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VOYAGES,
ORIGINAUX
POUR SEAVIA A L HISTOIAE DE LA DECOUVERTE
DE L'AMÉRIQUE
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IMPRIMSIIIS DB FAIN ST THVHOT,
RUE RACmS, 38, PRÊ9 DE L'ODÉON.
VOYAGES,
ORIGINAUX
POCR SERVIR A h HISTOIRE DE LA DECOUVERTE
DE L'AMÉRIQUE
PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS EN FRANÇAIS,
IfAB, H. TXBNAVX-COMVAVS.
HISTOIRE
ou
DES ANCIENS ROIS DE TEZCUCO,
PAR DON FERNANDO D*ALVA IXTLILXOGHITL ,
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1RA0UITI SUR LE NANDSClilT CSPAGNOL.
Première partie.
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ABTHV8 BEATAAND, IiIBRAIBS-ÉDITSUB^
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE GEOGRAPHIE DE PARU ,
RUE HAUTEFEUILLE, »<> 23.
M. DCCC XL.
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HISTOIRE
DES CHICHIMÈQUES,
OU
DES ANCIENS ROIS DE TEZCUCO,
PAA D. rSBJVAVBO D'JUBiTA IZTIiXIiZOCBIT:L»
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TRADUITE SUR LE MANUSCRIT ESPAGNOL,
PREBDÈRE PAlItlS.
M. LE VICOMTE DE SANTAREM.
^ HOMMAGE RESPECTUEUX DE L'ÉDITEUR,
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Ci
Q H, TERNAUX-COMPANS.
PRÉFACE
DE LEDITEUR FRANÇAIS
En publiant , en 1838 , une traduction de la trei-
zième relation d'Ixtlilxochitl , d'après Tëdition que
M. de Bustamante a fait imprimer en 1829, àMexico,
j'ai donné une courte notice sur cet auteur et sur
quelques autres Indiens qui se sont occupés de l'his-
toire et des antiquités de leur patrie. Depuis cette
époque , j'ai reçu de Madrid une copie complète de
ses treize relations et de son Histoire des Chichi-
mèques; ne pouvant publier ces deux ouvrages,
qui ne sont que la répétition l'un de l'autre , j'ai
donné la préférence à celui qui m'a paru le dernier
travail de l'auteur. Les relations sont divisées d'une
manière qui en rend la lecture peu agréable: dans
les treize premières, l'auteur rs^conte l'histoire du
Mexique , depuis les temps les plus anciens , jusqu'à
la conquête ; dans la seconde partie de son travail ,
qui contient le même nombre de relations , il recom-
mence son récit , omettant certains détails , en ajou-
X PREFACE
tant (1 autres, se contredisant souvent, de sorte que
chaque partie forme un ouvrage complet sur le
même sujet , et qu'on croirait sorti de la plume de
deux auteurs différents. A la suite de ces deux
parties , se trouvent deux abrégés de cette même
histoire , dont Tun est beaucoup plus court que
l'autre , et où Fauteur résume encore une fois les
mêmes faits. Je pense que ces différents ouvrages
furent composés successivement par Tordre et pour
l'usage des membres du gouvernement , et que plus
tard y Ixtlilxochitl refondit son travail dans l'inten-
tion de le publier : ce qui fut toutefois empêché par
la jalousie qu'éprouvait le gouvernement espagnol
de tout ce cpti pouvait répéter aux locK^is leur an-
cienne grandeur.
On peut voir dans la préface que M. de^Bustamante
a ajoutée au commencement delà treizième relation ,
les sources dans l^ueltes notre auteur a puîsë les
événements qi^il raconte ; Ixtlîtxochitl les énumère
lui-même à la fin de sa cinquième relatii^ , et
ajoute :
c( J^ai tel totttes tes histoires de ta conquête ée ee
)) pays , qui ont été composées psff des E^mgnols , et
)) je les ai trouvées remplies deserreurs^ tes plus gros-
)) sières. La moins inexacte , touteficHs, est celle qu'a
» composée Francisco Lopez de Gomara. Ces erreurs
)) provtennent surtout des passions qui dominaient les
> historiens , de leur ignorance de la langue du pays,
)) et même des faux rapports que tes natureb se soaI
)) amusés à leur faire. Cela m'est arrivé souvent à
) moi-même, quoique né et élevé parmi eux , et
DE l'Éditeur français. xi
.) bien connu de tous les chefs, l'en citerai quelques
» exemples : J'allai un jour visiler un de mes amis
» nommé D. Lope Zeron, qui habitait Gohuatepec, à
)) deux lieues au sud de Mexico. Ayant causé avec
)) quelques-uns des principaux de cette ville , ifs m'as-
» surëFe»t que Cohuatepec était autrefois la capitale
» cta pays , qu'Âtzcaputzako et Chako n'étaient que
)) des villages qui en dépendaient , et ajoutèrent une
» foule d'autres faMes comme ils en racontent aux
)) Espagnols. Ils prétendaient que ce n'était qu'à Faide
» des Imbitants de Cohuatepec que Netzahualcoyotzin
» étaût parrenu à recouvrer son royaume. J'eus beau
^) leur citer les anciens chants et leur montrer les
» mannsérits historiques , je ne pus jamais les faire
)) renoncer à leurs prétentions.
» Un gentilhomme descendant du sang royal de
» Tezcuco , ayant demandé à un vieillard natif de
» Tepetlaoztoc quelques renseignements sur les an-
)^ cètres d'Ixtlilxochitl , père de Netzahualcoyotzin ,
>y celui-ci répondit qu'il ïi'en avait jamais eu , mais
> qu'un aigle immense vint un jour faire son nid sur
» un arbre au milieu de la ville de Tezcuco , qu'il y
» déposa un seul œuf, et que de cet œuf sortit un en-
» faut. Il assurait que les Aculhuas , étonnés de ce
» prodige, l'avaient proclamé leur roi. Le gentil-
)) homme voulut lui remontrer l'absurdité de cette
» histoire , mais le vieillard lui répliqua sèchement :
» C^est ainsi que je répondsaux Espagnols qui me font
» des questions sur nos anciennes histoires , ou à ceux
» qui viennent de leur part . »
Ce passage nous explique toutes les erreurs où son t
XII PRÉFACE DE l'Éditeur français.
tombés les bistoriens espagnols , et fait ressortir en
même temps Fimportance de Touvrage d'Ixtlilxo-
chitl, qui savait apprécier à leur juste valeur les ren-
seignements qu'on lui donnait. Je regarde son livre
comme le plus authentique qui aiit jamais été ccmiposé
sur rbistoire ancienne du Nouveau-Monde. Il est
même bien supérieur , sous le rapport de la critique et
du style , à ceux qui ont été composés par les Espa-
gnols : on y trouve beaucoup moins de fables et de
miracles; il est entièrement exempt de ce fatras d'éh
rudition et de ces digressions qui rendent si fatigants
les ouvrages de cette époque. Ixtlilxochitl raconte
simplement, dte souvent ses autorités , et mérite, je
crois y la même confiance que nos anciens annalistes ,
qui ajoutent ordinairement tant de crédulité à tant
de bonne foi.
DÉDICACE
DE L'AUTEUR MEXICAIN
AU
VICE-ROI DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
EXCELLENTISSIME SeIGNEUR ,
Depuis ma jeunesse j'ai constamment eu le désir
de connaître l'histoire du Nouveau-Monde, qui n'est
pas moins importante que celle des Romains , des
Grecs , des Mèdes et des autres nations païennes cé-
lèbres dans tout Funivers. Cette Ustdre de nos an-
cêtres est tombée dans l'oubli par la suite des temps
et par la chute de leur empire : c'est pourquoi ce n'est
qu'après beaucoup de peines, de courses et de recher-
ches que j'ai pu réussir dans mon projet , en réunis-
sant avec soin non-seulement les peintures qui re-
présentent les histoires et les annales, mais aussi les
chants qui en contiennent l'explication. Ayant voulu
réunir à cet effet une foule de nobles mexicains qui
passaient pour connaître les anciennes histoires,
XIV DÉDICACE.
je n'en trouvai que deux qui comprissent parfaite-
ment les figures et les caractères et qui pussent ex-
pliquer les chants , qui , pour la plupart , sont allé>
goriques , remplis de métaphores et de comparaisons :
ce qui les rend très-difficiles à entendre. Aidé par eux,
j'ai déchiffré avec facilité les peintures et les histoires,
et j'en ai compris le véritable sens. C'est dnsi que je
suis parvenu à satisfaire mon désir, m'attachant tou-
jours à la recherche de la vérité. Je ne me suis pas
servi des autres ouvrages qui ont traité jusqu'à pré-
sent de cette matière ; car les auteurs sont générale-
ment très-confus, et ils diffèrent souvent entre eux, à
cause des fausses relations et des mauvaises explica-
tions dont i|s se sont aidés. Je n'ai d'autre appui que
celui de votre Illustrissime Seigneurie , et c'est sous sa
protection que paraîtra mon ouvrage : c'est donc à
elle que revient de droit la dédicace de cette histoire
abrégée delà Nouvelle-Espagne. Cette considération,
ainsi que Taffec^ion que mes ancêtres et moi nous
avons toujours eue pour votre Illustrissime Sei^eu-
rie 9 m'encouragent à la lui dédier. Je la supplie donc
humblement de vouloir bien Tagréer et la protéger,
et je prie le ciel de conserver pendant de longues
années la vie de V. S., comme tous ses serviteurs le
désirent et en ont besoin.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
Je n'ai voulu suivre aucun des auteurs qui jusqu'à présent
ont écrit sur la Nouvelle-Espagne , car ils différent tous entre
ewL et sont même souvent en opposition directe. Je ne me
suis servi que des peintures et des caractères , qui sont la vé-
ritable source delliistoire , puisqu'ils ont été tracés à Tépoque
même où les événements sont arrivés. J'ai profité aussi des
chants qui ont été composés par des personnes dignes de foi >
par des rois et de grands seigneurs qui connaissaient bien com-
ment les faits s'étaient passés , et qui représentaient la vérité
autant que les auteurs les plus graves et les plus véridiques qui
aient écrit sur l'histoire du monde. Il y avait des écrivains pour
chaque genre de travail : les uns s'occupaient des annales , ran-
geant par ordre les événements qui arrivaient chaque année ,
avec la date en mois , du jour et de Theure ; d'autres étaient
chargés de la généalogie des rois, des seigneurs et des nobles,
inscrivant avec soin ceux qui naissaient et e£façant ceux qui
mouraient. Quelques-uns conservaient les peintures qui repré-
sentaieat les plans et les limites des provinces , des villes , des
bourgs et des villages , ainsi que la division des terres , ayant
soin d'inscrire à qui elles appartenaient. Des officiers particu-
liers gardaient les livres qui traitaient des lois , des rites et des
cérémonies de leur idolâtrie. Les prêtres de leurs temples en
avaient qui contenaient toute leur doctrine païenne , ainsi que
des calendriers où étaient marquées les fêtes de leurs faux dieux.
Enfin des philosophes et des sages étaient chargés de peindre
toutes les connaissances relatives aux sciences qu'ils possédaient
et d'enseigner les chants qui contenaient les corps de doctrine
et les histoires. Mais tout cela fut changé à la chute des sei-
XVI AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
«
gneurs du pays et par les désastres et les persécutions qu'éprou-
vèrent leurs descendants. Non- seulement on ne conserva pas ce
qui était bon et conforme A notre sainte foi catholique, mais on
brûla tout sans examen par Tordre des premiers missionnaires ;
ce qui fut une des plus grandes pertes qu'éprouva la Nouvelle-
Espagne. Les archives générales de T histoire se conservaient à
Tezcuco , qui était la métropole des sciences et des bonnes
mœurs ; car les rois qui la gouvernaient savaient les apprécier et
avaient été les législateurs de tout le Nouveau-Monde. Ce qui a
échappé au feu ayant été sauvé par mes ancêtres, tomba plus
tard entre mes mains , et c'est de là que j'ai tiré et traduit l'his-
toire que je promets. Je l'ai écrite très-sommairement, mais avec
beaucoup de peine et après bien des recherches pour compren-
dre les peintures et les caractères qui servaient de lettres autre-
fois et pour découvrir le véritable sens des chants historiques.
J'écrirai cette histoire tout simplement et sans citer les exem-
ples (1). Je ne traduirai pas non plus les traditions fabuleuses
et les contes que l'on trouve dans quelques-unes de leurs chro-
niques, parce qu'ils me paraissent superflus. Je supplie humble-
ment le lecteur d'excuser les nombreux défauts qu'il trouvera
dans ma manière de raconter; il peut être assuré du reste que
cette histoire est véritable, digne de foi et approuvée par tous
les nobles et tous les savants de la Nouvelle-Espagne.
(1) Pris sans doute dans VHiitoire ancienne ou taerée, comme font
tous les historiens espagnols qui ont écrit sur le Nouveau-Monde.
(Note de rmtew.)
PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
De la création du monde et des quatre âges dont parlent les
historiens de la Nouvelle-Espagne.
Les historiens les plus graves du temps de
l'idolâtrie sont parmi les anciens Quetzalcoatl ,
et parmi les modernes Netzahualcoyotzin ,
Xiuhcozatzin , fils du roi Huitzilihuitzin ^ et
beaucoup d'autres que je citerai quand cela
sera nécessaire. Ils parlent dans leurs his-
12. 1
2 HISTOIRE
toires du dieu Teotloque-Nahuaque-Hachi-
guale-Ipalnemoani- Uhuicahua-Halticpaque y
ce qui veut dire exactement le Dieu universel ,
créateiir de toutes les choses, à qui obéis-
sent toutes les créatures, seigneur du ciel et
de la terre. Ils racontent qu'ayant formé tous
les objets visibles, il créa les premiers parents
des hommes , dont tous les autres descendent,
et leur donna pour habitation le monde, qui,
selon eux, eut quatre âges.
Ils nomment le premier âge, qui commença
à la création , Atonatiuh , ce qui veut dire so-
leil des eaux, dans un sens allégorique, et que
ce premier âge s'est terminé par le déluge uni-
versel , qui fit périr tous les hommes et toutes
les créatures. Le second âge est appelé Tlal-
chitonatiuh , ou soleil de la terre, parce qu'il
se termina par un tremblement de terre. Le
sel «'ouvrit en plusieurs endroits , les monta-
gnes s'abtmèrent ou s'écroulèrent en écrasant
presque tous les hommes. Ge fut à cette ép(!K
que que vécurent les géants nommés Quina-
DES GHIGHIMÈQUES. 3
inetzin Tzocuilhioxime. Le troisième âge est
rEhcâtonatiiih, ou soleil de l'air : il s'éleva un
vent terrible qui renversa les arbres, les édi'-
fices et même les rochers. Presque tous les
hommes périrent/ et ceu3t qui survécurent
ayant apei^u un grand nombre de singes que
le vent avait apportés probablement d'un autre
pays, pensèrent que les autres hommes avaient
été changés en ces animaux , ce qui donna lieu
aux febles dont on a tant parlé. Pendant cette
troisième période , ce nouveau monde était
habité par les Ulmèques et les XicalanqueS.
D'après ce qu'on voit dans leurs histoires , ils
vinrent du côté de l'Orient (i) dans des vais-
(i) C'est un fait très curieux que cette origine orientale de»
Ulmèques et Xicalanques quand toutes les autres tribus ve-
naient de l'occident : il est répété par l'auteur dans è^ rela-
tion sommaire de la Nouvelle- Espagne. Veytia y [Jnago
{ ffistoria antigua de Mexico^ pag. i , cap. Xlll), dit qu'ils
débarquèrent dam la baie de la Vera-Gruz. Gogolludo {His-
toria de Yucatan , lib. IV , cap. 111 ) , rapporte aussi que cette
province fut peuplée par deux nations différentes, dont l'une
vînt de l'orient et l'autre de l'occident, il ajoute que l'on
nomma la première colonisation Génial ou la Petite-Descente
parce qu elle fut la moins nombreuse, et la seconde Nohnial ou
la Grande-Etescenle. CJavigero (Storia anlicn del Messico^ t. 1 ,
4 HISTOIRE
seaux ou des canots , et débarquèrent dans le
pays de Potonchan où ils s'établirent, ainsi que
sur les bords de la rivière d'Atoyac, qui coule
entre la ville de Puebla de los Angeles et celle
de Chololan* Ils y trouvèrent quelques géants
qui avaient échappé aux désastres de la se-
conde période. Ceux-ci, fiers de leur force
et de leur taille, soumirent les nouveaux
venus au joug le plus dur, et les traitèrent
comme des serfs. Les chefs et les nobles
résolurent de se délivrer de cet escla-
vage, et ayant invité les géants à un festin
solennel , ils les enivrèrent et les massacrè-
rent avec leurs propres armes. Ayant con-
quis leur liberté, leur puissance augmentait
chaque jour,^ et ils jouissaient de la plus
grande prospérité, quand il arriva dans ce
p. 146) dit que le célèbre antiquaire Don Carlos de Siguença y
Gongora attribuait aussi aux Ulmèques une origine orientale ;
mais qu il en ignore le motif. Ces nations se sont confondues
avec les autres indigènes ; cependant on en trouve encore quel-
ques restes qui sont très-fiers de leur origine, à Pueblo de Na-
tividad autrefois Vancuillapan, et à S.-Miguel del Milagro dans
le territoire de Tiaxcallan.
DES GHiCHIMÈQUËS. 5
pays un homme que quelques-uns nommè-
rent Quetzalcoatl , et d'autres Huemac^ à
cause de ses grandes vertus (i). On le regarda
comme un saint. Il leur enseigna par ses
paroles et par ses œuvres le chemin de la
vertu , les exhorta à fuir le vice et le péché ,
leur donna des lois pour mettre un frein à
leurs débauches et à leurs turpitudes, éta-
blit l'usage du jeune, et fut le premier qui
planta et adoi^ la croix, que Ton nomma
Quauhcahuizteotl-Chicahualizteotl ou Tonac»-
Quehuitl , ce qui veut dire Dieu des pluies ou
de la santé, et arbre de la nourriture ou de la
vie« Après avoir enseigné tout ce que je viens
de dire dans les villes des Ulmèques et des
Xicalanques, et particulièrement dans celle
( I ) Quelques auteurs ont regardé, mats à tort, Huemac et Quet-
zalcoatl comme une seule et même personne; tandis que Huemac
était un ToUèque et Quetzalcoatl un Ulmèque ; mais ce n'est
pas ici la place d*une longue dissertation à cet égard. Je ferai
seulement observer que presque tous les auteurs espagnols,
tels que Garcia , Torquemada , Sahagun , ont pris Quetzalcoatl
pour Vapôtre saint Thomas et se sont livrés là- dessus à des
dissertations à perte de vue.
6 HISTOIRE
de ChQloiau où il résida le plus longtemps^
voyç^iit que sa doctrine fructifiait peu> il s^en
alla du côté où il était venu, c'est*-à-dire de
rOri^nt, et disparut vers la côte de Coatza-^
coalco. En quittant cette nation, il leur dit que
dans un temps à venir^dans Vannée de Ce Âcatl,
il reviendrait, et que sa doctrine serait reçue;
qu'alors leurs enfants seraient seigneurs
^ posséderaient le pays, mais qu'eux et leurs
descendants éprouveraient beaucoup de cala-
mités et de persécutions. Il ajouta beaucoup
d autres prophéties qui s'accomplirent par la
Siuite» Quetzalcoatl , traduit littéralement^ si-
gnifie serpent couvert de plumes précieuses ,
et, dans un sens allégorique, homme très-
sage. Qn dit qu'on lui donna le nom de Hue-
mac, parce que, pour prouver que tout ce
qu'il avait annoncé s'accomplirait, il imprima
ses mains sur un rocher comme sur de la cire
molle; d'autres prétendent que cela signifie
main grande et puissante (i). Peu de jours
(f ) Hiiemactzin ou Hueinac était un très-savant astrologue qui
. ,> me» .GHtCHIIIÈQUES* 7
après $pn départ » arriva la fia de la troÎMéme
période par la destructif€>n doifit J'ai parlé plù$
haut. Alors furent détruits Tédifiee et la tour
Dôagnifiique et rém^rqualîle de€%o1o1an^ qui
était comme une seconde tour de Babel ( i ) .
Ceux qui éehap|>èreiit aux désastres de cette
troisièmèpérîode, eonslruisirent'Sùr les ruines
un temple à Quetzalcoatl , qu'ils regardèrent
comme le dieu de l'air, parce que cet élément
avait été cause de leur destruction, et qu'ils
pensaient que c'était lui qui l'avait envoyé.
Ils le nommaient aussi Ce Acatl , du nom de
l'année de sa venue. Selon les annales et les
guida les Toltèques pendant leur long voyage. 11 mourut âgé
de plus de 3oo ans, peu d'années avant l'avènement du roi
Huctzin. 11 avait composé un grand livre qui contenait l'histoire
de la nation toltéque, sa bonne et sa mauvaise fortune, la gé-
néalogie de ses rois et de ses chefs , d'excellents principes de
morale, tout ce qui était relatif au culte des idoles, aux rites et
aux cérémonies, à la philosophie, à l'astrologie, à l'agricul-
ture, etc., en un mot un résumé de toutes les sciences. Ce livre
se nommait Teoamoxtli ou Lii/re divin. Il contenait aussi, sur la
chute de l'empire, des prophéties dont on vit plus tard l'accom-
plissement. ( JjctHlxochitl ^ p. I, rel. 3.)
(i) Ixtlilxothitl, dans la i'"" relation delà 2' partie, dit que
ce fait eut lieu dans l'année Ce Tochtli qui correspond à 29^)
après Jésus-Christ.
8 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
histoires que j'ai citées , l'époque à laquelle il
parut dans ce pays correspond à celle de l'in-
carnation de Jésus-Christ. C'est de ce mo-
ment que l'on compte la quatrième époque ,
nommée Tlatonatiuh, c'est-à-dire soleil de
feu , parce que l'on pensait que ce quatrième
et dernier âge du monde se terminerait par
le feu. Quetzalcoatl avait une belle figure; il
était grave, blanc et barbu; il portait pour
vêtement une longue tunique.
CHAPITRE II.
Origine et arrivée de la nation toltéque. — Ses rois et ses
chefs. — Villes qu ils fondent. — Ce qui arriva de leur
temps.
Pendant ce quatrième âge , la nation tolté-
que arriva dans le pays d'Anahuac^ que Ton
nomme aujourd'hui la Nouvelle-Espagne. Il
parait^ d'après leur histoire , que les Toltè-
ques furent chassés de leur patrie, et qu'a-
prés avoir navigué longtemps et côtoyé beau-
1 HISTOIRE
coup de pays vers ce que l'on nouiuie aujour-
d'hui la Californie, dans la mer du Sud, ils
parvinrent dans le Huehuetlapallan , ou
Terre de Cortez (i). Ils donnèrent le nom
( I ) Ixtlilxochitl (part, i , rel. i ) dit qu'il s'écoula 1716 ans de-
puis la création jusqu'à la fin de la première période ou Atona-
tiuh. Les Toltèques arrivèrent à Huehuetlapallan 620 ans après.
Ce fut 1 7 lô ans après la première destruction qu'eut lieu la se-
conde, Ehcatonatiuh. 1847 *^^^ après, c'est-à-dire l'an 4779 de la
création du monde, le soleil cessa tout à coup de marcher ; le
mousquite s'approcha de lui et lui dit : « Seigneur du monde,
pourquoi es-tu triste et rêveur et ne fais-tu plus ton devoir ;
pourquoi cesses-tu d'éclairer l'univers? » Il ajouta encore beau-
<;oup de discours ; mais voyant que le soleil ne bougeait ni ne
répondait , il le piqua à la cuisse : le soleil alors recommença
à marcher comme auparavant.
En Tan du monde Ô097 tous les sages toltèques se réunirent
à Huehuetlapallan , leur capitale, pour y régler le calendrier.
1 1 6 ans après, dans Tannée Ce Calli, il y eut une grande éclipse
de lune et de soleil et un tremblement de terre. Cette époque
coïncide parfaitement avec celle de la mort de N. S. Jésus-Christ.
So5 ans plus tard, en ran5486 de la création, ou l'année Ce Acatl,
Chalcultzin et Tlacamalitzin, gentilshommes du sang royal des
Toltèques, se soulevèrent pour enlever la couronne à l'héritier
légitime ; ils furent vaincus et chassés du pays dans l'année sui-
vante, Ge Tecpatl , qui correspond à l'an 4df^ de notre èr^. Attt
chapitre XI de cette histoire il dit qu'ils arrivèrent en 887 ;
mais ses difiéfénts ouvrages sont remplis de semblables con-
tradictions. H ne cite pas non plus le nom de ces deux chefs
parmi ceux des sept qui gouvernaient les Toltèques à leur ar-
rivée dansl'Anahuac.
Les Toltèques restèrent d'abord huit ans sur les frontières
de leur pays avant d'étre-entièrement expulsés ; ils en passèrent
DES CNIGHIMÈQUES. 1i
de Huehuetlapallan à ce pays parée qu'il leur
parut TQUge : cela se passa dans ratifiée de Ce
Tecpactl , qui correspond à 387 de l'incarna-
tion de Jësus^Christ. Après avoir côtoyé le
ensuite trois à Tiapallantzinco. Qiiaod ils quitteTent cet en-
droit ils marchèrent pendant douze jours et firent environ
soixante lieues, car ils n en pouvaient faire plus de six par
jour à cause de leur grande multitude. Ils arrivèrent alors dans
un excellent pays nominé Huéyxallan bù'ils sëjournèrènt quatre
ans. Dans le courant de la cinquième année ils firent encore
cent lieues en se dirigeant toujours vers l'orient, ce qui leur prit
plus de vingt jours , et ils arrivèrent à Xalisco sur le bord de
la mer où ils séjournèrent huit ans. Ils se remirent en marche
laissant dans ce pays quelques familles pour le peupler, comme
ils l'avaient fait dans les autres, et marchèrent encore pendant
vingt jours, ce qui suppose environ cent lieues de roUte. Ils
s'arrêtèrent dans des îles et ^ur Une côte nommée Chimalhua-
can-Atenoo, où ils restèrent cinq ans ; ce fut là que lés hommes
recommencèrent à vivre aveu leurs femmes, car ils avaient fait
vœu en quittant leur t)atrie de rester viiigtr trois ans sans les ap-
procherais calculèrent que lors de la quatrième année de leur
séjour danscët endroit il y avait vingt-six ans, ou un demi-cycle
qu'ils avaient quitté leur patrie. Cette époque correspond à
Van 466 après Jésus-Christ. Les cinq ans s'étant écoulés ils se
rcmiirent en route pendant dix-huit jours, et ayant fait environ
qaatre-vidgts lieues , ils arrivèrent à Toxpan , où ils passèrent
cinq autres années ; puis ils marchèrent encore pendant vingt
jours, et ayant ftiit environ cent lieues toujours vers l'orient ,
ils arrivèrent à Quiahuitlan Anahuac , où ils traversèrent
des bras de mer dans des barques et des canots. Après six
ans de séjour ils marchèrent dix-huit jours, parcoururent
quatre-vingts lieues de pays et s'arrêtèrent à Zacatlan. Ils
calculèrent qu'il y avait juste un Xiuhtlapilli ou cycle de cin-
1 2 HISTOIRE
pays de Xalisco et toute la rive du sud , ils
débarquèrent au port de Huatulco , traversè-
rent plusieurs provinces , et arrivèrent dans
celle de Tochtépee , sur les bords de la mer
du Sud. Ils explorèrent le pays de Tollant-
zingo, le colonisèrent en y laissant quel-
ques-uns des leurs dans les endroits qui
leur parurent les plus avantageux. La na-
quante-deux ans qu'ils avaient commencé la guerre civile.
Sept ans après ils cheminèrent de nouveau pendant dix-sept
jours , firent encore quatre-vingts lieues , et arrivèrent à
Totzapan où ils passèrent sept ans; puisaprès vingt-huit jours
de marche pendant lesquels ils firent cent quarante lieues , ils
parvinrent à Tepetla où ils résidèrent sept ans. Us en restèrent
huit à Matzatepec , après avoir fait quatre-vingts lieues en dix-
huit jours, et vinrent à Ziuhcohuatl où ils passèrent le même
nombre d'années , après avoir franchi une distance égale dans
le même espace de temps. Us firent ensuite cent lieues en
vingt jours et arrivèrent à Iztachuexucha qui est située vers le
nord. Ils y séjournèrent vingt-quatre ans ; puis après quatre-
vingts lieues faites en dix-huit jours , ils gagnèrent Tollant-
zingo où ils construisirent une si grande maison en plan-
ches qu'elle pouvait contenir toute la nation. Au bout de trois
ans de séjour , ils comptèrent deux cycles ou cent quatre ans
depuis le moment où ils avaient quitté leur patrie. Cette époque
correspond à Tan 543 de notre ère. Les Toltèques séjournèrent
dans cet endroit dix-huit ans, après lesquels ils se remirent
en marche, et fondèrent en i556 la ville de Tula, qu'ils furent
six années à construire.
{fxtlilxochitly p. I, relat. 2.)
DES GHIGHIMÈQUES. 13
tion toltèqne fut la troisième qui s'établit
dans la Nouvelle-Espagne, en comptant les
géants pour la première , et les Ulmèques et
Xicalanques pour la seconde.
Quand les Toltèques arrivèrent à Tollant-
zingo, ils calculèrent qu'il y avait cent quatre
ans qu'ils avaient quitté leur patrie. Ils
avaient sept chefs , et choisissaient alternati-
vement un d'entre eux pour les gouverner.
On les nommait Tlacomihua ou Acatl , Ghal-
chiuhtlanetzin , Ehcatl , Gohuatzin , Mazaco-
huatl , Tlapalhuitz et Huitz. Ce furent eux qui
fondèrent la ville de Tollan , qui devint plus
tard la capitale de leur empire , à cause de
son heureuse situation. Sept ans après s'y
être établis, ils élurent un roi , ou chef su-
prême. Le premier qui fut revêtu de cette
dignité se nommait Ghalchiuhtlanetzin , ou
Chalchiuhtlatonac. Ce fait est rapporté à l'an-
née Chicome Acatl ou 51 de l'Incarnation (i) .
( I ] Torquemada {Monarquia indiana^ lib. I, cap. XI V) nomme
ces chefs Tzacatl , ChalcaUzin , Ehecatzin , Ck>huatzin , Tzihuac-
1 4 HISTOIRE
Pendant son règiie, qui dura cinquante-
deux ans, la nation augmenta beaucoup, et
s unit 9 par des mariages et des alliances , aux
naturels qui habitaient le pays avant son ar^
rivée, et qui reconnurent son autorité et sa
suprématie. Il eut pour successeur Ixtlique-
chahuac Tlalchinotziri, qui monta sur le trône
l'année Ghicomc Acatl, ou 572. Il régna le
même nombre d'années, et mourut en 613,
ou Ghiquazen Tochtli.
Ck>huatl, Tlapalmetzotzin et Melzotzin. Dans la liste des rois tol-
tèques il remplace llacomihua par Mitl ; il passe Istacquauhtzin
et dit que Topiltzin se nommait aussi Tecpancaltzin ; il raconte
sur la destruction de cette nation une foule de fables absurdes,
que l'on peut lire encore plus au long dans Sahagun, lib. 111 ,
cap. XI.
Quand les Toltèques eurent construit la ville de Tula ,
voyant qui)s étaient sans cesse inquiétés par leurs voisins les
Chichimèques , et que leur célèbre astrologue Huematzin leur
annonçait que celte nation serait un jour maîtresse du pays, ils
résolurent d'envoyer une ambassade au roi des Chichimèques
et de lui demander un de ses fils pour le gouverner. Celui-ci y
consentit, et leur promit en outre que jamais ni lui ni les siens
ne les inquiéteraient. Ils marièrent avec la fille d'un des prin-
cipaux seigneurs toltèques ce jeune prince, qui s'appelait
Acapichtzin , et qu ils surnommèrent Chalchiuhuanetzin , ou
pierre précieuse qui brille , pour exprimer que ce prince était
pour eux une lumière et qu'il les délivrait des persécutions
des Chichimèques. {fxtlilxochitl,^. i, rel. 3.)
DES CHI€HIMÈQUES# 15
Huetziu y son successeur^ régiia aussi cin-
quante-deux an$ ; car c'était la coutume chez
lesToltéques qu'un rpi gouvernât cet espace de
temps» S'il venait à imouriravant^onseconsti^
tuaiten république pendant l'interrè^ic. Huet-
zin mourut 0n 664, ou Ghiquazen Tochtli (i).
(i) Dans ses Relations l^tiilxocbitl dit que Huetzip mourut en
718 , on Chicome Tochlli ; Topeuh en 770, ou Chicome Calli ;
Nacazoch en 882, ou MacuHli Calli. 11 nomme son successeur
Mit! (de même que Torqueinada). Dans le temple bâti par Mitl, en
riionneur de la grenouille déesse des eaux , tous les ustensiles
étaient d'or, et l'idole était d'une seule émerande ; elle existait
encore lors de la conquête , et fut vue par les Espagnols. Mitl
mourut en 88a, et fut remplacé sur le trâne pAr son épouse ,
la reine Xiuhtlatzin. Ce fut sous le régne de son successeur
Tecpancaltzin que l'empire des Toltèques brilla du plus grand
éclat. Us occupaient plus de mille lieues de pays et avaient
construit des villes magnifiques , entre autres celle de Teo-
tihuacsin, plus beUe encore que Tula, , car ils la considé-
raient comme leur ville sainte. 11 y avait des temples et des
édifices superbes , comme ou peut le, voir par ee qui eu
reste encore aujourd'hui. A Toluca , ils avaient bâti des palais
sur lesquels toute leur histoire était sculptée, ainsi qu'à Quauh-
nahuac. Ces édifices se composaient entièrement de grande
pierres superposées sans aucune espèce de maçonnerie. Us
avaient aussi fondé les villes de Chololan et Xalisco Tototepec ,
sur la mer du Sud. Tout cela est détruit, mais on voit par les
ruines que c'étaient les plus belles villes du monde, H ajoute
que les rois toltèques étaient d'une taille élevée , blancs et bar-
bus comme les Espagnols. C'est pourquoi les Indiens, du moins
ceux du bas peuple , quand ils virent Fernand Cortez et ses
16 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
Topeuh , qui monta sur le trône après lui ,
l'occupa le même nombre d'années , et mou-
rut en Macuilli Calli, ou 716. Nacaxoch ter-
mina en 768, ou Macuilli Calli , ses cinquante-
deux ans de règne. Uacomihua augmenta
beaucoup ses états et construisit de grands
et somptueux édifices, parmi lesquels il faut
distinguer le temple de la Grenouille, qu'il
reconnut pour la déesse des eaux. Il régna
cinquante-neuf ans, dépassant ainsi le terme
qui avait été fixé à ses prédécesseurs. Il
mourut en Matlactli Ome Acatl , ou 826. La
reine Xiuhquentzin, qui monta sur le trône
après lui , ne régna que quatre ans , et mou-
rut en Ome Acatl , ou 830. Elle eut pour suc-
cesseurs Istacquauhtzin , puis Topiltzin, son
fils , sous le règne duquel les Toltèques furent
détruits.
soldats, cnirent que c'était Topiltzin qui revenait avec ses com-
pagnons, comme il le leur avait promis.
(IxtUlxochid, part, i, relat. 3 et A.)
CHAPITRE III,
Règne d'iztacquauhtzin et de TopilUin, derniers rois des
Toltèques. — Fin de leur empire.
Iztacquauhtzin (i) régna cinquante-deux
ans, temps qui avait été fixé par ses ancêtres. Il
eut une liaison d'amour avec Quetzalxochitzin,
femme d'un noble nommé Papantzin, qui
(i) D'après les relations ce roi se nommait Tecpancaltzin ; la
maîtresse du roi Iztacquauhtzin était la fille et non pas la femme
12. 2
1 8 HISTOIRE
était du sang royal. Cette femme lui donna
un fils nommé Topiltzin, qui, quoique adulte-
rin, succéda à l'empire en Tannée Ome Acatl,
dePapantzin. Elle avait découvert Tart d'extraire le miel du
magaey, et ce fut quand elle vint lui offrir les prémices de son
invention qu'il la vit pour la première fois. C'est pourquoi son
fils fut d'abord nommé Meconctzitt ou l'Enfant du Maguey; ce
ne fut que plus tard qu'il reçut le nom de Topiltzin ou le justi-
cier. Les deux seigneurs qui se mirent à la tête des rebelles sont
nommés dans les relations Quauhtli et Matlatzin. Ils prétendaient
être adjoints à l'empire en laissant , cependant , la suprématie
au roi de Tula, c'est à-dire établir une organisation semblable
à celle qui exista plus tard entre les rois de Tezcuco, Menico et
Tlacopan. Tecpancaitzin et Topiltzin, son fils, y consentirent.
Ce traité eut lieu dans l'année Ome Acatl , ou 987 de notre ère.
Quelque temps avant la destruction de l'empire, tout le
monde s'abandonnait ouvertement au vioe : les dames nobles
vivaient publiquement avec les prêtres, qui avaient fait vœu de
chasteté. Une des principales <lames de Tula ayant fait un pèle-
rinage à Chololan, qui avait été fondé 78 ans auparavant, pour
visiter le temple du dieu Ce Acatl ( ou Qîietzalcoatl ), s'aban-
donna au grand-prêtre nommé Texpolcatl et en eut un fils
nommé Ixcax, dans la famille duquel la dignité de grand-
prêtre de cette ville devint héréditaire. L^ priiiQipaux
auteurs de tout ce désordre étaient deux magiciens , nommés
TezqA&lipoca et Tatlau^quizcatlepuca , qjfà lurent plus tard pla-*
ces au rang des dieux. Les calamités qui affligèrent l'empire y
sont rapportées delà ipême manière avec l'addition, toutefois,
d'une foule d^ niaiseries et de contes ridiçulç^ que je ne r^p*
porterai pas, parce qu'on peut les lire dans l'ouvrage du
P. Sahagim. (Lib. 111 , cap. XL)
En 098, raudace dca deux roi» ennemi» de Topiltzin en
vint au point de le braver dans la ville même de Tola. Gelnr-ci
DES CHIGHIMÈQUES. 19
OU 882, ce qui fut cause que quelques-uns
des rois et seigneurs ses vassaux se réral^
tèrent eoîitre )ui : les unô, parce qu'ils aôpi-
leur demanda, suivant l'ancien usage qui fut conservé jus-
qu'à Tarrivée des Espagnols, de lui fixer un déiai pour se
mesurer avec eux. Ils répondirent qu'ils lui accordaient dix
ans, et qu'ils l'attendraient an jour fixé avec leur armée auprès
deTultitlan. En TanMalkctli TecpatI, ou 1008, les deux rois se
rencontrèrent à l'endroit fixé, conduisant après eux non-seule-
ment tous les hommes en état de combattre, mais même les
femmes pour porter des vivres. Le combat dura trois ans, et les
soldats de Topiltzin , qui ne recevaient pas de renforts comme
leurs adversaires , finirent par succomber et périrent presque
tous; beaucoup de femmes toltèques combattirent vaiHam-
ment dans cette bataille.
Topiltzin ayant pris la fuite, se réfugia dans une cavet*ne,
auprès de Xicco, où il fut rejoint par son général Huehuete-
niaxal, qui lui amenait ce qu'il avait pu réunir de soldats. Il
livra à ses ennemis un nouveau combat dans lequel il perdit son
général et presque toute son atmée. Quand les rois ses ennemis
furent retournés chez eux , Topiltzin sortit de la cavernef de
Xicco où il s'était caché de nouveau avec quelques compagnons,
et se réfugia dans la province dé Tlapallan sur les bords de la
mer du Sud. 11 annonça au petit nombre de Toltèques qui
avaient survécu , qu'il se retirait vers l'orient dans le pays de
sesancétres et qu'il revieirà rai t dans 5o[3 ans, l'année Ce Acatl ,
pour châtier les descendants de ses adversaires; il leur fit ufie
quantité d'autres promesses ridicules. 11 vécut encore trente ans
dans la province deTIapallan et y mourut à l'âge de cent quatre
ans. 11 avait établi beaucoup de lois, qtii furent dans hi suite
renouvelées parNetzahualcoyotzin. Un grand nombre d'Indiens
croient que le roi est encore dans là caverne de Xiccô, avec les
rois Netzabualcoyotzin , Netzahualpiltzintli, Moquihnix , d'au-
20 HISTOIRE
raient à l'empire et croyaient y avoir plus de
droit; les autres^ en haine de l'adultère. Les
chefs des révoltés étaient Coanacotzin , Huet-
zin et Misiotzin , rois et seigneurs des pro-
tres guerriers célèbres, et qu'il en sortira un jour pour les
délivrer. Les Toltèques qui échapperont se réfugieront dans les
provinces éloignées , comme Quauhtemala, Tecuantepec, Coa-
tzacoalco, Campéch et Tecolotlan ainsi que dans les îles des
deux mers où ils se multiplieront par la suite.
Les Toltèques combattaient vêtus de longues tmiiqucs^ telle-
ment épaisses que les lances ne pouvaient les traverser. Leurs
armes principales étaient de longues lances, des javelots et des
massues garnies de fer. Ils avaient des casques en fer, en cuivre
et en or. Ceux qui combattaient avec des massues portaient aussi
des boucliers. Ils avaient des espèces de monnaies de cuivre,
larges de deux doigts, de 1 épaisseur d'un réal de huit. 11 n'y
a pas longtemps que les habitants de Tototepec, sur les rives de
la mer du Sud, en ont abandonné l'usage. Il s'y tenait de grandes
foires tous les vingt jours, mais seulement àTula, Tollantzinco,
Teotihuacan, Quauhuac, Tullican, Gholollan et dans cinq ou
six autres endroits ^ ailleurs il n'y avait que des marchés.
On voit dans les annales des Toltèques que, pendant les trois
ans un mois et dix-huit jours que dura cette guerre , il ftérit
trois millions deux cent mille personnes et deux millions
quatre cent mille du côté de leurs adversaires, en tout cinq
millions six cent mille; ce qui n'est pas étonnant puisqu'on
n'épargnait que les vieillards et les enfants, qui, abandonnés à
eux-mêmes, ne tardèrent pas à mourir de faim et de froid , de
sorte que le pays devint désert après avoir été si peuplé, qu'on
voyait des maisons jusqu'au sommet des plus hautes montagnes,
et qu'il n'y avait pas un morceau de terre inculte.
[Ixtlilxochitl^ p. I , relat. 5.)
DES GHIGHIMÈQUES. 21
vinces qui sont baignées par la mer du
Nord.
Quand Iztacquauhtzin eut régné les cin-
quante-deux ans, il fît prêter serment à
son fils Topiltzin. Quelques seigneurs qui l'ai-
maient vinrent assister à cette cérémonie :
parmi eux se trouvaient Tlacquauhtzin et
Maxtlatzin.
Dès que Topiltzin eut pris possession de
l'empire, il y eut de grands présages de sa
destruction future, et les Tolteques virent
l'accomplissement de plusieurs prophéties qui
leur avaient été transmises par leurs aïeux.
Elles annonçaient que lorsqu'un roi qui au-
rait les cheveux hérissés en manière de pana-
che, depuis le front jusqu^à la nuque, monte-
rait «ur le trône, la monarchie toltèque serait
détruite; qu'à cette époque les lapins porte-
raient des cornes comme des cerfs, et qu'un
oiseau, nommé huitzilin aurait des ergots
comme un dindon : ce qui ne manqua pas
d'arriver, car le roi Topiltzin avait les che-
32 HBTOII^E
veux comme je viens de le dire, et la pro-
phétie relative aux lapins et au huitzilin
s'accomplit aussi pendant son règne. L'on
vit encore d'autres prodiges qui effrayèrent
le roi. Il réunit les prêtres et les devins
pour les expliquer, et p^x-ci lui annoncèrent
sa destruction. L'histoire rapporte qu'il fit
venir alors ses intendants, leur confia se3
trésor^s les plus précieux qui existassent dans
ce temps-là, et leur ordonna de les emporter
dans la province de Quiahuitilan » tant il
craignait les rois qui s'étaient révoltés et les
prodiges qui avaient eu lieu.
Bientôt après commencèrent la stérilité et
la famine; les hommes moururent en grand
nombre ; les vers et les charançons {gorgojos)
dévorèrent les grains qu'ils avaient dans leurs
greniers, et ils éprouvèrent une foule d'autres
calamités. On eût dit qu'il pleuvait du feu, et
il y* eut pendant vingt-quatre ans une si
grande sécheresse , que les rivières et les
sources se tarirent. Les rois ses ennemis.
DES CHIGHIMÈQUES. 33
voyant qu'il était hors d'état de résister, s'a-
vaticèrent contre lui avec une puissante ar^
race, 6t , après lui avoir enlevé un grand
nombre de villes. presque sans coup férir, ils
s'emparèrent dd Tula, sa capitale. Topiltzin
s'enfuit avec la plus grande partie de ses su^
jets) mais l'ennemi le rejoignit après quelques
journées de marche et l 'attaqua < Le premier
qui fut tué dans le combat , fut le vieux roi
Iztacquauhtzin, ainsi que sa maîtresse Quet-
zalxochitzin qui avait presque le même âge que
lui, c'est-à-dire cent cinquante ans, selon les
historiens. Les rebelles attaquèrent ensuite,
dans la province d'Ixtapalapan, les deux rois
Iztacquauhtzin et Maxtlatzin, qui suivaient le
parti de Topiltzin. Ces princes périrent mal-
heureusement après une vigoureuse résis-
tance. Le roi Topiltzin disparut sans qu'on sût
jamais ce qu'il était devenu, et, de ses deux fils,
il n'y en eut qu'un seul , nommé Pochotl, qui
échappa. Il fut sauvé par sa nourrice , nom-
mée Tocheneil , qui l'éleva dans les déserts.
24 HISTOIRE
Le peu de Toltèques qui survécurent à ce
désastre se réfugièrent dans les montagnes les
plus escarpées , dans les forêts et dans les ma-
récages qui avoisinent le lac de Gulhuacan (i).
Ainsi finit l'empire des Toltèques qui avait
duré cinq cent soixante-douze ans. Les rois
vainqueurs retournèrent dans leurs états
après avoir perdu la plus grande partie de
leur armée dans les combats ou par la fa-
( I ) Sans compter ceux qui se réfugièrent dans des proyinces
éloignées, il ne restait plus dans le pays que i Bi s Toltèques de
tout âge et de tout sexe. Quand leurs ennemis se furent retirés*
ils se divisèrent en cinq bandes, dont quatre se dirigèrent vers
les quatre points cardinaux; la cinquième, qui se composait de
quatre cent et quelques personnes, resta dans le pays. Voici les
noms des nobles qui en faisaient partie : à Gulhuacan , Sutte-
molcan , sa femme Ozalaxochitl et son fils Nauhyotl , Ca-
tauhtlixcan avec sa femme llmil^uch et son fils Axoquauh. Ils
étaient tous deux de la race du grand Topiltzin. Naubyotl
devint plus tard roi des Culhuas, quand les Toltèques eurent
pris ce nom , après s'être établis à Gulhuacan. A Tlazalan, il ne
resta que Mitl , sa femme Gohuaxochitl et ses deux fils Pixahua
et Axopal , qui plus tard allèrent s'établir à Quechollan et in •
ventèrent de nouveau l'art de travailler l'or et les pierres pré-
cieuses, qui avail été oublié. A Tototepec il n'y avait plus que
Nacaxoch, sa femme et son fils Xiuhpopoca ; à Tepoxomaco ,
Gohuatl sa femme et un fils nommé Quetzalpopoca ; à Gho-
lolan, quelques prêtres avec la dame dont j'ai parlé plus haut,
le reste des Toltèques de la cinquième bande, s'éloignèrent
du lac et s'enfoncèrent dans les bois et dans les marais.
DES GHIGHIMÈQUES. 25
mine. Leurs états avaient aussi beaucoup
souffert, la sécheresse et la disette ayant été
universelles. Il parait que Dieu voulait châ-
tier toutes ces nations, car c'est à peine s'il
survécut quelques Indiens.
Les Toltèques étaient très-habiles dans les
arts mécaniques : ils construisirent une quan-
tité de grandes et belles villes, particulière-
ment Tollan, Teotihuacan (i), Chololan, Tol-
(i) On voit encore auprès de Teotihuacan les ruines des
temples du soleil et de la lune. L'éditeur de Vejrtia rap-
porte que D. Tomas Ramon del Moral , chargé par le gou-
vernement de composer une statistique de l'Etat de Mexico,
lui avait assuré qu'il avait découvert la tête de la statue
de la lune , qui était d'une dimension colossale, ainsi que le
piédestal d'un seul morceau sur lequel la statue était posée.
( Vejrtia^ t. I, p. 240. ) Il ne reste plus de cette ville fameuse
qu'un petit village nommé. S. Juan de Teotihuacan , à sept
lieues au nord-est de Mexico. Le temple du soleil (Tonatiuh
Itzaqual ) était rond et haut de quatre étages qui allaient tou-
jours en diminuant. On prétend qu'il y avait dans l'intérieur
un escalier pour monter jusqu'au sommet, mais on n'en dé-
couvre pas de vestiges. Au haut du temple était une statue du
dieu recouverte de lames d'or bruni qui réverbéraient les
rayons du soleil. On dit que cette statue existait encore lors
de l'arrivée des Espagnols , et que ce fut le premier évéque
Fr. Juan de Zumarraga qui la fit renverser. Les ruines du tem-
ple de la lune qui se nommait Miztli Iztaqual sont situées à
cinq cent cinquante vares plus au nord ; il était de forme
pyramidale. On voit encore autour les restes de petites buttes
26 HISTOIRE
lantzinco et beaucoup d'autres , comme on le
voit par les ruines considérables qui subsid*
tent encore. Leurs vêtements étaient de larges
tuniques semblables à celles que portent les Ja-»
ponais (i); ils étaient chaussés avec des sai^
dales, et portaient des espèces de chapeaux de
paille ou de feuilles de palmier. Ils étaient peu
guerriers, mais très-dévoués à la chose pu-
blique, et grands idolâtres. Leurs principaux
dieux étaient le soleil et la lune. Selon les
historiens que j'ai cités , ils venaient du
qui étaient dédiées aux étoiles, mais ou ignore combien il y en
avait. {P^eytia^ t. I, p. 229. Boiurini, Idea de un historia, etc.
p.42.)
C I ) H est à remarquer qu*à l'époque où écriyaitlxtlilxochitl ,1e
Japon était rempli de missionnaires espagnols qui pour s'y rea-
dre ou en reyenir passaient par Mexico et les Philippines ,
et qui souYent s'arrêtaient fort longtemps dans les monastères
de cette ville. Cette contrée devait donc être parfaitement con-
nue à Mexico» et notre auteur en parle en connaissance de cause.
Torquemada , qu'il cite souvent , a inséré dans son ouvrage
plusieurs relations du Japon. Le père Cavo [HUtoria de Mexi-
co ^ Mexico , i836 , 1. 1", p. 267) , rapporte qu'en 1610, le
vice-roi Velasco envoya une ambassade au Japon» et que quel-
ques années après ( p. 261) , le vice-roi du Japon Voxu-Idates-
Masamunus envoya en Espagne un ambassadeur qui passa par
Mexico.
DES CHIGHIMÈQUES. 27
côté du couchant, et avaient débarqué sur
les bords de la mer du Sud : leur destruc-
tion totale eut lieu en Tannée 959, ou Ce
Tecpatl.
CHAPITRE IV.
Arrivée du grand Chichiméque Xololl dans le pays des
Toltèques. — Établissements qu'il y fonda (i).
Les Toltèques étaient détruits depuis cinq
ans , quand le grand Chichiméque Xolotl ,
ayant appris par ceux qu'il avait envoyés à la
découverte que \e pays était entièrement
(i). Voici, d*aprè8 les peintures et les histoires, quels étaient
les ancêtres du grand Chichiméque Xolotl :
Tzcauhtzin, bisaïeul de Xolotl, régnait dans le nord sur lés
30 HISTOIRE
abandonné , arriva pour le coloniser ; ce fut
en Tannée Macuilli Tecpatl , ou 963. Il venait
d'une contrée que Ton nomme Chicomoztoc,
située vers le nord (i). Il pénétra à travers le
pays des Toltèques, et parvint jusqu'à Tollan,
leur capitale , où il ne trouva que des ruines
désertes. C'est pourquoi il ne voulut pas s'y
établir, mais continua sa route en envoyant
de tous côtés à la recherche de ceux qui avaient
échappé au désastre, et faisant chercher les
endroits les plus avantageux pour s'y établir.
Il arriva dans un endroit nommé Tenayucan
Oztopolco , où il y avait beaucoup de grottes
Ghichîmèques. Il monta sur le trône en l'année Matlactli
Orne Acatl, ou 439 de rincarnation , et régna 180 ans. Moce-
loquitzîn, son fils, lui succéda enMactlactli Ome Acatl , ou
669, et régna i56 ans; il mourut enMactlactli Tochtli , ou
S25. TUmacatzin gouverna i33 ans, et mourut Tannée même
de la destruction des Toltèques, laissant deux fils, Achcaubt-
zin et Xolotl. Comme les livres des naturels ont été brûlés , on
ne retpottteplns' la liste des roÎB'qui préeédÀrent Icauhtzib à l'ex-
ception du premier , Chichimecatl ; on sait seulement qu'ils se
nommèrent Mixcohuatl , Huii^ilopochtli , Rùemac , Nàtffayotl ,
Quauhtexpetla , Nohuaica , Huetzin , Quauhtonal , Mazatzin ,
QuctzaI, ete. ; mais on ignore à quelle époque et dans quel
ordre ils ont régné.
( I ) Dans la première relation de la seconde partie, Ixtlil^ochitl
DES CHiCHIMÈQUES. 31
et de Cavernes qui étaient les principales de-
meures de cette nation. Le climat de cet en-
droit, exposé au levant, était agréable; Tair
salubre et les eaux bonnes. Il est situé sur
les bords occidentaux du lac que Ton nomme
aujourd'hui de Mexico. Après avoir consulté
le« principaux chefs de son armée, tous ces
avantages réunis le déterminèrent à y fonder
sa capitale, et à y fixer sa résidence. Il prit
tranquillement possession de tout le pays qui
avait formé l'empire des Toltèques , tant par
lui-même que par ses chefs , doiit les six prin--
cipaux se nommaient Acatomatl, Quahuauh-
tlapal, Coscaquauh, Mitlictac, Tecpan et Iz-
taequauh (i). Il le peupla avec son armée, qui.
dit positivemeiit : « Les Toltèques, les Aeulbuas, les Mexicaiat
» et toutes les autres nations de ce pays prétendent être de la
» race chichimèque, ainsi nommée de son roi Chichimecatl qui
* l'amena dans le Nouveau-Monde, et qui, d'après ce qu'on ra-
» conte {segun se colige) , était sorti de la grande Tartarie; il
• donna son nom à ses descendants, et cette routume a été con-
» servée, de sorte que presque toujours les provinces et les vilhes
» portent le nom de celui qui les a le premier colonisées. »
(i) Torquemada nomme ces chefs Tecuatzin , Tzontehuayel,
Cacatitechcochi, Huihuatzin, Tepozotecua et Itzcuincua.
32 HISTOIRE
selon les historiens , était la plus nombreuse
qu'aucun prince eut jamais avant ou après
lui dans tout le Nouveau-Monde, car il parait
qu'elle se montait à plus d'un million d'hom-
mes, sans compter les femmes et les en-
fants (i). Les pays qui furent peuplés lors
de la première colonisation , sont ceu» con-
tenus dans le cercle formé par les montagnes
de Xocotitlan , Ghiuhnauhtecatl , Malinalo-
can, Itzcan, Atlixcahuacan, Temalacutitlan ,
Poyauhtlan , Xiuhtecutitlan , Zacatlan, Tena-
mitec, Quauhchinanco , Tototepec, Meztitlan,
Quauhquetzalocan , Atotonilco et Quahuacan ,
c'est-à-dire dans une circonférence de plus
de deux cents lieues. On laissa vivre le peu
de Toltèques qui avaient échappé à la des-
truction. Ils s'étaient réfugiés avec leurs fa-
(i) Près de Tenayucan, ancienne capitale des Ghichimèques,
on Toit douze monticules formés de petites pierres ; chacun
d'eux en a^ait apporté une quand Xolotl fit faire leur dé-
nombrement. Ce qui prouve bien que leur nombre était in-
croyable, cet endroit se nomme encore aujourd'hui Nepo-
hualco, c'est-à-dire lieu du dénombrement.
DES GHIGHIMÈQURS. 33
milles à Chapultepec^ Gulhuacan^ Tlaltzalan-
tepexoxoma, Totolapan, Quauhquechollan ^
et sur la côte de la mer du Nord à Tozapan ,
Tochpan, Izienhcaoc, Xicotepec et Chololan.
Il y en eut même quelques-uns qui allèrent
s'établir dans le pays de Nicaragua et dans
d'autres plus éloignés , où la sécheresse et les
autres calamités dont j'ai parlé ne s'étaient
pas étendues ( i ) .
Xolotl avait pour femme la reine To-
myauh(2), qui lui donna un fils nommé No-
paltzin^qui était déjà un jeune homme quand
il entra dans ce pays, et fut un des principaux
chefs de son armée. Xolotl eut aussi deux filles
qui naquirent à Tenayucan , où il tenait sa
cour : l'une se nommait Cuetlaxochitzin , et
l'autre Cihualxochitzin. Ce prince descendait
(i) Torquemada , lib. 1 , cap. XIV, dit qu'ils allèrent s'é-
tablir au Guatemala et sur la côte de Tepilhan de Gampèche.
VcQrez le chapitre premier de l'histoire du Nicaragua d'Oviedo
publiée dans cette collection.
(2) Vejrtia^ lib. I , cap. I , ajoute que l'épouse de Xolotl ,
Tomyauhy possédait de son chef les provinces de Tampico , et
Tomyauh aujourd'hui Tamiahua.
12. 3
34 HISTOIRE
des anciens rois Theochichimèicjues, dontrèm-
pire était situé au septentrion , c'est-à-dire à
Necnametl^ àNaeuiz et dans beaucoup d'autres
payb^ ainsi qu'on le voit dans l'histoire deè
rois chichimèques , et comme cela est explique
dans le chant composé par le^ princes mexi-
cains Xi uhcôscat^in et Itzcôatzin^ intitulé :
Chant de rhistoire des rois bhichimèqUes .
Cette nation porta , dès son origine, le nom de
Chichimèques, qui, dans cette langue, signi-
fie les aigles (i). Tel est le sens qu'il faut lui
donner, et non celui du mot mexicain. On ne
doit pas admettre non plus l'iilterprétatiori
barbare que l'on a voulu lui donner, d'après
les caractères et les peintures. Ce tiôm désigne
lion pas les suceurs , mais les enfants que les
( I ) Quelques auteurs ont prétendu que le nom de chichimè-
que vient de celui de Chicbimecatl leur premier roi, et que
celui-ci vient de chichen qui signifie sévère. D'autres le font
venir de la ville de Chichen, mais ils ne disent pas où se trouve
cette ville dont l'existence m'est inconnue. ^9^/m, 1. 1, cap. XII,
prétend que cela signifie fils de Chichen , parce que leur pre-
mier chef se nommait Chichen , mais j'i^ore où il a pris ce
renseignement. La fin de cet alinéa est fort obsciire.
DES CHIGHIfllÈQUES. 35
Chiehiméques eurent avec les femmes tolté^
ques. Les historiens ont profité de la syllabe
labiak pour le faire venir de tepilhuan.
n y avait environ vingt ans que Xolotl était
établi dans le pays, quand on vit arriver plu-
sieurs chefs de sa nation qui amenaient à leur
suite une grande quantité de monde. Ils se
nommaient Xicbtecua, Xiyotzoncua, Xaca-
tlitechcoehi , Huihuatzin , Tepotzoteuea et Itzr-
cuintecua; il les reçut, et leur ordonna de
s'établir dans la province de Tepetlaoztoc.
Les Toltèques qui avaient échappé à la des-
truction commençaient à se rétablir de leurs
désastres : ils avaient pour chef Nauhyotzin ,
qui résidait à Gulhuacan , et devint plus tard
le beau-frère du prince Pochotl. Xolotl leur
fit demander de lui payer un tribut, et de le
reconnaître pour suprême, seigneur de tout le
pays d'Anahuac. Nauhyotzin, au nom de toute
sà nation , répdtldit qu'ils tenaient ce pays de
leurs aieûx auxquels il âpparteiiait , et qu'ils
n'avaient jamais oBéitii paye de tribut à
36 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
aucun seigneur étranger; que, quoiqu'ils fus-^
sent peu nombreux et presque détruits, ils
voulaient garder leur liberté, et ne reconnaî-
tre d'autre maître que le soleil et leurs autres
dieux. Xolotl, voyant qu'ils ne voulaient pas
se soumettre de bonne grâce, envoya contre
eux le prince Nopaltzin, son fils, à la tête
d'une armée; mais il n'avait pas besoin de
beaucoup de troupes quoique ses adversaires
eussent réuni le plus de monde possible , car
ils étaient bien moins habiles que les Chichi-
mèques dans l'art de la guerre. La bataille se
donna dans le lac et les marais de Gulhuacan ,
et quoique les Gulhuas eussent l'avantage du
terrain, parce qu'ils combattaient dans de
petits canots, ils furent bientôt vaincus et mis
en fuite par le prince Nopaltzin , qui établit
Achitomemetl sur le trône des Gulhuas, nom
que l'on donnait alors aux Toltèques, à condi-
tion de payer annuellement un tribut à son
père, le grand Ghichimèque Xolotl. Geci arri-
va en l'an Mactlatli Orne Galli , ou 984.
CHAPITRE V.
Arrirëe des Aculhuas , des Tecpanèques et d'Otomites. -*
Xolotl les reçoit bien , et leur donne des domaines et des
terres. — 11 marie leurs chefs avec ses deux filles. — Enfants
qu'ils eurent. *— Mariage du prince Nopaltzin et de ses en-
fants.
Quarante-sept ans après que Xolotl se fiit
établi dans le pays d'Anahuac, et cinquante-
deux ans après la destruction des Toltèques ,
c'est-à-dire en 1 01 1 , on vit arriver la nation
des Aculhuas , qui venait de la partie la plus
éloignée de la province du Michoacan. Ils
38 HISTOIRE
étaient de la même origine que tes Ghiehimé-
ques, et divisés en trois troupes, dont cha-
cune parlait une langue différente et avait
un chef particulier (i).
Les Tecpanèques avaient pour chef Aculhua,
c'était le plus puissant, Chieonquauhtli , le se-
cond, commandait aux Otomites qui venaient
du pays le plus éloigné et parlaient la langue
la plus différente des autres. Il parait d'après
leurs historiens qu'ils étaient partis de l'autre
côté de cette mer Méditerranée que l'on ap-
pelle mer vermeille, vers la Californie. Le troi-
sième, Tzontecomatl, commandait aux vérîta-
(j) /ir//<7j:'oc^<7/, i^* relation des Ciiichimèques. -
Les Âculhuas portaient des tuniques en cuir très-bien tanné ;
elles étaient ouvertes par derant et attachées avec des aiguil-
lettes, f^es vêtements de leurs femmes étaient de la même ma-
tièri|e. Ils apportèrent avec eux une idole nommée Gocopitl.
- Dans les auteurs qui ont écrit sur l'ancienne histoire du
Mexique , il n'est question que vaguemenl: de ce dieu Goco-
pitl , qui signifie fils des serpents , de cocome, pluriel de coati ,
sei^n^, et de piil, fils. Le nom de cocome était donné aux
disciples de Quetzalcoatl , que l'on nommait aussi Gocolcan
surtout dans les provinces de Chiapa et de Yucathan : il est
donc présupaable que ce Gocopitl fut quelque discii^le de
Quetzalcoatl , qui enseigna sa doctrine aux Aculhuas, et fut
divinisé -âj^rèi sa ihort.
DES GHIGHIMÈQUËS. 39
bles Aculhuas. Ces trois cheft se présentèrent
à Xolotl, le priant de les admettre dans son
empire, et de leur donner des terres pour s'y
établir. Celui^i , connaissant leur haute no-
blesse, se réjouit beaucoup de leur arrivée ,
les reçut três-»-bieii et leur donna des terres
pour s'y fixer avec leurs vassaux. Il maria ses
deux filles avec deux d'entre eux, et leur
céda des villages et des seigneuries. Âculhua
épousa la princesse Cuetlaxochitzin et reçut
eh dot la ville d'Atzcaputzalco qui devint là
capitale de ses états. Chiconquauhtii épousa
Cihuaxochitl et reçût Xaltbcan qui fut long-
temps la capitale de la nation Otomite. Xolotl
donna à Tzontecpmatl la ville de Coati ichan et
Jui fit épouser Quatetzin (i), fille de Chalchiuh-
làtohac, seigneur de la nation toltèque et un
dés priricipàux chefs de la province de Chalco.
Aculhu^, premier seigneur d'Atzcaputzalco
et de la nation tecpanèque, eut trois fils de la
princesse Cuetlaxochitzin. L'aîné, qui se nom-
(i) Torquemada , tom. ], pag. 26, la nomme Coatetl.
40 HISTOIRE
mait Tezozomoc^ succéda à son père;Tlepcoat-
zin, le second, fut le premier seigneur de
Tlatelolco; et Acamapichtli, le dernier, régna
sur les Tenuchcas qui sont les mêmes que
les Mexicains et furent les derniers qui vin-
rent s'établir dans le pays et le coloniser. Chi-
conquauhtli, seigneur de Xaltocanet de la na-
tion Otomite , eut trois enfants ; sa fille aînée ,
nommée Izipacxochitzin , épousa Chalchiatlo-
motzin, premier seigneur de Chalco At^nco.
Son fils , Macuilcoatl Ochopantecuhtli , fut le
premier seigneur de la province de Mezti-
tlan ; l'autre, Tzontecomatltecuhtli, eut un fils
nommé Tlacotzin qui épousa la fille de Cozca-
quauh , un des premiers seigneurs et fonda-
teurs de la province de Chalco. Le prince No-
paltzin épousa à la même époque Azcaxochitzin,
fille légitime du prince Pochotl et petite-fille
de Topiltzin , dernier roi des Toltèques. Cette
union établit une paix solide et perpétuelle
entre les deux nations qui commencèrent à
s'unir par des mariages. Azcaxochitzin eut
DES GHIGHIMÈQUES. 41
trois flls nommés Tlotzinpochotl, Huizaquen-
tochintecuhtli et Coxanatzin Atencall. Il avait
eu auparavant un fils naturel nommé Tenan-
cacaltzin.
CHAPITRE VI.
Des proWùces et des ëtablissemeDtsque Xolotl dokHia à d^aùtres
seigneurs.
Jusqu'à Tarrivéè des Aeulhûââ , àùcutl dès
chefs qu'avait amènes Xolotl n'avait reçu dfe
domaines partieuliers parte qu'île étaietit ôte-
cupés à coloniser tantôt une province , tantôt
utie autre. Mais quand ce pritidè eût fait d'aussi
grandes coneèssions aux Âculhuas qui étaikit
44 HISTOIRE
étrangers , il sentit qu'il était temps de les ré-
compenser. Il résolut donc de leur distribuer
des terres selon leur dignité et leur importance,
ce qu'il fit dans la même année. Il ordonna
qu'Acatomatl, Quauhatlapal, Coscaquauh, qui
l'avaient accompagné , et Ghalchiuhtlatonal ,
noble toltèque, se partageassent la pro-
vince de Ghalco , qui produit abondamment
toutes les choses nécessaires à la vie. Netzliztac
reçut celle de Tepeyacac. Xolotl donna
la province de Macahuacan aux deux der-
niers , Tecpatl et Quauhtliztac ; il confia aux
deux fils cadets de Nopaltzin, Huixaquen et
Goxanatzin, les provinces de Zacatlan et Tena-
mitec. Ils devinrent par là maîtres de tous
les pays situés en dehors de la circonférence
des montagnes dont j'ai parlé plus haut, ce
qui comprend tout le territoire situé entre la
Guastèqueetla Mistèque^ domaine digne de leur
rang , car il contient de vastes et riches pro-
vinces. Il les afiranchit de tout vasselage et
tribut envers l'empire, à l'exception de l'hom-
DES CHIGHIMÈQUES. 45
mage-lige , de Tobligation de venir à la cour
quand ils y seraient mandes , et d'amener
leurs soldats au secours de l'empire en cas
de guerre. Tous les autres seigneurs , dont
j'ai parlé plus haut , étaient soumis à des
redevances et à des tributs. Il accorda aussi
les mêmes exemptions à ses filles et à ses
gendres.
Dans la même année il fit entourer d'une
enceinte une grande forêt dans les montagnes
de Tezcuco où l'on traqua une quantité de
cerfs, de lapins et de lièvres. Il fit ensuite éle-
ver un Cou (i) ou temple où il offrait au soleil
les prémices du gibier que lui , son fils No-
paltzin ou son petit -fils Pochotl prenaient
chaque matin. Les Chichimèques appelaient le
soleil leur père, et la terre, leur mère. Ils ne
reconnaissaient aucun autre dieu ; ils tiraient
(i) Ce furent les Espagnols qui importèrent des Antilles au
Mexique le mot eu ou cou pour désigner les temples ; les Mexi-
cains les nommaient Teocalli (Davilla Padilla, Historia de la
provincia de Santiago de Mexico. Brusselas» 1826, f>, lib. 1,
eap. XXIV).
46 HISTOlItE
aussi de cette forêt le gibiét* dont ils avaient
besoin pour leur nourriture ou leur vêtement.
Xj€S provinces de Tepepolco, Zèftipdalkii ,
Tollantzinco et Tolqûachioean étaient chargées
de son entretieti.
Xolotl abandonna au prince Tlotzin, son
petit-fils, le^ ti^ibuts que devaient payer à l'em-
pire les provinces de Ghalco, Tlalnahuacaz-
tlahuic, et toutes celles qui sont sur le fldnc
du volcan et des montagnes neigeuses jusqu'à
l'fendroit où finissent celles de Tezcuco, c'est-à-
dire depuis les vallées que l'on nomme au-
jourd'hui delà Compania, au nord, jusqu'à là
province de la M istèque vers le sud, ainsi que
les plaines et les lacs. Tlotzin établit sa rési-
dence dans un endroit nommé Tlatzanlatla-
lanoztôc. Il épousa Pachxochitzin , fille de
Quauhàutlapal , un des principaux seigneurs
de la province de Chalco. Il en eut d'abord
deux filles , Quinantzintlal et Tecatzin , et en-
suite quatre fils nommés Nopaitzin , Quetia-
I . ■' ', * I
chihui, Tochintecuhtli qui fut le premier sei-
DES CHIGHIMÈQUES. 47
gneur de la province et de la ville de Huexot-
zingo^ et enfin Xiuchquetzallitecuhtli , pre-
mier seigneur de la ville et province de
Tlaxcalla (i).
(i) L'histoire de Tlaxcalla a été écrite en langue espagnole
par D. Antonio Munon Camargo , métis de cette ville, qui vivait
vers i585, et en langue nahuatl par D. Juan Ventura Zapata y
Mendoza, cacique de Tlaxcalla, de la famille de Quiahuiztlan.
C(Mnme je possède le premier de ces deux ouvrages et que je
compte le publier incessamment, je n'entrerai ici dans aucun
détail sur cette célèbre république.
CHAPITRE Vil
Fin du régne de Xototl. — Sa mort.
Tlacoxin, fils de Tzontecomatl, chef de Coatli-
chan et des Âculhuas^ épousa M alinalxochitzin,
fille ainée du prince Tlotzinpochotl. Il en eut
deux fils, Huetzin et Ghichimecallihuatzin.
Voyant que, depuis qu'il était allié à la maison
impériale, ses charges étaient très -fortes,
12. 4
50 HISTOIRE
quoique son domaine fût de peu d'importance,
il résolut d'aller trouver le grand Chichimèque
Xolotl , et de lui demander quelques faveurs
pour son arrière-petit-fils Huetzin. Il lui pré-
senta sa demande dans une maison de plai-
sance que ce prince avait au bord du lac.
Xolotl le combla de grâces et donna à Huetzin,
qui éta:it encore enfant , la province de Tepet-
laoztoc. Elle avait été colonisée par les six chefs
qui étaient venus les derniers , et payait de-
puis quatre-vingt-un ans à l'empereur un tri-
but qui faisait partie de son apanage. Ce fut
ainsi qu'il augmenta ses domaines. Le tribut
que payaient ces Chichimèques consistait en la-
pins, lièvres, cerfs , peaux d'animaux et man-
teaux de nequen (i). Le prince Nopaltzin, qui
se trouvait alors avec son père, ordonna à son
arrière-petit-fils Huetzin d'épouser Âtototzin,
fille ainée d' Achitometzin , premier roi et sei-
(i) Le nequen est une étofle fabriquée ayec Vixtli, ou fil
du maguey. ( F'ojrez Veytia , lib. 11 , chap. 47 , et le chap. î5
de oèt miTrage. )
DES CHIGHIMÈQUËS. 51
gneur des Âcuihuas ^ et à la plus jeune ^ nom-
mée Ylaneueîtt, de s'unir à son neveu Aoama-
pixtli , fils d'Aculhua , premier seigneur d'A-
tzcaputzalco et roi des Tecpanèques : oes deux
princesses étaient nièces de sa femme Azcalxo-
chitl • Les deux mariages furent célébrés comme
il l'avait désiré en l'an 1050 ou Ce Acatl.
Les habitants de Tepetlaoztoc se trouvaient
opprimés par le gouvernement du jeune Hue^
tain. Ils lui payaient les tributs qui étaient
dus j mais ils trouvaient cette charge bien pe-
sante. Le plus mécontent était Yacanex , leur
principal chef. Il se hasarda enfin à faire deux
choses bien hardies.Quand il apprit le mariage
projeté entre Huetzin son maîtrp et la princesse
Atototzin , il s'y opposa violemment et la de-
manda pour lui en menaçant si fort le roi , père
de la princesse, qu'il en fut très-efFray é , ainsi
que toute sa cour. Il fit répondre qu'il ne pou-
vait manquer à la parole qu'il avait donnée
à Nopaltzin. Cependant Xolotl amusa Yaca-
nex par des négociations , et finit par envoyer
52 HISTOIRE
sa flile rejoindre son époux Huetzin, craignant
que le rebelle ne la lui enlevât par force, car
il avait déjà réuni des armes et des soldats.
Yacanex mit le comble à son audace en re-
fusant toute obéissance à son souverain Huet-
zin, et souleva tous les Chichiraèques de la pro-
vince de Tepetlaoztoc; de sorte que Xolotl, en
l'an 1062 ou Matlactli Oraey Acatl, voulant
mettre un terme à tous les désordres et éviter
une guerre civile, fit appeler Tochintecuhtli ,
fils de Quetzalmacatl, seigneur de Quauhacan,
homme brave et expert dans l'art de la guerre,
ainsi qu'un grand nombre de familles chichi-
méques. Il commença par lui promettre de
grandes récompenses s'il se tirait habilement
de la mission dont il voulait le charger, lui
ordonna de se rendre à Xaltocan et d'y épou-
ser Tomyauh, son arrière -petite -fille par
Opantecuhtli , qui venait d'hériter de la sei-
gneurie de Xaltocan et de la couronne des
Otomites, et de marcher ensuite à Huexotla
pour venir avec son armée au secours d'Huet-
DES CHIGHIMÈQUES. 53
zin. Xolotl ajouta que dés ce moment il le fai-^
sait seigneur de tous ces pavs^ ainsi que de
Teotihuacanetautreslieux.il lui recommanda
d'épargner le sang des sujets^ de prendre et
de tuer Yacanex avec ses complices ^ et, s'il
ne pouvait y réussir, il devait secourir Huet-
zin avec son armée et détruire les rebelles
par la force. Tochintecuhtli exécuta tout ce
qui lui était ordonné. Il arriva à Huexotla
l'année suivante 1064 ou Ce Tecpatl.
Le prince Quinantzin transporta sa cour et
sa résidence à Oztocticpac , dans la province
de Tezcuco, et commença à construire cette
ville. Son père habita Tlazalan, tant parce que
la position lui parut plus avantageuse que
pour venir au secours de son neveu Huetzin.
Deux ans auparavant, ce prince avait fait éle-
ver trois grandes murailles , l'une depuis le
bas de la ville d'Huexotla jusqu'au lac, la se-
conde autour de la ville de Tezcuco, qu'il avait
commencé à fonder : elles étaient destinées
toutes deux à protéger les plantations de mais
54 HISTOIRE
et d'autres ^ains qui servaient de ilourriture
aux Aculhuas et aux ToltèqUes. La troisiéiney
auprès delà ville de Tepetlàoztoc, formait un
parc pour les cerfs, 1^ lièvres et les lapins.
Il chargea de la garde de ces mui^illes deux
chefe aculhuas , qui se nommaient Acotoch -et
Coacueh. Quoique la garde de la dernière en-
ceinte fut de nature à leur plaire , et que les
deux autres fussent destinées à protéger l'a-
griculture, qui n'était pas encore bien répan-
(kre chez les Aculhuas , ils regardèrent cette
commission comme une charge si pesante ,
qu'ils se liguèrent avec le rebelle Yàcanex et
d'autres bandits, ce qui força Quinantzin et son
neveu Huetzin à réunir leurs troupes à celles
de Todiintecuhtli , premier seigneur de Hue-
xotla, pour attaquer l'ennemi en deux ett*-
K^oits différents. Huetzin marcha vers l'cn-
droitoù est bâtie aujourd'hui lavillede Chiauh-
tla, où Ifô rebelles s'étaient fortifiés. Le primée
leur livra une sanglante bataille dans laquelle
il périt beatiieoup de monde des <ieux cotés;
I^a GfllÇHIHÈQUES. 55
ks rei>^lle$ furent coipplëtement défaits. Leur
çhçf Yao^^ej^ se réfugia sans tarder dans les
montagnes situées du côté de Panuco, où il
i>her<^4À $e f(Hi;ifier. Quinantziq culbuta aussi
le$ forces iies bandits Cfui lui étaient opposées;
mais Acotocby qui les commandait , trouva
le nioyen de lui échapper et diercha à se ré-
fugier auprès de Ya^anex. Dès lors le pays
fut entièrement pacifié, et jusque dans les pro-
vinces les phis éloignées on ne s'occupa plus
qu'à lecoïoniser et à le cultiver. Dans la même
année, Aculhua, chef d'At^capiit^alco, fit aussi
la guerre àCozcaque, un des Chichimèques re-
belles, qui avait soulevé la province deTepo-
zotlan , qui appartenait à Aculhua. Cozcaque ,
battu et mis en déroute , se retira auprès de ses
complices. Ces combats, les premiers que li-
vrèrent les Chichimèques, eurent lieu cent
quarante ans après la destruction des Toltè-
ques, c'est-à-dire en l'an 1075, nommé Mac-
tlactli Ome Tecpatl.
Le grand empereur des Chichimèques Xo-
56 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
loti mourut dans la ville de Tenayucan , la
cent douzième année de son règne et cent
dix-sept ans après la destruction des Toltè-
ques^ à l'époque la plus prospère du Nouveau-
Monde. On lui fit des funérailles magnifiques^
et son corps fut enterré dans une des caver-
nes de sa résidence , en présence de presque
tous les princes et seigneurs de son empire (i) .
(0 M. Waldeck possède deux précieux manuscrits sur pa-
pier d*aloès , où sont représentés les principaux événements
du règne de Xolotl. Au commencement, on le Toit assis sur son
trône , environné de sa femme et de ses filles , au moment où
les trois princes aculhuas viennent lui demander des terres;
on y trouve leur mariage , leur descendance, ainsi que la vic-
toire de Nopal tzin surNanhyotl.
CHAPITRE VIII
Le prince Nopaltzin succède à Tempire. — Histoire de son
règne.
Aussitôt que Ton eut rendu les derniers
honneurs à Xolotl , les princes et les nobles
prêtèrent serment à Nopaltzin, son héritier lé-
gitime, en qualité de seigneur suprême et
universel. Il gouverna si bien que, pendant
trente-deux ans que dura son règne , aucun
58 HISTOIRE
seigneur n'osa remuer; il les contint dans To-
béissance; et l'empire, qui comprenait les pro-
vinces des Chichimèques, la Mistèque et le
Michoacan, jouit de la plus grande prospérité.
A la même époque, Cal zotzamotzin hérita de
la couronna des Aculhuas et fut confirmé par
Nopal tzin. C'est le troisième roi de cette na-
tion.
Outre les lois qu'il tenait de ses aïeux, No-
paltzin proclama les suivantes. Il défendit
sous peine de mort de mettre le feu aux prai-
ries et aux forêts sans sa permission , hormis
dans les cas de nécessité . Personne ne devait
toucher au gibier pris dans des filets tendus
par un autre, ou aller à la chasse sans per-
mission, sous peine de voir confisquer son arc
et «ses flèches^ H était défendu de s'emparer
du gibier blessé |Ma.r un autre, quand inéni^
etx le trtMiverait dans les chainpis. Jm petnie de
mortétaîl; awsi ^neoiirue par ceax q^»ii idé-
l^qg'CraieatJes bornes qui diyîi^iant les chtôr
sefs ^pparteii^nt à différents piirticwliers. M^
DES GHIGfllMÈQUES. 59
adultà^es des deux sexes dévaît^Qt être mis à
mort à coups de flèches* Il promulgua e&core
plusieuris autres lois nécessaires à cette (^)oque
pour le bon gouvernement de l'empire»
Son petit-fils, le prince QuinantrinTlatecal-
tzin, qui avait établi sa résidence dans la viHede
Tezcuco , épousa Quauhtzthuadti , fille die To-
chintecuhtli , premier seigneur de Huexotla.
Il en eut cinq enâints nommésChicommcatzin,
Memeloctzin/Matsicolti^n, TochpiM et Te-
chodalazin, qui hérita die l'empire par les rai-
sons que je din^i plus bas. Huetzin, qui avait
épousé la princesse Atototzin, en eut sept
lenfants : Acolmiztli , qui lui succéda, et
<]ox(K;hit^in , Coazanac, Quecholtecpanizin-
Quauhtladatli, Tlatonal-Tletliopeuhqui > Me*^
moxoltzin - Itzitlolinqui et Chiicomacatzin*
Matzicolque ; celui-ci et Aca I<tacai»ex allèrent
ii Hu^KotziticO) et Memexoltzin à l^laKcaUan.
Tochiïïtecuhtli , premier seigneur de Hiie^
xotla, «ut dte Tomyauiitzin cinq ^enfimts : Mat-
zicoltzin, Qâauhcihuatsân , qui fut raine de
60 HISTOIRE
Tezcuco; Quiauhtzin; Nenetzin, qui épousa
Acoiuiztli^ seigneur de Coatlichan ; etYaotl.
Le second fils d'AcuIhua, nommé Tlepcoat-
zin, épousa Ghiehimecazoatzin^ sœur de Huet-
zin, seigneur de Coatlichan; il en eut deux
enfants : Quauhquauhpizahuac , second sei-
gneur de Tlatelolco, et une fille qui épousa
Ghalchiuchtlatonac ^ son cousin^ qui devint le
premier seigneur de Cuyoacan,
Acamapichtli , dernier fils d'Aculhua, eut
trois enfants de sa femme Ilancuéitl : Huitzi-
lihuitzin , second seigneur des Tenuchcas et
roi des Culhuas; Ghalchiuhtlatonac , le pre-
mier seigneur deCuyoacan, comme je l'ai dit
plus haut; et Xiuhtlatonac^ qui fut tué par
Huepantecatl. Tous les princes dont je viens
de parler naquirent sous le règne de Nopalt-
zin. J'ai fait mention de leurs généalogies,
parce que la plus illustre noblesse delà Nou-
velle-Espagne descend de ces princes.
A la fin de son règne, Nopaltzin passait
presque tout son temps dans la forêt de Tez-
DES CHIGMIMÈQUES. 61
cuco, à laquelle on avait déjà donné le nom de
Xolotepan ou temple de Xolotl; il s'occupait
à donner des instructions et des conseils à
son fils Huetzin sur la manière de gouverner
l'empire, qui était très-florissant, et auquel
étaient soumis une quantité de rois et de sei-
gneurs très-puissants. Il lui rappelait sou-
vent la haute valeur de ses ancêtres et de son
aïeul Xolotl , dont il ne parlait qu'avec re-
gret et les larmes aux yeux.
Nopaltzin mourut dans la ville de Tenayu-
can, en l'an 1 1 07, nommé Macuitli Acatl , et
fut enseveli à côté de son père. Sa perte excita
une grande douleur dans tout l'empire; pres-
que tous les seigneurs assistèrent à ses ob-
m
sèques.
V
CHAPITRE IX.
Règne de Huetzin.
Aussitôt qu'Huetzin fut monté sur le trône
et qu'on lui eut prêté serment, il s'occupa
promptement de la culture. Gomme du temps
de son aïeul Xolotl il avait presque toujours
habité la province de Chalco, et qu'il avait tou-
jours eu beaucoup de rapports avec les Chai-
64 HISTOIRE
cas et les Tenucheas, parce que sa mère était
leur reine légitime, il sentit combien le maïs
et les autres grains et légumes étaient néces-
saires pour soutenir la vie humaine. Il avait
surtout appris de Tecpoyo Achcauhtli, son
ancien précepteur, qui avait son habitation
et sa famille sur le rocher de Xicco, la manière
de cultiver la terre. Comme il était devenu
trèvS-habile dans cet art, il ordonna partout
de s'y adonner : cela parut très-avantageux
à la plupart des Chichimèques , qui obéirent
volontiers; mais un certain nombre, vou-
lant conserver les mœurs de leurs aïeux, se
retirèrent dans les montagnes de Meztitlan, de
Tototepec, et dans d'autres parties éloignées,
sans cependant oser se révolter comme l'a-
vaient fait Yacanex et ses alliés. Ce fut à cette
époque que l'on commença partout à cultiver
la terre, à planter du mais, des grains, des
légumes et du coton dans les terres chaudes
pour servir à l'habillement.
Voici quelles étaient les cérémonies en usage
DES CHIGHIMÈQUËS. 65
au couronnement de l'empereur des Chichi-
méques , et lorsqu'on lui prêtait serment. On
le couronnait avec une herbe nommée pach-
xochitl qui croît dans les montagnes; on lui
mettait sur la tête des panaches de plumes
d'aigle royal montées dans des tuyaux d'or
ornés de pierreries que l'on nommait eocoya-
hualotl^ et d*autres panaches de plumes vertes
nommés tecpilotl, que l'on attachait avec des
courroies de cuir de cerf teintes en rouge.
Quand cette cérémonie avait été faite par les
anciens de la nation^ on allait dans une espèce
de parc où l'on avait réuni des bêtes féroces
de toute espèce avec lesquelles on combattait^
et l'on faisait mille prouesses. Après les avoir
tuées et dépecées, couru, sauté, tiré des flè-
ches les uns contre les autres, on se réunis-
sait dans les palais , qui étaient de grandes ca-
vernes; l'on y servait un festin composé de
toute espèce de gibier boucané sur des grils
(barbacoas), et non séché au soleil comme
quelques-uns l'ont cru, car les Chichimèques
12. 5
66 HISTOIRE
ont toujours couni^ l'usage du feu. Ils avaient
même la coutume, quand ils prenaient pos-
session d!un pays, d'en allumer sur les plus
hautes mot^tagnes. On voit dans les histoires
(jue Xplôtl en agit ainsi quand il conquît l'A*-
nahuâé. Ëti temps de guerre, ils faisaient des
signaux sur les hauteurs avec de la fumée.
Chaque famille vivait ensemble, et ceux qui
n'avaient pas de cavernes qui forinaient leurs
principales habitations , construisaient des
huttes en paillé. Le gibier était partagé entre
toute la famille de celui qui l'avait tué, mais
ta peau était la propriété exclusive du chas-
seur, ils en composaient leurs costumes^ sa-
vaient très-rbîen les tanner et les préparer.
Dans la saison froide, ils portaient le poil en
dedans; et pendant le temps des chaleurs, qui
esb le même que eèliii des pluies , ils le met-
taient^n dehors. Les rois et les seigneurs
portaient sous les peaux des étoffes de ne-
quen très -fines ou de coton lorsqu'ils en
avaient. Ils ne pouvaient prendre qu'une seule
DES CmCHmÈQUES. 67
femipe;^ qi^i ne devait pas être leur parente
même à un degré éloigné; cependant, plus
tard, ils épousèrent leurs cousines germaines
et leurs tantes , edutume qu'ils prirent des
Toltèques. La nation chichimèque fut la plus
belliqueuse ' de tout le Nouveau -Monde ;
c'est pourquoi elle subjugua toutes les au-
tres.
Après un règne de trente-six ans, Huetzin-
Pochotl mourut en 1 1 41 , ou Ce Tochtli , et fut
enseveli auprès de son père et de son aïeul.
Lesprinces et les seigneurs assistèrent à ses fu-
nérailles, qui se célébraient de la manière sui-
vante. Aussitôt après la mort, on accroupissait
le cadavre et on l'attachait avec les vêtements
et les insignes royaux; on le plaçait sur le
trône, et l'on faisait entrer ses enfants et ses
parents , qui lui adressaient la parole avec des
larmes et des gémissements. Ils s'asseyaient
autour de lui jusqu'au moment de le porter à
la caverne où il devait être enterré. On y avait
creusé un trou circulaire de plus d'une toise
68 HISTOIRE DES CHICHIMÈQUES.
de profondeur, dans lequel on le descendait et
on le recouvrait de terre.
Huetzin fut le dernier qui tint sa cour à Te-
nayucan; son fils Quinantzin ne voulut pas
y résider, parce qu'il avait construit de fort
beaux édifices dans la ville de Tezcuco, où
il tenait sa cour : il donna donc Tenayucan
en apanage à son fils Tenancacaltzin.
CHAPITRE X.
Règne de Quinantzin. — Arrivée des Mexicains. — Généalogie
d'Acomiztli , seigneur de Coatlichan.
La ville de Tezcuco fut fondée du teraps des
Toltéques , sous le nom de Catlenichco ; elle
fut détruite en même temps que cette nation
et reconstruite par les empereurs chichimè-
ques^ particulièrement par Quinantzin, qui
l'orna beaucoup , y établit sa résidence et en
70 HISTOIRE
fît la capitale de Tempire. Après Tarrivée des
Chichimèques, ceux-ci lui donnèrent le nom de
Tezcuco, c'est'k dire lieu où ton s'arrête^ parce
que ce fut laque s'établirent toutes les nations
qu'il y avait alors à la Nouvelle-Espagne.
Aussitôt que Quinantzin-Tlatecaltzin eut ren-
du les derniers devoirs à son père, à Tenayu-
can, il revint à Tezcuco avec tous les seigneurs,
qui y avaient assiste et ceux qui étaient arri-
vés depuis. Il se fît reconnaître et prêter ser-
ment comme souverain seigneur, et y résida
toujours dans la suite.
L'année même de la mort de Huetzin, les
Mexicains arrivèrent dans l'endroit où est au-
jour d'hui la ville de Mexico (i). Elle faisait
(i) Presque tous les auteurs varient sur l'époque de la
fondation de Mexico. Ixtlilxochitl , dans ses Relations , la place
tantôt en 1140 , tantôt en 1142, tantôt en 1220; Munon Ga-
m^rgo, dans son Histoire de Tlaxcalla, eii 1 i3i ; Alràro Tezo-
zomoc, en i326; Chimalpain , en i325; D. Juan de Ventura
Zapata, en 1821 ; Torquemada, en 1 341^ EnricoMartinez» dans
son Reportorip de los TiempoSy en 135;; D. Carlos deSigueuça
yGongora,en 1827.
Jusqu'à ixrasent la question n'a pas étë examinée avec assez
de soin pour qfi'on puisse formuler une opinion à cet égard,
mais elle mérite de l'ébre.
DES GHIGHIMÈQUES. 71
alors partie des dc»naines d'AcuIhua^ seigneur
' d'4tecaputzal€0. D'après les peintures et lés
eartotères.des histoires anciennes ^ ces Indiens
v^aient des confins de la province de Xalisco;
il paraît t[u'ils étaient de la même race que les
Toltèques et de la famille du nob]e Huetzin^
qui avait échappé avec sa fomille et ses ser-
viteurs lors de la destruction des Toltèques ,
et demeurait alors à Chapultepec, qui fut dé-
truit plus tard. On raconte qu'il traversa avec
eux le pays de Michoacan et se réfugia dans
la province d'Aztlan, où il mourut, et qu'il eut
pour successeurs Ozolopan son fils et Aztlal son
petit-fils, qui eut pour héritier Ozolopân se-
cond. Celui-ci , se rappelant le pays de ses an-
cêtres, prit la résolution d'y i^tourner avec
toute sa nation, que l'on nommait déjà Meze-
tin. 11 la commandait, ainsi que Izcahui,
Guexpal, Yopi, et, selon d'autres, Aztlai et
Âcatl. Il avait aussi avec lui sa s€Bur, femme
très-courageuse, nommée Maïkctaî. C'est ainsi
qu'il «arriva à l'endroit dont je yiens de parler.
72 HISTOIRE
après bien des aventures qui sont rapportées
dans les histoires. Les Mexicains conduisaient
avec eux leur principale idole Huitzilopochli ,
qui les gouvernait par l'organe de ses prê-
tres. Pour se mettre à l'abri des malheurs qui
les avaient affligés ^ ils résolurent de se pla-
cer sous la protection du roi d' Atzcaputzalco ,
sur les terres duquel ils s'étaient établis ,
et lui demandèrent quelqu'un pour les gou-
verner. Ce prince leur donna deux de ses fils,
car ils étaient divisés en deux bandes^ appelées
Tenuchcas et Tlatelolcas, de l'endroit qu'elles
habitaient. Les Tenuchcas avaient trouvé au
haut d'un rocher un nopal ou figuier d'Inde,
sur lequel était un aigle occupé a dévorer un
serpent, et en avaient pris leur nom; les Tla-
telolcas tiraient le leur d'une ile au milieu de
laquelle était un monticule de sable. Tlep-
coatzin fut nommé par Aculhua chef et sei-
gneur de ces derniers , et Âcamapichtli com-
manda aux Tenuchcas. Ils furent les premiers
chefs des Mexicains, ce qui anoblit cette na-
DES GHICHIMÈQUES. 73
tion. Leur puissance augmenta; ils pensèrent
alors à se venger de ceux qui les avaient ofiFen-
sés, et particulièrement des Gulhuas, qui s'é-
taient montrés très-opposés à eux, quoiqu'ils
fussent de la même nation. Us surprirent donc
un matin la ville de Gulhuacan et la saccagè-
rent sans que les habitants pussent la défen-
dre. La seconde année de leur établissement,
ils firent la guerre à Tenancacaltzin , sei-
gneur de Tenayucan , mais sans pouvoir le
vaincre. Tenancacaltzin fut si irrité de ce que
les princes mexicains ses cousins avaient
trempé dans cette offense, qu'il se retira dans
les pays du nord qu'avaient habités ses aïeux.
Ce fut à cette époque que commencèrent les
querelles et les guerres civiles entre parents.
Les premiers tyrans furent les rois d'Atzca-
putzalco. Les Mexicains en profitèrent pour
s'agrandir aux dépens des Tecpanèques, jus-
qu'à la province de Atotonilco.
Atomilco, seigneur de Goatlichan, eut qua-
tre enfants de Nenetzin, sa femme, savoir :
74 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUËS.
Coxcox, qui hérita de l'empire des Culhuas;
Huitzilihuitzin } Mozocomatzin ^ qui hérita de
Goatlichan; et uiie fille nommée Tozquent2iB>
qui épousa Techotlalatzin , qUi devint dans là
suite empereur des Ghichimèques.
CHAPITRE XI.
Guerres, civiles entre les Ghichimèques et autres , qui eurent
lieu sous le règne de Quinantzin.
Si Huetziti s'était beaucoup occupé à faire
cultiver là terre , le règne de Quinantzin fut
encore plus avantageux aux Ghichimèques.
Ce souverain leur fît construire des villes et des
villages seloti l'usage des Toltèqûes, et les ti-
ra de la vie sauvage. Cette conduite raécon-
76 HISTOIRE
tenta cependant beaucoup de Chichiméques ,
parmi lesquels se trouvaient les quatre aines
des cinq fils du roi, ainsi que beaucoup de sei-
gneurs et de nobles qui prirent les armes
contre lui. Les premiers qui se révoltèrent fu-
irent ceux qui étaientétablis à Poyauhtlan. Us
brûlèrent beaucoup de champs cultivés, et se
liguèrent avec le rebelle Yacanex, dont j'ai
parlé plus haut, qui s'était réfugié, suivi d'au-
tres bandits, dans les provinces septentrio-
nales. Ils entraînèrent dans leur révolte les
habitants de Meztitlan, Tototepec, Tepepolco
et d'autres endroits moins importants. Ayant
réuni une nombreuse armée, sans que Qui-
nantzin put s'y opposer, ils marchèrent contre
la ville de Tezcuco et l'attaquèrent de quatre
côtés différents, par Chiuhnautla, Zoltepec,
Fatlachiuhcan et les montagnes de Tezcuco.
Quinantzin rassembla son armée le plus
promptement possible, et l'ayant divisée en
quatre corps , il dontia le commandement du
premier à Tochintecuhtli , qui devait marcher
DES GHIGHIMÈQUES. 77
contre Yacanex, campé à Ghiacunauhtla. Son
frère , Nopaltzin Xuetlachihuitzin , s'avança
avec le second contre Zoltepec, défendu par
Ocotoch, autre rebelle, qui commandait une
partie des naturels de Meztitlan etTototepec. Le
troisième corps, sous les ordres de Huetzin, sei-
gneur de Goatlichan, marcha vers le défilé de
Patlachiuhcan , où se trouvaient presque tous
les nobles de Meztitlan et Tototepec. Quinant-
zin prit lui-même le commandement du qua-
trième, et s'enfonça dans les montagnes du côté
de Xochimilco , où était logé le reste des gens
de Meztitlan et de Tototepec. Il avait avec lui
Zacatitechcochi et les Indiens de Tepepolco ,
dont il était gouverneur. L'attaque eut lieu en
même temps sur tous les points ; les rebelles
furent vaincus malgré leurs efforts, et l'on en
prit un grand nombre; le reste s'enfuit, chau-
dement poursuivi par Quinantzin , jusqu'à
une montagne nommée Tepeazco, située près
des confins les plus éloignés de la province
de Tepepolco. Huetzin, Nopaltzin etTochinte-
78 HISTOIRE
cuhtii eurent un succès semblable; ce der-
nier tua de sa propre main le vieux rebeHe
Yacanex. Nopaitzin tua aussi Acotocbtlî; lirais
}e combat finit mal heùreusemetit pour Iiïi,
car s'étant avancé trop loin à ta pout^Uîte de
l'ennemi^ il fut pris en flanc par les habitants
de Tollantzinco, qui avaient dresse une embus-
cade y et fait prisonnier sans que ses soldats
pussent le défendre.
Aussitôt que Qîiinantzin eut réuni de nou-
veau son àrmét, il envoya châtier les provin-
ces rebelles, qui se soumirent à lui. Les Chi-
chimèques , qui s'étaient réfugiés dans les
provinces du nord , y restèrent menant une
vie de bandits, sans reconnaître ni. roi ni sei-
gneur, et sont encore aujourd'hui dans cet
état.
Tous les prisonniers , particulièrem«it les
quatre fils de Quinantzin et les nobles de
Poyauhtlan, furent envoyés dans les provinces
de Tlaxcallan et de Huexotzinco , comme su-
jets des princes qui gouvernaient ces états :
DES CHÏCHIMÈQUES. 79
ils étaient frères de Quinantzin. Quoiqu'ils
fussent exilés par châtiment, ils en furent
très-bien reçus, et devinrent souverains de ces
provinces : c'est d'eux que descendent ceux
qui les gouvernèrent dans la suite.
A cette même époque, Coxcox hérita du
trône des Culhuas , par la mort de Calcoza-
metzin, dont j'ai parlé. Il fit la guerre aux
Mexicains au sujet de frontières , et alla au
secours du grand-prêtre de Chololan , nommé
Iztantzin , qu'il crut devoir aider contre les
habitants de Quauhcholan , Ghalchiuhapan et
autres Chichimèques qui s'étaient établis dans
ce pays. Il lui amena toutes les troupes qu'il
put réunir et celles que lui donna Quinantzin ,
chassa du pays tous les Chichimèques qui
avaient attaqué le grand-prêtre et les habi-
tants de Chololan.
CHAPITRE XII.
Arrivée des Tlailotlaques et des Ghimalpanèques. — Quinantzin
Ies''étab]it dans la ville de Tezcuco et dans d'autres, parce
qu'ils étaient des ouvriers très-habiles. — Guerres qui eu-
rent lieu jusqu'à la mort de ce prince.
Peu de temps après que Quinantzin fut mon-
té sur le trône , il arriva de la province de la
Mistèque deux nations nommées Tlailotlaque
et Chimalpanèque : elles étaient aussi de la
race des Toltèques. La première avait pour
chef Aztatlitexcan , ou, d'après l'histoire gé-
12. 6
82 HISTOIRE
nérale, Coatlilepan. Ces Indiens étaient sur-
tout habiles dans l'art de peindre et de rédiger
les histoires. Leur idole principale se nommait
Tezcatlpopoca. Les Chimalpanéques avaient
pour chefs deux seigneurs nommés Xiloquet-
zin et Tlacateotzin , de la famille de Quinant-
zin : c'est pourquoi ce prince les maria avec
deux de ses petites-filles. Xiloquetzin épousa
Coaxochitzin , fille de Chicome Acatl, son
fils. Tlacateotzin reçut la main de Tezocaci-
huatzin^ fille de Memexoltzin. L'empereur
choisit parmi les Indiens qu'ils avaient amenés
les principaux et ceux qui lui parurent les
plus convenables , et les établit dans la ville
de Tezcuco. Il envoya le reste dans d'autres
villes, dans de s faubourgs particuliers, où ils
sont encore aujourd'hui et où ils ont conservé
leur nom. Ces deux nations avaient résidé
longtemps dans la province de Chalco.
Vers la fin du règne de Quinantzin , il y eut
une révolte dans les provinces de Cuitlahuac,
Huehuetlan, Totolapan, Huastepec et Zaio-
DES GHIGHIMÈQUES. 83
lan. La première appartenait alors aux sei-
gneurs mexicains Tlepcoatzin^ Acamapichtli
et Mizquic. La ville d'Acatlan était à Amintzin^
seigneur de Chalco Atenco. Huehuetlan obéis--
sait à Huetzin^ seigneur de Goatlichan. Toto-
lapan faisait partie des domaines de l'empire,
et les dernières avaient pour souverains Aca-
citzin et Tlacatempa , tous deux nobles de la
province de Chalcô.Quinantzin, voulant apai-
ser l'insurrection, oixlonna aux seigneurs voi-
sins de soumettre les révoltés. Les deux rois
des Mexicains , Tlepcoatzin et Acamapichtli ,
marchèrent contre Cuitlahuacan. Ce fut la
première occasion où les Mexicains prirent
les armes pour venir au secours de l'empire.
Amentzin, seigneur de Chalco Atenco, s'a-
vança vers Mizcuic et Acatlan ; Huetzin , sei-
gneur de Tlapican, occupa la province de Chal-
co, malgré Zoiolan; et Quinantzin en per-
sonne attaqua Totolapan. Toutes ces provinces
furent facilement châtiées et soumises de nou-
veau à l'empire. Il n'y avait pas de guerre
84 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
dans les autres provinces éloignées, parce
que les habitants étaient peu nombreux, quoi-
qu'ils augmentassent peu à peu. Toutes les
guerres avaient donc eu lieu dans le cercle
formé par les montagnes dont j'ai parlé plus
haut. Une foule de seigneurs puissants cau-
saient tousces désordres ; mais pendant le reste
de la vie de Quinantzin, ils neremuèrentplus,
et n'osèrent faire aucune tentative pour se
soustraire à son autorité. Il mourut âgé de
cent deux ans , en l'année 1 253 , ou Chicuey
Calli , dans la forêt Tezcutzinco, et fut enterré
comme ses ancêtres.
CHAPITRE XIII.
Régne de Techotlalalzin.
Bien que Techotlalatzin fut le plus jeune
des fils de Quinantzin, on le choisit pour lui
succéder à cause de ses Ycrtus, et parce qu'il
avait toujours été soumis à son père. Il avait
eu pour nourrice une dame toltèque, native
de Gulhuacan; elle se nommait Papaloxo-
86 HISTOIKE
chitli. Il fut le premier qui parla la langue
nahuatl , que Ton nomme actuellement mexi-
caine, car ses ancêtres ne s'en étaient jamais
servis. Il ordonna à toute la nation chichimè-
que de la parler, particulièrement à ceux qui
étaient revêtus d'emplois publics. Tous les
noms de lieux étaient dans cette langue, qui
servait à expliquer les lois et les peintures.
Cet ordre fut très-facile à exécuter, car déjà
à cette époque les Ghichimèques étaient pres-
que entièrement mêlés avec les Toltèques.
Ces derniers avaient fondé quatre villages
sur les flancs de la montagne de Quexachte-
catl; ils passaient pour connaître le mieux
les rites et les cérémonies religieuses. Ils y
avaient construit des temples , dans les-
quels étaient placées les idoles de leurs faux
dieux; mais ayant eu une grande querelle
pour savoir auquel de ces dieux on accorde-
rait la suprématie, Côxcox, qui était alors
roi des Culhuas, les chassa de cet endroit, et
les dispersa en plusieurs lieux. Les principaux
dis GHICHIMÈQUES. 87
se réfugièrent dans la yille de Tezcuco, et
prièrent Techotlalatzin de leur donner des
terres pour s'y établir. Il leur accorda Un
établissement dans la ville de Tezcuco ^ parce
que c'étaient des gens civilisés et qui pouvaient
servir ses projets. Ils y fondèrent quatre
quartiers ; car les Gulhuas , comme on nom-
mait alors les Toltèques, formaient quatre
tribus. Le premier fut habité par la tribu de
Mexitin, dont le chef se nommait Ayocan;
le second par les Gulhuas, qui obéissaient à
Noyotl ; le troisième par les Huitzinahuaques,
sous les ordres de Tlacomihua; et le quatrième
par les Pancas , dont le chef était Achitometl :
quelques-uns furent aussi envoyés dans d'au-
tres villes et villages.
La fondation de ces quatre quartiers eut
lieu en l'an 1301. Les nouveaux habitants
étaient très-civilisés ; ils apportaient avec eux
un grand nombre d'idoles qu'ils adoraient,
parmi lesquelles on distinguait Huitzilopo-
chtli et Tlaloc. Techotlalatzin aimait tant les
88 HISTOIRE
Toltèques , que non-seulement il leur permit
de s'établir au milieu des Ghichimèques ^ mais
d'élever des temples et d'y faire des sacrifices
publics^ ce que son père Quinantzin n'avait
jamais voulu souffrir. Ce fut de son temps
que commencèrent à prévaloir les rites et les
cérémonies des Toltèques.
Techotlalatzin épousa Tozquentzin, fille
d'Acolmiztli, seigneur de Goatlichan, et en
eut cinq fils-: Ixtlilxochitl , premier du nom,
Chochxochitzin , Tenancacaltzin , Acatlotzin
et Tenanahuacatzin. On donna pour nour-
rice au prince Ixtlilxochitl , qui était né dans
la forêt de Tzinacanoztoc , une dame nommée
Zacacuilmitzin , native de la province de Te-
pepolco, et on lui assigna pour les frais de
l'entretien du prince les villes suivantes ;
Tepetlaoztoc , Teotihuacan, Tezoyucan, Te-
pechpan, Ghiuhnautlan, Cuextecatlichocayan,
Tepepolco , Tlalaxapan , Tizayucan, Ahuate-
pec, Azcapochco et Quauhtlatzinco.
Aculhua, roi d'Atzcaputzalco, mourut à la
DES CHIGHIMÈQUES. 89
même époque : il eut pour successeur Tezo-
zomoc (i). Son règne avait été fort long, car,
d'après les histoires, il parait que les sei-
gneurs acuihuas et chichimèques vivaient
deux ou trois cents ans , avantage que ne con-
servèrent pas leurs descendants quand ils se
furent livrés aux voluptés , aux festins et à
la polygamie. Ils n'avaient, dans ces temps
reculés, qu'une seule femme, et tant qu'elle
était enceinte, et même longtemps après ses
couches, ils évitaient tout rapport avec elle.
(i) Nous avons vu plus haut (chap. V) que la ville d'Atz-
caputzalco avait été fondée par Aculhua , gendre de Tem-
perènr Xolotl ; d'autres auteurs ont prétendu que son fon-
dateur se nommait Huetzin-Tecuhtli , mais j'ignore sur quelles
bases repose cette opinion. Les successeurs d' Aculhua furent
Guecuez , Quauhtzintecutli , llhuicamina , Matlaccohuatl ,
Tezcapuctli , Teotlehuac , Tzihuactlatonac , enfin Tezozomoc,
dont il est ici question , et qui monta sur le trône à l'âge de
quatre ans. 11 fut suivi de Maxtla , qui perdit le trône que son
père avait gagné. Son fils Aquenithueztli ne fut plus qu'un
simple cacique , vassal du roi de Tezcuco , ainsi que Yohual-
paï, son frère , dont le fils , Tezozomoc II , fut condamné à
mort par le roi Netzahualpiitzintli. Comme on le verra dans
la suite de cette histoire , après un interrègne de quelques
années , il eut pour successeur son fils Tlaltecaltzin , qui
régnait depuis dix ans , quand les Espagnols arrivèrent au
Mexique. {To^ez Torquemada, liv. 111, ch. vi.)
CHAPITRE XIV.
Guerres de Tezozomoc et des seigneurs mexicains. — Il augmente
ses états. — Acamapichtli hérite du trône des Gulhuas du chef
d*llancueitl, sa femme. — Fin du règne de Techotlalatzin.
Aussitôt que Tezozomoc fut monté sur le
trône, il convoqua ses deux frères TIepcoatzin
et Acamapichtli ^ seigneurs de Mexico , dans
l'intention de faire la guerre à Tzompan-
tecuhtli^ roi des Otomites, qui tenait alors
sa cour à Xaltocan. Après avoir réuni leurs
92 HISTOIRE
troupes aux habitants de Quauhtitlan et de
Tepotzotlan, ils marchèrent contre les Oto-
mites^ et leur firent une guerre si cruelle qu'ils
s'emparèrent de tout le royaume, et que
leur roi fut forcé de se réfugier dans la
province de Meztitlan, qui lui appartenait
aussi. Techotlalatzin , voyant ce désordre,
réunit son armée à Chiuhnautla pour obser-
ver de là les desseins des Tecpanèques et des
Mexicains. La nuit où Tzompantecuhtli fut
défait et où il perdit la ville de Xaltocan, une
troupe d'Otomites passa en fuyant devant son
armée; ils traînaient avec eux un grand nom-
bre de vieillards, de femmes et d'enfants.
L'empereur, pensant que c'était un gros d'en-
nemis qui voulaient pénétrer sur le terri-
toire deTezcuco, les poursuivit jusqu'à Tozon-
tepec, où il reconnut que c'étaient des fuyards.
Ayant appris leurs malheurs et voyant que
c'étaient des gens civilisés, il les fit' retour-
ner sur leurs pas, et leur donna des terres
et des villages dans la province que Ton a de-
DES GHIGHIMÈQUES. 93
puis nommée Otompan, avec ordre de la colo-
niser. Depuis cette époque, Tezozomoc resta
maître de la province des Otomites et de celles
de Mazahuacan, Quauhtitlan et Tepozotlan,
où il accorda aux Mexicains des terres et des
villages. Il arriva encore d'autres Otomites
de la province de Culhuacan et du royaume
des Tecpanèques pour demander aide à Tem-
pereur, parce que Tezozomoc, leur maître,
les accablait d'impôts et de tributs exces-
sifs qu'il augmentait chaque jour. Ils furent
très-bien reçus , et on leur donna des terres
dans la province de Yahualiucan et Macapan,
où ils s'établirent.
A cette époque, Acamapichtli, roi des Tenu-
chcas , se voyant puissant, et pouvant compter
sur le secours de Tezozomoc et de son frère
Tlepcoatzin , chercha à s'emparer du royaume
des Culhuas , auquel il croyait avoir droit
du chef de sa femme, quoiqu'elle ne fût que la
fille cadette d'Achimetzin. Il réussit facilement
dans son entreprise; Coxcotzin , qui était alors
94 HISTOIRE
roi des Acuihuas , se trouvait presque sans
soldats y parce qu'il avait abandonné la pro-
vince de Coatlichan à son frère Mocomatzin ,
dansrespéranced'hériterdutrônedesCulhuas,
ce qui lui arriva en effet. Des divisions exis-
taient entre les Culhuas au sujet de leurs ido-
lâtries et des antiquités de leurs dieux. Aca-
raapichtli s'empara donc du royaume sans
opposition , et Coxcotzin se retira à Coat-
lichan. Il y fut suivi par quelques Culhuas qui
s'y établirent ; d'autres se réfugièrent à Tez-
cuco, comme je l'ai dit plus haut. Acamapichtli
ne voulut pas résider à Culhuacan, capitale
de ce royaume ; il y mit seulement pour gou-
verneur son petit-fils Quetzaizin^ fils deChal-
chiuhtlatonac^ seigneur de Coyohuacan.
Acamapichtli et son frère Tlepcoatzin , sei-
gneur de Tlatelulco , moururent tous deux à
la même époque, après un régne de cinquante
et un ans ^ selon l'histoire générale, qui est Tau^
toritéqueje suis. Ce dernier eut pour succès^
seur Huitzilihuitzin, qui épousa Tetzihuatzin,
DES CHIGHIMÈQUES. 95
fille d'AcoIhuacatzin^ seigneur de Tlacopan.
Cette femme lui donna huit enfknts ^ savoir :
Ghimalpopocatzin , qui lui succéda ; Matlaltzi-
huat2in^ qui épousa Ixtlilxochitzin, roi deTez-
cuco; Omipozteczin , Tlatopilia, Zacahuehuet-
zin et Itzcoatzin, qui futplus tard roi de Mexico.
Tlepcoatzin eut pour successeur à la couronne
de Tlatelotlco , Quaquauhpitzahuac qui épousa
la fille de Coaxochitzin^ seigneur de la race de
Goatlichan. Il eut deux fils, Amantzin, Tla-
cateotzin, troisième roi de Tlatelolco , et une
fille nommée Matlalatzin.
Le roi Tezozomoc avait épousé Ghalchiuhcoz-
catzin, dont il eut onze enfants : Maxtla, qui lui
succéda dans la suite ; Tecuhtlipaltzin , Tayat-
zin , Cuetlacihuatzin , qui épousa Tlacateot-
zin, seigneur de Tlatelolco; Quetzalxochitzin ,
mariée à Xilomantzin, fils de Quetzolin, roi
deCulhuacan; Izihuacxochitzin à Acolnahue-
catzin, seigneur de Tlacopan; Chalchiuhci-
huatzin à Tlatocatlatzacuilotzin. Elle avait d'a-
bord épousé Tecpatl , seigneur des Atotoniles,
96 HÏSTOIKE
qui la répudia. Son père voulut ensuite la
donner pour femme légitime à Ixtlilxochitzin,
roi de Tezcuco, qui la refusa et ne voulut la
prendre que comme concubine , ce qui fut une
des causes pour lesquelles Tezozomoc usurpa
Tempire. Ses derniers enfants furent : Papa-
loxochitzin, qui épousa Apantecuhtli, seigneur
de Coatlichan, et deux autres filles.
Vers la fin du règne de Techotlalatzin, Qua-
quauhpitzahuac , seigneur de Tlatelolco, étant
mort, Tlacateotzin , son fils, lui succéda. Ce
prince eut trois enfants de sa femme Huet-
lacihuatzin , fille de Tezozomoc : une fille et
deux fils jumeaux nommés Tzontecomatzin et
Quauhlatoatzin. Huitzilihuitzin mourut à la
même époque. Il eut pour successeur à Tenu-
chtitlan, et dans le royaume des Culhuas ,
Ghimalpopocatzin , qui épousa Matlalatzin ,
fille de Quaquauhpitzathuac, roi de Tlatelolco.
Elle lui donna sept enfants , dont les deux der-
niers furent deux fils : Quatlecoatzin et Mo-
lecuhzomatzin Uhuicamina, premier du nom.
DES CHIGHIMÈQUES. 97
qui devint roi de Mexico , quoiqu'il fut le plus
jeune de ses frères.
Quelque temps après, l'empereur Techotla-
latzin mourut à Tezcuco, dans son palais
d'Oztoticpac , après un règne de cent quatre
ans; il fut très-regretté par tous ses su-
jets. Selon l'histoire générale, la Nouvelle-
Espagne était alors divisée entre soixante-
sept seigneurs , qui presque tous assistèrent à
ses funérailles, célébrées l'an 1357 ou Chi-
cue Calli (i).
( i) Dans sa huitième Relation des Chichitiaèques, Iztlilzochitl
donne la liste suivante des seigneurs qu'il y avait dans l'Anahuac,
sous le règne de Techotlalatzin :
I. Tezozomoc, roi d'Alzcaputzalco , chef de la nation des
Tecpanèques.
3. Payntzin de Xaltocan , de nation Aculhua.
3. Acamapichtli, roi de Mexico- Tenuchlitlan et des Aculhuas.
4. Mocomatzin, de Gohuallichan, de nation Aculhua.
5. Mixcohuatzin , roi de Tlatelolco.
6. Quetzalatecuhtli \", chef des Xuchimilcas.
7 . Izmatetlopac , de Guitlahuac.
8. Ghicuath' , seigneur de Mizquic.
9. Pochotl , seigneur de Teyacuac et Ghalco-Atenco.
10. Omaca, seigneur de Tlalmanalco.
1 1 . Gacama » seigneur de Ghalco.
1 2. Gocaztzin, seigneur de Quauhquechollan.
1 3. Temacatzin , roi de Huexotzinco.
12. 7
DES GHIGHIMÈQUES. 99
5o. Le seigneur de Itztaocan.
5i. — Zicualhuaztepec.
52. — Atlizco.
53. — Quiahuiztlan.
54. — Xaltepetlapan.
55. — Xalatzinco.
56. — Totlamihuacan.
57. — Tecalco.
58. — Techatopan.
59. — Topoyaiico.
60. — Xaltocan-Teapasco.
61. — HueymoUan.
62. — Xilotepec.
63. Quanhquetzaltzitt, seigneur de Otompan.
64. Aculhua, seigneur de Teotihuacan.
65. Tochintzin, seigneur de Ziauhtnauhtlan.
66. Xemetzin, seigneur de Tepechpan.
67. Tlatéecaltzin , seigneur de Tezoyocan.
68. Le seigneur de Meztitlan.
69. — de Tototepec.
70. — de ToUan.
71. Huipilmanatzin f seigneur deCbiauhtla.
72. Tecauhtlatohuazin , seigneur de Papalotlan.
73. Iztlacoltzin» seigneur de Tepetlaoztoe.
102 HISTOIRE
les seigneurs mexicains , et leur dit entre au-
tres choses qu'il était très-irrité contre Ix-
tlilxochitl, à cause de son orgueil et de ses
prétentions, qu'il ne voulait pas reconnaître
d'égaux , tandis que c'était à lui , Tezozomoc,
qu'appartenait l'empire , puisqu'il était petit-
fils de Xolotl , qui en avait été le premier fon-
dateur ; que d'ailleurs c'était un jeune homme
qui avait trop peu d'expérience pour conser-
ver un aussi vaste empire, et qu'il ne voulait
ni lui prêter serment ni le reconnaître pour
son suzerain; que loin, de là, il prétendait le
soumettre et se faire reconnaître par lui
comme son seigneur avec l'aide de ses parents ,
qui étaient nombreux et puissants ; qu'il comp-
tait parmi eux , outre les deux seigneurs des
Mexicains, ceux d'Acolman et de Coatlichan , et
qu'il les attirerait facilement dans son parti ,
ainsi que tous les princes de sa maison et leurs
vassaux.
Les seigneurs mexicains lui répondirent
qu'ils approuvaient son projet, mais qu'il
CHAPITRE XV.
Âvënement au trône de Tempereur Ixililxochitl-Ometochtli.
— l^ezozomoc et les seigneurs mexicains refusent de le re-
connaître. — Ils excitent une révolte dans l'empire.
Aussitôt que les obsèques de Techotlalatzin
furent terminées, les seigneurs qui y avaient
assisté prêtèrent serment à Ixtlilxochitl. Ce-
pendant Tezozomoe, ayant reçu la nouvelle
de la mort de l'empereur par Teyococoatzin,
seigneur d'Acolman, son petit-fils, convoqua
104 HISTOIRE
avril 1402 ou Ce Acatl à la fin du mois de
Tocozintlan. Sa naissance fut très-remarquée
par les astrologues et les devins de ce temps-
là. Elle eut lieu au lever du soleil , à la grande
joie de son père. Dès le jour de sa naissance,
on lui donna des villages qui devaient pour-
voir à son entretien , et, «pour prendre soin de
son éducation, des gouverneurs, parmi les-
quels se trouvait Huitzilihuitzin, qui passait à
cette époque pour un grand philosophe à leur
manière.
Les seigneurs les plus éloignés de la cour,
voyant les prétentions et dispositions du roi
d' Atzcaputzalco , en profitèrent pour se sous-
traire à la dépendance d'Ixtlilxochitl, de sorte
que sa puissance diminuait peu à peu , et il
n'osait marcher contre eux pour les châtier ,
parce qu'il avait, comme l'on dit, l'ennemi
dans sa maison , qui pouvait facilement s'en
rendre maître , et il en était instruit. Il remit
donc cette expédition à un autre temps, et
chercha à gagner le rebelle Tezozomoc et ses
DES CHIGHIMÈQUES. 105
alliés; mais il ne put en venir à bout en au-
cune manière. Il prit alors les armes, et leva
une armée dans les six provinces qui 1 ui étaient
restées fidèles. Les principales étaient celles de
Tollantzinco et Tepepolco ; les seigneurs de
Huexotla, Coati ichan, Acolraan et dix ou
douze autres ne l'avaient pas abandonné; ce^
pendant la fidélité des deux derniers était
très-douteuse.
Ixtlilxochitl , ayant réuni le plus de monde
qu'il put, entra dans les provinces rebelles
et commença à châtier celles qui dépendaient
de son domaine privé , et qui avaient pris se-
crètement le parti des Tecpanèques, comme
Xaltepec, Otompan, Axapochco, Temazcala-
pan et Tolquauhyocan.
CHAPITRE XVI.
On prête serment au prince Netzahualcoyotzin comme héritier
de Tempire dans les états tenus à Huexotla. — I^ guerre
civile éclate entre Tezozomoc et Netzahualcoyotzin pour la
possession de Tempire.
En Tannëe 1414 ou Matlactli Orne Tochtli,
Ixtlilxochitl réunit les états du royaume, et
y convoqua les chefs et les seigneurs de son
parti pour traiter avec eux des moyens de
réduire le roi d'Atxcaputzalco et ses alliés, qui
voulaient s'emparer de l'empire. Ils convin-
1 08 HISTOIRE
rent qu'il fallait avant tout reconnaître Netza-
hualcoyotzin comme légitime héritier, lui prê-
ter serment, et attaquer ensuite les villes de
Mexico et d'Atzcaputzalco du côté du lac. L'ar-
mée qui était occupée à châtier les villes
rebelles dans les états de Tezcuco devait pé-
nétrer sur le territoire des Tecpanèques et se
présenter devant Atzcaputzalco, Tout cela fut
exécuté; on prêta serment à Netzahualcoyotzin
qui n'avait que douze ans. Les généraux qui
furent choisis pour conduire cette guerre fu-
rent Tzoacnahuacatzin, qui devait commander
l'attaque du côté du lac , et Coacuecuenotzin ,
chargé de pénétrer par terre sur le territoire
de l'ennemi, qui, de son côté, avait réuni
une nombreuse armée , et tout ce qui lui était
nécessaire , non-seulement pour se défendre ,
mais même pour attaquer Ixtlilxochitl.
Tlacateotzin , roi de Tlatelulco , général de
l'armée des Tecpanèques, s'avança par eau
contre Tzoacnahuacatzin : et l'avant rencontré
avant qu'il fut parvenu au milieu du lac, il
DBS CHIGHIMEQUES. 109
l'obligea à se retirer et à l'attendre sur la rive
qui est située du côté de Tezcuco, où ils se
livrèrent un sanglant combat sans qu'aucun
des deux partis put l'emporter. L'armée d'Ix-
tlilxochitl ne put cependant traverser le lac,
et attaquer Mexico et Atzcaputzalco,
L'année suivante nommée Ce Acatl , le jour
nommé Matlactli Ome Tecpatl , qui était le
sixième du onzième mois, les Tecpanèques
arrivèrent du côté d'Actazuacan , et s'empa-
rèrent de tous les villages du royaume de
Tezcuco jusqu'à Ixtlapalapan , malgré les ef-
forts des habitants pour les défendre. Un
grand nombre fut tué ou réduit en esclavage,
entre autres Quauhxilotzin , gouverneur d'Iz-
tlapalapan. Presque toutes les maisons furent
pillées et brûlées : ce fut la première victoire
que remportèrent les Tecpanèques. Coacue-
cuenotzin entra avec son armée dans la pro-
vince de Xilotepec, et arriva jusqu'à Citlalte-
pec et Tepozotlan ; de là, saccageant tous les
villages qui résistaient, il parvint jusqu'à
110 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
Quauhtitlan , où il mit en déroute les Teepa-
nèques, qui lui opposaient une nombreuse ar-
mée. Il marcha ensuite contre Guetlacfatepec,
et ayant campé sur les flancs de la montagne de
Temacpalco, il mit le siège devant Atzca*
putzalco^ sans y laisser entrer par ce coté
aucun secours d'hommes ou de vivres. Le
blocus dura quatre ans; et, si l'on eût suivi
ses conseils, on eût fini par s'en emparer et
par la détruire, ce qui eût sauvé l'empire.
CHAPITRE XVII.
Tezozomoc, assiégé daes sa capitale par l'eaipereur Ixtlilxochit),
demande une trêve, promettant de se soumettre.
Tezozomoc, voyant que, depuis quatre ans
que durait la guerre contre les Chichimèques ,
il n'avait pu les dompter, que loin de là ils
lui avaient tué un grand nombre de soldats ,
et qu'ils étaient sur le point de s'emparer
de sa capitale, résolut d'employer d'autres
112 HISTOIRE
moyens sans exposer à de nouveaux dan-
gers sa personne et ses alliés. Il sollicita une
trêve, promettant de se soumettre à Ixtlilxo-
chitl et de conclure la paix, qu'il assurait
désirer de bonne foi. Il expédia donc un em-
bassadeur à l'empereur, qui , n'écoutant que
la générosité de son caractère et sans réfléchir
aux inconvénients qui pouvaient en résulter,
fît lever le siège d'Atzcaputzalco, et envoya
ses soldats se reposer dans leurs villages, res-
tant seul et sans gardes dans la ville de Tez-
cuco. Tezozorooc, le vovant sans méfiance,
crut le moment propice pour mettre son pro-
jet à exécution. Il feignit de vouloir donner
une fête sur les flancs d'une montagne nom-
mée Chiuhnauhtecatl , en l'honneur de la
paix qu'il prétendait vouloir conclure avec
Ixtlilxochitl. Sous prétexte de faire célébrer les
danses, les jeux et les divertissements usités
par les souverains en pareille occasion, il
mena avec lui une assez forte armée. Son in-
tention était d'attaquer à l 'improviste les ha-
DES GHICHIMÈQUES. 113
bitants de Tezcuco, et de massacrer Ixtlilxo-
chitl et toute sa suite. Les rois de Mexico
trempèrent dans ce complot, ainsi que les
autres princes de la famille de Tezozomoc ,
dont j'ai parlé plus haut. Celui-ci s'établit
dans une maison de campagne, nommée Te-
mamatlac , où il attendit Ixtlilxochitl. Ce
prince, averti que le rusé vieillard cachait une
trahison sous des apparences de fête , ne vou-
lut pas y paraître; mais il n'eut ni le temps
de fortifier sa capitale, ni celui de faire venir
des secours. D'ailleurs presque tous les chefs,
et même quelques nobles de sa maison en qui
il avait la plus grande confiance, avaient re-
joint Tezozomoc, et pris part à la conjura-
tion. Ixtlilxochitl résolut de lui faire dire
qu'il ne pourrait aller le trouver parce qu'il
était malade, et qu'il le priait de remettre les
fêtes à un autre jour. Son frère Tocuiltecatl
Acolotli , qu'il chargea d'une mission si dan-
gereuse, perdit tout espoir de salut, recom-
manda ses enfants à l'empereur son frère,
12. 8
114 HISTOIRE
et le supplia de les laisser jouir des deux vil-
lages de Quauchiocan et d'Ilquixquinahuac ,
qu'il venait de lui donner si nouvellement
qu'il n'avait pas encore eu le temps d'en pren-
dre possession. L'empereur l'encouragea , le
consola et lui représenta qu'il courait les
mêmes dangers , puisqu'il était seul et sans
secours, et que non-seulement le rebelle l'at-
taquait à la tête de ses sujets , mais que ses
propres vassaux l'avaient abandonné pour se
réunir à ses ennemis.
Ixtlilxochitl fit revêtir son frère du costume
impérial, l'orna de bijoux d'or et de pier-
reries, et lui donna pour l'accompagner un
certain nombre de ses serviteurs , à la tête
desquels il se rendit à la forêt de Temamat-
lac, dans les montagnes de Ghiuhnauhtecatl.
Quand le prince y arriva , il trouva tous les
rebelles rassemblés en conseil. Il y avait par-
mi eux plusieurs des principaux nobles de
Tezcuco , ainsi que des provinces de Huexo-
tla , Goatlichan , Ghimalhuacan , Coatepec ^
DES GHIGHIMÈQUES. 115
Itztapalocan et Âcolman, qui avaient amené
tous leurs partisans. Ayant salué le rebelle
et ses compagnons y il leur délivra le mes-
sage dont il était chargé; mais on lui ré-
pondit que c'était Ixtlilxochitl que Ton avait
demandé. On le saisit ensuite, et, après l'a-
voir écorché tout vivant, l'on recouvrit de sa
peau un rocher du voisinage. Tous ceux qui
l'avaient accompagné subirent le même sup-
plice. Ixtlilxochitl apprit cette nouvelle pen-
dant qu'il se préparait à repousser l'ennemi ,
qui, voyant qu'il n'avait pu réussira s'em-
parer de sa personne , s'avançait en toute hâte
dans l'espérance de le surprendre et de sac-
cager sa capitale. Malgré toute leur diligence ,
Tezozomoc et ses alliés ne purent exécuter
leur projet aussi facilement qu'ils l'avaient
espéré; car Ixtlilxochitl se défendit dans cette
ville plus de cinquante jours , pendant les-
quels il se passa divers événements. Un noble,
nommé Toxpilli, qui était un des favoris
d'Ixtlilxochitl , se mit à la tête des habitants
116 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
d'un quartier , nommé Chimalpanéca , et tua
quelques-uns des principaux serviteurs de
l'empereur qui avaient embrassé le parti des
rebelles; parmi eux se trouvaient Iztactecpo-
yotl et Huitzilihuitl. La multitude pénétra
dans leurs maisons^ et les assomma à coups de
massue. Elle lapida ensuite un riche seigneur, *
nommé Tequixque-Nahuacatlacaltzin, et traî-
na son cadavre dans les rues. Ixtlilxochitl ,
voyant qu'il était abandonné même par ses
courtisans, en qui il avait placé toute sa con-
fiance, qu'ils se réunissaient aux Tecpanè-
ques ; que de l'autre côté le peu de nobles et
d'habitants de Tezcuco qui lui étaient restés
fidèles, avaient presque tous péi*i, et que le
peuple était dans la misère et hors d'état de
se défendre plus longtemps, résolut de pren-
dre la fuite.
CHAPITRE XVIII.
L'empereur Ixtlilxochitl se retire dans les montagnes, et envoie
demander des secours aux habitants de la province d'Otom -
pan qui massacrent son général.
La confusion la plus grande régnait^ non«
seulement dans la ville de Tezcuco^ mais dans
tout l'empire. Les uns proclamaient Ixtlilxo-
chitl et les autres Tezozomoc. Le père embras-
sait un parti et le fils l'autre; la même divi-
sion existait entre les frères et les parents.
418 HISTOIKE
L'usurpateur et ses complices eurent d'au-
tant plus de facilité à tout ravager, que le
même peuple se joignit à eux. La plupart des
habitants prirent la fuite, et après avoir tra-
versé les montagnes ils allèrent s'établir dans
les provinces deTlaxcallan et de Huexotzinco.
Quand Ixtlilxochitl eut quitté sa capitale, il
se réfugia dans une forêt nommée Quauhia-
cac. Il avait avec lui son capitaine général
Coacuecuenotzin, le prince Netzahualcoyotzin
et tous ses partisans. Il résista longtemps
aux rebelles qui le pressèrent tellement qu'il
fut forcé de se retirer plus avant dans les
montagnes y dans une autre forêt, nommée
Tzizcanoztoc. Ayant appris qu'Ixtlacantzin ,
seigneur de Huexotla, Tlalnahuacatl, seigneur
de Ck>atlichan , et Totomihua , seigneur de
Coatepec, qui soutenaient son parti, avaient
aussi été obligés de se replier dans les mon-
tagnes où ils couraient les mêmes dangers,
il resolut d'envoyer à la province d'Otom-
pan , pour demander du secours à Queizal-
DES GHICHIMÈQUES. 119
cuitli, qu'il avait mis à la tête des gens de
guerre de ce pays. II fit donc appeler Goacue-
cuenotzin, son neveu, qui était général de
son armée, et lui dit : « Tu vois, mon neveu,
quels malheurs affligent mes vassaux les
Âculhuas Chichimèques , puisqu'ils ont été
obligés d'abandonner leurs maisons pour se ré-
fugier dans les montagnes. Va dire à nos frères
les habitants d'Otompan, que les maux de mes
sujets sont au comble , que nous sommes ac-
cablés par les Tecpanéques et les Mexicains, et
que j'implore leur secours; car, si l'ennemi
renouvelle ses attaques , il achèvera de subju-
guer l'empire et de disperser les misérables
Aculhuas de Tezcuco, qui ont déjà commencé à
se réfugier dans les provinces de Tlaxcallan et
de Huexotzinco. — Noble et puissant seigneur,
répondit Coacuecuenotzin , je vous remercie
beaucoup de la grâce que vous me faites en
me chargeant de ce message , mais je ne re-
viendrai pas, il est certain qu'on a déjà pro-
clamé Tezozomoc dans la province d'Olompan
1 20 HISTOIRE
Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas
abandonner vos serviteurs Tzontecoati et Acal-
mitone; et, puisque Dieu vous a donné pour
fils le prince Netzahualcoyotzin , vous pouvez
les employer à son service. » L'empereur fut si
touché de ces paroles et des larmes de Coacue-
cuenotzin , qu'ils restèrent tous deux pendant
quelques instants sans pouvoir prononcer une
parole; mais enfin l'empereur reprenant cou-
rage , lui dit : « Mon neveu chéri , que Dieu te
protège et t'accompagne ; tu vois que je suis
aussi exposé que toi; car, pendant ton ab-
sence, les rebelles m'ôteront la vie. » Ce qui
arriva en effet.
Coacuecuenotzin entra par Ahuatepee, parce
qu'il possédait dans ce pays des villages et
des fermes, et qu'il voulait envoyer à l'armée
tous les vivres qu'il pourrait réunir. Aussi-
tôt qu'on y fut informé de son arrivée , ceux
deQuauhtlazinco s'emparèrent de sa personne,
et le conduisirent sur la place publique d'O-
tompan ou Otumba. Tous les habitants de la
DES CHIGHIMÈQUES. 121
province s'y étaient réunis. On lui demanda le
motif de sa venue , et quand il eut rendu
compte du message dont il était chargé, un
capitaine, nommé Quetzalcuixtli , s'écria :
(c Tous ceux qui sont ici présents ont entendu
qu'Ixtlilxochitl nous demande des secours,
mais nous ne lui en accorderons pas; nous
préférons nous mettre sous la protection du
grand Tezozomoc notre père. » Icatzone,
gouverneur de la province , dit ensuite :
ce Pourquoi irions-nous? Qu'il se défende lui-
même puisqu'il est un si puissant seigneur,
et qu'il se vante de descendre d'une race si
noble. Mettons en morceaux son capitaine gé-
néral qu'il nous a envoyé. » Il donna en même
temps l'ordre d'exécuter cette proposition. Le
premier qui saisit cet infortuné fut un soldat
nommé Xochpoyoc, natif d'Ahuatepec, et,
malgré sa résistance, il fut bientôt mis en
lambeaux par le peuple , qui s'écriait : Vive
notre grand empereur Tezozomoc ! Icatzone
s'avança, et demanda qu'on lui donnât les
1 22 HISTOIRE
ongles de Coacuecuenotzin qu'il enfila et se
mit en collier pour l'insulter, disant : « Puis-
que ces gens sont si nobles , leurs ongles doi-
vent être des pierres précieuses d'un prix
inestimable; je veux les porter comme un
ornement, h Les gens du peuple se diverti-
rent à se jeter les uns aux autres les lambeaux
de son corps; on massacra aussi quatre ser-
viteurs qui l'avaient accompagné. Ce fait eut
lieu le jour de Macuilli Coati , dix-huitième
du mois Micailhuitzintli^ ce qui correspond
au 24 août 1418. Itzicuintlaca , gentilhomme
d'Ahuatepec, qui se trouvait présent, courut
en toute hâte pour avertir Ixtlilxochitl. Celui-
ci , ayant fait appeler la femme de Coacuecue-
notzin pour la consoler, lui dit : «Ma nièce,
votre époux, mon neveu bien-aimé et mon
capitaine général , a rempli son devoir de féal
vassal, puisqu'il a sacrifié sa personne pour
ma défense. Prenez courage pour supporter
les revers que la fortune nous fait éprouver,
et consolez-vous avec mes fils ici présents. Il
DES CHICHIMÈQUES. 123
faut maintenant chercher à échapper à cette
persécution, » II lui parla encore longuement
en versant des larmes abondantes, et se re-
tira ensuite dîans un autre endroit nommé
Chicuhnayocan , où il passa trente jours dans
la retraite.
CHAPITRE XIX
Fin malheureuse de l'empereur Iictlilxochitl.
Ixtlilxochitl , se voyant ainsi abandonné de
tout le monde , laissa ses serviteurs et sa fa-
mille dans la forêt de Chieuhnayocan , et se
réfugia dans le profond ravin de Queztlachac,
n'emmenant avec lui que le prince Netzahual-
coyotzin et deux capitaines, dont l'un, To-
1 26 HISTOIRE
tocahuan^ était natif de Papaiotla , et l'autre
se nommait Cozamatl. Ayant trouvé un grand
arbre abattu, il passa la nuit à Tabri de ses
racines. Le lendemain, jour appelé Matlactli
Cozcaquauhtli , le neuvième du dixième mois
Ochpanaliztlique, qui correspond au 24 sep-
tembre , au lever du soleil , Tezcacoacatl ,
un des soldats envovés à la découverte , vint
l'avertir en toute hâte qu'il avait aperçu un
grand nombre de gens armés qui s'appro-
chaient rapidement. Ixtlilxochitl , voyant que
l'heure de sa mort était arrivée, et qu'il
fallait en venir aux mains , dit au peu de sol-
dats qui lui restaient de chercher à sauver
leur vie, et que quant à lui il ne pouvait plus
éviter d'être déchiré par ses ennemis. Puis
il appela son fils, et lui dit : « Mon fils bien-
aimé, bras de lion Netzahualcoyotzin , dans
quel lieu peux-tu te réfugier et trouver un
parent ou un allié qui veuille te recevoir!
Mes malheurs vont finir ici; je vais quitter
ce monde , mais je te recommande de ne
DES GHIGHIMÈQUËS. 127
pas abandonner tes sujets et tes vassaux.
N'oublie pas que tu es Chiehimèque , et tâche
de recouvrer l'empire dont Tezozomoc te dé-
pouille si injustement. Venge la mort de ton
malheureux père, et ne laisse pas reposer
ton arc et tes flèches. Maintenant, cherche à
te cacher dans cette foret; car ta mort mettrait
fin à l'empire et à la race glorieuse de tes
aïeux. » Le père et l*e fils versaient des larmes
si abondantes , quHls ne purent ajouter une
parole. Netzahualcoyotzip , ayant embrassé
son père, monta sur un arbre dans le feuillage
épais duquel il se cacha , et d'où il put voir la
mort malheureuse de l'empereur. Celui-ci s'a-
vança bravement au-devant des ennemis qui
étaient presque tous des provinces d'Otom-
pan et de Chalco, qui venaient de se déclarer
pour les Tecpanèques, quoique peu de temps
auparavant il leur eût accordé de grandes fa-
veurs. Il les chargea bravement , et après s'ê-
tre vigoureusement cléfendu et en avoir tué
plusieurs, il tomba percé de plusieurs coups
1 28 HISTOIRE
de lance. Les rebelles, voyant qu'un grand
nombre de guerriers descendaient des monta-
gnes pour venir à son aide , se contentèrent
de sa mort , et reprirent en toute hâte le che-
min d'Otompan, Totocahuan, un des officiers
d'Ixtlilxochitl , fut le premier qui releva son
maître, et commença à se lamenter en di-
sant : ((Oh ! Ometecutli Ixtlilxochitl , la fin
de tes malheurs et l'heure de ton repos sont
donc arrivées ! C'est à l'empire à gémir puis^
qu'il est orphelin , et qu'il perd sa lumière et
son père. Que vont devenir le prince Acolmiztli
Netzahualcoyotzin, mon seigneur, ainsi que
ses loyaux et malheureux vassaux! » Après
avoir ainsi parlé, il commença à ensevelir
le cadavre. Il arriva bientôt d'autres Chichi-
mèques, parmi lesquels se trouvait un gen-
tilhomme nommé Chichiquiltzin , natif de
Tlailotlan. Ils dressèrent de leur mieux une
espèce d'estrade sur les bords de la rivière de
Quetlachac qui coule en cet endroit, et y pla-
cèrent les restes du grand Ixtlilxochitl. Ils
DES CHICHIMÈQUES. 129
veillèrent le corps toute la nuit, et le lende-
main, au point du jour, ils le brûlèrent. Ce
jour se nommait Matlactli Occolin. Ils gardè-
rent soigneusement ses cendres en attendant
qu'ils eussent l'occasion de les placer dans un
endroit convenable. Cette guerre des Tecpanè-
ques dura trois ans et deux cent soixante-treize
jours. Netzahualcoyotzin avait alors quinze
ans et deux cents jours; il était reconnu comme
souverain de l'empire chichimèque, et on lui
avait prêté serment. Ixtlilxochitl fut le pre-
mier empereur chichimèque dont les obsèques
furent célébrées de cette manière , qui était
particulière aux Toltèques.
12
CHAPITRE XX.
Tezozomoc se fait prêter serment comme empereur des Chi-
cfaimèques. — II o^rdonne de massacrer une quantité d'en-
fants dans le royaume de Tezcuco. — Proclamation qu'il fait
l'aire dans la plaine de Totecateopan, où il se fait reconnaî-
tre souverain par les habitants de Tezcuco et de quelques
autres proTinces dépendantes de Tempire.
Aussitôt après la mort d'ixtl ilxochitl , sixième
empereur des Chichimèques, les assassins se
hâtèrent d'en porter la nouvelle à Tezozomoc,
qui leur accorda de grandes faveurs. Il distri-
bua aussi des récompenses à ses alliés, tel$
que les deux rois des Mexicains, Tfacateczin de
132 HISTOIRE
Tlatelolco et Chimalpopoca de Tenuehtitlan ,
ainsi qu'à Atecolcocoatzin , seigneur d'Acul-
man, et à d'autres qui assistèrent aux fêtes célé-
brées lors de la prestation du serment. La plu-
part des chefs qui dominaient dans les provin-
ces éloignées avaient profité de ces troubles et
de ces désordres pour se détacher peu à peu
de l'empire , sans reconnaître aucun des deux
compétiteurs. Tezozomoc avait l'intention de
les soumettre; mais il en fut empêché par
d'autres guerres, et par la courte durée de
son règne (i).
La première mesure que prit le tyran contre
les loyaux vassaux d'Ixtlilxochitl, fut de faire
demander à tous les enfants au-dessous de sept •
ans qui pouvaient parler, qui ils regardaient
comme leur souverain légitime, et de faire
(i) Ixtlilxochitl , rel. lo , dit que Tezozomoc associa à
Teinpire les rois de Cohuatlichan et d'Âcolman. C'est une
chose singulière que ce gouTemement par trois chefs que Ton
retrouve dans toutes les dynasties du Mexique , ainsi qu'au
Guatemala , et même chez les Muyscas de la Nouvelle-
Grenade.
DES CHICHIMÈQUES. 133
massacrer, ainsi que leurs parents, tous ceux
qui répondirent Ixtlilxochitl ou Netzahual-
coyotzin. Il récompensa, au contraire, ainsi
que leurs familles, tous ceux qui répondirent
que c'était lui : il inventa cette cruauté pour
faire exécrer à jamais les noms d'Ixtlilxochitl
et deNetzahualcoyotzin. Cet ordre fut exécuté,
et comme les pauvres enfants avaient tou-
jours entendu dire à leurs pères et à leurs
mères qu'ils étaient vassaux des deux princes
chichimèques , presque tous les nommèrent ,
et périrent par la main de ces cruels bour-
reaux qui en tuèrent plusieurs milliers. Ja-
mais aucun souverain des Indes- Occidenta-
les n'exerça de pareilles cruautés.
Tezozomoc réunit ensuite les nobles et tous
les habitants des villes, bourgs et villages
qui dépendaient de l'empire, dans une plaine
située entre Tezcuco et le village de Tepe-
tlaoitoc. Un de ses capitaines monta sur un
Cou ou temple qui se trouvait au milieu de
cette plaine, et leur dit à haute voix, dans les
1 34 HISTOIRE
deux langues chichimèque et toltèque qui y à
cette époque, étaient répandues dans tout Tenï-
pire , que dorénavant et sous peine de mort ,
ils devaient reconnaître pour roi et suprême
seigneur Tezozomoc, roi des Tecpanèques, et
payer à lui et non au chef d'une autre dynas-
tie tous les revenus et impôts dus à l'empe-
reur. Il ordonna ensuite à tous ceux qui ren-
contreraient le prince Netzahualcoyotzin de
s'en saisir, et de l'amener mort ou vif en pré-
sence de Tezozomoc, promettant de grandes
récompenses à celui qui réussirait à s'emparer
de sa personne. Netzahualcoyotzin pouvait en-
tendre cette proclamation deQuauhyacac, col-
line couverte de bois sur laquelle il s'était re-
tiré, et où il se tenait soigneusement caché.
Ceci se passait à la fin de l'année 1418. Pour
échapper aux embûches du tyran et de ses
complices, il se retira l'année suivante dans la
province de Tlaxcallan, dont les seigneurs
étaient ses oncles. Il y pénétra déguisé en sol-
dat, et fit une campagne avec les Chalcas, qui
DES CHICHIMEQUES. 435
étaient en guerre avec leurs voisins pour les
limites de leur territoire et la possession de
certains cbamps. Il y resta caché pendant as-»
sez longtemps. Mais il tua un jour une femme
noble^ nommée Zilamauh , dans la maison de
laquelle il demeurait, parce qu'elle avait vendu
une quantité de pulque, ou vin du pays, à des
gens qui s'enivraient, action défendue par
les lois et qui lui parut indigne d'une dame
d'un rang élevé. Cette exécution l'ayant fait
reconnaître , les Chalcas s'emparèrent de lui
et le menèrent a Toteozitecuhtli, leur roi. Ce-
lui-ci le fit enfermer dans une cage forte-
ment construite , et dont il confia la garde à
son frère Quetzalmalcatzin chef d'une troupe
nombreuse, et défendit de lui rien donner à
boire ou à manger durant l'espace de huit
jours, espérant par ce cruel supplice gagner
la faveur du tyran Tezozomoc, et venger en
même temps la mort de cette femme. Quet^
zalraalcatzin feignit d'obéir à cet ordre, mais
il trouva moven de faire tenir secrètement des
1 36 HISTOIRE
vivres au prince et de le faire subsister pen-
dant tout ce temps ; car il avait pitié de lui ,
et regardait comme injuste de le sacrifier à la
haine du tyran. Les huit jours s'étant écoulés,
Toteozitecuhtli demanda à son frère si le pri-
sonnier était mort et se montra très-irrité
d'apprendre le contraire. Il ordonna que le
lendemain^ jour où Ton célébrait la grande
foire du pays y on l'amenât sur la place pour
être déchiré par le peuple. Quetzalmalcatzin ,
plaignant le sort du prince, entra la nuit
dans sa prison, lui annonça ce qui venait de
se passer, le sort qui le menaçait, et ajouta
qu'il ne le laisserait pas périr ainsi, car il le
regardait comme l'héritier légitime de l'em-
pire, et que, par affection pour lui, il voulait
mourir à sa place. Il changea de vêtements
avec le prince pour qu'il put traverser les
gardes et lui conseilla de partir la nuit même
et de prendre la route de Tlaxcallan, de Huexot-
zinco , ou de toute autre province éloignée où
on ne pourrait s'emparer de sa personne. Il lui
DES GHICHIMÈQUES. 137
demanda pour toute récompense d'avoir soin
de sa femme et de ses enfants si les dieux le
favorisaient, et s'il parvenait à recouvrer
l'empire. Le prince le remercia de sa noble
conduite, et lui promit de faire tout ce qu'il
lui demandait et qu'il méritait si bien par sa
lovauté. Il sortit ensuite sans être reconnu
et prit en toute hâte la route de Tlaxcallan,
laissant Quetzalmalcaltzin dans la cage à sa
place. Aussitôt que Toteozitecuhtli fut infor-
mé de ce qui venait de se passer, il fit exécuter
sur son frère la sentence qu'il avait pronon-
cée contre Netzahualcoyotzin.
140 HISTOIRE
et comraençaient à se tranquilliser quoiqu'on
les eut dépouillés de leurs biens, de leurs
meubles et qu'ils fussent gouvernés par des
usurpateurs , résolut de le partager, ce qu'il
fit de la manière suivante. Il prit pour lui la
ville deCoatlichan avec tout son territoire qui
contenait un grand nombre de villes et de
villages , s'étendait depuis la province de
Chalco jusqu'à celle de ToUantzinco, com-
prenait celles d'Otompan, Tepepolco et Zem-
poalan, et était entièrement habité par la na-
tion des Culhuas. Tlacateotzin , seigneur de
Tlatelolco, reçut Huexotla, autre capitale de
cette nation , avec un grand nombre de villa-
ges qui en dépendaient et qui étaient entre-
mêlés avec ceux qui relevaient de Coatlichan
et de Tezcuco. Chimalpopoca, roi de Mexico,
fut investi de cette dernière ville et de toutes
ses dépendances. Tezozomoc accorda le titre
de roi à son neveu Ticolcocoatzin , seigneur
d'Acolman, et à Quetzalmaquiztli , seigneur de
Coatlichan, et les chargea de gouverner tout
DES CHIGHIMÈQUES. 141
Tempire de Tezcuco, confiant à l'un les pro-
vinces du midi^ et à l'autre celles du nord. Il
distribua , en outre , une quantité de faveurs
à d'autres chefs et seigneurs d'une moindre
importance. Il s'occupa ensuite à soumettre ,
soit par lui-même, soit par ses capitaines , les
chefs des provinces éloignées qui s'étaient dé-
tachés de l'empire, et les attaqua vigoureuse-
ment. Un grand nombre se soumirent volon-
tairement pour éviter de nouveaux malheurs
à leurs sujets. Il employa de cette manière les
six années qu'il vécut encore.
Netzahualcoyotzin resta tout ce temps dans
la province de Tlaxcallan, auprès de ses oncles,
qui en étaient seigneurs. Il leur communi-
qua ses desseins, et ceux-ci lui indiquèrent la
manière dont il devait s'y prendre pour re-
couvrer l'empire. Plusieurs dames mexicai-
nes , qui étaient ses tantes et ses proches pa-
rentes , demandèrent sa vie au tyran , qui la
leur accorda , à condition qu'il résiderait dans
la ville de Mexico sans pouvoir en sortir. Elles
142 HISTOIRE
obtinrent ensuite, par de nouvelles instan-
ces, qu'on lui permît de retourner à Tezcuco,
où on lui rendit ses palais , tout ce qui avait
appartenu à son père et à ses aïeux, et quel-
ques villages pour le servir, ce qui lui laissa
plus de liberté et lui permit de s'occuper du
rétablissement de l'empire. Ceci eut lieu en
l'année 1426, ou Matlactli Omé Toehtli.
Quelque temps apr^s, Tezozomoc songea,
une nuit au moment où l'étoile du maliin se
lève du côté de l'orient, que le prince Netza-
hualcoyotzin , transformé en aigle royal-, le
saisissait et lui dévorait le cœur; une autre
fois qu'il se changeait en tigre et lui déchirait
les jambes avec ses griffes et ses den^ts , qu'il
s'enfonçait aisuite dans les «aux, dans îles
montagnes , dans les foi'éts et en devenait
le cœur (^coiwertiendose en corazon de elias).
Il se réveilla tout épouvanté et fit de suite
appeler les devins afin qu'ils lui expliquassent
son rêve. Ceux-ci lui répondirent que J'aigle
qui Jui dévorait le cœur voulait dire que son
DES CHIGHIMÈQUES. 143
ennemi détruirait sa maison et sa Eace; que
le tigre signifiait qu'il ravagerait Atzeaputzalco
sa capitale et tout son royaume ; enfin qu'il
recouvrerait l'empire, parce qu'il était devenu
le cœur des eaux, des forêts et des montagnes.
Tezozomoc ayant demandé aux devins ce qu'il
devait faire pour en éviter l'accomplissement,
ceux-ci lui répondirent qu'il n'y avait d'autre
moyen que de tuer Netzahualcoyotzin , mais
qu'il fallait que ce fût par surprise, car on
n'y parviendrait pas autrement.
Quand les devins l'eurent quitté, Tezozo-
moc fît venir ses trois fils, Maxtla, Toyatzin
et Tlatoca-Tlizpatzin. Après leur avoir fait
diverses recommandations il leur dit que,
s'ils voulaient hériter de l'empire, il fallait
qu'ils tuassent Netzahualcoyotzin quand il
viendrait à Atzeaputzalco, pour assister à ses
funérailles, ce qui serait bientôt, car il sentait
bien que sa fin approchait puisqu'il avait ré-
gné 128 ans. Il désigna ensuite Teyatzin son
fils pour lui succéder.
CHAPITRE XXII.
Mort du tyran Tczozomoc — Maxtla, son fils, usurpe le trôn«,
et fait périr Tayatzin , son frère.
Le quatrième jour de l'année nommée
Matlactli Omei Acatl et de son premier mois
nommé Tlazaxipehualiztli , le jour de CeCoz-
eaquauhtli , c'est-à-dire le 24 mars 1 427, Tc-
zozomoc mourut à Atzcaputzalco dans la dé-
crépitude; on en avertit de suite les rois de
12. 10
146 HISTOIRE
Mexico et tous ses parents, afin qu'ils vins-
sent à ses funérailles. Us arrivèrent le jour
suivant, au moment où se lève le nahuolin
ou étoile du matin. Netzahualcoyotzin vint
aussi avec son neveu Tzontecochatzin , et fit
son compliment de condoléance sur la mort
de Tezozomoc à ses trois fils , aux rois de
Mexico et aux autres seigneurs de sa famille.
Il prit ensuite place parmi eux pour assister
à tous les rites et à toutes les cérémonies que
les prêtres des idoles observaient en brûlant
le corps. Tayatzin, qui avait gravé dans sa
mémoire ce que son père leur avait dit rela-
tivement à Netzahualcoyotzin , en parla se-
crètement à son frère Maxtla, qui lui répondit
qu'il serait toujours temps, et qu'il ne fallait
pas exciter des désordres qui troubleraient
les cérémonies funèbres célébréesen l'honneur
de leur père , où assistaient tant de sei-
gneurs et de nobles qui en seraient offensés „
et qu'on les blâmerait de commettre un assassi-
nat sans motif au moment où ils ne devaient
DES CHICHIMÈQUES. 147
être occupés qu'à pleurer leui^pcre. On n'exé-
cuta donc pas ce que Tezozomoc avait recom-
mandé; Le prince de Tezcuco , averti par son
cousin Motecuhzoma de ce que Ton tramait
contre lui , se hâta de regagner cette ville dès
que l'on eut brûlé le corps et que l'on eut
placé les cendres dans le principal temple
d'Atzcaputzalco selon l'usage des Mexicains.
Maxtla, seigneur de Cuyoacan, était un
homme fier et guerrier; sans s'inquiéter de ce
qu'avait ordonné son père, il pensa que la
couronne devait lui appartenir* parce qu'il
était l'aîné et qu'il se sentait capable de gou-
verner, H se fit donc proclamer empereur
quatre Jours après les funérailles , et fut re-
connu par tout le monde. Il régnait déjà
depuis cinq mois et cinq jours, ce qui, d'a-
près le compte des Naturels, fait cent cinq
jours , quand Tayatzin causant un soii^ avec
Chimalpopoca, roi de Mexico, comme il le fai-
sait souvent depuis qu'il avait été dépouillé de
l'empire, celui-ci lui dit : « Je m'étonne, sei-
1 48 HISTOIRE
gneur, que tu te sois laissé dépouiller de la
haute dignité pour laquelle t'avait désigné
ton père Tezozomoe, et que tu aies souffert que
ton frère Maxtla s'en empare quand il ne de-
vrait être que * seigneur de Cuyoacan. »
Tayatzin lui répondit : « Seigneur, il est bien
difficile de recouvrer une couronne perdue
quand elle est possédée par un usurpateur
puissant. — Suis mon conseil, reprit Chimalpo-
poca , et cela sera très-facile : fais construire
un palais, tu l'y inviteras pour en célébrer l'i-
nauguration et tu l'y tueras facilement, je t'en
indiquerai les moyens. Us causèrent long-
temps sur cette matière sans s'apercevoir
qu'ils étaient écoutés par un nain qui servait
de page à Tayatzin et se tenait caché derrière
un pilier de la salle. Quand ils furent de re-
tour à Atzcaputzalco , le nain alla secrètement
avertir le roi Maxtla qui lui recommanda le si-
lence, lui promettant de grandes récompenses.
Furieux contre son frère , il fit venir tous les
ouvriers de la ville et leur ordonna de con-
DES CHICHIMÈQUES. 149
struire dans un endroit qu'il leur indiqua un
palais pour Tayatzin, disant que, quoiqu'il
lui eût donné la seigneurie de Cuyoacan , il
voulait toujours le conserver à sa cour. On
se mit à l'œuvre à l'instant, et dès que l'édi-
fice fut terminé, il fit inviter son frère à en
venir célébrer l'inauguration, et profita de
cette occasion pour le tuer, le faisant tomber
dans le même piège qui lui avait été conseillé
par le roi Chimalpopoca. Maxtia avait aussi
invité celui-ci , mais il avait refusé de venir en
disant qu'il était occupé à un sacrifice solen^
nel qu'il offrait aux dieux*
CHAPITRE XXIII.
Le tyran Maxtia ordonne d'arrêter Ghimalpopoca , roi de
Mexico, et le fait ensuite remettre en liberté. — Situation
périlleuse dans laquelle se trouve Netzahualcoyotzin.
Dés que Ghimalpopoca eut appris le sort de
Tayatzin , il devina facilement que Maxtia avait
été averti de la conversation qu'il avaiteueavec
lui, du conseil qu'il lui avait donné, et que
son intention avait été de lui faire partager,
ainsi qu'à TIacateotzin, le sort de son frère et
1 52 HISTOIRE
de les tuer lors de l'inauguration du palais*
Il pensa bien qu'il chercherait une autre ma-
nière de le faire périr. Ne sachant comment
se tirer de cet embarras , il s'adressa à son
neveu Tecuhtlihuacatzin qui lui conseilla de se
revêtir tous deux de leur armure, de prendre
les marques qui distinguent les hommes qui
vont se sacrifier aux dieux, et de se rendre ainsi
au grand temple, annonçant qu'ils allaient
s'y offrir en sacrifice. Nous verrons alors,
ajouta-t-il, quels sont les véritables senti-
ments de nos vassaux instruits du motif de
notre sacrifice; s'ils nous aiment, ils n'y con-
sen liront pas et prendront les armes pour nous
défendre ; s'ils se montrent indécis, mieux vaut
consommer le sacrifice et mourir d'une mort
glorieuse que de tomber entre les mains du
tyran. Ils exécutèrent ce dessein, et au moment
où ils célébraient les cérémonies qui sont usi-
tées en pareilles occasions, Motecuhzoma , fils
du roi, qui était alors capitaine général du
royaume, voulut venir à leur secours et
DES CHIGHIMÈQUES. 153
empêcher le sacrifice. Ne pouvant y parve-
nir, il dépêcha sui^le-champ un courrier à
Maxtia seigneur suprême, qui envoya aus-
sitôt quelques gentilshommes et un grand
nombre de soldats, avec l'ordre d'arrêter Chi-
malpopoca et de l'enfermer dans une forte
cage au milieu de sa propre ville , de placer
autour une garde nombreuse et de lui donner à
peine de quoi manger. Tecuhtlihuacatzin fut
donc seul sacrifié : le reste fut exécuté et le
plan de Ghimalpopoca et de son conseiller
échoua complètement, car les Mexicains n'é-
taient pas en état de résister à un tyran aussi
puissant que Maxtia.
Netzahualcoyotzin apprit par son frère Yan-
cuiltzin ce qui venait de se passer , que son
oncle était prisonnier, et qu'on lui donnait
à peine de quoi subsister. Il résolut d'aller
trouver le tyran pour lui demander sa grâce.
Il partit emmenant avec lui Tzontecochatzin ,
avec l'intention d'aller voir son oncle à son
retour pour le consoler dans le cas où il ne
154 HISTOIRE
pourrait rien obtenir pour lui. Il arriva de
nuit à Atzcaputzalco, et alla loger chez un
gentilhomme nommé Chacha, qui étajitat^-
ché à la personne de l'empereur Maxtla. 11
lui annonça qu'il venait pour baiser les mains
à son maître. Ghacha lui répondit qu'il était
le bienvenu et qu'il l'introduirait le jour sui-
vant. Le lendemain il le conduisit au palais ,
et se rendant dans la salle où se trouvait
Maxtla il lui annonça l'arrivée de Netzahual"»
coyotzin qui demandait à être admis en sa pré-
sence. Maxtla y consentit, le prince de Tez-
cuco entra et lui dit après l'avoir salué : « Haut
et puissant seigneur, quoique je sente combien
le poids de l'empire doit vous donner de peine
et de soins, je viens vous supplier pour mon
oncle le roi Ghimalpopoca, qui était comme une
plume précieuse posée sur votre tète impériale
et que vous en avez ôtée. On lui a enlevé le
collier d'or et les pierreries qui ornaient son
cou royal ; il vous supplie les mains jointes
d'oublier la vengeance comme un roi misé-
DES CHICHIMÈQUES. 155
ricordieux, et de jeter les yeux sur un misé-
rable vieillard qui manque de tout et que les
forces de la nature sont sur le point d'aban-
donner. » Quand il eut terminé son discours,
Maxtla dit à Ghacha : « Que penses-tu de cela ;
Netzahualcoyotzin mon fils est mon véritable
ami, puisqu'il me supplie d'oublier ma ven-
geance; vous autres Tecpanèques, quand en
direz-vous autant? » Il dit ensuite à Netza-
hualcoyotzin : « Prince , ne t' afflige pas. Chi-
malpopoca n'est pas mort; va le voir et le vi-
siter : je l'ai fait jeter en prison à cause de
ses machinations et parce qu'il donnait un
mauvais exemple au peuple et une mauvaise
réputation aux Mexicains. Accompagne-le ,
Ghacha, afin que les gardes le laissent péné-
trer jusqu'à lui. »
Après avoir pris congé de l'empereur, Net-
zahualcoyotzin se rendit avec ce gentil-
homme à la ville de Mexico, pour voir s'il
pourrait délivrer son oncle. Dès qu'il fut
parti, Maxtla envoya un autre de ses gentils-
156 HISTOIRE
hommes nommé Huecamécatl trouver Tla-
clatlac - Techutzintli et un noble de son
conseil pour leur annoncer que le prince de
Tezcuco était venu lui demander la liberté
de son oncle et qu'il était allé le voir. Il lui
ordonna de les consulter pour savoir s'il de-
vait faire tuer Chiraalpopoca, Tlacateotzin et
ensuite Nezahualcoyotzin comme son père le
lui avait recommandé, quoiqu'il eût jus-
qu'alors négligé de le faire. Le conseiller ré-
pondit qu'il n'avait pas le moindre sujet de
s'alarmer puisqu'il les tenait tous en son pou-
voir; que personne ne l'aiderait à feire mourir
Netzahualcoyotzin ; qu'il n'avait d'abord qu'à
se débarrasser de Tlacateotzin et de Ghimal-
popoca,et que l'autre ne lui échapperait cer-
tainement pas, car il ne pouvait se cacher ni
dans les troncs des arbres, ni dans les rochers.
Maxtla, convaincu par les raisons de son con-
seiller, résolut de l'épargner pour le moment.
Les gardes laissèrent pénétrer auprès du vieux
roi le prince de Tezcuco et son neveu Tzonte-
DES CHICHIMÈQUES. 157
cochatzin. Netzahualcoyotzin pour le consoler
lui dit : « roi, ce sont les malheurs et les
souffrances que tous les rois éprouvent pen-
dant le cours de leur règne. Tu payes main-
tenant la dette que l'on contracte en mon-
tant sur le trône dans un pays soumis à des
tyrans. Ce qui peut te consoler , c'est que
tu es encore dans la capitale que t'ont lais-
sée tes aïeux Acamapixtli et Huitzilihuitl.
C'est de tes sujets qu'il faut avoir pitié , car
les Mexicains et les Tenuchcas sont plon-
gés dans l'affliction ne sachant quand fini-
ront tes malheurs et ce qu'ordonnera de toi le
tyran Maxtla queje viens d'aller voir. » Chi-
malpopoca lui répondit : « Prince , quelle est
ton audace d'avoir osé pénétrer jusqu'ici pour
me visiter! Tu aurais pu t'en dispenser; car
tu ne réussiras pas à arrêter le cours des ri-
gueurs que Maxtla veut exercer contre moi.
Ce que je te demande , c'est de te concerter
avec ton oncle Izcohuatzin et ton cousin Mo-
tecuhzoma sur ce qu'il y a à faire , car c'est toi
158 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
qui seras le soutien et la subsistance des Acul-
huas et des Mexicains. Veille à ce que l'en-
droit où tu placeras ton siège soit toujours
miné; tiens-toi constamment sur tes gardes et
crains que le tyran Maxtla ne prononce con-
tre toi une sentence de mort. « Quand Ghimal-
popoca eut terminé ce discours, il ôta les
joyaux d'or dont il ornait sa tête, sa figure et
son cou et les remit à Netzahualcovotzin. Il
Kl
donna à Tzôntecochatzin ses boucles d'oreilles,
et les renvoya tous deux. A peine étaient-ils
sortis de la prison qu'arriva l'ordre de Maxtla
de remettre en liberté le roi Chimalpopoca, ce
qui fut exécuté sur-le-champ, et l'on renvoya
les gardes.
CHAPITRE XXIV.
Netzafaualcoyotzin échappe deux fois des mains du tyran. —
Mort deChimalpopoca et de TIacateotzin, roi de TIatelolco.
Les paroles de son oncle Chimalpopoca res-
tèrent gravées dans l'âme de Netzahualcoyot-
zin ; c'est pourquoi , non-seulement il observa
le sens allégorique qu'elles cachaient, mais il
les exécuta même littéralement; car, dès qu'il
fut arrivé àTezcuco, il fît miner les murailles
1 60 HISTOIRE
près de Tendroit où était placée son estrade;
précaution qui lui sauva la vie , comme on le
verra plus tard. Il partit ensuite pour Atzca-
putzalcoafîn de visiter le tyran, et de le remer-
cier d'avoir rendu la liberté à son oncle. Il y
arriva le matin, et se rendit de suite au palais.
Il aperçut , en entrant dans la grande cour,
une quantité de gens af*raés , dont les lances
et les boucliers étaient appuyés contre la mu-
raille. Maxtla venait de leur ordonner de se
rendre à Tezcuco pour le tuer. Un des ca-
pitaines le voyant arriver , s'approcha de
lui en disant : « Soyez le bienvenu , sei-
gneur; l'empereur nous envoie à l'instant
même à Tezcuco, à la recherche de Pancol
qui s'est enfui. » Il le fît ensuite entrer
dans une salle pour y attendre les ordres de
Maxtla. Netzahualcoyotzin passa au milieu
des soldats en les saluant tous, et leur dit
qu'il désirait parler à leur maître. Un des
serviteurs du palais se hâta d'aller annoncer
à l'empereur que le prince de Tezcuco de-
DES CHICHIMÈQUES. 161
mandait à être admis en sa présence , et
attendait dans une des salles. Celui-ci le
fit appeler , mais quand le prince se présenta
devant lui , il lui tourna le dos et ne vou-
lut point lui parler. Netzahualcoyotzin aper-
çut , sur ime estrade à côté de Maxtla , les
femmes de son oncle Chimalpopoca , dont
l'une se nommait Quetzalmalin , et l'autre
Pochtlan. Il offrit à l'empereur un bouquet
de fleurs qu'il tenait à la main^ et comme
celui-ci les refusa, il les déposa devant lui.
Maxtla ne répondit pas non plus quand le
prince lui adressa la parole. Celui-ci sortit
alors, et Chacha lui annonça secrètement que
l'empereur avait donné l'ordre de le tuer aux
gens armés qu'il avait rencontrés dans la cour
du palais. Il lui conseilla donc de prendre la
fuite le plus tôt possible s'il voulait mettre ses
jours en sûreté. Le prince entra par une petite
porte dans les jardins du palais, et se réfugia
dans une grande salle en paille qui s'y trou-
vait. Il ordonna à Xiconocatzin , qui l'avait ac-
12. 11
162 HfôTOIftE
compagne depuis Tezcuco, dt ^ placer à la
porte et de regarder si personne ne venait
pendant qu'il cherchait k s'échapper, et tui
recommanda de repondre à ceux qui le de-
]iiander«it<ènt, qu'il ne Vêtait éloigné qtie pour
un înMant, ajoutant que s'il parvenait à s*é-
ctiapper il l'attendait isur la route de Tlatelolco.
Étant ensuite parvenu à faire un trou dans
la toiture de là salle, il s'enftiit en ^t de
ce côté. H était à peine dehors , que les capi-
taines arrivèrent en grande hâte auprès de
Xiconocatzin, et lui direntd'appeler !e prince,
que l'empereur le faisait chercher. Celui-ci,
«ans en attendre davantage , prit la fuite pour
se mettre en sûreté, et alla rejoindre Netzahliàl-
coyotzin à l'endroit désigné. Les soldats dont
j'ai ^rlé, ainsi que 'la garde du roi, avaient
priia tes arttieS et le cherchaient dans toute la
ville. Quelques-uns parvinrent même à l'at-
teindre, mais il était si agile qu'il réussit à s'é-
chapper de ^UrS mains , en les menaçant qu'a-
vant peu il reviendrait pour mettre tout à feu
DES (^ACHIMÈQUES. 463
et à $ang. $od .çampi^^do le rejoignjit près de
Tkitelol^. Ufi étiûent tous deux épuisés de
fatigue et de faim , c'est pourquoi ils achetè-
rent de quoi man^r dans les pren^ièr^ m^i^
sons de la ville, s'embarquèrent sur le lac,
et se réfugièrent à Tezeuco. MaxtJa , voyant
qu'iJiS ^vaieiiit réiiiyssi k échapper aux soldats,
déchargea sa fcolère sur ceux-^i, et les fit tous
mi^sacrer. H eu envoya d'autres à Mexico ,
avec l'ordre exprès de tuer Chimalpopoca et
Tlacataoitein. (^and ils furent arrivés à Te^
nuchtitlan, ils trouvèrent le roi dans une salle
du tesople, occupé avec quelques sculpteurs
^W travaillaient à une idole du dieu Texu-
chilotl. Dès qu'ils aperçurent le roi, ils éloi-
gnèreiit les ouvriers et le conduisirent: dans
une autre salle du temple, qui se nommait
Huizcalli^ con^me s'ils eussent eu à lui parler
d'affaires iinportantes. Se voyant seuls avec
^ui, ils le tuèrent d'un grand ooup de mas-
s«ie sur Ja tête , sortirent de cette salle, en
disant aux Mexicains d'aller trouver leur roi
1 64 HISTOIRE
qu'ils avaient laissé endormi , et prirent
rapidement la route de Tlatelolco. Les Mexi-
cains ayant trouvé le cadavre de leur roi^
poursuivirent les assassins et les attaquè-
rent.
Tlacateotzin parvint a s'échapper en se ré-
fugiant dans un grand canot qu'il chargea
d'or et de pierreries , et prit par le lac la route
de Tezcuco ; mais les Tecpanèques le poursui-
virent, l'atteignirent au milieu du lac, et le
tuèrent à coups de lances. Ainsi fiûirent les
deux rois de Mexico. Leurs sujets relevèrent
leurs cadavres et célébrèrent leurs funérailles
avec les honneurs accoutumés. Malgré leur
désir de se venger, ils furent obligés d'atten-
dre une meilleure occasion parce qu'ils ne
se sentaient pas assez forts. Ce qui leur im-
portait davantage pour le moment, était de
leur choisir des successeurs capables de les
gouverner. Les Tenuchcas choisirent pour
leur roi Itzcoatzin , frère cadet de Chimalpo-
poca, qui réunissait toutes les qualités qu'ils
DES CHICHIMÈQUES. 165
devaient rechercher en un roi dans une posi-
tion aussi dangereuse et aussi difficile. Les
Tlatelolcains proclamèrent Quauhtlatoazin ,
qui n'était pas moins vaillant.
CHAPITRE XXV.
NelTsahualcpyotzia échappe encore çleux foi» aux rusm de «es
ennemis.
Après s'être défait des deux rois de Mexico,
il ne restait plus à Maxtla? pour jouir san^
rival de l'empire, que de faire périr le prince
Netzahualcoyotzin. Sans se laisser rebuter par
le mauvais succès de sa dernière tentative, il
résolut d'emplover un autre moven : il or-
168 HISTOIRE
donna à Yancuiltzin , son neveu , frère bâtard
de Netzahualcovotzin , de l'inviter à un festin
et de l'assassiner après l'avoir attiré dans
sa maison. Huitzilihuitzin (i)^ gentilhomme de
Tezcuco, adonné à la science des astres^ et
qui avait été gouverneur du prince, soup-
çonna cette trahison. Ayant découvert par son
art que son élève courrait un grand danger
s'il se rendait à cette invitation, il fit amener
à Tezcuco un jeune laboureur, natif de Coate-
pec, dans la province d'Otompan, qui ressem-
blait beaucoup au prince et qui était du même
âge. Il employa plusieursjours à lui enseigner
les formes de politesse usitées par les princes.
Pour lui en donner le temps Netzahualcoyot-
zin retardait, sous différents prétextes, de se
rendre au festin que son frère lui offrait. C'é-
tait l'usage universel alors d'ouvrir ces sortes
de fêtes par une danse générale que l'on com-
(0 Veytia (liv. II, chap. xl) prétend que cef Huitzilihuitl
n'est pas le même que celui qui avait été gouverneur de Net-
zahualcoyotzin , et que ce dernier fut tué lors de la prise de
Tezcuco, par l'armée de Tezozomoc.
DES GHIGHIMËQUES. 169
mencait à l'entrée de la nuit. Sans se douter
du danger qui le menaçait^ ce jeune paysan
arriva couvert des vêtements royaux et envi-
ronné des précepteurs, des amis et des servi-
teurs qui entouraient ordinairement le prince
de Tezcuco. Yancuiltzin vint au-devant de lui
avec une suite nombreuse pour le conduire
dans la maison où devait se célébrer la fête ,
et où il avait réuni beaucoup de monde. On
avait allumé des flambeaux de résine dans
toutes les rues, les cours et les salles qu'il
devait traverser. Après avoir salué celui qu'il
prenait pour son frère , il l'introduisit dans le
palais, et, dès qu'il y fut entré, les danses
commencèrent. Mais à peine avait-on fait trois
tours, qu'un capitaine se plaça derrière lui et
lui donna sur la tête un coup de massue qui
le fit tomber étourdi. Aussitôt on lui coupa la
tête et on la porta en toute hâte à Maxtla ;
bien persuadé que c'était celle de Netzahual-
coyotzin. Celui-ci, qui se tenait sur ses gardes,
s'embarqua pour Mexico aussitôt qu'il eutap-
\ 70 HISTOIRE
pris la mort de celui qui le représentait^ et alla
féliciter son oncle Itzcoatzin sur son élection. Il
y arriva le lendemain matin. Pendant qu'il cau-
sait avec lui y on annonça des envoyés deFèm*
pereur Maxtla , qui apportaient la tête de celui
que Ton avait assassiné à sa place^ et venaient
annoncer sa mort. Les envoyés furent frappés
de stupeur en le voyant auprès de son oncle.
Le prince , connaissant ce qui se passait dans
leur àme, leur dit ; « Ne perdez plus votre
temps à chercher à me faire périr, car le IHeu
tout-puissant m'a rendu immortel.» CeuxM^i
retournèrent de suite auprès de Maxtla pour
lui annoncer cet événement extraordinaire. Il
fut saisi d'une si violente colère, que sur-4e-
champ il rassembla des troupes et envoya une
armée assez considérable à Tezcuco, où il sa-
vait que le prince était de retour. H ordonna
aux quatre capitaines qui la commandaient
de répandre leurs soldats dans toute la ville,
■ •
de s'emparer de toutes les rues et de toutes
les issues; de prendre ensuite le nombre
DES GHICHIMÈQUES. 171
d^hommes nécessaire, de chercher partout Net-
zahualeoYOtzin et de le massacrer. L'armée se
mit de suite en marche; mais ce dernier , ayant
été averti par Totomihua, seigneur de Coate-
pee^ du danger qui le menaçait, fit appeler ses
amis pour leur demander conseil. Il réunit
dans son palais, nommé Cillan, Quauhtle-
huanitzin son frère aine, fils naturel de son
père , Tzontechochatzin , et d'autres gentils-
hommes de son parti, et leur annonça que le
lendemain ses ennemis devaient venir pour
le tuer; mais qu'il était déterminé à leur ré-
sister et à ne pas prendre la fuite devant eux.
Quauhtiehuanitzin prit ensuite la parole et lui
dit : (( Mon frère et seigneur, vous avez be-
soin d'un grand cœur pour supporter les
coups de la fortune et sortir des dangers au
milieu desquels vous a laissé votre père Ome-
tochtli-Ixtlilxochitl. Vous connaissez les atta-
ques et les persécutions qu'il a éprouvées et
auxquelles il a fini par succomber ; mais son
cadavre est devenu le fondement, le ciment
1 72 HISTOIRE
et le rempart de l'empire chichimèque. Vous
savez comment le tyran Maxtla a traité les
Mexicains , puisqu'il n'a pas hésité à faire pé-
rir le roi Ghimalpopoca^ votre oncle. Y a-t-il
dans le monde des périls et des malheurs plus
grands que ceux qui vous menacent aujour-
d'hui? » Tzontechochatzin dit ensuite : « C'est
dans un pénible esclavage que vous ont laissé
lé roi Ixtlilxochitl mon maître , et mon père
Chihuacuecuenotzin, son capitaine général,
quand ils sont tombés sous les coups de Te-
zozomoc. Je ne puis donc qu'appuyer l'opi-
nion de Quauhtlehuanitzin, et vous assurer
que je pense comme lui, que Maxtla ne vous
épargnera pas, ce qui me déchire l'âme. — Eh
bien , reprit Netzahualcoyotzin , demain nous
nous amuserons à jouer à la balle en atten-
dant l'arrivée des Tecpanèques , Coyohua ira
au-devant d'eux et les introduira dans ma
maison , où il aura soin de les bien recevoir ;
mais nous tiendrons un corps de troupes tout
prêt à venir à son secouis, si cela devient
DES CHiCHIMÈQUES. 173
nécessaire. » Le soir il envoya un de ses
serviteurs, nommé Tehiiitzil, à son ancien
précepteur, Huitzilihuitzin , par les conseils
duquel il se gouvernait. Il lui fît savoir les
ordres qu'il avait donnés pour la réception
des Tecpanéques, ajoutant qu'il croyait le
moment venu d'exécuter ce qu'ils avaient
résolu pour recouvrer la couronne des Acul-
huas et relever l'empire chichimèque ; car il
savait, d'une source certaine, qu'on devait
venir le lendemain pour le tuer. Quand Huit-
zilihuitzin eut entendu le rapport que lui fit
Tehuitzil , il se mit à pleurer et lui répondit ;
« Va dire à mon élève de prendre courage et
de faire son devoir. Je lui ai déjà tracé sa ligne
de conduite ; qu'il fasse venir des secours des
provinces de Huexotzinco, Tlaxcàllan et Toto-
tepec. Il en connaît les habitants ; ce sont des
hommes valeureux et presque tous de race
chichimèque ou otômite; ils ne l'abandon-
neront pas , et sont prêts à sacrifier leur vie
pour lui. » Quand le messager eut rendu cette
1 74 HISTOIRE
réponse à Netzahualcoyotzin , il résolut de s'a-
dresser, cette nuit niême, aux seigneurs qui
gouvernaient ces provinces. U envoya à la
ville de Huexotzinco un de ses serviteurs, qui
se nommait Coztolomi Tocultecatl , pour aver-
tir Xaicamechan , seigneur de cette province ,
du danger où il se trouvait, et lui dire qu'il
était temps qu'il vmt à son secours pour Fai-
der k venger la mort d'Ixtlilxochitl, son père,
à recouvrer l'empire et à châtier les rebelles ;
que, s'il tardait plus longtiwnps, le tyran
le fei^ait périr. Le lendemaiin , après avoir
fait partir son messager, il se mit à jouer à la
balle avec ses amis devant la porte du palais,
en attendant les Tecpanèques. Les quatre ca-
pitaines se dirigèrent vers le palais avec un
certain nombre de soldats, comme Maxtla le
leur avait ordonné. Coyohua alla au-devant
d'eux pour les recevoir. Ils lui demandèrent
-où était Netzahualcoyotzin , mais il les enga-
gea k se reposer un peu , ajoutant que le prince
rentrerait bientôt. Quand ils furent entrés dans
DES CHIGHIMÈQUES. 175
Une Sialle du palais qui était en lace de la salle
îwalc, Netzàhualcoyotzih rint à eux, leur fit
danner des bouquets de fleurs, en leur disant
<|u'ilâ étaient tes bienvenus et qu'ils se repo-
sassent dans sa maison. Sur leur réponse qu'ils
étaient venus pour jouer à la balle avec lui ,
il les invita à prendre d'abord un léger re-
pas y ajoutant qu'il y avait temps pour tout.
Il fit aussitôt dresser les tables et servir un
festin spleodide. Pendant ce temps il rentra
dans la salle royale et s'assit sur son trône ,
de sorte que ses ennemis pouvaient le voir.
Quand le moment fut venu de s'échapper par
Je souterrain qu'il avait fait creuser à eôté de
son troue, ccwnme je l'ai dit plus haut, Coyo-
hualui fitmn signe convenu, qui était de quitter
son manteau et de le secouer comme pour en
ôter la poussière. Il |M*it cette route et gagna
te campagne par le canal d'un aqueduc qui
conduisait au palais. Ce fut ainsi qu'il profita
du conseil que lui avait donné son oncle Chi-
malpopoca. Quand les quatre capitaines eu-
176 HISTOIRE DES CHICHÏMÈQUES.
rent terminé leur repas , ils se rendirent à la
salle où ils croyaient trouver Netzahualcoyot-
zin. Voyant qu'il avait disparu, ils s'empa-
rèrent de Coyohua et voulurent le massa-
crer ; mais celui-ci leur dit qu'ils auraient peu
d'avantage à tuer un pauvre vieillard, et qu'ils
feraient mieux de chercher à s'échapper du
palais^ car il avait entendu dire qu'ils n'en
sortiraient pas vivants , et que le prince avait
réuni un grand nombre de gens de guerre
pour leur résister. Cette fausse nouvelle
leur inspira une si grande terreur, qu'ils sor-
tirent du palais tout épouvantés, appelant
à grands cris leurs soldats pour se préparer
à combattre ceux qu'ils croyaient que Net-
zahualcovotzin allait faire avancer contre
eux. Ce fut par cette ruse que Coyohua
échappa de leurs mains. Ils se retirèrent tout
honteux ; d'autres se mirent à la poursuite
du prince.
CHAPITRE XXVI.
Fuite de Netzahualcoyotzin à travers les montagnes. — H
arrive chez un genlilhomme otomite , nommé Quacoz.
Peu d'heures après le tyran fut informé
de la fuite de Netzahualcoyotzin ; il envoya
aussitôt l'ordre à tous les seigneurs du pays
de se saisir de sa personne et de le lui envoyer
mort ou vif, promettant de grandes récom-
penses à celui qui le livrerait. Il fît ensuite
12. 12
1 78 HISTOIRE
proclamer dans tout le royaume de Tezcuco ,
que celui qui le découvrirait recevrait, même
s'il était des derniers du peuple , une femme
noble et belle avec des terres et quantité de
vassaux, et que s'il était marié on lui donne-
rait au lieu d'une femme un certain nombre
d'esclaves des deux sexes. Tout cela fut exé-
cuté , et les Tecpanèques poursuivaient par-
tout Netzahualcoyotzin comme des chiens en-
ragés, à plus de cent lieues à la ronde. Il n'y
avait pas de boui^ ou de village qu'ils ne par-
courussent par bandes.
Le jour où Netzahualcoyotzin s'échappa par
le souterrain se nommait Ce Quezpallin , c'é-
tait le douzième du septième mois , Hueyte-
cuhilhuitl, ce qui correspondau 20 juillet 1 427.
Quand il eut gagné la campagne, il se réfugia
dans une maison près de la ville de CoatlaD
qui appartenait à un de ses vassaux mmimë
ToscNDa auquel il dit le danger qui le menaçait
et que ses ennemis le poursuivaient de près.
Celui-ci le cacha dans un tas de farine sur le-
DES GHICHIMÈQUES. 179
quel il entassa de gros paquets de nequen ou
fil de maguey • On le chercha par toute la mai-
son , mais Tozoma resta ferme et ne le décou-
vrit pas. Deux vieillards qui se trouvaient là
aimèrent mieux périr sous les coups des Tec-
pancques. Quand ils furent partis , le prince
sortit de sa retraite, et après s'être lavé les
mains et le visage, il remercia ses libérateurs
et leur promit de récompenser leur fidélité. Il
g£^gna ensuite une colline où ses ennemis le dé-
pistèrent de nouveau ; mais ayant aperçu une
femme occupée à couper du chian (i), il s'ap-
procha d'elle et la pria de le cacher sous les
gerbes. Elle en fit en effet un tas sur lui, et
quand les Tecpanèques s'approchèrent et de-
mandèrent si elle n'avait pas vu celui qu'ils
poursuivaient, elle leur répondit avec beau-
coup de présence d'esprit qu'il venait de
(i) Le rhian est une plante qui produit une graine très-
fine , d*où les naturels tiraient l'huile qu ils employaient pour
leurs peintures. Ils s'en servaient aussi pour préparer diverses
sortes de boissons et d'aliments.
1 80 HISTOIRE
passer en courant , et qu'il avait pris, à ce
qu'elle croyait, la route de Huexotla. Ils dispa-
rurent aussitôt de ce côté , et le prince retour-
nant sur ses pas se réfugia dans le bois de
Tezcutzinco où il passa la nuit. De là il expé-
dia des messagers de tous les côtés. Il envoya
Tecuxolotl dans la province de Chalco pour de-
mander du secours à Totoquiotzinet à Quauh-
teotzin , seigneurs du bourg d'Amanalco.
Il en fit demander de la part de Huizilihuitzin,
son précepteur, au beau-frère de celui-ci ,
Toteozitecuhtli , seigneur suprême de toute
cette province. Le lendemain il recommença
à gravir la montagne, et, pour plus de sûreté,
il ordonna à deux de ses serviteurs , nommés
Golicatl et Calminicolcatl , d'aller, l'un en
avant et l'autre en arrière, d'examiner soi-
gneusement s'ils n'apercevaient pas les enne-
mis, et dans ce cas de l'en avertir en toussant.
De cette manière il poursuivit tranquillement
sa route sans être aperçu , et arriva dans un
lieu nommé Metla, oùTecpan, son serviteur,
DES CHICHIMÈQUES. 181
lui apporta à manger^ puis traversant Zacaxa-
chitla, il gagna un endroit où demeurait
Quacoz, noble otomite qui avait été autre-
fois au service de la i^ine sa mère. Il passa la
nuit dans cet endroit où il aurait infaillible-
ment été surpris sans la ruse qu'employa son
hôte. Celui-ci, ayant vu les ennemis s'appro-
cher , convoqua tous les Otomites ses voisins ,
leur ordonnant d'apporter leurs arcs et leurs
flèches. Ayant ensuite placé au milieu de la
cour de sa maison un grand tambour dans
lequel il avait caché Netzahualcoyotzin, il com-
mença à en jouer , et tous entonnèrent un
chant de guerre. Quand les Tecpanèques arri-
vèrent, il leur demanda ce qu'ils cherchaient;
ceux-ci ayant répondu que c'était le prince
de Tezcuco, il s'écria : « Est-ce que ceci est un
endroit pour des princes? Ils habitent les cours
et non les déserts.Vous êtes des brigands puis-
que vous venez en armes, et vous cachez quel-
ques trahisons. »Puis appelant ses compatrio-
tes à son aide il les chargea , et après en avoir
182 HISTOIRE
blessé un grand nombre, il les mitdans une dé-
route si complète qu'ils n'osèrent plus essayer
de pénétrer dans la montagne. Le lendemain
Quacoz conduisit son hôte au milieu des ro-
chers, dans un endroit très-caché, où il lui avait
fait construire une cabane, et l'engagea à y
séjourner jusqu'à ce que les ennemis se (Vis-
sent éloignés des montagnes , et qu'il pût con-
tinuer sa route. Le prince lui ayant dit qu'il
était fort inquiet sur le sort de sa maison et
qu'il craignait que les Tecpanèques n'eussent
emmené ses femmes prisonnières après l'a-
voir saccagée , Quacoz lui promit, pour le con-
soler, d'aller s'en informer lui-même et de lui
ramener ses femmes. Le prince l'en remercia,
tout en lui recommandant d'agir avec pru-
dence et de ne point s'exposer ; ce qu'il fit en
effet. Au bout de quelques jours il arriva
au palais et trouva les femmes plongées dans
la douleur. Il leur dit de prendre le costume
de femmes du peuple, et qu'il venait de la
part du prince, leur seigneur, pour les con-
DES CHIGHIMÈQUES. 183
duire où il était; mais qu'elles devaient mar-
cher à quelque distance afin qu'on ne s'aper-
çût pas qu'il les accompagnait. Il ordonna aux
gens du palais d'avoir soin de tout et de ne
dire à personne ce que les femmes étaient de-
venues. Quand il fut arrivé avec elles au vil-
lage de Potopan , près de la montagne de Pat-
lachinzcan, il rencontra les ennemis qui cher-
chaient le prince. Ils le suivirent et lui de-
mandèrent où il s'était réfugié, ajoutant que
ces femmes devaient lui appartenir. Quacoz leur
répondit qu'il ne connaissait nullement celui
dont on lui parlait, qu'il étaitChichimèque, et
que toute sa vie il avait habité ces montagnes.
Trompés par ses vêtements et son lan-
gage grossier, les Tecpanéques le laissèrent
aller. Il arriva heureusement à l'endroit où
l'attendait le prince qui avait été rejoint par
son frère Quauhtiihuatzinet son neveu Tzon-
techochatzin. Il prit congé de Quacoz qui
ne le suivit pas parce qu'il craignait que son
absence n'avertit les ennemis du départ de
184 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
son hôte et que cela ne le fit prendre^ car il
était certain qu'ils reviendraient pour se ven-
ger de la manière dont ils avaient été reçus
quelques jours auparavant. Quaeoz lui donna
pour raccompagner et éclairer sa route six
Otomitea qui connaissaient parfaitement les
défilés des montagnes : ils s'appelaient Noch^
Goaniy Nolin, Coatlalolin, Toto et Xochtonal.
Le prince se mit en route avec ses deux pa-
rents , précédé par quelques-uns de ses gui-
des et suivi par les autres qui examinaient le
pays et le gardaient en feignant de chasser»
CHAPITRE XXVII.
Netzahualcoyotzin gagne Capolac. — Ce qui se passa pendant
sa route.
En arriyantprèsd'Ilacuila, Netzahualcoyo-
tzin était triste et pensif, réfléchissant à tous
les malheurs qu'il avait éprouvés par la mort
de son père Ixtlilxochitl • Il tourna la vue
vers sa suite qui se composait d'un grand
nombre d'habitants de Tezcuco , de quelques
186 HISTOIRE
nobles et de presque tous ses parents ou sei^vi-
teurs , et leur dit avec un accent de tristesse :
« Où allez-vous? le père que vous suivez est-
il en état de vous défendre? Ne voyez-vous
pas que j'erre seul dans les déserts et dans les
montagnes, suivant la trace des cerfs et des la-
pins, sans savoir où je vais; si je serai bien
reçu ou si mes ennemis m'atteindront et me
tueront comme ils ont tué mon père qui était
bien plus puissant que moi. Je suis orphelin
et abandonné de tous. Retournez dans vos mai-
sons pour ne pas mourir avec moi , ou tomber
dans la disgrâce du tyran et perdre vos champs
et vos habitations. « Quauhtiihuatzin et Tzon-
techochatzin répondirent, au nom de tous les
autres, qu'ils étaient prêts à le suivre partout
et à mourir pour lui. Netzahualcoyotzin fut
tellement attendri de ce dévouement qu'il
versa des larmes ainsi que tous ceux qui l'ac-
compagnaient. Il les remercia ensuite et les
engagea de nouveau à retourner chez eux
où ils pourraient lui être plus utiles en Tin*
*
DES CHICHIMÈQUES. 187
struisant des desseins du tyran , et de ses en-
nemis^ leur promettant de les tenir au cou-
rant de tout ce qui lui arriverait pendant son
voyage. Il les renvoya donc tous, à l'exception
de ceux dont il avait besoin pour le service de
sa personne , de son frère et de son neveu
qui refusèrent absolument de l'abandonner,
disant qu'ils courraient les mêmes dangers
que lui s'ils étaient découverts, et qu'ils le sui-
vraient partout. Ils gravirent donc ensemble
les montagnes de Papalotepec et arrivèrent au
coucher du soleil au sommet de celle de Huilo-
tepec. On pouvait voir de là les plaines de Hue-
xotzinco qui étaient déjà obscurcies par l'om-
bre des montagnes, et de l'autre côté on dé-
couvrait celles de Tepepolco encore éclairées
par les derniers rayons du soleil. Dé là le
prince envoya un messager aux seigneurs de
Huexotzinco , leur faisant dire que le len-
demain il attendait leur réponse à Copalapan.
Ceux qui portèrent le message se nommaient
Cotahua etlcotzincatl . Netzahualcoyotzin passa
188 HISTOIRE
la nuit sur ces montagnes , et arriva en rédes-
cendant le lendemain matin sur une colline
cultivée près de laquelle se trouvait une ca-
verne. Il aperçut une troupe d'ennemis qui
avaient été à sa recherche dans les provinces
deTlaxcallan etdeHuexotzinco, c'est pourquoi
il se cacha avec ses compagnons dans un bos-
quet de àaules qui se trouvait près du chemin.
Au moment où les ennemis passaient devant
eux, ils rencontrèrent un jeune laboureur du
pays, chargé de chian,et lui demandèrent s'il
n'avait pas vu celui qu'ils cherchaient. Le
paysan ayant répondu qu'il ne savait ce qu'on
voulait lui dire, ils le lui expliquèrent, lui re-
commandant fortement, s'il le découvrait,
d'en donner avis aux Tecpanèques qui lui re-
mettraient la récompense promise. Quand les
ennemis se furent éloignés, Netzahualcoyotzin
rejoignit ce paysan et lui demanda ce que lui
avaient dit les soldats qui venaient de l'ac-
coster. Celui-ci le lui raconta , et interpellé
s'il dénoncerait le fugitif, dans le cas où il
DES CHIGHIMÈQUES. 189
viendrait à le découvrir, il répondit que non.
Le prince lui ayant objecté qu'il aurait bien
tort de perdre ainsi une belle femme et tout
ce que Maxtla avait promis, le jeune homme
se prit à rire sans faire attention a tous ces
discours.
Le prince continua sa route vers Yahuali-
can. Quand ils furent arrivés à peu près à
moitié chemin, Mihua , un de ses serviteurs,
lui apporta un peu de nourriture. 11 passa la
nuit dans cet endroit , et se rendit le lende-
main à Quauhtepec où il reçut des messages
de la part des seigneurs de Huèxotzinco pour
le consoler et lui annoncer qu'au jour fixé ils
viendraient à son secours avec toutes leurs
forces. Ils lui remirent en même temps une
grande quantité de pièces d'étoffes et de vivres
que lui envoyaient Xayacamachan et Te-^
mayahuatzin. 11 se rendit le lendemain à Tlal-
manalco, lieu qui fait partie de la province
de Tlaxcallan. Il v rencontra Tlotililcauhtzin ,
ambassadeur de la république, qui le consola
190 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
et lui promit un secours d'hommes etde vivres
pour recouvrer ses états et relever l'empire
Ghichimèque. Il lui remit en même temps un
présent de vivres et d'étoflFes que lui faisait la
république. Le lendemain il se rendit avec
l'envoyé à Calpolalpan où le sénat de Tlaxcal-
lan lui avait fait préparer de grands édifices
pour se loger avec toute son armée à la tète de
laquelle il marcha sur Tezcuco. Il reçut à Cal-
polalpan la réponse de presque tous les mes-
sagers qu'il avait envoyés de différents côtés.
Ils lui apportaient des promesses de secours,
particulièrement de Zacatlan, de Tototepec,
de Tepepolco, de Tlaxcallan, deZempoalla et
d'autres provinces, qui arrivèrent en effet
dans cet endroit quelques jours après, ainsi
que ceux de Huexotzinco, Ghololan et Chalco
qui le rejoignirent le jour même où il parvint
en vue de Coatlichan , ce qui le consola com-
plètement et lui donna de grandes espérances
d'un heureux succès.
CHAPITRE XXVIII.
Natzahnalcoyotzin marche sur Tezcnco avec une puissante
armée , et rétablit l'empire des Aculhuas. — De quelques
événements remarquables.
Comme l'ambassade dont Teuhxolotl fut
chargé pour la province de Ghalco est un
des points les plus importants de l'histoire
Chichimèque , il ne serait pas convenable de
la passer sous silence ^ non plus que ce qui
arriva à Huitzilihuitzin , précepteur de Net-
192 HISTOIRE
zahualcoyotzin. Quand celui-ci eut laissé son
élève endormi dans la forêt de Tezcutzinco,
il revint à sa maison avec Teuhxolotl et le
fit partir de là pour Chalco. A peine s'était-iT
mis en route que les Tecpanèques entrèrent
dans la maison^ s'emparèrent du vieillard et
le conduisirent en présence de Yanquiltzin ,
qui, par ordre de son oncle Maxtla, s'était fait
proclamer roi de Tezcuco. Il lui fit donner la
torture avec des cordes pour le forcer à dé-
couvrir la retraite de son élève , et comme
le vieillard la subit sans rien avouer, il le con-
damna à être sacrifié dans le temple de l'idole
Camaxtla qui se trouvait près de là; mais
quand le condamné fut arrivé au sommet du
temple il s'éleva un vent si furieux qu'il dé-
racinait les arbres et enlevait les toitures.
Huitzilihuitzin fut emporté par l'ouragan et
jeté à une grande distance; ses deux fils, qui
attendaient de loin l'issue de tout cela, le con-
duisirent dans un lieu sûr où ils pansèrent
ses blessures.
DES GHIGHIMÈQUES. 193
Teuhxolotl , qui était déjà sur la route de
Chalco^ chercha à gagner cette ville en travers
sant les montagnes pour ne pas être aperçu
par les ennemis ; mais il se perdit et s'enfonça
dans les gorges les plus sauvages où il rencon-
tra un lion furieux. 11 allait prendre la fuite
quand il s'aperçut que cet animal cherchait
à le flatter; ayant suivi ses traces , le lion le
conduisit par un sentier qui traversait les
montagnes et ne le quitta qu'à l'entrée du
bourg de Tlamanalco , où il délivra son mes-
sage à Totequiztecuhtli et à Quateotzin qui
prirent grande part aux infortunes du prince
Netzahualcoyotzin. Cependant comme c'était
alors Toteozitecuhtli qui était chef suprême, ils
s'engagèrent à l'aller trouver, assurant que
quanta eux ils étaient tous disposés à fournir
le secours qu'on leur demandait. Teuhxolotl
se rendit donc auprès du chef suprême et eut
avant tout un entretien avec Mototzinca son
épouse , sœur de Huitzilihuitzin , qui , profon-
dément touchée des malheurs du prince , pro-
12. 13
194 HISTOIKE
mit de faire tout ce qui serait en eHfe pour
obtenit* des secoure de son itiàri. Celtii-èi !ftt
ùc^VôHiuet polir lé lendemain tous tes chef% et
totfà les nôbtes pour les consulte^ su^ cfe qù^l
devait faire darts èettfe o^cesasion. Au poittt Kfti
jour il At dresser au milieu de la plaéë tin'écha-
falid sur lequfel on attacha Téuhxolotl pat* lèb
pieds et par les mains , comrtie si c'ieût été tirt
condamné. Quand tous ceux qui devaient )aââis^
ter au conseil ftirent réunis et la pTàee rem-
plie de monde , Toteoziteculitli ordonna de
dèdonvrir Téuhxolotl et de proclamer à haute
vôîx par un crieur quel était le but de Ysl
mission dé cet envoyé , déclarant que la pro-
vince devait décider si elte voulait fournir
ou non le secours demandé ; que , dans le
premier cas , il le ferait délier, et le remet-
trait en liberté, et que, dans le cas con-
traire, il le ferait exécuter. Cette procla-
mation excita la commisération de tous et
Ton commença à crier : « Qu'on lé détaéfae !
nou^ voulons fournir le secours que nous
DES GHIGHiilÈQUES. 195
cklHàlide Neteafhnalcoyotiin , car son ewtre-
pvist est juste, f^ On le 4ëM^ doïic et du tui
fit lame répotise ftivôi^able. Il alla aussitôt
trt>uTet* Huit^ilihuitzin et kii reiKlit compte
de tout eé qui s'était passé. Le rieiltard Ten-
emïragea à continuer sa route ju^cfà'à €W-
polalpan ùé se trouvait Netzahualeoyôtzin ,
ee qu^il fit comme Je l'ai dit plus haut- Hcût^
£il<iliuitzifi résolut aussi d^aWer trouver son
élève. Étavit arrivé au haut de fa montagne
de 'ïepetlaoztôc , il fut saisi de froid, et se ré-
fugia dafws mié cabane qiîii se trouvait là, dafis
Fespérsinee d'y rencontrer du feu; maiscomme
û n'y e» avait pa« , il prit de la cewdre et ta pé-
trît âveeun peu de l'herbe no^mmée/)we/re(r),
(i) Le piscite est une espèce de tabac. Les Mexicains en con-
nfamaieifttroistscMrter qu'eus i&oinmaieût yetl , ou tabac à graiideÉ
feuilles , ce nom s'appliquait aussi au tabac en général ; pis-
cil^ OU tabac à petites feui'lies , de pisctietle , éhoae petite, et
quauhyetl , labac sauvage t mot à mot tabac des aigles. H
est singulier qu'en 1671 , époque à laquelle le Père Acosta
ekS'Moliati publia soa yocabulaire mexicain ^ le nom de tabac
ne fût pas connu ; il traduit piscite par herhe empoisonnée dont
4>n $e feft en médeùine.
1 96 HISTOIRE
pour se conforter un peu restonaac, car cette
herbe est très-chaude. Aussitôt elle prit feu
comme si c'eût été de la poudre, ce qui lui fut
un heureuxprésage du succès du prince Netza*
hualcoyotzin son maître , qui s'avançait avec
son armée. Il avait quitté le matin même
Ahuatepec et traversait la montagne de Zol-
tepec où ils se rencontrèrent avec une joie ré-
ciproque. Le prince vint passer cette nuit
dans la maison du vieil Huitzilihuitzin , où il
reçut les hommages des chefs et des nobles
de son parti. Il aperçut sur le sommet des
montagnes les plus élevées la fumée des feux
qu'on y avait allumés ; c'était le signal con-
venu avec les princes qui lui avaient fourni des
secours et lui annonçaient qu'ils arrivaient.
Il en fut comblé de joie, car il voulait livrer la
bataille le lendemain, et attaquer les deux
villes d'Acolman etdeCoatlichan où les enne-
mis avaient réuni toutes leurs forces. La pre-
mière devait être attaquée par les habitants
de Tlaxcallan et de Huexôtzinco ; la seconde
DES CHIGHIMÈQUES. 197
par les Chalcas. Le prince Netzahualcoyotzin
prit sous son cominandeinent tout le reste de
Tarmée composée de ceux de toutes les autres
provinces qui étaient venues à son aide, et
des naturels de son royaume de Tezcuco. Il
destinait ces forces à secourir ceux qui en
auraient besoin, et à pénétrer dans la ville
de Tezcuco pour saccager les maisons de ses
ennemis, massacrer les Tecpanèques let tous
ceux qui tenteraient de résister.
La bataille commença en effet le lendemain ;
mais Netzahualcoyotzin était arrivé tellement
à l'improviste et avec des forces si considéra-
bles que, malgré la résistance des Tecpanèques
et de leurs partisans , ils furent mis en dé-
route et périrent presque tous. Les maisons
et les temples qu'ils possédaient à Âcolman
et à Coatlichan furent saccagés et brûlés. Te-
mayahuitzin , seigneur de Huexotzinco , qui ,
à la tête de sa nation et des Tlaxcaltéques ,
avait attaqué la première de ces deux villes ,
tua de sa propre main Yulcoatzin, un des pe-
1 98 HISTOIRE
tits-4îls de Tezozomoc et l'un des deux chefs
que ce tyran avait donnés au royaume dea
Âculhuas. L'autre, Quetzalmaquiztli, seigneur
de Goatlichan, tomba sous les coups des Chal^
cas. Il s'était retiréavec ses principaux officiers
dans le grand temple de sa capitale et s'y dé^
fendit vaillamment; mais les Chalcas s'empare*
rent de lui, le précipitèrent du haut du temple
et mirent son cadavre en lambeaux» Nefcwhuftl-
coyotzin, qui avait d'abord soutenu led^deux
attaques, pénétra ensuite dans Tezcuco, rasa
les maisons de ses ennemis, et se rendit maî-
tre de toute la ville. Il alla ensuite à Huexo*^
tla pour remercier l'armée des Ghalcas, çt prit
congé d'eux après avoir rendu grâce aux chefs
de l'assistance qu'ils lui avaient prêtée , et fait
don aux soldats de tout le butin qu'ils avaient
fait à Coatlichan , les priant de venir à son
secours quand il ferait une nouvelle tentative
pour recouvrer le reste de l'empire. Il reprit
ensuite laroute d'Âcolman, car on l'avait averti
que l'armée de HuexotzincoetdeTlaxcallan se
DES CHIGHIMÈQUES. 199
préparait à retourner dans son pays. II leur
fit ses adieux à Chicuquauhtia après leur, avoir
accordé la même faveur qu'aux Chalcas et leur
avoir fait ses remerciements. Ces Indiens lui
promirent de l'aider de nouveau quand il s'agi-
rait de recouvrer le reste de l'empire. Il ren-
voya de la même manière ceux de Zacatlan ,
Tototepec, Chololan, et ne garda avec lui que
les guerriers les plus braves qui n'avaient
d'autre profession que celle des armes. Il les
occupa ainsi que ses sujets à fortifier Tezcuco
et les frontières de son rovaume du côté des
Tecpanèques et des Mexicains , et se reposa
dans sa capitale triomphant et victorieux.
CHAPITRE XXIX.
Fin de l'histoire générale des Chichimèques. — Notice sur les
auteurs qui la représentèrent. — Conduite ultérieure du
tyran Maztla.
Maxtla , ayant appris que Netzahualcoyot-
zin avait réussi à s'échapper et qu'il voulait
faire une nouvelle tentative pour recouvrer
son royaume, fit promettre de grandes fa-
veurs à tous les habitants de Tezeuco, et
surtout à ceux qui tenaient par les liens du
202 HISTOIRE
sang à la famille royale. 11 agit de même à
l'égard des autres seigneurs ses vassaux
pour les engager à s'emparer du prince et à
le faire périr. De tous ses parents ceux qui se
montrèrent les plus hostiles et les plus dispo-
sés à obéir au tvran, furent Nonoalcatzin son
beau-frère, qui avait épousé la princesse Toz-
cuetzin sa sœur, laulquitzin et Tochpili, Ils
firent tous leurs efforts pour le faire périr, et
n'ayant pu y réussir , ils s'enfuirent de Tez-
cuco pour ne pas tomber entre ses mains et
recevoir le châtiment du à leurs crimes. Max-
tla fut frappé d'épouvante en voyant que Net-
zahualcoyotzin avait recouvré le royaume des
Aculhuas qui était la tête et le fondement de
l'empire Chichimèque, en si peu de temps qu'il
ressemblait à la foudre tombée du ciçjj car
en moins de quinze jours il s'était échappé ^e
ses mains , avait traversé les montagn(3S, réuni
une puissante armée et reconquis |e royau-
me de Tezcuco. 11 sentit qu'il devait tout faire
pour arrêter ses progrès. A cette époque il
DES GHIGHIMÈQUES. 203
opprimait beaucoup les Mexicains auxquels
il avait, par esprit de vengeance, imposé des
tributs si excessifs qu'il leur était impossible
de les payer.
C'est ici que s'arrête l'histoire générale
des Chichimèques dont les auteurs se nom-
maient Cemilhuitzin et Quauhquetzal. Elle
se termine un an après la mort de l'empe-
reur Ixtlilxochitl et du capitaine général Coa-
cuecuenotzin, au moment où Maxtla s'occupait
à rassembler une armée pour marcher contre
ses ennemis, au commencement de l'année
Ce Tecpatl ou 1 428. Je tirerai donc ce que je
vais raconter d'autres historiens et des An-
nales de la Nouvelle-Espagne. Ce fut au jour
Ce Ollin , cinquième du huitième mois Mi-
cailhuitzintli , ou le 11 août 1 427, que Netza-
hualcoyotzin rentra victorieux dans Tezcuco,
sa capitale.
CHAPITRE XXX.
Les Mexicains , opprimés par le tyran Maxtla , envoient un am^
bassadenr au roi de Tezcuco pour lui demander du secours.
Les Mexicains y qui avaient été les princi-
paux alliés du roi Tezozomoc et des Tecpanè-
ques, se révoltèrent contre eux parce qu'ils
avaient fait périr leurs seigneurs naturels , et
commis mille insolences et nrille tyrannies,
exigeant d'eux de leur fournir des choses
206 HISTOIRE
presque impossibles, telles que des volièi*es et
des jardins flottants, et surtout, parce que leur
roi avait voulu violer la reine femme Intime
d'Itzcoatzin, ce que les Mexicains r^ardèrent
commeunafirontetune marque de mépris. Se
vovant donc maltraités d'un côté, et menacés
de l'autre par le prince Netzahualcoyotzin, qui
voulait se venger de leurs trahisons et de
la part qu'ils avaient prise à la mort de l'em-
pereur son père, ils se consultèrent sur
ce qu'ils avaient à faire, et pensèrent qu'il
valait mieux , pour leur repos et pour leur
liberté, se réconcilier avec le roi de Tez-
cuco que la fortune commençait à favoriser.
Ils résolurent donc, quoiqu'ils eussent trem-
pé dans les crimes de Tezozomoc, d'en-
voyer des ambassadeurs à Netzahualcoyotzin
pomr s'excuser le mi^ux possible et lui demafi-
dcr des secours contre Maxtla qui les serrait
de près dans letir capitale et auquel ils étaiient
hors d'^état dte rési'stcr , lui offrant de leur côté
de l'appuyer de toute leur puissance pour ïtc-
DES CHlCHtMlBQUES. 2ÔÎ
gagiifer ffempiré. Us devaient 1^4 t^eprésenter
ettôutrfequ'iï araît diegrftôd^tléVoirs létiver^là
noblesse mexîèain^e puisqu'H en était desctîn-
èù. On ch'oî^ît pottr cette ambassade Moté-
cûh2ôméêt2iti Illiiri<?âmina cïipitaine gëtttétal
defe Mèxicaïn's , cfoiisin germain très-aimé de
Nêfcfcahual'coyofcsin , et deux atitreis nobles
tfài se nommarent TôtopiTatzin etTelpocb. Les
àyiribasâàldeurs quittèrent donc Mexico pour se
rertdrê à Tezctico le pl^s secrètement possi-
ble. En arrivant sur les fi^ntièrcfs d'Aculhua-
ean ifs ftirent arrêtés par les soldats chargés
de les garder. Ceux-ci , reconnaissant en eux
des^parents de feùr *roi, ne les tuèrent pas, mais
les lui envoyèrent sous bonne garde. Quand
ils furent arrivés en sa présence, ils s'aq*ûit-
tèrent de l'objet de leur mission. NetîrahtKil-
coyotzin se réjouît beaucoup de les voir ^ eut
pitié âe Ta triste situation où se trouvaient les
Mexicarns. Pour venir plus promptement à
létir aide, il envoya àChalco,.la plus voisine
des provinces dont il pût attendre du sei*ours,
208 HISTOIRE
son frère Quauthlequanitzin avec Motecuhzo-
matzin et Totopilatzin , gardant Telpoch au-
près de lui , et les chargea de prier Toteozite-
cuchtli de lui envoyer des renforts le plus tôt
possible. II fit aussi appeler Iztacquauhtzin ^
seigneur de Huexotla, son capitaine général ,
qui était occupé à réunir des troupes et
des vivres pour l'entreprise que l'on méditait
contre Maxtla, et lui envoya Xiconocatzin son
frère et trois autres nobles. Ce message n'é-
tait pas de nature à plaire aux Chalcas ni à
Izfacquauhtzin qui exécraient les Mexicains à
cause de toutes les vexations dont ils les
avaient accablés quand ils étaient puissants
et favorisés par les rois Tecpanèques. Le ca-
pitaine général ne répondit donc qu'en fai-
sant massacrer le frère du roi et les nobles
qui l'avaient accompagné, aimant mieux être
traître à son roi que de venir au secours des
Mexicains. Toteozitecuhtli fit jeter en prison
ceux qui s'étaient rendus à Chalco , et en con-
fia la garde à Cateotzin , un des deux chefs de
DES CHIGHIMÈQURS. 209
Tlamanalco ; mais celui-ci les fit échapper la
même nuit. Toteozitecuhtli , voulant regagner
la faveur de Maxtla , se hâta de lui faire annon-
cer qu'il les tenait prisonniers; mais celui-ci
était tellement irrité de ce qu'il avait aidé Net-
zahyalcoyotzin à regagner son royaume,
qu'il ne lui répondit que par des menaces
de destruction et lui dit de faire ce qu'il
voudrait de ces prisonniers. Toteozitecuhtli ,
apprenant qu'ils n'étaient pi us en son pouvoir,
s'irrita contre Cateotzin et le fit tuer. Quand
les ambassadeurs furent de retour à Tez<aico,
Netzahualcoyotzin les consola et les renvoya
à Mexico, leur promettant de se mettre bien-
tôt en marche avec tous les soldats qu'il pour-
rait rassembler, car il avait reçu la nouvelle
que Tlaxcallan , Huexotzinco et d'autres pro-
vinces lui envovaient des renforts.
12. \\
CHAPITRE XXXI.
Nei^ahualco^'otzin va au secours de Mexico à la tele de son
armée.
Netzahualcoyotziii , voyant la détresse oy se
trouvaient ses oncles et leurs vassaux les
Mexicains 9 réunit promptement tous ceux qui
voulurent le suivre, et s'avança par eau et
par terre au secours de Mexico , quoîqu'au
moment de s'embarquer il eut été attaqué
21 2 HISTOIRE
par derrière par son propre capitaine général
Iztacquauhtzin^ qui s'était révolté et déclaré en
faveur desTecpanèques. Le roi de Tezcuco re-
mit son châtiment à un autre temps y et alla
débarquer à Tlatelolco, où il fut reçu par
Itzcoatzin son oncle, par Quauhtlequantzin et
les autres principaux seigneurs. Après avoir
traité de leur délivrance , ils réunirent leurs
soldats et attaquèrent si violemment les
Tecpanèques , qu'ils les chassèrent de la ville.
Ils marchèrent ensuite à la tête de leur armée
contre Maxtla. La bataille dura trois jours en-
tiers; le matin du quatrième jour, Netzahual-
covotzin à la tête des Tezcucains d'un côté »
et Itzcoatzin de l'autre à la tête des Mexicains ,
renouvelèrent l'attaque avec une nouvelle fu-
rie. Il périt beaucoup de monde des deux cô -
tés; mais enfin l'armée de Maxtla fut forcée
de battre en retraite et de sortir du territoire
mexicain. Les caciques de Huexotzinco, de
Tlaxcallan, et les autres alliés, arrivèrent peu
de temps après et opérèrent leur jonction avec
DES CHIGHIMÈQUES. 213
Netzahualcovotzin. On divisa alors rarmée
victorieuse en trois corps. Netzahualcoyotzin et
Xayacamacha devaient s'avancer par la mon-
tagne de Quaiihtepec, à la tête des Tezcucains ,
de la moitié de ceux de Huexotzinco et de l'ar-
mée tlaxcaltèque. Les deux autres corps de-
vaient passer des deux côtés de cette mon-
tagne. L'un était formé par le reste des
guerriers de Huexotzinco , commandés par
Temayahuatzin, et le reste des alliés ; il avait
pour chef Itzcoatzin. L'autre, placé sous les
ordres de Motecuzoma et de Quauhtaoatzin ,
roi de Tlatelolco , se composait de leurs vas-
saux. Il fut convenu que l'on n'attaque-
rait qu'à un signal donné, et que l'on char-
gerait l'ennemi de tous les côtés à la fois.
Le lendemain, l'action commença à l'aube du
jour, et ce ne fut qu'avec bien de la peine et
en perdant beaucoup de monde que Netza-
hualcoyotzin et les Mexicains parvinrent à
repousser l'ennemi. Cette guerre dura cent
quinze jours, car le roi Maxtla se défendait
y^
214 HISTOIRE
vaillamment et avait réuni toutes ses forces.
Au bout de ce temps , Netzahualcoyotzin et
les rois de Mexico, ayant fait un nouvel effort,
rompirent Son corps de bataille et mirent son
armée en déroute. Après avoir tué un grand
nombre de Tecpanèques , ils pénétrèrent
dans leur capitale, la ravagèrent, rasèrent les
temples et les maisons des principaux sei--
gneurs, et passèrent tout au fil de l'épée.
Maxtla, qui s'était réfugié dans les bains d'un
de ses jardins, en fut honteusement tiré.
Netzahualcoyotzin le conduisit sur la princi-
pale place de la ville , et le sacrifia aux dieux
en lui arrachant le cœur, disant qu'il en agis*
sait ainsi pour venger la mort de son père
IxtlilxochitL Pour charger cette ville d'une
honte éternelle , il ordonna que désormais on
y tiendrait le marché aux esclaves (i).
(i) Cette guerre est représentée dans un des manuscrits de
M. Waldeck. On voit à droite le roi Itzcoatl, qui envoie Mote-
cohzoma llhuicamina ; le combat de celui - ci contre Masall
et la mort de ce dernier ; plus loin Maxtla réfugié dans un
bain , où il est découvert et assommé.
DES CHICHIMÈQUES. 215
Telle fut la fin de cette ville célèbre , une
des plus grandes qu'ily eùtdans toute la Nou-
i^elle-Espagne , et à laquelle on avait, à cause
de sa nombreuse population , donné le nom
d'Atzcaputzalco , qui signifie fourmilière. Les
Tecpanèques qui avaient échappé au mas-
sacre se réfugièrent à Cuyoacan et à Tlaco-
pan ; Netzahualcoyotzin et Itzcoatzin marchè-
rent contre eux et les soumirent facilement,
car le seigneur de Tlacopan , qui était leur
proche parent et favorisait secrètement leur
parti, les rejoignit à leur arrivée. Les deux rois
ravagèrent ensuite, à la tète de leur armée,
les autres villes des Tecpanèques , telles que
Tenayocan , Tepaonta , Toltitlan , Quauhti-
tlan , Xaltocan , Huitzilopochco et Colhuacan,
qui se soumirent, ainsi que toutes leurs au-
tres villes et villages dont il est inutile de
faire mention ici. Tout ceci se passa en Tan^
née 1428. Les deux suivantes furent em-
ployées à soumettre le royaume de Tez-
cuco, troublé par la révolte d'Itztacauhtzin ,
216 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
seigneur de Huexotla, et d'autres nobles de
son parti. Vaincus, après une valeureuse ré-
sistance, par Netzahualcoyotzin , ils se réfu-
gièrent dans les provinces de Chalco, Huexot-
zinco et Tlaxcallan. Comme presque toutes
les villes et bourgades du royaume avaient
embrassé leur parti, Netzahualcoyotzin les
saccagea et brûla les plus beaux temples et les
maisons des seigneurs. Après avoir placé une
garnison dans Tezcuco et dans les principales
villes, il se rendit à Mexico, où il s'occupa,
avec son oncle Itzcoatzin , à soumettre la pro-
vince et les villes de Xochimilco et de Cuitla-
huac, qui, comptant sur leur forte position
dans le lac, avaient refusé de se soumettre jus-
qu'à l'année 1430. Netzahualcoyotzin acheva
de soumettre l'empire et s'occupa à enclore la
forêt de Chapultepec, à construire un aqueduc
pour apporter de l'eau à Mexico, et à y élever
des palais et d'autres édifices publics.
CHAPITRE XXXIl.
On prête serment à Netzahualcoyotzin en qualité de roi de
Tezcuco, d'Aculhuacan et d'empereur des Chichimèques,
à son oncle Itzcoatzin , comme roi de Mexico , et à TotO"
quihuatzin , roi de Tlacopan. — L'empereur donne à ces der-
niers le royaume tecpanèque d'Atzcaputzalco.
Environ quatre ans après la prise d'Atzca-
putzalco par Netzahualcoyotzin et ses alliés ,
trois ans après qu'il eut ravagé et soumis son
propre royaume d'Aculhuacan et fait tout
cequejeviensdedire,c'est-àKlireen l'an 1431 ,
nommé Nahui Acatl, il crut que le moment
218 HISTOIRE
était venu de se faire prêter serment comme
empereur. Il pensa cependant qu'il valait
mieux que le pouvoir, qui du temps de ses
ancêtres avait été réuni sur une seule tête ,
fût partagé entre trois personnes , qui furent
les rois de Mexico, Tezcuco et Tlacopan. Il fit
part de ses intentions et des raisons qui l'y
déterminaient à son oncle Itzcoatzin , qui les
approuva, mais en blâmant ce qui était relatif
au roi de Tlacopan , tant parce que Totoqui-
huatzin n'était qu'un simple seigneur qui avait
toujours été soumis au roi d'Atzcaputzalco,
que parce qu'étant de la même race, il était
à craindre qu'il ne rallumât un incendie plus
difficile à éteindre que le premier. Netzahual-
coyotzin répliqua que ce serait une tyrannie
■
de vouloir détruire une race aussi ancienne
que celle des Tecpanèques , d'où étaient sortis
tant d'hommes nobles et illustres; que,
d'ailleurs, il prendrait toutes les mesures né-
cessaires pour empêcher de nouveaux trou-
bles. Son opinion finit par triompher. On
DES GHIGHIMÈQUES. 219
réunit donc tous les seigneurs mexicains ou
sujets du roi de Tezcuco, et ils prêtèrent ser-
ment SSix trois rois comme héritiers de l'em-
pire, et à chacun en particulier comme sou-
verain des états qui lui appartenaient en
propre. Celui de Tezcuco fut salué du titre
d'Aculhua Tecuhtli, ainsi que de celui de
Ghichimecatl Tecuhtli qu'avaient porté ses
ancêtres, et qui était la marque distinctive
de Tempire; Itzcoatzin, son oiîcle, reçut celui
de Culhua Tecuhtli , parce qu'il régnait sur
les Toltèques Culhuas ; et Totoquihuatzin celui
de Tecpanecatl Tecuhtli , qu'avaient porté les
rois d'Atzcaputzalco. Depuis ce temps , leurs
successeurs ont conservé le même titre , qui
correspond à celui de César chez les Romains.
Ces trois dynasties gouvernèrent la Nouvelle-
Espagne jusqu'à l'arrivée des chrétiens. Ce-
pendant^ quoiqu'elles fussent égales en rang,
en puissance et en revenu , il y avait de cer-
tains tributs dont le roi de Tlacopan ne rece-
vait qu'un cinquième, tandis que ceux de
220 HISTOIKE
Mexico et de Tezcuco en recevaient chacun
deux. On trouve ce fait, qui d'ailleurs est
notoire et connu de tous, dans un ancieif chant
relatif aux trois dynasties de la Nouvelle-Es-
pagne, nommé Xopanquictla , et que les na-
turels de toutes les provinces où l'on parle le
mexicain chantaient dans leurs fêtes et dans
leurs festins. 11 est ainsi conçu : « Can con i
cuilotehua que on intlactipan con mahuiçoti^
tikuia a Tliautepetl MexicomianAcolhuacan^
Netzahualcoyotzin^ Motecuhzomatzin^ Tlaco-
pan on in to Toquiahuatzin Jeneliin ai compia-^
co, inipetlicpal inteotl a Ipalnemo aniy etc. ; »
ce qui veut dire : « L'univers se souvient de
ceux qui ont illustré l'empire de Mexico dans
l'Aculhuacan , des rois Netzahualcoyotzin et
Motecuzmatzin , et à Tlacopan de Totoquihuat-
zin. Il est vrai que votre mémoire sera impri-
mée et éternisée au tribunal du Dieu créateur
de toute chose, parce que vous avez bien jugé
et bien gouverné. » On voit clairement par ce
chant que les trois dynasties que j'ai nommées
DES CHICHIMÈQUES. 221
étaient les principales du Mexique, et que le
roi de Tlacopan passait pour Tégal de ceux de
Mexico et de Tezcuco. Il est prouvé, d'ailleurs,
que la prestation de serment eut lieu avec les
rites et cérémonies usités chez les Mexicains
lors du couronnement de leurs rois que je
raconte ailleurs , et qu'on célébra à cette occa-
sion des fêtes solennelles.
CHAPITRE XXXIII.
Ntitzahualcoyotzin prend la résolution de se rendre à Tezcuco
avec toute sa cour. — [>es négociations qui eurent lieu à cet
égard .
Iztacquauhtzin^ seigneur de Huexotla, an-
cien capitaine-génëral des Tezcucaiiis, et Mo—
tolimatzin , seigneur de Goatlichan , deux des
piMneipaux chefs du royaume de Tezcuco^
alliés aux premières familles du pays y et qui
étaient exilés depuis leur révolte qui avait
224 HISTOIRE
amené le sac de la capitale , voyant que Netza-
hualcoyotzin était universellement reconnu
comme roi de Tezcuco et héritier de l'empire,
résolurent de lui envoyer un présent considé-
rable en or, en pierreries, en plumes et en
étoflFes, implorant leur pardon pour les of-
fenses passées et lui demandant la vie« Us
prièrent Itzcoatzin, leur oncle, et les autres
seigneurs du Mexique, d'intercéder en leur
faveur, et leur envoyèrent de riches pré-
sents. Netzahualcoyotzin leur fit répondre
qu'il leur pardonnait et qu'ils pourraient
tranquillement rentrer dans leur patrie sans
craindre qu'il leur fit aucun mal. Ayant ob-
tenu cette grâce , ils le firent solliciter de
nouveau de rentrer dans sa capitale , car ses
sujets et ses vassaux étaient orphelins et
abandonnés par suite de sa longue absence.
Itzcoatzin intercéda encore cette fois pour eux,
et malgré les offenses de ses vassaux , Netza-
hualcovotzin rentra à Tezcuco avec toute sa
cour après avoir résidé quatre ans à Mexico.
DES CHICHIMÈQUES. 225
Avant son départ il partagea le pays avec Itz-
coatzin^ traçant du nord au sud, à partir de la
montagnede Cuexomatl, une ligne de démar-
cation qui traversait le lac, deux montagnes
nommées Xoloc et Techimatli et la rivière de
Cul huacan jusqu'aux frontières de la province
de Tototepec.où finissait le pays qui avait été
conquis. Cette ligne était désignée par une
muraille construite de grosses pierres. Netza-
hualcoyotzin prit pour lui tout ce qui se
trouvait du côté oriental et donna le reste aux
rois de Mexico et de Tlacopan. Pour embellir
la ville de Tezcuco, le roi pria son oncle de
lui donner toutes espèces d'ouvriers; il en
fit venir d'Atzcaputzalco , de Xochimilco et
d'autres provinces.
Netzahualcoyotzin, voulant retourner àTez-
cuco, s'embarqua sur le lac et alla descendre
dans un bois nommé Acuyacan qui se trou-
vait sur la rive. Il y fut reçu par tous les sei-
gneurs et tous les nobles de la capitale qui y
célébrèrent des fêtes en son honneur. 11 s'a-
12. 15
226 HISTOIRE
perçut cependant de Tabsenee d'itzlacauhtzin^
seigneur de Huexotla , de Ochpancatl , de To-
tomihua , seigneur de Coatepec, de Nonoal-
calt, son beau-frère , mari de la princesse
Tozquétzin, ainsi que de Tochpelli, qui, quoi-
qu'ils eussent obtenu leur pardon , sentaient
tellement la grandeur de leurs .crimes qu'ils
n'osaient se présenter devant lui. Netzahual-i-
coyotzin fut très-affligé de leur absence et leur
envoya un gentilhomme nommé Coyahua
pour les engager à revenir et à ne pas aban>-
donner leur maison et leur patrie pour rester
sur une terre étrangère où ils vivraient dans
le mépris, et leur représenter que c'était seu-
lement pour l'amour d'eux qu'il avait consenti
à rentrer dans sa capitale ; qu'il- avait oublié
et pardonné le passé, et qu'ils pouvaient re-
venir sans crainte. Le messager les rejoi-
gnit dans les montagnes de Chalchuihtetome.
Ils répondirent qu'ils espéraient que le roi
leur pardonnerait leur absence, mais que
leurs crimes étaient si grands qu'ils n'osaient
DES GHIGHIMÈQUES. 227
reparaître devant lui. Cependant Totomihua^
seigneur de Coatepec, dit à ses deux fils qui se
nommaient Aiocuantzi et Quetzaltecolotzin :
w Allez , et servez votre souverain légitime ,
car votre innocence vous met à l'abri de sa
colère. » Il n'y eut que ces deux jeunes gens
qui revinrent avec le messager ; les autres con-
tinuèrent leur route pour Tlaxcula , Huexot-
zingo ouGhalco. Cette retraite causa beaucoup
de peine au roi qui fit son entrée dans la ville
où il fut très-bien reçu et alla loger dans un
palais nommé Cillan.
CHAPITRE XXXIV
Querelles qui amènent une guerre entre Netzahnalcoyotzîn
et son oncle Itzcoatzin. — Le roi de Tezcuco fait la paix
après être entré avec son armée dans la Tille de Tezcuco ,
et rend à tous les seigneurs leurs domaines. — Autres événe-
ments de cette époque.
Netzahualcoyotzin séjourna quelque temps
à Tezcuco et employa le reste de Tannée à ré-
gler tout ce qui était nécessaire au bon gou-
vernement des Aculhuas. Son oncle Itzcoatzin
commença cependant à représenter aux sei-
gneurs mexicains qu'ils avaient eu tort de le
230 HISTOIRE
reconnaître corame chef suprême de tout
Tempire et de lui donner le titre de Chichiiiie- .
catl-Tecuhtli qui avait été porté par ses ancê-
tres les empereurs chichimèques ; qu'il avait
bien plus de droit que lui à cette dignité , puis-
qu'il était vieux et presque son père, car il
était son oncle et frère aîné de sa mère Matal-
cihuatzin. Il ajouta qu'il suffirait à son neveu
d'être roi des Aculhuas et associé à l'empire
comme l'était le roi de Tlacopan. Cette affaire
ne resta pas tellement secrète qu'elle ne vînt
aux oreilles de Netzahualcoyotzin qui fut très-
irrité de la vaine présomption de son oncle^
de son ingratitude pour le service qu'il lui
avait rendu en le délivrant de l'esclavage où
il était tenu ainsi que sa nation^ par le. roi
d'At2lcapttt2àlco , cfar Itzcoàtzin n'était que
seigneul* deTenoschtitlan et héritier présoinp*
tif du royatinae dèà Aculhtias alors fort pe-
tit parce qtie le roi d'Atzcaputzalco ou d'au*
très seigneurs indépendants de l'cfinpire en
avaient tisurpé la majeure partie. Il lut «viiit
DES GHICHIMÈQUES. 231
donné la moitié de ce qu'il possédait soit qu'elle
eut appartenu aux Chichitncques, ses ancêtres,
ou parce qu'il l'avait conquise par sa pfi^ôpre
valeur. Il l'avait donc placé siir un trône bien
plus élevé que celui de ses ancêtres, et l'avait
"rendu son égal. Il réunit une armée pour
marcher contre Mexico , voulant prouver par
les armes, à son oncle et aux seigneurs mexi-
cains, qu'il était digne de l'empire et dii titre de
Chichimecatl-Tecuhtli. Pour qu'ils ne pussent
pas lui reprocher de les avoir attaqués àl'ira-
proviste, il envoya prévenir son oncle qu'à
une époque fixée il serait avec son armée de-
vant la ville de Mexico et qu'il lui ferait voir
les armes à la main s'il méritait l'empire. It25-
coatzin voyant la colère de son neveu se dis-
culpa de son mieux, et pour mieux l'apaiser
il lui envoya vingt-cinq jeunes filles, les plus
belles qu'il put trouver à sa cour, et les plus
nobles, car elles étaient tontes du sang royal de
Mexico. Il y ajouta d'autres présents d'or, de
pierreries, de riches plumes et d'étoffes. Nctza-
232 HISTOIRE
hualcoyotzin reçut très-bien ces jeunes filles^
les combla de présents et de faveurs, et quand
elles furent reposées, il les renvoya à son
oncle en disant qu'il le remerciait de son
présent, que ce n'était pas aux femmes mais
aux armes à terminer leurs diflFérends. Parmi
ces présents se trouvait un serpent en or^
roulé sur lui-même , et qui avait la tète dans
ses parties naturelles, emblème fort connu
parmi eux. 11 ajouta qu'au jour fixé il se-
rait devant Mexico. Itzcoatzin , voyant la ré-
solution de son neveu , réunit ses guerriers et
fortifia de son mieux sa capitale.
Netzahualcoyotzin s'avança du côté de Tep-
ciacac que nous nommons Notre-Dame-de-
Guadalupe, et attaqua la ville pendant sept
jours sans pouvoir y pénétrer. Cette entrée
était défendue par un vaillant capitaine mexi-
cain nommé Itzteeuachichtli. Mais le hui-
tième jour, un jeune homme de l'armée tez-
oucaine, nommé Teconaltonatl , tua, après
un combat acharné, le chef des Mexicains
DES CHICHIMÈQUES. 233
et les mit en déroute. Netzahualcoyotzin
suivit cet avantage, et commença à sacca-
ger les principales maisons de la ville et
à brûler les temples. Itzcoatzin, voyant cela ,
envoya des vieillards dire à son neveu que ce
qu'il avait fait était suffisant, et qu'il eût égard
aux cheveux blancs de son oncle et aux Mexi-
cains ses ancêtres. Netzahualcoyotzin , qui ne
demandait pas autre* chose , rappela aussitôt
son armée. 11 eut ensuite une entrevue avec
son oncle et fit la paix avec lui , après lui avoir
fait des reproches en public. Il ordonna que
dorénavant toutes les villes , bourgades ,
villages situés sur le lac et aux environs et ap-
partenant aux rois de Mexico et de Tlacopan,
lui payeraient un tribut, ainsi que la ville de
Tenochtitlan , le quartier de Xoloc et les villes
de Tlacopan , Atzcaputzalco , Tenaiocan , Te-
potzotlan, Quauhtitlan, Xochimilco et Cuexo-
matillan. Le tribut pour chacune de ces villes
fut fixé à cent charges de manteaux blancs
ornés de poil de lapin teint de tqutes sortes de
234 HISTOIRE
couleurs, chaque charge comprenait vingt
manteaux ; vingt charges de manteaux royaux
Comme tes rois en portent dans les cérémo^
nies publiques, avec la ceinture; vingt autres
d'étoffes de deux couleurs, avecleurs ceintures,
comme ils avaient coutume d'en porter dans
les fêtes et dans les danses^ deux boucliers en
plumes avec les devises en pi urnes jaunes, des
panaches nommés tecpifotlt que les rois de
Tezcuco avaient coutume de porter sur la tête
ainsi que deux paires de cordons garnis de
plumes qui servaient à s'attacher les cheveux.
Il nomma pour majordome et percepteur de
ces tributs un nommé Caylon (i). Le roi ton
oncle , ainsi que Totoquihualzin , roi de
Tlacopaiï, et les principaux seigneurs de
toutes les villes que j'ai citées, promirent
( I ) Aucun autre auteur n a fait mention de cette expé-
dition de Netzahualcoyotzin contre les Mexicains , qui , loin
d'être tributaires des Tezcucains , dans les derniers temps
de l'empire , l'emportaient sur eux en influence. Ou le tri-
but ne fut payé que fort peu de temps , ou l'auteur , ja-
loux de faire valoir sa nation , a recueilli quelque conte po-
pulaire. «
DES GHIGttlMÈQUES. 235
fklékitient chaque année de payer le* tribut
qu'il leur imposait, puisqu'il l'avait gagné
par sa valeur. Après avoir été bien fêté à
Mexico, il annonçsi à Itzcûatâti, avant d^
repartir pour Tezcuco, qu'il dvait l'intention
de rétablir tous les seigneurs datls leurs do-
maines,, non toutefois comme ils les possé-
daient autrefois, mais de manière à ce que ni
eux ni leurs vassaux ne pussent jamais penser
à se révolter. Itzcoat^in allégua beaucoup de
raisoiis contre ce projet , ajoutant que par
leurs révoltes précédentes ils avaient perdu
tous leurs droits, que cela diminuerait les tri*
buts et les revenus royaux, et qu'il valait
mieux les laisser ne vivre que des grâces des
trois chefs de l'empire, en les récompensant
quand ils l'auraient mérité. Mais NetzahuaW
coyotzin lui répondit : « Ce serait une usurpa-
tion, une tyrannie contraire à nos anciens
usages. Il est de mon devoir de les élever et
de leur donner des biens puisqu'ils descen-
dent tous de ma maison. Je me ferai hon-
236 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES.
neur, et je marierai avec eux mes fils et
mes filles; car il importe à la grandeur des
rois que leurs inférieurs soient des gens puis-
sants. Il rétablit donc dans leurs domaines
tous ceux qui étaient du sang royal d'Atzca-
putzalco. » Il y en avait neuf dans le royau-
me de Tezcuco , sept dans celui de Tlacopan ,
et treize dans le rovaume de Mexico aux-
t/
quels il en ajouta plus tard un quator-
zième, ce qui fit trente seigneurs qui étaient
les grands de tout l'empire, et qui assistaient
en personne on par un de leurs enfants aux
assemblées des états. Ils n'étaient tenus qu'à
prêter foi et hommage et à servir en temps de
guerre avec leurs vassaux sans payer aucun
tribut. Quand tout cela fut exécuté, Netzahual-
coyotzin retourna à Mexico.
CHAPITRE XXXV.
Netzahaalcoyotzin rétablit dans leurs domaines les seigneurs du
royaume des Aculhuas , et partage les terres.
Tout le monde applaudit à la conduite de
Netzahualcoyotzin quand il rétablit les sei-
gneurs dans leurs domaines. On y vit une
preuve de sa générosité, qu'il voulait sui-
vre les traces de ses ancêtres et faire ou-
blier la mémoire du tyran. Les seigneurs qui
238 HISTOIRE
s'étaient réfugiés dans les provinces de Hue-
xotzinco^ Tlaxcala et Cbalcovirentque le par-
don qu'il leur avait accordé n'était pas une
ruse et qu'il ne cherchait pas sous des ap-
parences de clémence à s'emparer de leur
personne. Il rétablit dans la seigneurie de
Huexotla ^ Tlazoliatzin fils d'Itlacazatzin , qui
s'était réfugié à Tlaxcala pour échapper au
châtiment du à sa révolte et à ses crimes. Mo-
toliniatzin, qui s'était retiré à Tezmolocandans
la province de Huexotzinco, fut rétabli à Goa-
tiicban. Ateocopactzin fut nommé seigneurde
Chimalbuacan. Le roi prit pour lui les villes
de Coatepec^ Iz tapai ocan et quelques autres qui
sont situées de ce côté^ et donna à Acocopit-
zin la seigneurie de Tepetlaoztoc. Matlatoca-
wmatzin^ fils de Teyplcocoatzin , rççut celles
d'Acolman, Tencoyotzin^ celle de Tepechapan,
Techotlalatzin ^ celle de Tezoyocan, Tezozo-
uiotzin f celle de Ghiuhnautla. Il donna celle
de Chautlaà son fils Quauhtiazacuilotzin pour
qu'il la gouvernât quand il serait en âge, car
DES CHICHIMÈQUËS. 239
il était encore enfant. H prit pour lui Xalto-
can, Papal otlan et d'autres villes et donna à
Quetzalmamalitzin la seigneurie de Teotihua'-
can qui avait appartenu à son père Huetzin.
Il le nomma en même temps capitaine géné-
ral et phef de la noblesse. Il ordonna de plus
que ce serait dans sa ville que Ton décide-
rait tous les procès entre les gens d'un rang
élevé des provinces environnantes. Quechol-
tecpant2:in reçut avec la seigneurie d'Otom-
pfi^n le itaéine droit à l'égard des gens du peuple.
Plus tard il rétablit aussi dans leurs domaines
Tlalalolintzin de Tolantzinco , Nauhecatzin de
Quauhchinanco et Quetzalpayutzin de Xicote-
pec. Il répartit en huit districts toutes les au-
tres villes , bourgades et villages du pays des
Aculhuas , et nomma dans chacune un major-
dome chargé de la perception des tributs.
Matlalaca fut nommé majordome de la ville
de Tezcuco, de ses faubourgs et de ses villa-
ges. Outre la perception des impôts, il devait
faire vivre la maison du roi pendant soixante-
240 HISTOIRE
dix jours, en fournissant chaque jour vingt-
cinq tlacopintli de maïs dont chacun a trois al-
mudes de plus qu'une fanègue, ce qui fait en
tout trente et une fanègues et cinq almudes ;
trois tlacopintli de fèves, quatre cent mille gâ-
teaux de mais tout préparés, quatre xiquipiles
de cacao, ce qui équivaut à trente-deux mille
grains, cent coqs, vingt pains de sel, vingt
grandes corbeilles de gros cbile ou poivre ,
vingt autres de petil , dix de tomates et dix de
pepitas (i). Le second majordome, nommé
Tocbtli, devait percevoir tous les tributs d'A-
tanco, partie de la ville située sur le lac, ceux
des bourgs et villages qui étaient au nombre
de onze , et fournir la même quantité de- vi-
vres pendant soixante-dix jours. Coxcoçh ,' le
(i) Quoique, cette quantité de vivres paraisse immense » il
faut observer que tous les salaires étaient payés eo nature , et
que les seigneurs de la cour , les membres des conseils , des
tribunaux , vivaient au palais. Torquemada , qui donne le
même détail , dit l'avoir copié sur un livre de compte , en
caractères hiéroglyphiques , qui existait , de son temps , entre
les mains de don Antonio Piinentel , descendant de Netza-
hualcoyolzin.
DES GHIGHIMÈQUES. 241
troisième^ percevait les tributs de Tepepolco
et de ses treize villages, et fournissait aussi
des vivres pour soixante-dix jours. Tlemati,
le quatrième, percevait ceux d'Azapochco et
de ses treize villages : il fournissait des vivres
pendant quarante- cinq jours; Ixotl, le cin-
quième, ceuxdeQuauhtlatzinco et de ses vingt-
sept villages : il fournissait des vivres pendant
soixante-cinq jour s; Quauhtecotl, le sixième,
ceux d'Abuatepec et de ses buit villages : il
fournissait des vivres pendant quarante-cinq
jours; Papalotl, le septième, ceux deTetitlan ,
Coatepec, Iztapalocan, Tlapecbuacan et leurs
dépendances. Enfin, le buitième, qui se nom-
mait Quateconbua, recevait les tributs de Tec-
pilpan et des buit villages qui formaient son
territoire. Ceci composait le domaine privé de
Netzabualcoyotzin, sans compter plus de cent
soixante bourgs ou villages qu'il répartit en-
tre ses fils, ses parents, et ceux qui lui avaient
rendu des services.
Les terres de cbaque ville ou village étaient
12. 16
242 HISTOIRE
divisées de la manière suivante : On choisis-
sait dans la meilleure partie du territoire un
grand champ qui avait exactement quatre cents
mesures de Ifirge et autant de long* On le nom-
mait Tlatocatlatii ou Tlatocamili^ ce qui veut
dire terre ou semence du seigneur y ou aussi
Itonal Yutlacatly ou terres auxquelles les habi*
tants sont forcés de venir travailler. Il y en
avait d'autres connues sous le nom de Tec-
pantlali ou terres qui dépendent des palais
des seigneurs (i). L'on nommait les Indiens
qui les cultivaient tecpanpouhque ou gens
qui dépendent du palais des chefs. D'au-
tres champs se nommaient GolpoUali ou Al-
tepatlali , c'est-à-dire qui appartient à un
quartier du village. C'était sur ces terres
qu'étaient établis tous les gens du commun y
qui les cultivaient pour vivre et les autres
pour payer leurs tributs. Ces champs > qui
( > ) Voyez» pour tout ce qui termine ce chapitre, le rapport sur
les différentes classes de chefs de la Nouvelle- Espagne , par
Alouzo de Zurita » qui fait partie de cette collection.
DES GHIGHIMËQUËS. 243
formaient la plus grande partie du territoire
des villes et villages , appartenaient aux rois
ou aux seigneurs; et les maeehuales (c'est
ainsi que Ton nommait ceux qui les culti-
vaient) ne pouvaient les donner à d'autres
qu'à leurs enfants ou à leurs parents, qui en
héritaient sous les mêmes conditions qu'ils
en avaient joui eux-mêmes. Les rois et
les seigneurs possédaient seuls ces trois espè-
ces de terres. Celles que l'on nommait Pillali
appartenaient aux nobles et aux descendants
des rois. D'autres appelées Tecpilali formaient
le patrimoine des gentilshommes que l'on ap-
pelait les anciens seigneurs. On en donnait
aussi à ceux qui avaient rendu des services.
C'est ainsi qu'était partagé le territoire des
bourgs et des villes. Il y avait encore un
autre genre de terres nommées Loatlati ; elles
avaient été gagnées à la guerre et appar-
tenaient presque toutes aux trois chefs de
l'empire. Ils en avaient cependant distribué
une partie aux caciques ou à ceux qui, soit
244 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
par leurs vassaux^ soit par eux-mêmes, avaient
aidé à la conquête de la ville dont elles dépen-
daient et dont elles formaient ordinairement
le tiers.
CHAPITRE XXXVI.
Netzahualcoyoizin construit pour sa demeure les plus l>eau)c
palais qu'il y ait jamais eu k la Nouvelle-Espagne. — Leut
description.
Cette manière de répartir les terres fut aussi
adoptée dans les royaumes de Mexico et de
Tlacopan, car les souverains de ces deux états
imitaient toujours les lois et le mode de gou-
vernement de Tezcuco, qu'ils regardaient
comme le meilleur que Ton eût vu jusque-là.
246 HISTOIRE
Ainsi ^ tout ce qui se dit de Tezcuco doit s'en-
tendre aussi des deux autres, car les peintures,
les histoires et les chants, sur lesquels je base
mon histoire, commencent toujours par Tez-
cuco, ainsi que les registres des tributs royaux
qui étaient en usage à la Nouvelle-Espagne
avant l'arrivée des chrétiens. C'est ainsi que
j'ai tiré d'une peinture ancienne tout ce que j'ai
ditdeNetzahualcoyotzin. On y voit aussi clai-
rement la grandeur de ces édifices, des
salles, des chambres, des jardins, des tem-
ples et des cours qu'ils contenaient, qu'on
peut le faire aujourd'hui par leurs ruines. Ces
palais furent construits par les soins des chefs
de l'empire, qui y appelèrent tous ceux dont
ils pouvaient disposer, de sorte qu'il y tra-
vailla plus de deux cent mille personnes. L'in-
spection des travaux fut confiée à Xilomant-
zin, seigneurdeCulhuacan, et à Moquihuitzin
de Tlatelolco ; mais le roi les dirigea presque
toujours lui-même. La longueur du palais,
qui ^'étendait de l'orient à l'occident, était de
DES CHICHIBIÈQUES. 247
411 \ de leurs mesures, ce qui équivaut à
1234 vares \; la largeur, qui était du nord aii
sud, était de 326 de leurs mesures, c'est-à-
dire de 978 vares. Du côté du sud et de l'o-
rient, la muraille, construite en briques crues
et en ciment , avait deux vares d'épaisséut* et
trois toises de haut. Du coté du couchant, qui
est celui du lac , et au nord , il était environné
d'une forte muraille qui avait cinq toises de
haut* Jusqu'au tiers de sa hauteur, elle allait
en diminuant comme un contre-fort; le reste
était droit et d'aplomb. Au milieu du carré
formé par cette muraille, étaient l'habitation
du roi , les salles des conseils , et les au-
tres appartements que je vais décrire. Le pa-
lais avait deux cours, dont là première, qui
était la plus grande, servait de place pu-
blique et de marché; elle est même encore
aujourd'hui destinée à cet usage « La se-
conde, plus intérieure, était entourée par
la salle des conseils royaux, où le roi avait
deux tribunaux. Au milieu de cette cour brïi-
248 HISTOIRE
lait un grand brasier qui ne s'éteignait ja-
mais. A droite de ce brasier était le tribunal
suprême , nommé Teohicpalpan , c'estwi-dire
siège ou tribunal de Dieu ; il était plus élevé
que les autres. Le siège et le dossier étaient
d'or incrusté de turquoises et autres pierres
précieuses. Il y avait devant une espèce de
banquette , sur laquelle se trouvaient un bou-
clier, une massue, un arc, un carquois et des
flèches, et par-dessus un crâne surmonté d'une
èmeraude de forme pyramidale sur laquelle
était gravé le panache nommé Tecpilotl, dont
j'ai parlé plus haut, et un tas de pierres pré-
cieuses. Des peaux de tigres et de lions,
ainsi que des étoffes faites de plumes d'aigle
royal, servaient de tapis, sur lesquels se
trouvaient comme semés une quantité de brar-
celets et de bijoux d'or. Les murailles étaient
ornées et tapissées d'une étoffe de poil de la-
pin de toutes sortes de couleurs, représentant
des animaux, des oiseaux et des fleurs. Au-
dessus du siège s'élevait un dais de plumes
DES CHIGHIMÈQUES. 249
magnifiques^ sur lequel il y avait des espèces
de foudres en or et en pierreries. Au-dessus
du second tribunal , que Ton appelait du roi ,
on voyait un autre dais orné des arraes des rois
de Tezcuco. C'est sur ce tribunal que le roi
siégeait ordinairement pour l'expédition des
causes , et qu'il donnait ses audiences ; mais
quand il avait à juger des affaires d'une haute
gravité et qui pouvaient entraîner la peine
de mort, il allait s'asseoir au tribunal de Dieu,
plaçait sa main droite sur le crâne, prenait
dans la gauche une flèche d'or qui lui servait,
de sceptre , et se couronnait de la tiare , sym-
bole de sa dignité, et qui avait la forme d'une
demi-mitre. Il v avait aussi trois de ces tiares
sur la banquette dont j'ai parlé plus haut :
l'une était en or incrusté de pierreries,
la seconde en plumes, et la troisième était
bleue et tissue de fil de coton et de poil de
lapin.
Les quatorze grands du royaume siégeaient
par ordre de rang et de dignité dans cette
250 HISTOIRE
salle, qui était partagée en trois divisions*
Le roi siégeait seul dans la première, les six
principaux seigneurs dans la seconde , et les
huit autres dans la troisième, et cela dans
Tordre suivant: A droite, dans la seconde di-
vision, les seigneurs de Teotihuacan, d'Acoï-
man et de Tepetlaoztoc ; à gauche, ceux de
Huexotla, de Goatlichan et de Gbiraalhuàcan.
A droite, dans la troisième jdi vision ^ qui était
la plus près de l'entrée, siégeaientles seigneurs
d'Otompan, deTollantzinco, deQuauhchinanco
et de Xicotepec ; à gauche, ceux de Tepechpan,
de Ghiautla , de Chiuhnautla et de Tevo-
tocan.
En face de cette salle, du côté de l'orient, il
y en avait une autre qui était aussi partagée
en deux. Dans la partie intérieure, qui était
regardée comme la plus honorable, siégeaient
huit juges, dont quatre étaient nobles, et led
quatre autres choisis parmi les simples ci-
toyens ; puis quinze juges provinciaux , qui
devaient être natifs des principales villes du
DES CHICHIMÈQUËS. 251
royaume deTezcuco. Ils connaissaient de toutes
les affaires civiles ou criminelles qui pouvaient
tomber sous le coup des quatre-vingts lois pro-
mulguées par Netzahualcoyotzin ; la plus im-
portante ne devait pas durer plus de quatre-
vingts jours. Dans l'autre division , la plus
près de l'entrée , il y avait un tribunal de
quatre juges , qui étaient les présidents des
quatre conseils ; à côté d'eux était une petite
porte par laquelle ils communiquaient faci-
lement avec le roi.
Du côté du nord on voyait une autre grande
salle que l'on appelait de la science et de la
musique, et dans laquelle étaient trois trônes.
En face de l'entrée se trouvait celui du roi
de Tezciu:o, à droite celui du roi de Mexico, et
à gauche celui du roi de Tlacopan. Il y avait
autour une foule de boucliers , de cordons , de
panaches et d'ornements en plumes , des
charges d'étoffes précieuses et des bijoux
d'or et de pierreries. C'était là que s'asseyaient
les rois quand ils se réunissaient. Au milieu
252 HISTOIRE
de la salle était un instrument de musique ,
nommé huehueti , autour duquel se réunis-
saient ordinairement les philosophes^ les
poètes et quelques-uns des plus fameux ca-
pitaines du royaume. Ils s'occupaient à répéter
leurs romances historiques ou des chants mo-
raux et sentencieux. Derrière cette salle il y
en avait une autre appuyée sur la forte mu-
raille dont j'ai parlé plus haut^ où se tenaient
les capitaines et les soldats les plus braves,
qui formaient la garde du roi. Presque en
face de la salle royale, s'ouvrait une pièce
consacrée aux ambassadeurs des rois de
Mexico et de Tlacopan; plus loin un pas-
sage menait de la cour intérieure à la
grande cour qui servait de marche; et au
delà la salle du conseil de la guerre , où as-
sistaient les six plus vaillants guerriers de la
ville de Tezcuco , trois nobles , trois simples
citoyens, et quinze capitaines natifs des prin-
cipales villes du royaume. Le conseil des
finances , composé du même nombre de mem-
DES GHIGHIMÈQUES. 253
bres, se tenait dans une pièce située vers
le midi , derrière laquelle il y en avait une
seconde, où se tenaient des espèces de juges-
commissaires que le roi envoyait dans les
provinces pour examiner les affaires et punir
ceux qu'il leur désignait. Le magasin des
armes était derrière.
Dans la cour intérieure étaient les apparte-
ments de la reine et de ses dames , la chambre
à coucher du roi, les cuisines, ainsi que
beaucoup de passages très-compliqués , dont
les murs étaient ornés de figures et de sculp-
tures. Chacune de ces salles , qui étaient
presque carrées , avait cinquante vares de lon-
gueur et un peu moins de largeur; d'autres
étaient plus ou moins grandes. Au midi et
à l'orient des salles dont je viens de par-
ler, se trouvaient les jardins du roi , or-
nés d'aqueducs, de fontaines, de pièces d'eau
remplies de poissons. On y voyait aussi des
oiseaux de toute espèce. Il était environné de
plus de deux mille cèdres, qui sont aujour-
254 HISTOIRE
d'hui encore presque tous debout. 11 y avait
aussi des bains dans des labyrinthes dont il
était presque impossible de sortir. Le palais
ëtait orné d'une quantité de tours et de tou-
relles.
Au milieu de la cour qui sci-vait de marché,
était le jeu de balte. Près de l'entrée de la cour
intérieure , s'élevait , sur une estrade , un
brasier qui brûlait jour et nuit. Cette place
était entourée de portiques. Au couchant s'ou-
vraient une grande salle et plusieurs chambres
où se tenaient les historiens, les poètes et les
philosophes du royaume, divisés en classes
selon la science qu'ils cultivaient ; on y trou-
vait aussi les archives royales. A côté de cette
salle était l'entrée principale du palais. Plus
loin il y avait d'autres appartements avec des
salles et des cours où Ton logeait les rois de
Mexico ({Uand ils venaient à Tezcuco, puis
l'iMidroit où l'on recevait et où l'on conser-
res de Cuauhna-
1; les provinces
DES GHIGHIMËQUE8. 255
déposaient leurs tributs dans le palais ^ et les
autres les déposaient dans des maisons parti-
culières destinées à cela. Vers le nord, près
des temples dont je parlerai plus loin, et en
dehors des murs , se trouvait le palais qu'ha-
bitait le roi de Tlacopan quand il venait à
Tezeuco. En face était la maison des oiseaux,
ou le roi entretenait toute espèce d'oiseaux,
d'animaux et de serpents que l'on apportait
des diverses parties de la Nouvelle-Espagne.
L'on imitait, avec de l'or et des pierreries,
ceux qu'on ne pouvait pas se procurer. Il en
était de même des poissons, tant de la mer
que des lacs et des rivières ; de sorte qu'il n'y
avait pas un seul animal , de quelque espèce
que ce soit , qui n'y fut vivant ou représenté.
Enfin le palais du roi contenait en tout plus
de trois cents chambres, grandes et petites,
très-bien décorées.
Quand on construisit la toiture de ce palais,
on voulut couper le bout de quelques-unes
des poutres, qui étaient d'une grandeur in-
256 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
croyable, et enlever les cordes qui avaient servi
à les traîner; mais le roi ordonna qu'on les
laissât ainsi , ajoutant que le temps viendrait
où elles serviraient à d'autres, et qu'ils n'au-
raient pas la peine d'y percer de nouveaux
trous et d'v attacher d'autres cordes. Cela fut
exécuté; et j'ai encore vu les vides que ces
pièces ont laissés au-dessus des piliers qui les
supportaient. Sa prophétie fut accomplie, car
on a détruit le palais pour se servir des bois.
CHAPITRE XXXVII.
Suite de la description du palais de Netzahoalcoyotzin. —
Temples qu'il renfermait.
Le palais que je viens de décrire n'avait
que trois portes ou entrées principales, savoir :
une à l'occident ou du côté du lac, la seconde
à l'orient ou du côté des montagnes, et la troi-
sième au midi. On y parvenait par des espèces
de corridors qui avaient dix -huit vares de
12. 17
258 HISTOIRE
large. Du côté des teraples , qui étaient très-
grands^ il y avait d'autres entrées par les-
quelles on pouvait s'y rendre du palais. A
l'ouest des temples , on voyait un édifice avec
une cour, une salle et des chambres : on le
nommait Tlacotco. C'était là qu'on élevait les
enfants du roi , qui y demeuraienfavec leurs
maîtres et leurs gouverneurs , qui leur ensei-
gnaient la morale ainsi que toutes les sciences^
tous les arts connus à cette époque , . même
ceux de travailler l'or, les pierreries et les
plumes, ainsi que les exercices militaires, et
cela avec tant de soin , qu'ils ne les laissaient
pas oisifs un seul moment. Les filles du roi
étaient élevées dans un autre édifice entière-
ment séparé du premier.
D'après les lois, tous les quatre-vingts jours
le roi, ses enfants, ses parents, leurs gou-
verneurs, les principaux dignitaires de la cour,
les princesses, quelquejeunes qu'elles fussent,
et leurs gouvernantes , se rassemblaient dans
une grande salle du Tlacotco. Les femmes s'a»-
DES GHICHIMBQUES. 259
seyaient d'un coté cl les homm^ de Tàutre;
ceux-ci, même les ûh du roi> n'avaient qu'un
yétemcnt grossier en netjuen. Un orateur
montait sur une espèce de chaire ou d'es-
trade, et représentait à chacun ses vices,
en commençant par le roi, et tout ce qu'il
avait fait de mal, lui montrait les inconvé-
nients qui pourraient s'ensuivre, et vantait
la vertu et les avahtages que l'on trouve à
la pratiquer. Il racontait tout ce qu'on avait
fait de mal dans les quatre-vingts jours qui
venaient de s'écouler. Si le roi avait commis
quelque injustice, il la révélait, de sorte que
rien ne restait secret. L'orateur parlait avec
la plus grande liberté, rappelait les quatre-
vingts lois qui avaient été promulguées par
le roi , engageait à les suivre et à les obser-
ver. Il tonnait contre le vice et louait la vertu
avec tant d'éloquence que les assistants étaient
émus jusqu'aux larmes. On comptait plue dç
quarante temples ; le principal était celui de
Huiteilopochtli et de Tlaloc. 11 était carré et
260 HISTOIRE
massif. Ses murailles étaient en maçonnerie k
l'extérieur et en terre battue à l'intérieur. Cha-
que côté avait quatre-vingts brasses de long.
La hauteur était de vingt-sept toises; on y
montait du côté du couchant par un escalier de
cent soixante marches. Il allait toujours en se
rétrécissant, de sorte qu'il avait la forme d'une
pyramide. De distance en distance il y avait
une plate-forme. Deux chapelles , dont l'une
était plus grande que l'autre, se trouvaient au
haut du temple. La première, située au sud,
étaitdédiée au dieu Huitzilopochtli,et laseconde
au nord, au dieu Tlaloc. Ces chapelles et les
idoles qu'elles contenaient étaient tournéesvers
le couchant. Devant le temple il y avait une
cour qui s'étendait du nord au sud et pou-
vait bien contenir cinq cents personnes. En
avant, entre les deux chapelles, il y avait une
pierre nommée Techcatl, sur laquelle on sa-»
crifiait les prisonniers de guerre. Les chapel-
les avaient trois étages auxqfueU on montait
par des échelles mobiles; les deux plus éle-
Vji
DES CHICHIMÈQUES^ 261
vés étaient remplis de toutes sortes d'armes ,
telles que massues, boucliers, arcs, flèches,
lances, cailloux, ainsi que de toute espèce de
vêtements et d'ornements de guerre. Les au-
tres temples étaient de la même grandeur; ils
avaient deux ou trois chapelles ou même da-
vantage ; quelques-uns n'en avaient qu'une
seule. Dans l'endroit où étaient ces temples ,
plus de quatre cents salles ou chambres ser-
vaient d'habitation aux prêtres et aux minis-
tres du culte. C'était là que l'on élevait les
jeunes gens de la ville. Une autre partie ren-
fermait une quantité de femmes recluses qui
s'occupaient de l'éducation des jeunes filles. Il
y avait aussi un temple rond dédié à Quetzal-
coatl, dieu de l'air; un étang nommé Tetzapan,
où l'on lavait les vases qui servaient aux sa-
crifices : ceux qui se tiraient du sang allaient
aussi s'y purifier; enfin un monticule où l'on
avait planté des arbres et des arbustes de toute
espèce : on le nommait Teotlapan, ce qui veut
dire la terre de Dieu. Sans compter les jardins
262 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
et les labyrinthes^ il y avait dans ce palais
plus de quarante cours.
Comme beaucoup d'autres auteurs ont parlé
de la forme des idoles , des temples , et des
différentes espèces de prêtres qui les desser»-
vaient, je ne m'étendrai pas sur ce sujet.
CHAPITRE XXXVUI.
Des quatre-vingts lois que promulgua Netzahualcoyotzin ,
et cornaient il les fit observer.
Netzahualcoyotzin avait établi le meilleiir
cordre^ non - seulement dans le royaume de
Tezcuco, mais dans tous ceux qu'il possédait ,
car ce que je dis du premier doit aussi s^ap^
pliquer aux autres* Il divisa la ville de Tezeuco
en six quartiers, savoir : Mexicapan^ Coihua-
264 HISTOIRE
can, Tecpanecapan , Huituahuac, Chimalpan
etTlailotlacan, et établit dans le même quartier
les personnes de la même profession. Dans
l'un il plaça les orfèvres, dans Fautre les ou-
vriers en plumes , et ainsi des autres , qui
étaient fort nombreux. Il fît aussi construire
pour les seigneurs beaucoup de maisons et de
palais proportionnés au rang et aux ser-
vices de celui qui devait les occuper. On en
comptait dans la ville plus de quatre cents qui
appartenaient à des chefs ou à des gentils-
hommes de race connue.
Pour le bon gouvernement de son royaume
et de tout l'empire, ce prince établit quatre-
vingts lois qu'il divisa en quatre parties, d'a-
près le nombre des tribunaux suprêmes aux-
quels ressorti ssaient toutes les affaires civiles
et criminelles, et qui punissaient toute espèce
de crime et même de péché; car le péché contre
nature était puni avec la plus grande sévérité.
L'agent était attaché à un poteau , et il y péris-
sait étouffé sous la cendre que tous les jeunes
DES GHIGHIMÈQUES. 265
garçons lui jetaient. On arrachait les entrailles
du patient; et on l'ensevelissait ensuite éga-
lement sous la cendre. Le traître au roi et à
la patrie était coupé en morceaux à toutes les
jointures ; sa maison était saccagée et démolie^
on semait du sel sur la place ; ses enfants et
toute sa maison devenaient esclaves jusqu'à la
cinquième génération. Quand un seigneur
soumis à l'empire se révoltait contre les
trois chefs, et qu'il était pris ailleurs que
dans un combat, on lui brisait la tête à coups
de massue. On punissait du même supplice un
gentilhomme qui osait se revêtir des orne-
ments royaux; mais à Mexico on se contentait
de lui couper une cuisse, même quand c'eût
été l'héritier de l'empire; car personne n'au-
rait osé prendre des ornements ni construire
une maison qu'avec la permission du roi , qui
ne l'accordait que quand on l'avait méritée
par de belles actions. Ceux qui étaient pris en
flagrant délit d'adultère par le mari, étaient
lapidés. Si le mari, éclairé par des indices.
266 HISTOIRE
parvenait à fournir la preuve du crime, on
les pendait tous les deux et on les traînait en-
suite jusqu'à un temple situé hors de la ville.
Cela avait aussi lieu sur la rumeur publique
quand même le mari ne portait pas plainte*
Les entremetteurs étaient punis de la même
manière. Si les coupables avaient tué le n^vr,
l'amant était brûlé vif, et pendant ce supplice
on l'arrosait avec de l'eau et du sel jusqu'à ce
qu'il expirât; la femme était pendue. Si cdtti
qui avait commis l'adultère était un noble,
on brûlait son corps, selon l'usage ordinaire,
après l'avoir étranglé. Celui qui volait dans
les villages ou dans les maisons devenait l'ecr-
clave du volé, quand il n'avait pas commis
d'efiFraction , et que le vol était de peu d'im-
portance; dans le cas contraire il était pendu.
Quand un vol commis dans la campagne a'ié-
levait aunlessus de la valeur de sept qiis , le
coupable était assommé à coups de massue.
On étranglait les fils des seigneurs s'ils disai*
paient leurs richesses ou les objets mobiliers
DES CttlGHIIfiQUES. 267
dont Ha avaient hérité de leurs aneétre^. Si
un homme du peuple se livrait à l'ivrc^e-*
rie^ la première fois qu'il était surpris dans
l'ivresse on lui rasait la tête sur la place pu-*
blique» sa maison était pillée et démolie ; car
on disait qu'un homme qui perdait volontai-^
rement la raison ne méritait pas d'en avoir
une , et devait vivre dans les champs comme
une brute. La seconde fois il était puni de
mort ; mais un noble l'était dès la première. Le
même tribunal jugeait tous les procès relatifs
aux esclaves, aux propriétés foncières, les
questions d'état et les droits des différentes
charges.
Le conseil des sciences et de la musiqu?
était chargé de faire observer toutes les lois
qui s'y rapportaient ; il punissait de mort ceux
qui se livraient à des pratiques superstitieuses,
les sorciers et les magiciens. La nécromancie
seule était permise , parce qu'elle ne faisait de
tort à personne. Le conseil de guerre punis-
sait de mort le soldat qui n'obéissait pas à son
268 HISTOIRE
chef ou qui manquait à la discipline. On pen-
dait celui qui s'emparait des captifs ou du bu-
tin d'un autre; celui qui cédait ses captifs
éprouvait le même sort. Quand un noble s'é-
chappait après avoir été fait prisonnier et
ren tirait dans son pays ^ il était mis à mort ;
mais dans ce cas un plébéien était récompensé.
Si un noble , après avoir été fait prisonnier^
remportait la victoire sur les quatre guerriers
qui lui étaient successivement opposés pour le
sacrifier, il regagnait sa liberté de cette ma-
nière, et était bien reçu et récompensé par le
roi. Si ce dernier était fait prisonnier à la
guerre, tous les soldats de sa garde étaient
mis à mort; car ils s'étaient engagés à le ra-
mener mort ou vivant. Si ce malheur arrivait
au prince héréditaire ou aux autres fils du
roi , ses maîtres et ses gouverneurs étaient
punis de même.
On ne faisait la guerre aux souverains des
provinces éloignées que pour des motifs suffi-
sants, comme si, par exemple, l'un d'euxavait
DES CHIGHIMÈQUES. 269
fait périr des marchands qui allaient trafiquer
dans ses états ^ ou voulait empêcher les com-
munications entre ses sujets et ceux de l'em-
pire; car les trois chefs de l'empire préten-
daient une suprématie sur tous les autres, et
se fondaient sur le droit qu'ils avaient sur tous
les pays habités autrefois par les Toltèques,
dont ils se regardaient comme les héritiers,
et possédés ensuite par le grand chichimè-
que Xolotl , leur ancêtre. C'est pourquoi ,
avant de commencer une guerre, ils se réu-
nissaient en conseil et délibéraient sur la mar-
che à tenir. Les Mexicains envoyaient d'abord
à la province que l'on regardait comme ré-
voltée des messagers nommés Quahquau-
huochtzins qui réunissaient tous les vieillards
des deux sexes, et leur annonçaient, au nom
des trois chefs, que comme c'étaient eux qui
devaient souffrir le plus des malheurs de
la guerre , ils les engageaient à empêcher leur
seigneur de se laisser aveugler par l'orgueil ,
à l'inviter à se mettre sous la protection de
270 HISTOIRE
l'empire, qu'ils lui laissaient vingt jours pour
solliciter le pardon des offenses commises , et
finissaient en disant que pour qu'ils ne puft^
sent jamais prétendre à l'avenir qu'ils avaient
été conquis par l'abus de la force , ils leur re-
mettaient une certaine quantité de massues et
de boucliers pour se défendre. Les messagers
allaient attendre près de là la réponse des vieil-
lards et des chefs de la province. Si ceux-cî,
dans le délai fixé, apaisaient leur seigneur,
on lui pardonnait, et on le recevait comme
allié, en lui faisant jurer de ne jamais se ré-
volter , de laisser entrer, sortir et commercer
les marchands et les sujets de l'empire , et de
payer une certaine redevance en or, pierre-
ries, plumes ou étoffes. Si, au contraire, le
seigneur s'y refusait, il arrivait au bout des
vingt jours d'autres messagers aculhuas de
Tezcuco, nommés Achcacauhtzins, qui étaient
choisis parmi les juges commissaires dont j'ai
parlé plus haut.Ceux-ci délivraient leur mes*-
sage au seignein^ du pays , aux nobles de sa
DES GHICHIHÈQUES. 271
famille et de sa maison, et leur annonçaient
que si dans un nouveau délai de vingt jours
ils ne s'étaient pas soumis, leur chef serait
puni de mort , d'après les lois qui le con-
damnaient à être assommé à coups dé mas-
sue, à moins qu'il n'eût été tué ou pris
dans^ la bataille, car dans ce dernier cas il
était sacrifié aux dieux, et que tous les no-
bles de sa famille et de sa maison seraient
aussi châtiés selon la volonté des trois chefs de
l'empire. Si le seigneur se rendait à ce nouvel
avertissement, on lui pardonnait, ainsi qu'à
ses nobles; mais il était obligé à l'avenir de
payer un tribut modéré aux trois cheft de
l'empire. S'il s'y refusait, les messagers lui
oignaient la tète et le bras droit avec une cer-
taine liqueur qui devait lui donner des forces
pour résister à la fureur de l'armée impériale.
On lui attachait sur la tête, avec une courroie
rouge, un panache en plume, nommé Tecpi-
totl; on lui donnait une quantité de boucliers,
de massues et d'autres armes. Les Achcacauht-
272 HISTOIRE
zins allaient ensuite rejoindre les Quahqiiaii-
huochtzins pour attendre le terme de ce
nouveau délai. Quand il était expiré, il arri-
vait de nouveaux ambassadeurs , des Teepa-
nèques de Tlacopan ; ils avaient le même rang
que les autres, et s'adressaient aux capitaines
et aux guerriers, leur disant que comme c'é-
taient eux qui devaient recevoir les coups et
supporter les fatigues de la guerre , ils enga-
geassent leur seigneur à se soumettre dans un
délai de vingt jours qu'on lui accordait en-
core; que s'ils s'y refusaient, on mettrait leur
province à feu et à sang , on réduirait en es-
clavage tous les prisonniers, et qu'on leur im-
poserait un tribut envers l'empire. S'ils se
rendaient à ce dernier avertissement, le sei-
gneur seul était puni, et l'on n'imposait à la
province qu'un tribut un peu plus fort qu'il
ne l'eut été sans cela, et qui était prélevé sur
les revenus du seigneur. S'ils refusaient en-
core, les messagers leur distribuaient de nour-
veau des boucliers et des massues; puis iïs
DES CHIGHIMÈQUES. 273
allaient rejoindre leurs collègues, et tous en-
semble prenaient congé du seigneur et des
guerriers, leur annonçant que dans vingt
jours ils seraient attaqués par l'armée des trois
chefs de l'empire, qui accompliraient leur
menace. En effet, l'armée, qui s'était avancée ,
les attaquait au bout de ce temps , et quand ils
étaient vaincus ils subissaient le sort qu'on
leur avait annoncé. Le tribut était partagé
entre les trois rois. Celui de Tlacopan ne re-
cevait qu'un cinquième; mais les parts des
deux autres étaient égales. On laissait cepen-
dant aux héritiers du seigneur vaincu assez
de terres et de vassaux pour pouvoir vivre
convenablement; on leur permettait même
d'exercer leur droit d'héritier légitime de la
province, à la charge de se reconnaître vassaux
de l'empire. Les trois rois laissaient dans cette
province une garnison suffisante pour s'assu-
rer de son obéissance, et licenciaient le reste
de l'armée. Ce fut ainsi que successivement
ils conquirent tout le pays.
12. ' 18
274 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
Le quatrième et dernier conseil , celui des
finances , était chargé de tout ce qui est rela-
tif à la répartition , à la perception des tri-
buts ^ et au domaine royal. Les percepteurs
qui faisaient payer plus qu'il ne leur était
dû étaient punis de mort. Il était défendu
sous la même peine, aux membres de ces tri-
bunaux , de recevoir des présents ou de favo-
riser une des parties. Le roi leur donnait de
quoi vivre, et tous les quatre-vingts jours il
leur faisait distribuer de l'or, des pierreries ,
des plumes, du cacao et du mais, à chacun
selon son mérite ; mais ils n'avaient pas d'ap-
pointements fixes : il en était de même à l'é-
gard des capitaines , des guerriers distingués
et des personnes de sa cour.
CHAPITRE XXXIX.
Le roi Nelzahualcoyoliin augmente les terre» de la république
de Tlaxoallan. — Traité qu'il fait avec elle.
La republique de Tlaxcallan était venue au
secours de Netzahualcoyotzin dans toutes les
guerres qu'il avait entreprises pour relever le
trône de Tezcuco et détruire la puissance des
Tecpanéques. Pour lui témoigner sa recon-
naissance ^ il s'y rendait souvent et lui en-
276 HISTOIRE
voyait des présents considérables en or, en
pierreries, en étoffes, en plumes, etc. Ayant été
la visiter un jour , il augmenta considérable-
ment les limites de son territoire, en prenant
beaucoup sur le royaume de Tezcuco. Les
bornes de séparation furent placées aux mon-
tagnes de Quauhtepec , d'Ozelotepec et de
Huehue; ensuite, à la demande de la républi-
que, il conclut avec elle le traité suivant ; ils
s'engagèrent à s'aider réciproquement dans
l'occasion et à ne jamais chercher à s'enlever
leurs états par guerre, violence ou autrement.
La république s'engageait à fournir des secours
à Netzahualcovotzin ou à ses descendants con-
tre tous ceux qui pourraient se révolter; de
son côté , ce prince promit de la protéger con-
tre ses ennemis. Quand Netzahualcoyotzin eut
conclu ce traité d'alliance , il retourna à Tez-
cuco et s'occupa à réunir des troupes pour
marcher contre la province de ToUanzinco et
les montagnes de Totonapan. Il commença
par la première, qui était une dépendance de
DES CHICHIMÈQUES. 277
l'empire, et lorsqu'il l'eut conquise il en rendit
le gouvernement à Tlalolitzin , après lui avoir
impose certains tributs. Celle de Quauhchi-
nanco s'étant soumise volontairement, il lui
laissa son seigneur Nohecatzin ; il en fît de
même à Xicotepec. Après avoir réduit toute la
contrée qui s'étend jusqu'àla montagne deTo-
tonapan , qui faisait autrefois partie de son pa-
trimoine, et qui comprendplus de quatre-vingts
lieues de pays ,, il réunit son armée à celle d'It-
coatzin, son oncle, et de Totoquihuatzin , roi de
Tlacopan. Ils marchèrent contre les Tlalhuicas,
les soumirent et se les partagèrent. Netzahual-
coyotzin eut pour sa part Quauhuahuacan ,
leur capitale , iet neuf villages. Le percepteur
des tributs qu'il y établit eij tirait annuelle-
ment quatre mille trois cents charges de riches
manteaux d'étoffes et de huipiles (i), ce qui
(i) Les huipiles ou vipileâ, comme Tëcrit Molina , étaient
des tuniques, et les naguas des jupons. L'auteur entend proba-
blement par panetes , les pièces d étoffe qu on passait entre les
cuisses après les avoir attachées autour des reins, et que quel-
ques auteurs français ont appelées pagnes.
278 HISTOIRE
forme en tout quatre-vingt-six mille manteaux,
huipiles, naguas^ etc., plus un certain nombre
d'objets en or, en pierreries et en plumes ,
outre les femmes et les servantes qui étaient
nécessaires à la maison du roi , et les fleurs
dont on se servait pour orner le palais. Le
roi de Mexico eut Tepozotlan, Huastepec,
avec les mêmes revenus. Celui de Tlaco*
pan reçut aussi la part qui lui était due. Us
continuèrent ensuite le cours de leurs con-
quêtes et s'emparèrent de la province de Chaloo,
qui se révolta bientôt après; puis de celles
d'Itztzocan , Tepeyacan , Tecalco , Teohuacan,
Coaixtlahuacan et Quauhtochco. Après leur
avoir imposé les mêmes charges (ju'aux au-
tres, Netzahualcoyotzin marcha avec son ar-
mée contre la grande province d'Atochpan et
celle de Tizauhucoac. Les ayant conquises, il
nomma majordome dans cette dernière Tiz-
coacalaotl, qui en tirait par an mille huit cents
charges d'étoffes, tant de celles qui étaient
ornées de diverses couleurs et servaient à
DES GHICHIMÈQUES. 279
tendre les appartements du roi que de celles
plus simples qui servaient à faire des huipiles
et des naguas , sans compter cent charges d'é-
toffe d'ilacatziuhqui (i) , dont chacune avait
huit brasses de long, et cent d'une autre espèce
plus belle et plus fine qui n'en a que quatre,
ce qui faisait en tout quarante mille pièces
d'étoffe. 11 percevait en outre quatre cents peta-
cas (2), quatre cents cuirs de cerfs, cent cerfs
vivants, cent charges de chile, cent charges
de pépites (3), cent grands perroquets, quatre
cents sacs de plumes blanches servant à faire
des étoffes, quatre cents sacs de plumes de
diflPérentes couleurs, et deux cents charges
de panetes, ce qui fait quatre mille, sans comp-
ter les femmes et les servantes nécessaires
au service du palais. Huehuehutli fut nom-
mé majordome de la grande province d'Atoch-
(i) Molina traduit ilacatziuhqui par chose tordue (eosa
torcida).
(2) Les petacas sont des coffres en cuir.
(3) Les pépites doirent être des espèces de petites tomates.
280 HISTOIRE
pan ; il percevait par an quinze cent qqatre-
vingts charges des étoffes dont je viens de par-
ler, vingt-cinq manteaux et huipiles, quatre
cent dix charges d'ilacatziuhqui de huit
brasses et autant de plus fin de quatre brai-
ses , ce qui fait en tout quarante-sept mille six
cent quarante-cinq manteaux, naguas, hui-
piles, pièces de ilacatziuhqui et panetes, sans
compter les femmes nécessaires au service du
palais. La grande province d'Atochpan se di-
visait en sept parties qui contenaient soixante-
huit villages.
Quand le roi de Tezcuco eut soumis ces
provinces qui faisaient partie de son patri-
moine, il s'avança avec son armée le long
des côtes de la mer du nord jusqu'à la pror-
vince que l'on nomme aujourd'hui Teochte-
pec, la conquit, y laissa une garnison suffi-
sante, et un intendant nommé Toyozin, qui
tirait tous les ans quarante charges de ri-
ches étoffes, et vingt d*une espèce de che-
mises tissues de diverses couleurs , ce qui eh
DES GHIGHIMÈQUES. 281
faisait cent vingt. Il y faisait aussi eultiver
tous les ans un champ de cacao qui avait quati^e
cents mesures de long et deux cents de large.
On lui payait en outre trente-trois charges de
cacao y deux mille boules d'ulli (i) et quatre
cents pièces d'étoffes teintes à la cochenil le, sans
compter beaucoup d'ouvrages en plumes, tels
que boucliers, panaches faits avec les plumes
précieuses de l'oiseau nommé quetzalli, et au-
tres ornements dont les rois se servaient quand
ils allaient à la guerre. Cette province conte-
nait douze villages aussi soumis à Fempire, et
qui donnaient pour tribut une certaine quan-
tité d'armes et de servantes.
Netzahualcoyotzin revint ensuite sur ses
pas, et s'empara, avec les rois de Mexico et
de Tlacopan , des provinces de Tlapacoya et
de Tlaucocautitlan. Huitziltecuh , qui en fut
nommé intendant, percevait tous les ans seize
vases remplis de couleurs {yateas)^ vingt char-
ges de copal , deux cent soixante-dix-huit
(i) L'ulli est une espèce de gomme dont on faisait des balles.
282 HISTOIRE
tasses et teconiatls ( i ) fins , et vingt char-
ges de baguettes de Tlacuilolquahiiitle (3). Ces
provinces et quelques autres où il plaça des
intendants formèrent la part du roi de Tea-
cuco, sans compter celles qui échurent aux
deux autres rois, et dans lesquelles il ne nomma
pas les intendants. Ces tributs se partageaient
entre les trois rois, comme je Tai dit plus
haut. On transportait le tout à Mexico, et les
agents des trois chefs se les divisaient, pre-
nant chacun ce qui revenait à son maître. La
part de Netzahualcoyotzin se gardait à Mexico
dans son ancien palais; il l'employait à ré-
compenser les seigneurs de ses domaines, ses
enfants, ses parents et tous ceux qui lui ren-
daient des services, en leur faisant remettre
par les chefs de Mexico ce qu'ils avaient mé-
rité. C'est pour cela qu'on emmagasinait ces
tributs dans cette ville,
(1) Molina traduit tecomutl par vase de terre.
(i) Ce sont très-probablement de^ bâtons résineax qui ser-
vaient de lorches.
DES GHICHIMÈQUfiS. 283
Pendant qu'il était occupé à toutes ces guer^
res, la province de Tollantzinco persévérait
dans sa rébellion. Les habitants brûlèrent en
une nuit les trois villes où le roi deTezcuco en-
tretenait une garnison ; c'étaient Macanacazco,
Tlayacac et Chiquiuhtepec. Ils massacrèrent
tous les soldats qu'il y avait laissés quatre ans
auparavant. Netzahualcoyotzin réunit* une
puissante armée, marcha contre eux, et les
châtia sévèrement. Cependant il ne déposa pas
leur ancien seigneur, et le laissa siéger parmi
les quatorze chefs du royaume ; mais il le força
de lui payer tous les ans un tribut de soixante
charges de manteaux, de quatre cents mesu-
res de féveroles , ce qui fait cinq cents fanè-
gues, et l'obligea à faire planter des arbres
dans ses jardins et dans ses bois. Il chargea
Pachcalatl du recouvrement de ce tribut. Cette
province resta toujours soumise. Netzahual-
coyotzin y fonda une ville qu'il nomma Tzi-
huinquilocan , et la peupla d'habitants de
Tezcuco. Elle fît toujours partie du domaine
284 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
royal, et y resta jusqu'à la mort de son petit-
fils don Fernando Cortez Ixtlilxochitl (i).
(i) Dans la onzième relation de la seconde partie , Ixtlilxo-
chitl donne la liste suivante des provinces conquises par Net-
zahualcoyotzin dans le cours de son régne :
Quauhnahuac , Tlalhuic , Quauhchinanco , Xicotepec , Pa-
huatla , Yautepec , Tepexco • Abacayocan , Ghalco , Itztzo-
can , Tepeaca , Tecalco, Teohuacan , Quauhixtlahuacan , Ax-
tlaxtlan , Yohualtepec , Quauhtoxco , Toxpan ( qui se divise
en six provinces : Toxtepec , Tzincohuac , Tlapacoyan ,
Tlalcozuauhtitlan , Tiatlauhquitepec , et Mazahuacan ) , Go-
huixco« Oztoman, Quetzaltepec , Ixcateopan, Telxahualco ,'
Goctepec , Tlamacolapan , Ghilapan , Quiauhcopan , Ohua-
pan , Tzompahuacan , Gozamaloapan , ainsi que les pro*
vinces de la Huasteca , qui sont : Panuco , Tlahuitolan , Goxo-
titlan y Acatlan , Apiaztlan , Tetlcoyoyan , Oilaquiztlan et
Xochipalco.
CHAPITRE XL.
i dlticoilxin , roi de Mexico. — Il a pour siu'ceiEeur Mo-
leciilizomatziii llhnioumiiiatzin . premier du nuni. — Guerre
h de l'empire conlie les provini^es éloignées.
l'fiimcp 1440, oonuuee
iii'iiiMit Itzanttis. tr
<'\n'i.i (I ni gotivfl U! isC
ec les rois<fc Vam.'* "
iit i-^iir fBribfiar ^^
é conreiiuciMvIksA—r^ - -.
286 HISTOIRE
que quand l'un viendrait à mourir les deux
autres éliraient son successeur, Netzahual-
coyotzin fit faire une convocation générale
dans tout l'empire, et ayant réuni son armée
à celle (ie Totoquihuatzin , roi de Tlacopan ,
ils marchèrent contre les provinces de Co-
huixco, Oztoman, Quezaltepec, Ixcateopan ,
Teozcahualco, Poctepec, Tomazolapan, Chi-
lapan, Quiauhtepec, Ohuapan, Tzompalhua-
can et Gozamaloapan. Après les avoir sou-
mises et réunies à l'empire, ainsi que beaucoup
d'autres, il licencia son armée. Voici la ma-
nière dont on entreprenait ces expéditions :
les trois armées marchaient ensemble et d'un
pas égal, et quand elles s'approchaient de
l'ennemi elles se divisaient. Chacune atta-
quait de son coté, et simultanément; de cette
manière l'ennemi était bientôt mis en dé-
route, car chaque armée brûlait du désir de
se signaler. Quand le roi fut de retour dans sa
capitale, il résolut de marcher contre la pro-
vince de Guaxtèque ou de Panuco, qui avait
DES GHIGHIMÈQUES. 287
aussi fait partie de son patrimoine. Quand il
eut réuni les troupes nécessaires, il nomma
son fils Xochiquetzalzin capitaine -général.
Cinq ou six jours après que celui-ci eut quitté
Tezcuco, l'empereur fit partir un autre de ses
fils , nommé Acamipioltzin , avec des renforts ,
car les Guastèques étaient une nation très-
belliqueuse. Ce dernier, qui était un excellent
guerrier, voulant augmenter sa réputation
militaire, fit une marche si rapide, que, quoi-
qu'il fut parti six jours après son frère, il ar-
riva avant lui, prenant une route bien dif-
férente pour n'en être pas aperçu. Quoi-
que bien inférieur en forces , il attaqua avec
tant de vaillance les Guastèques, qui étaient
campés auprès d'une grande rivière, qu'il
les mit dans une déroute complète. Un grand
nombre se noyèrent dans le fleuve, qu' Acami-
pioltzin traversa en les poursuivant , de sorte
que quand son frère arriva avec son armée ,
il les avait déjà vaincus et s'était emparé de
la plupart de leurs villes, et Xochiquetzaltzin
288 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES.
n'eut plus qu'à appuyer ses efforts. Les pro-
vinces et les villes les plus importantes con-
quises dans cette campagne étaient Tlahuito-
lan, Cocolitlan, Acatlan, Paiztla, Tetlcoyocan,
Otlaquiquiztla et Xochipalco. Après avoir mis
des garnisons dans toutes ces provinces, qui
confinaient avec les Chichimèques de la pro-
vince de Panuco , ces deux princes retournè-
rent à Tezcuco, où ils entrèrent en triompha-
teurs, et où leur père leur fit la meilleure ré-
ception. Xicotencatl, un des quatre chefs de
la république de Tlaxcallan, jeune homme
d'une brillante valeur, et dont la réputation
commençait à se répandre, fit partie en cette
occasion de l'armée de Netzahualcoyotzin , et
revint dans sa patrie chargé de dépouilles et
de richesses qu'il avait gagnées dans cette ex-
pédition .
CHAPITRE XLl.
Le pays est raTagë par la peste et la famine. — Commence-
ment des guerres de Tlaxcallan , Huezotzingo et Ghololan
contre Tempire.
L'empire jouissait de la plus grande pros-
périté, tant à cause de l'abondance de vivres
qui y régnait, que de sa nombreuse popu-
lation. On cultivait jusqu'aux montagnes les
plus escarpées, et le moindre village avait
plus d'habitants que n'en ont actuellement les
12. 19
290 HISTOIRE
villes les plus florissantes de la Nouvelle-Es-
pagne , comme on peut le voir par les registres
royaux de cette époque. Mais les choses de
cette vie sont sujettes au changement, et les
malheurs ne manquent jamais, comme le
témoignent ceux que l'on éprouva à cette épo-
que , et qui furent les premiers désastres qui
assaillirent cette nation.
L'année 1450, nommée Matlactli-Tochtli,
il tomba une neige si abondante que tout le
pays en fut couvert jusqu'à la hauteur d'une
toise et demie, ce qui occasionna une ruine
générale. Presque toutes les plantation s. fu-
rent détruites , et la saison fut si froide qu'il
régna une espèce de rhume pestilentiel qui
fit périr un grand nombre de personnes,
particulièrement celles d'un rang élevé. Dans
les trois années qui suivirent, les semences
et les fruits de la terre manquèrent presque
entièrement, ce qui détruisit une grande par-
tie de la population. Au commencement de
l'année 1454, il y eut une grande éclipse de
DES GHICHIMÈQUES. 291
soleil , et la mortalité augmenta tellement
qu'on croyait que le pays deviendrait en-^
tièrement désert. La famine fut si exces-
sive que beaucoup de gens allaient vendre
leurs enfants contre du mais dans le Totona-
pan, où le fléau ne s'étendait pas. Comme
les habitants de cette province étaient de
grands idolâtres , il sacrifiaient aux dieux
tous les esclaves qu'ils achetaient, croyant
ainsi les maintenir propices et en obtenir que
les calamités ne s'étendissent pas dans leur
pays. Les trois chefs de l'empire firent tout
ce^iui dépendait d'eux pour venir au secours
de leurs sujets. Ils les dispensèrent de tout
tribut pendant les six ans que dura la fa-
mine et leur firent distribuer tout le maïs
qu'ils avaient amassé dans leurs greniers les
dix ou douze années précédentes. Voyant
que les malheurs n'avaient pas de terme , ils
se consultèrent avec là république de Tlax-
callan pour chercher a y porter remède. Les
prêtres et les ministres des temples de Me-
292 HISTOIRE
xico déclarèrent que les dieux étaient irrités
contre l'empire, que pour les apaiser il fal-
lait sacrifier un grand nombre de victimes
humaines et continuer toujours ainsi pour les
conserver propices. Netzahualcoyotzin , qui
était très-éloigné de cette opinion , chercha à
empêcher qu'elle ne prévalût^ en disant qu'il
suffisait pour cela des prisonniers de guerre, et
que peu importait qu'ils mourussent ainsi ou
fussent tués dans le combat; d^autant plus qu'il
était bien plus glorieux pour un guerrier de
prendre son ennemi vivant; que les vain-
queurs, outre les récompenses qu'ils rece-
vraient pour leur valeur, auraient l'avantage
d'offrir en sacrifice leurs prisonniers. Mais les
prêtres répondirent que les guerres ne se fai-
saient que de temps à autre , à des époques assez
éloignées, que les esclaves destinés aux sacri-
fices arrivaient très-fatigués, que l'on devait au
contraire immoler fréquemment des hommes
frais et dispos comme l'étaient leurs escla-
ves et leurs enfants qu'ils sacrifiaient autre-
DES CHIGHIMÈQURS. 293
fois. Xicotencatl, un des chefs de la république
de Tlaxcallan , proposa d'établir dorénavant
une guerre régulière entre sa patrie , le
royaume de Tezcuco et ses alliés; et de dé-
terminer un lieu où se livrerait le combat.
Tous les prisonniers devaient être sacrifiés
aux dieux, ce qui ne pouvait manquer, disait-
il , de leur être agréable puisque ce serait
pour eux une nourriture toute fraîche et toute
chaude. Ce serait d'ailleurs , ajouta-t-il, pour
les fils des seigneurs une occasion de s'exer-
cer et de devenir d'habiles capitaines. Cette
guerre entre les deux nations ne devait avoir
lieu que dans les limites de l'endroit dési-
gné et sans chercher à faire des conquêtes
l'une sur l'autre. Elle devait être suspendue
quand l'une des deux nations éprouverait
quelque malheur, et dans ce cas, on devait
se secourir mutuellement comme cela était
convenu par les traités antérieurs. La propo-
sition de Xicotencatl plut à tout le monde , et
comme les Indiens étaient très-zélés pour le
294 HISTOIRE
service de leurs dieux , on tomba bientôt d'ao-
cord. Netzahualeoyotzin choisit un endroit
entre Quauhtepec et Ocelotepec. Comme l'em-
pire se composait de trois parties on désigna
trois républiques savoir : Tlaxcallan, Hue-
xotzinco et Ghololan pour leur être opposées ;
ils les désignaient sous le nom d'ennemis de
l'intérieur (enemigos de casa). Les guerriers
des trois parties de l'empire se réunissaient et
l'on devait se battre à nombre égal ; le combat
devait avoir lieu dans les premiers jours de
chaque mois, savoir : le premier mois contre
ceux de Tlaxcallan , le second contre ceux de
Huexotzinco et le troisième contre ceux de Cho-
lula que défendaient les habitants d'Atlixco et
ainsi de suite ^ ce qui fournissait un nombre
suffisant de victimes aux prêtres de Tezcatli-
poca, Huitzilopochtli ^ Tlaloc et autres idoles
adorées par les Mexicains , ainsi qu'à ceux de
GamaxtLe, Matlalcueitl et Quetzalcoatl, divini-
tés de leurs adversaires. Ce fut ainsi que com-
mencèrent les guerres et ces horribles sacri-
DES GHICHIMÈQUES. 295
fices aux dieux ou plutôt aux démons. Ils
durèrent jusqu'à l'arrivée de l'invincible don
Fernan-Cortez , premier marquis de la vallée
d'Oaxaca, qui introduisit la sainte foi catho-
lique. On établit aussi une loi pour défendre
aux habitants des trois républiques de venir
sur les terres de l'empire ou réciproquement,
sous peine d'être sacrifiés aux dieux. Au com-
mencement de chacun des dix-huit mois qui
composaient leur année solaire on célébrait de
grandes fêtes en l'honneur des dieux, et l'on y
sacrifiait les prisonniers que l'on faisait dans
les guerres dont je viens de parler. Il y avait
encore d'autres fêtes mobiles.
CHAPITRE XLII.
Netzahualcoyotzin construit des maisons de plaisance , des
bosquets et des jardins. — Quels furent ceux qu'il fît tra-
vailler à l'embellissement de ces résidences royales.
Outre les jardins nommés Hueteepan , et
Cillan situé près du palais de son père, le roi
Netzahualcoyotzin en possédait près de la rési-
dence de son aïeul l'empereur Techolotlatzin.
Il en fit encore construire d'autres , tels que
celui de Tezcotzinco si célèbre et si vanté dans
298 HISTOIRE
les histoires , ceux de Gauchiacao , Zinacamoz-
toc, Cozcaquauhco, Cuetlachiuhtitlan Tlateïtec,
ainsi que ceux d'Acatelelco et Tepetzinco, si-
tués sur le lac. Il fit enclore aussi la plus
grande partie de la forêt où il chassait quand
il avait quelques instants de repos. On voyait
dans ces jardins de beaux édifices somptueu-
sement ornés d'aqueducs, de fontaines, d'é-
tangs, de bains et de labyrinthes. On y cul-
tivait toutes sortes d'arbres et de fleurs que
l'on apportaitdes provinces les plus éloignées.
Il possédait en outre cinq lots de terre des
plus fertiles qu'il y eût autour de la ville,
les faisait cultiver pour son plaisir, et en con-
sommait lui-même les produits. Ils étaient
situés à Atenco sur les bords du lac , à Papa-
lotlan , Galpolapan, Mazacapan et lahualihua-
can. Les villages des environs étaient obligés
de travailler à tour de rôle à l'entretien des
palais et des jardins du roi ; ce service se ÙA^
sait pendant la moitié de l'année par les har-
bitant» de Huexotla, Coati ichan, Coatepec,
DES CHICHIMÈQUES. 299
Ghimalhuacan ; Itztapalocan , Tèpetlaôztoc ,
Acolman^ Tepechpan , Chiuhnauhtlan, Teyo-
yocan, Chiauhtla^ Papalotlan^ Xaltocan et
Ghalco; et pendant l'autre moitié par ceux de
Otompan, Teotihuacan, Tepepolco, Zempoa-
lan, Atztaquemecan , Ahuatepec, Axapochoc,
Oztoticpac, Tizayocan, Tlalanapan, Coyoac,
Quatlatlaulîcan, Quatlacca et Quauhtlatzinco.
Calpolalpan , Mazacapan , Yahualihucan ,
Atenco et Tzinhuilquilocan, fournissaient le
service de la chambre du roi. Les provinces
de Tollantzinco, Quauhchinanco , Xicotepec,
Pauhatla, Yauhtepec, Tepechco, Ahuacayocan,
Quauhahuac ainsi que les villages qui en dé-
pendent étaient chargées de l'entretien des
jardins. Chaque personne s'occupait du jar-
din qui lui était désigné et les habitants le
cultivaient à tour de rôle. Le plus célèbre et le
plus agréable de tous était celui de Tezcot-
zinco (i); car outre qu'il occupait une vaste
(i) Davilla Padilla , Historia de la provincia de Smntiago ,
300 HISTOIRE
enceinte^ on montait jusqu'en haut par des
gradins dont une partie était en maçon-
nerie et l'autre taillée dans le roc. Pour y
faire arriver l'eau qui était nécessaire, tant
pour les fontaines et les bains , que pour arro-
lib. II , cap. 8 y 9, parle en ces ternies du jardin de Tezcutzinco
et de sa destruction :
Au haut de la montagne de Tezcutzinco et au milieu d'un
jardin rempli de fleurs et de fruits se trouvait une idole nom-
mée Zavalcoitl (Netzahualcoyotzin). Pour arroser le jardin on
avait amené l'eau de deux lieues , en aplanissant les montagnes
et en comblant les vallées. Elle arrivait au haut du jardin et
l'arrosait en formant des cascades. II y avait au sommet, la slatue
d'un coyotl ou renard du pays, mais les Indiens disaient qu'elle
représentait un Indien célèbre par ses jeûnes. Cette idole fut dé-
truite par le saint évêque de Mexico , Don Juan de Zumarraga,
et par le bienheureux S. Domingo de Betanços. On montait au
sommet du jardin par un escalier de cent vingt marches. Je
les ai montées l'année dernière et je les ai comptées pour pou-
voir en parler comme un témoin oculaire. Quelques-unes qui
étaient en maçonnerie commencent à se détruire , mais la
plupart sont taillées dans le roc. Presqu'au sommet, il y a un
escalier de douze marches , taillées dans le roc , qui dans cet
endroit forme une route si étroite qu'il n'y peut passer qu'une
personne à la fois. Etonné de le voir si mesquin au milieu d'é-
difices superbes , j'en ai demandé les causes aux Indiens , qui
m'ont répondu que c'était à dessein qu'on n'avait laissé qu'un
passage si étroit , afin que les rois qui venaient visiter l'idole
en compagnie de celui de Tezcuco , fussent obligés de passer
derrière lui. Plus loin, on voit les ruines d'un palais dont les
portes sont en pierres d'un seul morceau. On y voit des pou-
tres en cèdre qui ont quatre-vingt-dix pieds de long et quatre
de diamètre.
DES CHICHIMÈQUES* 301
ser les fleurs. Il avait été nécessaire de con-
struire d'une montagne à l'autre des mu-
railles d'une hauteur prodigieuse. Il y avait
au-dessus une targea qui débouchait en haut
du jardin. Au milieu de l'étang le plus élevé
s'élevait un rocher autour duquel on avait
scuplté les hiéroglyphes de toutes les années,
qui s'étaient écoulées depuis le commencement
du régne de Netzahualcoyotzin jusqu'à cette
époque, ainsi que ce qui s'était passé de plus
remarquable dans chacune d'elles. Au centre
de la roue des années on avait sculpté ses ar-
mes, qui étaient une maison consumée par
les flammes et une autre de la plus belle ar-
chitecture. Au milieu on voyait un pied de
cerf orné de superbes panaches de plumes, et
dans lequel étaitincrustéeunepierre précieuse,
une biche qui tenait un arc et des flèches;
un homme armé de toutes pièces entre deux
tigres de la gueule desquels sortaient des tor-
rents d'eau et de feu. A l'entour et disposées
en ordre, on vovait douze tètes de rois et
802 HISTOIRE
de seigneurs. Le premier archevêque, don
Juan de Zumarraga, la fit briser la prenant
pour une idole quoique ce ne fût que rhiéro*-
glyphe de ses armes. En sortant de cet ëtang
l'eau se divisait en deux canaux dont l'un en-
tourait les bosquets du côté du midi , et l'au-
tre du côté du nord. Au haut du jardin on
avait construit une espèce de tour terminée
par un chapiteau en maçonnerie en forme de
mosquée (mezquita)^ d'où sortaient de grands
panaches de plumes. C'était de là que le jar-
din tirait son nom. Plus bas on avait sculpté
un rocher de manière à représenter un lion
ailé de plus de deux brasses de haut. Il était
couché et regardait vers l'orient. La figure
off^rait le véritable portrait du roi Netzahual-
covotzin. Ce lion était ordinairement recou-
vert d'un dais en or et en plumes. Plus
loin étaient trois autres étangs; dans celui
du milieu on voyait trois figures de femmes
sculptées dans la roche vive. Cet étang figurait
le grand lac de Mexico , ©t les trois femmes les
DES CHICHIMÈQUE&. 303
trois capitales de l'empire. Dans l'étang qui se
trouvait au nord on avait sculpté sur un ro-
cher le nom et les armes delà ville deTollan,
ancienne capitale des Toltèques, et sur un au*
tre dans celui du midi^ le nom et les armes
de la ville de Tenayocan qui avait été la capi-
tale des Chichimèques. L'eau qui s'échappait
de ces pièces d'eau tombait sur la pierre en
formant une cascade dans un jardin rempli
des fleurs odoriférantes de la terre chaude;
avec tant de force qu'elle rejaillissait de tous
côtés en forme de pluie. Au delà de ce par-
terre se trouvaient des bains taillés dans le
roc vif et divisés en deux compartiments. On
y descendait par des gradins polis comme
des miroirs où étaient gravés l'année, le mois
et le jour où le roi Netzahualcoyotzin avait
appris la mort d'un seigneur de Huexotzinco
qu'il aimait beaucoup, précisément dans le
moment où il était occupé à faire tailler ces
gradins. Dans le bas du jardin était le palais
qu'habitait le roi ; il i^nfermait une foule de
304 HISTOIRE DES CHICHIMÈQUES.
salles parmi lesquelles il y en avait une très-
grande , devant laquelle se trouvait une cour
où il recevait les rois de Mexico, de Tlaco-
panet les autres grands seigneurs qui venaient
le visiter. C'était dans cette cour qu'avaient
lieu les danses et les autres divertissements.
Ce palais était si magnifique et fait de tant d'es-
pèces de pierres qu'on ne l'aurait pas cru con-
struit de main d'homme. La salle où le roi
dormait était de forme ronde. Le reste du
jardin était planté de toutes espèces d'arbres
et de fleurs odoriférantes. On y trouvait une
quantité d'oiseaux sans compter ceux que l'on
apportait de tous les côtés dans des cages. Ils
formaient une telle harmonie qu'on ne pou-
vait s'entendre. L'endroit où ils se trouvaient
était séparé du jardin par une muraille. Près
de là il y avait une forêt remplie de cerfs, de
lapins et de lièvres. Mais il faudrait faire un
ouvrage spécial si je voulais parler de tout ce
qu'on trouvait de curieux dans ce jardin et
dans les autres du rovaume.
CHAPITRE XLIII.
Le roi Netzahualcoyotzin épouse Azcalxochitzin , fille du
prince Temielzin son oncle. — Circonstances extraordinaires
qui accompagnent ce mariage.
Cependant INetzahualcoyotzin n'avait pas
suivi la coutume de ses ancêtres, qui était
d'épouser une femme légitime pour en avoir
un héritier de l'empire. Il avait néanmoins
beaucoup de fils , car il entretenait un grand
nombre de concubines dans ses palais et dans
12. 20
306 HISTOIRE
ses jardins. Quelques-uns étaient d'habiles
capitaines et l'avaient aidé dans les guerres
et dans les conquêtes dont je viens de parler.
Le roi Itzcoatzin et Moctecuhzomatzin , qui
lui avaient succédé sur le trône de Mexico,
avertis par le refus qu'il avait fait des vingt-
cinq jeunes filles qui lui avaient été envoyées,
n'avaient osé lui parler de mariage. S'y étant
décidé, il ordonna qu'on lui amenât quel-
ques filles des seigneurs de Huexotla et de
Coatlichan , car c'était dans ces deux familles,
les plus anciennes du pays, que les empereurs
chichimèques avaient coutume de choisir leurs
épouses. Mais il n'y en avait qu'une seule de
la famille de Coatlichan , et elle était si jeune
qu'il la confia au prince Quauhtlehuanitzin ,
son frère, pour la faire élever. Aussitôt qu'elle
serait en âge, il devait l'amener au palais pour
que l'on célébrât les noces. Mais Quauhtle-
huanitzin, qui était très-vieux, mourut quelr
que temps après, et quand Huetzcatocatzin ,
son fils et son héritier, eut pris possession
DES CHrCHINTÈQUES. 307
de sa succession, trouvant dans la maison
une jeune pet*sonné si noble , et ne saéhafit
dans quel but on l'y élevait, il Tëpousa, et
quand remperenr la fît réclamer, lé itiariage
était déjà coUsoftiriié. Il fût donc très^sW'prîs
quand ce |)ritice lui ordonna d'aitiérïtr ali
palais la jeune fille que son père élevait , parce
qu'il com|)tait l'épouser. H lui répondît hum-
blement que, ne sa(;hant pasr ce qui Étvait été
convenu entre ]rû et son père , il l'avaît
épolTsée, mais qu'il pouvait disposer ée lui.
Le i^oî, sans lui répondre, le renvoya aufx
juges, pour qû^lè le punissent s'ils trou-
vaient sa conduite blâmable ; mais ilé le dé-
clarèrent innocent et le rémirent en liberté.
Le roi fut extrêmement affligé de voir qu'a-
près avoir été si heureux en tôttte chose , il
avait si mal réussi dans cette occasion. Il
quitta seul le palais, et se retira dans les bos-
quets qu'il avait auprès du lac , et , mécon-
tent de tout ce qu'il possédait, il continua
à marcher jusqu'à la ville de Tepechpan.
308 HISTOIRE
Quauhquauhtzin^ qui en était seigneur et un
des quatorze grands de l'empire, vint au-de-
vant de lui pour le recevoir, et le conduisit à
son palais , où il lui offrit un repas ; car il
n'avait rien pris de toute la journée. Pour
le mieux recevoir, il le fit servir à table
par Azcalxochitzin , jeune Mexicaine , fille
du prince Temietzin, oncle de Netzahual-
coyotzin, et, par conséquent, sa cousine,
qu'il faisait élever chez lui dans l'intention
d'en &ire son épouse légitime. Jusque là,, il
ne Tavait pas encore touchée, parce qu'elle
était trop jeune. Ses parents la lui avaient
donnée tout enfant en échange d'un présent
d'or, de pierres précieuses, de manteaux, de
plumes et d'esclaves, qui formaient sa part
du butin dans les conquêtes dont j'ai parlé
précédemment, et auxquelles il avait pris part
comme un des chefs. Quand le roi vit sa cou-
sine si remplie de beauté et de grâces, il perdit
toute sa mélancolie et sa tristesse; car elle lui
enleva son cœur. Il cacha sa passion le mieux
DES CHIGHIMÈQUES. 309
qu'il put, et, après avoir pris congé de ce sei-
gneur, il retourna à sa cour, où il résolut se-
crètement , et sans communiquer son dessein à
personne, défaire périr Quauhquauhtzin poulp
s'en débarrasser, et il s'y prit de la manière
suivante. 11 envoya à la république de Tlaxcal-
lan un messager en qui il avait pleine con'fian*
ce, et lui fit dire qu'il importait au bien de son
empire que Quauhquauhtzin pérît, parce qu'il
avait commis de grands crimes ; mais que ^
comme il voulait lui accorder une mort ho-
norable , il priait la république d'ordonner à
ses guerriers de le tuer dans le combat , et
qu'il le leur enverrait tel jour. Il fit ensuite
appeler deux chefs sur lesquels il pouvait
compter, et leur dit qu'il voulait envoyer
Quauhquauhtzin au combat qui , au jour fixé ,
devait avoir lieu sur la frontière de Tlaxcallan,
et qu'il leur recommandait de le placer au
poste le plus dangereux, afin qu'il y fût tué
par les ennemis, ajoutant qu'il avait commis
des crimes dignes du dernier supplice, mais
310 HISTOIRE
qu'il voulait^ par amitié^ lui accorder une
mort glorieuse, I) fit ensuite appeler son ri-
val , et lui annonça qu'il . l'avait choisi pour
chef de cette expédition. Quauhquauhtzin obéit
à l'ordre du roi , quoiqu'il fut étonné de voir
donner à un vieux soldat comme lui un poste
qui était bien au-<lessous de son rang. Il de-
vina le pi^e, et composa un chant plaintif ,
qu'il répéta dans le festin qu'il donna à ses
parents et à ses amis pour prendre congé
d'eux. Il partit ensuite pour cette expédition ,
où il fut en effet massacré par les Tlaxealtè-
ques. Il ne restait plus au roi qu'à connaître
les dispositions de sa cousine. Mais , ne vou-
lant pas que Ton soupçonnât son desseiui il alla
visiter la princesse Tozquentzin , sa sœur, et
lui dit qu'il voulait se marier, et qu'il ne trou-
vait dans ses états personne qui lui convint
mieux qu'Azcalxochitzin, veuve de Quauh-
quauhtzin , seigneur de Tepechpan, qui venait
d'être tué par les Tlaxcaltèques; qu'il ne lui
restait plus qu'à connaître la volonté de cette
DES CHIGHIMÈQUES. 311
dame; mais que^ comme son veuvage était
trop récent pour traiter publiquement cette
affaire, il la priait de la sonder en secret. La
princesse lui répondit qu'elle avait dans sa
maison une vieille servante qui allait souvent
voir leur cousine, pour soigner sa chevelure,
et qu'il pouvait la charger de cette commis-
sion. Il lui ordonna donc de dire en secret à
Azcaixochitzin qu'il regrettait beaucoup la
mort de son époux, mais que^ comme elle
était sa cousine, il était disposé à la prendre
pour femme et à la faire reine et maîtresse
de ses états. La vieille s'acquitta adroite-
ment de sa commission; la princesse répondit
qu'elle était à la disposition du roi, et que
c'était son devoir de lui obéir, puisqu'elle était
sa parente. Quand celui-ci eut reçu cette ré-
ponse , il ordonna que l'on construisit une
route de Tepechpan au Jardin de Tepeczinco,
et que Ton amenât par cette route un rocher
qui se trouvait dans un jardin de Ghiuhnautia,
sur lequel on avait étendu la peau de sou
312 HISTOIRE
frère Acotlotli , massacré par ordre du tyran
Tezozomoc , comme je l'ai raconté plus haut*
Il fixa un jour pour l'achèvement de cet ou-
vrage, et, étant retourné chez sa sœur^ il dé-
pécha la vieille pour avertir Âzcalxochitzin
que tel jour un rocher que l'on amènerait de
Chiuhnautla traverserait la ville qu'elle habi-
tait; qu'on le conduirait aux jardins de Tepec-
zinco, et qu'elle eût à le suivre avec le plus de
monde possible, sans qu'on s'aperçût qu'elle le
faisait par son ordre , mais comme par curio-
sité et pour voir transporter un aussi grand ro*
cher. Il la prévint qu'il l'attendrait sur un bal-
con , et qu'il la ferait conduire au palais, où l'on
célébrerait les noces et où on la proclamerait
reine de Tezcuco. La princesse fit ce qui était
convenu, et, au jour indiqué, elle se mit en
route avec tous les nobles et toutes les dames
de Tepechpan. Le roi, qui était sur son balcon
environné des grands, feignit d'être étonné
de voir tant <le monde dans un endroit où il
ny avait Jamais personne. Il demanda qui
DES CHICHIMÈQUES. 313
ëtait cette dame , et quand on lui eut répondu
que c'était Azcalxochitzin ^ sa cousine ^ qui
venait pour voir placer cet énorme rocher, il
dit qu'il ne voulait pas laisser sa jeune pa-
rente dans un endroit indigne d'elle, et qu'on
eût à l'amener au palais où elle serait mieux.
Au bout de quelques jours , le roi dit à ses
grands qu'il avait l'intention de l'épouser,
parce qu'elle était encore vierge et de si haut
lignage. Ceux-ci ayant approuvé son des-
sein, on célébra les noces par beaucoup de
fêtes et de réjouissances. Motecuhzomatzin
et Totoquihuatzin y assistèrent ainsi qu'un
grand nombre de seigneurs , et elle fut pro-
clamée reine des Aculhuas Chichimèques. Ce
fut par cette ruse que Netzahualcoyotzin s'em-
para de cette dame , sans qu'alors onpût savoir
positivement, si Quauhquauhtzin avait été tué
par hasard ou à dessein. Mais les auteurs qui
ont raconté cette histoire ( et on sut plus tard
la vérité , car c'étaient ses fils et ses petits-fils)
le blâment de cette action comme de la plus
314 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
mauvaise qu'il ait commise dans toute sa vie ^
et disent que , quoiqu'il fût aveuglé par l'ar
mour^ sa conduite n'en est pas moins digne
d'exécration .
CHAPITRE XLIV.
Des enfiints de Netzahualcoyotzin , et de tout ce qui se passa
jusqu a la mort du prince Tetz^uhpiUzintli.
Les noces du roi Netzahualcoyotzîn eurent
lieu avant les calamités dont j^ai parlé plus
haut, et Dieu les envoya probablement pour le
punir de la mort injuste qu'il avait donnée à
Quauhquauhtzin. Il eut de son épouse deux fils,
qui naquirent à une époque très-éloignée l'un
316 HISTOIRE
de Tautre. L'aîné, nommé Tetzauhpiltzintli ,
fut comblé des dons de la nature ; il avait un
excellent naturel , etdevint bientôt consommé
dans toutes les sciences, sans donner aucune
peine à ses maîtres. Il était philosophe, poète,
excellent soldat, et même très-adroit dans les
arts mécaniques. Il aimait la guerre et les
bâtiments : c'est pourquoi il construisit un
très-beau palais à Ahuehuetitlan. Il y avait
dans cet endroit un cèdre {Àhuehuetl)j qui
donna son nom à cet édifice.
Un fils naturel de son père sculpta aussi
une pierre précieuse et lui donna la forme
d'un oiseau si bien imité, qu'il paraissait vi-
vant. Il l'offrit au roi, qui, ayant admiré ce
bijou , en fit présent au prince son fils qu'il
aimait beaucoup, et le lui envoya par un
autre de ses fils naturels nommé Eiahu. Celui-
ci, en la lui remettant, lui dit qu'elle avait
été sculptée par son frère Huetzin. Tetzauh-
piltzintlifit remercier son père, et ajouta qu'il
se réjouissait de ce que son, frère était si bon
DES CHICHIMÈQUES. 317
ouvrier; mais qu'il vaudrait mieux , pour sa
réputation et pour le service du roi, qu'il
s'appliquât à la guerre. Eiahu, inspiré par sa
mère, qui était la concubine favorite du roi et
qui eut désiré que la reine n'eût pas d'enfant
pour que les siens montassent sur le trône,
changea le sens de ces paroles, et rapporta
au roi que le prince lui avait fait une réponse
offensante, et qui indiquait l'intention de se
révolter. Selon lui, il avait répondu : « Je ne
m'occupe pas d'arts mécaniques comme celui
qui a sculpté cette pierre, mais seulement
de la guerre ; car je veux conquérir l'univers
et devenir plus puissant que mon père. » Il
ajouta qu'en même temps il lui avait montré
un arsenal rempli d'armes; il profita, pour
corroborer cette accusation qui lui avait été
dictée par sa mère, de ce que son frère, qui
aimait beaucoup la guerre-, avait orné ses
appartements de trophées de toutes sortes
d'armes. Le roi ayant envoyé un de ses gen-
tilshommes pour savoir si son fils avait réel-
31 8 HISTOIBE
lement fait provision d'armes , celui-ci lui ré-
pondit qu'en effet sa maison en était remplie.
Le roi , persuadé alors de la vérité de Faccii-
sation , résolut d'empêcher cette révolte e* de
mettre son fils entre les maiinS' des rois de
Mexico et de Tlacopan , qui avaient te droit
de le réprimander et de le châtier. Il te» fit
venir à Tezcuco, et , leur ayant rendu coniîpte
de l'accusation, il les pria de lui faire de!s re-
proches comme à un jeune homme orgueilleux
et de peu de sens. Ne voulant pas assister àeette
scène , il se rendit au jardin de Tetaotzînco^,
après leur avoir recommandé d'ex^uter tes
lois , parce qu'il n'était pas juste qu'ils tes vio-
lassent à cauise de lui. Les deux rois eonHMtl-
cèrent une instruction secrète et reçurent te
témoignage des accusateurs, sans en avertir lé
prince et sans lui donner les moyens de se jus-
tifier. Ils allèrent le visiter sous prétexte dfe
voir le palais qu'il faisait bâtir, et menërcM
avec eux quelques capitaines qui l'étranglèrent
en feignant de lui jeter au cou un collier de
DES CHICHIMÈQUES. 319
fleurs. Ou le plaça ensuite dans une salle ,
environné de tous les insignes qui appartien-
nent aux princes; mais les deux rois se rem-
barquèrent pour leur captale, faisant dire
àNetzahualcoyotzin qu'ils avaient rempli leur
devoir et exécuté les lois. Quand celui-ci
reçut cette nouvelle dans le jardin où il atten-
dait leur décision, il commença à pleurer
amèrement, se plaignant de la sévérité de ses
collègues, et regrettant de les avoir choisis
pour juges; considérant, cependant, que la
sentence devait être juste, puisque les juges
ne portaient guère moins d'intérêt que lui au
coupable, car ils étaient ses oncles. Il resta
longtemps dans cet endroit à pleurer la mort
de son fils, car ce prince était son seul héritier
légitime; quoiqu'il eut eu de ses concubines
soixante fils et soixante-sept filles. La plupart
de ses fils devinrent de grands capitaines et
l'aidèrent beaucoup daps ses conquêtes. Il
maria ses filles avec des seigneurs de sa cour
et de celles de Mexico et de Tlacopan. Il dis-
320 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
tribua à ses enfants une quantité de terres,
de bourgs et de villages, qui leur fournissaient
des revenus et des serviteurs, et Ton avait
pour eux une grande considération.
CHAPITRE XLV.
le prince Axoquentzin fait la conquête de Ghalco. — Naissance
du prince Netzahualpiltzintli.
Le roi Netzahualcoyotzin était très-affligé de
n'avoir plus d'héritier, et de ce que les habi-
tants deChalco, qu'il avait déjà subjugués une
fois, venaient l'insulter jusqu'à sa porte,
quand tout le reste dix pays était soumis à sa
volonté. Leur audace avait été jusqu'à tuer
12. 21
322 HISTOIRE
deux de ses fils et deux princes mexicains , fils
d'Axayacatzin , qui, à cette époque, était ca-
pitaine et grand-prétre du temple de Mexico,
et à prendre leurs cadavres pour porter
les lumières qui éclairaient la salle où ils
célébraient leurs danses nocturnes. Toteotzi-
Tecuhtli, leur seigneur, avait fait enchâsser
dans de Tor leurs cœurs et ceux des plus vail-
lants capitaines qui avaient été tués dans cette
guerre, et les portait en guise de collier. Mais
ce qui acheva d'exaspérer le roi et de lui
fendre lame , c'est qu'une femme , native
de Tezcuco, qui avait été faite prisonnière par
les Chalcas et servait dans le palais de leur
chef, frappée du triste spectacle qu'offrait le
corps des princes desséchés et embaumés, les
enleva une nuit et les porta àNctzahualceyot-
zin, les délivrant ainsi, quoiqu'après leur
mort, des mains de leurs ennemis. Toutes ces
raisons déterminèrent le roi à mettre un
terme à l'insolence de ses ennemis. Il réunit
les plus savants du royaume, qui lui cou-
DES CHIGHIMÈQUES. 323
seillèi^nt de faire un sacrifice solennel pour
apaiser la colère des dieux et obtenir d'eux
la victoire contre les ennemis et un héritier
de sa couronne. Quoique le roi n'adorât et ne
servît qu'avec répugnance les dieux des Cul-
huàs-Mexicains, il fut obligé de leur offrir un
grand nombre de victimes : ce qu'il n'avait
pas voulu faire jusque-là. Il n'avait pas
même permis qu'on leur élevât des temples.
Ce fut à cette époque que l'on commença à
construire dans son palais des temples dédiés
aux dieux mexicains, dont j'ai parlé plus haut.
Mais ces sacrifices, qu'il oflPrait à de faux
dieux de pierre et de bois qui n'avaient aucun
pouvoir, n'amenèrent aucun résultat, et ses
affaires allèrent toujours de mal en pis : ce
qui lui fît bien voir que sa religion était
fausse , et que ces dieux n'étaient que des dé-
mons ennemis des hommes, puisque tant de
victimes humaines ne suffisaient pas pour les
apaiser. Il quitta donc Tezcuco et se retira
dans son jardin rie Tezcotzinco , où il jeiina
324 HISTOIRE
lH*uihàui quarante -cinq jours, offrant ses
prières, au Dieu inconnu , créateur de toute
chose. Il composa à sa louange soixante et quel-
ques chants sacres (i), que Ton conserve en-
core aujourd'hui et qui sont remarquables
tant par leur moralité que par le style élevé
qui lui est propre. Il répétait sa prière quatre
fois le jour, savoir ; au lever et au coucher du
soleil, a midi et à minuit. Il offi'ait à ce dieu
(le la fumée de copal et de plantes aroma-
tiques.
Il arriva (|iie, vers le milieu de la nuit^
Iziapnlotzin » un des gentilshommes de sa
maison» entendit une voix qui, de dehors,
r»]>pelait par son nom. Il sortit pour voir ce
que c'était , et aperçut un jeune homme d'une
figure agréable, qui lui dit de ne rien craindi*e
et trannonoor au i^oi que, le lendemain avant
midi, le prince Axoquentzin, son fils, gagne-
rait une bataille centime les Chalcas, et que la
vO t*«|>pendit'e qui UU suite à cette histoire contient quel-
4|IMW HiQix>e9ux (W |H)é«îe de ee |»rin€e.
DES CHICHIMÈQUES. 325
reine sa (eiume lui donnerait un héritier di-
gne de lui succéder. Quand la vision eut dis-
paru , le gentilhomme entra dans la chambre
du roi et le trouva occupé à prier et à brûler
des parfums en regardant vers l'Orient. Il lui
raconta ce qu'il avait vu et entendu. Le roi,
prenant tout cela pour des mensonges, appela
ses gardes et le fît enfermer dans une cage. Le
lendemain matin, Âxoquentzin, jeune homme
qui pouvait avoir environ dix-huit ans, se
rendit, avec quelques-uns de ses amis, dans
la campagne de Ghalco, avec l'intention de
visiter ses frères Ichautlatoatzin, Aeapioltzin
et Tochiquetzaltzin, qui commandaient l'ar-
mée sur la frontière des Chalcas. Il arriva au
moment où ils allaient se mettre à déjeûner,
avant de commencer l'attaque .contre les en-
nemis , qui en faisaient autant de leur côté.
Les trois princes se disposaient à prendre leur
repas ensemble sur un bouclier, lorsqu'Aca-
pioltzin aperçut son frère, se réjouit beau-
coup de son arrivée et l'invita à s'aSwSeoir à
326 HISTOIRE
côté de lui poui* prendre sa part de leur repas ;
Ichautlatoatzin s'indigna de cette proposition^
et dit qu'un blanc-bec qui n'avait pas encore vu
la guerre n'était pas digne de s'asseoir à une
telle place, qu'il ne pouvait pas même servir à
chasser les mouches, et qu'il ferait mieux de
rester dans les jupons des femmes. Il ajouta
d'autres paroles injurieuses en le repoussant
de l'endroit où son frère l'avait fait asseoir. Le
jeune prince, irrité de ce traitement et préfé-
rant la mort au mépris, saisit quelques armes
qui se trouvaient là et se précipita en déses-
péré sur les ennemis. Il les attaqua tellement
à l'improviste , qu'en deux sauts il entra dans
latentedeToteozitecuhtli,chefdesGhalcas,qui,
quoique vieux et aveugle , conduisait encore
son armée , aidé de deux vaillants capitaines
nommés (i). D'une main il le saisit par
les cheveux, en repoussant de l'autre les Chal-
cas , surpris et effrayés. Ceux-ci , chargés par
(t) Les noms sont omis dans le manuscrit.
DES CHlGHlttÈQUES. 327
les plus yaiHaiit& capitames de Tarmée teascu^
caine qui étaient venus au secoure de fcur
prince , ne purent empêcher ce jeune homme
de s'empaiHa" de leur chef, après avcér toè où
blessé totis ceux qui voulaient s'y opposer*
Ses frères n'apprirent son départ que par les
chants de triomphe qui l'accueil lirent à son
retour. Ils profitèrent de sa victoire et sou-
mirent entièrement la province de Cfaalco.
Ils se hâtèrent d'envoyer au roi leur père la
nouvelle de la victoire d'Axoquentzin j celui--
ci fit aussi remettre Istapalotzin en liberté et
fit célébrer de grandes fêtes. Peu de joifrs
après, la reine mit au monde un fils qui tot
nommé Netzahualpiltzintli : ce qui signiQe
prince pour lequel on a jeûné. Le roi , reoiÊMH'-
naissant des faveurs que lui avait accordées le
dieu inconnu créateur de toutes choses , lui fit
élever un temple magnifique en face de celui
de Huitzilopochtli. C'était une pyramide à
quatre étages, au haut de laquelle s'élevait
une tour à neuf étages pour représenter les
228 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES.
neuf eieux. Le couronnement^ qui représen-
tait le dixième ciel, était peint en noir par
dehors et semé d'étoiles ; il était incrusté in-
térieurement d'or, de pierreries et de plumes
précieuses, et consacré au dieu inconnu, qui
n'était représenté par aucune figure ; le cou-
ronnement se terminait en trois pointes. Au
neuvième étage se trouvait un instrument
nommé chililitli , qui donna son nom au tem-
ple et à la tour, et d'autres instruments tels
que cornets , flûtes , conques, et une espèce de
vaisseau de métal qu'on nommait tetzilacatl ,
qui servait de cloche et qu'on frappait avec
un marteau de métal. Il y avait aussi un
grand tambour: instrument qu'ils employaient
dans les danses. L'on jouait quatre fois par
jour de ces instruments , et surtout du chili-
litli, à l'heure où le roi priait.
CHAPITRE XLVI.
Mort de Motecubtzomatzin de Mexico. — Élection d'Axaya-
catzin. — De quelques actions et sentences mémorables du
roi Netzahualcoyotzin.
Le prince Netzahualpiltzintli naquit le jour
Mactlactli OmeÂcatl^ le huitième du cinquième
mois Atemoztli de Tannée Matlactli Orne
Tecpatl : ce qui équivaut au l**" janvier 1465.
Dans la même année , ou , d'après le compte
des Indiens, dans Tannée suivante Matlactli
330 HISTOIRE
Orne Calli, pour punir les Ghalcas de leur
rébellion et de leur obstination , on leur fit
construire, dans les palais des trois chefs de
l'empire et des principaux nobles , des salles
d'une grandeur incroyable; ils furent obligés
d'apporter de leur pays du bois , des pierres
et tous les matériaux nécessaires : ce qui les
réduisit à la dernière misère; car, comme
presque tous les hommes avaient péri dans
les guerres précédentes, les femmes mêmes
furent obligées de se livrer à ce travail.
Netzahualcoyotzin, voyant leurs souffrances
et que la faim en faisait périr un grand nom-
bre, fit construire de vastes maisons de paille
nommées xacales, et ordonna à ses major-
domes d'y établir des magasins de vivres pour
les Ghalcas qui ti^availlaient à ses construc-
tions. Comme la famine ravageait leur pays à
cette époque, cette ressource leur parut si
précieuse qu'ils venaient travailler de bonne
volonté , pendant les quatre ans que dura ce
travail.
DES CHIGHinÈQUËS. 331
Au bout de ce temps ^ dans l'année nommée
Yey Calli, ou 1469, Motecmhtzomatzin Ilhui-
caraina mourut dans sa ville de Mexico. Quand
Netzahualcoyotzin eut reçu cette nouvelle , il
fit proclamer à sa place Axayacatzin, fils de
Tezozomoc, fils d'itzcoatl et d'Atotoztli^ fille
du défunt Motecufatzomatzin, qui n'avait pas
d'autre descendance légitime, et qui, par son
talent et ses vertus , surpassa son aïeul . Après
que l'on eut célébré les fêtes de son couron-
nement, il vint à Tezcuco, qu'il fréquettta sou-
vent pendant la vie de Netzahualcoyotzin.
Celui-ci montra sa générosité ordinaire en
rapprochant les limites au delà desquelles il
était permis d'aller couper du bois pour ses
constructions et pour la consommation de sa
maison; car, si l'on en coupait en dedans des
limites , on était puni de mort. Le roi étant
sorti un jour, habillé en chasseur, accompa-
gné d'un seul seigneur (car il avait coutume
de sortir déguisé pour savoir &i l'on avait à
se plaindre de son gouvernement), rencon-
332 HISTOIRE
tra un pauvre enfant qui avait réuni à grand'
peine quelques misérables morceaux de bois
pour les porter à sa maison ; le roi lui dit alors :
« Pourquoi n'entres-tu pas dans la forêt? Tu y
trouveras plus de bois sec que tu n'en pourra»
porter. » — « Je ne ferai jamais une pareille
chose, répondit l'enfant, car le roi me ferait
mourir. » — « Mais qui est le roi ? » ajouta Net-
zahualcoyotzin. — « C'est un avare, répondit
l'enfant, puisqu'il ôte aux hommes ce que
Dieu leur adonné à pleine main. » Il l'engagea
en vain à outre-passer les limites fixées^ lui
promettant que personne n'en dirait rien*
L'enfant se mit alors en colère, et lui dit : « Tu
n'es qu'un traître et l'ennemi de mes parents,-
puisque tu me conseilles une chose qui pour-
rait leur coûter la vie. » Le roi i^tourna au
palais , après avoir ordonné à un de ses ser-
viteurs, qui l'avait suivi de loin, de lui ame-
ner cet enfant et ses parents : ce qu'il s'em-
pressa d'exécuter. Ils arrivèrent, pleins de
crainte et d'effroi, ne sachant pourquoi le
DES CHICHIMËQUES. 333
roi les demandait. Quand ils furent arrivés
en sa présence, il leur fît remettre par ses
majordomes plusieurs charges d'étoftes, du
mais, du cacao et d'autres présents; puis il
les congédia, en i^merciant cet enfant de la
leçon qu'il lui avait donnée et de l'exactitude
avec laquelle il observait ses lois, A dater de
ce moment, il révoqua ses ordres et permit à
tout le monde d'entrer dans les forêts pom*
prendre du bois, à condition de ne couper
aucun arbre , sous peine de mort»
Le roi prenait une autre fois le frais sur un
balcon qui donnait sur la place; un bûche-
ron, épuisé de fatigue, jeta à terre la charge
qu'il portait, et, s'étant assis dessus avec sa
femme, il examina la magnificence des édifices
qui l'environnaient et lui dit : « Femme, le
propriétaire d'un si beau palais est heureux
et rassasié , et nous autres nous mourrons de
fatigue et de faim. » Sa femme le fit taire, en
lui disant que , si quelqu'un entendait de pa-
reils discours, il serait sévèrement puni ; ils
334 HISTOIRE
ne furent cependant pas perdus pour le roi ,
qui ordonna à un de ses serviteurs de lui
amener ce bûcheron. On les introduisit dans
une salle basse ; et le roi leiu* demanda d'un
air sévère ce qu'ils avaient dit, en leur or-
donnant d'avouer la vérité. Quand ils eurent
confessé leur faute, il leur dit : w Allez et ne
murmurez pas, car ici les murailles ont des
oreilles : si vous me croyez si heureux,
c'est que vous ne connaissez pas la charge
d'un empire. » Il ordonna ensuite à un de ses
majordomes d'apporter une certaine quantité
de cacao , d'étoffes et d'autres marchandises :
<( Allez , leur dit le roi en le leur donnant , ce
ce que je vous donne me suffirait, car qui a
trop n'a rien. »
Un chasseur, qui gagnait sa vie à ce métier,
rentra un jour dans sa maison, après avoir
couru par monts et par vaux, sans avoir pu
rien prendre; il tâcha alors de tuer quelques
petits oiseaux pour avoir de quoi manger ce
joui^là. Un jeune voisin , s'apercevant qu'il
DES CHICHIMÈQUËS. 335
ne pouvait' pas même atteindre ces oiseaux , lui
dit en riant : « Tire sur moi , peut-être scras-tu
plus heureux. » Le chasseur, irrité, prit son
arc €t ses flèches et le btessa dangereusement.
Ce jeune homme jeta des cris si perçants,
qu'il ameuta tout le quartier. On arrêta te
chasseur et on l'amena, ainsi que le blessé,
en présence des juges qui siégeaient au palais.
Le roi entendit le bruit pendant qu'ils traver-
saient la cour, et demanda ce que c'était. On
lui répondit que c'était un chasseur qui avait
blessé un jeune homme d'un coup de flèche.
Le roi ordonna qu'on les amenât en sa pré-
sence; et, quand il sut comment la chose
s'était passée , il dit au chasseur d'avoir
soin du blessé, et que , s'il guérissait, il
le lui donnerait pour esclave s'il ne se ra-
chetait pas. Le chasseur , très -satisfait de
la décision du roi , chercha à en obtenir
quelque nouvelle faveur; il laissa devant la
porte de sa maison un dindon qui lui ap-
partenait , de manière à ce qu'il put être
336 HISTOÏBE
pris par le renard , et il se mit à le guetter. La
même nuit, un renard, attiré par l'odeur du
dindon , le saisit et l'emporta. Le chasseur le
suivit de si près , qu'il n'eut pas le temps de
le dévorer, et l'ayant poursuivi jusqu'à sa
tannière dans l'intérieur de la forêt, il le tua
à coups de flèches ; l'ayant ensuite chargé sur
ses épaules, ainsi que le dindon, il se rendit
au palais, où il arriva au moment où le roi
était occupé à s'habiller, parce qu'il était de
très-bonne heure. Gomme il représenta aux
gens de service qu'il venait demander répara-
tion , le roi ordonna qu'on le fit entrer ; quand
il fut arrivé en sa présence , il lui dit : « Puis-
sant seigneur, je viens demander justice contre
celui qui porte le nom de votre majesté (i) , et
qui, cette nuit, m'a enlevé ce dindon : c'était
tout mon bien , et j'implore votre aide. » Mais
le roi lui répondit ; « Que ne m'as-tu amené le
coupable vivant? je l'aurais châtié; tâche que
(i) T-n renard se nomme, en mexicain , corotl.
DES CHICHIMÉQUËS. 337
cela ne se renouvelle pas , car je sais aussi
punir les mauvais plaisants. » Il ordonna en-
suite qu'on lui payât la valeur de dix dindons ^
et que la peau du renard fût placée dans son
arsenal .
Netzahualcoyotzin était si miséricordieux
envers les pauvres, qu'il se plaçait d'ordi-
naire sur un balcon qui dominait la place pour
regarder les pauvres gens qui y vendaient du
bois, du sel et des légumes, et avaient à peine
de quoi vivre; et quand il voyait que leur
marchandise leur restait, il la faisait acheter
par ses majordomes au double de sa valeur;
et, ensuite, il la donnait à d'autres, car il
avait grand soin des vieillards qui avaient été
blessés à la guerre , des veuves et des orphe-
lins , et il employait à cet usage la plus grande
partie du produit des tributs; il y avait des
chefs qui étaient chargés de ce soin, car il
n'était permis à personne, sous peine de
mort, de demander l'aumône.
12. 22
CHAPITRE XLVII.
De quelques prophéties du roi Netzahualcoyolzin.
On trouve des sentences qui sont des espèces
de prophéties, et qui se sont accomplies par la
suite, dans plusieurs chants composés par le
roi Netzahualcoyotzin, surtout dans celui qui
est intitulé : Xompacuicatt , ce qui veut dire
Chaut du Printemps. On les chantait quand
340 HISTOIRE
OU ouvrait pour la première fois un des palais.
11 y en a un qui commence ainsi : TlaxscoU'
caquican hani NetzaliualcojrotziHy c'est-à-dire :
« Écoutez ce que dit le roi Netzahualcoyotzin
sur les malheurs qui affligeront son royaume :
roi Yotonkin ! quand tu auras quitté cette
vie pour une autre, le temps viendra où tes
vassaux seront vaincus et malheureux : c'est
alors qu'en vérité le pouvoir ne sera plus dans
ta main , mais dans celle de Dieu ; c'est alors
que tes enfants et tes petits-enfants éprou-
veront mille maux , et qu'en pleurant ils son-
geront à toi; car ils seront orphelins et servi-
ront les étrangers dans leur propre patrie.
C'est ainsi que finissent les empires, car la
puissance ne dure pas longtemps : tout ce que
nous possédons dans cette vie ne nous est que
prêté, et il faut le quitter en un instant, comme
d'autres l'ont quitté avant nou^. Tu- ne vois
plus Zihuapantzin, AcolnahuacatzinetQuauht-
zontezoma , dont tu étais inséparalde. ».
Le temple de Huitzilopochtli, dans la ville
A-^ JL.
DES CHICHIMËQUES. 341
deTezcuco, fut terminé dans Tannëie Ge Acatl,
ou 1467; et le rai dit alors : « Dans quelle
année se détruira le temple que l'on consacre
aujourd'hui ? Qui assistera à sa ruine? Seront-ce
mes enfants ou mes petits-enfants ? C'est alors
que le pays dépérira et que les seigneurs, s'é-
teindront; on taillera le raaguey avant qu'il
ait atteint sa croissance; les arbres donneront
des fruits prématurés , et la terre deviendra
stérile; les hommes et les femmes se livreront
dès leur bas-àge aux vices et à la sensualité ; ils
se dépouilleront les uns les autres. II arrivera
alors des choses merveilleuses : les oiseaux
parleront, et vous verrez l'arbre de la lumière,
du salut et de la nourriture. Pour éviter ces
malheurs, élevez dès l'enfance vos fîls'à la
vertu et au travail. »
Tous les malheurs et tous les vices qui sont
prédits dans ce chant sont arrivés à la lettre;
car ce qu'on trouvait extraordinaire à cette
époque est devenu commun aujourd'hui*
Quand un homme s'enivrait, on l'insultait^
342 HISTOIRE
on abattait sa maison 9 et l'on ne souffrait pas
sa présence dans \xn lieu habité ; aujourd'hui
c'est une hs^bitude journalière. Une fille de
vingt-rcinq ou trente ans osait à peine quitter
«
ses parents^ et maintenant elles sont femmes
à douze ans : en tout l'on voit la difierence
entre cette époque et celle où nous vivons.
Netzahualcoyotzin ordonna à tous les arti-
sans de faire son portrait ; car il pensa que
dans l'avenir , quand ses descendants enten-
draient parler de ses belles actions , ils vou-
draient voir sa figure. Chacun l'exécuta donc
selon son état. Les orfèvres firent une statue
d'or; les ouvriei^ en plume firent un por-
trait si ressemblant qu'on l'eût cru vivant ;
les peintres en firent un autre ; les sculpteurs
firent sa statue^ et les architectes élevèreot
dans le jardin de Tezcutzinco le lion dont j'ai
parte f qui avait sa figure ; les forgerons même
firent leur ouvrage. Ils apportèrent ensuite
au roi tous les portraits qu'ils avaient foits^ à
l'exception toutefois du lion qu'il fallait aller
DES GHIGHIMÈQUËS. 343
voir; mais ce fut le seul qui plût au roi, car
il dit que l'avarice ferait détruire ceux qui
étaient en or et en plumes ; que le temps effa-
cerait les portraits ; que l'argile se briserait;
que le bois se pourrirait, et que le rocher seul
passerait à la postérité.
CHAPITRE XLVllI.
Ad ions icniarquablcs d'Acalentehualzin.
Acateiitehuatzin était fils de Nonoalcatl et
de la princesse Tozquentzin, nièce de Netza-
hualcoyotzin. Ses discours le faisaient regarder
par les uns comme un homme de peu de sens,
par les autres comme un philosophe et un
sage , parce qu'on y voyait la connaissance du
846 HISTOIRE
but de toute chose , et qu'ils respiraient l'a-
mour du prochain. Un de ses cousins^ fils de
Netzahualcovotzin , lui avant demandé com-
ment il trouvait un palais qu'il venait d'a-
chever de faire construire , et s'il était assez
solide pour durer longtemps, il lui répondit:
« Il durera ce que dure une belle femme qui
s'abandonne aux plaisirs, et que les plaisirs
détruisent en peu de jours ». Il lui fit cette ré-
ponse, parce qu'il avait choisi , pour bâtir, un
endroit défavorable, et que les murs commen-
çaient déjà à se couvrir de salpêtre. La mu-
raille d'une des principales salles de sa maison
s'étant fendue , il fit appeler les maçons et les
ouvriers, et leur demanda les moyens d'y re-
médier. Ceux-ci lui répondirent qu'elle était
écrasée par le poids du toit, et qu'il fallait la
démolir et la reconstruire de nouveau. Il leur
répondit que la vie était bien courte et que le
moyen qu'on lui proposait était bien long.
Comme la muraille était construite en ma-
driers , il les fit attacher avec des cordes et
DES CHICHIMÈQUES. 347
recouvrir ensuite en dedans et en dehors avec
de la terre. Cette invention divertit beaucoup
tout le monde, et il en fut récompensé par les
rois ses oncles.
-•■• .jsr
CHAPITRE XLIX
Mort de NetzabualcoyoCzin.
Netzahualcoyotzin avait soixante et onze
ans ; il y en avait quarante-»<leux qii'il gou-
vernait Tempire en commun avec les rois des
Mexicains et des Tecpanèques^ quand il fut
attaqué d'une maladie causée par la fatigue.
Il avait eu en tout cinquante filles et soixante
350 HISTOIRE
fils, pavnn lesquels il n'y en avait que deux
de légitimes. Sentant que sa mort approchait,
il fit appeler un matin le prince Netzahual-
piltzintli, qui était alors âgé de sept ans; et
l'ayant pris dans ses bi^as, il le couvrit de ses
ornements royaux. Il ordonna ensuite que
l'on fit entrer les ambassadeurs de Mexico et
de Tlacopan, qui attendaient dans une salle
voisine le momentdejesaluer. Quand ils furent
repartis , il tira l'enfant de dessous son vête-
ment; il lui dit de répéter le discours que lui
avaient tenu les ambassadeurs et ce qu'il leur
avait répondu : ce qu'il fit sans hésiter et sans
se tromper. Le roi s'adressa alors aux princes
Itcauotlatoatzin, Âcapioltzin, Xochiquetzalt-
zin et Hecahuchuetzin ses fils, présidents des
conseils, et qui se trouvaient dans la salle avec
leurs autres frères. 11 leur rappela toutes les
fatigues qu'il avait éprouvées, et la vie er-
rante qu'il avait menée dans sa jeunesse, depuis
la mort de son père Ixtlilxochitl, jusqu'au
moment où il avait reconquis l'empire qu'il
DES CHICHIMÈQUES. 351
avait ensuite gouverné avec tant de prudence;
et il leur représenta qu'il fallait^ pour consoli-
der son ouvrage , que l'union et la paix li-
gnassent entre eux. Il ordonna que si l'un d'eux
venait à se révolter ou à occasionner des trou-
bles, il fut puni de mort, quand même ce
serait l'aîné et le plus redouté; et enfin il
ajouta, en leur montrant Netzahualpiltzintli :
(f Voilà votre prince et votre seigneur naturel ;
quoique ce ne soit qu'un enfant, il est sage et
prudent. Il fera régner parmi vous la con-
corde et la justice. Si vous lui obéissez comme
de lovaux vassaux, il vous conservera vos
domaines et vos dignités. Je sens que ma
mort approche; mais quand je serai mort,
au lieu de tristes lamentations, répétez des
chants d'allégresse, afin de montrer votre
grand cœur , et que les nations que j'ai sou-
mises à l'empire ne vous croient pas décou-
ragés , et qu'elles pensent qu'un seul de vous
suffirait pour les tenir en sujétion, » Après leur
avoir encore tenu d'autres discours, ex-
352 HISTOIRE
pliquë à l'enfant les principes de l'art de
régner et lui avoir recommandé de maintenir
les lois établies^ il s'adressa au prince Aca-
pioltzin y et lui dit : « Â dater de ce moment^
c'est toi qui seras le père de cet enfant ; tu lui
apprendras à bien vivre , et avec tes conseils
il gouvernera l'empire; remplis sa place ^ et
sois son guide jusqu'à ce qu'il soit en âge de
se conduire lui-même. » Il fit encore d'autres
recommandations au prince^ qu'il avait choisi
pour régent à cause de sa loyauté et de sa
prudence. 11 prit ensuite, en pleurant, congé
de ses enfants et de ses amis; puis il les l'en-
voya en ordonnant aux portiers de ne plus
laisser pénétrer personne auprès de lui. Peu
d'heures après la maladie augmenta, et il ex-
pira. Ce fut dans Tannée Chicuazen Tecpatl,
ou 1462. Ainsi finit le plus puissant, le plus
brave et le plus sage prince qu'il y eut jamais
dans le Nouveau-Monde. Il était magnanime,
clément et libéral ; il eut moins de faiblesses
qu'aucun de ses aïeux, et il châtia sévère-
DES CflI€HlMÈQUES. 353
ment celles-ci chez les autres. 11 s'occupa tou-
jours plus du bien général que de son intérêt
particulier. Il était si charitable que , quand les
pauvres gens ne trouvaient pas à vendre leur
marchandise, il la leur achetait au double de sa
valeur pour la donner à d'autres. Il avait soin
des vieillards, des infirmes , des veuves et des
orphelins. Dans les années stériles il ouvrait
ses coffres pour distribuer à ses sujets ce dont
ils avaient besoin , etleur remettait les tributs
qu'ils lui devaient. 11 regardait comme de faux
dieux les idoles qu'on adorait, et disait que
c'étaient des démons ennemis du genre hu-
main. Il était très-ôvancé dans les sciences
morales , et cherchait à connaître le véritable
Dieu créateur de toutes choses , comme on l'a
vu dans le cours de cette histoire , et comme
le prouvent ses poésies , où il est dit qu'il n'y
a qu'un seul Dieu créateur du ciel et de
la terre, qui nourrit toutes les créatures,
n'a pas d'égal et demeure au-dessus des
neuf cieux. C'est auprès de lui que vont ceux
12. 23
DES CHICHIMÈQUES. 355
autres poètes et historiens qui ont écrit les an-
nales des trois dynasties delà Nouvelle-Espa*
gne^ et surtout sur les chroniques rédigées
par le prince Quauhtlacuilotzin ^ premier sei-
gneur de Chiauhtia; elles commencent à la
naissance de Netzahualcoyotzin , et se termi-
nent au commencement du règne de son fils.
J'ai consulté aussi les ouvrages des princes de
Tezcuco, donPablo, don Antonio et don Hep-
nando Pimentel^ ainsi que Juan dePomar, fils
et petits-fils du roi Netzahualpiltzintli ^ et du
prince don Alonso Axayacatzin^ seigneur d'Itz-
tacpalapan^ fils du roi Cuitlahuac et neyeu
de Motecuhzomatzin. Cette histoire a aussi été
écrite par F. Juan de Torquemada , père du
Saint-Êvangile dans cette province, et le pre-
mier qui ait su interpréter les peintures et les
chants^ dans son ouvrage intitulé : MonardUe
indienne.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.
APPENDICE
APPENDICE
A LA PREMIERE PARTIE.
J'ai déjà donné à la fin du recueil de pièces sur le
Mexique, qui forme le 10^ volume de cette collec-
tion, une pièce devers attribuée au roi Netzahual-
coyotl; en voici deux autres que je suis parvenu à
retrouver. La première est insérée dans Fouvrage de
Granados y Galvez ( Tardes Americanas, Mexico,
1778, in-^^"*, p. 90 et suiv.). Il donne le texte en langue
otomite , qu'il dit , je ne sais pourquoi, avoir été la
langue naturelle de lauteur ; il y joint une traduc-
tion espagnole, que j'ai mise en français sans pouvoir
le moins du monde me rendre garant de sa fidélité.
La seconde a été insérée par M. de Bustamante , à la
suite de son histoire des anciens rois de Tezcuco.
Dans cet appendice nous avons mis en regard le
texte otomite et la version française: la traduction
espagnole se trouve en note.
360 APPENDICE.
Gumbgue natzitzô tzu retoiiar. Terailetzi nuguatzi
majay matzi nadunihi danvuigui tzaguetô naramtzivi
natzi naracuay dije quidithegmi oarandobi ditzira
jahy. Nua tzirinvui nadu. Tanto yaqueaya tzem-
buiy nahumbi nadumbui. Tzimatzd quiteni nua-
harannaduxte nadeni nuanage nabuiy nantzii buato
ya Beiô teranduxnapetzi nuaniâeebé namuutzi na-
meiDatiquindas najazti tzimapatô napuingui nadeege
tzibditô nahiadi tieDtzi mana narabuey najatzt najo-
quinantzd dijadaveidi didumbui natzeénabmi nanhie
andogina nestihi napehde uadeni nuarabuiy nubuit-
ziudi tiumbi nuarantzn nubiii istindeé ytzont aadu
(i) Son las caducas pompas del mundo como los Terdet
sauces , que por mucfao qiie anhelen à la daracion , al fin
un inopinado fuegolus consume, una cortante hach»lo8 de»-
troza, un cierzo los derriba y la avanzada edad y décrépi-
tud ]o8 agobia y entristece. Siguen las piSrpuras las propieda-
des de ]a rosa en el color y la suerte : dura la hermosura dt
estas , en tanto que sus castos botones avaros recogen y conser-
Tan aquellas porciones que cuaja en ricas perlât la anrora , J
economica deshace y derrite en ISquidos rocios ; pero apénas •!
APPENDICE. 361
Les pompes passagères de ce monde sont comme
des saules verts qui, bien qu'ils arrivent à un kge
avancé , finissent par être consumés par le feu ; la
hache tranchante les renverse , un ouragan les dé-
racine , la vieillesse et la décrépitude les courbent
et les attristent.
La pourpre ressemble à la rose par sa couleur et
par sa destinée. La beauté de toutes deux dure tant
que les chastes boutons conservent avec soin les
gouttes bienfaisantes que Taurore leur verse en ri-
ches perles; mais à peine le père des vivants dirige-
t-il sur elles le plus léger rayon de sa lumière, qu'il les
dépouille de leur richesse et de leur beauté; elles se fa-
nent et perdent les couleurs purpurines dont elles se
paraient avec orgueil. Les délicieuses républiques des
fleurs n'ont qu'une courte existence: celles qui le matin
déployent avec orgueil les fastueuses richesses de leur
pouvoir, pleurent le soir la triste chute de leur empire
et les calamités qui les font périr, la tristesse^ la
Qîort et le tombeau. Toutes les choses de la terre ont
padre de los vivientes dirige sobre ellas el mas ligero rayo de sus
luces, les despoja su belleza y lozania) haciendo que pierdan
por marchitas la enceûdida y purpiirea color con que agra-
dablemente ufanas se yestiau. En breyes periodos cuenten las
deliciosas repùbiicas de las flores sus reinados ; porque las que
por la manana ostentan soberbiarnenteengreidas la vanidad y el
poder , por la tarde lloran la triste cadencia de su trono , y los
repelidos parasismos que las impelan al desmayo , la aridez ,
la muerte, y el sepulcro. Todas las cosas de la tierra tien«n ter**
362 APPENDICE.
aranbuiy . Gato nuanamethi najaydahuadi, nuananes-
tihiDanbuigui dibgetze naoctzi. Gato natzandi najay
nanîgeé, othotevea dapay comuguienunime : ogai
agui ytzege ya dothte, ya ne, yapuehte,âgonto tam-
bengui arambui inzetto paranadopadegeé, quiquaqui
napuDta mas guipa arangie nuayinjamande , hinda
jabuiya. Niadanja nubuiya hiDdajanixudi yôudi
yanige , yafontahy nugueyandoyo , ni coy corimui
quifiutzi nagetzi dijudinanthzi , qui manda ya coy
qui manda la tropa. Gumui quipetzi naranini agui
petzi na vooca gui tide congueanauzu bitogui na
gloria y gua na vifi zeutzo ypuoni natziyi de Popo-
mino , porque en la mas festiva carrera de sus engreimientos y
bîzarrfas, caïman sus alientos, caen y se despeftan para el hoyo.
Toda la redondez do la tierra es un sepulcro ; no hay cosa que
sustente que con titulo de piedad no la esconda y entierre.
Corren los rios, los arroyos , ]as fuentes y las agnas, y ningunas
retroceden para sus alegres nacimientos : aceléranse con ansia
para los vastos dominios de Tluloca (que es Neptuno), y cnanto
mas se arriman à sus dilatados mârgeoes , tanto masvanlabrando
las melancolicas urnas para sepul tarse. Lo que fué ayer no es
APPENDICE. 363
un terme , au milieu de la plus Joyeuse carrière de
leurs gloires et de leurs beautés leur souflDe s'ar-
rête, elles tombent et sont précipitées dans lafosse. La
terre, sur toute sa surface arrondie, n'est qu'un tom-
beau. Rien ne peut nous défendre du trépas, la mort
est impitoyable. Les fleuves, les ruisseaux , les fon-
taines , toutes les eaux s'écoulent ; aucune ne re-
monte vers sa source ; joyeuses elle s'avancent rapide-
ment vers les vastes domaines deTlaloc, et plus elles
approchent de ses rivages étendus , plus elles se creu-
sent une triste sépulture. Ce qui était hier n'est plus
aujourd'hui , et Ton ne peut pas être sûr que ce qui
est aujourd'hui sera demain. Les caveaux sont rem-
plis de poudres infectes , qui jadis étaient des os , des
cadavres et des corps animés, qui, assis sur des trônes,
sous des dais, présidaient des assemblées , comman-
daient des armées , conquéraient des royaumes , pos-
sédaient des trésors , étaient l'objet de l'adoration , qui
étaient aveuglés par la majesté, la richesse et le pou-
voir : ces gloires ont passé comme la fumée ef-
hoy, ni lo de hoy se afianza que sera maûana. Llenas estân
las bovedas de pestilentes polvos» que an tes eran huesos, cadà-
veres y cuerpos con aima , ocupando estos los tronos , autori-
zando los doseles, presidiendo las asambleas, gobemando
ejércitos , conquistando provincias , poseyendo tesoros , arras-
trando cultos, lisonjeândose con el fausto , la magestad, la
fortuna , el poder y la dominacion. Pasaron estas glorias, como
el polvoroso humo que vomita y sale del infernal fuego de Po-
pocatepec , sin otros monumentos que acuerden sus existencia&
OP. /.
364 xm3MCL.
caltepec Duobui mananinlèDi r quinveai teroveâh
Doanagemi jtofô , nobui caqirigti nugaga , nara
Betzoî , jadatanney darague majanandoyo tiantm
a Chiolchanetziii , Betoo Bentî tzinalongui Bengu
de MitI DoatzidiDTeiii occa latitza Xiotial p^nrcui-*
boito Topiltzin nuanigotzi nadoinge. Nabmdafianniy
dara gne maja na joga votÂTi noa Beeto matahe
Xolotl , Nua nauni Nopal ya teoa de rayente mata
Yxtiil Duuboî dananniimaja por Gatô teatogui te**
guiximaja? Nuaxîgatodi maaga indipohdi porq
Dugae Beto , Bigootzi tibai tinguatxi connsgay. Nua-
bioja deguene , tzidague qoeh si ne ehfiehe. Gagotii
en las toflcas pieles en que se escriben. i Ha ! ha 1 y si 70 os In-
trodujera à los oscoros senos de esos panteones, y os pregon*
tara que cuales eran los huesos del poderoso Aehalchiohl
Anextzin , primer caudillo de los antiguos tultecas; de Necazec-
fnitl, reverente cultor de los dioses? Si os pregontara dénde
esUi la incomparable belleza de lagloriosa emperatriz Xiuhtzalf.
y por el pacifico Tolpiltzin , ùltimo monarca del infeliz reino
tulteco? Si os preguntara , que cuales eran las sagradas cenizat
He nuestro primer padre Xolotl ; las del munificentisiaia
APPENDICE. 365
frayante qui sort du feu infernal du Popocatepec, sans
qu'il reste d'autre monument qui rappelle leur exis-
tence , si ce n'est la peau grossière sûr laquelle cette bis*
toire est écrite. Hélas ! si je vous conduisais dans les
détours obscurs de ces pantbéons , et si je vous deman-
dais où sont les os du puissant Acbalcbicibtlanextzin^
premier cbef des anciens Toltéques , et ceux de Ne-
caxec Mitl, le pieux adorateur des dieux; si je vous
demandais où est la beauté incomparable de la glo-
rieuse impératrice Xiubtzal et le pacifique Topif tzin , 7, (f* X(^.<^
dernier souverain du malbeureux royaume toltè-
que ; si je vou6 demandais quelles sont les cendres sa-
crées de notre premier père Xolotl , celle du très-
magnifique Nopaltzin et du généreux Tlotzin, et
même les cendres encore chaudes de mon père, glo-
rieux et immortel malgré ses malheurs , Ixtlilxochitl
enfin ; si Ton vous adressait de pareilles questions sur
tous nos illustres ancêtres , que répondriez- vous ?
si ce n'est ce que je répondrais moi-même : indipohdi,
indipohdi, je n'en sais rien , je n'en sais rien ; car
Nopal ; lasdel generoso Tlotzin ; y aun por los calien tes carbones
de mi glorioso, inmortal, aunque infeliz y desventurado, padre
Riztlilxochitl? Si asi osfuera preguntando por todos nuestros
augustos progenitores , i que me responderiais ? Lo mismo que
yo respondiera : Indipohdi , indpohdi : nada se *, porque los
primeros y ùltimos estan confundidos con el barro. Lo que fué
de ellos , ha de ser de nosotros y de los que nos sucedieren,
' N?.scenles nxorininrj finis<tue ab origine peiK^et,
366 ÀPPEMDIGE.
nimado , na Benti y mantegui , ynando gotzi mageUi
nubui hinte nategue , nua tzîra domantzoïiahie , na-
ximia najiadi y na domantzo na xuudi n^tn pant
natze ototô danmetzinantzu para danoqni noguinanii
magetzi , porq guetihui dipefi nua nanzu occa, hica
nobuiya inumadaji, xegueto nubi naa Bitoligiiî
lidanu ydanehee.
Anhelemos , inricUsimos principes, capitanet «fianadot, Mm
amigos y leales Tafallos , aspiremot al ci^o , que allf todo «s
eterno , y nada se corrompe. £1 horror del sepnlcro es liion*
jera cuna para el sol , y las funestas sombras , brillantes laces
para los astros. No hay quien tenga poder para inmutar esas
APPENDICE. 367
les premiers et les derniers sont mêlés avec la terre :
ce qu'il en est d'eux , il en sera un jour de nous-
mêmes et de ceux qui viendront après nous. Aspi-
rons, invincibles princes, guerriers valeureux, fidèles
amis , sujets loyaux , aspirons au ciel ; car là tout
est éternel , rien ne se corrompt. L'horreur du tom-
beau est un berceau flatteur pour le soleil , et les om-
bres funèbres sont de brillantes lumières pour les
astres. Personne n'a le pouvoir de changer ces cé-
lestes peintures ; car, de même qu'elles servent im-
médiatement à l'immense majesté de l'auteur, elles
sont cause que nos yeux voient aujourd'hui ce qu'on
vu nos prédécesseurs , et ce que verront nos descen-
dants.
relestes laminas, porque como inmediatamente sirven a la in-
inensa grandeza del autor, hacen que hoy vean nuestros ojos
1o mismo que registre ]a pretericion y registrarà nuestra pos-
(eridad.
368 APPENDICE.
CANTO.
Oid con atencion las lamentaciones que yo , el rey
Netzahualcoyôtl , hago sobre el imperio , hablando
conmigo mismo y presentàndolo à otros por ejemplo.
; O rey bullicioso y poco estable ! cuando llegue ta
muerte seràn destruidos y desbecbos tus vasallos :
verànse en oscura confusion , y entonces ya lio
estarà en tu mano el gobierno de tu reine , sino en
la del Dios criador y todopoderoso.
Quien viô la casa y corte del yiejo rey Tetzozomôc
y lo florido y poderoso que estaba su tirànico impe-
rio y y ahora lo ve tan inarcbito y seco , sin dada
creyera que siempre se habia de mantener en su ser,
siendo burla y engano lo que el mundo ofreoe,
pues todo se ha de consumir y acabar.
Lastimoso es considerar la prosperidad que hubo
APPENDICE. 369
CHANT
Écoutez avec attention les lamentations que moi^
le roi Netzahualcoyotl , me parlant à moi-même ,
je fais sur le sort de l'empire , et que je présente
comme exemple aux autres.
O roi inquiet et remuant , lorsque tu auras cessé
de vivre , tes vassaux seront ruinés et détruits ; ils se
verront dans une confusion complète ; ce ne sera
plus toi qui régneras et qui commanderas ; mais le
Dieu créateur et tout puissant.
Quiconque a vu le palais et la cour du vieux roi
Teizozomoc , et combien était florissante et redou-
table sa puissance tyrannique, aurait-ii pu croire
qu'elle lui serait échappée , cette puissance aujour-
d'hui fanée et détruite ? Tout ce qu'offre cette vie
n'est donc que dérision et tromperie , puisque tout
doit s'user et finir.
On se sent ému tout à la fois de pitié et d'admira-
12. 24
370 APPENDICE.
durante el gobierno de aquel viejo y caduco monarca ,
que semejante al sauce, animado de eodiciay ambi-
cion, se levantôy ensenoreô sobre los débiles y humil-
des. Pradosy flores le ofreciô en los campos la prima-
vera por mucho tiempo que gozô de ellos ; mas al fln
carcomido y seco , vino el uracan de la muerte , y
arrancândolo de raiz le rindiô, y hecho pedazos
cayô en el suelo ; ni fuë menos lo que sucediô à aquel
antiguo rey Gotzastli ; pues ni quedô memoria de su
casa ylinàge.
Cou estas reflexiones y triste canto que traigo à la
memoria , doy vivo ejemplo de lo que en la florida
primavera pasa, y el fin que tuvo Tetzozomoc por
mucho tiempo que gozô de ella. i Quién pues habrà
que notando esto, por duro que sea no se derrita en
làgrimas , supuesto que la abundancia de las ricas y
variadas recreacîones son como ramilletes de flores
que pagan de mano en mano , y al fin todas se desho-
jan y marchitan en la présente vida?
; Hijos de los reyes y grandes senores ^ advertid y
considerad lo que en mi triste y lamentoso canto os
m
maûifiesto , cuando refîcro lo que pasa en la florida
primavera , y el fin y término dcl podcroso rey Tet-
zozomoc! (i Quién, vuelvoà decir, viendo esto sera
APPENDICE. 37^
Uoû , lorsque Ton eonsidéjre aUentivcmenl la pros-
périté dont a j(N]i pendwt son rè^e iyraniiique le
roi Teizozomoc , ee vieîllarci caduc ^ qui , tel qu'un
saule nourri de rhumidité de son ambition et de son
avarice , s'élevait au-dessus des humbles et des fai-
bles : le printemps lui offrait les prés et les champs
fleuris, longtemps il en jouit; mais enfin, lorsqu'il
fut rongé des vers et desséché , l'ouragan de la mort
survint , le déracina , et retendit en morceaux sur
le sol. Le sort de Fancien roi Gotzastli ne fut pas
moins terrible , puisqu'il n'est resté aucun souvenir
de sa maison et de ses descendants.
Aujourd'hui , par ces chants douloureux , je re-
trace le souvenir et l'exemple de ce qui arrive dans
la saison des fleurs , et la fin du roi Tetzozomoc, quoi-
qu'il ait goûté longtemps la prospérité. Qui donc , en
m'entendant , serait assez dur pour ne pas fondre en
larmes? Cette abondance de fleurs variées , de plai««
sirs somptueux , sont comme des bouquets qui pas-
sent de main en main , finissent par se faner et dispa-
raissent de ce monde.
Fils des rois et des puissants, ouvrez les yeux et
méditez avec attention sur le sujet qiii sert de thème
à mes gémissements et à mes tristes poésies, en appre-
nant ce qui arriva au printemps fleuri, et la fin du
roi Teizozomoc ; mais je le répète , en m entendant ,
372 APPENDICE.
tan duro que no se derrita en lâgrimas, pues la
abundancia de diyersas flores y bellas recreaciones
son ramilletes que se marchitan y aeaban en la pré-
sente vida?
Goeen por ahora de la abundancia y belleza del
florido verano con la melodia las parleras aves > y
liben las mariposas el nectar dulce de las fragantes
flores : todo es como ramilletes que pasan de mano
en mano , que al fin se marchitan y aeaban en la
présente vida.
APPENDICE. 373
qui serait assez dur pour ne pas fondre en larmes?
car cet te abondance de fleurs variëes, de plaisirs somp-
tueux , ne sont que des bouquets qui passent de main
en main 9 flnissent par se faner et disparaissent de ce
monde.
Cependant les oiseaux ne cessent de faire
retentir les airs de leurs voix mélodieuses ; ils jouis-
sent de Tabondance du palais de l'été , et les papil-
lons du nectar de ses fleurs. Tout est comme des bou-
quets qui passent de main en main , finissent par se
faner et disparaissent de ce monde.
TABLE DES MATIÈRES
CONTEÎMUKS
DANS CE VOLUME.
<*»*
Pages.
PnÉFACE DE l'Éditeur français ix
Dédicace DE l'auteur mexicain * xiii
Avertissement au lecteur xv
CiiAP. l". — Delà création du monde et des quatre âges
dont parlent les historiens de la Nouvelle- Espagne. .
i
Chap. II. — Origine et arrivée de la nation toltèque. —
Ses rois et ses chefs. — Villes qu'ils fondent. ~ Ce
qui arriva de leur temps 9
CiiAP. m. — Règnes d'Iztacquauhtzin et de Topillzin,
derniers rois des Toltèques. — Fin de leur empire. . 1 7
(^11 A? . IV. — Arrivée du grand Chichimèqne Xolot! dans
le pays des ToUèqucs. — Établissements qu'il y fonda. 29
•HO lABLE
C«AF, V. — Arriwée âet Acnlhius , dei Tccpapêgnet et
U'Ofomstef, -- XoloU lei reçoit bieo , et leur doDDe des
domaioet et det terrei. — Il marie lenrs chefs avec fei
deox fillef . — Enfants qu'ils enrent. — Uariage dn
|iriuce Nopaltzin et de ses enfants 3;
OfAr. VI. — Des provinces et des établissements que
Xololl donna â d'antres seigneurs 4 3
OtAt» Vil. — Fin du régne de Xololl. — Sa mort. ... 49
Cnaf. Vlll. — Le prince Nopaltzin succède à TempU^.
— Histoire de son régne 5;
CjUAf. IX. •» Régne de Huetzin (i3
Cmaf. X. — Régne de Qoinantzin. — Arrivée des Mexi-
cains. — Généalogie d'AcomiztU , seigneur de Coatli-
clian. 69
i'jHàv. XI. — Guerres civiles entre les Chichimcques et
aulros f qui eurent lieu sous le régne de Quinantzin. . 7 5
CuÀi*. XII. — Arrivée des Tlailotlaques et des Cbimalpa-
uéques. — Quinanlzin les établit dans la ville de Tez-
cuco et dans d'autres , parce qu'ils étaient des ouvriers
trèi'habiies. — Guerres qui eurent lieu jusqu'à la mort ^
de ce prince 8 1
Ciur. XIII. -> Hègno de Techotlalalzin 85
Oiup. XIV. — Guerres de Tezozoïnoc et des seigneurs
uioxicains. — Il augmente ses états. — Acamapichtli
hérilo (lu trûne dos Gulhuas du chef d'Ilancueitl , sa
ftimiiio. — Fiu du règne de Techollalatzin 91
t^uài'. XV . — Avènement au trône de l'empereur Ixllilzo-
cliitl-Omolochtli. — Tczozomoc cl les seigneurs mexi-
(*uina iH}fusoiil de le reconnaître. — Ils excitent une
rôvollo dans l'ciiipire 101
DES MATIÈRES. 377
Pages.
CuAP. XVI. — On prête serment au prince Netzahual-
coyotzin comme héritier de l'empire dans les états
tenus à Huexotla. — La guerre civile éclate entre Te-
zozomoc et Netzahualcoyotzin pour la possession de
l'empire , . 107
Cbap. XVII. — Tezozomoc, assiégé dans sa capitale par
lempereur Iztlilxocbitl , demande une trêve, promet-
tant de se soumettre m
Chap. XVm. — L'empereur Iztlilxochitl se retire dans
les montagnes , et envoie demander des secours aux
habitants de la province d'Otompan qui massacrent
son général.. 117
Chap. XIX. — Fin malheureuse de l'empereur Ixtlilxo-
chitl 125
CuAP. XX. — Tezozomoc se fait prêter serment comme
empereur des Chichimèques. — 11 ordonne de massa-
crer une quantité d'enfants dans le royaume de Tez-
cuco. — Proclamation qu'il fait faire dans la plaine de
Totecateopan , où il se fait reconnaître souverain par
les habitants de Tezcuco et de quelques autres pro-
vinces dépendantes de l'empire 1 3 1
Chap. XXI. — Tezozomoc partage les terres qui dépen-
daient de l'empire des Chichimèques. — Ce qu'il fit
ensuite. — Son rêve extraordinaire 189
Chap. XXll. — Mort du tyran Tezozomoc. — Maxlla,
son fils , usurpe le trône , et fait périr Tayatzin , son
frère 1 4 5
CnAP. XXllI. — Le tyran Maxtla ordonne d'arrêter Chi-
malpopoca, roi de Mexico» et le fait ensuite remettre
en liberté. — Situation périlleuse dans laquelle se
trouve Netzahualcoyotzin. i5i
Chap. XXIV. — Netzahualcoyotzin échappe deux fois
378 TABLE
Pages.
des main» du tyran. — Mort de Chimalpopoea et de
Tlacateotzin , roi de Tktelolco 169
Chàp. XXV. — Netzsdmalcoyotzia échappe encore d^oz
fois anx nues de ses ennemis • • '^7
Chap. XXVI. •— Fuite de Netxahnalcoyotsin k traTfrs
les montagnes* — U arrive chez un gentiUiomme oto-
mite, nommé Qnacoz « 177
Chàp. XXVII. — Netzahoi^coyotzin gagne OqxAaç. —
Ce qui se passa pendant aa route 18S
Chap. XXVIII. — Netzahnalcoyotzin marche sor Tezcoco
avec une puissante armée, et rétablit Tempire des
Aculbnas. — De qudqnes événements remarquables. . 191
Chap. XXIX. — Fin de Thistoire générale des Chichi*
mèques. — Notice sur les auteurs qui la repr^entè-
rent. — Conduite ultérieure du tyran Mazflai .... «01
Chap. XXX. — ^ Les Mexicains , (^primés par le Upnok
Maztk , enroient un ambassadeur an roi de Tetaaeo
pour lui demander du secours 3o5
Chap. XXXI. — Netzahualcoyotzin va au secours de
Mexico k la tête de son armée m
Chap. XXXII. — On prête serment à Netzahualcoyotzin
en qualité de roi de Tezcuco , d'Aculhuacan , et d'em-
pereur des Chichimèques , à son onde Itzcoatzîn ,
comme roi de Mexico , et à Totoquihuaizin , roi de
TIacopan. — L'emp^eur donne à ces derniers le
royaume tecpanèque d*Atzcaputzalco si 7
Chap. XXXIII. ^- Netzahualcoyotzin prend la résolution
de se rendre à Tezcuco avec toute sa cour. — - Des
négociations qui eurent lieu à cet égard s 23
Chap. XXXIV. — Querelles qui amènent une guerre
DES MATIÈKES. 379
FagP5.
entre NctzalmalcoyoUin et son oncle Itzcoatzin. —
Le roi de Tezcuco fait la paix , après être entré avec
son armée dans la ville de Tezcuco , et rend à tous
les seigneurs leurs domaines. — Autres événements de
cette époque 229
CflAP. XXXV. — Netzahualcoyotzin rétablit dans leurs
domaines les seigneurs du royaume des Aculhuas , et
partage les terres 287
Chàp. XXXVI. — Netzahualcoyotzin construit pour sa
demeure les plus beaux palais qu il y ait jamais eu à
la Nouvelle-Espagne. — Leur description 24.S
Cbàp. XXXVIl. — Suite de la description du palais de
Netzahualcoyotzin. — Temples qu'il renfermait. ... 25;
Chap. XXXVÏII. — Des quatre-vingts lois que promulgua
Netzahualcoyotzin , et comment il les fît observer. . . 263
Chap. XXXIX. — Le roi Netzahualcoyotzin augmente .
les terres de la république de Tlaxcallan. — Traité
qu'il fait avec elle 276
('.MAP. XL. — Mort d'Itzcoatzin, roi de Mexico. — Il a
pour successeur Molecuhzomatzin llhnicaminatzin »
premier du nom. — Guerre des chefs de Tempire
contre les provinces éloignées 286
Chap. XLI. — Le pays est ravagé par la peste et la fa-
mine. — Commencement des guerres de Tlaxcallan ,
Huexotzingo et Chololan , contre l'empire 289
Chap. XLII. — Netzahualcoyotzin construit des maisons
de plaisance , des bosquets et des jardins. — Quels
furent ceux qu'il fit travailler à l'embellissement de
ces résidences royales 297
Chap. XLllL — Le roi Netzahualcoyotzin épouse Azcal-
xochitzin , fille du prince Temietzin , son oncle. —
380 TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
Circonstances extraordinaires qui accompagnent ce
mariage 3o5
CuAP. XLIV. — Des enfants de Netzahualcoyotzin , ot de
tout ce qui se passa jusqu'à la mort du prince Tet-
zauhpiltzintli 3i5
CuAp. XLV. —Le prince Axoquentzin fait la conquête de
Chalco. — Naissance du prince Netzahualpiltzintli. . . 33 1
Chap. XLVI. — Mort de Motecuhtzomatzin de Mexico. -^
Élection d'Axayacatzin. — De quelques actions et sen-
tences mémorables du roi Netzahualcoyotzin 329
Chap. XL VII. — De quelques prophéties du roi Netza-
hualcoyotzin 339
Chap. XLVI II. — Actions remarquables d'Acatentehnat-
zin 345
Chap. XLIX. — Mort de Netzahualcoyotzin 349
AppF>nDTCF 357
riN DE LA TABLE DES MATIERES.
IMPIIIMKRIE DE FAIN ET TIIUNOT,
rue Racine . 28 . prt» de l'Odèon.
THE UNIVERSrTY OF MICHIGAN
GRADUATE LIBRARY
h.
1 -