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“1e
BMPSIOIRE
; D°E 1 |
LACADEMIE
REP LE
DES SCIENCES.
ANNÉE M DCCXLIX.
Avec les Mémoires de Mathématique & de Phyfique,
pour la même Année.
Türés des Repiflres de cette Académie.
ARR TAC MR,T S
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
MED CE EE EC
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Lab On D 3 dteré
LR ReE M
pau He REINE
POUR
L'HISTOIRE.
PHYSIQUE GENERALE.
UR les grands Froids obfervés en Sibérie. Page r
Sur un Elecfrométre. T
Sur l'effet de l'Eedricité appliquée à la guéri rifon de el
maladies.
Obfervations de Phyfique générale. 27
ANATOMIE.
Sur les ufages du grand nombre des dents du Requin, 90
Sur la firuélure des vifcères glanduleux, & particulièrement fur
celle des reins & du foie. 92
Obfervations Anatomiques. 104
CH YVM I E.
Sur une nouvelle efpèce de Teinture bleue. III
B\O;:T'AUN 1:Q U E
Sur la tranfpiration infenfible des Plantes. 143
Obfervations de Botanique. 147
TL ANBELE
ASTRONOMIE.
Sur les élémens de la théorie du Soleil, 149
Sur les Réfraëtions. 152
ME CT: AN; IS QERE;
Sur un nouveau principe général de Méchanique. 177
Sur le principe de la moindre action. 179
Machines on inventions approuvées par l'Académie en 1749.
182
Eloge de M. Amelor. 188
10:0:0:0:0:010:0:0:0:0:0/0:0:0:0100:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:01
mA :B; LA
POUR
LES MEMOIRES.
O BSERVATIONS du thermomètre, faites pendant les grands
froids de la Sibérie. Pa M. Derisee.) : Page
Recherches de Statique & de Dynamique, où L'on donne un
nouveau principe général pour la confidération des corps ami-
més par des forces variables, fiivant une loi quelconque. Pax
M. le Marquis DE COURTIVRON. 15
Expériences de l'Eledricité appliquée à des Parabtiques. Par
Mr: MoraAnDp & NoOLLET. 28
Elémens de la théorie du Soleil fur la fin du quinzième fiécie,
déterminés par les obervations de Walihérus. Pax M. Y Abbé
DE LA CAILLE. 40
ARTICLE I. De la hauteur du Pole à Nuremberg, à de
l'obliquité de l'Ecliptique au temps des obfervations de
Walthérus.
ARTICLE Il. Recherche du lieu de l'apogée du Soleil, au
temps des obfervations de Waltherus. SK
ARTICLE III. Recherche du mouvement de l'apogée du
Soleil. « S7
ARTICLE IV. Recherche de la grandeur de l'année folaire
moyenne. ibid.
Arricce V. Recherche de l'époque du moyen mouvement
du Soleil au commencement de l'année 1 $ 00. 58
ARTICLE VI. Recherche de la plus grande équation du
Soleil, à par conféquent de l'excentricité de fon orbite. $9
Mémoire [ur l'Ekdricité, contenant la defcription d'un Ele&tro-
mètre, ou d'un inffrument fervant à melurer la force élelrique.
Par M. le Chevalier d'ARCY. 63
, * ii)
T ABAUE
Second Memoire fur les Réfradions affronomiques , obfervées
dans la Zone Torride ; avec diverfes remarques fur la ma-
nière d'en conffruire les Tables. Par M. BOUGUER. 75
ARTICLE I. Réfraélions affronomiques obfervées en bas au
niveau de la Mer, à en haut dans la Cordeliere. pare
ARTICLE I]. Examen des hypothèfes propres à repréfenter
dans la Zone Torride les réfraétions aflronomiques pour le
niveau de la mer, à" pour les lieux diverfement élevés au
deffus. 84
ARTICLE III. Remarques à Obfervations fur les varia-
tions que recoivent les Réfractions affronomiques par les
différentes affections de l'atmofphére. 102
.
Hifloire des maladies E pidémiques de 1 749, obfervées à Paris,
en même temps que les différentes températures de l'air. Pax
M. MaLouIn. 113
Conffruttion d'un nouveau Tour à filer la foie des cocons. Par
M. DE VAUCANSON. 142
Recherches fur les ufages du grand nombre de dents du Canis
Carcharias. Par M. HÉRISSANT. 155
Defcription de deux efpèces de nids finguliers fais par des
Chenilles. Par M. GUETTARD. 163
Objervation de l'éclipfe de Lune du 2 3 Décembre 1 749- Par
* Mrs Cassini DE THury & MARALDI. 206
Obfervations fur les pernicieux effets d'une efpèce de Champi-
gnons, appelée par les Botanifles, Fungus mediæ magnitu-
dinis totus albus. Vaillant, n° 17, page 63. Par M. LE
Monnier Médecin. 210
Obfervations Botanico- Méteorologiques faites au château de
Denainvilliers proche Pluviers en Gätinois pendant l'année
1748. Par M. Du HAMEL. . 224
Memoire fur une nouvelle efpêce de Téinture bleue, dans laquelle
il n'entre ni Paffel ni Indivo. Par M. MACQUER 2 55
Second Mémoire fur la tranfpiration infenfible des Plantes. Pax
M. GuETTARD. 265
=
T À BULME
Occultations de quelques Etoiles par la Lune, obfervees pet-
dant l'année 1 749. Par M. L@Monnier le Fils. 318
Obfervation de l'échipfe de Lune du 2 3 Décembre 1 749. Par
M. LE MoNN1ER le Fils, 319
Obfervation de l'éclipfe de Lune du 2 3 Décembre x 749» faite
à Paris dans l'hôtel de Clugny. Par M. DE L'IsLe. 320
Cinquième Mémoire fur les glandes des Plantes, & le quatrième
fur 1 ‘ufage que l'on peut faire de ces parties dans l'établiffe.
ment des genres des Plantes. Par M. GUETTARD. 322
Olfervation de l'échipfe de Lune du 2 3 Décembre 1 749, faite
à l'Obfervatoire royal de Paris. Pa: M. DE Foucury. 378
Phafes obfervées en Ecoffe avant & après le milieu de l'éclipfe
du Soleil, le 25 Juillet 1748, au Château d'Aberdour.
Par M. 1e Monnier le Fils. 379
Obfervations anatomiques pour l'hifloire du Fœtus. Par M. DE
LA SÔNE. 385
Sixième Mémoire fur les glandes des Plantes, à le cinquième
fur l'ufage que l'on en peut faire dans l'établifement des
genres des Plantes. Par M. GUETTARD. 392
Æxpériences à Obfervations faites en différens endroits de l'Italie.
Par M. l'Abbé NOLLET. ' 444
ARTICLE I. Efeéricite. 445$
ARTICLE II. Vaiffeau de yerre qui paroït s'être rempli
d'eau par fes pores. 460
ARTICLE III. Botanique à Apriculture. 466
ARTICLE IV. Maçonnerie à Architeture. 473
ARTICLE V. Obfervations météorologiques, à fur le
éempérature de certains lieux. 483
Sur la Strudure des Vifcères nommés glanduleux, & particu-
lièrement [ur celle des reins &r du foie. Pa M. FERREIN.
489
s Anffruétion [ur les moyens de vérifier les principaux faits
rapportés dans ce Mémoire. 52:
TABLE. | ;
Réflexions Jur le principe de la moindre ation de M. de Mau-
pertuis. Par M. le Cfevalier d'ARCY. 531
Oëfervations météorologiques, faites à l'Obfervatoire royal. pen-
dant l'année 1749. Par M. DE FoucH*. 53
Memoire fur la caufe des mouvemens du cerveau qui paroiffent
dans l'homme 7 dans les. animaux trépanés. Par M. DE
LA MuRE, de la Société Royale de Montpellier. .s 4x
Fautes à corriger dans l'Hiffoire de 1 746.
Page 129, ligne 5, pour lui procurer [a paix", Lifèz pour leur procurer la paix.
Dans les Mémoires de 1746.
Page 127, ligne 24, pour couper le bois, lifez pour couper le lait.
Fautes à corriger dans "Hifloire de 1749 +
Page 8,ligne 9, s'approcher d'abord, lifez s'approcher du bord.
Page 27, ligne 24, de la Pozzolane, liféz la Pozzolane,
Page 46, ligne 16, auquel leur nombre, lifez auquel le nombre.
Page 74; ligne 14, les a tentées, Afez l'a tentée.
Page 117, ligne 25, ou craie, lfez ou avec une craie.
Page 124, ligne ro, le foufre paroît être de toutes les fubftances celle qui
ae plus d’affinité avec le fer, /ifez le-fer paroît être de toutes les
fubftances métalliques celle qui a le plus d’affinité avec le foufre.
Page 139, ligne 2, qui n’y exifle point, /fèz qui n’y exifloit point.
Page 140, ligne 27, par degré, lifeg par degrési
Dans les Mémoires de 1749.
Page 17, Février 1738: Au plus grand froid, .ifez Févrierr738 au plus
grand froid [ fans point après 1728, & fans capitale au mot Au].
Page so>, ligne 29, ces vaiffeaux font tous de même groffeur fans aucune
divifion , lifez ces vailleaux , je veux dire ceux que jai aperçûs,
paroiflent de même gerofleur & fans divifion. PHOER
Page 510, ligne 10, n'ont paru s'implanter u'anfverfalement-dansiles coë,
ticaux, lfez me paroiflent une çontinuation des vaifleaux corticaux.
A
$. F3.
HISTOIRE
HISTOIRE
L'ACADEMIE ROYALE
D CIE NNC'ES
Année M. DCCXLIX.
HOMO D OO OMOKOOMOOMOOOHOOMOKOMOKO!OHOK
PHYSIQUE GENFRALE.
CRE NE LSNCNREAN D 'S 0 FTROT DS
OBSERVE S EN SIBERIE.
J1EN ne froit peut-être plus incertain dans fa V. les M.
2] Phyfique que le degré du froid & du chaud, PT:
f1 on étoit réduit à s’en rapporter au feul témoi-
gnage des fens : indépendamment des caufes
2= particulières qui peuvent faire varier les impref-
fions qu'en reçoivent nos organes, il eft au moins certain
que le fentiment ne peut faire remarquer que les grandes
A
Hi. 1749.
CZ
2 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
différences, ni les exprimer que d’une manière affez vague,
&c par les effets qu'elles produifent : if ne faut pas s'en étonner,
les fenfations ne fourniffent aucune idée diftinéte, & il n°
a que les idées qui puiflent fe rendre par des paroles: I a
donc fallu imaginer quelque moyen de réduire les eflets du
froid & du chaud à des mefures exactes & précifes, pour
en pouvoir faire la comparaifon, & ce moyen eft le thermo-
mètre : avant l'invention de cet inftrument, on ne con-
noifloit les différens degrés de froid que par leurs fuites, &
c'eft de cetie manière que quelques Hifloriens ont pù con-
ferver à la poftérité le fouvenir de quelques hivers mémo-
rables. Calvifius rapporte, par exemple, que Jan 859 de
Vère Chrétienne, la mer Adriatique gela de telle forte, que
Yon pouvoit aller à pied de la terre ferme à Venife. La
mème chofe arriva, felon Sydenham, en 1709; & comme
alors on avoit des thermomètres, & qu'heureufement celui
dont fe fervoit M. de ia Hire s'eft confervé jufqu'à préfent,
on l'a comparé à ceux que Finduftrie des Phyficiens a réduits
à n'avoir tous qu'une même marche, & on a pü favoir que
le degré de froid qui, à Paris, avoit répondu à 1 $ + degrés
au deflous de la congélation dans le thermomètre de M. de
Reaumur, s’étoit fait fentir à Venife de manière à y faire
geler l'extrémité du golfe Adriatique, où cette ville eft fituée.
Le degré. de froid de 1709 a été long-temps le plus
grand dont on ait eu connoiffance dans ce climat; en effet,
les funeftes fuites qu'il eut, & qui n'en avoient que trop
confervé la mémoire, donnoient lieu de penfer qu'un plus
grand degré de froid feroit capable de détruire tous les êtres
organifés du climat où il fe feroit fentir, & on étoit encore
confirmé dans cette idée par celui qui avoit été obfervé en
Iflande en même temps, qui ne s’eft pas trouvé même fi grand
que celui qu'on avoit éprouvé à Paris lorfqu'on a réduit les
degrés du thermomètre qui avoit fervi à cette obfervation,
à celui auquel il répond fur les thermomètres d'aujourd'hui.
Mais depuis que les Obfervateurs fe font multipliés, &
que le génie des Sciences s’eft communiqué dans les parties
IVHENEUSTT OS € TENUE MEiESs.
les plus feptentrionales de l'Europe, on a vû que ce degré
de froid qu'on regardoit comme le plus fort que des êtres
organilés puflent foûtenir, étoit bien éloigné de celui qu'on
éprouvoit tous les ans dans certains climats, fans que les
hommes, les animaux ni les plantes du pays en fuflent trop
maltraités , & qu'il w’approchoit pas même de celui qu'on
obferve dans d’autres régions. C'eft l’hifloire de ces froids
extraordinaires , qui fait la matière du Mémoire que M.
Delifle a lu à f Académie fur ce fujet.
Avant de rapporter le précis des obfervations qui le com-
pofent , il eft bon de dire un mot des inftrumens avec lef.
quels elles ont été faites. Les thermomètres à efprit de vin
n'étoient certainement pas propres à cet ufage : cette liqueur,
qui dans ce climat eft toûjours incapable de fe glacer, gèle
en mafle dans les. pays feptentrionaux pendant la rigueur de
l'hiver ; il n’y a que ceux de mercure qu'on y puifle employer.
Le défaut de foûterrains aflez profonds pour conferver à peu-
près la même température , avoit empêché M. Delifle de fe
fervir en 1732, dans la conftruction des thermomètres de
mercure qu'il fit à Péterfbourg, de la méthode qu'il avoit em-
ployée à Paris pour conftruire ceux d'efprit de vin. Cette mé-
thode confiftoit à expofer fucceflivement fes thermomiètres à la
température des caves de l'Obfervatoire, & à la chaleur de
l'eau bouillante, puis partager en cent parties l'intervalle entre
ces deux termes, quel qu'il pt être; mais obligé d'y renon-
cer, il imagina de prendre tous fes degrés au deflous du
point où le mercure {eroit porté par l'eau bouillante, en fup-
pofant toûjours la mafle de mercure augmentée par cette cha-
leur d’un certain nombre de parties, ce qui, comme on voit,
donnoit des degrés inésaux dans les diflérens thermomètres
mais toûjours proportionnels, & qui fe peuvent rapporter à
ceux du thermomètre de M, de Reaumur.
Le premier ufage de, ces, thermomètres fut. d’oblerver à
Péterfbourg le froïd du.27 Janvier 173 2, les thermomètres
expoiés à, l'air, libre, defcéndirent au degré qui répond au
27° au deflous de la‘ congélation dans celui de M. de Reaumur.
| “Ai
4 HisToiREe DE L'ACADÉMIE ROYALE
, En confidérant que le froid de 1709 n'a fait defcendre ce
dernier qu'à 1547, on jugera aifément de la rigueur de la
faifon à Péerfbourg: c'eft le premier froid de cette efpèce
qui ait été obfervé exaétement ; mais, quoiqu'il nous paroiffe
extrême, & que pendant qu'il dura perfonne ne püt s'expo-
fer à l'air, même avec les meiïlleures-fourrures , cependant
M. Delifle a appris qu'en 1747 & au commencement de
1748 on en avoit obfervé un plus fort à Péterfbourg , le
thermomètre y étant delcendu au degré qui répond au 30:°
de celui de M. de Reaumur.
Quelque grand cependant que paroifle ce dernier degré
de froid, il n'eft encore que médiocre fi on le compare à
celui qui a été obfervé dans diflérens endroits , & dont M.
Delifle a dreffé une table, dans laquelle le froid de 1709,
qui s'y trouve compris, eft le moindre terme. Les voyages
ordonnés par lImpératrice de Ruflie, pour la recherche de
la communication de lAfie à l'Amérique, ont fourni un
grand nombre de ces obfervations ; les autres ont été tirées
de différentes relations.
Le plus grand froid obfervé en Europe, qui fe trouve
dans cette table, eft celui qu'éprouvèrent en 1737 Mrs
les Académiciens qui allèrent en Lapponie, pour mefurer
le degré du Cercle polaire ; le thermomètre y defcendit au
37.° degré de celui de M. de Reaumur : lorfqu'on ouvroit la
chambre chaude dans laquelle ils étoient enfermés , Fair de
dehors convertifloit fur le champ en neige la vapeur qui
y étoit contenue, & en formoit de gros tourbillons ; &
enfin on ne pouvoit s'expoler à l'air extérieur, fans éprouver
un froid qui fembloit déchirer a poitrine.
Probablement on a dû éprouver un froid approchant à
Québec en 1744 M. Gautier eftime que fon thermomètre
étoit defcendu au 33.° degré de celui de M. de Reaumur;
nous difons eftime, car le mercure étant rentré dans la boule
après le 3 2.° degré, ïl n’a pü avoir le dernier terme du froid
que par eftimation. Un froid prefque pareil s’eft fait fentir en
1746 à Aftracan, le thermomètre y eft defcendu au 24+
degré au deflous de la congélation.
DHES MS c' L'ÉMNNICHELS #18
Ce qu'il y a de fingulier, c’eft que Québec & Aftracan
font placés à peu près fous les parallèles de 46 ou 47 degrés,
qui répondent au milieu de la France ; preuve bien évidente
que le degré de froïd ne dépend pas toûjours de la latitude
du lieu où on l'obferve. On en fera encore mieux convaincu ,
en faifant attention qu'à Kirenga , fur les frontières de la
Chine, le froid a été oblervé de 66 + degré du thermo-
mètre de M. de Reaumur, quoique cette ville ne foit qu'à la
latitude de 57% 30” qui revient à peu près à celle de: Riga
& du nord de l'Ecofle, où on n'éprouve rien de pareil.
Le plus grand froid qui fe trouve marqué dans la table
de M. Delifle, eft celui qui a été obfervé à Yenifeisk en
Sibérie le 16 janvier 1735 au matin, le thermomètre a
baiflé pendant quelques heures à 70 degrés au deflous de
la congélation : nous difons quelques heures, parce qu'effec-
tivement deux heures auparavant & deux heures après il
étoit beaucoup plus haut. "
Ce dernier froid eft le plus. grand qui foit dans la
table de M. Delifle, parce que c'eft le plus fort qui ait
été obfervé jufqu'à préfent ; mais à en juger par les effets,
on en trouvera peut-être d'aufli terribles rapportés dans plu-
fieurs voyages.
H y a, par exemple, tout lieu de croire que ce fut à un
froid pareil que fut expofé le Capitaine Willougly , Iorfque
cherchant en 1553 le chemin de la Chine par la mer
feptentrionale, les glaces l'arrétèrent à Arzina en Lapponie
fous la latitude de 69 degrés, où il fut trouvé mort avec
tout fon monde l’année fuivante:
Les Hollandois qui, en cherchant le même paffage, furent
obligés de pañler l'hiver à la nouvelle Zemblen 1596, ne
fe garentirent de la mort, que la rigueur de la faifon leur
auroit infailliblement caufée, qu'en s'enfermant dans une
hutte qui n'avoit aucune ouverture, & dans laquelle ils entre-
tenoient un feu continuel ; malgré ce fecours, ils eurent
bien de la peine à s'empêcher d'avoir les pieds gelés ; leurs
habits & leurs fourrures étoient continuellement couverts.
À iij
6 H1STOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
de glace, & le vin {ec de Cherès, y étoit {1 parfaitement
gelé en mafle, qu'il fe diftribuoit par morceaux.
Mais à en juger fuivant les précautions qu'on a coûtume
de prendre contre le froid dans Jes pays {eptentrionaux, &
que M. Delifle qui les a priles long-temps fait mieux que .
perlonne, nous ne connoitlons rien de comparable au froid
qu'a éprouvé le Capitaine Middleton dans l'habitation des
Anglois à la baie d'Hudion, fous la latitude de 574 20”.
Les maifons de cette habitation font bâties de pierre, &
leurs murailles ont deux pieds d'épais ; les fenêtres font très-
étroites, & garnies de volets épais que l'on ferme pendant
18 heures au moins chaque jour. On y allume quatre fois
par jour de très-grands feux dans des poêles faits exprès, &
dont on ferme exactement les cheminées dès que le bois eft
réduit en charbon , on ne s’éclaire la nuit qu'avec des bou-
lets de vingt-quatre, rougis au feu, & fufpendus devant les
fenêtres. Malgré toutes ces précautions, toutes les liqueurs,
fans en excepter l'eau de vie, gèlent jufque dans les plus pe-
tites chambres & les mieux échauflées, & tout l'intérieur des
chambres & les lits fe couvrent d’une croûte de glace épaifle
de plufieurs pouces , qu'on eft obligé d'enlever tous les jours.
- De quelques fourrures qu'on foit enveloppé, nul ne peut,
pendant ce rigoureux. froid, s’expoler à air extérieur fans
rifquer de perdre, en rentrant dans les lieux chauds, la peau
de {on vifage & de {es mains, où même d’avoir quelquefois
les doigts des pieds & des mains gelés. Les lacs d'eau dor-
mante qui n'ont que dix à douze pieds de profondeur , gèlent
jufqu'au fond : la mer gèle à peu près de la même épaif-
feur; quoique la glace ne foit que de huit à neuf pieds à
lembouchüre des rivières & auxwendroits où la marée eft
forte, ces mafies énormes de glace fe fendent quelquefois
avec un bruit horrible, & qui égale celui du plus gros canon.
Quant à la terre, M. Middleton croit qu'elle n’eft jamais
entièrement. dégelée, car ayant fait fouiller à la profondeur
de cinq à fix pieds pendant les deux mois d'été, il la trouva
gelée & blanche comme la neige, lidess
À
DNEMS AS C:1'E NUCHE LS 7
I y a donc tout lieu de croire que le froid qu’on éprouve
à la baie d'Hudfon eft pour le moins auffi grand que celui
qu'on relfent en Sibérie; mais, pour en être parfaitement für,
il faudroit avoir des obfervations du thermomètre à la baie
d'Hudfon, & nous n'en avons pas encore : ce qu'il y a de
certain, c'eft que, quelque plaufibles qu'aient pü être les rai-
fons qu'on avoit de croire qu'un froïd beaucoup plus grand
que 1709 ne laïfleroit fubfifter ni animaux ni plantes, l'ex-
périence a décidé le contraire ; les aflertions phyfiques qui
ne font pas immédiatement fondées fur les faits, font fujètes
à éprouver un pareil malheur.
SUR UN ELECTROMETRE.
P LUS on eft au fait de la Phyfique expérimentale , & plus
on eft perfuadé qu'on ne peut apporter trop de préci-
fion dans l’examen & la mefure des effets dont on cherche
les caufes. Comme il eft extrémement rare que plufieurs ne
concourent à un phénomène qui paroït fimple à la première
infpection, il eft d'une importance extrême d’avoir des
moyens de difcerner les plus petites différences, qui fouvent
font les feuls moyens par lefquels linduftrie des Phyficiens
puifle parvenir à dévoiler les fecrets de la Nature.
Ce motif a déterminé Mrs le Chevalier d’Arcy & le Roy
à chercher le moyen de mefurer la force de l'électricité par
celle de quelques-uns de fes effets. Comme dans une matière
aufi neuve & aufli délicate H étoit néceffaire de diftinguer
jufqu'aux moindres changemens qui pouvoient y arriver, il
faloit que l'inftrument füt extrêmement mobile, & qu'il pût
obéir fans aucun faut aux variations fubites dont la force qui
lanimoit pouvoit être fufceptible : ce font ces deux qualités
que Mr d'Arcy & le Roy ont cherché à réunir dans leur
électromètre.
Une efpèce de pèfeiqueurs, compolé d’une fiole de verre
de forme ovale, dont le col eft une longue verge cylindrique,
V. les M.
p. 63.
8 HiSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
eft reçû dans un vaifleau auffi cylindrique rempli d'eau, &
dont l'ouverture eft fermée par une plaque ronde de métal ;
cette plaque eft percée en fon milieu d'un trou rond plus grand
qu'il n'eft néceflaire pour pañler le col de l'électromètre, & il
doit être retenu au centre de cette ouverture par un carré de
quatre fils d'argent très-fins attachés fur la platine dont nous
venons de parler, qui lui laïflent la liberté de fe mouvoir & de
gliffler de haut en bas où de bas en haut, fans lui permettre
de s'approcher d'abord de l'ouverture de la platine: ce col
doit être aufli terminé par une platine ronde de métal, qui y
eft attachée perpendiculairement par fon centre. L'électro-
mètre a dans fon intérieur une petite quantité de mercure,
qui fert, pour ainfi dire, à le lefter & à l'empêcher de s'in-
cliner; elle doit étre telle que le tout étant en repos, fon
fond touche prefque celui du vaifleau qui le contient.
Dans cette fituation, la plaque qui ferme l'ouverture de
ce vaifleau eft le plus près qu'il eft poffible de celle qui tient
au col de l'éleétromètre, & le tout demeurera en cet état
tant qu'aucune caufe étrangère ne rompra cet équilibre; mais
lorfqu'on communiquera l'électricité à toute cette machine,
alors les deux platines, devenues électriques, tendront mutuel-
lement à s'écarter, & cette répulfion fera le même eflet que
fi le poids de l'életromètre étoit diminué relativement à celui
de l’eau; il s'élevera donc jufqu'à ce que le poids de la partie
du col qui fera fortie de l'eau, foit égal à fa force répulfive
communiquée aux deux platines, & par conféquent les diffé-
rentes afcenfions de la platine feront proportionnelles à cette
force.
La difficulté étoit de mefurer les mouvemens de cet inf-
vument : un corps éleétrique ne peut fe trouver dans le
voifinae d'un qui ne l'eft pas, fans lui communiquer une
partie de fon électricité, & l'Obfervateur eût fûrement abforbé
une partie de celle de l'éleétromètre lorfqu'il s'en feroit appro-
ché pour mefurer fon élévation.
Mrs d'Arcy & le Roy ont trouvé un remède à cet incon-
vénjient ; un cadre fermement arrêté à quelque diftance de
l'éleétroniètre,
DES ScirENCESs. ÿ
Yéleromètre, contient une glace qui n'eft qu'adoucie, &
ur laquelle on à marqué plufieurs lignes horizontales à égale
“diftance les unes des autres: cette glace reçoit l'ombre de
l'éleétromètre, qui y eft renvoyée par une grofle bougie, &
TObfervateur peut melurer fur cette glace le chemin qu'a
parcouru la platine, fans craindre de dérober l'éleétricité de
Yinflrament : il eft vrai que par ce moyen ce n'eft pas l'éé-
vation abfolue de la platine qu'on melure, mais une quan-
tité qui lui eft toûjours proportionnelle.
Un avantage confidérable du nouvel inftrument, eft qu'on :
peut le conftruire de manière que fa marche {it précifément
égale à celle d'un autre déjà fait; car l'aétion de l'inftrument
dépendant de Ia grofleur du cylindre de métal qui lui fert
de col, il fera toüjours poffible d'y employer des cylindres
de même groffeur; il y a plus, on pourra toûjours prendre
pour degré l'enfoncement occafionné par un poids conftant,
par exemple, de huit grains, & par-là l'éeftromètre jouira
‘du même avantage que le‘thermomètre de M. de Reaumur:
on pourra par fon moyen comparer la répulfion électrique
obfervée dans des endroits diflérens.
Non feulement l'dettromètre peut fervir à la meftre dont
nous venons de parler,‘ mais. il peut encore être employé
comme inftrument pour faire un grand nombre d'expériences
électriques très-commodément & avec une grande précifion ;
propriété qui n'eft pas moins importante que celle de me-
furer la force de la répulfion élerique.
IL 2, par exemple, fervi à rechercher fi l'électricité d'un
corps eft comme fa mafle où comme fa furface : pour cela
on a polé au deflus d'un éleétromètre une efpèce de calotte
de fer battu : l'électricité, excitée par un même globe, a été
communiquée en même temps à cet électromètre & à un
autre ; on a exactement remarqué à quelle hauteur montoit
chacun des deux inftrumens , Enfuite, tout reftant en cet état,
on’ a verfé dans la calotte de fer aflez de mercure pour que
l mafle fût multiplie. plus de foixante fois : cependant,
malgré lénorme différence , de jeu de Finftrument fut
Hit 1749. . B
* Vy. Hi.
H747 be 10
%o HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
précifément égal plus de cinquante fois qu'on répéta cetté
expérience, l'autre électromètre fervant de témoin que la
force répulfive communiquée par le globe étoit toûjours de-
meurée la même.
Il feroit aflez naturel de penfer que cette expérience prouve
inconteftablement que l'électricité fe communique fuivant les
furfaces, & non felon les mafles; mais fi on veut bien faire
réflexion que f'éleétromètre ne melure que la force répulfive
de l'électricité, & fe rappeler les règles que nous avons don-
nées en 1747 *, d'après M. l'Abbé Nollet, pour juger du degré
d'électricité d’un corps, dont la principale eft de ne jamais s'en
rapporter à un feul effet lorfqu'on peut en examiner plufieurs,
on ne fera pas furpris que Mrs d’Arcy & le Roy ne fe foient
pas preflés de tirer cette condlufion de leur expérience.
Une feconde expérience, dans laquelle l'éleftromètre a fervi
comme inftrument, a été de voir frun corps tranfmettant fon
éleGtricité à un autre, lui en tranfmettoit toûjours la mème
quantité, quel que füt le volume du conduéteur. Pour cela
l'élettricité du globe aété conduite à un des électromètres
avec une chaîne, & à l’autre fucceflivement avec des fils de
fer d'inégale grofieur; & quelques changemens qu'on ait pü
faire à da groffeur (des fils, la répulfion éleétrique & l'afcen-
fion de linftrument ont toüjours été les mêmes.
On pourroit peut-être objeéter que l’éleétromètre pour-
roit être plus ou moins repouflé par le fond du vafe devenu
électrique, à raifon de fes différentes diftances à ce fond,
fans que pour cela la quantité d'électricité füt changée; mais
pour peu qu'on y faffe réflexion, cette objeétion fe réduira
bientôt à rien, étant conftant par d'expérience, qu'un corps
entièrement plongé dans un fluide, ne reçoit aucun mou-
vement par l'électricité.
Quant à la fenfibilité de T'inftrument , comme elle dé-
pend du diamètre de la verge cylindrique, elle eft, pour ainfr
dire, à volonté; celui de Mrs d’Arcy & le Roy a obéï à une
électricité fi foible, qu'on ne pouvoit tirer du corps éledlri-
que que des étincelles à peine fenfibles.
n'iéssuiSr CrE N'ACHEIS : tr
Le plus grand inconvénient que powrroit éprouver le
nouvel inftrument, feroit l'inégalité des degrés ! qui naitroit
de fes différentes poñitions à d'égard du cadre & de la Han-
terne ; mais ileft extrémemient aifé: de faire évanouir cette
difficulté en prenant toûjours pour degré, comme nous l'avons
dit, l'efpace qu'un poids conftant, comme huit grains, aura
fait parcourir à l'ombre de linftrument fur le cadre, quel que
puifle être cet efpace; par ce moyen l'électromètre deviendra
propre à comparer des différens degrés de force répulfive de
leGricité En pareïlle matière, on ne peut trop avoir de
fecours, ni trop de reconnoiffance pour ceux qui emploient
leurs veilles à les procurer.
SUR L'EFFET DE L'ELECTRICITE
:APPLIQUE'E A LA GUE'RISON
DE QUELQUES MALADIES.
EL. A propriété qu'a l'éleftricité d'accélérer l'écoulement
des liqueurs dans les tuyaux capillaires & l'accroif-
fement des plantes, & d'augmenter da tranfpiration du corps
animal, de laquelle nous avons parlé l'année dernière *,
ont dû naturellement faire efpérer qu'elle pourroit être un
puiffant remède contre la paralyfie , dans laquelle on éprouve
de fi favorables effets des fecouffes queles remèdes peuvent
exciter dans le genre nerveux. Ce fentiment paroït d'autant
mieux fondé, que les remèdes ordinaires ne: peuvent agir
wils ne faflent impreffion fur tout le corps animal , au lieu
que Yélectricité peut avoir le double avantage d'agir très-
Vivement fur les nerfs fans y laifler d'impreffion ficheufe, &
de pouvoir être appliquée comme un topique à da feule
partie qui en a befoin, fans intéreffer le refte du corps, &
fans caufér aucune fatigue au malade. Ce fut dans ki vüe
de vérifier un fait fi intéréflant, duquel même on citoit
déjà quelques exemples, que M*: Morand & l'Abbé Nollet,
à qui cette idée n'étoit rien moins que nouvelle, demandèrent
B à
V. les M.
p.28.
* Voyez Hif.
2748p. 1.
2 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
à M. le Comte d’Argenfon qu'il leur fût permis de faire à
Yhôtel royal des Invalides les expériences néceflaires pour
s'affurer de la vérité fur un point fr important. La prudence
des deux Obfervateurs ne laifloit aucun rifque à craindre, &
le zèle du Minifltre pour tout ce qui peut intérefler les
hommes en général & les foldats en particulier, ne lui per-
mit pas de balancer un moment pour accepter leur propo-
fition.
En conféquence, de fes ordres, les expériences furent
faites aux Invalides dans une falle bafle , où les Officiers de
cet hôtel fe firent un plaifir de procurer aux deux Acadé:
miciens tous les fecours qu'ils pürent defirer. M. Morand le
cadet, Secrétaire général des Invalides, fe chargea d’aflifter
à toutes les opérations, & d'en tenir un regiftre exact.
Les malades étoient affis fur une efpèce d'efcarpolette-;
formée de cordons de foie attachés au plafond, les pieds
polés d'abord fur .un gâteau de réfine, &. enfuite fur des
cordes ordinaires attachées aux deux côtés de fefcarpolette,
On voit par cette defcription qu'ils étoient parfaitement
iolés : l'électricité du globe leur étoit conduite par des chaïnes
de fer. On les tenoit en expérience chaque jour deux heures
le matin, 6 autant l'après midi; les membres afHigés étoient
nus, & on tiroit des étincelles, tantôt d’un endroit, tantôt
d'un autre, en y préfentant un morceau de métal ; enfin
de temps en temps on fit éprouver à quelques-uns des ma-
lades, la commotion électrique de l'expérience de Leyde.
Des quatre malades qui furent choïfis pour ces expé-
riences, le premier fur lequel M's Morand & l'Abbé
Nollet avoient déjà fait quelques épreuves en 1746, &
qui étoit très-vieux & très-infirme , tomba malade pendant
le cours des expériences , & mourut d'une maladie fr
éloignée d'y avoir le moindre rapport , que cet exemple
n'intimida perfonne, & n'empêcha aucun des trois autres
d’éprouver les mêmes procédés,
Le fecond ne fut éleGrifé que pendant environ fix jours;
parce qu'on saperçut que les jointures des parties affigées
DIEMS US) IC LE NCIS: 13
étoient nouées, ou pluftôt ankiïlofées ; ce qui mettoit un
obftacle invincible aux bons effets que on pouvoit attendre
de l'électricité. h
Le troifième étoit âgé de 27 ans, paralytique de tout
le côté droit à la fuite d’un coup de feu qui lui avoit brülé
l'œil gauche, ce qui, malgré fa fmgularité apparente, devoit
naturellement arriver, les nerfs fe croifant dans le cerveau,
& paflant d’un côté à l'autre avant d'arriver à leur origine:
il reflentoit depuis cet accident une douleur continuelle au
vifage, & fur-tout vers les finus furcilliers , la main gauche &
les doigts étoient fans mouvement, & la partie malade étoit
abfolument privée de tout fentiment.
Dès les premières expériences, es mufcles paralytiques ,
defquels on tiroit des étincelles , commencèrent à agir. On
étoit maître de faire fléchir ou redreffer quel doigt l'on vouloit,
en tirant l'étincelle du mufcle qui y répondoit. Au bout de
cinq à fix jours, on a remarqué que ces mouvemens deve-
noient plus fenfibles, fur-tout quand on avoit la précaution
de lui entretenir la main afHigée chaude, foit à l'aide d'un
manchon de peau d'agneau qu'il portoit pendant la journée,
foit avec des ferviettes chaudes dont il fe fervoit pendant
tout le temps de l'expérience.
. Au bout de vingt-deux jours, on commença à lui faire
éprouver la commotion de l'expérience de Leyde; il dit
qu'il avoit reffenti une fecouffe vive dans le bras où le {en-
timent étoit éteint, & les mouvemens furent auffi plus mar-
qués qu'ils ne l'avoient été par les étincelles. H effuya aufii
dans le cours des expériences, des fueurs & des picotemens,
& on vit fe former fur fa peau des rougeurs & des ampoulles
pleines de férofité.
Il eft bon de remarquer qu'aucun de ces mouvemens
m'étoient volontaires : ils ne s’exécutoient que par la contrac-
tion des mufcles, au moment que lon en tiroit l'étincelle :
cette circonftance fit foupçonner que les mufcles agifloient
d'une façon abfolument pañlive, & de la même manière que
ceux d'un cadavre appliqué aux mêmes expériences. Il étoit.
B üij,
’
14 Histoire DE L'ACADÉMIE Royare
aifé de s'en éclaircir ; on y appliqua le bras d'un mort, on
en tira des ctincelles très-foibles, & jamais on n'y put
occafonner aucun mouvement. Ïl eft donc bien conftant que
les mufcles n’agiflent point dans ces expériences, d’une façon
abfolument pafñve, & qu'ils y font affectés d'une efpèce de
fenfation qui les met en jeu.
Enfin, après cinquante jours d'expériences , le malade
voyant que tous les mouvemens involontairés qu'on exci-
toit ne rappeloient point en lui le volontaire qu'il defrroit
de rétablir, ne voulut plus fe prêter aux expériences; &
quoiqu'il n’en eût éprouvé aucun mauvais effet, il refufa
abfolument de les continuer.
Le dernier fur lequel on fit des expériences étoit âgé de
quarante-huit ans, paralytique depuis dix-fept, & cette pa-
ralyfie avoit commencé par une foiblefle dans les membres
fans attaque d’apoplexie en forme ; circonftance qui influa
dans le choix qu'on fit de ce malade, étant important de
s'aflürer fi l'électricité agiroit de la même manière fur des
paralyfies qui auroient des caufes différentes.
Dès la première fois qu'il fut éledrifé, on remarqua que
le mouvement de fes doigts étoit beaucoup plus fenfble
u'on ne lavoit obfervé dans les autres malades, & que
l'électricité communiquoit plus de chaleur aux parties afHigées.
Deux jours après il fentit pendant la nuit de la douleur
dans fon bras malade, & le même jour on obferva dans toute
‘étendue de lavant-bras des taches rouges, des ampoulles
& des véficules plus fortes qu'à l'autre malade.
Les fecoufles de la commotion électrique lui parurent
plus fenfibles dans le bras malade que dans le faim, & cette
différence s'eft foûtenue toutes les fois qu'on a répété l'expé-
rience. Du refte, il a préfenté tous les mêmes phénomènes
que l'autre malade, & après avoir fubi les expériences élec-
triques pendant quarante-un jours fans en reffentir aucune
incommodité, & fans qu'il parût que tous les mouvemens
involontaires l'euflent mis én aucune façon à portée d'en
exécuter de volontaires, on ceffa de l'électrifer.
DES SCIENCES. 15
Ces expériences ne paroiffent pas être favorables au fyflème
des guérifons électriques, cependant les variations qu'on y a
remarquées dépendent peut-être de tant de circonftances in-
connues , qu'on ne doit pas fe prefier d'en rien condurre ;
elles doivent feulement nous tenir en garde contre les faits
merveilleux qu'on s’eft peut-être trop prefflé de rapporter ;
cette réferve eft d'autant plus néceflaire, que dus le nombre
de ceux qu'on a le plus pofitivement aflurés, il s’en trouve
que l'expérience a conftamment démentis. On avoit avancé,
par exemple, comme un fait certain, que l'éledrifation accé-
ère le mouvement du pouls, & cela peut en effet être
arrivé à quelques perfonnes à qui Fappareil éleétrique en
avoit impofé aflez pour les effrayer; mais M. Morand ayant
refté fur l'efcarpolette pendant des heures entières, & ayant
fouflert qu'on lui tirât des étincelles de toutes parts, il n'a
jamais pû apercevoir la moindre différence de vitefle dans
fon pouls; d’autres perfonnes ont fait la même expérience
avec le même fuccès.
Toutes ces expériences conduifent à un même point de
vüe, peu favorable à l'impatience naturelle de l'efprit humain,
mais qui n'en eft pas moins vrai; c'eft qu'on ne peut trop
faire d'expériences avant que d'entreprendre d’en tirer des
réfultats, ni trop fe défier en Phyfique du merveilleux &
des fyfièmes précipités.
On en fera encore plus perfuadé fi on fait attention que
des faits, fur la certitude defquels on auroit pû en quelque
forte compter, fe font trouvés entièrement faux dès qu'on a
voulu les rappeler à des expériences prudemment conduites.
Un des principaux objets du voyage que M. Y Abbé Nollet
entreprit cette même année de faire en Italie, étoit de véri-
fier par lui-même & par des expériences bien conflatées, les
merveïlleux effets qu'on attribuoit depuis quelques années à
l'électricité, & de la vérité defquels le nom de ceux qui les
publioient fembloit être un für garant. Ces faits furprenans
pouvoient en général fe réduire à trois principaux; la tranf
miflion des odeurs à travers un tube ou un globe élerifé
V.les M,
P: 4dde
16 HisTorre DE L'ACADÉMIE RoyALr
& fermé comme hermétiquement; des perfonnes de tout
âge & de l'un & l'autre sèxe purgées lorfqu'elles fe faifoient
électrifer en tenant à la main des purgatifs violens, comme
un morceau de réfine, de fcimmonée, de gomme gutte, &c.
enfin des rhumatifmes goutteux & invétérés, des fciatiques,
des paralyfies , des ankylofes & quantité d’autres maladies
guéries ou très-confidérablement diminuées par l’éectrifation,
foit avec un cylindre de verre vuide , foit avec un pareil
vaiffeau rempli de drogues appropriées à la maladie, 4
Des faits de cette nature étoient bien capables de piquer
la curiofité de M. l'Abbé Nollet, tant par eux-mêmes que
par l'utilité qu'ils laifloient entrevoir ; auffr n'eut-il rien plus
à cœur en arrivant à Turin que de voir M. Bianchi, premier
auteur des purgations électriques, & d'obtenir de lui que
quelques-unes de ces expériences, qui avoient été tentées à
Paris & toüjours fans aucun fuccès, fuflent répétées entr'eux
& fous fa direction. Elles le furent en effet fur M. l'Abbé
Nollet lui-même & fur cinq autres perfonnes, tenant à la
main un gros morceau de fcammonée. L'effet en fut tel
qu'il l'avoit foupçonné, il n'en reffentit aucun qu'il pût attri-
buer à cette caufe; des cinq affiftans, trois n'éprouvèrent au-
cune purgation ; les deux autres dirent qu'ils avoient eu pen-
dant la nuit quelques mouvemens de colique & quelques éva-
cuations, mais l’un des deux étoit dans l'ufage des bouillons
de chicorée, qui, probablement , avoient eu plus de part que
l'élethricité à ce qui lui étoit arrivé; & le fecond chargea fon
récit de particularités fr peu vrai-femblables, qu'il détruifit ju
qu'à la moindre confiance qu'on eût pù avoir en fes difcours.
Le lendemain, l'expérience fut répétée fur fept perfonnes
que M. l'Abbé Nollet avoit choïfies avec foin, d'une efpèce
à n'avoir aucun lieu de fe défier de leurs difcours. Elle eut
le même fuccès, perfonne ne s’aperçut d'aucun effet de la
purgation éleétrique, un feul foupçonna qu'il avoit pà en
reffentir quelques-uns pendant la nuit; mais les faits qu'il
aléguoit étoient fr équivoques, qu'on n'en püût tirer aucune
iduction en faveur de la purgation électrique.
Le
n
DES ScrEeNces T9
-Le furlendemain, l'électricité étant plus forte que les jours:
précédens , les expériences furent encore répétées; les per-
fonnes qui y furent expofées, tenant à {a main un morceau
de fcammonée neuve, & Félectrifation durant, comme dans
les expériences précédentes, pendant quinze minutes, le fuccès
en fat parfaitement le même, & perfonne ne reflentit rien.
qu'il pôt attribuer à l'électricité,
Le même jour, on tenta l'expérience de fa tranfmiflion
des odeurs le Jong d’une barre ou d’une chaîne éleétrifée; on
appliqua un linge enduit de baume du Pérou fur la verge de
r qui recevoit l'électricité du globe, on y attacha le bout
d’une chaine de fer qui devoit tranfmettre l'odeur à fon autre
extrémité, garnie d’une boule de métal; mais on l'y attendit
inutilement, & il ne s'en tranfruit pas la moindre quantité
fenfible.
Le peu de fuccès de ces expériences fut attribu@à ce que
Péleétricité étoit trop forte : il étoit aifé de s'en éclaircir ; on
les recommença avec la machine même de M. Bianchi, &
l'électricité fe trouva aflez foible pour qu'on eût peine à tirer
des étincelles fenfibles de la chaîne qui fervoit de conduc-
teur, ou de la perfonne électrilée; malgré cette diminution
de force, les expériences ne réuffirent pas mieux, & perfonne
de ceux fur qui elles avoient été faites, n’en reffentit aucun
effet pendant les trois jours fuivans : il eft vrai que la nuit
du troifième au quatrième, M. l Abbé Nollet fut incommodé
d'une indigeftion & de douleurs de colique; accidens qu'il
regarda, avec raifon, bien moins comme des effets de l’éec-
tricité, que comme caufés par des radis qu'il avoit mangés
la veille, & par un verre de limonade à la glace qu'il avoit bû;
deux chofes que a délicatefle de fon eftomac ne lui permet:
guère de prendre impunément , avec quelque fobriété qu'il
puifle en ufer. |
Le peu de temps que M. l'Abbé Nollet avoit à refter à
Turin , l'embarras de trouver des malades de maladies conve-
nables, au témoignage defquels on!pût {e fier, & qui
gouluffent fe prêter aux expériences, l'empéchèrent de tenter
Hifl. 1749. Ce
138 Hisroire DE L'ACADÉMIE RoYaALr
des guérifons femblables à celles que M. Bianchi penfe avoir
opérées, foit par le moyen de l'électricité fimple, foit en
employant les intonacatures , où des drogues appropriées à la
maladie, enfermées dans les vaifleaux de verre qu'on élec-
trifoit par frottement; mais il eut la curiofité de recher-
cher les prétendues guérifons & ceux qui en avoient été
les fujets ou les témoins , & il réfulta de fon examen, que
fur cet article on avoit été la duppe de l'imagination des
malades ou de quelque circonftance étrangère, & que les
prétendues guérilons électriques de Turin ont été crues &
regardées comme certaines avec un peu trop de précipitation.
De Turin M. l Abbé Nollet fe tranfporta à Venife, où
un de fes premiers foins fut de fe faire annoncer à M.
Pivati, & de lengager à lui faire voir comment il faifoit
pafler par le moyen de électricité les odeurs à travers un
vaifleau @e verre bien clos, & comment les matières en-
fermées dans ce même verre perdoient une portion fenfible
de leur oids par l’électrifation. Le jour fut pris, & M.
PAbbé Nollet trouva chez M. Pivati une compagnie nom-
breufe qu'il crut n'avoir été convoquée que pour avoir plus
de témoins de fa conviétion : il fe trompoit cependant,
M. Pivati lui avoua que l'expérience de la tranfmiffion des
odeurs ne lui avoit jamais réufli que deux fois, quoiqu'il
eût fait à ce fujet un grand nombre de tentatives ; que
le vaiffeau dont il s’étoit {ervi les deux feules fois qu'il avoit
réuffr, étoit caflé, & qu'il n’en avoit pas même les morceaux ;
que quant à la diminution de poids des matières enfermées
dans le verre, il y avoit trop de monde dans fon laboratoire,
& il faifoit trop chaud pour qu’il pût tenter cette expérience
avec quelque apparence de fuccès. M. l'Abbé Nollet parla
enfuite des guérifons électriques rapportées dans les ouvrages
de M. Pivati, & en particulier de celle de l'Evêque de Sé-
bénico, mais il fe trouva qu'il n'étoit nullement guéri, &
précifément dans le mème état qu'avant d'avoir été éledrilé ;
enfin il prit congé de M. Pivati, l'avertiflant qu'il alloit
attendre pendant huit jours qu'il devoit encore paffer à Venile,
LU
DES SCIENCES. 19
que de meilleurs vaiffeaux, des drogues plus nouvelles & ua
temps plus favorable le miflent à portée d'être témoin de
quelques-unes defes expériences, mais il attendit inutilement,
& partit de Venife fans avoir rien vû en ce genre qui püt lui
confirmer aucun des faits qui avoient été publiés.
Au défaut de ces expériences qui ne furent point faites
en préfence de motre Obfervateur, il en cite d'autres faites
chez le même M. Pivati par M. Somis, Médecin de fa
Faculté de Turin; celui-ci eflaya de toutes les intonacatures,
même d'une que M. Pivati regardoit comme très-dangereufe
& très-afloupiffante, parce que le vaifleau contenoit deux
gros d'opium : mais après une très-Jongue éleétrifation, &
qui ne produifit d'autre effet que de le fatiguer inutilement,
lui-même & un des afliftans fe firent éle@rifer, tenant
chacun une once & demie d'opium dans la main, C'étoit
braver te Morphée de M. Pivati ; mais il fut infenfible à
cette efpèce d’infulte, & les deux Phyficiens ne dormirent
ni plus, ni moins, ni pluftôt qu'à leur ordinaire.
Suivant le projet de voyage qu'avoit formé M. f Abbé
Nollet, il devoit pafler à Florence ; il n'oublia pas d'y voir
M. Verati, & d’avoir avec lui des conférences détaillées fur
l'électricité médicale, & fur la tranfmiflion des odeurs. La
réponfe de M. Verati fut fimple & précife : il dit à M.
YAbbé Nollet qu'il lui avoit paru par plufieurs expériences
que lodeur du baume du Pérou qu'il avoit employé ,
s'étoit échappée du vaifleau qui le contenoit ; il montra en
même temps ce vaifleau, qui n'étoit fermé que par des cou-
vercles de bois quife pouvoient ôter ; & fur objection que
lui fit M. AbbélliMollet que les odeurs avoient pü fe tranf
mettre bien plus äifément par les pores du bois que par
ceux du verre, il en convint de bonne foi, & promit de
fufpendre fon jugement jufqu'à ce que de nouvelles expé-
riences euflent levé tous fes doutes ; qu'il n'avoit eu que
deux exemples de perfonnes qui euflent été purgées après
Y'éleétrifation faite à la manière de M. Bianchi, & que ne
voyant aucune autre caufe qui eût,pà opérer se cflet, il
1]
0 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
p'avoit pas héfité à l'attribuer à l'électricité , mais qu'il l'éprou-
veroit de nouveau fur un nombre fuffifant de perfonnes, &c
que fi l'expérience ne répondoit pas à idée qu'il en avoit.
conçue, il étoit prêt à réformer ce qu'il en avoit dit dans
fon ouvrage; qu'enfin les dix guérifons électriques dont il y
fait mention étoient arrivées de la même manière & avec
les mêmes circonftances qu'il les avoit déerites. En eflet,
M. l'Abbé Nollet vit lui-même le Religieux qui avoit été
le fujet de la cinquième de ces guérilons. Au refte, on voit
par le détail que M. Verati en a donné, qu'elles fe font faites
par degrés & dans l'ordre de la Nature, & non par une
opération fubite & prefque miraculeufe ; aufli M. l Abbé
Nollet n’a nulle peine à les admettre.
Toutes les perquifitions qu'il put faire dans toutes les
villes d'Italie par lefquelles il pafla, ne lui ofirirent rien qui
fût favorable aux intonacatures ni aux purgations électriques,
& il paroït prefque für que M. Pivati a été trompé par
quelque circonftance qu'il n'a pas aperçüe : il ne faut pas même
chercher trop loin cette circonftance ; en examinant le vai
feau qui lui avoit fervi dans les deux feules expériences qui
avoient réufli, il fe trouva fèlé d’un bout à l'autre; il n’eft
dofc pas étonnant qu'il ait laïflé échapper des particules des
matières qu'il contenoit, qui en aient tranfmis l'odeur &
diminué le volume ; & fi quelques perfonnes ont été guéries
en employant pour les électriler des vaifleaux remplis de-
drogues, tout ce qu'on peut leur accorder de plus, c'eft de
m'avoir pas nui à l'électricité.
On avoit afiuré M. Abbé Nollet que l'émail de Venife
ne s'électrifoit pas par frottement; étant + cette ville, il en
fit l'expérience, & réuffit parfaitement à l'électrifer. Hréfulte
de ce fait la confirmation d’une vérité déjà connue, que les
métaux qu'on vitrife pour donner à l'émail les différentes
couleurs qu'on fouhaite, deviennent fous cette forme fufcep-
tibles d'être éleétrifés par frottement, quoiqu'on ne puiffe
leur communiquer l'éleftricité de cette manière, lorfqu'ils
font fous celle qui leur eft naturelle, |
TPDPENSIAS © LE NNGNE re: 21
femble que dans l'étude de fa Nature, la fortune fe faffe
un jeu d'offrir aux Phyficiens des faits qui femblent fe con-
tredire; on vient de voir les raifons que M. Abbé Nollet a
eues de rejetter la tranfmiffion des odeurs & de la vertu de
certaines drogues à travers les pores du verre : on fait qu'on
conferve les liqueurs les plus fubtiles, dans des vaifleaux de
cette matière; cependant le hafard lui a offert en paffant à
Turin, un fait qui paroïît prouver que l'eau fe peut infinuer
dans un vaifleau fermé hermétiquement. On lui préfenta un
fragment du pied d'un verre, creux en dedans, fermé de
toutes parts, & dans lequel on voit diftinétement une liqueur
femblable à de l'eau, fans qu'on puifle deviner par où, ni
comment elle s’y eft introduite: ce fragment fut donné à
M. l'Abbé Nollet par le P. Garo, Correfpondant de F'Aca-
démie, qui le gardoit depuis Jong-temps, & il avoit été
trouvé au fond d'un puits que lon curoit..
La première idée qui fe préfenta à M. l'Abbé Nollet,
fut que cette efpèce de phénomène étoit l’ouvrage de l'Art;
muis il Va inutilement expofé à l'action de l'eau & des acides,
& même à celle du feu: il Ya foigneufement examiné avec
les plus fortes loupes, fans qu'aucun de ces moyens ait pü
manifefter la moindre ouverture par où le fluide qu'on voit
dans l'intérieur de ce morceau de verre, ait pû s’y introduire.
Tout ce qu'on pourroit foupçonner, c'eft que ce verre ayant
perdu une grande partie de fon poli, la pefanteur de l'eau,
aidée du poids de latmofphère, auroit pû forcer les parties
les plus ubtiles de l'eau à enfler quelques pores moins
étroits que les autres; mais En ce cas, pourquoi faction du
feu ne la feroit-il pas fortir par la même voie? il vaut donc
mieux attendre que quelque heureux hafard nous mette entre.
les mains l'explication de cette efpèce d'énigme, que de vou-
loir la deviner: c'eft une matière à expériences, & on peut
ètre für que M. f Abbé Nollet ne les négligera pas.
. La relation de fon voyage qu'il lut à l'Académie à fon.
retour, ne contient pas feulement les recherches qu'il avoit
faites fur Féleétricité, elle offe un grand nombre d'autres.
C üÿ,
22 HisroiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE
obférvations, nous ferons même obligés de féparer celles
qui font impriméés dans ce volume *, pour nous aflujétir à
Ja loi que l'Académie s'eft prefcrite, de préfenter les objets
qui entrent dans fon Hiftoire, fuivant l’ordre des différentes
Sciences auxquelles ils appartiennent.
Celles qui ont pour objet la nature des différens matériaux
qu'on emploie dans les bâtimens, ou pluftôt leur différence
d'avec ceux de même efpèce dont on fait ufage ici, & les réfle-
xions de M. l'Abbé Nollet fur la température de l'air qu'on
obferve en Italie, doivent appartenir à la Phyfique générale,
& nous allons en rendre compte dans la fuite de cet article.
On trouve dans le Piémont & dans beaucoup d'autres
endroits de l'Italie, une efpèce de chaux qu'on nomme forte,
parce qu'en effet on bâtit plus folidement, en lemployant,
qu'en fe fervant de la chaux ordinaire, La pierre avec laquelle
on la fait, fe tire de la carrière par gros morceaux figurés
naturellement comme des cailloux; elle eft parfemée de
petites lames brillantes, & contient fouvent des mafles ou
des couches d’une efpèce de cryftallifation imparfaite, aflez
femblable à du marbre blanc; la pierre même, dont Ja
couleur eft grife & quelquefois noire, pourroit par fon grain
& fa dureté être prife pour du mauvais marbre.
Cette pierre fe calcine comme la pierre ordinaire, fi ce
n'éft qu'on en met une moindre quantité dans le four ; elle
paffe par la calcination du gris brun au café, de là au roux,
& enfin à un blanc fale ou jaunâtre, & c’eft-là qu’on tâche
de l'arrêter ; elle ne vaudroit plus rien, fi on la faïfôit devenir
tout-à-fait blanche. ke
Les portions de cette fubftance blanche & brillante que
contient a pierre, peuvent auffr fe calciner, mais il leur
faudroit un plus grand degré de feu & qui gâteroit abfo-
Jument la pierre; elles y reftent donc comme parties inutiles
qu'on tâche d'en féparer, & la chaux qui en contient le
plus, eft la moins bonne.
* Il n’y a qu’une partie des obfervations de M. l'Abbé Nollet, imprimée
dans ce volume, le refte eft réfervé pour le fuivant.
DES SCIENCES. 2
La chaux forte neft pas auffi friable que la chaux ordi-
_naïre ; les morceaux de pierre paroiffent entiers, leur grain
eft auffi fin qu'avant {a calcination, & ils peuvent réfifter
à un choc affez fort.
Cette chaux ne s'éteint point dans une grande quantité
d'eau ; on n'en jette deflus à la fois que ce qu'elle en peut
abforber fans qu'il en refle rien dans le baffin, & ce n’eft
qu'après que les arrofemens réitérés l'ont fuffifamment ouverte
& divifée, qu'on y en jette aflez pour lui donner la confif.
tance d'une bouillie un peu claire qu'on bat & remue comme
la chaux ordinaire avant de la faire couler dans la foffe qui
la doit recevoir.
Cette chaux communique un plus grand degré de chaleur
à l'eau dans laquelle on léteint, que la chaux ordinaire : un
thermomètre à mercure que M. l'Abbé Nollet.y a plongé,
eft monté à 150 degrés, & auroit probablement été plus
loin s’il avoit eu plus d’étendue ; peut-être, fi on l'éteignoit
en plus grande eau, elle donneroit moins de chaleur.
I feroit inutile d'en éteindre plus qu'on n'en peut em-
ployer dans un mois; elle fe durciroit dans la foffe où on.
la conferveroit , quand mème, pour prévenir cet accident,
on Ja tiendroit fubmergée.
La chaux forte mélée avec un fable convenable, tel que
celui dela Doire en Piémont ou de Ia Pozzolane, com-
pofe un mortier qui s'attache fortement aux pierres qu'on y
méle, devient auffi dur qu'elles-mêmes, & réfifte parfai-
tement à l’eau. Pour conftruire des voûtes, on n’eft point
obligé de placer les pierres comme les voufloirs de pierre
de taille, on les jette pêle-méle avec le mortier fur un bâtis
de planches qu'on a fait pour les foûtenir, quelques jours
après on détruit ce bâtis, & la voûte fe trouve folide.
La pierre de laquelle font conftruits prefque tous les beaux
édifices de Rome, fe nomme 7raertin, & fe tire de Tivoli
& des environs ; elle eft entre-coupée par des lits horizontaux,
d'environ un demi-pouce d’épaifieur,, d’une matière cryftalline, |
& qui, lorfqu'on la fépare, repréfente affez bien les alvéoles.
24 HisToire DE L’ACADÉMIE ROôTALE
d'une ruche d'abeilles : pour peu qu'on foit au fait de ce qui
fe pafle dans fa formation des fldaéti es, on n'aura pas de
pêine à reconnoître ces couches pour être de la même ma-
tière, mais la difficulté eft de favoir pourquoi cetie elpèce
de ftladtite eft formée en petits creux, au lieu que les flalac-
tites ordinaires le font en relief. M. l'Abbé Nollet trouve fa
raifon de cette différence dans la fituation des couches cry
tallines : les flalactites ordinaires fe forment à la voûte des
grottes ; chaque goutte d'eau chargée des particules de pierre
laifle, en s'évaporant dans l'air, la pierre qu'elle tenoïit attachée
à la voûte, & la fomme de tous ces dépôts forme nécef
fairement une pyramide la pointe en bas ; mais la liqueur
qui coule à travers les bancs du travertin, ne trouvant point
à s'évaporer , l'eau fe filtre au travers du banc inférieur, &
laiffe les parties pierreules à fa furface, d'où il fuit que le
dépôt doit fe faire dans l'ordie précifément inverfe de celui
des ftahélites ordinaires, & par conféquent en creux dont
les rebords iront, en s'élevant peu à peu, rejoindre le deflous
du lit fupérieur. «
Il y a peu de perfonnes qui n'aient entendu parler de fa
fameule tour de Pife, qu'on prétend avoir été conftruite exprès
hors d’aplomb; cependant M. l'Abbé Nollet l'ayant examinée,
h'en juge pas de même ; il regarde au contraire cette incli-
naifon comme un accident qu'il faut attribuer à ce que le
terrein eft d'autant moins folide, qu'il approche plus de
Arno, rivière qui traverfe la ville : tous les édifices qui en
font voifins fe fentent de ceite différence de folidité, & font
plus ou moins inclinés de ce même côté; les aflifes de la tour
font inclinées, & il paroïit même qu'on s’eft aperçu de ce
déverfement avant qu'elle fût tout-à-fait conftruite, puif-
qu'il y en a une partie qui fait angle avec la première & a
une moindre inclinaifon. La même chofe eft arrivée à une
vieille tour qu'on avoit deflinée à placer un Obferfatoire, &
qu'on voulut pour cet effet élever; dès qu'on commença à
-augmenter fa hauteur; lastour déjà penchée-s'inclina davan-
tage, & on fut obligé de placer ailleurs les inftrumens qui
exigent
tit s0S:c:1.E Nic ss 2
exigent d'être placés folidement ; ainfi l’inclinaifon de la tour
de Pile eft purement accidentelle, & n'a jamais entré dans
le deffein de l'Architecte: ce n’elt pas cependant que cette
efpèce de jeu n'ait été quelquefois affecté ; on voit à Flo-
rence une tour carrée, confidérablement inclinée, mais ce
n'eft qu'à l'extérieur, le dedans eft abfolument à plomb, les
aflifes horizontales, & on voit bien que cette couftruétion
eft l'ouvrage de l'art.
On eft communément perfuadé que les chaleurs qu'on
éprouve pendant l'été en Italie font infiniment plus fories que
celles que nous reflentons fous notre climat, heureufement
pour l'éclairciffement de ce point, elles furent extrêmes en
12? , on affura M. F Abbé Nollet que de mémoire d'homme
où n'en avoit pas reflenti de plus grandes ; cependant le
thermomètre de M. de Reaumur, mis à l'ombre, n’a jamais
monté plus haut que 30 degrés ; terme qu'il atteint ici ‘dans
les grandes chaleurs : il y a donc plus que de l'apparence
que les chaleurs d'Italie ne font plus fenfbles que les nôtres
qu'à caufe de leur durée qui eft quelquefois de deux mois
fans interruption, & non à caufe de leur force, qui, comme
on voit, neft pas plus grande. |
Ces chaleurs fi. incommodes ne fe font au refte reflentir
que dans les endroits peu élevés, la chaleur eft bien moindre
fur les montagnes ; la route de M. l'Abbé Nollet le con-
duifoit naturellement à traverfer Apennin, & comme la
pente eft infenfible, ou du moins très-douce, il eut befoin
de l'expérience du baromètre qu'il fit au fommet où il trouva
le mercure à 25 pouces 9 lignes +, pour fe perluader qu'il
ne devoit attribuer qu'à l'élévation du lieu où il étoit a
diminution de chaleur qu'il éprouvoit, & qui lui faifoit
quelquefois regretter le foir & le matin de n'être pas vêtu
plus chaudement,
Lorfque ces grandes chaleurs commencent à diminuer,
on éprouve dans tout le plat pays une viciflitude très -in-
commode de chaud & de froid; le thermomètre marque
yers les trois heures après midi, vingt-quatre ou vingt-cinq
Hifl 1749 .
26 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
degrés, & la nuit il fait aflez froid pour avoir fouvent befoin
de feu.
C'eft à cette alternative de chaud & de froid que M.
Y Abbé Nollét croit qu'on doit attribuer cette intempérie dont
on efraie tant les voyageurs depuis Florence jufqu'à Naples,
& dont un grand nombre d'exemples ont conftaté les funeftes
effets : on attribué communément ces accidens à une mali-
gnité répandue dans Fair, & dont on ne peut fe garantir
qu'en allant fans dormir, & vivant fobrement : fans contefter
la dernière condition, toûjours très-bonne en elle-même, &
que la rareté des bonnes auberges dans cette partie de la
route, force de pratiquer, il croit avec beaucoup d'apparence,
que les voyageurs qui vont la nuit, dormiroient D 2
ment, s'ils avoient des chaifes bien fermées, au lieu des m
rables voitures qui font en ufage, & qui laiflent ceux qui y
font, également expofés aux ardeurs du {oleil pendant le jour,
& à la rigueur du froid pendant la nuit. |
Dans le féjour que M. l'Abbé Nollet fit à Rome, il
eut la curiofité d'examiner les caves de monte teflacio,
qui font renommées par leur fraîcheur : on prétendoit que
cette fraîcheur étoit plus grande & plus durable que celle
de la glace, quand une fois elle étoit communiquée au vin;
il jugea bien qu'il y auroit beaucoup à rabattre de cette mer-
veille, mais il crut devoir s'aflurer de ce qu'elle avoit de
réel. La colline fous laquelle ces caves font placées, n’eft
qu'un amas de morceaux de tuiles & de pots cafés, & c'eft
de-là probablement qu'elle tire fon nom ; les caves s’enfoncent
à peine de vingt toifes fous la colline, on y entre de plein
pied; les portes en font grandes, fouvent ouvertes, & expofées
aux rayons du foleil; malgré toutes ces circonftances, le
thermomètre s'y fixa à neuf degrés au deflus de la congé-
lation, terme bien éloigné de ce que l'on difoit, mais cependant
d'autant plus capable de caufer de admiration à un Phyficien,
que dans les catacombes de Saint-Sébaftien où l’on defcend
près de trente pieds, où l'on entre rarement, & qui s'avancent
bien loin fous des bâtimens & autres lieux couverts, le même
énamattt.. +
RSR OS SL See
Ées —
DES ScrENC'ESs. 27
thermomètre s'éleva à 13 degrés & demi. Il paroït donc
que la nature du terrein de la colline eft la caufe de cette
inégalité, & que par conféquent la terre cuite pourroit étre
de nature à s'échauffer moins que d'autres matières; ce n’eft
encore ici qu'un foupçon, mais qui peut donner lieu à des
expériences curieufes, & peut-être utiles en bien des occafons.
La Phyfique qui fait fi bien détruire les fauffes merveilles,
fait aufir employer les fmgularités remarquables de la Nature,
à l'avantage de la fociété.
OBSERVATIONS
DE PHYSIQUE GENERALE.
I.
M Geoffroy a fait voir un aflez gros morceau d'ivoire
. dans lequel on avoit trouvé, en le fciant, une balle
de plomb, profondément engagée; il y avoit dans tout le
trajet de Ja balle, plufieurs écoulemens de fuc offeux, qui y
formoient des efpèces de fhlactites.
true I I.
Le 19 Février 1749, un peu avant midi, on reflentit
à Londres un tremblement de terre; M. Folkes qui en a
envoyé la relation à M. de Reaumur, étoit alors dans fon
cabinet avec M. Trembley: ils fe fentirent élever de terre,
& prefque dans le moment même retomber avec un choc
confidérable & un bruit femblable à celui d’un très-gros poids
qui tomberoïit, & que M. Folkes attribue au mouvement
même qu'efluya la maifon. Cette fecoufle {e fit fentir dans
toute la ville de Londres & à quatre lieues aux environs ;
on efpéroit avec d'autant plus de vrai-femblance en être quitte,
que depuis 1692 on n'avoit rien reflenti de pareil à Lion-
dres; cependant le 19 Mars fur les deux heures du matin, on
effuya une feconde fecouffe, & deux heures après, une troi-
fième encore plus violente: cette dernière fut fi forte que,
flon Fexpreffion même de M. Folkes, il fembloit que les
D j
» Voy. Hift.
1746, p. 24
28 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoYaLeE
maifons ne fuflent que de carton, tant elles furent violemment
ébranlées; elle fe fit fentir dans un plus grand efpace que
la première, & qui s'étendoit à environ fix lieues autour de
la capitale. La direétion du mouvement dans cette dernière:
fecouffe, parut à M. Folkes fort différente de celle qu'il avoit
obfervée dans la première; au lieu que dans celle-ci il avoit
éprouvé la même fenfation que fi on l'eût élevé, & enfuite
laiflé retomber, dans a dernière ïl lui fembloit être fecoué
à plufieurs repriles, par un mouvement horizontal & très-
prompt. L'eau de la Tamife fut extrêmement troublée, &
dans un endroit où il" y avoit des poiffons dans un canal, à
Vinftant du tremblement ils fautèrent tous ou furent jetés
en l'air, plus d'un pied & demi hors de l'eau: quelques per-
fonnes crurent avoir entendu un grand bruit, comme d’une
décharge de canon; mais M. Folkes penfe qu'il n'y en a eu
d'autre que celui que produifit la fecouffe des maifons : heu-
reufement ce tremblement a caufé plus d'épouvante que de
dommage; Londres en a été quitte pour quelques cheminées
qui ont été renverfées en différens quartiers de la ville,
plus heureufe en ce point que Lima, du défaftre de liquelle
l'Académie a donné en 1746 * une relation confirmée
depuis par celle que lui a envoyée cette année D. Jofeph
Eufebio de Llano y Zapata.
IT
M. Hellot a fait voir un morceau de bois interrompu
en différens endroits par des pyrites fulfureufes ordinaires,
qui ont végété & fourni une quantité confidérable de petites:
aiguilles blanches, d'un goût vitriolique ferrugineux; une
partie de ce morceau de bois étoit convertie en jayet très-
noir, dur comme le jayet ordinaire, & qui prenoit un auffx
beau poli. Le refte de ce morceau étoit encore bois, & les.
petits copeaux qu'on en féparoit, brûloient comme du bois
ordinaire, & fans répandre d’odeur fulfureufe : ce bois fait
partie d’une couche d'arbres renverfés qui forment un lit aflez
étendu à vingt-deux pieds de profondeur, dans un terrein
bas au fud-oueft du mont d'Or en Franche-comté. Tout ce
DELSA SIC TE N'CES: 29
local eft tiré de l'étiquette avec laquelle cette pièce fut en-
voyée à M. Hellot.
.
ous renvoyons entièrement aux Mémoires,
L'Hiftoire des Maladies épidémiques obfervées à V. les M.
Paris en 1749, en même temps que les différentes tempé-, P- 113.
_ratures de fair : par M. Malouin.
La Defcription de deux efpèces de nids finguliers faits par
des chenilles : par M. Guettard.
Les Oblervations Botanico- météorologiques faites au p. 224.
château de Denainvilliers, proche Pluviers en Gâtinois : par
M. du Hamel.
Et les Oblervations météorologiques faites à Obferva- p. 530.
toire Royal pendant l'année 1749.
M de Mairan avoit annoncé en 1747 *, à da fm des 5x mm
. Eclairciffemens fur le Traité de l’Aurore boréale, def de/'Acad. amée
quels il avoit donné#pour lors la première Partie, que la *7#77#35-
fuite de ces mêmes Ecluirciffemens paroîtroit dans les volumes
fuivans: différentes raifons l'ayant engagé à donner une féconde
édition de fon Ouvrage, il a jugé plus à propos de les y faire
entrer, & c'eft pour cette raifon qu'on ne troëvera pas cette
Suite dans les volumes de l'Académie.
ne. année, parut un Ouvrage de M. de Reaumur,
intitulé, Art de faire éclorre 7 d'élever en toute faifon
des oifeaux domefliques de toutes efpèces, foit par le moyen de la
chaleur du fumier, foit par le moyen de celle du feu ordinaire.
On connoïfloit depuis long-temps l'induftrieufe manière
que les Egyptiens avoient inventée pour fuppléer à f'incu-
bation par l'action modérée d'un feu fagement ménagé; mais
quoique les Auteurs les plus anciens en euflent fait mention,
perfonne ne s'étoit avifé d'en donner une defcription exacte,
moins encore de tranfporter dans d'autres pays un art auffi
utile, & dont les Egyptiens ont confamment joui jufqu'à
D ii
o Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
préfent , à lexclufion de tous les autres peuples, fr on en
excepte les tentatives qu'un grand Duc de Tofcane fit peur
V'établir dans fes Etats. Ce n'eft pas cependant que les mo-
dernes aient été auffi négligens que les anciens à nous Jaïfer
la defcription de ces fours, nos Voyageurs en ont donné
quelques-unes; Monconys , Thévenot, Vefling & le Père
Sicard nous en ont même laïffé d’affez détaïllées ; mais indé-
pendamment des différences qui fe trouvent dans leurs Rela-
tions, & qui proviennent probablement de ce qu'ils ont décrit
des fours différens, une autre raïfon a pü encore rendre
Jeurs Ouvrages défeueux ; ils étoient eux-mêmes perfuadés
que cet art, pratiqué en Egypte depuis fi longtemps, étoit
inconnu aux Égyptiens mêmes, & cette raïfon a pü les em-
pêcher d'apporter une grande attention à décrire les chofes
néceflaires à la pratique d'un art qu'ils defefpéroient de pou-
voir nous tranfmettre: en effet, cet art n'eft pas indifférem«
ment exercé par tous les Egyptiens, les feuls habitans d'un
village nommé Bermé, fitué à vingt lieues du Caire, dans le
Delta, font en pofleffion de l'exercer, & ïls en font un
myftère qu'ils font parvenus à fane regarder comme impé-
nétrable.
Ce n’eft pas cependant fur la ftruéture du four que tombe
ce fecret, quéMles Berméens ne révèlent qu'à leurs enfans, if
eft libre à tous les Etrangers d'en examiner la ftruéture exté-
rieure, & même d'y entrer quand ils font vuides : le fecret
des Berméens ne confifte que dans ce qui fe paffe au dedans
de ces fours lorfqu'on leur a confié les œufs; c'elt aufli dans
ce temps que l'entrée en eft févèrement interdite non feule-
ment aux Etrangers, mais encore aux Égyptiens, & même
au propriétaire du four. |
Heureufement, les defcriptions que les différens Voyageurs
modernes nous ont données de ces fours, que les Egyptiens
nomment mamals, ne {e contredifent point, & il a été facile à
M. de Reaumur de les concilier. A l'égard du prétendu myf
tère des Berméens, on ne fera pas étonné qu'il n'en aït pas été
un pour un Phyfcien auffi éclairé ; la fhruéture des mamals
DHELSLS.C 1 E NACIE S 3ù
étant connue , il ne pouvoit être queftion que de l'arrange-
ment des œufs, & du degré de chaleur qu’on devoit leur faire
continuellement éprouver. Des expériences faciles pouvoient
inftruire fur le premier point, & le thermomètre, inftru-
ment inconnu aux Berméens, étoit un guide plus für que
toute leur habitude pour régler le degré de chaleur qu'on
doit entretenir dans les fours, qui ne doit pas différer beau-
coup de celui que les œufs éprouvent fous Ha poule, & qui
revient au 32. degré au deflus de la congélation dans celui
de M. de Reaumur. SOU
Pour fe faire une légère idée des fours ou mamals des
Egyptiens, qu'on s'imagine deux bâtimens de brique de 9
pieds de haut fur environ 38 de long & 12 de large; ces
deux bâtimens laiflent entre eux une efpèce de rue de'3
pieds de large, fermée par fes deux bouts par la prolonga-
tion des murs qui terminent les deux corps dont nous venons
de parler, & couverte par une voûte appuyée des deux côtés
fur leur longueur, ce qui forme entre eux une galerie de
3 pieds de large & aufir haute qu'eux.
Ces deux bâtimens font partagés, par des murs qui les
traverfent, chacun en huit chambres; & quelque petite que
foit la hauteur totale de 9 pieds, chaque chambre eft encore
coupée en deux, fuivant fa hauteur, par une voûte très-für-
baiflée , percée dans fon milieu d’une ouverture ronde de
2 pieds de diamètre; en forte que chaque bâtiment contient
deux rangs de chambres de 3 pieds de hauteur, dont les
inférieures communiquent avec les fupérieures par l'ouverture
que nous venons de dire qu'on laïfle dans la voûte qui les
fépare ; efpèce d’appartemens peu commodes, comme on
voit, pour les Berméens qui doivent y entrer, mais favo-
rables au degré de chaleur qu'on doit y entretenir, & qui
eft néceflaire pour faire éclorre les œufs.
‘ Chacune des chambres, tant hautes que bafles, a pour
porte un trou rond d'environ un pied & demi de diamètre, ce
qui forme dans la galerie un double rang d'œils de bœuf de
. chaque côté: fa galerie elle-même a pour porte une pareille
32 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
ouverture, qui eft la feule par laquelle on puiffe entrer dans
le four où manul. j
Les œufs font mis dans les chambres inférieures, étendus
fur une natie ou fur un lit de bourre ou d'étoupe, & a
porte qui communique de chaque chambre bafle dans la
galerie, eft foigneulement bouchée avec un tampon de: pa-
reille matière. Le feu s'allume dans les chambres hautes, &
la fumée, qui fe rend dans la galerie par les ouvertures que
ces chambres y ont, séchappe par des trous qui font à la
voûte, & qu'on a grand foin de boucher dès que le feu eft
éteint.
Nous difons dès que le feu eft éteint, car on ne l'y en-
tretient pas continuellement, il y occafionneroit une trop
forte chaleur; & même lorfque le four a acquis affez de cha-
leur pour la conferver par lui-même, on cefle d'y en allumer:
c'eft encore pour la même raïfon qu'on ne s'y fert ni de
bois, ni de charbon dont le feu feroit trop vif, mais d'un
mélange de fiente d'animaux sèche & de paille, qui revient
aflez aux mottes que font nos tanneurs.
Dès que le temps auquel on doit ceffer d'allumer du feu
dans le four, eft arrivé, on tranfporte une partie des œufs
des chambres bafles, dans les chambres hautes; ces chambres
devenues pour lors inutiles, leur offrent un emplacement qui
devient avantageux, tant à la fortie du poulet, qu'aux vifites
que les Berméens leur rendent fréquemment, tant pour les
retourner, que pour ôter avec foin ceux qui {e font corrompus,
& dont la vapeur & l’odeur pourroient être funeftes aux
poulets qui font vivans dans les autres œufs.
Le temps néceflaire à chaque couvée eft dans le four
comme fous fa poule, d'environ vingt-un jours; & comme
on entretient la chaleur de ces fours pendant fix mois, chaque
mamal peut amener à bien huit couvées, dont chicune eft
d'environ quarante-cinq mille œufs: le Berméen qui eft char-
gé de la conduite du four, doit fournir trente mille poulets
à chaque couvée, les quinze mille autres ou périfient ou
tournent à fon profit. Chaque four rend donc à fon maître
chaque
stat ant
lothéiæsil" 1"
DE SUIS © 1 E NOM. 33
chaque année, deux cens quarante mille poulets; ainfr, pour
favoir ce que l'Esypte entière en fournit par cette méthode,
il n'y auroit qu'à faire un dénombrement de tous les fours
qui y font établis : cette propofition paroîtra fans doute d'une
‘exécution difhcile ; heureufement l'intérêt a fait faire aux
Turcs ce qu'il n'eft guère croyable que l'amour des Sciences
en eût obtenu. Nous avons dit que chaque four. étoit conduit
par un Berméen; lAga ou Commandant turc de Bermé,
ne permet à fes habitans de s'abfenfer que moyennant une
fomme qu'ils lui donnent, & on peut bien penfer qu'il ne
néplige pas de tenir un regiftre exact de ceuxà qui il accorde
cette permiflion: c'eft par ce regiftre que l'on a fü qu'il
fortoit tous les ans de Bermé, trois cens quatre-vingt-fix
Berméens, & que par conféquent il y avoit en Egypte un
pareil nombre de fours qui travaïlloient; fi on multiplie ce
ombre par celui des poulets que chaque four donne à fon
maître, on fera effrayé de la multitude immenfe de ces ani-
maux que l'induftrie des Egyptiens leur produit : on verra
qu'indépendarament des poulets qui tournent au profit des
Berméens, le nombre total de ceux qui éclofent dans les
fours, eft de quatre-vingt-douze millions fix cens quarante
mille poulets; avantage prodigieux, fr on fait attention que
cette quantité immenfe de volaille n’eft pas feulement utile
par la confommation qu'on en peut faire, mais encore par
le nombre énorme d'œufs qu'elle produit.
C’eft à tranfporter chez nous un art auf utile, qu'eft
deftiné Fouvrage de M. de Reaumur; mais indépéndamment
de celui des Egyptens, fur fequel nous verrons bientôt qu'il
a beaucoup enchéri, il y avoit en France une difhculté à
vaincre ,sque n'ont pas les Egyptiens : placés dans un climat
où ils n'ont à redouter ni pluie ni froid, ils n'ont aucun foin
à prendre des poulets que leur donnent leurs fours; les faire
éclorre eft tout ce qu’il faut: fous un ciel moins favorable,
les poulets exigent de nous d’autres foins ,& l’art de les con-
ferver n'eft pas moins effentiel que celui de Les faire Éclorre.
. Pour fuppléer à lincubation des œufs, on peut, en France
Hif. 1749. LS
34 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
comme en Egypte, employer fa chaleur du feu, il n’eft pas
même nécefiaire d'employer des fours pareils à ceux des
Egyptiens; ces fours occalionneroient une top forte dépenfe
à ceux qui ne voudroient pas faire éclorre l'énorme quantité
de poulets qu'ils donnent : mais voulüt-on travailler aflez en:
grand, on. n'auroit pas encore beloin de recourir à la conf-
œuclion égyptienne, ni d'allumer des feux exprès; nous avons
un nombre confidérable d’étuves dans lefquelles il ne tient
qu'à nous d'entretenir 4 chaleur convenable au moyen du
feu qui eft,allumé pour d'autres ufages : il n'y a pour cela
qu'à profiter du deflus des fours des Verriers, des Potiers,
des Boulangers, des Patifiers, des fours banaux, en un mot
de tous ceux qu'on chauffe au moins deux fois par femaine;
on peut conflruire fur ces fours, à très-peu de frais, des étuves
aufli propres que les fours d'Egypte à faire éclorre les poulets;
des thermomètres placés en différens endroits, indiqueront
fi Fair y eft trop chaud ou trop froid, & des ouvertures
placées convenablement & fermées avec des couliffes, fervi-
ront de regiftres pour modérer la chaleur, &J'entretenir au
décré néceflaire., On placera dans ces étuves les œufs arrangés
dans de grands paniers plats, & on les y laïffera jufqu'à ce
que les poulets {oient éclos, fans autre foin que de les vifiter
plufieurs fois le jour, tant pour veiller à ce que la chaleur
y foit entretenue à peu près au 3 2.° degré du thermomètre
de M. de Reaumur, que pour retourner de temps en temps
les œufs, & Ôter ceux qui pourroient fe corrompre.
Nous difons à peu près au 32.° degré, car le degré de
chaleur néceflaire pour fuppléer à lincubation des œufs n’eft
pas un point indivifible : les expériences de M. de Reaumur
lui ont appris que quand la chaleur feroit montée à 34 degrés
ou defcendue à 28, il ne faudroit pas pour cela abandonner
les œufs, fi elle n'étoit pas demeurée long-temps dans cet
état, & il n'y a rien du tout à craindre quand a chaleur ne
s'écarte pas de plus d'um degré au deflus ou au deflous du
32.°; il ft pourtant mieux qu'elle en approche toùjours le
plus qu'il eft poflble, à
DE S1S:-C LE Nc 35
+ Ceux qui n'ont pas à leur portée des fours où il y ait une
chaleur aflez continue, peuvent {e procurer le même avan-
tage en formant dans une petite chambre, qu'on aura foin
de rendre très-bafle de plancher, une efpèce d’étuve qu'on
échauffera par le moyen d'un poêle ofdinaire aflez petit; on
ne doit pas même craindre en ce cas que le prix du bois
qu'on fera obligé d'employer pour cette opération, augmente
beaucoup celui des poulets : M. de Reaumur a’ trouvé, par
expérience, qu'au prix même auquel le bois eft à Paris, le
poêle de fon étuve n’en dépenloit par jour que pour environ
deux fols fix deniers; dépeufe foible quoiqu'elle fe répète
long-temps, fwr-tout fi on la répartit fur plufieurs ‘centaines
de poulets que l’étuve peut contenir : on peut même dimi-
nuer cette dépenfe, en rempliflant tout le haut du poële de
morceaux de briques mal arrangés , foûtenus fur une grille;
ces morceaux, éxpolés à l'action de la flamme, s'échauffent
aflez pour conferver très-long-temps la chaleur, & difpenfer
d'allumer du feu dans le poêle auffi fouvent qu'on le feroit
fans leur fecours : cette étuve d'ailleurs fert à plus d'un ufige,
& nous verrons bien-tôt que le même feu qui fert à faire
éclorre une couvée de plufieurs centaines de poulets, fert en
même temps à élever ceux de la couvée précédente, ce qui
n'eft pas un petit avantage.
+ Une propriété de ces étuves, que nous ne devons pas
pafler fous filence, & par laquelle elles different de celles
que nous avons dit qu'on pouvoit conftruire fur les fours,
eft que dans les étuves à poële l'air eft échauffé inégalement;
le plus chaud eft toûjours près du*plafond, & le moins chaud
voifin du plancher. Cette différente température donne lieu
defaire éprouver aux paniers d'œufs, tel degré de chaleur qu'on
juge à propos, en les fufpendant à différentes hauteurs; ce
qui n'arrive pas dans les autres étuves où 1a chaleur eft tranf-
mife par le plancher inférieur.
«4 "ae M. de Reaumur n'a fait qué perfeétionner la ma-
nière de fuppléer à l'incubation par le moyen du feu, & Ja
mettre à portée d'être employée en petit par chaque particulier
E ïj
“
36 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
fans occafionner une grande dépenfe, ce {eroit toûjours beau--
coup; mais ce qu'on va voir n'a plus aucun rapport à l'art
des Egyptiens , & appartient en entier au Phyficien françois,
Perfonne n’ignore que le fumier, qui n'eft autre chofe que
de la paille mêlée avec les excrémens des beftiaux , s’'échauffe,
lorfqu'it eft mis en tas, jufqu'au point qu'au bout de quelque
temps on ne peut tenir la main enfoncée dans le tas fans fe
brûler: la même chofe arrive aux tas de feuilless de bruyères,
&c. qu'on met pourrir pour faire du terreau : c'eft cette
chaleur produite par la fermentation de ces matières, & qui
refte communément inutile, que M. de Reaumur a trouvé
moyen d'employer au lieu du feu ordinaire, pour faire éclorre
des œufs.” .
Ses premières tentatives furent peu heureufes, Jes œufs
placés dans l'intervalle de deux couches, devenu, au moyerr
"de quelques planches qui le recouvroient, une véritable étuve,
y reçürent pendant quelques jours le degré de chaleur qui
leur étoit néceffaire, 8: commencèrent à fe développer; mais
au bout de peu de jours, if en vit plufieurs fe corrompre,
& aucun ne parvint jufqu’à l’entier développement, le pouler
périt dans tous avant que d’être abfolument formé. Un Phy-
ficien connoït la Nature, il fait que l'expérience eft fujète
à démentir les raifonnemens les plus plaufibles, '& n'a garde
de fe rebuter, le mauvais fuccès d’une expérience ne fait que
Fanimer à en chercher la raïfon. M. de Rexumur trouva que
ce qui avoit fait périr fes poulets n'étoit autre chofe que lhu-
midité qui s’exhaloit continuellement des couches, & qui
mettoit un obftacle invincible à Févaporation qui fe doit faire
au travers de la coque de œuf, d'une partie de: l'humidité
qu'il contient; car il ne fuffit pas que des œufs éprouvent
pendant un temps déterminé un degré de chaleur égal à celui
qu'ils recevroïent de la poule qui les couveroit, il faut encore
que cette chaleur opère l'évaporation dont nous venons de
parler, pour qu'elle ferve au développement du poulet, &
cela eft fi vrai, que des œufs tenus dans de l'eau foigneufe-
ment entretenue au 32° degré de chaleur pendant tout le
> rt
DES SCIENCES.
femps néceffaire pour qu'ils püffent éclorre, n’ont pas donné
Hà moindre marque de développement : 1a même chofe eft
arrivée à ceux qui avoient été vernis, ou feulement frottés
* de graïfle ou d'huile; leurs pores, bouchés par ces matières,
fe font refufés à l'évaporation , & par eonféquent au déve-
loppement du poulet. M. de Reaumur rappelle en cet Ou-
vrage la manière qu'il avoit déjà donnée de conferver les
œufs, en les frottant aufli-tôt qu'ils font pondus, d'huile, de
beurre,"de graifle, &c. & avertit en même temps que pour
remettre cés œufs en état d'être couvés, il faut leur enlever
cet enduit en les grattant avec un inflrument tranchant, où
avec un morceau de verre.
Pour mettre les œufs à l'abri de cette humidité qui eur
eft fi funefte, il imagina un moyen auffi fimple ques fa-
eile; un tonneau défoncé par un de fes bouts, & gami en:
de dans d’une couche de plâtre, ou feulement de plufieurs
feuilles de papier gris, & enterré dans le fumier jufqu'aux
deux tiers de fa hauteur, devient un“four vertical qui reçoit
la chaleur du fumier qui l'entoure, fans permettre aux vapeurs
& pénétrer dans fon intérieur. Ce tonneau eft fermé er
defius px un couvercle percé au milieu d’un affez grand
trou, autour duquel il y en a de moindres, & chacun de
ces trous eft garni d'un bouchon proportionné : ces ouver-
tures fervent de regiflres pour modérer la chaleur lorfqu'elle
en fera trop forte; & fr elle devient trop foible, on: y remé-
diera bouchant tous les regiftres, & remettant fur le fumier
qui entoure le tonneau une médiocre quantité de fimier chaud,
qu'on tirera d’un tas qui fera tenu pour cet effet en réferve:
Les fours conftruits comme-noùs venons.de le‘dire, eurent
d'abord un: affez heureux fuccès: M. de Reaumur put fuivre
le développement du poulet depuis le moment auquel on
maperçoit qu'une goutte de fang animée du mouvement de
; ia & de diaftole, jufqu'au terme auquel il brife fa pri-
n; fpeétacle bien digne defllattention d'un Phyficien, &
qu'il eft impoflble de voir fans être frappé d’admiration ;.
enfin-il eut des poulets entièrement éclos & fans aucun accident.
E iij,
@ Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
Il eft vrai.que cet avantage ne {e foûtint pas également
dans toutes les couvées, plufieurs furent malhigureufes, les
poulets périfioient plus ou moins piès de leur terme, fans
qu'on ei püt découvrir la caufe; elle ne put cependant fe -
dérober long-témps aux recherchés de M. de Reaumur. Cette
humidité que nous avons déjà vüe fr funefle aux premiers
œufs qu'il avoit fait couver entre deux couches, avoit encore
caufé la perte de ces derniers : le tonneau qui leur fervoit
de four, fermoit à la vérité tout paffage à l'humidité du
fumier; mais cette humidité, retenue dans le dieu où étoit
ha couche, qui étoit trop petit, trop bas & trop fermé, ren-
troit dans le four par les ouvertures de fon couvercle qui lui
fervent de regiftres, & y produifoit l'effet immanquable
d'empêcher l'évaporation, & par conféquent le développe-
ment,du poulet ; fouvent elle y.paroifloit fous la forme de
gouttelettes qu'on remarquoit au couvercle où fur les œufs,
mais plus fouvent encore cette humidité fi pernicieufe ne fe
manifeftoit par aucune marque extérieure. La méthode dont
M. de Reaumur fe fert pour la découvrir, eft fimple; on fait
que les vapeurs qui font répandues dans un endroit , fe com
denfent à a furface de tout corps plus froid que.l'air de
cet endroit ; il ne s’agit donc que d'introduire un œuf froid
dans le four, les vapeurs , s'il y en a, s’'amafleront bientôt
à fa furface, & y formeront une rofée très-fenfible; dès
qu'on fera averti par ce moyen de leur préfence, on retirera
les œufs du tonneau, & on éventera fa capacité & celle de
tout le lieu où la couche eft enfermée, avant que de remettre
les œufs dans le four, pour en chafler foigneufement toute
l'humidité qui peut y être contenue. Non feulement on
peut & on doit chafler Fhumidité du four & de fon voifi-
nage, mais on peut encore réufly à empêcher qu'il ne s'y
en forme, & M. de Reaumur propole pour cela deux
moyens. à A
Le premier eft de placerdles tonneaux fervant de fours
& les couches qui les environnent, dans un endroit où Fair
ait un libre accès, comme un hañgar, ou qui doit aflez
DEUSALUS,c 1:æ Noces: 39
vafle & affez élevé pour que les vapeurs puiffent s'y diffi per;
elles ne produiront alors aucun mauvais éflet, & les œufs
m'éprouveront aucun accident de leur part. 3.
Le fecond moyen eft encore plus für, mais il exige un
four d'une conftruétion un peu différenie: une longue caiffe
de bon bois, de 7 pieds de long, de 2 1 pouces de large, &'
de 2 $ pouces de haut, fermée de toutes parts excepté par un
de fes bouts, devient le four propre à cette méthode, Cette
caiffe eft garnie en dedans, comme les tonneaux, de plâtre
ju de papier, & enduite én dehors de gaudron mêlé de
one pilée, pour la mettre à l'abri de l'humidité; on la
po fur un lit de fumier d'environ un pied d'épais, & on
la recouvre d'une couche épaifle de la même gmatière, qui
lui doit donner fa chaleur néceflaire: mais avant de placer
la caifle, on a foin de percer le mur de fa pièce qui la con-
tient, d'un trou aflez grand pour laïfler pañler fon extrémité
ouverte, & on maçonne ce qui refie de jour entre la caïfle
& les parois de «ette ouverture; par ce moyen, la gffeule
du four eft abfolument à l'abri des vapeurs du fumier, qui.
ne peuvent travemer le mur pour entrer dans la pièce où
elle eft: une efpèce de volet percé de plufieurs ouvertutes
garnies de bouchons, fert à fermer cette gueule, & à con-
ferver la chaleur dans le four.
. Les œufs y font placés dans un long tiroir porté par une
efpèce de chaffis garni de roulettes qui permettent de le tirer
hors du four, & comme‘la chaleur eft plus forte au haut de
cette efpèce de four ‘qu'au bas, le chaflis eft garni d'entailles
ou de taffeaux qui donnent Ja facilité de placer plus haut
ou plus bas, la caïfle où font les œufs, pour leur faire éprouver
le degré convenable de chaleur.
… De quelque moyen qu'on'fe ferve pour fuppléer à Fincu-
. bation, il eft eflentiel que“la chaleur foit conftimment en-
tetenue aux environs du 32° degré du thermomètre de
. M: de Reaumur; mais cet inftrument, qui eft entre les mains
de tous les Phyfciens, peut ne fe pas trouver de même
dans tous les endroits où on voudroit établir des fours à
40 HISTOIRE DE LACADÈMIE ROYALE
poulets : les anciens thermomètres & ceux que les marchands
qui courent les campagnes y portent quelquefois, feroient
peut-être plus capables d'égarer fur le degré de chaleury que
dé fervir de règle. M. de Reaumur donne un moyen de
lever cette difficulté; quel que foit un thermomètre, il n'y a
qu'à tenir la boule appliquée fur fa peau ou, pour le mieux,
fous l'aiflelle, pendant environ un quart d'heure, pour ‘que
la Jiqueur foit montée au degré de chaleur de la poule; on
marquera donc cette hauteur avec un fil noué autour du
tube, & ce fera le degré auquel il faudra que la chaleur du
four fafle monter le thermomètre qu'on y introduira.
- Mais füt-on abfolument privé de tout thermomètre, il
indique un ynoyen bien facile d'y fuppléer; un petit vaif-
feu de verre mince, de quelque figure qu'il puifle être,
eft le feul meuble néceffaire; on lemplit d'un mélange de
trois parties de beurre fondu, & d'une de fuif: cet inftru-
ment fi fimple devient un guide pour conduire la chaleur
du fur où il fera mis: fi les matières qu'il contient, demeurent
folides, elle eft trop foible; fi elles font en parfaite fufion,
elle eft trop forte; il faut, pour qu'elle foit au degré conve-
nable, que l’alliage de beurre & de fuif ne foit ni folide ni
tout-à-fait fluide, mais dans la confiftance d'un firop épais.
On voit bien par ce que nous venons de dire, que les
fours exigent des foins & des attentions pour entretenir la
chaleur au point où elle doit être; on peut cependant s'en
exempter: la chaleur éle-même peut ouvrir & fermer les
repifkres, fuivant qu'elle fera trop forte ou trop foible. M. de
Reaumur rapporte plufieurs moyens d'y réuflir, parmi lefquels
nous ne pouvons paffer fous filence celui que S. A. S. Mon-
feigneur le Prince de Conti lui a communiqué: ce Prince,
qui s’eft intéreffé au nouvel art, & en homme d'Etat & en
Phyficien, a imaginé que le reflort de l'ai, mis en jeu
par Ja chaleur du four, pouvoit être employé à produire cet
effet. Pour cela on prend une bouteille de verre à large col,
& on garnit ce col d'un tuyau {e plus gros qu'il foit poffible
d'y introduire; ce tuyau eft exactement mafliqué au goulot,
& va
VAT MESM ASC 1 E N'CHR 1 41
& va jufqu'à une petite diftance du fond de la bouteille: cet
inftrument fi fimple ainfi préparé, on y verfe de l'eau juf-
qu'au tiers ou environ de fa hauteur; & comme fa conftruétion
ne permet pas à l'air qui y eft contenu, de s'échapper, il refte
enfermé dans la partie comprife entre le haut de la bouteille,
le tuyau & l'eau, fur la furface de laquelle il appuie par fon
reflort. Si, dans cet état, le vaifleau eft mis dans un four à
poulets, la chaleur augmentant le reflort de l'air, il appuiera
davantage fur la liqueur qu'il forcera de s'élever dans le tube,
& de foulever avec elle un morceau de liège nageant fur fa
furface, lequel, foit direétement, foit par des renvois, répond
aux bouchons des regiftres, & fert à les foulever, dès que
la chaleur devient plus forte que celle pour laquelle on a réglé
Zinftrument, c'eft ainfr que par cet ingénieux moyen, la
chaleur.elle-même prévient le danger auquel elle expoferoit
les œufs. |
Le défaut de chaleur feroit auffi funefte aux poulets que
fon excès, f1 quand on s'en aperçoit, on n’y remédioit
promptement: nous avons dit qu'on réchaufloit les fours
avec du nouveau fumier, mais fr ce moyen dans quelques
cas, aagifloit pas afflez promptement, on aura recours à la
chaleur du feu ordinaire; un peu.de cendres chaudes, mifes
dans un vaifleau capable de les contenir, & prudemment
introduites dans e four, fera monter très-promptement {a
chaleur jufqu'aw point où on la defire.
: Un autre danger auquel on doit encore fouftraire les poulets
qu'on fait éclorre dans Les fours, eft celui auquel les expoferoit
la vapeur des œufs qui s'y corrompent ; l'attention de M.
de Reaumur à les faire enlever de fes fours, lui a valu une
obfervation également curieufe & intéreflante: les uls œufs
qui {e corrompent, font ceux qui ont été fécondés; le germe,
ce principe de vie qui eft en eux, eft aufii leur principe
de corruption. Il a gardé des œufs venus de poules privées
de coq, pendant un temps & par une chaleur fufhfante pour
gâter les meilleurs œufs fécondés, fans que jamais ces œufs
aient pris d'autre goût que celui que doivent avoir de bons
Hif!. 1749 .F
42 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
œufs qui ne font pas frais; on peut donc, en privant Îes
poules de coq, avoir des œufs qui ne feront point fujets à
fe gâter, ou qui le feront beaucoup moins que les autres,
nouveau moyen à ajoûter à ceux que M. de Reaumur avoit
déjà donnés de s'en procurer.
Lés poulets une fois éclos n'exigent plus aucun foin des
Egyptiens, la fécherefle & la chaleur de leur climat ne laiffent
aucun accident à craindre; mais il leur faut ici un fecours
étranger pour les défendre pendant leur premier âge, du froid,
de l'air & de la pluie : ce fecours leur eft ordinairement
donné par la mère qui les a couvés, qui de temps en temps
les raflemble fous fon ventre & fous fes aîles pour les ré-
chauffer; nos poulets nés fans mères, en font abfolument
privés: dans quelques cantons on donne les poulets à con-
duire à des chapons ; quelques dindons même prennent goût
à cette occupation qui femble leur être fr étrangère. La ma-
nière d'enfeigner aux chapons à faire en cette occafion les
fonctions de poules, eft une efpèce de myftère entre les mains
des gens de campagne qui en ont le fecret, & fouvent ceux
qui s'en croient pofleffeurs n'ont qu'un affemblage de pra-
tiques inutiles, avec lefquelles ils tourmentent leurs malheureux
élèves, plus qu'ils ne lesinftruifent: heureufement M. de
Reaumur a eu de meilleurs mémoires, & il s’eft bien gardé
de les tenir cachés. Pour inftruire un chapon à conduire &
à couver des poulets, on l’enferme feul pendant un jour ou
deux, dans un baquet couvert de planches, le retirant cepen-
dant plufieurs fois par jour pour le mettre fous une cage où
il trouve à manger; vers le troifième jour, on lui donné
quelques poulets pour compagnie, on les retixe enfemblé du
baquet aux heures du repas, pour les mettre fous la cage: fr
le chapon les reçoit mal, on les ôte & on le remet en
folitude pour un jour où deux; en répétant ces leçons quel-
ques jours , on parvient à accoûtumer le chapon à fervir de
mère aux poulets, dont on augmente peu à peu le nombre,
& quand il a une fois reçû cette inftrution, elle dure toute
fa vie, ou fi un long efpace de temps lui en faifoit perdre
+ D'E-S, S CIE N CES 43
Fhabitude, un petit nombre de jours feroit fufffant pour {a
lui faire reprendre.
.+ Les coqs eux-mêmes font auffi propres que les chapons
Aucet exercice; un de ceux que M. de Reaumur faifoit inf
trüire, n’avoit que l'apparence de chapon, & étoit un véritable
coq; il-réuflit cependant également bien: on peut même
aflurer que les coqs s’attachent aux poulets, & que fi leur
état leur caufe dans une baffe-cour quelques diftraétions, elles
ne-font que momentanées, & ne nuifent point au petit trou-
peau qui leur eft confié.
Mais voici quelque chofe de plus facile; les poulets peuvent
fe pañler d’être couvés par des animaux , au moyen d’une ma-
chine très-fimple, inventée par M. de Reaumur, & qu’il nomme
avec raifon mére artificielle, puifqu’elle leur procure les mêmes
avantages qu'une mère naturelle, fur-tout quand on la joint
à une efpèce de cage qu'il nomme pouffinière.
Les poulets ont befoin d'être conduits pour. qu'ils ne
s'égarent point & qu'ils trouvent facilement leur nourriture,
& d’être couvés pour les mettre à l'abri du froid & de la
pluie, & leur ménager, fur-tout fur le dos, un degré de cha-
leur que la pofition de leftomac des oifeaux leur rend né-
ceffaire ou au moins très-utile après leur repas.
+ Le four qui a fait éclorre les poulets, peut leur fervir
pendant les premières vingt-quatre heures, d'une retraite
utile; on les y remet dans un panier différent de celui qui
contient les œufs, & comme pendant ce temps ils n'ont
befoin ni de promenade nf de nourriture, ils'achèvent de
sy délivrer d'un refte de blanc d'œuf qui tient les barbes
du duvet qui leur fert de plumes, collées les unes aux autres:
celtemps paflé, ils ont befoin de prendre l'ait, de manger,
de boire, & d'exercer leurs jambes. Voici comment M. de
Reaumur leur procure tous ces avantages.
+ Le Jogement qu'il leur prépare eft une 1ongue boîte dont
une desgfaces eft grillée, & dont le deflus eft attaché par
des charnières, & fe 1ève comme un couvercle; cette caifle
eft garnie de deux longs augets deftinés à donner à manger
Fi
44 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
& à boire aux poulets, & dont le deflus eft fermé par des
barreaux affez ferrés pour que les poulets ne puiffent y pafler
ue la tête, & qu'ils ne puiffent aller falir leur boiffon ni
leurs alimens. Le fond de la boîte fera encore, fi on veut,
garni d'une couche peu épaifle de fable, deftinée à tenir les
poulets plus proprement , & à leur faciliter l'exercice de
gratter, qu'on fait ètre fi familier à ces animaux.
Cette boîte, que M. de Reaumur nomme pouffinière, four-
nit aux poulets une promenade fuffifante, & une nourriture
commode; lorfqu’il fait beau & chaud, ïls y jouiffent de
l'air & du foleil, & lorfqu'il fait mauvais temps, on les retire
dans des lieux plus chauds, & où ils foïent à l'abri des
injures de la failon.
La pouffinière ainfi conftruite eft un logement fufhfant
aux poulets, ils y trouvent de quoi fe nourrir, fe promener,
&c. mais ils n’y trouveroient pas avantage d'être couvés,
fi on n’y ajoûtoit une pièce effentielle à leur bien être, une
de ces mères artificielles dont nous avons parlé.
Pour s’en former une jufte idée, qu'on s’imagine un de
ces pupitres fur lefquels on écrit; les deux côtés rampans
font compolés de planches taillées fuivant cette forme, &
garnis de peaux d'agneaux la laine en dedans: le deffus n'eft
autre chofe qu'un chafhis fous lequel eft tendue une pareille
peau dont la laine eft auffr en dedans de la boîte, & les deux
longs côtés, tant le plus haut que le plus bas, ne font fermés
que par la prolongation de la même peau qui y forme deux
elpèces de rideaux traînans jufqu’à terre; cette efpèce de boîte
et placée au bout de la pouflinière, &, pour y entretenirume.
chaleur convenable, on place au deflous de {a partie de la
pouffinière qui lui fert de fond, une petite terrine dans la-
quelle on met une pellerée de cendres chaudes, & qui y eft
enfermée dans une boïte qui en retient la chaleur, ou dans
un petit creux fait en terre au deflous de cet endroit dela
pouffinière : ces cendres chaudes, renouvelées au plus trois
fois par jour, fufhront pour donner à la mère artificielle le
degré de chaleur néceflaire dans les temps les moins favorables,
, DES SCIENCES.
. * C'eft fous cette mère que les poulets ont bientôt appris
d'eux-mêmes à aller chercher la chaleur dont ils ont befoin:
ils s'y enfoncent jufqu'à ce qu'ils aient rencontré la hauteur
à laquelle le deflus de la boîte touche leur dos; ils y reçoivent
de cette peau lâchement tendue, la compreflion douce &
molle qu'ils auroient reçûe de {a poule; en un mot, ils ÿ
font couvés aufli-bien, aufli utilement, & auffi agréablement
| pour eux, que fous la meilleure couveufe.
* On juge bien que füuivant l’âge des poulets on doit avoir
des mères & des pouffinières de capacités différentes; mais
cé qu'on ne devineroit peut-être pas fi aifément, c’eft qu'on
met la vie des poulets dans le plus grand danger, fi le fond
de la mère eft fermé ou trop bas pour que les poulets
puiflent pafler en fe baiffant. L’envie de profiter de 11 cha-
leur & d'être mieux couvés , les engage à {e preffer au fond
de la mère, & ceux qui y font arrivés les premiers courent
un rifque évident d'être étouffés par ceux qui s'efforcent d'y
parvenir; c'eft pour cela que le fond de 11 mère doit étre
affez haut pour, leur livrer pañage, quoique difficilement,
qu'il n'eft fermé que d'un rideau de peau, & que la mère
doit être placée dans la pouffinière de façon qu'il y ait tout
autour un efpace qui puiffe fervir de chemin aux poulets.
Quand nous avons dit qu'on devoit changer les poulets
de pouffinières fuivant leur âge, c'eft principalement de leur
groffeur que notis avons voulu parler; rien n'eft fi dangereux
que, de laifler les petits mêlés avec les forts: l'équité & la
modération ne font guère plus pratiquées chez eux que chez
les hommes, & les plus forts ne font nulle difficulté d’aflarer
leur bien être aux dépens des plus foibles, ils les piétinent
& les écrafent fans pitié: on doit donc ne laiffer enfemble
que ceux qu'une force à peu près égale met à abri des
infultes réciproques , & c'eft encore pour cette raifon qu'il
eft néceffaire de fe pourvoir de plufieurs pouffinières.
» Ceux qui fe feront fervis d'une étuve échauffée par un
pole pour faire éclorre leurs poulets, pourront fe {ervir de la
- même pièce pour les élever; mais: il faudra que la mère foit
46 Histoire DE L'ACADÉMIE Royaze
d'une autre figure: on lui donnera celle d'un anneau circu-
lire qui entourera le poële excentriquement, afin que les
poulets y puiflent éprouver différens degrés de chaleur; plu-
fieurs pouffinières aboutiront à cette mère commune, qu'on
pourra partager en autant de parties qu'on le voudra par
des cloïfons qu'il fera facile d'y mettre & d'en ôter; ils au:
ront la liberté d'en fortir & de courir dans la chambre où
ils trouveront à manger & à boire; & la nuit on les reti-
rera foigneufement dans les pouflinières, qu'on fera exact à
fermer, pour les mettre à l'abri de l'invafion des rats & des
fouris, qui les metroient certainement en danger.
La nourriture des oifeaux domeftiques eft certainement un
objet dans l'économie d'une campagne : on pourroit peut-
être fe perfuader que les volailles extrêmement muitipliées
deviendroient auffi extrêmement difficiles à nourrir, & que
je prix auquel {eur nombre porteroit leur nourriture, feroit
évanouir {e profit qu'on tireroit de la multiplication de leur
efpèce. M. de Reaumur a foigneufement prévenu cette ob-
jeétion ; les poulets & les autres oïfeaux de bafle-cour s’ac-
commodent d'un très-grand nombre d'alimens, la mie de
pain & le millet fufhifent pour leur première nourriture ;
devenus plus grands, ils mangent du blé, de f'avoine, de
lorge, du farrafin ou blé noir, du mays ou blé de Tur-
quie, de prefque toutes les herbes & graines potagères,
de plufieurs herbes fauvages , des viandes cuites que nous
mangeons, & même de celles que nous ne mangeons pas,
comme du mou de bœuf, de la ratte, des infectes prefque
de tout genre, &c. il feroit bien difficile qu'on ne püt raf
fembler affez de quelques-uns de ces alimens pour fufhre à
la plus nombreufe bafle-cour; mais les expériences de M. de
Reaumur apprennent à économifer ceux de ces alimens qui
peuvent coûter quelque chofe au maître, comme les difié-
rentes efpèces de grains: les volailles les mangent également
bien , foit qu'on les leur préfente cruds où crevés dans l'eau
bouillante, c'eft-à-dire, aflez gonflés pour avoir rompu leur
enveloppe ; dans ce dernier état, il faut moins de la plufpart
jé, D'Efs" Sc LE Nice 's 47
&es grains que {ous la forme sèche pour les nourrir également
bien. Ïl y a à gagner un cinquième fur le froment, deux
cinquièmes fur l'orge, & environ la moitié fur le blé de
Turquie: on ne gagneroit rien à faire crever le farrafn &
Yavoine, & on perdroit un peu en faifant crever le feigle,
Non feulement M. de Reaumur propofe des moyens de
diminuer la confommation que font les volailles des alimens
qu'on a coûtume de leur donner, mais il offre encore le
moyen de leur faire partager l'immenfe quantité de nourri-
ture que la main de l'Auteur de la Nature a préparée à ceux
des oileaux fauvages qui ne vivent pas uniquement de grain,
ceft-à-dire, les vers de terre. On a peine à fe figurer le
nombre prodigieux de ces infeétes dont la terre eft peuplée,
les grains des moiflons les plus abondantes le font peut-être
. moins que les infeétes qui font cachés dans le champ même
où on moiflonne; il ne dépend que de nous de faire par-
tager à nos oifeaux domeftiques cet aliment, qui eft plus de
leur goût qu'aucun de ceux qu'on peut leur offrir : deux
enfans fufhfent pour cette récolte. Les vers favent qu'ils ont
un ennemi redoutable qui, comme eux, habite fous terre,
& y creufe une infinité de galeries tortueufes pour les ren-
contrer & les dévorer; cet ennemi eft Ia taupe, dont les
moindres mouvemens dans la terre Îes déterminent à fuir.
Un des enfans eft muni d'une fourche à trois dents, qu'il
enfonce en terre dans un endroit frais & humide: alors en
faïfant aller & venir le manche en avant & en arrière, il
excite dans la terre une commotion qui a ref-
femble à celle qu'y excite la taupe en fouillant : les vers
effrayés fortent de leur trou, & en voulant éviter une taupe
qui nexifle point, ils tombent entre les mains de d'autre
chaffeur qui les attend : on excite la méme commotion dans
la terre en piétinant fortement avec des fabots. : On peut
encore faire une grande récolte de vers en fuivant un Jar-
dinier qui retourne {on jardin, ou la charrue d'un Laboureur:
on peut même aflurer qu'en faifant une chaffe conftante de
vers dans fes prés & fes jardins, on gagnera de plus d'une
48 Histoire DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
façon ; car en diminuant le nombre des vers, on en éloignera
auffi les taupes, qui n'y trouveront plus une nourriture auffi
abondante. |
Non feulement l'ouvrage de M. de Reaumur nous donne
Je moyen de tranfporter chez nous l'art des Egyptiens, mais
cet art, joint au moyen qu'il nous a donné de conferver
les œufs fans altération, peut tranfporter les oifeaux d’un pays
à un autre, même de l'extrémité de la terre, puifqu'on pourra
toûjours faire venir en œufs propres à être couvés ceux que
leur délicateffe ou la difficulté de les nourrir ne permet pas
de faire venir vivans. Toutes les perfonnes qui feront cu-
rieufes de voir leur terre peuplée de perdrix, de faifans &
de toutes fortes d'oifeaux , pourront à loifir amafler des œufs
& les faire éclorre dans fa faifon convenable, fans avoir rien
à craindre des accidens qui font fi fouvent manquer les cou,
vées : les environs des grandes villes pourront leur fournir
la volaille nécefaire à leur confommation, fans qu'il faille
la faire venir à grands frais des provinces éloignées ; enfin .
on ne dépendra plus du caprice des couveufes, ni des temps
où la Nature leur donne l'envie de couver, & on pourra avoir
en tout temps de la viande nouvelle avec une facilité prefque
égale; tous avantages dont on avoit jufqu'ici été privé, &
dont il ne tiendra qu'à nous de jouir.
Mais indépendamment de cette utilité morale, le nouvel
art offre un beau champ aux obfervations phyfiques : une
bafle-cour n'eft pas f1 effentiellement dévouée à la malpro-
preté & à la rufticité qu’on fe limagine communément, elle
eft fufceptible d'une forte d'élégance; on peut la décorer
d'efpèces de berceaux qui feront de véritables cages, autour
defquelles on ménagera un paflage commode & à l'abri de
la boue & du fumier ; à l'aide de ces différens logemens,
on pourra faire une infinité d'expériences curieufes fur les
mélanges des différentes efpèces d’oifeaux, fur {eur nourriture
& fur une infinité de points intéreffans, vérifier fr l'inftinét
eft abfolument inné aux animaux, ou s’il ne dépend pas d’une
forte d'éducation, fi on pourroit apprivoifer des oifeaux de
proie
DES SctrEnNceEs. 49
proie avec les animaux domeftiques, & guérir ceux-ci de {a
frayeur qu'ils en-ont naturellement: fi on pourroit introduire
dans les alimens qu'on offre aux volailles, des matières ou
des plantes capables de donner différens goûts à leur chair:
fur la manière de prévenir ou de retarder la mue, & par
conféquent le temps où les volailles ne pondent point, en
les dépouillant, avant le temps, de leurs plumes; & fur le
changement, foit naturel, foit artificiel, qui arrive à chaque
mue dans eur couleur; enfin on peut dire que ce Mémoire
de M. de Reaumur peut être regaidé comme l'efquifle d’un
grand nombre d'Ouvrages intéreffans dont il ne fait qu'in-
diquer le füjet. jé
Le livre de M. de Reaumur à eu le fort de t s bons
Ouvrages ; il a été goûté du Public, & la première édition
très-rapidement enlevée, une feconde à Paru avant que cette
Hifloire ait pû être donnée au Public. On juge bien que
cette feconde édition seft trouvée augmentée de plufieurs
obfervations que nous n'avons fait aucune difficulté de Joindre.
aux premières ; mais M. de Reaumur la encore enrichie de
deux morceaux eflentiels : le premier eft un abrégé de tout
lOuvrage, dans fequel il a foigneufement retranché tout ce
qui »'étoit que curieux, pour fe borner abfolument à la pra-
tique de cet art, & qui peut fervir de guide à tous ceux qui
ne voudront que l'exercer ; le fecond eft un Mémoire entier
fur la manière d'engraifler la volaille. -
On fe tromperoit fi on s'imaginoit que pour"engraiffer a
volaille ‘au point atiquel notre délicatefle nous fait fouhaiter
qu'elle le foit, il fuffife de lui procurer des alimens, même de
œux qui lui font les meilleurs & les plus agréables, autant
qu'elle en voudroit; on ne parviendroit qu'avec un temps
très-long & de très-grands ffäis, à mettre celles qu'on traite-
roit ainfi, dans l'état où on les nomme grafles.
On.en engraiffe dans plufieurs endroits du royaume, mais
ceft dans la province du Maine qu'on réuffit le mieux, &
en particulier dans le bourg Qu'on nomme Mézeray : M.
Baufflan Dubignon, Notaire royal, & Procureur fifcal de la
He 1749. . G
o Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
ville de la Suze, qui n’en eft qu'à une lieue, a envoyé à
M. de Reaumur un Mémoire détaillé de. cette opération;
c'eft ce Mémoire qui a fervi de bafe à l'addition dont nous
parlons.
Toutes les volailles ne font pas propres à être engrailfées,
on doit choifir par préférence celles qui ont les plumes rouffes
ou noires, les blanches & les grifes ne paffent pas pour être
auflrbonnes ; mais fur-tout on doit avoir une extrême atten-
tion à ne prendre que celles qui ont les pattes noires, celles
qui ont les pattes Jjaunesme peuvent jamais devenir ce. que
Jon nomme de la viande blanche.
Les volailles qu'on veut engraifler doivent avoir cinq à
fix ne ce font des poulettes, on les féqueftre de bonne
heure du commerce des autres volailles, & fur-tout des coqs,
dont le fouvenir pourroit interrompre la tranquillité dont elles
ont beloin ; mais fi ce font des coqs qu'on veuille engraifier,
il faut les prendre beaucoup plus tôt; car chez les oïfeaux,
& fur-tout chez les poules, les mâles font plus précoces que
les femelles. On parvient auffi à engraifler de vieilles volailles,
mais elles font toûjours dures, & ne valent rien à manger.
Le choix des volailles qu'on doit engraiffer étant fait, on
les met fous une de ces cages d’ofier connues dans toutes les
campagnes, chaque cage en contient environ une douzaine.
La chambre dans laquelle on les place, ne peut être trop
obfcure : on cherche à leur Ôter tout defir de fortir & de
remuer, ceft pour cela que non feulement on obfcurcit Ja
chambre & qu'on couvre même la cage d'un tapis épais, mais
qu'on a encore un foin particulier d’éloigner affez ces endroits
des autres poules, pour que celles qui y font enfermées ne les
entendent point.
: Le lit fur lequel elles font couchées, eft compolé de feuilles
de fougère, ou, à leur défaut, de paille; mais en ce dernier
cas il faut bien prendre garde qu'il n'y ait des, épis, les
volailles fortiroient, pour les becqueter, de Finaction qu'on
en exige, & elles en pourroient avaler, ce qui les met-
troit en danger de périr. On pourroit peut-être effayer de
DlEWs N S'c 1 Er Nécieis N: 4
communiquer du fumet aux volailles, en eur formant un
lit de plantes aromatiques; mais l'expérience n'en a pas en-
core été faite, & M. de Reaumur ne donne cette idée que
comme une vüe qu'en peut fuivre. .
On empäte les volailles deux fois par vingt-quatre heures,
à douze heures June de l'autre : leur repas eft compofé de
boulettes oblongues de la grofleur d'une médiocre olive,
faites d'une pâte de farine de blé noir ou d'orge, mélée
avec celle d'avoine. La proportion dans laquelle ces farines
font mélées, n’eft ni déterminée ni bien importante, il faut
feulement éviter d'y faire entrer du feigle, du moins en
quantité confidérable, & d'y employer du mays ou blé de
Turquie; on affure que ce dernier rend jaunes fa graïfle &c
la peau des volailles : on y peut introduire un peu d'ivroie,
pour les déterminer au repos & au fommeil qu'il faut leur
procurer. Ces farines font uniquement détrempées avec de
Veau tiède, & réduites en une pâte dont on fait les boulettes
oblongues dont nous avons parlé, & qu’on nomme les pétons,
Chaque poulette avalle communément à fon repas envi-
ron trente ou quarante pätons, qu'on fait tremper un peu
dans du lait mnt chauflé; ce lait doit auffi être
leur boiffon , mais à fon défaut on peut y fubftituer du bouillon:
il eff vrai qu'il n'y a pas d'épargne à leur en donner, parce
que les poules privées de lait confomment plus de farine
que celles à qui on ne l'épargne pas?
La plufpart des volailles fe prétent volontiers à ce repas,
il y en a cependant qui s'y refufent : on ne doit, en ce cas,
faire aucune difficulté de leur faire avaler les pâtons de force,
& de les conduire, en preffant doucement le col, jufque dans
leur jabot; mais on ne doit jamais leur faire commencer un
repas qu'on ne fe foit afuré de la digeftion du précédent, en
tâtant le jabot; car fi on n'y fent aucuns pâtons, on peut
être für que la digeftion eft faite; fi au contraire on y en
trouŸe, on rendra le repas plus léger, & on les fera boire
davantage; on peut même , en ce cas, mêler dans la pâte un
peu de cendre bien faflée,
Gi
52 Histoire DE L'ACADÉMIE RoraALE
Au bout d'environ trois femaines, la volaille à pris toute
la graifle qu'elle peut prendre, & on doit l'employer promp-
tement, car elle dépériroit en peu de temps; cette graifle
u’on leur a fait prendre n'eft rien moins qu'un état de fanté,
elle eft le figne prochain d'une maladié très- dangereufe;
ces beaux foies gras dont on ef fi friand, font, à parler phy-
fiquement, des foies engorgés de la plus monftrueufe obftruc-
tion qu'on puifle voir, & prêts à faire périr dans peu les
animaux qui les portent. Ï1 ne faut donc pas donner à la
maladie le temps de fe déclarer; dès que l'animal en eft venu
A, non feulement il n’engraïfleroit plus, mais il dépériroit,
& feroit très-long-temps à guérir & à fe remettre.
Ce que nous avons dit du lit qu'on donne aux volailles,
peut, à plus jufte titre, s'appliquer à leur nourriture; on
pourroit tenter d'y mêler des plantes aromatiques , des épi-
ceries, des truffes, &c. pour en faire palier le goût jufqu'à
leur chair. M. de Reaumur a fait entrer de l'ail dans la pâtée
de plufieurs poulardes, dont la chair avoit eflectivement un
goût d'ail bien marqué; &c S. A, S. Monleigneur le Prince
de Conti lui a afluré, qu'une volaille nourrie d'une pâtée où
on avoit fait entrer des épluchures de truffes, en avoit auffi
pris le goût: on pourroit donc faire fur ce fujet des effais &
des tentatives, avec une efpérance afflez grande d'y réuflir.
Ces expériences ne font pas les feules qu'on puifle tenter
fur cette matière, l'art*d'engraifler les volailles n'a été ju£
qu'ici conduit que par tâtonnement, & confervé que par une
groffière tradition ; la Phyfique ne la point encore éclairé,
& il n'y aura certainement qu'à gagner à la connoïfflanee
qu'elle en prendra.
On n'a point aflez examiné tout ce qui concerne les dif-
férens grains qu'on émploie, leur quantité, leur mélange,
sil ne feroit pas plus avantageux de leur donner ces farines
en bouillie cuite qu'en pâte; tous fujets d'autant d'expériences,
que M. de Reaumur ne fait qu'indiquer : on peut fe repo-
fer fur lui de toutes ces recherches, plus longues & plus
délicates qu'on ne simagine communément. Nous avons
DES 'S c'r'E NCIS: s
* rendu compte d'une partie de celles qui font contenues dans
fon Ouvrage, mais il faut être accoûtumé aux expériences
pour connoître tous les détails pénibles dans lefquels ila été
obligé d'entrer, & tenir compte au Phyficien de ce que lui
a coûté f'envie d'être utile à fe; concitoyens.
Mrs E. mème année M. de Mairan donna fa quatrième
y édition de fa Differtation fur la Glace, où Exphcation
plyfique de la formation de la Glace à de fes divers phéno-
mênes.
IL n'eft probablement aucun phénomène dans la Nature
afez ifolé pour que fon explication ne fuppofe pas celle de
plufieurs autres, & fouvent l’établiflement d'un fyftème gé-
néral du monde; telle eft en particulier l'explication des phé-
nomènes de la glace : il feroit peut-être impofñfible d'en rendre
raifon fans employer F'exiftence d’une matière fubtile dont la
préfence, du moins en quantité fuffifante, püût donner la
fluidité aux corps les plus durs, & dont {a privation totale,
ou même la diminution exceflive, remit les plus ‘fluides
dans l'état de folidité. A la vérité ’exiftence de cette ma-
tière n’eft pas démontrée, mais elle femble fe déceler par
tant d'eflets, qu'on ne peut en regarder la fuppoftion que
comme le fyftème le mieux appuyé qu’on puifle faire. C’eft
à juftifier ce mot de /yffême qu'eit employée la plus grande
partie d’une préface que M. de Mairan a mife à la tête de
cette édition de fon Ouvrage, qui eft la quatrième; car la
Differtation fur Ja Glace a joui de l'honneur qu'un livre peut
tirer de la multiplicité des éditions, & qui eft accordé f5
rarement aux ouvrages de Phyfique. d
On a certainement donné trop aux fyftèmes, lorfque la
Philofophie de Defcartes fit changer abfolument de face à la
* Phyfique; on les profcrit peut-être aujourd’hui trop univer-
fellement. L’efprit humain eft fujet à ces fortes d’ofcillations,
dont, pour Fordinaire, les deux extrémités font également
wicieufes, la raifon feule s'arrête au jufte milieu. En effet,
qu'ont été autrefois les points les plus certains aujourd’hui dans Ja.
G ii
s4 HisToire DE L'ACADÉMIE Royare
Phyfique?, de véritables fyflèmes, que a fagacité de quelques
grands hommes avoit fondés fur un petit nombre de faits,
&. qui les ont mis en état d'imaginer les expériences nécef-
faires pour s’aflurer de la vérité. Auroit-on dû les profcrire
dans le temps qu'ils n'étoient pas encore revêtus du degré
de certitude fufhfant pour être regardés comme principes
phyfiques? On y. auroit certainement perdu ; nous n'aurions
ni la connoiflance de la pefanteur & du reflort de l'air, ni
l'arrangement des corps célefles, ni une infinité d’autres con-
noiflances aujourd’hui certaines, & qui ont commencé par
être fyftèmes : d'ailleurs, 'efprit humain a befoin d'être excité,
fouvent il ne produiroit pas tout ce dont il eft capable, s'il
n'afpiroit à quelque chofe de plus. Les plus belles décou-
vertes de Képler font dûes à l'attachement qu'il avoit pour
une certaine proportion harmonique qu'il croyoit régner
dans la Phyfique célefte. Combien l'envie de donner des
preuves du principe que M. Newton emploie dans fa Phy-
fique, n'a-t-elle pas occafionné de découvertes! Enfin un
fyftème eft, felon M. de. Mairan, dans l'étude de la Phyfr-
que, ce qu'eft la règle de faufle pofition dans l’Arithmétique;
il n'y a pas plus de rifque à employer l'un que l'autre, &
il n'y a d'inconvénient qu'à en mal ufer. On ne doit donc
pas lui contefler le principe d’une matière fubtile qu'il em-
ploie, principe reconnu, de prefque tous les Phyficiens, &
que M. Newton lui-même, plus intéreffé que perfonne à ne
le pas admettre, n'a pû s'empêcher d'adopter comme M. de
Mairan l’adopie lui-même, c'eft-à-dire, comme un fuide
actif infiniment fubtil, répandu dans les cieux à fur la terre
par Jon élafficité, 7 traverfant librement les pores de tous les
corps. C'eft en eflet de la fuppofition de cette matière que
part M. de Mairan pour l'explication des phénomènes. de
la Glace,
Il ny à peut-être aucun corps fur la terre qui ne foit
fufceptible d'être mis en fufon, c'eft-à-dire, dans l'état de
liquidité, du moins les expériences du miroir ardent fem-
blent autorifer à le croire; comme il n’y en a aufi peut-être
k;
DES SCIENCES. s5
aucun qui ne puiflé pafler de l'état de liquidité à celui de
corps folide, fi on le dépouille fuffifamment de la matière qui
entretenoit fa fluidité; c'eft donc le plus ou le moins de cette
matière qui fait prendre aux. corps ces deux formes fi diffé-
rentes. Pour mieux fentir en quoi confifte cette différence,
il faut tâcher de fe former une jufte idée de ce qu'on appellé
dans les corpsg liquidité,
Un corps peut en général être ou folide ou fluide; s’il
eft folide, toutes fes parties intégrantes font exaétement appli-
quées les unes contre les autres, & non feulement n'ont
aucun mouvement refpectif, mais méme n’en font pas fuf-
ceptibles, à caufe de l’efpèce d'engrénage qui les unit. Qu'on
fuppofe maintenant ces parties defunies, elles deviendront
mobiles les unes à l'égard des autres, & le corps aura pañfé
de l'état de folidité à celui de fluidité : veut-on s’en former
yne image jufle, quoique groflière? qu'on fe repréfente un
morceau de bois d’abord dans fon entier, & enfuite réduit en
rapures, omaura dans le premier cas un corps folide, & dans
le fecond un tas de pouffière qui fera un véritable fluide.
Les parties du corps fluide font fufceptibles de tout mou-
vement étranger, mais elles n’en ont aucun par elles-mêmes,
&elles ne fortiront jamais de leur état d’inaétion ; ft on veut
rendre ce corps fluide un véritable liquide, if ne faut qu'y intro-
duire un autre fluide plus fubtil qui foit en mouvement, &
qui puifle, en fe gliflant dans les intervalles des parties du
fluide, les foûlever, les empêcher de sunir, & leur com-
muniquer fon mouvement. Dans la fuppofition que nous
avons faite, il n'y. a qu’à introduire de l’eau en quantité fuff-
fante dans le tas de rapures, pour en compofer un tout capable ‘
de fe répandre, de couler, de mettié fa furface de niveau
s'il eft contenu dans un vaifleau, & dont les parties n'auront
aueune adhérence les unes aux autres; en un mot, ce fera un
véritable liquide.
* Si on imagine préfentement que l'eau foit retirée de ce
compofé, il rentrera dans l’état de pouflière ou de fimple
fluide; & fi on l'enveloppe d'une toile qui le ferre fortement,
6 HiSTOoIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
il reprendra la folidité, & ne différera de ce qu'il étoit avant
d'être rapé, que parce que la preffion de la toile ne fera pas
fuffifante, & que l'irrégularité des particules rapées ne leur
permettra pas de fe joindre aufli exactement qu'elles l'étoient
dans le morceau de bois; auffi le nouveau folide aura-t-il un
volume plus confidérable : appliquons cette image groflière
à la congélation de l'eau. o
Les particules intégrantes de l'eau font la rapure dont nous
avons parlé, à cela près que leur figure eft probablement
uniforme, plus propre à s'arranger, & qu’elles font d'une pes
titeffe de laquelle l'imagination eft efrayée : M. Nieuwentyt,
cité par M. de Mairan, démontre que la pointe de l'aiguille
la plus fine pourroit porter treize mille de ces parties.
Malgré leur extrème petitefle , les parties élémentaires de
Veau font peut-être encore plus groffières à l'égard dé la ma-
tière-fubtile qui fe meut dans leurs interftices, que l'eau elle-
même ne left à l'égard de notre rapure de bois; elles feront
donc foùlevées, mües en tout fens, & maintenues dans une
véritable liquidité par la matière fubtile, dont l'agitation &
le reflort ne leur permettront de fe joindre que rarement, &
pendant de courts intervalles.
Nous difons müûes en tout fens, car indépendamment du
mouvement tranflatif de la mafle entière des-liquides, ils ont
encore un mouvement inteftin & refpeGif de leurs parties
les unes à l'égard des autres; ce mouvement, pour échapper à
nos fens, n’en eft pas moins réel, le prompt effet de l'eau fur
les fels & des acides fur les métaux, en eft une preuve bien
certaine ; mais M. de Mairan y en ajoûte une d’un autre
genre & bien ingénieufe. Les parties des liquides ne réfif-
tent à l'évaporation que par leur mafle & leur adhéfion mu-
tuelle ; fa maffe fe comnoït par le poids, & l’adhéfion des
parties par d’autres expériences: cela pofé, s'il n’y avoit pas
un principe inteflin d'évaporation , des liqueurs différentes
expolées pendant le même temps à l'air dans des circonf
tances & des vaifleaux abfolument femblables, devroient s’é-
vaporer en raïfon inverfe compolée de leur pefanteur & de
L l'adhéfion
DES y $C 1E NCMES. s7
Yadhéfion de leurs parties ; cependant les expériences que
M. de Mairan a faites fur l'eau & fefprit de vin, ont
donné l'évaporation de ces liqueurs dans la raifon de 8 à r,
quoique celle qui fe tire de leur pefanteur & de leur liqui-
dité ne foit que de $ à 4: il y a donc dans l'intérieur de
ces liqueurs un principe de mouvement qui eft beaucoup
plus grand dans l'efprit de vin que dans l’eau commune, &
qui influe beaucoup fur leur évaporation. C'eit par cette
ingénieufe méthode que M. de Mairan parvient à faire con-
noître combien de part ce principe y a.
li f préfente ici naturellement une objection tirée de fa
quantité même de l'action du mouvement inteftin des fiqui-
des : comment eft-il poflible que cette quantité de mouve-
ment qui exifle fans celle dans l'intérieur d’un liquide, ne
defunifie pas toutes fes parties, & ne les diffipe pas en très-
peu de temps? Pour peu qu'on fafle attention à la force
d'inertie des parties intégrantes, qui oppofe une réfi au
mouvement , & que l'on confidère d'ailleurs que la matière
fubtile n'eft ni en auffi grande quantité, ni dans un mouve-
ment auffi libre au dedans de la liqueur qu'au dehors, &
que par conféquent celle du dehors doit avoir plus de force
pour retenir les molécules extérieures fur lefquelles elle agit,
que celle du dedans n'en a pour les foulever, on verra que
les liqueurs ne s'évaporeront que lentement, & d'autant plus
lentement, que ceite diflérence ent e la liberté de mouve-
ment de la matière fubtile du dehors & du dedans fera plus
grande; fi au contraire elle eft très-petite, la liqueur fera fr
facilement évaporable, qu'elle fe diffipera prefque fur le champ:
on en peut voir un exemple dans la préparation chymique
qu'on nomme her; elle eft d'une fi grande füubtilité, que le
doigt qu'on en a mouillé eft {ec fur le champ, & que les
gouttes qu'on laiffe tomber d'un peu haut {e diffipent avant
que d'être arrivées à terre.
… La nature des fluides une fois établie, il n'eft plus diff-
cile d'imaginer comment fe fait la congélation, il ne faut en
eflet pour cela que concevoir que par quelque moyen la
* if 1749. "1
? Voyez Hif.
1719: P:3:
58 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
quantité, le mouvement & l'élafticité de la matière qui coule
entre les parties intégrantes d’une liqueur, foient détruits, ou
beaucoup diminués ; bien -tôt ces parties s’appliqueront les
unes fur les autres, y feront retenues par l'effort que la ma-
tière fubtile du dehors fera contre celles qui feront à lexté-
rieur, & le fluide deviendra folide, ou, comme on parle
communément, fera glacé.
Il n'eft pas auffi facile d'affigner la caufe qui opère cette
diminution de matière fubtile dans l'intérieur de la Jiqueur,
que de juger que la congélation en eft la fuite ; celle qui fe
préfente la première, eft la différente pofition du foleil en
hiver & en été, & la différence de la longueur des jours,
qui en eft une fuite, & il eft certain qu'elle y influe confi-
dérablement ; mais fi on veut la rappeler au calcul, on verra
bien-tôt qu'il s'en faut beaucoup qu'elle ne foit la feule.
Eu effet, labaiffement du foleil ne contribue au froïd
autre manières; la première, en diminuant la durée du
jour naturel; Ja feconde, parce que les rayons tombant plus
obliquement fur le terrein, un même efpace en reçoit moins
que quand ils y tombent perpendiculairement ; la troifième,
parce que cette obliquité augmente les ombres, & fait qu’une
plus grande partie du terrein n'eft ni éclairée ni échauffée;
& enfin parce que Îles rayons du foleïl, plus obliques, ont
une plus grande épaifleur de l'atmofphère à traverfer, &
qu'il s’y en perd un plus grand nombre. Nous n’infiftons pas
davantage fur ce détail, dont l'Académie a rendu compte
au Public d'après M. de Mairan même, dans fon Hiftoire
de 1719 *; ruais toutes ces caufes mifes en jeu fuivant lin-
tenfité qu'on leur connoït, il en réfulte que la chaleur du
foleil en été eft à celle qu'il donne en hiver, comme 66 eft
à 1: or, par les expériences de M. Amontons, la chaleur
obfervée en été eft à la chaleur obfervée en hiver, comme
6o eft à $1+, ou dans la raifon de 8 à 7. Il y a doncun
fonds de chaleur inhérent à Ja terre, & indépendant de celle
qui lui eft communiquée par le foleïil, & le calcul donne
ce fonds de chaleur de 3 92 parties, auxquelles joignant 66,
DES SCIENCES. 9
on aura fa chaleur d'été exprimée par le nombre 45 8; & en
ajoûtant 1 au même nombre, celle d'hiver exprimée par 393:
nombres qui font dans la proportion de 8 à 7 que deman-
dent les obfervations de M. Amontons: nous alfons examiner
d'où peut venir cette chaleur étrangère à celle du foleil.
La première idée qui fe préfente, eft que la terre ne dif-
fipe pas en hiver toute la chaleur qu'elle a reçüe du foleil
pendant l'été, mais qu'elle en tient en réferve une portion qui
forme ce fonds de chaleur dont nous avons parlé; cependant
un grand nombre d'expériences font voir que cette caufe ne
peut avoir lieu, où du moins qu'elle n’eft pas la feule qui
concoure à cet effet.
Si le fonds de chaleur que conferve Ia terre ne veneit
que de l'aétion des rayons du foleil, il eft certain que cette
chaleur fe feroit beaucoup plus fentir près de fa furface qu'à
une plus grande profondeur; que les lieux les plus élevés
& les plus expofés à l'action du foleil feroient auffi les plus
échauffés, & qu'enfim les eaux de la mer ne recevant de
chaleur que jufqu'à la profondeur à laquelle les rayons du
foleil peuvent les pénétrer, le fond devroit être, à une grande
profondeur, beaucoup plus froid que la furface: rien de tout
cela n'arrive, & on obferve précifément tout le contraire,
La chaleur qui , jufqu'à une certaine profondeur, fe foûtient
à un même degré, ceft-à-dire, au 10+ au deflus de la
congélation du thermomètre de M. de Reaumur, va enfüite
en augmentant à melure qu'on defcend davantage: M. de
Genfanne a obfervé dans la mine de Giromagny en Alface,
que le même thermomètre qui jufqu'à cinquante-deux toifes
sétoit foûtenu à ro degrés, étoit monté à mefure qu'on
senfonçoit plus avant, & qu'au fond de la mine, à la pro-
fondeur de deux cens vingt-deux toiles, il étoit monté juf-
qu'à 18 degrés; on n'oblerve point cé froid rigoureux qui
devroit régner au fond de la mer, fi elle n'étoit échauffe
que par les rayons du foleil, puifqu'ils ne la pénètrent pas
au delà de quarante-deux toifes * : bien loin delà les obfer-
vations de M. le Comie Marfigli femblent indiquer que fa
H ji
* Effui d'Oy-
tique fur la gra-
dation de la lu-
mére, par M.
Bouguer, p. 85.
6o Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
température eft prefque toûjours égale, & à peu près la même
que celle de l'air que nous appelons tempéré. I y a donc fous —
Ja mer un principe de chaleur, indépendant des rayons du’
foleil, & qui‘lentretient dans cette température, fans quoi
fon fond, à deux, trois où mème quatre cens brafles, feroit
d'une froideur infupportable, & peut-être toûjours glacé. Bien
Join que les lieux les plus élevés foient auffi les plus échauffés
du foleil, il eft au contraire connu de tout le monde que
les montagnes qui s'élèvent à une certaine hauteur, que les
obfervations de M. Bouguer ont fixée fous la Ligne, à 2400
toifes, ont leur fommet toujours couvert de glace & de
neige que lardeur du foleil ne peut jamais fondre, & qu'en
Sibérie qui, fi on s’en rapporte aux rivières qui y prennent
leur fource, eft peut-être le plus haut pays du monde, on
éprouve un froid exceflif & infiniment fupérieur à celui qu'on
refent dans plufieurs endroits fitués fous le même parallèle.
On peut donc raifonnablement conjecturer que la chaleur
qui s'élève du fond de la terre, arrive plus difficilement à
ces lieux plus élevés, & que plufieurs caufes locales telles
que des bancs de rochers, des nappes d'eau foûterraines, ou
même dans certains endroits des nappes de glace, interceptent
fon action, & produifent par cette fuppreflion le froid énorme
qu'on reffent dans des lieux qui femblent les plus expolés à
l'action du foleil.
Quand on n'auroit pas d’autres preuves de l'exiflence d'un
feu, finon central, du moins foûterrain & très-profond, ce
que nous venons de rapporter fufhroit pour en établir la
néceffité; mais combien de raifons ne trouve-t-on pas encore
pour venir à l'appui de ce fentiment, les volcans, les trem-
blemens de terre, les éruptions partant du fond de la mer;
° Vy. Hif. qui quelquefois produifent des ifles & des écueils?, quel-
Fe ra P:23+ quefois la couvrent de pierres ponces b dans l'étendue de
Je Eee plufieurs centaines de lieues, & plus fouvent encore de mor-
ceaux de bitume ! à quoi peut-on raifonnablement les attribuer
fr on n'admet pas une immenfe quantité de feu profondémen
enfeveli fous terre, & qui, fuivant différentes circonftances
M'OTE Sc T'E MEE;S 61
fe fait jour, tantôt par un endroit, & tantôt par l'autre?
La propriété qu'ont les tiges des plantes de s'élever toû-
jours perpendiculairement à horizon, quelque incliné que
foit le fol fur lequel elles fe trouvent, paroît n'être qu'une
fuite de ce feu foûterrain, dont les vapeurs s’élevant conti-
nuellement, enfilent les canaux des jeunes tiges encore fou-
ples, & les forcent à prendre leur direétion vers le zénith:
les mêmes vapeurs entrent peut-être pour beaucoup dans les
variations de hauteur du baromètre, & contribuent par des
augmentations fubites de leur quantité, aux grands changemens
qu'il éprouve dans les tempêtes, les tremblemens de terre
& les éruptions des volcans ; ce qui paroït encore plus con-
firmer cette idée, c'eft que fur les hautes montagnes où les
émanations du feu foûterrain fe font moins fentir que par-
tout ailleurs, le baromètre a aufli moins de variation dans
fa hauteur, & que d’ailleurs les tremblemens de terre, en
quelque faïfon & fous quelque climat qu'ils arrivent, font
toûjours fuivis d’une plus grande chaleur qui ne peut être
attribuée qu'aux vapeurs du feu foûterrain qui fe font échap-
pées en plus grande quantité pendant la durée du tremble.
ment : ne pourroit-on pas même attribuer à des éruptions
fubites, mais moindres, de ces mêmes vapeurs, les chaleurs
qui furviennent quelquefois fans caufe apparente? on en tirera
encore l'explication d'un phénomène qui, quoique très-com-
mun, n'a peut-être été que peu oblervé par les Phyficiens.
Après les grandes gelées, lorfque la terre commence à {ortir
de fon inaétion, la furface devient fenfiblement chaude, quoi-
que fouvent les nuages n'aient pas permis au foleil d'y con-
tribuer; les gens de la campagne difent alors que la terre
s'ouvre & travaille: à quéi peut-on attribuer plus raiformable.
ment cette chaleur qu'aux vapeurs du feu foûterrain, qui
“ayant été retenues long-temps par felpèce de croûte que for-
moit la gelée, fe répandent alers avec plus de force & d’abon-
“dance dès qu'elles ont le pañfage libre?
… Il réfulte de ce que nous venons de dire, que l'exiftence
d'un feu foûterrain & très-profond eft plus que probable,
H ii
62 HisrTorre DE L'ACADÉMIE ROYALE
& que l'on doit lui attribuer ce fonds de chaleur indépendant
du feleil, que les expériences & le calcul nous indiquent :
or la fuppofition des vapeurs chaudes que ce feu exhale, étant
admife, il eft évident qu'on ne peut les fupprimer en tout
ou en partie, fans que la chaleur qui en réfultoit fur la terre
& dans l'air, n’en foit diminuée, ou, ce qui revient au même,
le froid augmenté; le froid furvenu par différentes caules à
la furface, devient caufe à fon tour en reflerrant les pores
& arrétant de plus en plus les vapeurs foûterraines , ceite
retenue de vapeurs eft fuivie immanquablement de là gelée,
quand toutes les autres circonftances requiles de la faifon &
du climat y concourent, & la gelée dure autant que ce con-
cours de circonftances; bien entendu cependant que dans
les climats extrêmes, foit pour le chaud, foit pour le froid,
les caufes locales abforbent l'effet de celle-ci, à moins que
des circonftances particulières ne la faffent reparoître ou n'en
marquent la fupprefion, comme il arrive fur les hautes mon-
tagnes fituées {ous la Ligne, où on éprouve un degré de froid
très-étranger au climat, & qui n'eft vrai-femblablement dû
qu'à la fuppreffion des vapeurs centrales, caufce par la hau-
teur & la texture intérieure de ces montagnes.
Non feulement la diminution de faction du foleil & Ia
fuppreffion des vapeurs contribuent, comme caufes générales,
à la gelée, mais il y a encore une infinité de caufes locales
qui y concourent; les fels dont certains pays abondent, le
nitre fubtil qui fe trouve dans Fair, les corpufcules vitrio-
liques qu'exhalent les mines & les fonderies, deviennent des
caufes particulières qui produifent un degré de froid très-
confidérable dans des climats qui fembleroient en devoir
être exempts par leur fituation. I y a des provinces dans
la Chine, auffi proches de l'Equateur que le Portugal & {a
Sicile, où il ne faut que creufer la terre de trois où quatre
pieds pour en retirer des monteaux de glace, même pendant
les mois de Juillet & d'Août; effet qu'on ne peut attribuer
qu'au falpètre que ce terrein contient en très- grande abon-
dance: enfin les vents chargés de ces mêmes corpufcules
TT OUR
LpEs-: Sc LE NiCiELs, 3
falins, deviennent encore une cul accidentelle de froid dans
tous les pays où ils les portent.
… Le froid agit différemment für les différentes liqueurs; celles
dont les parties intégrantes font plus grofles, plus rameufes,
moins polies ou plus denfes, fe gèlent plus facilement que
celles qui ont des qualités contraires; les huiles grafles, par
exemple, fur-tout fhuile d'olive, gèlent à un degré de
froid très-médiocre, & M. de Mairan tire de-là un moyen
de reconnoître fr on 'a fophiftiquée en y mélant de l'huile
de pavot, dont le goût feul ne pourroit la faire reconnoître;
Ü ny a qu'à expoler à un médiocre froid celle qu'on foup-
çonne d'être altérée, l'huile d'olive gèlera la première, &
celle de pavot demeurera affez fluide pour qu'on puiffe l'en
féparer. Les recherches phyfiques offrent prefque toûjours,
indépendamment de la curiofité, quelque utilité accefloire,
qu'on ne cherchoït pas direétement.
Le mercure, les efprits acides & les liqueurs fpiritueufes
font au contraire les fluides qui fe gèlent le plus diffcile-
ment; lefprit de vin ne gèle jamais à Paris, mais il eft
certain qu'un plus grand degré de froid eft fufffant pour le
geler. Les Académiciens qui ont fait le voyage du Cercle
Polaire, ont éprouvé que l’efprit de vin de leur thermomètre
s'étoit gelé à un froid très-ordinaire en Lapponie, & peut-
être n'y a-t-l aucune liqueur à laquelle un degré de froid
fuffifant ne fit perdre fa liquidité; celle que les efprits acides
confervent fi obftinément, eft peut-être dûe à {a forme de
leurs parties, qu'on fuppole figurées comme des {ancettes
liffes, dures & tranchantes, & qui, comme des coins, font
€flort contre celles de leurs voifines qui feroient prêtes à fe
joindre. Le mercure au contraire pourroit bien n'avoir la
propriété de ne pas fe geler, du moins au degré de froid
que nous connoiflons, que parce que fes parties font extré-
mement petites, rondes, dures & polies ; ce qui ne peut
leur permettre de fe joindre, & livre toûjours des patiages
faciles à la matière fubtile que nous avons fuppolé fe mou-
voir dans l'intérieur de tous les liquides.
64 HisTorRe DE L'ACADÉMIE ROYALE
Il y a des fluides qui offrent un phénomène différent, &
qui femble fe refufer à l'explication que nous venons de
donner; ce font ceux qui font fujeissà la coagulation : ils
font fufceptibles de deux fortes de congélation, {1 on peut
fe fervir de ce terme; ils gèlent, comme les autres fluides,
par un froid confidérable, mais les uns, comme le lang » per-
dent une grande partie de leur liquidité, par un froid très-
médiocre, & les autres, comme le blanc d'œuf, s’épaifliffent
par l'action du feu ; cependant, fi on veut y faire une attention
férieufe, on verra que ces fluides rentrent dans la règle gé-
nérale, & font voir dans leur coagulation une image de ce
qui fe pafle dans fa véritable congélation. Le blanc d'œuf &
les corps qui lui reflemblent, ne font rien moins que des
corps fimples, ils ne doivent leur liquidité qu'à une por-
tion de matière aqueufe qui tient les autres parties féparées,
& fait à leur égard, quoique très-groflièrement, le mème
efet que fait la matière fubtile dans les véritables fluides ;
cette eau eft enlevée par le feu, comme la matière fubtile
eft chaffée des pores des liquides par le froid : il doit donc
arriver aufli que les parties privées de ce qui failoit leur
principale fluidité, s’uniffent les unes aux autres, & prennent
une efpèce de folidité. A l'égard des fluides qui, comme
le fang, fe coagulent à un très-petit degré de froid, ou pluftôt
qui ont befoin d’un aflez grand degré de chaleur pour fe
conferver liquides, ïls font compolés de parties pefantes,
nageant dans une liqueur mucilagineufe dans laquelle le feul
mouvement les foûtient : aufli dès que la liqueur cefle d’être
animée par une fufhfante quantité de chaleur, ou, ce qui eft
peut-être la même chofe, de matière fubtile, la liqueur fe
fépare, & les parties les plus pefantes, tombant au fond, y
forment par leur union, un véritable coggulum. Ces liquides
en apparence fi contraires à l’hypothèfe de M. de Mairan,
& dont cependant la congélation s'explique fi naturellement
par fon moyen , doivent fervir d'exemples pour y rame-
ner les autres fluides qu'on ne peut examiner tous en détail;
pañons préfeniement à la congélation de l'eau que M. de
Mairan
DES SCiENCESs. 65
Mairan a eue principalement en vüûe dans cet ouvrage.
Les fluides ne font pas compofés plus que les folides,
de parties qui foient abfolument égales en groffeur, en figure
& en mobilité; dès que la matière fubtile eft diminuée juf-
qu'à un certain point dans l'intérieur de l'eau, celles de fes
parties qui font les plus groffes, les plus raboteufes & les
moins mobiles, s’accrochent les unes aux autres, & forment,
en s’uniffant, les premières molécules de glace. Les intervalles
qui {e trouvent entre ces premières parties jointes, deviennent
des canaux conftans dans lefquels la matière fubtile doit avoir
un mouvement plus libre que dans les interftices des parti-
cules voifines & prêtes à s'unir; elle doit donc enfiler ces
canaux, d’où il réfultera qu'en abandonnant ces particules
d'eau déjà très-prêtes à fe geler, elles fe convertiront en
glace, qu'elle les forcera à s'arranger dans Ja direétion des
premiers canaux , fuivant laquelle elle fe meut, & par con-
féquent à former des filets en ligne droite; ceft effective-
ment ce qu'on voit arriver dans la congélation de l'eau, qui
commence toûjours par de pareils filets.
Nous difons dans a congélation de l'eau, car dans les
fluides dont les parties ne font pas longues & droites comme
celles de l'eau, mais rondes ou rameules, la congélation doit
fe faire différemment, & les premiers glaçons feront des
pelotons pluftôt que des filets; c'eft auffr ce qui arrive aux
liquides dont on peut foupçonner que les parties intégrantes
font ainfi figurées. *
Les premiers filets de glace font couchés à la furface de
Yeau, tant parce qu'il eft naturel que la congélation com-
mence à la furface qui eft toûjours plus froïde, que parce
qu'en quelqu'endroit que fe forment les filets, leur lévèreté
refpective à l'égard de l'eau les y feroit toüjours monter ;
on les trouve prefque toûjours adhérens par un de leurs bouts
aux parois du vafe qui les contient, & cela pour deux rai-
fons; la première eft que l'eau doit y étre plus froide & fes
parties y avoir moins de mouvement à caufe de leur adhé-
fon à ces parois; la feconde, parce que tout corps flottant fur
Hifl. 1749" 3 . I
66 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
eau dans un vafe qui n'eft pas plein, fe porte de lui-même
vers les parois du vaifleau , fi elles font de nature à étre
mouillées par l'eau, & cette dernière raifon paroît avoir fr
grande part dans l'explication de ladhéfion des filets de glace
aux parois du vafe, que fi on Ja fait cefler en frottant, par
exemple, le dedans du vaifieau, de graifle ou de fuif, l'effet
difparoït abfolument.
A ces premiers filets de glace déjà formés, il s'en joint
bien-tôt de nouveaux; à ces feconds il s’en ajoûte d’autres,
jufqu'à ce que l’eau fe trouve couverte d'une pellicule de glace.
Avant que l'eau commence à fe geler, & lorfqu'elle en
eft fort près, on remarque qu'il s'en fépare beaucoup d'air
qui fort en bulles plus ou moins groffes, qui viennent crever
à fa furface.
La fortie de ces bulles d'air, la contiguité des parties de
l'eau qui font prêtes à fe joindre, & la diminution de la
matière fubtile dans fon intérieur, tout cela fembleroit exiger
que le volume de l'eau diminuât à mefure qu’elle approche
de la congélation; il arrive cependant le contraire: fi on met
de l'eau dans un long tuyau, & qu'on marque l'endroit où
fe trouve fa furface lorfqu'elle eft dans un lieu tempéré, on
verra, en lexpofant au froid, que cette furface defcendra
fenfiblement; mais dès que l’eau approchera de la congélation,
elle remontera affez promptement & s’élevera au deflus de
l'endroit où elle étoit d’abord; preuve évidente que fon vo-
lume eft confidérablement augmenté.
Cette augmentation de volume, fi contraire à ce qui
fembleroit devoir arriver, a trois caufes; la première eft le
développement de l'air contenu dans l'eau: pour concevoir
comment ce développement de l'air peut augmenter le vo-
lume de l'eau, quoiqu'il en forte une quantité confidérable,
il faut faire attention que l'air qui exifte dans l'eau, y eft
dans un état bien différent de celui de latmofphère; il y a
grande apparence qu'il y eft fans reflort, & que fes parties
rempliflent une portion des plus grands intervalles de celles
de l'eau, du moins eft-il bien für que quand on l'en tire
D'ES%6 cr EN GES. 67
-par le moyen de la machine pneumatique, Feau ne change
-pas fenfiblement de pefanteur fpécifique, ni par conféquent
-de volume, le pèfe-iqueur s’ysfoutenant précifément au même
degré; ce qui n'arriveroit pas fi l'air qu'on en a tiré y avoit
occupé d’autres efpaces que ceux qui reftent feulement
remplis de matière fubtile après fa fortie. Cet air ainfr caché
.dans l'eau, eft nommé par quelques Phyficiens air diffous ou
abforbé, pour le diftinguer de celui que nous refpirons, qu'ils
nomment de l'air en maffe. Si on imagine un faifceau de
baguettes entourées chacune d’une légère couche de brins de
laine, on aura par cette comparaifon une idée affez nette de
l'état où l’on fuppofe Fair dans l'eau , fans reflort, & n'aug-
mentant pas fenfiblement fon volume, comme Ja laine, dans
l'état où nous venons de la dépeindre, eft fans reflort, &
naugmente prefque pas celui du faifceau de baguettes ; mais
qu'on retire cette laine, & qu’à l'aide des cardes on a réduife
en gros flocons, alors elle occupera un volume confidérable,
reprendra fon reflort, & deviendra une image naïve de l'air
en mafle.
Il n'eft donc pas étonnant que quoiqu'il foit forti beau-
coup d'air de l’eau qui eft prête à fe geler, le peu qu'il y en
refte dégagé & en mafle y occupe plus de place que le tout
n'en occupoit quand il y étoit diflous, & que par confé-
quent le volume de l'eau en foit augmenté ; explication d'au-
tant moins forcée, qu'on a en Phyfique plufieurs exemples
de fluides compofés de deux ou plufieurs liqueurs dont la
mafle fe trouve moindre que la fomme de celles qui entrent
dans leur compofition. Non feulement ce volume fera aug-
menté par la place qu'y occupera l'air dégagé de l'eau, mais
encore par l'efpèce de dérangement qu’il aura caufé aux par-
ties de l'eau en fe dégageant; ces parties, qu'on fuppofe ordi-
nairement longues & roides, auront été jetées de côté &
d'autre, & par conféquent occuperont plus de place qu'elles
n'en tenoient quand elles étoient dans leur arrangement natu:
rel: c’eft la feconde caufe de l'augmentation du volume de
l'eau. :
li
68 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
La troifième caufe de cette augmentation dépend d'un
principe tout différent, & que les obfervations de M. de
Mairan lui ont fait découvrifs Lorfqu'on examine la pelli-
cule de glace qui commence à couvrir l'eau d'un vaifleau
qui fe glace, on aperçoit que les filets donttelle eft con:-
pofée repréfentent une campagne diverfement fillonnée, &
fouvent quelque chofe d'aflez reflemblant aux barbes d'une
plume à écrire : tout le monde a remarqué ces apparences, &
n’y a vü qu'une bizarrerie fans aucunes règles; M. de Mai-
ran a cté plus loin, & a trouvé que tous ces arrangemens
fi bizarres en apparence fuivoient cependant une loi conf
tante, & que tous les filets de glace fe joignoïient les urs
aux autres, en faifant toüjours entre‘eux un angle de 60
degrés. La même cho!e s'obferve dans les petits Hocons de
neige, qui, vüs à la loupe, repréfentent toüjours des efpèces
de fleurons à fix feuilles, dont chacune a des barbes qui font
avec la côte principale le même angle que les côtes mêmes
font entre elles.
Cette uniformité d’angles n’eft pas de ces chofes qu'on
peut attribuer à l'imagination, il eft extrèmement aifé de s’en
convaincre : un triangle équilatéral coupé dans une carte, fera
un calibre propre à melurer ces angles, & on verra avec
étonnement qu'ils feront tous égaux à ceux du triangle ; bien
plus, M. de Mairan a remarqué que lorfqu’on fait geler de
l'eau dans un vaiffeau rond, ceux des filets de glace qui tien-
nent par les deux bouts aux parois du vaïfleau, y font toûjours
la corde d'un arc de 120 degrés, ou, ce qui revient au
mème, du tiers de la circonférence, d'où il fuit qu'ils ren-
contrent cette circonférence, ou du moins la tangente, au
point où ils la coupent, fous un angle de 60 degrés.
Les congélations des liqueurs lixivielles ou urineufes don-
nent encore cet angle d'une manière plus conftante, non que
ces fels y contribuent direétement, car fi cela étoit, différens
fels donneroient différens angles, mais probablement parce
qu'en embarraffant davantage le paffage direct de la matière fub-
tile, elles laiflent une plus grande liberté aux parties intégrantes
DES S c r'E Nicieiis. 6
de l'eau de s'arranger conformément à la tendance qui leur
eft propre. Ù
Quelque fingulière que foit cette tendance des parties de
l'eau à s'unir fuivant le même angle, il feroit encore bien
plus fingulier que cette propriété füt tellement particulière à
Teau, qu'on n'en trouvât point d'exemple dans la Nature,
auffi ne l'eft-elle pas : on fait que les fels affeétent certaines
figures dans leurs criftallifations, que Jes globules du fang
font compolés de parties qui $arrangent toûjours de la même
manière. M. de Mairan a encore obfervé une femblable
uniformité d’arrangement dans les fibres métalliques de cer-
taines pyrites, on l'obferve dans le criftal de roche & dans
celui d’Iflande; en un mot, il paroît par un grand nombre
d'exemples, que ces arrangemens de parties, uniformes &
conftans, ont lieu en bien des cas, & entrent dans le plan
général de la Nature.
L'explication de cette tendance n’eft pas aifée à trouver,
en vain voudrok-on, dans le cas préfent, employer celle
que Defçartes avoit donnée de la figure d'étoile à fix pointes
qu'affeéte la neige; ce grand Philofophe fuppofe que cette
figure n'eft dûe qu'à ce que fix fphères en entourent exac-
_ téMent une, & que par conféquent le premier globule glacé
étant touché immédiatement par fix autres, donne néceffai-
rement naiflance-à fix rayons; mais il n’a pas pris garde que
par ce méchanifme il devroit fe former non des étoiles planes,
mais des boulettes hériffées qui. dégénéreroient bien-tôt en
pelotons : d’ailleurs , dans cette idée, pourquoi les barkes
qu'on voit à ces rayons aflecteroient - elles de faire toûjours
avec eux le même angle de 6o degrés! Enfin cette expli-
cation ne pourioit au plus fervir que pour l'eau, dont les
parties s’arrangent de cette manière; mais elle deviendroit
inutile pour expliquer la formation d'une infinité de corps
qui font voir un arrangement conftant de parties, quoique
fous un angle différent de celui des parties de l'eau.
Cette tendance des parties de l’eau à s'affembler füuivant
des angles de 60 degrés, eft regardée par M. de Mairan
[ii
70 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
comme une des principales caufes de l'augmentation de volume
qu'elle prend en fe gelant; un mème nombre de cylindres
ou de parallélépipèdes occuperont certainement un bien plus
grand efpace fi on les affemble fuivant un angle quelconque,
que fi on les tient parallèles Îles uns aux autres : on peut même
s'aflurer, par une expérience facile, que cette caufe contribue
plus que le dégagement de l'air, à l'augmentation de volume de
l'eau qui fe glace: il n'y a qu'à faire geler de l'eau purgée d'air,
foit par l'ébullition, foit par le moyen de la machine pneu-
matique, & on verra que la glace aura acquis, à peu de chofe
près, le même volume que celle qu'on auroit faite avec de
l'eau ordinaire; elle nagera toûjours fur l'eau, preuve évidente
& la moins équivoque de fon augmentation de volume.
La force d'expanfion qui rélulte de cet arrangement des
parties de l'eau, eft immenfe; tout le monde a entendu parler
de la fameufe expérience de M. Hughens, répétée depuis
par M. Buot, dans laquelle un canon de moufquet épais,
qui étoit rempli d'eau & bien fermé, creva par le feul
effort que l'eau fit en fe gelant. M's de Académie de Flo-
rence ont faitacrever plufieurs vaifleaux par ce même moyen,
la plufpart de ces vaifleaux étoient fphériques, & M. Muf
fchenbroek ayant calculé l'effort néceflaire pour faire crever
lun de ces vaifleaux, il a trouvé qu'il avoit fallu une force
capable de foülever un poids de 27720 livres: on n'a que
trop de preuves que les petites particules d’eau qui fe trou-
vent dans les fibres des arbres, fufhfent pour détruire tout
leur tiflu, lorfque la gelée peut y pénétrer; ce fut de cette
manière que la plus grande partie des oliviers de Languedoc
& de Provence périrent en 1709, parce que la gelée avoit
été précédée d'une fonte de neige qui les avoit imbibés, les
plus vieux & les plus forts furent les plus maltraités, parce que :
leurs fibres dures & roides fe prêtèrent moins à l'extenfion
qu'en exigeoit l'eau qui fe glaçoit dans l'intérieur de ces arbres ;
c'eft encore par la même raifon que les pierres trop récentes
& qui n'ont pas eu le temps, avant l'hiver, d'évaporer l'eau
qu'elles contiennent, périffent par la gelée: les marbres même
DMEMSIN'S\C LE NCIS: 71
n'en font pas exempts, lorfque le petard avec lequel on les
a rompus dans la carrière, y a produit de petites fentes par
lefquelles l'eau peut s'y infinuer.
Non feulement l'eau reçoit cette augmentation de volume
par la gelée, mais par tout autre moyen qui divife fes par-
ties : on fait aflez, & plufieurs de ceux qui ont fait conf
truire des terrafles ne le favent que trop, quel eft l'effort
énorme que la terre fait contre les revêtemens qui la foû-
tiennent; cet effort n'eft dû qu'à la facilité qu'a l'eau de
s'infinuer dans la terre, & de fe trouver par ce moyen divife
en très- petites parties ; la même chofe n'arriveroit pas fi {a
terraffe n'étoit que de fable, parce que l’eau ne pénétrant pas
. les molécules du fable, elle ne s'y trouve pas divifée en affez
petites parties pour que leur force expanfive puiffe s'exercer.
C'eft cette même force qui parvient, à la longue, à déplacer
des marches de jardin & d’autres pierres très-pefantes ; un
peu de pouflière terreufe s’infinue dans les joints, & donne
lieu à l'eau qui y pénètre de fe fubdivifer aflez pour fe dilater;
fon effort écarte un peu les pierres, la fécherefle fait diffiper
l'eau , de nouvelles parties de terre qui s’y introduifent, occa-
fionnent un effet femblable au premier, & ces efforts réitérés
parviennent à déplacer très-fenfiblement des mafles énormes.
Cette force expanfive de l'eau paroït encore bien évidem-
ment dans la manière dont on fépare du rocher les meules
de moulin : on taille ce rocher en forme d’un cylindre qui
contient plufieurs meules dans fa hauteur; pour les féparer,
on perce tout autour des trous, dans lefquels on chafle à
coups de marteau des coins de bois blanc féché au four;
on imbibe enfuite ces coins avec de l'eau, & peu de temps
après le rocher fe fépare de lui-même, uniquement par la
force expanfive de l'eau, à laquelle le bois ne contribue qu'en
divifant extrêmement fes parties.
Ce que nous venons de voir que la terre & le bois pou-
voient opérer, le feu lopère auffi à l'égard de l'eau, il en
fépare les parties; aufli, dans cet état, acquièrent -elles un.
volume 14000 fois plus grand, & une force inconcevable-:
72 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE |
tout le monde connoît celle de l'eau réduite en vapeur, &
fait que c'eft de cette force expanfive qu’on a tiré le principæ
de mouvement de l'ingénieufe pompe à feu. Enfin il fuit de
tout ce que nous venons de dire, qu'au lieu que Fair mélé
avec un grand nombre de matières y perd le reflort qu'il
avoit, l'eau au contraire, dès que fon mélange avèc d'autres
corps divife fuffifamment fes parties, en acquiert un qu'elle
avoit pas: peut-être ces deux eflets oppofés dépendent-ils
d'une même caufe qui agit différemment fur des parties de.
figures différentes, au moins remarque-t-on qu'il faut que
Vair & l’eau foient dans l'état de fluidité, & non de liqui-
dité, pour pouvoir exercer leur reflort; & quelle que puifle
être la caufe de ce phénomène, il eft au moins très-pro-
bable que la force expanfive que l'eau acquiert dans tous les
cas dont nous avons parlé, eft düûe à a tendance qu'ont {es
parties à s'unir fous un angle de 60 degrés.
I eft hors de doute que la congélation de l'eau doit rece-
voir différentes modifications, fuivant l'état de celle qu'on
expofe à la gelée. Plufieurs Phyficiens, par exemple, ont
afluré que l’eau qui avoit bouilli fe geloit plus promptement,
& fe refroidiffoit davantage que d’autre eau à un même degré
de froid; on avoit même pouflé cette merveille jufqu'à foù-
tenir que de l’eau qui vient de bouillir & qui n’eft pas encore
refroidie, fe geloit plus promptement & plus facilement que
de l'eau froide qui n’avoit pas bouilli. Il eft aifé de juger
que cette dernière propofition n'eft pas vraie, la raifon feule
dite le contraire; aufir l'expérience qu’en a faite M. de
Mairan l'a-t-elle pleinement démentie : l'eau qui avoit bouilli
n'étoit pas encore refroidie, que d'autre eau, expofée au même
froid & dans les mêmes circonftances, étoit abfolument glacée.
La raifon ne paroît pas profcrire la première propofition avec
la même févérité, il femble même qu'il foit affez naturel que
l'eau que l'ébullition a privée de la plus grande partie de fon
air, ait plus de facilité à rapprocher fes parties, & par con-
féquent à fe geler; mais cependant ce qui paroît au premier
coup d'œil fi naturel, n'entre point dans le plan de la Nature,
&
PORN
*
; BIENS SC 1 E NICE À 7Y
& M. de Mairan,s'eft afluré par l'expérience, què.de l'eau
qui a bouilli, & qu'on a laiffé refroidir au même degré que
de l'eau ordinaire qui n'a pas bouilli , ne fe gèle ni plus
ni moins promptement qu'elle; phénomène qui a d'autant
plus de quoi furprendre ,«qu'il femble queW'action du feu
l dû faire évaporer les premières les parties de l'eau qui
étoient les plus fubtiles & les plus mobiles : il fat donc
que l'eaugne,contienne pas de ces parties plus fubtiles que les
autres, Ou que, ces parties foient unies avec les plus grof-
fières de manigre à n'en être pas dfément féparées ; on pour-
roit peut-être tenter quelques éxpériences fur cette immuta-
bilité del'eau , au moyen du digefteur de Papin, mais M. de
Mairan ne fait qu'indiquer ces expérienees, qu'il n'a pas eu
occafion de faire. | Fe
Le mouvement tranflatif de l’eau doit encore apporter dû
changement à la congélation ; l'eau des rivières ne gèle fü-
_rement pas de là même manière que celle des étangs: il ne
faut que regarder les glaçons qui couvrent les uns &e les
autres, pour s'en aperçevoir. On a été long#temps en doute
fi les rivières commençoient à fe geler par la durface eu par
le fond, mais cette queftion n'en eft plus une; il eft pré-
fentemeñt bien für qu'elles commencent, comme les autres
eaux à fe geler par la furface, 8 nous renvoyons le leteur*
à ce quisen a été dit par M. de Mairan mème en parlant des
expériences de M. l'Abbé Nollet fur ce fujet. * |
LS le-mouvement tranflatif de l'eau change quelqué chofe
à la manière dont elle fe gèle, le repos*abfolu de fa mafle
produit encore un effet bien plus fingulier; il empêche
qu'elle ne fe gèle, quoiqu'expofée à un froid beaucoup plus
grand qu'il ne faudroit naturellement pour produire cet effet:
on doit ce phénomène à M. Fahrenheit ;. il avoit rempli
d'eau la boule dur thermomètre, *& après en avoir chaflé
Yair, il l'avoit fcellée hermétiquement: if expofa ce vaiffeau
au froid, & fut extrémementurpris de voir que, qüoique
TeéMthermomètre fût defcendu au degré de fon thefmomètre
quirépond au 11° depré au deflous de Ix congélation de
Hifl 1749. .K
* Vo. Hifi
17433 P: 8e
“
A
74 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. de Reaumur, l'eau de ce vaifleau étoit cependant parfai-
tement liquide; il attribua aufli-tôt ce phénomène à labfence
de l'air, & en eflet ayant café avec une pince le bout du
tuyau, l'eau fe gela dans l'inflant; mais ayant répété plufieurs
fois cette expéience, il fe convainquit qu'il s'étoit trompé,
& qu'il avoit attribué à la préfence de l'air ce qui n'étoit &
u'au mouvement qu'il avoit imprimé à Ja liqueur. Plufeurs
célèbres Phyficiens ont depuis fait cette expérience , & toù-
jours avec le même fuccès; l’eau qui, lorfqu'elle étoit parfai-
tement tranquille, avoit réfifté à un froid beaugçoup plus grand
qu'il ne falloit naturellement pour la geler, s’eft remplie de lames
de glace au moment même qu'elle æ été remuée oustouchée
avec quelque corps qui eût pris la température de l'air. M. de
Mairan lui-même les a tentées plufieurs fois, & toüjours
Ja même chofe eff arrivée : une circonftance bien fingulière
accompagne ce phénomène, s'il y a un thermomètre placé
dans cettelau non gelée, on le. verra defcendre peu, à peu
au même degré que ceux qui font expolés à l'air libre; mais
dans Finftant même que l’eau fe gèle, il commence à re-
monter, & revient jufqu'au terme de la congélation; ce qui
prouve que cette eau diminue de froideur en fe plaçant,
propofition fi paradoxe, qu'elle a beloin de toute d'autorité
de l'expérience, pour être crue. « "
Ce fait fi fmgulier rentre pourtant comme de lui-même,
dans l'hypothèfe de M. de Mairan; Ja matière fubtile fe meut,
felon lui, plus aifément dans a glace que dans l'eau, parce
que les routes qu'elle s'y eft faites, ne Pont plus dérangées
par le mouvement des parties: un grand repos de mafle peut
produire à la longue, à peu près le même effet, & tant que
cette difpofition fe foûtiendra, on ne doit pas craindre que
la matière fubtile diminue de quantité dans, l'intérieur de
Véaü, ni par conféquent qu'elle fe glace. Mais fi, par une
légère commotion, l'on détruit cet arrangement, alors la ma-
tière fubtile abandonne l’eau dans laquelle elle étoit contenue,
& cette eau fe glace dans l'inftant. F4 même chole doit #en-
core arriver, fi au lieu d’ébranler l'eau on la touche, quelque
DES SCIENCES. 75
légèrement que ce foit, avec un morceau de glacé, of offre
à la matière fubtile qui étoit dans l'eau, un pañfage libre par
lequel elle fe diffipe dans l'inftant. 2 +
= Aucune expérience ‘bien conftatée ne prouve que l'eau
gèle à un moindre froid que celui qu'elle éprouve ici pour
{e geler; ceux qui ont prétendu le contraire ont certainement
été trompés par quelque circonftance qui leur 2 échappé:
mais la glace ne fond pas toûjours lorfque la température de
V'air fait monter le thermomètre.de quelques degrés au deflus
de ce terme.
Puifque le repos, de la maffe de feau contribue à l'em-
pècher de fe geler, il femble qu'une violente agitation de
cette mafle devroit la refroidir; cette violente agitation feroit
cependant très-difficile à lui donner, fans .occafionner dans
fon intérieur des mouvemens inteftins peu favorables au
refroidiflement: mais neñpourroit-on pas, en laïffant l'eau,
tranquille , da faire choquer par un air agité? & cet air ne
devtoit-il pas produire l'effet de déranger des canaux par
lefquels la matière fubtile paffe dans Fintérieur de l'eau, &
par conféquent de faire diminuer fa chaleur? ,
* Pour gen aflurer, M. deMäiran ayant laiflé quelque temps
un thermomètre tremper dans de l'eau, pour qu'il en prit
la température, l'en agetiré, & pendant qu'il étoit encore
mouillé, il a foufflé RSR boule avec uit foufflet, Ia liqueur,
du thermomètre à baïffé fenfiblement : voyant"que cette eau
inhérente au thermomètre: fe diflipoit trop promptement
pér le vent du foufflet, il a.enveloppé cette boule d'un linge
trempé dans la même eau, & en continuant de fouffler, la
liqueur du thermomètre a baiffé davantage. Cette expérience
a fait naître à M. de Mairaït l'idée de rafraichir de l'eau dans
un vaifleau enveloppé d'un dinge mouillé & fufpendu.dans un
endroit où äl fût expofé à un courant d'air ; il l'a fait, &
l'expérience a réuffi, l'eau s'eft refroidie de 2 deprés : ce qu'il
y a de finguliér, c'eft que les réflexions de Ms de Mairan l'aient
précifément conduit à la pratique que la néceflité a fait intro-
duire en ufage à la Chine & au Mogol. Celle du Mogol
Ki
F ' L
La
76 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
eft abfolument la même, & celle de la Chiné n’en difiere
qu'en ce qu'au lieu d'envelopper. d'un linge mouillé le vaif-
feau qui contient l'eatfflqu'on veut rafraichir, on de conftruit
d'une terre poreufe, à travers laquelle il en pafñfe aflez pour
entretenir fa furface toûjours mouillée: peut-être en fe fer-
vant de ce moyen dans des temps où la température de Fair
eft peu éloignée de la congélation, Ton pourroit faire refroïdir
afez l'eau pour la faire prendre, & c'eft, felon M. de Mairan,
la raifon pour laquelle il neige fouvent à un degré de froid un
peu moindre que celui qui eft néceflaire pour faire geler d’eau,
Les particules de vapeur qui ne font que de l'eau extrème-
ment divifée, chaflées & agitées dans un air dont'la tem-
pérature eft peu différente de la congélation, s'y refroidiffent
aflez pour prendre & paroître fous la forme de cette glace
extrémement raréfiée que nous nommons neige. :
* Le volume de la glace eft, comme nous avons dit, plus
grand que celui de l'eau qui la produit: les expériences de
M. Boyle lui ont donné cette différence dans le rappoñt de
1 à 9; celles que M. de Mairan a faites, en faifant enfoncer
un glaçon dans l'eau, & voyant de combien de poids ile -
falloit charger pour cela, hf ont donné cette diflérence
moindre \ mais variable ; il l'a trouvée tantôt dans le rapport -
de 19 à 18, ou der à 19, tantôtdans celui de 1 à 14;
+ mais il réfulte toujours delà que le volume de la glace ordi-
naire eft plus grand que celui de l'eau qui la produit. L'eau
purgée d'air dans la machite pneumatique augmente moins
de volume en fe selant, les expériences de M. de Mairan ne
donnent cette augmentation que d'un vingt-deuxième, & on
ne doit pas s'en étonner , cette eau a perdu une quantité d'air
confidérable, qui , en fe dévelôppant dans la congélation,
auroit certainement beaucoup augmenté fon volume.
Le volume de la glace continue encore à augmenter après
qu'elle s’eft formée, M. de Mairan s'en eft afluré par cette
expérience ; il a fait geler de l'eau dans un vaiffeau, & quand
la croûte de vlace a été formée, il a percé le fond du vai£
{au pour laifler écouler feau qui reftoit fluide; & l'ayant.
*
Des S c 1E NME. 77
ofé de nouveau à la gelée en cet état, il a remarqué que
la ‘glace s'étoit fenfiblement arquée, & form e voûte
plus convexe, ce qui ne pouvoit venir que de fon augmen-
tation , à laquelle les parois du vaifleau n'avoient pû fe prêter;
c'eft auffi à cette caufe que M: de Mairan attribue ces félur
qui fe font avec tant de bruit dans la glace qui couvre lés
marais, les lacs & les grandes pièces d'eau. Enfin l'expé-
rience de Ia balance hydroftatique décide nettement en faveur
de cette augmentation; le même morceau, qui-m'étoit au
moment de fa congélation que d’un quatorzigmte plus léger
que l'eau, ayant été huit jours après mis en expérience, fe
trouva plus * + que ce fluide dans la raïfon de 122à rx,
preuve évidéñte déW'augmentation de fon volume.
On ne peut rien affirmer de bien pofitif fur la dureté de
la glace en général: M. de Mairan a trouvé, en faifant rom-
pre plufieurs cylindres de glace par des poids qu'il leur
faioit foûtenir , que la réfiflance de a glace étoit à celle du
marbre comme 1 eft 10; mais ces expériences font fujètes :
à un grand nombre de variations dans le climat même où
on les fait, & on n'en peut ablolument rfen conclurre pour
Ja dureté de Ja glace des autres climats. Il paroît ici que plus
la glace s'eft formée tranquillement & fentement, plus auffi
elle eft dure & compaéte; cependant ceux qui ont voyagé
au Spitzherg ont trouvé que la glacesy' étoit beaucoup plus
fpongieufe que la nôtre, & cependant beaucoup plus dure ;
elle gagne apparemment plus par la rigueur du froid, qu'elle
ne perd par la promptitude de la congélation. Un fait que
apporte M. de Mairan, prouve bien quelle eft la dureté &
la ténacité.de la glace qu'on trouve en Mofcovie : on bâtit
«à Péterfb te 1 de 1740, un palais de glace
conftruit fuivant les règles de la plus élégante architedure ;
& pour poufler le prodigé jufqu'au bout, on mit au devant
fix pièces de €anon de même matière avec leurs affuts auf
de glace: ces pièces étoient du calibre de celles qui portent
ordinairement trois livres de poudre , il.eft vrai qu’au lieu de
tjs livres on ne leur en donna que trois PEER ; mais
ul}
783 HISTOIRERDE L'ACADÉMIE ROYALE
enfin on les tira, & le boulet d'une de ces pièces perça à
foixante pas'une planche de deux pouces d'épaiffèur. IL faat
que la glace du Nord foit bien autrement tenace que la nôtre,
pour qu'un canon qui, vrai-femblablement, n’avoit pas beau-
> coup plus d’épaifleur que les canons ordinaires , ait réfifter
à l'explofion de trois quarterons de poudre: ce fait peut rendre
croyable ce que rapporte Olaüs Magnus, des fortifications de
glace dont il affure que les nations feptentrionales favent faire
ufagewdans le beloin. és "
Puifque Haglace eft plus fégère que leau d'environ un
douzième, il eft clair qu'elle pourra porter fans s’enfoncer
tout corps moindre qu'un douzième du, poids de la glace;
mais fi elle eft adhérente à des corps {ôides comme celle
d'une rivière l'eft à fes bords, alors comme par l'effort qu'élle
fait pour {e dilater, elle fe courbe & devient une véritable
voûte qui a ces corps folides pour appui, elle peut porter
des poids bien plus confidérables. La Société Royale ayant
fait mefurer en 1683 la glace de la Tamife lorfqu'on a
traverfoit en carrofle, elle,ne fe trouva que de onze pouces
d'épaifleur : il fat donc bien prendre garde à cette circonf
tance lorfqu'on veut fe fervir de la glace comme de pont,
& c'eft certainement faute d'y avoir eu égard que Charles
Guftave, allant de Fionie en Zélande fur les glaces de Ia
mer Baltique, perditame centaine de cavaliers de fon armée,
I n'eft pas aifé de rien dire ‘de précis fur la. froideur, de
la glace, on peut feulement conjeéturer que, comme tous les,
corps folides, elle prend à la longue la température de l'air
où elle fe trouve; ainfr elle doit augmenter de froideur lorf-
que la gelée augmente, & en perdre aüffi Re “is quand
elle diminue. s 4
La glace ne paroït pas avoir d'autre goût ni d'autres qua:
lités que l'eau qui la produit; & f1 dans quelques cas elle
produit une fenfation différente, cet eflet eft dû à fa froi-
deur, qui caufe une contraction fubite dans les nerfs, c'eft
probablement à cette crifpation qu'il faut attribuer les guéri-
{ons qu'elle a quelquefois opérées.
AUE,S ; S*C 1 EN CE s. 79
“La ET la glace eft communément moindre
que celle"de l'eau, fur-tout vers fa furface, & c’eft une füite
néceflaire des bulles d'air, des petites félures qui s'y rencon-
trent en plus grande abondance, & du dérangement de parties
qui y eft plus grand: les glaces des mers du Nord différent
en ce point beaucoup des nôtres, elles font beaucoup moins
tranfparentes, mais de plus elles ont une couleur bleue que
n'ont point celles de notre climat. Il eft vrai que ce bleu pourroit
bien être produit par la réflexion d'un aïftplus épais, & peut-
ètre aufli eft-il dû à la couleur des eaux; mais ce qu'il y a de
lus particulier, c'eft que lorfquele temps eff pluvieux , fe
Bleu de Ha*partie fupérieure de ces glaçons eft plus pâle, &
que vües deflous l'eau, elles paroiflent vertes : cette dernière
circonftance ne paroïÿ pas difficile à expliquer, s'il eft vrai,
comme quelques Auteurs le rapportent, que l'eau g° ces
mers paroifle jaune à ceux qui s’y plongent ; «car fi la glace eft
bleue par elle-même, il eft impoffible qu'à travers un pareil
milieu elle ne paroifle verte,
La réfraétion de a glace eft un peu moindre que celle
de l'efu, ce qui eft une fuite naturelle de ce qu'elle eft plus
lépère & moins compacte; mais elle eft affez régulière pour
qu'une lentille de glace raflemble les rayons du foleil au point
de brüler & d'allumer de la poudre au plus fort de l'hiver:
c'eft à une caufe à peu près pareille que M. de Mairan croit
devoir attribuer les marques de brûlure qu'on voit fur les
fleurs & fur les plantes au printemps, lorfqu'après une gelée
“blanche le foleil {e montre un peu trop vivement.-Les petites
gouttelettes fphériques qui s'y raflemblent, deviennent autant
de lentilles dont le foyer eft très-court, & qui portent les
rayons raffemblés du {oleïl, fur la plante qui ne peut man-
quer d'en être brûlée; c’eft 1à, felon lui, la caufe desces points
noirs, qu'on y obferve: en ce cas, lorfque les jardiniers difent
que ces gelées ont brülé les fleurs de feurs arbres, ils difent
vrai, quoique de un fens bien différent de ce qu'ils ima-
ginent. «
Quoique la glace foit un corps folide, ellew'eft cependant
$8o HistTommEe DE L'ACADÉMIE ROYALE
pas à l'abri de l'évaporation ; mais ce qu'il y a de fingulier,
c'eft que cette évaporation eft d'autant plus grande que le
froid eft plus violent. Selon les obfervations que M. Gau-
teron fit en 1709 à Montpellier, elle perdoit alors un quart
de fon poids en vinÿt-quatre heures ; évaporation prodigieufe,
fi on fait attention que celle de l'eau, qui naturellement pa-
roîtroit devoir être plus grande, feroit cependant beaucoup
moindre dans un temps égal; mais on ceflera bien-tôt de
s'en étonner, en confidérant que la glace eft expofée à l'air de
tous les côtés, au lieu que l'eau n'en peut être touchée que
par {à funface; que la furface de la glace eft hérifiée d'une
infinité d'inégalités que celle de Feau n'a point, & qui don-
nent prile à l'air; que les bulles d'air qu'elle contient, & qui
font en plus grand gombre à fa furface que par-tout ailleurs,
tendent par leuï élafticité à en détacher les parties ; toutes
raifons .qui font que quoique la glace réfifte par fa’ dureté
plus que l'eau à l'effort que l'air fait pour en enlever les
paties, cependant il doit en emporter de plus confidérables
& en plus grand nombre qu'il ne peut faire lorfque l'eau eft
dans fon-état de liquidités ”
L'évaporation de la neige eft beaucoup plus grande &
plus rapide que celle de layglace, & cela ne doit. pas fur-
prendre ; la neige n'eft qu'une glace beaucoup moins folide,
& compofée d'une infinité de petits filets de glace qui, par
la tendance qu'ont les parties de l'eau à s'aflembler fous des
angles de 6o degrés, forment prefque toujours des étoiles.
ou des fleurons à fix pointes : il n'eft donc passétonnant que
cette efpèce de glace, moins dure par elle-même, & qui
préfente à l'air une furface bien plus grande, foit auf fuf-
ceptible d’une évaporation plus prompte & plus grande; il
arrive auffi que par la même raifon elle,ne fait jamais le
même effort que la glace pour fe dilater & pour rompre les
vaifleaux qui la contiennent. La neige Se: comme l'eau,
conferver la faveur & le goût de la vap e laquelle elle a
été formée; & comme, pour l'ordinaire, les vapeurs aqueufes
contiennent peu d'autres matières que des parties d'eau, î
€
DES SCIENCES. a: |
eft rare que la neige ait un autre goût où une autre faveur
que celle de Feau commune, à moins qu'elle ne l'ait prife de
la terre fur laquelle elle a. féjourné. |
Quelques Auteurs ont prétendu que la neige étoit excel-
lente pour dégeler les membres & les fruits gelés par un
trop grand froid ; mais ül y a bien de l'apparence qu'elle
wagit dans cette occafion que comme auroit pù faire toute
autre eau un peu moins froide que les membres ou fruits
gelés ; nous aurons dans peu occafion de parler de cette
elpèce de phénomène.
L’afloibliffement & la diminution de la matière fubtile dans
intérieur de l’eau ont, comme nous avons vüû, fervi à former
la glace; une plus grande quantité & un plus grand, mouve-
ment de cette matière ferviront de même à la détruire. Le
contact des corps voifins fufht pour la fondre, fi ces corps
font moins froids qu'elle, c'eft-à-dire, s'ils font en état de
fournir affez de matière éthérée, & de lui communiquer aflez
de reflort & de mouvement pour la faire pénétrer dans les
interftices des parties de la glace.
L'application de tous les corps folides n'opère pas égale-
ment la fonte de la glace; il paroît par les expériences de
M. Hagugnot, de la Société Royale des Sciences de Mont-
pellier, que la glace fond plus vite fur le cuivre que fur
aucun autre métal, & plus vite fur un fer à repañer que
für un fer ordinaire: la raifon de ce phénomène eft peut-
être que le cuivre, & fur-tout le jaune, eft de tous les métaux
celui qui fe dilate, & par conféquent eft pénétré plus aifément
par la chaleur, d'où on eft en droit de conclurre que la
matière fubtile y trouve des routes plus libres que dans tout
autre métal ; peut-être que le fréquent ufage qu'on fait du
fer à repafler, le met auffi dans le même cas.
À Tégard des liquides & des fluides, il paroît en général
que leur efficacité à fondre la glace fuit à peu près la propor-
tion de leur: mouvement inteftin, de la groffeur & de la
folidité de leurs parties intégrantes ; c'eft-à probablement la
raifon pour laquelle Ja glace fond plus aifément dans l'eau
Hifl. 1749. ARE
82 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
que dans l'air à la même température, & plus prompte-
ment dans de l'eau tiède qu'à une diftance du feu à laquelle
on auroit peine à tenir la main; il y a d'ailleurs bien de
Yapparence que l'air fe refufe plus que bien d'autres corps
au paflage de la matière fubtile, puifqu'un morceau de glace
qui eft 6 minutes 24 fecondes à fondre à l'air libre, eft abfo-
lument fondu en 4 minutes dans la machine du vuide.
La glace eft communément beaucoup plus de temps à fe
fondre qu'elle n'en a employé à fe former; c’eft à cette.
propriété que nous devons la pofhbilité d'en conferver
jufque ‘dans les chaleurs de l'été: ce feroit une erreur que de
s'imaginer que la température des glacières füt au deffous du
terme de la congélation, bien loin de-là, leau qu'on y
porteroit s’y maintiendroit toûjours fluide; mais il fufht que
la température des glacières ne foit que peu au deflus de ce
terme, pour que la glace qu'on y entaffe par grofles maffes
ne sy fonde que très-lentement, en forte qu'il en refle
affez pour notre ufage; pour peu qu'on y veuille réfléchir,
cette propricté de la glace n'aura plus rien de furprenant. La
matière fubtile doit avoir bien moins de facilité à defunir
des particules exaétement jointes , qu'elle n'en a eu à s'échap-
per d’entre ces mêmes particules, lorfqu'elle les tenoit flot.
tantes & féparées ; il doit mème arriver que dans cer-
tains pays, ou par des circonftances locales, la chaleur ne puifle
détruire en été toute la glace que le froid a formée en hiver,
& qu'il fe trouve par conféquent des amas de glaces auffi
anciens que le monde,
H feroit peut-être bien difficile de retrouver dans la deftruc-
tion de la glace précifément les mêmes phénomènes en ordre
contraire à celui qu'on a obfervé dans fa formation ; cepen-
dant il y a bien de l'apparence que les parties qui fe font gelées
les premières avoient plus de difpofition que d’autres à s'unir,
& feront les dernières à fe féparer; en effet, fi on fait fondre
lentement uñ morceau de glace très-mince, on pourra obferver
que les premiers filets de glace qui s’y font formés fubfifte-
ront fouvent encore lorfque tous les intervalles qui font
# DES SCIENCES 83
_ entre eux feront dégelés, & qu'ils formeront une efpèce de
réfeau très-reconnoiffable; maïs il faut pour cela que la lame de
glace foit très-mince; dans un morceau un peu épais, mille
hafards feroient difparoître infaïlliblement cette apparence.
… Lorfque le retour du foleil vers nous, les vents plus doux
& plus chauds, l'affaiffement & la précipitation dés corpuf.
cules falins qui étoient dans Fair, & une plus grande quan-
tité de vapeurs forties de la terre, rendent {a douceur du
temps univerfelle dans un certain canton, l’adouciffement que
produifent toutes ces caufes, fe nomme déocel; le dével eft
ordinairement accompagné d'un phénomène affez fmgulier ,
on fent, lorfqu'il commence, une efpèce de rédoublement de
froid très-incommode, quoique cependant le thermomètre
remonte: cette apparence n'eft dûüe qu’à la grande quantité
de particules d’eau à peine dégelée que l'air contient alors;
ces particules, par leur denfité & par leur application immé-
diate fur la peau, excitent en nous une fenfation que l'air
plus froid & plus fec, tel qu'il étoit avant le dégel, n'y pou-
voit exciter ; quelquefois cependant l'augmentation de froid
eft réelle: lorfque le dégel s'étend à la foisfur un pays con-
fidérable, & que toute la neige & Ia glace y fondent en
même temps, il eft prefque, impoïfible que cette fonte ne
refroïdifle Fair environnant, & n’y produife pour un temps
aflez court un redoublement de froid; c’eft‘ainfi qu'on eft
prefque toüjours averti à Paris, par des vents de fud très-
froids, de la fonte des’neiges fur les montagnes d'Auvergne
& des autres provinces méridionales.
Les gelées & les dégels femblent, au premier coup d'œil,
n'avoir aucun temps déterminé ; cependant, à les examiner
pendant un grand nombre d'années, on trouveroit peut-être
d ete mafle d'obfervations plus de régularité qu'on ne {
J'imagine : en général, on fait qu'en ce climat les grandës
chaleurs & les grands froids ne fe font ordinairement fentir
qu'un mois ou fx femaines après les Solftices d'été ou
d'hiver. On pourroit peut-être affigner auffi une- certaine
durée moyenne aux grandes gelées car il faut bien diftinguer
L ij
84 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYaLe
celles-ci, qui font en quelque forte gelées du climat, &, s'il
n'eft permis d'ufer de ce terme, aligees, des gelées acciden-
telles & variables. Suivant cette idée, 4l doit y avoir. vers
le Sud un parallèle fous lequel il ne gélera point dutout, &
vers le: Nord un autre parallèle fous lequel il ne dégélera
point; on pourra prendre fur tous les autres une partie de leur
circonférence proportionnelle au temps que dure fa gelée,
& fi par les extrémités de tous ces arcs de parallèle on mène
une courbe fur la furface du globe, on aura un efpace com-
pris entre ces deux courbes, qui exprimera, relativement à
la furface du refte de l’hémifphère, les fommes moyennes du .
froid & du chaud qui y règnent : on voit bien que cet efpace
doit aller.en diminuant & en pointe vers le Sud, & que les
deux courbes doivent s’y rencontrer fur le parallèle où la gelée
commence à n'avoir plus lieu ; comme aufli qu'elles doivent
s'écarter vers le Nord, & comprendre abfolument le dia-
mètre du parallèle où il ne dégèle jamais; idée abfolument
neuve, & qui pourra fervir à ramener cette matière à des
termes plus précis, dès qu'on aura des obfervations fufhfantes
pour établir cette efpèce de chafis phyfico-géographique,
puifque ces courbes, tracées avec un nombre fufhfant de
points, pourroient fuppléer aux obfervations qui manque-
roient dans plufieurs endroits de la terre.
On, voit communément pendant le dégel, les murailles
chargées d’une efpèce de neige ou de frimat qui s’y attache,
& qu'on n'y remarque point pendant la gelée; la raifon de
cet eflet eft que les corps folides s'échauflent moins promp-
tement que l'air, & que ces murailles confervent encore
” quelque temps après le dégel, un degré de froid fufhfant
pour geler les particules d'eau dont l'air eft chargé: elles font
alors précifément dans le même état que les feaux damsle£
els on a mis de la glace, pour faire rafraichir du vin, qui
condenfent à leur furface extérieure, la vapeur qui étoit con-
tenue dans Fair; & fi ces vapeurs étoient prifes dans un
degré de froid égal à celui des partichles qui font dans fair
au moment d'un dégel, il y a bien de l'apparence qu'on les
IDAE4SUS » C 1° E INLOHENS. 85
verroit de même paroître autour de ces {eaux fous Ia forme
de neige. à
La même caufe produit encore ces réfeaux de glace qu'on
obferve aux vitres des fenêtres; l'humidité de l'air de la
chambre s’y attache, & comme ces carreaux font continuel-
lement relroidis par fair extérieur, elle s'y gèle: jufque-[à
tout rentre dans les principes que nous avons pofés, mais
ces mêmes principes font infuffifans pour expliquer les con-
tours curvilignes qu'on obferve quelquefois fur ces mêmes
vitres: la tendance des parties de l'eau à sunir fous des
angles de 6o degrés, peut bien les arranger en étoiles, en
plumes, &c. mais jamais en rinceaux curvilignes, & qui
femblent être l'ouvrage d’une main hardie. Ce phénomène
embarraffa long-temps M. de Mairan, & cela d'autant plus
que quoiqu'il eût foigneufement cherché à l'obferver, il ne
Yavoit jamais pû voir que deux fois; à a fin il fe fouvint
que ces deux feules fois il avoit fait laver fes vitres peu avant
le froid, & cette circonftance lui donna l'explication du phé-
nomène, du moins il préfume qu'il n'en a pas d'autre: les
vitriers, pour fécher les vitres qu'ils viennent de laver, y paflent
avec une brofle, du fable fin, & l'y conduifent en faifant avec
cette brofle plufieurs circonvolutions fur le verre: or il eft
impoflible que ces grains de fable n’y graventspar leur frot-
tement un grand nombre de petits traits ou fillons qui tous
fuivront les contours que la broffe aura décrits. Ces fillons
font trop petits pour que nous les puiffions apercevoir, mais
ils ne le font pas aflez pour que les parties de l'eau ne puiffent
s'y loger, & nous retracer par leur arrangement, lorfqu'elles
s’y gèlent, les contours que la main du vitrier y 4 marqués:
la même chofe n'arrivera plus lorfque, pendant un efpace de
temps confidérable, ces éfpèces de fillons auront été comblés
ar un nombre prefqu'infini de petites particules de différentes
| ds que l'air y charie continuellement; d’où il fuit que
ce phénomène ne peut guère s'obferver que fur des vitres
aflez récemment nettoyées.
* Nous n'avons parlé jufqu'ici que de la glace formée par
, LÉ Mad
86 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYALE
les caufes générales, mais l'art a auffi trouvé le moyen de
s'en procurer : On fait aflez que dans le fort même de l'été,
cette ingénieufe invention nous prôcure des rafraïchiffemens
qu'il fembloit que la Nature nous eût entièrement refufés.
La glace feule, telle que nous a confervons dans nos gla-
cières, ne fufhiroit pas pour cet effet; il a fallu y ajoûter un
fecours étranger, ce fecours eft celui des fels, ils accélèrent
tous plus ou moins la fonte de la glace: M. de Mairan s’eft
affuré par fes expériences, qu'un morceau de glace qui nee
fondoit que dans l'efpace de cinq heures & demie lorfqw’il
étôit. tout feul, fe fondoit tot:lement en moins d’une heure
lorfqu'il étoit environné de fel marin; les pointes du fel font
autant de petits coins qui écartent les partiés de la glace, &
en accélèrent la féparation. Cela pofé, qu'on imagine un
vaiffeau plein d'eau, entouré de glace & de fel mélés enfémble;
dans la fonte fubite de la glace que le fel occafionnera, fes
parties fe trouveront plus écartées qu'elles ne l'auroient été
dans la fonte ordinaire; il fe fera donc des efpèces de vuides
entre elles, & la matière fubtile contenue dans l’eau du vafe
qui y fera plongé, s’'échappera pour s'y loger, d'où il arri-
vera néceflairement que cette eau ayant perdu celle qui lui
étoit néceflaire pour entretenir fa liquidité, fe glacera.
Le contrâfte arrivera précifément fi on plonge un fruit,
un membre gelé, dans de l’eau aflez voifine de la congéla-
tion ; la matière fubtile contenue dans l'eau encore fluide,
s'introduit dans le corps gelé, elle Ÿ rétablit le mouvement,
& l'eau qui s'en trouve privée fe glace autour, ce qui a
fait dire que la glace fortoit du corps gelé pour fe ramaffer à 1
furface; mais il faut obferver avec grand foin que l'eau qu'on
emploie foit très-voifine de la congélation, de l'eau plus
chaude introduiroit à la fois trop de matière fubtile dans le
corps gelé, & y détruiroit abfolument lorganifationqu'on
veut conferver. Ce remède fr fimple eff connu dans tof
les pays feptentrionaux , & même, pour ne pas”fe tromper
à la température de l’eau, on y emploie communément Ia
neige; ce fut ainfr qu'on dégela un doigt & une oreille au
DES Sciences. 87
roi d'Angleterre Jacques LT pendant que ce Prince étoit
en Norwège.
La glace artificielle n'a rien qui la diflingue de la glace
ordinaire formée rapidement ; il ne paroït point qu'elle
charge des particules des fels qu'on emploie, qui en effet
auroient bien de la peine à pénétrer le vaiffeau qui la contient.
Puifque les {els ne contribuent à la congélation artificielle
qu'en faifant fondre la glace avec laquelle on les méle, il eft
naturel que ceux qui occafionnent la fonte la plus prompte,
produifent le plus grand degré de froid; c'eft aufi, à très-
peu près, ce que lon obferve. Le fel marin, qui eft celui
de tous qui fait fondre la glace le plus vite, occañonne
le plus grand degré de froid; ce fel, & fur-tout le fel gemme,
qui eft, comme on fait, de même nature, a fait defcendre
le thermomètre à.17 degrés au deflous de la congélation.
IH y a grande apparence que les {els n'accèlèrent la fonte
de la glace qu'en fe fondant eux-mêmes, du moins M. de
Mairan n'a-t-il jamais pà s’aflurer du contraire par aucune
expérience.
Non feulement les {ls ont la propriété de contribuer à {a
congélation étant mélés avec la glace, mais difflous*dans l'eau
ils la refroidifient confidérablement ; le {el ammoniac, qui à
cet égard eft le plus efficace de tous, refroidit l'eau dans
laquelle on le diflout, au point de faire baifler le thermo-
mètre qu'on, y plonge, de 4 degrés: la dofe eft d’une livre
ur trois ou quatre pintes d'eau ; d'où il fuit que fi cette eau
étoit voifine de la congélation, elle pourroit être employée
à là congélation artificielle; & que puifque l'on peut à
chaque opération la refroidir de 4 degrés, on peut, en
employant des mafles d'eau ainfi fucceflivement refroidies,
parvenir à faire la congélation artificielle fans glace ; on
pourroit même en rafraichiffant leauspar le moyen d'un
courant d'air comme nous avons dit ci-deffus *, & pre-
nant fe temps où leau n'eft pas fort éloignée de Hi congx-
“lation, fe procurer de la glace artificielle fans fels & fans
glace C'eft par cette réflexion que M. de Mairan termine
* Foy. 2. 75:
3V. Mém. de
d'Acad, 1747,
P. 102.
b Voyez Hif.
1747 Pt
€ Voyez Mém.
1747/P:143°
88 HisroirE DE L'ACADÉMIE ROYALE
fon Ouvrage, qu'on peut en quelque forte regarder comme
neuf, quoiqu'il ait pour but l'explication d’un phénomène
obfervé depuis le commencement du monde, & fur lequel
prefque tous les Phyficiens avoient écrit : lefprit d'ordre &
d'obfervation qui y règnent, ont dû produire néceffairement
la clarté & la précifion qu'on y remarque. *
L parut encore cette même année un ouvrage de M. l'Abbé .
Nollet, intitulé, Recherches fur les caufes particulières des
phénomènes életriques, à fur les effets nuifibles où avantageux
qu'on en peut attendre.
Cet Ouvrage eft partagé en cinq Difcours, le prémier
eft uniquement deftiné à répondre aux obje‘ions qu'il avoit
efluyées, & aux critiques qui avoient été faites de fon Ou-
vrage , defquelles nous avons cru d'autant moins néceffaire
de parler dans cette Hifloire, que l'expérience a prefque par-
tout décidé en faveur-de M. l'Abbé Nollet,
Les quatre Difcours fuivans forment donc, à proprement
pader, le corps de cet Ouvrage; ils font prefque entièrement
compofés des expériences & des raifonnemens qui fe trouvent
dans ‘plufieurs Mémoires du même Auteur, actuellement im-
primés parmi ceux de l’Académie, mais qui ne l'étoient pas
encore lors de la publication de ce Livre. Nous ne ferons
donc que renvoyer le lecteur à ce que nous en avons déjà
dit dans FHiftoire de l'Académie, & que nous ne pour-*
rions ici que répéter.
Le fecond Difcours traite de la règle qu'on doit fuivre
pour juger fr un corps eft électrique, & s'il left plus ou moins
qu'un autre; il eft entièrement tiré d'un Mémoire de M.
l'Abbé Nollet imprimé en 1747*, duquel nous avons rendu
compte dans l'Hiflofre de cette même annceb, à laquelle
nous prions le lecteur de vouloir bien recourir.
Le troifième Difcours contient des'recherches fur les cir-
conftances favorables ou nuïfibles à l'élettricité; c'eft encore ‘
l'abrégé d’un autre Mémoire imprimé en 1747 ©, & dont
. nous
mous avons parlé dans lHifloire de l1 même année:,
Le quatrième Difcours eft employé à examiner fi l’élec-
tricité fe communique en raïfon des maffes ou des furfaces,
fr une certaine figure ou une certaine dimenfion du corps
éleétrifé peut contribuer à rendre fa vertu plus fenfible,
& fi l'éleétrifation, continuée long-temps, ou fouvent répétée
fur la même quantité de matière, peut en altérer les qua-
lités, ou en diminuer {1 mafle: tous objets traités au long
dans un troifième Mémoire aufir imprimé en 1747 b, &
dont nous avons alors parlé dans l’Hifloire <.
Le cinquième & dernier Difcours contient l'examen de
l'effet de l'éleGtricité fur les corps organilés , auquel M. Ÿ Abbé
Nollet a joint une courte hiftoire.des merveilles qu'on pu-
blioït en Italie, fur des guérifons & des purgations opérées
par l'électricité. Nous avons-rendu compte du premier objet
année dernière d, en parlant d'un de fes Mémoires fur la
même matière®; & après ce que nous avons dit cette annéef
du fecond, nous croyons abfolument inutile d’en parler davan-
tage. Nous n’ajoüterons rien ici que ce que nous avons déjà
dit, que dans ces recherches M. l'Abbé Nollet n’a eu d'autre
but que d'accélérer la publication de quelques-uns de fes
Ouvrages déjà communiqués à Académie, & que des cir-
conftances particulières lui faifoient {ouhaiter de voir promp-
tement entre les mains du Public.
He 1749. ° M
DES US © 1 E N°c'#e 89
: Voy. Hif.
1747 P: 12e
P Voy. Mén,
1747»P.207-
< Voy. Hif.
1747, P:25.
À Voye Hif.
1749, p. 1:
€ Voy. Mém:
1748,p.1 64
£ Voy. ci-defu';
POS 1 Se
i V. les M.
Pe 155:
90 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
OO OO OO OO OO OO
ANATOMIE.
SUR LES US ACCES
DU GRAND NOMBRE DES DENTS
DU REQUIN.
[: eft difficile de fe refufer à l'admiration, lorfque dans
l'étude de la Phyfique, on voit le nombre prodigieux de
reflources qui font préparées pour remédier aux accidens dont
les différentes parties du corps animal peuvent être menacées:
les animaux terreftres qui {ont pourvûs de dents, ont juf-
u'à un certain âge, l’efpérance de voir celles qu'ils perdent,
Me ileft même, dans plufieurs efpèces, d'une né-
ceflité abfolue qu'elles fe renouvellent, lorfque l'animal a paflé
le temps de fa première jeunefle; mais ce renouvellement ou
ce remplacement ne fe fait que par le développement des
germes qui fe trouvent dans les alvéoles, & qui croiffent
& durciflent lentement pour remplacer les dents qui ont
été perdues.
Il eft cependant un animal bien autrement favorifé de la
Nature en ce point ; il eft vrai qu'il n'eft pas du nombre
des animaux terreftres, c’eft un poiflon, & mème un des
plus voraces; fa gueule armée d'un appareil de dents formi-
dable par lui-même, en contient encore plufieurs toutes for-
mées, prètes à prendre la place de celles que la vieilleffe ou
les accidens lui auroient pü enlever.
Ce poiflon ef le canis carcharias ou requin ; Sténon aflure
avoir compté plus de deux cens dents à un de ces poiflons,
& il ajoûte en même temps qu'il ne voit pas quelle utilité
Fanimal peut tirer de ce nombre de dents dont {a plus grande
partie eft placée à la face interne de 11 mâchoire, & recou-
verte de chairs mollafles & fongueufes.
IE SMS -C 1 ENIC ES | gt
«Cette fingularité invita M. Hériffant à vérifier f’obferva-
tion de Sténon; il examina plufieurs tètes de ce poiflon, &
trouva que l'obfervation étoit exacte, mais il trouva de plus,
ce que Sténon n'avoit pas rencontré, l'ufage de toutes ces.
dents prétendues inutiles, & a manière dont elles prennent
la place de celles qui viennent à manquer.
Les dents du requin font plates & de figure triangulaire,
elles ne font point engagées, comme celles des animaux
terreftres, dans une cavité pratiquée dans Los de la-mächoire;
cet os eft entièrement recouvert par une épaifle membrane à
laquelle les dents font fortement attachées par leur bafe.
Derrière chacune des dents qui garnifient le contour de la
gueule du requin, il y a une rangée d’autres dents couchées les
unes fur les autres & fur la face interne de a mâchoire, à peu
près comme les feuilles d’un artichaut; la pointe de ces dents
eft tournée vérs le bas de la mâchoire, & elles font recou-
vertes d'une chair fongueufe & mollaffe qu'il faut enlever pour
les apercevoir : les plus intérieures même, fur-tout dans les
jeunes requins , font membraneufes & prefque femblables,
pour la confiftance, aux dents naiflantes d'un fœtus humain.
Lorfque l'animal a perdu quelque dent, la membrane s'étend
vers le vuide qu'elle laifle, & par-là une nouvelle dent fe
redrefle & vient prendre la place de celle qui a été ôtée:
il eft aifé de remarquer les dents qui ont été ainfr renou-
velées, car celles qui ne l'ont point été, font placées de
manière qu'un de leurs bords eft recouvert par la dent qui
les précède, & l'autre recouvre celle qui les fuit, au lieu
que les dents qui ont été renouvelées, font recouvertes des
deux côtés par celles qui les joignent, & il eft aifé de voir
que venant du dedans de la gueule au dehors, cette pofition
leur eft inévitable: on peut même voir combien de fois elles
ont été renouvelées, car on en trouvera d'autant moins dans
la colonne de dents de réferve, qu'il y en a eu davantage
de remplacées. On voit de plus en dehors du rang extérieur
de dents, fur la membrane qui les porte, les impreffions de
celles qui n'exiftent plus, & qui font aflez femblables aux
M ji
V.les M.
p- 489.
* Voy. Hif.
474$ P.9"
92 HIisTorREe DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
vefliges qui reftent au fond d’un artichaud dont on a Ôté les
feuilles. -
C'eft par cette méchanique que les dents du requin, plus
expolées peut-être à fe rompre que celles d'aucun animal, par
les efforts qu'il fait pour attaquer & pour déchirer fa proie,
peuvent être promptement remplacées Jorfqu'elles viennent
à manquer; peut-être n'eft-il pas le feul à qui cette propriété
ait été accordée, mais c'eft au moins le feul exemple qu'on
ait eu jufqu'ici de ce fmgulier renouvellement.
SUR Re LA
STRUCTURE DES VISCE'RES GLANDUL EUX,
Et particulièrement fur celle des reins à du foie.
OUS avons dit en 1744*, en parlant d'un Mémoire
de M. Bertin fur la ftruéture des reins, qu'il y avoit
en général deux fentimens fur la ftruéture de cet organe
& des autres vifcères glanduleux.
Le premier eft celui de Malpighi qui prétend que ces
organes {ont compolés de glandes munies chacune d'un canal
excrétoire, par lequel s'échappe la liqueur qu'une infinité de
vaifleaux fanguins qui fe rendent à chaque glande, dépofent
dans fa capacité par des canaux imvifibles.
Le fecond eft celui de Ruÿfch, fuivi en ce point par
Vieuffens; felon cet illuftre Anatomifte, les vifcères qu'on.
nomme glanduleux, ne le font point; ils font abfolument
vafculeux, & cela dans le fens le plus étroit, c'eft à-dire,
abfolument compolés de vaiffeaux fanguins, artériels & vei-
neux, fans aucune fubftance diftinéte & féparée de ces vaif-
feaux ; il prétend que les tuyaux prétendus excrétoires, ne
font autre chofe que le prolongement de quelques rameaux
artériels, & ce dernier fyftème femble être le plus généra-
lement reçû.
Ce qu'il y a de fingulier, c’eft que dans le rein on trouve
Lé
} Nue ni
| mNEUS IS © 1 € N'c'EMgN 93
en quelque forte des preuves de l'un & de autre: auffi M.
Boerhäave n'a-t-il pas héfité à reconnoître dans cette partie
la réalité des deux fyftèmes: il fe fait, felon lui, dans le rein,
deux fortes de filtrations, & il y trouve deux efpèces de
canaux.excrétoires ; les uns viennent, fuivant le fentiment de
Ruyfch, des rameaux artériels, & les autres, fuivant celui
de Malpighi, des grains glanduleux.
M. Ferrein s'élève aujourd'hui prefqu'également contre l'une
& l'autre hypothèfe, & par conféquent contre celle de Boer-
haave qui en eft un compofé; ces parties font, felon lui, un
afflemblage merveilleux, non de glandes, comme le prétendoit
Malpighi, non de vaifieaux fanguins, comme l’aflure Ruyfch,
mais de tuyaux blancs cylindriques différemment repliés, qu’il
a vûs fenfiblement dans les reins, qu'il croit avoir bien certai-
nement remarqués dans le foie & dans les capfules atrabi-
laires, & qu'il croit devoir reconnoitre dans d’autres vifcères.
Nous allons préfentement dire un mot des raifons qui l'en-
gagent à rejeter les opinions de Ruyfch & de Malpighi.
Si les organes en queftion n'étoient, comme le prétend.
Ruyfch, qu'un affemblage de vaiffeaux fanguins, leur fub{-
tance paroîtroit toüjours rouge à la loupe & au microfcope,
fur-tout lorfqu'on les prendroit dans le temps & les circonf-
tances où les vaifleaux doivent être le plus remplis de fang;
cependant, & dans ces eirconftances même, M. Ferrein a
toûjours vû la fubftance propre de ces organes, parfaitement
diftincte des vaifleaux fanguins, d'un blanc un peu tranf-
parent, prefque femblable à une gelée; il a rempli les vaifleaux
artériels & veineux d'une injection rouge très-pénétrante,
fans que la couleur blanche de cette fubflance en ait fouffert
la moindre altération.
Quelle eft done la caufe qui a pû faire ïllufion à un Ana
tomifle auffi exact que Ruyfch? M. Ferrein en foupçonne
deux : la première eft que l’'injeétion dont il {e fervoit, sé
chappoit, comme il l'avoue lui-même, en manière de rofée
par les pores des vaifleaux , & que par ce moyen elle teignoit
la fubflance propre des parties, d'une couleur qui leur étoit
M iij
94 Hisroire DE L'ACADÉMIE Royaze
étrangère; & la feconde, qu'il ne failoit ordinairement fes:
démonftrations & fes études que fur des pièces préparées
qu'il confervoit : or la fubftance blanche de ces vifcères fe
retire, s’altère, & difparoît même entièrement dans les pièces
sèches. Hn’eft donc pas étonnant que Ruyfch, ne voyant plus
cette fubftance, ou la voyant teinte d’un rouge qui lui eft
étranger, ait afluré que les organes en queftion n'étoient com
pofés que de vaifleaux fanguins.
Les obfervations de Malpighi paroiffént à M. Ferrein
dignes d'une plus grande attention que celles de Ruyfch;
mais il penfe qu'il ne s'eft pas moins écarté du vrai que lui
dans ce qu'il croit avoir remarqué de ha ftruéture du cerveau,
du foie, de la rate & des reins.
La cuiflon que cet illuftre Anatomifte, & ceux qui Font
fuivi, croyoient néceflaire pour examiner le cerveau , faifoit
néceflirement retirer ce vifcère & le rendoit friable; il s’en
détachoit des parties irréculières, auxquelles il n'a fallu qu'un
peu d’imagiration pour donner la figure & le nom de glandes;
celles qu'on attribue au foie ne font que des lobules encore
revêtus d’une membrane qui foûtient la fubftance molle de
cet organe, & dans lefquels on ne trouve aucune cavité:
celles des reins & de Ja rate ne paroiffent pas à M. Ferrein
plus folidement établies. s
I eft bon cependant d’éclaircir un fait qui paroît favorifer
le fentiment de Malpighi, & même celui de Ruyfch : il a
oblervé dans quelques-uns.des vifcères dont nous parlons, des
points rougés, ronds, circonfcrits en apparence, & qui re£
femblent beaucoup à des glandes : ils ne forment pas précifé-
ment la fubftance, ou le fond principal de la fubftance de ces
organes, ils y paroiflent feulement répandus de diftance en
diftance; fi on les examine avec attentions & en employant
des verres aflez forts, on découvre que ces points font difé-
remment compolés; les uns ne font autre chofe qu’une fimple
continuité de la fubftance blanche du vifcère, qui fe trouve
en apparence plus colorée que le refte par une plus grande
quantité de vaifleaux fanguins : les autres ne font produits
ADESUNS ‘c 1 EN: ChENSr | °$
que, par deux où trois petites branches artérielles qui {e plient
& fe replient fur elles-mêmes, puis fe redreflent pour conti-
nuer leur chemin. . !
On n'a dans f Anatomie moderne que deux exemples d'or-
ganés abfolument compolés de tuyaux ; mais ce qui eft bien
digne de remarque, c'eft que les tuyaux qui forment ces
organes ne font nullement des vaifleaux fanguins; le premier
de ces exemples eft dû à Graf, & c'eft le tefticule, qui eft
compofé de tuyaux blancs cylindriques différemment repliés;
le fecond à été fourni par M. Ferrein lui-même, & c'eft
luvée, qui eft formée de vaifleaux artériels & veineux par-
faitement blancs, & qui ne charient que de Ia limphe..
Une femblable compofition ne parut pas à M. Ferrein
devoir être bornée à ces deux parties , il foupçonna qu'elle
pouvoit être employée dans d’autres vifcères, & rechercha {oi-
gneufement fi elle ne l'étoit pas dans le foie & dans les reins;
il n'y découvrit d'abord qu'une infinité de particules, blanches
dans la fubftance corticale du rein, & jaunâtres dans le foie,
qui étoient pour la piufpart irrégulièrement rondes & oblon-
gues, & qui lui parurent, au premier afpect, être des glandes;
mais bien des raifons, & fur-tout leur nombre, qui étoit
de plufieurs milliers dans l'efpace d’une ligne, le firent douter
que ce fuffent de: véritables glandes, & ïl refta feulement
convaincu. que ia fubftance du foie & celle de la partie cor-
ticale des reins étoient compofées dela même manière.
Enfin un heureux hafard lui mit entre les mains la folu-
tion de cette difhculté; en difféquant un foie obftrué, il
remarqua que tous ces points qu'il avoit remarqués {e pré-
fentèrent à lui, non plus comme, des glandes, mais comme
des inflexions de filets blancs extrémement déliés, qui fem-
bloient fucceflivement tracer plufieurs figures pareilles. Cette
découverte Vanima à rechercher fi la même ftruéture ne fe
montréroit point dans d’autres foies ; il la vit dans plus d’un,
quoique pas avec aflez de certitude pour fe fatisfaire; mais ayant
‘examiné des reins, il y trouva ce qu'il cherchoit, avec Ja
plus grande évidence & la plus conflante uniformité ; il vit.
96 HIsToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
que tous ces grains qu'il avoit obfervés n'étoient que les
points les plus faillans des inflexions, que font fans ceffe les
tuyaux blancs qui compofent la fubftance corticale du rein,
& qu'il nomme pour cette raifon #uyaux blancs corticaux.
Cette clef une fois trouvée, la ftruéture des reins & du
foie n’eft plus un myflère, & nous allons tâcher d'en donner
uné légère idée d'après M. Ferrein.
Les reins font fimples dans plufieurs animaux, comme
dans le mouton ; alors la fubftance corticale forme une efpèce
d'écorce fort épaifle qui occupe feulement la circonférence
du rein: la fubftance médullaire ou fibreufe en eft envelop-
pée, & elle eft compofée de traits en manière de fibres qui
paroiffent fe terminer au baffin.
Dans d’autres animaux, chaque rein eft compolé de plu-
fieurs petits reins fimples, ou feulement contigus, & formant
une efpèce de grappe, ou vraiment continus & réunis en un
feul tout.
Dans Fun & l'autre cas, chaque petit rein eft enve-
Joppé de fa fubflance corticale, qui en enferme une autre
plus rouge repréfentant une efpèce de globe plus ou moins
régulier, & dégénérant en une partie qu'on nomme papille,
à caufe de fa reffemblance avec celle des mamelles : cette
fubftance intérieure fe nomme médullaire à fibreufe.
Le rein de fhomme eft de cette dernière efpèce; if
eft compolé de plufieurs petits reins qui ont chacun un
globe de fubflance médullaire, couvert par -tout d'une
enveloppe coïticale, excepté du côté qui fe termine à une
papille.
Pour fe former une jufte idée de la compofition du rein;
qu'on imagine environ vingt-trois reins fumples dont le globe
médullaire foit enveloppé par-tout de Ia fubftance corticale,
excepté à l'endroit de la papille; qu'on retranche à chacun
de ces reins une partie de leur enveloppe corticale, pour en
faire des efpèces de voufloirs qui fe puiffent joindre, & que
les papilles fe trouvent toutes en dedans, alors on aura un
aflemblage aflez femblable au rein de l'homme, fi ce n’eft
se
DES SCIENCES 97
que des vingt-trois reins fnnples que nous avons fuppolés,
il y en a plufieurs qui s'uniflent enfemble pour former un
des voufloirs dont nous avons parlé, qui ne font qu’au nombre
de douze. {
Il fuit de cette conftruétion, que la fubftance médullaire
du rein total aura pas une figure globuleufe, mais elle
formera au dehors, au moins dans le fœtus, autant d'émi-
nences qu'il entre de globes particuliers dans fa compofition,
il y aura aufli dans la cavité du rein un pareil nombre de
papilles ; il fuit encore que la furface qui fépare la fubftance
corticale & la médullaire, ne fera ni uniforme ni parallèle
à la furface extérieure du rein, mais que les deux fubftinces
paroïîtront entrer l’une dans l’autre, en forte qu'il y aura.des
prolongemens de {a fubftance corticale qui préfenteront aux
yeux une efpèce de pyramide dont lasbafe eft à Ia circon-
férence du rein, & la pointe tournée vers fa cavité, & d’un
autre côté, des prolongemens de la fubftance médullaire dans
la corticale.
La furface extérieure. du rein paroît compofée d’une infi-
nité de gros points blancheâtres d'environ deux cinquièmes
de ligne de diamètre, & de figures différentes; ces points
qui ont tant de fois été pris pour des glandes, font féparés
par des interftices rouges ; ils font la bafe d'autant de pyra-
mides blancheätres qui vont de la furface de chaque rein
fimple jufqu’à la papille : elles forment la fubftance corticale
par leur portion li plus large, & la médullaire par la plus
étroite, leur affemblage compofe toute la fubftance du rein.
Les interftices rouges dont nous avons parlé, les accompagnent
& femblent marquer la féparation qui eft entre elles; nous
difons femblent marquer, parce qu’en effet cette féparation
n'eft pas réelle, & que la fubftance blanche des pyramides
y exifle, mais y eft feulement cachée par les vaiffeaux fan-
guins qui sy trouvent en plus grande quantité: cette partie
rouge eft un peu moins marquée dans la partie corticale que
dans la fubftance médullaire.
© En difféquant des reins humains, M. Ferrein a été aflez
Hif. 1749. . N
983 HIisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
heureux pour apercevoir les prolongemens de la fubftance
médullaire qui pénètrent la corticale ; ils y font reçüs dans
autant d’enfoncemens qu'il nomme loges corticales, & ces
loges font terminées par une efpèce de voûte vers la furface
extérieure du rein. Ces prolongemens forment les axes ou
le noyau des pyramides dont nous venons de parler, & leur
nombre eft précifément le même que celui des pyramides.
Tout ce que nous venons de décrire s'aperçoit aifément
à la vûüe fimple; mais pour examiner la ftruéture intérieure
de chacune de ces parties, il faut employer la loupe & le
microfcope.
On voit alors que les points blancheîtres font formés par
Yaflemblage d'une infmité de tuyaux blancs cylindriques, &
que les interftices rouges qui les féparent, contiennent auff
de ces mêmes tuyaux, mais en moindre nombre. En ou-
vrant la fubftance du rein, on y voit la même chofe; les
tuyaux blancs fe retrouvent, quoiqu'en plus petite quantité,
dans les intervalles rouges qui féparent les pyramides ; en
un mot, ils forment toute la fubftance corticale , à l’exce
tion des prolongemens de la fubftance médullaire ; ïls fe
replient & fe grouppent en mille manières, qui préfentent
même aux yeux un fpectacle qui n'eft pas fans agrément ;
mais ils ne forment, par leur affemblage, rien qui ait l'appa-
rence de glandes. Ces vaifleaux font tous de même groffeur
& fans aucune divifion ; leur diamètre égale celui d'un brin
de coton non filé, & M. Ferrein les a vü fouvent accom-
pagnés de vaiffeaux fanguins encore plus déliés, & qui fe
perdoient dans les parois de ces vaifleaux corticaux.
L'intervalle qui refte entre tous ces tuyaux corticaux , eft,
felon M. Ferrein, deftiné à loger les artères & les veines qui
y apportent le fang & l'en remportent; mais de plus, il y
a bien nettement difcerné une fubftance gélatineufe, tranfpa-
rente; telle en un mot, que malgré l'efpèce de ridicule qu'on a
voulu jeter fur cette idée des Anciens, il n'a pû fe difpenfer
de la reconnoïître pour une efpèce de parenchyme. Ce n'eft
pas même dans cette feule partie qu'il a découvert une pareille
MES MSC LE Nc es; 99
fübflance ; il Fa obfervée dans l'uvée & dans le teflicule, ‘où
elle fert à foûtenir les vaiffeaux blancs qui compofent ces
parties, & dont elle femble jufqu'ici être la compagne infé
parable. |
La longueur de ces vaifleaux, en les concevant mis au
bout les uns des autres, eft immenfe , un efpace d’une ligne
carrée peut en contenir au moins deux mille cinq cens, d'où
M. Ferrein infere, par un calcul facile, que fi on affembloit
bout à bout tous les tuyaux blancs qui compofent la fubftance
corticale d’un rein humain, ils formeroient uue longueur de
60000 pieds ou de 10000 toifes, ou enfin de cinq lieues.
C'eft au moyen de cet appareil merveilleux de tuyaux que
Purine fe fépare du fang; mais comme, pour fe rendre de a
. fubftance corticale au baflin du rein, cette liqueur doit tra-
verfer néceflairement la partie médullaire, nous allons tâcher
de déméler fa ftuéture, & d'en donner l'idée d'après les
obfervations de M. Ferrein.
La partie corticale du rein, compofée, comme on a dit,
de vaifleaux blancs, donneit au moins lieu de foupçon-
ner que la partie médullaire pourroit bien être formée de
pareils tuyaux, & invitoit M. Ferrein à s’aflurer fr cette idée
étoit vraie; il le fit, & à peine eut-il jeté les yeux armés
d'une forte loupe, fur cette partie du rein, qu'il reconnut que
ce qui avoit été regardé comme des vaiffeaux fimples ou
des fibres, étoit un amas prodigieux de petits tuyaux, les
ans blancs, les autres rouges, tous extrêmement déliés, mais
diftinéts & détachés les uns des autres: il eft vrai que ces :
tuyaux ne paroïffent pas également dans tous les reins, mais
_les expériences faites fur la partie corticale lui avoient appris
que la circonftance la plus favorable pour les voir, étoit de
choifir des reins d'un fujetun peu âgé & mort d'une longue
maladie. |
Les vaifleaux rouges font évidemment des vaiffeaux fan-
guins, ce font eux que Ruyfch, qui ne les avoit jamais
vi que remplis d'injection, prenoit pour les tuyaux uri-
maires ; mais ils n’en font nullement, ce font les tuyaux blancs
Ni
100 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
qui font cette fonétion : ces tuyaux paroiflent- exactement
cylindriques, ils font bien plus déliés que les tuyaux corti-
caux, leur blancheur eft aufli moindre que celle de ces der-
niers; mais ce qu'il y a de plus étonnant, c'eft le nombre
de leurs circonvolutions ; ils vont, en ferpentant continuelle-
ment, fouvent mème en {e recourbant plufieurs fois fur eux-
mêmes, & formant de petites mafles irrégulières, fe rendre
de la circonférence du corps médullaire vers la papille : ils
prennent naiflance du corps cortical. Chacun de ces prolon-
gemens de fa partie médullaire, qui pénètre la fubftance cor-
ticale, & delquels nous avons parlé ci-deflus, n'eft qu'un
failceau de ces tuyaux ferpentans qui partent de l'intérieur
de la loge corticale, où les prolongemens font reçüs, les
uns du fond & les autres des côtés ; il en part des autres
endroits par lefquels la fubftance corticale touche la médul-
lire. Les affemblages de ces tuyaux paroiffent aller toüjours
en fe rétréciflant depuis la circonférence du corps médul-
laire jufqu'à la papille, mais le diamètre propre de chaque
tuyau ne diminue pas : il eft done néceflaire qu'ils fesjoignent
& s’'abouchent les uns aux autres.-C'eft ce que M. Ferrein
n'a pü obferver immédiatement dans le rein humain, mais if
Fa vû plufieurs fois dans celui des oifeaux ; ce qui eft bien
fingulier, c'eft que dans l'homme , où la même jonétion
de tuyaux doit néceffairement avoir lieu; les troncs ne pa-
roiffent pas plus gros que les rameaux qui s'y jettent; cha-
cun de ces troncs ne s'ouvre pas immédiatement dans la
papille ; comme on favoit penfé, en prenant les faifceaux
de ces vaifleaux blancs pour les tuyaux urineux, mais chaque
ouverture de la papille répond à une efpèce de cul-de-fac
d'environ une ligne & demie de profondeur, dans lequel un
nombre prodigieux de ces tuyaux va s'ouvrir.
Telle eft donc la compofition admirable de l'organe def.
mé à féparer furine; un nombre prodigieux de vaiffeaux
fanguins très-vifibles, quoique plus déliés encore que ceux
dont nous venons. de parler, fe terminent dans les parois des
vaïfleaux blancs corticaux, & y dépofent furine, qui eft
RAMPBNEISMISIC TE NCIS 101
obligée de fuivre leurs fongs détours avant que de pañér dans
les tuyaux ferpentans qui la conduifent aux papilles.
H n’eft pas toûjours aifé d'apercevoir tout cet appareil de
vaiffeaux dans le rein de l’homme, il faut, comme nous
Favons dit, choïfir les circonftances les plus favorables : M.
Ferrein a cherché à revoir les mêmes organes dans les reins
de différens animaux, &' il n'en a point trouvé, parmi les
uadrupèdes, de plus propres à bien voir toute la ftruélure
de nous avons parlé, que ceux du cheval mortifiés peñ-
dant quelques jours, & enfuite macérés; ils offrent à la vüe
armée d'une forte loupe, & aidée de la lumière la plus vive
du foleil , tout l'appareil dont nous avons parlé.
Mais de tous les animaux que M. Ferrein a difféqués, il
n'en eft point dans lefquels on puiffe voir la texture intérieure
des reins avec tant de facilité que dans les oifeaux, fur-tout
fi on a-foin de les laïfler mortifier plufieurs jours, & qu'on
ne travaille à cet examen qu'un peu avant que les entrailles
commencent à fe corrompre.
Les reins ne font pas difpofés dans ces animaux comme ‘
dans les quadrupèdes, ils font fort. longs, fort larges, &
placés immédiatement fous la partie de Fos du dos qui s'étend
depuis la poitrine de l’oifeau jufques au croupion: ces reins
n'ont point de baflin, & l'uretère a un très-grand nombre
de branches qui partent des différentes parties de ces reins,
le long defquels elle eft comme couchée; toutes ces bran-
ches où rameaux font ici la même fonction que les calices
dans les autres animaux.
On retrouve dans les reins des oïfeaux les mêmes tuyaux
que dans les reins dé l'homme, mais cependant avec quel.
ques différences; les vaifleaux corticaux, par exemple, y font
différemment repliés & entaflés les uns fur les autres : les
vaifleaux médullaires au contraire font difpofés par faifceaux,
& fans faire que de légères inflexions, les uns & les autres
ne laiffent entr'eux que l'efpace néceffaire pour loger les vaif-
feaux fanguins & une petite quantité de parenchyme. On
pourreit cependant fe tromper fur leur nombre, on voit
N ii
102 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYaALE
dans quelques reins des efpaces qui en paroïffent dénués, &
cette apparence vient probablement de ce que la matière
blanche qui les rend ordinairement fenfibles, ne s'y elt pas
arrêtée; mais fi on examine d’autres reins de la même efpèce,
on retrouvera ces mêmes endroits aufir remplis de vaifleaux
que les autres. Les tuyaux des reins des oifeaux different
encore de ceux du rein de homme en un point bien effen-
tiel; ces derniers font par-tout de même calibre, au lieu que
chez les oifeaux, les tuyaux qui compofent le rein, forment
en s'uniflant, des efpèces de troncs qui groffifient peu à peu,
& fe terminent enfin aux vaifleaux médullaires qui n’en font
une continuation.
Une autre différence du rein des oifeaux d'avec Île rein
humain; eft que les tuyaux médullaires y font plus gros que
les corticaux, au lieu que dans Fhomme ils font au contraire
plus fins; ils fe réuniflent en avançant vers les branches des
uretères, & à mefure que leur nombre diminue, leur calibre
. augmente.
Les tuyaux de la fubflance médullaire fe terminent dans
Yhomme, non immédiatement à la papille, mais dans des
efpèces d’enfoncemens qui répondent aux ouvertures dont
elle eft percée; dans les oifeaux il n'y a point de papilles,
mais les troncs des vaifleaux médullaires fe rendent dans
quelques petits troncs très-courts, qui communiquent aux
branches dé Furetère, & qui font la fonétion de ces enfon-
cemens dont nous venons de parler.
Jufqu'ici nous n'avons prefque parlé que de Ia ftruéture
du rein, qui, comme on a vü, eft prefque entièrement
compofé de tuyaux blancs ; il étoit bien naturel de penfer
que la même compofition vafculeufe auroit lieu dans d'autres
parties : M. Ferrein l'avoit déjà obfcurément aperçüe dans
le foie humain, & la comparaifon qu'il a faite du foie &
du rein des oifeaux, la confirmé dans cette opinion; il a
remarqué dans le foie de plufieurs oifeaux, des parties fi
femblables à celles de leurs reins, qu'il lui eft quelquefois
arrivé de prendre les unes pour les autres: il eft vrai que
BRErSMNS.C I 'E. Nrcieté 103
les vaifleaux du foie qui compofent ces parties, ne font pas
à beaucoup près auffi aifés à voir que ceux du rein; mais
enfin on en aperçoit quelques-uns, &, ce qui eft effentiel,
ceux qu'on aperçoit, paroiffent difpofés de la même manière
que ceux du rein humain : il y a donc lieu de croire que
lanalogie qui fe foûtient dans tout ce que nous pouvons
voir, fe foütient aufli dans ce que nous ne voyons pas.
M. Ferrein a obfervé encore les mêmes chofes dans les
caplules atrabilaires de l’homme ; ces capfules ont, comme les
reins, une fubftance corticale qui en enveloppe une médul-
laire, & cette fubftance corticale fe divife & fe fubdivife en
plufieurs lobules, dans lefquels on aperçoit des particules
toutes femblables à celles qu'on remarque dans le foie de
l'homme & dans celui des oifeaux; ces particules ne font
nullement des glandes, & M. Ferrein même a vü bien cer-
tainement à la furface interne de cette partie corticale, des
vaifleaux cylindriques différemment repliés & entaflés les uns
fur les autres.
Tous les organes dont nous venons de parler, font extré-
mement déliés & difficiles à découvrir; ce n’eft qu'en pro-
fitant de toutes les circonftances favorables, qu'on y peut
parvenir. Pour prévenir l'embarras dans lequel fe pourroient
trouver ceux qui voudront vérifier par eux-mêmes les décou-
vertes de M. Ferrein, il a joint à fon Mémoire une inftruc-
tion qui contient toutes les chofes auxquelles il eft néceflaire
d'avoir égard, & que fon travail & fon expérience lui ont
apprifes;: i épargne généreufement la même peine à ceux qui
voudront fe livrer à ces recherches. y
De tout ce que nous venons de dire, il réfulte que la
- ruéture des vifcères nommés glanduleux a été jufqu'ici bien
peu connue; Fidée des vaiffeaux fanguins, dont on veut,
après M. Ruylch, que la plufpart des organes foient compo-
és, a écarté celle d’une fubftance particulière qui conftitue {cle
une grande partie du corps humain, & a fufpendu par {à des
recherches qui certainement auroient pû perfectionner Vana-
tomie, l'économie animale & la médecine. Un des grands
104 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
inconvéniens des fyflèmes eft que non feulement ils ne
mènent pas toûjours à la vérité, mais que fouvent même
ils en cachent en quelque forte les routes, & empêchent
d'y parvenir.
OBSERVATIONS ANATOMIQUES.
Es
N jeune homme d'Auxerre avoit eu de tout temps la
vüe très-tendre, & l'ouverture des prunelles placée
excentriquement & tout au haut de Firis ; une extrême faci-
lité d'apprendre dont il avoit été pourvü par la Nature, engagea
fes parens à le mettre au collège, & il ne fe porta aux études
qu'avec trop d'ardeur: tout-à-coup il s'aperçut d'un petit
nuage mouvant qui paroïfloit fur fes livres, & lempéchoit
d'en diftinguer les caraétères ; il prit cet accident pour un
éblouiffement , mais voyant qu'il ne fnifloit point, il's'adreffa
à M. Berryat, Médecin de cette ville, & Correfpondant de
l'Académie. L'œil droit, qui étoit le malade, ne lui parut
atteint que d'une légère ophthalmie, à laquelle on ne pouvoit
attribuer le nuage en queftion, du refte nulle tache à fa
cornée , qui paroifioit parfaitement faine & entière; cepen-
dant, à force d'examiner l'œil malade, il aperçut dans la
chambre antérieure, & au milieu de l'humeur aqueufe qui
la remplit, un corps rond, {olide, d’une certaine épaifieur,
mais tranfparent, & par-à prefque imperceptible ; il fe con-
tenta pour lors de prefcrire les remèdes néceffiüres pour faire
difparoître linflammation , efpérant découvrir enfuite avec
plus de facilité & de certitude ce qu'étoit le mal, & ce qu'on
pourroit faire pour y remédier. Le malade étant venu pour
quelques affaires à Paris, fuivit le confeil que M. Berryat
lui avoit donné, & s'adreffa à M. Ferrein; celui-ci eut bien-
tôt reconnu que le corps étranger étoit le criftallin même
forti de fa place ordinaire, & paffé dans la chambre anté-
tieure de l'œil : les eflorts que la fituation fingulière des
prunelles
corinne
:
4
5
Le
DUEUSNASILC 1 EN! CHEUS 10
prunelles de ce jeune homme l'avoit forcé de faire pour lire
affidument, l'avoient probablement déchatonné , il avoit été
enfuite chaflé," par l'ouverture de la prunelle, jufque dans
la chambre antérieure où il fe trouvoit, & l’efpèce d'immo-
bilité dans laquelle on le voyoit, ne venoit que de la pref-
fion que la cornée exerçoit fur lui. M. Bérryat, informé par
le malade, à fon retour, de cet accident fi fingulier, examina
l'autre œil, & y furprit le criftallin qui ne failoit encore que
commencer à fortir; pour lors l'ophthalmie étoit diflipée,
& le malade prefloit beaucoup pour que l'on attaquät direc-
tement le mal qui offenfoit fa vüe ; mais M. Berryat lui fit
comprendre qu'il pouvoit y avoir du danger à tenter la réfo-
lution du criftallin, & quil valloit mieux fe contenter d'é-
loigner Finflammation par des remèdes éonvenables, & fe
repofer du refte fur la Nature. Ce fage confeil fut fuivi du
fuccès le plus complet; fans employer d'autres remèdes qu'un
régime convenable, & un emplâtre véficatoire, l'œil le plus
malade fe trouva beaucoup mieux ,. mais pendant ce même
temps le criftallin de autre acheva de pafler dans la chambre
antérieure, & les deux yeux fe trouvèrent atteints de la même
maladie ; cependant le même régime & Je même emplâtre
continuèrent à produire leur effet, les deux criftallins s'éclair-
cirent & diminuèrent de volume, en forte qu'ils ne s’éten-
doient plus fur les pupilles: Le malade voyoit, avec cette
fingulière circonftance que les objets éclairés du {oleil étoient
ceux qu'il voyoit le moins; ils afleétoient fes yeux comme
le foleil regardé direétement affecte des yeux bien fains;
mais ayant négligé lemplâtre véficatoire, & s'étant expolé
à un foleil trop vif, l'œil droit fut faifi d’une inflammation
qui réfifta à tous les remèdes, & le malade perdit ab{olu-
ment l'ufage & la vûe de cet œil: le criftallin devint en
huit jours abfolument opaque, & fi gros qu'il empliffoit
toute la chambre antérieure ; heureufement autre œil n'eut
point de part à cette inflammation, & il eft demeuré à peu
près dans le même état. Le malade peut lire fans verres les
titres des livres, il diftingue de même tous les objets plus
Hif 1749. .
106 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
gros, pourvü qu'ils ne foient pas trop éclairés; mais pour
ceux qui font plus petits, il ne les aperçoit en aucune façon,
S& les objets trop lumineux continuent à l'éblouir : ce fait
mérite d'autant plus d'être remarqué, qu'il paroît jufqu'à
préfent unique, & qu'il eft par conféquent utile qu'on en
connoifle la poflibilité.
INA
M. de Reaumur a fait voir un œuf de poule dont la coque
étoit comme hériflée d'une infinité de petits corps blancs de
la grofleur à peu près d'un grain de millet: ces petits corps,
vüûs à la loupe, avoient la figure d'un œuf; ils étoient revêtus
d'une coque de la même nature, & on trouva dans tous
ceux que l’on ouvrit, une efpèce de mucilage femblable à du
blanc d'œuf. d
EIRE
Une petite fille, de Breft, êgée de fept ans en 1740,
avoit eu à l’âge de cinq ans la petite vérole, à la fuite de
laquelle il fe fit un dépôt critique à la région iliaque droite,
environ deux travers de doigt au deffus de la crête de Vos
des iles ou de la hanche : la misère dans laquelle vivoient
les parens de cet enfant, les empêcha d'en avoir le foin né-
ceflaire, & pendant la maladie, & pendant la durée de ce
dépôt ; comme cependant le volume de la tumeur étoit con-
fidérable & faifoit fouffrir l'enfant, ils y appliquèrent un
emplâtre garni d'un onguent qu'une Demoilelle de Breft
prépare & diftribue gratuitement aux pauvres; la tumeur
souvrit dans les vingt-quatre heures, & il en fortit beau-
coup de pus : on continua les emplâtres, & au bout de quel-
ques jours on s'aperçut qu'il {ortoit, outre le pus, des vents
& des excrémens, preuve évidente que l'inteftin étoit percé.
Voyant après un long temps que l’'ulcère ne fe fermoit point,
ils abandonnèrent les emplâtres, & fe contentèrent d'y appli-
quer un linge blanc ; quelque temps après on vit {ortir par
lorifice de l'ulcère un petit cordon de poils comme des
cheveux, cependant la Nature acheva la guérifon, & lulcère
fe ferma. Il y avoit environ fept mois qu'il étoit cicatrilé,
DPENS M SIC'T E NCIS 107
lorfque les parens s’aperçürent qu'il fortoit par anus un
cordon de poils femblables à des cheveux ; au commence-
ment, cs poils fortoient & rentroient, enfuite ils ne ren-
trèrent plus entièrement, & il en pafloit toûjours {a lon-
gueur de trois pouces : ce cordon de cheveux a environ un
pouce de grofleur , il remplit tout lorifice de fanus, &
caufe de temps en temps à l'enfant des difficultés d’aller à {a
felle. La malade étant en cet état, M. de Courcelles, qui a
écrit ce fait à M. du Hamel, & qui lui a fait voir cet enfant
dans un de fes voyages à Breft, fut confulté par les parens;
le récit qu'on lui fit de la maladie & de tout ce qui s’étoit
paflé, lui donna lieu de foupçonner que ces poils tiroient
leur origine de la peau voifine de la cicatrice, & que c'étoit
les mêmes qui avoient paru par l'ouverture de l'ulcère ; les
panfemens les avoient déterminés à fe porter vers la cavité
de linteftin, la chaleur & l'humidité du lieu les avoit fait
végéter extraordinairement, &es excrémens les avoient en-
traïnés vers l'anus. En effet, M. de Courcelles obferva que
lorfqu'on tiroit le cordon en dehors, l'endroit de la cicatrice
s'enfonçoit, & qu'en y portant une main, on y reffentoit
toutes les petites fecoufles que l’on donnoit au cordon ; il
faut en ce cas que ce cordon de cheveux ait plus de demi-
aune de long pour fuivre toutes les circonvolutions de l'in-
teftin depuis la cicatrice jufqu'à l'anus: on pourroit peut-être
foupçonner que ces cheveux feroient attachés à une appen-
dice charnue qui fe feroit étendue: dans F'inteftin', à peu près
comme les crins de la queue des chevaux font attachés à fa
partie charnue de cette queue, ce qui diminueroit extréme-
ment leur longueur; mais, quelque attention que M. de Cour-
celles & M. du Hamel y aient apportée, ils n'ont rien pû
apercevoir qui dénotàt cette appendice. L'enfant fe porte
bien d’ailleurs, & ne reffent d'autre incommodité que d'avoir
quelquefois de la difficulté d'aller à la felle, Jorfque les che-
veux fe collent à la marge de l'anus, & empéchent par - là
la fortie des excrémens ; mais on y remédie en fomentant la
partie avec de l'eau tiède. Cette obférvation femble indiquer
O ji
108 HisToiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE
que les poils qui font répandus fur toute l'habitude du corps,
font de même nature que les cheveux, & n’en different que
par leur diflérente manière de végéter, à peu près.comme
une plante diflere d’une autre de la même efpèce fuivant le
terrein gras ou maigre où elle fe trouve ; elle prouve encore
d’une manière bien certaine, que les plaies de l’'inteftin ne font
ni mortelles ni incurables.
IA re
M. le Comte, Médecin à Rethel, a envoyé à l’Académie
le détail fuivant, de l'accident arrivé à M. le Chevalier de * * *
Brigadier des armées du Roï, & de la manière dont il a été
uéri.
Le 10 Janvier 1749, M. le Chevalier de * * * reve-
nant de la chaffe, fut attaqué par un gros chien de cour
qui s'élança d'abord fur lui, le mordit au bras droit, & le
couvrit de bave & d’écume, fans cependant qu'il y eüt de
plaie aux endroits mordus, mais feulement une douleur fup-
portable qui dura jufqu’au lendemain au foir. Le Piqueur de
M. de *** qui le fuivoit, & qui vit le chien venir à lui
en chanchelant & écumant, jugea que cet animal pouvoit
être enragé, & le tua d'un coup de fufil.
M. le Chevalier de * * * avoit prefque oublié cet acci-
dent, lorfque vingt-un jours après, étant encore à la chañe,
il fe trouva mal & perdit connoiffance; fes gens l'aflurèrent
que pendant le temps de fa fyncope ils lui avoient vü faire
des grimaces extraordinaires : cette circonftance lui donna
quelques foupçons, qui cependant ne lempèchèrent ‘pas
d'aller fouper hors de chez lui, où il ne rentra qu'à environ
une heure du matin, fe coucha en arrivant, & s’endormit ;
deux heures après il réveilla toute la muifon par des cris
affreux, & ceux qui coururent à fa chambre le trouvèrent
hors de fon lit fans connoïffance, & étendu fur le plancher :
ces fymptomes ne firent que trop aifément juger de quelle
maladie il étoit atteint, & lui-même pria qu'on fattachit ;
cette précaution étoit fi néceflaire, que moins de trois heures
après il effuya un fecond accès plus violent que le premier,
MNENENNS C1 E N'CNESS 109
& il fortoit du quatrième lorfque M. le Comte arriva. Le
malade lui rendit compte de ce qui s'étoit paflé, & finit par
lui dire qu'o lui préparoit un remède avec lequel il avoit
guéri non feulement des chiens mordus par d’autres chiens
enragés, mais encore plufieurs perfonnes , entr'autres une
fille de dix-fept ans, mordue par un bœuf enragé, &
qui avoit eu déjà deux accès. M. le Comte craignant qu’un
plus long difcours ne fatiguët Ie malade, l'interrompit pour
lui demander fi après fes foiblefles il ne prenoit pas quelques
liqueurs fpiritueufes, comme de l'eau des Carmes ou autres ;
à ces feuls mots d'eau & de liqueur le malade pälit, & fon
vifage fut agité de convulfions, qui pourtant n’eurent aucune
fuite & ne durèrent qu'une minute ; cette horreur pour les
liquides, qui, comme on fait, eft tellement un des fignes
caraétériftiques de la rage, que les anciens Médecins Ia
nommoient de là 4ydrophobie, ou peur de l'eau, fit voir à M.
le Comte que la maladie n'étoit que trop bien caradérifée ;
& quoiqu'il n'eût pas grande confiance dans la vertu du
remède, comme cependant il n’en connoifloit point d’autres
defquels il püt attendre un effet plus für & plus avantageux,
il confeilla à M. le Chevalier de * * * de s'en fervir.
Ce remède confifte à faire prendre à ceux qui ont été
mordus, mais qui n'ont encore efluyé aucun accès de rage,
quatre gros de poudre d’huître mâle calcinée au feu, dans un
demi-{etier de vin blanc, & de réitérer le remède au bout de
vingt-quatre heures ; pour ceux qui ont déjà efluyé des accès,
il faut le leur faire prendre trois fois, de douze heures en
douze heures, toüjours à la même dofe, mais dans un véhi-
cule différent; au lieu de méler les quatre gros de poudre
avec du vin, on les mêle avec trois œufs frais, dont on fait
une omelette; on ne doit pas boire en la mangeant, ni même
pendant tout le temps qu'on fait le remède.
M. le Chevalier de *** Je prit effetivement, quoi- :
qu'avec beaucoup de peine & de répugnance, ce qui n'em-
pécha pas un cinquième accès, qui fut fuivi de huit autres
dans l'efpace de feize heures.
0 iÿ
V. les M.
p- 210.
p. 385-
110 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. le Comte, qui en a été le témoin, dit que tous ces
accès étoient annoncés par le malade même, qui difoit d'une
voix étouflée, retirez vous; aufli-tôt fes yeux fe renverfoient
& s'enflammoient , fon vifage & le 1efle de fon corps étoient
agités d'affreufes convulfions, il cherchoit à mordre de tous
côtés & aboyoit comme un chien, la bouche s'emplifloit
d'écume, la voix devenoit rauque & prefque éteinte; à tous
ces accidens fuccédoit une foiblefle dans laquelle le malade
ne paroifloit pas différent d'un mort, & qui fe terminoit
par une grande inquiétude qu'il témoignoit d’avoir mordu
quelqu'un pendant fon accès.
I y a cependant bien de fapparence que le remède avoit
fait fon effet, car fans cela tant & de fi violentes fecouffes
auroient dû emporter le malade, qui cependant en a été quitte
pour 1efler pendant quatre mois dans une impuiflance pref-
que abfolue de marcher ni de faire aucun mouvement, &
les eaux de Plombières ont mis la dernière main à fa gué-
rifon. L'importance de la matière a déterminé l Académie
à publier l'hiftoire de cette guérifon avec toutes fes circonf-
tances.
OUS renvoyons entièrement aux Mémoires,
L'Ecrit de M. le Monnier, Médecin, fur les mau-
vais effets d'une efpèce de Champignon.
Et les Oblfervations anatomiques pour fervir à l'hiftoire
du Fœtus : par M. de la Sône. .4
LE 4°, Lr
1
” 1 DES ScieENcESs. III
20:0:0:0:0:0:0:0:010:0:0:0:0:0:0:0:0:0:010:0:010:01010: 010100:
CELL X Mi E.
SUR UNE
NOUVELLE ESPECE DE TEINTURE BLEUE,
À Teinture enrichit la fociété d’une infmité de chofes
utiles & agréables; c’eft à elle qu'on doit en partie ces
belles tapifferies qui peuvent aujourd’hui le difputer à a
Peinture, & qui ont même fur elle avantage d'une plus
grande durée & d’une plus grande flexibilité: fans les couleurs
que l'art de la Teinture:a {à imprimer folidement aux laines
& aux"foies qui les compofent, ces chefs-d'œuvre de l'art
que nous admirons, n'auroient jamais pù être exécutés.
Les couleurs de la teinture font extrêmement différentes
de celles quon emploie dans la Peinture; ces dernières ne
font ordinairement que des poudres qui n’ont d'autre adhé-
rence à Ja toile ou aux autres corps fur lefquels on les applique,
que celle que leur donnent Fhuile ou la gomme avec lef-
quelles elles font mêlées.
Comme les couleurs de la teinture doivent tenir bien plus
folidement fur les corps auxquels elles font appliquées, il
faut que la matière colorante foit divifée en parties extré-
mement fines, que ces parties puiflent s'enchäffer en quelque
… (rte dans les molécules d’un fel moyen, dans la folution duquel
on trempe l'étofle, que ce fel foit indifloluble à l'eau froide,
& indeftruétible par l'aétion de Fair & du foleil.
: On voit par-là que le plus grand nombre des couleurs de
a Peinture ne peuvent être employées à teindre des étoffes;
indépendamment de la groffièreté de leurs molécules, elles
— pourroient encore n'avoir pas la propriété de fe joindre au
— cryftal de tartre ou au tartre vitriolé, qui font les deux feuls
“ {els auxquels on connoiffe la propriété d'être inaltérables à
Veau & au foleil.
ET AT SD SUR TR ART GET
…
4%
V. les M,
P- 255-
112 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
H y a pourtant quelques couleurs qui peuvent évalement
fervir à l'un & à l’autre de ces arts; la cochenille, par exemple,
fournit également le carmin & écarlate, mais ce nombre
eft certainement le plus petit, & c'eft un avantage confidé-
rable pour la teinture, que d’acquerir des couleurs nouvelles,
fur-tout f1 elles doivent être plus brillantes & aufli folides
que celles qu'on avoit déjà...
En voici une dont la Chymie avoit enrichi la Peinture
depuis quelques années, dont lhabileté de Mrs Geoffroy
avoit en quelque forte dérobé la compofition à la Prufle, &:
que M. Macquer tranfporte de la Peinture, dans laquelle
feule on en avoit fait ufage, à la Teinture.
Le bleu de Prufle dont nous voulons parler ici, eft com-
pofé de la terre de lalun &c des parties ferrugineufes du vi-
triol verd, précipitées par un {el alkali auquel on a uni, par
le moyen du feu, le phlogiftique ou principe inflammable.
Ceite compofition parut à M. Macquér porter tous les
caractères d’une teinture de bon teint; en eflet la diflolution
d'alun & de vitriol devoit être un mordant très-propre à
difpofér les pores des étofies à recevoir les atomes colorans;
& la fécule qui fe précipite lorfqu'on méle la diffolution des
fels avec la lefive alkaline, étoit fuffifamment fine & déliée,
& très-propre à entrer dans la compofition du tartre vitriolé,
ue Funion de l'acide vitriolique avec l'alkali fixe contenu
dans la leffive, ne pouvoit manquer de former.
Pour y parvenir, il prit le parti de faire fur l'étoffe même,
les différens mélanges néceflaires à la compofition du bleu
de Pruffe; il fit bouillir pendant une heure, un écheveau de
fil, un de foie, un de coton, & un morceau de drap blanc,
dans {a diflolution d’un & de vitriol; enfuite il les trempa
dans la leffive alkaline chaude & prète à bouillir: il fe fit
une efervelcence, la liqueur parut verte, & les échantillons
en fortirent teints d’une couleur grifatre ; mais ayant été
plongés dans de l'eau bouillante, dans laquelle il y avoit affez
d'acide vitriolique pour la rendre aigrelette, il s'excita promp-
tement une nouvelle effervefcence, la liqueur devint bleue,
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HAEMSNS: C 1 E NefEMS II
& les échantillons en fortirent teints du plus beau bleu, à
cela près que la liqueur n'étoit égale que fur les écheveaux,
& que le drap étoit teint très-inégalement, & de plus un
peu rude au toucher.
Cette couleur réfifta peu au débouïilli du favon auquel
M. Macquer fe hâta de la foumettre, mais elle foûtint parfai-
tement celui de lalun; ce qui lui fit voir qu'elle étoit de
bon teint pour la laine & pour la foie: un fi favorable fuccès
l'encouragea à fuivre fon entreprife, étant une fois afluré
de la bonté de la couleur, il avoit alors pour objets de fon
travail, de trouver moyen de l'appliquer également fur toutes
les parties de l'étoffe, de rendre ceite étoffe douce au tou-
* cher, de pouvoir donner à volonté les différentes nuances
de bleu qu'on defre, enfin de travailler avec Île moins de
frais & de dépenfe qu'il feroit poffible.
H tenta d'abord de varier le procédé en faïfant bouillir
l'étoffe dans la leffive alkaline avant de la paffer dans la {o-
lution d'alun & de vitriol, mais il fut bien-tôt obligé de
renoncer à cette manière de teindre : la couleur n’en étoit
pas plus belle, & l'alkali ne trouvant point fur l'étofle, d'acide
vitriolique avec lequel il püt fe joindre, & qui füt capable
d'arrêter fon action, en avoit confidérablement altéré la bonté.
Cette méthode n'ayant pas réuffi, M. Macquer penfa à
employer le bleu de Prufle tout fait, comme on emploie
les autres ingrédiens des Teintures; pour cela, après avoir
difpofé fon étoffe en Ia faifant bouillir à l'ordinaire dans une
diflolution d’alun & de tartre, il fa paffa dans un bouillon
d'eau chargée de bleu de Pruffe : elle s'y teignit, & même
très-également, elle étoit douce au toucher; mais la nuance
étoit peu foncée, & de quelque façon qu'il ait pü s'y prendre,
il lui a été impoffble de la rendre plus forte.
En chargeant lalkali fixe de phiogiftique, beaucoup plus
_ que dans l'opération du bleu de Prufle ordinaire, & en
. employant une diffolution d'un & de vitriol auffi chargée
“qu'elle le puifle être, on obtient une couleur belle & bien
+ foncée; mais la quantité des {els altèrent la bonté & la
Hifl. 1749. AE
114 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
{olidité de l'étofle, le feul remède qu'a trouvé M. Macquer
à cet inconvénient, eft d’afloiblir la leffive alkaline & les
autres liqueurs falines, avec quatre fois leur poids d’eau : en
trempant plufieurs fois les échantillons dans ces eaux, fuivant
l'ordre du premier procédé, on parvient par ces teintures
réitérées, à donner à l’étofie telle nuance de bleu qu'on veut,
fans altérer fa bonté.
Il faut obferver de tremper à chaque opération partiale
létofle dans la liqueur acide, & de remettre de nouveaux
fels, tant dans la leffive, que dans la diflolution d'alun &
de vitriol, & dans la liqueur acide; il faut même, fi le nombre
d'opérations partiales va jufqu'à fix, renouveler toutes les li-
queurs à la troifième, fans quoi les immerfions réitérées de
l'étofie les méleroient, & l'effet n'en feroit pas fufhfant.
Si on fuivoit exactement dans cette teinture, les procédés
indiqués pour faire le bleu de Prufle, elle pourroit devenir
d'un trop haut prix ; heureufement on peut fubftituer fans
aucun inconvénient d'autres drogues à celles qui font trop
chères, il y en a même qu'on y fubftitue avec avantage du
.côté de la couleur.
La nouvelle teinture eft autant au deflus du bleu de pañtel
ou d'indigo, que l'écarlate eft au deflus du rouge de garence;
elle teint l'étofle jufque dans le cœur, ce que ne fait pas la
teinture bleue ordinaire; elle eft folide, & réfifte autant à fair
& au foleil qu'aucune autre teinture; elle n'altère point la
bonté de l'étofie, quand on la fait avec les précautions que
nous avons indiquées : M. Macquer s’eft afluré de ce dernier
point en fufpendant des poids à des fils, jufqu'à les faire
rompre; ils en ont toüjours porté autant après avoir été
teints qu'auparavant ; enfin les expériences de M. Macquer
donnent les moyens de rendre cette teinture peu coûteule,
toutes les drogues qu'il y fait entrer étant à très-bon marché.
Voilà donc l'art de la Teinture enrichi d'une nouvelle
efpèce de couleur plus belle & plus brillante que celle qu'elle
avoit; il ne s’agit plus que de la mettre en ufage & de tra-
vailler en grand. M. Macquer offre fes coneils & fes avis
à
DES" 1S;c 1 EN: CES. 1
. à ceux qui voudront l'entreprendre; fon but eft de rendre
_ fa découverte utile autant qu'elle pourra l'être, & il fe fait
un plaifir d'y contribuer en Phyficien & en citoyen.
ie année parut un Ouvrage du même M. Macquer,
intitulé, E'lémens de Chymie théorique.
Le but qu'il s'eft propofé dans cet Ouvrage, a été de
développer les principes fondamentaux de la Chymie, d’une
manière claire & précile, tant en faveur de ceux qui veulent
s'adonnét à l'étude de cette fcience, que de ceux qui ne
veulent qu'en prendre une idée nette, quoiqu'abrégée; dans
cette vüe il a réfervé pour un autre Ouvrage la pratique de
la Chymie, & s'eft contenté de renfermer dans celui-ci {a
i partie théorique.
Pour parvenir à la netteté qui donne le prix aux Ou-
vrages de cette efpèce, M. Macquer s'eft impofé la loi de ne
Ê fuppofer aucune connoiflance chymique dans fon leéteur, &
de le conduire des vérités les plus fimples aux plus compofes.
Suivant cet ordre, il commence fon Ouvrage par l'examen
des fubftances les plus fimples, & qu’on regarde comme les
élémens qui entrent dans la compofition de toutes les autres :
ces élémens font, felon lui, au nombre de quatre, l'air, l'eau,
la terre & de feu, non qu'il regarde ces corps comme 2bfo-
lument fimples, mais parce qu'ils font au moins {es plus
fimples que nous connoiflions, & qu'il n’a pas été jufqu'ici
poflible à Y'art de les décompofer.
L'air & l'eau font des principes volatils, c’eft-à-dire que
Yaétion du feu les enlève aux corps qui les contiennent, &
les fait difliper en vapeurs; la terre au contraire réfifte à
fon action quand elle eft pure, nous difons quand elle eft
pure, car il faut bien fe fouvenir que la terre dont il eff ici
queftion n'eft pas celle qui eft propre à la végétation: cette
dernière n'eft nullement un corps fimple, mais un compofé
d'un très-grand nombre de matières; on n'appelle en Chymie
du nom de terre que ce qui refte d'un corps lorfqu'on lui
a fait éprouver l'action du feu la plus vive,
Pi
116 HisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le feu eft le feul élément a@if; nous ne connoiflons de
feu proprement dit, que celui des rayons du foleil, mais ce
feu pur & élémentaire ne peut être retenu par aucun corps,
il es traverfe tous avec facilité, & il échapperoit toûjours à
nos yeux s'il nempruntoit, pour ainfi dire, un corps pour
fe rendre vifible: de-1à naît la diftinction entre le feu pro-
prement dit, & ce que les Chymiftes appellent phlogiflique
où matiere inflammable , qui neft autre chofe que le feu
élémentaire joint à une fubflance qui nous elt inconnue,
Ce n'eft que fous cette dernière forme que le feupeut en-
trer dans la compofition des corps; car fous celle de {eu
élémentaire, il s'échapperoit par tous leurs pores, & n'y
pourroit être retenu.
Lorfque deux fubftances fe trouvent contigues lune à
l'autre, il arrive quelquefois qu'elles fe joignent, & alors on
dit qu'elles ont entre elles un rapport où une affinité; fr,
dans cet état, on prélente à ce nouveau compolé une troi-
fième fabflance qui foit plus propre à s'unir à lune des deux
premières que celle qui y étoit jointe, le corps fe décom-
pofera, & da nouvelle fubflance suniflant avec celle qui lui
eft la plus propre, il {e formera un corps différent du pre-
mier. C’eft-À le fameux pr incipe des affinités, fr connu aujour-
d'hui dans la Chymie, principe duquel la caufe phyfique eft
jufqu'à préfent inconnue; mais fr par ce défaut il perd Fa-
vantage de pouvoir fervir à l'explication des phénomènes, on
ne peut au moins lui contefler celui de fervir de règle, &
en quelque forte de fil pour fe conduire dans le labyrinthe
fouvent embarraflant des opérations chymiques, & d’être le
principe de fait & d'expérience le plus fécond qui foit peut-
être dans toute la Phyfique.
De l'union des élémens dont nous avons, parlé, il naît
d’autres corps moins fimples qu'eux, mais qui font encore
eux-mêmes principes à l'égard des autres corps plus com-
pofés ; M. Macquer nomme ces corps principes fecondaires.
De ce nombre font les fubftances falines, qui ne font,
felon lui comme fuivant Becker & Stahl, qu'un compofé
L 2
"he,
ST
DNE SMS: C 1 E NACRE 117
de terre & d'eau; ce n'eft pas qu'à toute rigueur on puifle
aflurer qu'il n'entre pas autre chofe dans leur compofition,
mais cet autre principe eft inconnu jufqu’à préfent.
La différente manière & la différente proportion fuivant
lefquelles l'eau & la terre fe combinent pour former les fels,
conftituent leur différente nature; les acides contiennent plus
d’eau & moins de terre, les alkalis plus de terre & moins
d'eau, & la jufte combinaïfon des uns & dés autres forme les
{els neutres.
On ne connoit dans la Nature que trois acides minéraux,
& celui qu'on retire des fubflances végétales ; il y a bien de
l'apparence que ces acides ne font au fond que le même
combiné avec différentes fubftances.
La première efpèce d'acide eft le vitriolique, ainfi nommé
parce qu'on le retire en plus grande abondance d’une efpèce
de minéral nommé virriol, que de tout autre corps: quand
cet acide eft mêlé avec peu de phleome, on le nomme Aile
de vitriol, non qu'il ait aucune des propriétés de l'huile, mais
à caufe d'une certaine onétuofité qu'il fait apercevoir ; fr au
contraire il eft mêlé avec beaucoup d'eau, il fe nomme
efprit de vitriol; enfin lorfqu'il eft privé de phlegme au point
de n'être plus fluide, on le nomme Auile de vitriol glaciale.
L’acide vitriolique peut fe combiner avec différentes fub-
flances, & former avec elles des compofés différens; uni
avec une terre abforbante ou craie qui ait fouffert Faétion
du feu, il forme un fel qu'on appelle 44m; combiné avec
certaines terres , il forme un {el pierreux qu'on nomme /é/é-
nite; uni avec un fel alkali fixe, il en forme un autre appelé
tartre vitriolé ; enfm uni avec le phlogiftique, il forme ce
qu'on appelle du foufre commun ; toutes fubftances qui ont des
propriétés très-différentes dont M. Macquer donne une idée,
& qu'on peut varier extrêmement, fuivant les différentes affi-
nités qu'a l'acide avec ces différentes bafes.
. On ne fait pas au jufte en quoi l'acide nitreux differe
eflentiellement de celui du vitriol : il eft affez probable que
c'eft le même acide, mais combiné, par le moyen de {a
Pïi
118 HisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
putréfaction , avec une certaine quantité de phlogiftique ; il
peut s'unir avec une terre ablorbante, & alors il donne par
la criftallifation des figures rhomboïdales irrégulières ; joint
avec le limon , il forme un autre fel moyen qui ne fe crif-
tallife point, & fe fond à l'humidité de fair; mais fr on
préfente à l'acide nitreux un alkali fixe, il abandonne ces
bafes terreufes pour former avec ce dernier un nouveau fef
neutre qu'on nomme #itre où falpétre, qui fe criftallife en
longues aiguilles, & excite une impreffion de froid fur la
langue.
Nous avons vû que lacidewvitriolique s'unifloit avec le
phlogiftique pour former le foufre ; facide nitreux s'y unit
auffi, il faut même qu'il ait avec cette fubftance une affinité
plus grande qu'avec l'alkali fixe; car dès qu'il touche le phlo-
giftique allumé, il abandonne fa bafe, s'entlamme, brûle & fe
diffipe avec grand bruit: cette inflammation fubite fe nomme
ulmination où détonnation, elle eft un des caraétères diftinc-
tifs de l'acide nitreux.
L’acide nitreux féparé de fa bafe, & joint à un peu de
phleume, forme une liqueur d’un jaune rouge qui envoie
inceflamment des vapeurs de la même couleur & d'une odeur
forte & pénétrante, on la nomme cfprit de nitre fumant, ou
eau forte citrine.
Le troifième acide eft celui qu'on tire du {el marin; on
ignore auffi en quoi il differe du vitriolique: quelques Chy-
mifles prétendent que cette diférence ne confifte que dans
l'union d'une petite quantité d'une terre qu'ils ont nommée
mercurielle. Quoi qu'il en foit, cet acide a, conme les autres,
une-moindre affinité avec les terres abforbantes qu'avec l'al-
kali fixe avec lequel il forme des cryflaux cubiques; mais
apparemment que fon afhnité avec cet alkali eft moindre
que celle des acides vitrioliques & nitreux, car ils le décom-
pofent & forment avec fa bufe alkaline, le premier, un {el
neutre connu fous le nom de /e/ de Glauber, & le fecond,
un nitre qui differe du nitre ordinaire en ce qu'il attire l'hu-
midité de Fair, & par la figure de fes cryflaux qui font de
DIEUS MS, c 1 E NC UNS 11
vrais parallélépipèdes ; d'où on peut conclurre que l'alkaïi
qui fert de bafe au fel marin, eft un peu différent de l'alkali
fixe ordinaire: cette efpèce de nitre fe nomme gradrangulaire.
L’acide du fel s'unit au phlogiftique comme acide vitrio-
lique, mais l'efpèce de foufre qu’ forme eft fingulière, elle
prend feu d'elle-même dès qu'elle eft expolée à l'air; c’eft
le fameux phofphore connu fous le nom de pho/phore de
Kunkel ou d'Angleterre.
On peut aufli avoir l'acide du fel marin joint à un peu
de phlegme qui lui donne Ia forme de liqueur; cette liqueur
eft d'un jaune citron, elle jette continuellement des vapeurs
blanches fort épaifies, d’une odeur aflez agréable, & qui
approche de celle du fafran : on le nomme e/prit de [el fumant.
Si au lieu d’unir lacide du fel marin avec fa propre bafe,
on l'unit à un alkali fixe ordinaire, il naît de ce mélange
un autre fel neutre connu fous le nom de /e/ fébrifuge de
Syhius.
Lorfque les pierres ou les terres ont fouffert l'action du
feu jufqu'à un certain point fans entrer en fufion, ce qui
refte fe nomme chaux ; nous difons fans entrer en fufion, car
toutes les terres fe divifent en général en fufibles & en cal-
cinables : les premières ne peuvent fupporter une violente
action du feu fans pafler à l'état de fluidité, & enfuite à
celui de vitrification ; les autres fouffrent la plus vive action
du feu fans fe fondre, & ne font que fe réduire en chaux.
En cet état les pierres, même les plus dures, comme les
marbres, ont perdu leur poids & leur dureté ; elles ne font
plus qu'une matière légère, poreufe, friable, qui abforbe
l'eau qu'on jette deflus avec une effervefcence violente &
accompagnée de chaleur ; en un mot, elles font réduites à
être de véritable chaux, dont tout le monde connoît les
propriétés.
La chaux combinée avec l'acide vitriolique sy diflout,
& il en réfuite un fel neutre félénitique; unie avec l'acide
nitreux qui la diflout auf, elle forme un fel neutre qui ne fe
criftallife point, & qui a la fmgulière propriété d'être volatil,
20 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
c'eft-à-dire, aifément enlevé par le feu, quoique compolé de
deux matières, dont une, qui eft la chaux, eft peut-être Ja
plus fixe que l'on connoifle; & l'autre, qui efl l'acide nitreux,
ne fe volatilife que par addition du phlogitique; a chaux
combinée avec l'acide du fel marin, donne encore un fef
d'une efpèce fingulière & très-avide de l'humidité de l'air.
Enfin mélée avec les alkalis, elle augmente beaucoup leur
caufticité; c'eft avec une leffive alkaline, dans laquelle on
a fait bouillir. de la chaux, & qu'on a enfuite fait évaporer,
qu'on fait a compolfition nommée pierre à cautère , & dont
on fe fert en Chirurgie pour faire des efcarres fur la peau &
. Ja cautérifer.
Les fubftances métalliquès font compofées principalement
d'une terre vitrifiable unie avec le phlogiftique; il y a pour-
tant lieu d'y foupçonner un troifième principe qui refte uni
à la terre dans la vitrification, car les verres métalliques
peuvent être remis en l'état de métal par l'addition du phlo-
giftique, & c'eft ce qu'on appelle reflufciter où revivifier le
métal ; au lieu. que par l'union du même phlogiftique avec
toute autre terre vitrifiée, on ne peut obtenir aucun métal ;
preuve évidente que le verre métallique contenoit, outre la
terre, quelque chole d’effentiel à la compofition du métal.
Les fubftances métalliques font en général de deux efpèces;
les unes ont, outre le brillant, la pelanteur & a fufbilité,
la propriété d'être malléables, ceft-à-dire, de fouffrir le
marteau, de s'étendre & de fe ployer fans fe cafler, & ce
font les métaux proprement dits; les autres au contraire font
privées de cette dernière qualité, & on les nomme demi-métaux.
Les métaux fe divifent en parfaits & imparfaits; les mé-
taux parfaits ne reçoivent du feu aucune altération , quelle
que puifle être fa violence ou fa durée: il n'y a que for &
l'argent dans cette clafle.
Les métaux imparfaits perdent leur phlogiftique par lac-
tion du feu; ils font d’abord réduits en une pouflière terreufe
que l’on nomme chaux, & par un degré de feu plus violent,
cette poudre fe change en verre.
Les
md 2
DES ASC LE N-CARS 12fr
-" Les métaux ont de l'affinité avec les acides, mais tous
les métaux n'ont pas de l'afhnité avec tous les acides ; l'or,
par exemple, n'en a aucune avec J'acide du nitre tant qu'il
eft feu, &. en a une grande avec une liqueur compofte de
cet acide & de celui du fel. Lorfqu'on met un métal avec
l'acide qui lui convient, il s’y joint, il s’excite dans la liqueur
une efpèce d’ébullition accompagnée de vapeurs & de fifle-
ment, &. le métal difparoit abfolument : on dit alors qu'il
eft diflous, & il a acquis par cette diflolution & par fon
mélange avec l'acide, la propriété de fe joindre à l'eau, quil
n'avoit point fous fa forme métallique.
Comme les acides ont plus d'afhnité avec les terres abfor-
bantes qu'avec les fubftances métalliques, on les peut obliger
à lâcher le métal qu'ils tenoïent, en leur préfentant de ces
terres: le métal alors fe précipite fous la forme d'une pouf
fière au fond de Ja liqueur, on le nomme en cet état magif
tére ou précipité; & comme ils ont été privés de leur phlo-
giflique par l'action de l'acide, de même qu'ils l’auroient été
par celle du feu, on leur donne auffi le nom de chaux.
Une propriété aflez fmoulière des fubftances métalliques,
eft qu'elles ne peuvent contracter enfemble aucune union fr
elles ne font précifément dans le méme état; en forte, par
exemple, que celle qui a fon phlogiftique ne pourra jamais
fe joindre à aucun verre métallique, pas mème au fien propre,
On compte ordinairement fix métaux, dont deux parfaits,
ui font For & argent, & quatre imparfaits, le cuivre,
Yétain, le plomb & le fer, quelques-uns y ajoûtent le vif
argent; mais comme cette fubftance métallique eft 2bfolument
privée de fa malléabilité, femble plus convenable d'en faire
un corps métallique d'un genre particulier. L'or, comme nous
Javons dit, eft inaltérable à l'action du feu; il y a même lieu
de penfer que lorfque M. Homberg a cru l'avoir vitrifié au
foyer du verre ardent, ce favant Chymifle a été trompé
par quelque circonftance à laquelle il n'a pas fait attention’:
aucun acide pur n'a de prife fur l'or, mais le mélange de
l'acide du nitre & de celui du fel le diflout parfaitement: ce
Hi 1749:
122 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
mélange des acides fe nomme eau régale. Si on précipite
Vor diflous de cette manière, par un {el alkali fixe ou volatil,
& qu'on fafle fécher lentement ce précipité, un degré de
chaleur aflez modéré le fait difiper en l'air avec un très-grand
fracas : on nomme pour cette raifon cette préparation, or ful-
minant; on ne peut lui faire perdre cette propriété, quoiqu'on
lave ce précipité dans beaucoup d'eau.
Le foufre feul n'a point d'aétion fur l'or, mais mêlé avec
un alkali, il s’y unit {1 intimement que le compolé fe diflout
dans l’eau, & que For pafle au travers du papier gris, fans
fe féparer de la liqueur. ”
L'argent tient le fecond rang parmi les métaux; il eft,
comme l'or, inaltérable par l'aétion du feu, mais il eft moins.
pefant que l'or, & plus de diffolvans ont prife fur lui.
Celui qui en a le plus, eft l'acide nitreux; il diflout une
quantité d'argent égale à fon poids, & Fargent devient alors
une bafe pour cet acide: il forme avec lui un fel qu'on
nomme des cryflaux de lune, Ce {él eft d'une fi grande cauf
ticité, qu’il brûle la peau prefque comme un charbon ardent;
- fe fond à uné chaleur modérée, & prend alors une couleur
noire, & c'eft la pierre infernale dont on fait tant d'ufage
dans la Chirurgie.
Ce métal s'unit avec l'or par la fufion, & on ne l'en peut
féparer par le moyen du feu feul, auquel ils réfiflent égale-
ment; mais comme l'acide nitreux agit fur l'argent, & n'agit
point fur l'or, il n’y a qu'à expoler le mélange à l'aétion de
cet acide, ce qu'il y a d'argent fe difloudra, & l'or demeu-
rerà pur au fond de la liqueur: cette opération eft ulitée &
fe nomme X départ.
Le cuivre n’eft pas au rang des métaux parfaits, mais c’'efé
celui qui en approche le plus ; il réfifte à un degré de feu.
affez violent, mais enfin il perd fon phlogiftique & fe réduit
en une chaux qui le vitrifie très-diffcilement fans y rien
ajoûter; il unit par la fufon à l'or & à l'argent, & leur
communique une plus grande dureté & une plus grande-
fermeté, mais on peut l'en féparer par le moyen du feu, qui
on dn.
DES SCIENCES 12%
décompofe le cuivre, & ne décompole ni fun ni l'autre des
métaux parfaits.
Le cuivre eft diffoluble dans tous es acides; les fels neutres,
& même l'eau, ont ation fur lui, c’eft ce qui le rend fi
fufceptible d'une rouille verte ou bléuâtre qu'on nomme verd
de gris, & qui eft un poifon très-pernicieux : l'acide vitrio:
lique, joint avec le cuivre, forme un {el métallique de couleur
bleue, qu'on nomme vwirriol Dleu ou de Chypre.
Lorfque le cuivre a été diflous par un acide, on peut le
précipiter; alors il eft réduit en une chaux qu'on ne pourroit
revivifier fans y ajoüter quelques matières qui continffent du
hlogiftique : ces matières fe nomment fx, parce qu’elles faci-
Aitent {a fufion & la réduction de la chaux en métal coulant ; elles
font compofées de poudre de charbon & de fels alkalis fixes.
Le fer eft moins pefant & moins duétile que le cuivre:
on peut l'examiner dans deux différens états; après la pre-
mère fufion qui a féparé de fa mine, c'eft une matière
dure, caffante, aifément fufible & nullement malléable; mais
Jorfqu'une feconde fufion la dépouillé des parties étrangères,
& que le marteau a rapproché fes parties, il acquiert la ducti-
lité, & ne peut plus être mis en fufion que par un feu de
la dernière violence.
On peut augmenter la quantité de phlogiftique du fer en
le fondant, ou le tenant même au feu entouré avec des
matières qui en contiennent ; alors il devient ce qu'on appelle
acier, & fufceptible de prendre une dureté extrême, lorf-
qu'étant rouge on le plonge dans l'eau froide, ce qu'on appelle
le tremper.
Le fer, dépouillé de fon phlogiftique, devient une terre
rougeitre, qui, contre l'ordinaire des chaux métalliques, fe
fond plus aifément que le fer même, & qu'on peut réduire
en fer par l'addition d'un nouveau phlogiftique; if n'eft pas
même néceffaire de la fondre pour cela, elle reprend fa
forme métallique dès qu'elle eft rouge.
Les acides préfentent avéc fe fer à peu près les mêmes
phénomènes qu'avec le cuivre; mais lorfque ce métal ef
Q ÿ
124 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoyaLeE
diflous par l'acide vitriolique, il s'élève des vapeurs qui font
très-aifément inflammables : il forme aufli avec cet acide un
fel métallique de couleur verte, qu'on nomme viriol verd,
vitriol de Mars où couperofe.
Non feulement le fer eft attaqué par les acides, mais
Feau même a prife fur lui & le décompole, c'eft ce qui
lui donne une fi grande facilité à {e rouiller : la limaille de
fer expolée à la rofée, fe convertit entièrement en rouille,
& prend le nom de fafran de Mars préparé à la rofee.
Le foufre paroît être, de toutes les fubftances, celle qui a
le plus d’affinité avec le fer; elle eft fi grande, que quand on
frotte du fer rouge avec un morceau de foufre, il entre auffi-
tôt dans la fufion la plus parfaite.
L'étain eft de tous les métaux le plus léger , il a pas une
grande duétilité; mais ce qui le caraétérife eft un petit bruit
qu'il fait entendre quand on le plie, & qui fe nomme pour
cette raifon le cri de l'étain: ne lui faut qu'un affez foible
degré de chaleur pour entrer en fufion, il perd fr aifément
{on phlogiftique, que lorfqu'il eft fondu fa furfice fe couvre
continuellement d’une pouflière grife qu'on nomme chaux
d'étain, & qui reprend fa forme métallique avec autant de
facilité qu'elle l'a perdue, par l'addition d’une matière grafle,
Cette chaux ne fe vitrifie point tant qu’elle eft feule; mais
en la mélant avec quelqu'autre fubftance ailée à vitrifier, on
en forme un verre blanc & opaque que lon nomme émail:
on peut faire des émaux de différentes couleurs, en y ajoû-
tant différentes chaux métalliques.
L’'étain s'unit aifément avec tous les métaux, & il poflede
à tel point la propriété de les rendre caffans (excepté cepen-
dant le plomb) que fa feule vapeur, lorfqu'il eft en fufion,
fufhit pour cela ; For & l'argent, quoique les plus duétiles,
font ceux qu'il altère le plus à cet égard.
Il sunit à la fuperficie du fer & du cuivre, & de-lx
Fétamage & le fer blanc; & mêlé avec le cuivre au poids
d'un dixième, il forme un métal dur, caffant & fonore,
qu'on appelle ronge; enfin ce métal eft beaucoup moins
DNEïsS c:r E NICE 12$
- füfceptible de faction de l'eau que le fer ou le cuivre, &
c'eft pour cette raifon que l'étamage préferve ces deux métaux
de la rouille.
Le plomb eft le dernier des métaux imparfaits; il eft, après
Tor & le mercure, la plus pefante des fubftances métalliques,
mais il en eft auffi la moins dure & la plus facile à fondre;
lorfqu'il eft fondu , il fe forme à fa furface, comme à celle
de l'étain , ne pouffière noirâtre, qui n'eft autre chofe que du
plomb même privé de fon phlogiftique & réduit en chaux;
cette chaux pouffée au feu, devient blanche, jaune & en-
fuite rouge; en cet état elle s'appelle mirium, & on s'en fert
dans la Peinture; elle eft extrémement difpolée à entrer en
fufon & à fe vitrifier : le plomb vitrifié à demi, fe nomme
litharge.
Non feulement le plomb eft de tous fes métaux celui qui
fe réduit en verre avec le plus de facilité, mais il commu
nique cette propriété aux autres métaux auxquels on le mêle;
il leur en communique même une feconde, qui eft de pañler
avec lui au travers des creufets, & c'eft fur ces deux pro-
priétés du plomb qu'eft fondé Fart de l'affinage de l'or &
de l'argent : on met le mélange de ces métaux avec d’autres
matières métalliques dans un‘creufet poreux nommé coupelle,
& on y ajoûte une aflez grande quantité de plomb; ce der-
nier fe vitrifie, vitrifie avec lui tout ce qui m'étoit pas or ou
argent, & l'entraîne au travers de la coupelle, dans laquelle
ces deux métaux reflent feuls & dégagés de tout ce qui {eur
étoit étranger.
Le plomb fe diflout par Facide vitriolique lorfqu'il eft
bouillant, & par l'acide nitreux; mais l'acide du fel marirx
ne le diffout qu'imparfaitement, & la diffolution. n’en eft
jamais claire : eau n'a pas plus d’aétion fur lui que fur l’étain,
ainfi ce métal eft beancoup moins fufceptible de rouille que
le fer ou le cuivre.
Le mercure ou vifargent n’eft, à proprement parler, në
métal ni demi-métal ; il fui manque, il eft vrai, la malléa-
bilité, mais il a d’ailleurs le brillant, l'opacité, & fur-tout {a
Q ii
126 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE :
pefanteur métallique, car c'eft, après l'or, le plus pefant de
tous les corps que nous connoiffons : on pourroit donc Îe
regarder comme un véritable métal, auquel il ne faut, pour
être en fufion, que le degré de chaleur qui refte toüjours fur
la terre; à ce compte, peut-être dans la planète de Saturne
le vif-argent feroit-il un métal très-dur & très-malléable. On
n'a jamais pà jufqu'ici le priver entièrement de fon phlogif-
tique; car tout pefant qu'il eft, il eft fr volatil, qu'il s'exhale
au feu, fans cependant fe décompoler , à une chaleur bien
au deflous de celle qu'il faudroit pour le faire rougir.
Le mercure s’unit avec tous les métaux , excepté le fer, &
les diflout ; le mélange, qu'on nomme amalgame, eft d'une
confiftance molle & même fluide, fuivant la proportion dans
laquelle on y a mis le mercure; & comme il eft moins fixe
qu'aucun métal, on fe fert de cette propriété pour féparer
fur-tout For & l'argent des terres qui les contiennent ; le
mercure s'en faifit & s'y joint, on en enlève le fable par
des lotions; & en faifant évaporer ou diftiller le mercure,
on a l'or ou l'argent féparé de fa mine.
Le mercure {e diffout dans tous lés acides, l'acide vitrio-
lique le réduit d'abord en une poudre blanche qui devient
jaune lorfqu'on y ajoûte de l'eau; cette poudre fe nomme
turbith minéral: Yacide nitreux l'ayant diflous, fr on fait éva-
porer cette diflolution jufqu'à ficcité, on trouvera le mercure
fous la forme d'une poudre rouge qu'on nomme précipité
rouge, & fi on ajoûte à la diflolution du mercure celle du
cuivre par le même acide, le précipité fera verd ; ces deux
précipités font cauftiques.
. Le vif argent diffous dans Fefprit de fel, fe criflallife, &
fait un fel métallique difpofé par longues aiguilles en forme
de poignards; ce {el eft un poifon, & le plus violent corrofif .
qu'il y ait en Chymie: la propriété qu'il a de fe fablimer
aifément fans fe décompoler, Fa fait nommer /ublimé corrofif
fi on mêle le fublimé corrofif avec l'étain, on a, en diftillant,
une eau qui jette toüjours une épaifle fumée; on la nommé
Bqueur de Libavius, du nom de fon inventeur.
TUIDES ScrENCEs 12?
» Ce qui rend le fublimé fi corrofif » ft probablement qu'il
contient beaucoup de parties de l'acide qui ne font pas en-
gagées par le mercure; car en fe fublimant encore avec de
nouveau mercure, il en prend une aflez grande quantité, &
perd fa caufticité; on le nomme par cette raifon fublimé doux,
où aquila alba : on le prend intérieurement, & füivant {a
dofe il eft purgatif ou émétique; enfin par des fublimations
réitérées on l'adoucit encore, & c'eft alors ce que l’on nomme
Panacée mercurielle.
Si on mêle le mercure à froid, ou à une chaleur très-
douce, avec le foufre, il fe forme de ce mélange une poudre
noire qu'on nomme æfhiops minéral; à une plus forte cha-
leur, il fe fublime une matière rouge, pefante, & qui paroît
n'être qu'un aflemblage d'aiguilles brillantes ; cette compofi-
tion fe nomme cinabre, & c'eft fous cette forme qu'on trouve
ordinairement le vif-argent dans les entrailles de la terre.
Le mercure eft, comme on vient de le voir, fufceptible-
de bien des formes: mais ce qui eft bien digne d'attention "e
& qui lui eft particulier, c’eft que toutes ces formes ne font
que des déguifemens, & non des changemens réels. Aucune
des opérations dont nous venons de parler ne le décompole,,
& on peut toûjours retirer le vif-argent pur & coulant de
toutes les préparations mercurieiles.
L'antimoine tient le premier rang parmi les demi-métaux.,
il paroît compo de longues aiguilles appliquées latéralement
les unes aux autres ; il a le brillant métallique, quoique très-
obfcur; il fe fond aifément, mais il né fouffre en aucune
manière le marteau, & on le pulvérile pluftôt que de l'étendre,
L'antimoine n'eft pas un corps fimple, il -eft compolé de:
foufre commun que le feu lui enlève facilement, & d'une
partie métallique d’une couleur blanche aflez éclatante: qu'on
homme révule d'antiroine.
… Ce régule fe fond aément, mais if ne réfifte- point à
Faction du feu lorfqu’elie eft violente : il fe diflipe en une
efpèce de farine qui s’attache aux corps froids qu'elle ren:
contre, & qu'on nomme Jleurs d'antimoine,
128 HisToire DE L'ACADÉMIE ROYALE
Avec un beaucoup moindre degré de chaleur on réduit
l'antimoine en une poudre grife & fans aucun brillant, qu’on
nomme chaux d'antimoine ; cette chaux n'eft plus volatile,
par un feu très-violent elle fe convertit en un verre jaune,
couleur d'hyacinthe, qu'on nomme verre d'antimoine: ce verre
& la chaux d’antimoine peuvent reprendre leur forme mé-
tailique, en leur rendant le phlosiftique qu'on leur avoit enlevé.
Le régule d'antimoine peut difloudre les métaux; il en
facilite la fufion, mais il les rend tous aigres & caflans; lorf
qu'il eft uni avec eux, & qu'on poufle ce mélange au feu, il
les enlève tous, excepté l'or, & les fait diffiper en vapeurs,
ce qui l'a fait nommer Ze loup dévorant des métaux. Seul il
ne s'amalgame point avec le mercure; l'acide vitriolique &
l'acide nitreux le divifent pluflôt qu'ils ne le diflolvent, mais
l'acide du fel marin le diflout aflez bien, fur-tout fi pour
y parvenir on mêle le régule avec le fublimé corrofif, &
qu'on fafle diftiller le tout; il s'élève une fubftance blanche,
épaifle, peu coulante & extrêmement corrofive, compofée
de l'acide qui a abandonné le mercure, & du régule: cette
fubftance ‘{e nomme beurre d'antimoine. Ce beurre mélé
avec l'efprit de nitre & enfuite diftillé, donne une efpèce
d'eau régale qui tient encore du régule diflous ; on la nomme
cfprit de nitre bézoardique : on fait pafler de nouvel efprit de
nitre fur la poudre qui refte après la diflolution, on la lave
enfuite avec de eau, & ceft ce qu'on appelle bézoard
mineral,
Le beurre d’antimoine mêlé avec l’eau, devient aufi-tôt
trouble & laiteux, & il {e fait un précipité qui tient cepen-
dant encore beaucoup d'acide; on le nomme wercure de vie,
apparemment par antiphrafe ou contre vérité, car c'eft un
violent corrofif & un grand poifon.
Le véritable diflolvant de l'antimoine eft l'eau régale, &c
on obtient par fon moyen une diflolution claire & limpide
de ce demi-métal.
Le régule d'antimoine expofé au feu avec le nitre, détonne
& fe dépouille de fon phlogiftique; la chaux qui refte après
celte
(ME rSMSTC LE NUC EUS: 129
cette opération, fe nomme, à caufe de {es vertus médicinales,
* diaphorétique minéral; alkali du nitre qui refte après l'opé-
ration, contient encore une portion de la chaux : on {a pré-
_cipite par le moyen d'un acide, & on lui donne fe nom
de matière perlee.
Tous les métaux ayant avec le foufre de l'antimoine,
une affinité plus grandesque celle de fa partie réguline, on
peut, en Îes fondant avec ce minéral, en féparer le foufre
& le réduire en régule; mais comme il refte toûjours quel-
que peu du métal dont on s'eit fervi, joint à ce régule, on
le caraétérife par le nom de ce métal, & on dit régule d'an-
timoine martial, de Vénus, &c.
* Si on expofe au feu l'antimoine mêlé avec le nitre, il fe
fait une détonition, & on trouve au fond du creufet la partie
réguline de l'antimoine, fous la forme d'une mafle à demi
vitrifiée & femblable, pour la couleur, au foie d'un animal:
on la nomme pour cette raïfon foie d'antimoine.
L’antimoine fondu avec un alkali fixe, ne donne point
de régule, maïs il fe réduit en une maffe d'un jaune rou-
geître, diffoluble dans l'eau; & fi on verfe un acide dans
cette diflolution, il fe précipite une poudre d’un jaune mélé
de rouge, qu'on nomme foufre doré d'aitimoine.
Enfin fi on fait bouillir ce minéral dans un alkali fixe,
réduit en liqueur, cette liqueur attaque, à mefure qu'elle
le diflout elle devient trouble & rougeñtre ; & lorfqu'on
la laifle refroidir, elle dépole au fond du vaifieau une poudre
rouge qui eft le fameux 4ermés minéral.
uLe bifinutk, qu'on nomme aufli étain ‘de glace, a Ia même
3 f 1 , . - , ,.
apparence que Je régule d'antimoine, fi ce n'eft qu'il eft un
peu moins blanc, tirant fur le rouge & faifant même quel-
ques iris; il entre en: fufron à une chaleur très-douce, &
long-temps avant de rougir. Le feu violent le volatilife; un
degré de feu convenable le dépouille de fon phlogiftique
& le réduit en une chaux vitrifiable: cette chaux & ce verre
peuvent, comme les autres, reprendre leur forme métallique
£n deur rendant le phlogiftique que le feu leur avoit enlevé,
Hifl 1749: | : R
130 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le bifmuth fe méle par la fufion avec tous les métaux,
3 aide à fondre ceux qui ne le font que difficilement, ni
les blanchit, mais il leur enlève la malléabilité.
Ml né s'amalgame qu ‘imparfaitement avec le mercure, ce
dernier s'en fépare après un certain temps, & le bifmuth
xéparoit fous li fo:me d'une poudre; mais il a la propriété
de difpofer le plomb à à s'amalgamer parfaitement avec le mer-
‘eure & à pafler même avec lui par la peau de chamois: ce
qu'il y a de fingulier, c'eft que le bifmuth fe fépare de l'a-
malgame en laiflant au plomb une propriété qu'il na pas
lui-même.
Le bifmuth ne fe diflout point dans l'acide vitriolique ;
mais l'acide nitreux l'attaque avec une grande effervefcence’
& il jette pendant la diflolution, une grande quantité de
vapeurs : Jaddition d'un alkali ou mème de l'eau fait préci-
piter de cette diflolütion une poudre très-blanche, qu'on
nomme magiflère de bifmuth.
+ L’acide du fel marin & l'eau régale ont auf. action fur
le bifmuth, mais beaucoup moins que l'éfprit de nitre; i
ne détonne point avec le nitre, mais cependant ce fel Jui
enlève promptement fon phlogiftique, & le réduit en une
chaux vitrihable: il sunit au foufre par la fufñon, il fe fait
par ce mélange un compolé qui paroît formé d'aiguilles cou-
chées les unes fur les autres, & il s’en fépare avec la même
facilité fans intermède; le feu confume ou fublime le foufre,
& le bifmuth refte feul.
Le zinc differe peu à la vûe du bifmuth, on ne le dif-
tingue qu'à un petit œil bleuâtre & parce quil eft plus dur,
muis il en difiere beaucoup par fes propriétés.
Le zinc fe fond au feu dès qu'il commence # rougir; à un
feu plus violent il s’enflamme & brule: comme une matière
huileufe, il exhale en même temps une grande quantité
de fleurs fous la formée de flocons blancs, il peut. même
pafler tout entier fous cette forme : on a nommé ces fleurs
pompholix &. laine philofophique: On les: regarde: comme le
zinc dépouillé de fon: phlogiftique;. cependant on æ eu bear
48 DES Scie nNCEIS. 134
jufqu'ici leur én rendre, perfonne n’a pà les faire réparoître
fous la forme de zinc: elles réfiftent, fans s'élever , à la plus
violente action du feu, & fe peuvent même vitrifier, fur-
tout fi on y ajoûte un alkali.
Si on applique au zinc un feu {üubit & violent, il fe fu-
blime fous fa forme mttallique, n'ayant pas le temps de
décompoler & de fe réduire en fleurs.
IL sunit à toutes les fubflances métalliques, excepté le bi.
muth, & comme il eft très-volatil, il les enlève fous la
forme de fublimés ; on nomme ces fublimés qui fe trouvent
dans les fourneaux où on traite les mines qui contiennent du
zinc, cadmie des fourneaux : on donne même ce nom à toutes
les fublimations métalliques qui fe trouvent dans les fourneaux
où on fond les mines. Ce nom de cadmie des Journeaux fert
à diftinguer cette fubftance, d'une pierre qu'on appelle cadmie
uaturelle où calamine, qui contient le zinc mêlé avec du fer, &
une fubftance pierreufe: c’eft en mélant cette cadmie naturelle,
ou, pour le mieux, le zinc même au cuivre rouge, qu'on fait
le laiton ou cuivre jaune, & avec quelques additions, les com-
pofitions qu'on nomme tomba, Jimilor & métal de Prince.
Le zinc eft difloluble par tous les acides, & fur-tout par
l'efprit de nitre; il a avec l'acide vitriolique une plus grande
affinité que le fer ou le cuivre: c'eft pourquoi fr on le mêle
avec la diflolution du vitriol verd ou bleu, l'acide abandore
ces métaux pour fe joindre au zinc & former avec lui url
vitriol qu'on nomme vifriol de zinc: expolé au feu avec le
nitre, il détonne violemment, & il s'en élève les mêmes
flèurs blanches dont nous avons déjà parlé ; le foufre n'a
aucune action fur lui. -
L'arfenic eft le dernier des demi-métäux dont M. Mac-
quer parle dans fon Ouvrage; mais comme nous avons déjà
parlé de cette matière d'après M. Macquer même, nous ren.
voyons le lecteur à ce que nous en avons dit *. |
L'huile eft une fubftance onctueufe qui s'enflamme avec
fumée, & ne fe peut difloudre dans l'eau: elle eft compofée
* Voyez Hif.
1746, p.59,
Ÿ 1748, page
ÆA
du phlogiftique uni à l'eau par le moyen d'un acide, & mélé :
q P }
d'un peu de terre, R ij
* les Mém,
de Acad, année
1737:P.342
732 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE
La propriété qu'a l'huile de fe brûler, y démontre fa pré-
fence du phlogiftique; celle de l'acide fe manifefte_ par les
criflaux de fels neutres qui s'y forment en y mélant un alkalÿ,
& par la propriété qu'elle a de ronger & rouiller les métaux,
enfin par la diftillation l'on en retire l'eau & la terre qu'elle
contenoit : il pourroit même {e faire qu'il entrât quelqu'autre
élément dans la compofition de l'huile, car jamais, en com-
binant ceux dont nous venons de parler, on n'a pü produire
de l'huile artificielle.
Lorfqu'on diftille les huiles, elles paflent prefque toutes
entières du vaifleau qui les contient, dans le récipient; if
refte cependant une petite quantité de matière noire qui ré-
fifle opiniätrément à Faétion du feu, tant qu'elle n'a point
de communication avec l'air extérieur: cette matière n'efk
qu'une partie du phlogiftique unie à la terre la plus fixe,
on la nomme charbon, & elle ne diflere que du plus au
moins du charbon de bois dont on fe fert.
Le charbon ne donne qu'une petite flamme bleuâtre, ik
n'en refle qu'une cendre qui eft la terre du mixte unie avec
une certaine quantité de fel alkali qu'on en peut retirer en
R leflivant avec de l'eau; alors la terre refte abfolument pure.
Le charbon eft inaliérable & indeftru&ible par tout autre
corps que par le feu; les acides les plus forts & les plus con-
céntrés n'ont pas fur lui la moindre aftion., à moins qu'ik
ne foit embrafé: avec l'aide du feu l'efprit de {el sunit au
charbon & fait avec lui une efpèce de foufre très-inflam-
mable qu'on nomme phofphore, & dont M. Heïlot a donné
k compoftion en 1737 *. L'acide nitreux pur n'attaque
point le charbon, mais s'il eft joint à une-bafe alkaline, ik
s'unit avec lui dès'qu'il eft enflannné, & s'envole rapide
ment avec une forie détonation,
Les acides du nitre & du vitriol agiffent fur les huiles;
. mais bien différemment fuivant la quantité de phleyme qu'ils
comtiennent; quand. ils en contiennent beaucoup, ls n'ont
fur elle aucune action : très-concentrés, ilsles diffolvent avec
une fi grande violence, qu'ils les enflemment ; ils forment
DNENSNAS (CC LE NACHELS 133
avec elles des compolés d'une confiflance épaiffe qui, s'ils
contiennent aflez d'acide, font diflolubles dans l'eau. Les
alkalis produifent auffi ce dernier effet, & le compofé. qui
en rélulte, fe nomme favon; enfin le mélange des acides
avec les huiles, les épaiflit jufqu'au point d'en former des
corps prefque folides ; la diftilation au contraire les rend plus
légères & plus limpides.
On diftingue en général trois efpèces d'huiles, les miné-
rales, les végétales & les animales.
On ne connoît qu'uñe feule efpèce d'huile minérale, c’eft-
à-dire, qui fe tire des entrailles de 1 terre; on fa nomme
pétrole , elle a une odeur forte & gracieule, & elle eft de cou-
leur jaune: il y a des minéraux qu'on appelle biumes, dont
on peut retirer par la diftillation une grande quantité de cette
huile; en efet les bitumes ne font que de lhuile de pétrole
unie à un acide, & on en. produit d’abfolument femblables
par le mélange de cette huile & de vitriolique. -
Les huiles végétales font celles qui fe tirent des. différens
végétaux; il y en a prefque autant que de plantes, elles fe-
divifent en deux efpèces, les huiles graffes & les huiles effen-
tielles.
Les huiles grafles fe tirent des corps qui les contiennent
en les écrafant & les mettant en prefie; elles n’ont que peu
d’odeur & de faveur, élles font douces & onctueufes au- tou-
cher; & comme-elles reffemblent plus que d'autres à de 14
graifle, on leur a donné le nom d'huiles grafles; elles sépaif-
fiflent à l'air avec le temps, & prennent une faveur âcre &
une odeur defagréable, quelques-unes fe congèlent au moindre:
froid.
Les huiles effentielles fe tirent auffi de certaines plantes:
par l'expreffion ; mais communément on force les végétaux.
à les donner par le moyen de leau bouillante, chaleur que:
les huiles grafles ne pourroient foûtenir fans s’'altérer beaucoup ;;
elles font plus légères, plus claires, d'une faveur plus âcre, &c
elles confervent l'odeur de la plante d’où elles font tirées.
Au bout d'un temps plus où moins grand, elles perdent:
Rif,
134 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYALE
leur odeur pour en prendre une forte & defagréable; elles *
changent aufi de confiftance, & deviennent femblables à
ce qu'on nomme baume où réfine ; aufli les baumes & les
réfines fe décompolent-ils par la diftillation, en huile effen-
tielle, & en une matière toute femblable à celle qui refte après
la diftillation par laquelle on a rendu la limpidité à de l'huile
effentielle épaiflie. È
Lorfque la chaleur de Feau bouillante ne peut plus tirer
d'huile effentielle des végétaux, on peut, en donnant un degré
de feu ‘plus fort, en faire fortir une’ grande quantité d'huile
noire, pefante & fétide ; mais il y a bien de l'apparence que
cette huile fétide n’eft que de l'huile graffe ou effentielle brûlée
& altérée par l'aétion du feu ; on peut même, par des diftilla-
tions réitérées, leur rendre une partie des propriétés des huiles
effentielles, on peut, par le même moyen, rendre les huiles
graffes femblables aux eflentielles, mais on ne connoïît point
d'opération qui puifle rendre les huiles effentielles femblables
aux huiles grafles.
Les huiles animales font celles qu'on retire par la diftilla
tion, des parties du corps animal, & fur-tout de la graifle;
elles font d’abord affez épaifles & fétides, mais par un grand
nombre de reétifications on leur donne de la fluidité, & on
diminue leur mauvaife odeur.
Lorfqu'il s’excite entre les parties infenfibles du corps un
mouvement duquel il réfulte un nouvel arrangement de ces
parties, ce mouvernent s'appelle fermentation ; tous les corps,
excepté les métaux, en font fufceptibles dès qu'ils font mélés
avec une fufhifante quantité d'eau : fi la fermentation fert à
dégager du corps une liqueur fpiritueufe, on la nomme
fermentation fpiritueufe; fi elle tend à en dégager T'acide, on
la nomme fermentation acide ; enfin fi ce mouvement en
dégage un fel afkali volatil, on la nomme fermentation pu-
tride où de putréfation. Files peuvent être regardées, avec
d'autant plus d'apparence, comme les irois devrés d’une mème
fermentation, qu'elles peuvent $'exciter fucceflivement dans le
mème fujet.
VE SunS ue r'Et Ne En 2 135$
= Lorfque des matières végétales, comme des fucs de fruits,
des graines, des farines imbibées d’une fufhfante quantité
d'eau, commencent à fermenter, il s'excite d’abord une cha-
leur fenfible; elles fe troublent, fe chargent d'écume, & exha=
dent des vapeurs très-nuifibles ; lorfque tous ces phénomènes
commencent à diminuer, il faut, fi on ne veut pas que la
liqueur s'aigrifle, arrêter 12 fermentation, foit en bouchant
exactement le vaifleau, foit en le tranfportant dans un air
plus froid; alors la liqueur a pris une faveur Piquante, mais
agréable & fans acidité, & elle eft devenue ce qu'on appelle
du vin; fur quoi il eft bon. de iemarquer que quoique dans
lufage ordinaire on ne donne ce nom qu'à la liqueur tirée
du raifin, ce mot, en Chymie, eft générique, & s'applique
également à toute liqueur qui n'a efluyé que le premier degré
de fermentation. | ,
On tire du vin, par la diflillation, une liqueur che,
jaune, inflammable, qu'on nomme ea de vie, c'eft la partié
fpiritueule du vin, & le produit de la fermentation: mais
cette partie eft encore chargée de beaucoup de phleume, &
lorfqu'on en à dépouille par des. diftillations réitérées ;
elle prend le nom d'efprit de vin ow d'efprit ardent ; en cet
état, la liqueur fe brüle fans laifler échapper la moindre fui
ginofité, & fans laiffer aucun charbon : elle diffout les huiles
cflentielles, mais elle ne touche pas aux huiles grafles, à
moins qu'elles n'aient été atténuces par des diflillations réi-
térées.
L'efprit de vin n'a que per ou point d'aétion: fur les alkalïs
fixes, c'eft pourquoi on emploie ces fels bien. defléchés à le:
reclifier, c'eit-à-dire, à le dépouiller du phlegme qu'il peut
contenir, que ces {els abforbent fans toucher à la partie {pi-
ritueule : Fefpiit de vin, ainfi privé de fon phlegme, fe
nomme é/rit de vin alkoolife.
L'e'prit de vin n'a aucune prife fur les gommes, mais if
diflout les réfines, & forme avec elles, par cette union, une
liqueur plis “paifle qui f defsèche à l'air, & qu'on nomme
vernis on jait encore.une autre. efpèce-de vernis en diflolvant,
136 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
par le moyen du feu, des réfines dans huile; ce vernis ne
s'altère point à l'eau, & on le nomme vernis gras
L'efprit de vin fe mêle avec l'eau & avec tous les acides,
qui perdent par ce mélange une partie de leur acidité, &
prennent le nom d'acides dulifies ; fon union avec l'acide
vitriolique fournit un moyen de le déphlegmer aflez pour le
réduire en une liqueur plus fubtile & plus inflammable qu'il
n'étoit lui-même, fi fubtile, qu’elle s'évapore prefque au même
moment qu'on l'expole à l'air, elle diflout rapidement les
huiles , fe faïfit avec promptitude de Tor diffous dans l'eau
régale, & n'eft point mifcible avec l'eau; on la nomme éfher.
On retire encore cette liqueur de lefprit de vin par le inoyen
de lelprit de nitre; on doit le procédé par lequel on lob-
tient avec cet acide, à M. Navier, Docteur en Médecine,
& Correfpondant de l'Académie.
Si on n'arrête pas la fermentation au premier degré nécef-
faire pour produire le vin, il s’en excite bien-tôt une feconde,
après laquelle la liqueur eft changée en un acide qu'on
romime vegetal, pour le diftinguer des acides minéraux dont
nous avons parlé jufqu'ici; la liqueur prend alors le nom de
vinaigre. La diftillation n’en enlevera plus aucune liqueur fpi-
ritueufe, mais une liqueur plus acide que la première, &
qu'on nomme vinaigre difillé ; cet acide a les mêmes pro-
priétés que les acides minéraux, il s’unit avec les alkalis,
les terres abforbantes, les fubftances métalliques, & forme
avec ces matières des combinaifons falines neutres, avec cette
différence que comme il a avec elles moins d'affinité que les
acides minéraux, ces derniers décompofent tous les fels qu'il
a formés.
L’acide du vinaigre ft toüjours chargé de parties huileufes
qui émouflent fon activité, & le rendent moins puiffant
que les acides minéraux; on peut l'en dépouiller, & le rap-
procher de ces derniers par dés diftillations réitérées, ou'en
Vexpofant à une forte gelée, qui réduit en glace les parties
aqueufes & huileufes, & n’épargne que l'acide; on le nomme
en cet. état vinaigre concentré par la gelée.
L'aci
à
:
+
DE SNS C 1° E Nic Ets: P32
. L’acide du vinaigre fe joint à différentes terres abforbantes,
avec lefquelles il forme des compolés falins qui ont divers
noms, fuivant les matières qui font entrées dans leur com-
poñition : il diflout parfaitement le plomb, &, forme avec
lui un fel neutre dont la faveur eft douce & fucrée, & qu'on
nomme pour cette raifon fucre de Saturne. La feule vapeur
du vinaigre calcine même ce métal, & le réduit en une elpèce
de chaux très-blanche qu'on nomme cérufe ou blanc de plomb,
fuivant qu'elle eft plus ou moins fine; il ronge aufli le cuivre,
& le réduit en une rouille d'un beau verd qu'on nomme
verd de gris, & dont on fe fert dans la Peinture.
Le vinaigre n'eft pas le feul acide qu'on retire du vin, on
en trouve-encore un à peu près de la même nature dans un
compolé falin mêlé de parties terreflres & huiïleufes, qui
sattache aux parois intérieures des vaiffeaux qui ont contenu
du vin pendant un certain temps, & qu'on nomme ordi-
hairement fartre.
. On purifie le tartre des matières terreufes & étrangères
qu'il contient, en le faifant bouillir-dans l'eau avec une elpèce
de terre propre à cet ufage; lorfqu'il eft purifié, il paroît à
la furface de la liqueur une crême blanche & criftalline qu'on
nomme crême de tartre, & on trouve au fond de li même
liqueur, lorfqu'elle eft refroidie, des criftaux tranfparens qu'on
appelle criflaux de tartre ; cette crême & ces criflaux ne font
que le même fel fous deux formes différentes : ce fel a toute
l'apparence d’un fel neutre, il ne left cependant point, ce
n'eft qu'un véritable acide peu différent de celui du vinaigre,
& qui ne doit fa forme concrète qu'à la terre & l'huile qui
y font jointes en afez grande quantité; c'eft aufi cette même
huile qui fait qu'il ne fe diflout que très-difficilement dans
Jean, à moins qu'elle ne foit bouillante & en grande quan-
tité, encore la plus grande partie s'en fépare-t-elle dès que
Veau refroïdit, & tombe au fond fous la forme d'une poudre
blanche. ,
: La calcination à feu nud dépouille le tartre de fon huile
& d'une partie de fon acide, ce qui refte fe joint à la terre,
Hifl. 1749. . S
138 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
& forme un alkaïi qu'on nomme /e/ de tartre; ce {el attire
vivement l'humidité de Fair, & fe réfout par fon moyen en
une liqueur onétueufe qu'on nomme improprement /uile de
tartre par défaillance. Cet alkali peut fe combiner avec l'acide
du tartre, & il forme avec lui un véritable fe! moyen diffo-
luble dans l'eau, qu'on nomme artre tartarifé, & plus com-
runément /e/ végétal,
L'acide du tartre peut auf s'unir à l’alkali de la foude, &
forme par cette union une autre efpèce de fel végétal appelé /e7
de Seignette, du nom de fon auteur; ces deux fels font des pur-
gatifs connus & ufités. Où joint encore le même acide avec
les terres abforbantes & les fubftances métalliques, & les fels
neutres qui réfultent de ces mélanges font diflolubles dans
l'eau; fingularité remarquable, fr on fait attention que ces
matières, que l'eau ne diflout point, communiquent au tartre
une propriété qu'elles n’avoient point elles-mêmes, & dont
il étoit privé.
On tire de l'acide de bien d'autres fubflances végétales
que le vin, mais ces diférens acides, même ceux qu'on peut
tirer des matières animales, ne different pas aflez de celui
du vin pour conftituer une clafle particulière, & être exa-
minés en détail. ÿ
La troifième efpèce ou peut-être le troifième degré de
fermentation, eft la fermentation putride; tout corps qui a
éprouvé les deux premières efpèces & qui eft abandonné à
lui-même avec un degré convenable de chaleur, paffe enfin
à la dernière, ou, ce qui eft la même chofe, fe pourrit: if
y a même des corps qui font fufceptibles de pourriture fans
paroître l'être des deux autres efpèces de fermentation; mais
il fe pourroit qu'ils les fubifient {1 rapidement, qu'on ne
s'en aperçût pas. Ces fermentations fi courtes &: f1 rapides
feront, fi lon veut, dans la Chymie, ce que font les points
multiples dans la Géométrie; le raifonnement feul fera con-
noître leur exiftence.
H s'excite dans cette dernière fermentation un mouvement
inteflin, femblable à celui qu'on remarque dans les premières,
DES SCIENCES. 139
& fi l'on examine un corps qui l'ait éprouvé, on remarque
qu'il contient un principe qui n'y exifle point auparavant,
une matière faline, très-volatile, qui afieéte l'odorat vivement
& defagréablement, & qui même quelquefois irrite affez les
yeux par fon âcreté pour en tirer des larmes.
Ce principe falin fe préfenie, fuivant la manière de l'ex-
traire, ou fous la forme d’une liqueur, ou fous celle d'un fel
concret; on le nomme dans le premier cas, efprit volatil urineux,
& dans le fecond, /e7 volatil urineux: cette épithète d'urineux
vient de ce qu'on tire une grande quantité de ce {el de
Yurine putréfiée, & qu'il en a l'odeur.
Les aikalis volatils fe reflemblent tous, de quelque fubftance
qu'ils aient été tirés; on les peut regarder comme le même
fel. Ce fel eft compofé, comme l'alkali fixe, d’une portion
d'acide engagée dans une portion de la terre du mixte dont
on le tire; mais de plus il contient une affez grande quantité
d'huile qui ne fe trouve point dans lalkali fixe, & à laquelle
celui-ci doit probablement fa volatilité; car on parvient, par
de certains procédés, à volatilifer les alkalis fixes, en leur
joignant une matière graffe.
L'alkali volatil fe joint aux acides avec violence & ‘ébul-
lition, & forme avec eux des fels neutres qui font diffé-
rens fuivant les différens acides qui font entrés dans leur
compolition; celui de ces fels qui a pour acide celui du fel
marin, fe nomme fel ammoniac, & les autres, par analogie
avec celui-ci, fels ammoniacaux.
Souvent la fubftance huiïleufe fe trouve jointe à lalkali
volatil en fr grande quantité, qu'elle le déguife & le rend
impur; en ce cas on lui en enlève une partie en le diftillant
plufieurs fois fur des terres abforbantes qui retiennent l'huile
fuperflue; on appelle cela redifier l'alkali: par cette opération,
il devient blanc, de jaune qu'il étoit, & prend une odeur
plus pénétrante & moins fétide; mais il faut bien prendre
garde de pouffer Ia rectification trop loin, fur-tout fi on
emploie la chaux; on parviendroit à la fin à le décompofer
entièrement.
Si
140 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
L'alkali volatil a prife fur plufieurs fubftances métalliques,
nuis fur-tout fur le cuivre, dont il fait une diflolution d'un
très-beau bleu, auffi fert-il comme de pierre de touche pour
le difcerner; & en quelque petite quantité que ce métal fe
trouve combiné avec d’autres matières, il ne manque pas de
le déceler, & de le faire paroître coloré en bleu.
L’alkali volatil n'eft pas toûjours le produit de la fermen-
tation, on en retire fouvent des matières qui ne l'ont point
éprouvée, mais en ce cas c'eft par le moyen du feu. Le tartre,
par exemple, qui, calciné à feu ouvert, ne donne que de
Valkali fixe, donne une affez grande quantité d'alkali volatit
par la diflillation ; mais on reconnoît aifément celui que le
feu produit, à ce qu'il ne s'élève qu'après le phlesme, l'acide,
& même l'huile épaifle du mixte; au lieu que celui qui sy
trouve tout fait, étant infiniment plus volatil que toutes les
fubftances dont nous venons de parler, s'élève aufli le pre-
mier, & par une moindre chaleur.
Les principes dont nous venons de parler, entrent plus
ou moins dans la compotition de tous les corps, ce n'eft
que parce qu'on a eu l'art de les en tirer, qu'on a fü qu'ils
y étoient ; cet art de décompofer les corps fe nomme en
Chymie analyfe, & M. Macquer emploie un chapitie de fon
Livre à en donner une idée. |
La méthode la plus générale eft d'expoier les corps
qu'on veut analyfer, à l'attion du feu dans des vaiffeaux
propres à raflembler ce qui s'en exhale; en donnant le feu
par degré, on aura fucceffivement & féparément tous les
principes qui entrent dans leur compofition, fuivant l'ordre
de leur volatilité; cette opération fe nomme dffil/ation, &
ce qui refle au fond du vaifieau ayant été calciné, on en
retirera, avec de leu chaude, ce qu'il contiendra de fel
fixe; cette dernière opération s'appelle leffive.
Mais comme les principes de plufieurs mixtes, & fur-tout
des végétaux, font fouvent altérés par l'aétion du feu, on les
en retire où par la fimple expreflion, ou en les broyant,
ce quon nomme #rituration. On tire encore différens fucs
or Sh Si CIE: NICABLS UT 141
par la feule ébullition, & c'eft la meilleure manière de pré-
parer les fucs qu'on veut tirer du corps animal.
Les corps métalliques, compolés de parties plus dures, plus
pefantes & plus difficiles à féparer que célles des végétaux &
des animaux, ne fe peuvent analyfer que par le moyen du
feu, qu'ils peuvent d'ailleurs fupporter fans danger d’en être
détruits. À L
On trouve ordinairement les métaux mêlés & unis avec
différentes efpèces de fables, de pierres, demi-métaux, foufre,
&c. lorfque le minéral y eft en affez grande quantité, on
nomme ces compolés mines ; & quand au contraire il y eft
en trop petite quantité pour payer les frais de l'opération,
on lui donne le nom de pyrite où marcaffite.
La première opération néceflaire eft de féparer ce qui eft
réellement métallique de ce qui n’eft que terreux; pour cela
on réduit Ja rine en poudre, & on la lave dans un courant
d'eau : l'eau fe charge des parties terreufes, qu'elle entraîne,
& laiffe au fond les parties métalliques, que leur pefanteur
y retient.
Le métal privé de Ia terre avec laquelle il eft mêlé, refle
encore mêlé de plufieurs fubftances toutes plus volatiles que
lui ; on expofe donc la mine à un feu trop foible pour fondre
le métal, mais fufhfant pour faire évaporer ces matières étran-
gères, & c'eft ce qu'on nomme #orréfier ou rôtir la mine.
Le minéral, en cet état , eft expolé à l’ation d’un feu affez
vif pour le fondre & pour vitrifier la terre ou les autres
matières dans lefquelles il eft encore engagé; on y ajoûte
quelque matière, comme,spar exemple, du charbon, qui
puifle lui fournir le phlogiftique dont il a befoin, & il fe
précipite au fond du creufet fous fa forme métallique, tandis
que les autres matières nagent deflus fous la forme de verre
ou de demi-vitrification qu'on nomme fries ; le culot mé-
tallique prend. alors le nom de régule.
On a pü s'apercevoir que dans tout cet Ouvrage, M. Mac-
quer part prefque toujours du principe, qu'un même corps a
plus de difpofition à s'unir à Jun qu'à l'autre, & que cette
Si
* Vy. Hif.
u718, p.36
142 Histoire DE L'ACADÉMIE Roïaze
difpofition a différens degrés; en forte qu'un corps qui en
abandonne un fecond pour un troifième, abandonne auffi
ce troifième pour un quatrième, s'il a -plus, de difpofition
à s'y joindre qu'aüx deux autres: ce font ces difpofitions,
quel qu’en foit le principe & leurs différens degrés, qu’on
nomme rapports où affuiités : feu M. Geoffroy le Médecin,
en donna en 1718 une Table que M. Macquer a inférée
dans fon Ouvrage, & dont il donne une explication nette
& précife ; mais cette matière a été traitée pour lors, &
nous prions le lecteur de vouloir bien recourir à ce qui y
en a été dit *.
La defcription des fourneaux & des vaifleaux fervans aux
opérations de Chymie, termine l'Ouvrage de M. Macquer ;
cette Partie ne le cède aux autres ni en netteté ni en préci-
fion, mais elle a pour le moins autant befoin d’être préfentée
aux yeux du corps qu'à ceux de l'efprit, & il fgroit extré-
mement difficile d'en donner une jufte idée fams-le fecours
des figures, & fans fortir des bornes de cette Foires nous
avons même d'autant moins héfité à la pañfer fus filence,
qu'elle rentrera néceflairement dans le détail des opérations
qui compofent une Chymie pratique que M. Macquer a
donné au Public depuis la publication de cet Ouvrage, &
dont nous aurons occafion de parler dans les volumes fuivans.
DIE SAS C 1 E N° CSS 143
BOTANIQUE.
SUR
LA TRANSPIRATION INSENSIBLE
D'E SN TP LTANNT" ES.
N OUS avons rendu compte l'année dernière *, des expé-
V. les M.
riences de M. Guettard, fur la tranfpiration infenfible P+ 265.
des Plantes, & nous avons fait voir 1.° l'extrême inégalité
de {a tranfpiration de certaines plantes ; 2.° l'augmentation
que l'action aétuelle & directe des rayons du foleil caufoit
à cette tranfpiration; 3.° que la tranfpiration n’eft pas égale
dans toutes les parties des plantes, & que la furface expolée
au foleil tranfpire plus que celle qui ne left pas; 4.° enfin
que les plantes qui gardent leurs feuilles pendant l'hiver,
doivent tranfpirer moins dans cette faifon que dans l'été,
Nous avons à parler cette année, de la fuite des mêmes
expériences que M. Guettard a continuées, & de ce quelles
- lui ont appris fur ceite matière.
Les premières expériences lui avoient fait connoître, comme
nous avons dit, que, toutes chofes d'ailleurs égales, une
plante tranfpiroit plus lorfqu'elle étoit expofée aux rayons
du foleil, que quand elle en étoit privée; il a voulù voir ff,
comme il y avoit bien de Fapparence, la tranfpiration fouf-
friroit en détail les mêmes augmentations & diminutions que
faction du foleil : il falloit pour cela être attentif à recueillir
chaque jour la liqueur qui en avoit été le produit ; il s'eft
effectivement trouvé que, felon que l'action du foleil aug-
mente ou diminue, la tranfpiration des plantes varie aufñir,
& de la même manière. Il étoit affez naturel de le préfumer,
mais on nen étoit pas abfolument für, & l'expérience eft
la feule démonftration de la Phyfique.
* Vo. Hifi.
1748, p. 78
144 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
I eft même bien für que les variations de l'action du
foleil contribuent prefque feules à celles de la tranfpiration
des plantes, quoiqu'on eût quelque droit de foupçonner que
la quantité d’eau qui tombe fur la terre, y entre pour beau-
coup; il s'eft trouvé par un de ces heureux hafards qui ne font
que pour les Obfervateurs attentifs & laborieux, que le temps
de la plus vive action du foleil n'a pas été de même celui
des plus grandes pluies. M. Guettard a mis cette circonftance
à profit, & s’eft afluré que l'augmentation de la tranfpiration
avoit toûjours fuivi le rapport des différentes intenfités de
l'action du foleil, & jamais celui des quantités de pluie qui
étoient tombées ; il femble même qu'une trop grande quan-
tité d'eau nuile à fa tranfpiration, du moins eft-il certain
que lorfqu'après une pluie abondante, le foleil vient à fe dé: -
couvrir, ce n'eft jamais le premier jour que la tranfpiration
eft la plus grande, mais les jours fuivans.
Puifque les plantes ont des pores par lefquels elles peu-
vent exhaler une prodigieufe quantité d'humidité, il feroit
très-poffible qu'elles en euflent aufli de propres à tirer celle
qui voltige dans l'air, & qu'une grande partie de ce qu'elles
rendent par la tranfpiration eût été pompée par ce moyen,
& ne vint pas de leurs racines. Pour s'en aflurer, M. Guet-
tard enferma toutes les branches d’un oranger de cinq ans
dans un globe de verre, & il enferma de même deux branches
de deux autres orangers dont les autres branches étoient ex-
pofées à l'air: fr les arbres pompoient beaucoup de l'humidité
de Fair par leurs feuilles, il devoit arriver deux chofes; la
première , que l'arbre totalement enfermé, donnât moins de
tranfpiration que les branches de ceux dont les autres branches
étoient à Fair libre; & la feconde, que l'arbre totalement
enfermé & privé de ce qu'il devoit tirer de air par fes
feuilles, donneroit quelques marques de dépériffement : ni
Fun ni l'autre n’eft arrivé. Il eft vrai que M. Guettard n'a
pü saflurer par un calcul exact, de la quantité de tranfpi-
ration des branches de ceux des orangers qui étoient libres,
parce que ces arbres avoient fouffert d’un rencaiflement qui
avoit
ina FR is
MURCDEE SES © ïi.r N C'ÉE f4s
avoit précédé les expériences; mais au moins eft-il biet
- certain que l'oranger enfermé a tranfpiré par jour à peu près
le poids de fes feuilles, & qu'il n'a pas paru foufftir de cette
longue prifon; preuve évidente que les feuilles ne tirent pas
tant d'humidité de air qu'on le penfe communément. :
La différence entre la tranfpiration des plantes expofées
au folel, & de celles de même efpèce mifes dans un lieu’
frais, comme une cave, eft encore plus marquée; celles qui
étoient à l'air & au foleil ont donné la quantité de tranfpi-
ration ordinaire, pendant que celles qui étoient à la cave
n'en ont donné qu'une à peine fenfible, M. Guettard à réuffr
de même à diminuer {a tranfpirätion des plantes ‘en les cou-
vrant feulement d'une ferviette ou de tout autre corps qui y
donne de l'ombre ; il ef même parvénu à diminuer la tranf: .
Piration dans quelques parties d'une plante, feulement en {es
mettant à l'ombre pendant que le refte de la plante étoit
expolé au foleil & tranfpiroit à l'ordinaire: toûjours {1 plante
ou les parties de {a plante expofées aux rayons du foleif ont
tranfpiré davantage. C'eft probablement à cette caufe qu'il
faut attribuer la blancheur des plantes qu'on lie ou ‘qu'on
porte à la cave; on arrête parlà leur tranfpiration: leurs
véficules fe gonflent de cette eau qui y-eft retenue, & elles
acquièrent par ce moyen le double avantage d’être plus blanches
& plus délicates. "
es fruits foümis aux expériences de M. Guettard ont
donné précifément les mèmes réfültats que les feuilles, fi ce
n'eft qu'ils tranfpirent beaucoup moins: deux grappes de raifin
à peu près pareilles & fur le même cep, ont été enfermées
dans deux poudriers pareils & de même verre, mais lune
a été expofée au foleïf, & l'autre tenue à l'ombre: cette der-
nière ne tran{pira prefque point, & devint beaucoup plus
grofle & plus belle que celle qui avoit été enfermée dans le
poudrier expolé au foleil, & que celles qui étoient reftées
expofées à l'air libre.
I! fuit de-à que les facs dans lefquels quelques perfonnes
envéloppent leurs raifins pour les garantir des mouches &
Hif. 1749: | Î M) à
146 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYaALeE
des oïfeaux, ne leur fervent pas feulement à cet ufage, mais
augmentent encore la beauté de leur fruit; que la pofition
ordinaire des fruits fous des feuilles qui les cachent, a été
probablement affectée par l'Auteur de la Nature pour aug-
menter leur grofleur & leur beauté; & qu'enfin rien n’eft
plus avantageux que des temps fombrés qui puiffent fufpendre
la tranfpiration du fruit pendant qu'il mûrit.
Les feuilles & les parties herbacées paroiffent être le prin-
cipal organe de la tranfpiration des plantes; les fruits, comme
nous venons de le dire," tranfpirent beaucoup moins : cette
différence mème eft très-grande; les feuilles dépenfent par
jour plus que leur poids par la tranfpiration, le raïfm n'a
donné que la quatorzième partie du fien. Nous avons vû
l'année dernière que le bois tranfpiroit fort peu: M. Guet-
tard a fait des expériences pour s’aflurer de la tranfpiration
des fleurs, & il a trouvé que leur tranfpiration alloit au plus
au cinquième de celle des feuilles.
Les arbres qui confervent leurs feuilles en hiver, étoient
trop propres à être foûmis à ces expériences, pour que M.
Guettard pût néglicer de le tenter ; leur tranfpiration pouvoit
être examinée l'hiver comme l'été, &il eft conftant, par cet
examen, que quoique ces arbres pouflent & fleuriflent, même
en hiver, leur tranfpiration , comparée à celle de l'été, eft
prefque nulle; un laurier-thym a donné en deux jours d'été
prefque la même tranfpiration qu'en un mois d'hiver.
Nous avions dit l'année dernière, que la liqueur que don-
nent les plantes par la tranfpiration , ne diféroit pas fenfr-
blement de l'eau commune, maïs il faut que pour pafler par
fes pores elle fe réduife en vapeur: celle qui eft dans l'inté-
rieur de la plante fous la forme d’eau, n'y fert que de réler-
voir ; mais fi elle y étoit en trop grande quantité, bien loin
de fervir à la tranfpiration, elle y nuiroit, elle rendroit le
total trop difficile à s'échaufler au point néceflaire, & de-là
vient que les plantes les plus fucculentes, & celles qui ont
des feuilles épaifles, font affez communément celles qui dé-
penfent le moins par a tranfpiration infenfible.
DES SCIENCES. T4
. Telle eft en général la fuite du travail de M. Guettard,
qu'on peut voir fans aucun embarras dans des Tables qu'il -
a jointes à fon Mémoire, & qui prélentent d'un {eul coup
d'œil-toutes fes expériences. On n'avoit prefque fait jufqu'ici
qu'effleurer cette partie de la Phyfique, on voit combien elle,
gagne à être approfondie; ce que nous en avons rapporté
eft bien propre à faire fouhaiter que des expériences qui
peuvent devenir aufli intérefiantes, foient continuées: c'eft ce
que M. Guettard promet, & on peut s’affurer que cet enga-
gement fera rempli; des expériences heureufement commen-
cées ne laiflent pas ordinairement un Phyficien tranquille. *
”
OBSERVATIONS DE BOTANIQUE.
N°:: avons parlé à l'article de cette Hifloire qui con-
cerne a Phyfique générale, de ce qui appartenoit à
cette Science dans la Relation que M. l'Abbé Nollet a donnée ‘ V. les M.
d'une partie de fon yoyage d'Italie : nous allons rapporter P: 466.
quelques obfervations tirées de cette même Relation, & qui
regardent la Botanique. à
-
On eft communément perfuadé qu'on fait périr un arbre
en le dépouillant de fes feuilles -à mefure qu'il les produit ;
- on n’ofe, ni en France ni en Piémornit, cueillir que les pre-
mières feuillès des müriers, on leur laiffe foïgneufement celles
qu'ils repouflent après cette première récolte, & on croiroit
détruire ces arbres en les leur ôtant; cependant M. l'Abbé
Nollet a vü qu'en Tofcane on dépouilloit régulièrement les
müriers deux fois par an, & que même une année que les
premiers vers avoient manqué, on permit de faire une troi-
fième récolte; par ce moyen les Tofcans font prefque autant .
de foié que les Piémontois avec la moitié moins de müriers,
parce qu'ils élèvent. deux familles de vers au lieu d’une:
peut-être le fol ou le climat leur procure t-il cet avantage,
mais un fujet auffi important mériteroit bien qu'on s'afurât
fi on ne pourroit pas fans rifque tranfporter ailleurs la même
| Ti
V. les M.
pag. 322 &
3924
148 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
prätique, & fi les Tofcans n'en feroient pas plus redevables
à leur efprit qu'à la Nature.
117
On fe fert dans le royaume de Naples de feuilles Fes
myrtes, qui y font très-communs , au lieu de tan pour pré-
parer les cuirs ; on pratique la même chofe en Calabre: on
voit bien que ce:te plante très-aftringente eft propre à faire
le même effet que l'écorce de chêne, peut-être trouveroit-
on quelque plante auffi ftiptique qui feroit aflez commune
pour l'employer avec profit au ue ufage.
I I.
. On voit dans le Piémont & dans le Boulonnois une
efpèce de chanvre qui devient d’une grandeur extraordinaire , *
ce chanvre monte jufqu'à tois toiles de hauteur; on ne
Pemploié pas ordinairement à faire du linge, mais il etrès-
on pour les corderies ; on le tille, où bien on le broie avee
une meule de pierre femblable à celle dont on fe fert à
écrafer les pommes pour en faire du cidre; le bois du dedans.
eft affez fort pour qu'on en fafle des cannes, que les Dames
du pays préferent aux autres à caufe de deur légèreté pour
en faire ufage à la campagne.
E V.
On ne laifle communément en Piémont le foin fur le
pré que vingt-quatre heures, on l'entafle enfuite fous des
hangars ou FA des granges, de manière qu'il forme une
mafle très-dure qu on eoupe avec un inftrument tranchant
quand on en a beloin ; cependant, foit que le foleil agifle
plus vivement qu'ici far le foin, foit que nous laiffions le
nôtré trop long - temps fur le pré avant de le ferrer, ül
m'arrive aucun acedeñté à ces foins entaflés; bien loin. DEA
ils confervent un œil plus verd & une odeur plus forte que
ceux de ce pays-ci.
N° renvoyons entièrement aux Mémoires,
Les cinquième & fixième Mémoires de M. Guettaïrd,
fur les filets, glandes ou poils des Plantes.
CONS
MIE SV S1C LE N: CHR 149
RENE
ASTRONOMIE.
SUR LES
ELEMENS DE LA THEORIE DU SOLEIL.
L : élémens qui entrent dans la conftruction des Tables
aftronomiques , font en général de deux efpèces, la
pofition des aftres, & leurs mouvemens: l'exactitude à Ja-
quelle les Aftronomes modernes ont porté les obfervations,
laifle peu de chofe à defirer quant aux pofitions; les mouve-
mens ne peuvent pas être déterminés avec la même facilité,
On ne les peut conclurre que de la comparaifon de plufieurs
obfervations qui doivent être éloignées les unes des autres
le plus qu'il eft poffible, afin que l'erreur, s'il y en a, de-
vienne infenfible en fe partageant fur un grand nombre de
révolutions; d’où il fuit qu'on eft obligé de recourir aux
obfervations des Anciens: ces obfervations ne {ont pas à
beaucoup près auffi exactes que celles que Fon fait aujour-
d'hui, & comme F'Aftronomie à toûüjours avancé, quoique
lentement, vers la perfection , il eft extrémement difficile de
déterminer s’il y a plus à gagner pour lexaétitude de Ja dé-
termination des mouvemens en employant des obfervations
plus anciennes, mais moins précifes, ou en fe fervant d’autres
qui, avec moins d'ancienneté, paroiffent avoir été faites avec
une plus grande précifion.
C'eft de cette fource que font dérivés les différens fen-
timens des Aftronomes fur la grandeur de l’année folaire,
fur la variation ou Fimmutabilité de l’obliquité de l'Ecliptique,
& fur le mouvement de l'apogée du Soleil, que les uns font réel
& de plus d'une minute, & que les autres ne regardent que
comme apparent & produit par la précefion des Equinoxes.
On ne peut cependant avoir des Tables du Soleil exactes
» Tiÿ
* Almagefie de
Prolémée, liv. V,
chap. XII.
1$0 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoxALE
qu'autant qu'on faura au jufte déterminer ces élémens qui
font eflentiels à leur conftruction. MS
M. l'Abbé de la Caille a cru pouvoir parvenir à cette
importante détermination, en. comparant fes propres obler-
vations à celles qui furent faites {ur la fin du quinzième
fiècle par Régiomontan & Waltherus, & dont l'exaétitude
lui a paru fuffifante.
Waltherus étoit un riche bourgeois de Nuremberg ; le
commerce qu'il lia avec le célèbre Régiomontan, lui infpira
lé goût de l’Aftronomie: il fit fabriquer des inftrumens, &
commença, de concert avec Régiomontan, une fuite d'ob-
fervations que Schonerus nous a tranfmiles, avec la defcrip-
tion de l'inftrument qui lui fervoit aux obfervations du Soleil.
Cet inftrument étoit femblable à celui que décrit Ptolémée
dans fon Almagefle*, & qu'il nomme Régles paralladiques;
c'eft une efpèce de triangle ifofcèle, dont l'angle eft renfermé
entre deux côtés conflans qui peuvent prendre entre eux
toutes les inclinaifons poffibles: le troifième côté fert de bale
au triangle, & eft la corde de tous les angles que peuvent faire
entr'eux les deux autres. Ce dernier côté étoit aflujéti dans
une fituation verticale, & divifé en parties égales: ro0000
de ces parties étoient épales à la longueur de chacune des deux
autres règles, dont la fupérieure étoit garnie de pinnules.
Waltherus fe fervit de cet inftrument pendant trente années,
au bout defquelles il fit conftruire un gnomon qui lui fervit
à vérifier fon ancien inftrument; mais il n’en jouit pas long-
temps & mourut l'année fuivante, qui étoit 1 504.
© Par la comparaifon des hauteurs folfticiales obfervées par
Waltherus pendant quatorze années, tant au Solftice d'été
qu'à celui d'hiver, M. FAbbé de la Caille trouve que, toutes
réduétions faites, l’obliquité de l'Ecliptique étoit alors entre
239 29° 23", & 234 29° 42", fans qu'aucune des qua-
torze années la donne hors de ces limites, ce fera donc, en
prenant un milieu, 234 29° 30" que donneront les obfer-
vations de Walthérus, avec un accord que le hafard feul ne
pourroit produire. Sion joint à cela que tous les Aflronomes
\ 4
: QUE SIMSIT 1:E°N CG ENST; 44 rot
du fiècle dernier l'ont faite de 234 29’ o", & que nous
la trouvons aujourd'hui d'environ 234 28’ 30", on aura
bien de la peine à refufer à l'Ecliptique un mouvement très-
lent, mais cependant fenfible, par lequel elle s'approche de.
l'Equateur.
_ Les mêmes obfervations des Solftices, comparées entr'elles
& avec les temps qui fe font trouvés entre les unes & les
autres, ont donné la pofition de l'apogée du Soleil, au 1 2
Mars 1696, dans le 3° degré 56 minutes & 3 3 fecondes
du Cancer; détermination d'autant plus exacte que, pour n'a-
voir le lieu d'apogée qu'à x dre près par la méthode que
M. l'Abbé de la Caïlle a employée; ä faudroï s'être trompé
de près d'une heure trois quarts dans l'intervalle de temps
éntre deux Solftices confécutifs, ‘erreur dont les obfervations
de Waltherus ne paroiflent pas fufceptibles.
Cette pofition de l'apogée comparée à celle qui réfulte,
pour 1744, des obfervations de M. 1'Abbé de la Caille,
qui eft 84 30° 24" du Cancer, donne fon mouvement annuel
de 1” 4" 49", bien différent des 5 1” que donne la préceffion
des Equinoxes : il en faut donc revenir à donner à J'apogée
un mêuvement propre & différent de celui des Fixes.
L'intervalle du temps écouléentre les Solftices obfervés par
Valtherus, & ceux que M. l'Abbé de la Caïlle a obfervés
lui-même, a encore fervi à trouver da durée de l’année folaire
moyenne qui eft, felon cette détermination, de 36 5 jours
“$ heures 48 minutes 46 fecondes, & le mouvemént du
Soleil par conféquent, de of .o4 46’ 8" en cent années
juliennes. à Wu
Le mouvement moyen & de lieu de l'apogée déterminés,
il eft facile d'en déduiré une époque du mouvement moyen :
‘M. l'Abbé de là Caille trouve qu'au commencementde 1 S00,
le mouvement moyen dû Soleil étoit de of 194 25° 36”.
La recherche de la plus grande équation du Soleil, & par
conféquent de fon excentricité, pourroit également fe faire
‘avec les obfervations de Waltherus &: celles des Modernes.
M. l'Abbé de la Caiïlle l'a tirée des obfervations de Waltherus
V. les M.
P- 75:
* Voy. Hi.
W739 P. 45°
x$2 Histoire DE L'AcADÉMIE RoyaLe
par la méthode ordinaire qui confifte à prendre des obfer:
vations faites des deux côtés de la ligne des apfides, vers les
moyennes diflances: comme alors f'équation eft conftamment
Ja même pendant un temps confidérable, on a, par le lieu
vrai du Soleil obfervé de chaque côté, l'arc que cet aftre a
parcouru par fon mouvement vrai, & par le temps qui s'eft
écoulé entre les deux obfervations, celui qu'il auroit parcouru
par fon mouvement moyen; la différence entre ces deux.
arcs donne précifément le double de la plus grande équation.
Les oblervations de Waltherus ont donné par cette méthode,
la plus grande équation du Soleil ACTE CP MR
conféquent l'excentricité de 16716 parties de celles dont
le rayon de lorbe annuel contient 1000000, très-appro-
chante de celles qu’on trouve aujourd’hui: ce qui prouve fans
replique la bonté & l'exactitude des obfervations de Wal-
therus, & combien M. l'Abbé de la Caille a fagement fait
de les mettre en œuvre.
SUR:LES REFFRACTIONS
pme a rendu compte au public en ee 9*;
des recherches que M. Bouguer avoit faites fur les ré-
fraétions, pendant fon voyage à fEquateur; il réfultoit de
fes obfervations que, contre l'opinion généralement reçüe,
la réfraction eft d'autant moindre, que l'Obfervateur eft plus
élevé. Le fecond Mémoire, dont nous avons à parler ici,
contient quelques faits fmguliers qui n'étoient pas compris
dans le premier, & de plus, tout le géométrique & toute
Ja théorie qui l'ont guidé dans cette occafion.
Nul pays n'étoit aufli propre que le Pérou aux recherches
que M. Bouguer avoit entrepriles ; il avoit, pour ainfi dire,
fous la main, & à une très-petite diflance les uns des autres,
des endroits au niveau ou prefque au niveau de la mer, & les
plus hautes montagnes qui foient peut-être dans le refte du
monde. à
Le
hp
=
DES SCIENCES. 153
* Le féjour qu'il fit fur une de ces montagnes nommée
Chimborago, dans un endroit élevé au deflus de la mer de
2388 toiles, lui procura lobfervation d'un phénomène bien
fingulier ; l'extrême élévation de ce pofle lui permettoit de
découvrir le Soleil non feulement à l'horizon, mais encore
plus d'un degré au deffous : il fut extrêmement furpris de voir
que la réfraction, qui, lorfque le Soleil étoit à l'horizon,
n'avoit été oblervée que de 19 minutes & demie, fe trou-
voit de 24 minutes & un tiers immédiatement au deflous;
après quoi elle augmentoit régulièrement, comme {1 elle eût
fait un faut en paffant de l’hémifphère fupérieur dans l'in-
férieur.
Quelque étonnante que fût au premier coup d'œil cette
augmentation fubite de la réfraction, la furprife de M. Bou-
guer ne dura pas long-temps, & il en eut bien-tôt trouvé
la caufe. Lorfque d'un dieu fitué au bord de la mer on obferve
le coucher du Soleil, toute réfraétion à part, il eft clair que
le rayon par lequel on le voit, eft une tangente au globe
terrellre, & que par conféquent, en partant de l'œil, il va
toüjours en s’écartant du globe, & qu'il s'élève & rencontre
toûjours des couches de l’atmofphère de ‘moins en moins
épaifles. Mais fi d’un lieu fort élevé on obferve le Soleil
au-deflous de l'horizon, alors le rayon qui pait de l'œil de
fObfervateur n'eft plus une tangente, il s'approche d'abord
du globe de la Terre jufqu'au point dont la verticale eft
perpendiculaire à fa direction , enfuite il rentre dans le pre-
mier cas, & à compter de ce point, il devient tangente :
il doit donc efluyer en quelque forte deux réfractions; fa
première, égale à {a réfraction horizontale qu'obferveroit
celui qui feroit placé dans ce fecond point, & c'eft cette
partie que M. Beuguer appelle de fon véritable nom de
Réfracion aflronomique ; & a feconde, eu égard au trajet
sn fait depuis l'œil jufqu'à ce point, senfonçant toûjours
ns des couches de l'atmofphère de plus en plus épaïffes, &
ceft ce que M. Bouguer nomme Réfradlion terreffre; cetie
dernière, comme on voit, n’a pas lieu dans toutes les hauteurs
Hifl. 1749. 1
x$4 Histoire DE L'ACADÉMIE RoYaLe
oblervées au deflus de Fhorizon : il n'eft donc pas étonnant
que les rayons éprouvent, en paflant au defous de l'horizon,
une augmentation fubite de réfraétion, puifqu’ils s'y trouvent
tout-à-coup affeétés d’une nouvelle caufe d'inflexion qui-les
y attendoit, pour ainfr dire, au paflage,
Puifque les couches qui compolent notre atmofphère vont
en diminuant de denfité à mefure qu'elles s'élèvent, les rayons
ne doivent pas les traverfer en ligne droite; & de plus, la
réfraction fera d'autant moindre à hauteurs égales du même
aftre, que le pofte de l'Obfervateur fera plus élevé: on peut
donc, au moyen des réfractions horizontales obfervées par
M. Bouguer à des hauteurs très-différentes, trouver la pro-
portion dans laquelle décroït a denfité de ces couches, &
le terme auquel elles ceffent d’agir fenfiblement fur les rayons,
ou, ce qui revient au même, les bornes de l'atmofphère
réfraétive; ces bornes font, pour la Zone torride, de $ 1 58
toiles; en forte que s'il étoit poflible de fe placer à une pa-
reille hauteur, on n’obferveroit plus aucune réfraétion hori-
zontale. Pour avoir celle qu'on trouveroit fous ce même
climat à telle hauteur qu'on voudroit propofer , il faudra
fuivie la loi que les obfervations femblent indiquer; les ré-
fractions obfervées fe font toùjours trouvées proportionnelles
aux racines carrées de l'excès de 5158 toiles fur la hauteur
de chaque pofte. x
Les réfractions très-fenfibles à de petites hauteurs, dimi-
nuent aflez rapidement, en forte que celles qui font dûes aux
points élevés de $o degrés & au deflus, font très-petites:
on court cependant autant & plus de rifque de fe trompér
en déterminant immédiatement ces réfraétions, qu'en obfer-
vant celles qui font dûes aux petites hauteurs ; heureufement
les obfervations de M. Bouguer l'ont aflez inftruit fur la
marche des réfraétions, pour qu'il ait pû fubflituer à des
opérations incertaines une théorie plus füre, qui, partant des
obfervations qu'il eft poffible de faire, donne par un calcul
facile lés points qui échapperoient aux recherches aftrono-
miques.
L
+
®
&
DES SCIENCES. 155
* Nous fupprimons ici tout le procédé géométrique que
M. Bouguer a employé pour choifir la méthode qui doit
fervir à déterminer la nature de la courbe que le rayon décrit
dans l'atmofphère, & la proportion de la réfraétion horizon-
tale à celles qui appartiennent aux différentes hauteurs: nous
allons feulement eflayer d'en préfenter d'efprit & les réfultats.
La hauteur de latmofphère étant déterminée, il eft quef
tion d'avoir la proportion dans laquelle es couches de l'at-
mofphère diminuent de denfité ; les obfervations faites à diffé-
rentes hauteurs au deflus de {a mer, ont fervi de domxes,
& M. Bouguer croit qu'on peut légitimement repréfenter
Y'augmentation des dilatations, & par conféquent la diminu-
tion du pouvoir réfractif, par les arcs d’une parabole d'un
degré plus ou moins élevé.
Heureufement, dans cette recherche, un grand nombre
d'objets qui auroient pü introduire de f’embarras dans le
calcul, s'évanouiflent, ou peuvent être, pour parler plus jufte,
impunément négligés.
Les couches de l'atmofphère font, à a vérité, d'une den-
fité différente fuivant leur hauteur, mais cette différence de
denfité eft très-petite; & quoiqu'on foit obligé d'y avoir
égard, elle haifle le choix d'un grand nombre d'hypothèfes
i la repréfentent aflez bien : fa courbure des rayons de lu-
mière eft de même affez petite pour qu'on puifle confondre
leur longueur avec leur tangente ou leur corde; on peut
même, lorfque ces rayons font horizontaux, négliger la diffé-
rence qu'il y a entre leur longueur &c eur progrès horizontal,
“& toutes ces remarques donnent au calcul une facilité extrême
dont îl feroit privé s’il falloit abfolument le traiter fuivant
‘toute da rigueur mathémagique. Il y a peut-être un peu à
Lperdre fur da précifion géométrique, mais la véritable élégance
d'une folution eft d'être fimple ; l'Aftronomie offre aflez de
difficultés réelles, fans en aller chercher d'imaginaires, &
“qui 1fauroient pour but qu'une exactitude inutile.
Retranchant donc tout ce qui pourroït être étranger à da
—queftion, M. Bouguer trouve qu'en quelqu'endroit que foit
Vi
156 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoyaLe
placé l'Obfervateur, ft on tire de fon œil une ligne droite
faifant avec l'horizon un angle quelconque, & qui aille fe
terminer à l'extrémité de l'atmofphère réfractive, & que de
Yextrémité de cette ligne on en mène une au centre de la
Terre, la réfraction fera toûjours, à très-peu près, propor-
tionnelle, non à hi longueur de cette fécante, mais à l'arc de
la circonférence de la Terre, compris entre la verticale de
lObfervateur & cette ligne, que nous venons de fuppofer
aller au centre de la Terre.
On peut employer encore la méthode de M. Bouguer
pour déterminer avec précifion l'inflexion que fouffrent en
traverfant latmofphère, les rayons qui terminent le cône
d'emb:e dans les écliples de Lune, ce qui ferviroit à fixer
plus exaélement les limites de la pénombre.
La denfité de l'atmofphère eft la caufe phyfique de la
réfration, mais ce n’eft fürement pas une caufe invariable,
auffi voit-on quelquefois les réfractions éprouver des inéga-
lités prefque fubites, qu'on ne peut raifonnablement attribuer
à autre chofe. M. Bouguer n'a pas négligé de s'aflurer, non
pas de ces variations momentanées qui ne peuvent être. ré-
duites à aucune règle, mais de celles qu'on pouvoit foup-
çonner d'être aflujéties à quelque loi; il a recherché, par
exemple, fi la réfraétion de la nuit étoit plus grande que
celle qu'on ob'ervoit pendant le jour, & il l'a en effet pre
que toûjours trouvé pus forte d'environ un fixième où un
feptième, pourvü cependant qu'il ne s'agifle que de hauteurs
au deflus de 7 à 8 degrés.
Les variations diurnes des réfraétions ne font probable-
ment dües qu'à la dilatation des couches les plus bafles de -
latmofphère : M. Bouguer fait voir qu'une dilatation totale
& proportionnelle de toutes ces couches ne produiroit aucun
effet fenfible fur la réfraétion ; d’ailleurs, les expériences dû
baromètre, faites à des hauteurs confidérablement diflérentes,
ne manqueroient pas de l'indiquer, & M. Bouguer ra rien
obfervé de femblable ; enfin, toutes les caules phyfiques
doivent concourir à exciter cette dilatation pluftôt dans la
MIENSINS: C1 E NIC'EUS L
partie baffe de l'atmofphère que dans celle qui eft élevée; le
raifonnement eft parfaitement d'accord en ce-point avec
l'expérience.
Une dernière caufe d’inégalité dans les réfra@tions, feroit
l'inégalité de courbure du méridien & du cercle perpendicu-
laire, réfultante de lalongement de la Terre vers {es poles; il
réfulteroit delà que la ion obfervée au Levant ou au
Couchant, feroit plus grande que celle qu'on obferveroit à
même degré de hauteur au Nord ou au Midi, puifque l'atmo-
_fphère, dont la courbure fuit affez celle de la Terre, en auroit
effectivement une plus grande; mais on peut être tranquiil
fur cette différence. Par le calcul de M. Bouguer, elle nal-
tère, dans le cas le plus favorable, la réfraction horizontale
que de 7 fecondes fous l'Equateur, & par conféquent devient
phyfiquement nulle à de plus grandes hauteurs, fur-tout fi
on obferve dans d’autres dlimats.
M. Bouguer avoit donné en 17 39 une Table des réfrac- -
tions, calculée pour Quito, qui eft 1479 toiles au deflus de
la mer, & pour les endroits $00 toiles plus hauts ou plus
bas que cette ville; les calculs qu'il a faits depuis, lui ayant
fait apercevoir quelques erreurs dans cette Table, il a mieux
aimé la donner à fa fin de fon Mémoire toute corrigée,
.que d'indiquer fimplement les correétions. Combien de
chofes inconnues fur une matière aufi importante, & qui
avoit été déjà traitée tant de fois! pourra-t-on quelque j jour
fe flatter d'avoir porté la connoiflance de quelque partie des
Sciences au point de n'avoir plus befoin d'y revenir?
IN renvoyons entièrement aux Mémoires,
L'Obfervation de FEclipfe de Lune du 23 Dé-
cembre 1749 : par Ms Caffini de Thury & Maraldi.
V. les M.
p. 206.
L'Obfervation de quelques Occultations d'étoiles fixes p. 318.
pa la Lune: par M. le Monnier.
L’Obfervation de lEclipfe de Lune du 2 Décembre p. 319.
1749: par M. le Monnier,
V ii
V. les M.
P- 320.
p- 378:
P: 379:
° Voy. Hif.
2744 P.35
158 Hisroïre DE r'AcADÉMiE RoraLe
L'Obfervation de lEclipte de Lune du 23 Décembre
1749 : par M. de l'Ifle.
La même: par M. de Fouchy.
Et les Phafes de l'Ec'iple de Soleil du 25 Juillet ri
obfervées en Ecotie: par M. le Monnier.
ETTE année parut un ouvrage de M. Bououer, intitulé,
J La figure de la Terre déterminee par les obfervations de
Mrs Bouguer à de la Condamine , envoyés par le Roi an
Pérou pour obferver aux environs de l'E‘quateur, avec une rela-
tion abrégée de ce voyage, dc. publié par ordre de l’Académie,
Quelque intéreflante que foit la première partie de cet
Ouvrage, qui contient la relation du DE la defcription
du pays, fes produétions & les mœurs de fes habitans, nous
n'en dirons rien ici, tant parce que nous en avons rendu
compte en 1744*, en parlant de l'abrégé de ceite même
relation que M. Bouguer lut à fon retour, que parce que nous
avons cru plus-utile de préfenter avec quelque détail ce qui
concerne les travaux des deux Académiciens, & les conclufions
qu'on en a tirées, que nous ne pümes qu'effeurer en 1744.
Le premier pas à faire étoit de fe déterminer fur le choix
des opérations qu'on vouloit entreprendre; les obfervations
de M. Caffini donnoient la grandeur du degré du méridien
meluré en France, & la première idée qui fe préfenta, fut
de mefurer quelques devrés de l'Equateur, en même temps
qu'on en mefureroit auf quelques-uns du méridien dans le
voifinage de l'Equateur; on pouvoit auffi mefurer une plus
grande portion du méridien, & omettre la mefure de l'E-
quateur ; chaque parti fninoé avoir fes avantages & fes
inconvéniens: c’eft à les difcuter qu'eft employée toute Îa
première feétion de l'ouvrage de M. Bouguer ; on n'avoit
alors que le degré de France, & celui qu'on aHoit chercher
auprès de l'Equateur, fur lefquels on pût compter. La Géo-
métrie enfeignoit qu'une infinité de fphéroïdes pouvoient avoir
les degrés de l'Equateur & ceux du méridien à une latitude
déterminée dans un certain rapport, quoique les autres degrés
DES SCIENCES. Li
& la figure entière du fphéroïde fuffent très-différens ; d’un
autre côté, la mefure du degré de Equateur, jointe à celle
du degré du méridien proche de ce cercle & de celui qu'on
avoit en France, pouvoit déterminer immédiatement {a pro-
portion entre l'axe de la Terre & le diamètre de Equateur:
ain{r il ne refloit, pour fe déterminer dans une pareille occa-
fion, que d'examiner de quelles erreurs l'une & l'autre mé
thodes pouvoient être fufceptibles.
On voit aifément qu'une pareille mefure eft néceffairement
fufceptible d'erreurs de deux genres différens, de celles qui
peuvent entrer dans la melure géodéfique ou aétuelle de
l'étendue terreftre qui répond à un degré, & de celles qui
peuvent affecter la partie aftronomique ou la mefure de lam-
plitude de cet arc.
Les premières erreurs peuvent être fuppoées égales dans
la mefure géodéfique du degré du méridien & de celui de
TEquateur, quoique cependant la difpofition locale rendit
celle de ce dernier bien plus difficile; mais il n'en eft cer.,
tainement pas de même de la mefure aftronomique de une
& de l'autre efpèce de degré: celui de f'Equateur fe doit
mefuer par le temps ,-& celui du méridien par les diffé-
rences des hauteurs méridiennes d'un même aflr. Or il ne
faut être que médiocrement verfé dans l'aftronomie pour
favoir que toutes les melures qui dépendent du temps, font
fujettes à bien plus d'erreurs que celles qu'on fait immédia-
tement des arcs de cercle; une feule feconde de temps équi-
vaut à 1 $ fecondes de degré, & quelque parfaites que foient
aujourd'hui les pendules, quelque attention qu'on apporte à
“les régler, on ne peut fe flatter qu'il n'échappe spas une
erreur de plus d'une feconde dans chaque opération ; pour .
peu qu'elies fuffent multiplies, elles pourroient abforber aifé-
ment la différence dont on vouloit saflurer, au lieu que la
mefure des degrés du méridien ne hifloit ren de pareil à
redouter, les erreurs dont elle peut être fufceptible étant infi-
niment moindres; & en la comparant aux degrés qui avoient
été mefurés en France, & à celui qu'on alloit en même temps
160 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
mefurer fous le Cercle Polaire, on pouvoit fe flaiter de par-
venir à une précifion à laquelle la meiure du degré de F'E-
quateur ne pouvoit rien ajoûter. Ce furent ces raifons qui
déierminèrent apparemment M. le Comie de Maurepas à
défendre aux Académiciens déjà arrivés au Pérou, d'entre-
prendre la mefure des degrés de l'Equateur, & à leur pref-
crire de fe borner à la mefure de ceux du méridien; ce que
nous venons de dire fur cette matière doit fufhre pour faire
voir la fagefle de cet ordre.
Le premier pas que les Oblervateurs avoient à faire, étoit
fa melure de la bale qui devoit fervir, pour ainfi dire, de
fondement à tout leur édifice., Nous avons dit en 1744,
que toute l'opération avoit été faite dans la vallée de Quito
ou dans la plaine qui eft enfermée dans la duplicature du
fommet de la Cordélière, & dont la direétion eft à peu près
nord & fud; le terrein dans lequel on la plaça, eft à en-
viron cinq lieues de diftance de Quito : l'extrémité du nord
fe trouvoit à peu près par 6 minutes de latitude auftrale,
près d'un endroit nommé Carabourou ; l'extrémité fud étoit
par 12 minutes 20 fecondes, & fe nomme Oyambaro.
Toute la plaine en général, dans laquelle la bafe fut tracée,
fe nomme la plaine d'Farouqui, du nom d'un aflez gros bourg
qui y eft fitué; ce terrein avoit, ‘en allant du nord au midi,
une pente d'environ 126 toiles fur la longueur de la bafe,
dont la direction étoit nord 194 26" à l'oueft; on pafla
plufieurs jours à l'aligner & à tout difpofer pour la mefure:
enfin on la commença, & les Obfervateurs fe féparèrent-en
deux bandes, dont les uns meluroient en allant du terme le
plus feptentrional de la bafe au plus méridional, &c les autres,
du terme le plus méridional au plus feptentrional.
Les inégalités du terrein ne permettoient pas de pofer les
perches qui fervoient de melure, parallèlement à fa fürface;
on auroit eu au lieu d’une ligne droite, la mefure d'une courbe
irrégulière qui eût été beaucoup plus longue; pour remédier
à cet inconvénient, M. Bouguer & fa compagnie plaçoient
les perches toûjours horizontalement, & fe fervoient d'un fil
à plomb
D'E S'"SCIE N CE'S 161
à plomb pour poler celle qui devoit fuivre, logfque fon extré-
mité étoit trop bafle pour toucher celle de la précédente. On
voit aifément combien cette manœuvre étoit pénible, &
nous ne craignons point d'exagérer en difant que M. Bou-
güer & fà troupe fe traînèrent, prefque en rampant, d'un
bout de la bafe à l'autre.
L'autre troupe fe fervit d’un moyen peu différent : M. Godin
qui étoit à la tête de celle-ci, foûtenoit fes perches fur des
chevalets, & ne fe fervoit du fil à plomb que quand la der-
nière commençoit à être trop haute pour y pouvoir atteindre:
on voit aifément que ni les uns ni les autres ne décrivoient
par ce moyen une ligne droite, mais des elpèces de mar-
ches d'efcalier plus où moins hautes, qu'il falloit enfuite
réduire à une ligne droite aflant d’une extrémité de la bafe
à l'autre. Ce fut l'ouvrage d’un long & pénible travail, mais
enfin on en vint à bout, & malgré la différente manière
d'opérer, il {e trouva que la différence de la longueur me-
furée par chacune des deux compagnies, n'alloït pas à trois
pouces fur 6272 toiles qu'avoit la bafe, que des raifons de
convenance firent enluite étendre jufqu'à 6274.
Lorfqu'en forma le projet de la mefure des degrés du
méridien voifins de l'Equateur, on étoit bien perfuadé que
les pointes les plus élevées des montagnes de la Cordélière
épargneroient un travail immenfe, en procurant le moyen
de faire des triangles extrémement grands, & par conféquent
en petit nombre; mais il y eut bien à rabattre de cette idée
quand on voulut reconnoître ces poftes dans lefquels en
s'étoit propoié d'opérer. La plufpart de ces pointes font ou
inacceflibles, ou d'un très-diffcilé accès; on y eft expolé
âu froïd le plus vif, aux tempêtes continuelles, & prefque
toûjours enveloppé de nuages qui en dérobent la vüe, en
forte qu'il fallut abandonner abfolument ce projet, & fe ré-
duire à opérer fur des pointes moins hautes, quoiqu'elles le
faffent encore de 7 à 800 toifes au deffus du fol de Quito.
€e parti étant pris, il fut queftion d'abord d'examiner quelle
pourroit être la fuite de triangles la plus avantageufe, de
Hi. 1 749. - X
162 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYazr
former, pour ainfi dire, le fyftème de toute l'opération & de
planter les fignaux qui devoient être aperçus d’un pofle à l'autre,
Les triangles étoient au nombre de trente-deux, & on
avoit eu tout le foin poffible de les choifir, de manière
qu'ils puflent jouir des plus grands avantages que le local
pouvoit leur permettre. On penfa enfuite à l'examen des *
inftrumens : ceux qui n'ont jamais fait que des opérations
médiocres de Géométrie pratique, auront peut-être peine
à fe perluader que l'examen d’un inftrument fait avec le plus
grand foin & par le meilleur ouvrier, ait de quoi occuper
pendant plufieurs femaines un Oblervateur exaét & Jabo-
rieux: c’eft cependant ce qui arrive ordinanement, & ce qui
eft arrivé en particulier à M. Bouguer; rien n'eft plus facile
que d'éviter les erreurs groflières dans la pratique des Ma-
thématiques, & rien n'eft peut-être plus dificile que de fe
défendre des petites : il étoit cependant d'une conféquence
extrême de s’en garantir dans cette occafion, où elles auroient
fait abfolument difparoître toute l'utilité qu'on pouvoit atten-
dre de l'opération qu'on alloit faire.
Par larrangement des triangles il fe trouvoit que tout leur
affemblage étoit comme fufpendu en l'air, 6 à 700 toifes
au deffus de la vallée de Quito, les ftations fe trouvant des
deux côtés fur les pointes les plus bafles des montagnes qui
bornent cette vallée à left & à l'oueft. On prit la même
précaution que pour la mefure de la bafe; on forma deux
compagnies qui campoient, à la vûe l'une de l’autre, fur les
deux Cordelières oppofées, & de deux en deux flations les
deux compagnies changeoient réciproquement de pofle, afin
que chacun püt s’aflurer par lui-même de la mefure de deux
angles de chaque triangle, & ne dût à l'autre compagnie que
la mefure du troifième, qu'il pouvoit déjà favoir. Chaque
Académicien avoit fon quart-de-cercle, & obfervoit fuc-
ceflivement le même angle; par conféquent la mefure de
chaque ang'e étoit décidée fur e lieu même avec-la plus
grande exactitude. Les trois angles de chaque triangle ont
ioüjours été déterminés inmédiaeinent ; enfm aucune des
nn © D
DES Score NcEis 16%
précautions néceflaires pour affurer une mefure, ne fut né-
gligée en cette occafion. - |
On s'imaginera ailément que toutes les pointes des mon-
tagnes où étoient les flations, ne fe trouvoient pas dans un
même plan, il falloit cependant les y réduire ; on fe fervoit
ordinairement pour cette réduétion , de la fimple trigono-
métrie rectiligne : M." Bouguer a imaginé d'y employer a
trigonométrie fphérique; & quoiqu'en général de calcul de
cette dernière elpèce de triangles foit plus Iong que celui
-des triangles rectilignes , il y a confidérablement à gagner
du côté de la facilité. La réduétion des angles au centre des
fignaux, fut encore la matière d’un examen particulier ; on
fait que dans des occafions pareilles on obferve le plus près
qu'on peut du fignal qui a fervi de point de vifée dans la
mefure des autres angles, muis qu'on nobferve jamais au lieu
propre de ce même fignal, qui, en occupant entièrement {a
place, en interdit auf d'accès. M. Bouguer a examiné les
manières qui étoient en ufage pour réduire ces obfervations
au centre mème du fignal, & pour trouver l'endroit du quart-
‘de-cercle qui devoit répondre au point qui fervoit de centre
à chaque flation, & il a donné le moyen de découvrir plu-
fieurs erreurs qui fe pouvoient gliffer dans cette opération,
&, ce qui importoit encore plus, celui de les éviter.
Tant de précautions ne pouvoient manquer d’aflurer le
fuccès d'une opération , auffi l'exaétitude de cette melure
a<-elle été portée au plus haut point: il fe trouvoit au terme
méridional une praifie propre à mefurer une nouvelle bafe
‘qui devoit fervir de vérification à tout l'ouvrage: elle fut
mefurée avec le même foin & de la méme manière que
d'avoit été la première, & la melure actuelle ne différa que
de deux pieds de la longueur conclue au moyen de trente-
deux triangles, de la première bafe, qui étoit à foïxante lieues;
preuve convaincante & fans réplique de la précifion avec
daquelle Les Obfervateurs avoient opéré, & que les erreurs
me font.pas affez à craindre fur un : longue mefure pour qu'on
doive fe reftraindre à une plus courte,
X i
164 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
On ne fera certainement pas furpris que les Obfervateurs
n'aient négligé aucune occafion d'aflujétir à la direction de
la méridienne une fuite de triangles qui avoient pour but la
mefure de la Terre, aufli prirent-ils à tâche d'examiner la
direction de ceux des côtés de ces triangles dont on püt
comparer la fituation avec le Soleil couchant, ou dont on
üt avoir la direction par d'autres moyens; on les Jia auffi
à la pofition de Quito & de tous les lieux voifins dignes de
remarque; ce qui a dû, vrai-femblablement, compoler la
première carte de cette contrée, levée avec une pareille exac-
titude, elle fera probablement encore long-temps unique
de cette efpèce.
Toute la partie géodéfique de l'opération paroifloit achevée,
il y manquoit encore cependant une détermination eflen-
tielle, & fans laquelle tout ce qui avoit été fait demeuroit
inutile. Nous avons dit que le plan dans lequel étoient. à
peu près compris les triangles qu'on avoit melurés, étoit à
6 ou 700 toiles de hauteur au deflus du fol de Quito,
c'eft-ài-dire, d'environ 2000 toiles plus élevé que le rivage
de la mer; fi donc on avoit appliqué la melure aftronomique
à l'étendue que lon avoit melurée, on auroit eu, non le
degré de la Terre, mais le degré d'un cercle parallèle à fa
furface, & dont le rayon auroit excédé de 2000 toifes celui
du globe: il falloit donc réduire la diftance mefurée, pour
ainfi dire, en l'air, à celle qui lui devoit répondre à la fur-
face du globe prife au niveau de la mer, & pour cela s'y
tanfporter, & mefurer la hauteur abfolue de quelqu'une des
montagnes dont on s'étoit fervi, car on connoiffoit déjà leur
différence refpective de hauteur. Cette obfervation, dont M.
Bouguer fe chargea feul, lui coûta plus d’un mois de voyage,
& plus de deux de fatigues & de dangers, pour attendre dans
une ifle déferte un moment où les nuées lui puffent per-
mettre d’obferver la hauteur du fommet d’une de ces mon-
tagnes : cette oblervation, en donnant la hauteur abfolue de
cette mafle de montagnes fur laquelle on avoit opéré, mit en
quelque forte {a dernière main à la mefure géodéfique.
DES SCIENCES. 165
+ Si cette mefure avoit exigé tant de précautions, on ima-
gine bien que celle de l'amplitude de l'arc du Ciel qui répon-
doit à cette partie mefurée, n'en exigeoit pas de moindres.
On fait que le moyen le plus für & le plus ufité pour
déterminer à quel arc du Ciel répond un efpace mefüré fur
la terre dans la direétion du méridien, eft d’obferver a
diftance de la même étoile au zénith de chacune des extré-
mités de cet efpace ; la différence ou la fomme de ces deux
diftances eft exactement Farc du méridien, qui répond à l'e£
pace mefuré: on doit choifir pour cette recherche une étoile
proche de ces zéniths, tant pour éviter l'irrégularité des
réfraétions, que pour pouvoir procurer à l'inftrument l'avan-
tage dont nous allons parler.
Puifque l'étoile doit être voifine du zénith, il eft inutile
que l'inftrument ait un grand arc; par-là il devient moins
embarraffant, & on peut augmenter fon rayon fans craindre
de le rendre plus difficile à tranfporter. Une feule règle de
fer foûtenue d'une règle de champ à laquelle on attache
folidement la lunette, eft fufhfante pour former le corps
de l'inftrument, & porter le centre avec le petit limbe dont
on a befoin, & qui ne doit contenir que quelques degrés,
avec les points de dix en dix minutes; un micromètre adapté
à fa lunette, donne les autres divifions. M. Bouguer même
trouve que la divifion en decrés n’eft nullement néceflire,
deux points marqués fur l'arc à égale diftance de celui qui
eft indiqué par le rayon parallèle à la lunette, fuffront fi
on a l'attention de les placer de manière que leur diftance
à ce dernier point foit une partie aliquote du rayon.
H eft abfolument néceffaire que la lunette foit exactement
parallèle au plan de l'inftrument; fans cela, l'obfervation de-
viendra toûjours défectueufe, puifqu'il fera impofible de
remplir les trois conditions néceflaires pour la rendre bonne,
favoir, que l’inftrument {oit vertical, que fon plan foit dirigé
dans celui du méridien, & que l'aftre pale à la croifée des
filets à l'inflant précis de f4 médiation. La plufpart des Aftro-
-‘nomes s’étoient jufqu’ici contentés de cette dernière condition,
Xi
166 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoraLe
jointe à celle de tenir linftrument vertical ; mais M. Bou-
guer démontre que celle de tenir le plan du lecteur dans
celui du méridien, n'eft pas moins néceflane, & qu'en Ja
négliseant, on court rifque de tomber daus des erreurs
groffières.
La matière qui entre dans la conftruction de ces inftru-
mens, eft encore un objet important & qui mérite d'être
difcuté; on fait que les métaux font fufcepiibles de s’'alonger
par Paétion de la chaleur : fr: un inftrument étoit entièrement
compolé du même métal, cette augmentation ne pourroit
apporter aucune variation dans la mefure des angles, puilque
touies les parties s'étendant également, le rapport qui doit
être entrelles, fubfifteroit toujours le même; mais comme
ordinairement ils font compolés partie de fer & partie de
cuivre, & que ces deux métaux éprouvent des dilatations
différentes, il en doit néceffairement réfulter un changement
de figure, & une erreur réelle fur la melure des angles.
Le calcul même donnoit cette erreur afiez confidérable,
mais M. Bouguer ayant pris des angles le matin avec un
quart-de-cercle, Je laiffa expolé à l’ardeur du foleil, jufqu'à
ce qu'il füt devenu aflez chaud pour ne pouvoir plus être
touché impunément; en cet état, il reprit les mêmes angles,
& au lieu d'une erreur de 28 fecondes qui étoit indiquée
par le calcul, il n'en trouva qu'une de cinq fecondes fur
tout l'arc de 90 degrés; erreur qui, partagée fur et arc, n'en
laifle aucune fenfible à redouter pour les feéteurs qui n’ont
qu'un très-petit arc, & qu'on a foin de tenir toujours à
ombre. On pourroit foupçonner avec plus de raifon que
le tuyau de là lunette qui eft de cuivre, s'alongeant beaucoup
plus que le rayon, cauferoit à celui-ci quelque inflexion; mais
comme ces tuyaux font ordinairement de deux pièces qui
ne font qu'entier l'une dans l'autre fans ètre foudées, leur
extenfion eft abfolument libre & indifférente au rayonde
linftrument.
On doit donner au feéteur une lunette égale à fon rayon,
&. fi quelques Aftronomes ont cru y en devoir adapter une
DPENSMS Cr E N'C PE 167
plus courte, dans a perfuafion que la collimation feroit encore
portée à plus d'exactitude que la divifion n'en pourroit donner,
ils n'ont pas fait attention qu'on pouvoit, avec des loupes,
augmenter prefque à volonté l'exactitude de cette dernière
partie de l'opération; mais de plus ils ont négligé une autre
caufe d'erreur encore plus importante : le feul poids de 1a
Barre qui compole le feéteur, lui occafionne une flexion qui
ut être à la vérité négligée par rapport au rayon même;
mais fi la lunette eft plus courte que le rayon, elle ne de-
meure plus parallèle à ce rayon, elle fuit la tangente de la
courbure qu'a pris la barre, & produit par-là une erreur
tout autrement à craindre que la première.
Le parallélifme de l'axe de la lunette à celui du feteur,
neft pas une condition moins eflentielle à fa bonté; faute
de ce parallélifme, la lunette décrit dans le ciel un cone au
Tieu d'unplan, & il eft impofñfible de faire accorder le temps
de la médiation de l'aftre, avec la pofition du limbe dans
le plan du méridien : il faut de plus que lune des foies foit
parallèle, & l'autre perpendiculaire au plan de linftrument,
toutes conditions dont M. Bouguer avertit, & qu’il donne
le moyen d'obtenir, parce que fouvent céux qui conftruifent
les inftrumens n’y ont aucun égard, & que cependant elles
font abfolament néceflaires à la jufteffe de l'opération. Ces
foies dont nous venons dé parler, doivent être miles exac-
tement au foyer confmun de l'objeétif!& de l’oculaire; fans
cela elles ne concourroient pas avec l'image de l'objet qui
fe fait en cet endroit de la lunette, & qu'elles doivent me-
fürer, & il en réfulteroit que, fuivant la différente pofition
de l'œil de l'Obfervateur, il les verroit répondre à différens
points de l'objet : de-là naît, felon M° Bouguer, une des
plus dangereufes erreurs dont les obfervations aftronomiques
puiffent être fufceptibles. Lorfqu'on parle du foyer abfolu
dun verre, on fuppole, fuivant les loix de la Dioptrique,
que les rayons qui viennent de chaque point de l'objet fur
a furface de ce verre, foient parallèles entr'eux, ou, ce qui
revient au même, que la diflance de l'objet au verre foit
168 HisToire DE L'ACADÉMIE ROYALE
phyfiquemient infinie; fi elle étoit moindre, la peinture ne
fe feroit plus au même endroit, & le foyer feroit reculé:
or il n'arrive que trop fouvent qu’en ajuftant les foies au foyer
de la lunette, on prend des objets trop prochains, & que
par conféquent on les place dans un endroit différent de
celui où fe fera la peinture des objets céleftes, lorfqu'on y
dirigera la lunette. Il y a plus, le lieu de cette peinture eft
variable; lilluftre Newton a fait voir que chaque trait de
lumière eft un compofé de rayons de différeñtes couleurs,
& différemment réfrangibles : d’où il fuit qu'il fe forme au
foyer d'un verre, plufieurs images du même objet, placées
les unes derrière les autres, & comme enfilées par l'axe op-
tique de la lunette. À mefure qu'on, enfoncera l'oculaire ou
qu'on le retirera, fon foyer répondra à une de ces images
qui fera la feule qu'on verra diftinétement, & par conféquent
Je foyer de la même lunette fera différent pour ceux qui
auront la vüe longue & pour ceux qui auront à vüe courte;
& fi les foies paroiflent aux uns bien placées, elles ne le
paroïtront pas aux autres.
Le foyer des lunettes eft encore fufceptible d’une autre
efpèce de variation; l'atmofphère eft différemment colorée
la nuit & le jour: pendant la nuit, les rayons bleus dominent;
pendant la journée au contraire, ce font les rouges ou orangés:
d’où il fuit que l'image la plus vive qui conftitue le foyer
du verre, fera plus près pendant le jour, & plus loin pen-
dant la nuit; ce jeu peut, fuivant les obfervations de Mrs Bou-
guer & de la Condamine, aller dans de certaines circonftances
à plus d’un pouce dans une lunette de douze pieds ; elle fera
moindre dans une lunette plus courte, & cette variation doit
engager les Aftronomes à n'augmenter qu'avec une prudente
modération, le rayon des inftrumens, auquel, comme nous
l'avons dit, les lunettes doivent être égales pour ne pas rifquer
de perdre du côté de la collimation, plus qu'ils n’auroient
pü gagner de celui de Ja divifion.
Ce feroit certainement avoir rendu un grand fervice aux
Afltronomes, que de leur avoir indiqué tant de fources d'erreur
dans
F'æ ET
0e DES SctrEeNcEs 169
dans un point important où on ne sétoit pas encore avilé
d'en foupçonner. Mais M. Bouguer rend encore un fervice
bien plus effentiel à l Aftronomie, en enfeignant les moyens
d'éviter ou du moins de diminuer ces erreurs autant qu'il
eft poffhble; le premier de ces moyens eft de placer toûjours
Yaftre qu'on obferve, le plus près qu'il eft poffible du centre
de la lunette, afin que le rayon par lequel il eft vü, foit
moins oblique; le fecond, que M. Bouguer ne propofe que
comme une vüe dont on pourroit profiter, feroit de fe fervir
d'objectifs colorés; par ce moyen, il ne fe formeroit plus de
ce chef qu'une feule image, & on anéantiroit toutes les va-
riations qui viennent de leur multiplicité; enfin le troifième
eft de diminuer beaucoup l'ouverture de Fobje“if; on dimi-
nuera par-là l'efpèce de parallaxe ou de jeu que la diftance
des fils à l’image pourroit produire, & on prendra, aufft
exactement qu'on le pourra, le milieu du petit balancement
de l'aftre au deflus & au deflous du fil, pourvû cependant
que l'objedif ait été bien centré, c'eft-à-dire, que le point
de fa plus grande épaifleur concoure avec l'axe du tuyau;
fans quoi le mouvement réel de l'image ne fe feroit plus
fur le rayon qui paffe par le miliea, & feftimation qu'on
feroit du milieu de fa courfe ne pourroit qu'induire en
erreur : heureufement on a des méthodes pour saffurer fr
l'objectif eft centré, & M. Bouguer même en propofe une
nouvelle.
Quelques Obfervateurs fe fervoient, pour éviter ce mou-
vement des fils fur l'objet, d'une plaque percée d'un très-
petit trou qu'ils interpoloient entre l'œil & oculaire, &
qu'ils aflujétifloient folidement au tuyau; & il eft vrai qu'en
fuppofant que fe mal vint uniquement d'avoir mal placé les
foies, & que leur éloignement du foyer pût être regardé comme
conftant, ce moyen rendroit aufli l'erreur conftante: mais
comme nous avons vû, le mal vient prefque toûüjours de
la variation que fouffre la pofition du foyer, & dans ce cas,
Îe petit diaphragme propolé ne feroit que diflimuler le mal,
Hif. 1749. .Y
170 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
& empécheroit d'y remédier par l'eftime du mouvement de
l'objet fur le ul, que la péuteñe de l'ouverture ne permettroit
pas d’oblerver.
Nous ne dirons prefque rien ici de la graduation de l'inf-
trument; nous en avons donné le principe d'avance, en difant
que M. Bouguer fe contentoit de marquer fur le limbe,
des points dont la diftance füt une partie aliquote, non de
la circonférence du cercle, mais du rayon; un calcul facile
donne la valeur de cette diftance en degrés, & le micromètre
celle des portions intermédiaires; cette opération eft fi fimple,
que l'opérateur peut l faire à fon gré fur le champ & fans
aucun embarras : avantage que n’a pas la divifion en degrés,
qui eft par elle-même très-dificile, & qui demande une
main très-exercée, fur-tout quand on n'a pas un arc dont Ie
rayon donne immédiatement la corde,
Un inftrument dans lequel on n'a pas rempli toutes es
conditions dont nous venons de parler, eft fouvent impof-
fible à placer dans le plan du méridien, puifque fi l'axe op-
tique de la lunette n'eft pas parallèle au plan de l'inftrument,
ils ne pourront être à la fois tous deux dans celui de ce
cercle; mais les ayant toutes fcrupuleufement obfervées, l'o-
pération devint extrèmement fimple. M. Bouguer saflura
d'une ligne méridienne marquée par un cheveu qui étoit
tendu fur deux crampons attachés aux murs oppolés de fon
obfervatoire; alors il n'étoit plus queftion que de faire con-
courir le limbe de l'inftrument avec ce fil, ou du moins
de le lui rendre parallèle; ce qui fe pouvoit toüjours exécuter
avec la plus grande précifion, & il l'arrétoit en cette fitua-
tion, au moyen d'une règle & de quelques vis qui tenoient
à une efpèce de banc fermement fixé au deffous, à cette in-
tention ; alors la lunette fe trouvoit dirigée d'elle-même dans
le méridien, & on étoit für que l'étoile paloit par le fil qui
repréfentoit ce cercle, à l'inftant de fa médiation; ce qu'on
m'auroit pû obtenir fans toutes ces attentions, M. Bouguer
fais même voir que, faute de les avoir, on court rifque de
D'ES SciEenNceEs. 17T
# trompér énormément; ce qui fans doute n’eft jufqu'ici que
trop fouvent arrivé.
Toutes ces précautions n'avoient été prifes que pour aflurer
de la manière la moins équivoque, la précifion des oblerva-
tichs aftronomiques qu'on alloit faire; ces obfervations étoient
en général de deux efpèces, les unes relatives à la melure
de la Terre, qui étoit le principal objet de la miffion des
(Académiciens, & les autres à l'éclairciffement de plufieurs
queltions aflronomiques importantes, & ‘en particulier de
Tobliquité de l'Ecliptique.
On ne pouvoit certainement choifir de circonftance plus .
favorable pour cette dernière détermination que le féjour des
Académiciens dans un lieu où le Soleil ne s'éloignoit pref-
que du zénith que de ce dont il s'éloigne de l'Equateur; cette
élévation ne laïfloit à craindre aucune de ces irrégularités que
R parallaxe & la réfraction peuvent introduire dans nos
obfervations, aufli M's Bouguer & de là Condamine ne né:
gligèrent-ils rien pour s'aflurer d'un élément auffi important.
- Tous les Aftronomes favent qu'on obtient 11 hauteur folfti-
ciale du Soleil non feulement en obfervant la hauteur méri-
dienne du Soleil le jour du folftice, mais encore par l'obfer-
vation de cette hauteur, faite peu de jours devant ou après
Je folftice, en ajoûtant ou fouftrayant une petite quantité qui
ft au temps dont l’obfervation précède ou fuit le folftice,
comme les abfciffes d’une parabole font à fes ordonnées. C’eft
en employant cinq obfervations de cette efpèce de Ia diftance
du Soleil au zénith, faites aux environs du folftice auftral en.
1736, & cinq autres pareilles, faites avec le même foin
au folftice boréal en 1737, & après les avoir dépouillées des
erreurs de linftrument, de la parallaxe & de la réfraction,
que M'° Bouguer & de Ja Condamine établiffent Farc du.
. méridien compris entre les deux tropiques, de 464 56’ 56",
& par conféquent Fobliquité de l'Ecliptique, de 23428’ 28",
en 1737. |
» Une des premières difhcultés qu'éprouvèrent nos Obfer:
Y'
172 HisTOiRE DE L'ACADÉMIE RoyaALe
vateurs dans la détermination de l'amplitude de leur are, fut
une variation fenfible, & fouvent prefque fubite, qu'on obfer-
voit dans la pofition des étoiles, même les plus proches du
zénith; on voyoit effectivement les étoiles auxquelles étoient
pointées des lunettes fixement attachées à une muraille, pafler
tantôt au deflus & tantôt au deffous du fil: M. Bouguer ne
fut pas long-temps à trouver fa caufe de ce fingulier effet;
les murailles ne font bâties à Quito que de grofies briques
cuites ou pluftôt féchées au Soleil, qui ne peuvent manquer
d'attirer puiffamment l'humidité, & de varier par conféquent
de figure & de pofition ; c'étoit cette variation qu'on tranf-
portoit dans le ciel, & qu'on attribuoit aux étoiles auxquelles
les lunettes étoient pointées, & il falloit abfolument en con-
noître la caufe pour voir qu'on n'avoit rien à en appré-
hender pour les obfervations faites avec le fecteur.
Les pluies qui durèrent pendant un an , prefque fans aucune
interruption , & quelques changemens qu'il fallut abfolument
faire à l'inftrument, retinrent auffi M. Bouguer près d’un an ; &
les fréquens tremblemens de terre l'obligèrent à ufer d’une pré-
caution fingulière, qui fut de retourner toüjours l'inftrument
deux fois dans chaque opération , pour s’aflurer s’il donnoit 1a
feconde fois la même quantité que la première.
Avec toutes ces précautions, & un grand nombre d’autres
que nous fommes obligés de fupprimer, M. de la Condamine
obtint pendant les mois de Novembre & Décembre 1742 ,
& Janvier 1743 ,un grand nombre de diftances de l'étoile «
d'Orion au zénith, qui, corrigées comme elles le devoient être,
donnent la vraie diftance entre cette étoile & le zénith de
Mama Tarqui, terme auftral de l'arc mefuré, de 14 41° cs
Pendant le même temps, M. Bouguer obfervoit à Corchef-
qui, terme feptentrional de l'arc mefuré, la diftance de Ja même
étoile au zénith de ce lieu, & la trouva de 14 25° 46", mais
de l’autre fens, en forte que l'endroit où l'étoile auroit été ob-
fervée verticale, étoit placé entre les deux termes de Tarqui
& de Cotchefqui, & que l'un des deux obfervateurs la voyoit
A
n
D'ESASIC TE N Cas. 173
* &u fud, pendant que l'autre l'obfervoit au nord. La fomme
de ces deux diftances eft 34 7° 1”, valeur en degré de l'arc
meluré géométriquement , & trouvé au niveau de Carabou-
zou, la plus baffle des flations, de 176940 toiles; d'où
il fuit que le degré du méridien près de l'Equateur feroit
de 56767 toiles : mais comme Carabourou , quoique la plus
bafle des flations, eft encore élevé de 1 22 6 toiles au deffüs
du niveau de la mer, il faut, pour réduire le degré à Ja va-
leur qu'il auroit à cette dernière hauteur, le diminuer de
2 1 toiles deux cinquièmes, ce qui le fait de 56746. Enfin
il faut y ajoûter 6 à 7 toifes pour compenfer le petit alon-
“gement que l'étalon de la toile a dû fouffrir par la chaleur
du climat ; & toutes ces’ compenfations faites, on trouve
Ja grandeur abfolue du degré du méridien voifin de l'Equa-
teur, de 56753 toifes, & par conféquent le rayon de la
curvité du méridien dans cet endroit, de 3251707 toiles,
ou de près de 1478 lieues communes de France, de 2200
toifes chacune.
En faifant ufage de cette. mefure du degré du méridien près
de l'Equateur, & de celles qui ont été faites en France &
fous le Cercle polaire, on a des donnces qui peuvent fuffre
pour déterminer la véritable figure de la Terre; c’eft à quoi eft
employce la fixième Seétion de l'Ouvrage de M. Bouguer.
Nous allons tâcher de donner une lécère idée de fa méthode,
La Terre n'ayant pas une figure fphérique, il eft clair que
toutes les directions de la pefanteur, qui doivent être perpen-
… diculaires à la furface, ne tendront pas vers le centre, mais
qu'elles feront au contraire tangentes aux différens points d’une
courbe qu'on peut fuppofer décrite au milieu du globe. M. Bou-
guer nomme cette courbe, /4 gravicentrique, & il eft évident
que cette courbe étant une fois déterminée, donnera néceflai-
rement la courbure extérieure du méridien. M. Bouguer l'exa-
mine dans plufieurs hypothèles, en fuppofant que les degrés
du méridien vont en croiflant, fuivant la proportion d'une
puiflance des degrés de latitude, comme des carrés, cubes, &c..
Y ii
° Vy. Hifl
4744 P. 45
174 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
de ces mêmes finus. Il eft clair que de toutes ces hypothèfes
poflibles il n’y en a qu'une qui foit la vraie, & que le moyen
de la reconnoître, eft d'examiner fi en partant du degré voifm
de l'Equateur elle donne les degrés de latitude égaux à ceux
qui ont été melurés en France & en Lapponie. Ce qu'il y eut
de fingulier, c'eft que cette efpèce de théorie fit foupçonner
à M. Bouguer l'erreur qui s'étoit gliflée dans la bafe de M
Vabbé Picard, & dont nous avons parlé en 1744*,. Enfin
toutes corrections faites pour cette erreur, il trouva qu'en fup-
pofant que les degrés du méridien euflent un accroiflement
proportionnel aux quatrièmes puiffances des finus des latitudes,
on repréfentoit toutes les obférvations avec la plus fcrupuleufe
exactitude ; que le rapport entre l'axe de la Terre & le dia-
mètre de l’Equateur étoit exprimé par 178 & 179, & que.
par conféquent la Terre étoit plus élevée à l'Equateur qu'aux
poles, de 1 83 24 toiles, ou d’un peu plus de huit lieues.
Puifque la Terre n’eft plus une fphère, tous fes grands cer:
cles ne feront plus égaux entreux. M. Bouguer donne lé
moyen de déterminer la valeur de leurs degrés, il la donne
même toute calculée avec celle des degrés du méridien pour
le grand cercle qui lui eft perpendiculaire, & il donne dans
la même table la mefure des degrés de chaque parallèle.
Aucun des cercles qu'on fuppofe décrits fur la Terre, ne
confervant la proportion que lui donnoit l'hypothè{e de la Terre
fphérique, les lignes obliques que décrivent les vaifleaux, &
w’on nomme Loxodromies , auront aufii des parties, de valeur
différentes de celles qu’on leur avoit attribuées dans la première
fuppofñition. M. Bouguer donne dans deux différentes tables
les corrections qu'il faut faire aux tables qui expriment les
valeurs des différentes parties de ces lignes. En prenant fur
lui tout le géométrique de cette théorie, il remet la pratique
dans un état aufli fimple qu'elle étoit avant qu'on fût que la
Terre n'étoit pas une fphère. Ceux qui le voudront , pour-
ront profiter de fon travail prefque fans sen apercevoir.
On imaginera aifément que les Académiciens voyageurs
k ME MAS .C LE N.C-.E6S 175
ae négligèrent pas d'obferver les différentes longueurs du pen-
dule dans les différens endroits & aux diverfes hauteurs où
äls {e trouvèrent ; nous fupprimons le détail de leurs opéra-
tions , dont le public a déjà été informé* , nous dirons feu-
Jement qu'il paroït en général que la plus grande force cen-
arifuge, caufée par l'élévation de la Terre fous l'Equateur, ne
-paroït pas fufhfante pour repréfenter les raccourcitiemens
-obfervés du pendule à des hauteurs très-difiérentes, même
dépouillées de toutes les altérations phyfiques qu'il peut rece-
woir. M. Bouguer croit en pouvoir trouver Ja caule dans l'é-
tendue immenfe des montagnes de la Cordelière, qui peuvent
fournir plus par leur attraction à la pelanteur du pendule, qu'il
ne perd par fon élévation.
Cette idée conduiroit afez naturellement à penfer que des
mafles fi énormes pourroient auffi caufer quelque dévia-
tion latérale à un fil à plomb qui feroit dans leur voif-
nage : M. Bouguer s'aflocia M. de da Condamine dans cette
recherche; ils firent des obfervations de lavhauteur d’une
étoile au nord & au fud de la même montagne; il eft cer-
tain que fi la montagne avoit exercé une attraction fenfible
fur le plomb du quart-de-cercle, les hauteurs obfervées au fud
de la montagne auroient été altérées en plus, & celles qui
auroient été obfervées au nord, altérées en moins, & qu'on
auroit eu par conféquent le double de la variation; il eft vrai
que le fuccès de l'opération ne répondit pas à leur attente,
au lieu d'une minute que le calcul qu'on avoit fait des di-
menfions de la montagne, avoit donné, il ne fe trouva que:
7 fecondes. II ne faut cependant pas fe preffer de rien con-
clurre de cette obfervation contre la réalité de l'attraction ;
la plufpart des montagnes du Pérou ont été ou font encore
volcans, & celle de Chimboraço en particulier lavoit été
autrefois : il fe peut donc très-bien faire que cette mon-
tagne oit prefque entièrement creufe en dedans, & que cette
circonftance que M's Bouguer & de la Condamine n'ont
apprife que depuis leur obfervation , ait fait abfolument
* Voyez Mém.
1735 PS 29
176 Histoire DE L'ACADÉMIE RorALE
difparoître toute la déviation que la montagne pouvoit caufer
au plomb de l'inftrument.
Telle eft en général lid'e très-abrégée de l'ouvrage de
M. Bouguer; nous avons été forcés de fupprimer une infinité
de recherches phyfiques & géométriques extrêmement cu-
rieufes par elles-mêmes, particuliérement fur la pelanieur &
la force centrifuge, mais qui n’étoient nullement fufceptibles
d’étre abrégées, & auxquelles nous ne pouvons qu'exhorter
le leéteur à recourir: le calcul géométrique bien ménagé,
eft peut-être le point de vüe le plus raccourci, “fous lequel
il foit donné aux hommes de préfenter leurs idées,
MECHANIQUE.
be.
prés e CET
MECH NIQUE.
SUR UN NOUVEAU PRINCIPE GENERAL
DE MECHANIQUE.
: Méchanique eft en général compolée de deux parties;
celle qui confidère les cor ps dans l'état d'équilibre, &
les forces néceñaires pour les y maintenir, fe nomme Satique ;
celle au contraire qui confidère un affemblage de corps agif
fans les uns fur les autres, de manière que le tout foit en
mouvement, fe nomme Dynamique,
La Statique a été la feule que les Anciens aient cultivée
avec quelques fuccès, comme en eflet elle eft la feule fur
laquelle l'ancienne Géométrie puifle avoir quelque prife, au
lieu que la Dynamique ne peut aller Join fans l'ufage de
l'analyfe moderne, qui feule peut confidérer les corps aéluel-
lement en mouvement , &: réfoudre facilement tous les pro-
blèmes qui y font relatifs, fur-tout fi on emploie certains
théorèmes g néraux, comme la confervation des forces vives;
Ja permanence de vitefle & de direction du centie de Eaux
commun, &c.
Voici un nouveau principe général que propofe M. le Mar-
uis de Courtivron , il eft fingulier en ce qu'il appartient
également à fa Statique & à la Dynamique, & qu'il indique;
entre les queftions qui appartiennent à ces deux Sciences, un
rapport duquel on n'avoit pas encore aperçu l'exiftence.
Ce principe général eft que de toutes les fituations que
prend fucceflivement un fyftème de corps animés par des
forces quelconques, & liés les uns aux autres par des fils,
des leviers, ou tel autre moyen qu'on voudra fuppoler, celle
où le fyflème a la plus grande fomme de produits des mafies
par le carré des viteffes, c'eft-ä-die; la plus grande force
Hifl. 1749. HZ
178 HiSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
vive, eft la même où il le faudroit placer en premier lieu
pour qu'il reflàt en équilibre,
Rien n'eft plus facile que de démontrer ce principe, fi
on admet la théorie des forces vives; en effet, toute quan-
tité variable qui croît par degrés infiniment petits, devient
la plus grande qu'il eft poffible dans le même moment où
elle cefle d'augmemter : or le fyflème de cotps reçoit l’accroif:
fement de fa force par les réfultats des preffions agiffantes qui
Faccélèrent continueliement; if aura donc atteint fon maximum
de force lorfque la fomme des preffions fera nulle, c'eft-à-dire,
lorfqu'elles fe feront équilibre les unes aux autres.
Ce raifonnement eft extrèmement fimple, mais il n'eft
concluant que pour ceux qui admettent le principe des forces
vives, & ce principe eft, comme on fait, contefté par plu:
fieurs habiles Mathématiciens.
Pour ne pas faire dépendre la vérité de fon principe, de
celle de la théorie des forces vives, M. de Courtivron le
démontre rigoureufement en plufieurs cas qu'il examine, &
cela d'une façon tout-à-fait étrangère à la queftion des forces
vives.
H réfulte de fes démonflrations, que de quelque manière
qu'on fuppole des corps attachés enfemble, foit par des fils, foit
par des baguettes , l'action totale de tout le fyflème de corps
{era toûjours la plus grande, ou, ce qui revient au même,
que les poulies ou les points d'appui éprouveront toüjours le
plus grand eflort lorfque la fituation des corps fera telle qu'ils
{e feront mutuellement équilibre, & que pour lors la fomme
du produit des maffes par les vitefles fera la plus grande.
Ce principe fait voir, comme nous f'avons déjà dit, une
relation immédiate entre l'équilibre & le mouvement, à
laquelle perfonne n’avoit encore fait attention; mais de plus,
il fera d'une commodité infinie pour la folution d’un très-
grand nombre de problèmes : les méthodes ordinaires ne don-
nent fouvent le point de l'équilibre qu'avec quelque circuit,
& le nouveau principe l'indique avec facilité. Quelquelois le
calcul néceffaire pour déterminer la vitelle d’un fyftème de
| DSC T Et N° CEE 179
corps eft affez compliqué, alors il fera toû'ours aifé de véri-
fier Fexprelion de ceite vitefle, en examinant fr le cas où
elle { trouve la plus grande, eft auffi celui de l'équilibre:
enfin, on fait que sil eft quelquefois plus facile de trouver
la viteffe que le point de l'équilibre, dans d'autres occafions
Féquilibre fe trouve plus facilement que la viteffe. Le principe
de M. de Courtivron donne le moyen de faire toûjours fervir
celle de ces quantités qu'on aura trouvée, de preuve à fa corref-
pondante, & par-là diminue prefque de moitié les difficultés
qui peuvent fe rencontre: dans la folution de ces problèmes:
Ja connoïflance des principes généraux dans les Sciences, y
introduit prefque infailliblement la clarté & la facilité.
PERS DE
PRINCIPE DE LA MOINDRE ACTION.
: + rl NE n'ignore aujourd'hui que plufieurs Philofo-
phes ont tenté d'expliquer les phénomènes de la Nature
par le moyen des caufes finales; on tâche de tirer de quel-
ques faits connus, la loi générale que l'Auteur de la Nature
femble s'être prelcrite dans l'exécution de fes ouvrages, &
cette loï une fois établie, fert enfuite d'un principe fécond
duquel on déduit l'explication des autres faits que l'on obfèrve,
Dans cette méthode, on fubftitue aux principes méchaniques
des principes d’un ordre différent; mais l'enchaïînement refte
le même, & les explications dépendent toüjours de l'exacte
vérité du principe: il eft vrai, & c'en eft le principal avan-
tage, que comme les vérités métaphyfiques fe déduifent na:
turellement & facilement les unes des autres, rien n’eft plus
clair & plus précis que cette façon d'expliquer; elle à d'ail:
leurs un autre avantage, elle donne prefque dans tous les cas,
prife au calcul, ce que ne font pas toûjours les explications
phyfiques : il n’eft donc pas étonnant que les plus grands
Mäthématiciens aient effayé de s'en fervir, & de découvrir
ces principes fi féconds & fr lumineux.
Zi
V. les M.
P- $31-
* Vo. Hif.
1744 P-53:
180 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoYALE
Nous avons rendu compte en 1744*, d'une Difertation
de M. de Maupertuis dans laquelle il en établifloit un. de
cette efpèce, & de l'application qu'il en avoit faite aux phé-
nomènes de la réfraction de la lumière. Ce même principe
connu dans le monde mathématicien fous le nom de Principe
de la, moindre adtion, eft aujourd'hui attaqué par M. le Che-
valier d'Arcy: felon M. de Maupertuis, lorfqu'il arrive quel-
que changement dans la Nature, la quantité d'action néceflaire
pour opéier ce changement, doit toùjours être la plus peiite
qu'il eft poffible, & cette action eft le produit de la maffe
des corps par leur vitefle & par l'efpace qu'ils parcourent.
M. d'Arcy prétend au contraire premièrement, que l’ation
des corps n'eft point proportionnelle à la mafle multipliée par
la vitele & par l'efpace parcouru , & la preuve qu'il en
apporte eft qu’en partant de ce principe, dans une fuppofition
qu'il fait, on arrive à une conclufion abfolument contraire
à ce que donnent les loix du mouvement, dont perfonne ne
révoque la certitude en doute.
Secondement, en admettant même la définition que donne
M. de Maupertuis de l'action des corps, M. d'Arcy trouve
que la quantité de cette action que la Nature emploie à chaque
changement, n’eft point un minimum ; & que fi dans quelques
cas elle eft dans cette condition, le principe de la moindre
action ne peut fervir à en donner fa preuve, ni être démontré
lui-même qu'autant qu'on en fuppofera d'autres qui non feu-
lement en font indépendans, mais qui feuls fufiroient pour
la démonftration, fans avoir aucun befoin de ce dernier, d'où
il fuit qu'il n'eft ni général ni aufir utile qu'il le paroît au.
premier coup d'œil.
La loi du repos ou de l'équilibre que M. de Maupertuis.
tire du principe de la moindre ation, n'a pas paru à M.
d'Arcy plus folidement établie, à moins qu'on n'introduife
dans le problème une fuppofition ablolument étrangère &
tout-à-fait gratuite.
En général, il lui paroït que quelles que fuffent les loix
de la Nature, on pourroit trouver une fonction des mafles
DES SCIENCES. 181
& des vitefles qui, étant fuppolte un minimum, les repréfen-
teroit; mais cetie propriété ne fuffiroit pas pour donner le
nom d'atfion à cette fonétion, ni pour élever au rang de
principe métaphyfique ce qui ne feroit en ce cas qu'une
pure hypothèfe de calcul.
Au principe de la moindre aétion que M. d'Arcy rejette
pour les raifons que nous venons de rapporter, il en fuLftitue
un autre qu'il croit à l'abri de toute objection.
Il nomme adion d'un corps autour d'un point, la mafle
multiplie par la vitefle & par la perpendiculaire tirée de ce
point fur la direétion des corps; d'où il fuit que fi deux
corps en mouvement agjiflent. fur un troifième en repos, dans
des fens différens, le mouvement produit dans ce troifième
corps fera toûjours égal à celui qui feroit produit par l'ac-
tion de lun des deux premiers, moins l'action de autre,
Cela fuppoé, le principe de M. d'Arcy eft que route l'attion
(exiflante dans la Nature dans un inflant quekonque) autour
d'un point donné, étant produite dans un Jeul corps donné, la
quantité d'aétion de ce corps fera toijours la même autour de
ce point.
Nous ne rapportons point ici la démonftration de ce prin-
cipe que M. d'Arcy 4 donnée en 1747*; nous dirons feu-
lement qu’on en tire avec la plus grande fimplicité, le principe
de la confervation des forces vives, le cas du repos, les centres
d'ofcillation ou de percuffion, la loi de la réfraction de la
lumière, & qu'on en peut faire encore un grand nombre
d'autres applications, dont quelques-unes l'ont déjà été dans le
Mémoire que nous venons de citer. Ces applications affurent
au nouveau principe la gloire de la fécondité, c'eft du temps
& de l'examen le plus rigoureux qu'il doit recevoir celle de
l'entière certitude & de la plus grande univerfilité.
N° renvoyons entièrement aux Mémoies,
La Defcription d'un nouveau Tour à tirer la foie:
par M. de Vaucanfon.
* Voy, Mem.
1747:P.344-
V. les M.
p: 142.
182 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
MACHINES ou INVENTIONS
APPROUVEES PAR L'ACADEMIE EN MDCCXLIX,
1 L.
bis E Pendule dans laquelle M. Rivaz a fait plufieurs
changemens qu'il a cru pouvoir contribuer à fa régu-
larité de fon mouvement; cette pendule diflere des pendules
ordinaires par le poids de fa lentille, par la petitelle des arcs
que décrit le pendule dans fes vibrations, par li manière
dont il eft fufpendu, qui permet toüjours au pendule de
faire fes ofcillations dans un plan vertical, quoique l'horloge
forte de fon aplomb, & par un échappement nouveau qu'il
emploie dans quelques-unes. La grande pelanteur du pen-
dule & la petitefle des arcs qu'il décrit, donnent à M. Rivaz
le moyen de ne point augmenter la force motrice propor-
tionnellement à la groffeur de la lentille; il emploie une nou-
vellé manière de faire marquer le temps vrai, & enfin une
compolition de la verge du pendule, que les expériences ont
montré inaltérable à un devré de chaleur infiniment fupé-
rieur à tous ceux qu'on peut éprouver dans quelque climat
que ce foit : au moyen de tous ces changemens, M. Rivaz
peut aifément faire aller un an entier une pendule à reflort,
fans qu'on {oit obligé de la remonter; elle ira avec autant
de juftefle que fi elle n'alloit que le temps ordinaire. Quoique
plufieurs de ces moyens aient déjà été mis en pratique dans
différentes occafions, l Académie a cru que l'ufage & l'aflem-
blage qu'en faifoit M. Rivaz, étoient nouveaux, & méritoient
fon approbation.
LE
Une Pompe pour les incendies, préfentée par le fieur
Brunet, Fondeur à Rouen; cette pompe n'eft pas nouvelle
pour le fond, mais le fieur Brunet y a fait plufieurs chan-
gemens qui ont paru en rendre l'ufage plus commode &
9 A
plus utile: les foupapes peuvent sôter & fe remettre, parce
8
DES SCIENCES 183
que les pièces qui les portent fe démontent à vis, ce qui
donne une plus grande facilité de les raccommoder quand
il eft nécefaire; les tuyaux ne font point unis par des cuirs,
mais par des genoux de cuivre qui leur laiflent la liberté de
tourner en tous fens, & en ce point. la pompe du fieur
Brunet eft femblable a celle du fieur Tilhaye, que l'Aca-
démie approuva en 1746 ; mais la manière dont le fieur
Brunet unit & contient les pièces qui forment ces genoux,
a paru plus füre & plus fimple. ,
TIL
Une Sphère mouvante de M. Paflement , dans laquelle
les révolutions des Planètes, fuivant l'hypothèfe de Copernic,
font afiez précifes pour ne pas s'écarter d'un degré en deux
ou trois mille ans : cette fphère tire fon mouvement d'une
pendule qui efl au deflous, qui eft à répétition & à fonnerie,
qui marque le temps vrai & le temps moyen, le quantième
du mois, celui de la Lune, fes phales, en un mot qui fait
tout ce que pourroit faire une bonne pendule qui n'auroit
point un fyftème de Planètes à faire mouvoir. Cet Ouvrage
a paru entrepris avec toute l'intelligence poffble, & exécuté
avec la dernière précifion.
I V.
On eft affez généralement inftruit que parmi les fourds
« muets de naiffance il y en a un grand nombre qui ont
l'organe de la parole très-bien conformé, & qui ne font
muets que par l'impofñbilité où le défaut de f'ouïe les met
d'avoir aucune idée des fons, & d’acquerir aucune des con-
noiflances qui doivent venir par leur moyen. M. Pereire
a fait voir à l'Académie deux jeunes fourds & muets de
naïffance qu'il a inftruits à concevoir ce qu'on veut leur faire
entendre, foit au moyen de l'écriture, foit par des fignes
dont il fe fert avec eux, & à y répondre de vive voix ou
par écrit; ils lifent & prononcent diflinétement toutes {ortes
d'expreffions françoiles, ifs donnent des réponfes très-fenfées
à toutes les queftions qu'on leur fait, ils exécutent prompte-
rent ce qu'on leur propofe de faire, ils donnent aux noms
184 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
le genre & le cas qui leur conviennent, conjuguent les verbes,
& font lufage propre dés pronoms & des adveïbes, des
prépolitions & des conjonétions ; ils favent les règles d'arith-
métique, & connoifient {ur la carte les quatre paities du
monde, les royaumes, les capitales, &c. enfin il paroït que
M. Pereire leur a donné, avec la parole, la faculté d'acquerir
les idées abfraites dont ils avoient été privés jufque-là.
Il fe fert, comme nous l'avons dit, pour leur communiquer
{es penlées, de l'écriture ou de fignes qu'il leur fait avec la
main, & defquels il a compofé un alphabet dont l’ufage eft
bien plus prompt que celui de l'écriture; il efpère même pou-
voir inftruire fes élèves à entendre, par le feul mouvement
des lèvres & du vilage, ce qu'on voudra leur dire, pourvü
cependant que ce foient des perfonnes qui aient avec eux une
habitude journalière : les autres feront toujours obligés de fe
{ervir de l'écriture ou des fignes dont nous avons parlé.
Quoique l’art dont nous.venons de parler ne foit pas abfo-
lument nouveau, & que M's Wallis, Amman, Emmanuel
Ramirès, Pierre de Caftro, le Père Vanins, de la Dorine
Chrétienne, & peut-être encore beaucoup d'autres, l’aient
pratiqué avec fuccès; comme cependant les progrès des élèves
de M. Paeire démontrent la bonté de la méthode dont il
fe fert, & dont il s’eft réfervé le fecret, Académie a cru
qu'on ne pouvoit trop l'encourager à cultiver un art qui peut
rende à la fociété un grand nombre de lujets qui lui feroient
demeurés inutiles fans ce fecours : c'eft en queïque forte les
tirer, par une héreufe métamorphole, de l'éat de fimples
animaux pour en faire des hommes.
E Parlement ayant fait l'honneur à l'Académie, par fon
anèt du 2 Juillet, de lui demander fon avis fur deux
Machines propolées par le fieur Amy, Avocat au Parlenient
de Provence, dettinées à l'élév ition & à la filtration des eaux,
la Compaynie a trouvé que quoique la première Machine
ui doit fervir à élever des eaux ne differe point, pour le
ss ? de celle du fieur Joly, de Dijon, imprimée dans le
Recueil
t
w
+
= A LI"
TU
DES Sciences :18$
Recueil des Machines approuvées par l Académie, tome Ir,
page 75, cependant M. Amy avoit contribué , par les chan-
gemens qu'il y, avoit faits, à la rendre d'un ufase meilleur
& plus commode. Qu'à l'égard de la feconde, deftinée à la
filtration de l'eau, les fontaines que M. Amy conftruit fur
ce principe, ont paru commodes, faciles à nettoyer & à tranf
porter, exemptes du verd de gris par la matière dont elles
ont confites, qui eft l'étain, le plomb ou la terre, &
qu'elles ne pouvoient être qu'utiles & avantageufes.
ut même année l'Académie fut confultée par M.
Coulon, Grand-maître des Eaux & Forêts de France,
au département de Metz & des frontières de Champagne, fur
une conteftation müe entre deux Arpenteurs au fujet de la
manière de mefurer les terreins dans fefquels il y a du haut
& du bas; un prétendoit qu'on ne devoit avoir aucun égard
à ces inégalités du terrein, & qu'il devoit être mefuré comme
s'il étoit parfaitement de niveau ; l'autre au contraire foûte-
noit qu'il falloit développer toutes les finuofités du terrein,
& que c'étoit au défaut de ce développement qu'on devoit
attribuer {a différence qui { trouvoit entre la mefure qu'il
avoit faite d'un très-grand terrein, & celle qui réfultoit des
opérations du premier.
L'Académie crut qu'avant tout il falloit examiner quelle
étoit la pente fa plus grande qu'on pât fuppofer à un terrein,
tant pour qu'il püt fe foûtenir lui-niême, que pour qu'il fût
pofhible d'y aller couper le bois & le débarder, &-voir dans
cette hypothèfe quelle feroit la différence qui réfulteroit de
Tune ou de l'autre manière de mefurer,
Une montagne qui a quatre pouces de pente par toile,
fait un chemin roide, mais que cependant les voitures char-
gées peuvent defcendre fans enrayer ; Île rapport de fa furface
à fa bafe eft celui de 2003 à 2000.
À fix pouces de pente par toife, la pente devient extré-
mement roide, & on ne peut abfolument la defcendre fans
Hif : 749" , Aa
"186 HiSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
enrayer ; néanmoins le rapport de la furface à la bafe m'eft
encore que celui de 301 à 300.
Enfin fi on fuppofe à la montagne une pente d'un pied
& demi par toife, elle fera impraticable aux voitures & aux
chevaux, les hommes même auront peine à y monter : un
pareil terrein ne pourroit produire de bon bois, & feroit
fujet à s'ébouler, à moins qu'il ne fût foûtenu par un grand
nombre de rochers; alors fa furface feroit à fa bafe comme
103 eft à 100.
Mais il faut bien prendre garde que pour qu’il fe trouve
une différence de —2— entre la fuperficie inclinée du terrein
& fa bafe horizontale, il faut que toute la forêt qu'il s'agit
de mefurer, ait l'énorme pente que nous venons de lui fup-
pofer, & ce cas n'eft peut-être jamais arrivé: il fe trouve
au contraire ordinairement une grande partie du terrem ou
abfolument plat, ou n'ayant qu'une médiocre pente, & tous
ces hafards compenfés autant qu'ils peuvent l'être, il réfulte
que la mefure horizontale d'un terrein, c'eft-à-dire, celle
dans laquelle on n’a eu aucun égard aux inégalités, ne peut
différer de celle qu'on en auroit faite par le développement,
que d'environ -=; erreur qui n'eft d'aucune conféquence,
puifque les arpentages qui ne different que de cette quantité
les uns des autres, font reconnus pour bons, & qu'il eft
prefque impoflible que les petites erreurs inévitables dans les
opérations partiales, n’en produifent une plus confidérable
qu'un centième fur le total.
Cela pofé, ne fe trouvant aucun rifque à employer une
méthode pluftôt que l'autre, l'Académie a cru devoir donner
la préférence à la méthode de mefurer horizontalement, d'au-
tant plus qu'elle eft la feule par laquelle on puifle rapporter
la figure d’un terrein fur un plan, & qu'on ne court aucun
rique de faire un tort fenfble aux particuliers, en mefurant
fuivant cette méthode. Plufieurs queftions qui ont été faites
à l'Académie fur cette matière, lui ont donné lieu de penfer
qu'il feroit peut-être important que le public füt inftruit de
ce qui en étoit, & l'ont déterminée à publier fon avis, avec
cet abrégé des motifs fur lefquels il eft fondé.
DES) SC 1 E N'C' ES 187
ANS le nombre des pièces préfentées cette année à
l’Académie par divers Savans, elle a jugé les fix füi-
vantes dignes d'avoir place dans le recueil de ces ouvrages
qu'elle fait imprimer.
Sur le Sel de fa chaux. Par M. Nadault, Avocat général
à la Chambre des Comptes de Bourgogne, & Correfpon-
dant de l'Académie.
Sur la hauteur du Pole de Berlin. Par M. Grifchow,
Secrétaire de l'Académie impériale de Péterfbourg, Corref-
pondant de l’Académie.
Sur les Ganglions. Par M. Tarin.
Sur les articulations des Os de Ia face. Par M. Bordeu,
Docteur en Médecine , Infpeéteur des eaux minérales du
Béan, Correfpondant de l Académie.
Sur une nouvelle Nébuleufe. Par M. le Gentil de la Ga-
laizière.
Sur une Quadrature par approximation. Par M. l'Abbé
Outhier, Chanoïne de l'Eglife de Bayeux, de l'Académie
de Berlin, Correfpondant de l'Académie.
fujet du Prix propofé pour cette année 1749, étoit
la meilleure manière de déterminer, lorfqu'on eff en mer,
Jes Courans, leur force à leur direétion. L'Académie a trouvé
que cette queftion avoit été à peine effleurée dans les recher-
ches qu'elle avoit reçues ; c'eft ce qui l'a déterminée à pro-
pofer une feconde fois le même fujet pour l'année 175 1.
Aa ij
138 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE
PL O.G'E
DENM:. NA M E Lo TE
EAN-JACQUES AMELOT, Seigneur de Chaillou;
Chiîtillon, & autres lieux, Miniftre, Secrétaire d'état,
& Commandeur des ordres du Roi, naquit à Paris le 30
Avril 1689, de Denys-Jean Amelot, Seigneur de Chà-
tillon, Confeiller au Parlement, & de dame Philberte de
Barillon fon époufe.
La maifon de laquelle fortoit M. Amelot, eft très-illuf-
trée ; elle compte plufieurs Ambafladeurs, des Confeillers
d'Etat, des Préfidens à mortier, des Archevèques, & la
branche de laquelle celui dont nous faifons l'éloge, tiroit fon
origine, peut en particulier fe parer des alliances qu'elle a
avec les maifons d'Etampes, de Béon, de Brüiart, de Sau-
lins, & du Deffand de la Lande,
On remarqua en lui, dès fon enfance, beaucoup de pé-
nétration & un amour fingulier pour le travail; il fit fes pre-
mières études comme ordinairement on ne les fait point,
c'eft-à-dire, par goût & avec plaïfir, en un mot, comme
fr, par un privilège extraordinaire, il lui eüt été accordé d’être
homme avant que d'avoir été enfant : il les pouffa même juf
qu'aux Mathématiques, chofe plus rare alors qu'aujourd'hui,
où, graces au goût de notre fiècle, les élémens de ces Sciences
font devenus une partie effentielle de la Philofophie, & même
de là belle éducation.
I entra à l'âge de vingt-trois ans dans la magiftrature,
& fut reçu Avocat général aux Requêtes de l'Hôtel; mais
bien-tôt après, M. Amelot, {on parent, nommé Ambaffa-
deur à Rome, fouhaita qu'il l'accompagnät, & au bout de’
quelque temps, le chargea de venir rendre compte au feu
Roi de l'état d'yne négociation délicate; comnuiflion qu'il
Li
DES SCIENCES. 189
m'auroit certainement ofé lui donner, s'il eût été moins für
de fa capacité & de fa difcrétion.
M. Amelot trouva en arrivant, le feu Roi malade de la
maladie dont il mourut, & ne püt par conféquent lui rendre
compte de fa commiflion; il y perdit certainement du côté
de l'honneur, mais aufli cette circonftance lui valut l’eftime
& l'amitié de M. de Torcy, auquel il fut obligé de s’adreffer.
Ce fage Miniftre n'eut pas beloin de toute {a pénétration
pour connoître tout le mérite du jeune homme, & f'atta-
chement qu’il prit dès-lors pour luï, a duré autant que fa vie.
M. Amelot, en prenant la charge d'Avocat général des
Requêtes de l'Hôtel, n'avoit pas prétendu s'y borner; au bout
de cinq années d'exercice, il pafla au Confeil en qualité de
Maitre des Requêtes, & fut bien-tôt après nommé à l'inten-
dance de la Rochelle.
I y demeura jufqu'en 1726, & le Roi ne l'en 6ta que
our le mettre fur un plus grand théâtre, en lui accordant
Yagrément d'une charge d’Intendant des Finances, & c'eft
le pofte qu'il a occupée plus long-temps.
L'ordre qui s'oblerve dans ladminiftration des Finances,
exige qu'un grand nombre de perfonnes y foient employées,
fans que la plüpart aient fouvent la moindre connoiffance
du rapport que leur fonétion doit avoir avec le fyflème gé-
néral; il eft cependant néceffaire que toutes ces pièces, tra-
vaillées, pour ainfi dire, féparément, puiffent fe rejoindre &
former un tout. I faut donc que ceux qui connoiflent le
plan & les vües du Prince & du Miniftre, travaillent con-
tinuellement à entretenir cette harmonie, & à donner, pour
ainfr dire, la vie & le mouvement à tout ce grand corps.
Us doivent non feulement prévenir les defordres que Figno-
rance pourroit caufer, mais être toûüjours en garde contre es
abus que les paflions introduifent parmi les hommes, fou-
Vent même fans qu'ils s’en aperçoivent; veiller à ce que des
fonds deftinés à des dépenfes néceflaires, ne foient point
détournés. à d’autres ufages ; favoir en même temps contenir
dans de juftes bornes l'avidité des exaéteurs, & obliger les
Aa ii}
190 HisToiRE DE L'ACADÉMIE Royare |
citoyens de s'acquitter de ce qu'ils doivent à l'Etat; oppofer
des raifons à l'intérêt, & s’en faire écouter; favoir quelque-
fois en fubffituer de plaufibles & d’apparentes à d’autres plus
réelles, mais qui découvriroiïent des vües dont on eff inftruit
& qu'il n’eft pas à propos de faire connoître; fervir en quelque
forte de tuteur & de père à des Communautés nombreules,
même à des villes entières; voir plus clair qu'elles-mêmes
dans leurs propres afaires; prévenir les effets de la mauvaife
adminiftration, ou y remédier; fixer avec juftice & fagefle
les dépenfes & les impofitions de plufieurs Provinces, &
avoir égard à une infinité de circonftances fouvent locales,
qui doivent les faire varier; être les organes du Prince & du
Miniftre à qui la fuprème adminiftration des Finances eff
confiée, aflifler enfin en qualité de Juge à ce refpectable
Tribunal, à la juftice & à la prudence duquel eft renvoyée
{a décifion des plus grandes affaires. ‘Telles & plus nombreufes
encore font les importantes & laborieufes fonétions d’un Inten-
dant des Finances, & nous ofons prendre le Public même à
témoin de la manière dont M. Amélot s’en eft acquitté.
Après plus de onze années de l'exercice de cette charge,
le Roi l'éleva enfin au plus grand honneur auquel il püt pré-
tendre; 1 fut nommé Miniftre & Secrétaire d'Etat, ceft-à-
dire, admis dans le petit nombre de Sujets choifis auxquels
Je Souverain confie en quelque forte la diftribution de fes
graces, & avec lefquels il daigne partager la glorieufe occu-
pation de rendre fes Peuples heureux.
Des fonctions auffi nobles & auflr utiles méritent bien
d'être accompagnées des plus grands honneurs & des plus
grandes récompen{es , auffi M. Amelot fut-il fucceflivement
nommé Confeiller d'Etat, Sur-intendant des Poftes, &
Prevôt-maître des cérémonies des Ordres du Roiï.
Au milieu de tant de dignités & d’occupations fr brillantes;
il conferva toûjours le goût des Sciences & des Lettres ; ik
étoit dès année 1727, de l'Académie françoife; il fouhaita
d'entrer parmi nous, & y obtint le 16 Décembre 1741 Ja
place d'Honoraire vacante par la mort de M. le Cardinal de
Polignac.
RAT lo SUASÉC.I.E NCUELS 191
- La confiance que le Roi avoit dans la probité & dans
la capacité de M. Amelot, l'avoient appelé au Miniftère;
des circonftances particulières parurent demander qu'il donnût
fa démiffion, ïül le fit & fe retira, mais avec tous les hon-
neurs & toutes les diftinétions qui peuvent accompagner un
Miniftre dans fa retraite, & rendre un témoignage authen-
tique de fa bonne adminiftration & de la fatisfaétion de fon
Maitre. ;
Les grandes places, les occupations & Îles honneurs qui
les accompagnent, font pour les hommes ordinaires un tor-
rent qui les entraine loin d'eux-mêmes; le Sage n'y voit que
des foins & des travaux dont le feul amour de l'ordre &
du bien public peut diminuer le poids à fes yeux ; auffi les
premiers, dépouillés de cette efpèce de tourbillon étranger
qui les environnoit, fe trouvent dans un vuide affreux, au
lieu que la retraite ne laïfle au dernier qu'un loifir utile, que
la Philofophie fait bien-tôt remplir par des occupations éga-
lement utiles & intéreflantes.
Telle fut la vie de M. Amelot rendu à lui-mé&me; les
Sciences, qu'il n'avoit ceflé de cultiver au milieu de fes plus
importantes affaires, devinrent, par un jufte retour, le charme
de fa vie privée; maître de fe livrer à fon goût, il recueil-
loit avec foin les obfervations qu'il jugeoit dignes de la curio-
fité de l’Académie : le volume qui va paroïtre * en contient
deux qu'il lui a communiquées; d'un autre côté, il cultivoit
les Belles-Lettres, & cela dans le fens le plus étendu; non
feulement il poffédoit parfaitement da langue latine, mais ïl
entendoit très-bien le grec, il avoit même une aflez grande
. connoiffance de hébreu. Toutes ces différentes études étoient
encore ennoblies chez lui par un motif-plus refpe‘table, if
les faifoit fervir À infpirer lemême goût à un fils, de l'édu-*
. cation duquel il faifoit fa principale occupation: ayant fi bien
. rempli le devoir d'un bon Citoyen, il n'avoit rien plus à
+ Cela étoit vrai le r2 Novembre | de 1745, qui contient, pages rG
1749, que cet Eloge fut prononcé, | & 28, deux Obfervations de M,
on étoit à la veille de publier le vol. | Amelot.
192 HisT: DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES.
cœur que de mettre un autre lui-même en état de rendre à
fa patrie de pareils fervices. |
Soit que les travaux forcés, inféparables des grandes affaires
dont avoit été chargé M. Amelot, euflent ufé fon tempé-
rament, foit qu'il fe füt livré avec trop peu de ménagement
aux études qui leur avoient fuccédé, il tomba peu à peu dans
un état de langueur dont il mourut le 7 Mai de cette année,
âgé de 60 ans.
I avoit été marié deux fois; la première en 1716, avec
Dame Anne- Pauline de Bombarde, dont il a eu Madame
1 Marquifed'Arménonville; & la feconde en 1726, avec
Dame Marie-Anne de Vougny, de laquelle ïl a laiflé Ma-
dame la Marquife de {a Force, un fils & une fille,
H étoit d'un caractère doux & modéré, d'une égalité
d'ame à toute épreuve, n'eftimant l'autorité que par le pou-
voir qu'elle lui donnoit d'obliger, & n'en laiflant jamais
échapper les moindres occafions, trop précieufes en effet
pour être manquées par quiconque fe pique d'être homme
& de favoir penfer.
Sa place d'Académicien honoraire a été remplie par M. le
Comte de Maillebois.
MEMOIRES
ES
{
. MEMOIR ES
- MATHEMATIQUE
F
-
à -
DE PHYSIQUE,
MERE SD EME URIE GISTRES
de l'Académie Royale des Sciences,
De l'Année M. DCCXLIX.
à
à
* | OBSERVATIONS DU THERMOMETRE,
Er à Faites pendant les grands froids de la Sibérie.
Par M. DELISLE.
ANT que l'on eût la connoiffance & l'ufage des 12 Nov.
> l'hermomètres, on ne pouvoit défigner les plus 1749:
grands froids & les extrêmes chaleurs qui ont mérité
d'être confervés à la poftérité, que par le fentiment général
Mém. 1749. À
2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
qu'ils produifoient fur les corps animés, & par leurs effets
fur les corps inanimés. .
C'eft de cette manière que les Hiftoriens n’ont parlé des
plus grands froids que lorfque les hommes & les animaux
en font morts, que les arbres & les plantes en ont été gelés,,
quand la terre a été plus qu'à l'ordinaire couverte de neige,
ue les rivières, & quelquefois les mers, ont été prifes, &cc.
Calvifius en rapporte plufieurs exemples, entrautres celui
de Fan 859 de J. C. dans lequel la mer Adriatique gela de:
telle forte que l'on pouvoit aller à pied de la terre ferme à
Venife; d’autres rapportent la même chofe cinq ans après,
& ajoûtent que lon y pouvoit pafler avec des chevaux &
des voitures chargées. Suivant Sydenham, la même chofe
arriva encore dans le grand hiver de 1709, la mer Adria-
tique ayant été gelée aux environs de Venile; mais il y eut
cet avantage particulier dans les oblervations de ce dernier
hiver, que l'on avoit des thermomètres par le moyen def-
uels nous fommes en état de comparer le froid rigoureux
w'il fit alors dans toute l'Europe, avec celui des autres hivers
qui ont été obfervés depuis avec les mêmes thermomètres,
ou avec d’autres thermomètres comparables.
L'un des plus anciens thermomètres que l'on puifle com-
parer avec ceux dont on {e fert préfentement, eft celui que
M. de la Hire fit faire par le fieur Hubin il y a plus de
foixante-dix ans; il eft rempli d’efprit de vin coloré & fcellé
hermétiquement; la boule a environ 2 pouces de diamètre,
& le tuyau près de 4 pieds de loneue une ligne à peu
près de diamètre intérieur.
M. de la Hire n’a eu attention dans la conftruction de
ce thermomètre qu’à le rendre propre à marquer {enfiblement
tous les changemens qui pouvoient arriver dans la tempéra-
ture de l'air, depuis le plus grand froid que lon puifie éprou-
ver à Paris, jufqu’à la plus’ grande chaleur, en expofant même
ce thermomètre aux rayons du Soleil: mais quoique cette
conftruétion ne fufhife pas pour en faire des thermomètres
tels que l'on les demande à préfent, c'eft-à-dire, imitables
MR ISIC 1 E Nic EPS
fins communication, & marquant les mêmes degrés aux
mêmes températures de chaud & de froid ; cependant comme
cet inftrument s'eft confervé jufqu'ici, lon peut rapporter {es
degrés à ceux des nouveaux thermomiètres que l'on conftruit
à préfent: ce qui nous met en état non feulement de com-
parer les plus grands chauds & froids que nous éprouvons
tous les ans, avec ceux qui font arrivés depuis plus de foixante-
dix ans, mais auffi d’avoir quelques idées de la force de ces
froids & chauds par l'effet qu'ils font fur la liqueur dont cet
ancien thermomètre & les nouveaux font compofés.
Pour ne parler ici que des extrêmes froids de air naturel,
les plus grands que l’on ait 6bfervés jufqu’ici avec cet ancien
thermomètre de M. de la Hire, font ceux des années 1 6 95»
1709 & 1716. Ï ny a pas long-temps que l’on ne con-
noïfloit pas de plus grand froid que celui de 1709 à Paris;
car quoique celui de 1716 Fait un peu furpañfé, la durée
de celui de 1709 & fes fuites füneftes Font rendu le plus
remarquable : cependant comme l'on favoit que dans les pays
feptentrionaux le froid y eft ordinairement plus grand que
dans les méridionaux, lon crut avoir un des, plus grands
froids qui füt peut-être dans la Nature, en obfervant celui de
1709 dans FIflande. :
M. Fahrenheit, qui avoit déjà cherché à faire avant ce
temps-là des thermomètres d’efprit de vin & de mercure
qui puñlent fervir à marquer les plus grands froids poffibles,
avoit commencé la divifion des fiens, ou {e point de zéro,
bien au deflous de la première congélation de l'eau, favoir,
au point d’un froid artificiel formé par un mélange d’eau, de
glace pilée & de fel ammoniac, ou feulement de fel marin,
fans avoir fpécifié particulièrement la dofe de chacun de ces
ingrédiens. |
Le froid artificiel caufé par ce mélange , ne s’eft pas trouvé
f grand que le froid naturel de l'année. 1709 , oblervé en
Iflande, lequel à même été tant foit peu moindre qu'à Paris.
. Mais pour fixer davantage l'imagination fur la force dé
ces différens froids, & de ceux que j'ai à rapporter dans fa
AN A ij
2 Voy. Boerk.
Chym. Exp. HI,
Coroll. IV, page
S5, édit. Par.
b Voy. Mém.
Acad. 1740,
?. 548.
. MÉMOIRES DE L'ACADÉMrE ROYALE
fuite, il eft néceflaire de les exprimer par des nombres; ce
que lon peut faire fuivant les degrés des thermomètres de
M. Fahrenheit, ou de ceux de M. de Reaumur, ou enfux
des miens. J faut d'abord employer ceux de M. Fahrenheit,
qui commencent, comme Jai dit, à zéro, qui eft le froid
artificiel formé par le mélange rapporté ci- deflus; depuis
ce terme, les degrés de chaleur vont en augmentant juf-
qu'à celle de l'eau bouillante, qui répond à 212. Le point
de la première congélation répond à 32, c'eft fur cette divi-
fion commençante à zéro que le froid de 1709 en Iflande
a répondu à un degré au deflus de zéro?, & le plus grand
froid obfervé la même année*par M. Boerhaive dans le
Jardin botanique de Leyde, à $ degrés ; ou bien ff lon aime
mieux rapporter ces degrés de froids au thermomètre de
M. de Reaumur, fur lequel le froid de 1709 a répondu à
Paris à 1 $+ degrés b au deflous de la congélation, celui de
Leyde fera à 12, celui d'Iflande à 14, & enfin le froid arti-
ficiel de M. Fahrenheit à 142.
Voilà quels ont été les plus grands froids, tant naturel qu’ar-
tificiel dont on avoit connoïfiance alors, ou que l'on ait pà
déterminer exactement jufqu’à ce que la rigueur de l’hiver de
1729 fit faire à M. Fahrenheit de nouvelles tentatives pour
produire un froid artificiel plus grand que celui qu'il avoit
fait d'abord, & cela parce que l'expérience du froid artificiel
réuffit d'autant mieux, que le temps dans lequel on la fait
eft de lui-même plus froid.
M. Fahrenheit, pour produire le plus grand froid artifi-
ciel qui lui étoit poflible, prépara un thermomètre de mer-
cure capable de marquer un froid exceffif, comme, par
exemple, qui pût aller jufqu'à 76 degrés au deflous de zéro
de fa divifion, ou plus de 48 degrés de celle de M. de
Reaumur au deflous de la première congélation; mais cette
grande étendue lui fut inutile, n'ayant pü pouffer le froid
artificiel qu'à 40 degrés de fa divifion, ou le 3 2.° des ther-
momètres de M. de Reaumur : on fait de quelle façon M.
Fahrenheit a fait fon expérience du froid artificiel, M. Boer-
haave l'ayant décrite dans fa Chymie,
UE BIMSNC LE: NC EI 5
Comme l'efprit de nitre dont M. Fahrenheït vouloit {e-
fervir pour produire fon froïd artificiel devoit être lui-même
aflez froid, avant de l'employer il lenferma dans des tuyattx
de verre qu'il mit dans de la glace pilée, & qui donna à
cet efprit la température de la première congélation de l'eau ;
ayant enfuite mis de même fon thermomètre dans un vafe
rempli de glace pilée pour lui donner la même température,
il verfa promptement un des tuyaux d’efprit de nitre fur La
glace broyée où il avoit mis le thermomètre, dequel baïffa
aufli-tôt confidérablement, & la glace fe fondit en partie: il
vuida la liqueur fondue, & verfa dans le refte une feconde
dofe d'efprit de nitre, qui fit encore defcendre le thermo-
mètre plus bas, & fondit encore une partie du mélange;
ayant verfé ce qui étoit fondu, ïl jeta de nouveau dans le
refte une troifième dofe d’elprit de nitre, puis une quatrième,
qui firent le même effet que les deux premières, en faifant
toûjours. baifler le mercure du thermomètre de plus en plus,
jufqu’au point que j'ai dit ci-deflus.
M. Fahrenheit obferva qu'à ce dernier degré de froid Fefprit
de nitre s'étoit comme gelé lui-même, ayant formé für les
bords du vafe fur lequel il avoit jeté, des criftaux aigus
d'un demi-pouce de longueur, qu'il falloit en détacher &
fecouer pour les faire tomber fur la glace; mais qu'auffi-tôt
que cet elprit avoit touché la glace, il fe fondoit avec elle,
& le thermomètre defcendoit au degré que j'ai dit.
J'omets ici, pour n'être pas trop long, plufieurs circonf-
tances de l'expérience de M. Fahrenheït, & les diverfes ten-
tatives qu'il avoit faites précédemment, tant avec de l'efprit
de nitre que de l'efprit de fel marin & des cendres gravelées,
n'ayant cru devoir rapporter ici que celles par lefquelles it
avoit produit le plus grand froid qu'il lui a été poñlible.
M. Boerhaave, en rapportant ces expériences, ne peut
s'empécher de s'étonner d'un fi grand froid, que l'on n’au-
roit pü, dit-il, imaginer : fi dans le plus grand froid naturel,
ajoûte-t-il, qui fait defcendre le thermomètre de Fahrenheit
à zéro, les hommes, les animaux & les végétaux périffent,,
6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
quels effets prodigieux dans la Nature ne devroit-on pas
attendre fi fon y éprouvoit un froid naturel auffi fort que
celui que M. Fahrenheït a fait artificiellement! Mais nous
allons bien-tôt voir de combien les froids naturels que l'on
éprouve en Sibérie furpaffent ceux que M.'s Boerhaave &
Fahrenheït ont connus & éprouvés.
Comme c'eft principalement à moi que l'on eft redevable
de la mefure précife de ces grands froids, par le foin que
je me fuis donné de régler des thermomètres qui fuflent
propres à les mefurer, je me trouve obligé de rapporter ce
que j'ai fait fur cela.
H ya plus de vingt-cinq ans que j'avois fait faire à Paris
pour l'ufage de mes obfervations aftronomiques quatre grands
thermomètres d’efprit de vin, que j'avois mis à l'expérience
de l'eau bouillante, & enfuite aux caves de l'Obfervatoire.
Ayant marqué la hauteur de la liqueur , dans ces deux dif-
férentes températures , j'ai divifé cet intervalle en cent parties
égales, que j'ai commencé à compter depuis Ja hauteur de
l'eau bouillante ; lon peut voir dans les Mémoires de F'Aca-
démie de l’année 1724, (p. 31 8.) les oblervations que j'ai
faites avec ces thermomètres, fur les accroiffemens & dimi-
nutions du froid dans la grande éclipfe totale du Soleil du
22 Mai de la même année.
N'ayant pû tranfporter mes thermomètres en Ruflie ni en
conftruire d’autres fur les mêmes principes, faute de fouter-
rains aflez profonds, pour que la température s'y püt confer-
ver prefque la même pendant toute Fannée, & ayant outre
cela trouvé trop de difficulté à régler à l'eau bouillante des
thermomètres d’efprit de vin ; je me déterminai enfin l'an-
née 1732, à en conftruire de mercure, fur lefquels je com-
mençai ma divifion au terme de l'eau bouillante, comme
javois fait à Paris dans mes thermomètres d’efprit de vin.
Mais ne trouvant point de fecond terme auffi fixe, ni auffi
bien déterminé que ce premier, je compris aifément que je
pouvois m'en pafler & que je n’avois qu'à fuppofer que le
volume de mercure dilaté par Ja chaleur ‘de F'eau bouillante
2 fit its
« A
? DUEUSMIC DE IN! CES 7
fût divifé en dix mille ou cent mille parties, prendre ces
parties pour mes degrés, qui par conféquent auroient été
des degrés de la condenfation du mercure au deflous de
l'étendue qu'il a dans l'eau bouillante. Cela me parut fufi-
fant pour conftruire des thermomètres qui pouvoient mar-
uer exactement toutes fortes de températures de froid &
de chaud au deffous de la chaleur de l'eau bouillanie.
J'avois heureufement achevé plufieurs de ces thermomè-
tres à la fin de l'année 1732, lorfque j'eus occafion d'ob-
ferver à Péterfbourg un des plus grands froids qu'il y puiffe:
faire, il eft arrivé le 27 Janvier 1733, ( nouveau ftyle )
à fept heures du matin, lorfque mes thermomètres font
defcendus un peu plus bas qu'à 2000 degrés, dont il y en
avoit cent mille dans le volume du mercuré étendu par 1a
chaleur de l'eau bouillante; ou, ce qui revient au méme, le
mercure a été par ce grand froid condenfé d'un peu plus
de la cinquantième partie de fétendue qu'il a dans l'eau
bouillante. Mes thermomètres étoient expolés à fair libre:
en dehors d'une fenêtre qui avoit en face le nord-eft, le
vent étoit alors à left médiocrement fort, & 1a hauteur du
mercure dans le baromètre fimple expofé au même froid,
étoit de 28 pouces 8 + lignes du pied de France.
Cefroid qui eft peut-être le plus grand froid naturel
que l'on eût jufqu'alors marqué exactement, répond à 27
degrés au deflous de a congélation dans le thermomètre de
M. de Reaumur; d’où l'on voit de combien ce dernier
froid a dû être plus fenfble que celui de 1709 ;'qui, comme
j'ai rapporté ci-deflus, n'a répondu qu'à 1 $ + degrés : auffi
étoit-il impofhble de refter expolé à ce froid le vifage dé-
couvert pendant une demi-minute, la refpiration y auroit
pü manquer fr l'on y füt refté plus long-temps, ce n'étoit
qu'au travers des vitres de la fenêtre d'une chambre échauffée
que je pouvois regarder mes thermomètres ; perfonne ne
pouvoit impunément s’expoler à fortir des maifons, quelque
couvert qu'il fût de bonnes fourrures.
Pendant les quatorze années que je fuis encore refté en
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE.
Ruffie après ce grand froid, & dans lefquelles j'ai continué d'y
obferver affidument la température de l'air extérieur avec les
mêmes thermomètres, je n'ai obfervé que deux fois un
aufli grand froid, favoir les années 1740 & 1747; ce
qui n'avoit fait croire que c’étoit à peu près le plus grand
froid que lon püt éprouver à Péterfbourg : mais lon a
appris, par les nouvelles publiques, qu'il a été fur la fin de
J'année dernière, & au commencement de la préfente trois
jours durant confidérablement plus grand ; mes petits ther-
momètres étant defcendus jufqu'à 206 de mes degrés, ce
qui répond à 30 de ceux de M. de Reaumur.
Pour rendre plus facile la comparaifon des froids dont je
viens de parler, avec ceux qu'il me refte à décrire, je les
ai exprimés dans fa table que l'on voit ici. Les divifions
qui font dans {a première colonne à gauche, montrent les
degrés du thermomètre de M. de Reaumur qui vont en
delcendant au deflous de ë première congélation. Les de-
grés répondans de mon thermomètre font dans la dernière
colonne à droite ; ils vont aufli en defcendant au deflous de
la chaleur de l'eau bouillante : ces degrés font ceux dont if
n'y a que dix mille dans le volume du mercure étendu par
la chaleur de l'eau bouillante. Les douze colonnes qui remplif-
fent le milieu de cette table, font deftinées à marquer les
plus grands froids qui ont été obfervés, foit au thermomè-
tre de M. de Reaumur ou au mien, dans les différens lieux
marqués fur cette table, l’on y voit les années que ces froids
ont été oblervés, & ces années font écrites vis-à-vis des
degrés du thermomètre de M. de Reaumur & du mien , aux-
quels ces froids ont répondu. L'on voit, par exemple,
dans la feconde colonne qui eft pour Paris, qu'à l'année
1709, qui eft celle du plus grand froid que l'on y ait obfervé,
le thermomètre étoit à 1 $ + deurés du thermomètre de M. de
Reaumur : dans la troifième colonne le plus grand froid arti-
ficiel que M. Fahrenheït ait pü faire, répond à 3 2 degrés du
mème thermomètre, & enfin le plus grand froid de Péterf-
bourg qui eft arrivé cette année y répond à 30, &c.
Outre
+ “ot heat ii
| D'ENSYIS © 1 E N°C 4
Outre Jes grands thermomètres que j'avois conftruits à
Péterfbourg , avec lefquels j'ai fait les obfervations dont j'ai
parlé, j'en ai conftruit une grande quantité de petits réglés
fur le même prigcipe, & qui ne différoient des grands qu'en
de]
.æe que le volume du mercure étendu dans l'eau bouillante
ht
n'étoit divifé qu'en dix mille parties , au lieu qu'il l'étoit en
cent mille dans les grands. J'ai envoyé de ces petits ther-
momètres dans toute l'Europe, pour que fon y püt faire
des obfervations correfpondantes à celles de Ruffie. J'ai auffr
communiqué, tant à | Académie, qu’à la Société de Londres,
à celle de Prufle & ailleurs, le principe fur lequel j'avois
conftruit mes thermomètres : ce qui ayant été imité, s'eft
trouvé bien réuflr; plufieurs perfonnes qui en ont fait l'ex-
périence n'ayant écrit que les thermomètres qu’ils avoient
conftruits fur mon principe, fe font trouvés parfaitement
d'accord , & marquer préciflément les mêmes degrés que ceux
qu'ils ont reçüs enfuite de moi.
Ce qui n'avoit principalement excité à faire de ces ther-
momètres, étoit que la Cour de Ruflie avoit réfolu de
renvoyer M. je capitaine Beering pour Îa recherche du
chemin de l'Afie à l'Amérique, fur les Mémoires que j'en
avois préfentés à fimpératrice Anne, & que mon frère
s'étant oflert de fe joindre à cette expédition pour avoir
occafion de faire des obfervations aftronomiques & phyfi-
ques dans toute l'étendue de la Sibérie, c'étoit un bon moyen
pour procurer des obfervations météorologiques dans toute
l'Afie feptentrionale, comme celf eft effectivement arrivé,
Le plus grand froïd dont je fache que fon eût connoif
fance en Europe, depuis ceux que j'ai rapportés ci-deflus,
eft celui qu'ont obfervé M.rs les Académiciens qui ont été
en Suède pour la mefure du degré fous le Cercle polaire.
M: de Maupertuis rapporte dans la relation de ce voyage,
que les thermomètres d’efprit de vin étant gelés , un thérmo-
mètre de mercure réglé fur les degrés de M. de Reaumur,
étoit defcendu à 37 degrés au deflous de la congélation au
mois de Janvier 1737, ce qui répond à 219 de mes petits
Mém, 1749, De: à 05
3 Voy. Mém.
2744P.139
b W, Tomelr,
T- 257:
10 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
thermomitres : ce froid eft extraordinaire dans ce pays, & né
s'y fait que par degrés; un de fes principaux efets que
M. de Maupertuis rapporte, eft que lorfque l'on ouvroit la
porte d’une chambre chaude, l'air de dehors convertifloit
fur le champ en neige, la vapeur qui s'y trouvoit & en
formoit de gros tourbillons blancs ; que lorfque lon fortoit,
l'air fembloit déchirer la poitrine, &c.
Ce doit être un froid approchant que lon a éprouvé à
Québec fur la fm de Janvier 17432; M. Gautier ayant
marqué que dans fon thermomètre qui étoit rempli de mer-
cure, & réglé fuivant la divifion de M. de Reaumur , le mer-
cure eft deicendu le 29 Janvier de la fufdite année à 32
degrés au deflous de zéro, ou de la première congélation.
Ï a fait encore plus froid les jours fuivans, mais M. Gau-
tier n’en a pü marquer exactement la quantité, tout le
mercure étant rentré dans la boule: il eflime qu'il auroit
dû marquer 33 degrés. Le 11 du même mois, tout le
mercure étoit encore entré dans la boule, fans que M. Gau-
tier en ait marqué ni eftimé la quantité : l'on fait que Québec
eft fous la latitude de 464 $ 5”, qui eft le parallèle du mi-
lieu de la France; ainfi l'on devroit s'étonner que le froid y
füt fi grand, fi on ne favoit déjà d'ailleurs qu'il fait quel-
quefois plus froid dans des lieux plus méridionaux que dans
d’autres plus feptentrionaux. L'on a encore un exemple remar-
quable dans les obfervations qui ont été faites à Aftracan ik
y a trois ans avec mon thermomètre, & que j'ai communi-
quées à la Société royale de PrufleP; dans cette ville, qui
n'eft que d'un demi-degré plus méridionale que Québec, &
qui, par conféquent , eft encore fous le parallèle de la France,
le froid y a duré beaucoup plus long-temps, & a été beau-
coup plus grand que lon ne la jamais éprouvé en France:
Le plus grand froid eft arrivé à Aftracan le $ Janvier 1746,
à 8 heures du matin, mon thermomètre étant defcendu à
195 degrés, ce qui répond à 24+ du thermomètre de
M. de Reaumur. x
Mais ces froids, quelque grands qu'ils nous paroïfient,
TE qu
DES SCIENCES ri
ñe font rien en comparaifon de ceux que l'on éprouve quel.
quefois en Sibérie ; que pourroit-on penfer, & que ne devroit-
on pas craindre d'un froid qui feroit defcendre mes thermo-
mètres jufqu'à 281 degrés, & ceux de M. de Reaumur près
de 70 degrés au deflous de la congélation ? C’eft cependant
jufqu'où le froid a été obfervé avec mes thermomètres, &
cela au milieu de Ja Sibérie, dans un lieu habité, & dont {a
hauteur du pole eft d'un degré & demi moindre qu'à Pé
terfbourg. Ca été Le 16 Janvier 1 735 (nouveau ftyle), à
6 heures du matin, que ce froid horrible s'eft fait fentir
à Yenifeisk; mais s'il a été le plus grand que j'aie appris
jufqu'ici qui ait été mefuré exactement avec mes thermo-
mètres, les obfervations faites pendant plufieurs années en
quantité d'autres lieux de Ia Sibérie, jufqu'aux frontières de
la Chine, ont fait connoître des froids qui en ont fort appro-
ché, quoique dans des lieux aflez méridionaux. |
Il n'eft pas rare de voir jufqu'aux frontières de {a Chine;
mes thermomètres defcendre à 206 degrés, ou ceux de M.
de Reaumur à 30, autant que le froid extraordinaire de cette
année a été à Péterfbourg ; mais quelquefois il y defcend beau-
coup plus bas, comme il eft arrivé à Kirenga fous la latitude
de 572, où le thermomètre s'étant tenu prefque toutes les
nuits & tous les matins pendant cinq mois entiers, depuis
le commencement d'Oftobre 1737, jufque vers la fin de
Février 1 73 8. Au plus grand froid que je viens de dire que
Ton éprouve à Péterfbourg, il eft defcendu le 2 7 O&tobre
1737 à minuit, à 270 degrés; le 11 Décembre, à 3 heures
après midi, il étoit encore à 2 s4;le'2 9, à 4 heures après
midi, à 263 ; & enfin le 9 Janvier 1735, à la méme heure,
à 275, qui répond à 66 + des degrés de M. de Reaumur au
deflous de la congélation, & c'eft le plus grand froid qui ait
été obfervé dans ce lieu pendant le peu de temps que l'on en
a fait les obfervations. ;
L'on n'avoit pas encore commencé les obfervations à
Kirenga Jorfque lon a obfervé à Yenifeisk l'exceflif froid
ont j'ä parlé ci-deflus ; mais dans ce dernier lieu, le
B à
SU Hakluit,
#ol.I1, p.23 2°
72 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALE
thermomètre qui étoit defcendu au plus bas, à 28 1 devrés,
à 6 heures du matin le 16 Janvier 1735, étoit une heure
auparavant à 262; à 8 heures, il eft remonté à 250, à
laquelle hauteur il eft refté jufqu'à 6 heures du foir; d'où
lon voit que ce n’eft que pendant fort peu de temps que le
thermomètre refle au plus bas que je viens de marquer.
I y auroit bien des réflexions à faire fur la nature &c {a
caufe de ces prodigieux ‘froids ; mais comme ïl faudroit
entrer dans un plus grand détail qu’il ne convient ici, je
finirai par rapporter quelques effets généraux des plus grands:
froids que lon a éprouvés dans d'autres lieux de la terre,
par où lon pourra juger, au défaut d’obfervations exactes.
faites dans ces endroits avec des thermomètres, de combien
les froids que l'on y reffent approchent plus ou moins de-
ceux de Sibérie.
Les froids dont j'ai parlé jufqu'ici étant capables de faire
mourir ceux qui y feroient expolés fans feu, l'on ne peut
douter que ce ne foit à de pareïls froids qu'a été expolé le
capitaine Hugues Willougly, avec tous les gens de fon équi-
page, lorfqu'étant allé chercher en 1 $ $ 3 * le chemin de Ia.
Chine par la mer feptentrionale , il fut arrêté par les glaces.
dans un port de la Lapponie nommé Arzina, fous la lati-
tude de 69 degrés, où il fut trouvé mort avec tout fon.
monde l'année fuivante.
Les Hollandois qui, étant allés de même chercher le che-
min de la Chine par la mer glaciale, furent obligés d’hi-
verner à fa côte orientale de la nouvelle Zemle l'an 1 596,.
fous la latitude de 76 degrés, ne purent fe garantir du froid
qui les auroit tous fait mourir, qu'en s’enfermant dans une-
cabane qu'ils avoient conftruite avec des bois que les glaces.
avoient par bonheur entraînés, & par le moyen d'un feu
continuel qu'ils entretenoïent , tant avec ce bois qu'avec de
ka houille qu'ils avoient apportée de Hollande; mais avec ce
fecours ils eurent bien de la peine de s'empêcher d'avoir les
pieds gelés auprès du feu : leur cabane, quoique prefque-
enfévelie fous la neige, & fans aucune iflue pour la fumée,
"
4 DES S 1e N CES 13
afin de mieux conferver la chaleur du feu, étoit cependant
en dedans couverte de glace de Fépaiffeur d'un doigt ; leurs
habits & fourrures étoient auffi couverts de glace : le vin fec
de Chérez étoit devenu par la gelée dans la même cabane,
auffi dur que du marbre, & fe diftribuoit par morceaux. Hs
ne parlent point d'eau de vie ni d'autres liqueurs plus fortes,
m'en ayant peut-être pas alors.
Mais, fuivant la connoïffance que j'ai de la manière dont
on {e garantit des plus grands froids en Ruflie & en Sibérie,
&. de ce que l’on éprouve dans les chambres chaudes pen-
dant les plus grands froids, je ne penfe pas qu'il puifle y
en avoir de plus grands que ceux dont le capitaine Midäle-
ton a fait le récit à la Société royale de Londres, les ayant
éprouvés dans l'hubitation des Anglois à la baie de Hudfon,
fous la latitude de 57 + degrés.
Quoique les maïlons dans lefquelles on:eft obligé de s’en-
fermer pendant cinq à fix mois de l’année foient de pierre,
dont les murs ont deux pieds d'épaiffeur; quoique les fenêtres
foient fort étroites & garnies de planches fort épailles, que
Yon ferme pendant dix-huit heures tous les jours; quoique
Ton faffe dans ces chambres de très-grands feux quatre fois
par jour dans des grands poëles faits exprès, & que fon
ferme bien les cheminées lorfque le bois eft confommé,. &
qu'il n’y refté plus que de la braife ardente, afin de mieux
conferver la chaleur, cependant tout, l'intérieur des chambres
& les lits fe couvrent de glace de l'épaiffeur de 3 pouces, que
Ton eft obligé d'ôter tous les jours. L'on ne s'éclaire dans.
ces longues nuits qu'avec des boulets de fer de 24, rougis
au feu & fufpendus devant les fenêtres : toutes les liqueurs
gèlent dans ces appartemens, & même l’eau de vie dans les
plus petites chambres, quoique on y fafle continuellement.
un grand feu.
Ceux qui fe hafardent à l'air extérieur, quoique couverts
de doubles & triples habillemens & fourrures, non feule--
ment autour du corps, mais encore’ autour de la tête, du
col, des pieds & des mains, fe trouvent d’abord engourdis
14 MÉMOIRES DE LACADÉMIE ROYALE
par le froid, & ne peuvent rentrer dans les lieux chauds qué
la peau de leur vifage & de leurs mains ne s’enlève, & qu'ils
n'aient quelquefois les doigts des pieds gelés.
L'on peut encore juger de la rigueur du froid extérieur, fur
ce que le capitaine Middleton rapporte que les lacs d’eau
dormante qui n'ont que 10 ou 12 pieds de profondeur fe
gèlent jufqu'au fond, ce qui arrive aufli à la mer qui fe gèle
de la même hauteur que lon vient de dire; quoique la glace
ne foit que de o à 10 pieds d'épaifleur dans les rivières
qui font les plus près de la mer, & où la marée eft forte.
Le grand froid fait fendre quelquefois cette glace avec un
bruit étonnant, aufli fort que celui du canon.
A l'égard de la terre, M. Middieton croit qu'elle n’eft
jamais dévelée jufqu'au fond, parce que l'ayant creufée juf-
qu'à la profondeur de $ ou 6 pieds pendant les deux mois
que dure Fété, il avoit trouvée encore gelée & blanche
comme de la neige.
Voilà des eflets plus grands que ceux que lon éprouvé
ordinairement en Sibérie; ce qui feroit croire que les froids
de la baie de Hudfon & du voifinage, font pour le moins
auffi grands que les plus grands de la Sibérie : c'eft ce dont
on ne pourra s’affurer exactement que par des obfervations
faites avec des thermomètres réglés comme l'ont été ceux
dont on s'eft fervi en Sibérie,
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ls plus grands Froids
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240
DES SCIENCES 15,
| ROENICNEEUR C H ES
D E î
STATIQUE ET DE DYNAMIQUE,
Où l’on donne un nouveau principe général pour la
confidération des corps animés par des forces
variables, fuivant une loi quelconque.
Par M. le Marquis DE COURTIVRON.
: problèmes où les Géomètres examinent les effets 13 Juin”
des forces fur les corps, font de deux fortes. Dans les 7750:
Premiers, plufieurs corps en agiflant les uns für les autres
ont des forces égales & fe font équilibre: dans les feconds,
des actions ne fe détruifant pas mutuellement, le fyftème
total eft en mouvement; les premiers de ces problèmes
compofent la fcience qu'on appelle Jiatique , les feconds
forment celle à laquelle on a donné le nom de Dynami-
que. La Statique a été cultivée des Les temps {es plus reculés,
& pouvoit faire quelque progrès avec la feule Géométrie des
Anciens ; la Dynamique demandoit au contraire 1a théorie des
lignes courbes, le calcul infinitéfimal, & toutes les découver-
tes de cès temps modernes : la Géométrie à tellement enrichi
cette dernière partie de la Méchanique » qu'une infinité des
plus beaux problèmes de cette fcience Peuvent être réfolus
par des Analyftes peu exercés à la théorie des forces, pourvû
qu'ils emploient de certains théorèmes généraux connus de
tout le monde, tels que la confervation des forces vives ï
13 permanence de vitefle & de direction du centre de gra-
vité commun, &c.
Si ceux qui aiment à confidérer à priori la nature des.
queftions de méchanique , ne fe contentent pas des folutions
à tirées de ces feuls principes , & qu'ils les regardent comme:
420
ls
16 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
indireétes , ils en reconnoiffent cependant l'utilité, & s'exer-
cent volontiers à chercher de pareilles vérités générales, qui
femblent fi propres à faire connoître la marche & les loix
de la Nature dans toutes fes opérations. à
Je me propole de faire voir dans ce Mémoire, l'obfer-
vation conftante d'un nouveau principe, qui, indépendam-
ment de l'utilité qu'il peut avoir pour des folutions de pro-
blème, montre un rapport entre les queftions de Statique
& de Dynamique, qui n'a paru fatisfaifant pour ceux qui
s'attachent aux confidérations métaphyfiques.
Ce principe général eft, que de toutes les fituations que
prend fucceflivement un fyflème de corps animés par des
forces quelconques, & liés les uns aux autres par des fils, des
kviers, ou par tel autre moyen qu’on veuille fuppoler, celle
où le fyftème a la plus grande fomme de produits des mafles
par les quarrés des vitefles, c'eft-à-dire, la plus grande force
vive, eft la même fituation que celle où il le faudroit pla-
cer en premier lieu pour qu'il reftät en équilibre.
La métaphyfique générale de ce prinçipe eft affez fimple,
une quantité variable quelconque qui croît par degrés infmi-
ment petits, devient la plus grande dans le même inftant
où elle cefle d'augmenter , c'eft-à-dire, où fon accroifflement
& par conféquent fa caufe font zéro. Or un fyftème de corps
dont la force entière augmente continuellement parce que
les réfultats des preflions agiffantes fait accélération , aura
atteint fon maximum de force, lorfque la fomme des pref-
fions fera nulle, comme il arrive lorfqu’il a pris la fituatiom
que demande l'équilibre.
Ce raifonnement pourroit ne fatisfaire que les partifans
des forces vives ; ce n'eft point aflez, je veux le rendre pé-
remptoire, & je penfe d’ailleurs qu'il a befoin d'être déve-
loppé : pour y parvenir, je vais examiner divers cas de mon
principe, & le démontrer rigoureufement dans tous.
PREMIÈRE APPLICATION.
Confidérons deux corps #1 & JN animés par la gravité
uniforme,
se
+
ETS +
Let. Le 2
ÿ DES SCIENCES 17
uniforme, & liés l'un à l'autre par un fil, & placés chacun
fur une corbe donnée, 41 fur 420, N fur NL, chacun de
ces corps étant empêché de tomber librement le long de
ces courbes par l'inextenfbäité du fil qui les joint, & qui
pafle autour d'une poulie 7 Y, dont la courbure quelcon-
ue eft donnée, nous chercherons premièrement les viteftes
avec lefquelles ils fe meuvent un & l'autre, l'un en defcen-
dant de Wen #, & l'autre en remontant de A/en mn.
Soient l'horizontale AQ, & la verticale QN, les deux co-
ordonnées de la courbe ZN; PB & MP, celles de la cour-
be MO ; Nn & Mm, les deux petits côtés des courbes
païcourues en même temps; MTV N, mtun, les deux
fituations confécutives du fl; A4D & Dm, les élémens des
co-ordonnées BP, PM; NE, En, ceux des co-ordonnces
AQ, QN;mR, NS, deux perpendiculaires abaiflées de
.m & de N fur le fil, lefquelles retranchent de ce fil les
elpaces AR & Sn, qui font égaux en vertu de fon inex-
tenfibilité, |
Cela polé, & ayant pris de plus la verticale # 4 pour
repréfenter la gravité, &{la droite mo far le fi pour ex-
primer fa tenfion, on fra PM—Yy, Mm—ds,
QN=—=p, Nn— dr,
RM= sn — 47,
à
mh = g.
. Pour trouver alors {a force accélératrice qui fait mouvoir
le corps #7 fur la courbe 410 , on décompofera fuivant a
direétion fm, tant la gravité que la force avec laquelle le
_ fil le tire füivant mo, & on prendra Ja différence de ces
deux forces décompofées ; T' étant la force ou tenfion du
; ù FR ;
fi pour faire mouvoir la mafle A7 D: fera la force accé-
Iératrice de 7 dans la direétion du fil: abaïffant donc 04
perpendiculaire fur Je prolongement de Am", on fabitituera
les forces 04 & m4 à la force mo, & comme Îa force 04
eft confumée par la réfiftance du plan Mm, la force "14
Mém. 1 749. . C
18 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fera la feule partie de la force accélératrice du fil que Ton
doit confidérer, & cette force à caufe des triangles fem-
blables AZR m, m ko, fera exprimée par =. x =, ou TE. ;
menant de mème 3 parallèle à 7m, & lui abaiflant fa
perpendiculaire mi, hi mh x _ = =. , à caufe
des triangles femblables 47 Dm, mhi fera la feule partie
de la gravité qui agit dans le fens Am, où le corps 4 a la
liberté de fe mouvoir; on aura donc par ces deux confidé-
Tar gdy
MAC TE
M ira vers O fur la courbe 410 , & en fuppofant que v
foit la vitefle avec laquelle il parcourt A/m , le principe gé-
Tdz gdy ; ds
MARQUE RTE Fa
= do, où Tdy — gMdy — Modo.
Si on divife de méme la tenfion 7° par la mafle N,
rations pour la force avec laquelle le corps
néral des forces accélératrices donnera f
Trié :
on aura —> pour la force retardatrice du corps AN dans la
direction du fil, & cette force décompofée fuivant la di-
rection g N du petit côté Mn de la courbe 7 N, donnera
par les triangles femblables fg N, Nsn, pour la force
La
; T°
a co d re
tangentielle du fil RUE
, laquelle étant retranchée de
d 7 3 3 : 3 LUE
LL. qui exprime de même la partie de la gravité qui agit
gap Tdz
€ dr Ndr
lératrice réfultante qui fait defcendre le corps !V le lon
q Ï 8
de Mn; nommant alors + la vitefle de ce corps, on aura
Tdz
fuivant /Vy, on aura
pour la force accé-
me à AAA gap
.par le principe des forces accélératrices Ts FPTZ
dr
— du, où gNdp — Tdz; = Nudu; & en ajoû-
tant cette équation avec la première, on en tirera
DNEMSUNSLC IE. N, CVENS. 19
geNdp — gMdy = Mvdw + Nudu, ou, en
intégrant, 2gNp — 28 My = Mvv + Nu; dans
laquel'e il ne faut point ajoûter de conftante fi on fuppole
les corps 471 & N fans mouvement au commencement :
cette équation, qui auroit pü fe trouver tout de fuite par le
principe de {a conférvation des forces vives, & auquel on
peut fubftituer le principe des tenfions de M. Jean Bernoulli
que je viens d'employer, fufhroit pour trouver la vitelte des
corps À7 & N, à l'aide des équations des courbes 420, IN,TY,
& de la proportion # : &à — dr : ds que donne le fynchro-
nifme de lafcenfion Â/m & de la delcenfion Vz,; mais je
ne m'arréterai pas à le prouver, & je paerai à la démonf-
tration de mon théorème, qui apprend en cette rencontre
que la quantité des forces vives Mvv + Nuu eft un
taximum lorfque le fi a la fituation dans laquelle les corps
M & AN {e feroient équilibre pour y parvenir. Je ferai remar-
quer que f1 A7 & N, foûtenus par les fils 227, VN, & par
les courbes 470, Z N fe font équilibre, il faut que le poids
du corps 47, c'eft-à-dire, fa mafle 47 multipliée par la force
mh, donne, étant combiné avec la force que le fil #10 à
alors, une diagonale #14 qui {oit perpendiculaire en #7 à la
courbe 470, pendant que la mème force du fil appliquée
en À donne avec le poids de V une diagonale perpendicu-
laire à la courbe / N; ou, ce qui revient au mème, il faut
que la partie de la force du fil qui agit füivant A/m, foit
égale & oppofée à la partie du poids qui agit dans le même
fens. Donc en appelant @ la force ou tenfion que le fil
pd gMdy
a dans cetie rencontre, on aura = — » OÙ
ds ds
g May à _à aNap :
9—= 7; on aura de même @ — gen Pa la
condition qui apprend que la tenfion du fil décompofée fui-
.vant la courbe W/ doit être égale au poids g N, décompolé
fuivant la même direction : égalant donc ces deux valeurs de
©, on aura g Mdy = gNdp, où gNdp — g Mdy = 0,
ou 2gNdp — 29 Mdy — o. Or ceite quantité eit Ja
C ï
20 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
différence de la valeur 2 g Np — 2 4 My de la fomme des
forces vives : donc cette quantité eft alors un #aximum.
SECONDE APPLICATION.
Suppofons maintenant le fil À 47 NO B fufpendu à deux
clous À & B, chargé de tant de poids que l'on voudra,
animés par des forces accélératrices qui fuivent des loix quel-
conques données, tant par rapport à la direction que par
rapport à la grandeur de leurs actions.
Je dis que fr on ne leur donne pas la fituation qu'ils
doivent avoir pour refter en équilibre, il arrivera que de
toutes les fituations différentes qu'ils prendront en cédant
aux forces accélératrices qui les animent, & aux impulfives
que on peut leur donner au commencement, celle où la
fomme de leurs forces vives fera la plus grande, fera auffi la
mème que celle qu'il auroit fallu donner au fil pour que les
poids reftaffent en équilibre.
Soit À AM NO B une fituation quelconque du fi, &
AmnoB la fituation confécutive; Mm, Nn, Oo, les petits
côtés parcourus par les corps A2 NO dans un même inftant;
MD & md, Ne&ne, OF & of, les directions des
forces accélératrices en Am, Nn, Oo, que je fuppoferai,
pour fixer l'efprit, perpendiculaires à des courbes données
Dd, Ee, Ff. Soient de plus 474, ni, Ok, des perpendi-
culaires abaiflées de M, N, O für les droites dm, en, of,
&MR,nS, o V des mêmes points fur les droites #12, no;
enfuite foient faits Mm — ds, Nn — dr, Oo = db,
mb dis Ni drole
MR où NS = dp, nT ou OV = dg,
la force en À — d@,
hi force En N = 7,
la force en O — +;
RE AS
Er ?
DE SNISIC 1 E Nc Eté 27
la viteffe du corps Æf par Mm — ,
celle du corps N par Nu — y,
celle du corps © par Oo =
on aura, en décompofant chacune de ces forces fur le petit
? dx
,
côté fur lequel elle agit, les forces tangentielles
s
7 dy MAT
ne 77; je mets le figne — parce que cette valeur
s'oppofe par ceite figure à la direction du mouvement du Corps:
multipliant chacune de ces expreffions des forces tangentielles
tirées des feules forces accélératrices, par Fexpreffion de F'inf-
tant pendant lequel elles s’exercent, on auroit es équations
pd+ ds i Tdy dr Ÿdz
— = X— = dy, & —— TT
ds À v Su dr > 10 dh és
où @ dx = vdv, 7 dy = ydy —Ydy = WaW
Si les corps n'altéroient pas leur mouvement, en forte que
la fomme des forces vives dans ce cas fera 2 A fedx
+ 2 Nf7 dy — 20 /fY 47, on voit bien que le terme
O [YF dy doit avoir le figne —, puifque la force Y, agi
fant du fens oppofé à la direction du corps O, ce qui fait
la fomme des forces vives, doit étre la fomme des effets
des forces qui accélèrent moins la fomme des effets des
forces qui retardent ; mais cette fomme, par le principe de
la confervation des forces vives, doit étre la même, foit que
les corps aient agi les uns fur les autres , foit qu'ils n'y
aient pas agi, pourvü qu'ils aient parcouru les mêmes elpaces;
donc, fans que &v foit égal à 2 f@4x, ni y” à 2/xdy, ni
WW à — 2/%d7, on aura Mvv + Nyy + OWW
= 2M/q4dx + 2 Nfrdy — 2 OfY dy. U s'agit
maintenant de voir que cette quantité eft un maximum lorf
que le fif eff dans la fituation que demanderoit l'équilibre
des corps dont il eft chargé.
Nommons maintenant 7 & 7” les forces avec lefquelles
les fils A1 N & NO font tendus lorfque les corps font en
équilibre; il eft dair qu'au point #7, la force 7 qui tire,
Ci
dq
W
22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fuivant 47 N combinée avec le poids @ 47, dont la direc-
tion eft D AZ, doit donner pour direftion compofante une
droite oppolée à À 1, ou, ce qui revient au même, que
la partie G L avec laquelle le fil tire le corps 47 dans la
direction » A, doit être égale & contraire à la partie A 1
de la force @ A1, qui agit fuivant le même petit côté Am;
mais les triangles femblables 41 LG, m Mr donneront G L
— “La & les triangies femblables A14 m, M HI donne-
ep Mdx
ds
De même en ©, la tenfion 7° du fil NF, combinée
avec la force FO, doit donner pour direction commune
» Her Ares
celle du fl BO, ceft-i-dire, que la partie 2 u de Ja
tenfion du fil O N, qui agit fuivant Oo, doit être égale
ront 1 — ; donc oMdx = Tdp.
. RO : 2 . .
à la partie — du poids qui agit dans la même direc-
tion, ce qui donne l'équation 7°dg — OY4dz en N,la
tenfion 7° du fil AN, la tenfion 7° du fl NO, & le
poids æ /V devant fe détruire réciproquement , ïl eft clair
que deux de ces trois forces décompofées dans une direction
quelconque , doivent étre égales & oppofées à la troi-
fième décompolée dans la même direétion. Décompofant
donc la tenfion 7° & le poids + N, fuivant le petit côté
ÎNn de la courbe fuppofée décrite par le corps A lorfque
le fyflème fe meut, on aura pour la fomme de ces deux
» T'dp N7 dy
+ 7
forces ed & comme la tenfion 7” décom-
» à
dq
pofée dans le même fens devient , on aura l'équa-
tion __. =— TE 4 ou T'dg = Tdp
+ mr Ndy, où Nrdy = T'dqg — Tdp. Si Yon
ajoûte maintenant les deux équations @ Mdx = T'dp,
Nxdy = T'dq — Tdp,& qu'on en retranche l'équation
ndlr Le ET
+ >:
1-0
mad. cos mé DS
Ce
DI ENS C 1, E NRC EE 23
OY dy — T'dg, on aura 8 Mdx N x dy
— OY dy — 0, & par conféquent la quantité 2 /® Ad»
+ 2/N7 dy — 20fYdz qui eft la fomme des forces
vives que nous venons de confidérer, {era un Hiaximum ,
comme il le falloit prouver. Si on ne vouloit Pas avoir recours
à la confervation des forces vives, pour trouver l'expreffion
des fomumes des mafies par les quarrés des vitefes, on y par-
viendroit ficilement de la manière füuivante, en employant
le principe des tenfions. Soient + & #’, les tenfions de: fils
MN & ON lorfqu'ils fe meuvent, il eft clair que Ja force
pdx 1 dp
— — x -
AM ds ?
totale tangentielle du corps 44 fra
FEU > ds 3
& que ceite force multipliée par linftant —— donneroit
Yinciément Zv, c'eftà-dire, qu'on auroit équation @ x
t
y dP—=Vdv, où ge Mdx — tdp = Mvdy;
7 dy
de même la force tangentielle totale en A, feroit
tdp—rd
77 När
T7
+
1, qui étant multiplié par l'inftant , expri-
dr : à De .
mé alors par ED feroit égal à l'incrément /v, ce qui don-
neroit l'équation Max dy + rdp — dy = Nyd);
. : Ydz dg
enfin la force tangentielle en © feroit — RÉ ue
& elle donneroit en la multipliant par d'inftant rue & en
Végalant à ZW, équation — OYdz;+dq3=0WaW;
ajoütant alors les trois équations
Me dx — 1dp— Mvdx,
Nrdy + tdp — 1dq = Nyd,
— OYFdyz + dg — OWaW
il vient Féquation Me dx + Nrdy — OYdz
= Mvdv + Nydy + OWdW, qui donne pour
24 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
la fomme des forces vives, Mvv + Nyy + OWW,
la même quantité 2 Mf@ dx + 2 Nfr dy — 20 [x dy
que ci-deflus.
TROISIÈME APPLICATION.
Soit A BC un levier mobile autour du point €, &
chargé à fes extrémités de deux corps 4 & 8, animés par
des forces accélératrices que l'on fuppofera chacune tendre à
un centre de force, & fuivant des fonctions quelconques
de la diftance à ce centre, ou variables fuivant quelqu'autre
maniere donnée. Je dis que les corps À & B ain attachés l'un
à l'autre, cédant aux impreffions des forces accélératrices, auront
acquis enfemble la plus grande force vive lorfqu'ils feront
arrivés dans la fituation AC N, dans laquelle les poids
des corps A & N, ou, ce qui revient au même, les mafes
M & N muitipliées par leurs forces accélératrices & leurs
bras de levier, fe font équilibre ; ayant marqué la fituation
mon, que le levier prend l'inftant d'après celui où ïil étoit
en MCN, & tiré les lignes MF, NG,mF,nG, aux
centres de force F&G, & tiré les petites perpendiculaires
mR, NS, pris les droites M H & NI, pour repréfenter les
forces accélératrices en 41 & N, & abaiïflé de A & de / les
perpendiculaires À O & 1P fur les prolongemens des petits
côtés Mm, Nn; on fera le rayon
ME, NC =;
MF‘ ES%;, NGC —= y,
MR —=—dx, S'aidy,
MAX, MT
Mm = dr, Nn' A5
Z
Cds LE
& lon aura — —— pour la force 4/0, qui anime le
corps À dans le fens de la direction où il fe peut mouvoir
Jorfqu'il eft en di, & par conféquent a x À x — 4 =
exprimera
- doivent fe faire équilibre, on aura
entre les angles 41 Cm, NCn donne —— —
DNESNSLE.T E NICENS . 2$
ékprimera l'effort du corps pour faire tourner Je levier.
| Ydy
ds
On aura de même pour a force P N qui anime
Je corps B, dans le fens où il fe peut mouvoir lorfqu'il eft
Ydy
en N, & ne
x b x B fera par conféquent l'effort de ce
“même corps pour faire tourner le levier ; don les deux corps
BiYdy ‘ AaXdx
£ d'SDNNTE dr ”
5Ydy As. …
«AT Hi — 0, ou fimplement BF dy
ue AXdx>x — 0, en remarquant que l'égalité néceffaire
a
r ds dr”
Telle eft donc l'équation qui doit avoir lieu lorfque AC N
eft la fituation qu'on doit qe” au levier pour qu'il foit
équilibre. If s'agit de proùver maintenant, que fi le levier
au lieu d'avoir été placé d’abord dans cette fituation d'équi-
libre, a été placé dans toute aûtre AC B, il donnera par
fon mouvement aux corps A1 & Nla plus grande te 4
}
forces vives, lorfque la même équation 4 X dx + BY
= 0 aura liéu, c'eft-à-dire, lorfque ces corps feront arri-
vés à la fituation MC N, où les efforts de rotation {& dé-
truifent réciproquement. On pourroit s'en aflurer tout de
füite ent employant la confervation des forces vives, car
en nommant 4 la vitefle qué le corps auroit acquife en tom-
bant librement par À 4, il eft clair que l'on auroit par le
Xd x dr
x
T v
principe des forces accélératrices — 4%,
PS . s
OW— 2 dx — 2vdv; & par conféquent, que la force
vive aéquife en tombant par À #1, ou la fomme des effets
sl preflion # fur le. ps À pendant cætte chûte, feroit
AVT, où — 2 AL
Retranchant enfuite de cette quantité la force perdue à
faire remonter le corps B par l'arc BN, Celt-à-dire, la
fomme des effets de la preffion Ÿ pendant l'afcenfion par
Mém,r 749. D
+8
26 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Jarc B N, laquelle feroit, par la même raïfon, 2/BYFd4ÿ,
on auroit — 2/AXdx — 2/BYdy pour la force
vive totale du fyftème, & il eft clair que cette quantité fera
un #aximum lorfque AX dx + BYdy fera = 0; ceft-
à-dire, lorfque le levier aura la fituation AC N que demande
Féquilibre: fi lon ne veut point faire ufage de la conferva-
tion ‘des forces vives, on parviendra de la manière fuivante.
à démontrer lé*ménie théorème.
Ce qui fait que les corps À & B, en décrivant les arcs
AM, B'N, altèrent réciproquement leurs ARE à
l'inflexibilité du levier À BC. Voyons comment {a force
qu'a ce levier dans chaque fituation 47C N pour s’oppoler
au mouvement des corps, agit fur chacun d'eux, Pour fixer
lefprit, regardons cette force commé une lame inextenfible
qui tiendroit les deux branches du levier ; que repréfente
\ t
la tenfion de ce feflort à la diftance 7 du centre €, ve fera
fa force à la diftance Ac, qui, étant divifée par la maffe
à mouvoir, donnera —— pour la force rétardatrice du corps
A, produite par le levier, c'eft-à-dire, qu’en retranchant cette
Ydx
dr
même corps réfultante de la force dirigéé au centre Æ, on
Xdx
dr ;
& par conféquent le principe ordinaire des forces accélé-
. Xds ’ ;
ratrices donnera — /: —— 77) dr de not
quantité de —
qui exprime la force accélératrice du
Aura —
pn — pour læ force entière qui agit fur À,
dr
d : Fa
— AXdx — “— — Avd®; v exprimant alors
la viteffle réelle du corps À, defmême —!- exprimera ‘a
5
force qu'a le levier en AN pour accélérer le corps’B: retran-
Y4 cas
chant-de cette force la force — . » qui vient de la force
+
( DE SN IOIC t'E NW 'C'EUS 27
tendant au centre G&, & nommant v la vitefle réelle de
£ Ydy ds
Ben N, On aura TE — AE BR
— Ed, où
:
| D re BY dy = Bu u; ajoûtant maintenant les deux
équations = À Xdx — # — Avdv, °
. Lu
fe — BYdy + 2 Budu,
oi
__ & remarquant que = “2, on aura = À Xdx
- D
— BYdy = Avdy + Budu, où [— 2Axdx
= /2BYdy —:Avv +4 Buu, comme ci-defus.
“ ne fera fans doute point inutile d'ajoûterMim mot ur
lufage dont peut être le nouveau principe que, je viens dé
démontrer ; fi cette loi métaphyfique, dont les Mathéma-
tiques démontrent laänéceflité, nous prouve une relation
entre équilibre & le mouvement qui a quelque chofe de
piquant, l'emploi qu'on en pourra faire dans la folution des
problèmes fera d'une commodité marquée, & je crois devoir
> faire obferver. La fituation de l'équilibre, qui, parles
méthodes connues, ne peut fouvents s’obtenir qu'avec quel-
que circuit, fetrouve d'abord avec facilité; & dans d'autres
_ cas où le cale qui déterminela viteffe d'un fyftème de corps
eft aflez compliqué, le théorème donne un moyen très-
fimple de vériñer l'expreffion de cette vitefle, en examinant
fi fon maximum s'accorde avec la fituation de l'équilibre:
dans quelques ças il eft ifé de trouver la vitefle, &
dans d’autres de trouver libre ; lune ou l'autie de ces
| ue trouvée, fert de preuve à {à correfpondante.
de bé .
21 Août
1748.
28 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
EXPERIENCES DE L'ELECTRICITE
APPLIQUEE À DES PARALYTIQUES.
Par M MorAND & NoOLLET.
N OUS avions eflayé au mois de Février 1746, d'ap-
pliquer PElectricité à un paralytique, lorfque des
circonftances étrangères au fujet interrompirent nos expé-
riences ; & nous nous contentâmes d'annoncer à l’ Acadé-
mie, qu'après trois applications d'environ une demi-heure
chacune, employées à tirer des étincelles de Ja partie affli-
ge, & donner quelques commotions au malade, il s’étoit
plaint de douleurs aflez vives à un bras qui lui étoit abfo-
lument infenfible depuis treize ans. M. de la Sône étoit
aflocié avec nous däns ce premier efai.
L'hifoire publiée par M. Jalabert, Profefleur à Genève,
fur la guérifon d'un paralytique par le moyen de l'électricité,
ayant réveillé notre émulation , nous demandämes à M. le
Comte ,d’Argenfont la permiflion de faire des expériences
fuivies fur des Soldats paralytiques, à l'Hôtel Royal des In-
valides, en préfence de M. Munier Médecin, & de M.
Bouquot Chirurgien-major; le Miniflre ayant bien voulu fe
prêter à une tentative dont, fuivant les époques connues,
nous croyons que la première idée nous eft dûe, nous ne
pouvons pafler fous filence l'accueil qu’il nous fit, en don-
nant publiquement les marques es plus tendres de fon amour
pour le#Soldat, & de fon zèlé pour le bien public.
En conféquence, on nous procura toutes les commodités
dont nous avions befoin pour nos expériences. M. le Gou-
verneur , les Supérieurs, & les Officiers de fanté s’empref-
. sèrent de feconder les intentions du Miniftre, & M. Morand
le cadet, Secrétaire général dudit Hôtel, fe chargéa, en affif-
tant deux fois pangjour aux expériences, d’oblerver ce qui fe
pafleroit. Pour faire ces expériences, ona pris une efpèce de
Mem. de L'Ac.R. des Se2749 Lag.28.Pl2,
” hmmiap.
ns. —
Aer. de l'AcR: des Sesvygy Pay 28 PL,
honneur
Mer. de LA R. ds Je1749. lag. 28, 21. 3,
l'Aigram Jeupp,
em. de Le R des Se-1739 Pao 28 PL. 3
Jhgnam J'ufp
Men, de l'Ac.R.des Se,1749 Pag.28.P1.4
210) » 281 " Eu Là fr vo
! DES SCIENCES 2
grande falle au raiz de chauffée, où l'on a placé une machine
électrique, avec tout l'appareil connu : on mit en expérience
endant les deux ou trois premiers jours deux hommes à la
* fois, chacun affis fur une efpèce d’efcarpolette fufpendue avec
des cordons de foie, les pieds appuyés fur des gâteaux de
réfine; &enfuite (ce qui a été continué jufqu’à la fin) les
pieds furent pofés fur des cordes ordinaires attaches aux deux
côtés de l'efcarpoleite : on conduifoit l'électricité, du globe
de verre aux malades, par des chaînes de fer. Te
Les membres affigés des paralytiques étoient tout nuds,
ils reftoient en expérience deux heures le matin, & deux
à trois l'après-midi ; on approchoit fucceflivement en diffé-
“rens endroits de la partie affligée, un morceau de fer, une
tingle, ou une clef, ce qui excitoit fur le champ la fortie
des étincelles plus ou moins vives, c’eft ce que nous appeï-
erons dans la fuite de ce Mémoire, éledrifer ; lorfqu'il sa
gira de commotion donnée , on aura foiñ d'en avertir.
* Ces expériences ont été commencées le 9 Avril 1748.
Entre vingt paralytiques , préfentés par le Médecin & le
Chirurgien - major de l'Hôtel, on en a choïfi quatre, en-
. tfâutres * celui fur lequel on avoit fait quelques expérien-
ces en 1,746. Cette fois-ci il eft tombé malade dans le
cours des nouvelles expériences, & eft mort à la fuite d'une
fièvre tréséviolente, s'étant plaint, pendant le peu de temps
qu'il a été malade, de douleurs#par tout le corps. :
Cette aventure ne fit peur à perfonne, parce que l’on ne
put trouver aucun rapport entre les effets fenfibles de l’élec-
tricité dont on faifoit les expériences, pour ainfi dire, en
public, & la maladie dont le paralytique mourut. D'ailleurs
le fujet étoit très-vieux & fort infirme.
Des trois autres paralytiques, on a mis en expérience
un Soldat ? âgé de quarante-neuf ans, paralytique de la
moitié du corps du côté gauche depuis trois ans, à la fuite
d'une plaie de tête du côté droit ; n'ayant que la moitié de
a flexion des quatre doigts de Ia même main & le pouce
toûjours droit fans le poavoir fléchir à volonté.
+ P D ü}
À
2 Antoine-
Matthieu Ger-
mineau.
b Louis Daleür,
dit Saint-Lours.
* Antoine
Bardoux, dir
Beau-féjour,
30 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaLE
* Le 9 Avril, on a commencé à l’éleftrifer dans la direc-
tion des mufcles extenfeurs du pouce paralytique, & en y
a remarqué fur fe champ des treffaillemens, & comme des
mouvemens convulfifs.
Le ro au matin, on a aperçu quand on l'éleétrifoit, des
mouvémens mufculaires dans toute l'étendue de fon bras, &
même dans le pouce.
L'après-midi , on a remarqué dans le pouce, un peu plus
de flexion que le matin. "Tu
Le 1 # au matin, on a remarqué la même chofe que le
joûr précédent. : SITE
L’après-midi, on a oblervé de plus que le matin, une
tranfpiration fenfible dans da main, & plus forte dans le :
pouce. .
Le 12 au matin, on n’a rien remarqué de plus que le
jour précédent, excepté que le bras électrifé a paru couvert
de petites taches rouges, comme dés morfures de puces.
L'après-midi, on a rerñarqué dans le pouce un mouve-
ment plus fenfible, & de la tränfpiration dans les deux
mains; de plus, où étoient lestaches rouges au bras, des
élevures ou ampoules femblables à celles qu'excitent es
piqûres de coufins.
Le 13 au matin, & l'après-midi, tout a été comme le
jour précédent; quelques ampoules fe font trouŸées pleines
d'une eau claire. LE
Le 15 il n’y a eu rien de plus, & le 16 on a ceflé de
’électrifer, parce que lé malade examiné de nouvew , on
lui a trouvé les jointures nouées, ou plûtôt ankylofées.
Voicr le journal dés expériences faites fur les deux autres
paralytiques. 1
Le ro Avril, on a commencé à élettrifer un homme *
âgé de vingt-fept ans, paralytique de tout le côté droit à fa
uite d'un coup de feu qui lui a brûlé l'œil gauche ;*il a
toüjours eu dépuis une douleur continuelle dans toute la face,
& fur-tout vers les finus furcilliers : il avoit fa main & les
doigts fans mouveméns, & il étoit abfolument privé de fen-
timent dans la partie malade,
TE
PNG HN: 8 lc à = pr ct rig
ju a été éleéhrifé fuiyant da direction du mule fléchifur
propre du petit doigt de la main droite; l'on 4 obfervé
qu'il s'eft ungpeu contraclé en s'écartant des autres, & que
les trois au doigts de la même main avoient auffi (des
difpofitions à s'écarter mutuellement.
Le 11 au matin & faprès-midi, les mouvemens id
doigts auriculaire & annulaire de la main ont paru plus
marqués, & les doigts plus flexibles.
Le 12, on 3 remarqué 1 vement fnfble Ha Je
doigt du milieu , ainfi que dans fannulaire & le d'a doigt.
L'après-midi, on a remarqué de plus, que favant-bras
étoit couvert de rougeurs, & que la peau étoit très-rude;
effet qui a toûjours été cbfervé depuis.
Le 13 & le 14 tout a été. de, même. “
Leu 5 au matin, la mème chofe dans les trois doigts ;
& pour la première fois, l'index s'eft remué en s'écartant
des autres doigts. !
- Le“mëme jour, ‘Yaprès-midi, on a ratrarqué un peu plus
à mouvement que les jours précédens au petit doigt, à
annulaire & au médius, & un peu «de difpofition au doigt
index & au pouce à fe mouvoir en s’écartant des autres.
Le 16 au matin, on a remarqué un grand mouvement
dans tous les doigts, & même plus qu'à l'ordinaire; il a dit
avoir fenti un engourdiffement dans le pet doigt, & on a
obfervé auffi qu'il lui faHloit tenir {a main extrémement chaude
au moyen d'un manchon de peau d'agneau qu'il portoit pen-
dant la journée, # de ferviettes chauffées pendant tout le
temps que duroi expérience ; avec cette précaution, l'élec-
tficité agifloit plus vivement. n 1:26 1IÈ
L'après-midi, comme le matin.
Le 17 aumatin, il a paru plus de liberté dans les 16e
yemens des doigts, fur-tout dans le petit & dans l'index.
. L'après-midi, on n'a rien remarqué de plus que le matin.
Le 18 au matin, on a remarqué des mouvemens plus
vifs qu'à ordinaire dans Les doigts du lien l'ânnulaire &
le petit doigt.
-
32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
* L'après - midi, ils l'ont été moins,
Le 19 au matin, on na rien remarqué de plus que Îa
veille.
L’après-midi, on a remarqué du mouvemeñt,dans le poi-
gnet, & plus qu'à l'ordinaire dans les doigts.
Du 20 aw26, les mêmes mouvemens ont été obfervés,
& celui du petit doigt plus fort qu'à l'ordinaire.
Du 27 Avril au premier Mai, la même cho'e.
Le 2 au matin, on lui ra éprouver pour la première
fois la commotion de l'expérience de Leyde, en tenant lui-
méme la fiole qui contenoit l'eau dans laquelle trempoit un
fi de fer à-plomb; il a dit avoir reflenti dans le bras où
il n’avoit point de fentiment,"fur-tout à l'épaule du même
côté une fecoufle vive, qui s'eft fait apercevoir extérieure-
ment par une très-grande agitation de toute la partie ma-
lade; & les mouvemens d'extenfions ont été plus vifs que
par l'effet des fimples étincelles.
Après lui avoir donné la commotion, on eft révenu aux
étinéelles fimples pendant un quart d'heure, & on a fini
par lui redonner encore la commotion, pendant laquelle on
a obfervé les mêmes chofes.
L’après-midi, les mêmes expériences {e font faites, comme
Je matin, en préfence de M. le Comte d’Argenfom, & on
a remarqué les mêmes mouvemens que le matin.
Le 3 au matin, il a fenti par la commotion des picote-
mens dans l'épaule malade qu'il n'avoit pas coûtume de fentir,
& il a eu les mouvemens ordinaires du poignet & des
doigts. M
E’après-midi, il a fenti par la commotiongdes picotemens
daus l'épaule malade plus vifs que le matin, & il a eu de
plus grands mouverens dans le poignet & dans les doigts,
occafionnés par des étincelles. -
Le 4 au matin, comme le jour précédent.
« L'après-midi} la commotion s'eft fait fentir dans l'épaule
malade plustforte que le matin, & même lui a caufé de la
fueur, tant fur la partie malade qu'au vifage.
Le
VIDE SMS T € NC F8 Di 27
- Le 6 au matin, comme le jour précédent, à la dernière
circonftance près.
. L'après-midi, 12 commotion à été très-{enfible, & Les
picotemens dans l'épaule ont été plus vifs.
Le 7 au matin, on a remarqué les mêmes mouvemens
dans les doigts, un peu plus forts dans celui du milieu, {a
commotion a été plus forte qu’à l'ordinaire.
IL s'eft agité une queftion fur la contraction des tendons
dans les membres paralytiques, à l’occafion de laquelle on
a mis en expérience le bras d'un mort; on en à tiré des
étincelles foibles, mais ä n'a point eu de mouvemens.
L'après- midi, mêmes remarques. que le matin, & les
commotions aufli fortes.
Le 8 au matin, l'dedricité & les commotions n’ont pas
été fi vives que la veille.
_Laprès-midi, elles ont été un peu plus fortes que Ie
matin.
Le 9 au matin, l'électricité a été aufi forte qu'à lordi-
maire, & il a eu trois commotions auffi fortes que les pre.
mières.
L'après-midi, éleéhricité à été plus fôrte qu'à lordi-
naire, & il a eu auffr fix commotions plus vives.
Le 10 au matin, on a remarqué des mouvemens dans
le poignet & dans les doigts plus forts que la veille; il a
eu trois commotions aufli fortes, & il a dit avoir fenti de
plus la fecouffe dans la tête, ainfi que dans l'épaule,
+ L'après-midi, tout a été à peu près comme le matin,
Le 11 au matin, on n'à rien remarqué de, plus que Îa
_ veille.
- L'après-midi, féledricité & les. commotions n'ont pas
_ ééfi fortes que le matin; on a rémarqué une rougeur fur
Je deffüs de la main, & für la jointure du doigt annulaire.
… Lezr3; au matin, léledricité & les commotions ont été
fort foibles. \
L'après-midi, l'edricité & les commotions ont été plus
fortes que le matin: ce qui a continué le 14 &lers.
Meém. 1749: UE
34 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le 16 au matin, léleétricité & les commotions n’ont pas
été bien fortes; on a cependant remarqué un mouvement
confidérable dans le poignet & dans les doigts, occafionné
plus par les commotions que par les étincelles fimples.
L'après-midi, on n’a rien remarqué de plus que le matin.
Le 17 au matin, on a cefié les étincelles fimples; les mou-
vemens du poignet & des doigts étoient plus forts par les
commotions, mais les fecoufles dans l'épaule n'ont pas été
fi vives.
L'après-midi, comme le matin.
Les 18, 19 & 20, mêmes remarques.
Le 21 au matin, les commotions ont été un peu plus
fortes, ainfi que l'après-midi.
Le 22 au matin, les commotions & les fecouffes ont
été plus fortes qu'à l'ordinaire, ainfi que les mouvemens des
doigts & du poignet; ce qui a paru de même l'après-midi,
& a continué avec un peu plus où moins de vivacité juf-
qu'au 28 au matin.
L'après-midi, les commotions ont été très-fortes; on a
obfervé au moment de la commotion des mouvemens beau-
coup plus confidérables qu'à l'ordinaire dans tous les doigts,
ainfi que dans le poignet.
Le 29, de même.
Le 30, le matin & Faprès-midi, la commotion a été
très-foible; on a cependant remarqué diflérens mouvemens
dans les doigts & dans le poignet.
Le 3 1 au matin, quoique la commotion n'ait pas été bien
forte, les mouvemens du poignet & des doigts ont été plus
forts que la veille. à
L’après-midi, la commotion a été très-foible, & les mou-
vemens du poignet & des doigts n'ont pas été vifs.
Tous les mouvemens dont il a été parlé dans ce Journal
n'étoient point volontaires; ils étoient excités par l'effet de
l'életricité, foit fimple, foit par commotion; ils accompa-
gnoient le moment de l'étincelle; ils étoient répétés chaque
fois qu'on en tiroit de nouvelles, & fe faifoient dans la
D EM 64 I E Nc ms 35
direction du mufcle le long duquel on travailloit : ces doigts
fe féchifloient lorfqu'on tiroit des étincelles de Ja partie ‘cor-
refpondante aux mufcles fléchifieurs, foit qu'on attaquât le
tendon ou la tête des mufcles; & il en étoit de même de
l'extenfion. De!
Lorfqu'on travaïlloit fucceffivement & rapidement fur les
fléchiffeurs des cinq doigts, le malade fembloit jouer de lé-
pinette, & il y avoit de ces mouvemens qui faifoient plier
le poignet.
Mais comme tous ces mouvemens ne rappeloient point
le volontaire, le paralytique s’eft laffé des expériences, &c
on eut même quelque peine à fy engager les derniers jours.
Au furplus, interrogé plufeurs fois pendant le cours de
ges expériences, fi depuis qu'il les éprouvoit il s'étoit aperçu
de quelque dérangement dans fon fommeil, fon appétit, {es
digeftions & autres fonctions naturelles, il a toüjours répondu
que non.
Ce malade avoit été en expérience pendant cinquante jours.
Le fecond *, âgé de quarante-huit ans, étoit paralytique
de tout le côté gauche depuis dix-fept ans : cette paralyfie
-a commencé par foiblefle dans les membres, fans attaque
d'apoplexie en forme. .
Le 16 Avril après midi, il a été éledrifé, & on a
oblervé des mouvemens dans les doigts plus fenfibles que
dans les autres malades éleétrifés ; on s'eft aperçu qu'ilavoit
plus de chaleur dans les parties que les autres,
Le 17, comme le jour précédent.
Ler8 au matin, on a obfervé des mouvemens plus mar-
qués qu'à l'ordinaire, fur-tout dans lannulaire & dans le
petit doigt, & il a dit avoir fenti, la nuit du 17 au 18, de
la douleur dans toute l'étendue du bras.
L'après-midi, on a remarqué les mêmes mouvemens que
le matin, plus vifs dans le doigt du milieu du côté de l'ex-
tenfion; de plus, on a obfervé dans toute l'étendue de l’avant-
bras des taches rouges, des ampoules & des véficules plus
fortes qu'à fon compagnon.
Eï
w Sébaftien :
Quinfon, de
Bcaupré.
36 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
Le 19 au matin, il a dit avoir fenti du mouvement dans:
le pouce, qui fembloit vouloir s'étendre, & la nuit précé-
dente de la douleur dans le genou : les mouvemens ont été
les mêmes pendant l'éleétricité. 7
L’après-midi, on a remarqué de la contraétion & de l'ex-
tenfion dans le poignet, & plus qu'à l'ordinaire dans les:
doigts.
Le 20, comme le jour précédent.
Le 21, il ne fut pas électrifé.
Depuis le 22 jufqu'au 28, mêmes obfervations..
Le 29, il ne fut point électrife. k
Le 30, mêmes remarques que les précédentes.
Le premier Mai Faprès-midi, les mouvemens ont paru
un peu plus forts que le matin. :
Le 2 au matin, il a éprouvé pour la première fois a
commotion, pendant laquelle il a dit qu'il en reffentoit les
fecoufles beaucoup plus fortes dans le bras malade que dans
le bras fain avec lequel il foûtenoit la bouteille, ce qui seft
fait aufli remarquer par des mouvémens involontaires dans
la partie malade; après lui avoir donné la commotion, on
eft revenu aux étincelles pendant un quart d'heure, & on a
fini par lui redonner eneore la commotion, pendant laquelle
on a obfervé la même chole,
L'après-midi, en préfence de M. Je Comte d’Argenfon;
les mêmes expériences ont été faites, & on a remarqué les
mêmes chofes que le matin. ÿ
Le 3 au matin, il a fenti la commotion plus forte dans.
l'épaule affligée, & les étincelles fimples lui ont occafionné
les mouvemens ordinaires ; il ne fut point életrifé l'après-
midi,
Le 4 au matin, les fecoufles que la commotion- a occa:
fionnées à l'épaule malade, & les mouvemens du poignet &
des doigts excités par les étincelles, ont été les mêmes que
la veille.
L’après-midi, les doigts de a main malade paroifloient
un peu plus étendus qu'à l'ordinaire.
.
| D Æ SNMNSIC 1 EN C'EUS 327
. Le 6 au matin, on a remarqué fes mêmes mouvemens
des doigts, & les mêmes fecouffes de l'épaule.
L'après-midi, la commotion a été plus {enfible que le’
jour précédent à l'épaule malade.
Le 7 au matin,: on a obfervé les mêmes mouvemens des
doigts ; les commotions n'ont pas été fi fortes que la veille,
ce qui a continué dans fe même état à peu près jufqu'au r s
au foir.
Le 16 au matin, l'éledricité & les commotions n’ont pas
été fi fortes; on a cependant remarqué des mouvemens dans
les doigts & dans le poignet plus forts par les commotions
que par les étincelles.
L'après-midi, comme le matin,
Le 17 au matin, on a ceffé de tirer des étincelles fimples,
parce qu'on a obfervé que par la commotion les mouve-
mens du poignet & des doigts étoient plus forts que par les
étincelles.
L'après-midi, on a remarqué les mêmes chofes.
Le 18 aû matin, il a eu la commotion plufieurs fois, &
il à dit avoir fenti la nuit précédente de la douleur & des
picotemens dans le bras malade.
: L'après-midi, on n’a rien remarqué de plus que le matin.
Le 20 au matin, les commotions ont donné des fecouffes.
affez vives dans l'épaule malade, & les mouvemens du poignet
& des doigts ont été à l'ordinaire. |
L'après-midi, la même chofe.. |
Le 21, matin & foir, les commotions ont été plus fortes
que la veille.
Le 22, matin & foir, les commotions ont été plus fortes
qu'à ordinaire, aïnfi que les fecouffes ; les mouvemens des
doigts & du poignet n'ont pas été plus vifs. Le
Le 24, les mouvemens du poignet & des doigts ont été
plus forts qu’à l'ordinaire. k
. Le 25 au matin, les commotions & {es mouvemens ordi-
maires n’ont pas été fi forts que la veille.
_. L'après-midi, les commotions ont été très-fortes.
38 MÉMoiIRes DE L'ACADÉMIE RoyaLeE
Le 27, matin & foir, les commotions ont été aufi fortes
_que le jour précédent, & les mouvemens du doigt annu-
laire & du petit doigt plus forts qu'à l'ordinaire.
Le 28 au matin, les commotions & les mouvemens du
poignet & des doigts ont été plus forts que le jour précé-
dent, |
L'après-midi, les commotions ont été très-vives; on a
remarqué au moment de la commotion un grand mouve-
ment dans le doigt annulaire & le petit doigt, & des veflies
pleines d’eau qui ont paru fur l'avant -bras. $
Le 29 au nutin, les commotions ont été aufir fortes que
la veille, ainfi que les mouvemens du poignet & des doigts.
L’après-midi, les commotions n'ont pas été fi fortes que .
le matin.
Leo, les commotions ont été très-foibles; cependant
les mouvemens des doigts & du poignet ont été obfervés
comme à l'ordinaire. |
Le 31, les commotions ont été très-foibles, ainfi que les
mouvemens des doigts.
Le premier Juin, de même. Ce jour a fini les expé-
riences, par les mêmes railons que nous avons rapportées en
parlant de l'autre malade.
Celui-ci ayant été interrogé comme l'autre’ pendant le
cours ‘de ces expériences, fi depuis qu'il les éprouvoit il s'étoit
aperçu de quelque dérangement dans fon fommeil, fon appé-
tit, {es digeftions & autres fonétions naturelles, il a toûjours
répondu que non. x
Ce malade avoit été en expérience quarante-un jours.
Les effets de l'électricité font fi finguliers, & leur varia-
tion dépend de tant de circonftances, que nous nous en
tenons fimplement à l'hiftoire de nos expériences, fans en
rien inférer ni pour ni contre l'électricité médicale,
Nous croyons cependant pouvoir aflurer qu'il y a beau-
coup à rabattre des merveilles que l'on en à publiées dans
es pays étrangers. Les Auteurs qui ont écrit fur cette matière,
ont prefque tous annoncé, par exemple, que léle&rifation
D E SSUC 1'E Nc Es, 39
accélère le mouvement du pouls; & fi cela étoit vrai, il
faudroit en conclurre que c'eft un très- grand remède: il {
peut qu’elle ait produit cet effet fur des gens du peuple choifis
à l'aventure pour cette opération, qui auront été effrayés par
Yappareil & les phénomènes de l'électricité ; mais qu'on
expofe des Phyficiens à cette expérience, nous fommes per-
fuadés que l'életrifation n’altérera leur pouls en aucune façon.
M. Morand seit tenu fur l'efcarpolette pendant des heures
entières , fouffrant qu'on lui tirât des étincelles de toutes
parts, en préfence de plufieurs Académiciens ; on comptoit
tout haut les foixante fecondes de chaque minute, & M. Mo-
rand, fa main droite fur le pouls de fa main gauche, comp-
toit toüjours pendant chaque minute quatre - vingt - quatre
pulfations ; & quelquefois , Mais fort rarement, quatre-vingt-
trois ou quatre-vingt-cinq. Le nombre 84 faifoit celui des
batiemens de fon pouls ordinaire, & tel qu'il avoit avant
Yexpérience : la même, répétée par d’autres, ne nous a rien
appris de plus à cet égard.
26 Février
1749.
40 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ENBDEMM E N.,S
DE LAIT E, OR LE: D OL OPEN
SUR LA FIN DU QUINZIEME SIECLE,
Déterminés par les obfervations de Walthérus,
Par M. l'Abbé DE LA CaAïLLe.
loccafion de fa nutation de l'axe de la Terre, qui
exige une nouvelle équation dans les Tables aftrono-
miques, j'ai eflayé de conftruire pour mon ufage des Tables
du Soleil, déduites de mes obfervations. J’avois un très-grand
nombre de pofitions du Soleil à l'égard de Procyon , d’Arc-
turus & de la Lyre. J'avoue que je n'ai pu me fatisfaire en-
tièrement. Ce qui m'a principalement arrêté, ce font les
différens fentimens des Aftronomes fur les élémens les plus
importans de la théorie du Soleil, & qu'un Obfervateur ne
peut déterminer par fes propres obfervations : telles font la
grandeur de l'année folaire, que les uns font plus longue,
d'autres plus courte, & que M. Euler ne croit pas conftante;
lobliquité de J'Edliptique, que les uns veulent conftante,
les autres décroiffante ; le mouvement de l'apogée du Soleil,
que les uns font réel & de plus d'une minute par an, & les au-
tres apparent, & feulement de $ 0 fecondes, comme les Fixes.
I faudroit donc, pour établir quelque chofe de certain
-deflus, avoir des obfervations faites avec précifion dans
des temps fort éloignés , mais nous n’en avons pas de plus
anciennes que celles qui furent commencées par Régiomon-
tanus, & continuées par Walthérus, à la fin du quinzième
fiècle, Heureufement elles ont été faites avec plus d'exaéti-
tude qu'on n'en n'auroit ofé efpérer, pour les premiers effais
d'obfervations faites au commencement du renouvellement
des Sciences. Je les ai examinées avec foin, & calculées
prelque
D! eu SMASMNC) LE NC ENS 41
prefque toutes plufieurs fois, je n'ai pas lieu de me repentir.
d’avoir efluyé l'ennui d'un travail aufi rebutant , j'y ai trouvé
beaucoup plus de précifion que je ne my attendois, elles
ont diffipé une partie de mes doutes, & je fuis perfuadé
que lorfqu'elles auront encore quelques années d'antiquité,
elles contribueront beaucoup à lever toutes les difficultés fur
les trois points importans qui partagent les Aftronomes, &
qui arrétent ceux qui favent fe meitre en garde contre le£-
prit de parti.
C'eft pour faire un peu mieux connoître le prix de ces
obfervations, & en même temps, pour épargner dans la fuite
la peine d'un fecond travail, que je préfente aujourd’hui à
la Compagnie le réfultat de mes calculs.
Walthérus étoit un riche bourgeois de Nuremberg. La
connoiffance qu'il fit-avec le célèbre Régiomontanus, lorf
qu'il vint fixer fon féjour dans cette ville, lui infpira du
goût pour l’Aftronomie. Régiomontanus l'inftruifit des con-
noiïffances néceffaires, & Walthérus fit conftruire avec beau-
_coup de foin, & fous la direction de Résiomontanus , diffé
rens inftrumens propres aux obfervations aftronomiques.
L'inftrument qu ‘ils deffinèrent aux obfervations du Soleil,
étoit femblable à celui que Ptolémée a décrit dans fon Al-
magefle, fous le nom de Regles paralladiques. C'eft une
efpèce de triangle ifofcèle, dont l'angle enfermé entre les
deux rayons ou côtés égaux, & qui font toüjours conftans,
eft variable felon tous les degrés ; il eft fous-tendu par une
bafe divilée en parties égales, dont les rayons en contien-
nent 100000 : d'où l'on voit que le nombre des parties de
cette bale compris entre les deux rayons, eft la corde de
l'angle qu'ils renferment.
Cet inftrument qui paroît avoir été conftruit vers le com-
mencement de l'année 1 472, étoit de laiton; fes deux rayons,
au rapport de Schonérus qui en a fait la defcription, & à
qui nous devons la publication des obfervations de Walthé-
rus , avoient chacun quatre coudées de longueur , Ja bafe di-"
vike en avoit fix. Un des rayons étoit it affijéri dans une
Mén. 1749. ;
42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fituation verticale déterminée par un à-plomb, & l'autre
portoit des pinnules par lefquelles on failoit pañler l’image
du Soleil, en le dirigeant exactement à cet aflre dans le temps
de fon paflage au méridien. La règle divifte donnoit alors
la corde de la diftance du Soleil au zénith, & ce font ces cordes
que Walthérus a oblervées pendant environ trente années, de-
puis 1475 que Régiomontanus fut appelé à Rome, jufque
vers le milieu de l'année 1 503 *: alors il fit conftruire un
gnomon avec lequel il obferva, & qui lui fervit à vérifier
fon ancien inftrument ; Walthérus mourut l’année fuivante.
Dans les premières années, Walthérus ne marquoit guère
les circonftances de fes obfervations , fi.ce n'étoit lorfqu'il ÿ
en avoit de douteufes, ou de plus exactes que les autres :
dans la fuite, c'eft-à-dire, pendant les quinze dernières années,
il a prefque toâjours accompagné chaque obfervation d’une
note fur fa précifion, & fur l'état de l'atmofphère au mo-
ment qu'elle a été faite.
AR AUEdGUEL HAE
De la hauteur du Pole à Nuremberg, à de l'obliquité
de l'E‘chprique au temps des obfervarions
de Walihérus.
J'ai déterminé ces deux élémens par la comparaifon des
hauteurs folfticiales : j'ai pris toutes les hauteurs du Soleil
obfervées dans l'efpace de neuf à dix jours avant ou après.
le Solftice, & qui ne font marquées ni douteufes, ni mé:
diocres ; je les ai réduites chacune à la hauteur folfticle,
en Ôtant ou en ajoûtant ce qui devoit s'en manquer, felon.
le calcul des Tables du Soleil, dont les élémens {ont déduits
des obfervations mêmes de Walthérus, & que je détaillérai
* L’obfervation du 17 Septembre } qu'au 18 Septembre fuivant, il dif-
1496, elt marquée cum novo inf- | tingue les inftrumens avec lefquels
2rumenro; mais Walihérus ne dit pas | chaque obfervation a été faite; &au
fi toutes les fuivantes ont été faites | 18 Septembre il dit que toutes les
avec ce nouvel inflrument, au lieu | fuivantes ont été faites avec le gno--
que depuis le 11 Août #503, juf- | mon.
4
DES SCIENCES 43
dans {a fuite : Là cette réduction, j'ai eu égard: à Ja nuta-
tion de l'axe delà Terre, afin de ne rien négliger & pour
en pouvoir condurre lobliquité moyenne de l'Ecliptique.
Voici ces eblervations.
TABLE des hauteurs du Soleil vers Le tropique du Cancer.
HaAuTEuRs | DISTANCE HaurTeurs| MiLieux
Haut. folfticiale
au
Tropique. folficiales. de chaque année
& en29Y% 8
onc nutation à
— 4". 10:
44 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ANNÉES. Juin. FA É ne ts | dl hi MT
obfervées. Tropique. folfliciales. | de chaque année.
EE dE Dm sn ms
1489. Abe An 2 usure, | 643.52
2CB- 20.0 25 11341. 64% 3. 02
SA 63: 15 240:3/6810106 3132 [64 344 17
8 Cenod 7- | 63e NOR ZA NE COMITE 3 EU
nutation — 2°. 9. |54* ©. 32102 1. | 64: 21 ju. CEE RTE
10. [64 #&. 146.110: 54.164..:2. d
SN LP AE en EPS PET RER ES
1221104: Me. M2) DIOE MCE 64: 3- MER CHE
1490. 11.164 0838 oO 23) PRET 35.
ä Cen2o» Wa N64 MM NTo MO MEz. #04 TA
nutation + 2°”. j CPR REP TUE 26. 164.13. es 3e 24:
2 |63:+48. :n1.f1 5. 017..l64:t3, Ne EM EMA.
1491, 14 |64.002: 50.|Wo024..164-4304ut8:
+ LUE É 63-459. 18.103058. 64.13 nn 64; ae
nutat. +14". À os. D AE
1492. 4. |63. 50. ‘so.|12. 44. |64. 3. 41
s. [63 54. o.| 9: ‘44 [64 3. 51.
66356. hs 7 0.) 64-Sn2r
cæenmitd 7.163. 58. 14.| 4 53 64:03.
NUtALION + 7 8. 64. ©. 21. 34 4 64. 2e 2 3. 39.
9. [64 1. :50.| 1: 38. | 64.131 44.
104 164.403. {10.102 47. 1164. 53,0 58.
11: |64. : 3. 036.1: 0: : 18: 164. 34) su.
125064. 36. 0610: .k04. 43434
1494. 81638 8e 460" 30052. F64. ur.
110. 104 2.010. "6. :| 04-0270 39
Caen3dk 12, |64. 3. 10.| o: ‘1. [64 3. 20 PRE CE |
porarion RE RE ET RO Grue ds
14,1 | 64/7 270.) ol 4 [TOM Be) LE
PRESENT TE CS D OR NE PU EEE
D-ES. SCIENCES. 45.
MILIEUX
& Haut. foliticiale
de chaque année.
. |Haureuns |DISTANCE | HAurEeurs
ANNÉES. Juin.
obfervées. folfticiales!
Tropique.
PRO
Cacen:3n
nutation +- 9".
A
C&en4fi a
nutation + 5”.
1498. *
Caemisds
nutation + 2”,
Vas fre
CA en26d H
nutation — 1”,
14.
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HR 9 0 0 9 bar
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% ND Lo LU LD UD D D R D
US 5 D NON = NN NR ND R
46 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
t
L . lHAurTeuRs.| DISTANCE |HAureunrs| MILIEUX
ANNÉES. Juin. au & Haut. folfticiale!
obfervées. Tropique. | folfticiales. | de chaque année.
EEE PARMI QUE LS | DIT NT ART EU) CERN SEE
. | 2. M: S. MH. S. D. M. S. D. M. Ss.
63:139- 39.124 2. 1645.37.
63. 43. 10.119. 47. |64. 2. 53.
64-11g. 32.| 2: 55.164083.) 23;
Gen de 15910 Le 35e 64e 13.1 3100
cemn7 x « [é4e..t8h +n0.l 01:28. 164. 3/44:
ET dont 64. 3. 32] 0. 7e 164. 3. 35. \64. 3. 30.
64. 3. 47: 0. 1: 64 3. 44.
64." 3. 132.| 0. ro. lg. 47.
64-* 2.734.) 1: 2. F64.03.) 372:
64 1. 10. 2. 8. 64. 3. 14.
64. 0. o.| 3:39. [64.3 au
LSOI. …« |63. 53. 46.|[10. n3. 64. 3, 53.
cœen18to 6.163. 56. 5. 7: 35-64. 3. 34.0 64. 3. 42
mutation — 6”.
64-04. x21-|03-.014..|64-%3r1 30:
Milieu entre ces
92 obfervations,
6413.22",
PU Un. eee St Se
On n’a pas rapporté ici les obfervations de l'année 1496,
parce qu'il y a une erreur manifefte dans la date des trois
premières , & qu'on né peut la corriger fans quelque fup-
pofition.
On n'a pas mis ici celles de l'année 1 503, parce qu'elles
ont été faites dans un autre endroit de la ville que les pré-
cédentes ; c'elt ce qui paroït par ces mots qui font à la tête
des obfervations de année 1.50 3, in nov4 domo : on trouve
auffi, en prenant un milieu entre les onze cbfervations faites
depuis le $ Juin jufqu'au 17, après les avoir réduites comme
ci-devant, que la: hauteur folfticiale étoit de 644 4’ 34", ce
qui excède de plus d'une minute la moyenne qu'on vient de
trouver de 644 3’ 22", & d'environ une demi-minute,,
1 A E: SPA AC: À E NT C EME 47
: la plus grande de toutes celles qui font marquées ci- deffus
année par année. D'où l'on voit que le lieu où les dernières
ob'ervations de Walthérus ont tté fines, étoit plus au
midi que l'endroit où il avoit fait les précédentes,
HaurTEurs du Soleil vers le tropique du Capricèrne,
i ' 1 Haureurs | DISTANCE | Haureuns MILIEUX
ANNÉES. Décemb. sp au ee | & Hat. folfficiate
obfervées. Tropique. folfticiales. de chaque année.
157-0219 MUR APTE 46.
17. 34. #0.1261 ;30.
AE A 26.| OLIS:
“ [17. 1ÿ. 34. _9: 34.
er: Pareil Où 17e
17. M$. 34.| 84 13.
17 18. 46.11, 12.
VRP L ES Een, 1.
; - : ,
HS D ME Co M ER AN Arme
7 e2 6.) ON 97.17. 74 210,
17. 7%. 26.| o 31. |17. 74 ‘1.f 17 7 28
17. 28-22 la 41271 24.
17. 7: 54] 0 8 17. 7. 49. 17. 7. 49
17.415... 34) 1921460 1a57.1161 5.
17: 0134 126.1 6:34. [17 6 49
1 dt Ma Use 44 m9 17.081 0:
17207260 OEM 722 dan 77. la,
1 Lraigin sise alfa. in 26,
ñ 17. 18. 144,| Forges Pure M6 5h
17.017 17 #9: [n7r 6131
48 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
HauTeuns/|DISTANCE |Haureurs| - MIÉIEUX
& Haut. folfticialé
ANNÉES. Décemb. ; au RES
obfervées. Tropique. folfticiales. | de chaque année.
RRRESSE ENPATEREREE RUD | CT EDEEUTE ET 7 PIPEREETIEEPRET EIRE
Joie ODA ESNONEM. S.
1491. 197: LR Su26.), Le 2
caenziim NO MO. S LE 2.054
nutation — Re
—_—_—_—_—— Î
1494: eu) | tr € 2 9:
caen23m 14 [17. 7° 26. 0° 45.
nutation — 9".
1495- 15.1|17-.047 3318028"
CA en 34 m
nutation — 8".
REIN ES GR 2)
1496. 10. |1 24| Oo. 47:
nutation — 6”.
1498. ke 33° |17. 7. 214] 17. 7. 21.
caemnsis
nutation 0”.
Dior
Caenr4ia hé NEA NIORT Oo,
Il
|
1S0O1I. 6.
Cacn83 | 10,
nutation +- 7".
20.917074 47.
LeA
21077 : ASUS
Milieu entre ces
31 obfervations,
17/6
EL dé)
Parmi ces obfervations, Walthérus dit que celles qui
ont été faites dans les circonftances les plus favorables, font
celles du 13 Décembre 1478, des 7, 13 & 14 Décem:
bre 1487, du 12 Décembre 1490, des 15 & 16 Dé-
cembre 1491, du 11 Décembre 1496, & du 10 Dé
cembre 1$01. Si donc on prend un milieu entre toutes
celles-ià, on A la hauteur apparente du Soleïl dans le
Solftice, de 174 74 5".
J'ai omis les obfervaions du mois de Décembre 1503,
par
DES
\5
SÉGHLE- N° CES
par la même raïfon que pour celles du Solftice d'été : nr
leurs les quatre obfervations qu'on en a, ont été faites avec
un gnomon, dont Walthérus ne donne ni la defcription ni
les dimenfions ; & ces quatre obfervations réduites comme
les précédentes, donnent par un milieu la hauteur folfticiale
apparente du Soleil, de 174 9° 12”.
Calcul de lobliquité moyenne de l'Echiprique, à de
la hauteur du Pole à Nurembere.
T Je fuppoferai la réfraction moins Îa parallaxe de 3” 0" pour
Ja hauteur folfticide d'hiver, & de 22 fecondes pour
celle d'été,
Hauteur folflic. vraie.
“
4
Hauteur folflc. vraie.
Décembre 1477.... 174 4° 39 Décembre 1490.... 174 4 2"
Juin 1478. ...... CAMES NOT Giner Alors Re) ME GRAN 2 NE)
Différence . ...... ASS D ML 2 MN Différencers trees 2e 460% 58.115152
Obliquité de l'Eclipt.. 23. 29. 36. Obliquité de l'Eclipt. 23. 29. 27.
Hauteur de lEquateur. 40. 34 15. Hauteurdel Equateur. 40. 33. 29.
Juin 1487 ..m.. 64 3. 27. Juin r401....... 64 2. 57.
Décembre 1487... 17. 4. 18. Décembre 1491.... 17. 3. 53.
Diféicen. . :... 46. 59. 9. Différence... ..... 46. 59- 4.
Obliquité de l'Eclipt… 23. 29. 34. Obliquité de l'Eclipt.. 23. 29. 32.
Hauteur del'Equateur. 40. 33. 52. Hauteur de l'Equat.. . 40. 33. 25.
Décembre 1487.... 17. 4. 18. Décembre 1491 ... 17. 3. 53.
Juin 1488....... CAUB 9 Inn 14020104 M0)64. 3. 17.
Différence . . . . . .. 46. 59. 21 Différence . ...... 46. 59. 24.
… Obliquité del'Eclipt. 23. 29. 40. Obliquitédel’'Etclipt. 23. 29. 42.
… Hauteurdel' Équateur. 40. 33. 58. Hauteur de l'Equat... 40. 33. 35.
Juin DO C4 RL UT UANT 404. 1e. Le GA 2 A7:
| Décembre 1400... 7. AM 2. Décembre 1494: 17. 3. 38:
@ Différence 2. 4. 46.50 o MN Diférence-tisel te 46. 59. 9.
—… Obliquité de l'Eclipt.. 23. 29. 30. Obliquité de l'Eclipt. 23. 29. 34.
à Hauteur del’Equar. « 40. 33. 32 Hauteurdel'Equat... 40. 33. 12.
Mém. 1749 . G
/
so MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Hauteur folflic. vraie. Hauteur folflic, vraie,
Décenbre 14942. 7 SO MNTtIn ns ox ee *. 644: 3° 20
Juin 1495.
Différence. . ..
she) ee O4 MN MNIDécembre 1501 07. IN AE
AMIS Différence: Le 46. 58. 46.
Obliquité de l'Edclipt. 23. 29. 30. Obliquité del'Eclipt. 23. 29: 23.
Hauteur del’Equateur. 404 33. 8. Hauteurdel Equateur. 40. 33. 57.
Décembre 14964 47. 3. 28.1 Juinmilieu.,. . Ke. 62. W3 Me;
Juin 1407 tete … C4. 12-024. Décembre millentt-r 77 NPA RO:
Diférenceniiini-i-l.0460 09-86; DE DiHÉrEncE CNT A AC EU
Obliquité de l'Eclipt.. 23. 29. 33. Obliquitéde l'Edlipt.. 23. 29. 27.
Hauteur deJ'Equateur. 40. 20 0NLEe Hauteurdel'Equateur. 40. 33. 33°
On voit que je n'ai employé ici aucune hauteur folfti-
ciale qui nait été déterminée par le moyen de deux ob-
fervations au moins, & que je n'en ai comparé aucune qui
füt obfervée dans un intervalle de plus de fix mois.
H réfute donc, en prenant un milieu entre ces douze
calculs, que l'obliquité moyenne de l'Edliptique, étoit fur la
fin du quinzième fiècle, de 234 29° 32"; & que la hau-
teur du pole au lieu où Walthérus obfervoit,étoit de 494
26’ 25": c'eft le complément de la hauteur de l'Equateur,
moyenne entre ces douze réfultats.
Réflexion fur l'obliquité de LE chprique, qui réfulte des
calculs précédens.
On à tant écrit depuis cent ans pour & contre la dimi-
nution réelle de l’obliquité de l'Ecliptique, qu'il feroit très-
difficile de dire quel eft le fentiment le plus fuivi. Sans pré-
tendre décider ici la queftion, je crois qu'on eft bien fondé
à admettre une diminution très-petite à la vérité, mais affez
{enfible, pour mériter qu'on y ait égard, dans les réductions
que nous faifons aux obfervations anciennes. Je rétablirai
pas ce fentiment fur les oblervations des Grecs, des Chinois
& des Arabes, comparées aux nôtres, quoique celles des der-
niers méritent d'être difcutées attentivement , avant que de
DES SCctEnNcEs. SI
les rejeter ; mais fur cet accord fi parfait de toutes les obler-
vations de Walthérus, qui donnent lobliquité moyenne de
lEdliptique entre 234 29' 23", & 234 20° 42": en forte
‘on ne peut la réduire à 234 28° 30", telle que nous
l'obfervons préfentement , à moins qu'on ne fuppole la ré-
fraétion que d’une minute à la hauteur de 17 degrés. Ajou-
tez à cela que tous les Aftronomes du fiècle pañlé fe font
accordés à faire l'obliquité de l'Edliptique de 234 29° 0”,
& à préfent tous s'accordent à la faire plus petite d'environ
une demi-minute. Je minfifterai pas davantage fur ce fujet,
parce que tous Îles calculs des oblervations de Walthérus,
que je rapporterai dans la fuite, feront indépendans de cette
minute de différence.
ARTICLE IL
Recherche du lieu de l'apogée du Soleil, au temps des
obfervarions de Walrhérus.
Pour déterminer le lieu de fapogée du Soleil, j'aï calculé
les momens de deux Solftices confécutifs, fur les obferva-
tions de Walthérus : j'en ai déduit la pofition de la ligne
des apfides du Soleil, comfifie on verra dans la fuite.
Voici la méthode que j'ai fuivie dans le calcul des Solftices.
* Sur deux hauteurs du Soleïl à peu près égales, obfervées
l'une avant & l'autre après le Solftice, j'ai calculé les vrais
lieux du Soleil, en y employant {a réfraction & la parallaxe
de la Connoiflance des Temps, la hauteur du pole * &
Yobliquité de Ecliptique déterminée dans l'article précédent.
Oron fait que pour le calcul des Solftices, il n’eft pas abfo-
lument néceffaire que tous ces élémens foient exactement
connus , il fuffit de fe fervir des mêmes dans les réductions
—. de chacune des deux obfervations. Je me fuis fervi aufli des
* Dans le calcul des obfervations |: obfervations ont été faites, paroît être
des années 1503 & 1504, on a | plus au fud d'une minute que celui
fuppofé la hauteur du Pole de 494 | où Walthérus demeuroit dans Les an-
25° 25", parce que le lieu où ces | nées précédentes.
G ï
52 Mémoires DE L'ÂCADÉMIE Royarr
Tables du Soleil de M. Caffini, après avoir fait quelque
correction au lieu de l'apogée pour le rendre plus conforme
à celui que j'ai déduit des obfervations de Walthérus.
Par le mouvement diurne du Soleil déduit des Tables ;
j'ai cherché des deux inftans, & les lieux où le Soleil avoit
dû , felon les obfervations, être à égale diftance du colure
des Solftices. La moitié de l'intervalle entre ces deux inftans
étant ajoûtée au premier, J'ai eu le moment où le Soleil
auroit atteint le colure, fr fon mouvement eût été uniforme,
ou fi fon apogée eût été précifément" dans le colure. J’appelle
ce moment % temps du Solflice moyen. J'ai calculé fur les Ta-
bles les vrais lieux du Soleil pour les deux mêmes inftans,
& en ajoûtant la moitié de leur différence au premier de
ges deux lieux, jai eu le point (que j'appelle % eu du
Solflice moyen ) où le Soleil eût été dans l'Ecliptique, fr
fon mouvement eût été uniforme, ou fi fon apogée eût été
dans le colure. Enfin j'ai pris la différence entre ce lieu & le
vrai lieu du Soleil calculé fur les Tables pour l'inftant du
Solftice moyen, je lai réduite en temps, à raïfon du mou-
vement horaire du Soleil au temps du Solftice, & j'ai eu:
la différence entre le temps du Solflice moyen & celui du.
vrai Solftice. “
Cette méthode qui eft à peu près la même que celle que:
M. de la Hire a rapportée dans les préceptes de fes Tables
aftronomiques , étoit au temps des obfervations de Walthé-
rus, bien plus fûre qu'elle n'eft à préfent , parce qu'alors
Yapogée du Soleil n'étoit éloignée du colure des Solftices,
que d'environ quatre degrés.
M. de la Hire, & prefque tous-les Calculateurs concluent
direftement le temps du Solftice moyen par la comparaifon
feule des hauteurs du Soleil, & par le mouvement diurne
du Soleil en déclinaifon , tiré de l'obfervation , autant qu'il
eft poflible. Je l'ai conclu par les longitudes du Soleil dé-
duites du calcul de ces hauteurs, parce que l'Edition des ob-
fervations de Walthérus faite par Schonérus en 1 544, n'eft
pas exempte de fautes d'impreflion.: Edition que Snellius.
alle Bee n 0 Let ie ee al 0e
D'E SMISNC tr € N'c'ENS s
en donna en 16:18 ‘eft encore moins exaéle, elle con-
tient les fautes de Fancienne, même celles quitauroient dû
être corrigées par Ferrata de Schonérus, & on y en a ajoûté de
nouvelles. On y trouve des chifires vifiblement tranfpofés ,
des dates faufies, dont on s'aperçoit par k différence d'un
degré entier, ou même de deux entre les lieux du Soleil
calculés fur les Tables, & ceux qu'on calcule fur ces Obler-
vations, de forte que m’étant affüré par un très-grand nombre
d'expériences que le calcul des Tables de M. de Caflini ne
s'écartoit jamais de plus de 4 à 5 minutes du lieu du Soleif
déduit des obfervations de Walthérus hors du temps des
Solftices, & qui ne font fufceptibles d'aucun foupçon d'erreur
de la part de l'Obfervateur ou du Copifte, j'asrejeté com-
me fufpectes toutes celles qui donnoient une différence de
plus de + de degré.
Pour le Solflice d'hiver de 1487.
Par les hauteurs du Soleil du 23 Septembre 1487 &
du 2 Mars 1488, j'ai conclu les lieux du Soleil dans
84 so’ 15" = & 214 21° 52" X, le temps du Sofftice
moyen le 12 Décembre à 9h 44° 32" + temps moyen,
& le temps du Sofftice vrai Le 12 Décembre à 12h 22’ 32"
temps moyen.
Le 6 Oétobre 1487, la hauteur du Soleil à midi fut
obfervée de 314 $” 34", d’où j'ai conclu la longitude dans.
234 44 30" =, & par celle du 17 Février 1488, qui
fut de 31445" 12", j'ai conclu la longitude dans 74 21°
10" X, & le temps moyen du Solftice vrai le 12 Décenr-
bre à 12h 48° 46". |
Prenant un milieu entre ces deux déterminations, on 2.
le temps moyen du: vrai Solftice d'hiver à Nuremberg le
32 Décembre 1487 à 12h 35'2.
On trouve encore dans les obfervations de Walthérus ;
deux qui ont été faites à égales ‘diftances du Solftice, l'une
le 22 Novembre 1487, fautre le 3 Janvier 1488 : j'ai:
rejeté la première Qui d'ailleurs n’eft accompagnée. d'aucune:
G ü.
1
54 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
circonftance dans le livre de Schonérus , parce qu'il y a près
de 1a minutes de différence entre le calcul des Tables du
Soleil, & fon vrai lieu conclu {ur cette oblervation.
Pour le Soiflice d'été de 1488.
Temps moyen du Solflice vrai
Hauteur du Soleil. Vrai lieu obervé. le 11 Juin.
1488. le 24 Mars. .. 45% 44 42°... 13% 3° 59"89 à 2où 58 25"
û MONTS 90
1488. le 31 Août... 45. 43. 44 16. 58. 30 m$
le 27 Juillet .. 57. 29: 30....: 13. 6. 68@
1488. le 7 Mai... 59. 48. 23..... 25. 44 29 ©
le 16 Juillec.. 60.82. 56..... 2.29. $88&
21. 207000
fe
1488. le 29 Avril... 57. 48. 49..... DOS 2. 21 We à 120! daap
1488. le 14 Mai... 61. 15. 28..... 2. 24. 12 NE à 21. 44 33
le 9 Juillet... 61. 35: 42..... 2$: $0. 17 &
Par un milieu entre ces quatre déterminations, on a le
temps moyen du Solftice vrai à Nuremberg le 11 Juin
148004218525 "4
Pour le Solflice d'été de 1 503.
Temps moyen du Solflice vrai
Hauteur du Soleil. Vrai lieu obfervé. le 12 Jun.
1503. le 28 Mars. + AA Te ee ROPA2 Ai ue à 12h 45' 207
le 28 Août. .. 47. 8. 19.4. 13. 22. 41 m
le 18 Avril... $4 25. 24..... 6. S1. 37 ©
À see à 12: 22. 40e
le 7 Août... 54. 28. 18..... 22. $9. 32 8
2
mt à.
le 2 Août... 55. 59e : $-sse «18. 14 23
le 25 Avril. .: 56. 31. 24..... 13. 31. 406 ©
le 31 Juillet... 56. 34. 27..... 16. 18. $ A
le 23 Avril .. 55, 56. 40..... 11. 37: US à 12. 26 4
bon à 12. $9. 46.
Je 26 Avril. . + 56. 49. 20..... 14 31. 53 ©9.,, à 12. 36. 46.
le 30 Juillet. . 56.151. dd. 15e 20 O RS ‘
le 27 Avril 7 6 MON NL 28030 4 13 10. 20.
le 29 Juillet... 57. 9. 4.... 14 20, 48 &
“
À
D'E S2ISNE TE N CE S
it RS Outôbre.
uteur apparente du ©.
De le Solflice d'hiver de 1 $ 03.
Lieu du © obfervé.
Par un milieu, on a le Solftice d’été à Nuremberg le 12
Juin 1503, à th so’ temps moyen.
» *
Temps moyen du Solflice vrai
Hauteur du Sole. Vrai lieu obfervé, le 12 Juin,
2503. le22 Mai... 624 31° 20°.... 9% 347 me Et à 1h43; oo"
le 4 dJuiller.. 62. 32. O0..... 20. 21. 19 &
le 24 Mai... 62. 48. 17... 11. 32. 36 ane. SU S x
le 2 Juillet... 62. 49. 0..... 18. 22. 6S 55° #
le 28 Mai... 63. 16. 24 He PRE ua à3. 35: Dos
le 28 Juin... 63. 17. 17... 14 30. 18 S
Temps moyen du vrai Solflice
Le 12 Décembre,
F503. 324 26° 46"..æ 20° $0° Soi APE à 10h 12° 40°
r504. le 20 Février.. 32. 57. 20..... 10. 29. 32 X) |
è »
1503. le 8 Octobre. 31. 20. 42..,... 23. 47. 28 1 à 10. 14 30e
1504. le 1$ Février. 31. 5. 21..+... S- 30+ 54 X
1503. le 13 Octobre. 29. 32. 10.. 28. 46. 43 49 ER
2504. le ro#février.. 29. 16. 15..... Oo. 28. 27 à 7e
2503. le 4 Nov. .. 22. 36. 4..... ZONE MON A Er. 3. 40
1504. le 20 Janvier. . 22. 38. 18..... DR7 US Li
7503. le 12 Nov. .. 20. 39. 16..... 28. $3. 53 “à Fin 8 ser
1504. le 10 Janvier.. 20. 15. 4@.... 29. 15. 53 #
2503. le 76 Nov. .. 19. 48. 15..... 3. 1. 38 #9 1 à ue ’
F504. le 8 Janviér.. 19. SO. 49....: 27. II 35 «| ae
x503. le 17 Nov. .. 19. 36 “48 Ds eIer 4 % 2%}... 3 jo. 4
z504. le 6 Janvier.. 19. 27. 26..... 29e Te 4 A Ton
= Par un milieu, le temps moyen du Solflice vrai le 1z
Décembre 1503, à roh 20'1.
56 MÉMOIRES DE L'AÂCADÉMIE ROYALE
Calcul de la pofition de l'apogée du Soleil.
Pour déterminer la polition de la ligne des apfides, j'ai
dreffé {a Table fuivante.
Temps moyen que le © emploie Temps moyen que le © emploie
Anomalievraie à parcourir 1804 o’ 31“+, à parcourir 18od o’ 31°+,
du Soleil, en paflant par Jon apogée, en paffant par fon périgé, Anom. vraie Q*
Of CLEAN PTS PE Se. Ur HUBERT LSTOCQS TE. UNS OS
©: Sr RE NIT 0: 11462, NOM °n3 MASON: "ee 20
Os 27 DBZ. 110.) 0247 Ne MR UE ENTIER De
GC. 20. 2. PERL 10 RMC
OA ten 18e." 211040 TO NB NO EURE Ce
OS. heu 182. 23.008. M ANG C ASS RE
Gr 2807. 0% Shen BRENT TE 2 Tee ei 2
La conftruction de cette Table n’a aftcune difficulté , il
fuffit d'avertir qu'elle convient à une excentricité du Soleil,
depuis -2£7— jufques à 42.
Cela polé, il fuit des calculs précédens, que le Soleil a
employé 1 82i 8h 39° + de temps moyen à aller du Solftice
d'hiver 1487 au Solftice d'été 1488, c'efkà-dire, à par-
courir 180 degrés : y ajoütant 1 3° + pour lestemps que
le Soleil emploie à parcourir 3 1" + au jour du Solftice d'été,
on a 182i 8h s 3" pour le temps moyen que le Soleil a
employé à aller de od o' 0" #, à od 0° 31" +5: ce qui,
{lon la Table précédente, fuppole que dans cet intervalle ä
a paflé par le périgée, & qu'il devoit avoir $f 264 10° 24”
d'anomalie vraie lorfqu'il étoit dans o4 0’ 0" +, c'eft-à-dire,
le 12 Décembre 1487. Donc le lieu de l'apogée du Soleil
étoit alors dans 34 49° 36" s.
De même l'intervalle du Solflice d'été 1 503 au Solftice
d'hiver fuivant, a été de 182i 218 30' +: y ajoûtant 13°+,
on a 182i 216 44’ pour le temps que le Soleil a employé à
aller de 294 $9° 28" 2 H à od o'o"%: ce qui fuppole,
{elon la Table, une anomalie vraie de 44 2° +, Donc le 12
Juin 1503 l'apogée du Soleil étoit dans 44 2°30"S. |
En prenant un milieu entre ces deux détermination,
on
Di Es SUR) 1 E Ni C ErSA
Fi
on trouve que le 12 Mars 1496, l'apogée du Soleil es
dans 3.56 33° a AS
«left aifé de voir à l'infpeétion de Ia Table, qu'il faudroit
s'étretrompé de 1h 3 8’ dans l'intervalle entre deux Solftices
confécutifs , pour n’avoir le lieu de l'apogée qu'à 1 degré près.
ARTICLE ÏIIlL.
à Recherche du mouvement de l'apogée du Soleil.
Par des obfervations fort exactes, rapportées dans les Mé-
moires de l’Académie {année 1742, page 141), j'ai trouvé
…— l'apogée du Soleil en Juin 1744, dans 8d 31° 35"s, &
én Décembre 1743, dans 84 29° 13"; on peut donc fup-
pofer qu'il étoit en Mars 1744, dans 84 30° 24", & par
conféquent que dans l'intervalle de 248 anneés il s’eft
avancé de 44 28*: donc fon mouvement annuel feroit de
1 [2 OR
Il fuit de [à que l'on ne doit plus fuppofer, comme font
encore plufieurs Aftronomes, que le mouvement de l'apogée
_ du Soleil n'eft autre chofe que f'eflet de Ja prgceflion des
. Equinoxes: car fi l'on fait cette préceflion de $ 1 fecondes
. paran, l'apogée n'auroit dû s'avancer dans l'intervalle de 248
années, que de 34 24° s1": doncenrso3, il auroit dû
être dans $4 5’ + &: donc felon la Table précédente, l'in-
tervalle du Solftice d'été au Solftice d'hiver eût dû être de
182i23" 14’, au lieu qu'on la trouvé de 182i 21h 30°21:
| la différence qui eft de 18437 eft trop grande pour qu'en
_ puiffe la rejeter fur l'incertitude des momens des Solftices,
conclus par les obfervations de Waltherus.
Fe AR THGULNE.. L V.
CEA as "
… Recherche de la grandeur de l'année folaire moyenne.
% + En réduifant le moment du Solflice du 12 Décembre
4 1487 au méridien de Paris, plus occidental que celui de
|
FA Men. 1749: EL
*V les Mém. de
l'Académie, an.
1741,p.209.
53 MÉMOIRES DE LACADÉMIE ROYALE |
Nuremberg, de 34° 56”, on a le temps moyen du Solftice
à Paris, le 12 Décembre 1487, à 12° 0° 44". M. Caflini
a déterminé le temps vrai du Solftice d'hiver à Paris le 21
Décembre 1741 à 4h 47 36"*, où à 4h 46° 3 5" temps
moyen. L’intervalle entre ces deux Solftices , eft de 92771
16h 15° 51”, lequel étant divifé par 254 années, donne
la grandeur de l’année folaire apparente, de 3 6 5i 5" 49° 40";
dont il faut Ôter $0” + pour la différence entre l'année
folaire apparente & l'année moyenne : refte la grandeur de
l'année folaire moyenne, de 365i 5h 48' 49" +.
Réduifant de même le temps du Solflice d'hiver de 1 503
au méridien de Paris, & en le comparant avec celui du même
Solftice de 1741, on a précifément la même année folaire
moyenne, de 365i 5" 48" 49" +.
Faifant encore la même réduétion au temps du Solftice
d'été de 1487, & le comparant au temps moyen du Solf
tice, que j'ai déterminé en 1747 le 21 Juin à 10h 34°31"
à Paris, on aura un intervalle de 945 97i 13h $4’ 14" entre
ces deux Solflices, ce qui donne l'année folaire apparente de
365i 5 47° 56", à laquelle il faut ajoûter $ 0” + pour la
différence éhtre l'année apparente & l'année moyenne, &
celle-ci fera de 365i 5° 48" 46"+
Enfin par une femblable comparaifon entre le Solftice
d'été de 1503 & celui de 1747, on trouvera l'année fo-
laire moyenne de 365i 5° 48° 37" 2.
Par un milieu on la peut étblir, felon les obfervations
de Waltherus, comparées aux plus récentes, de 365i 5h
48" 46", & par conféquent le mouvement moyen du Soleil
en cent années Juliennes , de of od 46° 8”.
AMRÉFT C'LE AN
Recherche de l'époque du moyen mouvement du Soleil
au commencement de l'année 1500.
En réduifant les temps moyens des Solftices déterminés
ci-deflus, du méridien de Nuremberg à celui de Paris, &
en f fervant de la poftion & du mouvement de l'apogce,
trouvés dans des articles précédens , le calcul de l'époque de
x500 eft aifé.
CE AL
( | oi 21 s4/ MSC) 4 E AN CI EL SA s9
|
JZezz Déc. r487,\ Lerr Juin r488, Le f2 Jun#so Lerz Déc. rço
d 12h 0° 44" 1 äzih 407 271. 4 ä rh i15° Fu3 à oh 45° MA
(4 (24
Vrais lieux du Soleil. . . [of od o’ o"| 3f où 0 o”| 3f od o° o”|of of 0 o
Vrai lieu de l'apogée. . . :|3. 3-46. 38 | 3. 3.47. 12 | 3. 4. 4.24 |3. 4. 4. 5$
Donc anomalie vraie du ©, 26. 13. 22 | 11.26. 12. 48 {ir 25. 55.36 À$. 25. 55. $
Equation du centre. .« . . . + 7. 32 + 7.45 # 8.20 + 8. 9
Donc lieux moyens du ©.|9. o. 7. 32 | 2.29. 52. 15 | 2. 29. 51, 40 lo. o. 8. 9
Lieux moyens felon les Tab.|9. o. 7.46 | 2.29. 52. 23 | 2.19. 53. 16 |9. o. 9.32
Erreur des Tables . . . .. + 0. 14 +o. 8 + 1. 36 + 1.23
Ep. de 1500 fclon les Tab419. 19.26.26 | 9. 19. 26.26 | 9. 19. 26. 26 |9. 19. 26. 26
Epoque corrigée. . . . . . 9+ 19. 26. 12 | 9. 19. 26. 18 | 9. 19. 24. 50 (9- 19.25. 3
‘Par un milieu , époque de 1 500 fera gf 194 25° 36".
| AURGTPICALE . . WI.
Recherche de la + su équation du Soleil, à par
conféquent excentricité de fon orbire.
né J'ai cherché la plus grande équation par la méthode Ja
plus exacte que nous ayons : elle confifte à déterminer par
les obfervations les vrais lieux du Soleil dans les deux temps
de l'année où il pafle par fes diftances moyennes : (c'étoit,
lors ds bla de Waltherus, vers le 1 $ ou 16 Mars,
& le 16 ou 17 Septembre ); on en conclud le mouvement
vrai du. Soleil pendant l'intervalle d'un pañfage à l'autre; fa VE
différence avec le mouvement moyen du Soleil pendant :ce
_ même intervalle, eft précifément le double de la plus grande
équation du centre, fi les deux lieux du Soleil font à-un demi-
degré près des points des diftances moyennes: s'ils en font éloi-
nés. de quelques degrés, la diflérence eft un peu moins que
: double de la plus grande équation; mais on ne daiffe pas
l.conclurre très-exaétement , même par des lieux du Soleil
Ù fervés à quatre ou cinq degrés près des diftances moyennes.
…_ Pour cel, on calcule fur des l'ables du Soleil, (quelles qu'elles
_ fient, pourvû que le lieu de Fapogée ne foit pas écarté de:
CAE
1476.
2477
1478.
1487.
1488.
1480.
1491.
1498.
L4909>
xSo1.
6o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fon vrai lieu dans le ciel de plus de 1 5 à 20’) les deux vrais
lieux du Soleil au moment des deux obfervations ; on cherehe
la plus grande équation du Soleil par ces deux lieux calculés
comme ff c'étoit deux lieux obfervés dans les diftances moyen-
nes; on la trouve plus petite que celle qui eft dans les Tables;
on en prend la diférence, & on l'ajoûte à la plus grande équa-
tion déduite des deux lieux du Soleil obfervés réellement.
Je n'ai omis ici aucune des obfervations de Waltherus,
faites dans les circonftances propres à déterminer la plus
grande équation du Soleil, & lon peut s'aflurer que je vais
rapporter fidèlement tout ce qui en réfute.
Voici d'abord les obfervations.
Temps moyen: Hauteur app. obfervée di ©. Vrai lieu du So/eil.
1:54 S Ept.ua abs 2 NS ES OEM Cr ROUE Te A
16 Mars. a 0 MM ADN BIN ES QUI ES PIE SAME
12RSEpE A2) NA ncIe 40: 42-0341 11, 20240 Mn 6Ep
LOEMArs D. a MO NB ele Net 41023 2: ET 207 54-0)C
N'OPSCPLe NAS NTIe AN eR 39 ve, 3. 16. 48
1 20MAS RE A OS NN SEE TS 40. 48. 50. 6.135137
12" SEPL 40282049 3e celui 40. 55. 48 29: 6. 54m
171 SEPT 24 23 052 ITS NE 2, 54. 24
174Mars RO O ele fee 43 0. 56 6. 7-0 AB
13 SCPI EE PAR 40., 17. 106%. nt 0.143 Naute
L'ANSCPE EL UNS A Ne CRE #. 1. 42. 52
17 Spread no 138443: 4007 el. NAN 0. re
LME AU RO NEA. ee AZ Le 150 1. 58 30Y
M 1 ES p ICE Me MM ON EE dE TON CE OMRE E7 2 HR 4
TOME A OMIS el AO AIS 7:15 4.020109
13 Marse it MO M 7 ALT e AT MNO ALU 1. 28. 260
14 Sept 252 EN 255 End VO ET 0. 59. 12 ©
AE NE ec EN CL DE Ac Ch oc 4. 13. 24
18/Sepe az: nn ee 8. 70.12 $+ 13. 8
LAMMATS TS AM Oo NRA ete 41. 35,25 2 32237 y
17:Mars. 4 LONG 42. 157 M Sa SE 20
14 Sept Ja agi) lea Ur SL 1. 34 15
18 Sept... à 23. $0o. 4 38 23. ÿ1..., $. 28. 50 2
aol É'SNÈSIC'A E Nr GENS 61
Voici maintenant Le calcul de l1 plus grande équation.
#
145. 15 Sept. 61 14 51° 24" 1477. Sept. 16... GT 38 16° 48"
1476. 16 Mars.. Oo. 5. 4. 55 1478. Mars 12.. 0. oo. 35. 37
Mouvement vrai. . We 3. 13. 31 Mouvement vrai. . . MN EN
Mouvement moyen. 5: 29: 23. s
53 Mouvement moyen. DEEE
Dience gant DIfC EN. u8te 2 2e 3- 49. 43
Moitié. ....... 1. $4. 47 Moitié..,….... FHIS AISNE
Correttion, .. ... + 1 Correction. . ..,. + 62
Pius grande équation. 1, 54. 48 Plusgrandeéquation. 14:ÿ41 58
1476. Mars 16.. 0. S$. 4. 55 1478. Mas 12.. 0. oo. 35. 37
Sept 12. : 5:29. 40. 6 14784 Sept. 12. s. 2 6. 54.
Mouvement vrai... 5. 24. 35. 11 Mouvement vrai... HÉCFrarES
Mouvement moyen. $. 28. 23. 17 Mouvement moyen. 6. #2. 20. $
L Différence. ..... 3. 48. 6 Différence... ... ERA TS
MOIRIÉ 2 ste ee Bel $de, 13 "Méitiétesm-. … 1. $4 24
Correction. ... . .. + 6
Plus grande équation. 1. $4+ 91 Plus grandeéquation. 1,905 40,318
6
è
| 3476. Sept. 12.4. $. 29. 40. 1487. Sept. 16... 6
: 3477. Mars 11..11. 29. $4 oO 1488. Mars 17... ©
Mouvement vrai... 6. o. 13. $4 Mouvement vrai... 6. 3, 13. 24.
| Mouvement moyen. $. 26. 26. 32 Mouvement moyen. 5
Différence . . . .. ° 3. 47: 221 Différence. . 1." 3. 49. 33
À Moïtié. 42 da. 1, 53. 4r Moitié......... 1. 54. 462
1 Correction. 3! RON + 13 Correction. ...., ÊEE
;
‘
Plus grande équation. x. 53. 54 Plus grandeéquation. 1. ÿ4 47
…. 21477. Mars r1..11. 29. 54. © 1488. Mars 17.. o
l Sept. 16.. 6. 3. 16. 48 Sept. 17..: 6
_ Mouvement vrai... 6: 3. 22. 48 Mouvement vrai... 5. 28. 30. 49
Mouvement moyen: 6. 7. 15. 42 Mouvement moyen: 6
Différence . ..... 3.152 54 Différence. . .... LL PTE
RAOMIQRÉ 2... 1. $6. 27 Moitié........ FA
… Gorrection...... + 9 Correction. ..... + 1E
Plus grande équation. 1, 56. 36 ‘ Flusgrandeéquation. AN VMETE
( il
62
1488. Sept. 14...
1489. Mars 15...
Mouvement vrai...
Mouvement moyen.
Différence
Moitié
Plus grande équation.
1488, Sept. 13...
1489. Mars 13... ©
Mouvement vrai...
Mouvement moyen.
Différence
Moitic
Correttion. . ....
…....
_…s.....
Plus grande équation.
1488. Sept. 17...
1489. Mars 19...
Mouvement vrai. . .
Mouvement moyen.
Différence..1.0100.re
Moitié-s"crtlire
Correction. . ....
Plus grande équation.
149 1: Mars 13...
Sept. 14..
Mouvement vrai. .
Mouvement moyen.
Différence
Moitié
Gorreclion 1-10.
Plus grande équation.
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE
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Mouvement moyen. 5. 23. 29. 7
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Moitié sure. » Le LD
Gorrechion ie. + 3
Plus grande équation. Le ELA
1$ 0 Là Mars 17. 4140:105<1.58 20
Sept:141 16. CNRS ARTS
Mouvement vrai. .. 5. 25.35. 55
Mouvement moyen. 5. 29. 22. 41
Différence as: 1 3+ 46. 46
Montrer trie NOR)
Correction. . .... + 1
Plus grande équation. SU
145 a Mars 17 . 120.105 58 20
Scpt.18.. 6. 5:28. 50
Mouvement vrai. . Fe 29. 30. 30
“Mouvement moyen. 6. 3. 19. 12,
Différence .. . on. Be Be, 48
Moitié ." ..-... Me TETE
Correction DEEE + 12,
Plus grande équation. 54,93
Prenant un milieu ‘entre tous ces rélultats, on trouve da
ea
DIE: SMASUE à E Ne © EASE y à M 63
plus grande équation du centre du Soleil, qui réfulte des
oblervations de Waltherus, de 14 54 55"; & par confé-
quent l'excentricité de l'orbite. du Soleil ; de: 1671 6 parties,
dont la diftance moyenne en contient 1000000, à peu
près telle qu'on la trouve encore aujourd'hui , mais beaucoup
plus petite qu'elle; n'avoit été déterminée par Tycho & par
tous les Aflronomes. qui ont fait des Tables. du Soleil fur
fes obfervations.
|
ME MOIREY*
D AE DA AN 29 08 8 8 1
Contenant la defcription d’un Eïeétromètre, ou d'un
infrument férvant à mefurer la force életrique.
Par M. le Chevalier D'AR c +.
Qui: STRUMENT dont il eft ici queftion , a été ima-
R 3 giné il y a plus d'un an & demi par M. le Roy & moi,
Perfuadés lun & fautre , que deux amis qui travailleroïent
de concert à quelque partie de la Phyfique, réuffiroient mieux
par les fecours mutuels qu'ils fe Préleroient, que s'ils tra-
vaïlloient chacun de leur côté; nous nous fommes affociés
Pour faire des expériences fur 'Elelricité, Ainfi l'on doit
regarder tout ce que je dirai dans ce Mémoire, comme
appartenant également à tous les deux.
_ L'éedtricité qui n’étoit il y a dix ans que Yobjet de Ja
curiofité de quelques Phyficiens , ayant excité celle de toute
l'Europe, depuis la fameufe expérience de Leyde ; on s’eft
_ empreffé de chercher la caufe de tous les effets extraordi-
r6 Avril
1749.
‘naires qu’elle produit : de à eft venu cette foule de Traités,
‘où l'on ne Promet pas moins que d'expliquer clairement la
vg * Ce Mémoire eft imprimé fous le nom de M. d’Arcy feul, quoiqu'il
appartienne éoalement à M. le Roy; parce que, lorfque M. d’Arcy en a
# la“leéture , M. le Roy n’étoit pas encore de l’Académie.
64 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
caufe de l'électricité. Mais, fon en excepte celui de M. Abbé
Nollet, & ceux de quelques habiles gens, toutes ces belles
promefles s’évanouiflent , & toutes ces explications fe rédui-
fent à mille fuppofitions vagues & gratuites, qu'un homme
fenfé n’adoptera jamuis. Ce qu'il y a de fingulier, c'eft que
dans plufieurs de ces Traités, on s'aperçoit que leurs Auteurs
ne fontpas mème bien inftruits des phénomènes qu'ils veu-
lent expliquer. -
Des Phyficiens plus fages ont interrogé Ja Nature ; ils ont
fait un grand nombre d'expériences pour tâcher de pénétrer
la caufe des phénomènes électriques, caufe qui femble à
chaque moment vouloir {e dévoiler à nos yeux, & qui cepen-
dant n'en eft pas moins cachée. Mais, fi j’ofe le dire, ils n'ont
pas fuivi la véritable route ; entraînés par la fingularité des
phénomènes nouveaux qui fe préfentent à chaque inflant ,
ils ne fe font pas affez attachés à bien conflater la nature &
le rapport mutuel de ceux qui étoient déjà connus. A Ja vé-
rité, les phénomènes de l'électricité font fr propres à piquer
la curiofité, que cette conduite ne doit pas furprendre ; mais
il eft arrivé de là, que d'un grand nombre de nouvelles
découvertes on a tiré peu de lumières fur la caufe des phé-
nomènes. Il eft de certaines règles qu'un Phyficien doit fuivre
dans fes expériences , & qui doivent être comune la bafe de
toutes {es tentatives. L'identité des circonftances en eft une
des plus effentielles à obferver, fur-tout dans l'électricité,
qui eft fi changeante , tantôt foible, tantôt forte ; le feul chan:
gement de pofition de la main par rapport à l'équateur du
globe que l'on frotte , l'augmente, ou la diminue. Or fr le
Phyficien n'eft pas en état de mefurer, ou au moins de con-.
noître ces changemens, il fera, comme on le verra dans un
moment, expolé à tirer de ces obfervations mille conféquences
faufles, quoiqu'elles lui paroiïflent bien déduites. 1 réfulte
de ces réflexions, qu'un Æ’kéfromètre, où un inftrument qui
pourroit mefurer ou indiquer les variations de la force élec-
trique, feroit d'une grande utilité dans l'obfervation des phé-
nomènes de l'électricité.
Cette
6
à
À
ER TO |
nés.
DIE SASNE I E N/GEÏS 6
* Cette remarque paroîtra plus importante, ff l'on fait atten-
tion à la différence des opinions qui partagent les Phyf-
ciens fur la caufe de plufeurs de {es phénomènes ; différence
qui paroit ne devoir être attribuée qu'à l'impofhibilité où ils
étoient de connoître les variations de la force électrique,
n'ayant aucun moyen précis de Ja mefurer : car fi fun fait
fes expériences avec une éledricité plus forte que l'autre,
cette différence dans {a force peut en produire de très-confi-
dérables dans les faits. Une expérience que je vais rapporter,
rendra ceci fort fenfible.
Si l'on préfente un corps léger à une certaine diftance d’un
corps foiblement électrique , il fera attiré; fi le corps devient
fortement électrique, & que vous préfentiez de nouveau, à
la même diftance, le corps léger , il fera repouñlé. Voilà deux
eflets qui paroiflent contradiétoires ; on pourra donc égale-
ment foûtenir qu'un corps électrique attire des corps légers
à trois ou quatre pouces de diftance, ou qu'il les repoufle:
de à on peut s'étendre à Finfini dans un détail d'explications
vagues ; cependant le fait eft fort fimple , il n'eft qu'une
conféquence d'autres faits déjà connus. Tous les corps éga-
lement électriques fe repouffent, c'eft-à-dire, font effort d’une
manière quelconque pour s’écarter ; ils ont de plus une
atmofphère électrique : on fait qu'un corps entièrement ifolé,
s'éleétrile par le feul voifinage d'un autre corps élefrique;
or plus un corps eft électrique, plus cette atmofphère s'étend
à de grandes diflances ; par conféquent dans le premier cas
le corps léger n'étant point électrique doit être attiré, &
dans le fecond , l'étant fortement parce qu'il {e trouve plongé
dans l'atmofphère du corps électrique, il doit être repoufñlé.
Un Eleftromètre auroit bien-tôt décidé la queftion , puifqu'il
feroit voir que l'éleétricité n'étant pas la même dans ces
deux expériences , ces phénomènes n’ont rien d'extraordi-
_ maire, & qu'ils ne font que les fuites d’autres phénomènes
… déjà connus. «On ne finiroit pas fi on vouloit s'étendre fur
| toutes les expériences de cette efpèce.
» importante queftion qui a été agitée entre d'habiles
Mém. 1749. vol
66 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
gens, & qui fe préfente d’abord à lefprit ( favoir, fi la
force électrique eft comme le nombre des particules de ma-
tière, ou comme la furface des corps), paroît encore impof
fible à décider fans cet inftrument: en eflet, comment réfoudre
cette queftion , fans connoître exactement la quantité de la
force électrique ?
Je ne dois pas oublier que d’habiles Phyficiens eftiment
la force de l'électricité par la diflance à laquelle on tire les
étincelles, & par leur éclat; mais on fent facilement que si
y a des cas où cette manière de leftimer puifle être employée,
il y en a un grand nombre où elle ne conviendroit pas, &
que fans une ans plus précife on ne parviendra jamais à
rien établir de général & de certain fur les loix d'attraction
& de répulfion.
I eft à propos même de remarquer, que la détermination
de ces loix eft d'une plus grande importance qu'on ne le
croiroit d'abord; & que fi elles étoient une fois bien connues,
elles pourroient jeter un grand jour fur la caufe de Félectricité,
Je ne m'étendrai pas davantage fur la nécefité de cet inf
trument, j'imagine l'avoir aflez bien montrée. Auffi M. le Ro
& moi reconnûmes, qu'avant de rien entreprendre fur lélec-
tricité, notre premier objet devoit être de le chercher. La
chofe nous parut d'abord fi hérifiée de difficultés , fur-tout
par l'inconflance momentanée de l'électricité, que nous crü-
mes qu'il étoit impofñlible d'y réuflir; cependant après plu-
fieurs tentatives, nous parvinmes à exécuter l'inftrument ,
dont voici la,defcription.
Un grand vafe À B plein d’eau, contient une bouteille € D
de verre, que les Marchands appellent œuf philofophique; à
l'extrémité du col de cette bouteille eft adaptée une verge }
parfaitement cylindrique, d’une ligne de diamètre, & de 1 2
pouces de long. Le vafe À B eft recouvert en haut par une
plaque de laiton À, qui s'applique parfaitement deflus; cette
phque eft percée d’un grand trou à fon centre, qui eft auff
celui du vale, afin que la verge puifle pañler à travers très-
librement. A l'extrémité fupérieure de la verge eft une petite
be D E SON : € N° C'ENS 67
plaque circulaire Z de laiton, de 14 lignes Z de diamètre,
J'ai déjà dit que le vafe À Z elt plein d'eau , l'œuf y eft plongé
à une certaine profondeur , qui doit être telle, que Finftru-
“ment étant en repos, c'eft-à-dire, n'étant pas électrique,
extrémité inférieure de l'œuf foit aflez près du fond du vale,
fans cependant y toucher. Pour que l'œuf & la verge foient
“toûjours dans une fituation verticale, on lefte l'œuf avec du
mercure, par ce moyen le centre de gravité étant fort bas, le
tout {e tient perpendiculaire à l'horizon, & éprouve, en hauf-
| fant ou baïflant le moins de balancement qu'il eft poffible :
-comme cet œuf, s'il n’en étoit empêché, iroit vers les bords
du vafe, & nageroïit tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, on a
‘été obligé de le déterminer au centre, de la manière fuivante.
ciné à 2
d'argent fort déliés, tels que ceux des micromètres ; cette
croix eft formée par des fils doubles qui laiffent entre eux
au centre de la plaque, un petit efpace carré, qui étant plus
grand que le diamètre de la verge, lui permet de monter
.& de defcendre entre ces fils, fans éprouver aucun frottement
-fenfble, & cependant fans l’écarter du centre: il arrive même
“un fait fort fingulier, c’eft que lorfque toute la machine eft
bien électrique, la verge eft contenue au milieu de ces fils,
prefque fans y toucher, parce qu'étant électrique comme eux
elle les évite continuellement.
_ Après cette defcription de Finfrument, on imagiuera
fans peine la manière dont il fait fon eflet, fur-tout fi l'on
fait attention à ce princique d'hydroftatique fi connu, qu'un
-çorps plongé dans eau, furnage où s’y enfonce felon qu'un
se d'eau, femblable à celui qu’il occupe, eft plus léger
ou plus pefant que le corps même ; il fuit de ce principe,
+ qu'un volume d'eau égal à celui de l'œuf & de la partie
_ de la verge qui trempe dans l'eau, lorfque le tout eft en
- repos, pèfe autant que l'œuf, la petite plaque & toute la verge:
conféquemment, fi Je tout s'élève d'un pouce, la puiffance
… qui le foûtiendra à cette hauteur, foûtiendra un poids égal à
"un volume d'eau de la groffeur de la verge, & d'un pouce
Ti
Sur la plaque Æ dont j'ai parlé, font fixés en croix des fils .
\
68 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de haut, puifque le volume d’eau que l'œuf & fa VErge occu-
pent alors, eft diminué de cette quantité. Si donc diffé-
rentes puiffances le foûtiennent à 1, 2, 3, 4 pouces, &c. de
hauteur au deflus du point de repos, ces puiffances feront
entre elles comme ces nombres, c'efl-à-dire, doubles, triples,
quadruples, &c. on verra dans un moment que l'éledricité
produit le même effet fur l'Eleétromètre, c'efl-à-dire, qu’elle
fait la fonction d'une puiffance qui le foûtiendroit à 1, 2,
3, 4 pouces, &c. au deflus de fon point de repos, & par
conféquent, qu'avec cet iuftrument on eft en état d’eftimer
tous {es diflérens degrés de force. Que l’on fuppofe à pré-
fent toute la machine compolée du vafe À B, de l'œuf, &c.
polée comme elle eft en © dans la figure 2.° fur un réci-
pient de verre, ou fur quelqu'autre matière qui ne laiffe point
pañler l'éleétricité, & que le vafe À B devienne électrique,
la verge V le deviendra aufi, comme la plaque Z. Or tout
le monde fait que les corps électriques fe repouffent ; ainfr
la petite plaque L & la verge F étant repouflées par la
grande plaque A, s'éleveront néceflairement plus ou moins,
felon que l'éleétricité fera plus forte ou plus foible. L'éleétri-
cité fera donc alors, comme je fai dit plus haut, la fonc-
tion d’une puiffance qui foûtiendroit Finftrument à une cer-
taine hauteur; mais comme ces puiflances font proportion-
nelles aux hauteurs de Finftrument au deflus du point de
repos, ces mêmes hauteurs feront auffi proportionnelles aux
différentes forces électriques, ce qui prouve ce que j'ai avancé,
que notre inftrument mefure exaétement tous les différens
degrés de la force éleftrique : il eft donc un véritable Elec-
tromètre; mais il y a plus, cet Eleétromètre peut être employé
comme inftrument, foit pour faire un grand nombre d’expé-
riences fur l'électricité, foit pour déterminer les loix d’attrac-
tion, de répulfion, de difiufion, ou de tranfmiflion, &c.
des corps électriques; propriété qui n’eft pas moins impor-
tante que celle de melurer la force électrique. : ‘
DES SCIENCES. 69
Manière de [e fervir de l'E‘lc&romitre.
Les corps électriques ayant cet inconvénient, qu'on ne
peut en approcher fans leur dérober l'électricité, il eft clair-
que fi l'on étoit aflez près de l'Eleétromètre pour juger de fes
mouvemens avec précifion, on déroberoit fon élericité.
Cette railon nous a déterminés, après un grand nombre de
tentatives, à les obferver de la manière fuivante. Dans une
partie de la chambre nous plaçons une grande lanterne, où
on met une groffe bougie qui projette fa lumière par un
trou fur les Electromètres placés en Æ (on n'a point repré-
fenté dans le deflein cette lanterne, pour ne point faire de
confufion, on n'a repréfenté que le jet de lumière); derrière
ces Elettromètres et un cadre Q très-{olide, dont toute la
parte À eft de bois ; elle pourroit être de toute forte de
matière opaque: dans ce cadre font coupés deux reétangles
ou fenêtres À 7; ces fenêtres font remplies par des glaces G
qui ne font qu'adoucies ; fur ces glaces, on a marqué des divi-
” fions très-précifes avec de l'encre de la Chine bien noire.
P.
Ce cadre eft toüjours placé de façon que la projection
des Electromètres tombe fur ces glaces; & l'extrémité D de
Ja verge étant faite en cone, elle y forme une ombre très-
nette. Or comme ces glaces font tranfparentes, Obferva-
teur placé derrière en Æ, voit de la manière la plus diftincte
toutes les différentes élévations de l'Eleétromètre, & par-là eft
en état de juger avec la dernière précifion de toutes fes
variations ; on voit que le plan du cadre étant perpendicu-
laire à l'horizon, & que l'Electromètre hauffant & baïflant
dans un plan parallèle , l'élévation & labaiflement des
ombres font toëjours proportionnels à ceux des Eleétro-
mètres. Quant aux chaînes de métal 41, on imaginera aifé-
ment qu'elles fervent à tranfmettre l'électricité de la barre
-de fer ou de tout autre corps électrique, aux Electromètres :
le cadre Q, au lieu des deux, fenêtres, pourroit n’en avoir
qu'une, cela fufhroit pour l'Eleétromètre ; mais comme j'ai
dit plus haut qu'il fert auffi d'inftrument, il falloit pouvoir
I iïj
70 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
obferver au même inftant l'inftrument avec lequel on faifoit
des expériences, &l'Electromètre, pour s'aflurer par ce dernier
que l'électricité étoit toûjours la même, ce qui ne fe pouvoit
faire qu'en raflemblant leurs ombres très-près l'une de l'autre.
On voit par la conftruétion de l'Eleétromètre, qu'il a les
propriétés eflentielles à un inftrument de cette efpèce:
Car 1.” la force éleétrique étant trèsfoible ‘il faut un in£
trument très-mobile & fort fenfible ; aufli un poids de 8 grains
pofé fur la petite plaque le fait-il baïfler de plus de 4 pouces.
2. La force éleétrique étant fort changeante, il faut un
inftrument , lequel n’agiffant pas par faut, foit en état de
donner à chaque inftant fes variations ; or l’inftrument ten-
dant toûjours au repos, & n'étant foûtenu hors de cet état
que par la répulfion des plaques, il baïifléra au même inftant
que cette répulfion diminuéra, où il hauflera de même au
méme inftant qu'elle augmentera : l'evpérience nous a prouvé
mille fois cette propriété de notre Eleétromètre, l'ayant toù-
jours vû haufler & baifler à la moindre variation de la force,
Enfin il eft univerfel, car on voit que le véritable Eleétro-
mètre eft la verge cylindrique , qui détermine par lenombre
de fes parties élevées au deflus du point de repos, la quan-
tité de la force électrique: or il n'eft pas difficile d'avoir
une verge cylindrique d'une ligne de diamètre. [ eft vrai
que le diamètre de la petite plaque L, & fa diflance à la
grande Æ au point de repos, peuvent produire quelques diffé-
rences dans la répulfion, mais ïl eft facile d’obferver toutes
ces proportions, de forte que tout le monde pourra faire un
Electromètre qui s’élevera de la même quantité que le nôtre
pour la même force électrique: cette propriété me paroît
une des plus remarquables de notre inftrument ( femblable
en cela au thermomètre de M. de Reaumur, que toute l'Eu-
rope a adopté). Comme j'ai dit que notre Electromètre pou-
voit tre employé comme inftrument , je vais, pour en
donner une idée, rapporter quelques expériences que nous
avons faites. Voulant découvrir f1 l'éleétricité eft comme la
malle ou comme la furface des corps, nous nous y primes
Re rte) 0 © OC
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de la manière fuivante. L'inftrument Æ fervoit d'Elero-
mètre, l'autre / étoit deftiné pour faire l'expérience; au deflus
de ce dernier étoit fufpendue perpendiculairement à une dif
tance de 10 pouces une calotte où portion de fphère PS:
cette calotte étoit de fer battu, mais très-mince, & d'une
figure fort régulière : elle recevoit l'électricité de la barre
électrique par un fil d'archal; & fufpendue à des loies, elle
la confervoit. La chaîne, qui dans la figure 2 communique
aux deux inftrumens, ne communiquoit dans l'expérience
qu'à l'Ele‘tromètre, de forte que l'inftrument n’étoit point
éleétrique. Une perfonne obfervant fr le cadre la hauteur
à laquelle l'edtricité avoit fait monter FElectromètre , une
autre obfervoit l'élévation de l'inftrument; & plufieurs expé-
riences réitérées nous ayant afluré que l'élévation de l'inftru
ment étoit la même pour la même électricité (ce que notre
Electromètre nous enfeignoit) on mit en écrit les hauteurs
où l'Electromètre & l'inftrument s’étoient élevés; cette expé-
rience faite, on verfa dans cette calotte aflez de mercure pour
que la mafle füt multipliée plus de foixante fois. On recom-
mença l'expérience, fa même perfonne obfervant toujours
lEle‘tromètre, pour s'affurer que la force électrique étoit Ja
mème que dans l'expérience précédente, tandis que l'autre
obfervoit la hauteur à laquelle l'inftrument s’'élevoit ; après
avoir obfervé pendant un certain temps, nous trouvâmes que
l'inftrument s’étoit élevé dans les deux expériences précilé-
ment de la mème quantité, c'eft-à-dire, que le mercure
n'avoit produit aucun effet, au moins apparent. Comme on
peut fe tromper, & qu’on fe trompe en effet fouvent, nous
avons répété cette expérience plus de cinquante fois, trou-
vant toüjours la même chofe : ceci fembleroit indiquer que
quant à l'attraction des corps éeétriques, elle eft comme les
furfaces; mais la queftion n’eft pas décidée, car le feu &
les: étincelles que l’on tire d'un corps électrique pourroient
fuivre une autre loi. Il eft für qu'un morceau de métal
quelconque doit avoir une certaine épaïfleur, pour que du
côté du tranchant on en puiffe tirer des étincelles qui éclatent ;
M
72 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fans cela, vous n'en tirez qu'une elpèce de feu qui refemble
fort à celui que l'on tire du bois électrique, de quelque grof
feur qu'il foit ; cependant fi lon tire des étincelles du milieu
d'une plaque de tôle, ces étincelles feront très-fartes, & je
puis dire que celles que l'on tiroit de la calotte avec ou fans
mercure, ne paroifloient différer en aucune façon. Malgré
que le plus où moins de mafle dans tel ou tel corps en par-
ticulier n’augmente ni ne diminue fon éledricité, on pourroit
imaginer que l'augmentation de la male totale des corps élec-
triques pourroit en général augmenter l'éleétricité; mais des
expériences que j'ai faites, trop longues à rapporter, m'ont
encore fait voir que cela ne change rien.
J'ajoûterai encore une expérience où nous avons employé
YElectromètre & l'inftrument, c'étoit pour favoir fi un corps
tranfmettant l'électricité d'un corps éleétrique à un autre
corps, lui en tranfmettoit toüjours la même quantité, de
quelque volume qu'il füt. Tout difpofé comme dans la
figure 2, excepté que l'inftrument avec lequel nous voulions
faire notre expérience, au lieu de communiquer à la barre
de fer par une chaîne, ÿ communiquoit par un fil de fer
très-délié, nous életrifimes la barre de fer, & nous nous
mimes à obferver l'Electromètre & l'inftrument ; après les
avoir bien obfervés, nous cottämes leurs différentes hauteurs,
enfuite nous fubftituâmes au fil délié un autre fil beaucoup
plus gros; & obfervant de nouveau l'Eleétromètre & l'inf
trument, nous ne trouvames pas le moindre changement :
la même expérience, répétée plufieurs fois fur d’autres fils,
nous a toüjours donné le même réfultat.
Les objections que lon peut faire contre notre Eleétro-
mètre, font de trois fortes, contre fa füreté, fon univerfalité,
& la manière de s’en fervir.
On demandera 1.” fi l'œuf qui trempe dans l'eau n’eft
pas plus où moins repouffé par le fond du vale, ce qui
feroit que lElectromètre s’éleveroit tantôt plus, tantôt
moins, fans que la force füt changée: je répondrai qu'un
corps cntièrement plongé dans un fluide ne reçoit aucun
mouvement
DES SCiEeNCcESs. 7m
mouvement par l'électricité ; c'eft un fait d'expérience.
On demandera 2.° fi les corps qui tranfmettent l'éleétri-
cité à { Elettromètre, différant ou par leurs mafles ou pardeurs
furfaces, ne produiront aucune erreur, ceft-à-dire, fi f Elec-
tromètre ne donnera pas différentes hauteurs pour la même
force électrique : l'expérience que j'ai rapportée il y a un
inftant décide ‘la queftion, puifqu'elle fait voir. que des fils
de fer de groffeur très-différente ont tranfmis la même quan-
tité d'électricité. Il fuit de cette expérience, que l'électricité
a la propriété des fluides, qui, par les loix de prefion, fe
répandent toûjours également, quels que foïent les canaux
de communication.
De plus, il fuit de cette propriété que le moindre chan-
gement de l'électricité dans un corps compofant la mafie de
ceux qui font électriques ; fe fait fentir également fur toute
cette mafle, ce qui donne la folution d'une autre ob;ettion
qu'on pourroit faire fur les vafes de verre que nous em-
ployons pour foûtenir nos Eletromètres. On nous dira qu'é-
tant plus ou moins fecs, ils pourroient perdre l'électricité &c
faire baifier l'Electromètre, fans que l'électricité füt cependant
changée dans les autres corps électriques ; mais par la pro-
priété quæje viens de rapporter, il eft clair que fi un des fup-
… ports laiffé pafler l'électricité, la force diminuera également
… dé toutes parts, de forte que ce fera pofitivement comme ff
on avoit une électricité moins forte: c'eft ce que les ‘faits
nous ont prouvé nombre de fois d’une manière inconteftable.
… Enfin on pourroit craindre, malgré ce que j'en ai dit, que
Y'inftrument n'étant pas affez {enfible, il ne*fit tirer de faufles
conféquences ; l'expérience fuivante fera évanouir cette idée.
La barre de fer qui reçoit l'éleétricité du globe, en fut.
placée à une diftance de plus de 20 pouces : on établit enfuite
“une communication entre cette barre & l'Flectromètre; &c
» Ja chambre étant bien obfeurcie, on fe mit à élecrifer.
L'électricité que la barre recevoit par ce moyen étoit fi foible,
qu'à peine pouvoit-on reconnoître, en tâchant d'en tirer des
étincelles, fi elle étoit électrique; & fi lon en tiroit, elles
Mém. 1749. . K
1". bd.
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
étoient fi foibles & fi peu fenfibles, qu'elles ne méritoient
pas ce nom : malgré cela notre Electromètre; qui commu-
niquoit avec la barre de fer, ne laïfla pas de s'élever de
plus d'un degré; preuve certaine de fa fenfibilité, & qu'il
donneroit des différences dans des expériences, où cependant
les forces ne différeroient que de la quantité dont la barre
de fer étoit électrique : quoi qu'il en foit ; cette fenfibilité peut
être encore augmentée en diminuant le diamètre de la verge.
La plus forte objection qu'on puifie faire contre l’univer-
fuité de notre inftrument, eft la différente denfité de l’eau
dans les différens climats: je réponds que faifant une verge
qui defcende de 4 pouces pour 8 grains, on aura un Elec-
tromètre qui donnera les mêmes degrés de l'électricité que le
nôtre.” On pourroit objecter que dans un pays chaud une
pareille verge feroit plus repouffée, puifqu'elle feroit plus
grofle que la nôtre; mais comme da verge n'eft repouflée
* que par fa circonférence, on voit que cette addition de force
fera peu fenfible; & de plus, que la répulfion de cette verge
fera très-peu de chofe en comparaifon de celle de la plaque.
On pourroit dire encore que les diférentes pofitions de
VElectromètre, par rapport au cadre & à la lanterne, chan-
geroient les hauteurs apparentes; mais c'eft une ghofe qu'il
eft facile de vérifier par l'expérience fuivante. Electro-
mètre étant placé, & le tout arrangé comme pour faire des
expériences, chargez la petite plaque de l'Eleétromètre de 8
grains, par exemple, & voyez de combien de degrés cela fait
defcendre l'Eleétromètre fur le cadre; la fomme de ces degrés,
comparée à celle qu'un même poids aura fait parcourir à un
autre Eleétromètre fur lequel on aura fait la même expé-
rience, donnera leur rapport précis. Malgré ce que je viens
d'avancer, je ne me flatte pas que cet inftrument foit à fa
plus grande perfection, peut-être même que d'habiles gens
fichant que la chofe a été tentée & exécutée, tâcheront de
Ra porter à un plus haut degré de juftefle.
- FT | 7 .
Mende L'40,8 des Se1749 lag. 74 PL 5."
gra del. et Seulp
D E SMS IC 1 E Nc Ets 75
BOZCOND MEMOIRE
SUROULES
REFRACTIONS ASTRONOMIQUES,
Obférvées dans la Zone Torride; avec diverfes remar-
ques Jur la manière d'en conftruire les T'ables*,
244 . Par M BouGuER.
4 OO: étoit perfuadé en Europe, lorfque nous partimes pour
| le Pérou, que les Réfractions aftronomiques devenoient
plus grandes à mefure que l'Obfervateur s'élevoit au deffus
du niveau de la mer: ce ne froit pas aflez de dire que ce
fentiment étoit prelque général , car il n’y avoit fur ce fujet
qu'un feul avis, & perfonne ne penfoit à en douter. C'eft
ce qui m'nvita à ne pas abandonner fi tôt l'examen des
réfractions, après que j'eus reconnu qu'elles changeoient dans
un fens contraire à celui qu'on avoit cru: je me propofois
de mettre la vérité dans un plus grand jour, en même temps
que je ne perdois pas de vüe les autres utilités que pouvoit
avoir mon travail. Je vais rendre compte de mes dernières
recherches au Pérou fur ce fujet, & je commencerai aufli
à fatisfaire à un engagement que j'avois pris; je propoferai
. des expédiens auffi exaéts que commodes pour conftruire
es Tables anaclaftiques, en attendant que Îes obfervations
que je fais de temps à autre en France depuis environ
deux ans, me donnent ccafion de traiter cette matière
tous les moyens de calcul que nva fourni Ja folution ana-
… lytique que j'avois déjà donnée de ce problème dans une
… pièce publiée en 17209.
… J'ai continué à renfermer ordinairement mes obfervations
‘#Le premier Mémoire eft dans le volume de 1739, re 407 & füive
1]
76 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
entre l'horizon & 12 deprés de hauteur; à plus forte raifon
n'ai-je jamais entrepris de déterminer d'uné manière immé-.
diate les réfraétions pour. les endroits du ciel voifins du
zénith, comme quelques Aflronomes ont quelquelois tenté
de le faire. Outre qu'il et difficile de s’aflurer de l'état d'une
horloge à moins d'ung demi-feconde, & qu'on peut fe trom-
per ailément de ce petit intervalle de temps dans chaque
obfervation, l'on a encore plus à craindre de l'imperfection
du quart-de-cercle lorfqu'on entreprend de mefurer de grands
arcs : la difhiculté de caler & de difpoler l'inftrument fe fait
peu fentir lorfqu'il s'agit des moindres hauteurs, au lieu
qu'elle devient extrêmement nuïfible dans les autres occa-
fions qu'elle fait perdre, ou qu'elle rend moins favorables.
La moindre incertitude {& on y eft toüjours fujet) fur la
latitude du lieu où on obferve & fur la déclinaifon de l'aftre,
empêche encore de tirer alors des condlufions füres : il eft
certain qu'on ne peut pas, eu égard à tout, répondre de 1 s
ou 20 fecondes. Or des opérations qui ne font pas fufcep-
tibles de plus de précifion, font-elles propres à nous faire
découvrir des quantités qui font prefque imperceptibles, &
effectivement plus petites que les erreurs qu'on peut com-
mettre ?
Il n’eft qu'une feule manière d'aflurer nos progrès en Aftro-
nomie , c'eft de favoir proportionner nos recherches à l'exäc-
titude des moyens que nous employons, c'eft de ne prendre
pour objets de nos éxamens que ceux auxquels nous ‘pou-
vons réellement atteindre. Lorfqu'on fe borne à ne déter-
miner immédiatement que les feules réfraétions pour les
moindres hauteurs, on peut toüjours fe tromper ; mais les
erreurs, en es fuppofant les mêmes, fe trouvent relativement
plus petites : cependant ces réfractions, affez grandes pour
pouvoir être facilement obfervées, mettent en état de con-
clurre celles qui appartiennent aux autres hauteurs, & qui
échappent, par leur petiteffe, à toute l'adrefle des Obferva-
teurs, de mème qu’à la délicatefle dé leurs inftrumens : neuf
u dix fecondes de différence fur les premières ne produifent
s
D EMA CI E NC ENS
aucun effet confidérable fur les dernières, lorfqu’on les infère
des autres par le calcuk Enfin, ce qui prouve d'une manière
inconteitable qu'on ne peut pas {e tromper en cherchant ainfr
par induction les réfractions pour les grandes hauteurs, c'eft
qu'on parvient toûjours fenfiblement aux mêmes réfultats,
queique progreflion qu'on fuppole qu'elles fuivent, pourvû
qu'on foit attentif à ne pas employer certaines hypothèfes
qu'un examen même groffier du fujet montre qu'il faut
exclurre, comme on le verra dans la fuite de ce Mémoire.
E
Réfrattions affronomiques obfervées en bas au niveau
de la Mer, à en haur dans la Cordelière.
Convaincu comme je l’étois qu'il falloit dans cette ma-
tière faire tout dépendre des réfraétions pour les petites hau-
teurs, j'ai dû en réitérer encore davantage les obfervations.
Je defcendis vers la côte en 1740, pour déterminer la hau-
teur abfolue de la Cordelière au deflus du niveau dela mer,
comme je l'ai dit dans les Mémoires de 1744 & de 1745,
& dans le livre de la Figure de la Terre. Je traverfai la Cor-
delière occidentale, & je n''arrêtai dans une ifle de la rivière
des Emeraudes, nommée alors l’ifle de l’/nca, mais appelée
depuis ceMitemps-là l'ifle de l'Obférvatoire, qui eft environ
40 toiles au deffus du niveau de la mer: j'y avois une pen-
dule toûjours réglée; & le Soleil ayant paru quelques foirs
en fe couchant, j'en profitai pour l'obferver. Les réfractioné que
jè trouvai, & que j'infère dans, la page fuivante, doivent étre
un peu augmentées pour être réduites au niveau dela mer,
& d'ailleurs rien ne m'aflure que j'aie obtenu les quantités
moyennes ; ainfi , bienoïn d’être frappé paï les légères diffé-
rences qu'il y a entre elles & celles qu'on voit dans la Table
publiée en 1739, j'ai dû être fatisfait au contraire de trouver
fenfiblement la même chofe toutes les fois que les lieux dans
lefquels jobervois étoient à la même hauteur. :
Ki
78 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
RÉFRACTIONS
obfervées dans l'ifle de l'Inca,
prefque au niveau de la mer.
HAUTEURS
apparentes .
IP
‘
7 derés. $ 30" le 3 Juillet.
6. le ON AA IE
Peloiore A ON OE
Deux ans auparavant, au mois de Décembre 1 73 8, j'avois
obfervé les réfractions dans un endroit 344 toiles plus haut
que la Croix de Pitchincha, & qui eft élevé de 2388 toiles
au deflus du niveau de fa mer ; c'étoit fur Chimboraço, ou
précifément au bas de la neige dont tout le fommet de cette
montagne, haute de 3217 toiles, eft continuellemehit couvert:
je vis dans cet endroit non feulement le Soleil fe coucher,
je.le vis confidérablement au defious de l'horizon. Je rap-
porte ces oblervations / Voy. page fuiv.) telles que je les com-
muniquai dans le temps à M. Godin : elles furent faites én
prélence de M. de la Condamine, qui même y prit part, en
regardant fouvent fur le limbe de mon quart-de-cerclé
pendant que j'étois occupé à la lunéfte : fr on les compare
avec celles de l'ifle de l'Inca ou de l'Obfervatoire dans la
rivière des Emeraudes, on fentira tout d'un coup la grande
différence qu'eft capable de produire lélévation de l'Obfer-
vateur, lorfque du niveau de la mer il { tranfporte fur les
plus hautes montagnes.
DE si c'y E N'c'e/s
Obfervations faites & Chimboraço, 2 3 88 toifes
au deffus du niveau de la mer.
RCE TS EU ET ETS |
ñ , LA
RÉFRACTIONS HAUTEURS| RÉFRACTIONS
aftronomiques,
HAUTEURS
| apparentes. apparentes. aftronomiques.
Le ee Te TT Te S
Décembre 1738.
Décembre 1738.
BUS LADA 1403 20e 1 32ufûir
BeN2A ETS 11.024 46.1etr4.
j A2. 12e
4. 44 le 14 | À La 5
4. 20. le 15 of 78 9. le 13
se 43. le 13 20 VE. der
SAME CEST DRE LT N34- 114
SAS" TS No. 2 Se MC TS
EE
6. 59. le 13 es
6. 37. le 14 EVER
15
EDR Cu |34- 47. le 14 *
: = QE
Ces dernières obfervations fourniront encore le fujet d’une
autre remarque qui paroitra très-digne d'atténtion, c'eft l'aug-
mentation fubite de Ja réfraMon aftonomique par le paflage
_ du Soleil dans la moitié inférieure du ciel. La réfraction
n'étoit à l'horizon que de 19° 45", &-elle fe trouva de 34’
47" lorfque la dépreflion apparente étoit de 14 17’; elle
f trouva mème déjà de 30 minutes lorfque l’abaiffement
apparent étoit d'un degré : quelque fingulier que paroifle
cet eflet, il eft très-facile, lorfqu'on y penfe un peu, d'en
découvrir la caufe. Si du haut d'uge montagne on regarde
8e MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
un aftre au deflous de Fhorizon, la réfraction aftronomique
fe trouve néceilairement compliquée, & il y en a une partie,
qui eft même très-grande, qu'on peut confidérer comme
réfraction purement terreltre. s
Suppofé que la déprelfion apparente foit, par exemple,
d'un degré, le rayon viluel que je fuppole, pour la facilité
de l'explication, partir de l'œil pour aller à f'aflre qui paroït
un degré au defous de l'horizon, fait en defcendant in.en-
fiblement un très-long tra,et dans l'atmofphère : il fait une
vingtaine de-lieues en s’approchant peu à peu de la Terre,
avant que de devenir comme horizontal, où comme tangente,
ou à la Terie ou à quelqu'une des couches de l'amotphère
qui nous £nvironne. Le rayon fait enfuite un trajet de même
Jongueur en s'élevant, avant que de parvenir à la même incli-
naifon, mais en fens contrane, d'un devré qu'il avoit en
fortant de mon œil: or ce rayon doit, dans ce double trajet,
fouffrir une tiès-grande courbine, & outre cela il doit encore
fe courber au delà, en avançant vers les limites de l'atmo-
fphère. Cette dernière flexion cit la réfrgétion aftronomique
pour 1 degré de hauteur apparente; & fi on la zetranche des
30’ 1” tiouvées pour la réiraétion aftronomique qui appar-
tint à 1 degré d'abailement, il viendra 1 6’ 7" pour la réfra-
tion terieltre dont il a été queltion ; quantité qui paroît
exceflive, mais qui le paroïîtra moins fi on fait atiention à
la longueur du tra et, qui eft de plus de 40 lieues.
Tout ceci deviendra plés fenfible, fi l'on jette les yeux
fui la figure 1. L'arc BD reprélente une partie de la cir-
conférence de la* Terre, dont € eft le centre : le point À
eft le fommet d'une haute montagne, auquel vient {e rendre
le rayon de lumière S #7 L G À qui part d'un aftre S
qu'on voit au deflous de l'horizon À f; ce rayon, rendu
courbe par la réfraction, frappe l'Obfervateur comme s’il
fuivoit la ligne dreite Æ°A. L'angle de: la dépreffion appa-
rente eft /AF, au lieu que l'abaiffement vrai et marqué
par l'angle que forme l'horizontale À H avec une ligne droite
SA, tirée de Faftre àgoœil, ligne qu'on peut, à caufe du
prodigieux
l
|
}
|
'
U
ÿ
;
h
L
%
4
.
D'E SMSUCTI'E Nc ESA 81
prodigieux éloignement de l'aftre, confondre avec S AZ, ou
regarder comme parallèle à la portion S A7 du rayon, qui
eft droit depuis l'aftre jufqu'à fon entrée dans l'atmofphère
où dans la matière réfractive. I eft vrai que S 47 étant pro-
longée en ligne droite, bien loin de venir fe rendre à nous,
doit pafler plus d’une demilieue ou trois quarts ‘de lieue par-
deflus notre tête; mais cette quantité verticale ne foûtient
à J'aftre un angle fenfible, & cet angle n'eft guère à
l'égard de la Lune que d'une feconde ou d’une feconde &
demie: il faudroit donc, dans fa rigueur, augmenter la paral-
laxe de cette planète vers l'horizon, puifque c’eft à peu près
la même chofe que fi le femi-diamètre de la Terre étoit un
peu plus grand. Lorfque T'ycho rendoit la réfraction aftro-
nomique plus grande pour l4 Lune que pour les étoiles fixes,
il faïoit tout le contraire, & il étoit bien éloigné d'obferver
ce que nous difons ; car pour fuppléer à une augmentation
dans la parallaxe , il faudroit diminuer à réfraétion, à caufe
des effets contraires qu’elle produit fur la hauteur de l'aflre.
Nous revenons à la réfraction aftronomique proprement dite :
elle eft la fomme de toutes les petites courbures que fouffre
le rayon en traverfant l'atmofphère; elle eft le changement
de direction de la courbe AL A, décrite par le rayon de
lumière. '
Ce que nous venons de dire convient aux réfraétions qui
appartiennent aux dépreffions comme- aux hauteurs appa-
rentes ; mais fi nous nous bornons à obferver du fommet
A d'une montagne Faftre S lorfqu'l nous paroït un degré
au deflous de l'horizon, il eft évident que la partie la plus
bafle À G L du rayon eft égale de part & d'autre du point
G, qui eft abfolument le plus bas ou Îe plus voifin de la
Terre; & que linclinaifon en L fera la même qu'en À, fr
des points Z & À font également élevés. Il fuit de 1à que
ete au lieu d'être fitué en À, étoit placé en L
le chemin du rayon, & à la même hauteur au deflus
du niveau de Ja mer que le point À, faftre S, au lieu de
paroïtre un degré au deffous de l'horizon , : paroîtroit un degré
Mém. 1749. . L
Fig. Le
Fig. 1.
82 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
au deflus; & la courbure foufferte par. la partie L M eñ tra-
verfant le haut de l'atmofphère, feroit la réfraction aftrono-
mique qui appartiendroit à un degré de hauteur apparente.
- Cette réfraction fur Chimboraço eft de 13" 54", & elle
eft égale à l'angle X N M que fait la direétion Æ L, qu'a le
rayon en L, avec celle S AZ N qu'il a en 42 au haut de F'at-
mofphère : mais le rayon foufire une feconde courbure depuis
L jufqu'en À, & qui eft même plus confidérable que la
première; elle eft de 1 6” 7", & exprimée par l'angle LE F
que forment les deux tangentes dans les points À & L de
la ligne courbe que trace le rayon : ainfr on voit clairement
que la réfraction aftronomique pour un degré d'abaiffement
apparent doit être plus grande que la réfraction aftronomique
pour un degré de hauteur aufli apparente, de toute la cour-
bure ou de toute la réfraction que fouffre le rayon dans le
trajet L À en defcendant ou en s’approchant de la Terre depuis
L jufqu'en G, & en s'élevant enfuite infenfiblement depuis
G jufqu'en À. C'eft toûjours la même chofe lorfque l'Ob-
fervateur eft placé dans un pofte très-élevé, & qu'il voit un
aftre au deffous de l'horizon : la réfraétion aftronomique pour
cette dépreffion apparente eft toüjours formée de deux parties,
de la réfraétion aftronomique qui appartient à la hauteur appa-
rente égale à la dépreffion, & outre cela de la réfraction ter-
reftre que fouffre le rayon de lumière en parvenant prefque
horizontalement à l'œil depuis l'autre point qui eft également
élevé au deffus du niveau de la mer.
Si l'on prend le milieu entre les réfraétions pour un degré
de hauteur & pour un degré de dépreflion, où, ce qui revient
au même, fi l'on ajoûte à la réfraction aftronomique pour
un degré de hauteur la moitié de la courbure que fouflre le
rayon dans le trajet LA, il viendra 19° $7 ou 58", & il
eft évident qu'on aura la courbure du rayon A7 L G, depuis
Fentrée 41 dans latmofphère jufqu'au milieu de L A; &
qu'ainfi on aura a réfraction aftronomique horizontale pour
FObfervateur qui féroit placé en G : mais comme ce point G
eft plus bas que le fommet À de 4 montagne, on ne doit
1!
B so LE NC EU, 8
point s'étonner fi cette même réfraction eft de quelques
fécondes plus grande que la quantité moyenne 19° 45" que
j'ai trouvée fur Chimboraço, lorfque l'aftre paroïfloit à l’ho-
rizon. Ceci au contraire s'accorde avec toutes mes autres
obfervations, {efquelles m'apprennent conftamment, comme
on le voit, que plus on eft élevé au deflus de la furface de
la mer, plus les réfraétions aftronomiques font petites.
Nous apercevrons plus aifément la manière graduée dont
fe fait cette diminution, en nous bornant à la feule confidé:
ration des réfraétions horizontales obfervées immédiatement
dans différens poftes, ou déduites au moins d'obfervations
faites fur des aftres très-peu élevés au deflus de l'horizon.
Au niveau de la mer, la réfraction horizontale s’eft trouvée
de 27 minutes; à Quito, qui eft élevé de 1479 toifes dans
l'endroit où j'obfervois, elle a été déterminée de 22° 50";
à la croix de Pitchincha, qui eft 565 toiles au deflus
de la ville, & dont la hauteur abfolue eft de 2044 toiles,
elle s'eft trouvée de 20° 48"; & fur Chimboraço, à la hau-
teur de 2388 toiles, elle n'étoit que de 19° 45". Voilà un
aflez grand nombre de termes connus pour qu’on puiffe cher-
cher avec quelque efpérance de fuccès l'échelle que ces
réfraétions fuivent dans leur diminution, & il eft certain que
la Phyfique ne peut pas manquer, de même que l'Aftrono-
mie, de profiter d’un pareil examen.
Si lon compare les quatre termes avec un peu d'atten-
tion, on verra qu'ils font fenfiblement comme les racines
carrées de Fexcès de $ 1 53 toifes fur la hauteur de chaque
pofte au deffus du niveau de la mer, c'eft-à-dire, que pour
trouver affez exactement dans la Zone torride la réfraction
aftronomique horizontale pour tous les divers points de #at-
mofphère, au moins pour tous ceux qui font acceffibles par
le moyen des montagnes, il fuffit de faire cette fimple ana-
ogie , la racine carrée de $158 toiles eft à 27 minutes,
réfraction horizontale au niveau de la mer, comme la racine
carrée de l'excès de 5158 toiles fur la hauteur du pofte
propolé , fera à la réfraction horizontale requile.
Li
84 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
PE
Examen des hypothèfes propres à repréfenter dans la
Zone torride les réfractions affronomiques pour le
niveau de la mer, à pour les lieux diverfement élevés
au deflus.
Ce font autant les faits obfervés avec foin que les remar-
ques purement fpéculatives qu'on trouvera dans la Pièce pu-
bliée en 1729, & que j'ai déjà citée, qui m'ont fait décou-
vrir l'analogie que je viens de rapporter, & dont on verra la
raifon plus bas. Lorfque je tâchois de découvrir la nature des
lignes courbes que décrivent les rayons de lumière en tra-
verfant notre atmofphère, je n’avois vü de ce problème que .
des folutions extrémement trop limitées, comme l’étoient
toutes celles où l'on fuppoloit que les couches de l'atmofphère
font fenfiblement des furfaces planes : je ne connoiflois pas
alors la folution que M. Taylor a mife à la fin de fon livre
ÂMethodus incrementorum direla © inverla; mais la marche
analytique qu'a fuivie ce favant Anglois eft tout-à-fait diffé-
rente de la mienne, & il fe pourroit faire que la manière
dont j'ai envifagé ce fujet fût plus propre à en aplanir toutes
les difficultés, & à nous conduire plus loin. Après avoir
réfolu le problème généralement, je me fuis arrèté à un cas
particulier, mais qui eft encore affez étendu pour en renfer-
mer une infinité d’autres : j'ai fait voir principalement que ft
les dilatations de la matière qui caufe la réfration & qui eft
répandue dans l'air, font proportionnelles à une puifflance
quelconque des diftances au centre de la Terre, les réfrac-
tions aftronomiques font toüjours une certaine partie du che-
min que fait le rayon réduit à l'horizon , ou projeté par des
lignes verticales fur la /circonférence de la Terre : il n'im-
porte même que le raÿon de lumière foit horizontal ou in-
cliné, ni qu'on le confidère en entier, ou qu'on n'examine
qu'une de fes parties, pour que cette propriété ait lieu. Si le
rayon eft incliné, il {era plus long, fuppolé que fon progrès
D E%S CG1E NC E,8 85
mefuré fur la circonférence de la Terre foit le même, ou
qu'il foit intercepté entre les mêmes lignes verticales ; mais
fi le rayon eft plus long, & s’il doit, à caufe de fa longueur,
fouffrir une plus grande courbure, il rencontre d’un autre
côté les couches de latmofphère fous de plus grands angles,
ce qui fait une compenfation exacte à l'égard de la réfrac-
tion, laquelle eft toûjours la même partie du trajet horizon-
tal, & une partie qui dépend du degré de la parabole qui
marque les dilatations. Le
- En général, fi l'on défigne les dilatations de la matière
réfraétive en chaque endroit de 'atmofphère par 7, & par y
les diftances au centre dela Terre, & que z doive être élevée
à la puiflance #1 pour fe trouver proportionnelle à }, Où qu'on
_ aitg” —}y; pour l'équation de toutes les paraboles qui peu-
vent#marquer l'état de la matière réfraétive, ül faudra divifer
| continuellement le progrès horizontal des rayons par pour
» avoir la quantité de leur réfraction ou de leur courbure. La
propofition étant générale, elle convient aux parties d'en haut
du rayon comme à celles d'en bas, & il n'importe que le rayon
. vienne fe rendre à la Terre, ou qu'il pale à une élévation confi-
dérable au deflus. Je pourrois renvoyer à la pièce citée, pour
la démonftration de ce théorème, dont on peut faire un grand
ufage ; mais j'ai cru que je devois, pour la fatisfaction des
lecteurs, l'établir derechef, & je le puis faire d’une manière
plus directe, &, fi cela fe peut dire, plus élégante que celle
que j'avois employée. Toutes les fois qu'on parvient par de
longs circuits à des propofitions très-fimples , il doit y avoir
d'autres chemins qui y conduifent : il n'eft pas poffible qu'une
vérité qui fe réduit à des rapports peu compliqués , ne foit
pas fufceptible d’une démonttration très-courte.
… … La circonférence de la Terre eft repréfentée par 40,
… dont Ceft le centre. D N repréfente la furface fupérieure
… de l'atmofphère; l'air ou la matière réfradtive peut. s'étendre
beaucoup plus loin, mais cette matière ne produifant plus.
… haut que des effets infenfbles pour nous, nous pouvons la
. confidérer comme non exiftente au deflus de cette furface :
1ù L ii
nm sf
ce
Sn nd de NÉ
dur,
F
Fig. 2.
Fig. 2.
86. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
{es dilatations en chaque endroit des couches fphériques AO,
FP, D N, font exprimées par les ordonnées AB, FG, D1
de la courbe B G 1, dont la verticale C D eft Yaxe.: NH fe
pourroit.fort bien faire qu'il n’y eût point de matière réfrac-
tive, & que les réfractions répondiffent , non pas aux dilata-
tions de l'air groffier, mais à une certaine fonction de ces
dilatations que notre courbe BG J repréfentt. Ce féroit
toûjours la même chole pour nous + nous ferions même tentés
d'admettre cette feconde hypothèle, mais nous continuerons
néanmoins à défigner fous le nom de matière réfractive cette
fonction que nous ne connoïflons pas affez, des dilatations
ou denfités de l'air groflier. En un mot, les ordonnées de la
courbe B G 7 que nous ne confidérons qu'en général, & que
nous ne prenons point encore pour une parabole, marquent
le rapport du finus d'incidence & du finus de réfraétion,
lorfque le rayon de lumière paffe d'une couche’ fphérique à
celle qui eft immédiatément au deflous.
Le rayon de lumière N P À fait en Pavec la verticale PC
l'angle C P L,, cet angle eft celui d'incidence ; mais le rayon
fe courbant en P à caufe de l'augmentation continuelle de
denfité que reçoit le milieu à mefure que fes couches font
plus voifines de la Terre, ce rayon fuit la direétion P7, &
fa cotrbure, ou a réfraction aftronomique, eft marquée par
Vangle L PI Or fi on abaiïfle du centre C les perpendicu-
laires € L & C1 fur les deux différentes direftions confécu-
tives du rayon, ces perpendiculaires feront proportionnelles
aux ordonnées correfpondantes FG & f3 de la courbe B G1.
On pourra dire la même chofe de tous les autres points de
la Solaire où courbe tracée par le rayon de lumière; &c il fuit
de là que les perpendiculaires CL, C M, &c. abaifées du
centre de la T'erre fur les tangentes à la courbe décrite par
le rayon, font continuellement proportionnelles aux ordonnées
FG, AB, &ec. de la courbe des dilatations de la matière
réfrattive: c’eft ce que j'avois pris pour lemme en 1729,
& ce qui nous en fervira encore ici.
Je ne me contente pas de confidérer les perpendiculaires
‘ont SMS Cr « NT c ENS 87
CM,CI, CL, &c. comme proportionnelles aux ordonnées
AB, fg, FG, &c. je les fuppofe exactement égales les
unes aux autres. Cette fuppofition doit être toûjours permife,
puifque rien n'empèche de faire augmenter ou diminuer
proportionnellement toutes les ordonnées de Ja courbe B G Z.
Je fais attention après cela que le petit angle L P H que
forment deux tangentes confécutives en chaque point P, &
qui eft l'élément de la réfraction aftronomique, dépend de
deux chofes, de la longueur de P £ qui lui fert de côté, &
de la grandeur de L H qui le foûtient, & qui eft égale à GW,
puifque € L & C]J font égales à FG & fg. On peut expri-
mer ce petit angle par
LH GW L | À
FL 57 au lieu que le petit
angle PCp qui répond à larc Æe, progrès horizontal de
. . ; ainfr, pour décou-
?
vrir Le rapport qu'il y a entre la réfraction que foufre Je
rayon de lumièrefen parcourant la partie infiniment petite Pp
de fa courbe, & le progrès horizontal £'e, ou le petit angle
PCp, nous n'avons qu'à chercher le rapport qu'il y a entre
la Solaire, doit être exprimé par
les deux factions . & Le.
Je remarque d’abord que Îe rapport entre les deux frac-
tions ne changera pas, fi on les augmente ou diminue pro-
É: portionnellement. Qu'au lieu de divifer la petite ligne GW
cWw cw
| IT Eten dE
Ra première fraction fe trouvera changée felon le rapport de
LC à PL; mais qu'au lieu de divifer pS par pC pour
: , je prenne PS pour la divifer toüjours par pC,
par P L je la divife par LC, j'aurai
avoir
SL LPS /
jaurai & Ia feconde fraétion fe trouvera auffi changée
dans la raifon de LC à PL, puifque le grand triangle C L P
& le petit p S P font femblables. Aiïnfi la réfraction aftro-
nomique & le progrès horizontal qui étoient exprimés par
88 MÉMoIRESs DE L'ACADÉMIE RoÿALE
ru cW ps Axe |
les frations ——— & PAL le peuvent être également par
PS cw f
ces«deux autres ——— & PT LT & ———, quand
on fe borne à leur rapport. Enfin, fi l'on tire par le point G
de la courbe des dilatations de la matière réfractive la tan-
gente GQ, jufqu'à ce qu'elle vienne rencontrer la verticale
DC qui fert d'axe à cette courbe, on pourra fubflituer à
cw Ff
SF cette autre — G
égale: il y aura donc éncore même rapport entre la petite
courbure que foufire le rayon de lumière & fon progrès ré-
EP
FQ
tions qui ont même numérateur, font lune à l'autre en raifon
inverfe de leurs dénominateurs; elles font entr'elles comme
FC'eftà FQ, & il fuit delà qué les deux élémens que nous
examinons font auflr comme ces deux lignes, c'eft-à-dire,
qu'en général ls petits angles dont la réfration affronomique
eff compofee , ou qui lui fervent d'élémens, Jont continuellement
aux progrès réduits à l'horigon du rayon de lumière, comme les
abfaffes FC de la courbe des dilatations de la matière réfrac-
tive font aux fous-tangentes correfpondantes F Q.
Il eft encore une autre quantité dont la confidération eft
importante, & qui fuit une loi très-fimple que nous pou-
vons découvrir aifément ; c’eft le changement d’inclinaifon
du rayon de lumière par rapport aux verticales qu'il coupe
fucceffivement, le changement que foufire l'angle € P L en
devenant C 4 A, lorfque le rayon avance vers nous. Si la
courbe B 7 des dilatations de la matière réfraétive eft donnée,
l'angle de finclinaifon de la Solaire le fera auffi pour chaque
diflance PC au centre de la Terre, puifqu'il fufhra, pour
avoir cet angle, de former un triangle rectangle CPL,
dont Fhypoténufe CP fera connue de même que le côté
C L: ces deux lignes font égales à l'abfcifle & à l'ordonnée
correfpondantes de fa courbe des dilatations. Lorfque l'angle
élémentaire
la place de la fraction
qui lui eft
- A L e L F
duit à l'horizon, qu'entre & ne Or ces deux frac-
"2
Lo) SM LE NS GET 89
* INR LP] de la réfraction eft exaétement égal au petit
angle PC p qui exprime Îa grandeur du progrès horizontal,
la Solaire fait un angle conftant avec les verticales P C, pC,
& le changement de l'angle d'inclinaifon eft abfolument nul;
mais f1 les deux angles L P/ & PC p ne font pas égaux, le
changement d'inclinaifon fera égal à leur différence. Ainfi
puifque le rapport des deux petits angles L P/ & PCp
eft continuellement exprimé par les ablcifles FC & les
foûtangentes ÆQ de la courbe des dilatations, le change-
ment infiniment petit d'inclinaifon de la sobre par rapport
aux verticales, doit être exprimé en même temps par CQ,
partie de l'axe de la courbe des dilatations, interceptée entre
le centre C & la tangente G Q.
C'eft une propriété des paraboles de tous les genres, que
dans tous les points de la courbe, le rapport entre les abfcifes,
les foûtangentes & les lignes C Q eft conftant. IA fuit de là
que dans ha multitude infinie dé différentes hypothèfes que
peuvent repréfenter toutes ces lignes courbes, les élémens que
nous venons de confidérer font continuellement propor-
tionnels , & par conféquent les quantités fenfibles qu'ils for-
ment par {eur addition continuelle, doivent conferver auffr
toûjours le même rapport. Que la courbe Z Z foit donc une
parabole ordinaire ou d'un degré quelconque #1, la courbure
ou la réfraction que fouffrira “la Solaire dans chaque partie
de fon trajet N P ou PA, fera à fon progrès réduit à l’ho-
xizon ou aux arcs O E, E À, dans un rapport conftant ;
ce rapport fera égal à celui des abfciffes & des foûtangentes
de la courbe B /: on aura pour les expofans de ce même
rapport, l'unité & "m, & le changement d’inclinaïfon fera
exprimé en mème temps par #— 1.
. H doit être felon cela très-facile de confhruire la Solaire ou
a courbe tracée par le rayon de lumière. La longueur des verti-
çales CN, CP, &c. étant donnée, l'indiinaifon du rayon par
rapport à ces verticales le fera également, comme nous l'avons
déjà vu : le changement d’inclinaifon {era donc auffi donné.
: » Ce changement, fi nous confidérons la courbe entière À N
Mém. 1749: . M
Fig. 2.
90 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
tracée par le rayon de lumière, fera la différence entre l'angle
CA M du complément de la hauteur apparente de l'aftre,
& l'angle CN K qui eft l'inclinaifon qu'a le rayon, eu égard
à la verticale CN, lorfqu'il entre dans l'atmofphère. Les finus
de ces deux angles ont un rapport conftant; ils font toûjours
Jun à l'autre, dans toutes les hypothèfes imaginables. en raifon
directe de B A & de ZD, & en raifon inverfe de AC &
de NC: or la différence entre ces angles étant trouvée, il
ne refte plus, fi la courbe B 7 des dilatations eft une para-
bole du degré », qu'à faire cette fimple analogie ; m-— x
eft à m comme le changement d’inclinaifon eft à l'arc O Æ,
ou O À de la circonférence de la Terre , intercepté entre les
verticales; & il n'y aura qu'à multiplier le même changement
,. ÊTRE L . |
d'indlinailon par ——— pour avoir la réfraétion ou la cour-
bure du rayon.
On réuflira de cette forte à fe former une fuite infinie
de lignes courbes, qui jouiront de cette propriété fingulière,
que la courbure de chacun de leurs arcs 4 P ou P N aura
un rapport conftant avec l'angle AC P ou PCN, que cet
arc foûtient au point ©: La Géométrie élémentaire nous
apprend que le cercle tient lieu de deux de ces lignes courbes.
La courbure de ces arcs eft égale aux angles qu'ils foûtien-
nent, ou en eft double, felon que ces angles ont leur pointe
au centre, ou à la circonférence ; mais dans le premier cas
le cercle ne doit être regardé que comme une logarithmique
fpirale. Les paraboles ordinaires nous préfentent encore une
de nos lignes, celle dont la courbure des arcs eft la moitié
des angles qu’ils foûtiennent au foyer ; mais nous pouvons
deformais tracer une infinité d’autres courbes dans lefquelles on
mettra un rapport conftant, & quel rapport on voudra, entre
la courbure des arcs & les angles qu’ils foûtiennent; & toutes
ces courbes À !V qui auront chacune une parabole B 7 d'un
certain degré pour génératrice, feront géométriques auffi-tôt
que le rapport propolé fera de nombre à nombre, pourvû
qu'on excepte le rapport d'égalité; car dans ce dernier cas
( DES SCIENCES. o1
les courbes cherchées deviendroient des logarithmiques fpi-
Tales, comme on le fait d'ailleurs, & comme on le verra
dans un inftant.
Suppolé qu'on élève aux points P des perpendiculaires à
la courbe 4 N, & que ces perpendiculaires deviennent les
hypoténules des triangles rectangles en C qu'on achevera,
on démontrera aïfément que ces perpendiculaires ou hypo-
ténufes auront encore un rapport donné avec les rayons des
cercles ofculateurs au point ?; & que la füite infinie des lignes
courbes À AN n'en comprendra que de géométriques , fi le
rapport des perpendiculaires & des rayons des cercles ofeula-
“teurs eff rationnel, pourvû que ces lignes ne foient pas égales ;
les perpendiculaires feront continuellement aux fecondes lignes
comme les abicifles FC aux foûtangentes Æ Q de la géné-
ratrice B 1.
I ne fera pas plus difficile de réduire 1e même problème à
la quadrature des courbes , lorfque B Z ne fera Pas portion
d'une parabole d'un degré plus où moins élevé, mais une
courbe quelconque donnée. Si les changemens d'indinaifons
‘de la Solaire font exprimés par des arcs d'un cercle qui ait
pour rayon le rayon de la Terre, il n'y aura qu'à prendre fur
une ligne droite 7° Xdes parties égales à ces arcs. Les parties
‘infiniment petites Vw de cette même ligne droite répon-
dront aux changemens infiniment petits d’inclinaifons de {a
Solaire ; & fi on élève à chaque point } une perpendicu-
Jaire VZ qui foit évale à € a _ ; & qu'on faffe pañer
une ligne courbe par tous les points Z, l'aire des petits
QFxCA
rectangles élémentaires Zv, fera xVo,; &fi
Lie j F k
on divile cette aire par C À, on aura = x Va, qui eft
Ja valeur du progrès horizontal infiniment petit £e, à caufe
de l'analogie continuelle que forment C Q & Ia loütangente
de la courbe des dilatations d’une part, & de lautie le
changement d'inclinaifon Vw de fa Solaire & le progrès
M ji
Fig, 2,
Fig. 2.
2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
2: 2er ÆEe meluré fur la circonférence de la Terre. Ainfi en
divifant la fomme des rectangles élémentaires, ou les qua-
drilatères curvilignes finis Z 4, À X, par le femi-diamètre
CA, on aura les progrès horizontaux O £, O À, qui font
d'une grandeur fenfible.
Il feroit inutile de nous occuper plus Jlong-temps de ces
recherches abftraites ou générales, nous allons examiner les
chofes de plus près, en tâchant de les confidérer dans leur
état actuel ou phyfique. La première remarque qui fe pré-
fentera à nous, c'eft que la courbure de la Solaire, ou des
rayons de lumière qui nous viennent des aftres, eft toüjours
renfermée dans des limites fort étroites. Ces rayons traver-
fent notre atmofphère dans toutes fortes de fens, & ne for-
ment jamais de courbes rentrantes, ce qui donne l’éxclufion
à une infinité de différentes hypothèfes, & montre que la
Nature a pris foin de ne répandre que très-peu d’inégalité
dans les denfités de la matière réfraétive. Si les dilatations
croiffoient comme les carrés des diftances au centre de la
Terre, ou fi la courbe B 7 / Fig. 3.) étoit un arc de parabole
ordinaire dont C füt le fommet, & D C la tangente, les
abfciffes À C feroient doubles des foûtangentes 4 Q ; & par
conféquent la réfraction aftronomique, au lieu d’être moindre
que le progrès horizontal, feroit au contraire deux fois plus
grande. C’eft dans ce cas que la Solaire feroit un arc de cercle,
& le centre du cercle feroit fitué fur la perpendiculaire Q W,
au milieu de À C ; la réfraétion ou la courbure de chaque
Solaire À N feroit exprimée par toute la grandeur de cet arc,
au lieu que le progrès horizontal 40, ou l'angle ACN,
n'auroit pour mefure que la moitié du même arc A N. On
voit bien qu'une pareille hypothèfe rendroit la courbure des
rayons exceflive, principalement vers lhorizon : un rayon
vifuel horizontal, au lieu d'être une ligne très-peu différente
de la droïte, deviendroit, s’il ne trouvoit aueun obftacle, un
cercle À R CS qui pafferoit par le centre de la Terre.
On voit donc que ceux d’entre les Phyficiens qui ont cru
que les finus d'incidence & de réfraétion fuivoient le rapport
js de
5
$
2
*
NT PE FU.
EUSUNO IC 1 EN: QUES 93
des dilatations ou des denfités de fair groffier , n'avoient pas
affez examiné ce fujet. Bien loin que les dilatations de la
matière réfractive augmentent dans un auf grand rapport,
il eft certain qu'elles n’augmentent pas même felon la raifon
. fimple des diftances au centre de Ja Terre, c'eft-à-dire, que
fi l'on pañle du niveau de la mer fur le fommet d'une mon-
tagne élevée, par exemple, de Ja millième partie du rayon de
la Terre, il s'en faudra beaucoup que la différence des dilata-
tions de la matière réfraétive foit d’une millième partie, &
elle fera même beaucoup plus petite. Si les dilatations fuivoient
le rapport des diflances, l'équation générale 7m — y, fe
changeroit en 7 — y, l'expofant » deviendroit égal à unité,
& la courbure des rayons de lumière fe trouveroit égale à leur
progrès horizontal ; le changement d’indlinaifon qui eft pro-
portionnel à m— 1 deviendroit nul; chaque rayon feroit
le même angle avec toutes les différentes verticales qu'il ren-
contreroit, & ü fuivroit toûjours exaétement une logarithmi-
que fpirale en traverfant l'atmofphère. Or il en réfulteroit un
inconvénient femblable à celui que nous avons déjà trouvé:
nous ne verrions jamais les afres à l'horizon; car les loga-
rithmiques fpirales qu’on rend perpendiculaires aux verticales
ou aux lignes droites tirées de leur pole, qui eff ici le cen-
tre de la Terre, fe changeroïent en cercles exa@ts. Ainfi, fi
cette hypothèfe avoit lieu, & fuppolé que Fair füt affez
diaphane & qu'on Ôtât tous les autres obftacles, lorfqu'un
Oblervateur jetteroit les yeux vers l'horizon, fa vûüe ne s'éle-
veroit pas, elle fouffriroit trop de réfraction ; elle s’étendroit
circulairement tout autour de la Terre, & elle ne feroit bornée
que par l'Obfervateur même, qui fe verroit le dos.
On doit rejetter à plus forte raifon toutes les autres hy-
pothèfes qui fuppofent l'augmentation des dilatations encore
plus grande, puifqu'elles rendroïent les rayons de lumière
-encore plus courbes, & que nous nous trouverions continuelle-
ment privés du fpeétacle que nous offre le ciel, fi l'on ex-
cépte la partie qui eft vers le zénith. Suppolé que les dilata-
tions n'augmentafient que comme les racines carrées des
M ii
Fig.
Fig. 2.
94 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
diftances au centre de la Térre, ou environ deux fois moins à
proportion que ces diflances, la courbe 2 Z fe oit un are de
parabole ordinaire dont le point C feroit le fommet, & DC
l'axe, les réfraétions feroient alors deux fois moindres qué le
progrès horizontal de chaque rayon. Dans ce cas, les So/aires .
AN feroient aufli des arcs de parabole dont le point © {e-
roit le foyer ; car c'eft une propriété de ces lignes courbes,
comme nous l'avons déjà dit, que la courbure de leurs dif-
férens arcs À N, elt la moitié des angles AC N qu'ils fou-
tiennent au foyer €. Mais la courbure feroit encore beaucoup
trop grande pour repréfenter, même groffièrement, les cir-
conftances du phénomène.
Nous devons aufii re;etter une infinité d’autres hypothèfes
ui font formées contre toutes les règles, mais dans un autre
fens. On fuppofe, par exemple, que les rayons de lumière
fuivent une certaine courbure déterminée, & on n’a pas exa-
miné sil falloit là même loi pour faire décrire aux rayons
ces lignes courbes, lorfque l'aftre étoit proche de l'horizon ,
& lorfqu'il étoit élevé. Il eft clair qu'en fe difpenfant d'entrer
dans cet examen, on a pü attribuer fans y penfer des états
très-différens à la matière réfractive, Jorfqu'on devoit le fup-
pofer abfolument le même: on a péché contre l'unité d’hy-
pothèfe. Si ia Solaire À N / Fig. 3.) eft un arc de cercle dont
le centre eft fur la droite Q W, cette Solaire dépend d'un
arc B 1 de parabole ordinaire, dont le fommet eft en ©, &
dont DC eft la tangente; mais fi lon fuppofe en même
temps qu'une autre Solaire, toûjours arc de cercle, n’a pas fon
centre fur Q W la courbe B 7 des dilatations fera bien toûjours
une parabole, mais fon fommet ne fera plus en €, ce qui
rendroit la loi des dilatations toute différente; & la différence
pourroit être {1 grande qu'elle ne füt pas tolérable.
Nous n'infiftons pas davantage fur la manière de donner
lexclufion aux hypothèfes peu exactes: il fufht de confidérer
que l'augmentation des dilatations eft extrêmement petite, &
que néanmoins elle eft réelle, & qu'il n'eft pas permis de la
fuppoler nulle. L'ordonnée D Z n'eft plus grande que 42
“ D''ÉUsS SCT. E Nc: 95
que de très-peu, mais elle eft plus grande, puifque les rayons
de lumière ne font pas parfaitement droits, & qu'ils {ont
courbes fur toute leur longueur. On eft malgré cela peu gêné
dans le choix qu'il faut faire d’une hypothèfe: pourvü qu’on
ne {€ ferve pas de celles qui fatisfont trop mal aux faits les
plus fimples , toutes les autres fe trouveront d’une exactitude
fufffante , fi on ne les applique principalement qu'aux feules
réfraétions pour les grandes hauteurs, & qu'on n'entreprenne
de déterminer les réfractions proche de l'horizon, que par
le fecours des obfervations immédiates. Enfin, quelle que foit
la courbe dont B J eft une portion, l'arc 2 Z {era toüjours
prefque droit, & très-court, à caufe du peu d'épaiffeur de
l'atmofphère; c’eft pourquoi on peut le confondre avec un
petit arc de parabole, & cet arc appartiendra à une parabole
d'un degré plus ou moins éevé, felon qu'il approchera plus
ou moins d'être parallèle à la verticale À C; prolongeant 2
jufqu'en Q, le rapport de 4 Q à AC marquera le genre de la
parabole. Nous favons déjà que la foûtangente À Q ne doit
pas être moindre que À C, ni égale, & que ce ne feroit pas
affez qu'elle fût double; mais À Q étant fept à huit fois plus
grande que AC, les réfrations ou les courbures des rayons
deviendront fept à huit fois plus petites que la longueur de
leur trajet projeté fur la circonférence de 1a Terre, & alors
on ne fera plus guère éloigné du vrai.
Toutes ces chofés étant fuppolées, nous pouvons repré-
{enter avec facilité non feulement les réfraétions aftronomi-
ques pour tous les endroits qui font au niveau de la mer ,
mais aufli pour ceux qui font à une grande élévation au
deffus. Puifque les rayons de lumière ne reçoivent que très-
peu de courbure, on peut confondre leur longueur avec celle
de leur tangente ou celle de leur corde, & on peut outre
cela, fi ces rayons font horizontaux, négliger la différence
qu'il y a entre leur longueur & leur progrès horizontal, me-
furé fur la circonférence de la Terre, à caufe du peu de
Tapport qu'il y a entre la hauteur des montagnes les plus
élevées & le femi-diamètre de notre globe. Aiïnfi on voit
Fig. 2.
Fig. 2.
96 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
évidemment que les réfractions aftronomiques horizontales
pour les lieux plus ou moins hauts doivent être, à très-peu
près, proportionnelles à la longueur des lignes droites tirées
horizontalement depuis l'œil de l'Oblervateur jufqu'aux con-
fins de Fatmofphère, ou de la matière réfraétive ; & elles
doivent en même temps, à caufe de la propriété du cercle,
fuivre fenfiblement le même rapport que les racines carrées
des finus verfes, ou des diftances de l'Obfervateur au haut de
la matière réfractive. Les $ 1 58 toiles dont nous parlions à
la fin du premier article, lorfque nous comparions les réfrac-
tions horizontales obfervées au bord de la mer & dans des
pofes très-élevés, comme Pitchincha & Chimboraço, n'é-
toient donc autre chofe que la hauteur jufqu'à laquelle la
matière réfractive produit des effets fenfibles. L'accord qui
{e trouve ici entre la théorie & les obfervations, montre affez
que fi nous avons fait différentes fuppofitions qui ne font pas
abfolument vraies, & que fi tout ce que nous avançons aétuel-
lement n’eft pas d'une précifion rigoureule , on peut néan-
moins, dans une infinité de rencontres, fe fervir des règles que
nous propolons , & rien n'empêche d'en étendre lufage juf-
qu'aux réfractions qui appartiennent à toutes les hauteurs appa-
rentes des aftres.
En quelque endroit de l'atmofphère que foit placé FOb-
fervateur, on n'a qu'à tirer de fon œil jufqu'aux limites de
la matière réfractive une ligne droite qui faffe avec l'horizon
un angle égal à celui de la hauteur apparente propolée; ou,
pour plus d'exaétitude, il n'y a qu'à diminuer cet angle d'en-
viron la moitié de la réfraction, qui eft toujours affez connue
d'avance; après cela la réfraction fera proportionnelle non
pas à la longueur de cette ligne, mais à la longueur de fa
projection fur la circonférence de la Terre, ou à l'angle qu'elle
foûtient au centre.
Suppolé que B D E foit la circonférence de la Terre, &
GNH la furface fupérieure de la matière réfraétive élevée
de BG, qui eft d'environ $ 1 58 toifes dans la zone torride;
fuppofé de plus que l'Obfervateur foit en À, il n'y aura qu'à
conduire
D.
h
Pin" Cr La Li
D\ESWMSR OUT EMN'IC (ENS)
97
conduire les lignes droites À N, A», en diminuant de la
moitié des réfractions les angles de hauteurs apparentes VA A,
n À H, comme nous en avons averti; & les arcs BP À &
B qui font les projections de ces rayons fur la circonférence
de la Terre, auront enfuite fenfiblement entr'eux les mêmes
rapports que les réfraétions aftronomiques : ces arcs feront
aux réfractions comme le degré de Ja parabole qui exprime
les dilatations eft à Vunité: aïinfi il fuffhra de connoître 1,
ou de connoître une des réfractions, pour avoir toutes les
autres, & cela par un calcul extrèmement fimple ; il faudra
feulement être attentif à ne pas conclurre les grandes réfrac-
tions par les petites, mais à inférer au contraire les petites de
lobfervation des grandes.
Si l'on compare la réfration aftronomique , obfervée lorf- .
e l'aftre eft à l'horizon, avec la longueur de 4 A, ou avec
l'arc B D, on apprendra que "= eft à peu près 7. On doit
remarquer aufli que: le peu d'épaifleur 2 G que nous attri-
buons à la matière réfraétive, ne fait pas qu'on néglige abfo-
lument la réfraction que caufent vrai-femblablement les
couches plus hautes de l’atmofphère. Si lon place trop bas
tirhce GA, onrend trop court, ïl eft vrai, le trajet de
tous les-rayons dans la matière réfraétive; mais on fait, par
une. conféquence néceffaire , la réfraction aftronomique une
plus grande partie de ce même trajet, ou du progrès hori-
zontal, ce qui produit une efpèce de compenfation : on
charge chaque rayon 4 N fur une longueur moins grande,
de toute la courbure à laquelle il eft fujet fur un cours effec-
tivement plus long; c'eft pourquoi on peut foupçonner que
la valeur de m que nous venons de marquer eft réellement
un peu trop petite.
On pourra marquer affez exactement par le même moyen
la route que fuivent les rayons du Soleil dans l'ombre de {a
Terre, après qu'ils fe font rompus dans l'atmofphère; ce qui
peut devenir de quelque utilité dans la détérmination des
éclipfes de Lune. On à fouvent mal indiqué dans les livres
d'Afronomie le chemin que prennent ces rayons, & on n'a
* Mém. 1749. ° N
Fig. 4
8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
pas diflingué afiez parfaitement les limites de Ja pénombre:
Les rayons du Soleil qui paflent trop loin, ou à plus de
5158 toiles de diftance de nous, fouffrent une réfraction
que nous ne connoiflons pas, & que nous pouvons négliger
à caufe de fa petitefle : nous pouvons fuppofer que ces rayons
paflent en ligne droite : ceux qui rafent prelque la furface
de la Terre, doivent fe courber du double de la réfration
aftronomique horizontale; ils doivent, dans fa zone torride,
fe courber de $4 minutes; & à l'égard des autres, ils doivent .
fouffrir des réfraétions ou des courbures fenfiblement pro-
portionnelles à la longueur des cordes qu'ils parcourent dans
la matière réfractive. |
Outre la méthode que je viens d'indiquer, & dont je
me fuis fervi pour déterminer la valeur de », il y en a
d’autres dont j'ai pu faire ufage au Pérou, & même en me
difpenfant de confulter le ciel. IL fuffit, lorfqu'on monte fur
les montagnes, de mefurer réciproquement leurs angles de
hauteur & de dépreflion, & de comparer ces angles avec
la longueur du rayon vifuel; mais pour que cette méthode
réuflifle, il eft à propos que le rayon fe rende d’un fommet
à l'autre, en pañfant à une grande hauteur au deflus de tous
les endroits intermédiaires, & qu'il foit outre cela le moins
horizontal qu'il eft poffble, afm qu'il fafle un plus grand
angle avec les couches de l'atmofphère qu'il pénètre, ce qui
le garantit des réfractions irrégulières. J'avois déjà employé,
pour parvenir à cette détermination, dans les Mémoires de
1739, les angles de hauteur obfervé à Carabourou, & de
dépreffion oblervé à la croix de Pitchincha : il me man-
quoit de mieux connoître quelques élémens, & principale-
ment l'amplitude de l'arc de grand cercle intercepté fur la
furface de la Terre entre les deux poftes. La diftance hori-
zontale de lun à l'autre eft de 109 5 2 toifes : elle vaut 11°
294"; & comme la différence d'inclinaifon fe trouva moindre,
& ne fut que de 10° 2”, c'eft une marque que le rayon
{ouflrit une réfraction de 1° 272". I ne refle plus done
qu'à divifer par cette dernière quantité le. trajet horizontal
D'ENSMMRE Tr E NiciEs |
31 292", pour avoir immédiatement la valeur de »; ï
vient 7 +, ce qui ne s'accorde pas parfaitement avec la pre-
mière détermination, qui avoit donné 7£, mais ce qui s'ac-
corde avec la conjecture que nous avions faite, que cette
valeur de 1 étoit un peu trop petite. Mais il eft très-naturel
de pener auffi que la courbe des dilatations n'eft pas préci-
fément une parabole, quoique d'un degré élevé; le rapport
entre fes fous-tangentes & fes abciffes n’eft pas abfolument
conftant , & fans doute que les fous-tangentes augmentent un
peu plus à proportion que les abfcifles, à mefwre que l’on con-
fidère des points plus hauts dans l’atmofphère.
Cette remarque fe trouve confirmée par le réfultat que
m'a fourni une troifième manière de déterminer la valeur de
m, que je dois également à Îa rencontre des montagnes,
mais qui eft fondée fur les feules obfervations aftronomiques.
On eft obligé, dans les pays où on ne trouve que des plaines,
+ d'avoir recours à quelque efpèce de tâtonnement ou d'appro-
__ ximation pour découvrir le genre de la parabole qui marque
e Fétat de la matière réfractive: on ne peut, en obfervant d'en :
“ bas, s'aflurer que d’une partie des phénomènes, on ne voit
pas tout; mais lorfque l'Obfervateur fe trouve dans un pays
- de montagnes, & qu'il fe donne la peine de monter fort
… haut, il va, pour ainfi dire, fur les lieux vérifier les chofes
par lui-même, & il peut examiner jufqu'aux fymptomes {es
plus particuliers de la ligne courbe des dilatations. On fe
fouvient qu'en même temps que la réfraétion & le progrès
horizontal font dans le rapport de l'unité à l’expofant m, le
changement d’inclinaifon du rayon eff comme # — i. Or
on a vü ci-devant que lorfque le Soleil paroifloit bas d'un
degré fur Chimboraço, le rayon fouffroit une courbure de
16 7"en paflant jufqu'à moi depuis l'autre point, qui étoit
…. éfalement élevé que mon œïl, & où Finclinaifon du rayon
_ étoit aufli d’un degré, mais en fens contraire; c'eft-à-dire,
4 le rayon fouffroit 1 6’ 7" de réfraétion dans un trajet qui
faifoït changer fon inclinaifon de 2 degrés: mais fi on divile
. R dernière de ces quantités par l’autre, il viendra 7 #2 poux
b
|
* Voyez page
56 dé la Me.
thode d'obferver
fur mer la hau-
sur des Afîres,
100 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
la valeur de » — 1, & on aura donc 8 #22 pour celle de,
au lieu de 7 + que nous avons trouvé en dernier lieu.
Quoi qu'il en foit, on ne tombera dans aucune erreur fen-
fible, fi l'on rend cet expofant conftant, pourvü qu’on faififle
à peu près fa valeur moyenne.
On juge affez que le meilleur moyen pour découvrir cette
dernière quantité, c'eft d'en fonder la recherche, non pas
fur les réfractions terreftres ou partiales, mais fur les réfrac-
tions ou courbures totales que fouffrent les rayons dans leur
cours entier en traverfant toute la mafle d'air qui nous envi-
ronne. Ce n’ft plus enfuite fe rapport entre la fous-tan-
gente & l'abfcifle de fa courbe des dilatations qu'on découvre
pour un point particulier de l'atmofphère, mais on déter-
mine le rapport moyen qui,tient comme le milieu entre les
autres, entre les plus petits & les plus grands, & qui eft
le plus propre à les repréfenter tous, où à produire le même
effet, quant au calcul. J'ai donné ailleurs des féries qu’on peut
employer pour cela avec fuccès, aufi-tôt qu'on a obfervé
exaétement la réfraction aftronomique pour deux différentes
hauteurs apparentes *; mais une autre voie peut-être auffi
courte, & peu s’en faut que je ne dife prefque toûjours meil-
leure dans la pratique, c’eft de fe permettre quelque tâtonne-
ment, & on réfoudra ordinairement le problème, en fe con-
tentant de faire deux ou trois différentes fuppofitions.
Lorfque le Soleil paroifioit à horizon fur Chimboraço,
a réfraétion aftronomique étoit de 19° 45", & elle étoit de
3" 37 ou 38" à 7 degrés de hauteur apparente : ces feules
données nous fufñfent. Nous devons, felon ce que nous
venons de dire, fuppofer que l’expofant #1 eft plus grand que
8 #1: nous allons d’abord le fuppofer de 9, ce qui nous
nous multiplierons les 1 185 fecondes de la réfraction hori-
zontale : il nous viendra 94.80 fecondes ou 24 38° pour de
changement d’indlinaifon du rayon de lumière; & fi lon ôte
ces 24 38’ de 90 degrés, complément de la première hau-
teur apparente, if viendra 874 22’ pour l'inclinaifon du rayon
D ESMARUC:É E :N) Gi 10
au haut de la matière réfractive. Or le même rapport qu'il
a entre le cofinus de la hauteur apparente & Îe finus de
cette inclinailon (rapport qui eft exprimé en logarithme par
4589); doit aufi fe trouver entre le cofinus de toutes {es
autres hauteurs apparentes & le finus des inclinaifons corref.
pondantes qu'a le rayon de lumière en entrant dans l’atmo-
fphère. Si-Fon opère par les ogarithmes, en n’employant
que 7 figures après la caraétériftique , il n'y aura donc qu'à
ôter 45 8 9 du finus de 8 3, complément de 7 degrés, feconde
hauteur apparente ; & on aura le finus de l'inclinaifon qu'avoit
le fecond rayon en haut. Ce dernier angle fe trouvera de 8 24
31” 24, le changement d'inclinaifon fera de 28° 36"; mais
fr on divife ce changement par 8, valeur fuppofée de m—1,
il viendra 3° 34", au lieu de 3° 372", pour Ja réfraction qui
appatient à 7 degrés; ce qui montre que l'hypothèfe que
mous avons faite, n'eft pas ablolument exacte, quoïqu'elle
approche beaucoup de l'être. Du
On na qu'à fuppofer m = 97, & on trouvera, en ache-
vant le calcul, que cette feconde hypothèfe réuflit parfaite-
ment. On fera en état, après cela, de découvrir toutes les
réfraétions aftronomiques, & «’en conftruire une table pour
Chimboraço : il ne fera pas plus difficile de former d’autres
règles fur le même modèle pour tous les autres poftes, pourvû
qu'on y ait obtenu deux obfervations, fur l'exactitude defquelles
on puifle. compter. On retranchera pour Chimboraço 4733
du logarithme cofnus de chaque hauteur apparente; on
trouvera un certain nombre de degrés dont on prendra le
défaut au complément de la hauteur apparente, pour avoir
Je changement d'inclinaïfon du rayon; & divifant ce chan-
gement par 8+, on aura au quotient la réfraction requife. La
valeur que nous fommes obligés d'attribuer à lexpofant 1,
juftifie, comme on le voit, l'augmentation que nous avons
"prétendu qu'elle recevoit vers le haut de l’atmofphère. Tout
- confirme que la courbe B Z, prefque droite, & quoique très-
çourte, devient encore plus droite & approche d’être parallèle
-à {on axe, beaucoup plus promptement qu'aucune parabole.
1]
102 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
4 QE
Remarques à Obfervarions [ur les variations que reçoi-
vent les Réfrattions aflronomiques par les différentes
affections de l'armofphère.
Enfin, j'ai employé la théorie précédente, jointe aux obfer-
vations, pour tächer de découvrir les effets que la matière
réfraétive eft capable de produire par les changemens auxquels
elle eft elle-même fujette : j'ai voulu voir d’abord fi les ré
fraétions étoient fenfiblement plus grandes la nuit que le jour;
& afin d'avoir moins d'erreur à craindre, je les ai obfervées,
les unes & les autres, les mêmes jours & avec les mêmes
inftrumens *. C’eft à quoi je me fuis principalement occupé
à Quito au mois de mars 1742, pendant que le beau & fe
mauvais temps étoient fujets à des alternatives continuelles :
ce qui rendoit les réfraétions plus irrégulières qu’à l'ordinaire,
J'obfervai la nuit, du côté de l'Orient, quatre étoiles, favoir,
la queue du Scorpion, marquée À par Bayer, l'étoile auftrale 6
de Farc du Sagittaire, l'épy de la Vierge & ArGurus. Je
gagnois beaucoup à obferver un plus grand nombre d'étoiles,
qui, venant fe préfenter à moi fucceflivement dans Ja même
nuit, me tenoient lieu de plufieurs jours d’obfervations fur
le Soleil.
I me falloit quelquefois, pour me difpenfer de prendre
des hauteurs correfpondantes, me fervir d’un expédient, mais
de la bonté duquel j'ai eu occafion bien des fois de m'aflurer.
J'attendois que les étoiles qui montoient fuffent parvenues
à une hauteur confidérable, comme de 40 degrés, & quelque-
fois de $0; je prenois leur hauteur en remarquant Pinftant
que marquoit alors ma pendule, & je réfolvois enfuite ,
en cherchant l'angle au pole, le triangle fphérique formé
par le pole, par le zénith & par l'étoile, triangle dont je
connoïflois es troïs côtés : je répétois les mêmes opérations
* Le quart-de-cercle dont je me fervois toñjours avoit deux pieds &
demi de rayon, & fa lunette fixe étoit fans micromètre.
Fr
D EUSN BIC) 1 E N'ES 103
peñdant plufieurs nuits, en même temps que je ne néoligeois
pas l'ufage d'une lunette fcellée contre un mur, ce qui me
faifoit connoître en deux ou trois jours l'état de mon horloge,
par rapport au mouvement des étoiles fixes, fans que je me
trouvafie obligé de favoir leur afcenfion droite, de com-
parer leur pañlage par un quart-de-cercle mural que je n'avois
pas, ou que je fufle obligé de prendre des hauteurs corref
pondantes, ce qui n'eût été quelquefois impofñfible à caufe
du voifmage de Pitchincha du côté de l'Occident, & parce qu'il
pleuvoit chaque jour à certaines heures. IL eft vrai que j'étois
obligé de fuppoler la réfraction connue pour les grandes hau-
teurs apparentes ; mais fi je me trompois dans la fuppoñition
que j'en faifois, je le reconnoiflois par f'obfervation immédiate
de la réfraction pour les petites hauteurs, & j'en étois quitte
pour recommencer mon calcul une feconde fois, où pour y
faire quelque légère modification. On ne peut pas éviter cés
fortes de pétitions de principes dans la pratique de l’aftronomie;
& fi elles font jamais plus permifes, c’eft dans la fphère droite,
où f’Aftronome jouit en même temps d'une infinité d’autres
commodités, dont il eft privé par-tout aïlleurs.
-Nous rendrons tout ceci plus clair par un exemple; le
23 Mars 1742, à r0b o' 23" du foir à la pendule, Arc-
tirs avoit 284 45° 45" de hauteur apparente, ou plütôt
284 44° 2" en retranchant 1° 43" pour l'erreur du quart
de cercle qui hauffoit les objets de cette quantité. Les Tables
que j'ai déjà publiées indiquoient 1° 6” pour la réfraction
à cette hauteur, mais croyant qu'elle devoit étre plus grande
pendant la nuit, je la fuppofai de 1° 20”. Aïnfr je pris
284 42! 42" pour la hauteur vraie de Fétoile, & 614 17
18" pour fa diftance au zénith; j'employai 204 33° 58”
pour fa déclinaifon , la latitude de Quito nrétoit connue,
aïnfr les trois côtés du triangle terminé au pole, au zénith
& à Fétoile étoient donnés ; & cherchant l'angle au pole, il
mevint s9d 1° 53", ce qui m'apprenoïit l'état de mon hor-
loge par rapport au ciel étoilé pour ce temps-là. Je trouvait
d'un autre côté, que l'accélération journalière d'Ar@urus par
104 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe
rapport à mon horloge, n'étoit que de 2° 15", c'eft-à-dire,
que la révolution des étoiles fixes fe faïloit en 23h 5745"
de la pendule. Il n'appartenoit pas à un homme qui chan-
geoit fouvent de demeure de perdre du temps à régler fon
horloge fur le mouvement moyen du Soleil, ou fur la révo-
lution diurne des étoiles, ce qui eût alors été beaucoup plus
commode. J'obfervois en même temps l'étoile le plus près
de l'horizon qu'il n''étoit pofhible, je le fis, par exemple, lorf-
qu'elle n'avoit que 84 3° 47" de hauteur apparente corrigée
le même foir du 23, & l'horloge marquoit alors 8h 3 1° $";
ainfi Ardurus étoit 224 21° 37" plus éloigné du méridien
. qu'à 10h o' 23", & cette étoile devoit donc être éloignée de
ce cercle de 814 23° 30" à mefurer fur l'Equateur. Rélol-
vant après cela le triangle fphérique dont je connoiflois deux
côtés, & l'angle compris. au pole de 814 23° 30", je trou-
vois le côté oppofé, la diflance vraie de l'étoile au zénith.
La forme de nos Tables des finus & des logarithmes ren-
droit le calcul peu exaét fi l'on fuivoit dans cette rencontre
les procédés ordinaires de la Trigonométrie fphérique; mais
il fuffit d'en être averti pour que les moyens qu'il faudra
employer fe préfentent aifément. On feroit peut-être tenté de
croire qu'on trouve toüjours avec une égale précifion par
les règles vulgaires, le rapport qu'il y a entre les deux feg-
mens dans lefquels On partage la bafe des triangles fphériques
obliquangles ; au lieu que ce rapport eft ou indéterminé, ou
prefque indéterminé , toutes les fois que le point d'où on
abaifle la perpendiculaire eft éloigné d'environ 904 de Farc
qui fert de bafe au triangle. Enfin j'ai trouvé qu'à 8h 31° $"
de horloge, la hauteur vraie de l'étoile étoit de 74 5 8° 46”,
& comme la hauteur apparente étoit alors de 84 3° 47", la
réfraction étoit donc de $° 1".
C'eft de cette forte que faute de hauteurs correfpondan-
tes, je calculai toutes les autres réfractions pour la nuit du
23 Mars: mais je me contente de rapporter ici celles que
me donna Ar@urus, parce qu'elles me fourniffent l'exemple
des plus grandes que j'aie obfervées de nuit au Pérou, Lorfque
a
DES SCIENCES. 10$
par ces réfractions & par les règles que j'ai expliquées, j'ai
cherché enfuite la réfraétion pour 284 44 de hauteur appa-
rente, ilmeft venu, non pas pré-
cifément 1° 20", comme je l’avois
fuppofé, mais tantôt plus & tantôt
un peu moins, ce qui m'a appris
RÉFRACTIONS obférvées
de nuit à Quito.
DHAUTEURS |pérrAcTIONS
doprarer que {a fuppoñition que j'avois faite
rs re EE aflez exacte, & qu'il n'y avoit
8 4, 5 1° | point à retoucher à mes calculs en
8. 37. 4. #2: | revenant fur mes pas. Quelquefois
9e 50. | 4 18: Lies réfraétions nocturnes ont été
10. 29. 3: 57° Légales, ou même un peu moindres
ï “ À Ja que celles de jour ; Mais prefque
Poe, | 3 cie | 'oûjour elles ont été un peu plus
fortes. Tout confidéré, & à parler
Be a, généralement , on peut aflurer
qu'elles font plus grandes que de jour d'environ une 6.me
ou 7.0 partie, pourvû qu'il s’'agiffe de hauteurs apparentes
au deflus de 7 à 8 degrés. On re rifque de fe trom-
per, fion ne mettoit pas cette r on, & peut-être faut-il
en mettre encore quelques autres.
On NS ge
<
Selon toutes les apparences, les réfraétions aftronomiques
font un peu différentes dans les divers temps de la nuit, par
la même raifon que de jour elles fouffrent quelque change-
ment du matin au foir. Sans doute qu'elles ne font jamais
portées plus loin que quelque temps avant le lever-du Soleil :
_ c’eft alors que le froid eft {e plus grand ; l'atmofphère plus
condenfée doit avoir perdu le plus de fa hauteur, au moins
… par fa partie inférieure , & il n'eft guère vrai-femblable que la
matière réfractive ne participe auffi un peu à cette altération.
Nous difons qué le changement de dilatation fe fait princi-
palement par en bas; car, que la matière réfraétive, ou que
_ Jatmofphère fe condenfe ou f dilate par-tout proportion-
. mellement, un pareil changement ne fera pas capable d’un grand
effet, comme il eft facile de s’en convaincre, & comme nous
allons le prouver : Yatmofphère étant plus dilatée, le progrès
ME 1749 e O
106 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
horizontal des rayons deviendra plus grand, mais d'un autré
côté il faudra diviler ce progrès par un plus grand divifeur ,
our avoir la réfraction ou la courbure des rayons; car le
degré de la parabole qui exprimé l'état de la matière réfractive
devient plus élevé à mefure que cette matière fe dilate. r
Suppofé que la hauteur de fa matière réfractive augmente
dans le rapport de À D à Ad (fig. 2.} la courbe B 7 pren-
dra la fituation Bi, & la foûtangente F Q de cette courbe
regardée comme parabole, augmentera dans le même rapport,
ce qui caufera une augmentation propoitionnelle à #7, puifque
l'abfciffe refe fenfiblement la mème. Mais le progrès du rayon
horizontal de lumière ne fe trouvera pas augmenté dans le
mème rapport, il n’augmentera qüe comme les racines carrées
de A D & À d: ïl fuit donc de là que Ia réfraction aftro-
nomique horizontale doit changer comme V/m divifée par w,
ou qu'elle doit changer conime V°m, ceft-à-dire, que la ré-
fraétion aftronomique horizontale doit fe trouver plus petite
en raïfon inverfe des racines carrées des extenfions que re-
çoit la matière réfractiveghou qu'elle doit diminuer à peu
près de la moitié du rt felon lequel augmentent ces
extenfions, aufl-iôt que le changement eft peu confidérable,
& que toutes les parties de l'atmofphère y participent éga-
lement ; fi la dilatation augmente d'une 48.®e, Ja réfraction
doit diminuer d'une 96.me partie; ft la dilatation devient
plus grande d’une 100.6 partie, la réfraction doit dimi-
nuér d'une 200.m€ .
Haukfbée à trouvé en Angleterre que les plus grandes
variations de volume, auxque les l'air d'ici-bas eft fujet d'une
faifon à Yautre, ou du plus grand froid au plus grand chaud,
étoient exprimées par 126 & 144 : fuppofé que toute la
matière réfractive, depuis le niveau de 1à mer jufqu'à la
couche la plus haute, changeît d’extenfion dans ce rapport,
qui eft le même que de 7 à 8, les réfraftions aftronomi-
ques, par ce feul chef, variercient d'une 1 $."€ ou 16.me
partie; mais le changement que j'ai obfervé qu'elles reçoivent
à Quito, eft confidérablement plus grand.
1
D.
"1
RtAtiDietSmScr te NTcuEIge ro
+ Si Yon en juge néanmoins par es pefanteurs de l'atmo-
fphère, que le baromètre indique, l'état de l'air ne doit
recevoir que peu d'altération dans la zone: torride; & on
peut affurer, outre cela, qu'il eft fenfiblement le méme la
nuit que le jour :‘on a l'avantage au Pérou, de même que
dans tous les pays où les montagnes font acceflibles, de déter-
miner aifément la quantité précile de fon changement. Si
tout Fair fe-dilatoit à la fois, & dans le même rapport,
toutes fes parties changeroïent de place en s’élevant, & leur
élévation’ augmenteroit proportionnellement : left vrai qu'en
bas la péfanteur de l'atmofphère y feroit toûjours la même,
puifque chaque colonne ne contiendroit toûjours que a
même quantité d'air; mais ce ne feroit pas la même chofe
dans les poftes très-élevés, car ce ne feroit plus enfüite la
même portion de l'atmofphère qui répondroit à la hauteur
de à même montigne, ce feroit une plus petite portion;
& autant la colonne inférieure fe trouveroit moindre, quant
à fa maffe ou à {on poids, autant la fupérieure deviendroit plus
grande, & fe trouveroit plus pefante. Lorfqu'on eft, par
exemple, fur le fommet de Pitchincha, la partie inférieure
de l'itmofphère, ou {a colonne d’air de même hauteur que
la montagne, a le même poids que 12 pouces de mercure,
ou que 145 ou 146 lignes, différence des hauteurs qu'a
le mercure dans le baromètre en haut & en bas au bord de
la mer fi tout Fair fe dilatoit donc, je ne dis pas d’une
7.Me où 8.m€ partie, mais d'une 48.me, on s’en apercevroit
x Pitchincha; car une mufle équivalente par fon poids à
trois lignes de mercure ( 48.me partie de 1 2 pouces), s'éle-
veroit au deflus de la montagne, & le poids de 11 colonne
fupérieure fe trouveroit par conféquent augmenté de cette
même quantité : une diffrence d'une ligne & demie dans
: le baromètre, indiqueroit. par la même raïfon une différence
. qui feroit d’une 96. partie dans la dilatation de l'atmo-
- fphère. Maïs puifqu'on n'éprouve point, avec le baromètre;
de changement fi confidérable fur les plus hautes montagnes
de la zone torride, & qu'à peine Ja hauteur du mercure y
! Oï
108 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
varie d'une ligne, c'eft une marque que les dilatations de
l'atmofphère ne reçoivent que très-peu d'altération entre les
deux tropiques : or il faut en conclure que les différences
obfervées dans les réfraétions aftronomiques, puifqu'elles
feroient encore deux fois plus petites, ne doivent pas être
attribuées aux changemens de la matière réfractive, qui tom-
beroient proportionnellement fur le total de la mafle, mais
feulement à ceux que loufire la partie baffe ou la plus voifine
du fol.
C'eft ce qui eft exaétement conforme à une remarque
faite par M. de Mairan dans les Mémoires de 1727, que
plus les vapeurs d'une certaine denfité forment une couche
peu élevée au deflus de Ia furface de la terre, plus les réfrac-
tions en font augmentées : il eft évident que ce doit étre
auffi précifément la même chofe à l'égard des changemens
de dilatations de l’atmofphère, foit qu'ils fe faffent en excès
ou en défaut; ils doivent, toutes les autres circonftances étant
les mêmes, produire en bas de plus grands effets. I eft d'ail-
leurs très-facile de montrer que les variations ne peuvent avoir
lieu qu’à peu de hauteur: l'air eft trop diaphane pour contraéter
beaucoup de chaleur par Paétion immédiate des rayons du
foleil qui le traverfent; il s'échauffe par le voifmage de la
terre & par celui des corps qu'il touche : la chaleur qu'il a
acquife doit enfuite fe communiquer de proche en proche,
elle doit fe trinfmettre peu à peu aux couches fupérieures ;
mais elle doit le faire toüjours affez lentement, pour qu'il
furvienne en bas quelque changement tout contraire qui
s'oppofe au premier progrès. Voilà pourquoi l’atmofphère ne
peut pas fe dilater par-tout proportionnellement ; fes différentes
couches ne prennent pas le même degré de chaleur aflez vite,
pour pouvoir participer aux mêmes variations, & il doit
régner en haut, dans tous les temps , un certain degré de froid:
les plus grands changemens fe font donc toüjours en bas, ce
qui y rend le paffage d’une dilatation à Y'autre moins gradué
ou plus brufque. I en réfulte néceflairement des effets plus
fenfibles à l'égard des réfraétions, & des effets qui dépendent
DES SCIENCES. : To
prefque abfolument des circonftances locales : Je vent même
doit caufer quelque variété, felon les endroits plus ou moins
échauffés d'où il vient : c'eft ce qui fuit de notre explication,
& ce qui rend les variations de la réfraction plus difficiles
à foûmettre à des règles exactes & générales.
La réfraction aftronomique doit être encore füujette à une
autre différence en chaque lieu, felon les diverfes régions du
ciel qui attirent les repards de l'Oblfervateur. L'atmofphère
imite à peu près la figure de la terre en chaque endroit; les
diverfes couches dont elle eft formée , font plus ou moins
courbes, felon les divers fens dans lefquels on les confidère;
ainfi les rayons de lumière fe courberont différemment, felon
qu'ils viendront de l'Orient ou du Septentrion. La courbure de
la circonférence de la Terre fe trouvant plus grande dans le fens
du méridien que dans celui du premier vertical, les couches
de l'atmofphère font aufli, dans ces divers fens, comme des
portioris de différens cercles ; elles font plus alongées de
Orient à lOccident, & les rayons des aftres, qui ont la
même direction, rampent, pour ainfi dire, plus long-temps
dans ces couches, en même temps qu'ils les rencontrent fous
de moindres angles, ce qui doit leur faire fouffrir une plus
ande flexion. La difficulté feroit extrême, pour ne pas dire
infurmontable, fi lon ne vouloit découvrir ces excès de
courbure, que par les feules obfervations aftronomiques; &
il eft néanmoins d'une aflez grande importance de favoir
jufqu'où ïls vont : mais en puifant dans la Phyfique, & en
nous fervant des approximations que nous venons d'employer;
& qui doivent encore mieux réuffir, lorfqu'au lieu de cher-
cher des quantités abfolues, on ne travaille à découvrir que
eur fimple difiérence, le problème. devient très-facile, &
nous le réfoudrons auffi toûjours fans calcul. On { convain-
cra par le court examen que nous allons en entreprendre, qu'on
peut dans l'ufage ordinaire négliger toutes les inégalités que
la caufe dont il s'agit apporte aux réfractions.
La petite partie B / de ligne courbe, dont les ordonnées
(fig: 2) marquent l'état de la matièreréfraétive, eft conftamment
Oiij
110 MÉmorrEs DE L'ACADÉMIE RoYyaLe
Ja même pour chaque feu, & fa tingente va rencontrer toû-
‘jours dans le même point Q le rayon de la Terre prolongé
tès-loin en deflous; ainfi la foûtangente de la courbe des
dilatations confidérée dans le plan du méridien ou dupre-
mier vertical, admet aucune différence: mais la courbure
de la furface de fa Terre étant différente au point À, felon
le côté vers lequel on fe tourne, c'eft {a même chofe que fr
le centre C étoit plus haut ou plus bas. Lorfqu'on traite la
courbe B / des dilatations comme une petite portion de
parabole, le fommet C'n’eft donc plus dans 1à même place
& le deyré de la parabole n'eft plus le même, puifque l'arc
B 1 appartient à une courbe, dont l'abfcifle FC fe trouve
plus longue ou plus courte, quoique fa foûtangente FQ foit
toüjours de mème longueur. Prenant l'unité pour cette foù-
tangente, parce qu'elle eft conftante, & défignant par r le
. . x » . Li
femi-diamètre ou l'abfcifle FC, nous aurons — pour le degré
de la parabole où pour la valeur de #1 dans l'équation générale
zm — y. D'un autre côté le progrès horizontal pris pour a
mefure d'un angle (au moins lorfqu'il s'agit de réfraétions
horizontales ), fuit fenfiblement la raifon inverfe de la racine
carrée du femi-diamètre; car continuant à prendre r pour ce
femi-diamètre, la longueur abfolue du trajet horizontal du
1
rayon de lumière fera comme r?. Ce trajet ne fera autre
chofe que le finus À A qui eft proportionnel à la racine
carrée du femi-diamètre, lorfque le finus verfe À D eft conf
tant & très-petit; mais ce trajet ou ce finus étant divifé par
LI
le femi- diamètre, donnera 7? pour Îe progrès horizontal
confidéré comme partie du cercle, ou évalué en degrés & mi-
nutes, & lorfqu'il ne varie toûjours que par le changement
du femi-diamètre. C’eft donc la quantité Fire qu'il faut
divifer par le degré ou par le genre de la parabole, ou par
—, pour avoir la quantité de la réfration : ainfi, eu égard
D EISÈS;C1E NC E:Ss. III
à tout, Ja réfraction horizontale aftronomique change comme
la racine carrée du diamètre des cercles que forme la matière
réfraétive; ce qui nous fournit une règle très -fimple pour
déterminer pour tous Îes lieux combien la réfraction eft plus.
grande dorfqu'un aftre eft vers lorient ou vers l'occident, que
dorfqu'il eft vers le feptenirion ou le midi, ou dans tous les
autres azimuths.
. Si nous nous fuppofons dans la zone torride, la diffé-
rence des axes de la Terre étant d'une 1709: partie, {e
rayon de l'équateur eft au rayon du cercle ofculateur du
méridien comme 111 à 110, fi Jon donne au méridien {a
courbure que nous lui avons attribuée dans les Mémoires
de 1744; mais la réfraction ne change que felon a racine
carrée de ce rapport, ou fenfblement felon la moitié, c’eft-
à-dire qu'elle ne doit.être plus forte dans le fens du premier
vertical que dans de fens du méridien, que d'une 22 1.me
partie, au dieu quelle fuivroit fenfiblement Ie rapport des
deux axes, fi fe méridien étoit une ellipfe ordinaire. La plus
grande différence n’eft par conféquent que de 7 fecondes à
horizon : elle doit devenir abfolument infenfible pour les
aftres qui font très-élevés, & encore moindre lorfque FOB-
fervateur eft dans les autres climats,
NOTA. Comme il manguoit quelques termes à la Table pour
Quito, inférée dans les Mémoires de 1739, à que j'ai, outre
cela, été obligé de changer un peu les différences pour ÿ 0 o toifes,
Louis que j'ai mieux connu l'exatle élévation de la croix de Pitchin-
ha au deffus de la ville, j'ai cru que la meilleure manière d'indiquer
ous les petits changemens néceffaires, étoit d'inférer ici la Table toute
“corrigée pour les réfrattions qui fe font de jour.
3
112 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
TABLE des Réfradions affronomiques pour Quito, 1479 toifes au
deffus du niveau de la mer, &‘ pour les endroits $ oo toifes plus
élevés ou plus bas que cette ville.
Réfaë. | pour [Bauteurs| méga, | ?'oour | Hauteurs
sootoifes.} *PP# suotoifes.] *PP2r-
16. 48 |\r.
12 40 1.
3 0.453 |.
4 OM | 0.
5 C2) 0:
6 | 5. so co. 41 D 35 Lo 56 | er 1 fo 20
7 4-50)
8 4 23 | o
9 3-MOFAN ENS
10 EN = 0.
it 3.000] Fo:
12 | 2 so | o.
13 2.257000.
14 2-16241l 00.
TR ET ET) OP TP
16 214070:
17 1. 58 | o.
RO ME RL PS CT RE gr CE
2) 1e, 4]: 0
20 FR ONIRQ
[ar Lecalo te ds 220
22 200
21} ras ulRo:
24 LUE
25 tour Q
26 1. 4
L'équation pour les 500 toifes doit être ajoûtée pour les lieux .qui
font plus bas que Quito, & fouftraite pour Jes lieux qui font plus élevés,
L
dé HISTOIRE
Men, de ZAe.R des Se:1749. Pag.u2. Pl 6.
Ale de Le. R dar Ve 1739 Pag.ns. Pl €
"
3 DES SCIENCES. 113
Rour PAT O 1 RE
“ DES MALADIES EPIDEMIQUES DE ; ZAR
Obférvées à Paris, en même temps que les différentes
températures de l'air.
Pa M MaALzourIn.
. ; UOIQUE les Epidémies viennent quelquefois d'autres 13 Février
NE : caufes, que de l'air, c'eft cependant à fes intempéries 1751:
… quon doit attribuer le plus fouvent ces maladies , comme je
… Jai prouvé au commencement de l'hiftoire des maladies épi-
- démiques de 1748, après avoir expliqué, à l’occafion des
. maladies populaires de 1747, les effets prodigieux du reflort
_ & dela pelanteur de Fair fur le corps humain.
* Les Anciens ne connoiïfloient point ces deux propriétés de
air, fa pefanteur & fon reflort , quoiqu'ils connuffent leurs
effets : c’eft une des connoiffances que la Médeéine a acquife
î ve ces derniers temps; connoiffance très-utile dans la théorie,
. & par conféquent dans la pratique de cette fcience.
. Lorfque je dis que les Anciens ne connoiffoient point Ja
_ pefanteur & le reflort de l'air, je parle de ceux qui ont vécu
. danse fiècle d'Hippocrate & dans les fiècles füivans, car
. cela avoit été connu auparavant : Empédocle rapportoit au
ids de Fair, le phénomène du Siphon, où l'eau demeure
pendue pendant qu'on en tient Fouverture bouchée avec
doigt : deegs 0yxos. Ariflot. de la
Les anciens oblervateurs en Médecine avoient aperçu les “4: 7:
ts de la pefanteur & du reflort de l'air fans en connoître
caufe : c'eft des effets de la pefanteur de f'air dont parle
ippocrate, lorfqu'il recommande / Epidem. lib. V1, fe. 8 )
l ver fi Fair eft plem, & s'il remplit plus où moins,
eppévoy uéloy Te % TO AG: parce que felon que Fair
PXrieur qui nous prefle de toutes parts eft plus où moins
Me. 1 749. “ae
Nerre
114 MÉMOIRES -DE L'ACADÉMIE ROYALE
plein, c'eft-à-dire denfe, & plus ou moins pefant, l'air qui
eft en nous, qui foütient ce poids de atmofphère, & qui
tend toûjours à fe gonfler dans les vaifleaux, eft plus ou
moins comprimé; de forte qu'on fe fent plus ou moins rem-
pli (pour parler le langage d'Hippocrate) comme on lob-
ferve, fur-tout par rapport à la tête, dans certains change-
mens de temps.
Les anciens Médecins ont auffi aperçu les effets du reffort
de l'air fans le connoître ; c'eft ce qu'Hippocrate exprime par
opuoyze impetum facientia.
Le reflort de l'air contenu avec les liqueurs dans les
vaifleaux du corps, eft continuellement excité par la chaleur
naturelle, & en fe dilatant il fait effort contre les vaiffeaux
& contre l'air extérieur qui le réprime par fon poids.
On a connu dans tous les fiècles les autres propriétés de
Vair, favoir, la fécherefle & l'humidité, la chaleur & 1a
froideur : les anciens Médecins onc même fait un grand ufage
de ces connoiffances dans les recherches des caufes des mala-
dies, & dans leur traitement.
I n’eft pôllnt, en général, de propriété de Yair plus facile
à apercevoir que fon humidité & fa fécherefle, pour peu
qu'elles foient fenfibles, parce que tout ce qui nous envi-
ronne s'en reflent. I n’en eft pas de même de fa pefanteur
& de fa légèreté, ni de fa chaleur & de fa froideur, fi elles
ne font.à proportion plus fenfibles : d’ailleurs, le froid”& le
chaud font des qualités relatives à ceux qui en jugent, at
lieu que la fécherefle & l'humidité ne font pas relatives à nous,
elles font pofitives. Il eft plus difficile de connoître avec
précifion les degrés de la fécherefle & de l'humidité, que
ceux de la froideur & de la chaleur, & ceux de la pefanteur
& de la légèreté de l’atmofphère; c’eft pourquoi il n’eft point
d'auffi bons hygromètres qu'il eft de bons thermomètres &
baromètres.
Nous fommes continuellement dans l'air comme dans ur
bain, qui, foit qu'il foit fec, foit qu'il foit humide, contribue:
beaucoup à l'état de notre fanté.…
DE SMIC! EN CES 115$
En général, l'air fec eft plus fain que Fair humide : l'air fec
ft plus pur, il eft plus air, c’efl-à-dire, moins mêlé avec les
‘mañations des corps qui y tranfpirent; C’eft pourquoi Celfe
pelle la fécheretle de l'air, la férénité du temps.
* Au lieu que fair humide eft plus chargé de différentes
matières qui fe font élevées dans l'air avec les parties aqueufes,
ce qui le rend plus fufceptible de corruption ; c’eft pourquoi
l'humidité de Vair produit un plus grand nombre de maladies,
mais celles qui viennent de la fécherefle font plus vives.
La féchereffe fait des maladies plus courtes, fur-tout dans
es pituiteux, & dans les femmes, qui, en général, font d’un
“ tempérament humide; & au contraire, elle rend les maladies
À Fe grandes dans les hommes maigres & bilieux, parce que
» a féchereffe, en cpaiffiffant la bile, lui donne le caractère de
- la bile noire, qui eft la plus mauvaïfe.
L'humidité, au contraire, fait les maladies plus Jongues,
en afloibliflant les fibres par relâchement, d'où réfulte le
ralentiffément du mouvement progreffif des humeurs, dont
À lès âcres font plus difflous par l'humidité; ce qui favorife le
mouvement interne qui en fait la pourriture : c'eft ce qui
fait que l'humidité peut produire toutes les maladies qui
._ viennent de cacochymie; elle fait aufi dés catarres, des
» boufiflures & des hydropifies.
… Les maladies que caufe fa féchereffe, font la mélancholie,
m. 11 confomption, la pulmonie, des éréfipelles & des inflamma-
. tions bilieufes, fur-toyt des ophtalmies sèches, qui font caufées
4 par Ja féchereffe de la cornée, & par ’acrimonie dé l'humeur,
e. laquelle eft d'autant plus forte qu'elle eft moins affoiblie par
- beaucoup de liqueur. La féchereffe produit auffi l'ophtalmie
| sèche ordinaire, c'eft-à-dire, qui eft fans fluxion d'humeur.
+ JANVIER.
L'air a été extraordinairement humide pendant ce mois;
Iny a pas fait froid pour la faïfon, & cette température a
é très-égale,
Le thermomètre à prefqué tous les jours été à 6 degrés au
Pi
116 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
deflus de la congélation ; il n’a pas été plus bas que 2 degrés
le matin, & il eft monté jufqu’à 9 l'après-midi : le baromètre
a beaucoup varié d'un jour à l'autre & dans chaque jour; la
hauteur du mercure y a le plus fouvent été aux environs de
27 pouces & demi; il n'eft pas monté plus haut que 28
pouces : il n’y a été que le 1 $ & le 1 6 du mois : le temps étoit
ces deux jours- là comme il eft ordinairement dans les beaux
jours d'Avril. Le plus bas où le mercure foit defcendu, c'eft à
26 pouces 8 lignes; ce fut le 22, le vent étant fud-oueft, ce
qui paroifloit annoncer de la pluie ; cependant ce jour-là Fair
fut fec à Paris, & le ciel net & bleu. Le vent a prefque
toûjours été fud-oueft pendant ce mois, ilsa quelquefois
été fud & oueft, rarement nord, & il n'a été aucun jour
nord-eft : il y a eu des ouragans extraordinaires, comme il
en a ordinairement dans le temps des équinoxes.
Il eft tombé dans tout le cours de Janvier 2 pouces 7 lignes
& À de ligne de pluie en hauteur.
Quoique le temps n'ait pas été tel qu’il doit être dans cette
faifon , il n’y a point eu de maladies épidémiques ; ce qui vient
vrai-femblablement de ce que la température de l'air a, comme
nous l'avons dit, été égale pendant ce mois ; on a depuis long
temps obfervé que ces maladies font le plus fouvent caufées
par les changemens fubits de {a température de l'air.
I y a eu dans le commencement de cette année, comme
à la fin de la précédente, des rougeoles & des petites-véroles
qui ont été bénignes. J'ai remarqué que dans ces rougeoles,
il y avoit ce mois-ci plus de rougeurs aux parties inférieures
qu'aux fupérieures : feu M. Bellot, dont j'ai déjà parlé dans
le Mémoire de 1747 au fujet de la Suette, a fait la même
obfervation.
I y a encore eu dans ce mois quelques maladies de [a
peau; & prefque tous. les malades.ont eu: une difpofition ex-
traordinaire à la fueur.
Mrs Cochu & Hazon, Médecins de la Faculté, ont obfervé
auffi qu'il y a encore eu des maux de gorge, des dévoiemens
opiniîtres & des fluxions à la tête avec fièvre.
Et E'SLOBLC 1 EN GRE 117
| » M. Petit, qui s'applique particulièrement aux maladies des
| ‘yeux, comme fon père qui étoit de cette Académie, nous
a fait remarquer qu'il y a eu ce mois-ci plus d'ophtalmies
qu'il n'y en a ordinairement ; ce qu'il attribue aux vents qui
* ont été extraordinairement violens.
M. Macquer a vü quelques malades de fièvres intermit-
tentes, dont les accès n'étoient pas réglés; il a vû auffi des
fièvres continues avec redoublement; ces fièvres n’étoient
point dangereufes, quoiqu'opiniätres; il a obfervé que plu-
fieurs de ces malades avoient à la fin de la maladie, les pieds,
les mains & le vifage enflés.
. M. Bouvart a aufli vü des fièvres continues & dangereufes,
. qui toutes ont été accompagnées d'embarras à la tête, plus
À marqué par le délire que par lafloupiffement. Aucun des
à malades qu'il a vüs, n'a eu de treflaillemens de tendons, ni
! autres mouvemens convulfifs; prefque tous ont eu des dévoie-
mens bilieux, qu'il a toüjours entretenus & augmentés par le
” fecours de Part, & qui fe font continués par delà le temps
- de la convalefcence même, fans autre inconvénient que celui
de retarder un peu le retour des forces.
IL eft entré à l'Hôtel-dieu pendant ce mois, 1941 ma-
lades; il y en avoit le premier du mois, Lee
IL eft mort à Paris, dans le: cours de Janvier, 1 370 per+
fonnes ; 696 hommes & 674 femmes.
I eft né pendant ce mois, 1925 enfans; 1022 garçons,
903 filles. De ce nombre 1925 enfans, il y en a eu 301
qu'on a apportés aux Enfans-trouvés; 1 57 garçons, 144
4
IH s’eft fait pendant ce mois 442 mariages.
FEVRIER.
Dore 10 lignes le 16, qui eft le jour où il. a defcendu:
De plus bas: ;
Pä
118 MÉMOIRES DE L'ACADÉMTE ROYALE
Ï a fait un plus grand froid en Février qu'en Janvier; if
y à eu un peu de gélée toutes les nuits.
La liqueur du thermomètre a le plus fouvent été, dans ce
mois, entre 2 & $ lignes au deffus du terme de la glace; elle eft
defcendue au defious le 8, le o & le ro ; elle a été à 6 2 le 9;
il a neigé & grêlé ces trois jours, le vent étant nord.
Le temps avoit changé dès le 7, le vent étant venu tout-
à-coup du nord-eft; alors il a commencé à y avoir dés rhu-
mes, qui ont été fort communs pendant ce mois.
Le venty a prefque toüjours été fud-oueft, if a quelquefois
été oueft, plus rarement eft; il n'eft venu du nord que les
derniers jours du mois.
L'air a été humide en Février, & cependant il na pas.
parû l'être autant, à proportion de la pluie qui y eft tombée
en grande quantité ; il en eft tombé fa hauteur de 2 pouces
4 lignes +.
Il y a eu des giboulées dans ce mois, comme il a coûtume
d'y en avoir dans le mois de Murs. 3
Le Soleil a lui plufieurs jours de fa fin de Février plus
fortement qu'il n’a coûtume de faire dans cette faïlon, favoir,
depuis le 20 jufqu'au 26; & il y avoit des gelées blinches
les nuits fuivantes de ces jours-là : le temps étoit alors auffr
beau qu'il l'eft dans les beaux jours d'Avril; le Soleil y étoit
fort chaud, & le vent froid : il eft venu ces jours-là de left,
du nord-eft où du nord.
If a commencé alors d'y avoir des fontes de fa tête, des
fluxions furles yeux, des fièvres catarreufes & desspleuréfres.
M. Ferrein, qui a obfervé les mêmes maladies, a eu occafion
de voir des maux de gorge avec fièvre aigue, & nombre d'éré-
fipelles fur le vifage, les unes fans fièvre; d'autres avec fièvre ;
& il nous a dit que le traitementordinaire dans ces cas y a
bien réuffr. g
H y a eu aux environs de Paris, & particulièrement à
Meudon, une maladie fort dangéreufe, dont on mouroit
ordinairement en quatre jours, fouvent dans les vingt-quatre
heures, & quelquefois même en cinq ou fix heures.
DES SCIENCES. TI
+. Cette maladie prenoit par une fièvre, dont les accidens
changeoient à chaque inflant elle étoit fans douleur de tête,
il y avoit cependant quelquefois du délire; la plüpart de ces
malades avoient une douleur errante dans les côtés, à l’efto-
mac & aux reins; lorfque cette douleur quittoit ces parties ,
la poitrine s'embarrafloit, & quelques-uns mouroient une
demi-heure après. ,
‘Plufieurs de ces malades ont rendu des vers ronds : tous
rendoient de furine de couleur & de confiftañce de firop de
capillaire, & on y voyoit nager quelques parcelles blanches ;
Jorfqu'on laïfloit repoler ces urines, elles devenoient plus
rouges & plus claires, ce qui, fuivant Eugalenus, arrive aufii
dans les maladies fcorbutiques.
.. Le pouls de ces malades changeoit étonnamment en moins
de trois minutes ; il étoit d’abord violent, puis il difparoïfloit
tout-à-coup ; enfuite il revenoit en fautillant, & auffitôt il
devenoit intermittent ; enfin il étoit continu, élevé & vif,
comme dans les accès de fièvre ordinaire.
Il y en a eu qui ont été attaqués de cette maladie par un
: relâchement de la luette, fans inflammation apparente de Ia.
gorge, & ils avoient beaucoup de difficulté à refpirer.
On a remarqué que ceux qui n'avoient pas été faignés
dans le commencement de la maladie, étoient en plus grand.
danger; le fang qu'on tiroit, étoit comme du fang de poulet ;
ceux qui n'en mouroient pas, quoiqu'ils n’euflent pas été
“ faignés, tomboient dans une langueur qui faifoit croire qu'ils
… alloient mourir; & tout d’un coup ils revenoient, pour ainfr
… dire, de la mort à la vie
Le Vicaire de Meudon a fait un détail bien. circonftancié:
- de cette maladie dans deux lettres, qui n'ont été communi-
—…. quécs par M. Macquer, à qui elles avoient été écrites. J'ai vi
aufli de ces malades à Pafly dans le mois de Mars fuivant.
…_ H eft entré à l'Hôtel - dieu pendant ce mois, 1 679 ma--
ades ; il y en avoit le premier du mois, 3457.
left mort en Février, 12 92 perlonnes; 688 hommes:
604 femmes.
2... matt tr déillhe. “s
120 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Il eft né dansle cours de ce mois, 1924 enfans; 994
garçons, 930 filles; de ces go 24 enfans, on en a porté
aux Enfans-trouvés 312; 171 garçons, 141 filles.
Il s'eft fait pendant ce mois de Février, 60$ mariages.
MARS
Le baromètre # fort varié en Mars d'un jour à l'autre, &
dans chaque jour; cependant les différences, par ces varia-
tions, n'ont pas été grandes : le plus haut degré où il foit
monté, c'elt à 28 pouces 1 ligne; ce fut le 1° & le 26 du
mois, le temps étant ferein, mais froid, par un vent d’eft:
le plus bas au contraire où il foit defcendu, c'eft à 27
pouces 4 lignes; ce fut le 19, le ciel étant couvert, & l'air
froid, par un vent de nord : dans le refle du mois, il a le plus
fouvent été aux environs de 27 pouces 7 lignes.
Pour ce qui eft du froid, Fair a été affez doux pour la
faifon pendant ce mois; le 1 5, le thermomètre eft monté
jufqu'à 14 degrés au deflus de fa congélation, mais les
derniers jours ont été froids, & alors il a gelé la nuit, &
même le jour. Le 28 a été le plus froid, le thermomètre eft
defcendu ce jour-là 3 lignes & demie au deffous du terme
de la glace.
L’humidité a été fort grande en Mars; cependant le vent
y a été nord-eft pendant feize jours, favoir, huit jours au
commencement & huit jours à la fin; mais ce vent a été
moins froid les huit premiers jours, parce qu'il étoit alors
moins fort que les huit derniers, & parce qu'il étoit tempéré
par un vent fud : le refte du mois, le vent a été fud-eft
ou fud-oueft, & quelquefois ouef. ”
La quantité d’eau de pluie a été 1 pouce 9 lignes +.
Il y a eu ce mois-ci beaucoup de rhumes opiniâtres, &
quelques pleuréfies qui ont été fort dangereufes.
H y a aufli eu beaucoup de mäux de gorge, dont plu-
fieurs étoient éréfipélateux avec des boutons; quelques-uns
vifoient à la gangrène, & tenoient des maux de gorge des
enfans, qui font fi dangereux depuis quelques années. ô
DE SMS 1 EN CES 121
Ïl y a encore eu en Mars des rougeoles qui avoient le
caractère qu'on leur a remarqué cette année, favoir, la durée
des rougeurs, qui étoient exuraordinairement long-temps à
s'éteindre, fur-tout au menton.
IL eft arrivé ce mois-ci, dans une des églifes paroïffiales
de Paris, un accident qui peut fervir à faire connoitre les
inconvéniens qui réfultent des enterremens dans les églifes.
On avoit, pendant l'hiver de cette année, Ôté tous les bancs
qui étoient dans l'églife de Saint-Euftache: on y creufoit, &
on en enlevoit des terres pour faire des caveaux : on avoit
exhumé pour cela tous les corps qui y étoient enterrés, ceux,
mème qui n'y étoient que depuis peu de temps, & on les
avoit tranfportés derrière ce qu'on appelle l'Œuvre ou la Fa-
brique, où on n'avoit pas mis beaucoup de terre, pour
gagner de l'efpace; & pendant ce temps, les cadavres qu'on
avoit eu à enterrer dans l'églife avoient été mis fous les Char-
niers, dans un caveau qu'on n'avoit pas ouvert depuis très-
long temps. |
Le 7 Mars, les enfans qui étoient au Catéchifme dans les
Charniers, font tombés la plüpart, & prefque dans le même
temps, en foibléfle : M. Ferret, Médecin de cette paroifle,
qui y fut appelé aufi-tôt, n'a dit qu'ils avoient perdu con-
noiflance, qu'ils avoient de vifage extraordinairement rouge;
qu'il avoit obfervé qu’ils avoient un mouvement violent vers
le milieu du corps, accompagné de quelques mouvemens con-
vulffs aux bras & aux jambes; & lorfque fa connoiffance
leur fut revenue, il les interrogea fur leur mal, & ïls répon-
dirent qu'ils fouffroient de leftomac, & qu'il leur montoit
comme un morceau à Ja gorge qui les empéchoit de refpirer.
M. Ferret prit foin de ces enfans, qui lui furent recom-
mandés par le Curé de la paroiïfle, & enfuite par M. le
Premier Préfident ; plufieurs en ont été très-malades, mais
aucun n'en eft mort.
… Le dimanche fuivant, 9 du mois, pendant le Catéchifme
- qui fe faifoit dans le même endroit, il en tomba encore une
vingtaine dans les mêmes accidens; & environ une heure
Mém. 1749. -Q
iR
122 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
après, plufieurs grandes perfonnes fe trouvèrent mal pendant
les vêpres aux environs des mêmes Charniers. Je paffai par-
à dans ce temps, jy vis une fille & enfuite une femme
qui tombèrent par terre fans parole, mais elles me parurent
avoir confervé la connoïflance ; elles fembloient ne pouvoir
refpirer, & avoir le gofier ferré; elles avoient le vifage rouge,
& je leur remarquai tous les fymptomes que n''avoit rap-
portés M. Ferret.
La femaine fuivante, plufieurs enfans fe font trouvés mal
à Sainte-Perrine, qui étoit un couvent de Religieufes de
Sainte-Geneviève , fur la paroiïfle de Saint-Laurent, proche
la Villette : ce couvent ayant été réuni à celui de Chaillot,
du même ordre, on en avoit exhumé les cadavres, & le
terrein avoit été loué à l’Entrepreneur d'une manufaéture de
rubans, où lon fait travailler de petites filles. M. Izès, Mé-
decin de Ia Faculté, y fut appelé: il n'a dit que les accidens
n’y ont pas été fr grands qu'à Saint - Euftache.
J'ai oblervé qu'il n'y a point eu de grands garçons ni
d'hommes attaqués de cela, qu'il n'y a eu que des enfans,
ou des perfonnes du sèxe.
On a reçû à l'Hôtel-dieu, en Mars, 2079 malades : il
y en avoit le premier jour de ce mois, 3579:
IH eft mort en Mars, 1 548 perfonnes; 828 hommes &
720 femmes.
Et ïl y eft né 2200 enfans; 1088 garçons, & 1112
files : de ces 2200 enfans, on en a porté aux Enfans-
trouvés, 400 ; 192 garçons, & 208 filles.
H ne s'eft fait que 36 mariages à Paris pendant le mois
‘de Mars.
MUR UT EE:
Le mois d'Avril a, cette année, été auff tempéré qu'il
l'eft ordinairement, par rapport au froid & à Fhumidité : il
‘a été moins humide à proportion que ne l'avoient été les
“mois précédens. La hauteur de l'eau de pluie qui eft tombée
pendant ce mois, n'a été que d'un pouce,
ÿ
DES SCIENCES. 123
Le thermomètre a le plus fouvent été, en Avril, aux
environs de 8 degrés au dellus de la congélation; & le plus
bas où il foit refté, c'eft à 2 degrés, ce fut le premier du
mois à la pointe du jour, le baromètre étani à 27 pouces
9 lignes, & le vent nord & nord-oueft : le plus haut au
contraire où il foit monté, c'elt à 14 degrés, ce iut le r
du mois l'après-midi, le vent étant fud-ouelt, & le baro-
mètre à 27 pouces 2 lignes.
Le baromètre n’eft pas defcendu plus bas que ce point en
Avril; il a fort varié pendant ce mois : il a le plus fouvent
été aux environs de 27 + pouces; & le plus haut où il oit
. monté, c'eft à 27 pouces 10 lignes: il n'y a été que peu
de temps, ce fut le 28 du mois, le vent étant füd.
Les vents ont fort varié auffr, ils font venus de tous côtés,
& fouvent il y en a eu plufieurs en même temps.
Pour ce qui eft des maladies, un grand nombre de per-
fonnes ont été prifes dans les premiers jours d'Avril, par un
friflon avec des douleurs dans les bras & dans les jambes ;°
la fièvre chaude furvenoit, & duroit trois ou quatre jours:
dans quelques-uns, cette fièvre a diminué dans les vingt-
quatre heures , & a repris quelques heures après, en froid,
ce qui faifoit une fièvre quotidienne; dans d'autres , la fièvre
ne reprenoit qu'après un jour d'intervalle, ce qui faifoit une
fièvre tierce. : :
H ya eu dans le même temps beaucoup de rhumes qui
ont été fort opiniâtres, & même on en a vû quelques-uns
dégénérer en fluxions de poitrine : il y a aufli eu quelques
pleuréfres avec crachement de fang.
On 2 vü pendant ce mois beaucoup de coqueluches parmi
les enfans, & cette humeur de catarre s'étant dépolée der-
rière les oreilles , elle y à fait des tumeurs qu'on nomme
ordinairement oreillons, lorfqu'il s'agit d'enfans,
On a remarqué qu'il y a eu une quantité extraordinaire
… de perfonnes qui font tombées en fiblefé ; plufieurs ‘ont
même perdu connoiflance, & quelques - urnes ont eu. des
0 Q ÿ
124 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royazr
étourdiflemens effrayans. If y a aufli eu dans ce temps des
apoplexies & des morts fubites. 1
H eft entré 1818 malades à l'Hôtel-dieu dans le cours
d'Avril: il y en avoit le premier de ce mois, 3575-
H eft mort à Paris pendant ce temps, 172$ perfonnes;
12 hommes, 813 femmes.
Et il eft né 1 846 enfans; 945$ garçons, & 911 filles;
de ces 1 846 enfans, on en a porté 303 aux Enfans-trouvés;
15 2%garçons, & 1 52 filles.
I s'eft fait 329 mariages.
M A L
Le temps a, en général, été fort beau en Mai, & il a été
plus fec qu'humide ; il n'eft tombé de pluie que la hauteur
de 8 lignes : il n'y a eu que le 29 qu'il a beaucoup plu, &
il a tonné ce jour-là; il avoit auflr tonné & un peu plu
A
Au refte, la température de l'air a été affez comme elle
doit être dans ce climat, pendant ce mois, par rapport au
chaud & au froid. I y a eu une petite gelée blanche & du
brouillard la nuit du 11 au 12; mais la nuit du r4au15,
il a gelé aflez fort pour faire cramdre que les vignes n'en
fuflent endommagées.
Le jour le plus froid de ce mois a été le 1 5 : la liqueur
du thermomètre étoit le matin de ce jour-là, à $ degrés au
deflus de zéro, & dans la banlieue de Paris elle n'étoit qu'à
2 + decrés au deffus de ce terme, & feulement à 1 + degré
à la campagne ; ce même jour, le baromètre étoit à 27 pouces
lignes , le vent venoit de loueft , & il a beaucoup grêlé.
Le 28 Mai a, au contraire, été le jour le plus chaud;
le thermomètre étoit l'après-midi de ce jour-là, à 24 degrés,
le baromètre à 27 pouces r 1 lignes, & le vent venoit de l'efl
& du nord-ef.
Au refte, le baromètre a fort varié pendant ce mois, non
fulement d'un jour à fautre, mais même du matin au foir;
Le
D'E SUS“G 1 E N C:ES 125
cependant il a le plus fouvent été aux environs de 27 pouces
8 lignes; le plus bas où il foit defcendu, ç'a été à 2 7 pouces
3 lignes, ce fut le 17 du mois, le vent étant fud & fud-
‘oueft : il grêla & il plut un peu ce jour-là.
Le plus haut, au contraire, où foit monté le baromètre,
c'eft à 27 pouces 10 lignes, & il y eft monté plufieurs jours,
qui n'ont pas été de fuite, parce que, comme je f'ai dit, la
pefanteur de l'atmofphère a fort varié dans ce mois.
Pendant tout ce temps, les vents font venus de tous côtés;
cependant ceux d’eft, de nord-eft & de nord ont dominé
fur les autres, & j'ai obfervé que ces vents, qui font ordinaire-
ment les plus froids, ont été les plus chauds ce mois-ci; ce
qui eft d'autant plus furprenant, que l'hiver a été encore plus
froid qu’à ordinaire dans les pays du nord; & au contraire
les vents de fud, qui font ordinairement les plus chauds, ont
été les plus froids de ce mois.
Il faut remarquer à cette occafion, qu'il y a eu beaucoup
d'inflammations de poitrine pendant ce temps, & des rhumes
opinñtres, avec chaleur de la poitrine. Les vents de nord
ont, comme je l'ai dit, dominé dans ce mois-ci; mais
fi ces vents de nord ‘ont caufé ces maladies de poitrine, ce
n'a pas été par le froid, puifqu'ils ont été chauds: le froid a
de tout temps été réputé très-contraire à la poitrine ; fi les
fluxions de poitrine de ce mois ont été caufées par le froid,
g'a été par les vents du fud qui ont été froids, & non point
par ceux du nord qui ne l'ont pas été.
J'ai obfervé que tous ceux qui étoient ainfi malades de Ja
poitrine fouffroient aufli de la tête, & que cette douleur de
tête s'étendoit fur le cou. If y a eu plus de fluxions dans ce
mois, qu'il n'y en avoit eu dans tout l'hiver.
I a régné dans tout le cours de Mai, beaucoup de maux
de gorge, qui, comme les péripneumonies du commencement
de ce mois, étoient accompagnés d’une douleur des parties
æxtérieures de la tête & du cou.
On a vû auffi dans le même temps, de ces maux de gorge
_ éréfipélateux & gangréneux, qui n'avoient encore jufqu'alors
Q ii
126 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE ROYALE
attaqué que les enfans, ou les jeunes gens; il y a eu dans ce
mois-ci des perfonnes de toutes fortes d'âge qui en ont été
malades. Ces maux de gorge étoient avec des boutons, & if
s'eft exfolié des membranes du gofier, en touflant & en cra-
chant: lorfqu'on leur regardoit dans fa bouche avec le man-
che d'une cuiller, on leur tiroit fouvent de la gorge une lim-
phe purulente, dès les premiers jours de la maladie.
I y a eu des fièvres printanières, fur-tout dans le com-
mencement du mois, des tierces & des double- tierces.
Il eft entré à l'Hôtel-dieu, en Mai, 2026 malades; il y
en avoit le premier jour, 345 6.
H eft mort à Paris pendant ce temps, 164$ perfonnes;
883 hommes, 762 femmes.
Et il y eft né 2017 enfans; 1018 garçons, & 999 fes :
de ces 2017 enfans, il y a eu 3 34 enfans trouvés; 1 82 gar-
çons, & 152 filles.
I s'eft fait 396 mariages.
JT A
L'air a êté chaud, au commencement de Juin, comme il
l'avoit été les derniers jours de Mai; le thermomètre eft monté
le 4 Juin après-midi, jufqu'à 22 degrés au deflus de la con-
gélation ; il n'eft pas monté plus haut dans ce mois : il y a
eu ce jour-là def éclairs, du tonnerre, & une grofle pluie; ce
qui a changé le temps. Le lendemain $, il a fait moins
chaud ; & mème le 6, après une pluie qui a duré toute la
nuit, il a fait un froid auquel on a été très-fenfible, ce froid
a encore augmenté dans quelques-uns des jours fuivans. Le
27, le baromètre étant à 27 pouces & demi, & le vent ve-
nant de l’ouett, le thermomètre eft defcendu à 7 degrés au
deflus de 11 congélation ; c’eft le plus bas où ül foit defcendu
dans ce mois ; il a le plus fouvent été aux environs de
13 degrés fur les trois heures après-midi.
Pour ce qui eft de la pefanteur de Tatmofphère, elle a
éxtraordinairement varié; elle n'eft pas reftée 24 heures la
même, elle changeoit à tout inflant: le plus haut où foit monté
CRE EE à
ap. 4 Le
Be
PF ps ;
HALELNASEC IE N CES 127
le mercure dans le baromètre, c’eft à 27 pouces 10 lignes;
ce fut le 20 du mois, le vent étant nord-eft, & le temps très-
beau; & au contraire, le plus bas où il foit defcendu, c'eft à
26 pouces 11 lignes, ce fut le $ du mois, le vent étant à
loueft, & Vair humide.
+ Le vent a été plus fort en Juin qu'il ne left ordinaire-
ment dans ce temps, & il a fréquemment changé; cepen-
dant il a le plus fouvent été oueft ; il n'eft venu qu'un
feul jour de left.
Au refle, l'air n'a pas été aufli fec qu'il Feft ordinaire-
ment dans ce mois; il y a plu très - fouvent, la hauteur de
l pluie tombée en Juin eft de 2 pouces 6 lignes <.
On a encore vû dans ce mois-ci, comme dans fautre,
“des rhumes opiniâtres, des rougeoles & des fièvres; Ja pluf-
part de ces rhumes ont auffi été avec embarras & fluxion dans
la tête : j'ai obfervé que lorfque ces rhumes difparoifloient
fans que les malades euflent eu quelques évacuations, i y
fuccédoit des douleurs vagues dans les membres.
Il y a auffi eu à la fin de Juin, quelques rhumes qui n'ont
pas été fi forts ni fi opiniâtres que ceux du commencement,
& quelques-uns de ces rhumes ont été avec un léger mal
de gorge. î
Les rougeoles ont, ce printemps, été avec enflure fluxion-
maire du vifage, & les rougeurs ont été extraordinairement
Jong-temps à {e difliper, fur-tout au menton. Je crois devoir
‘faire remarquer à cette occafion, que les maux de gorge éréfr-
pdateux qui ont été communs dans Je même temps que les
rougeoles, ont été accompagnés de rougeurs à {a poitrine, vers
le cou, & aux bras; ces rougeurs étoient en boutons qui
‘blanchifioient lorfqu'on pañloit le doigt deflus, & enfuite ils
redevenoïent rouges: ces maux de gorge commençoient pref
que toüjours par un embarras dans da tête, une envie de
“vomir, &un abattement de tout le corps; quelques-uns de ces
. -malades font même tombés en défaillance, & enfin les éle-
Va Fe
Vures avec rougeurs paroifloient au bras & au haut de Ja
‘poitrine; j'ai vü un de ces malades dans fequel tous ces
\
128 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALr
accidens ont difparu, parce qu'il lui eft furvenu une enflure
douloureufe à la main droite & au pied gauche,
On a vü auf, pendant ce mois, quelques éréfipelles fans
mal de gorge; ces éréfipelles étoient avec enflure fur les yeux,
& il y avoit fouvent des boutons fort douloureux fous les
paupières. J'ai oblervé que l'éréfipelle diminuant confidéra-
blement au bout de neuf jours, il fe faifoit auffitôt une ten-
fion avec enflure aux mufcles du cou, plus particulièrement
vers une des épaules , de forte que les malades fe plaignoïent
d'y fentir comme des cordes tendues.
M. Vernage ma dit avoir vü dans la ville, quelques
fièvres de toute efpèce, & M. Bourdelin beaucoup de fuxions
de poitrine, à l'Hôtel-dieu.
Il eft entré 1602 malades pendant ce mois, dans cet
hôpital; il y en avoit le premier jour, 3266.
I eft mort 1421 perfonnes; 745 hommes, 676
fenimes.
I eft né 1880 enfans, 966 garçons, & 9 14 filles; de
ces 1880 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 3 1 9»
156 garçons, & 163 filles.
IL s'eft fait 335 mariages dans le cours de Juin.
AT LL ENT
La liqueur du thermomètre eft montée en Juillet, jufqu'à
29 degrés & demi, elle y a été le 13 depuis midi jufqu'à
cinq heures ; elle étoit ce jour-là dès le matin à 19 degrés;
Y'air fe rafraichit extraordinairement & fubitement le {oir, de
forte qu'on foupçonna qu'il avoit plu quelque part aux envi-
rons de Paris; cependant le baromètre ne baïfia point dans
ce temps, au contraire il monta d'un degré, c'eft-à-dire, de-
puis 27 pouces 9 lignes jufqu'à 27 pouces 10 lignes, où il
refta encore le lendemain. On peut attribuer, peut-être, ce
changement du chaud en froid, au vent qui, après avoir été
pendant le jour eft & fud-eft, devint fubitement oueft
de foir.
Au refte, le thermomètre a le plus fouvent marqué aux
environs
Sn
#
D\'Eis) JSHC 1 E N\c\ps 129
environs de 15 degrés au deflus de zéro, étant obfervé le
matin, à la pointe du jour, & au deflus de 20 degrés à trois
heures après midi ; le degré le plus bas où la liqueur ait été ce
mois-ci, c'eft à 12 lignes au deflus de zéro ; ce fut le 2, le
vent étant fud, & le baromètre à 27 pouces 8 lignes & demie;
le ciel étoit couvert de nuages ce jour-là.
Le baromètre a encore varié beaucoup en Juillet, le 8 il
a monté jufqu'à 27 pouces 1 1 lignes & demie; ce jour-là le
vent étoit nord, & la liqueur du thermomètre à 15 degrés
le‘imatin, & à 22 degrés l'après-midi : le plus bas où foit
defcendu le baromètre, c'elt à 27 pouces & demi ; ce fut le
22 après avoir fouvent varié ce jour-là, le vent étant nord-eff,
& enfuite fud ; & le thermomètre marqua 56 + degrés le
matin, & 23 + degrés l'après-midi : au refte, le degré aux
environs duquel le baromètre ait le plus fouvent été, c'eft à
27 pouces 9 lignes.
Pour ce qui eft du vent, il eft prefque toûjours venu de
Voueft ; il a été fud-oueft & violent les trois derniers jours
de ce mois, & il n'a pas plu pendant ce temps, comme il
pleut ordinairement, lorfque le vent vient de ce côté-R ; en
général, il a peu plu pendant ce mois; la hauteur de la pluie
n'a été que de 10 lignes.
I y a eu peu de malades dans tout le cours de Juillet ;
on y a encore vü quelques éréfipelles : il y a eu auffr quel-
ques fièvres bilieufes avec une douleur de tête continuelle,
accompagnée de mal de gorge.
Dans le même temps, il y avoit des petites véroles &
: des rougeoles, & ces maladies n’avoient rien. d’extraordi-
. maire, f1 ce n’eft, comme M. Vernage la obfervé auffi,
_ ques étoient feulement tardives à paroître : elles ne for-
$ toient qu’ après quatre joùrs de fièvre,
Fe eft entré à f'Hôtel-dieu, 1 677 malades: il y en avoit
premier du mois, 3148.
- HW eft mort à Paris, en Juillet, 1 568 perfonnes ; 86a
40) 708 femmes. #
* left né 1830 enfans; 990 garçons & 840 filles : de
Mn, 1749: . R
130 MÉMOIRES DE LÂCADÉMIE ROYALE
ces 1830 enfans, on en a porté 388 aux Enfans-trouvés;
154 garçons & 1 34 filles.
Et il y a eu 449 mariages.
AOUST.
Le mois d'Aoùût a été fec, quoiqu'il y ait beaucoup ph,
parce que la pluie a tombé en abondance chaque fois ; mais
il a rarement plu, & l'air a été très-fec tant qu'il n'a pas
plu. La hauteur de la pluie tombée dans ce mois, eft de
3 pouces 6 lignes +.
H a violemment tonné & prodigieufement plu prefque-
toute la nuit du’9 au ro', le baromètre étant à 27 + pouces,
& le vent venant de adsoueft
Le vent a extraordinairement varié pendant ce mois; cepen-
dant on peut dire que c'eft de l'oueft qu'il eft le plus fou-
vent venu,
Pour ce qui eft.de la température de Fair par rapport à
1? chaleur., elle a été affez comme elle a coûtume d’être.
Le jour le plus chaud de ce mois fut le 8 : le thermomètre
étoit ce jour-là, l'après-midi, monté à 22 degrés; & au
contraire, le jour où il foit defcendu le plus bas, c’eft le
27: il étoit ce jour-là, le matin, à x 1 degrés au deflus de la
congélation. Ce mème jour, le baromètre étoit à 27 pouces
10 lignes À, & Je vent nord-eft: il avoit été nord la veille,
& il le fut ST le lendemain 28 du mois.
Le baromètre a le plus fouvent été aux environs de 27
pouces 8 lignes : il a moins varié qu'il n’avoit fait les mois
précédens ; il a même été flable, depuis le 16 jufqu'au 20,
à 27 pouces 8 lignes. Le plus e où il foit defcendu, c'eft
à 27 pouces & un quart de ligne, ce fut le 13 : il plut beau-
coup ce jour-là, le vent étant nerd-eft, nord & nord-oueft;
& au contraire, le plus haut où il foit monté, cet à 27
Es 10 lignes, ce fut le 6 & le 28 du mois.
H y a eu peu de malades en Août : on a encore vû au
commencement des éréfipelles, des maux de gorge & des
f DU SMIC T. E N°7 CIE GE 121
maladies de la peau, pour lefquelles les remèdes rafraîchiflans
ne réuflifloient pas aufhi-bien que les plantes amères.
. On 2 auffi vù dans ce temps des apoplexies & des rhu-
matifmes : j'ai obfervé que les malades de rhumatifmes ont
été foulagés lorfqu'il leur eft forti une éréfipelle.
IL a continué d'y avoir quelques petites véroles, & des
rougeoles boutonnées, qui ont eu cette année un caractère
difficile. 35
Vers la fin du mois, il y a eu des fièvres intermittentes,
des quotidiennes, des double-tierces & des tierces, qui au
refte n’avoient rien de particulier.
La maladie qui a été la plus épidémique dans ce mois,
ça été la dyfenterie: il y a eu des douleurs de ventre qui
étoient avec dévoiement, avec des épreintes dans quelques-
uns, & même avec flux de fang dans plufieurs; mais cette
_ dyfentérie na pas été confidérable, ni par les x ni
par la durée: j'y aï remarqué ceci de fingulier, c’eft qu'elle
» a été plus rare parmi le peuple que parmi le refte du monde:
. M. Bourdelin, Médecin de l'Hôtel-dieu, qui avoit à voir
les malades de la falle de Saint Charles, où il y a le plus
. de miglades, &où fe voient le plus de maladies populaires, na
- dit qu'il n'y avoit pas alors un feul malade de cette maladie
_ dans cette falle:
_ I eftentré à l'Hôtel-dieu, 1 614 malades: il n'y en avoit
“ le premier du mois que 2898. |
- Heftmortr471 perfonnes; 803 hommes, 668 femmes.
. © H'eft né 1894 enfans; 945 garçons & 949 filles : de
cs 1894 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés, 302;
136 garçons & 166 filles.
_ [ya eu dans ce mois 306 mariages.
14 RE PURE DB RE. |
De mois de Septembre à été fort tempéré pour le chaud
+ ion le froïd ; cependant il a été plus chaud que froid.
jour le plus froid a été le 22 ; la liqueur du thermomètre
ft defcendue ce jour-là à 8 degrés & demi au deflus de la
Ri
ae miel
fit use st ii ER ES,
= ee
132 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
congélation, le baromètre étant à 27 pouces 7 lignes, & 1e
vent fud-oueft; & au contraire, le 2 & le 16 ont été les
jours les plus chauds : la liqueur du thermomètre y eft montée
jufqu'à 22 degrés au deflus du terme de la glace, le vent
étant fud - oueft, "
Le baromètre a fouvent varié en Septembre, mais fes
variations n'ont pas été grandes : il a le plus fouvent été x
27 pouces 8 lignes. Le 18 & le 19 du mois, il eft monté
jufqu'à 27 pouces ro lignes & demie, & c'eft le plus haut
où il foit monté, le vent étoit alors nord-oueft: le plus bas
où il foit defcendu, a été le dernier jour du mois; il a été
ce jour-là à 27 pouces 2 lignes & demie, le vent étant eft
& fud-eft; les nuages étoient alors fort élevés, & cepen-
dant il a. plu.
I a fait fec ce mois de Septembre, Vair n’y a été fenfi-
blement humide que les trois derniers jours : il l'a été extraor-
dinairement ces jours-là, fur-tout le dernier; c’eft ce qui
a fait monter l'eau tombée pendant ce mois, à la hauteur de
2 pouces # de ligne.
Le 10, il y a eu-un peu de gelée blanche, & il a com-
mencé à faire du brouillard, le vent étant nord-eft ,,& le
baromètre à 27 pouces 9 lignes & demie.
Le vent fud-oueft, qui eft ordinairement le plus pluvieux
à Paris, a été fec ce mois-ci, fi ce n'eft le 28 & le 29.
I à beaucoup plu le 30, par le vent d'eft & par celui de
fud.
Les vents n’ont pas été forts pendant ce mois, le plus
ouvent il n’en faifoit point, ou il n’y en avoit que fur la
terre, & point aux nues.
I s'eft fait un changement fubit de la température de-
Yair dans le commencement de ce mois: le vent nord-eft.
s'éleva tout d'un coup le 6, & continua de fouffler jufqu’au..
10; ce vent ayant fubitement refroidi l'air, les corps.en ont
été d'autant plus affectés, que leurs liqueurs étoient plus
échauffées & épuifées par la chaleur & par la fécherefle
qui avoient précédé, ce qui a produit promptement des
ta
DES" NSNCT E N°c ENS 133
maladies, favoir , des rhumes, des coqueluches, & des
pleuréfies avec crachement de fang. Cela a occafionné auffi
des rhumatifmes goutteux, felon les différentes conftitu-
tions des corps qui ont été affectés par ce changement de
temps. ;
Il y a encore eu quelques rougeoles boutonnées : ces rou-
geoles avoient le même caractère qu'elles ont eu toute l'année,
c'eft d'être difficiles à fortir & difficiles à fe diffiper. M. Che-
valier, Médecin de la Faculté, a vü une rougeole de ce
caractère, qui enfin étant paflée, eft revenue avec les mêmes
accidens que la première fois.
On a vû beaucoup de petites véroles dans ce mois, mais
il n'y en a eu aucune qui ait été dangereufe, quoique quel-
ques-unes aient été confluentes,
On a encore vü dans le même temps quelques dévoie-
mens avec épreintes : il y a auflr eu quelques dyfenteries qui
avoient le même caractère que celles du mois précédent.
É On a reçû à l'Hôtel-dieu 1674 malades: il y en avoit
- le premier du mois, 2924.
I eft mort 1 563 ses 8 20 hommes & 743 femmes.
* I'eft né 1902 enfans; 986 garçons & 9 1 6 filles : de ces
902 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés, 3 10;
163 garçons & 147 filles. -
On 2 fait dans Paris pendant ce mois, 419 mariages.
D'CT'O:B'RE,
È L: au deflous de la congélation, & il gela, le vent étant nord-eft,
. & eft; & le baromètre étoit entre 27 pouces 9 lignes, &
…_ 27 pouces 10 lignes.
… L'atmofphère a été plus pefant ce mois-ci, qu'il ne left ordi-
nairement à Paris ; le mercure a le plus fouvent été dans le
- baromètre à 28 pouces ; le plus bas où il ait été, c'eft à 27:
pouces & demi ; il n'y a été que le 1 0 au matin, le vent étant.
| R üÿ,
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48
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134 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
nord-eft, & le foir même il remonta à 27 pouces 1 1 lignes
& demie; la veille il étoit à 27 pouces 1 1 lignes.
Le plus haut, au contraire, où foit monté le baromètre,
c'eft à 28 pouces 3 lignes; ce fut le 22 du mois, le vent
étant nord-eft & fort fec ; il avoit déjà été les trois jours pré-
cédens à 28 pouces : il y a eu plufieurs morts fubites ces
jours - Rà..
En général , l'air a été fec en Oétobre; il n'eft tombé
dans tout le cours de ce mois, que la hauteur d’une ligne &
un cinquième de ligne d’eau de pluie.
Le vent a le plus fouvent été eft & nord-eft, quelquefois
oueft, rarement fud.
H y a eu quelques fièvres quotidiennes, des tierces & des
double-tierces, & quelques continues qui prenoient le carac-
tère de fièvres malignes. -
Il y a eu aufli des fièvres éréfipélateufes, & beaucoup de
maladies de la peau. M. Poufle, Médecin de a Faculté, a
obfervé que œux qui avoient mangé des fardines plufieurs
jours de fuite, dans ce temps où on étoit difpolé à avoir des
maladies de la peau, ont eu une efpèce de galle ; ce qui peut
être attribué à la falüre des fardines : on fait que l'air falé & Fu
fage trop commun du fel donnent des maladies de Ja peau;
c'eft pourquoi, comme on le croit communément , les Bre-
tons & les Ecofiois font fujets à ces maladies.
Les petites véroles ont continué de régner pendant ce
mois, mais elles n’ont pas été dangereufes, fi ce n’eft dans
ceux qui avoient le fang fcorburique ou vérolique.
Le froid vif & fubit de la fin du mois, caufa aufli-tôt des
pleuréfies. M. Baron de Monville a obfervé que ces pleuré-
fies n'étoient pas aufli inflammatoires que le font ordinai-
rement ces maladies. M. Chomel, Médecin ordinaire du Roi,
a employé utilement les véficatoires pour ces pleuréfies, lorf
qu'elles portoient à la tête, & que les accidens de la pleu-
réfie cefloient; ces véficatoires rappeloient la douleur de côté
& la toux, alors il reprenoit la méthode ordinaire de traiter
les pleuréfies ; ce que j'ai pratiqué auffi quelquefois dans ces
D''eRs) SN L'E NICANSAREN, 135
occafions. J'ai obfervé que quelques-uns de ces malades ont
été plufieurs heures fans fièvre, & qu'enfuite ils en étoient
-repris tout d'un coup avec la plus grande violence, fur-tout
les jours critiques ; ce qui eft un figne de maladie épidémique,
comme on la fouvent obfervé depuis Hippocrate.
On à plus entendu parler cette année, de maladies de fein
& de cancers, qu'on n'a coûtume ; j'ai fait cette remarque
avec plufieurs autres Médecins, du nombre defquels eft
M. Aftruc. -
ll eft entré à l'Hôtel-dieu, en Ofobre, 1 500 malades;
_ il y en avoit le premier jour 3087.
I eft mort 1503 perfonnes; 821*hommes & 682
femmes.
+ Ieft né 1887 enfans; 954 garçons & 933 filles; de
ces 1887 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 317,
172 garçons 14 5 filles. ?
$ IH s'eft fait dans ce mois 370 mariages.
NON POE MB RCE.
Le mois de Novembre a été humide, quoiqu'il ait peu
plu ; la hauteur de l'eau de pluie n'a monté dans ce mois;
qu'à ro lignes & deux cinquièmes de ligne ; mais il y a eu
beaucoup de brouillards, ils ont mémesété continuels les quinze
» derniers jours ; ces brouillards ont été fort épais, mais ïls ne
_ fentoient pas mauvais , ils ne piquoient point les YEUX ,
- comme on en a fouvent vü, ils étoient feulement très-
humides & froids. | j
L'air a prefque toûjours été-obfcurci dans ce mois, parce
e le ciel a le plus fouvent été couvert de nuages, ou
bien il faifoit du brouillard ; le foleil a été douze jours de
Muïte fans paroître aucunement ; c'eft ce qui faifoit que fous
vent l'après-midi le froid-n'étoit pas moindre que le matin.
… I yaeu prefque toutes les nuits dans ce mais, des gelées
“blanches, qui ont été fortes; il a fait très-froid cette année
en Novembre : la liqueur du thermomètre eft defcendue au
Dore du terme de la glace, les fix derniers jours de
ü
1e F ce mois.
A
FR
.
136 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Pour ce qui eftdu baromètre, l’atmofphère a été léger les
premiers jours ; le mercure y eft defcendu à 27 pouc. 2 +dign.
& au contraire, dans les derniers jours, l'air a été fort pefant;
le mércure a été à 28 pouces les fix derniers jours, & même
le 29 & le 30 il eft monté jufqu'à 28 pouces 3 lignes.
Le vent a peu varié pendant ce mois, il eft venu de l'eft
les fix derniers jours fans changer, & les fix jours précédens
il étoit venu conftamment du fud ; les trois premiers jours
du mois il a été oueft, & les autres jours il a été fud-eft ou
fud-oueft ; il n’eft point venu du nord à Paris, dans tout le
cours de Novembre.
I y a eu dans cetemps des pleuréfies ; & ces maladies ont
été ou très-faciles à guérir ou très-dangereufes. |
On a vû auffi des rhumes & d'autres maladies catarreufes,
comme des maux de gorge. M. le Monnier, Médecin de
Yhôpital de Saint-Germain , m'a dit que ces maux de gorge
ont été fort communs ; & il a eu occafion d’obferver que
l'humeur de ces fluxions s'eft quelquefois portée de la gorge
fur les tefticules.
Il a continué d'y avoir des petites véroles, des fièvres
catarrales, des dévoiemens & des dyfenteries.
H y a encore eu ce mois-ci des apoplexies. M. de la Sône
a vû quelques perfonnes , dont les bras font devenus tout-à-
coup paralytiques.
I eft.entré à l'Hôtel-dieu, 173 3 malades ; il y en avoit
le premier du mois 3081.
Ï eft mort à Paris, 1533 perfonnes; 787 hommes &
46 femmes.
I eft né 1864 enfans; 951 garçons & 913 filles : de
ces 1364 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés, 2973
‘747 garçons & 150 filles.
Le nombre des mariages qu'on a faits pendant ce mois,
monte à $ 49e
DECEMBRE.
L'air à été affez tempéré en Décembre par FREE au
roid:
24 HALLE LL 45
nos | M, E SIC: E N° CE.S 137
froid : j'ai remarqué qu'il n'étoit pas beaucoup moins froid
Faprès-midi que le matin; le ciel a preique toûjours été
couvert. Le jour le plus froid de ce mois a été le 12, le
vent étant oueft, & le baromètre à 28 pouces : a liqueur
du. thermomètre eft defcendie ce jour-là à 2 degrés au
deffous du terme de la glace. |
_ La pefanteur de fair a été grande pendant ce temps : Je
ercure a très-fouvent été à 23 pouces & une ligne dans le
baromètre, & il y a toüjours été au deflus de 274 pouces,
fi c n'eft le 22 au matin feulement qu'il defcendit à 27
pouces, le vent étant fud-oueft: il pleuvoit, & l'efprit de
vin étoit dans le thermomètre à 6 degrés au deflus de a
congélation; il defcendit l'après-midi d’un demi-degré, pen-
dant que le mercure remontoit dans le baromètre, & que le
vent tournoit à l'oueft.
Les vents font venus de tous côtés en différens temps
pendant ce mois ; cependant ils font le plus fouvent venus
de l’oueft, rarement ils ont fouflé du fud.
Il a peu plu pendant ce mois: la hauteur de la pluie n’a
été que de 7 # lignes. L'eau de la rivière a été très-bafle;
cependant la fécherefle de l'air n'a pas été proportionnée à la
petite quantité de pluie, & à celle de l'eau dans la rivière,
parce que la hauteur de Ia rivière dépend de la pluie & des
» fontes de neige, au lieu que l'humidité de l'air dépend auffi
_ des vents & du foleil.
Di La dyfenterie qui avoit eu cours dans les deux mois der-
“ niers, a beaucoup diminué dans celui-ci; il y a cependant
… eu beaucoup de dévoiemens.
à Ces dévoiemens paroifloient être caufés par une humeur
catarreufe, qui a produit auffi dans quelques perfonnes une
La fièvre fingulière. 3
ë … Cette fièvre étoit avec douleur ou embarras dans Ja tête,
& & quelquefois avec afloupiffement ; elle devenoit putride
Lrfqu'elle étoit négligée. Prefque tous les malades de cette
… fièvre avoient mal à la gorge : ce mal de gorge prenoit dans
‘4 quelques-uns dès le commencement de la maladie, & dans
Min 1749. 15
è
|
128 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d’autres il furvenoit vers a fin. L’humeur qui caufoit ce
mal de gorge, commençoit dans quelques malades par faire
fentir de la douleur dans les entrailles avant que de fe portér
à la gorge, & elle ne fe faifoit plus fentir dans les entrailles
lorfqu'elle étoit à la gorge. Nous avons oblervé que lorfque
avant la guérifon de la maladie elle quittoit la gorve, elle fe
failoit auffi-tôt fentir dans quelqu'autre partie du corps.
Dans d'autres malades , cette humeur a commencé parde
vifage, où elle a caufé de Y’enflure; alors elle tomboit du
vifage fur la gorge, enfuite elle abandonnoït la gorge pour fe
jeter fur un côté de la poitrine.
Il y en a eu auxquels elle a attaqué d'abord le côté de la
poitrine, & enfuite elle eft montée à la gorge.
Cette douleur de côté paroifloit ne point intérefler les
poumons ni la plèvre : les malades ne toufloient point, &
les mouvemens de la refpiration ne fe faifoient pas plus fentir
‘dans le côté douloureux.
Les faignées plus où moins fréquentes, & faites en plus
ou moins de temps, felon la vivacité de la maladie, y étoient
utiles, & même néceflaires le plus fouvent : enfuite les décoc-
tions de bourroche, laitue, chicorée fauvage & cerfeuil, ren-
dues fixatives par le {el de duobus | & fur-tout la purgation,
foulageoient les malades, & enfin les guérifloient. Le tartre
ftibié, donné en différentes doles, felon les âges & les tempé-
ramens, y aréufli, & il n'a prefque agi que par bas dans ces
malades, parce qu'ils étoient difpofés au dévoiement, qui
étoit auffi une maladie courante dans ce temps; & les malades
de cette fièvre qui avoient le dévoiement décidé, n'avoient
point le mal de gorge : ce qui eft extraordinaire, c'eft que,
quoiqu'ils euffent le devoiement, ils avoïent en même temps
l'embarras douloureux dans la tête, dont j'ai parlé. |
IL eft entré 1742 malades à l'Hôtel-dieu: il y en avoit
le premier du mois 3151. |
ILeft mort en Décembre, 1776 perfonnes; 9 29 honimes
& 347 femmes.
H eft né 1764 enfans; 883 garçons & 881 filles : de
Wir," DT Hi SN SC: LE N, © nus 139.
cès1764 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 29 2;
142 garçons & 150 filles. |
.. On na fait que 27 mariages dans Paris pendant tout le
mois de Décembre.
RECAPITUL AT I0 Y:
Hu KE:R.
. L'Hiver de 1749 a été humide; il n'y à point fait de ces
gelées qui rendent fair {ec , cependant il a fait froid. Le jour
le plus froid de cette année a été le 9 Février : la liqueur du
thermomètre defcendit ce jour-là à°6 dégrés au deffous du
terme de [a glace. |
PER. INT E M P.S
Le Printemps a été fort tempéré; il a cependant été plus
fec que ne le doit être cette faifon pour les biens de 1a terre,
fur-tout dans ce pays.
ENENEEN
L'Eté a été fec auffi, mais il na pas été fi tempéré que
le Printemps; il y a fait extraordinairement froid & très-chaud.
Le commencement de cette faïfon à été froid : Le 2 7 Juin,
la liqueur du thermomètre eft defcendue à 7 degrés au
deffus du terme de la glace; & au contraire, le 1 3 Juillet
clle eft montée à 29 + degrés. If faut remarquer que les
productions de la terre du commencement de l'été ; comme
font les cerifes & les pois, n'ont été ni abondantes, ni auffi
bonnes qu'à Fordinaire.
À AUTOMNE
L'Automne 2 été plus sèche qu'humide : les vents de
Léquinoxe n’ont pas été fenfibles. 1 n'y a point eu de fruits
cette automne, ou il y en a eu peu.
& RÉSU1ITAT.
: En général, Fannée n'a été ni humide ni sèche : 1a
Si
“
140 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
quantité d'eau de pluie a été en hauteur de 1 9 pouces + de
ligne.
Les rougeoles ont eu cette année un caraétère difficile
pour fortir & pour fe difliper, fans cependant avoir été
extraordinairement dangereufes : les taches rouges étoient
long-temps à { diffiper, fur-tout au vifage.
Les enfans ont été fujets cette année, fur-tout dans l'hiver,
à des douleurs fourdes dans le ventre, dont.ils fe trouvoient
foulagés lorfqu'il leur fortoit des boutons au corps, ce qui
eft arrivé à un grand nombre : ces boutons étoient formés
par une humeur fluide un peu jaunâtre, contenue fous l'épi-
derme.
Il eft entré à l'Hôtel-dieu dans le cours de l’année, 21082
malades : le mois où il y en eft moins entré, c’eft en
Otobre; & au contraire, le mois de Mars eft celui où il
y en eit le plus entré.
Le mois où il eft plus mort de monde à Paris cette
année, c'eft en Décembre; celui au contraire où il en eit
moins mort, c'eft en Février.
Il n'y a point eu de mois où il ne foit mort plus d'hommes
que de femmes : il n'eft mort dans le cours de cette année
que 8743 femmes, pendant qu'il eft mort 9 864 hommes,
de forte que le nombre des hommes morts eft à celui des
femmes mortes cette année à Paris, à peu près comme 8 eftà 7.
Il faut remarquer qu'un nombre quelconque de femmes
vivent plus qu'un pareil nombre d'hommes, felon le rapport
de 18 à 17, comme on l'a obfervé en Angleterre, fuivant
_ce qui eft écrit par M. de Montmor, de cette Académie,
dans fon Analfe fur les jeux de hafard.
Le nombre total des perfonnes mortes à Paris pendant
l'année 1749, monte à 18607, en y comprenant les morts
des maifons religieufes & ceux des Religionnaires.
Il eft né pendant ce temps 22933 enfans, dont on en
a porté 3775 aux Enfans -trouvés.
I eft né plus de garçons que de filles, tant enfans légi-
times qu'enfañs-trouvés : il eft né 13742 garçons, pendant
BR SOUS T EN COPINE rar
qu'il n'eft né que 11191 filles. Or HDi — 569, qui eft
à très-peu près la même chofe que 57, ou que 19 à 20.
Ainfi il eft né cette année 20 garçons pour 1 9 filles environ.
M. de Parcieux, de cette Académie, rapporte#dans fon
ÆEfai fur les probabilités de la durée de la vie humaine, une
fupputation faite à Paris, dans la paroiffe de Saint Sulpice,
de trente années confécutives, où il eft né 24 garçons pour
23 files ; & une autre fupputation faite pendant quatre-vingt-
deux ans de fuite à Londres, où il eft né 18 garçons pour
17 filles : de forte qu'on peut dire qu'en Europe, commu-
nément il vient au monde plus de garçons que de filles.
H eft plus né d’enfans en Mars qu'en aucun autre mois de
Pannée; & au contraire, celui où il en eft moins né, c'eft -
en Décembre,
IL s'eft fait moins .de mariages en Décembre que dans
aucun autre mois; & au contraire, c'eft en Novembre qu'il
s'eft fait plus de mariages : il s'en eft fait cette anne, en
tout, 4263.
S üïÿ
12 Nov.
3749+
142 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
CON SPTERLU. CT RON
D'UN NOUVEAU TOUR A FILER LA SOIE
DES COCONS
Par M. DE VAUCANSON.
Li grand ufage où l'on eft en France & dans prefque
tous les pays étrangers, de porter des étoffes de foie, fait
affez voir combien il eft important pour le gouvernement
d'en augmenter & d'en perfeétionner la matière première.
H fe fabrique dans le royaume pour neuf à dix millions
de foie par an, & fon eft encore obligé chaque année d'en
tirer de l'étranger pour quatorze à quinze millions, pour ali-
menter nos fabriques.
On emploie dans ces fabriques deux efpèces de foie dif-
férentes, l'une fert à faire la chaine des étoffes, & l'autre
fert à en faire la trame.
Celle qui fert à faire la chaîne eft la plus précieufe, parce
qu'elle eft la plus travaillée, & c'eft cette qualité de foie que
nous tirons principalement de l'étranger, parce que très-peu
de gens ont eu jufqu'à préfent l'art de faire en France des
foies affez belles pour avoir pù être employées à cet ufage.
Ce font les Piémontois qui nous la fourniffent, parce
ue ce font eux qui la travaillent le mieux, & qu'ils font
même les feuls en Europe qui ka fachent bien travailler.
Tous les Etats du Nord où il y a des manufaétures d’é-
toffes de foie, font pareillement obligés d’avoir recours à eux
pour la chaîne de leurs étoffes ; ils la leur vendent, ainfi qu'à
nous, toute ouvrée & préparée, & ils fe réfervent par-là une
main-d'œuvre qu’ils nous font payer d'autant plus cher aujour-
d'hui, que la confommation des étoffes de foie augmente de
plus en plus, ainfi que le nombre des fabriques étrangères.
Je ne crains point d'avancer que le produit de la foie
DES SCIENCES. 14
pourroit monter en France à un grand tiers de plus qu'il
ne monte effectivement, foit par l'augmentation de fa qualité
& par conféquent de fon prix, foit par la diminution du
déchet, fi on tiroit de la matière tout le parti que l'on
en peut tirer en la wavaïllant comme il faut; & ce qui con-
firme mon opinion, c'eft que dans les endroits où l’on
fabrique la foie le plus mal, & où elle eft moins eftimée,
j'en ai fait faire à ne la pas diftinguer des plus belles.
= Pour faire voir le peu de parti qu'on a tiré jufqu'ici de
la foie qui vient chez nous, & l'avantage confidérable qu'on
en retireroit en la travaillant autrement qu'on ne fait, ïl
faut premièrement remarquer que la foie fe fabrique d’abord
fous une efpèce générale qui eft {a grèze; on entend par
foie grèze la foie fimplement tirée des cocons par le moyen
d'un tour propre à cet effet. ‘
_ Cette foie grèze reçoit enfuite différentes fortes de pré-
parations propres aux manufadtures, on en fait de l’organfm
ou on en fait des trames.
L'organfin n’eft autre chofe que deux, trois, & quelque-
fois quatre brins de foie grèze tordus chacun en particulier
fur un moulin, & retordus après tous enfemble fur un autre
moulin, & cela pour leur donner une force & une elafticité
propres à obéir aux différentes extenfions qu'ils foufirent far
le métier lors de la fabrication de l'étoffe. Ces différens brins
de foie grèze ainfr tordus & retordus, fe nomment organfin
ou foie organfnée, & font toûjours employés pour faire
Ji chaîne des étoffes.
La foie pour trame eft ordinairement compofée de deux
ou trois brins de foie grèze qu'on met pareïllement für le
moulin pour y être tordus très-lévèrement enfemble; mais
comme elle ne fouffre aucun effort fur le métier, les brins
men font jamais tordus féparément.
” La trame eft auffi compofée quelquefois d'un feul brin
de foie grèze tordu fur lui-même, que l'on nomme poil.
Comme ces trois efpèces particulières de foie ne font, à
Proprement parler, qu'autant, de différens apprêts donnés à
ne
144 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
la première efpèce qui eft la grèze, c'eft de cette première
opération que dépend principalement la bonté des trois autres,
& c'eft précilément cette première fabrication en foie grèze
qui eft mauvaife en France, & dans laquelle uniquement
les Piémontois ont lavantage fur nous pour la fabrication
des organfins. ‘
L’efpèce de foie la plus chère eft donc l'organfin, parce
qu'outre qu'elle eft compofée de la plus belle matière, c'eft-
à-dire, des cocons les plus fins, elle eft encore plus travaillée
dans fes fecondes opérations, & l'excédant de fon prix eft
toüjours d’un tiers fur celui de Ia trame.
Si notre foie dans fa première opération étoit travaillée
comme il convient, on pourroit en faire de l'organfin, &
gagner ce prix confidérable qui n'eft que fur la main-d'œuvre,
& que nous payons argent comptant aux Piémontois, qui
plus avifés que nous ne font prefque que de l'organfin, parce
qu'ils ont fenti que le double apprêt qu'on eft obligé de
donner à de la fimple foie grèze, une fois bien tirée, pour
en faire de l'organfin, ne leur coûte pas le furplus du prix
auquel cet organfin eft acheté au defius de la trame.
I! y a de plus une perte réelle de matière dans la manière
dont on tire chez nous la foie des cocons : une même récolte
donne toûjours des cocons de plufieurs qualités différentes,
elle en donne de fins, de demi-fins, de fatinés & des dou-
bles: les cocons fins font ceux dont le tiffu préfente à leur
fuperficie un grain très-fin & très-ferré, les demi-fins ont
Xe grain plus lâche & plus gros, les fatinés n’en ont point
du tout, & les doubles font ceux où deux vers ont travaillé
& fe font enfermés enfemble.
Chaque qualité de cocons donne une foie différente ; les
fins donnent la plus belle, les demi-fins tirés avec preçau-
tion, c’eft-à-dire, avec une eau moins chaude, en donnent
une peu différente; les fatinés en donnent une de beaucoup
inférieure, & les doubles n’en fauroient donner qu'une très-
mauvaife, qui n'eft prefque jamais d'aucun ufage dans {a fa-
brication des étofles. û
. On
D. HUsN 4 GAC 1 E NC: ENS 145
* On a fait jufqu'ici tout ce qu’on a pû pour perfuader ceux
qui font tirer de Ja foie, qu'il falloit tirer chaque qualité de
cocons féparément, qu'il y avoit beaucoup à gagner par la
qualité de la foie qui en rélultoit; mais on n’eit pas encore
parvenu à leur faire entendre raïfon là-deflus. [1 y a beau-
coup d'endroits où l’on tire tous les cocons péle-méle fans
aucun triage, & par-tout ailleurs on fe contente de tirer
féparément les doubles & les fatinés ; les fins & les demi-fins
font toûjours mis enfemble dans la même bafine, en forte
qu'on gâte les beaux par le mélange des inférieurs, qui
eux-mêmes n'en font pas mieux tirés, parce que chaque
qualité de cocons exigeant une eau d’un degré de chaleur
différent, il arrive que quand l'eau eft au degré de chaleur
convenable pour les cocons fins, elle fe trouve trop chaude
pour les demi-fins qu'elle fait monter en bourre, & que fr
Jon veut les purger comme il convient, on perd alors {a
plus belle foie qui s’enlève des cocons fins; fi au contraire
on tient l'eau d'un degré de chaleur plus modéré & conve-
mable pour les demi-fins, la foie des fins ne fe détache plus
ue très-difhicilement, d'où il s'enfuit un déchet très-confi-
dérable, indépendamment de la mauvaile qualité de foie que
Yon fait. | | ” Ê
On fera peut-être furpris de ce qu'une nation auffi active
&c auffi induftrieufe que la nôtre, foit reftée auffi long-temps
dans l'ignorance relativement à cet objet, & que le propre
intérêt des particuliers ne les ait pas engagés à fe perfectionner
& à initer d'auffi proches voifins.
I eft bien aïfé de fentir que c'eft l'effet d'unes mauvaife
habitude contraétée dès les commencemens, & qui n’a point
changé, parce que la befogne eft reftée entre les mains des
gens de la campagne, incapables de fe corriger d'eux-mêmes,
&ordinairement peu difpofés à fe laifer inftruire.
J'ai cru que le meilleur moyen étoit de fuppléer à {eur
‘ignorance & à leur négligence, en corrigeant & en perfec-
tionnant le tour dont ils fe férvent pour cette opération.
» Ce tour ft celui dont ils fe fervent pour tirer la foie
Mëm. 1749. . "LR
146 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
des cocons par le moyen de l'eau chaude; il eft formé par
un bâti de bois qu'on nomme le banc du tour; fa fongueur
eft d'environ 4 à $ pieds fur 2+ de large; il a 2 pieds de
hauteur fur le devant & 22 fur le derrière; fur une traverfe
de devant, il y a deux filières de fer à fix pouces environ
de diftance lune de Fautre, & fur le derrière il y a un de-
vidoir de deux pieds de diamètre pour recevoir la foie; ce
devidoir eft mobile fur les deux extrémités de fon axe par
le moyen d'une manivelle; voici comment fe fait l'opération.
Sur le devant du tour eft une bafline de forme ovale
remplie d'enu, pofée fur un fourneau; la femme qui doit
tirer la foie & qu'on nomme la tireule, eft aflife devant
cette baffine; quand l'eau eft prefque bouillante, elle y jette
dedans deux ou trois poignées de cocons, & avec une petite
elpèce de balai fait avec des branches de bruyère les plus
fines, dont toutes les pointes coupées forment un plan droit,
elle enfonce légèrement tous les cocons dans l'eau & à plu-
fieurs réprifes, ce qu'on appelle faire la battue.
Quand les cocons font bien détrempés, tous les brins s’at-
tachent aux pointes du balai, alors la tireufe prend ces brins
avec la main, & les enlève jufqu'à ce qu'ils viennent bien
nets, ce qu'on appelle purger la foie.
. Quand la tireufe voit tous ces brins de cocons bien pur-
gés, elle prend quatre, cinq, fix, & quelquefois, fuivant 4
groffeur de la foie que on veut faire, douze & quinze de
“ces brins qu'elle paffe dans le petit trou d’une des filières ;
elle en paffe le même nombre dans le trou de la feconde,
& tous ces brins de cocons, au fortir des deux filières, ne:
forment plus que deux fils de foie.
Une feconde file prépofée pour faire tourner le devidoir,.
& qu'on nonime la tourneule, prend alors ces deux fils de:
foie pour les attacher fur le devidoir qu'elle fait enfuite tourner
d'une très-grande viteffe au moyen dela manivelle; ces deux
fils de foie viennent s'y coucher & y former deux écheveaux
féparés à ‘la faveur d'un guide pour chaque fil.
Les deux guides font faits avec deux petits fils de ‘fer de
“
D Es. Sc 1E N CES... 147
quatre pouces de longueur, dont une extrémité eft plantée
ndiculairement. dans une règle dé bois à fix pouces de
pq lun de:lautre; & l'autre extrémité eft recourbée
en. forme: d'anneau* dans lequel on pañle le fil de foie: la
règle qui porte ces. guides fe meut horizontalement & pa-.
ralllement à l'axe du devidoir, & comme fon mouvement
eft de droit à gauche, on a nommé cette pièce du tour, le
va à vient. :
A mefure que chaque cocon fe développe, la tireufe a
foin d'en fournir de nouveaix pour conferver toûjours fa
mème égalité au fl de foie dont la grofleur lui eft aflignée.
par deux nombres, comme de quatre à cinq, de cinq à fix,
ou de fix à fept cocons, & de même en augmentant.
- Comme chaque fil de foie compofé de plufieurs cocons
arrivoit fur le devidoir fans faire Corps; c'eft-à-dire, fans
être liés les uns avec les autres, on imagina d'abord de faire.
pafier chaque fi de foie, au fortir des filières, fur la circon+
férence de deux cylindres, foit pour occafionner une preflion
de tous les brins, dont la gomme dont ils font chargés eft
encore aflez liquide pour fe coller, foit pour en exprimer
Thumidité, & les faire arriver par ce moyen bien fecs &
bien liés enfemble fur le devidoir: les cylindres dont on fe
fervoit étoient fimplement des bobines pafées fur une-broche
de fer, c'eft pourquoi on appela cette façon de tirer la foie,
tirer à {a bobine.
® La preffion faite fur ces cylindres ou bobines n'étant point
aflez forte, & donn x fils de foie une forme plate,
dont les brins 6 étoïent point encore aflez liés, aflez fecs.&c:
aflez unis, on fupprima les bobines, & à leur défaut on
_ imagina de croifer, au fortir des. flières, les deux fils de Joie
Jun fur l'autre un certain nombre de fois.
Cette méthode réuflit à merveille, la foie reçut Séalbrs
une qualité bien différente; de plate qu'elle étoit parle moyen
an, elle devint ronde au fortir des croifures; les
brins, quoique joints parallèlement les uns fur les. autres,
parurent bien liés enfemble, & ne faire qu'un même corps,
+ ds
148 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Elle arriva aufli plus sèche & plus nette fur le devidoir; dès:
ce moment les Piémontois tirèrent toutes leurs foies de cette:
manière, que l’on nomma tirer à la croifade.
Après la découverte des croifures , les Piémontois ajoù--
tèrent plufieurs autres perfections à leurs tours à tirer la foie.
Les guides qui conduifent les fils de foie fur le devidoir,.
recevoient leur mouvement par une poulie dont l'axe étoit:
fixé fur une traverfe du tour, & cette poulie étoit müe par
une corde fans fin qui partoit d’une autre poulie fixée fur
Jun des bouts de l'axe du devidoir, d'où elle recevoit {om
mouvement.
Ce mouvement, qui doit être en telle proportion avec
chaque révolution du devidoir pour que les fils de foie chan-
gent continuellement de place, & ne {e repofent pas les uns
fur les autres, étoit toûjours dérangé par les différentes varia--
tions de la corde fans fin.
Les Piémontois ont prohibé ce mouvement à corde, &
y ont fubftitué quatre roues en engrénage d'un nombre de-
dents déterminé, pour que la proportion du mouvement des
guides fût toüjours conftante avec chaque révolution du:
devidoir. g
Is ont auffi augmenté la diftance: des guides. au: devidoir,
qu'ils ont fixée à 3 pieds 2 pouces de notre melure, afin que:
les particules d'eau qui accompagnent les fils de foie euffent
le temps d’être frappées par l'air, & de s'évaporer davantage:
Toutes ces règles, & plufieurs autres concernant le tirage
des foies, font portées dans un règlement que le roi de:
Sardaigne fait oblerver dans toute la rigueur. ,;
Quoique les tours à la croifade des Piémontois aient paflé.
jufqu'à préfent pour les meilleurs, je les ai trouvé encore.
fufceptibles d’être fimplifiés & perfectionnés.
J'ai fupprimé les quatre roues par lefquelles les guides
reçoivent leur mouvement de l'axe du devidoir ; comme elles,
font faites en bois, elles font fujètes à beaucoup d'inconvé-
niens : les dents sufent & fe caffent aifément ; l'arbre qui:
communique le mouvement du devidoir aux guides, & qui:
Das Micur EN: Cm 149
eft auifr de bois, eft très-fujet à fe tourmenter à caufe de fa
longueur, qui eft de trois pieds; en forte qu’il faut toûjours
avoir un double de toutes ces pièces, pour en changer au
premier accident, afin de ne pas interrompre le cours du
tirage; ce qui occafionne un plus grand entretien, & par
cunléquent plus de dépenfe.
J'ai remis en ufage la corde fans fin, en rendant mobile
la traverfe qui porte la poulie des guides, à 11 faveur d'un
poids de quatre à cinq livres qui tire d’une force con{tante-
cette traverfe du côté oppolé à la corde fans fin : la poulie,
ainfi que la traverfe & le, poids, obéiflent toûjours aux
moindres. variations de la corde, d’où il s'enfuit un mouve-
ment toüjours régulier pour les guides, qu'on proportionne
avec celui du devidoir par la différence des diamètres des.
deux poulies.
J'ai trouvé que la proportion de vingt-deux parties &
demie pour la poulie du devidoir, & de trente-fept pour Iæ
poulie des guides, étoit la plus avantageule pour bien diftri-
buer la foie fur le devidoir.
_ Les croifures des deux fils de foie fervent non feulement,
comme je l'ai dit ci-deflus, à exprimer les parties aqueufes,
& à lier les différens brins de cocons enfemble pour n'en.
former qu'un feul, elles fervent encore à rendre la foie bien.
nette & bien unie, parce que. les moindres faletés & les.
moindres petits bourrillons. qui viennent avec les brins de.
cocons lorfqu'ils mont pas été fufhfamment purgés, s’arré-
tent à la croifure., & ne pouvant paffer outre, ils font caffer:
les fils de foie.
- Mais. comme les tireufes craignent cet accident, parce:
qu'elles font alors obligées de recommencer les croilures..
opération qui n'eft pas aifée, elles font un très-petit nombre
de ces croifures, crainte de récidive : Ha foie arrive pour lors
fur de-devidoir beaucoup moins sèche, beaucoup moins nette:
& beaucoup moins, forte, parce que les différens. brins {e-
trouvent moins liés & moins adhérens. .
On leur recommande cependant de croifer beaucoup; elles:
T üÿ,
150 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
font même aflreintes par les règlemens en Piémont, maïs
elles n'ont aucune règle pour s’aflurer du plus ou du moins : il
eft impoffible à une tireufe de faire toüjours le même nombre
de croilures, parce qu'elle eft obligée de les faire en roulant
les deux fils de foie avec le bout du doigt index fur le pouce,
dont le taét eft entièrement perdu par l'eau bouillante dans
laquelle elle eft obligée de mettre fes doigts à chaque inflant;
fi elle en fait trop, les fils de foie ne peuvent plus gliffer
fun fur l'autre, & il faut abfolument recommencer; fr elle
en fait trop peu, elles ne produifent pas tout leur effet, &
c'eft ce qui arrive le plus fouvent.
J'ai levé cet inconvénient dans mon nouveau tour, en
donnant à la tireufe un moyen prompt &t facile de faire tel
nombre de croifures qu'il lui fera pieicrit, & cela fans tou-
cher au fil de foie.
Entre les filières & les guides, j'ai placé un cercle de bois
d’un pouce de large fur 8 lignes d’épaiffeur, dont le dia-
inètre, pris des bords intérieurs, eft de 6 +: pouces, égal à
la diftince qui eft entre les deux filières. Ce cercle eft placé
au milieu de la largeur du tour, foûtenu par {es bords exté-
rieurs fur trois roulettes montées fur un petit chaffis de bois:
fur le bord extérieur du cercle efl une canelure dans laquelle
pañle une corde fans fm qui vient fe rouler fur une autre
poulie de même diamètre, dont une extrémité de fon axe
porte une petite manivelle qui fe trouve à la portée de la
main droite de la tireufe: le chaflis qui porte le cercle peut
fe hauffér ou baïfler, afin d'avoir la facilité de tendre plus
ou moins la corde fans fin.
Quand la tireufe a paffé dans les deux filières fe nombre
des brins de cocons qui doivent compoler les deux fils de
foie , la tourneufe les prend auffi-tôt des mains de la tireule,
& elle pafle chaque fil de foie dans une petite boucle de fer
ou d'acier plantée dans le bord intérieur du cercle, & enfuite
dans 11 boucle des guides, pour arriver jufqu'au devidoir fur
lequel elle les attache; & c’eft pendant qu'elle fait cette opé-
ration que la tireule fait fes croifures, en tournant fimplement
48 DE SAME. EN -CUE EL ne DE.
a petite manivelle dont je viens de parler. Chaque tour de
. manivelle fait faire deux croifures, la première fe trouve-entre
- les filières & le cercle, & la feconde entre le cerde & les
guides: en faifant douze tours: de manivelle, les deux fils de
foie fe trouvent croifés douze fois devant le cercle & douze
* fois derrière; nombre que l’on augmente ou que l’on diminue
fuivant la groffeur de la foie que l’on fait.
Outre Ja grande facilité & l'extrême précifion avec le£
elles fe font ces croifures, on a encore l'avantage d'en faire
le double, fans que cela empêche en aucune façon les fils de
foie de glifier l'un fur l'autre, parce que ce plus grand nombre
-{e trouve partagé en deux parties; ce qui forme deux croi-
fures éloignées d’un pied environ l'une de l'autre.
Si la foie reçoit fes principales perfections de l'eflet des
… croïfures, il eft aifé de concevoir que plus on pourra fans
inconvénient augmenter le nombre de ces croifures, plus on
fera une foie parfaite.
En effet, fi la preffion que font les croilures fur les deux
fils de foie, fert à unir & à lier les différens brins de cocons
“qui les compofent, il eft certain que plus il y aura de croi-
‘fures, plus la cohéfion des brins fera grande, & que par
conféquent le fil de foie aura plus de force; mais comme
des croifures, par cette nouvélle méthode, pourront toüjours
“être en même nombre, il en réfultera toüjours une égalité
+ :de force dans la foie, qui eft une des qualités principales
|: “qu'elle doit avoir.
- Si la preffion des croïfures contribue à la netteté des fils
de foie en s’oppofant au paffage des bourrillons, il eft indu-
bitable que ce qui aura paffé dans la première croifure, pourra
s'arrêter dans la feconde, & ce fera toûjours une barrière de
-plus qui empèchera les fils de foie d'arriver fur de devidoir
_: avec le moindre corps étranger; le nombre des croifures étant
“toüjours égal, les obftaclés feront toûjours les mêmes, d’où
# réfultera une foie toûjours également nette & toûjours
également unie.
Si la preffion des croifures fert encore à exprimer les
152 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
particules d’eau dont les brins de cocons font toûjours enve-
loppés au fortir de la bafline, il et conftant que plus il
aura de croifures, plus il y aura de preflion, & par as À
quent plus de particules d'eau en feront détachées; celles qui
n'auront point été enlevées par la première croilure, le feront
par la feconde : on voit auili très-fenfiblement quantité de
particules d’eau s'enlever en forme de brouillard de fa feconde
croilure, fans laquelle ces particules d'eau feroient arrivées
avec les fils de foie fur le devidoir, & auroient {ervi à les
coller les uns fur les autres; inconvénient très-dangereux
pour le devidage des écheveaux, parce qu'outre la longueur
du temps qu'on eft-obligé d'y mettre pour venir à bout
de les devider, les fils collés s’écorchent ou fe caffent très-
fouvent.
Indépendamment de toutes les perfeétions que la double
croïfure donne à la foie, elle fournit aufit à la tireufe le
moyen de donner aux deux fils de foie le plus d'égalité
qu'il eft poflible.
La tireufe n’a d'autre moyen pour s’aflurer de l'égalité des
deux fils de foie qui fe font en même temps, que de les
tirer chacun avec le même nombre de cocons; mais lor{que
les cocons tirent à leur fin, c’eft-à-dire, lorfqu'ils font pref-
que tous développés, ils fouriflent des brins beaucoup plus
foibles; fouvent deux, trois, & quelquefois quatre de ces brins
n'en valent pas un de ceux qui commencent à fe développer:
la tireufe eft alors guidée par la dernière croilure, qui fe porte
dans l'inftant du côté oppolé au fil le plus foible, & elle
eft avertie par-là qu'il faut y jeter des brins de cocons, jufqu'à
ce que la croifure foit revenue dans le milieu.
Cette double croifure ne pardonne aucune faute ni aucune
négligence dans l'opération du tirage: fr les cocons n’ont
pas été auparavant bien triés pour être tirés féparément, &
fi la tireufe dans fes battues n'en purge pas les brins jufqu'à
ce qu'ils viennent bien nets & ‘entièrement dépouillés de
toute leur mauvaife foie, la moindre côte, ou le moindre
petit flocon de cette mauvaife foie, fera cafler les fils à
l'arrivée
mi E:SAMSLC TE ,N) CHEN 153
l'arrivée des croïfures; & fi elle n’a pas foin de même de
fournir des brins aux fils trop foibles, la croifure fe portant
trop du côté oppolé, .emportera le fil foible, & le fera
auffi caffer.
+ J'ai placé entre les filières & Ia première croifure, une
fourchette qui contient fes deux fils de foie, & qui empêche
que la croifure ne fe porte plus d'un côté que d'autre, Les
ouvrières qui ne font que commencer, pourront s'en fervir
jufqu'à ce qu'elles foient exeïcées à jeter prompiement le
brin; cette fourchette leur donnera plus de temps pour fournir
des cocons au fil foible, qui eft toûjours emporté par le
plus fort, ce qui occafionne fouvent Ja rupture des deux fils.
- Je fuis bien perfuadé que les mauvaifes ouvrières ne trou-
veront pas d'abord ce nouveau tour à leur fantaifie, & qu’elles
diront qu’il fait cafler la foie plus fouvent que les autres;
mais il faut commencer par leur apprendre que ce tour a
été imaginé exprès pour faire caffer tous les fils qui auroient
pü arriver fur le devidoir avec quelque défaut, & que quand
elles fe feront habituées à bien trier les différentes efpèces de
cocons , à les bien purger à la battue, & à entretenir foi-
gneufement l'égalité des brins, ce tour ne Fa paroïtra plus
faire caffer la foie auffi fouvent ; elles verront au contraire
b:- : le pr: FE
qu'il eft bien plus aifé & bien plus commode que leur tour
ordinaire, indépendamment d'une foie bexucoup plus belle
& beaucoup meilleïre qu'elles feront.
On voit en efét;, par tout ce que j'ai dit ci-deflus, com-
bien le tour à la double croifade a d'avantage fur le tour
ordinaire ; il donne à la foie une plus grande force, en joi-
gnant par une preffion double les diférens brins qui l1 com-
pofent; il la rend nette & unie, en s’oppofant doublement
au ice des corps plus groffiers ; if en détache les parties
aqueufes par une double compreffion ; il affure l'égalité de
_ chaque fil de foie par la direction de fes deux croifures; il
donne à la tireufe un moyen très-facile pour croifer, &
pour croifer avec précifion ; il ne fouffre aucune négligence,
il exige au contraire toutes les précautions préalablement
Mém 1749, . V
554 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
néceffaires à cette opération; enfin il empêche qu'on ne pâte
une matière aufh précieufe, pour le remplacement de liquelle
on eft obligé de fortir tous les ans une fi groffe fomme
d'argent du royaume.
Plufieurs expériences ont confirmé ce que je viens d’a-
vancer en faveur de ce nouveau tour: on a fait éclorre des
vers à foie cet été dernier à quatre lieues de Paris, près le
village de Mai; les cocons qui en font provenus ont fourni
de quoi faire cinquante livres de foie, qu'on à fait tirer fur
quatre tours à la double croifade.
Cette foie a été mife par les connoiffeurs à côté de tout
ce qui fe fait de plus beau en Piémont, pour ne pas dire
au deflus ; & c'eft fur cette foie que j'ai fait quantité d’expé-
riences pour m'aflurer de fa prééminence fur celle qu'on a
auffi fait tirer fur un tour ordimuaire dans le même lieu, par
les mêmes tireufes, & avec les cocons de la même récolte.
Dieés MSAo Tr Et NC UBSPMUNT 165
RABEAPENR CH ES
SUR LES
USAGES DU GRAND NOMBRE DE DENTS
DU CANIS CARCHARIAS.
Par M. HÉRISSANT.
TÉNON dit * que le grand chien de mer, appelé en Jatin
Canis Carcharias , a plus de deux cens dents, & qu'il
lui en croit tout le temps de fa vie.
.… Ce fameux anatomifte s'eft contenté de nous rapporter ce
fait, en nous avouant finçèrement qu'il ne voyoit pas de quel
ufage pouvoit être un fi grand nombre de dents, dont la
plus grande partie eft recouverte de chairs fongueufes &
molles à la face interne des mächoires de cette elpèce
d'animal. |
Voulant vérifier moi-même obfervation de Sténon fur
le grand nombre de dents de l'animal dont il eft ici queftion,
je cherchai à me procurer une certaine quantité de mâchoires
de cette efpèce de poiffon de mer, pour tâcher de découvrir
la raïfon pour laquelle lAuteur de la Nature avoit ainfi
placé une grande quantité de dents à leur face interne.
. Ce n'eft qu'après plufieurs obfervations & plufieurs réfle-
xions, que je crois être enfin parvenu à la découverte que je
cherchois; découverte d’ailleurs qui femble d'autant plus
mériter notre attention, qu'elle nous offre une théorie nou-
velle touchant la méchanique fingulière par laquelle les dents
de certains poiffons fe renouvellent en peu de temps, & toutes
les fois qu'il y en a qui viennent à manquer par quelque
œufe que ce puiffe être.
… On fait que:les dents de la: plüpart des: animaux font
fl #Voyez dans fon Specimen Myobogfz , Canis Carchariæ Le caput
Z-
1$ Juin
1749:
\
156 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
implantées dans la fubftance offeule des mâchoires, & que
lorfque celles qu'on nomme vulgairement deuts de lait dans
la jeunefle, viennent à tomber, elles font remplacées par
d’autres dents provenantes de germes dont le développement
& laccroiflement fe font peu à peu dans les alvéoles, où
chacun de ces germes eft renfermé féparément. ss
I n’en eft pas de même du Canis Carcharias où Requin ,
&c. dont les dents ne font pas implantées dans la partie offeufe
ou cartilagineufe des mâchoires, mais naiffent, comme on *
fait, d'une forte membrane fur laquelle elles font couchées,
arrangces & articulées, pour ainfi dire, à peu près de même
que les feuilles d'artichaut le font fur ce qu'on nomme com-
munément le fond.
Lorfque quelques-unes des dents de cet animal viennent
à tomber d’elles- mêmes, ou à être arrachées de force, elles
ne font point remplacées par d'autres qui pouflent & qui
fortent fucceflivement du fond des cavités alvéolaires er
conféquence de germes qui y font renfermés, comme
dans Fhomme, &c. mais ce remplacement fe fait par des
dents déjà toutes formées, lefquelies fe renverfent feulement du
dedans de la cavité de la gueule vers le dehors , pour venir
occuper la place de celles qui fe rencontrent de manque au
rebord des mächoïes, ou aux environs; en forte que les
dents mêmes du dernier rang, c'eft-à-dire, celles qui font
les plus proche voifines de la bafe de ces michoires, auffr-
bien que toutes celles qui font pareillement recouvertes
par les chairs fongueufes & mollafies qui fe trouvent à la
face interne de ces mêmes mâchoires , paroiflent n'être
fituées en cet endroit que comme dans un lieu de référve,
pour fervir à remplacer un jour celles qui pourroient venir
à manquer dans les premiers rangs, ceft-à- die, celles
qui ne font pas recouvertes naturellement par les chairs fon-
gueules & mollales dont je viens de parler.
Cette manière par laquelle de nouvelles dents dé à toutes
formées fuccèdent à celles qui fe trouvent de manque, s'exécute
en peu de temps, au lieu que celle qui fe fait par le moyen
:
j
À
3
D'E SD CIENCES. 157
dé germes qui croiffent du fond des alvéoles, eft très-longue.,
C'eft peut-être pour cette raifon que l’Auteur de la Nature
Va employée en faveur de certains poiffons, qui font fouvent
expolés à perdre de leurs dents par les violens efforts qu'ils
font obligés de faire, foit pour mettre en pièces la proie
fur faquelle îls fe jettent avec avidité, foit pour fe défendre
ou pour attaquer, &c.
- I fuffit d'examiner avec attention différentes mächoires
du Canis Carcharias , pour être convaincu que les dents qui
fe trouvent placées le long de leur face interne fe renverfent
fucceflivement du dedans de la gueule en dehors, afin de
prendre la place de celles qui font tombées, & qui étoient
placées au rebord / À, planche 1), où à fes environs. Les
obfervations que l'on pourra avoir occafion de faire fur cei-
taines mâchoires de Requin, auront plus où moins de rapport
à celles que j'ai faites, & dont voici les principales.
Les mâchoires de Requin qui me font tombées entre les
mains, étoient de deux efpèces. La première / planche Lér 11),
avoit plufieurs rangées de dents difpofées par colonnes le
long: de la face interne / AB, pl. 11) de chaque mâchoire,
tant fupérieure € qu'inférieure D. Ces dents étoient plates &
triangulaires , comme on fait: elles avoient leurs bords [£F,
Pl. 11) dentelés, de crainte peut-être que l'émail venant à fe
fendre {ur ces bords, la félure ne gagnât d’une extrémité de
Ja dent à Pautre, &c.
Les dents de la mâchoire fupérieure étoient plus larges que
celles de la mâchoire inférieure, qui étoient plus éfilées fur les
côtés: toutes ces dents qui fe terminoient par une pointe
(PA, planche 11), voient chacune une bafe G affez épaiile, au
moyen de laquelle elles étoient folidement attachtes fur la
forte membrane qui recouvroit toute la face imeine des
"mâchoires. Cette membrane /a, p/. 7), après avoir paflé
par-deflus le rebord 4 des mâchoires, {e prolongeoit & s'éten-
doit jufque fur leur face externe / , planche 1), à melie que
és dents du dedans de la gueule avoient fervi à semplacer celles
qui fe font trouvées de manque au rebord de ces mächoires.
| V ü
158 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
IL faut diftinguer deux faces à chaque dent du Requin de
la première elpèce, dont lune / #4, pl. 11) eft légèrement
convexe, & l'autre (/, même planche ) eit évèrement aplatie. :
Ces dents doivent êue confidérces fous deux états diffé-
rens dans le temps qu'elles font encore attachces aux mâchoires.
lily en a qui font obliquement redieïlées /c, pl. 1, & K,
pl. 11): y En a d'autres qui font couchées, & appliquées
intimement les unes fur les autres / L, pl. 11). Celles qui
font obliquement redreiltes, garniflent pour la plüpart le
rebord / À, pl. 1) & les environs: ces dents peuvent être
aperçües fans le fecours de la diffection; leur face lévère-
ment aplatie regarde l'extérieur de la gueule, & leur face
convexe eft tournée du côté de l'intérieur.
Les dents qui font couchées & appliquées les unes fur
les autres , ne peuvent être aperçües, pour la plüpart, qu'après
avoir enlevé les chairs fongueufes & molles dont parle Sténon,
& fous lefquelles ces dents font cachées : elles font fituées le
long de l'étendue de toute la face interne de chaque mâchoire
( Voy. pl. 11): leur face aplatie eft tournée du côté de la
cavité de la gueule, & leur face convexe /O, pl. 11) regarde
la furface interne des mâchoires.
Ce que je viens de dire des dents de la première efpèce
de Requin, doit s'entendre de même par rapport à celles de
la feconde efpèce planche 111) ; avec cette différence cepen-
dant, que ces dernières ont un de leurs bords fort échancré
(A, planche 111), ce qui fait qu'elles fe terminent par une
pointe { B, même planche) dont la direction eft telle qu'elle
regarde obliquement de devant en arrière. On doit oblerver
de plus que les dents qui font les plus voifines de la bafe
des mächoires de chacune de ces efpèces de Requin, font
membraneufes dans le commencement de leur formation;
qu'étant dans cet état, elles renferment dans leur intérieur une
matière mucilagineufe prefque femblable à celle qui fe trouve
dans l'intérieur des. dents qui commencent à fe former dans
Je fœtus humain, &c. que.ces mêmes dents membraneufes fe
durciffent à mefure qu'elles croiffent & qu'elles vieilliffent; &
k nimisnieé 1 Er NC 159
qu'enfin elles ont leur pointe nichée dans une efpèce de rigole
(L, planche 111) qui fe remarque vers la bafe de chaque
mâchoire.
Les mâchoires du Canis Carcharias {ont compofées chacune
d'une feule pièce dans un äge avancé, & de deux dans 1à
jeuneffe , lefquelles font jointes enfemble à l'endroit de a
fymphyfe du menton par une partie prefque femblable à celle
que certains Anatomiftes ont obfervée entre les deux pièces
de la mâchoire inférieure des jeunes fujets humains, & qu'ils
ont regardée comme étant cartilagineufe; mais M. Hünauld,
qui a de plus découvert une femblable partie * entre tous les
os du crâne & de la face, {1 regarde comme membraneufe
par rapport à ces os.
La mâchoire fupérieure du Canis Carcharias eft terminée
poftérieuremént par deux condyles /Z, planche 1 ), dont la
direction eft oppofée à celle qu'on reconnoît aux condyles
de la mâchoire inférieure de homme, c'eft-à-dire que leur
extrémité interne {Æ’, planche 1), eft tournée en devant, & que
leur extrémité externe /L, même planche), regarde en arrière.
Ces deux condyles font recüs dans des cavités glénoïdes
qui terminent les deux branches de la mâchoire inférieure
de cet animal; ce qui eft encore une conformation différente
de ce qu'on obferve dans Fhomme.
H fuit de cette difpofition particulière des condyles de la mâ-
choire fupérieure du Carcharias, que lorfque cet animal ouvre fa
gueule direétement, laxe du mouvement fe trouve principale
ment en une ligne qui pafleroit de l'extrémité externe d’un
condyle à l'extrémité externe de l'autre, fans-pour cela traverfer
toute la longueur de ces mêmes condyles. Dans fhomme au
contraire, cet axe qui eft mobile {e trouve pringpalement dans
une ligne qui pafleroit de l'extrémité interne d'un condyle
à l'extrémité interne de l'autre; de manière que lorfque nous
abaiflons la mâchoire inférieure naturellement & fans effort,
l'extrémité externe des condyles décrit une petite portion de
cercle d'arrière en devant, pendant que l'extrémité interne
de ces mêmes condyles roule, pour ainf dire, autour
XV es Mém.
de Acad, année
1730,P.55 8.
160 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d'elle-même dans la cavité du cartilage interarticulaire qui eft
polé entre les condyles & les cavités glénoïdes, lequel carti age
fait en même temps, comme on fait, un petit mouvement
de gliffade en avant, fans pour cela que les condyles ni ce
cartilage interarticulaire fortent des cavités glénoïces fufffam-
ment pour fe porter fort en avant fous les éminences tranf-
verfales des os des temples, conune pour fe mettre dans un
état de luxation impariaite - ce qui peut néanmoins arriver
dans le cas où l'ouverture de la bouche eft exceflive; mais
je parle ici de état naturel. C'eft cette petite portion de
cercle que décrit en devant extrémité externe des condyles
de la mâchoire inférieure de l'homme, qui occafionne pour
la plus grande partie le petit enfoncement que lon fent fe
former plus ou moins, fuivant le degré d'abaiffement, der-
rière les condyles, lorfqu'on a eu la précaution d'y pofer le
bout du doigt pendant le temps qu'on abaiffe la mâchoire
inférieure: c'eft aufli ce petit mouvement en avant & un peu
en embas des extrémités externes des condyles de cette même
mâchoire, qui en peut impofer quelquefois en faifant croire
que les condyles defcendent fort en avant fous les éminences
tranfverfales des os des temples, comme pour fe luxer im-
parfaitement. Au refte, fi lon fait bien attention à l'obliquité
des condyles, qui eft plus ou moins confidérable fuivant les
fujets, il fera facile de fe convaincre de la vérité de ce que je
viens d'avancer, fur-tout fi l’on examine de près le jeu de fa
mâchoire inférieure fur une tête nouvellement décharnée
fans en avoir forcé les Jigamens.
Préfentement je reviens au Requin, & pour prouver qu'il
y a réellement des dents* qui fe renverfent du dedans de la
gueule vers le dehors, pour venir remplacer celles qui au-
roient pü avoir été arrachées, il me refte à mettre ici fous
les yeux quelques obfervations qui ont beaucoup de rapport
à ce qui a été dit ci-deflus.
La première de ces obfervations fait voir, s'il y a quelque
# Ces dents font celles qui fe trouvent recouvertes par les chairs fon-
gueufes dont j'ai déjà fait mention ci-deflus, PAT
° dent
D'ÉSASIE Er E NC 538 16r
dent de tombée, que la dent Æ, par exemple, planche I,
eft recouverte latéralement par les bords des dents D & F,
au lieu d'être placée à l'ordinaire comme Ia dent G, dont
un des bords eft recouvert par la dent Æ, & dont l'autre
bord recouvre au contraire celui de la dent voifine C On
obferve la mème. chofe aux denis Æ, 7, M, pl. 11.
La feconde obfervation montre clairement que plus les
dents fe font renouvelées de fois, moins le nombre des
dents qui reftent eft confidérable à chaque colonne (voyez
la colonne qui répond à la dent G, pl. 11).
La troifième obfervation ne permettra pas que l'on révoque
en doute ce renverfement des dents, fi lon en furprend,
pour ainfi dire, plufieurs dans différens degrés de renverfe-
ment; par exemple, les dents 2, H, pl. 117, commencent
à fe foûlever de deflus celles fur lefquelles elles étoient cou-
chées ; de plus, la dent F eft foülevée encore plus fenfible-
ment; enfin les dents À, Æ, G, font prefque tout-à-fait
redreflées : ces degrés de renverfement fe remarquent afez
communément & d’une façon plus fenfible, aux dents de la
mâchoire inférieure, & ils font tantôt plus & tantôt moins
apparens, fuivant qu'il fe rencontre plus ou moins de dents
tombées (voyez 1, O, K, pl. 11).
La quatrième obfervatiomachever: de nous confirmer {a
réalité de ce renverfement, en nous faifant voir que les dents
tombées laiffent après elles fur la membrane qui les foute-
noit, des impreflions qui reffemblent affez bien à celles qui
reftent fur le rebord d'un fond d’artichaut dont on a arraché
les feuilles. Quelquefois ces impreffions gagnent infenfible-
ment depuis l'endroit où les dents fe trouvent naturellement
redreffces jufqu'à la furface externe des mâchoires / voyez 2,
planche I ).
Préfeniement fr fon fe rappelle tout ce qui vient d'être
dit, je crois qu'on ne pourra s'empêcher de convenir que
. toutes les dents, même celles qui font recouvertes par
les chairs fongueufes & mollafles dont Sténon parle, ne
font placées à toute Ja furface interne des mâchoires du
Min. 1749: MES
162 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Canis Carcharias , que pour fervir à remplacer celles du rebord
de ces mâchoires, lorfqu'elles viennent à manquer. Ces dents
fe dégagent peu à peu des chairs molles & fongueufes qui
les recouvrent, en gagnant comme de concert avec la mem-
brane qui les fupporte jufque vers le rebord À, p/. 1, où elles
fe trouvent alors à découvert & redrefiées pour les ufages
auxquels elles font deftinées.
EXPLICATION DES FIGURES.
Partatn ec "anNEMg
C:rre planche repréfente une moitié de la mâchoire fupérieure
& de l'inférieure du Canis Carcharias ou Requin de la première
efpèce, vûe extérieurement , ou en dehors de la gueule,
PAT A NICRH ENT
Cette planche repréfente une moitié de la mächoire fupérieure &
de l’inférieure du Requin de la première efpèce, vüe intérieurement
ou en dedans de la gueule, pour montrer les dents dont leur face
interne eft garnie. Les chairs fongueufes & mollafles font enlevées.
PLANCHE I1IE
Cette planche repréfente une moitié de la mâchoire fupérieure du
Requin de a feconde efpèce, vûe pañifa face interne, pour faire aper-
cevoir les différens degrés de renverfement des dents. Cette moitié
de mächoire n’eft pas dans fon entier.
Dem. de lA4e_R. des S, c2749 Pag.16 Li 7.
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Planche 27
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MermidelAc.R des Se.27g9 Lag-102 .
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Mem de LAcR. des Se2749 Lag.162-P1,9.
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Mem de LAcR des Sez7gg Pag 162 Pl 0.
Jhgram Jeu
4 ù
DES SCIENCES | ré,
D ERSREROU PT L'ON
DE DEUX ESPECES DE NIDS SINGULIERS*
| DPAÏPMMPARIDESCHENILLES.
!
…
Par M GUETTAR D.
EF NTRE plufieurs morceaux d'hifloire naturelle que M. le
duc d'Orléans a reçûs cette année, & qui lui ont étéen-
-voyés par M. Lieutaud Chirurgien, & par M. le Juge, Con-
f {eiller au Confeil Supérieur de l’ifle de France, il s'eft trouvé
deux elpèces de nids fais par des chenilles, dont {a conftruc-
tion eff affez fingulière pour mériter d’être décrite. Ceux d’une
efpèce font chacun l'ouvrage d'une fule chenille : ceux de
l'autre font dûs chacun à une nombreufe famille d’une autre
efpèce de ces infectes. Les chenilles qui conflruifent les pre-
miers, font entrer dans ces nids de petits morceaux de bois
arrangés dans un certain ordre : il n’y a rien d'étranger dans
ceux des autres ; ils font de foie pure, & d'une foie affez
forte. Nous connoiffons, il eft vrai, par les Mémoires de M.
de Reaumur fur les Infetes, plufieurs nids de ces animaux
* qui refflemblent en cela à ceux dont: il eft ici queftion : il ne
faut, pour en avoir quelque exemple, que fe rappeler les
coques de différentes chenilles qui fe dépouillent de leurs poils
pour aflermir les parois de ces coques, ou qui les enduifent de
terre ou d'autres matières, comme de petits morceaux de
feuilles defléchées : on peut encore trouver de ces exemples,
& qui fe rapprocheroient encore plus de nos nids, dans les
fourreaux de plufieurs teignes aquatiques, qui font en partie
compofés de coquilles, de grains de fable, de feuilles sèches
-ou de bätonnets, arrangés avec ordre & avec une efpèce de
fymmétrie. Les nids des chenilles communes, & für-tout ceux
_des proceffionnaires, dont la conftruction eft fi bien décrite
21 #Ges nids font du Fort-Dauphin, ifle de Tr 1
ÿ
7 Mars
1750.
À +
164 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& avec tant d'art dans fes Mémoires cités ci-deffus, peu-.
vent auffi fe comparer avec ceux dont je veux parler; mais.
quoique ces nids foient très-artiflement faits, & qu'ils femblent
demander beaucoup de vües dans les animaux qui les conf-
uifent, on peut dire qu’une feule propriété qu'ont ceux dont
il s'agit ici, & qui manque aux autres, paroït exiger plus de:
précaution de Ja part des chenilles qui les ont faits. Ces nids
{ont fufpendus à des branches de différens arbres, & tiennent
en cela des nids de plufieurs efpèces de guêpes qui ne nous
ont été bien connues, & autant qu'elles méritoient de l'être,
que depuis ce que M. de Reaumur nous a donné fur leur conf-
truction. Ce feroit peut-être trop avancer que de dire que les
nids que nous voulons décrire font düs à des ouvrières auffi
adroites que le font les guépes, & fur-tout les guépes carton-
nières; mais ce ne le fera pas trop, fans doute, que d’aflurer
que s'ils manquent de certaines fmgularités que fon admire
avec raifon dans les nids de ces mouches, ils ont les leurs,
qui ne méritent pas moins que nous nous yarrêtions. II faoit
que la chenille, qui fe renferme feule dans fon nid, fût fe pré-
cautionner contre le ballottement qui pourroit lui arriver
dans les mouvemens dont fon nid feroit fürement agité par
ceux de l'air. Les chenilles qui fe renferment en grand nom-
bre, avoient cet inconvénient à prévoir, & de plus, celui qui.
pouvoit arriver de leur nombre fi les coques n’avoient pas
telle ou telle forme, fi elles n'étoient pas attachées les unes.
aux autres. On verra, lorfque j'aurai entièrement fait la def
cription de ces deux efpèces de nids, qu'il réfulteroit un incon-
vénient encore plus grand de la conftruétion même de ces nids,
fi les chenilles ne le prévenoient pas, quoiqu'en même temps
ne demandit à l'être qu'avec certains ménagemens.
Ce font ces différentes confidérations qui n'ont engagé
à décrire ces nids, lorfque je me fus principalemeut aperçü
qu'ils avoient paru attirer Fattention de S. A. S. qui approuva
volontiers que je communiquaffe mes obfervations à l'Acadé-
mie, & qui en même temps me fit l'honneur de me dire qu’elle
fe regardoit comme étant de ce Corps, par les difiérens
* MRC SN c
D ESNSNC T EN CUS 165.
Membres qui lui étoient attachés, & qu'elie lui feroit volon-
tiers connoïtre, par mon moyen, ce qu'elle pouvoit pofléder
d'intéreffant en hiftoire naturelle. Ces nids le feront fans doute
pour ceux qui aiment cette fcience, non feulement par leur
fingularité, mais encore en ce qu'ils,ne font, à ce que je
crois, décrits par aucun Auteur.
Ceux qui ne font conftruits que par une chenille, font
plus longs que larges ; ils ont la forme d'un fufeau un peu
moins alongé par la partie fupérieure que par Finférieure:
celle-ci finit par une efpèce de tuyau cylindrique formé par
le rétréciflement que le nid fouffre dans cet endroit ; l'autre
a un collet, au bout duquel if y a un anneau*qui pafle dans
la branche à laquelle le nid eft fufpendu. Ce nid eft, à pro-
* prement parler, compolé de trois plans ; Fun eft formé par
une toile foyeufe qui recouvre extérieurement tout le nid,
le fecond par un affemblage de bâtonnets, & le troifième
par une coque qui eft de foie. Les bâtonnets ne paroiffent
donc point à l'extérieur, comme dans les fourreaux des tei-
gnes aquatiques : il eft facile cependant de s’'aflurer qu’il doit
entrer dans ces nids une autre matière que de la foie; ils
paroiffent avoir des efpèces de prolongemens de côté &
d'autre, qui font attribués, lorfqu'on touche ces nids, à
toute autre matière qu'à de la foie: fi on les met à décou-
vert, & qu'on enlève ainf la toile foyeufe qui les recou-
vroit, lon voit que ces petits bâtons manquent fur la partie
du nid qui forme le tuyau inférieur, & fupérieurement fur
le tiers ou environ de ce nid. Cette dernière partie n'eft,
pour ainfi dire, point frappée, les brins de foie font pref-
que fans liaifon, ou du moins ils en ont une qui eft beau--
coup plus lâche que le refte : les bâtonnets font pofés hori-
zontalement , & prefque parallèlement les uns aux autres; ils
ne font ordinairement attachés que par le milieu, les deux
extrémités reftent libres; ce qui ne pouvoit être autrement,
à moins que la chenille w’eût choïfi des bâtonnets verds &
flexibles, qu’elle eût dû alors prendre fur les arbres mêmes:
comme il y a tout lieu de penfer qu'elle fe fert de ceux. qui
X üj
*V. Mém. de
l'Acad. 1745,
Fr. 268.
166 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
font tombés de ces arbres, elle ne pouvoit leur faire prendre
la courbure néceflaire pour que ces bâtonnets fuffent attachés
dans eur longueur, ce qu'elle auroit été obligée de faire fur
une coque dont la feétion horizontale et un cercle. Ces
bâtonnets inflexibles ne pouvoient donc être que comme
autant de tangentes à ces cercles : il femble que la chenille
en a été inftruite, elle ne les attache prefque que dans le point
du contact: s'ils ne le font donc que dans une fi petite
étendue, il ne faut pas croire pour cela qu'ils puiffent fe déta-
cher; les brins de foie font tellement multipliés , qu'ils for-
ment un lien aflez large & affez fort pour retenir exaéte-
ment chaque petit bâton : outre cela, il me paroït que la
parois interne de la toile qui les recouvre y eft tellement atta-
chée, qu'elle augmente encore cette Hiaifon ; ce qui fe fait
aifément fentir lorfqu'on enlève entièrement cette toile exté-
rieure : on ne peut le faire qu'en caflant des brins de foie,
comme lorfqu'on les détache de la coque intérieure. Les
bâtonnets des plus grands nids font lifies, fans poils ni épines;
ils font d'un blanc fale, parfemés de petits points oblongs,
que j'ai cru pouvoir regarder comme des glandes, & que
j'ai appelé glandes lenticulaires * : ceux des petits font bruns,
couverts de poils ou filets coniques d'un jaune foufré, &
garnis d’épines affez grofles & aflez roides, dont la bale eft
aplatie, & qui font aflez femblables à celles des ronces.
Lorfqu'on a enlevé ces petits bâtons, il refte une coque
d'un blanc fale & fouetté de marques brunes & tranfver-
fales, qui ont été occafionnées par ces petits bâtons. Les pa-
rois internes font lifles & comme enduites de quelque ma-
tière gommeufe ou réfineufe; il part de ces parois des fils
de foie qui forment une elpèce de réfeau au milieu duquel
la chryflide fe trouve placée: l'orifice interne eft bouché
par une mafle confidérable de foie d'un tiflu lâche & facile
à divifer. Cette coque ainfi dépouillée de fes bâtonnets &
de la toile qui les recouvre, n'eft tout au plus que de la
moitié de la groffeur du nid; les plus petits de ces nids
font, dans leur plus grand diamètre, d'environ un pouce &
D EISMOIC 1 E N'C ES 167
démi, les plus gros d'environ deux pouces. Les coques des
premiers ne font donc que de trois quarts de pouce en lar-
geur, celles des feconds d’un pouce; des coques de cette
largeur & qui ont toute la longueur du nid, c'eft-à-dire,
dans les plus petits de trois pouces & demi, & dans les
plus grands de quatre pouces, de telles coques ne laiffent
pas d’être encore aflez confidérables, & il faut que la chry-
falide qui sy renferme, le foit aufir, fur-tout fi, comme
celle-ci, elle remplit prefque entièrement {a coque. Malgré
cela, fon ne peut guère s'empêcher d’être frappé d’abord
de la différence du volume de la coque comparée avec
toute la maffedu nid : on s’attendoit à avoir une coque beau-
coup plus grofle, mais fon volume eft confidérablement
augmenté par les petits bâtons, qui n'étant pas attachés dans
toute leur Jongueur, occafionnent aïnft des prolongemens qui
tendent la toile qui les recouvre, ce qui donne de la capa-
cité & de l'étendue à tout le nid; propriété qui w'eft pas
fans doute inutile dans un nid auffi artiftement travaillé, &
où tout femble avoir été prévü.
En eflet ce nid étant fufpendu , il y avoit à craindre que
les mouvemens qu'il doit foufirir de ceux dont l'air fe trouve
fouvent agité, ne fiffent continuellement ballotter Ja chryfa-
lide; cet inconvénient fe trouve levé par le réfeau qui entoure
cette chryfalide, & auquel elle eft encore attachée par deux
crochets qu'elle à à fa partie poftérieure ; ainfi affermie, elle
fuit tous les mouvemens que la coque peut recevoir, & elle
n'eft point portée tantôt d’un côté, tantôt de l'autre, & dans un
fens conträfre à celui de fa coque; ce qui feroit indubitable-
ment fouvent arrivé fans cette précaution. Si la chryfalide avoit
à craindre que fon état de repos fût troublé par des fecoufles
rétérées, elle avoit encore plus à appréhender une efpèce
d'infecte qui doit vivre fous la forme de ver aux dépens
d’autres infeétes & s’en nourrir, je veux dire, les mouches
ichneumons : l'on fait que les femelles de ces mouches dé-
pofent leurs œufs dans les nids de prefque- tous les infeces,
quelles les placent fouvent dans le corps de plufieurs, &
168 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
même dans leurs œufs: il pouvoit donc facilement arriver
que la chenille du nid de laquelle ii s'agit ici, n'évitât pas.
un fi cruel ennemi, fi elle ne favoit pas fermer l'orifice
interne de fa coque; cet orifice eft donc bouché, & il left
même avec certaines précautions : cette efpèce de bourre
foyeufe dont j'ai parlé, eft le bouchon dont la chenille seft
fervie, & elle la rendu aflez gros pour qu'il pût réfifter en-
tièrement aux eflorts d’un animal auffi confidérable que celui
qui pouvoit entrer dans fa coque, dont l'ouverture extérieure,
qui n'eft pas fermée, eft de plus de deux ou trois lignes, &
peut encore devenir plus grande par la facilité que Fani-
mal trouveroit à la dilater en forçant les parois du tuyau,
qui cèdent aifément malgré leur tiffu ferré. La chenille pré-
vient ceci en faifant la mafle foyeufe affez large pour boucher
exactement l'orifice interne, & aflez longue pour qu'elle ne
foit pas elle-même à portée de l'animal qui pourroit parvenir
jufqu'à cette ouverture.
Mais fi cette efpèce de diaphragme ou de valvule met ff
bien à couvert la chryfalide, n’y a-t-il pas lieu de craindre
qu'il ne devienne auffi un obflacle invincible pour le papillon,
lorfqu’il devra fortir de cette coque ? quand le tiflu de ce
bouchon feroit auflt fort que celui de la coque, quand il
le feroit même beaucoup plus , il n’y a pas de doute que
l'infeéte ne trouvât moyen de fortir de cette coque: la Na-
ture Jui auroit appris quelque art pour Fouvrir, ou Fauroit
fourni de quelque liqueur pour Famollir & la rendre ainft
plus facile à percer, comme elle Fa fait pour plufieurs autres
efpèces d'infectes. Il paroït que tout ce que celui-ci fait
exécuter, ne conffte qu'à écarter. & à diviler la bourre
foyeufe qui doit lui être facile à pénétrer, quoiqu'elle doive
être d’un difficile accès aux autres infectes qui ne cherchent
qu'à lui nuire: fa fortie eft encore facilitée par la fituation
dans laquelle la chryfalide fe met. Quoique la partie fupérieure
de la coque foit moins frappée que le refte, qu'à la rigueur
le papillon auroit pû aifément pénétrer à travers à caufe de
fon tiflu lâche, il étoit cependant plus naturel qu'il fortit
par
IDE, SA ASCII EN CES: 169
par ha partie inférieure qui ne fe trouve bouchée que par de
la bourre. Auff la chryflide eft-elle placée la tête en bas, &
‘enfoncée même un peu dans Ja bourre; par-là le papillon n'eft
point obligé de retourner, quoique, s'il eût été néceflaire
qu'il le fit, il n'eût pas été fans doute plus embarraflé à exé-
suter .ce mouvement fans en fouffrir, que quelques autres à
qui cela arrive dans de pareils cas.
Quoique. j'euffe fous les* yeux dans le: fecond nid qui
214 décrit plus bas, & qui eft dû à une nombreufe famille
de chenilles, quoique j'eufle, dis-je, un exemple d'un nid
fufpendu & dénué du plan de petits bâtons dont celui-ci eft
entouré, j'ai toûjours été porté à croire que ce plan pouvoit être
fait pour défendre encore la chryfilide, & la mettre à cou-.
vert de quelques infultes. Nous avons appris par les mé-
moires de M. de Reaumur, quel goût les oifexux de nos
campagnes, les chardonnerets, par exemple, ou les moineaux
francs, ont pour les chenilles communes ; ces oifeaux dé-
chirent & mettent impunément en pièces ces nids pour en
tirer les chenilles qui y font renfermées, & dont ils fe nour-
riffent fur-tout en hiver. Ces oïfeaux ne peuvent pas fans
CRE. fi aifément détruire les nids de nos chenilles, munis
comme, ils font de petits bâtons liés étroitement & affez
près. les uns des autres pour former un lit continu : &
c'eft, je, crois, pour de femblables vües que. ce pln eft
conitruit, plütôt que pour remplir le peu de foie que la
chenille fourniroit, comme on peut aifément le penfer.
IL ef en eflet difficile de taxer d’ indigence un infeéte. qui peut
fe filer une coque telle que celle où il f renferme, qui peut,
la boucher d'une maffe auffi confidérable que left celle dont,
jai parlé, qui peut de plus recouvrir le plan de bâtonnets
_qu'il a liés, par de la foie, d'une toile auffi ferrée & auff,
forte que l'eft, celle dont il eft enveloppé. Ce n'eft donc
trop prêter à notre infecte que de dire qu'il a fà
; précautionner contre, des..ennemis plus forts que ceux
it nous avions d'abord parlé, & tels que peuvent être des,
| oi eaux , qui. par leur bec fort & robufte font plus a
Y
-
Mém, 1 749: N À
170 MÉMOIRES DH L'ACADÉMIE ROYALE
cap. b'es de déchirer un nid fait feulement de foie, ou, comme
celui des chenilles communes, muni feulement de feuilles
qui fe defsèchent promptement, & qui deviennent encore
par-là plus aifées à dépecer, mais qui peuvent bien faire
de vains eforts contre un nid défendu comme left celui-ci,
étant fur-tout fufpendu, & donnant par-là moins de prife
à ces animaux, en ne fourniflant pas un appui folide où
ils puiflent fe placer. Cela étant, il faut avouer que cette
chenille emporté en prévoyance fur celles qui conftruifent
Vautre nid, qui peut être expofé aux mêmes dangers, &
par conféquent les chryfalides qui y font renfermées.
Un infecte qui fait fe précautionner contre tant de périls,
ne devoit pas fans doute être mal-habile dans un point auf
effentiel que left celui de la fufpenfion de fon nid. Puifque
ce nid devoit être ainfi attaché, ïl devoit l'être de façon qu'il
ne püût aifément fe détacher, & que cependant il püt céder
à toutes les agitations où il pouvoit être expolé : c'eft ce
que l'animal a prévü; fi attache eût été trop lâche, le nid
auroit pü couler le Iong de la branche, & fouvent tomber
par terre; fi elle eût été trop ou trop peu ferme, elle auroit
pû fe défaire ou fe caffer. Inftruits comme nous le fommes,
Je crois que nous ne pourrions pas mieux agir que cet
infette, & que nous ne pourrions guère poufler l'attention
plus loin que lui: fi nous avions un pareil corps à fufpendre,
nous le ferions fans doute au moyen d’un anneau qui embraffe-
roit exactement celui où nous voudrions V'attacher: nous
pañlerions une corde dans cet anneau avant que de l'arrêter;
& fi, pour plus de füreté, nous nous fervions de plufieurs
de ces cordes, nous les attacherions enfemble par d'autres
cordes tranfverfales, & nous en formerions ainfi un faifceau
d'autant plus fort, que les cordes feroient plus multipliées.
C’eft ce que notre chenille fait; & s’il y a quelques difié-
rences, elles ne tournent qu'à l'avantage de fon induftrie,
Elle forme un anneau qui ferre la branche avec la dernière
exactitude : les derniers brins de fils qui le compofent, ou
ceux qui font à l'extérieur, ne font pas entièrement le tour
4
DA S'HOMMCRUE 1 CESAM v7 x
de Ja branche, les deux bouts font alongés & rapprochés
fun de l'autre vers le milieu du deflous de lanneau, & y
font réunis par des fils tranfverfaux ou obliques. Cette efpèce.
de ficelle eft continue avec la partie fupérieure & peu ferrée
du nid ; ces brins de foie, ,de convergens qu'ils étoient,
font devenus divergens, & cela pour former le corps du
nid. Cette continuité intime du nid avec la ficelle foyeufe
ou le collet, & de celui-ci avec Fanneau, rend le tout
encore plus folide & plus für, de forte qu'il n'eft guère
poflble de lui donner plus de folidité; folidité cependant
qui eft tellement combinée avec la flexibilité, que le nid
peut aifément fuivre les moindres impreflions qu'il reçoit de
Yair, ou de telle autre puiflance qui agiroit fur lui. Cette
aïfance à fe mouvoir eft augmentée par le tiffu lâche de la
partie fupérieure du nid; la toile qui le recouvre extérieu-
rement, & la coque, ont cet endroit beaucoup moins frappé
que le refte, de façon qu'il y a moins à craindre que le collet
ne rompe, ce qui auroit pû arriver fi ce collet & le nid euflent
été d'un tiflu également ferme dans toute leur étendue.
Lorfque ce nid eft entièrement fini, & que la chenille
sy eft renfermée pour n'en plus fortir fous cette forme, on.
peut dire qu'elle a fait tout ce qu'on pouvoit attendre pour
que fon état de repos ne füt point troublé: mais comment
cette chenille s'y prend -elle pour faire un nid où il entre
tant de vües & tant d'adrefie! Nous avons bien tiché de
découvrir ces vüûes, en débâtiffant , pour ainfi dire, ce nid,
& en mettant tous les matériaux fous les yeux : tâchons
maintenant de mous reprélenter cette chenille en travail, &c.
employant pour le conftruire toute l'adrefle qu'elle doit avoir.
Elle pouvoit sy prendre de trois façons, commencer par
fire l'enveloppe extérieure, placer enfuite les petits bâtons,
| & finir par l& coque; ou bien faire tout le contraire, ou
… confhuire les trois plans em même temps. Je crois que c'eft,
_ déceitedernière façan qu'elle s'y prend, quoique, à la rigueur,
. ine füt pas impofhble qu'elle le fit de fune ou de l'autre -
_ manière; mais elle touveroit fans doute plus de difficulté à
Y ÿ
172 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
arranger les bâtonnets fr elle commençoit par l'enveloppe, &
elle fuivroit, en commençant par la coque, une voie toute
contraire à celle qué toutes les autres chenilles fuivent dans
la conftruction de la leur; ce qui n’eft pas probable, vû la
conformité de tous ces infectés dans le plan général de Ha
conftruétion de leur coque, outre que l'union des extrémités
du nid de notre chenille eft trop intime pour que tout n'ait
as été fait en même temps.
Cela fuppolé, voyons comment cette chenille exécute ce
qu'elle a à faire, & tàchons de la fuivre dans fon travail.
On ne peut avoir de doute fur la partie par laquelle elle
doit commencer, c'eft fürement par l’annéau : elle peut le
faire en tournant plufieurs fois autour de la branche, & en
y laïffant un fil à chaque fois, ou bien, en fe tenant fixe
fur un endroit de cette branche, elle portera fa partie anté-
rieure tantôt d’un côté tantôt d’un autre, ‘en la courbant affez
pour émbrafler cette branche & en faire le tour. Cela ne
doit pas être difhcile pour une chenille auffi grofie que le
doit être celle qui fait un nid fi confidérable, & dont la
chryfalide eft fi grande : elle attachera donc le bout d'un fil
dans un endroit, & en retirant fa partie antérieure elle lui
fera faire le tour de‘la branche, en la ramenant de l'autre
côté où elle collera l'autre bout du fil au même endroit, ou
à peu près, où elle a attaché l'autre; enfuite elle fera la même
chofe en fe repliant dans le fens contraire au premier, &
tirera un nouveau fil qu'elle placera de même, ce qu'elle
répétera autant de fois qu'il fera néceflaire pour achever cet
anneau , & lui donner une largeur & une épaifleur propor-
tionnées à la mafle du nid, & qui foient telles que le nid
foit attaché fürement. L’anneau fait, il lui eft facile, fans fe
déplacer, de filer le faifceau auquel le nid fera fufpendu :
elle n'a qu'à attacher dans toute la partie inférieure de Fanneau
des fils qu'elle Jaiffera d’abord libres, & qu'elle réunira enfuite
par des fils tranfverfaux, comme nous l'avons dit plus haut :
elle pourroit encore le faire en donnant aux fils qu'elle attache-
roit aux côtés de l'anneau, la forme d’anfe à panier, ce qu'elle
‘% CE PAANDMETS MSNENTE N'CrESl 4572
“ontinueroit ainfi, en faifant ces anfes proportionnellement
# plus petites fuivant qu'elle alongeroit le faifceau ou collet:
mais la première façon me paroit plus conforme à ce que l'on
remarque en examinant la partie même du nid, ce qui nous
a fait penfer qu'elle étoit celle que l'infecte choififfoit,
Quels que foient les moyens que cette chenille emploie
pour faire lelien qui foûtient le nid , elle n’a, lorfqu'il eft fait,
exécuté que le plus aïfé; elle doit maintenant‘travailler, pour
aïnfr dire, en fair, à moins qu'on ne voulût qu'elle füt tel-
lement choifir un lieu commode pour fon travail, qu'il y eût
quelqu'endroit voifin de ce lieu, comme une autre branche,
ou le tronc de Farbre, ou tout autre corps fur lequel elle
pût fe placer. Ce feroit 1à fans doute a manière la plus aifce,
& celle que nous choifirions préférablement dans des ou-
vrages femblables ; mais les infectes placés dans les fituations
les plus defavantageufes & qui demandent le plus de peine,
favent toûjours exécuter ce qu'ils doivent faire: noire chenille
pourroit à la vérité, étant pofée fur un corps qui feroit au
bas de la branche où fon anneau eft fait, commencer à filer
fon nid en alongeant le faifceau de fils. On conçoit qu'elle
m'auroit pas befoin de beaucoup d'adreffe pour cela, mais je
“crois qu'une chenille dont le nid doit être fufpendu, doit
favoir le conftruire indépendamment de tout autre échafau-
dage que les premiers fondemens de ce nid ; je penfe donc
qu'elle quittera en partie la branche où elle eft attachée,
qu'elle ne s'y tiendra, par exemple, que par les pattes pof-
térieures, & qu'elle s’avancera fur le faifceau où fe tenant
- accrochée par les pattes écailleufes , elle pourra facilement
_ commencer le haut du nid, fur lequel elle s'avancera à pro-
_ … portion qu'il prendra de l'étendue : lorfque cette étendue
_ fera telle qu'elle pourra s’y placer entièrement, dlle travaillera
2 sr à former ce que fon peut appeler proprement le nid.
È : Jufqu'à préfent la chenille n'a été obligée que de tirer de
_ fon propre fonds une matière qui lui a été donnée affez abon-
… _ damment, mais il faut maintenant qu'elle fache trouver ces
à — petitsmorceaux de bois dont il a été parlé dans la defcription
d Yi
174 MÉMoIREes DE L'ACADÉMIE ROYALE
du nid: il faut, ce qui demande encore plus d'adreñe, qu'elle
fiche les monier à la partie du nid qui eft déjà faite, &
qu'elle ait celle de les placer exaétement : tout ceci fe fera.
fans beaucoup de peine; la chenille fe deicendra jufqu’à tere
au moyen d'un fil qu'elle attachera à la partie du nid qui
eit déà faite; là, fans quitter fon ff, elle cherchera un petit
bäxon, & probablement elle ne fera pas long-temps fans en
trouver; faifie d'un de ces bâtonneis, elle le tiendra exacte-
ment ferré entre fes pattes de derrière & celles du milieu,
& le couchera le long de fon ventre; enfuite elle remontera -
ainfi chargée, par le fil qui lui a fervi à defcendre; arrivée
au haut de ce fil, & par conféquent à la partie du nid où il eft
attaché, elle fixera dans cet endroit le bâton qu'elle porte
& ce fera fur-tout par le milieu, & le placera horizontale-
ment. C'eft fans doute ce qu'elle a dû faire, puifque ceft
ce qu'on obferve avoir été rcellement fait, comme il a-été
dit dans la defcription du nid; mais comment concevoir que
cette chenille parvienne à fon but, {1 elle refte fufpendue à
fon fil comme nous l'avons laiflée? ce n'eit pas cependant
que je penfe qu'elle y refte, il lui feroit impoffible de par-
venir à {es fins ; elle n'auroit pû attacher ce bâtonnet, & fe
tenir en même temps fufpendue au til qui lui a {ervi d'é-
chelle; en remontant elle devide ce fil entre fes quatre der-
nières pattes écailleufes, & en fait un petit peloton. Il ne
lui feroit pas facile, en tenant ce peloton, de faire paffer par-
deflus, le petit bâton qu'elle tient entre fes pattes membra-
neufes & les poftérieures; il faut donc qu'elle fe décharge
de fon peloton de foie, mais alors elle manque d'appui, &
fi elle ne s'étoit pas auparavant mile en füreté, elle tom-
beroit infailliblement; elle a fà fe précautionner contre cette
chûte. Ce qui eft fait de fon nid a aflez la forme d'une
calotte fphérique, & eft afiez étendu pour lui procurer un.
endroit commode où elle puille fe placer, foit en dehors, foit
ex dedans, & elle peut d'autant plus facilement s'y attacher,
que cette calotte eft d'un tifflu lâche & n'eft, pour ainfi dire,
qu'une efpèce de bourre; il eft ainfi très-aifé à cette chenille,
DE SURMMCITUE N'C EE 175$
de fe cramponner au moyen des crochets dont fes pattes
font armées. Lorfqu'elle eft donc arrivée à cette partie de
fon nid, elle doit sy mettre de façon à n'avoir pas beau-
coup de peine à attacher le petit bâton qu'elle apporte,
foit qu'elle fe place fur le deffus de la calotte fphérique,
foit que ce foit en deflous; fi elle choiïfit lune ou autre
‘fituation, il n’y a nulle difficulté : placée horizontalement
près de la circonférence de cette partie, elle dépofera le
peloton de foie qu'elle attachera à la calotte; enfuite elle
fera un peu couler le bâtonnet en avant, le détachera ainfi
de fes pattes poftérieures, & le fixera au moyen de plu-
fieurs fils qu'elle faura multiplier autant qu'il eft néceflaire
pour faire un Ken aflez fort: elle l'affurera encore plus en
faifant tout de fuite, comme je le penfe, la partie de la toile
qui doit le recouvrir extérieurement, & celle de 11 coque
qui le fera intérieurement. Ce bâtonnet étant placé, la che-
nille doit travailler à en placer un autre; elle s’y prend fans
doute de la façon qu'elle a employée pour fixer le premier,
& je crois qu'elle le fait en alongeant fa coque circulairement
en tout fens; par-là elle trouve de plus en plus de la facilité
dans fon travail, & elle a plus d'étendue pour fe procurer une
fituation commode, Mais, quelle que foit cette facilité, elle
ne peut pas abréger beaucoup le temps qu'il faut qu'elle em-
ploie à aller chercher les bâtonnets: chacun exige un petit
voyage, ce qui doit demander un certain temps: on compte
dans un nid des moins gros, au moins une centaine de ces
petits bâtons ; ainfi c’eft une centaine d’allées & de venues
qu'elle eft obligée de faire, & qui feront plus ou moins
longues, fuivant que la branche où le nid eft attaché, eft plus
ou moins élevée: lorfque tous les Lâtous font placés, il faut
alors boucher le nid. Quand la chenille trouveroit le moyen
de l'exécuter avec de pareils petits bâtons, ce qui ne lui feroit
pas facile, le papillon auroit beaucoup de peiné à rompre
cette digue, ou pluftôt ne le pourroit pas; fi elle le fermoit
fubitement avec un bouchon de foie ou par une toile, peut-
être quelle pourroit être trop expofée dans l'état de chryfalide
176 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
à quelques-uns de fes ennemis: que fait-elle donc! Elle
alonge fà coque de telle façon qu'elle forme un canal à peu
près cylindrique, l'ouverture eft'ainfi déjà beaucoup diminuée,
la chryfalide fe trouve moins à portée de l'action des animaux
dont elle peut avoir quelque chole à craindre, & il doit leur
être plus difficile de s'introduire par ce canal dans le nid, que
fi ce nid en étoit privé: quelques-uns pourroient cependant
forcer cet obftacle, leur petitefle pourroit le leur permettre;
notre chenille oppofe à ceux-ci la mafle foyeufe dont j'ai
déjà parlé, elle ferme exactement l'orifice interne du canal,
& met ainfi la chryfalide à couvert de toute furprife; &
fi, quelquefois cette chryfalide ne laiffe pas d'être dévorée
par des vers de quelque mouche ichneumon, il faut que
la mouche ait dépofé fes œufs avant la clôture parfaite du
nid, ou fur la chenille même, avant qu'elle fe füt renfermée
dans fon nid. Il faut avouer qu'il entre déjà beaucoup
de foie dans ce nid, & qu'une chenille qui a pû fournir
à tout, doit en être bien pourvüe; elle peut encore cepen-
dant en trouver, & même une aflez bonne quantité : je crois
qu'il lui refle à affermir les parois internes de fa coque, &
qu'elle le fait en y ajoûtant quelque couche de fils, & peut-
étre en les enduifant d'une matière réfineufe ou gommeufe,
vû le liffe & le luifant de ces parois : enfin elle doit en-
core filer ce réfeau au milieu duquel elle fe trouve placée,
& au moyen duquel elle eft exempte de tous les balotte-
mens qu'elle pourroit fouffrir fans lui, dans les mouvemens
dont fa coque pourra être agitée,
Avant que de dire quelque ehofe de la chenille qui fait.
conftruire ce nid, je crois devoir décrire celui qui eft fait
par une famille entière de ces infectes : la première a beau-
coup de rapport, à ce que je crois, avec celles-ci, & je pen{e.
qu'elles font de même genre; j'en rapporterai les raifons.
. Le nid dont il va donc être maintenant queftion, con-
vient en plufieurs chofes avec le précédent; il eft comme,
lui fufpendu à une branche d'arbre; comme lui il a par:
embas un canal ou tuyau dont lorifice extérieur eft ouvert,;
in “He & l'intérieur
4 DIE: 54 MSC AE Ni C ENS 17
& l'intérieur fermé par une bourre foyeufe. Le dernierniddiffère
_ du premier en ce qu'il n'a pas la figure d’un fufeau, mais celle
d'un cone renverfé & comprimé de devant en arrière; en ce
qu'il n'entre point de petits bâtons dans fa conftruétion, qu'il
eft entièrement de foie, & qu'il eft, comme on le fait déjà,
l'ouvrage d’un grand nombre de chenilles, qui doivent, à ce que
je crois, le faire, non pas comme la précédente dans le temps
précifément de la métamorpholfe en chryfalide, mais quelque
temps auparavant : il leur fert probablement jufqu'à ce temps,
de retraite dans ceux où elles ne peuvent refter dehors. Je crois
qu'elles conviennent en cela avec les chenilles proceflionnaires,
arce que, comme elles, elles fe tiennent féparées fur les arbres,
jufqu'à ce qu'elles doivent fe métamorphofer; qu'en attendant
elles vivent en {olitude, & que lorfque le temps de la réunion
eft venu, elles travaillent alors à la conftruction du nid: elle
ne doit pas tant leur coûter que celle du nid précédent coûte
à la chenille qui le fait. IL faut fans doute beaucoup plus de
temps à cette dernière; il faut qu’elle fourniffe beaucoup plus
de foie: en eflet, fi l'on compare ces nids enfemble, le pre-
mier fera au moins la quatrième ou cinquième partie du {e-
cond ; celui-ci a dans un de fes plus grands diamètres, c'eft-
à-dire, à fa bafe, un demi-pied de longueur & un peu plus
dans un de fes plus grands côtés, c’eft-à-dire, depuis l'extré-
mité inférieure du canal jufqu'à un des bouts du grand dia-
mètre dé la bafe : le plus petit de cêtte bafe eft environ de
deux pouces. Nous avons vû que la longueur du premier nid
eft de trois ou quatre pouces , fur deux ou environ de largeur
dans fon plus grand diamètre ; ainfr il eft aifé de voir que je
n'ai mis qu'au plus bas la mafle de ce dernier nid; ce que
je n'ai fait que parce que ce nid ayant la forme d'un fufeau,
. il perd de chaque côté fur fes diamètres, au lieu que Îa
- forme conique de l'autre n'occafionne de perte que d'un
feul de fes côtés : laïffant fubfifter la fappofition que j'ai faite,
il fudroit au moins cinq chenilles du fecond nid pour faire
le premier, en fuppofant qu'elles foient égales en tout, au
lieu quelles doivent être la moitié moins grandes, cette
© Mén. 1749: se
178 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
proportion étant, à peu de chole près, celle qui fe trouve
entre les chryfalides. 11 faudroit donc dix des fecondes
chenilles pour'en remplacer une feule des premières; ainff
la conftruétion de leur nid doit beaucoup moins leur coûter
qu'à celles-ci, d'autant plus que dans le plus petit des deux
nids qui ont été envoyés, le nombre de ces chenilles monte
à cent vingt ou cent trente, & qu'il va bien à cent cinquante
dans le fecond. Quoiqu'à tout prendre, ces chenilles ne
foient pas auffi induftrieufes que les autres, elles ne méritent
peut-être pas moins que nous les fuivions dans les procédés
qu'elles peuvent mettre eñ ufage. Ce nid eft fans doute lou-
vrage de toute la famille, mais qui travaille en différentes
bandes; une fuite de ces chenilles arrangée fur la branche à
laquelle le nid fera fufpendu, travaillera à former fattache,
à peu près comme la chenille du précédent nid: je dis à
peu près, car fi lon s'y prenoit aflez adroitement en tirant
la branche, pour que la partie du nid qui lembraffe ne fe
déchirât pas, cette partie ne formeroit pas un anneau auffi régu-
lier que l'eft, comme nous l'avons vü, celui du premier nid.
La foie a été peut-être employée avec moins d'art, mais elle
Va fürement été pour la fûreté commune; non feulement
une aflez groffe branche, mais encore plufieurs petites qui
en fortent, fe trouvent prifes & entourées par cette attache,
qui devient certainement par là plus ferme & plus füre:
cette attache ayant donc" été ainfi commencée par une partie
des chenilles , une autre viendra par fon travail en augmenter
la folidité, & elle fe perfeétionnera par toute la fociété. Cette
païtie importante étant finie, chaque chenille concourra
de même à former le corps du nid; elle pourra aifément y
travailler en fe tenant fur ce qui fera déjà fait. Pour bien
entendre comment cela peut s’exécuter, fuppofons l’attache
entièrement faite, elle comprendra alors toute {a bafe du nid,
une partie des chenilles s'y placera auffi à l'aife que fur la
branche, en s'y rendant plufieurs enfemble, ou l'une après
l'autre, & chacune l'alongera un peu en filant horizontale-
ment. Si plufeurs chenilles travaillent en même temps, il
DE SHÉMENE NE BASE T7
doit néceflairement arriver que polées fur les différens côtés
de attache, le nid s'alongera en tout fens & prendra ainfr
une figure fphérique ; fi elles travaillent les unes après des
autres, ce que je ne penfe pas, & que chacune faffe à plu-
fieurs reprifes une partie de fa tâche, lorfqu'’une aura travaillé
à droïte ou à gauche, une autre placée intérieurement ou
extérieurement fur ouvrage de celle-ci, Falongera un peu,
& de cet enfemble le nid prendra la grandeur & la figure
qu'il a: cette figure ne doit-elle pas en effet être la fuite de
cétravail! Lorfqu'il a été commencé , les chenilles bien four-
nies de matière foyeufe pouvoient faire un morceau con-
fidérable du nid toutes les fois qu'elles travailloient; peu à
peu la matière s’épuife, chaque chenille ne peut par confé-
quent appliquer qu'une pièce moins large & moins longue;
le nid fe rétrécira ainfi, décroitra infenfiblement & prendra
conféquemment une figure conique. On trouvera fans doute
que Jj'accorde à ces chenilles beaucoup moins de vües & de
prévoyance qu'à celle qui fait le premier nid, & l'on aïimera
| peut-être mieux croire que, comme celle-ci fait ne donner
d'abord au fien qu'une certaine largeur, qu'elle augmente
_ infenfiblement jufqu'à fa moitié, & qu'elle diminue enfuite
dans les mêmes proportions que celles de Ia partie fupérieure;
| on aimera, dis-je, mieux croire que ces chenilles favent
donner au leur la forme d'un cone aplati, comme la pre-
mière donhe au fien celle d'un fufeau; d'autant plus qu'il
faut que les premières ménagent tellement leur foie, qu'elles
en aient pour leurs coques, & pour le réfeau & la bourre dont
elles font entourées, & au moyen defquels ces coques font
attachées aux parois internes du nid, à moins qu'il ne foit
vrai, comme nous avons fuppolé, que le nid foit fait
- quelque temps avant que les chenilles fe métamorphofent ,
& que ce temps foit aflez long pour que les chenilles puif-
ent fe fournir de nouveau de matière foyeufe.
. Pour éviter toutes ces fuppofñitions, on aimgroit peut-être
encore mieux faire celle-ci, & dire que ces chenilles ne
conftruifent leur nid que dans le temps ht”: qu'elles
ij
180 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
vont filer leurs coques; que la toile qui forme le nid, n’eft
qu'une partie de chacune de ces coques; & que les chenilles
favent s'accrocher les unes aux autres de façon qu'elles peu-
vent travailler fans fe nuire, & s'arranger fur plufieurs lignes
qui décroiflant proportionnellement, doivent naturellement
donner au nid la figure que nous lui voyons. Cette
fuppolition feroit probablement celle qu'il faudroit faire, &
elle feroit la plus naturelle fr le nid, au lieu d’être fufpendu;
étoit au contraire appliqué, comme celui des proceflion-
maires, fur une grofle branche ou fur le tronc de quel-
que arbre; elle m'a même beaucoup plu d'abord, mais
après l'avoir approfondie , j'ai cru qu'elle emportoit avec
elle trop de difficultés pour qu'elle pût être admife: en
effet, comment imaginer que ces infectes puiflent s'accro-
cher les uns aux autres, & malgré cela fe donner tous les
mouvemens néceflaires pour filer? Si on vouloit que cela
ne fût pas impoflible, & qu'une partie étant placée fur fa
branche où elles doivent fufpendre le nid, porte fur le dos
chacune une de leurs compagnes qui feroient chargées
chacune d’une autre, & ainfi de fuite, & qu'attachées feu-
lement par les pattes poftérieures, elles euflent aflez de
liberté pour fe donner les mouvemens néceffaires, il arri-
veroit dès-lors que l'ouvrage ne feroit pas également diftribué
à chaque ouvrière; celles qui feroient à la partie fupérieure
auroient la conftruétion de toute lattache à fairé outre leur
portion du nid; celles qui feroient à la partie inférieure
feroient obligées de l'alonger, de faire le canal par lequel
il finit, & trois ou quatre qui feroient à Vorifice interne;
devroient filer la maffe confidérable de foie qui le bouche:
mais l'on fait que les infectes qui doivent tirer de leur propre
fonds la matière dont leur nid doit être compolé, font aflez :
économes pour n'en guère faire fun plus que l'autre, & fe
diftribuer aflez également ce qu'ils ont à exécuter.
La conftruétion du nid étant donc fuppofte finie quel- *
que temps avant celui de la métamorphole des chenilles en
chryfalides, ce temps étant venu, il eft facile de s'imaginer
\ =
DVE S'NSCIE Nc ES NbAN rêr
comment le réfeau & les coques fe filent : les chenilles étant
entrées dans le nid pour n'en plus fortir fous cette forme,
doivent fonger à lui donner un peu plus de confiftance ,
elles doivent fermer lorifice interne du canal inférieur :
cela étant fait en commun, chacune prendra fa place fur
une des parois du nid, elle filera la bourre qui entoure chaque.
coque, & elle commencera à un endroit de la paroi op-
pofée; chacune concourra ainfi à former le réfeau qui ne
fera qu'une continuation de celui qui entoure les coques, &
au moyen duquel elles ne font, pour ainfi dire, toutes, qu'une
mafle qui eft ainfi à l'abri de tout balottement. On conçoit
fans peine que lorfque chaque chenike aura fait une partie de
ce réfeau, elle pourra aifément fe retourner dans cette portion,
& sy attacher de façon qu'elle puiffe filer l'autre ; elle doit
agir en cela comme toutes les autres chenilles; elle travaillera
enfuite au corps de la coque qui fera néceflairement pole
horizontalement, & qui aura la figure qu'on lui trouve: cette
figure eft dans plufieurs celle d’une petite nacelle qui feroit
pontée, & dont les côtés feroient aplatis. En effet, la partie
fupérieure de ces coques eft courbée en arc, les côtés font
un peu comprimés , & la bafe eft plate, un peu concave
cependant ; les coques qui ont cette figure font ordinaire-
ment celles qui font dans le milieu, celles des côtés font.
pluftôt en forme d'œufs ; leur côté, celui principalement
qui eft extérieur, eft moins aplati: les différentes figures
de ces coques ne viennent fans doute que de ce qu'elles font
plus ou moins preffées les unes contre les autres ; celles
du milieu fétant plus que les autres, leurs côtés font moins
bombés, & la concavité de la bafe de June n’eft auffr-
dûe qu'à la compreflion de la partie fupérieure de la coque
qui la précède. Ces coques mont pas la figure la plus
propre à permettre qu'on en renfermât un grand nombre
dans le plus petit efpace, comme on peut le déduire du
problème qui a été réfolu à l’occafion des alvéoles des abeilles,
& il doit certainement refter des vuides entre ces coques :
il y en auroit réellement & d'affez confidérables, {1 les
Zi
3
182 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaArr
chenilles ne les avoient pas empêchés autant qu'il étoit en elles:
les coques,font très-proches les unes des autres, & le peu
de jour qui auroit pü refler fe trouve rempli par la bourre
qui les entoure. Tout ceci n'eft fans doute que relatif à.ce
grand nombre de coques qui devoient être renfermées dans
un nid, dont l'étendue & la capacité paroifient d'abord ne:
devoir pas fuffire pour contenir des coques aufli grofles &,
auffi multipliées qu'elles le font; leur fituation horizontale
femble demander plus de vües & de prévoyance: fi elles
euflent été perpendiculaires & qu'elles euflent formé ainft
plufieurs plans, il auroit fallu que toutes ces chenilles fuflent
forties de leur état de chryfalides dans un tel ordre, que ce
changement eût commencé à fe faire par celles d'en bas, &
ainfi proportionnellement jufqu'en haut, pour que les papillons
euffent trouvé moins de réfiftance à pénétrer les coques, fr
cela eût été poffible; quoique, dans la fuppofition que cette
métamorphole fe fit dans cet ordre, les coques, toutes vuides
qu'elles feroient, ne pourroient être encore qu'un obflade
infurmontable au papillon qui voudroit fe tirer de la fienne,
fi elle étoit dans quelques-uns des plans intermédiaires. Cet
obflacle fe trouve levé par la pofition des coques ; chaque
papillon peut fortir quand le temps de ce dernier change-
ment eft venu, il lui fuffit de percer un des bouts de fa coque,
& l'endroit de la toile qui forme le nid qui en eft proche,
& il ne doit pas trouver en cela beaucoup de difficulté, vû le
peu d’épaiffeur de l'une & de l'autre: le tiflu eft en effet tel qu'il
permet qu'on voie la chryfalide très-facilement au travers ; &
celui de la toile, quoiqu'un peu plus ferré, ne left pas affez
pour réfifler beaucoup à la preflion répétée du papillon qui
veut fortir, & qui peut même être fourni d’une liqueur pro-
pre à amollir cette toile, & ainfi à en faciliter la féparation,
qui doit devenir moins diflicile à proportion qu'il ef forti
plus de papillons, fur-tout fi cette fortie fe fait, comme je le
penfe, toûjours du même côté. Les chryfalides font pofées
toutes non feulement dans le même plan, mais elles ont
toutes la tête tournée du même fens, ainfi il n'y a nulle raïfon
LE 0 À DES ScrEeNcEs. 18)
pour que quelques-uns de ces papillons {e retournent afin de
M. si dunid par le côté oppolé à celui que les autres atta-
| quent pour le faire; Je penfe donc que cette fortie fe fait du
_ même côté, qu'elle fe fait prefque en même temps ; je dis
prefque en même temps, parce que des chenilles qui fe ren-
ferment enfemble & dans un temps précis, ne doivent pas
refler fous la forme de chryfalides beaucoup plus les unes que
les autres, fur-tout fi elles font également expofées à un même
degré de température de L'air, comme celles-ci le font, ayant
même, felon que je viens de le dire, la tête tournée toutes
du même côté,
+ De la comparaifon que l'on peut faire maintenant de ces
de efpèces de nids, par la defcription qui en a été donnée,
il fuit que ces chenilles conviennent en plufieurs chofes : ExXpo-
… fées aux mémes inconvéniens & aux mêmes dangers , élles
_devoient favoir employer des moyens propres à les prévenir,
ii fuflent femblables , ou à peu près; & {1 je nai pas infifté
‘ce point en décrivant la féconde elpèce, c'eft qu'il auroit
S füperflu & inutile de le faire. Des chenilles qui fe reflem-
-blent tant par leur indufrie, fe reflemblent-elles encore par
e genre! font-elles du même, ou d'un totalement différent ?
S'il m'eût été poffible de voir les chenilles ou les. papillons *,
J'aurois pà réfoudre entièrément cette queftion: mais je
mai tout au plus trouvé que les dépouilles des chenilles, &
les chryflides vides & defféchées : malgré ce peu de
48 fecours, je crois pouvoir avancer que les chenilles, & par
conféquent les papillons, font d’un même genre. Pour faire
comprendre mon idée, je dois pofer un Principe, que je
_ crois convenir non feulement aux chenilles, mais même à
tous les autres animaux de cette clafe.
Les infeétes qui , en changeant de première forme, en.
prennent une qui les fait placer dans le même genre, ne
… * M. le Juge ma, depuis la lec- | blancs, avec
ture de te Mémoire , appris par une | grifes, & qu'ils font fort reffembians,
ettre qu'il m’a fait l'honneur de m°é- pour la forme, à ceux des vers à.
e 16 Décembre 17S1, qe les | foie. Ce font les termes de M. le.
ons qui fortent de ces nids font | Juge.
quelques petites taches
184 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
peuvent être, lorfqu'ils ont la première, de genres différens;
& lorfqu'on veut décrire ce genre, il faut y faire entrer la
defcription de tous les états par où l'infecte pañle.
Pour prouver ce principe, il fuffira de le faire voir dans
quelques genres, & de faire fentir que l'on pourroit même
l'étendre jufqu'à la façon dont ces infeétes fivent en général
travailler & fe précautionner contre plufieurs inconvéniens
qu'ils ont à prévenir.
Je pourrois fuppoler ici la connoïffance des parties com-
munes aux papillons, aux chryfalides & aux chenilles, de
quelque genre qu'ils foient; mais j'ai cru qu'il feroit plus
‘commode d'en rappeler les idées, afin de ne faire entrer
dans chaque genre qué ce qui feroit effentiellement différent.
On s'apercevra aifément dans ce morceau combien je fuis
redevable à ceux qui ont écrit fur cette matière; on recon-
noîtra facilement combien je dois à Lifter, à Mlle Merian, à
Eléazar Albin, & fur-tout à M. de Reaumur : je ne cherche
point à le diflimuler, mon but n'étant que d'établir une
vérité à laquelle on ne fait pas affez attention, quoiqu'elle
{oit, pour ainfi dire, prouvée par les ouvrages de ces Auteurs,
& qui ne demande qu'à être montrée fous un coup d'œil
plus général quoique moins étendu.
Ceci fuppolé, je dirai donétque les papillons, de quelque
genre qu'ils foient, conviennent en ce qu'ils ont deux an-
tennes, deux yeux à réfeau, une tromp qui ne fe roule
point {ur elle-même, ou qui le fait plus ou moins, ou qui
eft remplacée par un corps qui en fait les fonétions, & qui,
comme elle, eft placé entre deux efpèces de lèvres fituées
au devant de la tête, plus larges par le bas que par le haut,
garnies ordinairement de poils coniques tournés vers la partie
fupérieure; fix pattes, attachées au corfelet deux à deux, &
dont les paires antérieures font plus courtes que celles qui
les fuivent ; deux ( ou quatre) ftigmates fur le corfelet, polés
obliquement & latéralement, deux à chaque anneau fembla-
blement pofés; quatre aîles, qui font des elpèces de triangles
recilignes, curvilignes ou mixtilignes, couvertes de petites
| écailles
+
DES SCTENCES 185
écailles ou petites plumes qui les rendent opaques, attachées
upérieurement au corfelet, qui eft écailleux : le corps eft
ovale, compolé de plufieurs anneaux couverts de petites
écailles, & ordinairement de poils.
Les chryfalides font coniques, ou ont la forme d'un fufeau;
elles font compoltes de plufieurs anneaux, elles ont fupé-
rieurement & antérieurement les deux antennes du papillon
qui en doit {ortir, fa trompe & fes pattes couchées Jongitudi-
nalement & renfermées dans une efpèce d'étui ou d’enve-
loppe; les ailes font également pliées & enveloppées, & elles
fe remarquent par deux petites éminences placées fur le dos:
on voit encore fur les côtés les fligmates de la chenille, anté-
rieurement & inf.rieurement des mamelons extrêmement
courts, occafionnés par fes pattes qui fe {ont retirées.
Les chenilles ont douze anneaux, ordinairement membra-
:neux; elles ont une tête qui ne fe contracte pas, qui eft
recouverte latéralement de deux écailles fortes qui ont ja
- forme d’une calotte fphérique & creufe, antérieurement d’une
|! écaïlle triangulaire dont le fommet eft tourné vers celui de
la tête, inférieurement de cinq mamelons coniques dont celui
: du milieu qui eft une filière eft ouvert dans fon bout fupé-
| rieur, d'un trou par lequel le fil fort; deux des quatre laté-
: raux font armés à l'extrémité fupérieure d’une pointe aigue
- & roide qui fait les fonctions de dent; les deux autres qui
“ {ont plus extérieurs, manquent de cette dent & font mols
n & flexibles: au deffus de ces différens corps & au bas de
Yécaille triangulaire, eft placée une autre écaïlle tranfverfale,
platte & échancrée à fon côté antérieur. Les pattes varient
pour le nombre, qui eft de huit jufqu’à feize inclufivement ;
toutes les chenilles conviennent par les fix antérieures, qui
{ont placées deux à deux fur les trois premiers anneaux; elles
_ font écailleufes, les autres font membraneufes & fituées aufi
… par paires fur les uns ou les autres neuf anneaux qui reftent;
glles font armées d’un cercle ou d’un demi-cercle de petits
… | ongles ou petites grifles; les ftigmates font plus conftans en
…— nombre, il y en a neuf de chaque côté, dirigés obliquement
Mém. 1749. . Aa
186 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& tranfverfalement; ils font ovales, pofés fur le premier &
Je quatrième anneau jufqu'au dernier exclufivement.
Cette defcription générale fait déjà fentir qu'il y a des
difiérences entre les chenilles, comme il y en a entre les chry-
flides & les papillons. Il refte à faire voir qu'une différence
dans lun ou l'autre état de ces infectes en entraîne néceffai-
rement une dans les deux autres; c'eft ce qui pourra être prouvé
par les genres fuivans d'une manière affez évidente, fr, faute
d'obfervations encore afiez détaillées , il ne left pas d'une
fiçon entière & complète.
Genre I. Les papillons qui ont des antennes en maflue, une trompe
Pemplides. youlée en fpirale, les deux premières pattes très-courtes &
fringées, les aîles triangulaires & mixtilignes, dont le côté
intérieur des inférieures forme une gouttière, viennent d'une
chryfalide qui a la forme d'un fufeau, c'eft-à-dire, renflée dans
fon milieu; de façon cependant que la partie poftérieure eft
plus alongée, que l'antérieure eft échancrée, & que le milieu
eft relevé de plufieurs petites éminences ou apophyfes rangées
longitudinalement fur deux ou plufieurs lignes.
Elles font fufpendues à une touffe de foie en réfeau par la
partie poftérieure, au moyen de deux crochets.
La chenille a feize pattes, dont les membraneufes ont un
demi-cercle de crochets, les anneaux font chargés de mame-
lons qui portent des poils auffi roides que des épines, & qui
font le plus fouvent ramifrés.
Sous ce genre font rangés les grande & petite tortues, le
papillon de l'ortie, celui de la bédaude, la belle-dame, l'ami-
ral, celui à yeux de paon, les nacrés, rapportés par différens
Auteurs; & les fuivans, tirés du fecond volume par M.le Mé-
rian, favoir, celui du nefflier, le grand atlas, celui des palmiers,
ceux de l'arc, celui du prunier, celui du papo, celui de la
coronille, celui du ricin, celui du guayavier. :
Genre I Le papillon du fecond genre ne diffère de celui du pré-
Pomphalodes cédent qu'en ce qu’il a les fix pattes proportionnellement iné-
gales & fans franges.
La chryfdide, en ce que fa partie antérieure n'eft pas
che ous sat tin MCE
à
BIIE SCA E IN es 187
échancrée, mais feulement alongée en pointe; en ce qu'elle
n'a pas ordinairement des éminences ou apophyles, & qu'elle
eft liée par un ff qui lui paile un peu plus haut que le milieu
du corps.
La chenille, en ce qu'elle-n'eft pas épineufe, mais le plus
fouvent chagrinée feulement de petits mamelons qui portent
ordinairement des poils’communément très-courts.
On peut placer ici le papillon du chou, celui de Ja plus
belle chenille de cette plante, de différens- Auteurs ; 1e nou-
veau vaivode , celui de lépine blanche, le foufré, cités par
Eléazar Albin ; le papillon d’un blanc noir de Cambridge, le
papillon de Lifbonne mêlé de noir & de jaune, le jaune de
Surinam, rapportés par Pétiver ; les fuivans, qui le font par
Mille Mérian //vo1. 2), favoir, ceux du cafchou, du roucou
& du manioc, & celui que Sloane a caraétérifé par fà peti-
tele, fes ailes jaunes , & dont l'angle extérieur eft brun.
Le papillon du troifième genre convient par les pattes &
l trompe, mais il diffère par un appendice plus ou moins
long qui forme une efpèce de queue aux aïles inférieures,
qui, de plus, ont leur côté intérieur plié de façon qu'il
recouvre le dos de l'infee lorfqu’il eft en repos.
La chryfalide eft avec des apophyles: elle a moins a forme
d'un fufeau que celle d'un cone dont la bafe feroit tronquée
obliquement de devant en arrière, & dont les côtés de cette
bafe feroient un peu aplatis: elle eft attachée horizontalement,
comme Îa précédente.
La chenille eft chagrinée de mamelons fans poils, ou
avec des poils épineux ; mais elle fe dittingue principale-
ment par une efpèce de corne mobile, que l'animal peut
faire rentrer & fortir, & qui eft polée fupérieurement entre
le col & le premier anneau.
Les papillons fuivans font de ce genre, favoir, les papil-
ons à queue, flambés ou non, de différens Auteurs : ceux
qui font rapportés par Mie Mérian, dans fon fecond volume,
aux Tables xx1X, xL111 (qu'elle appelle le Page de 4a
Reine), 1X, XVII, XXXI, LXVII; celui du n.° 508
Aa ij
GENRE IN,
Pterigurus,
Papillon à
queue,
GENRE IV.
Pyrallis
Papillon
épervier.
GENRE V.
Æntaphius,
Papillon à
tête de mort.
188 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaAtE
du Cabinet de Pétiver; celui de là page 217 de l'Hifloire
de la Jamaïque, px Sloane.
Le papillon de ce genre diffcre beaucoup des papillons des
trois genres précédens ; fes antennes font prifmatiques, la
trompe eft platte, les ailes inférieures font beaucoup plus
courtes que dans les autres papillons; le dos n’eft pas ordi-
nairement recouvert par les ailes, qui font pofées parallèle-
ment lorfque Fanimal eft en repos.
La chryfalide eft pluflôt conique qu'en fufeau, quoiqu'elle
foit cependant un peu plus renfiée vers le milieu ; elle-eftliffe,
alongée , & .déliée à fa partie poftérieure; elle ne fe fufpend
ni ne s'attache comme les précédentes, ni ne fe fait decoques
comme la plufpart des fuivantes, mais elle refte à découvert,
ou elle eft cachée en terre; toutes celles d'Europe font ainfr
fous terre, au lieu que celles d'Amérique reftent à l'air.
La chenille eft chagrinée , non velue; elle porte fur le
dernier anneau une corne cartilagineufe recourbée de devant
en arrière.
Ce genre renferme le papillon de la belle chenille du tithy-
male, celui de Ka chenille-fphinx de M. de Reaumur, celui
de la chenille appelée l'éléphant par Goedaert, ceux des Tables
VIII, X, LVI1, par Eléazar Albin; ceux du fecond volume
par Mile Mérian, & des Tables 111, v, XIV, XXXII1,
XXXVILI, XLV, XLVI, LV, LVII, LXI, LXII, EXIV ; Celui
que Margrave appelle panoponamueu, & qui eft celui du
m° 25, page 219 de l'Aifloire de la Jamaïque par Sloane.
Le papillon de ce genre diffère de celui du précédent,
en ce que les antennes, qui font auffi prifmatiques, font com-
pofées de lames, ou fi Fon aime mieux, {ont fillonnées en
manière de rape; en ce que fa trompe eft ronde, épaifle, &
ne fait que deux ou trois tours; en ce que les ailes font pen-
dantes, qu'elles ne font prefque pas triangulaires, c'eft-à-dire,
que les bouts de leur bafe font tellement arrondis, qu'ils ne
font qu'une courbe continue avec les côtés; & que les infé-
rieures ont le côté interne plié lorfque l'animal eft en repos.
La chryfalide eft conique, & ne diffère de celle du genre
) pie sc 1 E NACLENS 189
précédent que par les différences qui peuvent venir de celle
de la trompe, des antennes, des aïîles, de la pofition & de la
courbure de la corne que porte la chenille: elle fe tient en terre,
La chenille fe diftingue par cette corne cartilagineufe qui eft
"ps L Re
pofée fur le bout du corps, recourbée de derrière en devant,
& qui eft comme compofée de plufieurs petits corps ronds,
ou de plufieurs petits grains.
Ce genre ne renferme qu'une efpèce *, qui eft Je papillon
à tête de mort, cité dans le vol. [, page 203, & vol. IT,
page 289 & fuiv. de M. de Rewumur ; à la Fable vi, à, 4, c, d,
n. 9 d'Eléazar Albin, & à la Table x xv, vol. I de Mie
Mérian.
Les antennes du papillon de ce genre font coniques,
noueufes , contournées ; celles du mâle font chargées de poils
qui forment des pinceaux, celles de la femelle le font d'é-
cailles ; la trompe n'eft compolée que de deux corps cartila-
gineux qui forment un triangle ; les aîles font grandes &
parallèles dans le mäle, très-courtes dans la femelle, qui a le
<orps couvert d'écailles plus grandes que celles du mâle.
La chryfalide eft conique, de façon cependant que la partie
antérieure eft beaucoup plus grofie que la poftérieure, &
que le rétréciffement ne fe fait pas infenfiblement : elle eft
renfernke en terre fans coque. ‘
La chenille n'a que dix pattes, les fix cartilagineufes,
deux membraneufes qui fortent du neuvième anneau, & les
deux poftérieures : les anneaux font peu diftinéts, très-étroits,
les trois premiers & les trois derniers fur-tout.
Je ne place encore fous ce genre que le papillon de la che-
nille arpenteufe du chène, du noïfetier, &c..{ Reaum. vol. IL,
p. 370€ Juiv.) celui de l'arpenteufe du tilleul {idem ibid.
p. 371); celui de l'arpenteufe de l'abricotier / id, ibid, pages
373 374); ceux des Tables xcr& c par Eléazar Albin.
* Dans un envoi poftérieuraà celui | différente de celle-ci, & dont la che-
qui renfermoit les nids dont il s’eft | nille eft auffi armée d’une corne fur
agi dans ce Mémoire, M. le Juge a | fapartie poftérieure, & qui ferecourbe
mis une efpèce de papillon de ce genre | ésalement de derrière en devant.
A a ii}
GENRE VI.
Geometra,
Géomètre.
GENRE VII.
Thips,
GENRE VIII.
Tinea,
Teigne.
r90 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Les antennes du papillon de ce genre font coniques,
courbes, velues d'un côté, & comme compofées de lames ;
la trompe n'eft formée que de deux corps déliés, fins
comme des cheveux, & éloignés lun de l'autre; les aïles
font pendantes en toit arrondi, ce qui vient de ce que le
côté interne des ailes eft beaucoup plus court que l’extérieur,
& que l'angle formé par le premier & la bale, fe trouve
ainfi plus rapproché du milieu de l'aile, & plus élevé.
La chryfalide eft conique, fes anneaux font armés de petits
crochets : elle eft renfermée dans une coque.
La chenille eft armée de crochets au bord inférieur des
anneaux, dont le premier eft fupérieurement cartilagineux.
Ce genre renferme le papillon de la chenille qui ronge le
peuplier, le frêne, forme, le chêne / Reaum. vol. 1, pp. 3 0 9
310; vol. I, p. 468); celui de la chenille qui ronge le
pommier (id. vol. 11, p. 469 & Juiv.); celui de la chenille
qui ronge forme (id. ibid. p. 471); celui de la chenille qui
ronge les têtes du chardon à foulon (id. ibid. p. 474); cœlui
de la chenille qui ronge les tiges dé l'aulnée /ici. ibid. p. 473);
celui de la chenille qui ronge les tiges de laitue, /id. ibid,
pages 471, 472).
Les antennes du papillon font coniques, fa trompe com-
pofée de deux petits corps éloignés l'un de l'autre, & recourbés
en dehors; les ailes font arrondies par le bas; elles font paral-
lèles, & recouvrent le corps dans Pétat de repos.
La chryfalide eft conique, life, renfermée dans une coque
de foie qui refte dans le fourreau que la chenille s’étoit fait.
La chenille fe diftingue fur-tout par les deux premiers
anneaux , qui font cartilagineux; par les pattes membraneufes,
qui ont un cercle de crochets, & par le fourreau qu'elle
fe fait.
Le nombre des teignes eft grand : on peut voir les fui-
vantes dans les Mémoires de M. de Reaumur fur les Infeétes,
favoir , la teigne à fourreau en crofle, à chaufle d'hypocras,
à tuyau couvert de brins de tiges de chiendent, à fourreau à
oreilles, à pan ou des murs, à pan ou des arbres, fait de brins
jh 1175
ne SSIClr EN CES 191
de genêt, angulaire ou du chène; la teigne des pelleteries,
la grande & petite faufle teignes de la cire, celle du cho-
colat, celle des grains, celle des cuirs, celle de la laine; Ja
teigne de l'eupatoire & arroche à fourreau angulaire, celle du
chuis, celle du cerifier à tuyau en forme de poiffon, celle
du pommier à tuyau femblable au précédent, celle de Forme
dont le fourreau eft en forme de poiflon & à boffe, celle
de f'aftragale, la falbalas, celle en manteau & du chêne.
Le papillon a des antennes coniques , la trompe fait plu-
fieurs tours de fpirale, les ailes font parallèles au plan de pofi-
tion; elles font larges par le haut, de forte qu'elles forment
un paralélogramme pluftôt qu'un triangle.
La chryfalide eft conique, life & enfermée entre‘les feuilles
qu'elle rapproche & qu'elle tapifle de fils de foie.
La chenille fe diftingue par les huit pattes intermédiaires,
qui ont un cercle complet de crochets ; elle s'agite & fe
donne des mouvemens violens lorfqu'on la touche.
Les papillons fuivans font de ce genre; le papillon de a
chenille qui lie les feuilles du chêne, de celle qui lie les
feuilles du poirier, de la ronce & du nefier, celui de la
lieufe du faule, de la lieufe du fenouil, de la rouleufe des
feuilles du chêne, celui de la teigne du poramogeton, celui de
la teigne aquatique; ces papillons ou chenilles font cités dans
les Mémoires de M. de Réaumur : les fuivans font d'Eléazar
Albin, favoir, ceux des Tables XXXvI, LXXII, LXXIII.
Le papillon fe diftingue principalement de ceux du genre
récédent, par fes ailes pendantes, frangées, & qui fe réu-
niflent dans l'état de repos vers le bout du corps, à peu près
en queue de coq; les antennes font coniques.
La chryfalide eft eonique, aigue; elle eft renfermée dans
une coque qui a la forme d’un fufeau, & qui eft cachée entre
les membranes des feuilles des plantes dont la chenille a mangé
le parenchyme.
La chenille n'a que quatorze pattes, les fix antérieures, &
fix intermédiaires pacées de façon qu'entre leur dernière paire:
& la paire des poftérieures il y a trois anneaux interpolés,
GENRE IX.
Ex.
Papillons lar-
ges d’épaules
ouchapiers, &
ceux des che-
nilles lieufes,
GENRE X.
Pyraufta,,
Mineufe.
GENRE XI.
Acia,
GENRE XII
Supera.
?
192 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Sous ce genre font rangés les mineurs en grand de l'orme, du
pommier, du chêne, du poirier, du noïfetier, celui de la rou-
leufe de l'ofeille, du pommier, de celles qui vivent en fociété
fur le lilas, fur le troëfne, rapportés par M. de Reaumur.
Le papillon de ce genre a les aîles arrondies à leur bafe; elles
font droites & éloignées les unes des autres lorfque l'animal fe
tient en repos; le dos & les épaules font chargés de touffes de
oils, les antennes font coniques, la trompe eft en fpirale.
La chryfalide eft conique, elle eft armée de deux crochets à
fa partie poftérieure ; la trompe efl longue & tournée du côté
de la tête; la chryfalide ef renfermée dans une coque qui
eft en terre.
La chenille n’a que douze pattes, les fix cartilagineufes
quatre membraneufes, & les deux poftérieures. k
Ce genre ne renferme encore qu'une efpèce qui eft le
papillon appelé gamma, à caufe d’une tache blanche qui eft
fur chaque aile fupérieure, & qu'on a dit reflembler à cette
lettre grecque.
Le papillon a des antennes coniques, à grains, droites
ou contournées, lifles ou chargées de pinceaux; a trompe
ne fait fouvent que deux ou trois tours de fpirale, fouvent
uatre & davantage.
La chryfalide eft conique, lifle; elle eft enfermée dans une
coque de foie pure ou rembourrée de terre, qui refte à fair,
ou qui eft cachée en terre ou entre des feuilles.
La chenille n'a que dix pattes, les fix antérieures, deux
membraneufes, & les deux poftérieures.
On pourroit peut-être féparer ce genre en plufieurs, peut-
être en quatre; les différences obfervées dans les papillons &
dans plufieurs chenilles, pourroient fufhre pour cela.
Je rangerai cependant fous ce genre le papillon dont la
chenille vit de plufieurs arbres, & qui eft décrit à la page
350 & fuivantes du fecond volume des Mémoires de M.
de Reaumur, & les fuivans qui font tirés de l'ouvrage d'Af-
bin, & qui font gravés aux Tables XXXIX, XL, XLIV,
XLV, XLVII, XLIX,-XCI, XCII, XCIII, XCVII, Ce
Les
D'E S© SN r E N C'E'S. I
” 28:
Les antennes du papillon font à plumes, feulement d’un
côté; la trompe n’elt compofte que de deux filets très-courts;
les aîles font pendantes, & elles font le dos d'âne par leur
réunion lorfque l'infeéte eift en repos.
La chryfalide eft conique ; la trompe eft couïte, les anneaux
ont deux rangs de crochets recourbés de devant en arrière;
la coque eft “double, l'extérieur eft de terre, l'intérieur de
brins de bois liés par de la foie, & doté aufli par
quelque liqueur.
La chenille a quatorze pattes, les fix cartilagineufes, Îles
huit intermédiaires, & au lieu des deux poftérieures, elle a
deux longues cornes renfermées dans un tuyau cylindrique,
GENRE XIII
Pfora.
que l'animal fait {ortir ou rentrer à volonté dans ce tuyau:
la tête peut fe retirer fous le premier anneau.
Sous ce genre fe rangent la chenille-poiflon, les chenilles-
chevaux marins, aïnfi appelées par M. de Reaumur , {a
chenille-araignée d’Aldrovande, celle qui vit fur le faule,
citée par M. de Reaumur, { vol. 11, page 275 ), celles de la
Table Lxv, par Eléazar Albin.
Les antennes du papillon font à plumes dont les barbes
font aufli des plumes; la trompe manque ou eft extrème-
ment courte; les aîles font parallèles au plan de pofition lorf-
que l'animal eft en repos.
La chryfalide eft conique, fans trompe, renfermée dans une
coque de foie.
La chenille a feize pattes; elle fe difissue principalement
par (douze) tubercules dont les anneaux font chargés; ces
LENS le font eux-mêmes de poils plus ou moins longs,
arrangés en rayons.
Ce genre renferme les papillons, grand, moyen & petit
paon, ceux qui font rapportés par Mile Merian dans le
fecond volume de fon ouvrage, aux figures 6, 11, 12,
22, 63, 65 & 211; la très-grande phalène à à plume du
Cabinet de Pétiver, 7, 8, c. 209, M. P. 789; la phalène
à plume, de Mariland, qui eft verdâtre, & qui a une queue,
Petiv. Gazophyl. 14, $,«& 543; la wès-grande phalène
Mém, 1749: . Bb
GENRE XIV4
Seres,
Papillon
paon.
194 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d'un brun-obfcur, appelée Chufan, &c. Petiv. Gaçophyl. 1 8,
3, « 212, & celui.de la Table xx1x, no 3.
Genre XV. , Les antennes font femblables à celles du genre précédent,
res la trompe eft compofée de deux corps cartilagineux qui for-
PE % ment un triangle; les ailes font parallèles au plan de pofi-
tion, l'animal étant en repos. )
La chryfalide eft conique, à la trompe courte; elle eft
renfermée dans une coque entièrement de foie, ou à grandes.
mailles, mais qui font remplies par quelques corps étrangers,
ou bien la coque en eft recouverte, ou eft enduite en dedans
d'une liqueur gommeufe ou réfineufe qui fe deffèche,
La chenille, qui a feize pattes, fe diftingue fur-tout par les
anneaux qui font chargés de (douze) tubercules qui font liffes
ou garnis de poils fimples ou éunis en pinceau.
Ce genre eft des. plus abondans; il renferme le ver--
foie ordinaire, le papillon de la chenille ziczac, ceux de la
chenille du cerifier & de l'aubépine, du pommier, ceux de
la livrée, de la millepied, de celle à oreille du chène &
de l'orme, de la commune, de celle du poirier, du prunier,
du faule, &c. des proceflionnaires ou évolutionnaires , de la
lièvre, de celle du pin, fe papillon-feuille sèche, des chenilles
à broffes du châtaignier, du prunier, du chiendent, de lhé-
riflone ou de la martre, de celle du gazon & de celle du
pommier. Tous ces papillons font décrits par M. de Reaumur
dans le premier ou le fecond volume de fes Mémoires. fur
les Infectes; les fuivans font tirés d'Eléazar Albin, favoir,
ceux des Tables XXVI, LXXXIX, XC; ceux des Tables x1v,
XIX, XLVII, LVII, LVII du fecond volume de Mie Merian,
font auf de ce genre; enfin les deux dont il aété queftion,
& dont les nids ont été décrits au commencement de: ce
Mémoire; L à
On peut voir maintenant fort aifément ce qui m'engage
à ranger ces chenilles fous ce genre; leurs dépouillés font
chargées de poils, les chryfalides font coniques, elles font
renfermées dans une coque de foie pure ou recouverte de
petits bâtonners : leurs nids, il eft vrai, ont la fingularité
{
DIE SUISNC LE N CE S ME 195
d'être fufpendus avec beaucoup d'art, ce que lon na pas
éncore vu dans d'autres efpèces, mais celles-ci emploient
pour faire le leur quelque adrefle qui, pour n'être pas auffr
grande, fe rapproche en quelque forte de celle des premières.
Les communes forment un nid pofé entre une fourche de
branche d'arbre, les proceffionnaires l'attachent le long d’une
grofle branche où d'une tige d'arbre , les autres le long
des arbres ou des murs, ou des pieux, ou de quelques autres
corps femblables, & toüjours à l'air; ainfi je crois qu'on ne
doit faire aucune difficulté de ranger ici Les papillons qui
viennent des chenilles qui font le premier nid, & qu'un
peu plus où un peu moins d’induftrie dans les uns ou les
autres ne doit pas féparer des infeétes qui fe rapprochent par
tant d’autres endroits.
On pourroit, à ces quinze penres, en ajoüter encore, à
ce que je penfe, au nioins quinze autres; mais comme je
nai pas encore pü, où par moi-même, ou par quelque
ouvrage imprimé, déterminer entièrement leur caractère, &
que la defcription des papillons, des chryfalides ou des che-
nilles manque, ou eft trop imparfaite, je me fuis contenté,
ne voulant pas faire un fyftème fuivi, de rapporter les pré-
cédens. Ce n'eft pas que l'on doive avoir du doute fur l'un
ou l'autre état des infectes des genres que je n'ai pas faits:
par exemple, on ne peut pas douter que le papillon à corne
de bélier n'en doive faire un; fes antennes, qui font con-
tournées & compriméés de haut en bas, fuffifent certaine-
ment pour le bien caractérifer, mais fa chryfalide & fa che-
nille ne font pas déterminées.
Celui de la page 278 & 279 du premier volume de
Mémoires de M. de Reaumur, & celui du Cabinet de Péti-
… ver, page 229, qui y eft appelé petit papillon à aïles pen-
intes, & dont le corps & les aîles font entièrement verds
… ou bleus, & qui n'eft peut-être qu'une variété du premier,
ient de ce genre.
Mers! Q
Le papillon-bourdon, dont les antennes font en maflue,
velues par Je bout, & comprimées latéralement ; doit faire :
Bb ÿ
GENRE XVI
ÆHepialus,
Papillon à
corne de bé=
lier.
GENRE XVIK
Pfaluges,
Papillon-
ourdon.
ét
196 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
un autre genie; mais on ne peut encore apporter pour
caractère de la chenille, que la petite différence qui fe trouve
dans la corne qu'elle porte fur le dernier anneau : cette corne
eft droite, au lieu que dans les chenilles des papillons-éper-
viers, au genre defquels celui-ci a beaucoup de rapport, elle
eft courbe de devant en arrière; ce qui ne paroîtra pas fans
doute fuffifant pour bien caraétériler ce genre.
J'y rangerai le papillon -bourdon ordinaire / Reaum.
vol, 1, pages 89, 90, 276); le papillon-mouche (id. ibid.
p. 277); le papillon -bourdon de la Caïoline, qui eft très-
grand, & de couleur de fer, rapporté par Pétiver dans fon
Cabinet, p. 32,7, & 549; & la phalène- bourdon à corps
noir, petit, & qui eft jaune à fon bout poflérieur (id, ibid.
p.421 60 54).
La forme des chenilles - Hope annonce une différence
Gewre XVIII effentielle dans les papillons & les chryfalides : ces chenilles ne
Tylus, font pas, comme les autres, d’une forme cylindrique, mais
E ES les anneaux font plats en FATERNE arrondis en defilus, &
portes. anguleux fur les côtés; le bout poftérieur du corps fe ter-
mine en pointe.
La chryfalide tient un peu de cette figure irrégulière; elle
eft plus grofle poftérieurement qu'antérieurement, au rebours
de ce qui devroit, à ce qu'il femble, ‘arriver, la partie pof
térieure étant plus grêle dans la chenille, & l'étant toujours
dans les chryfalides “de tous les autres genres ; celle-ci eft atta-
chée par le corps au moyen d'un fil qui lui paffe tranfver-
filement en deffous; elle a ainfr, de ce côté, du rapport avec
celles des papillons à queues.
Celui qui vient de ces chryfalides en a auffi beaucoup
avec ces derniers, il leur reffemble même par l'appendice
des aïles iférieness mais outre que l'aile eft plus arrondie
par le bas, que fon contour n'eft pas le même, je crois
devoir penfer qu'il a d’autres différences, qui, étant décou-
vertes, caractériferont bien ce genre.
H renfermeroit les papillons des chenilles - cloportes du
chêne, du baguenaudier, rapportés par M. de Reaumur; ceux
Ai ts me
=
UE SUMBNE) D E N° C' ETS 197
qui le font par Eléazar Albin, aux Tables v & n11.
Je ne puis encore me perfuader que le papillon de la che- Genre XIX.
nille qui vit de la mauve, ne faffe pas un genre différent; ce Muches,
papillon cependant convient avecdes trois ou quatre premiers
genres, par {es antennes, fa trompe, les barbillons où elle eft
renfermé, par fes pattes : on ne lui connoîit de différence
que par la pofition de fes aïles, qui font horizontales, ou qui
ne fe relèvent qu’un peu en s’inclinant vers le corps.
La chryfalide eft conique, life, recouverte d’une matière
farineufe; elle eft renfermée dans une coque à très-grandes
mailles, placée entre des feuilles rapprochées les unes des
autres par des fils de foie.
Ces difiérences dans la chryfalide, la propriété de faire
une coque, m'empêcheront toûjours de réunir ce genre avec
un de ceux auxquels il a.du rapport.
-: H n’y auroit encore de ce genre que le papillon décrit
à la page 272 du premier volume des Mémoires de M. de
Reaumur.
Les papillons-damiers ont encore plus de rapport avec Genre XX..
Je premier genre que le précédent, car ils ont même la pre Tenrorium,
. mière paire des pattes très-courte, mais elle n'eft pas fran- Papillon des.
gée: cette différence eft à fa vérité bien petite, mais ft on Era jé
la rapproche d’un certain port qui fait tout d’un coup recon-
noître ces papillons, je crois qu'elle doit engager à en faire un
genre féparé. Les aïles de ces papillons font plus arrondies
par le bas, leurs côtés font plus droits & plus égaux que
dans les aïles des papillons du premier genre.
Celui-ci contiendroit les papillons dont les chenilles vivent
de chiendent, & décrits aux pages 271, 431 du premier
volume des Mémoireséde M. de Reaumur; ceux des fig.
718%) 32, 33% 681du fecond volume de M.lte Mérian.
La propriété d'avoir les ailes divifées en plume, ne laiffe Genre XXI.
"aucun doute fur Ja féparation que l'on doit faire de ces pa- Æryopteris,
…_ pilons: elle les diftingue facilement: de ceux qui, comme al es :
_ eux, ont des antennes coniques, une trompe qui fait plu- Tee
…_ ficurs tours, fix pattes inégales.
+
Bb iij
198 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
Mais la chryflide, qui eft conique , & qui eft liée
horizontalement par un fil qui lui pafle plus haut qu'aux
autres qui font auffi liées, me paroît être déterminée par cette
propriété, trop généralement, de même que la chenille par
fes {eize pattes & par fes anneaux qui ont des tubercules.
Ce genre feroit déjà compofé de fept elpèces rapportées
par Pétiver, aux Tables LXvI, n° 10, 11, 12; LXVI,
n° 6,7, 3; & de celui qui a des aïles tachetées, cité par
M. de Reaumur /vo/. 1, pages 324 © 32 s), qui parle
auffi des deux premiers de Pétiver.
Le nombre des genres fe multipliera fans doute, & eft peut-
être déjà augmenté par les obfervations de quelques Auteurs
que je n'ai pas rapprochées ; mais ne n'étant propolé que de
donner quelques exemples pour chaque genre, je n'ai pas
voulu les trop étendre, n'ayant principalement eu en vüe que
de faire faire attention encore plus qu'on ne fait aux rap-
ports qui fe trouvent entre les papillons, les chrylalides & les
chenilles du même genre; rapports qui ne font pas encore
auffr bien établis qu'ils le peuvent être, & qu’ils le feront
probablement dès qu'on s'attachera à remarquer les plus pe-
ttes différences.
Ces recherches paroïtront fans doute à bien des perfonnes
de vraies minuties; ce font cependant ces minuties qui,
n'étant point connues, laifleront toûjours le Naturalifte exaét
dans l'incertitude, & qui lempêcheront de découvrir l’ordre:
qui a été mis entre ces êtres, & la liaifon infenfible qui les
unit les uns avec les autres : c’eft fouvent cette petite pro-
priété, qui échappe par fon peu d'apparence , qui fait ce
chaïnon qui entretient l'unité dans la chaîne, & ce n’eft que
lorfqu'on laura trouvée qu'on en verra la continuité, qui eft
tout ce que doivent chercher ceux-là même qui ne veulent
confidérer ; comme ils sénoncent , les êtres qu'en grand:
ceft ne vouloir fouvent en connoître que ce qu'il y a de
plus petit que de ne s'arrêter qu'aux propriétés les plus appa-
rentes, & que l'Oblfervateur le plus fuperficiel découvriroit
aifément : on ne faura toûjours par-là que très-groflièrement
DES/SCIENCES 199
l'Hifloire Naturelle ; on travaillera beaucoup, & l'on avan-
cera peu cette fcience, dont le point de perfection eft de
découvrir l'ordre véritable, celui que a Nature a fuivi. Plus
on approchera de cet ordre, & plus on verra que tout a été
fait fuivant certaines loïx & certains principes, & l'on s'affu-
rera que ces loix n’ont été fuivies que pour procurer à ces
êtres tout ce qui étoit néceffaire pour leur confervation : par-
B on parviendra jufqu'à pouvoir prédire ce que doit faire tel
outel animal, en connoiffant bien exaétement fes parties,
- dès qu'elles feront femblables à celles d’un autre dont l'in-
duflrie fera connue. A l'aide de ces lumières, l'Hiftoire Natu-
relle deviendra une vraie fcience; elle aura des principes inva-
riables, ou pluftôt on aura développé ceux qu'elle a déjà , &
ceux que l’Auteur de la Nature s'eft propolés, lui qui a auff
bien fait les clafles & les genres que les elpèces, les uns &
les autres ne dépendant pas plus de nous ques les efpèces
elles-mêmes. Nous avons bien imaginé les noms de dclafle,
efpèce, individu , mais ce n'eft qu'après avoir remarqué qu'un
certain nombre d'êtres avoient des propriétés qui, en les rap-
prochant entr'eux, les diftinguoient & les féparoient de plu-
fieurs autres qui formoient des genres différens par d'autres
propriétés qui n'étoient pas femblables à’celles -ci: de 1à l'on
a dit que le tigre & Ja panthère étoient d'un genre; que le chat-
pard, le chat, le lynx, étoient d’un autre; qu'un troifième étoit
formé de la martre, de la belette, de l'hermine: & pour ne
pas fortir.des animaux dont il,s’eftagi dans ce Mémoire, nous
ne pouvons pas davantage féparer les chenilles d’un des genres
quenous avons décrits plus haut, pour les faire paffer dans
un autre, que nous pouvons les ranger avec les lions & les
renards. Tous ces animaux ont été faits fur des modèles &
fuivant des vües bien différentes ; ils ont reçû tout ce qui
Jeur étoit néceflaire pour parvenir aux fins qu'ils devoient
employer pour fe conferver, & ces moyens ne font autres
que les parties qui leur ont été accordées. Lorfque ces parties
# reffemblent en général, nous difons que les animaux qui
les ont font du même genre : nous diflinguons les efpèces
200 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
par des qualités particulières, quoiqu'effentielles à ces parties,
& les individus par celles qui leur font accidentelles. Il eft
donc vrai de dire que quoiqu'il n'y ait eu de créé que des
individus, & qu'il n'y ait pas d'êtres particuliers qui confti-
tuent ce que l'on appelle clafle & efpèce, l'on a fait avec
juftice ces diftinctions, ou pluftôt qu'elles ont été faites par
l'Auteur de la Nature indépendamment de nous.
H auroit fans doute, avant ce temps, paru ridicule à toute
perfonne, même la moins inftruite, d'entrer dans une fem-
blable difcuffion, & de s'attacher à la prouver; mais de
même que les loix de la Nature font invariables, que tout
a été fait fuivant un plan régulier, que tout a été diftribué
fuivant certains genres & certaines clafies, il n'arrive de même
que trop fouvent à ceux qui cherchent à s'inftruire dans
l'Hiftoire Naturelle, d'y porter une confufion & un defordre
qui n’exiflent que dans leur efprit, & qui n'ont pour caufe
que leur peu de connoiflance. H faut avoir fait un certain
progrès dans cette fcience pour foupçonner tout l'arrange-
ment qui y a été mis: graces aux travaux d'un grand nombre
d'excellens oblervateurs en tout genre, nous commençons
à l'entrevoir: Von fait qu'indépendamment des rapports que
les êtres peuvent avoir avec nous & avec notre bien être,
ils en ont entreux, & que de ces rapports comparés les
uns avec les autres il réfulte une fuite de clafles & de
genres, qui mis ou pluftôt laiflés dans leur place naturelle,
forment un tout dans lequel homme même fe trouve placé.
L'on commence à avoir des preuves de ce que les Anciens
avoient foupçonné, fondés non fur les connoiffances pro-
fondes qu'ils euffent acquifes dans l'Hiftoire Naturelle, où
Jon ofe dire qu'ils n’étoient que fuperficiels, fi on les com-
pare avec les modernes, mais fur un préjugé avantageux
pour l'ordre que lon foupçonne prefque malgré foi, lorf-
qu'on a étudié jufqu'à un certain point lHifloire Naturelle,
& que l'on ne veut pas fe refufer à ce que l'on voit & à ce
qui fe préfente de foi-même: en eflet on commence à voir
que lon peut defcendre depuis homme jufqu'aux êtres
inanimés,
Dte sci E N'CES 207
* inanimés, ou remonter depuis ces êtres jufqu'à homme, de
F
L
façon qu'il s'y trouve une continuité qui n'éft point inter-
xompue, &: qu'au contraire les genres & les clailes font liés
les uns aux autres d'une manière infenfble: ceite vérité ne
demande même, pour être bien prouvée, que des obfer-
vations multipliées, & plus recherchtes quelles ne l'ont été
jufqu'à préfent. Nous en favons cependant déjà afez pour
_n'êue plusteffrayés de cette vérité, & pour ne pas ignorer
que fi elle n'eft pas encore dayte de tous les appuis dont elle
abeloin, elle en a cependant aflez pour que nous puiflions
preflentir ceux qui lui manquent ; Nous €QMinENÇoNs mème
à connoître ce qui peut être elientiel ow non à ces êtres;
nous ne fommes plus arrêtés par les différences, quel uefois
éole , qui fe trouvent entre deux elpèces d'un même
genre, loit du côté de la grandeur, foit du côté de la force,
de l'adefle, de la douceur : on ne feroit pas plus étonné
de voir, citrouille à côté du chêne, s'il étoit vrai que ce
: à fon lieu, qu'on ne left de voir quelquefois dans le
même genre une elpèce qui sélève en arbre; tandis qu'une
autre m'eft pas plus haute que fa main, comme parmi les
plantes on J'obferve entre les cornouillers. Dans les animaux,
une efpèce’aura la grandeur de l’homme, ou elle la furpañlera
même, tandis qu'une autre n'aura pas un pied ou deux de
hauteur, comme cela fe voit entre I& cerfsordinaire & celui
de Guinée *, entre les grands finges & celui de la rivière des
Amazones qui a la + rouge & le corps blancheïtre ; on
voit fans être füurpris des animaux aufli diférens par la force,
ladrefle & la douceur, que le loup, le renard & le chien,
réunis fous un même genre: ce n'eft point réellement par
des qualités qui peuvent changer que fon doit établir ces
genres, mais par celles qui font invariables, ou qui ne varient
que dans des cas extraordinaires. De plufieurs glands venus
En e
* A: Linnæus prétend que le petit | différence ne fera pas alors fi grande
cerf de Guinée eft une efpèce. de | d'efpèce à efpèce, quoique confidé-
chèvre, je foufcrisvolontiers au fen- | rable cependant. *
timent de cet habile Naturalifte : la
Mém. 1 749. | «: Ce
202 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
du même chêne, les uns pouffent jufqu’à des hauteurs de trente,
quarante ou cinquante pieds, d’autres ne s'élèvent pas plus d'un
pied ou deux, mais les fleurs ne changent pas pour cela, le
tiflu des vaifleaux refte le même, ou ne varie que dans des chofes
accidentelles. On a vü des loups adoucis, des renards privés, &
3.2 A . -
ne prendre que ce qu'on leur donnoït; on a vü au contraire
des chiens, de privés devenir fauvages & féroces; mais ces chan-
gemens ne dépendoient pas de changemens qui fetfüffent faits
dans quelques parties de ces animaux , qui font {es feules chofes
qui peuvent fervir à les bien faire connoître, quoiqu’en général
on puifle dire qu'ils*convienneñt même du côté de ces autres
propriétés. Ces animaux doivent naturellement vivre de ra-
pine, ils‘doivent chafler ceux qui leur ont été accordés pour
leur nourriture , voilà la propriété générale & eflentiellé# mais
ils le font avec plus où moins de force & d’adrefe, voilà €e
qui eft accidentel, & qui peut varier, comme il varie réelle-
ment, fuivant les befoins de ces animaux : d'autre ;*ati con-
traire ne change point, dès que ces animaux feront aban-
donnés à eux-mêmes ; elle eft aufli invariable que leurs parties
mêmes, dont l'examen apprendra toûjours, indépendamment
de ce qu'on pourra favoir de leur façon de vivre, ce qu’en
général ils doivent faire; & c'et même ainfr que les An-
ciens raifonnoient le plus fouvent. Les pattes de tel ou tel
animal font armées de doigts, d'ongles ou de fabots, ou ils
n'ont ni lun ni l'autre; leurs dents font faites de telle ou
telle façon, donc ils doivent faire telles ou telles chofes, &
vivre de telle où telle façon : raifonnement qui n'emporte
pas avec lui une conviétion entière, mais qui eft plus que
probable, & qui ordinairement fe confirme par l'hiftoire de
ces animaux, HET
Bien loin donc de croire qu’il n'y a pas eu d'ordre établi
entre les êtres créés, qu'ils ne font qu'autant d'individus qui
n'ont püû, & qui n'ont pas même dû être rangés fous des
chffes & des genres; qu'il cft indifférent de mettre à la
fuite de l'homme ou du finge, du lion ou du chien, une
mouffe ou une huître, je fuis perfuadé au contraire que l'affem-
un
DES SCIENCE S. 202
blage de tous ces êtres forme un tout qui fouffre ces divi-
fions ; que c'eft bien, comme on le dit avec complaifance,
une chaine qui n'efk qu'un cercle dont il peut être indiffé.
rent de compter les chaïnons par qu endroit cu par un
autre, mais ces chaînons fe font pas femblables en tout, ils
{ont diftingués s uns des autres parun caractère fpécifi-
que; qu'outre cela chaque chaînon eft lui-même compolé
d'autres chaïînens qui ont leur caractère propre : de 1à il ré-
fulte bien un tout, mais ce n'eft pas un tout homogène,
c'eft un-tout dont un.certain nombre de parties a été doué
de certaines proprittés, tandis qu'un autre l'a été d'autres
toutes différentes, quoiqu'elles t'ennent les unes aux autres par
quelque endroit. C’eft pat un de ces endroits. que homme
même sy trouve attaché, on ne peut difconvenir de cetie
vérité, mais ilfeft feul de fon genre; & fi du côté de fa
fübftance corporelle il tient aux autres êtres corporels, ïlen eft
entièrement féparé par cette fubftance fpirituelle qui l'anime,
qui le fait agir fuivant certaines idées réfléchies , différemment
combinées , & qui ne (it pas toujours les mêmes : cogme
les autres êtres corporels il n'eft pas néceffité à fuivre toù-
jours un certain plan, qui, à Ja vérité ,.eft bien. diverfifié pour
_chaque genre, mais que chacun de ces genres. doit exécuter
fervilementg &. toûjours de la même façon. Regardons donc
Yhomme comme devant entrer dans la compofition de la
chaîne de tous ces êtres , mais regardons-le comme le point
de réunion où es deux bouts de la chaîne viennent aboutir:
il faut, il eft vrai, pour que cette chaîne foit parfaite, qu'il
f trouve dans -cet endroit, comnie les autres font au lie
qui leur a été affigné : fans lui la chaîne feroit interrompue;
& fans trop fortir des:bornes de la Phyfique, l'on pourroit
peut-être dire avec certains Philofophes anciens, qu'il tient
4 Lie chaine d'êtres tout fpirituels par ceite fubftance .
<<.
bla
L
Je qui l'anime. Mais, pour ne nous point écarter. dus
point, de vüe fous léquel "nous favons jufqu'ici confidéré,
ne faifons point dificulté de dire, quoique cela l'ait déjà été
uné.infinité de fois, :qu'il,eft le premier des êtres terreftres,
Cci
, M
204 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
que c'eft lui qui doit commencer ceite chaîne, comme étant
celui qui doit commander à tous les autres qui la compo-
fent; où que fi on le regarde comme le dernier, ce ne peut
êtie que parce qu'il eflsla fin pour laquelle tout a été fait :
en le confidérant ainfr, il eft indifitrent de defcendre de lui
au dernier des autré$t êtres, ou de remonter dé ce dernier
jufqu'à lui; mais, quelque façon qu'on fuive, on ne peut le
faire d’une manière vague & fans fuite, ceiteschaine n'étant
point interrompue, mais une efpèce de chaînons étant liée
avec une autre, un genre dvec un genre, une clafle avec une
claffe, par des nuances infenfibles. Sans entrer dans un détail
qui nous mèneroit trop loin, & qui pourroit être la matière
d’un traité aflez confidérable, peut-on fe refufer à ces grandes
différences connues de tout le monde, qui ont été mifes entre
les animaux, les plantes & les minéraux ? ne voit-on pas
enfuite les animaux fe fous-divifer en différentes dlaffes, de
méme que les plantes & les minéraux! Ces premières &
grandes divifions font liées enfemble par des êtres intermé-
diaires qui tiennent des uns & des Mutres: les amphibies-qua-
drupèdes ne joignent-ils pas les quadrupèdes avec les’ poif-
fons, qui font liés aux reptiles par les amphibies reptiles?
les oïifeaux ne le“ont-ils pas avec ces mêmes reptiles, par
ceux de ces animaux qui s'élancent en Fair, & qui en quel-
que forte oyt la propriété de pouvoir voler? ne le font-ils,
pas avec les poiflons par ceux qui ont aufir une efpèce de
vol, comme ils le font avec les quadrupèdes par ceux qui
volent très-bien! La découverte des polypesine vient-elle pas
e nous apprendre la liaïfon des plantes avec les animaux?
& de ces plintes, n'y en a-t-il pas qui font aquatiques,
d'autres qui vivent fur la terre, & d’autres qui, comme dit
M. Boerhaave, font en quelque forte aériennes, en ne tenant
à fa terre que par les corps fur lefquels elles vivent fgns en
rien tirer? Dans la dlafle immenfe des infectes, n'y en ail
pas qui rampent fur terre, d’autres qui habitent les airs, &
d'autres les eaux? Mais bornons ici ce Mémoire déjà trop
long, & qui ne l'efl devenu que par un morceau qui paroiwa
” ki X
HN ET SMES) CUT E N'CIEUS 205
| peut-être déplacé, mais que je n'ai pù refufer à la convic-
tion où je fuis, que tout,a été arrangé avec le dernier
ordre, que tout a été diftribué fuivant certains principes, &
fuivant certains genres & certaines clafles.,
EXPLICATION DES FIGURES
Ÿ PuAnNcCHE ÎÏ
A, le nid en fon entier, fufpendu à une petite branche d'arbre.
B, le même nid, auquel on à ôté la toile foyeufe qui le recouwroit ,
: afin de faire voir l'arrangement des bâtonnets qui revêtent en
dehors la coque où la chryfalide eft renfermée. ]
C, la coque dépouillée de ces bâtonnets.
” PraAncure,.ËL
D, la même coque ouverte dans fa longueur, pour faire voir Ia
chryfalide 7, & la bourre qui: fert de bouchon pour fermer en-
tiérement la coque. «,
ÆE, cette chryfalide tirée de la coque.
F, partie de cette mémechryfalide, grofñe, pour rendre fes crochets Z
æ & les ftigmates M plus fenfibles.
G, partie de la foie qui fert à fermer l'ouverture inférieure de Ia
e coque, qui eft formée en tuyau.
- H,' dépouille d'une chryfalide, qui eft peut-être d'une mouche
r- ichneumon.
«
1 PL AN CHE LIT.
« À, nid dans fon entier, fufpendu à une branche d'arbre.
| B, coque ouverte dans fa longueur, pour mettre à découvert le réfeas
D, aumilieu duquel la chryfalide eft placée.
€, partie poftérieure dé la chryfalide, groffie pour fa inguer
$ fes crochets E. ,
PLANÇGHE IV.
F, nid ouvert dans fa longueur , pour que l’on diftingue les coques:
G, leur poñition & leur arrangement, & le réfeau A qui les
embraffe, outre l'enveloppe commune Z,
I, la coque.
Æ, chryfalide tiiée de fa qe. Ÿ
is. 2SY
e - i" LE
LL Ceci
Vu if
206 MÉMOIRES DE L' ACADÉMIE ROYALE
OBSERV'ATION
D E L'ECLIPSE D'E ML UNE
4
Du 2; Décembre 1 749: ”
Par M5 CaAssiNI DE THURY & MARALDI.
1 jours qui ont précédé celui de Eclipfe ayant été
très-favorables pour les obfervations aftronomiques,
nous en avons profité pour vérifier plufieurs élémens nécef
faires à la théorie de la Lune & à celle des écliples : le 22
Décembre, le ciel qui ävoit été couvert une partie de la
journée, fe découvrit le foir, & nous permit de faire l'ob-
fervation du paflage de la Lune au méridien , qui arriva à
11h 13" 242: la hauteur apparente du bord fupérieur de
a Lune fut obfervée avec le quart-de-cercle mural, de 654
53” 0". +
Cette obfervation, qui ne précédoit que de vingt heures
q 5 é
le temps où devoit arriver Fécliple, pouvoit fervir # recon-
noître fi le calcul de la* Connoïffance des Temps étoit exaét,
ou, ce qui revient au même, di les élémens que l'on avoit
empruntés des Tables étoient éxaétement connus: car il eft
évident que quelle que foit l'imperfeétion des Tables, elles ne
peuvent différer fenfiblement dans un intervalle de temps
auf K que celui qui fe trouvoit entre lobfervation du
paflage méridien & le moment où devoit arriver l'éclip{e;
& au cas que le lieu de la Lune calculé pour Fheure de
l'ebfervation fe trouvât conforme au lieu oblervé, il y avoit
à préfumer que la détermination des autres phales de l'écliple
fe trouveroit à très-peu près conforme à l'obfervation.
Pour déduire la longitude & la latitude de 11 Lune: de
lobfervation faite au méridien ,#fai fuppofé l'afcenfion droite
du Soleil de 2714 28° 36", la parallaxe horizontale de Ia
Lune de 56° 51", fon So ti vertical de 1 LS" SA
-
Men, de L'Ac.R. des J'ez749 Pay. 206 Pl10.
:
È ë
i RE
k ù
è
Ÿ
&
Ÿ
$
Careme del.
Mer, de l'AcR des Se1749 Lag, 206 PI 11,
Aem, de L'4e-R der Sexo Pag206 LH.
Men. de L'10.R des Se2749 Pag,206.Pl 22,
JAigrem Jeu.
Monde Le R. das S1749 Pay, 206 -Pl 12,
=
Lim de l'4e.R des So27gg Pay w6 NB,
.
Mm de Le R das Sozygg Pay WE Pl.
FL "ENT 4E NO LE | LAS Pons \ya
MENU UD "ES CSMir £ ni ciel 207
l'obliquité de l'écliptique de 234 28° 30", & j'ai trouvé {a
longitude de la Lune à 204846 45", & fa latitude de
AU ONE 6": |
Ayant calculé felon les Tables de mon père, & felon celles
de Flamfleed, la longitude & la latitude de la Lune pour
l'heure de l’obfervation, l'on trouve la longitude de la Lune,
felon les premières, de 204 47’ 42”, & felon les dérnières,
de 204 46° 21"; la latitude, felon les premières, de 14
45" 51", & felon les dernières, de 14 4546"; ainfi,
entre le calcul tiré de ces Tables & le réfultat de l’obferva-
tion, il ne fe trouvoit pas une minute de différence, ce qui
eft une précifion au delà de tout ce qu'on peut efpérer, &
ce qui fembloit nous aflurer de l'exactitude des Tables de
mon père dans Ja prédiction des phafes de l'écliple que fon
devoit oblerver. ,
Heureufement le ciel a été très-favorable pour lobferva-
tion : il ne fut pas facile, comme il arrive très-fouvent, de
_diftinguer au commencement de l'édipfe ombre d'avec la
pénombre ; cependant on peut aflez compter fur la détermi-
. natiôn des autres phafes, l'ombre ayant été très-bien terminée
À
À
F
L
|
pendant toutle temps de l'édiipfe.
. Je me fuis fervi, pour faire cette obfervation, d’une lunette
de 8 pieds, garnie d'un micromètre dont les réticules com-
prenoïent exaétement le diamètre de la lune, & la divifoient
en douze doigts ou parties. ji
… . +
À 6h 57 o" la pénombre commence.
il paroît que l’éclipfe commence, mais on ne dif
tingue pas évidemment le terme de l'ombre.
un demi-doigt d’éclipfé. 2
SAR dans l'ombre.
uñ doigt. 111 }
un doiot & demi.
l'ombre à Tycho.
deux doigts. LE
Tycho"dans l'ombre, "
l'ombre à mare humoyum.
208 MÉMOIRES DE LÂCADÉMIE ROYALE
À 7" 28° 40" trois doigts. |
3$ 50 mare humorurlidans l'ombre.
43 oo quatre doigts. n'7
$ 5o cinq doigts & plus grade éclipfe. :
12 ÿ5o lombre à Langrenus.
23 12 Langrenus dans l'ombre. "
29 48 Capuanus fort.
émerfion de Schikardus.
V5 Vo co so © où © co co co co N]
25: 40
39 45 quatre doigts. #
48 20 Tycho fort de l'ombre.
so 25 émerfion de Tycho.
52 135 trois doigts.
3 41 deux doigts.
12 40 un doit.
21 45 fn doutcufe,
22 15 fin certaine. La pénombre ‘eft encore fenfible.
Selon cette obfervation, la durée de l'écliple a été de
2h 22°: on trouve dûfli le milieu de l'éclipfe par la phafe
d'un, doigt, à 8h 16° 50"; par celle de deux doigts, à
8h 10° 33”; par celle de trois doigts, à 8h 10° 27"; &
par celle de quatre doigts, à 8h 1122" ® .
Comme le réfultat de cette obfervatiôn différoit confi-
dérablement des temps marqués dans la Connoiïflance des
Temps, où le milieu de lécliple devoit arriver à 8h 18",
c'efl-è-gire, 7 minutes plus td qu'il n'a été oblervé, j'at-
tendis avec impatience le paflage de l1 Lune au méridien,
qui arriva à 12h 8° $8"+. La hauteur apparente des deux
bords de la Lune fut oblervée, lune de 644 58" 25", &
lauue' de 644 26° $0". Le diamètre de la Lune a employé
2° 21"+ à pafier au méridien. J'oblervai auffi le paflage
d'Arétuius au méridien, qui arriva 7h 43° 25"+ après le paf
fage de la Lune; & fa Hauteur méricienne, de 6 14 40" 20".
Le calcul de cette obfegvation donne, en fuppofant la
cenfion droite de la Lunede 944 5 26 28", & fa déclinaifon
de 234 56’ 27", la longiiude de cette planète, 4% 27° 1 fa
& fa
DES SCIENCES. 209
& fa latitude de od 32’ 25° peu différent de celui que don-
nent les Tables de mon père, favoir, de 44 27' 38", avec
une latitude de od 33" o", & celles de Flamfteed, qui don-
nent la longitude de cette planète au mème temps, de 44 27°
44", avec une latitude de od 32° 12°.
Cette conformité entre l'oblervation & les Tables prou-
voit évidemment une erreur , non dans les hypothèles, mais
dans le calcul de la Connoiffance des Temps : je jugeai donc
devoir refaire le calcul, & je trouvai en effet tous les élémens
différens, & tels que je les rapporte ici.
À 8% 4 42" temps de l'oppoñition.
D PME LE 2 commencement de l'éclipfe.
8 13 26
9 25 8
Grandeur 5ÿ doigts.
Ê Mém. 1729. 11 ltd
26 Nov.
1749.
210 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
OxBuSGELR F ‘À 2T. T'ONNS
Sur les pernicieux effets d'une efpèce de Champignons,
appelée par les Botanifles, Fungus mediæ magni-
tudinis totus albus. Vaillant, n° 17, page 63.
Par M. LE MONNIER Médecin.
UoIQUE l’hifloire nous ait tranfmis un grand nombre
(@. d'exemples des mauvais effets des Champignons, nous
ne voyons pas cependant qu'on foit aufli précautionné qu'on
le devroit être contre un mets dangereux au point de nous
Ôter la vie; & nous ne laïflons pas de voir de temps en temps
plufieurs perfonnes devenir les viétimes de leur gourmandife
& de ce funefte poifon.
Je n'examinerai pas {1 c'eft par un effet naturel de 'in-
tempérance que nous fermons fi volontiers les yeux fur les
dangers auxquels nous fommes expofés, lorfque nous cher-
chons à fatisfaire nos appétits en général; je remarquerai feu-
lement que, dans le cas dont il s'agit, on peut aufli attribuer
la plufpart des accidens qui arrivent, à ce que nous ignorons
véritablement quel'es font les elpèces de champignons qui
empoilonnent, & quelles font celles dont on pourroit manger
fans péril.
I feroit à fouhaiter que les Auteurs qui nous ont laiffé
des hifloires des pernicieux effets de cette plante, euflent
mieux fit connoitre les efpèces qui les ont produits, afin
qu'on pût s'en préferver par la fuite; c'eft dans cette vüe
que j'ai entrepris d'écrire 'hiftoire fuivante, dont les acci-
dens furent occafionnés par l'efpèce que les Botaniftes appel-
lent Æungus mediæ magnitudinis totus albus, le champignon
blanc de moyenne grandeur, que M. Vaillant range ‘dans Ja
chffe de ceux qui font feuilletés, avec une tige folide &
fans anyeau, ol
DES MMNCNTRE NCA SAME 271
» Vers le milieu du mois de Septembre dernier, une famille
de Saint-Germain qui vivoit à la campagne, mangea à.
dîné d'un ragoût de champignons qui avoient été ramaflés:
fous la châtaigneraie du village de Chambourcy : malheureu-
fement ce ragoût fut trouvé fort bon; & perfonne n’en ayant
été incommodé, on réfolut de s’en régaler encore une fois.
Deux jeunes demoifeiles qui s’étoient fait un plaifir de cette
artie, allèrent dès fix heures du matin en ramañler plein
une corbeille fous la même châtaigneraie, parmi les bruyères:
ni les remontrances que leur firent des payfans qui pafsèrent,
fur la mauvaife qualité des champignons qu'elles cueïlloient,
ni Fhiftoire qu'on leur rapporta de cinq perfonnes qui en
moururent il y a quelques années dans un hameau du voi-
finage, ne pürent les détourner de leur projet : une douzaine
de ces champignons fut mife fur le gril, & mangée à déjeüné
par les mêmes perfonnes qui les avoient cueillis : elles en
apprétèrent elles-mêmes un autre ragoût qui fut fervi à
table, & dont toute da famille, compofée de fix perfonnes,
mange: en grande quantité, chacun s'efforçant de louer {a
délicatefle & l’excelience de ce mets fi pernicieux.
Heureufement pour les domeftiques, le maître ordonna
que ce qui en refloit füt réfervé, ce qui les garantit des acci-
dens qui furvinrent bien-tôt à toute la familie.
Vers les quatre heures après midi, une des demoïfelles
qui en avoit mangé à deux repas, fentit quelques maux de
cœur dont elle ne fe plaignit qu'à fes compagnes : elle effaya
de les diffiper en mangeant d'une compote de poires; les
naufées fe calmèrent effectivement pendant quelques momens,
mais elles revinrent le foir aflez fortes pour l'empêcher de
fouper, tandis que tout le refte de la famille, ne fe fentant de
rien, mange avec l'appétit ordinaire. Enfin, fur les dix heurés
du foir, ces naufées fe changèrent en de grandes douleurs
_ d'eflomac, de fréquens vomiffemens, des douleurs de coli--
que très-aigues, fuivies de felles bilieufes, & la malade tomba
dans un grand accablement : ces fymptomes furent regardés
comme les fuites d'une indigeftion ; on lui fit avaler quelques
Dd ij
212 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoïYALE
verres d'eau chaude dont elle fe trouva un peu foulagée, ce
qui fit que chacun s'en alla coucher. Cependant le devoie-
ment & les vomiffemens continuèrent ; & trois autres per-
fonnes plus âgées s’étant trouvé très-incommodées des mêmes
accidens vers le milieu de la nuit, on fit moins d'attention
aux accidens de la première, & ce ne fut que fur les fept
à huit heures du matin qu'on fe foupçonna empoifonné par
les champignons, & qu'on envoya chercher du fecours à
Saint-Germain.
À onze heures du nmntin, je trouvai fa première de ces.
malades fort abattue par la violence des vomiflemens & des.
felles réitérées : le pouls étoit concentré, fréquent & foible:
au point de-devenir imiperceptible; les extrémités fupérieures
étoient froides, & elle n'avoit pas la force de fe lever pour
fes befoins; enfin la manière dont elle étoit couche fur le
dos, & la foibleffe de fa voix, exprimoient fon abattement.
Elle fe plaignoit fur-tout d'un gonflement douloureux vers
le creux de l'eflomac : en y portant là main je trouvai la
région épigaftrique un peu gonflée, & j'y fentois les batte-
mens de l'aorte auffr forts que fi la pointe du cœur eût frappé
en cet endroit; au refte elle ne fentoit aucune douleur de
tête, fon jugement étoit très-fain, & elle fatisfit. pleinement.
à toutes les queftions que je lui fis. Je n'informuai fi elle avoit,
rendu des champignons non digérés par haut ou par bas,
mais je n'en püs être éclairci:
En confidérant 1 douleur & l'embarras qui me paroif-
foient être dans les premières voies, aufli-bien que tous les
fymptomes que je viens de rapporter, je compris facilement.
que la caufe de ce defordre- étoit du genre des invitantes,
& qu'ainfi la principale indication étoit de la combattre par.
les remèdes relàchans & adouciffans : pour cet effet , je recom-
mandai à la malade de boire très-fouvent de l’eau de poulet,
ou de la tifane adouciffante faite avec la racine de guimauve
& la graine de lin : j'ordonnai qu'on lui donnät de quatre
en quatre heures un lavement fait avec la décoétion des herbes
émollientes, & qu'on lui appliquât fur l'épigaftre le marc de
RE PERS
Die SNNB/C:1 = NICUENS 213
ces mêmes herbes en forme de cataplafme & de fomentation.
Cependant, pour la mettre en état de foûtenir l'effet de ces
remèdes, & pour ranimer un peu le pouls, je lui fis prendre
d'abord un fcrupule de thériaque délayé dans un peu de
bouillon. Quoique tous ces remèdes n'aient pas été exécutés
avec toute l’exactitude-néceflaire, à caufe du nombre-des ma-
lades & dutrouble que caufa cet accident, elle paffa néanmoins:
le refte de la journée fans vomir ; elle n'eut que quatre ou cinq,
felles, dans lefquelles elle rendit quelques morceaux de cham-
pignons non digérés, & la nuit qui fuivit fut affez tranquille.
Le deuxième jour au matin, je trouvai les évacuations:
du ventre un peu ralenties ; mais la cordialgie & l'accable-
ment fubfiftant toüjours, je foupçonnai que {a plus grande:
partie des champignons étoit encore dans les premières voies,
& qu'il falloit fuivre les mêmes indications que h veille:
c'eft pourquoi je prefcrivis les mêmes remèdes, & je reftai
auprès d'elle tout le jour pour les lui faire prendre-plus régu-
lièrement, Leur fuccès fut que la tenfion douloureufe du ventre:
fe diffipa, que le pouls devint plus développé & moins:
fréquent, & que le foir elle ne fe plaignit plus que d’une
grande foiblefle : elle eut une évacuation bilieufe, dans laquelle:
japerçus fept à huit morceaux de champignons.
Le troifième jour, Île calme ayant perfifté pendant toute
la nuit, & ayant confidéré la nature des évacuations, l'état du
pouls qui étoit encore devenu meilleur, enfin la peau ayant,
paru un peu humide, & les urines ayant coulé plus libre-
ment, je profitai de ce calme pour lui donner une méde-
cine, compofée de deux onces de manne fondue dans 1a:
décoction d'une demi-once de catholicum. Cette médecine, .
qui fut foûtenue d'une ample boiffon d'eau de poulet, opéra.
doucement , fit évacuer encore des champignons , & le foir.
elle fe fentit bien dégagée, n'ayant plus ni. douleur :ni batte-
ment dans la région de eftomac: elle prit un bouillon ordi-.
maire avec plaifir; & après avoir rendu encore: fept à huit.
morceaux de champignons , elle: s'endormit pendant huit.
heures, fans interruption.
Dd üj.
214 MÉmeires D» L'ACADÉMIE RoyaLE
Le quatrième jour elle s'éveilla dans une affez bonne dif-
poñtion, & fe fentant un peu d'appétit elle demanda un
bouillon ; peu de temps après elle {e plaignit d'un grand
étouffement, le tranfport la prit aufli-Ôt, elle ne reconnut
plus la voix des perfonnés qui l'environnoient, & elle refufa
opiniâtrément tous leurs fecours : fon caraélère naturellement
doux & riant fe changea par cette frénéfie en une obftination
outrée, & elle n'employa le peu de connoïffance qui lui
reftoit, qu'à témoigner fa réfolution à ne plus rien prendre.
Lorfque je la vis environ trois heures après ce nouvel acci-
dent, elle avoit la refpiration très-irrégulière, entre-coupée de
foupirs & de bâillemens continuels; elle avoit beaucoup d'a
gitations & d'inquiétudes dans toutes les parties de fon corps;
elle étoit pâle & froide au vifage & aux extrémités fupé-
rieures, enfin fon pouls étoit à peine fenfble: j'eflayai en
vain de lui faire prendre quelques boiflons, elle les refufa
conftamment avec horreur, elle s'agitoit d'une manière tou-
chante, lorfqu'on lui vouloit donner un lavement ou quel-
que autre remède malgré elle.
En mettant {a main fur le creux de fon eflomac, je m'a-
perçus que le battement de Faorte fe faifoit fentir auffi fort
que les jours précédens : je fis appliquer fur le ventre des
fomentations d'herbes émollientes, en attendant que j'eufle
fait préparer un bain d'eau chaude dans lequel j'étois réfolu
de la faire mettre pendant quelque temps.
Tandis que l'on préparoïit ces remèdes, je me rappelai
que cette demoifelle m'avoit fouvent confulté fur des douleurs
de bas-ventre très-aigues, & dont elle fouffroit beaucoup,
Jorfqu'elle étoit fur le point d'avoir fes règles; elle les avoit
ordinairement toutes les trois femaines, & fuivant ce qu'elle
m'avoit dit aux premières queftions que jelui fis, nous ap-
prochions de ce terme: elles lui prirent effectivement tandis
que je faifois ces réflexions ; le calme qui fuccéda à cet évè-
nement & qui dura deux ou trois heures, me fit croire
qu'elles avoient eu beaucoup de part à ces violentes agita-
tions, & que la malade feroit bien-tôt dans un meilleur
D E S WS/C 1 E N° € ES 21$
“état ; cependant le délire continua, & les règles s'étant arré-
tées, les agitations recommencèrent. Je lui fis mettre les
pieds dans feau chaude pendant 30 minutes, les règles
revinrent très-bien, elle fua beaucoup, fon pouls fe déve-
loppa un peu, & les extrémités fupérieures réchauffèrent ;
mais les règles s'étant encore arrêtées au bout de quelques
heures, & les agitations ayant redoublé, je lui fis faire une
faignée du pied, que je n'avois différée qu'en confidéra-
tion des évacuations qui avoient précédé : les règles repa-
rurent un peu, mais les autres fymptomés ne. diminuèrent
point, la refpiration fut toute auffi pénible, 1e pouls ne fe
développa pas, le battement de la région épigaftrique étoit
plus fort que de coûtume, enfin la mâchoire fut fermée par
les convulfions de fes mufcles : je réitérai la faignée du pied
au bout de quatre heures, je fis renouveler & augmenter
les fomentations émollientes, fans un meilleur fuccès: la ref.
piration s'accéléra par degrés, & devint trèslaborieufe, les
convulfions des mufcles de la mâchoire augmentèrent, enfin.
tout fon corps fut teint en un inftant d'une jaunifie univer-
felle, & elle expira fur les dix heures du matin, juffement
à la fin du cinquième jour de f1 maladie.
La jaunifle diminua fenfiblement après la mort, 1e blanc
des yeux revint dans fon état naturel ; la bile qui le coloroit.,.
fe ramaffa en une tache verte aux deux extrémités du dia-
mètre horizontal de chaque prunelle.
À Touverture de fon cadavre je trouvai le péritoine, F'é-
piploon & l'eflomac dans leur état naturel: ce dernier vif.
cère avoit cependant quelques marques d’inflammation aux
environs du pylore : le duodenum étoit fi gonflé dans fon
origine, qu'il étoit plus gros que n'a coûtume d’être 'inteftin
colum dans l'état naturel, & il étoit comme étranglé quatre
ou cinq pouces plus bas que lorifice des canaux cholédoques
& pancréatiques: c'étoit fans doute le gonflement de cet
inteftin étranglé, qui me rendoit fenfibles les battemens de
Faorte fur laquelle il étoit polé; les vaiffeaux de fes mem-
branes étoient encore tous remplis de ang, & on voyoit
216 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
intérieurement fur fon velouté des taches pourprées avec
quelques légères excoriations. La partie du méfentère qui
répond à cette portion d'inteftin, étoit aufli enflammée &
dans une tenfion extraordinaire; le foie paroifloit plus rouge
-que dans état naturel, il étoit plus dur & plus gonflé qu'il
n'a coùtume d'être : la bile renfermée dans fes vaifleaux
auffi-bien que celle de la véficule du fiel, étoit d'un verd
très-noir, au contraire de ce qui arrive communément dans
les fujets très-gras, comme étoit cette demoifelle. Le canal
cholédoque offroit un phénomène fort fingulier ; il étoit
étranglé dans fon milieu par une bride membraneufe au point
qu'il me fut impoñlible de faire pafler la moindre goutte
de bile dans le duodenum, en preffant foit le foie, foit la
véficule; entre le foie & l'obflacle, le canal étoit gonflé par
ha bile; la portion comprife entre la bride & le duodenum,
étoit vuide, blanche &tranfparente: c’eft fans doute l'étran-
glement de ce canal, caufé par l'irritation des membranes, qui
a occafionné la jauniffe univerfelle qui parut une demi-heure
avant la mort: les vaifleaux de la région hypogaftrique ne
parurent aucunement engorgés, excepté vers le fond de la
matrice, où il parut un peu de fang extravafé entre cette
partie & la membrane qui l'enveloppe; toutes"les autres
parties furent trouvées faines, & je n'ai aperçu aucune ma-
tière dans toute l'étendue du canal inteftinal.
IL paroït par ce détail de la maladie & celui de l'ouver-
ture du cadavre, que la mort a été occafionnée par une vio-
Jente irritation des parties membraneufes, du duodenum, du
méfentère, & d’une partie du foie, auffi-bien que par l'étran-
glement que cette iritation a caufé dans les vaiffeaux de
toutes ces parties; mais comment ces accidens ont-ils pà
fe réveiller & .devenir en un inflant auflt graves & aufir
funeftes, fur-tout après huit heures de fommeil & après tous
les bons fignes qui avoient précédé? c'eft un problème qu'il
n'eft pas facile de réfoudre.
La mère de cette demoïifelle, âgée d'environ quarante-cinq
ans, d'un tempérament aflez robufte, mangea une quantité
a
D E'SNIMMNEUT E N° C ES 217
affez confidérable des mêmes champignons avec le refle de
fa famille; elle ne reflentit aucune incommodité pendant le
courant Ge la journée, elle foupa avec fon appétit ordinaire,
& s'endormit tranquillement : elle fut réveille fur les trois
heures après minuit par des douleurs d’eftomac & des vomif
femens très-violens ; elle alla du ventre un grand nombre de
fois, & ne rendit que des matières liquides & bilieufes, parmi
lefquelles on ne remarqua pas de champignons. Je la trouvai
fur les onze heures du matin dans un grand accablement,
avec le pouls petit, foible & fréquent: le ventre étoit un peu
élevé & tendu, mais les douleurs d’eftomac qu'elle reflen-
toit ne provenoient, à ce qu'elle difoit, que de la fatigue du
vomiflement : en eHet, elle vomifloit à chaque moment. Elle
avoit avalé, un peu avant mon arrivée, une grande cuillerée
d'huile d'olive, qu'elle revomit avec beaucoup d'efforts: au
milieu de ces évacuations , fa langue étoit sèche & chargée,
& marquoit beaucoup d'ardeur dans les parties intérieures.
Je lui fis prendre pendant toute cette première journée
beaucoup d’eau de poulet, & quelques lavemens émolliens,
en forte que les évacuations fe modérèrent un peu fur le foir;
mais elles continuèrent pendant toute la nuit, & confervèrent
toüjours la même qualité.
Le fecond jour, te dévoiement continua, la matière étoit
crue & bilieufe; on continua à lui faire prendre beaucoup
d'eau de poulet & de lavemens anodins, en forte que le foir
les évacuations fe modérèrent, & la malade fut un peu
mieux.
Le troifième jour au matin, tout paroiflant affez calme,
elle prit un purgatif compofé de catholicum double & de
manne : elle rendit plufieurs morceaux de champignons, mais
le nombre des felles fut confidérable, & les dernières furent
fort claires & fort fétides. Je lui donnai le foir quinze gouttes
de laudanum liquide dans un peu d’eau de poulet, ce qui
lui procura du fommeil, & fit qu'elle n'alla que deux ou trois
fois pendant la nuit. :
Le quatrième jour au matin, elle eut plufieurs felles d'une
Mém. 1 749, . Ee
218 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
eau roufleûtre & très-fétide, accompagnée de raclures qui
m’annoncèrent que le fang ne tarderoit pas à paroïtre, Je fis
redoubler les boiflons adouciffantes & les lavemens anodins;
mais, malgré tous ces fecours, le flux de ventre augmenta,
& les matières devinrent entièrement teintes de fang. Le
pouls refloit foible & imperceptible ; les extrémités conti-
nuoient d’être froides, & la malade ne reflentoit plus aucune
douleur ni mouvemens dans le ventre; cette partie étoit
affez molle, excepté que vers la région épigaftrique il y
avoit toüjours un peu de tenfion : elle prit encore le foir
quinze gouttes anodines dans une portion légèrement cor-
diale, & elle repofa paifiblement pendant la nuit ; mais le
lendemain cinquième jour de fa maladie, malgré les lave-
mens anodins & les boiflons adouciflantes , le flux de fang.
continua avec plus de furie que la veille, la malade tomba
dans un grand affoupiffement, fon vifage devint boufh, &
j'aperçus dans fes yeux les traces d'une jaunifle qui s'étoit
déjà répandue par tout fon corps : fes matières étoient teintes
d'un fang noir, mêlé de raclures & de flocons mucilagineux
parmi lefquels elle rendoit fouvent des grumaux de fang
caillé qui dénotoient l'érofion de vaifleaux fanguins plus
confidérables que les capillaires; elle fut toute la journée
dans des foibleffes continuelles, elle devint prefque fourde,
& quoiqu'elle eût les yeux ouverts & fixes, elle n’aperce-
voit les objets qu'avec peine; enfin elle eut quelques accès
de délire pafagers.
Je fis ce même jour une confültation fur fon état, avec
M. le Gagneur Médecin de Verfailles, dans laquelle il fut
convenu de donner à la malade quelques cuillerées d’une
potion compolée de /lium de Paracelfe, d'efprit volatil de
corne de cerf fueciné dans une eau légèrement cordiale: ce
remède lui fut adminiftré dès le foir & pendant toute la
nuit, fans aucun changement dans les fymptomes.
Confidérant donc que la malade étoit fort affoiblie par
toutes le$ évacuations précédentes, que la quantité de fang
qu'elle rendoit par gros caïllots augmentoit continuellement
DÉE! SMIC LT. E NYCELS 219
fa foiblefle, en même temps qu'elle défignoit un défaut de
reflort dans les vaifleaux fanguins, que tous ces accidens
fort graves n'étoient plus accompagnés d'aucun fentiment de
douleur, enfin que le danger étoit des plus preflans, je me
déterminai à employer les aftringens modérément ftiptiques
dont j'efpérois du füccès, tant pour calmer cette violente
hémorragie, que pour arrêter la pourriture gañgréneufe dont
ces parties paroifloient menacées. Mais, pour avoir un meil-
leur fuccès de ces remèdes, je crus à propos de faire pré-
céder un émétique dont Faétion un peu vive réveillät le
reflort des fibres engourdies, & fit détacher les matières qui
pouvoient s'être arrêtées dans les glandes & dans les vaif-
feaux depuis que ces parties avoient perdu leur aétion; pour
cet eflet, le fixième jour au matin je fis prendre à la malade
vingt-quatre grains d'ipecacuanha dans de la conferve de
rofes: ce remède ne produifit aucun vomiffement, mais il
fit évacuer par les felles une grande quantité de flocons
glaireux, moins fétides que les précédens, le tout accom-
pagné de fang qui ne coula pas néanmoins en une quantité
plus confidérable qu'il n’avoit fait précédemment.
Environ quatre heures après l'effet de l'ipecacuanha, je
donnai à la malade un verre d’une teinture de rofes rouges,
faite avec affez d'efprit de vitriol pour la rendre auffi acide
que la langue la pourroit fupporter.
Ce remède réuffit felon mes efpérances, & j'eus la fatif
faction de voir le flux de fang diminuer confidérablement
dans après-midi; cependant, pour ne pas fupprimer tout
d'un coup l'évacuation des matières nuifibles, je fis prendre
à la malade une bonne cuillerée d’une forte teinture de rhu-
barbe faite à l'eau avec les cendres de bois neuf: l'évacua-
tion fe foutint en eflet, & par le moyen de la teinture
de rofes que je lui fs prendre fucceffivement après celle de
rhubarbe, le fang difparut entièrement des felles le feptième
jour à midi.
À mefure que ces évacuations devenoient plus rares, &
que les matières fe rapprochoient davantage de l'état naturel,
Ee ÿ
220 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
le pouls fe relevoit & devenoit plus fenfible, lafloupiffement
diminuoit, & l'ufage des fens fe rétablit peu à peu ; la malade
eut dans la nuit quelques moiteurs que je regardai comme
critiques, & qui furent fuivies de quatre à cinq heures de
bon fommeil.
Le huit, les matières paroiffoient tout-à-fait bilieufes ; elle
n'eut dans toute la journée que quatre felles de bonne qua-
lité, & on continua l'ufage alternatif des teintures de rofes
& de rhubarbe.
Le neuf, les matières continuèrent à couler de meilleure
qualité; cependant la jauniffe & la boufhflure fubfiftoient
toûjours : je fubftituai à la teinture de roles une tifane faite
avec les racines de chicorée fauvage, de piflenlit & de fcor-
fonère, auxquelles j'ajoûtai un gros de fel de Glauber par
pinte de tifanne; elle eut tout le fuccès que j'en pouvois
attendre, if furvint le dix un petit mouvement de fièvre
qui dura huit à neuf heures, & qui fut terminée par un
fommeil doux accompagné de fueurs. La nuit du onze, les
urines coulèrent abondamment d'une eouleur jaune-foncée
fans aucun dépôt; la jaunifle fe diflipa à la fuite de cette
évacuation : enfin fe quatorze, la malade fut dans une parfaite
convalefcence, & après avoir été purgée trois fois avec la
manne & la rhubarbe, fa fanté s'eft trouvée auffi parfaite
qu'auparavant.
La fœur de cette dame, âgée d'environ trente-fix ans,
mangea aufli à diner fept à huit morceaux de champignons;
elle ne reflentit aucun mal de cœur du refte de la journée,
foupa à l'ordinaire, & dormit très-bien jufque vers les quatre
heures du matin qu'elle fut éveillée par une violente colique
accompagnée d'envie de vomir. Toute cette première journée
fe paffa à vomir avec effort, & à aller à la {elle; elle prit
de la thériaque, des lavemens émolliens & anodins, &
une grande quantité de boiflons adouciflantes, & nonobftant
tous ces remèdes elle efluya les jours fuivans à peu près les.
mêmes accidens que fa fœur: elle eut de plus, que fes dou-
leurs de colique furent prefque continuelies, & qu'elle fut
DES: SCIENCES 221
fort tourmentée d’une toux que lui caufe un ulcère au
poumon gauche, dont elle eft afHigée depuis fept à huit
ans ; cependant, après que fa maladie eut parcouru à peu
près les mêmes périodes que celle de fa fœur, & qu'elle
eut ufé des mêmes remèdes, tous les accidens difparurent,
auffi-bien qu'une boufhfiure au bras & à la main gauche,
dont j'avois tiré un mauvais pronoftic, en forte qu'elle eft
aujourd'hui dans un état aufli tranquille que le permet une
maladie du caraétère de la fienne.
Les trois autres perfonnes n’eurent pas des accidens auffi
graves que ces premières ; le père de famille, âgé d'environ
cinquante ans & fort robufle, fut pris à deux heures du matin
de violentes coliques avec des évacuations très-abondantes
r haut & par bas: il eut des mouvemens convulfifs dans les
mufcles de l'abdomen, de forte que fon ventre s’enfloit pro-
digieufement & fe contraétoit avec beaucoup de viteffe, &
en lui caufant des douleurs infupportables : il éprouva de pa-
reils mouvemens convulfifs dans les mufcles des jambes, des
cuifles & de la gorge ; néanmoins, au moyen des énormes.
évacuations qu'il eut la force de fupporter, il fut bien-tôt
quitte de tous ces accidens ; ïl lui refta feulement un peu de
jauniffe qui fe diflipa d'elle-même en peu de jours; il fit
ufage des huileux, de la thériaque & des mêmes boiffons
adouciflantes que les autres perfonnes.
La cinquième perfonne embpoifonnée fut une demoifelle:
d'environ vingt ans, d'un tempérament foible & délicat, que
la crainte des maladies de poitrine aflez funeftes à fa famille
engage à obferver un régime fort exact; elle ne mangea que
par complaifance un morceau ou deux de champignons, &
fut jufqu'au lendemain à midi fans reffentir aucune incom-
modité ; elle eut, comme lés autres, de violens maux de
cœur, des vomiflemens, & le cours de ventre: fon pouls
devint petit, foiblé, & prefque infenfible, & elle fouffrit
beaucoup du gonflement & des battemens qu'elle reffentit
dans la région épigaftrique. Tous ces accidens fe difipèrent.
le même jour, à la réferve du dernier, qui perfifta pendant.
Le ii},
222 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plus de quinze jours : elle fut pendant plus de trois femaines
fans fomimeil &c fans appétit ; {es rècles, qui ne s'étoient ja-
mais dérangées; ne revinrent qu'avec peine & après un
rétard confidérable; elle reflentit de grandes douleurs dans
les jambes & dans les cuifles, qu'on ne doit point attribuer
au retard de fs règles, puifque ces fyrptomes parurent le
premier jour de fon accident: la Nature, aïdée d'un régime
bien régulier, fit évanouir peu à peu tous ces fymptomes.
L’hifloire de la fixième perfonhe offre une circonftance
affez fingulière; elle mangea autant de champignons que
celle qui mourut, & néanmoins elle fut vingt-fix heures fans
fe trouver incommodée : peut-être qu'une courfe fatigante
qu'elle fit à pied pour aller chercher du fecours, fit qu'elie
en fut quitte pour quelques naufées & pour un dévoiement
modéré qui dura deux ou trois jours; elle eut auffi un gon-
flement au creux de l'eftomac, & reflentit pendant plufieurs
jours de violens battemens en cet endroit; elle fut foulagée
fois.
Par le récit que je viens de faire, il paroît que les cham-
pignons de l'efpèce que les Botaniftes appellent, Fngus mediæ
magnitudinis totus albus, font véritablement pernicieux, &
peuvent caufer des accidens mortels; que ces accidens ne
font pas les fuites d’une fimple indigeftion, d'un gonflement
fpongieux de cette plante dans l'eftomac, non plus que d'une
froideur coagulante que quelques-uns leur ont aitribuée, mais
d'une irritation inflammatoire, caufée par le fuc de ce vé-
gétal.
En vain on m'objeftera qu'ils n'ont aucun goût âcre ni
piquant qui puifle les faire regarder comme dangereux, puif-
qu'on voit tous les jours des matières du règne minéral qui
n'ont aucun goût, produire dans l'eftomac ces fortes d'irri-
tations. :
C'eft auffi en vain qu'on nr'objeétera que les fymptomes
que je viens de rapporter, font ceux des maladies qui rè-
gnent le plus communément pendant les mois d'Août &
de ces maux par les remèdes que j'ai indiqués déjà plufieurs
à
|
D'Els MSNENI E NE: ES 223
de Septembre, favoir, le colera-morbus & la dyfenterie : je
répondrai qu’il feroit fort extraordinaire qu'une famille com-
polée de fix perfonnes fe ‘trouvât fi fubitement fujette aux
influences d'une conftitution épidémique, qui ne { feroit
fait fentir que fur ceux qui auroient mangé des champignons,
& non point fur les domeftiques, ni fur aucune autre per-
fonne du même village. Au refte, je conviendrai volontiers
que cette maladie peut fe rapporter au colera-morbus & à
la dyfenterie, pourvü qu'on m'accorde qu'elle a été immé-
diatement caufée par le fuc empoifonné de nos champignons.
21 Mai
1749°
224 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
O EPEUR P À TO NS
BOTANICO-METEOROLOGIQUES
Faites au château de Denainvilliers, proche Pluviers
en Gâtinois, pendant l'année 1748.
: Par M. pu HAMEL.
AV VERT IS SN ENMIE NUE:
| Mo Obfervations météorologiques font divifées en fept
colonnes, [a première indique les jours du mois, fa
feconde, le vent qui a régné le plus fréquemment, n'étant
pas poffible de marquer toutes les variations qui arrivent dans
le cours d’une journée. Les trois colonnes fuivantes font def
tinées pour les obfervations du thermomètre, la première
défignant les obfervations du matin, qui ont été faites à huit
heures, fur quoi il eft bon de remarquer que le thermo-
mètre étant placé dans l'angle de deux murailles, fur une ter-
raffe expofte au nord, il marque 2 degrés ou 2 degrés + au
deflus de zéro, quoiqu'il gèle, principalement quand les gelées
ne font point continues: les obfervations du milieu du jour
ont été faites à midi, & celles de la fin du jour, fur les onze
heures du foir. On s'eft toüjours fervi du thermomètre de
M. de Reaumur, & on part du point zéro, ou du terme de la
glace: la barre à côté du chiffre indique que le degré du
thermomètre étoit au deflous de zéro; quand les degrés font
au deffus de ce terme, il n’y a point de barre.
La fixième colonne eft deftinée pour le baromètre; & les
obfervations ne commencent qu'en Juin, parce qu'un acci-
dent arrivé au baromètre d’oblervation nous a mis dans la
néceffité de nous en procurer un autre.
La feptième colonne indique pour chaque jour s'il a tombé
de la pluie, de Ja grêle, de la neige, &c.
JANVIER,
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THERMOMÈTRE.
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Baromètre
a eue, ee
. [petite pluie.
.| beau,
.| variable.
.|variablé.
-|givre la nuit, le jour variable.
. | variable.
.| beau.
.| beau.
.|un peu de neige.
.|couvert, bruine après midi.
.|beau, gelée blanche.
. .ygrand brouillard le matin.
| gelée blanche le mat. brouillard tout le j.
.| couvert ,-gelée à glace le matin.
.|beau, gelée blanche.
. [brouillard & givre.
ETAT) DU! CIEL.
brouillard froid,
grand brouillard & solace.
couvert, petite neige.
2 ; CRETE
variable le matin, beau après midi, gelée.
petite neige.
couvert, un peu de ncipe.
pluie, bruine, verglas, & dégel le foir.
variable, gelée aflez forte, petite neige.
gelée qui pénètre de 8 pouces en terre.
couvert.
variable.
variable.
couvert.
couvert le matin, arande pluie le foir.
Ü
OR EM LIT ER < EET RNECSNEE
226 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le mois de Décembre 1747 ayant été fort doux, les
blés étoient fufffamment forts au commencement de 1748 ;
tout le mois de Janvier a été aflez froid, le thermomètre
n'ayant pas monté plus de trois degrés au deflus de zéro,
& le 13, il étoit à 10 au deflous.
Les pluies ni la neige n'ayant point été abondantes, ce
mois peut pafler pour fec.
Quoique le froid ait été affez vif, les blés n'étoient
point fatigués ; il eft vrai qu'il ny a prefque point eu de
verglas.
On commença le 27 à labourer pour les mars.
Il n’y a point eu de maladies régnantes, excepté le long
de la forêt, où il y avoit des petites véroles.
DES SCIENCES. 227
DRE RIT CE R
THERMOMÈTRE.
ETAT DU CIEL.
Matm | Midi. | Soir.
- [grand brouillard & givre tout le jour.
-|gelée blanche.
.| variable,
RC Ut. pluie pendant [a nuit.
O +. . . .|grand brouillard, grêle & neige.
N. she o |... . .|temps fombre.
N. o 4 o 1..... variable.
N. E. 2 s 4 |... . .|variable.
O. 4 6 FR RE variable.
S. 2 6 $ |+- « . .| beau temps, gelée blanche,
S. S 7 GREEN il a bruiné toute la journée.
N. 4 7 33): + + - brouillard lematin, beau temps le foir.
N. 3z3| $5 12e . . .|temps couvert le matin, beau le foir,
NA 2 IN ON Sn beau temps, gelée à glace. :
N. |—41) © |—2 |... . .|Pbeau temps.
N. |—2 1 EI MENANE beau temps.
N. 2 æ EX M CHCECMONS variable.
N. = A 5} 0 CICR ON CS pluie froide.
N. D ME © |... . .|variable.
N. —2 IN 20 0e 0 variable , gelée blanche.
N. |—3 Chi PRENSRS beau temps, dégel.
mi
|
Lai
EE NRC E neige & grand vent.
Nr Re re 0 beau temps.
N. NI LA) ECO] CESSE grand brouillard , givre en verglas.
SU CR Al ral beau temps.
N. |—:12 . . . .| variable le matin, verglas le foir.
N.
N.
rm
[ex]
. + + + . {neige la nuit & le matin,
s « + + .|variable.
a: Senepiés neige le matin.
FE 7
228 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Tout le mois de Février a été froid & fec; le thérmo-
mètre a quelquefois monté à midi à 7 degrés au deflus de
zéro, mais il a gelé prefque tous les matins, & le 27 le”
thermomètre eft defcendu à 6 degrés au deffous de zéro; les
gelées ont empêché d'avancer les labours des mars.
Vers la moitié du mois, on a commencé à tailler la vigne.
Les perce-neiges ont fleuri le 2, les noifetiers le 9: à la
fin du mois, les blés étoient fort beaux : les petites véroles
exceptées, il n’y a point eu de maladies régnantes.
Le fetier de blé pefant 240 livres, fe vendoit dix-fept
à dix-huit livres.
DE) SMIC 1 E RechEfs 229
MARS. !
FILTTS ee S
Jours THERMOMÈTRE.
du | VENT. | am | Baromèrre ETAT pu CIEL.
Mois. Matin | Midi.{| Soir.
CEE EE et
Degrés. | Degrés. | Degrés.
1 N:ocl—2il 7 © |+.. . .[beaugemps, giboulées après midi.
2 N. o 1 |—:1 * * + *]variable.
3 N. o 5 © |* * : * :|beau le matin, neige après midi.
4 | N. —5$ |[—2 |[—7 * r * {neige la nuit, beau foleil le jour.
$ S. —$ O4: sale grand brouillard.
6 | N.E. |—5 |—4 |—38 + * «+ «|temps beau, grand vent.
7. N. |—9 |—5 |—38 * * *]beau temps.
8 | N —10%—5$ |—6 |: * : + -|beau temps.
9 S. |—5 —22l o |: : + : +lcouvert, neige le main.
10 | N.O. o 2 o + + «]variable, Ia neige fond au foleil,
II S. o 3 3 + + * -lbruine & pluie.
L 12 | N.0O. 2 4 o + + + «| variable le matin, giboulées le foir.
13 S. (o] 323| 42l° * : + -|couvert, pluie froide, neige & grêle.
| 14 ©. 4z\ 5 3 + »+ grand vent, pluie & grêle.
15 S. $s 7 7 | * * - -|couvert, pluie & grêle.
16 ©. $ 6 3
17 ©. 32103 1 |::+ + + -|grande pluie, neige fondue & grélots,
18 | N.O. Salt. 2 o * + -|pluie, neige & grêle.
19 | N.O. o:| 3 1 |... gelée à glace la nuit, brouillard.
20 N. o 4 2 variable.
21 N. (o] 4 o * | beau temps; gelée blanche,
22 N. o 2 £ gelée à glace très-forte.
23 N. —i1il 2 |[—1x -|temps fombre, neige, gelée à glace.
24 N. |—2 o |—12 -Ineige, gelée à glace. c
25 N. |—2 o |—2 - [neige.
26 N. |—1 |—1 o -|neige.
27 TON. o o o « |temps couvert, neige.
28 N. o 2 o + |petite neige.
29.11 N°0: o 3 I variable, gelée blanche.
30 | N. O. o 3 o - | variable, petite neige.
31 N. |—2 |—2 o . . [beau temps, vent hâleux.
RER
FF
230 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le vent de nord a régné pendant tout le mois de Mars,
qui a été très-defagréable à caufe des pluies froides, de la
neige & de la grêle qui font tombées très-fréquemment; il
a gelé prelque tous les matins, & le 8 le thermomètre étoit
à rod + au deflous de zéro ; les terres étoient couvertes de
mares d'eau; les rivières ont débordé.
Il n'étoit pag poflible d'avancer les Jabours par le mauvais
temps qu'il faifoit, & les ouvrages étant fort retardés, les fer-
miers ont été obligés d'acheter des chevaux pour augmenter
le nombre de leurs charrues; malgré cela, il étoit impof-
fible de faire les mars dans les terres fortes.
Les troupeaux & les pigeons ont beaucoup confommé
de grains; le prix du blé a monté jufqu'à vingt-une livres
le fetier, & la même melure d'avoine fe vendoit fix à {ept
livres.
Le froid empéchoit les vignerons de tailler la vigne, &
les pluies de la labourer; ainfi les ouvrages des vignerons
étoient auf retardés que ceux des fermiers.
Ces mauvais temps ont fait beaucoup de tort aux pota-
gers; les laitues d'hiver, une partie des falfifis, les carottes
rouges, ont été prefque entièrement perdues, mais les carottes
jaunes n’ont point fouflert : beaucoup de fleurs de pèchers
& d’abricotiers ont été endommagées dans leurs boutons.
Tout étoit très-retardé ; les boutons des poiriers commen-
çoient cependant à blanchir, & on a eu bien de la peine
à femer les oignons & les autres graines potagères.
Quelques perfonnes âgées ou attaquées de maladies chro-
niques font mortes; mais il n’y a point eu d’autres maladies
régnantes que des rhumes, qui n'étoient pas même dangereux.
-|pluie par ondées.
231
ETAT DU CIEL.
temps beau, ferein & hâleux.
brouillard.
gelée blanche,
beau temps.
variable & lourd,
variable , petite pluie,
couvert & variable, vent mol.
variable.
variable.
variable, pluie & grêle.
temps variable, gelée blanche.
- [grand brouillard le matin.
pluie continuelle.
couv. & hum. lem. beau le refte du jour.
beau temps, ciel très-étoilé le foir.
beau temps, gelée à glace,
beau temps.
-|beau temps.
.|couvert.
grand vent, tonnerre. -
petite pluie.
pluie & tonnerre.
temps couvert & bruine.
variable, grêle,
gelée, temps variable, grêle,
pluie & bruine.
forte gelée à glace, variable fans pluie.
D'E'SMISNC 1 E N'CHENS
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THERMOMÈTRE. L
Pr TS, | Baromètre
Matin | Midi. | Soir. d
Degrés.| Degrése| Degrés.
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3 6 NME NME ES
3 8 hrs
232 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE |
Le commencement du mois d'Avril a été affez doux, le
vent ayant été au fud-oueft; le thermomètre a même monté à
1 5 degrés au deflus de zéro, à midi; mais le refte du mois, par
un vent de nord-oueft, il a gelé prefque tous les matins.
Quoique le ciel ait prefque toujours été couvert, & qu'il foit
tombé très-fréquemment de petites pluies, de la grêle & de la
neige, la terre étoit très-sèche, parce que l'eau ne tomboit que
par cantons ou en petite quantité. Quoique ces vilains temps -
euffent prefque fufpendu la végétation, & qu'il n’y eût pas plus
de verdure qu'en hiver, les pêchers & les amandiers étoient en
pleines fleurs, qui n’étoient pas gelées, mais très-fatiguées.
Les fleurs des cerifiers n'étoient point épanouies, néanmoins
il y en avoit beaucoup qui avoient été gelées dès le mois de
Mars: les poiriers étoient encore en boutons, & à peine la
vigne avoit-elle commencé à remuer. Le 1 2, il n'y avoit encore
que quelques fleurs de violette; ce même jour les abeilles cont-
mençoient à travailler, on voyoit quelques papillons, & les cha-
tons des noifetiers étoient épanouis. Vers le 1 $, on a fini de
femer les avoines dans les bonnes terres de la plaine; dans ce
temps la vigne commençoit à pleurer, & on entendit le rofit-
gnol. Le 19, on commença à voir les fcarabées dont on fait
f'onguent : le 21, on vit quelques hirondelles : le 26, nous
eumes des nouvelles certaines que la maladie des beftiaux faïfoit
du ravage dans le Berri; enfin le 30, on trouva des morilles.
Excepté les avoines tardives, les autres étoient très-bien levées;
les blés étoïent bas, mais bien verds dans les bonnes terres de
la plaine; ils étoient fort clairs dans les terres fortes, & très-
vilains dans les terres argilleufes, le long de la forêt, l'eau du
printemps ayant endommagé la racine. Les feigles ne faifoient
que commencer à monter en tuyau, & on n'avoit point encore
vû d’épis. Les vignerons fe font preffés d'achever de tailler leurs
vignes, & de leur donner la première façon. Le prix du beau
blé a été de dix-huit à vingt livres, celui de l'avoine, de fix.
Les rhumes ont continué; il y a même eu des fluxions de
poitrine dangereufes, & les petites véroles ont toüjours régné
fur le rein de la forit.
MAT.
RÉ - SELS
D NN Ou eh OO m
SDIJE SHC IE N° CE 233
TM AL
Degrés.| Degrés.
S. HA
S. ©. $ 12
S. s<| 123
E. 6 | 15
©. 14 | 12
S. 8 | 11
S? 112] 14
SE 11 | 11
S. 9 10
S. 95| 13
S. 112] 13
E> 13 16
S. 11 | 14
S. IL 15
S. 13 | 15
S: ul 7
E. 14 | 22
S.E. | 14 | 19
S. O. | 13 | 15
S*O: Hroxhurs
N. O. | 10 | 16
S. 15 | 14
S. O. 10 | 14
N.N.O.| 9 | 12
N. 6 | 10
N. 6 9
N. 65, 12
N. 10 | 17
N. 15 | 20
N. 14 | 215
N. E. 4 22
Mém. 1749:
THERMOMÈTRE.
nn. HN
Matin | Midi. | Soir.
—
Degrés,
9
CE EEE ENS OP ES
Baromètre ETAT DU CIEL.
*
| oo
+ + + « . [pluie froide.
» pe deite pluie.
52 EMSIEe temps beau, gelée blanche.
+ + + + [beau remps, tonnerre le foir.
++ «+ + -|pluie douce.
+. + + +|pluie & bruine.
stone tes pluie.
++ + + -|pluie abondante.
-.|grande pluie & tonnerre,
ss... variable.
pluvieux.
[temps couvert,
À É L ; Lo
ss. variable, chargé de nuages.
+ -|variable & tonnerre.
+ + + .]variable,
+. + + + [beau & fc.
+ + + « +|beau temps.
++ + -|couvert &-lourd.
+ + + + [beau temps, nuages.
..« + + -|vent froid & hâleux, temps variable.
_le + « - -]pctite gelée.
+. + + «|remps nébuleux, vent froid & dur.
ee beau temps, vent froid & häleux.
+ + + + [beau temps:
... « «+ -|beau & chaud.
. + + - [beau temps.
. . lourd, tonnerre.
234 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le commencement du mois de Mai a été frais; il a fait
fort chaud vers le milieu, & très-froid vers la fin, il a même
gelé.
If a plu fréquemment pendant tout le mois , mais ces
pluies n'étant pas abondantes, la terre étoit toûjours affez
sèche; au commencement les abricots étoient gros comme
des fèves : les pêchers étoient en pleine fleur, de même que
les amandiers.
‘ Le 5, les charmilles commençoient à prendre de la ver-
duie; les fleurs des pruniers s’épanouifloient, les grofeillers
à grappe étoient en pleine fleur.
Le 6, on a forti les orangers, & on a commencé à manger
des pigeonneaux de lies
Le 7, on vit ces petits fcarabées jaunâtres qui men Ko
les hannetons.
Le ro, on vit des hannetons.
Le 12, notre rivière étoit débordée; les fruits à noyau
étoient tout blancs de fleurs; les tilleuls d’Hollande étoient
aflez verds, mais les tilleuls communs n’avoient pas encore
de feuilles : les frênes, les noyers & les picéas commençoient
à poufler, mais la vigne ne montroit point encore fon bour-
geon.
Nous avons obfervé que quand on coupe une branche à
un jeune noyer en Janvier où Février, il fort quelques
pleurs de l'endroit coupé; néanmoins ceux à qui on a coupé
des branches ce printemps, lorfque ces arbres commençoient
à poufler, n'ont point répandu de liqueur, quoiqu 'aflurément
ils fuflent plus remplis de sève.
Le 15, la vigne étoit aflez fortie de fon bouton pour
qu'on püt juger qu'elle ne produiroit pas beaucoup de raifin.
Le 17, les boutons du mürier commençoient à s'ouvrir,
& on entendit chanter le coucou.
Le 18, les cerifiers, les pruniers & les poiriers défleu-
rifloient , & les pêches étoient affez groffes pour s'être dé-
barraffées de leurs fleurs ; les hannetonf étoient en affez
grand nombre fur les érables & les merifiers, mais on ne
en siens -
mt ENG re É NT CHE 225
voyoit aucune forte de chenille; dans {es jardins bas les lé-
gumes étoient dE par les limaces.
: Le 22, les fraifiers étoient en pleine fleur, les ormes
mavoient point encore de feuilles, les blés montoient en
tuyau, les feigles épioïent, & les pommiers étoient en pleine
fleur.
Le 30, l'air s'adoucit, on entendit le loriot, les grillons,
& le foir les chauve-fouris & les coufins voloient; on a vû
beaucoup de ces petits papillons qui viennent ‘de la teigne
du blé.
Les blés n’étoient pas beaux dans les terres fortes, dans
les bonnes terres ils étoient fort verds, mais bas; le beau
s'eft toûjours vendu dix-huit à vingt livres le fetier.
Les avoines étoient très-bien levées, mais il y avoit des vers
ou des efpèces de chenilles qui en mangeoïent la moëlle, ce
qui leur a fait bien du tort; c'eft pourquoi l'avoine fe ven-
* doit fept livres dix fols ou huit livres.
Le chanvre a levé très-promptement.
La vigne étoit très-retardée, & montroit très-peu de
raifin ; les grofeilliers à grappe qui étoient en fleur, ont beau-
| coup coulé : on a été obligé de refemer les fèves, les pre-
mières ayant pourri.
* I y a eu beaucoup de rhumes & de fluxions de poitrine
- dangereufes.
236 MÉMOIRES DE LACADÉMIE ROYALE
JNOMIEN,
ETAT DU CIEL.
Mois. Matin | Midi. | Soir.
TEE Degrés. | Degrés. bise pouce. lign. De RAT ET
i S. E. 1éMiree Tu6 + « orage.
2 S 168 firs + temps lourd.
3 S. 15 | 19° | 18 -|variab. aurore bor. depuis N, E. & O.
4 S. II 14 l'r2 - | variable.
s @: T'AS II + - | variable.
GANAN SOMMES 11 . -| variable.
- S. 128) UCI -|nébuleux,
g S. ANNTSMIErS . -|nébuleux.
9 Si 14 | 18 | 14 |. . . + .nébuleux & lourd,
10 S. O. 14 15 ren) COtA ERA variable.
11 S. O. 10 15 14 |- +. . .|variable,
12 S. 14 18 15 |[27. 9 |beau temps. ”
13 62 15 | 20 | 17 |27. 9 |beau temps.
14 SE? 17 | 21 15 |27. 8 |tonnerre, pluie, éclairs.
1$ S. 14 | 17 | 13 |27+ 9 [heau temps.
16 Si 13 16 13 127. 10 |variable.
Ter S. 14 |....| 16 |27. 10 |beau temps.
1 8 S. 1$ 22:| 19 |27. 10 |beau temps.
19 | S.S.E. | 18 | 25/20 !27. Oo lgrand vent & brûlant.
20 N. Le REA 19 |27. 10 [orage la nuit, variable le jour.
21 12 18 | 242021 2 9 |variable.
22 S. 20 | 26 | 22 |27. 9+|brouillard, temps variable.
23 E. S. 214] 27 | 22 |27. 8 |beau temps. |
24 St 17 | 19 | 16/27. 7 |grand orage la nuit, variable le jour.
2$ N. 15 | 20 | 16 [27. 114] variable.
26 | N.E. | 17 | 20 | 18 |27. 10 |temps beau.
2 NIOMNNS 16 14 127. 11 |grande pluie.
28 | N.O. | 13 | 15 | 12 |27. 10 [temps couvert, petite pluie,
2 N. O. | 12 | 19 | 14 |27. 10 |variable,
30 N. 12 | 16 | 15 |27: 11 |variable.
EE ORNE RE EE ER à CE GR ARE SE (EE |
HAE DE ISNMBNC. 1 EN, GIE, 237
Ce mois a été fort chaud, le thermomètre ayant monté
à 27 degrés au deflus de zéro.
Au commencement il a plu prefque tous les jours, & il
.eft même tombé des à-verles confidérables.
Le 3, il y eut une aurore boréale; fes feigles entroient
en fleur.
Le s, on commença à faucher les premièrs fainfoins pour
les vaches.
Le 6, il y avoit encore beaucoup d’hannetons.
Le 7, on travailloit à donner la feconde façon à la vigne,
Le 11, on vit des cantharides.
Le 12, il y avoit des fraifes qui commençoient à rougir;
les acacias étoient en pleine fleur, & on feryit des pois
verds pour la première fois ; les effains des abeilles com-
mençoient à fortir.
Le 17, on fervit des fraifes, & on fauchoit les ns
pour les chevaux. ;
Le 18, on commençoit à ne plus guère voir d'hannetons.
Le 20, les blés épioient, les avoines montoient en tuyau,
les rofiers & les fureaux commençoient à fleurir, & on
ferroit les fainfoins.
Le 21, la vigne entroit en fleur, & on entendit chanter
la cigale, & prefque plus chanter le roffignol.
Le 23, les vignes étoient en pleine fleur; on commen-
çoit à cueillir la fleur d'orange.
Le 25, quoique le thermomètre placé au nord ne fût
qu'à 20 degrés au deflus de zéro, l'air étoit étouffant, &
plufieurs chevaux & quelques ouvriers périrent prefque fu-
bitement.
Le 27, on acheva de ferrer les fainfoins; comme ils avoient
pouffé tard à caufe des fraïcheurs du printemps, l'herbe étoit
baffle, mais bien fournie, & de très-bonne qualité.
re feigles commençoient à jaumir.
Le .30; on vit quelques cantharides, quoiqu'on n'en eût
pas vü depuis plus de quinze jours.
. Les chaleurs & l'humidité de ce mois ont été très-favo-
Gg i
238 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYAL»
rables aux blés, aux menus grains, & aux vignes; le prix
du blé a un peu baifé, il ne fe vendoit que quinze à feize
livres, & l’avoine, cinq livres dix fols.
Les fermiers ont conne leurs labours ; les vignerons ont
accollé leurs vignes, & achevé de donner la feconde façon;
ils ont aufli commencé à arracher les oignons de fafran.
I n'y a point eu de chenilles, ainfi la verdure n'a été
endommagée que par les hannetons, qui ont entièrement dé-
pouillé les noyers & le haut des paliflades d'érable ou de
charme; mais les petits bouquets de bois de la Beauce ont
été abfolument dévorés par ces infeétes; les cantharides ont
peu endommagé les frênes. .
La petit rivière d'Eflonne a toûjours été fort grofle: les
grandes chaleurs ont fait périr, comme nous l'avons dit,
quelques perfonnes de travail; au refte il n’y a point eu de
maladie régnante.
DE S.ASLC.I1.EN C'EIS 239
+ + MU LL LUE
THERMOMÈTRE.
Baromètre
ETAT Du CIEL.
Matin | Midi. | Soir.
Degrés.| Degrés. | Degrés | pouce, ligre
I N. 13 17: | 14 |27. 11 |beau temps.
2 N. 15 | 19 | 14 127. 11 \variable,
3 N. 17 | 21 15 |27: 9 |orand orage,
4 | N°E. | 14 | 19 | 142127. B2|temps lourd, grande pluie mêlée de ton.
$ N. 13 | 18 | 14 |27. 10 |variable.
6 N. 122] 20 | 17 |27. 10 |feau temps.
7 N. 16 | 23 18 |27. 10 |heau temps, vent hâleux.
8 N. 16 | 24 | 20 ec 10 |très-beau.
F 9 N. 18 25 20 |27. variable & lourd, éclairs, orage au loin.
10 S. 18 | 24 | 18 |27. =| variable, éclairs, orage au loin.
11° | NS: 18 | 21%] 18 |27. 6|pluie pendant la nuit, variable.
12 |S. S. O.| 17 | 19 | r4 27. : [grande pluie.
13 S 13 | 16:| 14 |27. temps Couvert, petite pluie.
14 | S.O 15 | 19 | 16 |27: couvert, ondée le {oir.
D
15 [O.N.O.! 16 | 20 | 15 |27. temps couvert, -
16 S. ©. IS 19 16 |27. variable,
17 SC: 17 | 21 18 |27. 2 |variable, \
18 E. 18 | 235| 20 |27. +|variable, tonnerre & éclairs le foir.
19 S. 16 | 20+| 17 |27. SZlvariable, tonnerre au loin.
20° S | 16 | 20i| 16 |27. variable.
21 S. 17 | 201) 17+|27. variable, tonnerre au loin.
22 S: 16 | 20 | 18 |27. 82 \variable.
23 | S.O. | 18 | 242] 19 |27. S=+ltonnerre,
24 S. 16 | 215] 17 |27. beau temps.
» | 25 S: 16 | 20 | 17 ]27- 3 |nébuleux, éclipfe de foleil.
26 S. -| 15 | 18 | 16 |27. 6\orand vent, fombre & variable,
variable fans pluie.
grande pluie.
variable.
27 | N.O. | rit rs 27e
28 1 1N:10::| rofirs tr 27:
N 12 | 16 | r3 |27.
30 N. 14 | 17 | 15 |28.
N 14 | 21 | 16 |27.
D
D Om Oo A NN] M O9 ip © A2 D 9 NN Où EX mio
beau temps fixe.
beau temps fixe.
240 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Tout ce mois n'a pas été chaud quoique le thermomètre
ait monté à 24 degrés au delfus de zéro, mais il eft quel-
quefois defcendu à ro le matin: le baromètre a aufli beau-
coup varié depuis 27 pouces 3 lignes juqu'à 28, & il eft.
tombé de l'eauk très- “fréquemment ; le premier on fervit les
guignes blanches.
Le 3, il tonna & il tomba aflez de grêle pour blanchir:
la terre, les grains étoient gros comme des avelines ; les
blés n'en ont pas été endommagés, mais les vignes l'ont.
été: heureufement la nuée n'avoit pas grande étendue; les
melons & plufieurs autres plantes potagères en ont fouflert.
Le 4, il tonna & il plut beaucoup; vers ce temps on
s'aperçut, en examinant de près les avoines, que ce qu'on
prenoit pour l'herbe de ce grain, étoit de l'ivroie, & qu'il
y avoit plus de ce grain que d'avoine, qui faifoit fort mal
mème dans les endroits que les vers avoient épargnés : dans
les terres Léres, au lieu d'avoine, on ne voyoit que des ,
bluets & du navet fauvage, & ane les terres fortes il n'y
avoit que de l'échium.
Comme les abeilles avoient fait de grandes récoltes, on
travailloit à les faire fortir de leurs ruches pour les paper
changer de panier & profiter de leur travail ; elles ne man-
quoient pas de miel, car les avoines étoient autant de prés
remplis de fleurs, & les premiers jetons pefoient déjà plus
de 30 livres.
Le 8, on commença à faucher les prés.
Le 11, il y avoit des vers qui gâtoient les verjus dans
les vignes le long de a forêt.
Le 14, on s’aperçut qu'il y avoit beaucoup de noir dans
les blés.
Le 16, onsfervit les abricots .précoces.
Le 18 on commença à fcier les feigles, & on arrachoit
le chanvre mile.
Le 24, les feigles étoient ferrés; on fauchoit les vefles &
les lentilles.
Le 26, les abeilles tuoient les bourdons ; on fervit la
poire
TT
RURALE LES. LL
de
4
na iD ES :S$SACI1EN c € Sa :
poire de mufcadet, &. cette. prune qu'on
hâtive: on commença la moiflon des blés. |
| On a été occupé pendant cé mois à donner la feconde
fiçon aux guérets, à mener des us à couper & férrer
ls feigles qui font beaux, mais dans fefquels il y à beaucoup
d'ergot ; on a fait auffi les foins & ramaflé les pois & les
vefles deftinés pour le fourrase: les pluies continuelles ont
rendu ces ouvrages très-diffciles ; néanmoins {e vent deflé-
chant beaucoup, ‘ceux qui ont été attentifs ont perdu peu
de foin. "va RES TR Re
Les vignerons ont planté {eur fafran, & donné la troi-
fième façon à la vigne; Le peu de verjus qui reftoit, faifoit
très-bien. rt 5
| On à changé les mouches de panier, &, comme nous.
favons dit, elles avoient fait d'abondantes récoltes.
jours été très-groffe, & les étangs ont
La 111 2:
appelle {a jaune
* La rivière a-toûj
Il n'y a eu aucune maladie épidémique,
Mém. 1 749 . Hh
242 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
A'OUOES T.
ETAT DU CIEL.
beau temps fixe.
beau temps fixe.
pluie continuelle après-midi.
variable.
beau temps, vent frais.
variable.
© q
variable fans pluie.
variable fans pluie.
18 |27. 11 |variable fans pluie, éclipfe de Lune.
20 |27. 10+| variable.
15 [27 9 [tonnerre & pluie, aurore boréale.
16 |27. 9 |variable.
16. [27.9 |beau temps fixe.
17 |27. 30 |beau temps avec nuages.
18 |27. 10 |beau temps avec nuages.
18 |27. 10 [grand vent, beau temps.
14 |27. 10+|orand vent hâleux, beau & frais.
9+| variable & froid,
2127. 7 [grande pluie.
9 |variable.
27. 10 |beau temps avec nuages.
18 |27. 10 |grand brouillard.
18 |27. 8 |brouillard, orage au loin.
ARR Le
mmmoOm
....127. 9 [grand orage.
17 [27 9%lvariable.
19 |27. 7 |variable, tonnerre,
271127. 72à|variable, tonnerre au loin.
16 |27. 9 |variable, brouillard.
15 |27. 8 |variable, brouillard.
C]
grande pluie & vent.
16 |27. 9 |variable fans pluie.
2
nuuwz 22 22 22222272
DES SCIENCES 243
Le vent a prefque toüjours été au nord, le ciel couvert
de nuages & l'air frais pendant tout ce mois; il eft tombé
beaucoup d'eau, mais par de grandes à-verles qui n'étoient
pas de longue durée; la fraicheur de l'air étoit favorable aux
moiflonneurs : les grandes pluies lavoient le blé & empor-
toient une partie du noir, & comme elles ne venoient pas
fréquemment, le blé avoit le temps de fe fécher, & on le
ferroit bien conditionné, L
- Vers le 10, on vit beaucoup de papillons blancs de fa
chenille du choux.
Le 11, il y eut une aurore boréale avec des colonnes
fumineufes qui partoient du nord, & qui étoient fort brillantes
malgré le clair de la Lune. à
Le 18, on fervit l'avant-pêche blanche & quelques figues.
, Le 22, on acheva la moiffon des blés.
Le 24, il tonna toute la journée, & Île tonnerre temba
au bout du parc fur un cerifier qu'il écrafa.
Le 26, on ferroit les avoines; on ne trouvoit encore
dans les vignes que quelques grains de raifin tournés.
Le 30, les choux commencoient à être très-endommagés
par les chenilles.
Le 31, on acheva de ferrer les avoines.
Les fièvres tierces & double-tierces ont régné, pendant
ce mois; il y a eu aufli quelques fièvres malignes.
dti tee
Le)
É nl
#
244 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
SEPTEMBRE
TA | Baromètre ETAT DU CIEL.
Mois. Matin MMidi. | Soir. ‘
mms (nn, (ess ne | mn
Degrés. | Degrés.| Degrés.| pouc, lign.
S 19 | 1$ |27: 9 |variable, petite pluie.
S 14 | 17 | 14 [27. 10 |orand vent, variable fans pluie.
S. 12 | 17 |:332/27. 11 $|variable fans pluie.
N. 122] 17 | 10228. beau temps.
N
N
.
10 | 16 |.111|27. 117
10, || 16%] 11127. 10 |
SERA EE OTTE beau temps fixe.
ZA EIONI 147 272 MO
14 | 2o | ré1/27. at
15 À 20 | 15227. 11
16 | 22 | 172/27. 9 |beau temps.
16 | 21 | 16 |27. 10+%|variable & pefant, tonnerre.
15. 208 1155 |28: k
10
LÉ AE LS variable.
13:16 | 11428: 19
11 RSS ar | 2827
10 | 1554] 11 |28. 7 |beau temps avec nuages.
TL 1S 114128. 6 variable, brouillard.
11 16 | 131128. 4-+|variable, couvert.
115/ 15 95128. S$ |temps couvert.
21 11 ls 9 |28. 9 |beau temps.
22 10 15 11 |28. 10 |beau temps.
CT
=
13 15 10 |28. variable.
10 1410131268. brouillard.
11 | 14 2128.
10 |28.
NE NO UE
beau temps,
29;
grand brouil. le matin, heau la journée.
beau temps, petit brouillard.
O D ON On “ Lo
YU D D bb D D D h
DES SCIENCES. ur 245
Ce mois a été beau, frais & fec: “#4
Le 15, les feuilles des tilleuls commençoient à jaunir ;
quelques vignes fe dépouilloient, néanmoins il ny avoit
point de grappes où il n’y eût encore quelques grains de
verds, & à plufieurs grappes il n'y avoit que quelques grains
de tournés.
Le 23, il y eut une belle aurore boréale dans le nord,
fn rayons.
: Le 30, on commença à fervir le beurré.
On n'a point difcontinué de Jabourer , la terre n'étant
point trop sèche pour ce travail; ils ont aufii voituré leurs
fumiers.
Les beaux jours de la fin de ce mois ontété très- favo-
TIRE à la vigne; les raïfms, contre toute apparence, ont
paflablement müûri, & les brouillards de la fin du mois en
ont attendri l'écorce.
« Le blé de femence valoit vingt-une livres, le blé de
mouture dix-fept à dix-huit livres, l'avoine fix ou fepi.
: Les maladies du mois précédent ont continué,
246 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
OCTOBRE.
Jours THERMOMÈTRE.
du | VENT. | |
Mois. Matin | Midi. | Soir.
Degrés, | Degrés. Degrés.
Baromètre ETAT DU \C1EL
I N. 10 | 1314] 8 . 10 [brouillard épais.
2 Se 8 | 16 | 11 |27. 8 |beau temps.
3 N° 8 | 15 9 |27. 9 beau temps.
4 | N.0O. 8 | 13 11 [27 9 [brouillard épais.
S SiO? 10 | 15 | 12 |27. 9 |beau temps.
6! S.O. | 42 l 15 | 114|27. 10 |brouillard.
F4 S. 12 | 15 | 12 |27. 10 |variable.
8 S. 8 | ss | 12 |27. 12 |beau temps.
9 S. 11 | 16 | 16527. 9 |beau temps.
10 N. 12 | 14 | 105|27. 10 |variable.
EI N. 12 | 16 | 10:]27. 11 |beau temps. +
12 N. 12 | r4 | 10:|28. o|variable, :
13 N. 9 | 14 | 10 |28. beau temps.
14 SE 8 | 13 | ro |28. r |beau temps.
15 NN. 10 | 13 | 12 |28. 15 |variable.
16 N. 10 | 14 95128. 10 |variable.
17 N. Che ELITE) 8 128. ro {temps couvert, brouillard.
18 N. 7 | 22 7 |28. 11 |beau temps fixe.
19 N. 42i| 11 5:28. 11 |beau temps froid.
20 N. 3 9 4 |28. 9 |beau temps.
21 S. 12] $i] 2 |[28. 4 |gelée blanche, bruine.
22 N. I 4 |[—1 |28. x E|gelée forte.
23 NAN $ 3 [28. 2 |beau temps, gelée.
24 Nm 2 6 2 |28. 6 (beau temps.
25 S. o 6 3 |28. $ |variable.
26 5 3 7 5 |28. $ |variable.
27 S. 6 9 4 128. 2 |variable.
28 O. 2 7 s |28. $ |bruine, gelée blanche.
29 Oo: 7 9 s |28. 1 |pluie.
30 O. s 9 5 128. 6 |beau temps,
31 E. 4 9£| s5i|28. $s |beau temps, gelée blanche.
Î
Hi ESC, l'E NC, ES 247
Le vent de nord a continué pendant tout ce mois, qui
s'eft paflé prefque fans pluie. . n
Le re", on commença la vendange,
Le 4, on cueilloit les fruits d'hiver.
Le $, on commença à femer les blés.
_ Le 13, on ne voyoit plus d’hirondelles.
! Lei 4, on fera les orangérs, qui avoient fort peu de fruits.
Le 15, le fafran commençoit à fleurir.
Le 19, on arrofoit les potagers comme en été.
| Les gelées ‘du 24 & du 25 ont beaucoup diminué le
produit des vignes blanches que nous avons dans Îa forêt
lOrléans, qui n'ont été vendangées que le 29.
|. On acheva les femences avant la fin du mois ; le blé va-
it dix-fept à dix-huit livres, & l'avoine huit à at livres.
DS CT de :
248 MémotREs DE L'ACADÉMIE Rorate
NOVEMBRE.
»
us THERMOMÈTRE. 8 à
du | VENT. | a | Baromètre ETAT DU C1eEL,
Mois. Matin | Midi. | Soir. D, où
Degré] Degré | Dar] paues dgne |
I N. E. 7 | 112] 8 |28. 2 |temps variable,
2 E. _8 14 12 |26. 11 |variable, grand vent.
3 Gi 1! 14 | 11 |27. oO |variable.
4 S. 9 | 12 9 |27- 1 |variable. :
s S. 10 | 12 8 |27. 6 |variable.
6 5: 9 | T2 8 |27. 6: variable fans pluie.
7 S: 9 | 10 8 |27. 7 |variable fans pluie.
8 S. 8 10 8 127. 6 |variable.
9 S. 8 II 6 |27. 6 |variable.
10 sb TAN 9 |27. 7 |variable.
II S: 9zfM13z| 11 |274 +9 | beau temps.
12 Se EN Ps D 9 |27- 8 |orand brouillard.
13 SE 11 13 9 |27. 6 |variable.
14 Si ONE 9 |27. 6 {pluie & orage.
15 S; ZT O 6 |27. 7+|variable.
16 | N.E. 20525 3 |27- 11 [gelée blanche.
17 IN I 4 3 |27. © |beau temps, gelée blanche.
19, | UN. 9E: 3 $ 4 |27. 11 [variable & froid.
19 N: I S 2 |27. 10 |beau temps, gelée blanche.
DONININÈNE 3 $ 3 |27. 10 |temps couvert.
21 N. ii 2 |—2 |28. 2-+|gelée à glace, grand vent.
22 N. |—4 o |—3:128. 2 |beau.
23 N. |—4 o |[—2 |28. 1 |beau temps, gelée.
2 N. E. |—2 2 o |28. 1 |brouillard, déoel. e
25 INR 2 o |28. 3 |petit brouillard.
26 NIET 3 1 |28. 3 |petit brouillard.
27 N. I S 3 |28. 2+|brouillard en bruine,
28 S) 3 5 | 4 |28. o |bruine. :
29 SE 4 6 3 [28. ro |brouillard.
30 S. 3 3 [28 7 [temps fombre.
DE S/NOSBQUMLE., N'C' ESPN 214
Ce mois a été aflez fec; le vent de nord a régné, & Fair
a été très-froid vers la fin, puifque le thermomètre à def
cendu à quatre degrés au deffous- de zéro, néanmoins ül a
tombé affez de pluie pour faire lever les bleds.
. Le 1er, on vit des abeïlles & des guèpes voler, & on
trouva quelques grillons.
Le 11, on vit des roitelets.e
Le 1 2, il y avoit quantité d'abeilles attachées à une efpèce
de peuplier dont les boutons rendent un baume aflez fem-
blable à celui du Pérou; & en fouillant pour planter des
arbres, on trouva des hannetons à demi-pied en terre.
Le 14, il tonna.
Les fermiers travailloient aux entre-hivers, les vignerons
paroient les vignes, & on ouvroit les trous pour planter les
arbres, mais le fond de a terre étoit trop fec pour achever
ces ouvrages.
ÿ
1
$
on, |
me
250 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
DEL COE M B.R:E.
te THERMOMÈTRE.
du VENT, | TR | Baromètre ETAT DU CIieEL.
Mois, Matin | Midi | Soir.
Lt Degrés. Dares | Darés pous. ligne | Dern T
I S 72 S $ 1274 3j. [temps couvert.
2 O 3 2 |—2 |27. 7 |bruine.
3 O. |—1i| o [10 |27. a [variable.
4 S 1 4 3 127. 9 [fombre.
S S 4 $ Je | 9 couvert.
6 S s 6 4 |27. 9 |fombre, bruine,
gi O 4 ÿ 3 |27. 9 |variable.
8 | N.O. 3 $ 3 [28 o variable,
9 S: où: 19 1 |28. 11 |gelée blanche, aurore horéadle N. O.
10 5: o 4 6 |28. 11 |gelée blanche.
11 S: 6 8+ 8 |28. 10 lfombre, bruine.
12 S. 8 8 6+|28. 9 |fombre.
12 N. s 9 9 |28. 10 |variable,
14 S: 8 | 10 8 |28. 9 |variable.
1S S. 8 | 10 7 128. 9 |couvert, bruine.
16 | SO 3 9 5 |28. o jbeau temps.
17 S. 3 6 $ |28. o |couvert, bruine.
18 S. S 8 3 |28. 2 |beau temps.
19 || MSNO: S 8 6 |28. 2 |beau temps.
2 D: 6 7 6 |28. 11 |couvert, bruine.
2 S. 6 7 3 |28. 9 |variable.
22 510: 6 7 4 |28. 11 |variable.
24 SO: S 7 6 |28. 10 |couvert, bruine.
24 | S. O: 4 6 $ 128. 9 variable.
25 | S: S 6 5 |28. 7 |couvert, bruine.
26 S. 31] 61] 43/28. 6 |couvert, grand vent froid, pluie,
270 RSC NES 6 4 |28. 4 lorand vent & pluie.
28" |FS10: 3 s 4 |26. 11 |vent très-violent, pluie,
29 + 3 $ 4 |27. 6 |variable.
30 S, 6 7 85127. 6 |variable.
31 S. 9 | 10 6 |27. 7 |couvert, bruine.
HIA * TES 8 MS CST'E NC: E) SW) 2$1
Le vent ayant préfque toûjours été au fud,, Pair a été
fort doux ; Je: ciel à tojours été, couvert, il af tombé de
petites pluies très-fréquemment, quais qui n'ont pas mème
gité les chemins.
1'Le baromètre a beaucoup varié;:il a monté à 28 pouces
9 lignes pendant que le temps étoit-couvért, & même qu'il
tomboit un peu d’eau, & il eft defcendu par un grand vent
d'oueft à 26 pouces 3 lignes.
Le o, il y eut une belle aurore boïéale avec je rayons.
ke 26 encore uné aurore boréalé.
Le 28, il fürvint un coup de vent qui fit beaucoup de
defordre; les blés ont pris beaucoup de force pendant ce
mois: les petites pluies ayant attendri. a terre, principalement
aux) endroits où on avoit commencé d'ouvrir des trous, nous
ayons beaucoup planté de toutes fortes d'arbres.
51 1)
RÉ c HT GBA FUON
Quoique le thermomètre n'ait pas defcendu au deffous de
10 degrés, Thiver peut pañler pour froid ; Le vent de nord
a régné, & il a tombé peu d'eau.
Le printemps a été froid, humide & tardif
Le ventde nord ayant) régné pendant l'été, ‘éette faifon
arété.aflez fraiche; mais gomme il. eft farvenu de fréquens
orages, elle a ‘été humide.
L'automne a été belle & sèche; if eft furvenu en Oétobre
des gelées aflez fortes qui ont fait bien du tort.
> Le printemps étant frais, des blés dans cette faifon étoient
fort-bas, mais da feuille en étoit affez verte, & on elpéroit
| tout des chaleurs ; mais quand, ils ont été épiés, on s’eft
aperçû qu'il y avoit beaucoup de grains noirs.
Quoique la moiïffon Fa été chaude, les blés ont
été ferrés aflez focs; cs les granges ‘ont été remplies,; «mais
1 Res igerbes rendant peu de, grain, da récolte n'excède, guère
Ii ij
2$2 MEMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
une bonne demi-année, & la qualité du grain eft médiocre;
étant charbonné & mêlé de beaucoup de graine.
NE 16.LSE;S,
Les feigles ont été fort beaux, mais il y avoit beaucoup
d'ergot, ce qui eft rare dans notre province.
AVOINES A
La récolte a manqué entièrement, fur-tout dans les terres
fortes, où il n’y avoit pas apparence de grains ; dans les
terres de Beauce. on a plus recueilli d’ivroye que d'avoine,
les vers dont nous avons parlé ayant fait un delordre con-
fidérable, & le peu d'avoine qu'on a recueilli eft auffi Lé-
gère De de KR paille; les fermiers font obligés de la mêler
avec de la vieille pour nourrir leurs chevaux, & ils le font
d'autant plus volontiers , que leur récolte ne peut pas leur
fufhre pour les nourrir jufqu'à Pâques.
ORGES
Le peu d'orge qu'on sème dans notre province a aflez
bien réufir. ;
GROS LEGUMES
On à recueilli affez abondamment de pois, de fèves, de
vefles, de lentilles, &c.
FOINS.
On a eu bien de la peine à fanner les foins, mais les
prés en ont beaucoup fourni.
Les fainfoins étoient fort bas à caufe des fraïcheurs du
printemps, de forte qu'ils ont fleuri au fortir de la terre,
mais l'herbe eft de bonne qualité.
VINS
La vendange a été très-tardive, on n’a recueilli que deux
à trois piècés l'arpent: les cuves’ ont tout d’un couv ‘eté uné
D ES MBLC,T EN CES 260
écume rouge qui s’eft affaiflée, néanmoins le vin ne s'eft
pas fait promptement; fa qualité eft meilleure qu'on n'ofoit
l'efpérer, il a aflez de couleur & un peu de qualité, graces
aux beaux jours, du mois de Septembre; car à la fin d'Août
on defefpéroit de voir mürir les raifins.
ROUE ETES
- I y a eu peu de fraifes, de pêches & d'abricots, bexucoup
de ceriles, de prunes, de poires, de pommes, de coins, de
néffles; il y a eu peu de noix, les hannetons en font proba-
blement la caufe; il y a eu médiocrement de glands ; celui
qui n'étoit pas ramaflé avant la fin d'Oétobre, a été perdu.
Les orangers ont donné peu de fleurs & de fruits, &
comme les fleurs n'ont pas noué, nous n’aurons’ point d’o-
ranges l'automne prochaine.
CHENEVIERES.
On 2 eu beaucoup de chanvre, & de bonne qualité,
SAFRAN.
Les fécherefles des mois de Septembre & d’Oétobre n'ont
point été favorables aux fafrans ; mais les gelées du mois
d'Oétobre ont fur-tout fait beaucoup de tort, les fleurs épa-
nouies & celles qui étoient encore en terre ayant été gelées.
BP AR RE
Le bétail n'a point été attaqué de maladies; les moutons
ont très-bien profpéré, de forte ge la chair en eft très-
grafle & très-délicate.
+ Quelques particuliers qui avoient acheté de vie qu'ont
UE tirées des pays où la contagion régnoit, ont perdu
toutes leurs vaches ; mais au moyen d'une bonne police Ia
contagion n’a point fait de progrès,
ABEILLES.
Les abeilles ont beaucoup produit, quelques Ron ayant
été changées jufqu'à deux fois. Ii if
254 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
INSECTES |
Il y a eu beaucoup d'hannetons, qui n’ont fait de tort
qu'aux noyers; il y a eu peu de cantharides, & nous re-
marquons depuis deux ans qu'elles n’attaquent point le frêne
à fleur: fi cette obfervation fe confirme, dans les années où
il y aura beaucoup de cantharides, on pourra profiter des
agrémens de cet arbre fans avoir le déplaifir de le voir dé-
pouillé par des infectes de mauvaife odeur.
On n'a été incommodé que par une efpèce de chenille
qui a dévoré tous les choux-pommes à la fleur; il y a auffr
eu peu de guépes & de fourmis, mais il y a eu beaucoup
de teignes dans les blés vieux.
GT TE RS.
Il y a eu un peu de cailles, affez abondamment de per-
drix, un peu de lièvres, beaucoup d'allouettes.
MALADIES.
I n'y a point eu de maladies épidémiques qui aient
caufé aucune mortalité,
SEMIS ET PLANTATIONS.
Les humidités du printemps ont été très-favorables à Ja
reprife des arbres; nous en avions beaucoup planté, & prefque
tous ont bien repris & pouflé avec vigueur.
Les femis d'arbres ont aufli affez bien réufir.
ELEVATION pes EAUX
Les eaux ont toûjours été très-hautes dans les puits, dans
les fources & dans la rivière.
D PO
DIE 1 ÉMMNEO TE NICE SC . 255$
ME MOTÏITRE
Sur une nouvelle efpèce de Teinture bleue, dans
laquelle il wentre ni Paflel ni Indigo.
Par M. MACQUER.
OUT le monde connoît les avantages que l'art de 1a
Teinture peut procurer au. Commerce; if embellit &
donne du prix à nos étofles, qui fans fon fecours {eroient
privées de l'agréable variété qui fait leur principal ornement:
cependant nous avons longtemps négligé, &, pour ainfi dire,
oublié cet art fi utile. M. Colbert, aux foins & à la pénétration
duquel il i'échappoit rien de ce qui pouvoit être avantageux
à l'Etat, eft un des premiers qui ait porté fes vües fur cet
objet important ; il a donné des loix à cet art auparavant
abandonné au caprice des ouvriers : les Miniftres qui lui ont
futcédé, n’ont pas eu fur ce fujet moins d'attention que lui;
confidérant même, comme le remarque M. de Fontenelle,
que cet art, ainfi que la plüpart des autres, étoit pratiqué
par une infinité de mains, & qu ’ n'y avoit point d'yeux
pour le regarder, ils ont intéreflé à {es progrès la feule fcience-
qui puïfle l'enrichir & le perfectionner, la Chymie. M. du
Fay de cette Académie, qui avoit acquis beaucoup de con
noïflances en diflérens genres, fut chargé par le Conleil
de travailler fur Vart de la Teiïnture, & h. s'en acquitta avec
fuccès ; mais une mort prématurée l'a empêché de poufier
fes Aéenvenes auffi loin qu'il auroit pü faire s'il neut été
ainfr furpris, prefque au commencement de cette carrière:
M. du Fay a eu pour fucceffeur en cette partie M. Hellot ,
auffr de cette Académie; ce favant Chymifte eft le premier
ait porté le flambeau de la Phyfique dans art obfcur
e la T'einture, & qui ait raffemblé & mis en ordre, fuivant
. ks principes d'une théorie ingénieufe;, les phénomènes &c
16 Avril
1749.
256 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
les opérations bizarres de cet art : il a mis les Chymifles à
portée de voir clair dans ce cahos ténébreux, & participera
ainfi à toutes les découvertes qui feront faites en ce genre
par ceux qui obfervent une méthode dans leurs recherches,
& qui ne font des expériences qu'en fuivant des principes
raifonnés. La théorie de l'art de la Teinture, que M. Hellot
a donnéë dans les Mémoires de l'Académie, n'eft que l'ex-
trait d'un ouvrage très-détaillé & très-curieux qu'il a fait fur
cette matière.
ÆEncouragé par ces travaux préliminaires à cultiver un art
qui m'avoit plus rien de rebutant pour les Phyliciens , je
conçus dèslors l'efpérance de faire quelque découverte utile
en ce genre: j'examinai d'abord fi la Peinture ne pouvoit
pas communiquer à notre art quelques-unes de ces belles
couleurs dont elle fe pare avec tant d'avantage, & je travaillai
dans cette vüe avec d'autant moins de fcrupule, que je fa-
vois bien que fi la chofe étoit poffible, je ferois à la Pein-
ture cette efpèce de larcin, fans lui caufer le moindre dom-
mage, les arts pouvant fe faire réciproquement les plus beaux
préfens, fans que celui qui donne, rifque de s'appauvrir en
aucune manière.
En pañant en revüûe les différentes couleurs, ma vüe fe
fixa principalement {ur le bleu de Prufle, couleur: éclatante
dont Ja Chymie vient d'enrichir la Peinture depuis quelques
années, & que nous voyons tous les jours feconder f1 heu-
reufement l'outre-mer dans nos plus beaux tableaux.
Les réflexions que je fis fur les opérations par le moyen
defquelles on fait cette couleur, m'y firent apercevoir toutes
les qualités d’une véritable teinture de bon teint, telle que
M. Hellot la décrite dans fa théorie; la diffolution d’alun &
de vitriol me parut pouvoir fervir d'un excellent mordant
par le moyen duquel les pores & les fibres de l’étoffe feroïent
difpofés à recevoir & à happer les atomes colorans, & je
crus la fécule qui fe précipite lorfqu'on méle la diflolution
des fels avec la leffive fulfureufe & alkaline, très-propre à
s'appliquer fur l'étoffe à çaufe dé la fineffe de fes Puis
€
2.
De
b,'E sc I E N'CES 257
"Je commençai par faire bouillir pendant une demi-heure
dans une diffolution d'alun & de vitriol préparée comme
celle dont on fe fert pour faire le bleu de Prufle, un éche-
veau de fil, un de coton, un de foie, & un morceau de
drap, le tout blanc & propre à être teint; toutes ces ma:
tières prirent une couleur citronnée, & il fe précipita au fond”
du vaifleau une aflez grande quantité de terre jaune martiale:
je trempai enfuite mes étofles dans la leffive alkaline & fut:
fureufe préparée comme M.': Geoffroy l'ont prefcrit pour
le procédé du bleu de Prufle; cette leflive étoit chaude &
prète à bouillir: il fe fit aufli-tôt une effervefcence affez
vive, la liqueur parut verdâtre, & les échantillons fe trou-
-vèrent teints en une couleur grife qui n'étoit pas belle; ils
ne reftèrent dans la leflive que pendant une minute, après
quoi les ayant laïffé refroidir à l'air, je les trempai dans l'eau
bouillante dans laquelle j'avois mêlé affez d'acide vitriolique
pour lui donner une acidité légère & agréable au goût: à
peine les échantillons furent-ils das cette eau acidule, qu'il
s’excita une nouvelle effervefcence, & que la liqueur vin
du plus beau bleu. Après avoir un peu agité les échantillons,
je les retirai, & j'eus la fatisfaétion de voir qu'ils étoient teints
eux-mêmes en une couleur bleue, la plus belle & Ja plus
vive que j'aie jamais vüe: je les laïflai refroidir, puis je les
lavai dans de l'eau froide à laquelle ils communiquèrent une
légère couleur ; une feconde eau dans laquelle je les lavai,
n'en prit prefque point, & enfin la troifième refta abfolu-
ment blanche; ayant même exprimé mes échantillons, l'eau
qui en découloit étoit très-claire & nullement colorée. Je
laïflai fécher le tout à l'ombre, & quand ils furent fecs, je
remarquai que la couleur (qui, lorfqu’ils étoient mouillés ;
m'avoit paru foncée comme un bleu de roi) étoit beaucoup
plus claire, & n'étoit plus qu'un bleu célefte, mais aufli beau,
auffi éclatant, & même. encore davantage que le premier.
Les matières qui étoient en écheveau, me parurent teintes
affez également, mais il n'en étoit pas de même du mor-
ceau de drap dont la couleur étoit inégale, plus foncée dans
Mém. 17249: . Kk
258 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
des endroits que dans d’autres, & qui paroïfloit comme
taché; il avoit encore le défaut d'être un peu rude au toucher
Je me hâtai de meitie ma nouvelle teinture à l'épreuve.
& de m'aflurer de fa nature en lui faifant fubir les débouillis,
auxquels, fuivant les ordonnances, doi\ent réfifler les iein-
tures nommées de bon teint. Le premier débouilli par lequel
je les éprouvai, fut celui du favon, & je fus très-peu fatisfait
de voir que mes échantillons, après avoir bouïlli dans l'eau
de favon le temps prefcrit, en fortirent aufii peu colorés que
s'ils n'avoient jamais été teints; il faut pourtant en excepier le
drap, qui avoit confervé une vilaine couleur verdâtre. Je les
éprouvai enfuite par le débouilli d'alun ordonné pour la laine,
& mes elpérances fe renouvellèrent en voyant qu'ils réfif-
toient parfaitement à cette épreuve; que même la couleur,
loin de s'altérer, n'en devenoit que plus belle: je conclus
de-là que la nouvelle teinture étoit au moins de bon teint
pour la laine, & par conféquent pour la foie, & je réfolus
de faire de nouvelles expériences pour la perfectionner; mais
des affaires qui me furvinrent alors, n''obligèrent de renvoyer
à un autre temps ces expériences que j'avois commencées au
mois de Mars 1748.
Au mois de Septembre de la même année, je fongeai
férieufement à mettre cette découverte en état de pouvoir
être utile: je me fuis propolé, pour y parvenir, de remplir
les objets fuivans; 1.° de trouver le moyen d'appliquer la
teinture également & uniment fur toutes les parties de l'é-
toffe; 2.0 de la rendre douce au toucher; 3.° de diminuer
les frais le plus qu'il feroit poflible; 4.° de pouvoir donner
à volonté les différentes nuances claires & foncées; 5° enfin
d'en faire des effais en grand, parce qu'il fe trouve fouvent
des différences notables, fur-tout dans ces matières, entre les
expériences qui fe font en petit, & celles qui fe font en.
grand : je vais faire en peu de mots le récit des principales
expériences que j'ai commencées là-deflus.
J'ai d’abord effayé de varier le procédé, & au lieu de
commencer par faire bouillir les étoffes dans la diflolution.
D'ES/ SC 1 E£ Nc Eos 259
des fels, comme dans l'expérience précédente, je les ai treni-
pées premièrement dans la defive alkaline, chaude jufqu'à
n'y pouvoir tenir le doigt, & les y ai Jaifites pendant trois
minutes, après quoi je les ai trempées dans la diflolution
des fels, chaude au même degré: à peine y ont-elles été
plongées, qu'il s'eft excité une effervefcence, & que la couleur
bleue a commencé à paroître dans Ja liqueur & fur les
étoflés;. mais cette couleur étoit pâle & d'une nuance defi-
gréable, ce qui m'a engagé à les pañler dans l’eau acide de
l'expérience précédente, qui leur a donné auffi-tôt fans effer-
velcence tout le fond & toute la beauté de celle de cette
éxpérience. .
. Ce changement dans la manipulation ne m'a pas paru en
avoir apporté aucun pour Ja perfeétion de la couleur: elle
avoit la même beauté, mais auffi Les mèmes défauts que la
précédente ; elle en avoit même un de plus, c'eft que Îa
laine & la foie avoient été un peu altérées par fa effive
alkaline, ce qui n'eft point arrivé d'abord, parce que dans
_ la première expérience les étoffes étant impregnces d'alun &
de vitriol, ces {els leur avoient fervi de défenfifs, 1eur acide
$'étant combiné avec Y'alkali de la leffive, &. en ayant émoufté
lâcreté, au lieu que dans cette feconde expérience elles: fe
font trouvé expolées fans aucun préfervatif à faction de cet
alkali. Les étofles dans cette occafion n'ont cependant pas
été fondues comme elles ont coûtume de l'être quand on les
pafle dans une léffive alkaline auffi chargée que celle-ci, parce
que f'alkali propre à faire le bleu de Prufle, c'eft-à-dire, cal-
ciné avec des matières abondantes en phlogiftique, eft en
quelque manière favonneux, & beaucoup moins cauftique
que celui qui n'a pas recû cette Préparation.
Voyant donc que ce fecond procédé n'apportoit aucune
perfection à ma teinture, J'ai cherché à appliquer cette cou-
leur encore d’une autre manière ; au lieu de tremper fuccef
fivément les étoffes dans les liqueurs du mélange defquelles
maît le bleu de Prufle, J'ai voulu voir fi ce: bleu tout fait
froit propre à teindre de même que Findigo & d'autres
Kk ïi
260 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
couleurs de teinture. J'ai commencé par faire bouillir mes
échantillons dans une difiolution d’alun & de tartre, pour
les difpoler à recevoir la couleur, puis je les ai plongés dans
de l’eau prête à bouillir, dans laquelle j'avois délayé du bleu
de Prufle tout fait, oblervant de les faire pafler dans la tein-
ture par un mouvement circulaire, en les tournant fur des
bâtons, comme ont coùûtume de faire les teinturiers: mes
échantillons fe font très-bien teints par cette méthode, & j'ai
remarqué même que la couleur s’appliquoit dans cette occa-
fion beaucoup plus également & plus uniment que dans les
autres expériences ; elle avoit encore un avantage de plus,
c'étoit d'être beaucoup plus douce au toucher; elle étoit d'ail-
leurs aufli belle & auflr folide que celles dont j'ai parlé,
mais aufli elle étoit moins foncée, fur-tout celle qui étoit
appliquée fur le drap; & quoique je le replongeafie à plu-
fieurs reprifes dans la teinture, & que je chargeafle cette
teinture de beaucoup de bleu, la nuance demeuroit toüjours
la nième. Il eft cependant effentiel de pouvoir charger la
couleur de l'étofle autant qu'on le veut : j'ai donc pris le
parti, fans néanmoins perdre l’efpérance de perfectionner ce
dernier procédé, de reprendre mes premières tentatives, pour
voir fr en les variant je ne pourrois pas parvenir à remplir
les différens objets que je m'étois propofés.
J'ai d'abord eflayé de charger l'alkali de beaucoup plus de
phlogiftique qu'on n’a coûtume de faire quand on le prépare
pour l'opération du bleu de Prufle ordinaire; j'ai pour cela
mêlé du nitre fixé par le tartre avec le double de fon poids
de fang de bœuf defféché, & je l'ai fait calciner dans un
creufet à l'ordinaire, jufqu'à ce qu'il n’y eût plus à la fuper-
ficie de la matière qu'une petite flamme bleuâtre; jai retiré
pour lors la matière du creufet, je lai pulvérifée dans un
mortier, je l'ai remêlée avec encore autant de nouveau fang
de bœuf, & je l'ai récalcinée comme la première fois : enfin
j'ai réitéré cette manœuvre une troifième fois ; la matière
fut enfuite leffivée avec le double de fon poids d’eau chaude,
& j'ai opéré avec cette leflive comme dans le premier procédé,
DIE SCI E N'CUEUS: 267:
en employant une diflolution chargée d'alun & de vitriol
autant qu'elle pouvoit l'être: j'obtins par ce moyen une cou-
leur fort belle & bien foncée; mais (comme fi, par une
elpèce de fatalité, il eût été dit que je ne pourrois parvenir
à aucun avantage qui ne füt balancé par quelque défaut) ïl
s’en trouva un des plus confidérables dans les échantillons
teints par ce dernier procédé, c’eft que la folidité & la bonté
de l'étoffe avoient été altérées notablement ( inconvénient
qui avoit été occafionné par la quantité de fels dont les
liqueurs étoient chargées, & encore plus parce que j'avois
été obligé de me fervir pour l'avivage d'une eau plus acide
que dans les expériences précédentes ) : il fallut donc cher-
cher encore d'autres nouveaux moyens ; après plufieurs ten-
tatives, je n'en ai pas trouvé de meilleurs que d’'em-
ployer la leffive dont je viens de parler, mais afloiblie par
le quadruple de fon poids d'eau, & les autres liqueurs falines
de même. En trempant fucceflivement l’étoffe, fuivant le
premier procédé, dans les liqueurs ainfi préparées, elle ne
fe trouve d’abord teinte que d’une couleur aflez légère ;
mais en recommençant l'opération une feconde fois, elle
prend une nuance plus foncée; la même chofe arrive à fa
troifième fois : on peut lui donner ainfi du fond à volonté,
même affez également, & fans rien faire perdre à ’étoffe de
fa bonté. °
Il y a deux chofes à obferver dans ce procédé pour le
faire bien réufflir ; la première eft de paffer l'étoffe dans la-
cide à chaque fois qu'on lui donne une nouvelle nuance,
car fi on fe contentoit de la, pailer alternativement & à plu-
fieurs reprifes de la diflolution de fels dans la leffive alka-
line, & qu'on ne Îa trempât dans l'eau acide pour l’aviver
que lorfqu'on la croiroit fuffifamment chargée de couleurs,
on ne la trouveroit après f'avivage prefque pas plus foncée
. que fi on ne l'avoit trempée qu'une fois dans chaque liqueur.
La feconde attention qu'il faut avoir, c'eft d'ajoüter une
nouvelle portion d’alun & de vitriol dans la diffolution faline,
dalkali fulfureux dans fa leflive, & d'acide dans, l'eau de
Kk ii
262 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
l'avivage, à chaque fois qu'on réitère les immerfions de l'étoffe:
fi mème on veut avoir une couleur abfolument foncée, il
faut tremper l'étofle jufqu'à fix fois, & renouveler entière-
ment les liqueurs à la troifième immerfion, parce que l’étoffe,
en pañlant d'une liqueur dans l'autre, les afloiblit, les mêle
enfemble, & occafionne la précipitation du bleu, qui, comme
nous l'avons dit, lorfqu'il eft fait, ne peut s'appliquer fur
l'étoffe qu'en une certaine quantité,
L'article de la dépenfe eft encore un objet qui mérite
attention. Comme cette teinture feroit chère fi on fuivoit
exactement Îles premiers procédés qu'on a donnés pour faire
ce bleu, j'ai cherché différens moyens d’économifer. M.
Geoffroy propole, dans fon dernier Mémoire fur le bleu de
Prufle, de fe fervir de lalkali de la foude au lieu de nitre
fixé, parce qu'il coûte beaucoup moins, & il a trouvé qu'il
pouvoit lui être fubftitué fans aucun inconvénient. J'ai voulu
voir sil en feroit de même par rapport à cette couleur, em-
ployée comme teinture, & l'expérience m'a appris que Falkali
de la foude y eft auffr propre que celui du nitre fixé: j'ai
même trouvé que tous les autres alkalis qui coûtent peu,
comme les cendres gravelées , la potafle & les cendres de
bois neuf, donnent des teintures bleues auffi belles qu'on
uifle le defirer.
L'acide qu'on eft obligé d'employer pour /avivage, eft
éncore un objet de dépenle ; il eft même à craindre pour
le peu qu'il foit trop fort, parce qu'il alière la bonté des
étoffes : J'ai effayé de fubftituer les acides végétaux comme
plus doux & moins coûteux, aux acides minéraux qu'on a
coûtume d'employer, mais j'ai trouvé qu'ils n'y étoient pas
propres, les parties huileufes dont ils font chargés les em-
péchant apparemment d’avoir l'aétivité néceflaire dans cette
occafion. M. Geoffroy donne aufli dans fon Mémoire un
moyen de préparer le bleu de Prufle fans fe fervir d'acide ;
il confifte à employer une vieille diflolution de vitriol verd,
qui ait par conféquent beaucoup dépofé. Ce moyen nva réufft
affez bien dans la teinture; j'ajoute ici qu'on peut parvenir
DES SCIENCES 26
au même but avec la diffolution de vitriol, fans être obligé
d'attendre qu'elle ait vieilli; il ne faut pour cela que la faire
bouillir pendant quelques minutes, parce qu'alors elle dépole
en un inftant autant de terre jaune qu'elle en auroit dépolé
en la gardant pendant plufeurs années. II faut avouer cepen-
dant que la teinture dans laquelle on n’emploie que la
diflolution de vitriol, foit que ceite diflolution foit ancienne,
foit qu'on l'ait fait fimplement bouillir, n'eft jamais fi belle
que quand on fe fert d'acide pour l'aviver; mais aufli, quand
on emploie la diflolution de vitriol préparée de l'une ou
Yautre manière, il faut beaucoup moins d'acide pour faire le
bleu le plus beau. :
Je fupprime ici le détail d’une multitude prodigieufe d'ex-
périences que j'ai faites fur cette matière, en variant de mille
manières différentes les dofes de chaque efpèce de drogue,
Jes degrés de chaleur & la durée du temps que j'ai employés
dans mes différentes tentatives, parce que je ne pourrois
entrer dans ce détail fans pañler les bornes prefcrites à nos
Mémoires. 1
Je finis en rendant compte des principales propriétés de
la nouvelle teinture.
Premièrement, elle eft aufi fupérieure en beauté & en
éclat au bleu de paflel & d'indigo, que l'écarlate 'eft au rouge
de garance. Cette couleur, comparée avec les plus beaux
É bleus faits fuivant la méthode ordinaire, les efface tellement
qu'on a de la peine à croire que ces derniers foient teints en
bleu.
Secondement, le bleu ordinaire ne teint que la fuperficie
des étoffes foulées, & ne pénètre point dans l'intérieur, d'où
äl arrive que les draps bleus montrent une corde blancheître
quand ils commencent à s'ufer : la nouvelle teinture péné-
trant l'étoffe dans toutes fes parties, n'aura pas cet inconvé-
mient, & les draps qui en front teints pourront s'ufer juf-
qu'à être troués, fans avoir ce coup d'œil defagréable.
Troifièmement, elle eft de bon teint pour la laine & pour
- a foie, & foûtient très-bien, comme je l'ai dit, le débouilli
264 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
d'alun. La teinture écarlate ne foûtient pas mieux que la nôtre
le débouilli de favon. L'épreuve la plus füre pour les tein-
turés étant l’action de Fair & du foleil, j'ai expolé des échan-
tillons de la nouvelle teinture en plein air, à lardeur du
foleil, pendant les mois entiers de Septembre & d'Oétobre
de l'année dernière ; pendant lelquels les jours ont prefque
toüjours été fereins, & ces échantillons n’ont point été dé-
teints : il eft vrai qu'au bout de ce temps leurs angles &
leurs points faillans {e font trouvés un peu ternis & éclaircis,
mais cetie efpèce d'épreuve ne doit durer, fuivant les ordon-
nances, que douze jours, les meilleures teintures ne pouvant
la foûtenir plus long-temps fans {e ternir & s'éclaircir con-
fidérablement.
Quatrièmement, elle n’altère en aueune manière la bonté
des étofles, pourvü qu'on prenne les précautions que j'ai
indiquées ; pour m'en affurer, j'ai fufpendu à des fils teints
fuivant cette méthode, des poids que j'ai toüjours augmentés
jufqu'à ce que le fil fe rompit, & le fil de cette expérience
ne s’eft caflé que lorfqu'il a commencé à foûtenir un poids
qui faifoit rompre lé même fil avant qu'il eût été teint.
Cinquièmement enfin, en conféquence des moyens d’éco-
nomie que nous avons propolés, la nouvelle teinture n'exi-
gera pas beaucoup de frais : la foude, la potaffe, l'alun & fa
couperofe font à très-bon marché ; la déperfe la plus confi-
dérable fera la main-d'œuvre. Il y a tout lieu d'elpérer
maintenant que cette découverte étant publique, fera bien-
tôt perfectionnée, les gens de l'art, qui font en grand nombre,
& dont plufieurs font très-intelligens, pouvant facilement en
faire des expériences.
Je dois cependant avertir que je nai pas parlé dans ce
Mémoire de quelques faits dont il feroit néanmoins de la
dernière conféquence d’être inftruit, ft on vouloit faire des
expériences fur cette matière, fur-tout en grand; mais comme
ces faits n'ont fait entrevoir des chofes très-fingulières fur
la nature du bleu de Pruffe, & que j'ai befoin de faire en-
core beaucoup d’autres expériences pour me confirmer dans
les
yo in
o
+ Ve
ser ct
À Die SMS r EN-CEMAONL 265
les idées qu'ils n'ont fait naître, je me fuis déterminé à n’en
parler que lorfque je ferai en état de donner une théorie bien
établie fur la nature de ce Bleu. Comme cependant mon
intention eft que ma découverte puifle devenir utile, & que
c'eft là le premier motif qui n'engage à la rendre publique,
je communiquerai volontiers ces obfervations aux gens de
l'art qui feroient dans le deflein de travailler fur cette matière.
SECOND MEMOIRE
SUR :
LA TRANSPIRATION INSENSIBLE
DEUST E PN LEA UN TE,
Pa M GUETTARD.
F #s Expériences que j'ai rapportées dans Îe premier
Mémoire, où il s'agifloit de la tranfpiration infenfible
des Plantes, tendent à prouver, 1.° Qu'entre les plantes il
yena qui tranfpirent beaucoup, tandis que d’autres, expofées
à la même chaleur, plantées dans le même terrein, tranf-
pirent beaucoup moins, & qu'il y en a même dont 1a tranf-
piration eft prefque nulle. 2.° Qu'il eft néceflaire que les
plantes foient frappées immédiatement des rayons du foleil
pour que la liqueur tranfpirée foit la plus abondante qu'elle
puifle être; & qu'une plante qui feroit dans un lieu plus
chaud, mais privée des rayons du foleïf, tranfpireroit moins
qu'une autre de même efpèce qui feroit dans un endroit
‘moins chaud , mais foumife à l'aétion des rayons de cet aftre.
3.° Que la tranfpiration n’eft pas égale pour toutes les parties
des plantes, & même que la furface qui reçoit les rayons du
foleil tran{pire plus que celle qui ne les reçoit pas. 4.° Que
Mes plantes qui gardent leurs feuilles pendant Fhiver, & qui
fleuriffent pendant cette faifon, doivent même tranfpirer moins
‘dans ce temps que dans l'été,
SMém. 1749. . Li
} 7
Expérience.
266 MÉMdIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
L'Académie trouva ces expériences affez curieufes pour
juger qu'elles méritoient d'être de plus en plus confirmées,
d’être en conféquence répétées, variées, afin de lever aïnft
tout le doute qui pourroit refter : l’Académie daigna même
n'indiquer quelques-unes des expériences que l'on pouvoit
faire; elle defira, par exemple, qu'au lieu de laïfler une
branche en expérience pendant plufieurs jours fans Ôter du
récipient la liqueur qui en avoit tranfpiré, je retirafle cette
liqueur tous les jours, afm de pouvoir comparer par - là
aifément fa différente action du foleil fur une même plante,
action qui devoit varier fuivant que le foleil feroit plus
ou moins net. On demanda de plus que je tinfle une
plante entièrement renfermée dans un globe, & que je
n'aflurafie ainfi, fi une plante qui doit s'imbiber la nuit des
parties aqueufes répandues dans l'air, ne fouffriroit pas étant
févrée de cette eau. Je ne puis mieux faire fentir de quel
poids de tels avis furent pour moi, qu'en me preflant de
rapporter le rélultat de ces expériences, même avant de.
donner le détail de celles qui ont été imaginées de nouveau.
H convient encore que je dife auparavant que la plüpart de
ces expériences ont été faites dans le mème jardin que celles
du premier Mémoire; que l'on y a apporté les mêmes pré-
cautions | & ordinairement le même appareil, excepté que
faute de globes à trois becs on s'eft fervi plufieurs fois de
ceux qui n'en ont que deux, & même de cucurbites, de
bouteilles ou de carafons, après que l’on eût remarqué que
pourvû que les feuilles ne trempañlent pas dans la liqueur
tranfpirée, il n’y avoit pas grand inconvénient à craindre: au.
refle, on n’a négligé aucun des fois dont on a été capable,
& que pouvoit demander l'exaétitude fcrupuleufe. & philo=
fophique du grand Prince qui a continué à s’amuler de ces
expériences, à en. propofer de nouvelles, à diriger même
celles que lon fe propofoit de faire.
La première prouvera fans replique, que felon que l'action
du foleil varie, la tranfpiration fouffre une diminution où
une augmentation plus ou moins grande; j'ai continué cetté.
î
i
|
|
DE :S MOMENT EN CES 267
expérience un temps aflez long pour avoir un grand
nombre de réfultats très-approchans, ou fi différens les uns
des autres, qu'ils puffent fatisfaire entièrement fur ce point.
En effet, je ne me fuis pas contenté de laiffer, comme dans
es autres expériences , la branche qui avoit fervi à celle-ci,
endant huit ou quinze jours; mais J'ai pouffé k: patience
& l'exactitude jufqu'à la continuer pendant trois mois, c'eft-
à-dire, depuis le 6 Juin jufqu'au 3 1 du mois d’Août inclu-
fiyement, ayant eu, excepté quelques j jours du mois d’Août,
Jattention d’ôter tous les matins avant le lever du foleil,
la liqueur qui avoit tranfpiré le jour précédent. Il fera facile
de faire la comparaïfon des difiérens réfultats par la Table
fuivante, & la feconde de la fin de ce Mémoire, qui renferment
non feulement le poids de la liqueur, mais encore l'état de
J'atmofphère confidéré du côté des nuages, de la pluie & de la
chaleur, détermihé par un thermomètre expolé au nord &
peu éloigné de Farbre dont une branche avoit fervi à cette
expérience : cet arbre eft le fuftet ordinaire ;des feuilles de cette
branche fe trouvèrent à la fin de l'expérience pefer 1 + gros 3 3
grains, de bois 1 gros $ grains, le total par conféquent 3!
gros 2 grains. Une telle branche, ou pluftôt des feuilles d'un
poids fr peu confidérable, prüifque le bois peut n'être compté
pour rien, ou pour peu de chofe, donnèrent par la tranfpi
ration pendant ces trois mois, 30 onces 1 8 grains ou envi
ron de liqueur ; poids qui, à ce que je crois, auroit été
encore plus confidérable, fi l'expofition où étoit l'arbre eût
été plus avantageufe, & s’il n’eût pas été à l'abri d'une mai:
fon qui lui déroboit pendant quelque temps les rayons du
Jeil. Comme il ne s’agifloit pas dans cette expérience de favoir
jufqu'où pouvoit monter Ja tranfpirations, mais d'avoir feulez
ent des réfultats que l'on püût comparer facilement les uns
2 les autres, j'ai cru que je ne devois pas être arrêté dans 1€
choix que j'ai fait deicet arbre, par fon expofition defavan+
eufe, puifqu'il me convenoit à plufeurs autres er. |
À
Liÿ
268 MÉMOIRES DE L' ACADÉMIE ROYALE
JUIN. JUILLET.
POIDS
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LIQUEUR.
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DES SCIENCES: 269:
* Outre 11 conféquence qu'on a déjà tirée de cette expé-
rience, on peut encore en déduire deux autres; 1.° en com-
parant entre eux les poids de la liqueur tranfpirée pendant
chaque mois, on peut conclurre que la tranfpiration a été
moins grande pendant le mois de Juin de plus de deux tiers,
&près de deux tiers dans le mois de Juillet, qu'elle n'a été
dans celui d'Août; 2.° *{a quantité d'eau tombée en Juin
s'étant montée à 2 pouces 9+ lignes, en Juillet à 2 pouc.
7 lignes, en Août à 1 pouce 7+ lignes, il fuit que ce
n'eft pas felon le rapport de la quantité d’eau dont les plantes
font abreuvées, que la tranfpiration fe fait, & que, comme
je l'ai dit dans le premier Mémoire, une trop- grande abon-
dance d'eau empêche la tranfpiration, puifque la quantité
de cette eau a été une fois moins confidérable en Août
qu'en Juillet, & que dans ce dernier mois elle a été, à peu
de chofe près, égale à celle du mois de Juin. On peut donc
dire en général, que ce n'eft qu'à l'action plus ou moins
continue du foleï, que la tranfpiration des plantes eft dûe,
cette action ayant été à peu près égale pendant. deux de
ces mois, les jours nébuleux & ceux d’un foleil clair &
net ayant été prefqu'en même nombre dans un & l'autre,
au lieu que dans le mois de-Juillet il n’y a eu que deux ou
trois jours d'un temps ferein, les autres ayant été nébuleux,
couverts ou pluvieux; 3.° il paroît même qu’on peut dire
que, lorfqu'après une pluie abondante ou des jours nébuleux
ou un temps couvert, le foleil vient à reparoître, ce n’eft
pas le premier jour que la tranfpiration eft la plus grande,
mais les jours fuivans, & qu’elle peut continuer fur le même
pied pendant un certain temps, du moins pour les arbres
dont les racines font profondes, fi le foleil continue à agir.
avec la même force, ils doivent toûjours trouver dans le ein.
de la terre de quoi y fournir, và la grande étendue de leurs
fe: }
1 # On-eft redevable de ces obfèr- | fon goût pour l’Aftronomie, par fon
ie à Dom Germain Charpen- | exactitude à conftruire des thermo-
ier , Chartreux de la maifon de | mètres & à faire des expériences de
Paris : ce Religieux eft connu par | Phyfque, its
LI ïï
ñ €
Expérience.
270 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
racines, fur-tout s'il étoit vrai qu'ils püflent le faire fans tirer
de l'atmofphère une partie de cette eau qu'ils perdent par la
tran{piration, comme la feconde expérience pourroit le faire
penfer.
Je l'ai d'abord exécutée fur un petit maronnier d'Inde qui
avoit deux grandes feuilles &c une petite; toutes ces feuilles
étoient entièrement dans le globe ; cet arbre y avoit été mis le
7 Juin à 7 heures du matin, on l'en a ôté le 4 Juillet à peur
près à la même heure; if avoit donné $ + gros 1 8 grains de:
liqueur ; on le remit tout de fuite en expérience; le 11, on
Jen a retiré parce que les grandes feuilles étoient à moitié
defléchées , les petites n'ayant pas cependant fouflert, on ne
trouva aucune liqueur dans le récipient; pour les feuilles, elles
peloient demi-gros 3 grains. Comme cette expérience pou-
voit fouflrir quelque difficulté à caufe du defféchement des
feuilles, & qu'on pouvoit réellement l'attribuer à ce qu'elles
avoient été privées d’un air libre, aufli-bien qu'à quelques
coups de foleil que je regardois comme la vraie caule, je
fongeai dès-lors à répéter cette expérience & à la faire fur
un arbre chargé de beaucoup de feuilles ; je ne la commença
cependant que le 6 Août à midi, & afin que l'on püt avoir
des réfultats dont la comparaifon füt facile, je mis en même
temps deux branches d'arbre femblable en expérience, toutes
les autres reftant à l'air; ces arbres étoient des orangers. Celui
dont toutes les branches furent renfermées dans un globe,
avoit cinq ans, aufli-bien qu'un des deux autres dont une
branche fut introduite dans une cucurbité; le troïfième étoit
un arbre d'environ cinquante ahs; la branche que Fon choïfit;
fat mife dans un carafon. Le 18, à 77 heures du matin, on
retira l’eau que'oranger renfermé dans le globe avoit donnée;
elle fe montoit à 42 onces, le poids de celle qui avoit tranf-
piré de la branche renfermée dans la cucurbite étoit de
2 onces moins 1 gros, la branche du troifième avoit tranf-
piré 6 gros 12 grains: on remit le même jour, & dès qu'on
eut fini de pefer ces liqueurs, les vaiffeaux à d’autres branches,
ais on choifit un autre petit oranger à peu près femblable
DES SCIENCESY/ 274
au précédent, & celui que l'on appelle communément pom-
poléon ; ce dernier étoit environ de quinze ou vingt ans. Le 27,
à Gtheures du matin, l'eau du premier pefoit 4 onces moins
14 gros, celle du fecond $+ gros, celle du pompoléon
6 gros. #4 : AN
Ces quatre rélultats me fufhfant pour faire la compäraifon
avec ceux que j'avois eus de l'oranger renfermé entièrement
dans le globe, je ne pouflai pas plus loin cette expérience
par rapport aux autres orangers} mais comme j'avois princi-
palement en vüe ici de voir fi le premier fe foûtiendroit
dong-temps quoiqu'entièrement renfermé, je-continuai à le
laiffer en expérience, & j'eus depuis le 21 jufqu'au 26 à
8 heures du matin, 4 onces demi-gros ; depuis le 26 juf
qu'au 29 à 7 heures du matin, 4 onces 1 + gros; depuis
le 29 jufqu'au 2 Septembre à 6 heures du matin, 4 onces
3 gros; le 2, 1 once 7 gros; le 3, demi-once; pour le- 4
& le $, une once; pour le 6 & le 7, 3 onces 2 gros; depuis
_ de 8 jufqu'au ro à onze heures du matin, 2 onces $ gros
#8 grains; depuis le ro jufqu'au 15 à fix heures du foir,
| 4 onces 2 gres; depuis le x. 5 jufqu'au 19 à une heure après
midi, 4 onces 3 + gros; depuis le 19 jufqu'au 23 à dix
heures du matin, 4 onces moins 3 gros : le total de fa.
liqueur tranfpirée fe monte ainfi à 2 livrés 10 onces demi-
gros 18 grains pour quarante-fept jours, ce qui fait moins
_ d'une once pour chaque jour, fi lon divife également le
_ total; mais il paroit qu'il n'en eft pas ainfi par les diffé-
rens réfultats, & qu'il y a des-jours où la tranfpiration eft
beaucoup plus forte que dans d'autres, & lon verra par da
Table météorologique , que ces. variétés dépendent de
Yaétion plus ou moins grande du foleil. IL n'eft donc pas
facile de favoir au jufte fi la tranfpiration dans ces arbres
… ef moindre ou plus grande que leur poids, cette tranfpira-.
_ tion montant beaucoup au delà dans des jours d'un beau
À ciel, & étant encore bien au deffous dans des jours nébu-
. Jeux ou couverts. En effet, les feuilles de l'oranger renfermé
dans le globe pefoient 1. once 2 gros, & même un peu.
“
pr
272 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
plus; ce que je reconnus en pefant une vingtaine de ces
feuilles, dont le poids étoit de 2 gros, & en comptant le
relte dont le nombre fe montoit à plus de quatre-vingts:
Il n'a paru inutile, faute de pouvoir faire un calcul jufte,
de comparer la quantité de liqueur que cet oranger a donné,
avec celle qui a tranfpiré des autres. Comme ces arbres avoient
été rencaiflés, & que cette opération leur avoit mal réuflr,
puifque tous perdirent bn l'hiver fuivant, je n'ofe-
rois aflurer que ce que lôn a eu de liqueur fût réelle-
ment celle qui tranfpireroit d'un arbre qui feroit en bon
état, & qui ne feroit pas privé des petites racines que l'on
avoit enlevées à ceux-ci, qui n'en avoient pas pouflé de
nouvelles, comme on s’en aflura le printemps fuivant, en
renouvellant leur terre; inconvénient qui n'étoit. pas arrivé à
celui qui avoit été renfermé dans le globe, puifqu'on ne lui
avoit pas donné de nouvelle caïffe.
On ne peut donc guère tirer de cette expérience d'autre
conclufion que celle-ci, favoir, qu'un arbre dont toutes les
branches font exactement renfermées dans un lieu qui n’eft
pas acceffible à l'air, ne fouffre en rien, du moins fenfible-
ment, de cet état forcé, & qu'ainfi les feuilles ne tirent peut-
être pas de l'air autant d'humidité qu’on le penfe communé-
ment. On pourroit peut-être croire que je n’avois pas fermé
auffi exaétement que je le dis toutes les iflues par lefquelles
Jair pouvoit s'infmuer ; mais cette objection, que j'avois
prévüe, m'avoit rendu encore plus attentif qu'à l'ordinaire ;
car outre les différens morceaux de papier collés les uns fur
les autres, j'avois encore foin de les recouvrir de parchemin
ou de veflie de cochon. L’on ne pourroïit donc objeéter
maintenant que les inftans pendant lefquels j'ôtoisle récipient,
& dire qu'ils fufhfoient pour donner un nouvel air chargé
d'une quantité d'eau fuffifante pour qu'elle pût fournir Fhu-
midité qu'on prétend être afpirée par les feuilles; mais outre
que ce n'étoit réellement que des inftans pendant lefquels le
globe refloit ouvert, on ne retiroit le récipient que de jour,
&k lorfque le foleil ayant raréfié l'eau qui eft dans l'atmofphère;
l'air
DES SCIENCES. 273
l'air qui nous envirenne s'en trouve beaucoup moins chargé:
au refte, que pouvoit être cette humidité pour un arbre qui
par l'étendue de fa tête remplifloit prefque le globe? & à
-combien pourroit fe monter l'humidité'qui feroit mêlée avec
un air renfermé dans un globe d'environ un pied dans fon
plus grand diamètre! On n’objectera pas fans doute l'eau de
la tranfpiration même, puifqu'elle fe ramafloit dans le réci-
pient, & que ce récipient étoit renfermé en terre, & peu
expofé ainfi à lation du foleil qui ne pouvoit par confe-
quent faire élever cette eau dans le globe, & l'y foûtenir
de façon que l'air du globe en fût toûjours chargé. Paflons
donc à d’autres expériences, & rapportons celles qui regardent
encore l'augmentation ou la diminution de la trânfpiration,
füivant que les plantes font plus ou moins expofées au foleif.
. Je penfai que rien ne feroit plus propre à donner beau-
coup de jour à ce point, que de tenir des plantes dans une
cavé, pendant que d’autres plantes de même efpèce feroient
expofées au foleil ; ainfi je portai dans un de ces foûterrains
un pot où étoit planté un pied du geranium ou bec de grue
d'Afrique qui s'élève en arbre, qui a des feuilles plates, 3.
brillantes & qui reflemblent à celles de la mauve, & qui a Expérience.
une très-belle fleur d’un rouge de carmin : un autre pot fut
placé dans le jardin; & pour faire en même temps une com-
paraifon des geraniyn d'Afrique avec ceux d'Europe, dont
les feuilles font beaucoup moins épaifles, je mis auffi en
expérience une branche du bec de grue appelé communément
herbe à Robert, qui étoit plantée en terre. Je commençai
cette expérience le 1 6 Juin; le 18, la branche du geraniumt
d'Afrique du jardin étant caflée aux trois quarts, je Fôtai
à 9 heures du matin; elle avoit donné un demi-gros de 1i-
queur; les feuilles avec Îeurs pédicules pefoient 2 gros 18 gr.
le bois, qui eft prefque herbacé, 1 + gros 8 grains. Je remis
_ tout de fuite une autre branche en expérience; le 26, je
- retirai la liqueur venue de ces trois plantes; je trouvai dans
| Xe récipient du geranium dont je viens de parler, 1 gros
_ 18 grains; fes feuilles fans les pédicules peloient gros
Mem. 1749. °Mmn
274 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
46 grains; la branche & les pédiculess 2+ gros $ grains:
Je n'eus dans le récipient de celui de la cave que 1 6 grains;
les feuilles fans pédicules' peloient 1 + gros; la tige & les
pédieules, 2 gros 1 $ grains: étonné du peu de liqueur que
ces plantes avoient donné, je le fus encore plus lorfque
je vis la quantité que l'on eut de herbe à Robert; elle fe
montoit à 3 onces $ grains; les feuilles détachées du pédi-
cule conumun pefoient un demi-gros 1x grains; la branche,
les filiques, les pédicules communs, 14 gros 8 grajns.
Craignant qu'une pluie furvenue dans le temps qu'avoit duré
l'expérience, n'eût contribué à augmenter la liqueur par quel-
que cas imprévû, je remis le 13 Septembre une branche
de ce même geranium en expérience; le 1 $, il y avoit dans
le récipient + gros de liqueur; la branche chargée de fes
feuilles & fiiiques, peloit 1 gros 42 grains. Si l'on compare
ces expériences, on trouvera à peu près le même réfültat,
für-tout fi lon fait attention que eette plante n'étoit pas dans
le mois de Septembre en auffi bon état que dans celui de
Juin, approchant alors du temps où elle alloit fe pañfer.
Je n'ai pas trouvé davantage de liqueur, & même encore
moins, dans les vafes où j'avois'introduit des branches de
jafmin, de myrte, de romarin, & que j'avois portés à fa
cave; les parois internes étoient feulement recouvertes d’une
gère vapeur; la branche de jafmin commun chargée de fes
feuilles peloit 26 grains, celle de myrte démi - gros, celle
de romarin 14 gros 18 grains; celle-ci avoit été en expé-
rience depuis le 30 Mai jufqu'au 6 Juin, les deux autres
depuis ce dernier jour jufqu'au 13 du même mois.
Quoique les expériences que je vais rapporter n'aient pas
été faites dans le même temps que ces dernières, Je crois
devoir les placer ici, puifqu’elles n'ont été réellement faites
qu'en vue de les comparer avec les précédentes. Le 29 Juillet,
à une heure après midi, je mis en expérience le même jafmin
& le même myrte dont il vient d’être parlé; je les phçai fur
uné fenêtre expofée au nord, qui ne recevoit le foleil que
fur le foir & pendant peu de temps. Le 6 Août, à 6 heures
DES SCIENCES. 275
du matin, la liqueur tranfpirée du jafmin peloit 43 grains;
la branche chargée de fes feuilles & d'un petit bouquet de
fleurs, 32 grains; celle du myrte, 48 grains; la liqueur,
1 gros 11 grains Une branche dé romarin qui étoit en
tefre le long d'un mur qui la privoit du foleil levant & du
foleil de midi, avoit tranfpiré depuis le 7 Juin jufqu'au
16 du même mois, 2 onces $ =#gros; fes feuilles peloient
avec les jeunes branches où elles étoient attachées, qui étoient
herbacées, & avec les calices, 3 gros 24 grains ; la branche
commune & ligneufe, 1 gros 20 grains: une branche d'un
autre romarin qui recevoit le foleil depuis fon lever jufqu’à
{off coucher, & planté également en terre, avoit tranfpiré
depuis midi du 3 Juin jufqu'à la même heure du 16 de
ce mois, $ onces 12 gros; les feuilles, les jeunes branches
& les calicés pefoient 3 gros 18 grains; le bois, 1 gros
24 grains.
IL eft inutile que je faffe faire attention à Ja différence qu'il
y a entre les réfultats de ces expériences, elle eft trop grande
pour n'être pas aperçüe facilement; mais je dois rappeler ici
un fait que l’on voit tous les jours, fans qu'on en rende, à
ce que je crois, une raïfon fatisfaifante, Lorfque fon met
dans la cave des plantes pour y pañer l'hiver, ou que l’on
y cultive des chicorées ou d'autres plantes, elles y devien-
nent blanches, elles s'y alongent plus qu'elles ne feroient
dans un jardin. Je#crois trouver la vraie raifon de ce fait
dans la tranfpiration arrêtée; la grande quantité d'eau qui
s'amafle dans les véficules parenchymateufes de ces plantes,
les gonfie, les étend & oblige ainfi les branches à prendre
de Textenfion, & c'eft peut-être 1à une des caufes qui
les font blanchir, puifque ces plantes reportées à l'air libre
& expolées au foleil prennent leur couleur ordinaire.
Ces expiriences viennent encore à l'appui de celles que
Jai rapportées dans le premier Mémoire, par lefquelles j'ai
tâché de faire voir quelle diminution confidérable ï y avoit
dans Ja tranfpiration d’une plante mife à l'ombre; cette di-
Mminution eft encore ici beaucoup plus grande, & elle n'eft
M m ji
Ai
Expérience.
276 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fans doute que la fuite de li privation totale des rayons du
foleil. I ne peut guère y avoir de doute là-deflus; ceper
dant je crois devoir encore rapporter quelques expériences
qui ne ferviront qu'à confirmer cette vérité, d'autant plus
qu'elles font de celles que l'Académie avoit defiré que je
répétafle. »
Le 24 Avril, à midi,tje mis en expérience deux branches
de caffis, chacune dans un globe; l'un de ces globes étoit
couvert d’une ferviette appliquée précifément deflus, l'autre
étoit à découvert: celle-ci avoit donné le 8 Mai, à trois
heures du foir, 2 onces 2 gros 12 grains de liqueur ; la
branche pefoit 1 gros 12 grains, chargée de fes feuilles, qui
feules pefoient demi-gros $ grains. L'eau tranfpirée de la
branche qui étoit dans le globe couvert, fe montoit à 6.
gros jufte; le poids de cette branche chargée de fes feuilles
étoit de 14 gros 3 grains; celui des feuilles féparées de la
branche, de demi-gros. È
Le 28 Août, à 7 heures du matin, je fis cette même
expérience fur des branches de l'hyfope commune ou des
boutiques, chargées de fleurs; & au lieu de n'employer que
deux branches, comme je viens de dire en parlant du caffis,
j'en avois choiïfi trois, dont une étoit dans un globe décou-
vert; l'autre dans un, couvert d’une ferviette qui l'enveloppoit
exactement ; la troifième, dans un qui n'étoit qu'à l'ombre
d'une pareille ferviette. Leendemain matin, à 6 heures, je
trouvai dans le récipient du globe qui n'étoit pas couvert,
2 onces moins un demi-gros de liqueur ; dans celui du globe
qui étoit à l'ombre de la ferviette, $ gros 12 grains; dans
celui du globe enveloppé d'une ferviette, demi-gros ; les
feuilles avec les fleurs de la branche de ce dernier globe,
pefoient 3+ gros 24 grains; le bois, 12 gros 24 grains;
les feuilles avec les fleurs de la branche du fecond, 2+ gros;
le bois, 14 gros 18 grains; les feuilles avec les fleurs de
la branche du premier, $+ gros; le bois, 3 gros. Malgré
la différence confidérable dans le poids des branches, celle
qui fe trouve dans Je poids de la liqueur tranfpirée left
4x ff
DES SCIENCES. 277
encore beaucoup plus, & elle ne peut que convaincre du
point en queftion: cependant, comme le temps étoit au beau,
& qu'il étoit précifément tel qu'on avoit defiré dans Y Aca-
démie qu'il füt lorfque je répéteroïs cette expérience, je la
fis de nouveau fur le même pied d'hyfope & avec les mêmes
précautions, avec cette feule différence que le globe qui étoit
à l'ombre feulement d’une ferviette, étoit un peu moins cou-
vert de cette ombre que dans l'expérience précédente. Je
commençai celle-ci le même jour 29, à 6 heures ? du
matin; le lendemain 30, à fix heures & demie, auflt du
matin, la branche du globe découvert, dont les feuilles &
les fleurs pefoient enfemble demi-once 29 grains, le bois,
gros, avoit tranfpiré une once 6 gros jufte de liqueur;
celle du globe qui étoit à ombre d'une ferviette, en avoit
donné 7+ gros; fes fleurs & fes feuilles peloient enfemble
demi-once; le bois, 2 gros 24 grains; les feuilles avec les
fleurs de la branche du troifième globe, peloient 3 gros
12 grains; le bois, 18 grains; la liqueur, 1 gros 4 grains:
ici le poids des branches eft moins différent qu'il ne left ci-
deflus, & celui de la liqueur l'eft beaucoup; ainfi la difficulté
que lon pouvoit peut-être faire de la différente quantité de
feuilles dont ces branches feroient chargées, tombe d'elle-
mème & ne peut avoir Jieu.
Ces expériences me conduifoient naturellement à penfer
que l'on arrèteroit, felon qu'on le voudroit, la tranfpiration,
dans telle ou telle partie d’une plante, & que, par exemple,
fi l'on couvroit la partie inférieure d’une branche pendant
que la fupérieure refteroit découverte, la première tran{pireroit
beaucoup moins que la feconde, & que tecontraire arriveroit
fi l'on faifoit l'inverfe.
Je choiïfis, pour cette expérience, une branche de l'efpèce
de morelle que lon appelle communément 4/lcamara ou
morelle, dont le fruit eft d’abord doux lorfqu’on le mange,
& enfuite amer; les branches de cette plante étant très-longues,
elles étoient commodes dans cetfé expérience qui en demande
de telles: je fis donc pañler à travers un globe à deux yeux,
M m iij
+ $.°
Expérience.
278 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
une de ces branches, & je fis entrer la partie fupérieure dans
un récipient de Glauber ; je laiffai ce récipient à découvert,
& j'enveloppai d'une ferviette le globe à deux yeux. Je
commençai cette expérience le 24 Avril, à midi; le 8
Mai, à trois heures du foir, je ne trouvai aucune liqueur
dans le globe couvert; l'autre en avoit une once 2 + gros
12 grains; les feuilles de la partie de la branche qui étoit
dans ce globe, pefoient 1 gros; le bois, 32 gros 3 grains;
les feuilles de l'autre branche, demi-gros 3 grains; le bois,
4 gros 15 grains.
Je fis l'inverfe de cette expérience fur une autre branche
du même pied de cette morelle; elle avoit été commencée
le 28 Mai, à huit heures du foir; le 6 Juin, à 4 heures
après midi, la partie de la branche qui n’étoit pas couverte,
avoit donné 3+ gros moins $ grains; le poids des feuilles
étoit de demi-gros, la moitié de ces feuilles étoit sèche; le
bois péloit 1+ gros 18 grains; celui de l'autre branche
pefoit 45 grains; les feuilles, 24 grains; la liqueur, 12 gros:
mais comme les feuilles de fa partie de la branche qui avoit
été couverte, avoient toutes fouffert, qu'elles approchoiïent
d'un état de moififlure, & qu'elles fe détachèrent en tirant
la branche du globe, cette expérience demandoit à être refaite.
Je la recommençai donc à l'heure même; mais comme
le pied de cette morelle n'avoit plus de branche commode
pour cet effet, je pris par préférence une branche de bryone
ordinairé ; le 1 6 à onze heures du matin, la partie qui recevoit
les rayons du foleil, c'eft-à-dire linférieure, avoit donné 2
onces 3 gros d'eau; les feuilles pefoient 1+ gros; la tige &
fes attaches ou vrilles, 2 gros moins $ grains; la partie fu-
périeure qui étoit à couvert, avoit tranfpiré 2 gros 1 8 grains;
fes feuilles pefoient 1 + gros 6 grains; la branche, les vrilles
& les fruits qui étoient fur cette partie, 4+ gros 23 grains.
Cette expérience a donc eu la fuite que j'avois prévüe, &
qu'il n'étoit pas difhicile de prévoir; il y a même eu des
différences aflez grandes; mais pourquoi la partie inférieure
de la branche de {a dulcamara va-t-elle rien tranfpiré, tandis
Le
dal
D 'ESUISiC 1 EN CESR 279
que la fupérieure & celle de la bryone ont donné une cer-
taine quantité de liqueur quoique couverte comme celle de
Ja dulcamara ! eft-ce que la sève portée naturellement vers
des parties fupérieures, y étant encore alors attirée par Ia
chaleur, empêche qu'il ne s’en arrête affez dans {a partie
inférieure de la branche pour fournir à une tranfpiration dont
la matière tranfpirée puifle être ramaffée? ou n'eft-ce feule-
ment que parce que le globe qui renfermoit la partie fupé-
riêure, étoit moins exactement couvert que celui où {a partie
inférieure étoit renfermée? J'avois apporté un foin particulier
à bien envelopper ces derniers globes; je les avois même
recouverts non feulement d'une ferviette fimple, mais encore
d'une autre pliée en double; eft-ce donc la première caufe
que j'ai foupçonnée qui a produit cet effet! c'eft ce que je
Mnofe encore déterminer.
Mais je crois qu'on peut, fans craindre d'être accufé de
trop de précipitation, conclurre des expériences précédentes
que la tranfpiration peut être diminuée confidérablement par
l'ombre la plus légère, & qu'elle le fera prefque totalement
par une ombre parfaite : peut-être qu’on pourra avec autant
de füreté conclure de celle qui va fuivre immédiatement
celle-ci, que, fuivant qu'il a déjà été dit dans le premier
Mémoire, des plantes renfermées dans un lieu plus chaud
que celui où d'autres le font, peuvent tranfpirer cepen-
- dant beaucoup moins, fi l'air de ce lieu ne peut pas f
renouveler, & f1 la plante n'eft pas frappée#immédiatement
par le foleil. Une nouvelle e‘pèce de chaîfis que M. le duc
d'Orléans avoit fait faire en vüe d'y exécuter différentes
expériences , fe irouva #rès-propre à celles-ci: comme ce
chaffis étoit d’une étendue bien moins confidérable que celui
fous lequel les expériences de l’année précédente avoient
été faites, & qu'en tant feulement une vitre d'un des pan-
neaux, que Jon pouvoit même remplacer par un morceau
. de papier au travers duquel on étoit le maître de faire pañfer
€" nn branche que l'on vouloït tenir en expérience, il arrivoit par-
R, ce qui ne pouvoit {e faire dans l'autre, que le chaffis reftoit
6.e
Expérience.
280 MÉMoiREs Dr L'ACADÉMIE ROYALE
entièrement fermé, & que l'expérience en étoit plus füre.
Je plaçai donc fous ce chaffis, le 14 Juillet à 9 heures du
matin, un pot dans lequel un romarin étoit plantés, je fis paffer
une branche à travers une fenêtre de papier dont on ferma
mème le plus exaétement qu'il fut poflible, l’efpace qui pouvoit
refler entre les bords du trou & la branche; j'introduifis
cette branche dans un globe qui étoit hors du chafis; un
autre globe placé fous ce chaffis reçut une autre branche,
les cols des balons furent bien bouchés. Le 26, à dix heures
du matin, l'eau tranfpirée de la branche renfermée dans le
globe du dedans du chaffis, fe montoit à 3 onces; le poids
des feuilles étoit de 2 gros; celui du bois, de 142 gros
8 grains; la liqueur de la branche du globe extérieur étoit
du poids de 6 onces 1 gros; les feuilles peloient 1+ gros
10 grains; le bois, demi-gros 19 grains. a
Le 29 à midi, je répétai cette expérience avec le même
appareil, fur deux branches d'un jafmin commun ; fa tranf-
piration de Îa branche extérieure s’eft montée à 2 onces
demi-gros; les feuilles avec leurs pédicules communs & un
petit bouquet de fleurs pefoient demi-gros 20 grains; le bois,
24 grains: la branche intérieure avoit donné une once jufte;
les feuilles avec les pédicules communs pefoient 1 gros
moins 6 grains; le bois, demi-gros moins 4 grains : on
cefla cette expérience le 6 Août, à fix heures du matin,
Un pied de tamaris de Narbonne planté proche le chaffis,
me fit venir la penfée de faire une troifième fois cette expé-
rience; je la fuivis d'autant plus volontiers que la plante devoit
ètre hors du chaflis, & que cela occafionneroït peut-être
quelque différence que je ne pouvois pas prévoir: il arriva
la même chofe qu'au jafmin & au romarin; la tranfpiration
fut beaucoup plus forte dans la branche extérieure que dans
la branche intérieure. Cette expérience ayant été commencée
le 23 Août, à 7 heures du matin, je trouvai le matin 26,
à huit heures, dans le récipient extérieur, 14+ once demi-
gros de liqueur; ce récipient ayañt été aufli-tôt remis, le
30 à fept heures du matin, on eut 2 onces $+ gros de
cette
AND E SMIC 1 EN CES 285
- cette même eau; les feuilles de la branche extérieure & les
petites branches pefoient enfemble 1 gros 24 grains; le bois,
demi-gros 1 6 grains: le poids de la liqueur de la branche
intérieure étoit de 2 onces 3 gros; celui des feuilles & des
petites branches, de 5 gros 1 6: grains, prifes auffi enfemble;
celui du bois, de 22 gros 12 grains: fa tranfpiration fat
beaucoup plus du double extérieurement qu'intérieurement ,
puifque la liqueur tranfpirée le fut, fans compter que le poids
de la branche extérieure, étoit au deflous du tiers de celui
de a branche intérieure.
On verra par a Table météorologique, que le thermo-
mètre qui étoit en dedans du chaflis, a toûjours été plus
haut que celui qui étoit en dehors; que s'il y a eu des mo-
mens où le premier ait été plus bas , ce n'a été réellement
que pendant des inftans, & qu'en général il a toüjours monté
plus haut que l'autre. J'ai avancé dans le premier Mémoire,
. qu'il me paroïfloit que des plantes grofles, c'eft-à-dire, celles
- dont les feuilles font épailes & remplies de beaucoup de
fuc, tranfpiroient beaucoup moins que Îes plantes dont
les feuilles étoient peu fucculentes : un pied de lefpèce
de cierge que lon appelle communément queue de Jouris,
qui avoit été placé fous le chaflis dont il a été parlé ci-
deflus, me procura en même temps une double expérience.
Je-fis far lui celle dont je viens de décrire l'appareil.
Le 23 Mai, à 10 heures & demie du matin, la branche
extérieure nävoit donné que 2 gros de liqueur ; linté-
rieure, que 2 gros moins 16 grains, quoiqu'elles pefañènt
+ l'une, c'eft-à-dire l'intérieure, 7 gros moins 15 grains,
_ Jautre, 7. gros 22 grains, & quoiqu'elles euffent été mifes
“en expérience le 18 du même mois, à quatre heures du
| ir: il eft encore prouvé par cette expérience que la tranf-
D poation a été moins forte en dedans du chaffis qu'en dehors;
ce qui mérite ici principalement attention , ceft la
petite quantité de liqueur que lon a eue pour quatorze jours
. & demi. En général, la tranfpiration furpañle dans les autres
| plantes le poids de la plante; mais dans celle-ci la tran{piration
Mn. 1749. HN
A
Expérience.
8.e
Expérience.
282 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
n'a pü, dans un temps ft confidérable, monter même à un
tiers de la pelanteur de la plante; de forte que fi l'on divi-
foit le poids de la liqueur tranfpirée par le nombre des jours
& par le poids des branches, l’on auroit prefque zéro pour
le réfultat de chaque jour, ou, pour parler plus jufte, lon
auroit quelques grains.
On peut tirer de cette expérience un principe de pratiqué
pour la culture de ces fortes de plantes, ou pluftôt on peut
en déduire la raifon du fait de pratique que l'on a connu dès
que lon a cultivé ces plantes. On fait qu'elles demandent à
être peu arrofées, qu'elles fouffrent beaucoup moins de
l'être peu que de l'être beaucoup, & que ce qui fuffroit à
peine à la plüpart des plantes pour chaque jour, leur fuffit
pour des femaines entières. Ceci ne peut plus être éton-
nant, dès que l’on fait que leur tranfpiration eft fi peu con-
fidérable.
Cette conféquence ne fut pas a feule qui me parut fuivre
de cette expérience: je penfai que les fruits, fur-tout les fruits
dont la chair eft fucculente, devoient être dans le même cas,
quand ils appartiendroient même à des arbres dont les feuilles
tranfpireroient beaucoup; pour m'en aflurer, je mis fuccef
fivement en expérience plufieurs fruits & des branches char-
gées de feuilles.
Le 21 Juin, à une heure du foir,, j'introduifis une feuille
de melon, appelé par les Jardiniers, Cantalupi de Hollande ,
dans une bouteille de verre, & un fruit dan$ le chapiteau
d'un alambic aufli de verre : le 7 Juillet, à cinq heures du
matin, la feuille qui pefoit un demi-gros 26 grains, avoit
tranfpiré 2 onces 2 gros jufte de liqueur ; le fruit, un demi-
gros jufte : il pefoit 7 gros moins $ grains. Ce fruit s'étoit
un peu fané par fon pédicule avant le 7, ce qui avoit peut-
être diminué la tranfpiration de quelques grains.
Le 7 Juillet, à fix heures du matin, je répétai cette expé-
rience fur une grappe de raïfin mufcat, une grande feuille
ancienne & une petite développée depuis peu, priles chacune
{ur la même branche, & peu éloignées Fune de lautres
v. DES SCIENCES. 28
Le 23.à la même heure, on ôta la bouteille où étoit la
grande feuille, parce que celle-ci étoit devenue jaune, &
qu'elle commençoit à fe faner ; elle avoit donné 2 onces
1 gros de liqueur, elle pefoit avec fon pédicule un demi-
gros 24 grains. Le 21 Août, la tranfpiration de la petite
feuille étoit de 1 once 14 gros : elle peloit environ 20 grains;
je dis environ, parce que cette feuille s'étant fanée & étant
tombée dans l'eau qui avoit tranfpiré, je fus obligé d’en choifir
une autre à peu près égale, pour favoir fon poids, qui fut de
20 grains. Le 30 Août, à 1 1 heures du matin, fa grappe
avoit donné 3 onces 6 gros d'eau, elle pefoit , avec fa queue,
x once 6 gros. |
Comme cette grappe avoit augmenté dans Îe temps de
l'expérience, je crus devoir en remettre une autre à peu près
dans toute fa groffeur, afin d’obvier aux difficultés que cela
pouvoit occafionner. J'introduifis donc dans un grand pou-
drier, le 2 Septembre, à fix heures du matin, une grappe de
raifm prife fur le même pied de vigne que la précédente : le
Jendemain la partie qui regardoit le foleil étoit devenue d'un
jaune roufleätre, fans doute par faction du foleil fur elle. Le
32, à dix heures du matin, elle avoit tranfpiré une once
jufte; elle pefoit 3 onces $ + gros 24 grains.
Les fruits de calebaffe, de mélongène , étant aufii çom-
modes qu’ils le font pour cette expérience, je ne pouvois
-manquer de la faire auffi fur eux ; je la commençai le matin
du 12 Septembre à 10 heures: Je 19 à 3 heures du foir,
Ja calebañle, qui pefoit une once moins 41 grains, & qui
:s'étoit défléchée en partie, avoit tranfpiré 3 gros moins 6
grains ; les feuilles qui peloient fans leurs pédicules 2 gros
°24 grains, les pédicules & la branche 4 gros 31 grains,
‘avoient donné 3 onces moins demi - gros de liqueur : le
fruit de la mélongène, qui peloit 1 + once 48 grains, en
. -avoit tranfpiré 1 + gros, les feuilles étoient d’une demi-once
moins $ grains, le bois & les pédicules des feuilles de
221 gros $ grains, la liqueur de 71 onces 18 grains: une
Fi >grenade que je mis en expérience à 5 pu: du foir.du
n i]
284 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALr
même jour 19, n'avoit donné de tranfpiration que r 2 grains
le lendemain à la même heure, quoique le foleil eût été
très-beau tout le jour, & quoiqu'elle pefit 2 onces moins
1 gros 24 grains.
Un autre fruit de mélongène, une fois plus gros que celui
dont je viens de parler, ne donna pas la moindre goutte
d'eau, quoiqu'il eût reflé en expérience autant que le pré-
mier. Surpris de cette différence, je ne fus cependant pas
long-temps à en trouver la raïfon, & j'appris même par {à
que la tranfparence plus où moins grande du vaiffeau de
verre dont on fe fert, peut occafionner des différences confi-
dérables ; le vaifleau employé dans cette expérience étoit une
cucurbite de verre de Lorraine, femblable à celui des bouteilles
À vin ordinaires: il eft vrai que l'opacité de ce vaiffeau étoit
encore augmentée par l'ombre des feuilles de la plante, &
que peut-être elles contribuèrent encore plus à arrêter Ja
tranfpiration que le vaifleau même ; car il arriva la même
chofe à une grappe de raïfin mufcat que M. le Duc d'Or-
léans avoit fait mettre dans un grand poudrier de verre blanc,
& qu'il avoit fait laiffer à l'ombre des feuilles , afin de faire
groflir le fruit, puifqu'il étoit vrai que Fombre d’une ferviette
empèchant la tranfpiration, celle des feuilles devoit produire
le même effet: cette grappe devint réellement très-belle, les
grains en étoient plus gros que ceux des grappes femblables
attachées au même cep, mais plus expofées au foleil & à Fair
libre, & même que ceux de la grappe qui étoit renfermée dans
un poudrier, mais frappée des rayons du foleil ; auffi cette grappe:
qui avoit été mife en expérience le 3 Septembre, & qui
avoit refté beaucoup plus de temps que celle dont on a déjà
parlé, n’avoit nullement tranfpiré. J'avois encore eu un pareil
réfultat dans une expérience que j'avois faite fur un bouton
de rofe, & fur une feuille de ce même rofier, compolée de
trois petites feuilles : je crois devoir attribuer encore ce man-
que de tranfpiration à une caufe qui eft toüjours la même,
puifque ce n'étoit que parce que le papier dont le couvercle
de chaque poudrier étoit fait, portoit ombre au bouton &.
DES SciIeNCESs. 285$
à fa feuille : le bouton fe développa, la rofe prit toute fa
grandeur, les pétales fe détachèrent enfuite, cela fe fit dans
. l'efpace de dix jours, l'expérience ayant été commencée le
6 Juin, & finie le 1 6; la feuille, qui n'avoit pas beaucoup
augmenté, ne fouffrit en rien.
Outre les conféquences phyfiques que l’on peut tirer de ces
expériences , elles doivent rendre attentifs ceux qui en vou-
droïent faire de femblables, à mettre dans la même fituation
& la même expofition les parties des plantes qu'ils veulent
foûmettre à ces expériences, puifque la petite différence qui
pourroit fe trouver dans la pofition des feuilles, dans celle du
couvercle des vaifleaux, peut tant influer fur le réfultat de
l'expérience. Quant aux autres conféquences qui füivent de
celle-ci, je crois qu'elles peuvent étre telles; favoir, 1.” Qu'il
fuit de là que la pratique de ceux qui renferment dans des
facs de papier & même de gaze des grappes de raïfin, ne
les met pas feulement à labri des oïfeaux, mais qu'elle
augmente même par - là fa beauté de eur fruit. 2.° Que 1a
fagefie de Ja Nature dans la pofition des fruits fur les arbres,
où ils font ordinairement placés de façon qu'ils font à l'ombre
des feuilles, fe reconnoït maintenant beaucoup plus, que l'on
peut en rendre une raifon phyfique très-fenfble & très-fimple,
3° Que dans le temps où les fruits tendent à leur matu-
rité, il eft à fouhaiter que le ciel ne foit pas toûjours trop
net, & qu'il y ait des temps nébuleux, qui en empéchant
la trop grande tranfpiration, faffent groffir le fruit en même
temps qu'il mürit, & que ce n'eft peut-être pas tant l'eau
que les pluies peuvent fournir qui leur fait prendre de l’ex-
tenfion, que la fuppreffion prefque totale de 14 tranfpiration
de ces fruits; je dis prefque totale, puifque l'ombre des
feuilles étant la même, un temps couvert peut, à ce que je
“pente, être équivalent à l'ombre d’un papier ou d’une fer-
Wiette. Si nous confidérons l'expérience en elle-même, n’en
tirerons-nous pas encore cette quatrième conféquence, que
des fruits, du moins ceux que nous avons examinés, tranfpi-
sent chaque jour beaucoup moins que leur deu , & que
n ij
e
.
Expérience.
286 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
cette tran{piration eft même prefque nulle, ou fe réduit à peu de:
chofe, puifque la première grappe de raifin qui peloit 1 once
6 gros ne tranfpiroit par jour environ que.24 grains, & que
la feconde, dont le poids étoit de 3 onces $ gros 24 grains,
avoit encore donné beaucoup moins, fa tranfpiration ne.
montant pas à un gros par jour : il en eft ainfi des autres.
J'ai cru pouvoir avancer dans le premier Mémoire, que:
les plantes tranfpiroient peu par le bois, voilà une autre partie
dont la tranfpiration eft aufli beaucoup au deflous de fon
poids. Les fleurs font, à ce que je penfe, encore de ce
nombre : les expériences que j'ai faites à ce fujet, femblent
du moins conduire à le croire. Celle qui m'a paru la plus
concluante, a été faite fur une fleur de fframonium à grandes
fleurs blanches ; cette fleur peloit 2 gros 3 o grains, la liqueur
s gros 18 grains : la feuille, dont le poids étoit de 14 gros,
avoit tranfpiré $+ gros pendant un jour, l'expérience ayant
été commencée le 19 Septembre à cinq heures du foir, &
finie le lendemain 20 à fix heures aufli du foir.
J'avois déjà fait cette expérience fur le pavot des jardins:
j'en avois, le 1 9 Juin, introduit une feuille dans un ballon à
deux yeux, deux boutons à fleurs dans une bouteille à col
très-court : le 29 du même mois, à fept heures du matin,
ces boutons qui s'étoient développés, & qui en tout, c'eft-
à-dire, le fruit, les pétales, les étamines, les pédicules, pe-
foient 1 once 1 gros 30 grains, n'avoient tranfpiré qu'une
once moins 20 grains; la feuille, dont le poids n'étoit que
d'un gros, avoit tranfpiré 1 once 1 + gros.
Le 8 Mai, à quatre heures du foir, j'avois, dans les mèmes
vûes, tenté cette expérience fur le fpirea à feuilles crénelées:
les fleurs forment une grappe longue fur une branche char-
gée de très-petites feuilles & en petite quantité, d'autres
branches ne font garnies que de feuilles ; ainft il étoit facile
de faire cette expérience fur cet arbriffeau. Le 23 du même
mois, à dix heures & demie du matin, la branche chargée
de feuilles avoit donné 4 onces moins un demi- gros;
celle qui l'étoit de fleurs, une once: ces fleurs, avec les
xIATO LE SNANGA'E N CEE 287
petites feuilles, peloient 28 grains, le bois 36 grains; les
feuilles de l'autre branche, 33 grains fans leurs pédicules;
ceux-ci & le bois, 42 grains.
Ces différences du poids des fleurs & des feuilles ne font
pas aflez confidérables pour entrer en comparaifon avec celle
du poids de la liqueur tranfpirée; aïnfi on ne peut guère,
à ce que je penfe, s'empêcher d'admettre la propofition qu'il
s'agifloit de prouver : on n'accorderoit peut-être pas fi faci-
Jement celle par laquelle on prétendroïit que la tranfpiration
ne {€ fait en raïfon des furfaces, que dans les parties fem-
blables ; cependant m'étant propofé dans 11 dernière expé-
rience d'examiner cette queftion, j'eus attention de mefurer
la furface de la feuille de pavot & celle de fframonium, & de
la comparer avec celle des fleurs. Rien n’étoit plus aifé, puif-
qu'il ne s’agifloit que d'étendre ces parties les unes fur les
autres : les pétales feuls du pavot en avoient beaucoup plus
que la feuille; & fr on y eût joint les furfaces développées
des fruits, des éramines & des pédicules, la différence auroiït
peut-être été plus que du double. La fleur du framonium
étoit au moins d'un quart plus grande que la feuille. La
-petitefle des fleurs du /pirea a empêché d'avoir auffi exac-
tement cette melure ; ainfi, s'il eft vrai que deux parties fem-
blables d’une même plante tranfpirent en raïfon de leur fur-
face, comme cela doit naturellement être, il eft, à ce que
je penfe, également vrai que des parties diflemblables d’une
même plante ne fuivent pas cette règle, & que pour que
Yon puifle en faire une règle générale, il faut que la come
paraifon foit de parties femblables & homogènes.
Venant de rappeler ce que j'ai dit dans le premier Mé
moire fur le peu de tranfpiration du bois dans les arbres,
je rapporterai ici une expérience qui y a rapport. Je penfois
“dès-lors que plus les parties ligneules feroient réellement
Pois, plus cette tranfpiration feroit petite; & que dans les
plantes où les tiges font plus herbacées, ces parties tranfpire-
roient, il eft vrai, moins que les feuilles, mais que leur tranf
piration feroit plus grande que dans les arbres : c'eft ce dont
r0.®
Expérience.
11.
Expérience.
288 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
je m'aflurai par l'expérience fuivante. Elle fe fit fur l'armoife;
dont une branche fut dégarnie de fes feuilles & des branches
latérales, ayant eu foin de mettre fur les bleflures un mor-
ceau de cire, afin qu'il ne fuintât de ces endroits aucun fuc:
une autre branche étoit chargée de toutes ces parties.
L'expérience commença le 26 Juillet à midi, elle finit le
6 Août à pareille heure; la liqueur de la branche chargée
de {es feuilles pefoit 24 onces, les feuilles avec les petites
branches garnies de fleurs demi-gros 1 $ grains, le bois demi-
gros 3 grains. Cette branche s’étoit fanée en partie, ayant
été un peu détachée de la maïtrefle branche: celle qui avoit
été dépouillée de fes feuilles, avoit tranfpiré 1 once 64
gros; elle peloit elle-même 2 gros moins 1 1 grains, poids
qui eft plus grand que celui de l'autre branche chargée de
fes feuilles, qui a donné une fois plus de liqueur. Ainfr
cette différence ne vient, à ce que je penfe, que de ce que
la partie ligneufe des branches tranfpire moins que les parties
herbacées des feuilles.
Seroit-ce par une raifon femblable que les plantes & les
arbres qui reftent toüjours verts, tranfpirent moins que ceux
qui perdent leurs feuilles ? ces parties feroient-elles en quel-
que forte plus ligneufes que ces mêmes parties des arbres
ou des plantes qui les perdent l'hiver? il n’eft pas aifé de
déterminer f1 cela eft, & quand on le pourroit, f1 cela feroit
la vraie caufe qui empèche les feuilles de tomber: on en
trouve une, comme je l'ai déjà dit dans le premier Mémoire,
d'après les expériences que j'avois faites, & d'après celles
de M. Hales, dans le peu de tranfpiration de ces plantes
comparé avec celle des autres qui confervent leurs feuilles.
Les expériences que j'ai encore faites depuis, concourent à
prouver la même vérité.
Le 4 Juillet à huit heures du matin, je mis en expérience
une branche de Puplevrum en arbre, à feuilles de faule, chargée
de feuilles & de fleurs, une du Zuplevrum annuel, dont
la tige femble percer les feuilles; & comme ces plantes font
de li claffe des umbellifères, je fongeai à les comparer avec
quelques
Di E SRE: L'E N:'C/EUS UE 289
- quelques autres ; je choïfis pour cela l'angélique à feuilles
d'ache de marais, & l'ache même; la branche de cette der-
_nière étoit garnie de feuilles & de fleurs, la première n’avoit
que des feuilles Le 10 du même mois à fix heures du
matin, le Zuplevrum en axbre avoit donné 2 onces 6 gros de
liqueur ; fes feuilles peloient 1 gros 11 grains; la tige &
l'umbelle de fleurs, 14 gros $ grains: le /uplevrum ainuel
avoit tranfpiré 8 onces 2+ gros; le poids des feuilles étoit
de 3 gros, celui du bois"& des fleurs de 2 gros 8 grains; les
feuilles du bas des branches avoient un peu fouffert 8B’étoient
ün peu defféchées deux jours avant qu'on les eût retirées;
il étoit arrivé à peu près la même chofe à celles de l'angé-
dique; elles n’étoient cependant que fannées, elles peloient fans
les pédicules, 2 gros; ces pédicules avec la branche, 2 + gros
24 grains; la liqueur qui en avoit tranfpiré, 11 onces
‘2+ gros; celle de Fache, 6 onces 6 gros; fes feuilles,
demi-gros 24 grains; les tiges avec les branches & les um-
belles, demi-once demi-gros.
Ne fachant à quoi attribuer la grande quantité d’eau tranf
_ pirée de F'angélique & de fache principalement, penfant
. cependant qu'elle pouvoit venir de ce que la terre ayant été
ambibée par les pluies qui étoient tombées les jours qui avoient
précédé cette expérience, ces plantes pouvoient avoir beau-
coup plus pompé qu'elles n'auroient fait dans un autre
temps, & qu’elles ne devoient faire par la fuite en ne eur
donnant point d'eau, je répétai cette expérience le 10 .
du même mois à 7 heures du matin; le 14, à fix heures
auffi du matin, la liqueur tranfpirée du &uplevrum en arbre
fe montoit à 7 gros 12 grains; celle de annuel, à une
once 45 grains; celle de langélique, à 6 onces 1 gros
- moins 14 grains; celle de lache, à 4+ onces $ grains:
fes feuilles pefoient 1 4 grains; les branches avec les umbelles,
gros; les feuilles de l'angélique fans leurs pédicules, un
; la branche & les pédicules, demi-gros 16 grains;
euilles du Ovplevrum annuel, un gros; les branches avec
umbelles, demi-gros 8 grains; Ja branche & Fumhelle
… Mém. 1749: » Un
24°
Expérience.
290 MÉMOIRES DE L’ÂCADÉMIE ROYALE
de Fautre buplevrum, demi-gros 10 grains; les feuilles;
25 grains. |
En comparant ces différens réfultats avec les précédens ,
il fera facile de s’aflurer que ces plantes ont pour le moins.
autant tranfpiré. en dernier lieu que la première fois, &
que le Ouplevrum en arbre eft celui qui l'a fait le moins,
enfuite l'autre Buplevrum, puis Tache, & que l'angélique eft .
celle dont la tranfpiration a été ka plus confidérable.
On pourra encore tirer la première de ces deux confé-
Pre à expériences fuivantes, qui cependant n’avoienñt
pas été faites dans cette vüe, mais pour tâcher de déterminer
quelle étoit la tranfpiration des plantes & des arbres qui con-
fervent leurs feuilles en hiver, & de pouvoir la comparer
avec celle de ces mêmes plantes & arbres en été.
Ce fut d'abord fur le romarin que je commençai cette
expérience; la branche dont je me fervis, n'avoit point de’
fleurs, mais plufieurs autres en avoient quelques-unes: cette:
branche n'avoit tranfpiré depuis le 14 Janvier jufqu'au
3 Février, que 3+ gros 6 grains; fes feuilles attachées aux
petites branches pefoient demi-once 11 grains; le bois,
1+ gros 14 grains: il faut obferver qu'il a prefque tous
les jours plu par intervalle pendant tout le temps que l’ex-
périence a duré, & que ce romarin étoit à l'ombre d'u
mur qui le couvroit entièrement du foleil; nous avons vü
dans une des expériences précédentes, combien ce même-
romarin avoit plus tranfpiré dans le mois de Juin:
Je continuai cette expérience fur le buis, le cyprès & le
urier-thym ; la branche de ce dernier arbre avoit des bou-
tons à fleurs, prêts à épanouir ; depuis le midi du 25 Fé-
vrier jufqu'à onze heures du matin du 12 Mars, le laurier-
thym avoit tranfpiré 7 + gros; la branche peloit x gros
9 grains; les feuilles, 3+ gros 4 grains; celles du buis,
2 gros $8 grains; la branche, 2 gros 4 ‘grains ; la liqueur,
2+; celle du cyprès, 6+ gros; le poids des feuilles étoit
de 6 gros moins 4 grains; celui du bois, 3 gros 18 graiñs.…
J'aurois bien defiré pouvoir faire l'expérience de compa-
DE SSL LE NC ES. 291
raïfon que je m'étois propolée, fur les mêmes pieds de ces
arbres, & dans les places où üls étoient en hiver; mais ces
arbres ayant été déplantés & placés autre part, je fus obligé
de choïfir d’autres pieds & expolés différemment ; malgré
cet inconvénient je rapporterai cependant ce que j'ai obfervé
fur le cyprès & le laurier-thym, n'ayant pü faire la même
ghofe fur le buis, dont le pied étoit mort par la tranf
plantation qu'il avoit foufierte. Le laurier-thym avoit donc
tranfpiré depuis le 6 Août à fept heures du matin jufqu'à
midi du 8, $ gros jufte; fes feuilles, dont a moitié étoit
grillée, peloient 1 + gros 10 grains; le bois, demi-gros
10 grains: la branche de cyprès qui ne fut ôtée d'expérience
que le 18 à 6 heures du matin, avoit donné 2 onces
$ + gros; ayant été remife tout de fuite & ayant été Ôtée
le 23 à fix heures du matin, elle donna 1+ once moins
48 grains; les feuilles pefoient 2+ gros ; le bois & les pe-
tites branches ou pédicules communs des feuilles, 1 gros
24 grains.
On voit donc que, quoique ces arbres fleuriffent même
dans fhiver, leur tranfpiration pendant ce temps, comparée
. avec celle de l'été, eft prefque nuile, paifque le cyprès a donné
pendant fix jours d'été beaucoup plus qu'il n'avoit fait pen-
dant un mois d'hiver, & que le hurier-thym en deux jours
a prefqu'autant donné que pendant ce même mois d'hiver.
J'avois encore entrepris cette expérience fur le bois gentil
qui perd fes feuilles l'hiver, fur l'alaterne mâle & fur l'arroche
_ à feuilles d’halime, mais ne l'ayant pas répétée l'été, elle eft
* reftée imparfaite, je rapporterai cependant le réfultat de l'hiver :
| ces plantes ayant été mifes en expérience le 12 Mars à
. midi, le 26 du même mois la branche d’alaterne avoit tranf-
_piré 3 onces 2 gros de liqueur; fes feuilles pefoient 64 gros
48 grains; le bois, 24 gros 1 8 grains: la liqueur tranfpirée
de F'arroche, 3 onces demi-gros 18 grains; fes feuilles,
3 gros 18 grains; le bois, 1+ gros; la liqueur du bois
gentil, 15 once 1 3 grains; les feuilles avec les fleurs, 3 gros ;
is, 6+ gros. -
Ooï
nas
Expérience.
14°
Expérience,
292 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Une autre expérience qui a beaucoup de rapport avec
celle-ci, que je n'avois cependant pas faite dans les mêmes
vies, mais dans celle de voir fi les plantes tranfpirent plus
lor que leurs feuilles font j jeunes que lorfqu'elles font plus ou
moins avancées, cette expérience, dis-je, doit trouver ici fa
place; elle fut fie fur une jeune branche d’amandier ordi-
naire, les feuilles étoient d'un verd-clair: je la commençai
le 10 Avril à neuf heures du matin; le 24, à dix heures.
aufli du matin, cette branche avoit tranfpiré 3 onces 1 gros
6 grains; les Tes pefoient 1+gros 5 grains ; la branche,
demi-gros $ grains. Une branche du même arbre &
prife proche celle du printemps & à la même expofition,
avoit tranfpiré depuis le re Septembre à fept heures du
matin jufqu'à fix heures du matin du 3 fuivant, r once
6 gros 12 grains; les feuilles peloient 24 gros 12 grains;
le bois, 1 gros 18 grains: ce n'eft donc pas fuivant que
les plantes font plus ou moins jeunes, que la tranfpiration
fe fait, puifqu'il n'y a nulle comparaifon entre la quantité de
la liqueur tranfpirée au mois d'Avril & celle qui auroit
tranfpiré dans le mois de Septembre, fi la branche eût refté
en expérience autant de jours.
Je finirai ce Mémoire par l'expérience qui tend à prouver
que la furface fupérieure des feuilles tranfpire plus que Fin-
férieure, & par quelques autres fur la tranfpiration en général,
qui n'ayant pü être placées dans fe corps du Mémoire, ne
laïflent pas cependant de mériter attention: quant à la pre-
mière, je vernis en deflus les feuilles d’une branche de gre-
nadier, une autre en deffous, une troifième en deflus & en
deflous, & pour fervir de terme de comparaifon complète,
je laiffai les feuilles d’une quatrième fans la vernir; ce vernis
étoit de Fhuile de lin: tout fimple qu'il étoit, H ne laïfla
pas d'agir fur les feuilles, dès le lendemain elles devinrent
plus ou moins noires. Ces branches ayant été mifes en ex-
périence le 3 0 Août à midi, le 3 Septembre à dix heures
du matin la branche non vernie avoit donné de liqueur,
3 + gros; {es feuilles pefoient 22 grains; le bois, 10 grains:
D E SMSNC) Tr € Nc ElSI 293
a branche vernie en deffus & en deffous, avoit tranfpiré 1 gros
F2 grains; les feuilles pefoient 1 gros; le bois, 34 grains ;
la branche vernie en deffus avoit donné 1 gros 22 grains;
les feuilles pefoient demi-gros 8 grains; le bois, 2 9 grains:
la branche vernie en deflous a donné 3 gros moins 24 gr.
les feuilles pefoient demi-gros 6 grains; le bois, 24 grains.
Le réfultat de cette expérience confirme celui des expériences
rapportées dans le premier Mémoire, & il paroît que réel-
lement les furfaces des feuilles tranfpirent fuivant qu'elles
font plus ou moins expofées à lation du foleil; ce qui
mème n'eft qu'une conféquence des autres expériences, qui
prouvent que les plantes qui font à l'ombre tranipirent
beaucoup moins que celles qui n’y font pas.
Si les expériences fuivantes ne prouvent pas ce point,
elles contribuent du moins à faire voir que la tranfpiration eft
communément très-grande dans les plantes; car une branche
de fureau dont les feuilles pefoient 1 + gros, le bois demi-
gros 14 grains, a donné depuis le 8 Mai à qüatre heures du
foir, jufqu'au 23 à dix heures du matin, 5 onces 77 gros.
Le 26 Juillet à fept heures du'matin, une branche de
mauve ordinaire à grandes fleurs, & une de la guimauve Îa
plus commune, ayant été mifes en expérience le 4 Août à
fix heures du matin la liqueur tranfpirée de 11 guimauve
pefoit 10 onces moins 3 gros 1 1 grains ; les feuilles fans les
pédicules, 6£ gros; le bois, les pédicules, les boutons à fleurs,
6 gros 10 grains: la mauve avoit donné 2 onces 2 1 gros
10 grains; les feuilles fans les pédicules pefoient 1 + gros
12 grains; le bois, les pédicules & les fruits, une demi-once.
Par la 17€ expérience, j’avois voulu m'aflurer plus particu-
… . lièrement fi un globe à deux yeux, dans lequel la liqueur
… zefloit tout le temps de l'expérience , n’étoit pas moins
. propre que celui à trois, par un defquels la liqueur couloit
dans un récipient! pour cela je mis dans deux femblables
… globes une branche d’aurone commun de la campagne, elle
… étoit garnie de plufieurs branches latérales chargées de boutons.
à fleurs; la branche du globe à deux yeux pefoit 1 £ once;
Oo iij
D TE" JE
FL
5.
Expérience:
16.
Expériences.
17.
Expériences
294 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaAzE
l'eau tranfpirée 1 $ onces; la branche de l'autre globe pefoit
également 1 + once, fa liqueur 14 onces moins 3 gros. Si
cette différence venoit des globes, l'avantage ne feroit pas
pour le globe dans lequel la liqueur refte flagnante pendant
l'expérience; mais cette différence ne vient, à ce que Je crois,
que de ce que le globe à trois yeux étoit placé de façon
qu'il n'avoit pas le foleil levant aufli-tôt que l'autre: au refte,
cette expérience a duré depuis le 14 Août, onze heures du
matin, jufqu'à midi du 21 fuivant, ce qui fait fept jours
complets, pendant chacun defquels cette plante a tranfpiré
beaucoup plus que fon poids; ce qui nous fait encore voir
que la tranfpiration eff bien différente dans différentes plantes,
quoiqu'elles foient plantées dans le même terrein, à la même
expofition, & qu'ainfi on ne peut trop multiplier ces expé-
riences, ft l’on veut avoir quelque chofe de bien exaét fur
cette matière, qui peut fournir des vües utiles pour l'agricul-
ture; utilité que je crois du moins entrevoir , & qui m'enga-
gera à pourfuivre ces expériences.
rss
ED ne a+
D x SNSRG EE NE UE IS 295
T À B L ÆE dn Réuhat des Expériences *.
RTE EP D RE CE D ER UE
MOIS NOMS POIDS POIDS
& des de la des
JouRs. PLANTES. liqueur tranfpirée.| BRANCHES.
EE LS PS
7 JUIN onces. gros, grains.| onces. gros. grains.
jufqu'au | Marronier d'Inde. ....| o. 52 18.
4 JUILLET.
Oranger,
toutes Îles branches
renfermées +. .
une dans une cu-
dont !
\ Cütbite. le he
o.|
une dans un cara-
fon EU
Pompoléon ÉMOE PTTETE
Oranger renfermé entier.
HE E 8
Oranger renfcrmé dans
H GS) EC TD
| ax LeN +
DE un tn
[e] © [e]
une cucurbite . . ... Ovnis 22110:
| 21 — 26. 4. 4. o.
26 — 29. 4 17 0.
29 — 2 Sept. 4e 3e o.
SG PÉRE HR eee o.
A aa SAGE o.
. Oranger renfermé dans d é :!
4. nets: de . globe. “I, è »
One ler à SAME o.
(ex u
“+ On ne trouvera pas dans cette Table le poids de Ja liqueur tranfpirée , divifé:
—rclativement à celui des branches & aux jours, comme dans celle du premier Mé--
ire : cette divifion ne pouvoit être faite ici, puifque les expériences font de nature
ne le pas permettre, ou à ne le pas exiger,
296 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
S +
MOIS NOMS POIDS | POIDS
& des de la des
JouRrs. PRIVANNIT:E S. liqueur tranfpirée,| BRANCHES.
à
Geranium ou bec de grue] ‘"# erex “éraims.|'onces. gros. grains.
“d'Afrique du jardin,
Juin.
16 ETS: branche caflée. . ..| o. Z 0.| o. 32 26.
Bec de grue d'Afrique de
Aa CAVE EM PA 0. NON T 6.100 371:
16 —26. { Herbe à Robert. . . ... 3510005: |Mo NE nids:
Bec de grue d'Afrique du
Jade CNRS chers | LRO RL: 100] o EE
30 Mar. Jafmin commun..| ©. o. o.| o. o. 26.
jufqu’au
6 Jurn. [dans la/Myrte commun. .| 0. ©. o.| o. &.-.
cave.
6 — 13. Romarin. . . . .. 0.200. A 02) fo: ire MRos
SEPTEMBRE
13 — 15. [Herbe à Robert. . .. ..| o 5+ o| o* 12 6.
29 JuiceET!Jafmin commun. .. ..[ o. 1 | o. o. 32.
jufqu'au
6 AousT. |Myrte commun. . ....] ©. 1. 11.| o. SU
Jurx.
7 — 16. [Romarin..........l 2. 52 di: 0. 421 8.
3 — 16. |[Romarin, ...... .s.s.[ 5+ 12 0. 0. 4206.
24 AVRIL|Cafflis couvert. ...... ONG 0.0. 2 RE
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24 AVRIL
jufqu’au
8 Mar.
la partie fupérieure dé-
COUVETLC EE EN CNE Fu: 2 12,
linférieure couverte...| o. o. o.
28 Mar |Morelle grimpante,
jufqu'au part. infér. découverte...
6 JUIN. | part. fupér. couverte...
|:
CH
NI Bin
.
Bryone ordinaire,
part. infér. découverte.
part. fupér. couverte. .
Morelle grimparte, dont OnCes. gros. onces, £TOS grains,
Romarin, dont une bran-
che hors du chaffis. . .
fous le chaffis . ..
29 JUILLET Jafmin commun,dont une
jufqu'au branche hors du chaffis.
6 AOUST, fous le chaffis..
Tamaris de Narbonne,
dont une branche hors
di) chats; 2f.1# sets 4.
fous le chaffis . ..,..| 2.
AOUST.
23 — 30.
Cierge appelé queue de
MAI. #| fouris, dont une bran-
8 — 23. che hors du chaffis. . .| o.
[ fous le chafis . ..| o.
Melon cantalupi de Hol-
RÉEULLS Drame
jufqu'au feu 025212 "Ron 0: 10 = 26.
7 Juiceer. HORS some den col D:1 7e ef:
Mem. 1749. "FD
298 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
MOIS NOMS POIDS POIDS
& des de Ja des
Jours. PILYAUNLTUE s. liqueur tranfpirée.| BRANCHES,
|
Onces, gros. grains,
onces. gros, grains.
Raifin mufcat,
7 Mes grande feuille 2. 10 0.140 L 24
jui petite feuille. . ..] 1. 14 o.| 0. o. 20
30 AOUST.
DTAPPE.s fe =. .…l) 3°, (6: el LS MO AANTCE
ARR Grappe deraifin mufcat.….| 1. o. o.| 3. 5-2 24
Calchaffe, fruit . |. . .. .|: où 3: 6 Mo. 1 —41.
feuHe NE EE No No. NC T9;
12 — 19. | Mélongène, fruit. . . .. 0. 14 O.| o. 1548.
feuilles 4e 11 a. 6E :
[Autre fruit à l'ombre. ..| o. o.
19 — 20. 0. oo.
3 —19 & plus. O0. oO
JUIN.
FR ROC tre tte cotes AO: LO:
Stramonium à grandes
20 SEPT. fleurs blanches, fleurs...| o.
I
feuilles.| o. s$
him *?
*
=
Pavot des jardins, fleurs. |
. Le nl
feuilles.| 1. 12 K
Spirea à feuilles crénelées.
branches à feuilles . . ..| 4. — =.
AUSSI T'NrOË
Lai"
D EUSNMS Gi E An CIE: 299
RS a ‘À
|
MOIS NOMS POIDS | POIDS
Le & des de Ja des
Jours. PLANTES. liqueur tranfpirée.| BRANCHES.
ECRIRE EEE SUP TENTE | FEU CEE ISERE ETS
| 26 JUILLET Armoife, branches avec| 25 gros. grains.| jonces. gras. grains.
| jufqu’au {es feuilles. 2... HONTE 0! t'15 "0200004
6 AOUST. |fans fes feuilles . . . . . . HAMRO ee 10. | 2e LT
| z
Buplevrun en arbre à feuil- i
les defaulc 4/60). 20860110. 22 164
Buplevrun annuel dont les
tiges percent la feuille..| 8. 22 o.| o. 5. 8.
JUILLET,
te Angélique à feuillesd'ache
des marais. . . . . . .. 11. 27 O.No 4. 24:
La rie DEN Le OS 6. 6 CO 24)
Buplevrum enarbre, &c...| 0. 7. 12. 0. +35
10 — 14. Buplevrum annuel, &c...| 1: 0. 45.| o. 12 8.
F Angélique, &c. . .. . .. 6. 1—14.| o. 1+ 16.
AGHCANM et Moi 4 4 So huge LAS
“jufqu'au |[Romarin...... ltd 0e
À 3 FÉVRIER.
d
È 25 FÉVRIER BOIS A alle ave az ER 0. 2: É
juQuiaupe |Cyprés... "4% M0 0:16. -10. |) 1. 14 14
12 Mars. Laurier-thym .......| 0. 724 o| 0. 42 413;
AOUST. :
CPS Lauren thyr e pe el DS IMMRO Ion E2 Ye où
2 MÉNO IEeS MNER EMI | JS OO NE 124
HO 232, |GYpresia el 1. 4—48.| o. 32: 24
JATAIGERO SRE 2 etai JAM2NANON MA LeMET Ze WO-
L MARS. |Arrocheaàfeuilles d’halime
hs 12: 26. & Enarbre te as anal Et L 18.| 0. 42 18
rh] rue PR CRE De AMIS TER 7 LEE
2 CRE ZE CEE CIS EE PE EE DIRES EST
300 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
MOIS
&
Jours.
AVRIL.
l'O — 24:
SEPTEMBRE. |
1 — 3.
30 AOUST
jufqu'au
3USEPT.
MAI.
8 — 23.
26 JUILLET
jufqu’au
4 AOUST.
AOUST.
14 — 21.
POIDS
de la
liqueur tran{pirée.
OnCes. gros. grains,
Amandier ordinaire. . . .| 3. 1. 6.
Amandier ordinaire. . ..| 1. 6. 12.
Grenadier verni en dette
des feuilles . . . . . HAE EME OR
en deflous =. este te 0. 3 —24.
en deflus & en deflous..….
NONNVETNI NET eee
Surcau he Rent SE
Mauve ordinaire à grandes
Guimauve la plus com-
MINE NS = cac ais
Aurone de la campagne
dans le globe à deux
HEC ES not Re
dans le globe à trois becs.| 14. — 3.
POIDS
des
BRANCHES.
OnCeS. Bros. grains,
10:
I. 4710
ne + O0.
1. = 0.
DES Sir E N CES 307
TABLE METEOROLOGIQUEX.
PR EEE TR EEE ET EE EP REP EU C2 EE NRC LS DES
MOIS NOMS ETAT
Le des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. L'ATMOSPHÈRE,
a8rm. à11hm.
18 MaA1r. Degrés. Degrés.
Cierge intérieur . . .| 18%... 19 :| A midiil parut des nuages.
extérieur. 1116 1..1.% 112 ]
SUTE SN IR TE LO TES RTS
ashim. 11PÈm.
A2: Cierge intérieur . . . Sale elle 1210
, [Nuages dans Ta matinée.
z
9
extérieur. . .| 7 ....14+
Bureau it tnt red ul
Cierge intérieur . . . Quel 24
20. : Re 6 13 Nuages & un peu de
1 À foleil.
Liu Sureau. . .......1 61...16À
UE 4 RAR AT area
è nm. 112
| 21. Cierge intérieur. . .| 113... 312
ë 2 | Soleil net.
DE 2
extérieur. . . EERRNET
SHTÉA Ta aie NA IN ro A No
22. Cierge intérieur . . .| 132... 37
extérieure rte ss 2;8
SurEaU un bete due pas era
Cicrge intérieur . . .| 142... 33
extérieur. ..| 1124... 25 2|Soleil net,
Sureau. ........| 122... 23
M." Les Obfervations météorologiques, & fur-tout celles du baromètre, étant incomplètes:
“dans les manufcrits de feu M. le Duc d'Orléans, qui m'ont été remis depuis fa mort, j'ai mieux:
rapporter celles que j'avois faites pendant le cours des expériences furle thermomètre &
l'état de l’atmofphère, & renvoyer pour celles du baromètre aux obfervations que l'on: pourras
trouver dans les Mémoires de M.rs du Hamel & Malouin, d'autant plus que les petites diffé
ences qui pourroient réfulter de celle des lieux, ne font pas, à beaucoup près, auffi con@--
es que celles du thermomètre pourroïient être,
Ds
Pp ii
302 MÉMOIRES DE LACADÉMIE ROYALE
L Ce En |
MOIS NOMS ‘ ETAT,
& des THERMOMÈTRE. de ”
Jours. PLANTES. L'ÂATMOSPHÈRE.
ee ee ei à
Mai. Les 24, 25,26, 27 & 28, fans expériences.
4; 29 V4 P
à S"im. à midi.
, Degrét. Degrés,
29: Eh: €
Morelle.. «5. Elise. 134... 26 |Soleil net.
Romarine 1. Lien IGN. Fee 2)
a ÿhim,. à 1"
30. Morelle te tu 12 .... 25 +|Soleil net.
" Romarini.. 51.0. : 12e be 2
| pe
More lle NOM 2
37 Soleil
8 _:|Solcil net.
Romarini." + m2. 102-125
J #orelle \
D JUIN MOorcile Rates 13 +... 16 | Tonnerre à 11, 3 &4
ROmarin "1" 135 -.. 17|heures. c
ash=im. a 2hf
3 ;
Morellest. 1e eRer PES BA Soleil net.
Romarini. MORT." | 19 Es state 23 s
| à shlm. à 1h1f
3° Moxclés rer.) 12% 1241|S0feil net
Romain 27-04 12 es ie i2 4
du jardin. OMS O
si .
ere RD ER MIT |
4 ent | à
Morelle ........ 133-+:+ 25 | Tonnerre & pluiexon:
4. ÎRomarin.. ... ..| ‘132... 25 lfidérable à 4 heures du
Ai | foir.
dujædin. uses. 272 1U0r
MOCHE ER ane 9 14%
$- Romarin.. . 44. 11 15 3 |Nébuleux tout Je jour.
du jardin. ..| 107...147
pes
Dim S, LARMIILE NC Eu S 303
NOMS
des THERMOMÈTRE.
PLANTES.
ETAT
de
L'ATMOSPHÈRE.
RP EC EE TE
a5"mat. a1Mif.
Degrés. Degrés.
Jui. |Morelle 2: EMEA E EME 44 2... 122] Pluie le matin, qui a ceflé
10 r | vers les 9 heures du matin, le
6. Romaïin........ 9 ....14 9
£ ciel reftant couvert; le rcfle
du jardin... 9 +... 14 |du jour a été nébuleux, on a
Furet 0e 1. | 10 +. 12 |[ewpeu de foleil.
Romarin........ 8 °°. 14 | Nébulceux, avec des in-
7° du jardin. «| 62.... 16 |tervalles aflez grands pen-
® | Fuftet CE NES dant lefquels le foleil pa-
tie Re £ re
Bryonel- 12 : 6 A ut eE
a 5" mat. àunf.|
Romarin. ....... He cle FAN Nébuleux , avec un peu
8. Romarin du jardin, 62... 15 |plus de folcil; une petite
& maronnicr d'Inde. Pluie fur Îcs 4 heures du
TO RENE Ro hbte ME SR EEA L à
Bryone ........ | 5 .- 14%
. ashm. aàunif
Romenns ta: Se Li \
9: Romarin du jardin, & d | Couvert, & de très-pe:
maronnicr d'Inde..| $£...11+ tites pluies.
ER Mn CIS CE
Bryone set eat Satae LI
Romarin........ CHA RELNSENTES S à s
du ÿardi 8 18 Petite pluie le matin,
SN ET 7777, [foleil le rete du jour avec
EBICRR ET a eee 10 +... 14%lpeu de nuages.
BINone rat aide Pia volets 17
Rorarine 2-0 84... 112 Couvert, excepté furles 4
du jardin...| 64....12 |à s heures du foir, de trés-
Fuftct .....,....| 9 ‘+... 122|petites pluies ou brouillard
6: 11 (dans la journée.
cho Te 2 TON QE
304 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
es ee |
| | .
MOIS | NOMS ETA&
& des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. L'ATMOSPHÈRE.
SC ERA FRE CESR RTE AT
agshmat. a1h2f.
Desrés. Deyrés.
Romarin. .....,.. 8 ....122| Bruine à $ heures du
du jardin... 6. 14 matin ; le refte du jour,
s foleil fans nuages.
HAE Eric 9 + 12 )
Bryone . ....... 6 ra
Romafineés M ceci. 8 13 Un peu plus nébuleux
du jardin. ..| 62 113 qu'hier ; plufieurs petites
à bruines; il faut qu il yaiteu
Fufletuls. et tie 9À 1I 5 É
# quelque efpace d'un foleil
Bryone. ..-.... 6= 11=2|net.
14. k À
4 ROMANE Eee: Couvert, pluie affez forte,
quelques rayons de foleil
)
meta diese à
CACRONLIE C'ICROMEC
"50 Romarine eur
du jardin...
Comme hier, mais une
pluie plus forte & à plu-
fieurs reprifes.
…......
Pluie à plufieurs reprifes,
mais moins forte qu'hier ;
Le .
4 * + © |folcil plus confiant.
__......
Ris smieltie ee x
Euftetia 2 4ut Les, CU
Bec de grue..... san | Se Nuages éloignés, bruine
le foir pendant un initant.
Fab € SM 1 E N) c'ElS
CRE EEE ETES CEE PCSI TETE CA DER A M de 2 8e PCT
[MOIS NOMS
& des
Jours PLANTES.
(ENT SSRROM EC A TES
9
Bec de grue. ....| 6.
Cave. ..44.7 217 9
8
Fete Rice ee cre
24.
CORRE LEE A
Mn. 1 749.
CEE
... 21
BecNdElTEUC Naf eee | LE7he
Cayenne : 9.
PUITS ICE 3 .
| LT
Bec de grue. ....| 6 ..
9
3os
ETAT
THERMOMÈTRE. de
L'ATMOSPHÈRE,.
açshmat. a1Mif.
Degrés. Degrés.
Fufier sal. O4) « p& «2.16 Soleil découvert a
, 6%. ...202lIe jour, ou très-peu de
Bec de grue. ..., : = LE
GAVE RURAL". 4 DZ... F
a 5" m. az2hf.
3
Zidère 20 ,
Euffetsone-s hate 29 Cnebtes.
Bec de grue ,.....| 7 -...25 |
Enftetrssers Lette Le matin, ciel couvert ;
Bec de grue. ... -.+. 18-|[foleil net l'après-diné; le
Garenne à à CE -MEEUES £ foir, ciel couvert.
Euftetretct ir - I 122] Ciel couvert tout le jour,
Bec de grue . . 10 ....12 |le foleil na paru qu'un
SAR NON 1 A SES LEE LAS inflant à fon coucher.
LATE mer eu lraeuepes 10 . 14 é «
Saba g 18 Ciel couvert le matin,
SE GONE PRO n , Idécouvert l'après-midi.
| Cave DRNMERNES SANS Dar. 97
c 154 Ciel couvert Ie matin,
-* 15|enpartiedécouvert l'après-
9 midi.
1) Ciel découverte matin,
nébuleux après - midi ,
.|mais les nuages pañoient
?|vite de deflus le foleil.
‘+ 15. | Beau foleil tout le jour;
.. 22 |sil yaeuquelques nuages,
se ils ont été rares.
2
+ Qq
06 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
3
MOIS NOMS à Ci DE : A 2 14
& des THERMOMÈTRE, de
L'ATMOSPHÈRE.
Jours. PLANTES.
CRAN QI RTE © | EE EE TERRE IEEE DRE | ILE EC SRE ESEREME TTL, | |Memre ar Dom DIE CNEREN ET MEET EEE
a "mat. à 2h.f.
Dregrés. Degrés.
JU LIN ANNEES à dede Le 9 +... 10 | Depuis le lever du foleil juf-
qu'a 8 heures du matin, beau
26. Bec de Hg ee 7 ciel qui s’eft couvert à 8 heures;
CANENET uleeete le 9+ pluieenfuiteà plufieurs reprifes,
M le ciel reftant couvert, enfin
AUVE. ets mo se «| eee let rg de la grêle.
AMMOILC. le fe eve stelallet-leisieraie 10
biere RE
+... 15 |Nébuleux tout le jour, mais les
nuées ont peu couvert le foleil,
.
.
LA ka O0
2
27° Mauve. .. DT 20 & lorfqu'elles l’ent fait, ç'a été
Armoife. + : «5%: «++. 19 |pour peu de temps.
Fute er COR nr Oo Ciel couvert tout le jour, il
‘28. Nnve $ ....ux lapluà plufieurs reprifes & une
rte À foisaffez fort ; le foleil à fon cou-
Armoifessvaive te 8 .... 11 |cher a donné quelques rayons.
PHITEL ee LUE llges. 14 |
29. Mantes SEE Me Nuages rares, il a plu
Ex na le foir.
ER RSR
Ciel couvert le matin, petite
pluie , enfuitele ciel nébuleux;
los NME pluie à 3 heures affez forte , le
ciel nébuleux, enfuite couvert
entièrement.
2 +. 143| Ciel couvert le matin,
2... 18 |beau folcil & très-peu de
172 nuages l'après-midi.
Juurer, | Fuftet ..
1: Miuve: Atetmien :
Armoife.
.
.
.
.
Beau foleil, petite pluie à
10 «+... 1$ |11 heures, une pluie confidé-
Fuftet . .
2. MAUVE Me re 8 .... 18 |rable furles 3 heures, ciel dé-
: , [couvert enfuite, & bruine fur
ATDIONE, Le tee 8 .... 17 les 6 heures du foir.
Ciel couvert tout le jour,
LS
Fuflet....,....l 114... 5 excepté au lever du foleil ; il
3° Mauve ELA 10%... 154[aplu à plufeurs reprifes, mais
ces pluies m'ont été que des|
++ T5 |bruines.
Armoife.
.
.
[e]
DE sMSC 1.E Nic: AIS 307
NOMS
des THERMOMÈTRE.
PLANTES.
ETAT
de
L'ATMOSPHÈRE..
PRET CRE
a sh mat, a2hf.
Degrés. Degré.
LA 2 . L «
Re AL ue QI 1225118116 Ciel couvert le matin,
Mauve. :.......| 114 nébuleux enfuite, beauk
folcil l'après-midi.
Armoife. . ......| II
Angélique . .....l....4... 24
ARE Deere elle eleppeielel 24 2
Fuflet......,..| 11 ....17 | Solcil net tout le jour,
Angélique. ......| 9 .... 26 excepté vers midi où il y a
fe ....26 leu quelques nuages qui
bot ES fc) SE) 5 ont peu duré.
Soleil net le matin, nébu-
Jeux l'après-midi, mais les
nuages paffoient vite de deflus
fon difque.
Bufteb al eus Que
Anpélique . . . …..
sions à afeteie ; Soleil nébuleux à fon
Angélique. HAE RTE lever, très-beau le refte
A'Acherse nee, à :|du jour.
PT 1 EC ONE LARMES
Angélique. . ....
Très-beau foleil tout le
jour.
2
2|Comme hier.
_......
Bullet. le
Angélique. . .....
ARE HU EE à
Le foleil a été un peu pale
tout Je jour, à caufe de
nuages peu épais , mais
étendus.
308 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
MOIS
&
Jours.
Jen reT.|Eufeneire ce ue
1$.
-Romarin intérieur. ..
NOMS
des
PLANTES.
Angélique. . .....
Adhets 40e Set
Le La ARMES TE c
Fufiethetens rer
Anpgélique. . : ....
tel MEN DATE
Ebftet nait. 5: à
Angélique. . ....
ACHETE
extérieur. ..
FUÉet. 1 ee!
Romarin intérieur...
extérieur. .
Romarin intérieur, .,
extérieur...
FHitet . italie
Romarin intérieur, ..
extérieur, ….
E T'ANF
THERMOMÈTRE. de
L'ATMOSPHÈRE.
Degrér. Degrés.
VOIS a Très-beau foleil tout le
12 31+|jour.
1
3
142 33: Comme hier.
5 34
TMS AE
14 .... 33 |Comme hier.
RME He ar
CHE TR OT Ciel nébuleux & prefque
14 couvert tout le jour, avec
ire quelques petits grains de
#2 pluie,
CA Ce ct ES 25
Ho che an 24.
1220
Très-beau foleil tout le
HOMO EC jdbei
.| 14... 297
OMR de)
17 «4.4, 37 [Comme hier.
CRE RER)
s'mat, à midi.
1 hote ES) à
Comme hier.
1
II
Ciel couvert jufque vers
TO el 25 |lefoiroùil a etc ncbuleux,
13 ....21 |mais lc folcii pâle & rare,
E Dir SA ÏSMC 1 E NC: ES B30
MOIS N OMS EVE A T
& des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. : L'ATMOSPHÈRE.
Ds 7 |
|
a $" mat, à1ihf.
Degrés. Degrés. 4
JUILLET. pole PP EN dE Ut OT Très-beau foleil tout le
19. Romarin intérieur. ..| 14 .... 3$ |Jour.
FA :
extérieur. ..| 114... 28
Buffet... és UNDER PET
20. Romarin intérieur. ..| 14 .... 37 |Comme hier.
extérieur. ..| 10 .... 28
Li
Hier IN Tao
skins E ; L
Romarin intérieur. ..| 14 .... 37;|Comme hier.
extérieur... 10 +... 31
ZI.
àsrm. à midi]
EUfet EME LE Pau Ben fol Jufqu'a midi,
Romarin intérieur. ..| 16 .... 35 |ciel nébuleux jufqu'aufoir.
extérieur. ..| 13 +... 31
ashm. at1lrf
: £
23. Cf the ec DV LEP C el couvert tout le jour,
nf me 26 |Xcepté vers le foir quel-
Romarin intérieur. ,.| 20 .... ques inftans.
| extérieur. | 16 ..:./20
RE
TOR MR CET REP es Ciel couvert le matin,
| 34. R FAQ L ,. |enfuite nébuleux avec de
A LOU EN NO OM longs intervalles , prefque
| extérieur. 2 LD couvert l'après-midi.
|
4 (à sh m w
n 7 5 4 Ciel nébuleux le matin, pluie
4 25. LE LEE EN ANRT GRAN LOEB TERRE AT ns
en à-verfe fur le midi-jufque
Romarin intérieur. | 17 ...,. 31, |vers 1"2, beau folcil enfuite
LE toute l'après-midi.
EXTÉTIQUE, (MS Lane 1e 12722 l P
Fuftet NE A TT ep A ET Beau le matin, enfuite
nébuleux, & même une
petite pluie, beau l'après-
|midi.
Romarin intérieur, | 15. ,,.. 28
extérieur: 2 MOWr. 4.22,
ie ve Loire >. Li dete “C'uimleiensar
Der en.
310 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
MOIS Noms ETIAMR
& des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. L'ATMOSPHÈRE,
a 5 mat, a11!m.
Degrés. Degrés.
Fuflet...... HAE re | Frès-beau tout le jour.
à jm. à midi! Couvert le matin, beau
1Fufter. . 1... F2 + + 18 Waprés-midi:
ashm, aàa1ilm
2EURCE M ect ane LOST | Beau tout Je jour.
Nébuleux tout Îc jour,
petite pluie fur les huit
LOU à 7 TONER du matin.
alert LM 2, LE HE
Couvert tout le jour, petit
pluie fur les 9 à 10 heures du
3 Fuftet . + 17 for; à 11 heures, à-verfe qui
a continué par intervalles juf-
qua minuit.
AOUST. à ass ne Cicl nébulcux par grands
1-1 4 AlEuftet- CPE intervalles tout le jour.
2. a 11m.
| Fuftet . ée.... 16 |Ciel nébuleux.
3 a shm. à 11m.
Fuftet . FER LEE ONE Le)
4. dE AE ATP DAME 20
sl àstm. à midi! Nébuleux avec de grands
Fuftet . 124... 20 intervalles.
2
ashm. à1ilm.
Ka JET R9
OIIEr ÉLONONORE
ANNE
6. PUIEL = = SR lbe
Amandier. . ....
Comme hier.
Cypréssversle 24.
DES
Fuftet ...
Amandier.
Cyprès. . .
Fuftet. . ..
Amandier.
Cyprès. . .
Fuftet. ...
Amandier. .
Cyprès. . .
Fuftet . ..
Amandier,
Fuftet ...
Amandier. .
Amandier, . , ..
CYPres AIRE SE
Aurone , ....
S:C T'E-N. C-E:S
THERMOMÈTRE.
as°m. à11hm.
Degrés. Degrés.
. 18
‘27
+. 20
eo. 23
ss (5 29
10 .,.:. 24
NO 22
EL @
ETAT
de
L'ATMOSPHÈRE, .
Très-beau dès le matin.
Comme hier.
Soleil nébuleux à fen lever,
[peu après & toute la journée
19/2120
CE
LS
. 16
US
17
1.9
16+
15.
18
3
13%
AUS
trés-beau ; ä-verfe furieufe de-
puis minuit jufqu'à 3 heures
du matin.
Ciel nébuleux, pluie fur les
4 ou $ heures du foir, qui
la continué par intervalles juf-
7 où 8
Nébuleux tout le jour.
Nébuleux tout le jour,
& petite pluie par inter-
valles.
Nébuleux dès le matin.
+
Ciel couvert prefque tout
(le jour, il a plu à plufeurs
reprifes & affez fort.
312 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
|
MO . S NOMS E'TAMT
des THERMOMÈTRE, de
Jours PLANTES. L'ATMOSPHÈRE.
RSC RENTRER ENMENRES
a sm. à 11m
Degrés. Degrét.
Rs Fuftet. ss.) 11 ++.:15 |-Pluie à plufieursreprifes,
Lisp NOR 10 .... zo [le foi une à-verfe; le ciel
a été nébuleux dès le matin
& prefque couvert.
Cyprés.. + ole see] à 9e + se LS
Aurone . .... se .
Fuite -let-cieie Dee let nc Vote (DCE
Amandier. . 1. ./.| 0 1.02 Ciclnébuleux le matin,
laffez beau l'après-midi.
: Ciel nébuleux au lever
Amandier. . PASSES LOC foleil, découvertle refte
Cyprés. ........| 10 .... 19 |du jour.
AUTONE sn eleterote NT Efieler ALI
Ë Fuftet . L'BAUMEN SENS
2 ——
2 ... 2 Al "
lAmandier. SELS EI 29 Didi en
NE Dir ere ra 2
TAurone . ...* 27 +23
|Fuftet .….. ... 1$ ee » 23
ati Leo gard lb ME PHOOIE. le) Comme hier, quelques
ICyprès. es... 13 die 42.23, [NUAgES le foir cependant.
2
JAurone .. ... Pt LR
UE prodoion eo 9 TOR
me Al fra ......l 13 ....24 | Nébuleux le matin, affez
beau le foir avec quelques
nuages,
OR E SC 1 EN CES 213
RÉ nm
EMINAUT
THERMOMÈTRE. de
L'ATMOSPHÈRE.
à5"m. àâ11rm.|
Degrés. Degrés.
Huet... 2.0 142". M Nébuleux tout le jour
Amandier. . .....| 131... 24 |avec de longs intervalles.
Cyprest- re. re 0 NT
CT nd NE MAN QES
LRS CRNE ER
BuféE iansts 1 dm aairés
Amandier ox vigne... NL Nébuleux & pluie à onze
GYPrES Ne 2... 13 |heures,couvertilerefte du
Aurone.....:: . 4e; jour.
MAUVE UN CE 6.3 Hub tas
IAE tre rie 1-2 00e NES Han Î
Amandier. ......
Cyprès.........| 11 | Nébuleuxle matin, affez
Mauve. ........| 12 .... 20 [beau l'après-midi.
Tamaris externe :, |... ...: 25
interne". 2.27
Ed fe EE
Mauve. 3 22. L'ORAU VENTE
Æ 9 ÎLe ciel très-beau. .
Tamaris externe . . . =
interne . ..
F2 ON AT ACTE
Mauve. SL TQ À
Nébuleux le matin, pluie
a cinq heures du foir par
Tamaris externe .., LOREN
a-verfe, jufqu'a neuf.
interne . . | 1220.49
=
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.
.
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.
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Euftel te". PE
Mauve... st te
DEL ie
0%--:19 |" Beau le matin, un peu
Tamaris externe . ..| 10 .... 23 |nébuleux le refle du jour.
2
interne . . . MO NA
RE FRET LE 2 GE TER
MIRE
314 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
EE 2 TR RER D LEE DORÉ
MOIS NOMS E FAT
& des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. L'ATMOSPHÈRE.
as" mat. a midi.
Degrés. Degrés.
AOUST. | Fuflet: 24, .....| 10... 15
; Un peu nébuleux tout
Dr NES de QE 8 Anar PR SE
7 Mauve. . a 2 jour.
Tamaris externe ... Deus. 24
interne 220410 1:1-.020
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34 Très-beau dès Ie matin.
| D'E s' USMovr € N CMS! 315
ESRI EU 9 25 RU EEE NE DEL ER Mon LA GA SUIS D DD US Se CONNUE PNA En De PET PTT SEEN
MOIS NOMS ETAT
& des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. L'ATMOSPHÈRE.
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Degrés. Degré.
SEPTEMS. | Grenadier | M] rit: 342 1] Erès- (bé tout Ie jour.
Th Amandier. . ..... 12 +... Or LUN
3; Grnadier FH 1 37: 2° [Nébuleux tout le jour.
Amandier : :..,.| 132,621
Grenadier:. 2,11: :
4 1 RPAE ; ca Nébuleux tout le jour,
| mandier . . . . .. = & pluie la nüit.
ANUS ÉRETAN CRORROR SE ER 1 21
BE Rainer LR NIET 14 |Nébuleux &
nt
20 Ga Rate»: afaler 2e 7. ... 25 |Beau tout le jour.
A Rate LT Beau tout Ie jour.
g: 2 Comme les deux jours
ANA as bee DE,
9: Re AO DA .... 27:|Comme hier.
Comme RE Nues quelques
M A OR cependant.
Raifin . . .. NE. MERE NEA
Un peu nébuleux & pluie le
matin, petite pluie l'après midi.
h Li
nn oRaïtin ee APN 115 1 M9
Soleil avec quelques
n2 NRA In. (Lee 5H arte
À 9 ® [nuages tout le jour.
316 MÉMOIRES DE L' ACADÉMIE ROYALE
STRESS UE RER | Essen mom
EST AY
THERMOMÈTRE. de
L'ATMOSPHÈRE.
SEPTEMB.
13
Degrés. Degrés
Raifindat eur, | AU SRE. +; Afez beau, peu denuages.
ashm. azcilm,
14. 2
5 Bec de grue A ENFNE" » LE tn] is Nébuleux & pluie fur
Mélongène . . .... 11% ++:26 |les 7 ou 8 heures du foir.
HI Galchañe rer LOS ete a 1215
a 5h mat. .-a2hif
4e Bec de grue . . . .. l'A Me EU ETS
Mélongène ......| 154... 27 |couvert le matin, beau le
Calebafe rer 13 4 24/00
D a 6P m. Re
16. Bécideigruet 112, 101... 30 L à
Mélongène . .!.:..| 122 ..: 32 Beau foleil tout le jour,
Calébaffe. . © To 02
a6bm. à11ihm
Becidéforte 0" AT a ete PLIS Nébuleux, pluie à dix
17. |Mélongène.. .... 124.... 14 [heures du matin, & l'après-
Grenadier:1:/21200 LOVE midi.
MIE IdeUsTue ee DAMON EN
Mélongène ......| 8 .... 21+1Affez beau tout le jour.
Grenadier.. 5... ..| 62... 162
19. BéCirlergiuer ts cle 109
Mélongène. ......| 7 .... 27 |Beautoutle jour.
Grenadiens 140 4e. 22% ;
iD?E so 1/E NIo ENS 317
RE 2 C2 ET
MOIS NOMS ETAT
& des THERMOMÈTRE. de
Jours. PLANTES. L'ATMOSPHÈRE.
RE EEE ERSE ES À |
a 6hmat. àa2hf.
N Degrés. Dégrés,
Sepreme. |Gxenadier. ......| 4 ....242|De même qu'hicr.
20° Stramonium NI JAN 4 ES 22:]
RÉ CN DENT ENS
Grenadier.......
Stramonium. . .....
Ratfin ee eee
De même qu'hier.
Grenadien. 4}. 1."..)"HE
3 Comme les trois jours
3 précédens.
RO ea een | Ant net 1 210
a 6" mat.
Grenadier. ....... gs... | Temps couvert & grand}
23%
3 Stramonium. ...... 8 vent,
JE ENT VRP Ne D AR 9
TPE
4 . USA
Rr üj
17 Déc
1749e
318 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
O: CICROMAE:T A T° PONS
DE QUELQUES ETOILES PAR LA LUNE,
Obfervées pendant l'année 1749.
Par M. LE MonNtER le Fils.
He 22 Mars au foir, à 76 30° 3 6"+, immerfion de l'étoile f
des Pléiades fous le difque obfcur de la Lune : le point
de limmerfion n'étoit pas tout-à-fait à diftance égale des
deux pointes du croiflant, À 7h 30° 48"+, immerfion de 4,
ui s’eft faite à une diftance de la pointe ou corne boréale,
prefque femblable à celle dant l'étoile f avoit paru éloignée
. de la corne auftrale au temps de fon immerfion.
Imenerfions
d'étoiles pour
vérifier
le SAROSs.
Comme le ciel ne s'eft découvert que par intervalles, je
n'ai pü apercevoir limmerfion de » des Pléïades, qui a dû
s'éclipler vers la corne boréale : j'avois remarqué feulement à
6h 18’ que l'étoile étoit fenfiblement dans un même ver-
tical avec le bord obfcur ou oriental de la Lune.
Le 7 Avril au matin, à 1h 1° 1 8"2, immerfion d'An-
tares fous le difque éclairé, où elle a paru s'avancer pendant
quelques fecondes : c'étoit un peu plus loin de lt corne auf
trale que de la corne boréale, vis-à-vis les montagnes d'A-
frique & Pentadadylus.
Le 16 Décembre au doir, à 6h 31° 18"+, immerfion
fous le difque obfcur de la 20. dans la conftellation des
Poiflons, du Catalogue Britannique : c'étoit à environ 6o
degrés de la corne boréale : l'émerfion à 7° 432, dans la
ligne tirée du centre de à Lune par la partie boréale de
infula major; & à 7h 45'+, l'étoile paroifloit éloignée du
bord éclairé de la Lune d’une diftance égale au grand dia-
mètre de la tache infula major. J'ai comparé cette obfervation
avec la correlpondante du 6 Déc. 1731, lorfque la Lune a
écliplé x du Poiflon boréal à 7h 0" 25", cette étoile ayant
employé pour lors 4 À 0° 2 5” à traverfer le difque de la Lune.
Rte
Di FE SIMSNC.LE IN) GUEUS: 319
OR SERN. A T T'ON
DEL ENENM'EPISES DE: LU NE
Du 23 Décembre 1749.
Par M. LE MoNNIeER le Fils.
À minuit, le diamètre vertical apparent de la Lune, 31°
28"2+, & une feconde fois, 3 1° 30"; ce qui, réduit à
l'horizon, & ayant égard à la différ ence de réfraction, donne
le diamètre apparent dela Lune, de 30°; 92 : Par les pañfages
. des deux bords au méridien, 1 durée 140"2+ ou + donne le
diamètre horizontal de 2° 15"+ ou 20”, ce qui répond.
à 30° s3”
A 7h 3'ou 217 commencement de l'Eclipfe.
7: 18. 20“ le micromètre a donné Ia largeur de Ia portion
obfcure de $Rév: 2 ça
7: 19. So le micromètre donnoit les pointes des cornes
diftantes de 2 1 Rév: 2 par
8. 8=. la portion éclairée qui refloit, 1 9Rv: 1 8part — 1 8°
36"; donc la quantité de l'éclipfe 4feisis 7,
8. 142. ‘a diflance des pointes des cornes toit 3 oRé
DE 281 SA
18. $o laport.éclair. quireftoit, 1 oRév:1 Sat — 1 8° 3 6".
8
9:11: 2, 20 Île micromètre a donné les pointes des cornes
diftantes de 218%: 21P4r
2
4 20 Île micromètre a donné la largeur de la. Rate
obfcure de 51% 2 par
9. 19%ou+ fin de léclipfe..
Par Je commencement & 11 fin, je trouve le milieu de
Féclipfe à 8h r 1° 10 où 20”.
Par les deux Phafes correfpond. obfervées, à 8h 1 1’ 20"
Et par la diftance des pointes des cornes, à 8. 11. $.
Enfin ka plus grande quantité de l'éclipfe n'excédoit guère
LL
4e 55. ES as
320 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALr
OBSERVATION
D EIRE IEP SE D'E CE UTERRE
Du 23 Décembre 1749,
FAITE À PARIS DANS L'HOSTEL DE CLUGNHF.
Par M. DE L’ISLE.
‘Ar eu de la peine à eftimer le conunencement de
lEcliple, qui m'a paru fe faire à 7h 3° 0" de temps vrai,
avec une lunette catadioptrique de 4+ pieds ; d'autres per-
fonnes qui étoient avec moi, en ont jugé de même, avec
des lunettes ordinaires ; if y avoit 10 ou 1 2° que la pénom-
bre avoit commencé à paroître , l'entrée de l'ombre s'efl faite
entre Tycho & Schikard.
Ayant voulu me fervir un peu avant l'écliple, du micro-
mètre qui eft appliqué à ma lunette catadioptrique, dont
les fils font de vers à foie, j'ai trouvé le fil mobile rompu;
ce qui ma empèché de mefurer le diamètre apparent de Ia
Lune avec cet inftrument, ainfi que le progrès de l'écliple ?
par doigts ou parties du micromètre répondantes , comme
je me l'étois propolé.
J'ai fuppléé à ces obfervations par celles du pañlage des
bords de la Lune & des cornes de l'éclipfe par le fil hori-
zontal & le vertical d'un quart-de-cercle de 43 pouces de
rayon; mais comme ces -obiérvations, qui font en grand
nombre, demandent beaucoup de temps pour être employées,
je remettrai à une autre occafion de les rapporter, avec la mé-
thode dont je me fuis fervi pour en conclurre le progrès de
l'édipfe en doigts & minutes, avec la plus grande phafe,
‘La fin de léclipfé n'a paru fe faire à 9h 21° 30" de
temps vrai, de forte que la durée de l'éclipfe a été felon
moi de 2h 18° 30", & le milieu eft arrivé à 8h SEEN LISE
J'ai
à ESC 1 E N CES CR
… J'ai obfervé le pañfage du centre de la Lune par le méri-
dien le 24 Décembre à oh 9° 2°+ du matin, temps vrai:
je crois cette détermination exempte de tout foupçon , tant
à caufe de Ja régularité du mouvement de ma pendule, que
par la certitude avec laquelle je connois la fituation de
linflrument des paflages dont je me fuis fervi. J'ai auf
obfervé que l'étoile € de la troifième grandeur, qui eft dans
le genou de Pollux, a paflé par le méridien 29° 43" après
le centre de la Lune; & cela en temps du premier mobile,
ou en temps d'une pendule qui eft réglée comme la mienne
fur le mouvement propre des étoiles fixes, avançant par
jour de 3° 56" fur le moyen mouvement du Soleil.
Comme dans le temps de cette éclipfe je n’avois point
encore appliqué le micromètre à mon inftrument des pañlages,
ainfi que je l'ai fait dans la fuite, avec un demi-cercle fixe
qui fert à mefurer les diftances des étoiles fixes & des
planètes au pole, j'ai été obligé de me contenter de la hau-
teur méridienne de la Lune, que j'ai obfervée avec mon
grand quart-de-cercle de 43 pouces de rayon, dont la lunette
eft garnie d’un micromètre qui me fert depuis trente ans : j'ai
trouvé avec cet inftrument la hauteur méridienne apparente
du bord fupérieur de la Lune, de 644 $7' 22”.
J'ai enfin mefuré très-exaétement le temps du paffage du
diamètre de la Lune par le méridien, que j'ai trouvé de
2° 21"+ du temps du premier mobile, en prenant le milieu
entre ce que m'ont donné cinq difiérentes déterminations
de ce pafage par cinq fils verticaux fixes, qui font dans la
lunette de mon inftrument des paflages, deux de chaque
côté du fil qui décrit le méridien : le diamètre apparent de
la Lune , que j'en ai conclu par un calcul exact, eft de
0 CE
7 2
+ La hauteur de l'équateur à Hôtel de Clugny, eft
LAC
ESS k
Mém. 1749. « SF
Chameælinum
Petit Lin.
Linun, Lin.
322 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
CINQUIEME MEMOIRE
SU RULES
CGEAN DE SV DES PLANTES.
EXT. le: CHUNAUTSR IE ME
Sur Pufage que l’on peut faire de ces parties dans
-l'établiffèment des genres des Plantes.
Par NE GG 0 E Tr ACRID:
1. Ath Vaillant & Micheli avoient fait un genre
de la plante que le premier appeloit Chamalinum, &
le fecond Linocarpum , c'eft-à-dire , petit lin, ou plante qui
reffemble au lin par fon fruit: le fe , ileft vif , y reflemble
en ce qu'il s'ouvre en cinq parties, mais il n’a que huit loges,
au lieu qu'il en a dix dans le Jin; de plus le nombre des
étamines, des piftilles & des découpures du calice, qui dans
le lin eft de cinq, &'de quatre dans Da lin, avoit
engagé les deux Auteurs cités ci-deflus, à ne pas réunir en-
femble ces plantes, mais M. Linnæus a fit cette réunion. Je
ne fai cependant fi le fentiment de ces deux Auteurs ne
devroit pas prévaloir: le petit lin m'a paru toüjours lifle,
au lieu que les lins ont des filets coniques & des glandes
à cupule; celles-ci ne s'obfervent communément que fur le
bord des découpures des calices, & les autres fur celui des
feuilles, ou fur les tiges & les bniéhés: les uns & les autres
de ces filets ne font pas à la vérité ordinairement bien com-
muns, mais il y a deux efpèces où leur nombre eft beaucoup
multiplié : lune a même été diftinguée par le velu, & l'autre
par le vifqueux de leurs tiges : le velu de la première eft formé
par une grande quantité de filets longs & blancs, dont toutes
les parties, excepté les pétales & les étamines, font chargées: le
. DE S'1$nc 1 E N CES 32
vifqueux de l'autre eft dû à la liqueur qui fort des glandes à
cupule, dont les feuilles du haut des tiges & les calices font
également fournis. Les cupules ne font pas moins commu-
nes dans le lin velu, mais ne donnant pas apparemment autant
de liqueur, ou en donnant une moins vifqueufe que celle de
ce dernier, on n'en a pas été frappé : outre ces deux efpèces,
qui font le 3 & le 6 du Pinax de Gafpar Bauhin, il y en a
encore plufieurs autres où l'on peut voir les mêmes chofes,
mais en beaucoup moindre quantité; de ce nombre font les
1,2, 9, 10 & 12 efpèces, entre celles qui font dans le
même ouvrage, appelées lins à larges feuilles, & entre celles
qui font défignées par leurs feuilles étroites les 1, 2, 7.
La pañlerine de Lobel, le Iin.de Portug:l à fleurs jaunes
difpofées en épi, celui de Valence & celui des Alpes, cités
dans les Inflituts, & l'efpèce du Corollaire qui reflemble
par fes feuilles à la globulaire, le lin à feuilles étroites de
Lobel, & celui que Moriflon appelle petit lin annuel de la
campagne, & qui a les feuilles étroites & la fleur jaune,
font peu différens des autres du côté des glandes & des
lets : la pafierine cependant & celui de Valence ont les
feuilles aflez rudes pour qu'on s'en foit aperçû au toucher,
& qu'on l'ait fait entrer dans leur caractère fpécifique. C'eit
ce que Micheli a fait auffi pour celui du n.° 119 du Cata-
logue des plantes des environs de Florence, & M. Vaillant
pour un qu'il appeloit lin de la campagne, qui eft rude au
- toucher, & qui a les feuilles larges & femblables à celles du
gremil. Cette propriété n'eft düe qu'à la roideur des filets,
qui ne vient qué de ce qu'ils font un peu plus petits que
ceux des autres efpèces. Le troifième lin du Pinax, le fecond
du Prodrome & celui des campagnes d'Angleterre qui eft
vivace & qui a la fleur bleue, m'ont paru lifies ; il faut en
| avertir, non pas que je croie qu'ils le foient, mais pour
engager à examiner ce fait; ne les ayant vù que fecs, je
_me puis pas dire qu'ils navoient pas perdu leurs filets &
- leurs cupules : il ne reftoit aux fuivans que les cupules du
. bord des découpures des calices; ces efpèces font le petit lin
Sf à
Faba, Féve.
Vicia, Vefce.
324 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de la campagne à fleurs jaunes, du Pinax de Gafpar Bauhin;
celui que le même Auteur appelle œillet de la campagne,
qu'il dit être lifle & très-petit ; celui du n.° 693 du Cata-
logue des Plantes des environs de Rome & de Naples, par
Micheli, & le 3 des Inftituts.
M. Linnæus a, dit-il, cent fois examiné les fleurs de la
féve & de la vefce, fans pouvoir y trouver d’autres diffé-
rences que celle d’avoir les femences ovales dans la féve,
& arrondies dans la vefce : ce n'eft aufli que fur cette diffé-
rence & fur la propriété que les vefces ont d'être garnies,de
vrilles au bout de leurs branches, qui dans les féves ne finif-
fent que par une petite pointe alongée, que M. de Tour-
nefort avoit établi ces deux genres; mais M. Linnæus qui a
toûjours négligé cette dernière propriété, a mème cru ne
devoir pas faire ici attention à la première. Je laïferai cepen-
dant fubfifter ces deux genres, dont les efpèces ont un port ff
différent : les féves de plus paroiflent lifles au premier coup
d'œil, & d’une fubflance grafle & épaille; lorfqu'on les
examine cependant avec un peu plus de foin, on leur trouve
quelques filets cryftallins au bas des pédicules, & des efpèces
de très-petites larmes bataviques répandues çà & Ià fur les
feuilles & principalement fur leur bord; ces derniers filets,
fi rares fur les feuilles, font en grand nombre fur les fruits,
qui en font couverts orfqu'ils font peu avancés : c'eft par ces
larmes bataviques que les féves diffèrent principalement des
vefces, je ne les aï pas trouvées dans ces dernières plantes,
où Jes autres filets font très-communs, ordinairement longs,
grèles & blancs, roufleîtres ou dorés. #
Les vefces que j'ai examinées font, les feize efpèces, &
la plüpart de leurs variétés, du grand Catalogue des Plantes
des environs de Paris, par M. Vaillant; les 1, 4, $ du
corollaire des Inftituts ; celle qui porte des filiques dont une
partie entre en terre, & l'autre refte à la furface; celle qui
{e répand fur terre, qui a des feuilles larges & fans petites
dentelures ; celle qui eft vivace, qui a beaucoup de grandes
leurs, mèlées de bleu & de blanc; celles des n° 412 &
DE SMNNG. 1 EN c'e 32
973 du Catalogue des Plantes des environs de Rome & de
Naples, par Micheli; celle du n° 230 du Catalogue des
Plantes de Florence, par le même Auteur ; celle qu'ôn appelle
lentille de Hongrie; trois de Morifon, dont lune eft Ja
grande à feuilles en cœur, à eur rouge & fruit blanc qui
refflemble au petit pois; la feconde, celle qui a une fleur
d'un blanc mêlé de jaune, & qui a des filiques Yelues &
pendantes ; la troifième vient fur les bords de la mer, elle
a la fleur blanche & oblongue ; une de Cupani, que cet
Auteur appelle petite vefce à fleur d’un bleu lavé, qui a
de larges feuilles & des filiques cylindriques ; une de a
Phytographie Britannique, où elle eft défignée par la quan-
tité & la grandeur des fleurs, & par fa propriété de venir
dans les bois ; enfin, une qui eft démontrée au Jardin Royal
fous le nom de vefce à feuilles étroites & à petites femen-
ces rondes.
La couleur des filets eft dans la plûpart de ces plantes
d’un affez beau blanc , dans quelques autres elle eft d’un doré
brillant, favoir, dans la lentille de Hongrié, dans la feconde
de Morilon, dans celle qui donne des filiques fur terre &
en terre, dans celle qui rampe, qui a les feuilles larges &
-fans petite dentelure, & dans les 7 & 8sdu Catalogue de
M. Vaillant; ils font plus rouffeîtres dans les 1, 2 & 14
du même ouvrage; leur quantité eft ordinairement affez
grande, plufieurs en ayant même fur toutes les parties,
excepté les pétales & les étamines, & lorfque-les filiques en
manquent, on à ordinairement fait entrer cette propriété
dans la phrafe que l’on a faite pour défigner ces plantes ;
quelques-unes cependant en ont très-peu fur toutes leurs
parties, mais aucune n'en eft autant privée que es féves,
comme je n'en fuis afluré par l’examen que j'ai fait de la
grande & petite féve, & de la petite qui a le fruit noir: ces
dernières plantes ont fur les feuilles des grains d'une matière
qui en a tranfpiré, grains que j'ai aufli vûs dans les vefces
que j'ai obfervées lorfqu'elles étoient vertes, & qui proba-
blement fe trouveroient dans les autres, {1 on les examinoit
Si
326 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
dans cet état; mais ce que je n'ai obfervé dans aucunegefce,
eft une tache noire qui eft placée à l'origine de chaque ftipule,
ou petite feuille, qui, dans les féves, eft à la bafe des grandes;
* cette tache fe trouve conflammient dans cet endroit, vûüe à la
Agrimonia,
Aigremoine.
Agrimonoïdes.
loupe elle paroît chagrinée, ce qui ne vient, à ce que je
pente, ge de plufieurs véficules parenchymateufes ‘qui font
gonfléesii& qui peut-être font autant de petites glandes véfi-
culaires qui prennent un certain volume,
Les filets en croffe dont les femences des aigremoines font
hériffées, &'que M; de Tournefort avoit fait entrer dans le
caractère générique de ces plantes , fans cependant en déter-
miner la figure; ces filets, dis-je, font la feule différence que
j'aie trouvée qui püt me faire féparer ce genre de celui de
l'agrimonoïdes , que M. Linnæus lui a joint : les femences
de ce dernier font même hériffées de filets cylindriques qui
ne fe recourbent point par le haut comme les premiers; ces
filets outre cela s'obfervent fur le deffus & le deffous des
feuilles, fur les tiges & les calices, comme dans les aigremoi-
nes ; ils font également, dans les uns & dans Fautre, mêlés
avec des glandes à cupule fur le haut des tiges, fur les
femences & fur des feuilles, avec des grains qui en ont
tranfpiré. Cette grande affinité entre ces plantes ne doit-
elle donc pas faire négliger la petite différence obfervée dans
les filets des femences’ Je penfe au contraire que c’eft même
cette affinité qui doit faire embraffer le fentiment oppolé,
dès qu'elle ne fe trouve pas entière & complète, ainfi je
rétablirois le genre de l'agrimonoïdes, qui ne contiendroit
encore qu'une feule plante, & qui ne feroit peut - être pas
moins fourni, quoiqu'il ne puifle pas l'être moins, que celui
de laigrémoine , fi lon pente comme M. Linnœus. Cet
Auteur croit que les trois efpèces des Inftituts & celle du
Corollaire ne font réellement qu'une feule & même efpèce,
étant feulement des variétés des unes & des autres, auxquelles
on doit peut-être joindre le petit qui vient en Canada, qui
ne differe que par la petitefle de fa fleur & de fon fruit :
au refte, quoiqu'on en pente, ils font tous femblables du
Den. ce 1. D'UN
DE SUISNC 1 EN! C''ENSAN 32%
côté des glandes & des filets, même quant à la quantité,
proportionnellement cependant à leur grandeur.
Une partie des caflies a fur le pédicule commun des
glandes à godet plus ou moins arrondies, une autre à des
ftipules alongées à l'origine de ce pédicule, quelques -unes
ont des glandes à godet & des flipules réunies, d'autres font
privées des uns & des autres, mais elles ont-les tiges & les
branches chagrinées de mamelons, d’autres font hériffées
d'épines fur ces mêmes parties, ou n’en ont feulement qu'aux
nœuds , les glandes à godet, les ftipules, les épines fe trou-
vent réunies dans quelques-unes. Avant que de voir lufige
que l'on peut faire de ces oblérvations par rapport aux
genres de ces plantes, déterminons les plantes qui peuvent
fouflrir cette divifion.
Les premières, c'eft-à-dire, celles qui ont des glandes à
godet, fe fous-divifent en deux parties ; les unes ont ces godets
placés à l'origine du pédicule conimun des feuilles, & dans
la longueur de ce pédicule ; d’autres gn ont non feulement
fur les pédicules communs, mais à la jonétion de chaque
petite feuille. Les efpèces qui ont des godets fur le pédicule
{ont la cafe d'Amérique, qui eft fans épines, qui a les fleurs
jaunes & les filiques membraneufes ; celle de Madras, qui
æ beaucoup de fleurs, lés feuilles de tamarin, les fliques
larges & comprimées, & que Pétiver appelle waga; celle
que Plukenet 1 nommée cafe non épineule, qui a fes fleurs
à étamines, d'un jaune doré, & ramaflées en épi comme
celles du tamaris ; la feconde de Comelin, qui vient à
Malabar, & qui na pas d'épines : les godets font alongés
& polés à moitié du pédicule, & de chaque côté dans celle-
ci; la 2 & la 3 n'en ont qu'un, mais il ef gros & polé
au tiers du pédicule; là première & la 9 du Jardin dé Clifort
en ont un, fuivant Linnæus, à la bafe du pédicule ; Ja 12
de ce même ouvrage, & la 4 du Jardin d'Upfal font entre
la première paire des petites feuilles.
Les efpèces où j'ai trouvé des ftipules , font Ja {nfitive
des Indes, qui a plufieurs filiques courtes & larges , jointes
- "1
Minof[a,
Senfitive.
Acacia,
Cafe.
Inga,
328 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyaALE
enfemble, & une petite fleur qui forme des têtes globulaires,
celle que l'on appelle communément arbrifieau fenfible, celle
qui porte le nom de fianne d'Ovellemont, celle qui dans
Pétiver porte celui de waga fenfible de Madras, qui ef
rameufe & qui a des jets ligneux ; celle de la Jamaïque &
qui eft dite de Padoue, la caflie d'Amérique qui n'eft pas.
épineufe, qui s'élève en fous-arbrifieau & qui a les feuilles
de la grande fenfitive, & celle qui manque auffi d’épines, qui
vient des Indes orientales, qui a les feuilles glauques en
deflous, les fleurs jaunes & ramaffées en tête; les flipules
dé ces plantes font des efpèces de petites lanières plates plus
ou moins larges, placées à l'origine des pédicules communs.
Linnæus rapporte que ceux dela troifième fenfitive du Jardin
d'Upfal, font ovales & aigus; la huitième efpèce du Jardin
de Cliffort a, felon lui, deux courts filets femblablement
pofés, qui me paroiflent être de très-courts ftipules.
Ces flipules font à chaque nœud joints à deux épines
dans la caffie d'Amérique à fleurs jaunes & en épi, & dans
la petite fenfitive en arbrifleau, qui eft épineule & qui a les
feuilles larges & femblables à celles de la caflie, & les filiques
longues & velues.
Les fuivantes portent des glandes à godet mélées avec des
épines; les épines y font deux à deux dans l'aiffelle des pédi-
cules , ces plantes font {a caffie des Indes rapportée dans
le Jardin de Farnèle, la waga des deux Indes, citée par
Aldinus; celle des Indes orientales, & dont les épines ont
été, à caufe de leur groffeur, comparées par Seba à des
efpèces de corne; la vraie ou le fant d'Egypte, & une
qui reflemble à celle des Indes, & qui a de très-petites
feuilles : la glande eft pofée vers le milieu du pédicule de
cette dernière, de lelpèce rapportée par Seba & de Ja
première, & à la jonction de ce pédicule avec la tige de
la vraie; elle eft placée au tiers des pédicules dont toute la
furface eft hériffée d’épines, dans la waga de Madras qui a
des feuilles de fenfitive & des filiques de 7ragera, dans la
caflie des Indes orientales à fleurs d'un jaune doré, & à
étamines
à p' RE # K x Deus ni
%
+
DES ScrENCESs 329
Bin difpoles en épi comume dans le tamaris de Nar-
bonne, dans la rampante à fleurs blanches & à feuilles fes
plus petites de toutes. La fenfitive cexvr des plantes de
Ceylan par M. Linnæus a, füivant cet auteur, la glande à
la baf du pédicule; les épines font difperfées fur les tiges
& les panicules de fleurs, & les pédicules en font privés,
non feulement les pédicules communs, mais encore es par-
ticuliers ; les tiges & les panicules en font hérifiées dans la
217, & la glande eft fur la bafe du pédicule.
C’e font encore des glandes à g gode: & des cpines qui s'ob-
fervent dans les quatre affies qui fuivent ; les épines y font
auffi deux à deux à chaque nœud des tiges & des branches,
mais les glandes à godet ne font point pofées À à l'origine
feulement de chaque pédicule; il y en a un plus grand nombre,
chaque bifurcation ou divifion de ce pédicule en eft fournie
d'une: ces glandes font alongées en bilboquet dans la waga
de Madras qui eft épineufe, qui porte fes fleurs en épi, qui
a des feuilles très-petites & des filiques contournées; elles font
* rondes dans la caffie d'Amérique à fleurs blanches & à feuilles
de tamarin, dans celle d'Egypte à fruit court ; ellestfont larges,
longues & vertes dans la caflie à fleurs jaunes & dont les
épines font blancheîtres, très-fortes & très-longues, & dans
celle d'Egypte à feuilles de fcorpioides légumineux, à filiques
blanches , comprimées, divifées par un étranglement , & à
fleurs jaunes. J'ai bien «conflamment vü une glande à godet
_ alongé à la jonction des deux nervures principales des pédi-
cules de la fauffe fenfitive de Fernambouc ; mais il m'a paru
-que celles des pédicules parti manquoient fouvent.
La caflie d'Amérique qu fans épines & qui a des
feuilles de fenfitive, a bien auffi des glandes à godet pofées
dans les mêmes endroits que dans cette dernière; mais au
dieu d’épines elle a de Tongs flipules qui font de même que
. les épines deux à deux, & à l'origine des pédicules com-
. muns: dans la caffie fins épines qui a les filiques larges,
. comprimées & Îa fleur blanche, les ftipules {ont un peu plus
hauts Que le milieu du pédicule, la glande à godet eft placée
Mëm. 1749: se
330 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
entre eux deux, & il n’y a que cet endroit qui en ait.
Toutes les plantes dont il a été jufqu'à préfent fait men-
tion dans cet article, font avec des glandes à godet ou des
ftipules fimplement, où avec des flipules ou des glandes à
godet ou des épines, maïs on n’y a pas vü ces trois parties
réunies : C'eft ce que m'a fait voir une caflie d'Amérique de
Y'Herbier de M. Vaillant, & qui y eft fans dénomination;
il y eft feulement dit qu'elle vient en Amérique, qu'elle a
été cultivée en 1719 au jardin du Roi, & qu'elle eft épi-
neufe ; fa tige eft hériflée de ces épines, chaque nœud des
branches a deux larges ftipules, & chaque pédicule fecondaire
& commun eft entouré d'une glande à godet alongé.
Bien loin d’avoir trouvé toutes ces parties réunies dans
la caffie à feuilles de lentifque, qui eft toûjours verte & fans
épines, je n'y ai vü au contraire que des glandes à godet
à chaque paire de feuilles; encore ces glandes ne font-elles
pas le godet comme les autres, mais elles ne font fimple-
ment que de petits mamelons fermés qui font femblables à
ceux dont j parlerai plus bas, & à ceux que l’on remarque
fur les pédicules de cette même plante.
Ce ne font plus des glandes à godet que les quatre fui-
vantes m'ont fait voir, mais des cupules qui m'ont paru jau-
nâtres dans la {enfitive ou arbrifleau fenfible, dans une que
M. Vaillant penfoit étre celle d'orient, qui eft fans épines
& qui a peu de branches, une fleur en épi & qui ef citée
par Plukenet. Chaque nœud de celle-ci avoit deux larges
ftipules ; celle que l'on appelle patte ou avane de Magellan,
eft garnie de deux petit de chaque côté de tous fes
nœuds au lieu de ftipulesÿ#& comme dans les précédentes,
il y a des cupules fur les pédicules premiers & fecondaires , -
jy ai vû de plus fur les feuilles des glandes véficulaires fans
couleur. Le haricot des deux Indes, dont les feuilles font
aïlées, le fruit grand & en forme de cœur, les lobes très-
longs, noueux & ordinairement contournés ; le baguenaudier
de Madras qui a des filiques, & dont les feuilles geflem-
blent à celles de la fenfitive, que M. Vaillant plaçoit avec
DEN SMS TE NC El 321
les caflies, ont aufli des glandes véficulaires ; celles de ceite
dernière plante n'étoient cependant que comme celles des
fainfoins, elles n’y formoient qu'un pointillé roufleitre : celles
du haricot étoient fans couleur, mais grandes & irrégulière-
ment ärrangées : les pédicules du baguenaudier avoient outre
cela beaucoup d'épines.
Si les mamelons dont j'ai parlé plus haut étoient réelle-
ment des glandes à godet qui ne difléraflent des autres que
parce qu'elles ne font pas évafées, on diroit avec vérité que
les plantes fuivantes en font les plus fournies : les pédicules,
les tiges & les filiques en font chagrinées; elles y font alon-
gées en forme de lentilles, & elles reffemblent beaucoup à
celles que j'ai appelées glandes lenticulaires, & qui s’obier-
vent fur un grand nombre d'arbres. Les plantes dont il
s'agit ici font la caflie d'Amérique à grandes feuilles à fili-
ques contournées ; celle qui s'élève en arbriffeau, qui n’eft
pas épineule, & qui a la fleur puipurine; la feconde des
grimpantes, qui a des épis doubles & des filiques larges.
Ces trois font du Père Plumier : la fuivante eft de Plukenet,
qui la défigne: par les grandes épines qui font aux nœuds,
qui reflemblent aux cornes des bœufs, & dont les filiques
font alongées en trompe; celle de Bengale à feuilles de bon-
duc & à fliques dontsle dos eft relevé de côtes; l'ongle de
chat, qui eft la première fenfitive du Jardin de Clifort, &
qui n'eft appelée ongle de chat qu'à caufe des deux épines
qui font à chaque nœud : les pédicules, les tiges & les fili-
ques font, comme je fai dit, chagrinés de mamelons; il
n'y a que les filiques qui le foient dans celle de Java, qui
n'eft pas épineufe, & qui a de grandes feuilles qui font relui-
fantes : cette couleur ne leur vient que du nombre de leurs
filets cylindriques , qui y font blancs, & fur les filiques, d'un
fauve doré.
Quoique je n’aie pas parlé des filets cylindriques des autres
efpèces que j'ai citées jufqu'ici, elles en font cependant toutes
plus ou moins chargées; & fi je me fuis tus fur ce point,
c'eft que comme cette propriété eft commune à toutes les
Tti
332 Mémoires DE L'ACÂDÉMIE RoÿaLe
efpèces , elle n'a pû me fervir à former les divifions que les
ftipules, les épines, les glandes à godet, celles à cupule &
les véficulaires m'ont fournies. Les filets font ordinairement
blancs, quelquefois dorés, comme je l'ai rapporté de quel-
ques-unes des précédentes : ils font fauves ou bruns dans la
caffie de la Phytographie de Plukenet / Tab. cccxx x18fig. 1),
& dans ‘la waga de Madras à feuilles de fenfitive & en
plume, dont les filiques font grandes & comprimées, &
qui eft citée par Pétiver. La première eft épineufe, comme
il le paroît par fa dénomination : l'on a auffi fait entrer cette
propriété dans celle des plantes fuivantes, qui, comme ces
deux dernières, n'ont avec les filets tout au plus que des
épines. Celles où les uns & les autres s’obfervent, font fa
fenfitive grimpante dont les tiges font flriées, épineules, fes
pédicules en font aufir hérifiés ; 11 grande qui s'élève en ar-
briffeau, dont les branches de chaque pédicule commun font
réunies en rond; la waga de Madras à feuilles de fenfitive, &
qui a de petites fleurs" en épi; la caflie de Madras qui a
les feuilles de pois de Bedeau, & le fruit de pois chiches;
celle que Flacourt appelle roüimeme en a tout le long des
pédicules, elles y font deux à deux, & très- grofles par le
bas. Aucune n'en a plus que celle que lon a dit en ètre
hideufe, & qui eft auffi remarquable par fà grande fen-
fibilité; fes filets même font pluflôt des épines, au moins
ceux des côtes du defious des feuilles; les tiges & les pédi-
cules en font prefque couverts. C'eft encore par de fem-
blables filets que les côtes des aïlerons de celle d'Amérique
qui s'élève en arbre, font rendues épineules; ceux des autres
parties font longs, blancs, plus gros & moins roides. La
tande-maraum, Vereweta-maraum , la mandhathya-manfieli du
Jardin de Malabar, la cafie d'Egypte à filiques cendrées,
qui eft pluftôt une efpèce d'intfia de Madras, fuivant Plu-
kenet; celle de Madras à feuillés de buis, à filiques com-
primées, citée par Pétiver; deux waga du même Auteur, qui
viennent auffi à Madras, dont l'une a les fleurs en globe,
es feuilles de fenfitive, la filique large, plate, membraneufe;
En
D'E:SNMRC 1.E N:C:E;S 333
. Pautre a les feuilles de féné, la filique large, comprimée,
muis renflée à l'endroit des femences; celle d'Amérique qui
eft fans épines, & qui a les feuilles de pois de Bedeau; la
fenfitive dont le mouvement eft tardif; celle où ce mouve-
ment n'eft pas fenfible, qui a les feuilles étroites, les filiques
longues, peu larges, les femences quadrangulaires, qui vient
EP EENR & qui eft citée par Breïnius ; toutes ces efpèces,
depuis la rande-maraum, n’ont que des fllets blancs en plus
“ou moins grande quantité, quelques-unes même en ‘ont
fur les calices, d’autres néanmoins en font très-peu fournies
fur toutes leurs parties; elles ne font cependant pas lifles au
point où le font les deux fuivantes, dont lune n'eft peut-
être qu'une variété de celle qui a des femences quadrangu-
laires, & qui n'en eft diftinguée que par fes filiques blan-
cheîtres, & dont l'autre eft la rampante à fleurs blanches & à
feuilles de carouge, encore fes pédicules font-ils épineux. J'ai
obférvé cette rareté dans quelques-unes des précédentes, ou de
celles qui ont des ftipules, des glandes à godet, &c. mais
comme je crois que c'eft faute de les avoir vües fur pied qu'elles
m'ont paru manquer de ces filets, je ne les défignerai pas.
Je finirai ces citations en difant que ce qui a fait carac-
tériler quelques efpèces par la couleur glauque ou violette de
plufieurs de leurs parties, n’eft qu'une matière qui approche
de ces couleurs, & qui a tranfpiré de ces parties, comme de
celles de l'efpèce dont j'ai déjà parlés de l'arbre épineux à feuilles
très-menues & courtes, à filiques plus étroites que dans bien
d'autres & d’un violet clair, & de celle à feuilles de tamarin
& à fleurs blanches, dont il a déjà été queftion en parlant des
glandes à godet : ces glandes jettent auf dans plufieurs une
matière qui fe ramañe fur le godet en une’ goutte de liqueur
claire & limpide.
Voilà des différences confidérables parmi ces plantes;
* mais qui feroit dans les principes de M. Linnæus, penferoit
que dès que ces plantes ne conviennent pas dè ce côté, il
fautnégliger ces différences en établiffant leur genre, ne
) sen tenir qu'à ce qui eft conftant entrelles, & ainfi les
T't ii
Lepido-car-
po-dendron.
Hypo-phyllo-
carpo-dendron,
334 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE RoyaLr
réunir toutes fous le même: qui deroit dans des principes
contraires pourroit cependant fuivre aufli ce fentiment , s'il
regardoit les flipules comme des glandes à godet très-alongées,
les épines des nœuds comme des ftipules durcis, les mame-
lons comme des glandes à godet qui feroient bafles & très-
multipliées, les glandes à cupule comme des glandes à goget
dont ce godet feroit porté par un pédicule, les véficulaires
comme un fupplément à celles qui manquent, & il ne fépa-
reroit tout au plus que celles qui n'ont aucunes de ces glandes,
qui n'ont que les filets & des épines ordinaires. Peut-être
ue ce fentiment vaudroit tout autant que l’autre; mais comme
il y a des différences 'aflez remarquables dans les fruits, que
le plus grand nombre de celles qui ont des glandes à godet
font des caffies, que la plüpart de celles qui ont des ftipules
font des fenfitives, on pourroit peut#ètre rétablir ces deux
genres , & joindre aux fenfitives celles qui ont de grofies
épines aux nœuds, aux caflies celles qui ont des mamelons
& des glandes à godet, & même celles où les flipules fe
trouvent; & laiffant les autres enfemble, les joindre à linga,
où je n'ai vû que de courts filets blancs fur les pédicules &
les côtes du deflous des feuilles, qui font les feules parties
que j'aie pü examiner. Le doute où M. Linnæus eft refté
au fujet de la caffie qu'il appelle cæfa/pinoïdes dans le jardin
de Cliflort, me feroit penfer que toutes les différences que
j'ai trouvées dans les glandes pourroient réellement indiquer
des genres diférens : cette plante, dont il laiffe le genre .
indécis, m'a fait voir des filets blancs & courts fur les pédi-
cules, à chaque nœud trois épines, & des glandes à godet
alongées en pointe au bout de chaque dentelure des feuilles,
ce qui mé paroit lui être partieulier, {1 réellement cette plante
eft d'un genre diftingué : cette différence des glandes pour-
roit faire penfer que les autres ne font point à négliger.
Les arbres dont je vais parler, conviennent en ce qu'ils
ont une couleur d'un argenté ou d’un jaune - brun doré plus
ou moins éclatant; de forte que, fuivant M. Linnæws , ils
peuvent avoit été caufe de ce que l'on dit communément,
(
d'or ou d'argent, l'éclat qu'ont ces arbres lorfque le
D: PSC 1 E Ne ENS 35
qu'il y avoit dans les Indes des forêts dont les arbres 1.5
oleil
donne fur leurs feuilles étant plus ou moins vif, & de l’une
ou de autre couleur felon qu'elles font couvertes de filets
à qui ces couleurs font dües. Ces arbres, fi riches en appa-
rence , font ceux que M. Boerhaave appelle Æpido-carpo-den-
dron , hypo-phyllo-carpo-dendron , c'eft-à-dire, arbre dont le fuit
eft écailleux, & arbre dont le fruit vient deflous les feuilles.
Cet Auteur avoit fait deux genres de ces arbres : M. Lin-
nœus les a réunis, & y a même joint quelques efpèces des
cono-carpo-dendron qui fignifie arbre dont le fruit eft en cone.
- Les plantes de ces genres que j'ai examinées, m'ont fait voir
P
des variété que je me contenterai de rapporter fans rien dé-
terminer fur ces fentimens diflérens, ne pouvant le faire faute
d’obfervations bien complètes: je n'ai vü, parexemple, qu'une
feuille du Zepido-carpo-dendron à feuilles arrondies, roides, &
à fleurs portées fur un long & gros pédicule, & celles du
Zeucodendros d'Afrique, ou de Farbye d'argent, dont le fommet
des feuilles eft crénelé, qui m'ont paru ifles & pointillées.
d’une grande quantité de petits mamelons blancs : celui qui
a les feuilles petites, ramaflées en touffe & foyeules, le fruit
long & gréle, a des filets coniques & blancs fur les tiges &
fur les feuilles, & fauves fur les fruits. La première & la
feconde efpèce de protea, qui font des cono-carpo-dendron de
M. Bocrhaave, font fournies d’une grande quantité de ces
filets blancs fur les feuilles & les tiges, qui en font d'un blanc
argenté. Le /pido-carpo-dendron à feuilles oblongues, vertes,
qui ont un liféré rouge, & dont les écailles du fruit font
velues fur leurs bords & à leur pointe, font veir de petites
plaques rayonnées ou faufles houppes fur les écailles des fruits,
& des filets longs & grèles qui embraffent le bas des femences.
Ces arbres ont, comme fon voit, beaucoup de rapport par.
… les filets & par la couleur des parties où ils fe trouvent, dans
‘ceux même qui mont paru lifles ; ainfi il peut bien fe faire
. que ha réunion qui en a été faite puiffe fubfifter: je nai cepen-
dantsobfervé les plaques à rayons que dans la dernière efpèce
-de celles dont j'ai pü voir les fruits.
Cono-carpo-
dendron.
Medica,
Luzerne.
MWedicago.
Fænum-græ-
cum,
Fenugrec.
336 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoÿaLe
La filique des luzernes & des mcdicago {e contourne en
tire-bourre, mais de façon qu'elle forme plufieurs tours ou
circonvolutions dans les luzernes, & qu'elle n'en forme qu'un
dans les medicago. M. de T'ournefoit avoit établi ces deux
genres fur ces différences ; mais comme il arrive fouvent que
le nombre des tours de la filique des luzernes varie beau-
coup, qu'il y en a même des efpèces où il n'y a fouvent
qu'un tour à des filiques, tandis que d'autres en ont plufieurs,
M. Linnæus a cru devoir ne faire qu'un genre des deux : il
avoit même cru, dans le Jardin de Cliffort, pouvoir y join-
dre le fenugrec, parce que fes filiques fe courbent en arc;
mais dans fes ouvrages poftérieurs il à rétabli ce genre, & l'a
appelé rrigonella. »
Si j'eufle trouvé fur les filiques de toutes les medicago les
filets branchus que j'ai obfervés dans celle qui a le port d'un
trèfle, dans celle qui reffemble à Ia vulnéraire ruftique &
qui vient en Efpagne, dans celle qui a ce dernier port &
qui eft de l'ifle de Crète, je n'héfiterois pas à féparer ces
genres; mais plufieurs autres m'ont paru n'avoir que les filets
cylindriques des autres efpèces. Ces dernières plantes font la
medicago annuelle d'Italie, qui a plufieurs fruits; celle dont
les feuilles font très-étroites , qui s'élève en fous -arbriffeau,
& qui eft blanche; celle des bords de la mer, qui a trois
feuilles, le port & les feuilles d’une luzerne & le fruit life,
citée par Micheli; la luzerne de la campagne à fleurs jaunes,
que M. Vaillant plaçoit avec les medicago, & deux fenugrecs
que cet Auteur y rangeoit aufli : lun eft appelé fenugrec des
Âlpes, à fleurs jaunes & à feuilles étroites, fans citation ; l'autre
eft celui que Micheli dit être de la campagne, vivace, à
fleurs jaunes & à feuilles étroites & incifées par le haut.
Plufieurs luzernes reflemblent à ces dernières medicago ,
un grand nombre d’autres portent fur les bords des circon-
volutions des filiques, de gros filets roides, un peu récourbés
en croffe par le haut, & qui ont été comparés à des épines
par da plüpart des Auteurs. Une efpèce, & elle eft la feule,
m'a fait voir des glandes à cupule; ces différences font bien
réelles,
Die, SMMSACLI E NC: ES:
réelles, mais {a reffemblance étant auffi grande qu'elle l'eft dans
- Xe refte, il feroit fans doute téméraire de vouloir divifer ces
plantes: plufieurs des luzernes qui ont été appelées luzernes
difles, & du fruit defquelles on n'a pas fait mention, ont des
mamelons plus ou moins #levés qui pourroient avoir été la
bafe des filets épineux, ou l'être dûns certains cas. J'ai re-
marqué fur les filiques de Ja plûpart de ces plantes, de petits
grains d'un jaune doré qui pourroient être de petites glandes
. véficulairé gonflées, ou peut-être de très-petites glandes à
cupule, & ainfr celle où jai vû de ces cupules n’en diffé
reroit alors que parce que les fiennes fergient plus apparentes
& plus élevées, & qu'elle en auroit non feulemeñt fur les
fruits, mais fur les feuilles & les tiges; cette luzerne eft {a
grande à deux fruits en vis & qui font rudes, citée par
Morilon. Je ne rapporterai pas en détail Jes phrafes de toutes
celles ou j'ai vû des filets roïdes, & de celles où je ne les
ai pas trouvés; il fuffira de dire que les premières font ap-
pelées par les auteurs, fuzernes épineufes, les autres, luzernes
difles, & que celles qui ont de gros mamelons, ont été
ordinairement appelées {uzernes à fruit rudes. Les auteurs ont
. même fouvent porté l'exactitude jufqu'à décrire dans leurs
phrafes la direction des gros filets, dont une partie eft, dans
» plufieurs efpèces, dirigée de devant en arrière, & une autre
. dans un fens contraire: au refte j'ai examiné les 18 premières
des Inftituts, & les 21, 22, 29, 31, 32, 36, 42; les deux
du Corollaire, deux de Morifon, que Linnæus regarde comme
des varietés de celle du n.° 1 1 du Jardin de Cliflort, & qui
y font marquées Æ & X'; les fruits de ces deux dernières
n'ont point les gros filets; les filiques de prefque toutes les
autres de ce numéro en font hérifées; celles des fuivantes
Je font@ffi: de ces plantes, les unes font rapportées dans
ouvrage intitulé /ortus catholicus, & font la grande-luzerne
fruits en vis, ovales & épineux, fa grande qui eft life,
ni a quatre filiques à contours fiches & éloignés les uns
es autres, celle à plufieurs fruits en vis & cylindriques ;
ne gft de Micheli qui l'appelle très-petite fuzerne, qui vient
._ Mén. 1749 NE
Na
338 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fur les rochers, qui eft lifle & qui a les feuilles en forme
de cœur ; une autre citée par Rai, fous le nom de trèfle à
fruit en vis & épineux, .& qu'il compare à de petits barrils;
une de Morifon, qui eft celle du n.” 10 de la Table xv,
A. 2; deux de l'Herbier de M* Vaillant, dont l'une eft de
ce pays, à plufieurs petifs fruits épineux; l'autre eft défignée
par fa blancheur, {on velu & fa fleur jaune ; la première eftavec
le nom de Rende, la dernière fans citation. Celle du n.° 318
du Catalogue des plantes de Rome &t de Naples par Micheli,
celle qui’eft life & qui a le fruit en toupie, citée par Bo-
bart, la petite dont les fruits font en petit barril, ramaflés
plufieurs*enfemble & qui font lifles, celle à petit fruit en
vis, noir & épineux, démontrée au Jardin Royal, n'ont réel-
lement point de gros filets épineux, mais de même que
toutes les autres dont il a été queftion dans cet aticle, ils
font hériffés de filets cylindriques plus ou moins longs, qui
s'obfervent auffi fur les autres parties, c'eft-à-dire, fur les pé-
dicules, les tiges & les feuilles.
Ce que j'ai rapporté plus haut du fenugrec, demande que
je dife ici ce que j'ai trouvé dans fes difiérentes elpèces que
j'ai examinées : toutes leurs parties, excepté les pétales &
les étamines, ont les filets cylindriques plus où moins abon-
damment: ces elpèces font toutes celles des Inflituts en ne
comptant pas celle d'Arabie, & la dernière qui n’eft pas de
ce genre, mais qui eft une anonis ou arrête-bœuf, à caufe de fes
glandes à cupure. J'ai encore vû la première efpèce du Corol-
hire, le trèfle à filiquesou pied d'oifeau qui vient en Angle-
terre, qui eft cité par Raï, & que M. Vaillant regardoit comme
un fenugrec ; les trois fuivans font démontrés au jardin du Roi
comme des fenugrecs; Fun eft de Sybérie, il reffemble au trèfle
commun des prés, il s'étend fur terre, il a la Reu@Mburpre,
difpofée en couronne; l'autre eft des campagnes de Crète, il:
eft grand & porte plufieurs filiques. recourbées en corne; le ”
troifième eft d'Egypte, 1 s'élève beaucoup, fes feuilles font
dentelées, & ces dentelures finiflent, comme dans celui qui
reffemble au melilot, par une partie épaifle & pourpre.
DE SMIC LE IN C'ENS 339
La plante que Commelin appeloit jafmin d’Afrique à feuilles
de chêne vert, &c. & qui eft défignée par Linnæus fous le
nom de Lantana, qui porte fes fleurs une à une, me fournira
le premier exemple des nouveaux genres que je penfé pou-
voir ètre formés: cette plante m'a fait voir quelque chofe
de plus décifif que les plantes de Particle précédent, ce qui
me fait penfer qu'elle doit être féparée des lantana où mont-
jolis auxquels elle a été jointe; elle a fur toutes fes parties,
mème fur le pétale, une grande quantité de glandes à cu-
pule pourpre, plus ou moins longue, qui porte une goutte
de liqueur vifqueufe & fans couleur ; les filets de linté-
rieur de la fleur paroiffent fimplement coniques & dirigés
vers le centre : les mont- jolis ordinaires ont des glandes
globulaires qui font ordinairement d’un beau jaune doré, ou
d'un jaune brun, ou d’un couleur dé cerife, ou fans couleur
déterminée, & au lieu des glandes à cupule on n’y voit que
des filets coniques qui ont une certaine roideur, & qui font
portés fur des mamelons compolés de plufieurs véficules,
comme ceux des borraginées.
Les efpèces qui ont des glandes globulaires fans couleur,
fi ce n’eft celle d'une eau claire & limpide, font la troifième
&cla quatrième du mémoire donné en 1722 par M. Vaillant,
qui appeloit en françois ces plantes du nom de wirobatier ;
les filets de ces deux plantes font très-petits, fur-tout dans la
troifième qui en eft plus fournie : ces filets font plus longs
dans celle que l'on appelle dans lappendix du jardin de Leyde,
viorñe d'Amérique odorante à feuilles d'ortie & à fleur d’un
rouge de winium, dans celle qui eft appelée par Gronovius
viorne d'Amérique à feuilles plus alongées, dans celle qui
a les feuilles réluifantes & femblables à celles de la /corodonia,
& la fleur jaune; ces filets font doux en comparaïfon de
. œux du cinquième mirobatier du mémoire de M. Vaillant, où
üls font auffi portés fur un plus gros mamelon. Le mont-joli
à feuilles de viorne & à fleurs écarlate a, outre ces filets, des
épines, fur les côtes des feuilles; les filets des tiges du fecond
mirobatier de M. Vaillant approchent auffi, par leur roideur
Vu i
Lantana ou
Camara ,
Mont- joli.
Adlhafoda,
Barleria,
Ja Barlier.
340 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
beaucoup des épines; les glandes globulaires de celui-ci font
dorées, elles ne font que foufrées dans l'efpèce appelée dans
lherbier de M. Vaillant, viorne d'Amérique à fleur d'un
bleu tirant fur le pourpre; celles du premier mirobatier du
mémoire de cet auteur, font roufleitres; celles du 6, 7, 8,
9 & du mont-joli en arbrifleau, à feuilles de fauge, cité par
le père Plumier, font d'un beau couleur de cerife: c'eft
ordinairement fur le deflous des feuilles que ces glandes
Sobfervent, de plus j'en ai vû dans cette dernière elpèce
fur les tiges & les calices ; les filets font encore plus com-
muns; les feuilles, les tiges, les pédicules , les: calices, les
fleurs & le placenta mont paru dans la plüpart, pour ne
pas dire dans toutes, en être chargés, & même aflez abon-
damment.
Je ne pourrai rien dire d'auffi pofitif fur le genre fuivant ;
que fur ce dernier; il me paroït cependant que ceux de
Vadathoda & de la barleria contiennent quelques plantés qui
pourroient peut-être en être féparées. J'ai obfervé dans le
plus grand nombre des plantes que l’on range avec les adha-
toda , des efpèces de glandes lenticulaires, femblables à celles
de quelques aparinées, qui font plus ou moins alongées, & qui
le font quelquefois à un point qu'elles forment de petites lignes
fenfbles à la vüe fimple; j'en ai trouvé de pareilles dans
l'adhatoda dont M. Linnæus propoloit de faire un nouveau
genre auquel il vouloit donner le nom de prionitis. M. Van
Royen a réuni cette plante aux barliers: j'ai à la vérité vû
de ces glandes à une barlier; deux autres m'ont paru en
manquer, & quelques adhatoda ; il faudroit peut-être regarder
comme des adhatoda les plantes qui n’ont pas de ces glandes,
comme des barliers celles qui en ont, & faire un nouveau
genre des barliers qui en font privées: il eft vrai que l'on
a remarqué dans les parties de la fleur des efpèces qui ont
été miles au nombre des adhatoda & des barliers, & qui
ont des glandes lenticulaires, des différences propres à les
faire féparer; ainfi, malgré leur rapport du côté des glandes,
ä faudroit peut-être en faire deux genres nouveaux ; ut
|
1!
k
L
DE s VIe r EN CES 341
examen plus recherché de la fleur décidera Voici mes
obfervations.
Les adhatoda où je n'ai point vû de glandes fenticulaires,
font l'efpèce de Ceylan, celle qui ne s'élève pas en arbrifleau,
qui reffemble par fes feuilles à la circée, & qui a un petit
fruit, celle de Madras à feuilles d'anet ; Ja barlier pyrami-
dale à fleurs bleues, & le fecond ronoloumibi que M. Vail-
lant plaçoit avec les barliers, m’avoient, de même que les
plantés précédentes, que des filets coniques, articulés, courts
& en une aflez grande quantité pour que les jeunes poufes,
en foient un peu blanches. Je ne me fuis pas affuré fi ces
plantes avoient des glandes globulaires ; elles ne m'ont point
du moinséchappé dans l'adhatoda de Ceylan; elles y font
d'un couleur d’eau brillante, & elles paroïflent au tranfparent
n'être que des glandes véficulaires; j'en ai principalement
obfervé fur les feuilles; elles font moins vifibles fur les autres
partiés. |
La barlier dont#les feuilles reflemblent à celles de morelle,
& qui a la fleur d'un rouge d’écarlafe, m'a fait voir non feu-
lement de ces dernières glandes & des filets, mais des glandes
lenticulaires ; les globulaires font d'un couleur d’or rouge;
elles fe diftinguent ainfr facilement des lenticulaires qui y
font, comme dans la plüpart des autres efpèces, d’un blanc
verdâtre: des points bruns que l’on remarque non feulement
fur les feuilles, mais fur les tiges & les*calices de l'efpèce
d'adhatoda que M. Linnæus appeloit prionitis, me paroïffent
être des globulaires, ou du moins en être le fupplément; ces
points fe trouvent auffi fur les mêmes parties d’une efpèce
du même genre qui vient de Malabar & qui eft épineufe,
fur celles d’une autre efpèce du mème pays, qui a les feuilles
_ de vipérine, & fur celles d’une troifième qui vient de Ma-
dras, dont le bord des feuilles eft à dent de fcie, & qui
étant jeunes, font foyeufes en deflous: les deux premières fe
diftinguent principalement par quatre grandes épimes qui font
à chaque nœud, & les deux dernières par des glandes à
cupule pourpre, dont le bord des calices eft chargé : ces
Ù Vuiij
342 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
cupules font plus communes dans celle à feuilles de chropo-
dium qui eft d'Afrique, les feuilles, les tiges, les calices en
ont un bon nombre ; celle qui par fes feuilles reffemble,
felon Pétiver, à la champacca, & qui eft du fort Saint-
George, ne manque pas aufli de ces cupules fur les mêmes
parties, & de points bruns fur les feuilles, mais elle m'a
paru être privée des glandes lenticulaires des autres, de même
que celle de Madras, à feuilles de poivre d'eau ou curage
qui n'avoit que des points roufleätres, fans cupules ni glandes
denticulaires.
Ces dernières glandes font réunies aux filets dans plufieurs
autres, qui font le petit arbriffeau impatient des Canaries, à
feuilles de faule, ou arbre qui fait un bruit femblable à celui
qui pafle par un endroit étroit; l'ehueboue des Indiens cité
par Surian, ladhatoda de Madras à épi long, feuillé, &
dont les bords font blancs; le cochibichi, Therbe confoude
ou qui reflemble à la confoude pétrée de Lobel, & qué lon
appelle auffi plante qui met les ferpens eñ fuite; l'adhatoda
des Indes, qui a la fleur blanche & les feuilles de faule june
efpèce appelée dans l'Herbier de M. Vaillant, anonyme d’A-
mérique à fleur en cafque.
Voilà bien des différences entre ces plantes, mais aucune :
ne m'a fait voir celle de l'adhatoda de Madras à calice barbu
& à feuilles velues en deflous, cité par Pétiver: cette dif-
férence confifte en de Jongues épines dont les calices font
hériflés; ces épines font chargées de courts filets tournés vers
le bas, qui les font ainfi reflembler à de petites fcies dont
les dents feroient très-éloignées : les filets des autres parties,
telles que les feuilles, les tiges & les calices, ont une certaine
roideur qui les approche de la nature des épines; les calices
paroiflent pointillés de blanc, mais ce prétendu pointillé
n'eft formé que par ceux d’entre les filets qui font très-courts ;
cette plante n'a paru privée des glandes à cupule, des glo-
bulaires & dès lenticulaires. Voilà encore un coup bien des
différences entre des plantes qui ont été rangées fous un même
genre; ces différences doivent-elles être négligées ou non?
La
D E SAMMAC l'E N C\E(S 343
ceux qui verront la fleur de ces plantes pourront le déter-
miner.
Herman, & après lui Dillenius, n'ont pas trouvé le méme
nombre de caplules dans les fruits des ficoïdes ; le premier
a cru même devoir divifer ces plantes en ficoïdes" qui avoient
le fruit à cinq caplules, & en celles qui l'ont à dix; le fecond
en a mème trouvé qui n'en avoient que quatre; d’autres, felon
Linnæus, en ont plus de dix. Dillenius n’a pas adopté, quoi-
qu'il fait connue, la divifion qu'Herman avoit faite ; il a
mieux aimé tirer la fienne de la figure des feuilles, de“leurs
poils & de leurs épines; malgré ces différences, & fur-tout les
premières, ces auteurs n'ont pas cru devoir faire des genres
différens de ces plantes, & quéique Dillenius penchät vers
€e fentiment, ayant encore remarqué quelques différences
dans 1 fleur de plufieurs efpèces, il a penfé ne devoir
rien innover. J'ai fait quelques remarques fur les filets, qui
ne font pas les mêmes dans toutes les efpèces; je ne ferai
pas plus hardi que ces auteurs, je rapporterai feulement ce
que. j'ai vü.
I eft fngulier que l'efpèce où j'ai trouvé une différence
plus marquée dans les filets, foit aufli celle qui en äit, dans
le fruit & fes ftyles & dans le calice, uñe plus grande &
plus frappante ; ordinairement il y a cinq ftyles, cinq loges
au fruit, cinq découpures au calice; celle-ci a huit ftyles qui
font velus, ce qui eft particulier à cette efpèce, huit loges
au fruit & cinq découpures au calice, dont deux font courtes,
& trois qu'on prendroit pour des feuilles, tant elles font
Jongues : les filets des furfaces des tiges, des calices & des
feuilles de celui-ci font prefque des navettes; les efpèces de
weffies dont ces parties font chagrinées, comme je le diraï
plus bas, portent à chaque bout un filet conique & blanc
. celui du bout fupérieur éft un peu plus grôs & un peuplus
_ grand : ces deux filets ont, avec la veflie, la forme. d'un
filet à navette dont le mamelon froit extrémement gonflé,
& dont les côtés feroient inégaux; ces petits filets font mème
- dans l'alignement des parties qui en font garnies comme les
Ficoïdes,
Ficoïde.
344 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
navettes le font dans {es plantes où elles s’obfervent. Le
bout fupérieur des feuilles & des découpures du calice de
la ficoïde dont il s’agit ici, fe termine outre cela par cinq
ou fix longs filets blancs, qui ont fait donner à cès parties
le nom de feuilles radiées par différens auteurs : qui connoi-
troit les filets en houppes dont j'ai parlé plufieurs fois dans
les Mémoires précédens, & qui examineroit les filets de
cette ficoïde, les rangeroit d'abord avec les houppes; il ya
cependant une différence eflentielle; les houppes font com-
pofées de plufieurs filets portés fur un feul mamelon, au lieu
que dans cette ficoïde chaque filet a fon mamelon, qui eft
même aflez gros & qui eft ordinairement d’un brun jaunâtre:
ces mamelons font près les uns des autrés, & par leur affem-
blage ils repréfentent aflez bien une houppe: cette ficoïde
eft celle de la figure 23 $ du Jardin d'Eltham par Dillenius,
qui a fort bien fait repréfenter cette elpèce de houppe; &
felon la figure & la defcription qu'il a donnée, les pédicules
des fleurs font très-velus, vers le haut fur-tout.
Cette efpèce n'eft pas la feule qui foit velue, plufieurs
autres ont des filets qui dans quelques-unes font même ar-
rangés en houppes, comme dans celle-ci, mais je n’y ai point
obfervé que les veflies des feuilles & des autres parties fe
terminaflent par de petits filets qui les fiflent reflembler à
des navettes. S'ils n’ont pas cette figure dans l'efpèce de Ia
Table cexiv, figures 277 & 278 du Jardin d'Eltham, la
leur n’eft pas moins fingulière; ils reflemblent aflez à un
étui à pipe, leur groffeur eft confidérable, ils font blancs
& en bon nombre; dans les autres efpèces qui en ont, leur
figure eft ordinairement conique; leur longueur varie, ils font
plus longs dans une efpèce, plus courts dans une autre. On
peut voir des premiers dans celle de la Table cLxx1x,
fig. 220 du même Ouvrage, & des feconds dans celle d’Afri-
que à feuilles plates de plantain démontrée au Jardin Royal, &
dans une de l'herbier de M. Vaillant qui y eft appelée ficoïde
d'Afrique qui s'étend fur terre, qui ef ligneufe, qui a les
feuilles triangulaires, glauques & qui finiffent par un poil
court
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Lie. 17
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; SÔD E SRMEC 1 E N C ES 345
“court & petit: les trois fuivantes n'ont paru en manquer,
mais avoir à eur place des épines dans l'aiffelle des feuilles
où fur les feuilles même; elles font dans l'aiflelle des feuilles
de l'efpèce de la Table cevint, fig. 265 du jardin d'Ef-
tham; fur les feuilles dans celles des Tables cxcv, fig. 246,
& cxcvir, fig. 249 du même Ouvrage.
Toutes ces plantes & celles qui fuivent, ont lune ou l'autre
de leurs parties chagrmées d'un poñatillé plus où moins appa-
rent, qui, vü à la loupe, ne paroït être fornié que par, des
veffies plus ou moins gonflées; elles le font même à un tel
point dans cette efpèce qu'elle eft connue des perfonnes les
moins verfées dans la Botanique, & qu'elle en eft appelée la
glaciale : en effet, on diroit que ce font autant de petits grains
de glace qui couvrent cette plante ; ce ne font, dans la vérité,
que de petites veflies qui contiennent un fuc que l’on fait
fortir en preflant un peu ces veflies, & qui par-là en impofe
encore plus, & fomente le préjugé; préugé qui cependant
ne fubfifte plus guère que parmi une certaine e’pèce de per-.
fonnes, mais à la place de celui-ci il en a fuccédé un autre
parmi les Obfervateurs même. On regarde communément
ces veflies conne une maladie propre à cette plante ; idée
qui peut être venue de la reflemblance que ces veffies peu-
vent avoir avec celles qui s'élèvent fur la peau des hommes
dans certaines maladies : pour moi je crois qu'il eft plus na-
turel de penfer que ces veffies font, comme l'on dit, des
glandes des animaux qui n'ont pas de vaifleaux excrétoires,
ds glandes aveugles, & que dans le temps que la plante
eft dans un embonpoint confidérable, ces glandes font rem-
plies d'un fuc abondant qui les gone: il ne le fait cepen-
dant pas autant dans les autres efpèces, mais ces plantes font
- plus où moins couvertes d’une forte de eur blanche qui
. met peut-être qu'une liqueur femblable à celle qui fe ranale
» dans les vefiés de la glaciale , qui étant moins vifqueufe
” s'exhale de toute la fürface des feuilles &c $y condenfe.
= Quoi qu'il en foit, on peut voir de ces veffies peu gon-
- flées & qui ne forment qu'un pointillé blanc ou powpre,
Mim. 1749. LX
Trifelium.,
Trefle.
346 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
dans les ficoïdes du jardin d’Eltham, aux Tables cLxxxwv,
fig. 277; CLXXXVI, fig. 229; CLXXXIX, fig. 223; CXCI,
fig. 237; CxCIN, fig. 240; cxcvi, fig. 248; cxcIx,
fig. 253; CCI, fig. 256, 257; CCVI, fig. 262 ; CCvII,
fig. 264; coix, fig. 267, 268; ccx, fig. 269; CCxI,
fig. 270; ccx1v, fig. 279, 280. On peut voir encore les
Tables vI, VI11, X11, XV11, XX du jardin de Leyde, par
M. Boerhaave, édit. 2 ; celle de la fig. 1 6, pag: 7, Décad. 2 de
Ouvrage de Bradley fur les plantes grafles ; celle d'Afrique
qui s'étend fur terre, qui a des feuilles larges, de petites
fleurs argentées, qui eft annuelle, droite & gravée dans le
Catalogue des Plantes du jardin de Nuremberg; celle qui
eft appelée ficoïde aizoïde d'Afrique, qui eft petite, qui
jette beaucoup de branches, qui a la fleur rouge en dedans,
incarnat en dehors, & qui eft du jardin de Leyde. J'ai en-
core remarqué les mêmes chofes dans plufieurs autres efpèces,
que je ne rapporterai pas pour abréger, & faute de citations
juftes. 1
Aucun genre de plantes n’a, à ce que je crois, plus fouffert
de divifions que celui des trèfles ; prefque chaque Auteur
fyflématique a cherché à en faire quelqu'une: ils fe-font atta-
chés à la forme du calice, ou au nombre des femences, ou
à la forme de a fleur, où même aux poils. M. Linnæus a
imité M. de Tournefort, ou pluftôt il s'en eft tenu à ce
que ce dernier avoit dit, & il na, comme lui, fait qu'un
genre de celui qu'on avoit féparé en fept, il y a même
ajoûté celui du melilot. En ne m'arrêtant qu'aux filets, je
{erois obligé de fuivre M. Linnæus, excepté cependant pour
un feul trèfle qui demanderoit à être féparé, & que M. Vaillant
penfe être le trèfle d'Orient à tête cotonneule, rapporté dans
le corollaire des Inftituts: les tiges & les feuilles de ce trèfle
n'ont bien que les filets ordinaires des papillonacées, mais les.
têtes font chargées de gros filets branchus qui font divifés
par des nœuds qui jettent plufieurs autres filets grèles & longs.
Cette fingularité eft la feule qui, du côté des filets, mérite:
quelque atention; car d'avoir plus ou moins de filets n'en:
PR
+ ten É
4
D\ E SNBSLC 1 E Ne C,E08 247
eft pas une qui puifle engager à {éparer des plantes qui cox-
viennent par plufieurs autres endroits. Je ne fuivrois donc
pas Rivin, qui penloit devoir faire un genre des trèfies ap-
pelés pieds de lièvre, à caufe de la douceur dés poils dont
les épis des fleurs font chargés: il eft vrai que ces trèfles
étant les plus velus & ayant les filets les plus longs, ils peuvent
par-là fe diftinguer aifément des autres, fur -tout de ceux
qu'on a défignés par la figure ronde ou oblongue des têtes
à fleurs. Ces diflérences ne font pas cependant affez effen-
tieles pour s'y arrêter ; ainfi je confondrai tous les trèfles
enfemble, & même les melilots, en avertiffant feulement
que ceux-ci font peu velus, & que cependant, de même
que dans les trèfles, on y trouve des filets fur les feuilles,
les tiges & les calices.
Ceux des trèfles que j'ai examinés font, entre les efpèces
rapportées dans les Inflituts, les 2 —— 1 r, excepté le 6°; de
plus, les 1 $ — 19, en fuppofant que celui dont l’épi de
fleurs eft rond, n'eft qu'une variété de celui qui, en a un
oblong; les 22, 24, 26, 27,28, 30, 31; le 32 n'eft
peut-être qu'une variété ; les 33, 35; les 36 & 37 ne font
probablement auffi que des variétés; les 38, 39, 41,42, 43 ;
<ntre ceux du Corollaire, les 4, 7, 10; des melilots, celui
du Corollaire, tous ceux des Inftituts , excepié celui d'Egypte,
qu'on appelle a/chimelech dans ce pays. J'ai encore vü le melilot
dun.” 129 du Catalogue des plantes de Florence, par Micheli,
& celui du n.° 456 du Catalogue des plantes de Naples &
de Rome, du mème Auteur; entre les trèfles de ce dernier
Ouvrage, les 400, 401, 995 & 1400; entre ceux du
premier, les210,211,21 > 217, 219 & 324; de plus,
de trèfle & les deux melilots fuivans, cités par Morifon dans
fon hiftoire d'Oxford, favoir, le trèfle à fleurs pourpres ra-
maflées en pied de lièvre, qui eft velu, annuel, qui a les
feuilles arrondies & l'épi d'un rouge lavé; le melilot du
- n° 9, page 162; celui de la fig. 6, Table xxin1, fe. 2;
|
|
|
Me trèfle à tête de houblon pourpre; celui à épi en pied de
lièvre, ou femblable à épi du thym, & qui eft doux au
X x ij
348 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
toucher ; le melilot qui eft fans odeur, qui a des feuilles
étroites, dont la femence avoit été trouvée par hafard. Ces
deux dernières plantes font du troifième fupplément au Jardin
Catholique, là première eft du deuxième. L’argenté du trèfle
dont les découpures du calice font larges, & forment par
leur affemblage une efpèce de petit bouclier, fuivant Profper
Aipin, ne vient que du nombre de fes filets, comme le velu
de celui que Plukenet appelle, dans fa Phytographie, le grand
trèfle velu à petit épi en pied de lièvre. Les quatre fuivans
en ont une moyenne quantité : ces trèfles font, celui que
Jean Bauhin défigne par fes têtes ramaftes & qui font
roides ; ie grand pourpre, que l'on cultive, qui eft femblable:
à celui des prés, & qui eft cité dans le Synopfs des plantes
par Raï; celui du cabinet de Boccone, & qui a l'épi en
grappe; celui de Barrelier, dont les têtes font rondes, les
feuilles femblables à celles de la paquerette, les fleurs pour-
pres, qui eft petit & qui vient dans les prés; le très-petit
melilot de Syrie, cité par Breynius dans fon Prodrome; &
le lotier d'Egypte qui, fuivant Lippi, eft verd, rampant,
à feuilles crénelées & étroites, à flipules frangés & fleur
jaune ; le petit à follicule & à fleurs renverfées, de Barrelier:
deux trèfles démontrés au Jardin Royal & qui font d'Egypte,
Fun a la fleur blanche & les épis en patte de lièvre, l'autre:
eft velu & a la fleur en épi pourpre & de difiérente figure;
enfin le melilot à fleurs & femences petites, ramaffées en.
un épi épais & petit, & qui eft des mêmes démonftrations.
Je ne fai fi on peut placer avec les melilots celui que
Pctiver dit dans les Adtes d'Angleterre en être un, venir des:
Indes & avoir une fleur blanche, & celui qu'il appelle dans
fon Cabinet dela Nature, le très-petit melilot, qui s'élève un
peu : ces deux plantes ont des filets en faufle navette; le
fecond a même un pointillé femblable à celui des onobrychis.
Seroient-ils, celui-ci du moins, du genre de ces dernières
plantes? je penferois volontiers, avec Dodon, que le trèfle
qui vient d'Amérique peut être rangé avec le trèfle bitumi-
eux, & par conféquent ayec les p/Gralca, dont le bitumineux.
PUIVE
DFE SIMOMNET E N''c'EMSN 349
éft une efpèce, comme on la vü autre part. Dodon 12p-
porte que ce trèfle d'Amérique a une odeur qui approche
beaucoup de celle que le bitumineux répand ; outre une grande
quantité de filets blancs, droits & fins dont les feuilles, les
tiges & les calices font garnis, je lui aï trouvé des glandes
véficulaires très apparentes d'un noir où d'un foufre rouge,
fur les mêmes parties, & de plus, fur les pétales. On a vû
dans un des* Mémoires précédens, que le trèfle bitumineux
a de ces glandes : il ny a donc pas grande difhculté à réunir
ces deux trèfles fouis lélimême genre.
Une plante qui eft dans l'Herbier de M. Vaïllant, fous le
nom de Æmonium, qui forme un réfeau, & qui a le nom de
Flacourt pour citation, me paroït devoir faire un nouveau
genre; fa fleur approche fans doute, fuivant M. Vaillant,
beaucoup de celle des Amonium, puifqu'il rangeoit cette plante:
fous ce genre : les houppes à cinq ou fix filets longs &
roides dont les tiges font couvertes, me paroïffent demander
que cette plante en foit féparée. Si les plaques blanches &
rayonnées qui couvrent prelque toutes les parties de plufieurs
dpèces de /imonium dont je vais parler, ne fe difloivoient pas
auffi aifément, au moyen de*la falive, qu'elles le font, on
pourroit penfer qu'elles ne font que des houppes imparfaites,
. & que dès-là le limonium de Flacourt ne diféreroit de ce
côté qu'en ce que ces houppes ne feroient compolées que
de filets entièrement féparés; mais les plaques font difio-
lubles, & dès-à je ne les crois formées que par une matière
qui a tranpiré des glandes véfieulaires qui paroiflent aifé-
| ment après ka diflolution de la nutière blanche; je crois
| que ce fentiment eft d'autant plus vrai, que plufieurs /mo-
_ nium n'ont point ces plaques, quoiqu'ils aient les glandes
| véficulaires , qui conviennent même avec les autres en ce
» qu'elles paroifient être d'un noir aflez foncé. Cette différence
d'avoir ou de ne point avoir de plaques eft fi frappante
dans certaines efpèces, que celles qui en ont eu font pre£
que toutes blanches, & d'un blanc qui a quelque chofe
"d'argenté: malgré cette différence, je ne penfe pas cependant
Xx ii
%
Limonium.
Sratice,
so MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaLE
qu'on puifie féparer ces plantes ; l'une ou l'autre de ces pro-
priétés peut changer ; une plante chargée de ces plaques, peut
s'en dégarnir; une qui n'en a pas, peut en devenir blanche;
une tranfpiration devenue plus où moins abondante ou plus
ou moins ténue, pourroit faire ces changemens : ainfi je crois
qu'il ne faut pas toucher à ce genre, & même qu'on peut,
comme a fait M. Linnæus, y joindre celui des flarice, les
glandes du moins ne l'empêchént pas, elles font les mêmes
dans ces plantes, il y a de plus entr'elles la même différence
qu'entre celles des Zimonium. J'ai trouvé dans une flatice les
plaques qui manquent à toutes les autres que j'ai examinées;
cette elpèce eft même privée des filets qu'on trouve ordi-
nairement dans celles qui manquent de plaques, ce qui fe
remarque aufli parmi les Æmonium : ainfi il y a entre ces
plantes une conformité qui eft affez grande pour qu'on ne
les fépare pas, dès qu'il y en a une par les fleurs pour le
moins auft confidérable,
Cela fuppolé, je dirai que des ffatice rapportées dans les
Inflituts, il n’y a que la dernière que je n’aie pas vue, &
que l’efpèce qui vient en Portugal, qui a des feuilles fem-
blables à celles de la fcorfonère, eft la feule qui m'ait fait
voir des plaques: le nombre des /imonium où elles fe trouvent
eft plus grand; les efpèces qui ont des feuilles femblables à
celles du plantain & qui font citées dans les Infituts & dans
le Corollaire, font de ce nombre; ce font même ces plaques
qui ont fait appeler les feuilles d’une elpèce, feuilles recou-
vertes de bulles. L’efpèce dont les feuilles font comparées
dans ce premier ouvrage à celles de la vipérine, n'a auffr
fes feuilles fi rudes qu'à caufe des plaques dont elles font
recouvertes; {a comparaifon que l'on a faite des feuilles de
deux autres efpèces avec celles des oliviers ou des halimes,
n'a encore que cette origine; les feuilles des oliviers & celles
des halimes font chargées de houppes imparfaites d’un blanc
argenté, qui reflemble par cette couleur aux plaques des /imo-
nium. Les autres efpèces de ce dernier genre qui ont des
plaques & qui font des Inftituts, font le petit à feuilles de
DER N, MECS
D'E-SMÔNE TE NC E 5°! 351
aquerette & à tige de fenouil, où elles font en petit nombre;
celui d'Efpagne, qui eft bleu & articulé; celui-ci eft de plus
faupoudré d'une fleur blanche qui, nuée avec le fond de Ja
feuille, donne à cette plante la couleur que lon à fait entrer
dans fa dénomination: l'efpèce qui vient en Portugal & qui a
les feuilles en lance, a bien aufli de cette eur outre les pla
ques, mais elle n'y eft pas aufii abondante. La petite efpèce qui
vient de Grèce & qui a des feuilles de bafilié, en eft toute
blanche; celle de Portugal à feuilles d'oreille d'ours, en 2
aufli abondamment, & j'y aï de plus remarqué que fes
glandes véficulaires font confidérablement gonflées ; elles fouf.
frent la même chofe dans celui qui s'élève en arbriffeau, qui
vient du cap de Bonne-efpérance, qui a les feuilles de glo-
bulaire, la fleur grande & purpurine, fuivant M. Vaillant,
qui l'a ainfi dénommé dans fon Herbier ; celui de Grèce à
petites feuilles en lance & qui reffemblent à celles de 13
- paquerette, un autre du même pays & qui a des feuilles
. fmblables, nrais qui forme un arbriffeau & qui eft pro/ifere,
g: q P
ont les feuilles & les tiges chagrinées par ces gluides qui y
forment de gros mamelons : ils ont cela de particulier dans
éette dernière efpèce, qu'ils y paroïffent ouverts. La fleur
blanche dont jai parlé, leur eft peut-être dûe en partie:
cette fleur manquoit à celui du cap de Bonne- éfpèrance,
mais ces mamelons portoient une petite plaque. J'ai encore
trouvé de ces plaques dans celui du n.° $89 du catalogue
des plantes de Rome & de Naples par Michéli, dans celui
. qui porte des galles, qui n'eft probablement qu'une variété
de celui à feuilles d’halime: dans celui que les Indiens ap-
_ pellent soullarabao, que Surian dit être venimeux, & qu'il
cite au n.° 60; elles font rares dans celui-ci, je n'en aï vû
que fur les jeunes tiges où elles ne forment fouvent que de
petits grains arrondis; à leur place, le defflus & le déflous :
des feuilles ont un grand nombre de: glandes véficulaires un:
peu élevées.
* Dans les fuivans, ces glandes ne prennent que peu où point:
d'extenfion, elles y forment pluflôt de petites cavités, elles:
352 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ne font point recouvertes de plaques, & on ne voit pas
même fur les parties qui en ont, de fleur blanche qu'on
puifle leur attribuer & regarder comme le fupplément aux
plaques. Ces efpèces font, celle qui s'étend fur terre, qui
par fes branches forme un réféau, & qui eft citée par Boc-
cone; celle de Lxælius, qui a des branches de fenouil; la
petite des bords de la mer, qui a des feuilles de paquette;
celle de Narbonne qui eft aufli des bords de la mer, qui
s'élève beaucoup & qui vient plus tard que celle que l’on
appelle le grand des bords de la mer, qui lui eft femblable
par les glandes.
S'il eft vrai que la plüpart des /monium ne foient-que des
variétés de ce dernier, comme M. Linnæus le prétend dans
le Jardin de Clifort, il fuivra de-là que des plantes où je
n'ai vü que des glandes véficulaires, peuvent avoir des plaques
& de la fleur dans certaines circonftances, comme je fai
même rapporté plus haut. Cet Auteur ne regarde que comme
des variétés celui qui a les feuilles de vipérine, celui qui 4.
les tiges de fenouil, celui dont les feuilles reflemblent aux
feuilles d'olivier, celui d'Orient à feuilles de plantain, celui
à feuilles d'oreille d'ours des Initituts, dont je parlerai plus
bas, & plufieurs autres qu’on peut voir dans cet Auteur; mais
comme il auroit toûjours fallu rapporter les différences que
ces plantes avoient du côté des glandes, je les ai confidérées
comme fi elles euflent été de vraies efpèces; & ne fachant
pas fr le fentiment contraire eft bien établi, je continuerai
fur le mème plan pour celles dont il me refte à parler.
Ces efpèces ont, avec les glandes véficulaires & quelquefois
les plaques, des filets plus ou moins grands & plus ou moins
abondans; aucun n’en eft plus fourni que les deux étrangers
à feuilles de ceterac, dont l'un eft annuel & l’autre vivace:
* ces filets y font longs, blancs & coniques; il y en a für le
bord externe des feuilles, fur les grofles nervures du deffüs
& du deflous des feuilles, & fur les côtes des tiges. Is ne font
guère moins abondans dans celui de Crète à feuilles de ge-
nevrier, & dans celui d'Orient à feuilles étroites d'œillet,
qui
à
;
£
à
ë
DE SWS,C 1 É NC EjS 353
qui n'eft point épineux, qui a une fleur purpurine & en épi;
celui de Grèce à feuilles d'hyfope, que M. de Tournefort a,
comme les deux derniers, cité dans fon Corollaire, eft velu
fuivant cet auteur: je n'ai pas vü fes filets, if pouvoit les
avoir perdus, & je crois que cela peut arriver à plufieurs.
J'en ai, par exemple, trouvé fur les tiges & les pédicules
de celui d'Orient à feuilles de plantain, qui avoit été cultivé
au Jardin Royal, tandis que fur le même, tiré de l’herbier
de M. Vaillant, ils m'ont paru manquer & y être remplacés
par beaucoup de plaques blanches ; ce qui peut être une fuite
de fa culture ou de la non culture que ces différens pieds
peuvent avoir eue: il n'eft pas arrivé la même chofe à la
très-petite efpèce des bords de la mer; dans l'un & l’autre
état elle a confervé les courts filets que j'y ai trouvés fur les
tiges ; les feuilles de celle d'Efpagne, qui font découpées,
fimiflent par une longue pointe qu'on pourroit regarder
comme un filet, mais ce font les feuls que j'y aie oblervés.
Il fuit donc du détail de toutes ces oblervations, que les
Zimonium & les ffatice conviennent par les glandes véficulaires,
qu'ils peuvent avoir avec ces glandes des plaques blanches
& argentées, de la fleur également blanche, ou qu'ils peuvent
manquer des uns ou des autres fans varier fur les glandes
véficulaires.
Des plantes qui conviennent avec les /monium, en ce que Ghobularia,
leurs glandes véficulaires donnent une matière blanche qui Der
refte fur la glande, & y forme une page où fimplenient He renible
un grain, feront le premier article de Ta troifième partie
de ce Mémoire, ou de celle qui renfermera les obfervations
fur les plantes dont la réunion des genres eft conftatée par
le rapport des filets & des glandes; les plantes de ce premier
article font les globulaires dont M. Niflole avoit féparé
celle qu'on appelle herbe terrible, à caufe de fa forte vertu
pureative, & à qui il donnoit le nom d’a/ypum, qu’elle avoit
. déjà porté anciennement. M. Linnæus a réuni cette plante
- aux autres globulaires, comme M. de Tournefort l'avoit fait;
« .dle a fur les feuilles, les tiges, les écailles des têtes, ces
4 Mém, 1749. . Yy
Petafites,
Pérualite.
Tffilago ,
Tuililage.
Cacalia ,
Picd de che-
val.
54 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
points blancs dont j'ai parlé, & qui s'obfervent également
fur les mêmes parties de la globulaire des montagnes, qui
eft très-bafle & qui rampe même fur terre, de celle d'Orient
qui a les fleurs éparfes le long de la tige; celle-ci a encore
une fleur répandue fur les mêmes parties: les points font
plûtôt des plaques femblables . à celles des Æmonium, dans
l'efpèce qui eft très-petite, qui vient fur les Alpes, & qui
a des feuilles d’origan. La globulaire ordinaire & celle des
Pyrénées, à feuilles oblongues & à tiges denuées de feuilles,
ont les glandes fans cette matière, mais elles y font auffi
abondantes & fur les mêmes parties; toutes ces efpèces font
encore garnies de filets coniques en petit nombre fur les
feuilles, les tiges ou fur les têtes compolftes de l'afflemblage
des fleurs.
Aucune réunion n'aura été plus jufte que celle que M.
Linnæus a faite des genres de a pétafite, du tuflilage, &
du pied de cheval ou cacalia, f on ne veut pas s'arrêter
aux différences de la fleur, obfervées par M's de Tournefort
& Vaillant; ce que j'ai vü, concourt à établir de plus en plus
la juftefle de cette réunion. Toutes les plantes de ces trois
genres, citées dans les Inftituts, ne n'ont fait voir aucune
différence confidérable; ce n'eft toüjours que du plus au moins;
elles ont toutes fur le deffus & principalement fur le deflous
de leurs feuilles, & fur les tiges, des filets à valvule de dif-
férentes grandeurs, dont il fort par le bout fupérieur un
fl cotonneux, femblable à ceux qui forment un duvet épais
entre les filets; ce qui rend ces plantes ordinairement blanches,
& d'autant plus blanches qu'elles ont plus de ce duvet: c'eft
Ja même chofe dans le tuffilage des Alpes, à feuilles oblongues,
dans celui des mêmes montagnes, à feuilles rondes, &qui,
füivant Gafpar Bauhin, eft tantôt plus, tantôt moins blanc,
de forte que quelquefois il l'eft fi peu, qu'il en paroît lifle.
H y a encore peu de différence dans celui à feuilles de pirole,
qui eft le fecond du Mémoire de M. Vaillant donné au pu-
blic en 1720, & dans la cacaha des Alpes, à feuilles épaifles,
lifles, anguleufes & vertes des deux côtés, rapportées dans
Linnæus a réuni fous le même genre toutes ces plantes qu
DES SCIENCES 355
l'ouvrage de Micheli fur les plantes des environs de Rome
& de Naples; cette différence confifte en ce qu'il ne fort
point de til cotonneux par le bout des filets, & qu'il ne fe
trouve pas de duvet entre ces filets; je n’y en ai pas du moins
obfervé. ;
La divifion que M. Vaillant a faite des jacobées en trois So/idago,
genrés, au moyen de la figure des feuilles, feroit bien com- En LE
mode pour établir ces genres, fi on pouvoit s'en tenir à ces os
principes, & s'ils étoient aufi certains que ceux qu'on tire Jacobée.
des fleurs; mais ils ont toüjours paru infufffans, & l'on a Jucobæoïdes,
toûjours cru que dès que des plantes convenoient par les Jacoboïde.
fleurs, on ne devoit pas s'arrêter à la figure ni à la forme Virga aurea,
des feuilles : c'eft ce qui eft arrivé pour les jacobées. M. Me
Senecio ,
: a TAN \ ere € Seneçon.
M. Vaillant avoit divifées, & il y a même ajoûté les verges yr0pæaf
d'or, en tirant du nombre de celles-ci & des jacobées quel- rrum,
ques efpèces qu’il a fait pañler aux fenecons, & de celles-ci Jacobéaftre.
aux jacobées, ou dont il a fait des nouveaux genres. En fui- fr; Attre.
vant en partie M. Vaillant, je crois qu'il a eu raifon dans ces Hu
changemens, & qu'il auroit peut-être pû en faire encore: j'ai Dnicum,
déjà même fait voir dans le Catalogue des Plantes des envi- Doronic.
rons d'Eftampes, que l'on pourroit réunir fous un même genre
un certain nombre de jacobées qui ont une efpèce de filets
que l’on ne rencontre pas dans les autres : ces fllets font ceux
qui fmiflent par une cupule. La Plüpart des jacobées ou des
verges d'or qui ont de ces cupules, ont été reconnues pour
être vifqueufes au toucher, & on leur en a même donné le
nom : ces plantes font, les 14, 17, 18,7 9 verges d'or du
Mémoire de M. Vaillant, & la 21° jacobée du même Au-
teur. Ces cupules font mélées avec les filets à valvules fur
les feuilles , les tiges & les têtes de fleurs ; elles jettent une
liqueur claire, limpide &, comme je F'ai dit, aflez vifqueufe
pour qu'on s'en aperçoive au toucher.
M. Vaillant rangecit au nombre des confoudes farrafines,
le fecond doronic à feuilles de plantain, & celui de Portugal
+ qui a auffi des feuilles de plantain, Si tous les autres doronics
Yyi
356 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
cités dans le Mémoire de M. Vaillant, excepté les 2, 4, 7
que je n'ai pas vüs, n’avoient pas également des cupules fur
les mêmes parties mélées avec les autres filets ; f1 de plus
ils n'avoient pas des glandes globulaires d’un foufré plus ou
moins doré ou plus où moins rougeâtre, comme les autres,
auxquels il faut joindre celui des Alpes à feuilles arrondies
couvertes d'un duvet cotonneux qui forme une toile fem-
blable à celle d’une araignée, celui de Virginie à feuilles
nerveufes, blanches en deflous, plus grandes que dans les
autres, & dentelées fur leur bord ; fi, dis-je, tous ces doro-
nics ne convenoient pas par les glandes & les filets, je pen-
ferois qu'on pourroit les joindre aux jacobées & aux verges
d’or vifqueufes; mais cette uniformité dans les doronics me
paroïît empêcher cette réunion, d'autant plus que les jaco-
bées & les verges d'or ne n'ont pas fait voir de glandes
globulaires.
I faut encore Ôter du nombre des verges d’or de M. de
Tournefort, & de celui des afler de M. Vaillant, les efpèces
qui, felon M. Linnæus, font des erigeron , favoir, la verge
d'or annuelle & de Virginie, les affer 43 & 44 de M.
Vaillant, celui qui vient dans les campagnes , qui eft äcre,
& qui a la fleur bleue, le feneçon de Buenos - aires à fleur
purpurine , & qui a les feuilles de corne de cerf, auxquels
on peut, à ce que je crois, joindre l'affer qui reffemble à celui
des montagnes qui eft pourpre, ou à la globulaire. Les feuilles,
les tiges, les têtes des fleurs, font plus ou moins garnies de
filets, qui n'ont que deux ou trois valvules, qui ont une
certaine roideur, qui ne donnent pas de fils cotonneux &
qui n’ont que très-peu ou point de duvet entre eux, ni même
de glandes globulaires.
Il eft vrai que cette dernière propriété ne péut pas encore
être regardée conime capable de faire féparer des plantes où
elle fe trouveroit, de celles où elle ne fe trouveroit pas.
J'ai, par exemple, vû de ces glandes globulaires à plufieurs
afler, & elles m'ont paru manquer à plufieurs autres; ceux
des after de M. Vaillant où elles fe découvrent, font les
DES SCIENCES 357
1, 15, 16; les efpèces d'entre ceux qu'il appelle aunées,
font les 1,3, 6,7, 11, 13, 19 — 25,38, le 45 des
Inflituts, & celui du n.° 23 du Catalogue des Plantes de
Florence, par Micheli : ces glandes font ordinairement d’un
jaune doré, dont le fond varie pour la nuance ; elles étoient
cependant noirâtres dans la 15, & dans la 16 d'un joli
verd d’émeraude, d'un brillant plus ou moins éclatant ; cou-
leur que je ne me fouviens pas d'avoir obfervée dans les |
glandes d'aucune autre plante; elles font bien fouvent verdä-
tres, comme dans la 3 8°, mais elln’ont pas le beau couleur
d'émeraude de celle-ci. Une plante que M. Vaillant penfoit
être la jacobée d'Afrique à feuilles entières, ondées, blan-
cheîtres , & à fleur d’un jaune d'or, m'a fait voir des glandes
globulaires de ce doré, mais plus brillant que celui de la
leur, avec les filets à valvule des autres, & fur les mêmes
parties, c'eft-à-dire, fur les feuilles, les tiges, les écailles
des têtes à fleurs.
Entre les affer où je n'ai pas remarqué de glandes globu-
laires, il y en a dont les filets font roides & petits, dans
les autres ils font longs, gréles & doux, quelques autres m'ont
paru Jifles: ces derniers font les 10, 11, 12, 19; je ne
les crois cependant liffes, que parce qu'ils ont très-peu de
: fllets, ou qu'ils tombent très-promptement : les feconds font
les 6, 7, 22, 33, 34, 35, 46, 47, celui de Canada à
très-grandes feuilles de verges d’or, & celui des Alpes à
fleurs jaunes , & à feuilles de conife ordinaire. Les premiers
font les 2, 14, 17, 18, 20, 21,25, 26, 27, 29, 30,
35 — 39, 41, 45, qui ne diffèrent guère des fuivans,
favoir , l'affer d'automne à petite fleur bleue, qui s'élève
plus haut que bien d'autres, & qui eft des démonftrations
du Jardin Royal; celui de Virginie, qui s'élève en fous-
arbriffeau cité par Jonfton ; le plus petit des montagnes à
. fleur bleue, rapporté dans les Inftituts; celui du Canada à
- feuilles très-étroites, à petites leurs jaunes & en umbelle;
. celui du même pays, qui a les feuilles très-étroites, ferratu-
}
|
F rées, & une fleur purpurine; celui de Ja Chine à larges feuilles,
1 Yyi
358 Mémoires DE L'ACADÉMIE RovaLE
velues, très-grandes, à fleur d'un pourpre violet, & qui eft
annuel; celui d’Acadie, qui eft très-haut, rameux, & à fleurs
blanches, envoyé par M. Sarrafin pour le Jardin Royal, où
les trois précédens font aufli démontrés ; enfin la draba,
qui reflemble à une conife, qui a les feuilles étroites , les
fleurs jaunes ; dont les aigrettes s’'enlèvent aifément, & qui
a été ainfi dénommée par Surian, & mile au nombre des
affer dans FHerbier de M. Vaillant. |
On peut faire la mème divifion des aunées ; celles qui
m'ont paru lifles font, leo, 31, 32, je n'ai vü que de
très- petites pointes fur le bord des feuilles de la 28e: Jes
12, 14, 16, 17, 26, en ont qui font courts & roides ;
celles où ils font beaucoup plus longs &. plus doux, font les
4, 8,9, 16,38.
Trois efpèces différentes de celle-ci font blanches à caufe
d'un duvet de cette couleur, qui tranfpire des furfaces même;
lune eft la feconde, qui en avoit peu en deflus des feuilles, où
Von voyoit des filets ordinaires: la 27 &la 37 n'ont paru
manquer de ces filets, mais être encore plus drapées du duvet
cotonneux que la deuxième; ce duvet ne manque pas entiè-
rement , à ce que je crois, aux autres efpèces, elles en
jettent quelque peu, je lai du moins trouvé à plufieurs.
J'ai dit plus haut que l'on pourroit faire un nouveau
genre des jacobées & des verges d’or qui ont des glandes
à cupule ; Les affer & les aunées où l’on trouve de ces glandes,
ne feroient peut-être pas trop éloignées de ce genre. Ces
aunées font la 1 8.€, où j'en ai vü fur le haut des tiges, & où
elles font roufleîtres ; la 3 3.° qui en avoit fur les feuilles, les
tiges & les têtes des fleurs : elles y étoient en grande quantité,
balles & rougeîtres. Les mêmes parties en étoient auffi char-
gées dans la 30°, & leur couleur étoit jaunätre. J'en aï vû
fur le 4° affer, & je fuis incertain fi le 3 r.° n’en a pas auf:
au refte elles n’y auroient, comme dans le 4.°, qu'une couleur
indéterminée où d’eau claire, limpide & tranfparente. Ces
cupules font foufirées & donnent une liqueur gluante dans
Je très-petit «fer d'Egypte qui eft velu, qui jette beaucoup
h
DES SCIENCES. 359
de branches, qui a une petite fleur jaune; celui d'Acadie à
feuilles femblables à celles du foleil, & qui eft des démonf.
trations du Jardin Royal, celui qui a une grande fleur, qui
eft rude, & dont les écailles des têtes font recourbées par la
pointe , cité dans de Jardin d'Eltham, donnent auflr une
liqueur vifqueufe , mais la cupule eft fans couleur déter-
minée. F
Revenons maintenant aux confoudes farrafimes, aux jaco-
bées & aux verges d'or, dont nous nous fommes infenfible-
ment beaucoup écartés : quoiqu'en général les confoudes
farrafines & les jacobées donnent toutes un duvet blanc qui
fuinte des parties mêmes qui en font couvertes ,: il y a
cependant des elpèces où ce duvet eft beaucoup plus abon-
dant que dans d’autres, de forte que l'on pourroit divifer
\ces plantes en deux fections, dont une féroit des efpèces
qui en ont beaucoup, & la feconde de celles qui en ont peu.
Les confoudes farrafines de la première {etion font les 1 FA
26,27; 2 9; les jacobées de la même fection font les 2,
4, 6, 32 — 36, 38 — 40 ; les confoudes farrafiines de:
la feconde fection font les r — 4, 6, 7, 10, 13 : cellesci
n'ont prefque que du duvet, quoiqu'il foit peu abondant ; elles
paroïflent lifles lorfque le peu qu'elles donnent eft tombé;
elles n’ont que quelques courts filets , principalement fur 1e
bord des feuilles ; {es fuivantes ont un peu plus de ces filets,
quoïiqu'ils y foient auffi très-rares, de même que le duvet:
ces plantes font les 1 5, 16, 20, 24, 26 confoudes
farrafines ; leupatoire de la Table LXXXVI, fig. s de J'AI
magefte de Plukenet ; l'Aieracium cotonneux à feuilles entières
‘du Cabinet de Boccone, que M. Vaillant plaçoit, dans fon
‘Herbier, au nombre des confoudes farrafines. Je n'ai pas
même trouvé cette petite quantité de duvet & de filets dans
da 11, mais une fleur blanche qui donne une teinte de
blanc à toute la plante, excepté aux fleurons & aux demi:
#leurons: cette fleur blanche ft fans doute analogue: à {+
matière qui forme le duvet dans les autres efpèces. Cette ma-
ière ef apparemment plus ténue dans la onzième & moins
360 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
gluante, ce qui fait qu'elle ne peut pas fe tirer en un fif
long & cotonneux. Les jacobées de la feconde partie varient
peu auffr entr'elles, elles ont peu de duvet & de filets; c'eft
ce qu'on peut voir dans les 1, 2, $, 10 — 14, 16, 17,
19, 20, 22, 24 — 27, 29, 32, 42; dans celle d’A-
frique qui s'élève en arbrifleau, qui eft des bords de la mer,
qui a des feuilles femblables à celles de l'arroche de l'ifle
Marianne, & qui eft démontrée au Jardin Royal; dans celle
qui donne beaucoup de fleurs & qui approche du feneçon
par fes feuilles, fuivant Lippi; dans celle à umbelle qui a
des feuilles d'ageratum , une fleur d’un jaune orangé, & qui
vient de Mariland, fuivant Raï; dans celle du mont Etna
qui a des feuilles d’un verd de mer & découpées, & qui
eft rapportée dans le troifième fupplément au Jardin Uni-
verfel ou Catholique. Je n'ai point obfervé, comme je fai
dit plus haut, de glandes globulaires dans ces jacobées; mais
Ja 10 &la 25 mont fait voir des efpèces de véficules dif
perfées fans ordre fur les feuilles, & qu'on auroit dit être
des gouttes d'huile extravafées entre les membranes de ces
feuilles.
Les jacobées que M. Vaillant avoit défignées par le nom
de jacobæoides, font encore bien femblables du côté des filets
& du duvet, qui y font très-rares : la feconde en avoit un
peu plus en deffous des feuilles que les 1, 3, $, que j'ai auffr
examinées : la troifième m'a même paru liffe &, comme
les autres, fans glandes globulaires. pa
Enfin, pour finir ce qui regarde les jacobées , je dirai que
la première des jacobæaffrum , genre qui a été confervé par
M. Linnæus, & qu'il appelle ofhonna ; je dirai, dis-je, que
cette plante eft toute blanche de duvet, qui fuinte de toute
fa furface, & des filets dont elle eft garnie. Je la crois privée
de glandes globulaires.
Ces dernières glandes font en général peu communes parmi
les verges d'or; j'en ai cependant trouvé dont la couleur n’é-
toit autre que celle des feuilles, dans les 8, 9, 15 de M.
Vaillant, dans les 18, 19, 25 de M. de Tournefort, dans
celle
DE: SAME NC, EUSE 361
celle Hi Canada, qui eft bafle & qui a des feuilles de fro-
mium, dans la petite d'Amérique à feuilles de srachelium, dans
une du même pays, qui a les feuilles plus étroites & les tiges
rougeätres, & dans une du Canada qui eft très-haute, qui
a une belle grappe de fleurs, & dont les feuilles & les tiges
paroiffent liffes; elles ont à la vérité peu de filets, aufli- Dies
que toutes les précédentes qui, pour la plüpart, paroiffent
liffes au premier coup d'œil. Il n'en eft pas de même de
celle de la nouvelle Angleterre, qui a les feuilles larges &c
rudes; de celle du Canada, qui eft très-haute, & dont le
deflous des feuilles eft blancheître; non feulement cette fur-
face, mais encore la fupérieure, les tiges & les têtes à fleurs
font toutes blancheïtres du nombre des filets qui les couvrent,
& qui cependant ne jettent pas plus de fils cotonneux que
les furfaces mêmes, ce qui me paroït commun à toutes les
verges d’or, ou de n’en avoir que très-peu. On peut le véri-
fier dans les efpèces fuivantes du Mémoire de M. Vaillant,
qui font les 1—6, 10—13, 15, 16; dansles 28, 29 des
- Inftituts; dans une que Sarrafin appeloit verge d’or du Canada,
| à feuilles étroites & non ferraturées; dans trois qui viennent
d'Amérique, dont une eft petite & à feuilles arrondies , ai-
* gues & à dents fur leurs bords; la feconde n’en diffère que parce
+ ue fes feuilles ne font pas aigues & qu'elles font plus velues;
LÉ troifième s'élève très-haut, elle porte une belle pannicule
de fleurs qui font plus grandes que celles des autres elpèces;
* dans une*du Canada qui s'élève plus que les communes, qui
“a des feuilles femblables à celles du petit faule, & dans une
“qui ne diffère de celle-ci que parce que le haut de fes tiges
ft rougeitre: les filets du deffus des feuilles y font beaucoup
plus grêles que ceux du defloûs, ce que j'ai pa Hs
obfervé dans toutes les efpèces de verges d'or.
| 4 . Les obfervations que j'ai faites fur les feneçons, font moins
générales; j'ai va dans l'ordinaire, des filets à groffes val-
muules; ils font très-courts & avec des valvules moins ren-
flées dans celui d'Amérique qui s'élève très-haut, & qui a
des feuilles très-Jarges, dans le paring-cnakka du Jardin de
Mém. 1749: + Zz
:
cé rdt tt À
Gerarium,
Bec de grue,
362 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Malabar. La jacobée de Mauritanie, à feuilles de corne de cerf,
que M. Vaillant plaçoit dans fon Herbier avec les feneçons,
eft rendue blanche par un duvet qui n’eft guère moins épais
que celui de a jacobée des bords de la mer, du genre de
laquelle il faut peut-être la rapprocher : le fenecon qui eft
très-haut, qui vient fur les montagnes, & qui a des feuilles”
de limonium, eft un peu moins blanc que ce dernier; le duvet
tombe vite, & l'on voit enfuite des filets courts d’où ce duvet
fortoit en partie. Celui de Virginie qui fait larbriffeau &
qui a des feuilles d'arroche, eft couvert de plaques blanches,
diflolubles à la falive, & qui, à ce que je crois, viennent d’une
matière qui a fuinté des glandes globulaires qui font deffous:
les autres feneçons me paroiïflent avoir auffi de ces glandes ;
je les ai du moins diftinétement aperçües dans le feneçon
ordinaire, où elles font en grande quantité & d’un jaune doré,
& dans le paring-cnakka , où elles font irrégulièrement placées.
Il eft aifé de concilier ces irrégularités; je ne ferai pas cepen-
dant cette conciliation , pour pañler à des plantes d’autres genres
& d’autres claffes.
L’efpèce de diftinétion qui a été mife par la Nature même
entre les becs de grue, a depuis long-temps féparé les Bota-
niftes de fentiment fur ce qui devoit être afhrmé touchant 1
le genre de ces plantes: M. de Tournefort n’en a fait qu'un,
que Rivin avoit voulu divifer en deux ; M. Vaillant, quine M
laïfloit guère échapper l'occafion de faire de nouveaux genres,
les avoit rangés fous plufieurs : M. Linnæus a fuivi le fenti- «
ment de M. de Tournefort, que Dillenius avoit, dans le
Jardin d'Eltham, propofé d'abandonner, en faifant revivre M
Y'angien, auquel il n’ajoûtoit qu'un nouveau nom que Burman M
a adopté, dans la sie De des plantes d'Afrique, en.
établiflant le genre que Dillenius avoit encore laïflé indécis..
Burman appelle donc geranium où bec de grue celles de ces:
plantes qui ont des fleurs régulières, & pelargonium ou bec
de cigogne celles dont les fleurs font irrégulières ; il ef
en cela oppolé à Rivin, qui donnoit le nom de geranium as
celles qui avoient les pétales de la fleur irréguliers, & celui
HpÉELS* BAGUE N C:EuS 263
de gruinalis à celles dont les pétales font réguliers ou égaux.
- J'aurois bien voulu fixer les idées par mes obfervations,
&ctrouver dans les unes ou les autres de ces plantes des glandes
ou des filets totalement différens; mais au contrairé tout y
-eft femblable, quant à la figure, la différence ne confifte que
dans le plus ou le moins par rapport à la grandeur & à la
_ quantité. Dans le nombre confidérable de geranium que j'ai
examinés, je n'en ai point vü qui n'euflent des filets coni-
ques & des glandes à cupule, ou que je ne düfle préfumer
en avoir : la plus grande différence que j'aie trouvée, eft
celle dont j'ai déjà parlé dans le Catalogue des Plantes des
environs d'Effampes, à l'article du petit bec de grue à feuilles
de cigue & qui eft couché fur terre, on y remarque de gros
filets qui approchent de la forme d’une larme batavique qui
feroit un peu évalée par fon gros bout. J'ai cru devoir les
_ regarde” comme des filets à cupule un peu différens des
ordinaires, mais qui ne l’étoient pas eflentiellement, & je
_ crois devoir toüjours penfer de mème; ainfi je ne féparerai
» pas ce geranium des autres efpèces.
Ces plantes font les 2 5 du Jardin de Cliflort, excepté le
} 23° queje n'ai pas eu en ma difpofition; à ces 25 il faut
_ ajouter les 10, 13, 27,du Prodrome du Jardin de Leyde,
: par Van Royen; les 1, 2, 3, 7 du corollaire des Inftituts; &
» de ce dernier Ouvrage, les 11, 20, 26, 27, 375 42;
Az: 955062, 64, 65; 70,71, 75: 79, 81; du Pinax
. de Gafpaï Bauhin, les 2, 3 de ceux à feuilles d’anémone,
-& le7 de ceux à feuilles de gigue ou de myrrhis ; le 20 du
« Phytopinax du même Auteur; le 12 du Catalogue des
. Plantes de Florence par Micheli; celui du n.° 568 fig. 1245
» des Oblervations par Barrelier; celui que Rivin a défigné par
fon odeur defagréable; celui qui a une groffe racine, qui vient
fur les rochers, & qui eft gravé dans le Catalogue des Plantes
» de Montpellier par Magnol; deux de l'Hifloire des Plantes
par Raï, qui viennent fun & fautre en Afrique, & dont
e premier eft bas, a une racine en forme de rave, les feuilles
Aifies au premier coup d'œil, les fleurs en umbelle, de couleur
Zzij
364 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
de chair & flrices ; les fleurs du fecond font marquées de
deux taches pourpres , les feuilles font découpées & reffem-
blent à celles du grofeillier. A ce grand nombre il en faut
encore joindre deux qui font cités dans les ouvrages de Pé-
tiver, fous le nom de bec de grue d'Afrique qui reffemble
à la tormentille à cinq feuilles, & de bec de grue fanguin à
petites feuilles plus profondément découpées que dans les
autres qu'on appelle fanguins ; deux qui font rapportés par
Micheli, qu'il a appelés, Fun bec de grue columbin des mon-
tagnes, qui vient fur les rochers, qui a une très-grande racine,
de petites feuilies profondément découpées & une fleur d'un
pourpre tirant fur le noir ; l'autre, bec de grue des Alpes à
feuilles de coriandre, à grandes fleurs pourpres & à très-
longues racines; un que Boerhaave défignoit par fes feuilles
‘en pattes de columbin, par fes fleurs d'un rouge lavé; celui
ue Morifon dit être annuel, petit, venir dans les lieux hu-
mides de la Bohème & avoir une fleur d’un pourpre violet ;
un des environs de Memphis à feuilles de guimauve d'un
verd de mer, plus épaifles que dans les autres, à fleurs d’un
violet clair & d’un or éclatant en dedans; enfin les trois
fuivans démontrés au Jardin Royal; lun avec le nom de
bec de grue à feuilles de myrrhis, qui vient de la Chine &
qui a une petite fleur couleur de chair; le fecond, avec celui
de bec de grue à petites feuilles de myrrhis & à grandes fleurs
rouges ; le troifième, avec celui de bec de grue fanguin qui
eft de la Chine, qui a des feuilles larges & une petite
fleur. pa
Ïauroit été fans doute beaucoup trop long de rapporter en
pailant de chaque efpèce ce en quoi elle diffère des autres, il
fufira de dire en général queles efpèces qui viennent dans les.
lieux humides, où qui font appelées batrachioïdes , nYont paru.
être les plus velues, avoir des filets des plus roides ; que les,
kæmatodes où fanguins en ont une quantité médiocre; que:
ceux à feuilles de myrrhis & de cigue en font affez garnis, de:
même que la plüpart des autres ; que ces filets font coniques,
fimples; que les plus petits fe recouxbent ordinairement en:
à
‘ DE SUNSNC 1 E Ni © ES: 365
__croffe par le haut ; qu'ils font encore fouvent couchés de haut en
Bas, fuivant la fongueur des parties qu'ils recouvrent ; que non
feulementles tiges & les feuilles, maiscommunément les calices
& les filiques en font chargés; que les geranium d'Afrique
font pour l'ordinaireles mieux fournis de glandes à cupule, &
que ces glandes fe trouvent plus abondamment fur les tiges
à fleur & vers le haut que dans tout autre endroit; qu'il fort
de ces cupules, dans plufieurs efpèces, une liqueur dont la
ténacité fe fait fentir lorfqu'on touche ces plantes, ou qui fe
fait connoître par l’odorat, fur-tout dans les geranium à feuilles
de cigue: cette odeur eft des plus douces dans celui qui a
une fleur d’un jaune trifte; elle eft des plus fortes dans celui
qui fent le mufc. Enfin il fufñra encore de dire en général
que les cupules font fouvent fi bafles, qu'on les prendroit pour
un grain d’une matière durcie, ou pour une goutte de liqueur;
ce qui doit rendre attentifs ceux qui voudront s'aflurer de
Fexiftence de ces glandes dans certaines efpèces : on devra
auffi les chercher fur plufieurs parties avant que de prononcer
fur leur exiftence ou fur leur non exiftence , une efpèce n'en
ayant fouvent que fur une partie, tandis qu'une autre en fait
voir fur plufieurs.
+ J'ai rapporté dans le fecond Mémoire fur Iefiglandes, les
raifons qui n'ont fait adopter la féparation que M. Boer-
haavea faite du diétame de Crète d'avec les origans auxquels
H avoitété joint : j'y ai dit queles filets du diétame font bran-
chus, au lieu qu'ils font fimplement coniques & articulés
dans les vrais origans ; leur reffemblance avec ceux des-mar-
jolaines me fera faire ici tout le contraire: je laifferai fub-
fifler la réunion que-M. Linnæus à faite des genres de ces
plantes, d'autant plus qu'elles ont toutes des glandes globu-
laires ; que ces glandes y font même, pour lordinaire, d'un
jeune doré plus ou moins foncé, qu'elles font communément
fur le deflous des feuilles & entre les nervures des calices, quoi-
» qu'on en trouve quelques efpèces dont toutes les parties en.
- font garnies. Les filets ne font pas moins communs, ils le
- font même encore plus; il y a des plantes, & fur-tout entre
Zz
Origanum
Origan.
Hajorana,
Marjolaine.
Satureia,
Sarriette.
Thymbra,
366 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
les marjolaines, qui en font toutes blanches ; les fleurs même en :
font chargées, ainfi que le dedans du calice. Ces filets font.
ordinairement courts, & couchés fuivant Ja longueur des parties
qu'ils recouvrent : c'eft ce que j'ai obfervé dans tous les ori-.
gans des Inftituts, excepté celui à feuille de pouliot, celui du
Canada à fleurs blanches & en umbelle, le dernier que je n'ai:
pas vü, & le diétame de Crète dont il a été parlé autre part.
Celui qui a le moins de ces filets, m'a paru être l’efpèce qui
vient fur Le mont Sipile; ils font un peu plus longs que ceux
des autres dans celui qui eft petit, dont les feuilles font larges,
& qu'on à cru être lifles; ils ne font pas cependant de fa
longueur de ceux dont lefpèce, qui reflemble au diétame
de Crète, eft hériflée. Ceux des marjolaines font des plus
courts, du moins dans les deux premières du corollaire des
Inftituts, dans l'ordinaire, dans celle qui a de petites feuilles,
dans celle qui a les feuilles arrondies & qui eft étrangère,
dans celle qui reflemble à l'ordinaire, qui eft annuelle & qui eft
Ja marjolaine de Rivin. L’efpèce qui vient en Crète, qui reffem-
ble à l’origan par fes feuilles qui font velues, qui fent la farriette
& qui a des têtes à fleur plus grandes que n’en ont les ordinaires,
& qui y font blanches ; cette efpèce, dis-je, fe diftingue non
feulement para longueur de fes filets, mais par des glandes
à cupule, qui, de même que les glandes globulaires, pren-
nent une couleur d’or. J'ai obfervé ces cupules dans une autre
efpèce de l'Herbier de M. Vaillant, où elle eft appelée mar-
jolaine du Canada à larges feuilles & à bouquets de fleurs
ramaflées en têtes rondes, & dans une que je ne crois qu'une
variété de la première. Cette petite différence deman-
dera-t-elle qu'on fépare ces plantes des autres marjolaines?
& cette odeur de farriette annonceroit-elle quelque rapport
avec les plantes qui portent ce nom! Toutes les farriettes
& les rhymbra même que j'ai pû voir, n'ont que des filets
& des glandes globulaires femblables aux filets & aux glandes
des marjolaines; les unes & les autres conviennent même
par les propriétés que nous avons dit appartenir aux mar-
Jolaines : c’eft ce qu'on peut voir dans la farriette des jardins,
er 55
RTL LA
4
P
. dans celle de Crète qui s'élève en arbriffeau & dont le bout des
L2
DES SCIENCES. 36
branches sèches forme des efpèces d’épines; dans celle d'Amé-
rique qui eft ligneufe, qui a des feuilles étroites & dentées, &
1 eft démontrée au Jardin Royal; dans les deux 14ymbra du
corollaire des Inffituts, qui ne font que des variétés de la pre-
mière de ce dernier Ouvrage; dans celle d’Efpagne à feuilles
de marjolaine & à feuilles arrondies, dans celle du même pays
à feuilles de coris, & dans celle de Saint-Julien, qui font toutes
citées dans ces mêmes Inflituts : une du Catalogue des Plantes
des environs de Rome &jde Naples, par Micheli, qui ne
diffère, fuivant cet Auteur, de celle de Saint-Julien que parce
qu'elle eft plus grande & plus ligneufe, reffemble en. tout à
celle-ci du côté des glandes & des filets. II en eft encore
à peu près de même de celle de Virginie, citée par Her-
man; de celle que Barrelier appelle /ymbra, qui vient en
Efpagne, qui a des fleurs en épi, & qui doit être regardée
comme a vraie #hymbra ; & d'une qui eft démontrée au
Jardin Royal fous le nom de #ymbra d'Orient à feuilles
arrondies & qui reflemblent à celles de ferpolet. M. Vaillant,
dans fon Herbier, comme depuis lui M. Linnæus dans le
Jardin d'Upfal, placoit le calament arbriffeau , qui, par fon
port, fes feuilles & fon odeur, reffemble à la farriette, fous
le genre de cette plante. Le premier regardoit encore comme
une farriette le thym dont les fleurs font ramaffées en têtes
rondes , à feuilles plus alongées que celles de l'ordinaire, &
qui vient en automne; le fecond 1 met au nombre des cno-
podium. Le calament d'Efpagne qui fait l'arbrifleau , qui a les
feuilles de marum ; celui de Crète à feuilles étroites ou très-
étroites, & celui qui eft très-petit, qui eft annuel & qui a
des feuilles de thym; le dinopodium de Crète qui forme un
arbrifleau & qui a les feuilles en lance, étoient des thymbra
pour M. Vaillant. Le thym de la Pouille dont les fleurs font
blanches & ramaflées en tête, & qui a une odeur de téré-
benthine; le sragoriganm de Mathiole, la hymbra d'Orient
; à feuilles étroites & à fleur rouge de Sherard, font aufi de:
<e genre, fuivant le même Auteur. Il mettoit au nombre des
Thymus,
Thym.
Serpillum,
Serpolet,
368 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
furieties celle qui vient fur les rochers, qui a de petites feuilles
ramaffées par paquets ; celle de Sicile, citée par Boccone, &
le ferpolet qui ent le citron, qui s'élève en arbrifleau & qui a
le port du warum, dont l'odeur approche de celle du maftic.
Toutes ces plantes varient peu du côté des glandes & des filets;
ceux-ci font courts, blancs, tournés fouvent vers le bas des
parties qui en font garnies, & qui le font ordinairement très-
abondamment , ou pluftôt prefque toutes les parties de ces
plantes, puifque les tiges, les feuilles, les calices, le pétale font
réellement velus. Ces glandes font d’un couleur d’or plus ou
moins foncé; elles s’obfervent fur les calices, quelquefois fur le
pétale, toûjours en deflus & en ‘deflous des feuilles, comme
dans toutes les farriettes & dans toutes les zhymbra ; ce qui n’eft
pas également général dans les origans & les marjolaines.
Cette dernière propriété rapproche les farriettes & les ymbra
des rhyms & des ferpolets, qui ont auffi beaucoup d'analogie
par la fleur les uns avec lés autres, comme il le paroït non
feulement par les corrections que M's Linnæus & Vaillant
ont voulu faire, & par la tranfpofition qu'ils ont faite de
quelques-unes de ces plantes d'un genre dans un autre, mais
encore par les différences que M. de Tournefort avoit ad-
miles pour l'établiflement de ces mêmes genres; il avoit été
réduit à les diftinguer par des diffrences peu eflentielles,
telles que font celles d'avoir des leurs difpofées ou rangées
de telle ou telle façon, ou d'avoir les tiges plus où moins
ligneufes, droites ou couchées fur terre. Les obfervations
que j'ai faites fur les thyms & les ferpolets, concourroient
donc à confondre non feulement ces deux genres enfemble,
comme a fait Linnæus, mais même à les réunir avec les
farriettes & les symbra; les glandes font dans les premières,
de même que dans celles-ci, en deffus & en deffous des feuilles,
fur les calices; elles y font même d’un couleur d'or ou d’un
rouge d'ambre de Quito plus ou moins foncé: les filets font
coniques, articulés ; on en remarque fur toutes les parties,
c'eft-à-dire, fur les feuilles, les tiges, le pétale, für le dehors
& même le dedans des calices dont les découpures forment
avec
DD eo 0 DE shlkcr € N'ES 369
avec les filets qu'ils portent, des efpèces de plume, dont les
_ filets font les barbes, & la dentelure le tuyau. Les filets
font fi abondans dans certaines efpèces, que l’on à fait entrer
cette propriété dans leurs dénominations, & qu'on les a
appelés ferpolets ou thyms velus ou très-velus : les ferpolets
| que j'ai examinés font, fi on en excepte le dernier, tous
ceux des Inftituts, & plufieurs autres du grand Catalogue des
environs de Paris, par M. Vaillant, qui ne font peut-être
que des variétés de l'ordinaire; de plus, une efpèce qui vient
en Afrique, qui ef dit être très-velue, & qui a été démontrée
en 1703 au Jardin Royal, fuivant ce que M. Vaillant en
a écrit dans fon Herbier; celui de la campagne, qte Clufius
croit être le 7ygis de Diofcoride; un que M. Vaillant appeloit
marum, qui fent le maftic, & à petites feuilles; celui que
Pétiver range au nombre des bafllics, & qu'il dit avoir les
. Heurs petites & ramuaffées en un gros épi. De tous les thyms
| rapportés dans les Initituts, il n'y a que les $, 6, 8, ro,
| 11, que je n'aie pas vûs, les autres n'ont pas de grandes
. différences entre eux, & il feroit même difficile de marquer
celle qui peut fe trouver entre ces plantes & les ferpolets :
il faut dire la même chofe pour les thyms fuivans, favoir,
le thym d'Italie, qui eft verdâtre, dont l'odeur eft difgracieufe
& qui tient de celle que l'on fent à l'approche d'un bouc,
fuivant e rapport de Barrelier; l'hylope 1 1° de l'Hiftoire
d'Oxfort par Morifon, & qui vient de Syrie, qui a les feuilles
roïdes, velues, femblables à celles de la farriette, & les fleurs
ramaflées en tête; celui d'Orient à fleurs blanches, & qui
forme un petit arbriffeat épais, fuivant M. Sherard; un que
. M. Vaillant penfoit être le #ragoriganum, & que Boccone dit
. être lifle & venir dans la Pouille; quatre de l'Herbier de
* M. Vaillant, .que cet Auteur dit former des têtes par la réu-
nion de leurs fleurs, & qui font de Portugal; trois s'élèvent
en arbrifleau, & un d'eux a les feuilles & es têtes à fleurs
… très-petites, l'autre a les écailles de ces têtes plus larges, le
—… troifième diffère de ces deux-ci parce qu'il s'étend fur terre;
les deux premiers pourroient bien être les efpèces 10 & 11
Min, 1749: . Aa
'
370 MÉMOIRES DE L'ACADÉMUE RoYALE
des Inftituts, que j'ai dit n'avoir pas vües, & fi le 8° n'étoit
qu'une variété du 9°, dont il ne diffère, fuivant M. de
Fournefort, que parce que fes têtes de fleurs font oblongues
& non pas rondes comme dans le 96, il fuivroit de-à qu'il
n'y auroit plus que deux thyms, de ceux qui font rapportés
dans les Inflituts, que je n'aurois pas examinés; quant au
quatrième de Portugal, & qui eft dit venir du petit royaume
des Algarves, M. Vaillant compare fes feuilles au thym ordi-
naire, & prétend que fes têtes à fleurs font plus arrondies.
Clinopodium. I ne me refte plus qu'à parler des cnopodium & des
Calamentha, calaments pour qu'on foit en état de comparer les plantes
Calament. es genres, cités dans cet article, & qui ont été tranfportées
dans les uns ou les autres des autres genres dont il a auffi été
queftion. Nous avons déjà vü que les quatre derniers cala-
ments des Inftituts ont été mis au nombre des farriettes ou
des #hymbra ; M. Linnæus a fait, après M. Vaillant, un genre
du calament appelé lierre terreftre; il ne refte plus que les
fept premiers que l’on peut réellement féparer des autres, &
celui que les Italiens appellent petite mentutia ou petit zepeta,
& qui a l'odeur de pouliot. J’y ai du moins trouvé des
glandes à cupule que je n'ai pas vües dans les derniers ; ces
glandes garniffent fur-tout le haut des tiges & des calices ;
elies font plus ou moins élevées, & elles jettent quelquefois
une liqueur un peu vifqueufe: outre ces glandes, ils ont encore
les filets coniques, articulés, & les glandes globulaires, qui
fe colorent, qui deviennent d’un foufré plus ou moins
clair, & qui, comme dans le lierre terreftre, ne font ordi-
nairement qu'en deflous des feuilles. Je les ai trouvées fur
l'une & l'autre furface dans le calament à feuilles de cno-
podium d’Auftrafie & à odeur de pouliot, & dans le fixième
calament de l'Hiftoire d’Oxfort par Morifon, mais ils m'ont .
paru manquer de glandes à cupule. M. Vaillant avoit fait,
dans fon Herbier, une divifion entre les chnopodium, il avoit
rangé le plus grand nombre fous le nom d'acinos, quelques-
uns fous l'ancien nom de chnopodium; H donnoit celui de
brunelaftrum à une efpèce, & il en plaçoit une autre avec les,
D'E SORRC 1 E N°C ES) LL 7r
moldavies; ceux qu’il appeloit acinos, font le chnopodium des
montagnes, celui de {a campagne, à feuilles de baflic, celui
qui ne diffère de ce dernier que parce que fes feuilles font
plus laroes, celui qui n'en eft auffi différent que parce que
fes feuilles font plus lifles, celui du corollaire des Inftituts,
qui a les feuilles inférieures femblables à celles du bafilic, &
les fupérieures à celles de l’hyfope, le calament à feuilles de
bañlic & qui font blanches, le 4 & le 9 acinos de Y'Hiftoire
d'Oxfort par Morifon, le cinopodium des Alpes qui fait {a
rofe, & qui a des feuilles de farriette. Ces plantes n'ont des
glandes globulaires qu'en deflous des feuilles; elles prennent
une couleur d'un jaune doré, fouvent elles n'ont que celle
des feuilles; les filets font affez courts, leur quantité varie ;
les efpèces qui ont été défignées par leur blancheur ou leur
velu, font celles qui en ont le plus. Le nombre des chnopodium
fe réduit à deux, à celui qui a les feuilles d’origan, & celui
de Virginie, qui eft très-odorant, & qui a de petites fleurs
d'un pourpre päle, fuivant M. Sherard; j'ai vû dans celui-ci
des glandes globulaires fans couleur fur l'une & l'autre fur-
face des feuilles, je n'en ai trouvé dans le premier qu'en
deflous, mais il a des glandes à cupule fur les calices, que
je penferois fe trouver auffi dans l'autre. Le calament défigné
| dans le Jardin d’Elthäm par fon odeur, fa blancheur & fes
. feuilles de menthe, a des glandes globulaires foufrées en def.
_ fous des feuilles & fur les fleurs qui font auffi chargées de
filets, de même que les tiges & les calices qui en ont auffr
en dedans, ce qui eft peu différent dans toutes les autres
_ efpèces, foit des acinos, foit des cinopodum: celui de Por-
. ï a les fleurs verticillées & en épi, étoit le brune-
_ Taffrum de M. Vaiïllant ; je n’y ai point vû de différences
effentielles par rapport aux glandes. Les globulaires font fans
. couleur en déflous des feuilles feulement ; les filets font très-
Jongs, il y en a fur les feuilles, des tiges & les calices, ils
- font très-courts dans le céropodium des Alpes a feuilles d'hy-
fope; les glande: globulaires y font femblables à celles du
—…. Drunelaffrum; elles prennent cependant une teinte d'un foufre
"'ATa
Moldavica,
Moldavie.
Lamium,
Lamier.
72 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
clair fur les calices ; c'eft cette efpèce que M. Vaillänt ran-
geoit avec les moldavies. vlrix
Les filets & les glandes des moldavies ne peuvent apporter
aucun obftacle à cette réunion , les unes & les autres y font fem-
blables; s'il y a quelque différence, elle n’eft que dans la quantité
des glandes: elles m’ont paru plus communes dans les moldavies
à feuilles de bétoine, qu'Amman diftingue l’une par fes petites
fleurs d'un bleu pâle, Fautre par fes mêmes fleurs, qui font
moins petites, bleues & pendantes, & dans toutes celles des
Inftituts & du Corollaire, en exceptant celle à feuilles de
lierre terreftre & celle à feuilles de lamier, qui, comme je
vais le dire, peuvent être du genre de cette dernière plante.
Quant aux vraies moldavies, elles ont des glandes fur le
deflous des feuilles, fur les tiges, les calices , & même fur le
pétale : ces glandes font ordinairement foufrées , fur-tout celles
de la moldavie d'Amérique à trois feuilles, & qui eft d'une
odeur forte. M. Vaillant en faifoit un nouveau genre, qu'il
appeloit, avec Morifon, camphorofma, qui fignifie plante dont
l'odeur eft celle du camphre. Cette odeur n'eft pas particu-
lière à cette efpèce, toutes les autres en ont une femblable,
& qui ne paroît en différer que par le moins de force & de
vivacité. Les filets font les mêmes dans toutes ; ils font feu-
lement plus rares & plus longs dans celles à feuilles de bétoine;
ils font courts & beaucoup plus blancs dans les autres, &
dans celles fur-tout qui ont des feuilles de faule.
Les deux efpèces que M. Vaillant plaçoit avec les lamiers,
conviennent avec eux en ce que le fommet de leurs éta-
mines eft chargé de courts filets blancs que je n'ai pas obfervés
dans les moldavies ; pour cette raifon elles peuvent être réelle-
ment placés avec ces dernières plantes : elles ont même encore
plus de rapport, par les glandes globulaires, avec eux qu'avec
les moldavies ; les leurs ne font pas en aufii grand nombre,
elles font ordinairement peu fenfibles, principalement fur les
feuilles, dont elles ont le plus fouvent la couleur. Je leur ai
cependant trouvé, dans quelques-uns, une belle couleur dorée,
<onune dans celui d'Orient, que la quantité de fes filets a
DESUSSrENCESs. 73
fait appeler lamier blanc, & qui a auffi une fleur blanche
* dont la lèvre fupérieure eft crénelée, & dans celui qui n'en
. diffère que par fa fleur pourpre. |
_ J'ai trouvé une différence plus confidérable dans quelques
efpèces ; différence qui pourroit peut-être engager à les ôter
de ce genre, & à les joindre à des ga/eopfis où j'ai remar-
qué la même chofe, tandis que d’autres en étoient privés.
Cette différence confifle à avoir des glandes à cupule plate,
foit fur le pédicule des étamines, foit fur le calice ou fur les
tiges même; j'en ai trouvé fur les étamines dans celui d’O-
rient qui a une grande fleur, qui dans un temps fent le
mufc, & qui dans un autre fent mauvais; j'en ai vû fur
les calices de celui qui a été diflingué par fon velu, qui a
… des fleurs de cataire & une fleur d’un pourpre lavé; du pourpre
qui fent mauvais & qui a quelquefois les feuilles profondé-
ment découpées; de celui d'Italie qui eft très-grand & qui
a une grande fleur pourpre. Le pourpre dont l'odeur n'eft
pas fétide, & qui a les feuilles oblongues, m'en à fait voir
fur les pédicules des étamines & fur les découpures des
calices ; non feulement ces parties, mais encore Île pétale , a
partie de la tige qui porte les fleurs & les feuilles qui font
attachées à cet endroit, en font garnies dans les trois galeop-
… Jis des environs d'Eftampes; dans les quatre & cinq ffachis,
auxquels il faut ajoûter le fecond galeopfis à calices dont le
bout des découpures eft pointu , & à fleur jaunâtre ; dans celui
des Alpes à feuilles de bétoine & à fleur panachée; dans le
lamier à feuilles de chanvre, à grande fleur jaune, dont une
Fèvre eft pourpre, & qui eft cité par Raï dans fon Synopfis.
Celui qui eft d'Efpagne, qui s'élève en abriffeau & qui a
des feuilles de reucrium, que M. Linnæus a féparé de tous
les autres pour en faire un genre qu'il appelle prafum, que
M. Vaillant, dans fon Herbier, appeloit molucago, ne n'a
pau en avoir que fur les pédicules des étamines & fur les
découpures des calices. Celui qui, felon M. de Tournefort,
n'en diffère que par le velu qui y eft plus abondant, &
parce quil vient dans l'ifle de Crète, m'a femblé n'en
Aaaïiÿ
Galeopjis.
374 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
guère différer auffi du côté-des glandes à cupule, que jy ai
trouvées fur les mêmes parties.
Je n'aflurerois pas que les cupules ne s’obfervaflent pas
fur quelques parties des autres elpèces des lamiers & des
galeopfis que je vais citer, mais je ne les y ai pas vues. Les
lamiers font tous ceux des [nftituts & du Corollaire, excepté le
dernier du corollaire ; de plus, les 1, 4, 8, 9 du Pinax de Gaf-
par Bauhin; celui du n.” 690 du Catalogue des plantes de
Rome & de Naples, par Micheli; celui du n.° $ 8 du Catalogue
des plantes d'Italie & d'Allemagne du même Auteur; celui qu'il
a dit fentir mauvais, venir fur les montagnes, avoir la lèvre
fupérieure crénelée, la fleur grande & pourpre, les feuilles
délicatement découpées; celui qui fent mauvais, qui a la fleur
pourpre, les feuilles petites, aigues & la fleur grande, fuivant
Plukenet dans fon Almagefle; celui que M. Sherard appe-
loit marrubiaffrum, qui fent le mufc, qui eft panaché & qui
a les fommités d'un jaune pâle; celui que le même Auteur
dit être d'Orient, avoir la fleur & les fommités blanches ;
enfin le lamier ordinaire à fleur blanche & qui a de grandes
feuilles pleines de rugofités, qui n'eft, à ce que je crois,
qu'une variété de l'ortie blanche ordinaire. Toutes ces efpèces
& les premières conviennent entièrement en ce que les filets
ont peu d'articulations, que fouvent ils n’en ont qu'une vers
le bas, & au plus deux ou trois, & qu'ils s’obfervent fur le
deflus & le deffous des feuilles, fur les tiges, le dehors &
le dedans des calices, fur le pétale, &, comme je l'ai dit, fur
le fommet des étamines.
Je crois que les galeopfis qui ont des cupules, & les
fuivans, font lifles fur le fommet des étamines; qu'ils n'ont
point de filets en dedans des calices, mais qu'ils font fem-
blables aux lamiers pour le refle; que les filets y font les
mêmes, qu'ils couvrent les mêmes parties ; que les glandes
globulaires y font également peu apparentes & peu fréquentes,
& qu'elles s'y trouvent plus en deflous des feuilles & fur les
calices que fur toute autre partie. Les galeoofs qu'il me refte
à citer, fe réduifent à celui de Canada, qui vient dans les
DE SÉMCIENCES MA
marais , qui a des feuilles de bétoine & plus arrondies que
celles de l'efpèce de nos marais, qui a les feuilles femblables
à celui d'Arménie, qui fait l'arbrifleau , qui eft plus petit
que l'ordinaire, & qui a des feuilles de zeucrium ; celui-ci eft
de l'Herbier de M. Vaillant, l'autre a été envoyé au Jardin
Royal par M. Sarrafin : celui d'Arménie pourroit bien n'être
qu'une variété du prafum, & celui du Canada n'en être
qu'une de celui de nos marais, & les glandes à cupules pour-
roient m'avoir échappé dans l'un &.dans l'autre. I ne peut
en avoir été de même de celui qui eft appelé ortie à fleur jaune,
jé ny ai conflamment point vû de ces glandes, mais feu-
lement celles du deflous des feuilles, qui jettent quelquefois
une matière qui s'y durcit, & les filets des autres galeopfis,
ce qui eft auffr commun à celui qui ne diffère de ce dernier
que parce que fes feuilles font plus grandes & qu'elles font
marquées de taches blanches.
M. Boerhaave avoit établi le genre de Ja ruifch fur ce que
la découpure du milieu de la lèvre inférieure eft contournée
en fpirale; M. Linnœus à négligé cette différence, & a
réuni cette plante aux hyfopes, au nombre defquelles elle
avoit été mife par quelques anciens Botanifes ; elle a, de
méme que les hyfopes, des filets coniques articulés & des
glandes globulaires : ces glandes font d’un verd clair dans les
hylopes, elles y deviennent ,en paffant par cette couleur, d'un
jaune doré & plus où moins foncé , couleur que celles de Ja
ruifch prennent peut-être auffi ; elles font dans toutes fur le
deflus &le deflous des feuilles, j'en ai vû fur les tiges de plu-
* fieurs hylopes, propriété qui eft peut-être commune à toutes
les efpèces & à la ruifch. Ce qu'il y a de plus conftant, c'eft
que les filets s’obfervent fur Lune & l'autre furface des feuilles,
fur les tiges, fur les calices & le pétale; ils font ordinaire-
_ ment courts & blancs, mais es efpèces que l'on a défignées
par leur blancheur ou leur velu, non feulement en font plus
fournies, elles en ont encore de plus longs, telles que font
Ruifchiana,
la Ruifch.
Ebfpus,
Hyfope.
. Thylope velue, à fleur pourpre, & qui a des feuilles de .
- marum de Cortufus , ou de Fherbe à chat, cité dans le Jardin
ZLavandula,
Lavande.
Stæchase
376 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
Üniverfel ou Catholique, & celle que Gafpar Bauhin n'a
caractérifée que par fon velu : ordinaire, celle qui porte des
fleurs des deux côtés des tiges, celle qui fent le mufc, la
crépue, la petite à feuilles de myrthe, celle qui a la fleur
rouge, rapportées toutes dans les Inflituts, ont beaucoup
moins de ces filets, ils y font plus courts, & ceux des tiges
font ordinairement tournés vers le bas de ces parties.
Quoique la réunion des lavandes & des ffæchas foit con-
firmée par la reffemblance de leurs glandes &c de leurs
filets, on pourroit cependant mettre une diftinétion entre
ces plantes par rapport à ces parties. Toutes ces plantes ont
des filets branchus & des glandes globulaires , mais les filets
d’une partie, & c'eft la plus petite, font longs & jettent peu
de branches, leurs glandes font rares , celles des autres font
plus abondantes, & les filets font plus ramifiés & plus
bas, de façon qu'ils font prefque appliqués fur les fur-
faces qu'ils recouvrent. Les plantes de la première feétion
font la lavande à feuilles découpées, celle qui les a encore
plus finement découpées que cette première, le flæchas à
fleur pourpre, & celui de Portugal à feuilles verdâtres &c
cotonneufes. Les efpèces de a feconde fection font toutes
les autres lavandes des Inflituts, le /kechas à larges feuilles
& à fleur blanche, celui de Portugal à languettes grandes
& panachées de pourpre & de couleur de rofe, du même
Ouvrage, & celui d'Arabie qui a des Janguettes blanches, &
qui eft cité par Magnol dans fon Catalogue des plantes des
environs de Montpellier : les plantes de cette feconde feétion
font blanches , comparées à celles de la première, la grande
quantité de leurs filets leur donnent cette couleur, & la pre-
mière des Inftituts que l'on a dit être cendrée, ne left guère
plus que les autres , dans la dénomination defquelles lon n'a
as fait entrer cette propriété. En effet, toutes ces plantes ont
es filets fur le deflus & le deffous des feuilles, fur les tiges,
les calices, & fur le pétale qui en a même intérieurement
dans fon fond: les mêmes parties des plantes de la pre-
mière fection en font bien garnies, mais leur petit AoES
aifant
>
F1OD ESC 1 EN CE SM D
faifant que ces parties. reftent prefque entièrement à décou-
-vert, elles paroïflent avec toute {eur couleur, d'autant plus
ue les branches de leurs filets font beaucoup plus rares,
& .que plufieurs mêmés de ces filets en Jettent rarement, ou
que ces branches ne reftent pas lono-temps, ce qui doit fur-
tout arriver à ceux: du haut des tiges ,où il eft rare d'en
trouver avec ces branches; elles font ordinairement fimples,
mais elles m'ont paru fe divifer en deux dans la lavande à
feuilles étroites; l'arrangement de ces branches fait que le
haut des filets paroït rayonné dans la lavande à feuilles larges,
& dans celle qui a des feuilles femblables, qui vient en
Efpagne & que l’on a en partie défignée par fon cotonneux :
au refte, 3 branches fortent irrégulièrement de tous les
côtés du corps des filets.
Ordinairement les glandes globulaires font fans couleur :
elles étoient dans les deux dernières plantes que jé viens de
citer, d'un foufre plus où moins lavé, d'un pourpre foncé
dans celle de Portugal, & un peu moins dans celle des Indes
à petit épi : ces glandes fe trouvent communément en deflous
-des feuilles | quelquefois on en voit fur Les tiges, fur le calice,
& même fur le pétale; elles font, comme je l'ai dit, rares
dans les efpèces qui font auffi peu fournies de filets, mais
entre ceux-ci J'ai remarqué fur le ffæchas de Portugal, &
fur les lavandes à feuilles plus ou moins découpées, des
landes à cupule, dont fa cupule étoit fans couleur & le
pédicule de différente grandeur ; ces glandes ne font peut-
être que le fupplément aux glandes globulaires, comme je
Tai déjà infinué dans quelques-uns des Mémoires précédens.
.
Mém. 1749 ; . Bbb
378 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
OBSERVATION DE L'ECLIPSE DE LUNE
Du 23 Déc. 1749, faire à l'Obfervaroire Royal.
Par M. DE Foucur. :
Le temps a été extrêmement favorable à l’obfervation de
cette Eclipfe, & l'ombre a été très-bien terminée. Voici
les phafes obfervées réduites au temps vrai.
A 6% 59 ? on voit le bord de la Lune Ofcurci d'une de
très-épaifle.
10” je doute fi l'éclipfe eft commencée,
. 55 je juge l'éclipfe commencée.
15. © lombre au bord de Tycho.
17. 8 l'ombre au boïd de Mare humorum.
18. o tout Tycho dans l'ombre.
24. 5o Ariflote éft dans l'ombre.
33. 19 tout Mare humorum eft couvert.
38. 40 Gaffendi dans l'ombre.
48. 54 l'ombre à Catharina.
tout Catharina dans l'ombre.
st. 35 l'ombre à Mare neétaris.
54 48 l'ombre à Petayius.
10. 53 l'ombre à Langrenus.
19. 36 l'ombre au milieu de Langrenus, .
23. 39 tout Lanprenus dans l'ombre.
29. 10 tout Mare humorum eft forti.
40. 56 Catharina fort.
47. 42 Tycho commence à fe découvrir.
49. 36 tout Tycho eft forti.
57+ 35 tout Mare neétaris eft forti.
9. 51 Petavius eft forti.
20. 48 fin incertaine.
9+ 21. so fin de l’écipfe.
La grandeur a été obfervée de 5 digtss
ELA
Eu
em
=
À
b
9 g œ Go æœ ce œ co NN NN M NN M NN NN
LA
b
D
DENSMANIC LE NC Ep 379
PHASES OBSERVEES EN ECOSSE
AVANT ET APRES LE MILIEU
DE LEO BPS-E DU SO. LE IL,
Le 25 Juillez 1748,
AU CHASTEAU D'ABERDOUR,
Par M. LE Monnier le Fils
UELQUES confidérations m'avoient fait diflérer jufqu'ici 27 Janvier
OO: publier ces Phales, dont l'original a été dépolé il y a 1753:
bien long-temps entre les mains du Préfident de la Soc. Royale
de Londres. Elles n'avoient auffi engagé d'abord dans quelques
difcuffions fur les latitudes ou hauteurs du pole d'Edimbourg
& de Berlin, que je trouvois fenfiblement défettueufes : celle-ci
étoit marquée dans l’almanach de Berlin pour cette année-là,
de $ 24 3 6”, & l'on yétoit parti de cette fuppofition pour faire Je
calcul de Ja trace générale de l'éclipfe annulaire publiée prefque
en même temps que diverfes phafes * de la même éclipfe im-
primées à Nuremberg. Or pendant mon féjour à Londres,
immédiatement après mon retour d'Ecofie, j'entrepris, de con-
cert avec l'éditeur des tables de M. Halley, de vérifier à l'aide
des obfervations de l'écliple, fi les tables dont je viens de parler,
. donnoient l'élipfe annulaire à Berlin, & il fut décidé qu'il fal-
_ loit néceffairement (puifqu’on y avoit vû l'anneau formé pen.
dant 1” 22") changer la latitude de cette ville, & la diminuer
au moins de 4 à 5". Cela fut confirmé à Berlin l'hiver d’après
léclipfe, lorfqu'on commença à établir cette latitude de 524
31° 30", & aux années fuivantes de 524 31° 0", comme
* Ces phafes, qui nous ont été | donnent Péclipfe prefque centrale à
communiquées par l’auteur de PAvis | Berlin & à Aberdour, au lieu que
aux Affronomes, dans l’aflemblée de | l’un & l’autre lieu fe trouvent proche
l'Académie, fe font prodigieufement | le terme auftral de Féclipfe annu-
écartées de l’obfervation; car elles | laire. .
Bbb j
opens Lee". 7 à
* Latiiude cer-
Tige en 1749)
64 02’ 2.
4903" 1%
380 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoYALE
cela fe voit dans les Almanachs & Mémoires des années 1747
& 1748 ; favoir, aux articles où l'on a inféré quelques Mé-
moires qui y ont cté lüs en 1749 & 1750. Enfm, cela
vient d’être-confirmé en dernier lieu par les obfervations de
M. de la Lande, faites avec un plus grand inftrument, &
qui à établi, l'automne dernière, cette latitude de 524 31°
10 à 15
Mais s’il a fallu diminuer en cette occafion la latitude qu'on
affignoit à l'Oblervatoire de Berlin, ä a fallu au contraire,
comme cela eft prouvé dans nos Mémoires de l'année 1748,
augmenter d'environ 2'2, celle qu'on attribuoit à la latitude
d'Edimbourg ; ainfi dès la fm de Septembre 1748, à mon
départ de Londres, j'étois déjà fondé à fuppofer la latitude
du château d’Aberdour, qui étoit le lieu de notre obfervation,
& qui eft de 6 minutes au nord d'Edimbourg, de $ 64 4”. *
Voici préfentement les trois premières des fept phafes que
j'ai annoncées, & qui furent mefurées un peu avant le milierr
de l'éclipfe.
A gh 58° 10” ' ORTLOPT 7 ARE
10. 01. 30 PlapartieduSoleilquirefloité8. o1. = 6. 36%
10. 04. go 7 00 —= 5° 46
A 1oh 11'+, lorfque le diamètre de la Lune paroïfloit
tout entier fur le difque du Soleil, les pointes des cornes
étoient prefque verticales; j'ai continué de mefurer enfuite
le diamètre de la Lune jufqu'à roh 26, & dans l'inter-
valle j'ai voulu effayer de mefürer une phafe particulière,
c'eft-à-dire, la partie qui refloit du difque lumineux du So-
leil, à l'endroit de fa plus grande largeur. Mais j'ai toujours
déclaré qu'étant occupé à ramener les fils à l'intervalle qui
convenoit au diamètre de là Lune, j'avois pü me tromper,
& n'être pas affez attentif à marquer le temps de cette phale.
Je trouve fur mon brouillon qu'à 10h 30’ de ma montre,
laquelle avançoit de 8' oo", j'ai compté à cet inflant 3%"
o4"® qui répondent à 233"; & mayant pas de raifon
affez forte pour abandonner cette phafe, on peut, fr lon veut,
DE SWSNC TE NC ETS #7
admettre pour l'inftant de 'obfervation, 10 21’ de temps
vrai. Au refte, je ne la compte pas parmi les fept phales
que j'ai déjà dit avoir mefurées, & dont voici les quatre qui
ont fuivi le milieu de l’éclipfe, c'eft-à-dire, immédiatement
après les principales opérations que je m'étois propolées, &
que je venois d'achever, fur la mefure du diamètre apparent
de la Lune.
À 10! 35! 20! SRév 23Pt — 7 04"
pes 45-.4$ la partie du Soleil qui reftoit CAT ON ROSE
10: 38. 40 ( | 9: 34 — 8. 07
10. 40. 45 | 10. 1287 — 8. 50
Le milieu de l'éclipfe * déduit des phafes Fr, 2,4 & 5,
a dû arriver à 10h 17° 48 ou 31".
A midi, le diamètre apparent du Soleil ayant paru fous
un intervalle de 3 8% 1 6%, & l'ayant fuppofé de 3 r' 40",
je conftruifis auffi-tôt ma première Table de la valeur des
parties de mon micromètre, dont une Révolution contient
40 parties.
Or cette première Table m'a donné pour la valeur du
diamètre de la Lune, lorfqu'à 10h 25 & 26’ je voyois cet
aftre courir entre les deux fils parallèles à l'équateur, la dif-
tance de 36" 062% — 29° 49"+
Il me refte donc à indiquer ici les corrections que lon
doit faire à cette première Table, & cela en y employant
tout ce que j'ai pü découvrir par le moyen de 1a bafe me-
furée quelque temps après au château de Dalmahoy, à
- Fextrémité de laquelle j’avois appliqué la même lunette,
J'avertirai cependant ici qu'avant de quitter le château
. d'Aberdour, j'eus foin d'examiner foigneufement s’il n’y auroit
pas eu au temps de Fobfervation de l'édipfe quelque correc-
tion à faire à l'index des parties du micromètre, & cela par
le moyen de deux mires placées fur un obélifque fort éloigné
" x
# Le Lord Comte de MORT ON lavoir eftimé à xoh. 25'7, &
” M. Short à 10h 25’ de la pendule, c’eft-à-dire, à 10h 177, ou 10" 17
feulement de temps vrai. É
Bbb iij
382 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& en face d'une maïfon particulière où ma lunette fut tranf-
portée. Ayant donc fait parcourir au curfeur (tant en allant
u'en revenant) le même intervalle qu'occupoient auparavant
{es fils parallèles du micromètre, je ne trouvai aucune diflé-
rence ou qui allât à plus d’une partie pour l'erreur de l'index.
Dans la mefure de la bafe, je me fuis fervi de perches
de fapin fort droites & de 10 pieds de long, & je me diri-
eois horizontalement le long d'un grand cordeau, qui fervoit
à n'aligner. Ces perches ont deux à trois fois été placées
le plus de niveau qu'il m'a été poflible; car elles étoient en
Vair dans une direttion parallèle au grand cordeau & dans
un même plan lorfqu'il y avoit quelque léger enfoncement,
& je calois lune des perches avec des moëllons où mor-
ceaux de bois lorfqu'il y avoit un peu de pente, & me fer-
vois du fil-à-plomb pour les placer dans un plan vertical, en
forte que extrémité de l'une füt à plomb au deflous de
l'extrémité de l'autre: au refle, le terrein étoit généralement
fort uni.
On remarquera de plus que je n'ai eu aucune inquiétude
du côté de la longueur des perches, les ayant faites parfaite-
ment égales, & m'étant peu foucié de leur donner Ia lon-
gueur abfolue de 10 pieds; car il fufffoit que la petite bafe
oppolée à la lunette en fût une partie aliquote, & c'eft à quoi
j'ai eu toute f'attention poflible, m'étant fervi des mêmes
perches pour fixer la diftance des deux mires plantées fur
de gros poteaux. Ces mires faifoient, comme je fai dit, un
Angle droit avec la ligne de 2$70 pieds que j'avois mefurée
depuis le verre objectif jufqu’à un des poteaux. On voit affez
d’ailleurs qu'il importoit peu que la ligne füt parfaitement
horizontale, pourvû qu'on püût parvenir à connoître fe rap-
port de la longueur de cette bale à la diftance des mires.
La plus petite diftance de la bafe ou de la plus proche
des deux mires à l'égard des fils du micromètre étant donc
de 30947"%%,5, & à l'égard de l'objectif de 308407",
on trouve que 14287 mir {ou 35%" 28"*) font à
1423%,04 dans le même rapport, & que par conféquent
r10p 18 C TE Nc hs 383
fi la longueur de la lunette pour les objets terreftres étoit de
107%, 5, le foyer qui convient aux objets infiniment éloi-
gnés auroit été feulement de 107,1266 pouces, ce qui fait,
fur la longueur du foyer de mon objectif, environ 4Mignes
ou 0"*,3733 de différence entre la peinture des objets
céleftes & de ceux qui font fitués à la diflance où étoient
les mires. Or il fuit de Rà que fi j'avois changé la longueur
._ de ma lunette, les angles auroïent varié de 6"+ feulement;
mais ce fera, à une fraétion de feconde près, la même quan-
tité dont il faut augmenter ou diminuer es angles, foit que
l'on laiffe la lunette au même état dans les. deux cas (n'y
ayant pas de parallaxe qui füt fenfible dans les fils), foit
qu'on l'eût alongée, comme il convenoit, d'environ un tiers
de pouce ou de 0"*,3733, & qu'ainfi l'on eût rabattu
s"" d'une quantité oblevée & plus grande que 1428, la-
quelle auroït dü convenir dans une pareille opération à la
diftance apparente des mires.
Négligeant donc cette correétion ( puifque la parallaxe des
fils Wétoit pas fenfible, la longueur de la lunette étant refiée
la mème, foit pour les objets célefles, foit pour obferver
l'angle formé par les deux mirés), j'en ai conclu que 3 $ **
29%, ou plus exactement 3 5" 28" — 142 8°" répon-
doient à 29° 2 s'+ Or puilque l'angle fous lequel je voyois
les deux mires étoit de 17°" ou de 20"+ plus petit que le
diamètre de la Lune obfervé le jour de l'éclipfe à 10h 25
& 26, il n'a été facile d'en conclurre pour lors que le dia-
mètre devoit répondre à 29° 46"+, & non pas à 20’ 49".
Qu'ainfi j'avois fuppofé le diamètre apparent du Soleil trop
grand de 3” dans la conftruction de la Table dont je me
fuis fervi ci-deflus pour les Phafes : enfin ül fera facile defor-
mais d'y avoir égard. ù
Je fmirai en déclarant que deux des phafes obfervées don-
nent graphiquement la Lune toute entière fur le Soleil; mais
que la plus grande partie donne le difque de la Lune au
moins 2”+ au dehors du Soleil; enforte que, felon l'opéra-
tion graphique, nous aurions été placés, à très-peu de chofe
près, au terme auftral'de l'éclip{e annulaire.
84 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Or la règle pour trouver la diftince des centres du Soleil
& de la Lune au temps de la plus grande quantité de l'éclipe,
confifte à ajoüter, à la différence des demi-diamètres, la flèche
de la partie de la Lune qui excède. C'eft pourquoi fi nous
euflions été précifément au terme auftral, l’on eût eu o’ s7"
pour la diftance des centres; mais fi l'on y ajoûte, comme
il a été dit ci-deflus, la quantité qui convient, parce que
nous étions plus au fud, nous aurons au moins 1° 00”* pour
la diftance la plus pétite des centres : ici on a négligé
entièrement l'effet de l'atmofphère.
* Dans la fuppofñtion que le bord |} les pointes des. cornes prêtes à fe
de la Lune auroït un peu excédé le | réunir; au lieu que, felon M. Short
difque du Soleil au temps de la plus | & moi, ces pointes ont paru dif.
grande éclipe, on ne fauroit guère | tantes de + ou & de la circonférence
fuppofer d’atmofphère qui foit fenfible | de la Lune, ce qui forme dans le
autour de la Lune; car le diamètre | cas préfent un angle au moins de
du champ du grand télefcope étant | 9", & n’a pû s’apercevoir dans le
de 8’+, on y auroit bien vite aperçû | grand télefcope.
OBSERVATIONS
D EUSSMBIC 1 EN CES 385
a À
. OBSERVATIONS ANATOMIQUES
y POUR
L'HISTOIRE. DU FŒETUS
Par M. DE LA SÔNE.
I.
Fœtus a les mêmes vifcères que l'adulte, mais on fait 7 Man
que plufieurs de ces vifcères diffèrent par leur volume , 1744
par leur figure, & quelquefois par leur ftruéture : tels font
le cœur , le thymus, les reins, les glandes furrénales, le foie
& quelques autres. Plufieurs auteurs ont déjà recherché ces
différences, & en ont compolé des Traités; il faut donc fe
contenter de fuppléer à ces Traités en expofänt les nouvelles
particularités qui fe préfentent dans les diffeétions du Foetus:
celles que je donne ici ont été faites fur plufieurs fujets. Je
| dois avertir que dans ces obfervations je fuivrai la divifion
_ que M. Winilow a faite des parties dont je parlerai.
M. Winflow a fait voir que dans l'adulte l'eftomac n'eft :
point fitué comme il eft repréfenté dans la plufpart des figures
_ anatomiques, c'eft-à-dire, que fon fond ou fa grande cour-
_ bure n'eftpoint dans une direétion horizontale, de manière
que fes deux orifices foient auffi dans Ja même direction , mais
. Je pylore eft pius bas & un peu plus en devant que l'orifice
_ voïfin du diaphragme. Dans le fœtus cette inclinaifon des
- deux courbures de l'eftomac s'éloigne encore plus de Ja direc-
. tion horizontale; car je l'ai tojours trouvé comme verticale,
c'eft-à-dire que les deux orifices font comme perpendicu«
laires un fur l'autre; ce qui sobferve très-facilement en
foulevant un peu le foie, & en regardant en deffous fans
- déranger les autres vifcères : alors l'eflomac paroît très-bien
* dans la firuation que je dis, parce qu'il eft ordinairement
Mém. 1749. CGce
Expofit, anat,
n°431
386 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
rempli d'une liqueur épaifle & glaireufe, fur -tout quand le
fœtus eft avancé.
L’eftormac fitué de cette manière fe trouve entièrement dans
lhypocondre gauche, & eft abfolument couvert par le foie :
ilm'a paru que c'eft le foie qui le tient dans la fituation que
J'ai dit, car fon petit lobe s’avance fort avant dans l'hypocon-
dre gauche, & fouvent même anticipe un peu fur la rate:
or comme il a plus d’épaiffeur que dans l'adulte , fa partie infé-
rieure ou poftérieure fait une faillie qui paroît occuper dans
Pépigaftre une partie de la place de l'eftomac; mais lorf
que ce petit lobe s'amincit & fe retire vers l'épigaftre dans
l'adulte, il laifle plus de liberté à l'eftomac, qui fans doute
prend alors en grofliffant, la fituation que lui donne M.
Winflow. .
I LE
Les glandes furrénales font deux parties qui paroiffent prin-
cipalement deftinées pour le fœtus. Il paroïit qu'Euftachi eft
le premier qui les ait connues diftinétement : elles ont attiré
Vattention des plus célèbres Anatomiftes, qui y ont cherché
de quoi autorifer ou détruire différens foupçons qu’on a eus
fur leur ufage. Malgré toutes ces recherches, on eff fi peu
avancé, qu'on ne s'accorde pas même encore fur leur ftruc-
‘ture. Leur fituation , leur figure, & peut-être leur ftruéture,
différent le plus fouvent dans le fœtus & dans l'adulte. Voici
ce que dit en général de leur fituation M. Winflow, qui en
a parlé plus exactement que tous fes Anatomiftes qui l'ont
précédé. Elles font placées fur l'extrémité fupérieure de chaque
rein un peu obliquement , c'eff-à-dire , plus vers le bord interne
& la finuofité du rein, que vers le bord externe 7 la gibbofie:
J'ai obfervé en général, que dans le fœtus elles font placées,
comme le dit M. Winflow, fur l'extrémité fupérieuredu rein,
mais que leur bafe defcend beaucoup plus fur la face anté-
rieure de ce vifeère, & qu'elle s'étend ordinairement jufqu’à
Féchancrure où la finuofité par fon extrémité interne qui
salonge prefque en forme de languette en faifant un contour
particulier comme demi-circulaire. On conçoit donc qu'elle :
LL COŸE SNS TE NC FUSION 387
occupe plus d’efpace fur la face externe du rein que fur fon
extrémité fupérieure , & qu'elle couvre & cache une portion
affez confidérable du rein. Par-là, en confidérant ce rein & la
nde furrénale en fituation, le rein paroït plus petit qu'il ne
l'eften effet, & c'eft peut-être ce qui a fait avancer à plufieurs
Anatomiftes, que dans le fœtus les glandes furrénales font aufli
grofles & même plus grofles que les reins, ce qui, felon M.
Morgagni, arrive très- rarement , &toüjours par une confor-
mation extraordinaire. Ces glandes vües encore en fituation
paroïffent comme femi-lunaires, & quelquefois comme écrafées;
ce font les deux figures qui m'ont paru les plus conftantes,
mais elles changent toûjours quand on tiraille ces parties en
les difféquant pour les détacher. Il paroït à la face antérieure
une finuofité femi-lunaire, qui divife cette face comme en
deux demi faces, à peu près, dit M. Winflow, comme la
aervure d'une feuille d'arbre en divife la largeur : ele paroît
très-bien à travers les membranes qui la recouvrent. En ôtant
ces membranes, j'ai reconnu que cette finuofité eft plus ou
moins profonde, & qu'elle forme comme un pli qui dimi-
_ nue l'étendue en hauteur de cette face antérieure : ce pli eft
quelquefois très-enfoncé, & j'ai obfervé qu'il étoit fait &
entretenu par une efpèce de tiflu cellulaire affez fin, qui
retenoit les parois repliées-de la finuofité ; mais ce tiflu cel-
lulaire ne m'a paru exifter que lorfque la finuofité eft très-
profonde , ce qui n'arrive pas toüjours. J'ai remarqué qu’il
paroît auffr fouvent une finuofité ou un pli fur la face pofté-
rieure de ces glandes, mais celle-ci n’eft jamais fi profonde
_que la première. Ces glandes font enveloppées avec les reins
dans une membrane commune , qui eft l'adipeufe : ceci me
doit s'entendre que pour le contour de ces parties, ‘car a
membrane adipeufe fournit une production ou un alonge-
ment qui fe glifle entre la fommité du rein & la bafe de
Morgagn.
Epifl. anatem,
XX.
Expoft. aat;
Mo434"
ces glandes , ce qui leur fait une cloïfon , & par conféquent :
une efpèce de fac particulier où elles font renfermées. Par
le moyen de cette membrane adipeufe, elles adhèrent aux
parties voifines, c'eft-à-dire, fouvent au foie & à la rate,
Ccci
Epifl. anatom.
XX
-
Expoft. anat.
at 445.
Esxpofit. ana.
De 434
388 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
& conftamment au diaphragme ; il m'a paru que cette adhé-
rence de la glande furrénale gauche avec le diaphragme étoit
fouvent faite par un tiffu cellulaire, plus fin & plus ferré,
de manière qu'il y avoit quelque difficulté à féparer ces
parties. Euftachi, dans fon Traité des reins, dit que ces cap-
fules font d'inégale groffeur dans le foetus ; effeétivement il
m'a paru que la glande droite étoit fouvent plus groffe que la
gauche. J'insère ici cette remarque, parceque M. Morgagni,
en parlant d’une remarque femblable d’Euftachi , paroït defirer
qu'on réitère fà-deflus les oblervations. Outre la membrane
adipeufe commune, les capfules ont encore une enveloppe
particulière. On trouve quelquefois, dit M. Winflow, certe
tunique (particulière) foulevée par une couche graiffeufe fort
inégale, à qui la rend grenue , à quelquefois fait paroître ces
capfules très-pâles , à comme une efpèce de corps graiffeux. On
voit que la defcription donnée ici par M. Winflow eft
générale, & a plus de rapport à l'adulte. J'ai remarqué en
difléquant cette membrane, qu'elle eft compofée de deux
lames bien diftinétes, unies par un tiflu cellulaire ; & dans
ce tifflu il y a plufieurs grains de véritable graifle, femés
en différens endroits. Après avoir enlevé cette première lame,
il eft refté fur la feconde, plufieurs de ces grains : eette
feconde lame eft intimement attachée à k partie corticale
des capfules. Dans l'adulte, la graifle devient ordinairement
abondante dans la duplicature de cette membrane particu-
lière, & par là, la glande furrénale fe trouve enveloppée de
graifle. Le tifflu cellulaire de la membrane adipeufe qui fe
glifle entre le rein & la capfule, fe remplit encore de graifle
dans adulte. H faut donc concevoir deux difiérentes cou-
ches de graiffe, qui, dans l'adulte, tendent à éloigner du rein
la capfule. La bafe des glandes furrénales eft quelquefois
plus large qu'elle ne le paroïît ; j'en dirai la raifon dans un
moment. On trouve, dit M. Winflow, 4e long de la face infe-
rieure fous la bafe , une efpèce de raphé ou couture : cette couture
paroît très-bien lorfqu’on examine la bafe fans Ôtéer la première
lame de la membrane propre; mais en l'ôtant, j'ai remarqué
ane maibidaté ol nb," |: ‘té. D
AINVORENSNIÈRE 01 E NICE ISQMÈNL 389
que ce qui fait paroître le plus cette couture, c'eft princi-
palement un pli plus où moins grand, qui rétrécit la bafe
dans prefque toute {a longueur. Ce pli où cette finuofité varie
en grandeur, & j'ai vü que lorfqu'elle étoit profonde, ce
qui arrive quelquefois , elle étoit faite & entretenue par une
petite produétion du tifiu cellulaire des deux lames de a
membrane propre; dans ce cas-là, ce qui paroït être le raphé
ne fauroit être que le pli, car le raphé ne peut être apparent
que quand on a détruit le pli, en détruifant le tiffu cellulaire
qui le forme. En général, le pli plus ou moins grand paroît
concourir à former fa couture ou le raphé, qui par lui-même
a peu d'étendue, & occupe le milieu de la bafe. On voit
donc que la bafe doit être quelquefois plus grande qu'elle ne
le paroït à caufe de ce pli, & que ces variations, jointes à
celles qui arrivent aux plis des deux furfaces dont j'ai parlé,
empêchent de déterminer bien précifément la figure de ces
parties. J'ai dit qu'après avoir enlevé fa première Jame de la
membrane propre, j'avois vü de la graiffe grenue, répandue
& attachée en différens endroits fur Ja furface de la feconde
lame, & j'ai rapporté à ce fujet un paflage de M. Winflow,
où dit, qu'on trouve quelquefois la tunique { particulière des
capfules) foulevée par une couche graiffeufe qui la rend grenue.
On a donc cru que ces grains apparens n'étoient que graif-
feux ; mais outre cette graïfle qui, principalement dans le
fœtus, eft grenue, j'ai obfervé d’autres grains dont je ne crois
pas qu'on ait donné la defcription. Sur la feconde lame de
la membrane particulière des caplules, j'ai remarqué parmi
les grains graifleux, qui fe détachent aifément, d’autres grains
moins blancheîtres, intimement adhérans à cette lame avec
laquelle ils font corps , diaphanes, rudes au ta, plus. ou
moins gros, les uns femblables à de petits mamelôns, &
quelques -yns un peu alongés. Ces grains mamelonnés {ont
en aflez grand nombre : je les ai trouvé difperfés fur toute
da furface des capfules; ils étoient en plus grand nombre à
la bafe, principalement vers le pli ou le raphé, & dans 1a
finuofité de Ja face antérieure : j'en ai vû auffi fur la convexité
Ccc ii
390 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ou grande courbure, & aux extrémités : en les preffant, je
n'ai pas remarqué qu'il en fuintât de liqueur; en preflant
encore entre les doigts un de ces petits grains, j'ai ouvert
avec la pointe d'une lancette, il en eft {orti un peu deliqueur
blancheître & gluante, & le grain s'eft affaiflé. H ma para
que ces grains communiquoient avec la partie corticale
des caplules, & que l'efpèce de liqueur qui en fortoit,
étoit différente de celle qu'on trouve le plus fouvent dans
Vintérieur des capfules. Ces grains étant prefque toûjours
confondus avec la graïfle , & recouverts de la première lame
de la membrane propre des caplules, ils ne font pas appa-
rens à moins qu'on n'ait enlevé cette première lame : de plus
ils varient en grandeur, & fi ceux qui pourroient paroître en
différens endroits de la furface à travers la première lame
font trop petits, ils ne feront pas fenfibles. Peut-être ce qui
a empêché le plus qu'on n'ait bien aperçû ces efpèces de
mamelons, c'eft qu’il paroït par les ouvrages de ceux qui
ont traité des glandes furrénales, qu'on a négligé de féparer
les deux lames de leur membrane propre : au refte, dans les
recherches que j'ai faites, il m'a paru que pour bien voir
ces grains mamelonnés, il faut les chercher dans les fœtus
qui font prefque à terme; dans un fœtus peu avancé, je les
ai vû fort petits & pas en fi grand nombre : je n'ai pas fait
aflez d'obfervations pour donner là-deflus des généralités
bien conftantes. Depuis que j'ai remarqué ces grains ma-
melonnés pour la première fois, j'ai difféqué trois fœtus pref-
que à terme, où je les ai trouvés conftamment fur les deux
glandes furrénales. Je ne prétends pas aflurer par -1à que
cette obfervation foit invariable , mais fr dans les recherches
multipliées on les y apercevoit le plus fouvent , peut-être on
pourroit en tirer des induétions pour déterminer l'ufage des
glandes furrénales. En lifant les écrits de différens Auteurs,
pour voir fi je ne trouverois rien qui eût trait à cette obfer-
vation, j'ai trouvé que M. Morgagni, dans fa vingtième
lettre anatomique fur Valfalva, parle de tubercules qu'il a
vôûs fur la furface de quelques glandes furrénales dans les
dattes de dec Soft Cet 5 en à no “ie 7 D
DESISCIENCES. 391
adultes; mais comme il, ne dit pas ce que c'eft que ces tuber-
cules, qu'il ne {es décrit point, & qu'il n'a fait cette remarque
que dans l'adulte, j'ai cru devoir décrire les grains ou tubercules
que j'ai vüs dans le fœtus, & que je n'ai même vûs que là.
L'obfervation fuivante a quelque rapport avec Ia précé-
dente, en ce qu'il y eft encore parlé des glandes furrénales
du fœtus ; mais comme c'eft un fait particulier qui a auffi
rapport aux reins, J'ai cru devoir la féparer. En difféquant
les reins & les glandes furrénales d'un fœtus d'environ fix
mois, j'ai obfervé qu'il fortoit de la partie fupérieuxe des deux
reins fous la bafe des glandes furrénales, un vaiffeau qui fe
ramifioit fur toute la membrane propre des reins : dans un
des reins, il en fortoit deux; il en fortoit encore deux de
l'échancrure ou finuofité d'un de ces reins, & après être
fortis, ils fe réunifloient & alloient aufli fe répandre & fe
ramifier fur la furface de la membrane propre des capfules..
Je crois qu'il y a quelque obfervation qui approche de celle-
ci, mais comme Îe cas n'eft pas ordinaire, & qu'il peut
concourir à faire voir le commerce & le rapport des reins
& des glandes furrénales, fur-tout dans le fœtus, jai cru.
devoir la rapporter.
24 Février
1751.
Coronilla,
Coronille.
ÆEmerus.
Securidaca,
392 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoïrALE
SIXIEME MEMOIRE
SUR D'ES
GÆAANNPESR DE S': PL AN FES,
ET LE CINQUIEME
Sur l'ufage que l’on en peut faire dans l'établiffe-
« nent des genres des Plantes.
Par M. GUETTARD.
FE. coronilles ne font, dans M. Linnæus, qu'un genre
avec l'emerus & la fecuridaca : la différence que j'ai re-
marquée entre ces plantes n’eft pas confidérable, puifqu’elle ne
confifte qu'en ce que les coronilles m'ont paru manquer des
filets en fauffe navette de l'emerus, & des cylindriques de la /e-
curidaca: Yune & l'autre en ont même très-peu ; je n'en ai vü
dans la fécuridaca que fur les jeunes feuilles, & fur le deflous
de celles de l’emerus. Je n'ai jamais trouvé ce peu de filets dans
Jes coronilles , elles font d’une fubftance plus ferrée & plus
diffé que les plantes des deux autres genres. Cette conformité
devient encore plus grande par le pointillé brun-roufleitre
dont les feuilles & le calice font parfemés : ce pointillé eft
femblable à celui des fainfoins & des graves, & je le crois
auffi formé par de petites glandes véficulaires; ce qu'il y a de
différent dans les coronilles ne confifte que dans une fleur
blanche, qui eft dûe, à ce que je crois, à ces petites glandes.
Je n'ai vû qu'un emerus, & c'eft le feul des Inftituts de Bota-
nique, le fecond n'étant qu'une variété, & le troïfième un
aril ou indigo, comme je l'ai dit à l'article de ces plantes.
La fécuridaca des Inftituts eft aufli la feule que j'aie exa-
mince , elle eft peut-être aufli la feule de fon genre. Celui
des coronilles eft plus nombreux : j'ai vû toutes les efpèces
rapportées
DE SN2S C 1 E N-c E“s:* 93
rapportées dans es Inftituts & le Corollaire, excepté celle qui
vient dans l'ifle de Crète & qui eft argentée, laquelle pour-
roit bien être du genre des indigo , la couleur argentée dépen-
dant peut-être de celle des navettes dont elle pourroit être
couverte. Outre ces elpèces | j'ai encore examiné la petite
coronille à filiques longues & gréles, qui vient en Italie &
en Allemagne; celle qui eft le premier pohgala de Valence
rapporté par Clufius, & le petit baguenaudier à filiques de
Gafpar Bauhin : ces plantes m'ont auffi paru lifles, & fem-
blables aux précédentes par ce côté. Une feule, qui fe trouve
dans l'Herbier de M. Vaillant fous le nom de coronille her-
bacée à fleur d'un pourpre pâle, & qui peut-être n'eft qu'une
variété de celle dont les fleurs font de difiérentes couleurs
fur le même pied; cette feule, dis-je, m'a fait voir quel-
ques filets cylindriques longs & droits ‘für les Pédicules; fi
cela eft conftant, peut-être feroit-elle, de même que celle
dontelle n'eft peut-être qu'une variété, réellement une efpèce
de /ecuridaca ; les feuilles ne font pas même, dans l'une &
l'autre, auffi épañfles & auflr luifantes que dans toutes les
autres efpèces.
C'eft encore fur une différence bien petite que je pro-
pofe la féparation de Ja granadille & du murucyja, que
M. Linnœus à réunis. Les granadilles m'ont fait voir des filets
coniques, que je penfe être à valvules, & des ftipules ou des
glandes à godet, qui n'ont paru manquer dans la murucuja.
Je crois que cette plante eff lifle & privée de glandes à godet,
à moins quon ne voulût regarder les petits mamelons un
peu élevés dont les côtes des tiges font chagrinées, comme
fuppléant aux ftipules & à ces dernières glandes : ce fenti-
ment ne feroit peut-être pas à rejeter, d'autant plus que dans
les granadilles les ftipules varient de figure , que plufieurs
efpèces manquent de glandes à godet, qui fe trouvent jointes
aux ftipules dans d’autres. On pourroit peut-être dire que
ces parties ne font faites que pour fe remplacer les unes les
autres, & qu'il en eft peut- être ainf des. mamelons de la
Ærucuja.
Miém. 1749. . Ddd
Granadilla,
Granadille.
Murucuja,
394 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
Les granadilles où je h'ai trouvé que des ftipules, font
f'arbre à feuilles de coudrier ou d'avelinier, qui a des vrilles,
& qui vient en Amérique; le nanallou rapporté par Surian
au n.°73; la caapeba feconde du même Auteur, au n.° 202;
la granadille dont les feuilles font à trois pointes, & qui a
uné petite fleur jaunâtre; & celle dont les feuilles font échan-
crées en forme de corne, qui a le fruit à fept pans & qui eft
aigu de chaque côté.
Les ftipules de ces plantes font ordinairement coniques,
pofés dans l'aiflelle des feuilles, un de chaque côté du pédi-
cule; quelquefois ils font plats, triangulaires , deux à deux
de chaque côté du pédicule, & placés comme les coniques:
jen ai vû de tels dans Farbriffeau à feuilles de coudrier ou
d'avelinier. Ces flipules ne font pas aufii fimples dans les
granadilles dont l'odeur eft fétide, qui ont les feuilles velues,
à trois pointes, la fleur blanche ou d'un pourpre panaché :
ces deux plantes en ont des plus compolés; ils font bran-
chus, & chaque branche eft une glande à cupule un peu
foufrée qui jetie de la liqueur; ils font placés non feulement
à l'origine des pédicules, mais encore dans leur longueur, où
is font moins ramifiés; les dentelures des feuilles finiflent
par une glande à cupule femblable à celles des flipules, &
lon en voit auffi. quelques-unes fur la nervure principale du
deflous des feuilles. Quoique ces glandes faflent un effet aflez
fingulier dans cette plante, cet effet n’approche cependant
point de celui que produit une efpèce de bouquet de feuilles
qui embraffele fruit ; ces feuilles ne font, à proprement parler,
qu'un compofé de glandes à cupule femblables aux précé-
dentes ; elles font portées fur un pédicule commun divifé
en pluffeurs autres qui fe foudivifent encore : ce font des
feuilles dont les nervures finiflent par une cupule, & qui ne
font point liées entr'elles par la partie parenchymateule des
feuilles ordinaires. L'odeur defagréable de ces plantes n'eft
fans doute en grande partie occafionnée que par la matière
vifqueufe qui fort de toutes ces glandes.
Les granadilles où j'ai trouvé des ftipules & des glandes
DES SCc1ENcrs. 239$
à godet, font la granadille à feuilles de lierre, à fleurs &
fruits très-petits, celle dont les fruits font petits & ramañés
en grappes, celle dont la fleur eft d’un rougeître clair &
dont les feuilles font échancrées de façon qu'elles forment
deux cornes. Les glandes à godet font dans celle-ci très-baffes,
& placées non à “origine des pédicules, mais fur la furface
inférieure des feuilles. La granadille dont les feuilles font
réunies plufieurs fur un même pédicule, & dont le fruit eft
ovale, a des ftipules qui font un peu découpés, & chaque
découpure fit par une partie qui forme une glande à godet:
les dentelures de fes feuilles en ont de femblables, mais leur
pédicule étant plus alongé, elles font ainfi des filets à cupule.
Les flipules de celle qui a des feuilles étroites à trois
pointes, les fleurs vertes & très-petites, ont la forme d’une
anche d'inftrument à vent, & Je crois qu'elle a parmi fes
filets ordinaires des glandes à cupule petites & baffes. Les
efpèces dont les feuilles font femblablés à celles de la der-
mière, & qui ont le fruit en forme d'olive, font auffi gar-
nies de femblables ftipules ; celle qui a des feuilles d'andro-
fème & le fruit de la groffeur d’une jujube, celle qui eft à
large feuñfle & dont le fruit a la forme d'une pomme, la
fleur de la paflion ordinaire, celle de Surinam à feuilles oblon-
gues & à dent de fcie, font peu différentes : la dernière avoit
fur chaque pédicule deux glandes à godet portées fur un pé-
dicule élevé, & les dentelures des feuilles épaifles, qui for-
moient ainfi de ces glandes. Je n'ai vû que les feuilles de
Youairaoua troïfième de Surian, n.° 814, & de la granadille
à plufieurs feuilles fur un pédicule, & dont le fruit eft en
forme de coloquinte; leurs pédicules avoient des glandes à
godet, mais je n'ai pù m'afflurer de l’exiftence des flipules.
Il y a lieu de penfer qu'elles n'en ont pas privées, & qu'il
eft mème plus général que ce genre de plantes en ait, qu'il
ne left qu'il ait des glandes à godet: au refte, on peut regarder
les ftipules comme des efpèces de ces dernières glandes, qui
font plus où moins alongées, & les cupules ne font même
que des godets portés fur un long pédicule. Ainfi ‘on peut
Dddij
Achyroplorus.
ÆHypochæris.
396 MÉMOIRES DE L'ACADÈMIE ROYALE
dire en général que ces plantes ont toutes des glandes à Vaiflelle
de leurs feuilles ou fur leurs pédicules, & que ces glandes
varient feulement par leur figure & leur pofition : les plantes
dont les pédicules font chargés, ont des glandes un peu plus
près ou un peu plus éloignées de l'infertion du pédicule; mais
ce font des varictés bien difficiles à déterminer, il m'a paru du
moins que dans une même plante la pofition de ces glandes
fur les pédicules n’étoit pas toüjours précifément la même.
Le grand nombre des granadilles na fait voir les filets
ordinaires ; celle à fruit ovale, celle qui Fa femblable à une
coloquinte, & celle qui eft appelée dans l'Herbier de M. Vail-
lant murucuja à une feule feuille & à petite fleur pâle, m'ont
paru liffes. Si cela eft conftant, la murucuja oxdinaire fe trou-
veroit encore plus rapprochée des granadilles, & demanderoit
peut-être, comme M. Linnæus le veut, à être confondue
avec elles.
Quoique Ia différence que j'ai obfervée entre les filets
des achyrophorus & ceux des Aypochæris, ne confifte qu’en.
une roideur qui les feroit prendre dans les premiers pour
des épines, au lieu qu’ils font beaucoup moins roïdes dans
les feconds, je ne laiflerai pas cependant de crdïire qu'on
pourroit féparer ces deux genres ; il eft même fingulier que
cette petite différence fe trouve entre des plantes qui en ont
une autre du côté des femences qui portent une aigrette de
filets fimples dans les achyrophorus, & de plumes dans les
hypochæris. Les elpèces d'achyrophorus que j'ai examinées,
font des fept citées par M. Vaillant dans fon Mémoire
inféré dans le volume de l'Académie pour Fannée 1721,
p. 214. Toutes ces plantes ont des filets fur les feuilles, les
tiges, les écailles des têtes des fleurs ; ils m'ont cependant
paru quelquefois manquer fur les feuilles , principalement des
efpèces qu'on a défignées par leur douceur au toucher. Ces
filets au refle font, comme je l'ai dit, roides, à valvules
peu marquées, & manquant à leur bout fupérieur de ces fils
cotonneux que l’on obferve dans beaucoup d’autres; je n'ai
même vû de duvet que fur les feuilles, Les Aypocharis que
Î
| |
h
|
1
Ù
D'ÆENSMBNIC I E NC: ES 397
jai eu entre les mains, font les deux rapportées dans le
Catalogue des plantes des environs d’Eftampes, & les autres
citées dans le Mémoire de M. Vaillant , dont je viens de
faire mention. Toutes ces plantes ne varient pas beaucoup
du côté des filets, elles conviennent mème en ce qu'ils
tombent promptement, en forte qu'on n'en trouve fouvent
que fur la tête formée par l'amas des fleurs, ou fur les feuilles,
ou fur les tiges.
J'ai déjà propofé dans le fecond Mémoire, le rétabliffe-
ment d'un gehre que M. Linnæus avoit réuni aux verveines;
je crois pouvoir faire encore ici la même chofe. Les filets
du genre qu'il s'agit de rétablir, ne font pas auffi différens
de ceux des verveines, que le font ceux du premier : celui-
ci en a qui font la navette, au lieu qu'ils ne different dans
Yautre des filets ordinaires des verveines, que parce qu'ils
fe courbent en croffe par le haut. M. Houfton avoit appelé
ce genre du nom d'un Botanifte Anglois, nommé Blair,
il le diftinguoit par fes femences épineufes, & par fon
calice, qui eft renflé. Les épines dont M. Houfton parle, ne
font, à ce que je crois, que les flets en crofle, que j'ai
obfervés, & que j'ai principalement trouvés dans la verveine
du Mexique à feuilles de rrachelium & à fruit de gratte-
xon. Non feulement les femences de cette plante, mais toutes
fes autres parties , excepté l'intérieur du calice & les étamines,
en font chargées ; & ce qui peut avoir empêché qu'on ne les
ait remarqué fur ces parties, ne vient peut-être que de
ce qu'ils font plus apparens fur les femences, où ils font
plus gros & plus longs. Les sherards, excepté la première,
rapportées par M. Vaillant dans fa defcription de deux
nouveaux genres, pourroient être de celui-ci : j'ai du moins
vü des filets à crofle fur le bord des feuilles de la verveine
d'Amérique à feuilles de teucrium , à fleurs de prime-verre,
à filiques & femences longues , & qui eft la feptième sherard
de M. Vaillant. Les mamelons qui portent ces filets font
gros, argentés & compolés de plufieurs véficules comme
“ceux des aparinées, ils forment aux feuilles un liféré d'un.
Ddd iij
Verbena,
Verveine..
Blairia.
98 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
blanc argenté. C’eft fur de femblables mamelons que font
portés ceux de la verveine de Curaflau à feuilles de menthe,
& dont les fleurs partent de l'aiflelle des feuilles ; mais ces
filets ne n'ont pas paru fe recourber par le haut. Le couri-
Lium ou verveine mâle, à fleurs violettes, à feuilles crépues
& dont le fruit eft alongé en forme de corne, eft femblable
par fes filets à la feptième sherard ; c'eft peut-être au refte
la même plante. Celle que Plukenet appelle dans fon Al-
magefte, plante d'Ethiopie, qui reffemble au #himelea, &
qui a des feuilles femblables à celles du polium jaune des
montagnes , étoit aufli au nombre des sherards dans lHer-
bier de M. Vaillant ; elle eft drapée de longs filets blancs. Je
n'ai vû les femences que de la première efpèce, ainfi jene fais
fi celles des autres font hériflées de filets, & fi ces filets font
à crofle : fuppofé que cela fût, je les mettrois fans héfiter
au nombre des blairia, & quand ïls ne le feroïent pas dans
celles qui en ont de femblables fur quelques-unes de leurs
autres parties, je ne laïflerois pas de regarder ces plantes
comme des efpèces du mème genre. Je n'ai trouvé des
glandes à cupule que dans la première, elles font plates,
tranfparentes & grofies, elles s’'obfervent fur les calices & fur
les feuilles de l'épi des fleurs; fr je ne les aï pas aperçües
dans les autres, cela ne vient peut-être que de ce que je ne
les ai vües que sèches, & que ces glandes n'ayant pas de
couleur bien déterminée, elles font difficiles à faifir ; j'ai ”
cependant découvert fur fes feuilles quelques mamelons pour-
pres, qui pourroient en ètre, ou des glandes globulaires
qui y fuppléeroient.
Les filets des verveines diffèrent peu, comme je l'ai dit
plus Haut; ils font coniques , à articulations, ils ont même
une certaine roideur & font portés, comme ceux des plantes
précédentes, fur des mamelons compofés de plufieurs véfi-
cules. Elles ont outre cela des glandes à cupule mélées avec
ces filets, & des glandes globulaires ordinairement d'un
couleur d'or ; les feuilles, les tiges, les calices en font com-
munément chargés, mais des efpèces en ont fur une partie
DIE SNSNC. 1 E N° CE, S 399
plus que fur une autre, & il arrive quelquefois que quelques-
unes de ces parties en font privées. J'ai fait ces différentes
obfervations dans toutes les verveines rapportées dans les
Inflituts. Les efpèces dans la dénomination defquelles on a
dit qu'elles étoient plus rudes qu'à l'ordinaire, ou que leurs
feuilles étoient femblables à celles de l'ortie, font réellement
celles où les filets font les plus roides. J'ai encore vû ces
mêmes chofes dans celle qui s'élève très-haut, dont les fleurs
font en épi, comme dans la lavande des Canaries, & qui
vient de Buenos-aires. J'ai trouvé peu de différence dans
une- que M. Vaillant penfe être celle de Memphis, dont
les feuilles font petites & qui -s’étend fur terre, & dans une
autre rapportée fous le nom de mercuriale en arbre, & qui
a des épis.
I fuit de ces obfervations, que les #airiæont beaucoup
de rapport avec les verveines, & que les unes & les autres
_femblent approcher des borraginées par la roideur de leurs
filets, & par les mamelons fur lefquels ils font portés.
Les tarchonanthes & le partheniaffrum ont auffi beaucoup de
rapport entre eux; ce qu’ils ont de commun eft d’avoir des
glandes globulaires dorées, dont les feuilles, les tiges ou les
calices font garnis. Le partheniaffrum appelé par Rai, matri-
_caire d'Amérique à feuilles d'ambroifie à petites fleurs blan-
ches, a de plus des filets longs à valvule, & au haut des
tiges, des glandes en larme batavique. La tarchonanthe appe-
ée dans les Inftituts conife d'Amérique en arbriffeau, à
feuilles arrondies, nerveufes, & à fleurs en épi, eft auffr
hériffée de filets, mais qui font plus roides, & elle eft
privée de glandes en larme batavique, qui manquent auflr,
& les autres filets, à la tarchonanthe qui eft dans les Infti-
tutsfous le nom de conife d'Afrique qui s'élève en arbriffeau,
qui a des feuilles de fauge & une odeur de camphre; à la
. place de ces filets’, toute la plante eft blanche de duvet qui
- paroïît en fuinter, & qui y formeune efpèce de drappé affez
fort. À la rigueur, ces plantes peuvent refter enfemble,
» puifque convenant entré elles d'un côté, elles différent toutes
Parthemaftrun.
Tarchonanthos,
Terchonanthes
400 MÉMoirEs DE L'ACADÉMIE RoïaALE
les trois par un autre, & qu'il peut y avoir en cela quelque
compenfation.
Sedum, M. de Tournefort avoit fait deux genres des joubarbes &
Joubarbe, ge orpins : M. Linnæus, en réuniflant ces deux genres, a
Sempervivun , sis | à AS atLasbess Re sets a J
Grande jou- paré quelques-unes des joubarbes & des orpins, dont ila
barbe. formé des genres féparés, quoiqu'il penfe cependant que non
Anacampferos ; feulement tous ces genres ne devroient en: faire qu'un, mais
Orpi u'on y devroit encore joindre les rondefles de M. de Tour-
core nefort , les craffule, les tillea & es rhodiola ,-qu'il avoit diftin-
Craffula. … guées lui-même en plufieurs genres. [lui paroît que le carac-
Tillea, (ère générique de ces plantes confifte dans le necfar, qui eft
Rhodiole COMPofé de cinq petites glandes, chacune pofée à la bafe
de chaque embryon, & que l'en ne doit pas ainfi avoir
égard au nombre des étamines. Je n'ai pas trouvé une grande
différence entte ces plantes du côté des filets & des glandes ;
ces plantes conviennent encore en ce qu'elles font d’une fubf-
tance grafle & fpongieule , ainfi on ne peut difconvenir qu'il
n'y ait un grand rapport entre elles : je détaillerai cependant
mes obfervations, on décidera fi elles peuvent contribuer à
conflater June ou l'autre opinion, c'eft-à-dire, la réunion
ou la féparation de ces genres.
Les orpins m'ont tous paru lifles & couverts d'une fleur
blanche fur leurs feuilles & leurs tiges, qui fort, à ce que
je crois, de très-petites taches rougeâtres ou blanches dont ces
parties font pointillées : le bord des feuilles eft auñli pour F'or-
dinaire légèrement crénelé. Voilà tout ce que j'ai obfervé
dans toutes les efpèces, excepté la dernière, des orpins, rap-
portées dans les Inftituts, & de plus, dans celui à fleurs
Jaunes cité par Amman.
Les rondeffes ont le pointillé & la fleur des orpins, mais
elles m'ont paru différer de ceux-ci par des glandes à godet,
qui font placées ordinairement en deflous des feuilles,
quelquefois fur lune & autre furface, & toujours à chaque
dentelure: ces glandes forment de petites cavités circulaires,
bordées quelquefois d'un pourpre clair. Je n'ai trouvé des
glandes en deffus & en deflous des feuilles, que dans la
rondefle
DÉESSMMSNE:T E NC EUS: 401
rondelle d'Afrique à feuilles épaifles, larges, découpées, & à
fleur d'un jaune d'or ; la grande & fes variétés, celle de Por-
tugal, celle qui a une racine longue & rampante, celle d’A-
frique qui s'élève en arbrifleau, qui a les feuilles orbiculaires
& ceintes d’une bande pourpre, & celle de Crète à fleur
jaune, petite & à racine ronde, ne m'ont paru en avoir
qu'en deflous. La grande qui s'élève en arbriffeau, qui vient
d'Afrique, qui a des feuilles orbiculaires d’un verd de mer,
dont le tour a un liféré pourpre, & qui font marquées de
| taches vertes; celle d'Afrique en fous-arbriffeau, à feuilles
longues & étroites & à fleurs jaunâtres ; celle du cap de Bonne-
efpérance à feuilles épaifles, larges & demi - globulaires,
font chagrinées fur les feuilles de mamelons plus élevés que
dans les autres, & qui ne font peut-être qu'un plus grand
nombre de glandes à godet, ou le fupplément à ces glandes,
qui manquent dans ces efpèces, dont les feuilles ne font :pas
dentelées. Il en eft peut-être de même pour celle des bords
de la mer à feuilles de joubarbe, à leur couleur de chair &
. à racines fibreufes ; les calices & leurs pédicules font chargés
de gros mamelons qui font la glande à godet : les filets du
bord des feuilles de celle de Crète à feuilles oblongues &
| frangées, n'eft peut-être encore qu'un pareil fupplément ; ces
» filets, au refte, font courts, gros & tournés vers le bas
destfeuilles.
Les craffula font bien femblables aux rondefles, elles ont
* comme elles de Ia fleur, le pointillé & les glandes à godet
-en deffus & en deflous des feuilles, ou feulement en deffous.
… Les deux fuivantes en font voir {ur l'une & l’autre furface,
favoir , celle qui s'élève en fous-arbriffeau & qui a des feuilles
épaifles & femblables à celles de la joubarbe, une qui ne
diffère de celle-ci que parce qu'elle eft rampante, & une qui
a des feuilles d'orpin. Je n’en ai trouvé qu'en deffous dans
lorbiculaire qui eft rampante & qui a des feuilles de grande
joubarbe, mais ces feuilles font bordées d’un rang de courts
gros filets, dont la pointe eft tournée vers le bas des
ailes : l'efpèce qui s'élève très- haut, dont les feuilles font
Mém. 1749: : Eee
402 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
comme traverfées par la tige, n'a paru en manquer, mais
avoir les feuilles très-chagrinées de mamelons un peu’élevés,
& couvertes de beaucoup de fleur, ce qui pourroit compenfer
les glandes à godet,
Les gr andes & les petites joubarbes ont du côté des glandes
plus d'analogie que n ‘en ont les orpins avec les rondeffes :
je n'ai j jamais trouvé dans les orpins & les rondefes les glandes
à cupules qui s'oblervent dans les grandes & petites joubarbes,
& qui n'y paroiflent fouvent manquer que parce que, lorlqu' on
examine ces plantes, elles font un peu trop avancées. J'ai vû
de ces cupules dans toutes les efpèces de grandes joubarbes.
dont M. Linnæus parle dans fon ouvrage intitulé Jardin de
Cliffort, & qui font également ainfi appeées par M. de
Tournefort. Ces plantes ne varient guère entre elles que par
le nombre des cupules, qui eft plus grand dans les unes
ue dans les autres : celles qui ont porté le nom de grandes
joubarbes velues, font celles qui en font le mieux fournies;
c'eft la même chofe dans les petites : certaines en ont un
grand nombre fur prefque toutes leurs parties , pendant que
d'autres em ont très-peu; une de celles où j'en ai vü le plus,
eft l'efpèce appelée cpæa, elle ef du nombre de celles qui
font rapportées dans le Catalogue des Plantes des environs d'Ef-
tampes, auxquelles il faut ajouter celle du n.° 39 1 des plantes
de Suède par M. Linnæus, que j'ai trouvée aux environs d'Ef-
tampes depuis limpreflion du Catalogue des Plantes de cette
vile. Les autres efpèces que j'ai encore examinées, font la
petite joubarbe à feuilles de coris, Vépineufe ou létoilée à
fleurs blanches, celle qui a les feuilles arrangées en rond,
celle des Alpes à fleurs piles, celle des marais un peu vélue
& pourpre, enfin deux efpèces que Micheli cite, l'une dans
fon ouvrage fur les plantes de Florence, qui eft la petite.
joubarbe des montagnes à quatre feuilles AE à fleurs blan-
ches, & l’autre san celui des plant es de Naples & de Rome,
qui eft la petite Joubarbe âcre à feuilles arrondies, fleurs
jaunes & caplules qui finiflent par une pointe roide,
Quant à la s/æa que jai examinée, qui eft la petite. M
1]
D HIS NC 1 E NT CES 403
joubarbe ou fa très-petite renouce, qui reflémble à une moufe,
felon Boccone, elle m'a paru entièrement lifie,
On voit par ces oblérvations que {1 l'on vouloit joindre
quelques-uns de ces genres enfemble, les grandes & petites
joubarbes devroient plütôt l'être que les orpins avec les petites,
comme a fait M. Linnæus ; les éraffula & les rondeffes pour-
roiïent l'être enfemble, & les orpins avec la hodiola, qui l'étoit
déjà dans les Inftituts.
Les genres dont je vais parler, & que je crois pouvoir
féparer, font tirés d'une dlafle où il fe trouve une grande
conformité dans les filets : tous ceux que je connois en ont
en houppes, & les deux dont il s'agit en ont par confé-
quent de femblables; toutes leurs parties en font même
hériflées, excepté les étamines, & quelquefois le pétale. L'un
de ces genres eft le kermia, & Vautre, le malva-vifcus. Le
nom de ce dernier lui vient, à ce que je crois, de cequ'ila
beaucoup de rapport par fa fleur avec les mauves, & que cette
fleur eft vifqueufe au toucher; ceft par cette dernière pro-
priété que je crois qu'il fe peut diftinguer du #efmia, Cette
vifcofité ou glu eft dûe à une matière qui fuinte de glandes
à cupule d’un rouge pourpre, qui garniflent le pétale. Je n'ai
point vü de femblables glandes fur les eñmia ; par confé-
quent fi l’on réunit cette différence à celle qui fe trouve dans
de fruit, je penfe que la féparation de ces genres pourra fe faire,
d'autant plus que celle du fruit n'eft pas petite. Ce fruit eft
dans le ketmia une capfule ovale à cinq loges ou plus, qui
contiennent beaucoup de femences, au lieu que dans le
malva-vifcus c'eft une baie à cinq loges, il eft vrai, mais
qui ne contiennent chacune qu'une feule femence.
Je n'ai vû qu'une feule efpèce de ce dernier genre, qui
ft Le mala-vifeus en arbre à fleurs rouges fermées, & qui
€ft rapporté par Dillenius dans fon Ouvrage intitulé Jardin
d'Eltham. Je n'y ai trouvé les houppes qu'en petite quan-
mité ; les filets qui les 'compofent font courts, vérdâtres, &
"chaque mamelon en porte quatre, cinq ou fix ; ils tombent
promptement, & la plante paroit alors iffe.
Eeei
Malva-vifeus,
Ketmia,
404 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Le nombre des kermia que j'ai examinés eft beaucoup
lus grand ; les efpèces rapportées dans les Inflituts font cel-
les de Syrie & {es varictés; leurs houppes, de même que
dans le malva-vifeus , tombent promptement; leurs filets font
courts, ils ont une certaine roideur, & chaque mamelon
peut en porter fix, fept ou huit. Les efpèces à feuilles de
peuplier & qui font d'Afrique, dont l'une a les feuilles plus
blanches en deflous que fautre, & la tige verdäue, ne dif-
fèrent entre elles que parce que les houppes reftent appa-
remment plus fong-temps fur le deflous des feuilles de cette
dernière, que les filets font plus blancs, & qu'elles tombent
promptement des tiges. Je n’y ai obfervé que ces différences;
les houppes au refte y font amoncelées, leurs filets font
roides, fur-tout ceux des plus grofles qui n’en ont que trois
où quatre fituées. horizontalement ; les autres font com-
pofées de dix, onze où douze, & peut-être plus : celles de
l'efpèce qui vient dans les Indes, & qui a les feuilles fem-
blables à celles du tilleul, font bien moins touffues; je ne
leur ai vû que deux ou trois filets au plus, & très-fouvent
le mamelon n'en porte qu'un; ces filets font roides, & le
mamelon pourpre. Si ces houppes ont peu de filets, elles
font du moins plus communes que celles du kermia à feuilles
de coton & d’un goût d'ofeille, qui vient dans les Indes: .
les calices & la gouttière du pédicule de quelques feuilles,
font les feules parties qui m'en ont fait voir : les fruits font
hériflés de filets coniques , longs, roïdes & abondans,
ceux des bords font portés fur un mamelon beaucoup plus
gros que celui des autres. La rareté de ces houppes ne paroît
cependant venir que de ce que je n'ai pas và cette plante
lorfqu'elle étoit jeune : le kermia de la Chine à fruit arrondi
& fleur fimple, les conferve bien plus de temps. Cette
plante eft couverte de petites houppes blanches, qui jaunif-
fent en vieilliffant, & dont les filets fe montent dans chacune
à plus de dix ou douze. Il en eft à peu près de même dans
celui d'Amérique à très-grandes feuilles en forme de cœur,
& qui a la fleur de différentes couleurs, & dans celui qui.
+.
D'EFISMNBNC TE N er 40 40
a les tiges rudes, velues, le fruit étoilé & les feuilles en
Jance. L'âpreté des tiges de ce dernier ne vient, à ce qu'il
me paroît, que de ce que lés filets des houppes y font plus
roides que fur les feuilles. Je ne fais pas fi fon fruit n'eft ap-
pelé étoilé que parce qu'il a des houppes qui pourroient
avoir été comparées à de petites étoiles, mais je fais que cette
comparaifon a été employée par Ferrarius, pour les houp-
pes de celui de la Chine. Cet Auteur, qui a donné une
defcription fi pompeufe de cette plante, avoit oblervé ces
houppes au moyen du microfcope, fur les feuilles &. fur
les en. il a même fait graver ces femences, qui por-
tent chacune une de ces houppes, qui eft compolée dans
cette figure d'une trentaine de filets, nombre qui eft plus
grand que celui que j'aie jamais trouvé à des houppes fem-
blables; fouvent même, eomme je ai dit dans cet article
& plufieurs autres fois, il n'y en a que deux, trois ou quatre.
On peut encore avoir un exemple de cette variété dans
celui d'Egypte, dont les femences fentent le mufc, & qui
eft communément appelé abelmofch. Les houppes que J'ai
vües dans cette plante n'ont que trois ou quatre grands filets
horizontaux , roides, & qui font fouvent difpofés de façon
qu'ils forment une X; elles font ordinairement placées fur
es nervures du deflous des feuilles : le refte de la plante,
qui eft très-velu, ne doit cette propriété qu’à un grand nom-
bre de filets fimples, coniques, qui font un peu roides & d’un
blanc fale. Je n'ai pas trouvé une grande différence dans le
Retmia des Indes à grandes feuilles de vigne, nommé ordi-
nairement /abdariffa , dans celui qui ne diffère de ce dernier
que par fon fruit alongé en une efpèce de corne, dans celui
d'Egypte qui a aufli des feuilles de vigne, mais dont fa
eur eft petite, dans la bamia mufquée de Malabar, citée
par Pétiver & par Raï, dans le guingombo , dans celui d’A-
mérique qui eft velu, qui a la fleur jaune & les femences.
mufquées. Quoique les filets de toutes ces plantes aient une-
certaine roideur, elle n'eft pourtant pas telle qu'elle puifle-
leur faire donner le nom d'épines, comme on fa fait poux:
4 Ece ii
406 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ceux du ketmia à trois grandes feuilles anguleues, à fruit velu
& dont la forme approche de celle d'un bouclier, & à ceux
du Æetmia d'Amérique qui eft dit épineux, qui a une fleur
tès-ample & d'un rouge de carmin. Ces deux efpèces font
hériffées des houppes & des fimples filets, des précédentes ;
mais leurs tiges & les pédicules de leurs feuilles le font
de plus par des elpèces d’épines qui ne font, à ce que je
crois, que de ces gros filets qui fe font tellement durcis,
qu'ils ont acquis la dureté & la roideur des épines. L’abel.
mofch cité plus haut, le kezmia d'Afrique à feuilles de peu-
plier, & le commun à veffies, ont aufli des houppes qui
forment une X; mais on voit, à la place des longs filets de
plufeurs des précédens, un grand nombre de houppes beau-
coup plus petites, & qui font formées de cinq, fix, fept
filets plus petits & moins roides: ce hermia d'Afrique à veflies
eft bien femblable, par les filets, au commun qui porte aufii
des veflies, les fiens font feulement un peu plus doux; le
refte y eft fi égal, que j'ai même remarqué dans fun &
l'autre des filets en larme batavique qui m'ont paru jeter de
la liqueur par le haut, & ne difiérer entre eux que parce
qu'ils font pourpres dans l'ordinaire & blancs dans celui
d'Afrique.
Toutes ces elpèces de ketmia font, comme je fai dit au
commencement de ces citations, rapportées dans les Inflituts
de M. de Tournefort, & ils en font le plus grand nombre:
les füuivans ne s’y trouvent pas, mais ils font dans les ouvra-
ges de Pétiver, de Surian, ou dans ceux qui font intitulés
Jardin d'Eltham par Dillenius, & Jardin de Eyftet par
Beflerus. Ces £etmia reflemblent par les houppes aux uns ou
aux autres des précédens; les uns ont feulement des houppes
à plufieurs filets, les autres en ont, avec celles-ci, d'autres qui
font üne ou la croix de Chevalier ; les premiers font ceux de
Malabar à fleur de différentes couleurs , fimple ou double; le
chouchourou des Indiens, ou #1ahot noir; les feconds font celui
de Ceylan à fleurs jaunes, à feuilles blancheätres & beau-
coup velues; l'efpèce dont les feuilles reffemblent à celles du
D: s/MSLC 1 É Nic ENS: 407
manioc, qui font dentelées, & qui a une grande fleur de
couleur de foufre. Il faut ajoûter à ceux-ci lefpèce du n.° s
du Jardin de Florence par Micheli, & le petit des marais à
feuilles anguleufes, petite fleur purpurine , -aplatie & à cinq
pans, cité par Zannichelli.
Le grand nombre de ces kefmia , qui prouve fi bien le
rapport des plantes par leurs glandes, peut m'exempter de
parler de quelques efpèces dont je nai eu que des noms
iucertains : M. Vaillant, par exemple, en avoit placé dans
fon Herbier deux fous ce genre; une lui avoit été envoyée
par M. Lippi, & l'autre porte le nom de guimauve où aby-
tilon des Indes : ces deux phuites avoient auffi les houppes
à plufieurs filets doux & blancs. Une efpèce qui mérite plus
qu'on y fafle attention, eft celle que Plukenet appelle alcée
des Indes, ou fecondë efpèce de ragapu du Jardin de Ma-
Jabar, à feuilles très-étroites, qui reflemblent à celles du flæchas
dont les feuilles font en dent de fcie; les feuilles & les tiges
de cette plante, lorfqu'elles font jeunes, font couvertes d'un
and nombre de petites houppes; les calices, les nervures
des feuilles & les fruits ont des filets fimples , longs, roides
& qui font portés fur un mamelon aflez gros. Cette plante
convient ainfr aflez avec quelques-unes des précédentes; mais
les fruits ont de plus des houppes qui font à moitié décou--
pées, & qui reflemblent par-là à ces plaques dont j'ai parlé
plufieurs fois dans les autres Mémoires.
Cette dernière elpèce, & la plufpart de celles qui la pré-
cèdent, pour ne pas dire toutes, m'ont fait voir {ur le deflus
ou le deffous de leurs feuilles plus ou moins de véficules d'un
aflez beau noir, que je crois être des glandes : le ragapu en
a même la fleur parfemée, particularité que je n'ai pas obfervée
dans les autres efpèces, & qui le rapproche des cotons dont
la fleur eft ainfi marqué: de ces taches noires, mais qui y font
mélées avec d’autres d'un beau couleur de rofe, comme je
le diraï en parlant des cotons. Le nombre des véficules aug- ”
mente dans les kermia à proportion que celui des houppes:
diminue, ce qui pourroit bien ne venir que de ce que ces
Taraxaconoïdes,
Houfoir de
plumes.
408 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
véficules ne font que les mamelons des houppes, d'autant plus
que ces mamelons font noirs dans plufieurs efpèces. Je crois
cependant qu'il y a aufli des véficules, indépendamment des
mamelons qui portent les houppes.
Il faut fans doute rétablir le genre de raraxaconoïdes ou
houfloir de plumes, que M. Vaillant avoit fait, & qu'il
avoit diflingué du piflenlit par la couronne de plumes qui
eft portée par les ovaires; mais toutes les efpèces rangées fous
le genre des houfloirs de plumes font-elles réellement de ce
genre? les obfervations fuivantes ferviront peut-être à décider
cette queftion. Excepté les $, 6, 7, 9 efpèces rapportées
dans le Mémoire de M. Vaillant, toutes les autres ont des
filets divifés par le haut en fourche à deux ou trois bran-
ches, au lieu que ceux de ces quatre font fimples, coniques
& à valvules. Une différence auffi grande ne peut pas laiffer
fubfifter ces plantes fous le même genre; mais auxquels doi-
vent-elles être jointes? ou bien en doivent-elles former de nou-
veaux? je fuivrois plus volontiers ce dernier fentiment. Les
houfloirs de plumes qui ont des filets fourchus approchent
beaucoup des Ae/minthotheca où herbes aux vermiffeaux, mais
la forme du calice de celles-ci empêche leur réunion : le bou-
quet de feuilles qui l'embraffe ne fe voit pas dans les houf-
foirs de plumes. Celles de ces plantes qui ont les filets fimples,
femblent convenir avec les pifenlits, les ypochæris ou les balais
étoilés, mais ces trois genres ont des diftinétions très-frap-
pantes ; le premier n’a fur fes ovaires qu'une couronne de
poils, le balai étoilé a des ovaires de trois efpèces, & le pla-
centa de l'Aypochæris eft chargé de balles, au lieu qu'il eft ras
dans les autres. Il refle donc non feulement à rétablir le
genre de raraxaconoïdes, mais encore à en former un nouveau.
Au refle, les filets fourchus s'obfervent fur le deflus & de
deflous des feuilles, fur les tiges, & même aflez fouvent fur
les écailles qui forment les calices. Ces elpèces d’épines font
roides, les plus grandes ne {e divifent ordinairement qu'en
deux branches, les moyennes fouvent en trois, & même
en quatre, comme dans la première efpèce du Mémoire
de
L
D'MMSMS) C'1 E NC ES 409
de M. Vaillant. Entre ces fileis on en aperçoit d'autres
qui font blancs & petits, qui'fe forment & tombent aife-
ment; je ne fais pas même s'ils ne feroient pas une matière
qui auroit fuinté des furfaces, & qui fe feroit durcie.
La roïdeur & la quantité des filets fourchus fait aifément
diftinguer au fimple toucher , les plantes qui en font hériffées,
des autres qui n'en ont que de fimples, lefquels font même
doux, flexibles & en petite quantité. Je n'en ai vû que fur
les tiges ou fur les feuilles ; aufli eft-il arrivé que la plufpart
des Auteurs qui ont donné des fynonymes à ces dernières
plantes, ne les ont point diftinguées par la rudefle de leurs
feuilles ou de leurs tiges, comme ils ont fait en parlant des
premières.
Je crois qu'il faut auffi faire une divifion dans le genre
du pifienlit, & ôter du nombre des plantes placées fous ce
genre par M. Vaillant, la dernière efpèce qui eft très-velue
& qui a les feuilles femblables à celles du chiendent &
onduiées. Le velu de cette plante n'eft pas formé, comme
celui des autres efpèces, par des filets coniques à valvules,
mais par des goupillons & des filets en plume qui couvrent
les feuilles & les tiges; ces filets font fauves: ceux des têtes
Dens leonis,
Piffenlit.
de fleurs font à cupule, dont le bas du pédicule eft d'un
brun noiratre. J'ai trouvé dans l'Herbier de M. Vaïlant une
plante fous le nom de grande pilofelle de Mathiole, & ran-
gée fous le genre des«dents de lion, qui ne différoit de la
précédente que parce que ces filets en plume étoient moins
abondans. Je ne fais fi c'eft la onzième efpèce de fon Mé-
moire, mais il me paroïtroït que cette dernière feroit fembla-
ble par les files ; elleeft du moins appelée dent de lion très-
velue à feuilles de pilofelle. Cette propriété d’être très-velue,
me {emble annoncer des filets pareils aux précédens.
Au refle, toutes les autres efpèces, excepté la huitième
que je n'ai pas vüe, mont que très-peu de leurs filets; je
n'y en ai trouvé que fur des feuilles où fur les tiges, & en
petite quantité: les 7, 9, 10 cependant portent fur les tètes
des fleurs des: glandes à cupule, dont de bas du pédiculeeft
Mém, 1749: nat
410 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
d'un brun noirâtre, & la 9 a de plus fur fes feuilles, fes
tiges & les têtes des fleurs, une matière cryflalline blanche,
qui fe diflout dans la bouche, & qui rend cette plante
d'un blanc que M. de Tournefort a exprimé dans la déno-
mination qu'il a donnée de cette plante : il l'appelle dent de
lion d'Orient à feuilles légèrement découpées, velues &
blanches. Le velu eft encore augmenté par de gros filets
roides jufqu'à un certain point, qui font placés fur le bord
des feuilles, & que je n'ai pas oblervés dans les deux autres.
qui mont même paru lifles, ayant fans doute perdu ceux
dont ils étoient garnis. Cette diflérence dans ces trois derniè-
res plantes demanderoit-elle qu'on les féparit du genre des
piflenlits? fr une autre qui fe trouve dans leurs ovaires pa-
roifloit fufhre, je n'y trouverois aucune difhculté. Ces ovaires
y font feulement ftriés, de même que dans les deux efpèces
qui ont des plumes & des goupillons; œux des autres font
à côtes hériflées de petits mamelons roiïdes. M. Vaillant
avoit parlé de cette différence dans la defcription qu'il a
faite du genre de ces plantes, mais il n'y avoit pas déterminé
les efpèces qui avoient l'un ou lautre de ces ovaires.
Je haiffe aux obfervations que lon pourra faire fur ces
plantes , à déterminer de quel genre elles font, d'autant plus
que mes obfervations ne font pas complettes; mais je penfe
qu'on doit Ôter des piflenlits, les deux efpèces couvertes de
goupillons, de plumes & de glandes, à cupule, & je crois
qu'on ne doit faire aucune difheulté de les réunir aux /iera-
cum où herbes à l'épervier, ces dernières plantes ayant des
filets femblables, leurs ovaires étant flriés, chargés d’une
couronne de poils & articulés fur un placenta ras comme
dans les piffenlits. L
J'ai parlé, dans le détail des obfervations que je viens de
tapporter, de plufieurs genres des chicoracées, auxquels J'ai
comparé ceux dont il s’eft principalement agi dans cet article.
I ne feroit peut-être pas hors dé*propos de dire plus au
long ce que j y ai remarqué ; j'ai cru néanmoins devoir atten-
dre à le faire, que je fois parvenu au genre de leurs filets,
DE SMID C 1'EN CEA AIT
afm de pouvoir remplir dans ce Mémoire ce que je n'y füuis
propolé, c'eft-à-dire, d'y finir ce qui regarde les filets par
rapport aux genres des plantes : j'ajoüterai cependant ici ce
que j'ai vû dans les taraxaconaftrum , où balais étoilés de
M. Vaillant, vû leur petit nombre.
Les efpèces de ce genre fe réduifent à trois, qui font Ia
dent de lion à feuilles grèles & fines, la petite à feuilles
radiées, dont celle qui a des feuilles d'herbe au chantre, &
celle de Grèce à feuilles femblables, mais épaifles & luifantes,
font, {lon M. Vaillant, des variétés; la petite herbe à l'éper-
vier qui s'étend fur terre & qui a des têtes femblables à celles
du rragopogum ou barbe de bouc: ces trois plantes convien-
nent en ce qu'elles ont des filets coniques à valvules ; je ne
leur en ai vû que très-peu, & feulement fur la côte du milieu
-du deflous des feuilles ; mais fi ces filets font rares, elles ont
en revanche fur les feuilles, les tiges & les têtes à fleurs ,. des
mamelons aflez gros, élevés, qui n'ont paru jeter une
Jiqueur dans celle qui a les feuilles radiées, que j'ai obfervée
orfqu'elle étoit verte; ces mamelons s'alongent quelquefois
de façon qu'ils forment des efpèces de glandes à cupule;
lorfqu'ils font defléchés, ils reffemblent à des veflies blanches,
Æ& c'eft l'état où je les ai vüs dans les deux autres plantes.
J'ai obfervé dans les bacchantes que M. Linnæus a jointes
zaux fantolines, prefque tout ce que je viens de rapporter des
dents de lion & des balais étoilés ; une partie a des filets fim-
ples à valvules, une autre des houppes à plufieurs filets; fi
donc les fantolines devoient être réunies aux bacchantes, je
ne crois pas que celles qui ont des houppes puflent l'être.
La troifième & la quatrième du Mémoire de M. Vaillant
(Mém. 1719,p. 317), que M. Linnæus ne regarde que
comme une efpèce, font de ce nombre. Ces plantes font
la coma aurea d'Afrique, qui s'élève en arbrifleau, & qui a
des fêuilles de paffe-pierre ; les feuilles de l'autre font de cou-
leur de verd de mer, & découpées en trois par le bout
fupérieur. M. Linnæus tient que l’aurone d'Afrique à feuilles
découpées & blanches, & qui porte des fleurs d’un jaune d'or,
F£f i
Taraxace-
naftrum,
Balai étoilé.
Santolinas
Santoline.
Baccharis,
Bacchante.
412 MÉMoirEs DE L'ACADÉMIE RoYyALE
& rangées en umbelle, n'eft encore qu'une variété des pré-
cédentes. Quoique j'aie oblervé quelques petites différences
dans ces plantes, elles ne font pas cependant affez confidérables-
pour que l'on puiffe déterminer par leur moyen, fi ces plantes
{ont réellement des efpèces diférentes les unes des autres, ou fr
elles ne font que des variétés. Celle qui a des feuilles de pañfe-
pierre, a des houppes bien formées, dont les filets font exaéte-
ment féparés: dans celle qui a des feuilles d’un verd de mer, ces
houppes n'ont paru n'être découpées qu’en partie, leurs filets
étant joints enfemble jufqu'aux trois quarts de leur fongueur,
de forte qu’elles forment comme des plaques .portées fur un
mamelon; Jai trouvé ces plaques plus découpées dans un
pied defféché. Jefuis refté incertain fur les houppes de l’aurone-
d'Afrique; fes feuilles & fes tiges font couvertes de longs:
fileis, grêles & fauves, qui peut-être fortent du milieu-
d'autant de houppes que je n'ai pü exactement déterminer.
La deuxième bacchante de M. Vaillant, qui {lon lui ne:
diffère de la troifième que parce qu'elle eft annuelle, m'a
aufli laiflé dans l'incertitude, elle n'a paru entièrement liffe;
je n'y ai pas même vü le duvet ni les glandes globulaires
que J'ai obfervées dans les précédentes, où elles font d'u
beau jaune d’or ou couleur de karabé de Quito. Toutes ces
plantes pourroïient donc, malgré ces petites différences,
n'ètre qu'une feule & même efpèce : celle qui m'a paru life:
pourroit avoir perdu fes filets, ou n’en avoir pas eu, en-confé-
quence de quelques maladies; celle où les houppes étoient
à moitié découpées , n'en avoit peut-être de telles que parce:
qu'elle étoit encore jeune; celle qui a de longs filets feroit.
peut-être* pluftôt une vraie efpèce. I fuit toûjours de ces
obfervations, que le genre des bacchantes doit être rétabli.
& féparé de celui des fantolines, & que celles delün
& l'autre genre qui ont de femblables houppes, en font des
efpèces; ainfi je: crois que les. deux plantes fuivantesique :
M. Vaillant avoit placées dans fon Herbier fous le genre
des bacchantes, en font réellement. IL appeloit l'une bacchante
velue, dont les feuilles inférieures font découpées ; elle lui.
ra
À
Ag Li tr où
è
PTE
DE SMSNC 1 E NC E 5 4&1T
avoit été envoyée fous ce nom par M. Sherard: l’autre porte
celui de chryfanthemum, qui reflemble à la conife qui vient
d'Ethiopie, qui n'a pas de demi-fleurons, & dont les feuilles
reflemblent à celles de la marjolaine : cette dénomination eft
de Breynius. Les houppes de cette plante ont des filets courts, .
du milieu defquels il en fort un beaucoup plus long ; ces filets
fent fauves, ils font blancheîtres dans l'autre efpèce, & c'eft
l- toute la différence que j'y aie trouvée; lorfqu'elles font
tombées, on voit aifément les glandes globulaires de lune:
& de l'autre, & peut-être même qu'elles ne font, comme
dans les précédentes, du moins une partie, que les mame-
lens de ces houppes. La proximité du genre des bacchantes
& des conifes me fait penfer que la vingtième conife de:
M. Vaillant eft aufli une bacchante: cette plante eft le fonouri.
de Flacourt; jy ai vü quelques filets & quelques houppes;'
dont la rareté ne venoïit, à ce que je crois, que de ce qu'elle
en avoit perdu la plus grande partie. La petite jacobée-d’A--
frique qui s'élève en arbriffeau, qui a des feuilles d’axrone ou
de pale - pierre, eft encore de ce genre, peut-être même:
- meft-elle qu'une variété de celle des plantes précédentes qui.
a des feuilles pareilles, & n'en diflère-t-elle que par a.
grandeur : fes: houppes font très-1bondantes, les feuilles & les.
tiges en font comme cendrées; leurs filets ont quelque chofe:
deroïde, & font en aufli grand nombre que ceux des autres.
elpèces.. É
I ne me refte plus à parler que de la première & de fa
fixième efpèce pour avoir rapporté ce que j'ai vû dans toutes.
celles de ce genre; ces deux-ci me paroïflent non feule-
> ment être bien diftinétes des autres, mais encore n'être-pas du:
même genre ; l'une, qui eft le graphalium maritime, n’a que:
du duvet fur fes feuilles, fes tiges & fes calices, de façon.
qu'elle en eft aufli drapée que le plus velu des autres grapha-
lium ; ce duvet étant ôté, on aperçoit des glandes globulaires : -
l'autre, qui eft la bacchante d'Egypte à feuilles de feneçon..
a-de longs filets à valvule à la place du duvet, & je n'y ai pas:
trouvé de glandes globulaires, Celle-ci feroit donc, à ce que:
Fff ü,
Santolinoïdes,
‘Santolinoïde.
Chryfocome ,
Coma aurea,
414 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
je crois, mieux rangée avec les coma aurea, & Yautre avec
les gnaphalium.
Quant aux fantolines, elles m'ont paru affez femblables les
unes aux autres par rapport aux glandes : c'eft à peu près la
mème chofe dans toutes; un peu plus ou un peu moins de
glandes globulaires d'un beau jaune d'or, & du duvet blanc
qui en fort peut-être, voilà tout ce que j'ai remarqué de
différent dans lune ou l'autre de toutes les efpèces rapportées
dans le Mémoire de M. Vaillant, & dans celle que M. Boer-
haave défigne par la blancheur de fes parties & par fon odeur
de camomille. »
Le nom de fantolinoïde que M. Vaillant a donné à un
des nouveaux genres qu'il a faits, & que M. Linnæus a con-
fervé, défignant f'affinité qu'il y a entre ces deux genres,
jai cru devoir parler ici de ce dernier, d'autant plus que le
nombre des efpèces qu'il renferme n'eft pas grand : elles fe
réduifent à quatre; lune, qui eft la camomille des Alpes à
feuilles de verd de mer & comme argentées, & à fleurs jaunes
fans demi-fleurons, n'a paru avoir du duvet, des glandes
d'un foufre doré fur les feuilles & les tiges; la fantolinoïde
vivace à feuilles de camomille & à tige rameule, la petite
cotule de Crète à feuilles de camomille, & dont la tête eft
penchée, ne n'ont paru en différer que parce que les glandes
n'y font pas bien apparentes; elles le font encore moins dans
la cotule à fleurs jaunes & fans demi-fleurons, mais celle-ci
eft chargée d'un grand nombre de filets grèles & droits fur
les parties femblables à celles des plantes précédentes.
J'ai dit, en parlant des bacchantes , que quelques-unes ont
porté le nom de coma aurea, aïinfi ne fera pas mal de
placer ici ce que j'ai remarqué dans ces plantes, on pourra
par là les comparer plus aïfément. Je n'y aï point trouvé de
houppes, mais feulement les filets les plus communs de cette
clafle, & ordinairement des glandes globulaires d’une couleur
de foufre doré. Les filets font extrêmement courts dans lef
pèce qui a été appelée par M. de Tournefort, conife à feuilles
de linaire: celle d'Afrique qui s'élève en arbrifleau, & qui
DES SCIENCES. 415$
a des feuilles de romarin, m'a paru life; la plante appelée
par Commelin petit coma aurea d'Afrique, qui s'élève .en
arbriffeau , qui a les feuilles étroites & femblables à celles de
la linaire, eft hériffée d'un grand nombre de filets roides &
blancs; l'efpèce que l'en appelle communément eftragon du
Cap, ou coma aurea qui s'élève en arbrifleau, qui ales feuilles
d'un verd de mer, divifées en plufeurs digitations, odorantes
& épaifles, en a qui font argentés, longs & en grande quan-
tité. Les trois premières de ces plantes font les trois efpèces
de coma aurea du Jardin de Clifort; la dernière eft démontrée
au Jardin Royal fous la dénomination que j'ai rapportée.
Je finirai ici la première partie de ce Mémoire, c'eft-à-
dire, celle qui renferme les genres que l'on pourroit rétablir;
je commencerai la. feconde, c'eft-à-dire, celle où je parlerai
des genres nouveaux que lon pourroit faire, par détailler ce
que j'ai obfervé fur un grand nombre de plantes, entre lef-
quelles il y en a quatre qui, femblables aux autres d'un côté,
en diffèrent par un autre. Il eft vrai que cette différence
pourra paroïtre bien petite, & j'avouerai qu'elle me le paroît
auffi à moi-même; cependant je ne puis la pafler fous filence,
_€e fera aux Botaniftes à décider de quel poids elle pourra être.
Ces quatre plantes font des efpèces d’Aehchryfum ou immor-
telles ; comme toutes les autres que j'ai examinées, elles {ont
plus ou moins couvertes d'un duvet blanc; elles ont outre
cela , & voilà le côté différent, elles ont, dis-je, fur quelques-
unes de leurs parties, des glandes à cupule ronde, & ordi-
nairement d'un jaune doré. Jen ai remarqué fur le bas des
tiges dans limmortelle de Sicile à feuilles verdâtres de l'un
& de l'autre côté, & qui n'a qu'une fleur au bout de chaque
pédicule. Le deflous des feuilles du graphalium de Portueal
à tête argentée en eft garni, elles y font très-bafles ; lim
mortelle à larges feuilles, qui eft droite & qui a les fleurs
ramafiées par bouquet, m'en a fait voir fur le defius & le
deflous des feuilles; elles ont la cupule d'un foufre verditre.
Aucune de ces trois n’en eft fr bien fournie que l’immor-
telle d'Afrique qui fent mauvais & qui a de très-grandes.
Helychryfinrs.
Immortelle,
L1
Fckchryfoides,
Helichryfoïde,
416 MÉMOÏRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
feuilles ; on en trouve fur le deffus de ces parties & für des
tiges : il fort de ces glandes une liqueur vilqueufe, fur-tout
de celles de la dernière. Je ne fais fi limmortelle d'Orient qui,
füivant M. de Tournefort, eft glutineufe, & qui a des feuilles
de lavande, jette une liqueur femblable à celle des plantes
dont je viens de parler: je n'y aï point vü de glandes à cupule,
ni rien qui pût me faire connoître cette glu, pas même les
glandes globulaires dorées que j'ai obfervées dans la troifième
des précédentes, & dans celle d'Afrique à umbelle, qui eft
jaune & odorante, où ellés étoient en bon nombre, & d'une
couleur de foufre rougeitre.
Toutes les autres efpèces font plus ou moins drapées de
duvet; de cinquante-une efpèces rapportées dans le Mémoire de
M. Vaillant, iln'y en a que onze que je n’aie pas vües, favoir,
les 3,112, 13,466, 24h03 018 6420 Mme
duvet recouvre ordinairement les tiges & les feuilles, fur-tout
en deflous ; les têtes font communément liffes, mais e!les font
couvertes de bourre dans la 29.8, qui eft l'immortelle blanche,
cetonneufe & à feuilles arrondies, & dans li 47e, qui eft
appelée par M. de Tournefort flago des Alpes à têtes garnies
de feuilles. Les immortelles 48 & 49 en ont aufli fur ces
mèmes parties ; lune eft le gnaphalium des Alpes à grandes
fleurs & à petites feuilles, & l'autre eft celui à larges feuilles qui
vienten Ethiopie, qui a la fleur couleur de role & les calices
épineux, c'elt-à-dire que leur bout fupérieur eft un peu
roïde : le duvet eft communément d'un aflez beau blanc: 4
étoit fauve dans le graphalium d'Afrique qui n'a pas d’odeur,
& dont les fleurs font blancheïtres. Le plus grand nombre
des immortelles citées dans le Mémoire de M. Vaïllant, font
de celles des Anflituts; plufieurs de ce dernier Ouvrage ont
été placées par M. Vaillant fous d’autres genres: j'en parlerai
lorfqu'il s'agira de ces genrés.
Ce même Auteur en a formé un nouveau qu'il a appelé
helichryfoide, que M. Linnœæus a réuni aux immortelles. J'ai
và les trois efpèces dont le genre de M. Vaillant eft com-
pofé; la feconde, qui reflemble au tamaris, qui Pers fes
eurs
d
ar
DM SAS ,C L'E :N: CRE 417
fleurs au haut des rameaux, & la troifième qui a fes fleurs
difpofées de même, les feuilles femblables à celles du genièvre,
en grand nombre, & recourbées en crochet, font celles qui
m'ont paru avoir le moins de duvet ; il y en a un peu {ur les
feuilles & les tiges : la première, qui a le port de tamaris &
fes fleurs en épi, l'abrotanoïde d'Afrique à feuilles très-petites
& très-courtes, & qui porte aufli fes fleurs en épi ou ra-
maffées en boule au haut de fes branches, en font beaucoup
plus couvertes, la première fur-tout, fes feuilles, fes tiges,
fes têtes à fleurs en font drapées. M. Linnæus l'a reportée au
nombre des abfynthes, où M. de Tournefort l'avoit placée:
la quantité de fon duvet la rapproche beaucoup des abfynthes,
qui en font ordinairement toutes blanches ; mais indépendam-
ment du caraétère établi par M. Vaillant, cette plante, fr
femblable aux autres hélichryfoïdes par fes feuilles étroites,
renverfées, qui reflemblent à celles des genièvres ou des
bruyères, & qui, outre le duvet, ont encore un argenté qui
leur eft propre, lequel ne vient point de ce duvet ni de quel-
qu'autre matière qui en tranfpire, me fait penfer que fi le
genre d'hélichryfoïde doit fubffter, elle en. eft réellement
une efpèce. L’immortelle d'Afrique qui s'élève en arbriffeau
&. qui a des feuilles de «ris, pourroit bien en être auffi une .
autre; elle refflemble beaucoup à celle-ci par fes feuilles &
fon duvet.
… Ces propriétés ne feront pas fans doute admifes par les
Botaniftes qui ne veulent avoir que des caractères tirés des
parties de la fleur, & ils ne feront aucune difficulté de réu-
nir. ces plantes aux immortelles, d’autant plus qu’elles ont
comme elles du duvet, qui ne differe que par la quantité. Sur
ces principes ; qui font réellement les plus fürs, il faudra,
auffi y laifler les f/ago ou. herbes à coton, & les graphalium
ou fraifces, que M. Linnæus y a réunis; je n'y ai rien ob-
fervé, qui fût contraire à ce fentiment. J'ai examiné toutes
les herbes à coton du Mémoire de M. Vaillant, excepté la
2, & la 6 ; elles m'ont paru toutes couvertes de duvet, même
fur les têtes à fleurs, ce qui a probablement donné ocçcafion
Mëm. 1749: ": . Geg
Filago,
Herbe à
coton.
Gnaplalium,
Fraifée.
Helianthemun ,
Hélianthème,
Ciflus, Çilte.
418 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE RoYALeE
aux noms françois & latin qu'elles portent, ce duvet étant
une efpèce de coton, dont il feroit poffible de faire un fil
qui approcheroit beaucoup de celui de coton, & ces plantes
étant déjà connues pour fort bien fervir dans les lampes à
la place du coton ordinaire. Je n'ai vû que la première & Ja
feconde elpèce de graphalium du Mémoire de M. Väillant,
mais j'en ai trouvé une ‘autre dans fon Herbier, qui y eft
appelée fraifée couchée fur terre, cotonneufe & à feuilles
très-étroites : elles étoient aufit drapées de bourre ou de
duvet que les herbes à coton , & différoient peu entre.
elles,
La propriété d’avoir du duvet & d'être privés de filets
à valvule, convient donc à tous les genres que M. Linnæus
a réunis fous celui de gnaphalium ; & fi cette grande unifor-
inité doit engager à les y laïfler, celle d’avoir des glandes à
cupule me paroïît demander qu'on en fépare les plantes où
élles ont été obfervées, & peut-être qu'on y joigne celles
qui ont des glandes globulaires, pourvü cependant que ces
dernières glandes ne foient pas communes à toutes; je ne les aï
rencontrées que dans les plantes dont j'ai parlé, il y a peut-
être des circonflances où elles paroiffent dans les autres.
Il n’eft pas moins général aux plantes dont je vais parler,
d'avoir des houppes prefque fur toutes leurs parties, qu'il ne
left aux plantes précédentes d'avoir du duvet; mais comme
dans le grand nombre de celles-ci, il s'en eft trouvé quelques-
unes qui fe diftinguent des autres par des glandes à cupule,
il y en a aufi parmi les hélianthèmes dont il va être que£
tion , qui different des autres par de femblables cupules. Les
immortelles à cupules ne manquent pas de duvet, &parfà
elles fe rapprochent des autres ; nrais les hélianthèmés qui font
garnis de ces glandes , font entièrenient privés des houppes
qui font fi abondantes dans les autres. mt
Les hélianthèmes qui manquent de houppes & qui ont les
glandes à cupule font l'hélianthème à petites feuilles lifles,
à fleurs jaunes, & qui s'étend für terre : il y a des filets courts
& coniques fur toutes les parties, excepté les pétales, les
DT ESS IC 1 E N'C/EÈS 419
étamines & les piftilles; les plus longs s’obfervent fur le bord
des calices, où ils font portés par un mamelon conique &
pourpre. Ceci eft tiré de ce que j'ai rapporté à l'article de
cette plante dans fe Catalogue de celles des environs d'E£
tampes; je n'y ai point parlé des glandes à cupule, je ne les
avois pas obfervées alors ; mais les ayant vües depuis bjen
diftinétement dans d’autres efpèces, J'ai été mis fur la voie
pour les trouver dans celle-ci, & je crois en avoir réelle-
mnt remarqué parmi les autres filets. Une de celles où je
les aie le mieux diflinguées, eft l'hélianthème à feuilles blan-
ches femblables à celles du thym ; elles y étoient en grande
quantité, méêlées avec des filets femblables à ceux du pré-
cédent: ils font plus petits que les glandes à cupule, qui
font d'une moyenne grandeur, & qui ont la cupule pourpre.
Celui de Marleille à feuilles de coris m'a paru life, excepté
fur les calices & le haut des tiges où il y avoit des cupules
pourpres en grand nombre. Je n'ai point trouvé ces glandes
fur un pied de cette plante cultivée dans le Jardin du Roi,
il m'a paru entièrement lifle, la louppe m'y fit feulement
apercevoir une fleur blanche répandue fur les feuilles. L'e£
pèce qui vient fur les rochers, qui a auffi des feuilles de
coris liffes & plus oblongues que dans l'autre, & dont le haut
des tiges eft velu, fuivant la dénomination de Micheli rap-
portée dans le Catalogue des plantes de Rome & de Naples ;
cette efpèce, dis-je, n'a effectivement paru lifle, excepté fur
les calices & les fruits, où j'ai remarqué des filets de diffé-
rentes grandeurs, les plus longs font à cupule; ceux du haut
des tiges, dont il eft parlé dans la phrafe de Micheli, étoient
probablement tombés. La plante fuivante eft peut-être quel-
quefois dans le même cas: cette plante eft l'hélianthème à
petites feuilies lifles, à fleurs jaunes & qui fe tient droit ;
je n'en ai vû que fur les calices, le bord des feuilles avoit
des filets fimples très- courts. M. Vaillant avoit placé cette
plante dans li même feuille que celle qui, fuivant Barrelier,
eft peut-être le grand hélianthème à feuille de thym & à
fleurs jaunes : celle-ci a des glandes à cupule fur le haut des
Gggi
420 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
tiges & fur les calices en grande quantité, ainfi que fur les
feuilles où cette quantité eft moins confidérable : cette plante
peut ainfi fe trouver dans différens états par rapport aux glandes
à cupule. Ce n'eft pas fur le nombre de ces glandes que je
fuis refté indécis dans efpèce qui a des feuilles de thym, qui
eft velue, qui à la fleur june & un gros fruit, rapportée par
Micheli dans Ouvrage cité ci-deflus, mais c'eft fur lexif-
tence des houppes. M. Vaillant paroit croire que cette plante
eft l'hélianthème de Crète à feuilles de linaire & à fleur'de
couleur de fafran, fuivant la dénomination de cette plante,
donnée dans le Corollaire des Inftituts par M. de Tournefort,
Ces plantes n'ont paru fe reffembler parfaitement, les jeunes
feuilles de la dernière cependant font blanches en deflous
de filets parmi lefquels je crois avoir obfervé une houppe;
fi cela étoit, je la croirois différente de autre où j'ai trouvé
fur toutes les parties, excepté fur les pétales & les étamines,
un grand nombre de filets plus ou moins longs qui mepa-
roïflent à cupule ; fi au contraire cette plante manquoit de
houppes , elle pourroit être à la rigueur la même plante,
quoique je n'y aie pas trouvé de glandes à à cupule, ces glandes
pouvant alors être tombées.
Il refle, je l'avoue, quelque doute fur les obfervations que
je viens de détailler, je crois cependant qu'on peut en con-
clurre que les plantes qui en font Fobjet n'ont pas de houppes,
excepté peut-être la dernière, & qu'ainfi elles peuvent être
féparées des fuivantes qui en ont toutes, mais point de
glandes à cupule,
Ces houppes ne font pas les mêmes dans toutes les efpè-
ces; elles font à filets bien diftinéts & bien féparés les
uns des autres dans le plus grand nombre, mis ils le
font très-peu dans quelques autres; ces houppes y forment
pluftôt des plaques flriées, femblables à celles dont jai
déjà parlé plufieurs fois dans les Mémoires précédens. Les
plantes où lon rencontre de ces plaques, fe reflemblent
encore par la forme des feuilles; [a plûüpart ont été appelées
hélianthèmes à feuilles d’halime ou de pourpier de mer. De
D'EISUSLE 1 E Ne ENS 421,
toutes Îes efpèces qui font rapportées dans les Inflituts fous
un & l'autre de ces noms, il n'y a que celles de Portugal
& d’Efpagne à très-grandes feuilles blanches & nerveufes,
où j'aie vû des houppes à filets féparés ; toutes les autres ont
de ces plaques fur l'une & l'autre furface des feuilles &cwüur
les tiges : celles qui font placées fur les groffes nervures des
feuilles ou des tiges’, font portées fur un mamelon d’un
jaune foufré & plus gros que ceux des autres; les fruits en
ont de femblables dans quelques efpèces ; elles y font plus
régulières dans quelques autres. J'ai vü de ces dernières fur
les fruits de celle qui a des feuilles obtufes & moins longues
que dans quelques efpèces. Les fruits de celle qui a les
feuilles échancrées & larges, font couverts de plaques fembla-
bles à celles des autres parties : ces houppes imparfaites font
toûjours d’un bel argenté, ce qui fait paroïtre ces plantes, à
Ja vûe fimple, plus ou moins blanches, fuivant la quantité
de ces houppes , qui n’eft pas beaucoup diflérente dans tou-
tes. On n'obferve ordinairement dans ces plantes que lune
ou l'autre efpèce de ces houppes, mais quelques-unes ont
auffi, en petit nombre cependant, des filets coniques fim-
ples: j'en ai vû de femblables fur les côtes des fruits du
petit hélianthème à feuilles de pourpier marin aroentées : le
fecond cifte à feuilles d’halime, rapporté par Clufius, en por-
toit de deux efpèces, de très-longs qui étoient blancs, &
d’autres moins longs & pourpres, fur les calices & les pédi-
cules. Le fruit de l'efpèce qui vient en Efpagne & qui a
les feuilles étroites, étoit chargé des uns & des autres,
& les pourpres étoient les plus communs. Ces différences
font petites, & ne doivent étre regardées que comme
peu effentielles ; peut-être même que qui verroit les autres
efpèces avant qu'elles fuffent defféchées, y trouveroit ces
filets ; pour les houppes, elles ne manquent jamais. Outre
toutes ces plantes, J'ai encore vû celle d'Italie à feuilles
d'halime & à grandes fleurs jaunes, qui eft rapportée dans
FOuvrage de Barrelier; j'y ai remarqué les mêmes chofes
que j'ai vües dans celle à feuilles de pourpier de mer.
Gegiÿ
422 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Les efpèces qui m'ont paru approcher le plus des précé-
dentes par les houppes, font celles qui viennent en Por-
tugal, qui ont les feuilles femblables à celles du polium,
& plus ou moins larges, & celle qui vient auffi en Por-
tugal, qui reflemble par fes feuilles à la marjolaine, & qui
a une fleur jaune, marquée d’une grande tache pourpre. Leurs
houppes font petites, à petits filets. argentés : c’eft encore
par ces houppes argentées que l'efpèce qui a les feuilles de
marum & blanches, les bouquets de fleurs très-velus, &
ui vient auffi en Portugal, fe rapproche de celles qui ont
les feuilles d'halime; mais elle eft diftinguée des précédentes
& de toutes les autres, par de gros filets qui paroiflent être
des glandes à cupule, qui font mélées avec d’autres filets
coniques blancs, mais fimples, fur le haut des tiges, le
deffous des feuilles & les calices. Les autres efpèces man-
quent de ces fortes de cupules, mais elles ont les filets
fimples, & fur l'une ou l'autre de ces parties. ‘
Les houppes des hélianthèmes dont je viens de parler,
font compolées de plus de dix ou douze filets; les plaques
mème, f1 elles fe divifoient en autant de filets qu'elles ont
de flries, formeroient des houppes compolées au moins
d'autant de filets; mais il y a des efpèces où l’on n'en voit
guère que 3, 4, 5 aifés à diflinguer de ceux qui forment
les autres houppes par leur longueur, qui eft bien plus
confidérable. Les hélianthèmes de Portugal à feuilles de
plantain , de Duplevrum où de globulaire, celui de Crète qui
a aufli des feuilles de plantain, celui à feuilles de ronurin,
reluifantes en deffus & blanches en deflous, & celui dont
les feuilles font petites & qui reflemblent à celles de la pilo-
felle, en ont de femblables : elles font en petit nombre dans
toutes, mais il y a une aflez grande quantité de filets fm-
ples & coniques. Il en eft à peu près de même dans l'efpècé
qui a les fleurs marquées d’une tache pourpre; celle dont
les feuilles font femblables aux feuilles du ferpolet, qui a
une grande fleur odorante & d’un jaune d'or, lui reflemble
beaucoup de ce côté. Quelques autres qu'il eft inutile de
—
D ENSNUS"C 1 EN C #8 423
citer, en approchent auffi : il fuffra de dire qu'ayant vû
toutes les efpèces rapportées dans les Inftituts & leur Corol-
laire, celles-ci font du nombre, qu'elles ont des houppes, &
fouvent des filets fimples plus ou moins grands.
Ces hélianthèmes des Inftituts & du Corollaire ne font
pas les feuls que j'aie examinés, j'en ai encore vû un de
Raï, un de Micheli, un de Lippi, quatre de Barrelier, &
trois qui font démontrés au Jardin du Roi, & qui viennent
d'Egypte. Celui de Raï eft le petit cifte des montagnes à
feuilles de polum & qui eft d'Angleterre ; fes houppes
font petites, blanches, très -abondantes, & je n'y en ai vû
que de telles. Celui de Micheli avoit des filets fur les
grofles nervures des tiges & des calices, & les houppes de
la précédente : Micheli Fapplle hélianthème des Alpes qui
eft droit, blanc, à fleur jaune, & qui ne diffère de f’or-
dinaire que parce qu'il eft plus grand. Celui de Lippi reflem-
ble à l'efpèce citée par Raï, il s'appelle hélianthème d'Egypte
à feuilles de thym & à racine rouge. Les quatre de Barre-
. Jier font le cifte-ledon à feuilles de marjolaine, celui qui a
des feuilles velues, reflemblantes à celles de ferpolet, qui a
une fleur pâle & quiseft d'Italie ; le jaune à feuilles de thym,
mais plus dures que dans d’autres efpèces qui ont de fem-
blables feuilles; & celui qui s'étend fur terre, qui a les feuilles
velues, & qui conviennent par la figure: avec celles de
Yhyfope. Ces quatre efpèces ne diffèrent entre elles que par
le plus ou le moins de houppes & de filets fimples : les
trois du Jardin Royal font dans le même cas; on les a dé-
nommés, l'un hélianthème à feuilles étroites & à fruit en
veflie ; le fecond, hélianthème rameux, qui a une petite fleur;
le troïfième à été défigné par la largeur de fes feuilles
& par fes femences de couleur de chair : ils font annuels tous
trois.
La réunion que M. Limæus a faite des hélianfhèmes avec
les cifles, demande fans doute que je parle ici de ces derniers.
J'ai déjà dit dans un autre Mémoire, à l’occafion du nouveau
genre que M. Linneus a établi, & qu'il appelle-k4r, que
Ciflus, Cifes
LL
424 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
tous les ciftes que j'avois examinés étoient garnis de houppes;
Jeurs parties en font autant drapées pour le moins que dans
les hélianthèmes, &, de même que dans ces derniers, toutes
les parties, excepté les pétales & les étamines, le font ordi-
nairement, fur-tout dans les efpèces qui ne jettent pas de
cette matière vifqueufe & gluante que lon a appelée /ab-
danum. Cette différence fournit naturellement une divifion
our ces plantes; je l’admettrai du moins, & je parlerai
d'abord des. efpèces qui ont cette propriété. L'efpèce fa plus
connue, & qui left depuis long-temps, puifqu'elle l'étoit
du temps de Diofcoride , & même, felon M. de Tournefort,
dé celui d'Hérodote, eft celle que M. de Tournefort appelle
cifte Zabdanifère à fleurs pourpres, & qui vient en Crète. Cet.
habilé Botanifte dit à la page 90 du tome [ de fon voyage
dans le Levant, que « le Zbdanum tranfude au travers de Îa
tiflure de fes feuilles, comme une fueur grafle, dont les
gouttes font luifantes & aufi claires que la thérébenitine »
J'ai obfervé une glu femblable fur les feuilles de plufieurs
autres efpèces; elle ne n'a pas paru fortir des furfaces mêmes,
mais de gros mamelons élevés qui font, à ce que je crois,
la fonction des glandes à cupule de quelques autres efpèces
qui jettent une pareilie liqueur. J'ai trouvé de ces cupules
fur les tiges de celui de Crète, je crois qu'elles donnent
auff de la glu, & que c'eft peut-être celle dont M. de
Tournefort parle, quoiqu'il pût cependant fe faire, qu'il en
tranfudèt auffi des furfaces mêmes des feuilles ou des tiges;
le poids de deux ou trois livres qu'un homme peut en ra-
mafler par jour, femble l'indiquer. Ces glandes fe trouvent
auffi fur les tiges, le bord des calices & les fruits du cifte-
ledon de Galpard Bauhin, & fur les grofles nervures du
deffous des feuilles du cifte femelle à feuilles de fauge, qui
s'élève & qui porte {es tiges auffi élevées & droites. M. de
Tournefort penfe que le cifle-ledon à larges feuilles, qui
vient dans l'ifle de Crète, & qui eft décrit par Jean Bauhin,
eft différent de celui de cette ifle fur lequel on ramañfe le
labdanum. Je n'ai pas trouvé de glandes à cupule dans ce
; dernier;
se
| DES SCIENCES 425.
dernier, mais il m'a paru qu’il fuintoit du defus des feuilles,
&, je crois, des mamelons, une liqueur vifqueufe. Le deffus
dés feuilles & les tiges donnent encore une femblable
matière , qui fort aufli de pareils mamelons, dans les ciftes
labdanifères d'Efpagne à feuilles de faule, & à fleur fimple-
ment blanche ou marquée d’une belle tache pourpre: Il en
eft de même par rapport au cifte-ledon à grandes ou petites
feuilles de peuplier noir ou de laurier; celui-ci net, fui-
vant M. Linnæus, qu'une variété de ceux d’Efpagne à feuilles
de faule. Le cifte labdanifère de Montpellier donne réellement
aufli de cette matière, & elle fort de parties femblables à
celles des æfpèces précédentes : celui de Florence, cité par
Micheli, doit en donner aufli ; & quoique je n’y en aie pas
vü , je ne doute pas qu'il n’y ait un temps pendant lequel cette
plante en laifle échapper, puifque Micheli lui a donné le nom
de labdanifère. L'Herbier de M. Vaillant renferme deux ciftes;
un fous le nom de cifte-ledon d’'Efpagne à feuilles de roma-
rin, blanches en deflous, à fleurs de Ja même couleur &
comme difpofées en umbelle : M. Vaillant penfe que c'eft
le cifte labdanifère à feuilles étroites de Gafpar Bauhin, & il
le cite comme rapporté par M. de Tournefort, quoiqu'il
ne foit pas dans fés ouvrages imprimés; l'autre eft appelé
cifle-ledon des bords de la mer de Béotie, à feuilles de ro-
marin & blanches des deux côtés. J'ai fenti au toucher que
le premier étoit gluant, & qu'il avoit fur fes feuilles une ma-
tière blanche & farineufe qui me parut être le {1bdanum deffé-
ché; cette matière n’eft pas feulement en farine dans celui de
Béotie, mais elle forme fouvent des plaques plus ou moins
grandes, qui fe font réduites en petits grains fur les anciennes
feuilles. Je n'ai point vû de cette matière fur le cifteledon
à feuilles étroites de Gafpar Bauhin, que M. Vaillant penfe
être le premier, ni fur ceux à feuilles de romarin velues ou
non velues, qui font des Inftituts; ces plantes feroient-elles
donc des efpèces différentes? elles m'ont paru fe reflembler
toutes beaucoup, & la différence d’avoir ou de ne point avoir
de réfine, n’éft peut-être qu'un accident qui peut, comme il
Mém, 4174. 9 . h
e
426 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
le paroïit, venir d'une tranfpiration plus ou moins abon-
dante. J'ai attendu à parler d'un hélianthème qui donne de
la réfine, que j'eufle rapporté ce que j'avois vû fur les cifles,.
cet hélianthème étant le feul où j'en euffe trouvé; les feuilles,
les tiges & les calices en laiffent fuinter une qui eft jaune:
ceite efpèce a les feuilles blanches en deflous, & femblables
à celles du petit myrte; elle eft du nombre de celles qui
ont des houppes.
Il n'y a point, comme je l'ai dit plus haut, de diftinc-
tion entre les ciftes par rapport à ces houppes, f1 ce n’eft
qu'ils en ont feulement plus où moins. Les efpèces qui don-
nent une réfine fenfble, en font le moins chargées, fur-
tout en deffus des feuilles & fur les tiges ; elles en laiffent voir
cependant quelques-unes, ce qui fait que l'on peut dire en
général que toutes les efpèces en font garnies fur toutes leurs
parties, excepté les pétales &c les étamines. Ces houppes font
ordinairement blanches, compolées de plus de dix où douze
petits filets, &, comme dans les hélianthèmes, horizontaux,
c'eft-à-dire qu'ils font prefque appliqués fur la furface des
parties qui en font couvertes ; celles qui font fur les côtes
ou nervures principales des feuilles où des tiges, les portent
cependant droits & élevés : elles n’ont ordinairement que de
ces filets, mais j'en ai vû fortir un beaucoup plus long & qui
étoit droit, du milieu de ces petits, dans le cifte femelle, qui
n'eft point couché fur terre, & dont les branches font éle-
vées. On obferve encore ordinairement parmi les houppes,
des filets coniques fimples comme dans les hélianthèmes ; cés
filets font auffr plus longs que ceux des houppes, & ils font
communément placés fur les côtes ou principales nervures
des tiges ou des feuilles. |
Excepté Ie cifte mâle de Portugal à feuilles très-grandes &c
blanches, & les deux efpèces à feuilles de fauge dont je n'ai pas
parlé, j'ai v toutes les autres des Inflituts & du Corollaire,
dans la fuppofition cependant que celui à feuilles d'olivier,
que je n'ai pas vü, n'eft qu'une variété du cifte labdanifère de
Montpellier comme M. Liæus le prétendÿ & que celui
ml tete 6 dE D mé gt ii CR SR es éd
AR: TOR EAMBBNG TE N CE: MEN 427
‘d'Orient à grande fleur pourpre, & qui donne du labdanu,
que je n'ai pas aufli examiné, n'eft qu'une variété du labda-
nifère de Crète. Outre ces efpèces, J'ai encore vû le cifte
femelle à feuilles de fauge, qui n'eft, felon M. Linnæus,
qu'une variété de celui qui eft droit & qui porte fes tiges
élevées, & le grand cifte à larges feuilles blanches, remar-
quables par trois groffes nervures, dont les fleurs font pour-
pres, qui vient dans l'ifle Pico, & qui eff cité dans Ÿ Afma-
gefte de Plukenet : ces deux plantes font autant garnies de
flets coniques & de houppes que toutes les autres, & en
diffèrent ainfi très-peu de ce côté.
M. Vaillant avoit beaucoup travaillé à former de nou-
veaux genres, dont il avoit tiré les efpèces d’entre les grandes
“centaurées , les jacées, les bluets ou les chardons, & je crois
que €ès genres ne peuvent que jeter beaucoup de clarté, &
donner beaucoup de facilité pour défigner, fans de grandes
dénominations , les efpèces de ces genres. M. Linnæus a né-
gligé toutes les différences {ur lefquelles M. Vaillant avoit
établi fes nouveaux genres, & il a ainfi réuni fous un {eul,
qu'il appelle centaurea , les grandes centaurées de M. de T'our-
_nefort, dont une partie forme les rhapontics & les rhapon-
ticoïdes de M. Vaillant; les jacées de ces deux Auteurs, les.
bluets du dernier, & ceux de M. de Tournefort, dont quel-
ques-uns font des ambrettes de M. Vaillant; les chaufle-trappes
de celui-ci, fes chardons étoilés ou calcitrapoïdes, & {es cro-
codilium En réuniflant toutes ces plantes, M. Linnæus a
cependant établi un nouveau genre, qu’il a appelé /érratula,
farrette, dont les efpèces font tirées principalement d'entre
les rhaponticoïdes de M. Vaillant. Je crois ce genre jufte-
ment formé, & je penfe même qu'il fant encore en faire un
nouveau, dont les efpèces font auffi des rhaponticoïdes, fui-
want M. Vaillant. j :
-« Comme les propriétés fur lefquelles: ce dernier Auteur
_ établifloit ces genres, font principalement tirées des:poils, des
_“aigrettes de poils fimples ouen plumes qui font portées par
les ovaires, ou des épines que je regarde comm :des poils
Hhh ij
Centaurium
majus,
Grande cen-
taurée.
Jacea, Jacée.
Cyamus,
Bluet.
Calcitrapa ,
Chauffe-trappe
Calcitrapoïdes,
Calcitrapoïde,
Rhaponticum ,
Rhapontic.
Rhaponticoïdes,
Rhaponticoïde;
Armberboi,
Ambrette.
Crocodilium,
Serratula ,
Sarrette.
ÿ
M
s
ÿ
y
ÿ
428 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
durcis, & que ces diflérences font dans les principes que j'ai
tâché d'établir, j'ai cru les devoir rappeler ici. « Le crocodilium
a fes ovaires velus, couronnés de plumes, & placés entre
les poils du placenta; le pureau des écailles eft becqué d’un
fimple piquant, & bordé d'une pellicule ou feuillet fatiné,
Les ovaires des chauffe-trappes font liffes, à tête nue ou cou-
ronnée de poils, & nichés entre ceux dont le placenta eft
hérifié ; les écailles des calices ont à leur bout un piquant en-
denté ou bordé de cils, & terminé par un fimple piquant,
ou armé de plufieurs piquans, dont celui du milieu eft plus
fort & plus long. Les calcitrapoïdes ne diffèrent des chauffe-
trappes qu'en ce que le pureau des écailles de fon calice eft
terminé par plufieurs aiguïllons difpofés en rayons, lefquels
forment conjointement comme un demi-cercle ou une
main ouverte. Les rhaponties ont les ovaires à tête lue ou
couronnée de poils ou de plumes; le placenta eft velu, les
écailles font bordées d’une pellicule ou feuillet fatiné qui fe
découpe fouvent. Les rhaponticoïdes ont les ovaires cou-
ronnés de poils; le placenta eft velu, le pureau des écailles
finit dans quelques-unes par une languette mollafle, fans dé-
coupures. Les ovaires des ambrettes font velus, à tête nue dans
quelques elpèces, couronnés à l'antique dans quelques autres,
& nichés entre les poils du placenta; le pureau des écailles
eft entier, ou il finit par une languette mollaffe & entière,
Dans les jacées, les ovaires font à tête nue ou à tête cou-
ronnée de poils, & nichés entre ceux du placenta; le pu-
reau des écailles eft bordé de cils, ou orné d’un panache:
il eft fec & frangé dans quelques autres ; d'autres n'ont point
cette partie, mais des becs plats, pointus & finement endentés.
Ces parties font femblabies dans le bluet; les ovaires de quel-
ques efpèces font couronnés de plumes, mais ils different des
jacées par les fleurons ».
Si fon compare maintenant ces obfervations les unes
avec les autres, on voit que le placenta eft velu dans tous
les genres, que les ovaires du crocodilium & des ambrettes le
font auffi, que ceux des chaufle-trappes & des chardons étoilés
DESVSCIENCES 429
font lifès , & probablement les autres, du moins M. Vait-
lant le laiffe à penfer par fon filence. II feroit à fouhaiter
ue cet Auteur eût déclaré pofitivement le fait, qu'il eût dit
auffi quelles font les efpèces de rhapontics & de rhaponti-
coïdes qui ont les ovaires nus où couronnés de poifs ou
de plumes ; il eft même étonnant qu'il ait gardé le filence 1à:
deflus, puifque cela pouvoit contribuer plus que toute autre
chofe à bien conftater fes genres, ou à en établir encore de
nouveaux: je n'ai pas pù lever ces doutes, mais j'ai vû tout
ce que M. Vaillant a dit fur le pureau des écailles des têtes
à fleurs, & je crois que des différences auffi confidérables
doivent entrer pour quelque chofe dans le caractère généri-
que, dans les jacées fur-tout, où les filets forment fouvent
avec le pureau de très-jolies plumes, qui par leur affemblage
font une efpèce d'ornement à ces têtes, J'ai de plus obfervé des
différences dans les filets de quelques genres, fur-tout dans
celui de la farrette, que M. Linnæus a fait, & dans les
plantes du nouveau que je propole.
+ Je commencerai par celui-ci, peut-être n’y a-t-il encore
qu'une plante de ce genre qui foit connue; c’eft Je vingt-
unième rhaponticoïde de M. Vaillant, ou la jacée annuelle
à fleurs pourpres, à feuilles découpées, & dont les décou-
pures ont leurs bords garnis de petites pointes. J'ai vû fur
de deffus des feuilles, vers le bord, des filets coniques, courts,
à valvules, & qui s'évafent par le haut en quatre, cinq,
fix petites lanières recourbées à peu près conume celles des
filets dont les fruits des cynogloffes font hériffés, chaque
découpure des feuilles finit par un filet roide & fimple :
lorfque les tiges font jeunes, elles font couvertes de filets
qui forment de petites houppes, & des goupillons; de plus,
de deffous des feuilles a des glandes globulaires affez groffes
& d’une couleur d'eau: je w’ai pas vü les houppes & les gou-
pillons dans celle qui ne diffère de la précédente que parce
qu'elle a les feuilles marquées de taches blanches, mais des
filets cryflallins fimples fur le haut des tiges; peut-être ne
font-ils que du duvet, ou, ce que j'aimerois mieux penfer,
Hhh ij
430 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
des houppes & des goupillons mal formés; je le croirois
d'autant plus volontiers que cette plante n’eft qu'une variété
de l'autre, & que ce qui la fait varier ne vient que des
taches blanches des feuilles que l'on ne doit regarder que
comme une efpèce de maladie; au refle, j'y ai trouvé
toutes les autres parties de la première , & des glandes
globulaires entre les nervures des tiges où elles font un peu
verdâtres.
Quoique la différence que j'ai obfervée dans le onzième
rhaponticoïde de M. Vaillant, ne foit pas auffi grande que
celle du genre précédent, je crois cependant que fi elle fe
trouve réunie à quelques autres des parties de la fleur , elle
pourra contribuer à établir encore un genre nouveau. J'ai
déjà obfervé que cette plante eft une de celles dont le pureau
des écailles finit par une languette molle & douce ; mais
elle a cela de fmgulier, qu'elle porte de gros mamelons alongés
fur les côtes des feuilles & des tiges : ces mamelons forment
par le bout fupérieur une cupule ronde affez groffe, & d'un
jaune fale ; je n'ai point obfervé dans toutes les plantes fui-
vantes de femblables glandes : la précédente convient bien avec
elles par le duvet blanc qui fuinte des têtes à fleurs & de
J'entre-deux des groffes nervures des tiges & des feuilles; mais
les mamelons de ces dernières ne font pas auffi élevés & n'y
forment pas des cupules, ils ont feulement la forme des
glandes plobulaires, très-gonflées cependant; ces plantes font le
rhaponticoïde à feuilles de chêne vert, fur lequel on trouve
f'infefte appelé kermès : fes mamelons ou glandes globulaires
font d'un rougeître foncé; ils font encore plus élevés, & ils
approchent plus de ceux de la première efpèce dans-le rha-
ponticoïde en arbrifieau à feuilles de caprier, relevées de trois
nervures, & qui vient dans les ifles d'Hyères : les tiges, les
feuilles & leurs pédicules en font chagrinés, les uns font
blancs, & les autres d'un foufre doré. Le bluet à longues
feuilles qui s'élève en arbre, & qui eft décrit par Profper
Alpin dans fon Ouvrage des plantes exotiques, eft placé
dans l'Herbier de M. Vaillant avec les rhaponticoïdes: cette
“
EN mSISNC 1 E N'CHENS 431
plante a du duvet fur les tiges, des mamelons où glandes
globulaires élevées, aflez grofles & d’un foufre doré; celles
des feuilles font noirâtres ou fans couleur déterminée, &
moins élevées que celles des tiges. J'ai remarqué de plus que
le pureau des écailles des têtes à fleurs ne s’alongeoit dans
toutes ces plantes qu'en une pointe courte & moufle, que
leurs ovaires portoient des aigrettes à plume, dont les bar-
billons étoient très-courts, & qui étoient ordinairement
blanches, mais d’un beau couleur de cerife foncé dans le petit
rhaponticoïde, dont les feuilles reflemblent à celles du caprier.
Dans le nombre des autres efpèces que j'ai examinées, les
unes ont des glandes globulaires , les autres n'ont paru n’en
point avoir ; peut-être que les unes pourroient être réunies
avec les précédentes , les autres en être féparées; celles qui
ont des glandes globulaires font les 12, 24, 25, 26, 28
efpèces ; les glandes font Verdâtres dans Ja 12, foufrées dans
les autres, & quelquefois avant que de prendre cette couleur
elles pañlent par celle d'un blanc de lait affez beau. J'ai vû
dé plus du duvet fur quelques-unes des parties de ces plantes,
les 24, 25, 26 en étoient blanches, la dernière en avoit
peu, 1 28 ne m'en a point fait voir; mais ces deux plantes
avoient des filets à valvule qui doivent, à ce que je crois,
en donner lorfque la plante eft fur pied, & peut-être que
le duvet des autres n'eft que le fupplément aux filets de
celle-ci : le pureau des écailles finit par une feule pointe douce
dans toutes, excepté dans la troifième, où il finit par deux
ou trois qui font petites.
Plufieurs des autres elpèces m'ont paru n'avoir que du duvet,
telles que font les 10, 13, 27, l'argyrocome du cap de Bonne-
efpérance à feuilles de thym, qui eft cité dans fe Mémoire
de 1718, à l'article des Immortelles, & le hameæpeuce de
Profper Alpin, qui eft dans l'Heïbier : toutes ces plantes ont
prefque toutes leurs parties drapées d'un duvet blanc & épais.
M. Vaillant a regardé comme des rhaponticoïdes une
patie des grandes centaurées de M. de Tournéfort, & de
Yautre il en a fait des rhapontics, auxquels il a joint quelques
432 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE
efpèces de jacées du même Auteur & de quelques autres.
Toutes les grandes centaurées ont beaucoup de rapport entre
elles ; j'en parlerai donc en même temps , & enfuite des
Jacées que M. Vaillant a placées fous le même genre. Les
grandes centaurées ont fur les feuilles & les tiges des filets
à valvule, d’où il fort un brin de fil blanc femblable au duvet
qui couvre plus ou moins les mêmes parties, qui ont encore
outre cela les glandes globulaires d’un beau couleur de foufre
doré pour l'ordinaire; excepté les deux dernières grandes cen-
taurées des Inftituts, & celle qui a de larges feuilles décou-
pées, & qui s'élève peu, j'ai vû toutes les autres des Inflituts,
& celles du Corollaire, en exceptant auffi la quatrième. Les
efpèces qui ont le plus de duvet, font celles que l'on a com-
parées au bouillon blanc, à l'artichaut ou à l'aulnée; celles
où il y a le plus de filets à valvule, l'ont été au pin, au
-pañlel ; celles qui font les plus lifles, ont les feuilles décou-
pées ; lorfque l'on preffe la tête, formée par l'affemblage des
fleurs de ces dernières, on en fait fortir une liqueur dlaire,
limpide & douce, qui reflemble aflez à une eau de miel
légère; elle eft fournie par les glandes globulaires du deffous
des écailles des têtes : ces glandes s'obfervent auffi fur les
feuilles & fur les tiges, elles y font ordinairement d’un beau
couleur de foufre doré: elles m'ont paru d'un beau blanc.
qui avoit quelque chofe de brillant, dans les deux efpèces à
feuilles d'aulnée ; elles font affez apparentes dans la plufpart,
mais je ne les ai point trouvé plus grofles & plus élevées
que dans celles d'Orient à feuilles de paftel : les mamelons
qui portent les filets à valvule, y font même plus gros que
ceux des autres efpèces.
Les autres rhapontics de M. Vaillant, qui, avant lui,
avoient été mis au nombre des jacées ou des bluets, ont
auf du duvet, des filets à valvule qui donnent un brin de
fl, & des glandes globulaires. Les efpèces qui ont été com-
parées aux bluets ou aux immortelles, font les plus drapées
de ce duvet, & ont moins de filets à valvule : les glandes
globuhires font ordinairement verdâtres dans les elpèces qui
ont.
D RMS AE IN CESÉVINMN 429
sont les écailles des têtes argentées, & d’un foufre doré dans
des autres. La couleur! verdâtre d’une partie de ces glandes
. n'eft peut-être que l'état où elles paffent avant que de prendre
Yautre couleur; car je les ai trouvé verdâtres dans la petite
jacée qui s'étend fur terre, qui eft à fleur pourpre, & qui,
felon M. de Tournefort, n'eft peut-être qu'une variété de Îa
jacée ordinaire des prés, où ces glandes font d'un foufre rou-
gettre ou doré: l'argenté des écailles des efpèces qui en ont
de femblables, leur eft propre, &.n'eft dû ni au duvet ni à
quelqu'autre matière qui tranfpire de leurs. furfaces.
I1 fe trouve par ce queljai dit dans cet article, que j'ai
parlé de tous les rhapontics & de la plufpart des rhaponti-
coïdes de M. Vaillant. Les efpèces de ce dernier genre
dont il n'a pas encore été queftion , n'ont fait voir des filets
à valvule, d'où il fort rarement un brin de fl, peu de duvet
& point de glandes globulaires. Quelques-unes de ces plantes
compofent en partie le.-genre de farrette que M. Linnæus
a formé : la quatorzième & la feizième efpèce de rhaponti-
coïde font de ce nombre. Je crois Que l’on pourroit y ajoû-
ter la huitième, & fur-tout la dix-neuvième, peut-être même
la feptième & la cinquième. Cette dernière differe de toutes
ces-plantes, -en ce que. fes. filets: font. couchés, argentés &
foyeux, & que les feuilles , les tiges. &.les écailles des têtes
à fleurs en font drapées , au dieu que les, filets des autres
ont une efpèce de roideur & qu'ils font .en petit nombre.
Je mai point encore vü de glandes. globulaires, dans la
vingtième, mais de petites cavités qui pourroient cependant
en-faire les. fonctions :_ fes filets font longs, ils jettent un
fl femblable au duvet des efpèces qui en donnent, & que
je n'ai pas obfervé dans celle-ci. IL eft fingulier que les ef-
pèces de rhaponticoïdes que M. Linnœus a tirées d’entre celles
de ce genre, n'aient point de glandes globulaires, tandis
que les autres en font. fournies; je penfe en conféquence,
que celles où je ne; les ai, pas trouvées, pourroient être aufit
des farrettes,. La feconde efpèce de M. Linnæus eft le crfum
dés: Alpes: à feuille de bon-henri : je n'ai point va de
Mém. 1749, » lii F
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLre
glandes globulaires fur cette plante, mais beaucoup de du-
vet fur toutes fes parties, comme dans les autres cirfiuns ,
dont il eft différent par les dentelures de fes feuilles, qui
n'ont tout au plus qu'une petite pointe moufle, & laquelle
n'eft pas piquante comme les pointes des vrais cirfrum , dont je
parlerai à l'article de ces plantes. Si ce arfium eft réellement
une farrette, quelques-unes auront donc beaucoup de duvet,
mais il pourroit fe faire que le genre de cette plante ne fût
pas encore bien déterminé.
Quand M. Linnæus n'auroit pas réuni les jactes & les
bluets aux grandes centaurées, les citations fréquentes que
j'ai faites de plufieurs efpèces des premières, demanderoient
que je parlaffe ici des autres efpèces. Les jacées rapportées
dans le Mémoire de M. Vaillant, m'ont toutes fait voir
des glandes globulaires, excepté la dernière; mais celle-ci,
comme toutes les autres a du duvet & des filets à valvule,
d'où il fort un fil femblable au duvet. Les efpèces que lon a
défignées par leur couleur blanche où cendrée, font celles
qui ont moins de filets & plus de duvet: elles en font
même drapées fur les feuilles & les tiges.» Les glandes glo-
bulaires font verdâtres dans la plufpart, d’autres les ont d’un
beau couleur: de foufre doré, comme les 7,8, 11, 23,26;
elles le font un peu moins dans les 2, 15, 19, 21 ; elles
étoient rougeätres dans a première; Ja 9 & la 10 en avoient
d’un couleur d’eau clair, & toutes les autres d'un verd file &
obfcur. Ces différentes . couleurs font-elles permanentes ou
feulement paffagères ? c'eft ce que je ne puis déterminer; il y
a même lieu de penfer par ce que j'ai dit autre part plus
d'une fois, que ces couleurs ne font que les différens états
où ces glandes fe trouvent fuivant qu'elles font plus ou
moins avancées, ou que a liqueur qu'elles eontiennent eft
plus ou moins perfeétionnée. La variété de la feptième éfpèce
peut encore le prouver, puifque fes glandes étoient blan-
ches, & que celles de l’efpèce dont elle n'eft qu'une variété,
étoient d'un foufre doré : cette efpèce étant fur pied eft
gluante au toucher; cette glu vient d'une matière vifqueufe
| DfElS Se: 1E Nec LES DLL 405
i füinte des glandes globulaires. Je n'ai rien vû de fem-
blable dans les efpèces précédentes, même dans celles que j'ai
examinées avant qu'elles fuffent defléchées: je penfe cependant
qu'il peut y avoir un temps où cette glu paroïtroit.
Les jacées du Mémoire de M. Vaillant ne font pas les
feules que j'aie examinées; J'en ai trouvé quelqües autres
dans ’'Herbier de cet habile Botanifte, qui ne font pas citées
dans le Mémoire , favoir, la feconde jacée de Sicile à feuilles
légèrement découpées, de Boccone; une de Micheli, qui
vient fur les montagnes, qui a la fleur pourpre, les feuilles
découpées , verdâtres & rudes, & les écailles des têtes en
plumes noirtres ; une de Lobel, qui vient fur les montagnes
des environs de Narbonne; celle de Portugal à feuilles Iévè-
rement découpées ; celle qui eft très-rameufe, qui a la fleur
* pourpre & couronnée ; une autre appelée miacanthos à feuilles
petites, découpées, blancheïtres, à tige rude, à tête petite,
conique, armée de petites épines rougeätres ; & une autre
fous le même nom, qui ne diffère de fa précédente que par
fes feuilles, qui reflemblent à celles de la chicorée fauvage,
& par fes têtes oblongues. Toutes ces plantes ont des glan-
des vérdâtres, excepté la dernière où elles font foufrées : les
trois fuivantes font démontrées au Jardin Royal fans cita-
tion ; Vuneeft la jacée à tête épineufe; la feconde eft celle
d'Italie à feuilles découpées & à fleur d'un pourpre fale; la
troifième à auffi les feuilles découpées, mais la fleur. grande
& jaune, & les calices reluifans ; je crois leurs glandes ver-
dâtres. Ces plantes & celle d’Auftrafie dont il fera parlé plus
bas ont, avec les glandes, du duvet & des filets qui, à ce
que je crois, jettent un brin de fil par leur bout fupérieur.
Ces filets & ce duvet font plus ou moins abondans, mais
aucune ne m'en a fait moins voir que celle d'Orient, qui
porte fes branches éparfes en tout fens, qui a le port de
carthame & la fleur jaune & grande; elle eft prefque life,
fes têtes feulement ont un peu de duvet & quelques filets.
La jacée du cap de Bonne-efpérance , à petites feuilles
velues & à têtes vifqueufes, citée par Pétiver, donne une
liii
436 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
matière réfimeufe qui paroît en fuinter ou fortir de petites
crevafles ; car je n’y ai pas vü de glandes, ni même fur les
autres parties. |
Les écailles des têtes des jacées font découpées en plu-
fieurs petites lanières , dont les unes font fimples & les autres
forment de petites plumes, c’eft-à-dire que chaque lanière
porte fur fes côtés de petits filets, qui font comme les barbes
d'une plume. J'avois toüjours cru devoir regarder ces lanières.
& ces plumes comme des efpèces de filets qui pourroient
donner iflue à quelque liqueur, muais je n'avois ofé jufqu'ici
avancer ce fentiment, n'ayant jamais rien vû fortir de ces
filets; ce qui nYavoit toùjours échappé, s'eft montré dans
la jacée d’Auftrafie à tête garnie de plume : plufieurs des
barbes de ces plumes portoient un grain réfineux blanc
qui me parut en avoir fuinté. Cette obfervation fait, à ce
qu'il me femble, connoître la vraie fonétion de ces filets, &
m'engage à rappoxtér les efpèces de jacées qui ont de ces
plumes ou des filets fimples; ceux-ci donnent, par leur ar-
rangement fur le bord des écailles, Ta figure d’une crête de
coq aux écailles où ils fe trouvent. Les efpèces qui ont de
ces écailles, font la première & la feconde efpèce; dans la pre- .
mière , les filets font roides & prefque épineux; la 8 & la
9 en ont de doux comme ceux de la 2, qui font femblables
à ceux des 1 1 & 12, des 15 — 23, des 25 & 26, excepté
cependant la r9, où ils ont aufir quelque roïdeur. Les autres
efpèces ont des plumes dont les barbes font affez apparentes:
elles font très-courtes dans la 3 : la variété dé la 7 n'a pas
les plumes de l'efpèce dont elle eft regardée comme une va:
riété, fes lanières font fimples: jai dit plus haut que fes
glandes globulaires étoient différentes , ainfr elle pourroit être
une vraie efpèce. La 27 a fimplement de petites pointes
moufles par le bout fupérieur & fans filets latéraux; elle m'a
pu ne point avoir de glandes globulaires, elle pourroit
ainfi ne pas être une jacée, Je n'ai pas vü les écailles de la
25, ne l'ayant pas trouvée en fleur.
Parmi les efpèces qui ne font pas rapportées dans le
DNEUSMANNC 1 E N.C_ ES 437
Mémoire de M. Vaillant, il y en a auffi qui ont des plu-
mes, & d’autres qui en font privées: de ces dernières font
toutes les efpèces dont j'ai parlé, excepté celle d’Auftrafie,
celle qui a les feuilles découpées, la fleur jaune, grande &
le calice reluïfant, & l'autre qui eft auf à feuilles découpées,
qui a la fleur d'un pourpre file, & qui vient en Italie.
M. Vaillant n'ayant pas cru devoir diviler ces plantes & en
faire deux genres, je l'imiterai; ceux qui penferont que ces diffé
rences fufhfent pour les établir, pourront les faire, jy ferois
cependant conduit par les principes que j'ai cru pouvoir fuivre.
On peut également divifer les bluéts en deux fetions;
ceux qui ont les écailles à fllets fimples , font le premier juf-
qu'au cinquième inclufivement, le huitième, & l'efpèce des
jardins, qui n’eft, fuivant M. Linnæus, qu'une variété de
celui de la campagne. Ceux qui ont des plumes font les
deux efpèces à tête garnie de plumes, c’eft-à-dire, les 10 &
x1 du Mémo M. Vaillant, les 12 & 13, dont l'une
eft comparée à l’armoile, & l'autre à la giroflée, La 14, qui
eft le bluet à feuilles d'herbe à l’épervier, diffère des uns &
des autres, parce que fes écailles ne portent que plufieurs
gros filets roïdes au. bout fupérieur du pureau.
H y a encore quelque différence par rapport au duvet, aux
filets & aux glandes globulaires ; les uns, comme les sbluets
de la campagne & des jardins , les 7, 10, 13, ne “m'ont
paru avoir que du duvet qui couvre leurs feuilles & leurs
tiges, ou tout au plus de gros mamelons courts fur les côtes.
des tiges, d'où äl fort aufli un brin de fil. Les filets font mieux
déterminés dans les autres efpèces, ils fe trouvent réunis au
duvet, & feulement dans Les 3, 4, 853 ils y font même gros
& à valvules éloignées les unes des autres, & bien diflinctes ;
ils le font de façon dans une efpèce trouvée en Egypte
par M _Lippi, qui eft petite, rameule, à tige aîlée, à petite
fleur pourpre, & qui n'eft pas rapportée ( dans le Mémoire
de M. Vaillant, qu'ils reflemblent à dé petits chaînons,
ou à des efpèces de chapelets. Les glandes globuaires & le
duvet font dans ceux à feuilles d'herbe à l'épervier & de
Ti ü
438 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
giroflée : la couleur des glandes eft d'un foufre doré; elles
font fans couleur déterminée dans celui des Alpes à tête garnie
de plumes, & à feuilles longues, étroites & à dent de fcie;
elles y font jointes au duvet & auxe filets à valvule. Ces
différences font-elles conftantes? &, cela fuppofé, devroient-
elles faire féparer ces plantes? c'eft fur quoi je ne puis décider.
M. Vaillant a déjà dit que les ovaires de certaines efpèces
étoient nus, que ceux des autres portoient une aigrette de
plumes ; mais quelles font les efpèces qui ont les uns ou
les autres? il ne la pas appris, & je n'ai pas acquis cette
connoiffance.
M. Vaillant a déjà Ôté d'entre les bluets de M. de Tour-
nefort quelques efpèces qu'il a jointes à une jacée du même
Auteur, pour former le genre qu'il appelle amberboi où am-
brette. La première & la feconde efpèce ne m'ont fait voir
que du duvet fur toutes leurs parties; la jagée, qui eft celle à
feuilles de roquette & velues, en a peu, mais on y voit des
glandes globulaires foufrées, couleur qui domine dans celles des
iètes où elles font auffi plus groffes que fur les autres parties,
ui ont de plus quelques filets à valvule. La jacée qui ref-
femble au bluet, qui a les tiges aîlces, & qui eft de Boerhaave,
eft femblable en tout à la précédente; mais fes écailles font
fimples comme dans les deux premières, & ne finiflent pas
par une longue épine comme celles de {a première jacée.
Il ne me refte plus de tous les genres que M. Linfæus a
réunis avec les précédens, que les chauffe-trappes, les char-
dons étoilés ou calcitrapoïdes, & le crocodilium ; ce dernier
ne renferme que deux elpèces: j'ai vû la feconde, elle eft
prefque fans tige, fes feuilles reflemblent à celles de la chauffe-
trappe, elles font épaifles & couvertes de duvet, de même
que les tiges, & je n'y ai trouvé ni glandes globulaires, ni
filets à valvule.
Les chaufle-trappes font en bien plus grand nombre ##M.
Vaillant en comptoit trente-quatre efpèces ; je les ai examinées
à l'exception de huit, qui font les 2, 4, 6,732, 14, 10
31; elles diffèrent peu entre elles du côté du duvet, des
DA ESEISNC 1 E NICE: se 439
filets & des glandes; le duvet couvre plus où moins les feuilles
& les tiges; les filets jettent un brin de fil de fa nature du
duvet, & ils font d'une longueur & d’une groffeur peu diffé-
rentes. Les glandes globulaires m'ont paru d’un beau couleur
de foufre doré dans les dernières efpèces, à compter depuis
la 21.° indufivement , jufqu'à la dernièré ; elles étoient
p'uftôt claires & blanches dans les autres : ces glandes fe trou-
vent fur les feuilles, les tiges, & même fur les écailles des
têtes. Il y a un peu plus de différence entre ces plantes du
côté des épines dont le bord, des écailles eft armé; dans les
unes, ces épines. font plus longues & en plus grand nombre
ue dans les autres; elles font dans d’autres efpèces pluftôt
des filets fimples & moufles que des épines, & ceft ordi-
nairement dans celles qui ont été mifes par diflérens Auteurs
au nombre des jacées; il en eft toujours ainfi, à moins que
és Auteurs n'aient averti que les écailles étoient épineufes.
- Il faut joindre aux efpèces de chauffe-trappes du Mémoire
de M. Vaillant, les deux fuivantes que j'ai encore obfervées,
favoir, celle qui a les feuilles entières, la fleur pourpre, &
celle à fleur jaune, qui a les têtes armées d’épines plus groffes
& plus grandes qu'à l'ordinaire, & qui eft auf épineufe fur :
fes autres parties. Ces deux plantes font démontrées au Jardin
du Roï ; elles conviennent en tout avec les dernières des pré-
cédentes : j'ai vü de plus dans la -lernière de celles-ci, quel-
ques glandes globulaires fur le deffus des feuilles, qui don-
noient une liqueur vifqueufe, claire & limpide.
Les chardons étoïlés ou calcitrapoïdes ont encore beau-
coup de rapport, non feulement entre eux, mais avec les
chaufle-trappes : comme celles-ci , ils ont du duvet, des filets
& des glandes globulaires verdâtres, ou d’un foufre doré, qui
fe trouvent fur les feuilles, les tiges & les têtes. Ces dernières
paîties ont aufli des épines dans plufieurs efpèces, pour ne
pas dire dans toutes , indépendamment de celles des feuilles
& des tiges. Je n'ai vü fortir de liqueur des glandes globu-
laires, que dans la première elpèce, qui eft le chardon de
Crète à feuilles dé rave ; non feulement celles du deffus des
440 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLE
feuilles, mais encore celles du deflous & des tiges en don-
nent, & cette liqueur eft, comme celle de la chauffe-trappe
dont j'ai parlé, claire, limpide & vifqueufe.
Les chardons étoilés cités par M. Vaillant , font au
nombre de 17: j'en ai vü 13, les quatre que je n'ai point
examinés font les 2, 4, 7, 12, mais le 4 &le 12 ne font
peut-être que des yariétés du troifième, ils n'en diffèrent du
moins, fuivant Barrelier, que par le plus ou le moins de
grandeur.
Je remarquerai, avant de finir cet article, que la vinot-
deuxième chauffe-trappe, qui eft la jacée à fleur jaune, à tête
épineufe, tige aîlée & feuilles aïgues de chicorée, & Ia trente-
quatrième qui eft e chardon de Malte à feuilles de roquette
& à fleurs jaunes, ont des glandes à cupule fur le bord des
écailles des têtes; elles font petites dans la première efpèce,
plus groffes dans la feconde, & comme compofées de grains,
dont le dernier eft plus gros & femble s’évafer en cupule
par le haut: je ne puis dire sil y en a de femblables
ou quelque chofe d'équivalent dans les autres efpèces, &
dans les chardons étoilés ; fr cela étoit, ce feroit peut-être
une raifon pour féparer ces genres de ceux auxquels on les
a joints, car il faut avouer qu'ils ont tous beaucoup de
rapport, non feulement par la fleur, mais encore par les
glandes & les filets; & si! y en a où je n'ai pas trouvé les
glandes globulaires , ce n’eft peut-être que faute d'avoir
examiné des plantes où elles fuffent affez gonflées pour
être apparentes : fr donc les chaufle-trappes avoient des
cupules, ces cupules -féroient une différence bien fenfible,
& qui, jointe à celle d'avoir des épines , me paroîtroit
fuflifante pour bien diftinguer ces genres, de forte qu'a-
lors, au lieu de réunir ces genres à ceux auxquels on les a
joints, il faudroit s'en tenir à ce que M. Vaillant a fait 1à-
deffus, ou M. de Tournefort, en admettant quelques chan-
gemens dans ceux que M. Vaïllant a formés, & en établiffant
le genre que j'ai propolé au commencement de cet article,
vâ ka figure particulière des filets de fes. plantes qui s'évafent
pa
DES SCtENCE!Ss A4
par le haut en plufieurs petites parties recourbées, où qui
forment des houppes ou des goupillons.
? La longueur de ce dernier paragraphe m'obligera à ne Quercus,
rapporter qu'un exemple des genres dont Aa réunion eff Chére-
conftatée par mes obfervations , & ce feul exemple formera ae 1
la dernière partie de ce Mémoire. Je tirerai cet exemple du l
genre du chêne , auquel M. Linnæus a joint ceux du chêne
vert & du liége : jamais conformité n'a été plus grande que
celle des efpèces qui compofent dans M. de Tournefort ces
trois genres ; elles ont toutes fur les jeunes poufles & les
feuilles, fur-tout en deflous, & #principalement lorfqu'elles
font nouvelles, des houppes compofées de plus de cinq ou
fix petits fllets , qui ne varient même guère pour la cou-
leur, qui eft ordinairement blanche, mais, dans les feuilles
avancées, un peu jaunâtre; c'eft ce qu'on peut voir éomme
moi dans les chênes qui ont le fruit porté fur un long ou
court pédicule; dans celui qui ne s'élève pas au delà d'un
pied ; dans celui d'Afrique, dont le gland eft très -long ;
dans la femelle à large feuille; dans celui de Virginie à
veine rouge; dans celui à larges feuilles, & qui eft toüjours
vert; dans celui qui eft le hètre des Grécs & de Pline;
dans les rouvres 1,2, 3, 4, $ de Clufus; dans tous les
chènes verts des Inflituts, à l'exception du dernier & de
celui de Montpellier, dont les feuilles font cotonneules des
deux côtés, que je n'ai pas examinés ; & dans les deux efpè-
ces de liége de ce même Ouvrage , auxquels il faut joindre
le chêne dont le gland eft très-gros, & porté fur un long
pédicule, du Catalogue des environs de Paris; celui à qui
Jean Bauhin donne fimplement le nom de hêtre ou de chêne;
celui que Plukenet appelle arbre très-élevé à feuilles de châ-
taignier & qui vient en Virginie; celui du même Auteur &
de fa Phytographie, ainfr que le précédent, qui a les feuilles
divifées comme celles de leféulus, & qui {ont grandes &
épineufes ; celui de Virginie à feuilles longues & femblables”
à celles du faule, qui eft cité par Plukenet; la phyfodrys
blancheître à larges feuilles, dont les épinés font moufles &
Mém. 1749. . Kkk
Suber, Liége..
442 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
qui eft la première efpèce de ce genre dans Gafpard Bauhin,
les prétendues épines de cette dernière efpèce ne font , comme
dans les chênes verts, que le prolongement des dentelures
.des feuilles , qui eft dur & roide: c'efl à un tel prolonge-
ment que les épines des calices ou cupules du gland de celui
que Gafpard Baubin a défigné par cette propriété, font auffi
dûes ; en effet, ces prétendues épines ne font que le bout
des écailles de cette partie, qui fe font étendues, recourbées
& durcies. Celui d'Orient à larges feuilles, qui a de très-gros
glands & une cupule chévelue, ne doit cette prétendue che-
velure qu'aux écailles du ealice, qui font aufii alongées plus
qu'à l'ordinaire, mais qui font plus fmes & plus douces : je
crois que c'eft à quelque chofe de femblable que celui dont
le fruit eft gros & le calice chagriné de mamelons, celui
d'Orient à feuilles de châtaignier, dont le gland eft fo dans
la cupule, qui eft épaifle & écailleufe, & celui de Bourgogne
à calice velu, doivent ces propriétés de leurs cupules , énoncées
dans les dénominations. Je ne puis cependant l'aflurer que
par induétion , n'ayant pas vü ces fruits, mais je crois qu'il
y a tout lieu de le penfér, après ce que J'ai obfervé fur les
précédens : au refle les feuilles & les jeunes poufles de ces
dernières efpèces font auffi couvertes de houppes femblables
à celles des premières, & les cupules ou calices de toutes,
ceux même des chènes verts & des liéges, font ordinairement
hériffés de poils fimples, pluftôt cylindriques que coniques ,
plus ou moins longs & abondans ; on en trouve même juf=
que fur le gland lorfqu'il eft jeune, je l'ai du moins ainfi
obfervé dans quelques efpèces.
S'il étoit vrai que l'arbre que Plukenet appelle dans fon
Almagefte chène de Virginie, à feuilles oblongues, avecides
finuofités & fans finuofités, fût réellement un chêne, luni-
formité prétendue dont j'ai parlé plus haut fe trouveroit
démentie, puifque je n'ai và fur les feuilles de cet arbre que
des filets fimples, longs & en moyenne quantité, & des
elpèces de glandes véficulaires ; mais n'ayant réellement vü
que des feuilles de cet arbre, je ne puis pas déterminer au
D MMS US LE Ni d'ENdE 443
jufte fi c'eft un chéne ou non : je pencherois cependant plus
à croire que ce n'en eft pas un; mais ne fuivrois-je pas en
cela pluftôt un préjugé, que ce qui eft réellement? Laiflons
donc aux obfervations que lon pourra faire, à éclaircir ce
point, & difons que quant aux chênes dont le cuaétère
eft bien déterminé, ïl y a lieu de penfer qu'ils feront voir
tous des houppes femblables, Pourvü*cependant qu'ils foient
dans un état fain; car il arrive fouvent que lorfque Jeurs
feuilles font piquées de quelques infèdtes, & qu'il sy forme
des’ galles, (on fait qu'il ya peu d'arbres qui oient plus
fujets à l'être que celui-ci), il arrive, dis-je, alors que les
feuilles font liffes & entièrement privées de houppes : on en
trouve cependant quelquefois {ur les galles même. & c'eft
dans cet état que Malpighi en a fait graver quelques-unes,
qu’il difoit être des filets branchus : mais examinées avec foin,
ellés ne m'ont jamais paru que des, houppes für les galles
même que cet Auteur décrit: enfin, pour finir cet article
& ce Mémoire, quelle que foit la variété qui arrive dans
les feuilles de ces arbres, on trouve toüjours les houppes,
Je les aï du moins obfervées dans plufieurs variétés du chêne
grdinaire.
444 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
EXPERIENCES rr OBSERVATIONS
FAITES ;
EN DIFFERENS ENDROITS DE L'ITALIE,
Par M. l'Abbé NOLLET.
LA
: ERdE ent eft un pays fi connu, & le temps que j'avois
-j à employer pour le parcourir a été fr court, que je me
croirois exculable de n'avoir fait ce voyage que pour moi-
même, c'eft-à-dire, d'y avoir feulement admiré ces merveilles
de la Nature & de Fart qui fe préfentent en aflez grand
nombre pour occuper entièrement un fpectateur preflé de
paffer outre, mais que tout le monde connoït, foit pour les
avoir vües, foit pour avoir 1à les livres qui en parlent. Mes
plus longs féjours, excepté deux mois & demi pendant lef
quels j'ai demeuré dans le Piémont, m'ont point pañlé trois
femaines , & plufieurs ont été bornés à huit ‘ou dix jours; il
n'eft guère poffible de fe livrer à des recherches un peu pro-
fondes, quand on eft obligé de changer auffi fouvent d'objet
Cependant, comme la Nature dans cette belle ar
du monde eft très féconde en phénomènes, je mai pà la
confidérer, même brièvement , fans faire quelques remarques
qui ont excité mes réflexions, & qui n'ont porté à faire
des épreuves. Ce font ces remarques, ces réflexions & ces
épreuves, que j'ai raflemblées dans ce Mémoire pour me les
retracer à moi-même, & pour en faire part à ceux qui les
jugeront dignes de quelque attention : à l'exception des faits
dont je crois n'être fuffifamment affuré , je préfente tout le
refte , bien moins comme des vérités arrêtées & dégagées
de toute incertitude, que comme des connoïflances ébau-
chées que je foûmets très-fincèrement à la faine critique de
perfonnes plus éclairées que moi, & qui auront plus de loifir
que je n'en ai eu, pour découvrir & examiner de tout point
les circonftances les plus difficiles à pénétrer.
1
M MMS LE: RE NC ENS 445
Sans avoir égard à Fordre des temps, je réunirai fous des
titres communs toutes les matières d’une même efpèce, ou
qui auront beaucoup de rapport entre elles; des faits analo-
gues ainft raflemblés fous le même point de vûe, feront
mieux juger de la valeur des réflexions qui les accOMpa-
gnent, & de la juftefle des conféquences qu'on en à tirces.
AER'TWIICÉE UPREMIER.
Ete@riciré.
Un des principaux objets que j'avois en vüe en partant
pour fltalie, c'étoit de voir par moi-même ces effets fi fin-
guliers attribués depuis quelques années à la vertu électrique,
& publiées par des perfonnes dignes de foi. Pouvois-je n'être
pas extrèmement furpris de voir que toutes ces merveilles
fuffent comme réfervées pour un feul pays? (car fi l'on
excepte feulement M. Winkler, qui dit avoir fait avec
fuccès les mêmes expériences à Leipfick, perfonne que je
fache, ni en Allemagne, ni en Angleterre, ni en France,
n'a rien vü de femblable, quoiqu'on y ait eflayé par -tout
avec beaucoup de foins & d’obftination ). Un étonnement fi
bien fondé excitoit en moi le defir inexprimable de voir
les faits, & de les examiner par toutes les faces, pour ap-
prendre, sil étoit poffible, à quoi il tenoit qu'ils ne fe
fiflent voir ailleurs que dans F'Italie.
Ces faits peuvent fe réduire à trois principaux, favoir, 1 .° Ja
tranfmiflion des odeurs à travers un cylindre où un globe
de verre électrifé par frottement, & bouché comme herméti-
“quement ; 2." des perfonnes de tout âge & de tout sèxe,
purgées, lorfqu'elles fe faifoient éledrifer ayant dans la main
certaines drogues, comme la réfine de fcammonée, là gomme
gutte, &c. 3.° des rhumatifmes goutteux & invétérés, des
fciatiques, des paralyfies, des ankiloles, des tumeurs & quan-
ité d’autres maladies totalement enlevées, où confidérable-
na diminuées par une feule éleétrifation, ou par deux où
trois feulement, taniôt avec un cylindre de verre fimplement
KKk ij
1."
Expérience.
446 MÉMOIRES DE L'AGADÉMIE ROYALE
frotté, tantôt avec un pareil vaiffeau rempli de drogues con-
venables à la guérifon du malade.
Tous ces merveilleux eflets vinrent à notre connoiffance,
d'abord par des lettres particulières dont plufieurs me furent
adrefées dire‘tement, eu communiquées par les perfonnes
qui les.avoient reçües ; enfin le Public en fut inftruit par des
Ouvriges imprimés #, où l'on trouve l'origine, les progrès &
tous les détails de ce qui s'eft pañlé à cet égard, première-
ment à Venile, & enfuite à Bologne & à Turin.
1. Je neus rien plus à cœur, lorfque je fus arrivé à
Turin, que de vifiter M. Bianchi, célèbre Médecin Anato-
mifle, & premier auteur des Purgations éleGtriques, & de hui
demander que ces expériences dont il nr'avoit envoyé la life,
& qui n'avoient fi mal réuffi à Paris, fuflent répétées entre
nous & fous fa direction. J'obtins facilement de fa complai-
fance ce que je demandois; nous primes jour, & le Père
Garo ? fit porter chez M. le Marquis d'Ormea, où nous
convinmes de faire nos expériences, fa machine d’éledricité,
qui eft tout-à-fiit femblable à celle que j'ai décrite dans mon
Effai.
Le 21 du mois de Mai de l'année précédente‘ 1749, fur
les quatréheures, par un temps frais, mais incertain, M.
Bianchi ayant apporté un morceau de fcammonée & un autre
de gomme gutte, dont chacun étoit à peu près de la groffeur
2 Della Ellettricità medica, let-
tera del chiariffimo fignore Gis-
Francefco Pivati, Academico dell
Academia delle Scienze di Bologna,
al celebre fignore Francefco Maria
Zanotti, Segretario della fleffa Aca-
demia, in-8.° imprimé à Lucques
en 1747, & réimprimé à Venife
en 1748. Offervaziont fifico - me-
diche intorno alla elleétricita , dedi-
cate all’ illuftriffimo ed eccelfo Se-
nato di Bologna da Gio- Giufèppe
Verati, publico Profèffore nella
Univerfità à7 nell’ Academia delle
Scienze dell infhituto Academico
benedertino', in-8.° imprimé à Bou-
logne en 1748. Rifleffioni fifiche
Jopra la medicina eletrrica del fignor
Gio- Francefto Pivati, Academico
dell Academia delle Scienze di Bo-
logna, è7c, petit in-fo2. imprimé à
Venife en 1740. Lettera del fignor
Canonico Brisoli, fepra la ma-
china eletrica, imprimé à Vérone
en 1748. )
b Relioieux de l’ordre des Mini-
mes, ancien Profeffeur de Philofo-
phie en l’Univerfité de Turin, &
fort appliqué depuis long-tempssà fa
Phyfique expérimentale : il eft depuis
trois ans Correfpondant de lAcadé-
mie Royale des Sciences.
de. sd co cèrities ste
a
D MANS CL E ANT C ES 447
d'un œuf de poule, je pris le premier dans la main droite,
& ayant la gauche prefque appliquée à la furface du globe
de verre, & les pieds fur un gâteau de réfine, on m'éleétrifa
pendant 1 $ minutes fans interruption : ce jour-là Féledricité
étoit médiocrement forte.
Après moi lon électrifa de même un jeune homme de
vingt-deux ans, d’une complexion aflez délicate, que j'avois
pris depuis quelques jours pour me fervir. ba :
Enfuite on fit la même chofe pour une fille de feize à
dix-fept ans, d’une foible complexion, mais qui n'avoit alors
aucune inconmodité,
Après cela on fit la même épreuve fur le Père Bécaria,
Profeffeur de Philofophie en l'Univerfité , âgé d'environ
trente-cinq ans, d’un tempérament fec & bilieux.
On électrifa encore de la même manière un Aide de cui-
fine de la maifon, âgé de vingt-quatre ans, qui ne paroifloit
point malade.
Enfin on fit la même épreuve fur un autre domeftique,
homme robufte & ägé de quarante ans ou environ, & l'élec-
tifation dura pour chacune de ces cinq perfonnes, autant de
temps qu'on l'avoit fait durer pour moi, 5 $ minutes de fuite.
Je ne reffentis en moi aucun effet que je’ puffe attribuer
à l'électricité, aucun mouvement extraordinaire, aucune dou-*
leur d’entrailles. Il en fut de même du Père Bécaria, du
domeftique âgé de quarante ans, & de la jeune fille ; mais
le jeune homme de vingt-deux ans, interrogé après les autres,
a dépofé qu’il avoit eu pendant la nuit deux évacuations avec
quelques mouvemens de colique; & l'Aide de cuifmne, à qui
l'on fit de pareilles queftions, répondit qu'il en avoit eu auffi
une très-copieufe, comme s'il eût été purgé.
Ces deux dernières dépofitions furent écrites, comme les
autres, fur le champ, & je commençois à les regarder comme
très-importantes, lorfque j'appris par aveu même du dernier
dépofant , qu'il prenoit depuis quelques jours des bouillons
de chicorée, pour une indifpofition dont il n'avoit point
parlé jufqu’alors. Le jeune homme qui difoit avoir eu deux
2.°
Expérience.
* 22 Mai
1749:
3°
Expérience,
448 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE :
évacuations, me rendit fon témoignage plus que fufpect par
des fingularités qu'il voulut y ajoûter quelques heures après,
& depuis ce temps-là il fe conduifit fur différens fujets de
manière à m'Ôter toute croyance en fes paroles.
Ce que je venois d'éprouver de la part de ces deux domelf-
tiques, dont lun m'avoit laiffé ignorer pendant quelque temps
l'ufage actuel qu'il faifoit de fes bouillons de chicorée, &
l'autre avoit montré tant de goût pour le merveilleux, qu'on
devoit prudemment douter de tout ce qu'il avoit dit; cette
aventure, dis-je, me rendit très-délicat fur le choix des fujets
que je devois admettre à nos expériences ; je déclarai que je
n'y voulois recevoir ni enfans, ni valets, ni gens du bas
peuple, mais feulement des perfonnes raifonnables, & d'un
état à ne me laifler rien à craindre fur la certitude des faits
dont ils auroient dépolé. -
Le lendemain * de notre première expérience, je fus encore
éleétrifé pendant 1 $ minutes de fuite comme je lavois été
la veille, tenant dans la main un gros morceau de fcammonée;
& après moi on fit la même épreuve fucceflivement fur
M. Scherra Docteur en Médecine, M. Verne Démonftra-
teur en Anatomie ; M. le Marquis de Sirié, M. l'Abbé Porta
Profefleur de l'Univerfité, le Précepteur des enfans de M. le
Marquis d'Ormea, & celui des jeunes M's Doza. Ce jour-là
l'électricité étoit paffablement forte.
De toutes ces perfonnes électrifées, aucune ne reflentit de
douleurs dans le ventre, aucune n’éprouva d'évacuation qu'elle
püût attribuer à la vertu électrique; mais, pour dire fcrupu-
leufement tout ce qui vint à ma connoiffance après maintes
queftions, le Précepteur des jeunes M'° d'Ormea déclara qu'il
avoit rendu quelques vents plus qu'à fon ordinaire, & qu'il
croyoit aufli avoir un peu plus uriné: ainfi de fept per-
fonnes il n'y en eut qu'une qui foupçonnät Félectricité d'avoir
eu quelque effet fenfible fur elle, & ce foupçon, comme l'on
voit, étoit des plus légers.
Le 23 Mai, l'électricité étant plus forte que les jours
précédens, nous choisimes un morceau de fcammonée neuve,
bien
a 0 AY DES SM Co L'E Ni G Er fo na 449
bién odorante, & qui. peloit 4 onces; M. le Marquis d'Or-
me, M. Allion Docteur en Médecine. les deux Précepteurs
nommés ci-deffus, le Père Garo, M. le Come Ferrero, &
moi, nous primes Fun après l'autre e morceau de fcammonée,
& nous nous fimes éleSrifer. pendant 1 $ minutes de fuite,
comme on avoit: fait dans les autres expériences.
. Deux ou trois jours fe pafsèrent,, & perfonne ne reffentit
abfolument rien qu'il püt attribuer à KR vertu électrique.
. Le même jour nous eflayâmes de répéter une expérience
que M. Bianchi n'avoit annoncée par l'écrit dont j'ai, parlé
plus haut, & qui ne n'avoit pas réufli à Paris, il s'agifloit
d'une tranfmiffion d'odeur qui devoit fe faire le Iong d'une
chaîne où d'une barre de fer électrifée; l'un de nous prépara
& appliqua un linge enduit de baume du Pérou fur la verge
de fer qui recevoit l'électricité du globe; on attacha à cette
verge le bout d'une chaîne de fer, qui s'électrifa par. com
munication ;: & nous attendimes que l'odeur du baume fe,
tranfmiît à l’autre bout, où pendoit une boule de métal;
mais nous f’attendimes initilérnent, perfonne n’y put recon-
uoître le plus léger figne de cette tranfiniffion.
- M. Bianchi voyant conume moi que les réfultats de toutes
ces expériences ne s'accordoient pas avec ceux qu'il croyoit
‘avoir eus par de paflé, me dit que cette différence pouvoit
bien venir de ce que nous employions une électricité trop
forte” parce que celle dont ä avoit fait ufage, & avec laquelle
il avoit réufli, lui avoit toüjours paru plus foible. Je me
prétai à cette raïon, n’en. voyant point d'autreique je puñle
lui rendre plus plaufble ; :&cpout remettre la manipulation
däns fes prerhières circonftances, nous primes jour, & nous
nous affémblämes: au ombre: de quatorze chez. M. Bianchi,
où nous: étions attendus; &-où nous fmes éleilés lun
après l'autre, par lui:même, autant-de temps. qu ik le jugeu,
à-propos, tantôt avec la fcaimmonée, tantôt avec, da. gormime
gntte dont ik avoit choifr les morceaux. La. mächine dont om,
fitiufage ce jour-là étoit da:même dont M: Bianchi s'eft toû-
id, fervi :dans fes propres éxpériences : elle confifté,en un,
Em 1749: LH :
4°
Expérience:
4so MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
cylindre de verre creux, de trois pouces de diamètre, & d'u
demi-pied ou un peu plus de longueur, monté entre deux
fupports fur une planche que l’on attache à une table avec des
vis. On fait tourner ce vaifleau cylindrique immédiatement
avec une manivelle qui a au moins quatre pouces de rayon,
de forte que la main qui a fait aller tourne avec plus de
vitefle que la furface du cylindre de verre qu'elle met en:
mouvement, |
Cette machine a cela de commode, qu'une feule perfonne-
peut mener d'une main la manivelle, & tenir Pautre appli-
quée à la furface du vaifleau de verre pour le frotter; mais
on n'aura pas de peine à comprendre que l'électricité ne peut
jamais être que très-foible avec un pareil cylindre & un tek
frottement ; aufir le fut-elle ce jour-là tellement qu'à peine
pouvoit-on tirer des étincelles fenfibles de la chaîne de fer
par liquelle on communiquoit l'életricité, ou dela perfonne.
qu'on électrifoit, mais c'étoit précifément ce qu'on vouloit.
Ces expériences furent faites lejeudi 29 Mai, entre quatre:
& fix heures de l'après-midi, par un temps fort chaud &c'
bien ferein. Le dimanche au foir toutes les perfonnes qui:
avoient été élecrifées | ayant été interrogées, répondirent fans
héfiter, & d'une manière tout-à-fait abfolue, qu'elles n'avoient
rien’ reffenti qu'on püt attribuer à ces épreuves: ces per-
fônnes étoient M. le Marquis d'Ormea, M. de Tignola Off-
cier d’Artillerie, M. le Marquis de Sirié, M. le Comte
Ferrero, le Père Becaria, Ie Père Garo, M. le Doéteur Alion,
M. Verne, M. le Doéteur Scherra, M. F Abbé Porta, les!
deux Précepteurs, la jeune fille dont j'ai déjà parlé, :& moï:
La nuit fuivante, c'eft-à-dire, celle:du dimanche au fundÿ!, :
je fus incommodé d’une indigeftion, & je reflentis des dou-:
leurs de cofique; mais je fongeai bien moins à Îles attribuer
à l'électricité dur jeudi, qu'à des radis que j'avois mangés la
veille à diner; & à un très-grand: verre de limonade-frappée:
dé slace que j'avois bû peu de:temps après & contre mon,
ordinaire: cependant, comme quelques perfonnes ont voulw
sbufer de ce faitpour-dire que l'électricité n\'avoit purgé &c:
Le RS ne ile Let in
- De SS.c 1 E Nc ES 4st
‘que je n'avois pas eu la bonne foi d’en parler, je crois devoir
Lors RÉ TS ie à
ajoûter ici pour ma juflification, que j'ai eu toute ma vie
leftomac délicat, que je ne puis prendre ni glace ni liqueurs
fortement refroidies, qu'avec beaucoup de circonfpe“tion, &
toûjours au rifque d'en être incommodé; que les mêmes
radis, qu'on nomme ravanelle en Piémont , malgré mon atten-
tion à n’en manger que fobrement, m'ont caufé plufieurs
fois de mauvaifes digeftions pendant le féjour que j'y ai fait,
& dans des temps où il n'étoit pas queftion d'expériences
éleftriqnes; enfin, qu'un délai de trois jours & davantage
m'avoit paru fufhfant pour n'avoir plus à tenir compte à la
vertu électrique de ce qui pourroit n''arriver.
L’extrème circonfpeétion avec laquelle je voulois choifir
les fujets pour toutes nos expériences, la difficulté de trouver
& de tranfporter des malades d'une certaine condition, &
d'un génie à ne laifler rien à craindre de la prévention & d'une
imagination échauffée, celle de concilier mon temps avec
celui que pouvoit m'accorder un Médecin fort occupé des
travaux de fa profeflion, tant d’obftacles m'empéchèrent d’en-
treprendre avec M. Bianchi des guérifons femblables à celles
qu'il croit avoir opérées par le moyen de 11 vertu élettrique,
foit en a faifant agir feule, foit en lui aflociant les intonaca-
zures, c'eft-à-dire, certaines drogues appropriées à l'état du
malade, & renfermées dans les vaifleaux de verre élettrifés
par frottement; mais j'ai marqué la plus grande curiofité de
voir les perfonnes qui avoient été précédemment guéries ou
confidérablement foulagées par cette voie; j'ai interrogé fur
cela des gens de Fart qui avoient été témoins des expériences,
& qui étoient encore à portée de voir tous les jours une
partie des fujets cités dans le manufcrit que je tiens de M. Bian-
chi, & dont l’hiftoire fe trouve tout au long dans fe neuvième
chapitre d'un Ouvrage de M. Pivati *, Je me fuis même
tanfporté chez le Cordonnier dans la boutique duquel avoit
travaillé le garçon de vingt-un ans dont il eft fait mention
à lapage 1 10 du livre que je viens de citer, & à la page 419
# Rifleÿioni fiche fopra la Midecina elertrica, A "Ti Page 1494
l 1}
*Ler.er Août
3749
52 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de mes Recherches. L'obligation de dire vrai, à laquelle if
convient à des Philofophes encore plus qu'à toute autre per-
fonne de facrifier tout refpeét humain, ne me permet pas
de diffimuler que mes recherches, faites avec toute la dili-
gence poffible & fans autre intérèt que celui de favoir Ja
vérité, m'ont äffé voir aflez clairement qu'on avoit beau-
coup exagéré les faits: je fuis prêt à croire que c'eft la faute
des malades, qui, prévenus peut-être par un trop grand
éfpoir & poffédés par une efpèce d’enthoufrafme, en ont dit
& fait écrire beaucoup plus qu'il n'y en avoit. On auroit
bien des exemples à citer de pareïlles ilufions; mais, quoi
qu'il en foit, je ne puis m'empêcher de croire que la plufpart
des guérifons électriques de Turin n'ont été que des ombres
paffagères qu'on a prifes avec un peu trop de précipitation ou
de complaifance, pour des réalités.
2. Je portai à Venife la même curiofité & le même defir
de n'inftruire au fujet de la tranfmiflion des odeurs, des
intonacatures & des guérifons où foulagemens opérés prefqué
fubitement par la vertu électrique. Un de mes premiers foins
fut de chercher des connoiffances ou des amis qui voulufient
bien m'annoncer à M. Pivati, & obtenir de lui qu'il mé
reçût dans fon Laboratoire, & qu'il eût la complaifance- de
fitisfaire l'empreflement que j'avois de lui voir faire pafler les
odeurs au travers d’un vaifleau de verre bien clos, ou fairé
diminuer fenfiblement par lélectrifation quelques drogues
qu'il auroit pareillement renfermées. M. Angelo Quirini,
gentilhomme Vénitien, fort ami des Sciences, & toüjours
prèt à aider ceux qui sy appliquent, me rendit ce fervice
parmi bien d’autres dont je fuis redevable à fa politeffe &
à fon amitié; if prit jour * avec M. Pivati, & me conduifit
chez lui, où nous trouvämes une nombreufe compagnie, dans
laquelle il y avoit plufieurs perfonnes de diftinétion, & entre
autres M. Antoine Mocenigo , autrefois Ambafladeur en
* Recherches fur les caufes particulières des phénomènes éle@r, p, 4192
on a traduit Ponnetier pour Cordonnier, en prenant le mot italien Ca/ce-
sario pour celui de Ca/zolaio, qui n’étoit pas bien lifible dans le manufcrit,
| D ÉISMS LC 1 EN C ES 452
France, M. l'Abbé Hortez, &c : à la vûe de cette grande
aflemblée, je crus ( & j'avois quelques raifons de le croire)
ue ma Curiofité ayant été foupçonnée dé mécroyance &
d'obftination à douter, on avoit convoqué du monde pour
être témoin de ma conviction. J'aurois bien voulu acheter à
ce prix le plaïfir de voir un phénomène, pour la vérification
duquel j'ai pris tant de péines inutiles ; le moyen de le faire
réuffir eût été fans doute quelque nouveauté pour moi, aufft
curieufe elle-même que effet qui en auroit dépendu. Mais
quelle fut ma furprife & quels furent mes regrets, quand M.
Bivati me déclara nettement, en préfence de toute la compa-
gnie, « qu’il n'entreprendroit pas de me montrer la tranfmiffion
des odeurs ; que ce phénomène ne lui avoit jamais réuffi qu'une
fois ou deux, comme il Favoit dit dans fa première Léttre
imprimée à Lucques *, quoiqu'il eût fait depuis bien des
tentatives pour répéter cette expérience avec le même verre
& avec d'autres; que ce cylindre de verre avoit péri depuis,
& qu'il n'en avoit pas même gardé les morceaux »!
- Maïs au moins, lui dis-je, ne poumrois-je pas vous voir
faire ufage des intonacatures ? ne pourrois-je pas peler Je vaif
feau devant & après, pour reconnoître avec vous qué la ma-
tière inclufe diminue fenfiblement? « Pour ce dernier fait, me
répondit-il, il m'a réuffi bien des fois; mais il y a trop de
monde ici, il y fait trop chaud, l'électricité fera trop foible
pour cela ». H avoit peut-être raïfon; mais pourquoi avoit-il
fait venir une fi nombreufe compagnie?
H fut queftion enfuite des guérifons rapportées dans les
ouvrages de M. Pivati, & fur-tout de celle de l'Evêque de
Sebenico b; il m'avoua, & je le favois déjà de très - bonne
part, qu'il n'étoit pas guéri, & qu'il étoit depuis l’électrifa-
tion comme il avoit été auparavant.
Enfin je quittai M. Pivati en lui difant que j'étois encore
à Venife pour huit jours, que je le priois très-inftamment
de raflembler fes meïlleurs vaifleaux, de renouveler fes into-
nacatures, & de me faire avertir pour les aller voir fi elles
réuffifoient , afin que je fufle en état de les publier comme
À LIT üj
éc * Page 3 7:
b Della Eterz
#icità medica
Lettera XXX,
IDE
ve
LETTRE
de M.Somis,
datée du 15
Nov. 1749: »
»
454 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
témoin oculaire, & je lui parlois avec beaucoup de fincérité,
M. Pivati me le promit, mais comme il ne pra rien fait
dire, j'ai compris qu'il n'avoit rien à me montrer.
M. Somis, Docteur en Médecine de Ja Faculté de Turin;
étant allé à Venife peu de temps après moi, eut auffi da curio-
fité de voir chez M. Pivati, au mois d’Août dernier, les
“efiets attribués aux intonacatures : je crois devoir rapporter
ici la leitre qu'il ma écrite à ce fujet, & que j'ai traduite
littéralement.
« Voici, Monfieur, en peu de paroles fe récit de ce que j'ai
obfervé à Venife chez M. Pivati au mois d’Août dernier. Le
25 après diné, il n''électrifa, en fe fervant d’un fimple tube
(ou vaiffeau de verre cylindrique) long de $ onces +, & d'un
peu plus de 2 encesb de diamètre, en me faifant tenir dans la
main une once de fcamimonée: il commença à m'éleftrifer à
s heur. 37 min. de France, & il ceffa à $ heur. $ 4 min. pen-
dant tout ce temps-là on me tira des étincelles de la main dans
laquelle j'avois la fcammonée. Cette expérience fe fit en pré-
fence de M. Abbé Barberigo, des RR. PP. Bertinelli &
Magrini, Jéfuites, du Doéteur Grampini, & de plufieurs
autres perfonnes : je n’aperçüs en moi aucun changement, ni
ce foir-là, ni les jours fuivans. Le 29 du même mois, je re-
tournai chez M. Pivati, où je trouvai un gentilhomme de
la maifon de Sorenzo, deux Officiers efpagnols, deux autres
nobles Vénitiens, un Médecin, & quelques autres perfonnes
de diftinction: M. Pivati avoit préparé une intonacature pour
une épreuve qu'il regardoit comme très-dangereule ; cepen-
dant l'opinion qu'il en avoit ne m'empécha pas de lui dire
que je voulois que cette épreuve fe fit fur moi-même. II
commença donc à m'électrifer à $ heures 3 $ minutes après
midi, & cefla à $ heures 57 minutes, parce que la corde
de {a roue fe dérangea; cette corde ayant été rajuftée, on
recommença à m'électrier à 6 heures 5 minutes, & l'on finit
à 6 heures 14: cette fois-là on me tira encore continuelle-
*.8 pouces mefure de France.
» Environ 3 pouces ? melure de France:
| DE SNS} CI É Nc Es
rent des étincelles du front. Le vaifleau de verre dans lequel «
on ‘avoit fait l'intonacature, étoit à peu près de la longueur «
& de la largeur du premier. L'expérience étant faite, je priai «
M. Pivati de me dire de quelle matière le tube étoit rem- «
pli, d'autant plus qu'il luï étoit échappé de dire aux Officiers «
elpagnols w'ils me verfoient bien-16r dormir; & i me répondit «
qu’il avoit mis dans ce tube 2 onces 7 gros de benjoin, & «
deux gros d’opium. Je le priai de vouloir bien encore faire «
une autre expérience, en nous électrifant, M. l'Abbé Barbe- «
rigo & moi, tandis que nous aurions dans fa main une once «
& demie d’opium, & il y confentit. Il éleétrifa donc d'abord «
M.FAbbé, & moi enfuite, en nous faifant tenir l'opium, «
c'eft-à-dire, une once & demie dans la main, & tirant des «
étincelles de cette main pendant l'efpace d’une demi-heure, «
ayant commencé à 6. heures 18 minutes, & finiffant à 6 «
heures 48 minutes. I fe fervoit pour cette feconde expérience, «
du même cylindre de verre dont il avoit fait ufage le lundi «
25: M. l'Abbé & moi avons dormi comme à notre ordi: «
naire, c’eft-à-dire, ni plus ni moins. Voilà, Monfieur, les «
… ‘expériences. que jai faites à Venife: avec M. Pivati. En «
L
à
Ê
f
rer
paffant par Plaifance, lorfque je revenois, j'eus une conver- «
fation avec le Docteur Cornelio:, qui m'aflura en préfence «
du Docteur Riviera qu'il avoit aufii effayé très-fouvent de «
purger quelqu'un par fewmoyen de l'électricité, mais: qu'il «
n'avoit Jamais réuffi qu'une feule fois à l'égard de fa fer- «
vante, à qui. il avoit fait tenir de la rhubarbe; mais que «
comme il n’avoit jamais vû cet effet avoir lieu fur aucune «
autre) perfonne, il croyoit que c'étoit par quelqu'autre caufe <
que céla étoit arrivé à-fa fervante. Voyez, Monfieur, fr je «
vous fuis bon à quelqu'autre chofe, & je vous protefte avec «
fmcérité que vous me trouverez toûjours prêt, &c. »
On voit donc par cette lettre, & par le récit que j'a
fait auparavant, de ma vifte à M; Pivati, que je n'ai pü
vérifier à Venife aucun des faits qui intérefloient ma curio+
fitéi; je puis ajoûter encore ( & je le dois fans doute, pui£
que jeime fuis engagé à dire exactement tout ce que j'ai pi
456 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
. tirer de mes recherches à ce fujet) que de toutes les per+
»
y
Ÿ
fonnes du pays qui ont été chez M. Pivati pour s'infhruire
ex vilu, & que jai pü interroger, je n'en ai trouyé qu'une
qui n'ait certifié les faits pour les avoir vüs; c’étoit un Doc-
teur en Médecine, ami de M. Pivati, que je trouvai chez
lui, & qui dit l'avoir prefque toujours aidé dans fes expé-
riences. ;
3. De Venife je paflai à Boulogne, où je fis fa connoif:
fance de M. Verati, Docteur en Médecine, &wMembre de
l'Académie de l'Inftitut. Les fréquentes converfations que
jeus avec lui, me prouvèrent bien que c'étoit un hommé
éclairé, fage & plein de candeur, comme on me avoit an-
noncé : je lui expofai avec confiance les doutes que j'avois tou-
chant la tranfmiflion des odeurs, fur l'effet des intonaca-
tures, fur les purgations électriques , & fur les guérifons
prefque fubites. |
M. Verati me répondit, 1.° « Qu'il avoit fait plufieurs
épreuves, par le réfultat defquelles il lui fembloit que l'odeur
du baume du Pérou s’étoit tranfmife du dedans au dehors d’un
vaifleau. cylindrique de verre, qu'il me montra », & qui, ce
jour-là, ne nous fit rien fentir, quoique nous l’euflions frotté
fortement avec la main. Maïs fur ce que je lui repréfentai
que ce vaifleau métoit bouché que par des couvercles de
bois affez minces, qu'on pouvoit ôter au befoin pour faire
entrer ou fortir les matières odorantes, & qu'il pouvoit être
arrivé que ces odeurs, pouflées par la chaleur, euflent paflé
par les pores du bois : il me répondit « que cela étoit :pof=
fible, & que quoique les apparences l’euflent porté à croire
la tranfmifion de ces odeurs par les pores du verre, il avoit
cependant fufpendu fon jugement fur cet effet, de même que
fur les intonacatures, jufqu’à ce que de nouvelles épreuves
faites avec plus de précautions euflent diffipé tous fes doutes.
2.° Que par rapport aux purgations électriques, : il avoit dans
fa maifon un valet & une fervante qui avoient'été purgés
par cette voie; que ces deux pérfonnes du moins avoient
éprouvé après l'éleétrifation faite à la manière de M. Bianchi,
ce
DÉENSMSUC 1. E, Né HS 457
ce qu'on éprouve quand on a pris une médecine ; que cet eifet
n'ayant eu nulle autre caufe apparente que l'expérience qui
avoit précédé, le grand nombre de faits de cette efpèce arrivés
à Turin avoit déterminé à croire que ce qui étoit arrivé
à fes deux domeftiques étoit une fuite naturelle de cette élec-
trifation; qu'au refte il éprouveroit cela de nouveau fur un
nombre fufhfant de perfonnes d'un autre état; & que fi ceite
manière de purger ne foûtenoit pas l'idée qu'il avoit prife
d'elle, ä réformeroit avec franchife ce qu'il en a publié dans
fon Ouvrage imprimé en 1748 ». 3.° Enfin M. Verati n''af-
fura que les dix guérifons rapportées dans le même Livre
dont Je viens de faire mention, s’étoient faites exactement
de la même manière qu'elles y font décrites, & elles le font
avec beaucoup de figefle, & avec une fimplicité qui an-
nonce le vrai. La cinquième me fut racontée & certifiée par
le Religieux même qui en fut le fujet, un jour que j'illois
voir leR. P. Trombeili, Abbé de la Maiïfon où il eft. Ces
guérifons ne font pas de celles qui me font peine à croire:
on voit au moins qu'elles fe font faites avec progrès; on y
voit le mal {e défendre, pour ainfi dire, contre le remède,
ne céder que peu à peu; & la Nature ne paffe pas comme
fubitement d'un état à un autre tout-à-fait différent, par le
moyen d'une électricité à peine fenfible. Je dis que ces gué-
rifons ne me font pas de peine à croire, parce qu'il me
paroit aflez naturel, & je l'ai dit il y a fong-témps*, «qu’un
fluide auf aétif que la matière élerique, & qui pénètre
dans notre corps avec tant de facilité, y produife des chan-
gemens en bien ou en mal ».
Je n'ai rien appris dans les. autres villes d'Italie qui n'ait
encore fortifié mes doutes, contre les phénomènes d'élec-
‘tricité que j'avois eu deflein de vérifier dans le cours de
mon voyage : le Père la Torre, Profefleur de Philofophie
à. Naples; M. de la Garde, Directeur. de a Monnoie à
Florence , & fort occupé de ces fortes de recherches
_ * Dans un Difcours là à la rentrée de l’Académie des Sciences, après
Pâques 1746. à É G
Mém. 1749, + Mmm
An
A
A
An
a
(4
-s
(4
(4
458 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
M. Guadagni, Profeffeur de Phyfique expérimentale à Piles
M. le Doéteur Co BE nee: M. le Marquis de Maffei,.
à Véronne; le P. Garo à Turin, tous avec des machines
bien montées & bien aflorties, avec la plus grande envie:
de réuffir, ont eflayé Aube de tranfmettre les odeurs,
& l'action des drogues enfermées foigneufement dañs des:
vaifleaux cylindriques où fphériques de verre en les élec-:
trifant ; tous ont effayé de purger nombre de perfonnes; &,.
felon le témoignage qu'ils m'en ont rendu, jamais ils n’en
font venus à bout, ou fe peu de fuccès. qu ‘Sont eu leur à
paru trop équivoque pour en tirer des conféquences con-
formes à ce que M. Pivati a cru voir dans {es expériences.
Je fuis donc comme certain de ce que je commençois 4
croire l'année dernière , lorfque je frs imprimer mes Recherches
fur les caufes particuhères des phénomènes dedriques, je füis,.
dis-je, comme certain que M. Pivati a été trompé par quel-
que circonftance à laquelle il n'aura pas fait affez d'attention:
ce qui me le fait croire plus que jamais, c'eft qu'il nv'a avoué
lui-même que cette transfufion des odeurs & des drogues au
travers des vaiffleaux de verre éleétrilés, ne s'étoit manifeftée-
à lui qu'une fois ou deux immédiatement, je veux dire par
une diminution fenfible du volume, & par des émanations
qu'oir pouvoit reconnoître à l'odorat. Depuis que j'entends-
l'Italien, j'ai été bien furpris non feulement de trouver cet
. aveu dans fa lettre imprimée à Lucques *, mais encore de-
voir qu'il n'ait pas eu tout l'effet qu'il devoit avoir fur lef-
prit de ceux qui ont été à portée d'en être inftruits. Pour
moi, fi je l'avois fü plutôt, Je me ferois épargné une grande
partie des pêines que jai prifes pour vcrifier le fait ; je
m'étonne qu ‘on ait voulu bâtir fur des fondemens aufli peu.
folides.
C'eft pourtant fur cette prétenduetranfmiffion, & avec un
vaiflenu de verre qui s'eft trouvé fendu d’un bout à l'autre,
* Page 28. Un tale dileguamento fuccedito mi in un cilindro , non mi
é poi veramente fucceduto in altri,,de’ quali mi Jon férviro per varie guas
rigionie..
L°1
Lol
L A / "Lt
| DE $\ $C IE N:C.E-5. 45
comme M. Pivati de dit dui-même*, cet, dis-je, fur ce
fait, qui {elon moi xeft rien moins que ,certain Mon a
fondé l'ufagé &les effets des intonacatures dont on ne-veut
wien xabattre : mais comment concilier enfemble ces deux
«<hofes, l'action ;prefque. immanquable des intonacatures far
tant de malades qu'on dit avoir été :ou guéris ou confidé-
aablement foulagés, d'une ‘part, &;de l'autre la tranfmiffion
ï rarement fenfible des :odeurs propres à ces drogues, ren-
fermées dans les vaifleaux avec defquels on électrife? Si c'eft
swéritablement le-baume du Pérou ,,e-benjein, Je camphre,
4e foufre, &c. qui portés par la matière électrique ont pro-
-duit toutes ces guérifons dont M. Pivati a rempli fes Ou-
#wrages imprimés , pourquoi toutes ces matières fr fortement
sodorantes ne fe répandent-elles pas copieufement &toûjours
dans les lieux où Von ifaitles expériences, & pourquoi ne
“communiquent-elles pas leurs odeurs aux gens qui les reçoi-
event ‘par voie d’électrifation? : |
Je fuis difpofé à, croire que léleGricité peut avoir guéri
sou foulagé des malades; mais je ne trouve pas les preuves
“de M. Pivati aflez fortes, ni aflez certaines, pour me faire
«penfer que les intonacatures aient pû contribuer à ces bons
æflets: je pente, (:& M. Verati ma paru lui-même affez
«porté pour ce fentiment } que fi quelqu'un a été affez heu-
eux pour opérer des guérifonsen éleétrifant avec des vaiffeaux
garnis de drogues, tout ce qu'on peut dire en faveur de ces
matières, c'eft qu'elles n’ont point empèché l'électricité d'agir.
M. Pivati montre dans la converfation une bonne foi &
un defintéreffement qui feroient ‘bien capables de me tou-
cher en faveur de fon opinion; mais parmi les faits. qu'il
raffemble dans fes écrits pour fortifier fes preuves, j'en trouve
qui ne font point aflez d'honneur à fa délicatefle, & qui
spourroient le rendre fufpeét d'une trop grande crédulité :
1#]Ibid. p.27. Si confumo lama- | caposmnorto, che ne tenea pit odore
steriayinterna-a; feenoche, fi.reduffe |, ne fapore. E fino.il vetro medefno
mon offante, l'effere quafi ermetica- | quafi confunro fi apri da fe fteffo ir
mente ferrato , alla fottiliezza diun | pit feffure per longo. if
Sdilicato\foglio di carta àr come uni |: ? “alu
: Mmm ÿ
3 Rifeffioni f-
fiche fopra lame-
dicina elettrica ,
p. 103.
bJhid. p.153.
460 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
voudra-t-on croire avec lui, par exemple, que la vertu
électrique foit capable de remettre en mouvement une
montre qui eft arrêtée, & de la régler quand elle feroit dé-
rangce fans remède? La fudita effcacia { della elettricità) im
dar giuflo movimento alle moftre di orologio o Jerme, o reflie,
o ritardanti fenga remedio*. Voudroit-on croire conne lui,
fur la foi d’une lettre particulière , dénuée d'autorité, & fans
lavoir éprouvé, qu'une once de mercure fe foît évaporée
entièrement par les pores d’un vaifleau de verre, avec lequel
on électrifoit un homme, qu'elle lui ait rendu la peau de la
couleur du plomb, & qu'il s'en foit fuivi une copieufe fali-
vationb. Ce fait, qu'on dit s'être paflé à Naples, tout inté-
réffant qu'il eft, y a fait fi peu de bruit, que je n'ai pü en
avoir aucun indice, pendant le féjour que j'ai fait dans cette
ville, après limpreffion du livre où à eft cité.
4. J'ai eu occafion d'éprouver à Venife un globe de cette
matière qu'on nomme émail, & dont on fait tant de jolis
ouvrages dans cette ville. On m'avoit dit qu'il ne devenoit
point électrique par le frottement, comme le verre & la
porcelaine le deviennent; cependant, quand je le mis en
expérience, il donna des marques très-fenfibles d'électricité,
quoique ce jour-là le verre même ne séleérifàt qu'avec
peine ; c'eft um fait de plus que j'ai cru devoir recueillir,
& qui confirme ce que l'on favoit déjà, que les métaux
vitrifiés s’éleétrifent par frottement, ce qu'on ne peut point
faire quand üs font dans leur état naturel.
À RE Cd Eo FL
Vaiffeau de verre qui paroi s'être rempli d'eau
par.fes pores.
Après avoir contefté & même nié en quelque façon la
transfufion des odeurs & de certains remèdes à travers les
pores du verre, me fied-il: maintenant de propofer à croire
que de tels pafages aient permis à l'eau, ou à une liqueur
qui lui reffémble, de s'introduire dans un vaifleau de verre
DIEPSIMONC 1 E N'C' ES 461
bouché herntétiquement? S'il ne s'agifloit que de la poffibilité
du fait, en confidérant d'une part {a fineffe ou la fubtilité
plus ou moins grande des parties qui doivent pénétrer, &
de Fautre le degré de pénétrabilité que peut avoir le verre,
J'avoue qu'il faudroit tout Mier ou tout accorder, & qu'on
pourroit même faire valoir des raifons de préférence en faveur
des parties odorantes, dont tout le monde connoît Ia pro
digieufe divifibilité ; mais ce n’eft point par des raifons prifes
de la nature des matières tant pénétrantes que pénétrables
qu'il faut aujourd'hui juger la queftion, c'eft par des faits
-qui portent avec eux la décifion qu'on demande s'ils font
vrais, parce qu'il n'eft pas poflible de les expliquer fans fup-
pofér ceite pénétrabilité du verre dont il s'agit.
On a publié que la matière électrique fervant de véhi-
cule aux odeurs, les faifoit fe répandre du dedans au dehors
d'un vaiffeau de verre hermétiquement bouché, ou comme
tel; fi cela s'étoit vérifié, on pouvoit conclurre en toute füreté
que les pores du verre étoient perméables à ces fubftances.
Le premier fait nv'a paru plus que douteux , & j'ai refufé de
l'admettre ; je contefterai de même la conféquence, tant qu'elle
fera tirée uniquement de la prétendue transfufion des odeurs;
mais je crois qu'on la peut recevoir d'une manière même
plus générale, s'il fe trouve d’autres faits plus certains qui
a rendent aufft néceffaire.
Nous confervons les liqueurs les plus fubtiles, les plus
pénétrantes, dans des vaifleaux de verre; nous tes croyons
-en füreté quand nous avons pris par rapport aux bouchons
toutes les précautions néceffaires ; en fuivant le préjugé éta-
bli, une bouteille de verre bien bouchée ne peut ni fe vuider
:ni fe remplir : à fexception de la lumière & de ces fluides
fubtils qui paflent par-tout & que rien n'arrête, on eft en
pofleffion de penfer & de dire qu'aucune matière ne pénètre
les pores du verre.
+ Ce préugé (fi den eft un) eft fi bien établi, que l'Aca-
démie regarda comme un -phénomène très-fingulier , & qu'on
-ne devoit croire qu'après l'avoir bien vérifié, Fobfervation
Mu ii.
462 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
dont M. Dachery lui fit part en 1724, d'une bouteille de
verre bouchée avec foin, & qui fe remplit d'eau douce étant
« Hi. ær 4. plongée dans la mef à la profondeur de cent trente braffes 2:
cad des Jre. Le fait, éprouvé depuis par M. Coffigny , à qui je d'avois
17256. 1. +
bien recommandé lorfqu'il partit pour fe rendre à lifle de
France, fe vérifia quant à l'introduction de l’eau; mais les
circonftances furent différentes , il n'entra dans la bouteille
qu'une très-petite quantité d'eau, toûjours falée, & le bou-
chon ne parut jamais, après limmerfion, ni dans la même
place ni dans le même état où il étoit avant que d'êtrelfou-
b fl. de l'A- mis à la preffion de la merb; de forte qu'après ces expé-
cn + riences on eft auffi bien fondé à croire que l'eau s’eft infinuée
par les pores du bouchon & des matières qui le couvroient,
qu'à inaginér qu'elle ait pénétré par les pores du verre.
Le vrai moyen de teriminer cette queftion fans replique,
feroit de voir un vaifleau de verre fcellé hermétiquement fe
remplir de quelque liqueur , ou fe vuider en tout ou‘en partie;
& c'eft ce que je-crois avoir rencontré par ‘hafard, aumoïns
puis-je dire que j'ai dans la tige creufe d'un verre à boire
une liqueur tranfparente comme de l'eau, qui me paroît ne
pouvoir y être entrée que par les pores. Je tiens cette pièce
du Père Garo‘dont j'ai déjà parlé dans'le premier artiele derce
Mémoire, qui l'a gardée pendant plufieurs années, &'examinée
de tout point avant que de me la donner ;elle fut trouvée au fond
d'un puits qu’on écuroit dans un couvent de Religieufesà Turin:
da perfonne qui da ramaffa n’en-fut que médiocrement tou-
chée, & ne fentoit point afféz combien elle pouvoit intri-
‘guér les Phyficiens, pour être foupçonnée d'y avoir mis du
myfère je puis ajoûter que-le Père Garo, des mains duquel
‘elle n’eft’point {crtie depuis, n’eft point homme à fabriquer
de pareïlles-énigmes {Voy. la fig. 1e).
Mais livrons-nous pour un moment à fa défiance, & fup-
pofons que quelqu'un fe foit fait un plaifir d'introduire! cette
“eau par quelque voie fecrète, afin de donner à deviner aux
‘Curieux. comment elle-eft entrée : eft-ce à la Verrerie en fa-
“briquant fa pièce que cela a-pûfe faire, ou bien depuis quele
verre refroidi-a pris fa confiftance ordinaire?
22
DIENMNSNC DE NIC'E NS 463
+ On fait que les liqueurs ne fouffrent point, fans s'évaporer,
ke: degré de chaleur qu'il faut pour tenir cette matière en
füfon, oi en état d'être travaillée; l'eau la plus bouillante
la refroidit tout d’un coup, & la met en morceaux : en un
mot, il eft de toute impofhbilité de renfermer dans du verre-
en état d'être foufflé , aucune liqueur connue, parce que
quand elle feroit de nature à ne point faire éclater le verre-
par fà fraîcheur, elle fe convertiroit au moins en une vapeur,
laquelle, en fe dilatant, feroït crever fon enveloppe:
- On ne peut pas dire non plus que la tige du verre dont
il s'agit, ouverte par un bout pour recevoir la liqueur , ait
été fcellée enfuite au feu de lampe: j'ai affez pratiqué cet
inftrument d'Emailleur pour favoir que le verre n'y réfifte:
pas quand il à été nouvellement mouillé, ou que la liqueur
qu'il renferme fe trouve près de lendroit où l'on applique le
feu, comme cela feroit arrivé infailliblement avec le morceau
dont il s'agit, & qui, de plus, ne laiffe apercevoir aucune
marque fur laquelle on puiffe: foupçonner qu'il ait jamais été
fcellé, depuis qu'il a été détaché de la patte & de la coupe
du verre dont il faïloit partie.
… Tout ce qu'on pourroit done croire, c'eft que Fauteur de
cette füpercherie auroit pratiqué en quelque endroit une ouver-
ture qu'il auroit adroitement bouchée après. Je n’oferois dire
ue d'autres yeux que les miens n'y découvriront rien de.
emblable, & c'eft même par la crainte que j'ai de n'avoir
point aflez fait à cet égard, que je foûmets la pièce même
à fexamen de la Compagnie; mais je puis dire que j'y ai
mis tous mes foins & toute mon attention, en la confidé-
rant foit à la fimple vüe, foit avec la loupe, au grand jour
& à toutes fortes de lumières, & que je n'ai rien aperçû
qu'on puifle prendre pour une ouverture bouchée après coups.
Le verre eft dépoli, on y voit des piqures & des flries
comme en ont prefque tous les morceaux de cette efpèce qui
ont été long-temps en terre; mais je ne vois ni fente ni trou
qui, pénètre toute lépaifleur: j'ai mis ce verre tremper fuc-
ceflivement dans de l'eau forte, dans l'efprit de vin, dans celui:
“
464 MÉMOIRES DE L'ACADÉMBE RoYaALE
de térébenthine , pour voir fi ces différens diflolvans n’enleve-
roient pas quelque enduit ou quelque particule de matière
étrangère dont on fe fût fervi pour boucher des trous imper-
ceptibles, & pratiqués à deflein; mais je n'ai rien décou-
vert par cette voie, non plus que par la précédente.
I! me refte encore une épreuve à faire, c'eft de chauffer
la pièce à un certain degré, pour voir fi la bulle d'air qui
{e trouve enfermée avec la liqueur, venant à fe dilater deffus
& à fa preffer fortement, ne l'obligera pas à fortir, & à dé-
celer le chemin qu'elle a fuivi pour entrer; mais comme cette
preffion intérieure pourroit rompre le vaifleau, j'ai été bien
aife de le montrer entier avant que de m'expofer à le perdre *,
Après toutes ces épreuves, sil eft impoñlible de trouver
d'autres paflages que les pores du verre pour dire comment
la liqueur contenue dans ce petit vaifleau s'y eft introduite,
le fait une fois admis doit paroitre & plus décifif & plus
fingulier que celui des bouteilles plongées dans la mer; plus
décifif, parce qu'il n'y a point ici de bouchon dont le déran-
gement ou la porofité puifle laïifler aucune incertitude, aucun
foupçon; plus fingulier, puifque pour en rendre raifon l'on
ne peut pas alléguer la preflion énorme d’une colonne d'eau
falée de cent brafles & davantage, par laquelle on peut rai-
fonnablement fuppofer que les pores du verre ont été forcés,
dans les expériences de M": Dachery & Coffigny.
I ne faut cependant pas croire que l'eau du puits (car if
a tout lieu de croire que ce qu'on voit dans le petit vai£
feau dont il agit n’eft rien autre chofe) fe foit introduite
comme d'elle-même, & fans être pouffée par une force exté-
rieure: indépendamment de l'eau du puits dont la hauteur
étoit peut-être de huit à dix pieds au deflus du fond, celle
qui touchoit Ja furface du verre étoit encore chargée du poids
prefque tout entier de l'atmofphère, à quoi rien ne s’oppoloit
* Depuis la leéture de ce Mé- | fortir aucune partie de la liqueur,
moire, j'ai chauffé à plufieursreprifes | ni en goutte ni en vapeur. Il eft
la pièce de verre en queftion jufqu’au | prefque impoffible de porter l'épreuve
point de ne la pouvoir plus manier | plus loin, fans faire crever le vail
avec les doigts nus, fans qu'il parût | feau (Woy, la fig. 2); :
ans
DES SCIENCES. 465
dans l'intérieur du vaiffeau; car lorfqu'on a foufflé ce verre,
le peu d'air qu'il contenoit étoit raréfié par un degré de
chaleur confidérablement au deflus de celui qui, felon M.
Amontons, raréfie des deux tiers l'air de l'atmofphère pris
dans une température moyenne; je dis confidérablement au
deflus, car lorfqu'on travaille le verre, il eft prefque cou-
lant, &.M. Amontons faifoit fes expériences avec des vaif-
feaux de cette matière, à peine rougis au feu.
Nous pouvons donc confidérer notre petit vaifleau au fond
du puits, à peu près comme un récipient dans lequel on auroit
fait le vuide avec une machine pneumatique; & cette confi-
dération paroît d'autant plus légitime, que le peu d'air extrè-
rmement raréfié, à préfent qu'il a repris une denfité propor-
tionnelle à la fraîcheur du lieu où il étoit, en faifant place à
l'eau qui s'eft logée avec lui, fe préfente fous un volume
qui cadre on ne peut pas mieux avec tout ce que je fup-
pole être arrivé.
Si c'eft donc par les pores du verre que l’eau eft entrée
(car j'ai peine à me familiarifer avec ce fait }, on doit penfer
qu'elle a été pouffée par le poids de celle qui étoit au deflus
du vaifleau, & par celui de l'atmofphère: il eft vrai que tout
cela pris enfemble n'équivaut point à la charge d'une colonne
d'eau de la mer, haute de plus de cent brafles; mais ne peut-
on pas répondre, premièrement, que ce qui s'eft fait en un
quart - d'heure de temps avec une fr grande preflion, feroit
peut-être arrivé par un effort bien moindre qui auroit duré.
- beaucoup plus fong-temps; fecondement, que les bouteïlles
dont on s'eft fervi étoient bien plus épaifles, & d'un verre
peut-être plus ferré que celui de notre petit vaiffeau ; enfin,
que ce morceau de verre, comme je l'ai déjà dit, ayant perdu
fon poli naturel, & cette première fuperficie qui eft la plus
ferrée? on peut penfer que fes pores en font devenus plus
perméables.
Quoi qu’il en foit, des vaiffeaux de verre qui fe rem-
pliffent ainfi de liqueur fans qu'on puiffe dire que cela fe foit
fait autrement que par les pores, rendent plaufible Topinion
Mém. 1749: . Nnn
466 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de quelques Phyficiens, qui prétendent avoir oppolé en vain
les meilleurs bouchons à l'évaporation de certäines matières
fpiritueufes & fort pénétrantes : avec le temps elles fe font
fait jour, difent-ils, par les pores des flacons, & j'ai cru
moi-même en avoir rencontré quelques exemples ; je cher-
cherai à les revoir, & je les examinerai avec moins de pré-
vention qu'on n'en à communément pour croire que le verre
neft pénétrable que pour la lumière & pour le feu; car fi
des vaifleaux de cette matière peuvent fe remplir par les
pores, pourquoi ne pourrojent-ils pas fe vuider de même?
AR H'ÉORIE STE
Botanique à Agriculture.
1. On fait aujourd'hui que les feuilles ne viennent point
aux arbres feulemient pour les orner, mais que ces parties,
en les rendant plus agréables à voir, entrent auf pour beau-
coup dans l'économie végétale ; elles ont des fonétions d'où
dépendent laccroiflement & la maturité des fruits, la falu-
brité & même la vie du tronc & des branches. Quels dom-
mages ne caufent point aux vergers & aux forêts, des in-
fecles trop multipliés, qui dans certaines années les dépouil-
lent de leur verdure! & quand l'expérience ne nous auroit
point appris qu'en général on fait tort aux arbres en leur
Ôtant les feuilles, n'eft-il pas naturel de penfer qu'on les
expole à une forte d'épuifement, en donnant lieu au prompt
renouvellement d'un grand nombre de leurs parties?
Cependant , Fufage où lon eft de cueillir les feuilles des
müriers dans les endroits où l’on élève des vers à foie, &
lé peu de mal qu'il en arrive après cette récolte, nous fait
voir que la règle de conferver les feuilies aux arbres pour les
mainienir en bon etat, n’eft pas fans exception, ou qu'on
peut aflujétir les vegetaux, comme les animaux, à certains
ufages, à certaines opérations qui ne font pas dans l'ordre de
la Nature.
Quand je vis en Piémont tous les müriers reprendre leur
DES SCIENCES. 46
feconde feuille un mois après avoir été dépouillés de fa pre-
mière, & reparoître à la fin de Juin avec la même vigueur
& une verdure égale à celle que je leur avois vûe vers a fin
de Mai; confidérant de plus que ce renouvellement fe voit
toutes les années aux mêmes arbres, je me défis bien aifé-
ment du préjugé où j'étois fur le dommage que pouvoit
caufer aux arbres la perte de toutes leurs feuilles, dans un
pays & dans une faifon où l'ardeur du foleil eft fort grande;
j'allai même beäucoup plus loin, j'imaginai qu'avec la feconde
feuille, & plus de deux mois dé temps fufhfamment chaud,
fur lefquels on pouvoit compter encore après la Saint-Jean,
il feroit peut - être poflible d'élever une fecondé famille de
vers à foie, & de doubler par-là une efpèce de ia qui
fait la plus grande richeffe du pays.
Mais cette penfée étoit combattue par quelques tra
& fur-tout par la crainte d'épuifer les arbres, en les obligeant
à réparer plufieurs fois la même perte. Je labandonnai en-
tièrement, lorfqu'ayant demandé à quelques per {onnes que
je croyois fort au fait de tout ce qui concerne la foierie, fr
Jon n'avoit jamais penfé à mettre la feconde feuille à profit
de a manière que je viens de dire, j'appris qu'on l'avoit
effayé, mais infruétueufement, parce que les gens qui avoient
eu, difoit-on, l’avidité de vouloir faire deux récoltes, avoient
perdu leurs Paie hiver
Une réponie fi pofitive, faite par des perfonnes dignes de
foi, & que je croyois bien inftruites, en m'ôtant juqu' au
defir de n'informer ailleurs, m 'expofa à ne point avoir la
connoiflance d’un fait aflez curieux, que le hafard m'a offert
depuis ; mais je fui dois en quelque façon la certitude que
jen ai, parce que prévenu contre, je n'ai voulu fe croire
qu'après des témoignages irréfragables.
Dans la plus grande partie de la Tofcane, & principale
ment aux environs de Florence, le terrein el partagé entre
les mûriers & les oliviers; en réfléchiffant für La quantité de
foie qu'on y fait, comparée à celle du Piémont où fon ne
cultive qu point d'autres arbres que des müriers, je
Nan ji
Ÿ 5749.
468 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
difois aux Florentins que j'étois bien furpris qu'avec fi peu
de nourriture on püt élever tant de vers à foie chez eux. On
me répondit qu'on en faifoit éclorre fucceffivement deux fa-
milles, & que les arbres dépouillés deux fois de leurs feuilles,
fourniffoient autant que s’il y en avoit deux pieds pour un.
Ce fait me fut confirmé par toutes les perfonnes à qui je
m'adreffai pour en être inflruit, & j'en interrogeai un grand
nombre; mais ce qui me le fit croire avec une entière con-
fiance, ce fut une converfation que j'eus fur cela avec M. Le
Comte de Richecourt, premier Miniftre de l'Empereur, en
préfence de plufieurs Gentilshommes du pays: ce Seigneur,
qui pouffa la politefle jufqu'à me conduire lui-même dans
des manufactures où je n'aurois pü entrer fans fes ordres,
m'aflura que c'étoit un ufage très-établi en Tofcane d’em-
ployer fucceffivement la première & la feconde feuille des
müriers pour élever des vers à foie : Son Excellence ajoûta,
que comme cette année * les premiers vers avoient manqué
à caufe des mauvais temps qu'on avoit eus en Mai & en
Juin, fur les repréfentations qui lui en avoient été faites,
Elle avoit permis, en dérogeant à la règle, & fans tirer à
conféquence pour l'avenir, d'élever des vers à foie avec la
troifième feuille.
Cette troifième feuille, pour ce qui fe pratique ordinaire-
ment, eft donc expreffément défendue; mais, le croira-t-on?
ce n'eft point du tout dans fa vüe de ménager les arbres, &
en voici la preuve. Dans tous les environs de Florence, il n'y
a d’autres pâturages que le peu d'herbe qui croît dans les
chemins le long des haies ; pour nourrir les bœufs, les vaches
& autres animaux domeftiques, on ramafle jufqu'aux côtes
de melons dans les rues, & ce qui fait la plus grande reflource,
ce font les feuilles des ronces, de la vigne, des arbres, &
parmi ces derniers il ne faut point compter l'olivier, parce
qu'on en conferve la feuille à caufe du fruit qui ne fe recueille
que fort tard, & parce que les animaux les plus preffés de
la faim n’en veulent point manger ; mais celle du müûrier
leur convient beaucoup, & tant qu'il y en a on ne la leur
J'DMEMSMEC IE NÜC2E 469
épargne point. Ainfr cet arbre, depuis le commencement de
Mai jufqu'à la fin de Septembre, ne fait autre chofe que
perdre fes feuilles & en reprendre de nouvelles, & cela dans
un pays où il eft expolé à la plus grande ardeur du foleil.
Cet exemple, autorifé par une longue expérience, ne
devroit-il pas nous porter à faire au moins quelques efais
dans nos provinces méridionales, pour tâcher d'augmenter la
récolte de la foie, fans multiplier à proportion les müriers
dont le nombre ne peut croître fans quelque préjudice à
d'autres produétions néceflaires? Les grandes chaleurs n'y
durent peut-être pas autant qu'en Tofcane; mais, probable-
ment, ce n'eft pas de la plus grande chaleur qu'on doit
attendre le bon fuccès de ces épreuves; & il fait affez long-
temps chaud dans le Languedoc, dans là Provence & dans
le Dauphiné, pour y faire éclorre & pour y élever fucceffi-
vement deux familles de vers à foie.
2. À propos des arbres qu'on dépouille de leurs feuilles,
j'ai vü dans le royaume de Naples enlever celles des myrtes,
qui fe trouvent en très-grande quantité le long des chemins
& fur les collines incultes : des gens qui en font commerce
en empliffent des facs dont ils chargent, des mulets ou des
ânes, pour la vendre aux Tanneurs, qui s'en fervent au lieu
d'écorce de chêne pour préparer les cuirs; j'ai appris depuis
que’ la même chofe fe pratique en Calabre.
3- Dans le Piémont & dans le Boulonnois, on cultive des
chanvres de deux efpèces; une eft un peu plus menue &
plus bafle que ne le font communément nos chanvres de
Picardie, & Yon s’en fert pour faire du linge; l'autre efpèce,
beaucoup plus grofle & plus haute, s'emploie dans les cor-
deries. Les Vénitiens fourniffent leur Arfenal des chanvres
de Boulogne, & les Piémontois vendent les leurs aux Génois,
qui en font grand cas. J’ai mefuré de ces derniers chanvres,
dont la tige avoit par embas plus d'un pouce de diamètre,
& un peu plus de trois toifes de hauteur ; comme le bois
en eft extrêmement léger, fort blanc & luifant, les Dames
en font des cannes pour fe promener dans les campagnes.
Nnniÿ
470 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Les gros chanvres ne fe broient point avec une macque
comme les autres, on les écorce brin à brin, ou bien on les
brife avec une meule de pierre qui roule fur fon champ
comme celle dont on fe fert pour écrafer les pommes dont
on fait du cidre.
4 On fauche les prés communément trois fois en Pié-
mont, on fane tout de fuite, & au bout de vingt-quatre
heures le foin eft ferré: on n'eft point dans lufage de le
botteler , on le met en pile fous des hangars ou dans des
granges, & on l'entaffe de manière qu'il forme une maffe
très-dure, que l’on coupe avec une efpèce de bèche tran-
chante à mefure qu'on en a beloin, foit pour l'ufage de fa
muifon, foit pour le vendre. Il femble que ces mafles de foin
nouveau, fi fortement preffées , devroient s'échaufler; & s'il
eft vrai, comme on le dit, que le feu prenne quelquefois
de lui-même dans les granges, c'eft bien en pareil cas qu'on
devroit le craindre. Cependant on nva bien affuré que ces
accidens étoient inconnus dans le pays : apparemment qu'une
journée de la chaleur qui y règne communément ,-fait autant
fur le foin nouvellement fauché, que quatre ou cinq jours
de.celle qu'on éprouve dans nos provinces feptentrionales,
ou bien ( ce qui me paroït encore plus vrai-femblable)} nous
laiflons peut-être nos foins fur le pré plus de temps qu'il
n'en faudroit pour le mettre en état d'être ferré; ce qu'il y
a de certain, c'eft que le foin de ce pays-là paroït plus verd
à l'œil, & conferve une odeur beaucoup plus forte que celui
qu'on voit communément ici.
Quand les prés ont été fauchés pour la dernière fois*de
chaque année, on en coupe des gazons minces que l'on met
en monceaux, & que l’on fait brûler avec quelques brouf
failles ; il en réfulte une terre mêlée de cendres, que l'on
répand enfuite dans a prairie : les Piémontois font grand cas
de cette pratique, mais ils n’en ufent que pour les prés qui
s'arrofent par des rigoles. |
s+ La moiflon du feigle & du froment fe fait de bonne
heure dans les endroits du Piémont qui font en plaine; pour
Le
’ D'ERSUSIC LIEN CES 471
ordinaire cette récolte eft faite à la Saint-Jean, & auffi-tôt
la charrue retourne la terre avec ie chaume, dont on ne fait
aucun autre ufage; on y sème tout de fuite du millet, qui
fe recueillie au mois de Septembre.
6. On cultive aufli dans le Piémont, comme dans l'Italie,
une grande quantité de blé de Turquie; mais comme cette
plante ne vient bien qu'autant qu'elle eft fréquemment arrofée,
on a place dans les endroits qui ont'peu de pente: on la
difpofe en lignes droites & parallèles, & d'un rang à l'autre
on laiffe un intervalle d'un pied ou environ, que l'on creufe
én forme de fillon, ‘en relevant la terre de part & d'autre du
côté des deux rangs de plantes : de temps en temps, felon
le degré de féchereffe qui règne, on y fait couler de l'eau,
que lon arrête par l'autre bout, afin que cet arrofement puifle
pénétrer aflez avant dans la terre.
Le blé de Turquie fait beaucoup de profit à celui qui le
cultive, à caufe du grand ufage qu'on en fait dans le pays.
Les gens de fà campagne en font journellement une efpèce
de bouillie qu'ils appellent polenra, & qu'ils regardent comme
une très-bonne nourriture. Tout homme qui fait valoir une
terre, ne manqueroit pas d'en employer une grande partie en
blé de Turquie, sil en avoit la liberté, mais on croit que
cette plante appauvrit & épuile le terrein; & pour prévenir
ce dommage, le propriétaire qui paffe un baïl prend 1 pré-
caution de fixer la quantité de blé de Turquie qu'on y
pourra cultiver chaque année.
7. J'ai vü les rizières du Novarois, & c'étoit bien mon
deffein de n'’informer de la manière dont on les conduit, mais
je n’en eus ni le temps ni l'occafion; le riz n'étoit encore
qu'en herbe, je navois aucune connoiffance dans le pays,
& je favois qu'il falloit abfolument en avoir, & sy prendre
de longue-main, pour tirér des éclairciflemens fur cette cul-
tre, dont on fait myflère aux étrangers. Je fongeai feule-
rent à m'affurer d'un fait qui fut caufe, ou que lon donna
pour prétexte, du peu de fuccès avec lequel on eflaia il y a
quelques années d'établir des rizières dans le Forès : on
-
472 MÉMOIRES DE L'ÂCADÉMIE ROYALE,
prétendit alors que le féjour des eaux néce‘faires pour baigner
continuellement le pied de cefte plante, étoit capable de
corrompre l'air, & de caufer des maladies épidémiques. On
ne fe plaint point de cette elpèce de contagion, ni dans
Verceil, ni dans Novare, ni dans les villages des environs
de ces deux villes; muis on convient aflez que les gens
actuellement occupés dans les rizières s’en trouvent fouvent
incommodés, ceux-là d’une manière, ceux-ci d'une autre,
& les moiflonneurs du Piémont & du Monferrat qui par-
tent de chez eux pour aller faire la récolte du riz dans le
Novarois, comme nos payfans de Picardie ont coûtume de
venir faire la moiflon du blé dans fIfle de France, s’en
retournent le plus fouvent avec une maladie qu'ils appellent
fièvre froide ou fièvre humide , & qui leur dure pendant tout
l'hiver quand ïls n'en meurent pas.
8. L'Aftefan eft une des provinces du Piémont où la
terre montre le plus de fertilité; cependant il s'en faut bien
que le {ol reffemble à ce que nous appelons communément
bonne terre; c'eft une glaife dont la couleur eft d'un gris affez
clair: il paroïît qu'elle eft mêlée de quelque fable, qui la
rend plus légère, plus diffoluble, & qui la met à peu près
dans l'état de celle qu'on prépare pour être cuite. Les habi-
tans, fans aucun choix, & fans autre façon qu'un peu d’eau
pour Famolir, en font des briques, des tuiles, des carreaux,
&c. qui deviennent fort rouges à la cuiflon, & qui n'ont
d'autre défaut que celui d’être quelquefois fort poreux &
trop tendres : j'ai rencontré dans la même province des pièces
de terre dont la couleur tirant fur le rouge, fembloit annon-
cer une autre qualité; mais en ayant manié avec un peu
d'eau, je l'ai encore trouvé grafle & fufceptible de recevoir
& de garder toutes les formes qu'on auroit voulu lui donner:,
c'eft un pays de collines, où les eaux trouvent un prompt
écoulement ; fans cela les chemins feroient abfolument impra-
ticables, & il eft à préfumer qu'on ne tireroit pas un fi bon
parti du terrein.
9- Prefque toutes les terres cultivées en Italie, font légères
& fablonneufes ;
is # HÉSSeS L én
Li
+ D Ef Si C D'E NuCs ESA 473
& fablonneufes ; cependant j'ai remarqué qu'elles rapportoient
beaucoup, & cela m'a donné lieu de réfléchir fur la ma-
nière de les cultiver, qui ne reffemble point à la nôtre. Les
Italiens comptent peu fur les pluies pour arrofer la terre;
ils ont foin de l'humecter par des rigoles, ils difpofent le
terrein en conféquence, & lon peut dire que cette nation
een mieux qu'aucune autre, l'art de conduire les eaux
courantes : la Nature lui en a donné des leçons, en lui mettant
fous les ‘yeux tant de rivières & de torrens, dont le pays eft
entrecoupé, & qu'on peut faigner, divifer & fubdivifer
felon le befoin. On n’y voit*pas non plus, comme en France
& ailleurs, de grandes plaines de blé, de feigle, ou de
quelqu'autre menu grain; on sème & fon plante entre deux
rangs d'arbres, qui foûtiennent des vignes en forme de
treilles. En mélant ainfi des productions de différentes efpèces,
il femble qu'on ait voulu modérer par des ombres bien mé-
nagées la trop grande ardeur du foleil, & prévenir laridité
d'un terrein très-difpofé par lui-même à s'échaufler & à fe
defécher, "| DR TER TANT 4
AT NE TICHE AN: SE cs
Maçonnerie à ArchireGure.
1. Dans le premier voyagé que je fis à Turin il y a dix
aus, jentendis parler plufeurs fois d'une efpèce de chaux
qu'on fait dans le pays, & avec laquelle on bâtit d'une ma?
nière très-folide ; je voulois dès-lors en prendre connoiffänce,
mais les occupations pour {efquelles j'avois été appelé, ne
m'en laifsèrent pas le loifir, & depuis ce temps-là je n'ai
retrouvé loccafion de fuivre cet objet que pendant le féjout
que je fis en Piémont l'été dernier. Pour être inftruit comme
je lé defirois, non feulement jai interrogé les Architectes
& autres gens de l'art, mais j'ai eu de fréquentes converfi-
tions & j'ai fait des expériences exprès avec M. Matthey,
Méchanicien en titre de Sa Majefté le Roi. de Sardaigne.
C'eft fur-tout à lui que je fuis redevable de la plufpart des :
connoiffänces dont je ferai mention dans cet article.
Mém. 1749: US GRSREES
74 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
On diftingue en Piémont deux fortes de chaux, lune
qu'on nomme chaux douce ; affez femblable à la nôtre & qu
emploie de même ; l'autre qui s'appelle chaux forte, & qui
eft différente à bien des égards; c'eft principalement de
celle-ci que j'ai à parler.
La pierre dont on fait la chaux forte qui s'emploie à
Turin & dans les environs, fe prend en plufieurs endroits
d'une chaîne de montagnes, qui s'étend depuis la petite ville
de Montcaillier jufqu'à celle de Cafal: à caufe de Ja proxi-
mité, on la fait venir communément de Supergue, lieu fort
élevé, & célèbre par le vœu du Roi Viétor *. Cette pierre
fe tire de la carrière par quartiers ou par morceaux naturel-
lement arrondis, ou figurés comme de gros cailloux ; elle
eft d’une couleur grife & quelquefois prefque noire, parfe-
mée de petites lames d'un blanc brillant & fouvent entre-
coupées par des couches, ou par de petites mafles de cette
même matière, qui reffemble aflez à du marbre blanc ou à
quelque criftallifation imparfaite : d'ailleurs la pierre, par Ja
fmefñle du grain & par fa dureté, pourroit être regardée
comme un mauvais marbre.
Jai cru pendant quelque temps que cette pierre étoit
particulière au pays, & qu'on ne faifoit de la chaux forte
que dans cette partie du Piémont, mais j'ai bien eu occafion
de me defbufer depuis; on en trouve dans prefque tous
les endroits de Fltalie qui font voifins des Alpes & des
Apennins, j'en ai vü des chaînes de rochers tout entières,
en paffant de Boulogne à Florence, & fur-tout à l'endroit
qu'on nomme Pietra mala : il y avoit alors un grand nombre
de travailleurs occupés à la réparation du chemin & des
ponts qui font fur les torrens: je voyois que le même
rocher mis en pièces ; fournifloit les pierres pour bâtir & la
chaux pour faire le mortier. Dans toute la haute Maurienne,
* Vidor Amédée, père du Roï | Turin, fit vœu de bâtir dans ce
régnant, étant allé fur la montagne :| lieu une églife fous Finvocation de
de Supergue pour reconnoître lar- | la S.te Vierge, ce qui fat exécuté
mée de France qui avoit invefti | depuis. 4
LA
4 D ES *S C 1 E N°C E 8 475
depuis Saint - Michel jufqu’à Lanebourg , on: ne rencontre
autre chofe que cette elpèce de pierre, & je me rappelle
qu'en vifitant ces montagnes arides & pelées qui font au
deffus du mont Cenis, & qu'on peut regarder comme fa
cime des Alpes, dans tous {es endroits qui n'étoient pas
couverts de neige ou de glace, le roc paroifloit être de a
nature de cette pierre, qui femble tenir beaucoup du marbre:
Jen juge, non feulement par les caradières dont j'ai déjà
fait mention, mais encore parce qu'on rencontré du marbre
Par-tout où elle fe trouve. Les torrens qui tombent des
montagnes rempliffent les vallées par où ils pañlent, des
morceaux de pierres qu'ils ont détachés & entraînés avec
eux; fi Ton y voit du marbre, on eft prefque für qu'il y
aura auffi de quoi faire de Ja chaux forte.
: Dans les environs d'Afti, du côté de Couftiole, j'ai va
faire d'excellente chaux avec une pierre un peu différente
de celle-ci : au premier coup d'œil, on la prendroit pour
une glaife durcie; pour la tirer de la terre, il faut creufer
bien fouvent plus de so pieds, & en faifant ces efpèces de
puits, on trouve une pierre bife affez dure & d'un grain
très-fin, avec laquelle on bâtit folidement , pourvû qu'elle
foit enfermée fous quelque enduit, ou revêtue de briques,
{lon 'ufage du pays; car dès qu'elle demeure expofée à l'air,
de fuperficie en fuperficie, elle f réduit en pouffière, &
s'ufe entièrement.
La pierre de Supergue fe calcine comme la pierre à chaux
ordinaire, mais en moindre quantité; les plus grandes four-
nées ne donnent pas plus de huit cens rubs * de chaux, &
fon en fait beaucoup qui ne vont pas à quatre cens ; pour
les premières on fait durer le feu trente-fix ou quaranté
heures, & pour les autres dix-huit ou vingt feulement ; &
comme les effets du feu dépendent non feulement de fa
durée, mais auffi de fon intenfité & de la réfiftance plus ou
moins grande des matières fur lefquelles on le fait agir, les
:* Le rub de Piémont eft de 25 livres de 12 ünces chacune, ce qui fait
19 livres moins 4 onces poids de mañc. ais
Ooaiï
x
476 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
gens qui font cette chaux font attentifs à examiner les chan-
gemens qui arrivent à la pierre, afin de fixer fa calcination
dans l'état le plus convenable,
Ces changemens portent principalement fur le poids, fur
Ja couleur, fur la confiftance; la pierre devient légère par
la calcination, mais bien moins à proportion que la pierre
à chaux ordinaire: quant à la couleur, elle paffe du noir
ou du gris obfcur au brun de caffé brûlé, de-là au roux,
au jaune, & enfm au blanc jaunâtre, qui deviendroit plus
parfait fi lon poufloit davantage la calcination ; mais alors
les parties n'auroient plus de liaifon, la pierre tomberoit
comme en pouflière, & la chaux en cet état feroit de mau-
vaife qualité. On a foin de la faifir, autant qu'on le peut, dans
le degré qui précède immédiatement & qui eft défigné par
ke blanc fale ou jaunâtre dont j'ai parlé. Les morceaux
refroidis paroiffent entiers, le grain ferré & fin, comme avant
la calcination, & quoiqu'on puifle les rompre ou les écrafer
beaucoup plus aifément, ils font pourtant encore d'une con-
fiftance à réfifter à un choc aflez fort.
Cette fubftance blanche & brilante qui fe trouve mélée
par couches où par grumeaux dans la pierre, fe calcine
auffi, ceft pourquoi j'ai dit qu'on pouvoit la regarder com-
me une forte de marbre; mais il lui faut un degré de feu plus
grand, & qui le feroit trop pour la pierre à chaux ; ainfr
pour l'ordinaire cette matière étrangère demeure dure ou
imparfaitement cuite, de forte qu’on eft obligé de la féparer,
& qu'on regarde comme une chaux de moindre valeur
celle qui en contient beaucoup.
On r'éteint point la chaux forte avec beaucoup d'eau &
brufquement comme la douce; il y a plus de précautions à
prendre, & voici ce que j'ai vü pratiquer à cet égard. On
fait fur le terrein avec du fable ou autrement, un baffin plat
d'une grandeur proportionnée à la quantité de chaux qu'on
veut éteindre à chaque fois : à quelques pas de là on creufe
une foffe, capable de recevoir tout ce qu'on en veut éteindre
en pluñieurs fois & tenir prêt pour lufage. On jette dans
trs
DES SCIENCES . 47Y
Je baffin une certaine quantité de chaux en morceaux ; on
les arrofe le plus également qu'il eft poflible, & de ma-
nière que toute l'eau s'imbibe & qu'il n'en refte point dans
de baffn : quelques minutes après, quand on s'aperçoit que
les morceaux commencent à sentrouvrir, on les arrofe
encore & de la même façon, & cela fe réitère autant qu'il
le faut pour empêcher d’une part. que la chaux ne fe con-
vertifle en pouflière sèche, & de l'autre qu'elle ne foit
noyée d'eau lorfq'eile eft encore en morceaux.
+ Lorfque les arrofemens ont ouvert & divifé fufffamment
la chaux, on achève d'y verfer de l'eau autant qu'il en eft
befoin pour lui faire prendre la liquidité d'une bouillie un
peu claire, & quand elle a été remuée & battue comme Ja
chaux ordinaire, pour achever fa diflolution, fon ouvre le
bain, & par une rigole pratiquée exprès on la fait couler
dans la fofle qui eft au deflous.
Il ne faut point éteindre de cette chaux plus qu'on n’en
doit employer dans l'efpace d'un mois, car fi elle eft gardée
plus long-temps, elle fe durcit dans la foffe, & on ne peut
plus en faire ufage: on verra bien-tôt que l'eau même dont
on pourroit la couvrir pour prévenir cet accident, feroit un
mauvais préfervatif.
. En voyant éteindre cette chaux, j'avois remarqué qu'elle
produifoit un degré de chaleur confidérable, & beaucoup
plus grand, felon les apparences, que celui de la chaux douce:
pour favoir au jufte ce qui en étoit, j'en fis éteindre plu-
fieurs fois dans des terrines, en y tenant plongé sn ther-
momètre de mercure. L'inftrument gradué felon les principes
de M. de Reaumur, marqua cent cinquante degrés au deffus
du terme de la glace, & refufa le fervice, parce qu'il n'a-
voit pas plus d'étendue, ce qui me fait eroire que le mercure
auroit encore monté davantage. Pour faire ces expériences,
on ne mettoit de l'eau que par forme d’arrofement & feule-
ment aflez pour convertir les morceaux en une poudre qui
étoit prefque sèche; ce qu'on en eût verfé de plus auroit
fans doute refroidi la chaux.
Ooo ii].
478 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
La chaux forte s'emploie à ‘Turin avec le fable de fa
Doire *, qu'on y mêle dans la proportion de deux parties
contre une de chaux pour les ouvrages de conféquence, &
en plus grande quantité pour l'ordinaire, Ce fable examiné
au microfcope, n'a paru n'être pas de petits criftaux, mais:
des fragmens de pierres opaques de toutes efpèces, qui font
entraînées par le torrent, & qui s'y brifent par les chocs
continuels que caufe le mouvement précipité de l'eau.
Avec ce mortier on bâtit en toute occafion très - folide-
ment; mais ce qui en fait le plus grand mérite, c'eft qu'il
réuffit dans les lieux humides & fous l'eau même, de telle forte
qu'après un certain temps il fait corps avec le moëllon le plus
dur, & réfifte autant que lui au cifeau même du démolifieur,
I eft d’un grand fecours dans le pays pour la conftruction
des ponts, des digues, & de ces prifmes de maçonnerie
qu'on oppofe à la corrofion & au choc des fleuves & de
toutes les eaux qui fe précipitent des montagnes.
Dans le Piémont on bâtit prefque tout en briques, mais
pour donner plus de gaieté & d'élégance aux édifices, on
les recouvre, ordinairement d'un enduit de ce mortier dont
je viens de parler, & pour dernière façon on les blanchit
avec une légère couche de chaux douce, mêlée avec de la
poudre de marbre blanc pañlée au tamis, que l'on applique
& que lon unit avec la truelle, Ces enduits, outre qu'ils
font plus beaux que le plâtre, font aufii bien plus folides ;
j'en ai vû qui fubfiftent depuis plus de cent ans, en plein
air à la plus mauvaife expofition, & qui font encore pref-
que entiers & bien blancs. |
C'eft fur de pareils enduits qu'on applique la peinture
Jrefque dans FItalie, où elle eft f1 commune ; le maçon pré
pare pour chaque demi-journée, la place fur laquelle le
intre doit exercer fon art; il faut que le pinceau fuive de
près la trueke, fans quoi les couleurs ne feroient point reçües
ni faïfies comme il eft néceflaire qu'elles le foient dans cette
manière de peindre.
* Rivière formée par les terrens qui fe jettent dans la vallée de Suze,
& qui pafle tout prés de la ville de Turin.
DES SCIENCES 479
«+ 2. À Naples on méle:avec la chaux le fable de Pouzzole,
qu'on nomme pour cela poygolane, & qui, à caufe d’une
certaine reffemblance, a fait donner le même nom à celui
qui s'emploie à Rome pour les mêmes ufages; ces deux fables,
qui ne diffèrent guère que par la couleur , le premier étant
d'un gris cendré, & autre tirant beaucoup fur le rouge,
ont ‘affez l'air de pierre broyée à peu près comme notre
ciment. La furface des grains m'eft point diffe, mais pleine
d'afpérité, & la moindre humidité les unit de manière qu'un
monceau de ce fable qui a été quelque temps expofé en
plein air, ne manque pas de fe durcir & de prendre une
confiflance aflez forte. Les endroits d'où ä fe tire font des
cavernes qui s’avancent fort profondément fous des collines,
& qui au moyen de quelques piliers qu'on réferve d'efpace
en efpace, ne s'écroulent pas plus qu'une carrière. Les cata-
combes, par exemple, ne font autre chofe que des galeries
foûterraines, pratiquées dans de pareil fable, ou dans des
terres qui en contiennent beaucoup.
- La pozzolane mêlée avec de la chaux forte, fait un mor-
tier! fur lequel on fe fie beaucoup plus que nous n'oferions
faire fur le nôtre : l'exemple le plus hardi que j'aie à citer,
c'eft la façon dont j'ai vü conftruire des voütes à Rome.
On forma avec des planches foûtenues par des piliers de
bois, un plancher un peu bombé: on maçonna fur cette
efpèce d'échaffaud une voûte de fept à huit pouces d’épaiffeur,
âvec le mortier dont je viens de parler, & des moëllons
que Yon mit péle-méle, fans avoir aucun égard à leur figure:
einq ou fix jours après, on Ôta le bâti de planches qui étoit
deflous , & la voire fe trouva folide. Les moëllons qu'on
emploie pour cela, font des morceaux d'une pierre affez
tendre & très-légère, qui fe tfouve par-tout dans les environs
de h ville ou lon fouille, & qui eft connûé fous le nom
de mollaffe : fa couleur ‘approche beaucoup de la pozzolane,
on croiroîit volontiers que ce font des portions de ce fable
qui fe font liées par l'intermède de quelque fac pierreux.
3. L'églife de S: Pierre & a plufpart des beaux édifices
480 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de Rome font bâtis d’une pierre qu'on nomme travertine,
& qui vient de Tivoli ou des environs : elle eft dure à peu
près comme notre pierre de liais, mais un peu moins blan-
che: d’efpace en efpace elle eft entrecoupée par des couches
qui ont environ un demi-pouce d'épaifleur, & pleines de
petites cavités arrondies, affez uniformes, & rangées fort près
les unes des autres; de forte que quand la pierre, plus foible
en ces endroits qu'ailleurs, vient à {e fendre & à s'ouvrir {lon
le plan de ces couches, au premier coup d'œil on diroit voir
les alvéoles d'une ruche d'abeilles (fig. > & 4). En examinant
avec la loupe les cloifons qui féparent tous ces petits vuides
les uns des autres, il m'a femblé qu'elles étoient d’une ma-
tière criftalline, & de la nature de celle qui, après avoir
filtré à travers la voûte d’une grotte , forme en deflous des
concrétions tranfparentes : des gens de l'art, que j'ai inter-
rogés à ce fujet, m'ont afluré de plus que ces couches hété-
rogènes fe trouvoient toùjours fituées horizontalement dans
la carrière, & qu'elles n'étoient point contenues entre deux
plans parallèles ; comme on le pourroit croire en ne. confi-
dérant que de petits blocs de travertine, mais. qu’elles alloient
en diminuant d'épaiffeur jufqu'à certains endroits où la pierre
fe trouvoit pleine. ;
Ces obfervations me font conjecturer que la mafle totale
s'étant-entr'ouverte en plufieurs endroits, felon fon épaiffeur
ou que formant d'abord plufieurs lits horizontaux, appuyés
feulement en partie les uns fur les,autres, l'eau chargée d'un
fuc pierreux aura filtré de couche en couche, & que les
gouttes fe fuccédant les unes aux autres, & dépofant peu
à peu autour d'elles:mêmes, à da furface inférieure, du lit de
pigrre qu'elles alloient. quitter pour paffer dans le fuivant,
auront enfin formé toutes ces, petites cloifons :qui, lient Prés
fentement une couche avec l'autre. Nous avons tant d'exem:
ples de ces filtrations & de ces dépôts aux plafonds des grottes,
naturelles qu'on nomme caves gouttières, que mon explica
tion, à ce que je crois, ne manquera pas de vrai-femblance :
de ce côté-à; mais on pourra n'objeéter que les ftalactites
rz & autres
D: EUSUNS © 1 E IN CS 487
& autres concrétions de cette efpèce fe font prefque toû;ours
de relief, au lieu qu'ici j'ai à rendre raifon d'un vuide autour
duquel il s'eft fait des parois.
: J'avoue qu'il y a dans ce cas particulier quelque chofe à
déméler de plus que dans les autres: un peu de réflexion
pourra difliper ce qu il ya d’obfcur. Quand une goutte d'eau,
après.avoir percé la voûte d'une grotte, fe trouve chargée d’une
matière qui s'y attache par une forte d’analogie, la partie aqueufe
s'évapore de toutes parts dans l'air libre qui l'environne, & le
dépôt qui fe fait forme déjà un petit relief: la goutte fui-
vante s'étend deflus, y laifle ce qu'elle contient de propre à
Sy attacher, & paie encore dans Fair du lieu par évapora-
tion ; il arrive la mème chote aux gouttes fuivantes, & l’on
voit bien par là pourquoi la fomme de tous les dépôts qu'elles
ont faits produit un folide, un corps plein. Mais fi lon fe
repréfente de pareilles gouttes pendantes entre deux lits de
pierre fort peu diftans Jun de l'autre, où elles trouvent
moins de facilité à s'évaporer dans l'air ambiant, qu'à péné-
trer dans le lit inférieur auquel elles touchent déjà, il me
femble qu'on doit convenir que le dépôt fe fera autrement
que dans le cas précédent: les parties purement aqueufes
s'en iront par les pores de la pierre inférieure, & les autres
demeureront attachées à l'endroit où pendoit la goutte, &
Sy arrangeront felon la forme de fon arrondiffement ; de 1à
je vois naître une efpèce de calotte ou de petite coupole qui
s'alonge peu à peu par les dépôts fuivans, & enfin les bords
prolongés fe joignent au lit de pierre de deffous dans l'épaif-
feur duquel leau s'écoule.
4. À Venife ä ny a ni carreaux ni parquet dans les
appartemens ; dans toutes les maifons, dans les couvents
mème & jufque dans les auberges , les planchers: font cou-
verts d’une efpèce de fluc qui eft bien poli & prefque auff
dur que le marbre; les plus communs font feulement jafpés
detoutes couleurs; ce qui des rend plus faciles à réparer ; les
autres font faits par compartiments , j'en ai vü qui étoient
deflinés & ornés de couleurs comme les plus beaux tapis.
Mén, 1749 « Ppp
482 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Ces planchers fe font avec la poudre de marbre, du ci-
ment bien tamifé, de la chaux forte & du gips détrempés,
les uns difent avec de l'urine, les autres feulement avec de
l'eau : ils ne réuffiffent bien que fur des voûtes ou dans les
raiz-de-chauflée, parce qu'il faut les battre à grande force
pour leur faire prendre la confiftance néceffaire; on les frotte
de temps en temps avec de l'huile de lin ou de noix, pour
les entretenir luifans, & pour empêcher que l'eau qu'on y
pourroit répandre n’y fafle tort.
5: La fameufe tour de Pife penche en eflet beaucoup
vers le midi; mais je ne fais pourquoi l'on s’obftine tant à
croire qu'elle a été bâtie ainfr, & de deflein formé: par quelle
bizarrerie fe feroit-on accordé à vouloir qu'un édifice de
cette importance fe préfentät d’une manière f1 choquante?
Mais, fans remonter aux intentions & au goût de ceux qui
en ont dirigé la conftruction, ne fuffhit-il pas de voir que
les affifes des pierres font inclinées, & que prefque tous les
bâtimens un peu élevés qui font de ce ménte côté, & qui
ont été conftruits en différens temps, penchent auffi du
même fens que la tour ? ces obfervations, que tout le
monde péut faire, ne fufhifent -elles pas pour faire voir que
c'eft l'effet du terrein, qui devient d'autant moins ferme qu'il
approche davantage de Arno, rivière qui paffe au milieu
de la ville? Je fuis perfuadé que la tour commença à perdre
confidérablement de fon aplomb avant que d'être achevée,
& que lArchiteéte bien loin d'être fatisfait de cet accident
chercha à y remédier; car à cinq ou fix toifes près du fom-
met, on voit qu'elle fe redrefle, & qu'elle ne fuit pas la
première inclinaifon de la plus grande partie qui eft au
deffous.
J'appuie encore cette conjedure fur un fait tout nouveau,
que j'ai appris étant fur les liéux. La ville acheta il y a quel-
ques années une vieille tour pour en faire un obfervatoire.
M. Perelli qui en a la direétion, demanda qu'elle füt, non
feulement réparée, mais augmentée en hauteur, afin de fe
procurer un horizon plus découvert: la tour qui penchoit
DIEMSNUS :C LE N-C+E 6.
déjà, s'inclina davantage lorfque fes fondemens furent
chargés d'un nouveau poids, & le prudent Aftronome que je
viens de nommer, de crainte que cet eflet n'augmentit par
la fuite, prit Le parti de faire placer dans un bâtiment féparé
& moins élevé, fon quart-de-cercle mural & l'inftrument à
prendre les pañages des aftres.
On prétend que les Italiens ont eu autrefois du goût pour
ces bâtimens hors d'aplomb, & l’on en cite quelques exem-
ples, comme une tour carrée qu'on voit à Bologne près de
celle qu'on nomme fa tour Afinelli ; laquelle en eflet eft
inclinée feulement par dehors, tandis que fes parois (füi-
vant ce que l'on m'a dit) font d’aplomb par dedans, ce qui
marque bien le deffein qu'on a eu de la bâtir ainf ; mais il
me paroït que ces exemples rares font moins es preuves du
goût de la nation, que des monumens de quelques fantaifies
particulières, peut-être occafionnées par accident arrivé à
Pife, ou bien des coups de l'art par lefquels on aura voulu
rendre raifon de ce fait, trop merveilleux aux yeux de bien
des gens.
Al RIT CEE 2, V.:
Obférvations méréorologiques, à Jur la température
de certains lieux.
1 Le printemps fut froid l'année dernière * en Piémont,
jufqu'à la fin de Juin; à peine le thermomètre de M. de
Reaumur arriva-t-il dans le fort du jour à 13 ou 14 degrés
au deflus du terme de la glace: j'ai appris qu'il en avoit cté
de même plus avant dans l'Italie, & c'eft pour cette raifon
que la récolie des foies fut fi mauvaile: les gens de Ja cam-
pagne qui font tout par routine, firent éclorrela graine dans
le temps ordinaire, & les müûriers retardés par des pluies
froides, & gatés dans bien des endroits par la grêle, ne
fournirent point aux. vers éclos la nourriture qu'il leur falloit.
Les Piémontois qui ont plus d'arbres par proportion, &
* 1749. Cette partie ne fut ûe qu'au commencement de 1750.
Pppi
284 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
quuue longue expérience de pareils accidens a rendu pus
foigneux & plus habiles, fe font moins reflentis que les autres
de cetie intortune: il n’y eût que les plus prefiés qui firent
mal leurs affaires. à
2. Depuis le 4 de Juin jufqu'au 14, il fit des coups de
vent terribles en diflérens endroits du Piémont, la grêle &
le tonnerre firent aufli beaucoup de ravages, & les mon-
tagnes fe couvrirent de neige beaucoup au deflous de celle
qu'on y aperçoit pour l'ordinaire jufqu'à la fin du printemps.
Ces vents pour la plufpart venoient de la mer, & avoient
fort peu d’étendue en largeur, mais par-tout où ils pafsèrent,
il refta des marques mémorables de leur violence. La grande
porte d’un château où j'avois été quelques jours auparavant,
fut emportée à plus de cinquante toifes de diflance fur un
terrein prefque plat, & elle étoit cependant fr pefante qu'il fallut
quatorze hommes pour la rapporter & la remettre en place ;
toutes les maifons du même lieu furent découvertes, & lon
voyoit des toits entiers emportés à cinquante pas du bâti-
ment, & une grande quantité de murailles renverfées. En
continuant mon voyage, j'ai trouvé entre Florence & Rome,
de très-gros arbres déracinés & abattus par ces vents im-
pétueux dont on fe reffentit aufli en plufieurs autres endroïts
de l'Italie.
3. Les chaleurs commencèrent dans les derniers jours
de Juin, & furent exceflives pendant près de deux mois: à
Milan, à Venife & à Florence, ôn m'aflura que de mé-
moire d'homme on n’en avoit pas éprouvé de plus grandes;
cependant le thermomètre de M. de Reaumur n'a jamais
été jufqu'à 30 degrés lorfqu'il étoit à Fombre : d’où lon
peut conclurrè qu'en Italie, fi les chaleurs de l'été font plus
incommodes qu'en France par leur durée, elles n'exce-
dent point par leur intenfité celles que nous y reflentons
quelquefois.
4. Lorfqu’en paffant de Bologne à Florence je me trou-
vai fur lApennin, je crus que les chaleurs avoient ceffé,
ou au moins qu'elles étoient confidérablement diminuées :
é DES Sci1ENCE'Ss 485
je ne penfois pas que j'euffe aflez monté pour devoir attribuer
au degré d'élévation où j'étois, le frais qui fe faifoit fentir
pendant la journée, & qui le matin & le foir me faifoit
regretter de m'être pas plus vêtu que je ne l'étois. Je n’avois
point alors de thermomètre avec moi, mais je jugeai par
une eftimation que je crois aflez jufte, qu'avant le lever &
après le coucher du foleil la température de l'air étoit affez
femblable à celle des caves, qui n'excède guère 10 degrés:
c'en étoit 17 ou 18 au deflous de Ja chaleur que j'avois
reffentie la veille au pied de la montagne. A l'endroit le plus
haut de ma route, dans une auberse ifolée, qu'on nomme
la Traverfa, fur la droite du Jogo en venant en Tofcane,
je mis en expérience un baromètre portatif que j'avois, &
le mercure fe fixa à 25 pouces o lignes +, par un temps
ferein, qui duroit depuis environ 8 jours, & qui dura encore
prefque autant après: c'eft un peu plus de 2 pouces 1 d'a-
baiflement, car lorfque je fus arrivé à Florence, le méme
baromètre marqua 28 pouces 3 lignes +, & je retrouvai
dans la plaine la chaleur à peu près femblable à celle que
J'avois reflentie au delà de l'Apennin.
s- Je partis de Florence pour aller à Rome le 27 Août,
la chaleur commençoit à fe modérer : cependant le thermo-
mètre fur les 3 heures après midi marquoit encore comme-
nément 24 ou 25 degrés; mais un vent de nord qui furvint
rendit les nuits très-froides, & au point que mon compa-
pagnon de voyage * & moi nous fümes obligés d’avoir
recours à des habits d'emprunt, & que plufieurs fois n'y
pouvant plus tenir, nous fimes lever du monde aux auberges
des poftes pour nous allumer du feu.
Pour moi je fuis bien tenté de croire que cette fameufe
intempérie dont on effraie perpétuellement les voyageurs
depuis Florence jufqu'à Naples, confifte principalement dans
ces alternatives de froid & de chaud auxquelles on eft ex-
pofé (& prefque toûjours fans précaution) lorfqu'on marche
nuit & jour dans cette partie de l'Italie. On cite tant d'exemples
P pp ü
* Le P, Garo:
»,
486 MÉMOIRES:DE L'ACADÉMIE ROYALE
de fes mauvais eflets, & l'on trouve tant de perfonnes {en-
fées & non fufpectes de préjugés, qui les atteftent, qu'il n'eft
guère pofhble de n'en pas croire quelque chofe; mais je
pente qu'on étend trop loin la crainte qu'on en a: fi en
certains lieux & en certain temps l'air devient mal fain,
comme on le croit, par quelque mauvaile exhalaifon dont
il fe charge, je ne faurois me perfuader que cela foit au
point de furprendre & d'empoilonner, pour ainfi dire, un
homme qui fait fa route, Le moyen de fe garantir, dit-on,
de ces dangereufes influences, c'eft d'aller fans dormir, &
de vivre fobrement: à ces deux précautions, que la rareté
des bonnes auberges n'a rendu que trop aifées à prendre,
j'en voudrois ajouter une qui, Je crois, pourroit difpenfer
de la première; ce {eroit d'avoir une bonne chaife dans la-
uelle on püt fe fermer pour fe garantir du froïd, au lieu
de celles qui font en ufage dans le pays, & qui, n'ayant
pour toute clôture que deux mauvais rideaux de cuir qu'on
a bien de la peine à joindre, vous laifent le jour expolé à
l'ardeur du foleil, & la nuit à la rigueur du froid.
Ce que l'on redoute fi fort pour les homines, il ne paroît
pas qu'on le craïgne du tout pour les animaux, apparemment
parce qu'on ne croit pas qu'il leur en arrive aucun mal:
c'eft fur-tout dans les lieux bas, marécageux, inondés en
certains temps de l'année feulement, que règne, felon l'opi-
nion établie, cet air contagieux {cattiva aria) qu'on appré-
hende de refpirer, même en paflant; mais comme ces mêmes
endroits font prefque les feuls où il y ait quelques pâturages,
on y mène de dix lieues quelquefois & avec une pleine
confiance, des troupeaux de bœufs, des buflles, des che-
vaux, des moutons, &c. qu'on y laifle paître pendant
plufieurs mois, & qui n'y contractent point de maladies;
feroit-il donc vrai que l'air n’y devint mauvais que pour les
hommes?
6. Les cabaretiers de Rome ont leurs caves près de la
porte Saint-Paul & du tombeau de Ceftius, fous une colline
Re nn the, ar bé 2,2
Le cr"
Us D HS SCIENCES. 487
ñ porte le nom de monte teffaccio , parce qu'elle paroît s'être
formée des débris de tuiles & de pots caflés qu'on y a portés,
apparemment par quelque règlement de police: la fraicheur
de ces caves eft très-vantée, & par conféquent exagérée par
la plûpart de ceux qui en parlent; je voulus favoir au jufte
ce qui en étoit. Le o Septembre 1749 après midi, la tem-
pérature de Fair libre étant de 18 degrés au thermomètre
de M. de Reaumur, je n'y tranfportai agec le Père Jacquier
& le Père Garo, & ayant fait tirer du vin d'un tonneau
dans un grand gobelet de verre que nous trouvämes dans
le lieu même, jy tins plongé pendant cinq ou fix minutes un
thermomètre de mercure qui fe fixa à neuf degrés & demi
au deffus du terme de la congélation: la même chofe arriva
quand je laiflai l'inftrument fufpendu en l'air pendant dix-
huit ou vingt minutes, foit dans la même.cave, foit dans
deux ou trois autres du même endroit, dans lefquelles nous
répétimes ces expériences.
Nous apprimes par? à rabattre beaucoup de tout ce que
la voix publique attribue de merveilleux aux caves de zonte
teffaccio, dont la fraicheur pañfe dans fefprit de bien des
gens pour être égale & plus durable que celle de la glace,
quand une fois elle s'eft communiquée au vin; mais il refte
pour certain qu'il y fait plus froid que dans nos foûterrains
les plus profonds, & cela eft d'autant plus remarquable,
qu'on entre prefque de plein pied dans ces caves qui sa-
vancent à peine de dix-huit ou vingt toifes fous la colline:
les portes en font grandes, expofées aux rayons du foleil,
& aflez fouvent ouvertes dans la journée, parce qu'on y
vient chaque jour chercher le vin qui fe débite en détail dans
la ville.
7. Cette fraicheur paroït être une propriété particulière
de cet endroit, & qui dépend, felon les apparences, de la
nature des matières dont cette petite montagne eft formée.
Je portai un thermomètre dans les catacombes de Saint-Sé-
baftien où l'on entre rarement, où l'on defcend, autant que
».
488 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
je puis m'en fouvenir, plus de trente pieds, & qui s’'avancent
fort loin fous des bâtimens & autres lieux couverts, & jy
trouvai la température de treize degrés & demi, quelques
jours après les expériences faites à #oute teffaccio. La terre
cuite feroit-elle de nature à s'échauffer plus difficilement que
les autres matériaux, ou bien les influences de l'atmofphère
y cauferoient-elles des refroidiffemens qui n'auroient point
lieu ailleurs? matière à expériences.
SUR
Mem. de UAc.R des Se 1749. Pag. 488,P1.13.#
Mem de l'AGR des Se 1749 Pau. ÿ88.PL.18 #
ss rss
CEA
RRRE
RS
grue del ct Sup
SUR LA STRUCTURE
DES
VISCERES NOMMES GLANDULEUX,
- ET PARTICULIÈREMENT
SUR CELLE DES REINS ET DU FOIE,
Par M. FERREIN.
| Fab Vifcères renferment Îe principe de a vie & du
mouvement de la machine animale; ce font eux qui
; font confacrés à fa préparation des fucs qui là font agir, &
lon ne fauroit connoître le méchanifme de cette préparation,
fans avoir développé la ftruéture intime de ces organes; mais,
rmalheureufement, la fcience des ftruétures, cette partie de
PAnatomie, la plus belle & la plus importante, eft auffi {a
plus délicate & la plus imparfaite de toutes. Harvée, Afellius,
Pecquet, Bartholin, s’étoient immortalifés par leurs grandes
découvertes, avant qu'on ceffât de regarder la fubftance des
vifcères comme une liqueur coagulée.
Malpighi tenta le premier de découvrir ces petits objets
as Nature fembloit avoir piis plaifir à nous cacher depuis
tant de fiècles, & ce font fes recherches fur la ftruéture des
vifcères, fur-tout du foie, de la partie corticale du cerveau
& des reins, qui lont fait regarder comme l'inventeur de
ce genre d’'Anatomie qu ’on peut nommer aralyrique.
Malpighi prétend donc que ces organes font formés de
glandes, ceft-à-dire, felon lui, de petites parties ovales ou
fphériques, concaves, munies chacune d'un canal excrétoire:
les vaifleaux fanguins qui sy répandent, fourniflent une
liqueur particulière qui tombe dans la petite cavité par des
tuyaux invifibles, & qui en fort par le conduit excrétoire.
Les jugemens de ce'grand homme fembloient avoir acquis
Mém, 1749. + Qqq
"DES ScrEeNtTEs" 480
Jdée de
Malpighis
Idée
de Ruyfch.
Anatomifles
qui
les ont fuivis.
400 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
force de loi, lorfque le célèbre Ruyfch, aïdé d’injeétions
extrêmement pénétrantes dont il s’eft toujours réfervé le fecret,
fe préfenta pour le combattre, il nie l'exiftence de ces
glandes, de ces cavités, & attribue une autre origine aux
tuyaux excrétoires: il va plus loin, il Ôte aux organes dont
nous parlons, & à une infmité d'autres, cette fubflance propre
qu'on y avoit toüjours reconnue, & foûtient qu'ils ne font
qu'un compofé merveilleux de vaïfleaux fanguins artériels &
veineux , fans aucune fubftance diftinéte de ces vaifleaux :
il prétend enfin que les tuyaux excrétoires font précifément
des continuations de quelques rameaux artériels.
M. Ruyfch avoit dans fon cabinet une quantité immenfe
de pièces anatomiques, la plufpart sèches; les préparations
du foie, de la rate, des reins, &c. fuyent les armes qu'il
employa pour convaincre les plus incrédules; ä les produïloit
aux yeux des Savans, qui n'y voyoient réellement à la faveur
des verres, qu'un affemblage curieux de vaiffeaux fanguins.
Tels font les deux fyftèmes qui ont fait la plus grande
partie de la gloire de leurs Auteurs, & formé la queftion la
plus célèbre & la plus importante qu'il y ait eu en Anatomie
depuis fon renouvellement; on connoït peu d’Anatomiftes
ui n'aient pris part à cette grande difpute. Enfin les fuf-
pue paroiffent fe réunir aujourd'hui en faveur de Ruyfch,
du moins quant à fon objet eflentiel: on eft affez générale-
ment perfuadé que le foie, la rate, la partie corticale du cer-
veau, des reins, & plufieurs autres organes; ne font qu'un
compofé de vaifleaux artériels & veineux, fans aucune fubf-
tance propre & diftincte de ces vaifleaux ; mais en convenant
fur ce point, on fe partage fur l'idée des glandes ; les uns
abandonnant Malpighi, nient avec Ruyfch leur exiftence, &
ne regardent les tuyaux excrétoires que comme des prolon-
gemens de quelques rameaux artériels ; les autres voulant rap-
procher ces deux Auteurs, prétendent que les vaiffeaux fan-
guins de Ruyfch font employés à former eux-mêmes les
glandes de Malpighi, dont la cavité donne naïflance aux
tuyaux excrétoires. Ces deux fentimens partagent encore
ph
DL. SMAS:C: N'E/NiciE fs: 491
aujourd'hui Jes Savans ; & ce qu'il y a de bien fngulier, c'eft
qu'on prétend trouver dans le rein, dans une feule & même
partie, les preuves les plus décifives de l'un & de l'autre.
On aflure que les glandes deftinées à filtrer l'urine s'y mon-
trent clairement, & que la fameufe obfervation de M. Littre,
rapportée dans nos Mémoires, met la méchanique de cette
compofition dans tout {on jour. C'eft aufli dans le rein que
le fyftème' de Ruyfch paroït wiompher; jamais la compofi-
tion qu'il admet ne fe montra, dit-on, aufli diftinétement
que dans la fubftance corticale de cet organe ; jamais on ne
vit un arrangement aufir merveilleux des capillaires fanguins;
enfin c'eft-là, de l'aveu des plus favans Anatomiftes, qu'on
découvre fenfiblement l'un des plus grands myftères de l’Ana-
tomie, ce que M. Ruyfch dit avoir cherché pendant quarante
ans, favoir , la continuité des tuyaux fecrétoires avec les
extrémités des artères.
Ces différentes obfervations ont paru fi convaincantes,
que M. Boerhaive, l’homme du monde le mieux inftruit
des expériences de Malpighi & de Ruyfch, n'a pû s’empé-
cher de reconnoïtre dans le rein la réalité des deux fyftèmes:
une partie de la fubftance corticale fe réfout, felon lui, im-
médiatement en vaifleaux fanguins différemment repliés, fans
qu'ils forment aucune glande : autre partie fe réduit en grains
glanduleux qui paroiïffent eux-mêmes formés de vaifleaux
fanguins. Il y a auffi, fuivant cet Auteur célèbre, deux fortes
de tuyaux excrétoires ; les uns ne font qu'un prolongement
de quelques rameaux artériels, les autres viennent de la cavité
des grains glanduleux. M. Boerhaave n’eft pas le feul de ce
fentiment, & l’on aflure que cette double compofition paroît
clairement dans des reins bien injectés.
On me taxera peut-être de témérité ff j'ofe m’élever contre
fun & l'autre fyftème; je ne crains pas d’aflurer que la partie
corticale du rein, que la rate, le foie & plufieurs autres
parties, ne font compofés ni de vaifleaux fanguins ni de
glandes; j'ai trouvé qu’ils font formés d’une fubftance qui leur
eft propre, & que cette fubftance ne fe réfout nullement en
* _Qggqi
Mém, de l'A.
cad. des Scienc.
année 1705.
Réfutation
de Pun & de
l'autre fyflème.
Nouvelle
ftrudture.
Réfutation
du fyflème
de Ruyfch.
492 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
artères & én veines, comme Ruyfch prétend lavoir démontré,
elle en eft au contraire très-diftinéte; j'ai aufli obfervé
que la fubftance dont je parle n'eft pas non plus faite des
glandes que Malpighi & tant d'autres Anatomiftes croient
avoir vües; en un mot, je prétends que ces parties font
un aflemblage merveilleux de tuyaux blancs, cylindriques ;
différemment repliés, que je démontre fenfiblement dans
les reins, que j'ai vûüs, fi je ne me trompe, dans le foie,
dans les capfules atrabilaires , & que je crois devoir recon-
noître dans d'autres vifeères. Mais avant que d'entrer dans
un détail 1à-deflus, j'examinerai fuccinétement les expériences
de Ruyfch & de Malpighi.
Un organe qui ne feroit qu'un aflemblage de vaiffeaux
fins, tranfparens, pleiris de fang , comme font les extrémités
des artères & des veines, doit néceffairement paroïtre rouge,
non feulement à la vûe fimple, mais encore au microfcope :
c'eft auffi l'idée qu'on a du foie, des reins, de la rate, &
en général des parties qu'on appeloit autrefois farguines. On
fait à la vérité qu'elles font primitivement blanches , maïs on
croit qu'elles ont un rouge emprunté qu'on ne peut leur ôter
qu'en enlevant par des macérations ou par des injeétions
aqueufes, les parties du fang qui leur communiquent cette
couleur : les recherches que j'ai faites m'ont appris le con-
taire; j'ai examiné ces différens organes dans l'état où le
rouge étoit le mieux marqué , j'ai employé le fecours des
verres lenticulairèés & du microfcope, j'ai conftlamment vü
dans toutes ces parties une fubftance d’un blanc un peu tranf
parent, prefque femblable à une gelée, & fans la moindre
teinte de rouge: pour lever toute forte de ferupule, j'ai examiné |
ces parties, mais particulièrement le foie; les reins, la rate,
lorfque les vaïfleaux devoient être le plus remplis, conime
dans les’ cadavres récens, dans ceux qu'une mort violente
avoit enlevés, dans un homme dont le foie étoit enflammé,
dans des animaux que je venois de faire mourir, & dans
d’autres qui vivoient encore ; j'ai toûjours vû da fübftance
propre de ces organes parfaitement diflinéte des vaifleaux
)
DIESHLS C IE N C_E,s. 493
fanguins , & d'une couleur aufi blanche que s'il n'y avoit
jamais eu dans le corps une feule goutte de fang, ou qu'on
eût fait précéder les plus longues macérations. J'ai été plus
loin; j'ai rempli les vaifleaux artériels & veineux d’une injec-
tion rouge, que je crois, non fans raifon, auffi pénétrante
que celle de Ruyfch; la couleur blanche de cette fubftance
n'en a jamais fouffert la moindre altération.
Je ne connois qu'une partie dont j'aie trouvé, non fans
furprife, la fubftance propre véritablement rouge ou teinte en
rouge, au moins dans les petits enfans, c'eft la fubftance in-
térieure des capfules atrabilaires.
On demandera d'où vient que dans quelques-unes des
préparations de M. Ruylch, le foie, les reins & d’autres
parties n’offroient rien de blanc, rien qui parût diftinét des
vaifleaux fanguins injeétés? j'en vois deux raifons bien fen-
fibles ; l'une eft que fon injection s'échappoit en manière
de rofée, comme il 'aflure fouvent lui-même, par toutes les
porofités des vaifleaux, & qu'elle teignoit Ja fubflance des
parties : k feconde raïfon eft que M. Ruyfch faifoit {es obfer-
vations & fes démonftrations fur des préparations qu'il con-
fervoit depuis long-temps dans fon cabinet, & fingulière-
ment fur des foies & des reins defféchés; c'eft lui qui nous
Vapprend. Or je fais par expérience que la fubftance blanche
- qui remplit les interftices des vaiffeaux fmement injectés, fe
retire, s’altère, qu'elle s'oblitère même & difparoït entière-
ment dans les pièces sèches. Je conferve des morceaux du
foie & des reins defléchés, que j'avois remplis d'injection
rouge, non fujète à s'extravafer comme celle de M. Ruyfch;
cependant la feuke chofe qu'on y voit, à Faide même du
microfcope, c'eft un aflemblage merveilleux de vaifleaux
fanguins fans aucune autre fubftance, non pas même dans la
partie intérieure ou rayonnée du rein : voilà précifément les
pièces de conviction de M. Ruyfch. Si l'on fe règle, comme
il veut d'exiger, {ur leur infpeftion fans aucun autre examen,
le procès fera décidé en fa faveur, mais fur des pièces trom-
peules ; j'y voyois avant le defsèchement, & je pouvois faire
Q qq ül
Réfutation
du fyftème
de Malpighi,
. mais avec
reftriétion.
494 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE
voir à tout le monde, la fubftance propre de toutes ces parties,
qui étoit très-blanche, très-abondante & très-diftincte des
vaifleaux injectés, mais qui a totalement difparu depuis le
defsèchement, Je ne crains pas d’affurer que dans ce grand
nombre de parties que cet illuftre Anatomifte produit comme
autant d'exemples de la ftruéture qu'il vouloit établir, il n'y
en a pas une, foit dans homme, foit dans la femme *, qui
ne fournifié une démonftration de ce que j'avance.
Je ne condamnerai pas auffi généralement les obfervations
de Malpighi, il y a une grande différence à faire à cet égard;
je fais par ma propre expérience qu'il ÿ a un grand nombre
de parties qui juftifient ce que ce grand homme a avancé à
leur fujet, & qui détruifent tout ce que Ruyfch a voulu lui
oppoer ; mais J'en ai trouvé beaucoup d'autres dont la ftruc-
ture s'éloigne de ce que Malpighi & les autres Anatomiftes
croient avoir vû : tels font plufieurs des principaux vifcères,
le cerveau, le foie, la rate, les reins, &c.
Le cerveau fe retire & devient friable par la cuiflon que
Malpighi, Vieuffens, &c. faifoient précéder ; il fe forme à
fa furface une infinité de gerçures qui, fe rencontrant diflé-
remment & au hafard, préfentent, ou même font détacher
des parties irrégulières de différente grandeur & figure, que
fimagination a creufées , arrondies & façonnées : voilà les
fameufes glandes du cerveau. Ceïles qu'on a attribuées au
foie n’en ont pas même la figure, ce ne font que des lobules
à plufieurs faces, comme ceux du poumon, enfermés de
même dans autant de facs formés tous par une feule mem-
brane continue qui lie, qui foûtient la fubftance molle &
friable de cet organe. La cavité que d’Anatomiftes célèbres
prétendent y avoir obfervée, n'a jamais exifté,
La rate humaine, examinée avec attention, éloigne encore
plus l'idée de glandes, & même celle de Iobules.
La fubftance propre ou blanche du rein, qui, comme
nous l'avons dit, eft très-abondante & très-diftinéte des
# Je ne comprends pas dans ma propofition toutes les parties de l’arrière-
faix, & il en fera de même dans la fuite de ce‘Mémoire,
DES SctrEeEnNcEs. $
vaifleaux fanguins, n'eft compolé, ni de glandes, ni d'aucune
forte de grains, foit folides, foit concaves: nous développe-
rons bien-tôt fa ftructure ; on verra qu'elle n'a rien qui ne
détruife les faits avancés par différens Auteurs, & que la
fameufe obfervation de M. Littre ne peut être regardée, en
rendant juftice à cet Académicien, que comme une produc-
tion monftrueufe,
Je ne diflimulerai pas cependant quelques faits qui fem-
bleroient rentrer dans le fyflème de Malpighi ou de Ruyfch.
J'ai vû quelquefois dans les reins, dans la rate, &c. des fujets
fort avancés en âge, une infinité de petits grains blancs,
fermes, femblables à des glandes ou pluftôt à de petits tuber-
cules où à des concrétions lymphatiques ; ces grains ont une
folidité qui ne fe trouve point dans les glandes : on ne peut
ÿ découvrir aucune cavité. On ne les voit point dans Îes
jeunes fujets, quoique leur groffeur dût les rendre très-fen-
les ; en un mot, c'eft un effet de l'âge qui produit fouvent
de pareils changemens dans la fubftance des parties.
J'ai vû auffi une infinité de fois plufieurs points rouges,
circonfcrits en apparence, qui fe montrent naturellement en
manière de glandes dans quelques-uns des vifcères dont nous
parlons, & qu'on ne fauroit regarder comme quelque chofe
d'accidentel. Ces points ne forment nullement la fubftance
propre de ces organes; ils y font feulement répandus un à un
& de diftance en diftance, fans fe toucher jamais par aucun
point: je les ai examinés attentivement, avec & fans les fecours
des verres & des injeétions: la compofition m'en a paru
différente. J'ai découvert dans plufieurs, la même fubflance
blanche que par-tout ailleurs, fans qu'il y eût rien de cir-
confcrit ou qui füt réellement diftin@ de ce qui les envi-
ronne; la feule différence que j'ai trouvée, c’eft que les vaifleaux
fanguins font plus nombreux dans l'étendue de ces points :
voilà ce qui les fait paroître fi rouges quand on les examine
fans le fecours des verres lenticulaires ,» & même des meil-
leurs verres, où lorfque les parties ont perdu leur fraicheur:
il n'y a donc ici ni glandes, ni grains, ni rien qui en ap-
proche, ce n’eft qu'une fauffe apparence.
Mén. de L 4.
cad, des Scienc.
année 1 7 0 ÿ.
L'Anatomie
n'a fourni juf-
qu'ici que deux
exemples bien
prouvés de
la compofition
vafculeufe.
Mén. de l'A-
cad. des Scienc,
année 1741)
&- 372"
496 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
J'avoue que j'ai trouvé auffi un grand nombre d’autres
points de couleur rouge, véritablement compolés de vaifieaux
fanguins, mais on n'y voit nullement cette multitude de
capillaires entaflés les uns fur les autres, dont il eft f1 fouvent
queftion dans les ouvrages de M. Ruyfch; ce font feulement
quelques branches qui {e plient, fe replient fur elles-mêmes,
& fe redreffent enfuite pour fuivre leur chemin. On com-
prend bien que tout cela n'a rien de commun ni avec les
glandes, ni avec les organes fécrétoires, ni même avec le
fyflème de Ruyfch, qui prétend réfoudre en vaiffeaux fan-
guins la fubflance propre des parties, & fur-tout celle des
glandes ou des organes nommés glanduleux, au lieu que les
vaifleaux dont nous parlons font parfaitement diftinéts de
cette fubftance: celle-ci fubfifle dans fon entier en fuppofant
même tous ces points rouges anéantis.
Il eft donc vrai qu'on ne voit rien dans les vifcères qu'on
a nommés, qui juftifie ce que Malpighi, Ruyfch, & tant
d’autres” Anatomiftes ont avancé.
Depuis le renouvellement de l Anatomie, on ne cefle
d'aflurer que nos organes font formés de vaifleaux, foit rouges,
foit blancs, & qu'on en voit la preuve dans une infinité de
parties: on croiroit en lifant Ruyich, Vieufens, Hovius, &c.
que rien au monde neft mieux démontré : il eft conftant
néanmoins que nous n'avons que deux exemples bien avérés *
de cetie compofition. Graaf a fourni le premier, qui ne
s'étend pas même aux deux sèxes ; cet exemple eft celui du
tefticule, qui, comme tout le monde fait, eft formé de tuyaux
blancs, cylindriques, différemment repliés. J'ai fourni le {e-
cond, en démontrant dans un de mes Mémoires que l'uvée
eft compolte de vaifleaux blancs, artériels & veineux, qui ne
portent qu'une lymphe. ”
On auroit tort de penfer qu'une pareille compofition ne
* Je ne compte pasici la fubftance | ils n’ont du moins jamais été dé-
méduliaire ou rayonnée du rein: on | montrés, & qu'ils fonc bien diffé-
verra dans la fuite de ce Mémoire, | rens des fibres ou traits rayonnés
que fi elle eft compolée.de tuyaux, | qu’on a pris pour eux.
s'étend
rat dttèts. 2. …
re Cec AS
3 DIEShIS C1ENCE Ss. 1 497
Sétend pas à d’autres parties; j'ai donc cru pouvoir foupçonner
Jégitimement que la fubflance propre de plufieurs vifcères,
comme le foie, la rate, la partie corticale des reins, &c. fi diffé-
rente de ce que les Anatomiftes prétendent y avoir obfervé;
étoit compolée de quelque genre de vaiffeaux blancs, tels que
les précédens. Pour éclaircir mes doutes, j'examinai attenti-
Vement avec le fecours des verres lenticulaires, ces différentes
parties, foit dans l’homme, foit dans les animaux : la plufpart
ne m'ofirirent qu'une fubftince comme pulpeufe, blanche,
un peu tranfparente, femblable à une concrétion qui mon-
troit à fa furface quelques, élévations en manière. de petits
flocons; mais je découvris dans la partie corticale de plufieurs
reins humains & dans le foie des enfans de cinq ou fix
ans, une infinité de particules blanches dans le rein, jaunâtres
dans le foie, les unes irrégulièrement rondes, au moins
en apparence, d'autres oblongues, d'une finefle extraordi..
haire. Ces particules fe reflembloient parfaitement dans ces
deux organes , quoiqu'elles fuffent encore plus délices dans
le foie que dans le rein : je crus d'abord que c'étoient des
petites glandes qui avoient échappé jufqu'ici aux recherches
des Anatomiftes; mais ce qui m'en fit bientôt douter, ce fut
leur figure & la difproportion que je trouvai entre les glandes
que je connoïflois & ces petits,corps; il yen avoit plufieurs
milliers dans l'étendue d’un feul lobule du foie, qui n’a pas,
à beaucoup près, une ligne en tout fens, & que tant d'Ana-
tomiftes ont pris pour une glande fimple : je reftai feulement
perfuadé que fa fubftance du foie & celle de la partie. corti-
cale des reins étoient de la même nature, & compofées de
li même manière.
J'examinai par hafard un foie humain dont là couleur &
la confiftance marquoient aflez les embarras qui s'y étoient
faits: quelle fut ma furprife, Jorfque ces petites parties fe pré-
fentèrent en manière d’anneaux ou demi-anneaux, formés en
apparence par l'inflexion d'un filet ou vaifleau blanc extré-
mement délié, qui fembloit tracer fucceflivement plufieurs.
figures pareilles ! Frappé d'une ftruéture fi extraordinaire,
Mém. 1749. RTE
L'Auteur
étend cette
compofition
fur d'autres
parties.
+
498 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
niais qui ne fe montroit pas affez clairement, je cherchaï
dans un grand nombre d’autres foies ; j'en trouvai plus d'un,
. & particulièrement celui d'un enfant de fix ans, où j'aperçüs
les mêmes objets, les mêmes inflexions, mais jamais avec
ce degré de netteté qui emporte une conviction pleine &
entière.
Je tournai mes vües du côté des reins, où j'avois aperçû
les petits points femblables à ceux du foie; j'en trouvai plu-
fieurs où je crus reconnoître, quoiqu'un peu! confüfément,
mais toûjours avec un nouveau plaïfw, les filets ou vaifieaux
blancs qui s'étoient offerts dans le foie, & qui me paroiïfloient
tracer, par leurs circonvolutions, les mêmes figures. Enfin
jeus recours aux reins des fujets avancés en âge, ce fut alors
que ma curiofité fut pleinement fatisfaite; je vis auffr nette-
ment & auffi diftinétement qu'il ft poflible de l'imaginer,
ün afflemblage merveïleux de petits tuyaux blancs, médio-
crement tranfparens , pliés en anneaux, en demi-anneaux,
en rofettes, & en mille autres manières; ces tuyaux , parfai-
tement diftinéts des vaiffeaux fanguins, forment toute la fub-
ftance corticale du rein. J'aï examiné depuis ce temps-là un
grand nombre d'autres reins, tirés de fujets humains âgés
d'environ cinquante ans; j'ai parcouru Îa furface & tous les
recoins intérieurs de la fubftance corticale; cette compofition,
ces vaiffeaux, ces circonvolutions, ces figures, qu'on ne peut
fe lafler d'admirer, fe font préfentées avec un ordre & une
netteté qu'on ne croira jamais à moins d'avoir vû le fait.
Les particules rondes ou oblongues, que j'avois aperçües
auparavant, ne font que les points les plus faillans-des petites
courbures ou inflexions que ces tuyaux font fans cefle en
fe pliant en mille manières, tandis que les points voifins,
un peu plus enfoncés, fe dérobent à la vüe, & interrompent,
pour ainfi dire, à tout inftant la continuité apparente de ces
vaifleaux, que je nommerai dorénavant z4yaux blancs corticaux.
L'exiftence de ces tuyaux, que j'ai vüs aufli très-diftinc-
tement dans les reins de tous les oifeaux, ou peu s'en faut,
que j'ai eu occafion d'examiner, étant bien conftatée, je vais
TE 7 MS A
DAS SEC LE NT Æ 56 9
donner une idée exacte de ceux qui forment la partie corticale
du rein humain; cela m'engagera à parler auffr- des tuyaux
de Ja partie rayannée ouufibreufe, qui n'ont certainement ,
j'ofe le-dire, janrais été démontrés jufqu'ici, & qui qi
très-différens de ceux que Bellini, Ruyfch & tous les Ana-
tomifles! croient avoir vüs ; je-parlerai enfuite du rein, &
plus fuccinétement du foie des oïfeaux, je finirai par les cap-
files atrabilaives; où je crois avoir aperçû la mêmie fhudture;
ntais pour rendre ma defcription plus claire, qu'il me {it
permis de donner en deux mots une idée générale du rein.
Les reims font fimples dans plufieurs animaux ; comme
dans Je mouton; alors Ja fubftance corticale, qu'on nomme
auf glanduleufe, forme comme une écorce fort épaifle, qui
occupe feulement 4 circonférence du:rein: La fubftance mé-
dullaire ou/fibreufe, comme Bellini, Malpighi & tant d’Ana-
tomifles la nomment, eft: profondément cachée: fous la
précédente, & forme ‘tout d'intérieur ; «elle :eft: compote de
traits En manièré di fibres, qui paroiffent fe terminér au
baffin. 9
“Dans plufieurs autres animaux, Chaque rein eft compofé
d'un’ noïmbre plus où moins confidérable: de petits reins
fiples; j'en comptai plus de cent: cmquante dans un ‘poiffon
d'üne grandeur, d'une figure, &, qui plus eft, d'une niture
extraordinaires que je difléquai if ya long-temps; & que je
crois être le bœuf-marin d’Ariftote: dans l'ours, le dauphin
& ‘dans le poiflon dont je:viens de parler; les petits reins
fimples, couverts châcun dé leur membrane particulière, font
feulement contigus les uns aux autres en formant une efpèce
de grappes mais dans d’autres animaux, ‘eommele phoca ou
veau-marin de la) Méditerranée, Xes petits reins ; dépourvûs
d enveloppe paticulière, s'aniflentienfemble &c fe continuent
par leur furface corticalé pour former un feul' tout : j'en ai
compté plus, décent vingt dans le phoca.
#2) Dans ‘ces différens animaux} chaque rein fimple, ou cm
pofant , foit contigu feulement, foit continu avec les autres, a
fa partie corticale répandüelen abondance tout autour de fa
Rrr ij.
Plan
pour la fuite
de
ce Mémoire.
Idée générale:
du rein:
Le rein eft
æompofe de
plufieurs reins
fimples.
Chaque rem
fimple divifé
en petites py=
ramides,
soo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fubftance intérieure, qu'on nommie médullaire & fibreufe;
celle-ci, d'une couleur plus rouge, repréfente, non une pyra-
mide, mais un globe plus où moins régulier, qui dégénère
en une papille, dont le bout fe termine dans un calice ou:
branche du baffin du rein. La fubftance corticale environne
tout le globe médullaire, à l'exception de l'endroit qui forme
la papille.
Le rein humain eft compolé, comme Malpighi & Tifon
le remarquent, de plufieurs petits reins 4, 2, C, D, £
(fig. r © 2), unis latéralement par leur furface corticale.
Pour s'en faire une idée jufte, concevons d'abord environ
vingt-trois reins fimples ou compofans 4, B, C, D,E,
dont le globe médullaire L, plus ou moins aplati, ft tota-
lement enfermé dans la fubftance corticale ; excepté à l'en
droit de la papille ; imaginons enfuite que la plufpart de ces
reins Aa, Ee, {ont mutilés, qu'on en a détaché latérale-
ment un fegment par-une feétion menée de la furface du
grand rein: vers le baffin, en forte que le grand. fegment
foit le feuf qui refte; imaginons enfin que ces fegmens Aa,
E e:sunifient deux à deux, trois à, trois par les furfaces
coupées, en forteque les parties médullaires de ces-reins où
fegmens de reins, ne faflent qu'un corps. Je dis préfentement
que le rein humain: éft formé de deux fortes de petits reins,
les uns véritablement fimples & tels que nous les avons fup-
pofés d’abord, les autres compofés en quelque manière, parce
qu'ils réfultent de: l'union ,de deux ou: trois fegmens, en forte
que les vingt-trois reins que nous avons fuppolés au com-
mencement , {e:réduifent, à douze où environ. ss
La furface extérieure du rein paroït compote d'une infinité
de particules ou-gros points blinchetres S {f2. 1,2 & 2),
irrégulièrement ronds, quarrés, pentagones, hexagones, d'en-
viron deux cinquièmes de ligne de diamètre; ces points,
qui ont fourni jufqu'ici tant. de faufles. idées aux Anato-
miftes, font environnés tout autour, & diftingués les uns des
autres, par des interftices rouges: ces interflices fe trouvent
marqués en certains endroits par les. ramifcations d'une
DIERSUBNC 1,E NC E sa sor
veines (fig. 3), qui tracent alors des polygones plus réguliers.
… Ce font ces points blancheâtres qui forment les préténdues
glandes de quelques Anatomifles, & cette apparence de go-
bules aplatis dont parle M. Morgagni : fouvent un point
femble fe confondre avec un fecond, celui-ci avec un troi-
fième, & ainfi en continuant; ils forment alors des fuites
qui repréfentent différens corps, par exémple, de petits vers
répliés, & ce font-là les Orevifima corpora vermium inffar
contorta de Malpighi. J'ai obférvé que ces points ne font
autre chofe que les bafes d'autant de petites pyramides Lan-
cheâtres T, T, T (fig. 1 à 2; voyeg auff fig. 4 & 5) qui com-
pofent par leur affemblage toute la fubftance du rein. Ces
Pyramides vont de Ia circonférence de chaque rein fimple
jufqu'à la papille, où elles fe terminent en pointe, après
avoir formé la fubftance corticale par leur portion la plus
large (fig. r 7 2), & la fubftance médullaire par la portion
plus étroite X; elles paroiffent auffi diftinguées entre elles
fuivant leur longueur , par des interftices rouges.
Si l'on faifit un rein avec les deux mains, & qu'on s’ef-
force de le féparer en deux, en allant de Ia circonférence vers
le centre, la féparation, fuit ordinairement le fil des pyra-
mides, c’eft ce qu'on appelle fendre Le rein ; fi l'on vient enfüite
à jeter les yeux fur les bords de la fente, on voit le profil des
pyramides fuivant toute leur longueur, avec les interftices
rouges, moins marqués dans l'étendue de la partie corticale
que dans celle de la partie médullaire /Woy. les fig. 1 &7 2):
Je ne dois pas laiffer ignorer ici que la divifion dont je
yiens de parler, n'eft pas üne féparation réelle, que ces pyra-
mides apparentes ne font pas en effet féparées les unes des
autres, que la fubftance qui les forme fe trouve auffi-bien daris
l'étendue des traits rouges qui femblent les féparer, que dans.
de, corps même dé la pyramide; en un mot, les vaifleaux
fanguins ramaffés en plus grand nombre, forment dans ces
endroits des traits ou des lignes rouges de cachent dans leur
étendue la fubftance blanche qui en fait le fond: on aperçoit
néanmoins avec le fecours des verres, cette fubftance à travers
Rrr ii
Adrerf. anar.
II}, animadverf.
XXXIV, pag.
71e
Prolongemens
du corps
fibreux dans
12 fubftance
corticale,
502 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
les vaifleaux fanguins, für-tout dans l'étendue qui répond à’
la partie corticale du rein; je ne regarderai donc la diftinc-
tion des pyramides que comme une divifion apparente, 8e
comme un moyen qui aide à déterminer plus précifément a
fituation des vaifieaux & des autres parties du rein.
Nous avons réconpu dans chaque petit rein la partie cor-
ticale & Îa partie médullaire; on regarde la première comme
l'organe fecrétoire de urine, & les traits fibreux de la der-
nière comme autant de tuyaux excrétoirées de cette liqueur.
Dans cette idée, il étoit extrêmement important de s’aflurer
fi les traits fibreux de Ja fubflance médullaire percent à tra-
vers Ja fubflance corticale, comme Malpiohi le croit, ils
pénètrent dans fon intérieur pour aller puifer l'urine dans fa
fource : il paroît que les Anatomiftes n'ont pû réuflir à véri-
fier le fait, & qu'ils ont été réduits à fuppoler ce qui con-
venoit le mieux au fyflème qu'ils avoient embrafié, J'ai été
plus heureux dans cette recherche; après avoir fendu le rein
fuivant la diretion des pyramides , c'eft-à-dire, en allant dé
la partie convèxe vers la partie concave, j'ai fouvent vü
partir de la circonférence du globe médullaire, & de diftance
en diftance, une infinité de petits prolongemens C, C, (fig: 4)
de figure cylindrique, & d'un cinquième de ligné ou envi
ron de diamètre, Ces prolongemens vont en manière de râyons
vers la circonférence du rein, en perçant lépaifleur dé la
fubftance corticale 4 À dans l'étendue d'une ligne &' demie
ou deux lignes, & fe terminent à environ demi-ligne de
diflance de {a furface ‘extérieure du rein. Nous appellerons
loges corticales ces efpèces dé trous ou canaux D, D'qu'oi
conçoit dans Ja fubflance corticale pour recevoir les’ proloi-
gemens ; ces loges font terminées par une manière de voûte
près de la furface du rein. | Mel: +:
Les prolongemens dont nous parlons font évidemment uné
continuation des fibres vraies ou faufles du corps médullairé,
ils forment chacun#l'axe où le ‘noyau d'une pyramide, en
forte que le nombre des prolongemens & des pyramides ét
précifément Je même. dis: édit vas
DES SCIENCES. CE
Tout ce que j'ai dit jufqu'ici ne regarde que la divifion &
le mélange que j'ai obfervés dans les parties du rein ; tâchons
à préfent de développer fa compofition intime, qu'on ne peut
découvrir que par le moyen des verres lenticulaires ou du
microfcope,
Quand on jette les yeux fur la furface extérieure du rein
dépouillé de fes enveloppes, on voit que les points blan-
. cheâtres qui font les bafes S, S / fig. >) des pyramides, font
formés par f'aflemblage de petits tuyaux blancs, cylindriques,
dont nous avons déjà parlé, & que nous avons nommés «or-
ticaux; on voit aufli, quand le rein n'eft pas trop rouge, que
les interftices qui femblent féparer ces mêmes bafes font
également remplis de vaifleaux corticaux un peu moins
preflés qu'ailleurs ; mais ces tuyaux fe préfentent encore plus
diftinétement quand on a féparé le rein en deux avec les
mains, & qu'on examine les furfaces qui tenoient enfemble:
on découvre alors ces tuyaux #, G (fig. s) différenunent
repliés, dans toute l'épaifieur de la fubftance corticale À À,
dans les interftices rouges ; comme dans le corps des pyra-
mides, & Ton voit avec la dernière netteté qu’ils forment
toute l'étendue de cette fubftance, à l'exception des prolon-
gemens À du corps médullaire ; ils fe roulent, fe plient, s'en-
taflent les uns fur les autres, & forment de petites mafles de
différente grandeur & figure : ces maffes fe fondent enfemble,
en fe grouppant d'une manière agréable à la vüe, mais fans
jamais former ni grains ni pelotons qui aient figure de glandes,
ou qu'on ait jamais pris pour des glandes ; car ce ne font-1à
ni celles de Malpighi, ni celles d'aucun autre Anatomifte.
Ces vaifleaux font tous de même groffeur, fans aucune divi-
fion : leur diamètre eft un peu plus confidérable que celui
des nouveaux tuyaux blancs que j'ai aperçus aufli, mais beau-
coup plus obfcurément, dans le foie ; il difere peu de celui
des petits brins de coton non filé. J'ai vû fouvent des vaif-
feaux fanguins bien plus déliés que les #yaux blancs corticaux ,
ils fe perdent dans les parois de ceux-ci. e
Us ne laïflent entre eux de vuide que ce qu'il faut pour
Defcription
des
tuyaux blancs
corlicaux,
Découverte
d'un
parenchyme.
Etendue pro-
digieufe des
vaifleaux blancs
corticaux.
504 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
loger les artères, les veines, & ce qui doit néceffairement
fe trouver dans un tout compolé de cylindres différemment
repliés & entaflés les uns fur les autres. age $
Les Anciens reconnoifloient dans les vifcères un paren-
chyme qui devoit fervir de foûtien aux vaifleaux ; les Mo+
dernes ont répandu fur cette idée une efpèce de ridicule,
cependant j'ofe en quelque forte la renouveler ici. Jai aperçû
une fubftance extrèmement diaphane en manière de gelée
ou de parenchyme, entre les tuyaux blancs corticaux ; elle
remplit leurs interftices & ceux des petits vaiffeaux fanguins,
elle fert de foûtien aux uns & aux autres: je l'ai trouvée
de même dans les interftices des nouveaux vaifleaux que je
décrirai en parlant de la fubftance médullaire du rein.
Ce n'eft pas feulement dans les reins que j'ai vü cette
efpèce de parenchyme, je l'ai obfervé dans les petits efpaces
que les ramifications des artères & des veines lymphatiques
dont l'uvée eft formée, laiflent entre elles: il eft d’une grande
tranfparence dans les yeux bleus. J'ai fait la même obfervation
fur le tefticule; les tuyaux féminaires qui font incompara-
blement plus gros que les précédens, font féparés par une
efpèce de gelée qui leur fert de foûtien.
La longueur des vaifleaux blancs vermiculaires, en les con-
cevant attachés bout à bout, a quelque chofe de furprenant;
pour en donner une idée, je les confidère comme des tuyaux
droits, placés parallèlement les uns à côté ou au deflus des
autres, formant un paquet ou un faifceau à quatre faces,
chacune d’une ligne en largeur: voyons d'abord le nombre
des tuyaux qui entrent dans ce faifceau. Le diamètre d'un
de ces tuyaux ne va pas à la foixantième partie d’une ligne,
on pourroit par conféquent en placer foixante au moins les
uns à côté des autres fur chaque face du faifceau; mais comme
ils ne doivent pas être plus prefiés qu'ils le font naturelle-
ment dans le rein, je me contente d'en mettre $0; ce qui
fait, en quarrant ce nombre, 2$ 00 tuyaux pour le faifceau
entier. Maintenant coupons ce faifceau pour ne lui laifler
qu'une digne de longueur , on aura 2500 lignes pour Îa
longueur
DhesMM6 cc LE AN: C ENS. 505
Jongueur entière des tuyaux compris dans un faifceau quarré,
d'une ligne en tout fens, ou d'une ligne cubique: nous pou-
vons donc dire que les tuyaux corticaux qui occupent l'étendue
d'une ligne cubique de la fubftance corticale, font, à peu de
chofe près, 2 00 lignes, c'eft-à-dire, 208 pouces 4 lignes,
ou 17 pieds 4 pouces 4 lignes.
En compenfant les excès par les défauts, & en retranchant
de la fubftance corticale les prolongemens du corps médullaire,
j'évalue l'étendue de cette même fubftance corticale autour
du corps médullaire, en la prenant au milieu de fon épaifieur,
à un pouce quarré pour chaque petit rein compofant; ce qui
fait 144 lignes quarrées, & je mets lépaifieur moyenne
de la fubftance corticale#à 2 lignes qui, étant multipliées
par 144, donnent 288 lignes cubiques pour le folide de
la fubftance corticale de chaque rein compofant, &. par
conféquent 720000 lignes, ou bien 6oooo pouces, ou
enfin. $000 pieds pour la longueur des tuyaux corticaux de
ce mème rein qui n'eft que la douzième partie du grand
rein; ainfi la longueur des tuyaux du rein entier fera de
6oooo pieds.
t. Telle.efl la flruéture, de la partie prétendue glanduleufe
du rein, deftinée à. féparer du fang le fluide urineux , car,
on convient que cette fonction lui eft réfervée; mais il refte.
encore un point important à éclaircir, favoir, comment ce
fluide déjà féparé, pafle des tuyaux blancs corticaux dans
le baffin du rein : comme il ne fauroit le faire fans parcourir.
l'étendue du corps médullaire, je ne puisme difpenfer de:
parler de celui-ci. Me ty
L'autorité de Carpi qui-avoit mèlé plufieurs erreurs à 14: Subfance
découverte des papilles n’a pas peu contribué à faire mé- re
connoitre pendant Jong-temps lufage du corps médullaire ;,.
on croyoit. après lui -que-lurine fe fépare du fang des, Idées
veines de la papille. Fallope,& Euftachi furent fe mettre au 5 Anciens
deflus du préjugé; ils affurèrent que l'urine étoit conduite des Moderne;
dans les, papilles & dans le baffin, par, un grand nombre. de,
rigoles ou de canaux, creufés dans l'étendue de-la fubftance,:
Mén. 1 749 de 0 à
Réfutation
de ces idées.
506 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
intérieure du rein: Jeur fentiment refta prefque dans l'oubli
jufqu'au temps de Bellini & de Malpighi. On avoit vû avant
eux les fibres radieufes qui paroiflent fi fenfiblement dans
toutes fortes de reins; on connoïfloit parfaitement les trous
de la papille qui laiflent échapper l'urine dans le baffin; mais
ce qu'on ne favoit pas, & qu'on crut apprendre de ces deux
célèbres Auteurs, c'eft que chaque fibre fe termine à J'ex-
trémité de la papille ou dans le baffin, par un orifice diftinét,
ou, ce qui eft fa même chofe, que chaque trou de là papille
perce dans l'intérieur d'une de ces fibres: voilà ce que Bellini
& Malpighi aflurèrent avoir obfervé, d'où ils concurrent
que ces fibres étoient autant de tuyaux urineux. Cette ob-
fervation a été reçue des moderné comme un fait que tout
le monde peut aifément vérifier, & comme un principe dont
il n'eft pas permis de s'écarter; on nomme ces fibres tuyaux
de Bellini.
On me pardonnera fi je ne reconnois point cette dé-
monftration ; je n'ai jamais douté que le corps médullaire
du rein ne püt être compofé de tuyaux urineux, mais je
n'ai pà me perfuader que ces fibres fuffent elles-mêmes au-
tant de tuyaux; elles n'ofirent, quand on les examine, ni
cette régularité, ni cette figure cylindrique ou conique, ni
cette proportion qui fait naître l'idée de vaiffeaux ; elles ne
repréfentent autre chofe que des fibres ou des paquets de
fibres charnues, comme Bellini & Malpighi en conv ennent,
& il ny a point d'Anatomifte qui ne les prit pour telles,
fi des réflexions particulières ne s'y oppoloient pas: je dis
plus, l'obfervation de ces deux hommes célèbres s'éloigne
abfolument de la vérité, les fibres dont nous parlons ne vont
pas jufqu'à l'extrémité de la papille, les ouvertures qu'on voit
à celle-ci ne font nullement les orifices de ces fibres. J'ai
découvert que ces ouvertures ne font autre chofe que les
extrémités de quelques tuyaux en cul-de-fac, qui ne remontent
pas plus haut que la papille, tant s'en faut qu'ils règnent
dans l'étendue des fibres du corps médullaire: c'eft ce dont
je xendrai bien10t un compte plus exaét. Si l'on avoit fait
BMENSEMMNLÉE. LE NUC ENS UMN So
feulement attention au petit nombre de irous de la papille,
& à la quantité prodigieufe des fibies du corps médullaire,
on n'auroit pü s'empêcher de voir que le fentiment reçû n’a
pour lui qu'un air de vrai-femblance,
Ces motifs m'engagèrent il y a long-temps à faire de
nouvelles recherches {ur la ftruéture du corps médullaire :
j'examinai, à laide des verres lenticulaires & du microfcope,
plufieurs reins, foit de homme, foit des animaux ; tout ce
qui me frappa le plus, c'eft que les fibres ou prétendus tuyaux
de Bellini qui paroiflent fimples quand on les confidère avec
les yeux nus, étoient compofés de traits moindres de diffé-
rente groffeur, mais qu'on auroit encore pris pluftôt pour
des fibres folides que pour des vaiffeaux.
Je connoïflois alors la ftructure de la fubftance corticale,
je ne l’avois vûe diftinétement que dans des fujets âgés d’envi-
: ron 50 ans;ñfe crus donc qu’il étoit à propos d'y avoir recours
pour éclaircir mes doutes fur le corps médullaire. Je ne me
trompai pas ; à peine avois-je jeté les yeux armés d'un verre
lenticulaire, fur la fubftance dont nous parlons, que j'en dé-
couvris la compofition intime, les vaifleaux dont elle eft
formée; je vis diftinétement que les traits ou fibres appa-
rentes qui m'avoient paru fimples dans les autres reins que
j'avois examinés, foit avec les yeux nus, foit avec le fecours
des verres, étoient réellement autant de paquets com
chacun d’un très-grand nombre de vaiffeaux, les uns rouges,
les autres blancs : tous ces vaiffeaux font extrémement déliés,
mais parfaitement diftinéts & détachés les uns des autres, au
lieu que dans les reins que j'avois vüs auparavant, ces tuyaux
étoient comme fondus enfemble pour former les fibres ou
prétendus tuyaux de Bellini.
Les vaiffeaux rouges que j'aperçüs, font des vaiffeaux fan-
guins que Ruyfch, qui ne les connoifloit pas, & plufieurs
Anatomifles, qui ne les ont vüs que pleins d’injetion, ont
pris pour des tuyaux urineux formés par la continuation dés
rameaux artériels, & c'eft à quoi fe réduit la fameufe décou-
verte de Ruyfch fur la prétendue origine des vaifleaux urineux,
S{f ïj
Nouvelles
obfervations.
Erreur
de Ruyfch;
Découverte
vrais tuyaux
urincux.
Ils pénètrent
intérieur de la
fubftance certi-
gale,
508 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
Les tuyaux blancs #7, 1, 1 (fig. 5) que j'ai vûs auf en
grand nombre dans chaque paquet, font les vrais tuyaux
excrétoires de l'urine, très-différens non feulement de ceux
de Ruyfch, mais encore de ceux de Bellini. Les Anato-
miftes n’ont, j'ofe le dire, jamais aperçû que de faux tuyaux
urineux, dont la defcription & les figures ne conviennent en
rien aux véritables : ceux-ci paroiflent d’abord exaétement
cylindriques, il eft certain au moins qu'ils ne perdent rien de
leur diamètre en avançant de la circonférence de chaque rein
fimple vers la papille; ils font d'une finefle extraordinaire,
& bien plus grande que celle des tuyaux blancs corticaux ;
ils ont tous à peu près le même diamètre, non feulement dans
une pyramide , dans un même rein fimple, maïs encore dans
tous les petits reins qui forment le grand rein. |
Ïs vont en ferpentant continuellement de la circonférence
du globe médullaire vers la papille, où ils par@ifient fe re-
dreffer: on en voit plufieurs, L, L, L, L, qui, s'étant un peu
avancés, fe recourbent, reviennent fur leurs pas en remon-
tant vers leur origine, & fe courbent de rechef pour reprendre
bientôt leur chemin vers la papille. On en voit aufli quel-
ques autres qui ayant marché deux à deux, trois à trois, en
ferpentant à l'ordinaire, ne fe courbent pas feulement comme
les précédens, mais encore fe plient, fe replient à plufieurs
repüies, fe roulent fur eux-mêmes, en formant non précifé-
ment des grains, mais de petites mafles A1, M7 aflez irrégu-
lières, après quoi ils fe redreflent, s'étendent & fuivent en
ferpentant comme auparavant, le chemin de la papille: je
nommerai les uns & les autres, tuyaux ferpentans, tuyaux mé-
dullaires, où nouveaux tuyaux urineux.
Ce n'eft pas feulement dans l'étendue du corps médullaire
que j'ai oblervé ces tuyaux, j'en ai découvert un grand
nombre dans l'intérieur mème de la fubftance corticale. J'ai
dit plus haut que j'avois aperçû quantité de traits fibreux ou
de prolongemens C’, C (fig. 4 à $) du corps médullaire 2,
qui la traverfent prefque jufqu'à fa furface extérieure, & que.
chaque prolongement occupe une efpèce de loge fort étroite,
DUEXSMS NC 1 E Nc £ Su sog
creufée, pour ainfi dire, dans l’épaifieur de la fubftance cor-
ticale. J’avois employé inutilement le fecours des verres len-
ticulaires pour connoître la vraie compofition de ces prolon-
gemens, je n'y avois aperçü que des traits qui fe préfentent
en manière de fibres droites; mais lorfque j'eus recours aux
reins des fujets dont j'ai parlé, je vis très-neitement que
tous ces traits étoient formés comme les précédens, c'eft-à-
dire, d'un grand nombre de vaifleaux, les uns rouges ou
fanguins, les autres blancs ou urineux.
Les vaifleaux blancs Æ qui compofent chaque prolongement,
naiflent fans confufion & à quelque diftance l'un de l'autre,
d'autant de points intérieurs de la voûte & de toute la hau-
teur de la loge corticale D D; bien-tôt ils fe rapprochent,
defcendent en ferpentant, & forment un faifceau de la grof-
{eur d'une foie de porc. Ces tuyaux abandonnent enfuite la
fubftance corticale pour fe joindre aux autres tuyaux urineux,
avec lefquels ils parcourent en ferpentant l'étendue du corps
médullaire, mais en régnant toûjours fuivant l'axe de {a pyra-
mide; plufieurs reviennent fur leurs pas, & reprennent en-
fuite leur première route; d’autres fe roulent fur eux-mêmes
dans le corps médullaire, & s'étendent de rechef pour fuivre
le chemin de la papille; enfin ils ne different des autres que
par le lieu de leur origine & la place qu'ils occupent. Ce-
pendant on doit toüjours diftinguer deux ordres de vaif-
feaux ferpentans ; les uns plus longs Æ, qui naïflent de la
profondeur de la fubftance corticale ; les autres plus courts Z Z
qui viennent feulement de la furface intérieure de cette fub-
flance, & qui rempliflent tous les efpaces que les premiers
laiflent entre eux.
Au refte, les tuyaux ferpentans ne refflemblent nullement
aux vaiffeaux blancs corticaux ; is n'en diflerent pas feulement
par leur difpofition, leur direction, les figures qu'ils for-
ment, mais encore par leur groffeur, leur couleur, leur fub-
ftance, &c. ils font beaucoup plus déliés, moins blancs que
les vaifleaux corticaux, & ïs ont quelque chofe de plus fec:
& de plus maigre, Avant que de finir fhiftoire des tuyaux.
S ff ii
Origine
des tuyaux
icrpentans,
Jis fe réuniffent
en avançant.
s10 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
ferpentans, il nous refte quelque chofe à dire de leur origine
& de leur aboutiffement.
Quoique ces tuyaux foient très-diftinéts & aifés à fuivre,
fur-tout du côté de la circonférence du rein, il eft cependant
difcile de voir à nu leur première origine : elle eft preique
toüjours cachée fous les mafles des nouveaux vaiffeaux cor-
ticaux, qui préfentent comme des touffes faillantes qui cou-
vrent cette origine; cependant j'ai aperçü vers le fond &
vers les côtés des loges corticales, quelques vaifleaux ferpen-
tans qui m'ont paru s'implanter tranfverfalement dans les
corticaux. NH eft donc bien certain qu'ils ne viennent ni des
prétendues glandes de Malpighi ou des autres Anatomifies,
ni des vaiffeaux fanguins que Ruyfch, Boerhaave & ceux qui
les ont fuivis, ont pris pour des tuyaux urineux : voyons à
préfent la manière dont les tuyaux ferpentans fe terminent,
Quoique les traits ou fibres apparentes qu'on voit dans
le corps médullaire de chaque petit rein, {fe rétrécifient con-
tinuellement à melure qu'elles avancent vers le centre de ce
corps & vers la papilie, il n'en eft pas ainfr des tuyaux
ferpentans qui entrent dans leur compofition : je me fuis
bien convaincu qu'ils ne perdent rien de leur diamètre; il
m'a même paru, après plufieurs examens, que ce diamètre eft
un peu plus confidérable près de la papille; cependant ils
y occupent tous enfemble un efpace dix, douze & quinze
fois moindre que vers la circonférence du corps médullaire;
c'eft que leur nombre diminue à proportion ; il {uffit même,
pour s'en convaincre, de comparer la quantité des tuyaux
qu'on voit vers la bafe d'une pyramide, avec la quantité de
ceux qui {e préfentent près de fa pointe; la diflérence en eft
frappante.
On inférera évidemment de-à que les tuyaux ferpentans
fe réuniffent, à la manière des veines, en avançant vers fa
papille : j'ai vü clairement le fait dans les oifeaux ; ce qu'il y
a de fingulier, c'eft que dans l’homme les troncs ne font
guère plus gros que les branches.
Bellini & les Anatomiftes modernes ont cru jufqu'ici que
DES SCIENCES. s1r
fes trous qu'on voit au bout de la papille, ne font que les
ouvertures de leurs prétendus tuyaux urineux: mais ce ne
font pas même celles des vrais tuyaux que je viens de dé-
crire, ils fe terminent avant que d'atteindre l'extrémité de
la papille. J'ai obfervé dans celle-ei d'autres tuyaux en cul-
de-fac qui forment ces ouvertures, je les nommerai vaiffleaux
pepillaires ; ils font incomparablement plus gros & moins
nombreux que les troncs mêmes des tuyaux ferpentans. Dans
le cheval, ils reçoivent aïfément une foie de fanglier, &
même un petit flilet; mais la foie & de flilet qui marchent
d'abord fort aifément, font arrêtés tout d'un coup lorfqu'ils
ont pénétré à 4, 6 & 9 lignes, car la profondeur de ces
tuyaux eft différente : j'examinai il yafix ans, un rein humain
dont quelques papilles étoient chargées de grains de gravier:
les uns étoient légèrement adhérens à l'extrémité de la papille,
les autres bouchoïent partie des orifices des vaiffeaux Papillaires
que je trouvai fort dilatés : j’ôtai le gravier & j'introduifis dans
“cinq ou fix de ces tuyaux, ‘des oies de Porc; je reconnus qu'ils
n'avoient qu'environ uné ligne & demie de profondeur,
Quand on auroit pris chaque petite pyramide du rein
pour un feul tuyau urineux, comme Bellini femble l'avoir
fait, il feroit encore étonnant qu'on eût pà regarder les trous
dé la papill comme les ouvertures particulières de ces
différens tuyaux ; le nombre dés pyramides de chuque petit
rein va à plus de fépt ou huit cens, & celui des ouvertures
de la papille, fort aifées à compiér, à dix-huit ou vingt, plus
ou moins. Que penfera-t-on donc fi l'on fait attention à la
quantité réelle des vrais tuyaux urineux ? il fufhroit, pour
sen faire une idée, d'ex:miner un (ul prolongement C
(F8: 5 ) du corps m‘dullaire, Je veux dire, un feul des faif-
ceaux qui naïflent de l'intérieur de la fubftince corticile, &
qui occupent les loges dont j'ai parlé. On a vû que ces faif-
ceux n'ont guère qu'un cinquième de liyne de diamètre,
J'ai fouvent compté dix-huit tuyaux ferpentans l'un à côté
de l'autre dans l'étendue de ce diimètre, fans parler d’un
grand nombre de vailleaux fanguins qui trouvoient encore à
Defcription
des vaiffeaux -
papillaires.
Nombre
des pyramides
& des vaiffeaux
ferpentans,
Arrangement
fymmétrique
des différentes
parties
dont on a parlé,
12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
sy placer. Or la feétion du faifceau étant circulaire, pour
avoir le nombre des tuyaux qu'il comprend, je quarre le
cercle fuivant la proportion communément reçûe entre le
diamètre & Ja circonférence, qui eft celle de 7 à 22, & j'ai
par le calcul, 255$ tuyauxferpentans bien diflinéts pour cha-
que faifceau de la grofféur d'une foie de porc ou environ;
mais pour mieux juger de la proportion immenle qu'il y a
entre le nombre total des tuyaux ferpentans de chaque petit
rein & le nombre des ouvertures de fa papille, prenons les
premiers à leur origine, ou fort près de la furface intérieure
de la fubftance corticale ; j'évalue à peu près cette furface à
un pouce quarré. On peut donc confidérer tous les tuyaux
ferpentans de chaque petit rein comme formant un faifceau
quarré, ou dont la feétion eft un quarré d’un pouce fur cha-
ue côté; mais nous avons. vü que dix-huit de ces tuyaux
placés lun à côté de l'autre, n'occupent en largeur, de Îa
manière qu'ils font difpofés dans le rein, que l'étendue d’un
cinquième de ligne ; il y aura donc mille quatre-vingts tuyauxs
lun à côté de l'autre fur chaque face du faifceau quarré dont .
nous parlons, ce qui donne un million cent foixante-fix
mille quatre cens pour. le, nombre total des tuyaux compris
dans ce faifceau, c'eft-à-dire, dans chaque petit rein; mais
quand on ne confidèreroit que les troncs des tuyaux urineux
près de la papille, où leur nombre fe trouve beaucoup moindre,
il feroit fort ailé de faire voir que ce nombre va encore à
plufieurs milliers, tandis que la papille n'a que dix-huit ou
vingt trous.
Maintenant, pour fe faire une idée de la difpofition &,
de la fymmétrie des différentes parties dont nous avons parlé,
il faut confidérer un rein fendu /fgg. r & $), en allant de
fa furface vers les papilles. On voit d'abord dans F'épaifeur
de la partie corticale À À (fig. 5) le profil des pyramides
des loges corticales D, D & des prolongemiens C, C du corps
médullaire qui les rempliflent: les /oges corticales, placées lune
à côté de l'autre, féparées par des portions Æ, Æ de fubflance
corticale, & réduites au fimple profil, repréfentent alors les
: arches
|
ï
;
4
DUELSMBIC 1 EN CES S13
arches d'un pont dont la voûte s'élève prefque juiqu'à fa
furface extérieure du rein, & dont les piles s'appuient {ur
Je globe médullaire. On découvre en même temps l'affem-
blage des vaiffeaux corticaux Æ, G, dont les grouppes fail-
lans femblent décorer les piles & le ceintre des arches:
on voit les faïfceaux #7, A des tuyaux ferpentans qui rem-
pliffent les /ges, defcendent vers le ‘corps médullaire, &
enfuite vers la papille; on voit enfin les tuyaux Z, Z qui naif-
fant du bas des piles, garniflent les intervalles des faifceaux
précédens, & fuivent la même route : tout cela forme une
ordonnance & une variété d’objets furprenantes, fur-tout fi
lon y joint appareil des vaifleaux fanguins bien injetés.
Je priai il y a long-temps M. de Juffieu le cadet, de cette
Académie , d'examiner des reins humains que je lui pré-
fentai fans lui rien dire, & fans qu'il pût avoir jamais rien
appris de ce que j'avois obfervé; à peine y eut-il jeté les
yeux armés d’une lentille, qu’il aperçût diftinétement la com-
pofition merveilleufe du rein, cet affemblage de vaiffeaux cor-
ticaux avec leurs anneaux, leurs rofettes, leurs grouppes, &c.
il vit de même les loges corticales & les faifceaux des tuyaux
ferpentans qui les rempliffent ; il vit enfin les. inflexions
L, L, L, L & les petites mafles #7, M que ces vaifleaux
forment en fe pliant & fe repliant dans le corps médullaire.
Voilà ce qu'il ne pouvoit fe lafler d'admirer, qu'il m'expli-
qua de la manière la plus exacte, & dont il traça le deflein
avec la plume avant qu'il eût appris de moi 1e moindre de
ces faits : il y reconnut même le parenchyme, qui m'avoit
pau plus difficile à diftinguer à caufe de fa grande tranf
parence. |
Telle eft la compofition de l'organe fecrétoire & ‘excré-
toire du fluide urineux : des vaifleaux fanguins très-vifibles,
quoique plus déliés encore que les tuyaux*dont on vient de
parler, fe terminent dans les parois des vaiffeaux Dlancs corti-
caux, & leur fourniflent ce fluide qui elt enfuite.obligé de
fuivre leurs longs détours avant que de paffer dans les zyaux
ferpentans qui le conduifent dans les vaiffeaux papillaires.
Mém, 1749: SULUL
s14 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
A nn Comme les vaifleaux que j'ai décrits jufqu'ici ne paroif-
médullares {ent pas toüjours dans les reins humains, je les ai cherchés
du Pie des dans ceux de plufieurs animaux, tels que le chien, le maki +,
quadrupèdes. Es A
… Efiée le mouton, le cochon, le bœuf, le cheval à &c; j'ai vü dans
de Singe, quelques-uns de légères traces des vaiffeaux corticaux , & je les
ai aperçus nettement dans les reins du cheval, après les avoir
laiflé mortifier & amollir pendant plufieurs jours, & enfuite
fait macérer; mais ces vaifieaux ne {e font fait bien diftinguer
qu'à la lumière du foleil.
Dans plufieurs des animaux que j'ai nommés, les tuyaux
ferpentans ne paroïfloient pas, on ne voyoit que les traits en
manière de fibres qui compofent le corps méaullaire ; mais
dans le cheval, ceux qui rempliffent les /oges corticales fe
font montrés diflinétement. J'ai encore aperçu les vaifleaux
ferpentans dans le corps médullaire du rein du cochon & du
mouton; ils vont, Conime ceux de l'homme, de la circon-
férence du rein vers la papille, en faifant plufieurs ferpentins ;
quelques-uns reviennent aufli fur leurs pas, d’autres fe roulent
différemment, & reprennent enfuite leur première route pour
fe rendre dans les vaiffeaux papillaires, qui paroifient aflez
diftinétement dans prelque tous ces animaux. “à
Vaifeaux Les vaiffeaux corticaux 8 médullaires font bien ue aifés à
a+ apercevoir dans les oifeaux, pourvü qu'on les examine après les
du ren avoir Jaiflé mortifier pendant quelques jours, & un peu avant
ds oifaux. Que Jes entrailles commencent à fe corrompre; la matière grof-
fière de leur urine prend corps, fe fige, blanchit de plus en
plus, & rend ces vaifleaux beaucoup plus apparens.
Je les ai vüs très-nettement dans le poulet, la perdrix,
* En luin, Ja griveb, Falouette, le ferin, & en général dans touslés
Al oifeaux où je les ai cherchés avec la précaution dont j'ai
# parlé. L'appareil en eft fi curieux & fi propre à confirmer
ce que j'ai dit dé la ftruéture du rein humain, que je ne
puis me difpenfer d'entrer dans quelque détail 1à-defus.
. Les oifeaux ont deux reins fort longs & fort larges, placés
entre l'extrémité inférieure des poumons & le croupion ; üls
font aplatis , & l’une des faces, que je nomme antérieure, eft
DÉEUSIMNNC I E NiC EYS sis
tournée du côté du ventre, l'autre du côté du dos. La partie
fupérieure & la partie inférieure du rein, plus confidérables
que le milieu, repréfentent chacune un lobe enchäffé du côté
du dos, dans une cavité offeufe.
L'uretère À B (fig. 7), qui tient lieu de baflin, fort ordi-
nairement du lobe fupérieur du rein, defcend le long de Ia
face antérieure de cet organe, & Îa partage en deux portions
inéoales: il eft formé d'abord par la réunion de plufieurs bran-
ches, les unes plus groffes €, C, les autres moindres c, c, qui
viennent du dedans du lobe fupérieur.
A mefure que luretère defcend, il reçoit de nouvelles bran-
ches de différente groffeur D, D; d, d, & particulièrement une
très-confidérable Æ’, qui eft prefque la feule qui revienne du
lobe inférieur, au moins dans la perdrix, le pigeon & plufieurs
autres oifeaux. Les branches les plus petites c, c; d, d, que je
nommerai fimplement rameaux, reçoivent les faifceaux des
tuyaux urineux , & peuvent être, par cette raifon, comparées
aux calices du rein humain; mais les branches plus confidé-
rables C, C; D, D, E, jettent, ou pluftôt reçoivent des
branches moindres e, e, e, e, qui font le même office que
les rameaux précédens ; elles tiennent lieu de calices, je les
nommérai aufli rameaux.
La furface du rein des oifeaux eft -un véritable tableau
changeant; tantôt elle paroît un aflemblage de lobules à plu-
fieurs faces à peu près comme l'extérieur du poumon, tantôt
elle repréfente, mais d'une manière exatte, les éminences &
les circonvolutions de la furface du cerveau. Le premier cas
arrive ordinairement lorfqu'on l'examine avec les yeux nus;
ou avéc des verres de 6, 7 & 8 pouces de foyer, mais
fur-tout lorfque les vaifleaux fangüins font vuides & que le
rein eft un peu pâle; le fecond cas eft plus ordinaire quand
on fe fert de verres de quelques lignes feulement de foyer,
mais principalement lorfque les reins confervent encore leur
couleur rouge. La manière dont:les vaifleaux fanguins fe
o es û
diftribuent, n’a pas moins de part à cette refflemblance que
la figure des interftices qui diflinguéent ces éminencés. ? 27
Ttti
LI
»
L'uretcre
& fes rameaux.
Surface du rein
Vaifleaux
corticaux,
516 MÉMOIRES Dr L'ACADÉMIE ROYALE
La divifion dont je viens de parler, ne fe borne pas à la
furface du rein : on trouve dans l'intérieur un grand nombre
de parties ou d'éminences figurées & diftinguées de même,
& c'eft ce que le rein des oïfeaux a encore de commun avec
le cerveau humain : voyons maintenant quelle eft fa compo-
fition intime.
Les nouveaux vaifleaux que j'ai obfervés dans les reins des
oïifeaux, font de deux fortes, comme dans l’homme ; les vaif-
feaux corticaux , différemment repliés & entaflés les uns fur
les autres, & les vaifleaux médulläires difpolés par Jaifceaux,
fans faire que de légères inflexions. Les uns & les autres pa-
roiflent ordinairement d'un blanc de lait, à [a manière des
vaifleaux chyleux.
Les vaifleaux corticaux C, C (fig. €) font des tuyaux
extrémement fins, cylindriques, qui fe plient, fe roulent en
mille manières, mais différemment de ceux du rein humain :
ils font dans un nombre prodigieux, fort ferrés les uns contre
les autres ; ils ne laïflent d'autre vuide que ce qu'il faut pour
loger les vaifleaux fanguins & une très-petite quantité de
parenchyme tranfparent : ce font eux qui forment toutes les
éminences , foit extérieures, foit intérieures du rein , à l’ex-
ception d'un faifceau de tuyaux médullaires, qui, dans quel-
ques oifeaux, comme la perdrix, fait le soyau de chaque
éminence.
Dans la grive, dans l'alouette, &c. on les voit difpofés
par sraluées parallèles qui traverfent les fommités des émi-
nences ou Jobules qu'on remarque à la furface du rein; ces
trainées, diftinguées par des petits vaifleaux fanguins, font un
effet extrêmement agréable à la vüe, au jugement de M. de
Juflieu le cadet, qui les a examinées avec moi.
On peut aifément fe tromper fur le nombre de ces vai
feaux; fouvent ils paroiffent laifler entre eux d’affez grands
interftices, c'eft qu'on ne voit alors que quelques tuyaux, fans
doute parce que la matière blanche qui les rend fi fenfibles
ne s'eft pas arrêtée dans les autres. Mais fi on parcourt
fucceffivement les différentes parties de la furface d'un même
LA
PNFENSIMER C: L'E NOCtEMNSAOELM, rx
rein, ou qu'on réitère cette recherche fur d'autres oïfeaux
de la même efpèce, on ne manquera pas d'en trouver quel-
ques-uns où lon verra tous ces intervalles remplis de vail-
{eaux corticaux. Les oifeaux où cela nreft arrivé le plus
communément, font la grive & laloueite, quelquefois la
perdrix & la poularde; cependant j'ai vü des reins d'alouette
qui ne montroient qu'un feul vaifleau pôur chaque rrafnée,
au lieu du grand nombre qui s'y préfente ordinairement.
Lorfque la furface ou une partie de la furface du rein
eft parfaitement remplie de vaifleaux corticaux, ils paroifient
tous. extrêmement fins, de inème grofleur, fans divifion,
& avec mille circonvolutions, mais ils cachent des petits
troncs dans lefquels ils vont fe rendre à la manière des veines.
Ces petits troncs extrémement nombreux font moins de cir-
convolutions ; ils grofliffent peu à peu à mefure qu'ils re-
çoivent de nouveaux rameaux, & fe terminent enfin dans
les tuyaux médullaires qui n’en font qu'une continuation. Les
petits #roucs corticaux, & quelques-uns des rameaux qui vont
s'y rendre, paroiflent fouvent lorfque la furface du rein éft
moins remplie, lorfque les vaifleaux les plus fuperficiels ne
fe montrent pas , lorfqu'on partage le rein en allant de la
circonférence vers le centre, & qu'on jette les yeux fur cette
Jection. à
Nous avons déjà dit que les vaifleaux #édullaires font di£
polés par faifceaux ( voy. la fig. 7 ): la fubftance intérieure
du rein en*eft prefque entièrement formée ; chaque faifceau
particulier répond à une éminence corticale , & reçoit les
tuyaux ou les petits sroncs des tuyaux crticaux dont elle eft
compofée. Dans quelques oifeaux , comme la perdrix , les
faifceaux particuliers forment chacun l'axe ou le noyau d’une
éminence , au lieu que dañs d’autres oifeaux le fufceau ne
paroït qu'au deflous de l'éminence, comme le tronc d'un
arbre au deffous de la toufle. Les faifceaux particuliers F, F, F;:
G,G,G, qui reviennent d’un certain nombre d'éminences,
fe rapprochent les uns dés autres en s’avançant vers l'inté-
rieur du rein, & vont former un fafeau commun fou g,
Tttiij
Vaïffeaux
médullaires
Offervations
{ur le foie
des oïifcaux.
518 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
qui fe termine dans Jun des rameaux de l'uretèré, qui tien-
nent lieu de calces,
Après que les faifceaux particuliers*ont été formés par la
réunion des vaifleaux corticaux , ils fe rétrécifient en manière
de cone, à mefure qu'ils s'éloignent des éminences corticales,
il en eft de même des faifceaux communs.
Les tuyaux médullaires font d'abord fort nombreux &
fort fms, moins cependant que les tuyaux corticaux , & c'elt
en quoi ils difierent de ceux du rein humain; mais ils fe
réuniflent en avançant, pour former des branches plus confi-
dérables , de manière que leur nombre diminue, & que leur
calibre augmente à mefure qu'ils approchent des rameaux
c,c; d, d ded'uretère. Tout cela fe montre avec une extrème
netteté dans le rein des’ oifexux , & juftifie parfaitement ce
que nous avons dit de la réunion des vaiffeaux médullaires
du rein humain.
Le faifceau commun, qu'on peut comparer à l1 papille
d'un rein fimple, ne finit pas comme dans les autres ani-
maux ; les tuyaux qui le compofent, vont former en fe
réuniffant , un de ces rameaux de Yuretère qui tiennent lieu
de calices. Le rameau de Yuretère ne reçoit pas cependant
autant de vaifleaux médullaires diftinéts & féparés qu'on en
voit dans le faifceau commun; ces vaifleaux, quoique nom.
breux, prêts à fe terminer, fe réduifent tout d'un coup &
pour ainfi dire dans fe même inftant à quelques petits troncs,
dont le nombre ne furpafle pas celui des faïfceaux particuliers
qui compofent le faifceau commun ; ces troncs font fi peu de
chemin avant que d'atteindre le rameau de uretère, qu'on
ne les aperçoit qu'en y faifant une attention particulière: je
crois pouvoir les comparer aux vaifeaux papillaires des autres
reins. On voit à préfent l'analogie qu'il y a entre le rein
des oïfeaux & le rein humain.
Nous avons déjà jugé que la compofition vafculeufe dont
on a parlé devoit s'étendre à d’autres parties, & qu'elle fe
montroit, quoique obfcurément , dans le foie humain ; les
comparaifons que j'ai faites entre les reins & le foie des
oifeaux, confirment beaucoup cette idée.
QUE SMS: C LE 'N CIE s19
Quand on examine les reins des oïifeaux, comme ceux
de la grive, de l'alouette , tandis que les vaifleaux corticaux
font le mieux remplis, bien fouvent on n'aperçoit qu'une
infnité de particules blancheätres , irrégulièrement rondes ou
oblongues en apparence : cela arrive lorfque le verre n’eft
pas net , lorfqu'il eft d'un trop long foyer, lorfque le jour
eft trop fombre, &c. é
Le foie des oifeaux, par exemple, du canard, du pigeon, de
la grive, de l'alouette, prend ordinairement dans plufieurs
endroits, quelqués jours après qu’on les à tués, une couleur
blancheätre ou jaunâtre, cachée auparavant par un grand
nombre de petits vaifleaux fanguins : fi lon parcourt alors
ces endroïts blancheîtres avec les yeux armés d'un verre fen-
ticulaire, on voit le foie divifé en lobules qui paroiffent
eux-mêmes formés d'une infmité de particules très-fmes ,
qui reffemblent parfaitement à celles que le rein fait aper-
cevoir dans les circonftances dont je viens de parler: cette
reflemblance va fi loin, qu'en examinant avec le fecours des
verres, des morceaux du foie & des reins de la grive ou
de l'alouette, il m'eft arrivé quelquefois de prendre les uns
pour les autres. Il eft vrai qu'en confidérant le rein avec Fat-
tention néceflaire, on découvre évidemment que ces particules
forment des cylindres ou des vaïfleaux, au lieu que celles
du foie paroifient interrompues & détachées les unes des
autres; mais la même chofe arrive au rein lorfque la matière
blanche de urine fe réduit en petits grumeleaux qui inter-
rompent la continuité apparente du tuyau, comme je l'ai vû
très-fouvent dans les oïfeaux dont je parle: ce cas eft fans
doute plus ordinaire au foie & à la bile, & c'eft ce qui
produit la difficulté de voir nettement Îles petits tuyaux dont
je crois le foie formé, cependant j'ai quelquefois apercû ,
fur-tout dans le foie de l'alouette, plufieurs de ces particules.
qui repréfentoient des cylindres fort courts, pliés en demi-
cercle: j'en ai vü d’autres & en très-grand nombre, difpofées
de manière que leur aflemblage paroïfloit former un tas de
vaifleaux cylindriques, égaux en diamètre, & difpolés comme
ceux du rein humain.
Obfervations
fur les capfules
atrabilaires,
520 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
La compofition des capfules atrabilaires me paroït à peu
près la même : elles ont une fubflance corticale de couleur
jaune ou citrine, & une fubftance intérieure , femblable à
une gelée rougeñtre dans les enfans , & de différente cou-
leur dans les autres fujets. La fubftance corticale eft formée
de lobules qui fe divifent eux-mêmes en lobules moindres,
diflingués les uns des autres par les ramifications des vaif-
feaux fanguins , & que des Anatomiftes ont pris mal à pro-
pos pour des glandes.
J'ai examiné , à F'aide des verres lenticulaires, les capfules
atrabilaires de l'homme, mais fur-tout des enfans! & celles
des quadrupèdes ; jai jeté les yeux , tantôt fur la furface
extérieure , tantôt fur la furface intérieure de la partie cor-
ticale : j'ai vü prefque toüjours une infinité de petites parti-
cules entaffées les unes fur les autres ; qui paroïffent former
toute la fubftance de chaque lobule ; ces: particules reffem-
blent parfaitement à celles que j'ai obfervées dans le foie de
l'homme & des oifeaux : ce ne font certainement point des
glandes ; elles different totalement de celles qu'on voit
ailleurs, & je puis bien affurer qu'en examinfint dans des enfans
la furface intérieure de la partie corticale , il nr'eft arrivé
quelquefois de voir comme plufieurs vaifleaux cylindriques
différemment repliés & entaflés les uns fur les autres. J'ai
été encore plus frappé de cette reffemblance , en examinant
la furface extérieure de la capfule d'un maki; l'imagination
n'avoit aucune part à ce que Je voyois.
On peut juger par tout ce qui a été dit, que la compo-
fition des vifcères nommés glanduleux a été peu connue, &
peut-être moins depuis quelque temps qu'elle ne l'étoit à da
fm du fiècle paffé. L'idée de vaiffeaux fanguins, pouffée trop
loin par M. Ruyfch, qui en avoit fait pendant foixante ans
fa principale étude, a fait prefque oublier aux Modernes celle
- d'une fubftance particulière qui conftitue toutes les parties du
corps humain; c'eft ce qui a fufpendu les recherches capables
de perfectionner ce genre d'Anatomie, fi propre à fournir les
fondemens les plus folides de l'économie animale & de l'art
de guérir. J'expoferai
DIELSSNC 1° EN C E 5. s21
- J'expoferai dans un autre Mémoire la diftribution des petits
vaiffeaux fanguins du rein, qui forment un appareil extrême-
ment fmgulier & curieux: on verra alors origine des méprifes
de Malpighi & de Ruyfch; on y verra auffi ce qui a donné
Jieu à quelques Auteurs de réunir les deux fyftèmes, de recon-
noître l'une & l'autre compolition dans le rein,
Iaflruétion fur les moyens de vérifier les principaux fairs
rapportés dans ce Mémoire.
I n'y a point d'homme verfé dans la belle Anatomie, qui
ignore qu'en fait de découvertes fubtiles ou qui ont befoin
du fecours du microfcope, on ne vient guère à bout de les
vérifier qu'après plufieurs tentatives réitérées; on fait même
que cela demande qu'on foit exercé dans ce genre d'Anatomie
& dans les obfervations wicrofcopiques, c'eft ce qui m'a dé-
terminé à joindre ici cette n/fruction.
1.” Si l'on veut s’affurer que les parties qui paroiffent
les plus colorées, comme la ratte, le foie, &c. ont une fub-
ftance blanche qui ne prend jamais naturellement aucune teinte
de rouge, on examinera ces parties au grand jour ou à fa
lumière du foleil, tandis qu'elles ont encore toute leur fraî-
cheur: les fujets d’un âge peu avancé, qui n’ont pas été épuifés
par les maladies, & les verres de quatre ou cinq lignes de
foyer, font ceux qui conviennent le mieux pour cette recherche.
2. Si on veut voir Fétendue & les interftices rouges
des petites pyramides dont j'ai dit /page 500) que le rein
eft formé, on choiïlira des reins récens & bien colorés,
comme font ordinairement ceux des jeunes fujets; on les
fendra avec les mains fuivant la direction des pyramides,
ceft-à-dire, en allant de la convexité vers Île finus du rein
(page 501) & on regardera- les furfaces auparavant unies,
avec {es yeux nus ou armés de verres les plus communs.
*3.° Si lon veut confidérer les bafes des pyramides, la
figure ; la circonfcription de ces bafes, les ramifications vei-
neufes qui règnent dans une partie de leurs interftices /page
oo & fig. 3), on fera choix des mêmes reins; on les
Méên, 1749: + Vuu
522 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
dépouillera de leurs membranes, & l’on parcourra fucceffive-
ment les différens endroits de leur furface pour trouver les
variétés qu'il y a à cet égard; tout cela fe préfente auffr, mais
moins clairement, dans les reins pris au hafard, pourvû qu’ils
ne foient pas trop pâles & qu'ils foient encore aflez frais:
on n'a pas befoin d’autres fecours que de ceux que j'ai indi-
qués dans Farticle ci-deflus. :
4° Pour voir la fetion tranfverfale de ces pyramides, il
faut couper le rein par tranches, parallèlement à fa furface
extérieure; mais les reims doivent être bien choïifis, bien
frais & bien colorés, parce que les pyramides font terminées
moins exactement dans l'intérieur du rein, que les inter{-
tices rouges qui doivent régner tout autour, font moins
marqués & plus irréguliers.
5 Pour voir les prolongemens /C C fs. 4 & 5) du
corps médulhire, qui traverfent prefque toute l'épaiffeur de
la fubftance corticale /page $ o 2), il feroit inutile de couper
le rein fuivant la direction des pyramides ; la feétion laiffe
un wni qui empécheroit de reconnoître les prolongemens
mélés avec la fubftance vraiment corticale, II faut donc féndre
le rein avec les mains (page $ o 1) fuivant cette même di-
rection, foit en allant de la convexité du rein vers le Jinus,
foit en allant du finus vers la convexité. Mais par malheur,
la féparation dans la plufpart des reins fuit les interftices, &
par conféquent l'extérieur des pyramides, de manière que les
prolongemens qui en forment feulement le noyau, fe F4
encore enfevelis dans la fubftance corticale, fans qu'il foit po
fible de les voir; cependant il arrive fouvent, fur-tout quand
ce font les reins des fujets avancés en âge, & en particulier
quand les tuyaux qui les compofent font bien apparens ; if
arrive, dis-je, que la féparation fuit l'intérieur des pyramides,
& alors les prolongemens font à découvert, au moins dans
cette partie de leur étendue qui eff la moins éloignée du globe
médullaire ; c'eft ce qu'on reconnoîtra aïfément, parce qu'on
verra les oges corticales D, D (fig. 4 à 5) en forme de
fllons ou rainures, au fond defquelles on apercevra les
DES SCIENCES. s23}
prolengemens féparés les uns des autres comme par des
colonnes £, E, de fubftance vraiment corticale, plus faïllantes
que les prolongemens : les verres de fix ou fept lignes de
foyer font les plus convenables en cette occafion.
6. Si lon veut vérifier ce que j'ai dit de Ia ftruéture de
la fubftance corticale du rein humain (page 49 8 — $ 0 3),
il eft néceffaire de favoir qu'elle varie beaucoup en appa-
rence, fuivant les différens reins, quoiqu'on f'examine de la
mème manière & avec les mêmes verres.
Dans les uns, & ce n'eft pas le plus petit nombre, Ja
fubftance corticale ne fait paroitre qu'une concrétion blanche
un peu tranfparente, avec quelques inégalités, fans aucune
organifation évidente.
On voit dans d’autres reins une infinité de petits points
{olides dont on croiroit que la fubftance corticale eft formée;
cela m'a paru affez ordinaire dans les reins des fujets tout-à-
fait jeunes.
Enfin il y a des reins où l'on découvre diftinétement les
vaifleaux corticaux; c'eft ce que j'ai vû dans la plufpart des
fujets âgés de quarante-cinq à cinquante & foixante ans, fur-
tout quand les reins étoient pâles & mous, comme il arrive
fouvent après de longues maladies.
On examinera ces reins au grand jour, ou pluftôt à la
lumière du foleil, avec une lentille de cinq ou fix lignes de
foyer. Quelquefois ces vaiffeaux paroiffent à la furface du
rein après lavoir dépouillé de fes membranes, mais on les
voit mieux quand on a fendu le rein avec les mains, &
qu'on jette les yeux fur 'épaifieur de fa fubflance corticale,
principalement fur la portion voifine du corps médullaire,
où les tuyaux corticaux font un peu moins preffés. Après les
avoir cherchés de cette manière dans deux ou trois endroits
du rein, fi l’on ne peut pas les découvrir, on gardera ce rein
pendant plufieurs jours, on le fera enfuite macérer pendant
deux ou trois; on le fendra de nouveau, ou l'on rafraichira
ancienne fente sil y en a quelqu'une, & l'on examinera
derechef la. fubftance corticale avec toutes les précautions
Vuui
524 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
dont j'ai parlé. Je ne donne pas ces moyens pour infaillibles,
mais ils n'ont réuffi plufieurs fois dans les recherches que
j'ai faites fur les reins, foit de l'homme, foit du cheval: fi
malgré cela les vaifleaux corticaux ne fe préfentent pas net-
tement, il faut s'en procurer d’autres ; on trouve toüjours
fur le nombre plufieurs reins humains où ces tuyaux fe font
voir très-diftinétement dans quelques endroits, & fouvent
dans toute l'étendue de la fubflance corticale, avec leurs
courbures, leurs circonvolutions, le parenchyme qui les foùû-
tient, & tout ce qu'on en a rapporté: on obfervera qu'ils ne
paroiffent guère plus ni guère moins nettement dans Fun
des deux reins que dans l'autre.
7. Si lon veut voir les tuyaux médullaires , & en par-
ticulier ceux qui compofent les prolongemens /pages 508,
5sog, fig 5); faut choifir les mêmes reins, & ufer
des mêmes précautions que s'il s'agifloit des tuyaux corticaux.
Remarquons ici que dans le cheval, les colonnes corticales qui
féparent les faïfceaux des tuyaux ferpentans font fort étroites,
& que dans le bœuf, les inflexions des tuyaux médullaires
font beaucoup plus nombreufes & plus remarquables.
8.° J'ai aflez expliqué dans le Mémoire /page $ 14 à
Juivantes ) la façon de s'y prendre pour voir aifément les
tuyaux, foit corticaux, foit médullaires du rein des oïfeaux ;
comme l'appareil en eft très-curieux, & qu'on peut y avoir
recours quand on n'a pas le choix des reins humains ni la
commodité de chercher dans eeux du cheval, j'ajoüterai ici
les remarques fuivantes.
J'ai examiné plufieurs fois des reins de pigeon, de pou-
larde, de perdrix, & d’autres oifeaux qu'on venoit de faire
mourir, Où qui n'étoient pas encore mortifiés, je n'y ai point
aperçu diftinétement les vaifleaux corticaux, ou je n'ai fait
que les entrevoir; il n’en eft pas de même des vaiffeaux médul-
laires /page $ 1 7), je les ai vûs très-fouvent en pareil cas avec
les faifceaux particuliers & les faifceaux communs qu'ils forment
en fe raflemblant ; j'ai và à plus forte raifon les branches
de l'uretère, & en particulier les rameaux qui tiennent lieu
A'OBMENSIMS: c LE N'C'EUS 525
de calices {page S1$ © fig. 7) ; la nuatière blanche de
Turine qui les remplifloit en partie, me donnoit la facilité
de les diftinguer.
J'ai dit que j'avois vû clairement les tuyaux corticaux
dans les reins de tous les oifeaux que j'avois examinés après
qu’ils avoient été mortifiés, & un peu avant que les entrailles
commençaflent à fe corrompre (pages $ 1 4 & S16);'cen'eft
pas à dire pour cela qu'il foit queftion de faifir une heure pré-
cife , les oifeaux qu'on vend dans les places publiques font
ordinairement au point qu'il faut; cela demande en tenips
froid huit & dix jours après qu'on les a tués. Ceft préci-
fément en hiver que j'ai fait toutes ces expériences : j'ignore
le temps quil faudroit pendant les chaleurs.
On peut voir les vaiffeaux corticaux fans ouvrir le ventre ;
il n’y a qu'à enlever du côté du dos, avec la pointe d’un
couteau ou d'un mauvais fcalpel, une lame offeufe qui couvre
la face poftérieure du rein, finon on vuidera le vente, &
on détachera la portion de f'épine dans laquelle les reins font
enchäffés ; on regardera enfüite Ia furface du rein avec une
lentille de cinq, fix & huit lignes de foyer. Quand Mrs Les
Commiffaires nommés par le comité de Y Académie pour
“vérifier ce que j'avois avancé, vinrent chez moi, M. Guet-
tard, après avoir vü diftinétement les vaifieaux corticaux
dans les reins d’une perdrix, dit qu'il les apercevoit encore:
avec les yeux nus : cependant, lorfque ce font de petits
oifeaux comme l'alouette, fi je veux voir nettement ces
tuyaux qui font d'une fineffe extraordinaire, je me fers d'une
lentille de quatre lignes de foyer.
Dans la grive, dans l'alouette, & en général dans les
petits oifeaux, il m'a paru que ces tuyaux fe montroient aflez
également dans prefque toute l'étendue du rein: il n’en ef
pas de même des gros oifeaux; comme leurs reins ont beau-
oup plus de volume, toutes leurs parties n'arrivent pas en
même temps au même point de maturité, fi je puis me
fervir de ce terme; ainfi l'on y trouve fouvent des endroits
rouges & frais, d'autres fales, pour ainfi dire, & jaunâtres..
V'uu ii
Fig. 1.
526 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
d’autres pâles & blancheïtres, fans mélange de rouge ou de
jaune. Ce n'eft guère que dans ces derniers que les vaifleaux
corticaux paroiflent diftinétement & en grand nombre, je
pe prétends pas même faire une règle 1à-deflus.
Je ne dis rien ici fur la façon de voir ce que j'ai obfervé
dans le foie & les caplules atrabilaires : le Mémoire même
fervira d'énftruction (pages 497, S18, $20).
EXPLICATION DES FIGURES.
PLANCHE: KE
Ta figure première repréfente la moitié d’un rein humain partagé
en deux par une fection verticale qui pafle par le milieu de a
convexité & du finus du rein : la vûe tombe fur cette fettion.
À, B, C, D, E, les petits reins, dont l'union forme le
grand rein.
F, G, H, I, lignes ou plans de féparation, que l’on conçoit
entre les petits reins.
K, la partie corticale d’un des petits reins environnant le globe
médullaire, excepté l'endroit de la papille.
L, le globe médullaire,, ou la partie fibreufe de ce petit rein.
M, fa papille qui paroît dans le fmus du rein , après en avoir
feparé le baffin, les calices & la graiffe qui s'y trouvent
naturellement.
A, a, deux fegmens d'autant de reins fimples, qui s’uniffent
pour former un petit rein compofe.
E, e, deux autres fegmens de même nature, qui s’uniffent
auffi de même.
Il y a encore d'autres fegmens cachés qu'on n’a pü repréfenter ici,
N, O, deux autres papilles à la partie poftérieure du finus.
P, Q, étendue circulaire autour de chaque papille, qui n’eft
point couverte de fubftance corticale.
R, la fubftance qui forme le refte de l'étendue du finus.
S, S, les bafes des pyramides qui répondent à l'entrée & au
DES SCIENCES. 527
refte de l'étendue du finus, excepté l'efpace circulaire
qui eft autour de chaque papille.
On a exprimé affez fortement ces bafes dans l'étendue du finus ou de
la fubflance R, quoique naturellement elles n’y foient prejque pas
marquées.
T,T,T, les petites pyramides qui vont de la circonférence
de chaque petit rein vers la papille.
On les a repréfentées à defféin plus groffes qu’elles ne Sont naturel-
Le
V, R partie corticale des pyramides.
ZX, leur partie médullaire avec Ieurs interftices rouges, plus
apparens que dans a partie corticale.
La figure deuxième repréfente un des petits reins fimples qui
fervent à former le grand rein de la figure précédente,
On à marqué les mêmes parties par les mêmes lettres.
X, la partie corticale.
Z, la partie médullaire.
M, la papille.
P, Q, étendue circulaire autour de Ia papille, fans fubftance
corticale.
S, 5, bafes des pyramides qui répondent au finus du rein.
T, T, les pyramides.
V, leur partie corticale.
ZX, leur partie médullaire ou fibreufe.
La figure troifième repréfente une portion de là furface du rein
vüe avec une loupe.
S, S, les bafes des pyramides.
JS, leurs interftices marqués dans la plus grande partie de
Fétendue du rein par un affemblage de vaifleaux fan-
guins prefque imperceptibles.
4, veine dont les ramifications fuivent exactement dans quel
ques endroits les interftices des bafes des pyramides.
Fig, 2,
528 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
P'THAPNICIANE: TL
Fig. 4. La figure quatrième repréfente cinq pyramides avec les dimen-
fions dix fois grandes comme dans le rein naturel; les pyramides
paroiflent coupées près de la pointe.
A À, Y'épaifleur de a partie corticale du rein ou des pyra-
mides.
B, la partie médullaire du rein ou des pyramides.
C, C, les prolongemens du corps médullaire qui pénètrent
dans l’épaifleur de Ia fubftance corticale.
D, D, les loges de Ia fubflance corticale qui reçoivent les
prolongemens du corps médullire.
E,E, la fubftance vraiment corticale qui remplit en manière
de colonnes les intervalles des /oges ou des prolongemens.
Fig. ç. La figure cinquième repréfente les mêmes parties que la figure
précédente, avec fes nouveaux vaiffeaux dont elles font compotées
Les mêmes lettres y défignent les mêmes parties.
A, À, Yépaifleur de la partie corticale.
B, ki partie médullaire ou fibreufe.
C, ©, les prolongemens du corps médullaire.'
D, D, les loges
E, E, la fubflance vraiment corticale qui remplit les inter-
valles des loges,
F; les vaiffeaux blancs corticaux qui forment tout l'extérieur,
foit de chaque rein fimple, foit du grand rein.
G, les vaifleaux corticaux qui forment de même les inter:
valles ou les colonnes qui font entre les prolongemens.
On n'a pas pä répréfenter ces vaiffeaux en auffi grand nombre, à
Beaucoup près, qu'ils y font naturellement.
H, A, Îles vaifleaux ferpentans qui forment les prolongemens,
& qui naiffent à de petites diftances l'un de l'autre, tant
du fond que des côtés des loges corticales.
?,ë, les tuyaux férpentans qui naiflent du bas des colonnes,
c'eft-à-dire, de la fubftance corticale qui remplit les
intervalles des prolongemens.
L, L, L,L,
DAS MSNC 1 E N°C'E:Ss. 529
_Z,L, L, L, inflexions des vaifleaux férpentans qui reviennent
fur leurs pas & reprennent enfuite leur chemin vers la
: papille. ÿ
M, M, petites males formées par quelques vaifleaux ferpen-
tans, qui, après s'être roulés fur eux-mêmes, repren-
nent, comme les précédens, leur chemin vers la papille.
On n'a repréfenté ici qu'un trés-petit nombre de vaifféaux férpen-
fans, en comparaifon de ceux qui paroiffent naturellement.
PLANCHE ÏÎI.
Les figures fuivantes ont rapport au rein des Oifeaux:
La figure fixième repréfente une partie de la furface du rein
des oifeaux, elle a été faite d’après celui de Ia perdrix, và par le
moyen d'un verre de fept lignes de foyer.
A, À, Îles éminences ou lobules de [a furface du rein, tels
qu'ils paroïfloient quand on a deffiné cette figure,
quoique dans d’autres circonftances ils repréfentent exac-
tement Îles éminences & Îes circonvolutions du cerveau.
LA
B,B, leurs interftices.…
C,C, les vaifleaux blancs corticaux tels qu'ils fe montrent
lorfque Ia furface du rein en eft bien fournie, mais on
n’en a repréfenté ici qu’un certain nombre:
La figure feptième repréfente l’uretère & la portion de l’uretère
qui tient lieu de baffin, les rameaux qui font office de calices, &
les vaifleaux médullaires qui vont aboutir. dans ces rameaux.
La figure a été faite d’après le pigeon, & comparée aux reins
de plufieurs autres oifeaux ; les dimenfions font grandes deux fois
comme nature.
A B, laportion de l’uretère qui tient lieu de baffin, & qui
defcend le Iong de Ia face antérieure du rein.
C;C, branches affez confidérables qui vont former le com-
mencement de l'uretère.
€, €, rameaux moindres qui contribuent auffi à le former.
Les uns & les autres viennent également de l’intérieur
du lobe fupérieur du rein.
D, D, autres branches confidérables que l'uretère reçoit en
defcendant,
Mém. 1 749: s LXX
530 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
d, d, rameaux moindres qu’il reçoit de même en defcendant,
& qui tiennent lieu de calces, cs
E, branche plus groffe que les autres qui revient du dedans
du lobe inférieur du rein. ? 5
é,e,e,e, petits rameaux tenant lieu de calices, qui fe rendent
dans les branches plus confidérables.
FF, Fou G,G,G, les vaifleaux médullaires, où pluftôt
les faifceaux particuliers des vaifleaux médullaires, qui
reviennent des éminences corticales après avoir reçû les
vaifleaux corticaux,
fou 2, faüfceau commun formé par Ia réunion des faifceaux
précédens, qui va fe terminer dans un des rameaux de
luretère.
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Mem. de LAe.R. des Se 1749 Pay. 530 Plg.
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Am. de Le. R dar Se17gg Pay So Fly
Aem. de L'Ac.R . des Sezygg Lag. 950 Pl15
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Hem. de Lie. R. des Se1749 Pag.530 Pb
Am. de l'Ac_R des Se-1789 Pay $30 Plat
Le | DES SCIENCES: 531
———————————
RÉEREL EE XIONS
SUR LE
PRINCIPE DE LA MOINDRE ACTION
DE M DE MAUPERTUIS.
Par M. le Chevalier D'AR c x.
ju héfité long-temps à donner ces Réflexions au Public,
on n'en fera pas furpris après ce qui vient de fe pafler fur
ce même fujet; cependant j'ai cru que lorfqu'il étoit quef-
tion de fintérêt de fa vérité, de pareilles confidérations ne
devoient point arrêter, & que les vrais Juges en ces matières
fauroient bien diftinguer ce qui eft produit par le defir de
connoïtre la vérité, de ce qui n'eft qu'un effet de l'envie
& de la jaloufie. Je fais qu'on dit il ya long-temps que
les Savans & les Philofophes n'en font pas “toûjours exempts,
& je fuis fâché d'être obligé d'en convenir: il eft vrai que
rarement ces deux paflions fe montrent à découvert, mais
les Sages nous diront qu'il eft facile de les reconnoître ,
malgré les déguifemens fous lefquels elles font mafquées ;
tantôt c'eft par un moyen, tantôt c'eft par un autre; mais Le
plus ordinaire, parce qu'il en a le moins l'air, & dont je
füis fâché de dire que des Savans du premier ordre ne font
pas exempts, c'eft celui de louer par une affedtation marquée
un Auteur qui a travaillé fur une matière, fans dire un mot
de celui qui en a le mieux écrit. Je me flatte que dans ce
Mémoire on ne reconnoîtra rien qui puifle avoir l'air de la
prévention, & qu'on ny verra que le langage d'un homme
qui recherche uniquement la vérité: je prie donc le lec-
teur , quelles que foient mes expreflions, de les regarder
toûjours comme abfolument éloignées de vouloir offenfer;
& fr elles font fimples, ceft que j'ai voulu éviter la lon-
gueur de ce qu'on appelle les expreffions s AE qui,
XX ij
532 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
felon moi, font toùjours plus offenfantes que le langage
fincère de la vérité.
Principe général de M. de Maupertuis.
Lorfqu'il arrive quelque changement dans la Nature, la
quantité d'acion néceflaire pour ce changement eff la plus
petite qu'il foit poffible. La quantité d'adion eff le produit
de la maffe des corps par leur vielle à" par l'efpace qu'ils
parcourent, dc:
Cet énoncé général offre deux objets ; le premier, que
laétion eft proportionnelle au produit de Ja mafle par a
vitefle & par l'efpace parcouru ; le fecond, que la quantité
de cette action, néceflaire pour produire un changement dans
la Nature, eft un minimum, & que c'eft cette quantité d'ac-
tion, qui eft la vraie dépenfe de la Nature, qu'elle ménage
le plus qu'il eft poflible.
Examinons d'abord {a première partie de cet énoncé, &
voyons fr l'action eft réellement. proportionnelle à la mafle
par la vitefle & par l'efpace parcouru.
Si deux corps fe font équilibre, c'eft-à-dire, fi le repos
fuit de leur choc direét, fins favoir ce à quoi l'action eft
proportionnelle, il faudra de néceflité qu'elle foit égale dans
les deux corps ;-car fi elle étoit inégale, il s'enfuivroit qu'une
action feroit équilibre à une aétion moindre, c'eft-à-dire, que
différentes quantités d'aétions produiroient un même eflet :
or peut-on imaginer que deux effets égaux & femblables
puiflent être produits par des quantités de caufes inégales ? 1
faut remarquer que ceci n'implique pas que l'effet eft propor-
tionnel à fa caufe, mais feulement que le même effet eft toù-
jours produit par une même quantité de caufe, à vice verfa.
Soient deux corps durs À & B parfaitement égaux , mar-
chans dans des directions oppoftes avec des vitefles égales,
il eft clair que le repos fuivra le choc des deux corps;
enfuite fi un de ces corps À marchant avec la même viteffe
dans la même direGtion eft choqué par le corps €, dont la
male & la vitefle font différentes, mais tellement combinées
su
| D E:S/S$S C'I1E-N CE s. 33
que le répos fuit leur choc: je crois que on ne peut nier
que l'action du premier corps Z ne foit égale à l’action du
fecond corps €, puifqu'ils détruifent également la vîtefle du
corps 4. Pouvons-nous avoir une autre idée de l'égalité de
deux quantités, que de pouvoir fubftituer l'une à la place de
V'autre fans rien changer? Mais fi le corps 2 marche avec deux
de vitefle & parcourt deux d'elpace, & que € marche avec
un de vitefe & parcoure un d’efpace, je demande, par le prin-
cipe de M. de Maupertuis, quelle eft la mañle du corps C!
Pour cela, l’action du corps 2 eft 2 par deux de vitefe
& par deux d'efpace, & l'action du corps C eft C par un
de vitefle & par ün d'efpace, & ces deux aétions font égales ;
4 B
donc, füivant fon principe, € =
ou C— 4 B, ce
qui eft abfolument contraire à ce que l’on trouve par les loix
du mouvement, donc l'action n’eft pas proportionnelle à Ja
mafle par la vitefle & par l'efpace parcouru.
Pafons à préfent à un fecond objet, &, pour abréger,
continuons d'appeler aétion ce que M. de Maupertuis appelle
ainfr.
Cette feconde partie de l'énoncé eft que fa quantité d'ac-
tion néceflaire pour produire un changement dans la Nature,
ef la plus petite qu'il foit poffible, que c'eft cette aétion qui
eft la vraie épargne de la Nature.
Si deux corps À & B marchent dans a même diretion
avec les vitefles à & 2, lation des corps À & B fera
Aaa + Bbb. Si après que ces corps fe font choqués
ils marchent avec les vitefles x & 7, leurs actions, après
le choc, feront Axx + Bzz,a,b,x & 3 exprimant
les efpaces aufi-bien que les vitefles. Or la quantité d’aétion
fera, ou égale, ou plus petite, ou plus grande après le choc
qu'avant ; fi elle eft égale, c'eft le théorème des forces vives,
qui n'aura pas lieu, dans les corps durs ; fi elle eft plus grande,
elle aura augmenté de la quantité
Axx + By — Ab — Aaa; fi elle eft plus
Xxx ii}
MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoïYaALe
petite, elle fera diminuée de la quantité
Aaa + Bbb— Axx — By7, & cette quantité eft
la quantité réelle-d'action perdue, & par conféquent eft celle
employée par la Nature pour produire le changement arrivé;
donc 2 Axdx + 2 B7d7 — o, ou (en fuppofant
dx — dy, *x étant égale à 7 dans les corps durs, ou
a— b=—7 — x dans les corps à reflort) Ax-+ B7— 0,
ce qui eft abfurde.
Ce n’eft donc pas même la partie détruite de cette quantité
dans la Nature qui eft un minimum, voyons donc ce que M. de
Maupertuis a trouvé. Suppofons que pendant que les corps À
& B marchent dans la mème direétion avec les vitefles 4 & 4,
que le plan fur lequel ils font marche avec la vitefle x, il eft
évident que le corps À marchera fur ce plan avec une vitefle
a — x, & que le corps À marchera en arrière avec une
vitefle x — à, x étant plus grand que à & plus petit que 4,
il trouve que À x (a — x) + Bx(x — b)° fera un
minimum orfque la vitefle x eft telle que À x fa — x)
— B x (x — b), ceft-à-dire, lorfque les corps feront
équilibre fur ce plan.
Or j'avouerai que je ne fais quelle autre conféquence on
peut tirer de ceci, fi ce n'eft que APP + BQQ étant
un minimum, & PP = Sodx & QQ = SAdx
A + BA fera — 0, & conféquemment que /Z & X
étant des fonctions de x) lorfque AZ = BX, alors
AZZ + B XX fera toûjours un sinimum & vice verfa; ce
qui me feroit croire que lorfqu'on a trouvé AZ Z + BXX
un minimum, on favoit que AZ = BX.
Au refle, un principe métaphyfique n'eft pas démontré
par fon accord en réfultat des faits, avec des principes
qui ne font pas eux-mêmes métaphyfiquement démontrés ;
ainfi, quand la quantité que M. de Maupertuis indique pour
exprimer l'action, lui feroit effectivement proportionnelle,
quand mème la Nature, dans fes changemens , perdroit le
moins poflible de cette ation, le principe ne feroit démontré
qu'autant que lon fauroit, avant ce théorème, que lorfque
+
w
.
DIE:SN SCcrENCESs. s35
deux corps marchent lun vers l'autre avec des vitefles en
raifon renverfée des males, ils refteront en repos, ou retour-
neront en arrière avec des vitefles dans la même raifon des
mafles après le choc; & fi on fuppofe cette vérité connue,
Ton n’a nul befoin de l'autre principe pour tous {es cas que
M. de Maupertuis donne. .
Jur la loi du repos.
Répétons les mots de M. de Maupertuis.
Je confidère zci les corps attachés à un levier, & pour trouver
le point autour duquel ils demeurent en équilibre, je cherche le
point autour duquel, fi le levier reçoit quelque petit mouvement ,
la quantité d'atfion foit la plus petite poffible.
Soit C Ja longueur du levier, aux extrémités diiquel Joien?
Placés deux corps dont les maffes Jout À & B: foi Z la dif-
tance du corps À à ce point cherché, & C — Z. la diflance
du corps B.
Si donc on fuppofe que le corps À ait une petite viteffe
V, & qu'il parcoure un efpace &, l'on aura la viteffet des
y C D C > » Q
Corps —T & a l'efpace, & l'action des corps
fra A Va + C2
égale à zéro. Si donc je fuppofe a & V confant, l'on aura
BVax2(C x (dr)xra— (C3)
x 27d7—=0,ou7— C; ce qui ne donne point l'équilibre
des corps: mais ce que M. de Maupertuis fait en exprimant
la vitefle & l'elpace que parcourt le corps À, eft de fuppofer
que le levier fe meut d’un mouvement angulaire conftant:
fuppofition qui me paroît abfolument gratuite, puifqu'à chaque
valeur de Z, l'aétion ou le temps néceffaire pour lui faire
parcourir l'angle confiant, eft différent.
En général, quelles que fuffent les loix de Ja Nature, ü
feroit aifé de trouver une fonction des vitefles & des mafles
qui, étant un minimum , donneroit ces loix ; mais cela feroit-il
fufffant pour donner le nom d'aétion à cette fonéion, &
, donc Ja difiérentielle fera
536 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE
chercher à démontrer par-là des vérités évidentes par elles-
mêmes, comme l'exiflence d’un premier Etre, &c!?
Après avoir montré fuccinétement les objeétions que lon
peut faire contre le principe de la moindre ation, je vais
donner un principe général qui, fi je ne me trompe, ne
fera*pas fujet à aucunes objections.
J'appelle faction d'un corps autour d’un point, la maffe
multipliée par la vitefle & par la perpendiculaire tirée de ce
point fur la direction des corps.
Cette définition de l’aétion eft parfaitement d'accord avec
celle que M. d'Alembert a donnée dans le dictionnaire de
l'Encyclopédie; voici fes paroles : l'adion eff le mouvement
qu'un corps produit ou qu'il tend à produire dans un autre corps.
Par conféquent fi deux corps en mouvement agiffent {ur
un troifième en repos, mais dans des fens diférens, le réfultat
de l'action des deux corps fera le mouvement produit dans
le troifième corps, & ce réfultat fera égal à celui qui feroit
produit par l'action d’un des corps, moins Faétion de l'autre.
€eci bien confidéré, mon principe général s’énonce
ainff:
Toute lation (exiftante dans a Nature dans un inftant
quelconque) autour d'un point donné, étant produite dans
un feul corps donné, la quantité d’aétion de ce corps fera
toüjours la même autour de ce point.
H feroit mutile de donner la démontftration de ce principe,
l'ayant déjà donnée dans les Mémoires de 1747, fous cette
forme: Principe général de Dynamique, qui donne la relation
entre les efpaces parcourus &r les temps, quel que foit le fyfléme de
corps que l'on confidère, à quelles que foient leurs actions les uns
Jur les autres, Ce principe eft que la fomme des mafes de
chaque corps par le feteur qu'il décrit autour d’un point fixe
dans le mème temps, moins la fomtfne des feéteurs décrits
en fens contraire, chacun multiplié par la maffe du corps
qui le décrit, eft proportionnelle au temps.
L'on voit clairement que la feule différence eft qu'au lieu
de fe‘teurs multipliés par les mafles, nous employons : la
place
L'DIERSMISNC 1 E NICE NS 527
place des fecteurs, les vitefles multipliées par les perpendi-
culaires fur la direction; ce qui revient abfolument au même.
Soient deux corps À & B marchant avec les vitefles a
& B avant le choc, & avec les vitefles x & 7 après le choc,
Yon aura par le principe ci-deflus énoncé, que l'action des
corps À & B autour d'un point quelconque ©, fera la
mème avant ou après le choc, donc à
AxaxOP+ BxbxOP—=A xxx OP+HBx% zxOP,
& par conféquent À x (a — x) = B x (7 —L),a— x,
eft la vitefle perdue par le corps À, & 7 — 4 la vitefle
gagnée par le corps 2; ceci eft vrai, foit que les corps foient
à reflort ou qu'ils ne le foient pas.
L'on voit aifément que dans les corps à reffort
a — b— y — x, Von aura a + x = b + 7, &en
multipliant ces termes par les termes
Axa—x—Bxy— b,\on aura À x {aa — xx)
= B x (4x — bb), qui eft la propriété des forces vives.
La loi du repos des corps.
Que l'on fuppolfe que deux corps À & B viennent avec
Ja même vitefle a frapper la verge PQ aux points P & Q,
quel fera le point © qui fera tel que les corps 4 & B
reftent en repos après le choc?
- Pour cela il faut que faction du corps À autour du point
C, foit égale à action du corps B autour de ce même point,
c'eft-à-dire qu'il faut que Aa x CP — Ba x CQ, cœ
qui fera que C fera le centre de gravité.
Par la même méthode, lon trouveroit les centres d'ofcil-
lation ou de percuflion, &c.
Paflons à préfent aux loix de Ia réfraction de la lumière.
Dans le Mémoire déjà cité, on a démontré qu'il étoit
égal que les corps fuffent attirés vers le point autour duquel
on cherche Faétion ou non, cela n'apportant aucun change-
ment à la quantité de cette action.
Soit F'G la furface circulaire d’un corps diaphane & ho-
mogène, au travers duquel pañle le rayon de lumière }{m,
Mém, 1749. - Yyy
Fig. Le
Fig. 3.
538 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
c2 fuppole la viteffe de la lumière en 41 — w, & celle
en N — ”, l'action de la finface FG, ne peut être que
vers le centre C; car quelque action que ce corps ait fur le
corpufcule de lumière d’un côté de la perpendiculaire à Ja
furface, il aura la méme action de l'autre: appelant donc
M, la mañle d'un corpufcule de lumière, Jon aura par mon
principe Mv x CR, Yaétion avant d'entrer dans le corps,
égal à Mu x Cr, qui eft l'action dans le corps diaphane; mais
Mm: MP:: Cm:CR&mN:NQ :: CM: Cr, &
en fubflituant au lieu de CR & Cr leurs valeurs , lon aura
Mr Mx PxCM __ MuxCmx NQ , vxMP __uxNQ,
M m y mN G Mm TT mN
ce qui donne la loi de la réfrétion; lon auroit celle de la
réflexion de 11 même manière.
Si au lieu de regarder le corps FG comme circulaire,
c'étoit un plan, il eft évident par ce que nous avons déjà
vû, que la vitefle de Ja lumière dans la direétion FG, eft
la même avant comme après qu'elle eft entrée dans le corps
diaphane, & par conféquent en nommant + la viteffe en A7,
PERE ie ; donc, &ce
H feroit inutile de donner ici d’autres applications de ce
principe, l'ayant déjà fait pour les trajectoires, &c. dans le
Mémoire que nous avons déjà cité, ,
& u la viteffe en AN, l'on aura
Mer, de LA R. des Se:1749 Pag.538.Pl37,
Mem de Le R: das Secx7gg Pay 538. Pl27,
DIES SCIENCES 539
OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES
FAITES A.L'OBSERVATOIRE ROYAL
PENDANT L'ANNEE M. DCCXLIKX.
Par M. DE Foucur.
Jur la quantité d'eau de Pluie.
+ pouc. lign pouc: lign:
N Janvier. 1 $ Z | En Juillet... 1 i
Février... 1 9+ Août...... I 104
Mars unie: 1 24 ‘Septembre., o 92
Avril ..... 2 of Oétobre.... 1 44
Mai cuesms 1 64 Novembre... 2 4%
Jus. LA Tr NO + Décembre.. 1 2%
RTE ) à
Obfernations fur le chaud ee le froid.
Le plus ne "ROIT à été uit ‘du 8 au 9 Février ; a
liqueur de l'ancien thermomètre eft defcendue à 1 8 degrés,
& celle du thermomètre de M. de Reaumur, à 64 À au deffous
de la congélation.
La plus grande chaleur a été le 13 Juillet à une heure
après midi ; la liqueur de l'ancien thermomètre eft montée
à 83 degrés, & celle du thermomètre de M. de D ie
à 29 + au deflus de la congélation.
<
Si ur le Baromerre.
Le 29 Novembre, par un vent deft & un brouillard
Yyyi
540 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
aflez épais, le mercure eft monté à 28 pouces 6 lignes; &
le 18 Février, par un vent violent de fud-fud-oueft, il eft
defcendu à 26 pouces 4 lignes.
Déclinaifon de Aiguille aimanrée.
Les 10 & 11 Juin 1749, une aiguille de 4 pouces
déclinoit de 164 30° vers le nord-oueft.
MESSIEURS DE LA SOCIETE
Royale des Sciences établie à Montpellier, ont
envoyé à l’Académie l'Ouvrage qui fuit, pour
entretenir l'union intime qui doit être entre
elles, comme ne failant qu'un feul Corps, aux
termes des Statuts accordés par le "Roi au mois
de Février 1 70 6.
MEMOIRE
SUR LA e
CAUSE DES MOUVEMENS DU CERVEAU
QUI PAROISSENT DANS L'HOMME
ET DANS LES ANIMAUX TREPANES.
Par M. DE LA MUuURE.
LL. mouvemens du cerveau font connus depuis long-
temps; les plus anciens Anatomiftes ont obfervé que
ce vifcère paroifloit {e dilater & fe refferrer alternativement:
les fractures du crâne, les caries de cette boîte offeufe, enfin
le trépan appliqué fouvent à defein, les ont mis À portée
de faire cette obfervation fur les hommes & fur les animaux.
Cette vérité n’a cenendant pas été généralement reçüe ; ik
s'eft trouvé des Obfervateurs qui ont voulu la détruire par
les mêmes moyens dont on s’étoit fervi pour l'établir: d'au-
tres, en convenant de l'apparence de ces mouvemens du
Yyyil
12 Aoûs
1752
1e
Expérience.
s42z MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
cerveau, ont foutenu qu'ils ne lui étoient point propres,
mais qu'ils dépendoient de Ja pulfation du finus longitudinal,
ou de celle des artères de la dure-mére, ou enfin du repos
& de l'action alternatifs de cette membrane.
Les Auteurs ne fe font pas moins partagés au fujet de
l'ordre que fuivent ces miouvemens comparés avec ceux du
cœur ; plufieurs ont penfé que la contraction du cœur & la
dilitation du cerveau fe failoient en même témps, quelques-
‘uns ont prétendu précifément le contraire; on en trouve auffr
qui ont cru remarquer quelque rapport entre les mouvemens
de la refpiration & ceux du cerveau. M. Schligting a déter-
miné ce rapport, & il a fait voir d'après un grand nombre
d'expériences, que le cerveau s'élevoit pendant l'expiration,
& s'abaifloit pendant l'infpiration. L
L’explication de ces mouvemens a toûjours paru fort em-
barraffante, j'ai tâché de la découvrir; les expériences peuvent
feules nous guider fürement dans ces fortes:de recherches : je
Jaifle au lecteur à juger fr celles que j'ai faites avec bewucoup
d'attention, m'ont conduit à la véritable caufe; M. Schligting
avoit foupçonnée b, & M. de Hallér La fimplement indi-
quée dans une lettre qu'il écrivit à M. de Sauvages, & qui
me fut communiquée vers da fin de Janvier dernier. Pour
ne pas tomber dans l'inconvénient des perfonnes quelquefois .
trop crédules qui mettent leur efprit à la torture pour expli-
quer des phénomènes qui n'ont jamais exifté, j'ai cherché
d'abord à m'aflurer de la réalité des mouvemens du cerveau
& de leur correfpondance à ceux dela refpiration. 7
Le premier de Février 1751, ayant trépané un chien,
le cerveau recouvert de la dure-mère parut évidemment
s'élever & s'abaifler fucceffivement ; l'élévation s’obfervoit
dans le temps de l'expiration, & fabaiflement dans celui
de l'infpiration : plus la refpiration étoit forte, plus ces
2 Dans un Mémoire qu’ila donné b An ne expiratione cruer, aut
fur les mouvemens du cerveau, pre-,| cer, vel uterque majori copië cere-
mier volume des Mémoires préfen- | brum versus d7 in illud fortius pre-
tés à l’Académie par des Savans | MAEUT, ipfumque tumefaciat, Dans
étrangers. :le Mémoire déjà cité? 1: ul
DES SCIENCES. $43
mouvemens devenoient fenfibles : ils Le frent encore davan-
tage, lorfque on eut enlevé la portion de la dure-mère
qui recouvroit {e cerveau. J'ai toûjours obfervé le rapport
des mouvemens de ce vifcère à ceux de la refpiration, tel
que je l'ai vû dans cette première expérience : il n’eft done
pas douteux que le cerveau ne s'élève & ne s’abaife confor-
mément aux obfervations de M. Schligting.
Après n'être convaincu de la réalité du phénomène dont
je voulois chercher la raifon, Jeus recours à de nouvelles
expériences pour la découvrir.
Le 3 de Février de la même année, Je liaï les troncs des
artères carotides dans un chien robufte, & la ligature étant
faite, Fanimal tomba dans lafloupiffement ; l'ayant trépané,
je n'aperçus aucun mouvement fenfible dans le cerveau ,
même orfqu'il fut mis à nu par la difléction de la dure.
mère; ayant délié les carotides, les mouvemens parurent dans
_ Je même ordre que dans la première expérience.
Le 26 de Février, je fis lier les veines Jugukires au deflous
de leurs bifurcations, après quoi lon appliqua une couronne
de trépan; le cerveau couvert de fon enveloppe extérieure
s'élevoit & s'abaifloit très-évidemment, fes mouvemens furent
encore plus manifeftes après que l'on eut ôté la dure-mère,
ils perfiflèrent également après que Jjeus fait délier des
jugulaires.
Le fuccès de ces deux expériences m'embarraffa extré-
mement, elles paroifloient favorifer ceux qui penfent que
les mouvemens du cerveau dépendent de abord du fing à
ce vifcère par les artères carotides: je ne pouvois pas cepen-
dant concilier cette explication avec l'ordre des mouvemens,
qui répondoient toûjours exactement à ceux de la refpiration,
il falloit de nouveaux effais pour m'éclaircir fur ces contra-
ditions apparentes; je me propolai bien d'en faire, mais je
fus obligé d'interrompre le cours de ces recherches, que je
me repris qu'au mois de Janvier t raies
1. Le7 de Janvier, après que l'on eut lié les deux jugu-
» €
Expérience,
€
3-
Expérience.
e
aires d'un chien vigoureux, le plus près de la poitrine qui Expérience.
s.*
Expérience.
544 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYyALE
fut poffible, l'animal tomba dans un profond affoupiffement
& ronfla beaucoup; on lui appliqua une couronne de trépan,
le crâne étant ouvert il fortit une grande quantité de fang.
J'aperçüs d’abord dans le cerveau des mouvemens d’élévation
& d’abaiflement qui répondoient à expiration & à l'infpira-
tion, ces mouvemens cefsèrent bien-tôt, le chien ayant ceflé
de refpirer.
2.° Le chien étant mort, jé lui ouvris la poitrine & je
lui foufHai dans les narines; j’obfervai dans ce moment que
le cérveau s'élevoit lentement à melure que les poumons fe
gonfloient, & que lorfque je ceflois de foufler & que Fair
s'échappoit des poumons, le cerveau s’affaifloit fubitement:
ces mouvemens paroifloient d'autant plus évidens que je fouf-
flois plus fort, & qu'en mème témps je comprimois plus
fortement la poitrine. s à Se
La première partie de cette expérience me rapprocha de
-Jidée que fait naître M. Schligting, lorfqu'il demande fi le
reflux du fang vers le cerveau ne feroit point la caufe des
mouvemens de ce vifcère: ils n’avoient pas fubfifté long=
temps après la ligature des jugulaires, & ce qui en avoit
para pouvoit être attribué aù reflux du fang par les veines
vertébrales ; cependant la troifième expérience me fembloit
encore décifive contre cette opinion. Je ne diflimulerai point
que ce que j'avois obfervé, en foufflant par les narines du
chien: après fa mort, me fit au moins pencher pour ceux
qui’avoient cru qu'il y avoit des routes frayées de l'intérieur .
du nez dans le crâne, j'arrangeois même déjà une explica-
tion qui me paroifloit très-raifonnable; de nouvelles tenta-
tives détruifirent tout-à-coup le fruit de mon imagination,
que je croyois être celui de Fobfervation.
1. Le 8 de Janvier, je fis appliquer une-couronne de
trépan à un chien d’affez belle taille; le mouvement du cer-
veau parut, mais extrêmement lent & prefque infenfible, le
chien ne refpirant prefque pas. j
2.° Je lui découvris les deux jugulaires, & j'obfervai qu'elles
étoïent conflimment gonflées dans leur: partie fupérieure;
HJAIS
de ss ste bn
LS
: DIE 8. SC L'E N-C ES. 545
mais er ‘ra partie inférieure vers le flernum, on voyoit
un battement confidérable, pendant tout ce temps-là le chien
refpiroit à à peine.
Lui ayant dec Ja partie latérale: du thorax &
difiéqué les mufcles & les portions aponéyrotiques qui recou-
vrent les. côtes, il fit des efforts violens, & :cria, beaucoup ;
je vis alors manifeftement les mouvemens’ d'élévation &
d'abaiffement du cerveau, qui répondoient à l'expiration &
* À linfpiration ( je manquai alors à obferver l'état des veines
jugulaires ds
4". Les deux jugulaires ayant été liées, les mouvemens
fubfiftèrent dans. la même force qu'auparavant. ..
5-”_ Ayant ouvert la poitrine du chien, & lui ayant ap-
pliqué une nouvelle couronne de trépan après fä mort, je
lui fouffai plufieurs fois dans les narines, en comprimant
en même temps le thorax; le cerveau séeva. comme .dans
les expériences précédentes, mais moins fenfiblement. vers la
n qu au commencement de .ce dernier eflai.
1. Le 9 Janvier je trépanai un chien vigoureux, & j'ob-
fervai les mouvemens du cerveau à, l'ordinaire.
2 Je lui découvris les carotides qui étoient peu confi-
dérables, & après les avoir féparées du nerf de la huitième
paire,, je Jeur fis à chacune deux ligatures & les coupai entre-
deux, j'examinai le cerveau, &. j'y vis les mouvemens comme
auparavant.
3° L'animal étant mort, je Jui foufflai dans les narines,
- en comprimant en même, temps le thorax; le cerveau s'éleva
ærès- fnfiblement, mais je: m'aperçus que la même chofe
amrivoit en. ne faifant autre. chofe que. comprimer ,& relà
cher alternativement les côtes; par cette dernière manœuvre
les mouvemens du cerveau paroifoient dans d'animal mort
auffi fenfibles que dans le vivant; lorfque je comprimois les
côtes le cerveau s'élevoit, lorfque je les abandonnois. à elles-
mêmes il s'abaifloit : Jes poumons & le ventricule avoient
été. difendus par J'air que: javais foufflé. dans les narines.
6.°
Expérience,
st 4° La trachée-artère ayant été; coupée tranfverfalement, :
Mén. 1749: ‘ 22%
546 MÉMoiïREs DE L'ACADÉMIE ROYALE
& a partie fupérieure bouchée avec le doigt, les mouve-
mens du cerveau, excités par la compreffion du thorax, ont
paru aflez évidens, quoiqu' un peu moindres “qu ‘auparavant.
s: * L'œfophage ayant été comprimé, le même mouvement
a encore été aperçû, mais il métoit pas fi fenfible que dans
la précédente circonftance ( 3.° }, quoique les côtes Le
comprimées fortement.
La cinquième expérience n''avoit confirmé dans lidée où
j'étois, que le reflux du fang par les veines n'étoit point Ja
cufe des mouvemens du cerveau; ils fubfiftoient dans 1e
temps que l'on n ‘obfervoit aucun reflux dans la plus grande
partie des jugulaires , ils fubfiftoient fortement après Ja liga-
ture des mêmes vaifleaux; d’ailleurs je me plaïlois à voir de
nouvelles preuves de ce que J'avois déjà penfé fur la rentrée
de l'air dans le cerveau par la voie du nez.
Je tirai beaucoup plus d’ivantage du dernier effai qué jai
rapporté, les mouvemens du cerveau avoient fubfifté malgré
la ligature des artères carotides; cela me fit croire avec raifon
qu'il falloit que le chien ne refpirât pas fenfiblement dans le
cas de ma première expérience, & que c'étoit au défaut de
refpiration & non pas à Îa ligature des artères que devoit
S'attribuer dans cette occafion le défaut de mouvement dans
le cerveau: cette idée étoit d'autant mieux fondée, que dans
ka cinquième expérience les mouvemens du cerveau avoient
paru extrêmement foibles, & à peine fenfibles pendant un
temps confidérable, fans qu il y eût aucune ligature faite aux
vaifleaux, & fans que l'on eût pù obferver d'autre caufe que
h foiblefle de la refpiration , laquelle étant devenue plug
forte, avoit fait en même temps reparoître les mouvémens
du cerveau.
Je fus defabufé de opinion qui m'avoit paru fi fdu
fante, & qui ne n''avoit apparemment femblé telle, que par ce
qu'elle avoit de paradoxe &. d'éloigné des idées ordinaires:
Puifqu' en comprimant fimplement les côtes, & en les laiffant
_ à elles-mêmes alternativement, jimitois dans l'animal mort
les mouvemens qui Sobfervoient dans le vivant; puique la
nrrmllausr SCIE Nrcoris $47
mênie chofe arrivoit après avoir ôté toute communication de
l'air des poumons avec la tête en coupant la trachée-artère,
il ne métoit plus poffible de préfumer que le fyftème qui
m'aVoit tant flatté, pût avoir un fondement raifonnable, & je
vis clairement que l'élévation du cerveau, que j'avois aperçüe
en foufflant par les narines, dépendoit fimplement de a
preflion de la poitrine, qui fe faïloit en même temps.
- Je revins à penfer que le reflux du fang vers le cerveau
produifoit les mouvemens de ce vifcère, & je n'imaginai pas
que la compreflion des côtes pût les exciter autrement qu'en
occäfionnant une forte compreflion fur les vaiffeaux renfer.
més dans la poitrine, & par conféquent un reflux vers les
parties fupérieures : les objections contre ce fentiment, qui
m'avoient arrêté jufque-là, commencèrent à me paroître. plus
foibles; mais avant que de me décider entièrement, je crus
avoir befoin de nouveaux faits.
1." Le 16 du mois de Janvier, ayant trépané un chien
fort près du fnus longitudinal, le mouvement du cerveau
paroifloit obfcurément, quoique le chien refpirât affez bien:
on obfervoit une efpèce de tremblement au voifmage du finus,
& un mouvement de pulfation dans le fmus même:
© 2.°. Ayant trépané le crâne un peu plus bas de façon
que la feconde ouverture fe joignit à la première, J'aperçus
très-diftinétement les mouvemens du cerveau dans les deux
endroits découverts ; ces mouvemens devenoient plus forts
lorfque l'on comprimoit des côtes dans-le temps de l'expi-
ration.
3° Je fis mettre à nu les veines jugulaires & les caro-
tides; je fis lier ces artères chacune en deux endroits, & je
les fis couper entre les ligatures: le mouvement du cerveau
fubfifta Je même abfolument. |
4° "Je liai les veines jugulaires, les mouvemens fubff
tèrent & parurent même un peu plus forts; le cerveau fe
gonfloit encore plus lorfque lon comprimoit les: côtes.
"5." La fettion des nerfs de Ja huitième paire & des grands
fympathiques, ne fit point difparoître. ces pu incl
ZZ ij
7°
Expérience:
8.e
Expérience.
548 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
6.° Ayant coupé la trachée-artère & l’œfophage, ilrne
parut point de changement dans l'élévation & fabaiflement.
du cerveau; la fection de toutes les parties antérieures du’ col,
excepté les jugulaires, n'en produifit point de fenfible. *
7. Ayant coupé les jugulaires, ouvert les artères & veines
vertébrales, & mis à nu fa colonne des vertèbres, je preffar
fortement les côtes, mais inutilement, je ne pûs oblerver
aucun mouvement dans le cerveau; cependant le chien en-
trant en convulfion, lon obferva quelques légers mouvemens
qui difparurent auffi-tôt, animal étant mort.
8.° Après fa mort je lui foufHai dans les narines & dans
fa trachée-artère, mais fans aucun effet, quoique lon preffât
en même temps fa-poitrine avec beaucoup de force.
1. Le même jour j'enlevai une portion du crâne à un
petit chien de deux où trois jours au plus; j'obfervai dans
fon cerveau les mêmes mouvemens que dans ceux des grands.
2. Le chien étant mort, je-preflai alternativement les
côtes, & je fis reparoître par ce moyen les mouvemens du
cerveau.
3." Ayant coupé toutes les parties ‘antérieures du col juf-
qu'aux vertèbres, & par conféquent les veines jugulaires, if
fut impoffible d’obferver des mouvemens dans le cerveau,
quoique je fifle preffer la poitrine avec violence:
Ces nouvelles expériences me perfuadèrent de plus en plus
que le reflux du fang étoit néceflaire pour les mouvemens
du cerveau; ils cefloient totalement après avoir coupé les
veines jugulaires & les vertébrales, & conféquemment après
avoir Ôté toute communication de la veine-cave avec les
veines fupérieures ; dans le petit chien, ik avoit même fuffr
d'ouvrir les jugulaires; d'ailleurs la plus forte compreffion de
la poitrine ne produifoit aucun mouvement du cerveau dans
ces cireonftances: je fus donc convaincu dès-lors que:le reflux
du fang par les veines étoit là vraie caufe du phénomène qui
m'avoit tant embarraflé; je voulus cependant voir ce qui fe
pañloit dans l'intérieur même du crâne, dans le temps des
touvemens du cerveau.
p'Es MASNCIT E :NUCLE S 549
1.° Ler0 du mois de Février, ayant trépané un chien
des deux côtés du crâne, j'aperçus à l'ordinaire les mouve-
-mens du cerveau. |
2.° J'appliquai à lun des côtés trois autres couronnes
de trépan, le chien ne foûtint point cette opération & mourut:
ayant découvert la voûte médullaire du cerveau, je preffai
fortement les côtes. La voûte médullairé s'élevoit alors très-
fenfiblement; le fmus longitudinal {e gonfloit en même temps,
& principalement fur la fin de l'élévation de la voûte; une
petite veine ouverte le long du finus donnoïit aufli dans ces
momens un jet confidérable de fang : je réitérai plufieurs
fois l'expérience, elle réuffit toûjours de même.
34° Je fis une ouverture au ventricule latéral ; je preffai
les côtes, la voûte s'élevoit encore, le finus fe gonfloit, &
le mouvement du cerveau paroiïfloit, comme auparavant, du
côté du crâne qui n’avoit été trépané qu'une fois; en faifant
celte ouverture, nous avions coupé plufieurs vaifleaux, qui
‘répandirent beaucoup de fang. |
-1 4° Nous agrandimes la première ouverture en la pro-
Aongeant poftérieurement, je découvris le. prefloir d'héro-
phile, il fe répandit une très-grande quantité de fang'; je fis
preffer les côtes avec force, il ne parut plus de mouvement
dans le cerveau ni d'un côté ni d'autre : le fang jaïlifloit im-
pétueufement des vaifleaux ouverts, & entraïînoit avec lui
beaucoup de bulles d'air.
-: 5° Ayant difféqué les veines jugulaires. & les foûclavières,
elles parurent prefque vuides de fang & pleines de bullés d'air.
-. Cette expérience Fvoir clairement que lorfque le cer-
veau s'élève, les fnus fe gonflent; que dans le même temps
Je fang eft repouñlé des finus vers les veines du cerveau, qui
sy ouvrent; & qu'enfin ce reflux du fang à lieu, lorfqu'en
-comprimant les eôtes on imite ce qui fe pafle dans l'expira-
tion. Le célèbre Riolan avoit obfervé qu’en ouvrant les. ven-
tricules antérieurs du cerveau, on faifoit difparoître ces mou-
vemens, & qu'en recouvrant ces ventricules avec la fubftance
Yoifine du cerveau, on les faifoit bien-tôt reparoître. Dans le
"ZLz2 uÿ
L
Expériences
550 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
premier cas, on ouvre prefque inévitablement beaucoup de
vaifleaux ; parà on prépare une iflue libre au fang repouffé
vers les finus, & il eft impoflible alors qu'il reflue jufque
vers les vénules répandues dans le tiflu du cerveau : dans le
fecond cas, en rapprochant de tous côtés la fubftance mé-
dullaire & corticale pour fermer les veniricules ouverts, on
peut occafronner une compreffion fur les vaiffeaux coupés, qui
les empêche de tranfmettre le fluide repoutlé vers les finus,
avec la même facilité que dans la première circonftance; par
conféquent le fang pourra refluer jufque dans la mafe du
cerveau, & produire fa dilatation. Cette explication eft d’au-
tant plus naturelle, que lon obferve qu'une ouverture mé-
diocre des ventricules ne fuffit pas pour empêcher les mou-
vemens, & que ce n'eft que lorfqu'ils font prefque entière-
ment ouverts que l'on voit arriver ce qu'avoit remarqué le
fameux Anatomifte que nous avons cité. L'air qui fortoit
avec le fans, & que nous trouvâmes abondamment dans les
jugulaires, s'étoit infinué fans doute par les ouvertures de ces
vaifleaux coupés & defemplis par lhémorragie confidérable
qu'avoit caufée notre opération; il n'eft pas naturel de penfer
que dans f'efpace d'une minute ou deux tout au plus, Fair
contenu dans le fang eût pû fe dégager de fon tiflu pour
former ces bulles nombreufes que j'apercevois dans les jugu-
laires & les foûclavières *, |
Je n'avois plus de doute après ce que je venois d'obferver,
mais on peut être fouvent très-convaincu d'une vérité, &
manquer encore de moyens pour en convaincre les autres,
pour peu qu’ils examinent fcrupuleufgment les chofes: j'étois
* M. Littre, dans les Mémoires | dent qui faudroir pour cela un temps
de l’Académie Royale des Sciences,
année 1714, remarque qu’il atrouvé
de l'air dans les veines de ceux qui
étoient morts de perte de fang , par
des ‘blefflures ou par des hémorraoies :
il attribue ce phénomène à ce qu’a-
lors l’air contenu dans le fang, mû
plus lentement, fe dégase & fe ra-
malle en bulles fenfibles ; il eft évi-
+
confidérable : d’ailleurs, fr cette caufe
étoit la vraïe, pourquoi ne trouve-
roit-on pas des bulles d’air dans les
veines de tous les cadavres, puifque
le repos du fang qui donne lieu, fui-
vant M. Lire, au développement
de cet air, a certainement lieu après
la mort dans tous les cas imagi-
nables
‘DES SCirNcCEs s5r
dañs ce cas, & j'avois befoin de nouvelles preuves pour
‘établir fûrement mon explication; fi elle étoit jufte, je devois
obferver une correfpondance exacte entre le gonflement des
jugulaires & celui du cerveau, dans l'animal vivant; de plus,
en preflant immédiatement la veine cave fupérieure où infé-
rieure de bas en haut, le mouvement du cerveau devoit pa-
‘oître : cela fuivoit D os de mes idées, mais il faloit
démontrer que l'obfervation étoit d'accord avec elles.
1.° Ayant enlevé par le trépan une pièce de crâne dans un
chien, j'ai obfervé les mouvemens du cerveau à l'ordinaire ;
ils ont fubfifté malgré 1a ligature des veines jugulaires.
.” Ayant délié ces veines, j'ai vû évidemment que dans
le an de l'expiration elles fe gonfloient dans toute leur
étendue, & s’aflaifloient prefque entièrement dans celui de
Vihfpiration : le chien étant afloibli, laffaiflement paroïfloit
fe faire par fecouffe, & l'abaïffement du cerveau qui s’obfer-
voit en même temps, paroifloit alors auffi fe faire par fecouffe.
73." Ayant coupé les veines jugulaires, ayant plongé le
| falpel dans l'intervalle des deux apophyfes tranfverfes des
vertèbres du col, pour couper les veines vertébrales, le mou:
vement du cerveau fubfiftoit encore auffi fenfble qu'aupa-
Fa
dt Ayant coupé l: trachée- artère, le mouvement du
Eh n'étoit prefque plus fenfible, même lorfque l'on pref-
foit médiocrement la poitrine; fi lon bouchoit avec le doigt
ha partie de Ja trachée-artère qui tenoit aux poumons, Je
mouvement redevénoit très-fenfible dans le cerveau.
S: * Ayant ouvert là veine cave, en plongeant le fcalpel
dans la poitrine au deflous de Ja première côte, on n'obfer-
voit. plus aucun mouvement, même en preffant fortement
à poitrine.
.6. Ayant ouvert la poitrine, un des affiftans prefla la
ortion fupérieure de la veine cave de bas en haut, & l'on
remarqua dans Île cerveau un petit mouvement d’élévation:
lors de la preffion, & ün mouvement d'ibaiffement lorfque
Fo on “ceffoit de preflers :
10.°
Expériences
Tite
Expérience,
552. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.RorALEe
1.” Le 17 Avril, je fis trépaner un chien qui.avoit reçû
un coup fur la partie lupérieure de la tête, près de l'en-
droit où lon appliqua. la première couronne ; ayant enlevé
une pièce du crâne, le cerveau fe porta en dehors , de ma:
nière quil déborde boito oflule, J obfervai avec atten-
tion cette portion du cerveau, je ne pûs. y remarquer aucun
mouvement d'élévation ni d'abaiffement : la preflion même
de la poitrine n'a pas paru faire une élévation bien fen-
fee,
* Ayant appliqué le trépan de l'autre côté du crâne,
a, or avec attention la partie découverte du cerveau,
je ny ai point obfervé de mouvement ; cette portion, ainfr
que la première, débordoit les os du crâne.
° L'animal ayant perdu beaucoup de fang, je vis pa-
nes mais foiblement, les mouvemens ordinaires du cerveau.
4° Ayant ouvert le bas-ventre, je preflai la veine cave
de bas en haut; cette preflion produifit un mouvement très-
fenfible du cerveau; ce vifcère s'élevoit au temps de {a pref
fion, _& s'abaifloit lorfque je la difcontinuois.
5. Ces mouvemens devinrent bien plus confidérables,
lorqu'ayant enlevé le flernum je preflai la veine cave fupé-
rieure.
La dixième expérience découvre.en partie ce que je pré
tendois démontrer; on y aperçoit une correfpondance exacte
entre le gonflement des jugulaires & celui du cerveau : la-
baiflement de ce vilcère fe fait au moment que ces veines
fe defemplifent; & fi elles fe vuident par fecouffes, l'abaif.
fement du cerveau participe à cette irrégularité, Cette expé-
rience offre quelques phénomènes particuliers dont je donnerai
l'explication dans la fuite de ce Mémoire, il ne s’agit ici que
d'établir la vérité du reflux du fang comme caufe des mou-
vemens du cerveau.
La onzième expérience démontre que le fang repouffé des
veines caves vers le cerveau, produit l'élévation de cette partie;
en même temps elle nous fait voir que les veines du cer:
veau peuvent être quelquefois fi remplies de fang, que les
| mouvemens
%
LIAVPARSMET É re AG #01 53
mouvémèns ordinaires de la refpiration n’y produifent point
les changemens que lon # coûtume d'y obferver. Rydley
avoit déjà fait à méme remarque, qui n'eft pas inutile pour
faire fentir que quoique ces mouvémens du cerveai ne pa-
roïflent pas toüjours, on ne doit pas {e preffér dé rien con-
clurre contre leur réalité; il eft une infinité de caufes étran-
gères! à l'état ordinaire des animaux, qui peuvent les empècher
de fe manifefter. } OL pr eSaN
Quoique mes derniers éflais püflent paroître fuffifans pour
établir inconteftablement mon explication, je ne n'en füis
pas contenté , & j'ai été récompenfé de mon opiniâtreté à
chercher l'évidence. HORS
1.” Le 30 du mois d'Avril, j'ai fait trépaner une chienne
affez vigoureufe , & après avoir enlevé la dure-mère je vis!
les mouvemens ordinaires du cèrveau; ces mouvemens étoient
affez foibles d'abord, mais ils’ fe rendirent bien fenfibles, la
fefpiration étant devenue ‘plus forte. (PAM RRHIONR
__ 24° Je fis mettre ànu les veines jugulaires, & j'obfervai
_ leurs gonflemens & leurs affaiflémens, comme dans la dixième
expérience, mais un peu moins mänifeftement; je fis lier ces
veines, des niouvemens perfiftèrent dans le cerveau; je les
coupai, & für le champ ces mouvemens diminuèrént confr:
dérablement : ils augmentoient un peu lorfqu'il y avoit de
fortes expirations. 7 | ile à
11 3197 J'ouvris le bas-ventre, je preffai fa veine cave de bas
éh'haut, de cerveau s'élevoit &'Sabaifloit comme dans la
onzième expérience. LGSe |
‘044% J'obfervai évidemment que la veine cave, dans le bas-
ventré, fe gonfloit pendant Fexpiration, & fe defemplifloit
pendant linfpiration; je fis couper la veine cave, le fang
fortoit de l'extrémité fupérieure pendant l'expiration, il étoit
réponipé peñdant l'infpiration.
8) s«” La’chienne tomba dans l'affoupiffement; elle refpiroit
fortement ,& 1e mouvemerit du cerveau ne paroifloit que
râreent &'foïblement ; cepéndant, dans ces dernières cir-
conftances, lorfque lé cerveau étoit portéen dehors, une petite
Mém, 1749: . Aaaa
12.°
. Expérience,
13°
Expérience.
554 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
veiné qui fe voyoit à fa furface,! fe gonfloit, & {e-vuidoit,
RER le cerveau Saflaifloit. æ ,
Le 6 de Mai, je trépanai un jeune chien, joblenat
les mouvenens du cerveau à l'ordinaire. Mk
° Je découvris une, des veines jugulaires , &:je. vis. très- |
Ladies qu ’elle fe gonfloit dans toute fon étendue pen-
dant d'expiration, & qu'elle fe defemplifloit dans fe temps de
Jinfpiration. Des valvules qui fe trouvoient dans, ces-veines,
ne s'oppofoient point au-reflux ‘du fang qui produifoit eur
gonflement : les mouyemens du. cerveau. iparoifloient mani-
feftement : fynchrones. avec. les, mouvemens. de cette. veine
jugulaire; quand elle fe gonfloit, le cerveau, s'élevoit; quand
elle fe vuidoit, le cerveau s'abaïfloit ; &: loxfqu' elle fe defem-
plifloit par fecoufles ; le cerveau s’aff: aifloit de la même manière.
ET J'ai ouvert. le bas-vente, Jj'ai-mis: à,nu la veine cave
& les iliaques,, j'oblervois. chirement que.dans lelteps de
l'expiration la veine cave & les iliaques, fe: gonfloient ,-&{e
defemplifloient dans celui de_linfpiration., Une valvule qui fe
wouvoit au ramçu, gauche de l'iliaque., mempéchoit. point
que Je: fang ne refluät au delà pendant. l'expiration, la veine
méfentérique,. qui étoit aufli expolée à motre yüe, ne nous
a pau fouffrir:aueun, changement fenfble : ls chien, rcpirois
alors; tranquillement. pr
4° Pendant qu'un des affiftans repardoit: se en ces:
veau pour remarquer fon degré. d'élévation ; je fis couper la
veine cave inférieure, & fade champ celui qui obfervoit de
cerveau le vit saffaifler notablement; dans: là. “fuite. ik.ne
{e-releva j Jamais au. mème point où il étoit avant Jai fection
de a veine cave, à qriee Ja relpiration demeuré toûjouss
la, rt / "ri “bris «1
Après ve 36h de Fe je découvris l'autre veine
Lt & ayant comprimé la poitrine; jevis. le fang refluer
par les deux veines : le cerveau fe porta en dehors dans le
même temps, il s'afflaifloit lorfque le fang ceffoit.d’ ‘étrerponiié
vers les jugulaires; les ivalvules ne s'oppoloient pas ce reflux,
<omme. je l'avois déjà. obfervé dans le vivants} 2 02fri08
LTDÉE SN ST 1h N CC 28 8: 0 Ma M 555
“Après des: faits tels que. ceux que je: viens de rapporter,
il me paroît démontrétavec la dernière évidence que le reflux
du fang: vers deicerveau efblà- véritable cafe dés mouve-
mens diélévation de’ce:viléète, &c que fon: aflaiffèmenit n'eft:
dû qu'ài lai facilité avec: laquelle le fang fe porte vers des:
gros vaifleaux dela poitrine dans le temps de linfbiration :
une fnmple leéture tant foit peu ‘réfléchie des expériences
douziènie & treizième, doitconvai crée les plus fcrüpuleux: de
la réalité de ce que je viens d'avancer ; je érois donc inutile
de peler für les conféquences: que l'on peut tirer de’ces obfer-
vations, elles fuffifent pour établir {olidement Ié-principe fur
lequel j'ai appuyé mon .explication ; mais il refte encore à
développer la caufe de ce reflux du fang ; à détailler un -pêu
plus particulièrement la manière: dont 4: produit l'dévationr
du cerveau, à diffiper quelques doutes Que ‘pourrôient Haïifler.
certaines circonftances de quelques-unes dé res expériencés ;
enfin il convient ‘d'examiner fr Foiv'peut appliquer au éorps
humain tout ce qui fuit de ces’obfervations faites fa les
animaux. AN
D toi 1Q BOL XHOLUII SENS 1101)
D la caufe di reflux, du fans vêrs ‘les Veines L‘
ampdoso-euonHRÉTÉATES SE ÉHÉrnre au
Les veines jugulaires fe gonflent pendant l'expiration, Ha
veine cave inférieure & les iliiques fé rempliffent suffi dans
le :même temps, & tous ces vaifleaux 1e vüident où fe défema |
pliffent 1or{que l'animal infpire: ce: font des!-faits: dont: lai
vérité eff bien-conflatée: il: mé paroît qué Fon rie peut attris
buer! ces phénomènes ‘qu'à lune dés: trois! éaufes fuivantes.
A? On-pôurfoit croire’ que dans le temps de l'expiration
le:fang coule avec difficulté au travers des Ivaiffeaux pülmoz
naires'}° que ‘par conféquent il s’iceümule dans le ventricülé
droit du cœur & dans l'oreillette correfpondante: ces cavités
ne fe. defémplifflant point alors/ avec ta! thôme facilité qu'au-
paravant, éffitént plus de iéfiflaticé au fang qui dôît y ‘aborder
par des veines caves : l'effét: dé lcette réfiflance ef? le aième
qué’celui d'une” ligaturé plus ou rioins ns d'où il fui
aaa ij
56 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
que le fang doit fe ramafler dans les troncs des jugulaires,
dans la veine cave inférieure & fes rameaux, & produire de
gonflement de ces vaiffeaux tel que lobfervation le démontre:
le contraire doit arriver pendant l'infpiration ; parce que: les
poumons tranfmettent les fluides avec plus de facilité dans
cette dernière circonftance. Cette explication paroît avoir fixé
prefque tous les Auteurs qui ont recherché les caufes du gon-
flement des jugulaires , qui, s'obferve, dans l’homme même
en plufieurs occafions.
2.° La contraction du ventricule droit ou celle de lo-
* Lancii, reillette correfpondante, a fourni à quelques grands hommes*
Hombers.
la raifon du renflement alternatif des jugulaires & des autres.
veines, qu'ils avoient obfervé dans des cas extraordinaires. Le
ventricule droit;:fon oreillette & les troncs des veines-caves
fe trouvoient fort dilatés dans les cadavres de ceux fur 1e
quels. -ils avoient. obfervé ce phénomène ; ils ont penfé que
le ventricule ou l'oreillette, en fe contractant fortement, pou-
voit répouffer le fang vers le fyftème veineux : Jeur fentimentl
étoit encore mieux fondé par les concrétions polypeules qu'ils
voyoient en mème temps dans l'artère pulmonaire ; ne feroit-
il pas poffible qu'une caufe femblable, mais moins puiffante
dans l'état naturel, produisit ce reflux dont nous cherchons
l'explication? 1:20 à esnisu sel
3.° Ce reflux ne peut-il pas être attribué à {a preffion faite
fur les vaifleaux renfermés dans la poitrine, & ne peut-on
pas démontrer que cette preflion doit être réellement plus,
forte pendant l'expiration que pendant Finfpiration? + :: ,,,
Une feule réflexion tirée de l'expérience, fuffit pour réfuter:
la première explication; ce n’eft pas fimplement le,fang arrêté
par:ün obftacle quelconque qui gonfle les vaifleaux au delà!
defquels il ne peut pas couler; cef un fang que l’on voit
refluer de la. poitrine dans les jugulaires & la veine cive du.
bas-ventre;; L'œil. fuit les mouvemens rétrogrades de ce fluide:
des troncs vers les rameaux qui s'y rendent: une caufe qui
ne feroit qu'empêcher ou. diminuer le cours du. fang vers
l'oreillette droite. & le cœur, *eft donc une caufe infuffifante,
pNENSMISTE IE N'o"E'S, S57
pour produire le phénomène tel qu'il a été obfervé.
On peut ajoûter à cette réflexion un raifonnement qui ne
me paroît pas moins folide. L'hypothèfe dont je viens de
démontrer l'infufffance, eft appuyée fur un fondement mal
afluré, elle fuppole que le fang coule avec plus de facilité
dans les vaïfleaux du poumon pendant l'infpiration que pén-
dant lexpiration ; cela n'eft vrai que lorfque lon compare
les poumons affaiflés avec les poumons diftendus par Y'air juf-
qu'à un certain point ; ce n'elt plus la même chofe lorfque
Yon compare entre eux les changemens fucceffifs que fouf-
frent ces vifcères dans les degrés différens de leur dilatation
& de leur affaiflement : l'action qui dilate les poumons n’eft
point inftantanée, non plus que celle qui les refferre; dans
le ipremier moment de l'infpirätion, les vaiffeaux dés pou-
mons font moins développés que dans le premier moment
de l'expiration , de même qu'ils font plus dibres :dans 1e der-
nier degré dela dilatation de ces vifcères que dans le der-
nier degré de leur affaiffement ; 14. facilité du pañfage croît
pendant tout le temps que les poumons fe gonflent, elle
décroït proportionnellement pendant qu'ils s’'affaiflent ; de
manière qu'en confidérant les différens degrés de ces deux
mouvemens ‘par rapport au plus ou moins de facilité qu'ils
offrent-au cours du fang chaffé vers l'artère pulmonaire , il
énréfulte beaucoup plus clairement que je ne faurois l'ex-
primer, que cette facilité eft la même pendant le temps entier
d’une infpiration que pendant celui de l'expiration qui fuccède:
légalité du pouls dans ces deux temps prouve bien claire-
ment Ja même vérité.
-Letfentimènt de ceux qui voudroient expliquer le reflux
du fang par l'aétion du cœur & de l'oreillette droite, ne
fembleroit:-pas d’abord deftitué de vrai-femblance ; j'ai vû
plufieurs: fois, & très-diftinétement, un refoulement du fang
vers les véines'caves, qui correfpondoit aux contractions du
cœur & de oreillette: il eft vrai que ce reflux ne s’étendoit
à guère plus de trois ou quatre lignes dans la veine cave
fupérieure, maison pourroit dire que dans les circonftances
Aaaa ii
553 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
de mes obfervations, l'aétion de l'organe vital étoit beaucoup,
diminuce; cependant je fuis bien éloigné de croire que éette
explication foit la véritable: le reflux du fang dans les veines
n'a lieu que pendant l'expiration, & l'on ne peut nier ;qué:
le: cœur & l'oreillette n'agifient fouvent pendant l'infpiration,
laquelle pourtant ne prélente jamais ce phénomène. J'exa-
minerai dans un autre Mémoire qui doit {ervir, de: fupplé:,
ment à celui-ci, fi la caufe que je viens de réfuter par rapport
à l'état ordinaire des organes vitaux, 4 pü avoir lieu dans les
cas extraordinaires que J'ai indiqués. tie OS
Je viens de faire voir que l'on ne peut attribuer le reflux
du fang ni à la difhcuhé qu'il trouve à pafler au travers des
poumons pendant l'expiration, ni à la contraction du cœur
ou de l'oreillette droite ; ‘il femble donc qu'il n'y a point
d'autre caufe de ce phénomène que la preflion que fouffrent
les vaiffeaux renfermés dans la poitrine lorfqu'elle fe eflerre ;;
il eft aifé de prouver que dans ce temps cette preflion, doit
être plus grande que dans celui de linfpiration. Pour que les
cellules pulmonaires puifient fe remplir d'air, il faut nécefai-
rement que la capacité du thorax foit augmentée; les parois
mobiles de cette cavité fuient, pour ainfr dire, devant es
poumons qui {e gonflent, elles ne leur préfentent aucune
réfiftance; d'air répandu entre la furface deces vifcères-& la
plèvre, devient plus rare, il fe: forme un vuide dans 1èquel
ils peuvent être: müs dibrement *, fans faire aucun effort:für,
ras )
# Dans cette explication , j’admets
de l'air dans la cavité dela poitrine;
je crois l’exiftence de cet air démon-
trée par les expériences.de: M. Hales,
(Hæmafi, Exp, XII, n° 10). Je
les ai répétées fouvent avec fuccès;
j'ai vü auflf très-fouvent l’efpace entre
Ja plèvre, & les poumons, comme
Yavoit déja obfervé M. Morgagnt,
& après lui plüifieurs modernes: les
inftrumens -qui! paflent d’un: côté à
Vautre de la poitrine fans blefler: les
démonflration de cet efpace. Pour
une légère. attention ,;.que quoi
poumons, me paroïffent fournir une |° i
faudroit) pas moins reconnoître que
) [ )11D HO! 1 :
ôter lieu au fabrerfuge dont quelques=
uns fe fervent pour éluder la force
de cette dernière expérierice :, fa
appliqué-plufieuxs fois: un petit en-
tonnoir,plein d’eau à un des côtés de
Ja poitrine, &'ÿai pouité des ftilets
là wavers l’eau d’un côté: de: la! poi=
wine à l’autre; il m'eit arrivé twès-
fouvent de ne point bleffer du tout
lés poumons.‘ Quoï qu'il én'foit de
lexiftence-de-cet-air, lil-paroîtrasrpar
y 2!
même on ne ladmettroit pas ,. n’en
Z
DES SCIENCES 559
les parties qui les environnent : le contraire arrive pendant
l'expiration; les parois de da poitrine, en fe reflérrant, preffent
fortement les poumons , dont le volume ne:peut diminuer
aufli facilement qu'il s'étoit amgmenté , à caufe de la difi-
culté que trouve l'air à s'échapper de la cavité fpacieufe des
cellules pulmonaires, par la fente étroite: de la glotte; les
poumons preffent donc alors les parties renfermées dans le
thorax, &. par conféquent les troncs veineux. Je ne poufle
s plus loin les preuves que fournit le raifonnement ; ce
que j'ai dit fufht fans doute pour établir une vérité qui n’eft
peut-être conteftée d'aucun Phyfiologifte : expérience la rend
encore plus fenfible; quand on ouvre un efpace ‘intercoftal
dans un animal vivant, on voit les poumons pouflés avec
force ‘autravers-de la plaie pendant expiration , ce quin'ar-
rive jamais pendant l'infpiration.
1H eff! donc vrai que les troncs veineux des véiniés caves,
renférmés dans a poitrine, font plus preflés dans l'expira-
tion que dans Finfpiration ; il eft certainement poffible que
cet excès de preflion fufhe pour faire refluer le fang vers le
fyflème veineux fupérieur & inférieur, & je crois que l'on
peut très-raifonnablement conclurre: ici de 1 puiffanice à l'adte;
carion obferve que le fang reflue, &iŸoh ne voit point
d'autre caufe de ce reflux que celle que je viens d’affigner, &
dont on ne fauroit difputer la poffibilité.
‘ÆErmimitant le jeu de a refpiration , l'animal étant mort,
on aperçoit. évidemment les mêmes phénomènes que dans le
vivant ; fi fon comprime les côtes, le fang eft repoutfé vers
des jugulaires & a veine cave du bas-ventre; f'on les aban-
donne à elles-mêmes, ces -vaïffeaux fe defempliffent dans 1e
les parties qui font contenues dans la | ordinaires Fefprit de vin s'élève à Ja
oitrine font moins preflées pendant | ‘hauteur de fix pouces dans un tuyau
Finfpiration. M. Hales a mefuré la |. dont l’extrémité recourbée, eft fixée
quantité du vuïde que j'ai fuppofé, | artiftement à un des côtés de la poi-
par une expérience très-ingénieufe& |-trine; dans les infpirations laBorieufes
trèssdélicate qu’il rapporte. dans, la | & difficiles, l’efprit de vin monte juf-
Sud que des végétaux {page 216); | qu'à vingt-quatre & trente pouces...
il obferve que dans les infpirations
s6o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
moment : que la trachée-artère foit coupée & que l'on ne
bouche pas fon extrémité qui tient aux poumons, quoique
l'on prefle la poitrine, le reflux & les mouvemens du cerveau
qui en dépendent ne font prefque plus fenfibles ; mais que
l'on ferme exaétement cette extrémité de {a trachée-artère }
& que l'on fafle par ce moyen que les poumons réfiftent-à
la force qui tend à les reflerrer, le reflux & les mouvemens
du cerveau paroîtront très-clairement. Ce font des faits que
lon a pü remarquer dans la dixième expérience, &qui me
femblent mettre fous les yeux le méchanifme du reflux tel que
je viens de l'expliquer.
J'obferverai cependant que le mouvement d'expiration
n'eft pas abfolument néceflaire pour que les troncs veineux
de la poitrine foient preflés de façon: à faire refluer le fang
vers les veines fupérieures, il fuffit qu'après avoir dilaté les
poumons par l'infpiration, l'on oppole en fermant la glotte,
un obftacle invincible aux caufes qui tendront alors à des
affaïfler; car il eft évident, dans cette fuppofition, que les
parois mobiles du thorax agiront aufit fortement qu'il fe
puiffe contre les poumons, & les prefferont contre les troncs
veineux avec plus d'énergie que dans les expirations ordi
naires. C'eft ce qui arrive dans ceux qui font de grands
efforts; on fait qu'ils mettent en jeu les mufcles du bas-ventre,
& qu'ils retiennent en même temps leur haleine, ce qu'ils
ne peuvent faire qu'en fermant exactement l'ouverture de la
glotte: l'air retenu dans les cellules pulmonaires, raréfié par
la chaleur, a plus de reffort; il peut'par conféquent, dans
les circonftances dont il $agit, augmenter encore k preffion
que fouffrent les troncs veineux.
De la manière dont le reflux du fang produit
l'élévation du cerveau.
Pour entendre aifément de quelle manière le reflux du
fang vers les veines jugulaires & vertébrales produit l'éléva-
tion du cerveau, il fuffit de rappeler quelques faits d’Ana-
tomie, ù
ea Le
DES, SCIENCES. s6t
1." Le cerveau recouvert de la pie-mère ne touche point
immédiatement la dure-mère, on démontre un efpace entre
elle & ce: vifcère : Fernel Favoit oblervé ä y a Iong-temps,
M. Schligting s'en eft convaincu par {es propres expériences ;
celles que j'ai faites m'ont appris la même vérité. Ce n’eft
pas ici le lieu d'examiner fi cet efpace eft vuide ou s'il eft
rempli de quelque fluide élaftique, il eft certain qu'il exifte.
2.° Le cerveau porte fur plufieurs finus de 11 dure-mère,
tels que les caverneux, les pétreux & les orbitaires.
3° Il y a une quantité confidérable d'artérioles & de
veines fanguines répandues dans le tiflu du cerveau, fans en
excepter la fubftance médullaire : l'iluftre M. Senac a vû ces
vaifleaux fi preffés dans le cerveau d'une fille, qu'à peine
pouvoit-on placer dans leurs interftices la tête d’une épingle.
4° Les vénules qui rapportent le fang du tiflu du cerveau,
s'ouvrent dans les différens finus de la dure-mère. Ces faits
étant admis, on conçoit que le gonflement ou l'élévation
du cerveau peut dépendre de deux caufes, favoir, de la dila-
tation des fmus fur lefquels porte ce vifcère, & de 1a dila-
tation de toutes les petites veines qui entrent dans la com-
pofition de fes différentes fubftances.
Quand on connoît la communication des veines jugulaires
& vertébrales avec les finus latéraux, la communication de
ceux-ci avec tous les autres finus de la dure-mère, il ny a
aucune difficulté à concevoir que le fang repouflé par les
jugulaires & les vertébrales doit gonfler tous les finus de a
dure-mère, & par conféquent foùlever les portions du cer-
veau qui font polées fur quelques-uns d’entre eux; je crois
cependant que ceite première caufe n’eft pas celle qui produit
principalement Félévation du cerveau, fon mouvement paroît
top uuiformément répandu dans toute fa maffe. La dilata-
tion des veines qui entrent dans le tiflu de ce vifcère, me
femble être la principale caufe de fon gonflement : cette dila-
tation dépend du reflux du fang de la cavité des finus dans
les vaiffeaux veineux qui s'y abouchent : ce reflux ne paroîtroit
peut-être pas vrai-femblable, fi l'expérience ne le démontroit
Mém. : 749. . Bbbb
Taité de la
fracture ducaur,
tome II, p. 74+
562 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
aux yeux; mais j'ai vü le fang jaillir d’une petite veine qui
rampoit le long du finus longitudinal / 9: Expérience) toutes
les fois que je preflois la poitrine & que ce fmus fe gon-
floit. J'ai vû dans l'animal vivant qu'une veine qui ferpentoit
fur da furface du cave, fe remplifoit / r 2.€ Expérience)
aufli-1ôt que ce vifcère fe portoit en dehors, & qu'elle fe
vuidoit lorfqu'il s'aflaifloit : le fang repouffé par les veines
jugulaires & les vertébrales, peut donc refluer * jufque dans
les vaiffeaux qui compofent le cerveau; & lorfque ce reflux
aura lieu, ce vifcère, dont le volume augmente alors nécef-
fairement, s'élevera plus ou moins, fuivant les différentes
intenfités de la caufe que je viens d'expliquer. Cette même
caufe fera voir clairement la raifon d’un phénomène que
jobfervai dans la neuvième expérience : le finus longitudinal
paroifioit fe gonfler, principalement fur la fin de l'élévation
de la voûte médullaire; c'eft qu'alors les vaiffeaux du cerveau
diftendus jufqu'à un certain degré, ne pouvoient plus réce-
voir le fluide qui étoit repouflé vers le finus par la preffion
conftante de la poitrine.
L'affaiffement du cerveau qui fuccède à fon éévation, ne
renferme aucune difhculté : lorfque le thorax eft dilaté pen-
dant l'infpiration , les troncs veineux de la poitrine ne font
plus preffés; le fang pouffé par l'action du cœur & la preffion
de l'air extérieur, fe précipite, pour ainfi dire, vers les veines
* Ce reflux du fang dans le tiffu
même du cerveau, me paroît fournir
une explication bien raifonnable du
phénomène qu’obferva M. Schlig-
ting dans le cerveau d’un chien vigou-
reux: ayant introduit fon doigt dans
l’intérieur de ce vifcère, & fait ex-
citer des convulfions dans Panimal ,
en piquant la moëlle alongée, il fen-
toit manifeftement un mouvement de
pulfation autour de fon doist : ce
mouvement étoit plus fort quand les
convulfions étoient violentes, & di-
minuoit à proportion qu’elles s’affoi-
blifloient. Î n’a obfervé cette pulfa-
tion qu’une feule fois, mais il aflure
qu'ayant tenté la même expérience
dans d’autres chiens, il a fenti conf
tamment l'intérieur du cerveau fe
durcir au moment que l'animal étoit
agité de fortes convulfions. J'ai fait
voir dans larticle précédent com-
ment les efforts d’un animal devoïent
déterminer un reflux du fane plus
confidérable vers les veines du cer-
veau, & par conféquent occafionner
une plus forte preflion fur une partie
environnée de ces vaifleaux : fr ces
oblervations de M. Schligting étoient
bien confirmées, je les regarderoiïs
comme une démontftration de l’ex-
plication que je viens de donner.
D etis4 :S C1 E NICE: s4 563
caves; les jugulaires fe defemplifient, &, par une fuite nécef.
faire, la: même chole arrive dans les fmus & dans les veines
i s'y ouvrent: le volume du cerveau diminue, & par con-
féquent il s’affaiffe, jufqu'à ce qu'une nouvelle expiration pro-
duife un nouveau gonflement. Dans le fœtus, les troncs
veineux dela poitrine font conftamment preffés autant qu'ils
peuvent l'être; la caufe qui fait changer fuccelfivement le
volume du cerveau n'y a donc point lieu, & par conféquent
ce vifcère doit être conçu fans aucune agitation jufqu'au temps
que l'animal commence à refpirer : le premier mouvement
de la refpiration eft celui qui dilate le thorax, qui diminue
B preflion que foufirent les veines caves, & qui, par une
fuite néceflaire, occafionne l’affaiflement du cerveau, comme
je l'ai expliqué ci-deflus. I füit de ce que je viens de dire,
que dans l'ordre des mouvemens du cerveau, le premier ef
celui par lequel il femble fe reflerrer.
Explication de certaines circonflances de mes expériences,
qui paroiffent peu d'accord avec la théorie
que je viens d'établir.
1.” « La ligature des jugulaires n'empêche point les mou-
vemens du cerveau , elle ne les diminue pas même fenfible-
ment : il eft pourtant für que cette ligature intercepte une
partie confidérable du fang dont le reflux occafionne le gon-
flement du cerveau ». e
I eft vrai que la digature des veines jugulaires diminue la
quantité des fluides qui doivent fe porter au cerveau, mais .
auffi elle s'oppofe au retour des fluides vers le cœur, ellé
produit donc néceflairement une diftenfion plus grande \des
fimus ; ces cavités étant plus dilatées ; les orifices des vaifleaux
qui s'y abouchent font plus duverts, & par conféquent-rece:
vront plûs facilement le: fang qui fera repouflé par les véines
vertébrales, ce qui fuffira pour foûtenir les mouvemens: du
cerveau. sp 92 ie p 52
Cette réponfe devient d'autant plus fatisfaifante , que l'in
cifion des jugulaires, qui produit un eflet de vu à»celui de
1]
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564 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE
leur ligature, c'eft-à-dire, qui fait que les finus fe defem-
pliffent dans une grande proportion, diminue notablement
les mouvemens du cerveau; c'eft ce qu'on a pù remarquer
dans les expériences 8. & 12.°
2.” « Les veines jugulaires & vertébrales étant coupées,
les mouvemens du cerveau devroient cefler, fuppofé que leur
caufe füt le reflux du fing; ces mouvemens ont cependant
fubfifté dans l'expérience dixième ».
Dans la feptième expérience, les mouvémens cefsèrent
après que l'on eut coupé les veines jugulaires & vertébrales,
&: il fut alors impofhible de les faire reparoître par la com-
preffion de la poitrine, quelque forte qu'elle füt; if y a donc
tout lieu de préfumer que dans le dixième eflai, les veines
vertébrales mavoient point été coupées, quoique lon eût
plongé un fcalpel dans l'intervalle de deux apophyfes tranf-
verfes des vertèbres du col. Cette préfomption fe changera
en certitude, fi l'on fait attention que dans la même expé-
rience on fit reparoître les mouvemens du cerveau , en
comprimiant de bas en haut la portion fupérieure de la veine
cave; cette dernière circonftance prouve évidemment qu'il
y avoit encore une communication entre la veine cave &
les finus de la dure-mère: cette communication ne fubfiftoit
pas au moyen des jugulaires qui étoient évidemment coupées.
3.° « Dans la dixième expérience, les mouvemens du
cerveau fubfiftèrent après que l'on eut coupé les jugulaires
d'une manière auffi fenfible qu'auparavant; ce qui n’auroit pas
dû s’obferver, au moins fuivant la réponfe que j'ai donnée
à la première difficulté». :
Il y a toute apparence que la refpiration devint plus forte
après que l'on eut coupé ces veines; nous obfervämes dans
la douzième expérience, que les mouvemens qui: étoient
diminués aufli-tôt après l'incifion des jugulaires, redevinrent
plus fenfibles lorfque les expirations étoient plus violentes:
ce que jai obfervé dans ce dernier cas, peut avoir ew lieu
dans celui qui fert de :bafe à cette toifième objeétion:
4«?. « Dans la feptième expérience, les mouvemens: du
DLELS: LS C:1 E.N:C ES s6
cerveau qui avoient totalement ceffé après l'incifion des ju-
gulaires & des vertébrales, reparurent lorfque animal, près
d'expirer, entra en convulfion; quelle pouvoit être là caufe
de ces mouvemens? on ne peut pas attribuer au reflux du
fang par des vaifieaux qui étoient certainement COUPÉS ».
Je réponds 1.” que ces mouvemens furent très-petits, &c
‘qu'ils ne fubfifièrent que quelques inftans; 2.° les pulfations
que l'on obferve dans les finus ffur-tout des animaux afloiblis,
peuvent repouffer alternativement le fang vers les veines du
cerveau, ou les empêcher de fe defemplir en tout temps
avec une égale facilité: laquelle de ces deux fuppofitions
que l’on admette, il me paroît que l'on aura une caufe fuf-
fifante de ces mouvemens très-foibles qui parurent dans le
cerveau de lanimal , quelques momens avant qu'il expirât *.
Peut-on appliquer au corps humain tour ce qui fuir
des obfervations faites fur les animaux ?
Il-neft pas douteux que le cerveau de l’homme ne foit
fujet aux mêmes mouvemens que celui des chiens fur lefquels
on a fait des expériences; M. Schligting rapporte plufieurs
obfervations qu'il a faites lui-même fur des fujets humains,
& qui répondent parfaitement à ce qu'il avoit vü dans les
animaux. Riolan a obfervé la même chofe fur le cerveau
d'un homme dont le crâne avoit été rongé vers la partie
inférieure des pariétaux, par une carie vénérienne: la même
caufe qui produit ces mouvemens dans les animaux, paroît
avoir lieu dans fhomme, je veux dire, le reflux du fang
vers les veines fupérieures, & dans le temps de l'expiration:
ce reflux devient très-fenfble dans les expirations un peu
#
* Ce n’eft pas feulement dans le | à cet égard aucune différence entre
cerveau que j'ai vû les mouvemens | le cerveau & le cervelet: les mêmes
d’élévation & d’affaiflement , je les | mouvemens auroient-ils lieu dans [a
ai obfervés avec Ja même évidence | moëlle de l'épinef cela n’eft pas hors
dans le cervelet d’un chien vivant, | de vrai-femblance, mais il me pa-
& jai pû les faire reparoître dans | roît difficile de s’en affurer, au moins.
Fanimal mort; -M. Schlisting avoit | dans les animaux vivans.
donc raifon.de penfer qu'il n’y avoit çà
Bbbb iij
2
ñ
=
À
. *Effais dE’.
dimbourg, t, II.
566 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE
fortes & foûtenues; lorfque l'on crie, que l'on chante, qu'on
parle même avec vivacité, les veines jugulaires fe gontlent
évidemment : d'ailleurs, il femble que la ftruéture anatomiz
que n'offre point dans l'homme des différences aflez confidé-
rables pour que cette caufe n’y agifle pas aufli-bien que dans
les animaux fur lefquels j'ai fait mes obfervations. L'on doit
conclurre de toutes ces réflexions, que l’on peut appliquer
au corps humain toutes leskconféquences qui fuivent de
ce que jai obfervé fur les chiens; ces conféquences fe pré-
fentent en foule, j'en choifirai quelques-unes qui me paroiffent
avoir un rapport plus immédiat avec le reflux du fang que
j'ai établi.
1. On connoit clairement pourquoi l'aétion de parler
augmente la douleur de tête, pourquoi la toux produit le même
eflet; dans ces deux cas il eft évident que le fang eft repouffé
plus fortement vers les membranes du cerveau, qui doivent
donc être alors plus diftendues, & par conféquent plus irri-
tées : je remarquerai en pañlant que lon à vü dans une toux
violente, le cerveau fi vivement porté en dehors, que les
tégumens cicatricés qui tenoient lieu d’une portion du cräne,
en avoient été déchirés *; cette obfervation fait fentir da
grandeur des effets que peut produire le reflux du fang.
2... Dans les fraétures des os de la tête, après lapplica-
tion du trépan, lorfqu'il e trouve du fang ou du pus épanché
entre la dure-mère & le crâne, les chirurgiens, dans la vüe
de procurer une évacuation plus prompte & plus abondante
de ces matières, ferment la bouche & le nez du malade en
lui ordonnant de fouffler ou expirer avec force; quelquefois
ils lui prefcrivent feulement de retenir fon haleine en faifant
en même temps les mêmes efforts qui font prdinaires dans
les cas des felles difficiles & laborieufes: enfin, lorfque le
malade n’eft point affez à lui pour entendre & fuivre les
avis qu'on lui donne, quelques-uns conféïllent de lui mettre
dans les narines des poudres fternutatoires : la raifon du
faccès de ces différentes pratiques fe déduit clairement de la
théorie des mouvemens du cerveau; elles produifent toutes
DES SCIENCES. 67
une preffion plus forte fur les troncs veineux de la poitrine;
elles doivent donc occafionner un plus grand reflux du fang
vers le cerveau, en augmenter davantage le volume, &, par
une fuite néceffaire, exprimer les liqueurs qui féjournent
entre la dure-mère & le crâne.
3.° I fuit encore de cette théorie, que la fubftance médul-
lire du cerveau doit être dans une agitation continuelle, à
caufe, des changemens qu'elle éprouve à l’occafion des mou-
vemens fucceflifs de la refpiration; cette agitation paroît
devoir contribuer à l'explication des ufages des nerfs, mais
la manière dont elle y contribue ne nr'eft pas connue, &
il me femble que l'on ne peut guère donner à ce fujet que
des hypothèfes vagues qui ne contenteroient point des efprits
raifonnables. |
Les expériences que j'ai rapportées, & dont je me füis
fervi pour expliquer les mouvemens du cerveau, me paroif-
fent encore fournir des Corollaires plus importans; elles éta-
bliffent l'ufage des valvules dans les veines, elles font aper-
cevoir la raifon de la différence de ces valvules, de leur
pofition ; elles font connoître pourquoi elles ne s’'obfervent
pas dans tous les vaifleaux veineux: ces mêmes faits jettent
les fondemens d'une théorie nouvelle de a faignée, ils font
fentir l'importance des effets que produit la re‘piration pour
le mouvement du fang, ils donnent lieu à des idées qui pour-
ront paroïtre paradoxes, au fujet des caufes de la circulation
& de Ia progreffion du chyle, mais qui n’en font pas moins
vraies ni moins folidement établies : ils peuvent fervir à
l'explication d’un grand nombre de phénomènes.
Tous ces Corollaires ne peuvent être développés que dans
un Mémoire à part, que je me propole de donner bien-1ôt
comme une fuite de celui-ci.
Je finis en priant les lecteurs de vouloir bien excufer le:
détail où je fuis entré en rapportant mes expériences ; j'ai cru
ne pouvoir m'en difpenfer par plufieurs raïfons, 1.° J’aurois
pü ne rapporter dans mes effais que les circonflances qui
étoient favorables à ma théorie, & qui étoient décifives en.
s60 Mn. DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES.
fa faveur; par, je ferois devenu beaucoup plus court, mais
auffi j'aurois manqué d'exactitude, & ceux qui répéteront mes
expériences , pourroient avec railon me reprocher ma né-
gligence, où même m'accufer de mauvaile foi. 2.° Si lon
fait attention aux principes fur lefquels j'appuie mes raifon-
nemens, il fera facile de fe convaincre qu'il n'eft prefque au-
cune circonftance dans mes expériences, dont je n'aie eu lieu
de faire application dans ma théorie. 3.” J'ai cru que le
récit fidèle de mes différentes tentatives ne feroit point inu-
tile, en cela même qu'il feroit fentir par les doutes & les
erreurs où des faits que j'obfervois m'ont entretenu pendant
quelque temps , combien il eft néceflaire de varier fes recher-
ches & de réitérer les expériences avant que d'en pouvoir
rien conclurre avec certitude.
H0208080206060204
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