas dont il s’agit, le corps non électrifé ne donne
d’ailleurs aucune marque d'électricité? enfin, eft-ce parce
que tout corps actuellement électrique, annonce fon état par
des émanations fenfibles?
LA la première de ces raifons , je réponds qu’en matière de
Phyfique, il n’eft point de règle établie qu'une expérience
décifive ne puifle abolir ou reftreindre : ïl eft vrai qu’il paffe
pour conftant, qu'un corps ne s’éleétrife pas de lui-même;
mais fi Von voyoit faire à ce corps, qui femble n'avoir été
nullement préparé, tout ce que fait celui qui a été éleétrifé
par les voies ordinaires, évidence du fait n’obligeroit-elle
O ÿ
108 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
pas à mettre au moins une reftriétion à {a loi générale? Au
refte, on auroit tort de prétendre que dans le cas préfent,
le corps qui attire n'a reçû aucune préparation ; J'en aperçois
une dès qu’on l'approche du corps électrifé, cette proximité
me paroît fufhifante pour déterminer la vertu éleétrique à fe
manifefter, & elle fuffit en effet, comme on le verra par la
fuite.
Quelle conféquence pourroit-on encore tirer contre moi,
de ce que la perfonne non éleétrifée n’attire que par fa main
feulement , les feuilles d’or qu'on éleétrife & qu’on lui pré-
fente? cela prouve tout au plus, que fon électricité ne fe
manifefte que par cet endroit, & je ne prétends pas autre
chofe; mais eft-il démontré qu'un corps ne peut jamais
devenir électrique fans l'être de toutes parts? & qui fait fi
ce même homme ifolé, dont la main attire & repoufle, ne
feroit pas la même chofe par toutes les autres parties de fon
corps, fi l'électricité du corps ifolé qui fait naître la fienne,
devenoit beaucoup plus forte ou duroit plus long-temps? Si
javois un parti à prendre fur cette queflion, j'inclinerois
beaucoup, & je déciderois prefque pour l'affirmative, parce
que depuis qu'on eft dans l'ufage de communiquer léleétri-
cité par le moyen des globes de verre, dont l'aétion eft
continuelle, & beaucoup plus forte que celle des tubes; plu-
fieurs Phyficiens ont obfervé, & je l'ai vü moi-même plus
d'une fois, que des perfonnes fans être ifolées, s’électrifoient
entièrement en plongeant la main dans la fphère d'activité
du corps éleétrique.
Quant à la troifième raifon, favoir, qu'un corps aétuelle-
ment électrique annonce fon état par des émanations fen-
fibles, on ne doit pas la produire pour prouver que la main
ou une verge de fer, qu'on préfente fans être ilolée, à des
corps électrifés, n'efl point électrique elle même : fi ces éma-
nations font des preuves certaines d’élericité, je puis citer
des expériences qui m'ont fait fentir & voir, de la part de ces
corps qu'on regarde comme n'étant pas éleétriques, tout ce
que j'aperçois à la furface & aux environs de ceux qui font
DES SCYENCES, 109
reconnus pour l'être. De ce nombre font tous les faits que
j'ai rapportés dans mon premier Mémoire fur les caufes de
l'électricité, & depuis dans mon Æflai imprimé, pour établir
l'effluence & l’affluence fimultanées de la matière éle@trique :
car en faifant voir que ce fluide vient au corps électrifé, non
feulement de l'air qui l'entoure, mais auffr & avec plus de
force des corps folides qui font placés aux environs, je crois
avoir fuffifamment prouvé qu’en préfence d'un corps élec-
trifé, celui qui ne l'a pas été, & qui n’eft point ifolé pour
Yêtre entièrement par communication, devient comme une
fource d’émanations fenfibles qui tendent au corps éleétrique:
il me fuffra donc d’ajoûter ici un fait que je regarde comme
une preuve fans replique de l’exiftence de ces écoulemens
électriques, de la part des corps qu’on regarde comme n'ayant
point d'électricité actuelle.
J'éleétrife fortement, par le moyen du globe, une perfonne
qui fe tient debout fur un gâteau de réfine ; en continuant de
‘électrifer ainfi, je lui fais étendre la main C qui ne touche
point au globe dans une fituation verticale : une autre per-
onne qui n’eft point ifolée de même, mais fimplement de-
bout fur le plancher de la chambre, étendant le bras hori-
zontalement, préfente un doigt D vis-à-vis cette main, à
une diftance de fept à huit pouces ; il fort de ce doigt une
«matière invifible , qui fait contre la main électrifée un fouffle
très-fenfible, & tout-à-fait femblable à celui qu’on a coûtume
de fentir au delà des aigrettes lumineufes d’une barre de fer
iqu'on éleétrife.
- Si l'on approche le doigt plus près de cette même main
éleétrifée, comme à la diftance de trois pouces ou un peu
“moins, cette matière invifible qui ne faioit qu'un fouffle,
-s'enflamme alors avec une forte de bruiffement, & fe fait
apercevoir fous la forme d’une belle aigrette, qui ne diffère
en rien de celle qu'on voit briller au bout de la barre de fer
qu'on éleétrife.
En approchant le doigt encore plus près de la main élec-
atrifée, on voit l'aigrette lumineufe dont je viens de parler,
O ïij
Fig: 2
110 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
{e refierrer & former un trait de feu fort vif, qui éclate avec
bruit & avec douleur de part & d'autre, comme il arrive quand
on s'approche pour toucher un corps fortement éleérifé.
Enfin, l'aigrette de matière enflammée, & le fouffle qui
la précède, font fentir l'odeur de phofphore ou d'ail, abfo-
lument de la même manière que les extrémités d'un corps
qu'on électrife pendant un certain temps par communication ;
& l'on obferve tous les mêmes effets, fi au lieu du doigt
on préfente le bout d’une verge de fer ou de quelqu'autre
métal, à la main, au vifage, & quelquefois auffi à tout autre
endroit du corps de la perfonne qu'on élerife, malgré l'in-
terpofition des habits.
On voit donc par le détail de cette expérience, qu'il eft
des cas où l’on voit faire à un corps, qui eft confidéré comme
non électrique, tous les effets que l'on prend communément
pour les fignes les plus certains d’une éleétricité bien décidée ;
de forte qu'en pareille occafion, fi l'on apercevoit ces phéno-
mènes par un rideau entr'ouvert qui empêchät de voir l'appareil,
il feroit bien difhcile, je pourrois dire impoffñble, de décider
à coup für, quel eft celui des deux corps fur qui l’on fait agir
immédiatement le globe, & que l'on doive regarder comme
poflédant en foi la vertu éleétrique, en fuppofant qu'on ne la
voulût reconnoître que dans l’un des deux abfolument.
Doit-on conclurre de là que ces effets dont je viens de
parler, font des fignes équivoques d'électricité? non: ce que
Je prétends feulement, c'efl que dans les cas dont j'ai fait
mention, l’on doit confidérer comme électrilé, au moins en
partie, celui des deux corps que l'on a coûtume de nommer
non électrique, & qu'on a toûjours regardé comme tel jufqu'à
préfent ; car je viens de prouver que la matière éleétrique
eft effluente & affluente pour Fun comme pour l’autre, puif-
que tous deux attirent & repouflent : & ce double mouve-
ment me paroît être le premier effet fenfible qui réfulte des
moyens qu'on emploie pour faire naître l'électricité.
Je voudrois encore que l’on fit bien attention à l'éleétricité
de ce corps, toutes les fois qu'il s’agit de juger de celle de
D rishrSt CHEUN CE SM IIE
l'autre; car puifqu'elles fe manifeftent toutes deux en même
temps par des fignes qui leur font communs, on attribuera
fouvent à cette électricité qu’on a deflein d’exciter, & dont on
eft uniquement occupé, des effets qui pourroient appartenir à
celle que l’on fait naître fans y penfer; & le corps qu'on aura
éle&rifé paroîtra faire des effets plus grands, fans cependant
avoir acquis plus de vertu, fi par vertu l'on entend quelque
chofe qui lui foit propre: les exemples que je vais rapporter,
mettront ceci dans un plus grand jour.
Dans mon Efai fur l'Electricité, j'ai établi par voie d’ex-
périence plufieurs principes, parmi lefquels on trouve celui-
ci : Que la matière éledtrique, tant celle qui émane des corps
électrifes, que celle qui vient à eux des corps environnans, eff affez
Jubrile pour pafler à travers les corps les plus durs à les plus
compacTs, à qu'elle les pénètre réellement, non pas tous indiffinéle-
ment à avec la même facilité, mais les uns plus aifément que
les autres ; que les matières fulfureufes, grafles, réfineufes, les
gommes, la cire, la Joie, dc. ne la reçoivent à ne la tran/mettent
que peu ou point du tout ; enfin que cette même matière pénètre
plus aifément, à Je meut avec plus de liberté dans les métaux,
dans les corps animes, dans l'eau, dc. que dans l'air même de
l'atmophére. De ce principe il fuit naturellement qu'un corps,
toutes chofes égales d’ailleurs, s’électrifera mieux fur du
métal, ou fur la main d’un homme ifolé, que fur une tablette
de bois fufpendue : c’eft pourquoi le P. Gordon * 2 eu raifon
‘de fubftituer la platine de fer blanc ou de tôle, dont il re-
commande l'ufage dans l'édition Allemande de fon ouvrage,
à da planche ou au guéridon qu'il employoit précédemment,
pour ifoler les corps auxquels il vouloit communiquer l’élec-
tricité du globe de verre.
- I fuit auffi du même principe, que les feuilles d’or &
autres corps légers, feront plus vivement attirés & repouflés
par un corps éleétrifé, s'ils lui font préfentés étant polés fur
du métal, ou foûtenus par un corps animé, que s'ils étoient
placés fur une table de bois, de marbre, &c. car ce qui les
# Dans le füpplément de l'ouvrage cité ci-deflus, paragraphe 27,
A]
512 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
porte vers le corps éleétrifé, c'eft la matière électrique qui
fort de l'appui qui les foûtient; & ce qui les en écarte auffi-
tôt après, ce font les émanations qui s’élancent de ce même
corps, & qui ont un mouvement d'autant plus vif, qu'elles
trouvent moins de réfiftance à vaincre pour entrer dans les
corps qui s'offrent à leur paflage.
Quoique je fuffe aflez für de cette dernière conféquence, j'ai
été bien aife de la voir confirmée par l'expérience que voici.
J'ai éleétrifé un homme par le moyen d’une chaîne de fer, dont
je lui faifois comme une ceinture ; cet homme avoit les deux
bras étendus, & les mains également élevées au deflus de
deux cartons couverts de petites feuilles de métal, dont l'un
étoit appuyé fur la main d’un autre homme qui étoit debout
fur le plancher de la chambre, & l'autre fufpendu par quatre
ficelles à un fupport de bois : les corps légers placés fur celui-
ci, ne m'ont jamais paru avoir de mouvemens auffi vifs
que ceux du carton que l'on tenoit fur la main, & cette
différence a été également remarquable & conftante: doit-
on dire pour rendre raifon de cette différence, que l'homme
éleétrifé avoit acquis plus de vertu dans une main que dans
l'autre? outre qu'on voit le contraire en faifant changer de
place aux cartons, il eft bien plus naturel de penfer que les
deux mains également éleétrifées de la part du globe & de la
chaine de fer, n’ont des effets inégaux qu'à caufe des cir-
conftances plus favorables d'un côté que de l'autre.
Ce n’eft donc point aflez de voir un corps électrifé attirer
plus vivement, pour juger qu’il a plus de vertu, il faut s'être
bien afluré que la matière éleétrique affluente qui opère cet
effet, n’a pas reçû quelque augmentation de force à laquelle
il n'a point de part; & cette augmentation de force peut
venir non feulement de l'appui qui porte les corps. légers,
mais même des autres corps qui font à une petite diftance
aux environs; car j'ai prefque toûjours remarqué que ces
fortes d'expériences réuffliffent mieux lorfqu'il y a une nom-
breufe affemblée, ou que les fpectateurs s’'approchent pour
voir de plus près.
Comme
DE su S CMELN’:C'r"su2 113
Comme les attractions apparentes du corps éle&rifé de-
viennent plus vives, quand les corps légers font polés fur des
appuis d’où il émane beaucoup de matière affluente, auff
s'affoibliffent-elles jufqu’à être quelquefois nulles, lorfque ces
mêmes corps repofent fur des appuis d’une qualité oppofée:
combien de fois n’ai-je pas vü des feuilles d'or, ou des duvets
de plume, fe gripper & s'attacher à la furface d’une boule de
foufre, ou de cire d'Efpagne très-polie & très-sèche, que je
tenois d’une main, tandis que de l'autre jy préfentois un
tube de verre fortement électrifé ! fi la feuille de métal fe
foulevoit un peu comme pour fe détacher de la boule, en
lui préfentant une autre partie du tube, je la voyois fe plifier.
de nouveau, & fe coller contre le foufre, comme fi j'avois
foufflé deffus.
Quand on fait d’ailleurs que d’un tel appui il émane très-peu
de matière éleétrique affluente au tube, on devine aifément la
caufe de ce phénomène: on voit bien que la feuille n’ayant rien,
ou n'ayant qu'une impulfion trop foible, qui tende à la porter
vers le tube, la matière effluente de celui-ci demeure viéto-
rieufe, & là tient conftimment appliquée au foufre. Ce qui
rend cette explication plus que vrai-femblable, c’eft qu'un
tube moins éleétrique ne produit pas ordinairement cet effet,
en pareil cas il attire mieux & plus fürement que s'il étoit
plus fortement éle@rifé : paradoxe qu’on auroit fans doute
bien de la peine à croire, fi ce n'étoit point un fait qui doit
être connu de tous ceux qui font dans l'habitude de faire
des expériences avec le tube, & qui ne négligent point d'ob-
ferver les circonftances.
En faveur de ceux qui n’auroient pas fait cette obferva-
tion, & qui voudroient la vérifier, je dois avertir que pour
voir les chofes telles que je les annonce, on doit prendre
garde d’échauffer la boule de foufre ou Ia cire d'Efpagne,
foit en opérant près du feu ou au Soleil, foit en la frottant
ou en la maniant un peu trop ; car je fais, à n’en pas douter,
& c'eft un des principes fur lefquels j'ai établi ma théorie
touchant les caufes générales de l'électricité, que la matière
Mém. 1747:
114 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
életrique qui ne pénètre que trés-diffcilement les corps fulfureux,
réfineux, à'c. tant pour y entrer que pour en Jortir, s'y meut avec
plus de liberté quand on les chauffe ou qu'on les frotte : aïnfr
la matière électrique qui doit fortir du foufre pour chaffer
Ja feuille d'or vers le tube, & qui n’en fort pas ordinairement
en fufffante quantité, acquiert par le frottement ou par la
chaleur, la liberté d'agir efficacement.
Je dois ajoûter encore, qu'on réuffit mieux avec une boule
de trois ou quatre pouces de diamètre, qu'avecun cylindre
ou une plaque de cinq ou fix lignes d’épaifleur, non pas à
caufe de la figure, mais parce que la matière électrique qui
vient de l'air par le côté oppofé à la feuille d’orf fe fait jour
au travers de l'obftacle quand il n’a pas une certaine épaifieur.
Ces deux remarques que je tiens de l'expérience, & que
j'offre à ceux qui ne l'ont point encore confultée, nous font
connoître pourquoi M. du Fay, & ceux qui l'ont imité, n'ont
pas laifé d'enlever, comme ils le defiroient, avec le tube
électrilé, les corps légers qu’ils avoient pofés fur des guéri-
dons de verre ou de cire d'Efpagne, matières peu propres
cependant à fournir cette affluence d'où procède tout l'effet :
ces guéridons font compofés de platines peu épaifies, & on
les chauffe quand on veut faire l'expérience avec plus de
fuccès *. |
Les attraétions & répulfions par lefquelles on juge com-
munément fi le corps électrique a plus ou moins de vertu,
peuvent donc devenir plus où moins vives, non feulement
par la nature, mais auffi par la difpofition aétuelle, & même
par certaines dimenfions des fupports fur lefquels on pofe les
corps légers qu'on veut attirer. Ainfi lon doit avoir égard à
ces circonftances, puifqu’elles peuvent être occafions d'erreur
pour quiconque négligeroit d'y faire attention.
Je dois fuppofer qu'un obfervateur qui veut comparer
enfemble deux corps éleétriques, pour favoir celui des deux
qui l'eft davantage, préfente à l’un & à l’autre, des corps légers
de la même efpèce, & à peu près du même poids ; car par
* Mémoires de l’Académie des Sciences 1733, page 87,
é DES, DICUEN CIE ,S 115
rapport à la première de ces deux précautions, perfonne, je
crois, n'ignore à préfent qu'il y a des matières plus fufcepti-
bles les unes que les autres, de ces mouvemens alternatifs
qu'on nomme artrations & répulfions ; & que la même barre
de fer éleétrifée, fans que fa vertu augmente ou diminue,
enlèvera mieux une feuille d'or, par exemple, qu'un fragment
de papier qui auroit le même poids, mieux encore un ruban
mouillé, que le même ruban s’il étoit fec. Mais ce qu'on pour-
roit négliger comme chofe indifférente, & qui mérite pour-
tant une férieufe attention, c'eft que les corps légers qu'on
préfente pour être attirés & repouflés, doivent être & d’une
grandeur & d'une figure conftantes pendant tout le temps que
l'on compare leurs mouvemens; car on fe fouviendra qu'une
feuille d’or ou d'argent, d’un certain volume, vient plus len-
tement au tube, qu'une autre feuille plus petite du même
métal; & que cette feuille un peu chiffonnée & ramaffée en
paquet, a auffi des mouvemens moins vifs, que quand elle
eft déployée & libre de fe préfenter de chan : cette lenteur
ne vient pas, comme on le pourroit croire, de ce que Ja
feuille attirée n’a pas affez de légéreté; j'en füis certain, parce
que je m'y fuis pris de façon, que fa pefanteur ne pouvoit
mettre aucun obftacle à fon mouvement, c’eft-à-dire, qu'au
lieu d'attirer de bas en haut, je l'ai fufpendue à un fil, pour
Ja déterminer à fe mouvoir dans une ligne à peu près hort-
zontale, & j'ai toûjours vû le même effet, à peu de différence
près.
… Après ce que je viens d'obferver touchant le volume des
corps légers que l'on veut attirer, ne croiroit-on pas qu'il
fufht, pour ne fe point tromper, d'avoir foin qu'ils foient tous
de même grandeur! en effet, il eft probable que par cette
Précaution l'on préviendroit toute erreur, fi ces petits corpsne
commençoient pas à s’électrifer eux - mêmes dès qu'on les
Préfente au corps électrifé dont il s'agit d'éprouver la vertu,
ou S'ils s'électrifoient tous & toûjours également ; car en
s'éleétrifant, quand ils font d'un certain volume, ils devien-
nent moins attirables, & ils le font d'autant moins, qu'ils font
Ep)
116 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plus éleétrifés, cela peut aller même jufqu'à leur faire éprouver
une répulfion bien marquée : or il eft également vrai que
tous les corps s'électrifent par communication avant même que de
toucher le corps élettrife, 7 que les uns s'élecfrifent par cette voie
Lien plétôt à bien plus fortement que les autres. De ce principe
qui eft généralement admis par tous ceux qui font au fait de
l'élericité, il fuit néceflairement que de deux corps égale-
ment électriques, celui-là fera paroitre extérieurement plus
de vertu, qui exercera fon aétion fur un corps moins fufcepti-
ble de s’éleétrifer par communication, & au contraire; c'eft
une conféquence qui a été d'abord aperçüe par M. du Tour,
& qu'il a pleinement confirmée par des expériences dont j'ai
rendu compte à l'Académie * : il me fufhira d'en citer une
qui me paroït décifive.
Que l’on fufpende à deux fils de même longueur, une
feuille de métal £, de deux pouces de largeur ou environ, & à
cinq ou fix pouces de diftance, un difque de cire F'fort mince
d'un égal diamètre. Qu'on préfente enfuite vis-à-vis de ces
deux corps & en même temps, un tube de verre éleétrifé, on
verra prefque toûjours la feuille de métal ne faire vers letube,
qu'un très-petit mouvement, & affez fouvent même com-
mencer par s'en écarter ; tandis que la cire au contraire paroît
conftamment attirée, & d’une manière très-fenfible. *
M. du Tour attribue cette différence à la facilité avec
laquelle on fait que l'électricité fe communique au métal, &
au peu de difpofition que l'on trouve dans la cire à s’éleétrifer
par la même voie. Cette conjeéture eft bien fondée, car en
éprouvant ces deux corps aufli-tôt après l'expérience que je
viens de rapporter, on obferve que la feuille de métal eft
électrique, & que le difque de cire ne l'eft pas.
Mais pourquoi la feuille de métal électrifée devient-elle
moins attirable que le difque de cire qui ne s'éleétrife pas ?
je crois qu'en voici la raïfon , c'eft que l'éleétricité augmente
* Depuis la leélure de ce Mémoire, les expériences de M. du Tour
Correlpondant de l’Académie, établi à Riom en Auvergne, ont été imprimées
dans le 1° volume des Mémoires des Savans étrangers, lûs à l’Académie,
« peus SC E Nûct ENS 117
le volume de la feuille d’or : les émanations invifibles, mais
bien réelles, qui forment fon atmofphère , la mettent plus
en prife aux rayons effluens qui viennent du tube ; & cette
augmentation de grandeur qui rend une petite feuille plus
fufceptible d’être attirée, fait tout le contraire à l'égard d’une
plus grande, par des raifons que j'ai expofées dans mon Mé-
moire fur les caufes générales de l'éledfricité.
M. Allamand , dans fa lettre à M. Folkes *, ne paroît pas
d'accord avecles autres Phyficiens, fur la difficulté d'attirer
des corps d'un grand volume: « J'attire, dit-il, avec mon
tube, une boule de duvet qui a environ 3 pouces de diamètre,
ou une feuille d’or battu, de quatre pouces carrés, qui s'ap-
proche du tube en lui préfentant fa furface plane, & non
de côté. »
À cette difficulté je réponds premièrement, qu'une boule
de duvet qui n’eft point de nature à s’électrifer auffi forte-
ment que du métal, quoiqu'elle ait trois pouces de diamètre,
peut fort bien avoir moins de volume qu'une feuille d’ex
moins grande par elle-même, mais entourée d'une atmo-
“fphère électrique. Quant à la feuille de quatre pouces earrés,
M. Allimand ne dit pas avec quelle viteffe elle s'approche
du tube, ni fi elle s'en approche jufqu’à le toucher ; je foû-
tiens feulement qu'elle eft toûjours attirée plus difficilement
qu'une plus petite, qu'elle arrive rarement jufqu’au tube, &
-qu'affez fouvent elle eft repouffée plûtôt qu'attirée : enfin, s’il
arrive par hafard que cette feuille préfente fa furface plane
au tube, il eft bien certain que c'eft un cas rare, fur lequel
on ne doit pas établir une loi générale, & qui s'explique affez
bien, quand on fait attention que les émanations d'un corps
électrique ne s’élancent pas toûjours avec ka même force de
tous les points de fa furface; & qu'il peut arriver qu'une
feuille d'or pouffée vers.le tube, trouve vers certains endroits.
moins de réfiftance qu'il n’y en a le plus communément.
Puifque l'éleétricité augmente le volume de certains corps,
& qu'elle les rend par-là fufceptibles d'être plus ou moins,
* Bibl. Britann. Janv. Févr. & Mars 1746 , page - . :
jij
118 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
vivement attirés & repouffés; il faudra donc, lorfqu’on éprou-
vera la vertu électrique d'un corps, par ces mouvemens, ou
qu'on voudra la comparer avec celle d’un autre corps, il
faudra, dis-je, lui préfenter des matières d’un même genre
& de même volume, & bien prendre garde qu'il n'y refte
aucune électricité communiquée dans la première épreuve,
avant que de les appliquer à une feconde.
Par ces précautions, & par toutes celles dont j'ai fait con-
noître la néceflité ci-deflus, il eft aifé de voir combien on
rifque de fe tromper, quand il s’agit de juger par les feules
attraétions & répulfions, fi l'éleétricité eft plus où moins
grande dans un corps, ou dans un temps que dans un autre.
Examinons maintenant fi les autres fignes font moins capa-
bles de nous induire en erreur.
On fait par les expériences rapportées au commencement
de ce Mémoire, que ces émanations qui fe font fentir à quel-
ue diftance du corps éleétrifé, & qui portent avec elles une
odeur de phofphore, d'ail, ou de fer diflous par l’eau forte,
viennent pareillement des corps folides qui ne font point
éleétrifés, ou qu'on regarde communément comme ne l'étant
pas, mais qui avoifinent ceux qui le font, ce qui pourroit
faire prendre les uns pour les autres fi l’on ignoroit le fait,
& qu'on ne vit pas de quel côté la perfonne qui opère fait
naître l'électricité ; mais comme on fait ordinairement par
les moyens qui font employés, quels font les corps fur lef-
quels on agit immédiatement , on pourra toujours dire in-
failliblement qu'ils font éleétrifés, fi on fent autour d'eux
les émanations dont il s’agit.
Par ces mêmes écoulemens on ne pourroit pas juger avec
autant de certitude, qu'un corps eft plus éleétrique qu'un
autre, ou que le même left dans un certain temps, plus qu'il
ne l'a été précédemment, fans avoir égard à quelques cir-
conflances dont je vais parler.
Ceux qui font dans l'habitude d'éledtrifer, doivent s'être
aperçüs, comme moi, que les écoulemens dont il eft ici
queflion, font pour l'ordinaire beaucoup plus forts & plus
DES SCIENCES. 119
étendus, de la part d'un corps éleétrilé par frottement, qu'ils
ne le font par une électricité communiquée : je ne parle ici
que de cette étendue fenfible par attouchement ou par odeur,
car je n’examine point à préfent fi l'action de cette matière
fur les autres corps, s'étend plus loin, lorfqu’elle eft animée
par le frottement, que quand elle n’a qu'un mouvement com-
muniqué ; fi une barre de fer, par exemple, électrifée par
communication, & un globe de verre de qui elle tient fa
vertu , attirent à des diflances égales ou inégales. Pour fentir
la vérité de cette obfervation, qu'on fe rappelle que le globe
de verre médiocrement frotté dans un temps convenable,
lance au vifage des particules de matière & une odeur, qui
fe font fentir à plus d’un pied de diftance ; & qu’un homme
qui s'éleétrife en même temps par ce globe, ne produit pas
communément le même effet : qu'on fe fouvienne encore,
qu'un tube de verre qu'on a pañlé deux ou trois fois dans la
main, fait prefque toüjours fentir fon électricité au vifage,
par une impreffion qu'on a comparée à celle d'une toile d’arai-
gnée; & il eft bien rare, comme l’on fait, que l'électricité
<ommuniquée par un tube, s'annonce de la même manière.
Cependant, à en juger par les autres fignes, il n’eft pas
douteux qu’un corps animé, une barre de métal, &c. ne foient
communément plus éleétriques que le verre même qui les
a électrifés : fe fert-on des étincelles qui naïffent à la furface
du tube ou du globe, pour enflammer l'efprit de vin ? les
piqüres qu'on y reflent, les aigrettes qu’on y aperçoit, ref
femblent-elles pour la force & pour la grandeur, à celles
qu'on voit éclater au bout du doigt d’un homme, ou à la
pointe d’une épée qu'on éleétrife ?
” Les émanations électriques qui fe font fentir par leur choc
contre la peau, ou par leur odeur, & qui font aflurément des
fignes d'électricité bien certains, ne peuvent donc fervir à dé-
terminer fon degré de force, fi les corps électrifés ont acquis
leur vertu par différens moyens; puifque ces effets, comme
on le vient de voir, font communément plus ou moins fenfi-
bles, felon la manière dont un corps a acquis fon électricité.
150 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Mais quand même il s’agiroit de juger par ces attouchemens
de matière invifible, ft le même corps éleétrifé de la même
manière a reçû plus ou moins de vertu, il y auroit encore
quelques attentions à avoir pour ne fe point tromper : il m’eft
arrivé fouvent de croire fur ces apparences, qu’un tube avec
lequel j'opérois, étoit devenu plus éleétrique, qu'il ne l'avoit
été quelque temps auparavant ; & cependant les autres effets
ne me portoient pas à juger ainfr, il n'en attiroit pas plus
vivement les corps légers, fes pétillemens n'éclatoient pas
davantage, & il ne communiquoit pas fa vertu d’une
manière plus marquée: j'ai reconnu depuis ce qui n'en im-
pofoit. Quand une abondante tranfpiration m'a rendu le
vifage humide, je fens plus fortement lés émanations du tube,
& cela peut arriver non parce que ces émanations font plus
fortes par elles-mêmes, mais parce qu'elles trouvent plus de
points d'appui fur la peau quand des parties humides en rem-
pliffent les pores, ou bien peut-être parce que la peau alors eft
attendrie & plus fufceptible des impreffions qui s'y font. :
Je foupçonne encore une autre raifon par laquelle la peau
devenue humide, éprouveroit plus de picotemens en s'ap-
prochant d'un tube éleétrifé, que lorfqu'elle eft dans fon état
naturel. Nous favons par expérience, que de tous les corps,
& fur-tout de ceux qui font animés, il émane en pareil cas
un fluide fubtil, que j'ai nommé matiere affluente, eu égard
au corps éleétrifé. Cette matière ne fe fait pas fentir ordi-
nairement quand elle fort de la peau qui n'eft point humide ;
mais elle pourroit bien avoir un effet tout différent, lorf-
qu'elle trouve en fon paflage des parcelles d'un liquide vif-
queux, dont il Jui faut vaincre l'adhérence, & qu’elle n’enlève
qu'avec violence. Si mon foupçon eft bien fondé, une per-
fonne qui eft en fueur, reffent au vifage non feulement les
émanations du tube éleétrique, plus fortement que d’ordi-
naire, par les raifons que j'ai rapportées, mais encore celles
qui s'élancent de fa peau, & qui en arrachent, pour ainfi dire,
l'humidité.
Je fais d’ailleurs, que la matière éleétrique qui fort d'un
corps
Des Screncests r2f
corps folide, enlève réellement tout ce qu'elle trouve à leur
furface, & fpécialement les liquides dont on les à mouillés.
J'ai électrifé avec le globe de verre, une verge de fer de
quelques lignes d'épaiffeur, & fongue d'environ trois pieds,
que j'avois légèrement mouillée avec de l'eau, d’autres fois
avec de l'efprit de vin : en pañlant la main à trois ou quatre
pouces de diftance, je fentois tout autour de ce métal élec-
trifé, un petit vent frais, qui ne pouvoit être autre chofe que
la matière effluente, qui me touchoit beaucoup plus fenfi-
blement qu’elle n’a coûtume de le faire, parce qu'elle étoit,
pour ainfr dire, armée des parties du liquide qu’elle avoit
détachées & enlevées de la furface du fer.
Je ne prétends avancer qu'une conjècture, quand je dis
que les émanations électriques, peuvent fe faire fentir lorf
qu’elles enlèvent la fueur de la peau ; mais c’eft un fait dont
je fuis bien certain, qu’elles emportent réellement les liquides
qu'elles rencontrent à la furface, & même dans les pores des
corps dont elles fortent. Pour prouver cette propofition d’une
manière compléte, à l'expérience de la verge de fer mouillée
que je viens de citer, je joindrai celle qui fuit.
J'obfervois depuis long temps, qu’en frottant des globes
de verre pour les éleétrifer, il s’'attachoit à leur furface une
grande quantité de petites taches brunes : je crus d’abord
que c'étoient des faletés qui venoïent de mes mains, de mes
habits, ou des autres corps qui avoifinoïent le verre élec-
trifé; mais ayant ramaffé de cette matière qui reffemble affez
à de la cire par f3 confiftance, & l'ayant fait brûler fur un
charbon, je trouvai qu'elle avoit l'odeur de poil grillé, &
dès-lors je commençai à la confidérer comme une fubftance
animale ; mais j'étois encore incertain fi elle venoit de mon
propre corps ou de mes habits: je me déshabillai donc autant
qu'il le falloit pour décider la queftion, & après avoir pris
les précautions néceffaires pour n'avoir rien à attribuer aux
autres corps voifins, je frottai le globe, jufqu'à ce qu'étant
encore abondamment couvert des mêmes taches, il me fit
voir clairement que cette matière étoit une tranfpiration
Mém. 1 747: .Q
122 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
forcée que la matière électrique affluente au globe avoit
emportée de mon propre corps.
Je reprendrai ailleurs ce fait avec fes circonftances : pour
le préfent je me contenterai d’obferver que nous devons
encore nous défier des émanations électriques, lorfqu'il s’agit
de juger par leurs attouchemens , f1 le corps d’où elles par-
tent, a plus ou moins de vertu qu'un autre; car on a dû voir,
par les expériences que je viens de citer, que fi la furface
de ce corps n'eft pas sèche & bien efluyée, ou que ce foit
un corps organifé, capable de tranfpiration, les écoulemens
de la matière électrique en peuvent devenir plus fenfibles au
toucher, fans que pour cela l'on foit en droit de conclurre
que l'éledricité de ce corps eft plus forte.
Je pafie maintenant aux aigrettes enflammées & aux étin-
celles piquantes, qui font les marques les plus connues & les
plus füres d’une forte électricité, & fur lefquelles cependant
j'aurai encore quelques obfervations à faire.
Quant aux aigrettes, on peut dire en général, que les plus
grandes, les plus lumineufes, celles qui répandent le plus
d'odeur, & qui bruiflent davantage, toutes chofes égales
d’ailleurs, font auffi celles qui annoncent une plus forte élec-
tricité ; mais voici deux faits bien conflatés, & qui tirent
à conféquence pour cette règle.
1. Un corps qu'on éleétrife, & aux extrémités duquel
on n'aperçoit encore aucune lumière fpontanée , commence
affez fouvent à lancer de ces aigrettes lumineufes, fans qu'on
électrife plus fortement, mais feulement lorfqu’on en appro-
che la main, un morceau de métal, & généralement toute
fubftance capable de fournir beaucoup de matière életrique
affluente. Quand ces aigrettes paroiflent d’elles-mêmes &
fans être excitées, comme je viens de le dire, la préfence &
la proximité des mêmes corps qui les allument , fi elles
ne le font pas, ne manquent pas, lorfqu’elles le font, d'en
rendre la lumière plus vive, & les rayons plus alongés : c'eft
même un moyen dont je me fers avec fuccès depuis long
temps, & que j'ai déjà indiqué, pour ranimer aux yeux des
D'ESS SYCLLE INC ENS 12
fpectateurs, l'électricité qui paroît foible & languiflante.
2." Tel degré d’eletricité, ou, pour parler plus exacte-
ment, tel globe frotté avec lequel on fait paroître, dès les
premiers inftans, de belles aigrettes au bout d'une verge de
fer de quelques lignes d’épaifleur, n’en fait paroître aucune,
ou ne les produit qu'avec peine & après un temps aflez
confidérable, au bout d’une barre plus longue & plus groffe,
quoique les autres fignes annoncent une électricité qui n’eft
nullement inférieure en force à celle de la petite verge, ou
qui eft même fenfiblement plus forte.
Le premier de ces deux faits eft affez connu : voici des
preuves du fecond. d
Immédiatement après avoir éleétrifé une tringle de lit,
qui avoit environ fix pieds de longueur, & cinq lignes &
demie de diamètre, au bout de laquelle il parut d’abord une
ou plufieurs belles aigrettes de matière enflammée, j'effayai
de produire le même effet avec une barre de fer carrée, qui
avoit la même Jongueur, & qui pefoit 59 livres, les aigrettes
ne parurent qu'après un temps beaucoup plus long ; «elles
étoient affez brillantes, elles bruifloient & répandoïent beau-
coup d'odeur, mais elles étoient courtes, les rayons en étoient
moins diftinéts, & elles s'éteignoient de temps en temps :
cependant les étincelles qu'on excitoit avec de doigt aux an-
gles & dans toute la longueur de cette barre , étoient plus
piquantes, & failoient plus de bruit que celles de la tringle;
le trait de feu qu'elles formoient en éclatant , étoit aufi
plus long & plus gros.
J'éleétrifai de même un tuyau de fer blanc, qui avoit environ
cinq pieds de Jongueur, & deux pouces & demi de diamètre;
on vit d'abord des aigrettes lumineufes à fon extrémité {a plus
éloignée du globe, qui étoit ouverte : je ne fisautre chofe que
de la boucher avec un cylindre de fer, long de deux pouces
& demi, & l'on continua d'éleétrifer près-de trois minutes,
fans qu'il reparût aucunes aigrettes; néanmoins les étincelles,
frelles n’étoient pas plus fortes qu'auparavant, étoient certaine-
ment aufli grofles, & faifoient des piqüres auffi douloureufes.
Q ï
124 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
Ces expériences, & plufieurs autres dont je fuis a@uel-
lement occupé, & que je rapporterai ailleurs, me feront
conclurre, felon toute apparence, qu'une moindre mafie
s'éleétrife plus facilement, mais qu'une plus grande eft capable
d’acquerir plus de vertu ; ce qui fervira fans doute à éclaircir,
& peut-être à terminer une queftion dans laquelle je me fuis
trouvé engagé fans y avoir pen{é; favoir, fi l'électricité fe
communique en raifon des mafles, ou plütôt en raifon des
furfaces. Préfentement, pour ne me point écarter du fujet que
je me fuis propolé de traiter dans ce premier Mémoire, je
bornerai mes réflexions aux conféquences qu’on peut tirer des
deux faits que je viens de prouver.
Le premier nous conduit naturellement à penfer que les
aigrettes lumineufes qu'on voit briller aux parties les plus
faïllantes d’un corps électrifé, ne doivent pas toüjours la viva-
cité de leur feu à la feule vertu électrique, qui en eft la caufe
première ; puifque le voifinage de certains corps peut les ex-
citer quand elles font éteintes, & les animer quand elles font
foibles ou qu'elles fanguiflent : un obfervateur qui examine
de près ces effets, doit donc penfer qu'il contribue par fa
préfence à les augmenter, & qu'il rifque de fe tromper fur
l'intenfité de leur caufe, s’il néglige d’avoir égard à cette cir-
conftance qui influe plus ou moins, felon la proximité, le
nombre & la qualité des corps environnans. On dira peut-
être que ces corps voifins n’augmentent les effets qu’en aug
mentant la caufe, c'eft-à-dire, que dans le cas dont il s'agit,
les aigrettes ne deviennent plus vives, que parce que l'élec-
tricité devient plus forte dans un fujet environné de certains
corps. Cette raifon a quelque vrai-femblance, & je ne vou-
drois pas la nier abfolument ; mais j'en aperçois une autre qui
eft, felon moi, plus vrai-femblable, & qui n'exige pas,
comme elle, que j'admette une augmentation de vertu dans
le corps électrifé.
Dans la perfuafion où je fuis, que les inflammations élec-
triques naiflent du choc de deux courans de matière qui vont
en fens contraire, & inftruit par l'expérience même, que les
piE\s}ScNR E) Niels 125
corps environnans dont nous parlons ici, fourniffent une
matière affluente plus forte que celle qui fe porte de l'air au
fujet électrifé ; je penfe que leur préfence augmente le feu &
la lumière des aigrettes, fans rien changer à l’état du corps
électrifé ; car je vois que par cette feule caufe, le choc doit
être plus grand, puifque la viteffe refpective augmente entre
les deux matières effluente & affluente : or je fais que la
viteffe abfolue de celle-ci eft augmentée, ce qui fuffit pour
l'effet dont il s’agit; & je ne vois ni néceffité, ni raifon folide
pour croire que l'autre coule avec plus de force.
I fuit du fecond fait, que la grandeur des aigrettes Jumi-
neufes, & leur promptitude à paroître, n’eft pas toûjours
proportionnée au degré d’éleétricité du corps d’où elles par-
tent: puifque de deux corps de la même efpèce, électrifés
avec le même globe & dans les mêmes circonftances, l'un
brille d’abord de ces rayons enflammés , tandis que l'autre
n'en fait voir aucun, ou ne les fait voir que plus tard &
moins vifs.
On pourroit dire que l'électricité ne commence peut-être
à être égale dans les deux corps dont on fait la comparaifon,
que quand les aïgrettes fe rendent également vifibles & bril-
lantes de part & d'autre ; & que cet effet annonçant toûjours
une caufe proportionnelle à lui-même, ne fignifie rien autre
chofe par fa lenteur à paroître, finon que l'un des deux corps
eft plus Iong-temps à recevoir un certain degré d'électricité,
Mais j'ai prévenu cette objection, en difant que ma groffe
barre de fer, avant que d’avoir des aigrettes lumineufes, ou
lorfqu’elle n'en avoit que de médiocres & qui brilloient ,
comme je l'ai dit, par intermittance, paroifloit d’ailleurs au-
tant & même plus électrique, que la petite verge avec laquelle
je la comparois. Ses étincelles étoient très-fortes, elle attiroit
& repouffoit vivement & de fort loin ; elle répandoit une
odeur très-fenfible, &c.
Ce que je viens de dire des aigrettes enflammées par le
choc de la matière électrique affluente au corps électrifé, &
agrandies par les rayons de cette même matière, fur-tout
Qi
126 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
lorfqu'elle vient de certains corps, me laifle peu de chofe à
ajoûter touchant les étincelles qu'on voit éclater entre le
corps électrifé, & celui qu'on regarde comme ne l’étant pas.
On fait maintenant, & je ne m'arrèterai pas à le prouver
davantage, que ces étincelles ne font autre chofe que les
aigrettes mêmes, dont les rayons naturellement divergens
ceffent de l'être, & fortent paralièles pour ne former qu'un
feul trait, qui par-là devient incomparablement plus fort, &
par conféquent capable d'une plus grande inflammation, &
d’une explofion plus violente, S'il eft vrai, comme il le paroît
par des expériences mille fois répétées, que le voifinage de
certains corps anime & fortifie ces aigrettes, on peut croire
que ces mêmes corps, lor!qu'ils feront aflez près pour con-
vertir les aigrettes en évincelles, augmenteront celles-ci de
même, & les feront éclater avec d'autant plus de force, qu'ils
auront animé davantage les rayons enflammés & réunis qui
les compolent.
Cette conféquence qui fe préfente d'elle-même, eft auffr
parfaitement d'accord avec l'expérience : pour s'en convain-
cre, il fuffit de confidérer, que les étincelles électriques n'écla-
tent jamais davantage, que quand on les excite avec le doigt
ou avec du métal; qu’elles ont beaucoup moins d'éclat & de
force, quand on fe fert pour les faire paroîïtre, d’un morceau de
foufre, de cire d'Efpagne, &c. matières, comme on fait, plus
propres à éteindre les aigrettes, qu'à les rendre plus grandes ou
plus vives. Pour fentir combien certaines fubftances font moins
propres que d’autres à exciter les étincelles d’un corps éledtrilé,
qu'on fe fouvienne feulement de ce qui a coûtume d'arriver
aux perfonnes éleétrifées, qui eflaient pour la première fois
d'allumer l'efprit de vin, ou quelqu'autre liqueur inflamma-
ble : fi elles trempent le bout du doigt dans la cuillier, elles
ont peine enfuite à réuffir, à moins qu'elles ne préfentent un
autre doigt, ou qu'elles n'aient efluyé celui qui a été mouillé
par la liqueur. Si l'on veut donc juger du plus ou du moins
'éleétricité d’un corps comparé avec lui-même, ou de plu-
fieurs comparés entr'eux, en prenant pour règle la grandeur
DE SUSIOeMEUN Cr Tr
ou l'éclat des étincelles qu’on fait paroître à la furface, on doit
avoir l'attention d’exciter ces feux toûjours avec les mêmes
corps; car après ce que je viens d’expofer, il ef aifé de voir
que fans cette condition, deux corps également électriques
pourroient donner des étincelles fenfiblement inégales. Je ne
voudrois pas même m'en rapporter uniquement aux étin-
celles qui feroient excitées par deux perfonnes différentes,
quoique chacune d'elles fe fervit de fon doigt pour faire étin-
celer le corps élerifé. Il eft certain que tout le monde n’eft
pas également propre à ces fortes d'épreuves; tel en préfen-
tant le doigt au corps qu'on élerife, fait voir une belle
aigrette de matière enflammée , lorfqu’il eft encore à trois
pouces de diftance; tandis qu'un autre, dans les mêmes cir-
conftances, n’opère rien de femblable, ou ne montre tout
au plus, qu'une petite lueur adhérente; le premier, fi vous
Vobfervez attentivement, tirera des étincelles plus fortes que
le dernier.
Cependant je ne parle encore que de ce qui frappe les yeux
& les oreilles, je veux dire la groffeur & la longueur du trait
enflammé qui précède l’explofion, l'éclat de fa lumière & le
bruit qui l'accompagne ; à combien d'erreurs ne s'expofe-
roit-on pas, {1 l’on vouloit régler fes jugemens fur la douleur
feule que ces étincelles font fentir! j’ofe dire que de tous
les fignes d'électricité dont j'ai parlé jufqu’ici, ce fentiment
eft le plus équivoque; il dépend vifiblement de la fenfibilité
du fujet qui l’éprouve, & cette fenfibilité varie autant que
les tempéramens ; il dépend encore de l'endroit où tombe
la piqure, & l'on n'eft jamais für d’avoir préfenté le même.
Si nous voulions douter de ce que nous offre ici le raifon-
nement le plus fimple, l'expérience acheveroit de nous
convaincre. Ne fçait-on pas que de plufieurs perfonnes qui
font étinceler avec le doigt le corps qu’on électrife, les unes.
n'en font que légèrement affeétées, & recommencent ces
épreuves fans répugnance, tandis que d’autres fe plaignent
d’une douleur exceffive & d’un long reffentiment qui les en
dégoûtent pour toüfours! ne fait-on pas que les piqûres
f
123 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
reçües par fe même homme & du même corps éleétrique, le
plus fouvent ne paffent pas la peau, & que d'autres fois elles
portent une impreflion douloureufe très-avant dans le bras?
toutes ces différences viennent-elles toüjours d’un degré d'élec-
tricité qui varie? on auroit tort de le croire: il eft plus naturel
de penfer que les étincelles électriques ne fe font pas égale-
ment fentir à tout le monde, & que fur un feul & même
fujet elles ont des effets qui diffèrent felon la nature ou la
délicatefle des parties qu'elles attaquent.
Par l'examen que je viens de faire des principaux phéno-
mènes par lefquels l'électricité fe manifefte, il paroît qu'il
n'en eft aucun qui, féparément des autres, ne puifle nous
tromper lorfqu'il s’agit de favoir parmi plufieurs corps élec-
trifés, celui qui l'eft le plus, ou fr le même a plus ou moins
de vertu dans un certain temps que dans un autre. Cepen-
dant ce feroit prendre un parti outré que de regarder comme
abfolument incertains tous les jugemens que l'on porteroit
en pareil cas: il eft poffible d'éviter l'erreur en ufant de cir-
confpection & en fuivant quelques règles qui fe préfentent,
pour ainfi dire, d’elles-mèmes.
La première & la principale confifle à ne jamais décider
de quel côté eft la plus forte éleétricité, que l’on ne foit für
d'avoir mis les circonflances bien égales de part & d'autre.
Je crois avoir expofé les plus effentielles & les plus capables
d’influer fur les effets.
La feconde règle que je propofe, c'eft de ne s’en rapporter
qu'à des fignes bien marqués, à des effets conftans que l’on
foit für de retrouver toutes les fois qu’on opérera dans des
circonftances connues; car fi l'électricité en général, confifie,
comme on n’en peut plus douter, dans certains mouvemens
d’un fluide qui s’élance d'un corps à l’autre, on conçoit aifé-
ment que ces jets ou courans de matière, peuvent avoir
quelques irrégularités dont les caufes nous échappent, d’où
il peut arriver des effets fenfibles, mais auffi peu conftans
que le hafard qui les fait naître.
Enfin j'établis pour troifième règle, de confulter avant
que
DES SCIENCES. 129
que de former aucun jugement, tous les fignes qui peuvent
faire connoitre l'électricité des corps qu'on examine, & de
ne s’en pas tenir à un feul ni à deux, s’il eft poffible d'en
avoir un plus grand nombre; car fi nous nous permettons
de choifi: entre plufieurs, il eft à craindre que l'amour propre
ne nous faffe donner la préférence à celui qui favorife le plus
notre opinion, ou qui s'oppofe davantage à celle que nous
avons intérêt de combattre. |
Dans bien des occafions je me füis fervi, pour connoître
‘es progrès de l'électricité, d’un moyen aflez fimple & qui
mériteroit le titre d'éfecfromérre, s'il étoit généralement appli-
cable, & s'il pouvoit fervir à mefurer par des quantités bien
connues, & dont on ne püût douter, les augmentations ou
diminutions qu'il indique. M. du Fay, d'après M. Gray,
plaçoit fur une verge de fer fufpendue horizontalement, un
fil de lin dont les deux bouts pendoient parallèlement entre
eux ; il électrifoit le fer, & les deux bouts de fil qui s’élec-
trifoient par communication, s’écartoient lun de l'autre;
enfuite il tiroit une étincelle de 1a verge de fer, ce qui
failoit cefler fubitement toute l’éledricité, & les deux bouts
de fil retomboient l'un vers l'autre jufqu'au parallélifme.
Cette expérience qui ne fervoit alors qu'à faire voir la
promptitude avec laquelle la vertu électrique s’anéantit dans
tout un corps quand on le fait étinceler, ou à prouver que
deux corps électrifés fe fuient réciproquement, m'a paru
propre à faire connoître, jufqu’à un certain point, les diminu-
tions ou augmentations de l'électricité, à comparer celle de
plufieurs corps, & à marquer fa durée.
En effet, tant que les deux bouts de fil font divergens
entreux, il eft certain que le corps d'où ils pendent ef
électrique, & l'angle qu'ils forment en s'écartant lun de
l'autre eft une efpècé de compas qui marque plus ou moins
d'électricité : c'eft une chofe curieufe de voir cette forte
d'inftrument s'ouvrir & fe fixer chaque fois qu'on approche
un tube de verre nouvellement frotté, de la chaîne ou de
la barre de fer à laquelle il tient,
Mém. 1 747: R
Fig. 4e
130 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
La difficulté eft de favoir au jufte la valeur de ces difié-
rentes ouvertures, car il n'eft pas poffible de préfenter au
bout de ces fils aucune échelle ou règle graduée; ïl ne faut
pas même qu'aucun autre corps en approche à une certaine
diflance; puifqu'ils font électrifés, ils ne manqueroient pas
de fe porter à tout ce qui ne le feroit pas comme eux, &
par conféquent de fe déranger confidérablement.
J'évite ces inconvéniens en plaçant devant les deux bouts
de fil, & à une diftance fufhfante, une planche G, percée
d’un trou vis-à-vis duquel je mets une bougie allumée; &
en recevant l'ombre de ces fils fur un carton blanc Æ, que
j'élève verticalement & parallèlement au plan qu'ils terminent
entreux (la bougie & le carton étant bien fixés), je trace
fur celui-ci une portion de cercle qui a pour rayons les deux
ombres des fils, cet arc divifé en degrés, me {ert à juger de
leur écartement réciproque.
Je ne fuis pas le feul qui ait penfé à eftimer l'effort des
émanations électriques par le recul des corps d'où elles s'é-
lancent; ce moyen s'eft préfenté à M. Waitz, quoique d'une
manière différente, & je vois qu'il en a voulu porter l’ufage
plus loin que moi; car perfuadé que de tous les corps qui
avoifinent celui qu'on éleétrife, il émane une matière capable
d'impulfion, cet habile Phyficien a fongé non feulement à
rendre fenfible l'effort de ces émanations, & à repréfenter la
longueur des jets par la diftance qu'ils mettent entre des corps.
d'où ils fortent, mais il a encore prétendu qu'il pourroit
favoir par-là quelle eft la valeur abfolue de cet effort, en lui
oppofant un poids connu. Voici en peu de mots fon expé-
rience & les conféquences qu'il en tire.
On fufpend à deux fils de foie, d'égale longueur, deux
lames de métal femblables, longues de fix pouces, pefant
chacune trois onces, & pendant librement aflez près l'une
de l'autre pour fe toucher: on approche enfuite au deffous.
& fort près de ces deux lames, un tube de verre bien élec-
trifé, & dans l'inftant méme on voit ces deux corps s'écarter
Yun de l'autre, en décrivant de part & d'autre un petit arc
eee
Mem de L'Ac.R des JE,1747. Lag 130 21.5
DES SCIENCES 731
de cercle qui a pour rayon la fongueur du pendule que chaque
lame compofe avec fon fil de fufpenfion.
De cet effet M. Waïitz conclud, 1 ° que de ces deux lames
il fort une matière dont l'effuence forme deux courans op-
polés entr'eux, & c’eft ce qu'il n'eft guère poffible de lui
contefter, fur-tout lorfque cette expérience vient à la fuite
de plufieurs autres faits qui prouvent l'exiftence de ces éma-
nations; 2° dit-il, le degré d’élévation de chaque lame, dans
l'arc de cercle qu’elle décrit, indique la force abfolue de ces
-courans de matière invifible, dont les efforts oppofés font
écarter les lames & leurs fils de la direction verticale où elles
étoient en repos; car étant donné le poids d'un corps fuf-
pendu par un fil à un point fixe, on fait ce qu'il faut de
force pour le foûtenir dans tous les points de Farc qu’on lui
fait parcourir en montant : tel eft en fubftance le raifonne-
ment de M. Waitz.
Cette dernière conféquence, quoiqu'ingénieufe, me paroît
fouffrir de grandes difficultés : fans parler de 1a différence
qu'il y a entre une fame de fix pouces fufpendue à un fil,
& un pendule fimple, tel qu'il faut le fuppoler pour procurer
à l'opération dont il s'agit, une fimplicité fufñfante; il fera
toûjours néceflaire d’avoir égard à la direétion de cette ma-
tière effluente vers fon point d'appui, pour conclurre la valeur
abfolue de fon effort par le poids qu’elle foûtient: or il me
paroît bien difficile de favoir au jufte la direction de ces jets
de matière invifible par rapport à la furface des corps d’où
… ils s'élancent, & il y a tout lieu de croire qu'elle eft affez
* irrégulière. Au refte cette penfée de M. Waitz mérite qu’on
yréfléchifle, il peut nous venir des connoiïffances nouvelles
“qui nous faflent furmonter les difficultés, & qui la rendent
fu praticable qu'elle ne paroît l'être pour le préfent.
CON e
132 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES
FAITES AU COLLEGE MAZARIN
pendant l'année 1747.
Par M. l'Abbé DE LA CAILLE.
C ETTE année a été très-peu favorable aux obfervateurs,
on n'y a eu qu'un très-petit nombre de belles nuits, à
la réferve de celles des mois d’Août & de Septembre, temps
auquel mes affaires m'ont retenu à la campagne. Voici les
principales obfervations que j'ai pû faire avec précifion. J'y
ai employé les mêmes inftrumens que les années précédentes,
& de plus, une machine parallactique portative, que j'ai fait
faire cette année, fur laquelle eft adaptée une lunette de trois
pieds de longueur , au foyer de laquelle eft placé un réticule,
compofé de quatre fils d'argent, qui fe croifent fous des angles
de 45 degrés.
I.
Conjontion de Mars à de Saturne.
Mars & Saturne fe font trouvés cette année en conjonc-
tion, lorfqu’ils étoient tous deux en quadrature avec le Soleil.
Le 10 Janvier, je plaçai mon quart-de-cercle dans le plan
du méridien , ou à très-peu près. Je fis battre le fil-à-plomb
fur la divifion qui donne la hauteur 3 34 1 0’, enfuite j'obfer-
vai le paffage de Mars au fil vertical de la lunette, à 6h 14°
34" de temps vrai du matin : je ne püs prendre la hauteur
de Mars à cet inftant; Saturne pafla enfuite au même fil,
à6h18'15"+, & fa hauteur prife avec le micromètre, parut
de 33422°9".
Il faut remarquer que depuis quatre ans, mon quart-de-
cercle vérifié au zénith, a toûjours paru haufler de 18à 2x
fecondes.
J'orientai enfuite ma machine parallactique, & je trouvai
DES (SCIE NC ES F2
à 6h 33° 53", temps vrai, que Mars précédoit Saturne de
od $2° 52" en afcenfion droite, & qu'il étoit plus auftral de
22" 2"; & à 6h 54 25", temps vrai, la différence d’afcen-
fion droite étoit de $2° 31", & en déclinaifon, de 22! Se
Prenant un milieu entre ces trois obfervations, j'ai fuppofé
que le 10 Janvier à 6h 34° du matin, temps vrai, fa diffé-
rence d'afcenfion droite étoit 52° 48", & celle de décli-
naïfon, 22° 2". |
Le 1 x Janvier à 6h 10", temps vrai, du matin, Mars pré-
céda Saturne de 1° 5 1"+ de temps, au fil vertical du quart-
de-cercle placé à peu près dans le méridien , la hauteur méri-
dienne de Saturne parut de 32421" 55", & à 6h41’ 52",
temps vrai, Mars précéda Saturne de 1” 49"2 de temps, ou
de 27° 30"+ de degré; il étoit plus auftral de 31° $1", ce
qui fut obfervé avec la machine parallactique.
Ce même jour je déterminai le midi vrai par fix hauteurs
correfpondantes, il arriva à 1 1 50’ 39" 48"! à la pendule.
Le 12 Janvier au matin, je trouvai par neuf hauteurs .
correfpondantes, le paflage de Saturne au méridien, à 6P 6’
45" 43" de la pendule, & par autant de hauteurs, le paflage
de Mars à 6h 6° 32" 54"; ayant eu égard à l'équation qui
convient à fon changement de déclinaifon pendant l'inter-
valle des obfervations.
La hauteur méridienne de Saturne fut obfervée de 334
21° 25", & celle de l'épi de la Vierge qui avoit précédé
Saturne au méridien d'environ 29 minutes de temps, fut
trouvée de 314 20’ 18”.
A 6h 17° 56"+ de temps vrai, Mars précéda Saturne à la
machine parallaétique, de 9" + de temps, & fut plus auftral
de 41° 36”; & à 6h23" 41", il précéda encore de 9”1 de
temps, & fut plus auftral de 41’ 34”. Donc, par un milieu,
à 6h 20’ 48", Mars précédoit de od 2’ 23", & étoit plus
auftral de 41° 35".
Le même jour je trouvai le midi vrai à a pendule par
douze hauteurs correfpondantes, à oh o’ 6" 19".
En interpolant les différences d'afcenfion droite & de
R ii
134 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
déclinaifon, déterminées ci-deffus pour le 1 o Janvier à 6h 34",
le 1 1 à 6h 42", & le 12 à 6° 21°, on trouve que la conjonc-
tion en afcenfion droite eft arrivée le 1 2 Janvier à 8h 34°
48",temps vrai, du matin, Mars étant plus auflral de 42° 24".
A l'égard du point du Ciel où cette conjonction s'eft faite,
on ne peut le déduire immédiatement des obfervations pré-
cédentes, fans fuppofer le lieu du Soleil tiré des Tables aftro-
nomiques. Et comme les Aftronomes ne s'accordent pas à
employer les mêmes Tables, il fuffra de dire ici, que fi on
fuppofe qu'à 6h 6° 33", temps vrai du pañlage de Mars au
méridien, le matin du 1 2 Janvier, l’afcenfion droite du Soleil
ait été de 2934 31° 31", telle qu'elle réfulte des Tables de
M. Caffini, en avançant l'apogée du Soleil de 10 minutes,
& en employant l'obliquité de l'écliptique, de 234 28° 35",
on aura pour cet inftant l'afcenfion droite de Saturne, de
205412 $9", fa déclinaifon auftrale, de 74 48° $ 6”, fa lon-
gitude dans = 264 12" $2", fa latitude boréale, 24 29° 1 8":
l'afcenfion droite de Mars, 20 54 9° 47", fa déclinaifon auf-
trale, 84 30’ 24", fa longitude + 264 24° 5 2", & fa latitude
boréale, 14 49° 29".
Dans ce calcul j'ai employé Ia réfraétion de Ia Connoif-
fance des Temps, la hauteur de l'E‘quateur au Collége Mazarin,
4148" 33", & la correction des haüteurs obfervées à mon
quart-de-cercle, 20 fecondes fouftractives.
EL
Obfervation de l'inclinaifon de l'orbite de Saturne.
On fait que lorfque le lieu du Soleil concourt avec celui
d'un des nœuds d'une planète; fi cette planète vüûe de a
Terre paroït éloignée du Soleil de 90 degrés, fa latitude
géocentrique eft égale à l'inclinaifon du plan de l'orbite de
la planète fur l'écliptique : que fi l'élongation de la planète
n'eft pas de 90 degrés, alors a tangente de l’'inclinaifon de
l'orbite eft à la tangente de la latitude géocentrique, comme
Je rayon eft au finus de l'élongation , ou de l'angle à la Terre,
entre le Soleil & Ja planète.
b. ENS: SICINE NLC'E 135
Dans le temps de l’obfervation du 1 2 Janvier, rapportée
dans l'article précédent , le Soleil étoit à très-peu près, dans
le nœud de Saturne : felon les tables de M. Caffini, il n’en
étoit éloigné que de 12 minutes; d'où il eft aifé de con-
clurre par l'analogie que je viens de rapporter, qu’en fup-
pofant la latitude de Saturne de 24 29° 18", comme on
vient de la déterminer, l'indlinaïfon de forbite de cette pla-
nète fur le plan de l’écliptique, étoit de 24 29° 45”.
TIT |
E’chpfe totale de Lune le 2$ Février au matin.
. À 3 heures du matin, la Lune étant à Ia hauteur appa-
rente de 344 20’, j'obfervai fon diamètre avec le micro-
mètre de la lunette de cinq pieds fixée à mon quart-de-cercle,
& je le trouvai de 31° 19”.
A 3h12 &à 3" rs", le diamètre de Ia Lune paña par le
fil horaire de la machine parallaétique en 2° 1 3" À de temps,
lefquelles à raifon de 24b 48’ pour 360 degrés, font 32’
36" dans le parallèle de la Lune, & 32’ 9" en arc de grand
cercle : tel eft le diamètre horizontal de la Lune qui réfulte
de ces deux obfervations.
À 35 10° la première pénombre étoit déjà très-fenfible,
DPU3: 21: la pénombre épaïffe entre fur le difque de la Lune.
23 9 je juge le commencement de l’éclipfe.
24 19
26 9
27 34 l'ombre à Galilée,
28 24 à Ariftarque.
33 24 au bord de Mare humorum.
24 à Képler.
54 aux bords de Schikardus,
les bords de Grimaldi entrent daus l'ombre.
43 54 Tombre à Æeraclides,
43 55 aux bords de Copernic.
40 Ÿ
Uo Uu Us Lu Us We Us Lu Us US Lu Lu Us
LU
LA
45 40 à Eratoflhenes.
136 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
A 35 47 54"à Hélicon.
51 44
4
Vo
aux bords de Tycho.
$s2 19 au bord fuivant de Mare nubium.
54 4 aux bords de Platon.
s9 19 à Mare ferenitatis,
s9 54 à Manilius.
3 19 à Meneiaus.
4 4 à Dyorifius.
4 àPline.
8 22 à Poffidonius.
10 34 à Fracaflorius.
11 34 à Promontorium acutum:
16 14 à Srellius.
«44 au bord de Mare crifium.
20% 119
23 © je doute fi l'immerfon n’eft pas totale.
23 20 l'immerfon totale eft certaine.
Le temps fe couvrit enfuite pendant l'immerfion, & l'on ne
vit plus la Lune que pendant quelques momens vers le com-
mencement de l'émerfion; mais fon peu de hauteur & la force
du crépufcule m'ont empèché d'en déterminer aucune phafe.
Pendant cette éclipfe , l'ombre a paru affez bien terminée.
LAVE
« . 71 ‘ \
Detcrmination de l'afcenfion droite de Procyon.
Comme je dois faire ufage dans les articles fuivans de l’'af-
cenfion droite de Procyon, je crois qu'il eft à propos de
rapporter ici un extrait des obfervations que j'ai faites cette
D 4 db pd eh #2 MR à Lu Lu Us &u Lu Lu Lo
a
année pour la déterminer, réfervant le detail pour un Ou-
vrage particulier.
Le 14 Mars, par douze hauteurs correfpondantes, le
Soleil fut au méridien à ma pendule à oh 3° $ 6”; la hauteur
apparente du bord fupérieur, prife avec le micromètre, fut de
LU
384 52° 30"
2
Le
PR
D Es SCT CN C ES. 554
Le même jour je trouvai par quatorze hauteurs TÉRRIENS
dantes, le paflage de Procyon au méridien, à 7h $2°23"2
du FRE à la pendule.
Le r 5 Mars, midi vrai à la Di ie par quatorze hauteurs
correfpondantes, à oh 3'44"+ : hauteur méridienne appa-
rente du bord fupérieur, 394 1 16’ oi
De là il eft aifé de conclurre, que le 14 Mars à midi
temps vrai, ou à oh 9° 32", temps moyen, la différence en
afcenfion droite entre le Soleil & Procyon, étoit de 1 174
2546”, dont Procyon étoit plus oriental.
Le 3 0 Septembre, Procyon pafla au méridien à 7h 4" 23"
28" du matin, à la pendule, ce qui fut déterminé par qua-
torze hauteurs correfpondantes ; & par dix hauteurs corref-
pondantes, le Soleil y pañla à oh 2° 47" 44". La hauteur
méridienne apparente du bord fupérieur, fut obfervée de 3 84
4148" 55
Par plufieurs hauteurs du Soleil, prifes à l'occident le 2
Septembre, & comparées à leurs correfpondantes prifes le len-
demain, ayant égard au changement du Soleil en déclinaifon,
la révolution des Fixes à la pendule fut ce jour-là de 23h
56"8"15"". D'où il fuit que le 30 Septembre à midi vrai,
ou à 11P $o' 3”, temps moyen du matin, la différence
d'afcenfion droite entre le Soleil & Procyon, étoit de 744
48° 6"+, dont Procyon étoit. plus occidental.
Voici maintenant le calcul de l'afcenfion droité de Pro-
eyon, qui réfulte de ces obfervations.
on de 5 LA Der Fos A SRE +
nt lon I E
0
= ie
Hauteur méridtenne apparente du bord fupérieur du Soleil, le 14
M'EST LA OR ET EMR DE DNS ME CMUNS
Demi-diamètre du 0 , tiré des Ephé-
MÉTITES: Malte hic Melon ae ere OMS)
ù RE
Donc hauteur apparente du centre. . . . 384 36° 21" 48“
Hauteur méridienne apparente du bord fu-
périeur, le 30 Septembre. . . . . . . BIOMPAT ABC
Demi-diamètre felon les Ephémérides. . DOME 33
Hauteur apparente du centre. . . . . . . 384125" 44" 33°
La différence des deux hauteurs du centre. o 10 37 1%
Mém. 1747.
DEC U CR
FT
138 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Du 29 au:3 0 Septembre, Îe mouvement réel du Soleil en
déclinaifon, eft, fuivant les Ephémérides, de 2 324"; d'où il
eft ailé de conclurre que le Soleil eft arrivé le 29 Septembre,
à12h $ 6° 36" de temps moyen, au même parallèle que celui
où il s’eft trouvé le 14 Mars, à ob 9° 32", temps moyen.
Le mouvement diurne du Soleil en afcenfion droite, du
29 au 30 Septembre, étoit de 54" 20": doncà 12h 5636",
la différence d’afcenfion droite du Soleil & de Procyon, étoit
de74d23"26"3
Cela polé, pour éviter les équivoques & l'ambiguité des
fignes, auxquelles on s’expofe dans le calcul des différences de
mouvemens, fuppofons l'afcenfion droite vraie de Procyon,
connue à peu près, & faifons-fa le 14 Mars à oh 9° 32"
TP CE AIR LIU AIR ON REIN 1114 30° 00" 00"
L'aberration en afcenfion droite additive. . . 9 6
La déviation caufée par la nutation de l'axe de
la Terre, auffi additive. . . .=. . . . . . 8 o
Donc afcenfion droite apparente. . . . . . . HAT 43,0 LM
Différence obfervée entre le Soleil & Procyon 117 25 46 o©
Donc afcenfon droite du Soleil le 14 Mars,
à oh 9° 32", temps moyen. « . « «le 24 4 2e
Préceffion en afcenfion droite, du 14 Mars au
ANSE. TI 0e Leone 26 18
Abcrration fouftractive. . . . . . . . . 4 36
Dévatiomadditive. à. # te 0 fn lat soda 11000
Donc afcenfion droite apparente de Procyon,
le 30 Septembre.t.W.. 1.0". ten. 111 39 32 42
Différence obfervée entre le Soleil& Procyon 74 23 26 45
Donc afcenfon droite du Soleil le 29 Sep-
tembre, à 12" 56’ 36”, temps moyen. . 185$ 53 59 27
Afcenfion droite du Soleil le 14 Mars, à o*
9" 3.27, témps moyen. - 0.1... 0: 3 Sd War 31006
Ces deux afcenfions droites ne font que hypo-
thétiques, mais leur différence donne le
mouvement réel du Soleil en afcenfon
droite dans l'intervalle de fon retour au
même parallèle, de . . . . . . «+ +. 19E 49 280@r
dE a NO ELEC ETES VS © +. 95 54 44 10
DES SCIENCES. 139
Donc afcenfion droite véritable du Soleil, Îe s
14 Mare. eee adebiere ter 210 4e ! SL NSO
Différence d'afcenfion droite avec Procyon, , 117 25 46 ©
Afcenfion droite PH ‘de Procyon le 14
EME ee LUC. cc oO NAME Cp ER ON 8 64 QUE QLRLS ue
DA FErra TION Ne Te de loi bet Ve el elte rte ,. 9 6
Déviation. . . . AC RM EMEURX à 8 o
Donc l'afcenion Hoïte vraic de Procyon le
14 Mars EUR du alle ler ele +. III 30 44 44
V.
Occulrarion de Regulus par la Lune, avec le lieu de la
Lune qui en réfulre.
Le 23 Mars je déterminai par douze hauteurs correfpon-
dantes, le midi vrai à ma pendule, à oh 2° 5" 50": & par
huit hauteurs le paffage de Procyon au méridien, à 7h 17*
ja 16" du foir, par huit hauteurs celui de Regulus, à
9646 18"21".
Quelques minutes avant le paflage de la Lune au méri-
dien, je mefurai fon diamètre apparent avec le micromètre
de mon quart - -de-cercle, & je le trouvai de 31° 54": la
Lune étoit haute de 54 degrés.
A 8h 36° 46", temps vrai du foir, immerfion de Regulus
fous la partie obfcure de la Lune, dans une droite qui va de
Copernicus au milieu de Mare tranquillitatis, en paflant entre
Dyonifius & Plinius. L’obfervation en fut faite avec la lunette
du DARenRE laquelle a près de cinq pieds de longueur.
À 9h43" 47", temps vrai, émerfion de deflous le bord
éclairé, obfervée avec une lunette de 1 2 pieds.
Au temps de l'émerfion, la Lune étoit fort près du méri-
dien. J’avois placé mon quart-de cercle à peu près dans le
plan de ce cercle, & à 9" 46’ 26” à la pendule, Regulus
paffa au fil vertical, fa hauteur apparente étant de 54% 20°
57"; celle du bord fupérieur de la Lune, qui étoit bien
ter pa fut trouvée de 54% 22° 23".
À 9h 52" 0", temps vrai, je déterminai avec la machine
Si
140 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE RoYAL&
parallaétique, que Regulus étoit dans le même parallèle appa-
rent, que le bord fupérieur de la Lune.
A 9h 50° 1" temps vrai, le bord précédent de fa Lune
précédoit Regulis au fil horaire, de 26"+ de temps.
A 10h16" so”, il fuivoit Regulus de 1 1 fecondes.
À 10 25 50, il fuivoit de 23 fecondes.
Donc en interpolant ces trois dernières obfervations, on
conclud qu'à l'inftant du paflage véritable de Regulus au
méridien, qui eft arrivé à oh 44 17"+, temps vrai, le bord
précédent de la Lune précédoit Regulus de 34"+. Or le
demi-diamètre de la Lune, déduit de l’obfervation faite au
micromètre, devoit pafler au fil horaire en 1° 7" de temps:
donc à 9h44" 17"+, le centre de la Lune fuivoit Regulus
de 32"+ de temps. Mais dans cet intervalle de 32"+, la
Lune a dû devenir plus orientale de À de fecondes, à raifon
de 8 fecondes de temps pour 5” as": donc le centre de la
Lune a paflé réellement au méridien 33"+ après Regulus,
c'eft-à-dire, à 9" 44’ so" de temps vrai.
Le 24 Mars, midi vrai, par deux hauteurs correfpon-
dantes, à oh 1" $2" 0”.
Î ef facile de conclurre de ces obfervations, la longitude
&. la latitude de la Lune au temps de fon pañlage par le
méridien. En voici le calcul.
Par la pofition de Procyon, déterminée dans l’article pré-
cédent, fon afcenfion droite apparente le 23 Mars, a dû être
de 1114 30° $9"+; la différence d'afcenfion droite entre
Procyon & Regulus, déduite de l'obfervation de leurs paffages
par le méridien, eft 374 12°27"2. Donc l'afcenfion droite
apparente de Regulus le 23 Mars, étoit 1484 43° 27": y
ajoûtant 04 8° 20"+ pour la différence entre les paffages du
centre de la Lune & de Regulus, on a l'afcenfion droite vraie
de la Lune, le 23 Mars àoh 44" s0"+, temps vrai du foir,
de 148d 51 47"à.
De la hauteur méridienne apparente ôtant 20 fecondes
pour l'erreur de l’inftrument, 40 fecondes pour la réfraétion,
15° 57" pour le demi- diamètre; ajoûtant 34° 8" pour Ja
Di ESS ICADMENNNCRENS 141
parallaxe (Thorizontale étant fuppolée de 58" 12") & Stant
414 8° 33" pour la hauteur de Equateur, refte 1 343 101"
pour la vraie déclinailon boréale de la Lune. Donc. fi longi-
tude dans 26420"11"Q, & fa latitude od 48’ 27" boréale,
VIT:
Oppofirion de Saturne au Soleil.
Le13 Avril, midi à la pendule par fept hauteurs Er
771
BL CC VE NO TCNIPRRNIERER RENTE 53°
Paffage de Saturne au méridien par douze hau-
teurs correfpondantes. . . . . . . . . . 12 4 54 6
#2
Sa hauteur méridienne apparente 344 40° 27".
Paffage d'Ar&urus par dix hauteurs correfpon-
GE I EPIO EME ENENENE IEEE ON PE CEE
Sa hauteur méridienne apparente 6 14 39° 5 6"2.
Le 14 Avril, midi vrai, par feize hauteurs cor-
RÉIDONAANLES Ne ele Medal eo ellele dei le ONNAINAONS IS
Paffage de Procyon par douze hauteurs. . . . $ $7 29 15
Paffage de Saturne par quatre hauteurs. . . . . 12 © 45 30
Sa hauteur méridienne apparente 3 44 42° 17"
Le 15 Avril, midi vrai, par douze hauteurs
Corretpondantes NE REeTNne o 1 28 3e
Voici le calcul de ces obfervations:
L'afcenfion droite vraie de Procyon, ayant été déterminée
ci-deflus pour le 14 Mars article IV) de 111930"44"à,
jy ajoûte 4 fecondes de préceflion, 8"+ de déviation , &
j'en ôte 1°+ d'aberration, & j'ai fon afcenfion droite appa-
rente pour le 14 Avril, de11 a 30° S 5" 2
Procyon a fuivi le Soleil de 1 55’ 47" 54", de temps
moyen, qui valent 894 11° 35". Donc l'alcenfion droite
vraie du Soleil le 1 4 Avril à midi, étoit de 22 29 19° 20”
& par conféquent fa longitude, 244 6" ÿ5, y. Et le 13
Avril à midi, fa longitude étoit 234 8°17"Y, & fon afcen-
fion droite 214 24° 10", fuivant les Tables aftronomiques,
Er bien le mouvement diurne du Sul.
Selon les obfervations précédentes , Saturne a pañlé au
S üj
142 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
méridien le 13 Avril, à 12h 3'7"4 de temps vrai, & le 14,
à r1b $9"r1"; les vraies afcenfions droites du Soleil étoient
ES 214 S 1” 53", & & 224 46’ 54: & les vrais lieux,
23137 44" V, & 244 : 4 12" Y. D'où il eft aifé de
conclure qu'à ces deux mêmes inftans, l'afcenfion droite de
Saturne étoit 2024 38° 44", & 2024 3443".
Des hauteurs méridiennes de Saturne, comparées à celle
d'Ardurus, où calculées indépendamment de cette étoile, on
déduit la déclinaifon véritable de Saturne aux deux mêmes
inftans, l'une de 64 29" 5 8“ auttrale, & l’autre de 64 28'+8";
donc les longitudes de Saturne étoient alors æ 23421"23"+,
& 23417 0", & les latitudes, 24 47’ 3", & 2d 47° 17".
D'où il fuit que le 13 Avril, hi 12h 3"7"+de temps vrai,
Saturne étoit déjà od 1 6’ 20"2 au delà de fon oppofition ;
& qu'ainfi à raifon du mouvement diurne compolé, 14 2
St" il y avoit 6" 14° 20° que cette oppottie étoit
arrivée; donc elle s'étoit faite le 13 Avril, à 5" 48° 47"
de temps vrai du foir dans 2 234 22° 33", la latitude de
Saturne étant 24 47° o" boréale.
+49
Conjonétion de Mars avec l'étoile du bafin auffral de la
Balance.
Le 28 Avril, à oh 12° 20" du foir, temps vrai, je déter-
minai avec la machine parallaétique la différence apparente
d’afcenfion droite dont l'étoile la plus claire du baflin auftral
de la Balance, nommée &, précédoit Mars de od 3 1° 24", &
celle de déclinaifon de 1 3° 1"; dont Mars étoit plus boréal.
Le 29 Avril, à 9h 19" 50", temps vrai, la même étoile
précédoit Mars en afcenfion droite apparente de of 9’ 16"Z
& paroiffoit plus auftrale de 17° 15".
Le 30 Avril, à oh 2422", temps vrai, l'étoile fuivoit
Mars de od 12° 22"2, & étoit plus auftrale de 21° 27".
L’'afcenfion droite apparente de Pr aryoni a été déterminée
ci-deffus pour le 14 Mars, de 1 114 3 1° 1" 5; elle étoit donc
Re HPTE
DES ScrEenNces. Her. ra
FA 16 Mars srid 31” 2". Ce jour-là je déterminai par douze
hauteurs pad A de Procyon, & par huit de «x,
que Jeu différence apparente en afcenfion droite étoit de
079 43'13"3; donc le 16 Mars, l'afcenfion droite appa-
rente de he étoit 2194 14° 15": y ajoûtant 7” de pré-
ceffion & 6" de différence d'aberration, l'on a l'afcenfion
droite apparente pour le 30 Avril, de 2 194 14 28"
Le 14 Mars, je trouvai la hauteur méridienne apparente
de “a de 26° 12°37':Otant 20" pour l'erreur de linftru-
ment, 1° 59" pour la réfraction, l'on a la déclinaifon appa-
rente 5 cette étoile 144 58° 15" auflrale: y ajoûtant 2“
de préceflion, & 2" de diflérence ou l’on a fa dé-
clinaifon apparente le 30 Avril, de 144 5 8’ 19" auflrale.
Ee premier Mai, je trouvai la hauteur méridienne de à =
de 264 12° 39", d'où je conclus, comme ci-deflus, fa dé-
clinaifon apparente de 144 58" 14"; & en prenant un
milieu, je la fuppoferai de 144 58° 16".
D'où il fuit que le 30 Avril ou le premier Mai, Ja longi-
tude apparente | de a = étoit dans 114 3341" m, & “la
latitude od 22° 21”, boréale.
Et parce que Mars étoit alors éloigné de la Terre de
5 508 parties dont la diftance moyenne de 13 Terre au Soleil
en contient ro000, fi on fuppofe la parallaxe horizontale
du Soleil de 12°+, celle de Mars étoit de 22" 42°’; c'eft
pourquoi il faut corriger les différences apparentes d’af-
cenfion droite & de déclinaifon , rapportées ci-deflus. Or on
trouve par le calcul, qu'aux inftans des obfervations des 28,
| 29, 30 Avril, les parallaxes d’afcenfion droite étoient ref-
petivement de 11" 6”, de 10" 28°”, & de 10° 0"; &
LE
celles de declinaifon étoient de 22” o
ul,
, de 21" 47", & de
d’où il eft aifé de conftruire fa table fuivante.
Afcenfions Déclinaifons Longitudes Latitrudes
Avril, temps vrai, droites de Mars. - auffrales de Mars. de Mars, boréales de Mars,
28 2 ghr2/20".., 219445" 42". 14444 56"... 11458/ 27/ m … 44/ 19%
ECO 9 19 SO 219 23 3$ «+ 14 4O ATaus VI 36 A7. 41 47
3O vous 9 24 22 «219 D SO 14 36 29 sn LL RS Ov 30 39
144 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaALE
Et en interpolant ces pofitions comparées à celle de 4 =,
on trouve que la conjonction en longitude de 4 & de à
eft arrivée le 29 Avril à 12h 49° 22" de temps vrai, dans
1193341" m, Mars étant éloigné de l'étoile de 19° 5”
vers le nord, c’eft-à-dire, ayant une latitude boréale de 41°
2 G'°
VAR PT:
Oppofition de Mars au Soleil.
L'oppofition de Mars au Soleil a fuivi de près fa conjonc-
tion avec l'étoile 4 de la 2.
Le premier Mai je déterminai le midi vrai à ma pendule par douze
hauteurs correfpondantes à . . . . . .. OUEST TT
Par quatorze hauteurs correfpondantes, le paf-
fage d'Aréurus au méridien à . . . . . . 11 28° 19 4x
Par douze hauteurs celui de & , (ayant égard à
fon mouvement en déclinaifon dans lin-
térvalle des obfervations) à . . . . . . . 11 58.32 45
Sa hauteur méridienne apparente 264 38° 44”.
Et par huit hauteurs correfpondantes le paffage
Here A ia Et RAR eee tee ele le 12 MT TRTS
Sa hauteur méridienne apparente 264 12° 39".
Le 2 Mai, midi vrai à la pendule par treize
hauteurs correfpondantes à . . . . . . . 11 58 48 10
Voici le calcul déduit de ces obfervations.
Ayant déterminé ci-deffus l'afcenfion droite apparente de
& = pour le premier Mai, de 2194 14° 28"+, la différence
des paflages du Soleil & de cette étoile au méridien qui eft de
1 2h 2'6" 10" detemps moyen, ou der 814 1°12", donne
J'afcenfion droite du Soleil le premier Mai à midi, de 384
13° 16"+
L'afcenfion droite apparente de Procyon a été déterminée
(page r36)le14 Mars de 111431" 1"5: & ce jour-là je
trouvai par quatorze hauteurs correfpondantes d’Ardurus, que
fon paflage au méridien avoit précédé celui de Procyon, de
6h36" 59" 50""de temps moyen, qui valent 9943115",
ce qui donne l'afcenfion droite apparente d’Arurus pour ni
jour-là,
D «ENS x 18 Cv RE IN: CES 145
jour-là, de 21142" 17"+: y ajoûtant 5"+ de préceffion &
3'"+ de différence d'aberration, fon a fon afcenfion droite
apparente le premier Maï, de 21142" 26"; & par la diffé-
rence des temps de fon paflage au méridien avec celui du
Soleil, qui a été de 11 29° 24", on conclud l'afcenfion
droite du Soleil le premier Mai à midi, de 384 1 3° 8”; par un
milieu je la fuppoferai de 384 13° 12", ce qui donne fa
longitude du Soleil, le premier Mai à midi, dans 104 38°
53" %#; & le 2 Mai à midi, dans 114 36’ 59"% , en pre-
nant le mouvement diurne du Soleil dans {es Ephémérides.
Le temps vrai du paffage de Mars au méridien le premier
Mai, eftà r1P $9'41"+: par la différence entre ce paffage &
celui de & # , il eft aïfé de conclurre que l’afcenfion droite
de Mars étoit alors de 2 1 84 37’ 142; & par la différence
entre ce mème pafñlage & celui d’Arurus, cette afcenfion
droite feroit de 2184 37’ 6"+. En prenant un milieu, on
la peut fuppofer de 2184 37° 10"<.
La différence des hauteurs méridiennes de Mars & de
a 2 €ft 265", à laquelle il faut ajoûter 2 fecondes pour la
réfraction, & 20 fecondes pour la parallaxe de Mars ; ce qui
donne Ia déclinaifon véritable de Mars, de 144 31 49“
auftrale.
Donc le premier Mai, à 11h $9" 41"2, temps vrai,
longitude de Mars rod 51° 212 m, & latitude 36’ 19"
boréale : la fongitude du Soleil étoit 1 14 7 $ $"L Y ; donc
Mars étoit éloigné de 1 6 34" de l'oppofition. Or en com-
parant ce lieu de Mars avec celui qu'il avoit le 30 Avril,
(voyés dans l'article précédent) paroît qu'en 2643 5’ 19",
Mars avoit rétrogradé de 24° 14”1; & felon les mouve-
mens diurnes tirés des Ephémérides, le Soleil avoit avancé
pendant ce temps-là, de 144 25"; donc ces 1 6’ 34" répon-
dent à 4h 58°7". Donc loppoñition eft arrivée le premier
Mai, à 7h 1° 34", temps vrai, dans rod 55" 53"m, Mars
ayant une latitude boréale de 36" $2"<.
du, 1747: L
146 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
EX.
Dérerminarion du lieu du Nœud de Mars.
Le 14 Mai, par douze hauteurs correfpondantes, le midi vrai à [a
ratio sde m6 Ce 52 ORNE LE, 10 IS OMR
Aréurus au méridien, par quatorze hauteurs
correfpondantes. à . .!. . . ... . 2 10 37 29 56
Mars au méridien, par quatre hauteurs corref-
pondantes , ayant eu égard à fon mouve-
ment en déclinaifon, à . . . . . . . TOP ICONS EC
La hauteur méridienne de Mars 22% 33° 34”
Celle demi uen US TT HU 26 12 26
Le 15 Mai, midi par douze hauteurs corref-
HAQUARTES EAU elle ele de, à € ce 11 58 19 2e
En faifant le calcul, comme dans l'article précédent , je
trouve que le 14 Mai à 10h $0° 43", temps vrai du paflage
de Mars au méridien, fon afcenfion droite étoit de 2 1 34
55 43", & fa déclinaifon auftrale ( corrigée par la parallaxe
qui étoit alors de 17 fecondes) de 134 36° s 5"; par con-
féquent fa longitude dans 64 1 $' 10" m, & fa latitude boréale,
de 54 fecondes feulement.
Selon les mêmes obfervations, calculées comme dans le
même article, l'afcenfion droite du Soleil à midi le x 4 Mai,
étoit de $0% 48” 1". Donc fa longitude à 10h $0' 43", étoit
23438 10"%, & l'angle à la Terre entre le Soleil & Mars,
de 1624 37'0".
Selon les Tables de M. Caffini, la parallaxe de lorbe an-
nuel, étoit de 11411" 57", & par conféquent le vrai lieu
héliocentrique de Mars, qui réfulte de l'obfervation réduite
par cette parallaxe, étoit dans 174 27’ 7"m, & l'angle de
commutation, 64 12° 3".
D'où il fuit que la latitude géocentrique $4 fecondes,
répondoit à une latitude héliocentrique de 19"+, Jaquelle
convient à un argument de latitudé de 1 0° 4". Donc le nœud
defcendant de Mars, étoit alors dans 174 37 11m 4307
minutes près du lieu où M, Caffini le fuppofe dans fes Tables.
np ns
DES SCIENCES 147
X. |
Hauteur folfliciale du bord fupérieur du Soleil, au mois
e Juin.
Ayant arrêté mon quart-de-cercle à très-peu près dans le
plan du méridien, & fait battre le fil-ä-plomb für la divifion
marquée 644 5 0’, j'ai obfervé les hauteurs méridiennes fui-
vantes du bord fupérieur du Soleil.
Diflance du parallele du Hauteur folfliciale du
Soleil au Tropique, bord du Soleil,
Le 18 Juin... 644 51° 18” ..., 2° 2721.... 644 53° 45/2
elite sise 64 53 45. +... 0 25.... 64 53 47%
Lez2.. PEUSS 143 NES MEET
Le 23 ... 64 53 26..... 029)... le 64 53 55
En prenant un milieu, on a Ja hauteur apparente du bord
fupérieur du Soleil dans le tropique du Cancer, de 644 5 3°
49", fans avoir égard à l'erreur de l'inftrument, à la réfraction,
ni à la parallaxe.
Le diamètre du Soleil a employé 2’ 1 8” à paffer au méri-
dien, ce que j'ai déterminé avec foin; d’où ïl fuivroit qu'il
feroit de 3 1” 44” au temps du folftice d'été.
di
Obfervarion du Solflice d'Eté.
Le 21 Juin, midi à la pendule, par treize hauteurs correfpon-
dattes 4 el ET Mn Ra Nr RG 12°: 0"
Aréurus au méridien, par vingt hauteurs cor-
refpondantes à . . . . . . . . . . . . . 8 251 38
Le 22 Juin, midi à la pendule, par huit
… hauteurs correfpondantes à . . . . . . . 11 58 25 28
Le retour du Soleil au méridien s’eft fait en 24h o° 13"
38" de la pendule ; d'où if fuit qu'au moment du pañage
d’Aréurus au méridien, qui eft arrivé à 8b 4’ 3 5" de temps
vrai, la différence d’afcenfion droite entre le Soleil & cette
étoile, étoit de 1214 847".
T ji
148 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
L’afcenfion droite apparente d’Aréurus fut déterminée le
14 Mars de 2114 2° 17"2: (voyez article VIII.) y ajoûtant
11”+ de préceflion, & ôtant 7"2 de différence d’aberrätion,
l'on a l’afcenfion droite apparente d’Aréurus le 21 Juin, de
21142"21";donc à 8h 4’ 3 s", l'afcenfion droite du Soleil
étoit de 894 $ 3° 34"; donc le Soleil avoit encore 6° 26" à
parcourir pour arriver au tropique. Or le mouvement diurne
du Soleil en afcenfion droite, le 2 1 Juin, eft de 14 2° 23";
donc il a parcouru ces 6” 26" en 2F 28° 3 3" de temps : donc
le Solftice eft arrivé à 10h 33" 08", temps vrai, du foir, le
21 Juin.
Po ARE
Obfervarion de la hauteur folfliciale du bord fupérieur
du Soleil en Décembre.
Je n'ai pû obferver que deux hauteurs méridiennes du
Soleil aux environs du folftice d'hiver; & quoique j'aie
été content des circonftances de ces obfervations, cependant
elles ne s'accordent pas parfaitement, ce qui eft affez ordi-
naire dans l'hiver, le Soleil étant d'ailleurs fi peu élevé fur
Yhorizon.
À Hauteur apparente du bord Diflance du parallèle dx Hauteur folfliciale de
Jupérieur du Soleil, Soleil au Tropique. bord fupérieur du Soleil.
Lear Décembre... 174 59° 36” .... $"1,.... 17d 59° 3021
IE ERRRRRE CRC EP EU TS DE. 17 $9 39+
Ee diamètre du Soleil m’a paru employer plus de 2’ 22"
à paffer au méridien le 21 ; & le 22 il a paru y employer 2°
23"; ce que j'ai obfervé avec beaucoup d'attention : de là if
rélulteroit que le diamètre du Soleil feroit de 3 2° 48".
+
DES SCIENCES. 149
ECLAIRCISSEMENS
SUR
PLUSIEURS FAITS CONCERNANT L'E LECTRICITE!.
SECOND MEMOIRE.
Des circonffances favorables ou nuifibles à l'E letriciré.
Par M. l'Abbé NoLLET.
N examinant dans mon premier Mémoire les fignes par
lefquels on peut juger fi les corps ont acquis plus ou
moins d’éleétricité, j'ai fait mention de plufieurs circonf-
tances, qui peuvent rendre les phénomènes plus ou moins
apparens, & ‘occafionner des jugemens peu exaéts, fi l’on :
négligeoit d'y avoir égard: j'ai obfervé, par exemple, que
les mouvemens d'attraétion & de répulfion deviennent plus
vifs & plus étendus, lorfque les corps légers qu’on préfente
au corps éleétrifé, font pofés fur la main d’un homme ou
fur du métal ; que les mêmes mouvemens font toûjours beau-
coup plus foibles, & quelquefois nuls, fi le fupport de ces
* petits corps qu'on veut enlever, eft une mafle de foufre ou
de réfine ; que les aigrettes lumineufes fe raniment par la pré-
fence & par le voifinage de certains corps ; que les étincelles
éclatent davantage lorfqu’on les excite avec le doigt ou avec
du métal, que fi l'on eflaie de les faire naître avec un mor-
ceau de verre ou de cire d’'Efpagne, &c. Toutes ces obfer-
vations que j'ai rapportées, & dont j'ai marqué les confé-
quences pour prévenir des erreurs, offrent auffr des moyens
prefque toûjours fürs d'augmenter & d’affoiblir à fon gré la
plüpart des phénomènes électriques : elles nous apprennent
des circonftances qui favorilent ou qui retardent le fuccès
des expériences ; & quiconque en eft bien inftruit, pourroit,
ou par abus, faire paroître l'électricité plus forte ou plus
8 Juïllet
1747
so MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
foible qu'elle n'eft en effet, ou par des vûes raifonnables
en modérer l'action.
Müis il eft encore d’autres circonftances dont je n’ai point
parlé, qui influent d'une manière plus générale fur les phé-
nomènes électriques, ou qui ne s’introduifent pas d'elles-
mêmes, comme la plüpart des autres, dans les manipulations
ordinaires ; tels font le froid, le chaud, l'humidité, Ja féche-
refle, le desré de denfité, de raréfaction, ou de pureté de
l'air dans lequel on opère, l'aétion de la flamme, de la lu-
mière, de la fumée, des vapeurs, la grandeur & la figure des
corps qu'on éleétrife, leur communication avec ceux qu'on
ne prétend pas éleétrifer, &c. Voilà principalement ce que
je me propofe d'examiner dans ce Mémoire.
Avant que d'entrer en matière, il eft à propos que je m'ex-
plique fur certaines diftinétions que j'ai cru devoir faire dans
Je cours de ces recherches, & fans lefquelles l'expérience fou-
vent oppofée à elle-même ne m'auroit permis de prendre
aucun parti décidé,
Premièrement , je diftingue l'électricité déjà excitée de
celle qui ne left pas encore, mais que l'on tâche de faire
naître en frottant ou autrement. Car tel obflacle qui retarde,
ou telle circonftance qui accélère le moment où cette vertu
doit paroître, affez fouvent ne change rien à fon intenfité ou
à fa durée; & réciproquement je fais des cas où l'électricité
s'affoiblit ou s'éteint plus promptement, & d'autres où elle
fe conferve plus long-temps & avec plus de vigueur que de
coûtume, indépendamment du degré de force qu’elle avoit
en naiflant, ou de la facilité avec laquelle on l'a fait naître.
Sécondement, je diftingue encore l'életricité une fois ex-
citée dans un corps, de celle que l’on continue de lui faire
prendre ou de lui communiquer : je confidère l'une comme
un état limité, ou plütôt comme une quantité déterminée fur
laquelle une action favorable ou nuiïfible ne peut s'exercer
fans fe manifefter par quelque augmentation ou affoiblifie-
ment ; l'autre au contraire fe répare continuellement, & peut
fubfifter à peu près la même, quoiqu'elle fouffre des pertes
DES SCIENCES. 151
réelles; ou fi elle eft favorifée par quelque caufe accidentelle,
on aura peine à s’en apercevoir, parce que fes effets fe con-
fondent avec ceux de la caufe principale, dont on ne fait ja-
mais. la jufte valeur. Si l'on juge indittinétement, comme je
vois que plufieurs perfonnes l'ont fait, des corps éleétrifés
par un globe de verre qu'on ne cefle pas de frotter pendant
toute l'épreuve, & de ceux auxquels on s'eft contenté de
communiquer l'électricité, pour les foûmettre enfuite aux
expériences ; il me femble qu'on rifque autant de fe tromper,
qu'il feroit poffible de l'être, fi pour connoître les caufes qui
peuvent faciliter où arrêter lévaporation, quelqu'un faifoit
fes épreuves indifféremment fur un certain efpace rempli
d’eau dormante, ou fur un pareil efpace qui feroit toüjours
‘également plein d’une eau courante.
Froifèmement , quoique la plus forte électricité, ainfi que
a plus foible, foit fujéte aux mêmes caufes d'augmentation
ou d’afloibliffement ; cependant comme ces caufes fe font
beaucoup plus fentir fur celle-ci que fur la première, ce qui
donne lieu à des remarques ou à des aflertions qui ne peuvent
pas être abfolument générales, je les diftinguerai l’une de
Vautre, & j'appellerai éedricite foible ou commune celle d'un
tube de verre, par exemple, que l'on a frotté par un temps
convenable, ou celle d'une fphère creufe de même matière,
que l’on a excitée médiocrement : jenommerai é/eéfricité forte
celle qui naît par les moyens les plus puiflans & dans un con-
ours de circonftances favorables. Je fens bien que ces déf-
-nitions ne font pas propres à donner des idées précifes ; auffi
me m'en fervirai-je que pour établir des à peu près, & pour
me pas confondre ce qui arrive communément avec des effets
qu'on ne voit que rarement, & qui dépendent d’un degré
d'électricité, qu'on n'eft pas maître d'obtenir quand on le
veut. :
© Quatrièmement, j'entens par électricité proprement dite,
celle qui fe manifefte par des fignes extérieurs, par ces phé-
nomènes généraux qui ne vont guère l’un fans l'autre, fi ce:
nefk dans le cas d'une éle@ricité trop foible : tels font les
552 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE RoYyALE
mouvemens d'attraction & de répulfion, l'attouchement &
l'odeur des émanations électriques, les étincelles, les aigrettes
lumineufes. Je reconnois, fans aucune difhculté, que cette
commotion qu'on reffent dans l'expérience de Leyde, part
du même principe que les autres effets dont je viens de faire
mention, & j'avoue que le corps dans lequel elle fe pañle, eft
véritablement affeété par la vertu électrique ; mais je ne con-
viens pas de même qu’on puifle légitimement confondre cette
fecoufe fingulière & inftantanée avec les fignes ordinaires,
ni qu'il foit permis de dire, fans aucune modification, qu'un
corps s’éleétrife quand il eft ainfi frappé, ou que l'électricité
parcourre tel ou tel efpace, quand ce coup eft porté à une
certaine diftance par des corps contigus. |
Ce qui me porte principalement à penfer aïinfr, c'eft que
la commotion dont il s’agit n’eft accompagnée d'aucune mar-
que extérieure ; nulle attraction, nulle répulfion, nulle appa-
rence de lumière après l’explofion de l'étincelle. Tout fe pafle
également pour un corps qui fait cette épreuve fans être ifolé,
& pour celui qui eft pofé fur un gâteau de réfine, condition
d’ailleurs fi néceffaire pour communiquer efficacement l'élec-
tricité à la plüpart des corps : en un mot, dans ce cas fingulier,
je veux dire dans l'expérience de Leyde, je ne vois rien qui
diffère effentiellement de ce qui a coûtume d'arriver, lorf
qu'on tire une étincelle d’un corps fortement életrifé. Le
procédé particulier qui caraétérife cette expérience eft fans
doute ce qui procure prefque toûjours un effet confidérable;
mais on peut en avoir un prefque femblable, ou qui ne
diffère que par le degré de force, en opérant de la manière la
plus fimple & la plus ordinaire : en excitant avec le bout de
mon doigt ou avec celui d’une verge de fer que je tenois à la
main, des étincelles d’une longue & groffe barre de fer que
j'avois fortement élerifée, j'ai plufieurs fois été frappé juf
que dans les entrailles; & le P. Gordon *, avant que d’avoir
entendu parler de ce qui s’étoit paflé à Leyde, avoit reçû en
approchant le doigt d’une longue chaîne de fer électrifée,
* Supplément au $ 69. Edit, allemande, achevée à la fin de Mars 1746.
des
D'ES :S\CT EN C ʣ 153
des fecouffes internes, qui l'avoient affeété depuis la tête
jufqu'aux pieds, & dont il avoit porté les effets jufqu’à tuer
des oifeaux.
Or je demande fi jufqu'à préfent lon a cru éleétrifer les
corps dont on s'eft fervi pour faire étinceler un autre corps
électrifé? S'exprimeroit-on avec exactitude, fi lon difoit
qu'on électrife une épée, lorfque la tenant par la poignée, on
porte la pointe vers un corps électrifé pour en tirer une étin-
celle, quoiqu'aflez fouvent l’on en reflente le contre-coup
dans la main ou dans le bras? ne faudroit-il pas au moins dire
en quel fens on enténd cette électricité, qui diffère beaucoup,
comme l'on voit, de celle qui fe préfente à l'efprit, lorfqu'on
parle de cette vertu en général?
I! me femble qu'on n’a pas plus de raifon pour croire qu'on
s'électrife, à proprement parler, lorfqu’on fait l'expérience
de Leyde : le coup à la vérité, eft ordinairement plus violent,
par la circonftance de la main appliquée au vafe de verre en
partie plein d’eau éleétrifée ; mais tout fe pafle intérieure-
ment, comme dans les autres cas, où l’on ne penfe pas feu-
lement avoir acquis la moindre électricité.
Ces explications préliminaires annoncent que j'établirai
peu de propofitions abfolument générales : en confidérant
ainfi l'électricité fous différens points de vüe, j'ai compté
pouvoir prononcer avec plus de certitude; & j'ai pris ce parti
pour tâcher d'éviter deux excès oppolés entr'eux, & égale-
ment contraires aux progrès de la Phyfique, l'un de douter
volontairement de tout, & de ne rien conclurre; l'autre de
mériter par des jugemens légers & précipités, la cenfure de
ceux qui fe plaifent à dire qu’on s’eft trop preffé.
Depuis long temps on fait que le fuccès des expériences
électriques, dépend beaucoup du temps qu'il fait lorfqu'on
opère : Mrs Gray & du Fay l'ont obfervé plufieurs fois, &
ce qu'ils nous ont appris à cet égard, a été contredit par peu
de perfonnes. Mais quoiqu’on convienne aflez généralement,
que le beau temps vaut mieux que tout autre pour éleétrifer,
on ne fait pas encore d'une manière bien décidée, à laquelle
Mém. 1747: s V
154 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaALt
des circonftances qui concourent au mauvais où au beau
temps, l’on doit attribuer principalement le bon ou le mau-
vais fuccès de fes expériences : J'ai vû bien des fois l'élec-
tricité réuflir plus que médiocrement lorfqu'il pleuvoit avec
abondance : dans d’autres temps, elle m'a prefque manqué,
quoique l'air füt d’une férénité parfaite; & je fais que là même
chofe eft arrivée à bien d’autres.
Pour jeter quelque jour fur cette queftion que je ne pré-
tends pas encore décider, je rapporterai fimplement ce que
j'ai obfervé par rapport aux influences du temps ; & pour
éviter toute expreffion vague, je n'attribuerai rien au beau
ou au mauvais temps en général, mais feulement aux différens
états dont l’atmofphère eft fufceptible, & qu'elle peut com-
muniquer aux autres corps. Je formai ce deflein en 1740,
&, en conféquence, lorfque j'ai fait des expériences d'élec-
tricité, foit pour ma propre inftruction, foit pour contenter
la curiofité des autres, j'ai prefque toûjours marqué en marge
de mon journal, la hauteur du baromètre, celle du ther-
momètre, l'état de l'air, par rapport à la féchereffe ou à l'humi-
dité, & le vent qui régnoit. Ces notes recueillies pendant près
de huit années, m'ont paru propres à fournir quelqu’éclair-
ciflement fur la queftion préfente; cependant je les cite moins
pour former une décifion, que pour faire naître à d’autres
l'envie de les vérifier par des fuites d'obfervations, dont le
concours feul pourra nous inftruire un jour d’une manière
bien décifive.
J'ai prefque toûjours trouvé l'électricité foible , orfque
j'en ai fait des expériences dans un temps pluvieux & doux,
le baromètre étant à fa moyenne hauteur ou au deffous, &
le vent étant au fud ou aux environs ; je dis prefque toûjours,
car je n'ai vû que trois ou quatre fois le contraire, fur én-.
viron 1 60 obfervations, dont j'ai tenu compte, & je diftin-.
gue du temps que j'appelle phwieux & qui dure quelques.
jours, celui pendant lequel il tombe des pluies paffagères, .
fur-tout fi le vent vient des environs de l’eft ou du nord,
ou qu'il ait été tel peu de temps avant l'épreuve.
|
4
DES SCIENCES. RE:
… Ce rélultat fe trouve affez d'accord avec le préjugé com-
mun, qu'un temps humide nuit à l’éleétricité; il nous indique
aufli ce qui a pü déterminer quelques Phyficiens à foûtenir
que le fuccès de ces fortes d'expériences, ne tient en rien
aux variations du temps. M. Winskler, & ceux qui, comme
lui, ont pris ce dernier parti, auront apparemment fondé
leur opinion fur des épreuves faites pendant des pluies de
peu de durée, ou dans des lieux clos, & peut-être échauffés
par des poêles qui en écartoient l'humidité : je ferois même
tenté de croire que la nature du climat leur a mis fous les
yeux, des effets différens à certains égards, de ceux qu'on
aperçoit communément ici, lorfque les autres circonftances
. font femblables de part & d’autre; mais le P. Gordon * m'ap-
prend que tout fe pafle à Erford, à peu près comme à Paris :
Voici fes propres paroles traduites de l'édition allemande.
« J'ai cru autrefois qu'un temps humide n’empêchoit pas
l'électricité, mais j'ai eu dans l'expérience fuivante, la preuve
du contraire.
J'ai fufpendu la chaîne de 400 pieds, fous le toit de l'églife
où perfonne ne peut approcher, & j'en ai appliqué un bout
au tuyau électrilé; les étincelles furent extrèmement fortes
par un ciel ferein & un temps fec, comme je l'ai déjà remar-
qué. Ces obfervations étant faites comme il faut, je laiflai la
machine, avec toutes {es dépendances, dans le même état,
pour attendre un temps pluvieux, qui étant bien-tôt furvenu,
j'eflayai encore la force des étincelles, que je trouvai alors
beaucoup plus foibles qu'elles n'avoient été auparavant, par
un temps fec & beau : je laïffai encore tout dans le même
état, attendant le retour du beau temps, & je trouvai alors
les étincelles auffi fortes que la première fois. J'ai refait en-
fuite plus de vingt fois (c’eft toûjours le P. Gordon qui
parle) les mêmes expériences; & ce n’eft pas fans fondement
que j'en conclus, que les effets électriques font empéchés par
humidité de Fair. » bd
Quand on fait en général, que l'humidité rend l'életricité
* Supplément au $ 69.
V ïi
156 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plus foible, ou qu'elle l'empêche de fe manifefter, on ignore
encore par quel endroit cet obftacle influe fur ces phéno-
mènes : quel eft donc le corps qu'il importe d'entretenir
dans un certain degré de fécherefie ! eft-ce celui qui frotte,
eft-ce celui qui eft frotté? feroit-ce le fujet à qui on a deflein
de communiquer la vertu électrique , ou bien Fair du lieu
dans lequel on opère ? en réfléchiffant fur des expériences
déjà connues, & fur quelques manipulations qui fe font
mifes en ufage par différentes vües, je crois m'être mis en
état de répondre à la plüpart de ces queftions.
Le corps qui frotte immédiatement le verre pour le ren-
dre éleétrique, doit avoir deux qualités qui me paroiffent
également néceflaires & fufhfantes : la première, eft qu'il
puifle glifler aifément fur la furface du tube qu'il doit par-
courir d’un bout à l’autre, ou fur celle du globe tournant à
laquelle il s'applique : la feconde, qu’en gliffant ainff, il puiffe
faire un frottement qui ébranle ou qui irrite, pour ainft
dire, les parties du verre, ou celles d’une matière dont fes
‘pores font remplis. Voilà fans doute pourquoi plufieurs per-
fonnes, en eflayant de tout, fe font bien trouvées d’avoir
frotté le verre avec des couffinets, ou avec des morceaux
d'étoffes couverts de tripoli, ou d’arcanfon pulvérifé. La
main nue, que ma propre expérience me fait préférer à tout
autre inftrument, ne frotte point afez fi la peau en eft trop
douce, & elle manque à glifler fi elle eft humide par tranf-
piration ou autrement. Par cette dernière raifon, la partie
du corps frottant qui s'applique au verre doit être sèche ;
mais je ne crois pas que cette néceflité s'étende au refle, car
il m'eft fouvent arrivé à moi & à d’autres, de frotter très-
efficacement le tube ou le globe, dans des temps où j'avois
le refte du corps baigné de fueur : d’autres fois je me fuis.
mouillé exprès les bras & le revers de la main, & l'éleétricité
que j'excitois , ne m'en a pas paru moins vive.
Mais quand bieMf même on pourroit fufflamment frotter:
le vérre avec un corps mouillé appliqué à fa furface, ce frot-
tement n’auroit point d'effet; parce qu'en général , tous ler
DES ASMCMR ENNI C'Ets: 157
&orps que l’on nomme ékcriques par eux-mêmes, he le de-
viennent jamais tant qu'ils font mouillés, foit par dedans,
foit par dehors. M. du Fay nous en a donné des preuves, en
rapportant des expériences qu’il avoit faites, tantôt avec des
tubes de verre, dans lefquels il avoit fait couler fucceffive-
ment de l’eau froide & de l'eau chaude, tantôt avec des
boules d'ambre, dont il avoit éteint la vertu en foufflant
deflus un air humide.
J'ai eu les mêmes réfultats que lui, lorfque j'ai tenté d’élec-
trifer des tubes de verre, en les frottant avec des morceaux
d’'étoffe, trempés dans différentes liqueurs grafles & inflam-
mables, comme l'huïle d'olive & l'efprit de vin, ou dans des
liqueurs de toute autre nature, comme le vinaigre & l’eau
commune, &c. De tous les liquides que j'ai employés dans
ces premières épreuves, je n'ai trouvé que le mercure dont
le frottement fift naître quelqu'éleétricité; & j'avois été pré-
venu de cet effet par M. du Tour*, qui s’en aperçut en faifant
couler de l'argent vif, d’une certaine hauteur, contre un tube
de verre.
Cette exception qu’il faut faire par rapport au mercure,
eft un fait qui nous en explique un autre antérieurement
connu, & que les Phyficiens ont jugé digne de leur atten-
tion, je veux dire, le phénomène du baromètre lumineux :
ileft comme vifible maintenant, que ce trait de lumière qui
éclate en la partie fupérieure de cet inftrument, lorfqu’on
Pagite dans l'obfcurité, naît du frottement électrique excité
à Ja furface intérieure du verre par le mercure qui defcend ;
çar fi l'on y fait attention, l'on verra que cette lumière eft
tout-à-fait femblable à celle qu’on aperçoit dans un tube de
verre, que l’on frotte avec la main d’un bout à l'autre, après
en avoir Ôté, ou fortement raréfié Vair.
Si lhumidité extérieure retarde'ou arrête l'électricité des
corps que l’on frotte, celle qui mouille intérieurement ces
mêmes corps, les empêche aufli de devenir életriques,
comme ils le deviendroient, s'ils étoient bien féchés. Voici
* Correfpondant de l'Académie des Sciences, établi à Riom en Auvergne.
V ii
158 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaALE
quelquesæxpériences qui pourront fervir de preuves à cette
propolition.
Si l'on fouffle avec la bouche dans un tube que l’on a
éleétrifé en le frottant, il perd aufli-tôt toute fa vertu; il ne
la perd pas de même, fi l'on y fait pafler le vent d'un foufflet:
& ce qui fait bien voir que ce n'eft point à l'air qui parcourt
le tube, mais aux parties aqueufes qui s'y introduifent avec
lui, qu'il faut attribuer l'extinétion de la vertu électrique;
c'eft qu'aflez fouvent cette vertu reparoît, lorfqu’après avoir
foufflé avec la bouche, on enlève avec le vent d'un foufflet
l'humidité qui s’étoit attachée aux parois intérieures du verre.
Cette dernière expérience fournit un moyen commode
& prefque toûjours fufhfant, pour nétoyer par dedans, les
tubes de verre qu'on veut éleétrifer ; car comme l'humidité
eft ce dont il importe le plus qu'ils foient purgés, & qu'on la
peut enlever avec le vent d’un foufflet, on pourra dans les cas
les plus ordinaires s’en tenir à cette pratique, & fe difpenfer
de frotter le tube par dedans, au rifque de le caffer. Je dis au
rifque de le cafer, parce que l'expérience m'a fait connoître
que les tuyaux de verre, fur-tout s'ils font épais, & généra-
lement tous les vaifleaux de cette matière qui font longs &
étroits & qui n'ont pas été recuits à la verrerie, ne manquent
guère de fe fendre lorfqu'on les a frottés intérieurement avec
un tampon de linge mouillé, ou avec quelque chofe d'équi-
valent. Îl paroït donc que l'humidité qui s'attache non feu-
lement à la furface extérieure du verre ou de toute autre
matière qu'on veut électrifer par frottement, mais encore
celle qui s'applique intérieurement, fi c'eft un corps creux,
retarde ou affoiblit fon électricité : & après un grand nombre
d'épreuves que j'en ai faites avec différens liquides, je me
croyois prefque en droit de prononcer généralement que tout
ce qui mouille produit le même effet, lorfqu'une obfervation
que je dois, pour ainfi dire, au hafard, m'offrit de nouvelles
connoiflances qui m'obligent à des reftrictions.
Je failois fondre du foufre que j'avois mis en poudre &
en petits morceaux, dans un globe de verre creux que l'on
RER
4}
DES SCcTENCESs 1
faifoit tourner au deflus d’un réchaud plein de charbons allu-
més : je m'aperçus que le verre étoit électrique en dedans &
par dehors ; en dedans, parce qu'il attiroit & repoufloit le
foufre pulvérifé qui pafloit lorfque le vaifleau tournoit d'un
point de fa furface à l'autre ; par dehors, parce qu’il attiroit
toutes les flammèches & a cendre des charbons : j’attribuai
ce premier effet au frottement du foufre qui glifloit fur la fur-
face intérieure du verre, & à la chaleur qui rend, comme
Jon fait, ces fortes de vaifleaux plus fufceptibles d'électricité.
Mais je fus fort furpris de voir le foufre devenu liquide &
adhérant au verre, fans que cette vertu ceflät de fe mani-
fefter très-fenfiblement au dehors. J'ai vü la même chofe de-
puis en faifant fondre de la cire d'Efpagne ou de la gomme
lacque toute pure dans un pareil globe pour l'en enduire in-
térieurement; & par ces obfervations j'ai été convaincu que
ce qui eft capable de mouiller le verre, n'eft pas toüjours un
obftacle qui empêche ou qui retarde fon électricité,
Mais en admettant cette exception pour certains liquides,
je doutois encore fi c'étoit à la nature même de ces matières
électriques ou au degré de chaleur qui les tenoit en fufion ,
que je devois attribuer cette propriété qu'elles ont, de ne
oint empêcher l'électricité du verre que l'on frotte. L'efprit
de térébenthine employé à froid, me parut propre à lever
mes douites ; j'en répandis fur un morceau d’étoffe de laine,
j'en frottai un tube; auffi1ôt il devint tellement électrique,
que je férois tenté d'offrir ce nouveau procédé, comme un
moyen capable de faire réuflir l'électricité dans des temps où
J'on auroit peine à l'exciter par les voies ordinaires.
” Quoiqu'il en foit, le fuccès de cette épreuve me fait croire
que ce n’eft point par fon degré de chaleur que le foufre fondu
où da cire d'Efpagne conferve au verre le pouvoir d’être élec-
trifé par frottement. Je croirois plûtôt que fi-ces matières ne
méttent point d'obftacle à l'éleétricité, c'eft principalement
parce qu'elles font dépouillées de parties aqueufes qu'on fait
d'ailleurs être fr ñuifibles à cette vertu. Peut-être que l’efprit de
vin, s'il étoit entièrement déphlegmé, produiroit le même
160 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
effet que l’efprit de térébenthine; & que le verre mouillé &
frotté indiftinétement avec l’une ou avec l'autre de ces deux
liqueurs, deviendroit également électrique. Je n’ai pointeffayé
de frotter le verre avec un efprit de vin parfaitement reétifié
& dépouillé de toute humidité, parce qu'il eft extrêmement
difficile, & peut-être moralement impofhble, d'en avoir de tel:
mais j'ai mêlé * quelques parties d’eau avec l'efprit de téré-
benthine, le tube mouillé & frotté avec ce mélange n'a jamais
pû devenir électrique. Ainfi puifque l'efprit de térébenthine
mêlé avec de l'eau, comme l'efprit de vin l'eft communé-
ment, nuit autant que lui à l'électricité, n’eft-il pas probable
que l'efprit de vin ne nuiroit pas plus à cette vertu que l'ef-
prit de térébenthine, s’il étoit aufii purgé d'eau que cette der-
nière liqueur a coûtume de l'être.
On peut donc regarder comme une vérité conftante, que
humidité proprement dite, c'eft-ä-dire, celle qui tient de
la nature de l’eau, retarde, affoiblit, ou éteint entièrement
la vertu des corps que l'on veut électrifer par frottement,
lorfqu'elle s'attache à leur furface, foit par dehors, foit en
dedans, s'ils font creux. Il n'en eft pas de même de ceux à
qui & par qui l'on communique l'éleétricité; tout le monde
fait qu'une corde mouillée tranfmet fort bien cette vertu.
J'ai cité ailleurs plufieurs expériences dans lefquelles j'ai
employé des tubes de verre pleins d'eau; pour faire paffer
l'éleétricité à d’autres corps. M. Boze me mandoit, il y a
fept ou huit mois, qu'ayant fait jaillir, par le moyen d'une
feringue, de l'eau électrifée, il avoit porté l'électricité jufque
fur un homme qui étoit placé à une diftance de trente pas,
fur un pain de réfine : enfin le P. Gordon & plufieurs autres
Phyficiens depuis, ont étonné grand nombre de fpectateurs,
en allumant des liqueurs inflammables par le moyen d’un jet
d'eau électrifée.
* L’efprit de térébenthine ne fe mêle pas avec l’eau, à AS parler;
aufli dans cette expérience, je n’ai prétendu faire autre chofe que de porter
fur le verre des parties d'eau, en même temps que j’y .appliquois l’efpric de
térébenthine; ce qui fe fait très-bien, fans qu'il y ait une union parfaite des
deux liqueurs, é
Quoiqu'il
| » 2,8, SCT ELN CE SL 16£
» Quoiqu'il foit vrai en général, que les corps humides re-
Goivent & tranfmettent très-bien l'électricité, & fouvent
mieux que s'ils étoient fecs, il eft pourtant des cas où une
certaine humidité, une vapeur , par exemple, affoiblit ou
fufpend les effets. En rapportant les détails de la fameufe
expérience de Leyde, j'ai dit, il y a plus d'un an, que a
bouteille qui contient l’eau attire à elle humidité de l'air,
qu'il y a tel temps où cela fe remarque évidemment, &
qu'alors cette vapeur femblable à celle qu’on y jeteroit avec
la bouche, n''avoit paru nuire davantage au fuccès de l'ex-
périence, que fi la bouteille avoit été mouillée à pleine eau
Cette obfervation a été faite depuis par des perfonnes qui
n'en étoient pas prévenues. M. du Tour en Auvergne, &
M. Allamand à Leyde, ayant conçu les mêmes idées que
moi fur ce phénomène, ont pris le parti, pour réuflir plus
fürement & en tout temps, de plonger la bouteille dans
un vafe de métal rempli d'eau, préférant, comme je le ferois
aufli, cette immerfion qui mouille abondamment le verre,
à une légère humidité qui viendroit de l'air s'appliquer à fa
furface.
Quant à l'humidité qui règne dans l'air du lieu où l'on
opère, il n’eft prefque pas douteux qu’elle ne foit un obftacle
confidérable au fuccès des expériences ; cela va même quel-
quefois jufqu’à les faire manquer dans les rez-de-chaufiées,
ou dans les foûterreins, lorfqu'elles réufliffent dans des appar-
temens plus élevés, où l'air fe trouve communément chargé
de moins de vapeurs. C’eft pourquoi les Profeffleurs qui n’au-
ront point encore acquis une certaine habitude avec laquelle
on réuffit prefque toüjours & par-tout, ne feront point mal
demontrer ces expériences aux écoliers, dans d’autres endroits
queleurs claffes , qui font pour l'ordinaire des chambres bafles
& peu ouvertes.
Cependant je doute encore fi cette humidité, en tant qu'elle
fait partie du milieu dans lequel on éle&rife, nuit par elle-
même aux effets qu'on veut produire : je penferois volontiers
qu'elle ne leur fait tort, que parce qu'elle eft d'abord attirée
Mém, 1747: + X
162 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
par le verre que l'on frotte; & parce qu'en s'attachant à fa
furface , elle empêche, comme on l'a vû ci-deffus, qu'il
n'acquierre ou qu'il ne conferve fa vertu ; puifque l'eau même
s'électrife, & qu'elle fournit, de même que les autres corps,
une matière affluente, comme on le voit par cent épreuves
différentes. Je m'imagine que s’il étoit poffible de conferver le
verre fec dans un air humide, l'électricité n’en iroit peut-être
pas moins bien, à moins que la matière électrique, comme la
lumière, n'ait plus de peine à pénétrer les milieux hétérogènes,
que ceux qui font compofés de parties à peu près femblables par
leur denfité; & que l'air chargé de vapeurs, comme if eft moins
tranfparent, ne foit auffi moins perméable à l'électricité.
Un favant Phyficien qui a porté fort loin fes recherches
fur les phénomènes éleétriques, a prétendu qu'on ne pouvoit
électrifer avec fuccès , lorfque Fair du lieu dans lequel on fait
les expériences, fe trouve abondamment chargé de certaines
exhalaifons : il en veut fur-tout aux fumeurs de tabac, & à
ceux qui fortent de quelqu'exercice violent : il prétend que
Ja fumée fait autour des uns, & la grande tranfpiration au-
tour des autres, une atmofphère qui les rend inéleétrifables *,
J'of aflurer que ce Savant, qui ne fe trompe guère dans
les faits, & à qui nous en devons un grand nombre qui ne
font pas moins certains qu'ils font admirables, a été trompé
dans cette occafion, par quelque circonftance qui aura
échappé à fon exaétitude ordinaire. J'électrife tous les jours
des domeftiques qui fe font mis tout en fueur à force de
tourner la roue qui fait mouvoir mes globes de verre: j'ai
éleétrifé, tout autant de fois que je l'ai eflayé, des gens qui
fumoient du tabac, & qui avoient encore la pipe à la bouche;
je les ai électrifés au point de leur faire cracher du feu, c’eft-à-
* Datur tamen quoddam homi- | terea hæ creaturæ vel nimio motu,
num genus abominandam iftam, T | vel ludo forfan conorum æftuances 7
eujus nomine ne chartam quidem | atmotfphæré quadam madidà calid@
meam commaculare volo, herbam | ve, nefcio quot ulnarum ob nubili-
continuo fumans, hinc tetram me= | tatæ accedunt, mnomento vale eleétri-
phitim, aut fiquid magis peftilens | citas, Boze, tentamina Elect. com-
ad inille pafus redoliura, Si præ- | ment. IL. p; 67.
' D ES} Sr CNE NC resp 16%
diré qué cé qu'ils crachoïient étoit fumineux dans l'obfeurité.
Cette expérience particulière, dont le réfultat s’eft trouvé
peu conforme à celui qu'on m'avoit annoncé, m'a fait
naître l'envie d'examiner plus généralement, fi es vapeurs
qui font d’une autre nature que celles de l’eau, affoibliroient
ou feroient cefler l'électricité : pour cet effet je choifis urr
tube de verre qui, lorfque je le frottois, devenoit tellement
électrique, qu'il attiroit des feuilles de métal à plus d'un
pied de diftance; il faifoit fentir beaucoup d'émanations au
vifage, forfqu’on l'en approchoit, & il pétilloit très- fort ,
lorfque je faifois glifler le bout des doigts felon fa longueur.
Je portois ce tube nouvellement frotté à fept ou huit pouces
au deflus de quelque matière que je faifois fumer, foit en la
chauffant fortement, foit en la brûlant fans faire de flamme :
Jorfqu’il avoit été expolé ainfi pendant quelques fecondes,
Jéprouvois fa vertu, pour voir fi elle étoit fenfiblement
afloiblie, ou entièrement éteinte. Ayant fait ces épreuves
fucceflivement avec la fumée du foufre, de la cire, de la
gomme lacque, du karabé, du charbon de terre, de la téré-
benthine, du fuif, des os, de la laine, du linge, du coton,
du tabac, & du bois de différentes efpèces communes, j'ai
toûjours trouvé que l'électricité du tube étoit beaucoup dimi-
nuée, car il ne faifoit plus entendre aucun pétillement, &
à peine me faif{oit-il fentir quelques foibles émanations, lorf-
que je l'approchois du vifage; mais fa vertu n’étoit pas en-
tièrement éteinte, car il attiroit encore un peu les corps
légers que je lui préfentois à une petite diftance,
J'ai cru remarquer, en répétant plufieurs fois les mêmes
épreuves, que l'électricité tenoit plus long-temps & avec plus
de force contre la fumée de certaines matières : celles de la
gomme facque, de la térébenthine, du karabé & du foufre,
mont paru ne pas dépouiller le tube de fa vertu, ni aufft
promptement, ni aufi fenfiblement que la fumée du fuif,
par exemple, du linge, du bois, &c. la vapeur de la graiffe
fur-tout m'a femblé d’une efficacité fupérieure au refle : j'en
ai mis fondre dans un petit vafe de cuivre, & lorfqu’elle à
X ij
164 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
commencé feulement à exhaler quelqu'odeur, j'y ai expofé
le tube, qui en moins de fix fecondes y perdit prefque toute
fon éleétricité. Cette différence ne viendroit-elle pas de ce
que la graiffe des animaux contient beaucoup de parties ac-
queufes, dont l'évaporation porteroit fur le verre quelquehu-
midité, plus nuifible, comme l'on fait, que toute autre chofe
à la vertu électrique!
Ce qui pourroit donner quelque force à cette conjedure,
c'eft que j'ai obfervé conftamment que toutes ces fumées
auxquelles j'expofois le tube, ne lui ôtoient fenfiblement de
fa vertu, que quand je le tenois à une petite diflance, comme
de huit à dix pouces, ou d’un pied, au deffus du réchaud
dans lequel je brûlois les matières; comme fi plus haut les va-
peurs humides, qui s'élèvent moins que les autres, n’y euflent
pas été en affez grande quantité pour nuire efficacement.
Au refte, que cette explication foit vraie ou fauffe, le fait
eft certain, & mérite que j'en fafle mention, parce qu'il fe
rapporte directement aux vûes que j'avois en faifant ces ex-
périences, Je voulois favoir fi l'on pouvoit électrifer avec
fuccès, dans un air chargé de vapeurs ou d’exhalaifons non
aqueufes ; & j'apprends par l’obfervation que je viens de
rapporter, qu'on le peut très-bien, pourvû que le corps élec-
trique ne reçoive pas’ces évaporations à une petite diftance
au deffus du feu qui les fait naître. Dans une boutique de
forgeron , où l'on pouvoit à peine diflinguer les objets à
caufe de la grande fumée que la forge y avoit jetée, dans une
chambre où j'avois fait toutes les épreuves dont je viens de
parler, & qui étoit fi remplie d'odeur & de fumée, qu'on avoit
peine à y refpirer ; enfin dans des endroits où il fumoit extraor-
dinairement, foit par des cheminées , foit par des poêles qui
failoïient mal leurs fonétions , j'ai éleétrifé cent fois des tubes
ou des globes de verre, je n'oferois dire autant qu'ils auroient
pè l'être dans un air plus pur, mais afez pour n'avoir pas à me
plaindre que les effets fuffent trop foibles ; les attraétions &
répulfions étoient vives, les émanations électriques très-fenfi-
bles, & les pétillemens fe faifoient entendre très-diftinétement,
DES SCIENCES 65
+ Les exhalaifons ou vapeurs fubtiles qui s'élèvent naturelle-
ment des corps odorans, fi elles nuifent à l'éleétricité, ne le
font pas d’une manière afez fenfible, pour être mifes au nom-
: bre des caufes qui détruifent cette vertu. Des tubes de verre
nouvellement frottés, des verges de fer que j'avois rendu
électriques par communication, m'ont paru avoir à peu près
les mêmes effets, foit avant, foit après avoir été expofés pen-
dant quelques fecondes, au deflus de diverfes matières dont
Todeur étoit très-forte. J'ai fait ces épreuves avec l’efprit de
vin, celui de térébenthine, l'efprit volatil de {el ammoñiac,
dont je mouillois un linge que j'étendois enfuite fur une table;
d'autres fois avec l'efprit de nitre, du vinaigre diftillé, ou des
diflolutions de cuivre, de fer, d'argent, &c. que je tenois
dans des vafes dont l'ouverture étoit fort large. Je me fuis
fervi aufli de plantes aromatiques, de différentes fleurs, &
enfin de viande & de poiflon corrompus.
En éprouvant, comme je l'ai dit ci-deflus, l'effet des va-
peurs, ou de la fumée de certaines matières que je faifois
brüler, il étoit prefqu'impoffble que je n’aperçuffe, même
fans le chercher, celui de la flamme fur les corps éleétriques.
Un morceau de linge ou de papier s'allume fouvent lorf-
qu’on ne voudroit que le faire fumer, & cette inflanmmation
involontaire fufhit pour donner à l'expérience un réfultat
nouveau : la fumée feule ne feroit qu'affoiblir l'électricité, La
flamme la détruit prefque toüjours entièrement.
Cependant ce n’eft point le hafard, ce ne font point non
plus mes propres recherches qui n'ont appris que la flamme
étoit capable de cet effet : je dois cette connoiflance à M. du
Tour, qui m'en fit part au mois d'Août de l'année 1745 *,
& qui me prouva la vérité de cette découverte par plufieurs
expériences, dont je rendis compte aufli-tôt à l’Académie,
Lemème fait fe préfenta depuis à M. l'Abbé Needham, qui
fe failoit un plaifir de nous l'apprendre, & qui nous l'auroit
appris en effet, s’il neût été prévenu, fans le favoir, par M. du
Tour, avec qui il n’avoit eu jufqu'alors aucune relation,
* Lettre datée de Riom, le 21 Août 17454
X iij
x66 MÉmotrËs DE L'ACADÉMIE ROYALE
Rendons auffi à M. Waitz la juftice qui lui eft dûe : cet
habile Phyficien favoit, il y avoit plus de deux ans, qu'un
corps électrifé perd fa vertu, quand il eft touché ou feulement
avoifiné par la flamme d’une liqueur, ou de quelqu’autre corps
que l'on brûle : dans le feptième chapitre de fa Differtation,
couronnée en 1745 par l'Académie de Berlin, on trouve
plufieurs expériences qui font bien propres à prouver le fait ;
& l'on doit convenir qu'il ne l'ignoroiït pas, quoiqu'il en
paroiffe moins occupé, que des conféquences qu'il prétend
pouvoir en tirer.
L'expérience la plus fimple, & peut-être Ia plus décifive
pour prouver que la flamme détruit l'électricité, c’eft d'en
approcher un tube de verre nouvellement frotté, ou quel-
qu'autre corps éleétrifé par communication : une chandelle,
une bougie, ou une lampe allumée, fuffit pour cette épreuve:
je ne me fouviens pas de l'avoir jamais faite, que je n’aie
éteint ou affoibli confidérablement la vertu électrique ; &
cet effet commence à fe faire fentir à une diftance aflez con-
fidérable, comme de 1 2 à 1 $ pouces, & quelquefois plus,
quoiqu'il n'y ait que la flamme d’une feule bougie.
Ce fait bien conftaté m'a mis en état d'en expliquer un
autre qui m'embarrafloit depuis long temps : lorfque je ne
me fervois encore que d’un tube de verre pour faire voir les
phénomènes éleétriques, je réuffiflois affez mal aux lumières;
ce mauvais fuccès fembloit m'être réfervé, fur-tout pour les
occafions où je defirois davantage d’en avoir un bon; & ce
qui achevoit de me déconcerter, c’eft que le plus fouvent ce
tube que j'avois frotté à force, & que je fentois très-éleétrique
entre mes mains & en l'approchant de mon vifage, ne failoit
que des eflets médiocres quand je venois à m'en fervir fur la
table où. étoit le refle de l'appareil, & autour de laquelle Ja
compagnie étoit rangée. J'en fais maintenant la raifon, elle fe
préfente d'elle-même, c’eft que fur cette table il y avoit des
bougies allumées, il y en avoit davantage quand le nombre
ou la dignité des perfonnes le requéroit; & naturellement je
m'en éloignois pour frotter le tube avec plus de commodité,
à
À !
D'ErS SCI EN CES ME 167
II fuit de cette explication que, toutes chofes égales d'ail-
leurs, on doit mieux réuflir quand on éle@trife la nuit dans
un lieu peu éclairé, que dans une chambre fort illuminée;
‘& c'eft auffi ce qui n'a été confirmé par une expérience que
j'ai faite à deffein. Je me fuis placé au milieu d’un cercle
d'environ huit pieds de diamètre, formé par trente bougies
allumées, j'y frottai un tube de verre long-temps & avec
violence, il ne devint que foiblement électrique, & le peu
de vertu qu'il avoit fe diflipa en peu de temps: il s'électrifa
beaucoup mieux lorfque les bougies furent éteintes, & fon
électricité dura davantage.
Plufieurs Phyficiens ont effayé d'éleétrifer la flamme,
& quoique le plus grand nombre prétendent par des raifons
très-fortes, que cela ne fe peut pas, je dois convenir cepen-
dant que ceux qui foûtiennent l’affirmative, peuvent citer en
faveur de leur opinion, quelques expériences féduifantes. M.
du Fay qui ne fe fervoit que d’un tube pour communiquer
l'électricité, a décidé que la flamme ne s’éleétrife point; & Ia
raifon qu'il en donne, « c’eft, dit-il, que fes parties fe difi-
pent & fe renouvellent trop promptement. » Îl en auroit pû
. donner une autre encore plus füre, s’il avoit fû, comme
nous le favons aujourd’hui, qu'un tube de verre perd toute
fa vertu, dès qu'il approche de la flamme ; car comment
communiquera-t-il de l'électricité s’il n'en a pas?
Mais M. du Fay même fit depuis une expérience * que j'ai
fouvent vérifiée, & dont le réfultat paroît aflez difficile à
concilier avec cette décifion de Ja flamme inéleétrifable ; if
communiqua, par le moyen d’un tube, l'électricité d’une
corde à l'autre, malgré un intervalle de dix à douze pouces
dont le milieu étoit occupé par une bougie allumée /fg. r.}
Cetté-flamme & fon atmofphère qu'on ne peut point élec-
tifer, qui, felon l'opinion commune, ne fe laiflent ni atti-
rer ni repoufler par un corps électrique, qui lui ôtent même
communément toute fa vertu quand on en approche à une
diflance de huit à dix pouces; cette flamme, dis-je, ne met
* Mémoires de l'Académie des Sciences, 1733; p 248
68 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
donc aucun obftacle à la tranfmiffion, & nous offre le fin-
gulier exemple d'un corps qui tranfmet l'électricité, fans de-
venir électrique.
On pourroit dire que la flamme qui détruit pour l'ordinaire
les mouvemens de la matière électrique autour d’un corps
éléétrifé, ne fait que les affoiblir, lorfque cette même matière
s'élance par les extrémités d'une corde ou d’une baguette,
comme dans l'expérience dont il s’agit; car on fait que les
émanations y ont beaucoup plus de force, & que la flamme
d’une chandelle préfentée, par exemple, au bout d’une barre
de fer qu'on éleétrife, obéit fenfiblement aux impulfions de
la matière qui en fort. Si l'on peut donc confidérer l'interpo-
fition de la bougie allumée comme un obftacle, mais un
obftacle impuiflant, tout rentre dans l'ordre, & les contra-
riétés difparoiflent.
Je n’héfiterois pas un moment à prendre ce dernier parti ;
fi je n'étois arrêté par un fait fur lequel M. Waitz a fondé une
doctrine bien différente. Ce Savant, dont l'autorité eft d’un
grand poids dans cette matière, prétend non feulement que
la flamme n’eft point un obflacle à la communication de l’é-
leéricité, mais même qu'elle la facilite; & pour le prouver,
voici l'expérience qu’il propofe.
Sufpendez avec deux cordons de foie une règle de bois
A B (fig. 2.) ou une planche qui ait environ fix pieds de
longueur ; placez aux deux extrémités de cette règle deux
bougies allumées ; fufpendez encore pareillement deux verges
de fer CD, EF, longues de trois ou quatre pieds, & que
l'un des bouts de chaque verge comme D & E foit élevé
de fept à huit pouces au deflus de la flamme d'une des bou-
gies ; éleétrifez enfuite la verge CD, l'extrémité F'de l'autre
verge deviendra auffitôt électrique; ce que vous apercevrez,
parce qu’elle attirera les feuilles de métal qui feront placées
au deffus, à une diftance convenable.
Jufqu'ici je dis que la vertu électrique fe communique
de la verge CD à la règle À B par la bougie & par fon
chandelier, ou peut-être immédiatement du fer au bois,
parce
4
DES SCIENCES. 169
… parcé que l'intervalle entre À & D, n’eft que de quinze à dix-
huit pouces, & que fe tranfmettant de même de £ en £, elle
arrive en Æ, où elle fe manifefte.
Mais M. Waitz pouffe plus loin fon expérience; il éteint
les bougies ou feulement une des deux; l'électricité qui fe
tranfmettoit auparavant jufqu'en Æ, ne s’y tranfmet plus ; &
cet effet ne recommence que quand on a rallumé les bougies.
J'ai examiné cette expérience par toutes les faces, je l’ai re-
tournée de toutes les manières que j'ai pü imaginer; & quoi-
que je n’aie pas vû des effets auffi précis que je viens de les
énoncer, d'après M. Waitz, je conviens cependant avec lui,
qu'après un grand nombre d'épreuves, il m'a paru que le plus
fouvent la communication de l'électricité étoit nulle ou moins
fenfible , après l'extinction des bougies; ce qui fufft pour
m'empêcher de conclurre définitivement & en général, que
la flamme détruit toute électricité, jufqu’à ce qu’on ait trouvé
un moyen de concilier ce fait, qui eft très-embarraflant,
avec une infinité d’autres, qui prouvent évidemment le con-
traire de ce qu'il préfente.
M. Jallabert occupé depuis long temps des phénomènes
| électriques & de tout ce qui peut nous conduire à la con-
noiffance de leurs caufes, vient enfin de tourner fes vüûes
fur la queftion que je traite ici; il me fit part, il y a quelques
jours d'une expérience ingénieufe qui paroît favorable à l’o-
pinion de ceux qui foûtiennent que la flamme ne nuit point
à l'électricité : fr elle ne prouve pas inconteftablement qu'on
électrife la flamme, elle fait voir au moins qu'un corps en-
flammé peut devenir électrique, & continuer de l'être. Voici
le fait : on électrife, par le moyen d’un globe de verre, une
chaîne de fer, au bout de laquelle on attache un petit vafe
plein d’efprit de vin qui s'écoule par le moyen d'un petit
fiphon de verre; la liqueur ainfi électrifée forme, comme
Von fait, plufieurs petits jets qui s'écartent lun de l'autre, &
qui s’approchent de la main, ou des autres corps non élec-
tiques qu'on leur préfente: fi lon enflamme ces petits jets,
en les faifant paffer par la flamme d’une bougie, ils confervent
Mém. 1747.
170 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
encore & leur écartement réciproque, & leur difpofition à
s'approcher des corps non électriques ; ce qui eft une marque
inconteftable qu'ils n'ont pas perdu toute leur vertu.
I y a ici deux chofes à obferver : 1.” que cette éléétricité
vient d’un globe que l'on ne cefie de frotter pendant tout le
temps que dure cette épreuve : 2.° que ces jets ne font en-
flammés qu’à leur fuperficie, & qu'il refte toüjours au milieu
de {a flamme une liqueur moins inflammable, qui approche
de la nature de l'eau, & qui par cette raifon eft très-propre-
à recevoir & à conferver la vertu électrique.
La première de ces deux confidérations nous met en droit
de croire que le globe & la chaîne qui communiquent l'élec-
tricité, en réparent plus à chaque inftant, qu'une flamme auffr
légère n’en peut détruire; & ce que je dis ici touchant l'ex-
périence de M. Jalfabert, doit s'appliquer à tous les faits de
cette efpèce; c’eft pourquoi j'ai averti au commencement de
ce Mémoire, qu'on ne devoit pas confondre l'électricité une
fois donnée à un corps, avec celle que fon communique fans
difcontinuer.
En vertu de Ja feconde confidération, nous pouvons léoi-
timement foupçonner que l'életricité qui fe manifefte par
la divergence des jets & par leur tendance aux corps non élec-
trifés, appartient moins à la partie enflammée qu’à celle qui
ne l'eft pas; car nous n'avons pas d'exemples qui nous mon-
trent d’ailleurs que la flamme proprement dite s’électrife, &
nous en avons beaucoup qui nous prouvent que des jets de
liqueur reçoivent & gardent la vertu életrique. Or comme
les jets électriques de M. Jallabert font compofés de liqueur
& de flamme, il eft naturel d'attribuer la vertu qui fe mani-
fefle, à la partie qu'on fait en être fufceptible, plûtôt qu'à
celle qui ne left pas, felon toute apparence.
J'avois ouï dire à des gens dignes de foi, qu’on étoit par-
venu à éleétrifer la flamme de deux bougies placées à côté &
fort près l’une de l’autre au bout d'une barre de fer qui rece-
voit l'électricité d’un globe de verre, & que cette vertu s’étoit
manifeftée fenfiblement par lécartement réciproque des
DES SNCMREIM CES 171
deux flammes; ce qui feroit une preuve inconteftable,
Mais toutes les fois que j'ai voulu vérifier le fait, dans les
circonftances mêmes les plus favorables, je n'ai jamais trouvé
le réfultat conforme à celui qu'on n''avoit annoncé. J'ai feu-
lement obfervé que la flamme s'alongeoit confidérablement,
qu’elle devenoit jauneâtre & fuligineufe, qu'elle s’agitoit de
côté & d'autre comme fi elle étoit un peu battue du vent,
que le fuif ou la cire couloient abondamment, & que la
chandelle ou la bougie s’'ufoit plus vite que de coûtume.
Quand je faifois tenir cette bougie par un homme qu’on élec-
trifoit, la flamme, fi j'en approchois le doigt, au lieu de
s'y porter, comme elle auroit dû faire, fi elle eût été élec-
trique, demeuroit droite; mais elle devenoit plus courte &
brilloit d’un feu plus pur :la perfonne qui tenoit la bougie,
fentoit fur fa main, du côté oppofé à mon doigt, comme un
fouffle chaud caufé vrai-femblablement par la matière af-
fluente qui, paflant à travers la flamme, en emportoit avec
elle quelques parties, ou y recevoit elle-même un certain
degré de chaleur.
Fondé fur des expériences fimples & décifives, je perfifte
donc à croire que la flamme eft véritablement un obftacle
à l'électricité ; mais retenu par d’autres faits qui ne paroiïffent .
pas moins certains, je dois ajoûter que cet obftacle n’eft point
invincible, & qu'il y a telles circonftances où la caufe qu'il
combat, lui eft tellement fupérieure, qu'il n'en altère pas
fenfiblement les effets.
Mais quand la flamme arrête l'électricité, eft-ce par fa
chaleur qu'elle agit? eft-ce par fa lumière ? eft-ce par les
parties fubtilifées qu’elle diffipe, & qui forment autour d'elle
une forte d’atmofphère!
M. du Fay, à la fin de fon fecond Mémoire fur l'E lectri-
cité*, ayant remarqué que Îa flamme d’une bougie ne s'élec-
trife point, & qu'elle n'eft point attirée par les corps élec-
- trifés, ajoûte ce qui fuit :
« Cette fingularité mérite un examen particulier, dans
# Mémoires de l'Académie des Sciences, 1733, p. 84:
y
2
y
>
»
y
>
172 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
lequel nous entrerons peut-être dans la fuite; mais ce que
nous pouvons aflurer, quant à préfent, c'eft que cela ne vient
pas de la chaleur ou de l'embrafement : car un fer rouge &
un charbon ardent, pofés fur le guéridon de verre, le de-
viennent extrêmement. »
M. du Fay a fort bien décidé la queftion, ce n'eft point
par fa chaleur que la flamme nuit à l'électricité; mais s'il
avoit eu le temps d'entrer dans cet examen plus approfondi
qu'il fe propoloit de faire, il auroit fans doute reconnu que
fa décifion étoit appuyée fur des preuves dont on auroit pû
lui difputer la validité; & je ne doute nullement que fes
recherches ne lui en euffent fourni d’autres, qui euflent été
hors de toute conteftation. L'électricité d'un tube tient, à la
vérité, contre un charbon, ou contre un morceau de fer
ardent médiocrement gros; elle s'y communique même
ordinairement d’une manière aflez fenfible, mais on verra
bien-tôt qu'il n’en eft pas de même, fi l'on préfente ce tube
au deffus d’un réchaud plein de charbons nouvellement &
bien allumés, ou à cinq ou fix pouces de diftance d’un large
morceau de fer chauffé jufqu'à un certain point : ce qui pour-
roit porter à croire qu'un certain degré de chaleur, ou un
embrafement d'une certaine forte, feroit capable de dé-
pouiller un corps de fon éleétricité.
Pour difliper ces doutes autant qu'il me feroit pofñible, je
préfentai un tube éleétrifé à des corps à qui je faifois prendre
différens degrés de chaleur, à compter depuis la température
moyenne de l'air, jufqu'#l'embrafement du fer, je veux dire,
ce degré de feu qui le fait paroître blanc & le fait étinceler;
je l'approchaï à plufieurs reprifes, d’un tuyau de pole qu'on
venoit d'allumer, & qui s’'échauffoit peu à peu : quoique dans
les dernières épreuves ce tuyau füt affez chaud pour diffiper
très-promptement les gouttes d’eau que j'y jetois, & pour
communiquer au tube de verre une chaleur qui me permet-
toit à peine de le manier, l'électricité ne me parut jamais être
fenfiblement altérée, elle fe manifefloit toüjours par des pé-
tillemens , par des émanations très-fortes, par des attractions
& des répulfions très-marquées.
DES SCIENCES. 173
Voyant donc que la chaleur du fer, qui ne va pas jufqu'à
le rendre rouge, ne détruifoit pas la vertu électrique, je
pouffai mes expériences plus loin, en empruntant le fecours
d'un forgeron, qui me fit chauffer jufqu’au dernier degré
une plaque de fer à peu près quarrée, dont chaque côté
avoit près de fept pouces, & qui avoit fix lignes d’épaiffeur :
Vouvrier me tenoit cette platine embrafée dans une fituation
à peu près horizontale; & tandis qu'elle pañloit par les diffé-
rens degrés de refroidiffement, je préfentois à différentes fois
le tube de verre nouvellement frotté, pour éprouver enfüite
s'il avoit perdu ou confervé fon éleétricité : cette expérience
ayant été faite plufieurs fois, & à différens jours, voici quels
ont été les réfultats.
1.” Le fer qui eft chauffé jufqu'à blanchir, (ferrum can-
deus ) & qui pétille de toutes parts, ce que les ouvriers ap-
pellent bouillir, ce fer, dis-je, ne laife pas le moindre vef-
tige d'électricité à un tube de verre qu’on en approche à cinq
ou fix pouces de diftance feulement, pendant deux ou trois
fecondes.
2.° Le même effet arrive encore, lorfque le fer a ceffé d'é-
tinceler, & qu'il a changé du blanc au couleur de cerife.
3.° Le fer, depuis ce dernier état jufqu’à ce qu’il foit de-
venu d’un rouge brun, n’agit ni avec autant de force, ni aufi
premptement fur le tube électrique; après quatre ou cinq”
fecondes, il arrive aflez communément que toute la vertu
électrique n'eft pas enlevée. |
4° Enfin quand le fer, en continuant de fe refroidir, a
repris fa couleur noire, & même un peu avant, & lorfqu'il
a encore une forte de rougeur, à peine s’aperçoit-on qu'il
afloiblifie l'électricité. J
On voit donc par ces épreuves, d& degrés de ‘chaleur qui
détruifent l'électricité, & d’autres qui n’y caufent aucune alté-
ration {enfible: mais ceux-ci, quoique plus foibles que les
premiers, l'emportent encore de beaucoup fur une flamme
de bougie, dont on tient le corps électrique éloigné de fept
à huit pouces, & qui cependant lui fait perdre fa vertu. Si
Y ii
174 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
cette petite flamme agit plus efficacement qu'un gros mor-
ceau de fer qui eft prefque rouge, feroit-ce donc en qualité
de corps lumineux qu'elle auroit cet avantage? eft-ce que le
feu ne feroit nuifible à la vertu électrique que dans les cas où
il fait fonction de lumière?
Si cela étoit, les rayons du foleil raffemblés en fufffante
quantité, foit par réflexion, foit par réfraction, devoient pro-
duire un effet femblable à celui de ma plaque de fer chauffée
jufqu’à blancheur. J'expofai donc au foleil un miroir de métal
qui a deux pieds de diamètre, & au foyer duquel les métaux
fe fondent très-aifément : je fis pafler le tube à l'endroit où les
rayons étoient affez réunis pour n’occuper qu'un efpace d’un
pouce de diamètre. Cette expérience plufieurs fois répétée
m'apprit conftamment que la lumière la plus vive avec un
degré de chaleur très-confidérable, ne fuffit pas pour détruire
l'électricité; car mon tube, après avoir été plongé dans ces
rayons, à l'endroit le plus près de leur réunion, ne m'en parut
guère moins éleétrique qu'auparavant; & je compris alors
que les corps embrafés, outre la chaleur & la lumière qu'ils
répandent autour d'eux, pourroient encore agir par une troi-
fième caufe qui feroit, peut-être, celle que je cherchois.
En effet, quand un corps eft livré à l'aétion d’un feu violent
qui va jufqu'à l'embrafer, il fe fait alors une diffipation de
parties qui forment autour de lui une atmofphère d’une cer-
taine étendue; ces émanations extrêmement fubtiles, & ani-
mées vrai-femblablement par des particules de feu qu'elles en-
veloppent & qui s'évaporent avec elles, feroient bien propres
à interrompre les mouvemens de la matière électrique, ou
peut-être, comme l'a penfé un favant Phyficien , à remplacer
avec une fur-abondance nuifible, les vuides qui fe font dans
un corps électrifé, paï la matière qu'il lance hors de lui-
même.
Mais avant que de fe livrer à ces raifonnemens, il falloit
s’aflurer du fait ; & dès-lors j'en trouvai des preuves fuffifantes
en réfléchiflant fur les expériences de M. du Tour, & fur
celles de M. l'Abbé Needham. Le premier de ces deux Savans
phEsS y SLCOIVE Ni GENS * T7$
a obfervé que fi lon enferme la bougie allumée dans une de
ces lanternes cylindriques de verrejqui n’ont que quatre à cinq
pouces de diamètre, & qui font ouvertes par le haut, le tube
éleétrifé ne perd point fa vertu lorfqu'on le préfente vis-à-vis
de la flamme par-tout où le verre fe trouve interpolé, mais
feulement lorfqu’on.le pafle vis-à-vis l'ouverture du vafe. Ha
remarqué auffi que l'interpofition du carreau de verre le plus
mince & le plus tranfparent, fufffoit pour conferver au tube
fon éleétricité toutes les fois qu’on l'approchoit de la flamme.
M. l'Abbé Needham a eu les mêmes réfultats lorfqu'il a in-
terpofé des feuilles de tôle, des cartons, ou tout autre corps
mince, capable d'arrêter des vapeurs fubtiles, ou des exha-
laifons animées par l'action du feu.
Si l'on ajoûte à ces preuves ce que j'ai obfervé plus haut,
que le charbon neuf & qui eft nouvellement allumé, détruit
plus fürement l'électricité que la braife ufée & prête à sé
teindre, qui produit certainement moins d’exhalaifons ; fr
Yon fait encore attention que ce fer exceflivement embrafé
qui enlève au tube toute fà vertu, eft dans un état où fes prin-
cipes commencent à {e féparer & à s'exhaler, pour ainfi dire;
on n'aura pas de peine à fe perfuader que l'effet de la flamme
fur les corps électriques, vient principalement & peut-être.
uniquement des parties qui {e diflipent, & qui forment une
forte d'atmofphère autour du foyer qui les anime.
Puifque fa chaleur d'un tuyau de poêle communiquée au
tube jufqu’à le mettre prefque hors d'état d’être manié, ne lui
fait point perdre fon éleétricité, comme je l'ai dit ci-defus ;
puifque, felon les obfervations de Mrs Gray, du Fay, &c. le
verre & quantité d’autres corps que l'on chauffe en devien-
nent plus aifément éleétriques; enfin puifque certains corps
s'éledrifent fansfrottement, mais feulement lorfqu’ils s’échauf-
fent{entement au feu ou aux rayons du foleil*; il femble qu'un
temps fort chaud devroit être le plus convenable pour élec-
trifer avec fuccès; cependant il eft certain, & tout 1e monde
* M. Allamand, dans fa lettre à M, Folkes, imprimée dans Ja Biblio=-
théque britannique, Tome XX 1W, part, LL p. 406,
176 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
convient, que pendant les grandes chaleurs de l'été, les effets
font toûjours confidérablement plus foibles ; & fouvent les
expériences manquent totalement entre les mains de ceux
qui ne font pas munis de bons inftrumens, où qui n'ont pas
acquis une habitude fufhifante. J'ai eu quelquefois la curiofité
de tenter ces expériences dans le fort du jour, lorfque la
température de l'air étoit exprimée par 26 ou 27 degrés au
thermomètre de M. de Reaumur; j'en ai exécuté un grand
nombre, & même celle de Leyde, mais ce fut avec beau-
coup de peine, & toüjours avec un fuccès au deflous du
médiocre. Il n’eft peut-être pas inutile de dire que je fis un
jour ces épreuves tandis qu’il éclairoit & qu'il tonnoit pro-
digieufement, & que je n'aperçüs aucune autre différence
dans les effets, que ce qui vient communément d'un temps
très - chaud.
En faifant l'expérience de Leyde pendant les grandes cha-
leurs, j'ai prefque toûjours remarqué que le vafe de verre, qui
contient l’eau, & qui s’électrife par communication, fe cou-
vre extérieurement d’une vapeur humide, aflez femblable,
comme je l'ai déjà dit ailleurs, à celle qu'on remarque fur le
verre quand on a foufflé deffus avec la bouche. Si de pareilles
vapeurs font attirées de même par Le globe ou par le tube que
Jon frotte, comme il n’y a prefque pas lieu d’en douter, il n'en
faut pas davantage pour rendre l'électricité beaucoup plus
foible qu'elle ne feroit fans cet accident.
Cette remarque me fait penfer que l'air échauffé n’eft peut-
être point par lui-même un obflacle à la vertu électrique,
mais plütôt par la grande quantité de vapeurs humides &
très - fubtiles, dont il eft communément chargé lorfqu’il fait
chaud. J'ai fait voir précédemment combien cette caufe peut
influer fur les phénomènes éleétriques, & l’on ne peut douter
que dans les plus beaux jours d'été, il n’y ait dans l'air de
l'atmofphère, une grande quantité de vapeurs aqueufes. Le
baromètre nous fait voir que l'air eft alors plus pefant que
dans un autre temps ; & nous apprenons ce qui augmente
fon poids, en confidérant la grande quantité de particules
d’eau
DES SCIENCES « 7177
d’eau dont il fe décharge fur la furface extérieure des vaifleaux
dans lefquels on a fait des refroidiflemens. -
Ajoûtons à ces raifons, qu'un air froid dans lequel on a
életrifé avec fuccès, n'en devient pas moins propre aux
mêmes expériences, quoiqu'il devienne plus chaud, pourvû
qu'en l'échauffant on ne le rende pas plus humide qu’il n'étoit ;
c'eft un fait dont je me fuis affuré l'hiver dernier, en échauffant
jufqu'à 20 degrés par le moyen d'un poêle, le lieu où j'avois
opéré quelques heures auparavant, tandis que le thermo-
mètre étoit au terme de la glace.
Les jours les plus chauds étant les moins favorables aux
phénomènes éleétriques, foit par les raifons que je viens de
rapporter, foit par d'autres caufes que j'ignore, j'ai voulu
favoir fi la bonne opinion qu'on a communément du grand
froid, pour ces fortes d'expériences, étoit bien fondée. Le
14 Janvier de la préfente année 1747, il fit un temps très-
propre à me fatisfaire fur cet article; le thermomètre étoit
à fix degrés au deffous du terme de la glace, & je faifois mes
expériences dans une chambre dont les fenêtres étoient ou-
vertes au nord & au fud , à quatre heures après midi.
Je frottai le globe de verre qui étoit très-froid, avec mes
mains nues qui l'étoient prefque autant ; mais après un frot-
tement aflez rude, & d’une durée qui auroit fuff dans un
autre temps, les effets furent fi foibles, qu’à peine pût-on
faire étinceler très-médiocrement une chaîne de fer qui ré-
pondoit au globe par une de fes extrémités
Après m'être obftiné pendant près d’une demi-heure, mais
toûjours avec aufli peu de fuccès, à frotter le globe; & ayant
des mains prefque glacées de les tenir appliquées au verre, qui
me s’'échauffoit pas fenfiblement, parce qu'il étoit fort épais,
&qu'ur vent très-froid détruifoit continuellement le peu de
chaleur qui pouvoit naître du frottement ; je fis fermer. les
fenêtres, & ayant fait apporter un réchaud plein de charbons
allumés, je chauffai un peu mes mains & le globe, & je fs
ouvrir les fenêtres pour faire une feconde épreuve.
Tant que dura Le petit degré de chaleur de mes mains &
Mém. 1747. . Z
178 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du verre, l'électricité alla paffablement bien ; mais le froid
ayant repris le deflus, les eflets reparurent aufli foibles qu'ils
lavoient été la première fois. ‘
Je fis fermer une feconde fois les fenêtres, & je chauffai
à fond & mes mains & le globe ; la chambre reftant fermée
tandis que je frottois, la chaleur fe conferva très-long temps,
& léleétricité fut conftamment plus forte qu’elle n’avoit été
dans les épreuves précédentes.
Dans cette même foirée, je répétai plufieurs fois ces effais
tantôt avec les mains & le globe échaufés , tantôt avec les
mains & le globe refroidis ; & il demeura pour conftant que
file grand froid de l'air eft favorable pour la vertu électrique,
il faut au moins que le corps qui frotte & celui qui eft frotté
aient un médiocre degré de chaleur.
S'ilétoit vrai, comme jele foupçonne, qu'un temps chaud
ne nuisit à l'électricité, que parce que l'air eft alors chargé
de vapeurs plus fubtilifées ; on pourroit dire aufli qu'un temps
froid ne convient mieux, que parce que les vapeurs qui-
régnent alors dans l’atmofphère font plus groffières, & moins
propres par cette raifon , à faire obftacle à la vertu éleétrique.
Quoi qu'il en foit, il y a des phénomènes qui dépendent
vifiblement de l'éleétricité, & qui n'ont lieu que dans un:
temps froid & fec : ces étincelles qu'on aperçoit fur fon linge
lorfqu'on fe déshabille dans l’obfcurité; celles qu'on fait naître
en frottant le poil de certains animaux, ne paroïflent guère.
que lorfqu'il gèle, & plus le froid eft äpre, plus elles font
nombreules & brillantes; je les ai vû plufieurs fois fe con-
vertir en petites aigrettes, & les endroits d'où elles fortoient:
attiroient très - fenfiblement tout ce qu'on y préfentoit de.
léger : je ne n'étendrai pas davantage ici fur ces feux, je les.
examine depuis long temps; ils ont donné lieu à des obfer-
vations que je crois de quelqu'importance, & dont je ren
drai compte dans un autre Mémoire.
Nous pouvons encore confidérer la température de l'air,
par rapport aux différens degrés de denfité ou de raréfaction.
que ce fluide en reçoit : s'il étoit vrai, par exemple, & bien.
D'ENS v SUN NES 170
démontré, qu'un corps s’éleérisât mieux ou moins bien dans
un air plus ou moins denfe, il feroit fort furprenant que
Yélectricité réufsit également pendant les grandes chaleurs,
& dans l'hiver lorfqu'il gèle ; car on ne peut difconvenir que
dans ces deux états oppofés, la denfité de Fair ne change con-
fidérablement.
: Deux fortes d'expériences peuvent nous inftruire fur cette
queftion ; les unes confiftent à eflayer la vertu électrique des
corps que l’on place dans le vuide, ou dans un air extrême-
ment condenfé ; les autres, à examiner fi un corps pour s'é-
lectrifer doit être toüjours placé dans un air d’une denfité
uniforme & égale de toutes parts; fi, par exemple, un tube
ou un globe de verre s’électrife également bien, quand l'air
qu'il renferme eft beaucoup plus denfe ou plus rare que celui
du dehors qui l'environne.
Toutes ces vües fe trouvent déjà remplies par des expé
riences qui ont été faites en différens temps & par diverfes
perfonnes très- capables d'en bien juger : cependant il fe
trouve encore quelques contrariétés dans les rélultats & quel-
ques doutes affez légitimes fur la certitude des décifions; ce
qui vient principalement des difficultés qui fe rencontrent
dans les manipulations de ces fortes d'épreuves, & en partie
de: quelques obfervations qu’on n'avoit peut-être pas encore
. faites-alors, où fur l'importance defquelles on n'avoit pas
_ affez réfléchi.
« Haukfbée ayant fait frotter dans un récipient dont il avoit
pompé l'air, un cylindre de verre folide qui ne donna point
deï fignes affez fenfibles d'éleétricité, tira cette conclufion
* générale, que les corps ne s'électrifent point dans le vuide ;
M: Gray, dans la fuite, trouva qu'une boule de verre élec-
trifée dans l'air libre confervoit fon éleétricité dans un air
extrêmement raréfié : on pouvoit à la rigueur concilier ce
dernier fait avec le premier, en difant que la vertu éleétrique
du verre ne peut s’exciter fortement dans le vuide, mais
qu'elle s'y conferve avec toute fa force, quand on Fa fait
naître précédemment dans Fair libre. C'eft le parti que prit
Zi]
180 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. du Fay, quand il eut répété les expériences & qu'il crut:
les avoir fufhfamment vérifiées. Mais quoique j'eufle beau-
coup de confiance en fes lumières, & qu'un commerce de
plufieurs années m'eût fait connoître fa grande exactitude &
la fcrupuleufe attention avec laquelle il examinoit les faits, .
je ne puis diflimuler que j'ai toûjours eu de la peine à me:
rendre à cette décifion: il me paroifloit bien fingulier qu'un
morceau de verre ne pût pas recevoir dans le vuide le même:
degré de vertu qu'il pouvoit y exercer, fur-tout lorfque je
confidérois que, fuivant les expériences mêmes de M. du Fay,
une boule de foufre, d'ambre, ou de cire d'Efpagne, avoit
le pouvoir d’ÿ faire Fun & l'autre; & quoique l'éleétricité:
nous montre tous les jours les faits les moins attendus, je.
n'ai jamais cru qu'on dût s’y accoûtumer, au point de les.
admettre, fans avoir auparavant bien combattu & anéanti
toutes les raifons qu'on pourroit avoir d'en douter.J'ai donc
réfléchi depuis fur la manière dont ces expériences ont été:
faites ; & j'ai cru apercevoir dans les procédés que l'on a.
fuivis, quelques défeétuofités capables de caufer ces diffé--
rences que j'avois peine à croire.
Premièrement, je fais, pour en avoir été témoin, & même:
pour y avoir aidé, que M. du Fay n'avoit qu'un appareil
affez imparfait & d'un ufage très-incommede pour frotter
des corps dans le vuide; il y a quatorze ans, je n’avois pas
encore ajoûté à la machine pneumatique cette efpèce de
rouet dont j'ai donné la defcription en 1740 , par le moyen
duquel on peut tranfmettre avec beaucoup de facilité, dans
un récipient dont on à pompé l'air, des mouvemens de ro-
tation auffi violens & d'une auffi longue durée qu'on le fou-
haite : j'ai donc penfé que le verre & le criflal de roche qui
ne s'étoient prefque pas éleétrifés dans le vuide, pourroient
bien n'avoir pas été fuffifamment frottés : car ces matières
doivent l'être davantage que l'ambre, la cire d'Efpagne, le
foufre, & la plüpart des autres corps électriques.
Secondement, je ne vois pas pourquoi lon a préféré des
boules &. des cylindres folides à des bouts de tubes ou à des.
1
DES SCIENCES. 18r
fphères creufes; car il eft certain que le verre mince s’éledtrife:
plus facilement que celui qui eft fort épais : & puifqu’on avoit
peine à frotter fuffifamment des morceaux de verre dans le
vuide, il me femble qu'il falloit faire ces eflais fur ceux qui,
par leur forme ou par leurs dimenfions, pouvoient s'électrifer
avec un moindre frottement,
.… Troifièmement, lorfque l'air vient à fe raréfier dans un:
récipient, il laiffe tomber les parties aqueufes qu’il foûtenoit,
& l'on aperçoit dans le vaifleau une vapeur d'autant plus
épaifle, qu'il a été pofé plus long-temps fur les cuirs mouillés
qui couvrent la platine, avant qu'on faffe agir la pompe. Or
cette vapeur eft un obflacle à l'éleétricité; & je ne vois pas
que l'on ait pris des précautions, foit pour en diminuer 1a.
quantité, foit pour empêcher qu’elle ne tombât fur le verre
qu'on avoit deffein d’éle&trifer..
Pour remédier à ces trois défauts, ou plütôt, pour voir
s'ils étoient réels, & capables d’avoir induit en erreur ceux
qui avoient tenté d'éleétrifer le verre dans le vuide, je répé-
tai l'expérience de la manière qui fuit.
Je choifis un de ces récipiens, dont la partie fupérieure
eft terminée par une efpèce de goulot G, (fig. 3.) garni en
déhors d’une douille de cuivre, qui a un fond percé &:taraudé-
pour recevoir une boîte à cuirs. Æ. Cette boîte fe nomme
ainfr, parce qu’elle eft remplie par: des rondelles de cuirs
de bufle trempées dans de la graifle fondue , & preffées les
unes fur les-autres par le couvercle qui fe met à vis..
Au traversdu couvercle, des cuirs & du fond de {a boîte,
il paffe une tige d'acier arrondie dans la partie qui traverfe la
boite, & carrée par les deux extrémités. Le carré d’en haut.
qui excède la boîte à euirs, s'engage dans le bout. d'un petit
arbre vertical / #, que la. machine de rotation fait tourner::
& par ce moyen le mouvement fe tranfmet.dans le récipient.
fans que l'air puifle y entrer, quand'on a.fait le vuide *..
Au bout de cette tige qui répond à l'intérieur du récipient...
jai. fixé un petit vafe L de ce verre blanc, que nous:
* Voyez les Mémoires de l'Académie, 1740, p.28 êT Juiv,-
dj,
182 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
appelons criffal, aflez femblable pour la forme à un gobelet
renverfé, rond, de trois pouces de diamètre, de deux pouces
& demi de hauteur, & d’une ligne d'épaifleur à peu près. La
tige qui portoit ce petit vafe, enfiloit auffi par le centre, &
perpendiculairement à fon plan, un cercle de carton 44,
mince, de quatre pouces de diamètre.
J'effuyai bien ces vaiffeaux, de même que Ia platine de Ia
machine pneumatique fur laquelle j'attachai le récipient avec
un cordon de cire molle; par cette précaution, je diminuois
beaucoup cette vapeur qu'on voit tomber, lorfqu'on com-
mence à raréfier l'air, & qui eft d'autant plus abondante, que
cet air a refté plus long-temps fur des cuirs mouillés dont on
fe fert communément pour joindre Île vaiffeau à la platine:
& par le petit cercle de carton dont je viens de parler, j'em-
péchois que le peu de vapeurs qui fe trouveroit dans la mafle
d'air que j'avois deffein de rarefier, ne tombât fur mon petit
vafe L.
Enfin ce petit vafe en tournant étoit frotté par une lame
de reffort A fixée fur la platine à une diflance convenable, &
garnie d'un couffinet de papier gris, replié plufieurs fois fur
lui-même.
Tout étant donc ainfi difpolé, & avant que de raréfier
Fair, je mis la machine de rotation en jeu; après un frotte-
ment de fept ou huit fecondes, je vis que mon petit vafe
étoit devenu éleétrique; il attiroit & repoufloit aflez vive-
ment une petite feuille de métal O, large d'environ huit ou
dix lignes en tout fens, & fufpendue avec un fil de foie à
deux pouces de diflance dans le même récipient.
Bien afluré par cette première expérience réitérée plufieurs
fois, que mon appareil étoit propre par lui-même à exciter
promptement la vertu éleétrique d'une manière aflez fen-
fible, je raréftai l'air à tel degré que le mercure du baromètre
d'épreuve n'étoit que d’une ligne & demie au deflus de fon
niveau: pour voir fi cette dernière circonftance cauferoit
quelque différence notable dans le réfultat, je recommençai
à frotter le petit vafe qui avoit eu tout le temps de perdre
DES SCIENCES 183
fa première électricité. Après un frottement beaucoup plus
long que celui de la première expérience, j'aperçus des mar-
ques d'électricité, mais foibles, & qui cefloient bien-tôt
lorfque je n’entretenois pas cette vertu par un nouveau
frottement.
Par le foin que j'ai pris de répéter cette épreuve en diffé.
renstemps, il m'a paru également certain, que le verre s’élec-
trife dans le vuide, & que fon éleétricité y eft plus foible
qu'en plein air. J'ai vû les mêmes effets, lorfqu'au lieu de
verre J'ai frotté des boules de foufre, ou de cire d'Efpagne.
Eft-ce donc l'air agité d’une certaine manière qui eft la.
eaufe immédiate des attractions & répulfions éleétriques.,.
comme l'a penfé Haukfbée, & depuis lui plufieurs autres Phy-
ficiens ? & Féleétricité ne devient-elle plus foible dans ce:
qu'on nomme le wide, que parce qu'un air extrêmement:
zaréfié n’eft pas capable d'une forte impulfion ?
Cette opinion pourra trouver des défenfeurs parmi ceux.
qui ont eflayé d'expliquer les phénomènes électriques, par
des mouvemens que le corps frotté imprime à l'air qui l'en-
vironne : mais outre qu'il me paroît plus raifonnable d'at--
tribuer ces effets à une matière qui fe rend fenfible de toute
façon, que tout le monde reconnoït, & que perfonne ne
peut prendre pour de fair; j'ai encore des faits à citer, d’où
il réfulte affez clairement, que fi l'éledricité ef communé-
ment plus forte dans un air qui a une certaine denfité, il:
eft d’autres cas où elle réuflit trop bien dans le vuide dont
il Sagit, pour que l’on puifle en attribuer les effets au peu d'air.
que la meilleure pompe laiffe toûjours dans le récipient. Et
‘il { rencontre feulement un exemple d'attraction ou de:
épulfion, qu'on ne puiffe attribuer au mouvement de l'air,.
omment pourra-t-on fe perfuader que ce fluide agité foit:
a caufe des autres phénomènes de la: même efpèce ?:
- On connoît depuis long temps l'expérience du tube purgé:
d'air; on fait qu'ilen’eft prefque pas électrique par dehors;:
-mais en dedans l'eft-il autrement que par cette belle lumière-
qu'on y voit briller lorfqu'on le frotte !. des corps légers:
184 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyaLE
qu'on y renfermeroit , feroient-ils attirés par da furface inté-
rieure du verre? c'eft ce que j'ignorois encore, & ce qu'il
m'a paru important de décider; car cela ne l'étoit point par
expérience du petit vafe frotté dans le vuide, dont j'ai fait
mention en dernier lieu : celui-ci étoit de toutes parts dans
le vuide ; un tube ou un vaiffeau dans lequel on fait le vuide,
& que l'on frotte par dehors, répond par une de fes furfaces
à un air très-raréfié, & par l’autre à un air beaucoup plus
denfe & libre: cette différence peut changer les effets, &
je crois qu'elle les change véritablement, car ayant frotté
avec la main un récipient d'un pied de hauteur, & large de
trois pouces & demi, que j'avois attaché fur la platine d’une
machine pneumatique, avec de la cire molle, & dont j'avois
bien pompé l'air, il devint éleétrique au point d'attirer &
de repoufler aflez- vivement une petite feuille de faux or, qui
étoit fufpendue avec un fil au milieu du vaifleau; & -ces
mouvemens me parurent toûjours plus forts que ceux que
j'avois remarqués dans le récipient purgé d'air, dans lequel
j'avois fait frotter le petit vafe. Si j'étois bien für que les deux
verres employés dans ces expériences, euffent ‘été également
propres à s’éleétrifer ; & fi je ne favois que le frottement de
da main eft plus efficace que celui d'un couffinet de papier,
je ne balanceroiïs point à décider qu'un corps s’éleétrife mieux
lorfqu'il eft touché en tout ou en partie par un air libre &
d'une certaine denfité, que quand il eft totalement plongé
dans un air extrêmement raréfié.
Au lieu de frotter ce vaifleau purgé d'air, comme dans
l'expérience précédente, j'en approchaï, à quelques pouces
de diftance, un tube électrifé; la vertu de celui-ci fe fit vive-
ment fentir fur la feuille de faux or qui étoit fufpendue dans
de vuide; elle étoit plus fouvent pouffée qu'attirée; mais ja-
mais je n’approchois le tube électrique du récipient, jamais je
me l'en retirois après l'avoir approché, que la feuille n'y ré-
-pondîit par des mouvemens très-marqués.
Je le répète donc, il n'eft pas vrai-femblable que l'éleétri-
cité qui nait ou qui fe tranfmet dans le vuide, puifle être
‘action
DES SO CTIENCES 185
action de l'air agité; fi l'impulfion de ce fluide étoit la caufe
des attractions & répulfions, pourquoi, dans certains cas,
ces mouvemens feroient-ils prefque aufi forts dans le vuide
qu'en plein air ? & comment fon action pourroit-elle fe tranf-
mettre à travers le verre qu'il n'a pas coùtume de pénétrer?
Mais c'eft trop s'arrêter à combattre une prétention qui
n’eft point foûtenable : veut-on favoir ce qui fait mouvoir
la feuille de métal de ma dernière expérience ? qu'on la répète
cette expérience dans l'obfcurité; un obfervateur attentif
apercevra le fluide qui agit, & if n'aura pas de peine à recon-
noître qu’il eft d’une nature bien différente de celle de l'air.
Quand on approche le tube nouvellement frotté, de Ia fur-
face du récipient dont on a pompé l'air, on voit naître de cet
éndroit un, ou quelquefois plufieurs jets de matière enflam-
mée, qui s'étendent dans l’intérieur du vaiffeau ; & à {a lueur
de cette lumière, on peut aifément remarquer que la feuille
de métal fufpendue s’agite plus ou moins & en différens fens,
faivant qu’elle eft frappée par ces émanations lumineufes.
Pour peu qu'on y réfléchifle, on voit que felon toute
. vrai-femblance, l'électricité qu’on remarque ici dans le vuide,
| a pour caufe principale la matière effluente du tube qui pé-
mètre le récipient, & qui communique fon action à une ma-
“rière femiblable qui remplit le vaiffleau, & qui s’enflamme
je vec une grande facilité, parce que n'étant mêlée qu'avec
“un air fort rare & purgé de toute vapeur, la contiguité de
“es parties n’y eft prefque point interrompue.
“ Cette dernière confidération nous offre une raifon très-
phufble de la différence queïl’on remarque entre les phé-
iènes lumineux que l'électricité opère dans l'air, & ceux
Île nous fait voir dans le vuide. On fait que ceux-ci bril-
prefque toûjours d’une lumière diffufe & continue; ce
qui convient affez à un fluide très-fubtil, qui peut s’enflam-
mer au moindre choc & fans explofion fenfible, parce que
rien ne s'oppofe à fon expanfion, & dont l'action peut aufi
s'étendre d'autant plus loin & avec d'autant plus de promp-
titude, qu'aucun obftacle ne s’oppofe à fa propagation : au
Mém. 1747: A a
|
|
|
|
VV. les Mm.
de l'Ac.1745,
P.139.
186 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
lieu que ces aigrettes lumineufes que la matière éleétrique
nous repréfente fouvent, lorfqu'elle s’élance du corps élec-
trifé dans l'air libre qui l’environne, fe forment de rayons
très-diftinéts qui divergent entre eux, & dont chacun paroît
moins être un trait de matière enflammée qu’une fuite de
petits globules qui ne s’allument & n'éclatent que fucceffi-
vement ; ce qui vient vrai-femblablement de ce que cefluide,
en fortant avec violence du corps éleétrifé, fe trouve comme
éparpillé par l'air qui s’oppole à fon paflage, qui embarraffe
fes parties, & qui en interrompt un peu Îa continuité.
Mais fi la matière éleétrique éclate dans le vui de d'une
lumière plus continue, & pour ainfr dire, plus ferrée, nous
apprenons par les expériences rapportées ci-deflus, que les
attractions & répulfions qu’elle y exerce font communément
plus foibles, d’une moindre durée, & plus irrégulières qu'el-
les n'ont coûtume de l'être dans l'air de l'atmofphère: on
peut encore rapporter ces différences aux mêmes caufes aux-
quelles nous avons attribué celles qu'on remarque entre les
phénomènes lumineux, en obfervant néanmoins que ce qui
fait briller ceux-ci avec plus d'éclat eft juflement ce qui affoi-
blit les autres effets; car c'eft par l'abfence de f'air que ce
mouvement qu'on nomme Æmiére, s'imprime & fe propage
mieux dans le vuide qu'ailleurs, & c'eft au contraire Ia pré-
fence de ce même fluide avec une certaine denfité, qui fait
prendre plus fürement à la matière électrique les différentes
direétions qu'il faut qu'elle ait pour caufer les attraétions &c
les répulfions des corps légers.
Pour mieux faire entendre ma penfée, qu'il me foit per-
mis de rappeler ici une opinion que j'ai mile au jour, il ya
environ trois ans*, & que plufieurs Savans ont reçûe, parce
qu'ils ont cru, comme moi, qu'elle quadroit aflez bien avec
les phénomènes électriques : je regarde l'éleétricité en général
comme laétion d'un fluide très - fubtil & inflammable.que
Jon détermine à fe mouvoir en même temps en deux fens
oppolés; ce que j'ai nommé cffuence & affluence fimultanées
de la matière éledtrique; & que je crois avoir fufhfamment
DES SCIENCES. 187
rouvé. Par ces deux mouvemens contraires, j'ai effayé d’ex-
pliquer les attraétions apparentes & répulfions des corps lé-
gers; & dans le choc qui doit naître entre les parties de ce
fluide, qui fe rencontrent réciproquement, j'ai cru trouver
la caufe des phénomènes lumineux; fur quoi je ferai deux
courtes remarques.
1.” S'il eft vrai, commeil le paroît, que la matière élec-
trique s'enflamme par le choc de fes propres parties, cette
inflammation aura lieu, même dans des cas où il n'y auroit
qu'un courant, pourvû que ce courant rencontre dans fon
chemin une pareïlle matière; car la violence du choc nécef:
faire pour cet effet, dépend principalement de la viteffe ref-
pective des corps entrechoqués ; & l’on fait que cette vitefe
peut être plus que fufhfante entre deux corps, dont l'un eft
en repos. Ainfr, pour choifir un exemple, dans un vaiffeau
dont j'ai pompé l'air, j'excite des traits de lumière, lorfque j'en
approche un tube ou un autre corps électrifé ; parce que les
émanations qui s'élancent de celui-ci, quoiqu’invifibles dans
l'air, frappent avec affez de force la matière électrique qui
eft dans le vuide, quand bien même on ne voudroit lui ac-
corder aucun mouvement d’affluence vers le tube.
2." Si les attractions apparentes des corps légers fe font
par limpulfion de 1a matière électrique affluente, & que les
répulfions qu'on voit fouffrir à ces mêmes corps foient les
effets de la matière effluente, comme on ne peut plus guère
en douter, il faut donc que la petite feuille d’or, lorfqu'’elle
eft portée vers le tube électrique, éprouve plus d'impulfion
de la part des rayons affluents, qu’elle ne fouffre de réfiftance
de la part de ceux qui émanent du corps éledrifé. Or fi les
uns & les autres avoient une égale denfité, comment ceux-ci
feroient-ils plus foibles que les premiers, pour permettre à la
feuille d'or de s'approcher du tubel Je vois donc que cette
divergence que nous remarquons entre les rayons effluents,
eft ce qui donne lieu à la matière affluente de porter les corps
légers vers le tube? Quand cette divergence fera moindre,
quand la matière électrique ne fortira plus en forme de bou-
Aa i
188 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
quets épanouis, il y a tout lieu de croire que les mouvemens
alternatifs d’attraétion & de répulfion feront moins fréquens
& plus irréguliers. Je crois encore que ce qui fait prendre
ainfi la forme d’aigrette à la matière électrique effluente,
c'eft, comme je lai déjà infinué ci-deflus, la réfiftance de
V'air qu’elle éprouve en fortant : car on fait d’ailleurs que ce
fluide eft moins pénétrable pour elle que la plüpart des autres
corps, même les plus folides & les plus compacts, de forte
que fi cette matière s’élançoit dans le vuide, elle fe préfen-
teroit probablement fous une autre forme & avec des effets
différens de ceux qu'elle a coûtume d'opérer en plein air.
Je raifonnois ainfi, lorfqu’il me prit envie de voir ce que
deviendroient ces aigrettes lumineufes qu'on aperçoit com-
munément au bout d'une verge de métal, tandis qu'on élec-
trife, fi je tenois dans le vuide le bout où elles ont coûtume
de paroître : pour cet effet je pris une tringle de fer qui avoit
quatre pieds de longueur, de celles dont on fe fert pour por-
ter les rideaux de fenêtre : je fixai à l’une de fes extrémités un
vaiffeau de verre P, (fig. 4.) qui avoit quatre pouces de dia-
mètre, & deux goulots oppolés l'un à l'autre: cette jonétion
étoit faite de manière que l'air ne pouvoit y pañler, & le
bout de la tringle s'avançoit jufqu’au milieu du vaifeau. L’au-
tre goulot étoit garni d'un robinet fort exact, par le moyen
duquel on pouvoit appliquer cet affemblage à la machine
pneumatique pour pomper l'air du vaifleau, & l'en ôter
quand on auroit fait le vuide, pour le mettre en expérience.
Avant que d’en venir à cette épreuve, je voulus voir fi,
de ce que l'extrémité de la verge de fer fe trouvoit renfer-
mée dans un vaifleau de verre, quoique plein d'air, il ne
s'enfuivroit aucune différence dans les effets ordinaires, afin
de favoir au jufle ce que j'aurois à attribuer à l'abfence de
l'air dans l'expérience que j'avois deffein de faire enfuite.
Je fufpendis horizontalement avec des fils de foie la verge
garnie de fon vafe non purgé d'air, & je la fis électrifer
par le moyen d’un globe de verre; bien-1ôt après je vis pa-
xoitre deux aigrettes lumineufes à l'extrémité renfermée dans.
DE Sfr EN cts r89
le vaiffeau, & ces aigrettes furent à peu près les mêmes, foit
que le robinet fût fermé, foit qu'il laiffât une communi-
cation ouverte entre l'air du dedans & celui du dehors. Mais
dans l’un & dans l'autre cas, ces aigrettes étoient fenfible-
ment plus petites qu'elles n'étoient au même bout de cette
verge, avant qu'il fût ainfr renfermé; ce qui vient vrai-
femblablement de ce que la matière affluente, dont le choc
doit contribuer à l'inflammation de ces aigrettes, fe trouvoit
alors ralentie, étant obligée de fe tamifer, pour ainfi dire,
à travers le verre que toute matière électrique ne pénètre
qu'avec peine. ,
Je remarquai encore dans cette première épreuve d’autres
effets qui méritent d’être rapportés : la verge de fer devint
bien plus éleétrique qu’elle ne left communément, lorfqu’on
Yapplique feule à l'expérience; le vaiffeau le devint auffi d’une
manière très-fenfible, & garda fa vertu très-long temps, quoi-
que je tinfle la verge de fer à pleines mains, & que j'eufle
touché le verre à plufieurs reprifes.
En examinant dans mon fecond Mémoire les circonf-
tances de l'expérience de Leyde, j'ai déjà obfervé que le vafe
qui contient l'eau s’éleétrife par communication, & retient
fort long temps après fon éleétricité, quoiqu'il cefie d’être
ifolé. Je dois ajoûter ici que c’eft moins à l’eau qu'au verre
même dans lequel elle eft contenue, qu'il faut attribuer cette
particularité; car on voit par l'expérience que je viens de
citer, qu’un vaifleau de verre éleétrifé & qui ne contient
point d’eau, nous repréfente le même effet.
Etant donc bien affuré que le vaifleau qui renfermoit le
bout de ma tringle, n'empêcheroit point par lui-même que
les aigrettes ne paruffent, j'en Ôtai l'air le plus exaétement
qu'il me fut pofüble, & je recommençai d’életrifer comme
javois fait précédemment. Cette nouvelle expérience me mit
fous les yeux des phénomènes que j'avois prefque tous prévüs;
mais elle me les offrit d’une manière fi brillante, que j'eus tout
le plaifr de la furprife; j’ofe dire que l'éledtricité ne nous a
rien fait voir de plus beau jufqu’à préfent : en voici le détail.
À a. iij
190 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
En très-peu de temps le vaifleau de verre P devint ex-
trêmement électrique; fon atmofphère étoit fi fenfible, qu’à
cinq ou fix pouces de diftance tout autour, il fembloit que l’on
touchât de la faine cardée, quand on en approchoit la main
ou le vifage ; le robinet & les garnitures de cuivre qui étoient
cimentées aux deux goulots, failoient voir à leurs bords &
à leurs parties les plus faillantes, des aigrettes lumineufes qui
avoient plus de deux pouces de longueur, & qui bruifloient
à fe faire entendre d’un bout de li chambre à l’autre.
On voyoit auffi des aigrettes en différens points de la fur-
face antérieure du vaiffeau , quand on en approchoit le bout
du doigt.
L’odeur de ces émanations étoit des plus fortes ,& reffem-
bloit, comme nous l'avons déjà dit en plufieurs endroits, à
celle du phofphore, & un peu à celle de l'ail ou du fer dif-
fous par l'efprit de nitre.
Le bout de la tringle qui répondoit dans le vuide, ne fai-
foit plus voir deces aigrettes ordinaires compofées de rayons
ou de filets très-divergens, & dont chacun fembleêtre une fuite
de petits grains enflammés:il couloit de plufieurs endroits
à la fois de gros rayons de matière lumineufe qui s’alon-
geoient jufqu'à la furface intérieure du vaifleau, & qui ref-
fembloient prefque à la flamme d’une lampe d’émailleur ani-
mée légèrement par le vent d’un foufflet.
Ces flammes fe multiplioient lorfque j'entourois le vaif-
feau, à quelque diftance, avec mes deux mains, & fur-tout
quand je préfentois mes dix doigts à la fois, dans une di-
rection à peu près perpendiculaire à la furface de ce même
vaifleau.
Lorfque je ceflois d’'exciter ces flammes, ou de les déter-
miner à fe porter vers l'équateur du vaiffeau ; il en fortoit une
fort groffe de l'extrémité du fer, qui alloit au devant d'une
autre tout-à-fait femblable qui venoit du goulot où étoit at-
taché le robinet. 1
En quelque endroit de la tringle que l'on excitàt une
étincelle, elle étoit très-forte; & dans l'inflant qu'elle éclatoit,
deeermnendétre
DES! SN ElTIE NICE TS 197
tout fe remplifloit d’une lumière fi brillante, qu'on apercevoit
très-diflinétement tous les objets des environs.
Ayant examiné ce qui fe pafloit au dedans du vaiffeau,
à l'égard de quelques fragmens de feuilles de métal que j'y
avois fait entrer, avant de faire le vuide; je les vis prefque
tous adhérens au verre, de forte qu'on eüt dit qu'ils y te-
noient par quelque humidité; mais ils s'en détachoient ou fe
foûlevoient en partie lorfque j'en approchois le bout du doigt
ou un morceau de métal, par dehors. Ces petites feuilles
étoient rarement attirées par le bout de [a tringle, quelque
foin que je priffe pour faciliter cet effet.
Lorfque J'eus Ôôté la tringle de deflus les cordons de foie,
quoique je la tinfie dans ma main, les effets dont je viens de
parler continuèrent encore, mais en s’affoibliffant ; ils fe
ranimoient quand j'approchois Ja main du vaifleau ; & quand
je ne les excitois pas, je voyois pendant plus d’une demi-
heure fortir du bout de la tringle de fer une petite flamme
affez brillante, de forte qu’il fembloit que je portafie une pe-
tite bougie allumée dans une lanterne de verre.
Je mouillai le vafe extérieurement avec de l'eau, & je n'a-
perçus prefque plus aucun des effets dont je viens de faire le
récit; mais ayant bien efluyé & féché le verre, je les vis repa-
roître, quoique très-affoiblis.
Enfin je laiffai rentrer l'air, & dans le moment tout ceffa
fans retour *.
On peut juger maintenant par le détail de cette expérience,
fi j'ai eu raifon de dire ci-deflus que l'abfence de l'air ou fon
extrême raréfaction donne lieu à la matière éleétrique de s’en
flammer plus facilement & d’une manière pluscomplète; mais
que cette même caufe empêchant la matière affluente de fe
divifer en aigrettes, devoit rendre les mouvemens alternatifs
d'attraétion & de répulfion, plus rares & moins réguliers.
J'aurois bien voulu joindre ici quelques expériences que
j'avois projeté de faire dans l'air condenfé, & que j'avois
* Voyez dans l’appendice qui eft à la fin de ce Mémoire, un beau phé-
nomène qui dépend de cette même expérience,
192 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
même commencées; mais ce que j'ai eflayé de faire à cet
égard, ne m'a paru ni aflez für, ni aflez complet: j'aurois
voulu non feulement condenfer l'air dans des tubes, pour
voir s'ils peuvent s’éleétrifer en cet état, & de quel degré
d'éleétricité ils font fufceptibles; mais je defirerois encore
que l’on pût augmenter confidérablement la denfité de ce
fluide, dans un vaifleau afez grand pour eflayer d'y faire
tout ce que j'ai fait dans le vuide; cela eft difficile par plufieurs
raifons.
1.” On ne peut prudemment rifquer de condenfer l'air
avec urie certaine force dans des vaifieaux d'une grande ca-
pacité, tranfparens, & fragiles par conféquent, fans un appa-
reil qui demande beaucoup de foin & de temps. Cette difh-
culté cependant, fi elle étoit feule, ne m'arrêteroit pas : j'ai
des vafes de verre difpofés & garnis de manière, que je puis
fans danger y comprimer l'air, jufqu’à le rendre huit ou dix
fois plus denfe qu'il nel'eft communément dans l'atmofphère;
& en augmentant les précautions, je pourrois porter la con-
denfation encore plus loin.
2. Mais ce n’eft point affez de pouvoir comprimer l'air
d'un vaifieau dans lequel on veut effayer l'éledricité, il faut
que cette mafle d'air que l’on comprime, conferve un certain
degré de pureté; il ne faut pas qu'elle foit humide, ni chargée
de vapeurs grafles, puifque l’on fait d’ailleurs que les fubftan-
ces étrangères qui fe mêlent avec l'air, nuifent confidérable-
ment à la vertu électrique. Cette condenfation ne doit donc
pas fe faire par les moyens ordinaires, c'eft-à-dire, avec des
pompes foulantes dont les piftons néceflairement enduits de
quelque fluide, ne manqueroient pas de falir l'air en le for-
çant d'entrer.
Le procédé de M. du Fay eft ingénieux ; je veux dire l’u-
fage qu’il a fait d’un gros éolipile de cuivre rouge, qu’il fai-
foit chauffer fortement pour occafionner une compreffion
d'air dans un tube de verre qui étoit joint & cimenté au col
de cet inftrument. Mais outre que ce moyen ne fufhroit pas
pour condenfer l'air dans un vaiffeau d’une certaine capacité,
conformément
DES SCIENCES. 193
conformément à mes vües, il refte encore quelques fcrupules
fur lation du feu que Jon emploie : car qui fait s'il ne s'eft
as élevé du cuivre même dans le tube, quelque exhalaifon
nuifible à l'électricité? qui fait fi les vapeurs contenues dans
Yair de ce ballon de métal, échauffées à un certain point &
chaflées dans le tube, n’ont pas été capables d'empêcher qu’il
ne s’éleétrisât ? Si ce tube devenoit électrique, cette expé-
rience prouveroit inconteftablement que l'électricité n'eft
point incompatible avec un air condenfé à tel degré; rais
quand il ne s’électrife pas, j'ai peine à décider fi la conden-
fation de l'air fufñt pour empêcher l'électricité, parce que je
ne fais pas bien fi cette caufe agit feule ou principalement,
lorfque j'en vois deux qui peuvent avoir lieu.
Si je ne devois condénfer l'air que dans des tubes ou dans
des vaiffeaux d’une médiocre capacité, j'aimerois mieux, en
les ajuftant à des fiphons renverfés, charger l'air qu'ils ren-
ferment , d’une celonne de mercure affez longue pour égaler
quatre ou cinq fois le poids de l'atmofphère : fi les tuyaux
pouvoient foûtenir cet effort, ou même une plus grande
charge, on feroit für au moins que la mafle d'air comprimée
ne contiendroit rien d’ étranger que ce qu ‘elle contenoit avant
fa compreflion.
3° Mais de quelque manière qu'on s’y prenne, quand
bien même on ne feroit que charger l'air pour le réduire
dans un plus petit efpace, évitant par-là d’y introduire aucune
fubftance étrangère, comme il arrive prefque indifpenfable-
ment, lorfqu'on fe fert de pompe ou de foufflet, on doit
faire attention, qu'en reflerrant aïinfi l'air, on rapproche auffr
les vapeurs dont il eft naturellement chargé; & 11 une certaine
quantité de vapeurs eft un obflacle à l'électricité, les phéno-
mènes électriques n'auront pas lieu dans ce vaiffeau. Mais
pourra-t-on dire avec certitude que l'air condenfé en foit Ia
caufe?ne pourra-t-on pas douter même, qu’il ait aucune part
à cet effet?
- I me paroît donc très-difficile, pour, ne pas dire impofii-
ble, de traiter l'électricité dans l'air condenfé, comme on
Mém. 1747: . Bb
194 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
peut le faire dans le vuide : premièrement, parce que la
fragilité des vaifleaux tranfparens ne nous permet pas d'y
comprimer fair, autant qu'il eft poflible de l'y trous
fecondement, parce que Fair que lon comprime, contient
néceflairement des vapeurs condenfées, obftacle fuffifant pour
empêcher ou pour affoiblir confidérablement l'électricité ;
ainfi les réfultats des expériences qu'on pourroit faire, feront
toûjours affectés de quelque incertitude. Si la vertu électrique
fe manifefte, on pourra croire que l'air n’eft point affez denfe,
& que s’il l'étoit davantage, les effets feroient différens : frelle
ne fe manifefte pas, les vapeurs augmentées par la conden-
fation , pourront légitimement pañier ] pour la caufe principale
de ce défaut d'éleétricité.
Ces confidérations me font abandonner, pour le préfent,
ces expériences trop laborieufes & trop délicates, pour le peu
de fruit qu'il femble qu'on en peut attendre, à moins qu’elles
ne foient portées à un certain point de perfection. Je me con-
tente d’expofer les difficultés que j'y trouve, afin de donner
à d’autres perfonnes plus ingénieufes ou plus patientes que
moi, l'occafion d'y réfléchir, & d'y trouver des remèdes, s’il
yena.
Je n'examinerai point ici, comme je me l'étois propofé
d'abord , fi la figure & les différentes dimenfions des corps
que l'on veut éle&trifer, ou par lefquels on tranfmet l’élec-
tricité, contribuent à rendre cette vertu plus ou moins forte :
les expériences que j'aurois à citer par rapport à cette quef-
tion, font étroitement liées avec d'autres faits qui appartien-
nent au troifième Mémoire. Je les y renvoie donc, & je finis
celui-ci par quelques réflexions fur la néceflité d’ifoler ou de
placer fur certains fupports, les corps auxquels on a deflein de
communiquer l'éleétricité.
M": Gray & du Fay nous en ont fait une loi, & de leur
temps cette loi étoit fans exception , c'eft-à-dire qu'on ne
connoifloit aucun fait qui parût y déroger. Depuis trois ou
quatre ans , prefque tous ceux qui ont éleétrifé avec des glo-
bes de verre, ont obfervé qu'en certains cas Féleétricité fe
DES SCIENCES. 195$
renouvelle tellement, que le fujet qui la reçoit peut être
touché par d’autres corps, fans ceffer entièrement d'être élec-
trique, quoiqu'il foit toûjours certain que fon éleétricité s'af-
foiblit par ces attouchemens. C’eft pourquoi M. Boze dans
un Ouvrage * qu'il publia en françois, il y a environ deux + Recherche far
ans, dit en parlant d’un homme électrifé de cette manière : one À JU
« Il pourra même quitter fon piédeftal, & faire quatre ou cinq &e l'élétricité,
pas avant qu’il perde toute fa vertu, &c. » & M. Allamand, ?° 0
dans fa lettre à M. Folkes b, exprime ainfi fon troifième phé- s pere
nomène. « Un corps électrique ne perd pas toute fon élec- Pritan. Janvier,
tricité par l’attouchement d’un corps qui ne l'eft pas. » C'eft in
auffi par cette raifon que j'ai modifié, la loi établie par M. +2».
du Fay © en y fubflituant les deux propofitions que voici. + Mémoires de
Un corps éle@rifé perd communément toute fa vertu par l'attouche- Acad. dés Se.
ment de ceux qui ne de font pas : mais dans le cas d'une forte élec- nn “ui
tricité, les attouchemens ne font que diminuer la vertu du corps
électrifé, & ne la lui font perdre entièrement qu'après un efpace de
temps qui peut être affez confidérabled. 4 Effai far
Quand j'écrivois ainfi, je n’ignorois pas que dans l’ex- ti à
périence de Leyde, le vafe de verre qui contient l'eau s’élec- l
trife fortement & conferve long-temps fon éleétricité, quoi-
qu’on le tienne à pleines mains : c'eft un des articles du Mé-
moire que je lûs à notre rentrée publique d’après Pâques
1745; mais à limitation des aufeurs que je viens de citer,
j'ai laïffé fubfifter la loi générale, & j'ai expofé cette particu-
larité comme une exception qu'on peut regarder comme uni-
que, c'étoit ménager également, & comme je le devois, la
vérité & la mémoire de deux Savans qui ont bien mérité de
la Phyfique, fur-tout en cette partie: je crois que je n'aurois
fait ni lun ni l'autre fi j'en euffe ufé autrement ; car il n’eût
été ni vrai ni honnête de donner à entendre, comme quelques
perfonnes l'ont fait, que M's Gray & du Fay avoient eu tort
de dire qu'il faut ifoler fur des gâteaux de réfine les corps
qu'on veut électrifer, ou plus généralement encore, qu'ils
s'étoient trop preffés d'établir des loix.
Pour ne parler que de ce qui concerne la vérité, fi M. du
Bb ij
196 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Fay a eu tort d'avancer cette prapofition, quelqu'un auroît
donc raifon de foûtenir la contradiétoire, en difant qu'il n'e
pas bejoin d'ifoler les corps que l'on veut éledtrifer. Mais
eft pourtant bien certain qu'on ne pourra pas les électrifer
fans -cette condition, ou que s'ils s'éleétrifent, ils n'auront
qu'une vertu foible qu'ils perdront bien-tôt, ce qui fuffit
pour autorifer cette propofition générale, qu'on doit ifoler
les corps auxquels on veut communiquer l'éleétricité ; comme
on a raifon de dire généralement qu’il faut fermer la porté
& les fenêtres d’une chambre qu'on veut échauffer avec un
poële, quoiqu'on fache Lien qu'elle ne feroit pas privée de
toute chaleur, fr on en ufoit autrement.
Si, pour multiplier les exceptions, on vouloit ajoûter au
vafe qui contient l'eau , dans l’expérience de Leyde, l'exemple
des corps qui, dans cette même épreuve, reçoivent & tranf-
mettent la commotion éleétrique, fans être placés fur de la
réfine, ni fur rien de femblable; je répondrois à cette inf
tance, que ces corps ne s'électrifent point, à proprement
parler : je renverrois à ce que j'en ai dit au commencement
de ce Mémoire, en ajoûtant que c’eft confondre les idées &
retarder le progrès de nos connoiffances, que de s’obfliner
à ne pas diftinguer cette action inftantanée , qui peut être, &
qui eft probablement un fmple mouvement de percuflion
imprimé à un fluide qui ne fe déplace pas; à ne pas diftinguer,
dis-je, cette action des autres mouvemens de la matière élec-
trique qui font vifiblement progreffifs.
APPENDICE dans lequel on expofe un nouveat
4 \ 7 2 2,2" #
phénomène d'éledricité. +
J'ai fait voir dans le Mémoire précédent que la matière
électrique efuente coule avec plus de facilité & plus abon-
damment dans le vuide que dans l'air de l’atmofphère : j'ai
remarqué auffr dans le même endroit, que Îe vaifleau de verre
dont on a purgé l'air, & qui reçoit intérieurement les émana=
tions électriques d’une verge de fer, acquiert promptement
dl
DES SICFTEN CES 197
une très-grande vertu ; ce qui fuit aflez naturellement
du premier effet. Il y a environ trois mois, que répétant
cette expérience pour le plaifir de la revoir (car elle eft très-
belle) & pour en examiner de notveau les circonftances, le
vaifleau de verre me parut tellement électrique, que dans le
moment même que je le confidérois, il me vint dans l'efprit
qu'il pourroit bien procurer une commotion femblable à celle
qu'on éprouve dans l'expérience de Leyde. Cette penfée s’em-
para de moi de telle forte; que je ne me dorinaï pas le temps
d'y réfléchir; j'appliquai la main gauche fur le vaifleau, &
avec la droite je tirai une étincelle de la verge de fer: je me
repentis bien-tôt de ma précipitation; je fus frappé intérieu-
rement, & depuis la tête jufqu’aux pieds, avec tant de vio-
lence, que je ne me fouviens pas de f'avoir jamais été da-
vantage en répétant l'expérience de Leyde: foit par l'effet de
la furprife, foit par la force avec laquelle je fus fecoué, je
paffaï lé refte de la foirée aflez mal à mon aife, ce qui {e
diflipa cependant par le fommeil de la nuit fuivante.
J'ai fait répéter depuis cette expérience par diverfes per-
fonnes; & quoique j'eufle foin d'en modérer l'effet, en leur
faifant tirer létincelle avant que le vaifleau eût acquis une
forte éleétricité, toutes font convenues dès la première épreu-
ve, qu'il n’y'avoit aucuné différence entre la commotion
qu'on reçoit de cette manière, & celle qui caraétérife la fa-
meufe expérience de Leyde.
I y a près de trois ans, que rendant compte à l'Acadé-
mie* des circonflances que j'avois trouvé remarquables, en
répétant l'expérience de Leyde, nouvellement connue alors,
j'obfervai qu'au lieu d’eau, on pouvoit mettre dans le vaifleau
de verre, du mereure ou d’autres liquides qui ne fuffent ni
fülfureux ni gras, qu'on pouvoit même employer de Ja li-
maille de fer, du fablon &c. & j'ajoûtois que quoique l’eau
me parût préférable à tout ce que j'avois eflayé de lui fubfli-
tuer, quantité d’autres fiqueurs réuflifloient avee la feule dif:
férence du plus au moins.
J'ai répété depuis, à peu près la même chofe, dans mon
Bb iij
* Mémoire à
a la rentrée pu-
blique de l'Aca-
démie des Stien-
TES
ces, après Pa=
ques 1740
2 Page 133
dans la notes
art, je
b Effai far
l'ékétricué, p.
206,
_
198 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
eflai® ; de forte qu'on peut voir par les endroits que je cite,
que je n'ai jamais regardé l'eau qu'on emploie dans cette expé-
rience, que comme un moyen de tranfmettre & d'appliquer
à la furface intérieure du verre, les émanations électriques qui
fortent du fil de métal plongé dans le vaifleau.
On peut voir encore par l'explication que j'ai donnée du
neuvième fait de la feconde clafie?, que j'ai attribué dès-lors
tout ce qu'il y a de fingulier & de merveilleux dans l'expé-
rience de Leyde, au double avantage que pofièdent le verre,
la porcelaine, &c. de pouvoir être éleétrifés par communi-
cation d’une manière affez forte, & de conferver cette vertu,
malgré les attouchemens des corps non éleétriques; ce que ne
pourroit faire ni un vafe de métal qui perd fa vertu acquife dès
qu'on le touche, ni un vafe de cire d'Efpagne ou de foufre
qui n’acquiert point aflez de vertu par voie de commu-
nication. ER
Je perfifte aujourd'hui dans les mêmes idées, parce qu'elles
me paroiflent quadrer aflez bien avec toutes les oblervations
que j'ai eu occafion de faire jufqu'à préfent par rapport au
fait dont il s’agit; j'ajoûte feulement, en conféquence du nou-
veau phénomène que je viens d'expofer, que l'eau ou toute
autre matière que l’on emploie dans l'expérience de Leyde,
ne fert à autre chole qu'à tenir la place d'un volume d'air
qui feroit moins propre à tranfmettre au verre les émanations
éleétriques qui fortent du fer : car nous favons d’ailleurs, &
je l'ai prouvé en plufieurs endroits, que l'air eft un milieu difft-
cile à pénétrer pour la matière électrique; & je ne doute pas
qu'on ne fit l'expérience de Leyde avec un vaifleau de verre
ou de porcelaine, fans eau, & feulement rempli d'air, fi l'on
parvenoit à éleétrifer aflez fortement ou aflez long-temps
pour vaincre la réfiflance ou le retardement que ce dernier
fluide apporte à l'éleétrifation du verre: je dis plus, & le
temps vérifiera peut-être ma prophétie, tout corps qui de-
viendra aflez électrique, par quelque voie que ce foit, &
qui retiendra aflez d'éleétricité tandis qu'on le touchera, füt-
ce toute autre chofe que du verre ou de la porcelaine, fera
em. de LALR des Se. 2747 Pag.19
Am de LAGR des Se 1747. Pag 108. PL6
]
4
DES SCIENCES. 199
reffentir la commotion que l'on éprouve, en fuivant le pro-
cédé de Leyde.
Je fuis donc bien éloigné de croire qu'il y ait dans l'eau
une vertu particulière analogue, pour ainfi dire, à l'électricité,
& d’où dépende le fuccès de l'expérience publiée par M.
Mufchenbroek ; on a cependant écrit des volumes entiers
pour établir cette doctrine, qui aura peine à tenir contre le
phénomène que j'annonce ici. Ceux qui font dépendre la
commotion d'un air comprimé, je ne fais comment, avec
l'eau dans la bouteille, n’y trouveront pas mieux leur compte;
car eft-il poffible d'attribuer à un air condenfé & comprimé,
un effet qui fubfifte dans toute fa force, lors même qu’on
a fait le vuide?
23 Déc,
1747:
200 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALEe
SUR, LA: LONG.IT.UDiE
LE CL À + CONCEPTION
VILLE DU CHILI À LA MER DU SUD,
Jiruée fous 36% 43° de Larirude auftrale.
Par M. LE MoNNrteER le Fils.
[' y a peu de villes dont la longitude ait varié un plus grand
nombre de fois dans les auteurs des Tables ou Cartes géo-
graphiques, que celle de la Conception, puifque parmiles au-
teurs du dernier fiècle, & les modernes; les uns, tels que Blaeu
& Frézier, la fuppofent au moins $ degrés à l'eft du méridien
de Lima, s'étant fondés uniquement fur des routes de navi-
gation; & que d'autres au contraire l'ont placée, fans doute
d'après quelques journaux d'habiles Navigateurs qu'ils ont
confultés, 2 à 3 degrés à l'ouéft du méridien de cette ville,
Cela fe voit-affez généralement dans les Cartes angloifes,
& fur-tout dans celle des variations de aimant, publiée par
M. Halley. On remarquera aufffque le grand globe de Senex,
achevé à Londres il y a quelques années, & qui contient
quantité de corrections nouvelles qui refloient à faire dans
la Géographie , ne tient pas tout-à-fait un milieu entre ces
différentes pofitions; on y place la ville de la Conception
& celle de Lima fous un même méridien, ou même cercle de
longitude. Cette opinion qui a pù avoir autrefois quelque
fondement, & dont il ne m'a jamais paru difhcile de dé-
couvrir la raifon, a été à jufte titre rejetée en France depuis
"trente ans par feu M. Delifle & les autres Géographes, auffi-
tôt qu'ils ont eu connoiflance des obfervations des Satellites
que le P. Feuillée a faites à la Conception en l'année 1709.
Mais comme il m'a toûjours femblé qu'on pouvoit tirer
de cette même opinion a »'ques lumières touchant la lon-
gitude du détroit de Magellan, fur laquelle M.rs Delifle &
Halley
LL
D ESSOR E NICLE LS 201
Halley diffèrent d'environ 1 0 degrés, je propoferai ici quel-
ques conjectures à l'Académie, que je prie le lecteur de ne
pas confondre avec le réfultat de mon travail fur la longitude
de la ville de la Conception; car on a enfin affez d’élémens
pour établir cette longitude avec toute la précifion qu'on
peut defirer dans ces fortes de recherches.
Au refte, comme il eft de la plus grande conféquence
pour la conftruction des Cartes réduites, de pouvoir établir
quelque chofe de bien certain fur la largeur de l'Amérique
méridionale ; que mes plus récentes obfervations de la Lune,
comparées aux occultations que le P. Feuillée y a obfervées,
tant à a mer du fud ou côte occidentale, qu'à l'orientale,
indiquent aflez qu'il faut Ja rétrécir, fur {a Mappemonde de
M. Delifle, de l'année 1720, au moins de 4° Zà Ja hauteur
de la Conception ; j'ai cru ne devoir rien négliger pour bien
établir la longitude de la ville de la Conception, fur laquelle
il fe trouve, comme je l'ai dit, d’aflez grandes différences
entre les Géographes.
A la vérité, ces différences m'ont toûjours paru indiquer
que le gifement* de la côte de la mer du fud , tendoit beau-
* J'ai wù
coup à l’oueft, finon à la hauteur de la ville de {a Conception, “be re
du moins à commencer de ce lieu ou aux environs, en 4; Officiers
s'avançant toûjours à de plus grandes latitudes auftrales ; c’eft- JPagnols, ce
à-dire, à melure qu'on vient à s'approcher du détroit de AA a
Magellan. On peut donc conjecturer que cette côte, à compter fêrce à mes
depuis la Conception jufqu'au détroit, dans une étendue de conjecturess
près de 1 $ degrés en latitude, n’eft point dirigée nord & füud,
comme les Cartes modernes, & fur-tout les Cartes hollandoifes
& le globe de Blaeu, l'ont fuppolé il y a déjà fong-temps.
Pour revenir à la longitude de la Conception, doit-on
regarder enfin la queflion comme entièrement décidée,
depuis qu’on y a obfervé les immerfions & émerfions des
Satellites? 1 n’y peut refler tout au plus, ce me femble, que
quelque incertitude, comme de Là 3 minutes de temps,
ou d'un demi-degré, à caufe que 1éslobfervations correfpon-.
dantes des Satellites n'ont point été faites en Europe: car ces
Men. 1747: GE
202 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
obfervations répondent précifément à la faifon où l'air étoit
le plus chargé de vapeurs dans nos climats, & Jupiter fe trou-
voit pour lors dans les fignes méridionaux. D'ailleurs les cor-
refpondantes tombent précifément pendant notre mémorable
hiver de 1709, comme cela fe voit dans les Mémoires de
l'Académie des années fuivantes 1710 & 1711.
Or comme il s’agit de fixer ici, s'il eft poflible, par les
meilleures obfervations & par les méthodes les plus certaines
que fourniffe l'Aftronomie, un point de la côte de la mer
du fud, d’où lon pourroit partir dans la conftruétion de la
Carte réduite, afin d'en continuer le gifement jufqu’au cap
de Defir ou des Piliers, qui eft le lieu où les vaifleaux débou-
quent du détroit de Magellan ; rien ne paroïît plus propre à
cette recherche que les deux occultations d'Aniares où du
cœur du Scorpion par la Lune, que le P. Feuillée a obfervées
à la Conception, l'une le 3 Février 1709, & l'autre le 19
Mars de l'année fuivante.
C’eft pourquoi il refte à produire ici quelle différence
l'Aflronomie nous indique par cette voie, d'avec ce qui a
été conclu autrefois par le calcul corrigé des Tables des Sa-
tellites; c’efl-à-dire, de quel côté & dans quel fens doit porter
cette différence ; enfin fi elle tend à diminuer ou à augmenter
la largeur de F Amérique méridionale.
Les obfervations d'éclipfes d'Etoiles par la Lune, faites à
de fi grandes latitudes auftrales, nous pourroient conduire
auffi à d'autres recherches d’un genre bien différent, puif-
qu'elles m'ont d'abord offert le moyen tant defiré de vérifier
dans l'autre hémifphère, la parallaxe de la Lune, comme je
J'ai indiqué dans les Mém. de l Académie de l'année 1743 ;
car il fuffit pour cet effet que la latitude des étoiles éclipfées par
Ja Lune, foit parfaitement connue, & qu'on choififie parmi
les occultations obfervées dans les régions fituées vers le pole
méridional du globe terreftre, celles qui répondent princi-
palement aux temps des plus grandes latitudes de la Lune: en
effet, de cette manière on peut efpérer de pouvoir parvenir
à conelurre un jour, avec la certitude requife, les parallaxes
DES SCIENCES 203
de Ta Lune; & cela non pas en y employant feulément dés
différences, comme j'ai tenté tant de’ fois de le prätiquét ict
en Europe, mais auffi par dés fommes dé parallaxés.
Préfentement, foit diminuée la différence en longitudé
entre Paris & la Conception, laquelle fe trouve déjà établié
dans les Mém. de l'A cad. de 1711,de$h 2°+, & réduifons fa
d'abord à sh o’ *: on va bien-tôt voir par le calcul des deux
occultations d’Antares, que cette différence en longitude de-
mandoit à être diminuée. La première de cés occultations à
été aperçüe le 3 Février à 4b 49’ 27" du matin: y ajoûtant
5" 0”, & réduifant au temps Moyen, on trouve que les T'âblés
des Inflitut. Aftron. donnoient alors le 2 Février à 32h 4 aù
méridien de Paris, la longitude de la Lune + 348! 05";
& fuppofant l'erreur des bles, 3’ 3 5" additivé, on aura là
vraie longitude de la Lune, # 54 10 40", & fa latitude
auftrale $4 o' 42"2: l'angle parallaétique à dû être au mêmé
inftant , à {a Conception , de 5024 +, & partant la pa-
rallaxe de la Lune en fongitude étoit de 2 1’ 23"+, réduité
& corrigée; celle de latitude n'étant que dé 17° 38".
J'ai déterminé dans l'Hifloire Célefte la latitude d'Antares
pour les années 1 687 & 1740: c’eft pourquoi fi l’on prend
un milieu, & qu'on fuppofe la latitude apparente de cette
étoile de 44 31° $ 5’, On aura r1° ro" pour la différencé
en latitude apparente entre l'étoile & le centre de la Luné
au moment de l’occultation obfervée : ce qui donne, en fup-
pofant la longitude apparente d'Anrares SANS TE
la vraie Jongitude de la Lune + $r0"r5$"1, moins avancéé
de od 0’ 24" que felon le calcul des Tables corrigées; ainff
la longitude de Ja ville de Ja Conception fe réduit à 48 s 9'+
à l'oueft du méridien de Paris. Au refte il y a bien de f'ap-
parence que le P. Feuillée avoit pris pour la tache Ariftarque
Où Mons porphyrires, vis-à-vis de laquelle l'étoile s’'eft éclipfée,
cetté éfpèce de tête de Vierge, qu'Hevelius comprend, avée
d’autres plus pétites, fous le nom d’Af/as minor: ces deux
taches Re reflemblént fort dans le livre de a Connoiffance
des Temps de cette année-1à ; mais fr l'étoile s’étoit cachée
y ccm
* Vraie diffé.
vence en longi=
tude, qu'on doit
admertre,.
204 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
en effet vis-à-vis la tache qu'Hevelius nomme ous porplyrites,
on trouve fur la phafe générale de cet auteur, que ce point
auroit dû répondre à 26 degrés au fud du parallèle à l'éclip-
tique mené par le centre de la Lune, ce qui donneroit feu-
lement la différence en latitude apparente entre le centre de fa
Lune & l'étoile, au moment de fon occultation, de 6" 42"+,
au lieu de 1 1° 10” qu’on a déterminées ci-deflus, en y em-
ployant la latitude de la Lune, tirée des Tables, & corrigée.
Ï! eit donc vifible en ce cas que cette différence de 6" 42"+
qui ne donneroit que 4h $ 1°À pour la différence des méri-
diens entre Paris & la Conception, doit être rejetée, ce
qui va paroître encore plus évident lorfqu'on recherchera
par l’une & l'autre méthode le point du limbe de la Lune
où s’eft faite la feconde occultatiôn d’Antares.
Car à l’inftant de cette feconde occultation, Îe point de
l'immerfion de l'étoile fous le difque éclairé de la Lune, a
paru, felon le P. Feuillée, vis-à-vis Képler, qui efl une tache
qu'Hevelins a nommée dans fa Sélénographie, Loca Pali-
dofa: calculant donc le point du limbe par les deux méthodes,
il ne fe trouve plus qu'un degré & demi de différence; au
lieu que la difiérence étoit de 26 degrés au temps de la
première occultation, dans la fauffe fuppofition que l'étoile
fe feroit cachée vis-à-vis la tache appelée Ariflarque: enfin
la petite différence d'environ un degré & demi dans le point
du limbe où s’eft faite la feconde occultation, ne produit
pas plus de $ fecondes d'erreur dans la longitude apparente
entre le centre de la Lune & l'étoile Antares. Voici donc
le calcul de Ja longitude de la Lune.
L'immerfion de l'étoile fous le difque éclairé s’eft faite
le 19 Marsi71o,à10h 3315", c’efl-à-dire, qu’en fuppo-
fant la longitude de la Conception de 4P $9'+, on comptoit
alors 15° 32°45" au méridien de Paris, ou 1 $h 40° 40"
de temps moyen: les Tables de M. Newton donnent pour
cet inflant la longitude de Ja Lune + 44 49° 27", d'où l'on
tire l'angle parallaétique de 644 5 9'+; & partant, aumoment
de l'occultation obfervée à la Conception, la parallaxe en
æ
D} El SM ISICONE NTIC ETS 20$
longitude étoit de 39° 02"+, & celle de latitude 38" 28"2.
Selon les mêmes Tables, la latitude auftrale de 1a Lune étant
de $d 12° 22"+, il doit s’enfuivre que la latitude apparente
du centre de cet aftre étoit de 2° 0" plus grande que celle
de l'étoile à linflant de fon occultation, ce qui doit donner
la longitude apparente de la Lune + Gé 27 15"; on la
trouvera + $d 27° 20" en fe fervant de la phafe générale
d'Hevelius, fi lon prend pour point du limbe où s'eft faite
l'occultation , 9 degrés au fud du parallèle à l'écliptique.
Soit donc conclue de Fobfervation du P. Feuiilce, faite
àr1oh 3315", la vraie longitude de la Lune + 44 48’ 12"2,
& parce que le calcul des Tables de M. Newton donne au
même inflant (en fuppofant la Conception de 4h $9'21 à
l'oueft du méridien de Paris) le lieu de la Lune plus avancé
de of 1°+; il eft évident qu'il faudroit diminuer cette diffé-
rence en longitude de 2 à 3’ de temps, s’il n’y avoit aucune
erreur de la part des Tables dont on s’eft fervi dans ce calcul.
Que fi la vraie longitude de la Lune, felon les Tables
corrigées, a dû être > 44 47'+, il doit s'enfuivre que la
différence des méridiens, fuppofée dans le calcul de 4h 592,
doit être augmentée de ol 14, & l’on aura sh o'i.
_ J'ai découvert l'erreur des Tables au temps de la première
occultation, en y employant la période ou Saros chaldaïque ;
car j'ai eu une obfervation correfpondante le 2 $ Février de
l'année 1745 : le même jour la Lune a été auffi obfervée
au méridien à l'obfervatoire de Greenwich; mais comme je
n'ai pü avoir ici d'obfervation correfpondante au temps de
la feconde occultation qui a dû arriver le 4 Avril 1746,
ai confulté les regiftres des Aftronomes du dernier fiècle,
tels que Bouillaud, Gaffendi, Hevelius, & Mrs Picard,
Caffini, Flamfleed & de la Hire; je n'ai pû y trouver d’ob-
fervation correfpondante. Au défaut de cette période de 1 8
aps, j'ai eu recours à celle de 9 ans, introduite par M. Halley
en l'année 173 1, comme on le peut voir danses Tranfactions
philofophiques, n.° 42 1 ; & j'ai fait ufage d’une obfervation
correfpondante du même auteur, imprimée dans le recueil
Cciij
#7 Juillet
7e
206 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de celles qui f trouvent à la fin de la feconde édition des
Tables Carolines. En 1 683, le 7 Mars, vieux flyle, à 1 $h
24' 20", la diftance de l'épi de la Vierge au bord le plus
proche de la Lune, a été mefurée avec le fextant de 6 pieds
de rayon, de 474 40’ 30"; & à 15h 29" 10", elle a paru
de 474 42' 30". Soit donc fuppofée la diftance mefurée de
474 4130" à1 5 44 5 2" de temps moyen, le 17 Mi,
nouveau ftyle, au méridien de Paris.
La longitude apparente de l'épi de Îa Vierge a dû être,
felon l'Hilloire célefte, & ayant égard à f'aberration, qui
étoit alors de 1 8"E orientale, & 19% 25" 35"; l'accourcifie-
ment caufé par les réfraétions, étant de 3 5", on a la diftance
apparente corrigée 47% 26° 20" à l'égard du centre de la
Lune, en fuppofant le demi-diamètre apparent de 1 5° 45".
Réduifant auffi au même inftant la diftance obfervée de la
Lune à l'étoile & de la tête d'Ophiucus, & ayant égard à l'ac-
courciffement caufé par les réfractions, on a 3344420";
& fuppofant enfin la diftance des deux étoiles, de 664 20°
00", je trouve la différence en longitude entre la Lune &
l'épi de la Vierge, de 474 6’ o0"+, ce qui donne a longi-
tude apparente du centre de la Lune 64 31° 35" +. Les
Tables de M. Newton donnent au même inftant la longi-
tude de la Lune # 64 15° 25”; & fuppofant la parallaxe
de longitude de 1 8° 1 5", on a la vraie longitude de la Lune
par lobfervation, + 64 13° 20", c'efl-à-dire, 2 minutes
& 5 fecondes moins avancée que felon les Tables.
IVora. Depuis qu’on a publié les Tables de M. Halley, j’y ai cherché une
obfervation correfpondante à celle de la feconde occultation du 19 Mars 1710,
& il froit bien à fouhaiter qu’on eùt publié, non pas les rélultats, mais le
détail des obfervations de M. Halley, afin qu’on pût corriger les pofitions des
Etoiles auxquelles il a comparé la Lune : or je trouve qu’au 20 Mars 1728
à 16" 1533", en réduifant au méridien de Paris, la longitude de la Lune
étroit 87 1 12 20’ 26", & que par conféquent l’erreur des Tables inférées dans
les Inftitutions aftronomiques , a été ce jour-là de 2’ 54", dont elles donnent
Ra longitude plus avancée. Cela s'accorde aflez au réfultat rapporté ci-deflus,
qui donnoit feulement 2 minutes.
Es
DES SCIENCES. 207
ECLAIRCISSEMENS
SUR
PLUSIEURS FAITS CONCERNANT L'E’LECTRICITEF,
TROISIEME MEMOIRE,
Dans lequel on examine 1° fe l'Ele&riciré fe communique
en raïfon des maffes, ou en raifon des furfaces ; 2° fe
ane certaine figure, ou certaines dimenfions du corps
éle&trifé, peuvent contribuer à rendre [a vertu plus
fenfible ; 3° fi l'éle&rifarion qui dure long-temps, où
qui eff fouvent répérée fur la même quantiré de matière,
peut en alrérer les qualités ou en diminuer la maffe.
Par M. l'Abbé NOLLET.
Le Phyficiens qui connoiflent par eux-mêmes les phé-
nomènes électriques, qui les ont étudiés, & qui favent
combien nous fommes encore éloignés de pouvoir les faifir
avec précifion , feront fans doute furpris de voir que j'aie
entrepris de déterminer dans quel rapport fe communique
la vertu électrique. Ces expreffions géométriques er raifom
des maffes, en raifon des furfaces, pourroient faire croire que je
me fuis flatté de faire connoître quelle ef au jufte la quantité
actuelle d'éleétricité qui fe trouve dans un corps, à mefure
qu'on-en change l'étendue ou le poids dans des proportions
connues; prétentions que je n'ai point, & que je n'oferois
avoir, tant qu'il nous manquera un inftrument bien éprouvé
ou un moyen für pour juger des degrés que peut recevoir
la vertu électrique : je me conforme feulement au langage de
ceux qui ont proposé la queftion, & qui ne favoient peut-
être pas aflez combien ïl eft difficile de la réfoudre en ne s’é-
cartant PA des termes dans lefquels elle eft conçüe: tout
mon deffein eft de favair fi l'éleGricité eft fenfiblement plus
208 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RÔYALE
forte dans les corps de la même efpèce qui ont plus de mafe;
fi la même quantité de matière ayant plus de furface s'élec-
trife davantage; & fr, pour rendre plus grands les effets de
la vertu éle@trique, il eft plus expédient d'augmenter la maffe
que fa furface du corps qu'on éleétrife, ou tout au contraire.
En me renfermant dans ces bornes, je ferois pourtant
fiché que mon exemple fit perdre à d'autres le defir (toû-
jours très-louable) de porter plus loin les recherches. Je fais
que quelques Savans * fe font occupés de cet objet, & qu'ils
le fuivent avec beaucoup de fagacité : j'applaudis très-fincè-
rement à leur zèle, & je verrai avec une grande fatisfaétion
les fruits d'un travail qui ne peut être qu'utile, & dont les
fuccès font déjà affez réels pour nous en faire efpérer de plus
grands.
A la rentrée de l'Académie qui fe fit après Pâques de lan-
née 1746, je lus un Mémoire qui contenoit le détail de
l'expérience de Leyde nouvellement connue alors, & des
circonflances les plus remarquables que ce phénomène fin-
gulier, examiné & approfondi, m'avoit donné lieu d’aperce-
voir : j'annonçai comme une découverte qui me paroifloit
de quelque importance, qu'une barre de fer de fept à huit
pieds de longueur & du poids de quatre-vingts livres ou
environ, étoit devenue beaucoup plus électrique que les
tuyaux légers & les perites tringles de même métal dont je
m'étois fervi jufqu’alors; & pour montrer comment j'en avois
jugé, je rapportai de fuite tout ce que j'avois aperçû en éléc-'
trifant cette grofle barre, dans les termes que voici.
« Au bout d'une de ces grofles barres électrifées, on
voyoit fortir par les quatre angles autant de gerbes enflam-
mées dont la longueur mefurée étoit de plus de cinq pouces;
* Mr d’Arcy & le Roy, tous deux
conous par plufieurs bons Mémoires
dont ils ont fait part à l’Académie,
s'appliquent depuis quelques années à
l'étude des phénomènes électriques.
Eotre autres vües ces M" fe [ont pro-
pofé l’invention d’un életromètre :
ce qu’ils ont fait à cet égard donne
lieu de croire qu'ils viendront à bout
de réfoudre ce problème. Depuis la
leéture de ce Mémoire, M ’Arcy
eft entré à l'Académie; & fon élec-
| tromètre fe trouvera dans les Mé-
moires de 1749. L
& le
pe Te
DES SCIENCES ‘ 209
& le diamètre d'un peu plus de deux pouces à l'endroit où elles
étoient le plus é épanouies. Le bruit que faifoient ces gerbes,
s'entendoit très-diftinétement dans la chambre voifine dont
on laifloit la porte ouverte; & à plus de quinze pouces ‘de
diflance, on fentoit fur les mairis un fouffle très-confidérable,
de même qu’autour de la barre dans toute fa longueur.
Quand on approchoit le doigt feulement à quatre pouces
de cette barre , il devenoit lumineux par le bout, il en
{ortoit une petite aigrette ; on voyoit la même chofe à
l'endroit du fer qui étoit vis-à-vis, & fi l'on avançoit encore
un peu; il s'allumoit un trait de feu très-vif entre le fer & le
doigt : l'éclat fe faifoit entendre de fort loin, & la douleur
égaloit prefque celle qu’on reffent communément dans l'expé-
rience de Leyde.
Je préfentai aux aigrettes une bague que je tenois par fon
anneau, & enfuite un écu; les traits de feu qui s’élançoient
deffus à plus de deux pouces de diftance, m'engourdifloient
des doigts tellement, que je ne pus les y tenir qu'un inftant.
J'en approchai une montre, & ces mêmes traits de feu
me firent voir diftinétement & ins aucune difficulté, l'heure
que marquoient les aiguilles.
Un homme qui fe 1enoit debout fur un gâteau de réfine,
& qui tenoit d’une main le bout de cette barre électrifée,
acquit lui-même tant d'électricité, que les étincelles qu'on
en tiroit étoient infupportables, & répandoient fur fon habit
une lueur très-vive, & plus large que les deux mains.
Pour peu qu'on s’en approchât ou qu'on portät le plat de
la main au deflus de fa tête, on voyoit autour de lui de
grandes places lumineufes , & fes cheveux rendoient des
aigrettes bruyantes.
S'il alongeoïit le bras vis-à-vis de quelqu'un à plus d'un
pied de diftance, il fortoit de fon doigt une gerbe enflam-
mée qui avoit quatre à cinq pouces de longueur; il en fortoit.«
auffi de plufieurs autres endroits de fon corps à travers les
habits, quand on en approchoit la main.
Souvent même la perfonne qui cherchoit à exciter les «
Men. 1747: . Dd
L<3
LS
ON :
»
Ÿ
s
M
210 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
aigrettes lumineufes , les voyoit s’élancer de fa propre main,
lorfqu'elle s'approchoit à quelques pouces de cet homme
életrifé.
Ayant laiffé pendre au bout de la groffe barre un fil de
fer, dont l'extrémité étoit plongée dans une caplule de verre
en partie pleine d'eau, & qui étoit pofée fur un fupport de
cuivre, tout le vafe parut s'enflammer & éclata tellement en.
Jumière, que je n'ofai achever l'expérience de Leyde, & que
je ne le voulus permettre à aucun de ceux qui m'aïdoient,
Dans l'état où je vis les chofes , je me perluadai que cette
commotion que j'avois cherché à augmenter, pourroit bien
l'être trop pour l’ufage que j'en voulois faire*, & avoir un effet
tout contraire à celui que je voulois qu'elle eût. Je pris donc
la réfolution de préluder fur des animaux de peu de confé-
quence. On m'apporta deux petits oileaux, un bruant & un
moineau franc , je les attachai, fans les gêner, aux deux extré-
mités d'une règle de cuivre, au milieu de laquelle j'avois fixé
un manche de bois avec une corde de foie ; enfuite ayant
tout dilpofé pour l'expérience de Leyde, je pris la règle par
foh manche, j'appliquai le corp$ du bruant contre le vafe qui.
contenoit l'eau, & en élevant un peu Fautre bout , je porta
le moineau vers la grofle barre éleétrifée ; lorfqu'il fut à peu
» près à deux pouces de diflance, il parut entre le fer & lui
un trait de matière enflammée, dont il fut frappé avec tant
de violence , qu'il donna à peine quelques fignes de vie : au
fecond coup, il fut tué fans retour, &c. »
C'efl par le concours de tous ces grands effets, que j'ai
jugé la vertu élecfrique plus forte dans une grofle barre de:
fer , qu'elle n’a coûtume de l'être dans une moindre maffe du
même métal : quiconque entreprendra de faire voir que j'ai
eu tort d'en juger ainfr, ne doit pas fe contenter de dire qu'il
a éleétrifé des pièces de fer très minces ou très-légères, &
qu'elles ont produit des étincelles des plus piquantes ; outre
que ce figne eft un des plus équivoques, je crois avoir:
* Mon defféin étoit d’augmerger la vertu électrique, pour rendre fes effets
plus efficaces fur des paralytiques que j'avois commencé à éleétriler.
DES JShGiTé EN CHE US 217
fuffifamment prouvé dans le premier Mémoire, que pour con-
noître avec quelque certitude, fi la vertu d’un corps éleétrifé
eft plus ou moins grande, il ne faut pas s’en rapporter à un
feul effet, ni même à deux, quand on peut en confulter un
plus grand nombre.
Six mois après la ecture du Mémoire dont je viens de
rapporter un extrait, M. le Monnier médecin, rendit compte
à l’Académie de plufieurs expériences qu'il avoit faites à def-
fein de favoir fi l'électricité fe communique en raifon des
mafles ou en raifon des furfaces. « Un porte-voix de fer blanc
pefant environ dix livres, & long de huit à neuf pieds, parut «
étinceler avec autant & même avec plus de force & d'éclat «
qu'une barre de fer très-courte qui pefoit quatre-vingts «
livres ; l’étincelle qui fortoit d'une boule de plomb électrifée, «
piquoit précifément comme celle qu'on faifoit fortir d’une «
lame de même métal, dont la longueur & la largeur répon- «
doient à l’étendue de la furface de cette boule. Une bande de «
plomb Îaminé étinceloit davantage lorfqu’elle étoit étendue «
felon toute fa longueur, que quand elle étoit roulée fur elle- «
même, &c »
Ces réfultats firent conclurre à M. le Monnier, que la com-
* munication de l’éleétricité fe faifoit plûtôt en raifon des furfa-
ces, qu’en raifon des mafes; le bruit de cette découverte fe ré-
pandit, tant parles journaux de France, quepar les T'ranfactions
philofophiques de Londres, dans lefquelles le Mémoire de M.
le Monnier fut imprimé en fubftance peu de temps après fa lec-
ture, & depuis ce temps-là j'entends dire qu'on m'a relevé de
W’erreur où j'étoistombé, en prétendant que l'électricité fecom-
muniquoit en raifon des mafles. Heft pourtant bien certain (&
Ton ne peut me prouver le contraire par aucun de mes écrits),
que je n'avois point pris de parti décidé fur cette queflion ; &
ce n’eft que depuis quelques mois, que raffemblant les expé-
riences & les obfervations de mon journal qui peuvent y avoir
rapport, & que vérifiant par de nouvelles épreuves des idées
que j'avois conçues dans le filence, mais que je ne regardois
que comme des foupçons, j'ai enfin cru voir quelque certitude,
Dd ji
212 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
où je n'apercevois que dela vrai-femblance, & que les diffi-
cultés qui m'arrêtoient fe font tournées en reflriétions com-
patibles : car en rapportant, comme on l'a vû ci-deflus, l'expé-
rience de ma grofle barre de fer avec toutes fes circonftances,
c'étoit bien dire & prouver, ce me femble, qu'avec une telle
pièce l’éleétricité peut devenir plus forte que de coûtume;
mais il refloit à favoir fi cette plus grande force venoit d’une
folidité égale à quatre-vingts livres, ou de la fuperficie nécef-
fairement plus grande pour une groffe barre que pour une
petite tringle de mème longueur; & c'eft ce qu'il ne m'étoit
pas même venu en penfée d'examiner,
Si j'entreprends de traiter un fujet entamé par mon con-
frère, ce n’eft ni pour lui enlever l'honneur de fes découvertes
(elles font en füreté par la date même de fon écrit), ni pour
jeter aucune ombre fur fon travail; nous n'avons pas procédé
Jun comme l'autre dans nos expériences , il n’eft pas éton-
nant que nos réfultats ne foient pas toüjours d'accord, &:-que
les conféquences qu'on en peut tirer, quoique différentes,
méritent également d'être reçües : il paroît que M. le Monnier
a communiqué l'éleétricité aux corps qu'il comparoit en-
femble, par le moyen d'une foie de verre’, en partie pleine
d'eau éleétrifée à la manière de Leyde, & dans laquelleil
hifloit plonger le fil de métal par lequel elle avoit reçû fa
vertu ; c'étoit en quelque façon appliquer une quantité don-
née d'électricité à deux corps, pour’ voir celui qui en rece-
vroit davantage : fans défaprouver cedeffein, que je trouve au
contraire très-bien conçû, j'en ai fuivi un autre. J'ai cherché
àconnoître, fi en éleétrifant de fuite, & autant que je le pour-
rois, par le moyen du globe de verre, Îes deux corps que je
mettois en comparailon, lun acquerroit avec Île temps-une
vertu fenfiblement plus forte que l'autre; & pour agir avec
plus d'ordre, lorfque les mafles étoient fort différentes de part
& d'autre, j'ai pris foin que les furfaces fuffent.à peu près
égales entr'elles ; comme aufli je n'ai pas manqué de mettre:
une grande inégalité dans les furfaces, toutesles fois que j'opé--
rois fur deux fujets de mafles égales.
DPENSNPSPENT'E NC ES 213
Sachant de plus qu'un corps, toutes chofes égales d'ailleurs’,
s'électrife communénient davantage quand il a une certaine
longueur, comme on le verra ci-après, je me fuis bien gardé
d’éprouver enfemble, par exemple, une groffe barre de fer
fort courte, avec un tuyau mince de même métal beaucoup
plus long. Quand il m'a fallu de grandes furfaces, je les ai
cherchées dans quelques figures dont les dimenfions imitaf-
fent à peu près ou d’une manière équivalente, celles de l’autre
corps électrifé qui fervoit de comparaifon.
Je plaçai donc fur des cordons de foie, & féparément l'un
de l'autre, un tuyau de fer blanc long de quatre pieds, dont la
circonférence avoit fix pouces, & une barre de fer carrée de
même longueur, dont chaque face avoit un pouce + de large:
de forte que les quatre, prifes enfemble, égaloient la’ furface
extérieure du tuyau *. Je conduifis à l’un & à l’autre en même
temps , par le moyen de deux chaînes dé fer d’égales grofieur
& longueur , l'électricité d'un globe de verre que l’on frottoit
fans difcontinuer pendant fept à huit minutes, dansunlieu
obfcur & par un temps favorable à l'électricité.
La barre de fer me fit voir des effets à peu près femblables :
à ceux dont j'ai fait mention ci-deflus ; des aigrettes fort lon-
gues, fort épanouies, fort bruyantes à deux ou trois de fes
angles, quelquefois à tous les quatre, fur-tout quand on y
préfentoit le plat de la main ou une plaque de fer épaifie de
quatre à cinq lignes, à fept ou huit pouces de diftance; des
étincelles, que ni moï, ni ceux qui nr'aidoient, ne voulions re-
cevoir que fur quelque gros morceau de métal, parce qu’elles
étoient infupportables quand on vouloit les exciter avec la
main, & dont le bruit éclatoit affez pour fe faire entendre
très-diftinétement du troifième étage où fe faifoit l'expérience, .
jufqu’au rez de chauffée de la maifon ; des émanations fi fen-
fibles, qu’à deux ou trois pouces de diftance par-tout autour
de cette barre, quand on y portoit le revers de la main ; on
. * Nota. Que comme le tuyau étoit ouvert de part & d’autre, j’aurois prne :
Jür donner que trois pouces de circonférence ; les deux furfaces du dehors &
du-dedans auroïent égalé celle de la barre de fer. -
Dd üj,
D
214 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
croyoit fentir véritablement du coton ou du duvet ; enfin une
odeur fi forte, qu'on avoit peine à la fupporter lorfqu’on pré-
fentoit le vifage environ à un pied au-delà des aigrettes, où
le fouffle éleétrique étoit encore très-fenfible,
Le tuyau me fit voir les mêmes effets, mais toûjours plus
foibles. À la vérité les étincelles, non pas celles qu'on tiroit
de l'extrémité, (elles étoient beaucoup moins fortes qu'aux
angles de la barre de fer) mais celles qu'on excitoit fur fa
longueur à quelque diftance du bout, étoient violentes, extré-
mement douloureufes, & éclatantes en bruit & en lumière;
de forte que pour parler ingénuement, je n'aurois ofé juger
par le feul fentiment qui n'en reftoit, fi elles égaloient ou
non celles qui venoient de la barre de fer.
Mais les aigrettes ne fe font jamais montrées que fort
inférieures à celles de la barre, elles prenoient prefque toüjours
Ja forme d’une frange, & occupoient une partie du bord du
tuyau à fon extrémité la plus reculée du globe : les filets m'en
paroifloient un peu plus ferrés, mais bien moins longs, &
ne s'élançoient pas avec tant d'impétuofité ni avec autant
de bruit que ceux qu'on voyoit fortir de la barre de fer.
Les émanations qui formoient l'atmofphère électrique,
ne fe faifoient fentir, ni d’aufli loin, ni avec autant de force
que celles de la groffe barre ; & il m'a paru qu'il en étoit de
même à l'égard du fouffle & de l'odeur qu'on reffentoit en
préfentant le nez à une certaine diftance de l'extrémité où
paroifloient les aigrettes.
Sur le bout de ma groffe barre de fer, que l'on continuoit
d'électrifer, je plaçai alternativement une plaque de fer forgé,
épaifle de quatre lignes, de huit pouces de longueur fur
deux & demi de largeur, & une lame de ce fer très - mince
qu'on a coûtume d'étamer, mais qui ne l'étoit pas, à laquelle
j'avois donné un peu plus de longueur & de largeur , afin
que les deux furfaces , prifes enfemble, puffent égaler toute
celle de Ja plaque ; je plaçois chacun de ces deux corps de
façon qu'il furpafloit de trois pouces & demi l'extrémité de
la barre fur laquelle il s'électrifoit. L'un & l'autre me firent
DES SCIENCES. 215$
voir, à Jeur extrémité fa plus avancée, ce que j'avois aperçû
à celle de la grofle barre & à celle du tuyau de fer blanc,
mais avec des différences encore plus-marquées.
J'éleétrifai au bout de deux chaînes femblables, & qui
recevoient l'électricité en même temps & du même globe,
une mafle de fer cubique, dont chaque face avoit deux pouces
de côté, & une feuille extrêmement mince du même métal,
taillée en rectangle, de fix pouces de longueur fur deux de
largeur, afin que fes deux furfaces égalaffent enfemble les
fix faces du cube; la vertu éleétrique fe manifefta de part
& d'autre, mais avec des différences fi grandes & fi fort à
l'avantage de la grofle mafle, qu'il. n'étoit pas poffible de
s'y tromper. Véritablement les aigrettes qui s’élançoient des
angles folides de celle-ci, ne fortoient pas toüjours d’elles-
mèmes , ou elles fouffroient des intermittences: mais quand
ces éruptions fe faifoient, ou qu'on les excitoit en approchant.
le plat de la main, elles étoient très-violentes, & les étin-
celles qui en-réfultoient, piquoient tout autrement que celles
de la feuille coupée en quarré long, qui étoïent très-fup-
portables.
J'ai éprouvé des différences femblables Torfqu’en fuivant:
Ie même procédé, j'ai éleétrifé d’une part une maffe de cuivre
‘qui avoit la forme d’une poire, & qui pefoit environ deux:
livres, & de l’autre part une petite feuille de ce laiton laminé,
qu'on nomme chnquant , capable de couvrir la moitié de cette
poire dont je viens de parler.
Enfin j'ai placé fur la groffe barre, tandis qu’on l'éleétrifoit
trois quantités égales de fer, mais bien différentes entre elles
par la quantité de furface qu'elles avoient; favoir, un cube
folide pefant huit livres, un paquet de clous, dont chacun
avoit deux pouces & demi de longueur, & une caiffe à peu près
cubique & ouverte, de tôle extrêmement mince, que j'avois
remplie de ces petits clous qu'on nommé Droguettes fines.
Cette dernière épreuve a été conflimment fuivie de réful-
tats fort approchans de ceux que j'avois eus dans les précé-
déntes. Lorfque j'approchois la main au deflus des broquettes,
216 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plufieurs d’entr'elles brilloient en mème temps d'un petit bou-
quet lumineux qui avoit à peine un demi-pouce de longueur,
ui ne laifloit entendre aucun fiflement, mais qui faifoit
re fur la peau un petit vent femblable à celui qui accom-
pagne lesaigrettes qu'on voit au bout des feuilles d'une plante
verte qu'on électrife; les étincelles qu'on en tiroit avec le
doigt étoient médiocrement douloureules, & telles que tous
ceux qui m'aidoient, en tiroient fept ou huit de fuite, fans
aucune répugnance. Î1 n’en étoit pas de même des grands
clous , la perfonne la moins délicate & la plus curieufe de
favoir combien ils pouvoient faire fentir les effets de leur
vertu, ofoit à peine recevoir une fois ou deux, fur fa peau,
limpreffion & l'éclat de leur feu. Leurs aigrettes avoient
quelquefois jufqu'à deux pouces de longueur, & bruifloient
de manière à fe faire entendre diftinétement à fept ou huit
pieds de diftance. Enfin ces mêmes effets étoient encore
plus grands aux angles & à différens points de la furface de
la grande mafle cubique. :
Il paroît donc par les réfultats de toutes ces expériences
répétées nombre de fois & avec tout le foin pofñble, qu'à
furfaces égales , une plus grande mafle eft capable de s’életrifer
davantage qu'une moindre mafle de la même efpèce; & que
dans le cas même où les quantités de matière font égales
de part & d'autre, ce n’eft pas toûjours la plus grande furface
qui rend les phénomènes électriques plus confidérables.
Pour mieux connoître la jufte étendue de cette décifion,
& les modifications dont elle eft fufceptible , il faut avoir
égard à quelques obfervations que je vais rapporter, & qui
m'ont paru fort importantes au fujet.
Premièrement , comme j'ai répété fouvent les expériences
dont je viens de faire mention, & que je les aï faites pour
Ja plüpart, dans d'autres vües & plufieurs années avant que de
penfer à l'ufage que j'en fais aujourd'huï; j'ai eu tout le temps
de remarquer que les grandes mafles, les corps qui ont beau-
coup d'épaiffeur, ne s’électrifent pas toûjours d’une manière
plus forte ou plus fenfible que des corps de la même efpèce
qui
3
| D'ES:SAC/TENCES 217
qui feroient plus minces ; toutes les fois que l'électricité eft
‘foible par la faute du verre que l’on frotte, par celle des autres
inftrumens ou de la faifon; je vois ordinairement que les
phénomènes éleétriques font plus apparens, plus fenfibles de
a part d’un fimple tuyau de fer blanc, que de la part d’une
groffe barre de même longueur ; qu'un chaudron ou tout
autre vaiffeau creux de métal, étincelle mieux qu'une en-
clume; il eft bien rare qu'un fimple fil de fer ne faffe aigrerte
en fon extrémité, & ne s'électrife jufqu’à étinceler dans
toute fa longueur, en quelque temps que ce foit ; l’on fait
qu'il n'en eft pas de même d'une tringle de fer, mème d'une
médiocre grofleur. |
Cette obfervation me fait penfer, qu'un corps mince
s’éleétrife plus facilement qu'un plus épais, mais que celui-ci,
quand la caufe efficiente peut y fournir , eft fufceptible d'une
plus grande vertu: voilà pourquoi dans ma conclufion je
n'ai point dit qu'une plus grande maffe s’éleétrife, mais qu'elle
ef? capable de s'élerifer davantage qu'une moindre mafle; &
cette propofition ainfr modifiée me paroît inconteftible,
après les expériences que j'ai citées.
Secondement, j'ai remarqué encore , & cela peut confir-
mer ce que la première obfervation m'a fait penfer; j'ai
‘remarqué, dis-je, que la propagation de l'électricité dans un
q Je, q propag
corps épais , toutes chofes égales d’ailleurs, fe fait plus len-
tement que dans un plus mince. Celui-ci prefque en un
inflant produit tous les phénomènes dont il eft capable,
a caufe qui lui fournit fa vertu reftant la même ; au lieu
“qu'un corps qui a beaucoup plus de matière, reçoit, comme
par degrés, & feulement après une éleétrifation foûtenue &
d'une certaine durée, la force électrique qu'il peut prendre:
‘Jen ai jugé ainfi par cent épreuves femblables ou équivalentes
à celle qu'on va voir.
J'ai fufpendu avec deux cordons de foie, & féparément
un de l’autre, un poids de fer de cinquante livres, & un petit
parallélépipède de même métal, pefant environ huit onces:
je conduifois l'électricité à l'un & à l'autre en même temps
Mém. 1747: , Ee
218 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
par le moyen d’une chaîne qui fe divifoit en deux branches;
& afin de mieux faifr la différence qu'il pourroit y avoir
entre l'inflant où l'électricité commenceroit à fe communi-
quer, & celui où cette communication fe manifefleroit par
des fignes fenfibles , une perfonne pinçoit da chaîne , tandis
qu'on mettoit le globe en train, & avertifloit par un fignal
lorfqu'elle la quitoit. Un autre obfervateur préfentoit le plat
de la main à q@utre pouces de diflance de l'angle le plus
faillant d'un des deux corps qui recevoient l'éleétricité, & l’on
comptoit par les vibrations d'un pendule à demi-fecondes,
combien il {e pafloit de tempsentre le fignal donné par celui
qui cefloit de pincer la chaîne, & l'apparition des aigrettes à
l'angle du corps iéleétrifé. Quelquefois au lieu des aigrettes,
on attendoit des piqüres au bout du doigt que l'on tenoït
à une diftance éprouvée, ou bien on ‘plaçoit à cinq ou fix
pouces au deflous de ces corps, des cartons couverts de
fragmens de feuilles d'or , de pouffière de bois , ou de barbes
de plumes : à peinefe pafloit-il une feconde fans que le petit
morceau de fer étincelàt ou donnât des aigrettes, & j'enai
quelquefois compté plus de fix, avant qu'on vit paroître les
mêmes effets à l'angle du gros poids où on lesattendoit; &
avec un peu d'attention l'on s'apereevoit bien que ni l'un
ni l'autre n'attiroient d'abord avec autant de vivacité que
J'initant d’après.
Je dis l'inftant d’après, au fingulier ; car c’eftune chofe très-
commune & à laquelle pourtant on n’a pas fait toute l’atten-
tion qu'elle mérite, qu'unicorps dont l'éleétricité fe foûtient
ou fe répare continuellement , n'attire vivement que pendant
quelques inftans fort courts, les fragmens de feuilles d’or qu'on
lui préfente, par exemple, fur une table on fur un carton,
après quoi fon action femble fe ralentir; & cette même action
paroît fe ranimer quand il commence à s'éloigner de ces petits
corps : apparences trompeules , dont on fe defabufera fi l’on
faitattention que dans le cas dontil s'agit , c’eft à-dire, lorfque
les corps légers font à une petite diftince du corps qui devient
éleétrique, la matière efuente de celui-ci, prévaut contrela
DES SCTENCES. 219
matière affluente: qui fait ou qui produit ce qu'on nomme
des attratlions , & que cette fupériorité de force ne fubfifte
plus, lorfque le corps électrique. vient à s'éloigner , à caufe
de la divergence des rayons. efluens, qui les rend nécef.
airement plus rares, à une plus grande diftance de leur
fource.
J'ai fait des épreuves à peu près femblables. à la précé-
dente, en me fervant de la groffe barre & du tuyau de fer
blanc, dont j'ai parlé ci-deflus, & j'ai eu auffi les mêmes ré-
fultats, foit que j'attendiffe les aigrettes fpontanées, {oit que
je préfentafle de part & d'autre le plat de la main ou une
plaque de fer, pour hâter l'éruption de ces feux. I eft vrai
que quand on opère par un temps & dans des circonftances
bien favorables àl'éleétricité , les différences dont il s'agit ne
font pas fi grandes ; mais j'en ai prefque toûjours trouvé
d'aflez confidérables pour en tenir compte.
Troifièmement, quoiqu'une plaque ou une verge de fer
d'une certaine épaiffeur reçoive communément plus d’élec-
tricité qu'une lame ou une feuille de méme métal extrême-
ment mince, il eft conftant queladifférence qu'on remarque
dans les effets électriques de l’une & de l’autre, ne fuit pas,
à beaucoup près, celle des folidités: on fe tromperoit beau-
coup, par exemple, fi l'on s’attendoit de trouver cent ou cent
cinquante fois plus d'effet dans une enclumeélectrifée que dans
une feuille de tôle, parce que celle-ci peferoit d'autant moins
que l'autre : une médiocre épaifleur fuffit pour repréfenter des
phénomènes aflez confidérables, de forte que je ne ferois pas
éloigné de croire qu'un canon de métal épais de quelques
lignes, & qui eft certainement plus fufceptible d'une grande
électricité que ne le feroit un tuyau de clinquant, auroit auffi
quelque avantage fur une pièce entièrement folide qui feroit
de la même longueur & de la même groffeur : & fi, pour ré-
péter l'expérience de Leyde, les Allemands fe fervent prefque
toûjours de canons de. moufquets ou d'autres pièces creufes,
comme il paroît par leurs écrits; c’eft peut-être moins à
deflin de fuivre littéralement le procédé mal interprété de
Ee i
220 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. Mufichenbroek, que parce qu'on s'en eft bien trouvé
lorfqu'on en a fait l’eflai.
Si l'on amincit un corps pour le rendre plus éle&trifable,
on doit donc en ufer avec modération & lui conferver une
certaine épaifleur ; autrement il ne fera pas capable de grands
effets. Nous voyons quelque chofe de femblable dans le
magnétifme, qui fe communique plus aifément à une lame
fort mince qu'à une plus épaifie, mais qui fe manifefle avec
plus d'énergie dans celle-ci lorfqu'il a pû la pénétrer en-
tièrement.
Quatrièmement, il n'a paru qu'une quantité de matière
dont on augmentoit la furface pour la rendre plus éleétrique,
bien loin d'avoir cet avantage, y perdoit confidérablement
lorfqu'on ne lui confervoit pas une certäine continuité; l'ex-
périence des broquettes comparées aux grands clous & au
cube folide dont j'ai parlé plus haut, fufhroit pour le prou-
ver; mais je m'en fuis encore afluré davantage par celle qui
fuit.
J'ai éleétrifé au bout d’une chaîne de fer un quarré de
plomb laminé, épais d'une ligne, & dont chaque côté avoit
fix pouces; & poids égal de plomb à tirer dont chaque grain
avoit une ligne de diamètre, étendu fur un morceau de taffetas
de cinq pouces en quarré, auquel aboutiffoit aufli une pareille
chaine. Le plomb laminé produifoit des étincelles très-pi-
quantes & d’un grand éclat; fes aigrettes étoient fpontanées,
le plomb grainé n'étinceloit pas ri fort, & ne donnoit au-
cune aigrette.
Après l'expérience, il nous eft permis de raifonner fur les
eaufes ; & en réfléchiflant fur ce qui fe pafle au dehors > NOUS
pouvons former des foupçons affez légitimés fur ce qui refte
caché au dedans des corps qu’on éleétrife. Pourquoi, par exem-
ple, ces corps éleétrifés étincellent-ils? c’eft apparemment
parce qu'il en fort une matière capable de s’enflammer : mais
fi cette matière qui cherche à fortir, trouve moins de réfi£
tance dans un corps animé ou dans un morceau de métal
qu'on Jui préfente, que dans l'air même de l’atmofphère,
D'IEuS,, Ô, CIE .N, CES 227
comme je crois l'avoir fuffifamment prouvé; n’eft-il pas na-
turel qu'elle vienne de toutes parts à cet endroit vis-à-vis
duquel je préfente mon doigt, à cet endroit où elle trouve
un milieu plus perméable, en un mot, où elle trouve moins
de réfiftance? & ne fommes-nous pas autorifés à croire que
cela fe pafle ainfi, quand nous confidérons que les efHuences
lumineufes ceffent à l'extrémité d’une verge de fer électrifée,
dès qu’on préfente la main à quelqu'autre endroit de fa furface?
Soit donc ABC D (fig. 1.) la furface d’un corps électrifé
qui n'ait qu'une très-petite épaifleur : je conçois que la matière
électrique qui cherchoit à s'échapper par les bords, change
fon cours, & fe précipite de toutes parts vers le point Æ vis-
à-vis duquel je préfente mon doigt à une petite diftance; &
tous ces petits ruifleaux déterminés à fortir par la même iffue,
font une éruption beaucoup plus grande que ne pourroit
faire la quantité de matière électrique qui viendroit natu-
rellement de cet endroit comme de tous les autres points de
la furface.
Delà il fuit r.° que fi cette furface étoit beaucoup plus
petite, comme a, b, c, d, léruption devroit être moins forte,
non feulement parce qu'il en fortirait moins de matière, mais
encore parce qu'il eft probable que ces petits courans acquiè-
rent de la viteffe dans leurs canaux, quand ils font longs juf-
qu'à un certain point, & qu'un chemin trop court es prive
de cette accélération.
2.° Il fuit encore que les étincelles qu’on excite au bord,
ne doivent point être auffi fortes que celles qui viennent du
milieu ; car on peut voir par la figure 2, que le nombre des
rayons qui aboutiflent au point de concours F, n’égale que
la moitié de ceux qui viennent en Æ dans la figure 1. Et fi
l'on m'objeéte que dans le fecond cas, comme dans le pre-
mier, toute la matière répandue dans la pièce À B CD prend
fon cours vers le point d'éruption, j’obferverai que cet effet
fe pafle fi promptement, qu'on ne doit pas fuppofer que les
plus longs jets paffent tout entiers au dehors comme les plus
courts. li eft bien plus probable que detous les jets de matière
Ee ïij
222 MÉMoïREs DE L'ACADÉMIE RoyaLz
électrique qui fe préfentent pour fortir, il ne paffe au dehors
qu'une partie de chacun; & cette partie pourquoi feroit-elle
plus grande pour l’un que pour l'autre, puifqu'ils font tous
animés par {a même puiffance? L'effet qui en réfulte doit donc
moins répondre à la quantité du fluide qui fe dirige vers le
point de concours, qu'au nombre des rayons qui contribuent
à l'éruption.
Enfin il fuit qu'un corps d’une certaine épæiffeur doit étin-
celer plus fortement qu'un autre qui feroit très-mince, parce
que le doigt préfenté vers G (fig. 3.) reçoit non feulement
les rayons du plan 7 XL dont on ne voit ici que la moitié,
mais encore ceux des autres plans qu'on peut imaginer dans
l'épaifleur A NO P.
Or je puis dire que ces trois conféquences s'accordent par-
faitement bien avec ce que nous montre l'expérience. Une
pièce de plomb laminé, de fix pouces en quarré, produit des
étincelles plus fortes qu’un morceau du même plomb qui fe-
roit huit ou dix fois plus petit. Une feuille de 1ôle, un tuyau
de fer blanc, étincelle bien autrement au milieu de fa longueur
ou de fa largeur, qu'à fes bords; & j'ai rapporté ci-deflus bien
des faits qui prouvent qu'un corps d’une certaine épaifleur
lance ces fortes de feux avec bien plus de violence que ne
peut faire une lame très-mince.
Ces réflexions foûtenues de l'expérience, nous fuggèrent
des réponfes pour la feconde queftion que je me fuis propofé
d'examiner dans ce Mémoire; c'eft-à-dire qu'elles nous indi-
quent à peu près ce que nous devons attendre de la figure &
de certaines dimenfions du corps éleétrifé. J'avouerai même
que pour favoir ce que j'en devois penfer, je n'ai prefque
point eu de nouvelles épreuves à faire ; il m'a fuff de vérifier
celles qu'on avoit faites, & de réfléchir fur des faits qui fe
font pafés mille fois fous mes yeux depuis quinze ans que je
m'applique à cette étude.
1 ya plus de quatre ans que M. Boze a remarqué qu'il
étoit difficile d’électrifer immédiatement & avec une certaine
force, les corps qui ont beaucoup de mafle fous une forme
se
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DHE.S SCIENCE S. 22
arrondie de toutes parts, ou comme telles : & le P. Gordonb
s'eft affuré vers le même temps par des épreuves faites exprès,
que l'efprit de vin s'allumoit plus fürement au bout d’une
chaîne de fer d'une certaine longueur, qu'au bout d’une plus
courte. Quoiqu'on puifle légitimement inférer de là que fa
matière électrique, acquiert de la force en parcourant de
plus longs efpaces dans le corps qui la tranfmet; cependant,
comme le P. Gordon en alongeant la chaîne, a augmenté
auffi la maffe du fer qui fervoit comme de-canal à {a matière
électrique, j'aimerois mieux, ce me femble, l'expérience de
M. le Monnier, qui après avoir obfervé à quel point s’élec-
triloit une bande de plomb laminé, large de quelques pouces,
la coupa enfuite en plufieurs bandes plus étroites qu’il joignit
bout à bout l’une de l'autre, & qui lui parurent devenir fen-
fiblement plus électiiques; car il faut, autant que l'on peut,
garder toutes circonftances égales d’ailleurs, quand on «en
éprouve une dont on attend quelque effet particulier.
Il m'a paru de même qu'une barre de fer quarrée, longue
de dix pieds & demi, & pefant cinquante-neuf livres, deve-
noit communément plus éleétrique, qu'une autre qui avoit
à peu près le même poids, & dont la longueur ne pañoit
pas quatre pieds : ce fait, que je crois certain, nous montre
Æncore quelque reflemblance entre l'électricité & la vertu
nagnétique ; car on fait que le même aimant communique
‘ de force à une verge plate d’une certaine longueur,
qu'à une lame de la même épaiffeur qui feroit plus courte;
muis cette reflemblance ne foûtient pas de tout point la
-comparaifon, car la longue verge aimantée a bien plus de
vertu par un bout que par l'autre, & je neme fuis pas aperçû
qu'il en fût de même à l'égard d’une longue barre ou d’une
dongue chaîne de fer éleétrifée ; j'ai trouvé l’une & l’autre
aflez uniformément éleétrique dans toute fa longueur , en
a Sreorpusmimiæ mois, @7urrumn- | nores wires indè.exorientur, T'entam.
vis obtufun rotundatumque elecfri- | eletr. p. 83.
ficandumn immediarè globum rangere
Jubeasy; pauld dificilins res fuccedir,
iplus-remporis requiritur, ac longèmi-
b Phænomena <lefricaexpofita,
êTc. parag. 69.
224 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
m'en rapportant aux étincelles & au pouvoir attractif.
Quoique l'éleétricité acquierre de la force par la longueut
du corps qui la tranfmet, nous devons penfer que cet accroif-
fement a fes bornes; je crois qu’elles font plus étendues quand
cette longueur ne prend rien fur les autres dimenfions : le P.
Gordon, par exemple, a dû augmenter davantage la vertu
électrique, en alongeant fa chaîne, que n’auroit pü faire M.
le Monnier, en divifant de plus en plus fa bande de plomb
Jaminé; car avant que d’avoir atteint une longueur fort con-
fidérable, chacune de fes lanières ou petites bandes, feroit
devenue fi mince ou fi étroite, qu'elle n’eût plus été propre
à s'électrifer d’une quantité un peu grande, & jamais l’affem-
blage de ces filets de plomb ajoûtés bout à bout l’un de l'autre,
n'eüt montré des effets femblables à ceux des premières
bandes; le fait que je vais rapporter, me fera garant de cette
aflertion.
J'ai pefé contre une règle de fer, longue de trois pieds &
demi, large de huit lignes, & épaiffe d'un quart de pouce,
autant de bouts de fils de fer qu'il en a fallu pour égaler fon
poids : ces fils étoient longs comme la règle, & un peu plus
gros que des aiguilles à tricoter ; je les ai joints bout à bout
comme on fait les chaînes d'arpenteur, & je leur ai fait faire
plufieurs tours & retours en les fufpendant avec des fils de
foie pour les électrifer. J'ai comparé leurs effets avec ceux
de la barre de fer que j'électrifois en même temps, & j'ai
toüjours trouvé incomparablement plus de vertu dans celle-ci,
que dans cette chaîne de menus fils, qui ne faifoient que de
petites aigrettes prefqu'imperceptibles, & dont les étincelles
n'avoient pas la force d'allumer l'efprit de vin.
IL eft donc également certain qu'on peut augmenter les
effets de la vertu électrique en donnant plus de longueur
au corps qui la tranfmet, & que l'augmentation qui fe peut
faire ainfr, n’a lieu qu'autant que cette longueur ne prend pas
trop fur les autres dimenfions : & cela doit être, s’il eft vrai,
comme je le penfe , & comme je l'ai dit plus haut, que les
éruptions qui fe font de la matière éleétrique au dehors du
corps
!
DIE MSN SUENT-E (NN ES 270
corps élkedrifé, ( éruptions d'où dépendent tous Les phéno-
mènes , ) prennent leur force & leur valeur, tant de la viteffe
acquife dans un milieu favorable à leur mouvement, que du’
nombre des rayons qui viennent en tout fens au point de:
concours; car un filtrès-menu, ou une lame très mince & fort
étroite, peut bien, par fa Jongueur, donner lieu au mouvement
accéléré de la matière électrique ; mais alors il y a un trop
petit nombre de rayons qui s'élancent en même temps parle
même endroit.
Quant à la figure du corps électrifé , elle n’eft pas tout à’
fait indifférente : les obfervateurs des phénomènes électriques
ont dû remarquer que les corps dont les parties les plus fail-
Jantes fOnt arrondies, obtufes ou anguleufes, montrent plus
de vertu en ces endroits-là qu'ailleurs; c’eft toûjours aux angles
folides d’une barre de fer, qu’on voit briller les plus belles
aigrettes, & qu'on reçoit les étincelles les plus piquantes : il
fafhit de parfemer de gouttes d’eau, la furface d’une verge de
métal qu'on éleétrife, pour déterminer les aigrettes lumi-
neufes à fortir par ces petites éminences, & un tuyau rond
de tôle ou de laiton , étincelle mieux que la feuille de métal
dont il eft fait, lorfqu’elle eft déployée,
Ceci n’eft point une conjecture que je hafarde, c’eft u
fait que j'avois prévü, & dont l'expérience m'a rendu certain.
J'électrifai par le moyen d’une feule chaîne, deux grandes
feuilles de fer blanc, dont une étoit étendue & dans fon état
naturel, l’autre étoit roulée en forme de tuyau ; on tira de
une & de l'autre un grand nombre d’étincelles, & lon
convint unanimement que celles de la feuille roulée étoient
les plus fortes & les plus brillantes.
Pour rendre raïfon de ces différences , il faut toûjours
confidérer la matière de ces feux électriques, comme l’affem-
blage d'un grand nombre de rayons, que le voifinage de
quelque corps détermine à fortir brufquement par un point,
ou plütôt par un petit efpace, pris à la furface du corps élec-
trifé; plus cet efpace eft étroit, plus ces rayons font ferrés,
. plus auffi leur éruption doit être violente: or il eft évident :
Mém, 174 7: . Ff
226. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
par la feuleinfpection de la figure quatrième, que fi le degré
de proximité néceflaire au corps C pour déterminer le con-
cours des rayons efHuens, n’eft pas d’une précifion rigoureufe,
mais un à peu près comme il convient à tout ce qui eft
phyfique, l'éruption fe fait par un efpace plus large fi la furface
eft droite comme À 2, que fi elle étoit courbe comme
E D F; car le filet de matière électrique £ G H qui fe
trouveroit peut-être déjà affez près du corps € pour fe diriger
vers lui s’il avoit à fortir de la furface À B, fe trouvera en-
core trop loin en G, fous la furface Æ D F. Il s'avancera
donc jufqu’au point Æ ou plus avant vers D; & par confé-
quent tous les rayons qui occupent l'efpace # 7, quand le
corps éleétrifé eft d’une figure plane, fe trouvent réfferrés
entre XL, lorfque ce même corps préfente une furface courbe
comme Æ D F*.
On peut ajoûter à cela, que la matière électriqueen füuivant
la route Æ G X pour aller en €, fouffre moins de retarde-
ment que quand elle eft obligée de fe relever vers ce même
point, après avoir füivi la direction À H; car les fluides per-
dent d'autant moins de leur vitefle, que leurs canaux appro-
chent plus de la ligne droite, ou, ce qui revient au même,
qu’ils font des angles plus obtus.
Auffi-tôt qu’on eût appris parles expériences de M. Boze, à
faire couler continuellement du bout d’une lame de métal élec-
tifée, ces émanations lumineufes qu'il nomme gris fæmina,
& auxquelles j'ai donné le nom d'aigrettes à caufe de la forme
qu'elles affeétent de prendre ; il vint dans l'efprit à tous ceux
qui répétèrent ces expériences, de faire finir en pointe fort
aigue , les verges de fer & autres corps longs, dont on vou-
loit faire ufage , afin quela matière électrique qui les parcourt
d'un bout à l'autre, & qui paroït toûjours s’élancer avec
plus de force par les parties les plus faillantes, fortit plus
abondamment , & par conféquent avec plus de vitefle par
cette extrémité fort pointue, à peu près comme on voit que
* L’elpace H ou KL eft repréfenté ici incomparablement plus grand
qu’il n’eft en effet,
Di mis GvG1 EN NT GES 227
cela fe fait par l’ajutage des jets d’eau : je donnai auffi dans ce
préjugé, qui étoit aflez naturel; mais les épreuves que je fs,
même avec une forte d'obftination, me firent voir, à mon
grandétonnement , qu'une pointe fongue & menue au bout
du corps de plus propre à faire de grands-effets, n’en avoit
que de fort médiocres: rien ne réuflit mieux que.les angles
_ #olides d'une barre de fer coupée quarrément; ou fi l’on veut
n'avoir qu'une aigrette à fon extrémité, il faut da faire finir
( cette barre ) par une pointe très-émoufée.
Ce qui faitqu’on attend un plus grand effet au bout d’une
grofle barre qui finit par une pointe longue & menue, c’eft
qu'on eft porté à croire que la matière électrique fe meut d'un
bout àl'autre dans cettebarre, comme de l'eau dans un tuyau,
& qu'elle n’en fort que par l’extrémitéitaillée en pointe; mais
cette idée n’eft point exacte, nous fommes certains qu'un
corps éleétrifé eft tout hériflé de rayons effluens ; fi nous
voulons comparer la matière ‘électrique, animée par l'action
du globe dans-une barre de fer, à quelque fluide pouffé d'un
bout à d'autre dans un tuyau ou dans quelque chofe de fem-
blable, n'oublions donc pas quela fuirface de ce tuyaueft toute
criblée de petits trous, par lefquels le fluide qu'il renferme
peut s'échapper en même temps qu'il coule vers l'extrémité
où il a uneiflue; & comme nous n'avons pas de raifons pour
fuppofer qu'une barré de fer foit plus poreufe à fon extrémité
qu'ailleurs, nous aurions bien de la peine à dire pourquoi Îa
matière éleétrique aune tendance particulière vers la pointe,
fil'expérience ne nous avoit appris que ce fluide trouve plus
de réfiftance dans l'air que dans du métal, & qu'il ne fort du
ferque le plus tard qu'il peut. | -
En confidérant la barre de fer fous ces deux idées, qui ne
font pas de fimples fuppofitions, je dis qu’il doit arriver en
P(fg. 5.) moins de rayons qu'en À (fig. 6.) parce que
la première de ces deux pointes ayant beaucoup plus de
furface que l'autre, laiffe plus de moyens de s’échapper à Ja
matière électrique qui ne fe plie point vers P felon toute
T'intenfité de farforce, mais feulement fuivant une .certaine
Ffi
28 MÉMOIRES DE LAGADÉMIE RoYyALE
perméabilité qu'elle trouve plus dans le métal que dans l'air
dont il eft environné.
Enfin, pour dire tout ce que je penfe {ur ce jeu fingulier
de la Nature, je ne puis m'imaginer que toute la matière
efluente d’un corps éleétrifé vienne, ni du propre fonds de
ce corps , ni du globe qui lui communique fa vertu : je fais,
à n'en pas douter, qu ‘autour d’une barre de fer qu’on élec-
trife, il y a une matière eftluente & une matière affluente;
celle-ci, felon toute apparence, remplit continuellement lès
vuides que l’autre a laiflés, & elle devient effuente à fon tour :
fi cela eft, comme je le conjecture, l'aigrette S /fig. 7.) rélulte
en partie de la matière qui coule intérieurement felon la
Jongueur du fer, & qui fe porte à l'angle comme à l'endroit
le plus faillant, & en partie de la matière affluente qui tombe
en 7 & en V, & qui fort du fer après avoir traverfé fon
épaifleur. On peut dire à peu près la même chofe de la pointe
ÆÀ qui eft fort courte, mais non pas de la pointe P qui a trop
peu d épaifleur.
Si la matière électrique efHuente a plus de force en for-
tant des furfaces convexes ou des pointes obtufes, qu'ellen'en
a lorfqu elle vient des furfaces planes, ou des pointes fort me-
nues, je puis dire qu'il en eft de même, & par les mêmes rai-
fons, de la matière afHuente qui part des corps folides , lorf
qu'on les approche de ceux qui font électriques. Je le prou-
verai fufhfamment en faifant remarquer aux perfonnes qui
ont vü les expériences de l'électricité, que l'on réuffit toûjours
mieux à faire naître de belles étincelles, quand on les excite
avec quelque mafle un peu arrondie; l'anneau d’une clef, le
bord d’un écu, le bouton d’une pêle à feu , l'articulation du
doigt lorfqu'il ait plié, font autant de moyens par lefquels
on obtient des effets beaucoup plus grands que fi l'on vouloit
fe fervir de la pointe d'un couteau, & même du bout du
doigt préfenté direétement.
Ces faits que j'obferve depuis long temps, & que d'au-
tres que moi auront fans doute remarqués aufli, me don-
ment le denouement d'une expérience curieufe dont. M.
ER
D ES S CTE N CES. 229
Jallabert me fit part, pendant fon dernier féjour à Paris:
On met.en équilibre fur un pivot une petite verge de bois
qui peut avoir quinze où feize pouces de longueur, pointue
par un bout & armée par l'autre d'une petite boule de bois
d’un pouce de diamètre ou environ; l’on met cet inftrument
aïafi préparé à portée d’un homme qu'on électrife & qui tient
en fa main un morceau de bois tourné, C / fig. 8.) gros
& arrondi par un bout comme une demi-boule d’un pouce
de diamètre, & pointu par l'autre extrémité, Si cet homme
préfente ce morceau de bois par le gros bout à la boule A
qui efl au bout de cette efpèce d'aiguille, le plus fouvent cette
boule et repouffée ; elle eft au contraire prefque toüjours
attirée fi l'on préfente le morceau de bois par fa pointe. On
voit tout le contraire , fr l'expérience fe fait par l'autre côté
de l'aiguille :le morceau de bois éleétrifé & préfenté par le
gros bout, l'attire; & fi c'eft la pointe du morceau de bois
que l’on préfente, il eft fort ordinaire que la partie B foit
repouflée.
Je ne puis pas dire que cette expérience m'ait réuffi toutes
les fois que je l'ai voulu faire ; mais je l'ai répétée plufieurs
fois avec fuccès, & c'en eft aflez pour mériter qu'on lui
cherche une explication.
Puifque les étincelles deviennent plus fortes entre deux
mafles d’un certain volume dont les furfaces font un peu con-
_vexes, c'eft une marque que la matière électrique eft plus
abondante, ou coule avec plus de vitefle de part & d'autre,
Left donc très-vrai-femblable que quand le morceau de bois
éleétrifé fe préfente par le gros bout à la boule À qui ne f’eft
pas, la matière effluente de l'un & la matière affluente qui
vient de la part de l'autre en fens contraire, ont affez de force
pour {e repoufler réciproquement ; au lieu que quand les vo-
lumes oppolés font très-différens l'un de l’autre, comme il
arrive lor{que la boule de l'aiguille fe trouvewis-à-vis la pointe
dû morceau de bois électrifé, l’un des deux courans, beaucoup
plus foible, que l'autre, n'empêche pas que les deux corps ne
foient portés l’un vers l'autre, par la matière affluente qui vient
f iiÿ
230 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
de l'air environnant, & qui poufle celui des deux qui eft le
plus libre, le plus mobile. |
Pour concevoir ceci, il faut faire attention que quand la
matière éleétrique fort d’un corps, foit qu'elle en foit chafiée
par le mouvement inteflin qui le rend électrique , foit que
le voifinage d’un corps électrifé la détermine à venir à lui en
ualité de matière affluente, le vuide qu’elle y daifle fe rem-
plit auffi-tôt & continuellement par le fluide ambiant de fa
même efpèce qui fe trouve dans l'air de l'atmofphère comme
par-tout ailleurs. Ainfi la boule À en préfence de la pointe
de bois qu'on éleétrife, fouffre bien quelque réfiftance de
la part de la matière effluente qui vient à elle; mais comme
les rayons en font divergens & en petite quantité, ils ne l'em-
portent pas fur l'impulfion de la matière qui vient à la boule
par la partie oppofée , pour remplacer celle que cette même
boule perd en préfence d’un corps électrifé ; car quoique cette
matière y rentre, ce n'eft pas fans la heurter, foit en s’ap-
puyant fur les parties folides du bois , foit en pénétrant dans
fes pores avec un certain frottement.
Je pafle maintenant à la troifième queflion ; & j'examine
fi l'éleétrifation qui dure un certain temps , peut diminuer la
mafle d’un corps, ou changer fes qualités. On fent bien que
de telles queftions ne peuvent fe réfoudre que par un grand
nombre d'épreuves faites fur des matières de différentes efpè-
ces, & que pour foûtenir ce travail pendant des jours entiers,
il faut payer des hommes qui fe relaient pour continuer fans
interruption le mouvement des machines. J'imaginai, pour
gagner du temps & épargner de la dépenfe, d'éleétrifer en
même temps plufieurs de ces corps, fur lefquels j'avois deffein
de faire mes expériences; & pour cet effet, je fis faire une
efpèce de cage de trois grandes feuilles de tôle /fg. 9.) dif-
pofées parallèlement entre elles, diftantes lune de l'autre
d'environ un pied, & tenues aux quatre coins par des mon-
tans de fer ; je fufpendis cette cage par deux anneaux de
métal, à un gros cordon de foie tendu horizontalement;
j y plaçois tout ce que je voulois électriler, & j'y conduifois
re
DES SCIENCES. 231
Péleétricité par le moyen de deux chaînes de fer qui là rece-
voient d’un globe de verre; deux hommes forts que deux au-
tres relevoient de temps en temps, faifoient tourner ce globe,
tandis qu'une troifième perfonne y tenoit les mains appliquées:
pour le frotter.
C'étoit bien ici Voccafion d'épargner, s’il étoit. poffible,
à un homme, la peine de frotter continuellement, en fub-
ftituant un couflinet porté par un reflort. J'en eflayai auffi
de toutes les façons: ceux qui me réufliffoient le mieux,
étoient faits d’un morceau de bois creufé conformément à
l'arrondiflement du globe de verre, & couverts de fept à
huit morceaux de peau de bufle, dont le dernier (-celui
qui touchoit le verre) étoit légèrement frotté de craie; mais
au bout d’un quart d'heure ou un peu plus, le globe s’é-
chauffoit confidérablement à l'endroit où il étoit frotté, &
la vertu électrique s’affoiblifloit à proportion. J'en revins
donc à faire frotter avec la main nue, pratique que j'ai toû-
jours reconnu pour être la meilleure, au moins par ma
propre expérience, & qui n'eft point tout-à-fait exempte
des inconvéniens du couflinet; car nous avons toüûjours re-
marqué qu'après trois quarts d'heure ou une heure de frot-
tement, la même perfonne avec la meilleure volonté, ne
procuroit plus qu'une éleétricité fenfiblement plus foible,
&. que cette vertu fe ranimoit infailliblement, quand une
3 La lecture des ouvrages qui trai-
tent de l'électricité & des différens
moyens dont on fe fert pour exciter
cette- vertu, m'a fait connoître que
ceux qui emploient des couffinets
pour frotrer le verre , réufliflent toû-
jours mieux , quand ils les font , ou.
qu'ils les garniflent de matières ani-
males : ma propre expérience me l’a
fait voir auf, & j'ai appris depuis,
que le fuccès cit encore plus fur &
plus durable, quand le corps frottant
eft non feulement une matière ani-
male, mais animée,
b J’obferve depuis long temps que
quand le frottement excite une cha-
leur confidérable, le verre en eft
moins électrique ; je remarque aufñft
que quand l'électricité eft bien forte,
foit par les circonftances du temps,
foit par d’autres caufes, le verre ne
s’échauffe que foiblement fous la
main , quoique le frottement foit
d’une longue durée , comme fi la
même matière qui fait l'électricité,
quand elle fort des deux corps qui fe
frottent, étoit de nature à y faire
naître la chaleur, quand le frottement
ne l'en fait pas fortir,
232 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
nouvelle main venoit l'exciter, foit qu'il fe faffe une forte
d'épuifement dans la perfonne qui frotte, foit que la peau
de la main empâtée, pour ainfi dire, par cette matière qui
s'attache au globe, & dont j'ai parlé ailleurs, devienne trop
life pour frotter efficacement : la dernière de ces deux rai-
fons me paroît d'autant plus vrai-femblable que quand on
a frotté pendant quelque temps, la partie qui a été appliquée
au verre paroît très-luifante & comme légèrement enduite
d'une matière grafle.
Un travail de cette efpèce, fuivi pendant quatre ou cinq
heures, pouvoit échauffer exceflivement les pointes des pou-
pées fur lefquelles tournoit le globe : ce globe lui-même,
fragile de fa nature, & armé à fes poles de deux pièces de
bois qui n'étoient que cimentées, pouvoit manquer par
quelque fecoufle ou autrement: je prévis ces accidens, &
pour être en état d'y remédier fur le champ, je m'étois
muni d’une feconde machine de rotation, & j'avois plufieurs
globes tout prêts à remplacer celui qui feroit caflé, ou qui
fe trouveroit hors d'état de fervir.
Avec cet appareil je me munis encore d’une balance affez
mobile pour trébucher par le poids d'un grain, lorfque
les bafñins étoient chargés de fept à huit livres, & plu-
fieurs perfonnes intelligentes & déjà fort initiées dans ces
fortes d'expériences*, ayant bien voulu joindre leur atten-
tion à la mienne, & me prèter la main dans des opéra-
tions où je n'aurois pü agir feul, je me mis à exécuter le
projet que j'avois formé d'électrifer pendant quatre ou cinq
heures de fuite & à différentes fois, des quantités connues
de diverfes matières, pour voir 1.” fi elles diminueroïent;
- 2.° fi elles changeroïent de qualités.
J'ai éprouvé d'abord des liqueurs, & enfuite des corps foli-
des, non organifés, confidérant comme tels, ceux qui le font
naturellement , mais dont les parties organiques ne font plus
de fonétions, comme les fruits détachés de leurs arbres, les
plantes féparées de la terre, la chair des animaux morts, &c.
* M: le Roy, Vandermonde, Morand le fils, &c.
| Pour
DE s'".S'@T'E IN CRIS %33
Pour favoir avec certitude fi l'éleétricité changeoit le poids
de tous ces corps, j'en pelois deux de fa même efpèce & à peu
près de même volume, & lon en tenoit compte par écrit;
l'un étoit électrifé pendant quatre ou cinq heures, & l’autre
pendant tout ce temps là, demeuroit dans le même lieu,
mais à l'écart; après quoi on les pefoit encore : & fi le corps
électrifé fe trouvoit plus léger que celui qui ne l'avoit pas été,
on jugeoit que ce qui lui manquoit pour égaler le poids de
celui-ci étoit un déchet qu'on devoit attribuer à fon élec-
trifation.
A la rigueur, on auroit pù foupçonner en certains cas,
que le corps qui fe trouvoit le plus léger, l’étoit devenu, non
par la vertu électrique, mais par quelque difpofition particu-
lière, par quelque qualité individuelle qui 'auroit rendu plus
évaporable qu'un autre, quoique de la même efpèce : pour
lever entièrement ce doute, on électrifoit tour à tour les deux
corps ou les deux portions de matière que l'on devoit com-
parer -enfemble, & ce n'étoit qu'après plufieurs expériences
alternatives, & fur des réfultats conftans que l'on tiroit des
conféquences.
Si l'électricité devoit diminuer le poids des liqueurs, cette
diminution pouvoit être confidérée comme une évaporation
forcée, & alors il étoit raifonnable de foupçonner dans cet
effet (fuppofé qu'il eût lieu) des variations, fuivant que le
vafe feroit par la nature de fa matière plus ou moins élec-
* trifible, fuivant qu'il feroit ouvert ou fermé, ou que fon
ouverture feroit plus ou moins grande, ou enfin relative-
ment à la nature des liqueurs qui feroient plus on moins
évaporables. |
Pour embraffer toutes ces vües, j'ai fait mes épreuves
fur de l'eau commune, fur des huiles, fur des liqueurs fa-
lines, fur des efprits très-volatils : j'ai tenu ces liqueurs en
expérience d'abord dans des vafes de verre, enfuite dans des
vafes de métal femblables aux premiers par la figure & par
la capacité; & enfin je les ai éprouvées dans des vaifleaux
de l'une & de l'autre efpèce, que j'ai tenu bien fermés.
Mén. 1747. . Gg
234 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Toutes ces expériences ont été répétées plufieurs fois & en
différens temps : j'en abrège le détail, en expofant ici les
réfultats dans des tables que j'ai dreilées d’après mon journal,
& dans lefquelles les effets font repréfentés par des quantités
moyennes prifes entre les plus grandes & les plus petites,
Expériences faites fur des liqueurs contenues dans des taffles ou
capfules de verre, dont l'ouverture avoit quatre pouces de
diamètre.
Quatre onces d’eau de la Seine, éleétrifées pendant cinq heures, ont
fenffert vadéchet desk: Rhin > sise A ES
Quatre onces de la même eau non n éledtrifée , ont pers
pendant le même efpace de temps par la fimple évaporation... 3
Différence qu'on peut regarder comme l'effet de l'élcétricité s
Les liqueurs fuivantes ayant été éprouvées de même & en
pareille quantité, les différences ou les déchets caufés par l'é-
lectrifation, ont été,
Pour le vinaigre rouge . +. . . . . . . . . . . . "7 sains
Jeau chargée de nitre . . . . . LUAGDET CUS
l'urmetfraiches 46h00. 2e ITR
ibuledoinecns: lunes ei Mit eat :
Yefprit de térébenthine . . . . . . . . .
Felprisde Nino" Lie Loti ae ons ce
lefprit volatil de {el ammoniac . , . . . . . . . 1
2
3
F
le! Hit nouveau ne. : ee een TN
©
7
8
1
le mercure tit. tata dental 2e GTR
Æxpériences faites Jur des liqueurs contenues dans des capfules
d'étain , dont l'ouverture avoit quatre pouces de diamètre.
Quatre onces d’eau de la Seine , éleétrifées pendant cinq heures, ont
fouflert un déchet de . ......... ste ce HN TéEqUR
Quatre onces de la même eau non éledrifée , ont perdu
pendant le même hs de temps par la feule ÉaporaLien
naturelle. SR NAME je re pe tp ve dau.
Différence ou effet qu'on peut attribuer à l’électrifation. . 7
Les autres liqueurs, hors le mercure, ayant été éprouvées
DES SCIENCES. 235
de même, les différences ou les effets caufés par l'électrifation,
ont été,
FOUT ICVITAISTE TOUTE sue shot elle «tel elle Matte Van la OMS ETS
la folution de nitre 4 . 1.1... 0.3
urine raiche ERP SENARAMET ON OU AAS
TEA O NEA CENTER 4
Iihuie!d'olive.le. 15400000 HORÉTEUEUANSTIETUE oO
l'efprit de térébenthine . . . . . . . . . . . . . 10
Vepustde Vin EVE PEN NEA ro
l'efprit volatil de fel ammoniac . , , . . . . . . 13
Æxpériences faites fur des liqueurs contenues dans des petites
carafes de verre, dont l'ouverture avoit un pouce de diamètre.
Trois onces & demie d’eau de la Seine ayant été électrifées pendant
cinq heures, ont fouffert un déchet de . . . . . . . . . . 2 sim
Pareille quantité de Ia même eau non électrifée, a perdu
dans le même efpace de temps par lévaporation naturelle . . o
2
Différence ou effet qu'on peut attribuer à l’éleétrifation . .
Les autres liqueurs, hors le mercure & l'huile d'olive,ayant
été éprouvées de même & en pareille quantité pour le vo-
lume, les différences ou les effets caufés par Félectrifation,
ont été,
Pour le vinaigre rouge. . . . . MMM EM HU No: Eraire
Hifelutientide;nitrele4es te Den CAR EN UE TE
furinefraiche 21:44:12 EN st SE 3
lehitimouvent Jeu EN ta een 2
l'efprit de térébenthine . . . . . . . . . . . . . 4
Lefpribidenminitse el eus een eee EU TE
lefprit volatil de fel ammoniac . . . . . . . . . . $
Toutes les liqueurs fufdites ont été éleétrifées pendant dix
heures de fuite dans des vaiffeaux de verre & de fer blanc
bien bouchés, elles ont été pefées enfuite, comme elles l'a-
voient été auparavant ; & l'on n’y a trouvé aucune dimi-
nution fenfible. ‘
IL paroît par toutes ces expériences, 1.” que l'électricité
augmente lévaporation naturelle des liqueurs , puifqu'à
Ggi
236 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
l'exception du mercure qui eft trop pefant, & de l'huile
d'olive dont les parties ont apparemment -trop de «vilco-
fé, toutes les autres qui ont été éprouvées , ont fouffert
des pertes qu'il n'eft guère poffible d'attribuer à d'autres
caufes qu'à l'électricité.
2.° Que l'éleétricité augmente d'autant plus Pévaporation,
que la liqueur fur laquelle elle agit eft par elle même plus
évaporable; car l'efprit volatil de fel ammoniac a fouffert
plus de déchet que l'efprit de. vin ou que celui de térében-
thine; ces deux dernières liqueurs plus que l’eau commune,
& l'eau plus que le vinaigre ou la folution de nitre.
3. Que l'éledricité agit plus efficacement fur les liqueurs,
quand les vafes qui les contiennent, font de nature à s'éleétrifer
davantage ou plus facilement par voie de communication : au
moins m'a-t-il paru que les effets étoient-toûjours un peu
plus grands, quand les vaifleaux étoient de métal , que quand
ils étoient de verre.
4° Que l’évaporation forcée par l’éle@ricité, eft plus con-
fidérable quand le vafe qui contient la liqueur eft plus ouvert,
mais que les effets n’augmentent pas, fuivant le rapport des
ouvertures ; car les liqueurs, quand on les électriloit dans
des capfules de quatre pouces de diamètre, préfentoient à l'air
feize fois autant de furface que quand elles étoient contenues
dans des carafes dont le goulot n’avoit qu'un pouce de dia-
mètre : cependant il s'en falloit bien qu'il y eût cette diffé-
rence entre les effets, comine on le peut voir par la com-
paraïfon des réfultats.
5" Que l'éleétrifation ne fait point évaporer les liqueurs
à travers les pores du métal, ni à travers ceux du verre, puif-
qu'après des épreuves qui ont duré dix heures, on ne trouve
aucune diminution dans leur poids, lorfqu'on a pris foin de
tenir bien bouchés les vaifleaux qui les renfermoient.
Ce dernier réfultat nous apprend bien que les matières
les plus évaporables ne fe tranfmettent point à travers le
verre qu'on éleétrife par communication : mais qu'arrive-
roit-il, fi ce verre même qui renferme les matières, s'élec-
trifoit par frottement ?
! Vas
DES SCIENCES. E]
Les expériences de M. Pivati, publiées à Venife * & dans
toute l'Italie, nous difent très-pofitivement, que des médica-
mens renfermés dans des tubes de verre que l'on frottoit
pour les rendre électriques, fe font tranfmis du dedans au
dehors, jufqu’au point de paroître fenfiblement diminués ;
que cette tranfmiflion s'eft encore manifeftée par l'odeur
propre de ces drogues; & (ce qu'il y a de plus admirable &
de plus intéreflant) par des guérifons prefque fubites. Voilà
deux objets dignes de la plus grande attention : des matières
odorantes qui pénètrent le verre éleétrilé, & des exhalai-
ons, lefquelles animées par la vertu électrique, deviennent
promptement falutaires. Je ne m'arrête ici qu'au premier de
ces deux phénomènes : plus il me parut fingulier, plus je ref-
fentis vivement le defir de le voir par moi même ; & pour être
bien für que l'odeur que je devois fentir ne pourroît être
venue que de l’intérieur du väifleau dans lequel j'aurois en-
fermé les matières odorantes, je m'y fuis pris de la manière
fuivante,
. Dans un lieu écarté ide celui où je devois faire mes épreu-
ves, j'ai mis dans différens tubes de verre, de la térébenthine
de Venife, de la poix fondue, du baume du Pérou, & du
camphre pulvérifé; j'ai bouché mes tubes de part & d’autre
avec du liège, ayant foin de mettre par-deflus le boüchon
un enduit de cire d'Efpagne; je les ai bien efluyés par dehors
avec pluieurs linges, & quelques jours après cette prépara-
tion , je les ai portés dans le lieu où je devois les éprouver ;
j'ai frotté ces tubes à plufieurs reprifes & en différens temps ;
à peine ai-je pü les rendre paffablement éleétriques , & jamais
ni moi, ni ceux qui m'ont aidé, n'avons reconnu la moindre
odeur des matières que j'y avois renfermées.
J'ai mis avec les mêmes précautions que ci-deflus, trois
onces de baume du Pérou dans un de mes globes de verre,
& depuis cette préparation, je l'ai fait frotter plus de trente
fois en différens temps, fans jamais avoir aperçu d'autre
# Della eletrricità medica lettera, &7c, d’abord à Lucques en 1747, &
cnfuire à Venife en 17484
G£gii
238 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE .
odeur que celle qui vient communément du verre frotté.
Je n'en ai pas fenti davantage autour des corps, ni autour
des perfonnes que j'électrifois, foit avec ce globe, foit avec
les tubes.
Je connois plufieurs Phyficiens fort au fait de cette ma-
tière, qui fe font obftinés de même à répéter cette expé-
rience, & qui n'ont pas réuffi autrement que moi; tels
font M.rs Watfon à Londres, M. Jallabert à Genève,
le P. Garo à Turin, &c. c'eft pourquoi je fuis tenté de
croire que M. Pivati a été trompé par quelque circonftance,
à laquelle il n'aura pas fait aflez d'attention; & cé qui me
porte encore à cette opinion, c'eft qu'il paroît par un
ouvrage imprimé à Naples, & que j'ai actuellement entre
les mains, que M. Pivati avoue à ceux qui vont chez lui,
our voir cette expérience, qu'elle ne lui a jamais réuffi
qu'une feule fois *.
Après avoir fait des expériences fur les liqueurs, j'ai conti-
nué d'en faire fur des corps folides, & j'ai choifi pour cela
des mixtes de différentes natures, plus fixes les uns que les
autres; pour voir, s'il étoit poflible, combien ils devoient
Y'être, pour réfifter aux efforts de la vertu électrique.
Ayant fait attention que les déchets caufés par l'électricité
fe faioient par évaporation, & ayant deflein de faire mes
épreuves fur des quantités à peu près égales; je les ai mefurés
ar le volume, & non par le poids; & je me fuis aflujéti à
celui d'une grofle poire de beurré blanc qui pefoit un peu
plus de quatre onces & demie.
* Tentamen de vi eletricê ejuf-
que plienoments ; auth. Nic. Bam-
macaro, p. 183. Dans la note b,
on lit ce qui fuir. ‘
Relationem mili fanè videre con-
tigie gallicè confcriptam, huc Nea-
olim Bononiä miflam. {n eâ ano-
rymus author Je dominum Pivati
adiiffe enarrat , apud quem multa
experimenta vidifje teffatur, .
experimentum quod artinet balfami
Peruviani . ..,, fe eodemfucceffu
repetirum videre non potuiffe : imo
ipfum dominum Pivati fateri fe-
nel fe illud cum fucceffu tentaffe.
DES SCIENCES, 239
Expériences faites fur des corps folides d'un volume à peu près égal
à celui d'une groffe poire.
Une poire de beurré blanc, pefant environ quatre onces & demie,
éleétrifée pendant cinq heures, perdit de fon poids . . . . . 6 srins
Une pareille poire non éleétrifée, perdit pendant le même
efpace de temps... ........... .., 0
Différence ou déchet qu'on peut attribuer à l'électricité . . . €
Plufieurs autres corps ayant été éprouvés de même, on
trouva que chacun d'eux avoit perdu de fon poids les quan-
tités marquées ci-après.
Une srapps de rain blanc . : . ... .. . .. .. . ,. 77, Erains
Une éponge légèrement humeétée . . ... . . . . .. 6
Un pied de bafilic fraîchement coupé , . . . . . . .. s
Un morceau de chair de bœuf crue . . . . . . . . . .. 3
Un morceau de chair de bœuf bouillie. . . . . . . . . 4
Un morceau de mie de pain tendre . . . ... . . RRetees 3
PER oeutS DS Re bee de Men ae à eee te une SRE:
Un morceau de bois de chêne fe . . . . , . . . . .. o
Un paquet de petits clous de fer . ea ordi ee Le ds ps o
On voit par ces dernières épreuves, 1.° Que l'électricité
fait diminuer le poids des corps, qui ont la confiftance de
folides, pourvü cependant qu'ils aient dans leurs pores quel-
ques fucs ou quelque humidité propre à s’évaporer : car les
bois fecs, les métaux, &c. qui n'en ont point, ne fouffrent
aucun déchet, quand on les électrife.
2.° Que les effets de l'éleétrifation fur les corps folides,
toutes chofes égales d’ailleurs, font plus grands, quand il
a plus de furface; c'eft au moins ce que paroît indiquer la
grappe de raifin éleétrifée, dont le déchet a été le plus fort
de tous ceux que l’on a aperçus dans ces expériences. |
ILeft donc bien certain que l'électricité peut prendre quel-
que chofe fur la mafle de certains corps : mais puifqu'il y a
des exceptions, & que tout corps Aérife n'en devient pas
poux cela plus léger, comme on le peut voir par l'exemple
240 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du bois fec, ou par celui du paquet de clous; il faut croire
que les émanations életriques ne font point par elles-mêmes
la caufe de cet effet, mais qu'elles l’occafionnent feulement ,
en entraînant avec elles ce qui fe rencontre dans les pores
des corps éleétrifés, qui peut obéir à leur mouvement ,-&
fortir avec elles.
Quant aux autres qualités fenfibles, je n’y ai aperçu aucun
changement notable; le lait ne s'eft point aigri, je l'ai fait
bouillir, fans qu'il tournàt; l'eau ne prit aucun goût étranger,
aucune odeur, elle demeura claire, elle ne fermenta ni avec
les acides, ni avec les alkalis; de petits oifeaux qui en bürent
pendant trois ou quatre jours, n'en parurent nullement incom-
modés; il en fut de même du pain, de la viande & des fruits,
v'on fit manger à d’autres animaux.
L'efprit de vin & les autres liqueurs me parurent auffi
dans leur état naturel, après une éleétrifation de quatre à
cinq heures: cependant à parler rigoureufement, je ne doute
pas qu'il n'y eût quelque changement ; car puifqu'une li-
queur éleétrifée s'évapore d'autant plus qu'elle eft par elle-
même plus évaporable, celle qui eft compofée de flegme &
d'efprit, doit perdre plus de celui-ci que de l'autre; ainfi la
proportion qui eft naturellement entre ces deux parties com-
pofantes, doit changer ; ce qui eft une véritable altération :
mais fur quatre ou cinq onces d’efprit de vin que j'avois mifes
en expérience, une évaporation de fept à huit grains, qui
n’eft pas même toute entière aux dépens de la partie fpiri-
tueule, puifque le flegme eft de nature à s'évaporer auffi, quand
on l'électrife; une fi petite évaporation, dis-je, n'altéroit pas
fenfiblement la liqueur; c'eft-à-dire, qu'on ne pouvoit pas
s'apercevoir, par exemple, qu'elle eût changé de goût ,
qu'elle eût une odeur moins pénétrante, qu'elle füt moins
inflammable.
En éleétrifant des corps de tant d’efpèces différentes, je
ne devois pas oublier l'aimant, d'autant plus qu’on eft par-
tagé fur les effets de l'électricité à fon égard, les uns préten-
dant qu’il s’'affoiblit quand on l'électrife, les autres fourenant
,e
qu'il
De
Es. S46 TE INT C TE IS 241
qu'il n'en eft rien; pour favoir à quoi m'en tenir, j'ai fait les
‘expériences fuivantes. *
Ayant chargé peu à peu avec de petits clous une pierre
d’aimant que j'avois fufpendue à un fupport, je trouvai qu’elle
-pouvoit porter un poids de 4 livres 6 onces 10 grains. J'é-
prouvai de même un aimant artificiel compofé de fix lames
de fleurets, dont la force fe trouva égale à 1 livre 10 onces
17 grains : je plaçai ces deux aimans fur la cage de tôle où
ils furent éleétrifés pendant près de dix heures dans la même
journée, ayant leurs poles dirigés de l’eft à l'oueft; après quoi
des ayant éprouvés de nouveau, je trouvai qu’ils portoient les
mêmes poids dont je les avois chargés avant que de les
électrifer.
Si d’autres que moi ont vû des effets différens, il feroit
bon qu'ils en donnaffent un détail bien circonftancié : je puis
affurer que ce que je rapporte ici ef exatement vrai, & que
mes aimans ont été fortement électrifés ; car celui qui eft
compofé de lames de fleurets n’a prefque pas ceffé de lancer
des aigrettes lumineufes, & l’on a fouvent tiré de l’un & de
l'autre des étincelles très-brillantes.
Voici encore un fait fur lequel je ne me trouverai point
d'accord avec tout le monde: plufieurs auteurs prétendent
que la vertu électrique fe fait fentir fur le thermomètre;
que la liqueur de cet inftrument ne manque pas de monter
quand on l'électrife. Ces témoignages m'ont rendu circonf-
pect; & pour ne rien laifler à defirer fur les raifons qui
m'empèchent de le croire, je vais rapporter exactement ce
que j'ai fait & ce que j'ai vû.
J'attachai à la cage de tôle un thermomètre de mercure,
& un autre thermomètre d’efprit de vin, tous deux gradués
fur la même échelle, & femblables pour lagrandeur à un
troïfième qui étoit dans le même lieu, & qui ne fut point
éleétrifé : pendant neuf ou dix heures que dura 'éleétrifation,
j'obfervai les trois thermomètres, & je ne trouvai dans leur
marche aucune différence notable.
D'autres fois je fs plonger dans les aigrettes lumineufes
Mém. 1747: -Hh
242 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d’une barre de fer électrifée, la boule d’un thermomètre que je
tenois attaché au bout d’une baguette ; & quoique j'aie répété
cette épreuve en différens temps, je n'ai jamais vû monter
la liqueur, foit que ce füt du mercure, foit que ce fût de
l'efprit de vin.
J'imagine donc que ceux qui ont cru voir un autre efet,
n'auront pas pris aflez de précautions pour empêcher qu’une
chaleur étrangère ne portât fon aétion fur le thermomètre;
car dans une expérience auffi fimple, je ne faurois croire que
mes yeux m'aient trompé:
A propos du thermomètre éleétrifé, il me vint dans l'ef-
prit d'examiner, fi de deux liqueurs également chaudes &.
femblables d’ailleurs, celle que l'on éleétriferoit continuel-
lement, garderoit plus long temps ou perdroit plütôt fa cha-
leur que l'autre : pour cet effet ; je fis l'expérience qui fuit.
Je remplis d'eau deux vafes cylindriques de verre, de
mêmes hauteur & capacité; je fis plonger dans l'un & dans
l'autre la boule d'un thermomètre très-fenfible, de manière
qu'elle n'alloit pas jufqu'au fond du vaifleau : je mis le tout
dans un bain d’eau chaude jufqu'à ce que la liqueur des deux
thermomètres eût atteint 40 degrés : alors je plaçai l'un des
deux vafes fur la cage de tôle pour y être électrilé, & je mis
l'autre fur une table un peu à l'écart, mais dans le même lieu :
j'obfervai les deux thermomètres, dont la marche toüjours
égale de part & d'autre, m'apprit que l'électricité ne retardoit
ni n'accéléroit le réfroidiffement.
Je ne l'aurois pas deviné en confidérant que la matière du
feu s'exhale perpétuellement d’un corps chaud, & que l'élec-
tricité accélère & augmente les évaporations; j'aurois cru vo-
lontiers qu'une liqueur chaude & éleétrifée fe feroit refroidie
plus vite; tantsil eft vrai qu'en matière de diet il ne
faut pas fe contenter de deviner.
OO A
Mem, de LL R des Se 2747, Pag.2g2 PI 7.
7 irram sta
Men. de LAc.R des Je.2747. Pay 24
D'ENS PONC VE NC NENS 243
MEMOIRE ‘
Sur la manière de tracer méchaniquement la courbure
qu'on doit donner aux ondes, dans les machines
pour mouvoir des leviers ou balanciers, au lieu des
ovales qu'on a fubfticués aux manivelles en plufieurs
endroits.
Ps M. DE PARCIEUX.
Y Æ€s manivelles qu'on applique aux pompes, ontteüjours
déplû aux perfonnes qui connoiflent les principes de
Méchanique, parce que leurs efforts ne font pas conftam-
ment les mêmes, foit qu'on en mette une, ou deux, ou trois.
Cette dernière, qu'on appelle wanivelle à tiers point, eft la
moins imparfaite ; mais elle l'eft encore beaucoup : car fup-
pofons que les trois lignes C4, CB, CD, repréfentent les
trois rayons d’une manivelle à tiers point, tournant de À
vers PB, dès que le point 2 eft parvenu au point le plus
haut, if ne fait plus aucun effort, non plus que le coude D,
qui defcend. Le coude À agit donc alors tout feul, jufqu'à
ce que le coude D foit parvenu en Æ; alors Îe coude À fera
parvenu en F, & fon bras de levier fe fera alongé, & enfuîte
raccourci, felon les rapports des finus AZ, GI, GL &c.
depuis 60 degrés jufqu'à 90 degrés; ce qui fatigue beau-
coup plus la machine, que fi tous les efforts étoient égaux;
& d'autant plus que c'eft en cette partie du tour que le poids
s'élève le plus rapidement.
Ce défaut eft bien plus confidérablé aux manivelles fim-
ples , fur l'axe defquelles on a été obligé de mettre des
Volans chargés de plomb, qui recevant une quantité de mou-
vement de la part de la puiflance, pendant le demi-tour
que la manivelle du pifton n’eft pas chargée, aïdent la puif-
fance à furmonter la réfiflance du poids pendant le demi-tour
Hh ji
Fig. 1,
244 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
qu'elle eft chargée, & que les perfonnes fans principe croient
augmenter la force de la puiflance qui agit, quoique ces
volans ne faffent en effet que reftituer dans une portion du
tour, la quantité de mouvement qu'ils ont acquis dans l’autre,
Quoiqu’on donne ici la manière de rendre la réfiftance du
poids conftamment la même, il ne faut pas regarder les volans
chargés de plomb comme inutiles, lorfque ce font des
hommes qui agiflent par le moyen d’une manivelle, parce
que l'effort qu'ils font n'eft pas le même à tous les inftans
du tour ; & les volans reftituent, lorfque l'effort des hommes
eft le moindre, ce qu’ils peuvent acquerir de mouvement
lorfque l'effort des hommes eft le plus grand.
Ajoûtons au défaut capital dont on vient de parler, celui
de ne pouvoir pas attacher immédiatement les tringles des
piftons aux manivelles, à caufe de l'obliquité que leur don-
neroit à droite & à gauche fon mouvement circulaire, qui
feroit que les corps de pompes feroient bien-tôt gâtés. On
diminue cet inconvénient de deux manières, 1° en attachant
le pifton à la tringle par une efpèce de charnière; 2° ouen
faifant que la manivelle communique fon mouvement à un
levier, & le levier au piflon; mais cette correction y ajoûte
fouvent un autre défaut, par l'obliquité avec laquelle la ma=
nivelle communique fon mouvement au levier, lorfqu'ils font
“placés l'un près de l'autre, ce qui occafionne une décompo-
fition de forces, dont une partie eft en pure perte.
Outre cette force perdue, & l'inégalité des réfiftances que
la puiflance a à furmonter avec des manivelles , elles font
encore fort fujettes à caffer, fur-tout celles à tiers points, à
caufe de la longueur que leur donnent tous leurs détours,
quoiqu'on les fafle pour l'ordinaire très-fortes, & par confé-
quent lourdes & coûteufes ; on trouve d'ailleurs peu d’ou-
vriers capables de les bien faire. .
C’eft pour toutes ces raifons, que plufieurs perfonnes ont
cherché à fubftituer à la place des manivelles, des furfaces
planes ou courbes, inclinées fur le champ ou [ur le plat des
roues müûes par quelque agent,
D'IES,8 CT EN CES 245
M. de la Hire, dans fon Traité des Epicycloïdes, a donné
la manière de faire les mantonnets qui doivent élever des
poids perpendiculairement, comme les pilons des moulins
à tan & à poudre, & cela d’une manière bien fimple & bien
belle, le poids oppofant toûjours fa réfiftance à l'extrémité
d’un levier, qui fe trouve conftamment le même à quelque
hauteur qu'on élève le poids. Ce favant Géomètre n’a pas
parlé des poids que les machines élèvent en les faifant tourner
fur un centre, non plus que de la manière de les élever par
le moyen d’une furface inclinée, appliquée fur la circonfé-
rence d’une roue ; & c'eft ce que je me fuis propolé dans ce
Mémoire, dans lequel je vais premièrement donner la ma-
nière de tracer la courbure des ondes qu'on doit appliquer
autour des circonférences des roues, afin que ces ondes
agiflant comme un coin, ou plan incliné, fous un poids qui fe
meut autour d’un centre, elles le faflent élever également
en temps égaux. On a prétendu le faire en plufeurs endroits,
mais fans principes, comme je le dirai ci-après. Je parlerai
enfuite de la courbure qu'on doit donner aux endroits des
leviers, qu'une manivelle fait mouvoir en gliffant le long
du levier:
M. le Chevalier Morland, au lieu de manivelles, propofe
d'appliquer des ovales, qu’il appelle fgure ciclo-elliptique, à un
axe tournant comme celui d’une manivelle, pour faire hauffer
& baifler desbalanciers, comme il avoit pratiqué à Maifons,
à une machine qu'il y a fur la Seine pour envoyer de l’eau
au château. On a pratiqué la même chofe à la Chartreufe du
Val-Saint-Pierre.
D’autres, au lieu d'ovales qui font chacune donner deux
coups de piftons par chaque tour que l'axe fait, ont mis deux
ou trois cercles fur un même axe, mais enarbrés excentri-
quement, pour ne faire donner qu'un coup de pifton à
chaque tour.
Le Frère Nicolas, au moulin à vent de M. Crozat à Clichy-
la-Garenne, avoitäncliné le plan d'une roue fur l'axe qui {a
menoit ;. ce qui faifoit l'effet d'une onde appliquée fur le plat.
Hh iij
246 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d'une roue bien enarbrée. Ce moulin a été brûlé if y a
quelques années, & on en à changé la confiruction.
J'aurai démontré que ce n'eft aucune de ces furfaces qu’on
devoit employer, fi je fais voir que celles dont je vais donner
la defcription, font monter le poids proportionnellement au
chemin parcouru par la puiffance, ou bien que la puiffance
a des quantités égales de mouvement en quelqu'endroit de
la courbe qu’on fuppofe le poids, parce qu'il s’enfuivra de là,
que fi la puiflance foûtient le poids en équilibre en quel-
qu'endroit, elle le foûtiendra par-tout; & que fi elle le fait
monter en un endroit, elle le fera monter par-tout.
Comme ce moyen de faire mouvoir des balanciers a été
jugé le plus avantageux, tant à caufe de l’uniformité d'efforts,
qu'on a voulu trouver, que parce qu'il occafionne moins
de frottemens, & qu'il peut être conftruit beaucoup plus
folidement que les manivelles, & à moins de frais; ce fera
rendre fervice à ceux qui font conflruire des machines, qué
de leur donner la manière de tracer la courbure des ondes,
de façon que la puiffance n'ait pas plus d'effort à faire dans
un temps que dans un autre.
Dans tout ce que je vais dire, je fuppoferai le poids
réuni au feul point qui doit couler le long de la courbe, ou
bien, fi on veut fuppoler une roulette à l'extrémité du ba-
lancier, la courbe que je vais décrire, fera le chemin que
doit parcourir le centre de cette roulette; l'on fait qu'il
n'y aura enfuite qu'à mener une autre courbe parallèle à fa
première, qui en foit par-tout diftante de la longueur du
rayon de la roulette.
Suppofons donc une puiflance appliquée à un bras de
levier conflant, comme feroit une manivelle qui décriroit,
par exemple, la circonférence A UT, laquelle puiflance foit
capable dé faire monter un poids de À en 47, dans le temps
qu'elle parcourra le quart }” À de la circonférence; il s'agit
de rendre égaux les efforts qu'elle a à faire à chaque inftant,
= Suppofons premièrement que ce pôids, en sélevant,
doive parcourir une ligne droite, que je fuppofe verticale,
Dies sit SG 1 EM Ces 247
il faut qu'à chaque inftant le produit du poids par fa mar-
che , foit égal au produit de la puiflance par fa marche.
Pour cela divifez la ligne À AZ en autant de parties égales
que vous voudrez AN, NQ, QZ, &c. divilez auffi lare
AV'en autant de parties égales AB, BD, DE, &c. que la
ligne À M; & menez les rayons C2, CD; CE, &c. faites
CG=CN, CH=—CQ, CI= CZ, &c. faites paffer par
les points 4, G, FH, 1, &c. une courbe qui fera une portion
de la fpirale d’Archimède, & celle qu'on demande.
IL eft clair que, lorfque le point 2 fera parvenu en À,
le poids fera en A; lorfque le poids D {era parvenu au
même point À, le poids fera en Q, &c. Or AB:AD
:: AN:AQ, les marches de la puiflance, & celles du poids
font donc proportionnelles. Ainfi s'il y a un inflant auquel
la puiffance foit au poids, comme la marche du poids eft à
celle de la puiflance, la même proportion fe trouvera dans
tous les inftans, & les quantités de mouvement feront toû-
jours égales.
Cela pourroit bien ne pas paroître d’abord de la même évi-
dence à tout le monde, parce que, dira-t-on, les effets produits
_aux extrémités des leviers variables CB, CE, CO, &c. par
une puiflance appliquée à un bras de levier conftant, doivent
aller en diminuant dans la raifon réciproque de l'alonge-
ment des bras de leviers CB, CL, CO, &c. & ces effets
produits en B, L, O, &c. devenant les puiflances qui pouf
fent parallèlement à leurs bales les petits plans inclinés À BG,
._GLAH, HOÏI, &c. ne doivent pas produire des quantités
égales de mouvemens : mais qu'on faffe attention que les
petits plans inclinés G 4, H 1, 1K, &c. deviennent plus incli-
nés à mefure qu'ils s’éloignent du centre C; car tandis que
les hauteurs L A, OL, RK, &c. reftent égales, les bafes
G L, HO, IR, &c. vont en augmentant dans la même
raifon que les bras de levier CZ, CO, CR, &c..ou, felon
la raifon réciproque de la diminution des efforts, ou des
puiflances qui les pouflent en L, O, R, &c. car l'effort
qui fe fait en B eft à celui qui fe fait en À, réciproquement ,.
Fig. 2:
Fig. 3.
248 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
comme le bras de levier CR eft au bras de levier CZ, où
comme la bafe R7 du plan incliné ZÆ eft à la bafe 2 À
du plan incliné AG; le produit de là bafe R Z, par l'effort
qui fe fait en À, eft donc égal au produit de la bafe BA,
par l'effort qui fe fait en B; car ces produits font l'un &
l'autre les quantités de mouyemens de la puiflance qui foù-
tiendroit un poids fur ces plans inclinés : elles feront les
mêmes en quelqu'endroit de la fpirale À KP, qu'on fup-
pofe le poids. Donc, fi la puiffance eft capable de foûtenir
Je poids en équilibre en quelqu'endroit de la courbe, elle
le foûtiendra par-tout, & fi elle le met en mouvement en
quelqu'endroit, elle l'y mettra par-tout.
Je me fuis un peu étendu fur cette première courbe, pour
être plus court aux autres, où je me contenterai de faire voir
que les différentes élévations du poids, feront toüjours entre
elles comme les chemins parcourus par la puiffance appliquée
à l'extrémité d’un bras de levier conftant, puifque la quantité
de mouvement qu'elle produit à l'extrémité de tel levier
qu'on veut, eft toüjours la même.
Suppofons maintenant que le poids qu'on veut élever,
doive parcourir un arc de cercle, comme le font les extré-
mités des leviers müs par les ovales, ou par les cercles excen-
triques dont j'ai parlé ci-devant, la courbe qui doit procurer
ce mouvement, eft bien encore une forte de fpirale, mais
elle n'eft pas régulière comme la précédente.
AVERTISSEMENT.
La figure 3 fur laquelle je vais faire l'explication , eft conf-
truite pour un cas des plus défavantageux, que j'ai choift
exprès, parce que les interfections dont j'ai befoin, font plus
diflinétes que dans les cas avantageux où if s’en trouve plu-
fieurs qui fe confondent enfemble; ce qui feroit quelque
difficulté pour l'explication, mais aucune pour la conf-
truction.
Soit À B un levier ou balancier mobile autour du point
À, je fuppofe ce levier horizontal, avant que la courbe ait
commencé
D
DLELSN SHCUTLE NICHENS. 249
commencé à faire mouvoir le poids qu’on veut faire monter
de B en Æ par une continuité de plans inclinés, appliqués
für une portion de Ia circonférence BO Y, dans le même
temps que la puiflance parcourra la moitié de cette circon-
férence, foit qu’elle tourne d’un fens ou de l’autre. Suppo-
fons premièrement qu'on veuille faire arriver fucceffivement
au point À les points 47, N, O, &c.
Menez ja corde B X de d'arc que doit parcourir l’extré-
mité du bras de levier À B. Divifez-la en autant de parties
égales que vous voudrez, le plus fera le mieux; & par tous
les points d'interfetion L, L, L, &c. menez les lignes
LG, LA, LI, &c. parallèles à 4 B, ou à une ligne horizon-
tale, paffant par le point 2, au cas que le levier À B ne le füt
pas; ces lignes couperont l'arc AR aux points G, À, 1, &c.
ce qui eft la même chofe que fi on avoit divifé en parties
égales la perpendiculaire abaiffée du point Æ fur la ligne
horizontale qui pafferoit parle point 2. Menez par le centre
C, & par les points G, 4, 1, &c. les lignes CG, CA, CL, &c.
coupant la circonférence du premier cercle aux points
D, E, F, &c.
: Menez le diamètre B Y; divifez la demi - circonférence
BOY en autant de parties égales, BM, MN, NO, &c. que
la corde B K; prenez enfuite l'arc B D, & le portez de M
en "; prenez l'arc BE, & le portez de N'en #; prenez l'arc
BF, & le portez de O en o, &c. menez les lignes indéfinies
Cm, Cn, Co, &c. que vous ferez égales, favoir, Ca à CG,
Cbà CH, Cd à CI, &c. faites pafler une courbe par les
points B a b dZ ; elle fera monter ce poids proportionnelle-
* ment à la marche de la puiffance; car il eft clair que lorfque
la puiflance aura fait arriver le point A en P, le point " fera
en D, & le point a en G où fe trouvera par conféquent le
poids qui étoit d'abord en B; lorfque le point N fera auñfr
arrivé en À, le point # fera en Æ, & le point à en A où
fe trouvera le poids qui étoit ci-devant en G, & ainfr
des autres jufqu'à ce que la demi-circonférence B O Y foit
entièrement pañlée: alors le point Ÿ fe trouvera en B, le point
Mn. 1747: . li
+
Fig. 3.
250 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Ven X, & le point Z en #, où fera par conféquent le poids.
Ainfi la puiffance faifant pafler par le point B des parties égales
quelconques de la demi-circonférence 2 O F, fait monter le
poids de parties femblables de la hauteur où l'on veut l'élever.
Si la puiflance devoit tourner du côté oppofé, il fau-
droit divifer la ligne B X & la demi-circonférence BQF,
en autant de parties égales l’une que l'autre aux points Z,
EL, E, &c. P,Q, R, &c. mener comme ci- devant les
lignes LG, LH, LI, &c. CG,CH,CI, &c. porter l'arc
BD de Pen p, arc B E de Q en 4, l'arc BFdeRenr,
&c. mener les lignes Cp, Cg, Cr, &c. faire CF —=CG,
Cg= CH,Ch=C 1 &c. & mener la courbe B fg k Z qui
fera le même effet que la précédente; car lorfque le point 2
fera arrivé en 2, le point p fera en D, & le point f en G, où
fe trouvera par conféquent le poids qui étoit d’abord en 2.
Lorfque le point Q fera parvenu en 2, le point g fera en Æ,
& le point g en À, où fe trouvera le poids ; ainfi le poids
monte encoreproportionnellement à lamarche delapuiflance,
qui eft ce qu'on s'étoit propolé. ,
L'on voit que de quelque côté qu'on tourne, lorfque Ja
puiflance a parcouru une demi- circonférence, le poids a
monté de la quantité propofée, quoique ces deux courbes
inclinées n'aient pas des bafes égales ; car la première a pour
bafe l'arc B O V plus grand que la demi-circonférence ; & la
feconde n’a que l'arc B Q qui eft moindre d'autant, quoi-
que l’une & l’autre conduifent le poids à la même élévation ;
mais l'une a fa pente plus douce que l'autre, & cela doit étre
ainff; car l'on fait que plus l'angle aigu, fait parun planincliné
& la ligne de direétion de la puiffance qui y foûtient un
poids, eft grand, plus ce plan doit être incliné ou aigu, la
puiflance qui retient le plan & le poids, reftant la même. Or
A B doit être regardé comme la direction de la puiffance qui
foûtient le poids : il eft aifé de voir qu’elle fera toûjours avec
la courbe B&4Z des angles plus grands qu'avec la courbe
BghZ.
De ce que la puiffance qui foûtient le poids fur le plan
DES SCIENCES. Let
a de plus grands efforts à faire, à mefute que l'angle aigu,
fait par fa direction & le plau incliné, eft plus grand, ou qué
fa direction approche le plus d'être perpendiculaire au plan
inéliné, il fuit que de toutes les pofitions que le point 2 peut
avoir dans la demi-circonférence S'BT, les plus défavanta:
geufes font celles qui feront les plus proches des points £ 7;
parce que la direction À B de là puiffancé qui foûtient le
poids, approche d’autant plus d’être perpendiculaire au plari
incliné où à la courbe, que le point Z fera plus près des
points #, 7, & les petits plans inelinés dèviéninent alors
d'autant plus aigus.
_ I füitencore de {a même raifon, que la pofitiôn du point
PB la plus avantageufe, eft celle où la corde B X de Farc décrit
par Fextrémité du balancier, étant verticale, fon prolongé-
ment pafle par le centré C autour duquel tourne l'onde. Dans
ce cas-ci les courbes ont chacune uné demi - circonférence
pour bafe, parce que le point lé plus éloigné du centre &
celui qui en eft le plus près, fe trouvent diamétralément op-
pofés. C’eff le cas où les courbes diffèrent le moins entr’elles
parce que Îles arcs qu'on à à porter à droite où à gauche des
divifions faites fur les deux demi-circonférencés, font fort
petits, & qu'ils fe réduifént à zéro vers lé commencement
& vers la fin.
Ces courbes différeront d'autant moins, que fxlevée 2 X
fera moindre, & le centré A du balancier plus éloigné, tef-
lenient qu'elles feroïent parfaitement égales fi le point A!
étoit infiniment loin, parce que l'arc B°K deviéndroit alors
une ligne droite, & les coutbes feroient de vraies fpirales:
d'Ardinède, comme on l'a dit au commencement de ce
Mémoire : alors de quelque côté qu'on tournât, il arri-
veroit qu'a dés diflances égales du commencement 2 les
angles faits par’ la direction À B du levier, & l’une où l'autre
courbe feroient les mêmes, ce qui ne peut pas étre dahs-tout
autrecas; mais [1 différence eft peu de chofe. Dans celui de
la figure quatrième, il y a un inftant pour chacune de‘ ces
deux courbes BTZ, BSZ, auquel les’ añgles faits par 1e
li ij
Fig. 3.
Fig. 4.
252 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
levier & l’une ou l'autre courbe, font les mêmes; car dans le
commencement, la courbe qui va vers 7, a fa pente moins
douce que celle de la courbe qui va vers S, la bafe B m du
petit plan incliné B a étant plus petite que la bafe Bp du
petit plan incliné Bf, l'arc Am ou Pp pris auprès de 2
ayant été ajoûté à BP, & fouftrait de B AZ qui font fuppofés
égaux ; mais auffi la feconde courbe B SZ eft plus roide
vers la fin Z que la première B 7°: or elles ne fauroient ainfi
paffer du plus au moins, qu'il n’y ait un inflant où l'égalité
d’inclinaifon foit la même : il eft clair que ce doivent être les
endroits des deux courbes, dont les bafes fur les demi-cir-
conférences BOY, BQY, ne reçoivent aucune augmentation
ni diminution ; ce font les endroits 7°& S'qui font éloignés
du centre C de la longueur de la ligne € À, tangente à l'arc
BX; parce que les augmentations où diminutions que re-
çoivent les arcs compris entre CÆ'& les lignes qui font aux
environs de C A, qu'on ajoûte ou qu'on retranche des arcs
égaux faits fur les demi-circonférences BOF, BQ F, fe ré-
duifent alors à zéro; les bafes de ces portions de courbes,
reftent donc alors égales, & l'inclinaifon fe trouve par confé-
quent la même dans l'une & l'autre courbe. |
L'on voit par-là que dans tous les cas où l’on pourra mener
du centre € une tangente à l'arc 2 K°, décrit par l'extrémité
du levier À B, il y aura un endroit dans lune & l’autre
courbe où f'inclinaifon fera la même. A la figure quatrième,
la courbe intérieure B FZ eft la même que li courbe BSZ
qu'on a tranfportée de ce côté-là, afin qu’on en fafle plus aifé-
ment la comparaifon; par où l'on voit le peu de différence
qu'il y aentrelles, qui deviendra d'autant moindreflilue le
point À fera plus éloigné, comme on l'a déjà dit. -
La figure BTZS reprélente donc celle qu’on devoit em-,
ployer au lieu d’un cercle excentrique; & fi on fait fur des
quarts de circonférence ce qu'on a fait ici fur des demi-,
circonférences, on aura les figures qu'on devoit employer,
au lieu d'ovales : l'on voit déjà qu'elles doivent être bien
différentes; auffi le font-elles, comme on peut le voir par la
D'E S::S CLEN CES 2
figure cinquième, où la courbe ponétuée £ LL E, &c. eft
une véritable ovale, & la courbe X D D K eft celle qu'on
auroit dû employer à la place. L'on voit iei fenfiblement
qu'avec des ovales une machine ne fait prefque point d'efforts
quand le poids à élever eft aux environs des extrémités des
axes, & qu'il faut par conféquent qu’elles en faflent de très-
confidérables dans les entre-deux ; d’où il fuit que les ovales
appliquées à une machine la rendent auffi défeétueufe que les
manivelles, & la fatiguent tout autant pour le moins.
Si le poids qu’on veut élever étoit attaché au bout d’une
corde dont l'autre bout feroit attaché en Æ,en forte qu’elle
fe colât le long de l'arc Æ7 B, en fuppofant d’abord le point
Ken B; l'on voit que le poids feroit toüjours cenfé HE
B, & qu'en temps égaux, la puiffance doit faire pañler par B
des portions égales de l'arc B ZX, parce qu’au lieu de faire
monter le poids de la valeur de la perpendiculaire abaiffée
du point X{ur À B, on a à le faire monter d’une quantité
égale à l'arc ÆZB; alors au lieu de divifer la corde Ben
parties égales, on divifera l'arc B ZK, & le refle de la conf
truétion comme auparavant.
À la figure fixième la courbe intérieure B N NZ ef cellé
qui doit faire monter le poids de la valeur de la ligne ÆO de.
quantités égales en temps égaux, & l'avoir conduit en #,
lorfque la puiflance aura parcouru la moitié de la circonfé-
rence qu'elle décrit; & la courbe extérieure B L L Z ef celle
qui doit faire monter le poids d’une quantité égale à l'arc
B 1K, étant attaché à une corde qui fe coleroit le long de
arc X 1B.
Il eft aifé de voir que la plus grande réfiftance du poids
doit être au commencement pour la première courbe, en
fuppofant toüjours la ligne À B horizontale, & que cette
réfiftance diminue à mefure que le poids approche de Æ où.
elle fe réduiroit à zéro, fi B ZK étoit un quart de cercle :.
auffi la pente de cette courbe intérieure eft-elle plus douce
vers À que vers Z, au contraire de la courbe extérieure, pour.
Jaquelle la réfiftance du poids eft conffamment la mêne; fe.
Li ü
Fig. 6.
254 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
trouvant toüjours placée à l'extrémité d’un même levier, il
faut que la pente de la courbe foit plus douce, à mefure
qu'elle s'éloigne du centre €, ou qu'elle fe trouve à l'extré-
mité de leviers plus grands.
L'on pourroit juger du plus ou du moins d’inclinaifon
de ces courbes, en comparant entr'elles leurs bafes prifes
fur la demi-irconférence B FY, par les augmentations ou
diminutions qu’elles reçoivent des arcs BD, BE, BF, &ec.
par la conftruétion de l'une & de Fautre, & les alongemens
des rayons CG, CH, CI, &c. mais la feule infpe“tion
fuffit. Les deux courbes commencent & finiffent enfemble,
elles s'éloignent donc du centre, de la même quantité, par
leur extrémité; il eft clair que celle qui eft intérieure, eft
moins rapide vers le commencement, que l'extérieure; &
puifqu'elles arrivent au même but, il faut que f'intérieure
regagne vers la fin ce qu'elle a perdu vers le commencement,
& le contraire pour l'extérieure.
La courbe extérieure BL LZ., eft une portion d’épicy-
cloïde, puifque le point 2 ef fuppofé marcher uniformé-
ment le long de l'arc B X°, en même temps que la puiffance
marche auffi uniformément Îe long de l'arc FF B. Car on
peut toûjours concevoir deux cercles PRT, MPQ con-
centriques aux deux premiers Z F'Y, B1X qui s'engrénant
par une denture infiniment petite, feront marcher unifor-
mément les arcs BFY, B7K, felon tel rapport qu'on vou-
dra, pourvû que les nombres de degrés qui doivent paffer
ndant un même temps par le point B, pris fur les arcs
BF, BI, {oient entr'eux dans la raifon réciproque des rayons
AP, CP des cercles qui leur font concentriques.
IL fuffit dans la pratique, de trouver pour chacune de ces
courbes, 1 2 ou 16 points, qu'on joindra enfuite de deux en
deux, par des arcs de cercles décrits avec des rayons moyens,
entre les deux diflances du: centre aux deux points qu'on
veut joindre : la courbe que l'on tracera de cette manière,
ne diflérera pas fenfiblement de 1à courbe qu'on auroit, en
cherchant une infinité de points par la méthode qu'on a
expliquée fur la figure 3.
DES SCiEnNc'Ers 2
ml y a des occafions où il eft plus commode de faire
haufier ou baifler un levier ou balancier , par Fextré-
mité d’un rayon conftant, comme eft un mantonnet où
le bout d'une manivelle où l’on met un rouleau pour
diminuer le frottement ; il faut alors que le balancier
porte une courbe, telle qu'étant parcourue par Je bout de Ja
manivelle ou mantonnet, le balancier foit forcé à s'élever
également en temps égaux. Voici comment on tracera cette
courbe, en fuppofant le bout de 1a manivelle ou imantonnet
fans rouleau, étant feulement un point qui parcourt la courbe
requife, comme l'extrémité du balancier parcourroit les pré:
cédentes.
Soit À B un levier mobile autour du point À, portant
un poids à l'extrémité Z qu'on veut faire monter en K, par
le moyen de a manivelle on mantonnet CO, dans le temps
que ce même mantonnet décrira l'arc © L, ou par lé man-
tonnet € D, tournant du fens oppofé pour décrire l'arc DL,
de manière que ce poids monte également en temps égaux.
Menez la corde B K; divifez-la en un nombre quelconque
de parties égales, & menez par les points de divifion les
lignes JP, VQ, VR, &c. parallèles à 4 2, que je fuppofe
horizontale ; cés lignes couperont l'arc 5 Æ aux points
PQ,R, &c par lefquels & par le centre 4, vous mènerez
autant de lignes AP, 4AQ, AR, &c. Divifez les arcs OZ,
D Z, chacun en autant de parties égales que la ligne BK,
& vous ferez pafler par les points de divifion E, F,G, &c.
autant d'arcs de cercles EN, FN, GA, &c. décrits du
même centre À. Prenez l'arc Va, & le portez de E en m :
prenez Farc Nô, & le portez de F'en »: prenez l'arc Mc, &
le portez de G en o: prenez V4, & le portez de Henp, &c.
Par tous les points trouvés de la forte, & de proche en
proche, on fera pafler les deux courbes Dor, Osr, qui
feront l'effet qu'on demande.
II eft aifé de voir que quand le mantonnet C D aura
parcouru l'arc D E, le point # de la courbe fe trouvera au
point Æ, & le point Ven a; parce que Nn = Ea, le levier
256 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Fis.7. À B aura pris la fituation AP, & le poids 2 fera en 2. Quad Ÿ
l'extrémité D du mantonnet C D fera arrivée en F, le point # À
de la courbe y fera auffi; & par la même raifon que ci-deffus,
le levier À 2 aura pris la fituation AQ, & ainfi des autres.
L'on voit donc que les quantités dont le poids fera monté en
quelque temps que ce foit, feront toûjours entr'elles comme
les chemins parcourus par la puiffance.
En quelqu'endroit que foit le poids 2, c’eft toûjours la
corde de l'arc qu'il décrit qu'il faut divifer également, fans
prendre garde s’il eft loin ou près de l'arc D LO décrit parle |
mantonnet. La figure 8 fait voir la différence qu’il y a entre
ces courbes, felon que le poids eft entre le point À, & le che-
min décrit par lemantonnet, ou bien le chemin du mantonnet
entre le point À & le poids; les courbes D HO ont été tra-
cées, en fuppofant le poids décrire l'arc Æ F, & les courbes
DGO:enfuppofant le poids décrire l'arc B À. Comme dans
le fecond cas, le bras du levier du poids eft plus long que dans
le premier, les courbes font beaucoup plus douces, ou fes petits
plans inclinés, beaucoup plus aigus que dans l'autre.
Si le poids qu'on veut élever, étoit attaché au bout d'une
corde qui fe calät le long des arcs B Æ ou EF, il faudroit
divifer ces arcs en parties égales au lieu de leurs cordes, &
le refle de la conftruétion à l'ordinaire.
C'eft d'après ces principes qu'on devrait tailler les leviers
de détente & de fonnerie pour les horloges. Il eft à remar-
quer pour toutes les courbes dont on vient de donner la
defcription, qu'elles ne doivent être employées qu'en nom-
bre pair, afin qu'il y en ait toûjours une prête à commencer
à agir dans l'inflant qu'une autre cefle. Je donnerai dans un
autre Mémoire, la manière de tracer les courbes qui doivent
être employées en nombre impair, devant être différentes de
celles dont je viens de parler, parce qu'elles n'agiflent pas
toûjours en nombre égal.
On pourroit peut-être penfer d'abord que les ovales que
M. le Chevalier Morland a employées, font ces courbes qui
doivent être miles en nombre impair; mais je peux déjà faire
voir
«Br pdt lente
DES SCIENCES. ET
voir que ces ovales ne font pas plus les courbes qu'on devoit
employer en nombre impair, qu'en nombre pair ; car lorf-
qu'il y en atrois, elles agiflent comme les manivelles à tiers
print, c'eft-à-dire que des 9 o degrés pendant lefquels une ovale
agit, l'action pendant les 30 premiers degrés fe fait avec une
autre ovale qui finit, & qui avoit 60 deyrés d'avance; elle
agit enfuite pendant 30 degrés toute feule; & pendant les
30 derniers degrés, elle agit avec une autre ovale qui com-
mence: or il eft clair, par tout ce qu'on vient de voir, que
la courbe des 3 o degrés pendant lefquels elle agit toute feule,
doit être une courbe de la nature de celles dont je viens de
donner la defcription.
Ayant bien conçû tout ce qui vient d'être dit, il eft prefque
inutile de parler de la manière de tracer les ondes ou courbes,
qui doivent être appliquées fur le plat des roues qui tournent
horizontalement , pour faire hauffer ou baiffer les extrémités
des leviers ; elles font bien plus aifées à tracer que les pré-
cédentes; & fi j'en parle, ce n'eft que pour rendre ce Mé-
moire plus complet, & pour faire voir que dans la pratique,
ce doivent être tout fimplement des hypoténules de trian-
gles rectangles. :
Soit la ligne À 2 la portion de la circonférence de Ja
roue qui doit er vir de bafe à la defcente & à la montée de
deux ondes voifines : foit € le centre de mouvement du
balancier PC D, dont l'extrémité D doit décrire l'arc D
à chaque fois qu'il paffera une onde pour faire haufler le
poids P.
… Divifez la ligne AB en autant de parties égales que vous
voudrez, & par tous les points de divifion À, Z, L, &c.
menez les perpendiculaires À Z, LX, LK, &c. divifez auf
la hauteur DT, ou AZ que doit avoir l'onde à l'endroit le
lus élevé, en autant de parties égales que la moitié AD
de la bafe, & menez les lignes 11, H 1, HI, &c. parallèles
à À B. Prenez la ligne Ea, & la portez de en », & de
Q én q: prenez la ligne F4, & la portez de N en n, & de
Renr: prenez laligne Gc, & la portez de O en o, & de S'en s:
Mém. 1747: . Kk :
Fig, 9.
258 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
faites paffer deux lignes Dop, Dst par tous les points trôu-
vés de la forte, & vous aurez le profil des ondes qui feront
defcendre d’un mouvement égal ou uniforme, & avec des
efforts égaux, le point D en de quelque côté qu'on tourne,
ce qui eft aifé à voir par ce qu'on a dit ci-devant.
Il eft à remarquer que ces courbes ne peuvent être telles
qu'autant qu'elles pafieront du même fens fur les leviers
qu'elles doivent faire baifler : mais comme ces fortes de roues
font ordinairement mouvoir deux balanciers, un de chaque
côté, il arrive qu'une même onde pañe fur un des balan-
ciers, en le pouflant, pour ainfi dire, vers fon centre de
mouvement, comme feroit à la figure 9 la courbe Dsr,
fi la roue tournoit de Z vers D, & qu'elle pafle fur le balan-
cier, qui eft de l'autre côté, en fens contraire, comme feroit
la courbe Dop, fi la roue tournoit de À vers D; il faudroit
dans ces cas mettre deux rangs d'ondes, un pour chaque
levier, confruites felon le fens qu'elles doivent pafier fur les
balanciers : mais comme dans la pratique les ondes ne font
pas fi élevées, eu égard à leurs bafes, qu’elles le font ici, que
le centre € de mouvement eft plus loin, & placé au niveau
du milieu de la levée des ondes, ou à peu près, l'arc D eft
prefque une ligne droite perpendiculaire fur À B, & alors
les lignes £a, Fb, Gc, &c. fe réduifent prefque à rien;
par-là les courbes Dop, D st, & les autres, qui occupent le
refte du tour de la roue, deviennent, pour ainft dire, les
hypoténufes de plufieurs plans, également inclinés, appli-
qués comme une enveloppe autour de la roue : les furfaces de
ces ondes ne font pas pour cela des plans, comme les avoit
faites le Frère Nicolas chez M. de Maigrigni à Bagneux, &
chez M. Crozat à Clichy; ces furfaces doivent être fembla-
bles aux furfaces fupérieures ou inférieures des efcaliers à
noyau, fi on ne fait pas attention aux inégalités des marches,
ou bien à la furface d'un pas de vis carré; car elles en de-
vroient être effectivement des portions, fi le centre € de
mouvement du balancier fe trouvoit placé infiniment loin.
AE Ae
em. de LAc.R. des Se. » pag 258
Am. de Le. R des Sevpyy. pas 358. pl
jh à |
Mem, de LAc.R. des Se.1747. pag 268, pie
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K TVK K K K XX:
Fig. 9
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D'E SYSN Cr EN" CES 259
EXAMEN
De quelques fontaines minérales de la France, à
particulièrement de celles de Baredge.
Par M. LE MONNIER Médecin,
À On il y a quelques années, à l’Académie mes 9 Décembre.
recherches fur les eaux minérales de {a province d’Auver-
gne, & en particulier fur celles du Mont-d’or; & je penfois
dès-lors qu'un pareil examen des autres fontaines minérales
de la France feroit un travail utile, non feulement parce
qu'il feroit connoître à ceux qui n'ont pas occafion de fré-
uenter ces eaux, quel eft précifément leur caractère, de
quelle forte de principes elles font compofées, & en quelle
combinaifon ; mais encore parce que, par fa comparaifon
qu'on pourroit faire des différentes fources du royaume, on
détermineroit enfin les fecours qu’on doit attendre de cha-
cune : c'eft dans la même intention que j'ai examiné cette
année plufieurs fontaines minérales, dont je rendrai compte
à l'Académie. Je commencerai par celles de Baredge que
J'ai oblervées avec le plus d'attention pendant le féjour que j'y
ai fait au mois de Juillet dernier. La nature de ces eaux mérite
certainement d'être approfondie, & leurs différens effets fur
de corps humain bien conflatés : elles font en général très-
. filutaires; leur combinaifon, quoique très-fimple, n'eft pas
PL fort commune ; il eft d’ailleurs important qu’elles foient bien
Connues de ceux qui veillent à {a fanté des hommes, afin
qu'ils n'engagent pas trop légèrement leurs malades à entre-
prendre un voyage long, fatigant & difpendieux.
La plüpart des Médecins qui ont parlé dans leurs ouvrages
des eaux de Baredge, fe font contentés d’en publier les louan-
ges, où tout au plüs, de rapporter quelques hiftoires des
malades qui ‘ont été guéris, {ans s’embarraffer de nous faire
KKk ij
260 MÉMOIRES DE L’AeADÉMIE Rovarr
_connoître les principes qui les rendent fi efficaces, ni d'expli-
uer leur aétion par les loix connues de Téconomie animale:
M. Deffault, de Bordeaux, eft celui de tous les Médecins
françois, qui a le plus parlé des eaux de Baredge, dans fa
diflértation fur la pierre de Ja veffie. Il a beaucoup vanté
leur merveilleux pouvoir de difloudre la pierre; mais il n'eft'
entré dans aucun détail des principes qui compofent ces eaux
falutaires, excepté qu'il parle fans cefle du foufre, dont à dit
u’elles abondent, & il n’a produit aucune expérience qui
établiffe d’une manière convaincante; la vertu qu’il leur attri-
bue. Ce n'a été qu'en 1742 que M. Meïghan, Médecin
anglois, nous a donné une plus jufte idée des eaux de Ba-
redge, dans un traîté fort détaillé qu'il en a fait. Cet ouvrage,
que nous aurions déjà en françois, fans les additions que l'Au-
teur f propofe d'y faire, eft le fruit de fes obfeïvationsfuivies
pendant le cours de trois années conféeutives : il a vüà
Baredgé une grande quantité dé maladies rares & fingulières,
guéries par le fecours de ces eaux. Pour nous donner une
idée de leurs effèts finguliers , cet éxa@t Obfervateur ofe affu-
rer au commencement de fon ouvrage, que: dans l'année
1739, parmi le nombre prodigieux de malades qui y vinrent,
il n'en a yû que très-peu qui s’en foient allés fans être entiè-
rement guétis.Jé fapporterai à la fin de ce Mémoire, quel-
qu'unes de fes obférvations, qui feront connoître les fecours
qu'on peut atténdre dé ces fourcés falutaires, | foal à
Les bains de Barédge font awbas du village, fitué au pied
de là côte méridionale qui forme la vallée du même noms
la montagne d’où fortent les fourees eft très- haute &cou-
verte de bois; elle eft formée d’une’ efpèce de grès à gros
grain, & de quelques veines de marbre blanc vers le bas;
il y a plufieurs fources qui forment en tout quatre bains
chauds, difpofés de li manière la plus commode, & dont
les températures font différentes. Lorfqu'on entre dans les
falles de ces bains, on fent une vapeur chaude, qui s'élève
continuellement des eaux, & qui eft plus où moins épuifle,
fuivant fa conflitution de l'air. Cette vapeur répand une
nn ed ed te
1
o
/
l
DES x SACAILE:N C LE SNS 21
Jégère odeur de foie de foufre, non,pas.cependant puante &
infupportable, comme celle du foie. de foufre ordinaire, mais
douce &/modérée, & pour laquelle on n'a aucune répu-
gnance, Lorfqu’ on approche du nez un verre d’eau nouvel-
lement .puifé, on fent cette même odeur un peu plus forte-
-ment, fans qu'elle paroïfle plus défagréable; je, ne faurois
mieux la comparer que, comme a fait M. Deflault, à celle
que répand un œufdur, dont on ôte la coquille, tandis qu'il
eftencore chaud.
Cette odeur fe diffipe, pour la plus grande partie, à me-
fure que l'eau fe refroidit, fur-tout f1 elle eft expofée en
plein air, en forte qu'elle n'eft plus fenfible au bout de vingt-
quatre heures ; mais elle s ‘évanouit, bien plus promptement,
fon! ‘expofe au feu, & qu'on la faie bouillir.
- Le goûtrépond , à peu près, à fon, odeur; il.eft doux,
pour ne pas dire fade, & les-malades, ont un peu, dé peine
à,s y accoûtumer ;il , conferve néanmoins bien plus long-
temps que l'odeur; MMeighan.y déméleun goût, fuave qu'il
compare à celui.de, la manne, & qui sévanouit au bout. d'une
demi-minute;c'eft ce queje n'ai jamais pû apercevoir.
Cette eau eft au-refte douce au toucher, comme, la plus
paire eau.de favon ;,& quand on s'en eft lavé des. mains
pendant quelques-miputes, & qu'on.les plonge:enfuite dans
l'eau ordinaire, on fent cellé:ci,.pour AY dire, rude à Ja peau,
& il femble qu’on éprouve plus. de dificuliéà frotter, les mains
June contre l'autre, Elle n'exçite, lorfqu'on: Len, met, dans: les
yeux, aucune cuiflon., qui puiffe faire connoître qu’ ‘elle con-
tienne’aucune matière Âcre,, & quand j'en ai verfé dans une
coupure que, par hafard,, je méétois faite au doigt, je n'ai
pas reffenti la moindre radis Sa fluidité auffi-bien que {a
tranfparence , font telles qu'elles peuvent être dans l'eau la
pluspure; on aperçoit feulement fux fa furface, une pellicule
irès-fine , comme d’une huile très-léoère, qui la couvre. Sa
chaleur ef très-fenfible, elle varie fuivant les différentes four-
ces; les plus chaudes;iqui font celles du-bain royal, élèvent le
mercure dans Le thermomètre de, Fahrenheit juqu'à 113
Kk iij
262 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
degrés; ce qui répond à peu près à 40 + du thermomètre
de M. de Reaumur; & il y en a quatre à peu près de ce
degré : les moins chaudes font de 90, 95, 100; c'eft-à-
dire, comme les nombres 29, 33 +, 34 du thermomètre
de M. de Reaumur, & il y en a cinq de ce degré tempéré ;
il eft plus ordinaire dé fe baigner dans le bain du fond, dont
la chaleur eft de 100 degrés: cette chaleur eft très-fuppor-
table, &on peut demeurer des heures entières dans fe baïn
de cette température, fans s’en trouver incommodé; les fuéurs
qu'il excite, ne font jamais abondantes, elles augmentent
feulement beaucoup l'infenfible tranfpiration. Il n’en eft pas
de même des eaux du bain du milieuton füpporte, mais on
né fupporte qu'à peine, la chaleur du ‘jet qui tombe fur uné
partie malade à qui l'on'a deffein de donner la douche;
cette partie devient bientôt toute rouge, & tout le corps'eft
bien-1ôt mouillé d'une fueur très-abondante,
Je pafle maintenant aux expériences que j'ai faites pour
découvrir les principes qui entrént dans la compofition de
ces eaux. Premièrement j'en ai mis’ deux livres nouvellement
puifées, dans une bouteille de verre à goulot étroit, & je les ai
Jaifé refroïdir; je n'ai aperçü aucun figne d'une fermentation
inteftine, comme il arrive dans certaines eaux chalibées:
je n'aïvû s'élever que très-peu de bullesid’air à la furface;
elles n'ont’ abfolument rien -dépofé en fe refroidiffant , ni
mêmié’en faifant cette expérience , après les avoir fait bouil-
lir:je ne regarde pas préféntement comme un dépôt, des filets
blancs qu'on aperçoit quelquefois dans les eaux, & qui for-
tent des tuyaux de conduite; car outre qu'on les découvre
auffi-1ôt que l'eau eft puifée, & avant qu'elle ait eu le temps
de fe refroïdir, c'eft que fi on prend foin de les filtrer tou-
tes chaudes, elles ne laiflent rien de cette nature, en fe
refroidiffant.
2.° J'en ai rempli un matras d'environ trois pouces de
diamètre, & ayant renverlé le goulot dans une cuvette qui
contenoit de l'eau du bain la plus chaude, j'ai examiné quelle
quantité d'air fe dégageroit ; mais Jorfque tout a été refroidi,
h HN TPAES Sy SLOACE AUGHEASOMÈM 263
LU jenai aperçû qu'une bulle, groffe environ comme.une len-
” tille, qui n’a augmenté ni di me pendant lefpace de vingt-
… quatre heures: & comme-la mêmechofeeft arrivée à une pa
{| reille quantité d'eau ordinaire échauffée jufqu'à 100 degrés,
| j'en ai conclu que les eaux de Baredge ne contiennent pas plus
“ que l'eau commune, deprincipe aërien, aGuellement élafi-
que, qui produife quelquefois la rupture des vaifleaux : cette
matière élaflique ne peut s'y. développer, que lorfque les
eaux renfermées dans la bouteille, viennent à fe putréfier,
“ comme jauraioccafion d'en parler par la fuite.
4 3- Les épreuves ordinaires qu'on fait des eaux minérales,
fu for. tout de celles qui font ferrugineufes où alkalines n’ont eu
ici aucun fuccès : ainfi, comme l'a remarqué M. Meighan,
Vinfufion de noix de galle ; de balaufles ,.de feuilles de thé 7
de, racines de biftorte & de tormentille n'ont donné; aucune;
“ tcinture aux eaux de Baredge, qui pôt y rien faire loupçonner
._ de martial.
4 * Elles n'ont apparté aucun changement a au Hi violat
ni, à Ja teinture de )tournefol, quand j je me fuisfervi d'eau
gouvellement puifée;ccar les, mêmes eaux concentrées par.
évaporation, ont donné une belle couleur: d'émeraude au
frop. violat.
» 5.” Aucun acide, foit minéral, foit végétal, n’a fermenté
avec elles, à moins qu ‘elles n'aient été long-temps évaporées..
Jai f feulement obfervé, que: Yhuile.de vitriol, bien étendue:
dans À eau commune & enfuite verféé fur l'eau du bain, déve-
loppoit davantage l'odeur du foie de foufre qui difbaroiffoit
auffi-1ôt entièrement; au refte Je mélange d'aucun de ces:
acides n'a rien précipité de noseaux. :
6: Ni l'huile de tartre. par-défaillance, ni l'eau de. {el de
chaux, ni la folution de fublimé,corrofif, n’ont apporté aucun
changement à à {eur tranfparence, non EE que l'efprit volatil
ds fl amimoniace.,.. 04
..77-° La diflolution: de fel de Siné a rendu ces eaux un
peu louches; il s'eft fait par la fuite un petit nuage blanc qui
s'eft précipité au fond, & à refé dans cette forme.
264 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
8.° Lorfque j'ai plongé dans les eaux nouvellement puifées,
une lame d'argent ; après avoir paflé par différentes nuances,
elle eft devenue toute noire : mais le même effet n’eft point
arrivé quand l'eau a été refroidie & expofée pendant quelque
temps à l'air, & encore moins dans celle qu'on a fait bouillir ou
même chauffer un peu vivement auffi-tôt qu'elle a été puifée.
La même chofe eft arrivée, mais d’une manière encore
bien plus fenfible, lorfque j'ai verfé dans l'eau du bain, de la
diffolution d'argent de coupelle par l'efprit de nitre bien pu-
rifié; l'eau eft devenue tout-à-fait trouble & opaque, & il a
paru bien-tôt un nuage brun qui s'épaififloit à vüe d'œil, &
dont les parties réunies font enfin tombées au fond du verre
en forme de croûte : au bout de quelques heures la liqueur
eft devenue claire & tranfparente; & en la verfant par incli-
nation, j'ai trouvé une matière prefque noire, tenace comme
de la poix, que j'ai reconnu n'être autre chofe que l'argent
précipité par le fel, auquel s'eft unie la portion de {oufre ou
de pétréole qui eft naturellement répandue dans ces eaux.
Cette expérience ne réuffit pas non plus lorfqu'on verfe
la diffolution d'argent dans l'eau du bain, après que celle ci
a été refroidie & expofée à l'air pendant fept ou huit heures,
ou après qu'elle a bouilli au feu. J'ai fait chauffer quelques-
unes de ces croûtes précipitées fur une lame de coûteau que
j'avois pofée fur des chärbons ardens; là matière s'eft fondue
en un globule qui a confervé fa noirceur, & qui m'a paru
une véritable lune cornée déguifée.
J'ai fait évaporer 60 livres de ces eaux à une chaleur douce
& modérée; j'en mettois feulement 6 livres à la fois dans un
vaifleau d’étain que je difpofois fur un fourneau rempli de
charbon allumé, couvert de cendres: j'obfervai que peu de
temps après avoir été échauffée, l'eau ne répandoit plus au-
cune odeur de foufre, & qu'elle cefloit en même temps de
colorer l'argent. Pendant tout le cours de l'opération, je n’ai
jamais aperçû aucune pellicule fur la furface de l'eau, ni au-
cune rélidence au fond du baflin d'étain; je n'ai remarqué
qu'une odeur de leflive qui s'élevoit quand l'eau commençoit
à être
eu
bete role etant diet
DES) S'CTEN dr #3! 265
à être à moitié concentrte : lorfque mes fix livres d’eau étoient
évaporées au point qu'il n'en reftoit plus que, deux ou trois
onces, je mettois à part celte petite quantité, & Je recom-
mençois à faire évaporer fix autres livres. Par ce moyen, j'ai
eu mes 60 livres concentrées en deux livres que j'ai apportées
à Paris pour l’examiner plus commodément. La bouteille qui
les contenoit avoit:été parfaitement bien bouchée avec un
bouchon de liége enfoncé à force, & une double veffie liée
par deflus ; elle a été expofée pendant le voyage à de très-
grandés chaleurs, & je l'avois d’ailleurs continuellement fur
moi. De toutes ces circonflances où d’autres, il en peut être
xéfulté un mouvement de fermentation ; l'eau s’eft putréfiée,
& à récouvré toutes les qualités qu'elle a a fortir de fa'fource,
Dès les premiers efforts que j'ai faits pour ôtér le bouchon,
ia parti auffi-tôt par l'effort de [a matière élaflique qui s’étoit
régénérée & amaflée dans Le petit efpace du goulot que j'a
Vois confervé vuide pour ne pas rompre fa Bold en à
bouchant : cette explofion a été accompaonée d’une odeur
de! foie de foufre, non pas doucé & modérée comme celle
dés eaux de Baredge prife dans le bain, mais vive & très-
püante, comme f1 Fodeur naturelle des Go livres d’eau eût
été auffi concentrée avec fes autres principes : j'ai pris une
—_ once environ de cette liqueur pour faire différentes expé-
riences; une lame d'argent s’eft noircie lorfque je l'ai plon-
… gée) & l'expérience dé la diflolution d'argent a eu le même
füccès qu'avec l’eau nouvellement puifée,avec cette différence
que le précipité ne S’eft confervé noir que pendant quelques
hétes, après quoi il eft devenu parfaitement blanc, comme
fifcette eau n’eût contenu que du fel marin. M. Häles a
éprouvé par plufieurs expériences, que Îles eaux A D aiher es
fe décompolent lorfqu'elles ont le contaét de 11 moindre
quantité d'air, foit libre, foit enfermé, & qu'elles perdent
alors leur propriété de fe teindre avec la noix de galle, fur-
tout dès que le fer s’eft ane fois précipité en ochre; mais il a
obfervé auffr, que lorfque ces eaux ont été quelque temps
repofées & entièrement corrompues , elles reprennent leur
Mém, 1747 en EE
66 MÉMOIRES DE L ACADÉMIE ROYALE
premier état, l'ochre fe rediffout, & elles acquièrent dès-lors
la propriété de fe teindre en noir avec la noix de palles : if
remarque auffi qu'il faut pour cette expérience un grand de-
gré de putréfaction qui fubtilife les parties dépofées au point
de les remêler intimement avec les eaux; & il regarde comme
probable que leur vertu principale confifte dans une extrême
atténuation de leurs parties minérales : nous voyons arriver
la même chofe dans les eaux de Baredge, c'eft-à-dire que
par la putréfaétion elles acquièrent leur odeur, leur qualité
favonneufe, & la propriété de colorer l'argent; mais nous
ne pouvons pas aflurer que ce foit par une nouvelle atténua-
tion des parties précipitées, puifque ces eaux évaporées ne
précipitent prefque rien.
Les acides n’ont fermenté que foiblement avec notre li-
queur concentrée; ils ont cependant fait élever des bulles
d'air en affez grande quantité pour indiquer une véritable
ébullition ; il ne s'eft rien précipité, & je n'ai plus retrouvé
aucune odeur de foie de foufre, dès que les acides ont été
verfés dans l'eau.
J'ai fait évaporer très-lentement le refte de cette liqueur
concentrée ; lorfqu’elle a été réduite à peu près à la moitié,
il a paru de petits floccons qui fe font précipités au fond de
T'évaporatoire : quand je me fuis aperçû que ces floccons cef
foient de fe précipiter, j'ai laïffé refroidir la liqueur, & je lai
verfée par inclination pour examiner plus particulièrement ce
u’elle avoit dépolé ; cette matière m'a paru muqueufe &
femblable à de la gelée animale; elle s’eft bien-tôt defféchée
à l'air, & s’efl réduite prefque à rien : on trouve une matière
femblable dans les tuyaux & dans les égoûts des bains, fur-
tout dans une petite foffe qui eft proche du torrent où tous
les égoûts fe réuniflent ; elle eft gélatineufe & femblable à du
fray de grenouille, douce au toucher & facile à fe deffécher
promptement à l'air; alors on ne trouve plus que quelques
filets fins femblables à du charpi, qui ne fermentent pas avee
les acides, qui s'embrafent & fe réduifent en cendres comme
une matière végétale, en répandant cependant une légère
odeur de bitume.
CE
ET
5 = np
re
DES SCIENCES#S 267
J'ai ramafé, autant que j'ai pü, la matière müqueufe qui
s'eft dépofée de mes 60 livres d’eau ; elle avoit fous cette
forme un affez grand volume. Lorfqu'elle a été defféchée,
elle pefoit 30 grains, mais elle étoit mêlée avec quelque
peu de cendre & de charbon qui y ont volé, malgré mes
précautions, pendant que je les faifois évaporer : l'huile de
vitriol n'a prefque fait aucun effet fur cette première réfi-
dence; & vrai-femblablement elle n’a agi que fur la cendre ;
il ne s’eft exhalé aucune odeur d’efprit de {el : projetée fur
un charbon ardent, une partie s'eft embrafée & confumée,
l'autre n’a pas changé de couleur, & 1e tout avoit une très-
léoère odeur de bitume. .
J'ai continué d’évaporer Ia liqueur que j'avois verfée par
inclination; elle répandoit une forte odeur de leflive ; il s'eft
bien-tôt formé des floccons d’une autre efpèce, beaucoup plus
petits, plus opaques, plus pefans, & qui ont paru en bien
plus grand nombre. Lorfque j'ai vü qu’il ne fe précipitoit
plus de cette matière, j'ai féparé encore Ia liqueur par incli-
nation, & J'ai fait deflécher lentement cette nouvelle réfi-
dence; elle pefoit 2 5 grains, elle reffembloit à de {a glaife
féchée, elle étoit gercée en plufieurs endroits, & avoit une
forte odeur de leffive : elle a fermenté vivement avec l'huile
de vitriol; il s'eft exhalé une odeur d’efprit de fel, non pas
pure, mais comme mêlée d’efprit volatil fulfureux : j'en ai
mis fur un charbon ardent; elle s’eft fondue, noircie, & a
répandu une odeur de cuir brülé affez forte : il ne s’eft fait
aucune décrépitation qui pût indiquer le fel marin; & par la
manière dont cette réfidence s’eft précipitée, je ne m’atten-
dois pas à en avoir.
Enfin j'ai fait évaporer le refte de Ia liqueur : dans cette
évaporation, non plus que dans les précédentes, il n’a paru fur
la furface de la liqueur aucune lame faline; après s’être trou-
blée, elle s’eft tout d'un coup épaiflie en confiftance de miel,
elle seft gonflée en fe defféchant, comme le fel de tartre, &
a répandu alors une forte odeur d'urine : cette réfidence qui
pefoit 45 grains, a un peu attiré l'humidité de l'air; elle'a Le
Lili
268 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
oût de fel ammoniac mêlé de fel marin, avec un grand dégré
d'amertume; elle a répandu une forte odeur de laine brülée
Jorfque j'en ai mis fur des charbons ardens : rien abfolument
n’a décrépité, une partie de cette matière s'eft fondue très-
promptement, & l’autre s'eft gonflée, a noirci, & a refté
fous la forme d’une croûte : l'huile de vitriol a agi bien plus
vivement fur cette matière que fur les deux autres réfidences;
elle a fait élever avec une violente ébullition beaucoup de
vapeurs d’efprit de fel; & ce mélange expolé à l'air a attiré
beaucoup d'humidité dans laquelle il s’eft criflallifé du fel de
Glauber.
Pour connoître plus exaétement la quantité de terre alkaz
line qu'il peut y avoir dans chacune de ces réfidences, j'en
ai mis 10 grains de chaque efpèce dans trois petites cap-
fules de verre, & j'ai. verfé par-deflus chacune 40 gouttes
d'huile de vitriol : la première a ceffé. de faire ébullition avec
cette huile dès la 1 2e goutte; la feconde, à la 25°; & la der-
nière, à 39 gouttes : j'ai ajoûté fur chacune 80 gouttes d'eau
pour rendre la diffolution plus complète, & j'ai laïflé repofer
le tout pendant quelques jours : j'ai enfuite verfé la liqueur
par inclination , j'ai édulcoré ce qui refloit, & je l'ai fait
fécher : des 10 grains de la première réfidence, il y en a eu
un peu plus de 3 de diflous, 6 de la feconde, & Ja diflolution
de Ja troifième a été complète : par conféquent dans 100
grains de réfidence, qui eft la fomme totale des trois réfi-
dences de 60 livres d'eau de Baredge, nous avons un grain
deux tiers par livre de matière fixe, qui fait la $ 43 o€ partie
du poids de leau : les trois quarts de cette réfidence font
une terre difloluble dans l'acide vitriolique, vrai-femblable-
ment la bafe de. fel marin.
J'ai eu beau promener le couteau aimanté dans toutes ces
réfidences calcinées avec de la pouflière de charbon, il n'a
attiré aucune particule de fer.
Je vais maintenant rapporter les différens effets que ces
eaux ont produits fur le corps humain; car c'eft par l'oblerva-
tion de ces effets, que nous pouvons déterminer leur aétion
dtiems SICHRCE, NHCHENSOUNN, 316
principale, & juger des fecours qu'on en peut attendre dans
les différentes maladies. J'ai déjà dit qu’elles n’excitent aucune
douleur quand on en verfe dans les yeux, ou dans une plaié
récente, elles ne caufent pas plus d’irritation aux fibres de
l'eflomac; quoique leur goût répugne d’abord, elles n'exci-
tent aucüne naufée: on ne leur fent ni la pefanteur, ni la
crudité de beaucoup d’autres eaux minérales : comme elles
m'abondent pas en principe falin, ni d'aucune autre efpèce
irritante, elles ne purgent point; elles paffent aifément par
la voie des urines, non pas fi promptement que les autres
eaux falines, mais elles fe déterminent très- volontiers par
Vinfenfible tranfpiration ; elles relâchent & ramollifient les
fibres d’une manière furprenante, & par-là elles entretien-
nent la liberté des fécrétions , & donnent de l'appétit : j'ai
quelquefois bû, en gardant les intervalles convenables, juf
qu'à deux pintes de lea chaude de 100 degrés; elles ne
mont jamais fatigué l'eflomac , elles ne m'ont pas fait fuer,
& je n'en rendois pas plus d'un fixième par les urines; le
refle s'en alloit par la tranfpiration : il eft vrai que la voie
étoit très-libre, car outre les bains que je prenois tous les
matins, qui difpofént ou plütôt qui excitent une tranfpira-
tion très-abondante, comme on le va voir tout à l'heure,
j'employois le refle de la journée à herborifer fur les mon-
dagnes qui font très-hautes & très-efcarpées, & cela pendant
da canicule, dans un air pur & fec; circonftances qui contri-
. buent, comme l’on fait, à augmenter la tranfpiration.
Dans le deffein d'examiner l'effet de ces eaux fur la tranf-
piration infenfible , j'avois porté un fléau de balance fort
exact , 1el qu'avec les deux lanternes de fapin qui tenoient
lieu de plats, je pouvois aifément mettre en équilibre déux
poids de 150 livres, & faire trébucher la balance avec un
demi-gros. J'ai fait placer cette balance dans une petite fale
voütée à côté des bains, & comme je ne pouvois pas aper-
cevoir l'index tandis que je me pefois moi-même, j'en
conftruifis un artificiel, dont je me fervois très-commo-
dément : en cette forte, j'attachai à la lanterne qui devoit
Li ii
270 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
contenir les poids, deux règles bien parallèles, pofées fur leur
champ, & qui étoient de niveau : a balance étant en équilibre
& chargée de part & d'autre de 1 3 x livres, qui eft le poids
moyen de mon corps; j'ai bornoyé le long des règles, & j'ai
fait placer une mire à l'endroit de la muraille où ces règles
paroifloient coincider : or loerfque je voulois favoir, en me
pefant, fi la balance étoit bien en équilibre, j'examinois fi les
deux règles & la mire étoient dans la même ligne horizon-
tale; j'avois par ce moyen l'avantage de pouvoir faire ces
expériences moi feul & avec exaétitude. Le 12 Juillet à
4% 25’ du matin, je peois 1 3 2 livres 1 $ onces; je fuis entré
auffi-1ôt dans le bain dont la chaleur eft de 100 degrés, &
jy fuis refté tranquille pendant 30 minutes, au bout def-
quelles je me füis fait efluyer, & j'ai été me pefer fort promp-
tement ; je ne pefois plus que 13 1 livres 1 4 onces, la diffé-
rence 17 onces étoit la quantité que j'avois perdue pendant
une demi-heure de bain : je n’avois cependant pas fué, ma
refpiration n'étoit ni plus génée, ni plus prompte qu'à l'or-
dinaire, mon pouls n’étoit pas devenu plus fréquent, mais il
étoit plus fort & plus élevé : le lendemain à 4h o”, je pelois
133 livres 8 onces 4 gros ; à 4h 30", je ne pefois plus au
fortir du bain, que 1 3 2 livres 8 gros, la différence 1 6 onces
4 gros étoit ce que j'avois perdu en une demi-heure. J'ai
continué à me pefer de fa même manière pendant 20 jours
de fuite, les pertes pendant une demi-heure, ont été 7 onces
1 gros+, 9 onces 4 gros +, 16 onces+, 15 onces $ gros,
14 onces 4 gros, 18 onces 2 gros, 13 onces 4 gros,
15 onces 6 gros +, 17 onces 4 gros, 14 onces 4 gros,
14 onces 4 gros, 16 onces 7 gros, 12 onces 3 gros,
15 onces 2 gros, 14 onces $ gros, 17 ONCEs 4 gros,
1 6 onces 2 gros+, 29 onces.
J'ai examiné plufieurs fois quelle étoit Ia quantité de ma
tranfpiration naturelle, pendant une demi-heure avant &
après le bain, & j'ai trouvé que fa quantité moyenne étoit
d'environ une demi-once en 30 minutes, un peu moins
lorfqu'il faifoit froid, ou que le temps étoit pluvieux. Dans
:
F
ff Er SAUT IE UNI CES 54 271
la troifième & la quatrième expériences, les quantités de
tranfpiration ne font que de 7 onces 1 gros +, & de 9 onces
4 gros +en 30 minutes, parce que la veille de ces expé-
riences , il avoit plu, neigé & fait froid ; & que d’ailleurs
n'ayant pas pris autant d'exercice qu'à l'ordinaire, je m'étois
abftenu de fouper.
La dernière obfervation a été faite à la fource la plus
chaude du bain du fond; fon degré de chaleur eft de 112
degrés du thermomètre de Fahrenheit ,'c’eft-à-dire, à peu près
40 degrés de celui de M. de Reaumur. Peu de perfonnes
peuvent fupporter la chaleur du bain de cette fource, on ne
l'emploie que pour la douche, encore l’eau ne tombe-t-elle
que de la hauteur d’un pied, & par un filet de la groffeur du
doigt index : la durée ordinaire de cette douche, eft de 12
ou 1 5 minutes, au bout defquelies les malades font tout en
fueur ; & les parties qui ont reçû la douche, font prodigieu-
fement rouges & gonflées. J'ai voulu éprouver de combien
un bain de ce degré de chaleur augmenteroit ma tranfpira-
tion; pour cet effet, je fis emplir la cuve, & j'y laiflai couler
Veau de la fource jufqu'à ce qu’elle fût parfaitement échauffée;
je m'y plongeai à 4h 20° du matin, après m'être exactement
pelé : à 4h 26’ la fueur ruiffeloit de tous les points de mon
vifage, & tout mon corps étoit rouge & gonflé : à 4h 27°
Jétois dans une violente agitation, mon pouls étoit très-
fréquent, & fes vibrations très-étendues : enfin à 4h 28, je
fentis des étourdiffemens qui m'obligèrent de me retirer ;
jallai me pefer après m'être effuyé fort promptement, j'avois
perdu 20 onces 2 gros en 8 minutes. Après m'être pefé le
plus promptement qu'il me fut poffble, je vins me remettre
dans le bain tempéré, où je reftai 22 minutes pour achever
la demi-heure, je perdis encore 8 onces 6 gros, ce qui fait
en tôut 29 onces en 30 minutes. Si j'avois pu refter la demi-
heure entière, comme dans les expériences précédentes, &
que la quantité de tranfpiration eût continué fur le même
pied, j'aurois perdu 76 onces pendant cette demi-heure.
sr
16 Décemb.
1747:
272 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoÿyaALE
SUR LES: TA NGE NTEMS
Des points communs à plufieurs branches d'une
même courbe,
Pa M Camus.
ES NE équation exprime le rapport de toutes
les coordonnées d’une courbe compofée de plufieurs
branches qui fe rencontrent, foit en fe touchant, foit en fe
coupant, & que par le moyen de 1a différentielle de cette
équation, l'on veut chercher une tangente à a courbe dans
un point commun à pluficurs de fes branches; on y trouve
des difficultés qui augmentent à mefure qu'il pafle un plus
grand nombre de branches par le point donné.
Ces difficultés furent découvertes par M. Rolle qui, fe dé-
fiant de la grande univerfalié des méthodes du livre des infi-
niment petits, cherchoit des cas où il pût les trouver en dé-
faut; & nous avons dans le journal des Savans au mois d'Avril
1702, une méthode particulière de M. Rolle pour trouver
les tangentes des points communs à plufieurs branches d’une
courbe, avec une efpèce de défi de trouver ces tangentes par
les nouveaux calculs qu’il regarde comme infuffifans pour cela,
M.Saurin, qui n'étoit point encore de cette Académie,
répondit au Mémoire de M. Rolle, & lui fit voir que l'article
163 des infiniment petits fournifloit une méthode pour
trouver les tangentes dans les cas difficiles propofés. Il pré-
tendit qu'il étoit d'autant plus injufle à M. Rolle d'acculer les
nouvelles méthodes d'infufhfance, que la frenne même étoit
femblable à celle du calcul différentiel, & qu'il paroïfloit
avoir été conduit dans la recherche de cette méthode par l'ar-
ticle 163 des infiniment petits.
Depuis que M. Saurin eft entré dans cette Académie,
nous avons de lui fur la même matière deux Mémoires dans le
tome
DES SCIENCE, M 273
tome de P Académie de 17 1 6, & un dans le tome de 1723.
* Il paroîtra peut- être fingulier qu après quatre Mémoires
de M. Saurin, qui a médité pendant vingtians fur les tan-
gentes des points communs à plufieurs branches d'une même
courbe, j'ofe encore propofer quelques remarques fur Îa
même matière : mais J'efpère que je ferai aifément juflifié,
fi l'on confidère que M. Saurin n’a examiné ce problème que
& pofleriori ; qu'il regarde les diflicultés qu'on y rencontre,
comme des chofes de fait qu’on ne trouve que par hafard, ou
en les cherchant exprès & avec deflein d’en trouver, & dont il
paroît qu'il ne s’eft rien offert au célèbre Auteur A l'analyfe
des infiniment petits; que M. Saurin ne réfout le problème
que par le moyen de l'article 1 6 3, où par des confidérations
particulières qu'il n'a trouvées qu'a pofkriori. Enfin j'efpère
qu on me faura quelque gré des réflexions que je vais donner,
fi je fais voir que dès qu’on a connu.que plufieurs branches
, d'une même courbe pouvoient fe rencontrer, 1.°. on devoit
» \ EE SUN Q 4 Q
s'attendre à priori à toutes les difficultés qu’on rencontre en
cherchant les tangentes des points communs par la différen-
tielle de l'équation générale de ces branches : 2.0 que fans être
. guidé par l'article 163 , mais feulement par la, propriété la
plus fimple des équations, l’on devoit trouver la manière de
réfoudre ces difficultés. Je ne propoferai donc point dans ce
. Mémoire de nouvelles méthodes pour trouver les tangentes
des points communs à plufieurs branches d’une même courbe,
. mais feulement des réflexions à priori fur la nature & la {o-
lution du problème ; réflexions qui ne paroiflent point s'être
offertes à M. le Marquis de l'Hôpital, ni à M. Saurin.
Comme je me propole de rendre ce Mémoire élémen-
. taire, je dois avant toutes chofes expliquer les difficultés de
mon fujet.
I.
Les coordonnées d'une courbe géométrique étant repré-
fentées par x & y, la formule générale des foûtangentes eft
+d
2 ou <= ; en forte que la direction de la tangente
dy dx
— Min i747: . Mm
274 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
dy
rs ’
valeur délivrée des différences dx, dy.
Quand on veut avoir la tangente d’un point quelconque
d’une courbe particulière, on prend à l'ordinaire la différen-
tielle de l'équation de cette courbe; & comme par la mé-
thode de différentier, les différences /x°, dy*, dx dy, dy’,
&c. qui font d'un ordre fupérieur au premier, fe trouvent
négligées, on n'a que des termes affectés des fimples diffé-
rences dx, dy; en forte que fi l'équation différentielle eft
égale à zéro, c'eft-à-dire, que tous fes termes foient dans un
d ;
dépend du rapport <= ou dont il faut trouver une
dy
! d QE L
même membre, on a la valeur de — Des en divifant le coëf-
: e , À
ficient de dy par celui de dx, & l'on a celle de — <7 en
divifant le coëfficient de dx par celui de dy.
Enfin pour avoir {a tangente d'un point déterminé de la
même courbe, on fubftitue dans la valeur qu'on vient de
dx dy 4 ar
trouver pour —— ou pour —— les grandeurs déterminées
dy dx
qui conviennent aux coordonnées x & y du point donné;
& la fubftitution étant faite, on a la direétion de la tangente,
ou le rapport de lordonnée à la foûtangente du point donné,
lorfque ce point n'appartient qu'à une feule branche de la
courbe.
Mais lorfque le point donné appartient à plufieurs bran-
à à \
ches de la courbe, on trouve ne ou <— =: +; c'eft-à-
dire, qu'en fubftituant dans l'équation différentielle de Ja
courbe, les quantités déterminées qui conviennent aux coor-
données d’un point commun à plufieurs branches, on trouve
le coëfficient de dx égal à zéro, & le coëfficient de dy pa-
. : » 2 dx d o
xcillement égal à zéro; & par conféquent <= ou = — =.
2
dx TT" 18
: d
Or cette fraction— qu'on trouve pour la valeur de <= ou
eo dy
D'ENS 19 © L'ENSCE S 111 27
L? d A £ LE
pour celle de + , pouvant être égalée à toutes fortes de
quantités, foit infiniment petites, foit finies, foit infinies,
donne une infinité de directions différentes pour les tan-
gentes, & ne renferme les différentes direélions de ces tan:
ques que d'une façon infiniment indéterminée. Voilà fa
iffculté qui fait le fujet des Mémoires de M. Saurin, &
qu'on examinera dans celui-ci.
IT
Après avoir expolé la difficulté qu'on rencontre dans fx
recherche des tangentes des points communs à plufieurs bran<
ches; il en faut expliquer la raïfon & 1e fondement.
Le point où fe rencontrent plufieurs branches d'une même
courbe étant commun à toutes ces branches, chaque branché
à une tangente particulière en ce point; & l'on doit par con-
féquent trouver autant de tangentes où autant de valeurs
À tue dx dy . : : L
déterminées de y U de —— qu'il y a de branches qui
paffent par le point donné.
"Mais le nombre des valeurs que peut recevoir dx rélati-
vément à dy, c'eft-à-dire, le nombre des’ valeurs de ou
de css fera égal au nombre de dimenfions que dx & dy
auront, ou que l’un des deux aura dans l'équation diffé-
rentielle.
. Donc le degré de l'équation différentielle dont on déduira
la valeur de ha ou de 2, doit être égal au nombre des
se" dy dx
branches qui pañfent par le point auquel on veut mener une
où plufieurs tangentes : d'où il fuit que
RENT
Si le point donné auquel il faut mener une tangente, n’ap-
partient qu’à une branche de Ja courbe, là valeur de la foû-
tangente fera toûjours déduite d'une équation différentielle
Mmiÿ
276 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du premier degré, qui ne contiendra que les fimples diffé.
rences dx, d y, dont le rapport fera l'inconnue de l'équation.
Ainfi en différentiant l'équation de la courbe pour en tirer 1x
dx d x x ie ci
valeur de F2 oh de = ; on opèrera à l'ordinaire, en reje-
*
tant toutes les différences /x°, dy°, dxdy, dx, dy’, &c.
qui font d'ordres fupérieurs au premier.
I Ve
Si le point donné appartient à deux branches, & a par
conféquent deux tangentes, une pour chaque branche :qui
pafle par ce point ; on ne pourra trouver les directions de
ces deux tangentes que par une équation différentielle du
fecond degré, qui contiendra dx°, dy° & quelquefois dxdy.
Ainfi en différentiant l'équation de la courbe, il ne faudra pas
négliger les différences du fecond degré, mais feulement celles
du troifième, & les autres qui feront de degrés fupérieurs.
En confervant les différences qui font du fecond ordre
d’infiniment petits, & rejetant feulement celles qui font d'or:
dres fupérieurs au fecond , on ef tenté de croire que la diffé-
rentielle qu’on aura, fera compofée de différences du premier
ordre & du fecond ordre qui font incompatibles ; mais on
va voir que les différences du premier ordre ont toûjours &
doivent toûjours avoir des coëfhiciens qui s'anéantifient &
font difparoïtre ces premières différences, en forte qu'il ne
refte que des termes affectés de dx°, dy*, dxdy qui font
des infiniment petits du fecond degré.
Si pour trouver les deux tangentes d’un point commun à
deux branches, on ne prend qu'une équation différentielle
du premier degré, en différenciant fimplement & à Fordi-
naire l'équation de x courbe; on trouvera la valeur de.
d dre dr à L
—_ A en divifant le coëfficient de dy par celui de dx:
e - dx L
mais la valeur qu'on trouvera pour —— ne pourra pas mieux
ay
convenir à l'une des deux tangentes qu'à l'autre; ainfr cette
DES SCIENCES, . 277
valeur de _. doit venir fous une forme indéterminée, ow
du moins fous une forme convenable à deux valeurs.
Mais on ne peut tirer la valeur de — < qu’en divifant
fimplement le coëfficient de dy par celui de dx; & ïl n’y à:
pas lieu à tirer aucune racine quarrée qui puifle donner à
quelque terme le figne double =. Donc on ne trouvera
nt a Le u 2
pas deux valeurs déterminées du rapport F7 Cependant
comme ce rapport a deux valeurs réelles, & qu’en cherchant
ces deux valeurs on n’a rien fait qui implique contradiction ,
on doit les trouver fous une forme indéterminée, telle que
la peut donner une équation du premier degré ; & cette:
expreffion indéterminée ne peut être que £.
: dx e Jr
Donc puifque —— — —, on doittrouver dans la diffé:
D
rentielle du premier degré, le coëfficient de dx égal à zéro,
& le coëffcient de y pareïllement égal à zéro.
Donc enfin, lorfqu’on fera obligé de prendre une équation.
différentielle du fecond degré, afin d'en déduire le rapport
d . :
r— Où —— pour un point commun à deux branches ,
on ne fera jamais embarraffé par aucun terme affecté des
fimples différences dx & dy, puifque les coëfficiens de ces.
fimples différences feront nuls. On n'aura donc dans 1z
différentielle du fecond degré que des termes affeétés de:
dx, dy, & dx dy, defquels, au moyen de l'extraction de
la racine quarrée, l’on tirera une valeur double du-rapport
dx dy
ne
| VE
_ Sile point auquel on veut mener une tangente, appartez-
foit à trois branches, & avoit par conféquent trois. tangen--
tes, on voit clairement que
&.° Si l'on prenoit une équation différentielle du premier
Mu ii
278 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
: js valeurs du rapport © 1
degré, les trois valeurs du rapport 7; M€ pourroient être
que fous la forme indéterminée — ; & que dans l'équation
différentielle du premier degré, le coëfficient de Zx feroit
zéro, & celui de dy pareillement zéro ; qu'ainfi l'équation
différentielle de la courbe n’auroit point de différences du
premier degré, comme nous l'avons déjà remarqué.
2.° Si l’on prenoit pour l'équation différentielle, les termes
affectés de x°, dy°, dx dy, en rejetant les termes affectés
de dx}, dy’, dx" dy, & des différences de degrés fupérieurs,
comme incomparables & par conféquent incompatibles avec
ceux qui ne contiennent que des différences du fecond
degré ; l'équation différentielle du fecond degré que l'on
auroit, ne pourroit donner que deux des trois valeurs du
dx dy sp Ly . . Tee
rapport PEL ir PAIE & comme il n'y a rien qui déter-
mine à laifler une des trois valeurs pluftôt que l'autre, l’équa-
tion du fecond degré doit les donner toutes les trois fous 1a
. / sie o
forme indéterminée rs
\' à :
Lorfqu'une équation différentielle du fecond degré donnera
1 == — , on conclurra que Zx*, dy*, dxdy ont cha-
cun un coëffcient égal à zéro.
Car en prenant P, Q, R, S pour des fonétions compolées
des variables x, y, & de conftantes ; l'équation différentielle
du fecond degré, dont le fecond membre eft zéro, ne peut
venir que de la multiplication des deux équations Pdx
+ Qdy = 0, Rdx + S'dy = o. L'équation du
o
, Cha-
fecond degré donnant par hypothèfe = —
eune des équations qui la compofent donnera pareillement
dx
dy
= — ; & par conféquent les coëfficiens P,Q, R,S
EE
DES SCIENCES 279
feront chacun — 0 ; d’où il fuit que les coëfficiens de l’équa-
tion compofée, qui n'auront point d'autres facteurs que
les coëfficiens nuls des deux équations fimples, feront auffi
des zéros. Ainfi dx°, dy", dxdy auront chacun un coëf-
ficient nul dans l'équation du fecond degré, qui donnera
dx ©
dy o
e-
VIII
Donc fi le point auquel on veut mener une tangente,
appartient à trois branches dont les coordonnées aient des
rapports exprimés par une même équation générale, il fau-
dra prendre une équation différentielle du troifième degré,
& rejeter comme incomparables tous les termes où les dif:
férences dx, dy feront plus de trois dimenfions.
Or pour avoir cette différentielle du troifième dégré, il
me faudra prendre dans la différence de l'équation de Ia
courbe, que les termes affectés de dx°, dy’, dx dy, dxdÿ ;
car il eft inutile de penfer à ceux qui contiennent des diffé
rences d'un degré inférieur, puifqu'ils font anéantis; & l'on
pe doit point avoir égard à ceux d’un degré fupérieur au
troifième, qui font incomparables avec ceux du degré dont
en a befoin.
EX
H eft donc démontré 4 priori, que
r.” Toutes les fois qu'on prendra une équation: différen-
telle d’un degré inférieur au nombre des branches qui pañlent
par le point auquel on veut mener une tangente, on trou
- d'x e r n
vera toûjours = — , & par conféquent a foûtan-
dy a
gpd+ xdy ___o
gente Ds OÙ = —e
2. En prenant une équation différentielle d’un degré
égal au nombre des branches qui paffent par le point donné,
il fera inutile de faire attention aux termes qui contiendront
des différences d’un degré inférieur, lefquels font toûjours
anéantis ; & il faudra tobjours rejeter les termes qui
280 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
contiendront des différences d’un degré fupérieur, comme
étant incomparables avec ceux que l’on retient. Ainfi il ne
faudra prendre dans la différence de l'équation propofée, que
les feuls termes qui éontiendront des différences 4x, dy, d'un
degré égal au nombre des branches qui pañferont par le point
2 dx 4
donné; alors on tirera autant de valeurs de 5? où de FL
#*
qu'il y aura de branches auxquelles le point donné fera com-
mun : fur quoi l'on doit remarquer que, fi deux branches
fe touchent, les deux tangentes en ce point, quoique con-
fondues en une, donneront deux foûtangentes qui feront:à
la vérité égales, mais qui feront les racines égales d’une équa-
tion du fecond degré.
I faut maintenant faire voir quels font les moyens géné-
raux d’avoir des équations différentielles dont les termes foient
affeétés de dx, dy élevés à des degrés convenables, foit par
eux, foit par leurs produits; ces moyens font au nombre de
deux, que je vais expliquer dans les n.°s fuivans.
Le premier moyen pour avoir des équations différentielles
de tous les degrés qu'une équation propofée peut produire,
eft fondé fur le principe général de la différentiation. Ce
principe général confifte à fubflituer, dans une équation pro-
pofée dont x & y font les variables, x + dx à la place
de x, & y + dy à la place de y, pour avoir une équation
nouvelle, dont on retranche la première: ce qui donne une
différence égale à zéro, dans laquelle on fupprime tous les
termes incomparables aux plus grands.
Par exemple, fi l'équation propofée ft
M— ayx + bÿ = 0,
En fubflituant x + dx pour x, & y + dy pour y, on a
une équation nouvelle
# Han dr + Cx dx +axdx + dxt
— ax y—2axy dx — a ydx* — adx' dy — 94
— axx dy — 1 axdxdy
ESS EST US UER
Et
w
DES SCrENCESs. 28r
Et de cette équation retranchant la propolée, on a cette
différence qui eft égale à zéro :
I. II. III. I V.
+ 4 widx | + 6 x° dx + 4xdaxi | EE dxt
— zaxyds | — ay dx | — a ds dy — 0;
— axx dy | — 2 axdxdy
+ 369 dy | + 3 by dy | + 54y
J'écris cette différence, comme fait M. Saurin, en mettant
dans une même colonne tous les termes où dx & dy ont
les mêmes dimenfions, foit par eux-mêmes, foit par leurs
produits; & en faifant autant de colonnes qu'il y a de degrés
différens de x & de dy.
* Si l’on confervoit tous les termes de cette différence, il
n'y auroit rien qui pût déterminer /x & dy à être infini-
ment petits, & tous les termes feroient réputés finis; mais
en fupprimant une feule colonne dans laquelle les différences
des variables ont les plus hautes dimenfions, par exemple, en
fupprimant ici dx#, cette fuppreflion détermine 4x à devenir
infiniment petit; & comme dy eft déterminé par l'équation
à être de même nature que dx, dy eft pareillement déterminé
à être infiniment petit.
Je dis que par la fuppreffion de Zx4, 7x eft déterminé à
être infiniment petit. Car comparant dx* avec le terme
4 x dx? de la troifième colonne, on aura 4x dx? : dxt
::4x : dx. Mais dx étant fupprimé, eft réputé zéro, ou
du moins incomparable à 4 x 4x5. Donc dx ef pareillement
incomparable à 4 x qui eft fini; & par conféquent dx eft
réduit à devenir infiniment petit.
Dans l'analyfe des infinimens petits, on ne conferve que {a
première colonne, & l'on fupprime toutes les autres comme
incomparables avec la première; mais par cette fuppreffion,
il ne refte qu'une équation différentielle du premier degré,
qui ne peut donner qu'un rapport fimple de 4x à dy; &
qui ne peut pas donner ce rapport autrement que fous fa
forme indéterminée 2, quand il a plufieurs valeurs.
Mem. 1747: . Na
282 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
Quand on a vü que la fuppreffion de la dernière colonne
de la différence fuflit pour rendre Zx & dy des infinimens
petits; on aperçoit clairement que la fuppreffion ou la con-
fervation de la précédente, & encore celle de la précédente
jufqu’à la première exclufivement, ne changent rien à la na-
ture de dx, qui n’en ef ni plus ni moins infiniment petit : on
peut donc, après avoir rejeté la dernière colonne, prendre
pour l'équation différentielle de l'équation propofée, tant de
colonnes qu'on voudra, en commençant par la première.
On prendra donc la première colonne feulement, quand
on ne voudra qu'une équation différentielle du premier de-
gré, ou qu'il ne faudra trouver qu'un rapport de dx à dy.
On prendra les deux premières colonnes, quand on aura
befoin d’une équation différentielle du fecond degré, ou lorf-
qu'il faudra trouver deux rapports de 4x à dy; mais alors
on fera débarraffé de la première colonne, avec laquelle Ja
feconde eft incomparable, parce que dans cette première
colonne le coëfficient de dx fera zéro, & celui de dy fera
pareillement zéro.
On prendra les trois premières colonnes, quand on aura
befoin d'une équation différentielle du troifième degré ,-pour
trouver trois rapports de dx à dy; où pluflôt on ne prendra
que la troifième colonne feulement, parce qu’alors les coëf-
ficiens de dxdy, dx°, dy* feront nuls.
Enfin l'on ne prendra que la colonne où la différence dx
& dy fera du degré qu'on demande, fans s’embarrafler des
colonnes précédentes qui feront fürement détruites.
Puifque la dernière colonne de la différence de équation
propofée, doit être néceflairement rejetée, pour réduire cette
différence à devenir une différentielle, c’eft-à-dire, pour rendre
dx & dy des infinimens petits, & que le degré de ce terme re-
jeté eft le même que celui de l'équation; ileft clair que le plus
haut degré d'une équation différentielle, eft toûjours moin-
dre d’une unité que celui de l'équation dont elle eft tirée.
Ainfi une équation du premier degré ne peut point avoir
proprement d'équation différentielle ; une équation du fecond
4
D'E's" S1c\rE Nic'Er"s 28
degré ne peut avoir qu’une équation différentielle du premier
degré; une équation du troifième degré peut avoir une équa-
tion différentielle du premier, & une autre du fecond: &
ainfi des autres.
Comme il n'y aura pas plus de branches qui pañeront par
un même point, qu'on pourra trouver de tangentes à ce
point de la courbe, & qu'on ne pourra pas déterminer plus
de tangentes qu'il y a d'unités dans le degré de équation
différentielle du plus haut degré ; il eft clair que le plus grand
nombre de branches qui pourront pafler par un même point,
fera toûjours moindre d’une unité que le degré de l’équation
finie commune à toutes les branches. Ainfi les feétions coni-
ques qui n'ont que des équations du fecond degré, n'auront
aucun point commun à plufieurs branches ; les lignes du
troifième ordre ne pourront avoir que deux branches qui
fe rencontrent : & ainfi des autres.
X I.
Le fecond moyen qu'on a pour trouver des équations
différentielles de tous les degrés qu’on peut avoir, relative-
ment à l’éqffation propofée, confifte dans la différentiation
de la première différentielle, & dans la différentiation de la
nouvelle différentielle; en forte qu’à mefure qu’on différen-
tiera, on aura une équation différentielle d’un degré fupé-
rieur; mais ceci mérite d’être expliqué.
On différentiera à l'ordinaire l'équation propofée, par
exemple, celle-ci:
#—_ ax y + by3= 0.
On trouvera pour la différentielle fimple, ou du premier
degré,
4x dx — 2 axydx — ax° dy + 3 by dy — 0.
Tous les coëfficiens-de cette équation différentielle feront
nuls lorfqu’on fera x — o; par conféquent fi l'on veut
avoir le rapport de Zx à dy dans le cas où x — 0, on
x
, dx
tr f VAN Et
ouvera ce rapport
Nni
284 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
‘équation différentielle du premier degré, qu'on a tirée
de l'équation propolée, ayant fourni une valeur indéter-
dx
dy
rapport a plufieurs valeurs; & l'équation différentielle du
premier degré n’en pouvant point faire découvrir le nombre,
parce que de fa nature elle n’en peut donner qu'une , on cher-
chera une équation différentielle du fecond degré, pour dé-
- 4 g je je pe ? je,
minée ET pour le rapport , c'eft une maïqueé que ce
: dx
couvrir f1 ni: deux valeurs.
Comme l'équation différentielle du premier degré, qu'on
a tirée, eft une véritable équation, fa différentielle fera encore
une équation, & l'on aura
aa x' dx 2 ay dx — 21 ax dx dy + Cbydy" + 4x ddx
—23axdxdy — 2axyddx
— ax ddy
+ 3 by ddy
Mais dans cette nouvelle équation différentielle, les diffé-
rences ddx, ddy ont & doivent avoir les mêmes coëfficiens
qu'avoient dx & dy dans la première différentiêlle; car les
termes qui renferment ces fecondes différences , viennent
de la première équation différentielle, dans laquelle on a
fimplement changé dx en ddx, dy en ddy. Or ces coëff-
ciens ayant été trouvés nuls dans Ja première différentielle,
ils feront auffi nuls dans la feconde équation différentielle ;
& cette équation fe réduira néceffairement à l'équation diffé-
rentielle du fecond degré
126 dx — 2 aydx* — 4axdxdy + 6bydÿ = 0:
Si l’on fait dans cette nouvelle équation x = 0, & par
conféquent auffi y = o, pour chercher deux valeurs du rap-
— 0»
© dans 1 fé de x —
port —- dans le cas propolé de x — 0, on trouvera que
tous les coëfficiens de dx*, dy°, dxdy feront nuls, &
donneront 2 — © : ce qui prouve dé lus d
( Z =: aiP que -7 a plus de
DES ScrENcESs 285:
deux valeurs. Or l'équation du fecond degré ne pouvant pas
déterminer le nombre de ces valeurs, on cherchera une équa-
tion différentielle du troifième degré, en différentiant celle
du fecond, & l'on aura
24 #43 — 2 ads dy + 6 Bdÿ5 — 24 x dxdds
— 4uds dy — 4 ay dx ddx
— 4 ax dyddx } = 0;
— 4a*x dx ddy
—+ 12 by dy ddy
Mais dans cette nouvelle équation différentielle, 1° fe
coëffcient de dxddx fera feulement double du coëfficient
qu'avoit dx° dans l'équation différentielle du fecond degré,
& ce coëfficient de dx°* étoit nul dans le cas de x —— 0:
ainfi celui de 4x ddx fera aufi nul dans le même cas.
2° Le coëfficient de dy ddy fera double du coëfficient
qu'avoit dy° dans l'équation différentielle du fecond degré,
& ce coëfficient de dy° étoit nul dans le cas de x — 0;
ainfi le coëfficient de dy ddy fera nul auffi.
3° Enfin le coëfficient de dxddy & celui de dyddx
feront égaux à celui qu'avoit dxdy dans l'équation différen-
tielle du fecond degré, & ce coëfficient de dxdy étoit nuf
dans le cas de x — 0; ainfi celui de dxddy fera nul, &
celui de dy ddx pareillement nul dans le cas de x — 0.
Donc la nouvelle équation différentielle fera délivrée des
différences dx ddx,dy ddy,d x ddy;dyd dx dutroifième ordre,
& fe réduira à l'équation différentielle du troifième degré
24X dx? — 6 adx° dy + 6 bdyÿ — 0,
qui conviendra pour trouver tous les rapports de dx,à d Y,
dans le cas propofé de x — 0.
. . dx
Maintenant fi l’on demande trois valeurs du rapport =
dans le cas de * — 0, la dernière équation deviendra
— adx° dy + PAYNE 0,
laquelle donnera ee ous " D ele tue
2. RL? par conieq ENT
NET
o je 4 dx — en
1° dy = 0, &par conféquent = —
EVE)
286 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
XII.
En expofant les deux manières que j'ai expliquées, pour
trouver des équations différentielles de tous les degrés poffi-
bles relativement à une équation donnée, je ne prétends
pas propofer des opérations nouvelles: M. Saurin a fait la
première opération dans fon fecond Mémoire de 1716,
& il a fait la feconde dans fon Mémoire du journal des
Savans, au mois d'Avril 1702, & dans fon premier Mé-
moire de 1716, en fe fondant fur l'article 1 63 de l'analyfe
des infinimens petits de M. de l'Hôpital. Je ne regarde donc
ce que je propofe dans ce Mémoire, que comme des éclair-
cifflemens qui manquent au Mémoire de M. Saurin, qui
n'a vû les difficultés du problème général des tangentes, que
comme des difficultés de fait; & qui n’a regardé les diffé-
rentes équations différentielles, que comme des équations
qui fuppléent les unes aux autres, fans s'apercevoir que l'équa-
tion différentielle qui convenoit à la folution du problème,
devoit être d’un degré égal au nombre des valeurs que devoit
avoir le rapport <= : enfin je ne propofe mes réflexions
pport LE : enfin je ne pro ,
que comme la folution à priori d'un problème qui a été très-
bien réfolu à pofferiori.
Comme les Mémoires de M. Saurin contiennent plufieurs
applications du problème à différentes courbes, & qu'il eft
inutile de répéter ici ce que cet Acadéiicien a très-bien fait ;
je m'abftiendrai de donner des exemples qu'on trouvera dans
fes Mémoires.
Je ne parlerai point ici de M. l'Abbé de Bragelongne, qui
a différentié plufieurs fois pour trouver les tangentes des
points multiples ; parce qu'il ne donne point la raïlon de ces
différentiations répétées, & qu'il renvoie aux articles 1266
& 1267 du Traité de M. de Fontenelle, dont la théorie
des tangentes des points multiples eft bien différente de Ia
mienne,
RE
#
DES SCIENCES. 287
DT SCO D,RS
Sur la néceffité de perfettionner la Métallurgie des
Forges, pour diminuer la confommation des bois ;
où l’on donne quelques moyens fort fimples, d’em-
ployer les mines en roche de Bourgogne, auffi
utilement que celles en terre de la même province.
Par M. le Marquis DE COURTIVRON.
in ET dela confervation des bois, quoique fi important
à la France, étoit abfolument négligé, quand des obfer-
vations judicieufes , fur les dégradations qui arrivent aux
forêts, réveillèrent l'attention qu'il méritoit 4. Des expé-
riences utiles fur les moyens d'accélérer la végétation des
bois, & fur la décifion du temps fixe où l’on doit les couper,
dans les circonftances les plus avantageufes, ont été entre-
prifes enfuiteb, & favorifées de l'autorité du Miniftère, Un
jour le public en retirera le fruit, & fi lon peut joindre à
tout ce que l'on doit efpérer fur les bois, des moyens fürs
d'en diminuer la confommation, l'Etat tirera du concours
de ces épreuves, le double avantage d’avoir en plus grande
quantité une matière aufli néceflaire, & d'en fentir une
moindre diffipation. La fabrication des fers confomme une
fi énorme quantité de bois, qu'il fera utile de faire, à cet
égard, quelques réflexions générales. Le nombre des forges
eft peut-être trop grand en France, & il femble qu’on s’en
foit aperçu, puifque quelques ordonnances, telle, entr’autres,
que cellé du 9 Août 1723, défendent les nouvelles conf-
fuétions & les augmentations de feux dans les forges, à peine
> M. de Reaumur Intendant de | Infpecteur général de la Marine ; &
TOrdre de Saint Louis, Mémoires | M. de Butfon Intendant du Jardin
de l’Académie, 1721. du Roi, Mémoires de l’Académie,
Par M. du Hameldu Monceau, | 1727, 1728 7 1729.
12 Avril
1747:
m1
“88 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaALE
d’une amende confidérable, & de la confifcation de toutes
les chofes qui feroient à leur ufage, à moins de Lettres pa-
tentes bien & dûüement vérifiées. Sans parler à préfent de
-plufieurs inconvéniens où tombent ceux qui n'ont pas une
aflez grande quantité de bois pour fournir à l'ufage des forges
qu'ils ont ou qu'ils conflruifent, nous nous contenterons de
‘remarquer, que ceux qui ont des forges à entretenir, & peu
de bois pour, y fournir, font toüjours obligés de prefler teurs
coupes, & de perdre aflez ordinairement les années où
leurs bois profiteroient le plus®. Si par la manutention aux
arrêts anciens, & la publication de nouvelles ordonnances,
Ja fabrication des fers étoit diminuée, on pourroit en tirer
d'étrangers : quelque grande que foit la quantité des fers du
royaume, il en arrive à Marfeille qui s'y donne à un prix fi
bas, que les fabricans des fers de Bourgogne & de Champa-
gne, & les propriétaires des fourneaux , fe font cru en droit
de faire, dans les dernières années, des repréfentations au
Confeil fur ce fujet: ne pourroit-on pas penfer que l'Etat,
continuant à tirer ce métal de l'étranger en plus grande quan-
tité, quoiqu'avec la puiffance de le fabriquer , l’achèteroit
alors par une économie bien entendue, qui porteroit entiè-
rement fur la confervation des bois du royaumeb? Les
moyens dont on vient de parler feroient praticables fan:
doute, mais ils doivent être la dernière reflource, fi l'on étoit
de plus en plus menacé. Ce que je viens d’obferver fur les
fers étrangers qui fe vendent dans nos ports, montre aflez
que Îa fabrication des nôtres eft néceflaire : l'on fait que les
feules fendries & les clouteries nous apportent journellement
“ Les forces obligent ceux qui les b Nous avons des foroes en Ca-
o o o
conduifent, à entretenir un grand
nombre d'ouvriers qui reftent fouvent
oififs, lorfque les forges n'ont pas un
affouage réglé ; & il eft ordinaire que
ceux qui n'ont que peu de bois ,
forcent leurs coupes, & dégradent
leurs forêts, pour garder, le moins
€ re eft poflible , des ouvriers inu-
bles,
nada, dont il feroit pofible de tirer
beaucoup de fers, & notre argent ne
pafferoit pas au pays étranger en fai-
fant venir ces fers, fi l’on foûtenoit
les forges de ce pays-là, qui ne font
établies que depuis environ douze an=
nées, & pour lefquelles on a eu des
permiflions d'enlever des ouvriers
dans les forges du royaume.
des
rt Sr Gt
DES SC TEEN CES 289
:des fommes confidérables ?, c’eft un objet de commerce au-
-quel nos forges fourniffent ; & les forces d’un Etat doivent
fe mefurer fur le nombre de reffources qui fatisfont à fa
propre confommation, & à celle des pays extérieurs : peut-
être aufi qu'en diminuant fa fabrication des fers, par le
moyen de autorité, le Miniftère pourroit craindre pour
les particuliers , l'efpèce de contrainte qui les empécheroit
de régir leur bien, ainfr qu'ils le jugent utile à leur‘intérét.
1 faut donc, dans le cas où eft le royaume d'entretenir des
forges, voir comment, en les entretenant, il pourra con-
fommer moins; & puifque l’art des forges ef néceflaire, c’eft
du côté de fa perfection en général, & particulièrement fur
les moyens de diminuer la partie de bois que cet art con-
fomme, qu'il faut tourner notre attention & nos recher-
.ches. Mais fi l'Etat doit reflentir l'effet d’une moindre con-
fommation de bois dans lufage ordinaire des forges, Paris
ya un intérêt direct, dont la fenfation peut être prompte ;
duquel enfin, il ne fera point inutile de toucher ici quelque
chole. Depuis un certain nombre d'années, la capitale s'étant
accrue peut-être au delà .des bornes que la commodité de
ceux qui l'habitent pouvoit prefcrire, & le luxe & la profu-
fionb-y ayant augmenté dans un rapport plus fenfible encore
querle nombre de fes habitans ; la capitale, dis-je, a épuifé :
les bois qui l'avoifinent, il a fallu recourir à l'intérieur du
royaume pour fon approvifionnement : la commodité du
flottage a jeté dans le fond de la Bourgogne, les marchands
chargés d'y pourvoir, ils ont acheté depuis peu d'années,
n21C'eft àla foire de Beaucaire que | Challon-fur-Saône*. Il (e vendchaque
Jes, marchands viennent prendre &
‘enlèvent pour l'étranger, fur-tout les
année plus de 80000 quintaux pe- 15 Juin;
fant de fers en gros ; le détail annuel hs 28 Oc-
ODrc-
* Säint Jean,
Saint
fers fabriqués & fendus aux atteliers
de Saint-Etienne & de Saint-Chau-
monten Forès; & ce font les forges
de Bourgogne & Le pt de
celles de Champagne, de Lorraine &
de Franche-Comté ; qui fourniffent
les fers aux marchands de Lyon, qui
Jes font fabriquer pour le détail en
Forés, aux deux grandes foires de
Mém. 1747:
eft beaucoup plus confidérable.
b Tousles appartemens chauffés, &
quelques poêles fur des efcaliers ; ufage
qui probablement gagnera encore,
< J’ai beaucoup d’arrêts du Confeil,
utautorifent les marchands de Paris ;
il y a eu même quelques adjudications
forcées, fur lefquelles néanmoins on
a obtenu droit à eaufe des défenfes.
«Oo
z90 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
des bois qui jufque-là avoient été réfervés à l’ufage des forges;
ceux qui les exploitent difputent les bois aux marchands de
Paris, & les leur font acheter cher, parce qu'ils en ont befoin
eux-mêmes : c’eft en rendant ces bois indifférens aux forges,
par la diminution de ce qu’elles confomment dans cette partie
du royaume, que les marchands les auront à un prix très-
médiocre, & qu'ils pourront les donner de mème; le flot-
tage permettant d'en faire lè tranfport à peu de frais. Des
confidérations fi importantes fur le grand avantage de dimi-
nuer la confommation des bois, & celle de la loi que tout
citoyen doit s'impofer de fe rendre utile à la fociété, loi
qu'impofe encore plus particulièrement l'Académie à ceux
qui la compolent, ne m'ont pas permis d’héfiter à en cher-
cher les moyens ; & la circonftance où je me fuis trouvé,
d'avoir des forges fous mes yeux & à ma propre difpofition,
n'a pü me laifler indécis fur le choix que je devois faire;
témoin tous les jours des confommations énormes de char-
bon qu'entrainoit l'ignorance des ouvriers, & les préjugés
de ceux qui préfident aux forges, j'ai tâché d'y apporter des -
corrections utiles. Je n'entrerai aujourd'hui dans aucun dé-
tail, me contentant de rapporter quelques épreuves, dont le
fuccès m'a montré la füreté, & dont l'on pourra faire ufage
dès-à-préfent, en attendant qu'un ouvrage déjà avancé, mais
qui a befoin & de temps & d'expériences encore répétées,
apprenne fur l'art des forges, tout ce que j'aurai pû appren-
dre moi-même.
L'art des forges, celui qui met entre nos mains un métal
auffi utile que le fer, qui lui-même eft l'ame de tant d’autres
arts, méritoit fans doute d’être plus étudié qu'un autre; ce-
pendant les pratiques les plus groffières s’y tranfmettent &
s'obfervent avec une exactitude ruineufe; des opérations fou-
vent nujfibles à l’objet de louvrier s’y répètent, fans que ces
expériences les corrigent; ceux mêmes qui font le plus inté-
reflés au produit des forges & des fourneaux, manquent des
vües qui feroient nécefaires à leur état, ou, par une forte de
fuperflition pour les anciens ufages, n'ofent obliger leurs
t
ge
Er
d.
4
|
L
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F
L
DES SG1i1ENCES. 291
- ouvriers de varier les procédés ordinaires. Je ne me propole
à préfent de parler d'aucun des moyens que l'on doit em-
ployer avec avantage, foit pour la converfion des différentes
fortes de mines en fonte, foit pour celle des différentes fontes
en fer; ces chofes viendront dans leur temps, lorfqu'en don-
nant l’hiftorique de chacune des mines qui font employées
dans les vingt-huit fourneaux à fonte de la province de Bour-
gogne, je décrirai les procédés en-ufage dans chacun de ces
fourneaux, avec les remarques que je croirai néceffaires fur
"le choix & l'exploitation des mines, fur Iles défauts de
conftruétion des fourneaux, & enfin fur la conduite des
eaux qui y fervent, & les autres chofes qui y feront relatives:
cet ouvrage qui aura pour objet une partie aufli utile
qu’intéreflante de l’hifloire naturelle d'une grande province
de France, pourra s'étendre encore par la fuite à d’autres :
aujourd'hui il me fuffira de confidérer le fer dans fon premier
état, dans celui de mine; & Jorfque déguifé il refufe de fe
manifefter par les épreuves qui l’indiquent fi fürement, quand
le feu a commencé à Ii donner ou lui a donné tout-à-fait
fes qualités particulières: Ce n’eft pas ici le lieu de traiter des
différentes fortes de mines de fer en général, de leur diftri-
buütion méthodique, ni de les rappeler à des efpèces que lon
.… pourra établir par la fuite; je me contente de dire que les
inines fur lefquelles j'ai fait des expériences, fe réduifent à
deux fortes qui font communes dans la province de Bour-
gogne, & dans quelques-unes des provinces du royaume où
Von fabrique les fers. Ces mines ne font point en fHon; elles
font dunombre de celles que les métallurgiftes appellent mines
minérali[ées, qui affez généralement font regardées comme for-
mées par le tranfport d’une matière métallique difloute & cha-
riée par les eaux qui les dépofent enfuite dans différens lieux qui
font plus ou moins fufceptibles de garder ces impregnations
métalliques, & cela à raifon des différentes terres & glaifes fur
lefquelles coulent les eaux qui traînent avét elles cette matière
métallique. De ces deux fortes de mines, les unes font appelées
mines en terre, elles font en grains de groffeur & de figure
Oo ij
292 MÉMOIRES DE L'ACADÉDIE ROYALE
variées, qui font mêlés à la terre où on les trouve; le fer y ef
dans un état de crocus ou de chaux métallique. C’eft en
certains lieux à la fuperfcie du fol que l'on prend ces fortes
de mines; ailleurs l'on eft obligé de la creufer; & il eft même
aflez ordinaire que la mine fe trouve moins riche lorfqu'on
la rencontre à la furface de la terre, que lorfqu'on la fouille
pour l'en tirer : l'autre efpèce de mine commune, fur-tout
dans un canton de Bourgogne, n’eft en ufage que depuis à
peu près trente années. Le défaut des mines en terre qui fe
font épuifées, a fait recourir à celles-là; ces mines fe tirent
à des profondeurs fujétes à quelques variations : on perce la
terre perpendiculairement de plufieurs puits qui fe commu-
niquent entr'eux au moyen de galeries qui ne font point
artificiellement foûtenues par des bois; quelques piliers laiflés
irrégulièrement fervent d'appui à ces fortes de voûtes: à cinq,
fix ou fept pieds de profondeur, à compter de la furface du
fol où on fait les puits, la roche commence à être femée de
quelques grains, & caflée dans toutes fortes de fens ; elle laiffe
voir dans fon intérieur des grains ronds de mine aflez brillants,
qui ne diffèrent en nulle forte de ceux des mines en terre
quand ils font féparés de l'enveloppe pierreufe qui les tenoit
comme enchafés : en creufant davantage , on trouve la roche
femée de plus en plus des grains de mine, & elle eft toüjours.
meilleure plus on approche de la pierre blanche du fond qui eft
life & d’une nature de caillou fans être mêlée d'aucun grain de
mine ; cette pierre blanche du fond, dont.on vient de parler,
fait pour retenir la matière métallique, fi ces mines font formées
par tranfport, ce que fait la glaife dans les lieux où l’ontire les
mines en terre: la glaife & cette pierre blanche fe trouvent éga-
lement impénétrables à l’eau qui charie la matière métallique,
C’eft dans la terre que porte la glaife des premières que l’eau dé-
pole cette matière, comme c’eft dans la roche qui fe trouve
fur la pierre blanche des fecondes que l'eau la dépofe auffi; foit
que la roche mêlée-de mine ait été pétrifiée depuis l'admifion
des parties métalliques, foit que la roche même ait été per-
méable à l'eau qui avoit diffous cette matière, Ces mines, dites
DES SCTENCES 297
en roche, fe tirent par quartiers plus ou moins gros , à la vo-
lonté de l'ouvrier qui fend les bancs ou lits de cette roche
à mine, foit avec Îe coin, foit avec d'autres oùtils de fer.
Ces mines furent employées d’abord. fans aucune prépara-
tion ; on les jetoit au fourneau par quartiers, comme elles
étoiïent tirées ; on a conftruit enfuite des bocards*, forte de
machine trop éonnue pour que je la décrive; c’eft par leur
moyen quel miné-en roche: eft brifée en parties Bien plus
divifées ; & c'eft dans cet état qu'on la fufe aujourd'hui.
Tout le monde fait que la façondla plus commune de traiter
la mine de fer; foit en France, foit en d’autres pays, eft de
la jeter dans des fourneaux élevés, dont les parois font inté-
rieurement revêètues de plufieurs murailles, & le fond des ro-
ches les plus dures, qui y forment comme me efpèce de
creufet; toute la capacité intérieure fe remplit d'abord de
charbon que l'on: allume, & dont la’ chaleur eft animée par
Faction de deux gros foufflets müs par l’eau au moyen d'une
roue enarbrée : Le fourneau-étant échauffé à un certain point,
on commence à y jeter la mine : celle éh terre eft mélée avec
une. forte de pierre nommée caffine, & celle en roche avec
uneterre grafle & aflez compacte qui eft appelée serre herbue..
Par des intervalles de temps égaux, la mine & le charbon font
jetés au fourneau ; c'eft alors que la violence du feu, après
avoir vitrifié les parties terreftres & hétérogènes, opèrélà
réduction par le contaét immédiat des charbons & la com-
munication de leur phlogiftique, qui rend une forme 1b2
folument: métallique à la matière la plus pefante qui fe
râffemble au fond du fourneau pour être recûe après” l'en2
tière fufion dansun moule où elle fe confolide, Ces procédés.
fe continuent plufieurs mois, & jufqu'à ce que l'ouvrage}.
c'eft-à-dire, da muraille intérieure foit entièrement-caleinée >.
de:France : dans latprovince de Bre-. | ‘très-épaifle. de mêmé matière.
tagne, on donne le même nom à cette y 15 hi
Oo iij
294 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE-RoyALr
où des mines en roche, c’eft avec un produit bien différent,
ainfi qu'il eft facile de le recueillir par les regiftres publics qui
fe tiennent dans les différens fourneaux pour la perception
des deniers du Roi. Quoique les mines en terre varient pour
la bonté, une expérience trop long-temps continuée, apprend
que prefque conftlamment les mines en roche rendent afez
généralement un tiers de moins pour le produit que les
mines en terre, quelles qu'elles foient, en employant pour la
fufion des unes & des autres une même quantité de ëharbon.
Rapprocher le produit des mines en roche de celui des mines
en terre, reudre l'emploi des premières prefqueauffi utile que
celui des fecondes, étoit un objet’ aflez confidérable pour
attirer l'attention; & fi lon fonge'que de vingt-trois four-
neaux à fonte de la-province de Bourgogne, dont le travail
eft réglé, il y en a cinq * voifins des fources de la Seine, qui
font dans le cas de n’ufer que des mines en roche, & qu'un
beaucoup plus grand nombre fera obligé un jour de sert
fervirsril fera aifé de juger que le défavantage marqué dans
la confommation des mines en roche, dût me porter à'exa-
miner d’abord fes moyens de les employer avec moins de
frais. J'ai remarqué plus haut que ces mines pafloient fous un
bocard avant d'être portées au fourneau : cette préparation
n'a pour objet que de faire recevoir à la mine l’action du feu
plus efficacement, de multiplier les furfaces par la divifion
des parties de la roche, ce dût être là le but de ceux qui em-
ployèrent les premiers cette machine, fatigués qu'ils étoient
du peu de produit-de leur fourneau en ufant les mines en
roche .abfolument brutes; mais il étoit aifé de s’apercevoir
que les roches à mines froiflées par les coups redoublés des
ilons du bocard, ne s'atténuoient qu'aux dépens des grains
dont elles font femées; une grande partie de ces grains ten-
dres,, par rapport à la roche, fe trouvent écrafés, & fuient
avec le courant de l’eau ; alors les roches écrafées, mais en
parties encore aflez grofles, reflent dans les Javoirs avec les
© * Villecomte, Tarful, Moloy, l'Abergement, Pellerey, & d’autres en«
core dont le travail n’eft pas fuivi. '
DES SCIENCES \ ‘259$
‘grains que n’ont point rencontrés les pilons ; Ja mine eft
‘jetée dans cet état au fourneau qui rend peu!, parce qu’on
lui fournit peu de la matière métallique, propre à donner
la fonte, & fans qu'il foit praticable d'augmenter Ja quari-
tité de mine bocardée qu'on y jette, à moins de courir
le rifque de l’embarraffer. Après avoir examiné, foit par
la diflolution dans les liqueurs acides, foit par de feu, {a
nature de la pierre dans laquelle le grain des mines, dites
en roche, fe trouve incorporé, & l'avoir comparée à celle
des différentes pierres communes, je penfai qu’il féroit pra-
-ticable d'ufer fa mine, fans la bocarder; l'attention que j'ap-
portai à la qualité de prefque toutes les pierres à conftruétion,
“qui s’emploient dans tous les lieux où on tire & où on ufe
les mines en roche, me fit efpérer du füccès: je voyois que
les pierres qui étoient tirées des carrières, & qui reftoient
-expofées à l'air, s'exfolioient affez promptement ; que quel-
ques-unes étoient incontinent femées de fifiures, fuivant
lefquelles on pouvoit les divifer : je voyois ces pierres fe
réduire pour la plüpart en une forte de pouffière groffière ,
& les pierres employées dans les bâtimens, quoique moins
“expofées, participer à ces inconvéniens: les maifons des pay-
“ans, qui ne font point extérieurement enduites, fe dégra-
‘dent en peu d'années; les moulins, les jouées des éclufes,
r& les murs pareils toûjours expofés, ne fubfftent point,
‘quoique conftruits à neuf, fans des réparations annuelles ;
les pierres que la gelée frappe, après qu’elles ont été humec-
tées, fe caflent & fe pulvérifent ; enfin les murs acquièrent
en peu de temps un. air de vétuflé qu'ils ne doivent qu'à la
mauvaife qualité des-pierres dont on les conftruit; c’eft une
recherche très-fouvent tentée, & toûjours prefqué inutile-
ment, dans les principaux lieux où on emploie les mines en
roche, que celle des carrières de pierres qui ne craignent pas
la gelée : cette attention m'encouragea à commencer & à
tenter.des expériences.fur les mines en roche; quel que fût
le réfultat, il ne pouvoit qu'être utile : fi lesroches femées de
grains de mine, fe trouvoient à l'abri de l’action de Fair &
Dune mt T les
t
Com. de Céfar.
-296 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALr
des faifons, il falloit cefler dans la conftruétion d'employer les
pierres ordinaires, & Le fervir de la mine en roche pour. bâtir;
fi-ces roches au contraire étoient dans le cas d'être endom-
_magées & atténuées par les gelées, ainfi que les pierres com-
-munes; je pouvois efpérer de faire employer les mines en
roche plus utilement, & avec une grande économie fur le
bois; je fus encore conduit à le penfer, par l'examen d'un tas de
= .) . V7 NT 7
-mines en roche que j'avois deftinées à d'autres expériences
que celles auxquelles elles ont fervi:en 1740 j'en avois fait
ramafler & mettre à part depuis quelque temps, une aflez
bonne-quantité pour lés combiner avec.des mines en terre,
en les employant comme fondant; l'efpèce de pierres aux-
quelles ces mines font jointes, me paroifloit propre à être
fubflituée. utilement à toute autre matière, & la partie de
mine que contenoient les roches, ne pouvoit qu'augmenter
encore le produit de Ja fonte qu'on devoit efpérer, en brû-
lant les mines en terre avec de la cafline; on eût pü alors
établir une forte de commerce, pour tirer quelques mines
en terre, en échange des mines en roche, qui employées,
au lieu de la caftine, dans deux ou trois fourneaux , les plus
voifins de ceux qui ufent des mines en roche, auroient
fourni à ces fourneaux quelques mines douces pour mêler
aux leursb, Différentes circonftances retardèrent l'emploi de
ces mines, & elles paffèrent ainfi trois hivers, fans qu'on
s'en fervit : étant venu à les examiner, je vis que toutes les
pierres de Ja fuperficie étoient exfoliées; qu'elles fe brifoient
= La mine de fer blanche à points | cemment une mine de fer de Jlamême
brillans, qui fe tire par quartiers à
Allevard, fameufe forge de Dau-
phiné, qui l’étoit du temps des Ro-
mains, puifque c’étoit de fon fer que
nos anciens Gaulois fabriquoient leurs
armes, eft très-propre à bâtir; elle
doit être torréfiée avant d’être em-
ployée ; & elle ne prend un ton brun
& de fer, qu'après certe préparation.
En Alfce, il y a des villages entiers
bâtis de mine pareille : à Baïgouri
daus les Pyrénées, on exploite ré-
efpèce.
b Une règle établie & favorifée
de l’autorité de plufieurs arrêts du
Confeil , & des Cours fupérieures ,
c'eft qu'un propriétaire de fourneau
empêche les voifins de tirer de la mine
fur lui ; & que le. fourneau le plus
voifin d’une mine, exclud tous les
autres du droit de la fouiller; dès que
le propriétaire du fol n’a point de
fourneau a lui.
aifément,
DES |SICL EN C KES 207
aifément, l'air, le foleil, la gelée, la viciflitude des faifons
avoient agi furelles, mais les mines du fond avoient encore
leur dureté; il falloit que les préparations, qui tendoient à la per-
fection des procédés en grand, fuffent peu coûteufes; aucune
ne l'étoit moins que cette expofition à l'air, long-temps con-
tinuée, qui fe pratique fi utilement en Allemagne pour des
. mines, à {a vérité, plus précieufes : préparation qui eft auffi en
ufage dans les fimeufes mines de fer d’Allevard, après la torré-
faction. Je fis donc mettreen plein air beaucoup de ces mines:
& au lieu de les ramafer en tas, je les fis étendre, afin qu’elles
offriffent à la pluie, à la gelée, & à toutes les alternatives des fai-
fons, des furfaces fort étendues; elles fubirent ainfi prefque trois
hivers, & en tout un peu plus de vingt-huit mois. Au bout
de ce temps, les quartiers qui contiennent la mine fe froif-
foient & s'exfolioient aflez bien, au point que les ouvriers
en les remuant à la pelle, les divifoient & Îles réduifoient
aifément. Ces mines dans cet état furent pañfées fur des claies
inclinées, afin de féparer abfolument les mines qui avoient
réfifté à cette première épreuve; tels étoient fur-tout les quar-
tiers de mine qui contenoient des coquillages pétrifiés, & les
coquillages eux-mêmes. Les ouvriers qui les reconnoiffent
pour fe défendre davantage de l'aétion du bocard, difent que
ces quartiers ont du clou; c'eft ainfr qu’ils nomment le coquil-
lage, qui en effet eft d’une qualité beaucoup plus dure que Ia
roche à mine fimple. Je fis dépofer dans les lavoirs la mine
qui m'avoit été fournie par le procédé antérieur; & après
quelques lotions où l'eau avoit été donnée & ôÔtée rapide-
ment*, afin qu'elle enlevât la partie fablonneufe & terreftre
plus léoère que le grain : j’obtins une mine affez pure &
* Tous les ouvriers que j'ai vûs | ouvriers rendent très-bien raifon de
dans nos fonderies de France, n’ont | leurs procédés; j'ai eu occafion de
nulle idée de la théorie du lavage des | m'en affurerplufteurs fois, entr’autres,
mines, ce qui jette dans leur pratique | à Schuartzefeld près Hamberg , dans
beaucoup d'opérations, ou inutiles, | le Palatinat de Bavière, Heu où les
ou même nuïlibles. En Allemagne il | fers font très-eftimés.
en eft tout différemment, de fimples va
Meém, 1 7427 -Pp
Septembre
1743» jufqu'en
Novem. 174$
Ÿ'Jany. : 7465
298 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE RoYALE
point mêlée, qui reffembloit parfaitement aux mines enterre,
& qui promettoit beaucoup au fondeur.
Cette mine en effet rendit beaucoup dans la première
épreuve. Les gueufes confécutivement coulées avec ces mines
feules en roche, non boquées & réduites par la gelée, après
avoir préparé doucement le fourneau par le mélange des mines
réduites avec les bocardées, nous donnèrent, fans qu'on eût
varié les quantités de charbon & de mine dont les mefures
font fixées, des poids de fonte qui étoient à celui des gueufes
fondue avec la mine en roche bocardée, environ comme
1850 à 15003. En confervant les poids entiers des unes &
des autres pris fur un terme moyen, ces épreuves ont toù-
jours été répétées avec un avantage qui varia peu, & nous
trouvâmes dans celles qui donnoient le moins, environ plus
d’un cinquième de fonte au defus de ce que donnoit la même
mine en roche paflée au bocard. Le hafard n'a fourni l'oc-
cafion de répéter encore plus en grand cette expérience, par
l'adjudication qui fut faite d’une partie confidérable de mines
en roche qui avoient été faifies depuis plufieurs années, parce
que les affaires du propriétaire s’étoient dérangéesb. Ces mines,
quoique ramaflées par tas, ayant été paflées fucceflivement,
à commencer par les couches fupérieures, ont donné une
mine réduite en grains, fans avoir befoin de l'action du bo-
card, & qui a été employée à différentes fois avec un profit
auffi marqué, continué un mois de fuite. Récemment même
on a achevé de pafler ce qui refloit de ces mines, qui feront
entièrement employées fans avoir paflé au bocard. De vingt-
huit fourneaux à fonte de la province de Bourgogne, on en
peut compter quatre au moins dont le travail eft nul; & il
en a cinq de ceux qui travaillent toûjours, dans le cas d’ufer
des mines en roche par l'impoffibilité d’en avoir d'autres; &
bre 1745, & tout Janvier 174.6 :
bre 174.5, du 16 après midi, au 18 | ces mines étoient tirées depuis près
après midi; les 28 &29 dumême, | de dix ans, il y en avoit au moins
mines pures réduites par la gelée. huit qu’elles étoient en faifie réelle.
» Fourneau de Tarful, Décem-
2 Fourneau de Tarful, Novem-
DÉS ScrENCESs. 299
bien d'autres fourneaux n'auront un jour que des mines pa-
reilles à employer. Ceux qui les exploitent, comme prefque
tous les maîtres de forges de France, quoique par une mau-
vaife pratique, font dans l'habitude d'employer les mines
fortant de la terre, & ils ne fe mettent guère en avance que
pour trois ou quatre mois devant la mauvaife faifon, de la
quantité de mine qui leur eft néceffaire, & dans d’autres
temps ils brülent leurs mines toutes nouvelles : peut-être
que les obfervations que nous venons de rapporter, pourront
les engager à faire des amas plus confidérables, ils feront
amplement dédommagés par le produit, des frais que l'a-
vance de largent néceflaire à de plus grands apprêts de
‘mine, pourra occafionner dans leur commerce.
Nos obfervations pourroient aufli engager les proprié-
taires des fourneaux, à faire laifler de bail en baïl un certain
nombre de pieds cubiques de mine: cette avance une fois faite
feroit un fonds avantageux qui pafleroit d’un fermier à l'autre,
comme la quantité d'engrais des terres qui, dans certaines pro-
vinces, eft fpécifié fur les baux ; un nombre déterminé de
pieds cubiques de mine feroient tirés chaque année & ne s’ex-
ploiteroient pour la fonte que plufieurs années après ; & dans
l'année courante on fondroit celle dont la réduétion feroit la
plus avancée. L'on n'ofe efpérer de voir promptement faire
ufage des confeils que nous donnons. L’avance de l'argent fera
un motif qui retiendra fürement d'abord & les propriétaires
& les maîtres de forges. J'ayertirai cependant ces derniers que
quand mêmeils ne fe pourvoiroient de mine que pour dix-huit -
mois, les deux hivers qu'éprouveront les mines y apporteront
une amélioration confidérable qui les dédommagera ample-
ment. Les ouvriers qui travaillent aux mines ont fenti que les
tas qu’ils tirent diminuent fenfiblement pendant un feul hiver:
dans cette faifon ils preffent continuellement leurs maîtres
pour livrer ce qu'ils ont tiré, parce que les roches qui fe
fendent & fe réduifent en grains par la gelée, fe trouvent en
pure perte pour eux ; elles ne fervent qu'à remplir l'inter-.
alle que laïfent les quartiers de roche dans les mefures par
Ppi
300 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
lefquelles ils la vendent : en été ils diffèrent volontiers de fa
livrer; quelques-uns m'ont dit de bonne foi qu'ils en avoient
fait la remarque. J'avertirai encore ceux qui fe trouvent dans
l'obligation de fe fervir à leur fourneau de mines en roche,
que f1 dans Ja néceffité où ils font de faire les amas de mines
au bord des rivières, ils veulent joindre à ce qui a été dit
Y'attention peu coûteufe de les faire arrofer d’eau de temps
à autre, ils pourront en retirer beaucoup d'utilité. L’expé-
rience m'a appris que cette préparation pouvoit abréger le
temps qu’il faut pour les réduire : ceux même qui exploitent
des mines en terre trouveront du profit à faire ufage de cette
obfervation:; c’eft un avis qui peut être commun à tous. Je ne
puis m’abftenir de remarquer que les étrangers qui fe font mis
en droit de profiter des chofes utiles qu'ils remarquent chez
nous, nous donnent auffi quelquefois des exemples dont nous
pourrions profiter. En certains lieux, en Suède, par exemple,
tel particulier ne feroit paslibre de traiter fes mines de la façon
a moins utile, quand même il négligeroit affez fon intérêt
pour le vouloir : un confeil de métallurgie fagement établi,
décide de tout ce qui regarde cette partie. Peut-être un jour,
fi l'on confidère les mines en France avec plus d'attention,
verrons-nous prendre des mefures qui aflurent a ceux qui les
exploitent, non feulement les moyens d'en tirer le plus d'u-
tilité, mais encore l'impofibilité d’en ufer autrement. Ce font
dans des cas de confommations inutiles des matières nécef-
faires, que le particulier ne peut perdre, fans que la perte ne
rejaillifle en entier fur l'Etat.
+ Une réflexion fe préfente naturellement ; c'eft qu’en trai-
tant les mines avec plus de foin & de temps, leurs façons fe
trouveront augmentées, & que ceux qui fabriquent les fontes
& les fers ne trouveront qu'un profit médiocre fur l’excédant
du produit qu’ils en tireront. Il me fuffit d’avertir à préfent
qu'il fera aifé de fe convaincre pour ce qui regarde les mines
en roche, que les frais du bocard fupprimés aux mines fuff-
ront amplement pour fubvenir aux nouveaux frais qu’occa-
fionnera & leur expofition à l'air, & la façon dont je propofe
DES SCIENCES. 3ot
de les manœuvrer;ainfi la partie de charbon que l’on épargne,
eft en pur gain pour le fabriquant, qui pourra même em-
ployer à ce travail des femmes & des enfans au moyen d’un
falaire médiocre : mais quand il feroit vrai que ces façons
fuffent aufli chères, il n’en feroit pas moins certain que l'on
devroit toüjours préférer les moyens qui tendent à diminuer
la partie de bois qui eft confommée inutilement pour fondre
la mine bocquée; cette partie de bois eft en pure perte, &
l'argent dont les façons fe trouveroient renchéries , eft dif-
tribué à des citoyens qui en ont befoin. Pour peu que l’on
connoifle l'intérieur des provinces, & que l'on ait voulu
examiner l'emploi du temps de ceux qui habitent les lieux
éloignés des grandes villes, l’on voit qu’à peine dans beaucoup
d'endroits, ceux que l’on appelle manœuvres des campagnes,
trouvent à employer la moitié de leur temps; oififs par né-
ceflité, leur fubfiftance devient & difficile pour eux, & oné-
reufe au pays qu'ils habitent :les occuper eft enrichir d’une
autre façon le royaume.
Je ne m'en füis pas tenu aux feules épreuves que j'ai rap-
portées plus haut, fur les mines en roche ; j'en ai fait fondre
en différentes proportions avec des mines en terre, & le fer
provenu des fontes que m'avoient donné ces mélanges , s’eft
trouvé extrêmement propre aux fendries des marchands de
Lyon *, & d’une qualité fort douce. M. Stahl, dans l'un de
fes ouvrages, parle d'un homme qui, au moyen du mélange
de plufieurs mines d'Allemagne, qui, fondues feules ou alter-
nativement enfemble, donnoient un fer de mauvaife qua-
lité, en donnoient un excellent lorfque plufieurs de ces
mines étoient fondues en même temps. Ces épreuves qui en
voyées, marquées d’un écuflon : in-
* Outre les expériences en petit,
dépendamment de la douceur du fer,
en ayant fait fendre à la main, des
bandes pour de menus ouvrages, M.
Charrin Secrétaire du Roi, riche
commerçant en fer de Lyon , & pro-
priétaire de deux fendries à Saint-
Chaumont, a fait fendre & mettre à
part des bandes que je lui avois en-
il m’avoit mandé qu’il décheoit fort
peu en poids à la fendrie; ce fer
étoit moins crud
Proportion de mine + de mine en
roche, de deux mines différentes ;
3 de mine en terre douce.
Pp ii
Docimafe
metallicæ fundas
ments
® Plir. hifloriæ.
302 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
France, n'ont été tentées par perfonne, m'ont paru mériter
de l'être : on fent bien qu'elles ne peuvent être faites en
grand , que fur les mines d'un petit canton ; mais en rendant
publiques les proportions qui auront le mieux réuffr, & com-
parant enfuite par la docimafie, toute difficile qu'elle eft
pour l'effai des mines de fer, les mines des autres provinces
de France, l’on viendra peut-être à bout de corriger la mau-
vaife qualité de quelques-uns de nos fers, & de rendre plus
parfaite encore celle de nos fers les plus eflimés. Pour me
mettre en état de décider par expérience, de tout ce qui
concerne nos mines, je n'ai négligé aucune des épreuves
qui m'ont paru devoir être utiles ou curieufes; & j'ai pouflé
mème la chofe jufqu'à en tenter beaucoup, dont une feule
vie ne permet pas de voir le fuccès. Telles font les expé-
riences que j'ai commencées, en faifant préparer des mines
épuifées2, pour être voûtées & murées , afin de les mettre à
l'abri de l'éboulement des terres, & de quelques autres acci-
dens qui pourroient empêcher d'examiner par intervalle, les
différences arrivées au fond & aux parois, fr des différences
auffi infenfibles que la reprodu&tion d'unematière métallique,
peuvent fe faire apercevoir avant un très-grand nombre d’an-
néesb. Mais quoi qu'il en foit, je laiflerai des journaux fur
l'état aétuel; & les obfervations poftérieures que je ferai, ainft
que les mines préparées, comme je viens de le dire, pourront
étreconfultées en différens temps: dans les journaux l’on trou-
vera la pofition des mines, déterminée par rapport aux points
cardinaux, & celle de l'iflue qui y eft ménagée, par rapport
* Le puits que l'on garde pour
l'ouverture , eft muré circulairement,
& l’on a ménagé une porte entre des
uartiers de taille qui ferment l'entrée
É la mine; outre les pilliers que les
ouvriers ont laïflés, l'on a conitruit
des fortes d’arcades de diftance en
diflance, pour foûtenir le deflus ; les
parois latérales de la mine font à nud;
& l’on a enchäfié dans ces parois,
des morceaux de taille qui, avec la
paroi, font dans un même plan.
b Les mines d'Elbe des lraliens,
formées par criftallifation , qui ne font
point en fillon, ont eu la réputation
de fe renouveler : Pline en parle *.
Quelques regiftres confervés depuis
long temps en Allemagne, & avec
beaucoup d'ordre, font mention de
mines qui fe reproduifent. Des mé-
tallurgiftes nient la reproduétion : il
faut donc avoir recours à l'expérience.
DES SCIENCES. 303
à des objets prefque inaltérables, des montagnes ifolées &
bien terminées, des rochers ou des objets fi remarquables ;
qu'ils ne pourront être méconnus. Peut-être dois-je mettre au
nombre des expériences dont je ne verrai pas le fuccès, celles
qui fe rapportent aux mines que j'ai enfevelies dans différens
terreins, où l'eau eft déterminée à couler par des pentes qui l'y
conduifent, pour examiner les différences apportées par le
laps de temps, foit aux mines mêmes, foit aux lieux qui les
avoifinent*: j'en ai de beaucoup de fortes expofées à l'air libre,
d'autres mifes à l'abri dans des endroits couverts, ou enfin
dépofées dans le fein des eaux, & garanties dans les lieux où
elles fe trouvent, afin qu'en éprouvant les mêmes mines qui
auront f{ubi différentes épreuves, je puifle juger s’il leur arrive,
par rapport à la facilité de Ja fufion, des différences que on
puifle mettre à profit. Ce qui fe rapporte à ce fujet, offre un
vafte champ à l'expérience & au raïfonnement : la fufion de
la mine & Îa confidération des différens genres de matière
auxquels la mine peut être jointe, la conftruction des four-
neaux la plus avantageufe, l'invention de moyens fimplifiés
pour la fabrication du fer, Îe rapport de Ia cohéfion des diffé-
rentes fontes & des différens fers, certaines manières de dif:
pofer le feu des forges, de façon qu'ils confomment moins
de charbon, la façon d'employer Îe bois pour en tirer ie
meilleur charbon poflble P, & l'économie des eaux , font
des branches qui tiennent directement à l'art des forges, fur.
lefquelles j'efpère pouvoir fatisfaire m acuriofité, & être en
état d'en rendre compte. Je defirerois pouvoir épuifer cette
3 Par une expérience de ces der-
nières années, & qui paroît avoir
été bien faite ; l’on a pü hâter arti-
ficiellement la formation d’un petit
caillou : ne pourroit-on pas faire la
même chofe fur des mines { l’eau dé-
terminée aux endroits où il repofe de
la mine fur de la glaife, ne peut-elle
pas porter dans le voifinage une ma-
tière ferrugineufe diffoutei ne pourra-
t-on pas apercevoir les premiers rudi-
mens de Ja mine de fer dans ces terres,
& comment fe forment les erainsronds
par lefquels on la trouve communé-
ment |
b Il n’y a encore rien de fait dans
aucun Auteur, que je connoifle, fur
cette matière, qui mérite cependant
bien d’être examinée. Quelques per-
fonnes de l’Académie, très- verfées
en Chymie, regardent Ja matière
comme neuve, CC.
304 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE RoyaLE
matière, fi une matière peut être épuifée ; car telle eft Ia
nature des chofes, que plus on Îles examine de près, & plus
on eft convaincu de l'impofhbilité d'y tout voir. Mais n'im-
porte, quand même nos obfervations tendroient à un but
qu'il ne leur feroit pas permis d'atteindre, l'on devroit au
moins nous favoir gré des tentatives, lorfqu’elles ont pour
objet l'utilité du public. Y rendre nos expériences relatives, .
doit être auffi le plus für moyen de les ennoblir.
SUITE
DES SciENCESs 305
SUITE DES RECHERCHES
SUR LA
PLUS GRANDE EQUATION DU CENTRE DU SOLEIL,
Où l’on fait voir qu’elle ne paroit pas conflante.
Par M. LE MonnieR le Fils.
#NUOIQUE j'aie déjà publié à diverfes fois, depuis l'année
| 1737, plufieurs recherches fur la plus grande Equation
du centre du Soleil, dans le deflein d’en découvrir, s’il étoit
poffible, la quantité moyenne, ou du moins d'établir fuccef-
fivement tout ce qui pourroit éclaircir cette matière ; je
n’employerai cependant ici, puifque la queftion devient plus
délicate à traiter & d’un bien plus difficile accès, que deux
fortes d'obfervations aftronomiques d’un genre que je préfère
aux autres, favoir, celles dont les réfultats ont été rapportés
dans l'Hiftoire Célefte ( parmi lefquelles il s’en trouve qui
ont été faites en y employant deux pendules de conftruétion
très- différente, & des meilleures cependant qui aient été fa-
briquées à Paris } & celles que j'ai faites en dernier lieu d’une
manière plus fimple; favoir, en obfervant immédiatement
les paffages au méridien, par le fecours d’un inftrument beau-
coup plus grand, plus parfait & bien mieux fixé que celui
dont j'avois été obligé de me fervir il y a quinze ans, c'eft-
ä-dire, au temps de mes premières recherches.
C'eft ainfi que j'éviterai d'entrer dans d’aflez Iongues dif-
cuffions, puifqu'on feroit fondé à m’objeéter que l'ancien
quart-de-cercle mural dont je me fervois en 1733, n'étoit
pas fixé à un mur aflez. folide ; & que d’ailleurs, il y a lieu
de croire qu’à différentes heures du jour, ce même inftru-
ment qui eft attaché par trois points pris dans fa carcafle,
a dû être affujéti aux variations caufées par le froid & le
chaud, ce qui a dû, fur-tout en automne, le faire changer de
Mém. 1747. -@q
6 Septembre
ET
306 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
forme, comme j'ai eu foin d’en avertir en 1743, à l’occafion
de quelques réflexions que j'ai publiées forfqu'il fut queftion
du Catalogue général d'Etoiles fixes.
On ne fera donc plus furpris que j'aie cefé prefqu'entière-
ment de me fervir de l’ancien quart-de-cercle mural, &
qu'aux années qui ont précédé celles où j'ai fait ufage du
nouveau que j'ai fait conftruire ( inftrument où l'on a évité
plufieurs défauts qui étoient trop vifibles fur nos anciens )
j'aie, dis-je, employé dans la recherche de la plus grande
équation du centre du Soleil, la méthode des hauteurs cor-
refpondantes, laquelle me paroïfloit pour lors la plus décifive
dans la recherche du lieu du Soleil ; quoiqu'à la vérité ce foit
la méthode la plus pénible, & qui demande les plus longs
intervalles de temps écoulé à la pendule.
Or avant qu'on eût perfeétionné le quart-de-cercle mural,
ou que l’on eût pratiqué ma manière d'obferver en plein jour,
les hauteurs correfpondantes des Etoiles pour les comparer
au Soleil ; & qu'enfin les Aftronomes euflent été avertis par
les exemples rapportés dans l'Hiftoire Célefte de Flamfteed,
(ou, fi l'on veut, par ce que j'en ai dit en 1737) de la
vraie route qu’il faut tenir lorfqu'il eft queftion de déterminer
les afcenfions droites des aftres, il n’étoit guère poflble à
ceux qui ont voulu conftruire des Tables du Soleil, de dé-
terminer, avec une exactitude fufhfante, la plus grande équa-
tion du centre de fon orbite. Ainfi il importe peu que
Flamfteed la fuppofe, conjointement avec M': Newton &
Halley qui l'ont adoptée, de 14 $ 6’ +, ou en nombres ronds,
de 14 56”; puifque les obfervations qu'il rapporte dans fon
Hifloire Célefle, font fujettes aux inconvéniens dont j'ai
parlé ci -deflus : les erreurs même de l'aberration dont les
loix ne lui ont pas été connues, ne pouvant abfolument être
évitées par les moyens qu'il indique. j
Ainfs depuis 51738 jufqu'en 1740, j'ai fuivi l'un des
deux procédés que j'ai d’abord indiqués dans ce Mémoire; &
ayant établi au commencement du printemps & de l'automne
de chaque annce, <es afcenfions droites apparentes du Soleil,
DES SCIENCES. 307
j'en ai déduit dans l’ Hifloire Célefte, la plus grande é équation
du centre, de 14 $ 5’ 20 ou 25": je donnerai bien-tôt au
public, le détail de toutes ces obfervations, dans Île Recueil
de mes obfervations de la Lune, que je me füis propolé de
publier fücceflivement. On y trouvera auffli les obfervations
faites pendant l automne de l'année 1 7 39, auretour du voyage
que j'ai fait à Amiens par l'ordre du Roï; lefquelles n'ont pas,
à beaucoup près, donné la même certitude que celles du
premier Avril, n'ayant pas été vérifiées par les hauteurs cor-
refpondantes & ne m’étant fervi pour lors que de l'inftrument
des paflages, mais dont j'ai tiré cependant quelques conclu-
fions, depuis que j'ai connu entièrement les défauts de ie
de cet inftrument. On y trouvera auffi celles de 1741,
du commencement de l’année fuivante, lorfque Procyon a Pr
obfervé en dernier lieu dans le parallèle du Soleil, à la lunette
immobile de nos deux anciens quarts-de-cer clé muraux &
que la différence en afcenfion droite a paru la même, tant à
celui de M. Picard auquel je comparois le Soleil avec l'Etoile
à FObfervatoire royal, qu à l'autre de la rue des Pofes, Pair
s'étant peu échaufté le même jour 4 Avril 1742. J'ai même
publié pour lors, le réfultat de ces dernières obfervations, qui
donnoiïent la différence en afcenfion apparente entre Je Soleil
& Procyon àmidi, de 984 o $" 24".
Or, au 4 Avril de cette année 1747, j'ai déerininé de Ia
même manière à mon nouveau quart -de-cercle mural, la
différence en afcenfion droite apparente éntre Je Soleil &
Procyon, favoir, au moment de midi, de 9 8d 20’ 30", d où
Jai tiré la plus grande équation du centre, d'énviron 0°
plus grande qu’en 1739, & fenfiblement plus grande qu 'en
1742: La phafe de la Lune étoit à très-peu de chofe près
la même dans ces deux derniers cas, cette planète ayant pañlé
bien au delà de 1a dernière quadrature, & tendant à fa con-
jonétion au Soleil, ce que je rapporte afin qu'on fe donne
bien de garde d'attribuer (fuivant les nouvelles Tables de M:
Euler) à l'action de la Lune, les différences trouvées ci-
deffus.
Qqi
308 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Müis parce qu’on pourroit objeéter que fuppofée l'inégale
préceffion des équinoxes, il peut y avoir quelqu'erreur dans
mon réfultat, à caufe de l'inégalité, tant du moyen mouve-
ment du Soleil que j'aurois négligée, que celle de l’afcenfion
droite apparente de l'étoile que j'aurois pû employer (la théorie
de ces deux élémens n'étant pas encore fuffifamment dévelop-
pée) je réponds qu'il y a un moyen d'éviter fenfiblement les
érreurs qui pourroient provenir du défaut de ces deux élémens;
car il fuffit de doubler l'opération, n'étant pas abfolument né-
ceflaire de connoiître l’afcenfion droite apparente de l'Etoile,
pourvû que la mème étoile, ou quelqu'autre dont la diftance
foit connue, ait été fix mois après, ou fix mois auparavant,
comparée immédiatement au Soleil.
En attendant que j'aie vérifié avec le nouvel inftrument
des paflages, la moyenne différence en afcenfion droite
entre l'étoile & du Verfeau & Procyon, foit fuppofée
l'afcenfion droite apparente de cette étoile 3284 11° 33".
Or, le 28 Septembre 1746, le Soleil ayant paflé dans le:
parallèle de & du Verfeau, j'ai déterminé à mon nouveau
quaïrt-de-cercle mural, leur différence en afcenfion droite, de
143428" 12"+, & je l'avois trouvée le 25, c’eft-à-dire,
trois jours auparavant, 1464 10°23"2+; mais je préfère l'ob-
fervation du 28 Septembre, à caufe que le Soleil & l'Etoile
pafloient à même hauteur fur l'inftrument. J'obfervai auff
ce jour-là quatre hauteurs correfpondantes du Soleil, qui
m'ont donné à o"+ près, le vrai midi; & par conféquent la
déviation du quart-de-cercle mural, d'où j'ai déduit l'afcen-
fion droite de cette Etoile, en la comparant avec le paffage
de Procyon qui a fuivi immédiatement. J'ai réitéré cette
comparaifon des deux Etoiles, le 2 Oétobre de la même
année.
La correétion de Fépoque étant connue par là, je trouve
que l’obfervation du 4 Mars, donne le lieu du Soleil Y 144
18° 55", & la plus grande équation du centre, de 14 $ 6/00*
pour le commencement de 1746.
ARE A
PTE
DES SCIENCES 309!
OBSERVATIONS
BOTANICO-METEOROLOGIQUES
POUR L'ANNEE M. DCCXLVI.
Par M. pu HAMEL.
JANVIER 1740.
pe s gelées qui avoient commencé dans le mois de Dé-
cembre, continuèrent les premiers jours de Janvier. Le
dégel commença le 6 par un temps couvert & fans prefque
de pluie, de forte qu’on aperçut rarement le foleil jufqu’au
(#5 que le vent tourna au nord, & qu'il recommença à
geler : la gelée continua jufqu'à la fin du mois ; mais le
temps étoit fort agréable, parce qu'il ne faifoit prefque pas
de vent, & que le foleil étoit fort beau.
Les bleds étoient beaux & bien verds, fans être trop forts.
FE PRIE. R
La gelée de Janvier avoit pénétré dans les terres labourées
à près d'un pied de profondeur ; maïs Îes premiers jours de
Février le vent tourna au midi, il plut un peu, & la terre
dégela entièrement. Le 8 le vent tourna à l'oueft, il tomba
trois pouces d’épaiffeur de neige, & il recommença à geler.
Le ro, le vent tourna ou nord, le temps s’éclaircit, & la
gelée continua jufqu'au r 9 que le vent tourna au midi. Ïl ne
tomba point d'eau ; néanmoins la terre qui étoit gelée à fix
pouces de profondeur, dégela entièrement.
Lez2r, le vent retourna au nord, il tomba un peu de
neige, & il recommencça à geler. Comme le foleil paroïfloit,
il fondit la neige aux endroits qui y étoient expolés, il
dégeloit le jour la fuperficie de la terre , mais le deflous:
reftoit gelé, & la neige ne fondoit pas aux endroits expofés.
au.nord.
Qg ïüj
17 Juin:
1747:
310 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
DA RES
Comme le temps a été fort variable pendant ce mois, je
fuis obligé de m'étendre un peu fur les obfervations météoro-
logiques. Le 1°", le 2 & le 3, if pleuvoit de temps en temps,
& le 3 il fit un vent de fud-oueft forcé; néanmoins la nuit
le thermomètre étoit quelques degrés au deflus du terme de
la congélation.
Le 4, le vent tourna au nord & au nord-eff, il geloit les
nuits, & le jour il dégeloit au foleil; ce qui dura jufqu'au 8,
qu'il tomba beaucoup de neige par un vent de fud, mais
elle fondoit aufli-tôt.
Le 9 &le 10, grand brouillard Je matin, & pluie le refle
du jour.
Le r1,le12 & le 13, vent de nord violent, & gelée
aflez forte pour faire defcendre le thermomètre à fix degrés
au deflous de zéro.
Le 14, neige affez abondante par un vent d'efl.
Le 15, vent d'oueft, brouillard & petite pluie, le temps
fort adouci.
Le 16, vent de nord & pluie froide.
Le 17, le thermomètre defcendit la nuit à quatre degrés
au deffous de zéro; le matin le vent tourna au fud, & il plut
un peu. |
Le 18, il gela la nuit par un vent de nord; mais le matin
le vent tourna au fud, l'air s’adoucit, & le temps paroifloit
difpofé à l'orage.
Le 19, il tomba affez de neige, par un vent de fud-oueft,
pour couvrir la terre, & cette neige ne fondoit pas. Sur les
10 heures, quoiqu'il y eût aflez de nuages pour cacher les
étoiles, on aperçut une aurore boréale qui déclinoit vers le
nord-oueft, & on voyoit des jets de lumière & des efpèces
d'éclairs. Sur les dix heures & demie, il plut aflez abondam-
ment pour faire fondre la neige.
Le 20, comme il avoit gelé [a nuit par un vent de nord-
oueft, le matin tout étoit couvert de verglas, le vent fe calma,
Del Sy: S CAE AN € ms 310
le temps refta couvert toute la journée, & le foir il tomba
un peu de neige,
Le 21, le vent tourna au nord, il gela, le temps fut cou
vert, & le foir il tomba encore de la neige.
Le 22, au matin, le vent étoit encore au nord, & il avoit
gelé aflez fort; le vent tourna par Poueft au midi, & il neige,
mais on remarqua que les nues les plus élevées chafloient”
toûjours du nord au fud.
Le 23, le vent étant au nord-eft, il fit beau toute Ia jour-
née, & le foleil fit fondre toute la neige des jours précédens.
Le 24,il gela fortement la nuit par un vent de nord;
mais comme le ciel étoit ferein, le milieu du jour fut aflez
chaud.
Le 25, il gela le matin par un vent de nord-eff, il fit beau
tout le jour, & le foir il y eut une aurore boréale avec jets
de lumière. :
Le 2 6, il gela encore un peu le matin par un vent de nord-
eff, il fit beau tout le jour, & affez chaud vers le midi.
Le 27, il fit beau & doux toute la journée, le vent étant
à left, & le hâle deflécha la fuperficie de la terre.
Le 28 & le 29, le vent varia de l’eftau fud, le temps fe
couvrit de nuages & paroïfloit difpofé à l'orage; néanmoins
il ne tomba que quelques gouttes d'eau.
Le 30 & le 35, il plut un peu davantage, & le 30 on
entendit trois à quatre coups de tonnerre.
On voit que le commencement du mois a été froid, plu-
vieux & neigeux; le milieu plus beau, mais froid; que vers
la fin le temps seft adouci, & que de temps en temps il
a plu affez abondamment.
Il na prefque pas été poffible de travailler à la terre pour
les mars jufqu'au 20 , ce qui retardoit beaucoup les ouvrages,
les gelées empêchoient les vignerons de tailler la vigne.
Les neiges & les pluies du commencement du mois ont
beaucoup groffi les rivières.
Le 19, les crocus printaniers étoient en fleur.
Le 23, il y avoit quelques boutons d'abricotiers en fleur:
12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le 26 & le 27, on vit beaucoup de mouches & quelques
papillons citrons.
Le 28, les boutons des poiriers groffifloient, & Ia vigne
pleuroit.
Le 30, onentendit croaffer les grenouilles, & on vit quel-
ques pupus:
Enfin le temps étant propre pour faire les mars, les fer-
miers en profitoient & ufoient de toute la diligence poffble,
& les vignerons fe prefloient d'achever de tailler la vigne,
27: D CA 20 18 186
Le 1er & le 2, le vent variant du fud à l'oueft, il
tomba de temps en temps des pluies froides.
Depuis le 3 jufqu'au 17, le vent ayant varié de left à
l'oueft , il tomba par intervalles de la pluie, le foleil parut
aufli de temps en temps, & l'air fut aflez doux.
Le 12, le vent tourna au nord; il commença à geler,
ce qui continua jufqu'au 17. Le 14 & le 15, le thermo-
mètre defcendit à plus de deux degrés au deflous de zéro.
Le 17 &le 18, le vent étant tourné au fud, pluie abon-
dante, mélée de grèle,
Le 19, le vent ayant refté au fud , l'air fort doux, pluie &
tonnerre.
Le 20 & le 27, vent du fud, le ciel couvert de nuages,
& de temps en temps un peu de pluie.
Le 22, le vent tourna au nord, & y refta jufqu'à la fin
du mois. Le temps fut prefque toûjours couvert, il plut fré-
quemment , & fouvent il geloit les matins.
Au commencement de ce mois les narcifles étoient en
fleur, & on ne voyoit encore de fleurs de violette qu'aux
endroits bien expolés, il n'y en avoit point d'épanouies
dans les bois. Les feuilles des grofeilliers épineux étoient
ouvertes.
Le 10, on aperçut quelques hirondelles.
Les fortes gelées du r 5 , endommagèrent quelques abri-
cotiers & pêchers. Les autres arbres n'étoient pas affez avancés
pour
?
4
DES FS CT 'EËN GER 319
pour être endommagés. Les après-midi, quand le foleil paroif-
foit, on voyoit quelques lézards, & les abeilles qui patifloient
beaucoup, alloient chercher leur nourriture fur les grands
buis de forêt qui étoient en fleur , de même que les cyprès.
Malgré les fraicheurs, les avoines les premières faites ,
levoient affez bien, mais la feuille du bled jaunifloit, fur-
tout dans les terres légères.
Quelques cyprès que nous avions plantés au commence-
ment du mois, eurent les extrémités gelées; mais ceux qui
étoient anciennement plantés, ne furent point endommagés.
Le 17, on trouva les premières morilles.
Le 20 au foir, les chauves-fouris voloient, les pêchers
étoient en pleine fleur, & les boutons des tilleuls étoient
prêts à s'ouvrir.
Le 24,on vit des hirondelles domiciliaires ; car celles qu'on
avoit vües auparavant, ne faifoient que pafler. Les boutons
des poiriers étoient aflez ouverts, pour qu’on püt compter
les fleurs, & les charmilles commençoient à verdir par le bas.
Le 26, on entendit pour {a première fois chanter le
roffignol.
Le 29, les grofeilliers rouges à grappe étoient en pleine
fleur.
Pendant tout ce mois la récolte des morilles a été abondante.
M A L
Le 1°, le 2 & le 3, il y eut des coups de vent de
fud violens, il y a eu de temps en temps des verfes d’eau,
& le foleil paroifloit auffi par intervalles ; mais l'air a toû-
jours été froid &-incommode. Néanmoins le 2 il tonna
violemment, & le tonnerre tomba fur un moulin de notre
voifinage.
Le 4, le vent au fud-oueft, le ciel chargé de nuages, l'air
doux.
Le 5, le vent à l'eft, peu de: nuages , le foleil très-chaud.
Le 6, le vent a varié du nord à left, Fair a été doux, le
ciel beau. ‘
Mem. 1 74 7: ,Rr
314 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le 7, le vent au nord-eft, le ciel beau, l'air très-chaud.
Les 9, 10 & 11, le vent au nord, l'air chaud, le ciel
beau.
Le 1 2, le vent au nord, il s’éleva un nuage de nord-oueft,
& il tonna.
Le 13, le vent nord, l'air très-chaud, le ciel beau.
Le 14, le vent au nord, Fairtrès-chaud, difpofé à l'orage,
le foir tonnerre fans pluie.
Le 15, le vent au fud, l'air chaud, le foleil piquant, il
tonna toute l'après-midi, & il tomba un peu d’eau.
Le 16, le vent à l'oueft, l'air chaud, le temps couvert :
le foir tonnerre & un peu d’eau.
Le 17, le vent au nord, il s'éleva des nuages fur le midi,
il tomba le foir une petite rofée, & il éclaira fans tonner.
Le 18, le vent au fud & violent, il plut abondamment,
& à plufieurs reprifes.
Le 19, le vent au fud, il tonna, & il plut affez abon-
dimment.
Le 20, le vent à l'oueft frais, & entre les nuages il venoit
de temps en temps des rayons de foleil qui étoient fort
chauds.
Le 21, vent au fud-oueft, le ciel chargé de nuages, le
temps difpolé à l'orage, un peu de pluie.
Le 22, le vent au nord, le ciel chargé de nuages, le vent
frais, des rayons de foleil fort chauds : il tonna & tomba un
peu d’eau.
Le 23, le vent au nord, il tonna au loin toute la nuit,
& il tomba un peu d’eau.
Le 24, vent de nord, le temps fut couvert, & il tomba
un peu d'eau.
Le25$, vent nord-eft, grand tonnerre, peu de pluie,
Le 26 & le 27, vent au nord-eft, le ciel couvert : des
rayons de foleil fort chauds, le temps difpofé à l'orage.
Le 28, le vent nord, grand tonnerre, pluie & grêle, {a
nuée venant du fud.
Le 29, le vent au fud, le ciel chargé de nuages : une
DES S\C'IVENN GES, 315
nuée s'éleva du fud-eft, & il y eut un orage très- violent,
tonnerre, pluie, grêle, tourbillons de vent.
Le 30 au maun, le vent étoit à l’eft, il tourna au fud :
il tonna, & le tonnerre tomba en plufieurs endroits : il Y
eut peu de pluie, mais elle étoit froide.
Les productions de la terre étoient peu avancées au com-
méncement dé ce mois. Le 2, les boutons à fruit du noyer
commençoient à s'ouvrir : les fleurs de cette efpèce de prune
qu'on appelle {a jaune hätive, étoient épanouies ; & les tilleuls
de Hollande commençoient à {e garnir de feuilles.
Le s, on aperçüt un petit fcarabé jaune, qui précède
ordinairement les hannetons.
Le 6 au foir, on aperçût quelques hannetons. Les ceri-
fiers précoces étoient en pleine fleur, tout profitoit à la cam-
pagne ; la vigne pleuroit, & fes boutons commençoient à
s'ouvrir: depuis le commencement de ce mois, on avoit
fait une ample récolte de morilles blondes, ce qui annoncçoit
qu'il n'en paroîtroit bien-tôt plus.
Le 7, les boutons des pommiers étoient prêts à s'épanouir,
les poiriers étoient en pleine fleur, & les guigniers défleu-
rifloient. On a commencé à apercevoir aux bonnes expofr-
tions, quelques grappes dans les boutons de la vigne : les
bleds paroifloient clairs, jaunes & fatigués.
Lerr,il yavoit des leigles en tuyau : les pêches & quel-
ques efpèces de cerifes étoient nouées, Les poiriers com-
mençoient à défleurir, & les pruniers étoient en pleine fleur :
les boutons du müûrier commencoient à s'ouvrir.
Le 1 3,on defiroit de l'eau pour les avoines. parce qu'après
de grandes humidités le hâle étant devenu fort grand , le
deflus de la terre étoit dur comme de 1a brique.
Le 1 4, les poiriers étoient défleuris, la fleur des pommiers
-commençoit à fe pañler, & les coignaffiers étoient en pleine
fleur : on voyoit des bourgeons de vigne qui avoicnt trois
ou quatre pouces de longueur ; en un mot, les pluies & la
chaleur faifoient beaucoup avancer les productions de la terre.
Les vignerons étoient fort occupés à faire les foffes & à
femer les haricots. Rr ij
316 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le 16, les cytiles ou ébéniers commençoient à fleurir, &
les bleds reprenoient de Ja verdeur.
Dès le 17, les fermiers travailloient à force à lever les
gucrets : le deffus de la terre étant fort dur, la terre fe levoit
par grofles mottes, ce qui n’eft pas défavantageux pour cette
façon.
Les pluies du 18 & du 19, faifoient à merveille aux me-
nus grains. Les grofeilles étoient déjà fort grofes, les fruits
rouges qui avoient commencé à fleurir par le froid, faifoient
fort mal: on ne pouvoit encore rien dire des fruits à pépin.
L'épine blanche étoit en fleur.
Le 23, la vigne avançoit beaucoup, les bleds étoient très-
verds, & les menus grains faifoient des merveilles : les feigles
commençoient à épier, & derrière les maifons on voyoit
déjà quelques épis en fleur. Les vignerons piquoient les écha-
lats, les vignes poufloient avec une force furprenante; mais
des grands orages qui furvinrent vers le 28, fatiguèrent beau-
coup les bourgeons qui étoient tout couverts de terre &
fanés : il y avoit des bourgeons de rompus, des feuilles de
coupées ; & en général, la verdure avoit beaucoup fouffert.
Le 31, les cerifes précoces & les fraifes commençoient à
rougir, les feigles & les fainfoins étoient en pleine fleur.
Ce mois a été très-chaud & très-humide, puifqu'il s’eft
pafié très-peu de jours fans pluie & fans orage, qui ont fait
beaucoup de défordre, parce qu'ils étoient prefque toüjours
accompagnés de vents violens & de grèle. Les pluies ont fait
pouffer beaucoup d'herbes dans les vignes & dans les guérets,
où l'on pouvoit à peine en trouver au commencement du
mois.
Ces pluies faifoient beaucoup de tort aux potagers, elles
écrafoient & enterroient les jeunes plantes qui ne failoient
que de lever; & dans les jardins bas les limaces dévoroient
tout, mais les arbres poufloient avec une force étonnante.
JUIN.
Le 1°", vent de fud au matin, brouillard épais, enfuite
=
Free
mens rer REMmN atEr Is I
Je ciel chargé de gros nuages, des rayons de foleil fort chauds,
le foir grand tonnerre, pluie & grêle.
Le 2, le vent variant de left à l'oueft, grand brouillard fe
matin, ciel chargé de nuages, des rayons de foleil fort chauds.
Le 3 & le 4, le vent au nord-eft frais, le foleil chaud, le
ciel chargé de gros nuages; le foir, tonnerre & un peu de
luie.
Le 5, le vent au fud, le ciel chargé de nuages, on entendit
quelques coups de tonnerre, point de pluie.
Le 6, le vent au fud, le foleil chaud, le ciel chargé de nua-
ges, pluie abondante fans tonnerre.
Le 7, le vent au nord & frais, le foleil chaud, le ciel beau.
Le 8, le vent au fud & frais, le foleil chaud, le ciel chargé
de gros nuages, le foir pluie douce.
Le 9 & le 10, le vent fud, il plut à plufieurs reprifes.
Le 11, le vent fud & frais, grand brouillard à midi, le
foir pluie abondante.
Le 12, le vent au fud-oueft, pluie continuelle & froide.
Le 13, le vent fud, il plut à plufieurs reprifes.
Le 14, le vent au fud-oueft, il plut à plufieurs reprifes.
Le 15, le vent au fud-oueft violent & froid: il plut un
peu, & le ciel fut toüjours couvert.
Le 16, grand vent de fud-oueft, il plut abondamment,
Vair étoit froid & incommode; néanmoins le thermomètre
ne defcendit pas au deffous de 1 o degrés au deffus de zéro.
Le 17, le vent à l'oueft violent, il tonna & il plut afez
abondamment.
Le 18, le vent au fud-oueft violent, le ciel couvert, point.
de pluie, fair froid ; le thermomètre à 1 2 degrés au deflus
de zéro. :
Le 19, le vent à l'oueft, un peu de pluie, le eiel couvert ;
le thermomètre à r3 degrés au deffus de zéro.
Le 20, vent à l'oueft, le ciel chargé de nuages, le foleit
chaud : il tomba un peu d'eau.
Le21, le vent au nord frais, le ciel chargé de gros nua-
ges : fur le midi il tomba une verfe d'eau.
Rr ii
318 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le 22, le vent au nord frais, le ciel chargé de gros
nuages, des rayons de foleil fort chauds : il plut un peu.
Le 23 & le 24, le vent au nord, le ciel chargé de nuages,
il ne tomba point d'eau.
Le 25, le vent au nord-eft, le ciel chargé de nuages :
petite pluie.
Le 26, le vent varia du nord-eft au nord-oueft, Pair
chaud, le ciel chargé de gros nuages, tonnerre, pluie abon-
dante.
Le 27, le vent nord-oueft, air chaud, ciel chargé de gros
nuages, foleil piquant.
Le 28, le vent fud chaud, le ciel chargé de nuages, fans
pluie.
Le 29 & le 30, vent fud, air chaud, pluie abondante.
La connoiffance des effets eft ordinairement la route qui
conduit aux caufes phyfiques. C’eft dans cette vüe qu'on fait
des expériences fans nombre fur l'électricité, & qu'on oblferve
la marche des Comètes ; pourquoi ne pas faire auffi une
collection de tous les effets du tonnerre? la multitude bizarre
des accidens qu'il caufe, fe rangeroit fous différentes claffes,
& ce qui paroïtroit d'abord aux uns fimplement curieux, &
enticrement inutile aux autres, pourroit, en comparant un
grand nombre d'obfervations, fervir dans la fuite à donner
une idée du principe.
Le 1er, le tonnerre tomba dans les champs, entre deux
ouvriers qui travailloient pour nous; ils furent renverfés :
deux autres hommes de leur compagnie furent éblouis par
Péclair ; ils ont rapporté qu'ils eurent le même fentiment que
s'il fût tombé fur eux, & particulièrement fur leur chapeau
une grande quantité de grêle : revenus à eux dans l'inftant,
ils coururent relever leurs camarades, qui fe plaignoiïent d’une
grande douleur de tête; & dans l'inftant ils virent fortir de
terre, à l'endroit où le tonnerre étoit tombé, une fumée
groffe comme un mulon de foin. Les deux hommes renver:
{és par le tonnerre, en ont été quittes pour uné faïgnée, &
un mal de tête qui leur a duré quelques jours.
DES. SC. L'E NC E & 31
Le même jour Neuville, les Coutures, Roche-plate,
Malesherbes, Nanteau, & plufieurs autres paroiïffes, furent
défolées par la grêle. Il ne refta pas une vitre à la grande face
du château de Malesherbes, les vignes & les bléds furent ha-
chés, les feuilles des arbres couvroient la terre ; & le lende-
main à $ heures du foir, il y avoit encore dans les foflés, de
la grêle d'un demi-pied d'épaifleur.
Le 2, le tonnerre tomba fur le prefbitère de Bouilly, il
entra dans un grenier où il y avoit de lavoine, qu'il porta
d’un bout à l'autre du grenier ; de là il paffa dans la chambre
où étoit le Curé, il cafla une armoire, fendit une tête à per-
ruque, & fe diffipa fans faire d'autre défordre.
Le même jour, à Auzy proche Barville, le fonneur, fon
fils & fon gendre, fonnant pour diffiper la nuée, le tonnerre
tomba fur le clocher. On trouva le fonneur dans le confef-
fionnal, le gendre fur les marches de l'autel, & le fils à côté,
tous trois fans connoiflance. Ils n’avoient aucune blefiure,
mais ils avoient perdu l'efprit : les déux jeunes gens font
revenus de leur égarement d’efprit en quelques jours, il leur
reftoit feulement un tremblement involontaire : le père avoit
la tête tournée fur l'épaule, & les bras renverfés. Nous n’a-
vons pas fu précifément ce qui eft arrivé à cet homme, j'ai
entendu dire qu'il étoit mort peu de temps après.
Le 4, les feigles étoient prefque défleuris , lon n’atten-
doit que le beau temps pour couper les fainfoins. Le roffignol
ne chantoit prefque plus : le raifin qui paroiffoit aux vignes,
fembloit promettre une demi-année : les bleds & les avoines
failoient aflez bien. dans les bonnes terres. On fervoit en
même temps fur la table, les fruits de l’année dernière,
comme les bergamotes.de Bugi & de Hollande, les pommes
de rainette & de calleville d'hiver; & les fruits hâtifs, comme
la cerife précoce & les fraifes. Les orangers commençoient à
fleurir , des pois verds n'étoient plus rares.
. Le 16, la vigne fleurifloit mal, prefque tous les fainfoins
étoient fauchés ; on enavoit ferré les jours précédens environ
»n quart qui nétoit pas parfaitement {ec : en fauchant les
320 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
fainfoins, on avoit vü des caïlletaux : ordinairement les œuts
ne font pas éclos.
Le 20, ies bleds fleurifloient bien , la fleur de [a vigne
avoit peine à s'ouvrir. On travailloit à tirer de terre les
oignons de fafran qui étoient fort beaux, & Ia quantité
d'oignons qu’on tiroit de 2 $ perches, fufhfoit pour en planter
Go. On ferroit les fainfoins qui étoient paflablement {ecs.
Le 22, les bleds étoient en fleur, & les feigles commen-
çoient à jaunir. Les grofeilles commençoient à rougir,
Le 26, la vigne fleurifloit lentement, les rivières étoient
grofles, & les fources poufloient abondamment.
Les melons faifoient fort mal, & ce qu’on regarde encore
comme un mauvais pronoftic pour fa vigne, les fruits des
fureaux avoient coulés.
Le mauvais temps a fait difparoître les cantharides, avant
w’elles aient fait beaucoup de dommage aux frênes. Mal-
gré l'humidité, les légumes ont peu profité, apparemment à
caufe de la fraicheur de l'air.
INTEL LyBiT.
Le 1er, le vent au fud, le ciel chargé de nuages, fans
luie,
ï Le 2, le vent au fud, il plut à plufieurs reprifes, l'air
chaud, & tonnerre.
Le 3, vent à l'eft, tonnerre & pluie abondante,
Le 4, vent au fud, le foleil fort chaud le matin, grand
brouillard, des nuages pendant le jour, le foir des éclairs.
Le $,le vent au füd, il tonna un peu, il tomba une
petite rofée, & l'air étoit très-chaud. Ce qu'il y a de fingu-
lier, c'eft que le dedans des maifons étoit aufi humide qu'il
l'eft l'hiver dans les grands dégels.
Le 6, à minuit & demi, un grand vent du fud éleva une
nuée d'orage. Mon frère obfervant la nuée , aperçut ün éclair
vif & violet, & fur le champ, avant que l'éclair fût diffipé,
il vit un rayon encore plus lumineux, qui tomboit dans un
plan vertical par rapport à lui. Il jugea que le tonnerre étoit.
tombé
TER
DES SCIENCES. 324
tombé à une demi-lieue de lui, & fur le champ il vit une
maifon qui brüloit dans le village d’Acoux; on entendit le
tonnerre prefque toute la journée, & il plut à plufeurs
repri{es.
Jufqu'au 15, le vent fe tint prefque toüjours au fud,
& il ne tomba prefque pas d’eau, quoique le ciel füt prefque
toûjours couvert de nuages; fur les 10 heures du foir, le
thermomètre étoit à 15, 16, 18 degrés au deflus de zéro;
néanmoins les nuits étoient fraîches: & le 1 3, dans les bas,
il y eut des plantes délicates gelées.
Le 15, le vent au nord, le ciel beau, Le foir il éclairoit à
J'oueft.
Le 16, il commença à tonner dès minuit, il ne tomba
que quelques gouttes d'eau, & quelques grains de grêle,
mais 11 tonna prefque toute la journée, & de temps en temps
avec violence. Mon frère vit fortir d’une nuée qui étoit fur
le parc, un jet de feu femblable à une fufée volante, qui tra-
verfa, en defcendant vers la terre, une portion du ciel où
il n’y avoit point de nuages. Il paffa vers ce temps un gros
nuage de grêle, qui faifoit route du midi au nord, & qui
ayant tombé depuis Mérinville jufqu’au Frefne, fit beaucoup
de défordre.
Le 17, il éclaira beaucoup toute la nuit, il y avoit comme
deux foyers d'où fortoient continuellement deséclairs, & quoi-
que ces éclairs ne fuffent point fuivis de coups de tonnerre,
mon frère aperçut plufieurs fois fortir de la nuée des rayons en
forme de fufée, & femblables à ceux qui dénotent quelque-
fois que le tonnerre tombe. Le tonnerre commença à fe faire
entendre vers minuit, & continua avec affez de force jufques
au jour. II tomba peu d’eau, un grand brouillard parut avec
le foleil par un vent de fud, & Île thermomètre étoit à 20
degrés; le temps fut couvert tout le matin, il s’éclaircit un
peu l'après-midi.
Le 18, le 19 & le 20, le vent au fud, grand brouil-
lard le matin, le thermomètre étant à 19 degrés; toute
la journée, le foleil fut un peu obfcurci par un léger
Mém. 1747: BTE
322 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Rox4Le
brouillard qui étoit en l'air, le foir on vit quelques éclairs,
Le 21 & le 22, le vent au fud-oueft, le temps couvert,
il tomba un peu d’eau à différentes reprifes ; le thermomètre
étoit toüjours à 19.
Le 23 &le 24, le vent étant au nord, le ciel ferein, le
foleil fort chaud, le foir il éclairoit du côté du fud; la nuit
du 25, il commença à pleuvoir, le matin il tonna, & il plut
affez abondamment ; il tonna encore un peu l'après-midi.
Le 26, le temps paroifloit difpolé à l'orage, le thermo-
mètre étoit à 20 degrés au deflus de zéro; néanmoins il plut
un peu fans tonnerre.
Le 27 & le 28, le vent étoit au fud très-chaud & violent,
le thermomètre à 23 degrés; néanmoins il n'y eut ni pluie,
ni tonnerre; il y eut feulement le matin un grand brouillard.
Le 29 & le 30, le vent étant au fud-eft très-chaud &
violent, on entendit quelques coups de tonnerre fort éloi-
gnés, & il tomba un peu d'eau qui rafraichit affez l'air,
pour faire defcendre le thermomètre à 1 8 degrés.
Le 31, le vent étant à l'oueft, il plut un peu le matin &
à midi.
Le 11, les bleds & les avoines étoient bien épiées, & les
feigles commencoient à jaunir. On avoit encore des fraifes
en abondance, & on fervoit des grofeilles, différentes efpèces
de cerifes & de bigarreaux.
Le 17, on fervit la prune qu'on nomme la jaune hâtive,
Le 19, on commença à fcier les feigles, quelques bleds
commençoient à jaunir, mais il y en avoit qui étoient encore
très-verds.
Les brouillards dont nous avons parlé, avoient rouillé;
ou beaucoup endommagé les fèves de marais, les haricots &
les lentilles , les feuilles des arbres en avoient aufli fouffert :
pour les bleds, la plüpart étoient trop avancés, pour être
endommagés par la rouille.
Le 28, on mangeoit encore des cerifes & des bigarreaux:
Le3r;on voyoit des perdreaux gros comme des cailles,
& on férvoit les poires de blanquette. i
2
À
]
|
|
tombé que le 30, encore étoit-ce en petite quantité.
DES SCIENCES. 32
AO: CEST,
Le 1e", vent de fud violent & brülant, il tomba de
Feau à plufieurs reprifes. :
Le 2 & le 3, vent de fud violent, temps couvert; on
entendit tonner au loin, point de pluie.
_ Le 4 & le $, vent de fud-oueft violent & frais, le
Matin pluie prefque continuelle, l'après-midi temps couvert. |
Le 6, vent d’eft, temps couvert, & petite pluie.
* Le 7, ventnord-eft, tonnerre éloigné, petite pluie prefque
continuelle.
« Le 8, vent au fud, le ciel beau & ferein.
Le 9, le 10 & le 11, vent au fud, temps couvert, &
un peu de pluie.
Le 12,le 13 & le 14, vent de nord, quelques nuages,
point de pluie, le thermomètre à 17 degrés.
” Le r$,le 16 & le 17, vent au nord, brouillard le
matin, beaucoup de nuages fans pluie.
Le 18, vent de fud, le ciel couvert, Fair chaud, pluie
abondante l'après-midi.
Le 19 & le 20, le vent à l’oueft, le ciel chargé de nua-
ges, des rayons de foleil brülans.
Le 21, le 22,le 23 & le 24, vent de nord, beau
temps avec quelques nuages.
Le refte du mois, le vent a toûjours été au fud, fou-
vent couvert, & difpolé à la pluie; néanmoins ïl n’en a
: On commença la moiflon des fromens & des avoines
avec le mois, elle fut interrompue par le grand vent du
15, & par quelques jours de pluie; ce qui n’empêcha pas
d'achever la moiffon des bleds avant le 26 de ce mois.
Le 1er, on a fervi la poire qu'on nomme le beau-préfent
& de beaux perdreaux. Lust
Le 2, on travailloit à force à écuffonner les poiriers, Îes
pommiers & les pruniers.
Le 4, on fervoit les noïfettes & les cerneanx.
Sfi
?
324 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare
Le 11, on fervit l'avant-pèche de Troye, & on ferra les
lentilles.
À la fin du mois on fervoit des raifins précoces, les pêches
mignonnes & pourprées, les figues, différentes efpèces de
prunes, & le rouffelet.
SE, PIE MERE
Le 1°7,le 2,le 3 & le 4, vent nord-eft, brouillard
en l'air qui cachoit le foleil.
Le s & le 6, vent au fud, temps couvert, & pluie affez
abondante.
Le 7 jufqu'au 11, le vent au nord, point de pluie,
mais le foleil a peu paru.
Le 12, le vent au nord-oueff, pluie affez abondante.
Le 13 jufqu'au 18, le vent nord-oueft, des nuages, le
foleil par intervalles, point de pluie.
Le 19, le vent au fud, il eft tombé un peu d’eau, le ther-
momètre étoit à 1 6.
Depuis le 20 jufqu'au 24, le vent a été au fud, &
prefque toûjours le ciel fort beau & l'air très-chaud.
Le 25 & le 26, le vent au nord, violent & froid.
Le 27, le vent au nord, il gela blanc le matin, le temps fut
couvert tout le jour, & il plut le foir.
Le 28 & le 29 , le vent au nord, le ciel couvert, point de
pluie.
Le 30, le vent au fud, il plut toute fa matinée.
Nous avons dit que la verdure avoit beaucoup fouffert des
brouillards du mois précédent ; aufli au commencement de
celui-ci les arbres languiflans étoient prefque dépouillés, &
les feuilles des tilleuls & des ormes étoient fort jaunes.
Le 6,onfervoit des chaffelas, mais quin'étoient pas bien mûrs.
Le 26,on mangeoit d’aflez bonnes pêches, des prunes
de perdrigon excellentes, & quelques bons melons; on ne
voyoit prefque plus d'hirondelles,
Les fermiers ont beaucoup avancé leurs labours pendant
ce mois.
DES SCIENCES 325
OCTOBRE.
Le re*, vent de nord, il tomba un peu d'eau à différentes
reprifes avec un peu de grêle.
Le 2, vent de nord, le ciel chargé de nuages.
Le 3, vent de nord, gelée blanche, & le ciel ferein.
Le 4, vent de nord-oueft, gelée à glace, le foir un peu
de pluie.
Le s , vent de nord, ciel chargé de nuages, l'air aflez doux.
Le 6 & le 7, vent de nord, le ciel ferein, le foleïl chaud.
Le 8 & le 9, vent de fud, un peu de pluie,
Le 10, gelée blanche, ciel ferein.
Le 11 & le 12, vent de fud violent, le ciel chargé de
nuages.
Le 13 & le 14, vent de fud , un peu de pluie.
Le 15 & le 16, vent de nord-oueft, gelée blanche, &
beau temps. ;
Le 17 & le 18, vent de nord, ciel chargé de nuages.
Le 19, le 20 &le 21, vent de nord, pluie froide.
Depuis le 22 jufqu'au 28, le vent nord, le ciel chargé
de nuages, fouvent du brouillard, de temps en temps de fa
pluie. |
Le 29, vent de nord violent & froid, le ciel ferein.
Le 30, vent de fud-oueft, l'air doux, le ciel ferein.
Le 3 1, vent de fud, un peu de pluie.
Le s, on fervoit encore des pêches d’efpalier qui étoient
affez bonnes, & da poire de beurré ne faifoit que commencer
à mürir. On cueillit vers ce temps les fruits d'hiver, poires,
pommes, noix, &c.
Le 11, il commença à paroïtre quelques fleurs de fafran;
on commença aufli vers ce temps à femer les bleds.
La pluie du 13 étoit très avantageufe pour les femailles,
& Von fouhaitoit des pluies chaudes pour faire fleurir les
fafrans ; les fraîcheurs qui font furvenues ont fait durer cette.
récolte fort long-1emps : il y avoit encore aux efpaliers des
pêches violettes tardives, mais qui ne mürifloient point.
Sf üjj,
326 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RôYALE
Le 20, les vignes & les tilleuls étoient dépouillés, les
ormes quittoient leurs feuilles, les charmilles étoient fort
jaunes, & l’on ramafloit le gland.
Les femailles étoient prefque faites à la fm du mois, les
bleds les premiers femés commençoient à lever, quoique la
terre füt fort sèche, puifqu'on arrofoit encore dans les
potagers.
A la fin de ce mois, il y avoit encore quelques feuilles
fur les ormes & les noyers, & les frênes étoient entièrement
dépouillés,
NOVEMBRE.
Comme toutes les récoltes & les femailles étoient faites
au commencement de ce mois, il me feroit inutile de m'é&
tendre beaucoup fur les obfervations météorologiques : il me
fuffira de dire en général que le vent de nord a régné pendant
prefque tout ce mois, qu'il y a eu très-fréquemment quelques
gelées blanches, des brouillards, du givre & peu de pluie,
de forte que la terre étoit fi sèche, qu'on ne pouvoit arracher
les arbres des pépinières. Cette féchereffe a fait que la levée
des bleds a été lente; & ce n'a été que les petites rofées, &
fur-tout celles du $, 6 & 7, qui ont fait fortir les bleds de
terre; on ramaffa encore ces jours [à quelques fleurs de fafran.
Le 12, nous fimes femer du gland. .
DECEMBRE.
Ce mois a été doux & pluvieux; & vers la fin les
bleds étoient fuffifamment forts pour fupporter les ri-
gueurs de l'hiver. Comme le mois précédent, Ia terre étoit
trop sèche pour qu'on püt arracher les arbres des pépinières,
nous avons fait toutes nos plantations dans le courant du mois
de Décembre.
do te Etémges > 2 RU
DES SCIENCES . 327
IDÉE GENERALE ET ABREGEE
© de la température de l'air, des productions de la terre ÿ
+ 7 des maladies qui ont régné pendant l'année x 740:
Pendant les mois de Janvier, Février, Mars & Avril, il
n'eft pas beaucoup tombé d’eau : fe commencement du mois
de Janvier a été doux, & le vent au fud; depuis le 15, il a
gelé aflez fort par un vent de nord. Le commencement de
Février fut fort doux; le 10, la gelée commença affez vive-
ment ; il dégela le 19 ; le 20, la gelée recommença, & elle
dura jufques à la fin du mois : les vents de nord & de nord-
oueft ont régné pendant ce mois & le fuivant : il a gelé
prefque toutes les nuits depuis le commencement du mois
de Mars jufqu’au 28 ; le refle du mois a été fort doux: l'air
a été froid & incommode depuis le commencement d'Avril
jufques au 14, qu'il recommença à geler jûfques au 17; l'air
sadoucit jufques au 23, puis les petites gelées recommen-
cèrent jufqu’à la fin du mois, le vent étant très-fouvent nord,
- ln'eff pas tombé beaucoup d'eau pendant le mois de Mai,
la fin a été chaude, orageufe & redoutable pour la grèle, le
vent extrémement variable.
Les mois de Juin & de Juillet ont été pluvieux & ora-
geux, l'air chaud par intervalles, quelquefois fort froid, les
vents étant fréquemment au fud-oueft. Pendant le mois
n. d'Août, le vent a été au fud, le ciel chargé de nuages ; néan-
moins il a peu tombé d’eau.
» Les mois de Septembre, Oétobre, Novembre, ont été
fort {cs , & le vent a prefque toûjours été au nord. I yaeu
pendant les mois de Septembre & OGobre, des jours fort
chauds, fouvent du brouillard, & quelques gelées blanches,
Ï y a eu très-fréquemment de la gelée pendant le mois de
Novembre. |
I! eft tombé beaucoup d’eau pendant le mois de Décembre
qui a été fort doux ; & le vent a prefque toûjours été au fud
&, au fud-oueft. i
328 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
RO AD
La levée des bleds avoit été fort belle, & ils avoient pris
fuffifamment de force avant les grandes gelées pour fupporter
leur rigueur ; prefque toutes les femailles avoient été faites
avec des bleds qui avoient germé; on s’étoit afluré par des
expériences que les bleds qui avoient pouflé un petit germe
qui s’étoit defléché dans le tas, poufloient un nouveau germe ;
ce qui a fait que les fermiers qui avoient beaucoup de bleds
germés, les ont femés préférablement à tous autres, parce
qu'ils étoient moins bons à faire du pain. Ils ont eu néan-
moins l'attention de ne point femer les bleds qui avoient les
germes trop longs; & probablement c'eft pour n'avoir pas été
affez attentifs à cette circonftance, que plufieurs ont été fort
clairs. Si dans les bleds qui n’avoient pouffé qu’un petit germe
de quelques lignes de longueur, il y a eu des grains qui n'ont
pas germé, cela a été réparé par le nombre des grains qui
tenoient dans la main des femeurs (car ces grains étoient
menus) ; d’ailleurs les laboureurs employoient plus de fe-
mences qu'à l'ordinaire. Les gelées de l'hiver n'ayant pas été
fortes, les bleds n’ont pas fouffert, mais il étoit tombé peu
d'eau; & comme l'air fut toûjours froid jufqu'au mois d'A-
vril, les bleds fouffroient dans les terres légères, & ils étoient
fort bas dans les terres froides, ce qui faifoit augmenter le
prix du bled au marché; mais f'air s'étant échauffé dans le
mois de Mai, & quelques orages ayant arrofé la terre, les bleds
poufsèrent avec force; ce qui continua pendant les mois de
Juin & Juillet qui furent chauds, humides & orageux. Le
18 Juin, ils épioient, & il y en avoit en fleur le 22. Le
1 5 Juillet, ils commencoient à jaunir; & la chaleur ayant
continué fans pluie ni foleil, ils mürirent fans être échaudés.
On commença le 1°* Août la moiffon des fromens, qui
ont été ferrés fecs; elle finit le 2 6. La paille étoit courte, nette
d'herbes, le grain étoit de bonne qualité, & on peut eftimer
- da récolte à près de deux tiers d’une-bonne année. Ce bled
eft de garde, & fait de très-bon pain.
Il
DES: SCIENCES. 329
Il:eft bon de dire quelque chofe des bleds de l'année précé-
dente 1745. j
On fait que le temps de la moiffon ayant été très-plu-
vieux, beaucoup de bleds avoient germé dans les champs,
& que prefque tous avoient été ferrés très-humides. Les
bleds qui avoient pouffé des germes de deux & trois pouces
.de longueur, n’étoient propres ni à femer, ni à faire de bon
pain; ils ne pouvoient fervir qu’à donner aux volailles & à
affourer les troupeaux. Ceux qui navoient pouflé que de
petits germes de quelques lignes de longueur , ont fervi,
comme nous l'avons dit, pour les femailles, & on en a fait
de bon pain ; mais ils rendoient peu de farine. Enfin les bleds
qui n'avoient point germé, & ceux-là étoient en petite quan-
tité, faifoient de bon pain, mais ils rendoient peu en farine,
parce qu'ayant été nourris d’eau, ils étoient retraits, c'eft-à-
dire que la fuperficie du grain étoit ridéé : d’ailleurs tous les
bleds qui étoient chargés d’un huitième d'humidité, ont eu
bien de la peine à fe conferver; & fi on n’avoit pas l'attention
de les remuer très-fréquemment, ils s’échauffoient & pre-
nojent une odeur très-défagréable. C’eft pour toutes ces rai-
fons que quoique les granges fuffent pleines, la récolte de
1745 ma pas porté le profit du quart d'une bonne année;
car quatre mines de bled vieux fournifloient autant de pain que
fix de nouveau; auffi le feptier de bled vieux pefant 240 livres
fe vendoit 1 s livres, la même mefure de bled nouveau non
germé, 1 o livres. A l’égard du germé, il y en avoit à toutes
fortes de prix, fuivant fa qualité, de forte qu’on en trouvoit
à 3 livres 10 fols. Les feigles ont mieux réuffi que les bleds,
AUPUONLNIE
Les labours pour les Mars étoient très-peu avancés à la fin
de Février, les gelées ayant empêché de travailler à laterre,
de forte qu’on n’a pû femer les orgesi& les avoines que le
28 du mois de Mars. Comme le hâle étoit grand , les avoines
ont été long-temps à fortir de tefre, elles n'ont commencé
à lever que le 16 Avril : malgré cela, & quoique la faifon
Mn. 1747. .Tt
30 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
füt déjà fort avancée, on a refemé quelques pièces d'avoine
qui étoient trop claires; ce qu'on attribuoit au défaut de la
femence qui s’étoit échauffée dans le tas.
Les orages du commencement du mois de Mai firent des
merveilles aux avoines, qu'on voyoit profiter à vüe d'œil;
mais quelques-unes houloient : c’eft une efpèce de maladie de
Javoine, qui paroiît dépendre d’une trop grande abondance
de fubftance. Il fe forme au pied une efpèce d’oignon, il
fe développe un petit épi, & l'avoine ne profite plus : cepen-
dant, en général, on peut dire que vers la mi-Juin les avoines
étoient fort belles ; mais il y avoit des vers qui rongeoïent
le cœur, & qui faifoient beaucoup de tort en plufieurs ert-
droits. Le 30 Juin, les avoines commençoïient à épier ; à Ja
mi-Juillet, elles étoient très-belles : on a commencé à les
faucher vers le 6 Août: le 20, on a ferré celles qui avoient
été fauchées avant la pluie, les autres ont reflé fur terre pref-
que jufqu'au 1 4 Septembre. Les avoines étoient hautes, &
elles n'ont pas beaucoup rendu de grain; ainfi quoique les
granges fuffent pleines, on n’a pas plus recueilli d'avoine que
l'année précédente : outre cela elles font lécères, & ne nour-
riflent pas bien les chevaux.
VA NS
Dès le mois de Mars, les vignerons avoient remarqué que
Ja moëlle des farmens étoit noire, au lieu d’être verte; ce qui
venoit de ce que le bois n’avoit pas müri l’année précédente.
Le 6 Mai, la vigne pleuroit, & les boutons étoient en
bourre, mais on ne voyoit point encore de bourgeons; le
‘11,0n commençoit à apercevoir quelques raifins : le 14,
il y avoit des bourgeons de trois à quatre pouces de lon-
gueur. On s’aperçut alors que les gelées avoient fait bien du
défordre dans les jeunes plantes, ce qui ne dépendoit pas tant
de la force du fruit, que de ce que le bois n'avoit pas müri.
Les vignes ne montroient pas beaucoup de fruits, fur-tout
les fromentées, encore la plüpart avoient-ils de longues queues
avec des mains; ce qui n’annonce que des grapillons. On
-
4
DES SCIENCES. 33€
efpéroit que les gauas ou gouais qui ne fourniffent pas le meil-
leur vin, pourroient produire une demi-année. Le 1 2 Juin,on
voyoit quelques grappes fleuries, & on defiroit le beau temps
pour prefler la fleuraifon de la vigne. Le 20, les vignes n'é-
toient pas fleuries au tiers; le 29 , la vigne fleurifloit fort
mal, & il y avoit dans beaucoup de grappes des chenilles de
couleur verd-brun, qui avoient la tête brune, alongée &
écailleufe : ces vers enveloppoient les grappes avec la toile
qu'ils floient ; & tous les grains qui étoient renfermés dans
ces fourreaux, étoient bien-tôt pourris.
Le 9 Juillet, on apercevoit quelques verjus, mais beau-
coup de grains étoient en fleur ou n’étoient pas encore fleuris,
& quantité étoient noirs & entièrement pourris; des grappes
entières avoient été coupées par un petit fcarabé verd qu'on
nomme ébourgeonneux. Depuis le 20 , les verjus faifoient fort
bien, mais il en reftoit bien peu le 23 Août; une forte de
petit fcarabé bleuâtre que les vignerons nomment le griboury,
fendoit les verjus dans plufieurs cantons, & faifoit un dommage
confidérable.
Le 1e Septembre, les raifins commençoient à tourner, &
on trouvoit quelques grappes où la moitié des grains étoient
rouges. Avant la moitié du mois, on fervoit des raifins blancs
& noirs; mais s'ils étoient mûrs en apparence, ils ne l’étoient
pas au goût : néanmoins comme les nuits étoient longues &
fraiches, on a commencé la vendange des noirs les derniers
jours du mois.
Le marc, dans les cuves, a pouffé affez promptement une
groffe écume affez rouge qui tout d’un coup s’eftabattue :le vin
aété long-temps à fe faire, & a refté plus long-temps qu’à l'or-
dinaire dans les cuves ; ce qui vient probablement de ce que la
vigne ayant refté long-temps en fleur, il yavoit des raifins qui
étoient.très-mûrs, & d’autres qui étoient très-verds: l’écume
rouge aété produite par les premiers, mais les autres ont été
long-temps en fermentation. Dansle temps de la vendange,
on auguroit très-mal de la qualité des vins; mais ils fe font
faits dans les poinçons pendant l'hiver, & ils ne font pas
sty
332 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
mauvais. On peut eftimer la récolte à une pièce par arpent,
ce qui eft bien peu pour une province qui, dans les bonnes
années, en fournit dix ou douze. Il y a encore eu moins de
vins blancs que de rouges.
FUOOL NES
Comme jufques aux orages du mois de Mai il avoit toû-
jours fait froid & fec, l'herbe n'avoit prefque pas pouffé
dans les prés; mais les orages qui furvinrent la firent poufler
par-tout.
Malgré les orages, on commença le 7 Juin à faucher les
fainfoins ; on eut bien de la peine à les fanner à caufe des
pluies fréquentes : néanmoins vers le 14 on profita de quel-
ques beaux jours, & une partie fut ferrée aflez à propos : il
y en eut beaucoup de perdus.
Le 7 Juillet, on commença à faucher les foins, on travailla
toute la fémaine du 17 à les ferrer, on acheva le 21; &
quoique les orages continuaffent , ils furent très-bien fan-
nés. Ils diminuoient beaucoup en fe defléchant , parce qu'ils
avoient été nourris d'eau : néanmoins l'herbe étoit fi haute &
fi garnie, qu'on peut dire que la récolte des foins a été très-
abondante.
LEGCUMES.
Il y a eu aflez abondamment de pois, de fèves & de Ien-
tilles, mais elles étoient petites.
Les potagers ont fourni beaucoup de légumes, mais les
choux de toute efpèce ont été dévorés par les chenilles. Les
pieds des melons ayant été endommagés, d'abord par la grêle,
enfuite par les pluies, ils ont donné leur fruit fort tard : c'é-
toit bien dommage, car ces melons étoient très-beaux, &
fingulièrement bons pour 14 faifon : on en a fervi de fort
beaux & d'affez bons le 26 Septembre.
S'ACE REATIN À,
La récolte des fafrans a commencé avec le mois de
DES SCIENCES. 333
Septembre. Il eft d’abord venu un peu de pluie qui étoit très-
avantageufe pour faire fortir cette fleur : des gelées font ve-
nues très-mal à propos, & les fafrans ont éié long-temps à
fleurir ; cependant on a été aflez content de cette récolte.
AB EE CIE IE "S:
Le 24 Mars, les mouches fortirent de Jeurs paniers fur
le midi, & allèrent affez loin chercher de l’eau; elles fortirent
encore le 26 & le 27, puis elles reftèrent quelques jours dans
leurs paniers: le 15 Avril, elles ramafloient ‘du miel fur les
buis de forêt qui étoient en fleur. On examina les paniers
auxquels on avoit donné en automne fx livres de miel par
panier, & ils étoient en bon état. Vers la mi-Mai elles fai-
foient leur récolte fur l'épine blanche qui étoit en fleur. Les
pluies les ayant empêchées de profiter des fleurs des fainfoins
& de toutes les plantes qui ont fleuri depuis le 1 $ de Mai
jufqu'au mois d'Août, les provifions de miel ont été fort
petites. Le 24 Juin, les abeilles étoient en grande quantité
fur es picéas. On crut d'abord que c'étoient des jetons qui
ramafloient du propolis : mais comme les abeilles ne s’atta-
choient qu'aux picéas où il y avoit des pucerons, il eft proba-
ble qu'elles étoient attirées par les excrémens de ces animaux.
Le 28 Juin, quelques eflains fortirent : les tilleuls étoient
en fleur, & les abeilles en profitoient pour faire leur récolte.
Le 30, on vifita les paniers qu'on trouva très-fournis de
mouches, parce que les pluies ‘avoient empêché cette nom-
breufe colonie de fortir. Comme elle étoit fouvent retenue
dans la ruche, elle confommoit les vivres, & les paniers
étoïent plus légers que quinze jours auparavant.
Le $ & le 8 Juillet, il fortoit des jetons, mais il étoit bien
tard pour être en état de paffer l'hiver. Le 22 , les abeilles
commençoient à tuer les bourdons:on travailla le 10 Août
à les changer de paniers, pour les envoyer fe"remplir avant
Thiver dans les pays de bruyères & de farrafin : on retira
très-peu de miel, encore étoit-il de médiocre qualité, On
compte que, l'un dans l'autre, trois paniers doivent produire
ti
334 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
un quintal de miel & deux livres de cire par vingt livres
de miel : une partie de 250, qui devoit, année: com-
une, rendre fépt à huit milliers de miel, n’en a rendu cette
année tout au plus que deux milliers. Ceux qui n'ont point
envoyé leurs mouches profiter des fleurs automnales, ne les
ont point changées, & ont été obligés de leur donner du miel
pour paffer leur hiver. L'automne ayant été fec, & les bruyè-
res ayant bien fleuri, il y avoit des paniers qui augmentoient
de ro livres de pefanteur par femaine; & les abeilles qui ont
été à portée de profiter de cette fleur , ont fait une affez
grande provifion pour pafler l'hiver, Depuis 172$, on n'a-
voit point vü les paniers en aufli mauvais état qu'ils l'étoient
cette année, quand on les a changés. Après ce que nousavons
dit plus haut, il eft aifé d'en apercevoir la raifon. Les orages
émpêchoient les mouches de fortir de leurs ruches, & rete-
noïent les jetons qui confommoient les vivres; & probable-
ment les pluies d’une partie du printemps & de l'été lavoient
les fleurs, & diminuoient la quantité & la qualité du miel.
Au commencement du mois d'Odtobre, il eft venu quel-
ques beaux jours dont nous avons profité pour donner du
miel à nos abeilles, qui n’ayant pas été tranfportées, n'avoient
pas affez de provifions pour paffer l'hiver.
FREE UT TN
I y a eu peu de fruits rouges, les grofeilles ont coulé,
mais les fraifes ont duré long-témps; prefque point d’abricots,
médiocrément de pêches, les plus hâtives n'avoient pas de
&oût , les autres étoient fort bonnes, quoiqu'elles euffent
eu de couleur, parce que pendant toute cette année le
foleil n'a prefque pas été pur. La violette tardive n'a pas
müri. On n’a pas eu beaucoup de figues, mais elles étoient
excellentes. Nous avons eu de toutes les efpèces de prunes,
même du perdrigon, qui ef l'efpèce de prune qui coule le plus
fouvent : néanmoins dans la Touraine & dans plufieurs au-
tres endroits, les prunés ont manqué abfolument. Il y a eu
aflez de poires, une quantité prodigieufe de pommes, dont
D'Es' ScrEnNer's 3
beaucoup de particuliers ont fait du cidre pour fuppléer à la
rareté du vin. On a eu un peu d'amandes & de noifettes,
beaucoup de noix, mais qui n'ont été bonnes qu’en cerneaux;
elles fe font vuidées en fe féchant, & n’ont pas mème été
propres à faire de huile. Cette huile, qui coûte ordinaire-
ment 1 5 livres le cent, en coûtoit 40. Les chênes ont beau-
coup donné de gland.
\ CHANVRE.
Les chanvres paroïfloient très-beaux fur pied, mais il s’en
faut beaucoup qu'ils aient été auflr bons que l'année précé-
dente : ils font tendres, ce qui arrive ordinairement danses
années humides.
ANSE CAT Es,
La campagne n'a pas été défolée par les infectes. Le 4
Mai on vit de ces petits fcarabés jaunâtres qui précèdent
ordinairement les hannetons ; on en vit dès le 5 au foir
quelques-uns. II n’y en a pas eu une grande quantité; ainfr,
quoiqu'ils aient fubfifté jufques à la fm du mois, ils n’ont
oint fait de tort aux arbres. Le 3 1 Mai parurent les can-
tharides qui rongèrent toutes les feuilles d’une quarantaine de
nos frènes; & tout d’un coup elles difparurent fans endom-
mager les autres. Il y a eu peu de chenilles. Vers le 2
Juillet, on vit une grande quantité de papillons blancs qui
voloient autour des choux; on en voyoit encore le 10
Août. Le 20, on commença à apercevoir des chenilles
qui dévoroient toutes les efpèces de choux. Comme la plü-
* part de ces chenilles, fuivant l'obfervation de M. de Reaumur,
étoient pleines de vers, j'en mis dans un bocal avec des
feuilles de choux : les vers fortirent, comme le marque M.
de Reaumur, & les chenilles ne paroiffoient pas en fouffir;
cependant toutes celles que j'avois ainfi renfermées, font
mortes quelques jours après la fortie des vers, qui fe“ilèrent
fur fe champ des coques de couleur de citron, d'oùi 1 fortit
peu de jours après, de petits moucherons.
336 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE
Les teignes du bled & les charençons ont fait cette année
un défordre confidérable dans tous les greniers ; & je ferai
remarquer, en paflant, que ni l'un ni l'autre de ces animaux
n'a endommagé le grain que je conferve dans les greniers
dont je rendis compte l'année dernièreà l’Académie.
GIBIER.
Il y a eu fort peu‘de lièvres & de cailles, & les orages
da printemps ont fait périr une quantité prodigieufe de nids
de perdrix : il y a eu beaucoup d’alouettes dans l'automne.
BE AS TUE A; DAX.
Les chevaux n'ont point été attaqués de maladies conta-
gieules, non plus que les bêtes à laine. Jufques au mois de
Novembre nous avions été préfervés de cette maladie con-
tagieufe qui a tant fait périr de bêtes à corne dans le Royaume;
mais un marchand de Chilleur, bourg fitué à deux lieues de
Pluviers, fur le bord de la forêt d'Orléans, ayant acheté dans
des pays contagiés, des vaches 24 livres, qui lui en auroient
coûté 60 dans d'autres pays, il en garda trois, & en mit
trois autres à Laprès, village voifin de Chamerolle. Ces
fix vaches moururent, & donnèrent la maladie aux autres
vaches, qui périrent toutes : quelques jours après, la contagion
fe déclara à la porte de Pluviers dans les pâturages de l’Ardoife.
Les précautions qu'on prit pour empêcher la communication,
ont arrêté le progrès de cette maladie. Je crois que c'eft la
feule précaution qu'on pouvoit prendre, & l'unique moyen
de prévenir la propagation de cette pefle; mais ce moyen
eft quelquefois d'une très-difficile exécution.
EP AND:
Les fources ont pouflé avec force pendant toute l'année,
même celles qui étant élevées fur la côte, tariflent fouvent ;
les pluies & les neiges ont outre cela occafionné plufieuts
débordemens.
MALADIES
DES SCIENCES. 337
MAL A DITES
… Le Journal fuivant eft extrait, pour Orléans & es envi-
rons, des Mémoires qui m'ont été fournis par M. Arnault de
Nobleville Médecin du Roi de cette ville, & pour les envi-
rons de Pluviers, des Journaux que tient M. de Mulcaille
Médecin du Roi.
JANVIER.
A ORLÉANS. Les éruptions éréfipellateufes du mois
dernier continuent avec violence, & beaucoup de petit
peuple en eft attaqué, il y a auffi bien des fluxions fur les yeux,
fuite des rougeoles qui ont été épidémiques fur les enfans, lorf
qu'on a négligé de les purger, ou quand le froid a fupprimé
une partie de l’éruption qui fe devoit faire par la peau. On a
remarqué que la fimple décoétion de guimauve avoit mieux
réuffi, pour baffiner les yeux des enfans, que les collyres les
plus vantés. L'humeur qui diftille fur les yeux, eft fi âcre &
{1 mordicante, qu'il y en a peu qui n'aient des taies fur la
conjonctive, & la pupille ulcérée: on purge de temps en
temps, ce qui paroît faire affez bien; mais le mal eft opiniâtre.
Le temps froid & fec, à la fuite d'humidité, nous a acca-
blés tout d'un coup de rhumes & de fluxions de poitrine,
qui ont pris avec tant de violence, que plufieurs en font
morts au bout de quelques jours, c’eft-à-dire, à la fin du
trois ou du quatre de leur invafion, malgré tous les remèdes
ufités en pareil cas,
A PLuviers. Il n'y a eu aux environs de Pluviers que
quelques rhumes & quelques fluxions de poitrine,
FEVRIER.
A ORLÉANS. Toûjours des rhumatifmes, des rhumes, des
crachemens de fang, & quelques fluxions de poitrine, mais
moins vives que celles de l'autre mois. Les enfans font fur-
tout attaqués de toux violentes qui ne viennent point de
J'eflomac, les purgatifs n’y faifant rien; au lieu qu'ils font
Mém. 1747: , Vu
38 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
foulagés par l'ufage des apozémes & des loochs adouciffans.
Les afthmatiques ont efluyé de fâcheux paroxyfmes ; &
plufieurs apoplexies que nous avons eu à traiter, ont été
mortelles,
À PLuvrers. Les maladies du mois précédent ontcontinué,
MARS.
À ORLÉANS. Les fièvres intermittentes de cette année
paroiffent extiémement rebelles, fouvent de tierces elles
deviennent quartes, & enfuite quotidiennes : il eft très-diffr-
cile de les fixer pour long-temps par le quinquina, elles
reparoiflent au bout de quelques femaines.
Le paffage fubit du chaud au froid nous a ramené beau-
coup de rhumes & de fluxions de poitrine; il a paru auffr
beaucoup de fièvres continues avec des redoublemens qui
portent à la tète, & qui occafionnent un délire continuel
à ceux qui en font attaqués; cependant elles ne font pas fcheu-
fes, & quelques faignées du pied avec force lavemens, ont
tiré les malades d'affaire.
A PLuviers. Comme le mois précédent,avec quelques
fièvres intermittentes.
AVRIL.
A ORL£ÉANSs. Les fluxions de poitrine font toûjours
violentes; les fièvres double-tierces continues du mois dernier
deviennent plus communes & plus rebelles ; les malades déli-
rent continuellement, ont le vifage rouge, les yeux enflammés :
ils ont de fréquentes envies d'uriner, fans prefque rendre
d'urine, qui eft très-claire, pâle & fans fédiment; ce qui efl
fuivi dans quelques-uns d'un état d'afloupiflément. Nous
employons les faignées du bras, du pied, & les véficatoires,
ui nous font un meilleur effet que les autres remèdes; les
malades ont fa langue aflez belle, & ne fe plaignent ni de
paufées, ni de douleurs d'eftomac : il a paru fur plufieurs, dès
le commencement de la maladie, des éruptions pourpreufes,
& du millet ou pourpre blanc; ceux-ci ont eu, au 1 8 de
CREER
DES VSACUINENN Ci ÉIS. 239
Ja maladie, des parotides, lefquelles ont été la crile qui les a
auvés. Plufieurs tant enfans qu'adultes, ont été attaqués de
fluxions humorales occupant la joue & la mâchoire inférieure
d’un côté; cette maladie eft appelée par le peuple A/angon.
À Pzuviers. Point de maladies épidémiques.
MAL
À ORLÉANS. Nous avons beaucoup de fquinancies, dont
quelques-unes ont été mortelles; il y a auffi bien des fièvres
tierces qui ne font fuivies d'aucun danger, mais il paroît
depuis quinze jours nombre de fièvres continues putrides ,
qui enlèvent bien du monde, quelque méthode qu'on em-
‘ploie pour les traiter. Les malades font toûjours attaqués, dès
les premiers jours, d’un délire avec une pefanteur de tête à
laquelle fe joint un dévoiement {éreux, qui devient livide &
noir vers le 10 de la maladie; ils rendent fouvent des
paquets de vers, le pouls eft précipité, mais mol, il s'échappe
quelquefois fous le doigt; les foubrefauts des tendons font
fréquens, & paroiflent dès le 7 de la maladie; le o & le
11, il furvient fouvent des faignemens de nez, qui quelque-
fois ont terminé la vie du malade, n'ayant pû être arrêtés.
Le fang que l'on tire eft tenace par fa partie rouge, la fuper-
ficie en eft grile, & la férofité huileufe ; la langue des malades
n'eft pas noire, imais chargée & limoneufe. Le 12 ou le 14
eft le terme de ceux qui meurent de ces fièvres; & ceux qui
en réchappent, ne le font qu'à la faveur d'une bouffflure
univerfelle qui tempère la fièvre, & qui les met en état
d'être purgés avec avantage. La méthode qui réuffit le mieux,
eft de faire vomir d’abord après deux faignées, &:d'employer
enfuite Jes laxatifs , autant qu'il eft poffible, mais peu de
faignée. Quelques. malades ont eu fur la-fin des éruptions
dartreufes fur le bas - ventre, de la largeur d’un écu.
Aux environs de PLuviEers. Des fièvres malignes avec
des éruptions miliaires, fueurs abondantes & cours de ven-
tre. Les cordiaux ont été pernicieux; l’émétique précédé de
faignées, & füivi de légers narcotiques ,'a mieux réufli,
Vuï
340 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Dans d’autres villages, beaucoup de pleuréfies & de péri-
pulmonies. Le kermès minéral donné au commencement
de la maladie, a bien réufr.
JUIN.
A ORLÉANS,. Il y a peu de malades, excepté quelques:
fièvres intermittentes & quelques diffenteries, dont les enfans
font attaqués dans le petit peuple, mais elles n'ont pas de
fuites ficheufes. Les fièvres continues putrides fubfiflent
encore, mais fans danger pour ceux auxquels on donne les
purgatifs. Quelques Chirurgiens de campagne en ont traité
par des faignées abondantes, & ceux-là ont péri. Le temps
devenu plus froid fur la fin du mois, a caufé des rhumes,
des maux de gorge & des rhumatifines.
A PLuviers. Les fièvres malignes du mois précédent
ont gagné dans d’autres villages, avec cette différence, que
les fueurs n'étoient pas fi abondantes; les malades qui en
réchappoient , refloient quelque temps imbécilles & fans
mémoire; les véficatoires ont été employés avec fuccès.
LL dr EEE
A ORLÉANS. Les fièvres putrides continuent toüjours,
mais plus à la campagne qu'à la ville. H y a auffr nombre de:
fièvres tierces légitimes; mais fans danger. Il paroît des fiè=
vres rouges, & quelques coliques bilieufes vives, qui cèdent
aux narcotiques & aux adouciffans. I commence à régner
des fièvres double-tierces continues, fans complication de
levain dans les premières voies. On emploie la faignée avec
faccès dans leur curation. H y a eu auffi beaucoup de fièvres
intermittentes qui ont cédé à une faignée, & au quinquina
rendu purgatif.
A PLuviers. I] y a eu encore des fièvres malignes,
pied charbons, quelques Co/era morbus, & beaucoup de
èvres intermittentes dans la eampagne.
AOUST.
A ORLÉANSs. Les fièvres double-tierces continues, qui
purgatifs firent des merveilles.
; DES SCIENCES 341
ont fuccédé aux fièvres putrides, ont augmenté, mais fans
beaucoup de danger. Il a paru quelques coliques bilieufes
& des diflenteries..
Les fièvres doubletierces, dont plufieurs devinrent conti-
nues, furent épidémiques, Tout le monde en fut attaqué ;
cependant elles furent fans danger : de violens maux de tête
les accompagnèrent. La méthode qu'on employa pour les
traiter, fut de beaucoup rafraîchir par des boiflons convena-
bles, de donner des lavemens fimples avec l’eau de fon &
les feuilles de mauve, de faigner du bras & du pied, fuivant
la violence des fymptomes, & de paffer enfuite aux laxatifs ;
car quoique ces fièvres euflent commencé par des vomifie-
mens bilieux, ceux qui employèrent d'abord l'émétique, ne
s’en trouvèrent pas bien, & il paroifloit néceflaire de tem-
pérer beaucoup, avant que de fonger aux évacuations par les.
felles. 1 y eut auffi dans a campagne de petites véroles dif
crêtes, & des fièvres rouges, mais fans danger. Dans ces
derniers cas on faigna une ou deux fois, fuivant la force de:
l fièvre, on tempéra la bile par une limonade légère, ou de:
l'eau de poulet pour boiffon; & quand l’épiderme fe deffécha ,
on purgea doucement avec la caffe, les tamarins, & le {el de:
Glauber.
A Pzuviers. Beaucoup de fièvres intermittentes, accom-
pagnées de vomifiemens bilieux & de cours de ventre; quel-
ques faignées, l'eau de poulet émultionnée, puis de légers
H y eut dans quelques villages des pleuréfies & des fqui-
pancies.
SEPTEMBRE
À ORLÉANS. Les fièvres. tierces & double-tierces fe
font étendues dans toutes les campagnes des.environs de cette:
ville. I! paroifloit que la bile mife en mouvement y entroit
pour beaucoup; car le fang que lon tiroit, & les autres.
évacuations étoient très-bilieufes. I y avoit auffi des Cora:
morbus, & des flux de ventre bilieux, qui marquoient que
Vu iif
342 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
c'étoit la même caufe qui dominoit; enfin, ce ne fut qu'en
tempérant & en adouciflant beaucoup, qu'on vint à bout de
les calmer, avant de pafler au quinquina; du refte, elles
n'étoient point dangereufes, étant bien traitées, finon elles fe
changeoient en fièvres miliaires, mêlées de pourpre, qui fai-
foient périr les malades en très-peu de temps.
A PLuvienrs. Les fièvres intermittentes du mois précé-
dent ont continué: il y a eu des fièvres miliaires qui n’ont
point été fâcheufes; mais les fièvres malignes n'ont cédé à
aucun remède.
0" C"T'O'B R£EE:
AORLÉANS. Les fièvres des derniers mois ont fubfifté
en quantité, & ont été les feules maladies régnantes, à la ré-
ferve des rhumes & fluxions de poitrine caufés par les vents
de nord. Entre tous les remèdes qu'on a mis en ufage pour
détourner ces fièvres, les feuilles de cacis infufées dans le vin
blanc, ont paru affez bien faire, & ont en plufieurs occafions
mieux réuffi que le quinquina. On a employé ce remède, ou
en faifant précéder la faignée & la purgation, ou fans prépa-
ration. Il ne nous a pas paru produire aucune évacuation fen-
fible, & ceux qu'il n'a pas guéris n'en ont pas été plus mal.
A PLuviers. Les fièvres intermittentes de toute efpèce
ont été très-fréquentes : dans un bourg voifin de cette ville;
il y a eu fept malades affligés de fièvres malignes & léthar-
giques : ils ont été guéris par quelques faignées, l'émétique
à petite dofe & fouvent réitéré, & enfin les véficatoires; mais
quatre de ces malades ont perdu la mémoire pendant deux
MOIS. 4
Il y a eu quelques diffenteries qui ont cédé au vitrum anti-
monii ceratum, & aux calmans.
N'OVE M:BR E.
A ORrLÉANS. Les fièvres intermittentes épidémiques,
ont cefé; & il n'y a eu de rechütes que pour ceux qui nefe
font pas bien gouvernés dans leur convalefcence.
DES SCIENCES. 343.
. ya eu des rhumes, des maux de gorge & quelques fqui-
nancies : il y a eu aufli des coliques d’eflomac & de bas-
ventre, qui n'ont pas été fuivies de dévoiement; elles- ont
cédé aux remèdes adouciffans, & il n’eft mort perfonne.
A Pruviers. Des fièvres putrides, des fièvres quartes,
des pleuréfies, des hydropifies, des diarrhées, des rhuma-
tifmes, & beaucoup d'apoplexies qui ont toutes été mortelles,
MEVCG EM: BAR.E.
A ORLÉANS. Il y a eu peu de maladies, excepté des
rhumes, des maux d'eflomac caufés par le vice des digef-
tions, & des rechûtes des fièvres des mois pafiés.
: À PLuvIERSs. Il y a eu les mêmes maladies que les mois
précédens, mais en petite quantité,
344 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
PROBLEME DE DYNAMIQUE.
Par M. le Chevalier D’AR c y.
Lû en 1743. C ES Mémoires ont été Iüs à l'Académie avant que j'euffe
l'honneur d'en être, & c’eft par une faveur particulière,
dont je fuis très-reconnoiflant, que l'Académie veut bien
qu'ils foient imprimés dans fon volume. Comme ils roulent
tous les trois fur la Dynamique, & que celui qui a été là en
1747, n'eft que la fuite, ou l'application du principe de
Dynamique , que je donne dans les précédens, j'ai cru
ue le mieux étoit de les imprimer tous les’ trois à la fuite
l'un de l'autre, afin qu'on püt voir fur- tout la liaifon des
deux derniers Mémoires, & l'application de mon principe
de Dynamique dans toute fa généralité.
Fig. 1. Soit fur un plan horigontal le triangle A BH de maffe donnée,
placé de manière que le côté BH foit retenu dans une rainure,
Soit de plus un corps P venant frapper ce triangle, fuivant la
direion P À perpendiculaire à BH. On demande le chemin du
corps P après le choc (le triangle © le corps P étant fuppofés
fans reffort).
Fig. 2. Je commence par fuppofer que toute [a maffe du triangle
foit réunie en À, & que À H & BH foient des lignes in-
flexibles & fans mafe, tenant au corps placé en À, & équi-
valent au triangle entier. Je cherche enfuite quelles feroient
les viteffes, & les direétions des corps À & P, file corps
À étoit frappé par le corps P, dans un point où la tangente
feroit À B, & où le plan ne s’oppoferoit pas au mouvement
du corps À.
# Dans cette vûe, foit pris la droite P À pour exprimer
la vitefle du corps Pavant le choc; & foit décompofé cette
vitefle en deux autres PC, AC, dont l'une AC foit per-
pendiculaire, & l'autre PC parallèle à la ligne À 2. I eft
évident que le corps P frappe le corps À, avec la viteffe
perpendiculaire
DES SCIENCES. 34$
perpendiculaire AC: or Yon fait par les loix du choc des
corps durs, que les deux corps, après le choc, iront tous
deux avec la même vitefle, dans la direction du choc : &
de plus, l'on fait que leur centre de gravité marche avec
la même vitefle, dans cette direction, avant comme après
le choc; d'où l'on voit que la fomme des produits de chaque
*_ corps par fa vitefle, avant le choc, eft égale à la fomme des
deux corps multipliés par leur vitefle commune après le
choc ; c’eft-à-dire que fi D À exprime la vitefle des corps
après le choc, dans la direétion du choc, & AC la viteffe
du corps ? dans la même direétion, avant le choc, l'on aura
. P. AC
P. AC— (A+ P).DA,& AD = Eu-
fuite pour trouver la direction & la viteffe réelle du corps 2,
il faut prendre, 1° À B — PC, parce que le corps P n’a
rien perdu de fa vitefle dans la direétion AB: & 2° BF
parallèle & égale à AD ; alors À F exprimera la vitefle &
la direction du corps ? après le choc, & À D Ja direétion
& la vieffe du corps A.
Préfentement le changement qu'apporte Ia réfiftance du
plan, eft que le corps À, au lieu de parcourir AD, ne peut
parcourir que la ligne À Q; c’eft-à-dire que pour faire l'équi-
valent de Îa réfiftance du plan À B, ïil faut imaginer que
pendant que À décrit AD, & P, AF, le plan fur lequel les
corps font placés, foit tranfporté dans la direétion DQ per-
pendiculaire à B ; de façon que lorfque À arriveroit en D
fur le plan mobile, il feroit arrivé en Q dans l'efpace réel,
& de même Pferoit arrivé en G, FG étant égal & parallèle à
DQ\; d'où l’on voit que les triangles BE H, FG B font fem-
blables, & par conféquent que BH : BG ou AQ :: B&
ou AC : BF'ou AD; mais AC: AD :: A+ P:P,
donc HG : GB ou AQ :: A: P; d'où l'on voit que pour
trouver la direction du corps P qui choque le triangle 4 BA,
il faut prendre HG: GB :: A:2.
Mém. 1747: XX
Fig. 2:
Fig. 2.
Fig. 3.
346 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
REMARQUE.
Nous venons de voir que lorfqu'un corps P venoit frapper
un triangle À 8 A, dans une direétion perpendiculaire à
B H, le corps P décrivoit une Îigne À G, en forte que
HG: GB ::AHB : P; à préfent je dis que fi dans un
point quelconque Q, lon donne au corps P une vitefle plus
grande dans la direction perpendiculaire à BA, cela ne chan-
gera pas la direction du corps P; car fi le triangle étoit en
repos, & que l'on donnät à ce corps P cette plus grande
vitele, il décriroit la même ligne qu'il auroit décrite avec
l'autre vitefle; & par conféquent cette augmentation de
vitefle, avant le choc, augmente fa vitefle après le choc,
fans changer fa direction ; d'où il eft aifé de conclurre qu'en
confidérant la pefanteur comme une accélération réitérée à
chaque inftant, dans une direction perpendiculaire à HB,
le corps P auroit la même direction À G, mais des vitefles
différentes.
CoROLLAURE.
Après avoir confidéré ce qui arrive à un corps lorfqu'it
vient frapper un triangle, il ne refte plus qu'à trouver ce
qui arriveroit à une courbe 4 B, qui feroit frappée par un
corps P, la courbe 4 B pouvant glifler fur la ligne 4,
perpendiculaire à la direction PA du corps P.-Pour y par-
venir, il étoit naturel de chercher ce qui arriveroit au corps P,
s'il venoit frapper une figure terminée par deux lignes droites
confcutives, comme À 8, B1:ïl eft évident, par ce que
nous avons vü, que lorfque le corps auroit frappé la figure
en À, il continueroit à fe mouvoir dans une ligne droite À 6,
pendant que la figure À A 7 marcheroit dans la direction
1H; mais lorfque le corps P feroit arrivé en b, B y feroit
arrivé aufli : & comme le corps P a une viteffe dans la direc-
tion Gb, & la figure À HI une vitefle fuivant ZA, ilfaut
donc que la viteffe du corps ?, dans la direétion Gb, foit
à la viefle du plan À B 7H dans la direétion 7 À, comme
Gb à &B: ox pendant que le plan parcourt 2 & dans cette
D E:S:1S CAEN GENS: 347
direction, le corps P parcourt G 4 dans la direfion GB;
_ muis G à eft à BP comme la maffe du plan eft au poids P,
par conféquent les viteffes parallèles à /11 de ces corps font
en raifon renverfée des corps mêmes.
D'où l'on voit que la queftion fe réduit à celle-ci : zrouver
la diredtion que prend le corps P après avoir choqué le triangle
ABH, ce triangle ayant une vielle fuivant BH, qui eff à 4
viteÿle du corps P fuivant P D, comme la malle du triangle ABH
ef? à la maffe du corps P.
Pour réloudre cette queflion , je remarque que la vitefle
du corps P, exprimée par P À, fe décompofe en deux PD
& DA, l'une parallèle, l'autre perpendiculaire à AB; &
que la vitefle D À pourroit être telle, que le corps P glifle-
roit fur Ja ligne 4 2 fans la choquer. Suppofons que 4 À
foit la partie de la viteffle D À qui rempliroit cette condi-
tion, il s'enfuivroit, par la remarque précédente, que la
direction du corps P, après le choc, feroit la même, foit que
le corps ait la vitefle D À ou 4 A dans la direétion AD,
pourvû que la vitefle PD foit à la viteffe g 5 du plan,
comme la mafle du plan eft au corps P. Par conféquent pour
avoir la direétion du corps P lorfqu'il eft arrivé en p, ilfaut tirer
bg per pendiculaire à Æ 2, & prendre g5:s ic ABHAI.P,
D'où il eft aifé de voir, que pour avoir la Lite que décrit
le corps P qui, ceflant d'être en repos, tombe le long du
plan 4 BH, il faut divifer une ordonnée quelconque Q N
au point #; en forte que Qu: Nn:: ABH:P, & que An
fera la courbe que décrit le corps.
On tireroit encore de tout ceci, que le centre de gravité
des plans & du corps defcend dans une ligne verticale ; car
Nn exprimant la viteffe horizontale du corps P, & Qn ce
du plan, il s'enfuit que P x Nr — ABH x Qu, donc, &c.
J'ajoûterai ici une démonftration fimple, d’une propriété
générale des corps qui tombent animés par Îa pefanteur,
tandis qu'un point-de ces corps.eft retenu dans une rainure
horizontale : voici cette propriété. { Voy. la fig 8).
Soient deux corps P, Q animés. par la pefanteur : foit
Xxij
Fig. 6.
Lû en 1746.
Fig. 1.
348 Mémoires DE L'ACADÉMIE RoyarEe
retenu le corps Q dans la rainure horizontale À B, & que
l'on donne de plus une impulfion quelconque au corps P;
je dis que la vitefle du centre de gravité des corps P & Q,
dans la direétion À B, fera uniforme.
Pour le démontrer, fuppofons deux autres corps p,q égaux
& femblables aux corps P, Q : de plus, fuppofons-les fem-
blablement placés, & qu'ils aient reçû des impulfions dans
des directions fymmétriques, il eft évident que tout ce qui
arrivera au fyflème PQ, arriveroit au fyflème pq; mais fr
on place le corps g dans la rainure 4 B, & que p foit animé
d’une pefanteur pr contraire & oppolée à PR, les deux corps
P & p marcheront avec la même vitefle. Si on joint ces
corps enfemble, & que l’on ôte la rainure, ils marcheront
encore avec la même vitefle & dans la même direction, que
fi la rainure étoit reflée; par conféquent le fyflème peut
être fuppofé libre, & que la pefanteur foit repréfentée par
l'action des deux corps P, p: par conféquent le centre de
gravité des corps ?, p, Q, 4, marchera avec une viteffe uni-
forme dans la direction À B ; donc le centre de gravité des
corps P & Q, marchera dans la mème direction & avec la
même vitefle uniforme.
COROLLAIRE.
Si le corps ? part du repos, animé par la pefanteur, e
centre de gravité defcendra dans la verticale, puifqu'alors if
n'aura aucune vitefle horizontale.
PRINCIPE GENERAL DE DYNAMIQUE,
Qui donne la relation entre les efpaces parcourus à les
temps, quel que foit le [yflème de corps que l'on confi-
dère, à quelles que foienr leurs aëtions les uns für
Les autres.
Sorexr À, 2,0, &c.un yflème de corps qui ont reçt
chacun des impulfions quelconques, & qui agiflent les uns
fur les autres d'une façon quelconque, foit par des fils, des
DES SCIENCES. 349
lignes inflexibles, ou par des loix d’attraétion, &c. Soient
de plus Aa, Bb, Ce, &c. les arcs que ces corps décrivent
dans le mème temps. Je dis qu'en tirant d’un point fixe ©,
pris à volonté, les lignes © À, Oa;0 B, Ob; OC, Or &c.
la fomme réfultante des produits des différens fecteurs À Oa,
BOb, COc, par leurs mafles refpeétives 4, B, C, fera toû-
jours une quantité proportionnelle au temps.
Si l'on fuppole en premier lieu, que ces corps n'agiflent
pas les uns fur les autres, mais que chacun d'eux marche dans
une ligne droite, avec une vitefle uniforme, la vérité de ce
principe paroïtra évidente ; car les feéteurs décrits par chaque
corps étant proportionnels au temps, leurs produits par des
mafles éonftantes, étant ajoûtés es uns aux autres, donne-
ront toüjours une fomme proportionnelle au temps.
Enfuite pour reconnoître la vérité du même principe, lorf-
que les corps agiflent les uns fur les autres d’une manière
quelconque, imaginons, 1° qu'ils n'aient reçû aucune impul-
fon, & qu'ils ne fe meuvent par conféquent, qu'en vertu de
leur aétion réciproque. Que Aa, Bb, €c repréfentent les
- direétions que prendroient les corps À, B,C, par les forces
avec lefquelles ils agiflent les uns fur les autres; & que OR,
OP, OQ, foient les perpendiculaires abaiflées d'un point
fixe quelconque, fur ces trois directions.
Si on imagine enfuite, que dans le moment que fes corps
À, B,C, poufiés par leur force réciproque, font prêts à dé-
crire les efpaces Aa, B.4, C&, ils viennent à être attachés les
uns aux autres, de maniere à ne pouvoir changer leur fitua-
tion refpeétive : qu'on fuppole, par exemple, qu'ils foient
fixés aux équerres OR A, OPBP, OQC, lefqueltes ne fau-
roient changer d'inclinailon entrelles, on verra fans peine
que les efforts des corps 4, £, C, lefquels fe font fuivant
Aa, Bb, Cc, doivent fe faire équilibre; car on fait qu'un
corps, dont toutes les parties font liées enfemble, ne peut
recevoir de mouvement de leur ation réciproque, mais les
efforts des corps 4, B,C, font 4 x Aa x OR, B x Bbx OP,
CxCGcxOQ); donc A4 x AaxOR+ BxBbxOP=ÇG
Xx ii}
Fig. 2,
Fig. 4.
350 MÉMOIRES DE L'ACADÈMIE RoYALE
x Ce x OQ, c'eft-à-dire que la quantité À x Aa x OR + B
x Bb x OP — C x Ce x OQ, où fon égale AO a x A
BOB AB CO C0:
Cela polé, fuppofons à préfent que les corps 4,C, B
parcourent les lignes Dé, Ee, Ff dans un inftant quelcon:
que, il eft clair qu’ils parcourroient dans-un fecond inftant,
égal au premier, les lignes 4 4, e B, & fC égales aux lignes
D d, Ee, Ff; mais ces corps agiflant les uns fur les autres,
décrivent, en conféquence de En action pendant le même
temps, les lignes Aa, Cc, Bb: de plus, par ce que nous
venons de ire les triangles AOa, BOB, COc,
multipliés chacun par leurs maffes correfpondantes, expri-
ment les efforts qui fe font équilibre, c'eft-à-dire que
AOax A+ BOb x B—COc x C— 0; & on avoit và
précédemment que AO d x A+ eOB xB+fOCxC
eft proportionnel au temps : on aura donc, en retranchant la
quantité AO a x A+ BObx B—COcxC—=o
de {a quantité AOd x À + e0B x B + fOC x C:
cette autre équation /AOd — AOa) x À + (e0B
— BOb) x B+ (fOC + CO«) x € = AOd
x A+ e0B x B + fOC x C, qui fera auffi toûjours
proportionnelle au temps. Or fi on examine la quantité
(AOd — AO a) x A+ (0 B — Bob) x B + (e0C
+ COc) x C, on voit qu'elle n’eft autre chofe que 40 À
x À +4 bOe x B + [OC x C'; donc cette quantité efk
proportionnelle au temps. €. Q. FT.
REMARQUE JL
Si on fuppofe le fyflème compolé féeulement de deux corps
A, B, & que ce fyflème fe meuve autour de; fon. centre de
gravité, fuppolé en repos, l'on aura par le principe précé=
dent, ACa x À +- BC& x B proportionnel au temps;
muet x A:BChbx B::AC'xA:BC'xB,&par
la condition du centre de gravité AC x A = BCxB;
donc AC a x A: BCbx B:: AC. BC :: B: À, ceftà-
dire, en raifon conflante; donc AC a x À, & par conféquent
|
|
|
DES \S QT EN CES, 351
Aca eft proportionnel au temps, ce qui montre que le prin-
cipe des forces centripètes de Neyton, ou la première loi
de Képler, n'efl qu'un cas particulier du principe que je viens
d'expofer.
REMARQUE Il
On tire de ce principe la démonftration d’un théorème,
qui fera fort utile pour la folution du problème des trois corps
qui s'attirent fuivant une loi quelconque. Soient 4, 2, C
trois corps qui agiflent les uns fur les autres ; je dis que ces
trois corps tendent vers un même point à chaque inftant :
que AO, BO, CO repréfentent les directions que ces corps
tendent à fuivre; ces trois corps doivent faire équilibre au-
tour d'un point quelconque : que © foit ce point, il eft
évident que les corps À & B ne peuvent donner de mouve-
ment de rotation; mais de corps €, s'il né tend pas vers O,
donnera un mouvement de rotation. Or par mon principe,
ilne peut y avoir de mouvement de rotation, par confé-
quent le corps C tend vers O. C:Q.ÆT.
. On voit par tout ce qui a précédé, la fécondité de ce
principe, qui peut fervir non feulement pour la théorie de
la Lune, mais encore: pour expliquer les dérangemens de
Saturne & de Jupiter, dans le temps de leur conjonétion.
Cependant fans entrer ici dans aucun détail de cette efpèce,
je me réduirai à réfoudre quelques problèmes de Dynamique
qui, à la vérité, ont déjà été réfolus, mais que ma méthode
donne avec tant de facilité, -que j'ai-cru les-devoir remettre
fous les yeux de Académie.
Je réfous ici ces problèmes, fans me fervir des fecondes
différences, & j'évite par conféquent , des intégrations qui
écartent toûjourside l'objet principal du problème, en occu-
pant l'efprit à des recherches d'une autre nature. Je réfoudrai
enfuite un problème qui n'a point encore été donné, & dont
la folution pourroit être pénible par les méthodes ordinaires.
PROBLEME LE
16 1
LE
*
.
Soir PM une ligne inflexible fixée au centre C, & alaquelle Fig. 6.
Fig. 7.
352 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE Roy4re
eff attaché fixement un corps P, tandis qu'un corps M peut gliffer
fur cette ligne : on demande la courbe que decrit le corps M,
après avoir donné à ces corps des impulfions guehoriques.
PM, pm, Yeprélentant deux fituations infiniment pro-
ches de la ligne P A1, & MR Y'arc décrit du centre €, &
du rayon CA, foit fait
GBA MR = ydx
PP dx mafle du corps M= 1
CM = y mafle du corps P —=m
Rm = dy vitefle en M = v
Mm = ds viefle en P — v,
Y'on a par le principe précédent, mdx dx =
P principe p , PTE MEARE
d , \ , . d
= —<, d'où l'on tire VU = —",&u
# mdx + yydx
= —% ; mais par le principe de fa confervation
TT mdx + yydx ? 4
des forces vives, l'on a ww + muu — À, ou en fubfii-
ds + mdx°
— = À, qui,
(m + y) dx
en mettant yydx° + dy à la place de 45°, devient
dx° dy mdx* : >
a = À Ou Jydx* + dy + mdx°
= Ax(m+yy)" dx’, ou dx° —
tuant pour v & w leurs valeurs
dy
Ax(m+33) (nm +39) *
ou enfin dx — PROPRCRPNANE : FES RICE équation
RTE OEITT IT ES TEN ES
ue M. Clairaut a donnée pour cette courbe, dans les Mé«
moires de l'Académie de 1742.
PROBLEME IL
Deux corps P, M étant attachés à une baguette PM, laquelle
eff retenue par un anneau au point C, de manière cependant
qu'elle y puifle glifer librement ; on demande les courbes que dé-
crivent les corps M, P, aprés avoir reçü des impulfions quel
conques,
PM;
Res
DES ScrENCEÉES. 353
PM, pm, étant infiniment proches, & les arcs mQ &
Pay étant décrits du centre C, foit fait
UM ==7e DIV AQ EE
EM = pq = “EE
€ P — a — y mafle du corp M— "
QM = dx mafle du corps P = #
Mm = ds vitefle en M—= v
Php viteflé en P—=#,
l'on a par mon principe #1ydx + #. TE HAVE _
3 ds
d » -
— , d'où lon tire v = 7"
4 myy + n. (a—y)" dx
Jar
AFTER OPUP 7 Fa mais les forces vives don-
{my (a — y
_ nent #v&dv + wuu — À: fubftituant donc dans cette
Amy ra FF de
équation à la place de & & de # leurs valeurs, l’on aura
myy ds + ayyd@ ë
2 RS — À, laquelle, en mettant à [a
place de d5° & dy leurs valeurs dx° + dy, & LE FE a
— dy’, fe change en A Luyy + n.(a — 3) É “dx
= myydx", + myydÿ + n.(a— y) dx" += myyd",
« (m+n). dy .yy
A. [ny +. ar PR PANP A PT
RAS Di V « Le ol À
oem re ie
par laquelle on peut conftruire la courbe en fuppofant les
quadratures.
ou dx° — ; où
PROBLEME IIL
Soit fur un plan horizontal, un tube de courbure à de pefa-
teur données: foit de plus dans ce tube un corps M de maffe
donnée ; on donne. au tube &7 au corps M, des impulfions quel.
conques, le tube étant fixement attaché au point C: on demande
d courbe que décrit le corps M.
Mén. 1747: « Yy
Fig. CA
54 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
À la place du tube Q AZ, on peut placer un corps P de
même malle que le tube, pourvü que 2 foit le centre des
forces vives du tube : cela polé, on fuppolera que pcm
foit infiniment proche de PCM, on décrira l'arc MT, &
J'on fera
CRE" mT = dy
CM = 37 la mafle en P — À
P. pi= 4x celle en M = M
Mm = d5 la vitefle en P = +
MIE dy celle en M =
We "di
Mon principe donnera Rdx + Mydz = _ Pn Æ,
ds dy À
Rdx + Mydz” Rds + Mydz
mais par la confervation des forces vives, l'on a Ru
+ Moov — À, qui donne par la fubflitution des valeurs
Rd + Mat
de u & d a —_—
ae Rdx + Mydz
dy — dt
o
& par conféquent v — &u—
— À, ou en mettant:
à la place de dx, & dÿ + dy°,àla place de ds”;
d; — dt }?
RE + dd) +M(
Re ni LA ue DE A —= À, dans laquelle fi on
(R. << + MydŸ
fubftitue à la place de dt fa valeur @ dy, donnée par l'équa-
‘tion de la courbe, © étant une fonction de y & de conftante,
R (dE + dÿ)+ M (2)
(ER 24) myde F:
termine la courbe /m: on voit aifément que Yon peut
avoir la valeur de d7 en y & dy, d7 n'étant qu'à la feconde
puiflance, ce qui donnera la conftruétion de fa courbe par
les quadratures.. :
— À, qui dé-
on aura
DES SCcrENCESs 355
PROBLEME IV.
Soient Jur un plan horizontal, trois corps M, N, T affachés
es uns aux autres par les fils MT, TN de longueur donnée :
on demande les courbes que décrivent ls corps après avoir reçi
* des impulfions quelconques.
H eft évident que le centre de gravité de ces corps, our
marche en ligne droite avec un mouvement uniforme, ou
refle en repos : fi on fait les courbes qu'ils décrivent lorfque
le centre de gravité eft en repos, on faura certainement celles
qu'ils décrivent lorfque ce centre fe meut : fuppofons donc
que ce centre refle en repos. Soit € ce centre, & QN,TR,
PM, vois ordonnées à ces courbes perpendiculaires à la ligne
PCQ,. Soient Mm, Nn, Tt, trois petits arcs parcourus dang
le même temps, & foit fait
CP—= x% Mm = ds
PM = y | Nn = ds!
CQ = z TRUE (75
QN — la maffe en M — »
CR =D celle de N = 0
TR =: celle d 7 = #
MT = a vitefle en M — y
NT = celle en N — +
celle en 7° —
> à caufe des triangles fmblables TRY: NY Q, & RST,
. MPS, l'on a ces analogies
FH u:z—piin
LÀ rNQ:RO::NQOP = ER
ra
TR: RV= Ir
1 + y PHX::
TR PM:PR::TRIRS = LITE
hs pu. RC EE CE
EME PISE
Yyi
Fig. 9
Etemi747.
356 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
mais ces triangles étant rectangles, fon a y/Q° + QN° }
+ VIRV® + REY EME RASE ul
lu
me Hpé EL pus) & PM? + PS}
1 +u
HO MREETR = a = VUE Pr]
1.(p+x) 2 : à: ‘ete
He lire + 11]: de plus, par la propriété du.
centre de gravité, l'on a mx = 07 + np, &nt — my
+ ou,& par la confervation des forces vives, l'on à
mUv + ovv' + nv" v" — À; & par notre principe,
rdx X xdy) du + udz) dt + tdp})
EU LE OR LE € TT OR EC
2 2 2
d ds’ ds" CERCS D . +
n.= = =; —, d'où l'on tire les valeurs de
Tv Tv v “
v v' v”, lefquelles. étant fubflituées dans Féquation des
forces vives, donneront une nouvelle équation qui, avec les.
quatre que nous avons déjà, fuffira pour donner, en pre-
mières différences, les équations des courbes décrites par
chacun des trois corps.
Dixs k Mémorre que j'ai eu l'honneur de lire à l’Aca-
démie, ile y a-quelques mois, j'y ai expofé un principe
général de Dynamique, par lequel on trouve la relation des
efpaces parcourus & des temps, quel que foit le fyftème de:
corps que l'on confidère, & quelles que foient leurs aëétions
les uns fur les autres. Dans ce Mémoire, je fuppofois les
corps placés {ur un mème plan, dont ils ne pouvoient fortir..
Dans celi-ci, je confidérerai ce principe en fuppofant les
corps fur des plans différens. Ce principe, tel que je lai
donné dans mon premier Mémoire, eft que f À, B, C..
repréfentent un fyflème de corps: qui agiffent les uns fur les.
autres, & que Aa, F4, Cr, foient les arcs des courbes :par-
courus, dans le même temps, & que du point fixe O pris
à volonté, l'on tire les lignes O.4,.0 a, &c: le fefteur AO&!
fs nfigas Sie re Nes 357
multiplié par la mafle du corps À plus BOG < +
COc x C, fait une quantité proportionnelle au temps.
Si on fuppofe à préfent que À, 2, C, &c. foit un fyftème
de corps fitués dans des plans différens, & qui marchent
avec les vitefles & dans les directions Aa, Bb, Cr, &c.
& que l'on ait projeté les courbes Aa, Bb, Cc, &c. fur
un plan æ{24\ par des lignes Aa, BB, CA, &c. perpendi-
eulaires à ce plan : je dis que le fecteur formé par & p, pro-
jection de À a, & par les deux lignes & O, pO tirés du point
© pris à volonté & fuppofé fixe, que ce fecteur, dis-je, mul
tiplié par la mafñle du corps À + BOg x B + AOrxC
donne une quantité proportionnelle au temps.
Imaginons d’abord qu’ils n'aient reçû aucune impulfion,
& qu'ils ne fe meuvent qu'en vertu de leur action réciproque.
Si on imagine que dans le moment où les corps 4, B,C,
&c. pouflés par leurs forces réciproques tendent à décrire
les efpaces Aa, Bb, Cù, ils viennent à être attachés les uns
aux autres de manière à ne pouvoir changer leur fituation
réciproque. Qu'on fuppofe, par exemple, qu'ils foient fixés
aux équerres OB BP, ONC, OaA, lefquelles ne fauroient
changer d'inclinaifon entr'elles ; on verra fans peine que les
efforts des corps 4; 2,C, &c. doivent fe faire équilibre: car.
on fait qu'un corps dont toutes les parties font liées en-
femble, ne peut recevoir de mouvement de l’action réci--
proque de ces parties.
L'on voit auffi que les corps 4, 2,C, &c. pouvant cliffer:
fur les côtés A&, BB, CA, des équerres Aa O, BOB,CON,
me donneront pas dé mouvement à ces équerres; par con--
féquent on pourra imaginer les corps 4, B, C, &c. placés.
en æ, LR, d\, &c..avec les vitefles & les directions: & p, Ba;
d\r, projections des vitefles & des directions Aa; Bb, Cc;
& comme ces corps feroient en équilibre autour du point
©, dans quelque point des équerres-qu’ils fuflent placés, ik.
s'en fuit que l'on pourroit imaginer les corps 4, 2, C, placés.
en &, B, d\, avec les vitefes& les directions 2p, Bag, Ar.
Cela pofé, on a déjà vü (dans mon premier Mémoire)
Xy ü
Fig. 1Q
Fig. 17%-
Fig. 10e
Fig. 10.
Fig. 12.
358 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare
que les corps À, B, €, étant en équilibre autour du point O;
a fonfne des quantités «pO x À + BOgq x B. — SOr
x Ceft égale à zéro. Mais en fuppofant que les corps À, B,
C, n'agifient pas les uns fur les autres, & qu'ils aient reçû
des impulfions quelconques, il eft évident qu'ils marcheront
chacun dans une ligne droite avéc une vitefle uniforme,
que les projections de ces vitefles fur le plan & 84\ feront
auffi uniformes, & par conféquent, que la fomme de chaque
feéteur, décrit autour du point © multiplié par la mafie du
-corps qui y répond, fera toüjours proportionnelle au temps.
Que Ma, NB, QA\, reprélentent à préfent les direétions
& les viteffes des corps À, B,C, projetés fur le plan & BA,
il ef certain que ces corps n'agiflant pas les uns fur les autres,
on aura &OM x A + BON x B + A0Q x C pro-
portionnel au temps; mais en vertu de leur aétion réciproque,
ces corps auront décrit les lignes &p, Bg, d\r, en forte que
aOpx A+ BOg x B— AOrx C = O0: doncen
ajoûtant à la quantité &O M x A+ BON x B +
dOQ x C celle que je viens de trouver, le produit fera pro=
portionnel au temps; c’efl-à-dire que & O0 M x À + BON
xB+ANO0OQ x C+ aOp x A + BOg x B —
d'Oy x C; ou en réduifant cette quantité, on a HOp *
A +- QOr x C + NOg >x B proportionnel au temps.
G@. EP:
Go nor L A TRT:
Si on fuppofe le point © à l'infini, alors la quantité AÆ/0p
x AE NOg x*x B + QOr x C étant proportionnelle
au temps, On pourra fubftituer à la place des fecteurs MOp,
NOg, QOr; leurs valeurs AO x ps, NO x Nt, QO x rv,
(ps, N1, rv étant perpendiculaires aux rayons 0, NO,
Q0, qui font alors parallèles) on aura À x ps x Op +
B x Nt x Or+ C x rv x vO, proportionnel au temps;
c'efl à-dire, à caufe que Op, Or, Ov, font égaux, & peu-
vent être fuppofés conftans, A.ps + B. Nr + Cry, eft:
proportionnel au temps. Et comme la fomume des mouvemens
|
DES SCIENCES 359
dés corps À, B, C, dans la diretion perpendiculaire à
OS, eft toüjours la même, la vitefle du centre de gravité
- des corps À, B, C, fuivant la direction ps, fera uniforme;
démonitration bien rigoureufe du fameux théorème de New-
ton fur le centre de gravité des corps qui agiffent les uns fur
les autres ; puifque je ne me füis fervi dans cette démonftra-
tion, aufli-bien que dans tout ce que j'ai établi dans mon
premier Mémoire & dans celui-ci, que de la décompofition
des forces, & de cette propolition inconteflable, qu'un corps
dont les parties font liées entr'elles, ne peut acquerir, de
mouvement par d'action réciproque de ces parties.
L'on tirera aufli de ce principe le théorème fuivant
donné par M. Pemberton : À & £ font deux centres vers
lefquels tend le corps #7 auquel on a donné une impul-
fion quelconque. Le fecteur folide À B Mm décrit autour
de l'axe À B, eft toûjours proportionnel au temps.
A la place des centres fi on fuppofe deux corps À, 2,
attachés à une ligne inflexible À 2, & que l’on imagine un
corps /V égal, & fymmétriquement placé par rapport à À 2,
de forte que par l’action des corps #7, N fur À, B, AB
me puifle fe mouvoir que dans la direction À Z ; il eft clair
qu'en projetant les mouvemens des corps 47 & N fur le
plan AR7rS5 perpendiculaire à la ligne À 2, on aura par
mon principe RArxM+ SA sx N, & par confé-
quent fa moitié R À r x M, ou fimplement À A7 pro-
portionnel au temps; donc le folide, produit de R Ar par la
conftante À B, fera encore proportionnel au temps, & par
conféquent, le folide 4 Am B, qui en eft le tiers. -
L'on tire auffi de ce principe la démonftration dela $ $.me-
-
propofition des principes de Newton.
Si un corps décrit fur un conoïde quelconque une courbe
ar le moyen d’une force qui tende continuellement vers un :
P y
13:
g. 134 -
point de l'axe de révolution de ce conoïde, cette: courbe Fig. 141.
aura pour projeétion ( fur un plan perpendiculaire à l'axe )
une courbe dont les aires feront proportionnelles au temps.
Que BL foit ce conoïde, Q 7, la courbe que décrit le -
360 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
corps Q par fa tendance vers le centre C, Am, la projec-
tion de la courbe Q 3, il s'agit de démontrer que O Mm
eft proportionnel au temps.
Pour pouvoir employer mon principe, il faudra fubftituer
à la place du centre C un corps placé en ce point, & faire en
forte que ce corps y puifle refter fixe. Pour cet effet, imagi-
nons un autre corps Q@, qui décrive une courbe Q' g' égale
& femblable, diamétralement oppofée à fa courbe Q 4, &
ayant pour projection la courbe 47° # égale à la courbe
Mn; fuppofons de plus que les corps Q & Q° n'agifient pas
les uns fur les autres; enfin imaginons encore une autre fur-
face à / égale & femblable à la furface 2 L, & deux corps
R, R' égaux entr'eux & au corps Q, décrivant des courbes
R'r' Rr égales & femblables aux courbes Q' 7° Q 9, & pla-
cées de façon qu'elles aient la même projeétion A7 »° Mm;
il eft clair alors que l'action des corps Q, Q' R;R' tiendra
le corps C fixe en C, & par conféquent que l'on pourra
fuppofer le fyftème entier libre, par conféquent l'on aura par
mon principe MOm x (Q+R) + MO x Q'+ R'
proportionnel au temps : mais À O m = MO n° &
Q= R = Q'—=R'; donc MO m x Q,& par conféquent
M O m eft proportionnel au temps. €. Q. F. T?
REMARQUE.
La même démonftration ferviroit en cas qu'il y eût plu-
fieurs centres placés dans l'axe.
REMARQUE.
Si À & a font deux centres attirant également, & placés
de façon que À a foit perpendiculaire à CO, & coupé en
deux parties égales en X, le théorème fera encore vrai dans
cette fuppofition.
HAVE AOIRAEIM. F.
C D étant un folide de circonvolution autour del'axe C D
auquel il eft fixement attaché, 47 m la trajectoire décrite
pu
_ DES ScreNceEs 361!
par le corps M auquel on a donné une impulfion quelcon-
que; /Vr {a projection de la courbe A/m fur le plan C N#
perpendiculaire à l'axe CD: je dis que l'efpace C Nn décrit
par da ligne CN fuivant le mouvement du corps 44, eft
proportionnel au temps. Pour appliquer mon principe à ce
théorème, il faut faire en forte que le corps C D foit
libre : pour cet effet, foit Q 4 une courbe égale & femblable
à la courbe A/m décrite par le corps 47, & que le corps
- Q foit égal au corps 47 il eft évident alors que le corps
- CD n'aura de mouvement que fuivant C D.
Si on projette fa courbe Q3 fur le plan C, on aura CPp
= CNn, & par mon principe CPp x Q + CNn x M
» proportionnel au temps, mais CPp x Q = CNn x M,
À donc CNn x M, & par conféquent G Nr eft proportionnel
au temps. C: Q.F. D.
… Ce Théorème pourroit étre utile pour Ia théorie du fatel-
“ lite le plus proche de Jupiter.
Ÿ. cn
?
| 2
=
Wim, 1747: Rd ZE
32 Août
747
x7 Août
A747*
362 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
AB SE À VAT ON
D'UNE EMERSION DU PREMIER SATELLITE
| DES TETBIE L'ENRE à |
Qui a anticipé de 8° 5" le calcul fondé fur les Tables.
Par M. LE MonNNiteER le Fils,
E 8 Août 1747, le ciel étant fort ferein, avecunelunette-
ide 18 pieds, j'ai aperçû très-diftinétement le premier
Satellite, qui commençoit à fortir de l'ombre, à 9h 40" $ $":
le calcul fondé vrai-femblablement fur les nouvelles Tables,
donne cette émerfion à 9h 49’; ainfi la Connoiffance des-
Temps donne cette éclipfe du premier Satellite, 8° 5” trop:
tard. Les autres Tables, telles que font celles des Inflitutions:
aftronomiques (dénuées de certaines équations empiriques,
qu'on n'a pas voulu y introduire) donnent auffi cette émer-
fion beaucoup trop tard; & par conféquent, l'effet de la:
gravitation doit entrer en confidération dans le mouvement
de ce Satellite.
Autre obf{ervation d'une E merfion du premier Sarellite.
Ex: s Août 1747, à 11h 37 20", j'ai vû très-diftinc-.
tement l'émerfion du premier Satellite, qui a anticipé de
ob 08” 40" le calcul de la Connoiflance des Temps.
em, de LAe,R des Se.17g7,
T'Agram Jeup.
Mim.de LAc.R des Se1747, 29.862 , pl, :
f | 7: Fgram S'eulp
GE SE
ne. Éd huis À
Em de le fe
Im. de LAc.R dar Sex747pag. 862 pl. 12 |
Mem. de lAc.R des Sc17g7.pag 362. pl.19.
7, Ingram S'eubp
Mem. de LAo.R des Ser7g7 pag. 862. pl 13
em, de l'A, des Se. 1747, pag. 362, plz
ù N
TBgram Soul,
1”
lem.. de l'Ac.R. des Se 1747 pag 362, pl
Tyran Ju.
Men, de CAc.R. des Je,1747. pag. 362, plz5.
-ZIngram S'eulp ,
plu
AR AL 44 4: On
J'Irgram Seulp à
Ze Tnrumn «Fear
DES SCIENCES. 363
ECLAIRCISSEMENS
INCRARMETNE
TRAITE PHYSIQUE ET HISTORIQUE.
DE LAURORE BORFALE,
Qui fait la fuite des Mémoires de l Académie Royale
des Sciences, Année 1731.
Par M. DE MAIRAN.
PREMIER ECLAIRCISSEMENT.
Hifloire fuccinre du fort de ce Trairé.
UAND je me déterminai à donner au public mon Traité
de l’Aurore Boréale, je n'ignorois pas combien un ou-
vrage de cette nature, dont l'idée ne reffemble à rien de tout
ce qui avoit paru fur ce fujet, & qui embrafle une infinité
de queftions & de détails aftronomiques, phyfiques & hifto-
riques, étoit fufceptible d’objections. Mais loin de craindre
les objeétions, je les defirois, perfuadé que de tous les
moyens d'apprendre fi j'avois frappé au but, ou en quoi je
n'en étois écarté, c'étoit le plus für : fans compter que j'ef-
pérois par-à trouver une occafion favorable d’éclaircir les
difficultés que je mavois pu prévoir, ou que je n'avois pas
aflez éclaircies, & de porter, s’il m'étoit pofñble, jufqu’à la
certitude ce qui n'étoit encore que vrai-femblable
‘Je ne diffcrai pas long temps d'agir en conféquence. M.
Godinayant eu alors un voyage à à pires Londres, je le priaï de
m'obtenir de M. Halley des remarques fur mon hypothèfe, où
plütôt des objections contre; car je ne me flattois pas d'avoir
ramené ce fameux Aflronome à mon fentiment, fur une ma-
tière où nous avions pris des roûtés fi direétémént oppolées.
Zz ij
364 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
M. Halley fait venir les Aurores boréales de Fatmofphère-
fumineufe de la petite Terre magnétique qu'il fuppofe au éen--
tre de notre globe imaginé comme une fphère creufe. De là,
felon lui, s'échappent de temps en temps des vapeurs par
les poles de la croûte fupérieure que nous habitons, ou du
moins par fon pole boréal; tandis que, felon moi, forigine
du Phénomène n'’eft autre que le Soleil ou l'atmofphère fo-
lire. Rien n'étoit plus capable de me procurer de fortes &
favantes objeétions. J'en avois réitéré la demande par une
lettre oftenfible envoyée à M. Godin; mais toutes.ces inf--
tances ne me valurent de [a part de M. Halley que des:
politeffes fur la manière dont j'avois traité mon fujet, fans.
conféquence pour l'hypothèfe. %
Une femblable tentative ne me réuffit pas mieux, quant:
aux objetions, auprès de M. Chriftfried Kirch, autre habile
Aftronome, membre de l'Académie de Berlin. J'avois appris, .
que fur l'énoncé de mon idée, telle qu'il Favoit trouvée dans
quelques nouvelles littéraires, il avoit fait plufieurs difficultés
qu'on ne put me rendre qu'imparfaitement. Je lui-en écrivis,
je le fuppliai de me.les communiquer, & je lui envoyai mon
Ouvrage. Mais j'eus tout lieu de croire par fa réponfe, que fes.
difficultés s’'étoient évanouies ; il n’en fut plus queftion, & il
m'envoya, avec des éloges fort au deflus de.ce que je pouvois
attendre, une ample collection des Aurores boréales qui ont
paru dans les fiècles paflés, & plus complète à certains égards
que celle que j'en ai donnée dans la partie hiflorique de mon
Traité. Je pourrai faire ufage de cette collection dans la fuite
de ces Eclairciffemens ; & je la garde foigneufement, ainft
que les lettres qui juflifient tout ce. que je viens de dire.
Je ne doutai_ point cependant que fans me donner
tant de foin, ni m'engager à la reconnoiffance, il ne me vint.
bien-tôt aflez d’objeétions, &. peut-être plus que je n’en
voudrois.
Je n'ai fait nulle attention aux petites attaques fondées
far ce que mon hypothèle préfente d'extraordinaire, & même
de plaifant pour certains efprits. Ils ont eu beau jeu fur un
+
5
vs
RE MD ESS ee I € N' CLS 365$
phénomène qui n'avoit été placé jufqu'alors que dans la
région des pluies & du tonnerre , & que je mets à deux
cens lieues par-delà, en l'y faifant arriver de l'atmofphère
du Soleil. .
Je n’ai auffi rien à dire des explications que quelques Au-
teurs ont publiées fur’ Aurore Boréale, depuis que mon Traité
a paru, fans m'attaquer plus particulièrement. Ces explica-
tions ne m'intéreflent, qu'autant qu'elles feront trouvées plus
ou moins vrai-femblables que celle que j'ai propolée; & je
m'en remets là-deflus au jugement du public.
Mais je fuis véritablement en refte avec un Auteur qui
a prétendu me réfuter dans les formes, & dont je vais parler:
La grande Aurore boréale qu’on vit en Italie la nuit du 16
Décembre 1737, y occafionna plufieurs écrits fur l’origine
&c la caufe de ce phénomène. Un de ces écrits, & où mon
hypothèfe eft févèrement examinée, fut celui du P. Seran-
toni, Religieux Auguftin, & Profeffeurà Lucques. C’eft un
traité en dialogues, dont les interlocuteurs font Atlas, Mi-
nerve, & Branchus fameux devin de l'antiquité, qui ne joue
pourtant iei que lé rôle de Phyficien. L'Ouvrage eft divifé
en trois parties. Dans la première, l’auteur réfute les an-
ciennes opinions fur l’Aurore Boréale, en tant qu’on y attri-
buoit le Phénomène à des vapeurs & des exhalaifons ter-
_reftres enflammées dans l'air; il defline 1a feconde à mon-
trer le peu .de fondement de mon fyflème, & la troifième
à établir le fien. Il prétend que les Aurores boréales font pro-
duites par une double réflexion des rayons du Soleil, lune fur
les terres polaires couvertes de neige, l'autre fur jes parties
füpérieures de notre atmofphère. Le P. Serantoni ne donne à
notre atmofphère qu'environ 64 milles, c'eft-à dire, 20 ou 21:
lieues de hauteur, de 2 $ au degré, d’après les induétions qu'il
tire de la durée des crépufcules; & c’eft-là une des principales.
raifons qu'il allègue pour rejeter mon explication, où je fais.
monter l'atmofphère terreftre, en tant qu'elle peut foûtenir.
Ja matière du Phénomène, à plus de 200 lieues. Cependant
Atlas plaide ma caufe dans l'entretien dont mon livre fait.
Zz iii.
366 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
le fujet, & quelquefois par d’affez bonnes raifons; mais on
comprend bien qu'il ne fera pas le plus fort ,-& que je trouve
aufli qu'il fe rend trop aifément aux argumens de la Déefle
& de Branchus.
Je ne prétends point éluder les objections du P. Serantoni
par ce court expolé ; mais pendant qu'il travailloit à renverfer
mon fyflème à à Lucques, on en foûtenoit publiquement des
thèfes à Rome, dans le Collège Romain. Ces thèfes furent
imprimées la même année 1738, avec le titre & fous la
forme de Difertation fur Aurore Boréale, par le P. Bofco-
vich, Jéfuite, aujourd'hui Correfpondant de l'Académie, qui
en efl l'auteur, & qui ajoüte un nouveau degré de probabilité
à mon hypothèle, par les induétiens qu'il tire du Phénomène
de 1737, & fur tout par les calculs qu'il applique en parti-
culier à la diflance où la matière de ce phénomène étoit de
la Terre. -
Il femble auffi que le P. Mél ait eu en vüûe les ob-
jeétions du P. Serantoni, à l’occafion d’un autre ouvrage qui
mérite de ma part une éternelle reconnoiflance. Je veux par-
ler du Poëme latin, de Auror4 Boreali, du P. Noceti de Îa
même Compagnie & de la même Maifon ; car le P. Bofco-
vich, qui a dirigé l'édition de cet élégant ouvrage, l'a accom-
pagné de Éattes notes. Ce font prefque autant de diflerta-
tions fur la plüpart des points conteflés par le P. Serantoni, &
qui confirment merveilleufement la théorie de mon fyflème
que le P. Noceti, auffi habile Phyficien que grand Poëte, n'a
pas dédaigné d'adopter, & qu’il a orné de tout ce que la poëfie
a de plus brillant.
Ces confidérations, je l'avoue, m'ont fait croire que je
pouvois me difpenfer de répondre en détail à la critique du
P. Serantoni, où je reconnois d’ailleurs beaucoup de favotr
& de politeffe. À quoi je puis ajoüter,, que lorfque fon livre
me tomba entre les mains, en 1741, j'avois dans cette Aca:
démie des occupations plus importantes que le foin de défen-
dre mes foibles produétions; & mon hypothèfe venoit encore
d'être tout récemment défendue à Paris, dans des thèfes de
D Est SG HE IN GES. 367
Philofophie, fous un des plus habiles Profefleurs du Collège
de Louis le Grand *,
Un autre écrit que le phénomène de 1737 occafionna en :
Italie, eft celui de M. Eufebio Sguario, Docteur en Philo-
fophie & en Medecine à Venife. Cet écrit confifte en une
Differtation oùl'auteur explique Aurore Boréale & fes divers
phénomènes, felon les principes Newtoniens de la gravitation
univerfelle des corps, & où il a bien voulu mettre en œuvre
les obfervations & les explications, tant générales que parti-
culières, qui fe trouvent dans mon Traité, & que je crois en
effet par-tout aflez conformes à ces mêmes principes. C'ef
prefque mon livre rédigé fous une autre forme, fans préjudice
à l'invention & au favoir que M. Sguario y ajoûte de fon
propre fonds. Les articles où nous pouvons différer font de
peu d'importance; & s'il y en a quelqu'un que je doive re-
lever, ce ne fera que lorfque j'y ferai conduit par le fujet,
dans la fuite de ces Eclaircifiemens.
Je ne parlerai point du fuffrage de quelques autres Savans
qui n’ont fait qu'effleurer la matière, non plus que des ob-
jections de ceux qui n’ont touché qu'à quelques points parti-
culiers de ma théorie. Mais je ne faurois pafler fous filence
deux Differtations fur latmofphère folaire, publiées en der-
nier lieu par M. Krafft, Profefleur de Philofophie à à Tubinge
& Membre de l'Académie Impériale de Peterfbourg. On fait:
que cette atmofphère ou {a Lumière zodiacale eft, felon moi,
la fource & comme le réfervoir des Aurores boréales, qu'elle
s'étend quelquefois vifiblement jufqu'à l'Orbite téicitre &
au delà, toûjours plus étendue en effet, qu'elle ne l'eft en:
apparence, & qu'il doit tomber néceflairement une partie
de la matière qui la compofe, dans l’atmolphère terreftre,
par les loix inviolables de la gravitation univerfelle. C’eft
comme la clef de tout mon fyftème, & M. Krafft ne man-.
que pas une occafion d’en faire fentir la correfpondance,
Mais me voici enfin attaqué dans toutes les parties de ce:
* En Avril 1739, & en Juillet 1740, fous le P. de Radonvilliers,,
me Grand Vicaire de M. le Cardinal de-la Rechefoucauld.-
\
368 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
fyflème, & c'eft par le célèbre M. Euler. Ce grand Géo
mètre a donné, dans le fecond volume de l’Académie de
Berlin, des Recherches phyliques fur la caufe des queues des
Comètes, de la Lumière boréale &r de la Lumière zodiacaïe, où, dès
l'entrée, il a cru devoir prémunir le lecteur contre ce que
mon hypothèfe, qu’il veut bien traiter d’ingénieufe, pourroit
avoir de féduifant. Je fens tout l'honneur que M. Euler m'a
fait en cela; mais je n'ignore pas en même temps le tort que
fa critique, aidée d’une réputation auffi juftement acquife que
la fienne, pourroit me faire, fi je Le laiflois fans réponfe. Je
vais donc employer une partie de ces Eclairciffemens à lui
répondre, à examiner les difficultés qu’il me fait, & le fyf-
tème qu'il m'oppole. Cette difcuflion ne m'écartera point
du but que je m'étois propofé fans cela : ce font toûjours à
peu près les mêmes matières que j'aurois eu à traiter, &
qui, par la circonftance d'un adverfaire tel que M. Euler,
ne font qu'exiger une plus grande attention de ma part, &
de la part du public.
11 ECLAIRCISSEMENT.
Syflème de M. Euler, fur la caufe de la Queue des
Comères, de l' Aurore boréale, &r de la Lumière zodia-
cale, en tant qu'il diffère de celui qui eff propofé dans
le Trairé Phyfique à Hiflorique de l' Aurore Boréale.
LE fyflème de M. Euler fur tous ces phénomènes a pour
unique fondement l'impulfion des rayons du Soleil, fur les
atmofphères propres des Comètes, de la Terre & du Soleil. .
J'ai aufli expliqué la queue des comètes par l'impulfion
des rayons du Soleil; mais je ne fais agir ces rayons que fur
la partie de l'atmofphère folaire ou de la Lumière zodiacale
dont les comètes fe font chargées dans leur périhélie ou
auprès de leur périhélie. C'eft-là ce qui diflingue mon hypo-
thèfe, fur ce fujet, de celle de M. Euler, & de toutes les
autres pareilles qui ont précédé ; car l'explication de fa dE
des
DES SCIENCES 9
des Comètes, par l'impulfion des rayons du Soleil fur jeurs
atmofphères ou tel autre fluide femblable , eft connue depuis
long temps, comme on le verra dans celui de ces Eclair-
ciflèmens que je deftine aux Comètes. Cependant je ne dif-
puterai point à M. Euler la propriété de fon hypothèfe für
les Comètes ; elle Jui appartient, du moins en ce fens, qu'il
l'applique auf à l'Aurore boréale, & à fa Lumière zodiacale,
C'eit fous cet afpect de fyflème général qu'il nous Ja pré-
fente, c’eft fous cet afpect que je la reçois, & que je vais
m'y prêter.
Toute la différence de nos théories confifte donc en ce que
M. Euler explique la queue des Comètes, l’Aurore boréale
& la Lumière zodiacale, par les atmofphères propres des
Comètes, de la Terre & du Soleil, & par limpulfion des
rayons folaires; tandis que je n'y emploie que 'atmofphère
folaire, & fans aucune intervention de limpulfion des rayons,
excepté à l'égard des Comètes. de
Ainfi l'explication des queues des Comètes, qui n’eft chez
moi qu'une efpèce de corollaire, qu'une conjecture, & donnée
pour telle, parmi mes doutes & mes queftions, & fur la fin
de mon Traité, devient chez M. Euler la première, la plus
étendue de toutes fes explications, fon explication fondamen-
tale, & la clef de toutes les autres. ia
Je regarde la Lumière zodiacale ou l'atmofphère folaire,
en tant qu'elle fe manifefte fur notre horizon, lorfque le Soleil
eft caché au deflous, comme une appartenance quelconque
de cet aftre, dont je ne détermine fa figure & les dimenfions
que d'après les obfervations immédiates, & par Ja rotation
du Soleil fur fon axe; M. Euler y ajoûte l'impulfion des
rayons fur les particules fubtiles de matière qui la compofent.
J'ai fuppofé cette atmofphère, & d'après ces mêmes obferva-
tions, abfolument continue, depuis Ja furface du Soleil juf-
qu'aux extrémités de Ja Lumière zodiacale; & M. Euler croit
qu'elle pourroit étre féparée du Soleil, & placée à quelque
diftance de cet aftre en forme d'anneau, comme l'anneau de
Saturne.
Mém. 1747. , Aaa
370 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
La matière de l'Aurore boréale n'eft, felon moi, que ls
matière même de la Lumière zodiacale ou de l'atmofphère
folaire, dont la Terre s'eft chargée, en paflant au travers ou
auprès de cette atmolphère; & ce n'eft, félon M. Euler, que
l'amas des parties les plus fubtiles de l'air, ou des exhalaifons
terreftres chaflées par les rayons du Soleil à la diftance où
Jon obl{erve l’Aurore boréale.
Quoique cette diftance ne puifle pas être déterminée avee
exaclitude, & que vrai-femblablement elle ne foit pas la
mème dans les différentes parties du Phénomène, j'ai conclu
de plufieurs obfervations, & par diverfes méthodes, qu’elle
n'étoit pas au deflous de 100 lieues de 25 au degré, &
qu'elle alloit fouvent à plus de 200. M. Euler pente auffi en
général, & par les mêmes raifons, que la matière du phéno-
mène eft placée à une très-grande diftance de la furface de
la Terre, & même beaucoup plus grande, à des milliers de
milles. Mais comme il prétend en même temps que la hau-
teur de l'atmofphère terreftre ne va prefque pas au delà
d'un mille d'Allemagne, il croit en conféquence, que l’'Au-
rore Boréale ne réfide point dans notre atmofphère, mais
qu'elle en eft féparée par un très-grand efpace. En quoi nous
différons beaucoup de fentiment, puifque je ne fais nul doute
que l’Aurore boréale ne tienne à la région fupérieure de notre
atmofphère, & que cette atmofphère ne s'étende bien au
delà du Phénomène.
Du refle, nous convenôns, M. Euler & moi, des princi-
pes généraux qui entrent dans nos théories; de la gravita-
tion qui s'exerce vers les centres de tous les globes céleftes,
en raifon inverfe des quarrés des diftances; d’une atmofphère
folaire qui peut s'étendre jufqu’à l'orbite terreflre & au delà ;
& de ha figure de cette atmofphère, aplatie vers les poles du
Soleil, comme une efpèce de lentille, fur le plan de fon
équateur, en vertu de la rotation du Soleil fur fon axe, abf-
traction faite de cette figure d'anneau qu'il a voulu nous y
faire foupçonner, &c.
Voilà, fl je ne me tiompe, & autant que j'ai pà de
D'E S'SCMEIN CES. 371
recueillir de fes Recherches, un réfumé fuccinct, mais fidèle,
des hypothèfes de M. Euler, für la queue des Comètes, fur
J'Aurore boréale, & fur l'atmofphère folaire. Nous allons les
parcourir en détail; mais au lieu de fuivre M. Euler dans
d'ordre qu'il a tenu fur toutes ces queftions d'après celui de
fes idées, je crois plus à propos de reprendre icile plan que
je m'étois fait dans l'ouvrage que j'ai à défendre: c’eft-à-dire
que j'examinerai les objections de M. Euler & le fyflème
qu'il m'oppole, dans l'ordre de ces trois fujets, l Atmofphère
folaire ou la Lumière zodiacale, l’Aurore Boréale, & la queu
des Comètes. :
III ECLAIRCISSEMENTIT.
Sur l'étendue de l Armofphère folaire.
J ‘A1 déterminé l'étendue de l'Atmofphère folaire ou de 1a
Lumière zodiacale, dans fa longueur, à compter depuis le
Soleil, jufqu’à fa pointe, d'après les obfervations réitérées de
feu M. Caffini, par les élongations de cette pointe, & de la
manière dont on détermine les diflances des planètes infé-
rieures par rapport au Soleil. J'ai trouvé par cette méthode,
que la Lumière zodiacale s’étendoit quelquefois jufqu'à la
Terre ou à l'orbite terreftre & au delà, c’eft-à-dire, à plus
de 100 degrés depuis le Soleil.
A l'égard de fa largeur ou de fon épaiffeur, comme on
n’en peut juger que par celle de fa bafe fur Yhorizon, où il
y a le plus fouvent des vapeurs qui l'effacent en partie, &
on ne fauroit obferver immédiatement cette épaifleur
jufqu'au Soleil vers fes poles, où elle doit être plus grande,
nous ne pouvons auffi en rien dire de pofitif. C'eft pourquoi
nous n’entendrons ordinairement par l'étendue de la Lumière
zodiacale, que fa feule dimenfion en longueur depuis le
Soleil jufqu'à fon bord lenticulaire, felon qu'elle paroît fe
terminer à des étoiles dont la pofition eft connue. La lar-
geur apparente de fa bafe fur l'horizon varie, depuis 1 0 ou
5 degrés, jufqu'à 20 ou 30.
Aaa ji
372 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
=. J'ai avancé de plus, que puifque la Lumière zodiacale
s'éendoit quelquefois vifiblement jufqu'à la Terre & à quel-
ques degrés au delà, nous devions conclurre qu’elle s’étendoit
fouvent beaucoup plus loin. D'où il fuit, que dans plufieurs
cas où nous ne la voyons point atteindre à l'orbite terrettre,
& où elle ne fait qu'en approcher, nous pouvons préfumer
qu'elle y atteint, & cela par une induction que je ne crois
pas qu'on puifle me contefler. Cette induction. eft tirée,
1.” de la dégradation infenfible de lumière & de denfité
qu'on y obferve depuis fa bafe jufqu'à fa pointe & à toutes
fes extrémités, toüjours mal terminées; car il eft plus que
probable qu'il y a encore au delà une infinité de particules
de Ja mème matière, qui fe dérobent à notre vüe par leur
extrême ténuité, & par leur rareté : 2.° de ce que, felon Îa
remarque de feu M. Caflini, elle paroît en un même inflant
diverfement étendue à diverfes perfonnes : 3.° de ce que
nous ne voyons jamais fa Lumière zodiacale dans une parfaite
obfcurité, & que nous voyons conflamment augmenter fa
longueur, fa largeur & fa clarté, felon que le crépufcule qui
Faccompagne eft plus foible, & qu'il y a moins de lumière
dans le refte du ciel : 4.° & enfin, de fes variations appa-
rentes, & fouvent très-confidérables, de grandeur & de
figure, qui arrivent quelquefois d’un jour à l'autre, & qui
font fentir combien les circonftances étrangères, optiques
ou phyfiques, peuvent apporter de changement à fes appa-
rences ; n'étant point vrai-femblable qu'un fi vafte amas de
matière naifle, s'évanouifle & renaiffe en fi peu de temps. -
Je ne trouve rien dans les recherches de M. Euler, qui,
bien loin de détruire l'idée que je viens de donner de léten-
due de l’atmofphère folaire, ne la favorife & ne la confirme.
Il fait engendrer cette atmofphère, comme j'ai fait, fous
cette figure de lentille ou de fphéroïde aplati vers fes poles,
par la rotation du Soleil & de tout ce qui l’'environne. H
ne limite point fon étendue, qu'il fait vrai-femblablement
très-grande; & il doit d'autant plus la fuppofer telle, qu'à
cette caufe d'expanfion il joint, comme nous avons vû,
D'E’S NS: GMTEAN GE Si 373
Yimpulfion des rayons folaires, qui ne peut que l'augmenter.
Voici comment il s’en explique *: Le corps du Soleil fera * P48° 135:
donc environné d'une atmophère, dont la figure fphéroïdique. fera
fort aplatie vers les poles, € fort étendue autour de l Equateur ;
précilement comme Ms Caffini à de Mairan repréfentent l'at-
mofphère folaire, dans laquelle ils placent la Lumière zodiacale.
Ainfi il eff extrémement vrai-femblable que cette Lumière zodiacale
a'efl autre chofe que le phénomène offert par la vie de l'atmofphère
folaire fort étendue autour de Equateur ;, &r cela eff également
confirme par la figure € par la fituation de ce phénomène. Mais,
ajoùte-t-il, pour mettre dans un plus grand jour, combien la:
diminution de la pefanteur peut augmenter l'étendue de l'atmo-
fphere folaire autour de l'E quateur, ( c'eft toûjours de l'Equa-
teur du Soleil qu'il s'agit ici) faifons un calcul fondé Jur les.
principes de l’Hydrofatique..
Vient enfuite une analyfe de M. Euler, & ce calcul, dont
les élémens font, l'axe du. Soleil, la révolution du Soleil fur
cet axe qui, pour le dire en. paffant, eft de 2 $ + ou d'environ
25 jours, & non d'environ. 27, comme le porte ici l'imprimé;
car il s’agit de la révolution réelle, & non de la révolution:
| fynodique par rapport à la, Terre ; la pefanteur d’une par-
ticule quelconque de fon atmofphère, la force de fes rayons.
h pour écarter cette même particule de la furface folaire, &
Ja force centrifuge de cette particule en conféquence de la
rotation ; d’où réfulte une équation ou formule qui renferme:
tous ces élémens d'un côté, & de l'autre l'inconnue, favoir,,
Tétendue de l'atmofphère folaire.
Je me perfuade que M. Euler n'a voulu nous apprendre:
par ce détail d’analyfe, que l'étendue, ou immenfe, ou très--
bornée, dont l’atmofphère folaire eft également fufceptible,
par la diminution de pefanteur dans les particules de matière-
qui la. compofent, où par l'augmentation de cette même:
pefanteur : car du refle on n’en fauroit rien conclurre par:
rapport au fait, dont la connoiflance dépend uniquement:
des obfervations & de l'induétion que j'en ai tirée. Les gran.
_ deurs connues qui fe rencontrent ici, telles que l'axe du:
‘À Aaa iij
374 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
Soleil, la révolution du Soleil fur cet axe, & Ja force cen-
trifuge qui en réfulte pour chaque particule de l'atmofphère,
fe trouvant abfolument compliquées avec des indéterminées,
telles que la confiflance ou la pelanteur des particules de
l'atmofphère, & la force impulfive des rayons qui agiffent
contr'elles; il eft évident que le membre de l'équation qui
contient l'inconnue, demeure indéterminé, & d'autant plus,
que les indéterminées qu'on y compare font véritablement
inconnues, & plus inconnues que l’inconnue proprement
dite de l'équation; car tout au moins connoît-on celle-ci
dans la partie vifible de Ja Lumière zodiacale, par les obfer-
vations, au lieu que nous n'avons jufqu'ici aucune reflource,
pour acquérir la moindre connoiflance des autres, dans le
rapport qu’elles peuvent avoir entr'elles, pour produire l'effet
dont il s’agit. Peut-être pourroit-on conjeéturer quelque
chofe de la force impulfive des rayons du Soleil, par la viteffe
avec laquelle ils viennent frapper notre organe, & qui eft
telle, qu'ils n'y emploient qu'environ 8 minutes de temps;
mais quelles font les mafles des corpufcules lumineux, qui
doivent être multipliées par cette viteffe, pour en conclurre
la force de leur impulfion ? & quelles font en même temps
les maffes des particules de l’atmofphère folaire, qui y font
expofées, pour en mefurer l'effet? Il eft donc évident que
le plus ou le moins d'étendue de l’atmofphère folaire, dépen-
dant du plus ou du moins de mafle des particules qui fa
compolent, & de celle des particules impulfives qui viennent
les frapper, on peut par cette caufe, & felon le rapport qu'on
établira entre toutes ces grandeurs, faire l'étendue de l'atmof-
-phère du Soleil, auffi grande ou auffi petite que l'onvoudra,
la renfermer dans la fphère de Mercure, ou la pouffer jufqu'à
celle de Saturne. , ‘
Je ne penfe donc pas avoir rien omis d’eflentiel fur l'éten-
due de l'atmofphère folaire, en m'attachant uniquement à
qu'on en pouvoit déterminer d’après les obfervations; & je
doute que tous les calculs que j'aurois pû faire fur ce fujet,
m'euflent conduit à quelque chofe de plus inftrutif.
D'ES,S C.1E N CE 5. AS
lei
\ IV ECLAIRCISSEMENT
Sur la continuité de l'Armofphère folaire à de la
Lumière godiacale avec le Soleil.
M. Euler tire encore une conféquence de fon calcul fur
étendue de l'Atmofphère folaire. Comme ïl le réduit, par
rapport à l'axe de la courbe génératrice de cette atmofphère,
à une équation cubique qui n'en exprime que les abfcifies, il
remarque *, que fi cette équation a une racine affirmative, comme
cela doit arriver dans le cas aëluel, elle aura auffi néceffairement
trois racines réelles, &r qu’alors il pourroit arriver que 1 ‘atmofphère
Je changeät en anneau, & envirounät le Soleil, comme l'anneau de:
Saturne entoure cette planète. À quoi il ajoûte que /es obfer-
vations ne permettent pas de décider fi la Lumière godiacale, qui
n'eft autre chofe que l'atmofphère folaire en tant que vifible
fur notre horizon, eff contigue au Soleil, ou placée à quelque
diflance de cet aflre en forme d'anmeau. .
C'eft là, je l'avoue, une queftion à laquelle je n’avois point
penfé : car, outre que je n'ai jamais vû la moindre appa-
rence que le corps du Soleil fe trouvât ainf dépouillé de fon
atmofphère, peu m'importeroit dans le fond, & par rapport
à mon explication de l’'Aurore boréale, que cet aflemblage
circonfolaire qui fe montre à nos yeux dans la Lumière zodia-
cale, fût, ou ne fût pas abfolument contigu au Soleil. L'or-
bite terreftre ne le renfermeroit, ou ne le traverferoit pas
moins, & n’en feroit pas plus éloignée; cette Lumière n'en
auroit pas moins l'étendue, la longueur & la largeur que
nous y Voyons fur notre horizon & vers cette orbite, & la
Terre venant également à la rencontrer, à paffer au travers,
ou tout proche, ne s’y chargeroïit pas moins de la matière
requife, pour la produétion du Phénomène. Voilà ce que
j'alléguerois, & que je ferois en droit d'alléguer d'après les:
obfervations. Mais quoi qu'il en foit, eet article a une liai-
fon trop intime avec toutes mes idées fur ce fujet, & il ef
* Page 140,
376 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d’ailleurs trop important par Îui-même, & par rapport à {à
Phyfique célefte, pour être patlé fous filence.
Je vais donc tâcher de l'éclaircir dans tous fes points.
Convenons d'abord, que fur la première infpeétion, &
optiquement parlant, il ne feroit pas impofhble que la
Lumière zodiacale, large comme elle eft ordinairement fur
l'horizon par fa bafe, couchée de part & d'autre fur le plan
de l'équateur folaire, & en partie fur celui de l'orbite ter-
reftre qui ne s’en éloigne que de fept à huit degrés, ne nous
cachât l'efpace vuide qu'il y auroit depuis fes extrémités juf-
qu’au Soleil. Ce qui ne nous permettroit pas de décider, fi a
Lumière zodiacale s'étend en effet jufqu’au Soleil, fi elle Jui
eft contigue, ou fi elle en eft féparée, comme l'anneau de
Saturne eft féparé de cette Planète.
Il faut donc entrer dans un détail plus particulier & plus
circonftancié du Phénomène, y appliquer la théorie dont if
ft fufceptible, pour favoir enfin à quoi nous en tenir fur.
cette queftion.
Quand fa Lumière zodiacale commence à paroître quel-
qu'heure avant le lever du Sokeil, ce n'eft au premier coup
d'œil qu'une lueur blancheître prefqu'imperceptible , fort
femblable à la voie lactée, une clarté mal terminée, qui fe
confond avec celle du crépufcule naïflant, peu élevée fur
l'horizon, & allant toûjours en fe dégradant, jufqu’à une forte
de pointe ou de fommet qu'on y démèle quelquefois en
forme de cone , de conoïde, ou de fufeau, comme le doit
paroître toute efpèce de fphéroïde aplati & lenticulaire vû
de profil. Elle monte cependant peu à peu, elle devient plus
vifible, plus grande & plus claire, à mefure que le Soleit
s'approche de f'horizon, & elle arrive enfin à un point de
grandeur & de clarté qu'on peut appeler fon maximum, &
après lequel elle diminue en apparence, s'efface de plus en
plus, & s’'évanouit à l'éclat d’un plus fort crépufcule, & en
préfence du Soleil. Ilen eft de même, à peu près, de fa partie
oppofée, de la Lumière zodiacale du foir, en ordre renverfé,
pendant que le Soleil s'enfonce {ous l'horizon. On remarque
également
DES SCIENCES. 377
également dans l'une & dans l’autre {a même dégradation de
lumière & de denfité, depuis l’horizon Jufqu’à fa pointe, ou,
fi l'horizon eft bordé de nuages, la même augmentation , de-
puis fa pointe jufqu'auprès de l'horizon, c'eft-à-dire, jufqu’à
fa partie vifible la plus proche du Soleil,
Toutnous annonce donc jufque-là, que fi la Lumière
Bac Mauro: fe montrer toute entière avec 1e Soleil,
nous fa verrions ainfi augmenter de grandeur, de clarté &
de denfité jufqu’à la furface de cet aftre. C’eft fans doute après
une infinité de femblables obfervations, que feu M. Caflini
qui nous a fait connoître cette Lumière, & ceux qui l'ont
décrite après lui, l'ont toûjours confondue avec l'atmofphère
du Soleil, ce mot d'atmofphère ne fignifiant chez eux autre
chofe, que le fluide quelconque qui environne un corps plus
folide, plus pefant ou plus denfe, ainfi que l'air environne 1
Terre, & dont la partie inférieure eft immédiatement ap-
puyée [ur fa furface.
Mais il y a plus, lorfque le Soleil vient à s'éclipfer, & à
nous être totalement caché par le globe de la Lune, on voit
autour du difque de celui-ci, une lumière de4, $ ou 6 doigts
ou plus de largeur, très-vive, & d'autant plus vive, qu'elle
approche davantage de fon difque, ou de celui du Soleil, d’où
elle va en diminuant jufqu'à ce qu'elle fe perde dans le ciel.
Ceft cette efpèce de Frange folaire que Kébpler a fi bien
décrite *, qui à été vüe des Anciens, & qu'ils ont prife auffx
quelquefois pour les bords du Soleil même, & pour une
éclipfe annulaire; mais qui en a été diftinguée, & qu'on a
clairement aperçûe dans toutes les éclipfes totales de Soleil
arrivées de nos jours. Eh ! que feroit-ce autre chofe que l'at-
mofphère du Soleil, dans fa partie Ja plus denfe, la plus fumi-
neufe par elle-même, ou la plus expofée à l'éclat & à Ja
denfité des rayons folaires qu'elle nous réfléchit?
* Subffantia craffa circa Solem, | lariter emicans, tantumque luminis
mon hic in noffro aere, fed in ipfa | præfèrens, ut mera nox eQe nequeat,
Jede Solis, interdum circumfufa, quæ |°K épler, E pit. Aftron. Cop. lib. vx,
refplendet radis Solis, apparetque p. 895.
etiam teclo Sole, ut flamma circu-
Men. 1747: . Bbb
378 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
Enfin, malgré cet éclat qui doit faire difparoître les parties
les plus éloignées & les pointes apparentes de cet amas lenticu-
laire de particules lumineufes ou réfléchiffantes vü de profif,
fous lequel la Lumière zodiacale fe montre ordinairement,
on ne laiffe pas d'y en apercevoir les traces, &, pour ainfi
dire, les tiges. Cette couronne, ce limbe lumineux dont
nous venons de parler, n'eft pas exaétement circule, il eft
prefque toûjours plus étendu, plus lumineux vers le levant
& vers le couchant, felon la direétion commune de l'Equa-
teur folaire & du profil conique ou conoïdal de la Lumière
zodiacale, que vers les poles. L'éclipfe totale de Soleil, vûe
à Paris en 1724, fut accompagnée de cette apparence : je
l'y obfervai, & M. Godin, dont j'ai retenu la note, J'y
obferva aufli. Mais M. Valerius, Aftronome à Upfal , nous
fournit encore quelque chofe de plus précis fur ce fujet. Pen-
dant l'éclipfe totale de Soleil, obfervée dans cette ville en
1715, & dont la totalité dura 4° 20”, il vit cette lumière
du limbe plus grande & plus étendue vers le levant & vers
le couchant du Soleil, que vers fes poles ; & il nous en a
confervé une figure , où ce limbe adhérant au Soleil eft re-
préfenté avec deux anfes pleines & lumineufes. La même
chofe fut remarquée en Scandinavie, par Mrs Tiburtius &
Chenon, dans l'éclipfe totale de Soleil qu'on y vit en 173 3.
Toutes ces obfervations font rapportées dans les Aétes de
Leipfic, année 171 6, & dans les Aétes Littéraires de Suède,
année 173 5.
Je ne crois pas qu'on puiffe exiger des preuves de fait &
d’obfervation plus convaincantes fur un fujet de cette nature.
H eft vifible que l'atmofphère du Soleil en enveloppe immé-
diatement la furface, qu'elle n’en eft point féparée, comme
l'anneau de Saturne left de cette Planète ; & à cet égard,
ui eft tout ce que nous nous étions d'abord propolé, la
queftion eft réfolue.
H n’eft guère moins vifible que la partie de cette atmo-
fphère contigue au Soleil doit s'unir à celle qui nous eft
manifeftée par la Lumière zodiacale. La dégradation infenfible
pen
D\'E,6 \S)€ VEINE EIS 379
de lumière & de denfité du limbe qui environne le Soleil
pendant les éclipfes totales, & une femblable dégradation
dans la Lumière zodiacale depuis fa bafe fur l'horizon, c’eft-
. à-dire, depuis fa partie la plus'proche de ce limbe, jufqu’à fa
pointe, ne nous permettent prefque pas d’en douter : l'in-
duétion eft affurément auffi forte que légitime, & fe trouve
confirmée par ce que j'ai rapporté dans le 8me Chapitre de
la 4me Section de mon Traité, de certains cas rares & ex-
traordinaires arrivés dans les fiècles paflés, où cette atmo-
fphère a été vüe appuyée füur le Soleil éclipfé, en forme de
cone très-étendu, & bien au delà de la partie de la Lumière
zodiacale qui nous eft cachée à quelques degrés fous l’ho-
rizon. J'avoue que l'obfervation en avoit été peu exacte, mal
circonftanciée, déguifée & douteufe dans fes circonftances,
comme il convenoit à ces temps-là ; & qu’à la rigueur, il ne
feroit pas impoffible que l'atmofphère folaire ne fût rompue
ou interrompue en cêt endroit, fans que nous le viffions,
& peut-être fans que nous püflions jamais le voir. Mais le
Phyfique ne s'oppofet-il point ici à toutes ces poffibilités ?
Paffons donc enfin aux preuves de droit de la continuité
abfolue de J’atmofphère folaire & de la Lumière zodiacale, &
tâchons de donner là-deflus une théorie fi complète & f
claire, qu’elle n’y laiffe aucun fujet de doute.
Je confidère l'atmofphère du Soleil dans quatre cas dif.
férens.
1° Dans celui de Ja feule pefanteur de fes parties vers le
centre folaire, indépendamment de toute rotation fur {on
axe, & de toute impulfion de rayons.
2.° Sous la forme qu'elle prendroit par la feule rotation
autour de Faxe du Soleil, & par la force centrifuge qui en
réfulté en tant qu'oppofée à la pefanteur.
3." Dans ce qu'elle deviendroit, avec fa pefanteur, par la
feule impulfion des rayons folaires admife par M. Euler.
4° Et enfin fous le concours de ces trois caufes.
Ce font là toutes les forces que nous devons mettre en
œuvre , la pefanteur en raifon inverfe des quarrés des
Bbb ij
®V. Rec. de
M. Eukr, page
138.
80 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
diflances, la force centrifuge en vertu de la rotation fuppofte
avec M. Euler fe faire en même temps dans toutes les parties
de cette atmofphère, & Ga des rayons en direction
contraire à la pefanteur, mais felon le même rapport des quar-
rés de diftance au centre du Soleil.
PAR EUMALMEURCUG/ATS
Tout ceci roule, comme on voit, fur cette fuppofition
explicite, ou implicite*, que le Soleil a par fa nature, ou par
accident ,-mais de fait, une atmofphère, qui, abftraétion faite
de toute caule externe, excepté la pefanteur, s'y rangeroit
tout autour par fa tendance centrale, dans l'ordre de fa for-
mation & de fa confiftance, foit que les particules qui la
compofent émanent du Soleil, foit qu'elles y viennent d’ail-
leurs : de manière que les plus pefantes s'arrêteroient ou tom-
beroient fur fa furface, & que les plus légères monteroient,
ou s’entafieroient au deflus; car il w’eft pas vrai- femblable
qu'elles aient toutes la même confiflance, la même ténuité,
la même légèreté ou la même pefanteur. Ainfi ce premier cas
fe confond abfolument avec la fuppofition même qui fait la
bafe de toute cette théorie, & d’où doivent naître tous les
Sphéroïdes poffibles des cas fuivans. L’atmofphère folaire
feroit donc fphériquement & concentriquement afflemblée
autour du Soleil, depuis fa furface jufqu’aux limites fupé-
rieures de cette atmofphère où feroient les particules les plus
légères, les plus ténues & les plus rares: car qu’eft-ce qui s’op-
poferoit alors à l’action, par-tout la même, felon la loi donnée,
de la gravitation centrale fur toute la maffe de ce fluide ?
SUESCIONN D AUCRAUS
Il eft clair qu'il en réfulteroit un fphéroïde aplati par fes
poles, en vertu de la rotation du Soleil & de fon atmofphère
fur l'axe qui leur eft commun. C'eft ici la feule force qui fe
complique avec la pefanteur, c’eft le cas du fphéroïde terreftre,
matière aujourd'hui fi connue & fi favamment traitée; c'eft
enfin tout ce que peut produire cette complication , élever
D'EFS She RUN Girls 381
Yatmofphère du Soleil vers fon équateur, & la déprimer vers
fes poles; parce que, comme on fait, cette force va toüjours
en augmentant vers les plus grands cercles du mouvement,
vers l'équateur, & en diminuant vers les plus petits, c'eft-à-
dire, ‘vers les poles, en raifon direéte des rayons de la circu-
lation, ou, ce qui revient au même, des finus du complément
de latitude, jufqu’au pole où elle eft nulle, Ainfi latmofphère
folaire demeurera moins épaifle & plus comprimée vers les
poles du Soleil que par-tout ailleurs, & ces effets feront d’au-
tant plus fenfibles, que la force centrifuge, en tant qu'op-
pofée à la pefanteur, fera plus grande ; de manière que fi elle
venoit à furpañler la pefanteur en quantité, elle diffiperoit
les parties du fluide.
Mais la force centrifuge devenue fupérieure à la pefanteur
de l'atmofphère folaire, ou de quelques-unes de fes parties,
ne pourroit-elle pas enlever ces parties plus légères au deflus
des autres & du Soleil, en forte que les deux forces s’y trou-
vaffent en équilibre, & que le fluide enlevé y demeurât fuf-
pendu en forme d’anneau ? Non: car la force centrifuge, dans
lhypothèfe des révolutions en temps égal, croît en raifon
directe des diftances à l'axe, tandis que la pefanteur décroît
en raifon doublée inverfe de ces mêmes diftances. La force
centrifuge ne fauroit donc être un inflant fupérieure à Ia
pefanteur, fans le devenir davantage l'inftant d'après, & de
plus-en plus à de plus grandes diftances, en agiflant fur les
particules qu’elle auroit déjà enlevées & détachées de l’atmo-
fphère. Le corpufcule quelconque enlevé, tendroit donc fans
ceffe à s'éloigner de l'axe de fa circulation, & avec d'autant
plus de vitefle, qu'il fe trouveroit fucceflivement plus loin
de cet axe. Il feroit donc diflipé ou rejeté dans des efpaces
où le fyftème des forces données , de leurs direétions & de
Jeurs tendances, n’eft plus le même & n’a plus lieu.
L’anneau zodiacal de l’atmofphère folaire eft donc jufqu'ici
impoffible.
Celui de Saturne, à quoi on le compare, ne l'eft pas moins
dans ces principes; car, ou cet anneau, vrai-femblablement
Bb iij
382 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
auffi folide que le globe de la Planète qu'il environne, n’eft
point dans le cas de l'atmolphère folaire, & il faut alors lui
affigner une autre origine, ou, fi lon veut le metire dans
le cas de l’atmofphère folaire, & l'imaginer primitivement
comme un fluide répandu fur toute la furface de la Planète,
il tombe abfolument dans la même impoñlbilité; à moins
qu'on n'y amène quelqu'autre principe, ou qu'on n'y fafle
entrer quelqu'autre hypothèfe; ce qui n'eft plus de mon fujet.
EURO CSL EN EME RAS:
L'impulfion des rayons du Soleil n'étant en ce cas, &
felon l'hypothèfe, qu'une force de même nature que la pe-
fanteur , agiffant felon {a même loi, mais feulement en fens
contraire, qu'y pourroit-elle faire que la diminuer, fi elle lui
eft inférieure, la balancer fi elle lui eft égale, & la furmonter
fi elle jui eft fupérieure? Ce n'eft qu'une autre évaluation de
la pefanteur donnée, moindre, nulle, ou négative, &, en ce
dernier fens, une vraie légèreté centrifuge, toüjours expri-
mée par la différence des deux forces, de la pefanteur pro-
prement dite, & de l’impulfion des rayôns. L'impulfion des
rayons folaires devient donc ici une confidération abfolument
inutile ou fuperflue qui ne fait qu'embarrafier la queftion.
Prêtons-nous-y cependant, pour mieux entrer dans l'efprit
de M. Euler, & fuivons cette idée.
IL ef clair que l'impulfion des rayons, fi elle eft fenfible,
doit diminuer la compreffion de l'atmofphère folaire entre
fes parties & fur le Soleil, la dilater, & par-là en augmenter
l'amplitude ; mais il n’efl pas moins clair que quelque valeur
qu'on lui affigne, elle ne fauroit détruire la contiguité de cette
atmofphère avec le Soleil, ni fa continuité avec la Lumière
zodiacale, fans la diffiper.
Car 1.” imaginons cette impulfion inférieure ou fupérieure
à la pefanteur d’une quantité finie quelconque. Elle le fera
toûjours, & par-tout proportionnellement, dans le mème
rapport inverfe du quarré de la diftance donnée. Les parties
de l'atmofphère n'en pourront être que moins comprimées
DES SCIENCES. 383
entr'elles par la pefanteur diminuée de cette quantité, dans de
premier cas, ou diffipées, dans le fecond; puifqu'à une dif-
tance quelconque où l’impulfion dés rayons aura eu la force
de les enlever en les détachant du refte de l'atmofphère ou
de la furface du Soleil, la même fupériorité lui refle pour les
pouffer plus loin, & ainfi de fuite, & à l'infini, ou auffi loin
que la fphère d'aétivité des rayons du Soleil peut s'étendre.
Le Soleil reftera donc alors, ou avec toute fon atmofphère,
fphérique & concentrique, plus-étendue feulement ou plus
dilatée, fi elle eft dilatable, en un mot, moins comprimée
qu'elle ne l'auroit été par la pefanteur entière; ou avec une
atmofphère moindre de toutes les parties enlevées & difii-
pées ; ou enfin totalement dépouillé de fon atmofphère : &
cela, fans qu'il y ait ici veftige d’anneau ni de rien qui en
approche. ;
2.° Suppofons l'égalité parfaite entre l'impulfion des rayons
& celle de la pefanteur. L’atmofphère du Soleil en deviendra
auffi légère, auffi rare ou auffi dilatée qu’elle le puifle être ;
mais elle n’en fera point déplacée, ou enlevée au Soleil, puif-
qu’il n’y a ici aucun principe de déplacement. Ce ne fera plus
qu’une mafle de fluide indifférente à toutes les places imagi-
nables. Feignons cependant, & par impoffble, qu'en cet
état elle fe trouve portée ou créée à une certaine diftance
du Soleil. Qu'en naïîtra-t- il? une fphère creufe balancée par
les deux forces, qui mathématiquement parlant, fe maintien-
dra toûjours dans le même lieu, & jamais un anneau. Mais
en bonne Phyfique, j'ofe dire qu’elle n’y peut fubfifter un
inftant fini quelconque, & qu'il n'y a rien de pareil dans
l'Univers, où tout eft en mouvement. L'équilibre ne fubfifte
réellement dans laNature, qu'entre des forces qui fe balancent
en un point , au delà ou en deçà duquel elles fe vaincroient
mutuellement l'une l'autre, par rapport à l'effet que leur con-
fliét peut y produire. C’eft ainfr, par exemple, que la furface
du fphéroïde aplati de la Terre, ou de Jupiter, plus élevée
fous l'équateur que vers les poles, fe maintient dans cet état:
parce qu’un peu plus haut, les couches fupérieures de matière
384 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Rox4LE
payant plus un appui fuffifant fur les inférieures & fur les
parties latérales, la pefanteur l'emportereit fur la force centri-
fuge, & qu'un peu plus bas, le déplacement des parties du
globe chaflées des poles vers l'équateur, ne détruifant pas
encore cet appui, ce feroit la force centrifuge qui furmon-
teroit l'effort contraire de la pefanteur. Les parties, fuppofées
fluides, qui font vers les poles, follicitées par la force cen-
trifuge à pañler vers l'équateur, monteroient trop dans un
cas, & trop peu dans l'autre; elles fortiroient des limites
du mouvement compofé & oblique qui en réfulte, ou n'y
atteindroient pas : théorie trop connue aujourd'hui pour
nous y arrêter davantage.
D'y'A TRE ME! Cas
Raffemblons maintenant toutes ces caufes, la pefanteur,
la rotation du Soleil & de fon atmofphère fur fon axe, &
limpulfion des rayons ; faifons-les agir conjointement , &
voyons l'effet qui doit s'en enfuivre. :
Le compolé ne fauroit avoir que ce que lui donnent les
compofans. Aucun de ceux-ci ne produit un fphéroïde annu-
laire féparé du Soleil; donc le fphéroïde annulaire féparé du
Soleil ne fauroit naître de la réunion de toutes ces caufes. IT
n'en réfulte qu'une atmofphère folaire fphérique & contigue
au Soleil en vertu de la feule pefanteur; qu'un fphéroïde
aplati vers fes poles &'contigu au Soleil, par la complication
de la pefanteur avec la rotation ; & feulement qu'une fphère
contigue au Soleil par la feule impulfion des rayons, fi leur
force impulfive eft inférieure à celle de la pefanteur, ou qu’une
fphère creufe & mouvante qui {e diffiperoit incefflamment
dans les efpaces immenfes du Ciel, fi la force impulfive des
rayons étoit fupérieure à celle de la pefanteur. D'où naïîtroit
donc ici dans l’atmofphère folaire ou dans la Lumière zodia-
cale, cet anneau fubfiftant ifolé & féparé du Soleil?
Voyons pourtant ce que le concours de cette impulfion
centrale des rayons, & de la force centrifuge ou axifuge,
avec la pefanteur, pourroit y produire en partie, À
D'ES"S'CTE N € E 6.7 385
La force impulfive des rayons fera, ou abfolument fupé-
rieure à celle de la pefanteur ; ou À ph feat inférieure, & de
manière que, jointe à la force centrifuge, à l'endroit où celle-
ci eft plus grande, c’eft-à-dire, autour de l'équateur, elle ne
pourroit détacher aucune des particules de l'atmofphère du
refle de fa mafle, ni de la furface du Soleil; ou enfin en telle
raifon avec {a force centrifuge, que jointe à cette force, elle
fût capable d'enlever la portion du fluide qui répond à l'é-
quateur & aux environs de part & d'au, fans pouvoir
enlever celles qui fe trouvent autour des poles, où la force
centrifuge eft plus petite. Il feroit inutiletde fpécifier davan-
tage ce dénombrement, par le plus ou le moins de légèreté
ou de pefanteur des particules, dont les unes pouvant être
enlevées, les autres ne le pourroient pas; car nous dirions
toûjours des unes & des autres, ce qu’il faudra dire de leur
aflemblage fuppofé homogène & uniforme.
Mais pourquoi nous engager dans le détail aufk Tong que
fuperflu, de tous ces cas particuliers qui fe réduiront toüjours
à {a fimple hypothèfe d'une pefanteur moindre, nulle, ou
négative, compliquée avec a force centrifuge qui naît de la
rotation du Soleil & de fon atmofphère fur fon axe? N'eft-ce
pas là le cas général que nous avons traité en fecond lieu, de
cette rotation unie à la pefanteur, abftraction faite de toute
autre caufe? Nous en tirerons donc les mêmes conclufions,
fans y faire d'autre changement, que de fubftituer à l'idée ou
à l'expreffion de la pefanteur abfolue, celle de fa différence
avec la force impulfive des rayons qui agiflent fur les mêmes
parties du fluide, en fens contraire, & felon la même loi.
Je ne vois donc rien dans la théorie, dans les obfervations,
ni dans Vanaiogie de l’atmofphère folaire avec tout ce que
nous connoiflons de Phyfique célefte & terreftre, qui, bien
loin de favorifer le moins du monde le doute de M. Euler,
ne tende à le diffiper, & ne nous aflure en effet de Îa
contiguité de cette atmofphère avec le Soleil, ainfi que de
fa continuité avec celle de fes parties qui fe manifefte à nous
dans la Lumière zodiacale.
Mémn. 17427. AL Ge: 7
Fig 1.
386 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royaze
V ECLAIRCISSEMENT.
De l Analyfe de M. Euler fur ce fujet, àr de la Courbe
génératrice de l'Aimofphère folaire.
ÎL feroit bien étonnant que l'analyfe & le calcul nous
donnaflent quelque chofe de contradictoire à la théorie RÉ
cédente, qui y | fimple, &, fi je l’ofe dire, fi lumineufe, &
que de ce calcüf, ou de la Courbe qui doit engendrer F'at-
oigbéte {olaire par fa révolution, pût réfulter cet anneau
ifolé, & féparé du Soleil, que la théorie défavoue. Cependant
il n'y a pas de milieu dans cette alternative; il faut que
la théorie foit faufe , ou que l'analyfe, ou l'application
qu on en fait ici à la queflion, ou enfin la conféquence
qu'on en tire, ne foit pas légitime.
Mettons le Lecteur en état d'en juger par lui-même.
Soit, conformément à la figure donnée par M. Euler,
ED FCE la fetion du Soleil & de fon atmofphère,
paflant par le centre € de cet aftre, & par fon axe de
révolution À B; ED F fera la Courbe génératrice, dont
l'axe propre C D, fe confond avec le rayon prolongé de
l'équateur folaire. Il faut, comme le dit M. Euler, que,
dans la fuppofition de l'amofphère arrivée à un état perma-
nent, chaque direétion moyenne 42 N, des forces par lef
quelles un de fes corpufcules quelconque 42, eft follicité ,
foit perpendiculaire à cette courbe.
Ayant donc mené du point 4 à l'axe € D de la Courbe,
l'ordonnée à angles droits MP, foit l'abfcifle CP= x,
PM = y. On aura CM=V xx + yy += TT
Soit _ l'expreffion de la pefanteur qui poule le corpuf-
cule M vers €, & — celle de la force ifnpulfive des rayons,
qui le poufle de € vers A1; leur réfultat ou leur différence
f— 44
tt
fera ; & foit ee la force centrifuge du point 47,
n D TS RSS
a mie OS LÉ
DES SCIENCES. 8
en vertu de fa circulation, proportionnelle à fa diftance de
l'axe de révolution £ F, & felon la direction A7 L, parallèle
à l'axe C D de la Courbe.
La normale 47 N étant la direétion moyenne de la pefan-
teur compliquée avec la force centrifuge, on aura CA: CN
f— 44
Fi . Mais, à caufe de la foûnormale PV, ou de
tt
— y d, — y dy +dx + ydy
fon r Lars — Carr
expreffion, ot CN—=x> RER un
dires Ad En LE
= << , Donc z : :: : ERA
= «Donc z GE dx : dy ns et
É xdx — kk xd F ;
ou bien = F “TE ; Jaquelle équation étant
* Tr
LE
er El f— 44
=——— ; C exprimant une
t
conftante. Mais fi l’on fait x —0, C M deviendra C £. Soit
doncC E — b, & Cfera — # _ ; d'où réfulte l'équa-
intégrée dofñne
tion xx — ne uit qui, dans le cas dez — x
t
ou de y — o, c'eft-à-dire, lorfque la diagonale C M vient
à fe confondre avec l'axe de la Courbe, donne la plus grande
amplitude poffible € D, de latmofphère folaire ou le demi-
diamètre de cette atmofphère, & l'équation cubique 4 x4
= 2gxf — 4h xx — +,
. Je n'ai prefque fait jufqu’ici que tranfcrire les paroles &
le calcul de M. Euler; je vais préfentement y ajoûter mes
réflexions..
C'eft de cette équation cubique aux abfciffes de la Courbe,
qu'il tire fes conféquences en faveur de l'anneau, déjà rap-
portées à la tête de l'Eclairciflement précédent. Mais quelles
que foient ces abfciffes, & les valeurs des x de l'équation
qui y répondent, foit par rapport à la génératrice qu'on vient
de voir, foit dans telle autre génératrice de l'atmofphère
folaire qu'on voudra, ne faudroit-il pas, pour changer cette
atmofphère en un ammeau qui environndt ré Sokil, comme
ccij
Fig. 2.
338 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
l'anneau de Saturne entoure cette Planète,ne faudroit-il pas, dis-je,
que la Courbe & toutes fes branches fe trouvaflent réduites à un
feul ovale éloigné du Soleil, où à une courbe quelconque
rentrante en elle-même? Eh! que conclurre de la fimple inf
pection d'une ablcifle, {ur laquelle pourront s'élever toutes
les ordonnées poffibles, finies, ou infinies, de manière qu'elle
fera également l'ablcifle, ou le diamètre de cette Courbe
rentrante, ou de telle autre courbe non rentrante que l'on
voudra, à l'infini? |
Par exemple, on voit bien que l'ovale DOVZ, conftruit
fur Je diamètre DV qui fait partie de CD, produiroit
par fa révolution autour de laxe folaire AB ou EF,
Yanneau dont il s’agit, à la diflance 7 F du Soleil ATB.
Mais quelle raifon y a-t-il jufque-là, pour conitruire fur
le diamètre DV les branches DO, D LV, plütôt que
cent autres, D X, DR, VF, VZ, qui ne rentreront
point en elles-mêmes, & qui s'étendront à l'infini? Et que
donneroit autre chofe la révolution de cette abfciffe D,
& de toutes les autres, quelles que foient les valeurs des x
qui les repréfentent, que dés cercles, ou des couronnes, &
toûjours des plans mathématiques, de fimples fections de
tous les fphéroïdes qu'on voudra imaginer, relativement aux
y qui leur répondent? En quoi j'avoue que je ne comprends
point le raifonnement de M. Euler fur l'équation cubique
ba = 2g x ff —kk x x — D. Si certe équation, dit-if,
a une racine affrmative, comme cela doit arriver dans le cas aëluel,
elle aura auffi néceffairement trois racines réelles, à alors il pour-
roit arriver que l'atmofphère fe changeät en anneau, &7c. Oui, cela
pourroit arriver, fi toutes les autres conditions de la Courbe
génératrice, & de l'équation entière qui l'exprime, y con-
couroient; mais comment fait-on jufque-là , & par la feule
infpection de Féquation particulière des abfcifies, qu'elles y
concourent? Et où eft encore la néceflité des trois racines
réelles, parce qu’il y a une affirmative? Les deux autres n’y
pourroient-elles pas être imaginaires, comme elles vont l'être
en eflet dans l’un des cas fuivans.
piietisiihS lente nt ens 389
Il faut donc néceffairement en venir à la defcription de fa
Courbe génératrice & de toutes fes branches, pour favoir la
figure qu'elle donnera à l'atmofphère engendrée par fa révo-
lution : & c'eft-là vrai-femblablement ce que M. Euler na
point fait. C'eft ainfi du moins que je le penfe, perfuadé,
comme je le fuis d'ailleurs, du profond favoir de M. Euler
fur la matière même dont il s’agit.
Soit donc l'équation trouvée ci-deffus pour cette Courbe;
Hi = Mu 6 a
Après avoir fubftitué PE —- yy à fa place de 7, fait
28 x f — kk — aab, chaflé les radicaux, & ordonné
par rapport à x, On aura
0
2 yyxË — 2aayyxx + atyy
244% + xx — bb
.
qui eft une équation du 6m degré, & à une ligne du même
ordre, dans laquelle, aflignant fucceflivement différentes va-
leurs à l’abicifle x, on trouvera que quand cette abfciffe eft
— = 4, lordonnée y devient infinie ; car toute l'équation
pouvant être repréfentée fous cette forme,
NT EIT RE ep
VASE X*X* — aa Vañbb
Jr — — , x = Ha donne y — ——",
" ** — aa o
D'où il fuit, que la Courbe aura toûjours autant d’afym-
-ptotes que E x s’y trouve de fois — = 4, c’eit-à-dire,
deux, ou quatre, relativement au deflus & au deffous de
Yaxe des x; & que, dans les trois fuppoñitions de 4? <, —,
ou > ff — À4 x g, elle prendra les trois différentes
formes qu'on voit dans les figures 3,4 & 5, où ces afym-
ptotes fubfiftent par-tout lés mêmes, favoir, 7%, Pp, ou QT;
-@7, x P, mp, accompagnées des branches ou doubles bran-
ches, Gg, H4, Mm, Nn, &c.
Ce n'eft que fur la première de ces trois fuppofitions, &
tout au plus fur la feconde, que peut porter le raifonnement
cc ii}
Fig. 4.
o MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE
de M. Euler; car l'équation particulière des x à dans l'une
& dans l'autre trois racines réelles, inégales dans 1x première,
& deux égales dans la feconde ; mais nous n'omettrons point
la troifième qui n'eft pas moins légitime, & où l'équation
n'a qu'une réelle, avec deux imaginaires.
Ayant donc ainfi décrit cette courbe dans ces trois cas,
& faifant maintenant tourner toutes fes branches autour de
l'axe de la révolution folaire Æ F, où fes parties font de part
& d'autre équidiftantes & femblables, on trouvera :
Que dans le premier cas /fg. 3) elle donne un fphéroïde
ovalaire ED FR, tel que M. Euler l'avoit d'abord fuppofé
(fig. r ) & que toute notre théorie l'indique, aplati vers fes
poles, & contigu au Soleil S, par la révolution de la branche
EDF, ou de fon égale & femblable ER F, autour de l'axe
folaire prolongé Æ F'; & de plus une efpèce de Cylindroïde
creux ou de tuyau infini en longueur, féparé du fphéroïde
EDFR, par l'intervalle CD, & formé par la révolution
des deux branches ou doubles branches conchoïdales infi-
nies G Ag, H Ch, où de leurs égales & femblables A7 Bm,
NKn, couchées fur leurs afymptotes communes 7, Pp,
parallèles à l'axe de révolution, & à peu près comme la
Conchoïde ordinaire avec fa Compagne ou la feconde Con-
choïde, lorfque celle-ci n'a ni point de rebrouflement, ni
anneau.
Que dans le fecond cas, cette Courbe fe transforme en
cette autre (fig. 4) où les quatre fommets D, C, R, K de Ia
précédente, fe réuniffent en deux points doubles D, À, fur
l'axe À B, par l'interfection des deux branches afymptoti-
ques HD FRN, h DER», qui fe coupent près de leurs
fommets en D & en À. D'où l'on voit que l'Ellipfoïde de
l'atmofphère folaire du cas précédent , fe change ici en un
fphéroïde lenticulaire D ER F'; & qu'il va réfulter encore
de toutes ces branches afymptotiques Gg, Hh, Mm, Nn,
un Cylindroïde creux infini de part & d'autre, au deffus &
au deflous de l'axe À B de la courbe, ou du plan circulaire
qui nait de la révolution de cette ligne fur le centre S, mais
1!
DES SCIENCES. 39T
qui tient à la Lentille DER F, par fa circonférence ou
ae DR.
Et enfin, que dans le troifième & dernier cas /fg. 5) les
. deux points doubles D, À, du fecond, difparoifient ou {e fépa-
rent, & redonnent quatre fommets, comme dans le premier,
mais autrement pofés, favoir, au deflus & au deffous de l'axe
AB; d'où & de toutes ces branches afymptotiques, réful-
teront de même deux Cylindroïdes creux infinis AB MG,
ABmg, un au deflus, l'autre au deflous du plan circulaire
AB, joints à ce plan par une efpèce de Disphragme
DE RrFd, renflé ou plus épais vers fon milieu Z F; entre
les points d'inflexion D, R & d, r; la furface extérieure
commune à ces Cylindroïdes provenant toûjours de la révo-
lution des deux autres doubles branches GAg, MBm, toû-
jours infinies.
On voit donc clairement par toutes ces conftructions de
la Courbe génératrice, & par les élémens qui en conftituent
l'équation,
Que le Soleil, S',ne demeure jamais dépouillé de fon at-
mofphère ; '
Que cette atmofphère quelconque DER FD, | figg. 7;
4 5.) foit Ellipfoïde, foit Lenticulaire , foit telle qu'on vou-
dra, appuie toüjours immédiatement fur fa furface;
Et enfin, qu'il n’y a point ici d’anneau féparé du Soleif,
& qui environne cet aftre, comme anneau de Saturne en-
toure cette Planète; car je ne penfe pas qu'on voulüt prendre
pour tel le Cylindroïde ou tube infini qui accompagne. en
vertu des branches Gg, H4, Mm, Nn, par ün accident pure-
ment géométrique. Sans compter que ce tube n’y fubfifleroit
jamais qu'avec l’atmofphère proprement dite DERFD, &
attenante au Soleil.
” Que ferons-nous donc de ces branches infinies, de ce
tube infini qui en réfulte, & de cet intervalle vuide CD,
par exemple, (fig. 3) qui fe trouve entre ce tube & l'at-
mofphère folaire? Nous les déclarerons inutiles & abfolu-
ment étrangers à la queftion dont il s'agit en tant que
Fig, ÿe
92 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe
phyfique, nous les regarderons comme une fimple extenfiort,
une propriété fupertlue de la Courbe, qui mème en ces.
endroits ne s'accorderoit plus avec les principes fur lefquels
la queflion efl fondée, & militeroit contre : car voyez
où cela nous mèneroit. I faudroit en condlurre, que ‘les
rayons folaires n'ayant pû d'abord que diminuer l'action de
la pefanteur de S en D, (fig. 3) y élever une partie de
l'atmofphère vers D, pouvant enfuite y furmonter la pefan-
teur en D, & chaffer toute l'autre partie de latmofphère
de D en C, fans qu'il en reflât aucune trace dans l'intervalle
DC, perdroient-là tout-à-coup leur fupériorité de C en
À, & ne feroient plus qu'y foûtenir, y alléger les parties du
fluide les unes fur les autres, comme ils faifoient en SD ;
& cela, tandis que, par hypothèfe, le rapport de leur im-
pulfion contraire à la pefanteur n'a point varié, & que fa
force centrifuge qui y concourt avec eux, eft plus grande, &
le devient toüjours de plus en plus en raïfon de la diftance à
Yaxe de révolution. Et de même /fgures 4 & $ ) de SversQ,
de Q en O, de O en X, &c. ce qui eft tout-à-fait abfurde.
Le tube Cylindroïdal quelconque, G m, n'appartient donc
pas davantage à notre atmofphère folaire, que le double
Conoïde infini Hn (fig. 4) rélultant de la révolution des
deux branches afÿmptotiques HF N, hk En, autour de l'axe
E F, n’appartiendroit au Sphéroïde terreftre aplati DERF,
* Difc. far la de M. Huguens *: car on fait que cet habile Géomètre fai-
Er 12 foit ainfi engendrer ce fphéroïde par la révolution de deux
fommets de courbe D£R, R FD, fort femblables à ceux-
ci, autour de l'axe £ F. Encore falloit-il qu'il n’en prit que
la partie {a plus proche du vrai fommet ; car aflurément
. l'équateur terreflre ne fe termine point en arèête angulaire
& tranchante, comme feroit le pourtour 2 R d’un tel fphé-
roïde. Du refte, rien n’eft plus commun que ces fuperfluités
géométriques dans la folution de ces fortes de problèmes,
felon que la courbe qui les réfout eft plus ou moins com-
pofée. -
Dira-t-on ici que ces branches fuperflues extérieures à
l'atmofphère
… L-miits »
DES SCIENCES 93
Yatmofphère proprement dite du Soleil & qui lui eft con-
tigue, telle, par exemple, que DERF (fi. 3) pourroient
du moins nous donner un anneau , ou telle autre figure ifolée
autour de celle-ci, fuppofé qu'il fe trouvât en cet endroit,
loin du Soleil & de fon atmofphère, une autre portion de
matière fluide de même nature, & entraînée de même par
la rotation folaire? Mais outre que cette idée n'a pas le
moindre fondement , ni dans la théorie, ni dans l’obferva-
tion, il me fufñra de remarquer, qu'elle n'entre pour rien
dans d'analyfe ni dans le calcul de M. Euler, dont nous ve-
nons de voir le procédé & les élémens. Tout ce calcul
roule vifiblement , ainfi que nous l'avons dit en fon lieu
fur cette fuppoñition tacite, que ce qu'on appelle l'Atmo-
fphère folaire, que tout cet amas de matière quelconque,
fur lequel on va examiner les effets de la rotation, de Îa
force centrifuge, & de l'impulfion des rayons, feroit pri-
mitivement, immédiatement, & fphériquement aflemblé
autour du Soleil, par fa feule gravitation vers le centre de
cet Aflre, abftraétion faite de toute rotation, de toute force
centrifuge, & de toute impulfion de rayons. En un mot, rien
n'indique ici cette nouvelle portion de matière pour laquelle
il faudroit introduire dans l'équation d’autres données, ou
d'autres indéterminées, &c.
… Mais n'infiftons pas davantage für de pareilles fictions, &
finiflons cet Eclairciffement par une obfervation importante.
Aucune des conftructions qu'on vient de voir, ni de M.
Euler, ni des miennes, ne nous repréfente que très-im par-
faitement Atmofphère folaire ou la Lumière zodiacale. Les
obfervations la donnent prefque toûjours beaucoup plus
aplatie vers fes poles, plus longue, plus pointue par fon
profil, en forme de lance ou de fu au, & telle à peu près
que je l'ai repréfentée dans la première figure de mon Traité.
Aufli devons-nous préfumer qu'il manque ici bien des élé-
mens que nous ignorons, ou auxquels nous ne faurions affi-
gner leur valeur, & fans lefquels pourtant la folution un peu
cxaëte du Problème devient impoflible. II ÿ a fans doute
Mém. 1747. .Ddd
3
* Sup puse
#e.
394 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE RoYALE
quelque principe d'extenfion de Ja Lumière zodiacale vers
l'équateur du Soleil, qui furpafle de beauçoup l'effet de 12
force centrifuge qui y répond ; car à Fégard de fimpul-
fion, vraie ou prétendue, des rayons folaires, quelque
grande qu'on la conçoive, elle ne peut prefque en rien con-
tribuer à l'aplatiffement proportionnel de la Lentille vers les
poles. Cette impulfion n’eft plus grande ou pius efficace vers-
l'équateur, que par la force centrifuge qui y eft plus grande,
& qui s’y ajoûte, la première étant d’ailleurs par elle-même,
& par-tout la même, en même raifon avec la Pefanteur, &
agiflant centralement comme la Pefanteur : ce qui, toutes
chofes d’ailleurs égales, ne doit pas plus enfler l'atmofphère-
du Soleil vers l'équateur, que vers les poles; du moins n'a-
t-on aucune raifon pour le penfer autrement. De plus, l'ana-
lyfe précédente fuppofe indiftinétement toutes les particules-
de cette atmofphère de la même confiftance, & ïl peut fe
faire, il eft même très-vrai-femblable, que les plus élevées,
les plus éloignées de la furface du Soleil, foient plus ténues,
& fpécifiquement plus-légères, que celles qui en approchent,.
& qui, à cet égard, font demeurées plus bas. Elles font fup-
pofées fans élaiticité, ou de mème élaflicité, de même té-
nacité entr'elles, ou, en vertu d’une ténacité infinie, elles
font imaginées tourner enfemble & comme un bloc folide
avec la furface du Soleil. C'eft ce que nous indique la valeur
—_, où geft une conftante, affignée à la force centrifuge;
&
& c’eft en même temps ce qu'on peut affurer être phyfique-
ment impoffible, & apparemment très-éloigné du vrai, dans
un affemblage de matière, fi fluide, fi rare, fi étendu par rap-
port au corps central qui l'entraîne, & à de fi grandes diftances-
de l'axe de rotation. L'on ne peut donc fe difpenfer d'admettre
ici cette dégradation de vitefle périodique, dans la révolu-
tion des couches plus éloignées, que M. Newton attribue à.
tout fluide qui eft déterminé à circuler par la rotation d’un:
* Prin, Ma, Cylindre, ou d’une fphère qui en occupe l'axe ou le centre *.
1
ÿ,2,%91 Et, tout le refle füt-il connu, on fait que la loi qui doit:
Men. de Lie. À des Se,1747 pag à
» D'ESNSCAR NAC Es 395
‘régner dans cette dégradation n’eft point décidée, & que feu
M. Bernoulli l'a conteftée à M. Newton. I eft vrai que de
cette diminution dans les accroiflemens de la force centrifuge
à mefure qu’elle s'éloigne de l’axe de révolution, naïîtroit un
abaifflement ou une moindre élévation vers l'équateur du
Soleil & de fon atmofphère; mais il n’en faudroit que plus
méceflairement y fuppléer par d’autres principes d’élévation,
«qui nous font inconnus. Eh quelle prodigieufe compofition
de Courbe génératrice ne réfulteroit-il pas d'une telle com-
plication de principes & de leurs rapports ! Combien de
branches de cette courbe phyfiquement fuperflues, & vif-
blement étrangères au Problème ! J'en reviendrai donc fans
ceffe aux obfervations , qui ont prefque toûjours fait mon
unique guide fur ce fujet. Ces fpéculations géométriques,
lorfque la meilleure partie des élémens indifpenfables de la
queftion nous manquent, &'qüe nous n'avons que dés fup-
pofitions à mettre à leur place, ont cela d’utile & de fatis-
faifant pour l'efprit, qu'elles nous font voir d’un coup d'œil
les limites entre lefquelles la Nature auroit pû fe jouer. Mais
la Nature ne fe joue point , il n’y a le plus fouvent que les
obfervations & l'expérience qui puiflent nous montrer le
choix qu'elle a fait, ou plütôt la loi qu'elle a fuivie; & if
faut bien fe garder alors de prendre le réfultat de cette efpèce
de jeu pour la réalité.
Nous verrons bien-tôt que la queftion de Fatmofphère
folaire & de fa continuité, déjà curieufé & intéreflante par
elle-même, le devient encore ici, par rapport à l'hypothèfe
de M. Euler fur l'Aurore boréale; puifque ce Phénomène
qui n'eft produit, felon lui, que par l'impulfion des rayons
folaires, n'eft plus à proprement parler, & felon cette hypo-
thèfe, qu’une forte d’atmofphère ifolée, fufpendue bien loin
au delà de la Terre & de l'atmofphère terreftre.
Ddd à
396 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
VI ECLAIRCISSEMENT.
Sur l'Aurore Boréale , en réponfe à la principale obje&ion
de M. Euler.
* Ant Lp. ML. Enter remarque d’abord*, qu'i/ y a beaucoup d'affnité
mL entre les queues des Comètes à la Lumière boréale, & qu'en
effet la queue d'une Comête doit offrir à un fpeclateur placé fur
fa furface dans T'hémifphère oppofé au Solel, un phénomène pref-
que femblable à celui de la Lumière boréale. M y obferve enfuite
quelques différences ; mais il ajoûte auffi-1ôt, que malgré cés
différences, à plufieurs autres qui diffinguent l’ Aurore boréale
des queues des Cometes , il refle pourtant une reffemblance fi confi-
dérable entre ces deux phénomènes, que nous Jommes tout-à-fait
fondés à dériver leur origine de la même caufe ; de forte que fi
Ton fait bien la véritable caufe de l'un, on ne fauroit être dans
T'ignorance à l'égard de l'autre. Il eff conftant, pourfuitl, que...
M. de Mairan , qui prétend avoir trouvé la caufe de la Lumière
boréale dans la Lumière zodiacale, fe propofe d'expliquer auffi
les queues des Comiètes par le même principe. Mais comme plu-
fieurs Comêtes paroiffent avec des queues, avant que d'avoir atteint
la Lumigre zodiacale, il en naît une objeétion importante contre
cette explication même de l'Aurore Boréal ; à cette difficulté
jointe à plufieurs autres, qu'on peut former contre cette hyporhèfe,
d'ailleurs extrémement ingenieufe, lui ôte beaucoup de [a vrai-
femblance. |
J'en demande pardon à M. Euler, mais je ne comprends
rien à cette objection. J'y reconnois beaucoup de politefle
à mon égard, mais je ne faurois y voir comment, de ce que
mon explication de la queue des Comètes feroit faufle ou
infuffifante, parce que plufieurs Comètes paroifent avec des
queues, avant que d'avoir atteint la Eumière zodiacale, if
s'enfuit que mon explication de l’Aurore Boréale, toute fon-
dée fur ce que les Aurores boréales paroiflent après que la:
Terre a atteint Ja Lumière zodiäcale, cefle d’être vrai-fem-
blable, L faudroit donc avoir prouvé auparavant que la Terre:
BE CSS SAONE, NC ELS 397
N'a atteint ni pu atteindre en façon quelconque à cette Lu-
mière avant les temps d'apparition des Aurores boréales?
Faute de quoi, je pourfuivraiainfr. Plufieurs Comètes paroiffent
avec des queues, avant que d’avoir atteint à la Lumière zodia-
cale; voilà un fait & une objection à examiner, par rapport
à mon explication de la queue des Comètes : mais l’Aurore
boréale paroït après que la Terre a atteint à la Lumière
zodiacale; donc mon explication de l’Aurore Boréale eft
légitime, du moins quant à cet article. Mais encore, s’il étoit
une fois bien prouvé, que la Terre n’a pu atteindre à Ja
Lumière zodiacale dans les temps requis, & de la manière
convenable, pour la formation de l'Aurore boréale, qu'im-
porte à la queftion de l’Aurore Boréale, que les Comètes
atteignent ou n'attéignent pas à cette Lumière, & qu’at-on:
befoin des queues des Comètes, pour en faire naître une
objection qui naît de cela feul, que la Terre n'y atteint pas,
& qui fubfferoit, quand il n’y auroit point de Comètes
dans l'Univers?
I! doit donc y avoir ici quelques prémiffes , quelques fup-
pofitions préliminaires, en quoi confifle toute la force de
Yobjeétion, & qui difpenfent M. Euler d’une preuve qui
véritablement n’étoit pas facile. Or ces fuppofitions ne peu-
vent être que ces deux-ci.
La première, que la reffemblance des deux Phénomènes,
de la Queue des Comètes & de l’Aurore Boréale, eft fi
complète ou f confidérable, comme le dit expreffément M.
Euler, que fi l'on fait bien la véritable caufe de l'un, on ne Jauroit
être dans l'ignorance à l'égard de l'autre.
_ La feconde, que prétendant avoir trouvé la caufe de l Aurore
Boréale dans la Lumière zodiacale, je me propofe en effet, &
comme M. Euler l'entend, d'expliquer auffi les queues des
Comètes par le même principe.
Ce qui ne fuffit pourtant pas encore, la relation de ces:
fuppofitions avec la conclufion qu'on en tire contre mon.
explication de l’Aurore Boréale, demeurant trop éloignée &.
trop: imparfaite, Il faut néceffairement ajoûter à la première:
Ddd ii,
398 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
cette inverfe, que fi l'en ne fait pas bien la véritable caufe
de fun des deux phénomènes, on tombe infailliblement
dans l'ignorance à l'égard de l'autre. Et entendre ainfi la fe-
conde, que je me fuis tellement aftreint & dans une telle
dépendance, à dériver les deux phénomènes du même prin-
cipe, & à les expliquer par la même caufe, que le fuccès, ou
la chüûte de lune de mes explications doit néceflairement
entraîner le fuccès, ou la chûte de l’autre. :
Alors, je l'avoue, & de la fuppofition, que mon expli-
cation de la queue des Comètes n'eft pas recevable, on pourra
fort bien conclurre, & fans autre difcuflion, que mon expli-
cation de lAurore Boréale ne l'eft pas non plus.
Mais ce commentaire fingulier, & cependant indifpen-
faible, pour faire une objection du raifonnement de M. Euler,
a-t-il le moindre fondement dans l'efprit de mon Ouvrage,
ou dans la manière dont je m'y fuis exprimé? C'eft ce que
nous allons voir, par l'examen de ces fuppofitions dont if
réfulte.
La première, que fi l'on fait Lieu la véritable caufe de l'un des
deux phénomènes , on ne fauroit être dans l'ignorance à l'égard
de l'autre, porte elle-même fur cent autres fuppofitions incer-
taines, & en queftion, favoir, que la-caufe de la queue des
Comètes eft la même de tout point que celle de l’Aurore
Boréale, que les circonftances qui en caraétérifent & qui en
diftinguent les effets dans ces deux phénomènes, ne fauroient
faire illufion à quiconque l'aura une fois appliquée à l'un des
deux, & enfin que cette véritable caufe n’eft que l'hypothèfe
de M. Euler, l'impulfion des rayons folaires.
Ce retour de l’un des Phénomènes à l'autre, de Ia queue
des Comètes à Aurore Boréale, eft-il donc fi clair, fi natu-
rel, fi facile à imaginer, dans l'hypothèfe même de l'impul-
fion des rayons pour l'un & pour l'autre, qu'il ne puifle
échapper à tout Obfervateur, à tout Phyficien qui aura expli-
qué l’un des deux par ce principe? Il l'eft fi peu, que depuis
plus de cent ans, qu'une pareille explication des queues des
Comèteseft connue, maniée & remaniée par les plus célèbres
DES) Sete mel sud 238
Auteurs, perfonne que je fache, ne s’étoit encore avilé
d'y apercevoir la moindre analogie avec l’Aurore Boréale..
Eh ! que fera-ce, fi, comme nous le verrons dans la fuite,
les circonftances qui diflinguent les deux Phénomènes, font
incompatibles entre elles, & avec l’hypothèfe en queftion ?
La feconde fuppofition roule fur un plan d'ouvrage, tout
différent de celui que je me fuis fait dans mon Traité de
VAurore Boréale. Je puis fans doute, en me propofant d'ex-
pliquer ce phénomène par la Lumière zodiacale, avoir prévu
que je pourrois aufli en tirer l'explication de la queue des
Comètes & de leur vafte atmofphère, & donner par là fur
ce fujet des vües nouvelles, & un dénouement vrai-femblable :
“mais cette expreflion abfolue, que, prétendant avoir trouvé la
caufe de la Lumière boréale dans la Lumière zodiacale, je me
propoe d'expliquer auf les queues des Comètes par le même
Principe, m'attribue, dans le même ordre, un double objet
que je n'ai pas eu. Je le répéte donc, l'Aurore Boréale fait.
mon feul & unique fujet, mon explication de fa queue des:
Comètes n’eft qu'une conjecture, une queflion accefoire ,.
dépendante, à la vérité, de mon fyflème, mais dont mon.
fyftème ne dépend point du tout. Elle dépend de mon 7e
tème, en tant que j'y fuppofe la queue des Comètes formée
de la même matière, puifée dans la même fource que l’Au-
rore Boréale, c'eft-à-dire, dans l'Atmofphère folaire ou la
Lumière zodiacale; mais elle n'y a nul rapport, en tant que
Jy mets en œuvre limpulfion des rayons folaires, dont je-
n'ai fait nul ufage, nulle mention dans tout le refte du Traité.
Je donne donc, il eft vrai, la même origine à la matière
compofante des queues des Comètes, &, en ce fens, le même
principe qu'à l’Aurore boréale, mais nullement {a même
caufe. La véritable caufe, la caufe efficiente de la queue des-
Comètes, de leur formation, de leur diréétion, fera, fi l’on:
veut, limpulfon des rayons, qui n’a, felon moi, aucune part:
à la formation de l’Aurore Boréale, & fur laquelle je me ferois:
bien gardé de fonder l'explication de fes phénomènes: mais:
je n'ai pu me propofer d'expliquer les queues des Comètes:
* Page 118.
400 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
par le même principe que l'Aurore Boréale, fi par le même prin-
cipe on entend la même caufe de leur formation, l'impulfion
des rayons folaires. Ainfi mon explication des queues des
Comètes pourroit être défectueufe , les queues des Comètes
pourroient avoir une autre caufe, & même une toute autre
origine que celle que je leur attribue, & mon explication de
J'Aurore Boréale demeurer dans fon entier. Ce qui foit dit, fans
que je prétende le moins du monde renoncer à mon explica-
tion de la queue des Comètes, dans l'efprit felon lequel je
Z'ai donnée, ni en conféquence de l'objeétion de M. Euler.
Ces fuppofitions n'étant donc rien moins que certaines, &
fe trouvant au contraire pleines d'équivoques, & fauffes à
plufieurs égards, que devient l'objeétion dont elles font la
bafe & tout le fondement ?
Quant aux autres difhcultés que M. Euler allègue, & qui
fe joignent, dit-il, à cette importante objection, je ne les
trouve point dans fon Ouvrage, & je ne puis les pénétrer.
VII ECLAIRCISSEMENT,.
De l'Hyporhèfe de M. Eler [ur l'Aurore Boréale.
J E n’en ferois guère plus avancé, pour avoir répondu aux
difficultés que M. Euler m'a faites, ou qu'il pourroit me
faire à l'avenir, fi je ne montrois que le fyflème qu'il nv'op-
pofe, ne porte pas, à beaucoup près, les caractères de vérité
qu'il croit y apercevoir. Car voici comment il s'en explique *
immédiatement après fa grande objeétion contre le mien. Je
me perluade, dit-il, d'être en état d'affigner une caufe qui puiffe
Jatisfaire à l'explication de l'un à de l'autre de ces Phénomènes,
de la queue des Comètes, & de l'Aurore Boréale, & qui Joit
fi bien liée avec les autres vérités fondamentales de la Phyfique ,
qu'il ne fera prefque plus permis de la révoquer en doute.
C'eft-à-dire, felon M. Euler, dont nous connoiffons
déjà le fyflème, que l'impulfion des rayons folaires capa-
ble d'agir aflez fortement fur Faumofphère propre des
Comètes,
+4.
En]
os
mr
LE
\ DES SCYENCES 407
propre des Comètes, de la Terre & du Soleil, pour en
chaffer les parties à des diftances immenfes, eft une vérité
fondamentale de la Phyfique; & de plus, que cette vérité,
l'impulfion des rayons folaires, en tant qu'aflignée pour caufe
de la queue des Comètes, de l’Aurore Boréale, & de la
Lumiere zodiacale, va fi bien fe lier avec les autres vérités
fondamentales de la Phyfique, qu'il ne fera prefque plus
permis de révoquer en doute l'explication qui en réfulte,
Un tel fyflème formeroit affurément la meilleure de toutes
les objections contre tout autre.
Que l'impulfion des rayons folaires, ainfi conçüe, foitune
vérité fondamentale de la Phyfique, & fur-tout qu'elle ait dû
l'être entre les mains de M. Euler, c’eft ce que nous difcute-
rons dans un de ces Eclairciflemens. Je me bornerai dans
celui-ci à examiner fi cette caufe & l'explication qui en réfulte,
appliquées à l’Aurore boréale, fe lient fi bien avec les vérités
fondamentales de la Phyfique, & avec les obfervations. On
a vû ce qu'il en faut penfer à l'égard de la Lumière zodiacale,
& nous parlerons bientôt de la queue des Comètes.
L'hypothèfe de M. Euler fur l Aurore Boréale, peut être
réduite à ces trois propofitions.
1.” Que la matière des Aurores Boréales ne confifte qu'en
des particules fubtiles de lamofphère terreftre.
2.° Que notre atmofphère n’ayant qu'une très-petite hau-
teur, puifque, felon M. Euler, e/le ne s'étend prefque pas au delà
d'un mille d'Allemagne, & la matière dont la lumière produit les
Phénomènes de l'Aurore boréale, étant placée à une très-grande
diflance de la Terre, & peut-être à quelques milliers de milles,
comme le dit M. Euler dans le même article, il fuit, que /a
‘matière: dont la Lumière produit ces Phénomènes, n'exifle point
dans notre atmofphère, mais qu'elle eff extrémement éloignée de
nous & de notre atmofphère,
3-" Et enfin, que les particules de l'atmofphère terreftre
dont la Lumiere produit ces Phénomènes, ne fe trouvent
placées à cette grande diflance de la Terre, que parce qu'elles
y font chaffées par l'impulfion des rayons folaires,
Mim. 174 7 . Eee
Art. X,
Pr 171.
Art. XIII,
P+ 13ÿe
402 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Je remarque donc fur la première de ces propofitions ;
ou de ces fuppofitions, qu'il eft fans exemple, à moins qu'on
ne veuille prendre pour tel le fait en queflion, que les parti-
cules de notre atmofphère, & les émanations terreftres quel-
coques foient portées à une telle hauteur, c'efl-à-dire, à
deux ou trois cens lieues au defius de nous, & bien au dé
felon M. Euler.
Mis il ne fuffit pas d'imaginer que les particules de l'at-
mofphère, ou des exhalaifons terreftres, puifient être portées
à une telle hauteur, par l'impulfion des rayons folaires, il
faut encore expliquer comment elles peuvent s'y trouver
afiez denfes, pour nous réfléchir une lumière fenfible, tandis
que les crépufcules s'évanouiffent & ne font plus vifibles au
delà de quinze, vingt ou trente lieues, où les calculs les plus
favorables à leur hauteur les ont portés. Car, ou les crépuf
cules font compofés d'une matière contigue de proche en
proche depuis la partie la plus bafle de notre atmofphère, ou
la matière compofante des crépufcules, quoique Duilée dans
notre atmofphère, eft féparée de cette atmofphère, & chaflée
bien des lieues au delà par les rayons du Soleil, comme le
prétend M. Euler, & comme il doit le prétendre, après avoir
borné la hauteur de l'atmofphère terreftre à un mille d’Alle-
magne. Or comment fauverons-nous, dans Fun & dans
autre cas, cet efpace de deux ou trois cens lieues, où les
crépufcules difparoïflent , & au delà duquel fe retrouve pour-
tant une matière de même nature, & puifée dans la même
fource, qui luit à nos yeux d’une lumière beaucoup plus vive
que celle qui termine les crépufcules , quoiqu’elle doive y
être infiniment plus ténue & plus rare? Ce faut énorme &
f: contraire au procédé ordinaire de la Nature, fe lie-t-il
bien avec les vérités fondamentales de la Phyfique, & ne répu-
gne-t-il pas à tout ce qui nous en eft connu? Les rayons
folaires n'ont donc trouvé entre ces particules de l'atmo-
fphère terreltre, fufceptibles d'impulfion dans les crépufcules,
& celles dont ils vont former l’Aurore boréale à deux cens
lieues de là, aucunes particules femblables & intermédiaires,
Pme
Létus .coot
DE st" SCT E (NI CF IS 403
pour remplir cet intervalle? Et fur quelles obfervations éta-
blit-on une pareille hypothèle, dans ce fluide où tout nous
décèle une dégradation infenfible de confiflance & de pefan-
teur, à mefure qu'il eft plus éloigné de la Ferre? Cette dégra-
dation n'eft-elle pas vifible dans les crépufcules mêmes? Leur
denfité, leur lumière, immédiatement après le coucher du
Soleil, n'eft-elle pas plus grande que quand ils approchent
de leur fin; & n'y voit-on pas auffr une diminution conti-
nuelle: depuis le bord de horizon, jufqu'à la partie du Ciel
où ils difparoifient ? Comment donc notre atmofphère fe
trouve-t-elle tout-à-coup dépourvüe de ces parties intérmé-
diaires, pourn'en plus fournir enfuite que de celles qui com-
pofent l'Aurore Boréale à deux cens lieues plus loin, où elles
font cependant plus denfes & plus lumineufes qu'à lextré-
mité des crépufcules?
On pourroit encore demander fur ces crépufcules qui ne
font point dans notre atmofphère, pourquoi la matière qui
les compole, & qui dans la première heure, par exemple*, eff
pouffée à une diflance d'environ 30 milles, ne V'eft pas à 60 milles
dans la feconde heure, à 90 dans la troifième, & enfin à des
milliers de milles, où pourquoi, fi elle y eft pouffée, elle n'y
eft pas vifible? Pourquoi ces crépufcules, ces petites Aurores
Boréales formées fur le modèle de la grande, ayant même
origine, étant compofées de la même matière, puifées dans
le même fonds, font fi conftantes, fi uniformes, fi pério-
diques, & paroiffent fr régulièrement, foir .& matin, dans
tous les climats de Ja Terre; tandis qu’il n'eft rien de plus
inconftant, de plus variable, nj de plus cafuel que la grande,
que la véritable Aurore Boréale qui cefle quelquefois de
paroître, du moins en certains pays, en Angleterre, en
France, en Italie, pendant des 30, 40 & $o ans, & quine
paroît jamais dans plufieurs autres, ni vers le Nord, ni vers
aucun autre côté du Ciel ? j
Du refte, la connoiflance de latmofphère terreftre, des
parties groffières ou fubtiles qui la compofent, & fur-tout de
fon étendue, fait un point de Phyfique aflez intéreflant par
Eee ij
* Page 133:
404 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
lui-même, & par rapport à notre fujet. Auffi en ai-je ample:
ment traité dans mon Ouvrage fur l'Aurore Boréale, & je
me propofe d’en traiter encore dans la fuite de ces Eclair-
ciffemens. Mais en attendant, il ne fera pas difficile de recu-
ler les limites de cette atmofphère au delà d’un mille d’Alle-
magne, c'eft-à dire, au delà de 3 270 toifes, comme on peut
le déduire de ce qu'ajote M. Euler, que 2000 de ces milles
font le diamètre terreftre. Ce mille ne furpaffe donc que de
quelques $ 0 ou 60 toifes la hauteur des montagnes les plus
élevées du Pérou, de ces montagnes seigees, où, felon la Rela-
* Mém, & tion que nous en a donnée M. Bouguer *, on voit toüjours de
RT la neige, depuis la hauteur de 2434 toifes, qui en efl Ze rerme
de laTerre,p.L. inférieur &r conffant, jufqu'à leur fommet ; & où l'un de ces
fommets a été trouvé de 3 2 1 7 toifes au deflus du niveau de
la mer. Il feroit déjà affez fingulier que la neige y füt tombée
de ces 50, 6o, ou 100 toiles; fi l'on veut, que l'Atmofphère
auroit feulement de plus. Mais comment les nuées qu'on voit
au deflus, & la fumée des volcans que renferment la plufpart
de ces montagnes, y montent-elles, s’y foûtiennent-elles 3
ou 400, 7 à 800 toiles plus haut? car c'efl ce que M.
Bouguer nous aflure y avoir très-fouvent obfervé. Des va-
eurs aqueufes & de la fumée montent-elles, fe foütiennent-
elles dans l'Ether, dans un milieu ou un fluide plus léger
que l'air, à où l'atmofphère manque, & où l'air n'eft plus
foûtenu? Et fe perfuadera-t-on encore que l'air ou notre
atmofphère finifie tout-à-coup à ce point où les vapeurs
aqueufes & la fumée des volcans fe foûtiennent, & qu'il n’y
en ait pas encore au delà unejnfinité de couches plus légères
de plus en plus ?
La feule infpection des crépufcules, & de leur dégradation
non interrompue de denfité & de lumière, depuis le bord de
Y'horizon , jufqu’au point du Ciel où ils s'évanouiffent, fuflit
pour fe convaincre que l'Atmofphère monte pour le moins
auffi haut que les crépufcules; &, felon M. Euler, la hau-
teur des crépufcules va jufqu'à 30 milles. Il eft vrai que M.
Euler nous avertit que l'élévation des crépulcules, donnée à
|
\
DI ESA *SACNELE ANT. C IE 405
Jatmofphère, répugne à tout le refle des Phénomènes, & que la
plépart des Obfervations femblent confirmer que l'atmofphère de
da Terre ne s'étend prefque pas-au delà d'un mille d'Allemagne.
Mais quels font ces Phénomènes! Quelles font ces Obier-
vations? Sur cette manière de les alléguer, & de la part
d'un homme tel que M. Euler, on feroit porté à croire que
perfonne ne les ignore, & que la chofe eft fans difficulté ;
mais il me permettra de Jui dire, & j'ofe l'avancer, qu'il n'y
a jamais eu ni phénomène, ni obfervation, dont on ait pû
légitimement tirer une pareille conféquence,
Venons à la feconde fuppofition; que la matière, dont la
lumière produit lAurore Boréale, n’exifle point dans notre
Atmofphère, mais qu’elle eft extrémement éloignée de nous,
& par conféquent de cette atmofphère qui ne s'étend qu’à un
mille d'Allemagne.
Les obfervations n’avoient pas permis de décider, fi la Lu-
mière zodiacale étoit contigue au Soleil, ou placée à quelque
diftance de cet Aftre en forme d’anneau, & voici les obferva-
tions qui permettent de décider que Aurore Boréale n’eft pas
contigue à l’atmofphère terreftre. Ce n'étoit là qu'un doute,
c'eft ici une affirmation. Mais fans nous arrêter à chercher ces
obfervations, non plus que celles qui bornent notre atmo-
fphère a un mille d'Allemagne; remarquons feulement , que
TAurore Boréale ne fuit pas le mouvement général & appa-
rent du Ciel, d'Orient en Occident, & qu’elle fuit au con-
traire le mouvement diurne & réel de la Terre, d'Occident
en Orient. Donc elle eft dans notre atmofphère. C’eft ainfi
qu'ont raifonné les plus habiles & plus aflidus obfervateurs
de ce Phénomène. Feu M. Maraldi, qui, depuis que les
Aurores Boréales ont reparu en France, jufqu'à fa mort en
1729, n'a pas ceffé de les obferver, & d'en rendre compte
à l’Académie, dit, en parlant de celle du 29 Novembre
3721, Elle continua de paroître fort claire jufqw'à onge heures
&7 demie du foir, tojours attachée aux mêmes parties de l'horizon,
pendant que les étoiles de la grande Ourfe, qui du commencement
étbient vers le Nord dans la partie inférieure de leurs cercles an
Ece iij
Art. X &
XI.
3 Mém. de
l'Acad. 1721;
p- 2. Ce qu'il
avoit déja re-
marqué dès la
première de fes
obfervations{ur
ce Phénomène.
Mem. 1716,
P- 96.
b Tyaité de
l'Aurore Bo-
réale, p.40, &c.
406 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
deffus de la Lumière, avoient paffé vers la partie orientale de l'ho:
rigon; ce qui prouve que la Lumière ne Participoit point du mou
vement univerfel, 7 qu'elle étoit dans T Atmofphére *, Et fije. puis
me citer en qualité d'obfervateur aflidu, en un temps où je
ne prévoyois pas qu'on dût porter l'Aurore Boréale dans
Ether, & à quelques milliers de milles de l’atmofphère
terreftre, j'ajoûterai qu'après un grand nombre de pareilles
obfervations , j'avois srouve, que la maffe totale du Phénomène
demeuroit immobile par rapport à la Terre, o4 affeéloit au con-
traire de fe porter d’ Occident en Orient, en Je rangeant plus exatle-
ment autour du pole, après avoir commencé par tinen beaucoup
vers l'Occident? , ce qui eft directement oppofé au mouve-
ment univerfel. Je n'infifterai pas davantage fur ce fujet : on
peut joindre à la remarque précédente celles que j'ai déjà
faites fur l'anneau, ou fur le fphéroïde creux de la Lumière
zodiacale féparé du Soleil.
Relle la troifième fuppofition, l’Aurore Borcale engendrée
par l'impulfiondes rayons folaires.
S'il efl quelque loi fondamentale de Phyfique & de Mé-
chanique, c'eft certainement celle de limpulfion dans des
efpaces non réliftans. Un fluide pouflé dans de pareilstefpaces
par un autre fluide qui s'applique continuellement à x partie
expofée à fon choc, ne peut fuivre que la direction du cho-
quant. C’eft ainfi que les nuages nous indiquent la direétion
du vent. Et fi cette loi s'exerce dans la région des nuages,
pourroit-elle manquer d'avoir fon plein effet dans l'Ether?
La matière chaflée de latmofphère terreftre par les rayons
du Soleil, devroit donc toûjours fuivre la direction de ces
rayons! L’Aurore Borcale compolée de cette matière, &
formée à deux ou trois cens lieues au delà de l'atmolphère
terreftre, devroit donc toüjours être vüe à l'oppofite du So-
leil, comme la queue des Comètes! Cependant le lieu de
l'Aurore Boréale dans notre hémifphère eft prefque toüjours
vers le pole & autour du pole, & jamais où prefque jamais
dans la direction des rayons folaires. Le Soleil eft encore
vers l'Occident, & l'Aurore Boréale paroït vers l'Occident qui
D'E S/ S'CT'E Nic Es 407
eft le côté ordinaire de fa déclinaifon, en quelque endroit
du Ciel que foit le Soleil ; il eft dans l'hémifphère Boréal, &
elle eft autour du pole Boréal, au lieu de fé montrer vers
YAuflral ; le Soleil ne fort point de la Zone torride, fes
rayons font conflamment dirigés vers cette Zone’, & l'Au-
rore Boréale n'y eft jamais; da moins n’y eft-elle jamais ou
prefque jamais que par quelques-unes de fes parties, fans
paroître en même temps, ou après, & d’une manière plus
marquée, autour du pole. Donc Aurore Boréalé n’eft pas
formée par l'impulfion des rayons folaires.
M. Euler tâche en vain d'écarter cette objection qu'il a
bien fentie, & qui fe préfente en effet fi naturellement, II
faudra toûjours en venir à cette alternative.
Où la partie de l'Aurore Boréale que je vois aétuellement
vers l'Occident, par exemple, pendant que le Soleil eft vers
lOccident, y eft portée & s'y foûtient par l'impulfion des
fayons folaires ;
Ou elle y a été portée auparavant, dans la matinée du
jour du Phénomène, ou dans les matinées des jours précédens,
par les rayons du Soleil, lorfque cet aftre fe trouvoit vers
YOrient.
Le premier cas eft manifeflement impoflible, & diamètra-
lement oppofé à la loi de limpulfion.
Le fécond n'eft pas moins impoflble, ni moins oppolé à
cette loi, & il ne faut qu'un peu d'attention pour s’en con-
vaincre. |
Caren ce cas, limpulfion des rayons a donc ceffé de s'exer-
cer fur ces particules de matière, perdant tout l'intervalle de
temps qui s'eft, écoulé depuis qu'elles y avoient été pouffées ?
Et comment cette impulfion, qui eft continuélle, les at-elle
abandonnées, après avoir eu la force de les enlever de l’at-
mofphère terreftre? N'étoit-il pas plus facile à ces rayons
impulfifs de continuer à les chafler devant eux, dans les
efpaces non réfiflans de l'Ether, que de les détacher de l'at-
mofphère? Et pourquoi encore, ne refte-t-il aucunes traces
de cette matière enlevée à l'atmofphère, ni de celle qui va
408 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
l'être dans l'inftant d’après, & ainfi de fuite; pourquoi ,
dis-} je, n ‘en refte-t-il aucunes traces entre l'atmofphère & la
région de l'Aurore Boréale, entre les crépufcules que la mème
impulfion y laifle régulièrement foir & matin, & l’Aurore
Boréale qui eft emportce à deux cens lieues de la?
Mais fuppofons que par impofhible, & malgré ce que nous
avons démontré en pareil cas, de la diflipation infaillible des -
particules femblablement enlevées à l'aumofphère folaire,
fuppofons, que, par une caufe quelconque, l'Aurore Boréale
fe trouve ainfi fufpendue au milieu, de l'Ether vers le Cou-
chant, tandis que le Soleil eft encore & depuis plufieurs
heures vers ce mème côté du Ciel, La matière du Phéno-
mène y aura donc été retenue, après y avoir été pouflée par
des rayons folaires qui venoient du Levant! Sans m'informer
donc de ce qu'eft devenue la force impulfive des rayons qui
fuivoient immédiatement ceux-ci, je demande feulement
quelle eft la nouvelle force qui retient & foûtient ainfi au
milieu de l'Ether, une matière qui , felon tout ce que nous
favons de Phyfique, doit être infiniment plus pefante que
ce milieu? Ces particules qui faifoient un peu auparavant une
portion de l’atmofphère terreftre, n’y retomberont-elles pas
aufli-tôt, comme autant de balles de plomb? car c'eft ainfr
que retombe le duvet le plus léger dans le vuide de la ma-
chine pneumatique; & qu’eft-ce que ce vuide en comparaifon
de l'Ether?
Dira-t-on que ces particules pourroient être foûtenues à
une pareille hauteur, & hors de l’atmofphère, par la force
centrifuge de la rotation du Globe terreftre? Mais fi elles pou-
voient y être foûtenues par cette force, indépendamment de
l'impulfion des rayons, cette même force les y auroit dû
chafler, les y chafferoit toûjours, indépendamment de l'im-
pulfion des rayons; & celte impulfion deviendroit abfolu-
ment inutile à la formation du Phénomène.
On trouve dans cet endroit de l'Ouvrage de M. Euler,
une figure qu'il eft aifé de fe repréfenter, mais dont je ne
vois pas bien l'utilité, par rapport à l'hypothèfe en queftion,
Imaginez
ES er
DES: S, GLEN, @ EL 409
aie le Soleil dans le plan de l'Equateur, comme il eft au
temps des Equinoxes, & dardant de là fes rayons fur leGlobe
terreftre & fur fon atmofphère; confidérez là même, & d’après
l'hypothèle, l'effet de ces rayons fur les différentes parties de
notre atmofphère, pour en enlever les particules fubtiles qui
vont former l'Aurore Boréale à quelques milliers de milles au
delà. Cet effet, dit M. Euler *, doit être beaucoup moindre dans
les lieux de la Terre fitués pres de TE: quateur, que dans les con-
trées qui en font plus éloignées. Autour des poles donc de la Terr e,
où le Soleil, pendant plujieurs jours con écutifs, ef vifible près de
Î horizon, cet effet doit être très-grand, à‘ chaffer les particules
fubriles à à une grande diffance de je Terre........ Les particules
les plus fubtiles étant, comme nous l'avons vi, pouffées à une dif:
tance de la Terre d'environ 30 milles, dans le temps du point
du jour à du crépufcule, quoiqu'elles ne demeurent pas à peine
expofees une heure à l'aétion des rayons du foleil; il efl aifé de
s'apercevoir que dans le voifinage des poles, où cette ation dure
plijieurs jours de Juite, de femblables particules doivent étre em-
portées à quelques milliers de milles de la Terre.
Mais que conclurre autre chofe de cette fpéculation, &
de la pofition donnée, finon que l’Aurore Boréale ira fe for-
mer précifément au milieu de la Zone torride, de part &
d'autre du plan prolongé de l'Equateur, ou autour du pro-
longement de a ligne qui joint les centres du Soleil & de la
Terre, & qu'il n'y aura point d'Aurore Boréale au deflus
des Zones polaires, & encore moins au deflus des poles, ou
que s’il y refle quelques-unes de ces particules fufceptibles
d'impulfion par les rayons folaires, ce ne fera que dans l'atmo-
fphère, & tout au plus à une lieue d’ esuen au deflus de
la furface du Globe!
Car, 1.” comment les rayons du Soleil poufferoient - ils
au deflus ‘de ces Zones & des poles, les particules fubtiles
qu'ils mettent en mouvement dans l'atmofphère fupérieure,
& qu'ils chaffent devant eux, ne faifant qu'y rafer ces Zones,
ces poles & leur atmofphère, parallélement aux plans de
TEquateur & des cercles polaires? Et comment ces particules
Mém. 1747. .Fff
* Pager 57
4ïo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
ainfi pouflées pourroient-elles être conduites & portées ail-
Jeurs que fur le chemin de ces rayons, à l'oppofñite du Soleil,
& vers la Zone torride! L’impulfion des rayons doit fr
peu élever ces particules au deflus des Zones polaires & des
poles, qu'il eft clair au contraire qu’ils doivent les rabattre
au deflous, par l'effet de la réfraction, en fe rompant dans
Yatmofphère.
2.° Je ne prétends pas difputer ici à M. Euler le temps qu'il
affigne vaguement à la formation de l’Aurore Boréale, pour
devenir vifible; mais on ne comprend pas fur quoi il auroït pà
fe régler, pour nous en donner la moindre idée. On fait feule-
ment que felon l’hypothèfe du mouvement tranflatif de la Lu-
mière, les rayons du foleil parcourent une trentaine demillions
de lieues en fept à huit minutes, & que, felon l'hypothèfe des
vibrations de preffion, ils ne parcourroient peut-être pas fept à
huit lieues, ou fept à huit pieds, en trente millions d'années,
comme nous l'expliquerons en fon lieu. Mais quoi qu'il en foit,
& puifque dans le voifinage des poles l'action des rayons folaires
dure plufieurs jours de fuite, À ne fauroit y refter de ces particules
fubtiles mifes en mouvement par limpulfion, & dans latmo-
fphère, que celles du moment, ou tout au plus, du jour aétuel
où limpulfion dure encore fur elles : de forte qu'on né voit
pas comment de ces particules mêlées avec toutes'les autres
parties de l’atmofphère il pourroit jamais réfulter une Aurore
Boréale fenfible pour les pays circompolaires, où eft pourtant
le vrai fiège des Aurores Boréales, & où, fi l'on en croit
quelques voyageurs, elles font perpétuelles. En un mot, M.
Euler confidère toûjours les particules enlevées de l’atmo-
fphère par les rayons du Soleil, & deftinées à former l'Aurore
boréale, comme fi elles étoient abandonnées par ces rayons,
dès qu’elles ont été portées à la hauteur & à Fendroit du ciel
où il en a befoin pour l'apparition du Phénomène; & il eft
clair au contraire, qu'une particule quelconque ainfi arrachée
de latmofphère par ces rayons qui fe fuccèdent fans cefle,
en doit être continuellement pourfuivie & chaflée en avant;
de manière que la confidération des heures ou des jours qui
D'ES) SC LIEN: CE. 6, 411
précèdent l'apparition du Phénomène, ne fait qu’apporter ici
de la confufion, & que quelque temps qu'on prenne pour le
former, il faudra toûjours le placer à l’oppofite du Soleil.
3-° Si au lieu d'imaginer le Soleil fur le plan de l'équateur,
nous le fuppofons au tropique du Cancer, fes rayons y rabat-
tront encore mieux les particules de l’atmofphère fufceptibles
de leur impulfion, vers la furface du terrein de la Zone polaire
boréale : le Phénomène fera renvoyé fur les pays fitués fous
le tropique du Capricorne, & ainfi réciproquement d'un
tropique à l’autre, f1 l'on y fuppofe alternativement le Soleil.
Mais enfin, à quoi bon toutes ces diftinétions de zones &
de contrées fur l'atmofphère defquelles les rayons folaires
tombent plus ou moins obliquement ? Le Soleil n’éclaire-t-il
pas toûjours fucceffivement & fans ceffe un hémifphère entier
- de la Terre? Il y a donc toùjours un hémifphère entier, &
du globe terreftre, & de fon atmofphère,.dont les bords font
rafés par les rayons du Soleil, ni plus ni moins que les poles
dans le cas donné des équinoxes ; & cela quelles que foient
les zones dont la partie fe trouve fur le cercle Finiteur de
l'ombre & de la lumière, quelle que foit la pofition de Ia
fphère, par rapport au lieu du Soleil. Donc par lhypothèfe,
& par la loi inviolable de impulfion dans des efpaces libres,
les prétendues particules fubtiles capables de former l Aurore
Boréale, l'iront toûjours former dans la Zone torride, fur
laquelle l'Aurore boréale ne fera que tourner à l’oppofite du
Soleil, tant qu'elle fubfiftera : & pourquoi ne fubfifteroit-elle
pas toûjours ? ce n'eft point là certainement l’Aurore Boréale
ue nous connoiffons.
VIII ECLAIRCISSEMENT.
Sur la Queue des Comires.
À J E me fuis déjà expliqué fur cet article. La conjeéture que -
j'ai propofée fur les queues des Comètes, dans la dernière
feétion de mon Traité, fous le titre de Queftions & de doutes,
ne mappartient, quant au fonds, qu'en ce que je fais réfulter
Fff i
412 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ces queues de la partie de l’atmofphère folaire dont fes Co-
mètes fe font chargées & qu’elles ont entraînée avec elles, em
approchant de leur Périhélie. Tout le refle avoit été imaginé
long temps avant moi.
On croit communément que Pierre Apian, Aftronome,
& Profefleur de Mathématique à Ingolftad, vers le com-
mencement du feizième fiècle, eft le premier qui ait re-
marqué, que la queue des Comètes étoit toüjours tournée
du côté oppofé au Soleil. Cinq Comètes qui parurent dans
l'intervalle de dix ans, depuis 1530 jufqu'en 1 540, l'en
firent apercevoir; & il en conclut, que les queues des Co-
mètes tiroient leur origine du Soleil. Mais c’eft vrai-fem-
blablement à Képler que nous devons la première explication
de ce Phénomène, parl'ingénieufe idée de l'impulfion des
rayons folaires fur une atmofphère ou matière quelconque
provenant de Ja Comète.
Ce ne fut pourtant pas à d’abord le fentiment de Képler,
comime-on peut le voir dans fon Aftronomie Optique, im-
primée en 1 604. I y fait venir la queue des Comètes de la
réfraction des rayons folaires fur l’Ether, au delà du corps
de la Comète, fuppofé tranfparent, & après qu'ils l'ont tra-
verfé; ni plus ni moins qu’au delà d’une bouteille fphérique
de verre pleine d’eau, qui réuniroit les rayons de lumière à un
foyer de quelque étendue. Il étoit alors fi éloigné de l'opinion
qu'il embraffa dans la fuite fur ce fujet, qu'il ne fait pas difh-
culté de la traiter de monftrueufe ; $3 dixeris caudam Cometæ
materiam efle, ad Cometæ effentiam fpedlantem , immaniffimum
effinxeris monftrum. Mais enfin il s'aperçut fans doute de l’in-
congruité qu'il y avoit à nous faire réfléchir une lumière fen-
fible par l'Ether, quelles que foient auparavant les réfraétions.
w'elle a fouffertes, en traverfant la Comète ou fon atmo-
fphère. Si l'Ether avoit affez de confiflance ou étoit compofé
de parties affez groflières pour cet effet, il nous renverroit
prefque autant de lumière la nuit que nous en avons le jour.
Et c'eft auffi ce qu'Hévélius a vigoureufement combattu dans
fi Cométographie, Képler y fubflitua donç une matière fubuile
Di ES SN ICS RIE NC vs 413
qu'il croyoit que les rayons du Soleil entraïnoient ou arra-
_choient de la Comète. C’eft ainfi qu’il concevoit encore, que
la Comète, après avoir paflé par fon Périhélie, alloit toûjours
en diminuant de fubflance & d'apparence, comme il le dit
dans le fecond de fes trois livres fur les Comètes, publiés
en 1619.
J'ai interprété plus favorablement les paroles de Képler,
quand j'ai dit dans mon Traité, que felon lui la chevelure ou
la queue des Comètes étoit formée d’une watière ainfi pouffée
ou chaffée, non de l'intérieur. ou de la fubftance même de leurs
noyaux, mais de leurs atmofphères, par l'impulfion des rayons
du Soleil, comme le feroit une. vraie chevelure expofée au vent.
Æt cela à limitation de M. Newton, qui regardant le fenti-.
ment de Képler comme aflez plaufible, son à ratione prorfus
alienum, le rapporte ainfi dans fon 1roilième livre des Princi-
pes: Afcénfum caudarum ex atmofpharis capitum, 7 progreffum in
partes à Sole averfas Keplerus afcribit ation radiorum lucis ma-
teriam cattdeæe fecum rapientes +, Vès les temps même de Képler, * Pr Mar,
& trois ans après la publication de fon livre des Comèes, ne
on ne l’entendoit pas autrement. « Deux chofes, difoir Lon-
gomontanus P, concourent à la formation de la chevelure « 4from
ou de la queue d'une Comète; les rayons folaires, & la ma- « Es ce
ière qui environnne la Comète : car ces rayons venait à « © Edin
agir puiflamment contre cette matière, depuis fa fuperficie « in
jufqu'à là furface de la Comète, en chaffent avec impétuofité «
les parties les plus légères, & les entraînent bien loin au delà «
du corps de la Comète à l'oppofite du Soleil ». Ce que d’au-
tres Auteurs n'ont pas aufll manqué de dire, chacun à fa
manière, & felon fes principes. Ainfi il n’y a pas de doute
-que l'explication de a queue des Comètes, par l'impulfion
des rayons du Soleil fur leur atmofphère , ne foit depuis long.
temps très-connue.
Cependant M. Newton, tout perfuadé qu'il étoit de l’é-
miflion des corpufcules lumineux que cette explication fup-
pole, & qui en effet y conduit fi naturellement, & quelque
swxai-femblable que lui parût l'idée de Képler, ne s'y eft pas
F ff üij
4t4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
arrêté. I} attribue l'afcenfion & Ia direction des queues des
Comètes vers le côté oppolé au Soleil, à la légèreté des
parties les plus ténues que le Soleil élève de leurs têtes &
de leurs atmofphères, lorfqu'elles approchent de leurs Péri-
® Ui. Sy. hélies. « Car, dit-il, comme dans notre air * la fumée d’un
» corps brûlant ou échaufté fe dirige toûjours en en-haut, ou
» perpendiculairement, s'il eft en repos, ou obliquement & à
» côté, s'il fe meut, de même dans le ciel, où les corps gra-
» vitent vers le Soleil, les fumées & les vapeurs doivent monter
» en ligne droite, s'ils font en repos, ou en ligne courbe &
» oblique, s'ils font en mouvement : & cela indépendamment
de toute impulfion de rayons ».
Il n'eft pas queftion ici d'examiner plus particulièrement
ces explications. J'ofe dire qu'elles venoient toutes également
à mon but, & que j'aurois pu également les employer à
montrer l'accord de ma théorie fur l’Aurore Boréale, & fur
Vatmofphère folaire, avec les principaux Phénomènes du ciel,
& conformément aux opinions le plus généralement répan-
dues dans le monde favant. Car, je ne faurois trop le répéter,
tout ce qui me regarde en cette occafion , tout ce qu'il m'im-
porte d'établir, c'eft que la vafte atmofphère des Comètes &
leurs Queues ont été prifes dans l'atmofphère du Soleil.
Quelle a donc été la raifon de la préférence que j'ai donnée
à l'explication de Képler? C'eft qu'il m'étoit facile de faire
entendre cette explication avec clarté, & en peu de mots,
par l'image fenfible d’une chevelure expofée à l'impulfion du
vent , dans une partie de mon Ouvrage, prefque furnumé-
raire, & toute deftinée à des queftions détachées que je vou-
lois traiter fuccinétement. Je ne püûs trouver la même facilité,
ni la même clarté dans les autres, elles me parurent plus
compliquées, & je m'abftins d'en parler. En un mot je crus,
& je crois encore devoir écarter de mon fujet les difcuffions
dont je puis me pafler, & :ne point entamer des matières
qu'il faudroit reprendre de trop loin, pour dire ce que j'en
penfe.
Venons-en donc enfin à la circonftance effentielle de ma
A pue HE Site) nu CNE AS 415
théorie fur les queues des Comètes, à leur origine dans l’atmo-
fphère folaire, applicable, comme j'ai dit, aux différentes
explications qu'on en donne, & appliquée en effet à celle de
Képler, à laquelle je veux bien nren tenir encore ici.
Eft-il vrai que plufieurs Comites paroiffent avec des queues,
avant que d'avoir atteint la Lumière zodiacale, comme le pré-
tend M. Euler?
Pour répondre à cette queftion, qui peut recevoir plus
d’un fens, il eft bon de pofer auparavant quelques principes
de fait. Et puifqu'à cet égard, j'ai une caufe commune à
défendre avec M. Newton, je ne faurois mieux faire que
de puiler ces principes dans la théorie de ce Philofophe.
Car nous venons de voir que, felon lui, la formation des
queues n'a lieu que lorfque les Comètes arrivent auprès de
leur Périhélie, & fuppofe en même temps que leur Périhélie
ne foit pas bien loin du Soleil; & felon moi, cette proximité
du Soleil qu'exige l'explication de M. Newton, emporte
néceflairement que les Comètes aient pu atteindre à fatmo-
fphère folaire ou à la Lumière zodiacale autour de leur
Périhélie. Je dis donc d'après M. Newton *, qui eft en cela
parfaitement d'accord avec les plus fameux Obfervateurs des
Comètes :
. Que les Comètes ne prennent des queues qu’en s'appro-
chant du Soleil :
Que ces queues font d'autant plus grandes, & croiflent
d'autant plus, qu'elles s’en approchent davantage :
Que les Comètes qu’on voit fans queue & fort petites,
font par conféquent, & de fait, ainfi aperçues fort loin du
Soléil, & échapperit aux parallaxes :
Que tés Comètes defcendent le plus fouvent au deffous des
orbites de Mars & des Planètes inférieures :
Que leurs queues font toûjours plus grandes, après avoir
pafié par leur Périhélie, qu'auparavant :
Et enfin, qu'en parcourant l'hiftoire des Comètes, on en.
trouve quatre où cinq fois plus dans l'hémifphère du Soleil
que dans l'hémifphère oppolé, :
* Phil. nat
Prince. Math. L
3. Lem 4. pi
478, à fegg:
Ed. :726.
416 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Mais pour voir tout ceci d'un coup d'œil, & l'appliquer
en même temps à notre fujet, prenons la Table des Comètes
de M. Halley, dans fon Arége d'Affronomie Cométique donné
+ Phil. Tran. à la Société Royale de Londres en 1705 * Ce font 24 Co-
ar mètes calculées avec toute la fagacité, & tout le travail dont
on fait que M. Halley étoit capable. Ajoütons-y 1 2 autres
Comètes ainfi calculées depuis la Table de M. Halley, &
qu'on trouvera dans les Leçons Aftronomiques de M. Abbé
s Page 243. dela Caille b. Ce qui fait en tout 36 Comètes, dont nous
avons les diftances périhélies. .
Diflances des Périhélies des Comtes, en parties dont le rayon de l'orbe
annuel a 100000.
ComëTes | DISTANCE
DU PÉRIHÉLIE
AU SOLEIL.
CoMÈTEs | DISTANCE
DU PÉRIHÉLIE des
AU SOLEIL. ANNÉES
84750 1699
ComèTes | DISTANCE
des DU PÉRIHÉLIE des
ANNÉES | AU SOLEIL, ANNÉES
74400 ,
44851 1702 | 64590
1025757 1706 42582
10649 | 1707 | 85974
1718 | 102655
1723 | 99865
1729 426140
22282
2737
67358
76568
83501
219851
De ces 36 Comiètes, dont la premièreeft de l'an 1337,
& la dernière de 1698 dans M. Häalley, de 1699 & de
1747 dans M. l'Abbé de la Caille, il y en a 31 qui ont eu
leur Périhélie plus près du Soleil que n'eft la Terre, ou qui
ont palé entre le Soleil & l'orbe annuel. Or nous avons vü,
d'après
j
CC is moment D 180 SAT
D
DZ D 7
DES SCrTENCESs. 417
«d’après les Obfervations réitérées de feu M. Cafini, & pa
tout ce qui a été remarqué là-deflus dans mon Trañé, & dans
es Eclaircitfemens précédens , que l'atmofphère du Soleif
s'étend quelquefois vifiblernent jufqu'à l'orbe annuel & au
delà, fans qu'on puiffe afligner les bornes de ce quien échappe
à nos yeux. Donc de ces 3 6 Comètes dont nous avons les
Périhélies, entre toutes celles qui ont paru dans l'efpace de
-36oans, les 31 qui ont paflé plus près du Soleil que la Terre
ont bien certainement pü atteindre à l'atmofphère du Soleil.
Il feroit fuperflu d’avertir que nos principes de fait, non
- plus que nos réfultats, ne fauroient être infirmés par la con-
jeure, d'ailleurs très-plaufible, dequelques Aftronomes, qu’
} a peut étre autant ou plus de Comètes, qui, dans leur Périhélie,
pallent au delà de l'orbe annuel, qu'en deca, H y en aura, ft
d'on veut, des rilliersentre Saturne, les Fixes & nous: il ne
s'agit ici que de celles qui font à notre portée, qui fe mani-
feflent avec une queuesou fans queue, & qui peuvent influer
par à fur la queftion préfente. C'eft certainement ainf que
dentendoit M. Newton, qui nignoroit pas lui-même une
#emblable poffbilité. 1L'LE
Müis il eft bon d’obferver que parmi ces 3 1 Comètes, dont
le Périhélie s’eft trouvé au deflous de l'orbe annuel , il yen
a 11 qui ont paflé plus près du Soleil qu'à, la moitié de fà
diftance de cet orbe ou de la Terre, 12 qui n'ont pas paflé aux
drois quarts de cette diftance, & 8 feulenient qui en ont paité
à plus des trois quarts. Et enfin; qu'à l'égard des:$ Comètes,
dont le Périhélie fe trouve: plus loin du Soleil que l'orbite
terreftre, il yYena 3 ou 4 qui ont paru fans queue, & qui
rentrent par [à dans notre théorie. .
.! Cés 3 ou 4 Comètes font celles de 158$ (a), 1718 (b),
(a) Découverte par Tycho-Brahés cujufdam tenelli radioli, &c. qu’on
le 18 Oétobre, comme une Etoile | ne vit plus, pendant tout le refte de
nébuleufe, ronde 8 fans queue, ice | fon cours. Epiltol. Affron: p. 13.
n'eft, que le 20. & le 22, en y re- (b) Ghriftfr. Kirch, qui l’obferva,
gardant fixement & long-tempst, on y | n’y put apercevoir aucun veflise de
aperçut un petit rayon de lumière vers | queue. Mifcell, Berolin, Contin, LL,
Je Couchant , exile guoddam véfligiun | p.20 1. $
Mém. 1747: be Ggg
‘
418 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
1729 (a), & 1747 (b), comme on peut voir dans les Ecrits
des Aftronomes qui les ont obfervées.
Il ne refte donc des 32 ou 33 Comètes fur lefquelles
nous devons raifonner, qu’une feule Comète, qui ayant fon
Périhélie au delà de l'orbite terreftre, fe foit montrée bien
vifiblement avec une queue, favoir la Comète de 1664,
obfervée par Hevelius /c). Mais de combien ce Périhélie ex-
cédoit-il la diftance de cet orbite? Je trouve dans la Table de
M. Halley que c'étoit feulement de 2575 + parties, fur les
100000 de celles qu'on donne au rayon de l'orbe annuel;
ce qui ne fait qu'environ la 39° partie de cette diftance, &
qui n'exclut point affurément la pofñbilité que la Comète ait
atteint à l’atmofphère folaire qui s'étend quelquefois, même
vifiblement, beaucoup au delà.
Quand je dis de toutes ces Comètes, qu'elles ont atteint
ou pü atteindre à cette atmofphère, il ne faut pas feulement
l'entendre de la révolution aétuellement obfervée, mais auffx
des révolutions antérieures. Ainfi une Comète, en revenant
vers le Soleil, pourra fort bien y reprendre une queue, avant
que d'être arrivée à l'atmofphère folaire, & à fon Perihélie, en
ne faifant qu'approcher jufqu'à un certain point de l’un ou
de l’autre. Car il eft très-poffible & très-vrai-femblable que
les Comètes que nous voyons toüjours enveloppées d’une
atmofphère nébuleufe & immenfe, en comparaifon de celle
(a) Découverte par le P. Sarabat
Jéfuite à Nimes, & obfervée à Paris
ar M. Caffini, fous la forme d’une
Æ'toile nébuleufe, avec une chevelure
autour d'elle, dont l'étendue paroïf-
Joit au moins auffi grande que le dia-
mètre de Jupiter. Mém. de l’Acad.
2729, p. 210. Calculée par M.
Maraldi. Mém. Ac. 1743, p. 195:
(&) Qui parut & fut EE ATP CR
1746, maïs qui ne dut arriver à fon
Périhélie qu'en 1747. M. Maraldi
Vobferva à Paris fans queue; mais M.
de Chefeaux, qui l'avoir découverte
sn 8 jours auparavant en Suille,
dont le témoignage eft ici d’un
grand poids, après l'excellent Traité
qu’il nous a donné de la Comète de
1744, manda y avoir aperçü une
queue d'environ 24 minutes, Méms
Acad. 1746, p. $5. HN m'a dit de=
puis de vive voix, que la Cométe,
fon atmofphère & cette queue, for-
moient une e'pèce de Conoïde para=
bolique, & en tout une Atmolphère
feulement plus étendue du côté du
noyau oppofé au Soleil. C'eft ce qui
m'empêche de l'exclurre entièrement
de la clafñle des Comères à queue.
(c) Ilen déicrmine la Queue de
14 degrés de longueur. Comerogre
?: 9412
er
ù DES SCrENCESs. 41
des Planètes, après s'être chargées une ou plufieurs fois de {a
matière zodiacale en paflant près du Soleil, la confervent en
tout ou en partie, en retournant vers le Soleil; que ce qui-
s y eft confervé de la matière zodiacale, & qui fe range enfuite
fphériquement autour de leur globe, ou de leur atmofphère
propre à leurs grandes diftances du Soleil, fe transforme de
nouveau en queue, par l'impulfion des rayons de cet aftre,
lorfqu'elles viennent à s’en rapprocher, quoiqu'elles en foient
à une plus grande diflance que la Terre, & loin de leur Péri-
hélie : & cela avec toutes les modifications & les différences
qu'y auront apporté les viciflitudes détendue & de denfité
de l'atmofphère folaire, & la différente fphère d’adivité de la
gravitation autour du globe de chaque Comète, felon fa
grandeur & fa folidité. I eft d’ailleurs très-vrai-femblable &
très-analogue à tout ce que nous connoiflons des mouvemens
céleftes, que le Périhélie de telle Comète, aujourd’hui fort
éloigné du Soleil, en ait été plus proche autrefois, dans quel-
qu'une de fes révolutions, par le changement de lieu de fes
Noœuds : ce qui peut aller à des efpaces immenfes fur fon
Périhélie, vû la prodigieufe excentricité des orbes des Co-
mètes, & la longueur de leurs périodes. C'eft auffi par à
qu’on donne raifon de limpofhbilité où nous fommes de les
reconmoître, & de prédire certainement leurs retours ; car
on fait le peu de fuccès qu'ont eu jufqu’ici ces fortes de pré-
diétions. Et ne voilà-t-il pas dès-lors les exceptions appa-
rentes, & qui font en fi petit nombre, ramenées à la loi
générale, à nos principes & à ceux de M. Newton. .
On voit donc combien la propofition de M. Euler aïnfr
énoncée & fans autre reftriétion , -plufieurs Comètes paroiffent
avec des queues, avant que d'avoir atteint la Lumière zodiacale,
fouffre de reflriétions, eft équivoque, & peu concluante
contre lhypothèfe qu'il combat.
Mais de quelque manière qu’on l’entende, j'efpère que M.
Euler ne me refuferà pas d'y joindre cette inverfe qu’elle
renferme, & qui eft d'ailleurs inconteftable, plufieurs Cometes
paroiffent avec des queues, après avoir atteint la Lumière zodiacale
ou l'atmofphére folaire. Gggi
420 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Or cela pofé, comment M. Euler fe défendra-t-il de m'ac-
corder que plufieurs Comètes doivent avoir puilé leurs queues
dans l’atmofphère folaire, & que prefque toutes, c'eft-à-dire,
31fur32ou33, doivent tout au moins les y avoir augmen-
tées? Car 1° felon fes principes, par les loix de la gravita-
tion, le corps d'une Comète ne fauroit fe plonger dans
Yatmofphère folaire, fans s'y charger d'une partie du fluide
ambiant qu’elle y rencontre fur fon chemin, & qui compofe
cette atmofphère. 2.° Selon fes principes, ce fluide, cette:
matière ténue & légère, eft fufceptible d’impulfion de la part
des rayons folaires; puifque c'efl par là principalement qu'il
explique la dilatation, l'étendue & la figure de l’atmofphère
folaire. Donc les particules les plus ténues & les plus légères
de cette matière entraînée par la Comète, & aflemblée autour
de fon noyau, ou de fon atmofphère quelconque, en feront
chaflées, pouflées en avant par la force impulfive des rayons
folaires, & à l’oppofite du Soleil, en un mot, elles y for-
meront la queue de la Comète. Quelle raifon pourroit-on
alléguer pour les en exclurre, & pour donner la préférence
à l'atmofphère propre de la Comète, dont il eft d'ailleurs
très-douteux que les molécules foient fufceptibles d’une pa-
reille impulfion de la part de la lumière?
I! ne s'agira donc plus que de quelques exceptions que
nous avons montré fe réduire prefque à rien, & enfin s'éva-
nouir. Mais ce n’eft pas fur des exceptions qu'on bâtit un
fyftème, comme ce n'eft pas auffi fur des exceptions, & des
exceptions vagues & incertaines, qu'on en réfute un autre.
Quant au peu de convenance que je trouvai à former Îa
queue des Comètes des fumées ou des vapeurs qui s’en élèvent
à l'approche & par l'exceflive chaleur du Soleil, comme a
fait M. Newton, j'en ai, ce me femble, donné d’affez bonnes
raïfons, dans la partie de mon Ouvrage où je propofe mes
doutes & mes conjectures. À quoi l'on peut ajoûter que les
rayons du Soleil ne produifent point féuls & par eux-mêmes
toute la chaleur qu’ils nous font fentir, & que nous leur attri-
buons, trompés par les matières ignées qu'ils mettent en
D'E SM STCUT'É A UC'ECS, 421
mouvement autour de nous, ou par d’autres circonftances
qu'il feroit trop long de déduire & d'expliquer. C’eft cepen-
dant d’après cette chaleur attribuée en entier au Soleil, que
nous jugeons de celle qu'il excite fur les Comètes , c’eft fur
cette fomme d'effets & de caufes que nous formons l'analogie
des quarrés des diftances de la Terre, des Planètes, & des
Comètes au Soleil, quoiqu’elle ne dût porter que fur les rayons
folaires qui n'y entrent peut-être pas pour la millième partie,
& tandis que tout le refle peut fuivre une toute autre loi, en
diminution même des eflets de celle-ci. Nous ne pouvons
donc pas décider que le Soleil produife fur les Comètes
qui s'en approchent le plus, cette extrême raréfaGtion de
parties qu'on croit y découvrir par feur vafte atmofphère, ni
favoir s’il en tire plus ou moins de vapeurs, d'exhalaifons &
de fumées, que de la Terre, où nous ne voyons rien de pareil
à une telle diflolution. L’exiftence de la matière zodiacale eft
plus certaine, & la matière zodiacale puifée par ces Comètes
à l'endroit ou tout proche de fa plus grande denfité, fatisfait
pour le moins auffi bien à toutes ces apparences. I femble
que M. Newton y auroit pü auffi employer cette quantité
de corpufcules, qu'il fuppole ailleurs qui émanent des Pla-
nètes, qui {e répandent dans l'Ether, & dont les Comètes
pourroient fe charger en entrant dans le tourbillon folaire,
comme j'imagine & par la même raifon qu'elles fe chargent
de la matière zodiacale. Sans parler du raifonnement que j'ai
fait ci-deflus, & qui n’eft pas moins applicable à M. Newton
qu'à M. Euler; favoir, que, felon fes principes, par les réful-
tats ou principes de fait agcordés fur les Comètes ,- & qu'il
nous fournit, on ne peut douter que la plûpart des Comètes
n'entrent dans l'atmofphère folaire, & que par les loix de 1a
gravitation elles ne doivent s'y charger de la matière qui
compolfe cette atmofphère. D'où s’enfuivra de même fon
explication indépendante de l'impulfion des rayons, mais
dans laquelle on n'a plus befoin de ces fumées ni de ces
vapeurs, pour en former la queue des Comètes, non plus
que dans la mienne. C'eft apparemment fous cet afpe&t que
Ggg ij
* Phil nat.
Princip. Math.
per. Comment.
{lluftrata. T. }.
Part. ul, pag.
Ég4.
422 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
les PP. le Seur & Jacquier, dans leur favant Commentaire,
ont confidéré mon idée, quand ils ont dit qu'elle s’accor-
doit avec les principes de M. Newton*, & qu'ils ont bien
voulu en donner un précis à la fuite de celle de ce Philo-
fophe.
Et à l'égard de l'hypothèle de M. Euler, où la matière des
Queues eft prife dans l'atmofphère propre des Comètes,
outre ce que j'ai dit à ce fujet, ou fur les amofphères en gé-
néral, dans mon Traité, & dans l'Eclaircifflement précédent,
je remarque, qu'il s'en faut beaucoup que l'accroiflement des
Queues fuive le rapport des accroiflemens d’impulfion des
rayons folaires, en raifon inverfe des quarrés des diftances
au Soleil, ces queues étant d'abord prefque imperceptibles,
& fe trouvant peu de jours après de plufieurs degrés de lon-
gueur, & fort larges, quoique leur proximité du Soleil &
de la Terre, avec les autres élémens d'Optique qui entrent
dans cette détermination, n'aient pas, à beaucoup près, aug-
menté dans le même rapport. C'eft ce dont je me fuis con-
vaincu fur les types que J'ai tracés de quelques Comètes. Mais
pour ne pas entrer là deflus dans un détail qui nous mèneroit
trop loin, ne faifons attention qu’à cette vafte nébulofité qui
entoure la Comète ou à fon atmofphère propre fuppofée ne
rien tenir de l'atmofphère folaire. On verra que, toutes chofes
d'ailleurs égales & proportions gardées, elle augmente avec
fa queue , à mefure que la Comète approche du Soleil, au lieu
de diminuer, ou même de s'évanouir prefque entièrement,
lorfqu'elle en eft à une fort petite diflance. C’eft là, dis-je, ce
qui devroit arriver, puifque, par l'hypothèfe, c’eft aux dépens
de cette même atmofphère & de la matière qui la compole,
que la queue de la Comète eft d'abord formée, & enfuite ft
confidérablement augmentée. Et fi l'on veut que les particules
enlevées à l’atmofphère dé la Comète, pour en former fa
queue, foient fi fubtiles, que le volume apparent de cette
atmofphère n'en puifle recevoir une diminution fenfible, tout
au moins n'en doit-il pas être augmenté, Mais encore, com-
ment l'accorder, cette hypothèle, avec le principe de fait
\'
"DE SRISICUIE MCE is 423
pofé ci-deffus, & qui eft certainement l'un des moins fujets
à exception, que /es Queues font toëjours plus grandes après
que les Cométes ont palfé par leur Périhélie, qu'auparavant !
D'où viendroit ici une pareille augmentation? N’eft-ce pas
toûjours la même quantité de matière autour de la Comète,
& qui fe diftribue entre fon atmofphère & fa queue? Car on
he fauroit y admettre d'augmentation en ce cas, fans tomber
dans quelqu'une des hypothèfes qu'on veut éviter? Et les
rayons folaires n’agiflent-ils pas toûjours également fur cette
matière à diflances égales du Soleil? Leur denfité, leur force
impulfive n’y eft-elle pas la même? Par quelle méchanique
tirent-ils donc une plus grande queue de l'atmofphère de la
Comète, & de beaucoup plus grande, après qu'elle a paffé
par fon Périhélie qu'auparavant? Toutes difficultés qui dif-
paroiffent dans l'hypothèle que je défends, où, à mefure que
11 Comète avance vers le Soleil & dans l’atmofphère folaire,
elle rencontre de plus en plus une matière plus denfe, dont
elle fe charge, & dont elle n’eft jamais fi chargée qu'à fon
retour du Périhélie. Ainfi il n’eft pas étonnant qu'elle en rap-
porte une plus grande atmofphère & une plus grande queue
qu'elle n'avoit en y allant; comme il ne left pas auffi, que
celte queue conferve des marques fenfibles de fon origine,
Ba couleur, la rareté, la tranfparence, & toutes les qualités
de la Lumière zodiacale,
IX ECLAIRCISSEMENT,
Sur / ‘impulfion des rayons Solaires.
J E me fuis prêté jufqu’ici à l'impulfion des rayons Solaires,
por fondamental de M. Euler, fans examiner davantage
a réalité de cette impulfion, ni la manière dont M. Euler
la conçoit. C'eft fur ce pied que je me flatte d’avoir répondu
à fes objections, & montré qu'il s'en faut beaucoup, que
fon fyflème fur chacune des queflions précédemes , fe lie
auffi-bien avec les vérités fondamentales de la Phyfique,
qu'il nous l'avoit annoncé, Mais il ef temps enfin, que
424 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
nous fachions à quoi nous en tenir fur un principe de cette
importance,
La Lumière eft certainement un corps, puifqu'elle affecte
des corps, tels que nos organes. Elle à donc une force im-
ulfive contre les corps qu'elle trouve fur fon chemin, ft
elle fe meut, & elle fe meut, puifqu'elle vient du Soleil juf
qu'à nous. Mais de quelle manière y vient-elle? On fait qu'il
a là-deflus deux fyflèmes qui divifent les Savans. Selon
l'un de ces fyftèmes, la Lumière arrive du corps lumineux
jufqu'à nous par un mouvement réel, & vient frapper nos
yeux, à peu près comme les corpufcules odorans qui s'échap-
pent d’une fleur, viennent frapper notré odorat. Selon l'autre,
elle ne fe fait fentir que par le mouvement que le corps lumi-
neux communique au fluide interpofé entre lui & nous. L'un
de ces fyflèmes eft défigné par l'émiffion où l'émanation des
corpufeules, Vautre par les vibrations de preffion. C’eit toûjours
du mouvement, mais, comme on voit, un mouvement très-
différent. J'appellerai le premier, mouvement de tranfport, tranf-
latif, progreffif, non interrompu ; & le fecond, mouvement de
vibration, d'agitation, où de preffion; lim pulfion qui fe rapporte
au premier, émpulfion tranflative, où fimplement émpulfion; &
celle qui fe rapporte au fecond, ämpulfion de vibration.
C'eft fans autre difcuffion ni diflinétion d'hypothèfe fur {a
Lumière, que nous avons fuppolé jufqu'ici fon impulfion
comme capable d'imprimer un mouvement progreffif & non
interrompu aux particules de ratière qu'elle rencontre. II
eft cependant bien vifible qu'un tel mouvement réfulte plû-
tôt de l'impulfion tranflative & de l'hypothèfe des émiffions,
que de celle des vibrations; mais quoi qu'il en foit, c'eft
par rapport à la première, que nous demanderons préfente-
ment, fi l'impulfion des rayons folaires eft fenfible & juqu'à
quel point, ou fi elle ne l'eft pas? Car c'eft principalement
des effets fenfibles de cette impulfion qu'il s'agit ici, quelle
que fût d'ailleurs fa réalité dans la fpéculation.
Si l'on en croit quelques Auteurs, il n'eft prefque point
de phénomène ici bas, qui ne participe plus ou moins de
limpulfion
DES SCIENCES 425
Timpulfion des rayons folaires. Sj l'on expofe, difoit M. Hart-
foeker*, un petit reffort au foyer d'un verre ardent, on ‘erra ce
reffont faire des vibrations affez fenfibles. Les rayons du Soleil chaf.
fent la fumée du haut en bas de la cheminée. Les voyageurs affurent
que le Danube eff beaucoup moins rapide le matin, lorfque les
rayons du Soleil s'oppofent à fon cours, qu'il ne l'eff après midi,
Torfqu'ils aident ce cours. Tout le monde fait que la Meufe a une
affez grande mer au Nord-ouefl de fon embouchäre ; à comme
cette rivière s'enfle ordinairement la nuit environ d'un demi-pied
plus que le jour, fi quelque caufe étrangère n'y apporte du chan-
gement , il [emble qu'on ne puiffe attribuer ce phénomène qu'aux
rayons du Soleil, lefquels, durant la plus grande partie du jour,
chaffent la mer loin de la terre ; d'où elle fe rapproche le Joir
lorfque le Soleil eff couché, 7 que fes rayons ne la chaffent plus.
M. Hartfocker penfoit ainfi en 1696, & il ne paroit pas
qu'il ait changé de fentiment avant fa mort, arrivée en DZ2/5:
1 dit encore dans fon cours de Phyfique*, que lorfqu'on
expofe au foyer d'un verre ardent une poignée de fable, ce fable
en ef! chalfé &7 difipé auffi-tôt, comme par quelque coup de vent ;
que quand on a quelque diffolution, par exemple, celle de l'argent
par l'eau forte, les rayons de lumière qui fe préfentent pour y
paffer, rangent pour cet effet les parcelles de l'argent qui y flottent,
ëT rendent par confequent tte diffolution claire & tranfparente ;
qu'on obferve dans le golfe de Lyon du côté de la mer un courant;
qui a rapport au motivement du Soleil, & autres femblables
q PP
preuves. Je m'étonne qu'il n’y ajoûte pas auffi les vents Alifés
qui foufflent dans la Zone torride d'Orient en Occident, &
dans fa direction du cours du Soleil.
Je me flatte que le Lecteur intelligent n’exigera pas que je
difcute par ordre un tel amas d’obfervations & d'expériences,
à la plüpart defquelles ce feroit faire grace que de les qualifiët
fimplement d’équivoques. Arrêtons-nous à celle du miroir
ardent; c'eft la plus connue. Mais comme elleeft bien mieux
circonftanciée dans l'Hifloire de l Académie des Sciences ;
c’eft {ur ce qu'on en trouve dans cette Hiftoire, & d'après le
réfultat qu'en donne M. de Fontenelle, que je vais l'examiner.
Mén. 1747 . Hhh
* Principes de
Phfg.p- 137
* Imprimé à fa
Haïe en 1
2. êp
732
LC
* Hi. de
l'Acad. des Sc,
31708,p.21.
426 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE F
M. Homberg, dit le célèbre Hiftorien *, a ob/ervé, que ff
l'on expofoit au miroir ardent une matière fort légère, telle que
l' Amiante, à en affez grande quantité, elle étoit renverfée par les
rayons du foyer de deflus le charbon qui la portoit, à moins
u'elle ne füt préfentée fort doucement, 7 une partie après l'autre,
de forte qu'elle ne fut pas heurtée par le foyer trop rudement,
ni dans toute fa furface à la fois. De plus M. Homberg ayant
redrefflé un reffort de montre, € en ayant engagé un bout dans
un bloc de bois, il pouffa par fecouffes rénérées contre le bout libre
du reffort, le foyer d'une lentille de 1 2 à 1 3 pouces de diamitre,
€ il vit que le reffort faifoit des vibrations fort fenfibles, comme
fi on l'avoit pouflé avec un bâton. Voilà, dis-je, tout ce que
nous avons de plus fort pour l'impulfion des rayons folaires.
Mais qu'y a-t-il à conclurre de cette expérience, de
cette Amiante expofée au miroir ardent & renverfée, comme
on le croit , par les rayons du foyer de deffus le charbon qui la por-
toit, & de ces vibrations du reflort ? je ne vois en tout ceci
que des ébranlemens fortuits & irréguliers , des foubrefauts
excités par la chaleur, par la raréfadtion & l'explofion fubites
de l'air qui entouroit ces matières, & point du tout ce mou-
vement conflant & foûtenu qui devroit naître du flux des
rayons au foyer du miroir où elles étoient expofées. Il eft
vifible qu'il doit fe former à ce foyer & tout autour, une
efpèce de courant ou de tourbillon alternativement troublé,
& entretenu par l'air froid qui fuccède à l'air chaud qui en
eft chaflé ou qui s'en écarte par fa propre dilatation; que
ce courant ou ce tourbillon doit le plus fouvent entraîner les
matières dont on l'approche, ou qui en font approchées,
vers le côté oppolé au lieu d'où il vient, & quelquefois au
contraire, ou les jeter çà & là, felon qu'elles fe rencontrent
dans le fil de fa plus grande force, & plus près ou plus loin
du centre de cet air agité; fans qu’on puiffe en rien déduire
de pofitif fur la part que l'impulfion des corpufcules lumineux
qui s'y confondent, pourroit avoir à tous ces mouvemens.
Pour fe convaincre de ce que je dis, il ne faut que faire
attention aux circonftances dont on accompagne {a prétendue
DES IS CHEN CES 427
impulfion des rayons. L'Amiante éroit renverfée, à moins,
ajoûte-t-on, qu'elle ne fit préfentée fort doucement, r une partie
après l'autre, de forte qu'elle ne füt pas heurtée par le foyer trop
rudement, ni dans toute Ja Jurface à la fois. Elle n'étoit donc
pas renverfée dans le cas de ces reftrictions ? Et pourquoi ?
c'eft qu'alors elle avoit le temps d'être placée à peu près
au centre du tourbillon ou du ballon d'air dilaté, & qu'en
étant à peu près également environnée, rien ne la folli-
citoit aflez ‘fortement à fe mouvoir d’un côté plûtôt que
de l'autre. Car du refte il eft clair, qu'au contraire cette
Amiante expofée au foyer des rayons en devoit être d’au-
tant plus violemment & plus continûment chaffée, qu'elle.
y étoit plus continäment & plus parfaitement expolée. Et
pourquoi encore falloit-il pouffer le reflort de montre vers le
foyer par fecouffles réitérées, fi ce n'eft parce que bien-1ôt après
l'y avoir pouffé, l’action du nouveau milieu où de ce ballon
d'air dilaté n'étant pas fi foudaine, n'opéroit plus qu'une
impulfion à peu près uniforme, & de tous les côtés, far ce
reflort qu'il environnoit? Mais le courant rapide de la lumière
au foyer du verre ardent, fi la lumière étoit capable d’uné
impulfion fenfible fur ces matières, n'y fubfifloit-il pas toû-
jours, pour y produire les mêmes ébrantemens ?
J'en dirai autant du fable, des pouflières, des fétus qui
voltigent dans l'air, & contre lefquels on aura pouflé le foyer
du miroir ardent ou d'une Joupe.
Quelles que foient les conjedtures que je mêle ici à mes
réflexions, il n’en faut pas davantage pour montrer combien
* la caufe à laquelle on attribue tous ces effets eft douteufe.
Mais je puis dire de plus que mes réflexions fur ce fujet ne
font pas le fruit d'une fimple fpéculation. J'ai fait 1a plûpart
de ces expériences, & je les ai variées de bien des façons. Je
voulus auffi eflayer de la prétendue impulfion des rayons
folaires réunis’au foyer d'une loupe de fix pouces de dia-
mètre, fur des aiguilles de bouflole, foit de déclinaifon , foit
d'inclinaifon, de 4 & de 6 pouces de longueur. II n'en réfulta
que de ces trémouflemens équivoques. Nous conftruifimes,
Hhh ji
428 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. du Fay & moi, une efpèce de moulinet de cuivre, très-
mobile; nous y fimes tomber le foyer d’une loupe de 7 à 8
pouces de diamètre, & nous n’en retirämes que la même
incertitude. Je me fuis procuré depuis une femblable machine
plus légère, & plus artiftement fufpendue: C’eft une roue
Lola de fer d'environ 3 pouces de diamètre, ayant
6 rayons, à l'extrémité de chacun defquels eft une petite aïle
oblique, & dont l'axe, qui eft aufli de fer, ne tient par fa
pointe fupérieure, qu’au bout d’une baguette de fer aimanté.
La roue & cet axe ne pèlent guère en tout que 30 grains,
Rien de plus mobile que cette roue; mais en même temps
rien de moins certain que l'induétion qu'on en voudroit tirer
en faveur de l'impulfion des rayons. La machine tourne tantôt
d'un côté, tantôt de l'autre, felon qu'on approche plus ou
moins une de fes aîles du foyer, en deçà, ou au delà. II
faudroit en conclurre que les rayons lumineux attirent &
repouffent en divers points du cone qui en eft formé par la
loupe, mais l’explofion d’une maffe d'air fubitement & iné-
galement échauffé autour de l'aîle où lon applique le foyer,
me paroît donner une raifon fuffifante de ces effets.
L'obftacle perpétuel de cet air me conduifoit naturellement
à faire une de ces expériences dans le vuide : mais j'avoue,
qu'après avoir un peu réfléchi fur ce qui pouvoit en réfulter,
je n'ai pas cru devoir m'en donner la peine. Car, outre Ja
difficulté de le procurer un vuide tel qu'il devroit être &
qu'on le conçoit communément, je fuis perfuadé qu'il y a
dans notre atmofphère, parmi cet air groffier que nous ref
pirons & qui ne pénètre point le verre, un autre air plus
fubtil ou un fluide quelconque qui pénétre le verre. Je crois
Yavoir fufffamment prouvé dans la feconde fection de mon
Traité de l'Aurore Boréale; mais j'efpère encore le conftater
par de nouvelles expériences qui feront le fujet d’un de ces
Eclairciflemens. Or je ne pouvois exécuter celle dont il s'agit
que dans un récipient , ou fur une boîte de verre en tout ou
en partie, pour voir clair à l'opération ; & comme il y a tout
lieu de croire que cet air fubtil qui pénètre le verre n'eft pas
« en
D
Se Fe
D ESS CIE N C'E'S 429
moins fufceptible de raréfaétion que notre air le plus grof
fier *, J'allois retrouver alors dans mon expérience tous les
fujets de doute que j'en voulois écarter. De plus, & indé-,
pendamment de cet air fubtil, fur quelle fubftance pouvois-je
diriger le foyer brûlant, dans ce vuide, fans qu'il n’en eût
tiré, ou de l'air proprement dit, ou de la fumée, ou une
vapeur, dont l’éruption, la réaction ou l'impulfion contre
le mobile, ne pouvoient manquer de lui imprimer divers
mouvemens ?
IE faut ajoûter, que fi ces expériences nous indiquoient
véritablement quelque impulfion fenfible dans les rayons
folaires, ce ne feroit qu'en redoublant trois ou quatre «cens
fois leur force impulfive. Car, par exemple, le miroir ardent
dont {e fervoit M. Homberg , au foyer duquel l'amiante fem-
bloit être renverfée par ces rayons, & qui eft celui de feu M.
le Duc d'Orléans, confifte en une loupe de verre de près de
trois pieds de diamètre. Les rayons réunis au foyer n'y oc-
cupent qu'un efpace d’envigon un pouce circulaire, & par
conféquent ils s'y trouvent 1000 ou 1200 fois plus denfes
& plus forts que fur la furface de fa loupe où ils ont étéreçüs:
ainfr, déduétion faite d'environ les deux tiers de cet excès,
pouriles rayons diflipés par la réflexion , l'on peut compter
que leur force impulfive eft bien au moins trois ou quatre
cens fois plus grande à ce foyer qu'à fa furface de la loupe.
Pourroit-on conclurre de-là que la trois ou quatre-cen-
tième partie d'impulfion dans ces rayons disjoints, & tels
qu'ils font à la diftance de la Terre au Soleil, fût fenfible, &
affez fenfible pour la produétion des effets qu’on lui attribue!
Les expériences nous laiflant donc incertains fur impul-
fon tranflative & fenfible de la Lumière, dans l'hypothèfe
même des émiflions, que penferons-nous de cette impulfion
dans l'hypothèfe contraire, où la Lumière ne vient frapper
notre organe, que par les frémiflemens communiqués au mi-
Lieu élattique qui eft entre le corps lumineux & nous? où les
* On en trouvera des preuves dans un Mémoire de M. l'Abbé Nollet,
qui doit être imprimé dans le volume de 1748.
Hhh ij
® Recherches,
&c. Art. IV.
430 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
parties intégrantes & les molécules de ce milieu, réciproque-
ment appuyées les unes fur les autres, n’éprouvent de la part
_de ce corps, que des contraétions & des dilatations alterna-
tives? où enfin les matières plongées dans ce milieu, & qui
participent à cette forte d’agitation, n'en fauroient recevoir
d'autre de fa part que cette agitation même, ni acquerir par
cette caufe un mouvement progreflif que la matière qui les
environne n'a pas?
C'eft cependant du fyflème des Vibrations que part M.
Euler, pour adopter limpulfion tranflative & fenfible des
rayons folaires, & pour expliquer par ce moyen tous les phé-
nomènes dont il a été queftion ci-deffus. Ecoutons donc M.
Euler, & voyons fur quoi il fonde fa théorie à ce fujet.
Si les rayons de lumiere, dit-il, * partoient effedtivement du
Soleil, comme Newton le prétend, avec une viteffe auffi grande que
celle que les obfervations leur attribuent, il n'y auroir aucun lieu de
douter qu'ils n'enlévent avec une extrême force les corpufcules contre
lefquels ils heurtent. Nous venons4de voir cependant combien
il y auroit encore à douter que les effets de cette force fuffent
extrêmes ou fenfibles. Mais, ajoûte-t-il, f l'on établit au lieu
du mouvement véritable des rayons, une propagation de flots de
lumière à travers l'Eïther, que je crois avoir démontrée dans ma
Théorie de la Lumière &r des Couleurs, de manière que cetre
propagation de lumière dans l'Ether fe faffe comme celle du fon
dans l'air, il [femble plus difficile d'expliquer comment de Jemblables
flots peuvent enlever les particules qui voltigent dans l'atmofphére.
Cependant comme un fon véhément excite non feulement un mou-
vement vibratoire dans les particules de l'air, mais qu'on obferve
encore un mouvement réel dans les petites pouffières très-legères
qui voltigent dans l'air, on ne fauroit douter que le mouvement
vibratoire caufe par la lumière, ne produife un femblable effet.
Il eft, ce me femble, bien aifé, après tout ce qui a été
obfervé ci-deflus, de s’'apercevoir que cette analogie du Son
ne prouve pas mieux l'impulfion tranflative de la lumièr
que l'expérience du miroir ardent que M. Euler cite immé-
diatement après, & dont nous avons fait voir l'infufffance.
-
RENNES
Der
DES SCIENCES. 3
Perfonne, que je fache, n’a jamais attribué les effets d’un fon
véhément, l'ébrahlerhent des vitres & des maifons par l'éclat
du tonnerre ou par l’explofion d’une pièce d'artillerie, & en-
core moins l'agitation des petites pouflières qui voltigent dans
Fair, au tranfport actuel de l'air qui entoure le corps fonore
ou le lieu de lexplofion. C’eft vifiblement l'amplitude des
vibrations de l'air, & l'extrême compreffibilité de ce fluide,
en comparaifon de l'Ether, qui rendent fes fecouffes fenfibles:
& s'il n'y a point à conclurre de ces fecoufles, que l'air 'am-
biant du corps fonore foit porté de ce corps jufqu'aux lieux
où elles fe communiquent & fe font fentir, pourquoi le con-
clurroit-on de l'Ether ébranlé & mis en vibration par le
corps lumineux ?
Une autre analogie, qui n’eft pas plus concluante, mais
qui n'eft touchée ici qu’en pañlant, eft celle des Æors de Lu-
mière, en tant qu'ils feroient comparés fans reftriction aux
flots ou aux ondes d'un liquide. Je fais que de célèbres
Auteurs Font employée dans le fyflème des vibrations, &
qu'elle y eft en quelque forte confacrée, Je n’imaginerai pas
que M. Euler ait pû s’y méprendre ; mais je crois devoir
avertir ici, comme j'ai fait ailleurs, en parlant du Son, que
rien n'eft plus fufceptible d'équivoque & d'erreur que cette
comparaifon. Le mouvement fucceffif des ondes eft quel-
que chofe de très-différent du mouvement vifratoire de Ia
Lumière & du Son. La Lumière,& le Son, felon fhypo-
thèfe, partent de l'intérieur & comme du centre du milieu
élaftique qu’occupe le corps lumineux ou fonore: les flots
& les ondes n’ont lieu qu'à la furface d’un liquide ou d'un
fluide qui eft féparé d’un autre très-différent, par cette furface,
La Lumière & le Son ne réfultent point de la pefanteur des
parties infenfibles du milieu qui en eft le véhicule; les ondes
ne font dûes qu'à la pefanteur du liquide où elles réfident,
& n'y font formées que par voie de chûte & d'afcenfion
confécutives, dans des portions ou des maffes fenfibles de
ce liquide, tantôt plus, tantôt moins grandes. Là ce font des
frémiflémens de reflorts qui ont été frappés & comprimés,
* Nova Thec-
via Lucis à Co
Jorum, p.169.
432 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALr
& ce font ici des balancemens indépendans de toute élaflicité,
femblables à ceux d'un pendule tiré de fon équilibre, qui
tombe par fon poids, & qui fe relève par le mouvement
acquis dans fa chûte. Agitez le bout d’une corde ou d’une
toile tendue, fes ondulations fe communiqueront bien-1ôt
jufqu'à l'autre bout, & vous repréfenteront les véritables
ondes d'un lac où d'une mer, fans qu'il y ait rien d’ana-
logue aux vibrations de l'Ether & de l'Air, excitées par le
corps lumineux ow fonore, qu'un certain temps que les
unes & les autres exigent pour parcourir un certain efpace.
Encore ce temps efl-il toüjours le même dans la Lumière
& dans le Son, & toüjours différent dans les ondes , {lon
leurs différentes grandeurs ou amplitudes. Tout ce qu'il y a
de femblable dans les unes & dans les autres, c'efl que leur
propagation ne fuppofe aucun tranfport aétuel de matière
de la part du fluide ou du liquide qui en fait le fujet; &
c'eft-là peut-être le feul côté par où l'analogie peut fubfifter.
Mais enfin, M. Euler croit avoir démontré une propagation
de flots de Lumière à travers T'E'ther, & Von ne peut enten-
dre par cette propagation, qu'une tranflation effective des
parties de l'Ether, d’où s'enfuivroit leur impulfion : car
qu'importeroit fans cela toute autre efpèce de mouvement
à la queftion préfente? Voyons donc cette démonfration,
fachons du moins jufqu'où elle s'étend, & l'application qu'on
en peut faire aux phénomènes qu’elle a ici pour objet. C'eft
par là que je terminerai cet Eclairciflement, & tout ce que
J'avois à dire en réponfe à M. Euler.
JL nous renvoie à fa Thcorie de la Lumière &7 des Cou-
leurs, imprimée avec fes Opufcules, en 1746 *. J'ai vû
cette théorie, & j'avoue que, foit que je l'entende, ou que
je ne lentende pas fur cet article, je n'y découvre bien dif-
tinétement que des pu/fations & des vibrations dans l'Ether,
lefquelles y produiront autant d'interruptions inflantanées
d'équilibre, ou de déplacemens de matière, alternativement
& inceffamment rétablis entre l’explofion & la contraction,
felon la loi du reflort, & que je ne faurois y démèler
clairement
+ De: ST IS CPE Neo ES 433
clairément cette impulfion tranflative, ni ce mouvement
progreffif dont nous avons befoin. Cependant M. Euler
croit y avoir démontré l’une & l'autre, & une telle confiance
de fa part mérite aflurément beaucoup d'attention de la nâtre.
Nous ne faurions du moins propofer nos doutes fur ce
fujet, fans les accompagner des raifons qui les auroient pû
faire naître. Mais dans quels détails une pareille difcuffion
ne nous jetteroit-elle pas, fur une matière fi compliquée &c
fi difficile, de laveu même de M. Euler! Accordons-lui
pluftôt fans conféquence cette propagation tranflative quel-
conque, & cette impulfion vague & indéterminée qui s’en
. enfuit. Quel ufage en pourroit-il faire ?
Car enfin, il faut la déterminer cette impulfion, & le
mouvement qui en réfulte, foit dans les parties du milieu
élaftique, foit dans les matières qui s'y trouvent engagées ;
il faut affigner l’efpace parcouru, du moins entre certaines
limites, & le temps employé à le parcourir ; montrer que
Jun & l'autre font à peu près tels qu'ils doivent être pour
| la produétion des phénomènes qu’on veut expliquer par là,
& prouver, par exemple, que les parties d’une atmofphère
de Comète fufceptibles d'impulfion de Ia part du milieu
élaftique de la Lumière ou de l'Ether, fi elles le font, peu-
vent être portées par cette impulfion à trois ou quatre millions
de lieues en trois ou quatre jours de temps. Et c’eft ce que je
puis aflurer que M. Euler n’a point démontré. Il convient
| feulement que cela demande un temps confidérable*. Car, dit-il,
quoique les particules, dont le mouvement vibratoire fait la Lu-
CR
* Recherches;
&c, Art. IV,
mire, ne s'écartent pas fenfiblement des lieux qu'elles occupent , :
cependant il y a quelque efpace très-petit dans lequel elles fe
meuvent, © ce mouvement fuffit pour ébranler un peu les corpuf
cules les plus légers, contre lefquels elles heurtent, lequel ébranle-
ment étant continuellement répété, il faut qu'à la fin ces corpufcules
s'avancent d'un efpace fenfible. Il ef? évident que cela demande
un temps confidérable, &c. Eh! comment M. Euler auroit-if
püû en dire davantage, ne pouvant fonder fes calculs que
{ur des grandeurs prifes à volonté, & jufqu'ici inaflignables,
Mém. 1747: .lii
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1
”
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
la dentité, l’élaflicité de l'Ether, l'amplitude, la durée de
fes vibrations, la confiftance, la gravité des matières qui
doivent céder à fon impulfion, & cent autres élémens qui fe
compliquent avec ceux-ci! S'il en détermine quelques:
uns, ce n'eft quhyporhétiquement, & en dépendance de
ceux qu'on ne peut déterminer, où qui n'influent point fur
la queition. Par exemple, M. Euler fait très -ingénieufe-
ment venir à fon calcul le rapport connu de la vitefle de
la Lumière à celle du Son, en raïfon d'environ 500000
à r, que M. Huguens nous avoit donné d'après l'Obfer-
vation immédiate de M. Roemer fur l'inégalité du premier
Satellite de Jupiter, & qu'il faifoit de plus de 600000
à 1, par la fuppofition d'une plus grande diflance de la
Terre au Soleil. Mais de quel fecours tout cela nous eft-il?
Ce n’eft point là du tout la vitetie dont il s'agit. Je m'ex-
plique. Quelque hypothèfe qu'on embrafle fur la propaga-
tion de la Lumière, il faut convenir, & il eft de fait,
qu'elle n'emploie que 7 à 8 minutes de temps pour fe faire
fentir du Soleil jufqu'à nous; c'efl à-dire, à parcourir une
trentaine de millions de lieues. Dans l'hypothèle des émif
fions, c’eft par voie de ranfport, par un mouvement réel
& continu, que les corpufcules lumineux parcourent ces 30
millions de lieues en 7 à 8 minutes : & dès-lors il eft clair
que fi ces corpufcules rencontrent fur leur chemin une
matière affez ténue & aflez lévère, pour céder à leur choc,
& pour en recevoir un mouvement bien fenfible, ils pour-
ront la portér en très-peu de temps à des efpaces immenfes.
Dans l'hypothèfe des vibrations, telle qu'on la conçoit
communément, c'eft fans aucun tranfport de parties, ni du
milieu, ni des corps interpofés, que la Lumière fe fait
fentir, & parcourt ces efpaces, ainfi que le Son qui parvient
jufqu'à nous, & parcourt environ 173 toiles par fecondeÿ
fans que l'air qui et entre le corps fonore & nous, ou qui
lui eft contigu, foit obligé d'en franchir l'intervalle : &
dans ce cas on peut regarder comme infini le temps em-
ployé à un tranfport de matière quiæft nul, & qui n'entre
DE ss SCciENcCEs 35
pour rien. dans le mouvement fucceflif de la Lumière &
du Son. Mais quel fera ce temps dans l'hypothèfe mixte de
M. Euler, appliquée à nos Phénomènes? Comment l'éva-
luerons-nous, pour faire parcourireau milieu élaftique, & à
la matière de ces Phénomènes, que ce milieu doit pouffer
& entraîner, tout l'efpace requis, &sdans le temps requis?
; En un mot, comment faurons-nous fi des millions d'années
“y pourroient füuftire? & voilà pourtant la bafe de toutes les
F Recherches Phyfiques de M. Euler fur les queftions dont il
4 s'agit. \
Ces E‘clairciffemens feront continués dans les Volumes fuivans.
436 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
OBS ER AR ON.
D'ELNE" C'L'T PSE VD SE TENUE
Du 25 Février 1747.
Par«M. LE MonNNieR le Fils.
| Fe MBRE a paru aflez bien terminée depuis le commen-
cement jufqu'à limmerfion, c'eft pourquoi j'ai obfervé
fon paflage par les principales taches, comme il fuit :
A 325": l'éclipfe m'a paru déjà commencée, enfuite l'ombre a
paifé par les taches fuivantes. Diam. 31°40".
36 Mons porphirites, & le coin de la mer finus frbonis,
( Ariftarque & Copernic).
45 Atlas minor, & touche le mont Ætna.
47 le mont Ætna tout entier dans l'ombre... ( Copernic ).
53 l'ombre touche le mont Sinaï. . . . . . . (Tycho).
55 Sinaï tout entier dans l'ombre.
552 l'ombre touche Lacus niger major . . + . . (Platon).
562 Lacus niger major tout entier dans l'ombre.
o1 Jnfula Befbicus . . . .. + . +. ( Manilius ).
OA ÉDILANEIN de rc use suege eue ye lee» ( Menelaus ).
o9 l'ombre touche {nfula macra . . . . . ( Poffidonius ).
102 la tache Jnfula macra totalement dans l'ombre.
122 l'ombre au promontoire aigu d’Heraclée.
17 MONS LOTAX Melesha te = o aile comte te ( Proclus }.
18% lombre touche le Palus Meotis .... ( Mare Crifium).
212 le Palus Meotis entièrement dans l'ombre.
237 immerfon de la Lune dans l'ombre.
VS
4H dd HS 2 ob D à Lu Lu Lo Le Lo An
Le 30 Août 1746, à 10h 392 ou, commencement certain de
Téclipfe entre Mons porphirites & Lacus niger major : ombre (dans
la lunette qui renverfe ) n'a pas monté jufqu'au Palus maræotis : à
11h 24’, elle étoit autant au deffous de Meotis, que de Maræetis :
&,a 11h 32° l'ombre à Mons corax.
SNA
D£Es ScrrnNces 437
M EE MOMRE
Dans lequel on détermine en quantités incommen-
furables à en parties décimales, les valeurs des
côtés à des efpaces, de la fuite en progreffion
double, des Polygones réguliers, infcrits à circonf-
crits au cercle.
Par M. NicozeE.
E. CADÉMIE eff fi fouvent occupée à examiner les pré-
tendues folutions du problème de la quadratur e du cercle
qu'on lui envoie, que j'ai cru qu'une table numérique qui con-
tiendroit les valeurs extrêmement approchées, des efpaces des.
polygones infcrits & circonfcrits au cercle, feroit non feu-
lement utile aux chercheurs de quadrature de cercle, s'ils
veulent eux-mêmes confulter cette table, maïs encore aux
Commiffaires que l'Académie nomme pour examiner ces
prétendues folutions. À Favenir, pour faire cet examen, il
ne faudra que comparer la quantité numérique que l'on pré-
tend exprimer la valeur de l'efpace circulaire, aux deux co-
lonnes de la table, dont l’une contient les valeurs des efpaces
des polygones infcrits, & l'autre celles des polygones. cir-
confcrits, on trouvera que cette quantité comparée eft plus
“petite que l'efpaée d’un polygone infcrit, ou plus grande que
Yefpace d’un polygone circonfcrit; & l’on conclurra que la
valeur prétendue eft fauffe. .
Il y a environ vingt-cinq ans que je fis imprimer dans
le Journal des Savans, la réfutation d’une prétendue quadra-
ture du cercle; je me fervis dès-lors de cette même méthode,
je donnai les formules des efpaces des polygones réguliers,
inlcrits & circonfcrits : mais ces formules-étant compofées.
de plufieurs fignes radicaux l’un fous l’autre, dont le nombre
augmente à mefure que le nombre des côtés ee polygones
ii il
433 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare
augmente, les longs calculs qu'il falloit faire pour réduire
ces formules à des parties décimales, me firent remettre à
un autre temps à faire ces réductions. |
C'eft à l'occafion d’une nouvelle prétendue quadrature du
cercle, à l'examen de laquelle j'ai été nommé, que je me fuis
déterminé à faire les calculs néceflaires pour conftruire les
tables ci-jointes.
La première de ces tables exprime les cordes d’un cercle
dont le rayon eft l'unité, lefquelles cordes font en progreffion
foûdouble depuis la corde de 120 degrés jufqu'à la corde
de 3 fecondes 1 7 tierces ou environ; ou, ce qui eft la même
chofe, cette table repréfente un côté de tous les polygones
infcrits dans ce cercle, dont le nombre des côtés augmente
dans la progreffion double depuis le triangle équilatéral juf-
qu'au polygone régulier de 393216 côtés.
La feconde table exprime les perpendiculaires tirées du
centre du cercle fur chacun des côtés contenus dans la pre-
mière.
* Chaque terme de la troifième table eft le produit des deux
termes correfpondans dans les deux précédentes, multipliés
encore par la moitié du nombre des côtés du polygone qui y
eft relatif. Cette table exprime donc la valeur des efpaces
de tous ces polygones infcrits.
Chaque terme de la quatrième table eft formé par une
proportion; le premier terme de cette proportion eff le quarré
d’un terme queleonque de la feconde table, le fecond terme
de cette proportion eft l'unité, le troifième eft le terme cor-
refpondant de la troifième table, le quatrième terme fera
donc la valeur de l’efpace du polygone circonfcrit femblable
au polygone infcrit correfpondant.
Les quatre tables fuivantes contiennent les valeurs des
mêmes chofes renfermées dans les quatre premières; mais
ces valeurs font exprimées dans celles-ci en parties décimales.
Pour que ces expreflions en parties décimales fuflent
extrémement près des quantités qu'elles repréfentent, toutes
les extractions de racines que l'on a été obligé de faire pour
nos laine
D #9 S,C)I EN CES! 439
és obtenir ont été telles, que pour avoir la raciné quarrée
de 3,ona ajoûté 92 zéros à 3 ; & l'on a trouvé pour cette
racine un nombre compofé de 47 chifres.
Pour avoir la valeur de 7/2 + V3), aux 47 chiffres
dont elle eft compofée avant l'extraction par la première
opération, l’on a ajoûté 14 nouveaux zéros; & l'extraction
étant faite, cette racine s’eft trouvée compofée de 3 1 chiffres.
Pour avoir la valeur de y{2 + v{2 + V3)], aux
3 1 chiffres dont elle eft compolée avant l'extraction par les
deux opérations précédentes, on a ajoûté 30 zéros; & l'ex-
traction étant faite, cette racine s’eft trouvée aufli compolée
de 3 1 chiffres,
C'eft ainfi que tous les termes de b fixième table ont
été formés, en ajoûtant fucceflivement toûjours 30 zéros
aux 3 1 chiffres réfultans de toutes les opérations précédentes,
Toutes les quantités repréfentées dans cette fixième table,
ont donc d'abord été exprimées en parties décimales de 30
Zéros.
Pour avoir les quantités renfermées dans la cinquième
table, lefquelles font repréfentées dans la première table par
Ve —V3)-VL-vVe+v) | V2 v(z +
V(2 + V3), &c. on a retranché du nombre 2 fucceffi-
vement tous les termes de la fixième compolés chacun de
31 chiffres; & fur chaque refte, on a fait l'extraction de la
racine quarrée,
C'eft de cette façon qu'on a obtenu les nombres qui com-
pofent la cinquième table, qui font par conféquent des par-
ties décimales de quinze zéros. Enuite, pour que la fixième
table füt de même dénomination que la cinquième, on a
retranché les 1 $ derniers chiffres de tous les termes de cette
cinquième table, ce qui les a réduits à des parties décimales
de 15 zéros.
On à cru qu'il étoit à propos de mettre au fait de ce détail,
pour fervir de règle à ceux qui pourroient entreprendre de:
vérifier ces calculs.
Pour avoir dans le même lieu tout ce qui eft relatif à la:
440 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
quadrature du cercle, & que l'on peut tirer des polygones
infcrits & Gears on y a joint quatre autres tables,
dont la première & la troifième expriment auf en parties dé-
cimales les valeurs des périphéries des polygones circonfcrits
& infcrits, & la feconde & la quatrième contiennent les
rapports de ces périphéries au diamètre du cercle auquel ils
font circonfcrits & infcrits.
On a fuppofé dans ces deux dernières tables, le diamètre
du cercle de 7 parties, à caufe du premier rapport approché
du diamètre à la circonférence qui eft de 7 à 22.
Ces deux colonnes de rapports doivent donc fervir de
limites, entre lefquelles doit fe trouver le rapport exact du
diamètre à la circonférence du cercle.
Par la comparaifon d'un rapport prétendu exaét à ces deux
colonnes de rapports, on a un moyen de démontrer que tel
rapport, prétendu gxact, eft faux.
TABLE
DES SCIENCES. 44t
TAB L E des valeurs des côtes dr des aires des Polygones réguliers inferits à circonftrits au cercle,
… depuis le triangle jufqu'au Polygone de 3 9 32 1 6 côtés, pour un cercle dont le rayon eff l'unité.
VALEURS DES CÔOTÉS DES POLYGONES INSCRITS.
av)
2243)
…|2—V2+V2+vs)
QUE Can Can Cane
avait")
aval +23)
avatars)
VV ve+V ave ti)
Én Co Con Can Con Ces Len Ces Can)
VE Enr Can Can Can Can Can Can Can Can
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099321 0/Y1—v2+v2-+ Va Valette 3
Mém. 1747: ° Kkk
442 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
TABLE des valeurs des côtés &r des aires des Polygones réguliers inferits à dirconferits au cerc
depuis le triangle jufqu'au Polygone de 3 9 321 6 côtés, pour un cercle dont le rayon eff l'unité.
NOMBRE
VALEURS DES PERPENDICULAIRES SUR CES CÔTÉS.
6.13)
1V(2 +3)
«va +v+"3)
…[va+va+v2 +5)
MEVEES CEn Cen Gant
eve +245)
MEN CES C2 Can Can Can 62
Level)
va a+ +va+v2+" 24")
avale +3)
V2 +Ve+V a+ + vas)
Made)
L2+V a+ VV Pa En Ce Can Cu nl 6 +Va+")
Me en Cane +V2+")
+2 +Ve+vVe+vV +"
+v2+Va+va+vs)
| :V2+V2 Re 2 en Can ant +Va+V a+
ARR PR en en Cen Can Cum 7/2 Can Can +vVa+vVe+vs)
NAN ZE S CS Len Lun Cu Len Con Ch) ou Gun Gun Luis
Dies. GROVE Ncieis 443
TA BL E des valeurs des côtés &r des aires des Polygones réguliers infcrits &r circonfcrits au cercle,
M depuis le triangle jufqu'au Polgone de 39 321 6 côtés, pour un cercle dont le rayon eff l'unité.
VALEURS DES AIRES DES POLYGONES INSCRITS.
12
24e 6215)
482 2x2 V2 +3)
s CLOS .
| 192. PTE ARE
| 3 840622 +22 +2 +)
7 68) 192v2—12+02+V2-+V2-+ 245)
153684022422 V2 -+V2+ a+ Vs)
3072/6682 V2 +222 V2+ V3)
6144; 32e Net)
12288. 30722 V2+V2-+V2-v2-V22+ 22-23)
2457 6u| 614412124222 NN)
à 401524 | 122882122222 Vale s)
| 98304. 2457602—Va-ve Mai Ma Mate)
£ 96608. 4015202224 V2-+ Va ++ 3)
5 93216 98304022 Va Vlad Vaas) j
} | Kkk ÿ
444 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
TAB LE des valeurs des côtés € des aires des Polygones réguliers infcrits à circonfcrits au cercle,
; ur un cercle dont le rayon eff l'unité.
depuis le triangle jufqu'au Polygone de 393216 côtes, po
NOMBRE
des VALEURS DES AIRES DES POLYGONES CIRCONSCRITS:«
CôTÉSs.
Pi mc )
3°.
G..
12
+
A RC
2+VW2+v3)
2e. ER
2 V/2+V2+v3)
9 "4 96V(2—V(2+V/2+ V3)
2+W2+V2+V(2+ V3)
192V/2—vV{2+vV{2+V{2+4v3)
tata")
3 84. 384V2—Va+ V4 VV")
2+V2+vV{2+ 242423)
768. 768V2—V2+ V2 Vera)
2+-V2+V{2+V2+V2+V 223)
153602 2+V2+V2 ++ vs)
2+V2+V2+V a+ V2 2223)
3072 3072V02—V2+V2+V2+v2V2 (Vs)
24242-22223)
6144. Graal Vive")
2400-25)
12288W2—V2+V2+ V2 Valais)
aa)
OL ce Cam em ma Ca mn ma om em nn
2+-V{2 eee +3)
49 152. 491 PVC CES Con Can Can Cam cui Ces fai Coma man eme 4
2+-V2a+V2+ Va ++ V2 +2 +vVha+V2+v-+ V2" 23)
98304. EN Cm Ce mt co Em Cm fm ma a aa om ne
2+V/2+V(2+V/2 en CS CN +V2+V(2+3)
19 SES: 196608V/3— V2 + vla -+Ma ++ va + veataeVMat"5)
area eee 2+-V3)
393 216 032162 -va avale dla
{} a aa a +5,
192.
1536.
12288.
24576.
{
;
L!
D'E:S, SCORE NC ES.
445
TABLE des mêmes Valeurs en nombres commenfurables.
'
Nombre de côtés VALEURS DES CôÔTÉS
des
Polygones.
3e.
12288.
24576.
49152
983 04m|
196608.
393216
1732050807568877
des
POLYGONES INSCRITS.
1000000000000000
1000000000000000-
1000000000000000
5:763809020$041
1000000000000000
2610$2384440103
1000000000000000
130806258460286
1000000000000000
65438165643552
1000000000000000
32723403252973
1000000000000000
16362279207878
1000000000000000
8181208052439
1000000000000000
4090612582328
1000000000000000
204530760717
1000000000900000:
1022653814047
1000000000000000
511326923735
1000000000000000.
255663463956
1000000000000000
127831732245
100000000000000
63915866r55
1000000000000000
3195793308 1
1000000000000000
1597896654
19000000000000000
x
VALEURS DES PERPENDICULAIRES
fur ces côtés.
1000000000000000
am
1000000000000000
31732050807568877
1000000000000000
1931851652578136
EE EP AI
1000000000000000
1982889722747620
1000000000000000
1995717846477207
EP TRE TE PV DR
1000000000000000
1998929174952731
ARLES nf D it /S RTE
1000000000000000
1999732275819123
1000000000000000
1999933067834802
LE EN ft de
1000000080000000
1999983266888701
1000000000000000
1999995816717800
1000000000000000
1999998954179176
1000000000000000
1999999738544777
"1000000000000000
1999999934636193
1000000000000000
1999999983659048
1000000008000000
1999999995914762
LPS RR LOIRE TIRER
1000000000000000
1999999998978690
1000000000000000
1999999999744672
10000000000000006
1999999999936168
PER PU EIE A EE PEER
a—
10000000C000000®
Kkk ij
446 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoraLE
TABLE des mêmes Valeurs en nombres commenfurables.
VALEURS DES AIRES] VALEURS DES AIRES
des des
POLYGONES INSCRITS. POLYGONES CIRCONSCRITS.
Nombre de côtés
des
Polygones.
’
Le |
1299038105676658
1000000000000000
2598076211353316
1000000000000000
3900000000000000
1000000000000000
3105828541230246
1000000000000000
3132628613281236
1000000000000000
3139350203046864
1000000000000000
3141031950890496
1000000000000000
3141452472285408
1000000000000000
3141$57607912576
1000000000000000
3141583892136576
1000000000000000
3141590463227904
1000000000000009
3141$92106061312
1000000000000000
3141592516752384
1009000000000000
1000000000000000
3141592645091328
1000000000000000
31415926516$3120
1000000000000000
31415926532$0$60
1000000000000000
3141592653594624
1000000000000000
3141592619427840
51961$2422706631
1000000000000000
3464101615137754
EE —— — —— —
1000000000000000
2203290309173473
100000000000000@
3159659941843 164
1000000000000000
314608621$13r449
1000000000000000
3142714$09645365
1000000000000000
3141873040979810
1000000000000000
3141662997073528
1000000000000000
314161017660$408
1000000000000000
3141507034309783
1000000000000000
3141593748771206
1000000000000000
3141592927447138
1000000000000000
3141592722098840
1000000000000000
3141592670764454
1000000000000000
314159265792548x
1000000000000000
3141592654850158
10920000000000000
314159265405 2694
1000000000000000
3141592653795158
1000000000000000
SCIENCES. 447
PES REC
VALEURS des PÉRIPHÉRIES| RAPPORT DU DIAMÈTRE DU CERCLE
æ00000000900009
des aux Périphéries
Polygones circonfcrits. DES POLYGONES CIRCONSCRITS.
EEE CRE RARE LT ED D TERRA CNET CREER
k 103923048454132062 x
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1000000000000000 F di A
6430780618346946 À
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1000000000000000 Ad LT ANAT CUE
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6283746099959610 x 993
— "|, ,, ee
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628332$994147056 x 9916
a ——————_— . —— ———
; 1000000000000000 tra MATE 10000
À 61283220353210816 à 9912
A En ST D L L L2 :
1000000000000000 c MEN 10000
6283194068619566 & 99117
EE NE TC NS L] L2 L2 DRE RES
1000000000000000 AU 100000
6283187497542412 ER ® 991156
——— LL L L2 +
1000000000000000 f 7 1000000
6283185854894276: pla | g91r$o
ON TAC CN TRE L L2 L2 + Frsmenei
1000000000000000 ù 7 Ë 1000009
6183185444197680 x 991149
a ———————— L] L + À
1000000000000000 À NAME | 1000000
- 6283185341528908 à 21 99114869
1000000000000000 RPM M “ 100000000
6283185315850962 S 114860
Mas anna lee es 211 2 ele nus
1000000000000000 10000000
6283185309718316 ghoe 99114858
1000000000000000 IV 100000000
6283185308105388 ‘ à 21 — 9917148578
1000000000000000 HARMRE F000000000
6283185307590316 Are à 21 — 9911485765
E0900000009
448 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
SEL EEE GE CE D A ON
VALEURS des PÉRIPHÉRIES] RAPPORT DU DIAMÈTRE DU CERCLE
des aux Périphéries
POLYGONES INSCRITS. DES POLYGONES INSCRITS.
LR 2 SI SE DE RER
196152422706631 &
à comme 7 à 18 +
1000000000000000
6000000000000000 k
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1000000000000000 7. I
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10000
1000000000000000
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1000000000000000
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1000000000000000 1000000
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1000000000000000 100000000
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RECHERCHES
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DES S CTEN'CES 449
RECHERCHES DE CATOPTRIQUE,
Sur la comparaifon de l'effet des Miroirs plans à des
Miroirs fphériques, à des diflances quelconques.
Par M. le Marquis DE COURTIVRON.
S I différentes parties de la Phyfique offrent à la Géométrie
des occafions d'y être utilement appliquée, & de leur
prêter ainfi des fecours, Optique a fur toutes cet avantage
que fes phénomènes font précis, débarraffés de circonftances,
&. qu'ils ne tiennent point à diverfes caufes, ainfi qu'il
arrive dans la plüpart des autres Sciences Phyfiques, dont
les effets, qui dépendent de principes mixtes, ne font pas
fufceptibles, par cette raifon, d'être calculés avec la même
exactitude. Entre les différens objets qui peuvent exercer
les Mathématiciens fur l’Optique, il n’en eft point qui ait
“été autant manié que celui des miroirs ardens, fans doute,
par la facilité qu'il donne au Géomètre de varier les circonf-
tances, & de calculer les effets; cependant, malgré les efforts
&. les tentatives qu'ont fait fur cette matière tant de Savans
& d’Artiftes ingénieux, les nouveaux miroirs de M. de
Buffon font voir qu’à des queftions qui paroifloient épuifées,
il en peut fuccéder de nouvelles ; en approfondiflant les
principes qui l'ont conduit à cette invention : la théorie
feule, fans l'exécution du miroir, eût été fufhfante, pour ne
pas laïffer les Mathématiciens en doute fur le fuccès, & les
intérefler par la quantité de recherches qu'elle leur offre.
Entre différens fujets, je choifis à préfent celui qui m'a paru
le plus dire& , c'eit de favoir comparer, par un calcul exaét
& rigoureux, l'effet d’un miroir compofé de miroirs plans,
avec celui qui feroit parfaitement fphérique, c'eft-à-dire, de
trouver la quantité de lumière que chaque miroir plan
donne fur la même étendue que celle qu'occuperoit le foyer
Men. 1747: «Lil
z$o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du iniroir fphérique; c'eft ce calcul, & ceux qui y font rela-
tifs, qui forment la matière de ce Mémoire. Je fuppole ici
que les miroirs plans foient circulaires, les réfultats pour-
ront s'appliquer, fans erreur confidérable, à des miroirs
dodécagones , forme affez commode pour laïffer entre les
miroirs de petits efpaces propres à les pointer fuivant toutes
les direéions poflbles.
PROBLEME.
Trouver la quantité de lumière réfléchie par un miroir circulaire
© plan à une diffance quelconque.
Que T'AR repréfente un miroir plan circulaire quel-
conque, expofé perpendiculairement à l'action des rayons du
Soleil, & FG un plan placé à une diftance telle que l’on
voudra du miroir; on demande la quantité de lumière reçûe
fur ce plan, en fuppofant qu'il foit perpendiculaire à axe
AB du miroir 7 AR, & qu'il foit terminé par un cercle
d'un rayon donné BF.
Si on imagine que de tous les points de la circonférence
TR on tire des lignes qui atteignent les extrémités du cercle
SNHN qu'on fuppole placé à l'infini, & repréfenter le dif
que du Soleil, on aura un cone, dont le fommet feroit en Z
dans le prolongement de l'axe AC, à une diflance telle que
Yangle 7 LR feroit d'environ 3 2’, c'eft-à-dire, l'angle fous
lequel on voit le diamètre du Soleil: ce cone renfermera tous
les rayons que le Soleil darde fur le miroir; de plus les fec-
tions de cè cone, par des plans quelconques, repréfenteront
toûjours les images du Soleil que le miroir 7 AR renvoie
fur ces plans. Quant aux degrés de lumière qu'auront ces
différentes images, & les diflérentes parties de la même
image, ils feront variables. En fuppofant que TZR foit le
cone donné par les rayons 777, À /, qui deviennent les
rayons S7, HR, &c: après leur réflexion, lequel cone
eft égal & oppofé au premier 7 L À, il eft clair que toutes
les tranches de ce dernier feront d’un même ton de lumi-re,
& que cette lumière, tant que le plan coupant fera entre
DES SCIENCES.
451
A & L, fera compofée des rayons de tout le difque du Soleil: il
eft clair auffr que les tranches du même cone, qui feront par
delà le point Z, ne feront éclairées que d’une partie du difque
du Soleil, laquelle fera un cercle, dont lerayon fera à celui du
difque du Soleil, comme la diftance À 7 eft à la diftance du
miroir au plan coupant ; enfin, toutes les parties des tran-
ches ou images, qui feront entre le cone oppolé TZR, &
le cone tronqué S7°'R FH, ne feront éclairées que par des
parties du difque, telles que NX NAH terminées par deux
fegmens de cercle NXN, NAN. Pour trouver lefpace
NAN A, qui éclaire un point quelconque P du cercle FG,
- préfenté en G B pour recevoir la réflexion du miroir, où
mènera ? Q perpendiculaire fur le plan du miroir, & double
de la diftance de P au miroir; prenant enfuite Q pour fom-
met, & le cercle 7°R pour bafe, on imaginera un cone
ATQ RV, & la fection XN, FN de ce cone par le plan
où l'on fuppofe le difque du Soleil, donnera un cercle dont
Ja partie NXNAH commune au difque du Soleil, fera la
partie qui éclaire le point P.
Si on veut donc avoir la partie de lumière reçûe fur un
plan quelconque FG, il faudra le regarder comme com-
pofé d'une infinité de petites couronnes P7/p, chacune éclai-
rée par un fegment NX NA du difque du Soleil; prendre
enfuite la fomme de toutes ces petites quantités de lumière,
pour avoir toute da lumière reçüe par la couronne, dont la
largeur eft £ F, & y ajoûter la lumière uniforme reçûe par
Je cercle, dont le rayon eft B £', laquelle lumière vient de
tout le difque du Soleil, ou d’un cercle retranché fur'ce
difque fuivant que ie plan F'G fera en deçà ou en delà.de Z.
Soient nommés préfenternent le rayon AT; a; la hau-
teur A7 du cone TZR, dont l'angle GHRÉPIAN et de 16
minutes; 4, la diflance B À, du plan donné au miroir; Le
Je rayon du difque du Soleil; Z,-la furface entière de fon dif.
que; d, le rayon Bp de {a couronne quelconque P/p}'x, re.
Li ij
>».
452 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE RoyaLE
; cxd4
le rapport de la circonférence au rayon; l'on aura
r
pour la furface de la petite couronne P/p, & il ne fera plus
queftion que de multiplier cette couronne par lefpace
NXNA pour avoir la quantité de lumière qu'elle reçoit :
mais pour avoir l'efpace NAN, il faut commencer par.
trouver le centre & le rayon du cercle X NF. On voit d'a-
bord que le centre © fe trouvera en prolongeant Q 4, &
que la diflance CO de ce centre à celui du Soleil fera exprimée
mx
par —— ; en verra de même que Îe rayon o X ou oFaura
pour valeur #: nommant alors Z Ia perpendiculaire NX
abaiffée du point N où le cercle X NF coupe le difque du
Soleil, on aura JR =
NSNK, & 2 fra a Pour celle du fegment
y pour Ja valeur du fegment
' à zrdr dz
NKNX, d'où D — 2 fa Re 2 [5 t
RER 027) mir}
fera la partie X N A N du Soleil qui éclairela couronne P/p, &
Decxrdz ut ne zrdt lis 2cxdx LRTAT
Tr V{i — 227) V(nn y)
la quantité de lumière reçüe par cette couronne; quantité
qu'il ne s'agit que d'intégrer pour avoir la lumière reçüe fur
toute la couronne dont la largeur eft PE.
Avant de fubftituer dans cette quantité à la place de Xfà
valeur en Z, on peut mettre fon intégrale fous cette forme,
Decxx cxx UE fe td ar ÉPTAZ à
2r V(s Etc Vi — 7)
H xx d D axgudt dy
r V(mm — 37) LEE mm —
deux premiers termes & le arts n'ont pas qi de la
relation entre X & Z, puifqu'ils font déjà intégrés & aufit
fimples qu’ils puiffent l'être.
*XTLd7 €
uant aux deux autres termes ——/—**Tt_ __. ©
Q x fu ans .
DES SCIENCES. 453
£ A e , il eft évident qu’ils ont befoin de Îa tranf-
V(mm — 71)
formation de Z en X, ou de celle de Xen Z. Pour faire cette
transformation , je remarque que -— ou CO doit être égal
à LO — KC où à V{mm) — 73 — vi — zz)
& j'ai X — — [mm — 37) — li — 2t/] qui
donne XX — Æ [um + 1x — LOT 2V (mm — 7)
Vs — 72)]; & par conféquent pour — ft se
1e VO —RT
XATLIT I
— a uantité
Ne — 74) n:
RE 1277 —2V{mm— 97) V(x nai
z'dz acc
nd Von er gg nm me) ua
: zr47 ; LT @æc (mm +3) AG (mm + 1) zrd7
nr a v réduit à TE. M om A T vres ur Pen
œæc A0 tt dz \ “a
Hi + lie m0! V(X — 77) ARE CITE
mmyrdr Tr4x CA 3
rer 2] VÜrm— 7) Der k ee t/
— {mm — 73) ] à cufe que J— 2 = —*}
Fr LC
3 344 tdg
0 ete nn rer are Bee fe dde on un
= — + LU(mm — 77 +
3mmyzdr
4V(mm— 71)
par ce moyen pour l'intégrale entière ou la lumière reçüe
; on a donc
.…., Dcxx cxx d
fur la couronne PE, la quantité ft
2r x v(i — tt).
ta cxx ra ztAZ A ææ&c Cmm f XL E A
i
?
f$
{
Ÿ Le RE nmmr Vi
ê . CEE. 4 CHENE L
È TS an: PEAR E + == ve Wa — 77) — 23
1 De
L ii
454 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
—— (BE), afin que x étant égal à BE, tout fe détruife.
Or cette valeur, en mettant à la place de 2 f 7
fa valeur NXNS, & de 2 [ —* RER) Tr fi valeur NXNX
Vinm—
à la place de V{mm — 77) — A — 77) fa valeur
mp changera en * 'NXNAH,-MEEZ
2mmr
x (mm — 1) * NENSFENEESE FE EANENNIE
2mmr
NE D:
acx (e LE BE, Si Æ cxx
mr cS 2r
7
E Le y MONA aan — «MEN
ammr 2mmr
LEE Pa AO da AR TANT s Dent x BE".
mr ré) 2ammr 2r
Si on fuppofe que le plan FL P foit placé en deçà de ZL,
pour avoir la lumière totale qu'il reçoit, il faudra ajoûter
A 7 Dec 2 . . .\
à cette quantité —— x BE qui exprime la lumière reçûe
r
par le cercle dont le rayon eft BL, & elle fe réduira alors
à (— ee un) NXNA + + (mm — 1)
ë NENS ju & F . Fe _—- j
Si on veut comparer maintenant l'effet d'un miroir plan
avec celui d’un miroir concave de même grandeur, dont le
foyer feroit au centre du cercle FG, on remarquera que
l'étendue du foyer de ce miroir à la diflance À B doit être un
cercle, dont le diamètre foit égal à la corde de l'angle de 32
minutes, fous lequel on voit le Soleil; & que le rayon de
ce cercle doit être au rayon du miroir 2 our AB à Al;
de-là on conclurra qu'il faudra faire x —= — dans la valeur
précédente, pour avoir Îa quantité de lumière que l'efpace.
occupé par le foyer du miroir concave, recevroit du miroir
plan de même étendue.
‘4
-
DÆs SéRENCES 455
Or faifant cette fubftitution — x (mm— 1) x NXNS
@æc NK3 aaæcd ot Cr !
— X — + II —
mmr CS 2mmr ? 2mmr [ 1)
2NK
X NENS —
quantité de lumière reçüe dans le même efpace que le foyer
du miroir concave. .
Mais la quantité de lumière donnée par le miroir fphé-
rique fur le même efpace, eft le produit du difque du Soleil
+ d] qui exprime donc la
ca
par le miroir, c'eft-à-dire, 4 x ; donc le rapport des
APTE : D NK3
effets des deux miroirs eft celui de Da = — 7".
min nm CS
ët= ra x NXSN. Pour conclurre ce rapport en
nombres, on remarque que le centre du cercle X NF tombe
alors en #, ce qui donne tout de fuite la pofition de W,
& par conféquent NX & l'efpace NXS N.
Si on fuppole, par exemple, le foyer du miroir concave en
1, & que ce foit en ce point qu’on place le corps qui doit rece-
voir l'image du Soleil, on aura dans ce cas m— 1, & par con-
féquent le cercle NX NF égal au difque du Soleil, & pour
NKle finus de 60°; doncle rapport précédent deviendra celui
de d:d — 2 x fin. bo! où D: D — 27/+), c'eft-à-dire
que l'effet du miroir plan fera à celui du miroir fphérique,
comme 184 à 314, fi l'on veut que AT ou a — + pied:
fi le plan eft au fommet du cone de réflexion comme — 1,
effet du miroir plan à une diflance d'environ 50 pieds,
fera à celui du miroir concave, comme 184 à 314.
Sim —+, ou AB — 2 A7], la formule donnera
D:4d — 3 NXNS — OT — 314: 248
: 3 cs — 314: 248
Alors à la diftance de 100 pieds ou environ, les effets du
miroir plan & du miroir concave feront ent’eux comme
248 à 314»
456 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Enfin faifant m = +, ou AB — 3 A1, la formule
générale donne d : 9 D — 8 NXNS — C2?
= RAC O 7e qui montre qu'à la diftance de 150
pieds, les effets du miroir plan & du miroir concave font
entr'eux comme 267 à 314; d'où l'on voit que les effets
approcheront d'autant plus d'être égaux, que les diftances
augmenteront, c'eft-à-dire, que la fraction qui exprime »
fera plus petite. Mais dans le cas où l’on defireroit une dé-
monftration plus détaillée de ce qu’on eft en droit , lorfque
le plan eft placé par delà le point Z, de faire par une fimple
fubftitution » — une fraction quelconque ; nous ajoûtons
pour le EST cas ce qui va fuivre, & l'on verra que les
réfultats font précifément les mêmes que fi l'on avoit ajoûté,
pour la complétation de l'intégrale dans le fecond cas, une
quantité proportionnelle à a la partie du difque retranchant :
on trouvera de la même manière la quantité de lumière
reçüe fur un plan qui fera de l'autre côté de Z, & un coup
d'œil fur la deuxième figure, mettra au fait des changemens
néceflaires ; l'efpace XN HN qui éclaire le point ?, eften
ce cas le cercle XNVN, ou D mm moins le fegment
KNVN, plus le fegment NX NX, & a pour expreflion
2 » trdr trdt :
#1 ES À FER ia ne RTE , & la ligne
CO ou —— eft alors V{1 — 77) — V{mm — 77);
de là il fuit que la quantité de lumière reçüe par la petite
d. d d
couronne P/p, eft D ne Et bai 'ére fe EDS
r vs — y
2cxdx t dx .
or FRS qui donne, étant intégrée &
\ mmdcxx cxx 2frrdt _3Serdr.
complète, ee ie (= 7) V(nm—yy /
Ca’ frrdi fmmyrdr 3
Er M mL D
+2 Vin —$7)] — — B E*mm, qui fe change
en
pr
:
2
D'EssNS CAE NC'ES. 457
CE x NXNH + (i—mm) NANK
: 3 DCBRE"
x caa ch NVNE — æcx d NX PANIERS
z2mmr ar CS 27
x MINI, OÙ Le } NAXNH + Dmmx
it 2nmr 2zmmr
ca cs NK;
M A: << nn) NON in
Dem BE* E° .
SL nelle 4256 DcmmB =
, — "à laquelle ajoûtant ——— qui exprime
la lumière recûe fur le cercle dont le rayon eft BE, lequel
eft éclairé de la partie dm du DE du Soleil, on aura
(— DE NXNA + - - [Dmm + (1m)
NHBK] — —_ x , pour la lumière reçüe fur
le cercle PBp.
Si on fait enfuite x — — dans cette valeur, ce qui
rend ce cercle égal au foyer du miroir fuppolé fphérique,
[Dmm
+ (1 — mm) NHAHK — 5 sd — |. a on veut donc
# . « - SES
cette expreflion fe réduira à celle-ci
alors comparer l'effet du miroir fphérique à à celui du miroir
. À ca co
plan, on aura pour leur rapport celui de—— D : ————
Hp"
(Dam + 1 — mm NANK — 2 mou
— NK
ue —— NANK — — rapport qu'on éva-
luera comme dans Île premier cas, en déterminant le point
AN par cette condition que le centre du cercle NX NF eft
alors en À. Si on fuppole par exemple, #7 = +, c'efl-à-
dire, que le plan FG qui reçoit l'image du foleil foit placé
à une telle diftance du miroir fphérique Z À, que l'image
Mén. 1747: . Mmm
Eat
e
458 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du foleil foit double de celui du miroir, ce rapport devien-
dra celui de D : D + 3NHNK — Re Pour
évaluer ce rapport en nombres, il faut remarquer que la
droite /V H qui eft alors le rayon #1 ou + donne NK—Vv (5),
& l’efpace NH NX égal à environ 0,08089, c'eft-à-dire,
que ce rapport eft à peu près celui de 314 à 247+, ou
ce qui revient au même, que l'effet du miroir plan feroit
environ + moindre que celui du fphérique,
Mem, de LAc,R.des Se 2747 pag 458. pl 18.
JAngramSe,
Dem. de UAe.R des Se 1747 pas 458. pl 18
Mem. de UAc.R .des S'e.1747. pag.458 . pl. 19.
J hgram Seub.
— _ Mem. de LA, R des Se 1747. pao458. pl 19
DC MA nc À da;
#*
DES ScrENCES. 459
O'B'S"E R MA LION
DE L'ECLIPSE TOTALE DE LA LUNE,
Du 25 Février 1747,
. Faire à l'Obférvatoire royal de Paris.
Par M. Cassini
N Q US avons employé pour faire cette obfervation, une
lunette de fept pieds, garnie d'un micromètre à réti-
cule, pour déterminer a quantité des doigts éclipfés.
Le 25 Février au matin, le Ciel qui avoit été couvert
prefque tous les jours précédens, fe mit au ferein, &
À 3523 30" j'obfervai le commencement de l’Eclipfe qui avoit été
précédé par une pénombre fort épaiffe.
3" 26° 10° * Jombre arrive au bord de Grimaldi.
3 27 10 Grimaldi et entièrement! dans l'ombre.
3 27 40 la Lune étoit éclipfée d’un doigt, & l'ombre de Îa
Terre étoit fort bien terminée.
3 32122 deux doigts. :
nie. 34 32 l'ombre au bord! d’Ariftarque.
°3 35 42 tout Atiftarque dans l'ombre.
#3 37133 trois doigts. \
3 42 24 quatre doipts.
3 43 46 Yombre à Heraclide.
3 47 35 cinq doigts, l'ombre à Hélicon.
3 5 1.:3 6. fix doigts. :
au 51 46 ombre au bord de Le Tiho,
3 52 46 Tycho eft entièrement dans l'ombre,
3 54 36 l'ombre à Platon.
3 55 7 tout Platon dans l'ombre.
+ 57 7 fept doigts.
3 59 ke l'ombre à Manilius.
Mmm i}
460 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Roraze
A 4h 3" 8" huit doigts.
4 6 38 lombre à Pline...
4 (8° ÿ\nènt doigts. ;
4110 50 l'ombre at Promontoire aigu. | <
4 12 go dix doigts.
4 16 30 lombre à Proclus.
4 18 42 onze doigts.
4 23 32° immerfon totale de la Lune que l'on diftingue avec
affez d'évidence.
Le difque de cette Planète paroifloit alors de couleur
rougeütre à diverfes nuances, la partie qui venoit d'être
écliplée étant plus claire que celle par où Fécliplé avoit
commencé. Ces nuances diminuoient fenfiblement de clarté,
à mefure que la Lune s’enfonçoit dans l'ombre, jufqu’à ce
qu'elle fût vers le milieu, après quoi la partie du difque de
la Lune où l'éclipfe avoit commencé, devint de plus en
lus lumineufe,
La Lune fe cacha enfuite dans des nuages ou vapeurs
qui s’étendoient jufqu'à l'horizon, ce qui empècha d'obfer-
ver fon émerfion. Elle fe découvrit quelque temps après,
& parut pendant l'efpace de quelques minutes.
A 6h 37° 30" la Luneétoit éclipfée d'environ un doigt.
Elle fe couvrit enfuite jufqu’à fon coucher, qui a du arriver
de jour après le lever du Soleil. "
Exrrair de l'Obfervarion de l'E ‘clipfe totale de Lune,
du 25 Février 1747, faite à Bayeux dans le Palais
E pifctopal, par M. ABBÉ Ourhier.
Le Ciel a été à Bayehx prefque tout couvert de nuiges
avec un grand vent qui les faifoit pafler continuellement
devant la Lune, & permit feulement de la voir pendant
quelque temps au commencement de l'Eclipfe.
À 3" 11" 00" vrai commencement de l'Ecliple,
3 00 13 l'ombre touche Grimaldi. un .
3 26 50, l'ombre à Copernic, qu'on n'a pas vüc diflinétement
DES SCIENCES". 461
“Lesnuages font devenus fi contigus, qu'on n'a pas pü voir
Ja Lune juiqu'à 4h 7" qu'il y avoit encore un. petit bord
Dis
AA 4R 9°, ce bord étoit diminué d'environ les deux tiers,
& les nuages ont été 1 génér alement répandus dans le Ciel
à l'endroit où étoit la ‘Lune, qu'on n'a pa voir aucune phafe
de fon émerfion..
En comparant ébfrvation du eomméncement de l'é-
cliple à Bayeux, qui paroit avoir été faite avec le plus d'évi-
dencé ;’avec la nôtre ; on trouve la différ éñce des Méridiens
jenve | Paris & Bayeux, de 12° 30", qui ne diffère que de
19 fecondes de celle qui eft marquée dans la Connoiffance
‘des FAR
Mmni if
462 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
OBS ERVAÆTEAON
DE L'ECLIPSE TOTALE DE LA RERRE,
Du 25 Février 1747,
Faite a l'Obférvatoire royal de Paris.
Par M“ DE THury & MARALDI.
N°: avons fait l'obfervation de l'Eclipfe de Lune du
25 Février de cette année, M. de Thury & moi,
avec une lunette de 6 pieds, garnie d'un micromètre à
réticule. Le Ciel a été fort ferein pendant tout le temps
de l’immerfion de la Lune dans l'ombre.
À 323" 00 "du matin, Pénombre forte. À
3 24 ÿ commencement eertain.
27 22 Grimaldi dans l'ombre.
31 15 lEdlipfeeft de 2 doigts.
35 10 Képker dans l'ombre.
36 40 l'Eclipfe cft de 3 doigts.
4t 35 elleeft de 4 doigts.
43 40 l'ombre à Copernic.
o tout Copernic dans l'ombre.
46 25 l'Eclipfe cft de 5 doigts.
s l'ombre à 7ycho.
s1 40 l'Edlipfe eft de 6 doigts.
$3 40 tout 7ycho dans l'ombre.
54 20 l'ombre à Platon.
55 36 tout Platon dans l'ombre.
56 50 l'Eclipfe cft de 7 doigts.
‘o 10 ÆManilius dans l'ombre.
1 55 l'Edlipfe cft de 8 doigts.
Us Us Us Us Us Le Lu Us Us 0 Us Us Lo
A
Le]
es D
DES SCIENCES) | 463
42 Menelaus dans l'ombre.
$ Dionyfus dans l'ombre,
ar L
30 Plinius dans l'ombre:
7 o YEdlipfeeft de 9 doigts,
12 20 elle eft de 10 doigts.
17 Oo du matin, l'ombre au bord de Mare CE frerni
18 o l'Eclipfecft de 11 doigts,
20 o tout Mare Crifium dans l'ombre.
23 3$ immerfion totale.
464 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE
OBSERVATION
DE L'ECLIPSE TOTALE DE LUNE
Du 25 Février 1747,
Faite à l'Obfervatoire royal de Paris.
Pa M DE Foucux".
AI obfervé cette éclipfe avec M. de Franqueville, qui a
bien voulu me fervir de fecond. Nous avons employé
deux lunettes, l'une à l'ordinaire, & l'autre de la conftruétion
de M. Romer, inftrument extrêèmement commode dans ces
fortes d'obfervations, parce que le réticule une fois bienfait,
fert à avoir exaétement les doigts écliptiques dans toutes les
éclipfes, malgré la variation du diamètre de la Lune ou du
Soleil. Voici les phafes, telles que nous les avons oblervées,
réduites au temps vrai.
A 3°23° 28" commencement de l'éclipfe .. . . . . oo doigts
DPF ES One ele TRE. 2 Dole. ne 1
32 46, eue see M ee PUR pe te
%w
35 36 l'ombre à Képler.
BE AO RTS et ete ele TE UE ... Rs
Ai 56 Rheinholdus.
42 20e)» ASE ce pee see re TT
46 commencement de Copernic.
46 36 tout Copernic.
47030 ER Meelene eue ttes elite. »de % :
50 48 l'ombre à Pitatus.
L]
$1 40 commencement de Tycho.
Us Vo VU V9 QG OU Us QU LS Us Us Lu
h
EN
5
53 26 tout Tycho.
D: ES SC CÉD EUX (CSV 46
A 3655" 5$1" tout Platon.
T'AS BL EE CEA SRE D Rp Bart
commencement de ee ‘op
commencement de Manilius.
doigts.
tout Manilius.
38 commencement de AMenelaus.
26 Plinius.
PUR LA SE EAN A OL Ce ST ES
2
3
4 35 tout Menclaus.
7
8
12 17 Promontorium acutum.
DANRER MU. UN Eee Le 2e): 00
15 8 commencement de Mare fæcunditatis.
dd om mate ni db RDS Sd dé
\
da
CASE D)
La Lo OH ka
a © co co
.
cè
17 $1 commencement de Mare criium.
si
e
Ve BAIE LR 0 ac 200 EN AND TN RO De 0 072
21 4 fin de Mare crifium.
8 PR 8 D 0 48 D D D 4 8 À
23 30 immerfion totale . . . . . . . + « . « 12
Le mauvais temps qui furvint ne nous a pas permis de
rien obferver des phafes décroiffantes de léclipfe, la Lune
D'ayant paru qu'un inftant par une ouverture de nuages, un
peu après l'émerfion de Mare crifiun, & lorfque la partie
claire étoit d'environ un degré & demi, mais fans donner
Je moment de rien déterminer de précis,
DT DCE
Mn, 1747: +. Nan
466 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
OBSERVATIONS
BOTANICOËMETEOROLOGIQUES
Faites en Canada, par M. GAUTIER Médecin du
Roi, Confeiller au Confeil fupérieur de Québec,
à Correfpondant de l’Académie.
Par M. pu HAMEE.
LÉ dernier Journal finiffant au mois de Septembre 1745,
celui-ci commence au mois d'Otobre de la même
année, & finit au mois de Septembre 1746.
On verra avec plaifir, par les Obfervations que M. Gau-
tier envoie cette année, que la température de l'air a été
aflez douce, & très-falutaire, non feulement aux végétaux ,
mais encore aux animaux ; car on n'a eu en Canada aucune
maladie épidémique, & toutes fes produétions de la terre
ont été très- abondantes, & font venues à une parfaite
maturité. .
On a obfervé l'élévation du mercure dans le thermo-
mètre depuis 7 heures du matin jufqu'à 8, & l'après-midi
depuis 2 heures jufqu'à 3.
La lettre f veut dire au deffous du terme de la glace, Îa
lettre fau deflus de ce terme, & la lettre o fignifie que le
mercure étoit au terme de la congélation.
Pour lier ces Obfervations avec celles de l'année précé-
dente, il eft bon de fe fouvenir qu’en. 1745 la température
de l'air a été favorable pour la végétation; il y a eu beau-
coup de fruits, les bleds ont bien müri, on les a ferrés à
propos, le grain a été de bonne qualité.
ŒCTONRR E r745-
Les pluies des premiers jours de ce mois faifoient craindre
Pre en 0
DES; $: C'Â'ENN CES 467
qu'on eût de la peine à lever les guérets ; mais le temps
étant devenu très-beau , fut très-favorable pour les ouvrages ,
qu'il eft toûjours avantageux de faire avant l'hiver, pour être
en état d'enfemencer les terres, fi-tÔt qu'au printemps les
neiges font fondues,
I y a eu pendant ce mois de petites gelées, & il eft
quelquefois tombé de la neige; néanmoins le 23, le ther-
momètre étoit le matin à 1 s au deflus de zéro, & l'après-
midi à 20.
À la fin du mois, les arbres avoient prefque toutes leurs
feuilles; les prairies étoient fournies d'herbe comme au mois
de Juin : tout le monde a joui d’une parfaite fanté; & fa
chaffe des outardes, farcelles, alouettes de mer, & des bé:
caflines, a été abondante
Il eft très-rare en Canada, de jouir d’un temps auffi agréa-
ble pendant ce mois.
N'OUP CE MB RE,
Le temps doux continua fans prefque d'interruption juf:
wau ro, & on en profita pour planter dans les potagers
les échalottes, & quelques autres légumes qui paflent l'hiver
fous la neige.
Le ro, une gelée aflez forte fit ceffer les labours; le 1 3
il tomba une neige aflez abondante. On aime bien que fa
terre foit gelée avant la chûte des neiges, pour faire périr
quantité d’infectes, qui fans cela fe confervent fous la neige.
Le 15 & le 16, il tonna, & il plut affez abondamment
pour faire fondre toute la neige ; mais les prairies ne four-
nifloient plus d'herbe aux beftiaux.
Quoique le thermomètre füt plufieurs degrés au deflus de
zéro, on vit plufieurs bandes d’outardes qui pafloient du nord
au fud ; ce qui marque que le froid eft grand dans le nord.
Le 24, il n’y avoit point encore de glace fur le fleuve
Saint-Laurent.
Le 25, il gela très-fort, il neigea, il grêla, & ïil plut;
ce qui dura jufqu'à la fin du mois. .
Nnnij
468 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
I! régna- pendant ce mois plufieurs maladies, favoir ,
des péripneumonies, des pleuréfies, des maux de gorge,
des fièvres continues avec irruption à la peau,des dyfen-
teries & des flux de ventre, avec des déjections féreufes &
verdâtres; c'eft cette maladie qui a été la plus diffcile à trai-
ter: mais en général, avec du foin & un bon traitement,
aucune des maladies qu'on vient de nommer, n'ont été
meurtrières
D_F CE MB RTE:
Le temps étoit fi doux au commencement du mois de
Décembre qu’il partit un bateau pour France. Le 3, le ther-
momètre monta à 8 degrés au deflus de zéro; les neiges
fondirent fr promptement que les rues de Québec fem-
bloient autant de petites rivières : la terre fe décou-
vrit entièrement, & Île matin il s’éleva un brouillard ft
épais qu'à peine pouvoit-on lire en plein midi; ces
brouillards, qui font communs dans les grands dégels du
printemps, font un phénomène bien fingulier #1 le mois de
Décembre, où il gèle d'une force extrême. Il gela aflez
fort le 8; leo, il neigea abondamment, ce qui fut avan-
tageux pour rendre les chemins praticables aux traîneaux,
& les provifions arrivèrent avec abondance dans les villes.
Le temps s'adoucit le 22 ; le 26, les glaces du bord du
fleuve Saint-Laurent étoient fondues, & les navires auroient
pü defcendre le fleuve : mais le 28, le fleuve étoit tout
couvert de glaçons.
Il s’eft joint aux maladies du mois précédent, des oripeaux ,
fans qu'il y ait eu de mortalité.
Les gens de la campagne s’occupoient à battre les bleds,
à couper du bois, & à faire la chafle aux martres.
JANVIER 1740
Le 6, il fit une grande poudrerie ou neige très-fine par un
vent de nord-eft impétueux, qui découvrit quelques maifons,
& rompit beaucoup d'arbres dans les forêts, Le 8, la glace étoit
D. ES SMEMDVE (Ni GES 46
affez forte fur la rivière pour porter les voitures chargées. Î
y aeu pendant ce mois de grandes alternatives de froid &
de temps doux, puifque quelquefois le vif-argent a été con-
centré dans la boule des thermomètres, & quelquefois il
s'eft élevé s degrés au deflus du terme de la glace.
Les maladies ont été les mêmes que les mois précédens,
& les payfans ont continué à battre les grains, couper du
bois, & à fäire la chaffe aux loups-cerviers, aux martres, &c.
PCR ER
Pendant ce mois il eft tombé beaucoup de neige, des
poudreries ; il a gelé quelquefois aflez fort, il eft venu de
fréquens dégels, & en général, on peut dire que pour le
Canada ce mois a été fort doux : tout le monde a joui d’une
parfaite fanté, & les travaux de la campagne étoient les
mêmes que les mois précédens.
MARS.
Le froid fe fit fentir fi vivement au commencement de ce
mois, que le 7 , le mercure defcendit à 23 degrés au defious
de zéro.
Le 12, on aperçut une Aurore boréale, qui s’étendoit
depuis le nord-oueft jufqu'au nord-eft : ces phénomènes font
fréquens dans cette faifon , & occupent prefque toüjours la
même partie du Ciel. «
Le 1 6, l'air étoit tellement adouci, que le mercure monta
à 10 degrés au deflus de zéro. Le dégel continua jufqu'à fa
fin du mois; & le 18, on commença la récolte du fucre
d'érable ; car c’eft pendant les grands dégels que l’eau coule:
abondamment des érables.
| Le 19, le mercure étoit à o degrés au deflus de zéro.
Le 22, on fema des laitues, du cerfeuil, du perfil, des
choux, & d'autres plantes potagères fur les couches.
Le 26 & le 27, il tomba une prodigieufe quantité de
neige; mais le dégel ayant continué, on efpéroit de voix
bien-tot la terre découverte, & en état d'être enfemencée..
Nan ij
470 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE RoyALE
Il ne fera pas hors de propos de remarquer, 1° que la
récolte du fuc d'érable n’a commencé que le 18, & que
l'eau qui couloit n'étoit point encore aflez fucrée, parce
que les dégels n'étoient pas ailez grands. -
H eft certain qu'il n'eft point du tout néceflaire qu'il
y ait de la neige au pied des érables, pour qu'il en coule
de l'eau fucrée, puifqu'on fait cette récolte au détroit dès fa
fin de Janvier, quoiqu'il n’y ait plus de neige*au pied des
érables dans cette partie du Canada, où le froid eft toû-
jours fort modéré.
2° Les perfonnes les plus âgées ne fe fouviennent point
d'avoir vû un hiver fi doux, auffi le fleuve Saint-Laurent
n'a-t-il pas pris cette année vis-à-vis de Quebec.
3° Il n’eft pas tombé une goutte de pluie pendant tout
l'hiver, c'eft pour cela qu'il ne s'eft point formé une croûte
de glace fur la neige; ce qui retarde beaucoup la fonte des
neiges. Ceux qui ont été dans les bois aflurent qu'il n’y en
avoit au plus que quatre pieds. Les maladies, n’ont point
été fréquentes pendant le mois de Mars, & les travaux de la
campagne ont été les mêmes que ceux du mois de Février.
AV R1 EL,
Il tomba beaucoup de neige le r°7 & Je 2 ; mais les dégels
du mois précédent ayant continué, & l'air étant devenu
encore plus chaud ,4la terre dès le 6 étoit découverte en
plufieurs endroits, & on faifoit d'amples récoltes du fuc
d'érable.
Le 7, on entendit le roffignol aux environs de Québec.
Le 8, il tomba un peu de neige; le o, il gela aflez fort;
mais le 10, le temps étoit tellement adouci & le dégel fr
confidérable, que le pont de glace qui s'étendoit depuis Qué-
bec jufqu'à l’ifle d'Orléans fe rompit, les voitures avoient
paflé long-temps fur cette glace dans l'efpace de deux bonnes
lieues de France. On n'avoit point encore vû cette débacle .
arriver de fi bonne heure. On aperçut beaucoup d’outardes
qui alloient vers le nord, & c'étoit un préfage du printempse
E.
|
D! EN SN OMNENNCUENS 471
On fouhaitoit de la pluie pour précipiter la fonte des neiges;
il en tomba le 12; le thermomètre étoit à : 8 degrés au
deflus de zéro.
La terre fe découvroit de plusen plus, & l'on mandoit de
Montréal que toutes les terres étoient découvertes, que les jar-
dins étoient cultivés, & qu'on avoit commencé les femailles,
Le 14, les falades qu'on avoit femées fur couche dans
les jardins de Québec, étoient très-vertes; on voyoit beau-
coup d'hirondelles, & quantité d'oifeaux fe faifoient entendre
dans les bois.
Il tomba plufieurs fois de la neige, & il fit quelques gelées
jufqu'au 19 :le 21, on commença les femailles fur les hau-
teurs auprès de Québec.
Le 22, les tulipes & les narciffes avoient beaucoup pouffé
fous la neige; les boutons des tilleuls & des pommiers grof-
fifloient; & ce jour-là, le mercure monta à 22 decrés au
deffus de zéro.
Le 24, les narciffes étoient en fleur, & on continuoit les
femailles. :
Le 25 & le 28, il tomba de la pluie, qui fut très-avanta-
geufe à toutes les productions de la terre.
Dès le 22, la navigation du fleuve Saint-Laurent étoit
libre, ce qui n'arrive ordinairement que le 1 o de Mai, & dans
* ce temps le fleuve eft quelquefois entièrement pris.
On apprit qu'il y avoit un navire de France mouillé à
trente lieues au deffous de Québec. Ce navire étoit parti
de Bordeaux les premiers jours de Février.
À la fin du mois, on mangeoit des falades de piflenlis, de
beccabunga, de cerfeuil mufqué, &c.
M À L:
Quoiqu’on foit accoûtumé en Canada à voir les plantes
faire des progrès furprenans auffi-tôt que les chaleurs fe font
fentir, il n'y avoit cependant perfonne qui ne fût furpris
de la rapidité avec laquelle les plantes pouffoient cette année.
Dès les premiers jours du mois, les prairies avoient pris une
+
=
472 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
verdure admirable; plufieurs plantes étoient déjà en fleur,
& les boutons des arbres étoient prêts à s'ouvrir. Les labou-
reurs femoient par-tout ; & avant le 15 toutes les terres
furent enfemencées; à la fin du mois, les orges, les avoines,
les pois, les fèves, les chanvres, les lins, étoient en terre.
Quelques pluies furvenues à la fin d'Avril & au com-
mencement de Mai, avoient retardé les femences, parce
qu'on avoit été obligé de laifler la terre fe refluyer ; mais les
pluies avoient d'un autre côté été très-avantageufes pour
les productions de la terre. :
La chaleur fut fi grande le 8 , que le mercure monta à 29
degrés au deflus de zéro : le 9; la chaleur continua, & il
tomba une pluie d'orage qui fitencore des merveilles.
Les violettes & les fanguins étoient en fleur avant le 1 5 :
le 20, les bleds avoient déjà au moins 4 pouces de hau-
teur, & le mercure monta à 35 degrés au deffus de-zéro :
les feuilles des érables commençoient à s'épanouir, & les
incifions ne donnoient plus de fuc.
Il y a en Canada une efpèce de bouleau qu'on nomme
dans le pays mérifier : cet arbre donne auffi de l'eau fucrée,
& il en fournifoit encore, parce qu'il n'étoit pas auffi avancé
que les érables ; mais cette eau étoit très-peu fucrée. «
Le 27, quantité d'arbres étoient en fleur, & entre ceux-là
on comptoit les pruniers françois.
A la fin du mois les bleds paroifloient des prairies
bien fournies d'herbes, & tous les arbres étoient garnis de
feuilles.
Il y a eu très-peu de malades pendant tout ce mois.
# CAT,
Le commencement de Juin ayant encore été très-favo+
rable pour la végétation, le 12, les fraifiers, les framboifiers,
les cerifiers, les pruniers, les poiriers & les pommiers étoient
très-chargés de fruit qui étoit bien noué.
Vers ce temps une prodigieufe quantité de chenilles dé-
vorèrent les feuilles des pommiers du côté de Montréal en
moins
D'IENS |! Slénr E NC ElS
moins de dix jours. Dans la crainte que les chenilles n’en-
dommageafient les pommes comme elles avoient fait les
feuilles, les habitans eurent la patience de monter jour &
nuit des gardes aflidues, travaillant continuellement à écrafer
les chenilles. Par ce pénible travail ils ont confervé leurs
pommes & une partie des feuilles. Ces chenilles ne fe font
attachées qu'aux pommiers.
On n'a vü fur les pommiers de Québec que quelques
chenilles toifeufes, qui ne leur ont pas fait un tort fenfible,
Une autre efpèce de chenille a mangé tout le parenchyfine
des feuilles des tilleuls du jardin de lIntendance. On les fit
écheniller avec foin, & on formoit un cercle de fuif autour
du tronc de ces arbres. Les chenilles qui vouloient monter,
étant arrêtées par ce fuif, s'amafloient en nombre, & on les
écrafoit aifément. Ces tilleuls fe font regarnis de nouvelles
feuilles; & à la fin de Juillet, ils étoient comme les autres.
Le 2 de ce mois, les bleds avoient déjà neuf pouces de
hauteur. Un peu de féchereffe qui eft venu dans ce temps,
les ayant fait monter trop promptement en tuyau, ils n’ont
pas beaucoup taillé.
Les plantes qui, l’année dernière { quoiqu'’elle ne fût pas
tardive) n’avoient fleuri que le 2 $ Juin, étoient en pleine
fleur cette année le 13.
Le 17, les feigles commençoient à épier, & on mangeoïit
à Québec les fraifes des bois bien mûres.
Les vents de nord qui ont régné pendant ce mois, ont
occafionné beaucoup de rhumes de cerveau & de poitrine, &
quelques pleuréfies : il y a eu auffi des dévoiemens , mais ces
maladies n'ont point été dangereufes.
La pêche du faumon & de l'alofe a été abondante.
M. Gaultier & le P. Bonecan, Jéfuite, obfervèrent le 1 2
fur les neuf heures du foir, une Aurore boréale dont voici la
defcription.
Le ciel étoit fort net & les étoiles brillantes, l'air chaud.
On obferva une grande bande qui paroifloit large de huit à
dix pieds : elle reffembloit par fa couleur à des flammes
Mén. 1747. . Ooo
474 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
bleuîtres, elle en avoit le mouvement, elle formoit dans le
ciel un arc de cercle dont la partie convexe regardoit le midi,
& les deux extrémités lorient & le couchant. Cette bande
paroïfloit tantôt s’élargir, & tantôt fe rétrécir; elle n'empê-
choit point d’apercevoir les étoiles qui étoient dans la portion
du ciel qu’elle occupoit depuis le nord jufqu'au nord-oueft, il
partoit continuellement des jets de feu en forme de rayons,
& des flocons qui alloient en s'élevant fe diffiper en appro-
chant de la grande bande. Quelquefois cette bande fe divifoit,
puis elle {e reformoit, & tout ce fpeétacle finit à minuit,
LUI TL LD PT:
Le temps a été pendant tout ce mois auffi favorable
qu'on pouvoit le defirer pour les biens de la campagne.
Les chaleurs exceffives ont été prefque continuelles ; mais
elles ont été tempérées par des pluies d'orage qui ont été
très-fréquentes. |
Les bleds étoient auffr beaux dans les mauvaifes terres ;
qu'ils le font communément dans les meilleures.
Les premiers jours du mois, les feigles commençoient à
fleurir : le 1 4, ils étoient entièrement défleuris.
Les bleds qui avoient été femés les premiers jours de Mai,
épioient le $ Juillet. Ils font entrés en fleur le 1 5, le grain
étoit formé le 28 : les lins étoient en fleur le 5, & vers ce
même temps on commença à manger des perdreaux.
Vers le 1 3, les chaleurs qui avoient été exceflives, com-
mencèrent à diminuer.
Le 20, le 22 & le 23, ïl fit une grande chaleur, mais
comme le foleil étoit fouvent caché par des nuages, & qu'il
plut abondamment le 23 , les bleds ne fouffrirent pas; mais
les chaleurs étoient favorables pour les faire fleurir : il tomba
auffi un peu de grêle, dont les grains étoient gros comme des
avelines & comprimés par les poles oppolés, qui ne fit de
tort qu'aux plantations de tabac. 1
Ces chaleurs achevèrent de mürir les fruits rouges, dont
il y a eu abondance & de bonne qualité Dès le 22 on
DIE} S:SCCIT)E AN cr sé 475)
mangeoit des concombres. Quelques jours auparavant, on
avoit commencé à faucher les foins, & le temps a été très-
favorable pour les fanner; ainfi il y en a eu beaucoup, & ils
font d’une très-bonne qualité.
La feule maladie qui ait régné, & qui n’a pas été fâcheufe,
a été des flux de ventre.
D A ed be a
… On a commencé la moiffon des bleds dans le département
de Montréal, & celle des orges aux environs de Québec.
Le 4, on commença à fcier les bleds aux environs de
Québec. Comme ils étoient nets d'herbes & bien mürs,
on les ferroit aufli-tôt qu'ils étoient coupés ; de forte qu’à
la fin du mois tous les bleds étoient engrangés. Les ger-
bes étoient très-pefantes, & le grain parfait.
Les grandes chaleurs de la fin de Juillet & du commen-
cement d'Août avoient grillé les feuilles de plufieurs arbres ;
mais le 10, il vint une pluie qui fit un bien infini aux poires
& aux pommes.
Le 12,0on mangeoit des melons de France.
Le 19, on cueilloit les lins.
On voit par ce qui a été dit, que tous les grains ont réuffi
à merveille : ils étoient d’une qualité parfaite; & quoiqu'ils
fuffent un peu clairs, pour les raifons que nous avons dites,
la récolte efl mife au nombre des meilleures, parce que les
épis étoient longs & bien garnis.
I y a eu quelques bleds tardifs ou qu'on avoit femés le
long des bois dans des terres défrichées, qui ont été rouillés
& échaudés.
L'eau a été baffe dans les grandes rivières; beaucoup de
fources & de ruiffeaux ont tari, de même que prefque tous les
puits; ce qui vient de ce que les pluies qui ont tombé fré-
quemment, ou n'étoient pas abondantes, ou n’étoient pas
énérales, ou étoient bien-tôt diffipées par de foleil & le vent ;
car les chaleurs étoient exceffives.
Les dévoiemens ont été fréquens pendant ce mois, &
Ooo ij
476 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
quand ils étoient négligés , ils dégénéroient en dyfenterie:
Il n'y a pas eu cette année beaucoup de tourterelles, &
en général, on n'a pas tant vûü de différens animaux que les
autres années.
dE PT. E MB ARE
Les chaleurs & la féchereffe qui avoient été fi favorables
pour avancer la maturité des grains, & pour mettre en
état de les ferrer , avoient defféché l'herbe des prairies, il vint
au commencement de ce mois des pluies qui les firent rever-
dir, & qui leur firent produire des regains. D'ailleurs ces
pluies fournirent de l'eau aux mûres defléchées, & à quan-
tité de ruifleaux. Les beftiaux en avoient befoin. Elles ne
- firent point de mal à quelques bleds qui étoient encore fur
pied ; au contraire elle les empêcha de s’égréner, comme
is auroient fait, parce qu'ils étoient très-mürs, & on pro-
fita des intervalles de beau temps, pour achever de ferrer les
rains.
Les pluies fervirent encore à éteindre des bois où des
voyageurs avoient mis le feu le mois précédent. Vers le 12
il s'éleva des vents de nord-eft violens & accompagnés de
pluies, ils déracinèrent & romipirent beaucoup d'arbres, &
firent tomber quantité de fruits qui n’étoient pas encore en
état d'être cueillis. Ce vent ébranla & découvrit plufieurs
maifons; des vaiffeaux qui étoient dans le port de Québec,
chafièrent fur leurs ancres, & rompirent leurs cables. Les
nattes & les filets des pêcheurs furent emportés, & les grains
qui refloient aux champs furent égrénés. Cet ouragan dura
24 heures; il gela le 26, & on profita des beaux jours du
refle de ce mois pour labourér les terres.
Les flux de ventreétoient devenus épidémiques, & dégé-
néroient quelquefois en dyfenteries.
DES SCIENCES. ‘477
OCTOBRE 1745:
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478 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
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DES SCIENCES. 479
| DECEMBRE.
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20 DANEN | AT se Temps couvert...| Poudrerie........ Nord-eft.
21 Le vraren con | Beau temps. . . . .|. seb le SU Sud-ouctt.
ali tee 20h. 1)Beau temps... RE Tee SUR Sud-oucft.
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2 Eee (A8 OC NS Beau temps. ....l....s..s1e. Nord-eft.
25 1200 1 f. [Temps couvert. ..|.... Cu DOM EST Nord-eft.
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482 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
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484 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
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DES SCIENCES, 485
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486 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
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10 | 26 f. | 35 [. |Beau temps. ....|............. Sud -oucft.
11 26. 40 f. nc: Pluie abondante. .| Nord-eft.
12 29 f. | 30 f. | Beau temps..
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20 | 31 | 41 f. |Beau temps.. ORALE Fe -oucf.
21 | 26. | 45 f. |Bcau temps.. .|[Nord-eft.
220 316 4NES0 Beau temps... Pluie & nds. :|Sud-oucft.
23 31 f. || 41 f. | Beau temps. .... Pluie SE .| Sud-ouctt.
24 | 30 f. | ‘40 f. | Beau temps. . ... Pluie d'orage. . . .|Nord-eft,
25 | 3211431 f..|Beau temps. .... Pluie abon. tonn..
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30 | 25 f. | 30 f. | Temps couvert...|. .....7..... Nord-eft.
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488 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
x SEPTEMBRE
DEGRES PLUIES, 1
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NOUVEAU
D nt
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D'E S Sci E NU cieus 489
NOUVEAU) PROJET
D'UNE MESURE INVARIABLE,
Propre à férvir de mefire commune à toutes
les Nations.
Par M. DE LA CONDAMINE.
he mefure fixe & invariable, à laquelle e temps ni la RES
diftance des lieux n’apporteroient aucune altération, LA PAG
a été defirée dans tous les temps *. Si les Anciens en euffent blée publique
fait la découverte, & nous l’euffent tran{mife, que de tra- 7 ri Avil
vaux, que de veilles elle eût épargnés aux Savans! La vie Aie
d'un homme ne fuffiroit peut-être pas pour lire tout ce qui a horologio of-
été écrit en toutes les langues fur les poids, les mefures & les x Prop
monnoies , dans la vüe d’éclaircir des doutes qu'on n’a fouvent
fait que multiplier. Je ne n''arrêterai point à détailler tous les
avantages que retireroient la Société en général, & les fciences
en particulier, d’une Mefure univerfelle ; il eft aflez évident que
la diverfité des poids & des melures des différens pays, &
fouvent de la même province, caufe de l'embarras dans le
commerce, & que dans l'étude de {a phyfique, de l'hiftoire, de
la politique même, les noms inconnus des mefures étrangères,
la pareffe ou la difficulté de les rapporter aux nôtres, mettent
de fa confufion dans nos idées, & nous laïffent dans ligno-
rance de faits dont la connoiffance pourroit nous être utile.
Mon deflein n’eft pas de faire ici l'examen ni la critique
des divers plans qui ont été propofés pour remédier à cet
inconvénient, Je divife ce Mémoire en deux parties : dans
la première, j'examine les difficultés qu’on peut former en
général contre tout projet d’une mefure univerfelle : dans la
feconde, je propofe celui que j'ai toûjours eu en vûe dans
Je grand nombre d'expériences du pendule que j'ai faites
pendant le cours de notre voyage à l'Equateur, & j'expofe
Mn, 1747 + Qqq
490 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE ROYALE
les nouveaux moyens que ce voyage a fournis pour faciliter-
l'exécution de ce projet. |
Je n’ofe me flatter que ce Mémoire puiffe remplacer celui
ue feu M. du Fay, encouragé à cette recherche par le Mi-
niftère, fe difpoloit à donner en 1739, lorfqu'une mort
prématurée l'a enlevé à l'Académie & au Public, à qui il avoit
confacré fes travaux. En traitant le même fujet que cet illuftre
ami, dont la perte me fera toûjours nouvelle, il me feroit
peut-être permis de tirer vanité de l'avoir engagé le premier
à renouveler un projet qu'il étoit plus propre que perfonne
à faire réuffir, & d'avoir contribué par mon travail à lui
en fournir les moyens : mais mon but principal étant de
ne pas priver le public du fruit de fes veilles, je me fais
honneur de reconnoître que j'ai profité de fes recherches*,
& qu'en affociant mes idées aux fiennes, j'ai tâché de me
conformer à fes vües, & de faire ce qu'il eût fait lui mème,
sil eût vécu.
PRESEHMFRRE PARTIE
Cesr le fort des projets les plus évidemment utiles, de
n'être pas exempts de contradictions de Ia part de ceux même
qui fembleroient en devoir mieux fentir l'utilité.
1.” Une mefure uniforme, felon quelques fpéculatifs, eft
inutile, & même contraire au bien du commerce.
2.° Ce projet, quand il feroit utile, paroît être d'une
difficulté impraticable dans l'exécution.
3° Les différens peuples pourront-ils jamais s'accorder
fur le choix d'une mefure commune?
Les objeétions contre tout projet de mefure univerfelle, fe
peuvent réduire à ces trois chefs. J'y répondrai par ordre.
Croiroit-on que des négocians habiles aient avancé férieu-
fement que la variété des mefüres & des poids dans un même
royaume, en France, par exemple, étoit avantageufe au
comunerce ? Les Grecs & les Romains étoient bien éloignés
d’en juger ainfi, puifqu’ils avoient eu foin d'établir des poids &
* Sur-tout dans la première partie de ce Mémoire. ;
{
LA
|
à
pue
DES SCIENCES. 491
des mefures uniformes dans tous les pays de leur domination.
Ces nations fi éclairées doivent paroître bien aveugles fur le
bien public, à ceux qui prétendent que la variété des mefures
& des poids eft utile dans un Etat.
Si le commerce n’eft autre chofe que l'échange du fuperflu
contre le néceflaire, n’eft-il pas évident que les moyens les
plus fimples de faciliter cet échange feront les plus avantageux
au commerce? L’échange doit fe faire fuivant certains rap-
ports, & fur-tout fuivant celui des quantités. C’eft pour le
connoître ce rapport, que les mefures ont été imaginées : plus
il fera facilement connu, moins l'échange aura de difficulté;
plus par conféquent le commerce deviendra prompt, fréquent
& utile. Or quel moyen plus fimple & plus für pour con-
noître aifément en tout temps & en tous lieux le rapport des
quantités échangées, qu’une mefure uniforme & univerfelle ?
Que peut-on oppofer à l'évidence de cet argument? Une
prétendue expérience ? Cette objection ceffe d'être méprifa-
ble, puifqu’elle a pu faire illufion à des gens qui ne manquent
pas de lumières.
Plufieurs marchands, dit-on, trouvent dans cette diffé-
rence de mefures un bénéfice dont ils feroient privés fans cela.
Premièrement , il y à de très-bonnes raifons pour douter
de la réalité du bénéfice fuppolé : il eft évident au moins
qu'il ne peut regarder que celui qui connoît mieux Îe rapport
des mefures. Mais, ou le marché fe fait de marchand à mar-
chand; & en ce cas la réduétion des mefures étant pour les
gens de cette profeffion une affaire capitale, & le flambeau de
l'intérêt les éclairant également, il n’eft pas naturel que l’un des
deux ignore ce qu'il lui importe fi fort de favoir; ils feront
donc pour l'ordinaire auffi habiles lun que l’autre : ou le mar-
ché fe fait entre un marchand & un particulier ; & alors celui-
ci n’achette la marchandife qu’au poids & à la mefure qu’il
connoît; il eft donc, à cet égard, aufli avancé & auffi inflruit
que le marchand, & il ne tient qu'à lui de ne pas faire un mau-
vais marché. I n’y a donc dans les deux cas aucun bénéfice.
Mais fuppofons, & fans doute cela peut arriver quelques
Qqqi
où +
492 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fois, que l’un des deux contraélans trouve un grand avantage
dans le marché; je dis que ce bénéfice, qui n’a d'autre fonde-
gent qu'une connoiflance plus exaéte des mefures, ne peut
être légitime. Qu'on fafle telle combinaïfon qu'on voudra;
il eft évident qu'il ne peut y avoir de profit pour celui qui
connoît mieux le rapport des mefures, qu'il n’y ait de la
perte pour celui qui l'ignore, ou qui ne le connoit pas fi
bien. Le premier, dans ce cas, vend moins ou achette plus
de marchandifes pour le prix convenu, que celui avec qui il
traite ne croit en acheter ou en vendre; le contrat eft donc
frauduleux, & par conféquent illégitime. Enfin, l’un des deux
ne peut gagner {ur la mefure, à moins qu'il n’y ait de la mau-
vaife foi, ou du moins une erreur de calcul préjudiciable à
Y'un des deux contraétans, Dira-t-on que la fraude & l'erreur
foient avantageufes au commerce? Soûtiendra-t-on que dans
un Etat bien réglé elles doivent être autorifées ou tolérées,
quand il eft poffible de les prévenir ? C'eft la conféquence
qu'il faudroit tirer du principe de ceux qui foûtiennent l'utilité
de la diverfité des mefures.
Oui, dira-t-on peut-être, il eft de la bonne politique de
diffimuler un petit mal pour procurer un beaucoup plus grand
bien à l'Etat. C’eft ce léger intérêt, c’eft cette induftrie, frau-
duleufe ou non, qui entretient l'abondance dans les marchés.
Le bled, ajoûte-t-on, manqueroit fouvent dans les villes, file
profit qui fe peut faire d'un lieu à l'autre fur la différence des
mefures, n’excitoit la cupidité de gens qui vont le chercher
au loin, fürs de trouver en le revendant un avantage dont ils
feroient fruftrés, fi les mefures étoient par-tout les mêmes.
C'eft ainfi qu’on en appelle à l'expérience, & qu’on fuppofe
gratuitement qu'elle décide en faveur des préjugés. Il feroit
difficile de convaincre de faux cette fuppofition, fi la multi-
plicité des melures étoit auffi ordinaire par-tout qu’elle left
dans quelques provinces du royaume. Mais il y a, tant en
France qu'ailleurs, de grands pays où l’on ne connoît qu'un
poids & qu'une mefure, & où la difette n’eft pas pour cela plus
commune. Les marchés de l'ancienne Rome étoient au moi
re mdr
DS; SAR EN CE S 493
auffi bien pourvüs que ceux de Rome moderne. Celui qui a
“plus de bled qu'il n’en peut confommer, & qui manque
d'autres denrées néceffaires, portera toûjours fon grain au
marché, dès qu'il fera für d’en avoir le débit, & toutes chofés
d'ailleurs égales, le grand nombre aimera mieux le vendre à
la mefure qui lui eft familière, qu’à une mefure qui lui eft
moins bien connue.
Le bénéfice fi vanté n’eft donc ni réel, ni légitime. Mais
en accordant gratuitement qu'il eft lun & l’autre, & qu'il y
a des gens qui ne fubfiftent que du produit de ce commerce,
je demande fi l'intérêt de ce petit nombre peut balancer la-
vantage & la commodité que trouveroit tout le refte des
habitans d’un royaume dans une uniformité de mefure qui
porteroit la lumière dans le commerce, & le rendroit plus
facile, en débarraffant les calculs de ces réductions toûjours
pénibles, & fouvent fujètes à erreur. Les changeurs defire-
roient fans doute qu'il y eût dans chaque ville, & même dans
chaque rue, différentes monnoies : en eft-il moins commode
pour le public que la même monnoie ait cours par tout le
royaume ? Si tous les hommes parloient la même langue,
l'office d’interprète deviendroit inutile. Conclurra-t-on de 1à
que la diverfité des langues eft avantageule à la fociété? Tel
eft le raifonnement que je me ferois moins arrêté à combattre,
fi je n'écrivois que pour ceux auprès de qui le préjugé a
moins de force que la démonftration. Paflons à la feconde
difficulté.
C'eft en vain qu'un établiffement eft reconnu bon & utile,
f. fon exécution entraîne des obftacles infurmontables, tels
que les cauferoit, à ce qu'on prétend, une innovation dans
les poids & dans les mefures. S’imaginer que des ouvriers, des
payfans, des gens de journée, confentent jamais à renoncer
à la mefure qu'ils ont fous les yeux depuis leur enfance, & à
lui en fubflituer une nouvelle; ce feroit ne pas connoître la
force de habitude & l'empire de la coûtume fur le vulgaire:
& jufqu'où ne s'étend pas ici le vulgaire? D'ailleurs, fa plüpart
des droits fcigneuriaux fe payent en nature: ils font établis &
Qga ii
494 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE ROYALE
énoncés en melures du pays, felon la coûtume de chaque lieu.
Quel embarras n’y auroit-il pas à réformer tous les anciens
titres! & quelle oppofition n'y trouveroit-on pas de la part
des parties intérefiées !
Telle eft la feconde objection, beaucoup plus folide & plus
digne d'attention que la première.
Ce n’eft donc plus le vice du fond de la chofe qu'on allègue
maintenant; on {e retranche fur la difhculté de l'exécution :
mais fi la chofe eft reconnue avantageufe en elle-même,
comme on eft forcé d’en convenir, il ne faut y renoncer
qu'au cas qu'elle foit réellement impoffible : fi elle n’eft que
difficile, il faut chercher les moyens de lever les difficultés,
ou du moins de les applanir; peut-être fuffira-t-il pour cela
de les confidérer de plus près.
Pour nous borner, quant à préfent, à ce qui concerne Îa
France, la difficulté qu'on exagère aujourd'hui n’a pas été
regardée comme invincible par plufieurs de nos Rois. Charle-
magne avoit rétabli par-tout l'ufage des poids & des mefures
romaines. En 1321, Phihppe V dit Long, avoit réfolu de
réformer toutes les mefures, les poids & {es momnoies du
royaume, & de tout réduire à une mefure commune: les
obflacles qui empêchèrent alors l’exécution de ce projet, ne
fubfiftent plus aujourd'hui. Eft-il beaucoup plus difficile d’é-
tablir l'ufage d'une nouvelle mefure dans tout le royaume,
que d'y donner cours à une nouvelle monnoie, ou d'aug-
menter fa valeur de l'ancienne? ce qui a été fait tant de fois
en peu de temps fans la moindre difficulté. N’en trouvera-
t-on que dans l'exécution des projets qui peuvent contribuer
au bien de l'Etat!
Je conviendrai cependant qu'il pourroit y avoir de l'in-
convénient à abroger d’abord par une loi précife & abfolue,
toutes les anciennes mefures, en ordonnant l'ufage exclufif
de la nouvelle, avant qu'on s’y fût, pour ainfi dire, familia-
rilé ; mais cette loi rigoureufe ne feroit nullement nécefaire :
on pourroit laiffer fubfifter les anciennes melures dans chaque
province pendant un temps limité, en obligeant, fous peine
\
D'E S" SC/I FUN CIE 495
d'imende, de faire tous les marchés, tous les baux, toutes les
quittances qui auroient befoin du miniftère public des No-
taires, ou des Tribunaux, fur le pied de l’ancienne mefure
& fur le pied de la nouvelle : on auroit pour cet effet des
tables de réduétion toutes calculées & imprimées, comme on
a des tarifs pour les monnoies, & par le moyen de ces tables,
dont les premières pourroient être diftribuées gratuitement,
les réductions qui fe font aujourd'hui imparfaitement & par
une opération quelquefois difficile entre les marchands de
différens pays & de différentes provinces, fe feroient défor-
mais avec autant de facilité que de précifion.
Îl y auroit auflt dans les Maïfons de Ville, dans les
Bureaux & Douanes, dans ceux des communautés des
différens marchands & ouvriers, un étalon des deux me-
fures, & tous les procès verbaux, quittances, baux, &
autres actes juridiques feroient mention de l'une & de l'au-
tre; il arriveroit de là que le marchand & le particulier s’ac-
coûtumeroient infenfiblement à la proportion de la nouvelle
mefure avec l'ancienne; & après un certain temps, dont l’ex-
périence décideroit, on pourroit, fr on le jugeoit à propos,
fupprimer la mention de l'ancienne, dont l'ufage fe perdroit
imperceptiblement, fans caufer aucun dérangement dans le
commerce. D'un autre côté, en multipliant les modèles des
nouvelles mefures, en les rendant plus communs & d’un plus
‘bas prix que ceux des anciennes, les particuliers dans leur
ufage domeftique prendroient peu à peu l'habitude de s’én.
fervir par préférence; la nouvelle mefure deviendroit bien-tôt.
plus familière que l’autre ; & par ces moyens réunis, cette
difficulté prétendue infurmontable s’évanouiroit entièrement,
peut-être même fans qu’il fût befoin de faire intervenir lau-
torité royale pour l’exclufion abfolue de 1a mefure ancienne...
Ce n’eft point ici une pure conjecture; & s’il faut citer un
exemple entre plufieurs, il eft devenu fi ordinaire à Genève
de fe fervir de l’aune de France, que celle du pays y eft
prefque oubliée, & le fera bien-tôt entièrement.
I nous refte à examiner la dernière objection, qui roulé:
Anciens Mén.
de l’Acad, Tom,
VI p.536.
496 MÉmoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
fur limpoffhibilité de s’accorder dans le choix de la nouvelle
mefure.
Avant que d'en propofer une qui ne peut mauquer de
réunir tous les fuffrages, il eft à propos de faire quelques
remarques fur l'état des mefures des différentes nations, &
fur le degré de précifion qu’on en peut attendre.
Chaque pays a fa mefure propre : dans le même royaume,
plufieurs provinces en ont une particulière. Il y a des cantons
où chaque bourg, chaque village a la fienne, du moins quant
aux mefures creufes. Dans les lieux même où l'on croit que
les mefures font pareilles, il y a quelquefois des différences
affez confidérables.
Croiroit-on que l’aune de Paris eft dans ce cas? Rien n’eft
cependant plus vrai. Suivant l'Ordonnance de Henri II, du
mois d'Oétobre 1 5 57; & fuivant l'inftruétion du 24 Sep-
tembre 1714 donnée aux infpeéteurs des manufa@tures, &c.
Jaune de France doit avoir 3 pieds 7 pouces 8 lignes, con-
formément, dit linftruétion, à l’aune étalon confervée dans
le bureau des marchands merciers & des marchands drapiers.
Feu M. du Fay, chargé des ordres du Miniftre, a mefuré
avec une exactitude fcrupuleufe ces deux étalons de fer, & les
a trouvés, le premier qui eft de 1 $ 54, de 3 pieds 7 pouces
10 lignes i, & l'autre de 3 pieds 7 pouces 9 lignes À, par
conféquent différens l’un de l'autre d’une ligne, & tous deux
plus longs qu'il n’eft prefcrit dans l'inftruétion, lunde près
de deux lignes, l'autre de près de trois. La mefure de l'éta-
lon de l'aune des merciers, prife par M. du Fay en 1736,
n'excède que de - celle que trouva M. Picard en 1668 ;
& nediffère point de celle de M'5 Camus & Hellot , chargés
de la vérification de l'aune en 1745, & dont le rapport doit
être inféré dans les Mémoires de l'Académie de 1746.
* Après cet exemple d'incertitude fur f'aune de Paris, on
fera moins furpris d'apprendre que le rapport de celle de
Lyon à celle de Paris n’eft pas mieux connu: celle de Paris
pafloit communément pour être d'un centième plus courte
que celle de Lyon; & fur ce fondement les marchands de
Lyon
1
bte
D'ES1. S,Cù EN C:E:SMSÈR 497
Lyon donnent à ceux de Paris cent & une aunes d'étoffe pour
cent aunes. Cependant, fuivant la mefure prife en 1738,
-en conféquence de l'ordre de feu M. Orry alors Contrôleur
général, & envoyée à ce Miniftre par le Prevôt des Mar-
chands de Lyon, dont j'ai la lettre originale entre les mains,
l'aune de Lyon feroit plus longue de deux lignes que n’eft
celle de Paris, fuivant l'Ordonnance, & en même temps
plus courte qu'aucune des deux aunes-étalons de Paris, dont
Jai fait mention ci-deflus.
Il eft vrai que M. Hellot a jugé en 1745 l'aune de Lyon
égale à l'aune de Paris, & je fuis fort éloigné de contefter
l'exactitude de fa détermination. Il a trouvé que l’aune de
Lyon entroit exactement dans f'aune-étalon des marchands
merciers de, Paris; mais ce que je viens de rapporter n’en
eft pas moins réel, & la lettre citée prouve au moins qu’en
_ 1738 l'égalité des deux aunes n'étoit pas connue, & bien .
RENE
des marchands ignorent encore aujourd’hui.
Mes recherches particulières m'ont appris que la vare de
Cañille eft dans le même cas que l’aune, & que les auteurs
efpagnols ne s'accordent point entr'eux fur la longueur de leur
mefure* : je puis en dire autant du pic de Conftantinople. Je
n'ai pu réuffir pendant mon féjour en cette ville à en trouver
deux égaux. Il eft plus que probable qu'il en eft de même
_ des autres mefures étrangères : quelle apparence, par exemple,
. que les divers étalons du pied du Rhin en tant de lieux de
différente domination où il eft en ufage, foient plus con-
formes entr'eux que deux modèles de l'aune de Paris, tous
deux confervés comme monumens publics? ma conjecture
à cet égard ef pleinement vérifiée par le témoignage de M.
de Muffchenbroek dans fes lettres à M. du Fay, dont l'extrait
_eft dans les Mémoires de l’Académie, 1735, page $ 83.
Les mefures ufitées en diverfes provinces du royaume, telles
» que la canne, la verge, le pan ou palme, font fujètes tout
* Ceci a été écrit avant que Don George Juan eût déterminé avec beau-
coup de précifion, que le pied de roi eft à la vare que le Confeil royal de
» Caftille remet au garde des mefures, comme 144 à 371. Voyez Obferva-
«ciones affronomicas y phyficas, &7c. Madrid 3748, page or.
Mem. 1747: ist RUE
+ Mén. ma-
aufcrit de feu
M. Dufay.
b Anc. Mém.
de l'Académie ,
à VI, p.536.
498 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
au moins à de pareilles incertitudes ; il ne faut que les exa-
miner pour s'en convaincre.
Mais, dira-t-on, toutes les erreurs de ces mefures fe peuvent
aifément reélifier par leur comparaifon au pied de roi, avec
lequel elles ont un rapport certain & connu. Ce raifonnement
eft fpécieux & demande une réponfe.
Pour qu’on pût compter fur ce rapport, il faudroit deux
chofes, 1 ° que le rapport prétendu de ces différentes mefures
au pied de France eût été établi par d’excellens obfervateurs,
& avec toutes les attentions requifes fur le choix des mefures
originales qu'on cherchoit à comparer, fur celui des inftru-
mens sn 28 à découvrir leur rapport, fur le degré de froid
ou de chaud, de féchereffe ou d'humidité, lorfqu’on a opéré,
& fur diverfes autres circonflances phyfiques & morales.
Or je demande quand, par qui, & comment ont été faites
la plüpart de ces comparaifons. Il n’y a que ceux qui fe font
trouvés dans le cas de difcuter des mefures & de les comparer,
qui puiffent bien juger de la difficulté de cette opération,
quand on y veut procéder fcrupuleufement, comme il con-
vient en pareil cas : mais ce n’eft pas encore tout; pour que
le rapport d'une certaine mefure comparée au pied de roi fût
exactement déterminé, il faudroit, outre les précautions dont
nous venons de parler, que le pied de roi lui-même, ou plütôt
la toife dont il eft Ia fixième partie, n'eût pas participé jufque
dans ces derniers temps à l'incertitude commune à toutes les
anciennes mefures; or c’eft ce qu'on ne peut fuppofer.
L'ancienne 7oife-étalon du Châtelet de Paris, fcellée Tong-
temps avant la nouvelle, & qu'on voit encore, dans un pi-
lier de pierre voifin du grand efcalier, s’eft fauflée, &, ce
qui eft bien plus fingulier , s'eft alongée de plus d’une ligne.
En 1668 la toile des maçons étoit trop longue de $
lignes : b elle fut réformée; cependant M. Caffini a reconnu
que la toife dont M. Picard s’eft fervi pour la mefure de fa bafe
de Villejuifve à Juvify, étoit trop courte d’une millième par-
tie; ce qui n’eft guère moins d’une ligne. Cette vérification a
étérépétée cinq fois en 1740 & difcutée contradiétoirement*.
#Voy. Mérid, de Paris vérif. p. 40, & Mef. des trois pr, deg, du Mér,p.246.
F
DES!" S CTE N CES 499
Une autre mefure divifée avec foin en pouces & en
lignes par le Bas, célèbre artifte, fous les yeux de M.
Picard, & employée, fur la foi de ce nom refpeétable, par
M. Caflini, dans la mefure des deux bafes de l’ancienne
méridienne, aux environs de Dunkerque & de Collioure,
a été reconnue trop longue de près d'un quart de ligne,
par la comparaifon qu’en a fait M. Caffini, à la toile avec
laquelle il à vérifié la bafe de M. Picard *.
*V. Mérid
La longueur d'une barre ou d’une règle de fer, pourroït- # Paris vérif.
8
elle avec le temps changer en plus & en moins, par quel- ?
que raifon indépendante des dilatations ou des condenfations
connues que les alternatives de chaud & de froid caufent
dans les métaux? C’eft une queftion que je hafarde, & un
fimple doute que je propole.
Malgré toutes ces différences, qui ont été remarquées
dans les toifes de M. Picard, il a trouvé la fongueur du pen-
dule à fecondes fenfiblement la même qu’elle a été trouvée
depuis par les expériences faites à Paris avec une toile fem-
blable à la nôtre: comment concilier des faits qui femblent
f: contradictoires ? *
Il eff important de faire voir que les dernières opérations
de l'Académie, qui ont fervi à déterminer la figure de a
Terre, n’ont aucunement participé à l'incertitude que jettent
fur d’autres mefures les variétés remarquées dans la toife de
M. Picard : en voici la preuve.
En 1735, peu avant notre départ de France, M. de
Mairan, travaillant alors à déterminer la longueur du pen-
dule à fecondes à Paris, par des expériences célèbres
dont il a rendu compte dans les Mémoires de a même
année, avoit fait forger & polir une règle de fer, d’une
toife de longueur, & l'avoit lui-même vérifiée fur l’étalon
du Chätelet. La toife que nous avons emportée a été faite
par le même ouvrier, & précifément fur les mêmes dimen-
fions que celle de M. de Mairan. Pour plus de précaution
& d'authenticité, je me donnai tous les foins néceflaires,
* Voy, Mefure des trois premiers degrés du + p- 248.
tri}
soa MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
avant notre départ, pour faire fabriquer de la même nrin
une feconde toife pareille à celle que nous emportions fous
l'Equateur, dans la vüe de laifier l'une des deux en dépôt
à l'Académie, afin d'y avoir recours, s'il arrivoit quelque
accident, à la nôtre, dans le cours de notre voyage: La
comparaifon de ces deux toiles fut faite dans une de nos
affemblées. Nous emportames la première, pour fervir à
notre mefure de la Terre, & la dernière faite refla entre les
mains du Tréforier de l'Académie. Cette toife devoit fervir
de modèle à celle que M. de Maupertuis fe propofoit de
“faire étalonner pour fervir à la melure du degré fous le Cercle
polaire, mais je ne fais par quel évènement la toife même
dépofée fut portée au nord. Nous fommes par là même
d'autant plus fürs, que les trois premiers degrés de latitude
que nous avons mefurés près de Quito au Pérou, & le 66°
degré mefuré par Mrs de Maupertuis, Clairaut, Camus, & le
Monnier, près de Torneñ en Lapponie, l'ont été avec la
même toile. M. Godin avoit fait fon poflible pour rendre
celle que nous avons emportée égale à l'étalon du Châtelet ;
mais quand on fuppoferoit qu’il n’y auroit pas réuffi parfaite-
ment, & que le temps, la rouille, le peu de délicatefle de cet
étalon, les accidens fortuits, même volontaires, peuvent laifier
aujourd'hui ou dans la fuite, quelque incertitude fur fa vraie
longueur abfolue; déformais la toife qui a fervi à la mefure
des degrés fous lEquateur & fous le Cercle polaire, ainft
qu'aux expériences du pendule, fera cenfée la vraie toife du
Chätelet : c'eft peut-être ici la première fois que la copie
fera devenue plus authentique que l'original.
Un travail aufli confidérable que celui de la mefure de
la Terre dans les trois zones, ayant rendu la toife de France
la plus célèbre des mefures nationales, ce pourroit être une
raifon de préférence en fa faveur, fi dans le choix d’une
mefure commune il n'étoit queftion que d'opter entre celles
des différentes nations; mais cette raifon de préférence ne
paroîtroit pas vrai-femblablement décifive à l'Angleterre,
à l'Allemagne, à F'ltalie, & aux autres Etats de l'Europe;
D'ERSN IS CNR E NIctErs sot
& nous ne devons pas nous flaiter qu'elle fuffit pour les
engager à renoncer aux mefures qu'ils ont adoptées depuis
plufieurs fiècles, pour leur fubftituer fa toife de France.
I n'y a qu'une mefure puifée dans le fein même de fa
nature, une mefure conftante, inaltérable, vérifiable dans
tous fes temps, qui puifle par ces avantages arracher, pour
ainfi dire, le confentement de tous les peuples, & réunir
toutes les voix en fa faveur : on comprend aflez que je
veux parler de la mefure tirée du Pendule à feconde.
DEC OiN D EVA RT LE,
Àvans que de rapporter les tentatives qui ont été faites
à ce fujet, & de faire voir qu'elles ont été prématurées, il
ne fera peut-être pas inutile d'entrer dans quelque détail au
fujet de ce Pendule, pour mettre un plus grand nombre de
lecteurs à portée de juger des avantages du nouveau projet,
& des nouveaux fecours que nous avons pour l’exécuter.
Un corps pefant attaché au bout d'une corde qui eft
arrêtée par fon autre extrémité, une balle de plomb, par
exemple, fufpendue par un fil à un clou, eft ce qu'on appelle
un Pendule : on fait que cette balle, fi on la met en mouve-
ment, en f'écartant de faplomb où elle tend par fon propre
poids, fera des balancemens de côté & d’autre de fon point
de fufpenfion, & qu'ils diminueront peu à peu, jufqu’à ce
que la balle ait perdu tout fon mouvement. I[ eft encore aifé
de remarquer que ces balancemens, qu’on nomme auffi vibra-
tions ou ofcillations, feront d'autant plus lents, que le fil
fera plus long. Jufque-là il ne faut que des yeux : mais la
Géométrie feule pouvoit faire découvrir que, lorfquun pen-
dule décrit de très-petits arcs, les plus grandes & les moin-
dres ofcillations approchent fi fort d’être ifochrones, c’eft-à-
dire, de s'achever dans des temps égaux, que le feul calcul
mathématique peut afligner la différence de teur durée.
Cette vérité, de théorie, reconnue par Galilée au com-
mencement du fiècle paflé, conduifit ce grand homme à
ung découverte utile où le hafard n'eut d'autre part que de
Rrr ii
V. Huygens
de Horolog. of-
cillatorio , prop.
25:
Mefure de la
Terre de Picard,
art, IV,
so2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
lui avoir offert un objet de méditation. Les vibrations
d'un même pendule étant d'une égale durée phyfique, leur
nombre pouvoit fervir à mefurer le temps & fes plus petits
intervalles d’une manière précife, dont on n’avoit eu juf-
qu’alors aucune idée. L’Afironomie recueillit le fruit d'une
{1 belle invention. M. Huygens trouva le moyen d'appliquer
le pendule aux horloges, qui acquirent par là une grande
perfection, & retinrent le nom d’horloges à pendule, ou
fimplement de pendules dans le langage ordinaire.
L'expérience a fait connoître qu'à Paris il faut donner au
pendule une longueur d’un peu plus de 3 pieds 8 lignes+,
pour qu'il faffe précifément Go ofcillations par minute,
c'eft-à-dire, pour que chaque ofcillation dure une feconde
de temps; cette expérience a été répétée un grand nombre
de fois, & portée à a plus grande précifion par M. de
Mairan en 173 5. Il a déterminé cette longueur de 3 pieds
8 lignes 7. F
Si l'aune de Paris, au lieu d’avoir 3 pieds 7 à 8 pouces,
eût autrefois été fixée fur la longueur du Pendule à fecondes,
& que tous les étalons de Faune fuffent aujourd’hui altérés
ou perdus, il n’y auroit qu'à fufpendre une balle de plomb
à un fil délié, & chercher par expérience la Jongueur qu'il
faudroit. donner à ce fil, pour qu'il fuivit exactement les
vibrations d'une horloge à fecondes bien réglée; par là on
retrouveroit la mefure perdue de l’aune toutes les fois qu'on
en auroit befoin, quand il n’en refteroit pas le moindre
veftige depuis plufieurs fiècles. j
Cette conféquence fut bien -tôt aperçue, & fit naître
d’abord l'idée d’une mefure fixe & invariable. La Société
Royale de Londres, M. Mouton célèbre aftronome, M.
Picard, M. Huygens, proposèrent à peu près dans le même
temps divers projets d'une mefure univerfelle tirée du pen-
dule à fecondes; mais le moment n'étoit pas encore venu
de pouvoir mettre une fi belle idée en exécution, le temps
devoit donner fur ce fujet de nouvelles lumières.
On croyoit alors que la longueur du pendule à feconde
15}
en Er Si
2 CE
DES SCIENCES. 503
toit la même par toute la terre. M. Richer, de cette Aca-
démie, fut le premier qui s’aperçut en 1672, dans fon
voyage de Cayenne, qu’en approchant de l'Equateur, il fal-
loit racourcir e pendule, pour lui faire battre les fecondes:
Texpérience de M. Richer, que j'ai vérifiée à Cayenne même,
fut d’abord conteftée, & diverfement expliquée *; celles de
M. Picard & de M. Mouton, faites fous différens parallèles
avec moins de précifien qu’on ne les fait aujourd'hui, fem-
bloient la contredire ; cependant M. Newton ladmit, ainfi
que M. Huygens, & ils en firent l'un & l’autre un des fon-
demens de leurs théories fur la pefanteur.
Nos expériences fous la zone torride, à différentes Jati-
tudes, & celles qui ont été faites en Lapponie par les Acadé-
miciens envoyés au Cercle polaire, confirment toutes l’ex-
périence de M. Richer : le pendule qui bat les fecondes, eft
inconteftablement plus court fous lEquateur, & plus long
fous le Cercle polaire, qu’il n'eft à Paris; le même corps pèfe
donc à Paris plus qu'à Quito, &. moins qu'à Torneä.
Ce changement de longueur du Pendule à feconde à
mefure qu'on sapproche ou qu’on s'éloigne du pole, étant
bien conftant , nous avons autant de mefures indiquées par
a nature qu'il y a de différens parallèles à Equateur, ou de
points dans le méridien; le pendule du parallèle de Paris
m'eft donc pas déformais plus propre qu'un autre à devenir
un modèle de mefure univerfelle, avoué de toutes les na-
tions. C'eft là ce qu'on ignoroit encore quand les premiers
projets furent formés : chaque pays, chaque ville auroit au-
jourd'hui un droit égal à propofer le pendule de fa latitude;
quelle raifon pourra donc déterminer notre choix entre tous
les parallèles ?
S'il y a quelque lieu qui mérite la préférence à cet égard,
c'eft fans contredit l'Equateur, milieu de la terre habita-
ble , terme extrême d’où l’on commence à compter les lati-
tudes, terme de la moindre pefanteur, terme d'ailleurs
unique, le feul enfin fur lequel les différens peuples puiffent
vrai-femblablement s’accorder. Il eft vrai que les poles offrent
* Tranfac,
vhilof. traduites
par M. de Bre-
Mond, 1734n
P- 126,n0te.
504 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
auffi un terme extrême; mais jufqu'ici les poles paroiffent
inaccefhbles à toute l'induftrie humaine. La poftérité s’en
étonnera peut-être un jour, comme nous nous étonnonsique
nos pérés aient cru la zone torride inhabitable. Quoi qu'il
en foit, on conviendra que de tous les points de la terre,
le pole eft aujourd'hui le moins propre aux expériences du
Pendule. D'ailleurs, eft-il bien évident que cette longueur
feroit parfaitement égale fous les deux poles? Suppofons
qu'elle le füt: du moins ne peut-elle être connue immé-
diatement ; on ne pourroit que l'inférer par une analogie
fujète à quelque doute. Il ne refte donc que l'Equateur où
la longueur du Pendule puifle être obfervée direétement avec
l'exactitude requife, & qui donne en même temps un terme
fixe diflingué de tout autre.
Non feulement cette longueur y peut être obfervée direc-
tement & avec la précifion néceflaire, mais elle l'a été effec-
tivement & avec fuccès. :
Nous nous accordons, M. Godin, M. Bouguer & moi,
prefque dans le centième de ligne, fur la longueur abfolue
du Pendule à Quito. Les expériences les moins conformes
qui m'ont été communiquées, ne donnent guère plus d'un
dixième de ligne de différence; & la multiplicité de celles que
chacun de nous a faites par différens procédés, & avec divers
inftrumens, ne nous laifie pas lieu de craindre que le hafard
ait part à la grande conformité de notre réfultat moyen.
Cette longueur du Pendule à feconde à Quito, fruit d’un
fi grand nombre d'expériences, eft reflée en dépôt dans cette
ville d’un commun accord, & gravée fur un monument du-
rable, avec des précautions qui n'ont pas encore été prifes
en pareil cas.
VF
J'ai fait incrufler & fceller en plomb avec des tenons
recourbés, dans une tablg de marbre blanc, épaifle de cinq
pouces,
sis FOR
DES SCIENCES. 505
pouces, une règle de bronze de la groffeur du doigt, longue
d'environ trois pieds un pouce. La {urface extérieure de cette
règle, ufée & polie au niveau du marbre, eft terminée à cha-
que bout par un plan circulaire d'un pouce de diamètre. Du
centre d’un des cercles au centre de l’autre eft tracée dans
toute la longueur de la règle une ligne profonde égale à la
longueur du Pendule à à feconde, que 22 nous l'avons trou-
3, Comme il étoit né-
ceflaire, pour la précifion de cette mefure, de faire les deux
points extrêmes très-fins & en même temps très-diftinéts,
& qu'il n'étoit pas moins effentiel de les mettre à l'abri de {a
rouille & du verd de gris; dans le centre de chacun des deux
cercles qui terminent la règle de bronze, j'ai fait entrer deux
clous d'argent de la grofleur d’une ligne, en vis à-tête- -perdue,
& dans le centre de chacune des deux vis d'argent, une aiguille
d'or pareillement à vis. L’aiguille d’or, le clou d'argent d'une
ligne, & le cercle de bronze d’un pouce, étant ufés au niveau
de la pierre, laiffent la trace de trois plans circulaires & con-
centriques de différens métaux & de différentes couleurs. Le
centre commun, qui peut toüjours fe retrouver aifément,
quand il s ‘effaceroit, a été marqué d’un point extr êmement
fin frappé avec un pointeau d'acier. Quant à l'allongement
& au raccourciflement que les viciflitudes du chaud & du
froid caufent aux métaux; s'il y a quelque lieu au monde
où ils en foient à l'abri, c’eft affurément Quito dont le climat
eft fi tempéré & fi égal, que le thermomètre de M. de
Reaumur expofé à l'air & à l'ombre, marque pour lordinaire
toute l’année à midi 14 ou 1 $ degrés au deflus du terme de
la congélation, & que fouvent au point du jour à l'heure du
plus grand froid, il n’eft que 3 degrés plus bas qu'à midi.
Après tant de foins, de peines & de précautions, après un
réfultat fi uniforme, nous fommes en droit de croire qu’on
peut dès aujourd'hui regarder comme direétement & authen-
tiquement connue la longueur abfolue du pendule à Quito.
Nous nous flattons qu'on ne nous difputera pas que cette
melure, conflatée par trois différentes fuites d'expériences
Mn. NT . SP
506 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plufieurs fois répétées, & diverfement combinées par trois
différens obfervateurs, ne puiffe aller de pair pour la certitude
avec les mefures abfolues du pendule les plus célèbres & les
plus authentiques, telles que celles de Paris, de Londres, &c.
Or celles-ci ne peuvent devenir la Mefure univerfelle,
par limpoñfbilité de s’accorder fur le choix : il ne refte
donc que celle de l'Equateur qui puiffe fervir à cet ufage.
En effet, quel autre Parallèle pourroit à cet égard difputer
la préférence à l'Equateur? feroit-ce celui de la latitude de
45 degrés, parce qu'elle eft moyenne entre les latitudes
extrêmes de l'Equateur & du Pole, & parce que fa proximité
donne plus de facilité pour y faire & y répéter les expériences
du pendule? Ce font là les raifons les plus plaufibles qu'on
peut ailéguer en faveur de ce Parallèle.
Mais 1° le Parallèle de 45 degrés n’eft pas unique : il y en
a un autre de même dénomination dans l'hémifphère auftral.
Il eft vrai qu'il y a lieu de croire que le Pendule y eft de la
même longueur que dans l'hémifphère boréal par la même
latitude; cependant cette fuppofition n’eft que vrai-femblable,
& il vaut mieux n'avoir rien à fuppofer.
-2.° Le Parallèle de 45 degrés feroit fufpeét d’avoir été
choifi parce qu'il traverfe la France; & fi l'on ne peut fe flatter
que les nations étrangères confentent à choifir pour Mefure
univerfelle le Pendule du Parallèle de Paris, on doit encore
moins s'attendre qu'elles accordent cette préférence à celui
du Parallèle de Bordeaux ou de Saint-Flour.
3.° Si, contre toute vrai-femblance, les Académies étran-
gères, qu'il feroit à propos de confulter fur ce point, con-
fentoient à préférer le Pendule du Parallèle de 45 degrés,
il faudroit commencer par fe tranfporter fous ce cercle, &
travailler à y déterminer la longueur du Pendule par des
expériences qui n’auroient de fong temps, & peut-être jamais,
Fauthenticité des opérations par lefquelles trois Académi-
ciens l'ont fixée fous l’Equateur : puis inférer par analogie Ja
longueur du Pendule fous le Parallèle de 45 degrés, & la
conclurre de la longueur du Pendule à Paris : c'eft encore
RS
DES SCIENCES. s07
avoir recours aux hypothèfes dans un cas où l’on peut s'en
pafler, & où il n'eft queftion que d’une vérité d'expérience,
4° Enfin, la convention du Pendule du Parallèle de 45
degrés, fi elle pouvoit avoir lieu, ne feroit fondée que fur
une forte de convenance, & fur l'accord de quelques nations
de l’Europe que nous regardons dans le moment préfent
comme les feules dépofitaires des fciences; au lieu que la
préférence donnée au Pendule équinoxial convient à tous les
lieux, & à tous les temps. Aucune nation, aucun fiècle à
venir ne pourra protefter contre ce choix. Un François, il
eft vrai, préféreroit le Pendule du Parallèle de Paris, un
Européen en général pourroit, fi l'on veut, opter pour celui
du Parallèle de 45 degrés. Le Philofophe, le citoyen du
monde choifira, fans contredit, le Pendule équinoxial.
Cependant, lorfque je propofe pour modèle de la mefure
commune ce Pendule que tant de motifs rendent préfé-
rable à tout autre, je n'exige pas que l'on adopte pour
fondement de cette melure {a longueur abfolue que nous
avons aflignée à celui de Quito par nos expériences ; quel-
que fujet que nous ayions de compter fur leur exactitude.
J'ai un moyen encore plus fimple à propofer. I fufñt que
Yon convienne de la longueur abfolue du Pendule à Paris,
fur laquelle les plus fcrupuleux peuvent fe fatisfaire par eux-
mêmes , s’il leur refte encore quelques doutes: il fufit, dis-
je, de convenir, & de conftater une fois pour toutes bien
exactement cette longueur, pour en conclurre évidemment
celle du Pendule équinoxial, avec autant de certitude que celle
du Pendule de Paris ; puifque l’exreur qu'on peut commettre
fur la différence de ces deux melures ne va peut-être pas à
un centième de ligne. C’eft ce qu'il me refle à démontrer.
On trouve par le calcul , & M. de Mairan La prouvé dans
le mémoire déjà cité, qu'un centième de ligne de plus
ou de moins fur la- longueur du pendule d'une horloge à
fecondes, caufe à très-peu près une feconde de retardement
ou d'avancement en 24 heures, & réciproquement.
Si donc on fait combien une horloge, qui bat les fecondes
Sffi
508 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
à Paris, y fait plus d'ofcillations en 24 heures, qu'elle
n'en fait à Quito dans un temps égal, on faura de com-
bien de centièmes de lignes le Pendule à feconde eft plus
court à Quito qu'à Paris. |
L'expérience a fait voir qu'il fuffit de tranfporter une
horloge à fecondes ordinaire d’une chambre à une autre,
pour accélérer ou retarder fon mouvement, par la difi-
culié de la remettre précifément dans la même fituation.
Le célèbre M. Graham a le premier conflruit des hor-
loges, qui tranfportées d’un bout du monde à l'autre, ne
varient que par l'inégalité de la pefanteur, & qui font
propres par- conféquent à mefurer cette inégalité. Telle
étoit l'horloge qui a fervi aux expériences du Pendule
faites en Lapponie, par les Académiciens chargés de mefu-
rer le degré fous le cercle polaire.
Nous avions porté une femblable horloge à Quito, &
M. Godin s'en étoit fervi à Panama pour quelques expé-
riences; mais un accident furvenu dans le tranfport nous a
depuis empèchés d’en faire ufage. Ce n'eft pas le feul inftru-
ment fait pour rendre les obfervations plus exactes, en
augmentant les commodités des obfervateurs , duquel. nous
ayons été privés; mais s’il eft poffible de fuppléer, à force
d’attentions & de travail, aux avantages que de pareils chef-
d'œuvres de l'art peuvent procurer aux obfervations, nous
nous flattons de n'avoir rien perdu du côté de l'exactitude,
Pour nous tenir lieu de l'horloge de M. Graham, chacun
de nous a fait conftruire un pendule, compofé d'une lentille
de cuivre chargée de plomb, & d’une verge d'acier trempé,
On fait qu'un pendule conferve fes vibrations d'autant plus
long-temps, qu'il eft plus long & chargé d'un poids plus
confidérable : il ne m'a pas été poffible , fans de grands. in-
convéniens, de donner, comme je l’aurois defiré, à celui que
j'ai fait conftruire, la longueur ordinaire du Pendule à fecon-
de : le mien n’a que 28 pouces depuis fon centre d’ofcillation
jufqu’au centre de la lentille, & il pèfe environ neuf livres. Je
n'en ferai pas ici une plus ample defcription ; elle fera mieux
DES SCIENCES. 509
placée dans le recueil de mes obfervations faites pendant
le cours du voyage. Je me contente de remarquer pour le
préfent, que les ofcillations de ce Pendule, tel qu'il eft,
durent très-fenfiblement 24 heures & plus. Comme il en fait
environ 68 + en une minute, c'eft-à-dire, 8 +par minute plus
que le balancier d’une horloge à fecondes, la numération effec-
tive des ofcillations deviendroit fort pénible. I feroit trop
long d'entrer ici dans le détail des moyens que j'ai employés,
pour favoir exaétement & commodément, quel eft le nombre
de fes vibrations en 24 heures, fans les compter : ces moyens
ont été proportionnés aux temps, aux lieux où je me trou-
vois, & au plus ou moins de commodités que j'ai pu me
procurer. Il fuffit, quant à préfent, de dire qu’une horloge
ordinaire à fecondes, dont j'avois racourci le pendule juf-
qu'a le rendre ifochrone avec mon pendule d'expérience, m'a
fervi à compter les vibrations de celui-ci, en me permettant
même de le perdre de vue pendant plufieurs heures; de forte
qu'avec une attention convenable, je ne pouvois en 24
heures me tromper d’une feule ofcillation.
J'ai fait différentes fuites d'expériences avec ce Pendule fous
YEquateur. Elles ont duré quinze jours à Quito, 1450 toifes
au deflus du niveau de la mer, & fous un climat tempéré :
je les ai répétées pendant cinq jours fur la montagne de Pit-
chincha, voifine de Quito, en un lieu où il geloit très-fort,
& 750 toifes plus haut que le fol de Quito : j'ai tenu le
même pendule en expérience à peu de diftance de l’Equateur
au Parà, & à Cayenne, pendant huit jours au moins en cha-
que endroit, par le degré de chaleur ordinaire dans la zone
torride au niveau de la mer. Je fais donc précifément com-
bien d’ofcillations faifoit mon pendule en 24 heures dans
ces différens lieux; & par conféquent combien il en faifoit
moins qu'à Paris, où depuis mon retour, j'ai répété les mêmes
expériences dans toutes les faifons de l'année, le thermo-
mètre étant aux mêmes degrés de froid & de chaud que
lorfque j'ai opéré en Amérique. Je fuis donc dans le même
cas que fr j'avois fait ces expériences avec une horloge de:
SIT ii
r9 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE |
M. Giham: à cela près, que fi les vibrations de cette
horloge, qui durent une feconde, répondent à un cen-
time de ligne, celles de mon pendule étant de moindre
durée, répondront à un temps encore plus court. Il fuffit
donc que je ne me fois pas trompé d’une ofcillation de mon
pendule en 24 heures, comme il eft aifé d'en répondre, pour
pouvoir conclurre de mes expériences, à moins d’un cen-
tième de ligne près, de combien le penduie à fecondes eft
plus long à Paris qu'à Quito, à Pitchincha, au Para & à
Cayenne. D'où il s'enfuit qu'en retranchant de la longueur
fuppolée du Pendule de Paris, tant de fois vérifiée, & toû-
jours vérifiable, la différence en centièmes de ligne dont
cette longueur furpañie celle du Pendule à Quito, on aura
la longueur du Pendule de Quito, avec le mème degré de
certitude qu'on.a celle du Pendule de Paris : ce que je m'étois
propofé de démontrer.
Par la même méthode, on faura combien de centièmes
de lignes il faut ajoûter au Pendule de Quito, pour avoir la
jufte longueur du Pendule à fecondes, 1 460 toiles au deffous
du fol de cette ville; c'eft-à-dire, au niveau de la mer fous
l'Equateur, ce qui eft le vrai Pendule équinoxüal que nous
cherchons. II n’eft pas même befoin de déduire celui-ci de
la longueur du Pendule de Quito : je puis le déterminer plus
directement , par la comparaifon de mes expériences faites
à Paris, avec celles que j'ai faites au Parà, dont la latitude
qui n'eft que d’un degré & demi, peut, dans Le cas préfent,
être prife fans erreur fenfible pour l'Equateur même. Je
fuppofe, par exemple, que mon pendule à verge ait fait
fous la ligne équinoxiale au bord de la mer, 1 60 ofcillations
de moins qu’à Paris en 24 heures, & par le même degré de
chaleur; & que ces 1 60 ofcillations de mon pendule foient
égales à 140 fecondes de temps moyen; j'en conclurrai
que le Pendule équinoxial au niveau de la mer, eft d’une
ligne 42 centièmes plus court que le Pendule de Paris.
Si donc on s’en tient à la détermination de M. de Maïran,
qui fait le Pendule à feconde à Paris, de 3 pieds 8 lignes 57
4
DES SICTENCES. StI
centièmes ; celle du pendule équinoxial fera, dans Ja fuppo-
fition précédente, de 3 pieds 7 lignes 1 $ centièmes de la
toife qui a fervi à la mefure des degrés fous l'Equateur, &
fous le cercle polaire.
Je ne donne pas ces nombres comime déterminés avec
la plus fcrupuleufe précifion. Je me réferve le droit d'y faire
quelques légères réduétions, en difcutant cette matière, lorf-
que je donnerai le détail de toutes mes obfervations.
I! eft donc évident que les voyages entrepris pour la mefure
de la Terre, en nous mettant à portée de mefurer exactement
la longueur du Pendule à feconde, & fes différences, fous
divers Parallèles, nous ont procuré l'avantage de pouvoir
conftater aujourd'hui, & laiffer à a poftérité une mefure fixe,
invariable , reçue des mains même de la nature, une mefure
vérifiable dans tous les fiècles, & fur laquelle le temps même
n'aura plus de pouvoir. Elle joint à tous ces avantages celui
d'être unique, & de convenir également à tous les peuples,
fans que les jaloufies nationales puifient fournir aucun pré-
texte pour la rejeter.
Suppofons cette mefure établie aujourd'hui en France : il
fe pafleroit probablement bien des années avant qu'elle de-
vint la mefure commune de toute l'Europe; cependant l’ex-
périence rendant de jour en jour plus fenfibles les avantages
du commerce, & de la communication mutuelle des diffé-
rens peuples; & d'un autre côté, le goût des arts & des
fciences , & l'efprit philofophique, fe répandant peu à peu
parmi les nations policées, les plus éclairées feroient fans
doute les premières à recevoir un établiffiement qui tend au
bien de la fociété.
._! L'exemple de la réformation du calendrier grégorien,
qui s'introduit aujourd'hui infenfiblement dans les pays où
des raifons de politique avoient empêché de le recevoir
d’abord, donne lieu de croire que fi la nouvelle mefure, qui
n'auroit pas les mêmes obftacles à vaincre, étoit reçüe au-
jourd'hui en France, elle feroit beaucoup moins retardée
dans fa propagation.
s12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Du moins il ne faut pas douter, & c’eft ici mon principal
objet, que toutes les Académies & les Sociétés littéraires ne
Y'adoptaflent avec plaifir ; elle leur ferviroit déformais à parler,
pour ainfi dire, la même langue, & à fe communiquer plus
aifément par ce moyen leurs expériences & leurs découvertes
réciproqués. Quand nous trouverions dans les Mémoires
d’une Académie étrangère ou dans une relation de voyageur,
des expériences du baromètre, des hauteurs de montagnes,
des profondeurs de mines, des diftances de lieux, des mefures
d'anciens monumens, ou toute autre efpèce de quantité ex-
primée en mefures différentes des nôtres, nous en aurions.
d’abord une idée claire & diftinéte, fans recourir à des calculs
rebutans, & qu’on n'eft pas toûjours à portée de faire. Ce
langage des Académies deviendroit fucceflivement celui des
ingénieurs, des architectes, des arpenteurs, des maçons, &
enfin quelque jour celui du peuple. La France, en réfor-
mant fes mefures la première, auroit l'honneur d'avoir
donné l'exemple aux nations étrangères, de faire pour l’ave-
nir ce que nous fouhaiterions aujourd'hui que les fiècles
paflés euffent fait pour le nôtre.
Un des moyens les plus fimples & les plus aifés pour
répandre la nouvelle mefure & pour en introduire l'ufage,
feroit de l'employer dans la graduation des pièces des nou-
veaux étuis de mathématique, & de fubflituer à ces échelles
de longueur arbitraire, qu'on y voit fouvent gravées, d’autres
échelles fous-multiples de la longueur du Pendule équinoxial :
fon tiers, par exemple, qui n'excéderoit pas l’ancien pied de
roi de deux lignes & demie, ou fon quart, qui feroit à peine
plus court d’une ligne que ie palme de Gènes. Cette échelle,
en la prenant fimple, double, triple, ferviroit déformais pour
les plans & les cartes nouvelles, & par là deviendroit dans
peu famitière aux Ingénieurs, aux Architectes, aux Deffi-
nateurs, &c.
Le nom diflin@if qu'on pourroit donner à [a nouvelle
melure, telle que celui de mefure phyfique, horaire, affrono-
mique, univerfelle, &c. me paroît aflez indifférent ; il feroit
plus
.* DIBFSTISNOTE ER CES S13
plus néceffaire d'examiner fi par refpect pour l'ancien ufage,
il ne conviendroit pas de conferver les dénominations de
toife, d'aune, &c. en -changeant feulement la longueur des
mefures de ce nom, & en la rendant multiple ou fous-mul-
tiple de la longueur du Pendule équinoxial; & puifque
cette longueur ne diffère que d’un peu plus de 7 lignes de
Fancienne demi-toife, s'il ne feroit pas à propos de prendre .
pour la nouvelle demi-toife plylique, la longueur même du Pen-
dule équinoxial: changement qui feroit à peine fenfible dans
ufage ordinaire du toifé.
Quand on feroit convenu fur ce point, il feroit bon de
décider, fr au lieu de conferver un rapport fraétionnaire &
bizarre entre la toïfe & l'aune, il ne feroit pas plus commode
dans lufage, fur-tout pour éviter l'embarras des réduétions
des toifes en aunes & des aunes en toifes , de rendre l'aune,
égale à la demi-toife phyfique, comme en Angleterre, où
l'yard qui fert à mefurer les étoffes, eft égal à la demi-toife des
architectes. Il ne feroit pas moins néceflaire de confidérer fi,
pour donner quelque chofe à l'ufage, & pour fimplifier en
même temps les calculs, on ne devroit pas conferver d’une
part la divifion de la toife en fix pieds, & de l'autre profcrire
la divifion du pied en douze pouces, & du pouce en douze
lignes, pour y fubftituer fa divifion décimale, dont les avan-
tages font bien connus. Enfin il faudroit chercher les expé-
diens les plus fimples pour réduire à un nombre rond de
nouvelles mefures ou de toifes phyfiques larpent, le fetier,
le boifeau, le muid, & toutes les mefures linéaires quarrées
& cubiques, tant creufes que folides. Cette réduétion en-
traîneroit néceflairement la réformation des poids, qui ne font
autre chofe qu’une melure folide jufqu'ici très -défectueufe,
& que la frxation de fa mefure linéaire pourroit rendre pareil-
lement invariables, ou du moins vérifiables en tout temps &
en tous lieux. J'ai fait fur ces divers objets, & particulière-
ment fur ce dernier, plufieurs réflexions dont l’expofition
feroit aujourd’hui prématurée. Si le nouveau projet eft agréé,
ces détails me fourniront la matière de plufieurs mémoires,
Mém, 1747: t'AU
-
s14 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
Quant à celui-ci, j'aurois rempli mon objet, fi en ré-
pondant à des objections qu’il femble qu'on s'eft plû d’exa-
gérer, j'avois prouvé que le temps eft venu d'exécuter un:
deflein utile au commerce & au bien public, un deffein dont
les prerdiers travaux de l'Académie ont donné l’idée, & dont
les derniers ont enfin rendu l'exécution poffible.
On doit tout efpérer en faveur d'une réforme fi défirable,
fous un Gouvernement qui, dès le temps de feu M. du
Fay, avoit paru en fentir tous les avantages, & qui, dans
les temps les moins favorables, a prouvé que rien ne lui
femble difficile, dès qu'il eft queftion de Futilité publique
& de la gloire du Roi.
+
DES SCIENCES. s 14
SECOND MEMOIRE
SUR d
LES GLANDES DES PLANTES,
Æt le premier fur l’'ufage que l'on peut faire de
ces parties dans l’établiffement des genres
des Plantes.
Par M. GUETTARD.
je S fleurs font, fans contredit, les parties des Plantes qui
doivent, préférablement à toutes les autres, fervir à en
établir les genres. Qui voudroit maintenant foûtenir le con-
traire, prendroit à tâche de combattre le fentiment de tous
les Botaniftes. Depuis que M. de Tournefort fur-tout, a
démontré cette vérité, il n’y a point d’Auteur en Botanique
qui s’en foit éloigné : je ne prétends pas non plus par ce
Mémoire, l'enfraindre en aucune manière, je la crois trop
bien fondée dans la Nature même, pour qu’elle doive fouf-
frir dans fon intégrité; fi je cherche à faire entrer dans le
caractère générique des plantes, d’autres parties que celles de
la fleur, ce n’eft feulement que comme par furérogation,
pour jeter plus de clarté & donner plus de certitude, lorfque
les parties de la leur pourroient laiffer quelque doute. Ce
meft pas qu'on dût jamais en avoir, le genre d’une plante
fur lequel on eft indécis, ayant réellement une partie eflen-
tiellement différente dans quelques-unes de fa fleur, de celle
qui conflitue le genre de l'autre plante qu'on lui compare:
ileft vrai que l’on fe trouve maintenant beaucoup plus rare-
ment dans cette efpèce d'équilibre, depuis que M. Linnæus
a fait voir qu’il ne falloit plus s'attacher dans l’arrangement
des plantes, à telle ou telle partie dela fleur préférablement
à toute autre; mais qu'il falloit au contraire les employer
Tttij
516 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
toutes, & même ne pas négliger des parties aufir peu confi-
dérables par leur volume, que le font fouvent ces efpèces
de glandes qui filtrent une liqueur vifqueufe & miellée, qui.
entrent dans la compofition de plufieurs fleurs, & à qui il
a donné le nom de nedaria où d’alvéoles. Depuis les obfer-
vations de cet habile Botanifte, les genres font, pour ainfi
dire, plus invariables & plus certains : mais fi l'exactitude
fcrupuleufe de M. Linnæus l'a fouvent conduit à en former
avec juftice de nouveaux, je crois qu’elle lui en a fait réunir
plufieurs qui ne le devoient pas être.. Il a fouvent confondu.
en un, plufieurs genres que M" de Tournefort, Vaillant,.
Boerhaave & quelques autres avoient cru devoir diflinguer;
fouvent cependant ces genres étoient établis fur des différen-
ces, quoique petites, affez confidérables pour les caractérifer.
M. de Tournefort, par exemple, avoit diftingué le genre
de la bourfe à berger de celui du #4lafpi par la membrane qui
entoure la filique du dernier, & qui manque à celle de fa:
première, & par la cloifon qui fépare ces filiques; elle eft:
oblique dans les #klafpi & droite dans la bourle à berger. M.
Linnæus a cru que ces différences n'étoient pas fufhfantes
pour former deux genres, il a confondu ces plantes enun:,
& a gardé le nom de ##la/fpi.
M. Vaillant avoit fait un genre de quelques verveines à
qui il avoit donné le nom deg M. Sherard; il tiroit leur ca-
raétère de ce qu’elles n’avoient que deux femences & deux .
étamines renfermées dans un calice étroit. M. Linnæus z
réuni ces verveines à leur aneien genre; il en a fait de même
du diétame de Crète, que M. Boerhaave avoit tiré d’entre
les origans où M. de Tournefort l’avoit placé. M. Boerhaave
fe fondoit fur ce que les fleurs du diétame de Crète formoient
un épi, & fur ce qu'elles fortoient d'entre des efpèces d'é-
cailles éloignées les unes des autres. M; Linnæus a encore
joint les genres du cori/permum établi par M. de Juffieu l'aîné
à la flellaria, celui de l'anil où indigo formé par M. Marchant
le fils au Galega, & il en a agi ainfi à l'égard de plufieurs autres.
I feroit peut-être difficile de déterminer au jufte ce qu'on.
7
ee
res
DE SY S CURE NO ETS SI7
doit penfer de ces différens fentimens, f on manquoit d'une
troifième partie qui pût encore fervir de comparaifon, &
fixer pour toûjours que les différences trouvées par ces ob-
fervateurs doivent être regardées comme fuffhifantes ou non,
pour former des genres différens les uns des autres.
C'eft, je crois, dans les glandes & les filets qu’on peut
trouver cette partie. S'il eft vrai que les filets de la bourfe à
berger, des rhlafpi; des Sherard, des verveines, &c. ne font Pas .
es mêmes que ceux des plantes auxquelles on les a réunis, il
devra réfulter de cet enfemble des genres différens. On verra
par la fuite que c’eft réellement ce qui s’obferve. Ne pourroit-
on pas même dire que des différences aufñli fenfibles dans des
paities qui ne varient pas plus que celles de la fleur, fufh-
roient elles feulès pour diftinguer des genres, quand les par-
ties de {a fleur fe reflembleroient entièrement ? Mais je crois
que dès qu'il y aura une fois une différence dans les glandes:
ou les filets, on en découvrira une, fi petite qu’elle foit, dans
quelque partie de fa fleur, & que ces différences réunies
devront établir un genre diftingué de celui où ces plantes
fembloient pouvoir être rangées.
Fondé fur ces principes, j'ai cru pouvoir rapporter dans ce
Mémoire, une partie de ce que j'ai obfervé de plus certain fur
gette matière, & rétablir plufieurs genres que M. Linnæus a
abolis: j'ai même cru pouvoir en former quelques-uns : j'ai
enfuite fortifié mon fentiment. par les obfervations que j'ai
faites fur plufieurs genres nouveaux que M. Linnæus a formés:
Par-à, en n'ôtant rien à l'exactitude de ce favant Botanifte,
je rendrai Juftice à celle des auteurs dont j'ai déjà parlé, &
dont je pourrai parler dans la fuite de ce Mémoire:
Quoiqu'il ne foit pas encore prouvé, comme je viens de
le dire plus haut, que les glandes & les filets puiffent fuffire
D Cl mn
pour l’établiflement d'un genre; quoiqu'il le foit encore moins
‘qu'une plante lifle puifie être féparée du genre dont toutes
q P P P fi
les efpèces font garnies de filets ; je crois cependant pouvoir
diflinguer le genre que M. de Tournefort a appellé veficaria,..
de celui des «fon avec lefquels M. Linnæus. fa- jointes.
Ftt üÿ,
Veficarias.
Aly{ides.
Alyfloide,
513 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Elle m'a toûjours paru lifle dans toutes fes parties, au lieu
que les a/yffon ont des filets en ÿ grecs horizontaux, arrangés
fur un mamelon, de façon qu'ils forment de petites étoiles.
Une difparité fi confidérable m'a paru fufhfante pour m’au-
torifer à faire cette féparation, puifque fur-tout la figure des
filliques eft fi différente. Cette partie forme dans la veficaria
une vefie aflez grande : dans les ahyffon elle eft plate, ou elle
n'a tout au plus que la figure d’une lentille, c'eft-à-dire que
de chaque côté elle eft un peu relevée en boffe. M. de Tour-
nefort n'a connu qu'une efpèce de vefcaria ; je ne fache
pas qu'on en ait découvert d’autres, & elle eft la feule que
j'aie vüe. |
Je pourrois pafler fous filence les ayffoides, que M. Lin-
næus a encore jointes aux ahffon, puifque ces‘plantes ont des
filets en y grecs horizontaux; mais il eft bon de dire que
l'efpèce que M. Linnæus a regardée comme un bwlbonac eft
entièrement life, & qu’ainfi elle peut être plütôt rangée avec
ce genre qu'avec les ahffoides. Le bulbonac n'a que des filets
fimples, coniques, & très-petits fur toutes fes parties, excepté
les pétales & les étamines. Les a/yfoides rapportées dans les
inftituts & le corollaire fe réduifent donc ainfi à trois, encore
faut-il en féparer celle d'Orient qui eft annuelle, & qui a fes
feuilles femblables à celles du myagrum cultivé, & la placer
avec l’alyffon des bleds, dont les feuilles font à oreilles aigues,
& dont le fruit eft gros & renflé; ce n’eft peut-être même
qu'une feules& même plante, du moins M. Vaillant paroît
avoir penfé ainfi, puifqu’il la mife fous le même numéro
dans fon herbier. Je fuivrai d'autant plus volontiers ce fen-
timent, que les filets de cette plante font à y grecs perpen-
_ diculaires & femblables à ceux de cet a/yffon ou plütôt de cé
myagrum, M. Linnæüs en ayant avec quelques autres plantes
formé un nouveau genre de ce nom. Les deux ahyffoides qui
reftent ne diffèrent entrelles du côté des filets, que parce
que l'efpèce que l'on connoît fous le nom d'a/yffoide blanche
& à feuilles finueules, a des filets en y grécs plus doux, moins
argentés que ceux de l'affoide de Crète qui s'élève en
: HA ur
‘
D PMRIS ORNE IN CE SM TO
arbriffeau, qui a des feuilles blanches & femblables à celles
de là giroflée; ils font dans celle-ci d’un très-bel argenté, &
paroiffent au toucher avoir une certaine roideur. L'une &c
l'autre efpèce en ont fur le deflus & le deffous des feuilles,
fur les tiges & les calices ; mais la filique de la première en
manque, au lieu qu’elle en eft chargée dans Îa feconde.
C’eft négativement que je viens de prouver, que a ve-
ficaria & une efpèce d'ahffoide, doivent être tirées du genre Séellaria.
des ahffon, parce qu’elles manquent entièrement de filets Corifpermum..
& de glandes apparentes. Il en fera à peu près de même Corifperme,
de la fellaria, dont il s’agit maintenant. Cette plante eftpri-
vée des filets du corifperme auquel M. Linnæus l'a jointe,
mais elle à des glandes globulaires que l'on ne voit point
dans le corifperme. Celüi-ci eft couvert de houppes : j'ai eu beau
examiner la flellaria, je n’y ai jamais trouvé de ces houppes,
mais fur le deflus des feuilles, des glandes globulaires, fans
autre couleur que celle des feuilles. Les houppes du corif-
perme font à piufieurs filets courts prefque horizontaux.
Les efpèces que j'ai examinées fe réduifent à deux, favoir,
au corifperme à feuilles d’hyflope, & à celui de Tartarie
qui eft plus grand que le précédent, & qui a fes tiges rouges :
une & l'autre ont les feuilles, les tiges, & les calices char-:
gées de houppes. J'aurois defiré pouvoir examiner les rha-
groffis que Buxbaum a décrits, & dont il a donné les figures,
mais cela ne m'a pas été poffble. Je crois cependant pou-
voir penfer que la feconde efpèce eft un corifperme, & que
ce chagrin blanc dont Buxbaum parle dans fa defcription,.
:eft formé par les houppes; peut-être même que cette plante:
n’eft pas bien différente de celle à feuilles d’hyflope dont:
je viens de parler, fr elle n’eft pas la même : au refte, elle:
paroïît bien être un corifperme par fes fruits. Ceux des-
efpèces que j'ai examinées font à une feule loge, convexes:
d’un côté & plans de l'autre, & renferment plufieurs fe
+ mences dans cette loge. Les fruits de la ffel/aria, au contraire,
. font quadrangulaires, à quatre loges qui renferment chacune:
une feule femence. On ne connoit peut-être encore qu'une:
“
Omplialodes.
Cynoglofjun.
Cynogloffe.
20 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
efpèce de ce dernier genre, les caractères fpécifiques des
prétendues efpèces rapportées dans plufieurs auteurs n'ayant
été tirées que du plus ou du moins de longueur & de ron-
deur des feuilles.
C'eft par des glandes fimples ou fans vaiffeaux excrétoires
que les genres précédens ont été diftingués de ceux auxquels
ils avoient été réunis, ce {era par les filets ou vaiffeaux excré-
toires que les fuivans le feront. Les filets les plus fimples
qui m'aient jufqu'ici fait voir quelque différence, font ceux
à qui j'ai cru pouvoir donner le nom de filets en poinçon.
Les omphalodes étant de la claffe des boraginées, n’en font
pas moins garnis que la plufpart des autres plantes de cette
claffe, ils en ont jufque fur le fruit, il n’y a que les étami-
nes & les pétales qui en foient privés ; c'eft même par ceux
des fruits qu'ils font différens des cynogloffes. Les fruits de
celles-ci font hériffés de gros filets coniques qui s'évafent
par le haut en plufieurs lanières recourbées en hameçon, ce
ui m'a fait tirer leur nom de cette reflemblance : ceux
des omphalodes font fimples & femblables à ceux des autres
parties. J'ai conftamment trouvé ces différences dans quinze
ou vingt efpèces de cynoglofle, & dans les omphaiodes des
inflituts & de leur corollaire. Une règle qui ne fe trouve
jamais démentie, jointe avec les différences du fruit & de
la fleur trouvées par M. de Tournefort, doit fans doute
fuffire pour conflituer deux genres. Outre toutes les efpèces
de cynoglofie rapportées dans les inflituts & leur corollaire,
j'ai encore examiné celle que. Boccone appelle cynoglofie
de montagne à feuilles argentées & étroites, la moyenne
de Gafpar Bauhin, & la grande à petits fruits de bardane
du jardin de Leyde; je n'ai cependant pas vü les fruits de
cette dernière elpèce, ils manquoient à la plante que j'ai
examinée; mais il me paroiît que fes fruits n'ont été com-
parés à ceux de la bardane, que parce qu'ils font hérifés
de filets plûtôt femblables à ceux des cynogloffes qu'à ceux
des bardanes, J'ai cru pouvoir, dans le catalogue des plantes
des environs d'Etampes, ranger fous çe genre, la buglofle
à feuilles
L:
LA
QE end"
DES SCIENCES. S21
à feuilles étroites & à femences hériffées, Galpar Bauhin &
Columna l'avoient imile au nombre, des cynogloffes, & j'ai
vû avec plaifr, en examinant l'herbier de M. Vaillant, que
ce favant Botanifie l'y avoit auffi placée. Les filets en hame-
çon de cette efpèce, font à quatre lanières recourbées, ils
n'en ont auffi quelquefois que quatre dans les autres efpèces,
fouvent cinq, & rarement fix. Les filets en poinçon ne
varient que par le plus ou le moins. Lorfqu'ils font très-
abondans, les feuilles paroïflent d’un blanc argenté, qui a
porté les auteurs qui ont parlé de ces plantes, à faire entrer
cette propriété dans les dénominations qu'ils en ont données.
C'eft aux filets, & nullement aux parties où ils font, que
cet argenté efl dû : lorfqu'ils manquent en grande partie,
les plantes où cela arrive ont été appelées cynogloffes à
feuilles vertes; mais ces accidens pouvant facilement chan-
ger, une plante argentée devient fouvent verte, & la verte
argentée, Celles de ces dernières où l'argenté ef Le plus
beau, l'ont plus en deffous des feuilles qu'en deflus, parce que
les filets y font plus fréquens. Quoique {es cynoglofles foient
entre les boraginées du nombre de celles qui ont des filets les
moins rudes, on peut cependant dire que les leurs le font un
peu, & für-tout les mamelons qui les portent , d'où dépend
le plus fouvent, même dans les plus rudes, l'âpreté que l'on
fnt en les touchant, Les filets des omphalodes ne font guère
plus rudes, & ils font beaucoup moins, abondans que ceux
des cynogloffes. Celui qui a les feuilles femblables à celles
du cornouillier » M'a paru en être le plus chargé, & celui à
feuilles de lin avoir les Plus argentés ; mais ce font là de très-
petites différences.
Le port extérieur qui eft fi différent entre le cabaret
& l'hypocifte, {a propricté que celle-ci a d’être parafite,
& les différences que l’on Peut avoir remarquées dans la
fleur, & que M. Linnæus à négligées, nauroient pas auffi
été pour moi une raifon de féparer ces deux genres deplantes,
fi je ny avois pas obfervé des filets différens : ceux de l'hy-
pocifle font à cupule, & les cabarets en ont de fimples
Mén, r FAT: . Vuu
Hypociftis,
Hypocifte,
Afarum,
Cabaret,
Blattaria.
Blattaire.
Verbafcum.
Bouillon
blanc ou
Molène,
522 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plütôt cylindriques que coniques. Les cupules de lhypo-
cifte s'obfervent fur les branches ; les mêmes parties, fe
deflus & le deflous des feuilles, & intérieur de la fleur
du cabaret font chargés de filets. Je n'ai vû que lhypo-
cifle ordinaire, le cabaret commun & celui du Canada,
que M. Linnæus penfe n'être qu'une variété l'un de l'autre :
tout ce que j'ai trouvé de différent, n'a confifté que dans
le nombre de ces filets, qui eft plus grand dans celui du
Canada.
Rien n’eft plus frappant que la différence qui s’obferve
entre les blattaires & les bouillons blancs confidérés du côté
des filets. Ces derniers font couverts, & le plus fouvent
drapés d’une efpèce de duvet formé par des filets en houppes
& en goupillons ; les vraies blattaires n'ont point ce drapé,
elles paroiffent au premier coup d'œil ètre prefque lifles,
elles n’ont que des cupules, & en petite quantité, fi on les
compare à ce qui forme le drapé des bouillons blancs ou
molènes. Ces plantes font beaucoup plus différentes entr’elles
par ces parties, que par celles de la fleur ; une figure un peu
plus ou un peu moins alongée dans le fruit, eft la feule que
M. de Tournefort ait trouvée pour caraétérifer ces. deux
genres de plantes : cette différence eft en effet fi petite, que
plufieurs Botaniftes mettent au rang des blattaires, des bouil-
lons blancs: & au nombre de ceux-ci, de vraies blattaires.
Il eft d'autant plus aifé de tomber dans cette alternative.
que le pétale & les étamines font femblables, & que le corps
de celles-ci eft chargé d’une quantité de filets en maffue, qui
ne varient dans ces deux genres, que par la couleur plus ou
moins blanche, jaune ou violette. Je penfe donc que fi l’on
fait attention aux filets, on faura très-bien faire la diftinétion
qui doit être mile entre ces deux genres.
Outre la blattaire ordinaire dont j'ai parlé dans le catalogue
des plantes des environs d'Etampes, la plüpart de celles que
j'ai obfervées, ont , comme elle, des filets à cupule fur prefque
toutes leurs parties; il ne faut en excepter que les étamines
& le flyle du piflile : on peut aifément s'en aflurer dans la
1
La) ue Mme ide.
DES) $C TE € +: à s23
blattaire à fleur pourpre , à fleur blanche, à fleur jaune &
feuilles découpées, qui n'efl peut-être qu'une variété de l’or-
dinaire ; dans celle à grande fleur, & dont les feuilles ref
femblent aux feuilles de molène ; dans celle d'Efpagne à
grande fleur & à feuilles ondées, & dans celle qui a égale-
ment de grandes fleurs qui font vertes, flrices de lignes jaunes
& demi-circulaires, & qui a des feuilles découpées. L’efpèce
qui fe diflingue par fon odeur de mule, par fa fleur jaune,
& fes feuilles femblables à celles du chou, n’en eft pas des
plus fournies, les cupules y font feulement plus évafées, plus
grandes & plus grofes ; peut-être s’y filtre-t-il une liqueur
plus abondante, qui devient par là plus capable de frapper
l'odorat. La blattaire d'Orient, à feuille d'aigremoine, ne
m'en a fait voir que fur les feuilles du bas de la tige & fur
cette partie, Je n'ai pû m'aflurer s’il en étoit de même de
celle d'Efpagne, qui eft odorante, & qui a également les
feuilles d’aigremoine, n'ayant eu que fes feuilles à examiner,
les cupules s’y obfervoient : je n'ai également pû voir que
les feuilles de celle qui a la fleur d’un noir de violette, beau
& luftré, les cupules n'y manquoient pas ; mais celles de
lefpèce qui vient d'Orient, & qui a Îes feuilles ondées,
m'ont paru lifles : je crois qu'il lui étoit arrivé ce que j'ai
remarqué dans quelques autres, les cupules tombent, & les
parties qui en font alors privées, paroiffent avoir des petits
trous, ou des glandes véficulaires. J'ai remarqué cet accident
dans la blattaire ordinaire, dans celle à grande fleur & à
feuilles de bouillon blanc, & dans celle d'Orient à feuilles
d'aigremoine ; il eft peut-être ordinaire à celles-ci de n’en
point avoir fur les feuilles du haut des tiges, du moins j'ai
toüjours trouvé qu’elles en manquojent.
Avec ces cupules,. toutes les blattaires ont de courts filets
à valvule, mêlés parmi les cupules , fur les feuilles princi-
palement & le bas des tiges: les autres parties paroiflent
ordinairement n'en point avoir : es étamines & le bord de
lentonnoir du pétale, font chargés de filets en maflue : je
crois les avoir obfervés dans toutes les efpèces, de même
Vuu ji
524 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
que dans les bouillons blancs, dont je vais parler.
On peut, avec plufieurs Auteurs, divifer les bouillons
blancs en deux bandes ; lune comprendra ceux qui ont
toutes leurs parties entièrement couvertes d'un duvet blanc
jaunâtre ; la feconde, ceux qui ne les ont qu'en partie, ce
qui les a fait appeler molenes noires. Ceux-ci ne different
réellement des autres du côté des houppes & des goupillons,
que parce que ces filets y font beaucoup moins abondans que
dans les autres elpèces, qu'on diftingue aflez ailément l'ef-
pace qui fe trouve entreux, mais cela eft ordinairement
impofhible dans les molènes blanches ; ces filets y font amon-
celés & entafiés les uns fur les autres, & y forment une elpèce
de drapé aflez fort, mais qui s'enlève aifément fi on frotte
ces parties.
Les molènes noires que j'ai examinées font, avec celle de
nos campagnes, l'efpèce qui vient dans les Alpes, qui a la
fleur blanche, les étamines pourpres, ou plütôt les hlets en
maflue, & qui eft vivace; celle que Micheli a diftinguée par
Ja longueur de fes feuilles qui font d'une coudée, & crenelées
fur leur bord, par fa fleur jaune & les filets en maflue pourpre
dont les étamines font chargées; & celle qui a plufieurs tiges,
des feuilles étroites & femblables à celles de la fauge.
Les molènes blanches ont encore été caraétérifees dans les
dénominations qu'on a faites, par la propriété de manquer
d'une efpèce de poudre blanche, ou d'en avoir :cette prétendue
poudre n'eft formée que par les houppes & les goupillons, qui
font plus blancs & plus petits dans ces efpèces que dans les
autres. La molène de nos campagnes, & celle qui jette fes
branches de façon qu’elles forment une efpèce de luftre, ne
font pas plus poudrées que l'efpèce de nos mêmes campagnes,
qui et vivace & rameule; que celle d'Orient remarquable
par fa grandeur, fa blancheur, & par le luftre que fes bran-
ches forment par leur arrangement ; que celle qui a les
feuilles rondes, la tige non ailée, la fleur & le fommet des
étamines jaunes, & le dedans de la fleur, ou plütôt les filets
en maflue pourpre. La blattaire appelée par l'auteur de
DES SCIENCES. 525
l'ouvrage intitulé Æortus catholicus, blattaire à fleurs jaunes,
à feuilles entières & godronnées, doit être rangée ici ; c’eft
une vraie molène, & , comme les molènes poudrées, elle a
une quantité de petites houppes blanches.
On ne trouvera pas une grande différence entre la molène
mâle ordinaire, & les fuivantes, favoir, celle d'Orient à
feuilles oblongues & étroites ; celle des Alpes à petite fleur
& à tige ronde; celle d'Orient qui reflemble par les feuilles
au piflenlit ordinaire, & qui les a d’un blanc argenté fur
lune & l’autre lurface ; & celle d'Orient à fleur jaune & à
feuilles étroites.
La molène épineufe de Crète, qui s'élève en arbriffeau,
n'a de plus que d'être armée à chaque nœud, de deux épines
affez longues, très-roides & piquantes. Toutes les efpèces
précédentes font à feuilles entières, ou feulement dentées,
les deux fuivantes les ont découpées. Il y a peu de molènes
dont les parties foient auffi drapées que celles de ces deux
plantes ; l'une eft la molène qui refflemble, par fes feuilles,
au pavôt cornu ; l’autre eft celle qui s'élève en arbrifieau,
qui a les feuilles très- blanches : la couleur blanche des
feuilles de cette dernière, n'eft pas beaucoup plus grande
que celle de l'autre; & même dans l’une & l'autre, & dans
prelque toutes les efpèces, il y a des endroits qui deviennent
jaunes : ces deux couleurs ne font dûes qu'aux goupillons
& aux houppes qui prennent la jaune, principalement fur
les tiges , les côtes & les nervures des feuilles & des calices,
Au refte, les houppes font, dans toutes les efpèces, compo-
fées de 6, 7, 8 filets; les goupillons ont deux ou trois rangs
de filets femblables à ceux des houppes, & qui font comme
autant de petites houppes portées fur un même pédicule:
de plus, me paroît que toutes les efpèces ont de petites
glandes véficulaires gonflées, que j'avois prifes, dans les
obfervations fur les plantes des environs d'Etampes,, pour
des grains d'une matière qui avoit tranfpiré. Ces, glandes. fe
voyent fur toutes les parties qui font velues, &. je crois que
fi elles m'ont échappé dans quelques efpèces, ce n'eft qu'à
Vuu ii
526 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
caufe de ce même velu qui étoit trop épais ; ces véficules font
blanches, ou d’un beau jaune doré.
Si quelqu'un, avant que l'ouvrage de M. Linnæus fur les
genres des plantes eût paru, avoit examiné les filets des bouil-
lons blancs & ceux des blattaires ( dans l'idée de connoitre le
rapport qui {e trouvoit de ce côté entre les plantes de ces deux
genres) il auroit dû placer la molène d'Orient à feuilles de
fophia, & celle des Alpes à feuilles & fleurs de bourache, qui
eft velue & baffle, avec les blattaires, plütôt qu'avec les bouil-
lons blancs, au nombre defquels elles le font dans les Inflituts
& leur corollaire. Je l'aurois fait, fi M. Linnæus n'en eût pas
formé deux genres nouveaux, à qui il a impolé, à l'un le nom
de M. Celfius, auteur du Catalogue des plantes des environs
d'Upfal ; & à l'autre celui de Cortufus, qui eft un des anciens
Botaniftes. Le premier ne diffère de celui-ci par les filets, que
parce qu’il les a beaucoup plus courts que l'autre, où ils font
très-longs fur les pédicules & le bord des feuilles principale-
ment, & où ils font auffi plus fauves & à valvules plus pour-
pres, les filets à cupule ont auffi cette partie plus groffe & plus
grande; mais ces deux plantes en font également chargées
fur toutes leurs parties, excepté les flyles & les étamines ;
encore celles-ci font-elles, dans la Ce/fius, garnies de filets
jaunes , dont le bout formé en maflue, eft oblong & blanc:
ces filets entourent aufli l'ouverture de l’entonnoir de fa
fleur, comme dans les bouillons blancs. Je ne fais fi les éta-
mines en font garnies dans la Cortufus, mais elle en a de très-
courts, ramaflés en touffe à l'ouverture de l'entonnoir de {a
fleur; & je crois qu'ils forment les points que M. Linnæus
a fait entrer dans le caraétère de cette plante *. Ces deux
genres, comme l'on voit, ont bien du rapport avec les blat-
taires ; mais les différences que l'Auteur des nouveaux genres
a obfervées, doivent conftater la réalité de ceux-ci.
Je n'aurois pas héfité à en former trois nouveaux, fi
* L'oreille d'ours, qui a porté la première le nom de Cortufus, que Mathiole
lui avoit donné, a été rangée par M. Linnæus fous ce même genre; elle
a, comme l’autre efpèce, les filets à valvule & ceux à cupule : les uns & les
autres font pourpres, ils fe trouvent jufque fur les calices.
DES SC TEN GIE ,s 527
j'avois pü obferver les plantes fuivantes avant qu’elles fuffent
defléchées, & que j'y eufle découvert quelque différence
dans les parties de la fleur. Ces plantes ont toutes des glandes
à cupule; mais dans l'une il n’y a que des houppes & point
de goupillons, dans les autres des filets branchus, c’eft-à-
dire, qui ne jettent pas comme les goupillons plufieurs filets
à chaque nœud, mais un feulement, & qui finiflent par le
haut en une efpèce de fourche, les autres y ont de ces filets,
des cupules & des houppes. Celles qui ont les filets branchus.
& les cupules, font le bouillon blanc d'Orient à feuilles de
conyfe, & à fleur de couleur de fer luifant tirant fur le
jaune ; la blattaire vivace de Crète, blanche, dont les feuilles
font conjugées fur une côte qui eft terminée par une feuille
plus grande que les autres. La blattaire d'Orient à feuilles
de molène, à très-grandes fleurs d'un violet foncé, eft celle
qui a des houppes & des glandes à cupule. Les filets bran-
chus fe trouvent réunis aux cupules & aux houppes dans fa.
blattaire à grande fleur de Jean Baubin, & dans celle que
Morifon a diftinguée par fes feuilles de molène, & par fes
grandes fleurs jaunes. La couleur des cupules eft ordinaire-
ment plütôt pourpre que jaune dans toutes ces plantes, elles.
fe trouvent plus communément fur le haut des tiges, les.
calices & les fruits qu'autre part. Les houppes font petites à.
plufieurs filets, & elles garniffent les feuiiles plütôt que les
autres parties. Les, filets branchus font grands: toutes. les
parties, excepté celles de la fleur, en font ordinairement
hériflées. Au lieu de faire de nouveaux genres de ces plantes,
peut être aimeroit-on mieux joindre celles qui ont des houp-
pes aux bouillons blancs, & celles qui ont des filets branchus
aux blattaires; mais c'eft par l'examen de la fleur, que l'on
peut fürement décider du genre de ces plantes :. peut-être
auffi ces genres font-ils ceux qui doivent lier enfemble toutes
ces plantes, & fervir de genres intermédiaires,
Quoique les blattaires aient beaucoup de glandes à eu-
pule, elles n'en font cependant pas encore fi: chargées que
les pois-chiches, dont Je vais parier: toutes leurs parties en
Cicer.
Pois-chiche,
Lens,
Lentille,
Atra@ylis.
Quenouille
ruftique.
Carthamus,
Carthame.
Carthamoi-
des.
Carthamoïde.
528 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE |
font fournies d’une prodigieufe quantité; elles jettent une
liqueur gluante, claire & limpide, qui fe fait aifément recon-
noître dès que l’on touche ces plantes, M. Linnæus n'a fait
qu'un genre des pois-chiches & des lentilles ; mais celles-ci
ne n'ont fait voir que les filets ordinaires des papilionacées,
c'eft-à-dire, des filets cylindriques fimples, fans nœuds, arti-
culations ni valvules. Cette différence, quoique confidérable,
ne left pas plus que celle que l’on remarque dans les femen-
ces. Le nom de la lentille lui vient de ce que cette partie
eft un peu convexe de chaque côté; dans les pois-chiches,
elle a irrégulièrement la figure d’une tête de bélier. M. Lin-
nœus penfe que cette figure ne peut entrer pour quelque
chofe dans l'établiffement d’un genre ; fi cependant on joint
cette propriété avec ce que j'ai obfervé, je crois que l'on
pourra rétablir celui de la lentille. Je dis de la lentille, car
il n'y en a peut-être encore qu'une efpèce de connue, puif-
qu'on n'y a jufqu'ici découvert de différence que le plus ou
le moins de grandeur. Il pourroit en être ainfi des pois-
chiches, que l'on n’a diflingués que par la couleur rouge,
brune ou blanche des femences. M. Linnæus a pris pour un
pois-chiche la vefce des bleds, qui a plufieurs filiques velus :
elle manque de glandes à cupule : fes femences font rondes,
& elle ne me paroît différer de la vefce des bleds, à plufieurs
fruits lifles, que parce que les fiens font velus. Je croirois
donc qu'elle feroit une efpèce d’ers, comme cette dernière,
dont peut-être elle n'eft qu'une variété. Ces deux plantes &
les lentilles ont des filets fur toutes leurs parties, excepté
les pétales, les étamines, & quelquefois les filiques.
C'eft encore par les glandes à cupule, que la quenouille
ruftique diffère du carthame, confidérée du côté des filets :
les carthames n'ont paru n'avoir que des glandes globulaires
& des filets à valvule. Cette différence paroïtra fans doute
bien petite, puifqu'on pourroit dire que les glandes globu-
laires fuppléent aux cupules; mais M. Vaillant a fait voir
que les femences des quenouilles rufliques portoient une
aigrette de poils qu'il compare à une couronne antique : cette
couronne
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ETES
Sr
DES SCIENCES. s29
couronne manque entièrement aux carthames, différence
qui doit engager à ne pas négliger celle qui a été recon-
nue dans les filets. Il faut pourtant avouer que le carthame
d'Orient, dont les épines font jaunes, que M. Vaillant à
laifé au nombre des carthames, a des glandes à cupule, &
qu'elles manquent à celui qui ef à feuilles de carline, à fleurs
doubles & en umbelle, & qui fe trouve placé avec les que-
nouilles ruftiques dans le Mémoire de M. Vaillant. Cette
dernière plante n’a que des glandes globulaires & des filets
à valvule. Il fuinte des glandes globulaires une liqueur, qui,
en fe defléchant, forme une elpèce de duvet compofé de
longs fils blancs; ce duvet fe trouve bien moins abondam-
ment, quoiqu'il en forte un brin de chaque filet, fur le
carthame dont les épines des fcuilles font arrangées de façon
qu'elles repréfentent un réfeau : ces deux efpèces diffèrent
de l'ordinaire par les filets, que je n’ai pû découvrir dans
celui-ci; le duvet fuinte des parties même ou des glandes
globulaires, Quant aux quenouilles ruftiques, je crois qu'il
faut joindre à celles dont M. Vaillant parle dmis fon Mé-
moire, le chardon à fleur jaune, qui eft droit, qui formé
des réfeaux, & dont les tiges font en fufeau. Cet auteur
la rangé dans fon herbier avec les quenotilles ruftiques,
& je luiai trouvé les glandes à cupule: toutes ces efpèces
en ont une quantité confidérable fër leurs feuilles, 1eurs
tiges & les écailles des têtes ; & cette quantité ne m'a pas
paru varier , même dans l'efpèce dont l'odeur eft difgracieufe
& fétide : ces glandes font mélées avec des poils à valvule,
qui jettent un long fil blanc fémblable à ceux des têtes des
_carthames.
Les quenouilles ruftiques diffèrent par leurs glandes à
cupule, non feulement des carthames, mais encore des car-
thamoïdes de M. Vaillant, que cet auteur avoit diftingués
par les femences, qui portent une couronne fimple de poils,
M: Linnæus a négligé cette propriété, & a réuni les car:
thamoïdes aux carthames. Si la diftinction de M-Vaillant
doit fubfifier, il n’y aura ainfr qu'une différence entre
Mém. 1747. s Xxx
Erocodilodes.
Hédypnois.
Lanpfana,
Lampfne.
Rhagadiolus.
Rhagadioloides.
Zacintha,
Zacinthe.
530 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ces deux genres, & les poils feront les mêmes dans d'un
& l'autre, au lieu qu'il y en aura trois en n’en faifant qu'un,
comme M. Linnæus le veut. Les poils des carthamoïdes ne
donnent pas f communément un fi que ceux des carthames,
& le duvet des têtes n’y eft pas fi commun. De tous les
carthamoïdes rapportés par M. Vaillant, celui qui {ent le car-
thame m'en a fait voir un peu plus que les autres, encore
en a-t-il très-peu.
Je ne puis m'empêcher de rapporter ici ce que j'ai obfervé
dans les crocodilodes de M. Vaillant. M. Linnæus a changé
ce nom en celui d'atraélylis, qui devenoit inutile par la réu-
nion qu'il avoit faite de la quenouille ruflique avec les cartha-
mes. La convenance du nom exige même de moi que je
n’attende pas davantage à parler de ces plantes; elles ne m'ont
non feulement pas fait voir des glandes à cupule, mais même
des filets, ou bien ils font très -courts : quelques-unes de
Jeurs parties au refle font blanches du duvet qui paroît fuin-
ter de ces parties mêmes ou des glandes globulaires; l'efpèce
en qui j'en ai le plus remarqué, eft celle dans la dénomi-
nation de laquelle on a fait entrer cette propriété, & qui a
fes feuilles femblables à celles de l'olivier, & des taches ar-
gentées fur fes aètes, qui ne font dûes, à ce que je crois,
qu'au duvet qui en a tranfpiré. Après celle-ci aucune ne m'en
a plus fait voir, que l'efpèce qui a les feuilles de la quenouille
ruftique & la fleur d’un jaune foufré ; celle dont les feuilles
font pareilles aux feuilles de cette dernière, & qui eft baffle &
pourpre, en a très-peu, peut-être encore moins que l'efpèce
dont la femence eft velue.
M. Linnæus a réuni fous le nom de Zampfane, les plantes
qui en font réellement , l’Aedypnois appellé rhagadioloïdes
par M. Vaillant, le rhagadiolus & la zacinthe. Il eft facile de
s’'affurer par les parties de la fleur, que ces genres peuvent
fe féparer; mais aucun ne m'a fait voir de filets aufli diffé-
rens que ceux de lhedypnois, ils y font à crochets plus ou
moins renverfés. De trois efpèces que j'ai pù examiner, le
rhagadioloïdes à feuilles de fouci & à calice velu, m'a paru
;
!
|
W
pa
DES ScrTENCESs. s31
en être le plus garni, & être celui où les crochets étoient
le mieux formés, il en a furles feuilles & les tiges ; ceux dont
les calices en font hériflés, les ont plus longs & à crochets
plus droits : la petite efpèce annuelle qui vient de Crète, en
a de femblables fur fes feuilles & le bas des tiges; l'ordinaire
qui eft annuelle, ne m'en a fait voir que fur le bord des feuilles:
les femences font dans toutes hériflées de petites pointes,
qui ne font que de très-courts filets, qui peut-être s’alongent
& fe divifent en crochets dans certaines circonftances.
Les plantes des autres genres ne n'ont pour l'ordinaire
montré que les filets à valvule, & encore ont-ils cela de
commun, d'en avoir très-peu , les Jamipfanes fur-tout & les
Zacinthes.
M. Linnæus ne fait qu'une efpèce de toutes les #edÿpnois,
je nai pas cherché à nv'affurer du caraétère fpécifique de ces
plantes, & peut-être eft-il très -difficile à reconnoître : les
filets qui font fur les têtes de quelques-unes, pourroient man-
“quer quelquefois ; & celles qui n’en ont pas, pourroient s’en
charger. On remarque fouvent ces variétés dans un grand
. nombre d’autres plantes.
Les filets des /cdypnois ont beaucoup de rapport avec
ceux qui diftinguent la bourfe à berger des #/afpi, du genre
defquels M. Linnæus a penfé que la bourfe à berger pouvoit
être. Les filets de cette plante font des efpèces d'y grecs dont
Tes branches ne fe renverfent pas comime celles des crochets
des #edypnoïs : ces y grecs ne s’obfervent pas dans les ##afpi,
ces plantes n'ont que des filets fimplement coniques : quand
" Eurs filiques n’auroient pas cette différence dont j'ai parlé
au commencement de ce Mémoire, celle des filéts deman-
deroit qu’elles fuffent féparées de la bourfe à berger. Je nai
point trouvé de vraies efpèces de thlafpi qui euffent des y
grecs, au lieu que la bourfe à berger en a, fur toutes fes par-
ties, excepté celles de la fleur, de deux efpèces, de perpen-
diculäires & d'horizontaux. Les horizontaux font deux ou
trois réunis fur un même mamelon; fouvent cependant if
manque une branche au troifième;, qui n'eff alors qu'un fimple
Xxx ij
Burfa pafto-
ris,
Bourfe à
Berger, ou
Mes
Thlafpi
Sherardia,
La Sherard,
efpèce de ver-
veine,
532 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
filet conique : les perpendiculaires manquent fouvent d'une
branche, & ne forment aufli qu'un filet fimple, ou plü-
tÔt elles ont des uns & des autres. ;
Le genre de la bourfe à berger eft peut-être encore auffi
peu nombreux que quelques-uns des précédens, il ne ren-
ferme peut-être encore qu'une elpèce qui varie par fes feuilles
lus où moins découpées, ou par le plus ou le moins de
grandeur. Celle qui par {es feuilles reflemble à la globulaire,
m'a paru entièrement lifle : je n'ai jamais pû y découvrir de
filets, quoique J'aie cherché à m'en aflurer dans plufieurs
pieds. M. Vaillant Fa rangéé dans fon herbier fous le genre
des #hlafpi. Je le fuivrois volontiers en cela; mais je croirois
qu'il faudroit auffi joindre à ce même genre la bourfe à
berger à feuilles de cardamine, à filique très-longue & quar-
rée, & celle dont les filiques font recourbées. Je n'y ai vû que
des filets fimples & coniques ; & s'il refle quelque doute
par rapport à ces deux plantes, il doit, je crois, plûtôt tomber
fur le genre auquel on doit les joindre que {ur celui duquel,
on doit les Ôter.
Quoique je penfe que lon doive rétablir le genre de Ja
Sherard, que M: Linnæus a aboli, je ne crois pas cependant
que toutes les plantes que M. Vaillant a rangées fous ce genre
en foient de vraies efpèces. J'efpère que loriqu'on examinera
la fleur encore avec plus de foin, l'on ÿ trouvera des
différences plus invariables que celles que M. Vaillant avoit
découvertes; & que celles qui fe préfenteront dans les vraies
elpèces de Sherard, leur feront propres. De toutes les plantes
qui, felon M. Vaillant, font du même genre, il n'y en
a que deux qui m'aient fait voir des filets particuliers, celle
qui vient de Madras, & celle qui comme elle porte fes fleurs
au bout d’un long pédicule qui fort de l'aiffelle de fes feuilles :
la première a {es filets plus grands que ceux de la feconde,
mais ils s'obferverit dans les deux fur lune & l'autre furface
des feuilles, fur les tiges, les pédicules des fleurs & les calices.
Ceux des verveines ordinaires font fimplement coniques,
mais ceux des Sherard font à navette : ces filets font dans
x
PE EC PESTE,
DES SCIENCES. 532
beaucoup d’autres plantes d’un très-bel argenté, ceux-ci
font feulement blancs, & manquent de ce luftré que lon
remarque dans les autres. Les mamelons fur lefquels ces
navettes font portées, font plus gros & plus faillans dans la
feconde elpèce; ils rendent aïinfr les parties de cette plante
où ils fe trouvent, beaucoup plus rudes au toucher que celles
de l'autre.
Il feroit à fouhaiter que le ga/ega & l'indigotier ne fuffent
réellement qu'un genre, comme M. Linnæus le prétend, où
qu'il fût un emerus, comme M. de Tournefort le vouloit.
L'on auroit encore plus d'efpérance qu'on peut l'avoir, de
tirer des galega ou des emerus, cette fécule, que l’on fait fe
procurer par les préparations que lon fait de l’indigotier;
mais malheureufement cette efpérance ne peut, à ce que je
crois, être foûtenue du motif tiré du caractère de ces plantes.
M. Marchant le fils a remarqué dans la fleur des différences.
: aflez confidérables pour le déterminer à ne le joindre à aucun
de ceux auxquels il lavoit été, & j'ai reconnu qu'il avoit
des filets bien différens de ceux de ces mêmes genres ; les
fiens font en navette : aucune autre papillonnacée ne m'en
a fait voir de femblables : ceux des galega en approchent
cependant plus que ceux des emerus. Dans les premiers, ils
font un peu plus gros dans leur milieu que vers les bouts,
mais beaucoup moins que les navettes; & ce qui les en
diflingue entièrement, ceft qu'ils font attachés à leurs:
mamelons pa“ leur bout inférieur, au lieu que les navettes.
le font par leur milieu. On pourroit a autres, des
faufles navettes. J'en ai obfervé de femblables darfs plufieurs-
genres des papillonnacées, comme jele dirai autre part. Ceux
de l'emerus font des plus communs, c'eft-à-dire, des filets
cylindriques : quant à ceux de lindigotier, je ne les ai pas-
feulement trouvés dans celui qui donne l'irdigo, mais dans:
plufieurs autres plantes qui avoient été regardées comme de:
faux indigotiers, & qui avoient été placées fous différens
genres. Je les ai mème vüs dans quelques autres que: l'on
'avoit pas foupçonné devoir approcher de l'indigotier. Je:
XX ii}
Aril ou
Indigo,
Indigotier.
LA
s34 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALr
les rangerai toutes ici, fans cependant ofer avancer, qu’elles
ne foient pas différentes par la fleur : fi cela étoit , il faudroit
alors former quelque genre autre que celui de l'indigo-
tier. Les trois premiers pourroient être un de ces genres,
ils ont été mis au rang des bagnaudiers ; & s'ils en ap-
prochent réellement plus par la fleur que de l'indigotier,
il n’y auroit pas de doute à les féparer. Ces plantes font
le bagnaudier de Madras à fleur nüe & en épi, celui du
mème pays qui eft à trois ou à cinq feuilles, & dont la
femence eft un peu rouge; & celui qui eft appelé dans
l'herbier de M. de Fournetort bagnaudier d'Afrique, à vefie
&. à feuille d'acacie, c'eft peut-être celui qui eft rapporté dans
les Initituts, fous le nom de bagnaudier de la era-Crux, 8e:
qui porte des veflies. Plufieurs des fuivans ont déjà été regar-
dés comme de vrais ou de faux indigotiers, favoir, l'anit
ou indigotier de Madras à trois feuilles, & qui a des filiques:
en vaflelle; je crois que c'eft le même que celui de Petiver,
trois feuilles verd de mer, & à filiques roides : l’indigo-
tier fauvage de Bifnagar, & à feuilles de cynanque: le lotier’
à, cinq feuilles, velu, venant en Afrique, il eft ainfi nommé:
dans l'herbier de M. Vaillant : le lotier d'Afrique qui s’élèver
en arbriffeau, qui a les feuilles étroites, velues, & les fili-
ques grêles & lifles, de l'herbier de M. Vaillant : celui d'A-
frique qui s'élève également en arbriffeau , qui a les feuilles:
très-ténues, les fleurs & les filiques très-petites : le cytife à
épi & à fleur | “ra l'aftragale de Madras à feuilles de
vefce, qui a Îés fleurs épaiffes & des filicules : la reglifie
d'Amérique du père Plumier, & celle du même pays rap-
portée par le même auteur, & qu'il ne diftingue que parce:
qu'on ne la cultive pas : une efpèce de fainfoin argenté &:
à petites fleurs rouges de M. Lippi : enfin le fainfoin qu?
s'élève en arbrifleau, qui eft fauvage, qui a les feuilles de
fené & rougeätres, les filiques petites, recourbées, & qui
eft appellé indigotier fauvage ou bâtard.
La plüpart de ces dernières plantes paroiffent avoir des
fliques cylindriques approchantes de celles de l'indigotier
: DÉS SCIENCES 535
ærdinaire. C’eft encore là une prévention pour porter à croire
| qu'elles en font des efpèces; il femble même que l'on doit
… plus que foupçonner que celles que l'on a appellé faux indi-
“ gotier, ne doivent pas être Ôtées de ce genre. Au refle, les
« navettes font dans toutes les plantes que je viens de rappor-
| ter, d'un bel argenté, qui fait paroître les parties où elles fe
trouvent d'un cendré plus ou moins blanc, fuivant la quan-
tité de ces navettes : ces parties ont une certaine roideur
“ que l’on fent en touchant les plantes, elles font ordinaire-
“ ment placées un peu de côté, & en une quantité aflez con-
4 fidérable : il n'y a guère de variété en ceci, que celle que
Ta grandeur des partiès demande : j'en ai vû dans toutes ces
plantes fur le deffus & le deflous des feuilles , fur les tiges, le
plus fouvent fur les calices & les filiques, & quelquefois fui
es pétales.
ÿ H y a encore plufieurs plantes qui portent le nom de
faux indigotier, mais elles n'ont pas les navettes. J'en ai
examiné quelques-unes de l’herbier de M. Vaillant, qui font
le faux indigotier de Raï, ou l’aftragale à feuilles de vefce, à
filique recourbée & velue, & qui eft appellée par les habi-
tans de Malabar coolam; celui qui a le nom de co/inil, faux
anil, ou ahech, rapporté fous ce dernier nom dans le voyage.
de Flacourt , & l'arrête-bœuf d'Amérique à feuilles larges &
arrondies, qui eft l'indigotier de la Guadeloupe. Si l'on tire
réellement de l'indigo de ces différentes plantes, il y a tout
: Aieu d’efpérer que plufieurs autres genres des papillonnacées
- en donneront. La dernière plante n’eft pas fürement de
celui de l'indigotier. M. Linnæus en a fait une croralaria ;
_ elle a les filets à cupule des arrête-bœufs, qui manquent aux
autres crotalaria; ainfi j'aimerois mieux la laiffer fous le pre-
mier genre où elle a été placée.
J'ai déjà rapporté dans les obfervations fur les plantes Zénriaf
des environs d'Etampes, les raifons qui me faifoient penfer He Des
que le genre du #enihaffrum formé par Rivin, & conftaté LÉ ES
par Knaut, pouvoit être rétabli. Je crois devoir encore
penfer de même : j'ai toûjours trouvé des filets branchus à.
536 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe
lelpèce de menthe qui porte ce nom: tous, il eft vrai, ne
le font pas, beaucoup ne font qu'articulés ; mais parmi ceux-
ci, on en découvre toûjours des autres. La menthe du jardin
de Cliffort, dont les fleurs {ont ramaflées en tête, dont les”
feuilles font ovales, crénelées, & dont la tige s'élève en
arbrifieau, ne diffère de celle-ci, que parce qu'il y a plu-
fieurs de ces filets qui jettent par leur bout fupérieur une
goutte de liqueur, & qui pourroient bien être à cupule. Les
filets branchus y font au moins auffi abondans, & les bran-
ches aufii longues : ces plantes conviennent encore en ce
qu'elles ont des glandes globulaires qui font d'abord verdä-
tres, & qui deviennent dans le menthaffrum oxdinaire un peu
fouffrées, & dans l'autre d’un blanc de lait. Les filets & les
glandes fe rencontrent fur toutes les parties, excepté les éta-
mines & les femences, du moins de la première efpèce:je ne
puis l'affurer de la feconde, n'ayant pas vü fa fleur. Si la fleur
de celle-ci forme un tube renflé, comme celle de l'autre, if
n'y aura pas de doute qu'elle fera du mème genre, & peut-
être qu'elles en devront former un diftingué de celui des
menthes, qui n'auront que les filets articulés & les glandes
globulaires.
Didamnus. … La différence fur laquelle M. Boerhaave a fondé le genre
Didtame de du diétame, ne fufhiroit pas fans doute fi elle étoit la feule ;
Crète. mais la figure des filets de cette plante me fait penfer qu'il
doit y en avoir d'autres. M. Vaillant, cet habile Botanilte,
avoit rangé dans fon herbier le diétame fous un genre à
qui il confervoit ce nom, & il y avoit placé auffi l'origan
du mont Sipille, & celui qui a été trouvé par M. de Tour-
nefort dans l'ile d'Amorgo, qui approche beaucoup par
fes feuilles du diétame de Crète, & qui eft tantôt lifle &c
tantôt velu. Je ne fais ce qui a déterminé M. Vaillant à
le faire, mais je n’ai trouvé de filets ramifiés qu'au diétame
de Crète : les deux autres ne diffèrent entr'eux, que parce
que celui du mont Sipille a fes filets articulés beaucoup plus
courts que ceux de l'autre, & qu'ils y font moins abondans.
Pour ceux du diétame de Crète, ils font longs & jettent
plufieurs
D Es; SCALE ft Our* si 537
plufeurs branches longues , alternes, & plus fréquentes même
que celles du menthaftrum. W eft rare d'en remarquer qui
n'aient pas de branches. Je penferois donc que ce genre
pourroit être rétabli, & que le diétame de Crète feroit peut-
être encore la feule plante qui pourroit y être rangée ; au
refle ces trois origans ont des glandes globulaires d'un jaune
doré, elles font plus communes & plus groffes dans le dic-
tame. On en obferve fur toutes fes parties, excepté les éta-
mines & les femences ; je n’en ai pas vû fur les tiges des
autres ; les filets font encore plus communs dans ce dic-
tame, la plante en eft toute blanche & un peu drapée.
Lorfqu'on ne fait qu'un examen groflier des parties de
la fleur du châtaignier & du hêtre, ces deux arbres paroif-
fent bien différens par leur genre; mais un examen plus
circonftancié ne fait pour ainfi dire trouver pour différence
que la forme des chatons. Les fleurs qui les compofent, dans
le hêtre, font ramaflées en boules, & ne le font point fur
un long pédicule ou axe commun comme dans le châtaignier.
Si l'enveloppe des femences paroïît différente, ce n’eft que
parce que les gros filets dont elle eft hériffée fe durciffent,
deviennent des efpèces d’épines fur celle du châtaignier, &
que cela n'arrive point à ceux des fruits du hêtre, mais qu'ils
confervent toüjours leur douceur & leur molleffe : enfin
lorfqu'on ne s’attachera qu'à la fleur, on ne trouvera peut-
être de différence que dans la forme des chatons ; mais cette
différence jointe à celle des filets, pourra déterminer à fépa-
rer ces deux genres. Les filets font dans le hêtre fimples &
cylindriques, excepté ceux des fruits, qui font gros & coni-
ques; les uns & les autres fe trouvent bien auffi dans le
châtaignier, mais il y a avec eux des houppes, qui manquent
dans le hêtre. Je les ai même cherchées , lorfque les parties
étoient à peine développées : je n'ai cependant jamais pü les
y découvrir; au lieu que celles du châtaignier s’y rencontrent
leplus fouvent , quoiqu’elles tombent aflez vite; elles garnif-
fent fur-tout le deflous des feuilles, qui en eft quelquefois tout
blanc : les filets dont elles font compofées font grêles & petits.
Men. 1747: . Yyy
Cajtanèa.
Châtaignier.
Fagus,
Hêtre.
Ceratoïdes,
Lycoperficon.
Pomme d’A-
mour.
Melongena.
Melongêne,.
Solanum.
Morelle,
538 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
On peut voir dans mon premier Mémoire fur les glandes
des plantes, le rapport qui fe rencontre entre les rties par
les glandes véficulaires & leurs filets en alène. Je crois que
des plantes qui n'ont point de ces glandes ni de ces filets,
mais des houppes , doivent ne pas être du même genre. J'ai
remarqué cette différence dans les cratoïdes que M. de Tour-
nefort avoit diflinguées de l'ortie par cette efpèce de corne
formée par les pointes du calice qui devient le fruit. II faut
convenir que cette différence eft petite, mais elle peut fervir
à prouver que dès qu'une partie de la fleur a quelque attribut
qui manque à celle des autres qui lui font prefque congé-
nères, il y a fouvent une différence dans les filets. Les
orties les plus fournies de filets ne le font pas plus que les
ceratoides de houppes; elles en font prefque drapées, l'efpèce
fur-tout qui s'élève en arbrifleau, & qui a les feuilles d'e-
læagnus; les feuilles, les tiges, les calices & leurs pointes en
font couvertes & toutes blanches. La grande & la petite-
efpèce qui font à feuilles d'herbe aux puces, n’en font qu'un
peu moins garnies ; mais leurs houppes ont dans leur milieu
un long filet qui ne fe voit pas dans celui des houppes de
l'autre efpèce, à fa place les mamelons qui portent ces houp-
pes font gonflés confidérablement , ils s'élèvent au miliew
des filets qui les compofent, & ils font très-aifés à diftin-
guer à caufe de leur couleur qui eft d’un jaune fauve.
Je finirai fa première partie de ce Mémoire par le détail
de ce que j'ai obfervé dans les /rcoperficon, les melongènes &
les morelles. M. Linnæus ne regarde toutes ces plantes, que
M. de Tournefort avoit diftribuées fous trois genres, que
comme des efpèces de morelles. J'ai obfervé que plufieurs
de celles-ci ont des filets totalement différens de ceux des
melongènes, & qu'elles n'en ont pas une efpèce que l'on:
trouve dans les pommes d'amour ou ycoperficon. Ces der-
nières plantes ont, avec les filets à valvule des morelles, des
glandes à cupule, & les melongènes des houppes à plufieurs
filets. Une grande partie des morelles font entièrement fem-
blables aux melongênes de ce côté; elles leur reffemblent:
D E.6 SIG I'EN CES 539
encore en ce qu'elles ont des épines fur quelques-unes de
leurs parties. Si on convenoit de féparer les coperficon &
les vraies morelles des melongènes, on pourroit peut-être
joindre à celles-ci les morelles épineufes & garnies de houppes,
mais tous les Auteurs les ont mifes au nombre des morelles,
fuivant en cela le rapport qu’elles avoient par le fruit avec
les morelles ordinaires : ce fruit eft une baie à une feule loge
qui renferme plufieurs femences plates, rangées & attachées
dans le centre de la baie à l'axe qui la traverfe. Le fruit des
melongénes eft une baie à plufieurs oges qui renferment
plufieurs femences, & ces femences font en forme de rein.
Ce dernier genre a par le fruit plus de rapport avec les #-
coperficon qu'avec les morelles; mais quoique cette partie foit
auf à plufieurs loges, ces loges paroiïffent être en plus grand
nombre dans les /ycoperficon que dans les melongênes, &
y être diftribuées de façon que le fruit eft relevé de plufieurs
côtes : les femences outre cela ne font pas contournées en
forme de rein, comme dans les melongênes; & je. crois que
qui feroit un examen exact des étamines, y découvriroit des
différences dans leur figure, leur pofition ou leur propor-
tion. J'ai obfervé, par exemple, que les fommets des étamines
des ycoperficon font adhérens enfemble, qu’ils font à pans alon-
gés, & comme aplatis & échancrés par le haut; cette échan-
crure ne fe trouve pas dans les fommets de quelques morelles
que j'aiexaminées, comme dans celles de la morelle ordinaire,
de celles qui font connues fous le nom de dukamara, d'amo-
mum, & de celle qui reflemble par {es fleurs à la morelle dont
von mange les racines : les fommets de cette dernière efpèce ne
font pas réunis, ils font portés par des pédicules plus longs &
diftingués entr’eux , au lieu que dans les autres, & fur-tout dans
la dulcamara, ïls font très-courts & réunis de façon qu'ils ne
forment, pour ainfi dire, qu’un feul & même corps. J’aiencore
remarqué quelques autres petites différences dans ces parties;
parexemple, les bourfes des fommets de l'amomum ne font pas
égales, au lieu qu'elles le font dans les autres.: ces fommets
s’ouvrent ordinairement dans toutes ces plantes par le haut ;
Yyy i
540 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
je crois qu'il n'en eft pas de même dans les /coper/icon, ou
qu'il y a quelque différence. Je n’ai pà fuivre ces obfervations
dans un auffi grand nombre de plantes qu'il le faudroit pour
dire quelque chofe de bien certain là-deflus ; il ne m'a pas
été poffible d'y donner tout le temps néceffaire, l'ayant
employé à faire les obfervations dont je rends compte
maintenant.
. Les filets des /ycoperficon font, comme je l'ai dit plus haut,
à valvule & à cupule; les premiers font blancs & longs, fur-
tout ceux des calices : ceux à cupulé ont le pédicule bas &
la cupule grofle & évafée; il en fort, à ce que je crois, une
liqueur un peu vifqueufe : ces deux efpèces de filets fe trou-
vent mèlés fur toutes les parties, même fur le deffus du pé-
tale ; les étamines & le fruit font les feuls où je n’en aie
as vü.
Tous les /ycoperficon des Inflituts, excepté les deux der-
niers, ne font probablement que des variétés, n'étant diffé-
rens que par le fruit qui eft jaune ou rouge, ou qui eft de fa
groffeur d’une pomme médiocre, ou feulement d’une cerife :
les deux reftans, dont l'un eft diftingué par fon fruit ftrié
& dur, & l'autre par fa tige qui s'élève en arbre, & par fes
feuilles qui font très-grandes & anguleufes, doivent plütôt
être rapportés aux melongènes ou aux morelles épineufes , à
caufe des houppes dont ils font chargés. M. Vaillant les a mis
avec ces derniers dans fon herbier, fans doute parce qu'il
avoit obfervé que leur fruit n’étoit pas femblable à celui des
lycoperficon communs, auxquels il faudra joindre celui du Pérou
qui a de grandes fleurs jaunes , fes filets étant auf à cupule.
I en ef peut-être des melongênes comme des hcoperficon
ordinaires; toutes les différences tirées de la figure du fruit &
de fa couleur, ne doivent probablement être regardées que
comme des variétés. Un fruit plus ou moins alongé, plus ou
moins courbe, jaune, violet, noir ou blanc, ne doit pas fuffire
pour faire des caraëtères.fpécifiques invariables. De quelque
figure que foit le fruit, & quelle que foit fa couleur, j'ai toû-
jours trouvé fur les plantes des houppes à plufieurs filets & en
DES S$ CHE N CES s4t
grande quantité : toutes leurs parties, excepté les étamines, Îa
furface interne de la fleur & le fruit, en font drapées & douces
‘au toucher ; la piqûre que l'on reflent fouvent en maniant ces
plantes, n’eft faite que par de grofles & longues épines dont
les nervures ou côtes des feuilles des tiges & des calices font
armées : fouvent ces épines manquent fur quelques-unes de
ces parties; mais il eft rare de n'y en pas trouver : quelquefois
elles font en beaucoup plus grand nombre qu’à l'ordinaire ;
les plantes où cela arrive en font tout hérifiées : ordinai-
rement ces épines font violettes, mais quelquefois elles font
prefque noires, & quelquefois d’un blanc verdâtre.
Les Auteurs qui ont parlé d’une fuite de morelles, les ont
féparées en deux bandes, en morelles épineufes & en mo-
relles non épineufes. M. Linnæus a même fait entrer dans
le caractère fpécifique de celles qu'il a caratérifées, cette
propriété d’avoir ou de ne point avoir d’épines : toutes celles
qui ont des épines m'ont fait voir des houppes ; le Dcoper-
Jicon même à fruit dur & ftrié en eft également armé ;
ainfi on pourroit peut-être avancer que dès qu’une morelle
eft épineufe, elle eft garnie de houppes; & ces qualités
feroient peut-être plus que fuffifantes pour faire aifément
diftinguer ces plantes en deux.genres. J’ai examiné non feu-
lement toutes les morelles des Inftituts & du corollaire, mais
encore quelques autres qui n’y font pas rapportées , & qui
font dans l’herbier de M. Vaillant; j'ai toûjours remarqué
que les épines accompagnent les houppes : ces houppes & ces
épines s’obfervent ordinairement fur les parties femblables
à celles des melongênes, & les unes & les autres ne font
pas ordinairement moins communes : la couleur des épines
eft ordinairement jaune, mais quelquefois elle eft d’un très-
beau couleur de feu qui eft fi frappant, que Plukenet la fait
entrer dans le caractère fpécifique de la plante qui eft armée
. de ces épines. Je puis dire qu'elles y font un très-bel effet,
& que l’on n’en peut qu'être agréablement frappé, fur-tout
à aie peut q 8 L IraPP ©
Lorfqu’il y a des houppes de cette couleur, comme dans l'ef-
pèce appelée anghive par Flacourt : les houppes des nervures
Yyy ü
Gentianæ
Jpecies.
Efpèce de
Gentiane.
42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
de fes feuilles & de fes calices ne le cèdent en rien aux épines
pour la beauté de la couleur.
Les filets à valvule des autres efpèces de morelle ne font
pas fi communs que les houppes dans celles dont je viens de
parler, mais on en obferve le plus fouvent fur des mêmes
parties; ils font plus où moins longs, leur couleur ne varie
guère, je n'en ai jamais vü que de blancs.
Je pourrois encore rétablir plufeurs autres genres, j'efpère
le faire lorfque j'aurai réuni mes obfervations ; ainfi je pafferai
à la feconde partie de ce Mémoire, qui doit renfermer les
genres nouveaux, que l’on peut, à ce que je crois, former.
La figure de la fleur des gentianes & des petites centaurées,
qui dans celles-ci, eft irfundibuliforme, &.en campane dans les
autres, n'a pas paru à M. Linnæus fuffire pour établir des gen-
res différens. Je l'ai fuivi en cela dans le catalogue des plantes
des environs d'Etampes, n'ayant rien obfervé dans les unes
& les autres qui pût me déterminer à féparer cés genres :
les nouvelles recherches que j'ai faites ne n'ont pas éclairci
davantage; toutes les efpèces de gentianes & de petites cen-
taurées que j'ai examinées, m'ont paru lifles & fans glandes
apparentes; cette règle ne s’eft point démentie dans toutes
les efpèces des Inflituts & du corollaire, & dans plufieurs
autres qui ne font point rapportées dans ces Ouvrages. Une
feule cependant m'a fait voir des glandes véficulaires , c'eft
celle que Plukenet appelle perite centaurée, dont les fleurs font
en épi, les feuilles très-étroites, & qui vient du Maryland. Je
crois devoir d’autant plus volontiers la féparer des autres
petites centaurées & des gentianes, qu'elle a un fruit à trois
capfules, que celui de ces autres plantes ne l'eft qu'à deux,
& que cette partie eft la feule, fuivant M. Linnæus, qui ne
varie pas dans ces plantes. Les glandes véficulaires de celle-ci
font rougeîtres; il y en a fur les feuilles, les tiges & les calices:
fes feuilles, qui font très-petites & très-étroites, en ont cha-
cune quatre ou cinq, & elles font éloignées les unes des autres
fur les tiges ; en général, le nombre en eft petit, mais elles
font grandes & aifées à diftinguer.
|
DES, $C 1 E NC E 5 543
J'ai d'autant moins héfité à faire ce genre, que j'étois,
pour ainfi dire, foûtenu de l'exemple de M. Linnæus même,
cet Auteur en a formé un auquel il a donné le nom de Swerria,
de la gentiane des marais à larges feuilles & à fleur pointillée :
ila principalement tiré fon caractère de ce pointillé, qui n’eft
autre chofe, fuivant fa defcription, que de petites glandes,
dont deux font placées à la bafe interne de chaque découpure
de {a fleur, & entourées de petits filets droits; le lieu où
ces glandes & ces filets font placés, ne doit pas, à ce que je
crois, les rendre plus propres à établir un genre, que les glan-
des & les filets des autres parties , fur-tout lorfque, comme
dans ce cas-ci, quelques-unes de la fleur en font garnies.
On pourroit êtte furpris en lifant les Auteurs de Bota-
nique, de voir que la fleur de plufieurs des gentianes, que
je prétends être entièrement lifle, eft velue, fuivant eux.
J'ai examiné ces fleurs; au lieu de filets, elles n’ont que des
lanières plus ou moins larges, qui font pofées à l'entrée du
tuyau du pétale, ou au bout des découpures; ces lanières ne
font en quelque forte qu'une portion du pétale même : il eft
fingulier qu’une grande partie des gentianes ait fes fleurs gar-
nies de ces lanières, & que l’autre & les petites centaurées
aient les leurs privées de cette partie.
Tous les phlomis que j'ai obfervés m'ont fait voir des houp-
pes & des goupillons : un feul, qui par fon port extérieur eft JP
très-différent des autres, en eft privé, il n’a que des filets
articulés, & des glandes à cupule; c’eft le phlomis d'Orient
à feuilles découpées. Cette belle plante.a toutes fes parties
un peu blanches, de ces filets qui font longs & mêlés avec
des cupules dans le dedans du pétale, & fur le deflous des
feuilles, avec des glandes globulaires d’un blanc de criftal.
J'aurois defiré pouvoir foütenir mon fentiment par quel:
ques obfervations faites fur la fleur, mais je n'en ai point
trouvé dans les auteurs, qui fiffent connoître quelques dif-
férences dans cette partie, & je n'en ai pas encore pù
découvrir.
On démontre au Jardin Royal depuis quelques années,
Philomidis
eC1eS,
Efpèce de
Phlomis. -
/
Apocyni [pes
C1ES,
Efpèce
d'Apocyn.
Sifymbrei
Jpecies.
Efpèce de
Sifymbrium,
$44 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fous le nom d’apocyn d'Amérique à feuilles oblongues, étroites
& velues, une plante qüi peut être féparée de ce genre; fes
filets font en navette, au lieu qu'ils font fimplement coniques
dans toutes les autres efpèces que j'ai pû examiner ; les na-
vettes font verdatres, & non feulement le deflus & le deflous
des feuilles, mais encore les tiges en font velues, & elles
y font pofées fuivant la longueur de ces parties : je manque
auffi, pour ce genre, d'obfervations faites fur la fleur.
Je ne voyois pas volontiers au nombre des //ÿmbrium deux
plantes auffi différentes , par leur port extérieur, des autres
elpèces de ce genre, que le font les deux fuivantes, favoir
la fophia & la roquette à feuilles de tanaifie : les feuilles de
ces plantes font découpées en des lanières très-fines, au lieu
que celles des autres font ordinairement entières, ou très-
légèrement découpées. Je fouhaitois qu'il y eût quelques
différences dans les filets dont elles font garnies; je vis avec-
plaifir qu’ils étoient réellement différens de ceux des autres
fifpmbrium, & qu'ils étoient'femblables dans ces deux plantes;
je ne doutai point alors qu'elles ne duffent être ôtées de ce
genre ; elles me parurent devoir être plütôt jointes aux giro-
flées, qui ont des filets femblables, mais leur port extérieur
m'empêchoit encore de le faire, outre qu'aucun auteur ne
les ayant placées fous ce genre, elles devoient avoir dans la
fleur des différences confidérables, comme elles les ont en
effet, manquant fur-tout de cette glande qui entoure la bafe
des deux petites étamines. Il ne me reftoit donc plus qu'à
en former un nouveau genre, & j'ai cru ne devoir pas es
féparer , quoique les pétales foient plus grandes que le
calice dans la roquette à feuilles de tanaifie, & qu'elles foient
plus courtes dans la /ophia, penfant que cette différence pou-
voit plûtôt fervir de caractère fpécifique. Quant aux filets,
ils font ramifiés, & leurs branches font autant de petits y
grecs portés fur un pédicule commun, droit & très-court :
ces filets font à peu près les mêmes dans les deux plantes,
ils font feulement un peu plus branchus & plus blancs dans
la roquette que dans la Jophia ; une & autre en ont fur
toutes
L2
DES SCIENCES: 545
toutes leurs parties, excepté fur les pétales, les étamines &c
les filiques. Les filets des ffymbrium font fimples & coniques;
lorfqu'on examinera la fleur de ces plantes encore plus fcru-
puleufement que l'on n'a fait, jé ne doute pas qÜ’on n'y trouve
des différences, qui jointes à celle des filets, leveront tout le
‘doute que l’on pourroit encore avoir fur ce nouveau genre.
Entre un grand nombre de chiendents que j'ai obfervés, Graminis
je n'ai trouvé que le chiendent d'Orient qui s'élève en ar-ftcies.
brifleau, qui eft épineux, & qui a les épis de fleurs ramafiés SR
en tête, qui füt différent des autres par les filets : tous en à
ont, excepté lui, qui font cylindriques, ou ils en man-
quent entièrement : quelquefois les balles de leurs fleurs en
font hériflées de gros qui forment des efpèces d’épines de
figure conique, mais aucun ne m'a fait voir les filets ramifiés
de celui dont il s’agit ici; ces filets jettent cinq ou fix bran-
‘ches fimples, fans bifurcations; ils font blancs, peu élevés; ils
fe remarquent fur les feuilles, les tiges & les bales des fleurs : les
- épines dont cette efpèce eft armée, ne font, à ce que je crois,
* que le bout de chaque balle de [a fleur qui s'alonge en une
pointe affez roide, M. Vaillant, dans fon herbier, avoit placé
ce chiendent au nombre des gramen-cyperoides où des chien-
dents qui approchent des fouchets ; mais je n’ai auffi vü dans
toutes ces plantes que des filets cylindriques, & même dans
tout le refte de Ja claffe des graminées.
L'amaranthe qui vient fur les bords du Gange, qui a les Arnaranthi
feuilles de fauge & la panicule de la fleur ramaflée en peloton, fPrcies.
doit, à ce que je crois, être féparée des autres amaranthes. Elpèce
Celles-ci font lifles, ou leurs filets font fimplement coniques, RE ©
mais ceux de lamaranthe du bord du Gange font des houppes
À cinq ou fix filets courts, du milieu defquels il s’en élève an
‘beaucoup plus long : les feuilles & les tiges en font drapées
. “n blanc; les écailles des têtes de la fleur font bien velues
auffi; mais leurs filets ne fortent point du milieu d'une houppe,
»… ils font coniques & très-longs.
M. Linnæus ne fait qu'un genre des arboufiers & des uva- Uvæ nf
wrfi où xaïfins d'ours. J’ai à peu près trouvé les mêmes chofes Jpecies,
Mém. 1747: MAZZ
546 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
Efpèce de dans les plantes de ces deux genres, elles n’ont que de courts
ns US filets coniques qui font rares dans les arboufiers, & feulement
un peu plus communs dans les raifins d'ours. I faut cependant
en excepter 1€ raifin d'ours à feuilles d'olivier, & qui a les
pédicules des fleurs tantôt longs & tantôt courts : toutes les
parties de cette plante font blanches & drapées de houppes
à plufieurs filets horizontaux, il en fort un du milieu des plus
grandes, qui eft roide, droit, & beaucoup plus long que les
horizontaux ; les étamines cependant & l'intérieur du pétale
font lifles. ÿ
Peronicæ C'eit par des filets fémblables à ceux des deux genres
Jpeciése précédens, que la plante qui doit former celui-ci eft diffé-
Eïpèce de rente de celles auxquelles on l'a jointe. Cette plante eft a
Bérdine, étoine d'Orient à feuilles longues & étroites, & dont l'épi
de la fleur eft court & ramaffé : toutes les autres bétoines ont
des filets articulés, mais les parties de celle-ci, excepté les
étamines & les femences, ont des houppes à cinq, fix ou fept
filets horizontaux, du milieu defquels if s’en élève fouvent un
qui, comparé aux autres, eft beaucoup plus grand : comme
les autres bétoines, elle a des glandes globulaires qui font
d'un beau blanc de lait & placées entre les houppes; elle diffère
des deux genres précédens par ces glandes qui ne s'y obfer-
vent pas.
On pourroit penfer qu’au lieu de faire un nouveau genre
de cette plante, il n’y auroit fimplement qu'à la joindre aux
phlomis où les houppes fe voient aufli; mais ceux-ci ont
des goupillons avec les houppes, & il y à des diffèrences
confidérables dans la fleur, qui empêchent de faire cette
réunion. On pourroit peut-être plütôt ôter du genre des:
phlomis, celui à feuilles d'ormin, à petites fleurs rougeâtres &c
velues, du genre des galeop/fis, celui d'Orient , dont les feuilles.
reflemblent à celles de 1 bétoine jaune, & dont la lèvre
fupérieure de la fleur eft découpée; on pourroit peut-être, -
dis-je, Ôter ces deux plantes de ces genres, & les joindre à
celui-ci : elles ont des houppes femblables à celles de la bé-
toine d'Orient, & elles manquent de goupillons; les houppes.
pt TT me min an
in
Des! SOrENCESs 47
ne font pas auffi abondantes que dans la bétoine : le ga/eopfis
m'en a que fur les feuilles & le deflus de la fleur; le p#lomis
ue fur les feuilles, du moins je n’en ai vû dans ces deux
Jantes, que für ces parties ; les autres ont des filets articulés:
ke glandes globulaires font très-rares.
M. Linnæus dit dans une note inférée dans le Jardin de
Cliffort, à l’article du /piræa à feuilles d’obier, que ce /piræa
a ordinairement trois piflilles, & que fon fruit eft gonflé;
cette note me rendit attentif à bien examiner les filets de
cette plante, je trouvai qu’ils formoient de petites houppes,
au lieu que les autres efpèces n’en avoient que de petits, co-
- niques & en petite quantité. Celui qui a les feuilles de faule,
en eft fourni un peu plus en deflous des feuilles, que celui
à feuilles de mille-pertuis entières ou crénelées. Les houppes
. de celui à feuilles d'obier, font fur les feuilles, les tiges &
Jes calices, elles tombent promptement ; on obferve auffi
fur toutes ces parties, des grains d’une matière qui fuinte,
à ce qu'il paroït, de petits pores que l'on diroit être des
points blancs, difperfés fur les furfaces de ces parties : cette
matière fe trouve fur-tout ramaflée le long des côtes & des
nérvures des feuilles.
Si j'avois pù découvrir dans les fleurs des plantes dont je
viens de former de nouveaux genres, des différences effen-
tielles, j'aurois eu une preuve complète de la réalité de ces
genres; mais je n'ai pü les voir que sèches, ou n’ayant pas,
lorfque j'ai examiné leurs fleurs, les raifons que j'ai main-
ténant, l'examen que j'en ai fait a été incomplet, & je me
trouve dans le cas où j'aurois été pour les plantes dont je
vais parler, f1 leur genre n'avoit pas été établi, c’eft-à-dire
qu'il faut que j'attende cette preuve entière des recherches
qu'on pourra faire fur les fleurs : il y a lieu d’efpérer que ces
- recherches confirmeront mes obfervations , comme celles
w'on a faites fur les plantes fuivantes les auroient confir-
mées, fi elles leur avoient été poftérieures. .
Quelques Auteurs avoient rangé fous le genre des barba-
jovis, des plantes que M'° Linnæus & Van-Royen ont féparées
Z 22 i
Spirææ
Jpecies,
Efpèce de
Spiræa,
Amorpla.
P/fcralea,
s48 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de celles-ci, & dont ils ont fait deux genres particuliers; ils
ont appelé l'un amorpha, & autre pforalea. Les barba-jovis
{ont couvertes de filets cylindriques, femblables à ceux qui
s’obfervent le plus communément dans les papillonnacées ; il
y a même des efpèces qui en font drapées, & d’un luifant
blanc où jaune, fuivant la couleur de ces filets. L'amorpha
& les pforalea ont, à la vérité, des filets femblables, en beau-
coup moindre quantité cependant; mais elles font voir outre
cela, des glandes véficulaires plus où moins grandes : elles
font blanches & très-apparentes dans l'amorpha, & je n'y en
ai vû qu’en deflous des feuilles : cette plante eft encore, à ce
que je crois, la feule que l'on connoifle de fon genre.
Celui des p/orakea eft un peu plus nombreux, depuis fur-
tout que M. de Juffieu l'aîné y en a joint trois nouvelles ef
èces, favoir, le corhovire, un contra-yerva, & le tréfle bitumi-
neux. M. Van-Royen avoit, pour former fon genre, tiré des
dorycnium de M. Linnæus, celui que cet Auteur défigne par
fes feuilles arrondies fur une côte, par leurs découpures
étroites, & par les tiges qui s'élèvent en arbriffeau , & y avoit
placé une autre plante, qu'il a nommée pforalea, dont les
feuilles font trois à trois, les découpures en forme de coin
à trois. pans épineux. Je m'ai point vü cette dernière efpèce,,
mais lorfque je commençai à n'apercevoir des rapports que
les plantes peuvent avoir par leurs glandes & leurs filets, je
fus farpris de trouver la première efpèce de p/foralea au
nombre des doryenium, & le tréfle bitumineux fous le genre:
des tréfles; ce n'a été qu'avec un certain plaifir, que j'ai và.
Mrs Van-Royen & de Juffieu, ôter ces plantes des genres.
où elles étoient placées. En effet, le vrai doryeniumn a des filets.
femblables à ceux des autres papillonnacées, toutes fes parties.
même en font garnies, excepté les pétales & les étamines;,
mais il n’a pas les glandes véficulaires, ces feuilles font tout.
au plus pointillées d’un 1rès-petit chagriné blanc, plûtôt.
femblable à celui des fainfoips & des coronilles, dont je par-
Jerai dans la fuite, qu'aux glandes véficulaires des p/oralea.
Quant à ces dernières plantes, le corbavire eft celle où j'aile.
DES 1 SAGIT ENNICHE SN 549
moins obfervé de glandes, à qui je n'ai trouvé de couleur
que celle des feuilles, qui font les feules parties où j'en ai
vû; ces glandes forment deux rangées fur les feuilles de
la première pforaka de Van-Royen, chaque rangée eft de
plus d'une vingtaine, & les tiges en font toutes chagri-
nées. Le tréfle bitumineux & le contra yerva, font les deux
efpèces qui m'en ont fait voir le plus, & comme la précé-
dente, fur le deflus & deflous des feuilles, & für les tiges ;
leur couleur eft peu différente de celle des parties où elles
fe trouvent , elles font un peu plus jaunâtres dans celles du
contra-yerva : je ne me fuis point aperçu qu'il fortit de ces
glandes quelque liqueur, excepté de celles du tréfle bitumi-
neux, qui en laïflent échapper une qui eft vifqueufe &
gluante, & qui s'attache aux doigts lorfqu'on touche la plante;
& il eft probable que l’odeur forte de ce tréfle, que quelques
Auteurs ont comparée à celle de l'afphalte, n'ett düe en grande
* putie qu'à cette liqueur & à la quantité des glandes; du
moins certe efpèce, avec le contra-yerva, font-elles les deux
qui font les plus odorantes, & qui ont le plus de glandes,
comme je l'ai dit plus haut.
M. Vaillant avoit mis dans fon herbier au nombre des
cytifes, une plante qui lui avoit été envoyée par M. Sherard,
& que ce fameux Botanifte appeloit cytife d'Afrique argenté,
à fleur d'un pourpre-noir. Je la regarderois d'autant plus
volontiers comme une pforalea, qu'outre les glandes véficulai-
res, elle a, fuivant une remarque de M. Vaillant, des filiques
renfermées dans le calice, qui ne contiennent qu’une femence
brune & ovale, qui eft une des marques caraétérifliques.
que M. de Juffieu demande pour ce genre. Les glandes véfi-
culaires de cette plante font grandes, en moyenne quantité,
& d’un jaune foufré. L’argenté, dont il eft parlé dans fa
dénomination, ne vient que du grand nombre de fes filets.
J'aurois defiré trouver une pareille note aux plantes fui-
vantes, que M. Vaillant plaçoit auffi avec les cytifes : ces
plantes font l'arbre bon contre la dyfenterie, qui reffemble
au laurier-tin, qui a les feuilles arrondies , la fleur percée:
Zz2 ii
Barba jovis,
so MÉMOIRES DE L'ACADÈMIE ROYALE
de mille trous & qui {ent bon, le genêt à feuilles étroités
de Malabar, & le cytife qui approche du lagopus, qui a les
feuilles arrondies, rudes & pointiilées, & qui vient du Ca
de Bonne-E{pérance. Ces plantes ont les glandes véficulaires;
celles de la dernière font un peu gonflées, & rendent ain
les feuilles rudes au toucher; elles font aufir affez grandes
pour être vüûes fans loupe, & leur couleur eft d’un jaune
plus où môins foufré ; il ÿ a peu de différence pour le nom-
bre & fa couleur dans celles du genêt de Malabar. La déno-
mination de l'arbre propre contre la dyfenterie, renferme
le nom des parties qui ont des glandes, & en général le
nombre de celles-ci. Je n'en ai point vû fur les feuilles, ni
fur les tiges ; mais ces parties étoient velues, de même que
celles des autres efpèces : aucune cependant de toutes ces
plantes n'eft auffi velue que les vraies arba-jovis; ces plantes
en font drapées, comme je l'ai dit plus haut. On peut aifé-
ment s’en affurer dans toutes les efpèces rapportées dans les
Jnflituts & le corollaire. Je n'ai cependant point vü celle
des Indes orientales à feuilles conjugées & velues en deffous;
mais cette dénomination apprend qu'elle a des filets. L'ef
pèce qui eft appelée par Profper Alpin ébène des Alpes,
& celle qui vient en Efpagne, qui eft blancheätre & dont
la fleur eft jaune, ont avec beaucoup de filets un pointillé
pourpre-foncé , femblable à celui des fainfoins & des coro-
nilles. Je ne crois pas que cela doive les faire Ôter du genre
où elles font placées, fi elles n’en font différentes que par
cette propriété; mais il n'en doit pas être de même de celle
qui eft petite, qui a les feuilles de pois-chiche & la fleur
d'un pourpre-violet : c'eft un vrai pois-chiche ou un arête-
bœuf ; elle a comme ces plantes, outre les filets ordinaires,
une grande quantité de glandes à cupule fur toutes fes par-
ties, excepté les étamines & les pétales. Qn y doit joindre
une plante que M. Vaillant mettoit au nombre des barba-
jovis, & qui cependant porte le nom de pois-chiche de
Béotie, vivace, onélueux, qui fent le fuif, qui a les feuilles
hrges, & la fleur purpurine : cette plante eft auffi chargée
DES OS: C\i E AN! CE sà I
de glandes à cupule, fur les parties femblables à celles du
précédent, & qui n’en diffère peut-être de ce côté, que parce
que les cupules font un peu plus grandes, & qu'elles peuvent
filtrer une plus grande quantité de liqueur, qui paroît être
caufe de l'odeur que cette plante fait fentir.
Un nouveau genre que M. Linuæus a formé dans la
chfie des papiilonnacées, & à qui il a donné le nom de
M. Dak, fi connu par fa Pharmacopée, eft auffi fourni d’une
quantité de glandes véficulaires, verdâtres, fur fes feuilles, fes
tiges & fes calices; j'en aï compté plus de vingt ou trente,
plus ou moins grandes, fur chaque petite feuille. Toutes ces
mêmes parties font auffi garnies d'une quantité médiocre des.
filets les plus ordinaires aux papillonnacées.
Si le feul port extérieur d'une plante , qui eft différent de
celui d'une autre à Jaquelle on pourroit la joindre à caufe de
leurs fleurs, ne doit pas empêcher qu'on ne le faffe, & ne
doit pas en former deux genres, il doit du moins rendre plus
exact & plus fcrupuleux, dans l'examen de la fleur de ces
fortes de plantes; & fon trouvera fans doute fouvent, pour
me pas dire toüjours, que toutes les parties de la fleur ne
feront pas femblables. La Nature ne joint pas ordinairement
des plantes fr éloignées par leur extérieur ; des diflonances.
auffr marquées, font contraires à ces nuances infenfibles
que l’on remarque ordinairement dans l'ordre qu’elle a établi,
J'en ai déjà donné un exemple dans la fophia & dans l'hy-
pocifte, on en verra encore un dans les deux plantes fui-
vantes. On les prendroit réellement pour de petits houx ,
aux feuîlles defquels on a comparé les leurs, plütôt que pour
des genêts, au nombre defquels on les trouve dans les Inflituts.
M. Linnœus les en a retirées, & en a fait un genre, auquel
ia impofé l'illuftre nom de Bourbon, que le P. Plumier avoit
donné à une plante qui, fuivant M. Linnæus, eft une efpèce
de grand houx. Les Lorbonia font donc différentes des ge-
nèêts, par des glandes véficulaires d’une couleur de cerie, qui
mañquent aux genêts : les plantes de ces deux genres ont
des filets cylindriques, mais üls font rares dans les Éorbonia,. &
Dakea,
Borbonias.
Diofmna.
Phylica,
Sefamum.
Séfame.
2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
leur couleur eft d'un blanc fale; leurs glandes ne s’obfervent
ue fur les feuilles & les calices.
J'ai fait voir dans la feconde partie de ce Mémoire, qu'une
efpèce de fpiræa, demandoit qu'on fit un nouveau genre;
une autre elpèce exigeroit la même chofe, fi M. Linnæus ne
l'avoit pas déjà fait. Cet Auteur a réuni fous le nom de do/ma,
le fpiræa d'Afrique odorant, à feuilles velues, la bruière
d'Éthiopie à feuilles de romarin fauvage, à fleur pourpre, de
quatre pétales pointillées, & le mille-pertuis que les Hot-
tentots appellent bochos Je n'ai vû que les deux premières
efpèces, & j'y ai obfervé des glandes véficulaires fur les
feuilles, qui ont auffi les filets fimples & coniques, dont les
tiges & les calices font garnis, fur-tout dans le /piræa odorant.
Quoique je n'aie pas eu en ma difpofition le mille-pertuis
ou bocho, & que je n'aie pas trouvé dans Seba, à qui l'on doit
la connoiffance de cette plante, la raifon qui: la lui a fait
appeler sille- pertuis, je croirois cependant qu'on pourroit:
foupçonnertque ce neft que parce que cette plante a des
glandes véficulaires, femblables à celles des mille - pertuis.
L'incertitude où M. Linnæus eff refté fur le genre du fpiræa
d'Afrique odorant à fleur rougeätre, quoiqu'il l'ait placé fous
le genre qu'il a nommé phylica, & l'odeur de cette plante me
feroient encore foupçonner qu'elle pourroit être un dofina,
d'autant plus que je n'ai point vû de glandes véficulaires à Ja
première efpèce de phylica, qui eft l'alaternoides d'Afrique,
à feuilles de bruière, à leur blancheître & très-menue, mais
feulement de courts filets coniques fur le haut des tiges.
La digitale connue fous le nom de Séfame, ne cônvient
pas du côté des glandes, non feulement avec les autres digi-
tales, mais même avec aucune autre plante que je connoiflé.
Les glandes écailleufes font celles auxquelles les fiennes au-
roient plus de rapport , elles paroïffent comme elles fe lever
un peu au deffus des furfaces des parties où elles fe trouvent;
mais ordinairement les écailleufes font rondes ou oblongues,
& celles-ci font carrées; le plus fouvent le carré qu'elles
forment eft parfait, c'eft quelquefois plütôt un trapézoïde,
ou
f
é
D ]
=
D
DES ScrENcEs.
ou quelque parallélogramme irrégulier; mais ce qu'elles pré-
fentent de plus fingulier, font quatre petits points, ou quatre
petites cavités polées dans leur milieu, qui pourroient être
autant de glandes ou les ouvertures d’une feule formée par
chaque parallélogramme : de quelque figure que ces parallélo-
grammes foient, eur couleur eft toûjours d’un blanc de réfine ;
on les trouve abondamment fur le deflous des feuilles & fur
les tiges. Toutes les digitales que j'ai examinées ne m'ont rien
fait voir de femblable, mais à fa place de ces glandes, des
filets à cupule mélés avec les filets articulés : ces dernières
parties fe voient auffi dans le féfame:; les calices & les fruits
ont fur-tout les plus fongs, ceux des fleurs font les plus courts,
& je n'en ai trouvé que fur les bords des feuilles & leurs
nervures; c'eft donc avec juftice que M. Linnæus a établi ce
nouveau genre, que Knaut avoit déjà indiqué. On ne connoît
peut-être encore qu'une efpèce de féfame, celle qui a la fleur
rougeâtre n'étant fans doute qu'une variété où j'ai vû les
mêmes glandes & les mêmes filets que dans la plus commune.
M. Linnæus a encore tiré d'entre es digitales celle de Vir-
ginie qui reflemble à une lyfimachie, qui a les feuilles rou-
geûtres & la fleur petite & violette : elle étoit placée par M.
Vaillant au nombre des gratioles, dont il faifoit un genre par-
ticulier : je commençai à douter qu’elle dût être de celui-ci,
lorfque je remarquai que non feulement elle avoit les glandes
globulaires des feuilles de la gratiole ordinaire, mais encore
fur le bord des calices de petites glandes à cupule que je n'ai
point obfervées dans cette dernière efpèce : mon doute fut
confirmé & en même temps levé, lorfqu’en lifant le Mé-
moire de M. Linnæus inféré dans les actes d'Upfal pour l'an-
née 1741, je vis que cet habile Botanifte en avoit fait un nou-
veau genre, qu'il appeloit mimulus : je ne pusalors m'empêcher
d'admirer, on me pañera cette réflexion, jufqu’où le rapport
des glandes eft quelquefois porté, pnifqu'une fi petite diffé.
rence, d'en avoir ou de n’en point, avoir d’une efpèce, éloi-
gne des plantes les unes des autres. Il ne m'a pas été poffible
-de m’aflurer fi ia fleur de la feconde gratiole de Portugal, qui
Men. 1747. i Ada
Mimulus,
Anaflatica,
4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
vient le long du fleuve Anam, étoit femblable à Ja fleur de
celle de Virginie; mais j'y ai trouvé les deux efpèces de glan-
des, & les cupules y étoient même plus abondantes, princi-
palement fur les pédicules des fleurs.
C'eft encore à M. Linnæus que je dois l'avantage de
Rofe deJé n'être pas refté dans le doute où j'aurois pû être touchant
rico,
ÂMelaftoma,
la rofe de Jéricho. Cette plante avoit été mife par Morifon au
nombre des thlafpi, & il avoit été fuivi en cela par prefque
tous les Botaniftes; je l'ai cependant trouvée dans l'herbier
de M. Vaillant fous un genre particulier qu’il appeloit ieri-
contea. L'accord de M's Linnæus & Vaillant s'eft trouvé con-
firmé par mes obfervations; les ##lafpi n'ont que des filets
coniques fimples, où ils en manquent entièrement. Toutes
les parties de la rofe de Jéricho, excepté les étamines, font
chargées de filets en y grecs perpendiculaires & plus ou
moins grands; ceux qui le font le plus ont deux branches,
les autres, deux, trois ou quatre. On remarque entre ces y
grecs des filets fimplement coniques, mais ils font beaucoup
plus rares que les autres. M. Linnæus ne regarde que comme
une varicté de la rofe de Jéricho ordinaire, celle qui nediffère
que parce qu'elle eft beaucoup plus grande : je ne ferai en-
core aucune difficulté de penfer comme lui.
Le P. Plumier, & avec lui M. de T'ournefort, avoient joint
les premiers, à ce que je crois, aux grofeliers, des plantes qui
étoient fous différensnoms & d’une manière indéterminée dans
plufieurs auteurs. M. Linnæus en a formé un nouveau genre,
& lui a d’abord impofé le nom d'acinodendron, qu'il a enfuite
changé en celui de melafloma. Je ne puis n'empêcher de
rendre encore ici à la mémoire de M. Vaillant ce que la
connoiflance que j'ai eue par l'examen de fon herbier, du
travail immenfe de ce grand Botanifte, femble exiger de
mot, & je crois que le fyflème de M. Linnæus n’en peut
tirer que plus de certitude, & l’Auteur plus de gloire. Je dirai
donc”que M. Vaillant avoit encore établi ce nouveau genre,
il lui avoit auffi donné le nom d'acirodendron, & ïl y avoit
rapporté les plantes dont je vais parler. Mes obfervations
|
!
= etre ét
|
?
4
DES SCHENCES 555
confirment le: fentiment de Mrs Vaillant & Linnæus: les
grofeliers ont des filets cylindriques, & ordinairement des
glandes à cupule; mais les melafloma font garnis en une quantité
-plus ou moins grande de houppes à plufieurs filets, & fouvent
de goupillons:les filets de ces houppes font le plus communé-
ment droits, petits, roïdes, blancs ou fauves:les goupillons
n'ont ordinairement qu'un rang de filets à leur bout fupérieur ;
Le corps du filet qui porte cette efpèce de houppe, eit Le plus
fouvent foufré, long & affez gros, quelquefois cependant Àeft
blanc:I{ fembleroit que les principes que je fuis, demanderoient
que ces plantes fuffent féparées les unes des autres; je ne le ferai
point cependant, & je ne foûtiendrai pas même que la divifion
que j'en ai faite en deux fuites, fût réellement bonne & exacte;
la perte que des plantes que l’on a maniées fouvent, peuvent
quelquefois faire de quelques-unes de ces parties, lorfqu’elles
tombent fur-tout auf aifément que le font la plüpart des houp-
pes & des goupillons, m'empèche de rien affirmer {ur cet arti-
cle. Je fuivrai cependant, faute de mieux, cette divifion, & je
commencerai par les efpèces qui n’ont que des houppes: celles
fur lefquelles j'ai eu des obfervations plus complètes font l'aci-
nodendron d'Amérique, dont les feuilles font très-petites & à
trois nervures : cette efpèce eft une de celles qui m’en ont paru
e plus fournies; toutes fes parties, excepté les pétales & les cta-
mines, en font drapées. Le seuketive doré & à grappe, le gro-
“felier à feuilles de plantain, large & à fruit petit & bleu, ne font
que très-peu différens de la première efpèce; dans celles-ci ce-
pendant les houppes m'ont paru blanches, mais c’eft-Ià fans
doute une variété qui pourroit aifément changer. Je n’ai vû des
houppes que fur certaines parties des efpèces fuivantes, mais
-ces houppes étoient, à ce que je crois, tombées, & elles
_avoient été en grande partie emportées par le frottement :
je n’en ai vû que fur les côtes du deffous des feuilles & für
es pédicules des fleurs de la A{uiva : les pédicules des leurs
ont encore les parties qui en avoient dans le grofelier à
‘feuilles de plantain, dont le fommet des étamines eft blanc
- & courbé en faux. L'arbre d'Amérique dont les nervures
Aaaa ij
LL
556 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
s'étendent depuis le bas des feuilles jufqu'au haut, & qui a
le deflous de ces parties couvert d'un duvet blanc, n'a ce
duvet qu'à caufe que cette furface en eft drapée: le deflous
des feuilles du katou karua de Malabar en étoit fauve, &
l'arbre du Brefil qui reffemble à fa muiva, qui a les feuilles
de malabatrum, aigues, dentées, & la fleur blanche, odo-
rante & en umbelle, n’en avoit que fur les côtes du deflous
des feuilles qui étoient avancées, mais l'une & l'autre furface
des jeunes en étoient couvertes, & même drapées; ce qui
me fait penfer que les autres parties en étoient également
garnies lorfqu'elles étoient jeunes, & qu'il en a été de même
pour les autres efpèces, & pour celles des fuivantes qui en
manquent, ou de goupillons, dans quelques endroits.
Le Æadagi de Malabar avoit de ces derniers filets fur les
côtes des feuilles & fur le haut des tiges, mêlés avec des
houppes blanches. Celle qui eft portée au haut des filets,
& qui leur donne la figure de goupillon, tombe fouvent, à
ce qu'il paroît, puifqu'elle manquoit à plufieurs; ou bien il
y a peut-être de ces filets qui font fimples, & qui n'ont
jamais cette houppe. Si cela étoit, ceux que j'ai remarqués
dans l'arbriffeau de la Jamaïque , dont les feuilles font à cinq
nervures, & légèrement dentées & velues en blanc par def-
fous, & en couleur de fer en deflus; & celui d'Amérique
qui a de larges feuilles aigues, à trois côtes, & dont le bord
eft légèrement crénelé; les filets, dis-je, de ces deux plantes
feroient tous femblables à ceux qui ne portent pas de houp-
pes, & ces deux plantes pourroient alors être d’un autre
genre, d'autant plus que je ne leur ai pas vü de houppes;
mais le port extérieur & l'examen que l’on pourra faire de
ces plantes fur le vivant , doivent encore empêcher de pro-
noncer fur ce point. Le grofelier à feuilles de plantain & qui
font très-grandes, ne différoit du kadagi, que parce que fes
houppes étoient fauves. Aucune efpèce ne m'a fait voir en plus
grande quantité les filets à goupillons, que le k4dagi-yuyo dont
parle Surian, & l’arbriffeau venimeux à feuilles d’ortie velues.
& grandes, & dont les fleurs & les baies font pourpres : celui-ci.
-
piersp:Sted É me ie sn) ir
en avoit fur les furfaces des feuilles & les pédicules, &
le premier ne m'en a fait voir que fur les calices & les
fruits. Les houppes fe trouvoient auffi dans l'une & l'autre
éfpèce ; mais elles étoient mal déterminées, & elles avoient
à peu près la forme de celles de l’efpèce fuivante. Dans cette
plante, elles ne font, pour ainfi dire, que des plaques argen-
tées, du centre defquelles il part des rayons à moitié décou-
pés : je regarde ces plaques comme des houppes dont les filets
font en partie liés enfemble par une membrane : j'ai obfervé
ce fait dans. beaucoup d’autres plantes de différens genres;
je n'étendrai plus au long là-deflus lorfqu'il s'agira princi-
palement des houppes; je dirai feulement ici que je n’ai vü
que des feuilles de la dernière efpèce, & qu'une de ces feuilles
avoit des plaques beaucoup plus divifées que celles de l'au-
tre : au refte cette plante eft l'arbre d'Amérique, dont les
feuilles font grandes, à trois nervures, & couvertes en def-
fous d'un duvet blanc: on fent que ce duvet n’eft formé
que par les plaques argentées. Toutes les efpèces , foit qu’elles
aient des houppes feulement, ou que les goupillons foient
mêlés avec ces houppes, font voir, lorfque ces filets font
tombés entièrement ou en partie, des mamelons blancs ou
dorés, qui ne font, à ce que je crois, que ceux qui por-
toient les houppes & les goupillons, & qui ont la couleur
que ces parties avoient elles-mêmes.
On pourra avoir remarqué que 'on a fait entrer dans 1x
dénomination de plufieurs des plantes précédentes, la difpo-
fition & le nombre des nervures de leurs feuilles : cette dif-
pofition eft à peu près la même dans toutes, & le nombre
. paroït proportionnel à la largeur que les feuilles doivent
avoir ; c’eft une matière curieufe que la diftribution des
fibres des plantes, que j'efpère examiner dans la fuite. Des
trois efpèces de melafloma dont M. Linnæus a parlé dans
fon Ouvrage intitulé Jardin de Cliffort, je n'ai vû que {a
feconde efpèce ; mais la difpofition des nervures dont cet
Auteur parle dans les phrafes, me fait penfer que les filets.
"en houppes & en goupillons doivent aufli s'yMrouver.
Aaaa ii,
Groffularie,
Grofelier.
Clthra.
558 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Quant aux vrais grofeliers, ils ne varient que par le plus
ou le moins de filets cylindriques, ou de cupules. Les caffis à
gros & petit fruits cependant, m'ont fait voir des glandes qui
approchent beaucoup, & qu'on peut même regarder comme
des glandes écailleules ; elles font plates, circulaires, d'un
beau couleur d’or : elles fe trouvent fur les feuilles, les tiges,
les calices & les fruits, & elles y font en une quantité mé-
diocre : je ne connois point d'obfervation qui puifle jeter
quelque foupçon fur le genre de ces plantes; & fi elies font,
comme il y a lieu de le penfer, de vraies efpèces de grofelier,
on peut dire que ces glandes font pour compenfer les glandes
à cupule qui ne s’y trouvent pas : elles fe voient ordinairement
dans les autres efpèces fur les pédicules des feuilles & des fleurs,
foit que ces grofeliers aient des grappes penchées ou droites,
blanches ou rouges, foit qu'ils aient des fruits féparés, velus
ou non, & qu'ils foient épineux ou fans épines : les épineux
m'ont feulement paru avoir beaucoup plus de filets, & des
épines qui font aflez communes fur les tiges & les branches
pour rendre ces plantes d'un accès difficile. Outre les efpèces
que je viens d'indiquer, & qu'il ne fera pas difficile de con+
noitre, j'en ai encore vü quelques autres qu'il feroit, à ce que
je penfe, fuperflu de nommer. |
La proximité du melaffoma avec le genre que M. Lin-
næus a nommé cÆthra, m'engage à rapporter ce que j'ai
obfervé dans la feule efpèce de ce genre qui foit peut-être
encore connue, & que Plukenet appeloit plante à feuilles
d’aune, dont le bord eft en dent de fcie, qui a les fleurs
blanches à cinq pétales & difpofées en épi : malgré la diffé-
rence qu'il y a entre un arbre, comme le crhra, & les
pyroles, M. Linnæus penfoit cependant que fi les fruits
de ces plantes étoient femblables, elles ne devoient former
qu'un genre. M. Gronovius a levé ce doute dans fon ca-
talogue des plantes de la Virginie, & a confirmé Ja diffé-
rence de ces genres; la preuve que je puis tirer de celle
des filets ne peut donc venir ici qu'à l'appui des autres, &
ce n'eft auffi que dans ces vües que je la rapporte. Les filets
DES SCIENCES.
du cethra font des houppes à quatre, cinq & fix filets hori-
zontaux, elles font mélées avec des filets longs, coniques,
& les uns & les autres fe remarquent fur les feuilles, les tiges
& les calices : le corps du piftille n’en a que de coniques.
Les pyroles font prefque liffes, elles n’ont que des glandes
à cupule en très-petite quantité fur quelques-unes de leurs
parties, & le plus fouvent ce ne font que les bouts des den-
telures des feuilles qui s’alongent & forment ces cupules:
j'ai obfervé cela dans la grande pyrole à feuilles rondes, dans
celle du Canada & à fleur blanche, & dans celle dont les
feuilles font échancrées & qui ont leurs bords en dent de
fcie : la petite à feuilles rondes m'a fait voir, outre ces dente-
lures, de petites cupules fur les fruits; celle qui a les feuilles
d'arboufier, & qui s'élève en arbrifleau, fur le haut des tiges;
ces mêmes parties & les calices en avoient auffi dans une de
Therbier de M. Vaillant, & qui n’y eft que fous le nom de
pyrole inconnue du Canada. Quoïque je n’aie pas trouvé de
filets à cupule fur les autres efpèces, je crois cependant que
ce n'eft que faute de n'avoir pû examiner ces plantes avant
qu'elles fuflent defléchées.
Je finirai ici la troifième partie de ce Mémoire; j’aurois
cependant très-facilement pû rapporter les obfervations que
j'ai faites fur les fougères, les capillaires, fur plufieurs autres
efpèces de papillonnacées que celles dont j'ai parlé ici, fur
les royena, le ledon, & un-grand nombre d’autres plantes ;
mais ce détail fera la matière des Mémoires qui fuivront
celui-ci.
22 Juillet
1747°
s6o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
USÉES CO QUE
D'une Comète obfervée en 1593 à Zerbff, dans la
principauté d’Anhalt.
Par M. l'Abbé DE LA CAILLE.
[E n’y a pas lieu de douter que pour conftruire le Catalogue
des Comètes, que M. Halley a publié au commencement
de ce fiècle, il n'ait recherché avec foin toutes les obfer-
vations propres à déterminer, avec quelque certitude, les
élémens de leur théorie. Celle dont il s’agit ici, ne lui auroit
pas échappé, fi l'édition du Recueil des Obfervations aflro-
nomiques de Tycho-Brahé, qui a été faite en 1666, à
Aufbourg, eût été complète; mais comme un grand nombre
de ces obfervations ne font pas parvenues jufqu’à l'Editeur, &
principalement celles de l'année 1 59 3, il n'eft pas étonnant
qu'on ne fache prefque rien de ce qui regarde cette Comète,
Hevelius, dans fa Cométographie, n’en dit que deux mots;
& il avoue qu'il ne fait où Fromond a pris ce qu'il avance
d'après Tycho, que cette Comète n'avoit pas de parallaxe. .
Sa théorie eft intéreffante par deux circonftances fingu-
lières ; l'une eft que fa diftance au périhélie étoit moindre
que de - du rayon du grand orbe. Des trente-huit Comètes
dont nous avons à préfent la théorie, il n'y a que celle de
1 680, qui fe foit plus approchée du Soleil : cependant la queue
denotre Comète n’a pas été fort grande, ni fa lumière fort vive;
elle n’a pas furpañfé en éclat les Etoiles de Ja troifième gran-
deur, & lorfqu'on a mefuré fa queue, dix-fept jours après fon
paffage par le périhélie, on ne fa trouvée que de 4+ degrés.
L'autre circonftance eft qu’il ne s’en falloit que de 2 de-
grés, que le plan de fon orbite ne fût perpendiculaire à celui
de l'écliptique. IL n'y a que la Comète de 1707, qui ait eu
une inclinaifon auffi grande; & fi M. Newton avoit eu con-
noiflance de Ja théorie de ces deux Comètes, il y a lieu de
croire
, DES SCrENCESs,. s6r
croire qu'il n’auroit pas avancé, ainfi qu'on Îe it dans fon
Traité de Syflemate mundi, que les plans des orhes des Comètes
ne doivent pas s’écarter beaucoup de celui de l'écliptique.
T'ycho dit qu'il n’a pas vû cette Comète à Uranibourg : les
obfervations qu'il en rapporte, ont été faites par un de fes
anciens Elèves, qu'il nomme Chriffiernus Johann. Ripenfs. Cet
obfervateur étoit fans doute bien exercé, mais il ne paroît pas
qu'il fût pourvû d’excellens inftrumens ; il s'eft fervi d’un
rayon aftronomique, dont il ne donne pas les dimenfions,
pour déterminer {es diftances de la Comète à des étoiles,
qu'il ne donne qu’en degrés, & en fixièmes parties de degré,
ce qui ne doit pas donner les pofitions de la Comète avec
une grande précifion. Mais comme dans l'intervalle des ob-
fervations, cette Comète avoit un mouvement très-prompt,
tant en longitude qu'en latitude, on peut en déduire la théorie
avec affez d’exactitude, pour la comparer aux autres théo-
ries déjà connues, & pour la reconnoiître à fon tour.
Je ne rapporterai pas ici le détail.de toutes les obferva-
tions, qui doit être publié parmi celles de Tycho, je ne
donnerai que celles que j'ai choifies, comme les plus propres
à calculer {a théorie.
L'on vit cette Comète pour la première fois à Zerbft, le
22 Juillet 1 593, vieux ftyle; on lobferva le 25, & on
trouva avec le rayon aftronomique, fa diftance à Ja Claire de
Perfée, de 414 40'à roh 39'+ de temps vrai du foir; &
à 11h 6'2, fa diftance à la première de Îa queue de la grande
Ourfe, de 434 o’.
Suppofant avec Flamfteed ; la longitude de 4 de Perfée,
dans 264 2 5' Y, fa latitude boréale, de 304 5% & Ja lon-
gitude de € de la grande Ourfe, dans 34 11° m, avec une
latitude boréale, de 544 20’; j'ai trouvé qu'en prenant
414 39° pour la diflance de la Comète à 4 de Perfée, vers
laquelle elle s’'approchoit d'environ un degré par jour, 1a
longitude de a Comète étoit dans 144385, & fa Jati-
tude boréale, à 28d $9',à 11P 7’ de temps vrai à Zerbft
ou à 10h 31° de temps moyen à Paris, en fuppofant la
Mn. 1747. . Bbbb
562 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLr
différence des méridiens de 414+ de temps, comme elle
eft marquée fur la Carte d'Allemagne de M. de Ffle.
Le 9 Août à 9h 35° du foir, la diflance de la Comète à
Schedir, ou & de Caffiopée, dans 24 10’ %, la latitude bo-
réale de 464 36, la longitude de « de la grande Ourfe
dans 99 29'+9Q, fa latitude boréale de 494 40"; on a la
longitude de la Comète dans 174 25'zx , & fa latitude
boréale, de 5 3433" à 9h s3"+, temps vrai à Zerbft, ou à
9h 16’ de temps moyen à Paris.
Il faut remarquer que ces deux arcs de diftance font
affez mal fitués dans le Ciel, pour en conclurre la latitude
de la Comète avec précifion; mais ils en donnent fort bien
la longitude. Les obfervations des autres jours étoient encore
moins propres à cette recherche; heureufement , pour calcu-
ler la théorie d’une Comète , il fuffit d’avoir les deux longi-
tudes & latitudes qui répondent à la première & à la dernière
obfervation, & d’avoir feulement la longitude déduite de
l'obfervation intermédiaire.
Le 21 Août à 9h 34’ du foir, temps vrai à Zerbft, ou à
8b 53, temps moyen à Paris, la Comète cachoit exaélement
l'étoile € auftrale des trois qui font à la tête de Céphée, dont
la longitude étoit alors 74 22'°Y, & la latitude de $94 581
boréale.
Ayant calculé la théorie de cette Comète, felon Ia mé-
thode que j'ai expliquée il y a quelque temps à l'Académie ,
j'ai trouvé le lieu du nœud afcendant dans 5! 14%+, le lieu
du périhélie dans $f 264 19’, l'inclinaifon de l'orbite de
87% 58’, le logarithme de fa diftance périhélie 8,94994,
qui répond à 8911 parties, dont le rayon du grand orbe
en a 100000 ; qu'enfin elle a paffé par le périhélie le 18
Juillet 1 593, nouveau ftyle, à 13P 48" de temps moyen
au méridien de Paris; fon mouvement étoit direct.
Je me fuis fervi des Tables du Soleil de M. Caffini, & j'ai
fuppoté les diflances accourcies de la Comète au Soleil le 2 $
“Juillet, de $ 5 r00 parties, dont le rayon du grand orbe en a
100000, & le 21 Août, de 1 2 1 8 1 5 de ces mêmes parties.
.
DES S Ci EN CES. 56%
s LS AT CAT AME
DES MALADIES EPIDEMIQUES DE 1747,
Obfervées à Paris, en même temps que les différentes
températures de l'air.
Pa M MaALzLouïIn.
N OTRE fanté dépend, en général, plus de Fair, que de
toute autre chofe ; c'eft ce qui a fait dire à Hippocrate,
dans {on traité des Vents, que l'air eft la caufe de la vie &
des maladies. L'homme en naiflant commence par refpirer,
& il ne cefle de refpirer que lorfqu'il ceffe de vivre.
L'air n'eft pas feulement néceflaire à notre vie pour Ia
refpiration , il peut encore beaucoup fur notre fanté par les
différens degrés de chaleur, de froid, d'humidité & de
fécherefle, dont il eft fufceptible ; & nous fommes indif-
penfablement affectés des changemens qui arrivent à fa
pefanteur & à fon reffort.
L'air fait une partie effentielle des alimens, & il contribue
beaucoup à la digeftion : l'air qui fe trouve enfermé de
toutes parts dans les plustpetites parties des alimens, venant
à fe dilater par la chaleur dans l'eftomac, fait effort contre
les parois de ces petites cellules, il les rompt, & il les réduit
en des particules d'autant plus fines, que ces cellules étoient:
plus petites ; ainfi les plus petites parties des alimens, im-
prégnées d'air, fe divifent en d’autres qui font aflez fines
our former, avec le liquide qui les détrempe, ce qu'on
appelle chyle.
On fait que les parties d'air n’ont point de’ reffort lorf-
qu'elles font féparées les unes des autres dans les corps
aux parties defquels elles font jointes, mais qu'elles repren-
nent {eur reflort, lorfque par quelque caufe que ce foit, ces
Bbbb ij
* Mem. de
l'Ac. Royale des
Sciences 1744,
p.261.
564 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoyALE
parties d'air viennent à fe rejoindre. Si donc les parties
d'air éparfes dans les alimens, fe raflemblent pendant la
digeftion & fe dilatent trop, ou fi leflomac ne retient pas
avec aflez de force cet air , lorfqu'il eft dilaté, on en ef in-
commodé, & il fort quelquefois par la bouche.
Ii entre aufli de l'air dans Feflomac, indépendamment
de celui que renferment naturellement les alimens ; c'eft
pourquoi on digère différemment les mêmes alimens, felon
la différence de l'air qu'on relpire: l'air de la campagne
eft différent de celui de la ville, & l'expérience apprend
qu'on digère ordinairement mieux à la campagne qu'à la ville,
Les parties de l'air élaflique, qui font mêlées avec celles
du chyle, du fang & des humeurs, font autant de reflorts
placés dans tous les organes du corps, dont ils foûtiennent
les mouvemens & Îles fonctions.
Le reflort de cet air intérieur eft continuellement excité
par la chaleur naturelle du corps, de forte que le poids de
l'air extérieur eft néceflaire pour réprimer la dilatation de
l'air intérieur.
Les accidens que les animaux éprouvent dans Ie vuide,
ne viennent pas feulement du défaut d'air pour refpirer,
plufieurs de ces accidens ont pour caufe la grande dilatation
de Fair contenu dans le corps de ces animaux; cet air
intérieur des animaux, ceffant d’être réprimé , lorfque l'air
extérieur dans la machine pneumatique en a été pompé, les
animaux y tombent en défaillance, il leur furvient des hé-
morragies , ils deviennent enflés, & ils fe vuident : l'air qui
fait partie de leurs liqueurs en interrompt en plufieurs en-
droits la continuité dans les vaifleaux, après s’y être raflem-
blé & dilaté; & il empèche ainfi la circulation du fang de
ces animaux. M. Bouguer*, dans fa relation du voyage
du Pérou, rapporte qu'il s'y eft trouvé incommodé avec
ceux qui l'accompagnoient, par la légèreté de l'air qu'on
refpire fur les montagnes qu'on nomme les Cordelières.
Les incommodités que les hommes fouffrent fur ces
hautes montagnes , font les mêmes que celles que reffentent
DAETSMSTIENRMET NÉE (ES s6$
les animaux dans la machine pneumatique. M. Bououer
eflime que ces montagnes font environ 360 toiles plus
hautes que le Pic même de Ténériffe, qui, avant le voyage
des Académiciens au Pérou, étoit regardé comme la plus
haute montagne de la terre. Suivant M. de la Condamine,
les montagnes du Pérou les plus hautes où ces M.': aient
monté, font au moins 2450 toifes au deffus du niveau
de la mer, c'eft-à-dire, 1000 toifes plus que le Canigou,
ce qui fait une grande lieue.
Comme le poids de Fair extérieur eft néceffaire pour
réprimer la dilatation de Fair intérieur dans les animaux,
le reflort de cet air intérieur y eft néceflaire pour foûtenir:
le poids de l'air extérieur.
Quelques perfonnes ne peuvent entrer dans l'eau pour
fe baigner, fans s'y trouver mal, & il y en a auffr qui, par
la même raifon, fe trouvent mal par les variations fenfibles
de la pefanteur de Fair, lefquelles nous font défignées par
le baromètre : la defcente du mercure dans le baromètre
répond à la raréfaction de l'air par la machine pneumatique.
M. de Mulcaille, médecin à Pluviers, attribue, fuivant le:
rapport de M. Duhamel, plufieurs morts fubites qui arri-
vèrent dans le mois de Décembre 1747, au changement
Acc , qui dans ce temps s’eft fait dans latmofphère, dont
certaines perfonnes n'ont pû foûtenir leffet. Le baromètre,
füïvant fon obfervation , baïffa tout d’un coup dans ce temps.
d'un pouce 4 lignes : il defcendit à 26 pouces 8 lignes,
de 28 pouces où il étoit; ce qui étoit capable de produires
de grands effets dans les corps vivans, puifque la variation.
d'un pouce de mercure dans le baromètre, eft une diffé-
rence d'environ 1000 livres.
Les douleurs qu’on reffent dans les changemens de temps,
lorfqu’on a eu des bleflures, ou qu'on eft fujet à des rhu-
matifmes, prouvent bien l'effet des variations de l'air fur
nos corps. L
“ Je-crois qu'on peut auffi rapporter ici l'effet de la douche:
» qui fe fait par la chûte de l'eau fur une partie particulière:
Bbbb iij
566 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du corps, pour en difliper lenflüre ou Îa paralyfie.
I eft rare que le poids de l'air extérieur ne foit pas
fuffifamment contre-balancé par l'air intérieur , il arrive plus
fouvent que le reffort de l'air intérieur n’eft pas affez réprimé
par l'air extérieur : c'eft en partie ce qui caufe la maladie
de Siam; on y doit aufli rapporter certaines difficultés de
refpirer, quelques maladies de vents, & beaucoup d'hémorra-
gies. M. Bouguer rapporte qu'il reffentit cet effet fur la mon-
tagne de Chimboracço. M. Littre, Médecin de la Faculté, a
obfervé dans les Mémoires de l’Académie de 1704, que dans
ceux qui font morts d'une perte de fang, de quelque nature
qu'elle ait été, ila toûjours trouvé pleins d'air les vaiffeaux qui
étoient vuides de fang ; ce qui vient vrai-femblablement de
ce que l'air étant naturellement comprimé dans les vaiffeaux
remplis de fang, fe développe, & a la liberté de fe raréfier,
lorfqu'il y a de l'efpace vuidg dans les vaifleaux, par la perte
de fang.
I y a lieu de croire que dans ces maladies le fang eft
raréfié en même temps que l'air, & que par conféquent
l'air fait effort contre le fang en même temps que contre
les parois des vaiffeaux ; dé forte qu'on peut confidérer dans
cette occafion le fang & l'air comme deux corps pouffés
J'un contre l'autre en même temps; & dans ce cas, celüi
qui a plus de maffe emportant fur celui qui en a moins,
le fang aura plus de force pour fe dilater que n'en aura l'air,
dont la denfité, malgré l'effort qu'il fera en même temps
pour fe dilater, augmentera dans les vaifleaux à proportion
que le volume du fang y augmentera; cette augmentation
de la denfité de l'air, & du volume du fang, eft capable de
rompre les vaifleaux , & peut caufer beaucoup d'hémorragies.
C'eft pour cette raifon, que dans quelques maladies où
le fang eft extrêmement dilaté dans les vaifleaux , comme
il arrive quelquefois dans la petite vérole, on ne faigne
point, parce que f: dans cet état on diminuoit la mafle
du fang, on en augmenteroit la dilatation & celle de l'air
qui y ef contenu. :
Di ist) SCT EUN CAES 6.
L'efpèce de tumeur nommée emphyfeme, eft le produit
de l'air intérieur raréfié en vents, dans une partie relâchée.
On y peut rapporter auffi l'enflûre qui arrive aux cadavres,
lorfque la fermentation & la diflolution des humeurs dilate
air qui y eft mêlé, & le change en vents.
En général , le reflort de Fair intérieur varie beaucoup
plus que ne fait le poids ‘de fair extérieur, parce que le
reflort de l'air intérieur eft non feulement différent, felon
les différens degrés de chaleur & de froid externes, mais
encore felon la chaleur naturelle du corps, laquelle eft dif-
férente felon les différens tempéramens : & ce qui contribue
encore beaucoup à cette variation du reflort de fair inté-
rieur, c'eft qu'il dépend fouvent de nous, c’eft-à-dire, de
notre régime ; au lieu que le poids de l'air extérieur eft le
mème pour tous, & ne dépend nullement de nous : nous
fommes peut-être ce qui change le plus dans toute la Nature.
H paroïit que le reflort de l'air intérieur varie naturelle-
ment plus en été que dans toute autre faifon, & qu'il a
befoin que la force qui le réprime, foit plus fixe & plus
égale en été; auffi voyons-nous par le baromètre, que la
pefanteur de l’atmofphère varie ordinairement moins dans
cette faifon que dans aucune autre, comme elle varie moins
fous l’Equateur que vers les Poles. Ce n'eft pas que je veuille
faire entendre par cette obfervation , que cela vienne de la
chaleur, puifque, comme on le fait par le baromètre, 1a.
pefanteur de l'air varie moins au fommet qu’au pied des.
montagnes, quoiqu'il fafle plus froid fur le haut des mon-
tagnes que dans la plaine.
Ceux qui pañlent leur vie fur les montagnes élevées,
ne font point incommodés par la légèreté de l'air , laquelle-
incommode ceux qui n’y font point accoûtumés, parce que
Yair qui eft dans le fang des montagnards, y eft plus dilaté-
qu'il ne left dans ceux qui vivent dans un air plus con-
denfé : cet air condenfé a beaucoup à changer dans ceux-ci,
‘avant que d’être au point de dilatation où eft celui qui eft:
dans le fang de ceux qui refpirent un air plus léger..
568 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
C'eft fur-tout ce qui fait la différence d’un air natal à
un air étranger. L’habitude met enfin en état de fupporter
ces différences de air : M. Bouguer dit qu'il s’accoütuma
à l'air de la Cordelière, qui l'avoit incommodé d'abord;
& Arbuthnot aflure que l'expérience a fait connoître que
l'habitude met certains animaux en état de foûtenir de mieux
en mieux les épreuves de la machine du vuide.
Le poids de l'air fur nos corps eft beaucoup plus grand
qu'on ne le croit communément : M. de Mairan qui a fait
des recherches fur cela, eflime que le poids de l'air fur le
corps d’un homme de médiocre grandeur, eft d'environ
31500 livres, lorfque le mercuie du baromètre eft à 28
pouces.
Pour avoir l'aire totale ou la furface du corps d'an homme
bien fait de $ pieds $ pouces de hauteur, & proportionné
comme l’Antinoüs du Belvédère à Rome, M. de Mairan a
mefuré en détail, & avec toute l'exactitude que comporte
une pareille opération, la furface des membres d'une bonne
copie de cette flatue, d'environ 18 pouces de hauteur, &
il a jugé par proportion, que la furface d’un homme de
5 pieds $ pouces, alloit au moins à 16 pieds quarrés.
Cela pofé, & que le pied cube de mercure pèfe 945$
livres, poids de marc, en temps moyen ou tempéré de ce
climat, un prifme de 16 pieds quarrés de bafe, & de 28
pouces de hauteur, pèfera 31500 livres.
C'eft par conféquent le poids de l'atmofphère que foù-
tiendra le corps d'un homme de $ pieds $ pouces, fait
comme l'Antinoüs , lorfque le baromètre eft à 28 pouces,
&. dans la fuppoñtion que le pied cube de mercure pèfe alors
945 livres. F
Nous fentirions ce poids énorme de l'atmofphère, fi elle
ne nous prefloit pas également de toutes parts, & fi elle
n'étoit pas contre-balancée par l'effort continuel de air qui
eft contenu dans toutes les parties de notre corps. On fait
que le reflort de cet air intérieur qui eft en équilibre avec
J'air extérieur, eft d'autant plus grand qu'il eft plus preflé;
& au
DES SCIENCES s 69
& au contraire, le reflort de l'air extérieur devient plus
petit, à proportion que fa pefanteur diminue.
L'air environne & prefle de toutes parts les animaux, &
cette preflion de l'air eft toüjours plus grande, proportion-
nellement à la mafle, fur es petits animaux, que fur les
grands.
La plüpart des animaux nés fe nourriffent & croiffent
indifpenfablernent dans l'air, comme certaines plantes ne
peuvent vivre qu'elles ne foient totalement enfermées dans
l'eau. Ces fluides réfiftent par-tout également à l’alongement
des fibres des animaux & des végétaux, fuivant la figure
naturelle de chaque efpèce, & leur fervent comme de
moule.
Lorfque les différentes qualités de air ne font pas pro-
portionnées entrelles, ou qu'elles ne font pas telles qu’elles
doivent être dans chaque faifon, les corps qui vivent fur
la terre, & auxquels l'air eft néceflaire, en font plus ou
moins : affectés, & elles caufent quelquefois des maladies;
HER d'où viennent le plus fouvent les maladies qui font
communes dans certains temps, & qu'on nonime épidémi-
ques ou populaires.
C'eft pourquoi, voulant faire l’hiftoire de maladies épi-
démiques de chaque année, je me fuis attaché à obferver
auffli les différentes températures de l'air, qui ont régné en
même temps, fans prétendre cependant que ces maladies
dépendent toüjours de la conftitution de l'air, dont je ren-
diai compte en même temps que des maladies.
JANVIER.
Le ciel a prefque toûjours été couvert à Paris, & l'air
fort humide dans les premiers jours de Janvier 1747; &
ÿ a fait un grand brouillard le 4 fur le foir.
On a vû pendant ce temps des fièvres catharreufes, en
grand nombre ; ces fièvres étoient continues avec des redou-
blemens, & avec des douleurs vagues qui attaquoient fépa-
rément toutes les parties du corps, & le plus fouvent, un
Mén. 1747: » Ccce
570 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
des côtés de la poitrine, ce qui faifoit une efpèce de fauffe
pleuréfie.
Il y a auffi eu alors quelques vraies pleuréfies , des péri-
pneumonies & des rhumes ; mais le nombre des malades n’en
a pas été grand, il y en a même eu moins dans ce temps,
qu'il n'y en a dans certaines années, pendant cette faifon.
Le froid qui eft furvenu, & même qui a été violent pen-
dant une huitaine de jours, a encore diminué Ia force des
maladies & le nombre des malades; & les douleurs vagues
dont je viens de parler ont entièrement difparu dans ce
temps. Nous avons obfervé qu'il n'y a eu que les malades
qui reflentoient des douleurs véroliques, qui n’ont point été
foulagés par ce changement de temps : ils ont au conträire
plus fouffert pendant ce grand froid.
Ce fut le 9, que le vent changea ainfi le temps : il vint du
nord, & en partie de l’eft: la liqueur du thermomètre obfervé
ce jour-là à 7 heures du matin, étoit à 6 degrés au deflous
de la congélation : le 10 & le 1 1 du mois, elle étoit à 7
degrés, & le 12 à 8 : le vent eft devenu nord-oueft & vio--
lent la nuit du 12 au 13, & la gelée a été forte : le r3 fur
le foir, le vent étant tombé, il a fait un peu moins froid;
mais la nuit du 13 au 14, le vent a été nord-eft, & le
temps a changé fubitement ; la liqueur du thermomètre eft
defcendue auffi-tôt à 1 1 degrés au deffous du terme de la glace.
Ce changement qui s’eft fait tout d'un coup d’un temps
humide & qui étoit peu froid pour la faifon, en un temps
fec & très-froid, a occafionné quelques morts fubites de
perfonnes jeunes & fanguines, mais délicates, qui ont été
faifies par le grand froid : leur mort a été précédée pendant
quelques heures, par des douleurs violentes dans toutes les
parties du corps ; ces perfonnes avoient une efpèce d’inflam-
mation univerfelle, & elles ne font mortes que parce qu'elles
font tombées dans cet état pendant la nuit, ou parce qu’elles
n'ont pas été faignées affez promptement : celles qu'on a
faignées auffi-tôt qu'elles ont reflenti ce mal , en ont guéri,
& fort promptement.
mod unis. à LE
RUES
Di suisn Sr @r € NT Es s71
La nuit du 1 $ au 16, le vent a changé, il eft venu du
fud ; le froid a ceflé, & il a commencé à dégeler : a liqueur
du thermomètre étoit le 16, au terme de la glace.
Alors toutes les maladies qui régnoient avant le grand
froid, favoir, les rhumes, les fièvres catharreufes, & les dou-
leurs vagues, font redevenues aufli communes qu'auparavant ;
. & il y a eu, outre ces maladies, des maux de gorge.
Le 17, vers le foir, il y avoit dans l'air un brouillard fort
humide : l'air a continué, pendant le refle du mois, d’être
humide & chaud pour a faifon.
Suivant les obfervations de Dom Germain Chartreux de
Paris, la hauteur de la pluie tombée en Janvier, eft un pouce
fept lignes, & une cinquième partie de ligne.
Il y a eu pendant tout le cours de ce mois, quelques
diarrhées & des dyfenteries ; ceux qui étoient malades de ces
dyfenteries, avoient des coliques & des épreintes : es éprein-
tes étoient plus fréquentes & plus fortes que les coliques.
Toutes ces différentes maladies paroiflent avoir eu une
même caufe, qui étoit une humeur fluxionnaire qui trou-
bloit différemment la fanté, felon les différentes parties du
corps fur lefquelles elle fluoit; & on a vû les mêmes perfonnes
attaquées fucceffivement de différentes maladies, qu'on ne
pouvoit rapporter qu'à cette même humeur qui changeoïit
de route.
On a encore vü pendant ce mois quelques rougeoles , qui
n'ont pas été aufli dangereufes que celles qui régnoient un
an auparavant.
Il y a aufii eu en Janvier des apoplexies ; & il y a même
une obfervation à faire au fujet de ces maladies, c’eft que
ceux qui en avoient été frappés, avoient des taches bleuâtres
en différentes parties du corps, & particulièrement fur le
côté paralytique : ces taches étoient quelquefois avec éléva-
tion fur la peau.
2 Ce qui peut faire juger que toutes ces apoplexies n’ont pas
été caufées par plénitude, c’eft l’obfervation fuivante que m'a
fourni M. Vernage Médecin de la Faculté. Une jeune femme
Ccccij
572 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIÉ RoYALE
a eu dans ce temps une apoplexie complète, accompagnée
d’une paralyfie de la langue & d'un côté du corps ; elle étoit
au trentième jour d’une couche prématurée, qui avoit été
précédée d'une perte énorme ; Ja malade avoit été accouchée
de force, & le lait avoit peu coulé : cette malade avoit ob-
fervé un régime exact, elle avoit eu un commencement de
dépôt de lait dans 'aîne & fur la cuifle, pour lequel elle
prenoit avec fuccès, du fel de duobus ; elle étoit dans cet état
lorfqu'elle tomba en apoplexie, & elle eft morte par la vio-
lence de la maladie, & par la complication des accidens.
Je crois devoir rapporter dans l'hiftoire des maladies popu-
lires de Paris, la quantité de malades qu'il y a eu chaque
mois dans l’'Hôtel-dieu de cette ville.
I eft entré à l'Hôtel-dieu en Janvier, 1 $ 87 malades; il y
en avoit déjà dans cet hôpital, le premier de ce mois, 2868.
Il eft mort à Paris pendant ce mois de Janvier, x $ 40 per-
fonnes, favoir, 783 hommes, & 7 57 femmes.
Il y eft né pendant le même temps 1907 enfans, favoir,
931 garçons, & 97 6 filles.
De ces 1907 enfans nés pendant le mois de Janvier, il y
en a 1608 légitimes, & 299 trouvés.
II s'eft fait pendant ce mois 527 mariages.
PE P NT E
L'air a paru être aufli humide en Février qu'en Janvier ;
& fuivant les obfervations faites à l'Oblervatoire par M. de
Fouchi, la quantité d’eau de pluie a été en hauteur dans le
mois de Février, de 17 lignes. La pluie en Février n'a pas
été abondante chaque jour qu’il a plu, mais elle a été prefque
continuelle; d’ailleurs fe vent qui a régné pendant ce mois
n'étoit pas fec, il a le plus fouvent été fud.
Le baromètre a prefque toûjours été pendant ce temps à
27 pouces 3 lignes; il eft defcendu le 2 Février à 27 pouces
2 lignes; & il n’eft pas defcendu aufli bas aucun autre jour
de ce mois : ce même jour, le vent a été fud & fud-oueft,
& très-violent. 5
Dés uHSiouE nice 573
Le temps a été fort doux pour a faifon, pendant le mois
de Février : le foleil y a prefque tous les jours fait fentir,
les après-midi, une chaleur extraordinaire : cette chaleur jointe
à l'humidité de l'air, a fort excité la végétation; ce qui a fait
dire à M. du Hamel dans fes obfervations botanico-météoro-
logiques, qu'a voir à la campagne toutes les productions de le
terre, on auroit cru être au commencement d'Avril.
Le jour le plus froid de ce mois a été le 5 : la liqueur
du thermomètre eft defcendue à $ degrés au deflous de la
congélation. Le 23 & le 24 ont été les jours où il a fait
le moins froid en Février; & il y a eu de l'orage ces jours-là.
Le 25,le 26 & le 27, le temps a été morfondant, & il
eft tombé de fa neige & de la pluie. Le 28, il a encore
neigé, & il a gelé,
Les maladies épidémiques ont toutes été catharreufes en
Février comme en Janvier : elles avoient pour caufe la même
humeur qui produifoit différentes maladies, felon les diffé-
rentes parties du corps fur lefquelles elle fluoit ; c’eft ce
qui a produit quelques apoplexies fuivies de la paralyfie d’ur
côté du corps : elle a fait auffi des paralyfies qui n’attaquoient
que les extrémités, & qui n'étoient point précédées d’apo-
plexies. Ces paralyfies avoient encore ceci de particulier, c’efs
que les parties qui en étoient affeétées revenoient quelquefois
dans leur état naturel, lorfqu'en même temps une autre partie
tomboit paralytique.
On a auffi vû le catharre tomber fur les parties qui fervent
à la féparation des urines, & il a caufé alors des douleurs de
reins, & même des fuppreflions d'urine. :
Les parties contenues dans le bas-ventre, particulièrement
Les inteftins, ont plus communément été attaquées pendant
ce mois de cette humeur catharreufe, qui y a produit des
coliques inflammatoires, des ténefmes, des dyfenteries, ow
des dévoiemens ; & ces maladies étoient avec plus ou moins
de douleur, felon la température des humeurs de ceux qui
en étoient affectés, & felon la tiflure & la fenfibilité de {eurs.
entrailles.
Ccec üi,
$s74 MÉMOIRES DE L’ÂCADÉMIE ROYALE
Le dévoiement a été la maladie la plus dangereufe & Ja
plus commune en Février, & même la plüpart des malades
d’autres maladies, avoient de la difpofition au dévoiement ou
au ténefme. Hippocrate fait une obfervation qui a rapport à
celle-ci :ex un mot, dit-il dans le 3.° livre des épid. tous ceux
qui étoient malades, foit de maladies chroniques , foit de maladies
aigues , avoient un devoiement mortel. :
J'ai obfervé que ces dévoiemens étoient avec fièvre fur
le foir, & que cette fièvre étoit dans quelques-uns double-
tierce ; alors le dévoiement ne pouvoit fe guérir par les pur-
gations ordinaires, ni par l'ipecacuanha, ni par le fimarouba,
ni par aucun des autres remèdes qu’on emploie ordinairement
dans ces cas : ces remèdes fufpendoient feulement le dévoie-
ment, qui reparoifloit comme auparavant 24 ou 30 heures
après; j'ai remarqué que lorfque le dévoiement étoit fuf-.
pendu , la fièvre difparoïfloit en même temps, & qu'elle
revenoit avec le dévoiement. Je me fuis alors fervi avec
fuccès du quinquina bouilli dans de l’eau avec de la fcolo-
pendre & de la réglifle; cet apozème fébrifuge commençoit
par redonner du goût au malade, enfuite l'appétit lui reve-
noit par le même moyen; enfin le dévoiement & la fièvre
cefloient tout-à-fait.
Vers la fin de Février, cette humeur catharreufe a agi d’une
autre façon fur les parties du bas-ventre; elle y a produit ,
dans ceux qu’elle a attaqués, une fonte fubite qui à fait ce
qu'on nomme ordinairement débordement de bile; ce débor-
dement de la bile fe faifoit par haut & par bas, & les malades
en étoient guéris fort promptement par quelques lavemens
& quelques purgations.
Il y a encore une obfervation à faire à l'occafion des ma-
ladies catharreufes qui ont eu cours pendant ce mois, & qui
la plüpart ont été avec douleurs de ventre, c'eft que depuis
long temps les maladies, & fur-tout les fuxionnaires, vifent
au fcorbut : la falure des humeurs catharreufes tient de la na-
ture de la faumure fcorbutique, & les coliques font un figne
propre du fcorbut. Eugalenus, dans fon Traité du fcorbut,
DES SCIENCES 575
dit, fcorbutus, belgicé [choorbuick, quia variis lancinationibus corpus
© ventrem veluti affeclo ex cruditate ventriculo diffecat dr diftindit.
Enfin, on a encore vû pendant le mois de Février, beau-
coup de rougeoles & quelques petites véroles : les petites
véroles ont été plus communes aux environs de Paris, qu’à
Paris même. Nous avons obfervé que les rougeoles ne for-
toient qu'après cinq ou fix jours de fièvre, & qu'elles ne
paroifloient point en même temps fur tout le corps, comme
cela arrive ordinairement ; elles ne fortoient que fucceffive-
ment d’une partie, & enfuite d’une autre.
M: Vernage n'a dit qu’il a vü auffi pendant ce mois, beau-
coup de fièvres continues double-tierces, dont quelques-
unes avoient un caractère de malignité.
Il eft entré à l'Hôtel-dieu en Février, 1308 malades ; if
y en avoit le premier du mois, 3048.
Il eft mort 1322 perfonnes pendant tout le cours du
mois de Février, 7o$ hommes, & 617 femmes.
Il eft né pendant ce mois, 1762 enfans, 875 garçons,
& 887 filles: il y a eu 1499 enfans légitimes, & 263
trouvés. | |
I s'eft fait en Février, 5 81 mariages.
MARS.
Les vents fud & nord ont dominé pendant le mois de
Mars; celui du fud a été plus violent & plus froid qu'il ne
left ordinairement pendant ce mois; & au contraire, le vent
nord y a été plus foible & plus humide.
: Au refle, le temps a été fort égal pour la chaleur & pour
le froid : la liqueur du thermomètre a prefque toûjours été
proche le terme de la glace ; cependant le 1 $ du mois, elle
eft defcendue à 1 1 degrés: il n’y a pas eu autant de giboulées
qu'il y en a ordinairement pendant ce mois dans les autres.
années. On a trouvé à l'Obfervatoire, que la quantité d’eau.
de pluie tombée pendant tout le mois de Mars, na été en
hauteur, que de 8 lignes £.
Il y a encore eu en Mars, comme en Février, des ténefmes
576 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& des dévoiemens, dont quelques-uns n'ont cédé qu'au fait,
pris pour toute nourriture.
Ces dévoiemens, & la plüpart des autres maladies cathar-
reufes, ont fini dans les derniers jours de l'hiver, & dans
les premiers du printemps, par des déinangeaifons à la peau,
fur-tout aux jambes, où il paroifloit alors de petits boutons
{ous l’épiderme.
Il y a eu pendant tout ce temps quelques fièvres qui
n'étoient point réglées; ces fièvres étoient avec douleur de
tête, & cette douleur étoit fixe en une partie de la tête : ces
fièvres, à en juger par le pouls, n’étoient pas proportionnées
à {a douleur de tête qui étoit fort grande : cette douleur de
tête & la fièvre, ont cédé aïfément à l’ufage du quinquina ;
& plufieurs de ceux qui étant malades de cette fièvre avec
douleur de tête, n’ont point ufé de ce fébrifuge, ont eu l’ac-
cident de la fuppuration; ils ont rendu du pus par le nez,
comme cela arrive quelquefois à la fuite de la rougeole.
On a auffi vû dans ce temps, des efpèces de fièvres rouges,
qui étoient avec des boutons.
Il y a lieu de croire que l'humeur qui a caufé ces maladies,
tenoit du caractère de celle par laquelle étoient produites,
depuis environ quinze mois, les maladies qui, comme on
la obfervé, portoient ou à la tête ou à Ja peau.
En faifant l'hiftoire des maladies épidémiques de 1746,
j'ai fait remarquer que cette année-là les maladies ont en
général affecté plus particulièrement la tête & Ia peau : les
fueurs & les boutons qui avoient été fort communs dans les
maladies de l'année précédente, avoient difparu pendant
deux mois; ils avoient ceflé les derniers jours de Décembre
1746, & ils ont reparu les derniers jours de Février 1747 :
ils ont été fort communs en Mars.
Il y a eu un nombre extraordinaire d'apoplexies pendant
ce mois. Il y a auffi eu des fluxions inflammatoires de toute
efpèce, à la tête, à la gorge, ou à la poitrine, :
On a auffi vû quelques pleuréfies & des péripneumonies
qui ont été accompagnées de fièvres malignes. Nous avons
encore
joie. 4. Si 1 RUN GE, 8 577
encore obfervé qu'il n’a pas été néceffaire de faire autant de
faignées pour ces maladies de poitrine, qu’on en fait ordi-
nairement dans d’autres temps ; & au contraire les purgations
ont été employées plus utilement. M. ‘Arnaud, Médecin
à Orléans, a obfervé la même chofe pendant ce mois.
Les malades ont eu une grande difpofition à l'hydropifie
dans le mois de Mars, & il y a mème eu une quantité
. extraordinaire d'hydropifies formées. Les maladies longues
ont pendant ce temps, prefque toutes, fini par des en-
flüres plus confidérables qu'à l'ordinaire, Souvent tout le
. corps du malade devenoit boufh. M. de la Sône a obfervé
.que plufieurs de ces boufüffures fe font terminées par la
gangrène.
11 eft entré à l'Hôtel-dieu dans le cours de Mars, 1644
malades : il y en avoit le premier du mois, 2935.
Le nombre des per fonnes mortés à Paris pendant le mois
de Mars, monte à 1782; favoir, 929 hommes, & 853
femmes. .
Et ileft né dans ce mois 1947 san favoir, 1003 gar:
çons, & 944 filles. Dans ce nombre 1947, il ya eu 1630
enfans légitimes, & 317 trouvés; & il ne s’eft fait en Mars
que 90 mariages.
de ep QE de
.Le mois d'Avril a été fort doux, & l'air y a été plus fec
qu'il ne f'avoit été les mois précédens, & plus qu'il ne l'eft
ordinairement dans ce mois. Il n’y a point eu de temps
de l'année où il foit tombé moins de pluie : fuivant les
obfervations faites à l'Obfervatoire, il n’en eft tombé pendant
_ tout le cours d'Avril, que 6 lignes.
Les maladies qui ont le plus régné en Avril ont été des
fauffes pleuréfies & des péripneumonies, dans lefquelles il
furvenoit un crachement de fang dès les premiers jours. Les
accidens de ces maladies inflammatoires de la poitrine, favoir,
Yétouffement, & même le délire, étoient plus grands que
ne l’étoient f'ardeur & la fièvre, à en juger par le pouls.
Mém. 1747: .
578 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. Ferrein m'a fait obferver que ces inflammations de
poitrine ont été plus dangereufes dans le commencement du
mois, qu'elles ne l'étoient à la fin lorfque le temps s’eft
adouci. 1] n’en a pas été de même des rhumes dont plufieurs
perfonnes ont été incommodées dans ce mois; ils n’ont point
diminué, comme on s’y attendoit, lorfque le temps s’eft
adouci.
Dans ce mois-ci, comme dans le mois précédent, les
purgatifs, & quelquefois les vomitifs, convenoient plus parti-
culièrement dans ces maladies.
Il y a encore eu dans le commencement d'Avril, quelques
malades de cette efpèce de dyfenterie qui avoit eu cours les.
deux mois précédens.
Enfin on a vû dans ce mois, des fièvres intermittentes,
quotidiennes, tierces ou double-tierces. Les accès de ces
fièvres prenoient par un friffon, & on les guérifloit aifément
par la faignée & par les purgations.
Il y aauffi eu dans le même temps des rougeoles parmi
les enfans.
Il eft entré à l'Hôtel-dieu pendant ce mois, 1610 mala-
des : il y en avoit le premier jour 3046.
I eft mort pendant le mois d'Avril, 1061 hommes, &
828 femmes, faifant enfemble 1 889 perfonnes.
Et il eft né dans cet efpace de temps, 1 848 enfans; favoir,
925 garçons, & 923 filles. Il y a eu 302 enfans trouvés,
& 1546 légitimes.
IL s’eft fait pendant le mois d'Avril, 377 mariages.
M A
L'air a été froid & fec pendant la plus grande partie de
Mai; cependant il eft tombé une plus grande quantité de
pluie dans ce mois, que dans aucun des mois précédens :
la hauteur de la pluie en Mai, a été à l'Obfervatoire, de 17
lignes : la pluie a été abondante lorfqu’il en eft tombé, mais
il en eft rarement tombé; d'ailleurs le vent a été fec, il eft
le plus fouvent venu du nord.
D E6, 8 GE EAN CE Gal" 579
Le baromètre a prefque toüjours été aux environs de
27 pouces & demi.
Les maladies épidémiques en Mai, ont été des fluxions
fur les parties internes de la tète & fur a gorge : quelques
perfonnes en fe promenant les premiers jours de Mai, Îes
uns dans des jardins, les autres dans la campagne, ont été
fäifies fubitement par le froid de l'air, ce qui leur a caufé un
accès de fièvre qui a duré deux ou trois jours avec moiteur:
la chaleur du lit, une faignée & le régime, ont fuff dans
la plüpart, pour guérir cette fièvre.
| y a encore eu dans ce mois des fièvres intermittentes,
quotidiennes ou tierces, qui prenoient en froid, & dont les
malades n’efluyoient que trois ou quatre accès; ces fièvres
cédoient de même à la faignée & à la purgation: il y a eu
peu de ces fièvres, pour la guérifon defquelles on ait été
obligé d'employer le quinquina. M. Bourdelin n'a dit qu'il
avoit obfervé que ces malades avoient de l'étouffement dans
les accès de la fièvre.
Nous avons remarqué que la plüpart de ceux qui, l'au-
tomne précédente, avoient eu la fièvre, en ont été repris
dans ce printemps.
Vers la fin de Mai, le vent a changé, il eft devenu nord
oueft, & il y a eu de la pluie; l'air a été moins froid pendang
ce temps : il y a eu alors des rhumes, & même des péri-
pneumonies. À
On a encore vû pendant ce mois quelques dévoiemens,
qui étoient dyfenteriques dans plufieurs malades.
On a reçû à l'Hôtel-dieu, en Mai, 1329 malaces; il y
en avoit le premier du mois, 29 36.
IL eft mort à Paris pendant ce mois de Mai, 1548 per-
fonnes ; favoir, 838 hommes, & 710 femmes. ?
IL eft né dans ce mois, 929 garçons, & 9 1 1 filles, faifant
enfemble 1840 enfans ; dont il y a 1529 légitimes, &
311 trouvés. :
_ Etil y a eu dans le cours de ce mois, 43 $ mariages.
Dddd à
530 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
JU. IN,
L'air a été fort humide pendant le mois de Juin , les vents
n'ont pas été fecs, & il a plu prefque continuellement ; de
forte que la hauteur de l’eau de pluie tombée en Juin, a été
de 18 lignes: le ciel a le plus fouvent été chargé de gros
nuages, cependant le baromètre a prefque toüjours été pen-
dant ce mois à 28 pouces : il n’a point plu le 28 & le 30
du mois, quoique ces deux jours-là le baromètre foit def-
cendu à 27 pouces 4 lignes; mais if eft à remarquer que
dans Je même temps le vent eft venu du nord, tirant un
peu de l'eft. |
Le vent a beaucoup varié ce mois-ci, il eft le plus fouvent
venu du fud & du fud-oueft :le 25 & le 26, le vent étant
fud - oueft , il y a eu des giboulées, comme il y en a or-
dinairement dans le mois de Mars. Le foleil a paru tous
les jours, quoiqu'il ait prefque toùjours plu, & que le ciel
.ait fouvent été couvert ; il ne l'étoit que par des nuages
paflagers.
H y a eu plus de malades en Juin, que dans aucun autre
mois de cette année : les maladies qui ont été les plus com-
munes pendant ce mois, ont été les maux de gorge, & on
a remarqué que la purgation y réuffifloit mieux quelle n'a
coûturne de faire, c’eft-à-dire, qu'on pouvoit purger les malades
de ces maux de gorge, fans attendre, comme il le faut ordi-
nairement dans les efquinancies des autres années, que l'in-
flammation füt tout-à-fait diffipée ; & la purgation ne rap-
peloit point le mal de gorge en échauffant, comme cela eft
arrivé dans d’autres temps: au contraire, elle le diffipoit
entièrement, .
M. Vernage m'a dit que la plüpart des maux de gorge
qu'il a vûs dans ce temps, étoient accompagnés de maux de
cœur, & quelquefois du vomifiement d'une bile verdâtre,
J'ai obfervé que ceux qui, ayant dans ce mois des maux de
cœur, n'avoient pas mal à la gorge, étoient malades de dou-
leurs de tête & d'étourdifiemens ; ce qui donne à penfer que
DES SCIENCES. 581.
ces douleurs de tête, comme les maux de gorge dont nous
venons de parler, avoient leur caufe dans l'eftomac.
On 2 encore vû à Paris, cette année, dans le commen-
cement de ce mois, quelques malades de ces maux de gorge
extraordinaires, que Severini & Thomas Bartholin appellent
mal de gorge peflilentiel des enfans, & que j'ai décrits dans
l'Hiftoire des maladies épidémiques de 1746, à l'article du
mois de Janvier.
Cette maladie, telle qu’elle a paru en Italie du temps de
Severini, & telle qu'elle s’eft montrée en France depuis quel-
ques années, ne peut être prife pour aucune des efquinancies
qui ont été décrites par les Auteurs. Boerhaave qui eft celui
qui a décrit toutes les efpèces d’efquinancies, avec le plus
d'exaétitude, n’a point parlé de l'efquinancie maligne des
enfans, dont il eft ici queftion. L’efquinancie dont parle cet
illuftre Médecin, dans les articles 78 &:78 6 de fes apho-
rifmes, & qu'il dit n'être pas fufceptible de guérifon, & faire
mourir en très-peu de temps, n'eft pas la maladie de la gorge
dont nous parlons ; puifque l'efquinancie dont parle Boer- .
haave dans ces articles, n'eft pas avec excrétion de mem-
brane, & n’eft que l'effet de l'épuifement, à la fuite de longues
maladies, ou de la pulmonie.
L’efquinancie maligne des enfans, n’eft pas non plus une
de ces-efquinancies que Boerhaave décrit dans les articles
802 & 816 du même livre, parce que ces efquinancies
font prefque toûjours avec tumeur, & ne font jamais avec
exfoliation ; au lieu que l'efquinancie maligne des enfans, n’eft
prefque jamais avec tumeur, & elle eft toûjours avec exfo-
liation de membranes
Ce n’eft pas une chofe nouvelle , que les pulmoniques aient
quelquefois rendu en touflant, dés efcarres de membranes
dans des crachats purulens, mais ce n’eft pas dans les premiers
temps de leur maladie ; au lieu que les malades de l’efqui-
nancie maligne, en crachent quelquefois dès le premier jour,
& prefque toûjours avant le cinquième; & cela fans pus &
fans (rofité, fi ce neft lorfqu'après le cinquième, & plus
Dddd iij
532 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE
fouvent après le feptième jour de la maladie, la gangrène
s'étant communiquée de la trachée-artère, aux poumons, if
s’y eft fait une fuppuration, & les malades font alors pul-
moniques. Il eft quelquefois arrivé qu'on a cru que dès le
premier jour de cette efquinancie, quelques malades avoient
craché du pus avec la membrane interne de la trachée-artère,
parce qu'on n'avoit pas été informé par les enfans à qui cet
accident eft arrivé, des premiers temps de la maladie, qui
paroit être prefqu'infenfible dans quelques enfans.
On peut rapporter d'autres exemples de membranes in-
ternes de quelques canaux du corps, favoir, de l'éfophage,
de la trachée-artère & des inteflins, que les malades ont
rendues; mais cela eft toûjours arrivé avec des circonftances
eflentiellement différentes de celles qui fe trouvent dans
l'efquinancie maligne, dont il eft ici queflion.
Il y aeu pendant le mois de Juin, des fièvres intermittentes,
des tierces & des double-tierces, pour la guérifon defquelles
on a prefque toùjours été obligé d'employer le quinquina.
Il y a auffi eu quelques malades par des coliques convul-
fives, fans tenfion manifefte du bas- ventre : ces coliques
étoient avec vomifiemens, & avec des engourdiffemens &
des roideurs de membres.
Nous avons obfervé qu'il y a eu dans ce même temps,
beaucoup de perfonnes qui fe plaignoient de douleurs fixes
en quelque partie de leur corps ; ces douleurs fe faifoient le
plus fouvent fentir à ur des côtés du ventre, ou à une des
aines. J'ai vû quelques malades qui avoient cette douleur
dans le mufcle de la cuifle, nommé fafcialata, où elle produi-
foit une efpèce d'engourdiffement qui fe failoit fentir dans
toute la cuifle ; ces douleurs difparoifloient, & elles repre-
noient fans caufe apparente : il y a eu quelques perfonnes qui
ont eu cette douleur à la poitrine où au dos, & cependant
ces perfonnes-là ne toufloient point.
Ceux qui ont eu la fièvre dans ce mois, fe fentoient de
cette épidémie qui caufoit des douleurs : ils avoient les join-
tures douloureules, & ils ne pouvaient fe fervir des bras ni
DES SCIENCES. LE
des jambes : le fang qu’on tiroit à tous ces malades étoit vilain,
étoit comme eft ordinairement le fang des fcorbutiques.
Les bouillons amers, & les purgations réitérées, ont été
fort utiles dans toutes ces maladies qui, vrai-femblablément,
avoient un même principe.
Il eft entré à l'Hôtel-dieu pendant le mois de Juin, 1 144
malades : il y en avoit le premier jour, 2805.
Le nombre des morts n’a pas été proportionné dans ce
mois-ci, à celui des malades : il n’eft mort en Juin, que
1183 perfonnes; favoir, $ 69 hommes, & 614 femmes.
Il eft né pendant ce mois, 1632 enfans, favoir, 826
garçons, & 806 filles : il y a eu 249 enfans-trouvés, faifant
partie de ces 1 63 2 enfans nés pendant ce mois.
: Is'eft fait en Juin, à Paris, 286 mariages.
JC N Le EP
Il a encore plu par giboulées en Juillet : la hauteur de
leau de pluie tombée à Paris pendant ce mois, à été de
17 lignes À.
Le baromètre a été fixe à 27 pouces & demi, dans l'été
de cette année pendant plus d'un mois, favoir, depuis les pre-
miers jours de Juin, jufque vers la mi-Juillet : le 1 $ de ce mois,
il étoit à 27 & demi, le vent étoit oueft ; ce jour-là l'après
midi, il eft tombé une grande ondée, & enfuite il a tonné.
Le x 8 le baromètre eft un peu remonté, & le 19 il étoit
à 28 pouces : il a commencé à redefcendre d’une ligne le
27, & ce jour-là il a tonné: le 28 il a éclairé du côté du
nord-nord-eft; le vent a fouvent changé ce jour-là, & il étoit
nord le foir pendant qu'il éclairoit : au refte, le vent a le
plus fouvent été pendant ce mois, fud-oueft & nord-oueft.
Les maladies qui ont régné pendant le cours de Juillet,
ont été des fièvres, & ces fièvres ont eu différens caractères
dans les différens temps de ce mois : au commencement de
Juillet, elles étoient de la nature de cette fièvre épidémique,
qui dans les deux mois précédens avoit déjà fait beaucoup
de ravage dans les environs de Paris.
‘
584 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
Cette fièvre eft communément nommée /4 Suette. Ce fut
en 1718 qu’elle parut pour la première fois en France, dans
un canton de Picardie qu'on nomme / Vimeux, & qui con-
fine à la Normandie. De Vimeux cette maladie paffa à ABbe-
ville, & en s'étendant chaque année, elle a parcouru toute
la Picardie & une partie de la Flandre; & elle eft venue
cette année 1747, jufque dans Paris, où j'en ai vü plufieurs
malades.
Cette épidémie n'a pas tant effrayé à Paris que dans Îes
campagnes, parce que cette maladie n’étoit plus fi nouvelle,
& fur-tout parce qu'on y a donné dans Paris des fecours
prompts & convenables.
La fuette eft, par fa vivacité, de l’efpèce des maladies qu'on
nomme ajgucs ; elle eft cruelle par les accidens terribles qui
Jaccompagnent, & maligne par la façon cachée dont elle
agit le plus fouvent, & par le danger qui l'accompagne.
On meurt de cette maladie quelquefois dans les vingt-
quatre heures qu'on en eft pris : M. Boyer a vû des malades
qui font morts, n'y ayant que quinze heures qu'ils étoient
pris de la fuette; le plus fouvent cependant on n'en meurt
que le 3 ou le $, mais au plus tard le 7 : communément on
n'en meurt point après le feptième jour de la maladie.
Quoique la fuette fe foit fait fentir en Picardie dans toutes
les faifons, cependant elle y a été plus commune & plus dan-
gereufe en été que dans tout autre temps:elle y a parcouru
également les villes & les campagnes.
Elle prend, fans diftinétion de fexe, & les plus robufles
n’en font pas à couvert; au contraire elle paroît d'autant plus
violente, que les fujets qu'elle faifit font plus forts : cette
maladie femble épargner les vieillards, & encore plus les
enfans; & on ne l’a point vû attaquer des perfonnes infirmes.
On n’eft pas exempt de la fuette pour en être réchappé; on a
vû des perfonnes qui en ont été repris plufieurs années de fuite;
&, ce qui eft encore plus fingulier, c'eft que ce retour de la
maladie fe faifoit chaque année, dans le mois où elle avoit pris
la première fois. Il y en a eu qui, échappés de cette dangereufe
maladie,
{
Ÿ
Le
PR, PNR)
Le TR SE
ne. PT
KI
|
DES ScrENcEs 585
maladie ont enfüite été füjets pendant .des mois, & même
pendant une année entière, à avoir des faeurs la nuit dans
leur lit; & ces fueurs étoient avec de petits boutons qui
difparoifloient par le plus petit froid, en fortant du lit.
La fuette n'eft annoncée Par aucun figne avant-coureur,
comme le font la plûpart des autres maladies: elle prend
fubitement & avec la plus grande force, les malades font
failis d’une violente douleur de reins & d'eflomac avec pe-
fanteur, ils font agités en même temps par un tremblement
de tout le corps qui eft un friffon convuifif, ils ont une diff-
culté de refbirer qui les force fouvent de foûpirer, ils font
dans un abattement général, & ils fentent un grand em-
barras dans fa tête, ils ne peuvent prendre de fommeil, ifs
ont tout le corps brûlant avec une moiteur âcre; cette moi-
teur eft fuivie aufli-tôt de fueurs abondantes, bien-tôt il
leur furvient des inquiétudes douloureufes, & il paroît en
même temps à la peau de petits boutons rouges, qui font
- ronds, dela groffeur de graine de moutarde; ils font fouvent
femblables à ceux d'un éréfipèle, & quelquefois à de la rou-
geole : lorfque la maladie eft parvenue à ce degré, la tranfpi-
ration du malade fent l'urine corrompue; il a le vifage en-
flammé, les yeux extraordinairement étincelans & noirs ;
alors le malade paroît être comme frappé de 11 foudre, if
tombe dans un délire & dans un afloupiffement mortels.
Cette cruelle maladie s’eft le plus fouvent montrée telle
que je viens de Ja décrire, mais elle n'a pas attaqué de {a
même façon tous ceux qui en ont été malades: il y en a aux-
quels les boutons ne font fortis que le fecond jour, & même
il y en a d'autres auxquels ils ne font (ortis que le troifième:
lorfque le malade doit en guérir, ces boutons blanchiffent le
feptième jour, & après ce temps ils deviennent farineux.
Les malades de la fuette ont la langue humide comme
en fanté, quoiqu’ils aient une foif extrême : quelquefois ce-
pendant ils l'ont sèche & noire ; on leur trouve le pouls
fréquent & mou; fouvent ils font incommodés de naufées :
quelquefois ils urinent beaucoup, quelquefois peu, & leur
Mém 1747: . Ecee
586 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE RoyaLr
urine eft crue dans le temps même qu'elle eft en petite
quantité Quelques-uns crachent du fang ou faignent du nez,
& le faignement de nez efl quelquefois fi abondant, que les.
malades en tombent en foiblefle, & la plüpart des per-
fonnes du sèxe attaquées de la fuette ont leurs règles hors.
du temps ordinaire.
Les évacuations qui fe font d’elles-mêmes, & qui foula-
gent dans les autres maladies, ne font qu'augmenter celle-ci;
le ventre y eft quelquefois libre, & quelquefois il ne l'eft
point.
La fièvre n’eft pas également violente dans tous les ma-
lades, mais elle eft fans règle dans tous, foit qu'elle foit plus
forte, foit qu’elle le foit moins; & lorfque la fièvre eft moins.
forte, le malade n’en eft pas moins en danger : on peut dire
que dans cette maladie omnia tuta timenda. On a vû quelques-
uns de ces malades de la fuette, qui avoient peu de fièvre le
matin, à qui la fueur n’avoit point ceflé, & dont les boutons
continuoient de paroître : ces malades n'avoient point de
malaife intérieur, ni de chaleur extraordinaire, ni de tref-
faillemens dans les tendons qui annonçaflent du délire; ce-
pendant ils ont été pris tout d’un coup d’une phrénéfie avec
une ardeur violente, le vifage enflammé & les yeux étin-
celans : ils font tombés auffi-tôt dans un afloupiflement dans
lequel ils font morts en peu d'heures.
La fuette laiffe l'impreffion de fon caraétère dans ceux
ui en ont été guéris : ils doivent encore l'appréhender lorf-
qu'ils font malades d’une autre maladie, fi elle eft inflamma-
toire, ou fi elle vient d'un trop grand mouvement des fluides
du corps : quelquefois le malade paroît être tiré de la maladie
ordinaire, & il eft prêt d'entrer en convalefcence, lorfque
la fuette le faifit & l’enlève. Dans ce cas il eft plus facile au
Médecin de la prévoir que de la guérir; car forfque dans
un pays où règne la fuette, il voit que le malade qu'il vient
de guérir de la fièvre, de la pleuréfie, ou d’une autre ma-
ladie inflimmatoire , a le fang difpofé à fe difloudre, & qu'il
lui voit des fueurs extraordinaires, il doit craindre la fuette
DES SCIENCES. 87
ur fon malade, & il doit travailler à la prévenir.
Lorfque la fuette furvient à une autre maladie, les bou-
tons font moins rouges, & ils blanchiffent plus promptement
que lorfque la fuette n’a point été précédée par une maladie
ordinaire.
Tous les Médecins , & particulièrement M. Bellot*, os il den
Médecin de Ja Faculté, qui a traité pendant plufieurs années Et ji
en Picardie, cette maladie épidémique, la caraétérifent de Thète qui
fièvre putride, qui eft plus où moins inflammatoire, Éie Pi-
= M. Boyer, Médecin de la généralité de Paris, qui a été ae id
it fudoriferay
chargé par le Gouvernement de traiter la fuette qui a régné
dans les environs de cette ville, dit qu'elle n’eft point con-
tagieufe : il a obfervé qu'elle refte dans un même lieu, fans
fe communiquer. M. Bellot avoit aufir remarqué qu'elle refte
. quelquefois conftamment dans un même endroit, fans gagner
dans le voifmage.
On peut diftinguer la fuette en benigne & en maligne; les
fueurs font critiques dans la fuette benigne, & elles font
accidentelles dans la maligne : les fueurs qui ne font point
critiques, qui font feulement un accident à la maladie lorf-
qu'elle eft maligne, ne doivent point être entretenues ; & au
contraire, les fueurs qui font critiques dans la fuette benigne,
en font fouvent feules la guérifon: alors ces fueurs font abon-
dantes, & quelquefois fans interruption, pendant environ
fept jours. Ces malades, pour guérir, n’ont befoin prefqué
que de leur lit, du régime, de la tifane, quelquefois dans
les premières heures de fa maladie, d'os faignée, & enfin
de la purgation lorfque les fueurs commencent à diminuer,
ce qui arrive vers le fixième jour de la maladie.
Dans a fuette maligne, on fait vomir tout d’abord : on
à emploie auffi les lavemens & les potions acides, pour
réprimer le gonflement du fang, & en retenir fes principes
qui s'exaltent & fe corrompent : les acides y agiffent aufit
-comme toniques.
Souvent la faignée y eft néceflaire pour diminuer la trop
grande quantité du fang qui eft gonflé, & même quelquefois
Eeece ij
89 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pour affoiblir le malade dans le commencement de la mala-
die, parce que, comme je l'ai déjà dit, ceite maladie eft plus
forie dans ceux qui font plus forts.
L'expérience à fait connoître auffi que les abforbans alkalis
terreux étoient fort utiles dans cette maladie; ce qui donne
lieu de foupçonner qu’elle a encore pour caufe un acide vola-
til, que ces abforbans enveloppent. On ne doit pas faire
difficulté d'admettre cet acide dans le fang de ces malades où
on découvre en même temps un alkali urineux, puifqu'on
voit quelque chofe de femblable dans certaines eaux miné-
rales, où le bitume empêche l'acide & l'alkali d'agir l'un fur
Jautre. On peut dire aufli que l'acide & l'alkali dans le fang
des malades de la fuette, font féparément enveloppés d'une
matière grafle très-fine, qui les empêche de fe joindre im
médiatement.
I a auffi régné à Paris dans le même temps, une fièvre
continue, dont les malades avoient les yeux noirs & étin-
celans, des fueurs extraordinaires & des redoublemens ou
accès de fièvre qui ne revenoient pas tous les jours dans ce
mois de Juillet, comme dans les mois précédens : les re-
doublemens de ces fièvres revenoient de deux jours l'un;
de forte que cependant, ces redoublemens *ou accès avan-
çoient plus encore que n’avancent ordinairement les accès
des fièvres tierces ordinaires : ceux de la fièvre dont nous
parlons, avançoient quelquefois de 12 heures ; & lorf-
qu'ils étoient prêts à éclater, & plus encore dans le temps
de leur force, il s'élevoit fur la peau des ampoules fem-
blables à celles qui fe forment par la piqüre d'ortie; & le
refte de la peau étoit garni de taches rouges irrégulièrement
rondes, qui avoient environ 3 lignes de diamètre : ces taches
& ces boutons caufoient une demangeaifon qui donnoit de
Finfomnie, & une inquiétude difficile à fupporter.
L! s'eft préfenté à l'Hôtel-dieu en Juillet, 1203 malades:
il y en avoit le premier de ce mois 2608.
Quoiqu'il y ait eu en Juillet beaucoup de malades, il n'y
eft mort que 1171 perfonnes, favoir, $92 hommes, &
579 femmes.
DES SCIENCES. 589
Il eft né pendant ce mois 1702 enfans, favoir, 899 gar-
çons, & 803 filles. Il y a 1449 de ces enfans qui font
légitimes, & 253 trouvés.
LE 5 eu re
Dans les huit premiers jours d’Août, le vent a été nord
& nord-eft, comme dans les derniers jours de Juillet. Le
baromètre étoit pendant ce temps à 28 pouces, & le 9 du
mois il eft defcendu à 27 pouces +; alors le vent eft
devenu oueft. Le ro, il a été fud-oueft, & il n’a cependant
point plu à Paris; mais il a plu ce jour-là en Picardie, à 1 2
_dieues de Paris. Quoiqu'il ne pleuve pas dans un lieu, la
conftitution de l'air peut y être, par communication, à peu
près comme s’il y pleuvoit, lorfqu'il pleut dans le voifinage.
Au refte l'air a été fec pendant le mois d’Août : le vent
y a fort varié; il a été Le plus fouvent oueft approchant du fud.
Le thermomètre a monté à 25 lignes + le 27 d’Août,
qui a été regardé à Paris comme le jour le plus chaud de ce
mois.
I y a eu à Malthe le 25, jour de faint Louis, un trem-
blement de terre; les nuages y venoient du nord, du nord-
eft, & du nord-oueft; cependant le vent qui étoit plus proche
de la terre, étoit fud. Le ciel, en cette ifle, paroïfloit couvert
ce jour-là.
M. Molin, Médecin confultant du Roi, m'a dit que les
maladies qu'il a vües pendant ce mois d'Août, étoient des
fièvres malignes, des fièvres avec fueurs, & des fièvres avec
enflures.
J'ai obfervé que prefque toutes les fièvres qui ont régné
pendant ce mois, ont été avec embarras & douleurs de tête;
& qu'elles ont prefque toutes porté à la peau, en fueurs ou
en boutons. M. Vernage m'a confirmé cette obfervation.
Dans le commencement d'Août, il y a eu des fièvres
éphémères, ou continues fimples, qui n'ont duré qu'un
jour , quelquefois deux ou trois jours, |
Il y a auf eu des fièvres continues, qui ont été d’une
Eéce iij
590 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe
plus longue durée, & qui étoient compliquées ; ces fièvres
éroient prefque toutes avec éruption à la peau, en grandes
taches rouges, comme dans les fièvres qu’on nomme fièvres
rouges : le deuxième ou le troifième jour de la maladie, if
fe formoit de petits boutons rouges, vers le milieu des taches
de la peau ; & le tout étoit avec demangeaifon. La rougeur
dé la peau commencoit à diminuer, lorfque ces boutons com-
mençoient à fe former ; cependant il reftoit des taches rouges
auffi long - temps qu'il reftoit des boutons, & le tout étoit
accompagné de fueurs.
On a vù des malades de ces fièvres continues, qui n'ont
point eu de taches rouges, ni de boutons au corps, mais
feulement des efpèces d’enflures aux extrémités, ou bien les
taches rouges du corps fe diflipoient lorfque ces enflures fe
formoient aux extrémités; & ces enflures étoient femblables
à celles que caufent des piqüres d'ortie, mais elles étoient
beaucoup plus groffes, & avec une grande demangeaifon.
Les malades qui avoient ces enflures aux extrémités, fe
plaignoient d'un embarras douloureux de la tête, accompagné
d'afloupiflement & d'une grande agitation; au lieu que ceux
qui avoient des taches rouges & des boutons au corps, étoient
fans afloupiffement, l'embarras de la tète étoit moindre, &
ces malades n’étoient pas fi agités. Je crois que le fang fe
portoit dans ceux-ci, aux membranes du cerveau; & j'ai ob-
fervé qu'ils avoient les yeux rouges : les malades qui avoient
des enflures aux extrémités, n’avoient pas de même les yeux
rouges, quoiqu'ils euflent la tête plus embarraflée encore,
parce que vrai-femblablement c’étoit dans le cerveau même,
de ceux-ci, que le fang étoit en trop grande quantité, &
dans un mouvement qui n'étoit pas naturel.
Quoi qu'il en foit, ces malades guérifloient tous par
les faignées du pied, & par les apozèmes faits avec les
feuilles de piflenlit, de bourroche, de cerfeuil & de fco-
lopendre, auxquels on joignoit les purgations de temps en
temps.
Il y a eu encore d'autres fortes d'éruptions à la peau,
| DES SCIENCES 59T
que quelques Médecins ont regardées comme des petites
véroles manquées : on a vû aufli dans ce temps, des petites
véroles réelles.
Les fièvres continues avec douleur de tête, qui étoient
fans éruption à la peau, & feulement avec fueurs, dégéné-
roient plus aifément en fièvres malignes, que celles qui
étoient avec des taches ou des boutons au corps.
Il y a eu à la campagne, aux environs de Paris, beaucoup
de ces fièvres avec douleurs de tête, fans éruption à la peau ;
& on attribuoit ces maladies à des coups de foleil, parce
qu'effeétivement l'ardeur du foleil a été extraordinaire pen-
dant ce mois, fur-tout les 10, 18, 19, 20 & 21.
Ces douleurs de tête des gens de la campagne, prenoient
par accès ; ces accès duroient environ une heure, & ordinai-
rement il y avoit auffi une heure d'intervalle d’un accès à
un autre,
Le vifage du malade ne changeoït pas dans le temps des
accès , il confervoit fon teint ordinaire ; cependant les muf£
cles du vifage paroifloient être en contraction, & il décou-
loit des larmes des yeux.
Les faignées du pied, & lufage des ferviettes mouillées
d'eau tiède, avec lefquelles on enveloppoit la tête du malade,
guérifloient fort facilement ces maladies.
J'ai vû de ce$ malades qui, n'ayant point été fecourus,
étoient à l'agonie, & auxquels il s'étoit fait à la peau une
éruption de boutons, comme des grains de millet; & cette:
éruption fe faifoit environ vingt-quatre heures avant leur
mort,
Il y a auffi eu à Paris pendant le mois d'Août, des fièvres
intermittentes, qui étoient ou quotidiennes, ou double-
tierces, ou tierces. Ces fièvres prenoient par un froid, &
fouvent les malades avoient du délire & une grande agita-
tion dans le fort des accès ; ces fièvres intermittentes me
paroifloient tenir en cela, de la nature des fièvres continues
qui régnoient dans le même temps : j'ai encore obfervé que
quelques-unes de ces fièvres intermittentes, étoient avee
592 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
douleur au côté de Îa poitrine; les malades de ces fièvres,
fe plaignoient d'avoir le cœur chargé, & ils avoient une
petite toux, fur-tout dans le temps du froid & de l'accès:
ces fièvres ont cédé aux remèdes ordinaires, aux faignées du
bras & du pied, aux vomitifs, aux purgatifs & au quinquina.
Quelques-uns des malades de ces fièvres, s'étant plaint
d'aigreurs, je leur ai donné du corail & des yeux d'écrevifles
qui ont adouci ces aigreurs, & qui en même temps ont
guéri la fièvre ; c’eft ce qui m'engagea à confeiller dans a
fuite aux autres malades de cette fièvre, même à ceux qui
n'étoient point incommodés d'aigreurs, le corail & les yeux
d'écreviffes mélés avec du quinquina : pour quelques-uns de
ces malades, j'ai fait joindre au quinquina des coquilles d'œufs
préparées ; un de ceux auxquels je faifois prendre le quinquina
avec les coquilles d'œufs, me dit qu'après chaque prile, il
fentoit un calme & une fraicheur agréable fe répandre par-
tout fon corps.
Il y a auf eu pendant ce temps quelques douleurs de
colique ; & ceux qui en étoient incommodés, reffentoient
quelquefois des douleurs de rhumatifme fur une des cuiffes
ou fur une hanche ; & les excrémens de ces gens-là, étoient
glaireux & moulés plus menus qu'à l'ordinaire.
Enfin, dans les derniers jours du mois, plufieurs perfonnes
ont été prifes de dévoiemens. …
Il eft entré à l'Hôtel-dieu pendant le mois d'Août, 1372
malades ; il y en avoit le premier jour, 2 $09.
Il eft mort à Paris pendant le mois d'Aoùût, 1286 per-
fonnes, favoir, 706 hommes, & $ 80 femmes.
I y eft né 191 $ enfans, 969 garçons, & 946 filles : de
ces 191 5 enfans, il y en a 1 649 reconnus, & 266 trouvés.
Et il y a eu dans ce mois, 297 mariages.
SEPTEMPRE,
Le mois de Septembre a été, cette année 1747, fur-tout
les premiers jours, aufli chaud & aufli fec que l'eft ordinaire-
ment le mois d’Août.
Dans
DES SCIENCES
Dans les premiers jours de Septembre, le vent eft venu
du fud, & le ciel a été très-ferein, II y a eu alors beaucoup
de dévoiemens bilieux , avec des douleurs de colique ; & il
y a aufli eu dans le même temps, de fimples ténefmes.
La nuit du 4 au $ le vent a changé du fud à l'efl, & il a
continué de faire chaud jufqu’au 6 à midi, que l'air s’eft un
peu refroidi par un grand vent de fud- oueft: le foleil a ceffé
de luire, & il y a lieu de croire qu'il a fait alors de l'orage
dans les environs de Paris ; l'air y faifoit, même fur l'odorat,
Vimpreffion qu'il y fait lorfqu'il tombe. de la grêle, & il
fembloit qu'il alloit pleuvoir ; cependant il n’a plu que la
nuit fuivante, & le vent eft tombé avec la pluie. M. du
Hamel marque dans fon journal, qu’il tonna ce jour-là à
Pluviers, qui eft environ à 20 lieues de Paris.
Le ciel a, depuis ce temps, été prefque toûjours couvert
pendant ce mois, quoique la chaleur foit revenue comme
auparavant, & qu'il n'ait plu que rarement, & en petite
quantité.
On a commencé alors à voir des dyfenteri ies, fur-tout
. parmi les enfans : il a continué d'y avoir beaucoup de per-
fonnes incommodées par des mouvemens de bile dans les
entrailles.
Depuis ce temps, le BR a prefque toüjours été à
27 pouces & demi; & il y eft refté tout le mois, quoique
le temps füt affez beau. |
Le vent a prefque toüjours été fud-oueft, & ïl na
point amené de pluie, comme il fait ordinairement : le
10, le vent ayant été pendant quelques heures nord-eft,
La féchereffe a augmenté; & l'air a été frais pendant que le
vent eft venu de ce côté-à.
Depuis ce temps, il y a eu des rhumes & des maux de
gorge, mais en moindre quantité que dans le mois précédent:
le gargarifme de M. de Juffieu, qui eft : compofé avec l'eau
de joubarbe, le kermès, le firop de müres & l'eau de vie,
eft de tous les gargarifmes celui qui a le mieux réuffi dans
ces maux de gorge,
Mén, 1747: . Ffff
$94 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le 1 3, le vent étant venu du fud, & enfuite du fud-eff,
& étant retombé prefque auffi-tôt au fud-oueft, où, comme
je l'ai déjà dit, il a prefque toüjours été; pendant ce mois
il y a eu des apoplexies.
Le 15 &le 16, il a plu: le 17 l'air étoit fec, quoique le
vent continuât d’être fud-oueft ; le foleil a lui ce jour-là,
& le baromètre eft un peu defcendu.
Le 27, le vent étoit nord-eft, & cependant il faifoit plus
chaud que la veille où le vent étoit à l'eft ; il a tonné le 27,
& il y a eu des éclairs toute la foirée de ce jour-là : le vent
fut le foir fud-oueft pendant quelques heures, & enfuite
nord , où il eft refté le lendemain, & il a plu; mais il a paru
que le vent de nord rendoit l'air plus fec, que la pluie ne le
rendoit humide. ï
ÏH y a eu dans ce temps des fièvres putrides qui deve-
noient dangereufes lorfqu'elles n'étoient pas bien traitées
dans le commencement : ces fièvres étoient avec redouble-
ment, fans friffon; on les guérifloit plus aifément qu'on ne
guérit ordinairement ces fortes de fièvres, lorfqu'après avoir
fait à propos, dans le commencement, les remèdes généraux,
on employoit le quinquina purgatif.
On a vü auffi les mêmes maladies à Ja campagne des en-
virons de Paris, & elles y ont mème été plus communes, fur-
tout à Montargis, où elles étoient accompagnées de fueurs
exceflives, & de violentes douleurs de tête : quelques-uns
de ces malades n'ayant pas été faignés du pied, font devenus
fous.
Il eft entré à l'Hôtel-dieu, en Septembre, 1787 malades;
il y en avoit le premier de ce mois, 2625.
Quoiqu'il y ait eu un peu moins de malades pendant le
mois de Septembre, qu'il n’y en a eu dans chacun des trois
mois précédens , cependant il y eft mort beaucoup plus de
monde : le nombre des morts de ce mois, monteà 1636,
favoir, 867 hommes, & 769 femmes.
Et par une efpèce de compenfation, pour ainfi dire, il
eft né auffi plus d'enfans pendant ce mois : le nombre des
DES US IC LNEIN CES; 95
énfans nés pendant le mois de Septembre, eft de 1856,
favoir, 966 garçons, 890 filles. I y a eu 1575 enfans
reconnus, & 28 1 trouvés.
Il s'eft fait pendant ce mois, 309 mariages.
O'CTNO BRIE,
Dans les premiers jours d'Octobre, le vent eft prefqué
toüjours venu de l'oueft & du fud-oueft, cependant l'air a
pendant tout ce temps, été fec : le baromètre marquoit Île
temps ferein , il étoit aux environs de 28 pouces : le 9, le
vent a ceflé de venir du fud-oueft, il eft venu du nord, & il
a plu ce jour-là. Le lendemain, le vent ayant recommencé
à fouffler du fud-oueft, l'air eft redevenu {ec & plus chaud.
Peu de perfonnes font tombées malades dans le commen-
cement de ce mois: il ny avoit de malades dans ce temps,
que ceux qui n'étoient pas encore guéris des maladies dont
ils avoient été pris le mois précédent, favoir, des dyfenteries
& des fièvres, qui étoient avec affoupiflement & fueurs,
M. Macquer m'a confirmé cette obfervation.
Le 1 2 O&tobre, le baromètre étoit à 28 pouces 2 lignes:
vers la moitié de ce mois, ila commencé à y avoir des brouil-
: Jards le matin ; & il a quelquefois gelé la nuit.
On a vü dans ce temps des fièvres putrides, qui étoient
avec des élevüres à la peau, des fueurs & de l’affoupiffement:
le fang qu'on tiroit aux malades de ces fièvres, étoit rouge,
tel qu'il eft fouvent dans les fièvres malignes ; & il s’eft fait
quelquefois à la fuite des fièvres de ce mois, une enflure par
le dépôt de l'humeur fur une des cuifles du malade,
Le 16, le vent étoit fud-oueft, & le baromètre ef refté
au ferein, quoique l'air ait été fort humide, & qu'il ait
beaucoup plu ce jour-là : le lendemain 17, le mercure monta
à 28 pouces 2 lignes +, mais il avoit ceflé de pleuvoir,
& le temps étoit beau; en général, le temps a été ferein pen-
dant le mois d'Otobre, & j'ai obfervé que les vents de
nord, qui ordinairement font froids & fecs, ont été doux
pendant ce mois.
Ffff ij
96 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
I y a eu dans ce temps des dévoiemens, qui dans plu
fieurs malades font revenus quelques jours après avoir été
guéris ; ces dévoiemens étoient catharreux, fouvent ils com-
mençoient par des rhumes de cerveau, & ces rhumes fe dif
fipoient lorfque le dévoiement avoit lieu : dans quelques-
uns de ces malades, le rhume recommençoit lorfque le
dévoiement étoit arrêté.
I y a auffi eu vers la fin d'Oétobre, des fièvres qui pre:
noient irrégulièrement par des friflonnemens ; ces fièvres
étoient toûjours accompagnées de grandes douleurs par tout
le corps: lorfque l'humeur qui caufoit ces douleurs, fortoit
par la peau, en boutons où en fueurs, les douleurs fe difr-
poient ; & lorfqu'au contraire ces boutons & ces fueurs cef-
foient de paroître, les douleurs reprenoïent , ce qui prouve
que ces éruptions n'étoient point une maladie de Ja peau,
qu'elles étoient un accident de la maladie, dans laquelle l'hu-
meur fe dépofoit naturellement à la peau. Ces dépôts dont
je viens de parler, & qui fe font faits plus communément à
la cuifle, à la fuite des fièvres du commencement du mois,
venoient vrai-femblablement de [a même humeur, lorfqu’elle
ne s’étoit pas portée totalement à la peau, en boutons où
en fueurs.
On voit quelque chofe d’analogue à ceci dans la rou-
geole & dans la petite vérole, où les malades ont prefque
toûjours de grandes douleurs dans les membres avant que
l'éruption fe foit faite à la peau, après laquelle ces douleurs
ceflent.
Quelques-unes de ces fièvres d'Oftobre, & les douleurs
qui les accompagnoient, ont cédé aux faignées & aux pur-
gations réitérées ; ce qui paroît favorifer le fentiment de ceux
qui croient qu’on peut emporter par les glandes des inteftins
les humeurs qui fe portent à fa peau, & même celle qui fait
la petite vérole ; de forte que fi on ne peut pas garantir de
cette maladie, on peut du moins en diminuer confidéra-
blement la matière par les évacuations; & l'expérience ap-
prend que la purgation eft le moyen le plus efficace poux
.
Sur isiS ic 'E NC ES 597
prévenir Îles mauvaifes fuites de la petite vérole, qui font
erdinairement des dépôts.
I eft entré à l'Hôtel-dieu, pendant ce mois, 1878 ma-
des : il y en avoit, le premier jour, 279 1.
Quoiqu'il n’y ait pas eu extraordinairement de malades
pendant le mois d'Oétobre, il y eft cependant mort 1 526
perfonnes, favoir, 79 6 hommes & 73 0 femmes.
Il eft né beaucoup d’enfans pendant ce mois : le nombre
en monte jufqu'à 1949, favoir, 1642 légitimes, & 307
enfans trouvés ; le nombre des garçons eft de 974, & celui
des filles de 975.
I s’eft fait à Paris dans le mois d'Oétobre, 371 mariages:
NOV E M.B.R Æ.
Le temps a été moins pluvieux & moins venteux en No-
vembre 1747, qu'il ñe l'eft ordinairement dans cette faifon :
le baromètre a le plus fouvent été à 27 pouces 9 lignes; le
16, il a été à 28 pouces 4 lignes.
Le vent qui a dominé pendant ce mois, a été celui de
Voueft : il a paru que les vents de nord n'ont pas été plus
froids dans ce mois, que ne l'a été celui d’oueft; ce qui peut
venir de ce que le vent de nord tomboit prefque auffi-tôt
après s'être élevé, & il ne lui fuccédoit point d'autre vent :
il n’y avoit quelquefois point de vent du tout en l'air pen-
dant environ vingt-quatre heures; cependant les girouettes
dénotoient le vent nord, parce qu'elles étoient reftées où le
dernier vent, qui avoit été nord, les avoit tournées.
Le ciel a plus fouvent été couvert de nuages, qu’il n’a été
clair & ferein; le temps a été en Novembre tel que Syden-
ham le dit être propre à occafionner la petite vérole, auffi y
en a-t-il eu beaucoup dans ce mois; & elle a été bénigne &
de l'efpèce qu'on nomme dfcrête. |
Le 7, le vent ayant changé de l'eft au fud, il s’eft fait des
fontes fubites d’une pituite qui tomboit de la tête fur la poi-
wine, & qui caufoit des catharres fuffocans qui étoient avec
fièvre : ces fontes ont auffi produit de fauffes pleuréties,
Ff£f ii
598 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE RoyALE
J'ai vû dans ce mois de Novembre quelques malades d'une
fièvre fingulière & très-dangereule ; cette fièvre étoit inter-
mittente, mais le retour des accès n’en étoit pas réglé; il y
avoit quelquefois plufieurs accès en un même jour, & fou-
vent les malades étoient plufieurs jours fans en reffentir : les
accès prenoient par un froid, & ordinairement ce froid étoit
avec friflon.
Ces fièvres réfiftoient opiniâtrément au quinquina donné
le plus méthodiquement : les coquilles d'œufs & les autres
abforbans n'y réuffifloient pas mieux; il paroifloit même que
ces fièvres s'irritoient par l'ufage du quinquina, des apozèmes
& des autres remèdes.
Les malades de ces fièvres avoient la bouche extrèmement
mauvaife , leur falive étoit épaifle & amère, les délayans &
les puroatifs ne diminuoient point ces accidens , il fe faifoit
un flux de bile qui étoit comme de la lie d'huile : fouvent,
fur-tout le foir, les malades vomifloient de la bile; & l’émé-
tique ne les faifoit jamais vomir, il les purgeoit par bas, &
les purgations ne les foulageoient point.
ÎL y a auffi eu vers la fin de Novembre des fièvres putrides
qui prenoient par une courbature avec pefanteur & douleur
de tête. M. Vernage m'a dit qu’il a vü dans ce temps beau-
coup de ces fièvres. Les véficatoires, après les faignées du
pied & après les évacuations procurées par l'émétique, ont
fouvent réufli pour guérir ces fièvres, parce que l'accident
principal étoit une affeétion comateufe.
IL eft entré à l'Hôtel-dieu en Novembre, 1643 malades :
il y en avoit, le premier du mois, 2927.
I! eft mort en Novembre 1 394 perfonnes, favoir, 717
hommes, & 677 femmes.
Il eft né pendant ce mois 1773 enfans, favoir, 947
garçons & 826 filles ; de ce nombre il y en a eu 1507
reconnus, & 266 trouvés. } |
Il s'eft fait pendant ce mois, 45 2 mariages,
DES SCrENCES 599
DE CE MB RE,
I n’y a point eu de mois fi humide que celui de Dé-
cembre, la hauteur de l’eau de pluie tombée dans ce mois,
a été de 22 lignes +, le vent y a prefque toûjours été
fud, fud-oueft, & ouefl : le 12 & le 13, il a été très-
violent.
On a remarqué dans les jardins de cette ville, que fes
feuilles des arbres ne font pas toutes tombées cette année, &
que même il en a repouflé de nouvelles dans ce mois.
Le temps a été plus doux pendant ce mois, qu'il ne l’eft
ordinairement dans cette faifon; cependant, le 6 il y a eu dur
verglas, le vent venant du nord; & trois jours après, le vent
étant oueft, il a tombé de la neige, mais en petite quantité,
Le baromètre a le plus fouvent été pendant ce mois entre
27 pouces & 27 pouces +; il a cependant monté le 2 Dé-
-cembre à 28 pouces 7 lignes.
On 2 encore vü dans le commencement de Décembre
de ces fièvres putrides qui ont été fort communes dans les
derniers mois de cette année, & dans lefquelles {a purgation
réuffifoit fingulièrement. M. Guettard a fait la même obfer-
vation dans ce mois de Décembre.
Il y a eu dans le même temps beaucoup de malades de
douleurs vagues très-violentes dans les parties fupérieures
du corps, & on a vü aufli des maladies de la peau.
I! y a apparence que ces différentes maladies qui régnoient
dans le même temps, ont été caufées par la même humeur:
es malades de la fièvre putride étoient pris de la même fa-
çon que l'étoient les malades de douleurs vagues; les uns &
les autres reffentoient une efpèce de courbature très-doulou-
reufe, fur-tout au cou & aux parties extérieures de la tête,
Les malades de fièvre putride auxquels il eft forti des
boutons à la peau, ont été délivrés dans ce même temps
du danger où ils étoient : les accidens de la maladie ont dif-
paru, & la fièvre eft tombée, lorfque les boutons ont paru.
Les malades de douleurs vagues en ont de même été
6oo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyaLeE
délivrés, lorfqu'il leur eft forti à la peau des boutons ou
de petits abcès.
Vers la moitié du mois, il n’y avoit prefque point de
malades, cependant on voyoit encore quelques dyfenteries,
dont il y a toûjours eu quelques-unes depuis le mois d'Août.
A la fin du mois, il y a eu des fontes fubites d’eaux par
Ja bouche, & quelques fluxions éréfi pélateufes. On a vû auffi
dans les derniers jours du mois, des apoplexies violentes,
dont les malades mouroient en peu de jours, même de jeu=
nes gens, ce qui n'eft pas ordinaire. Ÿ
I! s'eft préfenté, en Décembre, à l'Hôtel-dieu, 145 3 ma-
lades : il y en avoit, le premier de ce mois, 3009.
H eft mort pendant ce mois de Décembre, 1440 per-
fonnes, favoir, 78 3 hommes, & 657 femmes.
Et il y eft né 1684 enfans, favoir 827 garçons &
785 filles. De ce nombre, il y en a eu 1429 reconnus
légiimes, & 25 5 trouvés.
I ne s’eft fait à Paris, dans tout le cours du mois de Dé-
cembre, que 9 $ mariages.
R'ÉCCAPITULATION.
En général, cette année a été plus humide que sèche : Ia
quantité d'eau de pluie en hauteur qui eft tombée à Paris
dans le cours de 1747, efl de 1 $ pouces + de ligne; favoir,
6 pouces 7 lignes? dans les fix premiers mois, & 8 pouces
s lignes dans les fix derniers.
L'été & l'hiver ont été plus humides que le printemps &
que l'automne, à raifon de ce que le font ordinairement ces
faifons ; & même l'automne a été sèche, tempérée, & très-
belle.
Il n’y a point eu cette année d’ouragans dans les équi-
noxes, comme il a coûtume d'y en avoir.
Le printemps a été tempéré à l'ordinaire, & il y a eu
moins de malades dans cette faifon, qu'il n'a coûtume d'y
en avoir : le nombre des morts y a cependant été plus grand
que dans aucune autre faifon.
L'hiver
DES SIC IE N GE S 6or.
L'hiver a été extraordinairement doux : M. du Hamel a
remarqué que le 2 5 de Janvier, on voyoit encore des feuilles
vertes aux amandiers & aux pommiers. Îl y a eu beaucoup
de malades pendant hiver, & le nombre des morts y a paru
proportionné à celui des malades. Le
L'été a été le temps de cette année où il y a eu le plus
de malades, & cependant ç'a été la faifon où il eft mort
le moins de monde. |
En automne au contraire, il ya eu plus de morts à pro-
portion, & moins de malades.
Il y a eu plus de morts & moins de malades les fix pre-
miers mois de l’année, que les fix derniers : le nombre des
morts dans les fix premiers mois a été de9274, & il n'a
été que de 8453 dans les fix derniers.
I eft né aufli plus d’enfans les fix premiers mois que les
fix derniers : il y en a eu 10936 les fix premiers mois, &
10879 les fix derniers.
Dans tous les mois de’cette année, il eft mort plus
d'hommes que de femmes, à l'exception du mois de Juin,
où il eft mort plus de femmes que d'hommes : il y eft mort
614 femmes, & feulement 569 hommes.
11 eft né cette année prefque autant de filles que de garçons :
favoir, 11071 garçons, & 10744 filles. Le nombre des
garçons eft à celui des filles, à peu près, comme 29 eft à 28.
M: de Parcieux , de cette Académie, rapporte dans fon
Effai fur les probabilités de la durée de la vie humaine, une
fupputation faite à Paris dans la paroiffe ‘de faint Sulpice,
de 30 années confécutives, où il eft né 24 garçons pour
23 filles; & une autre fupputation faite pendant 8 2 ans de
fuite à Londres, où il eft né 18 garçons pour 17 filles:
de forte qu'on peut dire qu'en Europe, communément, il
vient au monde plus de garçons que de filles.
. Le mois de Juillet a été celui de l’année où il eft mort
moins de monde : il n’y eft mort que 1171 perfonnes. Et
au contraire, il en eff plus mort en Avril que dans aucun
autre mois : il y eft mort 1889 perfonnes.
Mém. 1747. - Gegg
6o2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le mois d'Oétobre eft celui de l'année où il eft né plus
d'enfans : leur nombre monte en Oflobre, à 2049. Et au
contraire, le mois de Juin eft celui où il en eft moins né:
leur nombre ne va en Juin, qu'à 1632.
* Le temps de l'année où il foit mort moins d'hommes,
a été en Juin, où il n'en eft mort que $ 69 ; au lieu qu’en
Avril, il en eft mort 1061; & c’eft le mois de l’année où il
en eft mort le plus.
Le mois de Mars eft le temps de l'année où il foit né
plus de garçons : il en efl né dans ce mois 1003. Et au
contraire, le temps oùil eft né moins de garçons, c'eft en
Juin où il n'en eft né que 826.
Lc temps où il eft mort moins de femmes a été en Juillet:
il n’y en eft mort que $79. Et au contraire, il efl plus mort
de femmes en Avril que dans aucun autre mois : il en eft
mort 853.
I! eft plus né de filles en Janvier qu’en aucun autre mois
de l'année : il y en eft né 976. Et au contraire, le mois où
il en eft moins né, c'eft en Juillet : il n’y en efl né que 803.
H eft entré à l'Hôtel-dieu dans le cours de cette année
179 58 malades. Le mois où il y en eft moins entré, c'eft
en Juin; & au contraire, celui où il en eft le plus entré, c'eft
en Oftobre,
Il y a eu à Paris beaucoup de malades dans le cours de
1747, & il y efl mort, en comprenant les perfonnes reli-
gieufes, étrangères & autres, 28 1 5 8 perfonnes; favoir, 9 592
hommes, & 8566 femmes: de forte que le nombre des:
morts pendant l'année 1747, a furpaflé de 107, celui de
Yannée 1746, pendant laquelle il y avoit eu 729 morts plus
qu'en 1745+
Le nombre des enfans qui naiffent chaque année, me pa-
roit excéder à Paris toûjours celui des morts dans la même
année : ileft né 2 1 81 $ enfans dans le cours de 1747, favoir,
18446 légitimes ou reconnus, & 3 3 69 trouvés, |
H s'eft fait à Paris dans le cours de l’année 1747, 41 6
mariages ; & le temps où il s'en eft plus fait, c’efl dans. le
DES SCIENCES. 603
mois de Février : il s’en eft fait 581; & il ne s’en ef fait
que 90 en Mars, qui eft le mois où il s’en eft moins fait.
En 1747, les maladies ont porté à la tête & à la peau , à
peu près comme en 1746; cependant elles n’ont pas f1 géné-
ralement attaqué la tête en 1747, qu'en 1746; & elles y
ont plus porté en 1747 dans les fix derniers mois, fur-tout .
dans celui d’Août, que dans les fix premiers; au contraire,
elles y avoient plus porté en 1746 dans les fix premiers.
Au refte, il y a eu beaucoup de maladies de la peau en
1747, & cette épidémie s’eft répandue en même temps juf-
qu'en Amérique : M. Artur, Médecin du Roi & Confeiller
au Confeil fupérieur à Cayenne, a écrit à M. de la Conda-
mine de cette Académie, qu’il y avoit eu cette année-là, une
efpèce de rougeole ou de fièvre écarlate, qui avoit commencé
dans ce pays à lorient de Cayenne, & que cette maladie
avoit fait périr un très-grand nombre d’Indiens dans l'inté-
rieur des terres, où ils étoient abandonnés à la Nature feule;
qu’il en eft moins mort dans la Mifron de Courou, parce
qu'ils y étoient fecourus; ce qui prouve à ces efprits fuper-
ficiels, incrédules à la Médecine, que quoique les hommes
meurent aujourd'hui, comme ils mouroient avant qu'ils
euflent parmi eux des Médecins, c’eft-à-dire, quoique les
hommes foient mortels malgré les médecins, ils meurent
cependant moins ou plus tard, moyennant la. médecine. Mal
à propos dit-on, par exemple, qu'on meurt prélentement
en Ruffie, comme on y mouroit avant que le Czar Pierre I
y eut établi des médecins : la plus légère attention fuffit pour
montrer la faufleté d'un pareil raifonnement.
L'obfervation de M. Artur prouve aufii que malgré la
diftance des lieux & la différence des climats, les mêmes
maladies affligent les hommes ; ce qui a été de tous es
temps, comme on le voit par les livres des épidémies d'Hip-
pocrate ; d’où l’on peut conclurrequ'il y a en Médecine des
règles générales & certaines qui doivent avoir lieu dans tous
les temps & dans tous les climats.
PSS {
Goggi
Laburnum.
Aubour.
604 MÉnoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
TROISIEME MEMOIRE
SUR
LES GLANDES DES PLANTES:
Et le fecond, fur l'ufage que l’on peut faire de ces
parties dans l’établiffement des genres des Plantes.
Pi M GuETTAR'D.
ki E fuivrai dans ce Mémoire, l'ordre que j'ai adopté pour
le fecond. Je rapporterai les raifons qui me font féparer
des genres qui ont été réunis; j'indiquerai ceux qu'on pourroit
faire de nouveau; & je confirmerai, par des exemples dé ce
que j'ai oblervé dans quelques genres nouvellement établis,
la validité de mes raifons.
Prelque tous les Auteurs fyflématiques n'ont fait qu'un
genre des cytifes & des laburnum où aubours. M": Rivin &
Boerhaave font, je crois, les feuls qui aient formé ce der-
nier. Je penferois auffi qu'il pourroit fubfifter, pour les ef.
pèces du moins qui ont les glandes véficulaires, que j'ai
obfervées dans celle qui eft communément appelée ayan.
Ces glandes font un peu élevées, & d'un foufre pâle ; elles fe
voient en deflus & en deflous des feuilles. M. Vaillant avoit,
dans fon herbier, rangé cet arbre avec les faux acacia, & y
avoit joint le £inri des Indiens, ou le bois gris & le cytife
de Mariland; le premier ne diffère de celui-ci, que parce
que fes glandes font d’un beau jaune foufré, & qu'elles font
d'une couleur d’ambre rougeâtre dans l’autre. Si l'on penfoit
donc que lon püt rétablir le genre d'aubour, je croirois que
l'on pourroit regarder ces trois plantes comme des efpèces
de ce genre, d'autant plus qu'il faut qu'elles aient un rapport
affez prochain par la fleur, puifque M. Vaillant les plaçoit
fous le même genre. J'y rangerois encore le haricot ou fève
purgaive, & le bagnaudier de Madras, à feuilles de fenfitive,
D r'S1) SCALE AN exe 6o5
& qui porte des filiques : le premier a des glandes véficulaires
en une quantité médiocre, & qui ne paroiflent point colo-
rées ; celles du fecond font rougeâtres. Toutes ces plantes
ont des filets, mais toutes n’en ont pas en même quantité :
le kayan & le cytife de Mariland font les, deux efpèces qui
en font le plus chargées ; on en obferve fur toutes leurs
parties, excepté les pétales & les étamines, & ils y font en
grande quantité ; ils ne diffèrent entr'eux, que parce que
ceux du kayan font voir des couleurs auffi variées que celles
de la nacre de perle ou de l'arc-en-ciel, au lieu que ceux du
cytile de Mariland font blancs, couleur qui eft auffi celle
des filets des autresefpèces. Le haricot ou fève purgative, m'a
paru la plus life de toutes, les autres en ont un peu plus fur
quelques-unes de leurs parties ; mais la quantité eft toûjours
médiocre, en comparaifon de celle que j'ai trouvée dans le
fayan & le cytife de Mariland: au refle, la figure de ces
filets eft cylindrique, comme dans les vrais cytifes & les faux
acacia. Le grand nombre des premiers que j'ai examinés,
mempèchera de les nommer ici, il me fuffira de dire que
j'ai vü prefque tous ceux des Inftituts, & plufieurs autres qui
n'y font pas rapportés. Comme le nombre des plantes que
M. Vaillant rangeoit avec les faux acacia, eft beaucoup plus
petit, je les rapporterai d'autant plus volontiers, que cela
pourra engager à examiner s'ils font réellement de ce genre.
Ces plantes font donc, le faux acacia ordinaire: l'arbre de
. Malabar qui approche du haricot, qui a les feuilles aïlées, les
filiques larges, courtes & qui efl monofperme; le bois angelin
ou le fixième baibaiba; Y'acacia de Madras, à feuilles de buis &
à filiques comprimées; le bois de favonrette bâtard, le fecond
toulichiba, & le troïlième caapomonga : toutes ces plantes ont
en général de très-courts filets, & en médiocre quantité :
quelques-unes, comme le toulichiba, en ont les filiques toutes
blanches & drapées ; mais quel que foit leur nombre, je n'ai
point vû de glandes véficulaires.
M. Linnæus femble, dans une note qu'il a faite en parlant
du corindum, ou pois de merveille, pencher pour que l'on ne
"Gegg il
Corindum:
Pois de mer-
veille.
Serjania,
L2 Serjane.
S'pindus,
Bois à favon-
nette,
Cururu,
Becabunga.
Veronica.
Véronique.
606 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALr
fit qu’un genre de ce dernier, de celui du /apindus où bois
à favonnette, & des ferjania, auxquelles il a déjà réuni celui
du cfruru, & qu'il a nommé pawllinia. Suivant mes obferva-
tions, celui qui en devroit être le plus éloigné, feroit le
cururu mème ; je n'ai point vû dans les efpèces que j'ai exami-
nées, les glandes véficulaires de la ferjania à plufieurs feuilles
& à fruit en grappe. Le bois à favonnette, dont les feuilles
font arrangées le long d’une côte aïlée ou fimple, eft auffi
garni d'une grande quantité de glandes véficulaires, qui ne
diffèrent de celles de la ferjania, que parce qu’elles font plus
petites, plus régulières & arrangées avec plus de fymmétrie,
Ces glandes ne fe font point montrées dans les pois de mer-
veille à grands & petits fruits, mais j'ai aperçû de petits
grains brillans, clairs, qui pouvoient fuinter de véficules
trop petites pour être aperçües : je n'ai même vû rien de
femblable dans les cururu, mais feulement des filets coniques,
affez courts, ce qu'ils ont de commun avec les plantes
précédentes, & même d'en avoir en médiocre quantité,
Les pois de merveille font ceux qui en ont le plus, toutes
leurs parties & furfaces, excepté l'interne des calices, & les
étamines, en font garnies ; au lieu que dans les autres plantes,
il n’y en a que fur quelques-unes de ces mêmes parties,
excepté cependant Île cururu grimpant, à neuf feuilles, à fruit
rouge & en grappe, qui en eft pour le moins auf chargé
que les pois de merveille. ”
Quoique le rapport des véroniques que l'on a commu-
nément appelées becabunga, foit très-immédiat par les fleurs
avec les autres efpèces de véroniques, je penferois cependant,
avec Mrs Raï, Knaut & Rivin, que l’on devroit former le
genre de becabunga, d'autant plus que les plantes qu'il ren-
fermeroit, font entièrement liffes, & qu'elles ont des glandes
globulaires, au lieu des filets coniques & articulés & des
glandes à cupule, que j'ai remarqués dans les autres véroni-
ques que j'ai obfervées. Une différence auffi confidérable de
ce côté, en indique, autant que je puis le foupçonner, quel-
ques-unes dans la fleur : l'on fait déjà que le pétale n’eft pas
DES SAGE NS CHE. 607
entièrement le même dans toutes, que les fruits varient aufft
pour la figure ; & M's Rai & Knaut, qui diflinguoient les
véroniques en trois genres, tiroient leur caractère de la pofi-
tion du pédicule commun des fleurs, par rapport aux autres
parties de fa plante. Si toutes ces différences fe trouvoient
réunies dans les becabunga, je croirois qu'on les devroit re-
garder comme fufhfantes pour féparer ces plantes des autres.
véroniques. Je ne dirai pas, pour appuyer ce fentiment, que
la faveur que les becabunga laifent dans la bouche, eft bien
éloignée de celle que l’on fent après avoir mâché des véro-
niques ordinaires. Quoi qu ilen foit, entre plus de trente ou
quarante véronique es que j'ai CRI es je n'ai trouvé que
les becabunga qui n'euflent pas les filets & les cupules ; ces
parties diffé oient cependant confidérablement en quantité,
une efpèce en étant beaucoup plus chargée qu'une autre;
mais les moins velues m'en ont toûjours fait voir fur quel-
ques-unes de leurs parties. Dans les efpèces qui ont le moins
de cupules, le bord fupérieur de chaque loge da fruit en eft
ordinairement chargé; quelques autres en ont les feuilles 8&c
les tiges garnies, ou l'une ou l'autre de ces parties. Les landes:
globulaires des Decabunga, s’obfervent furle deflus & le deffous.
desfeuilles, & fur les calices; elles ont de plus les feuilles den--
tées, & chaque dent finit, par un bout épais, qui forme une:
glandeñgodet Je n'ai vû fortir aucune matière deces dernières:
glandes, mais j'ai remarqué un point brillant au milieu des
autres, que je penfe devoir être une goulte de liqueur qui en:
atranfpiré, Les Zecabunga que j'ai vûs, font ceux que l'on a:
défignés par leurs feuilles longues, oblongues on étroites.
Outre les véroniques qui font rapportées dans le catalogue
des plantes des environs d'Etampes, j'ai encore examiné plu-
fieurs de celles qui le font dans le corollaire des Inflituts,.
favoir, celles dont on compare les feuilles à celles de la cym-
balaire, du chamædrys , du lierre terreftre, de la gentianelle,.
du bafilic, ou qui les ont découpées : la première n’eft, fui-
vant M. Linnæus, qu'une variété de celle de nos campagnes ;:
la différence que j'ai trouvée entre ces deux plantes, eft que
608 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
la nôtre n'a pas fur les fruits les filets de l'autre; mais des
efpèces de mamelons que j'y ai vûs, ne font peut être que
ceux qui ont porté ou qui auroient dû porter les filets : au
refte ces deux plantes, de même que toutes les autres, ont
des filets fur toutes les parties, excepté les pétales & les éta-
mines ; j'ai vû les glandes à cupule fur les feuilles & les calices
de la véronique à feuilles de lierre terreftre, & de celle qui
les a découpées ; les autres que j'ai examinées peuvent fe conii-
dérer du côté de l'arrangement de leurs fleurs, qui forment un
épi ou non, ou du côté de leurs tiges, qui s'étendent fur terre
ou qui s'élèvent en arbrifieau. Celles des premières que j'ai
obfervées, font la véronique à larges feuilles reluifantes ou
non, où d'un verd noirâtre; celle qui eft à longues feuilles,
celle d'Angleterre à feuilles de bugle & velues, celle de Tar-
tarie qui a les feuilles & les tiges blanches, & celle qui eft
pourpre, droite & rameule : celles qui s'étendent fur terre
font la véronique dont les feuilles font longues & larges,
celle qui a les feuilles du reucrium, la véronique mâle des
Pyrénées & à feuilles rondes & velues, celle des Alpes à
feuilles de nummulaire, celle de Hongrie qui a beaucoup de
tiges, la petite qui vient fur les rochers, & dont les tiges
font nues ou fans feuilles: la plus petite à feuilles de ino-
podium, qui paroît lifle & qui vient aux environs de Rome;
& enfin celle d'Autriche qui a les feuilles découpées.
Les véroniques qui s'élèvent en fous-arbrifieau, font, celle
qui vient dans les Alpes, celle de Virginie qui porte {es
feuilles deux à deux, trois à trois, & même quatre à quatre
ou cinq à cinq; & celle d'Amérique qui a les feuilles de
verveine, & qui eft rameufe. J'en ai encore examiné quel-
ques autres rapportées dans lherbier de M. Vaillant, fans
nom, ou dont celui qu'elles avoient n'étoit pas bien déter-
miné : je n'ai pas cherché à lever ce doute, mais je puis dire
que, comme toutes celles que je viens de citer, elles avoient
les filets & les cuputes en plus ou moins grande quantité fur
June ou l'autre de leurs parties. Les efpèces que l’on a en
partie défignées par Ja blancheur ou le velu de leurs feuilles
ou
DES SCIENCES 6o9
ou de leurs tiges, font les elpèces qui ont ordinairement
Île plus de filets coniques & moins de glandes; il eft rare de.
leur en trouver autre part que fur les fruits; ce qui pourroit
faire penfer fouvent, lorfqu' elles n’ont pas ces fruits, qu'elles
font privées de Blandes: à cupule.
Malgré la différente pofition du fruit dans les geum & les
Elie, M. Linnæus ne fait qu'un genre de ces deux que
M. de l'ournefort avoit établis fur ce que le fruit porte la
fleur dans les premiers, & qu'il eft placé au milieu d'elle,
dans les fecondes. J'ai auffi trouvé quelque différence dans
les glandes de ces plantes ; toutes cependant en ont à cupule
fur quelques-unes de leurs parties, & fe plus fouvent de longs
filets coniques & articulés : les feuilles font dentées, à créne-.
lures ou découpées; chacune de ces divifions eft un peu ren-
flée dans les geum, mais elle ne s'ouvre point & ne forme pas
Ja glande à godet, au lieu que dans les faxifrages elle porte
à fa pointe un filet plus ou moins long, & qu'il ya une
glande à godet arrondi, placée un peu avant la pointe : il
en fort fouvent une matière blanche, dure & épaifle ; le bord
de plufieurs de ces plantes en eft comme argenté : je penfe
donc qu’indépendamment même de la différence confidéra-
ble des fruits, on pourroit féparer ces deux genres, & leur
Jaiffer les noms qu'ils portent depuis long temps.
+ De tous les geum cités dans les Inflituts & leur corollaire,
ed: à feuilles de cymbalaire eft le feul que je n’aie pas vü;
je ne le connois que par la defcription que M. de Tournefort
en a donnée dans le troifième volume de fon Voyage du
Levant, page 2 2 1 ; mais je crois cependant qu'il eft femblable
aux autres par rapport aux glandes & aux filets; le velu du
Haut des tiges & des branches dont M. de obrabtont parle,
n'eft, à ce que je crois, formé que par les filets & les glandes
à cupule des autres efpèces; comme elles, il en a fur ces par-
ties qui en font auffi le plus communément chargées. M.
Vaillant a encore mis au nombre des geum le cotyledon moyen
à feuilles arrondies, la fanicle de montagne dont les feuilles
font à crénelures, & dont le milieu de la fleur eft pâle, celle
. Mém. 1747: . Hhhh
Geum,
Saxifraga,
Saxifrage.
610 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
qui reflemble aux joubarbes, qui a les feuilles à très-petites-
dents, les fleurs fans taches & ramaflées en tête, & celle.
de Virginie, qui eft blanche & qui a les feuilles longues &
tronquées. Ces plantes m'ont encore paru reflembler en tout
aux autres efpèces; les filets & les cupules n’y font pas beau-.
coup plus abondans, ni plus rares ; le cotyledon & les fanicles
ont cependant fur le bord des feuilles un petit liféré blanc,
qui pourroit bien être d’une matière femblable à celle de
certains faxifrages, ce qui les en rapprocheroit.
On pourroit divifer les faxifrages en trois fections, dont
Yune feroit compofée de celles qui ont les feuilles entières ;
dans celle-ci la glande à godet eft placée vers le bout de la
feuille: la feconde comprendroit les efpèces qui font à feuilles
dentées, dont chaque dent efl pofée obliquement, & finit
par un filet court & une glande à godet qui eft placée un
u avant l'extrémité : la troifième feétion contiendroit celles.
qui font à feuilles découpées , dont chaque découpure a une-
glande femblable à celle des autres & pofée de même. Les
glandes de la première & de la troifième feétion ne donnent
pas ordinairement de matière apparente, mais il en fuinte.
une qui eft blanche, dure, & qui fe lève par écailles, de celles
des plantes de la feconde; au refle quelles que foient ces plan-
tes, foit à feuilles entières, foit à feuilles dentées ou découpées,
elles ont des glandes à cupule, ordinairement à pédicule
court, & toûjours à cupule ronde & pourpre : les efpèces
de la feconde feétion font celles dans la dénomination def
quelles on a fait entrer la reffemblance de leurs feuilles avec
celles des joubarbes; les efpèces de la feconde font celles que-
Yon a comparées aux moufles & à des digitations. On trou-
vera des exemples des unes & des autres dans les Inftituts.
& le corollaire dont j'ai, à l'exception de fix ou! fept, exa-
muné toutes les efpèces qui y font rapportées.
Cacw, - La différente figure des fruits du cacaotier & du guaguma:
Cacaotier. avoit paru à M. de Tournefort & au P. Plumier devoir
Guaçumas fuffire pour en établir deux genres; les principes de M.
Linnæus l'ont conduit à les confondre en un, & il l’a nommé
4 te Sr Se Pme œnisse LT éuit
_ #hcobroma, nom qui fignifie nourriture des Dieux, & que l'ex-
cellence de fon fruit »que tout le monde connoît, lui a fait
imaginer : M. Linnæus paroît même avoir penfé que les tu-
. bercules dont le fruit d’une efpèce eft chagriné, & dont les
plus petits font comme autant d'efpèces de trous fermés
intérieurement & extérieurement d’une membrane , ne
pouvoient contribuer en rien à diftinguer ces genres : ceci
eft tiré d'une note qu'il a faite au guaguma dont ‘il parle
dans fon Ouvrage intitulé le Jardin de Clifort : quand il
n'y auroit que cette propriété d'avoir ces efpèces de trous,
que j'appellerois plus volontiers glandes véficulaires, mais qui
pourroient cependant n'être que les tubercules qui auroient
porté des filets, quand il n'y auroit, dis-je, que cette pro-
priété, je penferois que ces deux genres devroient être fé:
parés; mais les filets du guazuma font bien différens de ceux
du cacaotier ; ce dernier arbre n'a que de très-courts filets co-
niques, blancs fur le deflous des feuilles & leurs pédicules :
ceux du guazuma font autant de houppes dont toutes les
À parties de cet arbre, excepté les pétales, les étamines, & le
ftile du piftille, font couvertes & même drapées : Jorfque
ces houppes font tombées des feuilles totalement ou en par-
tie, l’on y voit des points brillans, fans couleur, que je penfe
être les tubercules qui portoient ces houppes, & qui, à ce
f que je crois, font femblables à ceux qui forment les efFèces
de trous dont M, Linnæurs a parlé: je n'ai vû qu’une efpèce de
cacaotier , & peut-être eft-elle la feuleque l’on connoifle, &
deux efpèces de guaguma : une a les feuilles d'orme & le fruit
d'un pourpre noir, l'autre eft à: feuilles de chamadrys, & fon
fruit eft velu ; les houppes font auffi abondantes dans l’une
que dans l'autre, elles font compofées de fix » fept, huit
filets, & peut-être davantage; ils m'ont paru:plus Jongs-dans
la première efpèce que dans la feconde.
. La canneberge ou: oxycoceus & le myrtile ou MOS-dR A Ouyeccus.
mont point entre eux une auffr grande différence du côté Canneberge.
des filets que les deux genres: précédens : ceux des plantes Vitis-idæa,
dont. il:s'agit font fimplement coniques, & toutes en onp Myrüile.
Hhhh ij
ed po Sr
jet
612 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ordinairement, les unes plus, les autres moins : les myrtilles
cependant n'ont pas feulement ces filets, mais des efpèces
de glandes à cupule fur le bord de leurs feuilles où elles font
polées au bout de chaque dentelure ; la plüpart en font aufff
garnies en deflous des feuilles, & celles-ci font communé-
ment en forme de maflue, c’eft-à-dire qu'elles font plus
grèles par le bas que par le bout fupérieur qui s'ouvre &
s'évafe un peu en cupule : je n'ai rien vû de femblable dans
les canneberges ; leurs feuilles font entières dans les efpèces
que j'ai examinées, & le plus fouvent le deffous des feuilles
eft couvert d’une fleur ou matière blanche qui me paroït être
dûe à la tranfpiration de ces parties : l'efpèce de canneberge
où cette fleur étoit la plus abondante, eft celle qui vient dans
les marais & qui eft la plus commune; je n’y ai vû des filets
que fur les tiges; ces parties, le deflous des feuilles, le bord
des calices & leurs pédicules en font chargés dans l'efpèce
qui vient de Virginie, qui a le fruit plus grand, & que M.
Raï mettoit au nombre des myrtiles, auffi n’a-t-elle que très-
eu de fleur ou matière blanche : une efpèce qui fe trouve
dans l'herbier de M. Vaillant, qui a les feuilles plus larges
& plus rondes que celles de l'ordinaire, & qui vient en Ca-
nada , ne diffère des précédentes que parce que fes filets font
plus gros, plus longs; elle a, comme les autres, cette pouf-
fière blanche fur le deffous des feuilles. J'ai examiné toutes
les efpèces de myrtilles qui font rapportées dans les Inftituts
& le corollaire ; elles m'ont paru différer très-peu entr'elles,
excepté cependant cellé qui eft défignée par fa grandeur &
qui eft auffi appelée grande myrtile ; celle-ci ne m'a fait voir
que de longs filets coniques, & les feuilles n’étoient pas den-
tées. Pour celle de Ceylan, qui eft très-odorante, je penfe
que c'ett plätôt un myrte, comme le vouloient l’Auteur
du Jardin de Leyde & M. Vaillant qui l'avoit auffi placé
fous ce genre; j'y ai obfervé les glandes véficulaires des myr:
tes qui ne fe voient pas dans les myrtiles : je ne fais s'il ne
faudroit pas penfer de même de celle qui vient en Ethiopie,
qui a les feuilles de buis & Les fleurs blanches; elle a aufli Les
DES SCIENCES 6r
‘glandes véficulaires d’un foufre rougeâtre & en grande quan-
tité fur le deflus & le deflous des feuilles; on y voyoit auffi
quelques filets rougeâtres & en maflue, J'ai encore examiné
celle du Canada à feuilles de falaterne, & celle d'Afrique,
dont les feuilles font arrangées en fautoir & qui ont diffé-
rentes formes : la première différoit peu des ordinaires, mais
la feconde étoit prefque lifle; je n’oferois aflurer qu'elle foit
un myrtile. a ‘
La note que M. Linnæus a faite au genre du fantal, ne
pouvoit que mexciter à m'aflurer du rapport qu'il y avoit
par les filets entre ce genre, les myrtilles & les canne-
berges. M. Linnæus prétend que la différence effentielle qui
diftingue ces genres, ne confifte principalement que dans {a
forme des étamines, dont le fommet eft fourchu dans les
myrtilles & Îles canneberges. Les fantaux fuivans m'ont paru
lifles ; j'ai cru voir dans le blanc, des glandes véficulaires mal
déterminées ; mais je n'ai pas même aperçü ce peu de cho:
fes, dans le bois de rofe , qui eft le fantal à grappe & à feuilles
obtufes dont il eft parlé dans les manufcrits du P. Plumiers:
& dans le fantal noir, qui, felon M. Vaillant, eft peut-être
le sferou- canelli du jardin de Malabar. ,
La différence qui fe trouve entre les parties de là fleur
des raves, des navets & des choux, eft fr petite, fur-tout
entre les deux premiers genres, que M. de Tournefort même
ne s’eft attaché qu’à la figure extérieure pour diftinguer: le
genre du navet de celui de la rave. M. Linnœus n'a- fait
aucune difficulté d'y réunir celui du chou. Je crois cependant
qu'on pourroit en laïflant , fi Fon veut, les- deux premiers
enfemble, féparer ce dernier; les filets que: j'ai obfervés:
dans celui-ci font plûtôt des cupules que des filets coniques;
comme dans les deux autres. On pourroit peut-être même
dire que les cupules des choux ne leur font pas ordinaires;
& que leur état le plus commun eft d’étreliffes, & dè n’a»
voir tout au plus qu'une fleur ou matière blanche qui fuinte-
de toute leur furface; je n'ai du moins que rarement trouvé
quelques. courts filets qui m'ent paru s'évaler en:cupule:,
HhBh iij
Santalums.
Santak.
MNapus
Naver.
Rapa. Rave:
Brafica:.
Ghou.-
614 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Rorarr
-encore n'eft-ce que dans quelques efpèces, & fur le deffous
des feuilles : ces parties, dans les navets & les raves, &
les tiges ont un aflez grand nombre de filets coniques qui
font d’une roideur qui fe fait aifément fentir au toucher;
ainfi donc les choux que je regarderois commedevant être
de ce genre, font ceux qui font lifles ou qui n'ont que des
glandes à cupule, tels que font le chou-pommé, le chou
blond, le chou-pommé rouge, le ghou-fleur, le crêpu, celui
qui vient fur les bords de la mer, & qui s'élève plus haut
que les autres : ces différentes plantes ne font peut-être même
que des variétés'du premier. Si celui de Milan ou de Savoie,
le chou-rave, le brocolis, ne font pas également des variétés
des précédens, ils leur font du moins femblables par la pro-
priété d'être lifles, de même que celui de Crète, qui s'élève
en fous-arbrifieau; celui à feuilles d’ache, le colfa, celui de
la Chine à feuilles de laitue & à fleurs jaunes, & ceux dont
les feuilles du haut des tiges les embraffent de façon qu'elles
femblent être traverfées par ces tiges, tant celui de nos cam-
pagnes que celui d'Orient à leurs blanches & filiques quar-
rées, celui des campagnes de Thrace, qui a fes fleurs jaunes,
& celui des campagnes de Rome & de Naples, qui a égale-
ment la fleur jaune, & qui ne diffère de celui des environs
de Paris, que parce qu'il eft plus grand. :
On voit par ce que je viens de dire, que les efpèces de
chou rapportées dans les Inftituts & le corollaire, fe trouvent
réduites à un bien petit nombre; on pourroit peut-être encore
les diminuer. Tous les choux dont les feuilles fe réuniflent
de façon qu’elles forment cette efpèce de tête qui les a fait
appeler choux-pommés, ne font peut-être qu'une efpèce;
ceux qui font à feuilles découpées ou frifées en font une
feconde : entre les choux dont les feuilles font traverfées
par la tige, celui qui a les filiques quarrées peut. être une
efpèce, & toutes les autres n’en faire qu'une. Je croirois donc
que l'on pourroit rapporter à l'une ou l'autre de ces efpèces;
les choux dont je viens de parler. La culture longue &-variée
par où ces plantes paflent, eft, à ce qu'il paroit, la feule
che TR Gare 8 À Cie
DES SCIENCES. 615?
crufe de ces différences. Je ne crois pas qu’il en foit de même
dés fuivans; je penferois même qu'il faudroit des placer fous
le genre des navets ou fous celui des raves : ces plantes font .
Je chou de Meffine, dont la feuille eft d’un noir-pourpre;
celui des vignes, qui a la fleur jaune, les feuilles de navet & :
noires; celui qui vient fur les rochers, qui a {a fleur jaune,
les feuilles de roquette-fauvage ; & celui des bois, qui eft
auffi velu que les jufquiames : les deux derniers font plus
chargés de filets que les deux premiers, du moins jy en ai
trouvé davantage. Quant aux efpèces de rave & de navet,
je penferois qu'il n’y en a encore de chacune qu'une efpèce
bien diftinéte dans les Inftituts, le caraétère tiré de la couleur :
& de la figure des racines de ces plantes n'étant, à ce que je”
crois, qu'une fuite de la culture. Il faut néanmoins en excepter -
lé navet naturel à nos campagnes, qui efl liffe, qui a de la fleur
répandue fur fa furface, & que je tranfporterois fous le genre
des vrais choux; j'y ai cependant vü une fois de très-courts:
filets fur le bord des feuilles du bas des tiges. ,
: M. Heïfter avoit formé un nouveau genre compolfé de Gakenia:
quelques giroflées dont la filique finit par trois efpèces de Leucoii
pointes. M. Linnæus à laïflé au nombre des giroflées ces RE le
plantes, qui y avoient toûjours été placées. par tous les au- Efpéce dé:
teurs fyflématiques qui avoient précédé M. Heïfter. I faut Girofiée & de
convenir que la différence fur laquelle ce dernier auteur *“ulienne.
établit fon nouveau genre, qu'il a appelé gakenia, eft très Leucoium,
pétite: un tubereule qui fe trouve placé au fommet de Ia: sie
filique & de chaque côté, s’alonge, fe durcit, & forme aux ET
gäakenia deux efpèces de petites pointes qui ne fe voient pas’
dans les autres giroflées, parce que ces tubercules fe deffé-
-chent & tombent, au lieu de croître & de prendre de Ia:
confiftance. Si cette différence cependant , fi petite qu’elle
foit, eft réunie à celle que j'ai obfervée dans les filets, on:
* pourroit fuivre le fentiment de M. Heïfler, & réunir fous:
ce genre, non feulement celles des giroflées, mais encore”
celles des juliennes qui différent des autres par les filets:
excepté les 4ciri, la giroflée odorante & quelques autres
»
616 Mémoires DE-L'ACADÉMIE ROYALE
giroflées ou juliennes dont je parlerai dans la feconde partie
de ce mémoire. Toutes les vraies giroflées & les gakenia font .
garnies de filets.en y grecs horizontaux & perpendiculaires, :
fimples, ou qui ont plufieurs branches : les gakenia ont de :
plus de gros filets jaunâtres qui s'ouvrent par le bout, en.
une efpèce de cupule mal formée d'où il fort ordinaire=
ment une liqueur ; dans quelques-unes les cupules font plus
régulières, & il en fort une liqueur femblable. Je penfe- .
rois donc que ces cupules pourroient être une marque dif-
tinctive entre les vraies giroflées & les gakenia; & que quoi-
que les y grecs foient un peu différens les uns des autres, ce
rapport des cupules devroit cependant empêcher de féparer
ces plantes, d'autant plus que les filiques font pointues par ;
le bout. : |
I! fuit de ce que je viens de dire, qu’on peut fous-divifer :
les gakenia en plufieurs fections. Je crois qu'elles peuvent .
l'être en quatre. La première renfermera celles qui, avec les
cupules informes, n'ont que des y grecs horizontaux, ou qui :
s'élèvent peu, telles que font la julienne, dont le bout de
la filique eft échancré en croiffant; celle à feuilles découpées,
dont la filique eft femblable à celle de la précédente, &.
qui-vient d'Efpagne; & celle d'Orient à fleurs jaunes & à -
feuilles d'elycrifum : les y grecs de celle-ci font un peu plus :
élevés que dans les deux autres où ils font prefque arran-
gés comme dans les alyflons, c'eft-à-dire qu'ils partent du .
mamelon qui les porte, de façon qu'ils forment comme :
autant de petits foleils dont chaque rayon feroit divifé en.
deux branches. La feconde feétion ;contiendroit les efpèces :
qui auroient des y grecs plus où moins élevés à deux ou trois:
branches, & des cupules régulières. J'ai obfervé ces parties ,
dans la julienne, dont les feuilles font larges & la filique à,
trois pointes; dans celle qui porte une fleur belle & fingu-
lière, & dans lodorante qui vient fur les montagnes, &.«
qui a une fleur pâle : l'odeur frappante de celle-ci vient peut- ,
être du nombre de fes cupules. La troifième feétion feraït des.
efpèces qui aurojent les y grecs fimplement à deux branches;
mi. a où
.
DES SCIENCES. à 617
‘ou à plufieurs, & dont les cupules feroient femblables à
celles des plantes de la première feétion. Les efpèces de
celle-ci font la julienne d'Orient, maritime, dont les feuilles
font blanches, femblables à celles des giroflées, & qui ont
les fleurs panachées ; celle dont la fleur eft pâle & d'une
couleur paflée, & la filique pointue ; celle qui eft fauvage,
velue & à feuilles d’herbe à l'épervier; celle de Sicile, dont
Jes feuilles reffemblent aux feuilles de corne de cerf, & qui
a fes filiques à trois pointes ; la giroflée à feuilles de lavande
& qui a des fleurs pâles; celle des montagnes, à feuilles
étroites & fleurs pâles ; la julienne maritime, à larges feuilles
& à filiques à trois pointes , enfin la girofiée qui vient auffi fur
Jes bords de la mer, & dont les feuilles ont des efpèces de
finuofités. Les plantes de la première & de la feconde feétion,
font ordinairement blanches & un peu drapées, par la quantité
de leurs filets ; toutes leurs parties, excepté les pétales & les
étamines, en font garnies ; le nombre des cupules y eft auffr
proportionnellement le même ; les deux dernières de la troi-
fième fection m'en ont fait voir le plus : les efpèces de Ia
feconde n’ont pas le blanc des autres, leurs y grecs font plus
de la couleur des parties où ils font placés, & non feule-
ment les pétales & les étamines, mais les filiques font ordi-
mairement lifles : celle où j'ai trouvé le plus dy. grecs eft
Y'efpèce remarquable par fon odeur agréable; j'y ai aufli vû
Sur les tiges quelques filets fimplement coniques fans divifion
ni ramification.
: Le nombre des giroflées & des juliennes fe trouve par-là
‘ac beaucoup diminué : les efpèces que j'ai examinées, {e ré-
duifent à la giroflée, dont les feuilles reflemblent à celles de Ja
julienne; à la giroflée blanche, grande & petite, on appele
-communément cette dernière È quarantaine ; à celle qui vient
fur le bord de la mer, & qui eft blanche; à celle de Sicile,
à feuilles étroites, blanches, douces au toucher, & qui vient
fur les rochers; & à la julienne d'Orient, qui eft maritime,
, qui a les feuilles blanches & de giroflées, & la fleur petite.
La différence qui s’obferve entre ces plantes, par rapport aux
Min, 1747: . iii
613 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
filets, n’eft pas grande; toutes leurs parties, excepté les étæ
mines & les pétales, en font blanches & drapées. M. Vaillant
a placé dans fon herbier, au nombre des giroflées, la julienne
maritime, à feuilles étroites & blanches ; elle ne n'a paru
en différer par les filets, que parce que les fiens font très-
bas, argentés, & prefque femblables à ceux des 4/ffon. Ce
même Auteur a mis, au contraire, au nombre des juliennes,
la giroflée maritime petite, qûi paroît au printemps, qui a
les feuilles de rue, & qui vient en Efpagne; & celle qui
s'élève en arbriffeau, qui eft à fleur pourpre & à feuilles
d'ahffon : ces deux plantes ont les petits foleils des a/yffon, &
elles en font couvertes fur toutes leurs parties, excepté fur
les pétales & les étamines. Cette fingularité dans ces trois.
plantes, ne mériteroit-elle pas qu'on en fit un nouveau.
genre, qui feroit celui au moyen duquel les «fon fe trou-
veroient liés avec les giroflées & les juliennes ? L’efpèce de
contradiction où Mrs de Tournefort & Vaillant fe font trou-
vés, fembleroïit venir à l'appui de cette opinion.
Quant aux juliennes, elles n’ont communément que des
y grecs perpendiculaires, plus où moins longs, ordinaire-
ment fimples, mais qui quelquefois fe divifent en trois on
quatre branches au lieu de deux ; alors une des branches eft
plus petite que les deux autres, ce qui arrive également quand
il n’y en a que deux ; quelquefois on voit auffi des filets coni-
ques qui ne fe divifent pas, de même que dans les genres
précédens : toutes les parties, excepté les pétales & les éta-
mines, font chargées de ces y grecs. Les juliennes que j'ai
obfervées, font l’efpèce ordinaire des jardins, avec fes varié-
tés, telles que font celles qui ont la fleur blanche, panachée,
double, inodorante, verte ; la julienne fauvage à petite fleur,
celle qui eft fauvage & qui n'a pas d’odeur; celle d'Orient
qui eft à feuilles de paftet & à grandes fleurs violettes,
& celle dont les feuilles font femblables aux feuilles de Ja:
fcrophulaire. RER
Les genres des giroflées & des juliennes fe trouvent par
ges divifons bien moins abondans qu'ils ne le font dans
ù
?
}
j
eu
DES SCIENCES: 619
M. de Tournefort : on verra par ce que je rapporterai dans la
fuite de ce Mémoire, & dans un autre, que l’on peut encore
diminuer leur nombre. La julienne, par exemple, à fleurs
jaunes & à filiques très-étroites, eft plütôt un f/ymbrium, au
nombre defquels M. Linnæus l’a placée, qu’une julienne : fes
filets font fimplement coniques, je n’y ai jamais vû d'y grecs,
ni de glandes à cupule; toutes fes parties ont une grande
quantité des premiers, & il n’y a que les pétales & les étamines
qui en foient privés, comme dans les genres précédens.
Bien loin de ne faire, avec M. Linnæus, qu'un genre des
crambe & des rapiffrum, on pourroit peut-être, en féparant
ces deux genres, en former un nouveau d’une efpèce de:
crambe. Les rapiffrum auroient des filets coniques fimples, les
crambe feroient liffes, & le nouveau genre auroit des efpèces
de glandes à cupule : le premier renfermeroit maintenant le
rapiftrum monofperme, celui d'Egypte qui n’a aufli qu'une
Rapiftrum,
Crambe,
Myagrums
feule femence, qui eft petit & à feuilles rondes ; le grand :
dont les feuilles font femblables à celles du précédent, &
qui eft auffi monofperme; & ceux à feuilles d'acanthe, dont
Yun vient en Orient, & l'autre en Hongrie, & qui ontune
très-grande racine que l'on mange, & dont les feuilles font
étroites. La quantité des filets de ces plantes varie peu, ils
s'obfervent ordinairement fur les feuilles & les tiges, & le
plus fouvent ils font un peu rudes au toucher; l'efpèce où ils
m'ont paru Îles plus doux, eft celle de Hongrie. Les cranibe
feroient celui des bords de Ja mer, & qui a les feuilles de
chou, auquel je joindrai le myagrum à larges feuilles, & qui
a des filiques qui ne renferment qu'une femence ; & le
rapiffrum à fleur blanche, & qui reflemble au myagrum. Ces
trois plantes m'ont paru entièrement lifles, celle qui eft à
feuille de chou, ft fingulière en ce qu'elle a de la fleur fur
les feuilles & les tiges. Je ne connois encore qu’une efpèce
du nouveau genre, c'eft le crambe d'Orient à feuilles de dent
de lion, & qui reflemble à l'ervcago : toutes les parties de
cette plante, il n’en faut même excepter que les étamines,
font rendues rudes par de gros mamelons bas, jaunâtres,
Tiii ij
Leucoii èT
Hefperidis
Jpecies,
Efpèces de
Giroflée & de
Julienne,
620 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ouverts par leur bout fupérieur, d'où il fort ordinairement
un peu de liqueur; ces mamelons peuvent être confidérés
comme des glandes à cupule irrégulière. Si ce fentiment
paroïfloit devoir être adopté, je eroirois qu'on pourroit laifier
le nom de crambe & de rapiffrum, aux plantes de ces genres
qui l'avoient déjà, & donner au nouveau celui de dorella,
qui eft un de ceux qu'une efpèce des myagrum de M. Linnæus
a porté, & on laifleroit celui-ci aux plantes de ce genre qui
en font réellement, & qui, comme je le dirai dans la fuite,
fe diftinguent par les filets en y grecs.
Je finirai ici la première partie de ce Mémoire. Je rap-
porterai dans un quatrième les différences que j'ai remarquées
dans plufieurs autres genres, que M. Linnæus a eru devoir
réunir. N'ayant pas encore mis en ordre ces obfervations,
je pafferai à la feconde partie de celui-ci qui doit renfermer
les plantes que je crois pouvoir faire de nouveaux genres.
La giroflée blanche, très-odorante & à feuilles vertes, eft
une des premières plantes que j'aie trouvé entièrement lifle,
dans un genre où toutes les autres font velues. Je penfai
alors qu’il pourroit bien fe faire que, fuivant le fentiment
commun, il y eût dans chaque genre des plantes velues, &
d’autres qui fuffent lifles, & que, comme on en trouve:
qui font plus ou moins couvertes de poils, il y en eût qui
en fuflent entièrement privées; mais ayant reconnu dans la
fuite, dans prefque toutes celles qui font lifles, qu'il y avoit
des différences dans la fleur, j'ai cru qu'il pouvoit en être
de même de cette giroflée. J'ai été confirmé dans cette idée,
lorfqu'en examinant l’herbier du célèbre Botanifte dont j'ai
fouvent parlé, M. Vaillant, j'ai trouvé deux autres efpèces
de giroflées & une julienne, qui étoient dans le même cas;
je me fuis déterminé alors à réunir, au moins fous un même
nom, ces plantes, & à attendre des obfervations qu'on
pourra faire dans la fuite la folution de cette difficulté &c
de cette efpèce de problème botanique, qui confifte à favoir
fi une plante entièrement liffe peut être du genre dont toutes
les autres efpèces font velues,
il
4
n
4
|
DES SCIENCES. 627
Quoi qu'il en foit, les deux giroflées qui, de même que
Todorante, manquent de filets ou poils, font la giroflée qui
vient dans les montagnes de Sicile, qui a les fleurs rouges,
les feuilles épaiffes & entières; & celle qui vient fur les
rochers, qui a des feuilles vertes & des fleurs pourpres : l'ef-
pèce de julienne eft celle que M. Boerhaave a défignée par
fa fleur qui eft blanche & petite , fa filique longue, & fes
feuilles profondément dentées. è
Les plantes dont j'ai compoféle genre précédent, ont été
plus conftamment placées parmi les giroflées & les juliennes,
que celles de celui dont il s’agit maintenant dans les genres
où elles ont été rangées. M. de Tournefort regardoit la
plüpart de ces plantes comme des ##lafpi, M. Vaillant dans
fon herbier, les a prefque toutes mifes au rang des pafferages;
une qui eft fous le genre des thlafpidium dans les Inftituts,
Yeft fous celui des iberis dans le Jardin de Cliffort ; une autre
que M. Linnæus met avec les pafferages, eft placée par M.
de Tournefort, avec les creffons. Il fuit de ces fentimens, à
ce qu'il me paroît, que les différences des parties de la fleur
font fi petites, qu'elles ne fuffhifent pas pour fixer les obfer-
vateurs. J’ai remarqué que toutes ces plantes convenoïent
en ce qu'elles étoient entièrement privées de filets : j'ai déjà
“cru, dans les obfervations fur les plantes d'Etampes, pouvoir
ne placer fous le genre des sk/afpi, que les efpèces qui étoient
lifles, je crois ne devoir pas changer de fentiment ; & quoi-
-que ce ne foit pas, à proprement parler, établir un nouveau
genre, cependant, vû les changemens que j'ai encore faits
‘à ce genre, je n'ai pas héfité à le placer ici. On peut voir
dans les obfervations citées ci-deflus, es efpèces qui y font
rapportées; les autres que j'ai obfervées depuis, font le thlafpè
d'Orient qui s'élève en arbrifleau, & qui a les feuilles de {a
feimmonée de Montpellier ; celui dont les capfules font en
cœur, & qui eft étranger; ceux des Alpes, dont l’un ef
à feuilles arrondies, charnues & à fleur purpurine, & l’autre
eft toûjours verd; le petit qui a la fleur rougeâtre, & qui
vient fur Les rochers : toutes ces efpèces étoient rangées pag:
iii
Thlafpi.
Lepidiunt,
Paferage.
Thlafpidiums
Naflurrium
Creffon,
622 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe
M. Vaillant, au nombre des pañlerages. M. Linnæus'y a
placé le creflon d'Orient, dont les feuilles du bas des tiges
font découpées comme celles de la mille-feuille, & celles du
haut, percées par ces tiges comme celles de la perfoliata. Le
thlafpi à feuilles de globulaires, celui qui fent l'ail, la pafle-
rage d'Orient à feuilles-de creflon crêpu, & le #hlafpidium à
feuilles de giroflée, & qui eft toüjours en fleur, font encore
de ce genre. M. Linnæus regarde cette dernière efpèce
comme un iberis.
Pour les paflerages & les 14/a/pidium, elles font plus ou
moins fournies de filets coniques fimples : il eft aifé de diflin-
guer au toucher, ceux des palerages de ceux des thlafpidium ;
ces dernières plantes en font rudes & un peu piquantes, les
autres font douces & ne font aucune impreffion qu’on puifie
diftinguer. J'ai vû toutes les efpèces de pañlerages des Infti-
tuts & du corollaire, excepté cependant celle d'Alep qui
s'élève peu, & qui eft moins blanche que les autres ; cette
dernière qualité, d'avoir moins de blanc, me fait penfer
qu'elle a auffi des filets, peut-être un peu moins que les
autres, & que ce font eux qui la rendent blanche ; les autres
en ont ordinairement fur les feuilles & les tiges, & principa-
lement les efpèces qui ont été défignées par leur blancheur.
Toutes les parties des #h/afpidium, excepté les pétales, les
étamines & les filiques, ont les filets coniques, roides, plus
ou moins longs, dont j'ai parlé plus haut, & on remarque
de plus fur les filiques, de gros mamelons en larmes bata-
wiques, qui font, à ce que je crois, les fonétions des glandes
à cupule: l'efpèce qui a les feuilles de raifort, celle de la Pouille
& qui a les fleurs en épi, celle d'Egypte & à petit fruit , n’en
ont que fur le bord de ces filiques ; toute la furface de cette
partie en eft couverte dans l'efpèce qui vient à Montpellier &
qui a les feuilles d'herbe à Yépervier, & dans celle dont le
calice a deux petits appendices qui lui font comme deux
petites oreilles ; ces mamelons font feulement dans cette der-
mière plante, beaucoup plus bas.
M. Linnæus a rangé avec les pafferages le creffon ordinaire
bEes SctrENCES (623
des jardins, & il penfe que celui qui eft à larges feuilles, le
crépu, celui qui l'eft aufi & très-finement découpé, ne
font que des variétés de l'ordinaire, & que celui ci pourroit
n'en être qu'une du creffon à feuilles d'iberis. Si cela étoit,
les fept premières efpèces de creffon rapportées dans les Infti-
tuts ne feroient que des variétés les'unes des autres. Je n'ai
rien vü, par rapport à leurs filets, qui pûtempêcher de penfer
ainfï; les creflons fauvages m'ont feulement paru en avoir de
plus courts & un peu roides, la culture les fait peut-être
alonger dans les autres, & les rend ainfr plus doux : ils en
ont tous fur les feuilles, ordinairement fur les tiges, & toù-
jours en petite quantité. Le creffon de Virginie à feuilles
de cochlearia & à grande fleur blanche eft peu différent de
ceux qui font cultivés. Le rapport qui fe trouve entre les pafe+
rages & les creflons du côté des filets, peut engager à fuivre
encore le fentiment de M. Linnæus, & à regarder ces plantes
éomme des efpèces du même genre, fi lon ne veut pas s'en
tenir aux différences que M. de Tournefort a trouvées dans
les filiques & les femences. Je parlerai des autres creffons
rapportés dans les Inftituts, lorfqu'il s'agira des genres où
ils doivent, à ce que je crois, être diftribués.
Je reviens aux giroflées : je croirois que l'on pourroit en-
eore féparer de ce genre les efpèces qui ont été commu-
nément appelées #eri, en faire un nouveau, & ÿ joindre
celles des juliennes qui, comme ces plantes, n’ont que des
navettes : leurs pétales & leurs étamines font les feules parties.
qui m'aient paru en manquer, elles font dirigées fuivañt la
longueur des autres, & un peu obliquément. Les plantes où
fen ai vû font la giroflée jaune ordinaire, celle qui eft à
grande fleur, fimple ou double où de couleur de fer, celle
qu'on appelle communément la provençale, & celle qui vient
dans les Alpes, qui a les feuilles étroites & la fleur foufrée::
ces différentes plantes fe reflemblent beaucoup, & paroifient
être des variétés les unes des autres; peut-être même que
celle d'Orient à feuilles d’efchryfim & la giroflée grecque,
qui s'élève peu & qui vient fur les rochers, n'en font auf
Cheiranthuse
624 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
que d’autres variétés. Les fuivantes font plûtôt des efpèces;
elles avoient été placées par M. Vaillant au nombre des
juliennes : ces plantes font la giroflée jaune à petites feuilles
crénelées, blancheâtres, & qui vient fur le mont Ventou;
celle qui a les feuilles étroites & la fleur jaune; la julienne
d'Efpagne à feuilles étroites & fleurs jaunes; celle qui eft auffr
d'Efpagne, & qui a les feuilles très-étroites ; elle n’eft peut-
être qu'une variété de la précédente ; celle qui a les feuilles
dentées & les fleurs panachées ; celle qui par fes feuilles ref-
femble à la roquette ou à la jacobée, qui s'étend fur terre &
qui eft petite ; enfin celle qui vient en Provence, qui a les
feuilles étroites, dentées, & la fleur purpurine.
En établiffant ce genre, je lui conferverois le noi de
Cheiranthus que M. Linnæus a fait pour les vraies giroflées,
je redonnerois à celles-ci celui de eucoium qu'il avoit adopté
pour une efpèce de perce-neige qui doit être réunie à celle
qu'il a appelée galantus, & ce dernier nom feroit celui des
perce-neiges.
Plufieurs autres efpèces de giroflée & de julienne deman-
dent peut-être encore qu'on les réunifle fous un nouveau
genre : elles conviennent beaucoup avec les /eiri par les na-
vettés, mais elles ont avec ces filets des y grecs horizontaux
dont la figure varie un peu dans différentes efpèces. Dans
les unes il y a de ces y grecs qui font réguliers, c'eft-à-dire,
à deux bras droits, d'autres ont ces bras courbés en arcs,
d’autres font en fautoir ou en croix de Saint-André; plu-
fieurs ne forment pas cette croix, mais un y grec manquant
d’un de fes bras, le total a plûtôt la forme d'une chaufle-
trape à trois pointes, & fi les y grecs font complets, les bras
font arrangés de façon qu'ils ne font pas bien la croix, mais
plütôt une chauffe-trape à quatre pointes ; quelques-uns for-
ment par leur nombre ces efpèces de petits foleils dont j'ai
parlé en citant les ahffon; fouvent ils font compofés de trois y
grecs complets, & alors on voit fix rayons; quelquefois il n’y
en a que deux, & conféquemment que cinq rayons: ce n'eft
ordinairement que fur les feuilles où l'on obferve les uns
ou
+2
DES SCIENCES, 624
ou les autres de ces y grecs; fouvent il y a avèc eux de.
navettes, mais le plus fouvent celles-ci ne fe voient que fur
les tiges, les calices & les filiques. Au moyen de ces ob-
fervations, on pourroit divifer ce genre en plufieurs fections :
la première comprendroit les efpèces qui auroient des y grecs
à bras droits, & d’autres qui formeroient la chaufle-trape;
les plantes où cela s’obferve font, la petite giroflée jaune qui
s'élève en arbrifeau, le petit creffon des Alpes à feuilles de
paquette, les juliennes à feuilles de giroflée & à filiques
uarrées, celles qui font très-petites, dont l'une vient fur
le bord de Ja mer, & dont l'autre {e reconnoît par fes feuilles
dentées & étroites. J'ai vû dans cette dernière quelques y
grecs d’une figure fingulière, ils approchoient d'un fer de
pique triangulaire : la giroflée de Canada à feuilles d'iberis
en a qui font la chauffe-trape à trois branches, & outre celles-
ci on en obferve à quatre branches dans la zurritis dont les
feuilles refflemblent à celles de {a girofle. Les plantes de fa
feconde fection ont des y grecs en fautoir, quelquefois il
leur manque une branche, & ils reflemblent alors à une
chauffe-trape : ces plantes font la plus petite giroflée de Crète
à feuilles arrondies, celle qui reffemble au #h/afpi, & la ju-
lienne de Chio à feuilles de giroflée dont les bords ont des
dents de fcie, dont la fleur eft petite, & qui vient fur les
rochers. La troifième feétion feroit de celles qui ont des y
grecs à bras droits ou courbes, & qui ont, outre ceux-ci,
les uns ou les autres décrits plus haut :,la giroflée annuelle,
à feuilles vertes de corne de cerf, à fleurs jaunes & prefque
invifibles, celle dont la fleur eft pâle , le calice cylindrique &
la filique quarrée, la julienne des bords de la mer qui s'étend
fur terre & qui eft petite, celle qui a les feuilles & la fleur jau-
nes & petites, ne m'ont fait voir que les y grecs à bras droits
ou courbes; ils étoient joints à ceux qui font la chaufle-
trape à trois pointes, dans la julienne qui eft à fleurs jaunes
& à filiques quadrangulaires, & à feuilles entières, oblongues
& dentées, & dans la surritis d'Orient à feuilles de chicorée,
dentées & à grandes fleurs jaunes. J'ai enfin obfervé tous ces
Mén, 1747: °Kkkk
Alkekengi.
Alkékenge
ou Coqueret.
626 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
y grecs réunis dans la giroflée à fleurs jaunes, dont les feuilles
font à dent de fcie, & qui vient fur les montagnes : j'y en ai
même trouvé qui avoient trois bras couchés dans la même
direétion ; mais aucune ne m'en a fait voir de plus variés que
la giroflée à fleurs jaunes, qui a les feuilles dentées & les
filiques plates ; car outre tous ceux dont j'ai parlé jufqu'ici, j'y
en ai remarqué de ceux que j'ai comparés à de petits foleils;
ils font d’un bel argenté femblables à ceux des a/yffon, & c'ett
fur-tout les filiques qui en font couvertes. Je n'ai point fait
entrer les filets en navette dans les divifions que je viens de
faire de ce genre, parce qu'ils fe voient dans toutes les
efpèces, excepté la dernière : elles en ont toutes fur les fili-
ques, les tiges & les branches, & le plus fouvent fur les
feuilles. Il conviendroit peut-être que je parlafe ici des surritis
dont j'ai rangé quelques efpèces fous ce nouveau genre; je me
contenterai cependant de dire qu'elles ont des y grecs per-
pendiculaires, que je n'ai pas vûs dans les plantes que je
viens de citer.
Aucun genre de plantes ne paroîtra, fans doute, avoir un
caractère diftinétif plus frappant que celui des alkékenges.
Le fruit qui eft renfermé dans une efpèce de grande veffie :
formée par le calice qui prend ce volume, eft une marque
qui fera toûjours féparer avec difficulté ces plantes les unes
des autres. Si les plantes cependant où j'ai remarqué des
filets différens de ceux de quelques autres efpèces , différoient
auffi par quelque partie de la fleur, je ne me ferois aucune
peine de faire cette divifion. M. de Tournefort a déjà dit
dans le caractère des alkékenges , que leurs femences étoient
le plus fouvent plates; il faut par conféquent qu'elles ne le
foient pas dans toutes; ainfi je ne défefpère pas trouver dans
la fuite quelque différence dans la fleur , qui pourra contri-
buer avec celle que j'ai obfervée dans les filets, à lever entiè-
rement tout le doute que l'on pourroît avoir fur la féparation
que je veux faire des efpèces d'alkékenges. Les unes ont des
filets coniques à valvule, il fort de ces valvules dans d’autres
des branches en tout fens, qui font affez reflembler ces filets
DES SCIENCES. 627
à de petites cornes de cerf; ils fe voient fur le deffus & le
deflous des feuilles, leurs pédicules & les tiges. Les efpèces
où je les ai remarqués font, l’alkékenge qui reflemble à la
morelle fomnifère des anciens, & qui eft à fleurs blanches ;
celui du Mexique, qui eft blanc & qui s'élève en arbriffeau;
celui de Curaffau , qui par fes feuilles approche de l'origan ,
& dont la fleur eft d’un foufre pâle, excepté dans fon fond
qui eft pourpre, & celui dont le fruit eft petit & arrangé
de façon qu'il forme des verticilles. M. Linnæus penfe que
la belladone d'Efpagne, qui a fes feuilles rondes & qui s'élève
en arbrifleau , n’eft qu'une variété de cette dernière efpèce
d’alkékenge : fes filets m'ont bien fait voir des branches,
mais moins fréquentes que celles de l'alkékenge à verticille;
elle en a de plus beaucoup qui jettent de la liqueur par le
haut qui eft évafé en cupule, ce qui lui eft commun avec
la belladone ordinaire, & de même qu’elle elle en fait voir
fur les feuilles, les tiges & le bord des calices; ainfi il peut
fort bien fe faire que fi elle n’eft pas une belladone, qu'elle
foit cependant une efpèce d’alkékenge différente de celle qui
eft à verticille.
Les alkékenges qui n’ont que des filets à valvules font,
celui des boutiques, le petit des Indes à fruit verdätre, le
grand des Indes, le capula, celui de Virginie à fruit jaune,
& celui qui s'élève droit, qui eft bas, qui a les feuilles ob-
longues, vertes, un peu dentées, les baies vertes & la fleur
jaune. La quantité & la grandeur de ces filets varient peu;
ils en ont fur les feuilles & les tiges ordinairement en petite
quantité : ilen fort quelquefois de la liqueur, comme je l'ai
obfervé dans le petit des Indes à fruit vert, il eft gluant au
toucher. arrive fans doute la même chofe à celui de Buenos-
aires, qui rampe & qui a fes baies en fabot & vifqueufes;
cette vifcofité n'eft, à ce que je crois, düe qu’à une femblable
liqueur. Cela peut auffi arriver aux autres, je ne l'ai pas ob-
fervé, j'ai feulement vû de petits grains criftallins, tranfpa-
rens, qui me paroiffoient avoir fuinté des feuilles & s'être
durcisà l'air, dans l’efpèce qui vient des Indes & qui fe difiingue
K ij
Symphytum,
Grande
Confoude.
Cerinthe.
Melinet.
628 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
par fa grandeur. Ce font-là au refte de petites différences qui
peuvent n'être dües qu’à la ténuité ou à l'abondance du fuc
qui coule dans les vaiffeaux de ces plantes, que des circonf-
tances peuvent quelquefois rendre femblable dans les autres
efpèces.
Les grandes confoudes à feuilles larges ou étroites de vipe-
rine, à racine rouge & fleurs jaunes ou blancheâtres, celles
d'Orient dont les feuilles reffemblent auffi à celles de vipé-
rine, qui varient également par leur largeur plus ou moins
grande, qui font hériffées de très-longs poils & qui ont la
fleur de couleur de fafran, peuvent encore fervir de preuve
pour ce que j'ai déjà avancé, que fouvent une petite diffé-
rence dans les filets en annonçoit une dans la fleur, & que
les plantes où cela étoit, devoient être tirées des genres où
on les avoit placées pour en former de nouveaux, ou être réu-
nies à d’autres. M. Linnæus a regardé la première des plantes
rapportées ci-deffus, comme un cerinthe où melinet; mais je
ne crois pas qu'elle foit plus de ce genre que de celui des
grandes confoudes. Les melinets font le plus fouvent fimple-
ment chagrinés de gros mamelons femblables à ceux des
autres borraginées, c’eft-à-dire, compofés de plufieurs véfi-
cules parenchymateufes; mais ces mamelons portent rare-
ment des filets :les grandes confoudes en font hériffées d’un
grand nombre qui fortent chacun d’un mamelon femblable ;
mais elles diffèrent de celles dont il s'agit principalement
ici, en ce que les mamelons de celles-ci font lardés de filets
droits & courts, du milieu defquels il s'en élève un qui eft
plus long que les autres : ces mamelons ainfi hériflés reflem-
blent aux houppes, qui ont un long filet femblablement pofé.
I me paroït donc qu’il faut ôter ces plantes du nombre des
melinets & des grandes confoudes; elles font encore les feules
des borraginées où j'aie obfervé des houppes, & les quatre
où je les ai vües ne font peut-être que des variétés les unes
des autres :elles ne m'ont du moins paru différer que par
les feuilles plus ou moins larges, & les filets qui font plus
longs dans celles d'Orient que dans les autres : ces filets au
DES SCIENCES 629
réfe fe remarquent fur les feuilles, les tiges & les calices, où
ils font en grande quantité.
Toutes les plantes rapportées dans les Inflituts fous le genre
du melinet ne font peut-être que de deux efpèces, dont l'une
eft annuelle, & autre vivace ; mais quelles qu’elles foient,
elles varient peu du côté des mamelons, ils font ordinaire-
ment, comme je l'ai dit plus haut, fans filets : on en voit
cependant quelquefois fur le bord des feuilles, ils font plus
ou moins longs; les mamelons font ordinairement blancs,
quelquefois ils n’ont que la couleur verte des feuilles. Celui
qui a été appelé melinet épineux ne diffère que parce que
fes mamelons font plus élevés que ceux des autres : tous au
refte ont un peu de fleur fur les feuilles, elle s'enlève aifé-
ment lorfqu’on frotte ces parties. J'ai, outre ces efpèces, encore
vû celui des Alpes qui a les feuilles traverfées par les tiges,
qui eft marqué de taches blanches, & qui a une fleur de
cette même couleur ; ces prétendues taches font occafion-
nées par les mamelons qui manquent ordinairement aufli de
filets. M. Linnæus a placé au nombre des melinets, la buglofe
des bords de la mer, qui eft blanche, & qui a la fleur bleue.
: Peu de plantes ont paffé fucceflivement par plus de genres
que celle-ci; fans parler’ de Lobel qui la regardoit comme
une bourrache, M. Rai l'avoit placée avec les vipérines,
M: Herman & de Tournefort avec les buglofes, Plukenet
‘& Morifon avec les cynoglofes, M. Boerhaave l'appeloit
cerinthoïdes; enfin Dillenius & M. Linnæus l'ont jointe aux
melinets, & je crois qu'elle eft de ce genre plütôt que de
tout autre; comme les melinets, elle a les mamelons des
borraginées, & comme ceux de ces plantes, les fiens portent
rarement des filets. Un rapport auffi immédiat que celui-ci
doit engager à ne pas ôter cette plante du dernier genre où
lle a été mile.
Les plantes qui doivent compofer le nouveau genre que
je propofe, étant ôtées du nombre de celles qui font rap-
portées dans les [nflituts, toutes les autres ne font, felon
M: Linnæus, qu'une feule & même efpèce qui varie par la
KE&KK üj
Unedo,
Andromeda,
Cliamærodo-
dendros,
Petit
Laurier-rofe.
630 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
couleur de fes fleurs & par fes racines, qui font un peu
plus ou moins arrondies : ces plantes fe refiemblent par les
filets, j'ai vû les mêmes dans toutes, il y en a jufque ur
l'extérieur du pétale ; les languettes qui en ferment l'entrée
en font même chargées, mais ceux-ci font beaucoup plus
courts & plus doux que ceux des autres parties, ils font
portés fur des mamelons tranfparens & arrangés fur deux
ou trois lignes : ceux du pétale jettent quelquefois une goutte
de liqueur par leur bout fupérieur, & les petits des autres
parties fe recourbent en crochet; de toutes les efpèces dont
on lit les dénominations dans le Corollaire des Inffituts,
celle d'Orient à perite feuille de vipérine, à petite fleur tantôt
blanche & tantôt jaunâtre, celle qui reflemble à l'olivier par
fes feuilles blancheâtres & velues, & celle à feuilles rondes,
âpres au toucher, à fleurs bleues & très-odorantes, font les
feules que je n'aie pas vües; mais je penferois volontiers
qu'elles ne font que des variétés des efpèces qui les précèdent :
au refle leurs dénominations font connoiître qu’elles font
auffi velues que les autres peuvent l'être; celles-ci m'ont
paru ne pas beaucoup différer de l'ordinaire : les filets font
les mêmes, il y en a fur les mêmes parties, & en une quan-
tité auffi confidérable ; les plus longs de la grande confoude
de Conftantinople, fe recourbent cependant auffi par le haut;
& font le crochet ainfr que les petits.
Une plante envoyée du Canada par feu M. Sarrazin, fous
le nom de unedo à feuilles d’olivier, & placée dans l'herbier
de M. Vaillant avec les bruyères, femble demander qu’on
établiffe un nouveau genre. Par la defcription que M. Sar-
razin a faite de fa fleur, elle approche beaucoup du genre que
M. Linnæus a appelé andromeda : l'unedo, de mème que les
plantes de ce genre, a la fleur en grélot, à cinq découpures,
elle a dix étamines, le calice eft à cinq pointes, le fruita
cinq loges, remplies chacune de plufieurs femences : ce
fruit eft furmonté d’une trompe ‘ou flyle , il s'ouvre en cinq
parties. Une aufli grande conformité m’auroit fait placer,
fans héfuer, cette plante avec les andromèdes , f fes filets
AT 4
DES SCcrTENCES 63r
n'y euffent été un obftacle; ils forment des plaques argentées,
radiées, que j'ai déjà dit autre part être des efpèces de houp-
pes, dont les filets font peu ou point du tout féparés les uns
des autres : toutes les parties de cétte plante, excepté le
pétale, les étamines & le fruit, en font d’un blanc argenté.
Quand M. Sarrazin auroit connu les houppes de cette plante,
il m'auroit pû mieux comparer les feuilles de l'usedo qu'à
celles de l'olivier, puifqu'elles font chargées de plaques fem-
blables, comme je le dirai dans la fuite. Si ces deux plantes
ont du rapport par ce côté, elles diffèrent beaucoup par les
fleurs, ainfi on ne peut avoir aucun doute fur leur genre.
Pour les filets des andromèdes & des bruyères, ils font
fimplement coniques & mêlés avec des cupules, dans le plus
grand nombre des andromèdes & dans plufieurs bruyères.
M. Linnæus a réuni fous le genre des andromèdes, le dum
de M. Micheli, le chamedaphne & la polliüfolia de Buxbaum ;
quelques-unes des bruyères & des chamærododendros de
M. de Tournefort : mes obfervations confirment en partie
cette réunion. La plante d'Amérique, qui par fes feuilles &
fon port extérieur eft une vigne de Judée, & par fa fleur une
unedo, felon Plukenet, & qui eft la première andromède de
M. Linnæus, n'a fait voir des filets coniques fur les feuilles,
les tiges & les pédicules des fleurs, & des glandes à godet
alongé au bout de chaque petite dent, qui forment les
dentelures des feuilles. Le Zedum de Micheli a, outre ces filets
qui font longs & gros, des glandes à cupule, dont le pédi-
‘ cule eft femblable aux filets, & {a cupule pourpre : le petit
laurier-rofe ou l’azalea première de Linnæus, diffère peu de
ce ledum ; a poliifolia des montagnes, & qui a du rapport avec
les vignes de Judée, m'a paru liffe, & n'avoir feulement en
deffous des feuilles, qu’une matière blanche qui en avoit tran{-
piré : cette efpèce d'irrégularité ne vient peut-être que de’
ce qu'il y a encore quelque correction à faire dans le genre’
des andromèdes : la proximité de ce genre avec les petits
laurier-rofes, & de ces deux genres avec les vignes de Judée
ou myrtilles, & même avec les canneberges, demande peut-
632 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE RoyaLE
être encore une recherche plus exacte des parties de fa fleur.
La vigne de Judée dont il s’agit ici a, par exemple, plus de
rapport par les glandes avec les autres plantes du même genre,
qu'avec les andromèdes ; la polifolia avec les canneberges,
qu'avec tout autre gehre ; & l’aza/ea avec les andromèdes,
qu'avec les petits laurier-rofes. Si jamais ces rapports fe con-
frmoient, & que ces plantes fuffent rendues à leur genre,
alors je penferois qu'on pourroit regarder comme des an-
dromèdes les plantes fuivantes, favoir, le Zum de Micheli,
le petit laurier-rofe pontique, à feuilles de nefflier, à fleur
jaune ; celui des Alpes, qui fe reconnoït par fon velu;
celui qui vient fur {a montagne de la Soufrière en Amérique,
& même dans le foufre, & qui fe diftingue par fes feuilles,
d'un verd foncé, fort épaifles, femblables à celles du buis,
& bordées de rouge, & par fes fleurs qui font d’un rouge vif;
cette plante de Virginie, qui a du rapport à la pyrole, qui
a les feuilles rudes & la fleur en tuyau, & qui s'élève en
arbriffeau ; le cifte de Virginie toûjours verd, à feuilles de
laurier, & dont les fleurs font couvertes de veffies ; celui qui
vient du même pays, qui a une grande fleur peu odorante,
& qui reffemble à celle du pericymenum ; & enfin celui qui
ne diffère de ce dernier, que par la fleur qui eft petite. Cette
plante eft la première efpèce d'agalea de M. Linnæus : toutes
ces plantes ont ordinairement fur les tiges & les feuilles, les
filets fimples & les cupules ; quelques-unes en ont même
fur les calices, comme le /edum de Micheli.
Le genre des petits laurier-rofes feroit compofé de ceux
qui ont également des filets coniques fur quelques-unes de
leurs parties, & des glandes véficulaires fur leurs feuilles,
tels que font le petit laurier-rofe pontique , à feuilles de lau-
rier-cerife, & qui a une fleur pourpre; celui des Alpes qui
eftlifle, & celui dont les fleurs font en ombelle, & les feuilles
couvertes d’un velu jaune; les glandes font auffi d'un beau
jaune dans les deux derniers, elles font noirâtres dans le pre-
mier, & n'y forment qu'un petit pointillé ; au lieu que dans
les deux autres, elles font très-apparentes par leur Rranfee
; &
D'u:s S10% EN TE IMMIM 6
Je n'ai vü que des filets dans celui des Alpes, à feuilles
de ferpolet; dans le /dum de Mariland, à feuilles étroites,
femblables à celles du romarin fauvage ordinaire: ces filets
étoient joints avec des glandes à cupule en larme batavique,
dans celui des ifles Mariane, dont les feuilles font trois à
trois, & reflemblent à celles du myrte, & dont les fleurs
font arrangées en veïticille : celui-ci feroit peut-être une
vigne de Judée, à caufe de ces dernières glandes. De nou-
velles obfervations décideront de celui des deux autres.
Si on s'attache à la fleur des bruyères , elles peuvent fe
divifer en deux fuites ; la fleur des unes eft en grelot, celle
des autres eft plütôt en cloche: les filets de ces plantes font
“ordinairement fimples & coniques, on en voit communé-
ment fur les feuilles & les tiges; mais la plüpart de celles
qui ont la fleur en grelot, ont outre cela des glandes à cu-
pule : fi j'avois trouvé de ces glandes dans toutes les elpèces
qui ont une fleur femblable, je croirois que l'on pourroit
féparer ce genre en deux, comme quelques Auteurs ont déjà
tenté de faire; mais quelques-unes de ces plantes m'ont paru
en être entièrement privées. J'ai eu beau, par exemple, en
chercher dans l’efpèce qui a la fleur d’arboufier, & l'écorce
couleur de cendre, je n'ai jamais pà les y découvrir, peut-
être que l évafement des filets qui forme la cupule eft fi petit,
qu'il eft très-diffcile à voir, & que la liqueur quis y ramafle
eft fi peu confidérable, qu'elle ne peut être aperçüe ; peut-
être aufli y a-t-il des circonftances où elle devient fenfible
par fa quantité : fi cela étoit, je croiroiïs alors que la sen
de ce genre en deux, devroit fe faire.
Quoi qu'il en foit, les efpèces où j'ai vû des nds à
. cupule, font la br uyère velue d'Angleterre ; celle dont les
feuilles font trois à trois, & qui forment des verticilles ; celle
qui s'étend {ur terre, & qui eft comme herbacée; celle qui
vient en Bifcaye, qui a la fleur très-grande, les feuilles de
myrte & blancheîtres en deflous ; & celle d'Afrique , qui
reflemble par fes feuilles au génévrier, qui a une fleur oblon-
.gue & en ombelle : les filets & les cupules font ordinairement
Mém. 1747: . Lili
Erica,
Bruyère.
Uva urfi.
Raïfin d'ours.
634 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyaALE
mêlés fur toutes les parties de ces plantes, cependant es
pétales, les étamines & le piftile en font privés.
Les efpèces où je n'ai vü fur les mêmes parties que des
filets coniques, font la grande bruyère, dont la couleur des
fleurs eft d’un pourpre foncé; celle qui eft très grande, à
fleur pourpre, & dont les feuilles font longues ; celle d’Afri-
que, qui a les fleurs un peu velues & arrangées le Jong des
branches ; & celle d'Orient à feuilles de coris & à fleurs glo-
bulaires : les efpèces précédentes, comme celle-ci, ont les
fleurs en grelot. Peut-être que des obfervations faites fur
des plantes vertes, feront connoître leurs glandes à cupule.
Je n'ai trouvé ni de ces glandes, ni des filets dans quel:
ques efpèces qui viennent en Afrique, elles m'ont paru entiè-
rement lifles, favoir, la bruyère du cap de Bonne-efpérance,
à fleur de mélinet, & qui a de longues étamines; celle qui
a les feuilles de coris, & les fleurs en veffie ; & celle dont
les feuilles font petites & très-fines, des fleurs arrondies &
pourpres. C’eft encore par de nouvelles obfervations que l'on
doit apprendre fi ces plantes font réellement lifles, & fi elles
appartiennent au genre des bruyères.
Je dois auffi à l'herbier de M. Vaillant, la plante qui
formera le genre dont il s'agit maintenant. Elle y étoit au
nombre des wva urfi, où raifin d'ours, & fous de nom de
raifin d'ours, à feuilles d'olivier, un peu velues, à fleurs jaunes,
dont le pédicule eft plus ou moins long ; cette plante a des
houppes à filets courts, horizontaux; du milieu des plus
grandes il s’en élève un très-long : toutes les parties de cette
plante, excepté l'intérieur de la fleur, & lesétamines, en
font drapées.
Les filets des raifins d’ours ordinaires, font bien différens ,
ils font fimplement coniques : J'airelle rouge à feuilles de
myrte & crèpues, que M. Vaillant plaçoit aufli avec les
raifins d'ours, en a de femblables ; je crois cependant y avoir
aufii obfervé fur les bords des feuilles, des filets à cupule:
ces glandes la rapprochent de f'arboufier, auquel M. Linnæus
joint les raifins d'ours. Je n'ai pas vû une grande différence
PRE
D'HLS (SN CGÉTUENN éUE :s 6
entre ces plantes, par rapport aux filets; ceux des arboufiers
font également coniques , mais ils ont de plus des glandes à
cupule, qui ne fe trouvent pas dans les raifins d'ours : fi elles-
y manquent conftamment, je crois qu'il faudroit rétablir ce
genre, & le féparer des arboufiers, comme M. de Tourne-
fort avoit fait. C’eft dans l’arboufier à feuilles dont les bords
font à dent de fcie, que j'ai remarqué les glandes à cupule;
mais pour s’en bien aflurer, il faut examiner les feuilles &
les tiges, peu de temps après leur développement; fans cette
précaution, lon ne peut les voir, elles tombent promptement,«
& la plante paroït liffe. Je crois que ce n’eft que parce que
je n'ai pû examiner que fecs l'adrachne de Belon, & celui
d'Orient à feuilles à dent de fcie, que l'un m'a paru life, &
que l'autre ne m'a fait voir que des filets coniques : je penfe
cependant que fi on les obfervoit dans l'état où j'ai vû le
premier, on y trouveroit les cupules.
La plante que l'on connoit communément fous le nom
de flaphylodendron d'Afrique, à feuilles velues, larges & de
romarin , dont M. Van-Royen a fait la troifième efpèce du
genre qui porte fon nom, pourroit être du nouveau genre
que je propofe : elle a, de même que la plante qui le com-
pole, des houppes blanches à plufieurs filets horizontaux fur
toutes fes furfaces; mais ce qu’elle m'a fait voir de particulier,
font de longs filets verdâtres, coniques , prefque couchés,
& de petits qui paroiflent faire la cupule. Celle qui eft à
feuilles ovales ne m'a paru avoir que de longs filets coniques,
d'un blanc fale, & de petites cupules pourpres; je n’y ai point
trouvé de houppes : il conviendroit donc d'ôter celle qui en a
des royena pour la joindre au nouveau genre, d'autant qu’elle
ne peut être rangée avec les faphylodendron, comme on le
va voir. €
Cette remarque me fervira naturellement de tranfition à
la troifième partie de ce Mémoire. Le ffaphylodendron à feuilles
étroites de laurier, a été ôté de ce genre par M: Linnæus,
pour en faire un nouveau à qui cet Auteur a donné le nom
de Dodon. La dodenée m'a paru life & avoir les feuilles,
LI ÿj
Dodonea,
Dodenée,
Achiranthuse
Ledum,
636 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
leurs pédicules & les fruits chargés de mamelons qui jettent
une glu abondante. Je n'ai rien vû de femblable dans les au-
tres flaphylodendron que j'ai examinés, mais des filets coniques,
blancs, un peu couchés, & plus ou moins abondans; ils
m'ont paru l'être davantage dans celui d'Afrique, toùjours
verd & à feuilles reluifantes, dans celui de Virginie, à trois
feuilles, dans celui qui a des feuilles auffi reluifantes, & des
fleurs panachées, & dans un du Canada, que dans celui de
Mathiole.
L'on doit à M. Dillenius, le nouveau genre appelé achi-
ranthus dans Linnæus. La plante que j'ai vüe de ce genre,
avoit été mile avec les amaranthes; mais ces plantes n'ont
oint, comme elle, des glandes véficulaires en deffus & en
deflous des feuilles : cette plante étoit auparavant connue fous
le nom d'amaranthe vivace de Sicile, à fleurs en épi; je l'ai
trouvée dans l’herbier de M. Vaillant, fous un genre dif-
tingué, & elle y étoit appelée en François, queue de raie.
M. Vaillant y avoit joint encore deux autres efpèces, qui
avoient également des glandes véficulaires, dont l’une eft le
cadelari à feuilles d'amaranthe, & celui de malabar à feuilles
rondes & blancheâtres ; les feuilles & les tiges de ces trois
plantes étoient garnies d'un grand nombre de filets fimples,
coniques & blancs. Je rapporterai autre part ce que j'ai ob-
fervé dans les amaranthes.
J'en ferai de même pour les ciftes : je me contenterai de
dire ici, que celui dont M. Linnæus a formé le genre qu'il
a appelé ledum, diflère des ciftes en ce qu'il n’a pas, comme
eux, prefque toutes fes parties chargées de houppes, mais
de filets coniques, petits, fauves & crêpus fur les feuilles &
les tiges, des glandes véficulaires élevées fur le deflus des
feuilles, & des mamelons fur les calices; ces glandes s’ou-
vrent & jettent une liqueur qui rend ces mêmes parties
gluantes & vifqueufes, & qui peut être femblable au /abda-
num qu'on ramafle fur certaines efpèces de ciftes : ce Ædum
eft communément appelé cifte /don à feuilles de romarin,
& de couleur de fer.
DES:SCIENCES 6;
J'ai rapporté dans mon premier Mémoire fur les glandes
des plantes, ce que j'avois obfervé dans les buis, & j'ai
cru pouvoir comparer aux glandes miliaires, ce que j'y avois
yû. Le myrfine de M. Linnæus n'auroit pas fans doute été
rapporté au buis, fi lanalogie des glandes avoit été connue:
celles du myrfine font véficulaires, de couleur de cerife, &
très-grandes, elles fe voient fur les feuilles : les pédicules de
ces feuilles & les jeunes tiges font encore chargés de glandes
à cupule pourpres & très-bafles ; & de plus fe bout des den-
telures des feuilles eft épais, & fait la glande à godet.
M. de Tournefort avoit placé le rocou au nombre des
mitella; mais M. Linnæus en à fait le genre qu'il appelle
bixa: cette divifion fe trouve confirmée par les obfervations
que j'ai faites fur les filets. Le rocou n'a que de gros filets.
coniques, fimples, & d’un pourpre foncé fur les fruits: le
refte de la plante m'a paru liffe. Le couroucouli des Indes,
que M. Vaillant mettoit au nombre des sirella, ne na paru
différer du rocou, que parce que les filets’ des fruits y font
plus communs : ces deux plantes différent beaucoup des.
mitella à fleurs frangées ou entières; celles-ci font chargées.
fur, les feuilles, les tiges & les calices, d’une très-grande
quantité de glandes à cupule pourpre, & qui font mélées,
excepté fur les calices, à des filets coniques qui font plus
longs & très-abondans, principalement fur les jeunes pouffes.
Le genre de l'androface établi par M. de Tournefort, a été
féparé en deux par M. Linnæus : il a laiffé à l’un le nom
ancien, & a donné à l'autre celui de diapenfia. Le premier
xenfermoit landroface ordinaire, annuel, petit & à large
feuille ; celui des Alpes, qui eft vivace, qui a des feuilles.
étroites & une feule fleur fur chaque pédicule, étoit du fe-
cond, du moins M. Linnæus le penfoit ainfi dans fon ouvrage
intitulé, Æora Lapponica; mais dans celui qui a pour titre,
Flora Suecica, cet Auteur prétend que la plante à qui il a
donné le nom de dapenfia, n’a été connue à aucun autre, &.
qu'elle eft différente de celle qui eft rapportée dans les Inftituts..
Perfonne ne mérite plus qu'on l'en croie que M. Linnæus ::
LH üij
Myrfine.
Bixai
Rocou.
Androfacés
638 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
je fuivrai cependant le fentiment qu'il avoit embraffé dans
fon Catalogue des plantes de Lapponie ; & quoique je penfe
que fa diapenfia peut être une nouvelle plante, je placerai néan-
moins l'autre plante fous le mème’ genre, en attendant qu’il
foit déterminé par les filets, qu’elle n’en eft pas: cette plante
en a, que je ne puis mieux comparer qu’à des cornes de cerf.
L' arrangement irrégulier des petites branches qui fortent de
chaque côté dans toute leur longueur, leur donne:très- bien
cette figure; au lieu que les filets de l'androface ordinaire
font coniques, fimples & articulés, ou à cupule : les premiers
font longs & blancs, les autres font également blancs, mais
plus courts, & leur cupule eft pourpre ; les dentelures des
feuilles finiflent par une glande à godet, le bas des tiges
en a une femblable de chaque côté, qui eft plate & alon-
gée, de façon qu'elle fert de ftipule: le deflous des feuilles
& le deffus des calices ont des efpèces de glandes véficu-
laires, qui ne font peut-être que la bafe des filets qui peu-
vent être tombés. Le petit androface de Parkinfon, m'a paru
être femblable à celui-ci du côté des glandes ; celui des Alpes
qui eft vivace, qui a des feuilles étroites, velues, & plufieurs
fleurs, ne m'a fait voir que des filets coniques : ainfi je le
croirois une efpèce diftinéte de celui que lon avoit diffé-
rentié par fon velu, à moins que les filets à corne de cerf ne
fuffent tombés. :
Le genre des dapenfia fera déjà plus abondant , car outre
l'efpèce rapportée ci-deflus, j'en ai vü quatre autres où il y
avoit la même chofe, favoir, dans celle des Alpes qui eft
vivace, qui a des feuilles étroites, & dont les fleurs manquent
de pédicule; dans celle qui eft appelée gentianelle à petites
feuilles rondes ; dans l'androface à feuilles de corne de cerf,
& dont les fleurs partent de l'ombilic de ces feuilles ; & dans
celle d'Orient à feuilles de valeriane, ondées & crêpues : les
feuilles, les tiges & les calices ont ordinairement de ces
filets dans toutes ces plantes; & je crois que lorfque quel-
ques-unes en manquent, ce n'eft que parce qu'ils en font
tombés : il y en a, comme les deux dernières, qui en font
Dimis SAC/TIENN EE SN! 6
voir de fimples & femblables à ceux de l'androfaceordinaire ;
ceux en corne de cerf font même plus rares, & ne jettent
que deux ou trois petites branches: les filets des autres ef-
‘pèces font beaucoup plus fournis, plus bas & d’un très-beau
blanc: ils font ordinairement fi abondans, qu'on croit d'abord
que cé n'eft qu'une matière qui a tranfpiré, mais un peu
d'attention fait qu’on voit avec plaifir, que cette matière eft
organifée, qu'elle eft régulière, & que chaque brin a très-
bien la figure des corps auxquels je les ai comparés.
La plante que Plukenet a appelée mercuriale à trois coques,
qui porte dans l'aiflelle de fes feuilles des chatons mâles &
d'autres femelles, forme dans M. Linnæus un nouveau genre
appelé acalypha. M. Vaillant rangeoit cette plante dans fon
herbier avec les ricinoides, & Von va voir qu'elle avoit du
Acalypha.
Mercurialis,.
Mercuriale,
rapport avec ces plantes par les glandes plütôt qu'avec les :
mercuriales : j'y ai obfervé, outre des filets coniques, fumples
& blancs, dontlles feuilles, les tiges & les calices font garnis,
des glandes véficulaires, quelquefois rougeñtres, & qui fe
diftinguent aifément en deflus & deffous des feuilles ; je n'ai
pas trouvé ces glandes dans fes mercuriales, & il y a des
ricinoides qui en ont de très-belles & très-grandes. M. Vaillant
avoit encore placé avec les ricinoides la ercuriale de Ceylan
à trois coques & qui a des acétabules; elle ne m’a paru diffé-
rer de Ja précédente, que parce qu'elle avoit un peu moins
de filets; mais les glandes y étoient auffi belles & aufli bien
terminées que celles de l'autre efpèce.
Je ne parlerai pas ici des mercuriales citées dans le cata-
logue des plantes des environs d'Etampes, on peut y voir
ce que j'en ai dit; elles diffèrent peu des fuivantes par
rapport aux filets, celles-ci en ont plus où moins fur les
feuilles & les tiges. "Les efpèces dnt les feuilles font den-
tées, ont au bout de chaque dentelure une efpèce de ma-
melon où glande à godet placé obliquement, & dans Faiffelle
des feuilles de chaque côté, un autre mamelon alongé : ces:
plantes font , la mercuriale de montagne qui à les feuilles
arrondies, celle qui s'élève en arbrifleau & qui eft toute:
Ricinoides,
640 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
blanche, cette couleur ne lui vient que de la prodigieufe
quantité de ces filets dont elle eft couverte jufque fur la fleur
& le fruit; celle qui s'étend fur terre, qui vient en Afrique,
& qui par les feuilles reflemble aux violettes appelées penfees:
les deux fuivantes m'ont paru liffes, l'une eft la mercuriale de
Portugal à feuilles d’amandier, & fautre n’eft défignée dans
l'herbier de M. Vaillant, que par le nom de wercuriale étran-
gêre : je crois qu’on la caraétériferoit aflez bien par fes feuilles
en lance & fes fleurs qui font en verticille. I! pourroit fe faire
qu'elles fuffent réellement toûjours lifles, je croirois cepen-
dant plus volontiers que ce n'étoit ici qu’un accident : toutes
les deux font voir les mamelons des dentelures & des aiffelles
des feuilles, ainfi il n’y a guère lieu de douter qu'elles ne
foient des mercuriales. À
Le genre appelé dans les Inflituts ricinoides, a encoregété
féparé par M. Linnæus; il a appelé l'un jatropha & Yautre
croton. Rien n’eft plus frappant que la différence qui s’obferve
entre ces.deux genres du côté des filets : les efpèces de l'un
font couvertes de houppes, celles de l'autre n’ont que des
filets fimples, coniques, & fouvent des glandes à cupule &
des glandes véficulaires : ces parties ne s’obfervent pas dans
toutes les efpèces de jatropha aufli régulièrement que les houp-
pes dans les croton : les filets font en général très-rares dans fes
premières, on n'en trouve ordinairement que quelques-uns fur
les pédicules & les nervures des feuilles; c'eft cette rareté qui
m'a empêché d'en remarquer dans l’efpèce de Malabar à feuilles
de linaires & dont les bords font un peu en dent de fcie; celle
qui s'élève en arbre, qui a les feuilles découpées, qui vient
d'Amérique, eft fingulière en ce qu'elle a de chaque côté des
pédicules des feuilles, un flipule qui jette deux branches qui
fe ramifient : celle d'Anxrique à feuilles de coton nva fait
voir des glandes véficulaires obfcures; je n'ai pû les découvrir
dans celle de Malabar à feuilles d'orties : celle que l'on a ca-
ractérifée par les épines dont elle eft armée, en ef toute hé-
riffée, non feulement fur fes feuilles, mais fur les tiges, les
pédicules & les fruits; ces épines font plus ou moins EE
es
pins) -S1e DEN CURtS Car
les plus petites font plus douces & peuvent être regardées
comme des filets femblables à ceux des autres efpèces; celle
qui reffemble par {es feuilles au flaphifaigre, eft très-aifée à
reconnoître par fes glandes véficulaires bien terminées, &
füur-tout par les glandes à cupule, dont le bord des feuilles eft
chargé ; celles des pédicules des feuilles & des fleurs, & celles
des-tiges, principalement aux nœuds, font portées fur une
tige commune, plus ou moins élevée, cet arrangement
donne au total l'air d’une petite plante : de quelque gran-
deur que ces glandes foient, leur couleur eft toûjours d’un
aflez beau pourpre.
Tous les croton ont à la vérité des houppes, mais ces par-
ties ne font pas dans tous entièrement femblables ; dans Îes
uns elles font parfaites, c’eft-à-dire, compolées de plufieurs
filets diflinds & féparés les uns des autres ; dans d’autres,
ces houppes forment des plaques argentées, dont les bords
fe découpent plus ou moins profondément : ces plaques &
les houppes s’obfervent fur toutes les parties de certaines
elpèces ; celles des autres ont-des houppes fur les unes, &
des plaques fur les autres.
Les plantes qui n'ont que des plaques, font le bois de
laurier; l'efpèce qui vient en Amérique, qui s'élève en arbrif
feau, & qui a les feuilles de guimauve ; celle qui reffemble
au peuplier noir par les fiennes, & qui font d’un très- bel
argenté ; celle qui a les feuilles de l'herbe aux puces, le fruit
petit & qui s'élève en arbrifleau, qui eft vivace & qui vient
à Curafflau, & une autre du même pays, dont les feuilles
approchent du jujubier argenté de Ceylan. Dans toutes ces
plantes, les plaques font ordinairement du plus bel argenté
que l'on puifle voir; quelquefois elles prennent un peu de
couleur de cerife, principalement fur les fruits & fur les ner-
vures des feuilles & des tiges. |
Les efpèces où je n'ai vû que des houppes font , Ie baume
de Copahu à feuilles de petit chêne &. qui eft très-odorant,
celle qui a les feuilles larges ou d’une largeur moyenne, le
hirimikatihue, e chiripiba , les ricinoides , qui par leurs feuilles
Mén. 1747: . Mmmm
Ricinws,
642 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
approchent du peuplier, de l'herbe aux puces, de l'ælagnus,
de la linaire ou de {a guimauve. Les houppes font commu-
nément blanches, & d’un blanc qui n’eft pas argenté comme
celui des plaques; mais, ainfi que ces plaques, elles devien-
nent d’une couleur de cerife, & quelquefois jaunes. Lorfque
ces différentes couleurs fe trouvent réunies dans une même
plante, ce contrafte fait un effet aflez beau.
Le ricinoides dont on prépare le tournefol, eft la feule
efpèce où j'aie vü des houppes & des plaques : celles-ci font
quelquefois pourpres , mais leur couleur la plus ordinaire eft
l'argentée des autres. L
Je crois pouvoir placer avec les ricinoïdes une plante de
l'herbier de M. Vaillant, & qui y eft fous le nom de plante a
coques qui vient à Madras, qui a le fruit en grappe, les feuilles
d'urucu & d'un blanc jaunâtre : elle a des houppes fur les mé-
mes parties que celles des autres efpèces : & de plus j'en ai vû
en dedans des coques où elles font encore plus grandes ; le
deffous des feuilles a auffi de longs filets coniques & des glan-
des véficulaires, élevées & d’un jaune doré; je crois qu'elles
ne font formées que par les mamelons qui ont perdu leurs
houppes ; j'en ai trouvé de femblables dans quelques rici-
uoides, comme dans le krimicatilue.
Le rapport de nom, & encore plus celui du caraétère, qui
fe trouve entre les ricinoides & les ricins, demande que je
parle ici de ce que j'ai obfervé dans ces derniers. La com-
paraifon s’en fera plus aifément, & elle ne peut être que très-
bien placée ici : les ricins, de même que les jatropha, ont des
filets coniques ; je n’y ai jamais vü de glandes à cupule, ni
de glandes véficulaires, mais de celles qui font le godet : elles
font plates, circulaires, polées ordinairement en defious des
feuilles; & à l’ombilic formé par le pédicule il y en a trois,
quatre ou cinq; fouvent on en trouve fur le pédicule une,
deux ou trois irrégulièrement arrangées ; les filets font com-
munément très-rares, & même plus que dans les jatropha;
mais toute la furface de la plante eft couverte d’une fleur
blanche affez abondante : j'ai obfervé ces différentes choles
-
DES SCIENCES. 64
dans le ricin ordinaire, dans celui d'Afrique, qui eft très-
grand, qui a les tiges rougeâtres & coupées de nœuds qui
ont la forme de genou , dans celui qui eft tout rouge , & dans
celui de Ceylan à feuilles profondément découpées. Celui
de Malabar qui a les fruits liffes, ne diffère des autres, que
parce qu'il n'a pas, comme eux, où du moins en auffr grande
quantité, des mamelons gros, alongés, & qui portent un gros
filet conique, qui n'eft pas placé ordinairement au bout du
mamelon précifément, mais un peu plus bas & en dehors.
Ces deux dernières plantes font peut-être des efpèces bien
diftinétes des autres. Pour les trois premières, M. Einnæus
ne les regarde que comme des variétés les unes des autres,
& il paroît qu'ils n'ont pas de caraétère fpécifique réellement
différent.
On verra dans les Mémoires que j'ai encore à donner fur
cette matière, plufieurs obfervations qui demandent qu'on
rétabliffe quelques genres, que l'on en fafle de nouveaux,
& plufieurs qui confirment ceux qui font nouvellement faits.
Mmmn i}
644 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
SUR UNE NOUVELLE CONSTRUCTION
DEMO CM
Avec des Remarques fur l'ufage des autres inftrumens
qui peuvent férvir à mefurer le fillage des Vaifjeaux.
Par M. BoucuERr.
LL me É le grand nombre de moyens qu'on a propofés
jufqu'à préfent, pour mefurer le fillage des vaifleaux,
nos Pilotes & ceux des autres nations n'emploient encore
que le loch, qu'ils préfèrent à tous les autres inftrumens. IL
faut avouer aufli qu'on ne peut déterminer la vitefle du
navire, d’une manière plus directe ni plus immédiate : on ne
découvre pas cette vitefle par induétion lorfqu'on fe fert du
Joch; on.ne la conclut pas, mais on la mefure réellement.
Cet inftrument n’eft autre chofe qu'un morceau de bois qui
eft attaché à une longue ficeile, & qu’on laiffe tomber à la
mer, pour fervir comme de point fixe ou de terme, chaque
fois qu'on veut déterminer fa promptitude du fillage. La
ficelle étendue fur la furface de la mer, depuis le morceau
de bois jufqu’au navire, mefure le chemin fait pendant la
durée de l'expérience, c'eft-à-dire, pendant une minute ou
une demi-minute; & de ce chemin fait pendant l’obferva-
tion, l'on juge de celui qu'on parcourt dans une heure, ou
dans tout autre temps. Ï[ eft vrai que cet inftrument eft
fujet à divers défauts, & qu'il en a même d'effentiels ; mais.
ils ne lui font pas particuliers. Ainfi, fuppofé que nous réuf-
fiffions à l'en corriger, nos remarques pourront avoir une
application plus étendue que celle que nous paroîtrons leur
donner. Nous ne parlons ici que du loch, cependant nos
réflexions éclairciront toute cette matière ; elles nous met-
tront en état de perfeétionner la plüpart des autres moyens
qu'on a propolés pour mefurer le fillage.
DE XSHISICIR E Ne 'EI 645$
IE eft évident, par la defcription abrégée que nous venons
de faire du loch, que les déterminations qu'il fournit, ne
font exaétes qu'autant que le morceau de bois qu’on prend
pour terme ou pour point fixe, refte parfaitement en l'EpOs.
Si la mer a quelque mouvement , qu’elle avance fecrétement
vers un certain côté, ou même fr elle eft fimplement agitée
par le vent qui excite des vagues felon une certaine direc-
tion , le morceau de bois recevra du mouvement, & on fe
trompera dans la quantité du fillage, de tout l'efpace dont
le loch aura été tranfporté. Le morceau de bois a ordinaire-
ment la figure d'un triangle ifofcèle, dont la bafe eft un peu
plus petite que chacun des deux autres côtés qui ont chacun
fept à huit pouces de longueur : on attache à la bafe une
pièce de plomb, qui oblige le triangle de prendre dans l’eau
une fituation verticale. Par cette difpofition le morceau de
bois eft moins expofé à l'aétion immédiate du vent; mais
prefque toute fa furface qu'il préfente au choc de l'eau, eft
caufe qu’il en reçoit avec plus de facilité toute la viteffe. Ainfr,
au lieu de découvrir, lorfqu'on fe fert de cet inftrument,
la quantité abfolue du chemin du navire, on ne découvre
que la viteffe refpective; on trouve la fomme ou ia différence
des deux vitefles, felon que les flots qui tranfportent le loch,
vont dans un fens contraire au navire, ou vont dans le même
fens : on détermine le chemin fait par rapport à la furface
de la mer fuppofée tranquille ; mais il refte toûjours à favoir,.
f: la mer elle-même n’a pas un mouvement confidérable.
L’inconvénient fera encore le même, nous le dirons en:
pañlant, fi, comme le tentent quelquefois les pilotes, qui
fubfituent une eftimation groffière aux règles que pourroit
leur fournir la théorie, on juge de la grandeur du fillage par
Yimpulfion du vent fur les voiles. Lorfque nous fommes en
mer, nous ne connoiflons exaétement ni la vitefle du vent,
ni fa direction : nous prenons pour cette viteffe & pour cette
direction, les lignes felon lefquelles les molécules d’air qui
nous environnent, s’écartent de nous, ainfi nous confondons:
avec la viteffe du fluide, notre propre mouvement ; & au
Mmmm ii}
646 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
lieu de connoiître le mouvement abfolu du vent, nous ne
connoiflons que fon mouvement relatif. La différence doit
être mème très-grande, s'il eft vrai, comme je crois l'avoir
prouvé ailleurs , que le vaïfleau reçoive dans plufieurs ren-
contres, jufqu'au tiers de la.vitefle abfolue du vent. Les
girouettes & tous les autres inftramens qui ont en mer le
même ufage, contribuent donc également à nous tromper,
principalement dans les routes obliques ; mais l'erreur eft
encore plus grande dans le cas que nous confidérons, ou
lorfque la navigation fe fait dans un endroit de la mer où il y
a des courans : car le mouvement du fillage dépend alors de
deux caufes, on peut le confidérer comme formé de deux
parties, dont l'une doit être attribuée au mouvement de la
mer, & d'autre à l'impulfion du vent ; & l'examen qu'on fait
de l’une des deux caufes, ne fert à rien pour déterminer Feffet
que produit l'autre. Qu'on jette les yeux fur les voiles, &
qu'on faffe attention à toutes les circonftances de Fimpulfion
qu'elles reçoivent, on en conclurra la partie du fillage qu’elles
produifent. Pour y réuflir cependant d'une manière füre, &
qui fût différente d'une fimple eftimation, il faudroit fe livrer
à un grand nombre de confidérations de Méchanique; il fau-
droit connoitre parfaitement la figure du navire , afin de
comparer l'impulfion que fouffre fa carène ou fa proue, avec
l'effort aéluel du vent fur les voiles. Nous n'infifons pas fur
la variabilité de rapport qu'il y a entre les denfités de l'air
& de l'eau; ce rapport eft fujet à des changemens très-fen-
fibles, à caufe des différens degrés de dilatation de Fair, &
il feroit abfolument néceffaire d'y avoir égard. Enfin, on
n'obtiendroit malgré la longueur & la difficulté de cette mé-
thode, que la viteffe relative du vaifleau par rapport à la mer,
ou la partie du fillage qui eft caufée immédiatement par le
vent, car l'effort des voiles eft occupé à vaincre la réfiftance
que fait l'eau au paflage de la proue ; mais cette réfiflance
n'eft produite que par la vitefe relative : elle ne vient que
de ce que le navire & la mer n’ont pas exaétement le même
mouvement. Ce-fecond moyen doit donc donner précifé-
D'E-S, SCL:E-N CES 647
ment la mème chofe que l'ufage du loch, l'un & l'autre font
découvrir le mouvement relatif par rapport à la furface de la
mer ; mais d'autre partie du fillage demeure toûjours incon-
nue, celle qui eft caufée par le tranfport même de la mer.
Quoique ceci foit d'une clarté qui n'a befoin d'aucun
éclairciflement, on peut confidérer la figure 1, dans laquelle
la ligne B AV repréfente la direétion du vent qui frappe
obliquement les voiles du vaifleau 4. Le vent imprime au
navire le mouvement À F, pendant que le vaifleau eft tranf-
porté par le choc des vagues, ou par le mouvement parti-
culier de la mer, de la quantité 4 M: le navire fuivroit la
ligne À F, sil n’y avoit point de courans ; & ïl fuivroit la
ligne À A, fi le-vent ne frappoit point fes voiles : de ces
deux mouvemens combinés, il réfulte la route AZ, qui eft
la diagonale du parallélogramme AF/M. Les molécules d'air
qui rencontrent les voiles lorfque le vaifleau eft en À, par
courent l’efpace À Ÿ, pendant que le vaifleau parcourt AZ
Ainfi le vent s'éloigne de nous de la quantité /}, qui marque
fon mouvement relatif par rapport à nous, c'eft-à-dire que
IV eft fa viteffe & fa direction apparentes. Il fe préfente {ur
le mouvement du vaifleau , tranfporté par les deux fluides
qui agiflent fur lui, quelques théorèmes affez curieux. Si le
- courant, en fuivant toüjours la direction AZ, a des vitefles.
plus ou moins grandes, les points Z où parviendra le navire
qui part toûjours du point À, fe trouveront tous fitués fur une-
ligne droite qui en fera /e lieu, & qui pañlera par l'interfec-
tion de la direction À #7 du courant, & d’une parallèle à {a
voile tirée par le point F. Un autre théorème qui n’eft pas
moins digne d'attention, & qui eft également vrai lorfqu'on
prend une petite partie de la furface de la terre pour un plan,
c’eft que fi le courant a toüjours la même vitefle À 7, mais
que fa direction foit différente, Æ lieu de tous les points Z
où fe rendra le navire, ne fera pas un cercle, comme fi la vi
1effe du vent étoit infinie par rapport à celle du vaifleau; mais.
tous les points Z feront fitués fur la eirconférence d’unedllipe..
La forme de ce Mémoire ne me permet pas d'entrer dans:
*
Fig, Fe.
Fig. 1,
648 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
un plus grand détail fur ce fujet ; il me fuffit de faire re-
marquer que la vitefle À F, que le navire reçoit réellement
de l'impulfion du vent, n'eft pas la mème que fi la mer étoit
en repos : le courant, en tranfportant le navire, eft caufe que
les voiles font frappées avec plus ou moins de force par {e
vent, de forte que le courant influe fur l’impulfion à laquelle
les voiles font expolées; mais cependant À F ou A1, n'eft
que l'effet de cette dernière impulfion. Quoique le navire
parcourre toute À /, le vent ne lui fait parcourir que 4 Fou
M1: on fe trompera donc confidérablement en eftimant le
filage, fi l'on nen juge que par l'impulfion aétuelle du vent;
car on ne trouvera que #77, au lieu de A7.
Suppolé d'un autre côté qu'on fe ferve du loch, le mor-
ceau de bois fera tranfporté par le courant, il parcourra AG
& G M, pendant que le navire-parcourra 4/7 & H1: a
ficelle fera toüjours parallèle à elle-même, elle prendra la
fituation Z AZ, après avoir pris la fituation GA; on la verra
continuellement dirigée de la même manière, ou felon le
même rumb, ce qui fera croire qu’elle ne change pas de
place. On s'imaginera donc que MI eft la vraie route, &
on fera toûjours fujet à la même erreur qu'auparavant.
Tout confidéré, nous manquons de terme de compa-
raifon, & nous ne trouvons nul point fixe par rapport au-
quel nous puiffions juger de la vitefle de notre marche &
de fa direction, tant que nous ne portons la vüûe que fur les
parties les plus voifines de nous, de l’un & de l'autre milieu
qui nous environnent. Il fe peut faire que la mer foit dans
un parfait repos, & dans ce cas l'ufage du loch ne fera pas
défectueux : mais lorfque nous regardons autour de nous &
que nous fommes fur un vaifleau, tout nous paroît fe mou-
voir, & nous ne pouvons pas démêler le réel de l’apparent.
Nous ne faifons point difficulté d'aflurer que l'inconvénient
eft fans remède, fi l'intérieur de la mer eft affecté des mêmes
mouvemens que la furface : mais ft fe mouvement n'eft que
fuperficiel, nous avons une reflource affurée pour déterminer
L quantité de notre fillage. Suppofé que nous continuions
à nous
im Ees MS CT EN E Eau er
à nous fervir du loch, nous le rendrons fixe en le faifant
participer au repos qu'a la mer à une certaine profondeur.
C’eft ce que nous entreprendrons de faire dans:un inftant,
après avoir indiqué les principales raifons qui nous perfuadent
que les courans qui forment comme des lits extrêmement
larges, ne communiquent néanmoins leur mouvement à la
mer que très-peu en deflous, & qu’en bas les eaux font fen-
fiblement ftationnaires.
Il ne faut pas comparer à tous égards les mouvemens de
l'eau à ceux de l'air, Le vent fe fait reflentir à la furface de
la terre, parce qu’une des principales caufes qui le produifent
s'exerce en bas; le fol d'une contrée s’échauffe plus dans un
temps que dans un autre, & fe trouve plus échauffé que celui
des régions voifines ; c'en ef aflez pour altérer l'équilibre &
mettre en action la force élaftique de l'air qui eft au deffus,
& on voit bien qu'une pareille caufe agit principalement
proche la furface de la terre, comme dans l'endroit où f'air
reçoit plus de chaleur par le contaét des corps folides déjà
échauffés. La même chofe ne peut pas arriver aux eaux de la
mer qui doivent refter en équilibre en bas : les rayons du foleil
ne peuvent les pénétrer que jufqu’à une certaine profondeur, au-
delà de laquelle la chaleur du dehors ne fe tranfmet pas d’une
manière affez prompte. Il manque encore une condition qui
empêche de comparer l'océan à l’atmofphère: le volume de
l'eau n’eft pas affez fujet à changer en fe dilatant ou en fe con-
traétant , pour que la différence portée jufqu’à un certain point
puifle produire un mouvement fenfible dans toute la mafle.
Les effets du flux & du reflux doivent être auffi très-peu
confidérables dans les endroits éloignés de terre qui font pro-
fonds ; les feules circonftances locales augmentent le mouve-
ment fur nos côtes : & fion peut dire qu'une partie de l'océan
change de place, ce n’eft toüjours que d’un très-petit nombre
de toiles pendant les fix heures que dure le flux ou le reflux.
H eft vrai que dans le fyflème de la gravitation univerlelle,
les eaux font follicitées en bas comme en haut, à avancer
vers le point de la mer qui répond der IeEUe fous la:
lém, 1747. . Nnnn
"
6so MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Lune: mais indépendamment de ce que nous favons de Ja
petiteffe de cette force, il eft certain que les efforts qui fe
font d'un côté, fe trouvent parfaitement en équilibre avec
ceux qui fe font du côté oppofé. Quoique la Lune agiffe fur
les parties de la mer qu'elle laifle vers l'orient, elle ne peut
pas les entraîner, ni leur imprimer du mouvement dans le
même fens qu'elle tourne, puifque l'effort qu'elle fait ef toû-
jours exactement contre-balancé, & par conféquent détruit
par un autre effort exactement égal fur des parties corref
pondantes qui font fituées vers l'occident à la même diflince :
ainfi la maffe inférieure n’eft fujète à aucun tranfport; il fe
fait feulement une plus grande compreffion vers le milieu
ou vers le point qui répond fous la planète; ce qui fe termine
à l'effet très-limité que nous voyons lorfque les eaux s'élèvent.
J'ai foin de dire que c’eft la maffe inférieure qui n'eft fujète
à aucun tranfport; car il ne faut pas exclurre de tout mouve-
ment horizontal l'efpèce de tumeur ou l'éminence que forme
la mer fous la Lune, mais qui n’a que quelques pieds d'é-
aifleur dans l'endroit même où elle en a le plus.
li fuit de l'expofition précédente, qu'on ne doit chercher
que vers la furface la caufe ordinaire des courans, au moins
de tous ceux qui fe font reffentir en pleine mer. Les vents ne
peuvent pas fouffler long-temps dans la même direction,
fans faire rider la furface des eaux; ils excitent des vagues
fur lefquelles ils ont encore plus de prife par leur choc, &
ils impriment à la fin à toute la furface un mouvement dans
le même fens. Ce mouvement fe communique infenfiblement
en deffous par la friétion des couches fupérieures fur les infé-
rieures, & la communication s'étendroit de plus bas en plus
bas, fi le même vent régnoit très-long temps. Le change-
ment de direétions dans le mouvement d’un des deux fluides,
doit mettre des limites à fon effet fur l’autre. Le courant
doit continuer à aller vers le même côté, quoiqu'il ceffe
d'être pouffé; mais il ne peut pas manquer de fe ralentir
eu à peu; & bien-tôt les eaux font peut-être déterminées à
he quelque autre direétion. Le feul courant équinoétial
DES SCIENCES. 65:
n'eft pas fujet aux mêmes viciflitudes : fon mouvement doit
fe communiquer auffi plus bas, à caufe de la continuité des
vents alifés qui le produifent. Cependant fa vitefle & la
profondeur à laquelle il s'étend feroient encore beaucoup
plus grandes, fi toute la zone torride étoit couverte de mer,
ou fi ce courant décrivoit un cercle entier autour de notre
globe : chaque révolution ajoûteroit alors quelque chofe à fa
promptitude, jufqu'à ce qu’il allât précifément auffi vite que
le vent, ou qu ‘il en fût empêché par les inégalités du fond,
qui y mettroient fans doute un grand obftacle, Dans l'état
actuel des chofes, l'accélération ne peut fe faire que pendant
un certain temps, & que depuis un continent jufqu'à la ren-
contre de l'autre : outre cela, les eaux ne peuvent augmenter
leur viteffe qu'autant qu'elles trouvent d'iflues pour s'échapper,
lorfqu’elles parviennent à l’extrémité du baffin qui les contient.
Le canal de Bahama fert de débouchement à toutes les
eaux qui forment dans l’océan atlantique le courant équi-
noctial. Ces eaux, en allant frapper les côtes du Méxique,
font obligées de É détourner tout à coup vers le nord; &
comme l'iffue qu'elles trouvent n’efl pas fort large, il fe
pourroit faire que le mouvement y fût aufli rapide en bas
qu'en haut. La même exception, à ce que nous difions, peut
avoir lieu en plufeurs autres endroits ; il péut même arriver
quelquefois que da mer ait en même temps deux mouvemens
tout oppofés, l’un en haut & l'autre en bas. On l'a prétendu à
l'égard du Bofphore par lequel la mer noire & la mer de Mar-
mora fe communiquent. Procope de Céfarée qui en a parlé le
premier, attribue cette obfervation aux pêcheurs qui avoient
remarqué que leurs filets fe courboient fenfiblement , la partie
d’en haut étant entraînée vers la Propontide, & celle d'en bas
vers le Pont-Euxin. On pourroit douter du fait, s'il n'étoit
appuyé que fur cette feule autorité : il fuffroit A que
les eaux inférieures avoient moins de mouvement que les
fupérieures, quoiqu’elles allaffent les unes & les autres dans
le même fens. Cependant on conçoit fans peine que lorfqu'un
vent rapide enfile perdant quelque temps un détroit, ou qu'il
Nnnn ij
652 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Roôyazr
fouftle avec violence vers le fond d'un golfe, il peut altérer
confidérablement le niveau de la mer; & que fi, après que les
eaux {e font, pour ainfi dire, accumulées dans un certain
efpace, le retour leur eft interdit par en haut, parce que le
vent conferve fa même force, elles feront obligées de refluer
par deflous, c'eft-à-dire, qu'il s’établira une efpèce de cireu-
lation ; la mer fortira du golfe par en bas, pendant qu'elle y
entrera par la furface. Le cas efl peu différent : un vent opi-
niâtre de nord-eft fera fortir les eaux du Pont-Euxin en plus
grande quantité qu'à l'ordinaire; mais fi la même caufe agit
long-temps & avec force, il faut abfolument qu'il fe faffe en
deflous un mouvement en fens contraire, pour remplacer les
eaux qui font forties de trop par en haut.
Tout ce qu'il nous refte à confidérer, c’eft que fi ces der-
niers courans font redoutables au Navigateur , c'eft plütôt
par la violence avec laquelle ils peuvent le jeter fur quelques
écueils, que par les erreurs qu'ils font naître dans fon eftime
du fillage, Lorfqu'il s’agit auffi de courans réglés, on fait
quelle eft leur direction & leur vitefle; les Marins les con-
noiflent parfaitement. Il n'eft par conféquent queftion ici que.
des feuls courans accidentels, ceux qui font caufés en pleine
mer par des vents variables : ceux-ci peuvent tromper les
Pilotes ; mais nous avons tout lieu de penfer qu'ils ne s'éten-
dent pas en profondeur. Outre les raifons précédentes qui
nous le perfuadent, nous avons l'expérience des plongeurs
qui aflurent que 5 o ou 60 pieds fous l’eau, on ne s’y aperçoit
d'aucun mouvement, dans le temps mêmé que la mer eft
très-agitée. Nous avons encore tous les jours fous les yeux
un autre fait qui eft bien propre à nous montrer que l'agi-
tation n’eft que fuperficielle. On fait la manière prompte avec
aquelle les vagues fe fuccèdent, & qu'elles forment des
cfcillations femblables à celles d’une liqueur contenue dans
un fiphon renverfé. Il faut bien que la mer prenne un chemin
très-court pour rétablir fon niveau, & que les colonnes qui
fe balancent ne foient pas longues, puifqu'il n'y a que très-
peu d'intervalle entre les ondulations les plus fortes. Toutes
n''epsr So AN ENUNT CE Se Al (63
ces remarques ont contribué à me faire croire qu'on pouvoit
corriger la conftruétion ordinaire du loch : mais les change-
mens que je propole, ne corrigeroient rien, je l'avoue, & je
ne faurois même trop le répéter, fi la mer n'étoit pas tran-
quille à une profondeur qu’il füt très-facile d'atteindre.
Au lieu de donner une forme triangulaire au morceau de
bois qui eft deftiné à fervir de point fixe, je lui donne celle
d'un cone creux par en bas; & au lieu d’attacher le morceau
de plomb à la bafe du triangle, je le fufpends au cone, &
je le fais defcendre aflez bas pour qu’il fe trouve au deflous
des eaux qui forment le courant. J'ai une fois fait faire un
loch felon cette nouvelle conflruétion : je réduifis la mafle
de plomb à une feuille très-mince, & j'en fis une efpèce
d’entonnoir ou de cone, afin que fa furface fe trouvât plus
grande, & que le tout participât davantage au repos dont
je m'imaginois que la mer jouifloit en bas. Le cone de plomb
étoit attaché à une ficelle qui pañloit au travers du cone de
bois, & qui venoit enfuite fe rendre au vaifleau. Tout linf
trument prenoit la fituation repréfentée dans la figure 2, où
KL eft la furface de la mer. ABC ef le cone de bois qui
doit être d’un certain volume, pour pouvoir foûtenir le
poids du cone de plomb Æ DPF: La ficelle DB ne fe met-
toit pas fans doute tout-à-fait verticalement ; le courant l'obli-
geoit de s'incliner beaucoup en agiflant fur le cone fupérieur.
Ce fecond cone étoit non feulement creux par en bas, il
étoit percé felon fon axe pour donner paflage à la corde
DBPH. En G, il: y avoit une petite ficelle GC attachée à a
rande, & ‘lle venoit fe rendre au bas du cone fupérieur;
du pliôt elle étoit partagée en deux parties attachées, l’une
à demeure en C, & l'autre en G; & elles fe joignoient en /
par le moyen de deux petits morceaux de bois, dont l’un
en forme de cheville entroit dans l'autre, & s'en dégageoit
lor{qu’on letiroit avec force, comme dans les lochs ordinaires.
Cette difpofition particulière eft abfolument néceflaire, pour
qu'on puifle retirer l'inflrument à bord après chaque expé-
rience, JL faut obferver qu'on ne prend pas abfolument
nun ii
Fig.
654 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
le cone fupérieur pour terme, mais quelque point qu'on
a le foin de marquer fur la ficelle BA, & qui eft éloigné
du cone d’une certaine diflance, afin que l'inftrument ait le
temps de fortir du remoux ou de ce fillon que le vaiffeau
hiflé derrière lui dans fon mouvement. On règle ordinaire-
ment fur la longueur du navire la longueur de cette partie
de la ficelle qu'on rend comme inutile, & on peut continuer
à fuivre cet ufage ; car plus le vaifleau eft grand, plus la trace
qu’il marque par fon fillage s'étend loin. On fe fert prefque
toûjours dans l'expérience du loch , d’un fablier de 3 o fecon-
des, qu'on ne doit donc pas renverfer auffi-tôt qu'on a
jetté l'inflrument à la mer. La ficelle BA eft pliée fur un
dévidoir; on attend qu'en fe dévidant, la marque dont je viens
de parler, forte du vaifleau ; & c'eft de cet inftant que fe
comptent les 30 fecondes. Lorfque l'expérience eft achevée,
ou que les 30 fecondes font écoulées l'efpace parcouru par le
navire eft marqué par la longueur de la ficelle. Il s’agit enfuite
de faire venir l'inftrument à bord, & c’eft à quoi fert la ma-
nière particulière dont eft attachée la ficelle au cone fupérieur.
Le premier effort fait fortir la cheville qui eft en Z, du petit
morceau de bois dans lequel elle étoit engagée : rien n’empé-
che après cela le cone de plomb de monter & de venir fe loger
dans l'autre; & le tout ne formant plus qu'un feul corps qui
préfente fa pointe au fluide, on réuffit fans courir rifque de
rompre la ficelle, à faire approcher l'inftrument du vaiffeau.
On eft obligé, par des raifons particulières, de ne faire
durer chaque expérience qu'une demi-minute. Si le loch
s'éloignoit trop, & qu'on le perdit de vüe, of ne pourroit
pas juger f1 aifément de l'état de la ficelle qui doit être droite
fans être trop tendue. Lorfqu'on fe fert du nouveau loch, il
a une feconde raifon qui oblige encore plus de laifier un
intervalle confidérable entre le morceau de bois & le terme
où commence la mefure du fillage; il faut que le cone de
plomb ait le temps de defcendre en bas & de parvenir jufqu'à
l'eau tranquille ; ainfi fuppofé qu'un courant s'étendit en def-
fous jufqu'à une grande profondeur, on feroit obligé de
> nef PES 2
DE ‘s:#$ COHEN CIE 5 655
donner en même temps plus de longueur à la partie B D de
la ficelle qui doit fe mettre à peu près verticalement , & de
rendre auffi plus longue la première partie de BH qui n'entre
pas dans la mefure du fillage.
Il faudroit au refte que la furface du cone inférieur fût
. infinie, pour que la réfiftance que fait à fon mouvement l'eau
tranquille, pût procurer un repos parfait à l'inftrument. Dans
tous les cas atuels, le loch doit fe mouvoir; & il augmen-
tera fa vitefle, tant que le choc du courant contre le cone
d'en haut furmontera la réfiftance que fait en fens contraire
Peau d'en bas, au mouvement du cone inférieur. Lorfque
les deux cones font parfaitement égaux, le loch doit prendre
exactement la moitié de la vitefle du courant; & ilen prendra
plus ou moins de la moitié, toutes les fois que les deux corps
feront inégaux. Le loch prendra plus de la moitié dela viefle,
fi c'eft le cone fupérieur qui eft le plus grand; & il prendra au
contraire moins de la moitié, fi le même cone eft plus petit.
Il n’eft pas difficile de déterminer dans quel rapport fe
fait le partage de la vitefle, lorfqu’on n’a égard qu'à limpul-
fion que fouffrent les deux cones. Suppofé qu’ils foient fem-
blables, & que la furface de l’inférieur foit quatre fois plus
grande que celle de l'autre, le loch recevra le tiers de la
vitefle du courant, & c'eft avec ce tiers de la viteffe que le
cone inférieur rencontrera l’eau tranquille d'en bas. Le cone
fupérieur fera frappé avec les deux autres tiers de la viteffe,
il fera frappé avec une vitefle double de celle qu'a le cone
d'en bas; & cette viteffe double réparera l'inégalité des deux
fürfaces : les deux impulfions feront en équilibre. Le courant
ne tendra pas plus à augmenter la vitefle de l'infrument par
en haut, que la réfiftance que fouffre le cone inférieur ne
tendra à diminuer le mouvement par en bas. Une des furfaces
eft quatre fois plus petite; mais elle eft frappée en récom-
penfe avec une viefle double, ce qui augmente quatre fois
limpulfion. En général, les deux chocs ne peuvent être égaux
. que lorfque les vitefles avec lefquelles ils fe font, font en rai-
fon réciproque des racines quarrées de l'étendue des deux
Fig. 2.
656 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
furfaces ; ou, ce qui revient au même, elles doivent être en
raifon réciproque des côtés des deux cones que nous fuppo-
fons toûjours femblables. Ainfi, pour déterminer quelle par-
tie de la vitefle du courant prend le nouveau loch, il n'y
a toûjours qu'à divifer la vitefle totale en deux parties qui
foient proportionnelles aux côtés des deux cones ; il n’y aura
donc qu'une fimple analogie à faire : la fomme des côtés des
deux cones eft au côté du cone fupérieur, comme la viefle
abfolue du courant et à la partie que prend le nouveau loch,
Si les deux cones font égaux , l'inftrument recevra, felon
cette rèÿle, & comme nous l'avons déjà vü, la moitié de la
vitefle de la mer. Si le cone inférieur a fon côté double de
celui du fupérieur, le loch recevra le tiers de la vitefle ; &
il en prendra le quart, fi le côté du cone d'en bas eft triple
de celui d'en haut: mais on fent aflez qu'il faudra, pour pro-
curer plus de commodité aux pilotes, choifir toüjours dans
la pratique un certain rapport, & s'y arrèter inviolablement.
J'avois rendu le côté du cone de plomb égal à la moitié
du côté de l'autre, dans le loch dont j'ai fait mention ; ainff
l'inflrument prenoit une partie très-confidérable de la vitefle
du courant, il en prenoit les deux tiers. Je l'effayai un jour dans
cet état, lorfque nous côtoyions l'ifle de Saint-Domingue, &
lorfqu’un vent très-foible nous laifloit aller, ce femble , au gré
de la mer. Je trouvai que notre navire failoit 6 brafles en
30 fecondes; au lieu qu'en fe fervant du loch ordinaire, il
paroiffoit que nous n’en faifions que $. La différence n'étoit
que d'une brafle; mais elle répondoit à la différence de tranf
port des deux inftrumens : lun recevoit toute la vitefle de
la mer, au lieu que l'autre n'en recevoit que les deux tiers.
C'étoit une marque que la mer même failoit 3 brafles; & fr
on les ajoûte aux $ que donnoit le loch ordinaire , il viendra
8 pour le chemin total. Je fçus d'ailleurs par le voifinage
des terres, le long defquelles nous navigions, que cette déter-
mination approchoit beaucoup d'être exacte.
Cette expérience, quoique groffière, acheva de me per-
fuader qu'on pouvoit tirer une utilité réelle de la nouvelle”
conftruétion
D'E S'S GE NAG:E:S 657
confiruction de Loch, en même temps qu'elle me fit aper-
cevoir un défaut confidérable auquel je reconnus dès-lors
qu'il faloit remédier. Le cone de plomb employoit trop de
temps à defcendre dans la mer, & ne pouvoit pas contribuer
aflez promptement à rendre l'inftrument ftable. Je m'étois
d'abord propolé de former le cone inférieur avec de la toile
cirée, & de faire en forte qu'il s’ouvrit & fe fermät, à peu
près comme un parapluie. On auroit pù rendre fa furface
aflez grande, pour qu’il fût permis enfuite, dans la pratique,
de négliger la petite partie de la viteffe du courant prile par
Vinftrument. Mais je dus renoncer à cette penfée, auffi-tôt
que je vis par ma première épreuve, qu'il falloit même aban-
donner l'ufage du cone de plomb, parce qu'il ne tomboit
pas aflez vite : heureufement le remède à ce défaut n’étoit pas
difficile à imaginer. Il n’y a qu’à donner à la maffe de plomb
une autre figure, & je ne crois pas qu'il y en ait de plus conve-
nable que celle que fournifient deux lozanges qui fe coupent
perpendiculairement par leur plus grande diagonale, comme
le repréfente la figure 3. Au lieu de deux feuilles de plomb ou
de tôle taillées en lozanges, on pourroit même employer de
petits ais extrêmement minces : le tout offrira, fi on le veut, à
la réfiftance de l’eau, une très-grande furface, & rien n’em-
pêchera d'appefantir un peu la pointe inférieure, afin que le
corps puifle traverfer l’eau en defcendant avec plus de vitefle.
Si le côté du cone fupérieur eft double du diamètre de
fa bafe, 'impulfion fur fa furface fera les cinq huitièmes de
celle que fouffriroit le triangle qui pafle par l'axe, fuppofé
que ce triangle füt expolé au choc, & qu'il y fût expolé per-
pendiculairement ; c'eft ce qu’on peut trouver fort aifément
par les formules que j'ai données autrefois *, pour déterminer
le rapport qu'il y a entre les impulfions du même fluide qui
choque un conoïde felon des direétions différentes de fon
axe : il ne reftera plus après cela qu'à fe déterminer fur la
partie de la viteffe du courant qu’on veut que prenne le nou-
veau loch. Si on vouloit qu'il en prit la moitié, il faudroit
faire en forte, comme nous l'avons vü, que l'affemblage des
Mém. 1747: . Oooo
* Voy. le Traité
de la mature des
Vaiffeaux, 1m-
primé en 17273
page 52.
658 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
deux lozanges fouffrit la même impulfion que le cone, {orf-
qu'ils font frappés avec la même viteffe. Il n’y auroit qu'à
donner à la plus grande diagonale des lozanges un peu plus
des quatre cinquièmes de la longueur du côté du cone, &
faire l'autre diagonale la moitié plus petite. Si le cone a, par
exemple, fon côté de 6 pouces, le diamètre de fa bafe fera
de 3 pouces, la grande diagonale des lozanges de 4 pouces
10 lignes, & la petite de 2 pouces $ lignes ; mais de très-
fortes raifons me font croire qu'il eft à propos de donner
beaucoup plus de furface au poids inférieur, & qu'il eft nécef-
faire par conféquent que le loch prenne une moindre partie
de la viteffe du courant. Si l'on rendoit la furface du poids
inférieur auffi petite que nous venons de le faire, il ne feroit
pas permis de négliger la groffeur de la ficelle, dont la partie
à peu près verticale BD, doit avoir au moins 40 où 50
pieds de longueur. Selon que le courant s’étendroit plus ou
moins en bas, la partie de la ficelle qui plongeroit dans l'eau
tranquille feroit plus ou moins longue; la furface de cette partie
fe joignant enfuite à celle du poids, troubleroit entièrement
le rapport que nous voudrions mettre; & il pourroit arriver
que le nouveau loch, au lieu de prendre la moitié de da
viteffe du courant, n’en prit que le tiers ou quelqu’autre par-
tie fenfiblement différente de la moitié. Mais le même acci-
dent ne fera plus à craindre, fi nous donnons 1 $ ou 20 fois
plus de furface au corps inférieur qu'au cone. Nous n'avons,
par exemple, qu'à fubftituer des quarrés aux lozanges, &
mettre entre leurs côtés & celui du cone le rapport de 162
à 100; l'impulfion que recevra enfuite le poids inférieur fera
1 6 fois plus grande que celle que recevroit le cone, s’il étoit
frappé avec la même vitefle, & il réfultera de à que le
nouveau loch ne prendra que la cinquième partie de la viteffe
du courant. Si le cone a toûjours fon côté de 6 pouces, le
Giamètre de fa bafe fera de 3, & il faudra donner aux côtés
des quarrés qui forment le poids inférieur, 9 pouces 8 lignes.
I eft vrai que l'affemblage de ces quarrés recevra une
plus grande impulfion en préfentant direétement au choc
pres SiCnENN ciElS 659
un de fes plans, qu'en offrant l'angle droit ou l'ouverture
qu'ils forment. On pourroit, pour diminuer cet inconvé-
nient, multiplier le nombre des quarrés ou des plans qui fe
coüpent ; mais jai cru pouvoir me borner à deux : on doit
toûjours, dans Ja pratique, facrifier à la facilité des moyens,
toute la précifion qu'il eft trop difficile d'obtenir, & qui
n'eft pas effentielle. Je me füis, au refte, arrêté à limpulfion
moyenne, ce qui réduit à la moitié la différence dont nous
venons de parler; & c’eft ce qui nous autorife encore plus
à la néoliger. Le loch, dans cet état, ne nous donnera pas
cependant le vrai fillage du vaifleau, car il ne fauve toüjours
que les + de l'erreur caufée par le courant ; ainfi il faut appli-
quer encore une petite correction au réfultat qu'il fournit,
& il devient indifpenfable, pour en connoître la quantité,
d'avoir recours à l'ufage de quelqu'autre loch. Que le nôtre
nous donne fept tiers de lieue, ou fept milles pour le fillage
du vaifleau, nous favons que cette détermination eft beau-
coup plus approchante du vrai, que celle que nous donne-
roit le loch ordinaire; mais nous ignorerions néanmoins toû-
jours la petite quantité abfolue dont elle eft défedueufe, fr
nous n'avions pas un autre terme de comparaifon. Nous
nous fervons donc en même temps du loch ancien, & il
nous donne neuf tiers de lieue ou neuf milles : cé dernier
loch eft fujet à toute l'erreur caufée par le mouvement de
la mer; & les deux milles de différence entre les deux réful-
tats, font l'effet des + de la viteffe du courant. Ainfi il faut
prendre le quart de cette différence, on a un demi-mille ;
& c'eft de cette petite quantité dont il faut encore corriger
la détermination donnée par le nouveau foch : il vient par
conféquent 6+ milles pour le fillage effeif.
Le courant aura le plus fouvent une direction différente
de celle de la route; & dans ce cas, l'opération deviendra
un peu plus compliquée. Si pendant que le vaiffeau eft folli-
cité par fes voiles à fuivre la ligne A /fg. 4.) le courant
le tranfporte de la quantité 4 47, & qu'il embrafle effei-
vément la route A7, par le concours des deux puiflances
Oooo ij
Fig. 4.
660 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
Fig. 4 auxquelles il eft expofé ; nous avons déjà vü que le morceau
de bois qui fert comme de point fixe au loch ordinaire, fera
tranfporté de À en M, & que cet inftrument donnera Z A4
pour là direction de la route, & pour la quantité du che-
min; mais il s'en faudra extrêmement que le nouveau loch
ne jette le pilote dans une auffi grande erreur. Cet inftrument
ne prendra, en conféquence de fa conftruétion, que la cin-
quième partie de la vitefle du courant; il ne fera tranfporté
que de la quantité AG, pendant que le navire parcourra A7;
la ficelle {e trouvera tendue depuis G jufqu'en Z, & don-
nera donc G / pour la route & pour le fillage. IH n’y aura
après cela qu'à réfoudre, par le moyen d’une figure ou autre-
ment , le triangle GZM que forment les ficelles des deux
Jochs : on connoît leur longueur, & on a pû mefurer l'angle
G 1 A1 que failoient leurs direétions. La mefure de cet angle
feroit difficile à prendre, fi on ne fe fervoit pas de la boufiole;
mais rien n'eft plus facile que de voir du point Z où eft
le vaifieau, felon quel rumb eft fituée la ficelle de chaque
Joch : la réfolution du triangle donnera G 4, qu'il n’y aura
qu'à augmenter du quart, & on aura la vitefle totale À 41
du courant ; on aura auffi fa direétion précife, & il eft évi-
dent que cette feconde partie de la détermination eft indé-
pendante de la plüpart des erreurs qui peuvent fe gliffer dans
Fautre. Enfin, auffi-tôt qu'on a 174, il ne coûte pas à trouver
la vraie route A7, & l'exaéle quantité de la marche.
On peut fe dilpenfer, dans la pratique, de réfoudre rigou-
reufement le triangle GZ M; il n'y a, pour s'épargner cette
peine, qu'à diftinguer l'effet du courant fur la longueur du
chemin, de l'eflet produit fur la direétion de la route, &
chercher l'un & l'autre féparément. Puifque le loch ordinaire
eft fujet à toute l'erreur produite par le mouvement de la
mer, & que le nouveau loch n'eft fujet qu'à la cinquième
partie de cette même erreur, il n’y a qu'à prendre la diffé-
rence qui fe trouve entre les deux déterminations, & y
ajoûter une quatrième partie. Le loch ancien donne 44, le
nouveau loch donne G 7; le quart de la différence qu'il y a
DE ENS ACER E ANT C'ETS: 661
entre la longueur de ces deux lignes nous apprendra, fans
erreur fenfible, la différence qu'il y a entre les longueurs de
G1 & de AJ :il fera tout auffi facile d’avoir, à très-peu près,
l'effet du courant fur la direction de la route. On obferve
du vaiffeau avec la bouflole, la direétion des deux ficelles,
& on a l'angle G/ M qu'elles forment. I n’y a qu'à tranf
porter le quart de cet angle de l'autre côté de la direction G Z,
indiquée par le nouvel inflrument; & on aura la direction
A1 du chemin, eu égard à tout, eu égard aux deux diffé-
rentes dérives qui l'affeétent, la dérive proprement dite,
qui vient de la fituation oblique des voiles par rapport à la
quille, & la déviation caufée par le mouvement de la mer.
On ne doit pas, au refte, regarder comme une incommodité
Yobligation où l’on fe trouve, de joindre toüjours l’ufage de
Yancien loch à celui du nouveau : on peut, en fe plaçant
aux deux côtés de la pouppe, fe fervir de ces deux inftru-
mens en même temps, fans qu'on ait à craindre qu'ils
s’embarraflent. On peut auffi, fi cette multitude d'obferva-
tions ou d'expériences eft à charge, fe difpenfer de les faire
plus fouvent qu'à l'ordinaire : il n’y a qu'à fe fervir alterna-
tivement de demi-heure en demi-heure, ou d'heure en
heure, &c. de l’un & de l'autre loch, le travail de cette forte
ne fera point augmenté; & il fufhra de remarquer qu’en
comparant deux réfultats confécutifs, on obtient la vraie
route & la vitefle du vaifleau, non pas pour le temps de
chaque obfervation, mais pour le milieu de leur intervalle,
cequi revient abfolument au même.
Quelquefois on navige dans des endroits où la mer na
que peu de profondeur, & où elle eft fujette à avoir un grand
mouvement. La Manche, où les naufrages en temps de
brouillgds font plus fréquens que par-tout ailleurs, nous en
fournit un exemple : je crois qu'on y éviteroit fouvent les acci-
dens, en fe fervant du nouveau loch ; mais il faudroit prefque
toüjours que le cone inférieur, ou que le corps qui en tient la
place, defcendit aflez bas pour fe repofer fur le fond même :
le loch fe trouveroit enfuite comme à l'ancre, & on feroit
Oooo iij
Fig. 4.
Fig. 4.
662 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
bien en droit alors de le prendre pour terme ou point fixe.
Hi fuffira en pleine mer, felon toutes les apparences, de
faire defcendre le corps inférieur de 40 ou 50 pieds; mais
il fera bon de commencer par s'en afiurer. S'il y a encore du
courant à cette profondeur, la quantité G M (fig. 4) fournie
par l'ufage des deux lochs, deviendra plus grande auffi-tÔt
w’on fera defcendre un peu plus bas le corps inférieur. Ainfi
on fera für d'avoir atteint l'eau tranquille, lorfque A1G fe trou-
vera toûjours fenfiblement de la mème quantité, quoiqu’on
alonge ou qu’on accourciffe d’un certain nombre de pieds la
corde à peu près verticale qui foûtient le corps inférieur.
Quoique la ficelle du nouveau loch doive être divifée &
diflinguée en parties par des nœuds, précifément de la même
manière que celle de l’ancien, je crois qu'il eft convenable,
en terminant ce Mémoire, d’infifter un peu fur ce dernier
article. Nos Pilotes fe fervent, comme je l'ai déjà dit, de
fabliers ou d'ampoulettes d'une demi-minute, & ils veulent
ordinairement avoir la quantité du fillage exprimée en tiers
de lieue. Ainfi ils n’ont qu'à partager la ficelle du loch en
efpaces égaux, qui foient chacun la 1 20€ partie du tiers de
lieue, & par le nombre de ces parties parcourues pendant
l'expérience, on fait combien on fait de tiers de lieue ou de
milles dans une heure. Ondiflingue les parties de la ficelle par
des nœuds; on en met un à la fin du premier efpace, deux "à
Ja fin du fecond, trois à la fin du troifrème, &c. Il fuit en-
fuite au Pilote de les compter; il peut même le faire aifément
de nuit, & le nombre exprime la longueur du chemin. Au-
tant de nœuds, ce font autant de milles faits par heure, parce
que le mille eft 1 20 fois plus grand que chacun de ces efpaces
parcourus pendant la demi-minute que dure l'expérience.
Il eft évident que la divifion de la ficelle fuppofe une con-
noiflance exaéte de la grandeur de la lieue marine, qui eft
pour les navigateurs François, comme pour les Anglois, &
pour ceux de plufieurs autres nations, la vingtième partie du
degré terreftre. Mais ce qu'on trouvera fort extraordinaire,
c'eft que la plüpart des Pilotes, fans avoir égard à ce que nous
D'E S! SCIE N c'es. 663
avons d’exaét fur ce fujet, s'accordent encore à faire la lieue
marine de 1 5000 pieds de roi, ou de 3000 brafles ou pas
géométriques, comme dans le temps qu'on étoit obligé, il y
a un fiècle, de fe contenter d’eflais groffiers & de connoif:
fances extrêmement imparfaites fur les dimenfions de notre
globe. Ils ne confidèrent pas que la grandeur de la lieue ma-
rine n’eft nullement arbitraire, & qu’elle eft abfolument dé-
terminée par le nombre de degrés qu'on a voulu que contint
la circonférence du cercle, & par la fubdivifion du degré
terreftre en vingt parties égales. I faudroit après cela qu'un
hafard bien furprenant s'en fût mêlé, pour que la lieue fe
trouvât précifément d’un nombre rond de pas géométriques :
ils la rendent trop petite d'environ une huitième partie, & ils
fe trompent en conféquence dans la divifion de leur Loch. Ils
trouvent cependant à peu près leur compte à la fin du tout;
& cela, parce qu’ils ont altéré, à peu près en même raifon, {a
demi-minute dont ils fe fervent. Ils perdent toûjours quelque
temps à renverfer leur fablier; & fi on a égard à cette perte,
1a durée de leur demi-minute eft à peu près autant diminuée
que les divifions du loch font trop courtes ; ce qui fait une
aflez exacte compenfation, en laïffant fubfifter fans altération
le rapport du temps à l’efpace pendant l'expérience.
Les chofes devoient naturellement en venir là, auffr-tôt :
qu'on ne vouloit pas reconnoître l'erreur qu'on commettoit
fur l'étendue de la lieue marine. Les Pilotes ont une infinité :
d'occafions, foit en pleine mer, foit le long des côtes, d’é-
prouver l'exactitude de leur méthode de mefurer le fillage:
une première faute mettoit donc dans la néceffité d’en com-
mettre une feconde pour corriger les mauvais effets de fa
première : on étoit obligé de changer la durée de Ja demi-
minute, pour n'être pas fujet à des mécomptes continuels ;
mais il a fallu que plufieurs per fonnes participaffent à à cette
feconde faute; les ouvriers qui conftruifent à terre les fabliers,
s'en font auffi rendus complices; ils n’ont pas fait difficulté,
pour déférer à l'avis trompeur des Marins, de violer les règles
exactes qu'ils avoient pour la mefure du temps. C’eft ainfi
4
664 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
qu'à force de fe tromper dans cette rencontre, on eft prefque
parvenu au même point que fi on ne {e trompoit pas du tout,
& qu'on s'eit difpenté d'avoir recours à une détermination pré-
cife, parce que d’ailleurs on n'en étoit pas fort éloigné. Quel-
ques Pilotes, mais en très-petit nombre, auront exactement
divifé la ficelle de leur Loch, & pris la peine en même temps de
rectifier leurs fabliers ; & ils auront afiuré leur fort contre les
rifques de la mer, en profitant du travail de l'Académie : mais
combien d’autres, par la liberté qu'ils ont prife d’enfraindre les
règles, & qui auront peut-être expié malheureufement leurs
fautes, fe feront fervis, ou de bons fabliers avec des lochs mal
divifés, ou de lochs bien divifés avec des fabliers défeétueux !
Les degrés du méridien font inégaux ; mais leur inégalité
eft fi petite, qu'on peut fe difpenfer d'y avoir égard dans la
navigation, & de modifier les pratiques ordinaires du Pilo-
tage. S'il falloit faire quelque attention à la figure non fphé-
rique de la Terre, ce feroit principalement lorfqu'il s'agit de
la réduétion des lieues de longitude en degrés, comme jai
eu occafion de l'expliquer dans le livre de la Figure de la
Terre. I fuit de là que nous ne pouvons pas mieux faire que
de régler l'étendue de la lieue marine fur le 45° degré, qui
tient une efpèce de milieu entre les autres; car on diminue
encore de cette forte la différence. La lieue marine, en con-
féquence de ce choix, fe trouve de 28 5 o toifes du Châtelet
de Paris, feulement plus courte de trois toifes que la pre-
mière mefure fournie par l'Académie. Le tiers de lieue eft de
950 toifes; & puilqu'on ne veut faire durer qu'une demi-
minute chaque expérience, il n’y a qu'à prendre la 120€
partie de 9 so; il viendra 7 toiles $ pieds 6 pouces, où 47+
pieds, & c'eit donc la longueur de chacune des parties de
la ficelle qu'on doit diftinguer par des nœuds; ce qui ne dif-
fère pas de ce qu'on avoit déjà déterminé dans plufieurs
Traités de navigation, en employant la mefure de M. Picard,
& en fuppofant la Terre fphérique.
AE Ar
SUR
Zhgrum op ,
Dem de LA R dar Se 1797 pas 66 plan
grue Sonde
DES SCIENCES. 665
MOREL "A R'ENSOFURT- FOI
DES E QUATIONS
Par M. FONTAINE.
L 2 méthode que je donne ici pour {a réfolution des
équations, a été trouvée à loccafion d’une règle fort
fumple, mais fort imparfaite, que M. Newton a donnée dans:
fon Arithmétique univerfelle, pour découvrir le nombre des
racines réelles, & celui des racines imaginaires d'une équa-
tion propolée ; & de ce que M'S Mac-Laurin, Campbel,
Stirling, & en dernier lieu M. l'Abbé de Gua, ont fait, foit
pour trouver l'origine de la règle de M. Newton, foit pour
en découvrir une autre qui füt générale. Je vis bien-tôt que
tous ces Auteurs n'étoient pas entrés dans la vraie route, Ja
grande diffculté des grandes découvertes, ne vient fouvent
que de ce qu’il n’y a qu’une feule voie qui y mène, & c’eft ce
genre de découvertes que l’on attribue volontiers au hafard
quand elles font faites, pour fe confoler de ne les avoir pas
faites. M'étant donc mis à méditer fur celle-ci, il m’arriva le
contraire de ce qui arrive ordinairement, l'on trouve prefque
toüjours moins que lon ne cherche, au lieu que je trouvai
beaucoup plus que je ne cherchoiïs ; car pour que cette
méthode foit plütôt connue & mife en pratique, je crois
néceflaire d’avertir que je la donne pour l'analyfe en entier,
que lon cherche fi inutilement depuis l’origine de l'algébre.
Quand on aura conftruit la Table que j'indique , je ne crains
pas, quelque peu porté que lon foit à fe fervir de la méthode
d’un autre, que l'on foit tenté de chercher par une autre
voie, les racines des équations que l’on aura à réfoudre.
Soient "m, #,p, q, r, &c. des nombres quelconques réels,
pofitifs, l'on aura es formules de tous les deyrés comme
il fuit :
Mém, 1747. . Pppp
666 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
NE MIX ET SAR D, Ro IR EUR = = h,
CORP :
RIM EX D, RE MNT OX © p, XP mn x + p,
D XX HP, NH MX — mx — pi
RON AR PS IX D NM x 0x —p,
MR Hp, NH mo — p:
D — MX Rp, N — MX —p, D HAX Hp, HO AX
OX HD, XX —p, Xp, X — p:
En en px + qe mx nx px — g, &c.
Tout nombre, de quelque genre qu'il foit, & quelque
compliquée que foit fon expreflion, peut toûjours, en fup-
pofant que a & b foient des nombres réels, pofitifs, & que
a foit plus grand que b, fe défigner par 4, ou par — 4, ou
par aV— 1, où par —4a V— 1, où para+by—1,
ou par 4a— D V— 1, où pat — a+ bV— 1, ou par
—a—by— 1, ou parb + ay— 1, ou par b—ay—1,
OÙ par — b + a V— 1, où par — b— a V— 71.
Je prends À & B pour défigner deux nombres quel-
conques réels, pofitifs ou négatifs ; & je dis que fr
x + A+ B y— 1, eft un des faéteurs d'une formule
quelconque, x+ À — B y— 1, fera néceflairement un.
autre des facteurs de la même formule ; & cela pour que
m, un, p, gr, &c foient des nombres réels, comme nous.
l'avons fuppofé.
Les deux facteurs d’une formule quelconque du fecond
degré, feront donc /x + a) (x + b) où (x + a) (x—b)
ou (x—a) (x + b) où (x—a) (x—b) où (x+— av— 1)
(x—av— 1) où (x+a+ br) (x +a— by)
où {x — a+ bV— 1) (x— a —bV— 3) où
(x+b+av—:) (s+b— a V— 1) ou
(x—b+av—r)(x—b— avi)
Pr
DÉS $ C1 8 NICE 667
Les trois facteurs d’une formule quelconque du troifième
degré, en {uppofant non feulement que a eft plus grand
que À, mais encore que À eft plus grand que c, feront K+ a)
(*+ bd) (x+-c) où (x+a) (x+-b) (x —c) ou
{x+ a) (k—56) (x+c) où (x—a)(x+ 6)
(x + c) où (x a) (x — à) (x —c) où {x —a)
(x +) (x—<c) où (x — a) (x—b) (x + c) où
(x — a) (x —b) (x—c) ou (x + à) (x + 8V— 1)
G—0V— 3) où fx — à) + D y— 1) (X—DV— 1)
ou (x + b) (x av — 1) (K —av— 1) ou {x — à)
ŒHavV— 1) (x—av— 1) où (x + a)
(HER EV—:) + b—cy— 1) ou fx + 4)
DH CV — ir) (x — bc y— 1) ou {x — a)
(AH CV — 1) (x 4-b— y — 1) où (x — a)
BHO — ir) (x bc y — 1) où fx + a
(ic — 1) (x 4e — by — 1) ou {x + 4)
fx —c+bV— 1) (5 cb y— 1) où (x— a)
+ CH — x) (x cb à) où (x— 4)
G—cHbV— 1) (x —c by — 1) ou fx +6)
CG+a+c Vi) (space 1) ou /x-+ 0)
É— a+ cV— 1) (x—a—cy— 1) où (x — 5)
(XHa+cV—i) + a—cy— 1) où [(x—b})
(x — a+ cV— 1) (x — a —5y— 1) où {x +b)
(x Hc+ av — 1) (x + ca V— 1) ou{x+- b)
(—c+aV— x) (x —c —_ ay 1) ou {x —4)
+ c+av— 1) (x+c—ay— 1) ou /x —})
G— CH aV— 1) f—c— av — 1) où [x +-c)
(Ha bv— 1) (+ a—Dy— 1) où (x 45)
f—a+by— 1) (x —a—bv— 1) où (x —c)
A+ a+ br) (x a — 0 — 1) où (x —c)
(X— a+ 53) (x— a by — 1) où (x +c)
Ppppiÿ
Ye
668 MÉmorres DE L'ACADÉMIE ROYALE
(x+bæ+av— 1) (x+b—av— 1) ou (x +6)
(x—b+av— 1) (x—b—av— 1) où {x —c}
(“+ b+av—:1) (x +b—av— 1) ou {x —c)
(x—b+av—:) (x—b—av—\1).
Les quatre facteurs d’une formule quelconque du qua-
trième degré, en fuppofant toûjours a plus grand que à,
b plus grand que «, & c plus grand que d, feront
{+ a) (x +) (+0) (x + d) où, &c. ou (* +4)
(x+ 0) (x cV— 1) (x —CV— 1) ou, &c. ou
+ a) (+) + c++ dyV— 1) (4-c—dv—31)
ou, &c. où (x aV— 1) (x—av— 1) (x + bV— 1)
(x— 8 V— 1) où, &ec. ou (x + ay— 1) (x —av— 1}
(+ bc V— 5) (x 4 b—c V— 1) où, &c- ou
(+ a+ V3) (sa — br) (x ++ dV— 1)
(x + c— d V— 1) où, &c.
Les cinq facteurs d'une formule quelconque du cinquième
degré, en fuppofant a plus grand que 4, à plus grand que c,
c plus grand que d, & 4 plus grand que e, feront (x + a)
(x+b) (x+c) (x + d) (x+4e) où, &c
IL feroit trop long d'écrire ici l'un après l'autre, tous les
différens fyflèmes de facteurs de chaque degré; mais l'on voit
que ce feroit une chofe bien ailce.
Maintenant il faut confidérer que chaque fyftème de fac:
teurs ne peut pas produire toutes les formules de fon degré,
mais qu'il ne peut produire qu'une feule ou que quelques-
unes de ces formules.
Je fais une table, où écrivant par ordre au deffous es uns
des autres, tous les différens fyftèmes de facteurs , d'abord
tous ceux du fecond degré, enfuite tous ceux du troifième,
enfuite tous ceux du quatrième, enfuite tous ceux du cin-
quième, &c. je mets à la fuite de chaque fyftème de faéteurs,
fon produit tout au long ; & à la fuite de ce produit, toutes,
les formules qu'il renferme.
DES JSCTYENCES. 669
Cette table étant faite, je ferai en état d’en conftruire une
autre, où chaque formule aura à côté d'elle, tous les fyflèmes
de facteurs qui peuvent la produire ; & c’eft cette table - ci
qui fait tout l’objet de cet ouvrage: il s'agira enfuite pour
l'achever, de trouver & d'écrire à la fuite de chaque fyflème
de facteurs, le fyflème de conditions qui lui convient ; car
puifque chaque formule peut également appartenir à chacun
des fyflèmes de faéteurs qui fe trouvent à côté d'elle, il doit.
y avoir un fyflème de conditions pour chaque fyftème de
facteurs. .
Pour trouver ces conditions, je prends le premier des
fyflèmes de facteurs qui fe trouvent à côté d’une formule,
fucceffivement avec tous ceux de la même formule avec lef-
quels il peut être pris; nous verrons bientôt quel rapport
doivent avoir entr'eux deux [yflèmes de facteurs, pour pou-
voir être pris enfemble : je prends de même le fecond des
fyftèmes de facteurs de cette formule, avec tous ceux avec.
lefquels il peut être pris, & je continue ainfi jufqu’au der-
nier, exclufivement. A chaque fois que je prends deux fyftè-
mes de facteurs enfemble, je conçois que la formule appar- |
tienne à l'un ou à l'autre de ces deux fyflèmes ; & pour être
en état de diflinguer auquel des deux elle appartiendra, je
me propofe de trouver une fonction de", de», de p; de g, &c.
qui foit toüjours plus grande que o dans l’un, & toûjours
moindre que © dans l’autre : cette fonction deviendra 0,
l'un de ces deux fyflèmes devenant l'autre, car alors elle
appartiehdra à tous les deux en même temps ; ainfi, pour
pouvoir prendre deux fyftèmes de facteurs enfemble, il faut
que l'un puifle devenir l'autre. Je fais fur l’un de ces deux
fyftèmes, la fuppofition qui le rend un des cas de l’autre, &
Je prends les valeurs de #1, de », de p, de g, &c. dans cette
fuppofition; au moyen de ces valeurs, j'aurai une ou plu-
fieurs fonctions des nombres "1, n, p, q, &c. — 0. Si l'hy-
pothèfe que j'ai faite ne me donne qu'une feule fonction de
ces nombres = 0 , cette fonction fera celle dont il s'agit,
c'efl-à-dire qu'elle fera toûjours plus grande que o dans l'un.
PPPP ü
670 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare
des deux fyflèmes, & toûjours moindre que o dans l'autre:
j'en fais l'etfai fur un cas fimple de l'un de ces deux fyflèmes,
& fi je la trouve plus grande que o dans ce cas, je con-
clurrai qu’elle fera toûjours plus grande que o dans tous les
cas poffibles de ce même fyftème, & toûjours moindre que o
dans tous les cas poffibles de l'autre; & au contraire, fi je la
trouve moindre que o, je conclurrai qu'elle fera toûjours
moindre que o dans ce fyftème , & toûjours plus grande
que © dans l'autre. Si mon hypothèfe me donne plufieurs
fonctions — o, il fera facile de recohnoitre laquelle de ces
fonétions eit toûjours plus grande que o dans l'un des deux
fyflèmes, & toùjours moindre que o-dans l'autre, en y
fubftituant les valeurs générales de 71, de », de p, de 4, &c.
Comme à chaque fois que je prends deux fyftèmes de
faéteurs enfemble, je trouve une condition pour chacun de
ces deux fyftèmes, il fembleroit que le fyflème complet de
conditions de chaque fyflème de facteurs, devroit être com-
pofé d'autant de conditions qu'il y auroit de fyftèmes de fac-
teurs avec lefquels ce fyflème pourroit être pris ; mais parmi
ces conditions, il y en aura fouvent qui feront les mêmes.
D'ailleurs, comme il arrivera que quelques-unes des condi-
tions que je découvrirai, en comparant un fyflème de fac-
teurs avec tous ceux avec lefquels il pourra être comparé,
feront les mêmes que quelques - unes de celles que j'aurai
découvertes, en comparant un autre fyftème de facteurs avec
tous ceux avec lefquels il aura pû être comparé, le nombre de
conditions qui formeront les différens fyftèmes, fera Beaucoup
moindre qu'on ne le croiroit d’abord. I faut obferver auffi
qu'il y a toüjours dans la table deux formules, dont les fyf-
tèmes de faéteurs font entièrement les mêmes, excepté que
ce qui eft pofitif dans les uns, eft négatif dans les autres; &
que ces fyftèmes de facteurs auront abfolument les mêmes
fyflèmes de conditions.
L'on pourroit, pour abréger, ne faire entrer dans la table,
que des formules où il manqueroit quelques termes ; &
cornme l'on peut toûjours ramener toute équation à une
a
se oo de 2e éd
DES!) 6.C/I: EN ses; 671
équation où le fécond terme manque, la table feroit générale
dès qu'elle contiendroit toutes les formules où il n'y a pas
de fecond terme.
Je fuppole préfentement que l’on me propole quelqu'équa-
tion déterminée à réfoudre, je chercherai dans la table 1a
formule de cette équation, je trouverai à côté de cette for-
mule, tous les fyflèmes de faéteurs qui peuvent {a produire;
& à la fuite de chaque fyflème de facteurs, le fyflème de
conditions qui lui convient : je verrai auquel de ces fyflèmes
de conditions fatisfait l'équation propolée, & j'aurai par ce
moyen le fyflème de faéteurs qui l'a produite; c'eft-à-dire
que j'aurai de cette équation le plus de connoiffance qu'il eft
poffible d'en avoir, à moins de la réfoudre entièrement : je
la réloudrai enfuite par la méthode füivante, qui termine.
heureufement cet ouvrage.
Ayant deux équations entre deux nombres inconnus, que
Von fait être réels & pofitifs, & connoiflant quel eft le plus
grand des deux, trouver ces nombres.
Soient a & 4 les deux nombres dont il s’agit, & foit a
plus grand que à.
Faites «a = à R, b — BR; fubflituez ces valeurs de 4-
& de à dans vos deux équations, vous aurez en leur place.
deux autres équations entre &, £ & À.
… Changez ces deux équations en deux autres, dont l'une
foit R — fonction de à & de B, & l'autre, qui eft celle fur.
laquelle nous allons opérer, foit fans À.
Soit & — x +R = +",
Soitr.x—1,)—=0,7—0,u1—1,donca—@, R—1..
* En fubflituant ces valeurs dans notre équation, l'on aura-
une équation où il n’y aura que @ d’inconnue: fi l’on fait
= 1, lun des deux membres de cette équation fera plis
grand que l'autre. Je fuppofe que À foit un nombre entier
pofitif, tel que fi on fait 9 — À, ce même membre foit
encore plus grand que l’autre; mais que fi l’on faitg — 4-1,
il foit moindre : je dis qu'il faudra faire @ — À, & lon aura,
672 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pour première approximation, a — AR, b — R.
Je laifle À au lieu de fa valeur que l’on aura, en fubitituant
À au lieu de &, & 1 au lieu de £.
SOI ZAR Mi Ve Mr Le Ma UE 10) UNE
a—mœ Ap+1i,B— 9.
En füubftituant ces valeurs, comme l’on vient de faire les
précédentes, l’on aura une nouvelle équation où il n’y aura
que @ d'inconnue; & l'on trouvera pour g le nombre en-
tier pofitif B, de la mème manière que l'on a trouvé le
nombre À dans l'opération précédente.
L'on aura donc pour feconde approximation,
a—=(AB+1:)R, b—BR.
Je laiffe toûjours À au lieu de la valeur que l'on aura, en
fubftituant À B -+- 1 au lieu de &«, & B au lieu de £.
Continuez de la même manière autant que vous voudrez,
& faites à chaque fois x — au coëfficient de À dans Îa
valeur de a que vous venez de trouver, y — au coëfficient
de R dans {a valeur de a avant celle-ci, 7 — au coëfficient
de RÀ dans la valeur de 2 que vous venez de trouver, u —
au coëfficient de À dans la valeur de à avant celle-ci.
Suivant cette règle, l'on aura 3. x = AB+ 1,y= 4,
= B,u—=1, dona—= (AB+:1).p+ À,
= BeR—+:r.
EX EM PEL E
Soit x°— 3 x + 1, je trouve dans la Table
(— a) (x— BJ ee m—4n> 0,
mn MXN (a+ br) (e—a—bv—\).m—an<o;m—1n>e
(s—5+av—1)(s—b—av— 1) m—in<o,
j'aurai m—3,0—=1; je fubflitue pour »m & # leurs valeurs
dans m°— 4n> 0, & j'ai 9 — 4> 0; d'où je conclus que
x — 3x1 — (x — a) (x —b), & que par coné-
quent a+ b—=3, ab—:1; ïül faut trouver a & b: foit
a=aR, b BR, j'aurai (a+ 8) R=3,a8.R—1;
donc
DES SCIENCES. 673
donc À — A & a°— 7ab + B°—= 0; foit
a = x9—+-J, R — 79 +-u, ces chofes étant ainfi préparées.
1.7€ OPÉRATION. X—1,)—=0,7—=0,u=—= 1, j'aurai
« —=9,R=—=1; en fubftituant pour « & 8 ces valeurs, j'aurai
gg —7p+1—0o; fi je fais @— 1, j'aurai — 5 <o;fi
je fais ® — 6, j'aurai encore — $ < 0; mais fi je fais @ —7,
j'aurai 1 > o, d’où je conclus qu'il faut prendre g —6 ; donc
R—=2Ja=6R, b—R.
2.® OPÉRATION. X= 6,ÿ—1,7= 1,4 == 0, j'aurai
ae = 6 + 1,8 —=9; en fubftituant pour & LB ces valeurs,
j'aurai 5®— 59 — 1 —o;fijefaisg — 1, j'aurai — 1 <o;
fi je fais @ — 2, j'aurai 9 > 0; d'où je conclus qu'il faut
prendre @ = 1, donc R—X, a—7R, b—R.
SASOPÉRATION: == 7, POI = donc
a — 79 + 6,B — + 1; en fubftituant pour & & BR ces
valeurs, j'aurai @— 5@— $ —0;fije fais g = 1, j'aurai
— 9 <o; fije fais @— 5, j'aurai encore — $ < 0; mais
fi je fais ® — 6, j'aurai 1 > o, d'où je conclus qu'il faut
prendre®= $ ; doncR— À,, a— a: R, b — 6.
4.° OPÉRATION. *X—= 41,ÿ—=7,? = 6, 4—=1,donc
a—œ 410 +7, BR —= 6 @ +1; en fubftituant pour « & B
ces valeurs, j'aurai $@— 5@— 1 — 0 : cette équation étant
la même que celle de la feconde opération, je conclus qu'il
faut prendre g = 1; donc R=— À, a—48R, b—7R.
$-° OPÉRATION. x 48,y—=41,7—=7, 4 —=6, donc
a—=48@+ 41,8 —=7@ +6; en fubftituant pour «4 & 8
ces valeurs, j'aurai ®— $g — $ — 0: cette équation étant
la même que celle de la troifième opération, je conclus qu'il
faut prendreg—5;doncR=—i,a—281R,b—41À.
6.€ OPÉRATION. * = 281,y — 48, Z—41,0=—=7,
donc a — 281948, 8— 41 +7; en fubflituant
pour & & B ces valeurs, j'aurai $ @— $p— 1 —o:cette
équation étant la même que celle de la feconde opération,
j'en conclus qu'il faut prendre p—1; donc R—-3;,
DE=NSERR,;D = 28 R.
Mn, 1747. -Qgqq
674 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
7. OPÉRATION. X = 329,)—=281,7—48,n—=4#
donca— 32994 281,8 — 48ç—<+#41; en fubftituant
pour a & B ces valeurs, j'aurai g — $ p— $ — 0: cette
équation étant la même que celle de la 3.° opération, j'en
conclus qu'il faut prendre @ — 5 ; donc À = —;;;
a2= 1926R, d—2181R.
8.e OPÉRATION. x — 1926,y — 329, 7 — 281,
u— 48, donca == 1926@+ 329,8 —281 p +48;
en fubitituant ces valeurs de « & de R, j'aurai $ g —
® 1— o: cette équation étant la même que celle de la
2.° opération , j'en conclus qu'il faut prendre g — 1 ; done
R— ga —2255R,b—329R.
L'on voit que les équations de la 2.° & de fa 3. opéra-
tion reviennent alternativement; & qu’ainfi l’on peut, avec
une très-grande facilité, poufler ces opérations auffi loin que
Yon voudra. ?
ExEmP£cE HI
Soit x? + 3x° — 7x + 1 dont on demande les trois
facteurs, je trouve dans la Table x° + mx — 1x + p
j Ha) bg... ...... 4m p— nn +1 Smnp—4n+27p" <0*
(+ a) (e—b+ CVs) (sb 0 V5) qu p — mn +3 Sninp—4n+27p"> 0,
208 p— né + 4mnp — 2 Hp <e, .
(Ha) (2 — cb Vi) (ec er) 2 p — mn + amp —2 + p'>os
m—=3,=7,p = 1, je fubflitue pour », n,p ces valeurs
dans la fonétion 4mp—m°n° +1 S8mnp— 4n + 27p",
& je trouve 27 . 19 — 49 . 37 < 0; d'où je conclus que
7x1 = (x + a) (x —Ù) (x — 6);
& que par conféquent a b—c— 3, ab ac —be
= 7, abc—1,ouquec—a—b— 3, à —ab+ b*
— 3 (a—b)=7, a b— al — 3abl=1.
Soit a— a À; b— BR; en fubflituant pour a & D ces
valeurs dans les deux équations que nous venons de trouver,
nous aurons {æ°— & (2 f2*) R°— 3 (a —f) R=7,
& aB (æ— PB) R°— 34 BR'= 1; d'où nous tirerons
R— (æ— a B+LBJ+21afp
«Bla —P) ‘ban Er fs
D Es S CE N:C+E:8 675
gR— WG -a—B+5ssa8) î
(t*— «88 + B*) + 21a"p*
apr tar pl — a (e— 0)
fra—8B—2al) (3 .a—B+s2ab) =o,
ou &°— 2448 — 205$ a+ 940 &°f? — 205
a L— 24 ab + P—o.
Soitæ = xD +7, B—=7D +1.
HN OBÉRATEONS XL, 2 0 20, — 1; donc
a—=@, B=—= 1. Si l'on fait D — 1, & que lon fubftitue
1 au lieu de &, & 1 au lieu de B dans l'équation, l’on aura
un refte poitif. Si l’on fait @ = 3, & que l'on fubfiitue 3 au
lieu de «, & 1 au lieu de f, on aura encore un refte pofitif;
mais fi Ton fait g — 4, & que l’on fubfitue 4 au lieu de 4,
. & 1 au lieu de B, on aura un refte négatif; par conféquent il
faut faire @ — 3 ; donc æ — 3,B —1; donc À —1?,
D RD FR:
2e OPÉRATION ANNE En == ls De Où (ON
a = 34, ® + 1, B— 0. Sifon fait ® — 1, & que l'on
fubftitue 4 au lieu de &, & 1 au lieu de B, on aura un refte
négatif, comme nous venons de le voir dans l'opération pré-
cédente : fi l'on fait @ — 4, & que l'on fubflitue 1 3 au fieu
de &, & 4 au lieu de B, on aura encore un refte négatif;
mais fi l’on fait @ — s, & que l'on fubftitue 1.6 au lieu de «,
& 5 aulieu de f, on aura un refte politif; par conféquent
il faut faire @ = 4 ; donc a = 13, B — 4; donc
ZE, a 13 R b—4R.
3 OPÉRATION. X—13,Y= 3,748 ==153;-donc
13-09 +3, B—= 4. +- 1. Si don fait @— 1, &
que l'on fubflitue 1 6 au lieu de &, & 5 au lieu de B, on aura
un refte pofitif, comme nous venons de le voir dans l’opéra-
tion précédente: fi lon fait @ = 2,.& que l'on fubftitue 29
au dieu de &, & 9 au lieu def, on aura encore un refte
pofitif; mais fi l'on fait @ — 3, &.que l’on fubfitue 42 au
lieu de &, & 13 au lieu def, on aura un refle négatif; par
Qgqgqq ÿ
; par conféquent
676 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
conféquent il faut faire @ — 2 ; donc & — 29, f— 9;
donc R = HEZEE, a—29R+b—=9R.
4° OPÉRATION. X== 29, 13, {== 9,4 == 4; donc
a —299—+ 13, B—9 @ + 4 Silonfait = 1, &
que l’on fubftitue 42 pour &, & 13 pour B, on auraun refte
négatif, comme nous venons de le voir fi lon fait @ = 1.
Je laïffe cette opération à achever à ceux qui voudront
s'exercer fur cette méthode.
É:xe Me 17e. 1 EL
Soit x?— 2x— $ dont on demande les trois facteurs,
je trouve dans la Table,
(x—a) (x+b (sc) ss. 4n—27p > 0
x} — UX = p = de (+ bc) (+ b— cv) an—27p <o,2ni—p"> »
a) (s+c+bv—s) (a+ c—bV—1) 2m— p° <o
"= 2, ps, je fubititue ces valeurs der & de p dans a
fonction 4n?— 27p°, & j'ai 2°— 3°5°<o; je les fubftitue
dans la fonction 2n°— p°, & j'ai 2°— $*<o; d'où je con-
clus que x7— 2x— $ —{/x—a)(x+c+by—5)
(x c— bV— 1); & que par conféquent a — 2:=0,
2ac—b— = 2, ab +acZ=;s, où que
a—20, 30 —b—=2,2bc+2c—Ss.
Soit 8 — BR, c—"7yR; en fubflituant ces valeurs de à
& de c dans les deux équations que nous venons de trouver,
nous aurons (3y — L*) R'=2,2y(L+y)R=S;
s(37°—L)
47(B°+ 7")
(By) —25(3v—8) —=o,fitB—=x?+y
.YV—=t9 +".
1.€ OPÉRATION. X— 1, ÿ=—=0, 70,1 — 1; donc
B—®, y— 1. Si lon fait @ —= r, & que l'on fubflitue
dans l'équation 1 au lieu de B, & 1 au lieu de-y, on aura un
refle négatif; mais fi l'on fait @ = 2, & que l'on fubftitue 2
à la place de 8, & 1 à la place de, on aura un refle pofitif;
par conféquent il faut faire @ = 1; donc£ = 1, y= 1;
déncR=5#4=R; c=R.
Æ
d'où nous tirerons À — , & 32Y°
Di E:9 $*€ 1 EN CE & 677
2.* OPÉRATION. X—1,Y=—=1,7=—=1,4—= 0; donc
B—=e+1,y—=9.Si lon faite —= 1, & que l’on fubfti-
tue 2 au lieu de 8, & 1 au lieu de +, on aura un refte pofitif:
fi l'on fait @ = 1 1, & que l’on fubftitue 1 2 au lieu de £, &
1 1 au lieu de y, on aura encore un refte pofitif; mais fi l'on.
fait @— 12, & que l'on fubfitue 1 3 au lieu de B, & 12
au lieu de +, on aura un refte négatif; par conféquent il
faut faire@—11,doncB—12,y—=11, donc R=ETS,
met 12.
3. OPÉRATION. X—12,Ÿ=—=1;,7==31,4== 1; donc
B—=129+1,y—=119—+ 1. Si lon fait p—= 1, &
que l'on fubftitue 1 3 au lieu de 8, & 12 au lieu de y, on
aura un refte négatif, comme nous venons de le voir; mais fr
Yon fait g— 2, & que Fon fubftitue 25 pour B, & 23
pour +, on aura un refte pofitif ; par conféquent il faut faire
LE 41
Gr donc Br 3, y 12; donc À — LE,
Gn—rmalRoe— ii À
AMOPÉRATION, 0218 EMI LEN2, LES
_doncB=12@—+12,y—=12@—+11.Silfonfaite=1,
& que l’on fubftitue 25$ pour 8, & 23 pour +, on aura un
refte pofitif, comme nous venons de le voir: fi l'on fait
g = 4, & que l'on fubititue 64 pour 8, & $9 pour y, on
aura encore un refte pofitif; mais fi l’on fait @ = 5, & que
Yon fubflitue 77 pour £, & 7 1 pour y, on aura un refte néga-
üf; par conféquent il faut faire @g — 4; donc 8 — 64,
y= 59; donc RE, b— 64R,c—= 59 R.
5-°> OPÉRATION. x == 64, Y=—= 13,7 59,412;
donc B = 64@+ 13, y—= 59 @® + 12. Si l'on fait
@ = 1, & que l'on fubititue 77 pour B, & 71 pour on
aura un refte négatif: fi l'on fait @ — 2, & que l’on fubftitue
141 pour 8, & 1 30 pour y, on aura encore un refte négatif;
-mais fi l’on fait ® —= 3, & que l'on fubftitue 205$ pour £,
& 189 pour y, on aura un refte pofitif; par conféquent il
faut faire ® = 2 ; donc B — 141, y —= 130; donc
R= EE, d—ua4i Rid—= 3130 R.
To Aer |
Qqqq iÿ
19 Juillet
1747°
678 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
D ROSE TR DA LD
SUR LA CHAUX ET SURILEPPHASTRIE
Pa M. MacQueERr.
N peut faire bien des fortes de queflions fur Ja nature
de la chaux & fur fon fel; on peut demander premiè-
rement fi elle contient effeétivement du fel; en fecond lieu,
de quelle efpèce ft ce el, füppolé qu'elle en contienne. M.
du Fay a répandu du jour fur la première queftion en retirant
de la chaux une fubftance vraiement faline; & M. Malouin
vient de décider la feconde en déterminant la nature de cette
fubflance & en faifant voir que c'eft une véritable flénite,
Ceft-à-dire, l'acide vitriolique combiné avec une bafe terreufe.
Mais outre ces deux queflions, il en refte encore bien
d’autres à examiner fur cette matière; & principalement ff
cette fubflance faline qu'on retire de la chaux eft de fon ef-
fence, & lui eft nécefaire pour la conflituer chäux , ou fr.elle
ne lui eft que fur-abondante & accidentelle, en forte que la
chaux en étant privée autant qu'elle peut l'être, n’en foit pas
moins de bonne chaux ; fi la chaux doit à cette même fubf-
tance les propriétés falines qu'on lui connoît, ou fi elles ne
doivent être rapportées, comme le prétendent Becker &
Stahl, qu'à une difpofition prochaine à pañler à l’état falin
que les pierres ont reçû du feu par la calcination , en forte
qu'elles ne demandent que le concours de l'eau pour devenir
de véritable fel ; enfin, en fuppofant que la chaux ne doive
fes propriétés falines qu'à un fel effectif qu'elle contient, &
qui eft de fon effence, quelle eft la dofe & la proportion
de ce fel ; fi toutes les pierres à chaux en contiennent pré-
cifément la quantité qui leur efl néceflaire pour fe convertir
“en la meilleure chaux qu'elles foient capables de donner; fi
c’eft par défaut de cette fubftance faline , que certaines pierres
ne deviennent que des chaux imparfaites ; & s'il ne s’agit
DES SCIENCES. 679
par conféquent que de combiner des fubftances falines avec
les pierres à chaux, pour donner les qualités de Ja bonne
chaux , & principalement les propriétés falines , à celles qui
Wen font que de mauvaile, & faire avec celles qui donnent
la meilleure, une efpèce de chaux encore plus aétive que
toutes celles qu'on connoît jufqu'à préfent. C’eft dans l'inten-
tion de répandre quelque jour fur ces différentes queftions,
& particulièrement fur les dernières, que j'ai fait les expé-
riences dont je vais rendre compte dans ce Mémoire.
Parmi ces expériences, il y en a qui ont été faites fur L
pierre à plâtre, & qui m'ont fait naître fur la nature de cette
fubftance, une idée nouvelle que j'expoferai aufli dans ce
Mémoire, ce qui le divife naturellement en deux parties; la
première contient les expériences faites fur les pierres à chaux,
& la feconde fera l'expofé de mon fentiment fur le plâtre.
PREMIÈRE PARTIE.
Expériences faites [ur les pierres à chaux.
Les pierres que j'ai choifies pour faire mes expériences,
: font celle d’Arcueil & celle de Saint-Leu , ‘qui font la pierre
molle & la pierre dure qu'on emploie ici aux bâtimens, J'ai
mmencé par maflurer de ce qu’elles devenoïent étant ex-
. P pet -
pofées feules & fans aucun mélange à l’action du feu, & j'ai
découvert que la pierre d’Arcueil fe convertit en une affez
q P 2 Ep
bonne chaux, & que celle de Saint-Leu ne fait qu'une mau-
vaife chaux donnant à peine de légères marques de calcina-
tion, par quelques gerlures & quelques fentes qui sy font
lorfqu'on l'expofe à l'air, après lui avoir fait éprouver un
q P P Pi
degré de chaleur aflez fort & aflez long-temps continué pour
convertir en chaux les pierres les plus difficiles à calciner. J'ai
joint ‘à ces deux efpèces de pierre, celle de Montmartre,
qui étant calcinée forme le plâtre, lequel comme on fait n’eft
2 » É 4 4 .
autre chofe qu'une chaux groflère. Je réfolus de combiner
avec ces trois fortes de pierres, différentes efpèces de matières
falines, fur-tout les plus fixes, & celles qu'on peut foupçonner,.
680 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ,
avec quelque forte de vrai-femblance , être entrées originai-
rement dans la compofition de la pierre à chaux. Les fubf
tances falines que j'ai choifies pour les combiner avec les
pierres, font les trois acides minéraux, le vitriolique, le
nitreux & Îe marin, le fel marin, le nitre, le {el alkali du
tartre, celui de la foude, & le borax.
J'ai fait digérer pendant trois jours des fragmens pefant
quatre gros, de chacune des pierres dont j'ai fait mention, dans
une diffolution de ces fels, autant chargée qu'elle pouvoit l'être.
J'ai broyé auffi une égale quantité de chacune de ces pierres
ue j'ai détrempées avec les mêmes diflolutions de fels avec
lefquelles elles ont formé des maffes qui ont pris de la con-
fiflance, mais trop peu pour me déterminer à les expofer au
feu , fans la précaution de les mettre dans un creufet, parce
qu'autrement j'aurois rifqué de les perdre entièrement.
Quand toutes ces préparations ont été sèches, je les aï
placées dans un fourneau où j'ai allumé un feu de menu bois,
d’abord modéré, que j'ai pouffé enfuite jufqu'à la dernière vio-
lence pendant huit heures, en forte que fur la fin les pierres
paroifloient prefque auffi ardentes que la flamme même qui
les environnoit. Les portions de pierres pulvérifées étoient,
comme je fai dit, contenues dans de petits creufets; mais
pour les morceaux entiers de chaque pierre, ils ont éprouvé
fans aucun intermède & entièrement à nud toute l’activité de
la flamme pendant tout ce temps. Il faut obferver que j'avois
placé mes pierres fur une grille, qu'elles ne touchoient point
au charbon ni à la cendre, & qu'elles n'ont été calcinées que
par le fecours de la flamme. Après ce temps ayant retiré des
morceaux de différentes pierres à chaux des plus difficiles à
calciner, que j'avois mis auffi dans le fourneau, fans les mé-
langer avec aucun fel, pour me faire connoître quand Ja
calcination feroit achevée, & en ayant fait l'épreuve dans
l'eau, ils fe trouvèrent réduits en très-bonne chaux ; ce qui
m'indiqua que l'opération étoit achevée : en conféquence, je
laiflai éteindre le feu & refroidir les matières.
Je ne m'arrêterai point ici à faire le détail de mille petites
particularités
M'EST ONC ILE NAGER ES G8r
-_ païticularités que j'ai remarquées dans toutes ces combinai-
fons ; cela feroit prefque infini :je me contenterai de dire
que je ne fus pas pêu furpris dé voir qu'aucune de ces ma-
tières ne s'étoit réduite, pas même en mauvaife chaux; que les
ayant mifes dans les acides, les pierres qui avoient été cal-
cinées avec les fels aikalis & neutres, n’en furent point ‘où
du moins point fenfiblement attaquées, & que celles qui
avoient été calcinées avec ces mêmes acides, le furent davan:
tage ; fur-tout la pierre à plâtre, qui avoit été calcinée avéc
l'acide vitriolique. 240 PRE :
_ Ces phénomènes me parurent d'autant plus finguliers!,
qu'en fuppofant que le feu n'eût point été capable de com-
biner les fels avec la matière pierreufe, de façon que le tout
fe convertit en chaux, je ne concevois pas pourquoi ces fels,
& fur-tout les alkalis, avoient empêché que ces pierres ne {e
convertiflent en chaux, au moins comme elles auroient fait
fans Jeur addition : cependant je crus apercevoir la caufe de
ces effets, après avoir remarqué encore une particularité, c'eft
de la pierre à plâtre pulvérifée & combinée avec le {el de
oude, s'étoit convertie en une efpèce de caillou blancheâtre
demi-tranfparent dans les endroits minces, & d’une fi grande
dureté, qu'il n’a pà être féparé du creufet auquel il étoit adhé-
rent, qu'à grands coups de marteau, encore en a-t-il retenu
des particules qu'il a été impoffible de lui enlever; de-là j'ai
conclu que le {el de foude avoit apparemment fervi de fon-
dant à la pierre à plâtre, & Favoit réduite en une efpèce de
verre ou de demi-vitrification; & j'ai foupçonné que quoique
les autres combinaifons de pierres avec les fubftances falines
n'euffent point tout-à-fait la même apparence, cependant la
même chofe pouvoit leur être arrivée en partie, c'eft-à-dire,
que les fls les difpofant à la vitrification, avoient mis, par ce
moyen, obftacle à leur changement en chaux; car on fait que
l'état de chaux & celui de verre font les deux contraires, qu'ils
font abfolument incompatibles en même temps dans le même
fujet, & qu'un corps ne peut s'approcher de Fun, qu'il ne
s'éloigne de Fautre dans la même proportion.
Mém. 1747: . Rrrr
682 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Ces confidérations m'ont fait foupçonner qu'ayant em-
ployé, pour imprégner mes pierres, des diflolutions chargées
de parties falines, autant qu'elles pouvoient l'être, la propor-
tion des fels avec les matières pierreufes étoit peut-être trop:
grande, & qu'en en variant les dofes & en diminuanr beau-
coup la quantité, les pierres auroient moins de difpofition à
la vitrification, & que par conféquent je pourrois avoir des
phénomènes tout différens; ajoûtez à cela, qu’attendu l’addi-
tion des matières falines, un feu auffi violent & d’auffi longue
durée pouvoit auffi être un obflacle à la converfion de mes
pierres en chaux : je pris donc la réfolution de recommencer
toutes ces expériences, & de lestourner de différentes manières.
J'ai imprégné chacune de mes pierres avec trois fortes de difo-
lutions de fels différentes : la première ne contenoit qu'environ
la moitié de ce qu’elle pouvoit diffoudre de parties falines ; la
feconde, environ la huitième partie; & la troifième en con-
tenoit fi peu, qu'à peine avoit-elle une faveur fenfible : j'ai
expolé enfuite au feu toutes ces différentes combinaifons, &
je l'ai gouverné de telle forte, que de demi-heure en demi-
heure je retirois quelque effai du fourneau, pour voir en quel
état mes pierres fe trouvoient : mais de quelque façon que je
m'y fois pris, je n’ai jamais pü parvenir à faire de bonne
chaux, &: le réfuliat de toutes ces expériences a été de me
montrer que l'addition des matières falines forme toüjours
un obflacle à Ja calcination, car moins mes pierres conte-
noient de fel, & plus, après avoir été expofées au feu, elles
approchoient de Ja nature de la chaux; & elles s'en éloi-
gnoient aufli d'autant plus, qu'elles avoient été combinées
avec une plus grande quantité de matière faline.
La conclufion la plus naturelle à tirer de toutes ces .expé-
riences, eft que s'il y a dans Ja pierre à chaux quelques parties
falines qui concourent À la formation de la chaux, & qui lui
donnent les propriétés falines qu'on lui connoît, ces parties
de fel font fi bien & fi juflement proportionnées par la Na-
ture, que chaque efpèce de pierre en contient précifément
la quantité qui Jui eft néceflaire pour fe changer, à l'aide du
DES SCIENCES. 68
feu, en Ja meilleure efpèce de chaux qu'elle foit capable de
donner, puifque nous avons vü que la moindre addition de
fel forme toûjours un obftacle à [a calcination des pierres, &
empêche conftimment que le feu ne les change en une chaux
aufli active qu'elles le feroient devenues fans cela: J'ajoûterai
. même encore ici un fait aflez fingulier, qui tend auffi à cons
firmer cette idée ; c’eft que la pierre la mieux calcinée &
réduite en la chaux fa plus active, perd confidérablement de
fa vivacité lorfqu'on la cémente avec les cendres, & que
même, en donnant un degré de feu aflez fort, elle change
entièrement de nature, & perd abfolument toutes les pro-
priétés qui lui donnent le caraétère de chaux : fa couleur, de
très-blanche qu'elle étoit, devient d'un jaune fale; elle ac-
quiert une plus grande frrabilité, fe réduit entre les doigts
en une poudre impalpable; &, ce qui eft la marque de fa
grande altération qu'elle éprouve pour lors, c’eft qu'on peut
la laïffer dans l'eau tant qu'on le juge à propos, fans qu'il sy
faffe la moindre fente, ni qu'il lui arrive aucun changement
qui dénote qu’elle auroit encore [a plus légère difpofition à
s'étéindre. D'où peut venir une fi grande différence? je crois,
pour moi, qu'on ne peut l'attribuer qu'au fel qui fe trouve
dans la cendre, & même je m'en fuis afluré en expofant à 14
flamme un morceau de bonne chaux que j'avois imprégné
d'une leffive de fel alkali, & qui eft devenue femblable à celle
qui avoit été cémentée dans la cendre. If eft bon d’avertir ici
que pour changer entièrement la nature de Ia chaux par cette
cémentation ; il eft néceflaire que Îes morceaux de chaux ne
furpaflent pas la groffeur d'une noïfètte, & qu'il faut les tenir
toûjours très-rouges, ainfr que les cendres qui les environnent,
au moins péndant fept à huit heures ; le feu le plus fort & le
plus long-temps continué étant le meilleur dans cette occafion :
mais avec ces précautions on parviendra toüjours à faire
réuffir parfaitement cette expérience. On voit par là que
l'addition des matières falines eft non feulement capable d’em-
pêcher la chaux de fe former, mais qu’elle peut auf Ia faire
Rrrr ij
684 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE,
dégénérer entièrement de fa nature, & la changer abfolument,
lors même qu'élie eft toute formée.
SECONDE FAR T IE
Conjeëures fur la nature du Plärre.
Ls expériences dont je viens de rendre compte, & en
particulier celles que j'avois faites fur la pierre à plâtre, m'ont
donné occafion de faire quelques réflexions fur la nature du
plâtre.
Ce compolé a la plüpart de fes propriétés communes avec
celles de la chaux, & paroît en différer peu ; cependant,enl'exa-
minant avecattention, l'on trouvera entre ces deux fubftances
une différence eflentielle, & on reconnoîtra aifément qu'elles
ne fe reffemblent qu'à certains égards : c'eft fur la caufe de
cette différence, que je vais propofer quelques conjectures.
Lorfqu'on met dans l'eau un morceau de pierre à plâtre
calciné & entier, après avoir fait un fifHement, il s'y éteint,
c'eft-à-dire que l'eau le pénètre, le divife, & le réduit en
parties fort menues qui s’'amaflent les unes fur les autres au
fond du vaiffeau ; l'eau qui furnage fe couvre au bout d'un
certain temps d’une pellicule ou croûte mince & criftalline,
comme l’eau de chaux; elle donne aufli les mêmes marques
d’alkali que l’eau de chaux, verdit lefirop violat & fetrouble par
l'addition des acides. Le plâtre même en fubftance, traité avec
les acides, le foufre & le fel ammoniac, préfente à peu près
les mêmes phénomènes que la chaux : voilà ce qu'il a de
commun avec elle, & ce qui fait voir qu'il contient des
parties abfolument femblables & analogues à celles de Îa
chaux; mais il diffère auffi de cette fubftance par plufieurs
autres propriétés : voici quelles font ces principales diffé-
rences ; premièrement, il ne s'éteint point avec la même vi-
vacité que la chaux, & en s'éteignant il ne produit qu'une
chaleur à peine fenfible; en fecond lieu, il abforbe commu:
nément une très-petite quantité d'eau en comparaifon de celle:
DES SCIENCES 685
que boit la chaux lorfqu'elle s'éteint ; après être éteint, il oc-
cupe un efpace beaucoup moindre qu'elle, il attire & retient
l'humidité moins fortement; & en général il produit plus
foiblement & d'une façon moins marquée tous les effets qu'il
a de communs avec la chaux; mais la différence effentielle
qu'il y a entre ces deux fubftances, c’eft que le plâtre, après
avoir été mouillé, fe sèche, fe durcit, & acquiert un degré
de folidité confidérable, au lieu que la chaux éteinte ef long-
temps à perdre {on humidité fuperflue, & après lavoir per-
due, refle fragile & friable, fans jamais former de mafles qui
approchent de la folidité du plâtre.
Pour rendre raifon de toutes ces différences, il ne faut que
faire une fuppofition fimple, naturelle & très vrai-femblable:
c'eft que la pierre à plâtre n'eft point un compofé de parties
homogènes & de même nature, qui foient, par exemple,
toutes calcinables, comme. font celles de la pierre à chaux
ordinaire, mais une combinaifon faite par {a Nature, d’une
certaine proportion de parties que l'action du feu peut ré-
duire en chaux, jointes & unies avec d’autres parties qui ne
peuvent être calcinées, & qui tendent plütôt à la vitrification,
telles que font, par exemple, celles des différentes efpèces de
fables : cela polé , les phénomènes dont nous venons de faire
mention, s'expliquent d'eux-mêmes très-facilement.
Premièrement, il eft clair que tous les effets que le plâtre a
de communs avec la chaux, doivent être attribués aux parties
de chaux que le plâtre contient réellement. En fecond lieu,
on conçoit aifément que ceux qui caraétérifent le plâtre & le
font différer de la chaux, doivent fe rapporter aux parties
non calcinables qui fe trouvent combinées dans la pierre à
plâtre ; car s'il éft queftion, par exemple, d'expliquer pour-
quoi le plâtre s'éteint avec beaucoup moins de violence &
de chaleur que la chaux, rien n'eft fi naturel que de dire,
que puifque le plâtre contient, outre les parties de chaux, une
grande quantité de parties non calcinées, & qu'il n’y a que
les parties calcinées qui foient capables de fe joindre à celles de
Veau, & de produire de la chaleur lorfque l'eau s’unit avec
Rrrrx ii]
686 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALe
elles, l'extinction du plâtre doit fe faire d'autant moins vive-
ment & avec d'autant moins de chaleur, qu'il contient moins
de parties de chaux & plus de parties de fable , ou analogues
à celles du fable, qui ne peuvent que faire obftacle à l'eau &c
l'empécher de pénétrer la pierre. En conféquence du mème
principe, on aperçoit auffi facilement la raifon pour laquelle,
de deux morceaux, l'un de chaux & l'autre de plâtre, d'égales
groffeurs avant d'être éteints, celui de chaux occupe un ef-
pace triple ou quadruple de celui du plâtre, lorfqu'ils font
éteints. Chaque partie de chaux fe joint à une certaine quan-
tité d’eau pendant l'extinétion ; par conféquent la chaux qui
n'eft compofée uniquement que de ces fortes de parties, doit
abforber en s’éteignant une bien plus grande quantité d’eau,
. & augmenter beaucoup plus en volume que le plâtre qui, par
la fuppofition, en contient une bien moins grande quantité.
On peut dire la même chofe de tous les autres phénomènes
par lefquels le plâtre & la chaux ne différent l'un de l'autre
que du plus au moins.
A l'égard de la différence effentielle qui fe trouve entre
ces deux fubflances, je veux dire, la dureté qu'acquiert le
plâtre, & la mollefle ou friabilité que conferve la chaux,
après être éteints, elle quadre fi bien avec tout ce qui vient
d'être avancé, qu'on peut dire qu'elle fert en quelque forte
de preuve à la fuppofition. Tout le monde counoît une pro-
priété admirable de la chaux, fur laquelle même eft fondée
prefque toute l'utilité qu'on en retire, c'eft que cette fubflance,
de tendre & friable qu'elle éft lorfqu'elle eft feule ; acquiert
avec le temps une dureté qui furpañle celle du plâtre, &
même de plufieurs pierres dures, lorfqu'elle eft mêlée avec
certaines matières, & en particulier avec le fable. Je ne re-
chercherai point ici la caufe de cet effet furprenant, je me
contente de faire attention au fait, qui eft utile pour l'expli-
cation que je propofe. Il ef certain que fi le plitré eft ce que
nous avons dit, il eft néceffaire, en conféquence de cet eftet,
qu'il fe durciffe, puifqu'il n’eft par la fuppofition qu'un com-
pofé de fable & de chaux, & que la chaux fe durcit lorf-
qu'elle eft mêlée avec le fable.
D'E ,5 SCIE, N°C LS 68
Quoique tout ceci ait beaucoup de vrai-femblance & foit
mème appuyé fur des faits, j'ai cru cependant ne devoir point
négliger de faire quelques expériences en conféquence de ces
principes, pour voir fi elles les confirmeroient. Dans cette
vüe, j'ai fait différens mélanges de pierre à chaux pulvérifée
avec différentes dofes de fable fin ; j'ai calciné toutes ces com-
binaifons, & j'ai eu la fatisfaction de voir après la calcination,
que ce plâtre artificiel préfentoit en effet les mêmes phéno-
mènes que le plâtre naturel : ces différentes tentatives m'ont
même mis à portée d'entrevoir à peu près quelles font les
dofes de parties calcinables & non calcinables que la Nature
a combinées dans la pierre à plâtre, & il m'a paru que les
proportions qui réuffifloient le mieux étoient de huit parties
de fable fur une de pierre à chaux. J’avouerai cependant que
quand j'ai mis cette quantité de fable qui étoit néceffaire pour
fatisfaire à tous les autres phénomènes du plâtre, je n'ai pû
parvenir à former un corps qui eût précifément la même
dureté que lui; mais il n’eft point difficile d’apercevoir bien
des caufes qui peuvent m'avoir empêché de réuffir en ce
point aufli pleinement que je laurois defiré. La difficulté de
choïfir précifément l’efpèce de fable & de pierre à chaux les
plus convenables pour cela, & encore plus peut-être celle de
les combiner & de les joindre enfemble de la même manière
que fait la Nature, qui emploie pour cela des moyens & des
durées de temps qui nous font entièrement inconnus, font
des obftacles qu'il n'eft pas facile de furmonter. De plus,
quoique je croie que x différence principale & efentielle
de la chaux avec le plâtre doive être attribuée aux parties de
fable que celui-ci contient, je ne prétends point pour cela
quil ne puifle y avoir encore quelqu’autre caufe de cette
différence. L'acide vitriolique, par exemple, dont on ne peut
méconnoitre la préfence dans la pierre à plâtre, & qui s’y
manifefte en bien plus grande quantité que dans la chaux,
peut auffi y contribuer en partie; cela même eft affez vrai-
femblable. On a vû dans les expériences que j'ai rapportées:
au fujet dela chaux, que cet acide, ainfi que tous les autres.
633 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
rend incalcinables les parties de pierre qui peuvent naturel
lement fe réduire en chaux, & les difpofe à la vitrification,
c'eft-à-dire, qu'il les rapproche dé Îa nature du fable; par
conféquent on voit comment ii peut, en fuivant toüjours
nos principes, concourir à faire différer le plâtre de {a chaux.
Cette idée fatisfait même auffi à une objection qu’on pour-
roit faire au fujet du /peculum afininum ou gyps, qui fe trou-
vant répandu en très-grande quantité dans les pierres à plâtre,
& étant capable lui-même de fe convertir en plâtre, pour-
roit paffer pour le vrai fuc plâtreux : cette fubftance cepen-
dant paroît n'être compofée que de parties homogènes &
calcinables, & ne contenir aucun fable. Le gyps ne doit
vrai-femblablement fa tranfparence & fa figure régulière, qu'à
l'acide vitriolique qui eft joint à une matière pierreufe calci-
nable. Si l'on fuppofe qu'il n'y eft point en aflez grande
quantité pour empêcher toutes les parties pierreufes de fe
calciner, mais feulement une certaine quantité d’entr'elles,
voilà notre mélange de parties calcinables & de parties in-
calcinables ou vitrifiables, & de la nature du fable qui doit
produire les phénomènes dont il eft queflion.
On peut encore objeéter à mon fentiment, qu'il n'eft
point néceflaire, pour expliquer les phénomènes du plâtre
d'admettre, comme j'ai fait, dans a pierre à plâtre, deux fortes
de fubftances, lune calcinable & l'autre incalcinable, mais
plütôt vitrifiable & de la nature du fable; & qu'on peut trou-
ver dans ce même plâtre un ciment, quoique la pierre à
plâtre foit compofée de parties homogènes; qu'il n’y a qu'à
faire attention à la manière dont on fait la cuitte du plâtre;
que le feu qu'on emploie pour cela n'eft ni affez violent, ni
affez long-temps continué pour calciner entièrement les pier-
res qu'on y expofe; qu'il ne fe fait pour lors qu'un fimple
defféchement , ou du moins qu'il n'y a qu'une portion de la
pierre qui foit cälcinée, l'autre demeurant dans fon état
ordinaire ; & que c’eft cette portion qui n’a pas eu le temps
de fe calciner, qui, lorfqu'on pulvérife le plâtre, venant
à fe mêler avec la partie calcinée, lui tient lieu de ciment,
& par
DES SCIENCES. 68
& par conféquent fui fait acquerir de la folidité.
La réponfe à cette difhiculté eft très-fimple, c'eft que fi
la chofe étoit ainfi, il s’enfuivroit qu'en pouffant plus loin
la calcination de la pierre à plâtre,. au lieu de faire du plâtre,
on feroit de la chaux ; car pour lors la partie qui doit fervir
de ciment fe trouveroit elle-même calcinée, par confé-
quent la pierre cefleroit d'être plâtre, & acquerroit toutes
les propriétés de la chaux ordinaire, qui n’eft compofée que
de parties calcinées : cependant ce n’eft nullement là ce qui
arrive; car dans ce cas à la vérité la pierre cefle d’être plâtre,
mais bien loin que ce foit pour acquerir toutes les propriétés
de la chaux, c’eft pour perdre au contraire entièrement celles
qu'elle avoit de communes avec elle. Si donc j'admets dans
la pierre à plâtre des parties calcinables, c'eft qu'effeétivement
elle acquiert par l'aétion du feu des propriétés que les pierres
ne peuvent avoir fans être réduites en chaux, favoir, d'attirer
humidité de l'air, de dégager lefprit volatil du fel ammo-
niac, de tomber en deliquium quand on l'a jointe avec les
acides, de communiquer à l'eau dans laquelle on l'éteint
une qualité fenfiblement alkaline, de former fur cette même
eau une croute mince & criltalline, & enfin de difloudre le
foufre & de former avec lui une efpèce d’Aepar; toutes expé-
riences que j'ai tentées, & qui m'ont réuffi avec le plâtre. Si
j'admets dans ce même plâtre des parties non calcinées, c’eft
qu'effeétivement, comme je l'ai fait voir , il préfente tous les
phénomènes de fa chaux mêlée avec de femblables parties :
fi je dis que ces parties font incalcinables, c'eft qu'à quelque
degré de feu qu'on pouffe la pierre à plâtre , elle n’en devient
point plus chaux pour cela; & enfin fi je dis que ces mêmes
parties font vitrifrables & de {a nature du fable , c’eft qu'outre
qu'on a vû que j'ai vitrifié la pierre à plâtre, à fa vérité avec
une addition de fel, mais qui n'a pas été capable, à la même
dofe & au même feu, de produire le même effet fur la pierre
à chaux, il y a tout lieu de croire que quand on poufle [a
pierre à plâtre à un feu trop fort, & que le plâtre perd fes
propriétés de chaux, c'efl-à-dire, qu'il eft ce qu'on appelle:
Mém, 1747: FoiLL
690 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
brûlé, quoique le feu n'ait point été affez fort pour produire
une vitrification complète, cependant comme il y a bien
des degrés dans la vitrification , il fe fait pour {ors un com-
mencement de vitrification qui fait changer entièrement {a
chaux de nature.
Je ne difconviens pourtant pas qu'ordinairement le plâtre
n'eft point entièrement cuit ou calciné, & je tombe d'accord
que dans ce cas les parties qui n'ont point été calcinées
peuvent fervir de ciment, & augmenter la folidité du plâtre;
on peut même dire que cela arrive prefque toüjours à l'égard
des parties gypfeufes, qui font plus difficiles à calciner que
la pierre à plâtre pure, & que par cette raifon il vaut mieux,
comme le pratiquent les ouvriers, faire moins cuire le plâtre
que de le calciner trop fortement ; mais je crois qu'après ce
que je viens de faire obferver, on ne peut difconvenir que
ce n'efl point uniquement de cette manœuvre que dépend
la formation du plâtre, & qu’il faut de plus admettre les
deux fortes de parties dont nous avons déjà parlé.
I me refle encore, pour achever d'établir la théorie que
je propofe, à expliquer pourquoi il fe trouve une diverfité
d'effets très-grande entre le plâtre & le mortier de chaux.
Ces deux fubftances préfentent des phénomènes non feule-
ment différens, mais même en quelque forte contraires &
oppofés les uns aux autres : le plâtre prend corps & fe durcit
plus vite, mais il n'acquiert jamais la même dureté ni Ia
même folidité que le mortier ; & lorfqu'il commence à deve-
nir dur, il augmente de volume d’une manière très-fenfible,
ce qui n'arrive point au mortier.
Tous ces faits font très-avérés, & ne peuvent point être
révoqués en doute : j'avoue même que n'étant point expli-
qués , ils forment contre mon fentiment des objeétions bien
fondées; mais on va voir que pour peu qu'on y fafle atten-
tion, & à l'aide de quelques expériences très-fimples & très-
aifées à faire, que je vais rapporter , il f préfente de tours ces
faits une explication auffi très-fimple & très-naturelle. Je
commence par l'augmentation de volume du plâtre, c'eft le
ESS GR Nr GES: 6gt
phénomène qui paroît le plus contraire à mon fentiment,
& de l'explication duquel dépend aufi celle des autres.
IH y a des fubflances qui, en paflant de l'état de fluides
à celui de corps folides, augmentent de volume : M. de
Reaumur nous a fait connoître cette propriété dans le
fer, qui pour cette raifon eft celui de tous les métaux qui
fe moule le plus parfaitement : on la reconnue dans l’eau
qui fe gèle, & dans plufieurs autres corps. If y en a d’au-
tres au contraire qui en fe durciffant diminuent fenfible-
ment, & même c'eft en quelque forte la règle générale ;
mais quoique le plâtre & le mortier paffent d’une confiftance
molle à une dureté de pierre, je crois cependant que la caufe
de l'augmentation & diminution de volume qu'ils éprouvent,
eft bien différente de celle des autres corps.
Toutes ces fubftances qui entrent en fufion & fe refroi-
diflent, ne tiennent leur fluidité & leur folidité que de la
plus ou moins grande quantité de matière de feu qui les
pénètre ; au lieu qu’il eft clair, que ce n’eft qu'à l'eau feule
que le plâtre & le mortier doivent les différens états par
lefquels ils paffent ; ce n’eft que par l'addition de l'eau qu'ils
acquièrent leur mollefle; ce n’eft qu'à proportion que cetté
même eau difparoît, qu'ils deviennent folides ; & enfin ils
macquéreroient jamais une dureté & une confiflance de
pierre, s'ils n’avoient été auparavant combinés, comme il con-
_vient, avec l'eau. C’eft donc à la dofe de l’eau qu'on emploie,
à la différente manière dont on la mêle avec le plâtre & le
mortier, au temps où l’on fait ce mélange, én un mot à
toutes les circonftances de [a combinaïfon de l'eau avec ces
fubftances, qu’on doif principalement faire attention, fi l'on
veut avoir des lumières fur les phénomènes qui {eur arrivent,
lorfqu'’elles acquièrent de la folidité.
Quoique la chaux foit différente des terres à certains
égards , cependant elle poflède à un degré éminent une des
propriétés que M. de Reaurnur a établies comme une marque
qui diftingue la terre d’avec le fable, dans l'excellent Mémoire
qu'il a donné fur la nature des terres, je veux dire, de fe
SffT à
2
692 MÉMoIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe
renfler & d'augmenter confidérablement de volume lorfque
Veau la pénètre, & de diminuer auffi à proportion qu'elle
fe sèche, & que l'humidité abandonne. Cela pofé , exami-
nons ce qui {e pale lorfqu’on fait du mortier, & que l'on
gâche du plâtre.
Pour faire le mortier, on emploie de fa chaux éteinte,
c'eft-à-dire, qui a bu & abforbé toute l'humidité dont elle
étoit capable de fe charger, & même une plus grande quan-
tité; car Ja chaux éteinte pour faire le mortier, contient beau-
coup plus d'eau que celle qui s'en eft chargée elle-même
autant qu'elle a pü, en attirant l'humidité de l'air; par con-
féquent, lorfqu'on la mêle avec le fable, il ne lui refte plus
qu'à perdre ce qu'elle a d'humidité furabondante, à fe fécher,
à fe durcir, & par la même raifon à diminuer de volume :
mais il n’en eft pas de même du plâtre; comme il perte avec
lui fon ciment, & qu'il en eft pourvû lorfqu'on fui mèle
de l'eau , il s'enfuit que les parties de chaux qui font les feules
capables d'attirer l'eau & de fe joindre avec elle, fe trouvant
embarrafites & comme offufquées, ne peuvent s'éteindre
qu'affez lentement, fucceflivement, & par degrés; d’ailleurs
j'ai éprouvé bien des fois que des morceaux de la même
chaux s’éteignent en des temps bien différens, les uns faifant
une violente effervefcence avec l’eau aufli-tôt qu'on les y
plonge & fe réduifant fur le champ en pâte, tandis que les
autres peuvent refter dans l'eau pendant des heures, & même
des journées entières, avant de commencer à s’éteindre: cela
dépend principalement de l'état où fe trouve la chaux par
rapport à l'humidité dont elle a pû fe charger à l'air ; celle
qu'on combine avec l’eau auffi-tôt qu’elle fort du fourneau ,
s'éteint avec la plus grande rapidité; & celle au contraire
qui a reflé quelque temps expofée à l'air, devient beaucoup
moins vive, & ne fe laïffe pénétrer par l'eau que fentement.
Les chofes étant ainfi, il eft évident que les parties calci-
nées du plâtre doivent éprouver les mêmes effets ; celles de
la fuperficie des pierres ou des monceaux de plâtre étant plus
expolées à l'air que celles qui font renfermées dans l'intérieur,
DES SCIENCES. 6
doivent néceflairement perdre beaucoup de leur activité: par
conféquent, lorfque toutes ces parties fe trouvent mélées en-
femble, elles doivent s'éteindre en des temps inégaux. II
s'enfuit auffi de ce que le plâtre contient fon ciment, qu'il
peut commencer à acquerir une efpèce de folidité avant d'être
parfaitement éteint; car comme il ne faut que deux condi-
tions pour que la chaux puiffe fe durcir avec le fable, favoir,
qu'elle foit d’abord imprégnée d’une certaine quantité d'eau,
& qu'après avoir été mêlée avec le fable, elle perde ce qu’elle
en a de trop & qui lui donne une confiflance molle, on voit
que les parties du plâtre qui auront été éteintes les premières,
venant à perdre une portion de leur humidité fuperflue à
mefure que les autres la leur enlèveront en s’éteignant, com-
menceront à faire corps & à {e joindre les unes aux autres.
Cela polé, rien n’eft fi facile que d'apercevoir pourquoi
le plâtre fe gonfle en fe durciflant ; cet effet dépend unique-
ment des parties qui s'éteignent après coup, & qui ne pou-
vant, comme nous l'avons vü, abforber l'humidité fans aug-
menter de volume, preflent & foûlevent celles dont elles
font environnées, en forte que toute la mafle augmente dans
fes différentes dimenfions.
Plufieurs remarques confirment ce que j'avance à ce fujet:
Jai obfervé que ce gonflement du plâtre, lorfqu'il eft bien
vif & nouvellement cuit, ne fe fait que peu de temps après -
qu'on y a mêlé l’eau, & qu'il n’eft bien fenfible qu'environ
pendant deux heures, à dater du moment qu’on a gâché le
plâtre; qu'il devient moins grand à mefure qu'on s'éloigne
de ce terme ; que dans le temps qu’il eft dans fa plus grande
force, c'eft-à-dire, dans le premier quart d'heure, on s’'aper-
çoit aifément d'une douce chaleur, en appliquant la main fur
le plâtre, fur-tout fi le temps eft froid; preuve fenfible que
Yextinétion des parties calcinées du plâtre, continue à fe faire
pour lors; que ce gonflement eft d'autant plus ou moins
prompt & lent, fuivant la température de l'air & le degré
de bonté du plâtre, le gonflement du plâtre nouvellement
cuit & gâché dans un temps chaud, fe faifant plus rapidement.
SIL üg
694 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& en moins de temps, que quand le plâtre eft ancien & gâché
dans un temps froid. |
Pour ne m'en pas tenir là-deflus au vrai-femblable & à
la feule probabilité, j'ai voulu me fonder fur l'expérience.
J'ai pefé exaétement quatre onces de mortier tout nouvelle-
ment fait, & une égale quantité de plâtre auffi gâché dans
le mème temps, je les ai laifiés l'un & l’autre expolés à l'air
pendant douze heures, après lequel temps je les ai repeés,
& j'ai trouvé que le mortier étoit diminué pour le moins
de douze grains, le plâtre n'étant diminué que de trois grains,
quoique j'eufle eu l'attention de les mettre l'un près de l'autre,
par conféquent dans la même expofition, de leur donner des
furfaces égales, & de les mettre fur des fupports pareils, qui
étoient deux morceaux de verre d'égale pefanteur.
Cette expérience me paroît confirmer aflez bien l'expli-
ation qui vient d'être propofée. En effet, d'où peut venir
une fi grande différence entre l’évaporation du plâtre & celle
du mortier ? il femble au contraire que ce devroit être a
chaux qui eût moins perdu par l'évaporation ; car en général,
elle s’unit plus rapidement avec l'eau, & la retient plus for-
tement que ne fait le plâtre : je crois qu'on ne peut attribuer
la caufe de cet effet, qu'à la différente difpofition où fe
trouvent pour lors la chaux & le plâtre; toutes les parties de
la chaux font, comme nous l'avons vû, en quelque forte faou-
lées d'eau, & même furchargées, au lieu qu'il s'en trouve
beaucoup dans le plâtre nouvellement gâché, qui ne font
point encore éteintes, & qui par cette raifon, quoique moins
fortes par elles-mêmes & moins avides de l'humidité que la
chaux, font plus en état qu’elle de retenir les parties aqueufes,
J'ai fait auffi à ce fujet une autre expérience encore plus
fimple, mais qui n’eft pas une moins bonne preuve que celle
que je viens de rapporter, c'eft que fi le gonflement du plâtre
dépend de plufieurs de fes parties qui s'éteignent après coup,
rien n’eft fi aifé que de donner au mortier la même pro-
priété, il n’y a qu'à y mêler une certaine quantité de chaux
vive pulvérifée, on apercevra pour lors qu’il eft capable de:
a RÉ OEr.
##
DES \S CT'E N CE 695
. fe gonfler non feulement autant que le plâtre, mais même
beaucoup davantage, à proportion de la quantité de parties
de chaux non éteinte qu'on y aura ajoûtée ; & en y mélant
de la chaux plus ou moins vive, on avance ou on retarde ce
gonflement à à volonté.
Cette explication du gonflement du plâtre, fournit auffi
naturellement celle d'un autre phénomène qui lui arrive,
c'eft que les ouvrages de plâtre qui ont été faits pendant un
Érae froid, & expolés à la gelée, ne font d'aucune folidité :
la raifon de cet effet eft, que les parties qui ne font point
encore éteintes lorfque le plâtre commence à prendre corps,
reftent renfermées entre les autres, & font bien plus long-
temps à s’éteindre , foit que le froid qui pour lors faifit le
plâtre & détruit bi petite chaleur qu'il éprouve dans les
premiers momens, ralentifle l’aétion de ces mêmes parties,
ou même Es l'eau qui refte dans le plâtre vienne à fe glacer;
d'où il fuit, 1° rquil refle un plus grand nombre de parties
noy éteintes, 2° que les parties les premières | éteintes ayant
ot) temps de prendre corps abfolament & de s'unir étroi-
tement les unes aux autres, font enfuite écartées & féparées
les unes des autres fans reflource, lorfque les dernières vien-
nent à s’éteindre & à fe gonfler, inconvénient qui n'arrive
point lorfqu'on gâche le plâtre dans un temps chaud, parce
que pour lors l'effet de toutes les parties fe fait plus prompte-
ment & eft plus fimultané; en forte que l'effort des der-
nières fe fait lorfque les premières ne font point encore unies,
ou du moins qu'elles ne font que commencer à fe joindre,
& qu'elles peuvent enfuite {e reprendre folidement & fe
durcir. Mais quoique ce mauvais effet de l’extinétion qui fe
fait après coup de plufeurs parties du plâtre, foit moins
fenfible, comme nous venons de le voir, quand le temps eft
_favorable, cependant on ne peut Fe TE qu’il n'ait toù-
jours lieu jufqu’à un certain point, & c'eft-là, à ce que je
crois, la véritable caufe de la différence de folidité qu'il
entre le plâtre & le mortier de chaux ; car il eft impofhble is
ce gonflement fe produife dans le plâtre, fans que l'adhérence .
696 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE N
des parties n’en foit altérée, & qu'il ne fe forme de petits
vuides & des porofités, qui ne peuvent que diminuer beau-
coup fa dureté.
L’explication des phénomènes qui font différer le plâtre
d'avec le mortier de chaux, fe déduit, comme on voit, affez
naturellement du fentiment que j'ai propolé : s’il y en a quel-
ques-uns qui m'aient échappé, il y a lieu de préfumer qu'ils
peuvent fe rapporter au principal, je veux dire, au gonfle-
ment, & fe déduire de la même caufe.
Au refte, quoique je dife que le plâtre eft un compofé de
chaux & de parties non calcinables qui lui fervent de ci-
ment, je ne prétends point pour cela que la pierre à chaux, la
matière calcinable qu'il contient, foit précifément de même
nature que la chaux dont nous nous fervons ; & même il y
a tout lieu de croire qu'il fe trouve de la différence entre ces
fubflances, puifque nous ne pouvons rencontrer deux fortes
de matières calcinables qui donnent des chaux parfaitement
femblables , les marbres, les craies, les pierres à chaux pro-
prement dites, les coquillages & Îles madrépores, préfentant
des phénomènes très-différens les uns des autres, dans le
détail defquels il feroit trop long de m'engager.
OBSERVATIONS
| D'EIS SIC EN ETS 697
PARU 3 date dl gt ob 4] Let ep dr SG credo dir
OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES
FAITES A L'OBSERVATOIRE ROYAL
PENDANT L'ANNEE M. DCCXYLVIL
Par M. DE Foucu.
Sur la quantité de la Pluie.
pouc. lign. pouce Îign
Q 22 € 5
N Janvier. o 52 | En Juillet... 1 73
Février... o 63 Août...... 2 12
4 : 5
Mars. ..... o 114 Septembre.. o 45
Avril... 1 92 Oétobre. … 1 Si
Mai... 1 47 Novembre. 2 84
Juin) Tri O2 Décembre. . 3 À
(] 2
6 22 10 7%
La quantité de pluie tombée pendant les fix premiers mois
1747, a été de 6 pouces 2 lignes: & celle des fix derniers
mois, de 10 pouces 7 lignes?: & par conféquent il en eft
tombé pendant toute l'année r$ pouces 11 lignes 2, ce
qui eft au deflous de l’année moyenne, déterminée de 16
pouces 8 lignes.
Le plus grand froid de l’année a étéla nuit du 13 au 14
de Janvier : le thermomètre de M. de Reaumur marquoit
1 14 + au deflous de lacongélation, & l'ancien thermomètre
marquoit 1 24,
Le plus grand chaud a été le 6 Septembre : le thermo-
mètre de M. de Reaumur étoit à 274 Z au deflus de a
congélation , & l'ancien marquoit 772.
- Sur le Baromèrre.
Le baromètre fimple à marqué Ja plus grande hauteur du
Mém. 1747: . Tttt
698 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
mercure, à 28 pouces 1 ligne, les 9 & 10 Mars, parun
vent de nord-eft ; il eft defcendu au plus bas, à 26 pouces
1 1 lignes, le 23 Novembre, par un vent de fud-fud-oueft
très-violent.
Déclinaifon de l'Aiguille aimantée.
Les 20, 21 & 22 de Juillet 1747, une aiguille de
4 pouces, déclinoit de 1 64 30° vers le nord-oueft.
RECHERCHES DE STATIQUE ET DE DYNAMIQUE,
où l'on donne un nouveau principe général pour la confidération
des corps animes par des forces variables, fuivant une loi
quelconque.
Par M. le Marquis DE COURTIVRON.
Le Mémoire dont on vient de voir le titre, fera imprimé dans le
volume de l’Académie, pour l'année 1 74 9. Des raifons particulières
ont engagé à l'annoncer dès à préfent, à en expofer le principe général,
dont on trouvera la démonftration à l’ufage dans le Mémoire même
dorfqu'il fera imprimé.
Ce principe général eft que de toutes les fituations que prend fuc-
ceffivement un fyftème de corps animé par des forces quelconques,
& liés les uns aux autres par des fils, des leviers, &c. ou par tel
autre moyen qu'on veuille fuppofer,, celle où le fyftème a la plus
grande fomme de produit des maffes par les viteffes, c’eft-à-dire,
R plus grande force vive, eft la même fituation que celle où il le
faudroit placer en premier lieu, pour qu'il reftät en équilibre.
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MESSIEURS DE "LA" SOCIETCTÉ
Royale des Sciences établie à Montpellier, ont
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* envoyé à l’Académie L Ouvrage qui fuit, pour
entretenir l'union intime qui doit être entre
elles, comme ne faifant qu'un feul Corps, aux
termes des Statuts accordés par le Roi au mois
de Février 170 6.
SUITE DU MEMOIRE
CONTENANT
DES OBSERVATIONS LITHOLOGIQUES,
Pour fervir à l’Hifloire Naturelle du Languedoc,
ê7 à la théorie de la Terre.
Par M. l'Abbé DE SAUVAGES.
Neuvième chaîne.
En déjà parlé de cette chaîne dans un Mémoire qu’on
voit à la fin du volume de 1743; c'eft celle que j'ai
füivie le plus loin, je l'ai parcourue depuis Andufe jufqu’à
Villefort & au village du Vergougnoux, ce qui fait une
étendue de plus de dix lieues*, La bande qu’elle forme eft
très-remarquable par une fuite de mines de fer & de terres
* Les mines de fer & de charbon de terre du Forès, font peut-être une
continuation de cette chaîne; elles font à peu près dans la même direction.
RUE AE
7oo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
jaunes ou martiales qu'on aperçoit de loin; j'en avois été
frappé depuis long temps; & c’eft ce qui me donna occafion
dans la fuite d’apercevoir de proche en proche les autres
chaines dont je parle dans ce Mémoire : celle-ci fe diflingue
des autres qui la côtoyent par les minéraux qu’elle contient,
& par la nature de fon terrein & de fes rochers. Par-tout où
le terrein ocreux & les mines de fer manquent, on y trouve
toûjours une efpèce de grès dont le grain eft quartzeux, gri-
sâtre, irrégulier, de différentes groffeurs, & dont on pourroit
quelquefois fe fervir pour des queux & des meules à éguifer;
Je terrein qui accompagne ces rochers qui tantôt font par
blocs, tantôt par bancs; ce terrein, dis-je, paroît être formé
de leurs débris; il eft de même nature, & il ne contient, non
plus que les rochers ni les mines de fer, aucune pétrification
du règne animal; je n’y ai jamais pû découvrir le moindre
fragment de coquillage foffile, tandis qu'on en voit commu-
nément dans les deux chaînes attenantes dont le terrein eft
limoneux & les pierres calcaires.
C’eft dans cette chaïne que fe trouvent les mines de vitriol,
les carrières de dendrites & de plantes pétrifiées dont j'ai parlé
dans des Mémoires particuliers. Les différentes mines métal-
liques qui y font affez fréquentes, demandent d'être traitées
féparément ; je me contenterai fur le refle de parcourir ici
ce que j'ai été plus à portée d'obferver, favoir, les mines de
charbon de terre, les foffiles qui les accompagnent, quelques
fontaines minérales, & d’autres fources qui font remarquables
par les concrétions pierreufes ou les tufs qu’elles forment.
Les mines de charbon de terre règnent dans différens en-
droits de notre chaîne; elles affectent toûjours ceux dont le
terrein ou les rochers font de cette efpèce de grès dont j'ai
déjà parlé. Les principales mines de charbon, celles qui en
fourniffent à prefque toute la province, font aux environs
d'Alais & du château de Portes ; les premières font ordi-
nairement par veines, & reflerrées entre deux rochers au
fond d’un vallon; le charbon y paroît être entaffé fans aucune
diftinétion de lit: Lorfque les veines aboutiffent hors de terre,
DES S'cTEN CES 70
& qu'elles ont été plus expofées à l'action de l'air, le charbon
eft altéré dans fa couleur & dans fa confiftance jufqu'à une
toife de profondeur, on ne tire d’abord que de la terre noi-
râtre : à mefure qu'on creufe, le grain de cette terre devient
plus ferme, plus noir & plus luifant ; c’eft là le charbon qu'on
emploie pour les fours à chaux, on ne fait que des galeries
pour le tirer; il coûte moins que celui des forges qui eft toû-
jours plus profond.
Le charbon des forges ne paroït pas différer efentielle-
ment de celui des fours à chaux; on peut dire qu'il eft feu-
lement plus travaillé : le dernier flambe davantage, il contient
un foufre plus développé, moins fixé par l'acide vitriolique,
& c'eft pour cela que les forgerons n'ont garde de l'em-
ployer, leur fer en fouffriroit trop de déchet; ce charbon le
fond fouvent dans la forge, ou il le brûle, c'eft-à-dire, qu'il
en détache trop d'écailles & de fcories. II eft difficile de difz
tinguer à l'œil ces deux fortes de charbons, ce n’eft qu'en
les faifant brûler qu’on en voit bien la différence: le charbon
des fours à chaux fe réduit en une terre rougeâtre très-friable,
au lieu que celui des forges produit des mafles dures, qui fe
mêlant avec les fcories du fer, forment au deflus du feu des
croûtes noires, fermes, fpongieufes, connues fous le nom de
Machefer.
Les galeries des mines de charbon n’ont pour l'ordinaire
que deux ou trois pieds de largeur, & cinq de hauteur: on
étançonne vers l'ouverture, parce qu'elle eft creufée dans la
terre que l’eau de la pluie pénètre & fait ébouler : mais à
mefure qu'on avance & qu’on perce dans le charbon pur,
on ne fait que tracer en arc le plancher de la galerie, & on
ne craint aucun accident. On en a vû qui, après cent ans,
étoient aufli folides que le premier jour ; la matière eft ferme
comme le rocher, les eaux pluviales font toüjours arrêtées -
par les premières couches de charbon : j'ai vû tirer en confé-
quence, du fond de certaines mines un charbon fi fec, que
le vent en emportoit la pouffière.
Quoique nos mines de charbon foient à l'abri des eaux
Tttt ii
o2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pluviales , elles ne laiffent pas d'être quelquefois humectées
pér des fources bitumineufes aufli anciennes, peut-être, que
les mines, & elles font plus fréquentes à mefure que les mines
font plus profondes; les ouvriers des mines en font fouvent
incommodés, mais ils aflurent qu'en revanche il n'y a pas de
meilleur charbon que celui qui eft dans le voifinage de pa-
reilles fontaines.
Les mineurs ont à combattre quelque chofe de plus dan-
gereux qui les force fouvent à abandonner entièrement un
puits ou une galerie, & à fouiller ailleurs, c’eft une moffète
ou un méphitis que les ouvriers du pays appellent la offe.
La touffe de nos mines de charbon eft une exhalaifon
probablement très-chargée de parties volatiles de foufre &
de bitume qui n’eft fenfible ni à la vûe ni à l’odorat : elle s’é-
lève à différentes hauteurs, du bas des puits ou des galeries :
Jorfqu'on y plonge une lumière, elle s’y éteint prefque fubi-
tement , la vapeur femble {e terminer fans nuances par le haut
& Iür les côtés, puifqu'une lampe allumée pofée dans certains
endroits ne fouffre aucune diminution dans fa lumière, on
ne fait que tourner la lampe fur elle-même; ce qui fait trois
ou quatre pouces de différence fur la place qu'occupoit la
lumière, & elle s'éteint.
Lorfque la touffe ne s'élève que fort peu au deffus du fof,
les ouvriers n'en font autrement incommodés que par un
goût d’amertume qu'ils fentent à la bouche; mais lorfque
cette exhalaïfon gagne la charbonnière, ils fentent un grand
effoufflement, ils päliflent, ils perdent la refpiration, & ils y
laifléroient la vie, s'ils ne fuyoient au plus vite, ou s'ils n’é-
toient promptement fecourus.
La touffe qui fe rencoigne communément au fond d’un
puits, d'une galerie, ou dans quelque trou, marque toûjours,
{elon les charbonniers, un fond de charbon dans les endroits
d'où elle fort; car il ne s'en élève jamais de ceux qui font
traverfés à deux ou trois pieds de profondeur, par un rocher
ou par une couche de terre.
Ce n'eft au refle que dans le temps des chaleurs que la
D'Elist (Sic1 RiN eiiEts 703
touffe fe manifefte ; elle commence vers le mois de Juin, &
elle dure jufqu'à la fin de Septembre ; de plus il ef rare d'en
trouver même en été dans les mines qui font expofées au
nord : tout femble indiquer que ces exhalaifons ne font ex-
citées par aucun feu foûterrain qui les feroit élever en toute
faïfon , mais feulement par la chaleur du foleil & de l'atmo-
fphère. Les charbonniers fe délivrent de la touffe, lorfqu'ils
peuvent pratiquer des foûpiraux au haut de la mine, ou percer
des contre-galeries : ils établiffent de cette façon un courant
d'air qui diflipe-l'exhalaifon , à mefure qu'elle s'élève.
Nos mines de charbon font toûjours accompagnées, mais
feulement d'un côté, de deux efpèces de fchifle connues
parmi les mineurs du pays fous fe nom de ffe ; on trouve
aufli dans le voifinage des geodes & des pierres d’aigle,
La première efpèce de fifle qu'on appelle auffi Æs gardes
du charbon, parce qu'elle lui eft immédiatement appliquée &
qu'elle l'accompagne par-tout, eft une pierre bitumineufe,
mince, tendre & noire : elle ne diffère de l'ampelitis ordinaire,
que parce qu'elle eft pliée ou ondée, & qu'elle a très-fouvent
le poli & le luifant du jais travaillé.
Au deflus de cette première fiffe on en trouve une autre
dont les couches font plus nombreufes & plus aplaties: c’eft
une ardoife feuilletée, tantôt noire, tantôt roufie, & toüjours
fort groffière : elle fe diflingue principalement de la première
par les empreintes qu'elle porte de différentes plantes, les
unes étrangères, les autres fort approchantes des fougères du
pays. La plüpart de celles qui font étrangères, forment de
longues lanières, comme les gramen, les rofeaux & les iris
des marais On trouvera dans les figures 6, 7 & 8, les
deffeins des plus remarquables, & qui n’ont point encore
été, que je fache, figurées dans aucun Naturalifte.
La plante pierreufe de la fixième figure a de grandes cane-
lures & des nervures qui font coupées à des diflances égales
par une efpèce de nœud ou articulation marquée par un en-
foncement. Les nervures font non feulement coupées à cha-
que nœud ; mais celles de deux nœuds attenans ne répondent
Fig, 6,7
& 8.
Fig, 6.
Fig. 7.
Fig. 8.
7o4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
jamais les unes aux autres. On peut compter différentes
efpèces ou différentes variétés dans le même genre.
Je trouvai fept ou huit longues feuilles pierreufes (dont
on peut voir un fragment à la figure 7) pofées de champ,
horizontalement, côte à côte l’une de l’autre ; elles étoient
adoffées à un rocher au fond d’un ruifleau d’où l’on avoit
enlevé quatre toifes de charbon qui couvroit auparavant les
phytobiblions ou ces feuilles de plante: elles s’étendoient,
dans cette pofition , à plus de deux toiles; elles étoient même
probablement plus longues, car les deux bouts, en fe perdant
dans le rocher, confervoient une largeur à peu près égale.
Cette feuille paroït avoir une ou deux lignes d'épaifieur
comme les plantes grafles. On peut regarder les deux rangs
de foffettes qu'elle porte, comme fon caractère diftin@if; les
fofiettes de chaque rang font deux à deux ou trois à trois,
fituées de façon que celles d’un rang font régulièrement alter-
nes avec celles de l'autre.
Le phythobiblion de la figure 8 pourroit pafler pour un
gallium , mais différent de ceux que nous connoiflons. Scheu-
chzer eft le feul qui ait figuré une plante pierreufe appro-
chante de celle-ci dans fon Æerbarium diluvianum.
J'ai tiré autrefois de ces plantes pierreufes, une preuve
pour les dérangemens arrivés au globe de la terre; c’eft une
conféquence naturelle, dès qu’on trouve, comme je l'ai fait
fur le haut & dans l'intérieur des montagnes arides, des tas
de plantes pétrifiées, toutes bien marquées, appliquées les
unes fur les autres, & formant des lits ou des feuillets qui
le plus fouvent ont avec le refte du rocher, dont elles font
partie, une pofition ou verticale ou inclinée à horizon.
Il eft encore affez fingulier que nos plantes pierreufes ou
nos phythobiblions accompagnent toutes les mines de char=--
bon de notre chaine, qu'on n'en trouve point ailleurs dans
un autre terrein, ni dans les endroits de ce terrein trop éloi-
gnés des mines de charbon ; qu'enfin ces fortes de pierres
ne foiënt jamais mêlées avec le charbon, mais qu'elles foient
placées immédiatement après la première fiffe, qui non plus
vu BIS LS AC EE NI CE 16 705$
que le charbon, n'a conflamment aucune empreinte de plante.
Quand il ne paroîtroit dans {à feconde fifle que des em-
preintes informes de plantes, elles prouveroient toûjours
inconteftablement la molleffe primordiale de ces pierres; mais
les plus petites nervüres, les contours les plus délicats, tant
du deffus que du deflous de la feuille, font bien repréfentés,
& l’on remarque dans le relief de la feuille la même net-
teté de deffein qui fe trouve dans fon creux ou dans fon
moule; d’où il paroït évidemment que la matière des files
a été non feulement molle, mais que le limon dont elles
font compofées eut une forte de liquidité; qu’il fut dépolé,
de mème que les plantes qu’il enveloppe, à différentes repri-
fes, puifque cette pierre eft feuilletée; & qu'enfin le dépôt
de ce limon & lentaflement de ces plantes fe font faits
dans d’autres lieux & dans d’autres fituations.
_ J'avois conjeluré, fur la forme des grains ou des miettes
du charbon de terre, qui approche de la cubique, que cette
matière bitumineufe, de même que la fifle qui s’y applique
exactement, avoit été molle dans fon origine, & qu'elle avoit
été difloute & liquéfiée ; les morceaux de bois pétrifié dont j'ai
parlé dans le Mémoire du Volume de 1743, & que je trouvai
parmi le charbon *, m'en fournirent une preuve convain-
quante : quoique le principal fuc pétrifiant füt quartzeux, je
trouvai des morceaux pénétrés en bien des endroits de pur
charbon, de a même manière que le refte l'étoit de fucs
-
* J'ai découvert depuis peu, le
bout du tronc d'où ces morceaux
ont été détachés ; il avançoit dans
une veine de charbon qui a été en-
tiérement enlevée : il ne refte plus à
Ja place qu'un ravin, au fond duquel
le tronc fe montre par un bout qui
a fept à huit pouces de diamètre; le
refte de l'arbre pétrifié eft couché à
cinq ou fix pieds de profondeur dans
un rocher de fchifte, & il y eft fi bien
engagé, qu'il en fait partie: tout cela
fe voit à mi-côre d’une montagne :
de-là il paroît aflez évident qu'il y a
Mn. 1747:
eu des dérangemens dans ce rocher,
& probablement dans toute la mon-
tagne, dont dh ne peut rejeter la caufe
fur des volcans, fur des tremblemens,
qui laiflent des vitrifications & des
crevafles, dont on ne voit pas ici la
moindre trace. Il eft encore aifé de
conclurre que l'arbre qui a fervi de
bafe à cette pétrification, eft plus an-
cien que les dérangemens, arrivés au
globe, que la pétrification des ro-
chers, que l'élévation des monta
gnes, &c.
e Vuuu
706 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pierreux. Il peut fe faire même que les fontaines & les filets
d’eau qui traverfent aujourd'hui les mines de charbon, cha-
rient encore continuellement un charbon diflous, & qu'il
s'en forme de nouveau ; mais je n'en ai pas plus de preuve
que de ce que m'ont afluré quelques mineurs, qui préten-
dent avoir rencontré des trous d'anciennes mines où le char-
bon avoit végété, & qui s’étoient en conféquence rétrécis,
ou qui s'étoient même entièrement remplis de nouveau
charbon.
I n’eft pas rare de trouver des empreintes de fougères ou
d’autres plantes fur des pierres plus folides que les fifles; ce
font les géodes, qui indiquent toüjours, de même que les
fifles, des mines de charbon dans le voifinage.
Les géodes font fort communs dans notre chaîne, ils
tiennent toûjours un peu de la nature du minéral ferrugi-
neux ; on trouve parmi ces pierres des ætites ou pierre d'ai-
gle, à qui le peuple attribue encore, d’après les anciens Natu-
raliftes, des vertus admirables : les pierres-d’aigle ne diffèrent
pas effentiellement des géodes ; les unes & les autres font
naturellement arrondies & formées de plufieurs couches
minces qui fe féparent aifément *; les couches enveloppent
un noyau qu'elles portent dans leur centre, & qui eft tantôt
une pierre très-dure, tantôt un fimple limon brun ou olivä-
tre, quelquefois adhérent à la pierre, quelquefois il en eft
détaché & il remue; c’eft felon que le limon a plus tenu de la
nature de l'argile, qui, en fe defléchant, fe retire & diminue
de volume. |
Les plus gros géodes de notre chaîne font à Saint-Martin-
de-Valgalgue & à Gournier , il y a de grandes collines entiè-
rement formées de ces pierres, qui ont jufqu'à un pied de
diamètre ; les géodes font tellement engagés & liés entr'eux,
* C’eft toûüjours une marque qu’une | au lieu que les pierres femblables aux
Le s’eft naturellement arrondie, par | amenlas, ou aux pierres roulées dont
’addition d’une nouvelle matière, | nous avons parlé ailleurs, fe font ar-
Jorfqu’elle eftformée, comme les géo- | rondies par pa frottemens, & partant.
des & les calculs de la veflie, de difé- | «en diminuant de volume.
rentes couches à peu près fphériques; |
DES SCIENCE Ss: 707
qu'ils ne font qu'un rocher; la pluie & les injures de Fair
ent détaché les fegmens fphéroïdaux des géodes les plus
expolés, en forte qu'on voit les profils des couches de tous
ceux de la furface du rocher, ce qui préfente un coup d'œil
aflez fingulier pour mériter qu'on en donne un échantillon
par une figure.
La formation des géodes n’eft pas moins difficile à expli-
quer que celle des priapolithes qui leur font analogues, &
dont ils ne diffèrent qu'en ce que les priapolithes font d'une
pierre à chaux, & que leur forme eft un cylindre d'environ
un pouce de diamètre, de 4 ou $ pouces de longueur, &
arrondi par les deux bouts ; l'axe de ce cylindre eft ordinai-
rement rempli d’une criftallifation pierreufe : ces pierres font
d’ailleurs compofées, comme les géodes, de plufieurs couches
parallèles, mais elles ne fe détachent pas fi aifément.
Je n'ai encore rien vû fur ces pierres qui fatisfaffe entiè-
rement ; il faudroit peut-être placer la formation de ces
deux fortes de fofliles, de même que celle des criflaux &
des cailloux creux & criftallifés en dedans, au rang des myf-
tères de la Nature qu'on n'a point encore pénétrés. Ceux qui
font pafler ces pierres pour un jeu de la Nature, ou qui pré-
tendent que leur forme dépend de certaines matrices, nenous
apprennent rien de plus que ce que les Péripatéticiens nous ont
- débité fur leur forme plaftique ou fur leurs qualités occultes.
C'eft une entreprife trop difcile de prétendre tout expliquer
en phyfique ; if eft certaines chofes fur lefquelles il eft plus:
fage de fe taire, & d'attendre de nouveaux éclaircifiemens.
C'eft fans doute le parti que je devrois prendre fur Îa
formation des géodes ; j’ofe cependant propoler ici des con-
jeétures, parce qu’elles font très-liées avec les obfervations
que. je rapporte.
… On peut confidérer dans les géodes, de même que dans
toutes les pierres naturellement arrondies, ou qui fe font
accrues par différemtes couches, la féparabilité ou la diftinc-
tion de ces couches, l'application des unes fur les autres,
& leur forme arrondie.
Vuuu ji
Fig. 9.
708 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
La féparabilité des couches tient à la même caufe que nous
avons déjà affignée en parlant des rochers par bancs ou par
lits; mais il y a plus de difhculté dans l'application de ces
couches & dans leur forme arrondie : fi pour l'expliquer on
fuppoloit des tas de cailloux qui auroient fervi de noyaux.
ou d'embrions aux géodes & aux pierres qui leur font ana-
logues, & fur lefquels il auroit coulé à différentes reprifes
des fucs pétrifians, foit qu'ils fuflent purs, foit qu'ils fuffent
mêlés d’une terre détrempée, on comprend que chaque cail-:
lou auroit augmenté de volume, & que de plus il fe feroit
arrondi ; car afin qu'un corps prenne cette forme, quelque
anguleux qu'il foit , il fufhit de le couvrir de plufieurs enduits
d'une matière liquide qui fe durcifle à mefure ; mais dans ce
cas il faut admettre néceflairement une autre pofition dans
ces cailloux, que celle où ils feroient entaflés; chacun d'eux.
devroit être ifolé & fufpendu de façon qu'il n'appuyât pas
fur d’autres corps folides, pour donner la facilité aux cou-
ches pierreufes de s'arranger : car fi le noyau d’un géode a
été foûtenu & entouré d’autres pierres, il n'aura pü croître
du côté fur lequel il étoit appuyé, & encore moins con-
ferver la forme de fes couches uniformément arrondies &
également épaifles de toute part.
Ces difficultés (qui fe rencontrent dans le fyfème d'un
Phyficien célèbre, fur l'arrondiffement de ces fortes de pierres)
difparoiffent en fuppofant, 1.° que la matière des géodes
fut une terre détrempée & coulante : (ce qui eft confirmé
par l'obfervation des géodes fur lefquels j'ai trouvé des
empreintes de plantes) 2.° que cette terre étoit pénétrée
de fucs pétrifians ; (il faut les admettre dès que ces pierres
font folides) 3.° que cette pâte eut affez de confiftance
pour foûtenir ou de petites pierres, ou des mottes de terre,
ou d’autres corps abforbans, répandus çà & là à différentes
profondeurs.
Cela pofé, il eft naturel de penfer que ces différens noyaux
étant plus fecs, ou ayant des pores plus ouverts que la pâte
dans laquelle ils étoient plongés, aient abforbé ou l'humidité
L D 'ÉRÜSIGL'E M CIE S 709
ou les fucs pétrifians de la première couche qui les touchoit
immédiatement ; celle-ci defléchée par ce moyen, ou dé-
pourvüûe de fes fucs pétrifians, auroit été, par rapport à Ia
couche qui la fuivoit, ce que le noyau avoit été par rapport
à elle, & ainfi de fuite : les couches feront diftinguées, parce
qu'elles fe feront formées à différentes reprifes , tout fe fera
durci lorfque les fucs pierreux fe feront figés ou rapprochés
par une évaporation convenable. J'ajoûterai que fi les géodes
ne fe font formés que dans les terroirs ferrugineux , c’ef
fans doute que les fucs pétrifians qui leur font particuliers ,
ou les fels vitrioliques qui y abondent, font plus propres à
ces petites opérations de la Nature, qui ont formé ces cou-
ches ; ce font des efpèces de précipités qui demandent un
certain rapport entre les acides & les alkalis, ou entre les
matiéres qui tiennent lieu de ces fels, & qui en font les
fonctions: ces matières plus propres, ces rapports plus mar-
qués, fe rencontrent peut-être dans la terre martiale, qui ef
la matière de nos géodes.
Notre chaïne nous offre encore, comme je l'ai dit, deux
fortes de fontaines, les unes minérales ou médicinales, & les:
autres pétrifrantes. k
Nos fontaines minérales tirent leurs propriétés des mines
de vitriol, de fer & de charbon qu’elles traverfent ; elles
font faines ou malfaifantes, felon la nature des principes
qu'elles contiennent, & felon que la dofe en eft plus ou moins
forte: il y en a deux qu’on regarde comme fouveraines contre
la dyfenterie & quelques autres maladies qu’elles guériffent
plus rarement; elles font d’ailleurs purgatives, rafraïchiffantes,.
apéritives, & elles pañlent plus communément par les urines
& par fa tranfpiration, que par les felles. La fontaine de 1x
Rogre, Ja feule autrefois connue dans le pays & dans la pro-
vince, & dont on prenoit les eaux avec fuccès dans les:
mêmes cas des précédentes, s'eft trop chargée de minéral,
& on la recherche à peine aujourd’hui pour les maladies.
cutanées : on peut cependant affurer qu’en général, {a répus
tation ou le décri de ces différentes fources a varié au gré
Vuuu iif
710 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare ,
des Médecins, ou des propriétaires des lieux, ou f£!on le
caprice du peuple. Celle qu'on appelle de Daniel, a pris faveur
depuis quelques années : le Mémoire que mon frère le Pro-
fefleur a donné fur cette dernière fontaine, me difpenfe d'en-
trer dans un examen plus étendu de fes propriétés, & dans
Vanalyfe des principes qu'elle contient.
Je connois une famille entière, dans un endroit de notre
chaine nommé le Zamaris, qui n'a pour boiffon ordinaire,
que l’eau d'une fontaine minérale, de même goût que celle
de Daniel, & qui dépole encore plus de ce limon jaune &
ochreux, ordinaire aux fontaines vitrioliques. Je plaignois
le fort de ces pauvres gens, & la dure néceffité où ils étoient
de fe médicamenter toute l'année; mais je fus rafluré fur
leur compte, lorfqu'ils m'eurent dit que non feulement ils
s'étoient faits au goût défagréable de cette eau, qui eft d’ail-
leurs très-claire, mais même qu'ils ne s’étoient jamais aperçûs
que l'ufage qu'ils en faifoient, eût produit aucun mauvais effet
ni fur eux, ni fur leurs beftiaux, ni fur les plantes d'un pré
& d’un jardin qu'ils en arrofoient. Il n’eft pas étonnant, en
effet, que les mêmes eaux, qui purgeroient des malades, ne
faffent que defaltérer les gens fains du Tamaris ; c'eft que les
premiers n'y font point accoûtumés, & que de plus ils s’en-
gorgent l'eflomac, & en prennent à la fois une‘pluis forte dofe,
Prefque toutes nos fontaines minérales fe reflemblent du
côté du fédiment ou de Fochre jaune qu'elles dépofent fur
leur chemin : je n'en connois que deux qui diffèrent en cela
des précédentes.
La première qui coule d'un rocher, fur le grand chemin
au deflus du Aas-de-bouac, ne teint fon lit d'aucune couleur,
elle eft d'ailleurs fi claire, qu'elle invite les paflans à s’y def
altérer ; mais on eft bien trompé fur ces apparences, une
gorgée de cette eau laifle à la bouche un goût d'amertume,
mêlé d’une forte acidité, que la fontaine prend probablement
en traverfant les mines de charbon qu'on vait au deflus de
la fource.
La feconde fontaine eft la feule de cette efpèce que j'aie
pErsL SC E NC Es 71ü
encore vüû , elle coule par filets d’un rocher de fchifte noir,
tendre & feuilleté ; elle eft au fond d’un ruifleau qui traverfe
le grand chemin près de la fontaine de la Rogne, l’eau qui
fort des fentes du rocher, entraîne un fédiment très-fin,
d'une extrême blancheur : l'eau en eft toûjours teinte en tout
temps, comme fi on y avoit favonné du linge; en la portant
à la langue, j'y trouvai un léger goût d’acidité.
Les fontaines pétrifiantes de notre chaîne font de celles
qui forment fur leur chemin, des tufs ou des concrétions, &
des incruflations pierreufes fur tous les corps folides qu'elles
rencontrent, dont elles font des mafles folides & légères. J'ai
quelquefois trouvé parmi ces tufs, des morceaux de bois qui
étoient véritablement pétrifiés, ou qui étoient pénétrés dans
tout leur tiflu intérieur, de fucs pierreux ; cette pétrification
étoit cachée fous les tufs à l'abri de l'air, & elle étoit tendre
& friable.
Je n'ai placé, au refle, les fontaines pétrifiantes dans cette:
chaîne, que parce qu'elles fe trouvent fur fes lifières, où
qu'elles font engagées dans les terroirs de grès ou de gravier ;
car d’ailleurs, elles fortent toûjours d’une terre forte & limon-
neufe, dont nos tufs ont le grain & la couleur ; & ils ne-
doivent leur prompt accroiflement, qu'au limon qui trouble
l'eau au temps des pluies, & à un fuc pierreux féléniteux,
femblable à celui des pierres à chaux ou des marbres.
J'avois d'abord penfé que les molécules pétrifiantes qui
donnent à nos tufs leur confiflance, pourroient être les {els
vitrioliques de quelque filet d’eau minérale, qui fe mélât avec
la fontaine pétrifiante; mais je n’ai pas remarqué depuis, au-
cune concrétion pierreufe dans les fources purement miné-
rales, qui fortent d’un terroir graveleux , tel que celui de
notre chaîne; & j'ai vû très-fouvent des fontaines , qui for-
ment des tufs dans des terroirs où l'on ne peut foupçonner-
aucune efpèce de minéral.
La principale de nos fources pétrifiantes eft celle de Ruffam.
Veau en eft très-abondante, on profite de la grande pente-
qu'elle a pour faire tourner plufieurs moulins, dont lesbiés:
712 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ou les réfervoirs font difpofés en terrafle, les uns au defus
des autres, en forte que les plus bas fe remplifient de l’égoût
du plus élevé. |
L'eau de cette fontaine forme, le Jong de fon cours, plu-
fieurs fortes de concrétions; les unes font toüjours expofées
à l'air, les autres plongent alternativement dans l'eau & dans
Y'air : les premières doivent leur origine à l’épanchement des
eaux du canal & du réfervoir qui, coulant fur des mouffes,
les incruftent & les lient enfemble. L’incruftation ne gagne
que le bas des moufles, qui eft couvert par les ramifications
des fommités : ces fommités font vivantes & très- vertes,
tandis que la bafe de la plante eft incruftée; à mefure que les
fommités croiffent , l'incruftation s'élève & fait des progrès :
la mouffe eft plus fujète à être incruftée que les autres plantes,
parce qu’elle arrête par fes branchages ferrés & entrelacés,
le cours de l’eau dont elle fe charge, comme le feroit une
éponge; par ce moyen elle retient plus long-temps les fucs
pétriftans à qui elle préfente des points d'appui, toute la plante
en eft continuellement abreuvée; il n’y a cependant que la
partie qui eft cachée, & qui efl à couvert de l'aëtion du grand
air, qui s'incrufte; & ces concrétions font toûjours plus ten-
dres & plus lâches que celles qui font en pleine eau, & qui
en font entièrement couvertes.
J'ai remarqué fur ces dernières concrétions, qui font plus
compactes & plus pefantes que les précédentes :
1.” Qu'il s'en forme très-peu dans le canal où l'eau coule
rapidement : depuis près de deux cens ans que ce canal fub-
fifte, les concrétions pierreufes y ont à peine un pouce d’é-
paifleur; il n’y en a même que fur les bords & à fleur d’eau.
La rapidité de l’eau eft certainement un obftacle à la forma-
tion de ces concrétions, elles fe font par une efpèce de crif-
tallifation des fucs pétrifians, foit purs, foit mélés de parties
terreftres & groffières : or toute criftallifation exige que le
fluide qui {ert de véhicule aux molécules criftallines, féjourne
& foit en repos, où n'ait qu'un mouvement lent.
2.° Les concrétions des réfervoirs fe font dans une eau
dormante,
DES SCIENCES. 71
dormante, les fucs pierreux, ou les molécules criftallines,
ont le temps de s'appliquer peu à peu l’une contre l'autre,
& de former des couches, conjointement avec le limon
qu'apportent plufieurs fois dans l'année les eaux troubles de
la pluie : ces concrétions font fi confidérables dans le pre-
nier ou le plus haut réfervoir , qu’elles croiflent d'environ
un demi-pied par année, & qu'on eft obligé de temps en
temps de les détacher avec le pic, pour conferver au réfer-
voir fa largeur & fa capacité ordinaires. L'accroiffement de
ces pétrifications eft moins fenfible dans les réfervoirs infé-
rieurs, dont les eaux font plus dépouillées de molécules crif-
tallines : il eft évident que la plus grande partie de ces molé-
_ cules ayant été dépofées dans le premier baffin ou réfervoir,
il doit fournir feul, dans un temps égal, plus de tuf que tous
les autres enfemble, & c'eft ce qui arrive.
3.° Le baffin le plus élevé, qui eft un carré long , eft
formé d’un côté par le terrein coupé en talus, & des trois
autres par des murs de maçonnerie : les concrétions ou les
tufs ne s’attachent que fur les murs, ou fur les Zchen pul-
monaires qui les tapiffent, & rien ne s'attache ou ne fe durcit,
ni {ur le terrein limonneux qui fait un des côtés du réfervoir,
ni fur le fond qui eft couvert de vafe, à moins qu'il ne s’y
trouve quelque pierre ou quelque racine d'arbre, fur lef-
quelles il fe forme des congélations. Les fucs pétrifians fui-
vent ici les loix de la criftallifation des fels , à qui il faut des
corps qui aient quelque folidité pour en ètre attirés, pour
s’y appliquer & former plutieurs couches l'une fur Fautre ;
c'eft ainfi que les fels du tartre forment des croûtes fur les
côtés d’une fütaille, tandis que rien ne s'attache au fond
lorfqu'il eft couvert de la lie du vin: les criftaux pierreux
adhèrent de la même façon aux rochers des montagnes. Si on
examinoit bien les pétrifications détachées ou ifolées, comme
les calculs des animaux, on trouveroit qu'elles ne s’écartent
pas des loix des pétrifications ordinaires.
4 Le baffin dont nous avons parlé, fe remplit & fe
vuide alternativement pour le moulin deux fois dans vingt:
Mém 1747. XX XXX
714 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare
quatre heures : les tufs des parois plongent par conféquent
tantôt dans l’eau, & tantôt dans l'air; cette alternative con-
tribue fans doute à Ja forme particulière que prennent ces
tufs; ils font compolés vers leur furface de plufieurs gru-
meaux arrondis en forme de grappe, ce qui vient des inéga-
lités de 1x bafe des tufs : lorfque le réfervoir fe vuide, l'eau
en s’égoûtant peu à peu de la furface des tufs, les fait croître
de haut en bas; les inégalités dont j'ai parlé, s’incruftent &
s’arrondiffent : ces tubérofités s’alongeroient dans la partie
inférieure, comme les ftalactites des grottes ; mais le retour
de l’eau qui s'élève peu après, & qui couvre de nouveau les
tufs, foûtient les molécules criftallines & le limon, & empê-
che que les grumeaux ne fe terminent parle bas en des
pointes alongées.
5° Parmi les concrétions qui fe forment fur les murs du
réfervoir, celles qui font quelquefois expofées au foleil, font
plus tendres que celles qui font toûjours à l'ombre ; & entre
ces dernières, celles qui font plus couvertes & moins au
grand air, ont toûjours aufli plus de folidité.
On peut dire d’après cette obfervation, & quelques autres
qui ont précédé, qu’en général, pour qu'un corps ferve de
bafe à une pétrification, il doit être long-temps abreuvé du
liquide qui en contient le principe; & il faut pour cela qu'il
foit couvert d'eau ou de terre, ou de quelqu'autre chofe qui
Yentretienne dans une certaine humidité, & le garantifle des
impulfons de l'air, qui procureroit une trop prompte évapo-
ration : cette expofition à l'air eft fi contraire à une pétrifica-
tion, tandis qu’elle fe fait, qu'elle détruit dans certains
rochers, tels que les amerlas, celle qui eft déjà faite.
Les murs de maçonnerie, faïts avec du mortier ordinaire;
font une efpèce de pétrification artificielle; or les murs qui
font long-temps humeétés, ceux qu’on conftruit dans l'eau,
dans des foûterreins, ceux qui ont une grande épaifleur, ceux
enfin qu'on terraffe, font à la vérité d’une prife plus lente,
mais elle eft meilleure de beaucoup & plus durable. Ne feroit-
£e point-là tout le fecret du ciment, ou du fimple mortier
DES SCIENCES). 715
des anciens bâtimens, devenu auffi dur que le marbre? On
empêchoit , fans doute, le trop prompt defsèchement du
mortier, foit en terraffant les murs pendant quelque temps,
foit en leur donnant une grande épaifieur.
Ne feroit-ce point à un pareil procédé, fuivi par la Nature,
que nous devons la formation des rochers au temps de la
grande pétrification ? s’il eût fufhi\ pour la produire, que la
terre füt feulement pénétrée de fucs pétrifians, notre globe
terreftre qui en fut probablement tout couvert, ne feroit
peut-être aujourd'hui qu'un grand rocher. Le defsèchement
de l'air conferva les terres de la furface, les rochers qui en
font aujourd’hui dépouillés & qui font pelés, furent couverts
de terre, & fe durcirent par ce moyen, c'eft-à-dire qu'après
le départ des eaux qui abreuvèrent la terre de fucs pétri-
fians, au temps de la formation des rochers, les terres de la
furface empéchèrent une évaporation trop prompte dans les
terres inférieures, ou celles qui étoient à une plus grande
profondeur ; les fucs pétrifians lièrent par-là plus intimement
les grains de ces dernières terres, ils en firent des rochers,
tandis que les terres de la furface ne foufirirent aucune alté-
ration pour s'être trop promptement defléchées.
C'eft fans doute en conféquence de ce que je viens de
dire, que dans les endroits qui ont été moins dérangés par
les changemens arrivés au globe, on trouve d’abord de {a
terre végétale, plus ou moins meuble, enfuite de la terre :
franche, de la marne, de la pierre morte, & enfin d'autres
matières qui font de plus en plus fermes & compaétes, ce
qui va jufqu’à la folidité de {a pierre vive & des rochers qui,
felon d’habiles mineurs, fe trouvent toûjours plus durs dans
la même efpèce, à mefure qu'ils font à une plus grande pro-
fondeur.
Les variétés, au refte, du plus où du moins de dureté
qu’on remarque dans les différentes efpèces de rochers, peu-
vent étre rejetées, au fur la différence de leur bafe, plus où
moins propre à être liée felon la fineffe & la régukrité de
leur grain, ow fux les différentes efpèces de fucs pétrifians
Xxxx ij
716 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
ui fe font répandus dans les différentes parties du globe.
6.° Enfin, dans le côté le plus bas du fond du réfervoir, y
a un canal, ou plütôt un trou par où l'eau s'écoule lorfqu’on en
a ramaflé fufffamment pour faire tourner la meule du moulin:
ce canal eft révêtu de planches qui s'incruftent d’une ardoife
aufi unie que les planches auxquelles elles s'appliquent ;
cette ardoife eft d’un grain fin, ferré, elle fonne quand on la
frappe ; elle fe fépare nettement de la planche, & l'on diftin-
gue alors plufieurs couches parallèles de différente épaiffeur,
felon que l'eau qui devient bourbeufe plufieurs fois dans l’an-
née, la été à chaque fois plus ou moins de temps.
Toute l'ardoife n'acquiert en un an, qu'environ cinq ou
fix lignes d’épaifieur, tandis que ces accroiffemens font dans
le même efpace de temps, d'environ cinq ou fix pouces dans
les autres concrétions du réfervoir; c'eft que l’eau paffe rapi-
dement deux fois par jour dans le canal, & qu'elle entraîne
les fucs pétrifians & le limon qui font encore peu liés &
peu affermis , tandis qu'ailleurs elle ne fait que baifler &
s'égoüter peu à peu.
On pourroit, en plongeant & en fixant dans ce canal des
tables de bois ou de toute autre matière qui peut fe conferver
dans l’eau, les faire incrufter d'une belle ardoife qui prendroit
la forme & fuivroit exaétement tous les contours de la
table, ou de tout autre ouvrage qu'on voudroit revêtir d'un
étui très-jufte & très-folide.
Je rendrois cet article trop long, fi j'ajoütois encore ici un
détail circonflancié des différens minéraux qui appartiennent
à cette chaîne : je me propofe d'en parler dans un autre
MEN , Où je ferai moins obligé d'être court que dans
celui-ci.
Dixième chaine.
Cette chaîne, qui eft {a dernière, eft fur les lifières des
Sévennes; fes rochers, d’un marbre groffier qui donne une
chaux maigre, font par bancs inclinés de la même façon à
l'horizon, dans une même montagne , mais différemment
DES :S CE N:C E,s 717
prefque dans chaque montagne; les coquillages pierreux qui
tiennent encore au rocher, font entiers pour la plüpart , de
même que ceux des chaînes précédentes. La Chenaye de
Sauvages, qui eft une montagne élevée de cette chaîne, a les
deux ou trois premiers bancs de fon fommet , uniquement
tiflus d’une oftracite particulière à cette chaîne, & qui eft
connue chez les Naturaliftes fous le nom d'Offracites tefla
craffa, griphites luidii : | n’y a de limon durci dans le rocher,
que ce qu'il en faut précifément pour remplir les vuides que
laiflent ces coquillages.
Dans les bancs qui fuivent immédiatement, il n’y a aucun
coquillage ; mais il y a dans les füivans une prodigieufe
quantité d'aftéries ou pierres étoilées, de bélemnites, de
cornes d'ammon, de pinnes, de pétoncles, &c.
Les pierres étoilées, à caufe de leur forme effilée, ou de
leurs fréquentes articulations qui ont dû les rendre très-fra-
giles, font toüjours fur cette montagne coupées en des tron-
çons qui n'ont pas au delà d'un pouce de longueur : les
articulations font toüjours plufieurs enfemble, il y a des
morceaux de différente groffeur, quoique de même efpèce,
ordinairement courbés en arc ; & lon aperçoit fouvent au
centre de l'étoile qui termine les deux bouts, un trou ou
un commencement de tuyau qui enfile la pierre.
La plüpart des morceaux de nos pierres étoilées font déta-
chés du rocher : ceux qui s’y trouvent encore enchäfiés, font
caflés en tronçons pareils à ceux dont j'ai déjà parlé; ce
qui peut faire foupçonner que ce foflile qui appartient aux
bras d’une étoile de mer analogue à celle qu’on appelle Z réte
de Médufe, que ce foffile, dis-je, fut non feulement café,
mais même pétrifié avant d’être incorporé dans le rocher,
peut-être même fut-il pétrifié ailleurs ; car toute la montagne
eft de pierre calcinable, de même qu'un grand nombre de co-
quillages qu'on trouve dans les bancs inférieurs ; il n’y a que
la pierre étoilée, avec une efpèce particulière de bélemnite, &
* da griphite dont j'ai déjà parlé, qui foient pétrifiées en caillou,
& qui donnent des étincelles fous le fufil.
Xxxx ii
Fig. 10.
Fig 11,
718 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoïYALE
Les bélemnites de notre chaîne font d'une efpèce que
je n'ai vûe nulle autre part, & fur des proportions différentes
de celles qu'on trouve communément; les plus grandes ont
à peine un pouce & demi de longueur, cependant leur bafe
a neuf à dix lignes de diamètre, & leur cavité conique s'étend
prefque jufqu'au fommet de la pierre : elles portent fur leur
furface tant intérieure qu'extérieure, plufieurs de ces tour-
billons compolés de cercles concentriques que j'avois cru
autrefois n'appartenir qu'à une efpèce particulière de coquil-
lage foffile, mais que j'ai remarqués depuis fur prefque tous
les genres de coquilles qui font pétrifiées en caillou * & dont
les lames fupérieures ont été enlevées par les injures de l'air.
Quand nos bélemnites ne porteroïent que ce caraétère, il
fuffiroit {eul pour lever les doutes qu'on a fur la nature de
ce foffile, & pour le faire regarder comme appartenant à la
famille des animaux teflacés ; on n’a d’ailleurs qu'à faire at-
tention à leur forme régulière & conftante, à leur proportion
déterminée dans chaque efpèce, pour voir que ce ne font
point des produétions fortuites, des jeux du hafard, mais des
corps organifés & réguliers, tels que ceux qui font l'ouvrage
des animaux; on s'en convaincra encore mieux par les re-
marques fuivantes.
Outre Fefpèce particulière de hélemnite dont je viens de
parler, il y en a deux autres fort connues de tous ceux qui
font des colleétions; elles font l'une & Fautre de pierre eal-
cinable, & la pétrification n’a point détruit l'organifation &
Yarrangement des fibres qui les compofent. On aperçoit cet
arrangement en caffant la bélemnite ; on voit qu'elle ef tiflue
de fibres qui font perpendiculaires à l'axe de ce foffile, vers
lequel elles convergent de tous les points de la furfoce. Ce
caractère rapproche encore les bélepmites des coquillages,
car j'ai obfervé fa même diflinétion de fibres droites & con-
vergentes dans la caflure d’un grand nombre de coquillages
* Les coquillages foffiles de cette efpèce, ou ceux qui ont la dureté du
caillou , font les feuls qui aient de ces cercles ; la pétrification n’a pas produit
le même effet dans les coquillages de pierre tendre & calcaire.
DES$ SCrENCES. ge
bivalves pétrifiés en pierre calcaire; cela reflembloit à cer-
taines criftallifations en filets de matière féléniteufe.
La première des deux bélemnites tendres ou calcaires dont
je viens de parler, & qui eft connue fous les noms de Zapis
linearius , lapis lincis , datilus, dre. femble affecter dans nos
cantons un certain rocher de pierre morte & grisâtre qui
s'émie à l'air en de petits morceaux anguleux & alongés : j'ai
trouvé en plufieurs endroits de cette chaîne des bancs de ce
rocher toüjours avec les mêmes bélemnites dont la bafe eft,
comme dans les précédentes, percée d’une cavité; mais cette
* cavité eft tantôt en cone pointu, & tantôt en cone tronqué,
& elle ne s'étend pas au delà du tiers de Ja longueur de
toute la pierre : j'ai trouvé plufieurs de ces cavités exaétement
remplies d'une pierre qui fe détachoit nettement, & qui
paroifloit être articulée : je caffai plufieurs de ces petits cones
dont les uns étoient tronqués, les autres entiers; ils étoient
compofés de plufieurs pièces en forme de calottes d’une ligne
d'épaiffeur : je n’aperçus d’abord aucune cavité, aucun veflige
d'un teft de coquille; mais j'ai vû très-clairement l’un &
l'autre dans les morceaux que j'ai trouvés dans la fuite. Ces
calottes forment des cellules, par conféquent cette bélemnite
eft un coquillage chambré: il y en a même une efpèce rare
dont je n’ai pû voir que la coupe longitudinale, l'intérieur
& le contour. Cette bélemnite faifoit partie d’une table de
marbre, & elle avoit été fciée en deux pièces en même temps
que le bloc, les cellules oceupoient toute la bélemnite juf-
qu'au fommet, la diftinétion des cavités & des cloifons étoit
très-bien marquée par la différente couleur du marbre.
La feconde bélemnite de pierre tendre, eft nommée dans
les Auteurs, belemnites elefrinus, à caufe de fa couleur d’ambre
ou plûtôt de corne demi-tranfparente : elle fe diflingue
des précédentes en ce qu'elle eft plus étroite à fa bafe &
plus renflée vers la pointe, comme certaines pointes
d'ourfin ; maïs cette bafe n’a ni ce cone creux & profond
propre à contenir des alvéoles, comme les deux autres efpèces
de bélemnites, ni cette cavité cotyloïde & peu profonde des
Fig. 12e
Fis. ET
Fig 143
720 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pierres judaïques & des autres pointes d'échinites; je n’y ai
jamais rien aperçû qui en approchât dans les bélemnites les
plus entières de cette efpèce que j'ai pù trouver : ce bout eft
toüjours plein, & il eft terminé irrégulièrement par plufieurs
lames minces & tendres engagées l'une dans l'autre : ces lames
enveloppent dans leur centre un tuyau extrêmement fin,
qui paroît s'étendre d'un bout à l’autre de la bélemnite.
:- On n'aperçoit de coquillages pierreux dans la montagne
dont j'ai déjà parlé, que dans un banc qui eft à dix ou douze
toiles au deffous de ceux qui portent les oftracites, les bé-
lemnites & les pierres étoilées : ce banc eft formé entière-
ment de pectonculites qui font tous de fa même efpèce &
d’une égale groffeur, fans que dans cette prodigieufe quantité
de coquillages on en puifie découvrir un feul d’une autre
efpèce. J'ai obfervé ce banc avec les mêmes foffiles dans
deux ou trois différens endroits de la montagne à la même
hauteur, à l'inclinaifon près du banc, ce qui fait voir que les
peétonculites occupent une grande étendue. La pétrification
de ce coquillage eft toute différente de celle des coquillages
du fommet de la montagne, qui, comme nous l'avons déjà
remarqué, font pétrifiés en caillou, au lieu que les peéton-
culites font de pierre à chaux ; on ne les diftingue du refte
du rocher, ni au grain, ni à la couleur; ils fe féparent net-
tement, & on ne les reconnoït que par la forme extérieure
& par les deux valves toûjours bien appliquées l'une fur
l'autre; je dis les valves, quoiqu'il ne refle peut-être que le
moule intérieur du coquillage entièrement femblable au ro-
cher : mais fi la pétrification avoit diflous le teft de la coquille
& l'avoit fait couler, on devroit en trouver la place vuide
entre le moule intérieur du coquillage & l'extérieur ou le
rocher; cependant l'un & l'autre fe joignent exaétement :
c'eft-là encore un des phénomènes de la lithologie qui de-
mandent un plusong examen.
On peut remarquer en pañlant fur cette chaîne, & en
particulier fur la montagne de la Chenaye de Sauvages, ce que
J'ai déjà dit ailleurs, favoir , que dans les rochers par pre
€
DES SCIENCES. 2T
de quelque façon qu'ils foient inclinés, les coquillages foffifes
y ont une pofition uniforme & régulière : on ne les trouve
en grande quantité que dans certains bancs, tandis qu'il n'y
en a que peu où point dans les bancs tant inférieurs que
fupérieurs. On reconnoît là l'effet de différens dépôts, dont
les uns ont été de pur limon, tandis que les autres ont été
mélés de limon & de coquillages.
Il eft naturel encore de conjedurer que les dérangemens
arrivés aux montagnes par bancs ont été poftérieurs aux dé-
pôts de ces bancs ou de ces couches, & de plus, qu'ils fe font
faits lorfque les rochers avoient déjà quelque confiftance, &
que ce ne font enfin que de fimples déplacemens uniformes,
au lieu que dans les montagnes & dans les rochers par blocs,
la matière dont ils font formés femble avoir été confufément
agitée lorfqu'elle étoit encore molle: auffi les coquillages de
ces rochers font non feulement plus rares, étant répandus
indifféremment dans toute la mafle, mais ils n'ont même
aucune place conftante, & qui leur foit, pour ainfi dire,
affeétée, comme dans les rochers par bancs, où les coquil-
lages fofiles & certaines efpèces fe trouvent dans certains
bancs à l’exclufion des autres *,
La même montagne dont je viens de parler, m'a fourni
quelques autres obfervations que j'ajoûterai ici, quoiqu'elles
dérangent un peu les idées que je m'étois faites für la fuite des
chaînes : j'ai trouvé au deflous des bancs inférieurs une veine
étroite & peu profonde, qui femble partir horizontalement
* C'eft à une pareille agitation
‘qu'on peut rapporter la formation ,
non feulement des marbres appelés
brèche; mais encore celle des Êe
telles, ou de ces marbres dont les
différentes couleurs forment des nua-
ges ou des taches vagues & indétermi-
nées. Ce qui appuie cette conjecture,
c'eft que ces marbres ne font pas par
bancs, mais par blocs entaflés, qui
ne font quelquefois d’une montagne
entière, qu’une feule mafle, dans Ja-
quelle on ne trouve prefque pas de
Mer, I 747°
coquillages. On peut conjeéturer que
ces marbres font le produit d’un mé-
lange de plufeurs bancs ou couches
de limon , dont chacune avoit une
couleur différente : c’eft ainfi qu'avec
deux ou trois fortes de pâtes deftuc,
on fait, en les mêlant, des marbres
artificiels, qui imitent très-bien les
brocatelles, fi les trois pâtes font mol-
les; & les brèches, s’il y en a une
bien molle, & les autres un peu def
féchées.
. Yyyy
722 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de la montagne : elle eft d’un terrein ou d'un gravier tout
différent de celui qui l'entoure deflus, deflous, par les côtés,
& de tout le refte de la montagne, dont les rochers font par-
tout de pierre à chaux, au lieu que ce gravier eft de pierre
dure & vitrefcible.
J'en ai diftingué de trois ou quatre efpèces : chaque mor-
ceau eft arrondi, & il y en a qui ont un poli qui les rend lui-
fans, ils font pofés par couches qu'on diftingue l'une de l'autre
par la différente groffeur des grains & par leurs différentes
efpèces. On remarque quelque chofe d'approchant dans les
fables & dans les graviers de nos rivières, & il pourroit être
que les cailloux & les graviers de notre chaine euffent été
arrondis de la même façon que ceux de la mer & des riviè-
res, c'eft-à-dire, en roulant fur le fable, & qu'ils euflent une
pareille origine.
Ce qui femble trancher tous les doutes, c'eft que parmi
ces menus cailloux il y en a qui leur reflemblent & par la
forme & par le volume : ce font des fragmens d’oftracite
& de pierre étoilée, pétrifiés en caillou, comme ceux du
refle de la montagne; mais les fragmens de ceux-ci ont des.
angles tranchans, pointus & à vive-arête, au lieu que ceux
qui font répandus dans le gravier de notre veine, font non
feulement plus menus, mais leurs carnes ont été vifiblement
ufées & arrondies par les frottemens, de forte qu'on a quel-
quefois de la peine à reconnoître le coquillage ; & comme ces
fragmens ont fuivi une loi commune aux autres morceaux
qui compofent cette veine, il paroît évident que tous ces.
graviérs fe font arrondis en roulant.
On peut fe rappeler les preuves & les induétions que j'ai
tirées des coquillages & des pierres arrondies de la fixième
chaîne : elles doivent avoir lieu pour la veine de terrein
dont je parle, ou pour les cailloutages qu'elle contient; ils
fe trouvent prefque dans le même cas ou dans les mêmes.
circonftances.
I paroît par ce que nous venons de dire, premièrement,
que cette veine de terrein ifolée eft comme étrangère à la:
\
D ES SNDMMENNTCUE LS 72%
montagne dont les pierres font d’un grain & d’une couleur
entièrement différens : ce font des pierres à chaux qui n’af-
feétent aucune forme ni aucun volume déterminés, au lieu
que notre gravier vitrefcible & toüjours arrondi n'excède
jamais la groffeur d'un œuf de pigeon.
Il s'enfuit de-là encore que notre montagne a fouffert un
dérangement dans l'endroit de la veine. Ceux qui ont étudié
la continuité des terreins, ont pû s’apercevoir qu'ils fe con-
fervent les mêmes, dans une grande étendue ; qu'une ou
plufieurs montagnes, qu'une même plaine, fi vafte qu'elle
foit, eft par-tout d'un même grain de terre & de rocher, où
s'il y a des rochers de différente nature, ils font par couches
féparées & pofées l'une au deffus de l'autre: lorfque cet ordre
eft interrompu , lorfque le terrein eft coupé ou traverfé bruf.
quement par une veine de terre ou de pierre d’une autre
nature, qui tranche fur le terrein qui le touche & qui l'en-
toure, c'eft une forte préfomption d’un dérangement arrivé
dans les couches primitives.
H eft vrai qu'il n'eft pas aifé de connoître les loix que ces
dérangemens ont fuivies, ni de donner des raifons, au moins
plaufibles, de la fuite, de la continuité des terreins, de leur
différente pofition & de leur direétion : ce fujet eft à peine
ébauché, les fyflèmes détachés qu’on fe fait, font bien fouvent
dérangés ou entièrement détruits par une obfervation pofté-
rieure: il en faut encore un plus grand nombre, & de nou-
velles découvertes. Il feroit à fouhaiter fur-tout, que ceux qui
s'intéreflent au progrès de l’'hiftoire naturelle, travaillaffent à
une carte topographique des terreins dont on marqueroit les
continuités, les interruptions, les différens grains, la nature
& les propriétés. L’exécution de cette carte auroit un autre
grand avantage, en ce qu’elle influeroit fur l’économique,
& qu’elle montreroit, comme d’un coup d'œil, les cultures
dont une province entière eft fufceptible, l'étendue & la
qualité des récoltes qu'on peut en retirer; c’eft un travail
qu’on pourroit faire à peu de frais, à mefure qu'on lève les
cartes géographiques du royaume.
Yyyy ÿ
724 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le terroir des Sévennes.
L'ordre des chaînes que nous venons de parcourir, finit
au pied des montagnes desSévennes, qui renferme un terrein
vafte, dont je n'ai pas été à portée d'obferver les direétions,
& qui s'étend dans prefque tout le diocèfe d'Alais, dans la
partie méridionale de celui de Mende, & dans le côté fepten-
trional de celui d'Uzès. Le terroir des Sévennes, par - tout
montagneux, eft entièrement différent de tous les précédens,
par la nature de fon grain & de fes rochers, par {es fofliles &
par les végétaux qu'il produit: on n'y voit par-tout que de
vafles forêts de châtaigniers, & je dirai en paflant, que c’eft
un ufage reçû dans le pays, de ne donner le nom de Sévennes,
qu'à cette étendue de terrein, d'un grain léger & fablonneux,
dans lequel les châtaigniers croiffent naturellement.
Tout le terroir des Sévennes eft compofé de deux princi-
paux genres de rochers, & les terres qui les accompagnent leur
font analogues, comme cela arrive pour les différens genres de
pierres : l'un de ces rochers eft un talc, & l'autre un granite.
Les rochers de talc des Sévennes y font les plus communs,
j'en ai remarqué de différentes efpèces, qu'on appelle vulgai-
rement laufe; cette pierre eft toüjours opaque, & elle ne
fe calcine ni ne fe vitrifie à un feu ordinaire de verrerie : on
la diftingue par-là des pierres à qui on donne improprement
le nom de ak, qui ne font fouvent que des fpaths ou des
gips blancs, tranfparens & calcinables.
Les rochers de talc font conftamment par lits ou par
feuillets minces, & d’une dureté qui varie felon les efpèces,
& felon que ces rochers font plus ou moins pénétrés de
veines & de molécules de quartz, qui eft propre à cette
efpèce de rocher, & qui lui donne toute la folidité qu'il peut
avoir. On trouve quelquefois tout un côté de montagne
dont les rochers font tendres & s'émient fans effort, tandis
que les rochers du côté oppofé forment une mafle très-
dure, foit parce qu'ils font plus abreuvés de fucs quartzeux,
ou qu'ils furent autrefois à une plus grande profondeur.
D'ESN SNCE N CES 72$
Il eft très - rare que les lits ou les feuillets de rochers tal-
queux foient pofés parallèlement à l'horizon ; ils font plus
ordinairement ou verticaux, ou différemment inclinés, &
très- fouvent ils font pliés, ondés & chiffonnés irrégulière-
ment en différens fens. Les rochers dont les feuillets font
aplatis uniformément, & fe féparent aifément, font d'une
grande reflource dans les Sévennes, où les tuiles manquent
faute d'argile; on y couvre les maifons avec de l'ardoife de talc.
Le fuc quartzeux qui pénètre les rochers de tale, s’y diftri-
bue en des plans qui font parallèles à ceux des feuillets du
rocher, ce qui forme des veines blanches qui ont jufqu’à un -
pied d'épaiffeur ; c’eft un vrai criftal de roche, à qui ül ne
manque qu'un peu plus de tranfparence : il y en a dans quel-
ques endroits des Sévennes, des veines & des blocs fi confi-
dérables, qifèn feroit tenté de les prendre pour les réfer-
voirs d’où les fucs pétrifians fe font répandus dans les rochers
des environs.
Quelqu'épaifeur, quelque dureté que ces veines aient ,
elles font cependant très- fragiles, & c’eft par cet endroit
qu'elles donnent origine aux cailloux quartzeux, blancs &
arrondis de nos rivières, demi-tranfparens dans leurs caf
fures, & qui donnent de la lumière fans étincelles lorfqu’on
les choque l'un contre l'autre dans un endroit ebfcur. Les
fondrières & les ravins très-communs dans ces montagnes
efcarpées, & d’une terre légère, occafionnent au temps des
pluies, des éboulemens confidérables ; les rochers de talc fe
détachent, les veines de quartz ou de criftal fe féparent, elles
fe caflent en morceaux plus ou moins gros, felon l’épaif-
feur de la veine, tout eft entraîné dans la rivière : le tale
qui fe cafle plus aifément en lames plates, que d'aucune
autre façon, fe convertit en galets en roulant fur le fable;
les veines quartzeufes au contraire, fe caffent en morceaux
qui approchent de la figure cubique, ou de quelqu'autre
polyëdre irrégulier, qui en roulant s’arrondiffent & devien-
nent plus ou moins fphériques , felon que le caillou appro-
choit plus de la figure cubique, & felon qu’il roule pendant
Yyyy ii
726 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
un plus long eflpace; car à mefure qu'on remonte la rivière,
on trouve fes cailloux de plus en plus anguleux.
Î n'y a point de doute que ce ne oit-Rà l’origine des galets
& des cailloux arrondis de notre rivière, il n'y a rien en cela
que de bien naturel; mais que doit-on penfer des cailloutages
parfaitement femblables à ceux-là, dont tout un canton des
environs nommé Brefis, eft rempli, & qui forment une fuite
de côteaux fort élevés au deffus du niveau du Gardon, ou
de la rivière qui traverfe ce pays! les cailloux & les galets
de Brefis font de même nature que ceux du Gardon, ils font
ufés & arrondis de la même façon : en faut-il davantage pour
être bien fondé à conjeéturer que le terroir de Brefis, quel-
qu'élevé qu'il foit aujourd'hui, quelque place qu'il occupe,
tire fon origine ou du Gardon, ou d’une rivière qui traver-
foit les Sévennes, ou un terroir de même natffie?
Ce fut à une forme & à un mélange pareils de cailloux &
de galets, que je jugeai que ceux qu'on tiroit du fond d’un
puits qu'on creufoit à fept ou huit toifes de profondeur,
étoient des dépôts de notre rivière ; ce puits en eft cepen-
dant fort éloigné, & on a de la peine à croire que la rivière
ait jamais été de ce côté, ni à une fi grande profondeur :
cependant les différentes matières qu’on tira, me confirmè-
rent dans ce fentiment ; c’étoient plufieurs couches, les unes
de fable fin & talqueux, d'autres de pur limon, d'autres de
gros gravier mêlé de pierres, de granite, de marbre noir & de
criftal blanc. Ces lits étoient tout pareils à ceux qui fe dépofent
toutes les années dans les prairies qui bordent notre rivière
& qui varient felon que l’eau des débordemens eft ou dor-
mante ou rapide: les galets, les cailloux, le fable & le gra-
vier étoient de mème nature & de même forme que ce que
le Gardon entraîne tous les jours.
Si on fe rappelle ce que j'ai dit des montagnes des Séven-
nes, hautes & efcarpées, dont la terre eft légère & fablon-
neufe , les rochers peu liés pour la plüpart, on fera moins
étonné de la prodigieufe quantité de fable, de pierres & de
limon que les rivières entraînent à chaque inondation. Les
D'E/S SCIENCES. 727
alluvions qu'elles forment dans les endroits qui ont moins
de pente, & dans lefquels les eaux peuvent s'étendre, élèvent
de plus en plus le terrein; ce qui eft entrainé dans le lit, va
former ces grands attériflemens dont on aperçoit d’une an-
née à l'autre les progrès fur les côtes de Languedoc.
Les rivières & les ruifleaux qui ont plus de pente, entrai-
nent des pierres d’un volume de beaucoup plus grand que
les précédentes : j'ai vü au pied des montagnes de Louzère,
dans le diocèfe d'Uzès, des blocs énormes de granite que les
torrens avoient entrainés, & qui s'étoient arrondis en roulant :
j'aurois eu peine à me perfuader que l’eau eût pü faire avancer
de fi lourdes maffés, fur-tout lorfqu’elles étoient encore an-
guleufes, & plus propres par-Rà à s'arrêter fur un plan rabo-
teux ; mais je fus à portée moi-même de voir rouler dans.
un torrent des Sévennes, des pierres du même granite, qui
pefoient plufieurs quintaux, avec un bruit & un fracas qui
fe faifoient entendre de bien loin.
Le granite dont je viens de parler, eft le fecond genre
de rochers qui règne dans les Sévennes ; il y en a de deux ou:
trois efpèces qui diffèrent entr’elles par fa grofleur, la cou-
leur & la confiftance de leurs grains, toüjours irréguliers &
engrénés lun dans l'autre ; les plus folides & les plus com-
pactes fe détruifent & s’égrènent lorfqu'ils font expolés aux
injures de l'air : les uns ont des grains quartzeux, mêlés avec
des grains noirs & luifans, qui approchent des matières qui
fortent des volcans ou de certaines mines d’étain; les autres.
ne font prefque compofés que-de grains de pierre morte,
& de grains terreux & tendres, qui s’écrafent facilement : Le
gravier & Îa terre que les injures de fair détachent de ces
rochers, & que les pluies entraînent, font une terre légère
qui, venant à fe méler avec les débris des végétaux, eft
excellente pour les müriers, pour les châtaigniers & pour les.
plantes potagères.
Les rochers de granite, connus dans le pays fous le nom
de «is & de ciffras, ne font jamais par bancs; ce font des
blocs informes, entaflés irrégulièrement & appliqués par des.
.
728 ‘MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
furfaces plates & droites, dont on reconnoïît bien les joints ;
ou les endroits par où ils fe touchent ; mais ils ne laiflent
entr’eux ni fente, ni ouverture, ni aucune de ces cavités qui
font fi ordinaires dans les rochers de marbre. Les rochers de
granite font mêlés indifféremment & fans ordre, avec ceux
de talc, une même montagne en eft quelquefois mi-partie;
quelquefois il y a des cantons entiers qui ne font que de
granite, & d’autres de talc, fans aucun mélange d'autre pierre.
Les grains du granite ne paroiflent pas être pénétrés par
aucun fuc criftallin & pétrifiant qui les lie entr'eux, & on ne
voit que rarement les blocs de ces rochers, traverfés par des
veines de pierre blanche & criftalline ; celles que j'ai vûes
font de la nature des fluors, demi-tranfparentes, luifantes,
& d'une confiflance qui tient le milieu entre le fpath qui eft
tendre, & le quartz qui eft très-dur. Ces veines pierreufes
ont cela de particulier, qu’elles font toüjours fort droites, &
w'elles font dans toute leur longueur d’une épaiffeur égale,
qui eft d'environ un pouce : les plus longues n'ont pas au
delà de deux toifes, leurs bouts font coupés carrément des
deux côtés, & ils ne fe perdent pas en diminuant infenfible-
ment dans le granite, comme nous l'avons remarqué dans
les rochers de marbre & de pierre à chaux des chaînes pré-
cédentes. ,
Les interruptions brufques de ces veines pierreufes an-
noncent déjà un dérangement dans nos rochers de granite;
mais il y a un autre figne qui eft moins équivoque, c'eft
que ces rochers font tous parfemés de morceaux parallélépi-
pédiques des veines précédentes, qui ne fe caffent, comme
je l'ai éprouvé, qu'en des fragmens de cette figure; ces frag-
mens, probablement continus autrefois, & ajoûtés bout à
bout , mais féparés & brouillés dans la fuite, ont environ
un pouce de longueur; ils font taillés très-régulièrement, &
compris entre des plans parallèles, ce qui produit une mar-
queterie fur la couleur uniforme du rocher, lequel eft d’un
gris de fer plus ou moins foncé. J'ajoûterai que ces parallé-
lépipèdes font prefque tous éganx, & quoiqu'ils foient épars
çà & là,
ni Ets Sr'eth in Nues ElS 729
çà & là, & fans aucun ordre marqué; ils font cependant
diftribués de façon qu'il n’y a point de furface de rocher
d’un pied carré, qui ne porte un ou deux de ces fragmens
parallélépipédiques.
Le granite des environs de la Salle-de-Saint-Pierre, qui
eft une petite ville du diocèfe d'Alais, a cela de remarquable,
qu'il eft rempli d’une prodigieufe quantité de molécules
minces, pliantes, qui ne perdent point dans le feu la cou-
leur & le brillant de l'or qu'elles ont : cette fauffe apparence
trompe bien des perfonnes, ces molécules ne font dans le
vrai, qu'une efpèce de talc appelé mica ; ce n'eft pas que Îes
rochers des Sévennes ne contiennent de l'or natif, toutes
les mines que j'en ai vû, font de la nature de nos rochers.
De plus, M. Cramer, dans fa Docimafie, aflure d'après les
plus habiles métallurgiftes, que les talcs, les granites &es
fables qui en proviennent, font la marcaffite ordinaire de ce
précieux métal : enfin le Gardon & les autres rivières qui
traverfent les Sévennes, font aurifères ; ainfi il eft à préfumer
que l'or en paille qu'on en retire, eft entrainé de la furface
des terres, par les pluies qui les favent, & qui emportent les
paillettes dans les torrens, & de là dans nos rivières.
Mais inutilement chercheroit-on dans nos montagnes ces
molécules d’or très-difperfées, & d’une petitefle qui les fait
échapper à la vüe, il faudroit une longue & une pénible
manipulation dont on ne feroit point payé à beaucoup près;
les pluies & les rivières qu’elles grofliffent, abrègent la peine
& la longueur de ces recherches: l'eau raffemble les paillettes,
ou plûtôt elles fe dépofent dans tous les endroits où la vio-
lence du courant de l’eau fe rallentit, comme cela arrive
dans les finuofités, dans des enfoncemens, à la pointe infé-
rieure d’une ifle, &c. ce qui fe rencontre fréquemment dans
le Gardon; & ce n’eft que dans ces endroits qu'on cherche
les paillettes & qu’on les fépare du fable, au moyen de l'eau,
d'une couverture de laine & du mercure.
Quelques-uns, pour expliquer l'origine des paillettes d'or
de nos rivières, ont recours à des fontaines aurifères, à des
Mém, 1747: N'AIAZE
730 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
mines particulières , qu'on ne connut jamais dans le pays:
les Sévennes font, à cet égard , une mine générale que les
feules pluies, avec les rivières, peuvent exploiter ; auffi les
orpailleurs ne font jamais mieux leurs affaires qu'après de
grandes pluies qui ont fait déborder les rivières.
Il eft temps de venir à quelques obfervations générales
fur les terreins que je viens de parcourir : je les accompa-
gnerai de quelques eflais d'explications, de quelques con-
jectures que je hafarderai fur différens phénomènes ; elles
paroîtront peut-être intéreffantes aux amateurs de l’hiftoire
naturelle & à ceux qui travaillent à des fyftèmes fur la théorie
de la Terre, elles leur fourniront peut-être, ou de nouvelles
idées, ou des fujets de doute, ou enfin des motifs pour faire
de nouvelles recherches.
En premier lieu, quelque foin que j'aie pris dans les
courfes & dans les recherches que je fais depuis environ cinq
années , je n'ai pü trouver encore aucune trace de coquillage
pétrifié, ni aucun autre foffile du règne animal ni du végétal,
dans les rochers & les terroirs de granite, de talc ou de
mica des Sévennes, & encore moins parmi le quartz où le
criftal de roche qui s'y trouve mêlé: j'ai fi fouvent répété cette
obfervation, que j'en ai fait des gageures, & que cela pafle-
roit chez moi pour une maxime en fait de minéralogie, ft
on pouvoit en établir fur les obfervations particulières d'un
feul pays.
2. La neuvième chaîne dont j'ai parlé, qui n’a, de même
que le terroir des Sévennes, aucun foffile tiré des animaux,
en contient cependant une prodigieufe quantité du règne
végétal, & ce n'eft qu'aux bords des mines de charbon qu'on
les trouve conflamment ; il n’y a rien qui en approche ni
dans les mines elles mêmes, ni dans les rochers qui les ac-
compaignent , qui font des rochers graveleux, des vrais /os ou
pierres à aiguifer ordinaires, ce qui eft une fingularié très-
remarquable. Je n'ai de même jamais aperçû aucune plante
pétrifiée dans nos marbres, dans nos rochers coquilleux ; ils
né contiennent que des débris des animaux marins : les mines
DES SCIENCES, 731
de charbon n'ont, d'autre part, que des plantes terreftres ;
cependant la chaîne de ces mines eft au milieu des terreins
à coquillages. Pourquoi ne refte-t-il fur cette chaîne aucune
trace du paflage de la mer, foit que le terrein qui porte les
coquilles ait été le lit de la mer qu'elle a abandonné peu à
peu, foit que la mer foit fortie d'un autre lit pour inonder
ces terreins ?
Il eft bon de remarquer que ces plantes pétrifiées des mines
de charbon diffèrent de celles qu'on trouve dans les tufs par
le grain, par la confiftance & par la place qu’elles occupent ;
les premières font très-fouvent à de grandes profondeurs fur
1e fommet de montagnes sèches & arides; au lieu que les
plantes des tufs, dont la pétrification eft récente & fe fait
tous les jours, font dans des endroits bas & à portée de l’eau
de quelque fontaine qui ies arrofe, & cette pétrification qui
fe fait à l'air, eft toûjours plus tendre & plus légère que celle
des plantes de nos mines. On peut conjeéturer avec fonde-
ment, par la place que ces derniers fofliles occupent, que
leur pétrification eft au moins auffi ancienne que l'élévation
des montagnes, & qu'elle s’eft faite dans des endroits plus
bas ou plus à portée de l'eau : pour qu'une pétrification fe
fafle , il faut que les fucs pétrifians foient diflous, & qu'ils le
foient Iong-temps.
3° Les terroirs des deux obfervations précédentes, entiè-
rement dépourvûs de coquillages foffiles, femblent être en
revanche la matrice propre de toutes fortes de minéraux &
de mines métalliques, dont quelques-unes furent ancienne-
ment exploitées, d'autres le font encore aujourd'hui : telles
font les mines d'argent, de plomb & de cuivre à Bahours,
à Villefort, à Carnoulet, & celle d’antimoine à Malbos auprès
de Saint-Ambroile.
Les mines de plomb & d'argent minéralifés les plus abon-
dantes, celles qui promettent le plus, font celles des filons.
Les filons font des veines pierreufes & criftallines qui tra-
verfent les rochers & qui portent un minéral au milieu de
leur épaiffeur; ces veines pierreufes font très-différentes de
Zzzz'ij
732 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
celles que nous avons remarquées ci-devant dans les rochers
de marbre, de talc & de granite, qui font étroites, de peu
d'étendue, très-multipliées, la plûpart tortueules, incertaines,
mais qui de plus font toûjours d’un même genre de pierre
pour chaque genre de rocher. Les filons au contraire, ceux
au moins que j'ai vôs dans nos Sévennes, font rares; ils ont
environ un pied d’épaifieur, ils plongent de champ dans la
terre, ou plütôt dans les rochers, avec une inclinaifon toûjours
à peu près la même, qui eft de 30 à 40 degrés; ils s'étendent
de cette façon à plufieurs lieues en longueur, ils traverfent
quelquefois plufieurs montagnes de fuite, toûjours en ligne
droite, & cette direction n'a rien de commun avec celle
des lits & des bancs des rochers qu'ils ne fuivent point,
comme le font les petites veines. Outre cela, les filons
des mines de plomb & d'argent contiennent à la fois diffé-
rentes matières, comme du quartz, du fpath, du minéral
de cuivre & de plomb, & de la pyrite, qui forment des
mafles féparées : & au défaut de la mine, qui occupe ordi-
nairement le milieu, on y trouve du mica, du talc tranf-
parent, du verre de Mofcovie, &c.
Lorfque le filon aboutit à la furface des terres, on ne
trouve d'abord qu'un minéral imparfait qu'on appelle /4 mine
morte, d'une couleur matte & noirâtre, ce qui annonce que
le filon eft métallique; & on en augure bien, fur-tout fi, à
mefure qu'on creule, cette couleur s'éclaircit, & fi l'on trouve,
comme on dit, des mouches de plomb, c'eft-i-dire, des grains
épars de bon minéral. I paroît par-là que l'action de l'air a
été un obflicle à la formation des métaux, à l'arrangement,
à la combinaifon, à l'union de leurs parties, lorfqu’elles
étoient difloutes, & qu’elles nageoient dans celles du filon
qui leur fert de matrice. J'entrevois une foule de difficuhés
dans la formation des filons, dans leur compofition , leur
forme, leur direétion, dans leur pofition à l'égard du rocher
environnant, dont ils ne font féparés d'un côté que par une
légère couche de terre, ce qu'on nomme l'éponte : mais cet
examen nous méneroit trop loin; je dirai feulement qu'il ya.
D'IEis" SIC'N'E/NAC Es 733
telles de ces difficultés qui font très-embarraflantes pour ceux
qui veulent tout expliquer dans la formation de la terre,
4° I n’y a abfolument de coquillages pétrifiés (au moins
n’en ai-je point vü ailleurs) que dans les terres & les rochers
limonneux, & dans les quartiers qu’on nomme dans le pays
terre fromentale , terre de cauffe , terre de blanqueiras , ce qui
revient à peu près au même, Je comprends fous le nom de
pierre ou de rocher limonneux, non feulement les marbres, les
pierres à chaux, mais encore celles qui, fans être pierres à
chaux, ont un limon pour bafe*, quelque couleur qu’elles
aient, de quelque confiftance qu'elies puiflent être; les bé-
lemnites, par exemple, ne fe trouvent chez nous que dans
des pierres mortes, & ces fortes de pierres, quoiqu'elles foient
calcaires & que leur bafe foit limonneufe, ne donnent jamais
de la chaux lorfqu'on les fait calciner à l'ordinaire, parce
qu'elles ne font pas pénétrées de fucs pierreux propres à fe
convertir en chaux.
5-" J'ai vü fouvent des montagnes dont le terroir & les
rochers étoient limonneux & engagés aflez avant, comme des
prefqu'ifles dans le terroir des Sévennes ; d’autres en étoient
entièrement entourées & s’y trouvoient ifolées (ce qui a beau-
coup de rapport avec ce que j'ai déjà remarqué dans la fe-
conde obfervation ) : j'ai fouvent rencontré des coquillages
fofiles fur ces montagnes, mais jamais dans le terroir des
Sévennes qui les touche ou qui les environne.
Si c’eft ici un effet du hafard, qui ne fe trouve cepen-
dant jamais fi conftamment répété, pourquoi les coquillages
fofiles affectent -ils dans tous les cantons que j'ai parcourus,
* Quoique le fimple coup d'œil
fufife à ceux qui fe font exercés à
connoître les pierres, pour leur faire
diftinguer fur le champ de quelle na-
ture font celles qui leur tombent fous
Ja main , il y a cependant un excellent
moyen que donne M. de Reaumur,
pour S'afarer f: elles font limonneu-
fes : on pulvérife la pierre, on lave
enfuite & l’on détrempe dans l'eau la
pouflière qui en provient ; dès que
l’eau eft fufffamment repofée, & que
tout elt précipité, fr la pierre étoit
limonneufe , on trouve dans. les pre…
mières couches de ce qui s’eft dépoié,
un fédiment duétile, ou qui peut'fe
pêurir, & qui a les autres propriérés
du limon qui fervit d’abord de bafe
à la pierre durcie par les fucs pétri-
fans, 5
Zzz2 iij
734 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
un certain genre de pierre préférablement à fout autre? Sj
ces différens terroirs furent voifins de tout temps, pourquoi
les coquillages ne font-ils point répandus indifléremment
fur les uns comme fur les autres? s'ils font des dépôts de
la mer, les terroirs qui ne portent pas les marques, foit de
fon féjour, foit de fon paflage, auroient-ils paru depuis! Les
montagnes des Sévennes auroient-elles été pour lors cachées
& couvertes par d’autres terroirs ?
Je fais que dans la philofophie des fiècles précédens, ce
phénomène n'auroit caulé aucun embarras : les produétions
les plus régulières, les plus conflantes, pafloient pour des jeux
de la Nature, & cette Nature étoit un mot vuide de fens:
certain terroir pouvoit engendrer tels ou tels fofliles, tandis
qu'un autre en engendroit d'une autre efpèce, & cela ne
fouffroit pas de difhiculié. Une meilleure phyfique & de bon-
nes obfervations ont ramené à des fentimens plus raifon-
nables ; on eft plus difficile aujourd’hui fur ces prétendues
générations, on ne connoît que celles qui viennent des plantes
ou des animaux; c'eft à ces derniers qu'on rapporte avec
raifon les coquillages fofliles; quelque métamorphofe qu'ils
aient éprouvée dans le règne minéral, ils font, dès leur ori-
gine, l'ouvrage des animaux qui les ont habités, ils en faifoient
partie : il feroit inutile d'en apporter des preuves, il n'y a
qu'un fentiment fur cela parmi les plus favans Naturaliftes,
& même parmi ceux qui, fans avoir étudié la Nature, ont
des yeux & du difcernement, & ne font point entètés des
préjugés des anciens.
Mais de plus, les coquillages foffiles étoient originairement
de la mer:les plus incrédules peuvent sen convaincre par
F'exacle reffemblance qu'ont la plüpart des efpèces avec celles
qu'on tire de nos côtes ou des mers étrangèrts. Il eft vrai
qu'il y a des coquillages foffiles de terre ou de rivière, qu'on
voit figurés dans quelques Auteurs; mais ces fortes de foffiles
fe trouvent rarement; ce qui doit faire préfumer qu'il y en a
réellement fort peu, de mème que des analogues du même
ordre qu'on trouve fur la terre ou dans les rivières dans l'état,
MUESSt ISNCITAEUN CES 735
naturel. C'eft par là qu'on peut d'abord les diflinguer des
coquillages de mer pétrifiés ou non, le nombre prodigieux
de ceux-ci pouvoit feul former ces amas immenfes que nous
avons remarqués fur quelques-unes de nos chaînes. On fait
d’ailleurs que les plus grands coquillages terreftres ou flu-
viatiles n’approchent pas de Ja taille d’un grand nombre d’ef-
pèces qu'on trouve tous les jours dans la mer.
Ce qui met ce point encore plus hors de doute, c’eft que
les coquillages foffiles portent d'autres coquillages qui leur
font adhérens, tels que des tubulites, des oftracites & des
balanites ; ce qui eft un caraétère exclufif pour es coquillages
& pour tous les corps folides qui appartiennent à la mer.
Ces coquillages accefloires, & qu'on peut appeler parafites,
font, par rapport à nos foffiles, ce que font en fait d'antiques
certaines marques qui n'échappent point aux connoïffeurs,
& qui leur font diftinguer un morceau d’une antiquité recu-
lée, une médaille frappée au bon coin, d'avec des pièces
modernes & contrefaites.
6.° Dans les pierres qui contiennent le plus de coquillages
& d'autres dépouilles de la mer, comme dans certains mar-
bres appelés {machelle, rances, rc. je n'ai jamais aperçû dans
les veines blanches qui les traverfent, qu'un fuc pétrifiant,
pur & criftallifé; il n’y a ni coquille, ni madrépore, quoique
tout le refte du marbre en foit entièrement tiflu, & ne foit
prefque tout qu'un détriment de coquilles. Mais il ne faut
pas prendre pour veines dans les marbres toutes les parties
blanches qu'on y aperçoit, & qui ne font bien fouvent que
des madrépores, des aflroïtes, des rétépores, & enfin diffé-
rens coquillages naturellement blancs, & qu'il eft aifé de
reconnoitre à leur forme: à leur contour, & à leur orga-
hifation. En y repardant de près, on verra que le grain des
veines qui s'étendent en long eft tout différent, & que dans
Yefpace qu’elles occupent, il n’y a dans leur criflallifation
aucune matière étrangère : les madrépores, les coquillages
font dans le limon durci, dans la partie colorée, ou dans celle
où le marbre eft plus opaque. Les gerçures & les fentes qui,
736 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
en fe rempliffant d’un fuc criftallin, font l'origine des veines
pierreufes; ces fentes, dis-je, font donc poftérieures au dé-
pôt qui s’eft fait des madrépores & des coquillages dans le
limon, qui eft la bafe des pierres coquilleufes. :
La remarque précédente doit également avoir lieu, à
quelques égards, pour les marbres blancs, les marbres ftai
tuaires, les albâtres de différentes efpèces, les différens gyps,
& enfin pour toutes les pierres calcaires qui ne font formées,
comme les précédentes, que d’un fuc pierreux criftallifé &
durci, fans aucun mélange de terre ou de limon. On ne
trouve jamais dans ces fortes de pierres ou de rochers, ni
coquillage, ni madrépore, ni aucun autre débris de la mer,
quelque voifins que foient ces rochers, de ceux où les co+
quillages foifonnent, & qui ont pour bafe un limon.
7." Les rochers des montagnes qui font par lits inclinés
à l'horizon, ont des inclinaifons différentes dans chaque
montagne ; ces lits ou ces bancs font ordinairement droits
& ne fuivent point la convexité de la montagne, ce font
comme plufieurs tables pofées l’une fur l'autre ; elles penchent
toutes également d'un même côté, & ce côté fe perd dans
la terre, tandis que le côté oppofé relève de façon qu'on
pourroit compter le nombre des bancs par celui dés tranches
qu'ils préfentent ; c'eft ce que j'ai remarqué plufieurs fois
dans nos chaînes, dont les montagnes ont un côté efcarpé,
. qui n’eft pas toljours vers un même endroit, & l'autre côté
forme un talus. Si les montagnes fe font élevées de terre
dans un bouleverfement, ce fera fans doute par le côté qui
eft efcarpé : j'ai vû plus rarement des montagnes dont les
bancs en fuiviflent la convexité, & fuflent pliés dans les
vallons.
8.° Enfin, il y a des montagnes dans le Gévaudan, les
unes de granite, les autres de talc, dont le fommet ef ter-
miné par un ou plufieurs bancs de rochers de chaux ou li-
monneux; mais je n'ai jamais remarqué que réciproquement
ce dernier genre de rocher fervit de bafe aux précédens, ou
qu'il fût furmonté par des rochers de tale ou de granite:
| dans
DE SIUS TG T/EIN € HSIOU Ie 7
dans le premier cas, l'inclinaifon des lits ou des feuillets. des
rochers talqueux, n’avoit rien de commun avec celle des
bancs des rochers limonneux : on verra peut-être la raifon
de cette fingularité & de quelques autres phénomènes, dans
un eflai d'explication, & dans la fuite des réflexions que
j'ajoûterai aux obfervations précédentes.
Dans tous les endroits du royaume où il y a eu des obfer-
vateurs, on a trouvé des coquillages pétrifiés ; & il paroît
par les ouvrages des Savans étrangers, & par les relations des
voyageurs, qu'on peut en dire autant des autres Etats de
l'Europe, & des autres parties du monde. On trouve par-
tout des débris de la mer dans l’intérieur des rochers des
pays les plus méditerranés, ou les plus éloignés des mers;
& j'ofe dire que s'il y a fur cela quelqu'exception à faire,
elle ne vient probablement que de la nature des terreins, ou
de la place qu'ils occupoient lors du dépôt des coquillages,
& des autres débris des animaux.
Cette efpèce de foffile f1 généralement répandue, prouve
fans doute, ou que les continens d'aujourd'hui furent autre-
fois le lit ordinaire de la mer, ou qu'ils furent inondés par
le débordement de fes eaux ; des bras de mer, des golfes,
des baies, & d’autres pareils enfoncemens de la mer dans
les continens, quelque multipliés qu'ils fuffent, ne fuffroient
point pour fatisfaire à toutes les obfervations.
Il faut donc néceffairement admettre un déplacement
général de la mer, de quelque façon qu'il fe foit fait, & que
fes eaux aient dépolé, tant fur le premier lit qu'elles occu-
poient, que fur les continens qu’elles ont inondés, plufieurs
- couches de limon ; qu’elles aient répandu les coquillages in-
différemment, & à peu près également dans tous les endroits
où elles fe font portées; & dès-lors il eft évident que les
anciens rivages & le premier lit de la mer ont dû contenir
beaucoup plus de coquillages, que les continens des mêmes
temps, qui n’ont eu que ceux que l'agitation de l'eau ou les
courans y auroient tranfportés. En fuppofant que tous ces
coquillages engagés dans le limon furent pénétrés, comme
Mém 1747: . Aaaaa
738 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
lui, des fucs pétrifians mis en diffolution & répandus par-
tout au moyen de l'eau, le limon & les coquillages ont dû
être liés enfemble par la même pétrification , & ne faire
qu'un rocher qui aura régné dans tous les endroits que la
mer aura couverts.
Delà toutes les pierres à coquillages font des pierres limon-
neufes : les cailloux même qui portent des coquillages & qui
paroiffent être d’une nature fi différente des rochers calcaires
& limonneux, font toüjours entourés d’une craie qui eft une
efpèce de limon*, au milieu duquel les cailloux vagues, ifolés.
& arrondis femblent fe former tous les jours dans certains
endroits : de-là encore on comprend que les endroits où les
coquillages foffiles font ramaflés en plus grande quantité, ont
fait probablement partie, ou des rivages, ou de l'ancien lit
de la mer: fi on en trouve de grands tas dans lefquels une.
feule efpèce domine, c'eft que certaines efpèces de coquilles
(comme on le voit tous les jours parmi les poiffons } abon-
dent davantage fur certaines côtes, & s’y multiplient plus
ue dans d’autres.
Un pareil déplacement des eaux de Ja mer fournit des,
explications pour bien des phénomènes, mais il ne fufht!
point encore; il faut en admettre un autre, générl ou parti-
culier, qui s’eft fait dans les parties folides du globe, & auquel
on doit rapporter l'élévation ou la formation de la plûüpart
des montagnes. On a vû différens veftiges de ce déplacement
& de différens dérangemens, dans le courant de nos chaînes.
& dans ce que nous avons dit du terroir des Sévennes; & :
lon ne peut nier, d’après les obfervations faites dans ces der-
niers temps, que la géographie, ou plûtôt que la fituation.,
des terreins les uns à l'égard des autres. n'ait beaucoup changé
* J'ai trouvé bien fouvent de ces | monneufe, tendre, lésère, fpongieufe,,
fortes de cailloux recouverts d’une | qui ne reflembloit aucunement aux
croûte épaifle de pierre crétacée & | cailloux ; cependant, en la caffant par
limonneufe, qui étroit affez tendre | le milieu, je remarquai qu’elle portoit
pour qu'on la pût ratifler avec le | dans fon centre un commencement
couteau. J'ai eu occafion de même, | de vrai caillou, d’où le fufil tiroit des
de voir des quartiers d’une pierre li- | étincelles,
DAELSUIS ACTE N° CEE 739
depuis la création ; les mers & les continens ont d’autres
limites & fe font mutuellement déplacés.
Les coquillages pétrifiés, de même que les nee foffiles
du règne animal ou du végétal, font, pour ainfi dire, les
médailles & les monumens fur lefquels on peut découvrir
les époques & les circonftances de cette partie de l'hiftoiré
naturelle; ce font des témoins fubfiftans de ces événemens;
ils annoncent par-tout où on les rencontre, des révolutions
arrivées à la furface du globe : ils dépofent fur-tout bien clai-
rement, 1.” que la formation des montagnes & des rochers
limonneux & calcaires ne remonte pas jufqu'à l'antiquité la
… plus reculée ; 2.° que tous les rochers coquilleux ont été
- formés d'un limon & d’une pâte qui fut moile dans fon
origine, lorfque les coquillages & les autres foffiles y furent
mêlés & confondus; 3.° que les montagnes & les rochers
furent entaflés ou élevés long- temps après la génération &
la vie des coquillages qu'ils ont enveloppés & qu’ils con-
tiennent; 4.° enfin le mélange & l’intime union des coquil-
lages avecles rochers, prouvent que les uns & les autres eurent
le même fort, que leur pétrification {e fit dans le même
temps, qu'ils furent élevés à la fois au deflus des plaines,
qu’ils éprouvèrent enfemble les mêmes agitations & le même
bouleverfement.
Je puis ajoûter que fi les coquillages pétrifrés donnent une
marque de nouveauté ou d’une moindre antiquité aux mon-
tagnes fur lefquelles on les trouve, on peut bien foupçonner
que l’époque des montagnes de leur voifinage, qui ne con-
tiennent aucune efpèce de pétrification de plantes ou d’ani-
maux , eft de même plus rapprochée, qu'elles ne font pas plus
anciennes que les premières, qu elles ont éprouvé des dé-
rangemens pareils, & que c'eft à ces dérangemens qu'elles
doivent {eur formation ou leur élévation.
I faut recourir à de pareilles conje@tures & à ces fuppo-
fitions de dérangemens qui ont fait élever les montagnes,
pour expliquer d’une manière plus plaufible pourquoi les
coquillages affectent tellement un certain genre de terrein,
si Aaaaa ij
749 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
qu'on n'en trouve conflamment jamais dans d'autres qui
font attenans; pourquoi une montagne à coquilles n'en a
fouvent qu'à fon fommet, tandis que tout le bas, qui eft d'un
autre genre de terrein, en eft entièrement dépourvü ; pour-
quoi certaines montagnes portent dans leurs rochers élevés
des coquilles d’un grand volume, d’un teft fort mince, qui
font cependant entières & bien confervées; pourquoi enfin
on trouve à peu près autant de coquillages fur le haut des
montagnes efcarpées, que dans les plaines qui étoient plus
à portée de la mer.
On répond à ces difficultés d'une manière plus naturelle, -
en admettant des dérangemens, des bouleverfemens, dont je
crois avoir prouvé l'exiftence lorfque j'en ai fait remarquer
les veftiges. IL eft vrai qu'il eft plus aifé de les reconnoîitre
que d'en découvrir les caufes méchaniques, que d'en dé-
mêler les routes & d’en afligner les loix; ce ne peut être
le fruit que d'un grand nombre d’obfervations : que pourroit-
on conclurre de celles qui auront été faites dans un canton
ou dans un pays particulier, qui ne fût fujet à ètre démenti
ou contredit par celles qu’on fera ailleurs.
Quoi qu'il en foit, je vais propofer encore la fuite des
conjectures où m'ont conduit mes obfervations : celles que
j'ai déjà rapportées femblent indiquer que lorfque le limon
dépofé en différentes couches commençoit d'acquerir quel-
que confiftance, au moyen des fucs pétrifians dont il étoit
pénétré, le bouleverfement où le foülèvement des terres fe
fit fentir plus ou moins violemment dans les différentes par-
ties du globe, tant des mers que des continens, l'effet.ne fut
pas égal par-tout : fi les forces & les réfiflances furent plus
ou moins inégales, par une fuite naturelle certains endroits
aurônt gardé le même ordre des couches & la place qu'ils
avoient auparavant, la plaine s'y fera confervée, dans d’autres
les terres fe feront peu foûlevées & auront formé des buttes, des
côteaux ; fi les couches de limon étoient encore molles, elles
dûrent prêter & fe plier felon la convexité ou fa concavité
que le terrein prenoit en s’élevant : ailleurs les couches de
B'Esi SGEN ClE'S 7A®
limon , tant celles qui avoient été formées nouvellement, que
les inférieures qui formoient l’ancienne furface, furent foû-
levées d’un ou de plufieurs côtés à la fois ; fi leur limon fut
plus ferme, elles fe détachèrent, fans plier, des couches aux-
uelles elles étoient continues fur le même niveau : la tranche
“es premières fut mife par ce moyen à découvert ; on a pû
voir dans la fuite différens bancs de coquillages vers le haut
& vers le milieu de ce terrein élevé, c’eft-à-dire, les co-
quillages de l’ancien lit & ceux qui furent dépolés long-temps
après : {1 le foülèvement ne fe fit que d’un feul côté, ce côté
- plus élevé & détaché du refte doit être efcarpé, tandis que
le côté oppolé s’abaiffe en talus & eft recouvert de terre.
Enfin, dans certains cantons, tel que celui des Sévennes,
le foülèvement du terrein aura été plus grand & plus général;
le terrein des couches inférieures placé, dès l’origine du
monde, au deflous de toutes les couches de limon, fe fera
fait jour ; il aura percé les couches de terre, les bancs de
rochers anciens qui le couvroient de tout temps, 1 les aura
jetés ou écartés à l'entour de différens côtés, il aura paru une
nouvelle terre cachée auparavant au deffous de celle qui for-
moit la furface des continens & des lits des mer. : ce terrein
fera dépourvü de toutes fortes de débris d'animaux & de
végétaux, ce qui eft évident; mais en revanche, il aura mis
à notre portée les métaux qu'il renfermoit & qui lui font
propres, à lexclufion des autres.
Ce que je viens de dire en dernier lieu, convient aflez
bien au terroir des Sévennes tout hériffé de hautes mon-
tagnes fans aucune plaine; ce pays femble porter les caractères
d’une terre neuve cachée fous les terres à coquillages, lorfque
le dépôt s'en faifoit.
Quoique ce foülèvement des terres & des montagnes foit
un parti violent, une fuppofition des plus étranges, elle ex-
plique des phénomènes qui ne le font pas moins, elle fournit
des réponfes à des objections très-embarraffantes dans toute
autre hypothèfe ; celle que j'avance ici n’a d’ailleurs rien d’ab-
furde, & en ladmettant une fois, on peut rendre raifon de
Aaaaa iij
; 1
742 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Ja différence que les coquillages & les autres foffiles mettent
entre le terroir des Sévennes & ceux qui font limonneux : on
comprend de même facilement que le terroir des Sévennes
doit fervir quelquefois de bafe aux rochers de chaux ou li-
monneux, & que cela ne doit pas être réciproque; on voi
encore pourquoi les rochers limonneux d'une montagne n :
& entourée d’un terroir de talc ou de granite, contiennént des
coquillages pétrifiés, tandis qu'on n'en découvre aucun dans
le voifinage, pas mème fur le pied de cette même montagne,
fi fon terrein eft de différente nature, &c.
Je n'ai garde cependant de prétendre répondre à tout, d
concilier toutes les obfervations, en un mot, de batir un
fyftème; ce n'en font ici tout au plus que des morceaux dé-
tachés, ce font des matériaux encore informes que je laifle
à une main plus habile à rédiger & à mettre en ordre. Le
temps & de nouvelles obfervations donneront peut-être le
dénouement des difficultés qui m'arrétent aujourd'hui, &
rectifieront ces idées, s'ils ne les font cependant abandonner
entièrement. L
Je terminerai ce long Mémoire, & ce qui regarde le terroir
des Sévennes, par une oblervation que j'eus occafion de faire
en parcourant, dans une partie de Botanique, les montagnes
de l’Aigoual & de l'Efpérou, qui font les plus hautes des Sé-
vennes, qu'elles bordent du côté du couchant.
Je fus étonné de trouver fur ces hautes montagnes & à
très-peu de diftance de leur fommet, des vallons ou des fon-
drières d’une profondeur énorme & très-efcarpées des deux
côtés : cette profondeur me parut d'autant plus furprenante,
qu'il n’étoit pas vrai-femblable qu'elle eût été creufée par
les eaux pluviales, comme le font toutes les ravines; l'efpace
que ces eaux auroient parcouru pour arriver là, n'étoit ni
aflez long, ni aflez rapide pour former un torrent qui püût
creufer la terre & l'emperter : ce qui me confirma dans cette
opinion, c’eft que les deux côtés de ces vallons ou de ces
-_ profondes ravines étoient tout couverts d'une mouffe épaifle
& haute d'environ un pied, les fommités feules étoient vertes
:
Ÿ
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il
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Men, de LAc.R .des Sez747 Pay 743 Pl. 22.
&
3 Um, de l'AcR des Se.1747, Pag. 7438. PL 28.
Am de CAGR de 5 7747, Pay 74 PL ad
Mer: de lAc R des Scrrgy Pas 782024,
Fig 10
€ Hu LR tu (P n'a 7 al à # | did dd
À DE SUIS OUR SANTE ES. 743
des feuilles du bas de la tige étoient mortes, celles qui
” étoient tombées avoient formé un terreau entaflé de près d’un:
pied de hauteur : il étoit aifé de juger fur ces caractères, que
cette moufle avoit plufieurs années d'ancienneté, & que de
plus, la terre qu'elle couvroit, n'avoit été, depuis que la
moufle étoit {ur pied, ni écorchée ni emportée.
La Profondeur de ces vallons ou de ces ravines qui com-
mencent dès le fommet de ces montagnes, {eroit donc reftée
, la même pendant un temps très-confidérable, quoique pen-
dant ce temps, qu’on ne peut guère déterminer, il y eût eu
probablement d’auffi fortes pluies qu'il en tombe commu-
nément ; &-comme les pluies d’une ou de plufieurs années
{e reffemblent à peu de chofe près ou ne s'excèdent pas de
beaucoup en force & en quantité, les vallons de l'Efpérou
fe feroient donc confervés & auroient refté des fiècles entiers
dans le même état, & toüjours couverts de mouffe : rien
n'empêche alors de remonter & de dire qu'ils furent taillés
dans la forme qu’ils ont aujourd’hui, dès la formation des
montagnes & des vallées, & que les torrens ni Îes pluies
n'ont point de part à leur excavation.
Il eft à préfumer de même que le fommet de ces mon-
tagnes n'a point baiffé; les pluies y tombent de moins haut,
très-fouvent les nuages ne font pas plus élevés, je parle de
M ceux qui font prêts à fe fondre en pluie; je m'y trouvai une
fois enveloppé, & ce qui n’étoit alors pour moi qu’une légère
bruine, fut une groffe pluie au pied de la montagne. D'ail-
leurs, le fommet de l'Efpérou n’eft qu'une grande prairie, tout
eft couvert d’un gazon épais qui lie la terre & qui la foûtient ;
les brouillards, les pluies & la neige qui fe fuccèdent pendant
toute l'année, entretiennent la verdure & donnent une frat-
cheur continuelle aux plantes, dont la plüpart font graminées
& vivaces, en forte qu'il y a telle‘efpèce de fane d'herbe qui
peut avoir plufieurs fiècles d'ancienneté.
FIN.
QU
—.