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PRINCETON, N. J.
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BR 848 .R85 L5 1874
Le Gendre, Philippe, b.
1636.
Histoire de la pers ecution
faite a 1' église de Rouer
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Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/histoiredelapersOOIege
HISTOIRE
PERSÉCUTION
HISTOIRE
UK LA
PERSÉCUTION
KAITK
A L'ÉGLISE DE ROUEN
SUR I.A FIN IH' DE^iNIEU SIKCI.K,
Par Philippe LEGENDRE
PASTEUR DE l'ÉGLISE RÉFORMÉE DE (JUEVILLY ,
Précédée d'aae Notice historique et bibliographique et suiiie d'un Appendice,
Par Emile LESENS,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISIOIHE DU PKOIE.STAN TISME FRANÇAIS,
(Keconiiue clahlissemenl d'utilité piil)lic|iic)
KT MEMUr.E DU BUBEAU DE LA SOCIETE IIOUENNAISE DE BIBLIOPHILES;
Avec deux plans gravés a l'eaii-forte en fac-similc,
P,u- JiLKS Al)ELIx\E.
ROUEN
IMPRIMERIE DE LÉON DESHAYS,
Rue Saint-Nicolas, 28 et 30
/^DCCCLXXTV
JUM -Jn 1912
NOTICE.
Philippe Legendre , auteur de « La Persécution
faite à l'Eglise de Rouen » et pasteur de l'Eglise réfor-
mée de Quevilly, est né à Rouen, sur la paroisse de
Saint-André-de-la-Ville (4). Il était le deuxième
enfant de Thomas Legendre, marchand et ancien
du Consistoire, et de Françoise de Saint-Léger. Il
fut baptisé le 17 avril 1636; ce qui fait supposer
qu'il est né le 14 ou le 15 du même mois, les pro-
testants faisant, à cette époque, baptiser leurs en-
fants deux ou trois jours après leur naissance. —
Il eut pour parrain, Lucas Legendre, son oncle; et,
pour marraine, Anne Legendre, sa tante, femme de
Philippe de Saint-Léger.
De 1634, année de son mariage, à 4651, Thomas
eut douze enfants : sept garçons et cinq filles. Il
(1) Sur les registres des Protestanls de Rouen (temple de Que-
villy) on désignait simplement le domicil par le nom de la
paroisse,
1
II NOTICE.
mourut le 27 décembre 1682, âgé de quatre-vingts
ans. C'était un commerçant distingué, qui avait des
relations au loin; mais alors on désignait ceux qui
faisaient un commerce plus ou moins étendu sous
le nom de marchands.
Il avait trois frères et plusieurs sœurs. L'aîné,
Lucas, mourut le 10 janvier 1678, paroisse Saint-
Etienne-des-Tonneliers, à quatre-vingt-deux ans;
le deuxième, Jean-Baptiste, sieur de Boisville,
marchand bourgeois, mourut le 24 mars 1660, à
soixante ans; le plus jeune, Jacques, alla s'établir
à Gaen, en 1640, après son mariage (1).
Afin de donner plus de suite à notre récit, nous
commencerons, avant de parler de notre auteur,
par nous occuper des renseignements assez étendus
que nous avons pu recueillir sur sa famille :
Sauf son acte de naissance, du 23 novembre 1634,
nous n'avons pas trouvé sur les registres de Que-
villy de traces de François Legendre, l'aîné des en-
fants de Thomas et de Françoise de Saint-Léger, ce
qui fait supposer qu'il a dû quitter Rouen dans sa
jeunesse. Nous lisons dans l'ouvrage de M. Ernest
Semichon : Histoire d'Aumale, tome I, pages 129 et
suivantes, qu'un nommé François Legendre, bour-
geois de Paris, obtint, le 21 octobre 1666, des lettres
(1) Lucas Legendre, père de Thomas, était aussi ancien de
r Eglise, marié à Anne Caulier.
NOTICE. iir
patentes pour la fabrication des serges, façon de
Londres, et toutes sortes d'étoffes d'Angleterre,
excepté les draps, et qu'il fonda des fabriques au
bourg de Moiiy, à Beauvais, dans les élections
d'Auxerre, de Chartres, de Dreux, et autres lieux
du royaume; tout nous porte à croire que ledit
François Legendre n'est autre que l'aîné des enfants
de Thomas et le frère de Philippe.
Le troisième enfant, Thomas, marchand, paroisse
Saint-Jean, épousa, en avril 1671, à l'âge de trente-
deux ans, demoiselle Esther Scott, fille de Guil-
laume Scott, écuyer, sieur de la Mésangére et Bos-
cherville, secrétaire du roi, et de Catherine de la
Forterie; de 1672 à 1683, il eut onze enfants.
On voit, en parcourant les registres de Quevilly,
que les familles protestantes de Rouen étaient, en
général, fort nombreuses. Celles des Legendre ne
font pas exception : signalons seulement Centurion
Lucas, libraire, qui, de son mariage avec Judith
Mauclerc, eut dix-huit enfants.
Esther Scott, épouse de Thomas Legendre le
jeune (c'est ainsi qu'il signait du vivant de son père),
et belle-sœur de Philippe, avait pour frère Guil-
laume Scott, écuyer, chevalier, baronnet de la Mé-
sangére et Boscherville, Conseiller au Parlement
de Rouen, qui épousa, en 1678, Marguerite de Ram-
bouillet, fille d'Antoine de Rambouillet, seigneur
IV NOTICE.
de la Sablière, et de Marguerite Heissein, On con-
naît les relations de notre fabuliste Lafontaine avec
Madame de la Sablière; c'est à madame de la Mé-
sangère, sa fille, qu'il dédia sa fable de Daphnis et
Alcimadure. Elle fut veuve à vingt-cinq ans, et ha-
bitait la célèbre maison en bois et terre cuite du
XVI* siècle, que l'on voyait encore, il y a quelques
années, avant la transformation de Rouen, rue de
la Grosse-Horloge, aux n°" 115 et 117 (1). Il est ques-
tion de restaurer la façade de cette maison et de la
placer au pied de la tour Saint-André, à côté de la
belle maison en bois, construite sous Louis XII, à
deux pas de celle-là, même rue, sous les n"' 129 et
131. Philippe Legendre était, sans doute, ainsi que
Fontenelle, un des habitués de cette maison.
Au XVII® siècle, il y avait un prêche au château de
la Mésangère (2), commune de Bosguerard-de-Mar-
couville, près Bourgtheroulde (3).
Thomas Legendre le jeune fut, comme son père,
(1) Voir l'article de M. F. Bouquet. — Revue de Roue?i, aunée
1868, pages 649 et suivantes.
(2) Prêche interdit en 1682. Voir Arrêt du Conseil d'Etat du
roy, faisant défense au sieur de la Mezangère, conseiller du
Parlement de Rouen, de faire faille dorénavant aucun exercice
de la R. P. R. sur sa terre de Mezangère, petit in-4o ; Toulouse,
1682
(3) De nos jours, les descendants de cette famille habitent le
Danemark.
NOTICE. V
un négociant distingué; il donna une grande impul-
sion au commerce de Rouen. Nous trouvons dans
les archives départementales des lettres de noblesse
de Louis XIV, enregistrées à Rouen, en la grande
Chambre du Parlement, le 9 juin 4685, après avoir
été données à Versailles en mars, par lesquelles il
est élevé à la dignité de noble. Les considérants en
sont remarquables ; en voici un extrait :
(c Entre tous les avantages nécessaires pour le
« soutien d'un Etat et le bien des peuples qui le
« composent, le commerce étant des plus considé-
« râbles et celui qui se fait en mer, par les richesses
« qu'il y apporte
a Pour le rendre d'autant plus florissant dans
« notre royaume, à cause de l'appréhension que les
« gentilshommes avaient, en le faisant, de déroger
« à leur noblesse.
o: Etant bien informé que Thomas Legendre,
« bourgeois de notre ville de Rouen, est l'un de
« ceux de notre royaume qui fait le plus grand
« commerce de mer, et qu'il l'augmente considé-
« rablement en notre ville de Rouen, par son intel-
<^ ligence et la connaissance qu'il en a, nous vou-
« Ions bien lui donner une marque d'honneur, qui
« puisse passer à sa postérité et le rendre égal aux
« nobes, etc., etc
C'est au moment de la révocation de l'Edit de
VI NOTICE.
Nantes, qui devait avoir pour conséquence inévi-
table la dispersion, à l'étranger, de nos principaux
commerçants et industriels, que Louis XIV accor-
dait à l'un d'eux une marque de distinction. On sait
comment le commerce a été rendu florissant par la
suite.
Thomas Legendre resta à Rouen, et tout nous
fait supposer qu'il abjura.
Il ajouta à son nom celui de Gollandres, fief et
paroisse entre Couches et Beaumont-le-Roger. Il
était possesseur d'une fortune de quatre à cinq mil-
lions, — chiffre énorme pour l'époque, — et avait
des correspondances dans tous les lieux où on en
pouvait avoir. En 1707, il acheta, de Marie-Anne-
Henriette d'Epinay Saint-Luc, la terre de Gaille-
fontaine, Beausault, Bezancourt, la somme de
408,000 livres. Il devint aussi seigneur de Romilly,
d'Alge, d'Elbeuf, de Maigrement.
Il conserva des relations avec quelques-uns de
ses concitoyens réfugiés. Nous voyons une lettre de
Jacques Basnage au chevalier Asselin de Frenelles,
son correspondant à Rouen, et datée de La Haye,
20 septembre 1713, dans laquelle il le charge de ses
amitiés pour M. Legendre.
Nous ignorons si ce dernier continua à avoir des
rapports avec son frère Philippe, réfugié à Rotter-
dam; dans tous les cas, il ne lui envoya point de
NOTICE. VII
marques de sa libéralité, car nous verrons plus loin
qu'il était en Hollande dans une position de fortune
plus que modeste.
Thomas Legendre (1), en 1680, fit bâtir une fort
belle maison de plaisance sur la paroisse de Saint-
Paul de Rouen, tout proche et au-dessous de deux
chemins qui se partagent : l'un pour aller à Notre-
Dame-de-Bonsecours, et l'autre qui conduit au Port-
Saint-Ouen (2).
Cette maison fut vendue, il y a peu d'années, au
marquis de Marguerye, par M""* de Poilly, petite-fille
de la dernière des Legendre, qui avait épousé son
grand-père, le marquis du Hallay-Cœtquen.
Dans un rapport dressé par Pierre d'Hozier, Con-
seiller du roi, généalogiste de sa maison, en juin
1700, à M. le maréchal de Boufflers, sur la naissance
de messieurs les officiers du régiment des gardes
françoises, — rapport copié sur l'original par
M. Stéphane de Merval, qui veut bien nous com-
muniquer les détails qui suivent, — on lit :
« M. de Collandre (sic), lieutenant, originaire do
(1) Voir FariD, édition de 1738, t. I, pages 500 et ROI. — 6 vol.
in-12.
(2) Le 21 octobre 1714, mourut, à Eauplet, dans la maison de
M. Legendre, le comte de Sézanne, frère du maréchal duc d'Har-
court, lieutenant-général des armées du roi. N, Périanx; Histoirr
(le Rouen.
VIII NOTICE.
« Rouen, son nom est Legendre, lils du sieur Le-
« gendre l'un des plus riches marchands du royaume,
« anobli par lettres patentes de mars 1685, et
« d'Esther Scott delà Mésangère; d'une famille
« d'ancienne noblesse d'Ecosse, maintenant dans
« ses droits en France, par lettres de 1644.
« L'aîné, Guillaume Legendre,sieurdeRomilly(i),
« fut reçu Conseiller au Parlement de Rouen en
« 1695.
« Le second, Thomas, sieur de Gollandres de
« Gaillefontaine (2), d'abord officier aux gardes
« françoises, mourut le 1" mars 1738, maréchal de
« camp des armées du roi, et commandeur de Saint-
« Louis; marié, le 12 août 1715, à Marguerite-Ca-
« therine-Madelaine Le Voyer d'Argenson ; il en
« eut trois enfants : 1° Louis-Marie, mort sans être
« marié ; 2° Alexandre- Jacques-Pierre, dit le mar-
« quis de Gollaux, mort le 19 novembre 1752, bri-
a gadier des armées du roi, sans enfants de Marie-
« Catherine de Gravelle, et 3" Marie-Catherine,
« mariée à Gabriel-Armand de Montmorin, comte
« de Saint-Hérem, dont le comte de Montmorin,
« ministre de la marine sous Louis XVL
a Le troisième enfant de Thomas Legendre de
« Collandres, anobli en 1685, Charles de Berville
(1) Né en 1672. — Registres de Quevilly.
(2) Né en 1673. — Registres de Quevilly.
NOTICE. IX
o de Quincœnon et du Tilleul, dame Agnès (1),
« d'abord officier aux gardes françoises, mort le
« 7 avril J746, lieutenant des armées du roi, com-
«■ mandeur de Saint-Louis, marié, le 16 mars 1708,
et à Eléonore d'Estang de Saillans, dont il eut un
« fils, Pierre-Hyacinthe, dit le marquis de Berville,
« colonel du régiment de Rouergue, en 1735, bri-
« gadier des armées du roi, le 2 mars 1744, maréchal
« de camp, le 1" janvier 1748, lieutenant général,
« le 1" mars 1758, commandeur de Saint-Louis,
« mort le 27 février 1762, marié, le 17 mars 1737, à
« sa cousine germaine, Marie-Adélaïde Legendre de
« Maigremont.
« Le quatrième, appelé M. de Maigremont (2),
a capitaine aux gardes françoises, fut tué à la ba-
« taille de Ramillies, le 23 mai 1706, et ne laissa
« qu'une fille, celle mentionnée ci-dessus. »
Le quatrième enfant de Thomas Legendre, ancien
du Consistoire de Quevilly, et sœur de notre auteur,
Judith, épousa, le 1" juillet 1657, à dix-huit ans,
Pierre Bar, marchand à Londres, fils de Pierre Bar,
marchand de Rouen. — Il devait faire aussi le com-
merce de mer; car nous voyons qu'en 1681 un jeune
Maure, du Sénégal, Pierre Thomas Banicq, âgé de
quatorze ans, serviteur de Pierre Bar, de Londres,
(1) Né en 1679. — Registres de Quevilly.
(i) Né en 1680. — Registres de Quevilly.
X NOTICE.
lut baptisé en l'église de Quevilly. Il eut pour par-
rain Thomas Legendre, ancien, et, pour marraine,
Judith Legendre, épouse dudit Pierre Bar.
Le cinquième enfant, frère de Philippe, Lucas,
mourut à Rouen, en 1659, à l'âge de dix-huit ans,
ayant été noyé, ainsi que le constate l'acte de décès
du registre de Quevilly.
Le sixième, Pierre, né le 16 janvier 1642, secré-
taire du roi, se convertit au catholicisme, lors de la
révocation de l'Edit de Nantes.
Nous n'avons pas de traces du septième enfant,
Jean, né le 12 avril 1643, non plus que du neuvième,
Adam, né le 11 mai 1646.
Le huitième, Marie, épousa, le 16 janvier 1675, à
trente et un ans, le sieur Michel Heusch, marchand
à Paris.
Le dixième, Suzanne, épousa, en décembre 1671,
à vingt-deux ans, Pierre Ghappelier, sieur de la
Varenne, fils de Philippe, seigneur de Rames, près
Saint-Romain-de-Golbosc, dans le pays de Gaux.
Les deux derniers enfants d^ Thomas Legendre
et de Françoise de Saint-Léger, Anne et Esther,
moururent en très-bas âge, à Rouen.
On comptait, à Rouen, parmi les protestants, plu-
sieurs familles du nom de Legendre ; mais les re-
gistres de l'église, antérieurs à 1595, ayant été
détruits, nous n'avons pu vérifier si elles étaient
alliées à celle de notre auteur. Voici leurs noms :
NOTICE. XI
1618. Nicolas Legendre, maître tellier (loilier),
paroisse Saint-Vivien, fils de Daniel et de Marie
Lhuillier, marié à Madelaine Lambert. — Dix en-
fants, de 1622 à 1642.
1648. Adam-Gabriel Legendre, marchand, d'abord
paroisse Saint-Cande-le- Vieux, puis paroisse Saint-
Vincent, fils de Denis et de Marie Lécuyer, marié à
Madelaine Ouvry. — Huit enfants, de 1649 à 1664.
1658. Pierre Legendre, marié à Martine Gouel. —
Trois enfants, de 1659 à 1663.
De 1621 à 1671, un nommé Pierre Legendre fut
curé d'Aumale et principal du Collège, docteur en
théologie et en Sorbonne. On a de lui YOraison
funèbre de Jacques Mahieu, curé de Gaillefontaine,
imprimé en 1672. On pense qu'il était parent des
Legendre, de Rouen. On ne trouve, à cet égard, au-
cuns renseignements sur les registres de Quevilly.
On suppose aussi, comme étant de la même
famille, Louis Legendre, historiographe de France,
chanoine de la Cathédrale de Rouen, abbé de Glaire-
fontaine*, auteur de la Vie du cardinal d'Amboise et
d'autres ouvrages assez estimés. Son père et son
grand-père, originaires de la Ferté-Fresnel, au pays
d'Ouche, étaient catholiques, ce qui nous fait douter
de sa parenté avec la famille de notre auteur :
Louis Legendre naquit à Rouen, en 1655, et mourut
à Paris, en 1733.
XII NOTICE.
Philippe Legendre, comme la plupart des pastetirs
originaires de la Normandie, a dû faire ses études
Ihéologiques à Saumur ou à Sedan ; c'est ce qu'il ne
nous a pas été donné de vérifier; mais, grâce à
l'obligeance de M. Jules Bonnet, secrétaire du Co-
mité de la Société de l'Histoire du protestantisme
français, nous savons que son nom ne figure pas
sur la liste des élèves de la Faculté de Genève. On
manque de renseignements sur sa jeunesse. On sait,
du reste, combien les recherches sur la vie des
protestants offrent de difficultés : les documents qui
les concernent, ayant été dispersés ou détruits.
On voit, d'après les registres de Quevilly, qu'il
commença à exercer le ministère évangélique dans
sa ville natale, en 1671, et qu'il le continua jusqu'à
la révocation de l'Edit de Nantes. Il avait pour col-
lègue le célèbre Jacques Basnage, beaucoup plus
jeune que lui. On verra, dans le récit de la Persécu-
tion de l'Eglise de Rouen, la part qu'ils prirent, l'un et
l'autre, aux événements; nous ne nous étendrons
donc pas sur ce sujet. Ils durent s'exiler en Hol-
lande, à Rotterdam. C'est là qu'ils retrouvèrent une
l)artie de leur troupeau. Dumont de Bostaquet, dans
ses mémoires, nous apprend qu'une des auberges
de cette ville, après l'arrivée des Rouennais, avait
pris pour enseigne : Hôtel de Hoiien; nos réfugiés y
abondèrent en effet.
NOTICE. XIII
Les commerçants de Rouen étaient, depuis de
longues années, en rapport avec la Hollande; beau-
coup de marchands hollandais et allemands étaient
venus, vers le milieu du xvii^ siècle surtout, s'établir
dans nos murs. Nous citerons les suivants :
André Amsing, Hams Coq, Herman Welken, de
Hambourg; Pierre de Gier, de Rotterdam; Pierre
Vandersprang, de Harlem; Antoine Vandershulsl,
de La Haye; Jean de la Grave, d'Amsterdam; André
Ficq, de Delft; Henry Ocghusen, d'Utrecht. Il y
avait aussi à Rouen des marchands venus d'Angle-
terre et d'Ecosse. En se dirigeant dans ces contrées,
lors des persécutions, nos Rouennais y rencontrèrent
de nombreux amis; car, beaucoup de nos conci-
toyens, dans le courant du xv!!"" siècle, étaient allés
volontairement s'établir en Hollande et en Angle-
terre. Citons seulement : Pierre Lheureux, à Ams-
terdam; André Dumont, à Leyde; David Sarrazin,
Pierre Bar et David Foulcaut, à Londres.
Peu de temps après son arrivée à Rotterdam, Phi-
lippe Legendre, âgé de plus de cinquante ans, épousa
la tille de Pierre Thomines, sieur du Bosc, pasteur
de Gaen, issue du mariage de ce dernier, on 1657,
avec Anne de Cahaignes, tille de maître Estienne de
Gahaignes, écuyer, sieur de Verrières, docteur, pro-
fesseur en médecine dans l'Université de Gaen.
En 1694, il avait trois enfants : Pierre. Thomas et
Françoise.
XIV NOTICE
A son arrivée à Rotterdam, il fut nommé pasteur
de l'Eglise française de cette ville, ainsi que son
collègue Jacques Basnage ; comme lui et comme
Ijeaucoup d'autres pasteurs, il fut en butte aux at-
taques de l'irascible Jurieu, beau-frère de ce der-
nier, qui, sur le simple soupçon qu'il était l'auteur
d'un écrit relatif aux petits prophètes duDauphiné,
l'accusa devant le Consistoire d'entretenir des cor-
respondances en France, et de nourrir une haine
secrète contre l'Etat. Legendre lui répondit en le
traitant de calomniateur et de malhonnête homme,
et le somma de lui faire réparation. Le Consistoire
ordonna que l'accusation fut lacérée en présence de
l'accusateur (1).
Il n'eut pour vivre que le traitement qui lui fut
alloué par le gouvernement hollandais. L'église de
Rouen doit un souvenir reconnaissant à cette géné-
reuse nation, qui se montra si hospitalière envers
nos réfugiés. Elle en fut récompensée, car ils l'enri-
chirent par leur industrie.
On n'avait, jusqu'à présent, aucun renseignement
sur les dernières années de la vie de Philippe Le-
gendre ; mais nous avons découvert, dans les lettres
inédites de Pierre Basnage de Bellemare, frère du
pasteur Jacq. Basnage, ancien capitaine de cavalerie
(1) Haag. — France prolestante, article Legendre.
NOTICE. XV
au service de la Hollande, et ami de rhistorieii
Rapin Thoyras, qui sont en dépôt aux archives de
la préfecture de la Seine-Inférieure, après avoir
été découvertes dans celles du Palais-de-Justice
de Rouen, par son honorable greffier-archiviste,
M. Gosselin, que Ph. Legendre vivait en 1725.
Au 21 août de ladite année, ledit Pierre Basnage,
époux de Julie Brachon de Senitot-Bévilliers, et
demeurant au manoir seigneurial de Bévilliers, prés
Harfleur, écrivait au chevalier Asselin de Frenelies,
((ui avait été employé aux conférences d'Utrecht, et
qui était l'ami de son frère et le sien, ce qui suit :
^< Notre jeune homme (Henry Bauldry, son ne-
« veu) (1), a grande envie de se défaire d'Yberville,
<( ayant un mariage en tête avec une fille de M. Le-
« gendre, qui n'est pas trop de mon goût. L'alliance
« est bonne ; mais deux gens qui n'ont pas un grand
« fond feront un triste ménage. Outre qu'avec les
« espérances qu'il peut avoir, il aurait pu se procu-
« rer un meilleur établissement, l'amour ne résonne
« point; c'est ce qui m'a un peu refroidi à son
« égard. »
Les espérances de Henry Bauldry ne purent se
réaliser; des obstacles empêchèrent le comte de
(1) Henry Bauldry, fils de Paul Bauldry, sieur d'Yberville Hoc-
quiguy et Thoureil, et de Madelaiue Basoage, résidait à Uotter-
dalii, où il s'occupait d'affaires de banque.
XVI NOTICE.
Manneville, gouverneur de Dieppe, parent d'Asselin
de Frenelles, de faire l'acquisition d'Yberville. On
sait que Paul Bauldry, gendre de Henry Basnage
de Franquesnay, commentateur de la Coutume de
Normandie, en se réfugiant en Hollande, avait aban-
donné en France ses biens, qui étaient considé-
rables.
Henry Bauldry, après avoir épousé la lille de Ph.
Legendre, écrivait à de Frenelles :
« Si vous avez été à Dieppe, vous y aurez trouvé
« mon parent marié (1), qui y garde sa femme avec
« plus d'assiduité que moi, quoique j'aie lieu d'en
« être content, Dieu merci ! Je vous remercie bien
« des souhaits que vous avez la bonté de faire pour
»■ notre bonheur. »
Quelques années auparavant, après la mort du
roi, il écrivait au même :
« Il semble qu'on n'ait en vue que la ruine de la
« nation. Qui aurait jamais cru que Louis XIV eût
« pu être regretté et être admis, dès à présent, au
« rang des bons princes? »
Les réfugiés de Rouen supportèrent avec calme
les douleurs de l'exil. On ne trouve ni dans leurs
livres, ni dans leurs lettres, d'imprécations contre
leurs concitoyens et leur pays. |Jacq. Basnage, leur
(i) Morisse, de Dieppe.
NOTICE XVII
chef, lui, va jusqu'à dire (1) : « On dit que vous avez
« vos inquiétudes que cause non-seulement l'âge,
« mais la santé du roi. Les choses sont tellement
« changées icy, qu'on y prie Dieu pour sa conser-
« vation, parce qu'en cessant de le craindre, on
« a commencé à l'aimer. »
Nous trouvons dans une autre lettre de Pierre
Basnage de Bellemare, de la fin de Tannée 1725, le
passage suivant, qui a trait aux derniers jours de
notre auteur : « Mynheer Bauldry espère toujours
« en vos bons et gracieux soins (la vente d'Yber-
« ville), il me marque que le bonhomme M. Le-
« gendre prend congé de ce monde, s'afFaiblissant
« tous les jours; il a, je crois, quatre-vingt-neuf
« ans. "
Au sujet du Temple de Quevilly, voici ce que rap-
porte Farin : « Les mémoires de saint Oiien disent
« que les Huguenots, le samedi 2i avril 1563, eschel-
« lèrent l'église du Grand-Quevilly, où ils rompirent
« les ornements et meubles d'icelle église, et offen-
« seront plusieurs des paroissiens ; ce fait, ils pas-
« seront à Dieppedalle, vers Croisset. C'est dans
« cette paroisse (2) qu'ils avaient bâti un ouvrage
« des plus curieux qui fut en France : c'était leur
(1) Lettres à Asselin de Frenelles, rue Saint-Godard, à Rouen,
— De La Haye, août 1715.
(2; Grand-Quevilly,
3
XVIII NOTICE,
« prêche. Cek édifice était en dodécaèdre, c'est-à-
« dire de douze pans égaux, autour duquei régnait
« en dedans une galerie à triple étage. Il avait 270
<^ pieds de tour, 90 de diamètre, 66 de hauteur. Il
^' était éclairé de 60 fenêtres, et pouvait contenir
c' 10,700 personnes (1). Il n'était soutenu d'aucun
« pillier, quoiqu'il fut tout de charpente. Une clef
« de hois, à laquelle toutes les autres venaient
« rendre, en fermait le comble. Le charpentier qui
« l'entreprit s'appelait Gigouday (2) ; il le commença
« en 1600; il fut achevé en 1601. Cet ouvrage fut
« démoli en 1684, les démolitions données aux hô-
« pitaux, et la cloche à Saint-Martin-du-Pont. »
M. Auguste Leprevost, dans sa Notice sur les deux
Quevilly (le grand et le petit), lue le 16 mars 1818 à
la Commission départementale des Antiquités, et,
à l'Académie de Rouen, le 12 mars 1819, après avoir
donné les détails que Farin nous a laissés, ajou-
tait :
a Je regrettais qu'il n'existât ni plan ni figure
« d'une pièce de charpente si remarquable, lors-
« qu'un heureux hazard m'a rendu propriétaire d'un
« livre intitulé : Histoire de la Persécution, etc. J'y ai
". trouvé, avec beaucoup de joie, deux gravures
(1) Legeudre dit 8,000; mais il pouvait, au besoin, contenir le
chiffre indiqué par Farin.
(2) Gigouday ou Gigoudé (Jeuffroy), marié à Madelaine Leblond.
NOTICE. XIX
K représentant l'élévation, le profil et le plan de ce
« curieux monument. Peut-être TAcadémie trou-
ve vera-t-elle quelqu'intérèt à les voir. »
Il disait, de plus, qu'il y avait à Quevilly, — ce
qui est bien connu, du reste, — des dépôts de li-
brairie à l'usage des protestants ; les livres portaient
même le nom de Quevilly au lieu de celui de
Rouen (t).
On évalue à 180,000 le nombre des protestants de
la Normandie, et à 20,000 ceux compris dans la gé-
néralité de Rouen. Le premier chifïre peut être con-
sidéré comme à peu près exact ; mais le dernier est
tout-à-fait insuffisant : La ville de Rouen, avec ses fau-
bourgs et les communes voisines, en contenait six
à sept mille; nous nous basons, pour établir cette
évaluation, sur les registres de Quevilly. A Dieppe,
il y avait plus de 10,000 protestants. Elbeuf avait le
cinquième de ses habitants qui professaient la reli-
gion réformée. L'église de Lintot (Bolbec) était
nombreuse. Restaient les églises assez compactes
de Pont-Audemer, Caudebec, Sanvic (le Havre),
Sénitot (Harfleur), Luneray, Sancourt et beaucoup
d'autres. En portant à 40,000 le chiffre applicable à
(1) Noms des principaux libraires-imprimeurs protestants de
Rouen au xviie siècle : Claude Levillain, Centurion Lucas et ses
enfants, Les Callouë, David et Pierre Geuffroy, Jean et David
Berthelin, Jacq. Delamotle.
XX NOTICE.
la généralité de Rouen , nous pensons ne pas être
au-dessus de la vérité.
L'espace resserré d'une notice nous interdit d'en-
trer dans aucun commentaire sur le récit de Le-
gendre; les faits, d'ailleurs, parlent d'eux-mêmes.
L'acte odieux , non moins qu'impolitique , de
Louis XIV a été jugé par tous les historiens im-
partiaux; nous ne pourrions rien y ajouter. Nous
nous bornerons à faire remarquer qu'à partir de la
moitié du xvii'= siècle, les haines religieuses étaient
apaisées; catholiques et protestants vivaient en
paix. On laissait, comme le ditBasnage de Beauval,
en partage à quelques dévots les haines que la diffé-
rence des religions, les guerres civiles et les mas-
sacres avaient allumées. Nos populations normandes
étaient de mœurs douces. Les classes éclairées,
surtout, n'avaient plus de haine contre les protes-
tants, et la population ne s'associa qu'à contre-
cœur aux mesures rigoureuses dirigées contre eux
par les ordres de la cour. Les administrations locales
se montrèrent aussi tolérantes que possible, disons-
le bien haut à leur honneur; car, après la démolition
du temple de Quevilly, les autorités de Rouen per-
mirent aux protestants de célébrer leurs baptêmes
et mariages dans une des salles de la maison de ville,
par un pasteur venu du dehors (1).
(i; Registres de Quevilly.
NOTICE. XXI
Les principaux marchands de la ville ne turent
pas trop inquiétés, et purent réaliser leur fortune
dans les années qui suivirent la révocation de l'Edit
de Nantes. Il est vrai que la plupart firent simulacre
de se convertir; mais, quoiqu'ils ne fissent guère
profession de leur nouvelle religion, on consentit à
fermer les yeux.
Le comte d'Avaux, en 1687, écrivait à la cour :
« J'ose prendre la liberté de dire à votre Majesté
« que si on traitait les nouveaux convertis dans
« toute l'étendue du royaume de la même manière
tt qu'ils le sont à Paris et à Rouen, il n'en serait pas
a sorti la moitié. »
En 1687-88, il sortit encore de Rouen 250 mar-
chands, y compris le sieur Cossart, le plus opulent
d'entre eux; ces réfugiés retardataires rejoignirent
leurs concitoyens en Hollande, en Angleterre et en
Allemagne.
A part la noblesse qui embrassait exclusivement
les carrières libérales, comme magistrats, avocats,
pasteurs, militaires, administrateurs, les protestants
de Rouen s'occupaient d'industrie et de commerce ;
c'est ce qui ressort des registres de Quevilly. La
ville de Rouen ne comptait dans son sein, parmi
eux, qu'un nombre fort restreint d'artisans; mais il
s'en trouvait un assez grand nombre dans les petites
villes et dans les campagnes. Avec l'aide de docu-
XXII NOTICE.
ments nombreux, nous avons pu constater que, sous
le rapport de l'instruction, ils ne le cédaient guère
à la noblesse et à la bourgeoisie. Il est donc permis
de dire, avec M. Frédéric Baudry, que si Télément
protestant avait pu pencher dans la balance, lors de
la Révolution de 1793, bien des malheurs auraient
été conjurés (1).
Nous ne pouvons terminer cette notice sans con-
sacrer quelques lignes à Jacques Basnage, le col-
lègue de Philippe Legendre, né à Rouen, le 8 août
1653, qui s'exila en Hollande en même temps que
lui.
Jacques Basnage était non-seulement un très-
Ci) N'est-il pas permis de penser que l'esprit philosophique du
xvuie siècle se sérail moins porté aux extrémités si le protestan-
tisme se fut trouvé là pour ménager la transition ? On peut aussi
regretter, à l'origine de la Révolution, l'absence de la bourgeoisie
prolestante qui, avec son sérieux et sa solidité, lui eut peut-être
communiqué l'élément modérateur et pratique qui lui manqua.
Par le rôle, à la fois sage et ferme, que les puritains venaient de
jouer dans l'établissement des Etats-Unis d'Amérique, on peut
juger de ce que la France perdit à ne plus posséder leurs frères.
La vengeance fut plus directe aux mauvais jours de la Révolu-
tion. On copia les lois les plus furieuses conlre les émigrés, les
suspects et les prêtres réfractaires, là où on les trouvait loutes
faites, c'est-à-dire dans les édits de Louis XIV et de Louis XV
contre les protestants. — F. Baudry. Journal de Rouen, 20 oc-
tobre 1864.
NOTICE. XXIII
habile homme; mais, — ce qai vaut mieux encore,
une âme droite et généreuse (1); il fut employé aux
conférences d'Utrecht. Chargé d'une négociation
secrète avec le maréchal d'Uxelles, il s'en acquitta
avec succès. En 1716, le duc d'Orléans, régent, en-
voya l'abbé Dubois à La Haye, en qualité d'embas'
sadeur, pour négocier un traité d'alliance défensive
entre la France, l'Angleterre et la Hollande; il lui
prescrivit de s'adresser à Basnage, et de se gouver-
ner en tout par ses avis. L'amour de la patrie n'était
pas refroidi dans le cœur de l'exilé ; il s'employa
avec zèle à seconder la négociation, et l'alliance fut
conclue en 1717.
Basnage avait conservé de précieuses amitiés
dans sa ville natale (2); il resta en rapport avec
quelques membres du Parlement, principalement
avec M. de la Ferté, Claude-Emmanuel Langlois de
Colmoulins, le premier Président Camus de Ponl-
carré (Nicolas-Pierre), tous fort empressés à lui
demander de leur envoyer les ouvrages de Bayle,
et VHistoire des Ouvrages des savants, de son frère
Henry; puis, avec le duc de Luxembourg, l'acadé-
micien abbé Gaspard Abeille, secrétaire de ce der-
(1) Lettres de Bayle.
(2) Analyse de quelques lettres de Jacq. Basnage, par M. Le-
vesque, conseiller à la Cour de Rouen. — Bulletin des travaux
de V Académie de Rouen, 1859.
XXIV NOTICE.
nier, Nicolas Mesnager, le diplomate; le baron de
Monville, Besongne, le libraire.
Au dehors, il avait pour amis : le savant abbé
Passionéi, depuis cardinal, et ennemi des Jésuites,
le marquis de Monteléon, plénipotentiaire d'Es-
pagne, à La Haye, MM. de Châteauneuf et de Mor-
ville, ambassadeurs de France, sans compter un
nombre infini de personnages éminents de l'époque
et de tous les pays.
Le cardinal Dubois, de triste mémoire, avec le-
quel, comme nous le disons plus haut, Basnage
avait été en rapport en Hollande, alors qu'il n'était
que simple abbé, ne put s'empêcher, malgré qu'il
ne fut plus, depuis son élévation, en correspondance
avec lui, de lui garder les meilleurs souvenirs.
En septembre 1719, Pierre Basnage deBellemare
écrivait au chevalier de Frenelles (1) :
« J'allai à Versailles prendre congé de son émi-
« nence, qui me reçut fort gracieusement, me serra
« la main et me chargea de ses amitiés pour mon
« frère. »
En juillet 1722, le même écrivait : « J'allai à Ver-
« sailles, j'eus l'honneur d'y saluer son Eminence
« Monseigneur le cardinal, qui me reçut gracieuse-
{l) Archives de la Seine- Inférieure. — Lettres inédites de
Pierre Basnage,
NOTICE. XXV
« ment et m'assura qu'il n'oublierait jamais les
« honnêtetés qu'il avait reçues de mon frère. »
En mai 1723, Suzanne Du Moulin, épouse de Jacq.
Basnage, en annonçant à de Frenelles que le por-
trait de son mari, peint par le célèbre VanderwefT,
qui lui était destiné, était terminé, lui disait : « Vous
« aurez un portrait du plus grand peintre de la
<c Hollande, et, les connaisseurs qui ont vu votre
« portrait, ont conclu qu'il fallait que mon mari
« vous aime bien tendrement pour vous l'envoyer;
« car vous savez bien qu'il est assez fêté dans notre
« parti, et il Test aussi dans le vôtre. »
Jacques Basnage mourut à La Haye, le 21 dé-
cembre 1723. Voici la lettre que Henry Bauldry, son
neveu, qui devait, deux ans plus tard, épouser la
fille de Ph. Legendre, écrivait, le 23 décembre, au
chevalier de Frenelles :
« C'est avec une vive douleur que je vous apprens,
« de la part de M""' Basnage, la perte qu'elle a fait
« de son cher mary, qui a rendu son âme à Dieu,
« le 21 de ce mois, à cinq heures du matin, ayant
«■ conservé sa cognoissance entière et la parole
K libre jusqu'à environ sept heures avant sa mort,
« qu'on peut dire qu'il s'est endormi au Seigneur et
« qu'il se repose de ses travaux. M™* Basnage, per-
« suadée de votre chère amitié, ne doute nullement
« que vous ne preniez part à sa grande affliction.
4
XXVI NOTICE.
Elle a perdu un digne mary qu'y l'aimait tendre-
ment et qu'y faisait tout l'agrément de sa vie, et
vous, Monsieur, vous y avez perdu un bon amy,
qu'y vous estimait infmiment, et je scay que vous
n'étiez pas insensible à son amitié, laquelle, cer-
tainement, méritait bien d'être cultivée. Pardon-
nez-moi cet éloge en faveur d'une personne à qui
j'ay le bonheur d'appartenir, et dont la mémoire
me sera, toute ma vie, en vénération. Sa veuve
vous demande la continuation de votre amitié, et
que celle que vous aviez pour notre cher défunt
lui soye réunie, afin quelle en puisse avoir une
double portion. En mon particulier, je vous prie
de me croire très-sincèrement votre très-humble
et très-obéissant serviteur. »
Parmi les protestants de Rouen, signalés comme
suspects au gouvernement dans un mémoire de
1689, figurent, en même temps que Henry Basnage
de Franquesnay, avocat, père de Jacq. Basnage,
Marguerite Ghéradame, âgée de cinquante-huit ans
(voir à l'appendice, page 175), veuve de Thomas
Fulgent, vendeur de planches et interprête pour la
langue anglaise, paroisse Saint- Vivien; François
Fulgent, son fils, et François Lemercier, son gendre.
L'imprimeur de ce livre et l'auteur do cette Notice
sont des descendants de Thomas Fulgent et de Marie
Ghéradame. Ils pensent accomplir un devoir filial
NOTICE. XXVIt
en revendiquant et en mettant en évidence les noms
oljscLirs de leurs ancêtres qui, de même que ceux
mentionnés dans le récit de Legendre, ont lutté pour
la liberté religieuse. Les enfants de Marie Chéra-
dame ont été, jusqu'à la Révolution, en butte à des
vexations sans nombre, qu'il est inutile d'énumérer
ici. Le 5 août 1786, un de leurs descendants dut
encore être baptisé dans l'église catholique, à Sain-
neville, dans le pays de Gaux.
Il est juste, sans dcule, d'honorer les talents qui
se produisent dans le domaine des lettres et des
sciences, et d'entourer d'une considération méritée
toute vie consacrée au bien de l'humanité; mais on
ne saurait, sans ingratitude, laisser dans l'oubli ceux
qui, en observant les lois de leur pays, ont combattu
et souffert pour la liberté de conscience.
L'ouvrage de Ph. Legendre a été mis à profit par
plusieurs de nos écrivains normands : M. Floquef,
dans sa remarquable Histoire du Parlement de Nor-
mandie, lui a fait de nombreux emprunts; M. Francis
Waddington, notre coreligionnaire, enlevé trop tôt
aux lettres et aux recherches historiques qu'il aimait
avec passion, le cite aussi dans son histoire Le
Protestantisme en Normandie. Il est devenu, do nos
jours, de la plus grande rareté; peu de Bibliophiles
normands le possèdent; on l'a vu bien rarement
passer dans les salles de ventes à Paris et à Rouen.
XXVIII NOTICE,
En mai 1850, il iigurait sur le catalogue de la biblio-
thèque de M. G. Fontaine, courtier à Rouen, et, à
Paris, en 1863, sur celui du comte d'Auffay, où,
faute d'amateurs sérieux, il fut adjugé pour la mo-
dique somme de 12 fr.; depuis lors, il a disparu des
ventes publiques. A part la Bibliothèque de la ville
de Rouen, qui le possède, et quelques rares biblio-
philes, on n'en connaît très-peu d'exemplaires.
Outre le volume que nous faisons réimprimer,
Ph. Legendre est auteur des ouvrages suivants :
!" La défense et la destruction de l'Antéchrist ou denx
minons sur II Thess. II-8. Rotterdam, 1688; în-I2;
2° La Vie de Pierre Thomines, sieur du Bosc, ministre
de Caen, imprimé avec les lettres de du Bosc. Rotterdam,
1694; in-8, et Amsterdam, Wetstein, 1716; in-8.
Sur rédition originale, à la suite de VHistoire de la
Persécution faite à l'Eglise de Rouen, ont été ajoutés
cinq sermons du même auteur :
1" Daniel III, 18. La Désobéissance légitime;
2" Luc XVIII, 29-30. La Piété dédommagée;
3° Esaïe I, 21. Le Changement déplorable;
4° Hébreux XIII, 3. Le charitable Souvenir;
5° Exode XXXII, 11 à 13. La prière de Moïse.
Ces sermons sont écrits avec une grande modé-
ration. Comme le style en a vieilli et qu'ils ne se
rattachent pas d'une manière directe aux faits expo-
sés dans le livre, nous ne les avons pas reproduits, et
NOTICE. XXVIX
les avons remplacés par un appendice, dans lequel
on trouvera :
1° Le compte-rendu du livre de Ph. Legendre,
par Henry Basnage de Beauval, inséré dans son
Histoire des ouvrages des savans ;
. 2° La liste des nobles protestants au xvir siècle,
dont les noms ligurent sur les registres de Quevilly;
3" La liste des églises de la Haute-Normandie au
xvii^ siècle ;
4" Les noms des protestants restés à Rouen en
1689, et signalés au gouvernement de Louis XIV;
5° Renseignements sur les noms des personnages
cités dans la préface du livre de Legendre ;
6° Notes sur quelques noms cités dans le récit de
Tauteur.
Nous devons au talent bien connu de notre col-
lègue, M. Jules Adeline, la reproduction fidèle des
deux plans qui accompagnent l'ouvrage.
L'exemplaire qui nous a servi pour la réimpres-
sion, nous a été confié par M. Alfred Canel, de Pont-
Audemer, notre excellent ami et collègue, biblio-
phile savant et bien connu, auteur de nombreux
et intéressants ouvrages sur la Normandie; nous lui
adressons ici nos remercîments. On ne trouve pas
toujours, il faut bien le dire, chez les bibliophiles,
XXX NOTICE.
son esprit libéral; et beaucoup trop d'ouvrages
restent immobiles dans les rayons de leurs biblio-
thèques. Il appartient aux hommes de savoir et de
progrès de rendre vraiment utile le goût des livres
en faisant servir au développement de la science
historique, ceux qui se trouvent entre leurs mains.
Nous ne saurions, en terminant, passer sous
silence les précieuses indications qui nous ont été
données par M. Gh, de Robillard des Beaurepaire,
l'honorable archiviste de notre département, et par
M. Stéphane de Merval, de la Société des Bibliophiles
normands, à qui nous sommes entièrement rede-
vable des renseignements concernant les descen-
dants de Thomas Legendre de GoUandres, anobli
en 1685.
Emile LESENS.
Rouen, mai 1874.
HISTOIRE
DE LA
PERSECUTION
Faite a l'Eglife de
ROUEN
Sur la fin du dernier fiecle.
A ROTTERDAM
Chez JEAN MALHERBE
dans le KcyJersftraat 1704.
V I
A U
LECTEUR.
Et ouvrage aiant été drelîé fur
les mémoires qui fe failbient a
mesure que les choies arrivoient,
on y parle de diverfes perfones, qui font
mortes, comme fi elles étoient encore vi-
vantes. Il faut mettre en ce rang le Pro-
cureur gênerai, le Raporteur, & la plufpart
des juges du procès qui ont déjà rendu
compte a Dieu de la procédure dont on fe
plaint dans cette Hiftoire. On y a joint les
Arets qui ont ruiné l'exercice de TEglife;
les Fadums & les defenfes que les Palleurs,
qui la fervoient firent alors, pour détourner
un
AVIS AU LECTEUR.
un 11 grand malheur : comme ne lervant
pas peu a réclairciffement de la matière.
On y a encore ajouté cinq Sermons, pour
confoler les Fidèles ; pour leur faire conoître
de plus en plus leur devoir & les encourager
a s'en aquiter, genereufement, jufqu'a la fin.
Enfin on n'y a pas oublié le plan du Temple
démoli; que le Sieur Nicolas Genevois avoit
laifle a fa famille.
Les fraiz de l'Edition ont été fournis pour
la plufpart par les Fidèles de Rouen réfu-
giés dans ces Provinces. Ils fe font fait un
devoir de laifTer a la Pofterité THiftoire des
malheurs du Troupeau, dont ils étoient
membres. Meffieurs Abraham le Cordier,
Abraham Thiens, Pierre Tranchepain, Sa-
muel Cognard, Pierre de Caux & Jaques
Coffart, qui étoient de fes condudeurs les y
ont
AVIS AU LECTEUR.
ont portés & par leurs paroles, & par leur
exemple.
Depuis rimpreflîon de cet Ecrit, Von a
apris que l'Intendant de la Bourdonnaye
n'étoit pas perfecuteur d'inclination; qu'il
ne faifoit du mal, que lors que le premier
Préfident qui ne Taimoit pas, & qui l'obfer-
voit, étoit a Rouen .
HISTOIRE
De la peii'ecution l'aile a TEglife de Rouen
fur la tin du dernier fiecle.
'Exercice, que les Reformés avo-
ient dans le voifinage de la ville
|> de Rouen êtoit fondé sur TEdit
de Nantes. G'etoit un second
lieu de Balliage; qui leur avoit été premiè-
rement marqué a Diepdale, par un Brevet
du Roy Henry 4" de glorieule mémoire, don-
né a Blois le i-^" Aoull iSqq : il fut depuis
transféré au grand Quevilli, a caulé de Tin-
commodité du lieu, par un autre Brevet en
datte du 2^ Novembre 1599.
Les Fidèles en prirent pôlfelOon, du con-
fentement du Duc de Montpenfier Gouver-
neur de la Province, qui mit son Attache
au dernier Brevet donné a Saint Germain en
La3'^e, le 6" dudit mois & an. Ils en joui-
rent affés paifiblement jusqu'à la mort du
Roy : malgré la mauvaife difpofition du Par-
A le-
2 Hijioire de VEglifc
lement, qui ne put se relbudre a enre^îtrer
TEdit en fa forme & teneur; qu'au mois de
juillet de Tannée 1607 : & a la troifiême juf-
fion, qui lui enfut faite. On ne les troubla
pas même dans leur poffeffion, après la mort
de ce grand Prince. Au contraire ils y furent
confirmés par une ordonnance des Commif-
faires envoyés dans la Province a la fin de
Tannée 1 6 1 1 . Encore faut il remarquer qu'el-
le ne les maintient pas feulement dans la pof-
feffion de leur exercice a Quevilli : mais quel-
le leur permet même de le transférer au Bois
guillaume, en cas d'hoftilité; d'inondation,
de pefte et d'autres empeschemens.
Le Temple que TEglife de Rouen avoit a
Quevilli étant bâti fur de fi bons fondemens,
il y avoit lieu de croire quel dureroit autant
que la Monarchie Françoife : veu particuliè-
rement le soin que les Princes, ont pris de
les en alfurer, a leur avènement a la Couron-
ne, par des déclarations authentiques : &
celuy qu'ils ont eu de leur cofté de ne rien
faire, qui les rendit indignes de la protecti-
on des Puiffances que Dieu a élevées sur
eux Cependant il fut fermé le trois de Janvier
i685, insulté peu de temps après, par^ les
Ecoliers des Jefuites au nombre defquels étoit
un Fils du Prefident d'Amfreville, faisant
alors la fondion de Premier Prefident au Par-
le-
de Rouen. 3
lement : & enfin condamné a être rasé par
l'Areftdu 6* Juin, exécuté un mois après quil
eut été rendu.
On avoit eu divers présages d'un fi grand
malheur. Il avoit paru les vingt dernières
années qu'il a été debout, une prodigieuse
quantité d'Arêts& de Déclarations qui avoient
peu a peu ruiné tous nos Privilèges. On en
avait même veu où Ton abaiffoit la majefté
Royale, jufques a la faire intervenir pour re-
trancher les bras & les dolîîers de tous les fie-
ges; ou il enpouvoit avoir dans les Tem-
ples : <& dans le même tems que Ton abatoit
ainfi les bancs des fidèles, on y en elevoit pour
les moines & les autres efpions qui avoient
ordre de nous obferver. Et ce fut une chofe
allez finguliere que toutes les mefures que Ton
prit pour introduire cette abomination dans le lieu
faint. Meflieurs de Bonnemare jubert &
Brice Doyens du Parlement fe tranfporterent
a Quevilli avec le Procureur General, en ver-
tu d'un Areft publié & affiché dans la ville;
une foule incroyable de peuple a leur fuite,
qui aura.it fans cloute abatu le temple des ce
jourla! fi Dieu n'y avoit pourveu par fa Bon-
té. Car pour ces Meiïieurs ils n'en purent,
ou n'en voulurent pas être les Maîtres. Ils kn
trouvèrent tellement incommodés qu'il leur
lut m-ipoffible dexecuter leur commifiîon qu'-
A 2 après
4 Hijîoirc de VEirlifc
après avoir fait feinte de seretirer. Ils neu-
rent pas moins de peine a s'accorder qu'a fe
debaraller de la populace. Car le Procureur
gênerai vouloit que le Banc des Millionnai-
res fût au milieu du Temple, devant lâchai -
re &: fous les yeux des mi ni lires : & les com-
milfaires fe contentoient du Banc que Mef-
(ieurs les Confeillers de la Religion avoient
occupé & qui étoit en effet le plus honora-
ble de TEglife. Il étoit pouffé par les Bigots
qui cherchoient un lieu propre pour troubler
le prédicateur & incommoder Talfemblée. La
choie ala fi loin qu'ils en écrivirent en Cour,
d'où il vint un ordre a l'Intendant de fe tranf-
porter fur les lieux & d'achever ce grand ou-
vrage.
Tantœ molis erat Romanum condere fcamnum.
On reçut a peu près dans le même tems
une playe tout autrement importante, de
trois confeillers de la Religion que l'Edit nous
donnoit dans le Parlement de Rouen on en-
perdit deux. Car Mr. de la Mefangere étant
niort on mit un Catholique en fa place, «Se Mr.
de Colleville ayant été obligé a se deffaire
de sa charge il falut aulîi qu'il vendit a un Ca-
tholique.
Toutes ces démarches de la Cour étoient
autant d'avant coureurs de la ruine de nos
Eglifes & les arêts donnés autant de pièges
ten-
de Rouen. b
tendus exprés pour les perdre. Cependant
les Fidèles de Rouen avoient été allés heu-
reux pour n y pas tomber. Dans ce nombre
iLirprenant d'Edits forgés a delfein décrafer
ceux qui avoient echapé a Tinquifition des
Intendans; on nen apu-trouver aucun, pour
leruir de légitime fondement aux jugemens
que le Parlement arendus ; ils n'en ont point
eu d'autre que la haine Tinjultice &: la vio-
lence de leurs parties & de leurs juges.
Les parties ont été de deux fortes; les
uns ont agi fecretement; & les autres a dé-
couvert Ceux qui ont le plus afleclé de pa-
roître dans ce procès ont été les Curés de laint
Martin du bout du Pont, & de St.Eloy. Le
dernier fur tout a été le principal perfonage de
toute la Pièce. Ce Curé de St. Eloy s'apel-
le François Liefle; & il elT: entré dans fa Cu-
re par la refignation d'un Confeiller Eccle-
lialtique qui entretenoit les seurs, dont il
a eu plufieurs enfans. C'ell une chofe' con-
nue de toute la ville de Rotien. Un hom-
me de cette farine, & élevé par un tel Pa-
tron n'avoit garde qu'il ne servît la grande
Paillarde dans la haine quelle porte aux Chré-
tiens. Mais le miferable a eu encore d'au-
tres raifons de les perfecuter. Ils êtoient en
trop grand nombre, dans sa Paroilfe. C"e-
toit celle de la Ville, ou il y en avoit le plus,
A 3 il on
6 Hijloire de l'Eglife
li on en excepte peut être St. Maclou, ou
loge le pauvre peuple II n'y trou voit pas fon
compte & c'êtoit un puilfant motif a une a-
me baffe & mercenaire, qui n'aimoit pas
moins le falaire d'iniquité, que Balaam : pour
le porter a faire toutes les chofes, qui luy
pouvoient aider a les écarter. Outre tout
cela, il avoit de fâcheufes affaires fur les bras :
il êtoit preffé de rendre compte d'une tutel-
le quil n'avoit pas fort bien gérée. Il y étoit
condamné par divers Arêts du Parlement : il
cherchoit a évoquer, pour gagner du tems
& pour éloigner une renditon de compte
qui Tabimoit La faveur y étoit neceffaire il
ny en a point de comparable a celle du Père
de la Chaife; & pour lameriter il faloit per-
fecuter l'Eglife cependant on dit que cela ne
luy a pas trop reuffi & qu'il elt déchu de fes
prétentions; auiïi bien que de fa Cure. L'au-
tre Curé ne se trouvoit, gueres moins, em-
baraffé. Le fieur Coquel l'un de fes Paroif-
fiens luy faifoit un grand procès; ou il s'agit
de soustractions & de faits énormes. Et il
a un intérêt particulier a paroitre dévot, pour
tacher de reparer les breches-faites a sa répu-
tation.
Deux Parties de ce caractère pouffées par
leur intérêt a faire des actions déclat étoient
bien propres a faire du mal. Il leur auroit
pour-
de Roiien. 7
pourtant été difficile, fi la conjoncture eut
été moins favorable, <& fi les parties secrè-
tes n'eulVent pas été plus redoutables.
C'étoient les Jésuites de Rouen, a la telle
desquels le trouvoit alors, un nommé Bau-
dran, qui joint, a Tesprit de la Société ven-
due & dévouée, comme chacun fait a la
ruine de la Religion, une ame fiere & hau-
taine tout cequi se peut. Ce Moyne étoit
un de ceux, qui avoient été nommés, pour
affilier aux Prêches qui fe failbient a Quc\ il-
li; & quoy quil ni alât que très rarement;
il ne lailfait pas de fouflrir imp.itiemment la
lumière qui y luisait. Il vo3^ait bien quelle
éclaireroit, au moins, quelques uns de ceux
de sa Communion, qui fe donnoient la li-
berté de ly fuivre. Et n'ayant pu les en em-
pescher par l'Autorité des Arêts du Parle-
ment, & par les amendes dont on mena-
çoit les Curieux : il embraffa avec joye Toc-
cafion que le Curé de St. Eloy luy prefenta
pour s'oter cette épine du pied.
Il ne faloit que mettre quelques uns des
Membres du Parlement de la partie, pour
sen defifaire. La chose êtoit fort aisée. Car
le Prefident d'Amfreville qui étoit alors le
chef de la Compagnie dépend abfolument des
Jefuites. Il n'elt pas feulement deleur con-
grégation, i! ne void que par leurs yeux & il
A 4 n'en-
8 Hijloirc de lEi^iiJc
n'entend que par leurs oreilles. Il suit aveu-
glement tous les mouvemens quils luy infpi-
rent cela ell; encore de notoriété publique.
Et quand il n'auroit osé auffi attaché a la
Société, il n'auroit ofé luy rien refuser dans
un tems que son crédit luy étoit, neceffaire
pour le maintenir dans le porte quil occu-
poit. Le Procureur Général, qui eft un de
leurs Difciples, & qui suit aulTi fort exacte-
ment leurs maximes, quoy que né d'un Père
qui a vescu & qui ell mort bon Janfenifte;
avoit auffi des railbns secrètes de leur plaire;
quand il auroit été moins contraire, quil n'a
tousjours paru a ceux de la Religion : car il
n'avoit, point encore alors obtenu, de Bre-
vet de retenue pour sa charge. Il y a voit
bien d'autres juges a leur dévotion dans la
Grande Chambre, ou cette affliire devoit être
portée. Les Conseillers Fauvel de Touvens,
Collé de St. fuplis, de Grainville Clerc & Bus-
quet dont les trois premiers étoient des Bi-
gots outrés ; & le dernier un homme a tout
faire, quand il y va de son intérêt.
Quelque forte que fut la cabale des Je-
fuites dans le Palais : ils aprehenderent de ne
pas reuffir dans leur projet & c'ell; ce qui
servit a découvrir leur trame car dans l'in-
quiétude quils avoient, que toutes les machi-
nes miles en œuvre pour abattre le Temple
ne
de Roiien. q
ne le trouvaiïent trop foibles; ils y employè-
rent leurs écoliers. Tellement qu'on les vit
Ibrtir en foule de la ville, un jour auquel ils
n'ont pas acoutumé de leur donner congé :
leurs Balieurs a la telle pour les encourager
& leur montrer le chemin : qui mené a Que-
vi.lli, avec quelques miferables qui se joigni-
rent a leur Troupe fur La route, & qui leur
aidèrent a enfoncer les portes du Temple ils
s'y portèrent avec tant de fureur, quils né-
pargnerent ni les Armes du Roy, que Ion
avoit mis, par ordre du Procureur Gene-
ral, sur le Banc delliné pour le Clergé : ni
même les commandements de Dieu, qui
étoient fur la Chaire ils briferent le tout en
mille pièces, comme aufli les Bancs, la chai-
re ^ les vitres. Ils étoient parvenus au Clo-
cher, &. ils avoient enlevé la cloche : ils
avoientmême déjà découvert une partie du
Toit & se mettoient en devoir d'achever la
démolition. Lors que la Garde de la ville ari-
va, qui prit quelques ans des mutins; mais-
que l on relâcha tous les uns après les au-
tres, fans que l'on en put avoir julHce.
Pour en ôter les mo3'ens, le Parlement
empescha que le Lieutenant criminel, qui
en vouloit prendre conoilfance ne pourfuivit
fon information; &: on tourna la chose de-
manière, quelle fut regardée au Confeil,
A 5 mal-
lo Hi/loire de l'Eglise
malgré toutes les remontrances des intercf-
Ics, comme un jeu; ou tout au plus comme
Teffet du zèle un peu trop echaufé de quel-
ques jeunes écoliers. Tant il ell vray que les
Jefuites & leurs luppots ne manquent; jamais
de couleurs, pour faire paffer les crimes les
plus noirs pour des vertus.
Ayant affaire a de fi fortes parties & a des
gens capables de jullifier toute forte d^atten-
tats, linnocence des Fidèles & la juftice de
leur caufe étoit un remport trop foible pour
les garentir. Ce qui la rendoit encore plus
inutile, cétoit la dispofition des juges qui en
dévoient conoître. Ceux que nous avons
marqués & qui tenoient le premier rang
etoient incapables de rien refuser aux Par-
ties, & les autres qui auroient été plus en état
de faire leur devoir étoient retenus, ou par
la Gonfidération de leur Cardere, Comme
les Conseillers Clers; ou par la crainte de
fe faire des affaires; en fe mettant fur les bras
les Moynes, qui sont de dangereux enne-
mis.
Auflî n'y a til point eu de moien quelque
foin que Ton ait pris ; de fe mettre a couvert
de leurs traits, & de rompre les mesures
quils avoient pris pour ruiner nos excerci-
ces.
La premier procédure qui parut fut une in-
for-
de Roïien. 1 1
formation du 2()'' Avril 1(384, qui fe fit a la
Requête du Procureur Gérerai pouifé a ce-
la par le Curé de St. Eloy qui luy fournit des
mémoires, des contraventions qui! pretendoit
que les Ministres de Quevilli eulTent fait aux
Edits. Elle fut fuivie d'un Aretl du 12'" Juin
qui accorde commilïïon au Procureur Gene-
ral, pour faire appcller a la Cour les Minillres
de Quevilli, afin de répondre a les Conclu-
lions. Mais parce que la Mine nétoit pas
encore prête, que Ton ne fetrouvoit pas alors
en état de les faire fauter; on en dillera l'exé-
cution jusqu'au mois de Décembre. Et ce
ne fut que le i i'' jour dudit mois quils furent
mandés a la Cour : ou le Procureur General fit
dabord paroître la paffion qu'il avoit de les
perdre. Car quoy quil échut a Monfieur
Marguerite de Guibray Commiffaire en fe-
maine, de leur faire rendre raifon des choies
quon leur demandoit; il voulut les traduire
devant Mr. deTouvens, qui efi: le plus grand
ennemi que nous ayons, un homme né de-
bas lieu, petit fils d'un Records de Ser-
geant qui ert esclave des Jésuites, a qui il
doit la charge de son Fils, que la fuperfli-
tion & la Bigoterie aveuglent tellement, que
la plus part du tems, il ne fait ce quil dit &
ce quil fait. La chose ne put reufiir alors
par ce que mondit S', de Touvens avoit un
autre
12 Hijîoire de l'Eglife
autre Bureau ou il travailloit, & que Mon-
fieur de Marguerite qui fe trouva Ta s'3' op-
posa.. Mais il n'echaperent pas pour cela
a Ion animofité. Car dans la fuite on le leur
donna pour Raporteur.
Dans TActe qui s'exerça par devant Mon-
iieur de Marguerite, on n'accula lesdits Mi-
nillres que d'avoir fouffert au Prefohe Eller
Hi-ie petite fille ageé de dix a douze ans, qui
le trouvoit entre les mains des Dames le Sei-
gneur fes Tantes ; la Mère de ce pauvre en-
fant a changé de Religion depuis la mort de
fon Mari, qui a vescu &; qui eft mort dans la
nôtre. Onétoit autorifé a recevoir cette jeu--
ne demoifelle dans nos affemblées par la décla-
ration du premier de Février 1(369. vérifiée
au Parlement le 29" Juillet audit an & don-
née pour fervir deLoy a l'Avenir; confirmée
par divers Arêts du Confeil donnés en con-
séquence & nommément par celu}^ du Mois
de Juin 167S; en cas pareil, pour des en-
fans de Rouen, lequel nous avions en main.
Et c'èll ce quils représentèrent a la Cour,
pour faire voir quils ne feroient pas coupa-
bles quand on auroit mené, ladite Hue a
Quevilli. Mais de plus ils ajoutoient quils ne
Ty avoient jamais veuë, & qu'ils ne la conno-
i noient point : quils savoient même de scien-
ce certaine qu'elle n'y étoit point alée depuis
l'Ex-
de Roiien. 1 3
rExploit que le Curé de faint Eloy avoit fait
lignifier a lun d'eux pour Ten empêcher.
Car il faut lavoir que le Curé qui souffroit
impatiemment des gens de bien dans fa Pa-
roilfe ayant apris que les Dames le Seigneur,
qui y demeurent avoient Téducationdune des
Filles du Sr.^ Hiie de Montaigu, qu'il avoit
fort perfecuté a fa mort; fans le pouvoir cor-
rompre; & dont la femme avoit changé de
religion de puis fon decés il se mit en telle
que ladite fille devoit fuivre la condition de
la mère; fous prétexte dune Déclaration du
mois de Juin de Lan i683. qui veut que les
enfans des Pères qui ont changé foient élevés
jufqu a Tage de quatorze ans dans la Religion
Romaine, comme fi on léùt du auffi éten-
dre aux Mères, contre la difpolîtion exprelfe
des Edits que nous avons touchés. Et c'elt
dans cette veue quil avoit fait fignifier l'ex-
ploit, dont il lagit a Monfieur Basnage.
Les Minières avoient lieu de croire que
cette affaire n'auroit pas de fuite. Car toutes
les contraventions qu'on leur imputoit abou-
tilfoier.t a ce seul Article, fur lequel ils a-
voient fait voir fi clairement leur innocen-
ce, quil ne devoit relier aucun fcrupule dans
l'esprit des juges. Mais ils ne furent pas long
tems dans cette penfeé. Car ils aprirent,
peu de Jours après, que la Cabale avoit trou-
ve-
14 Hijîoire de VEglife
xi fort a redire quils euffent voulu juftifier
leur Droit : prétendant quils dévoient fe con-
tenter de nier le Fait : comme fi des sujets
qui vivent sous le bénéfice des Edits d'un
Prince avoient tort de reclamer Tautorité de
l'es Loix pour disculper leur conduite. Ne
faut il pas avoir le coeur étrangement di-
spofé; pour juger mal d'un procédé fi inno-
cent Il n'en faut pas davantage pour faire
voir que Ton avoit formé le deffein de les
oprimer & de les perdre, a quelque prix que
ce fut; que la manière dont on empoison-
noit leurs actions.
En eflet peu dejours après l'exercice de
cet Ade l'on diftribua le procès a Monfieur
de Touvens, fuivant le projet déjà fait. Et
quoy quil affedât fort de donner a entendre
aux Minillres, qu'ils auroientfujetdese louer
de fa juftice & de son équité : qu'il agiroit
avec eux ouvertement, franchement & sans
furprife ; ils s'aperçurent bien tôt qu'ils n'a-
voient rien a espérer. Car il ne leur parla
jamais que du fait de la petite Hue, toutes
les fois quil les fit venir chés luy sous pré-
texte de séclaircir des charges qui étoient
contre eux : quoy que l'on débitât, par tou-
te la ville, qu'il y en avoit d'autres plus im-
portantes. La feule grâce quil leur fit, ceft
qu'il leur montra une chofe affés particuliè-
re,
de Roïien. i 5
re, lavoir que les Conclufions du Procureur
General avoient été changées; & qu''a3^ant
fimplement conclu, a ce que les dits Mini-
Jlres fujlcnt ajjignes a la Cour pour être oilis : on
Tavoit obligé a rayer ces paroles, qui paroif-
Ibient encore écrites de sa propre main,
malgré les ratures : & a mettre en la place,
un ajournement a cotnparoir en perfone. C^eit
la jultification de ce que Ton a avancé qu'il y
avoit des parties secrètes toute puiflantes fur
refprit des juges qui les faifoient agir, mê-
me contre leurs lumières & leur coni'cience.
Il ne faut pas demander fi le Raporteur &
les autres juges fe conformèrent a ces conclu-
ions. Car ils étoient animés pour la plus-
part, du même efprit qui les avoit produites
eadeni
Mens agitât molem & magnofe corpore mi/cet.
Il intervint Areft du 3" Janvier i685.
par lequel il eft ordonné que les Miniftres le
Gendre & Bafnage seront ajournés a compa
roitre en perfone pour être oCiis & interrogés
par devant les Confeillers Commilfaires, fur-
ies charges des informations. Et cependant
lesdits Minirtres interdits des fonctions de
leur Miniltere, a la reserve du Sacrement
du Baptême, par provifion feulement, jus-
qu'à ce qu'autrement par fa Majeité en ait été
ordonné.
Ce
if) Hijfoire de VEglife
Ce n'eft pas queles Miniftres se fufient en
dormis. Ils avoient prefenté a la Cour des
defenfes jointes a cette hiftoire, qui ne re
gardoient pas feulement Efter Hue : Mais
encore les autres faits quils avoient apris,
par lebruit commun quon leur imputoit. Ces
defenfes faisoient voir quils etoient ou faux
& suppofés par des Témoins apoilés par le
Curé de St. Eloy; ou arrivés dans des tems
qui les rendoient innocens. Mais elles furent
inutiles. On n^ eut aucun égard. Cepen-
dant elles finirent par une considération qui
feule devoit suffire pour mettre les Miniftres
a couvert; quand il y auroit eu quelque fon-
dement aux accufations intentées contréux.
Car on y remarque expreffément, que Ton
ne peut inquiéter persone, aux ternies des
Déclarations des Années 167Q & i683, &
de TArêt de la Cour donné en confequence,
au sujet des Relaps; que Ton n'ait fignïfié,
auparavant, leurs noms, & les Actes de
leur abjuration aux confiftoires : ce qui ne
s'eft jamais fait a Rouen.
C'eft ce qui montre clairement la violence
& Finjufticede cet Arêt qui interdit les Mi-
niftres pour des faits que Ton ne leur devroit
pas imputer, suivant les Déclarations & les
Arêts (quand même ils en feroient coupables,
qu'au préalable on ne leur eût fait des figni-
fica-
de Rouen. 17
fications, dont ils n'ont jamais entendu par-
ler. Le Raporteur avoit bien fenti qu'on
pourroit faire ce reproche. Et cefi; pour quoy
il a tâché de faire valoir dans le procès, la
fignification de l'abjuration de la Mère d'Ef-
ter Hue faite a Caën le 21" Juillet 1682,
qui porte que cette femme y a fait profef-
fion de la Religion Romaine lo 14" du Mois :
& l'exploit fait a la Requête du Curé de St.
Eloy du I* Avril 1684 Mais outre que ce-
la ne regarde qu'un Fait qui ne peut jamais
faire de charge dans le procès, pour les rai-
fons alléguées ci delfus; y a-t-il de la juftice
a fe fervir d'une fignification faite a trente
lieues de Rouen, & dont on n'a jamais eu de
communication; pour faire le procès aux
gens. Le Prince qui faifoit écrire fes Loix
en des Caractères fi petits, qu'il étoit impof-
fible de les lire & qui condamnoit cependant
ceux qui y contrevenoient, étoit il plus de rai-
fonnable? Pour celle qui fut faite a la Re-
quête du Curé de St. Eloy on y défera, quo}'
qu'on n'y fut pas oblige, en forte que ces
deux pièces même ne fervent qu'a décou-
vrir de plus en de plus, la paffion & l'animo-
fité des Juges.
Elle paroit furtout, en ce que fans aucu-
ne charge contre les Minftres. Car il pa-
roitra encore plus clairement dans la fuite,
B qu'il
i8 Hijioire de l Eglise
qu'il n'y enavoit aucune, on les met en a jour
nement perfonel. Mais c'etoit pour avoir un
prétexte de les interdire de leur Miniftere :
a (juoy les Moynes & leurs adherens ten-
doient principalement. Ils n'avoient point
d'autre veiie, quand ils engagèrent le Pro-
cureur General a changer les Conclufîons.
Cela eft fi vray que Ton entendit Baudran
Redeur des Jefuites a la porte de la Grand
Chambre, ou il fétoit rendu, pour Iblliciter
les juges; demander avec empreffement fi
les Minillres nétoient pas interdits. Ce n'eft
pas que ce ne fut un prétexte aifes léger, pour
fraper un coup de cette importance. Car
on n'a pas accoutumé d'interdire les Eclefias-
tiques, pour un fimple ajournement perfonel.
Auffi. les Confeillers Clercs s'y o.ppoferent-
ils pour la plus part, comme le trouvant in-
jufte; «& aprehendant peut être que ce ne fut
une planche que l'on fit aulfi pour eux.
Il faut avouer icy, a la Louange des E-
clefiaftiques, que de tous les Juges il n'y en eût
point qui ayent paru plus équitables quéux
dans ce procès. Ils n'ont presque jamais été
des avis qui ont prévalu tant quil a duré; a la
referve de Mr. de Grainville bon juge dans
les affaires où la Religion n'a point de part :
mais le plus inique du monde ou elle fe trou-
ve tant ibit peu intereffée. Sur tout, quand
il
de Roïien. 19
il fut queftion du dernier jugement, ou Mr.
de Grainville ne put afliller, parce qu'il étoit
indilpofé, tous les Eclefialliques en Ge-
neral ; & Monfieur de Gremonville haut
Doyen, en particulier, ne purent s'empefcher
de ieplaindre des moyens que Ton employoit,
pour oprimer des innocens : difant haute-
ment que fi le Roy ne vouloit plus de Tem-
ples; qu'on les raîât, sans faire, pour ypar-
venir, des procédures & des injullices dont
leurs Ancêtres n'auroient jamais été capables;
quils les defavoueroient s'ils revenoient au-
monde : comme indignes de la Robe qu'ils
avoient portée avec tant d'honneur.
Quelque favorables que les Eclefiaftiques
ayent paru; jene lailferay pas de remarquer,
comme un fécond Grief de l'Arêt du 3" Jan-
vier que le plus ancien des Commiffaires que
l'on donna au Miniftres étoit le Doyen
des Conseillers Clers. Car leur Caractère
les rend ennemis des Miniftres. Ils ont tous-
jours été regardés, comme leurs parties : &
dans les temps les plus fâcheux il leur a tous-
jours été permis d'en récuser d'eux; même
dans les affaires civiles, à leur choix.
Avantque de parler des procédures qui fe
firent devant les Commilfaires; il ne faut
pas icy omettre deux ou trois circonftanccs
B 2 im-
20 Hijioire de lEglife
importantes dans cette caufe, & qui servent
a faire voir de plus en plus Tefprit des Juges.
La première regarde Efter Hue, Quoy-
que fon Père fût né dans le sein de TEglfe
reformée; qu'il y eut vefcu, & qu'il fût mort
dans sa communion ; au veu & au fceu de la
juftice que le Curé de St. Eloy avoit appellée
a son fecours, qu'and il le perlecuta dans
son lit mortel : qu'elle dût être élevée dans
la Religion de fon Père jusqu'à douze ans,
par les Edits : quelle n'eut pas encore atteint
cet âge ; & qu'elle demandât avec des cris &
des larmes capables de fendre les rochers,
d'être receùe, au moins à faire déclaration
de la Religion qu'elle vouloit profeffer; aux
termes des dernières Déclarations, elle fut en-
levée du Palais, d'ans le Caroffe de Mr. de
Touvens. Les efforts qu'elle fit pour se iet-
ter par la Portière furent inutiles on la trai-
na dans la maifon des nouvelles Catholiques;
ou voyant qu'on ne la pouvoit gagner par
promeffes, ni par menaces; on fit venir sa
Mère, ou plutôt fa Marâtre qui luy fit faire
ce qu'on voulut. Dieu fait les moyens qu'el-
le y employa. Car pour les hommes ils ne
savent gueres ce qui fe paffe dans les Grot-
tes profondes ou la fuperftition exerce sa ty-
rannie, fi on en croit le bruit commun il n'y
en eut point de ficruels & de fiviolens qui ne
fuffent mis en ufage. L'or
de Rouen. 21
L'on avoit deia bien enlevé des cnfans
qui dévoient être élevés dans nôtre Religion
luivant les Edits fans parler du Fils de Da-
niel Mondon compagnon chapelier, qui
difparut a Tage de neuf ou dix ans dont on
ne çut avoir de nouvelles, que plus d'un an
après qu'il échapa a ceux a qui Mr. de Gra-
inville qui s'en etoit saifi, l'avoit donné en
garde ce qui fut suivy d"une longue procé-
dure devant Mr. le Blanc alors Intendant
en Normandie; qui enfin fit jultice. On
avoit enlevé en Janvier 1681 La fille de
laques Bredel manoeuvre & de Judith Toc,
nommée Marie âgée dénviron neuf ans :
En Aoull fuirant celle de Pierre Fontenay
& de judit Bechet de sept ans & demi nom-
mée Madeleine. En Janvier 1682 celle de
Jaques Charles, Menuifier, & de Marthe
Barette d'environ neuf ans, nommée Mar-
the. En avril de la même Année une autre
fille du dit Charles nommée Anne. Au mois
de Mars précèdent le fils d'Abraham Lau-
rens Dinand, & d'Elizabeth Jefroy d'onze
ans nommé Abraham. En Septembre ce-
luy de Théodore Brehu Chirurgien & de
Marie Cognard nommé Jean Salomon n'ay-
ant que dix ans & demi. Dans le même
tems un fils de feu Jean Flamar chaufletier
& de judit Drouet apellé Jean à l'âge de dou-
B 3 ze ans
•2 2 Hijîoire de VEglife
ze ans. Au commencement d'06lobre un
fils de Gabriel Queruel & de Marie Honfroy
de fîx ans nommé Louis & une fille de dix
ans nommée Marie : ces deux enfans enle-
vés publiquement, malgré la refiftance de la
Mère par le Curé d'Elboeuf ou ledit Queruel
travaiiloit dans la draperie, sous prétexte
que c'etoit un profelyte. A la fin du même
mois la fille de Jean Hautot Maffon, & d'E-
lizabet Mallet, nommée Elizabeth & âgée
de dix ans. Ex Janvier i683 le fils de Pier-
re Robert Poitevin de dix ans nommé Jo-
uas.
Tous ces enfans & beaucoup d'autres
dont on n'a point de mémoires avoient été
enlevés, & jettes; les masles dans le Bu-
reau, & les filles dans la maifon des nouvelles
Catholiques, fans pouvoir en avoir raison.
Mais rien ne s'étoit fait avec tant d'éclat &
tant de violence que Tenlevement d'Eder
Hiie qui fut conduite par les juges mêmes
dans la prifon; ou elle a fait naufrage. Ce-
luy de Madeleine Maurie née dans l'Eglise
Reformée, & que Pierre Maurice fon Père,
qui s'elt révolté jetta auffi dans un Couvent,
en l'abfence de fa femme qui l'avoit afl'és bien
inftruite, a encore quelque chofe de particu-
lier. Car cette pauvre enfant qui avoit à peu-
prés douze ans se debatit furieusement jus-
ques
de Rouen. i2>
ques a rompre toutes les Glaces de la Chai-
le dans laquelle on Tenlevoit. Et ce n'a
été qu'avec bien de la peine & après bien du
tems qu'elle s'eft rendue.
La 2" Circonftance que Ton remarque à
l'égard de l'arelt du 3'' Janvier cfl qu'avant
même de l'avoir fignifié ou publié, on fe mit
en devoir de l'exécuter : fi bien queles Mini-
itres de Quevilli furent empefchés de pre-
fcher, des le jour qu'il fut donné : etans bien
avertis qu'il y avoit des gens fur les avenues
du Temple qui avoient ordre de les aréter
s'ils y aloient. Ce ne fut pourtant pas de
leur m'ouvement qu'ils s'en abflinrent : mais
par l'avis & le conjfeil des Principaux de l'E-
glife qui ne voulurent pas qu'ils fiffent une
démarche qui pût faire tort a une caufe qui
étoit fi bonne, que l'on ne croyoit pas polïi-
blé de la perdre.
La troifiême eft que dans la première dis-
pofition de l'Arell;, c'etoit aux Anciens &
non aux Miniftres que l'on d'onnoit le pou-
voir de baptifer par provifion : tellement qu'il
falut encore faire bien des pas pour mettre
les choses dans l'état ou on les voit aujourd-
huy. Ce qu'il 3^ a de plus furprenant, c'eil
que le Procureur General luy même eut affés
de peyne a comprendre que les Laïques n'euf-
fent point l'autorité de conférer le saint Bapte-
B 4 me :
24 Hijîoire de VEglife
me : lors quil n'y a point de neceiïité a se
servir de leur Miniftere : il n'y en avoit au-
cune puis que la Province n'étoit pas encore
depourveiie de Pafteurs qui auroient pu fai-
re cette fonction ; fi on en eut oté la liberté
a ceux de Quevilli, Enfin ils lepersuade-
rent de prefenter luy même leur Requête a
la Cour mais non fans avoir effuyé plufieurs
insultes, qui ne font gueres d'un homme de
fa Robe, Car dabord qu'il les aperçut dans
la cour de fa maifon, il les traitta de deffunts
Curés les condamnant déjà dans fon coeur;
avant que de les avoir entendus. Il conti-
nua toufiours sur le même ton; faifant de
leur malheur le fujet de mille fades railleries,
que l'on ne daigne pas relever.
La dernière chofe que je remarqueray : c'eft
que quoi que l'areft eut été donné dés le 3 1
Janvier, on ne le fignifia que le lo Février
pour comparoître a la huitaine : & les Mini-
îlres s'etans prefentés le 1 7 jour de l'echean-
ce, ils furent remis au 19 «& le iq renvoyés
encore a un autre jour, en forte que la chofe
traina jufqu'au 23 & les jours fuivans. La
raifon de tous ces délais, comme il parut dans
la fuite, eft que l'on ne trouvoit point de char-
ges suffifantes, pour donner feulement quel-
que couleur a l'areft d'interdiétion publié con-
tre les Miniftres; & qu'il faloit du tems pour
voir
de Rouen. ■ .ib
voir le fruit des nouvelles informations, que
Ton avoit ordonnées, tant par Témoins de
certain, que par cenfures Ecclefialtiques;
pour trouver de quoi les accabler.
La peyne ou la Cour le trouvoit à cet égard
ne fervit pas peu a un miferablc fcelerat nom-
mé Hellot qui a fait banqueroute aux hom-
mes, aulîi bien qu'à Dieu pour fe tirer de la
prifon ou il etoit détenu pour fesdebtes, & en
danger d y pourrir, comme il Ta voit mérité.
Car il s'avifa de dire que fi on luy rendoit fa
liberté, il tireroit la Cour hors de peyne;
ayant des mo3'ens infaillibles, pour perdre les
huguenots. Les portes luy furent d'abord
ouvertes. Car voila les mftrumens dont
TEglise Romaine fe sert dans le conquêtes.
Quelle perfecution n'a-t-il point faite a ceux
de la Religion, depuis sa fortie pour mériter
sa grâce, & pour s'inlinuer dans Telprit des
juges. Il y a fi bien reulîî, qu'il fe paiToit,
peude jours pendantque le Procès a duré qu'il
ne se trouvât au lever du Procureur gênerai,
ou a celuy de Monfieur de Marillac qui a tous-
jours afleclé de se diilinguer dans les affaires
de la Religion.
Il ne leur rendit pourtant pas de grands fer-
vices : il ne fit pas la moindre découverte qui
put faire de la peyne aux Minifires. Mais
il fervit au moins a faire perfecuter bien des
B 5 pau-
26 Hijîoire de VEglife
pauvres gens, dont les uns furent aprehen-
dés au corps, & les autres obligés a fuir & à
abandonner leur Patrie, Jean Montier & Ja-
ques Noblet furent du nombre de ceux que
Ton mit en priibn, comme Relaps. Le pre-
mier y fuccomba & fut envoyé a Paris; ou il
obtint des Lettres d'abolition qui luy rendi-
rent la liberté : On aflure qu'il dit dans son
Interrogatoire, qu'il n'avoit point été a Que-
villi, depuis le tems quil ne Tauroit pu faire
fans mettre les Minillres en peyne, fi ce n'eft
en cacheté, & fi bien deguifé que persone
ne Tauroit reconnu. On n'en parle qu'avec in
certitude, parce que Ton n'a jamais rien dit
aux Minillres de ce Jean Montier, dans tous
les Interrogatoires qu'ils ont fubis, foit devant
les Commilîaires, soit en face de la Cour : &
qu'il ne leur fut pas confronté, quoi qu'ils
l'euflent demandé & de vive voix a leurRapor-
teur, & par une requête expreffe, comme
il se verra ci après. La Cour l'évita prudem-
ment, depeur qu'il ne reconnut des vérités,
qui feroient allées a la décharge des acculés.
Pour l'autre qui eft Jaques Noblet il a com-
batu avec un courage & une fermeté qui mé-
ritent d'être confervés a la poiferité. C'eft
un Tailleur de pierre de son mêter qui ne
fcaitni lire, ni écrire, qui a fervi plus de dix ans
dans l'Infanterie, & qui depuis a été long-
tems
de Rouen. 27
tems efclave a Alger, en sorte qu'il n"'a pres-
que point d'inllrudion. (a) Mais Dieu a chofi
les choses foibles de ce monde pour confon-
dre les fortes, & celles qui ne sont point pour
abolir celles qui sont, (b) Son Efprit souffle ou
il veut & il accomplit sa vertu dans les plus
grandes infirmités, (c) L'esclauage de ce pau-
vre homme a donné lieu a toutes les perfe-
cutions qu'il a foulTert, un abynie apelle un au-
tre abyme. (d) Il en a voit été délivré par des
Moj^nes que Ton appelle les Pères de la Ré-
demption : a la recommandation du Sr. Prat
marchand a Marseille. Le Sieur Thomas le
Gendre père du Miniilre, qui etoit fon cor-
respondant Tavoit prié, par Tordre du Con-
fiftoire dans lequel il a servi quarante ans, &
qui avoit acoutumé de le charger de ces soins,
de s'informer de ce qui pourroit coûter pour
la rançon de Noblet, le dit Sr. Prat en avoit
donné la Commiffion a ces moynes qui lo-
geoient ordinairement chés luy : & comme
lis luy avoient encore d'autres obligations ils
luy ramenèrent l'esclave qu'il reclamoit au
lieu de luy en raporter fimplement des nou-
velles : voyant qu'il etoit taillé a peu de cho-
se. Gomme on sut qu'il avoit pafle par les
mains de ces gens la qui ne manquèrent pas
de
(a) I Cor. I. 27. 28. (b) Jean 3 18.
(c) 2 Cor. 12. 9. (d) Pf. 19
28 Hi/toire de l'Eglise
de le promener par les villes ou ils palTerent
avec les autres Rachetés, dont ils font grand
montre : on fupposa qu^ils en avoient fait un
Profelyte; et Tonfit o'Jir un Mathurin que
Ton fit venir de je ne Icay ou, pour ce sujet,
qui depofa avoir ouy dire au Père le Vacher
Millionnaire a Alger quil avoit communié le
dit Noblet dans une maladie. Il déclara de
plus qu'il avoit été avec eux a la Meffe, lors
de Ion retour. C'eit le seul Témoin que Ton
ait pu produire pour prouver que Noblet avoit
embrafle la Religion Romaine. Et quoy
qu'il Tait toufiours nié conftamment : qu'il
ait même offert de vérifier par fes Camarades
revenus avec luy qu'il n'avoit jamais été ma-
lade a Alger; bien loin d'avoir été commu-
nié par le Père Vacher dans une maladie : on
la condamné, comme Relaps sur ce fonde-
ment : c'elf-à-dire sur le témoignage d'un
feul homme : d'un Moyne, qui parloit par
oûy dire, d'une chofe qui a du se faire sur
les bords de TAffrique. Car pour ce qu'il
ajoutoit qu'il avoit été a la Meffe pendant le
voyage : Noblet Ta encore méconnu; ajou-
tant que quand la chose auroit été vraie,
comme non; on n'en auroit pu conclure qu'il
eut abjuré sa religion : puis qu'il y a bien des
Perfones qui y vont par une folle curiofité,
fans que pour une pareille démarche ils soient
repu-
de Rouen. 29
reputes avoir renoncé a leur profelïion. Tout
ce qu'il reconnoiffaitc'etoit de s'être promené
avec eux, par les villes, ou ils avoient paffé,
croisé comme les autres Rachetés, ce qui
conclut encore moins. Et ce qui donne lieu
de croire qu'il n'avoit jamais eu d'autre com-
munion avec eux que cellelà, c'ell qu'ayant
été appelle au Confiftoire, a son retour :
dans un tems ou les Condudeurs de l'Eglile
n'avoient point d'autre intérêt de s'informer
de fa conduite, que celuy qui regarde le fa-
lut des pécheurs : il dit les choies precife-
ment comme il les a déclarées en juilice :
après avoir été adjuré plulîeurs fois au nom
de Dieu de décharger sa confcience, & de
dire la vérité.
Il n'efl: point befoin de remarquer, com-
me on traita ce pauvre homme dans la pri-
son, avant de le condamner. Car on fait
comme on a traité tous les prétendus Relaps
dans le Royaume. Il y languit plufieurs
mois, les fers aux pieds, a3^ant presque
tousjours a ses oreilles, un Miffionnaire, ou
quelque autre Oifeau de mauvais augure qui
ne luy presageoit que des chaînes &"des Ga-
lères. Les juges, même voulurent bien avoir
aulîi quelque fois la charité de luy faire peur
des plus cruels fuplices, pour l'effrayer : &
l'on ne s'auroit afiez admitcr. comrne Dieu
le
3o Hijioire de l'Eglife
le soutint dans ces épreuves. Car non seule-
ment il ne fut jamais ébranlé : mais de plus
il eut le courage de dire en face a fes juges;
que fi on l'envoyait aux Galères, il y fervi-
roit le Roy gaiement & auffi fidèlement,
qu'il avoit fait dans les Troupes; ou il avoit
usé fa jeunefle; quoy qu'il se trouva afféz
mal recompenfé de ses services : que les Ga-
lères le pourroient peut être porter encore
une fois fur les côtes d'affrique : ou il avoit
trouvé plus d'humanité parmi les barbares &
les ennemis de Jefus Chrift, qu'il n'en ren-
controit a la Cour ayant tous jours eu la li-
berté de prier Dieu suivant les mouvemens
de sa Confcience, & la pureté de l'Evangi-
le. S'il ne leur tint pas precifément la mê-
me difcours; ceux qui etoient prefens ont
afiuré qu'il leur dit les mêmes chofes en fub-
ftance. Il ne faut pas icy omettre un des
moyens dont Dieu se fervit pour le fortifier.
Car comme il eft fort extraordinaire, il sert
davautage a faire voir la bonté de Dieu, qui
nous fait fouvent trouver la vie, ou nous de-
vrions rencontrer la mort. Ce fut un Her-
mite, qui êtoit prisonnier & qui couchoit
avec luy. Il l'exortoit inceflamment a ne tra-
hir jamais sa confcience & a dire tousjours
la vérité : luy remontrant que s'il n'avoit en
effet jamais fait profeffion de la Religion Ro-
mai-
de Roïœn. 3i
mainc comme il Ibutenoit, il ne devoit jamais
dire autre chose.
Si on Ta voit fatigué avant le jugement;
il le fut encore davantage après sa condam-
nation. Elle porte qu'il fera amende hono-
rable devant le Portail de TEglifc Cathedra-
drale; la torche au poin & nuds pieds; pour
être en suite banni a perpétuité quén outre
il payera cent livres d'amende pécuniaire,
& le refte de ses biens confisqué. On n'ou-
bha rien pour luy faire horreur de ce fuplice.
Les Prêtres & les Miiïionnaires y perdirent
leur latin. Il y eut même de plus honneltes
gens qu'eux qui s'y epuiferent. Car quel-
ques uns des Conïeillers ne dédaignèrent
point de se tranfporter dans la prison, pour
l'obliger a avoir recours a la grâce du Prin-
ce; qui ne luy manqueroit point en fe faisant
Cathohque on dit même qu'il y en eut un
d'entre les Clercs, qui se mit a genoux de-
rant lui pour le fléchir & qui n'oubha rien
pour le gagner. Mais tout cela ne le toucha
point. Stat Marpefia Cautes.
Les Juges avoient quelque efpece de hon-
te de fervir en public contre un homme qu'ils
avoient condamné sans fondement. Ils crai-
gnoient les reproches que le peuple, qui n'ig-
noroit point fon Hilloire, auroit pu faire. Mais
de plus il leur fàchoit de le voir triompher
d'eux
32 Hijîoire de VEglife
d'eux en public, comme il avoit fait en par-
ticulier. Il fa voient qu'il faisoicnt fi peu de
cas de la pe3^ne a laquelle il etoit condamné
qu'il en avoit badiné avec les prifonniers, dis-
ant qu'il y auroir du plaifir a crier a Dieu
Noël avec une fi groffe chandele, & qu'on
eut a luy préparer une belle chemife blanche
pour ce sujet. Il faifoit allufion a la coutu-
me qu'ont les enfans de RoLien de criera Dieu
Noël, dans les Rues la veille & le jour de
la Feftedes Roys une chandelle a la main. Sa
Resolution faifoit conoitre qu'il regardoit
son fuplice comme une chofe qui luy étoit
honorable, fouffrant pour fa Religion. Sa
femme & ses foeurs qui l'ont fort bien fécon-
dé dans ce combat, & le refte de ses amis
l'envisageans de même œil se difposoient a
l'acompagner. Ils l'avoient déclaré au Ra-
porteur. Cela auroit été mortifiant pour la
Cour & édifiant pour PEglife, c'ertpour quoy
ils faifoient jouer tant de reffors pour n'être
pas obligés à venir a l'exécution de leur A-
reil.
Ils ne purent jamais fe résoudre a l'exécu-
ter, quelque inftance qu'il en fit. Car il pré-
senta plufieurs Requêtes pour ce sujet pen-
dant quil fut en prifon; & sa femme & ses
soeurs ne ceffoient de la demander : chofe
inoiiie dans ces occafions. Les juges en
ecri-
de Rouen. 33
écrivirent au Conseil, ils en reprefentercnt
fans doute les coniequences, & fur les respon-
ces qu'ils en recurent ils enlevèrent ce pau-
vre patient de la Conciergerie du Palais, au
Bureau des valides; ou pour comble d'inju-
ftice on le mit entre quatre murailles, ou il
ne voyoit persone, que les MiiFionnaires qui
ne luy ont jamais donné de relâche; & un
miferable valet qui luy portoit du pain & de
Teau. Dieu permit pourtant qu'il ny de-
meurât pas tout a fait fans consolation. Car
il fe trouva un Prêtre dans le Bureau qui étant
touché de fa misère & de Tinjurtice qu'on
luy faisoit, avertit fa femme du lieu oià il
étoit, & luy aprit que fon Cachot avoit
une ouverture fur de certaines Prairies, oîi
elle alloit de tems en tems avec fa Mère &
fon enfant fe faire voir a luy. Elles n'y ale-
rent point qu'il ne leur montrât par fignes,
car ils ne le pouvoient parler, qu'il mourroit
plutôt que de changer de religion. Les cho-
ies demeurèrent en cet état jusqu'au premier
d'Octobre que Dieu luy ouvrit les portes de
fa prison, par le moyen de celuy, qui luy
donnoit a manger, qui fut l'Ange dont Dieu
fe fervit pour le mettre en liberté. Il trou-
va fa femme qui l'attendoit dans un lieu qu'il
luy avoit marqué; avec fa fille unique âgée
d'environ deux ans. Et il s'eil retiré heureu-
C fe-
34 Hijîoire de l'Eglife
fement avec elles, malgré tous les obftacles
qui le rencontrent fur la Route; en Hollande
où il ert prefentement rendant grâces a Dieu
de fa délivrance.
On ne parla jamais aux Minières dans tout
le procès, de ce Noblet non plus que de Tau-
îre prisonnier dont il a été parlé, quoy que
Ton ne s'en pût dispenfer; puis que Ton avoir
deffein de les enveloper dans fa condamnati-
on; à moins de fouler aux pieds toutes les
loix & toutes les formes de la juftice. Tous
leurs interrogatoires roulèrent fur les Faits
qui regardent les Persones nommées dans
TArefl du 3" Janvier & on ne dit pas un mot
des autres qui font notées dans celuy du
5'' Mars.
Les Perfones peuvent être feparées en trois
clailes, la première contient les enfans des Pè-
res morts delà Religion; dont les mères fe
font révoltées depuis le decés de leurs maris,
la féconde ceux des Pères révoltés qui ont
laiffé le foin de leur éducation a leurs fem-
mes : la 3* les prétendus Relaps. Il y avoit
deux enfans de ce premier ordre qu'on les
accuibit d'avoir fouiîerts a Quevilli : Efter
H Lie dont il a été tant parlé : & un autre, ils
déclarèrent qu'ils ne les y avoient jamais veus,
bien loin de les y avoir Ibufferts : & firent
connoitre par abondance de droit ce qu'ils
avoient
de Roiien. 35
avoient déjà rémontré en juftice, qu'ils au-
roient été en droit de les y admettre, pour
les raifons cy devant alléguées. Il y en avoit
trois du fécond rang, la fille de maître Da-
vid du Mont, celle de Pierre Maurice Braf-
leur; & celle d'un nommé Chauvel de Diep-
pe. Ils ne conoiflbient point la dernière de
ces filles; & pour les deux autres ils favoient
de fcience certaine que leurs Mères ne les
avoient point menées à Quevilli depuis le
mois de Juillet r683 qui fut le tems, auquel
TEdit qui le défend fut enregîtré <& publié,
c'ell ce qu'ils repondirent. Dans la Claffe des
Relaps, qui eil la dernière, il fe trouvoit
trois hommes & une femme, dont ils n'a-
voient aucune Idée, tellement qu'ils ne pou-
voient qu'ils ne méconnuffent tout ce qu'on
leur imputoit a cet égard. Ils ajoutèrent
qu'on ne leur avoit jamais fignifié feulement
le nom de ces gens là; bien loin de leur
avoir délivré les acles de leur abjuration ; aux
termes des Déclarations & des Arets : qu'ils
nepouvoientpar confequentêtre en rien cou-
pables, quand ils féroient aies a Quevilli de
leur participation; puis que c'étoit un préa-
lable :^bcaucoup moins puis qu'ils n'avoient
pas mêmes de conoiflance de leurs perfones.
Il ne faut pas icy palfer fous filence; que
l'on ne fe contenta" pas de leur faire une in-
C 2 fini-
36 HiJIoire de V Eglise
finité de demandes fur tous les Chefs qui re-
gardoient le procès. On leur en fit encore
beaucoup d'autres qui étoient hors d'œuvre
touchant les deniers de leur Gonfiftoire, la
manière dont ils les adminirtroient : & les
Regiftres qu'ils en pouvoient avoir. Je ne
Tattribuë pourtant pas auxCommiflaires. On
auroit tort de fe plaindre de Monfieur de
Berniéres Louvigni celuy des Gonfeillers
Gommiflaires, qui fit prêter Tinterrogatoire
aux Miniftres. Gar quoy que ce foit un hom-
me fort attaché a fa Religion; & que Ton
avoit peut être choifi, plutôt qu'un autre
dans cette veiie, il s'aquita de fa commiffion
en bon juge & fans aucune forte d'affeda-
tion. Il le faifoit par ordre exprès de la Gour,
qui ayant déjà condamné TEglife de Roiien
in Petto, avant que d'avoir veu le procès, êtoit
fort curieuse de favoir s'il y avoit des deniers
dans la bource de TEglife pour les confifquer.
En faifant juftice au Gonfeiller Gommiiïaire,
on la doit rendre auffi au Sr. Vallée Secré-
taire Notaire de la Gour, qui êtoit le gref-
fier de la Gommiffion. Gar il ne voulut ja-
mais recevoir aucune marque de la reconnoif-
fance des Miniftres, ni petite, ni grande,
pour les peines qu'il avoit eues dans cette af-
faire & pour les frais de fes Ecritures; quoy
qu'il n'en efperât aucune recompenfe d'ail-
leurs.
de Rouen. 07
leurs. Il s'en excufa tousjours honneftcment,
faifant comprendre qu'il auroit regardé cela
comme un interdit dans fa maison : delica-
telle de confcience allés rare en ce fiecle.
dans un homme de fa profelTion.
L'interrogatoire étant fini, il êtoit de la ju-
ftice de décharger les Miniltres de la Com-
parence perfonelle & de les renvoyer dans les
fondions de leurs Charges; où de parfaire
leur procès, s'ils fe trou voient coupables. Ce-
pendant on ne fit ni l'un ni l'autre. Ils pa-
roilfoient fi peu coupables que les Juges ne
purent s'empefcher de faire conoître a toute
la ville qui s'intereifoit afles dans cette affai-
re, qu'il n'y avoit point de charge contr'eux,
on le publia partout. Mais comment les
renvoyer prefcher ? cela ne s'accordoit point
avec le complot que l'on avoit fait. En fer-
mant le Temple on avoit refolu de ne le rou-
vrir jamais, c'eft dans cette veuë qu'il eft dit
dans l'Arell qui le ferme, que toutes les af-
faires qu'il embralfe & qui pouvoient aller à
l'infini feroient jugées par un feul & un mê-
me Areft. On les lailfa morfondre près de trois
mois fans rien faire. Car l'interrogatoire du
2" minillre finit le 27" Février & jufques au
19^ May ils n'entendirent plus parler de leur
procès.
Ce jour fatal étant venu, on leur fignifia
C 3 un
38 Hijtoire de VEglife
un ArefI; qui les alligne, pour être confron-
tés aux Témoins : cet Arell du i6^ du mois,
donné a la requête du Procureur gênerai, a
qui le Raporteur avoit reproché en plein Par-
quet que fon Zèle êtoit trop lent : qu'il devoit
avoir déjà fait raser plus de fix Temples, dans
la Province : que cependant celuy de Que-
villi, qui étoit fous fes yeux fe trouvoit en-
core debout : fe rendant ainfi folliciteur
d'un Procès, dont il devoit être le premier
juge. On peut bien le dire hautement. Car
on luy en fit des plaintes, en parlant a fa per-
sone, après le jugement. Il eft vray qu'il
le méconnut, mais un Procureur, qui fe
trouva alors au Parquet l'entendit diflinde-
ment, & en avertit fur le champ. Il n'a pas
feulement été juge & folliciteur de ce procès:
il a été même un des exécuteurs de l'Are fl; :
chose encore plus étonnante Car un Con-
seiller n'a gueres acoutumé de fe charger de
l'exécution d'un procès criminel : cela ne re-
garde tout au pis aler, que le dernier ferge-
ant, au défaut de l'Exécuteur ordinaire.
Monfieur de Marillac voulut partager cet
honneur avec lu}-, comme auffi le Procureur
gênerai. Car ils fe transportèrent tous trois
aQuevilli & donnèrent les premiers coups de
marteau pour la démolition du Temple : bel
employ pour un Conseiller d'Etat, & deux
des
de Roiien. 1h)
des premiers Officiers d'une Cour ibuvc'-
raine.
Je reviens a la confrontation des Témoins.
On ne produifit que ceux qui regardoient les
enfans que Ton pretendoit avoir été menés a
Quevilli, dont il a été ci devant parlé. Et
il parut par les interpellations que leur firent
les minières, qu'il n'y avoit pas un leul de
tous ces Témoins, quoy qu'ils fuffent au
nombre de quatorze ou quinze, dont il y en
avoit même plufieurs a qui on avoit fait la
bouche avec grand foin, qui eût veu aucun
des dits enfans en quellion, au de là du Pont
par lequel on fort de la ville, & fur le chemin
de Quevilli, bien loin de les avoir veus dans
le Temple. Ceux qui en difoient le plus,
pretendoient feulement les avoir veus descen-
dre les rues qui aboutiffent fur le quay de la
ville; où entrer dans un battcau les jours
d'exercice. Et prefles de marquer le tems
auquel ils avoicnt fait ces observations ils
étoient obligés de le taire, en disant qu'ils
ne s'en fouvenoient point; ou de reconoitre
que c'étoit avant la Déclaration de Juin,
enregîtreé le 'ho" Juillet i()83, de forte que
leur depofition alloit plutôt a la décharge des
accusés, qu'a leur convidion.
Pour les témoins qui regardoient les pré-
tendus Relaps, tant ceux qui etoient ab-
C 4 fens;
40 Hijîoire de VEglife
fens; que ceux qui avoient été conftitués
prisonniers; on ne leur en présenta aucun.
Si on avoit fuivi les formes ordinaires de la
juftice; & qu'il eut paru moins de paffior
& de violence dans la procédure : les Mini-
lires ne s'en feroient pas embaraffés. Car fui-
vant rOrdonnance, les depofitions de perfo-
nes que Ton ne confronte point font nulles
de droit, on n'y a aucun égard en juftice.
Mais il ne virent que trop que Ton n'en ufoit
ainsy, que pour les oprimer plus facilement,
ce qui les obligea a prefenter une Requête
au Parlement le trentième May, en ces ter-
mes.
A nos Seimeurs du Parlement.
Suplient humblement Philippe le Gendre
& Jaques Basnage Miniftres a Quevilli &
vous remontrent qu'ils auroient comparu a la
Cour, pour être confrontés aux Témoins
faifans charge au procès qui leur a été fait a
la Requête de Mr. le Procureur gênerai,
fuivant l'Arêt de la cour du 16" May der-
nier : & que dans les diverfes confrontations
qui leur auroient été faites ils auroient remar-
qué que Meffieurs les confeillers Commiffai-
res faiibient diftincftion de témoins, «& qu'ils
ne leur auroient point confronté jusqu'icy
ceux qui chargent les perfones prévenues du
crime de Relaps; & fur tout celles qui font
ab-
de Roiien. 41
absentes. Et comme les fuplians en ont de-
mandé la raison ; ils auroient apris que les
dits Commiffaires en auroient ainfi usé; par
ce que les dits Témoins ne chargent point les
personesdeslupliants &que leurs depofitions
ne regardent que les prévenus, des crimes
contenus dans le dit Arell : lesquels étant ab-
fens pour la pluspart, & contumaces, font
censés par ce moyen, convaincus des fautes
à eux imputées fans qu'il foit befoin d'autre
chose que du recollement des Témoins à leur
égard. Les fuplians demeurent bien d'accord
que cette réponse ne laifferoit point de lieu
a leurs remontrances; s'il ne s'agiflbit en ce
procès, que de leurs persones & de celles des
prévenus. Mais comme il s'agit principale-
ment du Temple de Quevilli, dont les dits
fuplians font les Curateurs naturels; comme
étant les conducteurs du Troupeau qui s'y
eft tousjours recevelli, fous le bénéfice des
Edits de fa Majerté; ils peuvent prétendre
avec julHce, fous le bon plaifir de la Cour,
qu'on leur donne quelque connoiffance des
faits, dans lesquels le Temple de Quevilli
peut être interelfé : & dont la liberté que le
Roy leur a donné de s'y aflembler, &; d'y
faire les Exercices de leur Religion, depenâ
en quelque manière.
Car la Cour dillinguera fans doute la faute
C 5 des
42 Hijîoire de l'Eglife
des prévenus, de celle du Temple & des per-
Ibnes qui s'y affemblent. Quand les dits
prévenus auroient été bien & deuëment con-
vaincus des crimes a eux imputés : Il ne s'en
luit pas neceffairement que le Temple de
Quevilli en doive fouffrir, parce qu'ils peu-
vent être Relaps, & pour cela n'avoir ja-
mais été fouffers dans le Temple de Quevilli;
n'y être pas même entrés. Et quand il y
auroit des témoins qui le diroient, leur de-
pofition ne peut pas faire de préjudice au
Temple des fuplians qu'ils ne leur ayent été
confrontés : & que la Cour n'ait veu s'ils n'ont
point de Ibâns & de reproches a alléguer
contre les dits Témoins : s'ils pourront Ibû-
tenir en présence des fuplians les choses qu'ils
ont avancées. Les fuplians font perfuadés
qu'ils n'ont rien pu avancer qui foit préjudi-
ciable a leur Temple qu'il ne leur foit facile
de détruire dans la confrontation; & qu'ils
julfifieroient aisément par les interpellations
qu'ils pourroient faire aux dits Témoins, que
toutes les perfones prévenues des Crimes
dont il s'agit dans le procès ne font point du
nombre de ceux pour lesquels fa Majeifé in-
terdit l'exercice de la Religion P. R. & dé-
molit leurs Temples; où qu'ils n'y ont point
été reçus & foufferts depuis les déclarations
du Roy qui le défendent.
A
de Roiien. 43
A ces causes nos leigneurs il vous plaise or-
donner, que tous les témoins qui font char-
ge contre le Temple de Quevilli feront con-
tVontés aux fuplians; où que leurs depofi-
tions feront confidereés a cet égard, comme
nulles fuivant Tordonnance : & vous ferés
julHce.
Ils portèrent cette Requête au Procureur
gênerai, après qu'il eût été ordonné qu'elle
lu}' feroit communiquée pour y mettre fes
conclurions. Il ne fit que badiner a Ion or-
dinaire de toutes leurs remontrances. Il ad-
miroit, disoit il, leur Zèle, qui les pouffoit
a le faire Anathême pour leurs frères : pré-
tendant qu'ils avoient grand tort de vouloir
s'interelfer dans la cause de leur Temple, &
dans la conservation de leurs Exercices. Il
foutenoit qu'il leur fuffisoit que les Relaps,
ou ceux qui temoignoient contr'eux ne char-
geaffent point leurs persones; «& qu'ils dé-
voient laider parler le Temple pour foy mê-
me. Ce fut en vain qu'ils luy remontrèrent
que des pierres ne parloient point, qu"il leur
faloit neceifairement un Advocat, un Cura-
teur; comme on en donnoit aux Cadavres,
que nul n'avoit plus de droit de prendre en
main la cause du Temple que ceux qui en
étoient les propriétaires : il ne pou voit, où
ne vouloit pas comprendre que le Temple
leur
44 Hifioire de l'Eglise
leur apartint, & il falut encor de long rai-
fonnemens pour jurtifier qu^il étoit a eux puis
qu''ils en avoient acheté le fond par la per-
miliion du Roy, qu'ils Tavoient bâti, &
que le R03' les avoit autorisés d'y exercer leur
miniftere. On ajoûtoit que ces pierres n'a-
voient point contrevenu aux Edits qu'il n'y
avoit que les Condutleurs qui Teulîent pu
faire; & que pour les en convaincre, il fa-
loit leur confronter ceux qui les en charge-
oient. Mais le Proverbe elt bien véritable
qu'il n'y a point de fourds pires que ceux qui
ne veulent point entendre. Il fe moqua d'eux,
comme il a presque tousjours fait, quand
ils l'ont foUicité. Ils n'ont pas feulement été
exposés a fes railleries : ils l'ont même été
quelquefois a des duretés qui ne font pas fort
ordinaires a des Juges. Un jour entr'autres
que le Miniltre qui etoit chargé des Regiftres
du Gonfiftoire alla chés luy accompagné du
Sr. le Plâtrier Ancien, pour luy en porter
quelques uns, fuivant l'Areil du 3" May, il
demanda au dit Heur le Plâtrier ce qu'il
cherchoit chés lu}^, s'il vouloit qu'il le mit en
prison comme les Miniftres; qu'il ne favoit
déjà où les loger, n'y ayant pas affés de pri-
fons dans la ville pour tous ceux qu'il vouloit
arefter. Le Miniftre ayant répliqué que le
Sr. le Plâtrier n'étoit la que par accident;
&
de Rouen. 45
& que comme c'étoit luy répondant, qui
avoit les Regillres en fa garde, c'etoit a luy
leul a en repondre. En effet ajouta le Ma-
giftrat en regardant le Miniilre de travers il
vaut mieux que vous entriés en prilbn que le
Sr. le Plâtrier, vous êtes plus jeune & plus
vigoureux. Une persone plus grave & moins
emportée auroit fait arêter ce Miniilre, s'il
avoit eu du chagrin contre luy; mais il n'au-
roit pas eu la dureté de le luy dire en face.
Quoy qu'il en Ibit le Miniilre qui voyoit qu'il
prenoit a tâche de le mortilier & de luy faire
des insultes luy marqua qu'il étoit en effet,
ailes fort pour endurer tout ce qu'il s'avife-
roit de luy faire fouffrir. De ce discours il
tomba dans un autre qui ne fera peut-être pas
plus au goût des honnêtes gens, il compara
la Religion Reformée a un chapeau pointu qui
n'ell plus a la mode. Ce qui obligea le Mi-
niilre a luy dire ailes fièrement en fe retirant
que les Religions les plus a la mode n'étoient
pas les meilleures. Et comme il le prelfa de
s'expliquer davantage, il repondit en gagnant
tousjours la porte, pour couper pied a tou-
tes ces infultes; que les plus anciennes doi-
vent être les meilleures. En effet la vérité
efl plus ancienne que le mensonge; elle ell
dès le commencement & fc trouve dans les
faintes Ecritures d'où la Religion doit être
puifeé
40 Hijîoire de l'Eglife
puifeé pour être bonne & falutaire.
Si on n'a pas eu grande fatisfaClion de
toutes les démarches que Ton a faites chés le
Procureur gênerai; on n'en eut pas davan-
tage des Conclurions qu'il mit a la Requête
lusdite car elle tendoient a la rejetter. Elles
furent fuivies de point en point. Car au lieu
de faire droit fur les confrontations deman-
dées : ils furent furpris que Ton avoit congé-
dié deux ou trois témoins affignés pour le
même fujet que ceux que avoient déjà été
confrontés ; & que le Procureur gênerai avoit
emporté tout le procès pour mettre fes con-
clurions. Les Miniftres etoient préparés a les
voir bien tôt. Car il ne leur avoit point dis-
fimulé qu'il les y mettoit dans un moment,
& qu'il n'avoit que faire d'eux pour cela.
C'étoit leur dire en bon françois qu'il les ju-
geroit fans les entendre, & même fans voir
les pièces. Car il y avoit plus d'une main
de papier : peut-être bien davantage, de Re-
collemens & de confrontations, dont il
n'avoit pu encore avoir la communication.
Mais ce n'étoit pas une affaire. On faisoit
gloire dans ce procès de fouler aux pieds tou-
tes les loix.
Tous ces Griefs, & je ne fcay combien
d'autres qu'il feroit trop long de raporter
avoient obligé le Confiftoire a fe tourner du
coflé
de Roiien. 47
coité du Conseil & a s'y plaindre de tant de
vexations & de violences. Le placet que
Ton présenta au Roy ètoit conçu en .ces ter-
mes.
Au Roy
Sire.
V^os fujets de la Religion Prêt. Réf. de la
Province de Normandie Remontrent tres-
humblement a S. M. que les arreils folem-
nels de fon confeil ont conservé quelques uns
de leurs temples de ceux qui ont elle con-
damnez, & bien qu'il n'en reliât que dix ou
douze dans les généralités de Caè'n & d'Alen-
çon & cinq ou fix dans celle de Rouen, la
plus grande partie des fiéfs ne pouvant plus
iubfilter par le dernier arreft de vôtre Confeil.
les fupliansqui fouffroient beaucoup dans cet-
te réduction a caufe de leur nombre & de
rétendue de la Province, n'ont pas laiffé de
la recevoir comme une grâce de vôtre bonté
Ro^^alle dans la créance que ce feroit au
moins un état fixe & affuré pour eux, &
qu'en continuant defervir Dieu avec liberté.
&; d'obéir a S. M. fuivant leur devoir & leur
Inclination, ils pourroient remplir tous les
devoirs de fidelles fujets, &; contribuer a
l'augmentation du commerce, dont ils font
une grande partie, & qui ell fi neceffaire a
rétat dans cette Province maritime.
Mais
48 Hijîoire de l'Eglife
Mais les fuplians ont veu avec la dernière
désolation que les exercices qui leur reftent,
confirmés par le Conseil ont été attaqués a
même temps par les juges des lieux, pour
rentrée de prétendus Relaps, les fonds de
leurs pauvres non déclarés & d^autres recher-
ches ou d'autres prétextes, c'eft par cette
voye qu'on a fermé les temples de Caën
d'Alençon de S'. Lo, & quantité d'autres,
de forte qu'il n'y en a que deux ou trois ou-
verts dans la balle Normandie, peu fréquen-
tés, éloignés des grandes villes & négligés
par cette confideration. Et dans la haute
Normandie il n'y en a que trois ou quatre qui
puiifent fubfifter depuis la fuppreffion des
lieux de polfellion ou il ne demure pas dix fa-
milles, & on a attaqué celuy de Quevilli qui
est le plus confiderable, votre Parlement de
Normandie ayant interdit les fondions des
Miniifres, décrété contr'eux, privé vos fujets
de la R. P. R. de Rouen de leur Exercice,
fans autre fondement, que d'avoir receu dans
leur aflemblée la fille d'un gentil homme qui
a vescu & qui est mort de leur Religion, &
dont la mère efl; Catholique, ce qui ell con-
forme a la Déclaration de 1669. Et de ce
qu'on prétend qu'il eft entré dans leur tem-
ple des prétendus Relaps dont ils n'ont eu au-
cune connoiffance, & dont on ne leur a ja-
mais
de Roïten. 49
mais fignific Tabjuration fuivant les Edits;
dans ce trille elhit, les suplians fe voyant a
la veille d'une privation universelle de toute
Ibrte d'exercice de leur Religion, font obli-
gés de représenter a V. M. que leur ruine
pourroit devenir, générale & causer celle de
la Province, qu'il y a parmy eux quantité
de matelots & de gens de mer ausquels une
lemblable extrémité, & les amorces & le
^'oi^mage des étrangers pourroient inspirer le
deflein de quitter leur patrie, qu'il y a beau-
coup d'ouvriers engagés dans des manufaclu-
res également utiles a Tetat & enviées des
autres nations qui feront détruites & anéan-
ties fi on leur ode leurs exercices, & les
moyens de les faire fubfifter, & qu'il y a dans
la Province & fur tout à Rouen une infinité
de marchands & de negotians qui augmen-
tent le commerce & l'abondance, & qui s'y
font avantageusement diftin^ués dans une an-
née malheureuse comme celle cy par la quan-
tité des grains qu'ils ont fait venir & dillri-
buer pour le fecours & le bien du Royaume.
A ces Caufes, Sire, Plaise a voftre Maje-
llé maintenir & garder les fuplians dans l'ex-
ercice de la R. P. R. en Normandie aux lieux
ou il a été confirmé par les arreils de vôtre
Confeil, ordonner que le temple de Quevilly
& les autres fermés feront ouverts, faire def-
D fen-
5o Hiftoire de VEglife
fences a tous Juges de les troubler. Et leur
permettre de continuer leurs foins & leurs
efforts pour Tutilité du commerce & le bien
de TEtat dans le repos de leurs confciences,
& les fuplians redoubleront leurs vœux &
leurs prières pour la fanté & la prospérité de
V. M. & pour la gloire de fon Règne.
On joignit au Placet une Requête pour
Monlîeur le Marquis de Château neuf Se-
creraire d'Etat où Ton s'exprimoit ainfi.
Monseigneur
Les habitans de la Religion. Prêt. Réf. de
Normandie & de la ville de Rouen, Re-
montrent treshumblement a vôtre Grandeur
que dans le temps qu'ils croyoient jotiir avec
quelque tranquilité des lieux d'exercice con-
firmés par les arrells du conseil, & qui etoient
fi fort diminués qu'il ny en avoit que quinze
ou feize, outre les fiefs qui ne fubfiftent
plus, dans toute l'étendue de la Province,
ils n'ont pu voir fans une extrême conderna-
tion que les juges des lieux ont attaqué plu-
fieurs de leurs temples tout a la fois, pour
des prétendus Relaps, non déclarés, d'autres
contraventions & d'autres prétextes, qu'on
a fermé ceux d'Alençon, de Caen, de S'.
Lo, de Quevilly, & plufieurs autres, qu'on
a décrété contre les Minillres, & qu'ils font
prêts
de Rouen. 5i
prêts de fe voir fans exercice de leur Reli-
gion dans toute la Normandie, ce qui a obli-
gé les luplians de présenter leur Placet à Sa
Majelté pour la lupplier trcshumblement de
faire ceffer tous ces troubles dilferens & de les
maintenir dans la grâce qu'elle leur avoit ac-
cordée.
C/est ce qui les engage encore de repre-
fenter a votre Grandeur, les fuittes & les
conséquences de toutes ces recherches, par
le grand nombre de ceux delà R. P. R. dans
cette Province, qui ne peuvent pas fublilkr
fans exercice, par ie grand nombre de mate-
lots & de gens de mer dont la retraitte est
d'autant plus a craindre qu'elle est plus facil-
le* quand ils en feront privés, par le grand
nombre d'artisans & d'ouvriers, qui feront
contraints d'abandonner des manufactures
confiderables &; enviées des Etrangers qui ne
fubfi lient que par travail, par le grand nom-
bre des marchands & des negotians, principa-
lement a Roiien qui ont des liaisons dans tou-
te l'Europe & dans tout le monde, qui fou-
tiennent une bonne partie du Négoce, qui
ont rendu nouvellement un fervicc confide-
rable a l'état dans les retours de quantité de
grains & le débit qu'ils en ont fait pour le
Ibulagement du Royaume, par l'utilité de
toute forte de marchandises qu'eux & leurs
D 2 cor-
52 Hijîoirc de VEglife
correspondans font venir tous les jours dans
le même deffein, par les avantages qu'ils pro-
curent a leurs pays & aux fermes de fa Ma-
jelté, & les Etablilfemens confiderables d'un
grand trafic, qu'ils feront contraints d'aban-
donner, fi l'exercice de leur Religion ne leur
est plus permis dans la Province, par la
confideration du bien public, qui fouffrira
extrêmement dans le malheur des fuplians
dont la ruine entraifneroit celle d'une infinité
de Catholiques, enfin par les veues de l'au-
gmentation du commerce que fa Majefté &
ion Conseil veulent procurer par toute forte
de voyes, & qui diminuera & peut être mê-
me s'anéantira dans la Normandie fi les fu-
plians font réduits a cette extrémité, bien
loin de s'augmenter avec les Hollandois fui-
vant les ordres du Roy a Nimegue& ailleurs,
dont on ne peut attendre que du refroidiffe-
ment quand ils feront enrichis de nos pertes
& qu'il verront que la Religion qu'ils pro-
feiTent n'a presque plus de liberté dans le Roy-
aume. A ces Gaufes, Monseigneur, il vous
plaife accorder aux fuplians l'honneur de vô-
tre protecftion dans la grâce qu'ils ont deman-
dée a fa Majefté d'être maintenus dans les ex-
ercices de la R. P. R. confirmés par les arrests
de fon Confeil, & de luy représenter ce qui
est utile a fon fervice, au bien de fon état a
l'avan-
de Roïien. 53
Tavantage du commerce & au repos des fupli-
ans, & ils continueront leurs vœux & leurs
prières pour la fanté & profperité de vôtre
Grandeur.
Le Placet ne produifit rien ; on laifla fai-
re le Parlement. Le Procureur gênerai tint
parole, il mit fesconclufionsdansun moment,
& envoya le procès au Raporteur, qui ne
fut ni plus fcrupuleux ni moins diligent. Car
il fe donna fi peu de loifir d'examiner Taf-
faire, qu'il dévora en deux jours tout ce nom-
bre de pièces & d'interrogatoires qui y pa-
roiflent, & fe trouva en état de le mettre
fur le bureau le famedi qui fuivit TAfcen-
fion.
Les Minières qui aprirent la veille de cette
Felle que les conclufions étoient déjà mifes,
& que le Raporteur fe disposoit a travailler,
en furent frappés comme d'un coup de foudre.
Car ne fe croyans pas à la moitié des confron-
tations; ils n'avoient point encore fongé ni
a travailler a leurs deffenses, ni a faire un
Faclum. Nayant pu voir les pièces ils avoienr
remis le tout après les confrontations qui les
devoientinftruiredesdepofitionsdestémoins;
& les mettre en état d'y répondre. Ils paffe-
rent la Felte dans cette mquietude & tirent un
Ecrit de defenfes avec precipetation a qui ils
donnèrent auiïi la forme d'un Fadum ne pou-
D 3 vans
54 Hijioire de rEglifc
vans mieux faire, veu la brièveté dutems. Ils
coururent le vendredy chés le Prefident &
chés le Raporteur, pour obtenir au moins
un jour pour le faire imprimer. Mais on ne
parloit point au Prefident. Il luy êtoit arri-
vé une affaire avec les Confeillers de la grande
Chambre le jour de TAfcenfion, a la'^Melfe
pour leurs Carreaux il y avoit eu des coups
donnés. Cette affaire Foccupoit tellement
quUl ne pouvoit penser ailleurs. Et il
avoit raison de s'en inquiéter. Car la que-
relle pouvoit avoir des fuites; & fi elle ne
luy a pas fait tout le tort qu'il aprehendoit :
au moins la-t-elle obligé a être plufieurs mois
a la fuite du Confeil, où il a reçu des mor-
tifications qui le dévoient faire penfer au
traitement fait a des Minillres, a qui Ton ne
peut reprocher autre chofe que d'avoir fait
leur devoir : & a Mr. de Colleville Confeil-
1er au Parlement, a qui il fit des avanies en
pareil jour qui luy ont couflé fa charge, pour
avoir ofé dire en opinant pour la délivrance
du Prisonnier que Ton délivre le jeudi de
TAscenfion, que le fondement en eil fabu-
leux. S'il ne fit ces réflexions fes Confrères
les firent pour luy. Car ils regardèrent le
chagrin qu'il reçut comme une rétribution du
mal qu'il avoit fait a Mr. de Colleville; & ne
le dilïimuloient point.
Pour
de Roïicn. 55
Pour le Raporteur qui n'avoit point eu de
part au desordre. Car il étoit en retraite dans
la Ipeculation & dans Textase. C'elt un Beat
a vifions qui ell tiulïi occupé pendant les Fê-
tes de ce qui fe fait dans le ciel où dans les
Convens que le Duc d'Albe Tetoit de ce qui
le pallbit fur la terre un jour de Bataille.
Pour luy, dis je, on le trouva enfin Ibrtant
de TEglife. Mais on n'en fut pas plus avan-
cé. Car on eut beau luy représenter que Ton
n'avoit point encore travaillé aux defenfes ne-
ceffaires, parce que Ton s'etoit reposé fur la
parole qu'il avoit fouvent donnée de ne fur-
prendre point les gens : on n'}' gagna rien,
il dit tousjours qu'il mettroit, le lendemain
fur le Bureau, que le Roy le vouloit. Car
ces Meilleurs n'ont jamais hefité a couvrir
toutes leurs injuftices du nom du Roy. Cela
eft fi vray que le Raporteur ayant bien voulu
s'humaniser après le jugement du procès &
entrer en quelque forte de jultification de
l'on procédé avec un des Minillres condam-
nés : comme il fe trouva poulie a bout & con-
traint d'avouer que l'Arefi; êtoit infoutena-
ble, il fe retrancha a dire, que le Roy le
vouloit. Le Minilh'e indigné de fafoibleffeluy
reprefenta que le Roy n'avoit pris aucune
connoiffancedu Procès, qu'il s'en étoit repo-
fé fur luy; & que ce ne feroit point fa Ma-
D 4 je-
56 Hijîoire de l'Eglife
jefté qui en rendroit compte devant Dieu :
qu'il en repondroit luy feul; luy qui étant
convaincu, en fa conscience de l'innocence
des accusés n'avoit par laiffé de les condam-
ner & de les flétrir. Cette remontrance que le
Miniflire le Gendre luy fit avec quelque cha-
leur fit tant d'imprefllon fur fon esprit qu'il
demanda dans le même moment au Miniftre
s'il voudroit bien luy donner fa benedi6lion.
On peut bien juger qu'il ne la luy refusa point,
il y ajouta des prières a Dieu a ce qu'il ne
luy imputât point la persécution injufte qu'il
luy avoit faite. Mais après cela il ne put
s'empescher de rire d'une rencontre fi peu
attendue, car il ne luy feroit jamais entré dans
l'esprit qu'un Beat du premier ordre & du
carad:ere de Mr. de Tourvens eut recherché
la bénédiction d'un Miniftre. Mais il y a
des momens ou la conscience nous force a
faire les démarches les plus éloignées de nôtre
esprit & de nôtre humeur. Toute la ville
qui feut cette avanture en rit comme le Mi-
niltre.
Au fond c'efl: envain que le Raporteur
mettoit le Roy en jeu, pour précipiter le ju-
gement contre fa promeffe. La vraye raifon
qui le faisoit agir eft que M. de la Motte
Angot fon confrère etoit fur le point de rap-
porter l'affaire de St. Lo, & qu'il vouloit
avoir
de Roilen. 67
avoir Thonneur de faire fauter le premier
Temple de la Province que le Parlement de
iruiroit. La parole quil avoit donnée nV étoit
pas un obllacle. Car il ell de ceux qui ne
croyent pas que Ton foit obligé a garder la
foy aux Hérétiques.
Il ne put pourtant venir a bout de fon de^-
fein, car le Samedi les Miniftres crièrent (i
haut, aux portes de la Chambre : a la pré-
cipitation & a rinjulfice, qui leur otoit les
moyens de donner leurs defenfes, & d'in-
ItruirelesJuges; que s'ils nepurentempefcher
que le Procès ne fût mis sur le Bureau; ils
eurent au moins la consolation de voir que
Ton y travailla fort peu : û bien que leur Fac-
tum fut achevé d'imprimer & diftribué le
Dimanche. C'eft une pdece qui donne une
idée fort exa(5le de Tetat des choses, & qui
fait voir nettement Toprelfion & la violence
que Ton a foufferte. On le trouvera a la fin
de cet écrit avec Tarell de la Cour & les au-
tres pièces qui font dignes de la curiofité des
Leclcurs. On porta aulîî au Raporteur les
défenses que Ton avoit dreffées qui ne diffe-
roient du Faclum, que pour la forme : mais
qu'il ne daigna pas feulement lire a la Cour;
tant il êtoit partial. On ne peut pas disconve-
nir qu'elles n'ayent été fuprimêes contre
toute forte de droit & de julfice, puis que
D 5 l'a-
58 Hijîoire de lEglife
Tarell n'en fait aucune mention dans le veu
des pièces, ou Ton n'omet rien de tout ce
qui a paru fur le Bureau.
Les Miniftres qui voyoient la dispofition
des esprits & qui croyoient bien que Ton
n'auroit pas grand' foin de faire voir toutes
leurs juftifîcations demandèrent a entrer le
lundy, dans la veiie de fuppléer a ce défaut.
On le leur accorda, le mecredy jour de Tareft,
mais feulement pour répondre au nouvel In-
terrogatoire qu'on leur fit subir a la face de la
Cour. Il ne fut pas fort différent de celuy
qu'ils avoient effuyé devant les Gommiffaires.
On ne leur dit rien des Relaps, prisonniers,
ou absens. On leur parla fort de leurs Regî-
tres & de leurs deniers qui tenoient encore
plus au cœur des Moynes qui conduiibient
toute la trame, que le procès. Car tout le
monde fait combien auri facra famés a de pou-
voir fur ces âmes béates. * Il y a voit un des
juges, bel esprit amateur des belles lettres &
fort indigné de tout ce qu'il voyoit, qui ne s'en
pouvoit taire. Car toutes les fois qu'il ren-
controit les Miniftres il leur crioit.
Heiifuge crudeles terras, & littus avarum.
Pour les deniers les juges eurent dabord la
bouche fermée. Car les Miniftres dirent qu'ils
en avoient rendu raifon a Monfieur de Ma-
rillac
* Mr. du Tôt Fer rare.
de Roïœn. 5c)
rillac par devant qui les Adminiftrateurs du
Bureau les avoient fait aiïigner & qu'ils n'a-
voient rien a ajouter a ce quils avoient dé-
claré devant le Tribunal a qui le Ro}^ avoit
attribué la conoilfance de ces affaires. Mais
pour les Regîtres, on leur fit un grand cri-
me, de ce qu'ils n'en avoient produit qu'un
feul qui contient les Cenfures faites par le
Confilloire, aux particuliers : la Cour ne pa-
roilfoit pas moins choquée de ce qu'ils n'a-
voient produit que la Copie d'un Synode
que l'on demandoit, quoy qu'il demeurât
coudant par les Ades que l'on avoit exercés
en juftice que les Miniltres avoient déclaré
ou êtoit l'original & que le Procureur Gene-
ral reconnût qu'il avoit promis un compulfoi-
re, qu'il ne donna point pour le faire apor-
ter a la Cour. A l'égard des Regîtres on fit
voir par les Arêts de la Cour même que l'on
avoit en main, que l'on avoit fait entière-
ment tout ce qu'ils ordonnoient fur ce fujet
La Cour n'en parut pas contente; par ce
qu'on vouloit, a quelque prix que ce fût
que les Minières fulfent criminels.
On prétendit qu'ils l'etoient extrêmement
d'avoir reçu Efier Hue a Quevilli, & il falut
repeter tout ce que l'on avoit dit tant de fois
a la Cour pour fe jurtifer. Et comme après
avoir fatisfait a tout ce qui regarde le fait;
le
(3o HiJIoire de l'Eglise
le Miniftre le Gendre voulut encore main-
tenir le Droit, il fe fervit entr'autres choses
d'un arest du mois de May i683 produit au
procès, qui fe raporte a ceux que l'on a dei
a cottes & qui défend de forcer dans leur con-
fcience deux enfans du Havre Tun de 8 &:
l'autre de 14 ans. Le Raporteur qui ne Ta-
voit pas regardé, quoy qu'il l'eût dans fon
fac jettant les yeux deffus dans ce moment
fécria Meffieurs cet arest dont le Miniilre
fait tant de bruit est tout a fait contre luy.
Car tout ce qu'il accorde aux Parens de ces
enfans c'est qu'il feront reçus a opter de Re-
ligion. Le Miniftre repondit modestement
qu'il prendroit volontiers droit par cet Arest
quelque contraire qu'il parût a Monfieur le
Raporteur, qui ne l'avoit pas fans doute bien
envisagé : & qu'il êtoit prêt à montrer in-
vinciblement qu'il étoit decifif en fa faveur.
La chose n'etoit pas difficile car dans le tems
qu'il fut donné les Cathohques Romains n'a-
voient plus la hberté d'opter de Religion;
il n'y avoit que les Reformés a qui on la don-
noit des l'âge de Sept ans. Et puis que l'A-
rest admettoit ces deux enfans du Havre
dont le Père etoit mort de la Religion a op-
ter, quoy que la Mère fut Romaine, c'est
une marque certaine que le Roy les regardoit
comme devant être élevés dans la Religion
de
de Roiieu. 6r
de leur Pere. Le Raporteur parut un peu
étourdi de cet Argument. Car les Greffiers
disoient tout haut, derrière luy; que cela
ne fouffroit point de réplique. Il voulût
parer en disant qu'il n'etoit point parlé de
Tage des enfans dans TArest. On luy fit voir
qu il^ ne Tavoit pas lu, bien loin d'avoir exa-
miné tout le procès, & <^u'il en est fait men-
tion dés la 2" ou la 3* ligne : Mais qu'il ne
faloit point chicaner fur Tage, puis que les
Romams nétoient plus reçus a opter a quel-
que âge qu'ils fuffent : que cela ne regardoit
que les Reformés : & que dés là que l'on avoit
permis a ces enfans d'opter il faloit de ne-
celfité que le Roy les eût confiderés comme
Reformés. Il voulut fe fauver dans un au-
tre retranchement, difant que c'etoit un Arelt
furpris fur Requête : Mais on l'y força tout de
même, le Miniftre reconut qu'il avo'it été fur-
pris & donné fur Requeste : Mais par qui fur-
pris & a la Requête de qui : de la mère de ces
enfans : qui toute révoltée qu'elle êtoit, ayant
toute la faveur & point de parties, n'avoit
pu cependant obtenir autre chofe : finon
qu'elle auroit fes enfans chés elle & qu'il fe-
roit en leur liberté d'opter. D'où l'on con-
clut que le Roy étoit demeuré ferme jus-
ques là, a faire exécuter le 38" Article de
la Déclaration de 1(369 <^^ns fa forme & dans
fa
62 Hijîoire de lEglife
la teneur. Le Prefident voyant le Raporteur
hors de garde obligea le Ministre qui par-
loit a touner teste de fon costé. Car il re-
leva ce qu'il avoit dit dans fon discours qu'a-
près tant d'Edits dans lesquels le Roy s'etoit
expliqué fi pofitivement fur l'éducation des
enfans des Pères morts de la Religion : s'il
avoit eu deffein de déroger aux Reglemens
précedens, par la Déclaration de Juin i683
qui sâttribùe les enfans des Pères convertis;
il n'auroit pas parlé fimplement des Pères;
il auroit auffi nommé expreffément les Mè-
res : Il le releva, dis- je, fièrement, comme
s'il eût voulu corriger les Déclarations du Roy.
Vous n'auriés donc pas fait, dit-il, la Dé-
claration comme elle est, fi vous y aviés été
apellé ? comment l'auriés vous faite ? Mais il
ne s'en déconcerta point, il répondit avec
le resped que l'on doit aux Loix du Souverain
& fit comprendre qu'il les regardoit comme
des choses fi hautes & fi élevés au deffus
de luy qu'il n'y pouroit atteindre; qu'aulîi
n'avoit il pas eu la pensée d'y toucher, qu'el-
les luy etoient facreés & inviolables : qu'il
les executoit dans leur forme et teneur. Mais
que s'il faloit parler de chofes fi fort élevées
audeffus de fa portée comme il croyoit y être
obligé puis que Monfieur le Prefident l'in-
terpelloit & qu'il luy devoit obeiffance : il
ne
de Roiien. 63
ne feroit pas de difficulté de dire quUl êtoit
persuadé que fi le Roy eut voulu que les en-
fans des mères converties fuflent élevés dans
TEglise Romaine, auffi bien que ceux dont
les Pères en ont embraffé la profeffion il les
auroit nommées, comme les Pères; puis que
c'auroit été une nouvelle jurisprudence qui
auroit aboli les Loix anciennes, confirmées
tout de nouveau par un Arest donné un mois
avant la Déclaration dont on vouloit fe pré-
valoir.
Le Roy en avoit eu fi peu le deffein, que le
juge du Havre ayant eu des veiies qui aloient
a éluder l'Arefl; de May i683, & en ayant
écrit a Monfieur de Chateauneuf : il reçut
une Réponse de luy produite au Procès, ik
dont la datte est postérieure a la Déclaration
dont on fe fait fort, qui porte en termes ex-
prés qu'il en a informé le Roy, qui ne veut
point que Ton contraigne ces Enfans au fait
de la Religion.
Et il est bon que Ton fâche icy que ce juge
pour avoir fuivi les ordres d'en haut & laillé
ces enfans en liberté fut mis en veniat dans
le même tems, & fuspendu de fa charge
jusqu'à la fin du procès que Ton a fait aux Fi-
dèles du Havre, pour avoir reçu ces enfans
dans leur Temple : quoy qu'il représentât &
PArest du Conseil & l'ordre du Marquis de
Cha-
64 Hijioire de rEi>-life
Chateauneuf Secrétaire d'Etat : fans pouvoir
en avoir de raifon. Quand il s'en plaignoit
au Procureur General, il ne luy dilfimuloit
point qu'en le renvoyant dans l'exercice de fa
Charge il justifioit le Miniftre du Havre : ce
qu'il vouloit éviter. 0 Tempora ô Mores.
Le moyen de fémpescher de crier a l'opref'
lion & a l'injuftice.
Ce qui la fait voir plus clair que le jour,
c'est qu'il a paru une Déclaration, dépuis
lô jugement de tous ces procès par laquelle
le Roy ordonne effectivement que les Mères
converties élèveront leurs enfans au deffous
de 14 ans dans leur Religion, pour leur con-
folation. Si la chose avoit été réglée par celle
de Juin i683 en auroit il falu une nouvel-
le, ou fi on en avoit donné une nouvelle ne
l'auroit on pas faite par raport a la premiè-
re & par voye d'explication de la précéden-
te, cependant il n'y en a pas un mot. Ledit
Minillre le Gendre représentant cela au Pro-
cureur General qui sétoit transporté chés
luy pour l'exécution de l'Arest de condam-
nation; (fur ce qu'il disoit qu'il avoit reçu
le matin cette nouvelle déclaration) & fe pré-
valant de cet Edit comme d'une pièce qui
venoit tout a propos pour faire voir de plus
en plus, l'iniquité de leur Areft, il n'en fit
qui rire & dire quelle étoit déjà. In mente Ré-
gis
de Roiicii. 65
^is lur quoy le Miniltre s'écria vous donc,
Melfieurs, foges comme vous êtes, vous
jugés les lujets du Roy par ce qu'il a in petto
& non p)ar la dispofition de fes loix publiées
& enregitreés dans vos Parlemens.
Mais cela ne vaut pas le peine d'en parler
le relie de l'interrogatoire le palla fans qu'il
y eut rien qui foit digne de remarque. On
congédia les Miniltres & en fortant ils furent
areftés a la porte de la Chambre, chacun par
un Huiflier, en attendant le jugement du pro-
cès. Cela ne leur fit pas grand mal. S'ils
en furent touchés, ce fut pour bénir Dieu
de ce qu'il ne les jugeoit pas indignes de fouf-
frir oprobre pour fon nom : comme fit auiïi
Madame le Gendre mère de l'un d'eux en
l'embraffant a fon retour & le consolant par
ces paroles. Mais en recompense cela fit un
grand fracas. Car la chose le paffa a la veuë
de plus de deux mille persones. Reformés &
Romains, qui attendoient le jugement dans
les fales voifines : & fi le menu peuple de
l'Eglise Romaine s'en réjouît, les honnefl:es
gens ne purent s'empescher d'en témoigner
du chagrin : trouvant fur tout fort étrange
que lont eût arefté les gens; après avoir pu-
blié par tout, comme avoient fait le Ra-
porteur & les Commifllnres qu'il n'y avoir
point de charge contre les Miniftres.
E Le
66 Hijioire de l'Eglife
Le Raporteur en eut honte, & il leur en
fit quelque espèce d'excuse, après le juge-
ment : disant qu'ils n'avoient pas été areltés
pour les charges du Procès : mais pour s'être
opiniâtres a ne pas donner les Regîtres de-
mandés; pendant que la Cour en deliberoit.
Mais cette excuse n'êtoit pas mieux fondée
que l'Areft : puis qu'ils avoient donné tout
ce qu'on leur demandoit. Ils l'avoient jufti-
fié en mettant les pièces fur la table : & c'eit
ce qu'ils prirent la liberté de luy représenter.
Nous touchons au trifte moment qui a pri-
vé les Fidèles de Rouen de toute la douceur
& de toute la consolation de leur vie : & qui
les a exposés a des peines plus dures que la
mort : puis que toutes ces procédures furent
fuivies de l'Areft du 6* juin, qui rase leur
Temple; interdit leurs Pasteurs, & les fe-
pare pour jamais de leur cher Troupeau. On
demanderoit volontiers aux juges, furquoy
ils ont fondé un jugement fi terrible. Ce ne
peut être fur la depofition des Témoins qui
regarde les deux premiers chefs du Procès.
Car on a fait voir qu'ils ne font pas la moin-
dre charge. Ce ne peut être non plus, fur le
dernier, qui touche les Relaps : puis qu'ils
ont tousjours nié d'en avoir fouffert depuis la
Déclaration qui le défend; & qu'on ne leur a
confronté qui que ce foit, qui les en ait ac-
cusés.
de Roîlen. 67
cusés. Les Juges n'en peuvent alléguer d'au-
tre cause que leur paiïîon & leur haine, qu'ils
ont couverte de l'autorité du Roy.
S'ils avoicnt quelque ordre de fa Majeilé,
ils Tauroient produit; il paroîtroit dans le
veu des Pièces. Le Préfident «& le Rapor-
teur pouvoient avoir des Lettres du Père de
la Chaife; ou de l'Archevesque de Paris; au
moins voulurent ils le persuadera leurs Con-
frères pour les attirer dans leurs fentimens.
Car l'on a dit dans la ville, que comme ils
ne donnoient point d'abord dans leur fens;
qu'au contraire les premiers opinans paroif-
foient affés disposés a faire jurtice : M" les
Eclefiaftiques fur tout; comme il a été re-
marqué, le Prefident prit la parole & leur
dit que c'etoit laffaire de l'Archevesque de
Paris & du Révérend Père de la Chaise.
Mais faut il que le facré nom du Roy ferve
a couvrir lapaffiond'un Prêtre et d'un Moine
ou d'un juge cjui abuse de fon autorité. C'est
une injure faite a fa Majefte que l'on ne fau-
roit fouffrir.
S'ils n'avoient point eu d'autre but, que
d'exécuter la volonté du Roy, ils n'auroient
pas aggravé fes Déclarations, qui n'éloignent
les Mmiftres dont les Temples ont été rasés,
que de fix lieues de leur Exercice : Au lieu
qu'il y en a vingt dans l'Areft & qu'il a joute
E 2 en-
68 Hijîoire de lEglife
encore a cette peine toute cruelle qu'elle eft
de grofles amandes : tout cela dans le tems
qu'ils reconoilTent & qu'ils publient que les
Miniftres qu'ils traitent fi durement font les
moins coupables de ceux qu'ils ont jugés;
& qu'il n'y a point de charge contr'eux.
Mais l'Areft n'eft pas feulement injuste en
ce qui concerne l'Eglise & les Miniftres; il
l'est encore a l'égard des particuliers. On ne
parle plus de Noblet; on peut juger de ce
qui le touche par le récit que l'on en a fait.
Les Dames, le Seigneur & Caron y font con-
damnées a cinquante livres d'amende, pour
avoir mené au Presche des enfans dont les
Pères êtoient morts de la Religion; quoy
qu'elles y fuffent auffi bien fondées qu'a y
aler elles mêmes : puisque tous les Edits le
leur permettoient; les Dames Thorel & le
Blanc s'y trouvent auffi foûmises a la même
peine, pour y avoir conduit leurs filles; en-
core qu'il n'y ait pas le moindre Témoin qui
raporte les y avoir veiies, depuis l'Edit de
Juin qui le defendoit. Ce qu'il y a encore
de fort extraordinaire, c'eft que les Pérès de
ces enfans pour l'avoir fouffert ont été inter-
dits des fondions des Charges qu'ils exer-
coient jusqu'à ce qu'ils ayent obtenu desletres
de RemifTion qu'ils ont été obligés d'aler
chercher a Paris; comme fi ç'avoient été des
fce-
de Roïien. 69
fcelerats & des meurtriers. Il est vray qu'ils
méritent bien la mortification qu'ils en ont
receiie pour avoir changé de Religion, lé-
gèrement & pour de vils & de misérables in-
térêts; dans un tems; qu'ils n'avoient point
encore a craindre les misères qui en ont fait
tomber un fi grand nombre.
La rigueur de TArefl ne s'areste pas aux
vivans, il intereffe les morts. Car il leur ôte
les cimetières, ou leurs os dévoient reposer
jufqu'au jourde la Refurredion . Elle s'étend,
même a ceux qui font encore a venir; puis
qu'elle les prive des moyens de s'inftruire en
la conoifTance du vray Dieu, en leur otant
le Miniftere de fa Parole. La feule grâce
que le Parlement fit c'est qu'il permit aux
Miniltres de demeurer trois mois a Rouen,
pour donner ordre a leurs affaires. Encore
n'en purent ils jouir. Car Monfieur de Ma-
rillac les en chafla en deux fois vingt & qua-
tre heures, fous prétexte de la désertion de
leur Peuple, qu'il attribuôit aux Conseils
qu'ils pouvoient donner. Il l'avoit pensé en
mal, contre les Miniftres : mais la chose leur
tourna en bien par la grâce de Dieu. Car ils
fe trouvèrent par ce moyen en feurcté, lors
qu'on lâcha les foldats fur les Brebis du Sei-
gneur Jésus.
Quelque tems auparavant, le Confistoire
E 3 avoir
yO Hijîoire de l'Eglife
avoit fait encore une tentative pour tâcher
d'empescher Texecution de TAreft. Il avoit
député Monlieur Bafnage a Paris, avec un
nouveau Placet. Mais ses peines & ses foins
furent inutiles : il revint fans rien faire : & il
eut la douleur auiïi bien que fon Collègue de
voir, avant fon départ le Temple rasé.
G'étoit non feulement un chef d'œuvre d'Ar-
chitedure : mais le Temple du monde le plus
commode, pour le Prédicateur & pour fes
Auditeurs. Quoy quïl contint bien fept a
huit mille persones, une voix médiocre, s'y
pouvoit aisément faire entendre par tout ;
quand elle êtoit un peu distincte. Le Sieur
Nicolas le Genevois célèbre Architede de la
ville de Rouen eut le foin d'en prendre les
mesures avant qu'il fut abatu pour en faire
un plan, qui pût fervir de modèle a ceux qui
voudroient bâtir un Edifice commode a l'E-
glise, par tout ou elle fe pourra raffembler.
La mort l'ayant empesché d'y mettre la der-
nière main, fon travail auroit été inutile,
fans le fecours de fes amis qui l'ont achevé &
qui nous ont donné les planches que l'on ver-
ra a la fin de cet ouvrage.
Les Pafleurs eurent un autre afflidion tout
autrement fenfible : celle de fe voir contraints
d'abondonner leur Troupeau a la gueule des
Loups raviffans, qui fe préparoient a le dé-
vorer.
de Roïicn. ^\
vorer. Ils n'oublièrent rien pour le disposer
a combattre le bon combat de la foy. Ils y
travaillèrent en particulier; & Tun d'eux fit
imprimer un fermon, pour fupléer au deffaut
des exhortations publiques, fur ces paroles de
nôtre Seigneur dans faint Jean, vous aurés
angoiffe au monde : mais ayés bon courage
j'ai vaincu le monde. Il n'etoit pas hors de
deffous la Preffe, que Ton ôta aux Libraires
de la Religion la liberté de pouvoir continuer
a ce pauvre peuple, de pareils fecours : fi
bien que Ton fut obligé d'aler jusqu'en Hol-
lande chercher un Imprimeur, pour une
Prière que ce même Pafteur composa, pour
aider les Brebis, dans les exercices qu'ils fai-
foient tous les dimanches, dans leur maison.
Après cela il falut partir. Les Pafteurs
ne fe retirèrent point fans avoir reçu la béné-
diction de leur cher Troupeau; & fans luy
avoir donné la leur. Ils obtinrent même cha-
cun un congé honorable de leur Confiftoire,
qui les pria de vive voix ; comme ils témoignè-
rent de vouloir dépendre absolument de ses
Conseils, & faire aveuglement tout ce qu'il
croiroit être du bien de l'Eglise; de fe reti-
rer dans les pays étrangers, pour être en état
de tendre la main a ceux qui pourroient trou-
ver le moyen d'échapper. Car on voyoit bien
qu'il n'y avoit point d'autre parti a prendre;
E 4 que
72 Hijîoire de iEgiife
que de le lauver au plus vite. Ils obéirent
aux ordres de leurs luperieurs, & alerent a
Fontainebleau o\x la Cour etoit alors, pour
demander un congé a deffein de fe retirer en
Hollande. Ils l'obtinrent le i l'Odobre i685
Monfieur Janffe eutauiïï le fien, c'etoit un vé-
nérable vieillard qui paffoit quatrevingt ans :
& qui eft mort a Rotterdam. Il avoit été
déchargé de fon Miniilere après avoir fervi
cinquante ans TEglise de Rouen avec une
pieté & une charité exemplaires.
A peine etoient ils hors du Royaume,
qu'ils aprirent que la belle Bibhoteque de
leur Eglife avoit été enlevée par les Jésuites.
L'Areft du 6" Juin la confîsquoit comme le
reste de leurs biens, au profit des Hôpitaux.
Mais ils en avoient empesché Texecution par
une Requête qui demandoit qu'elle fut con-
fervée pour l'usage des gens de Letres, com-
me l'avoit été celle de Saumur, par l'ordre du
Roy. La Requête ne parut pas déraisonna-
ble : mais pendant que le Parlement agiffoit
au Conseil du Roy pour la faire aprouver :
les Jésuites de Rouen par le crédit du Père de
la Chaize furprirent un Arêt du Conseil qui
la leur attribuoit. Les honnefles gens du
Palais l'aprirent avec chamn : & ils fe fe-
roient peut être détermines a remontrer au
Roy la furprise. Mais le Prefident d'Amfre-
ville
de Rouen. y 3
ville avec quelques autres de fa fadion la leur
adjugea a la fourdine dans la petite audience
qui le tient avant le jour. Ils n'eurent pas
plutôt obtenu la permilOon de s'en faifir quils
renvoyèrent prendre dès fix heures du matin,
par je ne fcay combien de porteurs, qui l'en-
levèrent, malgré une groiie pluye, dans de
grands paniers. Si l'on ètoit jamais en état
de la retirer d'entre leurs pâtes, le Catalogue
fe trouyeroit au Grefle du Parlement avec
le procès.
Il faudroit tirer le rideau fur tout ce qui
s'ert paffé depuis leur retraite. Car l'Edit
de Nantes fut révoqué le i8'= du dit mois &
an. Les Temples qui fubfiiloient encore fu-
rent renversés dans toute la France : & les
Chrétiens, malgré les bonnes paroles, que
leur donnoit l'Edit de revocation, abandon-
nés a la fureur d'un Soldat brutal & impie qui
pilla & désola les maisons & les familles : qui
n'oublia rien en un mot, pour perdre les
corps & les âmes.
Qui est ce qui pouvoit refiller a de fi rudes
Aflauts. Il s'en trouva pourtant un alfés bon
nombre qui conservèrent leur conscience pu-
re; les uns en fe cachant avec ce qu'ils pu-
rent emporter dans un trouble & une confu-
fion de cette nature : les autres en fe déro-
bant aux Cuirafliers, dont ils avoient été fur-
E 5 pris
'^1
74 Hijîoire de l'Eglife
pris; & leur abandonnant leurs biens, leurs
maisons : quelques uns même, leurs enfans.
Car tous ceux qui fe fauvérent ne furent pas
affês heureux pour les pouvoir emmener avec
eux. Mais Dieu en a rendus quelques uns
comme par miracle. Il y en eut plufieurs de
ceux qui ne purent échaper, qui refille-
rent courageusement a toute forte de tenta-
tions. Ils fouffrirent, avec joye, auffi bien
que les anciens Hébreux, le ravilfement de
leurs biens, & tous les autres outrages qu'on
leur put faire. Rien ne fut capable de les
ébranler : non pas même les Convens & la
prison. Car après cjue le Régiment des Cui-
raffiers eut englouti tout ce qui fe trouva dans
les maisons, on jetta ceux qui persévèrent
dans les prisons : les femmes dans les Con-
vens; & les hommes dans d'autres lieux.
Monfieur de la Basoge Conseiller honoraire
& Doyen du Parlement êtoit a la tefte des
prisonniers; fa Dignité ni fes cheveux blancs
ne le purent garentir, il fut mis au vieux Pa-
lais, avec les S" Cardel & Jaques Coffart
membres du Confiftoire ; & le Sieur la neuville
Dauffi qui s'en fauva peu de tems après & fe
retira en Hollande. Le Sieur Isaac le Bou-
langer eut le même logis. Le Sieur Isaac le
Fevre fut mis dans le Couvent des Cordeliers
& fa femme dans un autre. Celle du fieur
Isaac
de Rouen. j5
Isaac le Boulanger : fœur du Sr. Jaques Cof-
lart eut le même fort : toute cette famille fit
admirablement fon devoir car la Dame Torin
femme du dit Sr. Jaques Coifart demeura fer-
me : comme fon mari; tellement qu'elle en-
tra auiïi dans le Gonvent où elle gagna une
maladie, dont elle mourut. Ce fut dans fa
maifon qu'elle finit fon martyre, on Fy avoit
renvoyée pour fe faire traiter. L'Aisnée de
trois demoiselles Vendales que Ton avoit jet-
tées dans le Convent de Bellefont y acheva
fa courfe en glorifiant Dieu & prononçant les
premières paroles du Pfeaune 40*. Les autres
femmes ou filles aretées & mifes dans les Cou-
vens font les Dames Gardel, Amfmg,Wet-
ken, Pitreffon, le Cordier. Guillebaut la
jeune & Simon : les demoiselles de Martigni
& de Lambervilie : & les deux Jeunes Fon-
teine, s'il y en a quelqu'autre le nom nous en
eft échape. Il y en auroit eu fans doute un
beaucoup plus grand nombre : fans la fuper-
cherie dont on fe fervoit pour extorquer des
fignatures. Car on presentoit a la plus part
un Billet qui ne leur paroiffoit pas intereffer
leur conscience : Il étoit conçu en ces termes
Je N. N. croy de ferme foy toutes les vérités ortho-
doxes que l'Eglife Catholique Ap. Rom. croit &
pro/ejfe. Je condamne & rejette fmcerement tou-
tes les herejies & opinions erronées que la même
Eglife
76 Hijtoire de l' Eglise
Eglife a condamnées & rejettées félon la parole de
Dieu & la Doârine des faints Apôtres.
La Dame Vereul femme du fieur Abraham
Simon fe fignala entre les prisonnières. Car
paffant par les rues dans le CaroiTe de Mon-
fieur le Marquis de Bevron, pour aler au
convent elle exhortoit, avec un courage ad-
mirable, tous fes Frères a persévérer. Elle
s'ell fouteniie & fe soutient avec la même fer-
meté. Son mary qui a voit eu la foibleffe de
plier, au premier affaut ; non feulement s'eft
relevé dans le moment qu'il eut le tems de fe
reconoître. Mais il a soutenu depuis de
grands combats dans une longue & dure prifon
qu'il a foufferte, pour fes enfans envoyés hors
du Royaume, de peur que le monde ne les
luy ravît.
Car les ennemis de nôtre fainte Religion
desesperans de pouvoir triompher des Pérès
& des Mères, dont il y en a peu qui ayent
pu s'accommoder des erreurs & des fuperfti-
tions, auxquelles on les a forcés de fous-
crire, résolurent de s'aproprier tous les en-
fans. Le fieur Simon ayant eu le malheur en
conséquence de cet Arefté de fe voir enlever
une jeune fille que Mr. Yves-Marie de la
Bourdonnaye alors Intendant a Rouen avoit
mandée, avec promeffe pofitive de la ren-
voyer : résolut de faire palTer dans les pays
étran-
de Rouen. 77
étrangers, trois ou quatre autre filles qui luy
reftoient. Il n'en falut pas davantage pour
mettre Tlntendant en fureur, qui jetta ce cha-
ritable Père, dans une prison. Il y a paffé
plufieurs années fort content d'avoir fauve fes
enfans & donnant toutes les marques polFi-
bles d'une patience véritablement chrétienne,
& d'une refignation parfaite a la volonté de
Dieu : les lettres qu'il a écrites de fa prifon,
& qui font entre nos mains en font foy. Si
fon courage s'y efl: tousjours Ibutenu; il n'en
cft pas de même de fa fanté, elle a été ruinée
par la longueur & les incommodités de fa de-
tenfion. C'a été fa délivrance : & la couron-
ne de fon Martyre. On a peut être cru qu'elle
luy auroit été trop honorable, s'il l'avoit re-
ceije dans fa prison. Car on luy en ouvrit
les portes peu de jours avant fa mort. Quoy
qu'il en foit, comme les compaffions même
des mechans font cruelles, on ne luy rendit
pas toute fa liberté, il ne luy fut pas permis
d'achever fes jours dans fa maison, entre les
bras de fa femme : il falut qu'il choifit la
maison d'un Catholique pour y finir fa fouf-
france. Il ell vra}^ qu'il n'eut pas de peine
a en trouver une. Il fe présenta un ami qui
fut affés humain, pour ne le troubler pas
dans fes dernières heures. Le fieur Jean
Damberbos, qui fe trouvoit dans la même
pri-
78 Hijloire de VEglife
prifon que le fieur Simon : & pour le même
lujet en eft forti par le moien de fes amis après
y avoir langui affés lon^ tems. Mais le fieur
"Pierre le Quefne a donne tout de même îa vie,
pour le falut de fes enfans. Car ayant auffi
été arrefté pour avoir travaillé a les mettre a
couvert des pièges de Fldolatrie il contrada
une maladie dans la prison dont il eft mort.
Toute la différence qui fe trouve entre le fieur
Simon & luy. C'eft qu'il a rendu paiffibie-
ment fon ame a Dieu dans fa maison. Tln-
tendant avoit extorqué une groffe fomme
d'argent pour le laiffer fortir du Royaume,
fous prétexte dealer quérir fes enfans. Et
comme il travailloit a exécuter fon deffein;
il pafla de ce monde, au Père : Dieu ayant
voulu parce moyen abréger les peines & fes
travaux.
Son Agonie fut longue : elle dura cinq
jours entiers : de forte qu'il paroiflbit mani-
feftement que c'étoit un homme, qui ne
mouroit que des fatiques & des persécutions
qu'il avoit effuyées. Le Curé de fa Paroifle
le follicita encore fortement jusqu'à la mort
de changer de Religion. Mais il demeura
ferme dans la Profeftion de la vérité, & don-
na gloire a Dieu jusqu'au dernier foupir. La
persécution ne finit pas avec fa vie. Le fieur
leCavelier Lieutenant civil & criminel annota
tous
de Roïien. 79
tous fes biens, pour les confisquer. C'elt la
quatrième fois qu'ils ont été faifis, & fit le
procès a fon cadavre. Il fut condamné a être
traîné & jette a la voirie; & la fentence au-
roit été exécutée, fans une Persone de con-
fideration qui interposa fon autorité pour
Tempescher. Ce bon Chrétien, avant ces
dernières épreuves, qui le conduifirent au
repos éternel, avoit déjà payé une Amende
de cinq cens livres pour avoir refusé la charge
de Trésorier Marguillier dans la Paroiffe où
etoit fituée fa maison. Il Tavoit payée gaye-
ment faisant bien conoître, tant par ce Sa-
crifice que par celuy qu'il avoit fait pour for-
tir du Royaume, que fes biens ne luy étoient
rien, en comparaison de fon devoir.
Il y eut bien des membres de TEglise de
Roiien, qui facrifierent, comme ce fidèle
Confeffeur leurs biens à leur liberté : qui don-
nèrent de Targent pour obtenir des Paffeports
des Intendans. Ces Mefiieurs ne firent pas
grand fcrupule de trahir les intentions de fa
Majefté pour en profiter. Cela n'eft pas fi
furprenant, que ce que fit le Procureur gê-
nerai qui mit le Sr. Plâtrier Ancien de l'Eglise
& parent de fa femme, a couvert des insul-
tes des foldats : & qui après l'avoir tenu quel-
que tems caché dans fa maison : fi ce fut gra-
tis, on le laiiTe a juger aux Ledeurs, luy
don-
8o Hijioire de l'Eglife
donna les moyens de fe retirer en Angle-
terre, où il eft mort en paix.
Si ces Fidèles rachetèrent leur liberté, il
y en eut encore un plus grand nombre, qui
pour l'obtenir s'exposèrent a toutes les ri-
gueur des Edits qui condamnoient les hom-
mes aux Galères, & les femmes a être rafées
& confinées dans les Convens, Ceux qui fe
lauverent ne furent pas tous également heu-
reux, on en reprit d'un & d'autre fexe qui
furent tourmentés en diverses manières. La
Dame d'Etrimont femme du fîeur Harang
fut rasée & jetteé dans un Convent dont elle
eft sortie heureusement, La Veuve de Mr.
de L'Arroque pafteur de l'Eglise de Rouen &
deux de ses filles furent auffi aretées, & après
diverses épreuves mises en liberté. La Dame
Gontier & fa fille aisneé, les Dames Elizabeth
& Marie Vandale, confines germaines de cel-
les dont il a été, ci devant parlé. Les deux
filles du Sr. Cardel Ancien. Les Dames le
Cornu Mère & fille. La 2" fille du fieur Gon-
tier & une demoiselle Camin prises dans un
Yacl à Dieppe, comme elles paffoient en
Angleterre, & d'autres encore dont les noms
ne font pas venus Jusqu'à nous tombèrent en
divers tems & par divers accidens entre les
mains de nos ennemis. Dieu les en a tirées
la plus part fans avoir plié. Elles en font tou-
tes
de Roiicn. Si
tes Ibrties, les unes plutôt, les autres plus
tard, a la reserve de quelques unes de celles
que nous n'avons pu nommer qui font aduel-
lement dans les Bureaux.
Entre les hommes qui voulurent fe lauver
le fieur Jacob Langlois, Orfèvre fut arête
deux fois, Tune a Lion & l'autre en Bour-
gogne : mais il trouva les moiens de fe faire
ouvrir les portes des prisons, & il eft mort
en Holande entre les bras de fes enfans qui s'y
etoient retirés. Sa femme qui y etoit arrivée
avant luy, partit auffi la première de ce mi-
sérable monde. Les autres qui comme luy
peuvent avoir été repris hors de la Province
ne font point venus a nôtre conoiffance. On
n'a jamais eu de nouvelles non plus du S'. Si-
mon le Plâtrier Orfèvre &; de la Dame Marie
Vereul fa femme : où ils font péris fur la Mer
avec leur fille aisnée qui étoit avec eux : ou
le Maître du Vaiffeau dans lequel ils s'étoient
embarqués leur aura coupé la gorge & fe fera
retiré dans quelque Isle du nouveau monde.
Ce ne feroit pas le feul qui auroit fait de fem-
blables coups : puis qu'on a exécuté a Caën
un fcelerat qui avoit noyé plufieurs de nos
Frères reçus dans fon bord en divers tems
pour les paffer en Angleterre. Si Louis de
Meheren fieur de la Conseillère, Gentil hom-
me de balfe Normandie, & célèbre Advocat
F au
82 Hijloire de l'Eglifc
au Parlement de Roiien n'eut pas un fi trille
sort, il fut dépouillé de tout ce qu'il avoit,
comme il vouloit se retirer, par gerzé,
& remené a Rouen. Il a fouffert diver-
ses épreuves pendant qu'il y a demeuré. Il
s'y eil veu même en danger de perdre fes
trois filles que l'on avoit enlevées & mises
dans des Convens. Car l'Aisnée avoit été fe-
duite par des artifices damnables : & les deux
autres étoient trop jeunes pour fe foûtenir.
Cette dernière épreuve plus rude que toutes
les autres pour un Père qui aime tendrement
les enfans ayant achevé de rompre les liens
qui l'attachoient a fon employ & a sa Patrie,
il a fi bien fait qu'il a trouvé les moiens de fe
fauver avec la Dame fa femme & fes trois fil-
les que Dieu a rendues aux foins infatigables
qu'il a pris de les retirer du piège ou elles
etoient tombées. Les letres qu'il ecrivoit a
la Demoiselle Marie de Meheren fa fille Aif-
née, pour difliper les Illufions de l'erreur
font imprimées & dignes de la pieté qui les
a didées. Il n'eft demeuré persone de fa fa-
mille en Babylon : fes deux fils étans auffi en
liberté. Le fieur Jean Congnard avoit eu la
même intention que ces Fugitifs : il fut dé-
couvert comme il etoit a Paris pour y pren-
dre un Guide, qui en avoit conduit d'autres :
& renvoie a Roiien. Si l'aprehenfion de
tom-
de Rouen. 83
tomber dans de semblables disgrâces en a dé-
couragé plufieurs, qui a voient un pareil des-
sein : elle n'a pas empesché que la désertion
n'ait été grande : de sorte que les Payeurs de
l'Eglise de Rouen ont la consolation de voir
a peu près les deux tiers de leur Troupeau
a î'abry de la persécution. Ils ont môme la
joye d'en voir prospérer un grand nombre
dans les lieux de leur disperfion. On voit
de belles & floridantes familles a Amlterdam
a Leyden, a la Ha3^e, a Berlin, a Londres,
a Dublin, en cette ville, & ailleurs jusques
dans le fond des Indes les plus reculées;
qui n'ont pas fujet de se repentir d'avoir aban-
donné leur Patrie, pour suivre le flambeau
de l'Evangile.
Ceux qui sont le moins a leur aise, dans
tous ces lieux, y peuvent au moins vivre &
mourir en paix : au lieu que ceux qui sont
demeurés en Babylon n'ont point de repos.
Ils y vivent dans le trouble & dans l'inquié-
tude : ils y sont persécutés jusqu'après leur
mort. On en a trainé sur la Claye & a la
voirie pour avoir persévéré condamrnent dans
la protelFion de la vérité jusqu'au dernier fou-
çir; ou pour avoir renoncé hautement a leur
fignature & dételle leur foiblelîe au lit de la
mort. On commença par la Cronier femme
de Vivien, & par Pierre Hébert. Il avoit
F 2 servy
84 Hijîoire de lEglifc
servy le minière le Gendre, fon corps fut mis
en pièces en haine de son Maître, par les
Ecoliers des Jésuites, qui se jouèrent long-
tems de ce pauvre cadavre, & luy firent les
dernières indignités. Leur rage n'etoit pas
encore afFouvie. Mais ses Parens qui en re-
cueillirent les pièces de nuit, & qui Tentere-
rent dans la campagne, le dérobèrent a leur
fureur. Le Fils du neur Vereul Chapelier &
le nommé TAlotiette qui n'avoient pas figné
ne laifferent pas d'être traînés, comme les
autres. Le Père du dernier pour comble d'in-
humanité fut condamné a aflîfter a ce trifte
spedacle. Les parens du premier y parurent
en habit de deliil, pour avoir part a sa gloi-
re. Anne de la Sale menacée du même su-
plice s'en rejoiiit disant que c'etoit le plus
grand honneur qu'on luy pût faire : qu'elle
ne pouvoit faire une réparation trop autenti-
que de sa faute, ni donner affés de marques de
sa repentance. Dans les campagnes voifmes
de la ville de Roiien on a été encore plus cruel
& plus furieux. On y écorcha Pierre le Vas-
seur de Bolbec, après sa mort ; & après y
avoir trainé le nommé Bennetot plus de deux
lieues, on l'abandonna aux bêtes sauvages.
Une femme de Dreux ayant recraché l'Ho-
flie qu'on luy avoit fait prendre par force les
derniers jours de sa vie fut bruslée après son
de-
de Roiïen. 85
decés. Il y en eut une a Rouen qui étant
preflee par le Vicaire de faint Maclou sa Pa-
roiffe de consentir a de pareilles abominati-
ons s'ala jetter dans la Rivière. On conclu-
oit a Ty laiifer périr mais enfin ayant été re-
peschée & portée a la Magdeleine elle y ren-
dit Tesprit. On ne sçait point de quelle ma-
nière on a traité le fieur du Mont Orfèvre,
vieillard de quatre vingt huit ans demeuré pa-
ralytique dans un lit. Car les Bigots s"etans
emparés de sa maison, ses enfans n'y purent
jamais rentrer, & il ell mort entre les mains
de ses ennemis.
On peut juger par cet échantillon de la fu-
reur barbare des Persécuteurs : & combien
on e(l obligé a prier Dieu pour ceux qui font
encore exposés a leur violence. Celle qu"'ils
exercèrent envers Monfieur le Baron d'Heu-
queville, fils aisné de Monfieur de la Baso-
ge : qui avoit fuccedé a Monfieur fon Père
dans fa Charge; dont il s'ètoit deffait quel-
que tems après acheva de le déterminer a tout
quitter. Il fut obligé a faire amende hono-
rable dans la chajnbre des Requêtes du Pa-
lais on il fut condamné : la torche au poin,
& avec les autres cérémonies accoutumées
en pareil cas. Cela après avoir été bien bat-
tu; pour n'avoir pas voulu fléchir le genouil
devant Tldole : ayant eu le malheur de s'être
F 3 laiffé
86 Hijioire de l Eglife
laiifé iurprendre dans la fale du Palais où on
dit la Meffe, comme on y levoit THoftie.
Le jufte chagrin quil en conçut fut un des
moyens dont Dieu se fervit pour mettre tou-
te sa famille en liberté.
De pareils accidens & d'autres encore plus
fâcheux qui menacent les fidèles n'ont pas
empêché la pluspart de ceux qui demeu-
rent a Rouen de se relever & d'}^ faire une
profeffion affés ouverte de la vérité. Les Pa-
lleurs qui y ont paffé, comme Meiïieurs Co-
tin, la Gacherie & d'autres ont rendu de bons
témoignages a leur repentance & a leur pieté.
Les Galériens &; les prisonniers qui y ont fait
quelque séjour n'ont pas été moins édifiés de
leur charité : généralement tous les pauvres
qui ont besoin de leur fecours ont sujet de
s'en louer.
Ils ont eu & ont encore tous les jours bien
des occafions d'exercer la charité mais ils n'en
ont point eu de plus agréable, que celle que
Dieu leur a fournie en la persone de Moniieur
Jean Tirel Pafteur de l'Eglise du Chef Fresne,
& de celle de Gavray ensuite : toutes deux
dans la baffe Normandie. Ce fidèle Miniftre
du Saint Evangile avoit été arefté quelques
mois avant la revocation de l'Edit, fous pré-
texte d'une promenade faite a gerzé fans con-
gé du Roy. Je ne fcay quel Areft du Conseil
don-
de Rouen. 87
donné plus de cinquante ans auparavant &
ignoré presque de tout le monde dans les Pro-
vinces, obligeoit a en prendre un quand on
ibrtoit du Royaume. Le juge de Coutances
après bien des longueurs qu'il luyfaluteiruyer,
la pluspart dans un cachot, fans autre
compagnie que celle du Cadavre d'une fem-
me de la Religion à qui on faisoit le procès
pour y avoir persévère jusqu'à la mort ; Tavoit
condamné aux Galères. L'Apel qu'il interjetta
d'une sentence fi inique le conduifit a Rouen.
Il fut mis dans la Conciergerie du Palais,
avec quelques autres apellans, comnie luy
de divers jugemens rendus pour des fujets de
cette nature. Le Sieur Samson de Cahanel
Ancien de l'Eglise de S'. Lo, entr'autres
condamné a une prison perpétuelle pour s'être
mis en devoir de fortir du Royaume. Il ne
faut pas icy oublier, en palfan't que cet An-
cien fut fi peu abatu de son jugement qu'il re-
présenta, par une espèce de raillerie, a fes
juges, quand on luy lut sa fentence qu'il etoit
bien plus propre pour les Galères; luy qui
ctoit fort & vigoureux; en effet sa comple-
xion repond a l'on nom : que Monlieur Ti-
rel qui etoit d'un tempérament foible & dé-
licat : qu'il s'etonnoit qu'on ne l'avoit mis a
la chaîne, & Monfieur Tirel en sa place, que
cela auroit été plus avantageux pour le fervice
du Roy F 4 Le
88 Hijioire de VEglife
Le Parlement tout ennemi qu'il efl: de no-
tre Religion ne put pas se résoudre, pour ce
coup, a confirmer une procédure fi injufle
& fi violente. Mais parce que Tirel & Ca-
hanel se difiinguoient entre les Prisonniers
Ton craignit que leur courage & leur fermeté
ne fervit a fortifier leurs Compagnons. Les
Bigots pour Tempescher s'avisèrent de man-
dier une lettre de cachet pour transférer le
fieur de Gahanel a la Bafiille, d'où il fut mis
dans le Château de Loches en Anjou. Ce
fut sa délivrance, car il en fortit, lors que
le Roy bannit du Royaume ceux que la pri-
son ni leConventn'avoientpu vaincre. Pour
Monfieur Tirel, comme son caradere le ren-
doit plus odieux, on l'envoya dans la prison
dertinée a ceux qui font condamnés aux Ga-
lères; pour y attendre la chaîne. Il n'y eut
point d'autre lit d'abord que celuy d'un mi-
lerable Prêtre accusé de Magie; & qui ne
le quitta que pour monter fur le Bûcher; ou
il luy falut expier un crime fi abominable.
Le Miniflire y fut exposé a toutes les indig-
nités qu'un bon Chrétien peut fouffrir d'une
Canaille maudite, comme ert celle que l'on
voit ordinairement a la Chaîne, qui insultoit
en mille manières a sa misère; toutes les fois
qu'elle se trouvoit dans ce redoutable gifte.
La chose même ala fi loin, une nuit qu'elle
êtoit
de Roiïcn. 89
ètoit de plus mauvaise humeur que de coutu-
me, qu'il en auroit été étrangle, fi le Geô-
lier ne fut accouru au bruit. Le danger ou
il se trouva obligea ce Geôlier que Dieu ren-
doit de jour en jour moins farouche & plus
favorable a ce digne Palteur, a le transférer
dans une chambre haute. Il y trouva un em-
poisonneur qui par le moyen de fes amis, en
avoit été quitte pour une prison perpétuelle.
Gétoit un homme d'esprit, dont la conver-
sation n'etoit pas désagréable. Ce ne fut pas
■le feul foulagement qu'il reçut dans sa prison.
Son Gardien s'acoutuma peu a peu a fouffrir
qu'il fut vifité par les fidèles de Roiien. Il
leur donna même tant de liberté, avec le
tems, qu'il y en avoit tousjours qui paffoient
les Feltes & les Dimanches avec luy dans
l'exercice de tous les A6tes de la Religion.
Ce ne fut pas une petite consolation a ce bon
ferviteur de Dieu de pouvoir jouir de la douce
ibcieté de fes Frères. Mais ce fut un admi-
rable moien, dont la bonne Providence fe
fervit, pendant pluficurs années, pour for-
tifier fes enfans dans leurs combats. Ce fidèle
Pafteur y travailloit par fon exemple, par
fes exhortations, & par fes prières. Car il
faisoit librement toutes les fondions de fon
Miniftere avec ceux qui le vifitoient. Cetoit
un autre Joseph dans fa prison : il avoit telle-
F 5 ment
go Hijtoire de l'EgliJe
ment gagné le cœur du Geôlier qu'il faisoit
tout ce qu'il vouloit, il ne Tempeschoit pas
même de consoler ceux qui êtoient a la chaî-
ne pour la profeffion de TEvangile. Il y en
eut un de fon pays dont on n'a point feu le
nom; c'etoit un vieillard de plus de feptante
ans; exempt par conséquent d'un pareil lu-
plice par les loix du Royaume; qui mourut
entre fes bras, en glorifiant Dieu, la liberté
étoit fi grande fur la fin, qu'il fortoit quand
il luy plaisoit, pour prendre l'air fur le Rem-
part qui touche a cette prison. Ce fut, a
parler humainement, ce qui abrégeai fes jours.
Car comme il êtoit a la promenade il fe trou-
va, par hazar fur fon chemin des hardes in-
fetlées que l'on avoit étendues pour les éven-
ter : & il gagna une fièvre qui l'emporta
en peu de jours. Ce fut de cette manière
que ce bon Confeffeur consomma fon Mar-
tyre. Il avoit été reçu au Saint Miniilere en
l'année 1662 & s'etoit aquité de toutes les
fondions qui en dependoient avec zèle, pen-
dant que Dieu luy en avoit donné la liberté.
Il n'édifia pas moins dans fa prison, que dans
fa Chaire, après l'avoir perdue. Aulfi Dieu
ne l'a s'il jamais laiffé fans quelque conso-
lation. Car s'il a eu la douleur de fe voir en-
lever deux filles, au berceau, l'ainée n'ayant
pas cinq ans, lors qu'elles furent mises a la
pro-
de Rouen. 91
propagation par Tordre de Madame de Ma-
tignon, il a eu la consolation de favoir le relie
de l'es enfans en liberté, a la referve de l'on
Fils aisné. Le plus petit même qui n'avoit
que trois ans quand fon Père fut mis en pri-
son eft forti du feminaire où on Tavoir mis.
Tous les foins que Ton prit pour le corrom-
pre furent inutiles il conserva, auffi bien que
plufieurs autres enfans qui gemiffoientdansle
même esclavage, quelque idée de fon origine
qui fe fortifiant avec Tage le mit enfin en état
d'echaper aux ennemis de fon falut. Il pafta
a Rouen, ou il reçut la bénédiction de fon
Père qui rendit grâces a Dieu de fa délivran-
ce, & il eft mort en Angleterre ou le Père eut
la joye de le favoir arrivé avant que d'aler re-
cevoir la couronne de fes travaux. Ses filles
n'ayant pu s'empescher de donner quelques
larmes a la mort d'un fi excelent Père, la Su-
périeure de la propagation les obligea a en
faire une pénitence aulfi extravagante qu'elle
eft cruelle. Car il leur falut palier plufieurs
fois, le jour, je ne fcay combien de tems
par deffous leur lit. C'eit le propre de la fu-
perftition de n'être pas feulement folle & in-
sensée : mais encore plus dénaturée. Dieu
parla bonté veuille rompre les liens barbares
qui y attachent ces pauvres créatures.
Une grâce aufli extraordinaire que celle que
Dieu
02 Hijloire de l'Eglise
Dieu fit a nôtre Pafteur de luy faire recou-
vrer, par une espèce de resurredion ce cher
enfant qu'il avoit perdu, doit consoler les
Pères & les Mères, dont on a ravi, & dont
on ravit encore tous les jours les enfans pour
les proftituer a Tldole. Car Dieu eft tousjours
le même, tousjours bon, tousjours miséri-
cordieux, tousjours en état de furprendre
les fages du monde en leurs ruses, & de rom-
pre toutes les mesures qu'ils prennent pour
leduire fes enfans. Ils n'ont qu'a imiter la
pieté & la confiance de ce fidèle Berger pour
éprouver la même faveur.
Les dernières démarches que l'on a faites,
pour achever de détruire l'Eglise, ont fait
de grands desordres; & causé une horrible
confternation a Rotien. Car tous ceux a qui
ils reftoit de jeunes enfans s'en font vus pri-
vés en un même jour. Les filles ont été la
proye des Convens; & les garçons celle d'un
Apoftat apellé Flamare, du pays de Caux.
Ce misérable ayant autrefois fervi de valet a
Monfieur de L'Arroque pendant qu'il exer-
coit fon Miniftere a Rotien, a eu l'impuden-
ce de répandre dans le monde qu'il avoit étu-
dié en Théologie; par ce moyen il a non
feulement escroqué la penfion que le Roy don-
ne aux Proposans révoltés : mais de plus il
s'eft fait donner les Ordres. Car tout efl: bon
au
de Rouen. q'i
au Clergé Romain. Dabord qu'il s'eft vu prê-
tre, il a enlevé tout ce qu'il y a d'enfans de
bonne maison a Rouen, dont il tire de grof-
iespenfions. Dieu délivrera Ton Eglise quand
il luy plaira, de ce Loup raviffant, par les
voyes qu'il fçait être dignes de fa charité &
de fa fageffe.
Deux filles de Monfieur de Colleville ci
devant Conseiller au Parlement avoient été
du nombre de celles que Ton n'a pu dérober
a la vigilance des Inquifiteurs : tellement
qu'on les avoit logées dans le Couvent des
Ursulines de Caën ou la Mère les avoit me-
nées, pensant les y cacher plus facilement
qu'à Roiien. Mais quelque hautes que foient
les murailles de cette prison; elles n'ont pu
mettre d'obftacle a leur liberté. Dieu les en
a tirées par fon bras puiffant, le Père foupçon-
né, linon d'avoir eu part a leur evafion ; au
moins de favoir le lieu de leur retraite que
l'on n'a pu découvrir jusqu'icy, avoit été
arefté. Mais après l'avoir gardé, longtems
dans le Château de Caën fans en pouvoir rien
tirer; foit qu'il ignorât effedivement ce qu'on
luy demandoit; foit qu'il aimât mieux fouf-
frirque de contribuer a la perte de fes enfans:
on luy a encore une fois ouvert les portes
de fa prison. Car c'eft la troifiême où la qua-
trième fois qu'il a été emprisonné depuis la
revo-
94 Hijioire de VEgliJe
revocation de l'Edit. Bon Dieu quelle ex-
trémité. Que Ton a grand besoin d'une grâ-
ce particulière pous fuporter, patiemment
des épreuves auffi longues & aulîi dures, que
celles où nos chers Frères font tous les jours
exposés. Ils ont grand besoin de patience,
afin qu'ayant fait la volonté de * Dieu, ils
en remportent la promeffe. Encore un peu
de tems, & celuy qui doit venir viendra; il
ne tardera point. Or le jufte vivra de foy :
mais fi quelqu'un fe fouftrait mon ame ne
prend point de plaifir en luy, dit le Sei-
gneur.
L'Eglise de Roiien gémit encore pour un
de fes chers enfans. G'eft Monfieur Paul
Gardel, reçu au Saint Miniftere fur la fin de
l'année 1681, pour fervir une Eglise de Fief
qui elloit a quatre lieues de Roiien. Ce bon
pafleur étant parti de Hollande en 1688 avec
Monfieur Cottin pour aler prescher fous la
Croix fut areflé a Paris, par la perfidie d'une
femme, qui le conduifit dans une maison où
il devoit y avoir un malade. Le jugement
qu'il luy falut fubir le condamne a une pri-
fon perpétuelle. Il y a tantôt quinze ans
qu'il eli dans un fi déplorable état, fans que
l'on en ait entendu parler, non plus que de
Meilleurs Mathurin, Malzac & de Salve;
trois
* Hebr. 10, 35, Sy, 38.
de Rouen. 96
trois autres Pafteurs Ibrtis les uns après les
autres, des Provinces unies, pour le même
lujei : qui ont eu le même fort. L'ignoran-
ce ou font tous leurs amis, de ce qui peut
leur être arrivé durant une fi longue déten-
tion ert une marque certaine de leur fermeté
inébranlable. Car s'ils avoient eu la moin-
dre foibleffe, on n'auroit pas manqué a le
publier.
Si les Fidèles de Roiien ont eu devant les
yeux l'exemple édifiant de ces deux fidèles
palleurs dont nous avons parlé, d'ont l'un ell
né dans leur fein, & l'autre y est mort en
glorifiant Dieu : s'ils font témoins de la fer-
meté & de la confiance de ces deux martyrs
que leur foy a foutenus, & foutient : ils ont
au contraire la mortification de voir dans leur
ville un lâche & un infidèle ferviteur qui sejl
foujîrait a fon Maître, pour fe rendre esclave
de l'Antechrift; & qui en a pris non feule-
ment les livrées : mais même les Ordres :
tellement qu'il eft aujourd'huy Curé d'une
Paroilfe de Rouen : au grand fcandale de
l'Eglise qui ne fauroit affes detefter fon Apo-
ftalie. Je tairay icy fon nom en faveur de
les Parens, qui ayant bien fait leur devoir
font en édification dans les lieux ou ils fe font
retirés. Il vaudroit mieux le ramentevoir a
Dieu, qu'aux hommes &. faire des prières
pour
96 Hijioire de VEglife
pour la converfion s'il n''etoit a craindre qu'il
ait péché contre le faint Esprit. Car quoy
qu'il ait moins de lumières, que celuy des
Miniftres de Dieppe, qui est tombé dans le
même abyme : il en a fufTisamment pour pé-
cher, de cet horrible péché a mort pour le-
quel Saint * Jean ne veut point qu'on prie.
On a veu tant de caraderes de ce crime affreux
dans la mort de ce mauvais Ange qui avoit
lervi a Dieppe que l'on n'y peut penser fans
horreur. Car il parut les derniers jours de fa
vie dans un desordre & dans un accablement
fi extraordinaire qu'on ne put jamais tirer
une parole de fa bouche, fon esprit êtoit fans
comparaison plus malade que fon corps. Il
fembloit même que l'afflidion du corps ne
vint que de celle de l'esprit : & que fon feul
desespoir le mit au tombeau. Deux filles
qu'il avoit auprès de luy en furent fi effrayées
qu'elles abandonnèrent tout pour fe rejoindre
a leur Mère, qui est en Angleterre avec fon
Fils, qui a eu le courage d'embraffer le Saint
Miniftere que le Père avoit fi lâchement
abandonné; & qui fert avec édification. Que
celuy qui eft debout prenne garde qu'il ne
tombe : f qu'il ne s'élève point par orgueil :
que fe deffiant au contraire de fes forces, il
s'hu-
*!.£>. 5. 16.
+ Rom.
de Rouen. 97
s'humilie fous la main de Dieu, & qu'il im-
plore inceffammem fa miséricorde & fa grâce.
Qu'il lutte conftamment avec Dieu, com-
me Jacob, jusqu'à ce qu'il luy ait accordé
fa benedidion. Dieu qui a commencé fon
bon œuvre en nous veuille l'achever jusqu'à
la journée de Christ. Amen.
"Philippe le Gendre & Jacques Tiafnage
oMiniftres à QuepiUj', ayant apris que
l'on faifoit Informer contreux fous le
nom de çMonfieur le 'Procureur General;
ils ejperent faire connoitre à la Cour,
que leur conduite efi fans reproche, &
qu'ils n'ont point contrevenu en aucu-
ne manière aux 'Déclarations de fa oMa-
jefié.
IL ne leur fera pas poffible de répondre à
toutes les choses dont on les accuse, par-
ce qu'elles leur font inconnues, & fi leur en-
nemy fecret & les Témoins qui luy font dé-
vouez, ne s'étoient point vantez de la ma-
nière odieuse dont ils fe font fervis pour les
perdre : ils fçauroient à peine qu'on a formé
des accusations contr'eux.
G Ils
()8 Hijloire de VEgliJe
Ils fçavent feulement de certain qu'il y a
quelques mois qu'ils furent Allignez à la Re-
quefte de Monîieur le Procureur General,
fans leur déclarer néanmoins le fujet pour le-
quel il les faisoit Affigner.
Mais ils aprirent par les demandes qui leur
furent faites lors qu'on les Interrogea, qu'on
leur imputoit d'avoir fouffert la fille du feu
fieur de Montaigu dans le lieu de leur Exer-
cice, ils ont fumsamment répondu à cette
objediion, par leur Interrogatoire, & ils
ont fait voir que le feu fieur de Montaigu
père de cette fille, étant mort en la Profef-
fion de la Religion Prétendue Réformée, les
enfans y dévoient être élevez, fuivant l'Ati-
cle 39. de la Déclation de l'année 1669. non-
obllant que leur mère euft changé de Reli-
gion; & que pour cet effet les Enfans fe-
roient mis entre les mains des Parens de la
Religion Prétendue Réformée, ce qui auroit
été confirmé par un Arreft du Conseil d'Etat,
de l'année 1678. pour les Enfans du fieur Ro-
ger Marchand en cette Ville, quoy que la
mère qui s'étoit faite Catholique prétendit
les avoir, & par la Déclaration de l'année
i683 il eft défendu feulement de mener aux
Exercices de lad. Religion Prétendue Réfor-
mée, les Enfans dont les pères le font faits
Catholiques; mais il n'y eft fait aucune men-
tion des mères. Ce-
de Roïien. ot)
Cependant les Parens de lad. fille, aux-
quels la mère Tavoit confiée, depuis qu'ils
furent avertis que le fieur Curé de laint Elov
avoit fait fignifier à l'un des Deftendeurs',
fans toutefois être avertis par aucun Magi-
llrat, que la dite mère avoit changé de Reli-
gion : le font abstenus de la mener au Tem-
ple à Quevilly, & en effet elle n'y a point
été, bien que quand cela ne feroit pas on
n'en pourroit imputer aucune faute, puisque
non feulement ils ne pourroient pas remar-
quer tous ceux qui entrent dans leur Temple;
mais même qu'ils ne l'auroient pu reconnoî-
tre, ne l'ayant vûë qu'une feule fois, il y a
plus de quatre années.
Voilà la feule accusation dont ils ont con-
noiffance & dont ils le jullifient, & par des
Déclarations & par des Arrells authentiques,
& par une neance du fait, & par une im-
polFibilité qui les mettroit à couvert quand
même le fait feroit véritable.
Ils ont encor apris par un bruit commun
qu on leur impute d'avoir reçu dans leur
Temple une petite fille de Maître David du
Mont Procureur, & un autre du fieur Mau-
rice, mais outre que cela n'ell point vérita-
ble, & même que cela fe feroit fait fans leur
participation & fans qu'ils puffent l'empescher
pour n'en avoir connoiffance, ils ne peuvent
G 2 paf-
100 Hijloire de VEglife
pafler fous filence ce qui eft fi connu par la
Ville, & qui a fait horreur à tous les gens
de bien, que le fieur Curé de faint Eloy ayant
a mené luy même le fieur & la Dame le
Coq, pour rapporter qu'ils avoient vu la fille
dud. du Mont dans un Carofl"e qui alloit à
Quevilly, fur ce qu'on reprocha aud. le Coq
qu'il auroit dû expliquer précisément, fi lors
qu'ils avoient vu aller à Quevilly la fille dud.
du Mont, c'étoit avant ou depuis la Décla-
ration, il avoit répondu qu'il s'étoit bien
consulté & qu'il avoit pu parler ambiguement
pour perdre ceux de la Religion Prétendue
Réformée. Mais l'artifice desdits le Coq se
découvrira par la diftindion des temps, &
l'on trouvera fans doute que s'ils l'ont vûë
dans un Carofle avec fa mère c'étoit aupara-
vant la Déclaration, & en un tems où cela
n'étoit point défendu, & cela ne peut être
autrement, par ce qu'aufli-toft que les Def-
fendeurs eurent connoilTance de la Déclara-
tion du Roy, & auparavant même qu'elle
fut Enregiftrée a la Cour, ils firent avertir
les Dames du Mont & Maurice, de ne me-
ner plus leurs filles aud. Temple de Que-
villy.
Pour les Relaps les Defîendeurs ne peu-
vent deviner ce qu'on leur peut imputer à cet
égard, n'en connoiffant aucun qui ait été en
état
de Roiien. loi
état de les furprendre, & d'ailleurs ne leur
ayant été donné aucune connoiflance, ny
fignifié aucune Lifte de Relaps, quoy qu'aux
termes des Déclarations dés années 1679. ^
i683. & de TArreft de la Cour cela fuft né-
ceffaire, on ne leur peut imputer d'avoir
fouffert des Relaps, puis qu'ils n'étoient pas
à leur connoiflance.
ARREST DE LA COUR DE
Parlement, rendu le dernier Janvier
i685. contre les Relaps, & qui ajourne
les Miniftres de la R. P. R. en com-
parence personelle, & cependant inter-
dits des fondions de leur Miniftere, à
la reserve du Sacrement de Baptême
par provifion feulement.
V EU par la Cour l'Arreft d'icelle du dix-
huitiéme jour d'Avril dernier donné fur
le Requifitoire du Procureur General du Roy,
par lequel il a été dit qu'il fera informé par
devant les Conseillers Commiflaires, de l'en-
leyement de Damoiselle Efter Huë de Mon-
taigu âgée feulement de douze ans. Infor-
G 3 ma-
I02 Hijîoire de VEgUJe
mation faite en conséquence du vingt-unième
dudit mois & an. Conclufions du Procureur
General du Roy du troifiéme jour de Juin
audit an. Arrest de la dite Cour du douziè-
me jour du dit mois & an, qui ordonne que
Damoiselles Jeanne & Eiter le Seigneur fe-
ront affignées pour être ouyes & interrogées
fur les charges du Procès, & Commillion
accordée au dit Procureur General pour faire
appeler en la Cour les Ministres de Quevilly
pour répondre à fes Conclulions. Interro-
gatoires desdits le Seigneur du vingt-huitiè-
me jour de Novembre dernier. Autre Ar-
reft de la dite Cour du feptiéme Juillet der-
nier, donné fur un autre Requifitoire dudit
Procureur General, par lequel il est dit que
par lesdits Conseillers Commiffaires à ce com-
mis il fera informé, même par Monitoires,
de ce qu'au préjudice de la Déclaration du
Roy du dix-feptiéme Juin i683. & de l'abju-
ration de la dite R. P. R. faite par M"' Pierre
Maurice & David du Mont, leurs filles,
Tune âgée de douze ans, & Tautre de huit
ou neuf ans ont été menées plufieurs fois par
leurs mères au Presche de Quevilly, & cepen-
dant ordonne que lesdits Maurice & du Mont
feront tenus de représenter inceflamment
leursdites filles pour les faire indruire à la Re-
ligion Catholique, Apostolique & Romaine,
le
de Rouen. io3
le dit Arrest fignifié le huitième du dit mois
6 an ausdits Maurice & du Mont, avec com-
mandement d'y fatisfaire. Autre Arrest de
la dite Cour du onzième Juillet auffi dernier
donné en exécution du précèdent Arrest.
Monitoire obtenu à la requeste du dit Procu-
reur General du Roy du vingt-unième dudit
mois & an. Informations faites pardevant
lesdits Conseillers Commiffaires des i. 3. &
7 Aoust, & 1 1 Décembre dernier. Ade
exercé par devant lesdits Conseillers Com-
millaires contenant la déclaration des Sieurs
Janse, le Gendre & Basnage Miniftres de
Quevilly du dit jour. Extrait du Registre
des Abjurations faites en TEglise Paroilïiale
de Nôtre- Dame de Caën, faisant mention
que le 14 Janvier 1682. Damoiselle Marie
Magdelaine Samborne veuve de Jacob Huë
fieur de Montaigu de la Paroiffe de Thiefîé
Vicomte de Bayeux j a fait abjuration de la
R. P. R. ce qui a été fignifié aux Ministres
de Caën le 21 Juillet au dit an. Autre ex-
trait du 2 May 168 3. des regiftres des abju-
rations faites en la maison des nouvelles Ca-
tholiques de Caën, contenant que le dit jour
Gabriel Huë de Montaigu, Damoiselles
Marie Magdelaine & Anne Huë Ibeurs dudit
Gabriel enfans du dit feu Jacob Huë de Mon-
taigu & de la dite Damoiselle Marie Magde-
G 4 lai-
[04 Hijîoire de VEglife
laine Samborne ont Abjuré la R. P. R. entre
les mains du Sieur Evesque de Bayeux. Ex-
ploit fait à la Requefte de Maître François
Lieffe Prestre, Curé de S. Eloy, contenant
la fignification faite à M* Jacques Basnage
Ministre de Quevilly pour luy & les autres
Ministres, que la dite Damoiselle Veuve du
dit Sieur Hue de Montaigu a fait abjuration
de la R. P. R. & qu'elle est mère de la dite
Damoiselle Ester Hue, laquelle demeure en
lad. Paroiffe de S. Eloy en la maison de la
dite Damoiselle Ester le Seigneur veuve de
Tobie Moisant & tante de la dite de Mon-
taigu du I . d'Avril dernier. Arrest du Con-
seil d'Estat du 20 Juin 1678. Déclaration de
Sa Majefté contre les Relaps & Apostats,
& pour la forme des abjurations du r o Octo-
bre 1679. registrée en lad. Cour le 21 No-
vembre audit an. Autre Déclaration du Ro}^
donnée à Compiegne au mois de Mars i683.
registre en la Cour le 9 Avril aud. an. Lad.
Déclaration de Sa Majesté du 17 Juin i683.
portant que les enfans âgez de 14 ans & au
deffous dont les pères auront abjuré la R. P. R .
feront élevez en la Religion Catholique, re-
gistrée es registres de la Cour le 3o. Juillet
au dit an. Défenses par écrit desdits Mini-
stres de Quevilly, non lignées ny dattées.
Requeste présentée à la Cour par le dit du
Mont
de Roïien. io5
Mont le douzième de ce mois pour luy être
accordé a6te qu'il a représenté la dite fille en
la dite Cour. Conclurions du Procureur Ge-
neral du quinzième de ce mois. Requifitoire
dudit Procureur General de ce jour à ce qu'il
foit informé par devant les Conseillers Com-
miflaires contre plufieurs relaps receus au
Presche de Quevill}^ autres que ceux nom-
mez dans lesdites Informations. Tout con-
fideré, & oiiy le Rapport du Sieur Fauvel
de Touvens Conseiller CommifTaire. LA
COUR, veu ce qui resuite desdites Informa-
tions & du dit Procès, Ordonne que lesdits
le Gendre & Bafnage Miniftres de la R.P.R.
feront ajournez à comparoir en perfonne pour
être oûys & interrogez par devant les Con-
feillers Commiflaires fur les charges desdites
Informations, lesquelles à cet effet feront
jointes pour être fait droit fur le tout par un
leul & même Arrefl, après rinftruétion &
perfeèlion desdites instances; & cependant
a fait défenses ausdits Miniflres de faire au-
cune fondion ny exercice de leur Minillere,
à la reserve du Sacrement de Baptême que la
Cour leur enjoint d'adminiftrer dans les mai-
sons des pères & mères de la dite R.P.R.
parprovifion feulement & jufques à ce qu'au-
trement par Sa Majeftè il y ait été pourveu,
en présence du Lieutenant General Civil ou
G 5 run
io6 Hijîoirc de l'Eglife
Tun des Officiers du Bailliage & Siège Pre-
fidial de cette Ville, fans y apporter aucun
delay; & en cas d'urgente neceffité permet
aux Obtetrices d'ondoyer les enfans, luivant
TArreil de la Cour du 22 Avril 1681 . donné
en conséquence de la Déclaration du Roy du
22 Février 1680. Et à l'égard des Enfans
desdits de la R. P. R. qui naîtront dans les
Paroiffes & Villages de la campagne, ils y
feront pareillement baptisez en la forme cy-
deflus ordonnée, en présence de l'un des
Marguillers de chacune Paroiffe; descjuels
Baptêmes feront faits bons & fidèles registres
par lesdits Miniftres qui feront fignez par les-
dits Juges & Marguilliers, avec les parrains
& marraines, fuivant & conformément aux
Ordonnances & Déclarations de Sa Majefté.
Ordonne auffi la dite Cour que lesdits Pierre
Maurice & David du Mont & leurs femmes
feront ajournées àcomparoirpersonnellement
en la Cour pour y être oiiis & interrogez fur
les charges du Procès. Accorde compulfoire
audit Procureur General pour faire apporter
les extraits des Baptêmes des Filles desdits
Maurice & du Mont. Fait inhibitions &
deffenses à toutes personnes de la R. P. R.
de retenir les enfans des personnes qui fe fe-
ront converties à la Religion Catholique,
Apoftolique & Romaine au defTous de 1 âge
por-
de Rolien. 107
porté par la dite Déclaration du 17 Juin i683.
& de les empescher d'être instruits des my-
lleres de la Religion Catholique, Apoftoli-
que & Romaine, fur les peines contenues
aux Déclarations de Sa Majefté. Fait pareil-
lement deffenses ausdits Maurice & du Mont,
& à tous autres nouveaux Catholiques de
fouflrir que leurs enfans au deflbus de Page
porté par la dite Déclaration du Roy faffent
autre profeflîon ny exercice que de la dite Re-
ligion Catholique, Apostolique & Romai-
ne. Et veu ce qui resuite de la dite Infor-
mation du quatrième Décembre dernier.
Ordonne la dite Cour que le nommé Portrait
prévenu du crime de Relaps, & Judith le
Prevoll auffi prévenue du dit crime feront pris
& appréhendez au corps, mis & conlfituez
prisonniers en la Conciergerie de la Cour pour
être ouis & interrogez fur les charges con-
tr'eux rapportées par la dite Information,
& en cas de fuite ou absence leurs biens fe-
ront faifis & annotez, & leur procès fait &
parfait félon les formes prefcrites par TOr-
donnance. Sera auflî la nommée Caron ad-
journée à comparoir en personne pour être
ouie & interrogée fur les charges contr'elle
rapportées par la dite Information. Con-
darnne la dite Caron à représenter dans le mois
du jour de la fignification du présent Arrefl
Fran-
io8 Hijioire de l'Eglife
François Nez fon petit fils, autrement &
le dit temps pafle elle y fera contrainte mê-
me par corps. Accorde commiffion au dit
Procureur General du Roy pour faire affig-
ner en la Cour le nommé Chauvel de Dieppe,
&: les nommez Noblet demeurants à Rouen
rue des Charrettes, David Meriot, & Jac-
ques Fabulet demeurant rue Martainville en
la maison d'André Fabulet fon frère, pour
répondre à fes Conclufions. Accorde aufli
compulfoire au dit Procureur General du Roy
pour faire apporter au Greffe de la Cour les
Livres & Regiftres faifans mention des chan-
gemens de Religion ; enfemble le livre ou re-
giilre du dernier Synode tenu à Quevilly en
prefence du Sieur de Tierceville commis par
Sa Majefté. Et faifant droit fur le Requifi-
toire de ce Jour du Procureur General du Roy.
Ordonne qu'il fera informé du contenu en
iceluy, même par Monitoire, par devant
lefdits Confeillers Commiffaires, pour Tln-
formation faite & à luy communiquée être
fait droit ainfi que de raifon ; «& fera paffé
outre aux Aggraves & Reaggraves tant du
premier que du dernier Monitoire ordonné
par le prefent Arreft, lequel fera imprimé,
leu, publié, & affiché aux lieux ordinaires
& accoutumez. Fait à Rouen en Parlement,
le dernier jour de Janvier mil fix cens quatre-
vingt-cinq. Signé, DE BOURREY. FAC-
de Rouen. 109
FACTUM,
POUR Philippe le Gendre, & Jacques
Bafnage, Miniftres de la Religion Pré-
tendue Reformée à Quevilly, Défen-
deurs.
CONTRE
Monfieur le Procureur Général, Demandeur.
IL y a bien des faits dans le procez dont il
s'agit : Mais on ne craint point de dire
que lors que la Cour les aura examinez avec
la juftice & Téquité, qui paroît dans les ju-
gemens; elle n'en trouvera pas un feul qui
rende, ou le peuple qui s'affembloit à Que-
villy, ou les Miniftres qui le fervoient, in-
dignes des libertez que nôtre incomparable
Monarque leur a voit accordé par fes Edits.
Le prernier fait pour lequel lefdits Mini-
lires ont été aprochez, & le feul dont Mon-
fieur le Procureur General leut eût demandé
raifon, lors qu'ils ont été interdits des fon-
ctions de leur Charge, par Arreft du tren-
tième Janvier dernier; regarde Efter Huë.
nièce
t ro Hijioire de VEglife
nièce des Dames le Seigneur; & qui doit
avoir été élevée par elles dans la Religion
Prétendue Reformée, quoy que la Mère de
ladite Efter Hue foit Catholique.
Mais lefdits Miniftres ont iujet d'efperer
que la Cour demeurera entièrement fatisfaite
des réponfes qu'ils ont fait fur ce premier
Chef dans leur interrogatoire, & dans la con-
frontation des témoins.
Car I . ils ont reprefenté, avec tout le re-
fped qu'ils doivent à la Cour, que le feu
Sieur de Montaigu père de ladite Hue, a
vécu, & eft mort dans la Religion Préten-
due Reformée & la chofe n'eft pas conteftée.
Cela feul pourroit fuffire, pour juflifier la
conduite de ceux qui auroient eu part à Fédu-
cation que les Tantes de ladite Efter Huë
peuvent luy avoir donnée. Car la Déclara-
tion du premier de Février 1669, vérifiée au
Parlement le 29. Juillet audit an, & donnée
pour /ervir de Loy à l avenir; ordonne au 89
article, que les enfans des pères décédez en
la R. P. R. y foient élevez; les termes en
font COnflderables. Faifons défenfes conformé-
ment à ÏArreJl de nôtre Confeiî d'Etat du 24.
Avril 166 5. à toutes perfonnes d enlever les en-
fans de ladite R. P. R. ni les induire^ ou leur
faire faire aucune Déclaration de changement de
Religion avant l'âge de 14. ans accomplis pour les
mâles,
de Roïtcn. 1 1 1
mâle:^ & de 12. ans accomplis pour les femelles.
Et en attendant qu'ils ayent atteint ledit âge. Or-
DONNONS que le/dits enfaiis ne^ d'un père de
la R. P. Re/onnée, demeureront aux mains de
leurs parens de ladite Religion Prétendue Refor-
mée.
Cette Déclaration eft conforme aux autres
loix du Ro3'aume, qui veulent que ce foit
les pères, & non les mères qui règlent la
condition de leurs enfans. D'où vient qu'un
père roturier engendre des enfans roturiers,
encore qu'il ait époufé une femme noble ?
AulFi ne voit-on point que le temps y ait
aporté aucun changement que celuy qui re-
garde rage, auquel lefdits enfans pouvoient
être reçus a faire leur déclaration. On Ta
juftifié aux procez par deux Arrefts rendus
au Confeil d'Etat ; le premier au mois de Juin
1678. pour les enfans du fieur Roger Mar-
chand en cette ville, dont la mère etoit Ca-
tholique; & le fécond au mois de May 1680.
pour des enfans du Havre, dont la mère avoit
auflî changé de Religion. Et fi on allègue
la Déclaration du mois de Juin audit an, pu-
bliée le 3o. Juillet fuivant, la Cour ell tres-
humblement fuppliée de remarquer qu'elle
ne déroge point aux loix précédentes, puis
qu'elle ne parle que des enfans dont les pères
auront fait abjuration. Et de vouloir l'étendre
aux
1 1 2 Hiftoire de l'Eglise
aux mères, ce feroit non feulement contre la
difpofition générale des loix de TEtat; qui
comme il a été déjà remarqué, veulent que
les enfans fuivent la condition de leurs pères ;
mais même contre la nature particulière de
celles qui font accompagnées de quelques
peines, que l'équité ne veut point que Ton
étende au delà des termes aufquels elles font
conçues.
La Cour jugera fans doute, fuivant fa pru-
dence & fa fagefle, qu'une explication de la
Déclaration du mois de Juin i683. violente
& forcée, & manifeftement contraire à la
difpofition des loix & à Téquité, ne fuffit
pomt pour ruiner une Déclaration auffi for-
melle & auffi précife qu'eft celle de 1669. &
qui a été confirmée par plufieurs Arrefts,
donnez dans des cas tout pareils à ceux dont
il s'agit au procez.
Mais ce qui décide entièrement la quefti-
on, c'eft la lettre de Monfieur le Marquis
de Château-neuf, écrite au fieur du Hamel
Lieutenant en la Vicomte du Havre, dont
l'original a été produit à la Cour par le dit
fieur du Hamel, & dont lefdits Miniftres
ont joint une copie, collationnée aux autres
pièces du procez : Ladite lettre eft dattée
du 8. Odobre i683. c'efl-à-dire qu'elle a
été écrite trois mois après la Déclaration dont
il
de Rouen. 1 1 3
il s agit. Monfieur de Château-neuf y ré-
pond aux propofitions qui luy avoient été fai-
tes au mois d'Aouft par ledit fieur du Hamel,
pour élever les enfans du Havre, dont il a
déjà été parlé dans la Relimon Catholique,
qui eft celle de leur mère. Il n'y répond pas
de fon chef, mais après avoir informé le Roy
des expediens propofe!( par ledit fieiir : H luy dit
en terme exprés, que le Roy na pas eftimé à
propos de rien ordonner fur ce fujet, & le ren-
voyé à TArrell du Confeil du mois de May,
qui avoit ordonné qu'ils feroient mis chez la
mère, & qu'elle les éleveroit, mais fans les
contraindre en aucune manière pour le fait de la
Religion. Monfieur le Marquis de Chàteau-
neuf auroit-il parlé de cette manière, fi les
mères avoient les mêmes privilèges que les
pères ? Si la dernière Déclaration fe devoit
étendre |ufqu'à elles, n'auroit-il pas dit à ce
Juge qu il y avoit une Ordonnance qui Tau-
thorifoit de faire ce qu'il prétendoit; & que
c etoit l'intention du Roy que les mères prif-
fent la place des pères lors qu'ils venoient à
manauer à leurs enfans. II dit au contraire,
que Sa Majefté ne veut point que la mère'
dont le mary eft mort dans la Religion P R
contraigne les enfans qu'elle a eus de luy à faire
aucun exercice de la Religion Catholique. Doit-
on donner un autre fens aux Déclarations du
H Roy
1 14 Hijtoire de l'Eglife
Roy, que celuy que Sa Majelté y a donné
elle-même, en parlant à un de fes premiers
Minillres, qui luy demande l'explication de
fes volontez.
Le droit qu'avoient les parens de ladite
Eller Huë de relever en la R. P. R. étant fi
bien juftifié; lefdits Miniftres diront, fous
le bon plaifîr de la Cour, qu'ils n'auroient
pas crû manquer au refped & à Tobeiffance
qu'ils doivent aux ordres facrez de leur Sou-
verain, quand ils auroient fouffert ladite Eller
Huë dans leur Temple : Mais ils ont fait con-
noître qu'ils ne l'y ont jamais vûë; & qu'ils
ne croient pas la connoître : ils n'ont pas
même été bien informez du changement de
fa mère, qui demeure à plus de trente lieues
de cette Ville, jufques au Samedy de Pâques
de l'année 1604. que le fieur Curé de faint
Eloy le fit fignifier à l'un d'eux. Et ils ont
été fi délicats fur tout ce qui pouvoit donner
la moindre atteinte à leurs libertez, ou four-
nir quelque prétexte à ceux qui ne cherchent
qu'à décrier leur conduite; que celuy qui
avoit reçu l'exploit alla fur le champ avertir
les Tantes de ladite Efter Huë de ne la pas
mener à Quevilly. Et en effet, de tous les
témoins qui ont été confrontez aufdits Mi-
nillres, il n'y en a pas un feul qui die l'avoir
feulement vûë tourner la tête de ce côté-là
de-
de Rouen. 1 1 5
depuis la femaine Sainte de ladite année : il
n'y en a point non plus qui die Pavoir jamais
vûë auparavant ledit temps, ny dans le Tem-
ple, ny dans le village de Quevilly, ny mê-
me fur le chemin qui y conduit. Ils fe font
tous réduits dans la confrontation, à dire
qu'ils Font conduite de vûë de puis la maifon
de fes Tantes, jufques à la Porte faint Eloy
les jours de Dimanches & de Fêtes, aux
heures que Ton alloit à Quevilly, & qu'elle
revenoit avec elles, lors qu'elles en retour-
noient; ou tout au plus, qu'ils l'ont vûë mon-
ter en bateau ; • encore n'y-a-t'il qu'André
Gueroult qui l'ai dit, & avec tant de varia-
tion, que Ton ne peut faire aucun fond fur
fon témoignage. Pour ce qui eft des Tantes
de ladite Huë, qui ont auffi été confrontées
aufdits Miniftres, leur interrogatoire s'ac-
corde parfaitement avec la dépofition des té-
moins; car elles ont déclaré qu'elles n'ont
point contrevenu aux défenfes faites à la re-
quête du fieur Curé de S. Eloy. La Déclarati-
on de la Dame Jeanne le Seigneur efl; bien for-
melle & bien précife; & encor que celle de
la Dame Efter fa fœur ne foit pas fi nette en
un endroit où elle a voulu marquer le temps
par les mois, dont elle s'eil excufée fur fon
grand âge, & fur la perte de fa mémoire :
elle parle pofitivement dans un autre lieu du
H 2 terme
1 1 6 Hijîoire de VEglife
terme de Pâques, qui fe raporte précifément
au temps de Texploit, & à ce que difent
tous les témoins.
Quand donc on s'attacheroit au fait, fans
confiderer le droit de ladite Efter Huë, ce
que Ton ne doit pas préfumer, la Cour étant
trop jufte & trop équitable pour ôter aux ac-
cufez aucun des moiens d'une légitime dé-
fenfe; ils ofent dire, fous le bon plaifir de
la Cour, qu'ils ne feroient pas condamna-
bles, puis qu'ils n'ont eu aucune part dans les
mefures que lefdites Dames le Seigneur ont
pu prendre pour l'éducation de leur nièce,
qu'ils n'en ont pas même eu de connoiffan-
ce; & que dans le moment qu'on leur a figni-
fié que la mère de ladite Efter Huë avoit chan-
gé de Religion, ils ont empêché qu'on ne la
menât à Quevilly; qui eft tout ce que l'on
auroit pu exiger d'eux aux termes des Décla-
rations les plus rigoureufes, qui veulent que
l'on fignifie aux miniftres les changemens de
Religion, & les Ades d'abjuration de ceux
qui l'ont fait, avant que de les pouvoir in-
quiéter pour ce fujet.
Le fécond fait raporté au procez eft de
même nature que le premier; concernant
François Nées, fils d'Itaac, petit fils du fé-
cond Mary de Catherine Caron, que ladite
Catherine Caron a eu entre fes mains depuis
la
de Roîien. r i y
la mort dudit Ifaac Nées père de François,
lequel Ifaac efl decedé à rarmée il 3^ a neuf
ou dix ans. Car il paroît par Tinterrogatoire
de ladite Caron, confrontée aufdits Mini-
ftres, que ledit Ifaac Nées faifoit profeffion
de la R. P. R. lors qu'il partit pour Tarmée,
qu'il n'eft point venu à fa connoifleance qu'il
en ait changé^, ny en mourant ny avant fa
mort. Il paroît encore que ladite Caron n'a
pu mener ledit François Nées à Quevilly de-
puis la publication dé la Déclaration du Roy,
qui regarde les enfans des convertis; car la-
dite Déclaration fut publiée le 3o. de Juillet,
qui êtoit un Vendredy : Et le premier jour
d'Aouft fuivant qui écheoit le Dimanche, la-
dite Caron envoia ledit François Nées à Ge-
neviève Mauger, mère dudit enfant, à Paris,
où il a toujours demeuré depuis. La lettre
de ladite Mauger, produite au procez par la-
dite Caron en datte du 8. Aouft i683. qui
remercie fa mère dudit envoy, en fait foy.
Lefdits Miniftres prennent droit par ledit
mterrogatoire. Il s'agit d'un enfant d'un pè-
re qui a vécu dans la R. P. R. & que l'on
doit fuppofer y être mort, puis que l'on ne
Içait rien au contraire, & que l'on n'a ja-
mais fait la moindre fignification aufdits Mi-
niftres qui leur ait pu faire naître d'autres pen-
iées; & cet enfant n'eft pas même allé à Que-
H 3 villy
1 1 8 Hijîoire de lEglife
villy de puis le mois de Juillet i683. Telle-
ment que quand fon père auroit changé de Re-
ligion, comme non, on ne leur pourroit pas
imputer la moindre contravention aux Edits.
Il y a plus, car lefdits Minières n'ont pas
même fçu avant le procez que la mère eût
changé de Religion. On ne leur en a jamais
rien lignifié, & ils ont encore ignoré qu'elle
eut un enfant; bien loin de fçavoir que la-
dite Garon l'eut chez elle, & qu'elle l'éle-
voit dans la R.P.R. comme ladite Caron l'a
reconnu dans les interpellations qu'ils luy en
ont fait. Les témoins ne difent rien au con-
traire; on a confronté aufdits Miniftres Ca-
therine Caron, nièce de celle dont il s'agit,
reprochable de droit, qui s'eft réduite dans
la confrontation à des ouy dire.
Il y a trois autres faits qui touchent les fil-
les mineures des Srs Maurice, du Mont &
Chauvel de Dieppe, qui ont embraffé la Re-
ligion Catholique, & que l'on prétend être
allées à Quevilly depuis la Déclaration du
mois de Juin enregillrée le 3o Juillet, qui
défend d'y recevoir les enfans des pères con-
vertis qui font au deffous de 14 ans. Pource
qui eft de celle du Sieur Chauvel de Dieppe,
lefdits Miniftres fe contenteront, fous le bon
plaifir de la Cour, de dire comme ils ont fait
dans leur interrogatoire, qu'ils ne la connoif-
fenî
de Roïien. i iq
lent point; parce qu'il ne leur en a point été
parle dans la confrontation, ce qui leur fait
)uger qu'il n y a point de charge fur ce fait
au Procez. Mais pour les deux autres ils ont
répondu trois chofes; La première, qu'on
ne leur a jamais fignifié ny à eux ny à aucun
du Confilloire TAde d'abjuration de leurs
pères, & qu'ainfi ils en pourroient préten-
dre caufe d'ignorance, aux termes des Dé-
clarations du Roy & des Arrells que la Cour
a donnez en les vérifiant; La féconde, qu'ils
n'ont jamais vu la fille dudit Sr. Dumont à
Quevilly : & que celle dudit Sieur Maurice
y ayant été apperçûë pendant le fon de la
Cloche, quelques femaines avant la Publica-
tion de la Déclaration du mois de Juin i683
qui le deffend, le Confilloire donna ordre
à un Ancien de l'en faire fortir, ce qui fut
exécuté fur le champ; La troifiême & la
dernière, qu'il eft certain qu'elles n'y font
venues, ny l'une, n}^ l'autre, depuis ladite
Déclaration qui le deffend. Il n'y a rien dans
les dépofitions des Témoins confrontez auf-
dits Minirtres qui prouve le contraire; Il n'y
en a pas un feul qui n'ait été obligé de recon-
noître, quand ils ont été interpellez, qu'ils
n'ont vu ny l'une ny l'autre de ces filles, ny
dans le Temple, ny dans le village de Que-
villy, ny mefme fur le chemin qui y conduit;
H 4 &
I20 Hijîoire de l'Eglife
& s'il y en a quelques uns qui ont dit qu'ils
avoient vu monter la fille dudit Sieur Mau-
rice dans un fouflet, depuis Tabjuration de
fon père, les jours du Dimanche, & reve-
nir de même avec elle aux heures que Ton va
à Quevilly, & que Ton en revient, interpel-
lez de marquer le temps, & de dire fi c'étoit
avant ou après le mois de Juillet i683. Ils
ont répondu qu'ils ne le pouvoient dire, à
la referve de Marguerite du Buiffon, qui a
dit qu'elle croit que ça été plutôt avant qu après
ledit mois de Juillet; & de Jeanne vaillant,
qui a dit quil y avoit deux ans ou deux ans &
deiny qu'elle avoit vu ce qu'elle avoit rapor-
té. Le fieur & la Dame le Coq qui ont dé-
pofé fur le fait de ladite du Mont, & qui
ont été reprochez pour des caufes que la Cour
jugera fans doute valables, avec toute la paf-
fion qu'ils ont fait paroître dans cette rencon-
tre, n'ont ofé dire autre chofe fmon qu'ils
l'avoient vu monter dans un Caroffe allant
à Quevilly, & n'ont jamais^ voulu répondre
précifément aux interpellations qui leur ont
été faites, de déclarer fi c'étoit avant ou
apès le mois de Juillet i683. Ils ont dit ne
le pouvoir faire ; mais pour fuppléer, par leur
artifice, au défaut de leur réponfe la femme
a dit que c'étoit tout le temps que ladite du
Mont avoit été chez fon père & chez fa
gran-
de Rouen. 121
grand mère : & le mary, que la remiflion
obtenue par le fieur du Mont pouvoit fervir
d'explication à ces interpellations.
Catherine Allais, troifiême témoin pour
le même fait, ne s'efi; pas voulu mieux ex-
pliquer dans rinterpellation qui luy a été
faite; elle a dit ne fe fouvenir du temps,
mais que Ton difoit par bruit commun qu'il
y avoit des Déclarations qui le défendoient.
Mais ce que ces trois témoins ont ignoré,
ou plûtort qu'ils ont affedé, de cacher Pierre
Roûy quatrième témoin, l'a déclaré d'une
manière qui décide la queftion, & qui dé-
charge entièrement lefdits Minières . Car il
a dit pofitivement que ladite fille du Mont
n'étoit point entrée dans le Carofle qui me-
noit fa mère à Quevilly depuis le Houragan
qui arriva la veille de la S. Jean de l'an i683.
& perfonne ne le pouvoit mieux fçavoir que
luy, puifque le Carofle étoit à luy, que
c'ctoit luy qui l'y conduifoit, & que depuis
ce tems-là, comme il le dit encore dans fa
dépofition, il avoit perdu une pillole qu'on
luy donnoit tous les ans pour mener ladite
fille.
Et quand à ce que le Sr. le Coq a dit de la
RémilFion obtenue par lefdits Sieurs Maurice
& du Mont, cela ne fert qu'à faire voir que
ledit le Coq agit plûtoll en cette Caufe com-
H 5 me
122 Hijîoire de l'Eglife
me Partie que comme témoin ; car au fond
lefdits Sieurs ont énoncé ce qu'ils ont voulu
lors qu'ils fe font prefentez au Gonfeil, &
quand ils auroient avancé quelque fait où
lefdits Miniftres fe trouveroient intéreffez, il
feroit de la juftice de les en convaincre avant
que de leur en faire porter la peine, & la
Cour n'auroit pas manqué de leur en donner
communication : il y a lieu de croire que fa
Majefté a fait grâce aufdits Sieurs, non pour
avoir laifle mener leurs enfans à Quevilly de-
puis la Déclaration, qui eft une faute qu'ils
n'ont point commife, mais pour avoir fouf-
fert que leurs mères les élevaffent dans leur
Religion depuis leur abjuration, jusqu'à ce
que le Roy y ait pourvu par fa Déclaration
de Juin 1 685. contre & au préjudice de l'obli-
gation où font les pères d'élever leurs enfans
dans leur Religion.
Il y a encore une autre chofe dans le Pro-
cez qui regarde le dit Sr. Maurice, qui eft
qu'il a mené marier une de fes filles majeu-
res à Quevilly en May 1 68 1 . On ne nie point
ce fait, que ledit Sieur, un Lundy de la
Pentecofte, entra dans le Temple après le
Prefche & les Prières faites : & qu'il y pre-
fenta fadite fille pour recevoir la Benedidion
nuptiale, mais outre que ledit Sr. Maurice
ne doit pas être regardé comme Relaps, pour
une
de Roîien. i23
une chofe que les meilleurs Catholiques ont
fait fans fcrupule en mille occafions; La Dé-
claration qui défend aux Minières de rece-
voir les Relaps dans leurs Temples n'étoit
point encore donné, «& ne Ta été que prés
de deux ans après, fcavoir en Mars i683.
il n'y avoit encore que celle du mois d'Odo-
bre 1679. qui ne regarde que ceux qu'ils re-
cevroient à faire r exercice de leur Religion,
après qu'on leur a fignifié l'Aâe de leur abjura-
tion, chofe qui ne regarde point ledit Sieur
Maurice, dont Tabjuration ne leur a jamais
été fignifiée, & qui depuis qu'il l'a faite n'a
pas même penfé à revenir à eux, & à faire
Profeflion de leur Religion.
Les derniers faits qui paroiflent au procez
envelopent diverfes perfonnes prévenues du
crime de Relaps : Mais il eft bien difficile
de comprendre comment, ou le Temple de
Quevilly, ou les Miniftres qui y fervent peu-
vent être interelTez dans les fautes des préve-
nus, & dans les peines qui en dépendent.
Car la Déclaration du mois d'Odobre 1679.
qui eil la première qui défend aux Miniftres
de recevoir des Relaps, à faire exercice de
leur Religion; & qui a été enregiftrée au
Parlement le 21 Novembre audit an, pour
être exécutée en fa forme & teneur; veut qu'a-
vant toutes chofes les Aâes des Abjurations
f oient
124 Hijîoire de l'EgliJe
Joient Jignijie^ à la diligence des Procureurs du
Roy^ aux Minijlres & aux Conftjloires des lieux
où ceux qui auront abjure' ladite Religion faifoient
leur refidence. C'ell un préalable neceffaire-
ment requis, auffi bien dans Tintention de
Sa Majefté & dans fon Ordonnance, que
dans l'ordre de la Juftice. Et ce n'efi; quen
confequence de ces diligences quil fait défenfes
aux Minijlres & aux Confijloires de les recevoir :
Tellement que l'on ne peut encourir les pei-
nes portées par ladite Déclaration, à moins
que les diligences n'ayent été faites ; car tout
le monde fçait que les formalitez font eflen-
tielles dans l'exécution des loix, de celles fur
tout qui font accompagnées de peines, lors
même qu'elles ne touchent que des particu-
liers. A plus forte raifon, lors qu'elles fra-
pent un grand corps, qu'elles tendent à ôter
à plufieurs milliers de perfonnes, la liberté
d'exercer leur Religion dans les Temples oià
ils fe font affemblez de temps immémorial ;
fous le bénéfice de l'Edit le plus folennel qui
ait jamais été fait, & qui a été confirmé par
plufieurs Roy s. Si les formalitez font indif-
penfables en ces occafions, celle dont il s'agit
l'étoit encore beaucoup plus que les autres ;
parce qu'il peut arriver, & il arrive tous les
jours en effet, que les abjurations fe font en
cachette, ou dans des Provinces éloignées
du
de Rouen. 12b
du lieu du domicile de ceux qui les font, qui
d'ailleurs font fouvent inconnus aux Mini-
ftres, fur tout dans les grands troupeaux;
en forte qu'ils fe peuvent aifément gliffer dans
leur aflemblée, à moins qu'on ne les ait mis
en état par la fignification de leurs noms &
de leurs qualitez, de les diftinguer du refte
du peuple.
La féconde Déclaration donnée en Mars
i683. ajoute à la première, en ce qu'elle ne
veut pas que l'on reçoive ê foiiffre dans les Tem-
ples, ceux qu'il étoit Amplement deffendu
auparavant de recevoir a faire profeiïion de
la R. P. R. mais elle ne touche point aux for-
malitez prefcrites par la première ; Elle or-
donne au contraire qu'elles feront obfervées :
Elle vent qu'au furplus le contenu dans les Décla-
rations précédentes foit obfervé. Et la Cour en
a fi bien reconnu la necefîité, que dans l'Ar-
refl de l'enregiftrement du 9. Avril audit an.
Elle ordonne que les noms & les furnoms des con-
vertis feront envoyé^ tous les mois par les Cure^,
& autres qui auront reçu les abjurations, aux
mains des fubjlituts de Monfieur le Procureur Gé-
néral de chacun Siège; le/quels feront tenus pa-
reillement de les faire fignifier aux Minijlrcs de
la R. P. R.
Il paroit manifeftement par les Déclara-
tions fufdites, & par les Arrefls donnez en
con-
126 Hijioire de V Eglise
confequence; que Ton ne peut imputer aux
Minillres d'avoir reçu des Relaps dans leurs
Temples depuis la publication des Edits qui
le leur deffendent, ny leur ôter leurs Tem-
ples & leurs exercices pour ce fujet, à moins
qu'on ne leur ait fignifié les Ades d'abjura-
tion defdits Relaps ; ou au moins leurs noms
& leurs furnoms. Or il eft de notoriété pu-
blique qu'on ne leur en a jamais fignifié au-
cun, & c'eft ce que lefdits Minillres ont ré-
pondu dans leurs interrogatoires, au fujet
des nommez Portrait, Metiotte, Fabulet
& Judith Prevofl, accufez de crime de Re-
laps. Ils ont dit de plus, qu'ils leurs étoient
inconnus; & que bien loin de les avoir fouf-
ferts a Quevilly, depuis les Déclarations du
Roy qui le deffendent, ils ne croyoient pas
les avoir jamais vus.
On ne leur a confronté aucun des témoins
qui dépofent contre lefdits Relaps, quoy que
lefdits Miniftres ayent prefenté Requête à la
Cour, en datte du 3o. May pour ce fujet;
& ainfi ils proteftent de nullité, fous le bon
plaifir de la Cour, de tout ce que lefdits té-
moins pourroient avoir dit, contre & au pré-
judice defdits Miniftres & de leur Temple,
conformément à l'Ordonnance.
Et pour faire voir la juftice de cette pro-
teftation, la Cour eft tres-humblement fu-
pliée
de Roilen. 127
pliée de confiderer que les dénommez au pro-
cez peuvent être Relaps, fans être entrez
au Temple de Quevilly depuis leur abjurati-
on. Combien y-a-t'il d'autres Temples dans
le monde, dedans & dehors le Royaume,
où ils pourroient être entrez ? & leur eou-
tumace ne doit regarder que leurs perfonnes,
& ne peut faire préjudice au Temple de Que-
villy, à moins que les Miniflres, à qui le
Roy Ta donné par fes Edits pour y exercer le
Miniftere, ne les y a3'^ent reçus & foufferts,
contre & au préjudice des Déclarations de Sa
Majefté; & s'il y a quelques témoins qui le
difent, ce que lefdits Miniflres ignorent,
parce qu'ils ne leur ont pas été confrontez,
ils ont parlé contre la vérité, & lefdits Mi-
niftres font perfuadez qu'il leur auroit été fa-
cile de le faire voir, & de détruire lefdites
dépofitions par les interpellations qu'ils leurs
auroient pu faire à l'égard des temps & des
lieux oia ils auroient vu lefdits Relaps, &
des autres circonftances qui peuvent fervir à
éclaircir de femblablcs faits; comme ils ont
pris la liberté de remontrer à la Cour dans lad .
Requerte. Le Roy n'a jamais refufé dans fon
Confeil aux Miniftres la liberté de deffendre
la Caufe de leurs Temples, lors qu'il a été
qiieilion de juftifier leurs établiffemens. Et
en effet, un Temple eft une chofe morte,
qui
128 Hijîoire de VEgliJe
qui n'a pas moins befoin d'un curateur qu'un
cadavre, dont on veut faire le procez.
Et les Miniftres qui en font en pofTeffion,
& qui font outre cela les Chefs du Confiftoi-
re, qui repréfente le peuple qui s'y affem-
ble, & qui a la diredion de toutes fes affai-
res, n'en font-ils pas les Curateurs naturels :
La moindre de ces qualitez fuffit pour leur
donner un droit inconteftable de foûtenir fes
interefts. On n'a jamais rafé la maifon d'un
homme pour rébellion, qu'on ne luy ait con-
fronté les témoins qui le chargent de ce cri-
me : Et on ne peut pas dire que ce foit la
maifon de ces Relaps, & que c'eft pourquoy
on la condamné; car quand ils y auroient eu
quelque part, ils y ont renoncé en embraf-
fant la Religion Catholique, & Sa Majefté
les en a exclus pour jamais par les Arrefts
qui les banniffent de fon Royaume, & elle
demeure entièrement & abfolument à ceux
qui font demeurez fermes dans leur profeffi-
on : Et quand on accorderoit, comme non,
qu'ils y pourroient encore prétendre quelque
petite part, ce ne feroit pas un centième,
ce ne feroit pas même un millième. Et tout
ce grand peuple qui s'y aflembloit y a des
droits, fans comparaifon plus grands & plus
confidérables que ne feroit le leur : & ainfi
on ne pourroit toujours l'abbattre fans les y
ap-
de Roilen. 129
appeller & fans entendre leurs conducleurs
dans les faons & les reproches qu'ils pour-
roient alléguer contre les Témoins & en leurs
autres delfences.
Les deux derniers Arreils de la Cour don-
nez au fujetdefdits Miniltres & de leur Tem-
ple; Tun du 5 Mars, & l'autre du iG May,
font encore mention de quelqu'autres perfon-
nes prévenues du mefme crime de Relaps.
Mais comme on n'en a parlé en aucune ma-
nière aufdits Miniftres quand ils ont prefté
r Interrogatoire; qu'on ne leur a confronté
aucuns des Témoins qui dépofent contre
ceux-cy, non plus que contre les autres qui
ont été coutumacez, quoy qu'ils l'ayent de-
mandé par la Requelfe dont il a déjà été par-
lé; qu'on ne les a pas mefme confrontez aux
prévenus qui font prefens, comme l'Arreft
de la Cour du 16 May dernier l'Ordonne;
lefdits Minillres ne peuvent fe perfuader que
la Cour }'■ ait aucun égard dans le Procez,
en ce qui peut regarder leur Temple & leurs
perfonnes, puifque ce feroit, comme il a
déjà été reprefenté, une chofe directement
contraire à TOrdonnance : & un grief dans
une Caufe d'une fi grande importance, &
qui intérelfe plufieurs millers de perfonnes;
qu'une Cour auffi Augulie & aulïï éclairée
qu'ell le Parlement, ell incapable de faire.
I Lef-
i3o Hijîoire de l'Eglife
Lefdits Miniftres auroient i'atisfait à tout
ce qui regarde leur Procez, s'ils ne fe croy-
oient obligez de dire un mot de la Déclara-
tion du mois de Février i685. Quelques-
uns prétendent qu'elle leur eft contraire,
mais quand on ne confidéreroit point qu'elle
a été donnée depuis que lefdits Miniftres font
interdits : & qu'ainfi ils ne peuvent l'avoir
violée, puifqu'elle n'est venue qu'après que
le Temple a été fermé : & qu'ils ne peuvent
avoir prévu en i683. ou 1684. ce que le Roy
Ordonneroit en i685. Il faut convenir qu'elle
ne regarde que ceux qui au mépris des Edits
précédens auroient /ow^er/ dans les Temples,
ou des Relaps, ou des enfans des pères con-
vertis depuis les Déclarations de l'année r 683 .
qui les concernent, ou bien mefme les Ca-
tholiques que la Déclaration du mois de Juin
1680. en bannit depuis ledit an; affedans
de ne vouloir pas connoître ny les uns ny les
autres, lors mefme qu'ils n'ont pas lieu de
prétendre caufe d'ignorance de leurs qualitez,
& cela ne regarde point encore lefdits Mi-
niftres. Car premièrement, pour les Ca-
tholiques, dont il s'agit dans la Déclaration,
il ne s'en trouve point de tels au Procez;
pour les enfans des pères convertis, ils ont
fait voir qu'ils ne font point coupables, &
qu'il n'en eft point entré dans leur Temple
de-
de Roiïcn. \'h\
depuis le mois de Juillet i683. Ils ont détruit
tout ce qu'on leur avoit oppofé fur cet Arti-
cle; Et pour les Relaps, on ne leur peut
rien non plus impoferà leur égard puis qu'ils
ont méconnu dans leur Interrogatoire d'en
avoir fouffert, & qu'on ne leur a confronté
aucun Témoin qui les en chargeât, & que
toutes les dépofitions des perfonnes qui ne
leur ont point été confrontées font nulles de
Droit, & ne peuvent faire de charge, ny
contr'eux ny contre le Temple. Ils ofent
dire, fous le bon plaifir de la Cour, que
Ton ne prouvera jamais que les prévenus du
crime de Relaps foient allez à Quevilly de-
puis les Déclarations du Roy; ou s'il y en eft
allé quelqu'un, qu'il y ait été connu comme
Relaps, & qu'il y ait été fouffert en cette
qualité; lefdits Miniftres ont été fi éloignez
d'affeder de ne les pas connoître, pour avoir
lieu de les fouffrir dans leurs Affemblées, que
voyans qu'on ne leur fi^nifioit point les Ades
d'abjuration de ceux quipouvoientavoir chan-
gé, ny mefme leurs noms, comme on avoit
fait par tout ailleurs : ce qui étoit néceffaire
pour leur en donner la connoiflance; qui fait
la fouffrance, & fans laquelle il n'y en peut
avoir; Ils auroient fait des exhortations a
leur Peuple pour tâcher de les découvrir, &
être enfuite en état de les éloigner de leur
I 2 Tem-
i32 Hijîoire de l'Eglise
Temple s'ils en approchoient, cela paroîtra
par le Regiftre des Cenfures produit au Gref-
fe fuivant rArreft de la Cour.
Il réfulte de tout ce qui a été dit jufqu'icy,
& particulièrement de ce qu'il n'y a pas un
Témoin de ceux qui ont été confrontez aux
Défendeurs qui die avoir vu dans le Temple
aucun des dénommez au Procez : qu'on ne
leur a fignifié ny les Ades d'abjuration, ny
même les noms des Relaps, & qu'ils n'ont
point été confrontez aux témoins qui peuvent
avoir depofé contre ces Relaps, qu'il n'y a
point de charges au procez, ni contre le
Temple, ni contre les Minières.
G'ell pourquoy les Défendeurs fuplient
tres-humblement la Cour de leur faire Jufti-
ce, en les rétabliffant dans les fonctions de
leur Miniftere ; & de leur redonner le Tem-
ple qu'ils ont poffedé depuis l'Edit, pour y
continuer à y fervir Dieu, & à le prier pour
la Perfonne facrée de Sa Majefté; pour la
Maifon Royale, & généralement pour tous
leurs Supérieurs.
Monfteur FAUVEL DE TOVVENS.
Confeiller Rapporteur.
Arrejl
de Rouen. i33
Arrejî du Parlement de Roilen, qui or-
donne la Démolition du T^rêche de
Quevilly.
VEU par la Cour le Procès extraordinai-
rement fait pardevant les Confeillers
Commiffaires de ladite Cour en confequence
de TArreft d'icelle du i8. d'Avril 1G84. don-
né fur le Requifitoire du Procureur General
du Roy, par lequel il a été dit qu'il fera in-
formé pardevant les Confeillers Commilfai-
res de Tenlevcment de Demoifelle Efther
Hue de Montaigu âgée feulement de douze
ans. Information faite en confequence du
9 dudit mois & an. Conclufions du Procu-
reur General du Roy. Arrel!; de ladite Cour
du 12" Juin audit an, qui ordonne que De-
moifelles Jeanne & Ellher le Seigneur feront
affignées pour être oiiyes & interrogées fur
les charges du Procès, & commilTion accor-
dée audit Procureur General pour faire ap-
peler en la Cour les Minillres de Quevilly
pour répondre à fes Conclufions. Interro-
gatoires defdites le Seigneur du 28 jour de
Novembre dernier. Autre Arrell de ladite
Cour du 7*" Juillet aulli dernier, donné fur
un autre Requifitoire dudit Procureur Gene-
I 3 rai.
i34 Hijioire de VEglife
rai, par lequel il eft dit que par lefdits Con-
leillers Commiffaires à ce commis il fera in-
formé, même par Monitoires, de ce qu'au
préjudice de la Déclaration du Roy du 17.
Juin i683. & de Tabjuration de ladite R. P.
R. faite par M" Pierre Maurice & David
Dumond, leurs filles, Tune âgée de douze
ans, & l'autre de huit ou neuf ans ont été
menées plufieurs fois par leurs Mères au Prê-
che de Quevilly, & cependant ordonne que
lefdits Maurice & Dumont feront tenus de
reprefenter inceffamment leurfdites filles pour
les faire inilruire à la Religion G. A. R. Le-
dit Arreft fignifié le huitième dudit mois &
an aufdits Maurice & Dumont, avec com-
mandement d'y fatisfaire. Autre Arreft de
ladite Cour du onzième Juillet auflî dernier,
donné en exécution du précèdent Arreft.
Monitoire obtenu à la requefte dudit Procu-
reur General du Roy du 2 1 . dudit mois &
an. Informations faites pardevant lefdits
Gonfeillers Gommiffaires des i . S.&y. Aouft,
& 1 1 Décembre dernier. Ade exercé ledit
jour pardevant lefdits Gonfeillers Gommiffai-
res contenant la déclaration des Sieurs Janffe,
le Gendre & Bafnage Miniftres de Quevilly.
Extrait du regiftre des Abjurations faites en
l'Eglife Paroilîîale de Nôtre-Dame de Gaën,
faifant mention que le 14 Juillet 1682. De-
moi-
de Rouen. i35
moifelle Marie Magdelaine Samborne veuve
de Jacob Huè" Sieur de Montaigu de la Pa-
roifle de Thieffé Vicomte de Bayeux y a fait
abjuration de la R. P. R. ce qui a été fignifié
aux Miniftres de Caën le 21 Juillet audit an.
Autre extrait du 2 May i683. des Regiftres
des abjurations faites en la Maifon des nou-
velles Catholiques de Caën, contenant que
ledit jour Gabriel Hue de Montaigu, De-
moilelles Marie Magdelaine & Anne Hue
fœurs dudit Gabriel enfans dudit feu Jacob
Hue de Montaigu & de ladite Damoifelle
Marie Magdelaine Samborne ont abjuré la
R. P. R. entre les mains du Sieur Evefque
de Bayeux. Exploit fait à la requelle de
M" François Liefle Preftre Curé de S. Eloy,
contenant la fignification faite à M" Jacques
Bafnage Miniltre de Quevïlly, pour luy &
les autres Miniftres que ladite Demoiîelle
veuve dudit Sieur Hue de Montaigu a fait ab-
juration de la R. P. R. & qu'elle eft mère de
ladite Demoifelle Eiler Huë, laquelle de-
meure en ladide Paroilfe de S. Eloy en la mai-
Ion de ladite Demoifelle Efter le Seigneur
veuve de Tobie Moifant, & tante de ladite
de Montaigu du i Avril 1684 Arreft du Con-
feil d'Eftat du 20 Juin 1678. Déclaration de
Sa Majefté contre les Relaps & Apofttats &
pour la forme des Abjurations, du 10 Odo-
I 4 bre
i36 Hijtoire de lEglife
bre 1679. regiitrée en ladite Cour le 21 No-
vembre audit an. Autre Déclaration du Roy
donnée à Compiegne au mois de Mars i683.
regiitrée en la Cour le 9. Avril audit an. La
dite Déclaration de Sa Majellé du 17 Juin
i683. portant que les enfans âgez de 14 ans
et au deffous, dont les pères auront abjuré
la R. P. R. feront élevez en la Religion Ca-
tholique Apoftolique & Romaine, regiftrée
es regiftres de la Cour le 3o Juillet dernier.
Deffenfes par écrit defdits Miniltres de Que-
villy non fignées ny dattées. Requelle pre-
lentée à la Cour par ledit Dumont le 12 de
Janvier dernier pour luy être accordé acte
qu'il a reprefenté ladite fille en ladite Cour :
Conclurions du Procureur General du Roy.
Requifitoire dudit Procureur General du 3 1
dudit mois, à ce qu'il Ibit informé pardevant
les Confeillers Commiflaires contre plufieurs
Relaps receus au Prêche de Quevilly autres
que ceux nommez dans lefdites Informations.
Arreft de la Cour dudit jour 3 1 Janvier der-
nier, par lequel entr'autres chofes il eft or-
donne que lefdits le Gendre & Bafnage feront
adjournez à comparoir en perfonne pour être
oùys & interrogez pardevant les Confeillers
Commiffaires fur les charges defdites Infor-
mations, & cependant lefdits Minillres in-
terdits des fondions de leur miniflere, à la
re-
de Roïten. 107
relerve du Sacrement de Baptême par pro-
vifion feulement jul'ques à ce qu'autrement
par fa Majefté en ait été ordonné. Décrets
de prifes de corps décernez par ledit Arreft
contre les nommez Portrait & Judith le Pre-
voli prévenus du crime de Relaps; & ajour-
nement perfonnel décerné contre la nommée
Caron. Autres Informations faites en confe-
quence dudit Arrelt des 22. 26. 28. Février,
I. 19. 22. & 24 Mars dernier. Certificat
du 18 Février dernier de Frère Bernardin de
Rouen Religieux Capucin & Prédicateur or-
dinaire des Controverfes en TEglife de S.
OiJen de ladite Ville faifant mention que
Pierre Vaflel a fait abjuration de la R. P. R.
entre les mains du Père Seraphim le 19 Aouft
16G8. dont TAde eft gardé au Convent des
Capucins de ladite Ville. Lettres de Remif-
fion données à Verfailles le 22 Février der-
nier en faveur defdits Maurice & Dumont.
Arreft de la Cour du cinquième Mars aufli
dernier, qui accorde Teffet defdites Lettres
de Remillion aufdits Maurice & Dumont.
Autre Arreft de la Cour dudit jour cinquiè-
me Mars i685. par lequel ce requérant le
Procureur General du Rojnl eft ordonné que
Jean Montier, Jacques Noblet, & Pierre
Vaftel prévenus du crime de Relaps feront
pris & appréhendez au corps, mis & confti-
I 5 tuez
i38 Hijîoire de l'Eglife
tuez prifonniers en la Goncierger ie de la Cour.
& en cas de fuite ou abfence iceux être ap-
pelez à ban, leurs biens faifis & annotez l'ui-
vant rOrdonnance, & que Loiiis de Civile
lîeur de Bertrimont & Marie Patriarche veu-
ve de Michel Defchamps feront ajournez à
comparoir en perfonne à la Cour pardevant
lefdits Confeillers Commiffaires pour être
tous oiiis & interrogez fur les charges con-
tr'eux rapportées par ladite Information :
Enjoint aux Miniftres & Anciens de la R.P.
R. dudit Prêche de Quevilly de reprefenter
inceffamment es mains du Procureur Gene-
ral le regiltre dans lequel Nicolas Coufin
Vitrier & Marie Viel fa femme nez dans la
R. C- A. R. ont figné leur perverfion il y a
vingt ans ou environ en prefence des Mini-
ftres le Moine, Janffe, & de Langle, &
des vingt-quatre Anciens; comme auffi le
regiftre des Baptêmes des années 1676. 1677.
& 1678. & au furplus ordonné qu'à la re-
quefte dudit Procureur General il fera infor-
mé du lieu où s'eft retiré Tenfant dudit Pier-
re Vaftel baptifé dans ledit Temple de Que-
villy en Tannée 1676. ou aux années 1677.
& 1678. Enjoint à tous détenteurs dudit en-
fant de le reprefenter inceffamment : Fait
défenfes à toutes perfonnes de la R.P.R. de
le retirer à peine d'être procédé extraordinai-
rement
de Roiien. iSq
rement contre les contrevenans & defobeir-
fans aux Déclarations du Roy & exécution
dudit Arrcft. Significations defdits Arrells
des 5 & 28 Mars dernier à Charles Heurtant
8l Jacob Noblet, Portrait, Valtel & ladite
le Prevort. Procès Verbal de M*" Mathieu
Frefnel Huiffier en la Cour, de perquifition
du lieu où fe retiroit le fieur Cardel Minillre
du 18 Mars dernier. Arred de la Cour du
28 Mars i685. d^ijournementperfonnel con-
tre Charles Heurtant fils de Charles, & Ja-
cob Noblet : Atteflation de M^ Remy Bau-
che Prertre de la Paroiffe de S. Maclou de
Rouen. Profefleur defdites Controverfes du
premier jour d'Avril aulli dernier, faifant
mention que Jacob Noblet a fait abjuration
en ladite Eglife, de ladite R. P. R. Reque-
lle du deuxième dudit mois & an prefentée à
la Cour par ledit Jacob Noblet pour être in-
terrogé & avoir aéle de Ion abjuration, fur
laquelle il elt dit ce requérant le Procureur
General du Roy par Arrell dudit jour qu'il
fera interrogé. Interrogatoire dudit Jaques
Noblet du 5" dudit mois & an. Requerte en
la Cour, dudit Noblet du 10 Mars i(385.
pour être déchargé du décret de prife de corps
décerné contre luy, fur laquelle requefte,
du confentement du Procureur General, il
eit dit qu'il fera interrogé. Interrogatoire
du-
140 Hijloire de l'Eglife
dudit Montier du 1 2 dudit mois & an ayant
obtenu des Lettres de remiffion de Sa Ma-
jeité au mois de Mars dernier dudit crime de
relaps entérinées par Arrelt de la Cour du
troifiéme Avril dernier. Autre Arrefl; de la
Cour dudit jour 28 Mars i685. donné fur le
requifitoire dudit Procureur General du Roy,
par lequel il efl dit que Frère Claude Feron
Religieux de TOrdre de la Trinité Rédemp-
tion des Captifs ayant racheté en 1675. Jac-
ques Noblet prévenu du crime de Relaps,
& Adrien Poltel & Jean Vaftel du Havre de
Grâce ayant connoiflance que ledit Jacques
Noblet avoit été racheté avec lefdits Poftel
& Vaftel en la ville d'Alger feront oiiis, &
à cet effet accorde commiffion aux Juges
d'Orbec& du Havre pour entendre ledit Frè-
re Feron, lefdits Vaftel & Poftel pour ce fait
être leurs dépofitions inceflamment apportées
au Greffe de la Cour. Information du deux-
ième Avril dernier faite par ledit Juge du Ha-
vre. Autre Information faite par ledit Juge
d'Orbec du cinquième dudit mois. Lettre
dudit Frère Feron dudit jour adrelfée audit
Procureur General du Roy par laquelle il cer-
tifie que le fieur le Vacher Miflionnaire de
S. Lazare avoit été tué depuis deux ans par
la populace d'Alger. Interrogatoires defdits
Maurice , Dumont , Benjamin Noblet ,
Baf-
de Roïien. 141
Bafnage & le Gendre Miniilres de Quevilly,
de David Chauvel Marchand demeurant à
Dieppe ayant abjuré ladite R. P. R. dés le
mois d'Avril i (38 1 . entre les mains du Sieur
Coadjuteur de Rouen des 7. (S. 12. i3. & 26
Février dernier. Autres Interrogatoires de
Catherine Caron veuve de François Née,
de Jean Montier, de Demoifelle Marie le
Blanc femme dudit Maurice, de Jacques
Noblet, de Marie Thorel femme dudit Du-
mont, de Louis de Civile fieur de Bertri-
mont, Marie Patriarche veuve de Michel
Defchamps, & de Jacob Noblet des 28 Fé-
vrier, 10. 12. 16. 22. & 26. Mars, & 5
Avril i685 Arreft de la Cour en la Cham-
bre de la Tournelle du 7 Avril 1672. qui dé-
cerne décret de prife de corps contre les nom-
mez Havy & Bourget, & ajournement per-
fonel contre les nommez du Mefnil, Ravet,
Quevremont, du BuilTon, Porteret, Va-
rin, Jean du Pont, Abraham Loquet, Guil-
Icbaut, de la Balle, Margas , Mauduit,
Raffi, Boftaquet, de Langle, le Moyne &
Janlfe Miniftres, & la nommée Cezarde,
pour être tous oiiys &: interrogez fur les char-
ges contr'eux rapportées parles Informations
faites fur le Requifitoire audit Procureur Ge-
neral. Interrogatoires defdits le Moine, Guil-
lebaud, & Jean Caron des 27. 28. & 3o
Avril
142^ Hijioire de lEglife
Avril 1672. Requelte preientee au Bailliage
de Rouen le 3i Odobre 1676. par Gene-
viève Mauger veuve de feu Ifaac Neez,
pour faire appeler audit Siège Catherine Ga-
ron femme de François Neez pour Fobliger
à reprefenter fon fils'que ladite Garon ou au-
tres perlbnnes de la R. P. R. retiennent fous
prétexte que ladite Mauger a abjuré la R. P.
R. & qu'il luy fera permis de retirer fon en-
fant par tout où elle le trouvera; en confe-
quence de laquelle requefte, commilïïon eft
accordée à ladite Mauger. Arreft de la Gour
du 16 May dernier, qui ordonne fur les Gon-
clufions du Procureur General, que les Té-
moins rapportans charge feront recollez fur
leurs dépofitions, & confrontez aufdits Mi-
niftres de Quevilly & audit Jacques Noblet,
& que les Défauts & Goutumaces feront ac-
quifes contre lefdits Porteret, Vaftel, &
Judith le Prevoft, lefquels Miniftres & No-
blet reconnoîtront les ades du mariage dudit
Noblet, & les Baptiftaires de fes enfans étant
dans le regiftre des Baptêmes, Mariages,
& Sépultures, dépofé au Greffe de ladite
Gour; & Ordonné que le Regiffre faifant
mention du Baptiftaire de Tenfant dudit Ja-
ques Noblet au Prêche de Quevilly, pour y
être baptifé, fera auffi reprefenté à Teffet de
reconnoître par lefdits Miniftres ledit Bapti-
ftaire,
de Rouen. 143
Itaire, & par ledit Montier fa fignature :
Enjoint auidits Minières de rapporter incef-
famment au Greffe de la Cour le regirtre ori-
ginal du dernier S3'node tenu à Quevilly en
prelence du Sieur de Tierceville commis par
Sa Majefté, avec le Livre des Cenfures;
un Livre in folio, dans lequel font les figna-
tures des Relaps faites en prefence des Mi-
nillres & des 24 Anciens de Quevilly; le
Livre des Donations entre vifs foit par legs
tertamentaires des particuliers, foit par au-
tres voyes convenables; le Livre d'06troy
ou de la libéralité du Roy; & le Livre des
diftributions ordinaires & de la reddition des
comptes dont le peuple fera averty; pour le
tout fait & communiqué au Procureur Ge-
neral du Roy être fait droit ainfi que de rai-
fon : & qu'il fera paflé outre aux Aggraves
& Reaggraves tant du premier que du dernier
Monitoire, fi fait n'a été. Recollemens &
confrontations des Témoins des 21. 22. 24.
26. 26. 28. & 29 Ma}'^ dernier. Défauts à
ban acquis par le Procureur General des 20.
& 2 1 . Avril, 2. 4. & 12. May auffi dernier :
Conclurions d'iceluy. Arreil de la Cour du
26 May dernier, par lequel ce requérant le
Procureur General du Roy les défauts font
déclarez bien pris & obtenus contre lefdits
Porteret, Vaftel, & le Prevoft, & pour le
profit
r44 Hiftoire de lEglife
profit ordonné que les Témoins rapportans
charge feront recollez fur leurs dépofitions,
pour ledit recollement valoir confrontation:
Et à regard de Charles Heurtant le défaut
déclaré valablement obtenu contre luy, &
pour le profit ordonné que ledit Heurtant fe-
ra pris & appréhendé au corps, mis & con-
iHtué pour être oûy & interrogé fur les char-
ges contre luy rapportées, & en cas de fuite
ledit Heurtant fera appelé à ban, fes biens
faifis & annotez fuivant l'Ordonnance, &
au furplus feront les accufez audit Procès
concernant le Prêche de Quevilly confrontez
les uns aux autres, pour ce fait & commu-
niqué au Procureur General du Roy être or-
donné ce que de raifon. Requeite defdits
le Gendre & Bafnage du 3o May dernier
pour faire ordonner que tous les Témoins qui
font charge contre le Prêche de Quevilly leur
feront confrontez. Edits & Déclarations du
Roy des 20 Juin & 24 0(5tobre i665. treize
Décembre 1666 premier Février 1669 treize
Mars & 21 Novembre 1679. "^^ Février,
Juin & 19 Novembre 1680. dix-fept Juin
1681. quatorze Juillet & 20 Aouft 1682.
vingt-quatre Juillet, & 11 Septembre 1684.
vingt-neuf Janvier & 1 3 Février dernier.
Arrelt du Confeil d'Ellat fur la demeure des
Minières & Propofans de ladite R. P. R.
du
de Roiien. 145
du 3o Avril aufîi dernier. Livre prétendu
des Cenfures du Confiftoire de Quevilii com-
mençant au Dimanche 18 May r68i. & fi-
nilTant au Dimanche 28. Janvier i685. Go-
pie collationnée par ledit le Gendre Miniftre,
du Synode tenu à Quevilly le Mardy 2 Sep-
tembre 1682. & autres jours. Regiftres des
Baptêmes, Mariages, & Sépultures defdits
de la R. P. R. à Quevilly commençant au
premier jour de Janvier 1 674. jufques & com-
pris le 29 de Juin 1679. Un petit regiflre
contenant les noms de ceux qui fe font per-
vertis depuis le 2 3 Septembre 1623 jufques
au 24 Mars 1680. Pluneurs feuilles volantes
depuis le premier Aoufl; 1666. jufques & com-
pris Ponziéme de Mars 1(574. Tables Alpha-
bétiques en feuilles volantes contenant les
Mariages & Baptêmes depuis le mois de Jan-
vier 1674. & finiffant au 29 Juin 1679. A6les
exercez le 24 Mars & premier Juin i685.
pardevant leidits Gonfeillers Gommiffaires
en forme de procès verbaux des fufdites pie-
ces reprefentées par ledit le Gendre, dont
ade luy ell accordé, & ordonné que lefdits
Regiftres & feuilles volantes feront dépofées
au Greife de la Cour pour fervir au jugement
du Procès ainfi qu'il appartiendra. Requefte
prefentée le 3o Septcmore dernier au Sieur
de Marillac Gonfeiller d'Eltat & Commiffaire
K dé-
146 Hijioire de l'Egli/e
départy en la Province de Normandie Gé-
néralité de Rouen par les Adminiftrateurs de
l'Hôpital gênerai de Roiien pour enjoindre
aux Minillrés du Prêche de Quevilly de re-
préfenter & délivrer aufdits Adminiltrateurs
les Regirtres faifans mention de leurs biens
immeubles, rentes, & penfions données &
léguées par difpofitions faites entre vifs ou
dernière volonté aux Pauvres de la R. P. R.
ou au Confilloire depuis le mois de Juin
1662. Comme auffi les Contrats des acqui-
fitions des biens provenans du revenu defdits
Pauvres, ou un état du prix de la vente des
biens qui leur ont été donnez, quand même
ils auroient été aliénez depuis ledit mois de
Juin 1662. les fins de laquelle requefte font
accordées aufdits Adminiftrateurs ; & à cet
effet le S' Aveline Confeiller au Bailliage &
Prefidial de Roiien Subdelegué dudit Sieur
de Marillac efl commis pour Texecution de
fon Ordonnance. Certificat imprimé figné
par Frère Pierre Mercier General de l'Ordre
de la fainte Trinité & Rédemption des Cap-
tifs contenant que ledit Jacques Noblet a été
l'un des quatre-vingt-onze Captifs rachetez
en la ville d'Alger par les Frères Benoift,
Feron & Dacier Religieux Preltres profés
dudit Ordre en l'année lôyS. & receus au
Convent de Paris le 26 Octobre de ladite an-
née.
de Rouen. 147
née. Conclurions du Procureur General du
Roy, & veu tout ce qui a été fait & pro-
duit audit Procès. Ledit Jacques Noblet
oùy fur la fellete, lequel a reconnu la vérité
de ladite Pancarte fignée par ledit General,
& le Scapulaire dudit Ordre qu'il a confeffé
avoir porté. Et oLiys auffi derrière les Bancs
leidits le Gendre & Bafnage Minillres, &
lefdites Damoilelles Jeanne & Efther le Sei-
gneur en leurs confeflions & dénégations : &
oiiy le Rapport du Sieur Fauvel de Touvens
Confeiller Commiffaire, Tout confideré.
LA COUR, veu les défauts bien obte-
nus contre lefdits Pierre Vaflel, le nommé
Portrait & ladite Judith le Prevoft, & pour
le profit de la contumace les a déclarez ainfi
que ledit Jacques Noblet prifonnier en la
Conciergerie du Palais, deuëment attaints
& convaincus d'avoir profeffé la R. P. R.
après en avoir fait Abjuration; ce faifant,
lefdits Accufez avoir encouru la peine des Re-
laps portée p£ir les Edits & Déclarations du
Roy, & lefdites le Seigneur d'avoir mené
audit Prêche de Quevilly depuis la fin de Tan-
née 1682. jufques au premier jour d'Avril
1684. ladite Efther Huë n'ayant pour lors
que douze ans, contre les défenfes contenues
aufdites Déclarations & au préjudice de l'Ab-
juration de ladite Samborne niere & tutrice
K 2 de
148 Hijloire de VEglife
de ladite Hue, prononcée publiquement dés
ledit jour 14 de Juillet 1682. Comme auffi
d'avoir tenu cachée ladite Efther Huë depuis
ledit jour premier Avril 1684. jufqu'au mois
de Novembre audit an. Ladite Catherine
Caron d'avoir pareillement conduit François
Née fon petit fils n'ayant encore l'âge de
quatorze ans audit Prêche, bien que la mère
dudit François Née euft abjuré ladite R.P.R.
dés l'année 1677. lefdites le Blanc & Thorel
d'avoir auffi mené audit Prêche de Quevilly
leurs filles âgées de neuf ou dix ans depuis la
converfion defdits Maurice & Dumont leurs
maris, pour punition & réparation defquels
crimes ladite Cour a condamné & condamne
lefdits Noblet, Portrait, Vaftel, & le Pre-
voft chacun en cent livres d'amende envers
le Roy, à faire amande honorable telle &
pieds nuds & en chemife en la forme ordi-
naire, l'Audience de la Cour feante, & de-
vant la principale porte de l'Eglife Cathé-
drale de Cette Ville, & les a bannis à per-
pétuité du Royaume, leurs biens déclarez ac-
quis & confifquez au Roy ou à qui il appar-
tiendra; Lefdites le Seigneur, le Blanc, Tho-
rel, & Caron condamnées chacune en cin-
quante livres d'amande envers le Roy. Def-
fenfes à elles faites de tomber en pareilles
fautes fur plus grandes peines : & en ce qui
touche
de Roiien. 149
touche lefdits le Gendre & Bafnage Miniftres
dudit Prêche de Quevilly, fans s'arrêter à leur
Requefte du 3o May dernier, les a condam-
nez chacun en cent livres d'amande envers le
Roy, les a interdits pour toujours de faire
ny exercer aucunes fondions de Miniftres di-
reétement ou indireélement. Leur a enjoint
de fe retirer à vingt lieues de cette Ville;
leur a fait inhibitions & défenfes d'y rentrer,
ny de demeurer dans l'étendue defdites vingt
lieues en aucune Ville de cette Province où
l'on ait fait & ou l'on faffe encore exercice
de ladite R. P. R. ny à trois lieues de diltan-
ce defdits lieux fur plus grandes peines. A
ordonné que fuivant ledit Arreft du Confeil
d'Eftat du 3 Avril dernier les autres Minillres
& Propofans qui fe trouveront en cette Ville
feront tenus de s'en éloigner au moins de
trois lieues quinzaine après la publication du
prefent Arreft. Fait très exprefles inhibitions
& défenfes à tous Miniftres & Propofans de
quelque Province qu'ils foient de faire leur
demeure plus prés defdits lieux que de cette
diftance, jufques à ce que fur les contraven-
tions faites aux Edits & Déclarations de Sa
Majefté il en ait été autrement ordonné, â
peine de defobeiflance, trois mil livres d'a-
mende, d'être privez pour toujours de la
fonction de leur Miniftere dans tout le Roy-
K 3 aume,
i5o Hijtoire de l'Eglise
aume; & d'être procédé contr'eux extraor-
dinairement. Ordonne pareillement ladite
Cour que ledit Prêche de Quevilly fera dé-
moly & rafé jufqu'aux fondemens. Fait def-
fenfes aufdits de la R. P. R. de faire à Tave-
nir aucun exercice de ladite Religion audit
lieu, ny de faire aucunes Affemblées publi-
ques ny particulières pour l'Exercice de ladi-
te Religion. A adjugé & adjuge les deux
tiers des Matériaux & des Démolitions dudit
Prêche à THôtel-Dieu & à THôpital gênerai
de cette Ville par moitié, & Tautre tiers à la
Maifon des Nouvelles Catholiques de Rouen,
fi mieux n'aiment les Diredeurs & Admini-
Itrateurs dudit Hôtel-Dieu & Hôpital gêne-
rai payer la fomme de quinze cens livres à la-
dite Maifon des Nouvelles Catholiques, fur
lefquels matériaux & démolitions feront pré-
alablement pris les frais des Ouvriers qui y fe-
ront prépofez, & ce qui fera neceflaire pour
planter au miheu dudit Prêche une Croix de
pierre de vin^t pieds de hauteur, aux armes
du Roy. Fait deffenfes à toutes perfonnes
de quelque qualité, condition & Religion
qu'elles foient de s'atrouper pour être pre-
fens & troubler ladite démolition, à peine
de punition corporelle. A pareillement ad-
jugé audit Hôtel-Dieu & Hôpital gênerai par
moitié tous les Biens, Fonds, Revenus, Ren-
tes,
de Roiien. t5i
tes, Arrérages, Meubles, & généralement
tous autres biens de quelque nature qu'ils fo-
ient, appartenans audit Prêche & Confiftoi-
re de Quevilly, tant en principal, interefts,
que tous autres revenus, à la referve néan-
moins de leur Cimetière ordinaire. Enjoint
aufdits Minières, Anciens, & à tous autres
de ladite R.P.R. étans faifis des Titres, Con-
trats, Papiers & écritures concernans tous lef-
dits biens & revenus, de les mettre inceffa-
ment entre les mains defdits Diredeurs Si.
Adminiflrateurs defdits Hollel-Dieu & Hô-
pital gênerai, & les a condamnez de leur
rendre compte de Tadminirtration qu'ils en
ont eu julques à prefent; lequel compte ils
feront tenus de conimuniquer au Procureur
General du Roy avec lefdits Titres & Con-
trats, pour ce fait être procédé à Texamen
dudit compte pardevant les Confeillers Com-
miflaires gratuitement & fans frais, à ce faire
lefdits de la R. P. R. feront contraints par
toutes voyes deuës & raifonnables; Com-
me auffi à reprefenter fous les mêmes peines
les Livres dont ils font encore faifis, autres
que ceux qu'ils ont apportez au Grefle de
la Cour; Et à cet effet feront lefdits Mi-
niftres. Anciens & tous autres qui auront
eu TAdminirtration; communication &: con-
noilfance defdits biens obligez de fe purger
K 4 par
102 Hiftoire de VEglife
par ferment pardevant lefdits Gommiflaires,
& affirmer la vérité fur les autres Livres &
Regiftres qu'ils ont vus, lus, & tenus : Com-
me auffi de déclarer la qualité, quantité &
confiftance defdits biens & revenus Et au cas
que cy-aprés il fe trouve des biens & reve-
nus par eux recelez autres que ceux qu'ils
auront déclarez, les a dés a prefent con-
damnez en leur nom privé : même par corps
envers lefdits Hôtel- Dieu & Hôpital gêne-
rai au quadruple de la valeur defdits biens
& revenus qu'ils auront cachez & recelez
appartenans audit Prêche & Confiftoire,
fans qu'il foit befoin d'autre Arreft, fauf au
Procureur General à requérir plus grande
peine fur les delinquans félon l'exigence du
cas, & y être fait droit par ladite Cour.
Et à legard des Baptêmes, il eft dit que par
provifion feulement, & jufqu'à ce qu'autre-
ment par fa Majefté en ait été ordonné, les
enfans defdits de la R. P. R. feront baptifez
par le Miniftre, qui fous le bon plaifir du
Roy fera commis par la Cour; lefquels Bap-
têmes feront faits par ledit Miniftre dans les
24 heures de la naiflance lefdits enfants dans
la maifon de leurs pères & mères, on au
lieu qui fera defigné par le Lieutenant Ge-
neral Civil ou l'un des Officiers du Baillia-
ge & Siège Prefidial de cette Ville fans y
ap-
de Rouen. i53
apporter aucun delay, fous quelque caufe &
prétexte que ce foit; & en cas de necefïité
preffante, permet aux Maiilrefles Sages-
Femmes d ondo3^er lefdits enfans, fuivans
TAreft de la Cour du 22 Avril 1681. donné
en confe^uence de la Déclaration du Roy
du 22 Fevrir 1680. Et à l'égard des enfans
defdits de la R.P.R. qui naîtront dans les Pa-
roifles & Villages de la Campagne, ils y fe-
ront pareillement baptifez par ledit Miniflre
commis en la forme cy-delfus ordonnée, en
preience de Tun des Marguilliers de chacu-
ne Paroilfe; lefdites Maîtreffes Sages- Fem-
mes auffi autorifées d'ondoyer, en cas de ne-
ceffité, les enfans dans lefdits lieux de la
Campagne. Seront faits bons & fidèles Re-
giltres defdits Baptêmes par ledit Miniftre,
lefquels feront fignez par lefdits Juges &
Marguilliers, avec les parrains & maraines,
iuivant & conformément aux Ordonnances
& Déclarations de fa Majefté. A fait inhi-
bitions Si. défenfcs audit Minilh^e de faire
aucune autre fondion de Miniftre que celle
de baptifer lefdits enfans, à peine d'être
procédé contre luy extraordinairement. Au
iurplus lefdits de Civile, & Benjamin No-
blet envoyez quant à prefent hors de Cour
& de procès : Et à l'égard defdits David
Chauvel & Jacob Noblet les a déchargez
K 5 diffi-
i54 Hijîoire de l'Eglife de Roïlen.
deffinitivement. Et veu que le prefent Ar-
reft ne peut être exécuté en la perfonne def-
dits Portrait, Vallel, & Judith le Prevoft
à caufe de leur fuite, Ordonné qu'il le fera
par effigie en un Tableau fuivant TOrdon-
nance. Et fera le prefent Arreft leu, pu-
blié & affiché aux lieux ordinaires & accou-
tumez. Fait à Roiien, en Parlement, le
fixiéme jour de Juin mil fix cen quatre-vingt-
cinq. Signé, DE BOURREY.
atian tl
Srojd ail Je/rrime cU Ltqlùt
QJdliùe daynj It y un où dei^
'ormiô eu. d ioaen
J^;
APPENDICE
I.
EXTRAIT
de IHiJîoire des ouvrages des Savans,
par Henry 'Bafnage de 'Beauval, doâeiir en droit
tome XX, Juin i joS, page 28S,
ARTICLE XIII.
Hijîoire de la perféciition faite à VEglife de Roîlen , fur la
fin du dernier siècle & Sermons fur divers textes qui ont
du rapport à la matière contenue dans cet ouvrage, à
liotterdam^ citej Jean éMalherbe, 17041 i^'8-, page 3y3.
L'églife réformée de Rouen était tranquille, on
laiffait en partage à quelques dévots les haines que
la différence des religions, les guerres civiles, les
maffacres, avaient allumées lors que la réfolution
d'anéantir la liberté de confcience & de renverfer
tous les temples du roiaume ayant été prife, celui
de Queviliy effuya le même fort que les autres.
On ne pût déterrer de crime pour le condamner
& de tant de déclarations données contre les enfants
& les relaps auxquelles la ruine des églifes était
attachée, il ne s'en trouva pas une feiile qu'on eut
violée; on fut obligé d'aller en Afrique mandier la
1 58 (^Appendice.
converfion d'un captif. Le fait était faux ; Taccufé le
niait dans les prifons et fur la fellette. Le seul té-
moin qui aurait pu dépofër ne vivait plus ; un
autre ne parlait que fur un oiài dire. Il était seul,
on ne le confronta pas.
Cependant le Temple & les Miniftres furent con-
damnez, plufieurs perfonnes réfiftèrent à la violence
des cuiraffiers & un grand nombre fe retirant dans
les pays étrangers, emporta avec eux les manufa-
ctures & les arts. M. Legendre en donne ici une
hiftoire fort circonflanciée, il peint rinjuftice de
toutes fes couleurs, il n'épargne point aux persé-
cuteurs les noms qu'ils fe font attirez; il a joint à
fa narration quelques fermons propres à confoler
ceux qui font privez de cette nourriture.
II.
LISTt
DES
NOBLES PROTESTANTS
AU XVir SIECLE
dont il eji fait mention fur les regijires de Véglije
de Quevilly.
i632. Alençon (Pierre d'), escuyer, au Havre.
1620. Auber (Antoine), escuyer, fieur de Chaumont.
i63o. Auber (Jacques), escuyer, fieur de Beaumoncel.
1644. Auber (Jacques), escuyer, fieur de Longueil.
1678. Azémar (Philippe d'), escuyer, fieur de Juillé, capi-
taine au régiment de la reine.
1672. Azémar (Pierre d') escuyer.
1677. Basnage (Henry), avocat, escuyer, fieur de Franquesna^-
1660. Baflbnnière (Joseph de la), escuyer.
1673. Baflbnnière (Thomas de la), escuyer, fieur de Pre
marefl.
i653. Baudoin (Jacques), noble home, époux de Marthe de
Salisbury.
1 60 "• oAppendice.
i6i5. Baudoin (Noël), escuyer, fieur de Bosc-Alieaumc.
i63i. Bazire (Jean), escuyer, fieur de Préaumont, avocat.
1661. Bazoche (Adam de la), chevalier d'Heuqueville et
Heudicourt, premier baron de Normandie, con-
seiller au Parlement.
i636. Bazoche (Eftienne de la), escuyer, feigneur de la
Bazoche, de Chevreville.
1645. Beleau (Charles de), escuyer, fieur de Courtonne.
i638. Bellozane (Jacques de), escuyer, fieur de Bellozane.
1640. Bérauldin (Jean de), escuyer, feigneur de grand caye
à la Rochelle.
161 5. Berry (Polydamas), escuyer, au Havre.
1601. Bethencourt (Louis de), escuyer, fieur du Bosc-Affe-
lin.
i63o. Biart (Jacques), noble home.
1666. Blachière (Jacques de la), escuyer, fieur des Marais.
i663. Blanchard (David), escuyer, fieur de la Servanière,
/ miniftre en l'église de Fécamp.
161 5. Bocquet (Mathieu), escuyer, feigneur de Jaumont la
Poterie, Bosc-Aflelin et de Bettencourt.
lôSj. Bonnel (Jean), escuyer, fieur du Fresnoy.
1657. Bonnel (Louis), escuyer, fieur de Cantebrun, à Caen
i6ot. Boutillac (Jean de), escuyer.
1647. Brachon (Jean de), chevalier, feigneur de Bevilliers,
Senitot, Ambricourt.
1616. Brière (Nicolas), escuyer, fieur de Janevelt.
1682. Brihon (Jean), escuyer, fieur de Flinquemarre, de la
paroiffe de Gravençon.
J662. Broffart (Louis de), escuyer, fieur de Montluc, Prou-
ville, capitaine de cavalerie.
oAppendicc. 1 5 j
16 16. Bryhon (Jean), escuyer.
i658. Bures (Charles de), escuyer, fieur Béthencourt, gen-
tilhomme fervant du roy et capitaine de marine.
1646. Gaillard (Abraham), escuyer, fieur des Hais.
1646. Gaillard (Mathieu), escuyer, fieur de la Judière, ca-
pitaine des chafles de fa majelté.
1641. Cajet (Adrien), escuyer.
i63i. Gajet (Daniel), escuyer, fieur de La Vallée.
1660. Ghalange (Gédéon de), chevaHer, feigneur du Mesnil-
Enseaume.
1672. Ghauvin (Jean), chevaher, feigneur de Varangeville-
fur-Mer, fecrétaire du roy.
i65o. Ghauvin (Jean), escuyer, fieur de La Neuville, fecré-
taire du roy.
1670. GiviUe (Isaac de), feigneur de Saint-Mars, Anglesque-
ville, La Ferté, commiffaire des guerres.
1671. Giville (Nicolas de), escuyer, fieur du Pavillon.
1670. Giville (Pierre de), escuyer, fieur du Quesnay.
16 14. Glémence (Richard), noble home, dodeur en méde-
cine.
i63o. GoUas (Jean), escuyer.
1662. GoUas (Marc-Antoine), escuyer, fieur du Die, avocat.
i683. Gollombel (Jean-Baptifle), escuyer.
1639. GoUombel (Pierre), escuyer, conseiller au baiUage de
Rouen.
1669. Congnard (David), escuyer, fieur du Goudray.
1673. Gongnard (David), escuyer, fieur du Rombosq.
1660. Gongnard (Eftienne), escuyer, fieur de Tournebucq,
fecrétaire du roy, audiencier en la chancellerie, à
Rouen.
1 62 Q/lppendice.
1671. Congnard (Eftienne), escuyer, fieur du Fofle.
1669. Connain (Jean de), chevalier, feigneur de La Doua-
fière, du Val, de Sienne, de la Gifîardière, paroifle
de Connain, vicomte de Thorigny.
1672. Collard (Thomas), escuyer, fieur de Monteaudin.
1680. Daniel (Guillaume), escuyer.
1679. Daniel (Henry), feigneur de Martigny.
1669. Daufly (Pierre), escuyer, fieur de Fraisne, capitaine
au régiment de Piedmont.
1676. DaufFy (Thomas), escuyer, fieur de la Garenne.
i652. Dericq (Abraham), escuyer, avocat au Parlement.
1676. Dericq (Abraham), escuyer, fieur de Saint-Aubin de
Crétot.
1670. Dericq (Eftienne), escuyer, fieur de Saint-Efhenne.
1673. Dericq (Guillaume), escuyer.
i65o. Dericq (Nicolas), escuyer.
1641. Desmareft (Isaac), noble home.
1677. Du Bousquet (Jacques- Louis), escuyer, fieur de la
Mutte, de Vienne, d'Eclon, capitaine au fervice de
fa majefté, gendre de Henry Basnage, fieur de
Franquesnay.
1668. Dufour (Jean), escuyer, fieur de Cothymont, maître
de la garde-robe de la ducheffe d'Orléans.
i63i. Du Fresne (Jacques), escuyer, avocat.
161 5. Dumont (Abraham), escuyer, l'un des cent gentils-
hommes de la maison du roy, paroifTe d'Epinay,
vicomte de Roiien.
1679. Dumont (Charles), escuyer, fieur d'Epinay.
1640. Dumont (Daniel), noble home, avocat.
l632. Dumont (Eftienne), escuyer.
oAppendice. i63
i656. Dumont (Isaac), chevalier, feigneur de Boltaquet de
la Fontelaye.
1646. Dupuys (Antoine), escuyer, fieur de Royville.
1646. Dupuys (Charles), chevalier, fieur de Sandouville,
Biville-la- Rivière, de Safletot, d'Eglemesnil.
1679. Dupuys (Pierre), escuyer, fieur de Bruneval, de Bi-
ville, vicomte d'Arqués.
1666. Farcy (Jacques de), feigneur de Paisnel, à Rennes, en
Bretagne.
1666. Farcy (Michel de), feigneur de Paisnel, conseiller au
Parlement de Rouen.
161 5. Feugueray (Charles de), escuyer, conseiller aux eaux
& forets de Normandie.
i658. Feugueray (Jean de), escuyer, fieur de la Haye.
1617. Fleury (Charles de), escuyer, capitaine ordinaire
pour le roy.
1654. Fourré (Charles de), escuyer, fieur des Pillières, avocat.
16 14. GaufTent (Nicolas), noble home, miniltre de l'église
de Pont-Audemer.
1654. Goffelin (Gabriel de), chevalier, feigneur de Martigny
Compamville et baron de Caulle.
1677. Goffelin (David de), chevaher, fieur de Luffé.
161 5. Graindor (Nicolas), escuyer, fieur de Lisle, de la
paroiffe de Touffreville-la-Cable.
161 5. Gruel (Nicolas de), escuyer.
1639. Gruel (Jacques de), chevaher, feigneur de la Grue.
1641. Guilhen (Charles de), escuyer, fieur de la Roche-du-
Pouffm, en Vivarais.
1674. Guillain (Aimé de), escuyer, fieur de Breffac.
1674. Guillain (Jean-Antoine de), chevaher, feigneur de
Corbion à la Barre, paroiffe de Crulé, près Laigle.
104 oAppendice.
i63o. Harle (Louis), escuyer, fieur de la Bucaille.
1677. Heuly (Benjamin-Robert d'), chevalier & vicomte
de Nouvion & Laval, gouverneur de la citadelle
de Courtray, commiflaire pour l'exécution de l'édit
de Nantes.
1668. Hue (Guillaume), escuyer, fieur de Carpiquet.
1668. Hue (Arthur) escuyer.
i658. Lallouel (David de), escuyer, fieur de Beuvreuil,
avocat au Parlement de Rouen.
i638. Langlois (Baptilte), escuyer, feigneur, patron du
Bourguay à Auguerne, vicomte de Caudebec.
1664. Lanternier (Jean de), escuyer, fieur de Saint-Amand.
1681. Larcher (Eftienne), escuyer, fieur de La Londe à
Saint-Clément, vicomte de Bayeux.
i635. Larray (Jean de), escuyer, avocat au bailliage de Caux
à Montivilliers.
161 5. La Voye (Samuel de), noble home.
i63i. Lefebvre (Pierre), chevalier, feigneur de Longueil &
du Bosc-Regnault.
1642. Lefebvre (Laurent), escuyer, avocat.
1642. Lefebvre (Paul), escuyer, avocat, fils de Laurent.
1647. Lefebvre (Pierre), escuyer, feigneur d'Heugleville.
i653. Lefebvre (Pierre), chevalier, feigneur de Theuville.
i655. Lefebvre (Samuel), escuyer, miniftre de l'église du
Havre.
16 16. Leforeftier (Nicolas), escuyer.
1646. Legrand (Alexandre), noble home.
161 5. Legras (Pierre), escuyer, fieur de la Croix, paroifle
de Collemare.
1670. Lenoble (Jacques), escuyer, fieur de Feugueray.
oAppendice. i65
1642. Le Pelletier (Jean), maître des requêtes en la maison
& couronne de Navarre.
1642. Le Pelletier (Jean), noble home, avocat.
.1646. Le Pigné (Nicolas), escuyer, fieur d'Arqués, conseil-
ler au Parlement de Normandie.
1646. Le Pigné (Israël), escuyer, fieur de Lardinières, con-
seiller au Parlement de Normandie.
1681. Le Poigneur (Charles), escuyer, fieur d'Epreville.
1654. Lefauvage (Eftienne), noble home.
i63o. Lefeigneur (Jacques), feigneur de Vicquemare & du
Mesnil, conseiller au Parlement de Normandie.
i63i. Lefeigneur (Nicolas), escuyer, fieur de Bautot.
1641. Lefeigneur (Jacques), escuyer, fieur du Mesnil Lieu-
bray, conseiller au Parlement de Rouen.
1648. Le Sens (Jacques), chevalier.
1659. Le Sens (Isaac), escuyer, fieur de Mons.
i663. Le Sens (Jacques), chevalier, feigneur de Lion, Mafle-
ron & Valigny.
1634. Lefueur (Philippe), fieur de Petit-Ville, conseiller du
roy.
1634. Lefueur (Jean), fieur de Corneville.
i68o. Lefueur (Pierre), fieur de CoUeville, conseiller au
Parlement.
1667. Levavafleur (Guillaume), escuyer, fieur de Beauplan
& des Rocques, ci-devant ingénieur & capitaine de
l'artillerie du roy de Pologne, à présent ingénieur
de fa majefté.
1601. Levavalfeur (Jean), escuyer, fieur de Calange, gou-
verneur de la ville & du château d'Evreux.
16 18. Levavaflisur (Tanneguy), escuyer.
1 6ô oAppendice.
1626. Lofles (Charles de), escuyer, palteur de Berthichères
& Sancourt.
1 638. Lofles (Dominique de), escuyer, fieur d'Arquainvilliers
i633. Lucas (Pierre), escuyer, fieur de la Pierre, commif-
faire de l'artillerie de France.
1601. Magneville (Artus de), chevalier, baron de La Haye
du Puits.
i635. Maflis (Jean de), chevalier, feigneur de Tilly.
1680. Maurice (Pierre), feigneur de la Motte, directeur
général des notaires garde-notes de Normandie.
1618. Maynet (Daniel), escuyer, fieur de la Vallée.
1664. Mazure (Samuel de la), escuyer, fieur de la Mazure.
1679. Méhérenc (Louis de), escuyer, avocat, fieur de la
Conseillère.
1669. Mel (Michel), escuyer, fieur d'Etnmont, paroifle St.
Clément, vicomte de Bayeux.
1680. Milleville (Daniel-Louis de), chevalier, fieur de Bois-
sey-Betancourt, Gaillarbois.
1 660. M iflant (Claude de) , feigneur des Hameaux, Rocquigny
1672. Miflant (Charles), escuyer, fieur de Quiberville-s-Mer.
1616. Monet (Claude), escuyer, receveur des domaines de
Calais.
1601. Moynet (Jacques), escuyer, conseiller au Parlement.
1617. Moynet (Louis), escuyer, fieur de Tancourt.
1619. Moynet (Louis), escuyer, fieur de Cleuville, capitaine
es-régiment entretenu par le roy, es-pays de Bar.
1619. Muiflbn (Henri), escuyer, fieur de Toillon, conseiller,
fecrétaire du roy.
161 5. Multel (Louis), feigneur de Panilleuse, Francques.
i65o. Neufville (Marin de), escuyer, fieur de Cléran.
oAppendice. 167
1676. Neufville (Gabriel de), escuyer, fieur de Maizet.
1664. Nollet (François de), escuyer, fieur de la Roumière.
i63i . Nouant Le Conte (Jonas de), chevalier, feigneur d'A-
premont, capitaine au régiment de Châtillon, pour
le fervice da fa majefté, en Hollande.
i63o. Orival (Daniel d'), escuyer, fieur des Bergers.
i633. Peigné (Jacques), escuyer.
1634. Peigné (Israël), escuyer, fieur de Lardières, conseil-
ler au Parlement de Normandie.
1625. Petit (Zacharie), noble home, fieur de La Guilloude,
à Dieppe.
i633. Pierredon (Pierre), escuyer, fieur de la Rouvière, de
Montezon, pays de Gévaudan.
161 5. Pigny (Michel), escuyer, fieur de Grosmesnil.
1672. Pillaftre (Pierre), escuyer, fieur du Manoir.
1645. Pinel (Jean), escuyer, fieur de Launay.
1662. Pouyer (Charles), escuyer, fieur de Drumare, & de
Saint-Sère.
i638. Prefteval (Isaac de), escuyer, fieur de Rocquemont.
1647. Prieur (Jean), noble home, huiffier de la chambre du
roy, fecrétaire de monfieur le prince.
1644. Puchot (Samuel), chevalier, feigneur de Bertreville,
conseiller du roy en fon conseil d'état & privé,
gentilhomme ordinaire de la chambre.
1644. Puchot (Hiérosme), feigneur de Bertreville, d'Oin-
ville & de Lisle.
i65i. Quièvremont (François de), chevaher, marquis d'Eu-
dreville, baron de Boutteville.
1678. Rambouillet (Antoine de), escuyer, fecrétaire du roy,
1614. Remy (Adrien de), escuyer.
1 68 QAppendice.
1614. Remy (Antoine de), escuyer.
i663. Richier (Jean), chevalier, feigneur de Cerisy, Annou-
ville, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy.
i663. Richier (Gédéon), chevalier^ feigneur de Bray.
1620. Rive (Jacques de la), noble home.
1616. Roeffe (Nicolas de), escuyer, fieur de Beuzevillette,
de l'église de Lintot & Fremontier.
1669. Roefle (Jean de), chevalier, feigneur de Beuzevillette,
Bolleville-en-Caux, de la Barre.
1669. Roefle (Jean de), chevalier, feigneur de Beuzevillette,
du Feugueray, patron du Mesnil-Pieu.
1640. Saint-Germain {Jacques de), chevalier, feigneur de
Melleran.
1669. Saint-Germain (Jacques de), chevalier, feigneur de
Fontenay, capitaine d'une compagnie de chevau-
légers.
1640. Sareviller (Pierre de), chevalier, feigneur de Brun-
côté, de Saint- Vaft, du Bohaterél, de Torcy, etc.
1620. Sarrau (Jean), fieur de Boguet, escuyer, fecrétaire du
roy.
1662. Scelles (Louis de), escuyer, fieur Deleftanville.
1678. Scott (Guillaume), escuyer, feigneur de la Mesan-
gère, Bofcherville, etc., conseiller au Parlement.
1642. Thierry (Isaac), escuyer, fieur de La Motte.
i638. Tyndal (Thomas), escuyer, fieur de Quinton, Sainte-
Marie.
i658. Varignon (Pierre de), escuyer, fieur de Languerfy.
de Putot, près Caen.
1620. Vafly (Jacques), chevaher, feigneur de la Forell-Au-
bert, de Mesnil-Imbert, marié à Louise de Mont-
gomery.
oAppendice. 169
i653. Vafly (Jacques de), chevalier, marquis de la Foreft,
baron de Saint-Aubert, feigneur du Mesnil-Imbert.
1684. Vattemare (Jean de), escuyer, fieur de Vasouy.
i633. Vaumesle (Nicolas), escuyer, pafteur de l'église de
Berthichères & de Saucourt.
1645. Véron (Jacques), escuyer, porte manteau du roy.
i685. Viels-Maisons (Jean-Jacques de), chevalier, feigneur
de Sapponnay.
1620. Viger (Jean), escuyer, fieur de Maréfoflè.
16 16. Vivefay (Jean de), escuyer.
III.
EGLISES RÉFORMÉES
DE LA
HAUTE NORMANDIE
AU XVIP SIECLE.
Bacqueville, éleiîlion d'Arqués.
Boiflay (Mr de), éledion de Neufchatel, fief, à Londinières.
Bofcroger, éledion de Pont-de-l'Arche, pour Elbeuf.
Caudebec-en-Caux , éledlion de Caudebec-en-Caux.
Gaule-Sainte-Beuve, éledion d'Eu.
Griquetot-l'Efrieval, éledion de Montivilliers.
Dieppe, élection d'Arqués.
Fécamp, éledion de Montivilliers.
Gifors, éleélion de Gifors.
Grofmefnil,éledion de Rouen, fief, à Cottévrard, près Cailly.
Lindebeuf, éledion d'Arqués.
Lintot & Frémontier, éledion de Gaudebec-en-Caux, pour
Bolbec.
Longueville, éledion d'Arqués.
Luneray, éledion d'Arqués.
Lyons-la-Forêt, éledion de Gifors.
Maupertuis, éledion de Montivilliers, fief, à Gerville.
Méfangère (château de la), éledion de Pont-Audemer, fief
à Bofguérard de Marcouville.
1 72 oAppendice.
Ougerville, éledion de Montiviiliers, fief, à CoUeville.
Pont-Audemer, éledion de Pont-Audemer.
Quevilly (Grand-), éledion de Rouen.
Quillebœuf, éledion de Pont-Audemer.
Sancourt & Berthichères, éledion de Gifors.
Sanvic, éledion de Montiviiliers, pour le Havre.
Sénitot-BeiviUiers, éledion de Montiviiliers, à Gonfreville-
rOrcher, pour Harfleux.
Nota. — Cette lifte eft incomplète, il y avait au 1 7*^ fiècle
beaucoup d'églilis de fief dont il est difficile de découvrir
les traces.
IV.
NOMS
des T^rotejlants rejîés à 'T(ouen en i68g
et fignolés dans un mémoire exijtant aux archives
de l'Etat, TT, 26 1.
oMémoire reproduit dans l'ouvrage de M. F'^ Waddington :
Le Proteftantifme en Normandie, page 25.
(Nous y ajoutons des notes en redifiant les noms d'après
les regiftres de Quevilly.)
1 . Le fieur Corbion , qui eflait presque toujours
à la Boulaye, je le croirais mieux hors du royaume
qu'en France; c'eft un homme fort dangereux &
fort occupé de fa religion (en interligne et d'une
autre main, on lit : Ordre, en prifon exilé à
Andelys, le 23 Juillet 168 g).
2 . La dame Guillotin, hoftefle du Quadi^am-de-
Mer, rue du Gros'horloge, chez elle fe retirent les
gens de la religion, on croit même que Ton y a
fait plufieurs fois des affemblées, ce feroit un grand
bien qu'elle fuft hors de la ville de Rouen (d'une
r 74 cAppendîce.
autre main : En prifon au Pont-de-l' Arche,
mesme ordre.)
Anne AUix, mariée le 25 juin i656, à Abraham Guillotin.
paroifl'e Saint- Jean.
3. Le fieur Guillotin, fon beau-frère.
Jacob Guillotin, marie, le 17 avril i653, à Marthe de
TEfpine, fille de feu Jean de l'Efpine, avocat, & de Marie
Lefebvre, paroifle Saint-Nicolas.
4. Le fieur Depeister, hollandais, depuis long-
temps ertabli à Roiien, c'eft un marchand naturalisé.
Samuel Defpeifter, fils de Jacques Defpeilter & de Cathe-
rine Delavoye, marié, le 6 décembre 1676, à Catherine Le-
quefne, fille de Jacques Lequefne, avocat, & d'Elifabeth
Delavoye.
5. Le fieur Chapron, marchand.
Ifaac Chapperon, marchand, marié, le i3 mai 1675, à
Marie Hermann, paroifle de la Ronde.
6. Le fieur Lecour, orphèvre.
Jean Lecourt, orphèvre, fils de Pierre Lecourt & de Ma-
delaine Leblanc, paroifle Saint-Herbland, marié, le 16 juin
i658, à Marie Darré, fille de feu Robert Darré, & de Su-
zanne Boos.
oAppendice. i jS
7. La veuve Folgend & fon fils, marchands.
Marie Chéradame, fille de Guillaume Chéradame, ton-
nelier, paroifle Saint-Vincent, & d'Elifabeth Gaffe, née le
12 décembre i632, mariée, le 8 avril lôSy, à Thomas Ful-
gent, marchand de planches & interprête pour la langue
anglaife, paroiffe Saint- Vmcent, décédé le 18 mai 1680.
François Fulgent, fon fils, né le i3 janvier 1669.
8. Le fieur Mercier, marchand, gendre de la
dite Folgend.
François Lemercier, fils de feu Jean Lemercier & de
Madelaine de l'Efpine, marié, le i5 mai 1678,^1 Marie Ful-
gent, fille de Thomas Fulgent & de Marie Chéradame.
9. Le fieur Cordier, marchand, qui a fait paffer
fa femme & fes enfants en Hollande.
Abraham Lecordier, fils de Jean Lecordier & d'Elifabeth
Lebreton, marié, le 14 février 1666, à Sara Vrouhng, fille
de Simon Vrouling & de Marie Vandalle.
10. Le fieur Caron, beau-père du nommé Pa-
pavoine, que fa majefté a desja exilé.
Pierre Caron, vinaigrier, marié à Anne Caron, paroiffe
Saint-Vivien.
Jacques Papavoine, marié, le 28 mai 1673, à Anne Ca-
ron, fille de Pierre Caron & d'Anne Caron.
1 76 oAppendice.
1 1 . Le fieur Gholvishe, marchand écoflais.
12. Le fieur Desjardins & fa femme qui om fait
pafler leurs enfants en Hollande.
Pierre Dujardin, yvoirier, fils de feu Pierre Dujardin,
tabellion à la Fontaine-Jacob, & d'Anne Lecornu, marié, le
i5 juin 1670, à Suzanne Lion, fille de Jean lAon, Peignère
(Peigneur) & de Marthe Seigneuré, avait 4 garçons i fille;
le dernier enfant né en 1684.
i3. Les fleurs Ernault père et fils, marchands,
& le nommé Ervechamp, qui demeure avec eux,
lequel eft écoflais.
Eftienne Ernault père, marié à Marie Taflon, Eltienne
Ernault fils, marié, le 18 juillet 1677, à Marie Lefebvre,
fille de Guillaume Lefebvre, marchand. & de Marie Teltard.
paroilTe Saint-Vincent.
14. Le fieur Guillaume Fontaine, marchand.
Fils de feu Guillaume Fontaine, bourgeois de Paris &
d'Elfabeth Collas, il était venu s'établir à Rouen, avec sa
fœur qu'il perdit le 3 mars 1678, âgée de 33 ans.
i5. Le fieur Banache (fie pour Bafnage), illuftre
advocat, qui a commenté la coutume de Normandie,
il eft d'un très-grand fecours pour les confultations;
oAppendice. 177
il y avait un miniftre de fa famille, &: fon fils ell
forti du royaume pour la religion.
Henry Bafnage, fieur de Franquefnay, marié, le i" mai
i65o, à Marie Coignard, fille d'Etienne Coignard & d'Eli-
fabeth de la Rive.
Henry Bafnage, avocat, était fils de Benjamin Bafnage,
miniftre en l'églife de Sainte-Mère-Eglife & de Marie Du-
vivier.
ENFANTS NÉS DE CE MARIAGE :
Baptêmes
16 avril i65i. Marie, mariée au fieur de Vienne, décédée
le 12 décembre 1721 ;
7 juillet i652. Elifabeth, décédée le 2 décembre 1662;
10 août i653. Jacques, décédé le 21 décembre 1723;
17 mai i655. Madelaine, mariée à Paul Bauldry, vivait
en 1 72 5 ;
i3 avril i656. Henry, décédé le 29 mars 1710;
24 mars " i658. Marc Antoine, décédé le 14 décembre 1671 ;
18 mai 1659. Pierre, décédé en 1732;
i5 juin 1664. Elifabeth Léonore, décédée le 17 juin i665.
Henry Bafnage, habitait la paroiflTe Saint- Patrice, de i65i
à 1664.
16. Le fieur Vanderhults, marchand, hollandais
de nation, bon négociant, duquel M. Louvois fe
fert très-fouvent, il ne fe trouve a aucune aflemblée,
eft le folliciteur de ceux de la religion qui ont des
affaires.
1 7^ Q/ippendice.
Antoine Vanderhulit, fils d'Antoine Vanderhullt & de
iMadelaine Everalt, de la Haye, en Hollande, marié, le 9
juillet 1662, à Sara Vanderfchalque (5 enfants).
17. Le lieur Hubert, horlogueur (Jic)^ dans la
rue des Charettes.
Robert Hubert, horloger, marié, le 26 avril 1666, à Su-
zanne Lemire, paroifle Saint-Etienne-des-Tonneliers; il
avait deux frères, Jean & Eftienne, également horlogers.
^fiigiés Trotejtants, cités dans la "Préface.
1. Lecordier (Abraham), fils d\m marchand
d'Honfleur, marié, le 7 février 1666, à Sara Wrou-
ling.
2. Thiens (Abraham), marchand, marié à Ville-
mine Wanburgh.
3. Tranchepain (Pierre), marchand mercier, ma-
rié, le 24 janvier r666, à Marie Abhn.
4. Cognard (Samuel), né le 12 feptembre 1647,
fils de David Cognard & d'Elifabeth Mazuré.
5. Gaux (Pierre de), fils de David de Caux, mi-
niftre à Orbec, & de Jeanne Crucifix, marié, le 1 5
janvier 1668, à Marie Simon.
6. Coffart (Jacques), né le 12 janvier 1648, fils
de Jacques Coffart & de Judith Cognard, membre
du confiftoire de Quevilly.
VI.
NOTES
fur quelques noms cités dans le r^écit de l'hijioire
de la T^erfécution de l^ouen.
Page 4- De CoUeville, Samuel Lefueur, fils de Pierre
Lesueur, efcuyer, fieur de CoUeville, confeiller au Parle-
ment, & de feue Efther Bochard.
Page 21. Daniel Mondon, compagnon chapelier, marié à
Judith Fleuriot.
— Son fils Jérémie Mondon, âgé de lo ans, né le 22 fep-
-tembre 1675.
— Jacques Bredel, manœuvre; en 1679, étant veuf, époufa
Judith Jacques, fille de Jacques Jacques & de Marie Cave-
lier de Lintot en Caux.
— Marie Bredel, leur fille, âgée de 9 ans.
— Jacques Charles, menuifier, marié à Marthe Barette.
— Anne Charles, leur fille, née en 1670.
— Marthe Charles, leur fille, née en 1672.
— Théodore Bréhu, chirurgien, marié, le 14 décembre
.1659, à Marie Cognard, fille de Pierre Cognard & de Marie
Cathelin.
— Jean Salomon Bréhu, leur fils, né le 3 février 1675.
— Jean Plamar, tailleur, marié, le 5 janvier 1670, à Ju-
dith Drouet, paroifle Saint-Herbland.
— Jean Plamar, fon fils, né le 2 5 décembre 1670.
1 82 Q/lppendice.
Page 22. Gabriel Quériiel, compagnon drapier, marié à
Marie Onfroy.
— Louis Gabriel Quériiel, leur fils, né le i6 janvier 1678.
— Marie Suzanne Quériiel, leur fille, née le 3i odobre
1679.
— Jean Hautot, maçon, fils de Thomas & de Marie Heuzé,
de la paroiffe de Gruchet, près BoUebec, marié, le 18 octobre
1671, à Elifabeth Mallet, fille de Jean, & d'Elter Bellet, de
BoUebec.
— Elifabeth Hautot, leur fille, née le 26 juillet 1672.
— Pierre Robert Poitevin, tapiflier à Elbeuf, marié, le 6
juillet 1673, à Suzanne Bénard, veuve d'Abraham Robelot,
tapiflier à Elbeuf.
— Pierre Mavirice, brafleur, marié à Marie Leblanc.
— Madelaine Efther Maurice, leur fille, née le 26 mars
1673.
Page 35. David du Mont, avocat au Parlement de Paris,
fils de feu Jean & de Marie Plajin, marié, le 1 5 juillet 1674,
à Marie Thorel, fille de feu Jean, fieur de Charlemont &
d'Anne Bauldry.
— Sa fille Marie, née en 1677.
Page 44. Le Plâtrier (Jean), ancien de l'églife de Quevilly,
marié, le 6 février 1684, à Charlotte Vaillant, fille de Jean
& de Catherine Duval.
— Femme Lefeigneur Jeanne, veuve de Tobie Moifant.
Tobie Moifant, efl décédé le 25 janvier 1681, à 46 ans, à
fa maifon de campagne, à Bocafle.
^Appendice. i83
Page 68. Femme Caron, Anne Caron. femme de Pierre
Caron, vinaigrier, paroifle Saint- Vivien.
— Femme Thorel, Anne Antoine, femme de Samuel
Thorel.
— Femme Leblanc, Marguerite Vereul, femme d'Abraham
Leblanc, drapier.
Page 74. Adam de la Bazoche, chevalier d'Heuqueville
& Heudicourt, premier baron de Normandie.
— Jean Cardel, ancien avocat, paroifle Sainte-Croix-des-
Pelletiers, marié à Madelaine Houffemaine.
— Ifaac Leboulanger, marchand, marié, le 7 février 1672,
à Judith CofTart, fille de Jacques Marchand & de Judith
Congnard.
Page 75. Demoifelles Vandale : Sara Vandale, née le 16
février 1670. Catherine Vandale, née le 20 février 1671,
filles de Samuel Vandale, marchand, & de Sara Ochufe.
— Femme Amfing, Marie Durqueur, femme d'André
Amfing, mariée le 11 novembre 1657. —André Amfing,
était fils d'un marchand de Hambourg.
— Femme Wetken, Anne Dierquens, fille de feu Tobie,
marchand à Rouen, & de Jeanne Pitrefon, mariée, le i^'
décembre 1673, à Hermann Wetken, marchand à Rouen,
natif de Hambourg.
— Femme Simon, Elifabeth Vereul, mariée à Abraham
Simon, 6 enfants.
Page 77. Jean Damberbos, marié, le 9 juin i652, à Su-
zanne Margas.
i 84 oAppendice.
Page 80. D'Etrimont, Michel Niel, efcuyer, fieur d'Eilri-
mont, fils de Michel & de feue dame Elifabeth Delarlie.
marié, le 21 août 1667, à Marie Haranc, fille de feu Nicolas
& de Marie Leblanc.
— Demoifelle Gamin, Rachel Camyn, née le 22 juillet
1672, fille de Noë, drapier à Elbeuf, & de Rachel Lecointe.
Page 81. Simon Leplatrier, fils de Simon & de Catherine
Dugard, marié, le 9 mai 1669, à Marie Vereul, fille de Jean
<Sc de feue Marie Leblanc.
Page 82. Jean Congnard, confifeur, époux de Suzanne
Roger.
Page 83. Suzanne Crofnier, fille de feu Guillaume &
d'Anne Périer, mariée, le 4 juillet 1677, à Abraham Vivien,
chaudronnier.
Page 84. Le fils Vereul, chapelier, Abraham Vereul, né
le 8 mars 1674, fils d'Abraham, chapelier, & d'Efter Simon.
— Jean L'Alouette, menuifier, époux de Madelaine Bar-
joUe.
Page 85. Dumont (Abraham), orfèvre, né le 28 avril 1602,
fils de Daniel & de Madelame Bigot.
Page 94. Paul Gardel, miniftre de l'églife de Grofmesnil,
commune de Gottévrard, près Gailly. Paul Gardel, né le 18
juin 1654, fils de Jean, avocat, & de Madelaine HoufTe-
maine. En 1688, il revint en France, fut enfermé dans les
cachots de la Baftille, pour caufe de religion, le 2 mars 1689,
il y mourut le i3 juin 171 5. après de longues fouffrances.
oAppendice. i85
Page 1 16. François Neel, né le 8 décembre 1672, fils d'I-
faac Neel, vinaigrier, & de Geneviève Mauger.
Page 120. Sieur & dame Lecoq, Jacques Lecoq, fils de
feu Eftienne, marchand à Caen, & de Madelaine de Mau-
rice, marié à Anne Aubourg, fille de feu Jacques & de Ca-
therine Varin.
Page 126. Portrait. Jacques Porteret, vinaigrier, marie,
le 2 5 mai 1681, à Efther Auber.
— Métiotte. David Métiotte, cordonnier, marié, le 26
mai 1670, à Efther Blondel, fille de Michel Blondel, maçon.
Page 141. Bourget. Jean Bourget, du Grand-Quevilly,
époux d'Anne Marc.
— Jean Dupont, fils de Jean & de Marie Dubucq, paroifle
Saint-Pierre-l' Honoré.
FIN DE L'APPENDICE.
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Notice j
Avis au lecteur xxxvii
Histoire de la Persécution 1
APPENDICE.
I. Extrait de YHisloire des Ouvrages des Savans, de
H. Basnage de Beauval 157
II. Liste des Nobles Protestants au xvii" siècle, men-
tionnés sur les registres de Quevilly 159
III. Eglises réformées de la Normandie au xvii* siècle . 471
IV. Noms des Protestants restés à Rouen en 1689. . 473
V. Réfugiés protestants cités dans l'avis au lecteur. . 179
VI. Notes sur quelques noms cités dans le récit de la
Persécution de l'Eglise de Rouen 181
Achevé d'imprivi^r
PAR LÉON DESHAYS, A ROUEN,
LB VINGT-NEUF AOUT MIL HUIT CENT SOIXANTE-QUATORZE.
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DATE DUE
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GAYLORD
PRINTED IN US A.
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BW5958.R3L5
Histoire de la persécution faite a
Princeton Theological Seminary-Speer Library
1 1012 00039 1179
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