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Full text of "Histoire des Chichimèques ou des anciens rois de Tezcuco"

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VOYAGES, 



ORIGINAUX 



POUR SEAVIA A L HISTOIAE DE LA DECOUVERTE 

DE L'AMÉRIQUE 




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IMPRIMSIIIS DB FAIN ST THVHOT, 

RUE RACmS, 38, PRÊ9 DE L'ODÉON. 



VOYAGES, 



ORIGINAUX 



POCR SERVIR A h HISTOIRE DE LA DECOUVERTE 

DE L'AMÉRIQUE 

PUBLIÉS POUR LA PREMIÈRE FOIS EN FRANÇAIS, 
IfAB, H. TXBNAVX-COMVAVS. 



HISTOIRE 



ou 

DES ANCIENS ROIS DE TEZCUCO, 

PAR DON FERNANDO D*ALVA IXTLILXOGHITL , 

•S' 
1RA0UITI SUR LE NANDSClilT CSPAGNOL. 



Première partie. 



■ ntDITB. 



ABTHV8 BEATAAND, IiIBRAIBS-ÉDITSUB^ 

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE GEOGRAPHIE DE PARU , 
RUE HAUTEFEUILLE, »<> 23. 



M. DCCC XL. 



■*■;: 



HISTOIRE 

DES CHICHIMÈQUES, 

OU 

DES ANCIENS ROIS DE TEZCUCO, 

PAA D. rSBJVAVBO D'JUBiTA IZTIiXIiZOCBIT:L» 

r 

TRADUITE SUR LE MANUSCRIT ESPAGNOL, 

PREBDÈRE PAlItlS. 



M. LE VICOMTE DE SANTAREM. 



^ HOMMAGE RESPECTUEUX DE L'ÉDITEUR, 

<4 



(> 



Ci 

Q H, TERNAUX-COMPANS. 



PRÉFACE 



DE LEDITEUR FRANÇAIS 



En publiant , en 1838 , une traduction de la trei- 
zième relation d'Ixtlilxochitl , d'après Tëdition que 
M. de Bustamante a fait imprimer en 1829, àMexico, 
j'ai donné une courte notice sur cet auteur et sur 
quelques autres Indiens qui se sont occupés de l'his- 
toire et des antiquités de leur patrie. Depuis cette 
époque , j'ai reçu de Madrid une copie complète de 
ses treize relations et de son Histoire des Chichi- 
mèques; ne pouvant publier ces deux ouvrages, 
qui ne sont que la répétition l'un de l'autre , j'ai 
donné la préférence à celui qui m'a paru le dernier 
travail de l'auteur. Les relations sont divisées d'une 
manière qui en rend la lecture peu agréable: dans 
les treize premières, l'auteur rs^conte l'histoire du 
Mexique , depuis les temps les plus anciens , jusqu'à 
la conquête ; dans la seconde partie de son travail , 
qui contient le même nombre de relations , il recom- 
mence son récit , omettant certains détails , en ajou- 



X PREFACE 

tant (1 autres, se contredisant souvent, de sorte que 
chaque partie forme un ouvrage complet sur le 
même sujet , et qu'on croirait sorti de la plume de 
deux auteurs différents. A la suite de ces deux 
parties , se trouvent deux abrégés de cette même 
histoire , dont Tun est beaucoup plus court que 
l'autre , et où Fauteur résume encore une fois les 
mêmes faits. Je pense que ces différents ouvrages 
furent composés successivement par Tordre et pour 
l'usage des membres du gouvernement , et que plus 
tard y Ixtlilxochitl refondit son travail dans l'inten- 
tion de le publier : ce qui fut toutefois empêché par 
la jalousie qu'éprouvait le gouvernement espagnol 
de tout ce cpti pouvait répéter aux locK^is leur an- 
cienne grandeur. 

On peut voir dans la préface que M. de^Bustamante 
a ajoutée au commencement delà treizième relation , 
les sources dans l^ueltes notre auteur a puîsë les 
événements qi^il raconte ; Ixtlîtxochitl les énumère 
lui-même à la fin de sa cinquième relatii^ , et 
ajoute : 

c( J^ai tel totttes tes histoires de ta conquête ée ee 
)) pays , qui ont été composées psff des E^mgnols , et 
)) je les ai trouvées remplies deserreurs^ tes plus gros- 
)) sières. La moins inexacte , touteficHs, est celle qu'a 
» composée Francisco Lopez de Gomara. Ces erreurs 
)) provtennent surtout des passions qui dominaient les 
> historiens , de leur ignorance de la langue du pays, 
)) et même des faux rapports que tes natureb se soaI 
)) amusés à leur faire. Cela m'est arrivé souvent à 
) moi-même, quoique né et élevé parmi eux , et 



DE l'Éditeur français. xi 

.) bien connu de tous les chefs, l'en citerai quelques 
» exemples : J'allai un jour visiler un de mes amis 
» nommé D. Lope Zeron, qui habitait Gohuatepec, à 
)) deux lieues au sud de Mexico. Ayant causé avec 
)) quelques-uns des principaux de cette ville , ifs m'as- 
» surëFe»t que Cohuatepec était autrefois la capitale 
» cta pays , qu'Âtzcaputzako et Chako n'étaient que 
)) des villages qui en dépendaient , et ajoutèrent une 
» foule d'autres faMes comme ils en racontent aux 
)) Espagnols. Ils prétendaient que ce n'était qu'à Faide 
» des Imbitants de Cohuatepec que Netzahualcoyotzin 
» étaût parrenu à recouvrer son royaume. J'eus beau 
^) leur citer les anciens chants et leur montrer les 
» mannsérits historiques , je ne pus jamais les faire 
)) renoncer à leurs prétentions. 

» Un gentilhomme descendant du sang royal de 
» Tezcuco , ayant demandé à un vieillard natif de 
» Tepetlaoztoc quelques renseignements sur les an- 
)^ cètres d'Ixtlilxochitl , père de Netzahualcoyotzin , 
>y celui-ci répondit qu'il ïi'en avait jamais eu , mais 
> qu'un aigle immense vint un jour faire son nid sur 
» un arbre au milieu de la ville de Tezcuco , qu'il y 
» déposa un seul œuf, et que de cet œuf sortit un en- 
» faut. Il assurait que les Aculhuas , étonnés de ce 
» prodige, l'avaient proclamé leur roi. Le gentil- 
)) homme voulut lui remontrer l'absurdité de cette 
» histoire , mais le vieillard lui répliqua sèchement : 
» C^est ainsi que je répondsaux Espagnols qui me font 
» des questions sur nos anciennes histoires , ou à ceux 
» qui viennent de leur part . » 

Ce passage nous explique toutes les erreurs où son t 



XII PRÉFACE DE l'Éditeur français. 

tombés les bistoriens espagnols , et fait ressortir en 
même temps Fimportance de Touvrage d'Ixtlilxo- 
chitl, qui savait apprécier à leur juste valeur les ren- 
seignements qu'on lui donnait. Je regarde son livre 
comme le plus authentique qui aiit jamais été ccmiposé 
sur rbistoire ancienne du Nouveau-Monde. Il est 
même bien supérieur , sous le rapport de la critique et 
du style , à ceux qui ont été composés par les Espa- 
gnols : on y trouve beaucoup moins de fables et de 
miracles; il est entièrement exempt de ce fatras d'éh 
rudition et de ces digressions qui rendent si fatigants 
les ouvrages de cette époque. Ixtlilxochitl raconte 
simplement, dte souvent ses autorités , et mérite, je 
crois y la même confiance que nos anciens annalistes , 
qui ajoutent ordinairement tant de crédulité à tant 
de bonne foi. 



DÉDICACE 

DE L'AUTEUR MEXICAIN 

AU 

VICE-ROI DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 



EXCELLENTISSIME SeIGNEUR , 

Depuis ma jeunesse j'ai constamment eu le désir 
de connaître l'histoire du Nouveau-Monde, qui n'est 
pas moins importante que celle des Romains , des 
Grecs , des Mèdes et des autres nations païennes cé- 
lèbres dans tout Funivers. Cette Ustdre de nos an- 
cêtres est tombée dans l'oubli par la suite des temps 
et par la chute de leur empire : c'est pourquoi ce n'est 
qu'après beaucoup de peines, de courses et de recher- 
ches que j'ai pu réussir dans mon projet , en réunis- 
sant avec soin non-seulement les peintures qui re- 
présentent les histoires et les annales, mais aussi les 
chants qui en contiennent l'explication. Ayant voulu 
réunir à cet effet une foule de nobles mexicains qui 
passaient pour connaître les anciennes histoires, 



XIV DÉDICACE. 

je n'en trouvai que deux qui comprissent parfaite- 
ment les figures et les caractères et qui pussent ex- 
pliquer les chants , qui , pour la plupart , sont allé> 
goriques , remplis de métaphores et de comparaisons : 
ce qui les rend très-difficiles à entendre. Aidé par eux, 
j'ai déchiffré avec facilité les peintures et les histoires, 
et j'en ai compris le véritable sens. C'est dnsi que je 
suis parvenu à satisfaire mon désir, m'attachant tou- 
jours à la recherche de la vérité. Je ne me suis pas 
servi des autres ouvrages qui ont traité jusqu'à pré- 
sent de cette matière ; car les auteurs sont générale- 
ment très-confus, et ils diffèrent souvent entre eux, à 
cause des fausses relations et des mauvaises explica- 
tions dont i|s se sont aidés. Je n'ai d'autre appui que 
celui de votre Illustrissime Seigneurie , et c'est sous sa 
protection que paraîtra mon ouvrage : c'est donc à 
elle que revient de droit la dédicace de cette histoire 
abrégée delà Nouvelle-Espagne. Cette considération, 
ainsi que Taffec^ion que mes ancêtres et moi nous 
avons toujours eue pour votre Illustrissime Sei^eu- 
rie 9 m'encouragent à la lui dédier. Je la supplie donc 
humblement de vouloir bien Tagréer et la protéger, 
et je prie le ciel de conserver pendant de longues 
années la vie de V. S., comme tous ses serviteurs le 
désirent et en ont besoin. 



AVERTISSEMENT AU LECTEUR. 



Je n'ai voulu suivre aucun des auteurs qui jusqu'à présent 
ont écrit sur la Nouvelle-Espagne , car ils différent tous entre 
ewL et sont même souvent en opposition directe. Je ne me 
suis servi que des peintures et des caractères , qui sont la vé- 
ritable source delliistoire , puisqu'ils ont été tracés à Tépoque 
même où les événements sont arrivés. J'ai profité aussi des 
chants qui ont été composés par des personnes dignes de foi > 
par des rois et de grands seigneurs qui connaissaient bien com- 
ment les faits s'étaient passés , et qui représentaient la vérité 
autant que les auteurs les plus graves et les plus véridiques qui 
aient écrit sur l'histoire du monde. Il y avait des écrivains pour 
chaque genre de travail : les uns s'occupaient des annales , ran- 
geant par ordre les événements qui arrivaient chaque année , 
avec la date en mois , du jour et de Theure ; d'autres étaient 
chargés de la généalogie des rois, des seigneurs et des nobles, 
inscrivant avec soin ceux qui naissaient et e£façant ceux qui 
mouraient. Quelques-uns conservaient les peintures qui repré- 
sentaieat les plans et les limites des provinces , des villes , des 
bourgs et des villages , ainsi que la division des terres , ayant 
soin d'inscrire à qui elles appartenaient. Des officiers particu- 
liers gardaient les livres qui traitaient des lois , des rites et des 
cérémonies de leur idolâtrie. Les prêtres de leurs temples en 
avaient qui contenaient toute leur doctrine païenne , ainsi que 
des calendriers où étaient marquées les fêtes de leurs faux dieux. 
Enfin des philosophes et des sages étaient chargés de peindre 
toutes les connaissances relatives aux sciences qu'ils possédaient 
et d'enseigner les chants qui contenaient les corps de doctrine 
et les histoires. Mais tout cela fut changé à la chute des sei- 



XVI AVERTISSEMENT AU LECTEUR. 

« 

gneurs du pays et par les désastres et les persécutions qu'éprou- 
vèrent leurs descendants. Non- seulement on ne conserva pas ce 
qui était bon et conforme A notre sainte foi catholique, mais on 
brûla tout sans examen par Tordre des premiers missionnaires ; 
ce qui fut une des plus grandes pertes qu'éprouva la Nouvelle- 
Espagne. Les archives générales de T histoire se conservaient à 
Tezcuco , qui était la métropole des sciences et des bonnes 
mœurs ; car les rois qui la gouvernaient savaient les apprécier et 
avaient été les législateurs de tout le Nouveau-Monde. Ce qui a 
échappé au feu ayant été sauvé par mes ancêtres, tomba plus 
tard entre mes mains , et c'est de là que j'ai tiré et traduit l'his- 
toire que je promets. Je l'ai écrite très-sommairement, mais avec 
beaucoup de peine et après bien des recherches pour compren- 
dre les peintures et les caractères qui servaient de lettres autre- 
fois et pour découvrir le véritable sens des chants historiques. 
J'écrirai cette histoire tout simplement et sans citer les exem- 
ples (1). Je ne traduirai pas non plus les traditions fabuleuses 
et les contes que l'on trouve dans quelques-unes de leurs chro- 
niques, parce qu'ils me paraissent superflus. Je supplie humble- 
ment le lecteur d'excuser les nombreux défauts qu'il trouvera 
dans ma manière de raconter; il peut être assuré du reste que 
cette histoire est véritable, digne de foi et approuvée par tous 
les nobles et tous les savants de la Nouvelle-Espagne. 



(1) Pris sans doute dans VHiitoire ancienne ou taerée, comme font 
tous les historiens espagnols qui ont écrit sur le Nouveau-Monde. 

(Note de rmtew.) 



PREMIÈRE PARTIE. 



CHAPITRE PREMIER. 



De la création du monde et des quatre âges dont parlent les 
historiens de la Nouvelle-Espagne. 



Les historiens les plus graves du temps de 

l'idolâtrie sont parmi les anciens Quetzalcoatl , 

et parmi les modernes Netzahualcoyotzin , 

Xiuhcozatzin , fils du roi Huitzilihuitzin ^ et 

beaucoup d'autres que je citerai quand cela 

sera nécessaire. Ils parlent dans leurs his- 
12. 1 



2 HISTOIRE 

toires du dieu Teotloque-Nahuaque-Hachi- 
guale-Ipalnemoani- Uhuicahua-Halticpaque y 
ce qui veut dire exactement le Dieu universel , 
créateiir de toutes les choses, à qui obéis- 
sent toutes les créatures, seigneur du ciel et 
de la terre. Ils racontent qu'ayant formé tous 
les objets visibles, il créa les premiers parents 
des hommes , dont tous les autres descendent, 
et leur donna pour habitation le monde, qui, 
selon eux, eut quatre âges. 

Ils nomment le premier âge, qui commença 
à la création , Atonatiuh , ce qui veut dire so- 
leil des eaux, dans un sens allégorique, et que 
ce premier âge s'est terminé par le déluge uni- 
versel , qui fit périr tous les hommes et toutes 
les créatures. Le second âge est appelé Tlal- 
chitonatiuh , ou soleil de la terre, parce qu'il 
se termina par un tremblement de terre. Le 
sel «'ouvrit en plusieurs endroits , les monta- 
gnes s'abtmèrent ou s'écroulèrent en écrasant 
presque tous les hommes. Ge fut à cette ép(!K 
que que vécurent les géants nommés Quina- 



DES GHIGHIMÈQUES. 3 

inetzin Tzocuilhioxime. Le troisième âge est 
rEhcâtonatiiih, ou soleil de l'air : il s'éleva un 
vent terrible qui renversa les arbres, les édi'- 
fices et même les rochers. Presque tous les 
hommes périrent/ et ceu3t qui survécurent 
ayant apei^u un grand nombre de singes que 
le vent avait apportés probablement d'un autre 
pays, pensèrent que les autres hommes avaient 
été changés en ces animaux , ce qui donna lieu 
aux febles dont on a tant parlé. Pendant cette 
troisième période , ce nouveau monde était 
habité par les Ulmèques et les XicalanqueS. 
D'après ce qu'on voit dans leurs histoires , ils 
vinrent du côté de l'Orient (i) dans des vais- 



(i) C'est un fait très curieux que cette origine orientale de» 
Ulmèques et Xicalanques quand toutes les autres tribus ve- 
naient de l'occident : il est répété par l'auteur dans è^ rela- 
tion sommaire de la Nouvelle- Espagne. Veytia y [Jnago 
{ ffistoria antigua de Mexico^ pag. i , cap. Xlll), dit qu'ils 
débarquèrent dam la baie de la Vera-Gruz. Gogolludo {His- 
toria de Yucatan , lib. IV , cap. 111 ) , rapporte aussi que cette 
province fut peuplée par deux nations différentes, dont l'une 
vînt de l'orient et l'autre de l'occident, il ajoute que l'on 
nomma la première colonisation Génial ou la Petite-Descente 
parce qu elle fut la moins nombreuse, et la seconde Nohnial ou 
la Grande-Etescenle. CJavigero (Storia anlicn del Messico^ t. 1 , 



4 HISTOIRE 

seaux ou des canots , et débarquèrent dans le 
pays de Potonchan où ils s'établirent, ainsi que 
sur les bords de la rivière d'Atoyac, qui coule 
entre la ville de Puebla de los Angeles et celle 
de Chololan* Ils y trouvèrent quelques géants 
qui avaient échappé aux désastres de la se- 
conde période. Ceux-ci, fiers de leur force 
et de leur taille, soumirent les nouveaux 
venus au joug le plus dur, et les traitèrent 
comme des serfs. Les chefs et les nobles 
résolurent de se délivrer de cet escla- 
vage, et ayant invité les géants à un festin 
solennel , ils les enivrèrent et les massacrè- 
rent avec leurs propres armes. Ayant con- 
quis leur liberté, leur puissance augmentait 
chaque jour,^ et ils jouissaient de la plus 
grande prospérité, quand il arriva dans ce 

p. 146) dit que le célèbre antiquaire Don Carlos de Siguença y 
Gongora attribuait aussi aux Ulmèques une origine orientale ; 
mais qu il en ignore le motif. Ces nations se sont confondues 
avec les autres indigènes ; cependant on en trouve encore quel- 
ques restes qui sont très-fiers de leur origine, à Pueblo de Na- 
tividad autrefois Vancuillapan, et à S.-Miguel del Milagro dans 
le territoire de Tiaxcallan. 



DES GHiCHIMÈQUËS. 5 

pays un homme que quelques-uns nommè- 
rent Quetzalcoatl , et d'autres Huemac^ à 
cause de ses grandes vertus (i). On le regarda 
comme un saint. Il leur enseigna par ses 
paroles et par ses œuvres le chemin de la 
vertu , les exhorta à fuir le vice et le péché , 
leur donna des lois pour mettre un frein à 
leurs débauches et à leurs turpitudes, éta- 
blit l'usage du jeune, et fut le premier qui 
planta et adoi^ la croix, que Ton nomma 
Quauhcahuizteotl-Chicahualizteotl ou Tonac»- 
Quehuitl , ce qui veut dire Dieu des pluies ou 
de la santé, et arbre de la nourriture ou de la 
vie« Après avoir enseigné tout ce que je viens 
de dire dans les villes des Ulmèques et des 

Xicalanques, et particulièrement dans celle 



( I ) Quelques auteurs ont regardé, mats à tort, Huemac et Quet- 
zalcoatl comme une seule et même personne; tandis que Huemac 
était un ToUèque et Quetzalcoatl un Ulmèque ; mais ce n'est 
pas ici la place d*une longue dissertation à cet égard. Je ferai 
seulement observer que presque tous les auteurs espagnols, 
tels que Garcia , Torquemada , Sahagun , ont pris Quetzalcoatl 
pour Vapôtre saint Thomas et se sont livrés là- dessus à des 
dissertations à perte de vue. 



6 HISTOIRE 

de ChQloiau où il résida le plus longtemps^ 
voyç^iit que sa doctrine fructifiait peu> il s^en 
alla du côté où il était venu, c'est*-à-dire de 
rOri^nt, et disparut vers la côte de Coatza-^ 
coalco. En quittant cette nation, il leur dit que 
dans un temps à venir^dans Vannée de Ce Âcatl, 
il reviendrait, et que sa doctrine serait reçue; 
qu'alors leurs enfants seraient seigneurs 
^ posséderaient le pays, mais qu'eux et leurs 
descendants éprouveraient beaucoup de cala- 
mités et de persécutions. Il ajouta beaucoup 
d autres prophéties qui s'accomplirent par la 
Siuite» Quetzalcoatl , traduit littéralement^ si- 
gnifie serpent couvert de plumes précieuses , 
et, dans un sens allégorique, homme très- 
sage. Qn dit qu'on lui donna le nom de Hue- 
mac, parce que, pour prouver que tout ce 
qu'il avait annoncé s'accomplirait, il imprima 
ses mains sur un rocher comme sur de la cire 
molle; d'autres prétendent que cela signifie 
main grande et puissante (i). Peu de jours 

(f ) Hiiemactzin ou Hueinac était un très-savant astrologue qui 



. ,> me» .GHtCHIIIÈQUES* 7 

après $pn départ » arriva la fia de la troÎMéme 
période par la destructif€>n doifit J'ai parlé plù$ 
haut. Alors furent détruits Tédifiee et la tour 
Dôagnifiique et rém^rqualîle de€%o1o1an^ qui 
était comme une seconde tour de Babel ( i ) . 
Ceux qui éehap|>èreiit aux désastres de cette 
troisièmèpérîode, eonslruisirent'Sùr les ruines 
un temple à Quetzalcoatl , qu'ils regardèrent 
comme le dieu de l'air, parce que cet élément 
avait été cause de leur destruction, et qu'ils 
pensaient que c'était lui qui l'avait envoyé. 
Ils le nommaient aussi Ce Acatl , du nom de 
l'année de sa venue. Selon les annales et les 

guida les Toltèques pendant leur long voyage. 11 mourut âgé 
de plus de 3oo ans, peu d'années avant l'avènement du roi 
Huctzin. 11 avait composé un grand livre qui contenait l'histoire 
de la nation toltéque, sa bonne et sa mauvaise fortune, la gé- 
néalogie de ses rois et de ses chefs , d'excellents principes de 
morale, tout ce qui était relatif au culte des idoles, aux rites et 
aux cérémonies, à la philosophie, à l'astrologie, à l'agricul- 
ture, etc., en un mot un résumé de toutes les sciences. Ce livre 
se nommait Teoamoxtli ou Lii/re divin. Il contenait aussi, sur la 
chute de l'empire, des prophéties dont on vit plus tard l'accom- 
plissement. ( JjctHlxochitl ^ p. I, rel. 3.) 

(i) Ixtlilxothitl, dans la i'"" relation delà 2' partie, dit que 
ce fait eut lieu dans l'année Ce Tochtli qui correspond à 29^) 
après Jésus-Christ. 



8 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

histoires que j'ai citées , l'époque à laquelle il 
parut dans ce pays correspond à celle de l'in- 
carnation de Jésus-Christ. C'est de ce mo- 
ment que l'on compte la quatrième époque , 
nommée Tlatonatiuh, c'est-à-dire soleil de 
feu , parce que l'on pensait que ce quatrième 
et dernier âge du monde se terminerait par 
le feu. Quetzalcoatl avait une belle figure; il 
était grave, blanc et barbu; il portait pour 
vêtement une longue tunique. 



CHAPITRE II. 



Origine et arrivée de la nation toltéque. — Ses rois et ses 
chefs. — Villes qu ils fondent. — Ce qui arriva de leur 
temps. 



Pendant ce quatrième âge , la nation tolté- 
que arriva dans le pays d'Anahuac^ que Ton 
nomme aujourd'hui la Nouvelle-Espagne. Il 
parait^ d'après leur histoire , que les Toltè- 
ques furent chassés de leur patrie, et qu'a- 
prés avoir navigué longtemps et côtoyé beau- 



1 HISTOIRE 

coup de pays vers ce que l'on nouiuie aujour- 
d'hui la Californie, dans la mer du Sud, ils 
parvinrent dans le Huehuetlapallan , ou 
Terre de Cortez (i). Ils donnèrent le nom 



( I ) Ixtlilxochitl (part, i , rel. i ) dit qu'il s'écoula 1716 ans de- 
puis la création jusqu'à la fin de la première période ou Atona- 
tiuh. Les Toltèques arrivèrent à Huehuetlapallan 620 ans après. 
Ce fut 1 7 lô ans après la première destruction qu'eut lieu la se- 
conde, Ehcatonatiuh. 1847 *^^^ après, c'est-à-dire l'an 4779 de la 
création du monde, le soleil cessa tout à coup de marcher ; le 
mousquite s'approcha de lui et lui dit : « Seigneur du monde, 
pourquoi es-tu triste et rêveur et ne fais-tu plus ton devoir ; 
pourquoi cesses-tu d'éclairer l'univers? » Il ajouta encore beau- 
<;oup de discours ; mais voyant que le soleil ne bougeait ni ne 
répondait , il le piqua à la cuisse : le soleil alors recommença 
à marcher comme auparavant. 

En Tan du monde Ô097 tous les sages toltèques se réunirent 
à Huehuetlapallan , leur capitale, pour y régler le calendrier. 
1 1 6 ans après, dans Tannée Ce Calli, il y eut une grande éclipse 
de lune et de soleil et un tremblement de terre. Cette époque 
coïncide parfaitement avec celle de la mort de N. S. Jésus-Christ. 
So5 ans plus tard, en ran5486 de la création, ou l'année Ce Acatl, 
Chalcultzin et Tlacamalitzin, gentilshommes du sang royal des 
Toltèques, se soulevèrent pour enlever la couronne à l'héritier 
légitime ; ils furent vaincus et chassés du pays dans l'année sui- 
vante, Ge Tecpatl , qui correspond à l'an 4df^ de notre èr^. Attt 
chapitre XI de cette histoire il dit qu'ils arrivèrent en 887 ; 
mais ses difiéfénts ouvrages sont remplis de semblables con- 
tradictions. H ne cite pas non plus le nom de ces deux chefs 
parmi ceux des sept qui gouvernaient les Toltèques à leur ar- 
rivée dansl'Anahuac. 

Les Toltèques restèrent d'abord huit ans sur les frontières 
de leur pays avant d'étre-entièrement expulsés ; ils en passèrent 



DES CNIGHIMÈQUES. 1i 

de Huehuetlapallan à ce pays parée qu'il leur 
parut TQUge : cela se passa dans ratifiée de Ce 
Tecpactl , qui correspond à 387 de l'incarna- 
tion de Jësus^Christ. Après avoir côtoyé le 



ensuite trois à Tiapallantzinco. Qiiaod ils quitteTent cet en- 
droit ils marchèrent pendant douze jours et firent environ 
soixante lieues, car ils n en pouvaient faire plus de six par 
jour à cause de leur grande multitude. Ils arrivèrent alors dans 
un excellent pays nominé Huéyxallan bù'ils sëjournèrènt quatre 
ans. Dans le courant de la cinquième année ils firent encore 
cent lieues en se dirigeant toujours vers l'orient, ce qui leur prit 
plus de vingt jours , et ils arrivèrent à Xalisco sur le bord de 
la mer où ils séjournèrent huit ans. Ils se remirent en marche 
laissant dans ce pays quelques familles pour le peupler, comme 
ils l'avaient fait dans les autres, et marchèrent encore pendant 
vingt jours, ce qui suppose environ cent lieues de roUte. Ils 
s'arrêtèrent dans des îles et ^ur Une côte nommée Chimalhua- 
can-Atenoo, où ils restèrent cinq ans ; ce fut là que lés hommes 
recommencèrent à vivre aveu leurs femmes, car ils avaient fait 
vœu en quittant leur t)atrie de rester viiigtr trois ans sans les ap- 
procherais calculèrent que lors de la quatrième année de leur 
séjour danscët endroit il y avait vingt-six ans, ou un demi-cycle 
qu'ils avaient quitté leur patrie. Cette époque correspond à 
Van 466 après Jésus-Christ. Les cinq ans s'étant écoulés ils se 
rcmiirent en route pendant dix-huit jours, et ayant fait environ 
qaatre-vidgts lieues , ils arrivèrent à Toxpan , où ils passèrent 
cinq autres années ; puis ils marchèrent encore pendant vingt 
jours, et ayant ftiit environ cent lieues toujours vers l'orient , 
ils arrivèrent à Quiahuitlan Anahuac , où ils traversèrent 
des bras de mer dans des barques et des canots. Après six 
ans de séjour ils marchèrent dix-huit jours, parcoururent 
quatre-vingts lieues de pays et s'arrêtèrent à Zacatlan. Ils 
calculèrent qu'il y avait juste un Xiuhtlapilli ou cycle de cin- 



1 2 HISTOIRE 

pays de Xalisco et toute la rive du sud , ils 
débarquèrent au port de Huatulco , traversè- 
rent plusieurs provinces , et arrivèrent dans 
celle de Tochtépee , sur les bords de la mer 
du Sud. Ils explorèrent le pays de Tollant- 
zingo, le colonisèrent en y laissant quel- 
ques-uns des leurs dans les endroits qui 
leur parurent les plus avantageux. La na- 



quante-deux ans qu'ils avaient commencé la guerre civile. 
Sept ans après ils cheminèrent de nouveau pendant dix-sept 
jours , firent encore quatre-vingts lieues , et arrivèrent à 
Totzapan où ils passèrent sept ans; puisaprès vingt-huit jours 
de marche pendant lesquels ils firent cent quarante lieues , ils 
parvinrent à Tepetla où ils résidèrent sept ans. Us en restèrent 
huit à Matzatepec , après avoir fait quatre-vingts lieues en dix- 
huit jours, et vinrent à Ziuhcohuatl où ils passèrent le même 
nombre d'années , après avoir franchi une distance égale dans 
le même espace de temps. Us firent ensuite cent lieues en 
vingt jours et arrivèrent à Iztachuexucha qui est située vers le 
nord. Ils y séjournèrent vingt-quatre ans ; puis après quatre- 
vingts lieues faites en dix-huit jours , ils gagnèrent Tollant- 
zingo où ils construisirent une si grande maison en plan- 
ches qu'elle pouvait contenir toute la nation. Au bout de trois 
ans de séjour , ils comptèrent deux cycles ou cent quatre ans 
depuis le moment où ils avaient quitté leur patrie. Cette époque 
correspond à Tan 543 de notre ère. Les Toltèques séjournèrent 
dans cet endroit dix-huit ans, après lesquels ils se remirent 
en marche, et fondèrent en i556 la ville de Tula, qu'ils furent 
six années à construire. 

{fxtlilxochitly p. I, relat. 2.) 



DES GHIGHIMÈQUES. 13 

tion toltèqne fut la troisième qui s'établit 
dans la Nouvelle-Espagne, en comptant les 
géants pour la première , et les Ulmèques et 
Xicalanques pour la seconde. 

Quand les Toltèques arrivèrent à Tollant- 
zingo, ils calculèrent qu'il y avait cent quatre 
ans qu'ils avaient quitté leur patrie. Ils 
avaient sept chefs , et choisissaient alternati- 
vement un d'entre eux pour les gouverner. 
On les nommait Tlacomihua ou Acatl , Ghal- 
chiuhtlanetzin , Ehcatl , Gohuatzin , Mazaco- 
huatl , Tlapalhuitz et Huitz. Ce furent eux qui 
fondèrent la ville de Tollan , qui devint plus 
tard la capitale de leur empire , à cause de 
son heureuse situation. Sept ans après s'y 
être établis, ils élurent un roi , ou chef su- 
prême. Le premier qui fut revêtu de cette 
dignité se nommait Ghalchiuhtlanetzin , ou 
Chalchiuhtlatonac. Ce fait est rapporté à l'an- 
née Chicome Acatl ou 51 de l'Incarnation (i) . 



( I ] Torquemada {Monarquia indiana^ lib. I, cap. XI V) nomme 
ces chefs Tzacatl , ChalcaUzin , Ehecatzin , Ck>huatzin , Tzihuac- 



1 4 HISTOIRE 

Pendant son règiie, qui dura cinquante- 
deux ans, la nation augmenta beaucoup, et 
s unit 9 par des mariages et des alliances , aux 
naturels qui habitaient le pays avant son ar^ 
rivée, et qui reconnurent son autorité et sa 
suprématie. Il eut pour successeur Ixtlique- 
chahuac Tlalchinotziri, qui monta sur le trône 
l'année Ghicomc Acatl, ou 572. Il régna le 
même nombre d'années, et mourut en 613, 
ou Ghiquazen Tochtli. 



Ck>huatl, Tlapalmetzotzin et Melzotzin. Dans la liste des rois tol- 
tèques il remplace llacomihua par Mitl ; il passe Istacquauhtzin 
et dit que Topiltzin se nommait aussi Tecpancaltzin ; il raconte 
sur la destruction de cette nation une foule de fables absurdes, 
que l'on peut lire encore plus au long dans Sahagun, lib. 111 , 
cap. XI. 

Quand les Toltèques eurent construit la ville de Tula , 
voyant qui)s étaient sans cesse inquiétés par leurs voisins les 
Chichimèques , et que leur célèbre astrologue Huematzin leur 
annonçait que celte nation serait un jour maîtresse du pays, ils 
résolurent d'envoyer une ambassade au roi des Chichimèques 
et de lui demander un de ses fils pour le gouverner. Celui-ci y 
consentit, et leur promit en outre que jamais ni lui ni les siens 
ne les inquiéteraient. Ils marièrent avec la fille d'un des prin- 
cipaux seigneurs toltèques ce jeune prince, qui s'appelait 
Acapichtzin , et qu ils surnommèrent Chalchiuhuanetzin , ou 
pierre précieuse qui brille , pour exprimer que ce prince était 
pour eux une lumière et qu'il les délivrait des persécutions 
des Chichimèques. {fxtlilxochitl,^. i, rel. 3.) 



DES CHI€HIMÈQUES# 15 

Huetziu y son successeur^ régiia aussi cin- 
quante-deux an$ ; car c'était la coutume chez 
lesToltéques qu'un rpi gouvernât cet espace de 
temps» S'il venait à imouriravant^onseconsti^ 
tuaiten république pendant l'interrè^ic. Huet- 
zin mourut 0n 664, ou Ghiquazen Tochtli (i). 



(i) Dans ses Relations l^tiilxocbitl dit que Huetzip mourut en 
718 , on Chicome Tochlli ; Topeuh en 770, ou Chicome Calli ; 
Nacazoch en 882, ou MacuHli Calli. 11 nomme son successeur 
Mit! (de même que Torqueinada). Dans le temple bâti par Mitl, en 
riionneur de la grenouille déesse des eaux , tous les ustensiles 
étaient d'or, et l'idole était d'une seule émerande ; elle existait 
encore lors de la conquête , et fut vue par les Espagnols. Mitl 
mourut en 88a, et fut remplacé sur le trâne pAr son épouse , 
la reine Xiuhtlatzin. Ce fut sous le régne de son successeur 
Tecpancaltzin que l'empire des Toltèques brilla du plus grand 
éclat. Us occupaient plus de mille lieues de pays et avaient 
construit des villes magnifiques , entre autres celle de Teo- 
tihuacsin, plus beUe encore que Tula, , car ils la considé- 
raient comme leur ville sainte. 11 y avait des temples et des 
édifices superbes , comme ou peut le, voir par ee qui eu 
reste encore aujourd'hui. A Toluca , ils avaient bâti des palais 
sur lesquels toute leur histoire était sculptée, ainsi qu'à Quauh- 
nahuac. Ces édifices se composaient entièrement de grande 
pierres superposées sans aucune espèce de maçonnerie. Us 
avaient aussi fondé les villes de Chololan et Xalisco Tototepec , 
sur la mer du Sud. Tout cela est détruit, mais on voit par les 
ruines que c'étaient les plus belles villes du monde, H ajoute 
que les rois toltèques étaient d'une taille élevée , blancs et bar- 
bus comme les Espagnols. C'est pourquoi les Indiens, du moins 
ceux du bas peuple , quand ils virent Fernand Cortez et ses 



16 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

Topeuh , qui monta sur le trône après lui , 
l'occupa le même nombre d'années , et mou- 
rut en Macuilli Calli, ou 716. Nacaxoch ter- 
mina en 768, ou Macuilli Calli , ses cinquante- 
deux ans de règne. Uacomihua augmenta 
beaucoup ses états et construisit de grands 
et somptueux édifices, parmi lesquels il faut 
distinguer le temple de la Grenouille, qu'il 
reconnut pour la déesse des eaux. Il régna 
cinquante-neuf ans, dépassant ainsi le terme 
qui avait été fixé à ses prédécesseurs. Il 
mourut en Matlactli Ome Acatl , ou 826. La 
reine Xiuhquentzin, qui monta sur le trône 
après lui , ne régna que quatre ans , et mou- 
rut en Ome Acatl , ou 830. Elle eut pour suc- 
cesseurs Istacquauhtzin , puis Topiltzin, son 
fils , sous le règne duquel les Toltèques furent 
détruits. 



soldats, cnirent que c'était Topiltzin qui revenait avec ses com- 
pagnons, comme il le leur avait promis. 

(IxtUlxochid, part, i, relat. 3 et A.) 



CHAPITRE III, 



Règne d'iztacquauhtzin et de TopilUin, derniers rois des 
Toltèques. — Fin de leur empire. 



Iztacquauhtzin (i) régna cinquante-deux 
ans, temps qui avait été fixé par ses ancêtres. Il 
eut une liaison d'amour avec Quetzalxochitzin, 
femme d'un noble nommé Papantzin, qui 

(i) D'après les relations ce roi se nommait Tecpancaltzin ; la 
maîtresse du roi Iztacquauhtzin était la fille et non pas la femme 
12. 2 



1 8 HISTOIRE 

était du sang royal. Cette femme lui donna 
un fils nommé Topiltzin, qui, quoique adulte- 
rin, succéda à l'empire en Tannée Ome Acatl, 



dePapantzin. Elle avait découvert Tart d'extraire le miel du 
magaey, et ce fut quand elle vint lui offrir les prémices de son 
invention qu'il la vit pour la première fois. C'est pourquoi son 
fils fut d'abord nommé Meconctzitt ou l'Enfant du Maguey; ce 
ne fut que plus tard qu'il reçut le nom de Topiltzin ou le justi- 
cier. Les deux seigneurs qui se mirent à la tête des rebelles sont 
nommés dans les relations Quauhtli et Matlatzin. Ils prétendaient 
être adjoints à l'empire en laissant , cependant , la suprématie 
au roi de Tula, c'est à-dire établir une organisation semblable 
à celle qui exista plus tard entre les rois de Tezcuco, Menico et 
Tlacopan. Tecpancaitzin et Topiltzin, son fils, y consentirent. 
Ce traité eut lieu dans l'année Ome Acatl , ou 987 de notre ère. 

Quelque temps avant la destruction de l'empire, tout le 
monde s'abandonnait ouvertement au vioe : les dames nobles 
vivaient publiquement avec les prêtres, qui avaient fait vœu de 
chasteté. Une des principales <lames de Tula ayant fait un pèle- 
rinage à Chololan, qui avait été fondé 78 ans auparavant, pour 
visiter le temple du dieu Ce Acatl ( ou Qîietzalcoatl ), s'aban- 
donna au grand-prêtre nommé Texpolcatl et en eut un fils 
nommé Ixcax, dans la famille duquel la dignité de grand- 
prêtre de cette ville devint héréditaire. L^ priiiQipaux 
auteurs de tout ce désordre étaient deux magiciens , nommés 
TezqA&lipoca et Tatlau^quizcatlepuca , qjfà lurent plus tard pla-* 
ces au rang des dieux. Les calamités qui affligèrent l'empire y 
sont rapportées delà ipême manière avec l'addition, toutefois, 
d'une foule d^ niaiseries et de contes ridiçulç^ que je ne r^p* 
porterai pas, parce qu'on peut les lire dans l'ouvrage du 
P. Sahagim. (Lib. 111 , cap. XL) 

En 098, raudace dca deux roi» ennemi» de Topiltzin en 
vint au point de le braver dans la ville même de Tola. Gelnr-ci 



DES CHIGHIMÈQUES. 19 

OU 882, ce qui fut cause que quelques-uns 
des rois et seigneurs ses vassaux se réral^ 
tèrent eoîitre )ui : les unô, parce qu'ils aôpi- 



leur demanda, suivant l'ancien usage qui fut conservé jus- 
qu'à Tarrivée des Espagnols, de lui fixer un déiai pour se 
mesurer avec eux. Ils répondirent qu'ils lui accordaient dix 
ans, et qu'ils l'attendraient an jour fixé avec leur armée auprès 
deTultitlan. En TanMalkctli TecpatI, ou 1008, les deux rois se 
rencontrèrent à l'endroit fixé, conduisant après eux non-seule- 
ment tous les hommes en état de combattre, mais même les 
femmes pour porter des vivres. Le combat dura trois ans, et les 
soldats de Topiltzin , qui ne recevaient pas de renforts comme 
leurs adversaires , finirent par succomber et périrent presque 
tous; beaucoup de femmes toltèques combattirent vaiHam- 
ment dans cette bataille. 

Topiltzin ayant pris la fuite, se réfugia dans une cavet*ne, 
auprès de Xicco, où il fut rejoint par son général Huehuete- 
niaxal, qui lui amenait ce qu'il avait pu réunir de soldats. Il 
livra à ses ennemis un nouveau combat dans lequel il perdit son 
général et presque toute son atmée. Quand les rois ses ennemis 
furent retournés chez eux , Topiltzin sortit de la cavernef de 
Xicco où il s'était caché de nouveau avec quelques compagnons, 
et se réfugia dans la province dé Tlapallan sur les bords de la 
mer du Sud. 11 annonça au petit nombre de Toltèques qui 
avaient survécu , qu'il se retirait vers l'orient dans le pays de 
sesancétres et qu'il revieirà rai t dans 5o[3 ans, l'année Ce Acatl , 
pour châtier les descendants de ses adversaires; il leur fit ufie 
quantité d'autres promesses ridicules. 11 vécut encore trente ans 
dans la province deTIapallan et y mourut à l'âge de cent quatre 
ans. 11 avait établi beaucoup de lois, qtii furent dans hi suite 
renouvelées parNetzahualcoyotzin. Un grand nombre d'Indiens 
croient que le roi est encore dans là caverne de Xiccô, avec les 
rois Netzabualcoyotzin , Netzahualpiltzintli, Moquihnix , d'au- 



20 HISTOIRE 

raient à l'empire et croyaient y avoir plus de 
droit; les autres^ en haine de l'adultère. Les 
chefs des révoltés étaient Coanacotzin , Huet- 
zin et Misiotzin , rois et seigneurs des pro- 



tres guerriers célèbres, et qu'il en sortira un jour pour les 
délivrer. Les Toltèques qui échapperont se réfugieront dans les 
provinces éloignées , comme Quauhtemala, Tecuantepec, Coa- 
tzacoalco, Campéch et Tecolotlan ainsi que dans les îles des 
deux mers où ils se multiplieront par la suite. 

Les Toltèques combattaient vêtus de longues tmiiqucs^ telle- 
ment épaisses que les lances ne pouvaient les traverser. Leurs 
armes principales étaient de longues lances, des javelots et des 
massues garnies de fer. Ils avaient des casques en fer, en cuivre 
et en or. Ceux qui combattaient avec des massues portaient aussi 
des boucliers. Ils avaient des espèces de monnaies de cuivre, 
larges de deux doigts, de 1 épaisseur d'un réal de huit. 11 n'y 
a pas longtemps que les habitants de Tototepec, sur les rives de 
la mer du Sud, en ont abandonné l'usage. Il s'y tenait de grandes 
foires tous les vingt jours, mais seulement àTula, Tollantzinco, 
Teotihuacan, Quauhuac, Tullican, Gholollan et dans cinq ou 
six autres endroits ^ ailleurs il n'y avait que des marchés. 

On voit dans les annales des Toltèques que, pendant les trois 
ans un mois et dix-huit jours que dura cette guerre , il ftérit 
trois millions deux cent mille personnes et deux millions 
quatre cent mille du côté de leurs adversaires, en tout cinq 
millions six cent mille; ce qui n'est pas étonnant puisqu'on 
n'épargnait que les vieillards et les enfants, qui, abandonnés à 
eux-mêmes, ne tardèrent pas à mourir de faim et de froid , de 
sorte que le pays devint désert après avoir été si peuplé, qu'on 
voyait des maisons jusqu'au sommet des plus hautes montagnes, 
et qu'il n'y avait pas un morceau de terre inculte. 

[Ixtlilxochitl^ p. I , relat. 5.) 



DES GHIGHIMÈQUES. 21 

vinces qui sont baignées par la mer du 
Nord. 

Quand Iztacquauhtzin eut régné les cin- 
quante-deux ans, il fît prêter serment à 
son fils Topiltzin. Quelques seigneurs qui l'ai- 
maient vinrent assister à cette cérémonie : 
parmi eux se trouvaient Tlacquauhtzin et 
Maxtlatzin. 

Dès que Topiltzin eut pris possession de 
l'empire, il y eut de grands présages de sa 
destruction future, et les Tolteques virent 
l'accomplissement de plusieurs prophéties qui 
leur avaient été transmises par leurs aïeux. 
Elles annonçaient que lorsqu'un roi qui au- 
rait les cheveux hérissés en manière de pana- 
che, depuis le front jusqu^à la nuque, monte- 
rait «ur le trône, la monarchie toltèque serait 
détruite; qu'à cette époque les lapins porte- 
raient des cornes comme des cerfs, et qu'un 
oiseau, nommé huitzilin aurait des ergots 
comme un dindon : ce qui ne manqua pas 
d'arriver, car le roi Topiltzin avait les che- 



32 HBTOII^E 

veux comme je viens de le dire, et la pro- 
phétie relative aux lapins et au huitzilin 
s'accomplit aussi pendant son règne. L'on 
vit encore d'autres prodiges qui effrayèrent 
le roi. Il réunit les prêtres et les devins 
pour les expliquer, et p^x-ci lui annoncèrent 
sa destruction. L'histoire rapporte qu'il fit 
venir alors ses intendants, leur confia se3 
trésor^s les plus précieux qui existassent dans 
ce temps-là, et leur ordonna de les emporter 
dans la province de Quiahuitilan » tant il 
craignait les rois qui s'étaient révoltés et les 
prodiges qui avaient eu lieu. 

Bientôt après commencèrent la stérilité et 
la famine; les hommes moururent en grand 
nombre ; les vers et les charançons {gorgojos) 
dévorèrent les grains qu'ils avaient dans leurs 
greniers, et ils éprouvèrent une foule d'autres 
calamités. On eût dit qu'il pleuvait du feu, et 
il y* eut pendant vingt-quatre ans une si 
grande sécheresse , que les rivières et les 
sources se tarirent. Les rois ses ennemis. 



DES CHIGHIMÈQUES. 33 

voyant qu'il était hors d'état de résister, s'a- 
vaticèrent contre lui avec une puissante ar^ 
race, 6t , après lui avoir enlevé un grand 
nombre de villes. presque sans coup férir, ils 
s'emparèrent dd Tula, sa capitale. Topiltzin 
s'enfuit avec la plus grande partie de ses su^ 
jets) mais l'ennemi le rejoignit après quelques 
journées de marche et l 'attaqua < Le premier 
qui fut tué dans le combat , fut le vieux roi 
Iztacquauhtzin, ainsi que sa maîtresse Quet- 
zalxochitzin qui avait presque le même âge que 
lui, c'est-à-dire cent cinquante ans, selon les 

historiens. Les rebelles attaquèrent ensuite, 
dans la province d'Ixtapalapan, les deux rois 
Iztacquauhtzin et Maxtlatzin, qui suivaient le 
parti de Topiltzin. Ces princes périrent mal- 
heureusement après une vigoureuse résis- 
tance. Le roi Topiltzin disparut sans qu'on sût 
jamais ce qu'il était devenu, et, de ses deux fils, 
il n'y en eut qu'un seul , nommé Pochotl, qui 
échappa. Il fut sauvé par sa nourrice , nom- 
mée Tocheneil , qui l'éleva dans les déserts. 



24 HISTOIRE 

Le peu de Toltèques qui survécurent à ce 
désastre se réfugièrent dans les montagnes les 
plus escarpées , dans les forêts et dans les ma- 
récages qui avoisinent le lac de Gulhuacan (i). 
Ainsi finit l'empire des Toltèques qui avait 
duré cinq cent soixante-douze ans. Les rois 
vainqueurs retournèrent dans leurs états 
après avoir perdu la plus grande partie de 
leur armée dans les combats ou par la fa- 

( I ) Sans compter ceux qui se réfugièrent dans des proyinces 
éloignées, il ne restait plus dans le pays que i Bi s Toltèques de 
tout âge et de tout sexe. Quand leurs ennemis se furent retirés* 
ils se divisèrent en cinq bandes, dont quatre se dirigèrent vers 
les quatre points cardinaux; la cinquième, qui se composait de 
quatre cent et quelques personnes, resta dans le pays. Voici les 
noms des nobles qui en faisaient partie : à Gulhuacan , Sutte- 
molcan , sa femme Ozalaxochitl et son fils Nauhyotl , Ca- 
tauhtlixcan avec sa femme llmil^uch et son fils Axoquauh. Ils 
étaient tous deux de la race du grand Topiltzin. Naubyotl 
devint plus tard roi des Culhuas, quand les Toltèques eurent 
pris ce nom , après s'être établis à Gulhuacan. A Tlazalan, il ne 
resta que Mitl , sa femme Gohuaxochitl et ses deux fils Pixahua 
et Axopal , qui plus tard allèrent s'établir à Quechollan et in • 
ventèrent de nouveau l'art de travailler l'or et les pierres pré- 
cieuses, qui avail été oublié. A Tototepec il n'y avait plus que 
Nacaxoch, sa femme et son fils Xiuhpopoca ; à Tepoxomaco , 
Gohuatl sa femme et un fils nommé Quetzalpopoca ; à Gho- 
lolan, quelques prêtres avec la dame dont j'ai parlé plus haut, 
le reste des Toltèques de la cinquième bande, s'éloignèrent 
du lac et s'enfoncèrent dans les bois et dans les marais. 



DES GHIGHIMÈQUES. 25 

mine. Leurs états avaient aussi beaucoup 
souffert, la sécheresse et la disette ayant été 
universelles. Il parait que Dieu voulait châ- 
tier toutes ces nations, car c'est à peine s'il 
survécut quelques Indiens. 

Les Toltèques étaient très-habiles dans les 
arts mécaniques : ils construisirent une quan- 
tité de grandes et belles villes, particulière- 
ment Tollan, Teotihuacan (i), Chololan, Tol- 

(i) On voit encore auprès de Teotihuacan les ruines des 
temples du soleil et de la lune. L'éditeur de Vejrtia rap- 
porte que D. Tomas Ramon del Moral , chargé par le gou- 
vernement de composer une statistique de l'Etat de Mexico, 
lui avait assuré qu'il avait découvert la tête de la statue 
de la lune , qui était d'une dimension colossale, ainsi que le 
piédestal d'un seul morceau sur lequel la statue était posée. 
( Vejrtia^ t. I, p. 240. ) Il ne reste plus de cette ville fameuse 
qu'un petit village nommé. S. Juan de Teotihuacan , à sept 
lieues au nord-est de Mexico. Le temple du soleil (Tonatiuh 
Itzaqual ) était rond et haut de quatre étages qui allaient tou- 
jours en diminuant. On prétend qu'il y avait dans l'intérieur 
un escalier pour monter jusqu'au sommet, mais on n'en dé- 
couvre pas de vestiges. Au haut du temple était une statue du 
dieu recouverte de lames d'or bruni qui réverbéraient les 
rayons du soleil. On dit que cette statue existait encore lors 
de l'arrivée des Espagnols , et que ce fut le premier évéque 
Fr. Juan de Zumarraga qui la fit renverser. Les ruines du tem- 
ple de la lune qui se nommait Miztli Iztaqual sont situées à 
cinq cent cinquante vares plus au nord ; il était de forme 
pyramidale. On voit encore autour les restes de petites buttes 



26 HISTOIRE 

lantzinco et beaucoup d'autres , comme on le 
voit par les ruines considérables qui subsid* 
tent encore. Leurs vêtements étaient de larges 
tuniques semblables à celles que portent les Ja-» 
ponais (i); ils étaient chaussés avec des sai^ 
dales, et portaient des espèces de chapeaux de 
paille ou de feuilles de palmier. Ils étaient peu 
guerriers, mais très-dévoués à la chose pu- 
blique, et grands idolâtres. Leurs principaux 
dieux étaient le soleil et la lune. Selon les 
historiens que j'ai cités , ils venaient du 



qui étaient dédiées aux étoiles, mais ou ignore combien il y en 
avait. {P^eytia^ t. I, p. 229. Boiurini, Idea de un historia, etc. 
p.42.) 

C I ) H est à remarquer qu*à l'époque où écriyaitlxtlilxochitl ,1e 
Japon était rempli de missionnaires espagnols qui pour s'y rea- 
dre ou en reyenir passaient par Mexico et les Philippines , 
et qui souYent s'arrêtaient fort longtemps dans les monastères 
de cette ville. Cette contrée devait donc être parfaitement con- 
nue à Mexico» et notre auteur en parle en connaissance de cause. 
Torquemada , qu'il cite souvent , a inséré dans son ouvrage 
plusieurs relations du Japon. Le père Cavo [HUtoria de Mexi- 
co ^ Mexico , i836 , 1. 1", p. 267) , rapporte qu'en 1610, le 
vice-roi Velasco envoya une ambassade au Japon» et que quel- 
ques années après ( p. 261) , le vice-roi du Japon Voxu-Idates- 
Masamunus envoya en Espagne un ambassadeur qui passa par 
Mexico. 



DES CHIGHIMÈQUES. 27 

côté du couchant, et avaient débarqué sur 
les bords de la mer du Sud : leur destruc- 
tion totale eut lieu en Tannée 959, ou Ce 
Tecpatl. 



CHAPITRE IV. 



Arrivée du grand Chichiméque Xololl dans le pays des 
Toltèques. — Établissements qu'il y fonda (i). 



Les Toltèques étaient détruits depuis cinq 
ans , quand le grand Chichiméque Xolotl , 
ayant appris par ceux qu'il avait envoyés à la 
découverte que \e pays était entièrement 

(i). Voici, d*aprè8 les peintures et les histoires, quels étaient 
les ancêtres du grand Chichiméque Xolotl : 
Tzcauhtzin, bisaïeul de Xolotl, régnait dans le nord sur lés 



30 HISTOIRE 

abandonné , arriva pour le coloniser ; ce fut 
en Tannée Macuilli Tecpatl , ou 963. Il venait 
d'une contrée que Ton nomme Chicomoztoc, 
située vers le nord (i). Il pénétra à travers le 
pays des Toltèques, et parvint jusqu'à Tollan, 
leur capitale , où il ne trouva que des ruines 
désertes. C'est pourquoi il ne voulut pas s'y 
établir, mais continua sa route en envoyant 
de tous côtés à la recherche de ceux qui avaient 
échappé au désastre, et faisant chercher les 
endroits les plus avantageux pour s'y établir. 
Il arriva dans un endroit nommé Tenayucan 
Oztopolco , où il y avait beaucoup de grottes 

Ghichîmèques. Il monta sur le trône en l'année Matlactli 
Orne Acatl, ou 439 de rincarnation , et régna 180 ans. Moce- 
loquitzîn, son fils, lui succéda enMactlactli Ome Acatl , ou 
669, et régna i56 ans; il mourut enMactlactli Tochtli , ou 
S25. TUmacatzin gouverna i33 ans, et mourut Tannée même 
de la destruction des Toltèques, laissant deux fils, Achcaubt- 
zin et Xolotl. Comme les livres des naturels ont été brûlés , on 
ne retpottteplns' la liste des roÎB'qui préeédÀrent Icauhtzib à l'ex- 
ception du premier , Chichimecatl ; on sait seulement qu'ils se 
nommèrent Mixcohuatl , Huii^ilopochtli , Rùemac , Nàtffayotl , 
Quauhtexpetla , Nohuaica , Huetzin , Quauhtonal , Mazatzin , 
QuctzaI, ete. ; mais on ignore à quelle époque et dans quel 
ordre ils ont régné. 

( I ) Dans la première relation de la seconde partie, Ixtlil^ochitl 



DES CHiCHIMÈQUES. 31 

et de Cavernes qui étaient les principales de- 
meures de cette nation. Le climat de cet en- 
droit, exposé au levant, était agréable; Tair 
salubre et les eaux bonnes. Il est situé sur 
les bords occidentaux du lac que Ton nomme 
aujourd'hui de Mexico. Après avoir consulté 
le« principaux chefs de son armée, tous ces 
avantages réunis le déterminèrent à y fonder 
sa capitale, et à y fixer sa résidence. Il prit 
tranquillement possession de tout le pays qui 
avait formé l'empire des Toltèques , tant par 
lui-même que par ses chefs , doiit les six prin-- 
cipaux se nommaient Acatomatl, Quahuauh- 
tlapal, Coscaquauh, Mitlictac, Tecpan et Iz- 
taequauh (i). Il le peupla avec son armée, qui. 



dit positivemeiit : « Les Toltèques, les Aeulbuas, les Mexicaiat 
» et toutes les autres nations de ce pays prétendent être de la 
» race chichimèque, ainsi nommée de son roi Chichimecatl qui 

* l'amena dans le Nouveau-Monde, et qui, d'après ce qu'on ra- 
» conte {segun se colige) , était sorti de la grande Tartarie; il 

• donna son nom à ses descendants, et cette routume a été con- 
» servée, de sorte que presque toujours les provinces et les vilhes 
» portent le nom de celui qui les a le premier colonisées. » 

(i) Torquemada nomme ces chefs Tecuatzin , Tzontehuayel, 
Cacatitechcochi, Huihuatzin, Tepozotecua et Itzcuincua. 



32 HISTOIRE 

selon les historiens , était la plus nombreuse 
qu'aucun prince eut jamais avant ou après 
lui dans tout le Nouveau-Monde, car il parait 
qu'elle se montait à plus d'un million d'hom- 
mes, sans compter les femmes et les en- 
fants (i). Les pays qui furent peuplés lors 
de la première colonisation , sont ceu» con- 
tenus dans le cercle formé par les montagnes 
de Xocotitlan , Ghiuhnauhtecatl , Malinalo- 
can, Itzcan, Atlixcahuacan, Temalacutitlan , 
Poyauhtlan , Xiuhtecutitlan , Zacatlan, Tena- 
mitec, Quauhchinanco , Tototepec, Meztitlan, 
Quauhquetzalocan , Atotonilco et Quahuacan , 
c'est-à-dire dans une circonférence de plus 
de deux cents lieues. On laissa vivre le peu 
de Toltèques qui avaient échappé à la des- 
truction. Ils s'étaient réfugiés avec leurs fa- 



(i) Près de Tenayucan, ancienne capitale des Ghichimèques, 
on Toit douze monticules formés de petites pierres ; chacun 
d'eux en a^ait apporté une quand Xolotl fit faire leur dé- 
nombrement. Ce qui prouve bien que leur nombre était in- 
croyable, cet endroit se nomme encore aujourd'hui Nepo- 
hualco, c'est-à-dire lieu du dénombrement. 



DES GHIGHIMÈQURS. 33 

milles à Chapultepec^ Gulhuacan^ Tlaltzalan- 
tepexoxoma, Totolapan, Quauhquechollan ^ 
et sur la côte de la mer du Nord à Tozapan , 
Tochpan, Izienhcaoc, Xicotepec et Chololan. 
Il y en eut même quelques-uns qui allèrent 
s'établir dans le pays de Nicaragua et dans 
d'autres plus éloignés , où la sécheresse et les 
autres calamités dont j'ai parlé ne s'étaient 
pas étendues ( i ) . 

Xolotl avait pour femme la reine To- 
myauh(2), qui lui donna un fils nommé No- 
paltzin^qui était déjà un jeune homme quand 
il entra dans ce pays, et fut un des principaux 
chefs de son armée. Xolotl eut aussi deux filles 
qui naquirent à Tenayucan , où il tenait sa 
cour : l'une se nommait Cuetlaxochitzin , et 
l'autre Cihualxochitzin. Ce prince descendait 

(i) Torquemada , lib. 1 , cap. XIV, dit qu'ils allèrent s'é- 
tablir au Guatemala et sur la côte de Tepilhan de Gampèche. 
VcQrez le chapitre premier de l'histoire du Nicaragua d'Oviedo 
publiée dans cette collection. 

(2) Vejrtia^ lib. I , cap. I , ajoute que l'épouse de Xolotl , 
Tomyauhy possédait de son chef les provinces de Tampico , et 
Tomyauh aujourd'hui Tamiahua. 

12. 3 



34 HISTOIRE 

des anciens rois Theochichimèicjues, dontrèm- 
pire était situé au septentrion , c'est-à-dire à 
Necnametl^ àNaeuiz et dans beaucoup d'autres 
payb^ ainsi qu'on le voit dans l'histoire deè 
rois chichimèques , et comme cela est explique 
dans le chant composé par le^ princes mexi- 
cains Xi uhcôscat^in et Itzcôatzin^ intitulé : 
Chant de rhistoire des rois bhichimèqUes . 
Cette nation porta , dès son origine, le nom de 
Chichimèques, qui, dans cette langue, signi- 
fie les aigles (i). Tel est le sens qu'il faut lui 
donner, et non celui du mot mexicain. On ne 
doit pas admettre non plus l'iilterprétatiori 
barbare que l'on a voulu lui donner, d'après 
les caractères et les peintures. Ce tiôm désigne 
lion pas les suceurs , mais les enfants que les 



( I ) Quelques auteurs ont prétendu que le nom de chichimè- 
que vient de celui de Chicbimecatl leur premier roi, et que 
celui-ci vient de chichen qui signifie sévère. D'autres le font 
venir de la ville de Chichen, mais ils ne disent pas où se trouve 
cette ville dont l'existence m'est inconnue. ^9^/m, 1. 1, cap. XII, 
prétend que cela signifie fils de Chichen , parce que leur pre- 
mier chef se nommait Chichen , mais j'i^ore où il a pris ce 
renseignement. La fin de cet alinéa est fort obsciire. 



DES CHIGHIfllÈQUES. 35 

Chiehiméques eurent avec les femmes tolté^ 
ques. Les historiens ont profité de la syllabe 
labiak pour le faire venir de tepilhuan. 

n y avait environ vingt ans que Xolotl était 
établi dans le pays, quand on vit arriver plu- 
sieurs chefs de sa nation qui amenaient à leur 
suite une grande quantité de monde. Ils se 
nommaient Xicbtecua, Xiyotzoncua, Xaca- 
tlitechcoehi , Huihuatzin , Tepotzoteuea et Itzr- 
cuintecua; il les reçut, et leur ordonna de 
s'établir dans la province de Tepetlaoztoc. 

Les Toltèques qui avaient échappé à la des- 
truction commençaient à se rétablir de leurs 
désastres : ils avaient pour chef Nauhyotzin , 
qui résidait à Gulhuacan , et devint plus tard 
le beau-frère du prince Pochotl. Xolotl leur 
fit demander de lui payer un tribut, et de le 
reconnaître pour suprême, seigneur de tout le 
pays d'Anahuac. Nauhyotzin, au nom de toute 
sà nation , répdtldit qu'ils tenaient ce pays de 
leurs aieûx auxquels il âpparteiiait , et qu'ils 
n'avaient jamais oBéitii paye de tribut à 



36 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES. 

aucun seigneur étranger; que, quoiqu'ils fus-^ 
sent peu nombreux et presque détruits, ils 
voulaient garder leur liberté, et ne reconnaî- 
tre d'autre maître que le soleil et leurs autres 
dieux. Xolotl, voyant qu'ils ne voulaient pas 
se soumettre de bonne grâce, envoya contre 
eux le prince Nopaltzin, son fils, à la tête 
d'une armée; mais il n'avait pas besoin de 
beaucoup de troupes quoique ses adversaires 
eussent réuni le plus de monde possible , car 
ils étaient bien moins habiles que les Chichi- 
mèques dans l'art de la guerre. La bataille se 
donna dans le lac et les marais de Gulhuacan , 
et quoique les Gulhuas eussent l'avantage du 
terrain, parce qu'ils combattaient dans de 
petits canots, ils furent bientôt vaincus et mis 
en fuite par le prince Nopaltzin , qui établit 
Achitomemetl sur le trône des Gulhuas, nom 
que l'on donnait alors aux Toltèques, à condi- 
tion de payer annuellement un tribut à son 
père, le grand Ghichimèque Xolotl. Geci arri- 
va en l'an Mactlatli Orne Galli , ou 984. 



CHAPITRE V. 



Arrirëe des Aculhuas , des Tecpanèques et d'Otomites. -* 
Xolotl les reçoit bien , et leur donne des domaines et des 
terres. — 11 marie leurs chefs avec ses deux filles. — Enfants 
qu'ils eurent. *— Mariage du prince Nopaltzin et de ses en- 
fants. 



Quarante-sept ans après que Xolotl se fiit 
établi dans le pays d'Anahuac, et cinquante- 
deux ans après la destruction des Toltèques , 
c'est-à-dire en 1 01 1 , on vit arriver la nation 
des Aculhuas , qui venait de la partie la plus 
éloignée de la province du Michoacan. Ils 



38 HISTOIRE 

étaient de la même origine que tes Ghiehimé- 
ques, et divisés en trois troupes, dont cha- 
cune parlait une langue différente et avait 
un chef particulier (i). 

Les Tecpanèques avaient pour chef Aculhua, 
c'était le plus puissant, Chieonquauhtli , le se- 
cond, commandait aux Otomites qui venaient 
du pays le plus éloigné et parlaient la langue 
la plus différente des autres. Il parait d'après 
leurs historiens qu'ils étaient partis de l'autre 
côté de cette mer Méditerranée que l'on ap- 
pelle mer vermeille, vers la Californie. Le troi- 
sième, Tzontecomatl, commandait aux vérîta- 

(j) /ir//<7j:'oc^<7/, i^* relation des Ciiichimèques. - 
Les Âculhuas portaient des tuniques en cuir très-bien tanné ; 
elles étaient ouvertes par derant et attachées avec des aiguil- 
lettes, f^es vêtements de leurs femmes étaient de la même ma- 
tièri|e. Ils apportèrent avec eux une idole nommée Gocopitl. 
- Dans les auteurs qui ont écrit sur l'ancienne histoire du 
Mexique , il n'est question que vaguemenl: de ce dieu Goco- 
pitl , qui signifie fils des serpents , de cocome, pluriel de coati , 
sei^n^, et de piil, fils. Le nom de cocome était donné aux 
disciples de Quetzalcoatl , que l'on nommait aussi Gocolcan 
surtout dans les provinces de Chiapa et de Yucathan : il est 
donc présupaable que ce Gocopitl fut quelque discii^le de 
Quetzalcoatl , qui enseigna sa doctrine aux Aculhuas, et fut 
divinisé -âj^rèi sa ihort. 



DES GHIGHIMÈQUËS. 39 

bles Aculhuas. Ces trois cheft se présentèrent 
à Xolotl, le priant de les admettre dans son 
empire, et de leur donner des terres pour s'y 
établir. Celui^i , connaissant leur haute no- 
blesse, se réjouit beaucoup de leur arrivée , 
les reçut três-»-bieii et leur donna des terres 
pour s'y fixer avec leurs vassaux. Il maria ses 
deux filles avec deux d'entre eux, et leur 
céda des villages et des seigneuries. Âculhua 
épousa la princesse Cuetlaxochitzin et reçut 
eh dot la ville d'Atzcaputzalco qui devint là 
capitale de ses états. Chiconquauhtii épousa 
Cihuaxochitl et reçût Xaltbcan qui fut long- 
temps la capitale de la nation Otomite. Xolotl 
donna à Tzontecpmatl la ville de Coati ichan et 
Jui fit épouser Quatetzin (i), fille de Chalchiuh- 
làtohac, seigneur de la nation toltèque et un 
dés priricipàux chefs de la province de Chalco. 
Aculhu^, premier seigneur d'Atzcaputzalco 
et de la nation tecpanèque, eut trois fils de la 
princesse Cuetlaxochitzin. L'aîné, qui se nom- 

(i) Torquemada , tom. ], pag. 26, la nomme Coatetl. 



40 HISTOIRE 

mait Tezozomoc^ succéda à son père;Tlepcoat- 
zin, le second, fut le premier seigneur de 
Tlatelolco; et Acamapichtli, le dernier, régna 
sur les Tenuchcas qui sont les mêmes que 
les Mexicains et furent les derniers qui vin- 
rent s'établir dans le pays et le coloniser. Chi- 
conquauhtli, seigneur de Xaltocanet de la na- 
tion Otomite , eut trois enfants ; sa fille aînée , 
nommée Izipacxochitzin , épousa Chalchiatlo- 
motzin, premier seigneur de Chalco At^nco. 
Son fils , Macuilcoatl Ochopantecuhtli , fut le 
premier seigneur de la province de Mezti- 
tlan ; l'autre, Tzontecomatltecuhtli, eut un fils 
nommé Tlacotzin qui épousa la fille de Cozca- 
quauh , un des premiers seigneurs et fonda- 
teurs de la province de Chalco. Le prince No- 
paltzin épousa à la même époque Azcaxochitzin, 
fille légitime du prince Pochotl et petite-fille 
de Topiltzin , dernier roi des Toltèques. Cette 
union établit une paix solide et perpétuelle 
entre les deux nations qui commencèrent à 
s'unir par des mariages. Azcaxochitzin eut 



DES GHIGHIMÈQUES. 41 

trois flls nommés Tlotzinpochotl, Huizaquen- 
tochintecuhtli et Coxanatzin Atencall. Il avait 
eu auparavant un fils naturel nommé Tenan- 
cacaltzin. 



CHAPITRE VI. 



Des proWùces et des ëtablissemeDtsque Xolotl dokHia à d^aùtres 

seigneurs. 



Jusqu'à Tarrivéè des Aeulhûââ , àùcutl dès 
chefs qu'avait amènes Xolotl n'avait reçu dfe 
domaines partieuliers parte qu'île étaietit ôte- 
cupés à coloniser tantôt une province , tantôt 
utie autre. Mais quand ce pritidè eût fait d'aussi 
grandes coneèssions aux Âculhuas qui étaikit 



44 HISTOIRE 

étrangers , il sentit qu'il était temps de les ré- 
compenser. Il résolut donc de leur distribuer 
des terres selon leur dignité et leur importance, 
ce qu'il fit dans la même année. Il ordonna 
qu'Acatomatl, Quauhatlapal, Coscaquauh, qui 
l'avaient accompagné , et Ghalchiuhtlatonal , 
noble toltèque, se partageassent la pro- 
vince de Ghalco , qui produit abondamment 
toutes les choses nécessaires à la vie. Netzliztac 
reçut celle de Tepeyacac. Xolotl donna 
la province de Macahuacan aux deux der- 
niers , Tecpatl et Quauhtliztac ; il confia aux 
deux fils cadets de Nopaltzin, Huixaquen et 
Goxanatzin, les provinces de Zacatlan et Tena- 
mitec. Ils devinrent par là maîtres de tous 
les pays situés en dehors de la circonférence 
des montagnes dont j'ai parlé plus haut, ce 
qui comprend tout le territoire situé entre la 
Guastèqueetla Mistèque^ domaine digne de leur 
rang , car il contient de vastes et riches pro- 
vinces. Il les afiranchit de tout vasselage et 
tribut envers l'empire, à l'exception de l'hom- 



DES CHIGHIMÈQUES. 45 

mage-lige , de Tobligation de venir à la cour 
quand ils y seraient mandes , et d'amener 
leurs soldats au secours de l'empire en cas 
de guerre. Tous les autres seigneurs , dont 
j'ai parlé plus haut , étaient soumis à des 
redevances et à des tributs. Il accorda aussi 
les mêmes exemptions à ses filles et à ses 
gendres. 

Dans la même année il fit entourer d'une 
enceinte une grande forêt dans les montagnes 
de Tezcuco où l'on traqua une quantité de 
cerfs, de lapins et de lièvres. Il fit ensuite éle- 
ver un Cou (i) ou temple où il offrait au soleil 
les prémices du gibier que lui , son fils No- 
paltzin ou son petit -fils Pochotl prenaient 
chaque matin. Les Chichimèques appelaient le 
soleil leur père, et la terre, leur mère. Ils ne 
reconnaissaient aucun autre dieu ; ils tiraient 



(i) Ce furent les Espagnols qui importèrent des Antilles au 
Mexique le mot eu ou cou pour désigner les temples ; les Mexi- 
cains les nommaient Teocalli (Davilla Padilla, Historia de la 
provincia de Santiago de Mexico. Brusselas» 1826, f>, lib. 1, 
eap. XXIV). 



46 HISTOlItE 

aussi de cette forêt le gibiét* dont ils avaient 
besoin pour leur nourriture ou leur vêtement. 
Xj€S provinces de Tepepolco, Zèftipdalkii , 
Tollantzinco et Tolqûachioean étaient chargées 
de son entretieti. 

Xolotl abandonna au prince Tlotzin, son 
petit-fils, le^ ti^ibuts que devaient payer à l'em- 
pire les provinces de Ghalco, Tlalnahuacaz- 
tlahuic, et toutes celles qui sont sur le fldnc 
du volcan et des montagnes neigeuses jusqu'à 
l'fendroit où finissent celles de Tezcuco, c'est-à- 
dire depuis les vallées que l'on nomme au- 
jourd'hui delà Compania, au nord, jusqu'à là 
province de la M istèque vers le sud, ainsi que 
les plaines et les lacs. Tlotzin établit sa rési- 
dence dans un endroit nommé Tlatzanlatla- 
lanoztôc. Il épousa Pachxochitzin , fille de 
Quauhàutlapal , un des principaux seigneurs 
de la province de Chalco. Il en eut d'abord 
deux filles , Quinantzintlal et Tecatzin , et en- 
suite quatre fils nommés Nopaitzin , Quetia- 

I . ■' ', * I 

chihui, Tochintecuhtli qui fut le premier sei- 



DES CHIGHIMÈQUES. 47 

gneur de la province et de la ville de Huexot- 
zingo^ et enfin Xiuchquetzallitecuhtli , pre- 
mier seigneur de la ville et province de 
Tlaxcalla (i). 



(i) L'histoire de Tlaxcalla a été écrite en langue espagnole 
par D. Antonio Munon Camargo , métis de cette ville, qui vivait 
vers i585, et en langue nahuatl par D. Juan Ventura Zapata y 
Mendoza, cacique de Tlaxcalla, de la famille de Quiahuiztlan. 
C(Mnme je possède le premier de ces deux ouvrages et que je 
compte le publier incessamment, je n'entrerai ici dans aucun 
détail sur cette célèbre république. 



CHAPITRE Vil 



Fin du régne de Xototl. — Sa mort. 



Tlacoxin, fils de Tzontecomatl, chef de Coatli- 

chan et des Âculhuas^ épousa M alinalxochitzin, 

fille ainée du prince Tlotzinpochotl. Il en eut 

deux fils, Huetzin et Ghichimecallihuatzin. 

Voyant que, depuis qu'il était allié à la maison 

impériale, ses charges étaient très -fortes, 
12. 4 



50 HISTOIRE 

quoique son domaine fût de peu d'importance, 
il résolut d'aller trouver le grand Chichimèque 
Xolotl , et de lui demander quelques faveurs 
pour son arrière-petit-fils Huetzin. Il lui pré- 
senta sa demande dans une maison de plai- 
sance que ce prince avait au bord du lac. 
Xolotl le combla de grâces et donna à Huetzin, 
qui éta:it encore enfant , la province de Tepet- 
laoztoc. Elle avait été colonisée par les six chefs 
qui étaient venus les derniers , et payait de- 
puis quatre-vingt-un ans à l'empereur un tri- 
but qui faisait partie de son apanage. Ce fut 
ainsi qu'il augmenta ses domaines. Le tribut 
que payaient ces Chichimèques consistait en la- 
pins, lièvres, cerfs , peaux d'animaux et man- 
teaux de nequen (i). Le prince Nopaltzin, qui 
se trouvait alors avec son père, ordonna à son 
arrière-petit-fils Huetzin d'épouser Âtototzin, 
fille ainée d' Achitometzin , premier roi et sei- 



(i) Le nequen est une étofle fabriquée ayec Vixtli, ou fil 
du maguey. ( F'ojrez Veytia , lib. 11 , chap. 47 , et le chap. î5 
de oèt miTrage. ) 



DES CHIGHIMÈQUËS. 51 

gneur des Âcuihuas ^ et à la plus jeune ^ nom- 
mée Ylaneueîtt, de s'unir à son neveu Aoama- 
pixtli , fils d'Aculhua , premier seigneur d'A- 
tzcaputzalco et roi des Tecpanèques : oes deux 
princesses étaient nièces de sa femme Azcalxo- 
chitl • Les deux mariages furent célébrés comme 
il l'avait désiré en l'an 1050 ou Ce Acatl. 

Les habitants de Tepetlaoztoc se trouvaient 
opprimés par le gouvernement du jeune Hue^ 
tain. Ils lui payaient les tributs qui étaient 
dus j mais ils trouvaient cette charge bien pe- 
sante. Le plus mécontent était Yacanex , leur 
principal chef. Il se hasarda enfin à faire deux 
choses bien hardies.Quand il apprit le mariage 
projeté entre Huetzin son maîtrp et la princesse 
Atototzin , il s'y opposa violemment et la de- 
manda pour lui en menaçant si fort le roi , père 
de la princesse, qu'il en fut très-efFray é , ainsi 
que toute sa cour. Il fit répondre qu'il ne pou- 
vait manquer à la parole qu'il avait donnée 
à Nopaltzin. Cependant Xolotl amusa Yaca- 
nex par des négociations , et finit par envoyer 



52 HISTOIRE 

sa flile rejoindre son époux Huetzin, craignant 
que le rebelle ne la lui enlevât par force, car 
il avait déjà réuni des armes et des soldats. 
Yacanex mit le comble à son audace en re- 
fusant toute obéissance à son souverain Huet- 
zin, et souleva tous les Chichiraèques de la pro- 
vince de Tepetlaoztoc; de sorte que Xolotl, en 
l'an 1062 ou Matlactli Oraey Acatl, voulant 
mettre un terme à tous les désordres et éviter 
une guerre civile, fit appeler Tochintecuhtli , 
fils de Quetzalmacatl, seigneur de Quauhacan, 
homme brave et expert dans l'art de la guerre, 
ainsi qu'un grand nombre de familles chichi- 
méques. Il commença par lui promettre de 
grandes récompenses s'il se tirait habilement 
de la mission dont il voulait le charger, lui 
ordonna de se rendre à Xaltocan et d'y épou- 
ser Tomyauh, son arrière -petite -fille par 
Opantecuhtli , qui venait d'hériter de la sei- 
gneurie de Xaltocan et de la couronne des 
Otomites, et de marcher ensuite à Huexotla 
pour venir avec son armée au secours d'Huet- 



DES CHIGHIMÈQUES. 53 

zin. Xolotl ajouta que dés ce moment il le fai-^ 
sait seigneur de tous ces pavs^ ainsi que de 
Teotihuacanetautreslieux.il lui recommanda 
d'épargner le sang des sujets^ de prendre et 
de tuer Yacanex avec ses complices ^ et, s'il 
ne pouvait y réussir, il devait secourir Huet- 
zin avec son armée et détruire les rebelles 
par la force. Tochintecuhtli exécuta tout ce 
qui lui était ordonné. Il arriva à Huexotla 
l'année suivante 1064 ou Ce Tecpatl. 

Le prince Quinantzin transporta sa cour et 
sa résidence à Oztocticpac , dans la province 
de Tezcuco, et commença à construire cette 
ville. Son père habita Tlazalan, tant parce que 
la position lui parut plus avantageuse que 
pour venir au secours de son neveu Huetzin. 
Deux ans auparavant, ce prince avait fait éle- 
ver trois grandes murailles , l'une depuis le 
bas de la ville d'Huexotla jusqu'au lac, la se- 
conde autour de la ville de Tezcuco, qu'il avait 
commencé à fonder : elles étaient destinées 
toutes deux à protéger les plantations de mais 



54 HISTOIRE 

et d'autres ^ains qui servaient de ilourriture 
aux Aculhuas et aux ToltèqUes. La troisiéiney 
auprès delà ville de Tepetlàoztoc, formait un 
parc pour les cerfs, 1^ lièvres et les lapins. 
Il chargea de la garde de ces mui^illes deux 
chefe aculhuas , qui se nommaient Acotoch -et 
Coacueh. Quoique la garde de la dernière en- 
ceinte fut de nature à leur plaire , et que les 
deux autres fussent destinées à protéger l'a- 
griculture, qui n'était pas encore bien répan- 
(kre chez les Aculhuas , ils regardèrent cette 
commission comme une charge si pesante , 
qu'ils se liguèrent avec le rebelle Yàcanex et 
d'autres bandits, ce qui força Quinantzin et son 
neveu Huetzin à réunir leurs troupes à celles 
de Todiintecuhtli , premier seigneur de Hue- 
xotla, pour attaquer l'ennemi en deux ett*- 
K^oits différents. Huetzin marcha vers l'cn- 
droitoù est bâtie aujourd'hui lavillede Chiauh- 
tla, où Ifô rebelles s'étaient fortifiés. Le primée 
leur livra une sanglante bataille dans laquelle 
il périt beatiieoup de monde des <ieux cotés; 



I^a GfllÇHIHÈQUES. 55 

ks rei>^lle$ furent coipplëtement défaits. Leur 
çhçf Yao^^ej^ se réfugia sans tarder dans les 
montagnes situées du côté de Panuco, où il 
i>her<^4À $e f(Hi;ifier. Quinantziq culbuta aussi 
le$ forces iies bandits Cfui lui étaient opposées; 
mais Acotocby qui les commandait , trouva 
le nioyen de lui échapper et diercha à se ré- 
fugier auprès de Ya^anex. Dès lors le pays 
fut entièrement pacifié, et jusque dans les pro- 
vinces les phis éloignées on ne s'occupa plus 
qu'à lecoïoniser et à le cultiver. Dans la même 
année, Aculhua, chef d'At^capiit^alco, fit aussi 
la guerre àCozcaque, un des Chichimèques re- 
belles, qui avait soulevé la province deTepo- 
zotlan , qui appartenait à Aculhua. Cozcaque , 
battu et mis en déroute , se retira auprès de ses 
complices. Ces combats, les premiers que li- 
vrèrent les Chichimèques, eurent lieu cent 
quarante ans après la destruction des Toltè- 
ques, c'est-à-dire en l'an 1075, nommé Mac- 
tlactli Ome Tecpatl. 

Le grand empereur des Chichimèques Xo- 



56 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

loti mourut dans la ville de Tenayucan , la 
cent douzième année de son règne et cent 
dix-sept ans après la destruction des Toltè- 
ques^ à l'époque la plus prospère du Nouveau- 
Monde. On lui fit des funérailles magnifiques^ 
et son corps fut enterré dans une des caver- 
nes de sa résidence , en présence de presque 
tous les princes et seigneurs de son empire (i) . 



(0 M. Waldeck possède deux précieux manuscrits sur pa- 
pier d*aloès , où sont représentés les principaux événements 
du règne de Xolotl. Au commencement, on le Toit assis sur son 
trône , environné de sa femme et de ses filles , au moment où 
les trois princes aculhuas viennent lui demander des terres; 
on y trouve leur mariage , leur descendance, ainsi que la vic- 
toire de Nopal tzin surNanhyotl. 



CHAPITRE VIII 



Le prince Nopaltzin succède à Tempire. — Histoire de son 

règne. 



Aussitôt que Ton eut rendu les derniers 
honneurs à Xolotl , les princes et les nobles 
prêtèrent serment à Nopaltzin, son héritier lé- 
gitime, en qualité de seigneur suprême et 
universel. Il gouverna si bien que, pendant 
trente-deux ans que dura son règne , aucun 



58 HISTOIRE 

seigneur n'osa remuer; il les contint dans To- 
béissance; et l'empire, qui comprenait les pro- 
vinces des Chichimèques, la Mistèque et le 
Michoacan, jouit de la plus grande prospérité. 
A la même époque, Cal zotzamotzin hérita de 
la couronna des Aculhuas et fut confirmé par 
Nopal tzin. C'est le troisième roi de cette na- 
tion. 

Outre les lois qu'il tenait de ses aïeux, No- 
paltzin proclama les suivantes. Il défendit 
sous peine de mort de mettre le feu aux prai- 
ries et aux forêts sans sa permission , hormis 
dans les cas de nécessité . Personne ne devait 
toucher au gibier pris dans des filets tendus 
par un autre, ou aller à la chasse sans per- 
mission, sous peine de voir confisquer son arc 
et «ses flèches^ H était défendu de s'emparer 
du gibier blessé |Ma.r un autre, quand inéni^ 
etx le trtMiverait dans les chainpis. Jm petnie de 
mortétaîl; awsi ^neoiirue par ceax q^»ii idé- 
l^qg'CraieatJes bornes qui diyîi^iant les chtôr 
sefs ^pparteii^nt à différents piirticwliers. M^ 



DES GHIGfllMÈQUES. 59 

adultà^es des deux sexes dévaît^Qt être mis à 
mort à coups de flèches* Il promulgua e&core 
plusieuris autres lois nécessaires à cette (^)oque 
pour le bon gouvernement de l'empire» 

Son petit-fils, le prince QuinantrinTlatecal- 
tzin, qui avait établi sa résidence dans la viHede 
Tezcuco , épousa Quauhtzthuadti , fille die To- 
chintecuhtli , premier seigneur de Huexotla. 
Il en eut cinq enâints nommésChicommcatzin, 
Memeloctzin/Matsicolti^n, TochpiM et Te- 
chodalazin, qui hérita die l'empire par les rai- 
sons que je din^i plus bas. Huetzin, qui avait 
épousé la princesse Atototzin, en eut sept 
lenfants : Acolmiztli , qui lui succéda, et 
<]ox(K;hit^in , Coazanac, Quecholtecpanizin- 
Quauhtladatli, Tlatonal-Tletliopeuhqui > Me*^ 
moxoltzin - Itzitlolinqui et Chiicomacatzin* 
Matzicolque ; celui-ci et Aca I<tacai»ex allèrent 
ii Hu^KotziticO) et Memexoltzin à l^laKcaUan. 

Tochiïïtecuhtli , premier seigneur de Hiie^ 
xotla, «ut dte Tomyauiitzin cinq ^enfimts : Mat- 
zicoltzin, Qâauhcihuatsân , qui fut raine de 



60 HISTOIRE 

Tezcuco; Quiauhtzin; Nenetzin, qui épousa 
Acoiuiztli^ seigneur de Coatlichan ; etYaotl. 

Le second fils d'AcuIhua, nommé Tlepcoat- 
zin, épousa Ghiehimecazoatzin^ sœur de Huet- 
zin, seigneur de Coatlichan; il en eut deux 
enfants : Quauhquauhpizahuac , second sei- 
gneur de Tlatelolco, et une fille qui épousa 
Ghalchiuchtlatonac ^ son cousin^ qui devint le 
premier seigneur de Cuyoacan, 

Acamapichtli , dernier fils d'Aculhua, eut 
trois enfants de sa femme Ilancuéitl : Huitzi- 
lihuitzin , second seigneur des Tenuchcas et 
roi des Culhuas; Ghalchiuhtlatonac , le pre- 
mier seigneur deCuyoacan, comme je l'ai dit 
plus haut; et Xiuhtlatonac^ qui fut tué par 
Huepantecatl. Tous les princes dont je viens 
de parler naquirent sous le règne de Nopalt- 
zin. J'ai fait mention de leurs généalogies, 
parce que la plus illustre noblesse delà Nou- 
velle-Espagne descend de ces princes. 

A la fin de son règne, Nopaltzin passait 
presque tout son temps dans la forêt de Tez- 



DES CHIGMIMÈQUES. 61 

cuco, à laquelle on avait déjà donné le nom de 
Xolotepan ou temple de Xolotl; il s'occupait 
à donner des instructions et des conseils à 
son fils Huetzin sur la manière de gouverner 
l'empire, qui était très-florissant, et auquel 
étaient soumis une quantité de rois et de sei- 
gneurs très-puissants. Il lui rappelait sou- 
vent la haute valeur de ses ancêtres et de son 
aïeul Xolotl , dont il ne parlait qu'avec re- 
gret et les larmes aux yeux. 

Nopaltzin mourut dans la ville de Tenayu- 
can, en l'an 1 1 07, nommé Macuitli Acatl , et 
fut enseveli à côté de son père. Sa perte excita 
une grande douleur dans tout l'empire; pres- 
que tous les seigneurs assistèrent à ses ob- 

m 

sèques. 



V 



CHAPITRE IX. 



Règne de Huetzin. 



Aussitôt qu'Huetzin fut monté sur le trône 
et qu'on lui eut prêté serment, il s'occupa 
promptement de la culture. Gomme du temps 
de son aïeul Xolotl il avait presque toujours 
habité la province de Chalco, et qu'il avait tou- 
jours eu beaucoup de rapports avec les Chai- 



64 HISTOIRE 

cas et les Tenucheas, parce que sa mère était 
leur reine légitime, il sentit combien le maïs 
et les autres grains et légumes étaient néces- 
saires pour soutenir la vie humaine. Il avait 
surtout appris de Tecpoyo Achcauhtli, son 
ancien précepteur, qui avait son habitation 
et sa famille sur le rocher de Xicco, la manière 
de cultiver la terre. Comme il était devenu 
trèvS-habile dans cet art, il ordonna partout 
de s'y adonner : cela parut très-avantageux 
à la plupart des Chichimèques , qui obéirent 
volontiers; mais un certain nombre, vou- 
lant conserver les mœurs de leurs aïeux, se 
retirèrent dans les montagnes de Meztitlan, de 
Tototepec, et dans d'autres parties éloignées, 
sans cependant oser se révolter comme l'a- 
vaient fait Yacanex et ses alliés. Ce fut à cette 
époque que l'on commença partout à cultiver 
la terre, à planter du mais, des grains, des 
légumes et du coton dans les terres chaudes 
pour servir à l'habillement. 

Voici quelles étaient les cérémonies en usage 



DES CHIGHIMÈQUËS. 65 

au couronnement de l'empereur des Chichi- 
méques , et lorsqu'on lui prêtait serment. On 
le couronnait avec une herbe nommée pach- 
xochitl qui croît dans les montagnes; on lui 
mettait sur la tête des panaches de plumes 
d'aigle royal montées dans des tuyaux d'or 
ornés de pierreries que l'on nommait eocoya- 
hualotl^ et d*autres panaches de plumes vertes 
nommés tecpilotl, que l'on attachait avec des 
courroies de cuir de cerf teintes en rouge. 
Quand cette cérémonie avait été faite par les 
anciens de la nation^ on allait dans une espèce 
de parc où l'on avait réuni des bêtes féroces 
de toute espèce avec lesquelles on combattait^ 
et l'on faisait mille prouesses. Après les avoir 
tuées et dépecées, couru, sauté, tiré des flè- 
ches les uns contre les autres, on se réunis- 
sait dans les palais , qui étaient de grandes ca- 
vernes; l'on y servait un festin composé de 
toute espèce de gibier boucané sur des grils 
(barbacoas), et non séché au soleil comme 

quelques-uns l'ont cru, car les Chichimèques 
12. 5 



66 HISTOIRE 

ont toujours couni^ l'usage du feu. Ils avaient 
même la coutume, quand ils prenaient pos- 
session d!un pays, d'en allumer sur les plus 
hautes mot^tagnes. On voit dans les histoires 
(jue Xplôtl en agit ainsi quand il conquît l'A*- 
nahuâé. Ëti temps de guerre, ils faisaient des 
signaux sur les hauteurs avec de la fumée. 
Chaque famille vivait ensemble, et ceux qui 
n'avaient pas de cavernes qui forinaient leurs 
principales habitations , construisaient des 
huttes en paillé. Le gibier était partagé entre 
toute la famille de celui qui l'avait tué, mais 
ta peau était la propriété exclusive du chas- 
seur, ils en composaient leurs costumes^ sa- 
vaient très-rbîen les tanner et les préparer. 
Dans la saison froide, ils portaient le poil en 
dedans; et pendant le temps des chaleurs, qui 
esb le même que eèliii des pluies , ils le met- 
taient^n dehors. Les rois et les seigneurs 
portaient sous les peaux des étoffes de ne- 
quen très -fines ou de coton lorsqu'ils en 
avaient. Ils ne pouvaient prendre qu'une seule 



DES CmCHmÈQUES. 67 

femipe;^ qi^i ne devait pas être leur parente 
même à un degré éloigné; cependant, plus 
tard, ils épousèrent leurs cousines germaines 
et leurs tantes , edutume qu'ils prirent des 
Toltèques. La nation chichimèque fut la plus 
belliqueuse ' de tout le Nouveau -Monde ; 
c'est pourquoi elle subjugua toutes les au- 
tres. 

Après un règne de trente-six ans, Huetzin- 
Pochotl mourut en 1 1 41 , ou Ce Tochtli , et fut 
enseveli auprès de son père et de son aïeul. 
Lesprinces et les seigneurs assistèrent à ses fu- 
nérailles, qui se célébraient de la manière sui- 
vante. Aussitôt après la mort, on accroupissait 
le cadavre et on l'attachait avec les vêtements 
et les insignes royaux; on le plaçait sur le 
trône, et l'on faisait entrer ses enfants et ses 
parents , qui lui adressaient la parole avec des 
larmes et des gémissements. Ils s'asseyaient 
autour de lui jusqu'au moment de le porter à 
la caverne où il devait être enterré. On y avait 
creusé un trou circulaire de plus d'une toise 



68 HISTOIRE DES CHICHIMÈQUES. 

de profondeur, dans lequel on le descendait et 
on le recouvrait de terre. 

Huetzin fut le dernier qui tint sa cour à Te- 
nayucan; son fils Quinantzin ne voulut pas 
y résider, parce qu'il avait construit de fort 
beaux édifices dans la ville de Tezcuco, où 
il tenait sa cour : il donna donc Tenayucan 
en apanage à son fils Tenancacaltzin. 



CHAPITRE X. 



Règne de Quinantzin. — Arrivée des Mexicains. — Généalogie 
d'Acomiztli , seigneur de Coatlichan. 



La ville de Tezcuco fut fondée du teraps des 
Toltéques , sous le nom de Catlenichco ; elle 
fut détruite en même temps que cette nation 
et reconstruite par les empereurs chichimè- 
ques^ particulièrement par Quinantzin, qui 
l'orna beaucoup , y établit sa résidence et en 



70 HISTOIRE 

fît la capitale de Tempire. Après Tarrivée des 
Chichimèques, ceux-ci lui donnèrent le nom de 
Tezcuco, c'est'k dire lieu où ton s'arrête^ parce 
que ce fut laque s'établirent toutes les nations 
qu'il y avait alors à la Nouvelle-Espagne. 

Aussitôt que Quinantzin-Tlatecaltzin eut ren- 
du les derniers devoirs à son père, à Tenayu- 
can, il revint à Tezcuco avec tous les seigneurs, 
qui y avaient assiste et ceux qui étaient arri- 
vés depuis. Il se fît reconnaître et prêter ser- 
ment comme souverain seigneur, et y résida 
toujours dans la suite. 

L'année même de la mort de Huetzin, les 
Mexicains arrivèrent dans l'endroit où est au- 
jour d'hui la ville de Mexico (i). Elle faisait 

(i) Presque tous les auteurs varient sur l'époque de la 
fondation de Mexico. Ixtlilxochitl , dans ses Relations , la place 
tantôt en 1140 , tantôt en 1142, tantôt en 1220; Munon Ga- 
m^rgo, dans son Histoire de Tlaxcalla, eii 1 i3i ; Alràro Tezo- 
zomoc, en i326; Chimalpain , en i325; D. Juan de Ventura 
Zapata, en 1821 ; Torquemada, en 1 341^ EnricoMartinez» dans 
son Reportorip de los TiempoSy en 135;; D. Carlos deSigueuça 
yGongora,en 1827. 

Jusqu'à ixrasent la question n'a pas étë examinée avec assez 
de soin pour qfi'on puisse formuler une opinion à cet égard, 
mais elle mérite de l'ébre. 



DES GHIGHIMÈQUES. 71 

alors partie des dc»naines d'AcuIhua^ seigneur 
' d'4tecaputzal€0. D'après les peintures et lés 
eartotères.des histoires anciennes ^ ces Indiens 
v^aient des confins de la province de Xalisco; 
il paraît t[u'ils étaient de la même race que les 
Toltèques et de la famille du nob]e Huetzin^ 
qui avait échappé avec sa fomille et ses ser- 
viteurs lors de la destruction des Toltèques , 
et demeurait alors à Chapultepec, qui fut dé- 
truit plus tard. On raconte qu'il traversa avec 
eux le pays de Michoacan et se réfugia dans 
la province d'Aztlan, où il mourut, et qu'il eut 
pour successeurs Ozolopan son fils et Aztlal son 
petit-fils, qui eut pour héritier Ozolopân se- 
cond. Celui-ci , se rappelant le pays de ses an- 
cêtres, prit la résolution d'y i^tourner avec 
toute sa nation, que l'on nommait déjà Meze- 
tin. 11 la commandait, ainsi que Izcahui, 
Guexpal, Yopi, et, selon d'autres, Aztlai et 
Âcatl. Il avait aussi avec lui sa s€Bur, femme 
très-courageuse, nommée Maïkctaî. C'est ainsi 
qu'il «arriva à l'endroit dont je yiens de parler. 



72 HISTOIRE 

après bien des aventures qui sont rapportées 
dans les histoires. Les Mexicains conduisaient 
avec eux leur principale idole Huitzilopochli , 
qui les gouvernait par l'organe de ses prê- 
tres. Pour se mettre à l'abri des malheurs qui 
les avaient affligés ^ ils résolurent de se pla- 
cer sous la protection du roi d' Atzcaputzalco , 
sur les terres duquel ils s'étaient établis , 
et lui demandèrent quelqu'un pour les gou- 
verner. Ce prince leur donna deux de ses fils, 
car ils étaient divisés en deux bandes^ appelées 
Tenuchcas et Tlatelolcas, de l'endroit qu'elles 
habitaient. Les Tenuchcas avaient trouvé au 
haut d'un rocher un nopal ou figuier d'Inde, 
sur lequel était un aigle occupé a dévorer un 
serpent, et en avaient pris leur nom; les Tla- 
telolcas tiraient le leur d'une ile au milieu de 
laquelle était un monticule de sable. Tlep- 
coatzin fut nommé par Aculhua chef et sei- 
gneur de ces derniers , et Âcamapichtli com- 
manda aux Tenuchcas. Ils furent les premiers 
chefs des Mexicains, ce qui anoblit cette na- 



DES GHICHIMÈQUES. 73 

tion. Leur puissance augmenta; ils pensèrent 
alors à se venger de ceux qui les avaient ofiFen- 
sés, et particulièrement des Gulhuas, qui s'é- 
taient montrés très-opposés à eux, quoiqu'ils 
fussent de la même nation. Us surprirent donc 
un matin la ville de Gulhuacan et la saccagè- 
rent sans que les habitants pussent la défen- 
dre. La seconde année de leur établissement, 
ils firent la guerre à Tenancacaltzin , sei- 
gneur de Tenayucan , mais sans pouvoir le 
vaincre. Tenancacaltzin fut si irrité de ce que 
les princes mexicains ses cousins avaient 
trempé dans cette offense, qu'il se retira dans 
les pays du nord qu'avaient habités ses aïeux. 

Ce fut à cette époque que commencèrent les 
querelles et les guerres civiles entre parents. 
Les premiers tyrans furent les rois d'Atzca- 
putzalco. Les Mexicains en profitèrent pour 
s'agrandir aux dépens des Tecpanèques, jus- 
qu'à la province de Atotonilco. 

Atomilco, seigneur de Goatlichan, eut qua- 
tre enfants de Nenetzin, sa femme, savoir : 



74 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUËS. 

Coxcox, qui hérita de l'empire des Culhuas; 
Huitzilihuitzin } Mozocomatzin ^ qui hérita de 
Goatlichan; et uiie fille nommée Tozquent2iB> 
qui épousa Techotlalatzin , qUi devint dans là 
suite empereur des Ghichimèques. 



CHAPITRE XI. 



Guerres, civiles entre les Ghichimèques et autres , qui eurent 

lieu sous le règne de Quinantzin. 



Si Huetziti s'était beaucoup occupé à faire 
cultiver là terre , le règne de Quinantzin fut 
encore plus avantageux aux Ghichimèques. 
Ce souverain leur fît construire des villes et des 
villages seloti l'usage des Toltèqûes, et les ti- 
ra de la vie sauvage. Cette conduite raécon- 



76 HISTOIRE 

tenta cependant beaucoup de Chichiméques , 
parmi lesquels se trouvaient les quatre aines 
des cinq fils du roi, ainsi que beaucoup de sei- 
gneurs et de nobles qui prirent les armes 
contre lui. Les premiers qui se révoltèrent fu- 
irent ceux qui étaientétablis à Poyauhtlan. Us 
brûlèrent beaucoup de champs cultivés, et se 
liguèrent avec le rebelle Yacanex, dont j'ai 
parlé plus haut, qui s'était réfugié, suivi d'au- 
tres bandits, dans les provinces septentrio- 
nales. Ils entraînèrent dans leur révolte les 
habitants de Meztitlan, Tototepec, Tepepolco 
et d'autres endroits moins importants. Ayant 
réuni une nombreuse armée, sans que Qui- 
nantzin put s'y opposer, ils marchèrent contre 
la ville de Tezcuco et l'attaquèrent de quatre 
côtés différents, par Chiuhnautla, Zoltepec, 
Fatlachiuhcan et les montagnes de Tezcuco. 
Quinantzin rassembla son armée le plus 
promptement possible, et l'ayant divisée en 
quatre corps , il dontia le commandement du 
premier à Tochintecuhtli , qui devait marcher 



DES GHIGHIMÈQUES. 77 

contre Yacanex, campé à Ghiacunauhtla. Son 
frère , Nopaltzin Xuetlachihuitzin , s'avança 
avec le second contre Zoltepec, défendu par 
Ocotoch, autre rebelle, qui commandait une 
partie des naturels de Meztitlan etTototepec. Le 
troisième corps, sous les ordres de Huetzin, sei- 
gneur de Goatlichan, marcha vers le défilé de 
Patlachiuhcan , où se trouvaient presque tous 
les nobles de Meztitlan et Tototepec. Quinant- 
zin prit lui-même le commandement du qua- 
trième, et s'enfonça dans les montagnes du côté 
de Xochimilco , où était logé le reste des gens 
de Meztitlan et de Tototepec. Il avait avec lui 
Zacatitechcochi et les Indiens de Tepepolco , 
dont il était gouverneur. L'attaque eut lieu en 
même temps sur tous les points ; les rebelles 
furent vaincus malgré leurs efforts, et l'on en 
prit un grand nombre; le reste s'enfuit, chau- 
dement poursuivi par Quinantzin , jusqu'à 
une montagne nommée Tepeazco, située près 
des confins les plus éloignés de la province 
de Tepepolco. Huetzin, Nopaltzin etTochinte- 



78 HISTOIRE 

cuhtii eurent un succès semblable; ce der- 
nier tua de sa propre main le vieux rebeHe 
Yacanex. Nopaitzin tua aussi Acotocbtlî; lirais 
}e combat finit mal heùreusemetit pour Iiïi, 
car s'étant avancé trop loin à ta pout^Uîte de 
l'ennemi^ il fut pris en flanc par les habitants 
de Tollantzinco, qui avaient dresse une embus- 
cade y et fait prisonnier sans que ses soldats 
pussent le défendre. 

Aussitôt que Qîiinantzin eut réuni de nou- 
veau son àrmét, il envoya châtier les provin- 
ces rebelles, qui se soumirent à lui. Les Chi- 
chimèques , qui s'étaient réfugiés dans les 
provinces du nord , y restèrent menant une 
vie de bandits, sans reconnaître ni. roi ni sei- 
gneur, et sont encore aujourd'hui dans cet 
état. 

Tous les prisonniers , particulièrem«it les 
quatre fils de Quinantzin et les nobles de 
Poyauhtlan, furent envoyés dans les provinces 
de Tlaxcallan et de Huexotzinco , comme su- 
jets des princes qui gouvernaient ces états : 



DES CHÏCHIMÈQUES. 79 

ils étaient frères de Quinantzin. Quoiqu'ils 
fussent exilés par châtiment, ils en furent 
très-bien reçus, et devinrent souverains de ces 
provinces : c'est d'eux que descendent ceux 
qui les gouvernèrent dans la suite. 

A cette même époque, Coxcox hérita du 
trône des Culhuas , par la mort de Calcoza- 
metzin, dont j'ai parlé. Il fit la guerre aux 
Mexicains au sujet de frontières , et alla au 
secours du grand-prêtre de Chololan , nommé 
Iztantzin , qu'il crut devoir aider contre les 
habitants de Quauhcholan , Ghalchiuhapan et 
autres Chichimèques qui s'étaient établis dans 
ce pays. Il lui amena toutes les troupes qu'il 
put réunir et celles que lui donna Quinantzin , 
chassa du pays tous les Chichimèques qui 
avaient attaqué le grand-prêtre et les habi- 
tants de Chololan. 



CHAPITRE XII. 



Arrivée des Tlailotlaques et des Ghimalpanèques. — Quinantzin 
Ies''étab]it dans la ville de Tezcuco et dans d'autres, parce 
qu'ils étaient des ouvriers très-habiles. — Guerres qui eu- 
rent lieu jusqu'à la mort de ce prince. 



Peu de temps après que Quinantzin fut mon- 
té sur le trône , il arriva de la province de la 
Mistèque deux nations nommées Tlailotlaque 
et Chimalpanèque : elles étaient aussi de la 
race des Toltèques. La première avait pour 

chef Aztatlitexcan , ou, d'après l'histoire gé- 
12. 6 



82 HISTOIRE 

nérale, Coatlilepan. Ces Indiens étaient sur- 
tout habiles dans l'art de peindre et de rédiger 
les histoires. Leur idole principale se nommait 
Tezcatlpopoca. Les Chimalpanéques avaient 
pour chefs deux seigneurs nommés Xiloquet- 
zin et Tlacateotzin , de la famille de Quinant- 
zin : c'est pourquoi ce prince les maria avec 
deux de ses petites-filles. Xiloquetzin épousa 
Coaxochitzin , fille de Chicome Acatl, son 
fils. Tlacateotzin reçut la main de Tezocaci- 
huatzin^ fille de Memexoltzin. L'empereur 
choisit parmi les Indiens qu'ils avaient amenés 
les principaux et ceux qui lui parurent les 
plus convenables , et les établit dans la ville 
de Tezcuco. Il envoya le reste dans d'autres 
villes, dans de s faubourgs particuliers, où ils 
sont encore aujourd'hui et où ils ont conservé 
leur nom. Ces deux nations avaient résidé 
longtemps dans la province de Chalco. 

Vers la fin du règne de Quinantzin , il y eut 
une révolte dans les provinces de Cuitlahuac, 
Huehuetlan, Totolapan, Huastepec et Zaio- 



DES GHIGHIMÈQUES. 83 

lan. La première appartenait alors aux sei- 
gneurs mexicains Tlepcoatzin^ Acamapichtli 
et Mizquic. La ville d'Acatlan était à Amintzin^ 
seigneur de Chalco Atenco. Huehuetlan obéis-- 
sait à Huetzin^ seigneur de Goatlichan. Toto- 
lapan faisait partie des domaines de l'empire, 
et les dernières avaient pour souverains Aca- 
citzin et Tlacatempa , tous deux nobles de la 
province de Chalcô.Quinantzin, voulant apai- 
ser l'insurrection, oixlonna aux seigneurs voi- 
sins de soumettre les révoltés. Les deux rois 
des Mexicains , Tlepcoatzin et Acamapichtli , 
marchèrent contre Cuitlahuacan. Ce fut la 
première occasion où les Mexicains prirent 
les armes pour venir au secours de l'empire. 
Amentzin, seigneur de Chalco Atenco, s'a- 
vança vers Mizcuic et Acatlan ; Huetzin , sei- 
gneur de Tlapican, occupa la province de Chal- 
co, malgré Zoiolan; et Quinantzin en per- 
sonne attaqua Totolapan. Toutes ces provinces 
furent facilement châtiées et soumises de nou- 
veau à l'empire. Il n'y avait pas de guerre 



84 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES. 

dans les autres provinces éloignées, parce 
que les habitants étaient peu nombreux, quoi- 
qu'ils augmentassent peu à peu. Toutes les 
guerres avaient donc eu lieu dans le cercle 
formé par les montagnes dont j'ai parlé plus 
haut. Une foule de seigneurs puissants cau- 
saient tousces désordres ; mais pendant le reste 
de la vie de Quinantzin, ils neremuèrentplus, 
et n'osèrent faire aucune tentative pour se 
soustraire à son autorité. Il mourut âgé de 
cent deux ans , en l'année 1 253 , ou Chicuey 
Calli , dans la forêt Tezcutzinco, et fut enterré 
comme ses ancêtres. 



CHAPITRE XIII. 



Régne de Techotlalalzin. 



Bien que Techotlalatzin fut le plus jeune 
des fils de Quinantzin, on le choisit pour lui 
succéder à cause de ses Ycrtus, et parce qu'il 
avait toujours été soumis à son père. Il avait 
eu pour nourrice une dame toltèque, native 
de Gulhuacan; elle se nommait Papaloxo- 



86 HISTOIKE 

chitli. Il fut le premier qui parla la langue 
nahuatl , que Ton nomme actuellement mexi- 
caine, car ses ancêtres ne s'en étaient jamais 
servis. Il ordonna à toute la nation chichimè- 
que de la parler, particulièrement à ceux qui 
étaient revêtus d'emplois publics. Tous les 
noms de lieux étaient dans cette langue, qui 
servait à expliquer les lois et les peintures. 
Cet ordre fut très-facile à exécuter, car déjà 
à cette époque les Ghichimèques étaient pres- 
que entièrement mêlés avec les Toltèques. 
Ces derniers avaient fondé quatre villages 
sur les flancs de la montagne de Quexachte- 
catl; ils passaient pour connaître le mieux 
les rites et les cérémonies religieuses. Ils y 
avaient construit des temples , dans les- 
quels étaient placées les idoles de leurs faux 
dieux; mais ayant eu une grande querelle 
pour savoir auquel de ces dieux on accorde- 
rait la suprématie, Côxcox, qui était alors 
roi des Culhuas, les chassa de cet endroit, et 
les dispersa en plusieurs lieux. Les principaux 



dis GHICHIMÈQUES. 87 

se réfugièrent dans la yille de Tezcuco, et 
prièrent Techotlalatzin de leur donner des 
terres pour s'y établir. Il leur accorda Un 
établissement dans la ville de Tezcuco ^ parce 
que c'étaient des gens civilisés et qui pouvaient 
servir ses projets. Ils y fondèrent quatre 
quartiers ; car les Gulhuas , comme on nom- 
mait alors les Toltèques, formaient quatre 
tribus. Le premier fut habité par la tribu de 
Mexitin, dont le chef se nommait Ayocan; 
le second par les Gulhuas, qui obéissaient à 
Noyotl ; le troisième par les Huitzinahuaques, 
sous les ordres de Tlacomihua; et le quatrième 
par les Pancas , dont le chef était Achitometl : 
quelques-uns furent aussi envoyés dans d'au- 
tres villes et villages. 

La fondation de ces quatre quartiers eut 
lieu en l'an 1301. Les nouveaux habitants 
étaient très-civilisés ; ils apportaient avec eux 
un grand nombre d'idoles qu'ils adoraient, 
parmi lesquelles on distinguait Huitzilopo- 
chtli et Tlaloc. Techotlalatzin aimait tant les 



88 HISTOIRE 

Toltèques , que non-seulement il leur permit 
de s'établir au milieu des Ghichimèques ^ mais 
d'élever des temples et d'y faire des sacrifices 
publics^ ce que son père Quinantzin n'avait 
jamais voulu souffrir. Ce fut de son temps 
que commencèrent à prévaloir les rites et les 
cérémonies des Toltèques. 

Techotlalatzin épousa Tozquentzin, fille 
d'Acolmiztli, seigneur de Goatlichan, et en 
eut cinq fils-: Ixtlilxochitl , premier du nom, 
Chochxochitzin , Tenancacaltzin , Acatlotzin 
et Tenanahuacatzin. On donna pour nour- 
rice au prince Ixtlilxochitl , qui était né dans 
la forêt de Tzinacanoztoc , une dame nommée 
Zacacuilmitzin , native de la province de Te- 
pepolco, et on lui assigna pour les frais de 
l'entretien du prince les villes suivantes ; 
Tepetlaoztoc , Teotihuacan, Tezoyucan, Te- 
pechpan, Ghiuhnautlan, Cuextecatlichocayan, 
Tepepolco , Tlalaxapan , Tizayucan, Ahuate- 
pec, Azcapochco et Quauhtlatzinco. 

Aculhua, roi d'Atzcaputzalco, mourut à la 



DES CHIGHIMÈQUES. 89 

même époque : il eut pour successeur Tezo- 
zomoc (i). Son règne avait été fort long, car, 
d'après les histoires, il parait que les sei- 
gneurs acuihuas et chichimèques vivaient 
deux ou trois cents ans , avantage que ne con- 
servèrent pas leurs descendants quand ils se 
furent livrés aux voluptés , aux festins et à 
la polygamie. Ils n'avaient, dans ces temps 
reculés, qu'une seule femme, et tant qu'elle 

était enceinte, et même longtemps après ses 
couches, ils évitaient tout rapport avec elle. 



(i) Nous avons vu plus haut (chap. V) que la ville d'Atz- 
caputzalco avait été fondée par Aculhua , gendre de Tem- 
perènr Xolotl ; d'autres auteurs ont prétendu que son fon- 
dateur se nommait Huetzin-Tecuhtli , mais j'ignore sur quelles 
bases repose cette opinion. Les successeurs d' Aculhua furent 
Guecuez , Quauhtzintecutli , llhuicamina , Matlaccohuatl , 
Tezcapuctli , Teotlehuac , Tzihuactlatonac , enfin Tezozomoc, 
dont il est ici question , et qui monta sur le trône à l'âge de 
quatre ans. 11 fut suivi de Maxtla , qui perdit le trône que son 
père avait gagné. Son fils Aquenithueztli ne fut plus qu'un 
simple cacique , vassal du roi de Tezcuco , ainsi que Yohual- 
paï, son frère , dont le fils , Tezozomoc II , fut condamné à 
mort par le roi Netzahualpiitzintli. Comme on le verra dans 
la suite de cette histoire , après un interrègne de quelques 
années , il eut pour successeur son fils Tlaltecaltzin , qui 
régnait depuis dix ans , quand les Espagnols arrivèrent au 
Mexique. {To^ez Torquemada, liv. 111, ch. vi.) 



CHAPITRE XIV. 



Guerres de Tezozomoc et des seigneurs mexicains. — Il augmente 
ses états. — Acamapichtli hérite du trône des Gulhuas du chef 
d*llancueitl, sa femme. — Fin du règne de Techotlalatzin. 



Aussitôt que Tezozomoc fut monté sur le 
trône, il convoqua ses deux frères TIepcoatzin 
et Acamapichtli ^ seigneurs de Mexico , dans 
l'intention de faire la guerre à Tzompan- 
tecuhtli^ roi des Otomites, qui tenait alors 
sa cour à Xaltocan. Après avoir réuni leurs 



92 HISTOIRE 

troupes aux habitants de Quauhtitlan et de 
Tepotzotlan, ils marchèrent contre les Oto- 
mites^ et leur firent une guerre si cruelle qu'ils 
s'emparèrent de tout le royaume, et que 
leur roi fut forcé de se réfugier dans la 
province de Meztitlan, qui lui appartenait 
aussi. Techotlalatzin , voyant ce désordre, 
réunit son armée à Chiuhnautla pour obser- 
ver de là les desseins des Tecpanèques et des 
Mexicains. La nuit où Tzompantecuhtli fut 
défait et où il perdit la ville de Xaltocan, une 
troupe d'Otomites passa en fuyant devant son 
armée; ils traînaient avec eux un grand nom- 
bre de vieillards, de femmes et d'enfants. 
L'empereur, pensant que c'était un gros d'en- 
nemis qui voulaient pénétrer sur le terri- 
toire deTezcuco, les poursuivit jusqu'à Tozon- 
tepec, où il reconnut que c'étaient des fuyards. 
Ayant appris leurs malheurs et voyant que 
c'étaient des gens civilisés, il les fit' retour- 
ner sur leurs pas, et leur donna des terres 
et des villages dans la province que Ton a de- 



DES GHIGHIMÈQUES. 93 

puis nommée Otompan, avec ordre de la colo- 
niser. Depuis cette époque, Tezozomoc resta 
maître de la province des Otomites et de celles 
de Mazahuacan, Quauhtitlan et Tepozotlan, 
où il accorda aux Mexicains des terres et des 
villages. Il arriva encore d'autres Otomites 
de la province de Culhuacan et du royaume 
des Tecpanèques pour demander aide à Tem- 
pereur, parce que Tezozomoc, leur maître, 
les accablait d'impôts et de tributs exces- 
sifs qu'il augmentait chaque jour. Ils furent 
très-bien reçus , et on leur donna des terres 
dans la province de Yahualiucan et Macapan, 
où ils s'établirent. 

A cette époque, Acamapichtli, roi des Tenu- 
chcas , se voyant puissant, et pouvant compter 
sur le secours de Tezozomoc et de son frère 
Tlepcoatzin , chercha à s'emparer du royaume 
des Culhuas , auquel il croyait avoir droit 
du chef de sa femme, quoiqu'elle ne fût que la 
fille cadette d'Achimetzin. Il réussit facilement 
dans son entreprise; Coxcotzin , qui était alors 



94 HISTOIRE 

roi des Acuihuas , se trouvait presque sans 
soldats y parce qu'il avait abandonné la pro- 
vince de Coatlichan à son frère Mocomatzin , 
dansrespéranced'hériterdutrônedesCulhuas, 
ce qui lui arriva en effet. Des divisions exis- 
taient entre les Culhuas au sujet de leurs ido- 
lâtries et des antiquités de leurs dieux. Aca- 
raapichtli s'empara donc du royaume sans 
opposition , et Coxcotzin se retira à Coat- 
lichan. Il y fut suivi par quelques Culhuas qui 
s'y établirent ; d'autres se réfugièrent à Tez- 
cuco, comme je l'ai dit plus haut. Acamapichtli 
ne voulut pas résider à Culhuacan, capitale 
de ce royaume ; il y mit seulement pour gou- 
verneur son petit-fils Quetzaizin^ fils deChal- 
chiuhtlatonac^ seigneur de Coyohuacan. 

Acamapichtli et son frère Tlepcoatzin , sei- 
gneur de Tlatelulco , moururent tous deux à 
la même époque, après un régne de cinquante 
et un ans ^ selon l'histoire générale, qui est Tau^ 
toritéqueje suis. Ce dernier eut pour succès^ 
seur Huitzilihuitzin, qui épousa Tetzihuatzin, 



DES CHIGHIMÈQUES. 95 

fille d'AcoIhuacatzin^ seigneur de Tlacopan. 
Cette femme lui donna huit enfknts ^ savoir : 
Ghimalpopocatzin , qui lui succéda ; Matlaltzi- 
huat2in^ qui épousa Ixtlilxochitzin, roi deTez- 
cuco; Omipozteczin , Tlatopilia, Zacahuehuet- 
zin et Itzcoatzin, qui futplus tard roi de Mexico. 
Tlepcoatzin eut pour successeur à la couronne 
de Tlatelotlco , Quaquauhpitzahuac qui épousa 
la fille de Coaxochitzin^ seigneur de la race de 
Goatlichan. Il eut deux fils, Amantzin, Tla- 
cateotzin, troisième roi de Tlatelolco , et une 
fille nommée Matlalatzin. 

Le roi Tezozomoc avait épousé Ghalchiuhcoz- 
catzin, dont il eut onze enfants : Maxtla, qui lui 
succéda dans la suite ; Tecuhtlipaltzin , Tayat- 
zin , Cuetlacihuatzin , qui épousa Tlacateot- 
zin, seigneur de Tlatelolco; Quetzalxochitzin , 
mariée à Xilomantzin, fils de Quetzolin, roi 
deCulhuacan; Izihuacxochitzin à Acolnahue- 
catzin, seigneur de Tlacopan; Chalchiuhci- 
huatzin à Tlatocatlatzacuilotzin. Elle avait d'a- 
bord épousé Tecpatl , seigneur des Atotoniles, 



96 HÏSTOIKE 

qui la répudia. Son père voulut ensuite la 
donner pour femme légitime à Ixtlilxochitzin, 
roi de Tezcuco, qui la refusa et ne voulut la 
prendre que comme concubine , ce qui fut une 
des causes pour lesquelles Tezozomoc usurpa 
Tempire. Ses derniers enfants furent : Papa- 
loxochitzin, qui épousa Apantecuhtli, seigneur 
de Coatlichan, et deux autres filles. 

Vers la fin du règne de Techotlalatzin, Qua- 
quauhpitzahuac , seigneur de Tlatelolco, étant 
mort, Tlacateotzin , son fils, lui succéda. Ce 
prince eut trois enfants de sa femme Huet- 
lacihuatzin , fille de Tezozomoc : une fille et 
deux fils jumeaux nommés Tzontecomatzin et 
Quauhlatoatzin. Huitzilihuitzin mourut à la 
même époque. Il eut pour successeur à Tenu- 
chtitlan, et dans le royaume des Culhuas , 
Ghimalpopocatzin , qui épousa Matlalatzin , 
fille de Quaquauhpitzathuac, roi de Tlatelolco. 
Elle lui donna sept enfants , dont les deux der- 
niers furent deux fils : Quatlecoatzin et Mo- 
lecuhzomatzin Uhuicamina, premier du nom. 



DES CHIGHIMÈQUES. 97 

qui devint roi de Mexico , quoiqu'il fut le plus 
jeune de ses frères. 

Quelque temps après, l'empereur Techotla- 
latzin mourut à Tezcuco, dans son palais 
d'Oztoticpac , après un règne de cent quatre 
ans; il fut très-regretté par tous ses su- 
jets. Selon l'histoire générale, la Nouvelle- 
Espagne était alors divisée entre soixante- 
sept seigneurs , qui presque tous assistèrent à 
ses funérailles, célébrées l'an 1357 ou Chi- 
cue Calli (i). 

( i) Dans sa huitième Relation des Chichitiaèques, Iztlilzochitl 
donne la liste suivante des seigneurs qu'il y avait dans l'Anahuac, 
sous le règne de Techotlalatzin : 

I. Tezozomoc, roi d'Alzcaputzalco , chef de la nation des 

Tecpanèques. 
3. Payntzin de Xaltocan , de nation Aculhua. 

3. Acamapichtli, roi de Mexico- Tenuchlitlan et des Aculhuas. 

4. Mocomatzin, de Gohuallichan, de nation Aculhua. 

5. Mixcohuatzin , roi de Tlatelolco. 

6. Quetzalatecuhtli \", chef des Xuchimilcas. 

7 . Izmatetlopac , de Guitlahuac. 

8. Ghicuath' , seigneur de Mizquic. 

9. Pochotl , seigneur de Teyacuac et Ghalco-Atenco. 

10. Omaca, seigneur de Tlalmanalco. 

1 1 . Gacama » seigneur de Ghalco. 

1 2. Gocaztzin, seigneur de Quauhquechollan. 

1 3. Temacatzin , roi de Huexotzinco. 

12. 7 



DES GHIGHIMÈQUES. 99 

5o. Le seigneur de Itztaocan. 

5i. — Zicualhuaztepec. 

52. — Atlizco. 

53. — Quiahuiztlan. 

54. — Xaltepetlapan. 

55. — Xalatzinco. 

56. — Totlamihuacan. 

57. — Tecalco. 

58. — Techatopan. 

59. — Topoyaiico. 

60. — Xaltocan-Teapasco. 

61. — HueymoUan. 

62. — Xilotepec. 

63. Quanhquetzaltzitt, seigneur de Otompan. 

64. Aculhua, seigneur de Teotihuacan. 

65. Tochintzin, seigneur de Ziauhtnauhtlan. 

66. Xemetzin, seigneur de Tepechpan. 

67. Tlatéecaltzin , seigneur de Tezoyocan. 

68. Le seigneur de Meztitlan. 

69. — de Tototepec. 

70. — de ToUan. 

71. Huipilmanatzin f seigneur deCbiauhtla. 

72. Tecauhtlatohuazin , seigneur de Papalotlan. 

73. Iztlacoltzin» seigneur de Tepetlaoztoe. 



102 HISTOIRE 

les seigneurs mexicains , et leur dit entre au- 
tres choses qu'il était très-irrité contre Ix- 
tlilxochitl, à cause de son orgueil et de ses 
prétentions, qu'il ne voulait pas reconnaître 
d'égaux , tandis que c'était à lui , Tezozomoc, 
qu'appartenait l'empire , puisqu'il était petit- 
fils de Xolotl , qui en avait été le premier fon- 
dateur ; que d'ailleurs c'était un jeune homme 
qui avait trop peu d'expérience pour conser- 
ver un aussi vaste empire, et qu'il ne voulait 
ni lui prêter serment ni le reconnaître pour 
son suzerain; que loin, de là, il prétendait le 
soumettre et se faire reconnaître par lui 
comme son seigneur avec l'aide de ses parents , 
qui étaient nombreux et puissants ; qu'il comp- 
tait parmi eux , outre les deux seigneurs des 
Mexicains, ceux d'Acolman et de Coatlichan , et 
qu'il les attirerait facilement dans son parti , 
ainsi que tous les princes de sa maison et leurs 
vassaux. 

Les seigneurs mexicains lui répondirent 
qu'ils approuvaient son projet, mais qu'il 



CHAPITRE XV. 



Âvënement au trône de Tempereur Ixililxochitl-Ometochtli. 
— l^ezozomoc et les seigneurs mexicains refusent de le re- 
connaître. — Ils excitent une révolte dans l'empire. 



Aussitôt que les obsèques de Techotlalatzin 
furent terminées, les seigneurs qui y avaient 
assisté prêtèrent serment à Ixtlilxochitl. Ce- 
pendant Tezozomoe, ayant reçu la nouvelle 
de la mort de l'empereur par Teyococoatzin, 
seigneur d'Acolman, son petit-fils, convoqua 



104 HISTOIRE 

avril 1402 ou Ce Acatl à la fin du mois de 
Tocozintlan. Sa naissance fut très-remarquée 
par les astrologues et les devins de ce temps- 
là. Elle eut lieu au lever du soleil , à la grande 
joie de son père. Dès le jour de sa naissance, 
on lui donna des villages qui devaient pour- 
voir à son entretien , et, «pour prendre soin de 
son éducation, des gouverneurs, parmi les- 
quels se trouvait Huitzilihuitzin, qui passait à 
cette époque pour un grand philosophe à leur 

manière. 

Les seigneurs les plus éloignés de la cour, 
voyant les prétentions et dispositions du roi 
d' Atzcaputzalco , en profitèrent pour se sous- 
traire à la dépendance d'Ixtlilxochitl, de sorte 
que sa puissance diminuait peu à peu , et il 
n'osait marcher contre eux pour les châtier , 
parce qu'il avait, comme l'on dit, l'ennemi 
dans sa maison , qui pouvait facilement s'en 
rendre maître , et il en était instruit. Il remit 
donc cette expédition à un autre temps, et 
chercha à gagner le rebelle Tezozomoc et ses 



DES CHIGHIMÈQUES. 105 

alliés; mais il ne put en venir à bout en au- 
cune manière. Il prit alors les armes, et leva 
une armée dans les six provinces qui 1 ui étaient 
restées fidèles. Les principales étaient celles de 
Tollantzinco et Tepepolco ; les seigneurs de 
Huexotla, Coati ichan, Acolraan et dix ou 
douze autres ne l'avaient pas abandonné; ce^ 
pendant la fidélité des deux derniers était 
très-douteuse. 

Ixtlilxochitl , ayant réuni le plus de monde 
qu'il put, entra dans les provinces rebelles 
et commença à châtier celles qui dépendaient 
de son domaine privé , et qui avaient pris se- 
crètement le parti des Tecpanèques, comme 
Xaltepec, Otompan, Axapochco, Temazcala- 
pan et Tolquauhyocan. 



CHAPITRE XVI. 



On prête serment au prince Netzahualcoyotzin comme héritier 
de Tempire dans les états tenus à Huexotla. — I^ guerre 
civile éclate entre Tezozomoc et Netzahualcoyotzin pour la 
possession de Tempire. 



En Tannëe 1414 ou Matlactli Orne Tochtli, 
Ixtlilxochitl réunit les états du royaume, et 
y convoqua les chefs et les seigneurs de son 
parti pour traiter avec eux des moyens de 
réduire le roi d'Atxcaputzalco et ses alliés, qui 
voulaient s'emparer de l'empire. Ils convin- 



1 08 HISTOIRE 

rent qu'il fallait avant tout reconnaître Netza- 
hualcoyotzin comme légitime héritier, lui prê- 
ter serment, et attaquer ensuite les villes de 
Mexico et d'Atzcaputzalco du côté du lac. L'ar- 
mée qui était occupée à châtier les villes 
rebelles dans les états de Tezcuco devait pé- 
nétrer sur le territoire des Tecpanèques et se 
présenter devant Atzcaputzalco, Tout cela fut 
exécuté; on prêta serment à Netzahualcoyotzin 
qui n'avait que douze ans. Les généraux qui 
furent choisis pour conduire cette guerre fu- 
rent Tzoacnahuacatzin, qui devait commander 
l'attaque du côté du lac , et Coacuecuenotzin , 
chargé de pénétrer par terre sur le territoire 
de l'ennemi, qui, de son côté, avait réuni 
une nombreuse armée , et tout ce qui lui était 
nécessaire , non-seulement pour se défendre , 
mais même pour attaquer Ixtlilxochitl. 

Tlacateotzin , roi de Tlatelulco , général de 
l'armée des Tecpanèques, s'avança par eau 
contre Tzoacnahuacatzin : et l'avant rencontré 
avant qu'il fut parvenu au milieu du lac, il 



DBS CHIGHIMEQUES. 109 

l'obligea à se retirer et à l'attendre sur la rive 
qui est située du côté de Tezcuco, où ils se 
livrèrent un sanglant combat sans qu'aucun 
des deux partis put l'emporter. L'armée d'Ix- 
tlilxochitl ne put cependant traverser le lac, 
et attaquer Mexico et Atzcaputzalco, 

L'année suivante nommée Ce Acatl , le jour 
nommé Matlactli Ome Tecpatl , qui était le 
sixième du onzième mois, les Tecpanèques 
arrivèrent du côté d'Actazuacan , et s'empa- 
rèrent de tous les villages du royaume de 
Tezcuco jusqu'à Ixtlapalapan , malgré les ef- 
forts des habitants pour les défendre. Un 
grand nombre fut tué ou réduit en esclavage, 
entre autres Quauhxilotzin , gouverneur d'Iz- 
tlapalapan. Presque toutes les maisons furent 
pillées et brûlées : ce fut la première victoire 
que remportèrent les Tecpanèques. Coacue- 
cuenotzin entra avec son armée dans la pro- 
vince de Xilotepec, et arriva jusqu'à Citlalte- 
pec et Tepozotlan ; de là, saccageant tous les 
villages qui résistaient, il parvint jusqu'à 



110 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

Quauhtitlan , où il mit en déroute les Teepa- 
nèques, qui lui opposaient une nombreuse ar- 
mée. Il marcha ensuite contre Guetlacfatepec, 
et ayant campé sur les flancs de la montagne de 
Temacpalco, il mit le siège devant Atzca* 
putzalco^ sans y laisser entrer par ce coté 
aucun secours d'hommes ou de vivres. Le 
blocus dura quatre ans; et, si l'on eût suivi 
ses conseils, on eût fini par s'en emparer et 
par la détruire, ce qui eût sauvé l'empire. 



CHAPITRE XVII. 



Tezozomoc, assiégé daes sa capitale par l'eaipereur Ixtlilxochit), 
demande une trêve, promettant de se soumettre. 



Tezozomoc, voyant que, depuis quatre ans 
que durait la guerre contre les Chichimèques , 
il n'avait pu les dompter, que loin de là ils 
lui avaient tué un grand nombre de soldats , 
et qu'ils étaient sur le point de s'emparer 
de sa capitale, résolut d'employer d'autres 



112 HISTOIRE 

moyens sans exposer à de nouveaux dan- 
gers sa personne et ses alliés. Il sollicita une 
trêve, promettant de se soumettre à Ixtlilxo- 
chitl et de conclure la paix, qu'il assurait 
désirer de bonne foi. Il expédia donc un em- 
bassadeur à l'empereur, qui , n'écoutant que 
la générosité de son caractère et sans réfléchir 
aux inconvénients qui pouvaient en résulter, 
fît lever le siège d'Atzcaputzalco, et envoya 
ses soldats se reposer dans leurs villages, res- 
tant seul et sans gardes dans la ville de Tez- 
cuco. Tezozorooc, le vovant sans méfiance, 
crut le moment propice pour mettre son pro- 
jet à exécution. Il feignit de vouloir donner 
une fête sur les flancs d'une montagne nom- 
mée Chiuhnauhtecatl , en l'honneur de la 
paix qu'il prétendait vouloir conclure avec 
Ixtlilxochitl. Sous prétexte de faire célébrer les 
danses, les jeux et les divertissements usités 
par les souverains en pareille occasion, il 
mena avec lui une assez forte armée. Son in- 
tention était d'attaquer à l 'improviste les ha- 



DES GHICHIMÈQUES. 113 

bitants de Tezcuco, et de massacrer Ixtlilxo- 
chitl et toute sa suite. Les rois de Mexico 
trempèrent dans ce complot, ainsi que les 
autres princes de la famille de Tezozomoc , 
dont j'ai parlé plus haut. Celui-ci s'établit 
dans une maison de campagne, nommée Te- 
mamatlac , où il attendit Ixtlilxochitl. Ce 
prince, averti que le rusé vieillard cachait une 
trahison sous des apparences de fête , ne vou- 
lut pas y paraître; mais il n'eut ni le temps 
de fortifier sa capitale, ni celui de faire venir 
des secours. D'ailleurs presque tous les chefs, 
et même quelques nobles de sa maison en qui 
il avait la plus grande confiance, avaient re- 
joint Tezozomoc, et pris part à la conjura- 
tion. Ixtlilxochitl résolut de lui faire dire 
qu'il ne pourrait aller le trouver parce qu'il 
était malade, et qu'il le priait de remettre les 
fêtes à un autre jour. Son frère Tocuiltecatl 
Acolotli , qu'il chargea d'une mission si dan- 
gereuse, perdit tout espoir de salut, recom- 
manda ses enfants à l'empereur son frère, 

12. 8 



114 HISTOIRE 

et le supplia de les laisser jouir des deux vil- 
lages de Quauchiocan et d'Ilquixquinahuac , 
qu'il venait de lui donner si nouvellement 
qu'il n'avait pas encore eu le temps d'en pren- 
dre possession. L'empereur l'encouragea , le 
consola et lui représenta qu'il courait les 
mêmes dangers , puisqu'il était seul et sans 
secours, et que non-seulement le rebelle l'at- 
taquait à la tête de ses sujets , mais que ses 
propres vassaux l'avaient abandonné pour se 
réunir à ses ennemis. 

Ixtlilxochitl fit revêtir son frère du costume 
impérial, l'orna de bijoux d'or et de pier- 
reries, et lui donna pour l'accompagner un 
certain nombre de ses serviteurs , à la tête 
desquels il se rendit à la forêt de Temamat- 
lac, dans les montagnes de Ghiuhnauhtecatl. 
Quand le prince y arriva , il trouva tous les 
rebelles rassemblés en conseil. Il y avait par- 
mi eux plusieurs des principaux nobles de 
Tezcuco , ainsi que des provinces de Huexo- 
tla , Goatlichan , Ghimalhuacan , Coatepec ^ 



DES GHIGHIMÈQUES. 115 

Itztapalocan et Âcolman, qui avaient amené 
tous leurs partisans. Ayant salué le rebelle 
et ses compagnons y il leur délivra le mes- 
sage dont il était chargé; mais on lui ré- 
pondit que c'était Ixtlilxochitl que Ton avait 
demandé. On le saisit ensuite, et, après l'a- 
voir écorché tout vivant, l'on recouvrit de sa 
peau un rocher du voisinage. Tous ceux qui 
l'avaient accompagné subirent le même sup- 
plice. Ixtlilxochitl apprit cette nouvelle pen- 
dant qu'il se préparait à repousser l'ennemi , 
qui, voyant qu'il n'avait pu réussira s'em- 
parer de sa personne , s'avançait en toute hâte 
dans l'espérance de le surprendre et de sac- 
cager sa capitale. Malgré toute leur diligence , 
Tezozomoc et ses alliés ne purent exécuter 
leur projet aussi facilement qu'ils l'avaient 
espéré; car Ixtlilxochitl se défendit dans cette 
ville plus de cinquante jours , pendant les- 
quels il se passa divers événements. Un noble, 
nommé Toxpilli, qui était un des favoris 
d'Ixtlilxochitl , se mit à la tête des habitants 



116 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

d'un quartier , nommé Chimalpanéca , et tua 
quelques-uns des principaux serviteurs de 
l'empereur qui avaient embrassé le parti des 
rebelles; parmi eux se trouvaient Iztactecpo- 
yotl et Huitzilihuitl. La multitude pénétra 
dans leurs maisons^ et les assomma à coups de 
massue. Elle lapida ensuite un riche seigneur, * 
nommé Tequixque-Nahuacatlacaltzin, et traî- 
na son cadavre dans les rues. Ixtlilxochitl , 
voyant qu'il était abandonné même par ses 
courtisans, en qui il avait placé toute sa con- 
fiance, qu'ils se réunissaient aux Tecpanè- 
ques ; que de l'autre côté le peu de nobles et 
d'habitants de Tezcuco qui lui étaient restés 
fidèles, avaient presque tous péi*i, et que le 
peuple était dans la misère et hors d'état de 
se défendre plus longtemps, résolut de pren- 
dre la fuite. 



CHAPITRE XVIII. 



L'empereur Ixtlilxochitl se retire dans les montagnes, et envoie 
demander des secours aux habitants de la province d'Otom - 
pan qui massacrent son général. 



La confusion la plus grande régnait^ non« 
seulement dans la ville de Tezcuco^ mais dans 
tout l'empire. Les uns proclamaient Ixtlilxo- 
chitl et les autres Tezozomoc. Le père embras- 
sait un parti et le fils l'autre; la même divi- 
sion existait entre les frères et les parents. 



418 HISTOIKE 

L'usurpateur et ses complices eurent d'au- 
tant plus de facilité à tout ravager, que le 
même peuple se joignit à eux. La plupart des 
habitants prirent la fuite, et après avoir tra- 
versé les montagnes ils allèrent s'établir dans 
les provinces deTlaxcallan et de Huexotzinco. 
Quand Ixtlilxochitl eut quitté sa capitale, il 
se réfugia dans une forêt nommée Quauhia- 
cac. Il avait avec lui son capitaine général 
Coacuecuenotzin, le prince Netzahualcoyotzin 
et tous ses partisans. Il résista longtemps 
aux rebelles qui le pressèrent tellement qu'il 
fut forcé de se retirer plus avant dans les 
montagnes y dans une autre forêt, nommée 
Tzizcanoztoc. Ayant appris qu'Ixtlacantzin , 
seigneur de Huexotla, Tlalnahuacatl, seigneur 
de Ck>atlichan , et Totomihua , seigneur de 
Coatepec, qui soutenaient son parti, avaient 
aussi été obligés de se replier dans les mon- 
tagnes où ils couraient les mêmes dangers, 
il resolut d'envoyer à la province d'Otom- 
pan , pour demander du secours à Queizal- 



DES GHICHIMÈQUES. 119 

cuitli, qu'il avait mis à la tête des gens de 
guerre de ce pays. II fit donc appeler Goacue- 
cuenotzin, son neveu, qui était général de 
son armée, et lui dit : « Tu vois, mon neveu, 
quels malheurs affligent mes vassaux les 
Âculhuas Chichimèques , puisqu'ils ont été 
obligés d'abandonner leurs maisons pour se ré- 
fugier dans les montagnes. Va dire à nos frères 
les habitants d'Otompan, que les maux de mes 
sujets sont au comble , que nous sommes ac- 
cablés par les Tecpanéques et les Mexicains, et 
que j'implore leur secours; car, si l'ennemi 
renouvelle ses attaques , il achèvera de subju- 
guer l'empire et de disperser les misérables 
Aculhuas de Tezcuco, qui ont déjà commencé à 
se réfugier dans les provinces de Tlaxcallan et 
de Huexotzinco. — Noble et puissant seigneur, 
répondit Coacuecuenotzin , je vous remercie 
beaucoup de la grâce que vous me faites en 
me chargeant de ce message , mais je ne re- 
viendrai pas, il est certain qu'on a déjà pro- 
clamé Tezozomoc dans la province d'Olompan 



1 20 HISTOIRE 

Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas 
abandonner vos serviteurs Tzontecoati et Acal- 
mitone; et, puisque Dieu vous a donné pour 
fils le prince Netzahualcoyotzin , vous pouvez 
les employer à son service. » L'empereur fut si 
touché de ces paroles et des larmes de Coacue- 
cuenotzin , qu'ils restèrent tous deux pendant 
quelques instants sans pouvoir prononcer une 
parole; mais enfin l'empereur reprenant cou- 
rage , lui dit : « Mon neveu chéri , que Dieu te 
protège et t'accompagne ; tu vois que je suis 
aussi exposé que toi; car, pendant ton ab- 
sence, les rebelles m'ôteront la vie. » Ce qui 
arriva en effet. 

Coacuecuenotzin entra par Ahuatepee, parce 
qu'il possédait dans ce pays des villages et 
des fermes, et qu'il voulait envoyer à l'armée 
tous les vivres qu'il pourrait réunir. Aussi- 
tôt qu'on y fut informé de son arrivée , ceux 
deQuauhtlazinco s'emparèrent de sa personne, 
et le conduisirent sur la place publique d'O- 
tompan ou Otumba. Tous les habitants de la 



DES CHIGHIMÈQUES. 121 

province s'y étaient réunis. On lui demanda le 
motif de sa venue , et quand il eut rendu 
compte du message dont il était chargé, un 
capitaine, nommé Quetzalcuixtli , s'écria : 
(c Tous ceux qui sont ici présents ont entendu 
qu'Ixtlilxochitl nous demande des secours, 
mais nous ne lui en accorderons pas; nous 
préférons nous mettre sous la protection du 
grand Tezozomoc notre père. » Icatzone, 
gouverneur de la province , dit ensuite : 
ce Pourquoi irions-nous? Qu'il se défende lui- 
même puisqu'il est un si puissant seigneur, 
et qu'il se vante de descendre d'une race si 
noble. Mettons en morceaux son capitaine gé- 
néral qu'il nous a envoyé. » Il donna en même 
temps l'ordre d'exécuter cette proposition. Le 
premier qui saisit cet infortuné fut un soldat 
nommé Xochpoyoc, natif d'Ahuatepec, et, 
malgré sa résistance, il fut bientôt mis en 
lambeaux par le peuple , qui s'écriait : Vive 
notre grand empereur Tezozomoc ! Icatzone 
s'avança, et demanda qu'on lui donnât les 



1 22 HISTOIRE 

ongles de Coacuecuenotzin qu'il enfila et se 
mit en collier pour l'insulter, disant : « Puis- 
que ces gens sont si nobles , leurs ongles doi- 
vent être des pierres précieuses d'un prix 
inestimable; je veux les porter comme un 
ornement, h Les gens du peuple se diverti- 
rent à se jeter les uns aux autres les lambeaux 
de son corps; on massacra aussi quatre ser- 
viteurs qui l'avaient accompagné. Ce fait eut 
lieu le jour de Macuilli Coati , dix-huitième 
du mois Micailhuitzintli^ ce qui correspond 
au 24 août 1418. Itzicuintlaca , gentilhomme 
d'Ahuatepec, qui se trouvait présent, courut 
en toute hâte pour avertir Ixtlilxochitl. Celui- 
ci , ayant fait appeler la femme de Coacuecue- 
notzin pour la consoler, lui dit : «Ma nièce, 
votre époux, mon neveu bien-aimé et mon 
capitaine général , a rempli son devoir de féal 
vassal, puisqu'il a sacrifié sa personne pour 
ma défense. Prenez courage pour supporter 
les revers que la fortune nous fait éprouver, 
et consolez-vous avec mes fils ici présents. Il 



DES CHICHIMÈQUES. 123 

faut maintenant chercher à échapper à cette 
persécution, » II lui parla encore longuement 
en versant des larmes abondantes, et se re- 
tira ensuite dîans un autre endroit nommé 
Chicuhnayocan , où il passa trente jours dans 
la retraite. 



CHAPITRE XIX 



Fin malheureuse de l'empereur Iictlilxochitl. 



Ixtlilxochitl , se voyant ainsi abandonné de 
tout le monde , laissa ses serviteurs et sa fa- 
mille dans la forêt de Chieuhnayocan , et se 
réfugia dans le profond ravin de Queztlachac, 
n'emmenant avec lui que le prince Netzahual- 
coyotzin et deux capitaines, dont l'un, To- 




1 26 HISTOIRE 

tocahuan^ était natif de Papaiotla , et l'autre 
se nommait Cozamatl. Ayant trouvé un grand 
arbre abattu, il passa la nuit à Tabri de ses 
racines. Le lendemain, jour appelé Matlactli 
Cozcaquauhtli , le neuvième du dixième mois 
Ochpanaliztlique, qui correspond au 24 sep- 
tembre , au lever du soleil , Tezcacoacatl , 
un des soldats envovés à la découverte , vint 
l'avertir en toute hâte qu'il avait aperçu un 
grand nombre de gens armés qui s'appro- 
chaient rapidement. Ixtlilxochitl , voyant que 
l'heure de sa mort était arrivée, et qu'il 
fallait en venir aux mains , dit au peu de sol- 
dats qui lui restaient de chercher à sauver 
leur vie, et que quant à lui il ne pouvait plus 
éviter d'être déchiré par ses ennemis. Puis 
il appela son fils, et lui dit : « Mon fils bien- 
aimé, bras de lion Netzahualcoyotzin , dans 
quel lieu peux-tu te réfugier et trouver un 
parent ou un allié qui veuille te recevoir! 
Mes malheurs vont finir ici; je vais quitter 
ce monde , mais je te recommande de ne 



DES GHIGHIMÈQUËS. 127 

pas abandonner tes sujets et tes vassaux. 
N'oublie pas que tu es Chiehimèque , et tâche 
de recouvrer l'empire dont Tezozomoc te dé- 
pouille si injustement. Venge la mort de ton 
malheureux père, et ne laisse pas reposer 
ton arc et tes flèches. Maintenant, cherche à 
te cacher dans cette foret; car ta mort mettrait 
fin à l'empire et à la race glorieuse de tes 
aïeux. » Le père et l*e fils versaient des larmes 
si abondantes , quHls ne purent ajouter une 
parole. Netzahualcoyotzip , ayant embrassé 
son père, monta sur un arbre dans le feuillage 
épais duquel il se cacha , et d'où il put voir la 
mort malheureuse de l'empereur. Celui-ci s'a- 
vança bravement au-devant des ennemis qui 
étaient presque tous des provinces d'Otom- 
pan et de Chalco, qui venaient de se déclarer 
pour les Tecpanèques, quoique peu de temps 
auparavant il leur eût accordé de grandes fa- 
veurs. Il les chargea bravement , et après s'ê- 
tre vigoureusement cléfendu et en avoir tué 
plusieurs, il tomba percé de plusieurs coups 



1 28 HISTOIRE 

de lance. Les rebelles, voyant qu'un grand 
nombre de guerriers descendaient des monta- 
gnes pour venir à son aide , se contentèrent 
de sa mort , et reprirent en toute hâte le che- 
min d'Otompan, Totocahuan, un des officiers 
d'Ixtlilxochitl , fut le premier qui releva son 
maître, et commença à se lamenter en di- 
sant : ((Oh ! Ometecutli Ixtlilxochitl , la fin 
de tes malheurs et l'heure de ton repos sont 
donc arrivées ! C'est à l'empire à gémir puis^ 
qu'il est orphelin , et qu'il perd sa lumière et 
son père. Que vont devenir le prince Acolmiztli 
Netzahualcoyotzin, mon seigneur, ainsi que 
ses loyaux et malheureux vassaux! » Après 
avoir ainsi parlé, il commença à ensevelir 
le cadavre. Il arriva bientôt d'autres Chichi- 
mèques, parmi lesquels se trouvait un gen- 
tilhomme nommé Chichiquiltzin , natif de 
Tlailotlan. Ils dressèrent de leur mieux une 
espèce d'estrade sur les bords de la rivière de 
Quetlachac qui coule en cet endroit, et y pla- 
cèrent les restes du grand Ixtlilxochitl. Ils 



DES CHICHIMÈQUES. 129 

veillèrent le corps toute la nuit, et le lende- 
main, au point du jour, ils le brûlèrent. Ce 
jour se nommait Matlactli Occolin. Ils gardè- 
rent soigneusement ses cendres en attendant 
qu'ils eussent l'occasion de les placer dans un 
endroit convenable. Cette guerre des Tecpanè- 
ques dura trois ans et deux cent soixante-treize 
jours. Netzahualcoyotzin avait alors quinze 
ans et deux cents jours; il était reconnu comme 
souverain de l'empire chichimèque, et on lui 
avait prêté serment. Ixtlilxochitl fut le pre- 
mier empereur chichimèque dont les obsèques 
furent célébrées de cette manière , qui était 
particulière aux Toltèques. 



12 



CHAPITRE XX. 



Tezozomoc se fait prêter serment comme empereur des Chi- 
cfaimèques. — II o^rdonne de massacrer une quantité d'en- 
fants dans le royaume de Tezcuco. — Proclamation qu'il fait 
l'aire dans la plaine de Totecateopan, où il se fait reconnaî- 
tre souverain par les habitants de Tezcuco et de quelques 
autres proTinces dépendantes de Tempire. 



Aussitôt après la mort d'ixtl ilxochitl , sixième 
empereur des Chichimèques, les assassins se 
hâtèrent d'en porter la nouvelle à Tezozomoc, 
qui leur accorda de grandes faveurs. Il distri- 
bua aussi des récompenses à ses alliés, tel$ 
que les deux rois des Mexicains, Tfacateczin de 



132 HISTOIRE 

Tlatelolco et Chimalpopoca de Tenuehtitlan , 
ainsi qu'à Atecolcocoatzin , seigneur d'Acul- 
man, et à d'autres qui assistèrent aux fêtes célé- 
brées lors de la prestation du serment. La plu- 
part des chefs qui dominaient dans les provin- 
ces éloignées avaient profité de ces troubles et 
de ces désordres pour se détacher peu à peu 
de l'empire , sans reconnaître aucun des deux 
compétiteurs. Tezozomoc avait l'intention de 
les soumettre; mais il en fut empêché par 
d'autres guerres, et par la courte durée de 
son règne (i). 

La première mesure que prit le tyran contre 
les loyaux vassaux d'Ixtlilxochitl, fut de faire 
demander à tous les enfants au-dessous de sept • 
ans qui pouvaient parler, qui ils regardaient 
comme leur souverain légitime, et de faire 



(i) Ixtlilxochitl , rel. lo , dit que Tezozomoc associa à 
Teinpire les rois de Cohuatlichan et d'Âcolman. C'est une 
chose singulière que ce gouTemement par trois chefs que Ton 
retrouve dans toutes les dynasties du Mexique , ainsi qu'au 
Guatemala , et même chez les Muyscas de la Nouvelle- 
Grenade. 



DES CHICHIMÈQUES. 133 

massacrer, ainsi que leurs parents, tous ceux 
qui répondirent Ixtlilxochitl ou Netzahual- 
coyotzin. Il récompensa, au contraire, ainsi 
que leurs familles, tous ceux qui répondirent 
que c'était lui : il inventa cette cruauté pour 
faire exécrer à jamais les noms d'Ixtlilxochitl 
et deNetzahualcoyotzin. Cet ordre fut exécuté, 
et comme les pauvres enfants avaient tou- 
jours entendu dire à leurs pères et à leurs 
mères qu'ils étaient vassaux des deux princes 
chichimèques , presque tous les nommèrent , 
et périrent par la main de ces cruels bour- 
reaux qui en tuèrent plusieurs milliers. Ja- 
mais aucun souverain des Indes- Occidenta- 
les n'exerça de pareilles cruautés. 

Tezozomoc réunit ensuite les nobles et tous 
les habitants des villes, bourgs et villages 
qui dépendaient de l'empire, dans une plaine 
située entre Tezcuco et le village de Tepe- 
tlaoitoc. Un de ses capitaines monta sur un 
Cou ou temple qui se trouvait au milieu de 
cette plaine, et leur dit à haute voix, dans les 



1 34 HISTOIRE 

deux langues chichimèque et toltèque qui y à 
cette époque, étaient répandues dans tout Tenï- 
pire , que dorénavant et sous peine de mort , 
ils devaient reconnaître pour roi et suprême 
seigneur Tezozomoc, roi des Tecpanèques, et 
payer à lui et non au chef d'une autre dynas- 
tie tous les revenus et impôts dus à l'empe- 
reur. Il ordonna ensuite à tous ceux qui ren- 
contreraient le prince Netzahualcoyotzin de 
s'en saisir, et de l'amener mort ou vif en pré- 
sence de Tezozomoc, promettant de grandes 
récompenses à celui qui réussirait à s'emparer 
de sa personne. Netzahualcoyotzin pouvait en- 
tendre cette proclamation deQuauhyacac, col- 
line couverte de bois sur laquelle il s'était re- 
tiré, et où il se tenait soigneusement caché. 
Ceci se passait à la fin de l'année 1418. Pour 
échapper aux embûches du tyran et de ses 
complices, il se retira l'année suivante dans la 
province de Tlaxcallan, dont les seigneurs 
étaient ses oncles. Il y pénétra déguisé en sol- 
dat, et fit une campagne avec les Chalcas, qui 



DES CHICHIMEQUES. 435 

étaient en guerre avec leurs voisins pour les 
limites de leur territoire et la possession de 
certains cbamps. Il y resta caché pendant as-» 
sez longtemps. Mais il tua un jour une femme 
noble^ nommée Zilamauh , dans la maison de 
laquelle il demeurait, parce qu'elle avait vendu 
une quantité de pulque, ou vin du pays, à des 
gens qui s'enivraient, action défendue par 
les lois et qui lui parut indigne d'une dame 
d'un rang élevé. Cette exécution l'ayant fait 
reconnaître , les Chalcas s'emparèrent de lui 
et le menèrent a Toteozitecuhtli, leur roi. Ce- 
lui-ci le fit enfermer dans une cage forte- 
ment construite , et dont il confia la garde à 
son frère Quetzalmalcatzin chef d'une troupe 
nombreuse, et défendit de lui rien donner à 
boire ou à manger durant l'espace de huit 
jours, espérant par ce cruel supplice gagner 
la faveur du tyran Tezozomoc, et venger en 
même temps la mort de cette femme. Quet^ 
zalraalcatzin feignit d'obéir à cet ordre, mais 
il trouva moven de faire tenir secrètement des 



1 36 HISTOIRE 

vivres au prince et de le faire subsister pen- 
dant tout ce temps ; car il avait pitié de lui , 
et regardait comme injuste de le sacrifier à la 
haine du tyran. Les huit jours s'étant écoulés, 
Toteozitecuhtli demanda à son frère si le pri- 
sonnier était mort et se montra très-irrité 
d'apprendre le contraire. Il ordonna que le 
lendemain^ jour où Ton célébrait la grande 
foire du pays y on l'amenât sur la place pour 
être déchiré par le peuple. Quetzalmalcatzin , 
plaignant le sort du prince, entra la nuit 
dans sa prison, lui annonça ce qui venait de 
se passer, le sort qui le menaçait, et ajouta 
qu'il ne le laisserait pas périr ainsi, car il le 
regardait comme l'héritier légitime de l'em- 
pire, et que, par affection pour lui, il voulait 
mourir à sa place. Il changea de vêtements 
avec le prince pour qu'il put traverser les 
gardes et lui conseilla de partir la nuit même 
et de prendre la route de Tlaxcallan, de Huexot- 
zinco , ou de toute autre province éloignée où 
on ne pourrait s'emparer de sa personne. Il lui 



DES GHICHIMÈQUES. 137 

demanda pour toute récompense d'avoir soin 
de sa femme et de ses enfants si les dieux le 
favorisaient, et s'il parvenait à recouvrer 
l'empire. Le prince le remercia de sa noble 
conduite, et lui promit de faire tout ce qu'il 
lui demandait et qu'il méritait si bien par sa 
lovauté. Il sortit ensuite sans être reconnu 
et prit en toute hâte la route de Tlaxcallan, 
laissant Quetzalmalcaltzin dans la cage à sa 
place. Aussitôt que Toteozitecuhtli fut infor- 
mé de ce qui venait de se passer, il fit exécuter 
sur son frère la sentence qu'il avait pronon- 
cée contre Netzahualcoyotzin. 



140 HISTOIRE 

et comraençaient à se tranquilliser quoiqu'on 
les eut dépouillés de leurs biens, de leurs 
meubles et qu'ils fussent gouvernés par des 
usurpateurs , résolut de le partager, ce qu'il 
fit de la manière suivante. Il prit pour lui la 
ville deCoatlichan avec tout son territoire qui 
contenait un grand nombre de villes et de 
villages , s'étendait depuis la province de 
Chalco jusqu'à celle de ToUantzinco, com- 
prenait celles d'Otompan, Tepepolco et Zem- 
poalan, et était entièrement habité par la na- 
tion des Culhuas. Tlacateotzin , seigneur de 
Tlatelolco, reçut Huexotla, autre capitale de 
cette nation , avec un grand nombre de villa- 
ges qui en dépendaient et qui étaient entre- 
mêlés avec ceux qui relevaient de Coatlichan 
et de Tezcuco. Chimalpopoca, roi de Mexico, 
fut investi de cette dernière ville et de toutes 
ses dépendances. Tezozomoc accorda le titre 
de roi à son neveu Ticolcocoatzin , seigneur 
d'Acolman, et à Quetzalmaquiztli , seigneur de 
Coatlichan, et les chargea de gouverner tout 



DES CHIGHIMÈQUES. 141 

Tempire de Tezcuco, confiant à l'un les pro- 
vinces du midi^ et à l'autre celles du nord. Il 
distribua , en outre , une quantité de faveurs 
à d'autres chefs et seigneurs d'une moindre 
importance. Il s'occupa ensuite à soumettre , 
soit par lui-même, soit par ses capitaines , les 
chefs des provinces éloignées qui s'étaient dé- 
tachés de l'empire, et les attaqua vigoureuse- 
ment. Un grand nombre se soumirent volon- 
tairement pour éviter de nouveaux malheurs 
à leurs sujets. Il employa de cette manière les 
six années qu'il vécut encore. 

Netzahualcoyotzin resta tout ce temps dans 
la province de Tlaxcallan, auprès de ses oncles, 
qui en étaient seigneurs. Il leur communi- 
qua ses desseins, et ceux-ci lui indiquèrent la 
manière dont il devait s'y prendre pour re- 
couvrer l'empire. Plusieurs dames mexicai- 
nes , qui étaient ses tantes et ses proches pa- 
rentes , demandèrent sa vie au tyran , qui la 
leur accorda , à condition qu'il résiderait dans 
la ville de Mexico sans pouvoir en sortir. Elles 



142 HISTOIRE 

obtinrent ensuite, par de nouvelles instan- 
ces, qu'on lui permît de retourner à Tezcuco, 
où on lui rendit ses palais , tout ce qui avait 
appartenu à son père et à ses aïeux, et quel- 
ques villages pour le servir, ce qui lui laissa 
plus de liberté et lui permit de s'occuper du 
rétablissement de l'empire. Ceci eut lieu en 
l'année 1426, ou Matlactli Omé Toehtli. 

Quelque temps apr^s, Tezozomoc songea, 
une nuit au moment où l'étoile du maliin se 
lève du côté de l'orient, que le prince Netza- 
hualcoyotzin , transformé en aigle royal-, le 
saisissait et lui dévorait le cœur; une autre 
fois qu'il se changeait en tigre et lui déchirait 
les jambes avec ses griffes et ses den^ts , qu'il 
s'enfonçait aisuite dans les «aux, dans îles 
montagnes , dans les foi'éts et en devenait 
le cœur (^coiwertiendose en corazon de elias). 
Il se réveilla tout épouvanté et fit de suite 
appeler les devins afin qu'ils lui expliquassent 
son rêve. Ceux-ci lui répondirent que J'aigle 
qui Jui dévorait le cœur voulait dire que son 



DES CHIGHIMÈQUES. 143 

ennemi détruirait sa maison et sa Eace; que 
le tigre signifiait qu'il ravagerait Atzeaputzalco 
sa capitale et tout son royaume ; enfin qu'il 
recouvrerait l'empire, parce qu'il était devenu 
le cœur des eaux, des forêts et des montagnes. 
Tezozomoc ayant demandé aux devins ce qu'il 
devait faire pour en éviter l'accomplissement, 
ceux-ci lui répondirent qu'il n'y avait d'autre 
moyen que de tuer Netzahualcoyotzin , mais 
qu'il fallait que ce fût par surprise, car on 
n'y parviendrait pas autrement. 

Quand les devins l'eurent quitté, Tezozo- 
moc fît venir ses trois fils, Maxtla, Toyatzin 
et Tlatoca-Tlizpatzin. Après leur avoir fait 
diverses recommandations il leur dit que, 
s'ils voulaient hériter de l'empire, il fallait 
qu'ils tuassent Netzahualcoyotzin quand il 
viendrait à Atzeaputzalco, pour assister à ses 
funérailles, ce qui serait bientôt, car il sentait 
bien que sa fin approchait puisqu'il avait ré- 
gné 128 ans. Il désigna ensuite Teyatzin son 
fils pour lui succéder. 



CHAPITRE XXII. 



Mort du tyran Tczozomoc — Maxtla, son fils, usurpe le trôn«, 
et fait périr Tayatzin , son frère. 



Le quatrième jour de l'année nommée 
Matlactli Omei Acatl et de son premier mois 
nommé Tlazaxipehualiztli , le jour de CeCoz- 
eaquauhtli , c'est-à-dire le 24 mars 1 427, Tc- 
zozomoc mourut à Atzcaputzalco dans la dé- 
crépitude; on en avertit de suite les rois de 
12. 10 



146 HISTOIRE 

Mexico et tous ses parents, afin qu'ils vins- 
sent à ses funérailles. Us arrivèrent le jour 
suivant, au moment où se lève le nahuolin 
ou étoile du matin. Netzahualcoyotzin vint 
aussi avec son neveu Tzontecochatzin , et fit 
son compliment de condoléance sur la mort 
de Tezozomoc à ses trois fils , aux rois de 
Mexico et aux autres seigneurs de sa famille. 
Il prit ensuite place parmi eux pour assister 
à tous les rites et à toutes les cérémonies que 
les prêtres des idoles observaient en brûlant 
le corps. Tayatzin, qui avait gravé dans sa 
mémoire ce que son père leur avait dit rela- 
tivement à Netzahualcoyotzin , en parla se- 
crètement à son frère Maxtla, qui lui répondit 
qu'il serait toujours temps, et qu'il ne fallait 
pas exciter des désordres qui troubleraient 
les cérémonies funèbres célébréesen l'honneur 
de leur père , où assistaient tant de sei- 
gneurs et de nobles qui en seraient offensés „ 
et qu'on les blâmerait de commettre un assassi- 
nat sans motif au moment où ils ne devaient 



DES CHICHIMÈQUES. 147 

être occupés qu'à pleurer leui^pcre. On n'exé- 
cuta donc pas ce que Tezozomoc avait recom- 
mandé; Le prince de Tezcuco , averti par son 
cousin Motecuhzoma de ce que Ton tramait 
contre lui , se hâta de regagner cette ville dès 
que l'on eut brûlé le corps et que l'on eut 
placé les cendres dans le principal temple 
d'Atzcaputzalco selon l'usage des Mexicains. 

Maxtla, seigneur de Cuyoacan, était un 
homme fier et guerrier; sans s'inquiéter de ce 
qu'avait ordonné son père, il pensa que la 
couronne devait lui appartenir* parce qu'il 
était l'aîné et qu'il se sentait capable de gou- 
verner, H se fit donc proclamer empereur 
quatre Jours après les funérailles , et fut re- 
connu par tout le monde. Il régnait déjà 
depuis cinq mois et cinq jours, ce qui, d'a- 
près le compte des Naturels, fait cent cinq 
jours , quand Tayatzin causant un soii^ avec 
Chimalpopoca, roi de Mexico, comme il le fai- 
sait souvent depuis qu'il avait été dépouillé de 
l'empire, celui-ci lui dit : « Je m'étonne, sei- 



1 48 HISTOIRE 

gneur, que tu te sois laissé dépouiller de la 
haute dignité pour laquelle t'avait désigné 
ton père Tezozomoe, et que tu aies souffert que 
ton frère Maxtla s'en empare quand il ne de- 
vrait être que * seigneur de Cuyoacan. » 
Tayatzin lui répondit : « Seigneur, il est bien 
difficile de recouvrer une couronne perdue 
quand elle est possédée par un usurpateur 
puissant. — Suis mon conseil, reprit Chimalpo- 
poca , et cela sera très-facile : fais construire 
un palais, tu l'y inviteras pour en célébrer l'i- 
nauguration et tu l'y tueras facilement, je t'en 
indiquerai les moyens. Us causèrent long- 
temps sur cette matière sans s'apercevoir 
qu'ils étaient écoutés par un nain qui servait 
de page à Tayatzin et se tenait caché derrière 
un pilier de la salle. Quand ils furent de re- 
tour à Atzcaputzalco , le nain alla secrètement 
avertir le roi Maxtla qui lui recommanda le si- 
lence, lui promettant de grandes récompenses. 
Furieux contre son frère , il fit venir tous les 
ouvriers de la ville et leur ordonna de con- 



DES CHICHIMÈQUES. 149 

struire dans un endroit qu'il leur indiqua un 
palais pour Tayatzin, disant que, quoiqu'il 
lui eût donné la seigneurie de Cuyoacan , il 
voulait toujours le conserver à sa cour. On 
se mit à l'œuvre à l'instant, et dès que l'édi- 
fice fut terminé, il fit inviter son frère à en 
venir célébrer l'inauguration, et profita de 
cette occasion pour le tuer, le faisant tomber 
dans le même piège qui lui avait été conseillé 
par le roi Chimalpopoca. Maxtia avait aussi 
invité celui-ci , mais il avait refusé de venir en 
disant qu'il était occupé à un sacrifice solen^ 
nel qu'il offrait aux dieux* 



CHAPITRE XXIII. 



Le tyran Maxtia ordonne d'arrêter Ghimalpopoca , roi de 
Mexico, et le fait ensuite remettre en liberté. — Situation 
périlleuse dans laquelle se trouve Netzahualcoyotzin. 



Dés que Ghimalpopoca eut appris le sort de 
Tayatzin , il devina facilement que Maxtia avait 
été averti de la conversation qu'il avaiteueavec 
lui, du conseil qu'il lui avait donné, et que 
son intention avait été de lui faire partager, 
ainsi qu'à TIacateotzin, le sort de son frère et 



1 52 HISTOIRE 

de les tuer lors de l'inauguration du palais* 
Il pensa bien qu'il chercherait une autre ma- 
nière de le faire périr. Ne sachant comment 
se tirer de cet embarras , il s'adressa à son 
neveu Tecuhtlihuacatzin qui lui conseilla de se 
revêtir tous deux de leur armure, de prendre 
les marques qui distinguent les hommes qui 
vont se sacrifier aux dieux, et de se rendre ainsi 
au grand temple, annonçant qu'ils allaient 
s'y offrir en sacrifice. Nous verrons alors, 
ajouta-t-il, quels sont les véritables senti- 
ments de nos vassaux instruits du motif de 
notre sacrifice; s'ils nous aiment, ils n'y con- 
sen liront pas et prendront les armes pour nous 
défendre ; s'ils se montrent indécis, mieux vaut 
consommer le sacrifice et mourir d'une mort 
glorieuse que de tomber entre les mains du 
tyran. Ils exécutèrent ce dessein, et au moment 
où ils célébraient les cérémonies qui sont usi- 
tées en pareilles occasions, Motecuhzoma , fils 
du roi, qui était alors capitaine général du 
royaume, voulut venir à leur secours et 



DES CHIGHIMÈQUES. 153 

empêcher le sacrifice. Ne pouvant y parve- 
nir, il dépêcha sui^le-champ un courrier à 
Maxtia seigneur suprême, qui envoya aus- 
sitôt quelques gentilshommes et un grand 
nombre de soldats, avec l'ordre d'arrêter Chi- 
malpopoca et de l'enfermer dans une forte 
cage au milieu de sa propre ville , de placer 
autour une garde nombreuse et de lui donner à 
peine de quoi manger. Tecuhtlihuacatzin fut 
donc seul sacrifié : le reste fut exécuté et le 
plan de Ghimalpopoca et de son conseiller 
échoua complètement, car les Mexicains n'é- 
taient pas en état de résister à un tyran aussi 
puissant que Maxtia. 

Netzahualcoyotzin apprit par son frère Yan- 
cuiltzin ce qui venait de se passer , que son 
oncle était prisonnier, et qu'on lui donnait 
à peine de quoi subsister. Il résolut d'aller 
trouver le tyran pour lui demander sa grâce. 
Il partit emmenant avec lui Tzontecochatzin , 
avec l'intention d'aller voir son oncle à son 
retour pour le consoler dans le cas où il ne 



154 HISTOIRE 

pourrait rien obtenir pour lui. Il arriva de 
nuit à Atzcaputzalco, et alla loger chez un 
gentilhomme nommé Chacha, qui étajitat^- 
ché à la personne de l'empereur Maxtla. 11 
lui annonça qu'il venait pour baiser les mains 
à son maître. Ghacha lui répondit qu'il était 
le bienvenu et qu'il l'introduirait le jour sui- 
vant. Le lendemain il le conduisit au palais , 
et se rendant dans la salle où se trouvait 
Maxtla il lui annonça l'arrivée de Netzahual"» 
coyotzin qui demandait à être admis en sa pré- 
sence. Maxtla y consentit, le prince de Tez- 
cuco entra et lui dit après l'avoir salué : « Haut 
et puissant seigneur, quoique je sente combien 
le poids de l'empire doit vous donner de peine 
et de soins, je viens vous supplier pour mon 
oncle le roi Ghimalpopoca, qui était comme une 
plume précieuse posée sur votre tète impériale 
et que vous en avez ôtée. On lui a enlevé le 
collier d'or et les pierreries qui ornaient son 
cou royal ; il vous supplie les mains jointes 
d'oublier la vengeance comme un roi misé- 



DES CHICHIMÈQUES. 155 

ricordieux, et de jeter les yeux sur un misé- 
rable vieillard qui manque de tout et que les 
forces de la nature sont sur le point d'aban- 
donner. » Quand il eut terminé son discours, 
Maxtla dit à Ghacha : « Que penses-tu de cela ; 
Netzahualcoyotzin mon fils est mon véritable 
ami, puisqu'il me supplie d'oublier ma ven- 
geance; vous autres Tecpanèques, quand en 
direz-vous autant? » Il dit ensuite à Netza- 
hualcoyotzin : « Prince , ne t' afflige pas. Chi- 
malpopoca n'est pas mort; va le voir et le vi- 
siter : je l'ai fait jeter en prison à cause de 
ses machinations et parce qu'il donnait un 
mauvais exemple au peuple et une mauvaise 
réputation aux Mexicains. Accompagne-le , 
Ghacha, afin que les gardes le laissent péné- 
trer jusqu'à lui. » 

Après avoir pris congé de l'empereur, Net- 
zahualcoyotzin se rendit avec ce gentil- 
homme à la ville de Mexico, pour voir s'il 
pourrait délivrer son oncle. Dès qu'il fut 
parti, Maxtla envoya un autre de ses gentils- 



156 HISTOIRE 

hommes nommé Huecamécatl trouver Tla- 
clatlac - Techutzintli et un noble de son 
conseil pour leur annoncer que le prince de 
Tezcuco était venu lui demander la liberté 
de son oncle et qu'il était allé le voir. Il lui 
ordonna de les consulter pour savoir s'il de- 
vait faire tuer Chiraalpopoca, Tlacateotzin et 
ensuite Nezahualcoyotzin comme son père le 
lui avait recommandé, quoiqu'il eût jus- 
qu'alors négligé de le faire. Le conseiller ré- 
pondit qu'il n'avait pas le moindre sujet de 
s'alarmer puisqu'il les tenait tous en son pou- 
voir; que personne ne l'aiderait à feire mourir 
Netzahualcoyotzin ; qu'il n'avait d'abord qu'à 
se débarrasser de Tlacateotzin et de Ghimal- 
popoca,et que l'autre ne lui échapperait cer- 
tainement pas, car il ne pouvait se cacher ni 
dans les troncs des arbres, ni dans les rochers. 
Maxtla, convaincu par les raisons de son con- 
seiller, résolut de l'épargner pour le moment. 
Les gardes laissèrent pénétrer auprès du vieux 
roi le prince de Tezcuco et son neveu Tzonte- 



DES CHICHIMÈQUES. 157 

cochatzin. Netzahualcoyotzin pour le consoler 
lui dit : « roi, ce sont les malheurs et les 
souffrances que tous les rois éprouvent pen- 
dant le cours de leur règne. Tu payes main- 
tenant la dette que l'on contracte en mon- 
tant sur le trône dans un pays soumis à des 
tyrans. Ce qui peut te consoler , c'est que 
tu es encore dans la capitale que t'ont lais- 
sée tes aïeux Acamapixtli et Huitzilihuitl. 
C'est de tes sujets qu'il faut avoir pitié , car 
les Mexicains et les Tenuchcas sont plon- 
gés dans l'affliction ne sachant quand fini- 
ront tes malheurs et ce qu'ordonnera de toi le 
tyran Maxtla queje viens d'aller voir. » Chi- 
malpopoca lui répondit : « Prince , quelle est 
ton audace d'avoir osé pénétrer jusqu'ici pour 
me visiter! Tu aurais pu t'en dispenser; car 
tu ne réussiras pas à arrêter le cours des ri- 
gueurs que Maxtla veut exercer contre moi. 
Ce que je te demande , c'est de te concerter 
avec ton oncle Izcohuatzin et ton cousin Mo- 
tecuhzoma sur ce qu'il y a à faire , car c'est toi 



158 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES. 

qui seras le soutien et la subsistance des Acul- 
huas et des Mexicains. Veille à ce que l'en- 
droit où tu placeras ton siège soit toujours 
miné; tiens-toi constamment sur tes gardes et 
crains que le tyran Maxtla ne prononce con- 
tre toi une sentence de mort. « Quand Ghimal- 
popoca eut terminé ce discours, il ôta les 
joyaux d'or dont il ornait sa tête, sa figure et 
son cou et les remit à Netzahualcovotzin. Il 

Kl 

donna à Tzôntecochatzin ses boucles d'oreilles, 
et les renvoya tous deux. A peine étaient-ils 
sortis de la prison qu'arriva l'ordre de Maxtla 
de remettre en liberté le roi Chimalpopoca, ce 
qui fut exécuté sur-le-champ, et l'on renvoya 
les gardes. 



CHAPITRE XXIV. 



Netzafaualcoyotzin échappe deux fois des mains du tyran. — 
Mort deChimalpopoca et de TIacateotzin, roi de TIatelolco. 



Les paroles de son oncle Chimalpopoca res- 
tèrent gravées dans l'âme de Netzahualcoyot- 
zin ; c'est pourquoi , non-seulement il observa 
le sens allégorique qu'elles cachaient, mais il 
les exécuta même littéralement; car, dès qu'il 
fut arrivé àTezcuco, il fît miner les murailles 



1 60 HISTOIRE 

près de Tendroit où était placée son estrade; 
précaution qui lui sauva la vie , comme on le 
verra plus tard. Il partit ensuite pour Atzca- 
putzalcoafîn de visiter le tyran, et de le remer- 
cier d'avoir rendu la liberté à son oncle. Il y 
arriva le matin, et se rendit de suite au palais. 
Il aperçut , en entrant dans la grande cour, 
une quantité de gens af*raés , dont les lances 
et les boucliers étaient appuyés contre la mu- 
raille. Maxtla venait de leur ordonner de se 
rendre à Tezcuco pour le tuer. Un des ca- 
pitaines le voyant arriver , s'approcha de 
lui en disant : « Soyez le bienvenu , sei- 
gneur; l'empereur nous envoie à l'instant 
même à Tezcuco, à la recherche de Pancol 
qui s'est enfui. » Il le fît ensuite entrer 
dans une salle pour y attendre les ordres de 
Maxtla. Netzahualcoyotzin passa au milieu 
des soldats en les saluant tous, et leur dit 
qu'il désirait parler à leur maître. Un des 
serviteurs du palais se hâta d'aller annoncer 
à l'empereur que le prince de Tezcuco de- 



DES CHICHIMÈQUES. 161 

mandait à être admis en sa présence , et 
attendait dans une des salles. Celui-ci le 
fit appeler , mais quand le prince se présenta 
devant lui , il lui tourna le dos et ne vou- 
lut point lui parler. Netzahualcoyotzin aper- 
çut , sur ime estrade à côté de Maxtla , les 
femmes de son oncle Chimalpopoca , dont 
l'une se nommait Quetzalmalin , et l'autre 
Pochtlan. Il offrit à l'empereur un bouquet 
de fleurs qu'il tenait à la main^ et comme 
celui-ci les refusa, il les déposa devant lui. 
Maxtla ne répondit pas non plus quand le 
prince lui adressa la parole. Celui-ci sortit 
alors, et Chacha lui annonça secrètement que 
l'empereur avait donné l'ordre de le tuer aux 
gens armés qu'il avait rencontrés dans la cour 
du palais. Il lui conseilla donc de prendre la 
fuite le plus tôt possible s'il voulait mettre ses 
jours en sûreté. Le prince entra par une petite 
porte dans les jardins du palais, et se réfugia 
dans une grande salle en paille qui s'y trou- 
vait. Il ordonna à Xiconocatzin , qui l'avait ac- 
12. 11 



162 HfôTOIftE 

compagne depuis Tezcuco, dt ^ placer à la 
porte et de regarder si personne ne venait 
pendant qu'il cherchait k s'échapper, et tui 
recommanda de repondre à ceux qui le de- 
]iiander«it<ènt, qu'il ne Vêtait éloigné qtie pour 
un înMant, ajoutant que s'il parvenait à s*é- 
ctiapper il l'attendait isur la route de Tlatelolco. 
Étant ensuite parvenu à faire un trou dans 
la toiture de là salle, il s'enftiit en ^t de 
ce côté. H était à peine dehors , que les capi- 
taines arrivèrent en grande hâte auprès de 
Xiconocatzin, et lui direntd'appeler !e prince, 
que l'empereur le faisait chercher. Celui-ci, 
«ans en attendre davantage , prit la fuite pour 
se mettre en sûreté, et alla rejoindre Netzahliàl- 
coyotzin à l'endroit désigné. Les soldats dont 
j'ai ^rlé, ainsi que 'la garde du roi, avaient 
priia tes arttieS et le cherchaient dans toute la 
ville. Quelques-uns parvinrent même à l'at- 
teindre, mais il était si agile qu'il réussit à s'é- 
chapper de ^UrS mains , en les menaçant qu'a- 
vant peu il reviendrait pour mettre tout à feu 



DES (^ACHIMÈQUES. 463 

et à $ang. $od .çampi^^do le rejoignjit près de 
Tkitelol^. Ufi étiûent tous deux épuisés de 
fatigue et de faim , c'est pourquoi ils achetè- 
rent de quoi man^r dans les pren^ièr^ m^i^ 
sons de la ville, s'embarquèrent sur le lac, 
et se réfugièrent à Tezeuco. MaxtJa , voyant 
qu'iJiS ^vaieiiit réiiiyssi k échapper aux soldats, 
déchargea sa fcolère sur ceux-^i, et les fit tous 
mi^sacrer. H eu envoya d'autres à Mexico , 
avec l'ordre exprès de tuer Chimalpopoca et 
Tlacataoitein. (^and ils furent arrivés à Te^ 
nuchtitlan, ils trouvèrent le roi dans une salle 
du tesople, occupé avec quelques sculpteurs 
^W travaillaient à une idole du dieu Texu- 
chilotl. Dès qu'ils aperçurent le roi, ils éloi- 
gnèreiit les ouvriers et le conduisirent: dans 
une autre salle du temple, qui se nommait 
Huizcalli^ con^me s'ils eussent eu à lui parler 
d'affaires iinportantes. Se voyant seuls avec 
^ui, ils le tuèrent d'un grand ooup de mas- 
s«ie sur Ja tête , sortirent de cette salle, en 
disant aux Mexicains d'aller trouver leur roi 



1 64 HISTOIRE 

qu'ils avaient laissé endormi , et prirent 
rapidement la route de Tlatelolco. Les Mexi- 
cains ayant trouvé le cadavre de leur roi^ 
poursuivirent les assassins et les attaquè- 
rent. 

Tlacateotzin parvint a s'échapper en se ré- 
fugiant dans un grand canot qu'il chargea 
d'or et de pierreries , et prit par le lac la route 
de Tezcuco ; mais les Tecpanèques le poursui- 
virent, l'atteignirent au milieu du lac, et le 
tuèrent à coups de lances. Ainsi fiûirent les 
deux rois de Mexico. Leurs sujets relevèrent 
leurs cadavres et célébrèrent leurs funérailles 
avec les honneurs accoutumés. Malgré leur 
désir de se venger, ils furent obligés d'atten- 
dre une meilleure occasion parce qu'ils ne 
se sentaient pas assez forts. Ce qui leur im- 
portait davantage pour le moment, était de 
leur choisir des successeurs capables de les 
gouverner. Les Tenuchcas choisirent pour 
leur roi Itzcoatzin , frère cadet de Chimalpo- 
poca, qui réunissait toutes les qualités qu'ils 



DES CHICHIMÈQUES. 165 

devaient rechercher en un roi dans une posi- 
tion aussi dangereuse et aussi difficile. Les 
Tlatelolcains proclamèrent Quauhtlatoazin , 
qui n'était pas moins vaillant. 



CHAPITRE XXV. 



NelTsahualcpyotzia échappe encore çleux foi» aux rusm de «es 

ennemis. 



Après s'être défait des deux rois de Mexico, 
il ne restait plus à Maxtla? pour jouir san^ 
rival de l'empire, que de faire périr le prince 
Netzahualcoyotzin. Sans se laisser rebuter par 
le mauvais succès de sa dernière tentative, il 
résolut d'emplover un autre moven : il or- 



168 HISTOIRE 

donna à Yancuiltzin , son neveu , frère bâtard 
de Netzahualcovotzin , de l'inviter à un festin 
et de l'assassiner après l'avoir attiré dans 
sa maison. Huitzilihuitzin (i)^ gentilhomme de 
Tezcuco, adonné à la science des astres^ et 
qui avait été gouverneur du prince, soup- 
çonna cette trahison. Ayant découvert par son 
art que son élève courrait un grand danger 
s'il se rendait à cette invitation, il fit amener 
à Tezcuco un jeune laboureur, natif de Coate- 
pec, dans la province d'Otompan, qui ressem- 
blait beaucoup au prince et qui était du même 
âge. Il employa plusieursjours à lui enseigner 
les formes de politesse usitées par les princes. 
Pour lui en donner le temps Netzahualcoyot- 
zin retardait, sous différents prétextes, de se 
rendre au festin que son frère lui offrait. C'é- 
tait l'usage universel alors d'ouvrir ces sortes 
de fêtes par une danse générale que l'on com- 

(0 Veytia (liv. II, chap. xl) prétend que cef Huitzilihuitl 
n'est pas le même que celui qui avait été gouverneur de Net- 
zahualcoyotzin , et que ce dernier fut tué lors de la prise de 
Tezcuco, par l'armée de Tezozomoc. 



DES GHIGHIMËQUES. 169 

mencait à l'entrée de la nuit. Sans se douter 
du danger qui le menaçait^ ce jeune paysan 
arriva couvert des vêtements royaux et envi- 
ronné des précepteurs, des amis et des servi- 
teurs qui entouraient ordinairement le prince 
de Tezcuco. Yancuiltzin vint au-devant de lui 
avec une suite nombreuse pour le conduire 
dans la maison où devait se célébrer la fête , 
et où il avait réuni beaucoup de monde. On 
avait allumé des flambeaux de résine dans 
toutes les rues, les cours et les salles qu'il 
devait traverser. Après avoir salué celui qu'il 
prenait pour son frère , il l'introduisit dans le 
palais, et, dès qu'il y fut entré, les danses 
commencèrent. Mais à peine avait-on fait trois 
tours, qu'un capitaine se plaça derrière lui et 
lui donna sur la tête un coup de massue qui 
le fit tomber étourdi. Aussitôt on lui coupa la 
tête et on la porta en toute hâte à Maxtla ; 
bien persuadé que c'était celle de Netzahual- 
coyotzin. Celui-ci, qui se tenait sur ses gardes, 
s'embarqua pour Mexico aussitôt qu'il eutap- 



\ 70 HISTOIRE 

pris la mort de celui qui le représentait^ et alla 
féliciter son oncle Itzcoatzin sur son élection. Il 
y arriva le lendemain matin. Pendant qu'il cau- 
sait avec lui y on annonça des envoyés deFèm* 
pereur Maxtla , qui apportaient la tête de celui 
que Ton avait assassiné à sa place^ et venaient 
annoncer sa mort. Les envoyés furent frappés 
de stupeur en le voyant auprès de son oncle. 
Le prince , connaissant ce qui se passait dans 
leur àme, leur dit ; « Ne perdez plus votre 
temps à chercher à me faire périr, car le IHeu 
tout-puissant m'a rendu immortel.» CeuxM^i 
retournèrent de suite auprès de Maxtla pour 
lui annoncer cet événement extraordinaire. Il 
fut saisi d'une si violente colère, que sur-4e- 
champ il rassembla des troupes et envoya une 
armée assez considérable à Tezcuco, où il sa- 
vait que le prince était de retour. H ordonna 
aux quatre capitaines qui la commandaient 
de répandre leurs soldats dans toute la ville, 

■ • 

de s'emparer de toutes les rues et de toutes 
les issues; de prendre ensuite le nombre 



DES GHICHIMÈQUES. 171 

d^hommes nécessaire, de chercher partout Net- 
zahualeoYOtzin et de le massacrer. L'armée se 
mit de suite en marche; mais ce dernier , ayant 
été averti par Totomihua, seigneur de Coate- 
pee^ du danger qui le menaçait, fit appeler ses 
amis pour leur demander conseil. Il réunit 
dans son palais, nommé Cillan, Quauhtle- 
huanitzin son frère aine, fils naturel de son 
père , Tzontechochatzin , et d'autres gentils- 
hommes de son parti, et leur annonça que le 
lendemain ses ennemis devaient venir pour 
le tuer; mais qu'il était déterminé à leur ré- 
sister et à ne pas prendre la fuite devant eux. 
Quauhtiehuanitzin prit ensuite la parole et lui 
dit : (( Mon frère et seigneur, vous avez be- 
soin d'un grand cœur pour supporter les 
coups de la fortune et sortir des dangers au 
milieu desquels vous a laissé votre père Ome- 
tochtli-Ixtlilxochitl. Vous connaissez les atta- 
ques et les persécutions qu'il a éprouvées et 
auxquelles il a fini par succomber ; mais son 
cadavre est devenu le fondement, le ciment 



1 72 HISTOIRE 

et le rempart de l'empire chichimèque. Vous 
savez comment le tyran Maxtla a traité les 
Mexicains , puisqu'il n'a pas hésité à faire pé- 
rir le roi Ghimalpopoca^ votre oncle. Y a-t-il 
dans le monde des périls et des malheurs plus 
grands que ceux qui vous menacent aujour- 
d'hui? » Tzontechochatzin dit ensuite : « C'est 
dans un pénible esclavage que vous ont laissé 
lé roi Ixtlilxochitl mon maître , et mon père 
Chihuacuecuenotzin, son capitaine général, 
quand ils sont tombés sous les coups de Te- 
zozomoc. Je ne puis donc qu'appuyer l'opi- 
nion de Quauhtlehuanitzin, et vous assurer 
que je pense comme lui, que Maxtla ne vous 
épargnera pas, ce qui me déchire l'âme. — Eh 
bien , reprit Netzahualcoyotzin , demain nous 
nous amuserons à jouer à la balle en atten- 
dant l'arrivée des Tecpanèques , Coyohua ira 
au-devant d'eux et les introduira dans ma 
maison , où il aura soin de les bien recevoir ; 
mais nous tiendrons un corps de troupes tout 
prêt à venir à son secouis, si cela devient 



DES CHiCHIMÈQUES. 173 

nécessaire. » Le soir il envoya un de ses 
serviteurs, nommé Tehiiitzil, à son ancien 
précepteur, Huitzilihuitzin , par les conseils 
duquel il se gouvernait. Il lui fît savoir les 
ordres qu'il avait donnés pour la réception 
des Tecpanéques, ajoutant qu'il croyait le 
moment venu d'exécuter ce qu'ils avaient 
résolu pour recouvrer la couronne des Acul- 
huas et relever l'empire chichimèque ; car il 
savait, d'une source certaine, qu'on devait 
venir le lendemain pour le tuer. Quand Huit- 
zilihuitzin eut entendu le rapport que lui fit 
Tehuitzil , il se mit à pleurer et lui répondit ; 
« Va dire à mon élève de prendre courage et 
de faire son devoir. Je lui ai déjà tracé sa ligne 
de conduite ; qu'il fasse venir des secours des 
provinces de Huexotzinco, Tlaxcàllan et Toto- 
tepec. Il en connaît les habitants ; ce sont des 
hommes valeureux et presque tous de race 
chichimèque ou otômite; ils ne l'abandon- 
neront pas , et sont prêts à sacrifier leur vie 
pour lui. » Quand le messager eut rendu cette 



1 74 HISTOIRE 

réponse à Netzahualcoyotzin , il résolut de s'a- 
dresser, cette nuit niême, aux seigneurs qui 
gouvernaient ces provinces. U envoya à la 
ville de Huexotzinco un de ses serviteurs, qui 
se nommait Coztolomi Tocultecatl , pour aver- 
tir Xaicamechan , seigneur de cette province , 
du danger où il se trouvait, et lui dire qu'il 
était temps qu'il vmt à son secours pour Fai- 
der k venger la mort d'Ixtlilxochitl, son père, 
à recouvrer l'empire et à châtier les rebelles ; 
que, s'il tardait plus longtiwnps, le tyran 
le fei^ait périr. Le lendemaiin , après avoir 
fait partir son messager, il se mit à jouer à la 
balle avec ses amis devant la porte du palais, 
en attendant les Tecpanèques. Les quatre ca- 
pitaines se dirigèrent vers le palais avec un 
certain nombre de soldats, comme Maxtla le 
leur avait ordonné. Coyohua alla au-devant 
d'eux pour les recevoir. Ils lui demandèrent 
-où était Netzahualcoyotzin , mais il les enga- 
gea k se reposer un peu , ajoutant que le prince 
rentrerait bientôt. Quand ils furent entrés dans 



DES CHIGHIMÈQUES. 175 

Une Sialle du palais qui était en lace de la salle 
îwalc, Netzàhualcoyotzih rint à eux, leur fit 
danner des bouquets de fleurs, en leur disant 
<|u'ilâ étaient tes bienvenus et qu'ils se repo- 
sassent dans sa maison. Sur leur réponse qu'ils 
étaient venus pour jouer à la balle avec lui , 
il les invita à prendre d'abord un léger re- 
pas y ajoutant qu'il y avait temps pour tout. 
Il fit aussitôt dresser les tables et servir un 
festin spleodide. Pendant ce temps il rentra 
dans la salle royale et s'assit sur son trône , 
de sorte que ses ennemis pouvaient le voir. 
Quand le moment fut venu de s'échapper par 
Je souterrain qu'il avait fait creuser à eôté de 
son troue, ccwnme je l'ai dit plus haut, Coyo- 
hualui fitmn signe convenu, qui était de quitter 
son manteau et de le secouer comme pour en 
ôter la poussière. Il |M*it cette route et gagna 
te campagne par le canal d'un aqueduc qui 
conduisait au palais. Ce fut ainsi qu'il profita 
du conseil que lui avait donné son oncle Chi- 
malpopoca. Quand les quatre capitaines eu- 



176 HISTOIRE DES CHICHÏMÈQUES. 

rent terminé leur repas , ils se rendirent à la 
salle où ils croyaient trouver Netzahualcoyot- 
zin. Voyant qu'il avait disparu, ils s'empa- 
rèrent de Coyohua et voulurent le massa- 
crer ; mais celui-ci leur dit qu'ils auraient peu 
d'avantage à tuer un pauvre vieillard, et qu'ils 
feraient mieux de chercher à s'échapper du 
palais^ car il avait entendu dire qu'ils n'en 
sortiraient pas vivants , et que le prince avait 
réuni un grand nombre de gens de guerre 
pour leur résister. Cette fausse nouvelle 
leur inspira une si grande terreur, qu'ils sor- 
tirent du palais tout épouvantés, appelant 
à grands cris leurs soldats pour se préparer 
à combattre ceux qu'ils croyaient que Net- 
zahualcovotzin allait faire avancer contre 
eux. Ce fut par cette ruse que Coyohua 
échappa de leurs mains. Ils se retirèrent tout 
honteux ; d'autres se mirent à la poursuite 
du prince. 



CHAPITRE XXVI. 



Fuite de Netzahualcoyotzin à travers les montagnes. — H 
arrive chez un genlilhomme otomite , nommé Quacoz. 



Peu d'heures après le tyran fut informé 
de la fuite de Netzahualcoyotzin ; il envoya 
aussitôt l'ordre à tous les seigneurs du pays 
de se saisir de sa personne et de le lui envoyer 
mort ou vif, promettant de grandes récom- 
penses à celui qui le livrerait. Il fît ensuite 
12. 12 



1 78 HISTOIRE 

proclamer dans tout le royaume de Tezcuco , 
que celui qui le découvrirait recevrait, même 
s'il était des derniers du peuple , une femme 
noble et belle avec des terres et quantité de 
vassaux, et que s'il était marié on lui donne- 
rait au lieu d'une femme un certain nombre 
d'esclaves des deux sexes. Tout cela fut exé- 
cuté , et les Tecpanèques poursuivaient par- 
tout Netzahualcoyotzin comme des chiens en- 
ragés, à plus de cent lieues à la ronde. Il n'y 
avait pas de boui^ ou de village qu'ils ne par- 
courussent par bandes. 

Le jour où Netzahualcoyotzin s'échappa par 
le souterrain se nommait Ce Quezpallin , c'é- 
tait le douzième du septième mois , Hueyte- 
cuhilhuitl, ce qui correspondau 20 juillet 1 427. 
Quand il eut gagné la campagne, il se réfugia 
dans une maison près de la ville de CoatlaD 
qui appartenait à un de ses vassaux mmimë 
ToscNDa auquel il dit le danger qui le menaçait 
et que ses ennemis le poursuivaient de près. 
Celui-ci le cacha dans un tas de farine sur le- 



DES GHICHIMÈQUES. 179 

quel il entassa de gros paquets de nequen ou 
fil de maguey • On le chercha par toute la mai- 
son , mais Tozoma resta ferme et ne le décou- 
vrit pas. Deux vieillards qui se trouvaient là 
aimèrent mieux périr sous les coups des Tec- 
pancques. Quand ils furent partis , le prince 
sortit de sa retraite, et après s'être lavé les 
mains et le visage, il remercia ses libérateurs 
et leur promit de récompenser leur fidélité. Il 
g£^gna ensuite une colline où ses ennemis le dé- 
pistèrent de nouveau ; mais ayant aperçu une 
femme occupée à couper du chian (i), il s'ap- 
procha d'elle et la pria de le cacher sous les 
gerbes. Elle en fit en effet un tas sur lui, et 
quand les Tecpanèques s'approchèrent et de- 
mandèrent si elle n'avait pas vu celui qu'ils 
poursuivaient, elle leur répondit avec beau- 
coup de présence d'esprit qu'il venait de 



(i) Le rhian est une plante qui produit une graine très- 
fine , d*où les naturels tiraient l'huile qu ils employaient pour 
leurs peintures. Ils s'en servaient aussi pour préparer diverses 
sortes de boissons et d'aliments. 



1 80 HISTOIRE 

passer en courant , et qu'il avait pris, à ce 
qu'elle croyait, la route de Huexotla. Ils dispa- 
rurent aussitôt de ce côté , et le prince retour- 
nant sur ses pas se réfugia dans le bois de 
Tezcutzinco où il passa la nuit. De là il expé- 
dia des messagers de tous les côtés. Il envoya 
Tecuxolotl dans la province de Chalco pour de- 
mander du secours à Totoquiotzinet à Quauh- 
teotzin , seigneurs du bourg d'Amanalco. 
Il en fit demander de la part de Huizilihuitzin, 
son précepteur, au beau-frère de celui-ci , 
Toteozitecuhtli , seigneur suprême de toute 
cette province. Le lendemain il recommença 
à gravir la montagne, et, pour plus de sûreté, 
il ordonna à deux de ses serviteurs , nommés 
Golicatl et Calminicolcatl , d'aller, l'un en 
avant et l'autre en arrière, d'examiner soi- 
gneusement s'ils n'apercevaient pas les enne- 
mis, et dans ce cas de l'en avertir en toussant. 
De cette manière il poursuivit tranquillement 
sa route sans être aperçu , et arriva dans un 
lieu nommé Metla, oùTecpan, son serviteur, 



DES CHICHIMÈQUES. 181 

lui apporta à manger^ puis traversant Zacaxa- 
chitla, il gagna un endroit où demeurait 
Quacoz, noble otomite qui avait été autre- 
fois au service de la i^ine sa mère. Il passa la 
nuit dans cet endroit où il aurait infaillible- 
ment été surpris sans la ruse qu'employa son 
hôte. Celui-ci, ayant vu les ennemis s'appro- 
cher , convoqua tous les Otomites ses voisins , 
leur ordonnant d'apporter leurs arcs et leurs 
flèches. Ayant ensuite placé au milieu de la 
cour de sa maison un grand tambour dans 
lequel il avait caché Netzahualcoyotzin, il com- 
mença à en jouer , et tous entonnèrent un 
chant de guerre. Quand les Tecpanèques arri- 
vèrent, il leur demanda ce qu'ils cherchaient; 
ceux-ci ayant répondu que c'était le prince 
de Tezcuco, il s'écria : « Est-ce que ceci est un 
endroit pour des princes? Ils habitent les cours 
et non les déserts.Vous êtes des brigands puis- 
que vous venez en armes, et vous cachez quel- 
ques trahisons. »Puis appelant ses compatrio- 
tes à son aide il les chargea , et après en avoir 



182 HISTOIRE 

blessé un grand nombre, il les mitdans une dé- 
route si complète qu'ils n'osèrent plus essayer 
de pénétrer dans la montagne. Le lendemain 
Quacoz conduisit son hôte au milieu des ro- 
chers, dans un endroit très-caché, où il lui avait 
fait construire une cabane, et l'engagea à y 
séjourner jusqu'à ce que les ennemis se (Vis- 
sent éloignés des montagnes , et qu'il pût con- 
tinuer sa route. Le prince lui ayant dit qu'il 
était fort inquiet sur le sort de sa maison et 
qu'il craignait que les Tecpanèques n'eussent 
emmené ses femmes prisonnières après l'a- 
voir saccagée , Quacoz lui promit, pour le con- 
soler, d'aller s'en informer lui-même et de lui 
ramener ses femmes. Le prince l'en remercia, 
tout en lui recommandant d'agir avec pru- 
dence et de ne point s'exposer ; ce qu'il fit en 
effet. Au bout de quelques jours il arriva 
au palais et trouva les femmes plongées dans 
la douleur. Il leur dit de prendre le costume 
de femmes du peuple, et qu'il venait de la 
part du prince, leur seigneur, pour les con- 



DES CHIGHIMÈQUES. 183 

duire où il était; mais qu'elles devaient mar- 
cher à quelque distance afin qu'on ne s'aper- 
çût pas qu'il les accompagnait. Il ordonna aux 
gens du palais d'avoir soin de tout et de ne 
dire à personne ce que les femmes étaient de- 
venues. Quand il fut arrivé avec elles au vil- 
lage de Potopan , près de la montagne de Pat- 
lachinzcan, il rencontra les ennemis qui cher- 
chaient le prince. Ils le suivirent et lui de- 
mandèrent où il s'était réfugié, ajoutant que 
ces femmes devaient lui appartenir. Quacoz leur 
répondit qu'il ne connaissait nullement celui 
dont on lui parlait, qu'il étaitChichimèque, et 
que toute sa vie il avait habité ces montagnes. 
Trompés par ses vêtements et son lan- 
gage grossier, les Tecpanéques le laissèrent 
aller. Il arriva heureusement à l'endroit où 
l'attendait le prince qui avait été rejoint par 
son frère Quauhtiihuatzinet son neveu Tzon- 
techochatzin. Il prit congé de Quacoz qui 
ne le suivit pas parce qu'il craignait que son 
absence n'avertit les ennemis du départ de 



184 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES. 

son hôte et que cela ne le fit prendre^ car il 
était certain qu'ils reviendraient pour se ven- 
ger de la manière dont ils avaient été reçus 
quelques jours auparavant. Quaeoz lui donna 

pour raccompagner et éclairer sa route six 
Otomitea qui connaissaient parfaitement les 
défilés des montagnes : ils s'appelaient Noch^ 
Goaniy Nolin, Coatlalolin, Toto et Xochtonal. 
Le prince se mit en route avec ses deux pa- 
rents , précédé par quelques-uns de ses gui- 
des et suivi par les autres qui examinaient le 
pays et le gardaient en feignant de chasser» 



CHAPITRE XXVII. 



Netzahualcoyotzin gagne Capolac. — Ce qui se passa pendant 

sa route. 



En arriyantprèsd'Ilacuila, Netzahualcoyo- 
tzin était triste et pensif, réfléchissant à tous 
les malheurs qu'il avait éprouvés par la mort 
de son père Ixtlilxochitl • Il tourna la vue 
vers sa suite qui se composait d'un grand 
nombre d'habitants de Tezcuco , de quelques 



186 HISTOIRE 

nobles et de presque tous ses parents ou sei^vi- 
teurs , et leur dit avec un accent de tristesse : 
« Où allez-vous? le père que vous suivez est- 
il en état de vous défendre? Ne voyez-vous 
pas que j'erre seul dans les déserts et dans les 
montagnes, suivant la trace des cerfs et des la- 
pins, sans savoir où je vais; si je serai bien 
reçu ou si mes ennemis m'atteindront et me 
tueront comme ils ont tué mon père qui était 
bien plus puissant que moi. Je suis orphelin 
et abandonné de tous. Retournez dans vos mai- 
sons pour ne pas mourir avec moi , ou tomber 
dans la disgrâce du tyran et perdre vos champs 
et vos habitations. « Quauhtiihuatzin et Tzon- 
techochatzin répondirent, au nom de tous les 
autres, qu'ils étaient prêts à le suivre partout 
et à mourir pour lui. Netzahualcoyotzin fut 
tellement attendri de ce dévouement qu'il 
versa des larmes ainsi que tous ceux qui l'ac- 
compagnaient. Il les remercia ensuite et les 
engagea de nouveau à retourner chez eux 
où ils pourraient lui être plus utiles en Tin* 



* 

DES CHICHIMÈQUES. 187 

struisant des desseins du tyran , et de ses en- 
nemis^ leur promettant de les tenir au cou- 
rant de tout ce qui lui arriverait pendant son 
voyage. Il les renvoya donc tous, à l'exception 
de ceux dont il avait besoin pour le service de 
sa personne , de son frère et de son neveu 
qui refusèrent absolument de l'abandonner, 
disant qu'ils courraient les mêmes dangers 
que lui s'ils étaient découverts, et qu'ils le sui- 
vraient partout. Ils gravirent donc ensemble 
les montagnes de Papalotepec et arrivèrent au 
coucher du soleil au sommet de celle de Huilo- 
tepec. On pouvait voir de là les plaines de Hue- 
xotzinco qui étaient déjà obscurcies par l'om- 
bre des montagnes, et de l'autre côté on dé- 
couvrait celles de Tepepolco encore éclairées 
par les derniers rayons du soleil. Dé là le 
prince envoya un messager aux seigneurs de 
Huexotzinco , leur faisant dire que le len- 
demain il attendait leur réponse à Copalapan. 
Ceux qui portèrent le message se nommaient 
Cotahua etlcotzincatl . Netzahualcoyotzin passa 



188 HISTOIRE 

la nuit sur ces montagnes , et arriva en rédes- 
cendant le lendemain matin sur une colline 
cultivée près de laquelle se trouvait une ca- 
verne. Il aperçut une troupe d'ennemis qui 
avaient été à sa recherche dans les provinces 
deTlaxcallan etdeHuexotzinco, c'est pourquoi 
il se cacha avec ses compagnons dans un bos- 
quet de àaules qui se trouvait près du chemin. 
Au moment où les ennemis passaient devant 
eux, ils rencontrèrent un jeune laboureur du 
pays, chargé de chian,et lui demandèrent s'il 
n'avait pas vu celui qu'ils cherchaient. Le 
paysan ayant répondu qu'il ne savait ce qu'on 
voulait lui dire, ils le lui expliquèrent, lui re- 
commandant fortement, s'il le découvrait, 
d'en donner avis aux Tecpanèques qui lui re- 
mettraient la récompense promise. Quand les 
ennemis se furent éloignés, Netzahualcoyotzin 
rejoignit ce paysan et lui demanda ce que lui 
avaient dit les soldats qui venaient de l'ac- 
coster. Celui-ci le lui raconta , et interpellé 
s'il dénoncerait le fugitif, dans le cas où il 



DES CHIGHIMÈQUES. 189 

viendrait à le découvrir, il répondit que non. 
Le prince lui ayant objecté qu'il aurait bien 
tort de perdre ainsi une belle femme et tout 
ce que Maxtla avait promis, le jeune homme 
se prit à rire sans faire attention a tous ces 
discours. 

Le prince continua sa route vers Yahuali- 
can. Quand ils furent arrivés à peu près à 
moitié chemin, Mihua , un de ses serviteurs, 
lui apporta un peu de nourriture. 11 passa la 
nuit dans cet endroit , et se rendit le lende- 
main à Quauhtepec où il reçut des messages 
de la part des seigneurs de Huèxotzinco pour 
le consoler et lui annoncer qu'au jour fixé ils 
viendraient à son secours avec toutes leurs 
forces. Ils lui remirent en même temps une 
grande quantité de pièces d'étoffes et de vivres 
que lui envoyaient Xayacamachan et Te-^ 
mayahuatzin. 11 se rendit le lendemain à Tlal- 
manalco, lieu qui fait partie de la province 
de Tlaxcallan. Il v rencontra Tlotililcauhtzin , 
ambassadeur de la république, qui le consola 



190 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

et lui promit un secours d'hommes etde vivres 
pour recouvrer ses états et relever l'empire 
Ghichimèque. Il lui remit en même temps un 
présent de vivres et d'étoflFes que lui faisait la 
république. Le lendemain il se rendit avec 
l'envoyé à Calpolalpan où le sénat de Tlaxcal- 
lan lui avait fait préparer de grands édifices 
pour se loger avec toute son armée à la tète de 
laquelle il marcha sur Tezcuco. Il reçut à Cal- 
polalpan la réponse de presque tous les mes- 
sagers qu'il avait envoyés de différents côtés. 
Ils lui apportaient des promesses de secours, 
particulièrement de Zacatlan, de Tototepec, 
de Tepepolco, de Tlaxcallan, deZempoalla et 
d'autres provinces, qui arrivèrent en effet 
dans cet endroit quelques jours après, ainsi 
que ceux de Huexotzinco, Ghololan et Chalco 
qui le rejoignirent le jour même où il parvint 
en vue de Coatlichan , ce qui le consola com- 
plètement et lui donna de grandes espérances 
d'un heureux succès. 



CHAPITRE XXVIII. 



Natzahnalcoyotzin marche sur Tezcnco avec une puissante 
armée , et rétablit l'empire des Aculhuas. — De quelques 
événements remarquables. 



Comme l'ambassade dont Teuhxolotl fut 
chargé pour la province de Ghalco est un 
des points les plus importants de l'histoire 
Chichimèque , il ne serait pas convenable de 
la passer sous silence ^ non plus que ce qui 
arriva à Huitzilihuitzin , précepteur de Net- 



192 HISTOIRE 

zahualcoyotzin. Quand celui-ci eut laissé son 
élève endormi dans la forêt de Tezcutzinco, 
il revint à sa maison avec Teuhxolotl et le 
fit partir de là pour Chalco. A peine s'était-iT 
mis en route que les Tecpanèques entrèrent 
dans la maison^ s'emparèrent du vieillard et 
le conduisirent en présence de Yanquiltzin , 
qui, par ordre de son oncle Maxtla, s'était fait 
proclamer roi de Tezcuco. Il lui fit donner la 
torture avec des cordes pour le forcer à dé- 
couvrir la retraite de son élève , et comme 
le vieillard la subit sans rien avouer, il le con- 
damna à être sacrifié dans le temple de l'idole 
Camaxtla qui se trouvait près de là; mais 
quand le condamné fut arrivé au sommet du 
temple il s'éleva un vent si furieux qu'il dé- 
racinait les arbres et enlevait les toitures. 
Huitzilihuitzin fut emporté par l'ouragan et 
jeté à une grande distance; ses deux fils, qui 
attendaient de loin l'issue de tout cela, le con- 
duisirent dans un lieu sûr où ils pansèrent 
ses blessures. 



DES GHIGHIMÈQUES. 193 

Teuhxolotl , qui était déjà sur la route de 
Chalco^ chercha à gagner cette ville en travers 
sant les montagnes pour ne pas être aperçu 
par les ennemis ; mais il se perdit et s'enfonça 
dans les gorges les plus sauvages où il rencon- 
tra un lion furieux. 11 allait prendre la fuite 
quand il s'aperçut que cet animal cherchait 
à le flatter; ayant suivi ses traces , le lion le 
conduisit par un sentier qui traversait les 
montagnes et ne le quitta qu'à l'entrée du 
bourg de Tlamanalco , où il délivra son mes- 
sage à Totequiztecuhtli et à Quateotzin qui 
prirent grande part aux infortunes du prince 
Netzahualcoyotzin. Cependant comme c'était 
alors Toteozitecuhtli qui était chef suprême, ils 
s'engagèrent à l'aller trouver, assurant que 
quanta eux ils étaient tous disposés à fournir 
le secours qu'on leur demandait. Teuhxolotl 
se rendit donc auprès du chef suprême et eut 
avant tout un entretien avec Mototzinca son 
épouse , sœur de Huitzilihuitzin , qui , profon- 
dément touchée des malheurs du prince , pro- 
12. 13 



194 HISTOIKE 

mit de faire tout ce qui serait en eHfe pour 
obtenit* des secoure de son itiàri. Celtii-èi !ftt 
ùc^VôHiuet polir lé lendemain tous tes chef% et 
totfà les nôbtes pour les consulte^ su^ cfe qù^l 
devait faire darts èettfe o^cesasion. Au poittt Kfti 
jour il At dresser au milieu de la plaéë tin'écha- 
falid sur lequfel on attacha Téuhxolotl pat* lèb 
pieds et par les mains , comrtie si c'ieût été tirt 
condamné. Quand tous ceux qui devaient )aââis^ 
ter au conseil ftirent réunis et la pTàee rem- 
plie de monde , Toteoziteculitli ordonna de 
dèdonvrir Téuhxolotl et de proclamer à haute 
vôîx par un crieur quel était le but de Ysl 
mission dé cet envoyé , déclarant que la pro- 
vince devait décider si elte voulait fournir 
ou non le secours demandé ; que , dans le 
premier cas , il le ferait délier, et le remet- 
trait en liberté, et que, dans le cas con- 
traire, il le ferait exécuter. Cette procla- 
mation excita la commisération de tous et 
Ton commença à crier : « Qu'on lé détaéfae ! 
nou^ voulons fournir le secours que nous 



DES GHIGHiilÈQUES. 195 

cklHàlide Neteafhnalcoyotiin , car son ewtre- 
pvist est juste, f^ On le 4ëM^ doïic et du tui 
fit lame répotise ftivôi^able. Il alla aussitôt 
trt>uTet* Huit^ilihuitzin et kii reiKlit compte 
de tout eé qui s'était passé. Le rieiltard Ten- 
emïragea à continuer sa route ju^cfà'à €W- 
polalpan ùé se trouvait Netzahualeoyôtzin , 
ee qu^il fit comme Je l'ai dit plus haut- Hcût^ 
£il<iliuitzifi résolut aussi d^aWer trouver son 
élève. Étavit arrivé au haut de fa montagne 
de 'ïepetlaoztôc , il fut saisi de froid, et se ré- 
fugia dafws mié cabane qiîii se trouvait là, dafis 
Fespérsinee d'y rencontrer du feu; maiscomme 
û n'y e» avait pa« , il prit de la cewdre et ta pé- 
trît âveeun peu de l'herbe no^mmée/)we/re(r), 



(i) Le piscite est une espèce de tabac. Les Mexicains en con- 
nfamaieifttroistscMrter qu'eus i&oinmaieût yetl , ou tabac à graiideÉ 
feuilles , ce nom s'appliquait aussi au tabac en général ; pis- 
cil^ OU tabac à petites feui'lies , de pisctietle , éhoae petite, et 
quauhyetl , labac sauvage t mot à mot tabac des aigles. H 
est singulier qu'en 1671 , époque à laquelle le Père Acosta 
ekS'Moliati publia soa yocabulaire mexicain ^ le nom de tabac 
ne fût pas connu ; il traduit piscite par herhe empoisonnée dont 
4>n $e feft en médeùine. 



1 96 HISTOIRE 

pour se conforter un peu restonaac, car cette 
herbe est très-chaude. Aussitôt elle prit feu 
comme si c'eût été de la poudre, ce qui lui fut 
un heureuxprésage du succès du prince Netza* 
hualcoyotzin son maître , qui s'avançait avec 
son armée. Il avait quitté le matin même 
Ahuatepec et traversait la montagne de Zol- 
tepec où ils se rencontrèrent avec une joie ré- 
ciproque. Le prince vint passer cette nuit 
dans la maison du vieil Huitzilihuitzin , où il 
reçut les hommages des chefs et des nobles 
de son parti. Il aperçut sur le sommet des 
montagnes les plus élevées la fumée des feux 
qu'on y avait allumés ; c'était le signal con- 
venu avec les princes qui lui avaient fourni des 
secours et lui annonçaient qu'ils arrivaient. 
Il en fut comblé de joie, car il voulait livrer la 
bataille le lendemain, et attaquer les deux 
villes d'Acolman etdeCoatlichan où les enne- 
mis avaient réuni toutes leurs forces. La pre- 
mière devait être attaquée par les habitants 
de Tlaxcallan et de Huexôtzinco ; la seconde 



DES CHIGHIMÈQUES. 197 

par les Chalcas. Le prince Netzahualcoyotzin 
prit sous son cominandeinent tout le reste de 
Tarmée composée de ceux de toutes les autres 
provinces qui étaient venues à son aide, et 
des naturels de son royaume de Tezcuco. Il 
destinait ces forces à secourir ceux qui en 
auraient besoin, et à pénétrer dans la ville 
de Tezcuco pour saccager les maisons de ses 
ennemis, massacrer les Tecpanèques let tous 
ceux qui tenteraient de résister. 

La bataille commença en effet le lendemain ; 
mais Netzahualcoyotzin était arrivé tellement 
à l'improviste et avec des forces si considéra- 
bles que, malgré la résistance des Tecpanèques 
et de leurs partisans , ils furent mis en dé- 
route et périrent presque tous. Les maisons 
et les temples qu'ils possédaient à Âcolman 
et à Coatlichan furent saccagés et brûlés. Te- 
mayahuitzin , seigneur de Huexotzinco , qui , 
à la tête de sa nation et des Tlaxcaltéques , 
avait attaqué la première de ces deux villes , 
tua de sa propre main Yulcoatzin, un des pe- 



1 98 HISTOIRE 

tits-4îls de Tezozomoc et l'un des deux chefs 
que ce tyran avait donnés au royaume dea 
Âculhuas. L'autre, Quetzalmaquiztli, seigneur 
de Goatlichan, tomba sous les coups des Chal^ 
cas. Il s'était retiréavec ses principaux officiers 
dans le grand temple de sa capitale et s'y dé^ 
fendit vaillamment; mais les Chalcas s'empare* 
rent de lui, le précipitèrent du haut du temple 
et mirent son cadavre en lambeaux» Nefcwhuftl- 
coyotzin, qui avait d'abord soutenu led^deux 
attaques, pénétra ensuite dans Tezcuco, rasa 
les maisons de ses ennemis, et se rendit maî- 
tre de toute la ville. Il alla ensuite à Huexo*^ 
tla pour remercier l'armée des Ghalcas, çt prit 
congé d'eux après avoir rendu grâce aux chefs 
de l'assistance qu'ils lui avaient prêtée , et fait 
don aux soldats de tout le butin qu'ils avaient 
fait à Coatlichan , les priant de venir à son 
secours quand il ferait une nouvelle tentative 
pour recouvrer le reste de l'empire. Il reprit 
ensuite laroute d'Âcolman, car on l'avait averti 
que l'armée de HuexotzincoetdeTlaxcallan se 



DES CHIGHIMÈQUES. 199 

préparait à retourner dans son pays. II leur 
fit ses adieux à Chicuquauhtia après leur, avoir 
accordé la même faveur qu'aux Chalcas et leur 
avoir fait ses remerciements. Ces Indiens lui 
promirent de l'aider de nouveau quand il s'agi- 
rait de recouvrer le reste de l'empire. Il ren- 
voya de la même manière ceux de Zacatlan , 
Tototepec, Chololan, et ne garda avec lui que 
les guerriers les plus braves qui n'avaient 
d'autre profession que celle des armes. Il les 
occupa ainsi que ses sujets à fortifier Tezcuco 
et les frontières de son rovaume du côté des 
Tecpanèques et des Mexicains , et se reposa 
dans sa capitale triomphant et victorieux. 



CHAPITRE XXIX. 



Fin de l'histoire générale des Chichimèques. — Notice sur les 
auteurs qui la représentèrent. — Conduite ultérieure du 
tyran Maztla. 



Maxtla , ayant appris que Netzahualcoyot- 
zin avait réussi à s'échapper et qu'il voulait 
faire une nouvelle tentative pour recouvrer 
son royaume, fit promettre de grandes fa- 
veurs à tous les habitants de Tezeuco, et 
surtout à ceux qui tenaient par les liens du 



202 HISTOIRE 

sang à la famille royale. 11 agit de même à 
l'égard des autres seigneurs ses vassaux 
pour les engager à s'emparer du prince et à 
le faire périr. De tous ses parents ceux qui se 
montrèrent les plus hostiles et les plus dispo- 
sés à obéir au tvran, furent Nonoalcatzin son 
beau-frère, qui avait épousé la princesse Toz- 
cuetzin sa sœur, laulquitzin et Tochpili, Ils 
firent tous leurs efforts pour le faire périr, et 
n'ayant pu y réussir , ils s'enfuirent de Tez- 
cuco pour ne pas tomber entre ses mains et 
recevoir le châtiment du à leurs crimes. Max- 
tla fut frappé d'épouvante en voyant que Net- 
zahualcoyotzin avait recouvré le royaume des 
Aculhuas qui était la tête et le fondement de 
l'empire Chichimèque, en si peu de temps qu'il 
ressemblait à la foudre tombée du ciçjj car 
en moins de quinze jours il s'était échappé ^e 
ses mains , avait traversé les montagn(3S, réuni 
une puissante armée et reconquis |e royau- 
me de Tezcuco. 11 sentit qu'il devait tout faire 
pour arrêter ses progrès. A cette époque il 



DES GHIGHIMÈQUES. 203 

opprimait beaucoup les Mexicains auxquels 
il avait, par esprit de vengeance, imposé des 
tributs si excessifs qu'il leur était impossible 
de les payer. 

C'est ici que s'arrête l'histoire générale 
des Chichimèques dont les auteurs se nom- 
maient Cemilhuitzin et Quauhquetzal. Elle 
se termine un an après la mort de l'empe- 
reur Ixtlilxochitl et du capitaine général Coa- 
cuecuenotzin, au moment où Maxtla s'occupait 
à rassembler une armée pour marcher contre 
ses ennemis, au commencement de l'année 
Ce Tecpatl ou 1 428. Je tirerai donc ce que je 
vais raconter d'autres historiens et des An- 
nales de la Nouvelle-Espagne. Ce fut au jour 
Ce Ollin , cinquième du huitième mois Mi- 
cailhuitzintli , ou le 11 août 1 427, que Netza- 
hualcoyotzin rentra victorieux dans Tezcuco, 
sa capitale. 



CHAPITRE XXX. 



Les Mexicains , opprimés par le tyran Maxtla , envoient un am^ 
bassadenr au roi de Tezcuco pour lui demander du secours. 



Les Mexicains y qui avaient été les princi- 
paux alliés du roi Tezozomoc et des Tecpanè- 
ques, se révoltèrent contre eux parce qu'ils 
avaient fait périr leurs seigneurs naturels , et 
commis mille insolences et nrille tyrannies, 
exigeant d'eux de leur fournir des choses 



206 HISTOIRE 

presque impossibles, telles que des volièi*es et 
des jardins flottants, et surtout, parce que leur 
roi avait voulu violer la reine femme Intime 
d'Itzcoatzin, ce que les Mexicains r^ardèrent 
commeunafirontetune marque de mépris. Se 
vovant donc maltraités d'un côté, et menacés 
de l'autre par le prince Netzahualcoyotzin, qui 
voulait se venger de leurs trahisons et de 
la part qu'ils avaient prise à la mort de l'em- 
pereur son père, ils se consultèrent sur 
ce qu'ils avaient à faire, et pensèrent qu'il 
valait mieux , pour leur repos et pour leur 
liberté, se réconcilier avec le roi de Tez- 
cuco que la fortune commençait à favoriser. 
Ils résolurent donc, quoiqu'ils eussent trem- 
pé dans les crimes de Tezozomoc, d'en- 
voyer des ambassadeurs à Netzahualcoyotzin 
pomr s'excuser le mi^ux possible et lui demafi- 
dcr des secours contre Maxtla qui les serrait 
de près dans letir capitale et auquel ils étaiient 
hors d'^état dte rési'stcr , lui offrant de leur côté 
de l'appuyer de toute leur puissance pour ïtc- 



DES CHlCHtMlBQUES. 2ÔÎ 

gagiifer ffempiré. Us devaient 1^4 t^eprésenter 
ettôutrfequ'iï araît diegrftôd^tléVoirs létiver^là 
noblesse mexîèain^e puisqu'H en était desctîn- 
èù. On ch'oî^ît pottr cette ambassade Moté- 
cûh2ôméêt2iti Illiiri<?âmina cïipitaine gëtttétal 
defe Mèxicaïn's , cfoiisin germain très-aimé de 
Nêfcfcahual'coyofcsin , et deux atitreis nobles 
tfài se nommarent TôtopiTatzin etTelpocb. Les 
àyiribasâàldeurs quittèrent donc Mexico pour se 
rertdrê à Tezctico le pl^s secrètement possi- 
ble. En arrivant sur les fi^ntièrcfs d'Aculhua- 
ean ifs ftirent arrêtés par les soldats chargés 
de les garder. Ceux-ci , reconnaissant en eux 
des^parents de feùr *roi, ne les tuèrent pas, mais 
les lui envoyèrent sous bonne garde. Quand 
ils furent arrivés en sa présence, ils s'aq*ûit- 
tèrent de l'objet de leur mission. NetîrahtKil- 
coyotzin se réjouît beaucoup de les voir ^ eut 
pitié âe Ta triste situation où se trouvaient les 
Mexicarns. Pour venir plus promptement à 
létir aide, il envoya àChalco,.la plus voisine 
des provinces dont il pût attendre du sei*ours, 



208 HISTOIRE 

son frère Quauthlequanitzin avec Motecuhzo- 
matzin et Totopilatzin , gardant Telpoch au- 
près de lui , et les chargea de prier Toteozite- 
cuchtli de lui envoyer des renforts le plus tôt 
possible. II fit aussi appeler Iztacquauhtzin ^ 
seigneur de Huexotla, son capitaine général , 
qui était occupé à réunir des troupes et 
des vivres pour l'entreprise que l'on méditait 
contre Maxtla, et lui envoya Xiconocatzin son 
frère et trois autres nobles. Ce message n'é- 
tait pas de nature à plaire aux Chalcas ni à 
Izfacquauhtzin qui exécraient les Mexicains à 
cause de toutes les vexations dont ils les 
avaient accablés quand ils étaient puissants 
et favorisés par les rois Tecpanèques. Le ca- 
pitaine général ne répondit donc qu'en fai- 
sant massacrer le frère du roi et les nobles 
qui l'avaient accompagné, aimant mieux être 
traître à son roi que de venir au secours des 
Mexicains. Toteozitecuhtli fit jeter en prison 
ceux qui s'étaient rendus à Chalco , et en con- 
fia la garde à Cateotzin , un des deux chefs de 



DES CHIGHIMÈQURS. 209 

Tlamanalco ; mais celui-ci les fit échapper la 
même nuit. Toteozitecuhtli , voulant regagner 
la faveur de Maxtla , se hâta de lui faire annon- 
cer qu'il les tenait prisonniers; mais celui-ci 
était tellement irrité de ce qu'il avait aidé Net- 
zahyalcoyotzin à regagner son royaume, 
qu'il ne lui répondit que par des menaces 
de destruction et lui dit de faire ce qu'il 
voudrait de ces prisonniers. Toteozitecuhtli , 
apprenant qu'ils n'étaient pi us en son pouvoir, 
s'irrita contre Cateotzin et le fit tuer. Quand 
les ambassadeurs furent de retour à Tez<aico, 
Netzahualcoyotzin les consola et les renvoya 
à Mexico, leur promettant de se mettre bien- 
tôt en marche avec tous les soldats qu'il pour- 
rait rassembler, car il avait reçu la nouvelle 
que Tlaxcallan , Huexotzinco et d'autres pro- 
vinces lui envovaient des renforts. 



12. \\ 



CHAPITRE XXXI. 



Nei^ahualco^'otzin va au secours de Mexico à la tele de son 

armée. 



Netzahualcoyotziii , voyant la détresse oy se 
trouvaient ses oncles et leurs vassaux les 
Mexicains 9 réunit promptement tous ceux qui 
voulurent le suivre, et s'avança par eau et 
par terre au secours de Mexico , quoîqu'au 
moment de s'embarquer il eut été attaqué 



21 2 HISTOIRE 

par derrière par son propre capitaine général 
Iztacquauhtzin^ qui s'était révolté et déclaré en 
faveur desTecpanèques. Le roi de Tezcuco re- 
mit son châtiment à un autre temps y et alla 
débarquer à Tlatelolco, où il fut reçu par 
Itzcoatzin son oncle, par Quauhtlequantzin et 
les autres principaux seigneurs. Après avoir 
traité de leur délivrance , ils réunirent leurs 
soldats et attaquèrent si violemment les 
Tecpanèques , qu'ils les chassèrent de la ville. 
Ils marchèrent ensuite à la tête de leur armée 
contre Maxtla. La bataille dura trois jours en- 
tiers; le matin du quatrième jour, Netzahual- 
covotzin à la tête des Tezcucains d'un côté » 
et Itzcoatzin de l'autre à la tête des Mexicains , 
renouvelèrent l'attaque avec une nouvelle fu- 
rie. Il périt beaucoup de monde des deux cô - 
tés; mais enfin l'armée de Maxtla fut forcée 
de battre en retraite et de sortir du territoire 
mexicain. Les caciques de Huexotzinco, de 
Tlaxcallan, et les autres alliés, arrivèrent peu 
de temps après et opérèrent leur jonction avec 



DES CHIGHIMÈQUES. 213 

Netzahualcovotzin. On divisa alors rarmée 
victorieuse en trois corps. Netzahualcoyotzin et 
Xayacamacha devaient s'avancer par la mon- 
tagne de Quaiihtepec, à la tête des Tezcucains , 
de la moitié de ceux de Huexotzinco et de l'ar- 
mée tlaxcaltèque. Les deux autres corps de- 
vaient passer des deux côtés de cette mon- 
tagne. L'un était formé par le reste des 
guerriers de Huexotzinco , commandés par 
Temayahuatzin, et le reste des alliés ; il avait 
pour chef Itzcoatzin. L'autre, placé sous les 
ordres de Motecuzoma et de Quauhtaoatzin , 
roi de Tlatelolco , se composait de leurs vas- 
saux. Il fut convenu que l'on n'attaque- 
rait qu'à un signal donné, et que l'on char- 
gerait l'ennemi de tous les côtés à la fois. 
Le lendemain, l'action commença à l'aube du 
jour, et ce ne fut qu'avec bien de la peine et 
en perdant beaucoup de monde que Netza- 
hualcoyotzin et les Mexicains parvinrent à 
repousser l'ennemi. Cette guerre dura cent 
quinze jours, car le roi Maxtla se défendait 



y^ 



214 HISTOIRE 

vaillamment et avait réuni toutes ses forces. 
Au bout de ce temps , Netzahualcoyotzin et 
les rois de Mexico, ayant fait un nouvel effort, 
rompirent Son corps de bataille et mirent son 
armée en déroute. Après avoir tué un grand 
nombre de Tecpanèques , ils pénétrèrent 
dans leur capitale, la ravagèrent, rasèrent les 
temples et les maisons des principaux sei-- 
gneurs, et passèrent tout au fil de l'épée. 
Maxtla, qui s'était réfugié dans les bains d'un 
de ses jardins, en fut honteusement tiré. 
Netzahualcoyotzin le conduisit sur la princi- 
pale place de la ville , et le sacrifia aux dieux 
en lui arrachant le cœur, disant qu'il en agis* 
sait ainsi pour venger la mort de son père 
IxtlilxochitL Pour charger cette ville d'une 
honte éternelle , il ordonna que désormais on 
y tiendrait le marché aux esclaves (i). 



(i) Cette guerre est représentée dans un des manuscrits de 
M. Waldeck. On voit à droite le roi Itzcoatl, qui envoie Mote- 
cohzoma llhuicamina ; le combat de celui - ci contre Masall 
et la mort de ce dernier ; plus loin Maxtla réfugié dans un 
bain , où il est découvert et assommé. 



DES CHICHIMÈQUES. 215 

Telle fut la fin de cette ville célèbre , une 
des plus grandes qu'ily eùtdans toute la Nou- 
i^elle-Espagne , et à laquelle on avait, à cause 
de sa nombreuse population , donné le nom 
d'Atzcaputzalco , qui signifie fourmilière. Les 
Tecpanèques qui avaient échappé au mas- 
sacre se réfugièrent à Cuyoacan et à Tlaco- 
pan ; Netzahualcoyotzin et Itzcoatzin marchè- 
rent contre eux et les soumirent facilement, 
car le seigneur de Tlacopan , qui était leur 
proche parent et favorisait secrètement leur 
parti, les rejoignit à leur arrivée. Les deux rois 
ravagèrent ensuite, à la tète de leur armée, 
les autres villes des Tecpanèques , telles que 
Tenayocan , Tepaonta , Toltitlan , Quauhti- 
tlan , Xaltocan , Huitzilopochco et Colhuacan, 
qui se soumirent, ainsi que toutes leurs au- 
tres villes et villages dont il est inutile de 
faire mention ici. Tout ceci se passa en Tan^ 
née 1428. Les deux suivantes furent em- 
ployées à soumettre le royaume de Tez- 
cuco, troublé par la révolte d'Itztacauhtzin , 



216 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

seigneur de Huexotla, et d'autres nobles de 
son parti. Vaincus, après une valeureuse ré- 
sistance, par Netzahualcoyotzin , ils se réfu- 
gièrent dans les provinces de Chalco, Huexot- 
zinco et Tlaxcallan. Comme presque toutes 
les villes et bourgades du royaume avaient 
embrassé leur parti, Netzahualcoyotzin les 
saccagea et brûla les plus beaux temples et les 
maisons des seigneurs. Après avoir placé une 
garnison dans Tezcuco et dans les principales 
villes, il se rendit à Mexico, où il s'occupa, 
avec son oncle Itzcoatzin , à soumettre la pro- 
vince et les villes de Xochimilco et de Cuitla- 
huac, qui, comptant sur leur forte position 
dans le lac, avaient refusé de se soumettre jus- 
qu'à l'année 1430. Netzahualcoyotzin acheva 
de soumettre l'empire et s'occupa à enclore la 
forêt de Chapultepec, à construire un aqueduc 
pour apporter de l'eau à Mexico, et à y élever 
des palais et d'autres édifices publics. 



CHAPITRE XXXIl. 



On prête serment à Netzahualcoyotzin en qualité de roi de 
Tezcuco, d'Aculhuacan et d'empereur des Chichimèques, 
à son oncle Itzcoatzin , comme roi de Mexico , et à TotO" 
quihuatzin , roi de Tlacopan. — L'empereur donne à ces der- 
niers le royaume tecpanèque d'Atzcaputzalco. 



Environ quatre ans après la prise d'Atzca- 
putzalco par Netzahualcoyotzin et ses alliés , 
trois ans après qu'il eut ravagé et soumis son 
propre royaume d'Aculhuacan et fait tout 
cequejeviensdedire,c'est-àKlireen l'an 1431 , 
nommé Nahui Acatl, il crut que le moment 



218 HISTOIRE 

était venu de se faire prêter serment comme 
empereur. Il pensa cependant qu'il valait 
mieux que le pouvoir, qui du temps de ses 
ancêtres avait été réuni sur une seule tête , 
fût partagé entre trois personnes , qui furent 
les rois de Mexico, Tezcuco et Tlacopan. Il fit 
part de ses intentions et des raisons qui l'y 
déterminaient à son oncle Itzcoatzin , qui les 
approuva, mais en blâmant ce qui était relatif 
au roi de Tlacopan , tant parce que Totoqui- 
huatzin n'était qu'un simple seigneur qui avait 
toujours été soumis au roi d'Atzcaputzalco, 
que parce qu'étant de la même race, il était 
à craindre qu'il ne rallumât un incendie plus 
difficile à éteindre que le premier. Netzahual- 
coyotzin répliqua que ce serait une tyrannie 

■ 

de vouloir détruire une race aussi ancienne 
que celle des Tecpanèques , d'où étaient sortis 
tant d'hommes nobles et illustres; que, 
d'ailleurs, il prendrait toutes les mesures né- 
cessaires pour empêcher de nouveaux trou- 
bles. Son opinion finit par triompher. On 



DES GHIGHIMÈQUES. 219 

réunit donc tous les seigneurs mexicains ou 
sujets du roi de Tezcuco, et ils prêtèrent ser- 
ment SSix trois rois comme héritiers de l'em- 
pire, et à chacun en particulier comme sou- 
verain des états qui lui appartenaient en 
propre. Celui de Tezcuco fut salué du titre 
d'Aculhua Tecuhtli, ainsi que de celui de 
Ghichimecatl Tecuhtli qu'avaient porté ses 
ancêtres, et qui était la marque distinctive 
de Tempire; Itzcoatzin, son oiîcle, reçut celui 
de Culhua Tecuhtli , parce qu'il régnait sur 
les Toltèques Culhuas ; et Totoquihuatzin celui 
de Tecpanecatl Tecuhtli , qu'avaient porté les 
rois d'Atzcaputzalco. Depuis ce temps , leurs 
successeurs ont conservé le même titre , qui 
correspond à celui de César chez les Romains. 
Ces trois dynasties gouvernèrent la Nouvelle- 
Espagne jusqu'à l'arrivée des chrétiens. Ce- 
pendant^ quoiqu'elles fussent égales en rang, 
en puissance et en revenu , il y avait de cer- 
tains tributs dont le roi de Tlacopan ne rece- 
vait qu'un cinquième, tandis que ceux de 



220 HISTOIKE 

Mexico et de Tezcuco en recevaient chacun 
deux. On trouve ce fait, qui d'ailleurs est 
notoire et connu de tous, dans un ancieif chant 
relatif aux trois dynasties de la Nouvelle-Es- 
pagne, nommé Xopanquictla , et que les na- 
turels de toutes les provinces où l'on parle le 
mexicain chantaient dans leurs fêtes et dans 
leurs festins. 11 est ainsi conçu : « Can con i 
cuilotehua que on intlactipan con mahuiçoti^ 
tikuia a Tliautepetl MexicomianAcolhuacan^ 
Netzahualcoyotzin^ Motecuhzomatzin^ Tlaco- 
pan on in to Toquiahuatzin Jeneliin ai compia-^ 
co, inipetlicpal inteotl a Ipalnemo aniy etc. ; » 
ce qui veut dire : « L'univers se souvient de 
ceux qui ont illustré l'empire de Mexico dans 
l'Aculhuacan , des rois Netzahualcoyotzin et 
Motecuzmatzin , et à Tlacopan de Totoquihuat- 
zin. Il est vrai que votre mémoire sera impri- 
mée et éternisée au tribunal du Dieu créateur 
de toute chose, parce que vous avez bien jugé 
et bien gouverné. » On voit clairement par ce 
chant que les trois dynasties que j'ai nommées 



DES CHICHIMÈQUES. 221 

étaient les principales du Mexique, et que le 
roi de Tlacopan passait pour Tégal de ceux de 
Mexico et de Tezcuco. Il est prouvé, d'ailleurs, 
que la prestation de serment eut lieu avec les 
rites et cérémonies usités chez les Mexicains 
lors du couronnement de leurs rois que je 
raconte ailleurs , et qu'on célébra à cette occa- 
sion des fêtes solennelles. 



CHAPITRE XXXIII. 



Ntitzahualcoyotzin prend la résolution de se rendre à Tezcuco 
avec toute sa cour. — [>es négociations qui eurent lieu à cet 
égard . 



Iztacquauhtzin^ seigneur de Huexotla, an- 
cien capitaine-génëral des Tezcucaiiis, et Mo— 
tolimatzin , seigneur de Goatlichan , deux des 
piMneipaux chefs du royaume de Tezcuco^ 
alliés aux premières familles du pays y et qui 
étaient exilés depuis leur révolte qui avait 



224 HISTOIRE 

amené le sac de la capitale , voyant que Netza- 
hualcoyotzin était universellement reconnu 
comme roi de Tezcuco et héritier de l'empire, 
résolurent de lui envoyer un présent considé- 
rable en or, en pierreries, en plumes et en 
étoflFes, implorant leur pardon pour les of- 
fenses passées et lui demandant la vie« Us 
prièrent Itzcoatzin, leur oncle, et les autres 
seigneurs du Mexique, d'intercéder en leur 
faveur, et leur envoyèrent de riches pré- 
sents. Netzahualcoyotzin leur fit répondre 
qu'il leur pardonnait et qu'ils pourraient 
tranquillement rentrer dans leur patrie sans 
craindre qu'il leur fit aucun mal. Ayant ob- 
tenu cette grâce , ils le firent solliciter de 
nouveau de rentrer dans sa capitale , car ses 
sujets et ses vassaux étaient orphelins et 
abandonnés par suite de sa longue absence. 
Itzcoatzin intercéda encore cette fois pour eux, 
et malgré les offenses de ses vassaux , Netza- 
hualcovotzin rentra à Tezcuco avec toute sa 
cour après avoir résidé quatre ans à Mexico. 



DES CHICHIMÈQUES. 225 

Avant son départ il partagea le pays avec Itz- 
coatzin^ traçant du nord au sud, à partir de la 
montagnede Cuexomatl, une ligne de démar- 
cation qui traversait le lac, deux montagnes 
nommées Xoloc et Techimatli et la rivière de 
Cul huacan jusqu'aux frontières de la province 
de Tototepec.où finissait le pays qui avait été 
conquis. Cette ligne était désignée par une 
muraille construite de grosses pierres. Netza- 
hualcoyotzin prit pour lui tout ce qui se 
trouvait du côté oriental et donna le reste aux 
rois de Mexico et de Tlacopan. Pour embellir 
la ville de Tezcuco, le roi pria son oncle de 
lui donner toutes espèces d'ouvriers; il en 
fit venir d'Atzcaputzalco , de Xochimilco et 
d'autres provinces. 

Netzahualcoyotzin, voulant retourner àTez- 
cuco, s'embarqua sur le lac et alla descendre 
dans un bois nommé Acuyacan qui se trou- 
vait sur la rive. Il y fut reçu par tous les sei- 
gneurs et tous les nobles de la capitale qui y 

célébrèrent des fêtes en son honneur. 11 s'a- 
12. 15 



226 HISTOIRE 

perçut cependant de Tabsenee d'itzlacauhtzin^ 
seigneur de Huexotla , de Ochpancatl , de To- 
tomihua , seigneur de Coatepec, de Nonoal- 
calt, son beau-frère , mari de la princesse 
Tozquétzin, ainsi que de Tochpelli, qui, quoi- 
qu'ils eussent obtenu leur pardon , sentaient 
tellement la grandeur de leurs .crimes qu'ils 
n'osaient se présenter devant lui. Netzahual-i- 
coyotzin fut très-affligé de leur absence et leur 
envoya un gentilhomme nommé Coyahua 
pour les engager à revenir et à ne pas aban>- 
donner leur maison et leur patrie pour rester 
sur une terre étrangère où ils vivraient dans 
le mépris, et leur représenter que c'était seu- 
lement pour l'amour d'eux qu'il avait consenti 
à rentrer dans sa capitale ; qu'il- avait oublié 
et pardonné le passé, et qu'ils pouvaient re- 
venir sans crainte. Le messager les rejoi- 
gnit dans les montagnes de Chalchuihtetome. 
Ils répondirent qu'ils espéraient que le roi 
leur pardonnerait leur absence, mais que 
leurs crimes étaient si grands qu'ils n'osaient 



DES GHIGHIMÈQUES. 227 

reparaître devant lui. Cependant Totomihua^ 
seigneur de Coatepec, dit à ses deux fils qui se 
nommaient Aiocuantzi et Quetzaltecolotzin : 
w Allez , et servez votre souverain légitime , 
car votre innocence vous met à l'abri de sa 
colère. » Il n'y eut que ces deux jeunes gens 
qui revinrent avec le messager ; les autres con- 
tinuèrent leur route pour Tlaxcula , Huexot- 
zingo ouGhalco. Cette retraite causa beaucoup 
de peine au roi qui fit son entrée dans la ville 
où il fut très-bien reçu et alla loger dans un 
palais nommé Cillan. 



CHAPITRE XXXIV 



Querelles qui amènent une guerre entre Netzahnalcoyotzîn 
et son oncle Itzcoatzin. — Le roi de Tezcuco fait la paix 
après être entré avec son armée dans la Tille de Tezcuco , 
et rend à tous les seigneurs leurs domaines. — Autres événe- 
ments de cette époque. 



Netzahualcoyotzin séjourna quelque temps 
à Tezcuco et employa le reste de Tannée à ré- 
gler tout ce qui était nécessaire au bon gou- 
vernement des Aculhuas. Son oncle Itzcoatzin 
commença cependant à représenter aux sei- 
gneurs mexicains qu'ils avaient eu tort de le 



230 HISTOIRE 

reconnaître corame chef suprême de tout 
Tempire et de lui donner le titre de Chichiiiie- . 
catl-Tecuhtli qui avait été porté par ses ancê- 
tres les empereurs chichimèques ; qu'il avait 
bien plus de droit que lui à cette dignité , puis- 
qu'il était vieux et presque son père, car il 
était son oncle et frère aîné de sa mère Matal- 
cihuatzin. Il ajouta qu'il suffirait à son neveu 
d'être roi des Aculhuas et associé à l'empire 
comme l'était le roi de Tlacopan. Cette affaire 
ne resta pas tellement secrète qu'elle ne vînt 
aux oreilles de Netzahualcoyotzin qui fut très- 
irrité de la vaine présomption de son oncle^ 
de son ingratitude pour le service qu'il lui 
avait rendu en le délivrant de l'esclavage où 
il était tenu ainsi que sa nation^ par le. roi 
d'At2lcapttt2àlco , cfar Itzcoàtzin n'était que 
seigneul* deTenoschtitlan et héritier présoinp* 
tif du royatinae dèà Aculhtias alors fort pe- 
tit parce qtie le roi d'Atzcaputzalco ou d'au* 
très seigneurs indépendants de l'cfinpire en 
avaient tisurpé la majeure partie. Il lut «viiit 



DES GHICHIMÈQUES. 231 

donné la moitié de ce qu'il possédait soit qu'elle 
eut appartenu aux Chichitncques, ses ancêtres, 
ou parce qu'il l'avait conquise par sa pfi^ôpre 
valeur. Il l'avait donc placé siir un trône bien 
plus élevé que celui de ses ancêtres, et l'avait 
"rendu son égal. Il réunit une armée pour 
marcher contre Mexico , voulant prouver par 
les armes, à son oncle et aux seigneurs mexi- 
cains, qu'il était digne de l'empire et dii titre de 
Chichimecatl-Tecuhtli. Pour qu'ils ne pussent 
pas lui reprocher de les avoir attaqués àl'ira- 
proviste, il envoya prévenir son oncle qu'à 
une époque fixée il serait avec son armée de- 
vant la ville de Mexico et qu'il lui ferait voir 
les armes à la main s'il méritait l'empire. It25- 
coatzin voyant la colère de son neveu se dis- 
culpa de son mieux, et pour mieux l'apaiser 
il lui envoya vingt-cinq jeunes filles, les plus 
belles qu'il put trouver à sa cour, et les plus 
nobles, car elles étaient tontes du sang royal de 
Mexico. Il y ajouta d'autres présents d'or, de 
pierreries, de riches plumes et d'étoffes. Nctza- 



232 HISTOIRE 

hualcoyotzin reçut très-bien ces jeunes filles^ 
les combla de présents et de faveurs, et quand 
elles furent reposées, il les renvoya à son 
oncle en disant qu'il le remerciait de son 
présent, que ce n'était pas aux femmes mais 
aux armes à terminer leurs diflFérends. Parmi 
ces présents se trouvait un serpent en or^ 
roulé sur lui-même , et qui avait la tète dans 
ses parties naturelles, emblème fort connu 
parmi eux. 11 ajouta qu'au jour fixé il se- 
rait devant Mexico. Itzcoatzin , voyant la ré- 
solution de son neveu , réunit ses guerriers et 
fortifia de son mieux sa capitale. 

Netzahualcoyotzin s'avança du côté de Tep- 
ciacac que nous nommons Notre-Dame-de- 
Guadalupe, et attaqua la ville pendant sept 
jours sans pouvoir y pénétrer. Cette entrée 
était défendue par un vaillant capitaine mexi- 
cain nommé Itzteeuachichtli. Mais le hui- 
tième jour, un jeune homme de l'armée tez- 
oucaine, nommé Teconaltonatl , tua, après 
un combat acharné, le chef des Mexicains 



DES CHICHIMÈQUES. 233 

et les mit en déroute. Netzahualcoyotzin 
suivit cet avantage, et commença à sacca- 
ger les principales maisons de la ville et 
à brûler les temples. Itzcoatzin, voyant cela , 
envoya des vieillards dire à son neveu que ce 
qu'il avait fait était suffisant, et qu'il eût égard 
aux cheveux blancs de son oncle et aux Mexi- 
cains ses ancêtres. Netzahualcoyotzin , qui ne 
demandait pas autre* chose , rappela aussitôt 
son armée. 11 eut ensuite une entrevue avec 
son oncle et fit la paix avec lui , après lui avoir 
fait des reproches en public. Il ordonna que 
dorénavant toutes les villes , bourgades , 
villages situés sur le lac et aux environs et ap- 
partenant aux rois de Mexico et de Tlacopan, 
lui payeraient un tribut, ainsi que la ville de 
Tenochtitlan , le quartier de Xoloc et les villes 
de Tlacopan , Atzcaputzalco , Tenaiocan , Te- 
potzotlan, Quauhtitlan, Xochimilco et Cuexo- 
matillan. Le tribut pour chacune de ces villes 
fut fixé à cent charges de manteaux blancs 
ornés de poil de lapin teint de tqutes sortes de 



234 HISTOIRE 

couleurs, chaque charge comprenait vingt 
manteaux ; vingt charges de manteaux royaux 
Comme tes rois en portent dans les cérémo^ 
nies publiques, avec la ceinture; vingt autres 
d'étoffes de deux couleurs, avecleurs ceintures, 
comme ils avaient coutume d'en porter dans 
les fêtes et dans les danses^ deux boucliers en 
plumes avec les devises en pi urnes jaunes, des 
panaches nommés tecpifotlt que les rois de 
Tezcuco avaient coutume de porter sur la tête 
ainsi que deux paires de cordons garnis de 
plumes qui servaient à s'attacher les cheveux. 
Il nomma pour majordome et percepteur de 
ces tributs un nommé Caylon (i). Le roi ton 
oncle , ainsi que Totoquihualzin , roi de 
Tlacopaiï, et les principaux seigneurs de 
toutes les villes que j'ai citées, promirent 

( I ) Aucun autre auteur n a fait mention de cette expé- 
dition de Netzahualcoyotzin contre les Mexicains , qui , loin 
d'être tributaires des Tezcucains , dans les derniers temps 
de l'empire , l'emportaient sur eux en influence. Ou le tri- 
but ne fut payé que fort peu de temps , ou l'auteur , ja- 
loux de faire valoir sa nation , a recueilli quelque conte po- 
pulaire. « 



DES GHIGttlMÈQUES. 235 

fklékitient chaque année de payer le* tribut 
qu'il leur imposait, puisqu'il l'avait gagné 
par sa valeur. Après avoir été bien fêté à 
Mexico, il annonçsi à Itzcûatâti, avant d^ 
repartir pour Tezcuco, qu'il dvait l'intention 
de rétablir tous les seigneurs datls leurs do- 
maines,, non toutefois comme ils les possé- 
daient autrefois, mais de manière à ce que ni 
eux ni leurs vassaux ne pussent jamais penser 
à se révolter. Itzcoat^in allégua beaucoup de 
raisoiis contre ce projet , ajoutant que par 
leurs révoltes précédentes ils avaient perdu 
tous leurs droits, que cela diminuerait les tri* 
buts et les revenus royaux, et qu'il valait 
mieux les laisser ne vivre que des grâces des 
trois chefs de l'empire, en les récompensant 
quand ils l'auraient mérité. Mais NetzahuaW 
coyotzin lui répondit : « Ce serait une usurpa- 
tion, une tyrannie contraire à nos anciens 
usages. Il est de mon devoir de les élever et 
de leur donner des biens puisqu'ils descen- 
dent tous de ma maison. Je me ferai hon- 



236 HISTOIRE DES CHIGHIMÈQUES. 

neur, et je marierai avec eux mes fils et 
mes filles; car il importe à la grandeur des 
rois que leurs inférieurs soient des gens puis- 
sants. Il rétablit donc dans leurs domaines 
tous ceux qui étaient du sang royal d'Atzca- 
putzalco. » Il y en avait neuf dans le royau- 
me de Tezcuco , sept dans celui de Tlacopan , 

et treize dans le rovaume de Mexico aux- 

t/ 

quels il en ajouta plus tard un quator- 
zième, ce qui fit trente seigneurs qui étaient 
les grands de tout l'empire, et qui assistaient 
en personne on par un de leurs enfants aux 
assemblées des états. Ils n'étaient tenus qu'à 
prêter foi et hommage et à servir en temps de 
guerre avec leurs vassaux sans payer aucun 
tribut. Quand tout cela fut exécuté, Netzahual- 
coyotzin retourna à Mexico. 



CHAPITRE XXXV. 



Netzahaalcoyotzin rétablit dans leurs domaines les seigneurs du 
royaume des Aculhuas , et partage les terres. 



Tout le monde applaudit à la conduite de 
Netzahualcoyotzin quand il rétablit les sei- 
gneurs dans leurs domaines. On y vit une 
preuve de sa générosité, qu'il voulait sui- 
vre les traces de ses ancêtres et faire ou- 
blier la mémoire du tyran. Les seigneurs qui 



238 HISTOIRE 

s'étaient réfugiés dans les provinces de Hue- 
xotzinco^ Tlaxcala et Cbalcovirentque le par- 
don qu'il leur avait accordé n'était pas une 
ruse et qu'il ne cherchait pas sous des ap- 
parences de clémence à s'emparer de leur 
personne. Il rétablit dans la seigneurie de 
Huexotla ^ Tlazoliatzin fils d'Itlacazatzin , qui 
s'était réfugié à Tlaxcala pour échapper au 
châtiment du à sa révolte et à ses crimes. Mo- 
toliniatzin, qui s'était retiré à Tezmolocandans 
la province de Huexotzinco, fut rétabli à Goa- 
tiicban. Ateocopactzin fut nommé seigneurde 
Chimalbuacan. Le roi prit pour lui les villes 
de Coatepec^ Iz tapai ocan et quelques autres qui 
sont situées de ce côté^ et donna à Acocopit- 
zin la seigneurie de Tepetlaoztoc. Matlatoca- 
wmatzin^ fils de Teyplcocoatzin , rççut celles 
d'Acolman, Tencoyotzin^ celle de Tepechapan, 
Techotlalatzin ^ celle de Tezoyocan, Tezozo- 
uiotzin f celle de Ghiuhnautla. Il donna celle 
de Chautlaà son fils Quauhtiazacuilotzin pour 
qu'il la gouvernât quand il serait en âge, car 



DES CHICHIMÈQUËS. 239 

il était encore enfant. H prit pour lui Xalto- 
can, Papal otlan et d'autres villes et donna à 
Quetzalmamalitzin la seigneurie de Teotihua'- 
can qui avait appartenu à son père Huetzin. 
Il le nomma en même temps capitaine géné- 
ral et phef de la noblesse. Il ordonna de plus 
que ce serait dans sa ville que Ton décide- 
rait tous les procès entre les gens d'un rang 
élevé des provinces environnantes. Quechol- 
tecpant2:in reçut avec la seigneurie d'Otom- 
pfi^n le itaéine droit à l'égard des gens du peuple. 
Plus tard il rétablit aussi dans leurs domaines 
Tlalalolintzin de Tolantzinco , Nauhecatzin de 
Quauhchinanco et Quetzalpayutzin de Xicote- 
pec. Il répartit en huit districts toutes les au- 
tres villes , bourgades et villages du pays des 
Aculhuas , et nomma dans chacune un major- 
dome chargé de la perception des tributs. 
Matlalaca fut nommé majordome de la ville 
de Tezcuco, de ses faubourgs et de ses villa- 
ges. Outre la perception des impôts, il devait 
faire vivre la maison du roi pendant soixante- 



240 HISTOIRE 

dix jours, en fournissant chaque jour vingt- 
cinq tlacopintli de maïs dont chacun a trois al- 
mudes de plus qu'une fanègue, ce qui fait en 
tout trente et une fanègues et cinq almudes ; 
trois tlacopintli de fèves, quatre cent mille gâ- 
teaux de mais tout préparés, quatre xiquipiles 
de cacao, ce qui équivaut à trente-deux mille 
grains, cent coqs, vingt pains de sel, vingt 
grandes corbeilles de gros cbile ou poivre , 
vingt autres de petil , dix de tomates et dix de 
pepitas (i). Le second majordome, nommé 
Tocbtli, devait percevoir tous les tributs d'A- 
tanco, partie de la ville située sur le lac, ceux 
des bourgs et villages qui étaient au nombre 
de onze , et fournir la même quantité de- vi- 
vres pendant soixante-dix jours. Coxcoçh ,' le 



(i) Quoique, cette quantité de vivres paraisse immense » il 
faut observer que tous les salaires étaient payés eo nature , et 
que les seigneurs de la cour , les membres des conseils , des 
tribunaux , vivaient au palais. Torquemada , qui donne le 
même détail , dit l'avoir copié sur un livre de compte , en 
caractères hiéroglyphiques , qui existait , de son temps , entre 
les mains de don Antonio Piinentel , descendant de Netza- 
hualcoyolzin. 



DES GHIGHIMÈQUES. 241 

troisième^ percevait les tributs de Tepepolco 
et de ses treize villages, et fournissait aussi 
des vivres pour soixante-dix jours. Tlemati, 
le quatrième, percevait ceux d'Azapochco et 
de ses treize villages : il fournissait des vivres 
pendant quarante- cinq jours; Ixotl, le cin- 
quième, ceuxdeQuauhtlatzinco et de ses vingt- 
sept villages : il fournissait des vivres pendant 
soixante-cinq jour s; Quauhtecotl, le sixième, 
ceux d'Abuatepec et de ses buit villages : il 
fournissait des vivres pendant quarante-cinq 
jours; Papalotl, le septième, ceux deTetitlan , 
Coatepec, Iztapalocan, Tlapecbuacan et leurs 
dépendances. Enfin, le buitième, qui se nom- 
mait Quateconbua, recevait les tributs de Tec- 
pilpan et des buit villages qui formaient son 
territoire. Ceci composait le domaine privé de 
Netzabualcoyotzin, sans compter plus de cent 
soixante bourgs ou villages qu'il répartit en- 
tre ses fils, ses parents, et ceux qui lui avaient 
rendu des services. 

Les terres de cbaque ville ou village étaient 
12. 16 



242 HISTOIRE 

divisées de la manière suivante : On choisis- 
sait dans la meilleure partie du territoire un 
grand champ qui avait exactement quatre cents 
mesures de Ifirge et autant de long* On le nom- 
mait Tlatocatlatii ou Tlatocamili^ ce qui veut 
dire terre ou semence du seigneur y ou aussi 
Itonal Yutlacatly ou terres auxquelles les habi* 
tants sont forcés de venir travailler. Il y en 
avait d'autres connues sous le nom de Tec- 
pantlali ou terres qui dépendent des palais 
des seigneurs (i). L'on nommait les Indiens 
qui les cultivaient tecpanpouhque ou gens 
qui dépendent du palais des chefs. D'au- 
tres champs se nommaient GolpoUali ou Al- 
tepatlali , c'est-à-dire qui appartient à un 
quartier du village. C'était sur ces terres 
qu'étaient établis tous les gens du commun y 
qui les cultivaient pour vivre et les autres 
pour payer leurs tributs. Ces champs > qui 



( > ) Voyez» pour tout ce qui termine ce chapitre, le rapport sur 
les différentes classes de chefs de la Nouvelle- Espagne , par 
Alouzo de Zurita » qui fait partie de cette collection. 



DES GHIGHIMËQUËS. 243 

formaient la plus grande partie du territoire 
des villes et villages , appartenaient aux rois 
ou aux seigneurs; et les maeehuales (c'est 
ainsi que Ton nommait ceux qui les culti- 
vaient) ne pouvaient les donner à d'autres 
qu'à leurs enfants ou à leurs parents, qui en 
héritaient sous les mêmes conditions qu'ils 
en avaient joui eux-mêmes. Les rois et 
les seigneurs possédaient seuls ces trois espè- 
ces de terres. Celles que l'on nommait Pillali 
appartenaient aux nobles et aux descendants 
des rois. D'autres appelées Tecpilali formaient 
le patrimoine des gentilshommes que l'on ap- 
pelait les anciens seigneurs. On en donnait 
aussi à ceux qui avaient rendu des services. 
C'est ainsi qu'était partagé le territoire des 
bourgs et des villes. Il y avait encore un 
autre genre de terres nommées Loatlati ; elles 
avaient été gagnées à la guerre et appar- 
tenaient presque toutes aux trois chefs de 
l'empire. Ils en avaient cependant distribué 
une partie aux caciques ou à ceux qui, soit 



244 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

par leurs vassaux^ soit par eux-mêmes, avaient 
aidé à la conquête de la ville dont elles dépen- 
daient et dont elles formaient ordinairement 
le tiers. 



CHAPITRE XXXVI. 



Netzahualcoyoizin construit pour sa demeure les plus l>eau)c 
palais qu'il y ait jamais eu k la Nouvelle-Espagne. — Leut 
description. 



Cette manière de répartir les terres fut aussi 
adoptée dans les royaumes de Mexico et de 
Tlacopan, car les souverains de ces deux états 
imitaient toujours les lois et le mode de gou- 
vernement de Tezcuco, qu'ils regardaient 
comme le meilleur que Ton eût vu jusque-là. 



246 HISTOIRE 

Ainsi ^ tout ce qui se dit de Tezcuco doit s'en- 
tendre aussi des deux autres, car les peintures, 
les histoires et les chants, sur lesquels je base 
mon histoire, commencent toujours par Tez- 
cuco, ainsi que les registres des tributs royaux 
qui étaient en usage à la Nouvelle-Espagne 
avant l'arrivée des chrétiens. C'est ainsi que 
j'ai tiré d'une peinture ancienne tout ce que j'ai 
ditdeNetzahualcoyotzin. On y voit aussi clai- 
rement la grandeur de ces édifices, des 
salles, des chambres, des jardins, des tem- 
ples et des cours qu'ils contenaient, qu'on 
peut le faire aujourd'hui par leurs ruines. Ces 
palais furent construits par les soins des chefs 
de l'empire, qui y appelèrent tous ceux dont 
ils pouvaient disposer, de sorte qu'il y tra- 
vailla plus de deux cent mille personnes. L'in- 
spection des travaux fut confiée à Xilomant- 
zin, seigneurdeCulhuacan, et à Moquihuitzin 
de Tlatelolco ; mais le roi les dirigea presque 
toujours lui-même. La longueur du palais, 
qui ^'étendait de l'orient à l'occident, était de 



DES CHICHIBIÈQUES. 247 

411 \ de leurs mesures, ce qui équivaut à 
1234 vares \; la largeur, qui était du nord aii 
sud, était de 326 de leurs mesures, c'est-à- 
dire de 978 vares. Du côté du sud et de l'o- 
rient, la muraille, construite en briques crues 
et en ciment , avait deux vares d'épaisséut* et 
trois toises de haut. Du coté du couchant, qui 
est celui du lac , et au nord , il était environné 
d'une forte muraille qui avait cinq toises de 
haut* Jusqu'au tiers de sa hauteur, elle allait 
en diminuant comme un contre-fort; le reste 
était droit et d'aplomb. Au milieu du carré 
formé par cette muraille, étaient l'habitation 
du roi , les salles des conseils , et les au- 
tres appartements que je vais décrire. Le pa- 
lais avait deux cours, dont là première, qui 
était la plus grande, servait de place pu- 
blique et de marché; elle est même encore 
aujourd'hui destinée à cet usage « La se- 
conde, plus intérieure, était entourée par 
la salle des conseils royaux, où le roi avait 
deux tribunaux. Au milieu de cette cour brïi- 



248 HISTOIRE 

lait un grand brasier qui ne s'éteignait ja- 
mais. A droite de ce brasier était le tribunal 
suprême , nommé Teohicpalpan , c'estwi-dire 
siège ou tribunal de Dieu ; il était plus élevé 
que les autres. Le siège et le dossier étaient 
d'or incrusté de turquoises et autres pierres 
précieuses. Il y avait devant une espèce de 
banquette , sur laquelle se trouvaient un bou- 
clier, une massue, un arc, un carquois et des 
flèches, et par-dessus un crâne surmonté d'une 
èmeraude de forme pyramidale sur laquelle 
était gravé le panache nommé Tecpilotl, dont 
j'ai parlé plus haut, et un tas de pierres pré- 
cieuses. Des peaux de tigres et de lions, 
ainsi que des étoffes faites de plumes d'aigle 
royal, servaient de tapis, sur lesquels se 
trouvaient comme semés une quantité de brar- 
celets et de bijoux d'or. Les murailles étaient 
ornées et tapissées d'une étoffe de poil de la- 
pin de toutes sortes de couleurs, représentant 
des animaux, des oiseaux et des fleurs. Au- 
dessus du siège s'élevait un dais de plumes 



DES CHIGHIMÈQUES. 249 

magnifiques^ sur lequel il y avait des espèces 
de foudres en or et en pierreries. Au-dessus 
du second tribunal , que Ton appelait du roi , 
on voyait un autre dais orné des arraes des rois 
de Tezcuco. C'est sur ce tribunal que le roi 
siégeait ordinairement pour l'expédition des 
causes , et qu'il donnait ses audiences ; mais 
quand il avait à juger des affaires d'une haute 
gravité et qui pouvaient entraîner la peine 
de mort, il allait s'asseoir au tribunal de Dieu, 
plaçait sa main droite sur le crâne, prenait 
dans la gauche une flèche d'or qui lui servait, 
de sceptre , et se couronnait de la tiare , sym- 
bole de sa dignité, et qui avait la forme d'une 
demi-mitre. Il v avait aussi trois de ces tiares 
sur la banquette dont j'ai parlé plus haut : 
l'une était en or incrusté de pierreries, 
la seconde en plumes, et la troisième était 
bleue et tissue de fil de coton et de poil de 
lapin. 

Les quatorze grands du royaume siégeaient 
par ordre de rang et de dignité dans cette 



250 HISTOIRE 

salle, qui était partagée en trois divisions* 
Le roi siégeait seul dans la première, les six 
principaux seigneurs dans la seconde , et les 
huit autres dans la troisième, et cela dans 
Tordre suivant: A droite, dans la seconde di- 
vision, les seigneurs de Teotihuacan, d'Acoï- 
man et de Tepetlaoztoc ; à gauche, ceux de 
Huexotla, de Goatlichan et de Gbiraalhuàcan. 
A droite, dans la troisième jdi vision ^ qui était 
la plus près de l'entrée, siégeaientles seigneurs 
d'Otompan, deTollantzinco, deQuauhchinanco 
et de Xicotepec ; à gauche, ceux de Tepechpan, 
de Ghiautla , de Chiuhnautla et de Tevo- 
tocan. 

En face de cette salle, du côté de l'orient, il 
y en avait une autre qui était aussi partagée 
en deux. Dans la partie intérieure, qui était 
regardée comme la plus honorable, siégeaient 
huit juges, dont quatre étaient nobles, et led 
quatre autres choisis parmi les simples ci- 
toyens ; puis quinze juges provinciaux , qui 
devaient être natifs des principales villes du 



DES CHICHIMÈQUËS. 251 

royaume deTezcuco. Ils connaissaient de toutes 
les affaires civiles ou criminelles qui pouvaient 
tomber sous le coup des quatre-vingts lois pro- 
mulguées par Netzahualcoyotzin ; la plus im- 
portante ne devait pas durer plus de quatre- 
vingts jours. Dans l'autre division , la plus 
près de l'entrée , il y avait un tribunal de 
quatre juges , qui étaient les présidents des 
quatre conseils ; à côté d'eux était une petite 
porte par laquelle ils communiquaient faci- 
lement avec le roi. 

Du côté du nord on voyait une autre grande 
salle que l'on appelait de la science et de la 
musique, et dans laquelle étaient trois trônes. 
En face de l'entrée se trouvait celui du roi 
de Tezciu:o, à droite celui du roi de Mexico, et 
à gauche celui du roi de Tlacopan. Il y avait 
autour une foule de boucliers , de cordons , de 
panaches et d'ornements en plumes , des 
charges d'étoffes précieuses et des bijoux 
d'or et de pierreries. C'était là que s'asseyaient 
les rois quand ils se réunissaient. Au milieu 



252 HISTOIRE 

de la salle était un instrument de musique , 
nommé huehueti , autour duquel se réunis- 
saient ordinairement les philosophes^ les 
poètes et quelques-uns des plus fameux ca- 
pitaines du royaume. Ils s'occupaient à répéter 
leurs romances historiques ou des chants mo- 
raux et sentencieux. Derrière cette salle il y 
en avait une autre appuyée sur la forte mu- 
raille dont j'ai parlé plus haut^ où se tenaient 
les capitaines et les soldats les plus braves, 
qui formaient la garde du roi. Presque en 
face de la salle royale, s'ouvrait une pièce 
consacrée aux ambassadeurs des rois de 
Mexico et de Tlacopan; plus loin un pas- 
sage menait de la cour intérieure à la 
grande cour qui servait de marche; et au 
delà la salle du conseil de la guerre , où as- 
sistaient les six plus vaillants guerriers de la 
ville de Tezcuco , trois nobles , trois simples 
citoyens, et quinze capitaines natifs des prin- 
cipales villes du royaume. Le conseil des 
finances , composé du même nombre de mem- 



DES GHIGHIMÈQUES. 253 

bres, se tenait dans une pièce située vers 
le midi , derrière laquelle il y en avait une 
seconde, où se tenaient des espèces de juges- 
commissaires que le roi envoyait dans les 
provinces pour examiner les affaires et punir 
ceux qu'il leur désignait. Le magasin des 
armes était derrière. 

Dans la cour intérieure étaient les apparte- 
ments de la reine et de ses dames , la chambre 
à coucher du roi, les cuisines, ainsi que 
beaucoup de passages très-compliqués , dont 
les murs étaient ornés de figures et de sculp- 
tures. Chacune de ces salles , qui étaient 
presque carrées , avait cinquante vares de lon- 
gueur et un peu moins de largeur; d'autres 
étaient plus ou moins grandes. Au midi et 
à l'orient des salles dont je viens de par- 
ler, se trouvaient les jardins du roi , or- 
nés d'aqueducs, de fontaines, de pièces d'eau 
remplies de poissons. On y voyait aussi des 
oiseaux de toute espèce. Il était environné de 
plus de deux mille cèdres, qui sont aujour- 



254 HISTOIRE 

d'hui encore presque tous debout. 11 y avait 
aussi des bains dans des labyrinthes dont il 
était presque impossible de sortir. Le palais 
ëtait orné d'une quantité de tours et de tou- 
relles. 

Au milieu de la cour qui sci-vait de marché, 
était le jeu de balte. Près de l'entrée de la cour 
intérieure , s'élevait , sur une estrade , un 
brasier qui brûlait jour et nuit. Cette place 
était entourée de portiques. Au couchant s'ou- 
vraient une grande salle et plusieurs chambres 
où se tenaient les historiens, les poètes et les 
philosophes du royaume, divisés en classes 
selon la science qu'ils cultivaient ; on y trou- 
vait aussi les archives royales. A côté de cette 
salle était l'entrée principale du palais. Plus 
loin il y avait d'autres appartements avec des 
salles et des cours où Ton logeait les rois de 
Mexico ({Uand ils venaient à Tezcuco, puis 
l'iMidroit où l'on recevait et où l'on conser- 
res de Cuauhna- 
1; les provinces 




DES GHIGHIMËQUE8. 255 

déposaient leurs tributs dans le palais ^ et les 
autres les déposaient dans des maisons parti- 
culières destinées à cela. Vers le nord, près 
des temples dont je parlerai plus loin, et en 
dehors des murs , se trouvait le palais qu'ha- 
bitait le roi de Tlacopan quand il venait à 
Tezeuco. En face était la maison des oiseaux, 
ou le roi entretenait toute espèce d'oiseaux, 
d'animaux et de serpents que l'on apportait 
des diverses parties de la Nouvelle-Espagne. 
L'on imitait, avec de l'or et des pierreries, 
ceux qu'on ne pouvait pas se procurer. Il en 
était de même des poissons, tant de la mer 
que des lacs et des rivières ; de sorte qu'il n'y 
avait pas un seul animal , de quelque espèce 
que ce soit , qui n'y fut vivant ou représenté. 
Enfin le palais du roi contenait en tout plus 
de trois cents chambres, grandes et petites, 
très-bien décorées. 

Quand on construisit la toiture de ce palais, 
on voulut couper le bout de quelques-unes 
des poutres, qui étaient d'une grandeur in- 



256 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

croyable, et enlever les cordes qui avaient servi 
à les traîner; mais le roi ordonna qu'on les 
laissât ainsi , ajoutant que le temps viendrait 
où elles serviraient à d'autres, et qu'ils n'au- 
raient pas la peine d'y percer de nouveaux 
trous et d'v attacher d'autres cordes. Cela fut 
exécuté; et j'ai encore vu les vides que ces 
pièces ont laissés au-dessus des piliers qui les 
supportaient. Sa prophétie fut accomplie, car 
on a détruit le palais pour se servir des bois. 



CHAPITRE XXXVII. 



Suite de la description du palais de Netzahoalcoyotzin. — 

Temples qu'il renfermait. 



Le palais que je viens de décrire n'avait 
que trois portes ou entrées principales, savoir : 
une à l'occident ou du côté du lac, la seconde 
à l'orient ou du côté des montagnes, et la troi- 
sième au midi. On y parvenait par des espèces 

de corridors qui avaient dix -huit vares de 
12. 17 



258 HISTOIRE 

large. Du côté des teraples , qui étaient très- 
grands^ il y avait d'autres entrées par les- 
quelles on pouvait s'y rendre du palais. A 
l'ouest des temples , on voyait un édifice avec 
une cour, une salle et des chambres : on le 
nommait Tlacotco. C'était là qu'on élevait les 
enfants du roi , qui y demeuraienfavec leurs 
maîtres et leurs gouverneurs , qui leur ensei- 
gnaient la morale ainsi que toutes les sciences^ 
tous les arts connus à cette époque , . même 
ceux de travailler l'or, les pierreries et les 
plumes, ainsi que les exercices militaires, et 
cela avec tant de soin , qu'ils ne les laissaient 
pas oisifs un seul moment. Les filles du roi 
étaient élevées dans un autre édifice entière- 
ment séparé du premier. 

D'après les lois, tous les quatre-vingts jours 
le roi, ses enfants, ses parents, leurs gou- 
verneurs, les principaux dignitaires de la cour, 
les princesses, quelquejeunes qu'elles fussent, 
et leurs gouvernantes , se rassemblaient dans 
une grande salle du Tlacotco. Les femmes s'a»- 



DES GHICHIMBQUES. 259 

seyaient d'un coté cl les homm^ de Tàutre; 
ceux-ci, même les ûh du roi> n'avaient qu'un 
yétemcnt grossier en netjuen. Un orateur 
montait sur une espèce de chaire ou d'es- 
trade, et représentait à chacun ses vices, 
en commençant par le roi, et tout ce qu'il 
avait fait de mal, lui montrait les inconvé- 
nients qui pourraient s'ensuivre, et vantait 
la vertu et les avahtages que l'on trouve à 
la pratiquer. Il racontait tout ce qu'on avait 
fait de mal dans les quatre-vingts jours qui 
venaient de s'écouler. Si le roi avait commis 
quelque injustice, il la révélait, de sorte que 
rien ne restait secret. L'orateur parlait avec 
la plus grande liberté, rappelait les quatre- 
vingts lois qui avaient été promulguées par 
le roi , engageait à les suivre et à les obser- 
ver. Il tonnait contre le vice et louait la vertu 
avec tant d'éloquence que les assistants étaient 
émus jusqu'aux larmes. On comptait plue dç 
quarante temples ; le principal était celui de 
Huiteilopochtli et de Tlaloc. 11 était carré et 



260 HISTOIRE 

massif. Ses murailles étaient en maçonnerie k 
l'extérieur et en terre battue à l'intérieur. Cha- 
que côté avait quatre-vingts brasses de long. 
La hauteur était de vingt-sept toises; on y 
montait du côté du couchant par un escalier de 
cent soixante marches. Il allait toujours en se 
rétrécissant, de sorte qu'il avait la forme d'une 
pyramide. De distance en distance il y avait 
une plate-forme. Deux chapelles , dont l'une 
était plus grande que l'autre, se trouvaient au 
haut du temple. La première, située au sud, 
étaitdédiée au dieu Huitzilopochtli,et laseconde 
au nord, au dieu Tlaloc. Ces chapelles et les 
idoles qu'elles contenaient étaient tournéesvers 
le couchant. Devant le temple il y avait une 
cour qui s'étendait du nord au sud et pou- 
vait bien contenir cinq cents personnes. En 
avant, entre les deux chapelles, il y avait une 
pierre nommée Techcatl, sur laquelle on sa-» 
crifiait les prisonniers de guerre. Les chapel- 
les avaient trois étages auxqfueU on montait 
par des échelles mobiles; les deux plus éle- 



Vji 



DES CHICHIMÈQUES^ 261 

vés étaient remplis de toutes sortes d'armes , 
telles que massues, boucliers, arcs, flèches, 
lances, cailloux, ainsi que de toute espèce de 
vêtements et d'ornements de guerre. Les au- 
tres temples étaient de la même grandeur; ils 
avaient deux ou trois chapelles ou même da- 
vantage ; quelques-uns n'en avaient qu'une 
seule. Dans l'endroit où étaient ces temples , 
plus de quatre cents salles ou chambres ser- 
vaient d'habitation aux prêtres et aux minis- 
tres du culte. C'était là que l'on élevait les 
jeunes gens de la ville. Une autre partie ren- 
fermait une quantité de femmes recluses qui 
s'occupaient de l'éducation des jeunes filles. Il 
y avait aussi un temple rond dédié à Quetzal- 
coatl, dieu de l'air; un étang nommé Tetzapan, 
où l'on lavait les vases qui servaient aux sa- 
crifices : ceux qui se tiraient du sang allaient 
aussi s'y purifier; enfin un monticule où l'on 
avait planté des arbres et des arbustes de toute 
espèce : on le nommait Teotlapan, ce qui veut 
dire la terre de Dieu. Sans compter les jardins 



262 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

et les labyrinthes^ il y avait dans ce palais 
plus de quarante cours. 

Comme beaucoup d'autres auteurs ont parlé 
de la forme des idoles , des temples , et des 
différentes espèces de prêtres qui les desser»- 
vaient, je ne m'étendrai pas sur ce sujet. 



CHAPITRE XXXVUI. 



Des quatre-vingts lois que promulgua Netzahualcoyotzin , 
et cornaient il les fit observer. 



Netzahualcoyotzin avait établi le meilleiir 
cordre^ non - seulement dans le royaume de 
Tezcuco, mais dans tous ceux qu'il possédait , 
car ce que je dis du premier doit aussi s^ap^ 
pliquer aux autres* Il divisa la ville de Tezeuco 
en six quartiers, savoir : Mexicapan^ Coihua- 



264 HISTOIRE 

can, Tecpanecapan , Huituahuac, Chimalpan 
etTlailotlacan, et établit dans le même quartier 
les personnes de la même profession. Dans 
l'un il plaça les orfèvres, dans Fautre les ou- 
vriers en plumes , et ainsi des autres , qui 
étaient fort nombreux. Il fît aussi construire 
pour les seigneurs beaucoup de maisons et de 
palais proportionnés au rang et aux ser- 
vices de celui qui devait les occuper. On en 
comptait dans la ville plus de quatre cents qui 
appartenaient à des chefs ou à des gentils- 
hommes de race connue. 

Pour le bon gouvernement de son royaume 
et de tout l'empire, ce prince établit quatre- 
vingts lois qu'il divisa en quatre parties, d'a- 
près le nombre des tribunaux suprêmes aux- 
quels ressorti ssaient toutes les affaires civiles 
et criminelles, et qui punissaient toute espèce 
de crime et même de péché; car le péché contre 
nature était puni avec la plus grande sévérité. 
L'agent était attaché à un poteau , et il y péris- 
sait étouffé sous la cendre que tous les jeunes 



DES GHIGHIMÈQUES. 265 

garçons lui jetaient. On arrachait les entrailles 
du patient; et on l'ensevelissait ensuite éga- 
lement sous la cendre. Le traître au roi et à 
la patrie était coupé en morceaux à toutes les 
jointures ; sa maison était saccagée et démolie^ 
on semait du sel sur la place ; ses enfants et 
toute sa maison devenaient esclaves jusqu'à la 
cinquième génération. Quand un seigneur 
soumis à l'empire se révoltait contre les 
trois chefs, et qu'il était pris ailleurs que 
dans un combat, on lui brisait la tête à coups 
de massue. On punissait du même supplice un 
gentilhomme qui osait se revêtir des orne- 
ments royaux; mais à Mexico on se contentait 
de lui couper une cuisse, même quand c'eût 
été l'héritier de l'empire; car personne n'au- 
rait osé prendre des ornements ni construire 
une maison qu'avec la permission du roi , qui 
ne l'accordait que quand on l'avait méritée 
par de belles actions. Ceux qui étaient pris en 
flagrant délit d'adultère par le mari, étaient 
lapidés. Si le mari, éclairé par des indices. 



266 HISTOIRE 

parvenait à fournir la preuve du crime, on 
les pendait tous les deux et on les traînait en- 
suite jusqu'à un temple situé hors de la ville. 
Cela avait aussi lieu sur la rumeur publique 
quand même le mari ne portait pas plainte* 
Les entremetteurs étaient punis de la même 
manière. Si les coupables avaient tué le n^vr, 
l'amant était brûlé vif, et pendant ce supplice 
on l'arrosait avec de l'eau et du sel jusqu'à ce 
qu'il expirât; la femme était pendue. Si cdtti 
qui avait commis l'adultère était un noble, 
on brûlait son corps, selon l'usage ordinaire, 
après l'avoir étranglé. Celui qui volait dans 
les villages ou dans les maisons devenait l'ecr- 
clave du volé, quand il n'avait pas commis 
d'efiFraction , et que le vol était de peu d'im- 
portance; dans le cas contraire il était pendu. 
Quand un vol commis dans la campagne a'ié- 
levait aunlessus de la valeur de sept qiis , le 
coupable était assommé à coups de massue. 
On étranglait les fils des seigneurs s'ils disai* 
paient leurs richesses ou les objets mobiliers 



DES CttlGHIIfiQUES. 267 

dont Ha avaient hérité de leurs aneétre^. Si 
un homme du peuple se livrait à l'ivrc^e-* 
rie^ la première fois qu'il était surpris dans 
l'ivresse on lui rasait la tête sur la place pu-* 
blique» sa maison était pillée et démolie ; car 
on disait qu'un homme qui perdait volontai-^ 
rement la raison ne méritait pas d'en avoir 
une , et devait vivre dans les champs comme 
une brute. La seconde fois il était puni de 
mort ; mais un noble l'était dès la première. Le 
même tribunal jugeait tous les procès relatifs 
aux esclaves, aux propriétés foncières, les 
questions d'état et les droits des différentes 
charges. 

Le conseil des sciences et de la musiqu? 
était chargé de faire observer toutes les lois 
qui s'y rapportaient ; il punissait de mort ceux 
qui se livraient à des pratiques superstitieuses, 
les sorciers et les magiciens. La nécromancie 
seule était permise , parce qu'elle ne faisait de 
tort à personne. Le conseil de guerre punis- 
sait de mort le soldat qui n'obéissait pas à son 



268 HISTOIRE 

chef ou qui manquait à la discipline. On pen- 
dait celui qui s'emparait des captifs ou du bu- 
tin d'un autre; celui qui cédait ses captifs 
éprouvait le même sort. Quand un noble s'é- 
chappait après avoir été fait prisonnier et 
ren tirait dans son pays ^ il était mis à mort ; 
mais dans ce cas un plébéien était récompensé. 
Si un noble , après avoir été fait prisonnier^ 
remportait la victoire sur les quatre guerriers 
qui lui étaient successivement opposés pour le 
sacrifier, il regagnait sa liberté de cette ma- 
nière, et était bien reçu et récompensé par le 
roi. Si ce dernier était fait prisonnier à la 
guerre, tous les soldats de sa garde étaient 
mis à mort; car ils s'étaient engagés à le ra- 
mener mort ou vivant. Si ce malheur arrivait 
au prince héréditaire ou aux autres fils du 
roi , ses maîtres et ses gouverneurs étaient 
punis de même. 

On ne faisait la guerre aux souverains des 
provinces éloignées que pour des motifs suffi- 
sants, comme si, par exemple, l'un d'euxavait 



DES CHIGHIMÈQUES. 269 

fait périr des marchands qui allaient trafiquer 
dans ses états ^ ou voulait empêcher les com- 
munications entre ses sujets et ceux de l'em- 
pire; car les trois chefs de l'empire préten- 
daient une suprématie sur tous les autres, et 
se fondaient sur le droit qu'ils avaient sur tous 
les pays habités autrefois par les Toltèques, 
dont ils se regardaient comme les héritiers, 
et possédés ensuite par le grand chichimè- 
que Xolotl , leur ancêtre. C'est pourquoi , 
avant de commencer une guerre, ils se réu- 
nissaient en conseil et délibéraient sur la mar- 
che à tenir. Les Mexicains envoyaient d'abord 
à la province que l'on regardait comme ré- 
voltée des messagers nommés Quahquau- 
huochtzins qui réunissaient tous les vieillards 
des deux sexes, et leur annonçaient, au nom 
des trois chefs, que comme c'étaient eux qui 
devaient souffrir le plus des malheurs de 
la guerre , ils les engageaient à empêcher leur 
seigneur de se laisser aveugler par l'orgueil , 
à l'inviter à se mettre sous la protection de 



270 HISTOIRE 

l'empire, qu'ils lui laissaient vingt jours pour 
solliciter le pardon des offenses commises , et 
finissaient en disant que pour qu'ils ne puft^ 
sent jamais prétendre à l'avenir qu'ils avaient 
été conquis par l'abus de la force , ils leur re- 
mettaient une certaine quantité de massues et 
de boucliers pour se défendre. Les messagers 
allaient attendre près de là la réponse des vieil- 
lards et des chefs de la province. Si ceux-cî, 
dans le délai fixé, apaisaient leur seigneur, 
on lui pardonnait, et on le recevait comme 
allié, en lui faisant jurer de ne jamais se ré- 
volter , de laisser entrer, sortir et commercer 
les marchands et les sujets de l'empire , et de 
payer une certaine redevance en or, pierre- 
ries, plumes ou étoffes. Si, au contraire, le 
seigneur s'y refusait, il arrivait au bout des 
vingt jours d'autres messagers aculhuas de 
Tezcuco, nommés Achcacauhtzins, qui étaient 
choisis parmi les juges commissaires dont j'ai 
parlé plus haut.Ceux-ci délivraient leur mes*- 
sage au seignein^ du pays , aux nobles de sa 



DES GHICHIHÈQUES. 271 

famille et de sa maison, et leur annonçaient 
que si dans un nouveau délai de vingt jours 
ils ne s'étaient pas soumis, leur chef serait 
puni de mort , d'après les lois qui le con- 
damnaient à être assommé à coups dé mas- 
sue, à moins qu'il n'eût été tué ou pris 
dans^ la bataille, car dans ce dernier cas il 
était sacrifié aux dieux, et que tous les no- 
bles de sa famille et de sa maison seraient 
aussi châtiés selon la volonté des trois chefs de 
l'empire. Si le seigneur se rendait à ce nouvel 
avertissement, on lui pardonnait, ainsi qu'à 
ses nobles; mais il était obligé à l'avenir de 
payer un tribut modéré aux trois cheft de 
l'empire. S'il s'y refusait, les messagers lui 
oignaient la tète et le bras droit avec une cer- 
taine liqueur qui devait lui donner des forces 
pour résister à la fureur de l'armée impériale. 
On lui attachait sur la tête, avec une courroie 
rouge, un panache en plume, nommé Tecpi- 
totl; on lui donnait une quantité de boucliers, 
de massues et d'autres armes. Les Achcacauht- 



272 HISTOIRE 

zins allaient ensuite rejoindre les Quahqiiaii- 
huochtzins pour attendre le terme de ce 
nouveau délai. Quand il était expiré, il arri- 
vait de nouveaux ambassadeurs , des Teepa- 
nèques de Tlacopan ; ils avaient le même rang 
que les autres, et s'adressaient aux capitaines 
et aux guerriers, leur disant que comme c'é- 
taient eux qui devaient recevoir les coups et 
supporter les fatigues de la guerre , ils enga- 
geassent leur seigneur à se soumettre dans un 
délai de vingt jours qu'on lui accordait en- 
core; que s'ils s'y refusaient, on mettrait leur 
province à feu et à sang , on réduirait en es- 
clavage tous les prisonniers, et qu'on leur im- 
poserait un tribut envers l'empire. S'ils se 
rendaient à ce dernier avertissement, le sei- 
gneur seul était puni, et l'on n'imposait à la 
province qu'un tribut un peu plus fort qu'il 
ne l'eut été sans cela, et qui était prélevé sur 
les revenus du seigneur. S'ils refusaient en- 
core, les messagers leur distribuaient de nour- 
veau des boucliers et des massues; puis iïs 



DES CHIGHIMÈQUES. 273 

allaient rejoindre leurs collègues, et tous en- 
semble prenaient congé du seigneur et des 
guerriers, leur annonçant que dans vingt 
jours ils seraient attaqués par l'armée des trois 
chefs de l'empire, qui accompliraient leur 
menace. En effet, l'armée, qui s'était avancée , 
les attaquait au bout de ce temps , et quand ils 
étaient vaincus ils subissaient le sort qu'on 
leur avait annoncé. Le tribut était partagé 
entre les trois rois. Celui de Tlacopan ne re- 
cevait qu'un cinquième; mais les parts des 
deux autres étaient égales. On laissait cepen- 
dant aux héritiers du seigneur vaincu assez 
de terres et de vassaux pour pouvoir vivre 
convenablement; on leur permettait même 
d'exercer leur droit d'héritier légitime de la 
province, à la charge de se reconnaître vassaux 
de l'empire. Les trois rois laissaient dans cette 
province une garnison suffisante pour s'assu- 
rer de son obéissance, et licenciaient le reste 
de l'armée. Ce fut ainsi que successivement 

ils conquirent tout le pays. 

12. ' 18 



274 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

Le quatrième et dernier conseil , celui des 
finances , était chargé de tout ce qui est rela- 
tif à la répartition , à la perception des tri- 
buts ^ et au domaine royal. Les percepteurs 
qui faisaient payer plus qu'il ne leur était 
dû étaient punis de mort. Il était défendu 
sous la même peine, aux membres de ces tri- 
bunaux , de recevoir des présents ou de favo- 
riser une des parties. Le roi leur donnait de 
quoi vivre, et tous les quatre-vingts jours il 
leur faisait distribuer de l'or, des pierreries , 
des plumes, du cacao et du mais, à chacun 
selon son mérite ; mais ils n'avaient pas d'ap- 
pointements fixes : il en était de même à l'é- 
gard des capitaines , des guerriers distingués 
et des personnes de sa cour. 



CHAPITRE XXXIX. 



Le roi Nelzahualcoyoliin augmente les terre» de la république 
de Tlaxoallan. — Traité qu'il fait avec elle. 



La republique de Tlaxcallan était venue au 
secours de Netzahualcoyotzin dans toutes les 
guerres qu'il avait entreprises pour relever le 
trône de Tezcuco et détruire la puissance des 
Tecpanéques. Pour lui témoigner sa recon- 
naissance ^ il s'y rendait souvent et lui en- 



276 HISTOIRE 

voyait des présents considérables en or, en 
pierreries, en étoffes, en plumes, etc. Ayant été 
la visiter un jour , il augmenta considérable- 
ment les limites de son territoire, en prenant 
beaucoup sur le royaume de Tezcuco. Les 
bornes de séparation furent placées aux mon- 
tagnes de Quauhtepec , d'Ozelotepec et de 
Huehue; ensuite, à la demande de la républi- 
que, il conclut avec elle le traité suivant ; ils 
s'engagèrent à s'aider réciproquement dans 
l'occasion et à ne jamais chercher à s'enlever 
leurs états par guerre, violence ou autrement. 
La république s'engageait à fournir des secours 
à Netzahualcovotzin ou à ses descendants con- 
tre tous ceux qui pourraient se révolter; de 
son côté , ce prince promit de la protéger con- 
tre ses ennemis. Quand Netzahualcoyotzin eut 
conclu ce traité d'alliance , il retourna à Tez- 
cuco et s'occupa à réunir des troupes pour 
marcher contre la province de ToUanzinco et 
les montagnes de Totonapan. Il commença 
par la première, qui était une dépendance de 



DES CHICHIMÈQUES. 277 

l'empire, et lorsqu'il l'eut conquise il en rendit 
le gouvernement à Tlalolitzin , après lui avoir 
impose certains tributs. Celle de Quauhchi- 
nanco s'étant soumise volontairement, il lui 
laissa son seigneur Nohecatzin ; il en fît de 
même à Xicotepec. Après avoir réduit toute la 
contrée qui s'étend jusqu'àla montagne deTo- 
tonapan , qui faisait autrefois partie de son pa- 
trimoine, et qui comprendplus de quatre-vingts 
lieues de pays ,, il réunit son armée à celle d'It- 
coatzin, son oncle, et de Totoquihuatzin , roi de 
Tlacopan. Ils marchèrent contre les Tlalhuicas, 
les soumirent et se les partagèrent. Netzahual- 
coyotzin eut pour sa part Quauhuahuacan , 
leur capitale , iet neuf villages. Le percepteur 
des tributs qu'il y établit eij tirait annuelle- 
ment quatre mille trois cents charges de riches 
manteaux d'étoffes et de huipiles (i), ce qui 

(i) Les huipiles ou vipileâ, comme Tëcrit Molina , étaient 
des tuniques, et les naguas des jupons. L'auteur entend proba- 
blement par panetes , les pièces d étoffe qu on passait entre les 
cuisses après les avoir attachées autour des reins, et que quel- 
ques auteurs français ont appelées pagnes. 



278 HISTOIRE 

forme en tout quatre-vingt-six mille manteaux, 
huipiles, naguas^ etc., plus un certain nombre 
d'objets en or, en pierreries et en plumes , 
outre les femmes et les servantes qui étaient 
nécessaires à la maison du roi , et les fleurs 
dont on se servait pour orner le palais. Le 
roi de Mexico eut Tepozotlan, Huastepec, 
avec les mêmes revenus. Celui de Tlaco* 
pan reçut aussi la part qui lui était due. Us 
continuèrent ensuite le cours de leurs con- 
quêtes et s'emparèrent de la province de Chaloo, 
qui se révolta bientôt après; puis de celles 
d'Itztzocan , Tepeyacan , Tecalco , Teohuacan, 
Coaixtlahuacan et Quauhtochco. Après leur 
avoir imposé les mêmes charges (ju'aux au- 
tres, Netzahualcoyotzin marcha avec son ar- 
mée contre la grande province d'Atochpan et 
celle de Tizauhucoac. Les ayant conquises, il 
nomma majordome dans cette dernière Tiz- 
coacalaotl, qui en tirait par an mille huit cents 
charges d'étoffes, tant de celles qui étaient 
ornées de diverses couleurs et servaient à 



DES GHICHIMÈQUES. 279 

tendre les appartements du roi que de celles 
plus simples qui servaient à faire des huipiles 
et des naguas , sans compter cent charges d'é- 
toffe d'ilacatziuhqui (i) , dont chacune avait 
huit brasses de long, et cent d'une autre espèce 
plus belle et plus fine qui n'en a que quatre, 
ce qui faisait en tout quarante mille pièces 
d'étoffe. 11 percevait en outre quatre cents peta- 
cas (2), quatre cents cuirs de cerfs, cent cerfs 
vivants, cent charges de chile, cent charges 
de pépites (3), cent grands perroquets, quatre 
cents sacs de plumes blanches servant à faire 
des étoffes, quatre cents sacs de plumes de 
diflPérentes couleurs, et deux cents charges 
de panetes, ce qui fait quatre mille, sans comp- 
ter les femmes et les servantes nécessaires 
au service du palais. Huehuehutli fut nom- 
mé majordome de la grande province d'Atoch- 



(i) Molina traduit ilacatziuhqui par chose tordue (eosa 
torcida). 

(2) Les petacas sont des coffres en cuir. 

(3) Les pépites doirent être des espèces de petites tomates. 



280 HISTOIRE 

pan ; il percevait par an quinze cent qqatre- 
vingts charges des étoffes dont je viens de par- 
ler, vingt-cinq manteaux et huipiles, quatre 
cent dix charges d'ilacatziuhqui de huit 
brasses et autant de plus fin de quatre brai- 
ses , ce qui fait en tout quarante-sept mille six 
cent quarante-cinq manteaux, naguas, hui- 
piles, pièces de ilacatziuhqui et panetes, sans 
compter les femmes nécessaires au service du 
palais. La grande province d'Atochpan se di- 
visait en sept parties qui contenaient soixante- 
huit villages. 

Quand le roi de Tezcuco eut soumis ces 
provinces qui faisaient partie de son patri- 
moine, il s'avança avec son armée le long 
des côtes de la mer du nord jusqu'à la pror- 
vince que l'on nomme aujourd'hui Teochte- 
pec, la conquit, y laissa une garnison suffi- 
sante, et un intendant nommé Toyozin, qui 
tirait tous les ans quarante charges de ri- 
ches étoffes, et vingt d*une espèce de che- 
mises tissues de diverses couleurs , ce qui eh 



DES GHIGHIMÈQUES. 281 

faisait cent vingt. Il y faisait aussi eultiver 
tous les ans un champ de cacao qui avait quati^e 
cents mesures de long et deux cents de large. 
On lui payait en outre trente-trois charges de 
cacao y deux mille boules d'ulli (i) et quatre 
cents pièces d'étoffes teintes à la cochenil le, sans 
compter beaucoup d'ouvrages en plumes, tels 
que boucliers, panaches faits avec les plumes 
précieuses de l'oiseau nommé quetzalli, et au- 
tres ornements dont les rois se servaient quand 
ils allaient à la guerre. Cette province conte- 
nait douze villages aussi soumis à Fempire, et 
qui donnaient pour tribut une certaine quan- 
tité d'armes et de servantes. 

Netzahualcoyotzin revint ensuite sur ses 
pas, et s'empara, avec les rois de Mexico et 
de Tlacopan , des provinces de Tlapacoya et 
de Tlaucocautitlan. Huitziltecuh , qui en fut 
nommé intendant, percevait tous les ans seize 
vases remplis de couleurs {yateas)^ vingt char- 
ges de copal , deux cent soixante-dix-huit 

(i) L'ulli est une espèce de gomme dont on faisait des balles. 



282 HISTOIRE 

tasses et teconiatls ( i ) fins , et vingt char- 
ges de baguettes de Tlacuilolquahiiitle (3). Ces 
provinces et quelques autres où il plaça des 
intendants formèrent la part du roi de Tea- 
cuco, sans compter celles qui échurent aux 
deux autres rois, et dans lesquelles il ne nomma 
pas les intendants. Ces tributs se partageaient 
entre les trois rois, comme je Tai dit plus 
haut. On transportait le tout à Mexico, et les 
agents des trois chefs se les divisaient, pre- 
nant chacun ce qui revenait à son maître. La 
part de Netzahualcoyotzin se gardait à Mexico 
dans son ancien palais; il l'employait à ré- 
compenser les seigneurs de ses domaines, ses 
enfants, ses parents et tous ceux qui lui ren- 
daient des services, en leur faisant remettre 
par les chefs de Mexico ce qu'ils avaient mé- 
rité. C'est pour cela qu'on emmagasinait ces 
tributs dans cette ville, 

(1) Molina traduit tecomutl par vase de terre. 

(i) Ce sont très-probablement de^ bâtons résineax qui ser- 
vaient de lorches. 



DES GHICHIMÈQUfiS. 283 

Pendant qu'il était occupé à toutes ces guer^ 
res, la province de Tollantzinco persévérait 
dans sa rébellion. Les habitants brûlèrent en 
une nuit les trois villes où le roi deTezcuco en- 
tretenait une garnison ; c'étaient Macanacazco, 
Tlayacac et Chiquiuhtepec. Ils massacrèrent 
tous les soldats qu'il y avait laissés quatre ans 
auparavant. Netzahualcoyotzin réunit* une 
puissante armée, marcha contre eux, et les 
châtia sévèrement. Cependant il ne déposa pas 
leur ancien seigneur, et le laissa siéger parmi 
les quatorze chefs du royaume ; mais il le força 
de lui payer tous les ans un tribut de soixante 
charges de manteaux, de quatre cents mesu- 
res de féveroles , ce qui fait cinq cents fanè- 
gues, et l'obligea à faire planter des arbres 
dans ses jardins et dans ses bois. Il chargea 
Pachcalatl du recouvrement de ce tribut. Cette 
province resta toujours soumise. Netzahual- 
coyotzin y fonda une ville qu'il nomma Tzi- 
huinquilocan , et la peupla d'habitants de 
Tezcuco. Elle fît toujours partie du domaine 



284 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

royal, et y resta jusqu'à la mort de son petit- 
fils don Fernando Cortez Ixtlilxochitl (i). 

(i) Dans la onzième relation de la seconde partie , Ixtlilxo- 
chitl donne la liste suivante des provinces conquises par Net- 
zahualcoyotzin dans le cours de son régne : 

Quauhnahuac , Tlalhuic , Quauhchinanco , Xicotepec , Pa- 
huatla , Yautepec , Tepexco • Abacayocan , Ghalco , Itztzo- 
can , Tepeaca , Tecalco, Teohuacan , Quauhixtlahuacan , Ax- 
tlaxtlan , Yohualtepec , Quauhtoxco , Toxpan ( qui se divise 
en six provinces : Toxtepec , Tzincohuac , Tlapacoyan , 
Tlalcozuauhtitlan , Tiatlauhquitepec , et Mazahuacan ) , Go- 
huixco« Oztoman, Quetzaltepec , Ixcateopan, Telxahualco ,' 
Goctepec , Tlamacolapan , Ghilapan , Quiauhcopan , Ohua- 
pan , Tzompahuacan , Gozamaloapan , ainsi que les pro* 
vinces de la Huasteca , qui sont : Panuco , Tlahuitolan , Goxo- 
titlan y Acatlan , Apiaztlan , Tetlcoyoyan , Oilaquiztlan et 
Xochipalco. 



CHAPITRE XL. 



i dlticoilxin , roi de Mexico. — Il a pour siu'ceiEeur Mo- 
leciilizomatziii llhnioumiiiatzin . premier du nuni. — Guerre 
h de l'empire conlie les provini^es éloignées. 



l'fiimcp 1440, oonuuee 
iii'iiiMit Itzanttis. tr 
<'\n'i.i (I ni gotivfl U! isC 
ec les rois<fc Vam.'* " 
iit i-^iir fBribfiar ^^ 
é conreiiuciMvIksA—r^ - -. 



286 HISTOIRE 

que quand l'un viendrait à mourir les deux 
autres éliraient son successeur, Netzahual- 
coyotzin fit faire une convocation générale 
dans tout l'empire, et ayant réuni son armée 
à celle (ie Totoquihuatzin , roi de Tlacopan , 
ils marchèrent contre les provinces de Co- 
huixco, Oztoman, Quezaltepec, Ixcateopan , 
Teozcahualco, Poctepec, Tomazolapan, Chi- 
lapan, Quiauhtepec, Ohuapan, Tzompalhua- 
can et Gozamaloapan. Après les avoir sou- 
mises et réunies à l'empire, ainsi que beaucoup 
d'autres, il licencia son armée. Voici la ma- 
nière dont on entreprenait ces expéditions : 
les trois armées marchaient ensemble et d'un 
pas égal, et quand elles s'approchaient de 
l'ennemi elles se divisaient. Chacune atta- 
quait de son coté, et simultanément; de cette 
manière l'ennemi était bientôt mis en dé- 
route, car chaque armée brûlait du désir de 
se signaler. Quand le roi fut de retour dans sa 
capitale, il résolut de marcher contre la pro- 
vince de Guaxtèque ou de Panuco, qui avait 



DES GHIGHIMÈQUES. 287 

aussi fait partie de son patrimoine. Quand il 
eut réuni les troupes nécessaires, il nomma 
son fils Xochiquetzalzin capitaine -général. 
Cinq ou six jours après que celui-ci eut quitté 
Tezcuco, l'empereur fit partir un autre de ses 
fils , nommé Acamipioltzin , avec des renforts , 
car les Guastèques étaient une nation très- 
belliqueuse. Ce dernier, qui était un excellent 
guerrier, voulant augmenter sa réputation 
militaire, fit une marche si rapide, que, quoi- 
qu'il fut parti six jours après son frère, il ar- 
riva avant lui, prenant une route bien dif- 
férente pour n'en être pas aperçu. Quoi- 
que bien inférieur en forces , il attaqua avec 
tant de vaillance les Guastèques, qui étaient 
campés auprès d'une grande rivière, qu'il 
les mit dans une déroute complète. Un grand 
nombre se noyèrent dans le fleuve, qu' Acami- 
pioltzin traversa en les poursuivant , de sorte 
que quand son frère arriva avec son armée , 
il les avait déjà vaincus et s'était emparé de 
la plupart de leurs villes, et Xochiquetzaltzin 



288 HISTOIRE DES GHIGHIMÈQUES. 

n'eut plus qu'à appuyer ses efforts. Les pro- 
vinces et les villes les plus importantes con- 
quises dans cette campagne étaient Tlahuito- 
lan, Cocolitlan, Acatlan, Paiztla, Tetlcoyocan, 
Otlaquiquiztla et Xochipalco. Après avoir mis 
des garnisons dans toutes ces provinces, qui 
confinaient avec les Chichimèques de la pro- 
vince de Panuco , ces deux princes retournè- 
rent à Tezcuco, où ils entrèrent en triompha- 
teurs, et où leur père leur fit la meilleure ré- 
ception. Xicotencatl, un des quatre chefs de 
la république de Tlaxcallan, jeune homme 
d'une brillante valeur, et dont la réputation 
commençait à se répandre, fit partie en cette 
occasion de l'armée de Netzahualcoyotzin , et 
revint dans sa patrie chargé de dépouilles et 
de richesses qu'il avait gagnées dans cette ex- 
pédition . 



CHAPITRE XLl. 



Le pays est raTagë par la peste et la famine. — Commence- 
ment des guerres de Tlaxcallan , Huezotzingo et Ghololan 
contre Tempire. 



L'empire jouissait de la plus grande pros- 
périté, tant à cause de l'abondance de vivres 
qui y régnait, que de sa nombreuse popu- 
lation. On cultivait jusqu'aux montagnes les 

plus escarpées, et le moindre village avait 

plus d'habitants que n'en ont actuellement les 
12. 19 



290 HISTOIRE 

villes les plus florissantes de la Nouvelle-Es- 
pagne , comme on peut le voir par les registres 
royaux de cette époque. Mais les choses de 
cette vie sont sujettes au changement, et les 
malheurs ne manquent jamais, comme le 
témoignent ceux que l'on éprouva à cette épo- 
que , et qui furent les premiers désastres qui 
assaillirent cette nation. 

L'année 1450, nommée Matlactli-Tochtli, 
il tomba une neige si abondante que tout le 
pays en fut couvert jusqu'à la hauteur d'une 
toise et demie, ce qui occasionna une ruine 
générale. Presque toutes les plantation s. fu- 
rent détruites , et la saison fut si froide qu'il 
régna une espèce de rhume pestilentiel qui 
fit périr un grand nombre de personnes, 
particulièrement celles d'un rang élevé. Dans 
les trois années qui suivirent, les semences 
et les fruits de la terre manquèrent presque 
entièrement, ce qui détruisit une grande par- 
tie de la population. Au commencement de 
l'année 1454, il y eut une grande éclipse de 



DES GHICHIMÈQUES. 291 

soleil , et la mortalité augmenta tellement 
qu'on croyait que le pays deviendrait en-^ 
tièrement désert. La famine fut si exces- 
sive que beaucoup de gens allaient vendre 
leurs enfants contre du mais dans le Totona- 
pan, où le fléau ne s'étendait pas. Comme 
les habitants de cette province étaient de 
grands idolâtres , il sacrifiaient aux dieux 
tous les esclaves qu'ils achetaient, croyant 
ainsi les maintenir propices et en obtenir que 
les calamités ne s'étendissent pas dans leur 
pays. Les trois chefs de l'empire firent tout 
ce^iui dépendait d'eux pour venir au secours 
de leurs sujets. Ils les dispensèrent de tout 
tribut pendant les six ans que dura la fa- 
mine et leur firent distribuer tout le maïs 
qu'ils avaient amassé dans leurs greniers les 
dix ou douze années précédentes. Voyant 
que les malheurs n'avaient pas de terme , ils 
se consultèrent avec là république de Tlax- 
callan pour chercher a y porter remède. Les 
prêtres et les ministres des temples de Me- 



292 HISTOIRE 

xico déclarèrent que les dieux étaient irrités 
contre l'empire, que pour les apaiser il fal- 
lait sacrifier un grand nombre de victimes 
humaines et continuer toujours ainsi pour les 
conserver propices. Netzahualcoyotzin , qui 
était très-éloigné de cette opinion , chercha à 
empêcher qu'elle ne prévalût^ en disant qu'il 
suffisait pour cela des prisonniers de guerre, et 
que peu importait qu'ils mourussent ainsi ou 
fussent tués dans le combat; d^autant plus qu'il 
était bien plus glorieux pour un guerrier de 
prendre son ennemi vivant; que les vain- 
queurs, outre les récompenses qu'ils rece- 
vraient pour leur valeur, auraient l'avantage 
d'offrir en sacrifice leurs prisonniers. Mais les 
prêtres répondirent que les guerres ne se fai- 
saient que de temps à autre , à des époques assez 
éloignées, que les esclaves destinés aux sacri- 
fices arrivaient très-fatigués, que l'on devait au 
contraire immoler fréquemment des hommes 
frais et dispos comme l'étaient leurs escla- 
ves et leurs enfants qu'ils sacrifiaient autre- 



DES CHIGHIMÈQURS. 293 

fois. Xicotencatl, un des chefs de la république 
de Tlaxcallan , proposa d'établir dorénavant 
une guerre régulière entre sa patrie , le 
royaume de Tezcuco et ses alliés; et de dé- 
terminer un lieu où se livrerait le combat. 
Tous les prisonniers devaient être sacrifiés 
aux dieux, ce qui ne pouvait manquer, disait- 
il , de leur être agréable puisque ce serait 
pour eux une nourriture toute fraîche et toute 
chaude. Ce serait d'ailleurs , ajouta-t-il, pour 
les fils des seigneurs une occasion de s'exer- 
cer et de devenir d'habiles capitaines. Cette 
guerre entre les deux nations ne devait avoir 
lieu que dans les limites de l'endroit dési- 
gné et sans chercher à faire des conquêtes 
l'une sur l'autre. Elle devait être suspendue 
quand l'une des deux nations éprouverait 
quelque malheur, et dans ce cas, on devait 
se secourir mutuellement comme cela était 
convenu par les traités antérieurs. La propo- 
sition de Xicotencatl plut à tout le monde , et 
comme les Indiens étaient très-zélés pour le 



294 HISTOIRE 

service de leurs dieux , on tomba bientôt d'ao- 
cord. Netzahualeoyotzin choisit un endroit 
entre Quauhtepec et Ocelotepec. Comme l'em- 
pire se composait de trois parties on désigna 
trois républiques savoir : Tlaxcallan, Hue- 
xotzinco et Ghololan pour leur être opposées ; 
ils les désignaient sous le nom d'ennemis de 
l'intérieur (enemigos de casa). Les guerriers 
des trois parties de l'empire se réunissaient et 
l'on devait se battre à nombre égal ; le combat 
devait avoir lieu dans les premiers jours de 
chaque mois, savoir : le premier mois contre 
ceux de Tlaxcallan , le second contre ceux de 
Huexotzinco et le troisième contre ceux de Cho- 
lula que défendaient les habitants d'Atlixco et 
ainsi de suite ^ ce qui fournissait un nombre 
suffisant de victimes aux prêtres de Tezcatli- 
poca, Huitzilopochtli ^ Tlaloc et autres idoles 
adorées par les Mexicains , ainsi qu'à ceux de 
GamaxtLe, Matlalcueitl et Quetzalcoatl, divini- 
tés de leurs adversaires. Ce fut ainsi que com- 
mencèrent les guerres et ces horribles sacri- 



DES GHICHIMÈQUES. 295 

fices aux dieux ou plutôt aux démons. Ils 
durèrent jusqu'à l'arrivée de l'invincible don 
Fernan-Cortez , premier marquis de la vallée 
d'Oaxaca, qui introduisit la sainte foi catho- 
lique. On établit aussi une loi pour défendre 
aux habitants des trois républiques de venir 
sur les terres de l'empire ou réciproquement, 
sous peine d'être sacrifiés aux dieux. Au com- 
mencement de chacun des dix-huit mois qui 
composaient leur année solaire on célébrait de 
grandes fêtes en l'honneur des dieux, et l'on y 
sacrifiait les prisonniers que l'on faisait dans 
les guerres dont je viens de parler. Il y avait 
encore d'autres fêtes mobiles. 



CHAPITRE XLII. 



Netzahualcoyotzin construit des maisons de plaisance , des 
bosquets et des jardins. — Quels furent ceux qu'il fît tra- 
vailler à l'embellissement de ces résidences royales. 



Outre les jardins nommés Hueteepan , et 
Cillan situé près du palais de son père, le roi 
Netzahualcoyotzin en possédait près de la rési- 
dence de son aïeul l'empereur Techolotlatzin. 
Il en fit encore construire d'autres , tels que 
celui de Tezcotzinco si célèbre et si vanté dans 



298 HISTOIRE 

les histoires , ceux de Gauchiacao , Zinacamoz- 
toc, Cozcaquauhco, Cuetlachiuhtitlan Tlateïtec, 
ainsi que ceux d'Acatelelco et Tepetzinco, si- 
tués sur le lac. Il fit enclore aussi la plus 
grande partie de la forêt où il chassait quand 
il avait quelques instants de repos. On voyait 
dans ces jardins de beaux édifices somptueu- 
sement ornés d'aqueducs, de fontaines, d'é- 
tangs, de bains et de labyrinthes. On y cul- 
tivait toutes sortes d'arbres et de fleurs que 
l'on apportaitdes provinces les plus éloignées. 
Il possédait en outre cinq lots de terre des 
plus fertiles qu'il y eût autour de la ville, 
les faisait cultiver pour son plaisir, et en con- 
sommait lui-même les produits. Ils étaient 
situés à Atenco sur les bords du lac , à Papa- 
lotlan , Galpolapan, Mazacapan et lahualihua- 
can. Les villages des environs étaient obligés 
de travailler à tour de rôle à l'entretien des 
palais et des jardins du roi ; ce service se ÙA^ 
sait pendant la moitié de l'année par les har- 
bitant» de Huexotla, Coati ichan, Coatepec, 



DES CHICHIMÈQUES. 299 

Ghimalhuacan ; Itztapalocan , Tèpetlaôztoc , 
Acolman^ Tepechpan , Chiuhnauhtlan, Teyo- 
yocan, Chiauhtla^ Papalotlan^ Xaltocan et 
Ghalco; et pendant l'autre moitié par ceux de 
Otompan, Teotihuacan, Tepepolco, Zempoa- 
lan, Atztaquemecan , Ahuatepec, Axapochoc, 
Oztoticpac, Tizayocan, Tlalanapan, Coyoac, 
Quatlatlaulîcan, Quatlacca et Quauhtlatzinco. 
Calpolalpan , Mazacapan , Yahualihucan , 
Atenco et Tzinhuilquilocan, fournissaient le 
service de la chambre du roi. Les provinces 
de Tollantzinco, Quauhchinanco , Xicotepec, 
Pauhatla, Yauhtepec, Tepechco, Ahuacayocan, 
Quauhahuac ainsi que les villages qui en dé- 
pendent étaient chargées de l'entretien des 
jardins. Chaque personne s'occupait du jar- 
din qui lui était désigné et les habitants le 
cultivaient à tour de rôle. Le plus célèbre et le 
plus agréable de tous était celui de Tezcot- 
zinco (i); car outre qu'il occupait une vaste 

(i) Davilla Padilla , Historia de la provincia de Smntiago , 



300 HISTOIRE 

enceinte^ on montait jusqu'en haut par des 
gradins dont une partie était en maçon- 
nerie et l'autre taillée dans le roc. Pour y 
faire arriver l'eau qui était nécessaire, tant 
pour les fontaines et les bains , que pour arro- 

lib. II , cap. 8 y 9, parle en ces ternies du jardin de Tezcutzinco 
et de sa destruction : 

Au haut de la montagne de Tezcutzinco et au milieu d'un 
jardin rempli de fleurs et de fruits se trouvait une idole nom- 
mée Zavalcoitl (Netzahualcoyotzin). Pour arroser le jardin on 
avait amené l'eau de deux lieues , en aplanissant les montagnes 
et en comblant les vallées. Elle arrivait au haut du jardin et 
l'arrosait en formant des cascades. II y avait au sommet, la slatue 
d'un coyotl ou renard du pays, mais les Indiens disaient qu'elle 
représentait un Indien célèbre par ses jeûnes. Cette idole fut dé- 
truite par le saint évêque de Mexico , Don Juan de Zumarraga, 
et par le bienheureux S. Domingo de Betanços. On montait au 
sommet du jardin par un escalier de cent vingt marches. Je 
les ai montées l'année dernière et je les ai comptées pour pou- 
voir en parler comme un témoin oculaire. Quelques-unes qui 
étaient en maçonnerie commencent à se détruire , mais la 
plupart sont taillées dans le roc. Presqu'au sommet, il y a un 
escalier de douze marches , taillées dans le roc , qui dans cet 
endroit forme une route si étroite qu'il n'y peut passer qu'une 
personne à la fois. Etonné de le voir si mesquin au milieu d'é- 
difices superbes , j'en ai demandé les causes aux Indiens , qui 
m'ont répondu que c'était à dessein qu'on n'avait laissé qu'un 
passage si étroit , afin que les rois qui venaient visiter l'idole 
en compagnie de celui de Tezcuco , fussent obligés de passer 
derrière lui. Plus loin, on voit les ruines d'un palais dont les 
portes sont en pierres d'un seul morceau. On y voit des pou- 
tres en cèdre qui ont quatre-vingt-dix pieds de long et quatre 
de diamètre. 



DES CHICHIMÈQUES* 301 

ser les fleurs. Il avait été nécessaire de con- 
struire d'une montagne à l'autre des mu- 
railles d'une hauteur prodigieuse. Il y avait 
au-dessus une targea qui débouchait en haut 
du jardin. Au milieu de l'étang le plus élevé 
s'élevait un rocher autour duquel on avait 
scuplté les hiéroglyphes de toutes les années, 
qui s'étaient écoulées depuis le commencement 
du régne de Netzahualcoyotzin jusqu'à cette 
époque, ainsi que ce qui s'était passé de plus 
remarquable dans chacune d'elles. Au centre 
de la roue des années on avait sculpté ses ar- 
mes, qui étaient une maison consumée par 
les flammes et une autre de la plus belle ar- 
chitecture. Au milieu on voyait un pied de 
cerf orné de superbes panaches de plumes, et 
dans lequel étaitincrustéeunepierre précieuse, 
une biche qui tenait un arc et des flèches; 
un homme armé de toutes pièces entre deux 
tigres de la gueule desquels sortaient des tor- 
rents d'eau et de feu. A l'entour et disposées 
en ordre, on vovait douze tètes de rois et 



802 HISTOIRE 

de seigneurs. Le premier archevêque, don 
Juan de Zumarraga, la fit briser la prenant 
pour une idole quoique ce ne fût que rhiéro*- 
glyphe de ses armes. En sortant de cet ëtang 
l'eau se divisait en deux canaux dont l'un en- 
tourait les bosquets du côté du midi , et l'au- 
tre du côté du nord. Au haut du jardin on 
avait construit une espèce de tour terminée 
par un chapiteau en maçonnerie en forme de 
mosquée (mezquita)^ d'où sortaient de grands 
panaches de plumes. C'était de là que le jar- 
din tirait son nom. Plus bas on avait sculpté 
un rocher de manière à représenter un lion 
ailé de plus de deux brasses de haut. Il était 
couché et regardait vers l'orient. La figure 
off^rait le véritable portrait du roi Netzahual- 
covotzin. Ce lion était ordinairement recou- 
vert d'un dais en or et en plumes. Plus 
loin étaient trois autres étangs; dans celui 
du milieu on voyait trois figures de femmes 
sculptées dans la roche vive. Cet étang figurait 
le grand lac de Mexico , ©t les trois femmes les 



DES CHICHIMÈQUE&. 303 

trois capitales de l'empire. Dans l'étang qui se 
trouvait au nord on avait sculpté sur un ro- 
cher le nom et les armes delà ville deTollan, 
ancienne capitale des Toltèques, et sur un au* 
tre dans celui du midi^ le nom et les armes 
de la ville de Tenayocan qui avait été la capi- 
tale des Chichimèques. L'eau qui s'échappait 
de ces pièces d'eau tombait sur la pierre en 
formant une cascade dans un jardin rempli 
des fleurs odoriférantes de la terre chaude; 
avec tant de force qu'elle rejaillissait de tous 
côtés en forme de pluie. Au delà de ce par- 
terre se trouvaient des bains taillés dans le 
roc vif et divisés en deux compartiments. On 
y descendait par des gradins polis comme 
des miroirs où étaient gravés l'année, le mois 
et le jour où le roi Netzahualcoyotzin avait 
appris la mort d'un seigneur de Huexotzinco 
qu'il aimait beaucoup, précisément dans le 
moment où il était occupé à faire tailler ces 
gradins. Dans le bas du jardin était le palais 
qu'habitait le roi ; il i^nfermait une foule de 



304 HISTOIRE DES CHICHIMÈQUES. 

salles parmi lesquelles il y en avait une très- 
grande , devant laquelle se trouvait une cour 
où il recevait les rois de Mexico, de Tlaco- 
panet les autres grands seigneurs qui venaient 
le visiter. C'était dans cette cour qu'avaient 
lieu les danses et les autres divertissements. 
Ce palais était si magnifique et fait de tant d'es- 
pèces de pierres qu'on ne l'aurait pas cru con- 
struit de main d'homme. La salle où le roi 
dormait était de forme ronde. Le reste du 
jardin était planté de toutes espèces d'arbres 
et de fleurs odoriférantes. On y trouvait une 
quantité d'oiseaux sans compter ceux que l'on 
apportait de tous les côtés dans des cages. Ils 
formaient une telle harmonie qu'on ne pou- 
vait s'entendre. L'endroit où ils se trouvaient 
était séparé du jardin par une muraille. Près 
de là il y avait une forêt remplie de cerfs, de 
lapins et de lièvres. Mais il faudrait faire un 
ouvrage spécial si je voulais parler de tout ce 
qu'on trouvait de curieux dans ce jardin et 
dans les autres du rovaume. 



CHAPITRE XLIII. 



Le roi Netzahualcoyotzin épouse Azcalxochitzin , fille du 
prince Temielzin son oncle. — Circonstances extraordinaires 
qui accompagnent ce mariage. 



Cependant INetzahualcoyotzin n'avait pas 

suivi la coutume de ses ancêtres, qui était 

d'épouser une femme légitime pour en avoir 

un héritier de l'empire. Il avait néanmoins 

beaucoup de fils , car il entretenait un grand 

nombre de concubines dans ses palais et dans 
12. 20 



306 HISTOIRE 

ses jardins. Quelques-uns étaient d'habiles 
capitaines et l'avaient aidé dans les guerres 
et dans les conquêtes dont je viens de parler. 
Le roi Itzcoatzin et Moctecuhzomatzin , qui 
lui avaient succédé sur le trône de Mexico, 
avertis par le refus qu'il avait fait des vingt- 
cinq jeunes filles qui lui avaient été envoyées, 
n'avaient osé lui parler de mariage. S'y étant 
décidé, il ordonna qu'on lui amenât quel- 
ques filles des seigneurs de Huexotla et de 
Coatlichan , car c'était dans ces deux familles, 
les plus anciennes du pays, que les empereurs 
chichimèques avaient coutume de choisir leurs 
épouses. Mais il n'y en avait qu'une seule de 
la famille de Coatlichan , et elle était si jeune 
qu'il la confia au prince Quauhtlehuanitzin , 
son frère, pour la faire élever. Aussitôt qu'elle 
serait en âge, il devait l'amener au palais pour 
que l'on célébrât les noces. Mais Quauhtle- 
huanitzin, qui était très-vieux, mourut quelr 
que temps après, et quand Huetzcatocatzin , 
son fils et son héritier, eut pris possession 



DES CHrCHINTÈQUES. 307 

de sa succession, trouvant dans la maison 
une jeune pet*sonné si noble , et ne saéhafit 
dans quel but on l'y élevait, il Tëpousa, et 
quand remperenr la fît réclamer, lé itiariage 
était déjà coUsoftiriié. Il fût donc très^sW'prîs 
quand ce |)ritice lui ordonna d'aitiérïtr ali 
palais la jeune fille que son père élevait , parce 
qu'il com|)tait l'épouser. H lui répondît hum- 
blement que, ne sa(;hant pasr ce qui Étvait été 
convenu entre ]rû et son père , il l'avaît 
épolTsée, mais qu'il pouvait disposer ée lui. 
Le i^oî, sans lui répondre, le renvoya aufx 
juges, pour qû^lè le punissent s'ils trou- 
vaient sa conduite blâmable ; mais ilé le dé- 
clarèrent innocent et le rémirent en liberté. 
Le roi fut extrêmement affligé de voir qu'a- 
près avoir été si heureux en tôttte chose , il 
avait si mal réussi dans cette occasion. Il 
quitta seul le palais, et se retira dans les bos- 
quets qu'il avait auprès du lac , et , mécon- 
tent de tout ce qu'il possédait, il continua 
à marcher jusqu'à la ville de Tepechpan. 



308 HISTOIRE 

Quauhquauhtzin^ qui en était seigneur et un 
des quatorze grands de l'empire, vint au-de- 
vant de lui pour le recevoir, et le conduisit à 
son palais , où il lui offrit un repas ; car il 
n'avait rien pris de toute la journée. Pour 
le mieux recevoir, il le fit servir à table 
par Azcalxochitzin , jeune Mexicaine , fille 
du prince Temietzin, oncle de Netzahual- 
coyotzin, et, par conséquent, sa cousine, 
qu'il faisait élever chez lui dans l'intention 
d'en &ire son épouse légitime. Jusque là,, il 
ne Tavait pas encore touchée, parce qu'elle 
était trop jeune. Ses parents la lui avaient 
donnée tout enfant en échange d'un présent 
d'or, de pierres précieuses, de manteaux, de 
plumes et d'esclaves, qui formaient sa part 
du butin dans les conquêtes dont j'ai parlé 
précédemment, et auxquelles il avait pris part 
comme un des chefs. Quand le roi vit sa cou- 
sine si remplie de beauté et de grâces, il perdit 
toute sa mélancolie et sa tristesse; car elle lui 
enleva son cœur. Il cacha sa passion le mieux 



DES CHIGHIMÈQUES. 309 

qu'il put, et, après avoir pris congé de ce sei- 
gneur, il retourna à sa cour, où il résolut se- 
crètement , et sans communiquer son dessein à 
personne, défaire périr Quauhquauhtzin poulp 
s'en débarrasser, et il s'y prit de la manière 
suivante. 11 envoya à la république de Tlaxcal- 
lan un messager en qui il avait pleine con'fian* 
ce, et lui fit dire qu'il importait au bien de son 
empire que Quauhquauhtzin pérît, parce qu'il 
avait commis de grands crimes ; mais que ^ 
comme il voulait lui accorder une mort ho- 
norable , il priait la république d'ordonner à 
ses guerriers de le tuer dans le combat , et 
qu'il le leur enverrait tel jour. Il fit ensuite 
appeler deux chefs sur lesquels il pouvait 
compter, et leur dit qu'il voulait envoyer 
Quauhquauhtzin au combat qui , au jour fixé , 
devait avoir lieu sur la frontière de Tlaxcallan, 
et qu'il leur recommandait de le placer au 
poste le plus dangereux, afin qu'il y fût tué 
par les ennemis, ajoutant qu'il avait commis 
des crimes dignes du dernier supplice, mais 



310 HISTOIRE 

qu'il voulait^ par amitié^ lui accorder une 
mort glorieuse, I) fit ensuite appeler son ri- 
val , et lui annonça qu'il . l'avait choisi pour 
chef de cette expédition. Quauhquauhtzin obéit 
à l'ordre du roi , quoiqu'il fut étonné de voir 
donner à un vieux soldat comme lui un poste 
qui était bien au-<lessous de son rang. Il de- 
vina le pi^e, et composa un chant plaintif , 
qu'il répéta dans le festin qu'il donna à ses 
parents et à ses amis pour prendre congé 
d'eux. Il partit ensuite pour cette expédition , 
où il fut en effet massacré par les Tlaxealtè- 
ques. Il ne restait plus au roi qu'à connaître 
les dispositions de sa cousine. Mais , ne vou- 
lant pas que Ton soupçonnât son desseiui il alla 
visiter la princesse Tozquentzin , sa sœur, et 
lui dit qu'il voulait se marier, et qu'il ne trou- 
vait dans ses états personne qui lui convint 
mieux qu'Azcalxochitzin, veuve de Quauh- 
quauhtzin , seigneur de Tepechpan, qui venait 
d'être tué par les Tlaxcaltèques; qu'il ne lui 
restait plus qu'à connaître la volonté de cette 



DES CHIGHIMÈQUES. 311 

dame; mais que^ comme son veuvage était 
trop récent pour traiter publiquement cette 
affaire, il la priait de la sonder en secret. La 
princesse lui répondit qu'elle avait dans sa 
maison une vieille servante qui allait souvent 
voir leur cousine, pour soigner sa chevelure, 
et qu'il pouvait la charger de cette commis- 
sion. Il lui ordonna donc de dire en secret à 
Azcaixochitzin qu'il regrettait beaucoup la 
mort de son époux, mais que^ comme elle 
était sa cousine, il était disposé à la prendre 
pour femme et à la faire reine et maîtresse 
de ses états. La vieille s'acquitta adroite- 
ment de sa commission; la princesse répondit 
qu'elle était à la disposition du roi, et que 
c'était son devoir de lui obéir, puisqu'elle était 
sa parente. Quand celui-ci eut reçu cette ré- 
ponse , il ordonna que l'on construisit une 
route de Tepechpan au Jardin de Tepeczinco, 
et que Ton amenât par cette route un rocher 
qui se trouvait dans un jardin de Ghiuhnautia, 
sur lequel on avait étendu la peau de sou 



312 HISTOIRE 

frère Acotlotli , massacré par ordre du tyran 
Tezozomoc , comme je l'ai raconté plus haut* 
Il fixa un jour pour l'achèvement de cet ou- 
vrage, et, étant retourné chez sa sœur^ il dé- 
pécha la vieille pour avertir Âzcalxochitzin 
que tel jour un rocher que l'on amènerait de 
Chiuhnautla traverserait la ville qu'elle habi- 
tait; qu'on le conduirait aux jardins de Tepec- 
zinco, et qu'elle eût à le suivre avec le plus de 
monde possible, sans qu'on s'aperçût qu'elle le 
faisait par son ordre , mais comme par curio- 
sité et pour voir transporter un aussi grand ro* 
cher. Il la prévint qu'il l'attendrait sur un bal- 
con , et qu'il la ferait conduire au palais, où l'on 
célébrerait les noces et où on la proclamerait 
reine de Tezcuco. La princesse fit ce qui était 
convenu, et, au jour indiqué, elle se mit en 
route avec tous les nobles et toutes les dames 
de Tepechpan. Le roi, qui était sur son balcon 
environné des grands, feignit d'être étonné 
de voir tant <le monde dans un endroit où il 
ny avait Jamais personne. Il demanda qui 



DES CHICHIMÈQUES. 313 

ëtait cette dame , et quand on lui eut répondu 
que c'était Azcalxochitzin ^ sa cousine ^ qui 
venait pour voir placer cet énorme rocher, il 
dit qu'il ne voulait pas laisser sa jeune pa- 
rente dans un endroit indigne d'elle, et qu'on 
eût à l'amener au palais où elle serait mieux. 
Au bout de quelques jours , le roi dit à ses 
grands qu'il avait l'intention de l'épouser, 
parce qu'elle était encore vierge et de si haut 
lignage. Ceux-ci ayant approuvé son des- 
sein, on célébra les noces par beaucoup de 
fêtes et de réjouissances. Motecuhzomatzin 
et Totoquihuatzin y assistèrent ainsi qu'un 
grand nombre de seigneurs , et elle fut pro- 
clamée reine des Aculhuas Chichimèques. Ce 
fut par cette ruse que Netzahualcoyotzin s'em- 
para de cette dame , sans qu'alors onpût savoir 
positivement, si Quauhquauhtzin avait été tué 
par hasard ou à dessein. Mais les auteurs qui 
ont raconté cette histoire ( et on sut plus tard 
la vérité , car c'étaient ses fils et ses petits-fils) 
le blâment de cette action comme de la plus 



314 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

mauvaise qu'il ait commise dans toute sa vie ^ 
et disent que , quoiqu'il fût aveuglé par l'ar 
mour^ sa conduite n'en est pas moins digne 
d'exécration . 



CHAPITRE XLIV. 



Des enfiints de Netzahualcoyotzin , et de tout ce qui se passa 
jusqu a la mort du prince Tetz^uhpiUzintli. 



Les noces du roi Netzahualcoyotzîn eurent 
lieu avant les calamités dont j^ai parlé plus 
haut, et Dieu les envoya probablement pour le 
punir de la mort injuste qu'il avait donnée à 
Quauhquauhtzin. Il eut de son épouse deux fils, 
qui naquirent à une époque très-éloignée l'un 



316 HISTOIRE 

de Tautre. L'aîné, nommé Tetzauhpiltzintli , 
fut comblé des dons de la nature ; il avait un 
excellent naturel , etdevint bientôt consommé 
dans toutes les sciences, sans donner aucune 
peine à ses maîtres. Il était philosophe, poète, 
excellent soldat, et même très-adroit dans les 
arts mécaniques. Il aimait la guerre et les 
bâtiments : c'est pourquoi il construisit un 
très-beau palais à Ahuehuetitlan. Il y avait 
dans cet endroit un cèdre {Àhuehuetl)j qui 
donna son nom à cet édifice. 

Un fils naturel de son père sculpta aussi 
une pierre précieuse et lui donna la forme 
d'un oiseau si bien imité, qu'il paraissait vi- 
vant. Il l'offrit au roi, qui, ayant admiré ce 
bijou , en fit présent au prince son fils qu'il 
aimait beaucoup, et le lui envoya par un 
autre de ses fils naturels nommé Eiahu. Celui- 
ci, en la lui remettant, lui dit qu'elle avait 
été sculptée par son frère Huetzin. Tetzauh- 
piltzintlifit remercier son père, et ajouta qu'il 
se réjouissait de ce que son, frère était si bon 



DES CHICHIMÈQUES. 317 

ouvrier; mais qu'il vaudrait mieux , pour sa 
réputation et pour le service du roi, qu'il 
s'appliquât à la guerre. Eiahu, inspiré par sa 
mère, qui était la concubine favorite du roi et 
qui eut désiré que la reine n'eût pas d'enfant 
pour que les siens montassent sur le trône, 
changea le sens de ces paroles, et rapporta 
au roi que le prince lui avait fait une réponse 
offensante, et qui indiquait l'intention de se 
révolter. Selon lui, il avait répondu : « Je ne 
m'occupe pas d'arts mécaniques comme celui 
qui a sculpté cette pierre, mais seulement 
de la guerre ; car je veux conquérir l'univers 
et devenir plus puissant que mon père. » Il 
ajouta qu'en même temps il lui avait montré 
un arsenal rempli d'armes; il profita, pour 
corroborer cette accusation qui lui avait été 
dictée par sa mère, de ce que son frère, qui 
aimait beaucoup la guerre-, avait orné ses 
appartements de trophées de toutes sortes 
d'armes. Le roi ayant envoyé un de ses gen- 
tilshommes pour savoir si son fils avait réel- 



31 8 HISTOIBE 

lement fait provision d'armes , celui-ci lui ré- 
pondit qu'en effet sa maison en était remplie. 
Le roi , persuadé alors de la vérité de Faccii- 
sation , résolut d'empêcher cette révolte e* de 
mettre son fils entre les maiinS' des rois de 
Mexico et de Tlacopan , qui avaient te droit 
de le réprimander et de le châtier. Il te» fit 
venir à Tezcuco, et , leur ayant rendu coniîpte 
de l'accusation, il les pria de lui faire de!s re- 
proches comme à un jeune homme orgueilleux 
et de peu de sens. Ne voulant pas assister àeette 
scène , il se rendit au jardin de Tetaotzînco^, 
après leur avoir recommandé d'ex^uter tes 
lois , parce qu'il n'était pas juste qu'ils tes vio- 
lassent à cauise de lui. Les deux rois eonHMtl- 
cèrent une instruction secrète et reçurent te 
témoignage des accusateurs, sans en avertir lé 
prince et sans lui donner les moyens de se jus- 
tifier. Ils allèrent le visiter sous prétexte dfe 
voir le palais qu'il faisait bâtir, et menërcM 
avec eux quelques capitaines qui l'étranglèrent 
en feignant de lui jeter au cou un collier de 



DES CHICHIMÈQUES. 319 

fleurs. Ou le plaça ensuite dans une salle , 
environné de tous les insignes qui appartien- 
nent aux princes; mais les deux rois se rem- 
barquèrent pour leur captale, faisant dire 
àNetzahualcoyotzin qu'ils avaient rempli leur 
devoir et exécuté les lois. Quand celui-ci 
reçut cette nouvelle dans le jardin où il atten- 
dait leur décision, il commença à pleurer 
amèrement, se plaignant de la sévérité de ses 
collègues, et regrettant de les avoir choisis 
pour juges; considérant, cependant, que la 
sentence devait être juste, puisque les juges 
ne portaient guère moins d'intérêt que lui au 
coupable, car ils étaient ses oncles. Il resta 
longtemps dans cet endroit à pleurer la mort 
de son fils, car ce prince était son seul héritier 
légitime; quoiqu'il eut eu de ses concubines 
soixante fils et soixante-sept filles. La plupart 
de ses fils devinrent de grands capitaines et 
l'aidèrent beaucoup daps ses conquêtes. Il 
maria ses filles avec des seigneurs de sa cour 
et de celles de Mexico et de Tlacopan. Il dis- 



320 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

tribua à ses enfants une quantité de terres, 
de bourgs et de villages, qui leur fournissaient 
des revenus et des serviteurs, et Ton avait 
pour eux une grande considération. 



CHAPITRE XLV. 



le prince Axoquentzin fait la conquête de Ghalco. — Naissance 

du prince Netzahualpiltzintli. 



Le roi Netzahualcoyotzin était très-affligé de 
n'avoir plus d'héritier, et de ce que les habi- 
tants deChalco, qu'il avait déjà subjugués une 
fois, venaient l'insulter jusqu'à sa porte, 
quand tout le reste dix pays était soumis à sa 

volonté. Leur audace avait été jusqu'à tuer 
12. 21 



322 HISTOIRE 

deux de ses fils et deux princes mexicains , fils 
d'Axayacatzin , qui, à cette époque, était ca- 
pitaine et grand-prétre du temple de Mexico, 
et à prendre leurs cadavres pour porter 
les lumières qui éclairaient la salle où ils 
célébraient leurs danses nocturnes. Toteotzi- 
Tecuhtli, leur seigneur, avait fait enchâsser 
dans de Tor leurs cœurs et ceux des plus vail- 
lants capitaines qui avaient été tués dans cette 
guerre, et les portait en guise de collier. Mais 
ce qui acheva d'exaspérer le roi et de lui 
fendre lame , c'est qu'une femme , native 
de Tezcuco, qui avait été faite prisonnière par 
les Chalcas et servait dans le palais de leur 
chef, frappée du triste spectacle qu'offrait le 
corps des princes desséchés et embaumés, les 
enleva une nuit et les porta àNctzahualceyot- 
zin, les délivrant ainsi, quoiqu'après leur 
mort, des mains de leurs ennemis. Toutes ces 
raisons déterminèrent le roi à mettre un 
terme à l'insolence de ses ennemis. Il réunit 
les plus savants du royaume, qui lui cou- 



DES CHIGHIMÈQUES. 323 

seillèi^nt de faire un sacrifice solennel pour 
apaiser la colère des dieux et obtenir d'eux 
la victoire contre les ennemis et un héritier 
de sa couronne. Quoique le roi n'adorât et ne 
servît qu'avec répugnance les dieux des Cul- 
huàs-Mexicains, il fut obligé de leur offrir un 
grand nombre de victimes : ce qu'il n'avait 
pas voulu faire jusque-là. Il n'avait pas 
même permis qu'on leur élevât des temples. 
Ce fut à cette époque que l'on commença à 
construire dans son palais des temples dédiés 
aux dieux mexicains, dont j'ai parlé plus haut. 
Mais ces sacrifices, qu'il oflPrait à de faux 
dieux de pierre et de bois qui n'avaient aucun 
pouvoir, n'amenèrent aucun résultat, et ses 
affaires allèrent toujours de mal en pis : ce 
qui lui fît bien voir que sa religion était 
fausse , et que ces dieux n'étaient que des dé- 
mons ennemis des hommes, puisque tant de 
victimes humaines ne suffisaient pas pour les 
apaiser. Il quitta donc Tezcuco et se retira 
dans son jardin rie Tezcotzinco , où il jeiina 



324 HISTOIRE 

lH*uihàui quarante -cinq jours, offrant ses 
prières, au Dieu inconnu , créateur de toute 
chose. Il composa à sa louange soixante et quel- 
ques chants sacres (i), que Ton conserve en- 
core aujourd'hui et qui sont remarquables 
tant par leur moralité que par le style élevé 
qui lui est propre. Il répétait sa prière quatre 
fois le jour, savoir ; au lever et au coucher du 
soleil, a midi et à minuit. Il offi'ait à ce dieu 
(le la fumée de copal et de plantes aroma- 
tiques. 

Il arriva (|iie, vers le milieu de la nuit^ 
Iziapnlotzin » un des gentilshommes de sa 
maison» entendit une voix qui, de dehors, 
r»]>pelait par son nom. Il sortit pour voir ce 
que c'était , et aperçut un jeune homme d'une 
figure agréable, qui lui dit de ne rien craindi*e 
et trannonoor au i^oi que, le lendemain avant 
midi, le prince Axoquentzin, son fils, gagne- 
rait une bataille centime les Chalcas, et que la 

vO t*«|>pendit'e qui UU suite à cette histoire contient quel- 
4|IMW HiQix>e9ux (W |H)é«îe de ee |»rin€e. 



DES CHICHIMÈQUES. 325 

reine sa (eiume lui donnerait un héritier di- 
gne de lui succéder. Quand la vision eut dis- 
paru , le gentilhomme entra dans la chambre 
du roi et le trouva occupé à prier et à brûler 
des parfums en regardant vers l'Orient. Il lui 
raconta ce qu'il avait vu et entendu. Le roi, 
prenant tout cela pour des mensonges, appela 
ses gardes et le fît enfermer dans une cage. Le 
lendemain matin, Âxoquentzin, jeune homme 
qui pouvait avoir environ dix-huit ans, se 
rendit, avec quelques-uns de ses amis, dans 
la campagne de Ghalco, avec l'intention de 
visiter ses frères Ichautlatoatzin, Aeapioltzin 
et Tochiquetzaltzin, qui commandaient l'ar- 
mée sur la frontière des Chalcas. Il arriva au 
moment où ils allaient se mettre à déjeûner, 
avant de commencer l'attaque .contre les en- 
nemis , qui en faisaient autant de leur côté. 
Les trois princes se disposaient à prendre leur 
repas ensemble sur un bouclier, lorsqu'Aca- 
pioltzin aperçut son frère, se réjouit beau- 
coup de son arrivée et l'invita à s'aSwSeoir à 



326 HISTOIRE 

côté de lui poui* prendre sa part de leur repas ; 
Ichautlatoatzin s'indigna de cette proposition^ 
et dit qu'un blanc-bec qui n'avait pas encore vu 
la guerre n'était pas digne de s'asseoir à une 
telle place, qu'il ne pouvait pas même servir à 
chasser les mouches, et qu'il ferait mieux de 
rester dans les jupons des femmes. Il ajouta 
d'autres paroles injurieuses en le repoussant 
de l'endroit où son frère l'avait fait asseoir. Le 
jeune prince, irrité de ce traitement et préfé- 
rant la mort au mépris, saisit quelques armes 
qui se trouvaient là et se précipita en déses- 
péré sur les ennemis. Il les attaqua tellement 
à l'improviste , qu'en deux sauts il entra dans 
latentedeToteozitecuhtli,chefdesGhalcas,qui, 
quoique vieux et aveugle , conduisait encore 
son armée , aidé de deux vaillants capitaines 

nommés (i). D'une main il le saisit par 

les cheveux, en repoussant de l'autre les Chal- 
cas , surpris et effrayés. Ceux-ci , chargés par 



(t) Les noms sont omis dans le manuscrit. 



DES CHlGHlttÈQUES. 327 

les plus yaiHaiit& capitames de Tarmée teascu^ 
caine qui étaient venus au secoure de fcur 
prince , ne purent empêcher ce jeune homme 
de s'empaiHa" de leur chef, après avcér toè où 
blessé totis ceux qui voulaient s'y opposer* 
Ses frères n'apprirent son départ que par les 
chants de triomphe qui l'accueil lirent à son 
retour. Ils profitèrent de sa victoire et sou- 
mirent entièrement la province de Cfaalco. 
Ils se hâtèrent d'envoyer au roi leur père la 
nouvelle de la victoire d'Axoquentzin j celui-- 
ci fit aussi remettre Istapalotzin en liberté et 
fit célébrer de grandes fêtes. Peu de joifrs 
après, la reine mit au monde un fils qui tot 
nommé Netzahualpiltzintli : ce qui signiQe 
prince pour lequel on a jeûné. Le roi , reoiÊMH'- 
naissant des faveurs que lui avait accordées le 
dieu inconnu créateur de toutes choses , lui fit 
élever un temple magnifique en face de celui 
de Huitzilopochtli. C'était une pyramide à 
quatre étages, au haut de laquelle s'élevait 
une tour à neuf étages pour représenter les 



228 HISTOIRE DES GHICHIMÈQUES. 

neuf eieux. Le couronnement^ qui représen- 
tait le dixième ciel, était peint en noir par 
dehors et semé d'étoiles ; il était incrusté in- 
térieurement d'or, de pierreries et de plumes 
précieuses, et consacré au dieu inconnu, qui 
n'était représenté par aucune figure ; le cou- 
ronnement se terminait en trois pointes. Au 
neuvième étage se trouvait un instrument 
nommé chililitli , qui donna son nom au tem- 
ple et à la tour, et d'autres instruments tels 
que cornets , flûtes , conques, et une espèce de 
vaisseau de métal qu'on nommait tetzilacatl , 
qui servait de cloche et qu'on frappait avec 
un marteau de métal. Il y avait aussi un 
grand tambour: instrument qu'ils employaient 
dans les danses. L'on jouait quatre fois par 
jour de ces instruments , et surtout du chili- 
litli, à l'heure où le roi priait. 



CHAPITRE XLVI. 



Mort de Motecubtzomatzin de Mexico. — Élection d'Axaya- 
catzin. — De quelques actions et sentences mémorables du 
roi Netzahualcoyotzin. 



Le prince Netzahualpiltzintli naquit le jour 
Mactlactli OmeÂcatl^ le huitième du cinquième 
mois Atemoztli de Tannée Matlactli Orne 
Tecpatl : ce qui équivaut au l**" janvier 1465. 
Dans la même année , ou , d'après le compte 
des Indiens, dans Tannée suivante Matlactli 



330 HISTOIRE 

Orne Calli, pour punir les Ghalcas de leur 
rébellion et de leur obstination , on leur fit 
construire, dans les palais des trois chefs de 
l'empire et des principaux nobles , des salles 
d'une grandeur incroyable; ils furent obligés 
d'apporter de leur pays du bois , des pierres 
et tous les matériaux nécessaires : ce qui les 
réduisit à la dernière misère; car, comme 
presque tous les hommes avaient péri dans 
les guerres précédentes, les femmes mêmes 
furent obligées de se livrer à ce travail. 
Netzahualcoyotzin, voyant leurs souffrances 
et que la faim en faisait périr un grand nom- 
bre, fit construire de vastes maisons de paille 
nommées xacales, et ordonna à ses major- 
domes d'y établir des magasins de vivres pour 
les Ghalcas qui ti^availlaient à ses construc- 
tions. Comme la famine ravageait leur pays à 
cette époque, cette ressource leur parut si 
précieuse qu'ils venaient travailler de bonne 
volonté , pendant les quatre ans que dura ce 
travail. 



DES CHIGHinÈQUËS. 331 

Au bout de ce temps ^ dans l'année nommée 
Yey Calli, ou 1469, Motecmhtzomatzin Ilhui- 
caraina mourut dans sa ville de Mexico. Quand 
Netzahualcoyotzin eut reçu cette nouvelle , il 
fit proclamer à sa place Axayacatzin, fils de 
Tezozomoc, fils d'itzcoatl et d'Atotoztli^ fille 
du défunt Motecufatzomatzin, qui n'avait pas 
d'autre descendance légitime, et qui, par son 
talent et ses vertus , surpassa son aïeul . Après 
que l'on eut célébré les fêtes de son couron- 
nement, il vint à Tezcuco, qu'il fréquettta sou- 
vent pendant la vie de Netzahualcoyotzin. 
Celui-ci montra sa générosité ordinaire en 
rapprochant les limites au delà desquelles il 
était permis d'aller couper du bois pour ses 
constructions et pour la consommation de sa 
maison; car, si l'on en coupait en dedans des 
limites , on était puni de mort. Le roi étant 
sorti un jour, habillé en chasseur, accompa- 
gné d'un seul seigneur (car il avait coutume 
de sortir déguisé pour savoir &i l'on avait à 
se plaindre de son gouvernement), rencon- 



332 HISTOIRE 

tra un pauvre enfant qui avait réuni à grand' 
peine quelques misérables morceaux de bois 
pour les porter à sa maison ; le roi lui dit alors : 
« Pourquoi n'entres-tu pas dans la forêt? Tu y 
trouveras plus de bois sec que tu n'en pourra» 
porter. » — « Je ne ferai jamais une pareille 
chose, répondit l'enfant, car le roi me ferait 
mourir. » — « Mais qui est le roi ? » ajouta Net- 
zahualcoyotzin. — « C'est un avare, répondit 
l'enfant, puisqu'il ôte aux hommes ce que 
Dieu leur adonné à pleine main. » Il l'engagea 
en vain à outre-passer les limites fixées^ lui 
promettant que personne n'en dirait rien* 
L'enfant se mit alors en colère, et lui dit : « Tu 
n'es qu'un traître et l'ennemi de mes parents,- 
puisque tu me conseilles une chose qui pour- 
rait leur coûter la vie. » Le roi i^tourna au 
palais , après avoir ordonné à un de ses ser- 
viteurs, qui l'avait suivi de loin, de lui ame- 
ner cet enfant et ses parents : ce qu'il s'em- 
pressa d'exécuter. Ils arrivèrent, pleins de 
crainte et d'effroi, ne sachant pourquoi le 



DES CHICHIMËQUES. 333 

roi les demandait. Quand ils furent arrivés 
en sa présence, il leur fît remettre par ses 
majordomes plusieurs charges d'étoftes, du 
mais, du cacao et d'autres présents; puis il 
les congédia, en i^merciant cet enfant de la 
leçon qu'il lui avait donnée et de l'exactitude 
avec laquelle il observait ses lois, A dater de 
ce moment, il révoqua ses ordres et permit à 
tout le monde d'entrer dans les forêts pom* 
prendre du bois, à condition de ne couper 
aucun arbre , sous peine de mort» 

Le roi prenait une autre fois le frais sur un 
balcon qui donnait sur la place; un bûche- 
ron, épuisé de fatigue, jeta à terre la charge 
qu'il portait, et, s'étant assis dessus avec sa 
femme, il examina la magnificence des édifices 
qui l'environnaient et lui dit : « Femme, le 
propriétaire d'un si beau palais est heureux 
et rassasié , et nous autres nous mourrons de 
fatigue et de faim. » Sa femme le fit taire, en 
lui disant que , si quelqu'un entendait de pa- 
reils discours, il serait sévèrement puni ; ils 



334 HISTOIRE 

ne furent cependant pas perdus pour le roi , 
qui ordonna à un de ses serviteurs de lui 
amener ce bûcheron. On les introduisit dans 
une salle basse ; et le roi leiu* demanda d'un 
air sévère ce qu'ils avaient dit, en leur or- 
donnant d'avouer la vérité. Quand ils eurent 
confessé leur faute, il leur dit : w Allez et ne 
murmurez pas, car ici les murailles ont des 
oreilles : si vous me croyez si heureux, 
c'est que vous ne connaissez pas la charge 
d'un empire. » Il ordonna ensuite à un de ses 
majordomes d'apporter une certaine quantité 
de cacao , d'étoffes et d'autres marchandises : 
<( Allez , leur dit le roi en le leur donnant , ce 
ce que je vous donne me suffirait, car qui a 
trop n'a rien. » 

Un chasseur, qui gagnait sa vie à ce métier, 
rentra un jour dans sa maison, après avoir 
couru par monts et par vaux, sans avoir pu 
rien prendre; il tâcha alors de tuer quelques 
petits oiseaux pour avoir de quoi manger ce 
joui^là. Un jeune voisin , s'apercevant qu'il 



DES CHICHIMÈQUËS. 335 

ne pouvait' pas même atteindre ces oiseaux , lui 
dit en riant : « Tire sur moi , peut-être scras-tu 
plus heureux. » Le chasseur, irrité, prit son 
arc €t ses flèches et le btessa dangereusement. 
Ce jeune homme jeta des cris si perçants, 
qu'il ameuta tout le quartier. On arrêta te 
chasseur et on l'amena, ainsi que le blessé, 
en présence des juges qui siégeaient au palais. 
Le roi entendit le bruit pendant qu'ils traver- 
saient la cour, et demanda ce que c'était. On 
lui répondit que c'était un chasseur qui avait 
blessé un jeune homme d'un coup de flèche. 
Le roi ordonna qu'on les amenât en sa pré- 
sence; et, quand il sut comment la chose 
s'était passée , il dit au chasseur d'avoir 
soin du blessé, et que , s'il guérissait, il 
le lui donnerait pour esclave s'il ne se ra- 
chetait pas. Le chasseur , très -satisfait de 
la décision du roi , chercha à en obtenir 
quelque nouvelle faveur; il laissa devant la 
porte de sa maison un dindon qui lui ap- 
partenait , de manière à ce qu'il put être 



336 HISTOÏBE 

pris par le renard , et il se mit à le guetter. La 
même nuit, un renard, attiré par l'odeur du 
dindon , le saisit et l'emporta. Le chasseur le 
suivit de si près , qu'il n'eut pas le temps de 
le dévorer, et l'ayant poursuivi jusqu'à sa 
tannière dans l'intérieur de la forêt, il le tua 
à coups de flèches ; l'ayant ensuite chargé sur 
ses épaules, ainsi que le dindon, il se rendit 
au palais, où il arriva au moment où le roi 
était occupé à s'habiller, parce qu'il était de 
très-bonne heure. Gomme il représenta aux 
gens de service qu'il venait demander répara- 
tion , le roi ordonna qu'on le fit entrer ; quand 
il fut arrivé en sa présence , il lui dit : « Puis- 
sant seigneur, je viens demander justice contre 
celui qui porte le nom de votre majesté (i) , et 
qui, cette nuit, m'a enlevé ce dindon : c'était 
tout mon bien , et j'implore votre aide. » Mais 
le roi lui répondit ; « Que ne m'as-tu amené le 
coupable vivant? je l'aurais châtié; tâche que 



(i) T-n renard se nomme, en mexicain , corotl. 



DES CHICHIMÉQUËS. 337 

cela ne se renouvelle pas , car je sais aussi 
punir les mauvais plaisants. » Il ordonna en- 
suite qu'on lui payât la valeur de dix dindons ^ 
et que la peau du renard fût placée dans son 
arsenal . 

Netzahualcoyotzin était si miséricordieux 
envers les pauvres, qu'il se plaçait d'ordi- 
naire sur un balcon qui dominait la place pour 
regarder les pauvres gens qui y vendaient du 
bois, du sel et des légumes, et avaient à peine 
de quoi vivre; et quand il voyait que leur 
marchandise leur restait, il la faisait acheter 
par ses majordomes au double de sa valeur; 
et, ensuite, il la donnait à d'autres, car il 
avait grand soin des vieillards qui avaient été 
blessés à la guerre , des veuves et des orphe- 
lins , et il employait à cet usage la plus grande 
partie du produit des tributs; il y avait des 
chefs qui étaient chargés de ce soin, car il 
n'était permis à personne, sous peine de 
mort, de demander l'aumône. 

12. 22 



CHAPITRE XLVII. 



De quelques prophéties du roi Netzahualcoyolzin. 



On trouve des sentences qui sont des espèces 
de prophéties, et qui se sont accomplies par la 
suite, dans plusieurs chants composés par le 
roi Netzahualcoyotzin, surtout dans celui qui 
est intitulé : Xompacuicatt , ce qui veut dire 
Chaut du Printemps. On les chantait quand 



340 HISTOIRE 

OU ouvrait pour la première fois un des palais. 
11 y en a un qui commence ainsi : TlaxscoU' 
caquican hani NetzaliualcojrotziHy c'est-à-dire : 
« Écoutez ce que dit le roi Netzahualcoyotzin 
sur les malheurs qui affligeront son royaume : 
roi Yotonkin ! quand tu auras quitté cette 
vie pour une autre, le temps viendra où tes 
vassaux seront vaincus et malheureux : c'est 
alors qu'en vérité le pouvoir ne sera plus dans 
ta main , mais dans celle de Dieu ; c'est alors 
que tes enfants et tes petits-enfants éprou- 
veront mille maux , et qu'en pleurant ils son- 
geront à toi; car ils seront orphelins et servi- 
ront les étrangers dans leur propre patrie. 
C'est ainsi que finissent les empires, car la 
puissance ne dure pas longtemps : tout ce que 
nous possédons dans cette vie ne nous est que 
prêté, et il faut le quitter en un instant, comme 
d'autres l'ont quitté avant nou^. Tu- ne vois 
plus Zihuapantzin, AcolnahuacatzinetQuauht- 
zontezoma , dont tu étais inséparalde. ». 
Le temple de Huitzilopochtli, dans la ville 



A-^ JL. 



DES CHICHIMËQUES. 341 

deTezcuco, fut terminé dans Tannëie Ge Acatl, 
ou 1467; et le rai dit alors : « Dans quelle 
année se détruira le temple que l'on consacre 
aujourd'hui ? Qui assistera à sa ruine? Seront-ce 
mes enfants ou mes petits-enfants ? C'est alors 
que le pays dépérira et que les seigneurs, s'é- 
teindront; on taillera le raaguey avant qu'il 
ait atteint sa croissance; les arbres donneront 
des fruits prématurés , et la terre deviendra 
stérile; les hommes et les femmes se livreront 
dès leur bas-àge aux vices et à la sensualité ; ils 
se dépouilleront les uns les autres. II arrivera 
alors des choses merveilleuses : les oiseaux 
parleront, et vous verrez l'arbre de la lumière, 
du salut et de la nourriture. Pour éviter ces 
malheurs, élevez dès l'enfance vos fîls'à la 
vertu et au travail. » 

Tous les malheurs et tous les vices qui sont 
prédits dans ce chant sont arrivés à la lettre; 
car ce qu'on trouvait extraordinaire à cette 
époque est devenu commun aujourd'hui* 
Quand un homme s'enivrait, on l'insultait^ 



342 HISTOIRE 

on abattait sa maison 9 et l'on ne souffrait pas 
sa présence dans \xn lieu habité ; aujourd'hui 
c'est une hs^bitude journalière. Une fille de 
vingt-rcinq ou trente ans osait à peine quitter 

« 

ses parents^ et maintenant elles sont femmes 
à douze ans : en tout l'on voit la difierence 
entre cette époque et celle où nous vivons. 

Netzahualcoyotzin ordonna à tous les arti- 
sans de faire son portrait ; car il pensa que 
dans l'avenir , quand ses descendants enten- 
draient parler de ses belles actions , ils vou- 
draient voir sa figure. Chacun l'exécuta donc 
selon son état. Les orfèvres firent une statue 
d'or; les ouvriei^ en plume firent un por- 
trait si ressemblant qu'on l'eût cru vivant ; 
les peintres en firent un autre ; les sculpteurs 
firent sa statue^ et les architectes élevèreot 
dans le jardin de Tezcutzinco le lion dont j'ai 
parte f qui avait sa figure ; les forgerons même 
firent leur ouvrage. Ils apportèrent ensuite 
au roi tous les portraits qu'ils avaient foits^ à 
l'exception toutefois du lion qu'il fallait aller 



DES GHIGHIMÈQUËS. 343 

voir; mais ce fut le seul qui plût au roi, car 
il dit que l'avarice ferait détruire ceux qui 
étaient en or et en plumes ; que le temps effa- 
cerait les portraits ; que l'argile se briserait; 
que le bois se pourrirait, et que le rocher seul 
passerait à la postérité. 



CHAPITRE XLVllI. 



Ad ions icniarquablcs d'Acalentehualzin. 



Acateiitehuatzin était fils de Nonoalcatl et 
de la princesse Tozquentzin, nièce de Netza- 
hualcoyotzin. Ses discours le faisaient regarder 
par les uns comme un homme de peu de sens, 
par les autres comme un philosophe et un 
sage , parce qu'on y voyait la connaissance du 



846 HISTOIRE 

but de toute chose , et qu'ils respiraient l'a- 
mour du prochain. Un de ses cousins^ fils de 
Netzahualcovotzin , lui avant demandé com- 
ment il trouvait un palais qu'il venait d'a- 
chever de faire construire , et s'il était assez 
solide pour durer longtemps, il lui répondit: 
« Il durera ce que dure une belle femme qui 
s'abandonne aux plaisirs, et que les plaisirs 
détruisent en peu de jours ». Il lui fit cette ré- 
ponse, parce qu'il avait choisi , pour bâtir, un 
endroit défavorable, et que les murs commen- 
çaient déjà à se couvrir de salpêtre. La mu- 
raille d'une des principales salles de sa maison 
s'étant fendue , il fit appeler les maçons et les 
ouvriers, et leur demanda les moyens d'y re- 
médier. Ceux-ci lui répondirent qu'elle était 
écrasée par le poids du toit, et qu'il fallait la 
démolir et la reconstruire de nouveau. Il leur 
répondit que la vie était bien courte et que le 
moyen qu'on lui proposait était bien long. 
Comme la muraille était construite en ma- 
driers , il les fit attacher avec des cordes et 



DES CHICHIMÈQUES. 347 

recouvrir ensuite en dedans et en dehors avec 
de la terre. Cette invention divertit beaucoup 
tout le monde, et il en fut récompensé par les 
rois ses oncles. 



-•■• .jsr 



CHAPITRE XLIX 



Mort de NetzabualcoyoCzin. 



Netzahualcoyotzin avait soixante et onze 
ans ; il y en avait quarante-»<leux qii'il gou- 
vernait Tempire en commun avec les rois des 
Mexicains et des Tecpanèques^ quand il fut 
attaqué d'une maladie causée par la fatigue. 
Il avait eu en tout cinquante filles et soixante 



350 HISTOIRE 

fils, pavnn lesquels il n'y en avait que deux 
de légitimes. Sentant que sa mort approchait, 
il fit appeler un matin le prince Netzahual- 
piltzintli, qui était alors âgé de sept ans; et 
l'ayant pris dans ses bi^as, il le couvrit de ses 
ornements royaux. Il ordonna ensuite que 
l'on fit entrer les ambassadeurs de Mexico et 
de Tlacopan, qui attendaient dans une salle 
voisine le momentdejesaluer. Quand ils furent 
repartis , il tira l'enfant de dessous son vête- 
ment; il lui dit de répéter le discours que lui 
avaient tenu les ambassadeurs et ce qu'il leur 
avait répondu : ce qu'il fit sans hésiter et sans 
se tromper. Le roi s'adressa alors aux princes 
Itcauotlatoatzin, Âcapioltzin, Xochiquetzalt- 
zin et Hecahuchuetzin ses fils, présidents des 
conseils, et qui se trouvaient dans la salle avec 
leurs autres frères. 11 leur rappela toutes les 
fatigues qu'il avait éprouvées, et la vie er- 
rante qu'il avait menée dans sa jeunesse, depuis 
la mort de son père Ixtlilxochitl, jusqu'au 
moment où il avait reconquis l'empire qu'il 



DES CHICHIMÈQUES. 351 

avait ensuite gouverné avec tant de prudence; 
et il leur représenta qu'il fallait^ pour consoli- 
der son ouvrage , que l'union et la paix li- 
gnassent entre eux. Il ordonna que si l'un d'eux 
venait à se révolter ou à occasionner des trou- 
bles, il fut puni de mort, quand même ce 
serait l'aîné et le plus redouté; et enfin il 
ajouta, en leur montrant Netzahualpiltzintli : 
(f Voilà votre prince et votre seigneur naturel ; 
quoique ce ne soit qu'un enfant, il est sage et 
prudent. Il fera régner parmi vous la con- 
corde et la justice. Si vous lui obéissez comme 
de lovaux vassaux, il vous conservera vos 
domaines et vos dignités. Je sens que ma 
mort approche; mais quand je serai mort, 
au lieu de tristes lamentations, répétez des 
chants d'allégresse, afin de montrer votre 
grand cœur , et que les nations que j'ai sou- 
mises à l'empire ne vous croient pas décou- 
ragés , et qu'elles pensent qu'un seul de vous 
suffirait pour les tenir en sujétion, » Après leur 
avoir encore tenu d'autres discours, ex- 



352 HISTOIRE 

pliquë à l'enfant les principes de l'art de 
régner et lui avoir recommandé de maintenir 
les lois établies^ il s'adressa au prince Aca- 
pioltzin y et lui dit : « Â dater de ce moment^ 
c'est toi qui seras le père de cet enfant ; tu lui 
apprendras à bien vivre , et avec tes conseils 
il gouvernera l'empire; remplis sa place ^ et 
sois son guide jusqu'à ce qu'il soit en âge de 
se conduire lui-même. » Il fit encore d'autres 
recommandations au prince^ qu'il avait choisi 
pour régent à cause de sa loyauté et de sa 
prudence. 11 prit ensuite, en pleurant, congé 
de ses enfants et de ses amis; puis il les l'en- 
voya en ordonnant aux portiers de ne plus 
laisser pénétrer personne auprès de lui. Peu 
d'heures après la maladie augmenta, et il ex- 
pira. Ce fut dans Tannée Chicuazen Tecpatl, 
ou 1462. Ainsi finit le plus puissant, le plus 
brave et le plus sage prince qu'il y eut jamais 
dans le Nouveau-Monde. Il était magnanime, 
clément et libéral ; il eut moins de faiblesses 
qu'aucun de ses aïeux, et il châtia sévère- 



DES CflI€HlMÈQUES. 353 

ment celles-ci chez les autres. 11 s'occupa tou- 
jours plus du bien général que de son intérêt 
particulier. Il était si charitable que , quand les 
pauvres gens ne trouvaient pas à vendre leur 
marchandise, il la leur achetait au double de sa 
valeur pour la donner à d'autres. Il avait soin 
des vieillards, des infirmes , des veuves et des 
orphelins. Dans les années stériles il ouvrait 
ses coffres pour distribuer à ses sujets ce dont 
ils avaient besoin , etleur remettait les tributs 
qu'ils lui devaient. 11 regardait comme de faux 
dieux les idoles qu'on adorait, et disait que 
c'étaient des démons ennemis du genre hu- 
main. Il était très-ôvancé dans les sciences 
morales , et cherchait à connaître le véritable 
Dieu créateur de toutes choses , comme on l'a 
vu dans le cours de cette histoire , et comme 
le prouvent ses poésies , où il est dit qu'il n'y 
a qu'un seul Dieu créateur du ciel et de 
la terre, qui nourrit toutes les créatures, 
n'a pas d'égal et demeure au-dessus des 

neuf cieux. C'est auprès de lui que vont ceux 
12. 23 



DES CHICHIMÈQUES. 355 

autres poètes et historiens qui ont écrit les an- 
nales des trois dynasties delà Nouvelle-Espa* 
gne^ et surtout sur les chroniques rédigées 
par le prince Quauhtlacuilotzin ^ premier sei- 
gneur de Chiauhtia; elles commencent à la 
naissance de Netzahualcoyotzin , et se termi- 
nent au commencement du règne de son fils. 
J'ai consulté aussi les ouvrages des princes de 
Tezcuco, donPablo, don Antonio et don Hep- 
nando Pimentel^ ainsi que Juan dePomar, fils 
et petits-fils du roi Netzahualpiltzintli ^ et du 
prince don Alonso Axayacatzin^ seigneur d'Itz- 
tacpalapan^ fils du roi Cuitlahuac et neyeu 
de Motecuhzomatzin. Cette histoire a aussi été 
écrite par F. Juan de Torquemada , père du 
Saint-Êvangile dans cette province, et le pre- 
mier qui ait su interpréter les peintures et les 
chants^ dans son ouvrage intitulé : MonardUe 
indienne. 

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE. 



APPENDICE 



APPENDICE 



A LA PREMIERE PARTIE. 



J'ai déjà donné à la fin du recueil de pièces sur le 
Mexique, qui forme le 10^ volume de cette collec- 
tion, une pièce devers attribuée au roi Netzahual- 
coyotl; en voici deux autres que je suis parvenu à 
retrouver. La première est insérée dans Fouvrage de 
Granados y Galvez ( Tardes Americanas, Mexico, 
1778, in-^^"*, p. 90 et suiv.). Il donne le texte en langue 
otomite , qu'il dit , je ne sais pourquoi, avoir été la 
langue naturelle de lauteur ; il y joint une traduc- 
tion espagnole, que j'ai mise en français sans pouvoir 
le moins du monde me rendre garant de sa fidélité. 
La seconde a été insérée par M. de Bustamante , à la 
suite de son histoire des anciens rois de Tezcuco. 

Dans cet appendice nous avons mis en regard le 
texte otomite et la version française: la traduction 
espagnole se trouve en note. 



360 APPENDICE. 

Gumbgue natzitzô tzu retoiiar. Terailetzi nuguatzi 
majay matzi nadunihi danvuigui tzaguetô naramtzivi 
natzi naracuay dije quidithegmi oarandobi ditzira 
jahy. Nua tzirinvui nadu. Tanto yaqueaya tzem- 
buiy nahumbi nadumbui. Tzimatzd quiteni nua- 
harannaduxte nadeni nuanage nabuiy nantzii buato 
ya Beiô teranduxnapetzi nuaniâeebé namuutzi na- 
meiDatiquindas najazti tzimapatô napuingui nadeege 
tzibditô nahiadi tieDtzi mana narabuey najatzt najo- 
quinantzd dijadaveidi didumbui natzeénabmi nanhie 
andogina nestihi napehde uadeni nuarabuiy nubuit- 
ziudi tiumbi nuarantzn nubiii istindeé ytzont aadu 



(i) Son las caducas pompas del mundo como los Terdet 
sauces , que por mucfao qiie anhelen à la daracion , al fin 
un inopinado fuegolus consume, una cortante hach»lo8 de»- 
troza, un cierzo los derriba y la avanzada edad y décrépi- 
tud ]o8 agobia y entristece. Siguen las piSrpuras las propieda- 
des de ]a rosa en el color y la suerte : dura la hermosura dt 
estas , en tanto que sus castos botones avaros recogen y conser- 
Tan aquellas porciones que cuaja en ricas perlât la anrora , J 
economica deshace y derrite en ISquidos rocios ; pero apénas •! 



APPENDICE. 361 

Les pompes passagères de ce monde sont comme 
des saules verts qui, bien qu'ils arrivent à un kge 
avancé , finissent par être consumés par le feu ; la 
hache tranchante les renverse , un ouragan les dé- 
racine , la vieillesse et la décrépitude les courbent 
et les attristent. 

La pourpre ressemble à la rose par sa couleur et 
par sa destinée. La beauté de toutes deux dure tant 
que les chastes boutons conservent avec soin les 
gouttes bienfaisantes que Taurore leur verse en ri- 
ches perles; mais à peine le père des vivants dirige- 
t-il sur elles le plus léger rayon de sa lumière, qu'il les 
dépouille de leur richesse et de leur beauté; elles se fa- 
nent et perdent les couleurs purpurines dont elles se 
paraient avec orgueil. Les délicieuses républiques des 
fleurs n'ont qu'une courte existence: celles qui le matin 
déployent avec orgueil les fastueuses richesses de leur 
pouvoir, pleurent le soir la triste chute de leur empire 
et les calamités qui les font périr, la tristesse^ la 
Qîort et le tombeau. Toutes les choses de la terre ont 



padre de los vivientes dirige sobre ellas el mas ligero rayo de sus 
luces, les despoja su belleza y lozania) haciendo que pierdan 
por marchitas la enceûdida y purpiirea color con que agra- 
dablemente ufanas se yestiau. En breyes periodos cuenten las 
deliciosas repùbiicas de las flores sus reinados ; porque las que 
por la manana ostentan soberbiarnenteengreidas la vanidad y el 
poder , por la tarde lloran la triste cadencia de su trono , y los 
repelidos parasismos que las impelan al desmayo , la aridez , 
la muerte, y el sepulcro. Todas las cosas de la tierra tien«n ter** 



362 APPENDICE. 

aranbuiy . Gato nuanamethi najaydahuadi, nuananes- 
tihiDanbuigui dibgetze naoctzi. Gato natzandi najay 
nanîgeé, othotevea dapay comuguienunime : ogai 
agui ytzege ya dothte, ya ne, yapuehte,âgonto tam- 
bengui arambui inzetto paranadopadegeé, quiquaqui 
napuDta mas guipa arangie nuayinjamande , hinda 
jabuiya. Niadanja nubuiya hiDdajanixudi yôudi 
yanige , yafontahy nugueyandoyo , ni coy corimui 

quifiutzi nagetzi dijudinanthzi , qui manda ya coy 
qui manda la tropa. Gumui quipetzi naranini agui 
petzi na vooca gui tide congueanauzu bitogui na 
gloria y gua na vifi zeutzo ypuoni natziyi de Popo- 



mino , porque en la mas festiva carrera de sus engreimientos y 
bîzarrfas, caïman sus alientos, caen y se despeftan para el hoyo. 
Toda la redondez do la tierra es un sepulcro ; no hay cosa que 
sustente que con titulo de piedad no la esconda y entierre. 
Corren los rios, los arroyos , ]as fuentes y las agnas, y ningunas 
retroceden para sus alegres nacimientos : aceléranse con ansia 
para los vastos dominios de Tluloca (que es Neptuno), y cnanto 
mas se arriman à sus dilatados mârgeoes , tanto masvanlabrando 
las melancolicas urnas para sepul tarse. Lo que fué ayer no es 



APPENDICE. 363 

un terme , au milieu de la plus Joyeuse carrière de 
leurs gloires et de leurs beautés leur souflDe s'ar- 
rête, elles tombent et sont précipitées dans lafosse. La 
terre, sur toute sa surface arrondie, n'est qu'un tom- 
beau. Rien ne peut nous défendre du trépas, la mort 
est impitoyable. Les fleuves, les ruisseaux , les fon- 
taines , toutes les eaux s'écoulent ; aucune ne re- 
monte vers sa source ; joyeuses elle s'avancent rapide- 
ment vers les vastes domaines deTlaloc, et plus elles 
approchent de ses rivages étendus , plus elles se creu- 
sent une triste sépulture. Ce qui était hier n'est plus 
aujourd'hui , et Ton ne peut pas être sûr que ce qui 
est aujourd'hui sera demain. Les caveaux sont rem- 
plis de poudres infectes , qui jadis étaient des os , des 
cadavres et des corps animés, qui, assis sur des trônes, 
sous des dais, présidaient des assemblées , comman- 
daient des armées , conquéraient des royaumes , pos- 
sédaient des trésors , étaient l'objet de l'adoration , qui 
étaient aveuglés par la majesté, la richesse et le pou- 
voir : ces gloires ont passé comme la fumée ef- 



hoy, ni lo de hoy se afianza que sera maûana. Llenas estân 
las bovedas de pestilentes polvos» que an tes eran huesos, cadà- 
veres y cuerpos con aima , ocupando estos los tronos , autori- 
zando los doseles, presidiendo las asambleas, gobemando 
ejércitos , conquistando provincias , poseyendo tesoros , arras- 
trando cultos, lisonjeândose con el fausto , la magestad, la 
fortuna , el poder y la dominacion. Pasaron estas glorias, como 
el polvoroso humo que vomita y sale del infernal fuego de Po- 
pocatepec , sin otros monumentos que acuerden sus existencia& 



OP. /. 



364 xm3MCL. 

caltepec Duobui mananinlèDi r quinveai teroveâh 
Doanagemi jtofô , nobui caqirigti nugaga , nara 
Betzoî , jadatanney darague majanandoyo tiantm 
a Chiolchanetziii , Betoo Bentî tzinalongui Bengu 
de MitI DoatzidiDTeiii occa latitza Xiotial p^nrcui-* 
boito Topiltzin nuanigotzi nadoinge. Nabmdafianniy 
dara gne maja na joga votÂTi noa Beeto matahe 
Xolotl , Nua nauni Nopal ya teoa de rayente mata 
Yxtiil Duuboî dananniimaja por Gatô teatogui te** 
guiximaja? Nuaxîgatodi maaga indipohdi porq 
Dugae Beto , Bigootzi tibai tinguatxi connsgay. Nua- 
bioja deguene , tzidague qoeh si ne ehfiehe. Gagotii 



en las toflcas pieles en que se escriben. i Ha ! ha 1 y si 70 os In- 
trodujera à los oscoros senos de esos panteones, y os pregon* 
tara que cuales eran los huesos del poderoso Aehalchiohl 
Anextzin , primer caudillo de los antiguos tultecas; de Necazec- 
fnitl, reverente cultor de los dioses? Si os pregontara dénde 
esUi la incomparable belleza de lagloriosa emperatriz Xiuhtzalf. 
y por el pacifico Tolpiltzin , ùltimo monarca del infeliz reino 
tulteco? Si os preguntara , que cuales eran las sagradas cenizat 
He nuestro primer padre Xolotl ; las del munificentisiaia 



APPENDICE. 365 

frayante qui sort du feu infernal du Popocatepec, sans 
qu'il reste d'autre monument qui rappelle leur exis- 
tence , si ce n'est la peau grossière sûr laquelle cette bis* 
toire est écrite. Hélas ! si je vous conduisais dans les 
détours obscurs de ces pantbéons , et si je vous deman- 
dais où sont les os du puissant Acbalcbicibtlanextzin^ 
premier cbef des anciens Toltéques , et ceux de Ne- 
caxec Mitl, le pieux adorateur des dieux; si je vous 
demandais où est la beauté incomparable de la glo- 
rieuse impératrice Xiubtzal et le pacifique Topif tzin , 7, (f* X(^.<^ 
dernier souverain du malbeureux royaume toltè- 
que ; si je vou6 demandais quelles sont les cendres sa- 
crées de notre premier père Xolotl , celle du très- 
magnifique Nopaltzin et du généreux Tlotzin, et 
même les cendres encore chaudes de mon père, glo- 
rieux et immortel malgré ses malheurs , Ixtlilxochitl 
enfin ; si Ton vous adressait de pareilles questions sur 
tous nos illustres ancêtres , que répondriez- vous ? 
si ce n'est ce que je répondrais moi-même : indipohdi, 
indipohdi, je n'en sais rien , je n'en sais rien ; car 



Nopal ; lasdel generoso Tlotzin ; y aun por los calien tes carbones 
de mi glorioso, inmortal, aunque infeliz y desventurado, padre 
Riztlilxochitl? Si asi osfuera preguntando por todos nuestros 
augustos progenitores , i que me responderiais ? Lo mismo que 
yo respondiera : Indipohdi , indpohdi : nada se *, porque los 
primeros y ùltimos estan confundidos con el barro. Lo que fué 
de ellos , ha de ser de nosotros y de los que nos sucedieren, 

' N?.scenles nxorininrj finis<tue ab origine peiK^et, 



366 ÀPPEMDIGE. 

nimado , na Benti y mantegui , ynando gotzi mageUi 
nubui hinte nategue , nua tzîra domantzoïiahie , na- 
ximia najiadi y na domantzo na xuudi n^tn pant 
natze ototô danmetzinantzu para danoqni noguinanii 
magetzi , porq guetihui dipefi nua nanzu occa, hica 
nobuiya inumadaji, xegueto nubi naa Bitoligiiî 
lidanu ydanehee. 



Anhelemos , inricUsimos principes, capitanet «fianadot, Mm 
amigos y leales Tafallos , aspiremot al ci^o , que allf todo «s 
eterno , y nada se corrompe. £1 horror del sepnlcro es liion* 
jera cuna para el sol , y las funestas sombras , brillantes laces 
para los astros. No hay quien tenga poder para inmutar esas 



APPENDICE. 367 

les premiers et les derniers sont mêlés avec la terre : 
ce qu'il en est d'eux , il en sera un jour de nous- 
mêmes et de ceux qui viendront après nous. Aspi- 
rons, invincibles princes, guerriers valeureux, fidèles 
amis , sujets loyaux , aspirons au ciel ; car là tout 
est éternel , rien ne se corrompt. L'horreur du tom- 
beau est un berceau flatteur pour le soleil , et les om- 
bres funèbres sont de brillantes lumières pour les 
astres. Personne n'a le pouvoir de changer ces cé- 
lestes peintures ; car, de même qu'elles servent im- 
médiatement à l'immense majesté de l'auteur, elles 
sont cause que nos yeux voient aujourd'hui ce qu'on 
vu nos prédécesseurs , et ce que verront nos descen- 
dants. 



relestes laminas, porque como inmediatamente sirven a la in- 
inensa grandeza del autor, hacen que hoy vean nuestros ojos 
1o mismo que registre ]a pretericion y registrarà nuestra pos- 
(eridad. 



368 APPENDICE. 



CANTO. 



Oid con atencion las lamentaciones que yo , el rey 
Netzahualcoyôtl , hago sobre el imperio , hablando 
conmigo mismo y presentàndolo à otros por ejemplo. 

; O rey bullicioso y poco estable ! cuando llegue ta 
muerte seràn destruidos y desbecbos tus vasallos : 
verànse en oscura confusion , y entonces ya lio 
estarà en tu mano el gobierno de tu reine , sino en 
la del Dios criador y todopoderoso. 

Quien viô la casa y corte del yiejo rey Tetzozomôc 
y lo florido y poderoso que estaba su tirànico impe- 
rio y y ahora lo ve tan inarcbito y seco , sin dada 
creyera que siempre se habia de mantener en su ser, 
siendo burla y engano lo que el mundo ofreoe, 
pues todo se ha de consumir y acabar. 

Lastimoso es considerar la prosperidad que hubo 




APPENDICE. 369 



CHANT 



Écoutez avec attention les lamentations que moi^ 
le roi Netzahualcoyotl , me parlant à moi-même , 
je fais sur le sort de l'empire , et que je présente 
comme exemple aux autres. 

O roi inquiet et remuant , lorsque tu auras cessé 
de vivre , tes vassaux seront ruinés et détruits ; ils se 
verront dans une confusion complète ; ce ne sera 
plus toi qui régneras et qui commanderas ; mais le 
Dieu créateur et tout puissant. 

Quiconque a vu le palais et la cour du vieux roi 
Teizozomoc , et combien était florissante et redou- 
table sa puissance tyrannique, aurait-ii pu croire 
qu'elle lui serait échappée , cette puissance aujour- 
d'hui fanée et détruite ? Tout ce qu'offre cette vie 
n'est donc que dérision et tromperie , puisque tout 
doit s'user et finir. 

On se sent ému tout à la fois de pitié et d'admira- 

12. 24 



370 APPENDICE. 

durante el gobierno de aquel viejo y caduco monarca , 
que semejante al sauce, animado de eodiciay ambi- 
cion, se levantôy ensenoreô sobre los débiles y humil- 
des. Pradosy flores le ofreciô en los campos la prima- 
vera por mucho tiempo que gozô de ellos ; mas al fln 
carcomido y seco , vino el uracan de la muerte , y 
arrancândolo de raiz le rindiô, y hecho pedazos 
cayô en el suelo ; ni fuë menos lo que sucediô à aquel 
antiguo rey Gotzastli ; pues ni quedô memoria de su 
casa ylinàge. 



Cou estas reflexiones y triste canto que traigo à la 
memoria , doy vivo ejemplo de lo que en la florida 
primavera pasa, y el fin que tuvo Tetzozomoc por 
mucho tiempo que gozô de ella. i Quién pues habrà 
que notando esto, por duro que sea no se derrita en 
làgrimas , supuesto que la abundancia de las ricas y 
variadas recreacîones son como ramilletes de flores 
que pagan de mano en mano , y al fin todas se desho- 
jan y marchitan en la présente vida? 

; Hijos de los reyes y grandes senores ^ advertid y 
considerad lo que en mi triste y lamentoso canto os 

m 

maûifiesto , cuando refîcro lo que pasa en la florida 
primavera , y el fin y término dcl podcroso rey Tet- 
zozomoc! (i Quién, vuelvoà decir, viendo esto sera 



APPENDICE. 37^ 

Uoû , lorsque Ton eonsidéjre aUentivcmenl la pros- 
périté dont a j(N]i pendwt son rè^e iyraniiique le 
roi Teizozomoc , ee vieîllarci caduc ^ qui , tel qu'un 
saule nourri de rhumidité de son ambition et de son 
avarice , s'élevait au-dessus des humbles et des fai- 
bles : le printemps lui offrait les prés et les champs 
fleuris, longtemps il en jouit; mais enfin, lorsqu'il 
fut rongé des vers et desséché , l'ouragan de la mort 
survint , le déracina , et retendit en morceaux sur 
le sol. Le sort de Fancien roi Gotzastli ne fut pas 
moins terrible , puisqu'il n'est resté aucun souvenir 
de sa maison et de ses descendants. 

Aujourd'hui , par ces chants douloureux , je re- 
trace le souvenir et l'exemple de ce qui arrive dans 
la saison des fleurs , et la fin du roi Tetzozomoc, quoi- 
qu'il ait goûté longtemps la prospérité. Qui donc , en 
m'entendant , serait assez dur pour ne pas fondre en 
larmes? Cette abondance de fleurs variées , de plai«« 
sirs somptueux , sont comme des bouquets qui pas- 
sent de main en main , finissent par se faner et dispa- 
raissent de ce monde. 

Fils des rois et des puissants, ouvrez les yeux et 
méditez avec attention sur le sujet qiii sert de thème 
à mes gémissements et à mes tristes poésies, en appre- 
nant ce qui arriva au printemps fleuri, et la fin du 
roi Teizozomoc ; mais je le répète , en m entendant , 



372 APPENDICE. 

tan duro que no se derrita en lâgrimas, pues la 
abundancia de diyersas flores y bellas recreaciones 
son ramilletes que se marchitan y aeaban en la pré- 
sente vida? 



Goeen por ahora de la abundancia y belleza del 
florido verano con la melodia las parleras aves > y 
liben las mariposas el nectar dulce de las fragantes 
flores : todo es como ramilletes que pasan de mano 
en mano , que al fin se marchitan y aeaban en la 
présente vida. 



APPENDICE. 373 

qui serait assez dur pour ne pas fondre en larmes? 
car cet te abondance de fleurs variëes, de plaisirs somp- 
tueux , ne sont que des bouquets qui passent de main 
en main 9 flnissent par se faner et disparaissent de ce 
monde. 

Cependant les oiseaux ne cessent de faire 
retentir les airs de leurs voix mélodieuses ; ils jouis- 
sent de Tabondance du palais de l'été , et les papil- 
lons du nectar de ses fleurs. Tout est comme des bou- 
quets qui passent de main en main , finissent par se 
faner et disparaissent de ce monde. 



TABLE DES MATIÈRES 



CONTEÎMUKS 



DANS CE VOLUME. 



<*»* 



Pages. 

PnÉFACE DE l'Éditeur français ix 

Dédicace DE l'auteur mexicain * xiii 

Avertissement au lecteur xv 

CiiAP. l". — Delà création du monde et des quatre âges 
dont parlent les historiens de la Nouvelle- Espagne. . 



i 



Chap. II. — Origine et arrivée de la nation toltèque. — 
Ses rois et ses chefs. — Villes qu'ils fondent. ~ Ce 
qui arriva de leur temps 9 

CiiAP. m. — Règnes d'Iztacquauhtzin et de Topillzin, 
derniers rois des Toltèques. — Fin de leur empire. . 1 7 

(^11 A? . IV. — Arrivée du grand Chichimèqne Xolot! dans 
le pays des ToUèqucs. — Établissements qu'il y fonda. 29 



•HO lABLE 

C«AF, V. — Arriwée âet Acnlhius , dei Tccpapêgnet et 
U'Ofomstef, -- XoloU lei reçoit bieo , et leur doDDe des 
domaioet et det terrei. — Il marie lenrs chefs avec fei 
deox fillef . — Enfants qu'ils enrent. — Uariage dn 
|iriuce Nopaltzin et de ses enfants 3; 

OfAr. VI. — Des provinces et des établissements que 
Xololl donna â d'antres seigneurs 4 3 

OtAt» Vil. — Fin du régne de Xololl. — Sa mort. ... 49 

Cnaf. Vlll. — Le prince Nopaltzin succède à TempU^. 
— Histoire de son régne 5; 

CjUAf. IX. •» Régne de Huetzin (i3 

Cmaf. X. — Régne de Qoinantzin. — Arrivée des Mexi- 
cains. — Généalogie d'AcomiztU , seigneur de Coatli- 
clian. 69 

i'jHàv. XI. — Guerres civiles entre les Chichimcques et 
aulros f qui eurent lieu sous le régne de Quinantzin. . 7 5 

CuÀi*. XII. — Arrivée des Tlailotlaques et des Cbimalpa- 
uéques. — Quinanlzin les établit dans la ville de Tez- 
cuco et dans d'autres , parce qu'ils étaient des ouvriers 
trèi'habiies. — Guerres qui eurent lieu jusqu'à la mort ^ 
de ce prince 8 1 

Ciur. XIII. -> Hègno de Techotlalalzin 85 

Oiup. XIV. — Guerres de Tezozoïnoc et des seigneurs 
uioxicains. — Il augmente ses états. — Acamapichtli 
hérilo (lu trûne dos Gulhuas du chef d'Ilancueitl , sa 
ftimiiio. — Fiu du règne de Techollalatzin 91 

t^uài'. XV . — Avènement au trône de l'empereur Ixllilzo- 
cliitl-Omolochtli. — Tczozomoc cl les seigneurs mexi- 
(*uina iH}fusoiil de le reconnaître. — Ils excitent une 
rôvollo dans l'ciiipire 101 



DES MATIÈRES. 377 

Pages. 

CuAP. XVI. — On prête serment au prince Netzahual- 
coyotzin comme héritier de l'empire dans les états 
tenus à Huexotla. — La guerre civile éclate entre Te- 
zozomoc et Netzahualcoyotzin pour la possession de 
l'empire , . 107 

Cbap. XVII. — Tezozomoc, assiégé dans sa capitale par 
lempereur Iztlilxocbitl , demande une trêve, promet- 
tant de se soumettre m 

Chap. XVm. — L'empereur Iztlilxochitl se retire dans 
les montagnes , et envoie demander des secours aux 
habitants de la province d'Otompan qui massacrent 
son général.. 117 

Chap. XIX. — Fin malheureuse de l'empereur Ixtlilxo- 
chitl 125 

CuAP. XX. — Tezozomoc se fait prêter serment comme 
empereur des Chichimèques. — 11 ordonne de massa- 
crer une quantité d'enfants dans le royaume de Tez- 
cuco. — Proclamation qu'il fait faire dans la plaine de 
Totecateopan , où il se fait reconnaître souverain par 
les habitants de Tezcuco et de quelques autres pro- 
vinces dépendantes de l'empire 1 3 1 

Chap. XXI. — Tezozomoc partage les terres qui dépen- 
daient de l'empire des Chichimèques. — Ce qu'il fit 
ensuite. — Son rêve extraordinaire 189 

Chap. XXll. — Mort du tyran Tezozomoc. — Maxlla, 
son fils , usurpe le trône , et fait périr Tayatzin , son 
frère 1 4 5 

CnAP. XXllI. — Le tyran Maxtla ordonne d'arrêter Chi- 
malpopoca, roi de Mexico» et le fait ensuite remettre 
en liberté. — Situation périlleuse dans laquelle se 
trouve Netzahualcoyotzin. i5i 

Chap. XXIV. — Netzahualcoyotzin échappe deux fois 



378 TABLE 



Pages. 



des main» du tyran. — Mort de Chimalpopoea et de 
Tlacateotzin , roi de Tktelolco 169 

Chàp. XXV. — Netzsdmalcoyotzia échappe encore d^oz 
fois anx nues de ses ennemis • • '^7 

Chap. XXVI. •— Fuite de Netxahnalcoyotsin k traTfrs 
les montagnes* — U arrive chez un gentiUiomme oto- 
mite, nommé Qnacoz « 177 

Chàp. XXVII. — Netzahoi^coyotzin gagne OqxAaç. — 
Ce qui se passa pendant aa route 18S 

Chap. XXVIII. — Netzahnalcoyotzin marche sor Tezcoco 
avec une puissante armée, et rétablit Tempire des 
Aculbnas. — De qudqnes événements remarquables. . 191 

Chap. XXIX. — Fin de Thistoire générale des Chichi* 
mèques. — Notice sur les auteurs qui la repr^entè- 
rent. — Conduite ultérieure du tyran Mazflai .... «01 

Chap. XXX. — ^ Les Mexicains , (^primés par le Upnok 
Maztk , enroient un ambassadeur an roi de Tetaaeo 
pour lui demander du secours 3o5 

Chap. XXXI. — Netzahualcoyotzin va au secours de 
Mexico k la tête de son armée m 

Chap. XXXII. — On prête serment à Netzahualcoyotzin 
en qualité de roi de Tezcuco , d'Aculhuacan , et d'em- 
pereur des Chichimèques , à son onde Itzcoatzîn , 
comme roi de Mexico , et à Totoquihuaizin , roi de 
TIacopan. — L'emp^eur donne à ces derniers le 
royaume tecpanèque d*Atzcaputzalco si 7 

Chap. XXXIII. ^- Netzahualcoyotzin prend la résolution 
de se rendre à Tezcuco avec toute sa cour. — - Des 
négociations qui eurent lieu à cet égard s 23 

Chap. XXXIV. — Querelles qui amènent une guerre 



DES MATIÈKES. 379 

FagP5. 

entre NctzalmalcoyoUin et son oncle Itzcoatzin. — 
Le roi de Tezcuco fait la paix , après être entré avec 
son armée dans la ville de Tezcuco , et rend à tous 
les seigneurs leurs domaines. — Autres événements de 
cette époque 229 

CflAP. XXXV. — Netzahualcoyotzin rétablit dans leurs 
domaines les seigneurs du royaume des Aculhuas , et 
partage les terres 287 

Chàp. XXXVI. — Netzahualcoyotzin construit pour sa 
demeure les plus beaux palais qu il y ait jamais eu à 
la Nouvelle-Espagne. — Leur description 24.S 

Cbàp. XXXVIl. — Suite de la description du palais de 
Netzahualcoyotzin. — Temples qu'il renfermait. ... 25; 

Chap. XXXVÏII. — Des quatre-vingts lois que promulgua 
Netzahualcoyotzin , et comment il les fît observer. . . 263 

Chap. XXXIX. — Le roi Netzahualcoyotzin augmente . 
les terres de la république de Tlaxcallan. — Traité 
qu'il fait avec elle 276 

('.MAP. XL. — Mort d'Itzcoatzin, roi de Mexico. — Il a 
pour successeur Molecuhzomatzin llhnicaminatzin » 
premier du nom. — Guerre des chefs de Tempire 
contre les provinces éloignées 286 

Chap. XLI. — Le pays est ravagé par la peste et la fa- 
mine. — Commencement des guerres de Tlaxcallan , 
Huexotzingo et Chololan , contre l'empire 289 

Chap. XLII. — Netzahualcoyotzin construit des maisons 
de plaisance , des bosquets et des jardins. — Quels 
furent ceux qu'il fit travailler à l'embellissement de 
ces résidences royales 297 

Chap. XLllL — Le roi Netzahualcoyotzin épouse Azcal- 
xochitzin , fille du prince Temietzin , son oncle. — 



380 TABLE DES MATIÈRES. 

Pages. 

Circonstances extraordinaires qui accompagnent ce 
mariage 3o5 

CuAP. XLIV. — Des enfants de Netzahualcoyotzin , ot de 
tout ce qui se passa jusqu'à la mort du prince Tet- 
zauhpiltzintli 3i5 

CuAp. XLV. —Le prince Axoquentzin fait la conquête de 
Chalco. — Naissance du prince Netzahualpiltzintli. . . 33 1 

Chap. XLVI. — Mort de Motecuhtzomatzin de Mexico. -^ 
Élection d'Axayacatzin. — De quelques actions et sen- 
tences mémorables du roi Netzahualcoyotzin 329 

Chap. XL VII. — De quelques prophéties du roi Netza- 
hualcoyotzin 339 

Chap. XLVI II. — Actions remarquables d'Acatentehnat- 
zin 345 

Chap. XLIX. — Mort de Netzahualcoyotzin 349 

AppF>nDTCF 357 



riN DE LA TABLE DES MATIERES. 



IMPIIIMKRIE DE FAIN ET TIIUNOT, 

rue Racine . 28 . prt» de l'Odèon. 



THE UNIVERSrTY OF MICHIGAN 
GRADUATE LIBRARY 



h. 



1 -