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Full text of "Histoire naturelle, générale et particulière : avec la description du cabinet du roy"

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hu ce e qui ef contenu dans ce : Volume. 


“4 ORAN A RD Eu bel dde ceebtos PRE CN 
La petite Ourarde, tn la Canpetiére. + 40 
Q ifeaux étrangers qui. ont rapport aux Outardes.. 


L Le Lohong ou l'Outarde rppée 4 d' Arabie sos 52 
IT L'Outarde d'Afrique... 4... ne 


OL: “Le Churge ou l'Ontarde HIOYentE ke Bas. ir s6 


LV, (Ee Houbara ou petite Outarde huppée d'Afrique + . à , | 
IN, be Rhaad, autre petite Outarde huppée d'Afrique. . 


La Coq. POSE A | ? .. L “ . ” À . © © © + + »v Lg a \ * s: 5 
Le Dipuim’ > + + + “ , , À , , . , ns + ° è à 6: » 4 # e 132 
La Peintade......... ie ie ::163 


Le Tetras où le grand Coq de Annals NL raatene D IONE 
Le petit T'etras ou le Coq de bru syêre à queue fe 


chue RE + a de D aout .210 
Le petit Tetras à queue sb dc. rue À re dé 27 
Le petit Tetras à a PUR er de Ha qu .230 
La Gélinotte . spi RO AUTRUI à Ÿ à VERS 
La Gélinotte PÉofe. | De AR al UE 


Oifeaux. , Tome Σ. | ui: 


ul ARE 
“Le Ganga, vulpairement la Gelinotte des Pyrénées. 244. 
A D en be vue 14292 
L’Attagas blanc. K ; NN + LR 262 
Le Lagopède . A RS PER +. et RE 
Le Lagopède de la baie d'Hudfon . de 276 


Oifeaux étrangers qui ont rapport aux Cogs de bruyère, 
aux” tHbbois , aux AITAgAS, Ê TC. 


Lo or Gélinotte du Canada... uen 4 0 279 
Th: 6e Coq de bruyère à fraife, ou /4 groffe Gélinotte du 


: era: à 3 4 Fa Vans Ode 11288 


IT L. Gélinotte à longue queue +.« PU a ouat à « DIS 06: 


De PAS a SNS MR RON V2 5 
1805 RAD Re NS PONS AR CRRPRAS SR à 32? 
AT RS 0 SONO OR LEE es 28 
De Foon dnei sisi dore : PRATIQUE 
Le Faifan varié. SAME he 
Le Cocquard ou r à Fan Bérard. NA 352 


Oi Diféaux étrangers qui ont rapport au Fa fan. +13 4 


L Le Fa jfan doré ou le Ticolor huppé de la Ciià AE 

IL LA fan noir & blanc de la Chine ste 350 
TIL L'PHERS UNE DH, Le ee teuaus L 36# 

FV. Le Napaut où Faifan commu. ds , 362. 

V. La Bras cc à à NES DURS 2 | 


TABLE. 


© faux étrangers qui _paroiffent avoir rapport avec ke 
_Paon à’ avec le Qu | 

1, Le: Chinquis DOC CA AU cl 365$ 

LK Le te: Ne Nc 2 Duras Dnuit des CD 100 

_ IL _L'Eperonnier . nel do nsssressssenes re 308: 


Les Hoccos . are a D cor UE D 
LèLe Hocco proprement ddr. 

IL Le Pauxi ou le Pierre. de 4 € pe rem RENTE 302 

RL RE 4 Ne cas same DOS 
PV L'Roronaial à à LEON ON NU ANS ab 

NV. Le Maraïil. hs ee ent ou eee 2390 

VL EE COiarg ee met, an seit den à 8 40 2 
NE Le Chicamelesn ss Sn db Gens 4404. 
VIIL Le Parraca & l'Hoïtlallol … A ne Et 


Pre De nine ru ee LEA NO 
F La Perdrix gri € ON nn ee F 4. 8 LD ‘ e © »-. 2. ° 40 E: 
La Perdrix pts re orsenesees ne sels. 
La petire Perdrix grife. . 


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La Perdrix de montagne - DR Re TR An ds 
Les Perdrix rouges. 

La: Bartavelle où Perdrix grecque, . 5... 7, 420: 
£a Perdrix rouge. Frein Mende ME 
La Perdrix rouge - blanche . A ri à 


#3 Francolin . ne re AE AR @ 


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Le Bisergot..... nu ie Lai 
Le Gorge-nue à la Perdris rouge r À Afique * . . 444 


MAMBLTE 
 Oifeaux &rangers qui ont rapport aux Perdrix .. .44$ 


L La Perdrix rouge de Barbarie. ........,... Ibid. 
TL La Perdrix de Roche où de. la Gamba. . ..... 446 
TIE La Perdrix perlée de la-Chine. 0... . bi, 
. EVE Perdrix de la nouvelle Angleterre . ho 7 
La Calle . NE ES OURS REA tn .440 
Le Cha ou Done Caille de Pologne . D eee d'0 
La Caille HE 4h, a dla Le. Lt Vie, 
… La Caille des Des DMOMNES Les seen air tre à eve 477 
\. | La Fraife ou Lille de Ja CHEN. SUR CA 4798 
Le Turnix ou Caille de Madagaftar . 4... 479 
Le Réveil-matin ou la Caille ra darère SI bd. 


Oifeaux étrangers qui paroiffent avoir du rapport avec 
Æs Perdrix 7 avec les Cailles. 


Æ tie Colins . . iii asus .. ss... 482 

IL Le Zonécolin. dr esters Sn. 485 
IR Le grand Colin... .... LM reve 0, 
PV: Le Gaokins: : 5... 3 Qu A Sb ais +486 
V, PC ie ant ban  E 
Ch Le Coleninr. sus Eu D Sareste 0 A8 7 
 MRRL CE ocolin. ou Perdrix de MONTAGNE. esse 489 


Dé Pigeon... . + » . e + + 6 ES JE Se e de 4 0e: + + + + » -49OT 
Oifeaux étrangers qui on! rapport au Pigeon. AR mn 


Le Ramier.. etre heu rS34 


TABLE 


Oifeaux étrangers qui ont rapport au Ramier. 


I. Le Pigeon-ramier des montagnes. ...,.:.... 538 

1L Er Poumms 41,....... Lion s39 
PAUL Loonphee 2. 4.2. roue su SA 
IV. Le Pigeon des es Nuonibe sn de: dou 
ON Le Crop og: un sors V4 


Pa Tours haie. 


Oifeaux étrangers qui ont rapport à la Tourterelle. 


I. La Tourterelle du Canada... D  SSZ 

II. La Tourterelle du OR ue 2 on. 15 

LIL Le Zourace. us. 1 is artist ID 
IV. La Tourtelette. . . PA M CL AE AA 52) 
NV. Letimen sien. dau He te 

VI, Tourterelles de Portugal , de la F4 des Indes & 

FR ON EU NS REA 57 

ON ER do Podtes 4 : Re un 

NUE EOomR und. Liens. ns 0 @ 


Par M. DE BUFFoN. 


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7, De eve del, di 


R De Launay L Je Seulp 1772, 


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NATURELL 


EME HROMTEIEREES 


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1e SE 
PPOLTTANVDE 


| Planche I de ce volume. 


L À première chofe que l’on doit fe propofer 
lorfqu'on entreprend d’éclaircir l’hiftoire d’un animal, 
#s Voyez les planches -enluminées, n° 245, le mâle. 


_ {a) Outarde, en Grec, O'ns: en Latin, Avis tarda ; en Italien, 
Sarda ; en Allemand, Trapp; en Polonois, Drop; en Anglois, 


Bufiard, — Tarda. Frilch, planche CI, avec une bonne figure 
Oifeaux, Tome IL 


2: . HISTONRE NATURELLE 

c'eft de faire une critique févère de fa nomenclature, 
de démêler exactement les différens noms qui lui ont 
été donnés dans toutes les langues & dans tous les 
temps, & de diflinguer autant qu’il eft poflible, les 
efpèces différentes auxquelles les mêmes noms ont 
été appliqués ; c’eft le feul moyen de tirer parti des 
connoiflances des Anciens, & de les lier utilement 
aux découvertes des Modernes, & par conféquent let, 
feul moyen de faire de véritables progrès en Hiftoire 
Naturelle; en effet, comment, je ne dis pas un feul 
homme, mais une génération entière, mais plufieurs 
générations de fuite, pourroient- elles faire complète- 
ment l’hifloire d’un feul animal! prefque tous les 
animaux craignent l’homme & le fuient; le caradère 
de fupériorité que la main du Très-Haut à gravé fur 
fon front, leur infpiré plus de frayeur que de refpet; 
ils ne foutiennent point fes regards, ils fe défient de 
fes embuches, ils redoutent fes armes: ceux même 
qui pourroient fe défendre par la force ou réfifter par 
leur mafle, fe retirent dans des déferts que nous ne 
daignons pas leur difputer, ou fe retranchent dans des 
_ forêts impénétrables: les petits, fürs de nous échapper 
‘edfiiiiute, …— Outarde. Edwards, planche LXXIII, le mâle: & 
ponte LXXIV, la femelle, avec de bonnes figures enluminées. 
— Oflarde , Houtarde , Biftarde. Belon , Æiff. nat. des Où ifeaux ,. 
pige 235; & DES d'oifeaux, page 56, 4, — Otarde. Mé- 


moires pour fervir à l’Hiftoire des Animaux , partie II, page 107 
— L'Outarde. Briflon, Ornithologie, tome V, page 18. 


DE cAOU TARDE 3 


par leur petitefle, & rendus plus ha: dis par leur foibleffe 
même, vivent chez nous malgré nous, fe nourriflent 
à nos dépens, quelquefois même de notre propre 
fubftance, fans nous être mieux connus; & parmi le 
grand nombre de claffes intermédiaires , renfermées 
entre ces deux clafles extrêmes, les uns fe creufent 
des retraites fouterraines, les autres s’enfoncent dans 
la profondeur des eaux, d’autres fe perdent dans le 
vague des airs, & tous difparoiffent devant le tyran de 
la Nature: comment donc pourrions-nous dans un 
court efpace de temps, voir tous les animaux dans 
toutes les fituations où il faut les avoir vus pour con- 
noître à fond leur naturel, leurs mœurs, leur inftinc, 

en un mot, les principaux faits de leur hifloire! On à 
beau raflembler à à grands frais des fuites nombreufes 
de ces animaux, nu te avec foin leur dépouille 
extérieure , y joindre leurs fquelettes artiflement montés; 

donner à chaque individu fon attitude propre & fon 
air naturel , tout cela ne repréfente que la Nature 
morte, inanimée, fuperficielle; & f1 quelque Sou- 
verain ayant conçu l’idée vraiment grande de concourir 
à l'avancement de cette belle partie de la fcience, en 
formant de vaftes ménageries, & réuniflant fous les 
veux des Obfervateurs, un grand nombre d’efpèces 
vivantes, on y prendroit encore des idées imparfaites 
de la Nature; la plupart des animaux intimidés par la 
préfence de l’homme, importunés par fes obferva- 
tions, tourmentés d’ailleurs par l'inquiétude inféparable 

Ai 


4 HISTOIRE NATURELLE 
_ de la captivité, ne montreroient que desmœursaltérées; 
contraintes & peu dignes des regards d’un Philofophe, 
pour qui. la Nature libre, indépendante, & fi l’on veut 
fauvage , eft la feule belle Nature. 
IE faut donc pour connoître les animaux avec quelque | 
exactitude, les obferver dans l'état. de fauvage, les 
: fuivre jufque dans les retraites qu’ils fe font choifies 
eux-mêmes. jufque. dans ces antres profonds, & fur 
ces rochers.efcarpés où. ils vivent:en pleine libertés 
il faut même en les étudiant, faire en. forte de n’en 
être point aperçus : car icid’œil de l’Obfervateur, s’il 
._ n'eft en quelque façon invifible , agit fur le fujet obfervé 
_& l’altère réellement ;. mais comme il eft fort peu 
d'animaux, fur-tout. parmi ceux qui font ailés,. qu'il 
fait facile d'étudier ainfi, & que les: occafions. de les 
voir agir d’après. leur. naturel. véritable, &: montrer 
_leurs.-mœurs franches & pures.de toute contrainte, ne 
{e préfentent: que de loin en loin; il-s’enfuit. qu’il fut 
des fiècles& beaucoup de hafards heureux pour amañler 
tous les faits néceflaires, une grande attention pour 
rapporter chaque obfervation à fon- véritable objet, & 
conféquemment.pour éviter la confufion des noms qui 
_de toute néceffité entraineroit celle des chofes; fans 
.ces précautions l'ignorance la plus abfolue feroit préfé- 
rable à une prétendue fcience, qui ne feroit au fond 
qu'un tiffu d’incertitudes. & d'erreurs; l’Outarde nous 
en offre un exemple frappant. Les Grecs lui avoient 
donné le nom d'os; Ariftote en parle en trois endroits 


| (DES DOU TARDE 11 
fous ce nom /4), & tout ce qu'il en dit convient 
exactement à notre outarde: mais les Latins trompés 
apparemment par la reflemblance des mots, l’ont con- 
fondue avec laus qui eft un oifeau de nuit. Pline ayant 
dit avec raifon. que l’oifeau: appelé oris par les Grecs, 
fe nommoit avis rarda en Efpagne, ce qui convient à 
l’outarde, ajoute que la chair en eft mauvaife /c), ce 
qui. convient à l'ous, felon Ariftote & la vérité, mais 
nullement à l’outarde; & cette méprife eft d’autant 
_ plus facile à fuppofer que Pline, dans le chapitre fuivant,. 
confond évidemment L’aris avec lotus (a), c’eft-à-dire,. 
l’outarde avec le hibou.. 4 

Alexandre Myndien, dans Athénée /e); tombe auf 
dans la même erreur, en attribuant à l’orus ou à l'oris 
qu'il prend pour un feul: &. même oifeau, d’avoir les. 
pieds de lièvre, .c’eft-a-dire velus, ce qui-eft vrai de 
l'aus, hibou qui, comme la plupart des oifeaux de 
nuit,ales. jambes: & les pieds velus, ou plutôt couverts 
jufque fur Îles ongles de plumes efflées.& non de lois 
“qui eft notre outarde, & qui a non-feulement le pied, 
mais encore la partie inférieure de la jambe immédiate- 
ment au-deflus du tarie , , fans plumes. 


/ b) E Fe Arimalium, lib. IT, Hi XV11; Gb. VI, cap. vi; 
SUD. FX Cap. XXXTIIL. 


(ce) HE. Nat. Z4. X, cap. HOBTZ. 


(4) Otis bubone minor eff, notuis major , auribus plumeis eninentibus, | 
unde nomen: ill, Ibid. Can 'XRIM 


(e) Hift. Nat. 4h, IX 
À ii] 


6 HISTOIRE NATURELLE 


Sigifmond Galenius ayant trouvé dans Héfychius le 
nom de P&po, dont lapplication n’étoit point déter- 
minée, l’appropria de fon bon plaifir à l’outarde /F); 


& depuis M.° Mochring & Briflon l'ont appliqué au 


dronte, fans rendre compte des ps qui les y ont 


engagés. 
_ Les Juifs modernes ont détourné arbitrairement 
l’ancienne acception du mot hébreu arapha, qui figni- 
floit une efpèce de milan, & par lequel ils défignent 
aujourd’hui l’outarde /g). | 

M. Briffon, après avoir donné le mot O’x#; comme 
le nom grec de l’outarde, felon Belon, donne enfuite 
le mot O’rék pour fon nom grec, felon Aldrovande /4); 
ne prenant pas garde que O'adv eft l’accufatif de O’x, 
& par conféquent un feul & même nom; c’eft comme 
s'il eût dit que les uns l'appellent tarda, & les autres 


tardan. 


Schwenckfeld prétend que le serrix dont parle Arif- 


tote (2), & qui étoit l’ourax des Athéniens, eft aufli 


notre outarde (4): cependant le peu que dit Ariftote 
du serrix ne convient point à f outarde; le serrix niche 
parmi les plantes baffes, & l’outarde parmi les blés, 
les orges, &c. que probablement Ariftote n'a point 


(f) In Lexico fymphono. 
{g) Paul Fagius , apud Gefrerum ; de Mulos, pèg- 7. CE 


{h) Ornithologie, tome V, page 1 4. 
(i) Hiff. Animal, Üb. VX, cap. x. 
(4) Aviarium Silefe, pag. 355 


| UD Er ADS OU TA \R DK. + 
voulu défigner par l’expreflion générique de plantes 
baffes; en fecond lieu, voici comment s’explique ce 
grand Philofophe. « Les oifeaux qui volent peu, comme 
les perdrik & les cailles, ne font point de nids, mais « 
pondent à terre fur de petits tas de feuilles qu’elles « 
ont amoncelées; l’alouette & le srrix font aufli de « 
même ». Pour peu qu’on fafle d’attention à ce paffage, 
on voit qu'il eft d’abord queftion des oifeaux pefans 
& qui volent peu, qu'Ariftote parle enfuite de Falouette 
& du serrix qui nichent à terre comme ces oifeaux qui 
volent peu, quoique apparemment ils foient moins 
pefans, puifque lalouette eft du nombre: & que fi 
Ariftote eût voulu parler: de notre outarde fous le nom 
de rerrix , il l’eût rangée fans doute, comme oifeau 
pefant, avec les perdrix & les cailles, & non avec les 

alouettes qui, par leur vol élevé ont mérité , felon 
Schwenckfeld lui-même, le nom de celipères hp: 
Longolius /#) & Gefner /2) penfent lun & l’autre 
que le rerrax du poëte Nemefianus, n’eft autre chofe 
que loutarde, & il faut avouer qu'il en a à peu près 
la groffeur /o) & le plumage (p); mais ces rapports 
ne font pas fuflifans pour emporter l'identité de 


(L) Aviarium Silefiæe , pag. 191e 

{n) Dialog. de Avibus 

{n) De Avibus, Üib. 111, pag. 489. 

(0) Tarpeiæ eff cuflos arcis non corpore major: 

(p) Perfinilis cineri dorfim (collum forte) maculofaque terxa 
Tnficiunt pullæ cacabantis ( perdicis) imagine note. 


8. HISTOIRE NATURELLE 
l'efpèce, & d'autant moins fufhfans, qu’en comparant 
ce que dit Nemefranus de fon zerrax avec ce que nous 
favons de notre outarde, j'y trouve deux différences 
marquées ; la première, c’eft que le zerrax paroît familier 
par ftupidité, & qu'il va fe précipiter dans les piéges 
qu'il a vus qu'on drefloit contre lui /4); au lieu que 
Foutarde ne foutient pas l’afpeét de l’homme, &.qu'’elle 
s'enfuit fort vite, du plus loin qu'elle laperçoit /r); 
en fecond lieu, le retrax faifoit fon nid au pied du 
mont Apennin; au lieu qu'Aldrovande qui étoit Italien, 
nous aflure pofitivement qu'on ne voit d’outardes en 
Italie, que celles qui y ont été apportées par quelque 
coup de vent ff); il eft vrai que Willulghby foup- 
conne qu'elles ne font point rares dans ces contrées, 
& cela fur ce qu’en paflant par Modène ,1l en vit une au 
marché; mais il me femble que cette outarde unique, 
aperçue au marché d’une ville comme Modéne, s’ac- 
corde encore mieuxavec le dire d’Aldrovande, qu'avec 
la conjecture de Willulghby. | 

M. Perrault PRE à Ariftote rshos avancé que 


{q) Cum pedicas neti fibi contemplaverit adffans 
Jmmemor ipfe fui tamen in di ifpendia currie. 


(r) Neque hominem ad fe appropinquantem fa flinent , fed cum eum 
donginquo cernunt Satin fugam capeffunt. Willulghby, Crea pag 
222 | | 

([) Jtalia noffra “g aves nifi mé ventorurn turbine adyecias non 
khabet, Aldrov. Ornitholog. tom. Il, pag: 92. 

: Votis 


DS EN DNONV ThA Ai DrE 8 

Loris en sent aie (1), ne couve point fes œufs comme 
les autres oifeaux, .mais qu’elle les enveloppe dans 
une peau de lièvre ou de renard, & Îles cache au pied 
d’un arbre au haut duquel elle fe perche: cependant 
Ariftote n’attribue rien de tout cela à l’outarde, mais 
à un certain oifeau de Scythie, probablement un oifeau 
de proie, puifqu'il favoit écorcher les lièvres & les 
renards,.& qui feulement étoit de la groffeur d’une 
outarde, ainfi que Pline /4) & Gaza le traduifent /x); 
d'ailleurs, pour peu qu'Ariftote connût l’outarde, il 
ne pouvoit ignorer qu'elle ne fe perche ae ; 

Le nom compofé de rrapp-ganfz que les Allemands 
ont appliqué à cet oifeau, a donné lieu à d’autres 
erreurs ; srappen fignifie marcher, & l’ufage a attaché à 
fes dérivés, une idée accefloire de lenteur de même 
qu'au gradatim des Latins, & à l’andante des ftaliens ; 
& en cela le mot #app peut très - bien être appliqué a 
l’outarde qui, lorfqu’elle n’eft point pourfuivie, marche 
lentement & pefamment ; il lui conviendroit encore, 
quand cette idée accefloire de lenteur n’y feroit point 
attachée, parce qu'en caractérifant un oifeau par l’ha- 
_bitude de marcher, c’eft dire affez qu’il vole peu. 
Al égard du mot ganfz, il eft fufceptible d’équi- 


voque, ici I} doit peut-être s’écrire comme je l'ai 


(t) Mémoires pour fervir à lHifloire des Animaux , Partie 14 
page 104, 
(e) Nat. Hifloria, Gb. X, cap. xxxXIHHI. 
(x) Hifl. Animalium, Ub, IX, cap. XXXHI. ” 
Orfeaux, Tome LL #0) 1) 


to AISTOBRE NATURELLE 
écrit, avec un Z final, & de cette manière il fignifié 
Deaucoup & annonce un fuperlatif; au. lieu que Jorfqu’ on 
l'écrit par un S, gens, il fignifie une oie: quelques 
Auteurs l'ayant pris dans ce dernier fens, dont traduit 
en datin par enfer ue, & cette erreur de nom 
influant fur la chofe, on n’a pas manqué de dire que 
_ Foutarde étoit un oifeau aquatique qui fe plaifoit dans 
les marécages /y), & Aldrovande lui-même qui avoit 
été averti de cette équivoque de noms, par un Mé- 
_ decin. Hollandois, & qui penchoit à prendre fe mot 
ganfz dans le même fens que moï /Z), fait cependant 
. dire à Belon, en le traduifant en latin, que l’outarde 
aime les marécages /4), quoique Belon dife précifé- 
_ mént le contraire /8); & cette erreur en produifant 
une autre, on a donné le nom d’ourarde : à un ojfeau 
véritablement aquatique, à une efpèce d’oie noire & 
. blanche que l’on trouve en Canada, & dans plufeurs 
endroits de F Amérique feptentrionale /c); c'eft fans 


(y ) Sylvaticus apud Gefnerum , pig: 488. 

(x) Ornitholog. tom. IT, pag. 86. 

(a) Ibidem, pag. 92. 

{b) « La nature de l’oftarde eft de vivre par Jes LR cam 
æ pignes, comme lautruche , fuyant l’eau fur toutes chofes. . ..., 
» Ne hanter les eaux, n’étoit de celle qui refte entre les feïllons ; 
après avoir plü, ou bien qu’elle hantât les marres pour en boire ». 
Belon, Nature des Oïfeaux, 45. V, cap. TITI, 

{c) Voyez Hiftoire & Defcription de la nouvelle France, par le 
P. Charlevoix, rome I TT, page 156. — Voyage du Capitaine 
Robert Lade, tome LT, page 202. — Voyage du P. Théodx, 


DE: L'OUTARDE. 11: 


douté: par une fuite de cette méprife, qu’on envoya 


d'Écofle à Gefner, la figure d’un oifeau palmipède 


fous le nom de guflarde [d), qui eft le nom que l’on 


donne dans ce pays à l’outarde véritable , & que Gefner 


fait dériver de rarde lent, tardif, & doiCe gooff qui, 
_€h Hollandois & en Anglois, fignifie une oie /e); voilà 
donc l'outarde, qui eft un oifeau tout-à-fait terreftre, 
traveflie en un oifeau aquatique avec lequel elle n’a 
cependant prefque rien de commun, do: cette bizarre 


métamorphofe a été produite évidemment par une 
équivoque de mots: ceux qui ont voulu juftifer ou 
excufer le nom d’anfér trappus outrapp - gans, ont été 


réduits à dire, les uns que les outardes voloient par 
troupes comme les oies /f), les autres qu’elles étoient 


de la même groffeur /g); comme fi la groffeur, ou 


l'habitude de voler par troupes, pouvoient feules ca- 
ractérifer une efpèce : à ce compte les vautours & 
des coqs de Bruyère pourroient être rangés avec l’oie ; 
mais c’eft trop infifter fur une abfurdité, je me hâte 
de terminer cette lifle d'erreurs & cette critique peut- 
être un peu longue, mais que j’ai cru néceflaire. 


PA 


Belon a prétendu que le zerrao alter de Pline % 


pagt 300, — Lettres Édifantes XI Recueil, page 21 6 ; 
XXIII" Recueil, page 238, érc. 

(d) Gefner, de Avibus, pag. 1 64 & 459 

(£) Ibidem ; page 142. 

{f) Longolius, apud Gefr. pag. 46. 
_{g) Frifch, planche CVI, 

{) Nat. Hiff. lib. X, cap. XxIL, 


24 HISTOIRE NATURELLE 
étoit l’outarde /7), mais c’eft fans fondement, puifque 
Pline parle au même endroit de Fais rarda: il ef 
vrai que Belon défendant fon erreur par une autre, 
avance que l'avis tarda des Efpagnols & l’oris des Grecs, 
défignent le duc ; mais il faudroit prouver auparavant, 
1. que l’outarde fe tient fur les hautes montagnes, 
comme Pline laffure du erao alter ([ gignunt eos 
Alpes ) (k), ce qui eft contraire à ce qui a été 
dit de cet oïfeau ee tous les Naturaliftes, excepté 
M. Barrère /2); 2° que le duc & non l’outarde à 
été en effet connu en Efpagne fous le nom d'avis 
tarda ; & en Grec fous celui d’oris: affertion infoute- 
nable & combattue par le témoignage de prefque tous 
les Ecrivains. Ce qui peut avoir trompé Belon, c’eft 
que Pline donne fon fecond srrao comme un des 
plus gros oiïfeaux après Pautruche, ce qui, fuivant 
Belon , ne peut convenir qu'à l’outarde: mais nous 
verrons dans la fuite que le grand tetras ou coq de 
Bruyère, furpañfe quelquefois l’outarde en groffeur; & 
fi Pline ajoute que la chair de cette avis rarda elt un 
mauvais manger, ce qui convient beaucoup mieux à 
y oruS hibou ou moyen duc, qu'à l’ous outarde , Belon 


(i) Hiftoïre huicke des Oifeaux, db. V, cap. III. 

(4) Plin. Nat, Hif Bb. X, cap. XXII. 

(1) Nota. M. Barrère reconnoît deux outardes d'Europe, mais 
il eft le feuf qui les donne pour des oifeaux des Pyrénées ; & l’on 


fait que cet Auteur, né en Rouffillon ; rapportoit aux montagnes 
des Pyrénées tous les animaux des provinces adjacentes, 


DENL OUTAR DE 4 
auroit pu foupçonner que ce Naturalifle confond ici 
l'oris avec l’orus, comme je l'ai remarqué plus haut, & 
qu'il attribue à une feule efpèce les propriétés de deux 
efpèces très-différentes, défignées dans fes recueils par 
des noms prefque femblables; mais il n’auroit pas dû 
conclure que l'avis rarda eft en effet un duc. 

Le même Belon penchoit à croire que fon ædicnemus 
étoit un ofardeau [m); & en effet, cet oifeau n’a que 
trois doigts, & tous antérieurs comme l’outarde: mais 
da le bec très - différent, le tarfe plus gros, le cou. 
plus court, & il paroît avoir plus de rapport avec le 
_pluvier qu'avec l’outarde: c’eft cé que nous examine- 
rons de plus pres dans la fuite. 

Enfin il faut être averti que quelques Auteurs trompés 
apparemment par Îa eh de mots, ont con- 
fondu le nom de arda qui, en Italien, fignifie une 
outarde, avec le nom de fna qui, dans la même 
langue, fignifie perdrix {7}. 

H réfulte de toutes ces difcuflions que less des 
Grecs & non l’ous, eft notre outarde; que le nom 
de Pacos lui a été appliqué au hafard comme il l’a été 
enfuite au dronte; que celui d’anapha que lui donnent 
les Juifs modernes, appartenoit autrefois au milan; 
que c’eft l'avis 1arda de Pline, ou plutôt des Efpagnols 
au temps de Pline, ainfi appelée à caufe de fa lenteur, 


(m) Hiftoire naturelle des Oifeaux, #5. V, cap. v 


(n) Petrus Aponens Patavinus fiu conciliator apud Aldroyand. Ornith, 
Hb. XIIT, cap. x11. | 
B iij 


14 HISTOIRE NATURELLE 


& non, comme le veut Nyphus, parce qu’elle n 'auroit 
été connue à Rome que fort tard; qu’elle n’eft ni le 
tetrix d’Ariflote, ni le rerrax du poëte Nemefianus, ni 
cet oifeau de Scythie, dont parle Ariflote dans fon 
Hifloire des Animaux (0), ni le zerrao alter de Pline, ni 
un oifeau aquatique; & enfin que c’eft la farda & non 
la ffarna des Italiens /p). 


Pour fentir combien cette difcuffion préliminaire 


{o) Lib. IX, cap. XXXIIT. 
_{p) Noïci tous les noms fous lefquels les diférens Auteurs en ont | 
pulé. 

Otis, Ts Piffarda. Gta de Avibus » , pages 484 — 4865 
& Icon Avium, pag. 67. 

Otis five Tarda. Jonfton, de Avibus, pag. 42. 

Otis Jeu Tarda avis. Aldrovand. Ornitholog. tom. I, pag. Ds. 

Otis, Tarda, Biflarda. Chalet, Exercit. pag. 82, n.° 8. 

Otis Græcis; Tarda, Uidoro; Piffarda, Alberto. Rzaczynski, 
Æif nat. Poloniæ, pag. 280; 7 aucluarium jufd, pag. 407. 

Otis, Tarda, Sibbaldi Scotia illuftrata, part, LL, lib, III, pag, 1 6, 

Otis, Tarda, Willuighby, Ornitholog:. pag. 129. 

Otis, Tarda. Ray, Synopfis Aviums pag. me 
… Oùüs jugulo AS criflato, Tarda, Linnæus, Syf, nat. edit. x, 
Gen-0s, Sp, 4 

Tarda recentiorum. ac Ed. Aviarium Sile cf Læ, pag. 3 5 Ri 

Tarda. Klein, de Avibus, pag. 1 Sn. 

Tarda Pyrenaïca fulva, maculis ENS , Hs pennarum 
rofeis. Barrère, Ornitholog, CHif. IT, Gen. 1X, Sp. 1. Vota, Ce 


ne font pas les bords des plumes, mais le us qui eft à leur bale : 
qui eft couleur de rofe. 


Tetrax Jeu Tarax Nemefiani. Longolio, Colt 


DE VOL T A RDA 7s 
étoit importante, il ne faut que fe repréfenter la bizarre & 
ridicule idée que fe feroit de l’outarde un commençant 
qui auroit recueilli, fans choix & avec une confiance 
aveugle , tout ce qui a été attribué par les Auteurs à 


Fetraon. Longolio, Schwenckfeld, Charlet, Klein. 

Tetrix, Ourax, Ariftote, Schwenckfeld. 
ÆErythrontaon. Olaï Magni, Schwenckfeld, Charlet, Klein. | 
Anfer- trappa. Rzaczynski, Auduarium , Hifl. nat. Polon. pag: 4O1r:- 

En François, Outarde. Albin, tome III, page 16. Edvr rards ;+ - 
planche LXXIII— LXXIP. 

Otarde. Mémoires pour {ervir à F'Hiftoire des Animaux , partie IT,. 
page 107. | | 

Offarde. Belon, Æiff. nat, des Oiféaux, page 236. 

 Oflarde, Houtarde, Biflarde. Belon, Portraits d'Oiftaux, page 56. 

En Hébreu , A/habari. Gefn. Aldrov. Nota. Il ne faut point. 
confondre ce nom avec celui d’houbaary qui, en pain Den 
une petite outarde, dont je donnerai lPhiftoire. 

Clas id eff Tarda avis fylvatici. Geln. pag. 484. 

Añapha Paul Fagii. Gefn. pag: 489, 

En Grec, Or, Q're, O'unis, Gefn. Bis, Soifm, Gal. 

Gefn. pag. 486. 
| En Italien , Starda, 

En Allemand, 7rapp. Gefner, Road Frifch. — Acker- 
trapp. Gefn. — Trappe. PR Rn Rene ie Acker-trappe. | 
Schwenckfeld. | 

En Flamand, Trap-ganfz. Gefn. oi n Happ-guns: Schwenckftd 

En Suédois, 7 rapp. 

En Polonois, Drop, Trop. Rzaczynski. 

En lilyrien, Drofa. Gefn: 

En Anglois, Bi iflard. Gefn. — Buflard. Willulghby, Charleton .. 
Albin. 

En Écoflois, Guflarde. Hector, Bocih, — Gufard. Aldrov.. 


16 HISTOIRE NATURELLE | 
cet oifeau, ou plutôt aux différens noms par lefquels 
il l’auroit trouvé défigné dans leurs ouvrages : il feroit 
obligé d’en faire à la fois un oifeau de jour & de nuit, 
un_oifeau de montagne & de vallée, un oifeau d'Europe 
& d'Amérique, un oiïfeau aquatique & terreftre, un 
oifeau granivore & carnaflier, un oifeau très-oros & 
très-petit, en un mot, un monftre & même un monftre | 
impoññble; ou s’il vouloit opter entre ces attributs 
contradictoires, ce ne pourroit être qu'en reclifrant la 
_nomenclature comme nous avons fait par la compa- 
raifon de ce que l’on fait de cet oifeau, avec ce qu’en 
ont ditles Naturakhftes qui nous ont précédé. | 
Mais c’eft affez nous arrêter fur le nom, il eft 
temps de nous occuper de la chofe. Gefner s’eft 
félicité d'avoir fait le premier la remarque que l’ou- 
tarde pouvoit fe rapporter au genre des gallinacés /4), 
& il eft vrai qu'elle en a le bec & la pefanteur, mais 
elle en diffère par fa groffeur, par fes pieds à trois 
doigts, par la forme de la queue, par la nudité du bas 
de la jambe, par la grande ouverture des oreilles, par 
les barbes de plumes qui lui tombent fous le menton, 
au lieu de ces membranes charnues qu'ont les galli- 
nacés, fans parler des différences intérieures. 
Aldrovande n’eft pas pius heureux dans fes conjec- 
tures, lorfqu’il prend pour une outarde cette aigle 
(g) Quanguam gallinaceorum generi otidem adfcribendam nemo adhuc 
monuerit , mihi tamen relte ad id referri videtur, Geln. de Ayibus, 


pig. 494. | 
frugivore ; 


DE L'O OÙ TA R DE 17 
frugivore, dont parle Élien /r), à caufe de fa gran- 
deur /[), comme fi le feul attribut de la grandeur 
fufifoit pour faire naître l’idée d’un aigle; il me paroi 
bien plus vraifemblable qu'Elien vouloit parler du grand 
vautour qui eft un oïfeau de proie comme laigle, & 
même plus puiflant que l'aigle commun, & qui devient 
frugivore dans les cas de néceflité: j'ai ouvert un de 
ces oifeaux qui avoit été démonté par un coup de 
fufñl, & qui avoit paffé plufieurs jours dans des champs 
femés de blé; Je ne lui trouvai dans Îles inteftins 


qu une bouillie verte, qui étoit évidemment de l'herbe 
à demi-digérée. | 


On retrouveroit bien plutôt fl caracteres de l’ou- 
tarde dans le setrax d’Athénée, plus grand que les plus 
gros COS ( & l’on fait qu'il y en a de très-gros en 
Aie ), n'ayant que trois doigts aux pieds, des barbes 
qui lui tombent de chaque côté du bec, le plumage 
émaillé, la voix grave, & dont la chair a le goût de 
celle de l’autruche, avec qui l’outarde à tant d’autres 
rapports fr); mais ce rerrax ne peut être l’outarde, 


{r) Lib. IX, de nat. Animal. cp.X Cet aigle, felon Élien , 
s’appeloit aigle de Jupiter, & étoit encore plus frugivore que l’ou- 
tarde , qui mange des vers de terre; au lieu que l'aigle d dont il s agit 
ne mange aucun animal. | 


4) Ornithologie, tome II, page 93. 

(t) Gefner, de Avibus, pag. 487. Otis avis fidipes ef, tribus 
inf{flens digitis, magnitudine gallinacei majoris , capite oblongo, oculis 
amplis ; roffro acuto, linguä offe&, gracili colle, : 


Oifeaux, Tome I. Pr 


18. HISTOIRE NATURELLE 
puifque c’eft un oifeau dont, felon Athénée, il n’eft 
fait aucune mention dans les livres d’Ariflote : au lieu 
que ce Philofophe parle de loutarde en plufieurs 
endroits. 
… On pourroit encore ne avec M. Perrault A1 
que ces perdrix des Indes dont parle Strabon, qui ne 
font pas moins grofles que des oies, font des efpèces 
d’outardes; le mâle diffère de la femelle par les couleurs 
du plumage qu'il a autrement diftribuées & plus vives, 
par ces barbes de plumes qui lui tombent des deux 
côtés fur le cou, dont il eft furprenant que M. Perrault 
n'ait point parlé, & dont mal-à-propos Albin a orné 
la figure de la femelle, par fa groffeur prefque double 
de celle de la femelle, ce qui eft une des plus grandes 
difproportions qui ait été obfervée en aucune autre 
efpèce, de la taille de là femelle à celle du mâle E (x): 
Belon (y), & quelques autres qui ne connoifloient 
ni le cafoar, ni le touyou, ni le dronte, ni peut-être 
le griffon ou grand vautour, regardoient l’outarde 
comme un oifeau de la feconde grandeur , & le plus 
gros après l’autruche : cependant le pélican, qui ne 
leur étoit pas inconnu /7), eft beaucoup plus grand, 
felon M. Perrauit; mais il peut fe faire que Belon ait 


(u) Mémoires pour cs à l’'Hiftoire des Animaux, pari TZ, 


page 102. 
(x) Edyrards, Hif, nat. of Birds, planche LXXIV. 


(7) Ibidem, page 236. 
(x) Ibidem, page 253. 


DE à DM LE: Drds RUE: 19 
vu une groffe outarde & un petit pélican, & dans ce 
cas tout fon tort fera, comme celui de bien d'autres, 
d’avoir afluré de l’efpèce, ce qui n’étoit vrai que de 
l'individu. | 

M. Edwards reproche à Willulghby de s'être trompé 
orofièrement, & d’avoir induit en erreur Albin, qui 
l'a copié, en difant que l’outarde avoit foixante pouces 
anglois de longueur, du bout du bec au bout de Ja 
queue : en effet, celles que j'ai mefurées n'avoient 
guère plus de trois pieds, ainfi que celle de M. Briffon ; 
& la plus grande qui ait été mefurée par M. Edwards, 
avoit trois pieds & demi dans ce fens, & trois pieds 
neuf pouces & demi, du bout du bec au bout des 
ongles F7: les Auteurs de la Zoologie Britannique la 
fixent à près de quatre pieds anglois, ce qui revient 
à un peu moins de trois pieds neuf pouces de 
France (b}: l'étendue du vol varie de plus de moitié 
en difiérens fujets, elle a été trouvée de fept pieds 
quatre pouces par M. Edwards, de neuf pieds par les 
Auteurs de la Zoologie Briannique, & de quatre pieds 
de France par M. Perrault, qui aflure n'avoir jamais 
obfervé que des males, toujours pus gros que les 
femelles. 


Le poids de cet oifeau varie auf confidérablement, 


(a) Éayae. Hif. nat. of Birds , planche LXXHA. 


(b) On fait que le pied de Paris eft plus long que celui de 
Londres de près de neuf lignes. 


Ci 


20 HISTOIRE NATURELLE 

les uns l'ont trouvé de dix livres /c), & d'autres de 
vingt-fept /d), & même de trente /6); mais outre 
ces variétés dans le poids & là grandeur, on en a auffi 
remarqué dans les proportions: tous les individus de 
cette efpèce ne paroiflent pas avoir été formés fur le 
même modèle. M. Perrault en a obfervé dont le cou 
étoit plus long, & d’autres dont le cou étoit plus court 
proportionnellement aux jambes; & d’autres dont le 
bec étoit plus pointu, d’autres dont Îles oreilles étoient 
recouvertes par des plumes plus longues /f); tous 
_avoient le cou & les jambes beaucoup plus longs que 
ceux que Gefner & Aldrovande ont examinés. Dans 
les fujets décrits par M. Edwards, il y avoit de chaque 
côté du cou deux places nues, de couleur violette, & 
qui paroifloient garnies de plumes lorfque le cou étoit 
fort étendu /g); ce qui n’a point été indiqué par les. 
autres Obfervateurs. Enfin M. Klein a remarqué que les 
outardes de Pologne né refflembloient pas exactement à 
celles de France & d’Angleterre /4); & en effet on. 
trouve, en comparant les defcriptions, quelques diffé- 
rences de couleurs dans le plumage, le bec, &c. 


(c) Gefher, de Avibus, pag. 4882 

{d) Briüfch Zoology, page 87. 

(e) Rzaczynski, Audluarium, pag. 4o%. 

{f) Mémoires pour fervir à l’'Hifloire des Animaux, partie IX, 
PADCS 99 —102. 
© (e) Edwards, Hif. nat. of Birds, planche LXXIV. 

(h) Hiffor. Ayium, page v8. 


| DB EÉCOUTA RDE 2€ 

En général l’outarde fe diftingue de l’autruche, du 
touyou, du cafoar & du dronte, par fes ailes qui, 
quoique peu proportionnées au poids de fon Corps, 
peuvent cependant lélever & la foutenir quelque 
temps en l'air; au lieu que celles des quatre autres 
oifeaux que j'ai nommés, font abfolument inutiles pour 
le vol: elle fe diftingue de prefque tous les autres par 
fa grofleur , fes pieds à trois doigts ifolés & fans 
membranes, fon bec de dindon, fon duvet couleur 
de rofe, & la nudité du bas de Îa jambe; non point 
par chacun de ces caractères, mais par la réunion 
de tous. | 

L’aile ef conpürée de vingt-fix pennes, felon 
M. Briflon, & de trente-deux ou trente-trois, fuivant 
M. Edwards qui, peut - être, compte celles "de l’ail3 
bâtarde. La feule chofe que j'aie à faire remarquer 
dans ces pennes, & dont on ne peut guère prendre 
une idée en regardant la figure, c’eft qu'aux troifième, 
quatrième, cinquième & fixième plumes de chaque 
aile, les barbes extérieures deviennent tout - à - coup 
_plus courtes, & ces pennes conféquemment plus 
étroites à l'endroit où elles fortent de deflous leurs 
couvertures 2). 

Les pennes de la queue font au Romibre de vingt, 
& les deux du milieu font différentes de toutes re 
autres. | | 


(i) Vyex Ornithologie de M. Brion, tome V, page 22, 
‘ @) ii, 


22 HISTOIRE NATURELLE 

M. Perrault /4) impute à Belon comme une erreur 
PE dit que le deflus des ailes de l’outarde étoit 

blanc 1), contre ce qu'avoient obfervé M." de 
P Académie, & contre ce qui fe voit dans les oifeaux 
qui ont communément plus de blanc fous le ventre & 
dans toute la partie inférieure du corps, & plus de 
brun & d’autres couleurs fur le dos & les ailes; mais 
il me femble que fur cela Belon peut être aifément 
juftifié, car il a dit exactement, comme M." de 
l’Académie, que l’outarde étoit #lanche par-deffous le 
ventre à deffous les ailes ; & lorfqu'il a avancé que le 
deflus des ailes étoit blanc, il a fans doute entendu 
parler des pennes de l'aile qui approchent du corps, 
& qui fe trouvent en effet au-deffus de l'aile, celle-ci 
étant fuppofée pliée & l’oifeau debout: or, dans ce 
fens, ce qu’il a dit fe trouve vrai, & conforme à la 
defcription de M. Edwards, ou la vingt-fixième penne 
de l'aile & fuivantes jufqu’à la trentième, font parfaite | 
ment blanchés /72). 

M. Perrault a fait une obfervation plus jufte: c’eft 
que quelques plumes de F outarde ont du duvet, non- 
feulement à leur bafe, mais encore à leur extrémité ; 
en forte que la partie moyenne de la plume qui ef 


(#) Mémoires pour fervir à V’Hiftoire des Animaux, partie IT, 
page 102. dd. 

{L) Belon, Nature des Oifeaux, Page 23 À 

(m) Edwards, Hif nat, of Birds, planche LXX1I. 


MEL OU TARDE 23 


compofée de barbes fermes & accrochées les unes aux : 


autres , fe trouve entre deux parties où il n’y a que du 
duvet; mais ce qui eft très - remarquable, c'eft que le 
duvet de la bafe de toutes les plumes , à l'exception 
des pennes du bout de l'aile, eft d’un rouge vif, 
approchant du couleur de rofe, ce qui eft un caractère 
commun à fa grande & à Îa senti outarde; le bout 
du tuyau ef auf de la même couleur /n). 


Le pied ou plutôt le tarfe, & la partie inférieure 


de la jambe qui s'articule avec le tarfe, font revêtus 
d’écailles très-petites; celles des doigts font en tables 


Le 


longues & étroites; elles font toutes de couleur grife, 


_ & recouvertes d’une petite peau qui s'enlève comme 
la dépouille d’un ferpent /e). 

Les ongles font courts, & convexes par-deffous 
comme par-deflus, ainfr que ceux de l'aigle que 
Belon appelle kalætos (p); en forte qu’en les coupant 
perpendiculairement à leur axe, la coupe en feroit à 
peu près circulaire {g). | 


M. Salerne s’eft trompé, en imprimant que l’outarde 


avoit au contraire les ongles caves en-deflous /}. 


(n) Mémoires pour fervir à l’Hifloire des Animaux , parüe IT, 
page 102. 

(o) Animaux de Perrault, partie II, page 1 si 

{p) Belon, Nature des Oifeaux, lv. Il, chap. vir, 

{g) Animaux de Perrault, partie IT, page 104. 

(x) Ornithologie, page LS i 


Ta& HISTOIRE NATURELLE 

Sous les pieds, on voit en arrière un tubercule 
calleux, qui tient lieu de talon /f). | : 

La poitrine eft grofle & ronde /t); la grandeur de 
l'ouverture de l'orcille eft apparemment fujette à 
varier, car Belon a trouvé cette ouverture plus grande 
dans l’outarde que dans aucun autre oifeau terreftre /4); 
& M.° de l’Académie n’y ont rien vu d’extraor- 
dinaire /x). Ces ouvertures font cachées fous les 
plumes: on aperçoit dans leur intérieur deux conduits, 
dont l’un fe dirige au bec & l’autre au cerveau /y). 

Dans I2 palais & la partie inférieure du. bec, il y 
a fous la membrane qui revêt ces parties, plufeurs 
corps glanduleux qui s'ouvrent dans la cavité du bec 
par plufieurs tuyaux fort vifibles /z). 

La langue eft charnue en dehors; elle a au-dedans 
un noyau cartilagineux qui s'attache à los hyoïde, 
comme dans la plupart des oifeaux; fes côtés font 
hériflés de pointes d’une fubflance moyenne entre Ja 
membrane & le cartilage /4): cette langue cit dure 


({) Belon, Nature des Oifeaux, pige 235. — Gepiae de Avibus, 
pige 498, &c. 

(t) Belon, page 235. 

_ (u) On mettroït bien le bout du doipt dans le conduit, Béln, 
PUBr 239 | 
{x) Animaux de Perrault, page ro. 

(y) Belon, Nature des Oifeaux, page 2 3j 
(7) Animaux de Ferrer \ Page : x HSE 


(a) Ibidem, 2 
& pointue 


3 DA LOU TARDE: RS 
& pointue par le bout, mais elle n’eft pas fourchue 
comme l’a dit M. Linnæus, trompé fans doute par 
une faute de ponctuation qui fe trouve dans Aldro- 
vande, & qui a été copiée par quelques autres /4). 
Sous la langue fe préfente l'orifice d’une efpèce de 
poche , tenant environ fept pintes angloifes, & que 
le docteur Douglaif, qui l’a découverte le premier, 
regarde comme un réfervoir que l’outarde remplit 
d’eau pour s’en fervir au befoin, lorfqu’elle fe trouve 
au milieu des plaines vafles & arides où elle fe tient 
par préférence; ce fingulier réfervoir eft propre au 
mâle /c), & je foupçonne qu'il a donné lieu à une 
méprife d’Ariftote. Ce grand Naturalifle avance que 
l’œfophage de l’outarde eft large ‘dans toute fa lon- 
gueur 4) ; cependant Îles Modernes, & notamment 
M.® de l’Académie , ont obfervé qu'il s’élargifloit 
feulement en s’approchant du géfier /e). Ces deux 
affertions qui paroiflent contradictoires, peuvent néan- 
moins fe concilier, en fuppofant qu’Ariftote ou les 


(b) Lingua ferrata , utrimque atuta; au lieu de lingua férrata 
dtrimque , acuta. Cette phrafe n’eft qu'une traduétion de celle-ci de 
Belon : fa langue eff dentelée de chaque côté, pointue 7 dure par le 
bout ; d’où l’on voit que lutrimque doit fe rapporter à res & non: 
au mot acula, 

_ {c) Edwards, Hiff. nat, of Bird, planche LXXIII. 

_ (d) Hif. Animal, Üb. Il, cap. ultimo. 

(e) Gefner, de Avibus, pag. 488. — Aldrov. Ornitholog. tome ÏT, 
pige 92. — Animaux de Perrauli, partie IT, page 106. 


Oifeaux, Lome IL D 


26 Fe nee NATURELLE 


Obfervateurs chargés de recueillir les faits dont if 
compoñfoit fon Hifloire des Animaux, ont pris pour 
J’œfophage cette poche ou réfervoir qui eft en efiet 
fort ample & fort large dans toute fon étendue. 

Le véritible œfophage, à l'endroit où il s’épaiflit, 
eft garni de glandes régulièrement arrangées : le géfier 
qui vient enfuite { car il n’y a point de jabot }, eft 
fong d’environ quatre pouces, large de trois’, il a la 
dureté de celui des poules communes, & cette dureté 
ne vient point, comme dans les poules, de l’épaiffeur 
de la partie charnue, qui éft fort mince ici, mais de 
là membrane interne, laquelle eft très-dure, très- 
épaifle, & de plus godronnée, pliflée & repliffée en 
différens fens, ce qui grofñt beaucoup le volume du 


géfier:" 


Cette membrane interne paroit n'être point con— 
tinue, mais feulement contiguë & jointe bout à bout à 
la membrane interne de aboli d’ailleurs, celle-ci. 
eft blanche , au lieu que celle du géfer eft d’un jaune: 


doré ff). 


La longueur des inteftins eft d'environ quatre pieds. 
non compris les eœcum la tunique interne de lr/ear 
eft phflée felon fa longueur, & elle a quelques rides: 
tranfverfales à fon extrémité /g). 


Les deux cæcum fortent de l’inteftin à environ fept 


f) Animaux. de Perrault > partie. EI ;. Pa ge. 1.0 70. 
(g) Ibidezs. 


DE LOU TARUVE. 2% 
pouces de l'anus , fe dirigeant d’arrière en avant. 
Suivant Gefner, ils font inégaux felon toutes leurs 
dimenfions, & c’eft le plus étroit qui eft le plus long 
dans la raifon de fix à cinq /4). M. Perrault dit feu- 
lement que le droit qui a un pied plus ou moins, ef 
ordinairement un peu plus long que le gauche /). 

À un pouce à peu près de laus, l'inteftin fe ré- 
trécit, puis fe dilatant, forme une poche capable de 
contenir un œuf, & dans laquelle s’insèrent les uretères 
& le canal déférent: cette poche inteftinale, appelée 
_bourfe de Fabrice (4), a auffi fon cœcum long de deux 
pouces, large de trois lignes, & le trou qui commu- 
nique de l’un à lautre eft furmonté d’ un ce de la 
membrane interme, lequel peut fervir de valvule /7). 

Il réfulte de ces obfervations, que l’outarde, bien 
loin d’avoir plufieurs eflomacs & de longs inteftins, 
comme les ruminans, a au contraire le tube inteftinal 
fort court & d’une petite capacité, & qu il n’a qu'un 
feul ventricule e; en forte que l'opinion de ceux qui 
prétendent que cet oifeau rumine /#), feroit réfutée 
par cela feul: mais il ne faut pas non plus fe perfuader 
avec Albert, que l’outarde foit carnaflière, qu’elle fe 


(}) Gefner, de Avibus, pag. 486. 
{i) Animaux de Perrault, partie IT, page 107 


{k) Du nom de Fabricius ab Aguapendente , qui Fa le premier 
 @bfervée. Zhidem, 


{l) Animaux de Perou partie IT, page 107. 
{#) Athénée, Euftache; voyez Gefner, page 484. 


28 HISTOIRE NATURELLE 
nourriffe de cadavres, que même elle faffe la guerre 
au petit gibier, & qu’elle ne mange de l’herbe & du 
grain que dans le cas de grande difette ; il faut encore 
moins conclure de ces fuppofitions qu’elle a le bec 
& les ongles crochus, toutes erreurs accumulées par 
Albert [n}, d’après un paffage d’Ariflote mal en- 
tendu fo), admifes par Gefner avec quelques. modi-- 
fications /p), mais rejetées par tous des autres Natu+ 
raliftes. : 
‘ae etai eft un oifeau granivore ; elle vit d kerbes ;. 
de grains & de toutes fortes de femences; de feuilles. 
de choux, de dent de lion, de navets, de myfotis-ou 
oreille de fouris, de vefce, d’ache, de daucus & 
même de foin, & de ces gros vers de terre que pen- 
dant l'été l’on voit eee fur les dunes. tous les: 
matins avant le lever du foleil {4 ); dans le fort de 
l'hiver & par les temps de neige, elle mange l'écorce 
des. arbres /r); en. tout. FRE elle avale de petites. 


(n) Voyez Cher, dé AYibus , . 83 
{o0) Nota. Aldrovande ip que l’idée de faire de loutarde un: 
: ne de proié, a pu venir à Aïbert de: ce paffige d’Ariftote; Ayis 
Schythica quædam .….. que j'ai difcuté plus haut. Woôyez Aldrovande; 
Ornitholog. tome 11, page 9 0, Ce qu'il y a de certain, c’eft que. 
ce n'eft pas ie eo de Faniumal qu'Albert s’eft f6rmé. 
cette idée. | 

(p):Gefüer,. de. Avibus, pag: 48: 2. 

(a) Briifch Zoology, page 88; & prefque. tous. les aires: 
Naturaliftes que.j'ai cités dans cet article.. 


{r) Gefner, de Avibus, pag. 488. 


DE HE NON FAR DIE TX. 29 
pierres, même des pièces de métal comme l’autruche, 
& quelquefois en plus grande quantité. M.” de l’Aca- 
démie ayant ouvert le ventricule de lune des fix 
outardes qu’ils avoient obfervées, le trouvèrent rempli 
en partie de pierres, dont quelques-unes étoient de la. 
groffeur d’une noix, & en partie de doubles, au 
nombre de quatre-vingt- dix, tous ufés & polis dans: 
les endroits expofés aux frottemens, mais fans aucune 
apparence d’érofion /f). 

Willulghby a trouvé dans l’effomac de ces oifeaux, 
au temps de fa moiffon, trois ou quatre grains.d’orge,, 
avec une grande quantité de graine de cigue /r), ce 
qui indique un appétit de préférence pour cette graine, 
& par conféquent le meilleur appat pour lattirer dans: 
les piéges: 

Le foie eft très-grand; Ja véficule du by le pan-- 
créas, le nombre des canaux pancréatiques , leur 
infertion, ainfi que celle des conduits hépatiques &. 
cyftiques, font fujets à quelque variation dans. Les. 
différens fujets /z).. | 

Les tefticules ont la forme d’une petite amande 
blanche, d’une fubftance affez ferme; le canal déférent 
va s’inférer ! à la partie inférieure de A poche du reclunt y, 


4 f) Animaux de Perrault, partie. IT, page 1 0.7. 
(t ) Ornithologia, pag, 129. 
{2} Animaux de Perrault, page 1:0:5;. 


30 HISTOIRE NATURELLE 
comme je l'ai dit plus haut, & l’on trouve au bord 
fupérieur de al une petite appendice qui tient lieu 
de verge. 

M. Pt ajoute à ces obfervations anatomiques 
E remarque fuivante ; c’eft qu'entre tant de füujets 
qu’avoient difléqués M." de l’Académie, il ne s’étoit 
pas rencontré une feule femelle; mais nous avons dit 
a l’article de l’autruche ce que nous ait de cette 
remarque. fi Hibia à 

Dans la faifon des amours, Île mâle va. piaffant 
autour de la femelle & fait une efpèce de roue avec 
fa queue {x}. 

Les œufs ne font que de la none te de ceux 
d’une oie; ils font d'un brun olivâtre-pâle, marqués 
de petites taches plus foncées, en quoi leur couleur 
a une analogie évidente avec celle du plumage. 

Cet oifeau ne conftruit point de nid, mais il creufe 
feulement un trou en grattant la terre /y), & y dépofe 
fes deux œufs qu'il couve pendant trente jours, comme 
font tous les gros oifeaux, felon Ariftote (27 Lorf- 
que cette mère inquiète fe défie des Chaffeurs, & 
qu’elle craint qu'on n'en veuille à fes œufs, elle les 
prend fous fes ailes { on ne dit pas comment és les 


(x) Klein, Hi Ta Avium, pag 18.— Merula 4 Gefn Ne ré 
pag. 497: 

(y) Briifch Zoology, pag. 88, 

(2) Rif. Anim. lb. VI, cap. vi. 


DB ET OUU TA REDREN 31 
tranfporte en lieu fûr /4). Elle s’établit ordinäirement 
dans les blés qui approchent de la maturité, pour y 
faire fa ponte, fuivant en cela l'inflinét commun à 
tous les animaux, de mettre leurs petits à portée de 
trouver en naiflant une nourriture convenable. M. Klein 
prétend qu’elle préfère les avoines comme plus baffes, 
_en forte qu'étant pofée fur fes œufs, fa tête domine 
fur la campagné , & qu’elle puifle avoir l'œil fur ce 
qui fe pafle autour d'elle; mais ce fait avancé par 
M. Klein /4), ne s'accorde ni avec le fentiment 
général des Naturaliftes, ni avec le naturel de l’outarde 
_ qui, fauvage & défiante comme elle left, doit chercher 
fa füreté plutôt en fe cachant dans les grands blés, 
qu’en fe tenant à portée de voir ies Chafleurs de loin, 
au rifque d'en être elle-même aperçue, 


Elle quitte quelquefois fes œufs pour aller chercher 
fa nourriture; mais fi pendant fes courtes abfences 
quelqu'un les touche ou les Faye feulement de fon 
haleine, on prétend qu’elle s’en aperçoit à fon retour 
& qu'elle les abandonne /c). 
ri outarde, quoique fort groffe ;. eft un animal très 
_craintif, & qui paroït n'avoir ni le fentiment de fa 
propre force, nt linftinét de l’'employer ; elles s'af- 
femblent quelquefois par troupes de cinquante ow: 


(a) Klein, Fil. Aviumn , pag. 1 8. 
(b) Ibidem. 
(c) Heétor Boeth, apud Gefn, pag. 48 8% 


32 HISTOIRE NATURELLE 
foixante, & ne font pas plus raflurées par leur nombre 
que par leur force & leur grandeur; la moindre appa- 
rence de danger, ou plutôt la moindre nouveauté {es 
effraie, & elles ne pourvoient guère à leur confer- 
vation que par la fuite: elles craignent fur-tout les 
chiens, & cela doit être, puifqu’on fe fert commu- 
nément des chiens pour leur donner la chafle; mais 
elles doivent craindre auffi le renard, la fouine, & 
tout autré animal, fi petit qu'il foit, qui fera aflez 
hardi pour les attaquer’; à plus forte raifon Îes animaux 
“féroces & même les oifeaux de proie contre lefquels 
elles oferoient bien moins fe défendre: leur pufilla- 
nimité eft telle que pour peu qu’on les bleffe, elles 
meurent plutôt de la peur que de leurs bleflures /4).. 
M. Klein prétend néanmoins qu'elles fe mettent quel- 
quefois en colère, & qu’alors on voit s’enfler une 
peau lâche qu’elles ont fous le cou. 8i l’on en croit 
des Anciens, l’outarde n’a pas moins d’amitié pour le 
cheval qu’elle a d’antipathie pour le chien; dès qu’elle 
aperçoit celui-là, elle, qui craint tout, vole à fa ren- 
contre & fe met prefque fous fes pieds /e). En fup- 
_ pofant bien conftatée cette fingulière fympathie entre 
_des animaux fi différens, on pourroit, ce me femble, 
en rendre raifon en difant que l’outarde trouve dans 
a fiente du cheval des grains qui ne font qu’à demi 


#4) Gefner, de Avibus, pag. 48 8. 


D) Oppien, de Aucupio, UD. TL, | 
| digérés , 


PUB VD OU T'AUR DEA 33 

digérés, & lui font une reflource dans la difette {f). 

Lorfqu’elle eft chaflée elle court fort vite, en bat- 
tant des ailes, & va quelquefois plufeurs milles de 
fuite & fans s'arrêter /g/; mais comme elle ne prend 
fon vol que difficilement & lorfqu’elle eft aidée, ou 
fi l’on veut portée par un vent favorable, & que d’ail- 
leurs elle ne fe perche ni ne peut fe percher fur les 
arbres, foit à caufe de fa pefanteur, foit faute de 
doigt poftérieur dont elle puifle faifir la branche & s'y 
foutenir, on peut croire, fur le témoignage des An- 
ciens & des Modernes /A), que les levriers & les 
_ chiens courans la peuvent forcer: on la chafle auffi 
avec l’oifeau de proie /:), ou enfin on lui tend des 
filets, & on l’attire où l’on veut en faifant paroître un 
cheval à propos , ou feulement en s’afflublant de la 
peau d’un de ces animaux /4). Il n’eft point de piége, 
{1 grofäer qu'il foit, qui ne doive réuffir, s’il eft vrai, 
comme le dit Élien, que dans le royaume de Pont, 
des renards viennent à bout de les attirer à eux en fe 
couchant contre terre & relevant leur queue à laquelle 
ils donnent, autant qu'ils peuvent, l'apparence & les 
mouvemens du cou d’un oifeau; Îes outardes qui 

(f) Otidibus amicitia cum equis quibus appropinquare 7 fimum 
dejicere gaudent, Plutarq. de Soc. Animal. 

(g) Britfch Zoology, pag. 88. 

(4) Xénophon, Élien, Albin, Frifch, &c. 

(i) Aldrov. Oruitholog. tom. IT, pag. 02. 
. …(K) Athénée. de | 
Oifeaux, Tome 1], : nn 


j4 HISTOIRE NATURELLE 
prennent, dit-on, cet objet pour un oifeau de leur 
efpèce, s’approchent fans défiance , & deviennent la 
proie de l’animal rufé /2); mais cela fuppofe bien de 
la fubtilité dans le renard, bien dé la flupidité dans 
l’outarde, & peut - être encore plus de crédulité dans 
PÉcrivain. | | | 
J'ai. dit: que ces ni allorent quelquefois par 
troupes de cinquante ou foixante; cela arrive fur-tout 
en automne dans les plaines de la Grande - Bretagne; 
ils fe répandent alors dans les terres femées de LUTIPES , ; 
& y font de très- grands dégâts /#). En France, on 
les voit pailer régulièrement au printemps & en au- 
tomne, mais par plus petites troupes , & elles ne fe 
pofent guère que fur les lieux les plus élevés. On a 
obfervé leur pañlage en Bourgogne, en Champagne 
& en Lorraine. k | 
. L'outarde fe trouve dans la Lybie, aux environs 
d'Alexandrie, felon Plutarque /#); dans la Syrie /0); 
dans la Grèce /p); en Efpagne /4); en France, dans 


(1) Ælian, Mat, Animal. Ub. VI, cap. XX1v. 

(m) Britifch Zoology, pag. 88,— Nec ullam peflem odere maois 
olitores , nam rapis ventrem fulcit, nec mediocri prædà contentus effe folet. 
Longolius apud Aldrov. Ornitholog, tom. IT, pag. 93. 

{n) Si toutefois on n’a pas ici confondu lotis avec lotus, comme 

on à fait fr fouvent. 

| (o) Gefner, de Avibus, pag. a 

(p) Da in Phoricis. 

(4) Plin. lib, X, re XXII, — Hifpania otides pris Strabon. 


RAGE SAR E ÿ£ 


tés plaines du Poitou & de la Champagne pouilleufe /5); 
dans les contrées ouvertes de left & du fud de la 
Grande-Bretagne, depuis la province de Dorfet juf- 
qu’à celle de Mercie & de la Lothiane en Écoffe (> 
dans les Pays-bas, en Allemagne /4 (L); en Ukraine & 
en Pologne où, felon Rzaczynski, elle pale quel- 
quefois l’hiver au milieu des neiges. Les Auteurs de 
la Zoologie Britannique aflurent que ces oifeaux ne 
s’éloignent guère du pays qui les a vu naître ; & que 
leurs plus grandes excurfions ne vont pas au-delà de 
vingt à trente milles /7); mais Aldrovande prétend 
que fur la fin de l’automne ils arrivent par troupes 
en Hollande, & fe tiennent par préférence dans les 
campagnes éloignées des villes & des lieux habités {x}. 
M. Linnæus dit qu'ils paflent én Hollande & en An- 
gleterre. Ariftote parle aufhi de leur migration {y); 
mais c’eft un point qui demande à être éclairci par 
des obfervations plus exactes. 

Aldrovande reproche à Geéfner d’être tombé die 


(r) Ornithologie de Salerne, page su da 

({) Britifch ARIOEY , pag. 88. — Aldrov. ne tom. II, 
P°£: 92: 

(t) Nota. Frifch l'appelle 1 plus groffe de toutes les nl fau- 
vages naturelles à l'Allemagne; cela ne prouve pas que loutarde foit 
une poule, mais bien qu’elle fe trouve en Allemagne, 

(x) Britfch Zoology, pag. 88, | 

(4 Ornithologia y Pag. 92. 


47 Hifi, Animal. lib. VIIT, 6 : 
E j 


36 HISTOIRE NATURELLE 
quelque contradiétion à cet égard, fur ce qu'il dit 
que l’outarde s’en va avec les cailles /z), ayant dit 
plus haut qu’elle ne quittoit point la Suiffe où elle ef 
rare, & qu’on y en prenoit quelquefois Fhiver /a); 
mais cela peut fe concilier, ce me femble, en ad- 
mettant la migration des outardes & la refferrant dans 
des limites, comme les Auteurs de fa Zoologie Bri- 
rannique ; d’ailleurs, celles qui fe trouvent en Suifle 
font des outardes égarées, dépayfées, en petit nombre, 
& dont les mœurs ne peuvent repréfenter celles: de 
l'efpèce : ne pourroit-on pas dire auf que l’on: n'a 
point de preuves que celles qu’on prend quelquefois 
à Zurich, pendant Fhiver, foient Îes mêmes. qui y 
ont paflé l'été précédent 

_ Ce qui paroït de plus certain, c’eft que l'outard 
ne fe trouve que rarement dans les contrées. monta: 
gneufes ou bien peuplées, comme la Suifle, le Tyrol, 
lltalie, plufeurs provinces d'Efpagne , de France, 
d'Angleterre & d’Allemagne ; & que lorfqu'elle s’y 
rencontre, c’eft prefque toujours en hiver /2): mais 

(x) Gefner, de Avibus, pag. 484. Otidem. de quê [tribo avolare: 


puto cum coturnicibus ,. fed corporis gravitate PPT , perféverare non 
poffe, € in locis proximis remanere: | 

(a) Otis magna, fr ea eff quam: vuloo Trappum vocant, non avolat 
nifi fallor ex nofiris regionibus { à‘ fi helvetie rara eff), à ère etians. 
interdum capitur apud nos. Gefner, Ibidém.. 

(b) Memini ter quaterque apud nos captum, &7 ir Rhetiâ circa: 
Curiam, decembri à januario menfibus, nec apud nos, nec ul à Corus 
agnitum, Gelner, dé Ayibus, pag: 486, 


De rEtO DT db Er 37 
quoiqu'elle puifle fubfifter dans les pays froids, & 
qu'elle foit, felon quelques Auteurs, un oifeau de 
pañlage , il ne paroiït pas néanmoins 2. ait jamais 
paflé en Amérique par le Nord ; car bien que les 
relations des Voyageurs foient Ha d’outardes 
trouvées dans ce nouveau continent, il eft aifé de 
reconnoïtre que ces prétendues outardes font des 
oifcaux aquatiques , comme je fai déjà remarqué plus 
haut, & abfolument différens de la véritable outarde 
dont il eft ici queftion. M. Barrère parle bien d’une 
outarde cendrée d'Amérique dans fon £ffa d'Orni- 
thologie (page 33 ), qu'il dit avoir obfervée ;. mais, 
s. il ne paroît pas l'avoir vue en Amérique, puifqu’il 
n'en fait aucune mention dans fa France Equinoxiale; 

‘ Il eft le feul, avec M. Klein, qui parle d’une 
putarde américaine : or celle de M. Klein. qui eft le 
macucagua de Marcgrave , n’a point les. caractères 


« L’outarde fe voit rarement dans l'Orléanois, & feulement en 
. hiver, dans les temps de-neige. Salerne, Ornithologie, page 1 53. « 
Un particulier, incapable d'en impofer, ajoute le même M. « 
Salerne, m'a raconté qu’un jour que la campagne étoit couverte « 
de neige & de. frimats, un de fes domeftiques trouva le matin une ce 
trentaine d’outardes à moitié gelées, qu’il amena à la maïfon, les « 
a pour des dindons qu’on avoit laïiffé coucher dehors, & « 
_ qu'on ne reconnut pour ce qu’elles. étoient ». que lorfqu’elles furent « 
dégelées ».. 1bidem. 

Nota. Je me fouviens moi-même d'en avoir vu deux, à deux 
différentes fois, dans une partie de la Bourgogne fertile en blé, & 
£ependant montagneufe ; mais çà toujours été en hiver & ds atte 
temps de neige. 

É LL 


38 HISTOIRE NATURELLE 
propres à ce nes , puifqu’elle a quatre doigts à 
chaque pied /c), & le bas de fa jambe garni de plumes 
jufqu’à fon articulation avec le tarfe ; qu’elle eft fans 
queué, & qu’elle n’a guère d’autre rapport avec l’ou- 
tarde, que d’être un oïfeau pefant qui ne fe perche 
hi ne vole prefque point /d). À l'égard de M. Barrère, 
fon autorité n’eft pas d’un aflez grand poids en Hiftoire 
Naturelle, pour que fon témoignage doive prévaloir 
contre celui de tous les autres; 3. à ef: fon outarde 
cendrée d'Amérique a bien l'air d’être la femelle de 
l’outarde d’ Afrique, laquelle eft en effet toute couleur 
de cendre, felon M. Linnæus /c). _ 
On me demandera peut - être pourquoi un oifeau 
qui , quoique péfant , a cependant des ailes, & qui 
sen fert quelquefois, n eft point paflé en Amérique 
par le nord, comme ont fait plufieurs quadrupèdes : 


je répondrai que l’outarde.n’y eft point paflée, parce 


que quoiqu’elle vote en effet, ce n’eft guère que 
lorfqu’elle ef pourfuivie ; parce qu'elle ne vole jamais 
bien loin, & que d’ailleurs elle évite fur -tout les 
eaux, felon la FEMaTqUE dé Belon, d’où il fuit qu’elle 
n’a pas dû fe-hafarder à franchir de grandes étendues 
de mer; je dis de grandes étendues, car quoique 
celles qui féparent les deux continens du côté du 
nord, foient bien moindres que celles qui les féparent 

(ec) Klein, Ordo Avium, pag. 18. | 

(d) Marcgrav. Hifi. nat. Brajil, pige 213 

Hi dr à nat, édit, X, pag. 155. 


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entre les tropiques ; € elles font néanmoins confidé- 
rables , par rapport à lefpace que l'outarde peut par- 
courir d’un feul vol. 

On peut donc regarder l’outarde comme un oifeau 
propre & naturel à ancre continent, & qui dans ce. 
continent ne paroit point attaché à un climat parti- 
culier, puifqu'il peut vivre en Lybie, fur les côtes 
de la mer Baltique, & dans tous les pays inter- 
_médiaires. | 

C’eft un très-bon gibier; la chair des jeunes, un 
peu gardée, eft fur-tout excellente: & fi quelques 
Écrivains ont dit le contraire, c’eft pour avoir con- 
fondu l’osis avec l’orus, comme je lai remarqué plus 
haut. Je ne fais pourquoi Hippocrate l'interdifoit aux 
perfonnes qui tomboient du mal caduc /f). Pline 
reconnoit dans la graiffe d’outarde la vertu de foulager 
les maux de mamelles qui furviennent aux nouvelles 
accouchées. On fe fert des pennes de cet oifeau, 
comme on fait de celles d’oie & de cygne pour 
écrire , & les pêcheurs les recherchent pour les. 
attacher à leurs hameçons,, parce qu'ils croient que 
les petites taches noires dont elles font émuaillées, 
paroiffent autant de petites mouches aux poiflons, 
qu’elles attirent par cette faufle apparence /g). 


(f) Vid. Aldrovand. Ornitholopia, pag. 95. 
(g) Gefner, de Ayibus, pag. 488. 


LYS Ys 


40 HISTOIRE NATURELLE 


LA PETITE. OUTA RDE, 


ur VULGAIREMENT 


cr. oifeau ne diffère de l’outarde que parce qu’il 
eft beaucoup plus petit, & par quelques variétés dans 
SUR | Fee 


ss + Fee les lances he LR Se 1e mâle; n° 10, la 


- femeile. 


(a) Petite Outarde ou Canepetière. En Italien, Fe 
— Canepetière. Belon, ÆHifl. nat. des Oifeaux, page 237. 
Canepetière, nommée par aucuns, Olive. Idem. Portraits d’ Get 
page 5 6, D. — Petite Outarde. Edwards, Glanures, planche ccur, 
avec une bonne figure coloriée de Ia femelle. — La petite Outarde, 
Briflon, Ornithologie, tome V, page 24, avec une figure du mâle 
& une de Ja femelle, planche 11. 


« Quant à étymologie (dit M. Salerne, Æif. nat. des Oifeaux, 


» page 155), on le nomme { cet oifeau ) se OU Canepetrace y 
» 1.° parce qu'il reffemble en | HSE chofe à un canard fauvage, | 
» & qu'il vole comine lui; 2.° parce qu'il fe plaît parmi les pierres: 
» il y en a qui penfent que ce nom lui vient de ce qu'il paîtrit fon 
| »aire ou fon repaire, d'autres difent que c’eft parce qu'il pète; mais 
» je préfère la première étymologie, d’autant plus que les Orléanois 
» appellent le petit moineau de muraille, dit Friquet, un petrac ou 
petrat >». 
Nota. Cette étymologie de canepetière, parce que cet oifeau pète, 


dit-on, ne paroît uniquement tone que fur l’analogie du mot: car 
aucun 


DE LA PETITE OUTARDE  4i, 
le plumage: ila aufli cela de commun avec l’outarde, 
qu'on lui a donné le nom de cane & de ‘canard (b}, 
quoiqu'il n'ait pas plus d’affinité qu'elle avec les 
Oifeaux aquatiques, & qu’on ne le voie jamais autour 
des eaux [c). Belon prétend. qu'on l’a ainfi nommé, 
parce qu’il fe tapit contre terre comme font les canes 
dans l’eau /d), & M. Salerne, parce qu'il refflemble 
en quelque chofe à un canard fauvage, & qu'il vole 
comme lui fe): mais lincertitude & le peu d'accord 
de ces conjectures éthymologiques, font voir qu'un 
rapport auflr vague, & fur-tout un rapport HEC 
n'eft point une On fufifante pour appliquer à un 


aucun Naturalifte n’a-rien dit de pareil dans Phiftoire de cet oifeau; 
notamment Belon, qui a été copié par prefque tous les autres, | 

D'illeurs, je remarque :que le proyer, dont le même M. Salerne 
parle aux pages 291 à 292, eft appelé peteux, quoiqu'il ne foit 
point dit dans fon hiftoire qu'il pète, mais bien qu'il fe plait dans 
les prés, les fainfoins & les luzernes. Or la canepetière éft et 
appelée anas pratenfis. 

{b) Belon, dans fon Hi ifloire naturelle des Oifeaux, page 23%, 
Vappelle canepetière. Gefner, de Avibus, pag. 795 ; l'appelle de 
même, Jonfton, anas dif fi de Avibus , pag. 43. Charlton, 
idem, in Exercit, pag. 83; ° xx. Aldrovande, idem, in Ornithol. 
tom. Îl, pag. 06. Wilulghby idem, in NE Pig. 129: 
Ray, idem, in fynopf. meth. Avium, pag. 59» . Albin, idem, 
dans fon Æifloire naturelle des Oiféaux, tome IL, Ps 17, Canard 
des prés. 

(c) Salerne, Hif. nat. des O “Bien y page 155+ 

(d) Belon, Æif nat. des Oifeaux y PISE 237+ 

{e) Saerne, loco citato. 


Oiféaux, Tome IL HT ue 


42 OAI STIONR EE N'AMURE LLES 
oifeau le nom d’un autre oifeau; car fi un lecteur qui 
trouve ce nom, ne faifit point le rapport qu'on à 
voulu indiquer , il prendra néceffairement une faufle 
idée: or, il y a beaucoup à à parier que ce rapport ; ÿ 
étant unique, ne fera faifi que très-rarement. ] 
La dénomination de petite outarde que j'ai préférée, 7 
n’eft point fujette à cet inconvénient, car l’oifeau dont 
il s’agit ayant tous les principaux caraétères de l’ou- 
tarde, à l’exception de la grandeur, le nom compofé 
de petite outarde lui convient dans prefque toute la 
plénitude de fa fignification, & ne peut guère pre 
_ d'erreurs. | | | à 
Belon a foupçonné que cet ee étoit le tetrax 
d Athénée, fe fondant fur un paffage de cet Auteur 
où il le compare pour la grandeur au fpermologus (f), 
que Bélon prend pour un feux, efpèce de groife Cor 
neille; mais Aldrovande afflure au contraire que le 
frermologus eft une efpèce de moineau, & que pat 
conféquent le serax auquel Athénée le compare pour 
la grandeur, ne fauroit être a petite outarde /4); auffi 
A\| NA ed prétend - il que cet oïfeau n'a point été 
nommé par les Anciens (hi). 


CE j Tai ; inquit Alexander Mindüis ; avis eff magnitudine fver- 
mologi, colore figlino, as 5 güibufdam maculis lineifque magnis varie- 
gato : frugibus veféitur , © quando peperit, quadruplicem emitiit yocei, 


Athénée, 46. rx. À 


(g) Ornithologia, Kb. X1IT, pag. 61. 
(4) Idem, pag: 130. Veteribus india videtur. 


x 
DE LA PETITE OUTARD E ‘49 
. Le même Aldrovande nous dit que les pécheurs 
de Rome ont donné, fans qu’on fache pourquoi, le 
nom de ffella, à un oïfeau qu'il avoit pris d’abord pour 
la petite outarde, mais qu’enfüite il a jugé différent en y 
regardant de plus près //: cependant malgré un aveu 
aufli formel, Ray, & d’après lui M. Salerne, difent 
que la CARERÈNErE & le flla avis d’ Aldrovande , 
paroiffent être de la même efpèce A), & M. Briflon 
place fans difficulté le fÆ/a d'Aldrovande, parmi les 
fynonymes de la petite outarde; il femble même 
Lapttez, a Charleton & à Willulghby, d’avoir penfé 
de même (D quoique ces deux Auteurs aient été 
fort attentifs à ne point confondre ces deux fortes 
d’oifeaux, que felon toute apparence ils n’avoient 


point vus (m1). | 


/i) Ornithol. Aldrov. tom. II, ‘pag. o 8. Arbitrabar cum Pellonianà 
canepetière eamdem fe , id ex collata te A ; roi 
ef: judicavi. | 
. (k) Voyez Ray, Fee meth. Arium, Pag- 59: & Saleine , He 
nat, des Oiféaux, page 1 54. 

(l) Ornithologia, pag: 25e | 

(m) Nota. Charlton en fait deux eue d Hérentes à “oh M une, 
qui eft Ia neuvième de fes Pytivores , eft la canepetière; & l’autre, 
qui eft la dixième efpèce du même genre, eff l'avis flella : far celle-ci 
il renvoie à Jonfton; & il ne parle de l’autre que d’après Belon. 
ou Fégard de Willulohby , if né donne nulle part le nom de Jlella 
à la canepetière { voyez fon Ornithologie, page 129 }; ni lé nom 
de canepetière à Vavés fella ( voyez la figure qui eft au bas de la 
planche XXXII , & qui paroït copiée d’après celle de layis: ffella 
d'Aldrovande; voyez aufli. la table au mot Selle. } J 


Fi 


44 HISTOIRE NATURELLE 

D'un autre côté, M. Barrère brouillant fa petite 
outarde avec le ralle, lui a impofé le nom d’orrygomerra 
mellna, & lui donne un quatrième doigt à chaque 
pied /h); tant il eft vrai que la multiplicité des mé- 
thodes, ne fait que donner lieu à de nouvelles erreurs, 
fans rien ajouter aux connoiffances réelles. 

_ Cet oifeau eft une véritable outarde comme j'ai dit, 
mais conftruite far une plus petite échelle, d’où 
M. Klein a pris occafron de l'appeler ourarde naine (o); 
fa longueur, prife du bout du bec au bout des ongles, 
eft de dix-huit pouces, c’eft-à-dire, plus d’une fois 
moindre que la même dimenfion prife dans la grande 
outarde : cette feule mefure donne toutes les autres, 
& iln’en faut pas conclure avec M. Ray, que la petite 
outarde foit à la grande comme un eft à deux (PA 
mais. comme . un. eft à huit, puifque les volumes. des 
corps femblables font entr’eux. comme les cubes de 
celles de leurs dimenfons fimples qui fe a 


fa groffeur eft à peu près celle d’un faifan (4), el 


(x) Specimen Ornitholog, CHaff. IX, Gen. XXXV, pag 62. 

(0) T'arda ia an otis uti videtur feu tarda aguatica. Ordo Avium, 
pag. I dun UE: Nota. Voilà encore la petite outarde transformée 
expreffément en oifeau aquatique. | | 

_{p) Tarde perl milis eff, fed fuel minor. Ray, Snepf îs ner, Avion 
pag: 59: : 

(4 Qui voudra avoir Ja perfpeétive d’une canepetière, s’imagine 
voir une caille beaucoup madrée, /rachetée) aufli grande comme 
une moyenne faïfanc. Belon, ÆHif, nat. des Oifeaux, page 238. 


DE LA PETITE OUTARDE. 4s 
comme la grande outarde, trois doigts feulement à 
chaque pied, le bas de la jambe fans plumes, le bec 
des gallinacés, & un duvet couleur de rofe fous toutes 
les plumes du corps; mais elle a deux pennes de moins 
à {x queue, une penne de plus à chaque aile, dont 
les dernières pennes vont, l'aile étant pliée, prefque 
auffi loin que les premières, par lefquelles on entend 
les plus éloignées du corps: outre cela le mâle n’a 
point ces barbes de plumes qu’a le mâle de la grande 
efpèce,.& M: Klein ajoute que fon plumage eft moins 
beau que celui de la femelle /r), contre ce qui fe voit 
le plus fouvent dans: les oifeaux: mais à ces différences 
près qui font affez légères , on retrouve dans la petite 
efpèce, tous les A RE extérieurs de la grande, & 
même prefque toutes les qualités intérieures, le même 
naturel, les mêmes mœurs, les mêmes: habitudes : il 
femble que la petite foit éclofe d’un œuf dela grande, 
dont le germe auroit eu une moindre force de. 
développement. | 

Le mâle fe diflingue de là femelle par un double 
collier blanc, & par quelques autres variétés: dans les 
couleurs: mais-celles. de la partie fupérieure du: COTPS , : 
font prefque Îes mêmes dans les deux fèxes, & font 
beaucoup moins fujettes à varier dâns les différens. 
individus, ainfr que Belon l’avoit remarqué. 


Selon M. Salerne, ces-oifeaux ont un cri particulier 


(r) Klein, Ordo Ayiun , «pag, 18 | 
Fi 


à 
26 © HISTOIRE NATURELLE: 
d'amour qui commence au mois de mai: ce cri -eft 
rout où prour, ils le répètent fur-tout la nuit, & on 
l'entend de fort loin; alorsles mâles fe battent entr’eux 
avec acharnement, & tâchent de fe rendre maitres 
chacun d’un certain diftrict; un feul fufit à plufieurs 
femelles, & la place du rendez-vous d'amour, eft battue 
comme l'aire d’une grange. | 

: La femelle pond au mois de juin, trois, quatre & 
jufqu’à cinq œufs fort beaux, d’un vert luifant; lorfque 
fes petits font éclos, elle les mène comme la poule 
mène les fiens. Ils ne commencent à voler que vers 
lé milieu du mois d'août; & quand ils entendent du 
bruit, ils fe tapiffent contre terre & fe laifferoient 
plutôt écrafer que de remuer de la place /]. 
= On prend les mäles au piége, en Îles attirant avec 
uné femelle empaillée dont on imite le cri; on les 
 chaffe aufli avec l’oifeau de proie ; mais en général, 
ces oifeaux font fort difficiles à approcher, étant tou- 
jours aux aguets fur quelque hauteur dans les avoines, 
mais jamais, dit-on, dans les feigles & les blés: 
lorfque fur la fin de la belle faifon ils fe difpofent à 

nee 7 Salerne , Hifl. nat, des Oifeaux, pige 1 n s- Nota. L'auteur 


fn ‘indique his les fources où il a puifé tous ces. faits ; ils reflemblent 
beaucoup à ce qu on dit du coq de bruyère, qui s'appelle £etrix 
( voyez ibidem, pag. 136 } & comme on a donné le nom de tetrax 
à la petite outarde, on pourroit craindre qu’il ny eût ici quelque 
Eee fondée fur une équivoque de nom, d autant plus que 
M. Salerne eft le feul Naturalifle qui entre dans d’auffi grands 
détails fur Îa génération de Ia petite outarde, fans citer fes garans. \ 


DE: LASPETITE OUTARDE 47 
quitter le pays pour pañler dans un autre, on les voit 
fe rafflembler par &oupes; & pour lors il n’y a plus. 
de différence entre les jeunes & les vieux /1/. 

Ils fe nourriffent, felon Belon /4), comme ceux de 
la grande efpèce, c’eft-à-dire d'herbes & de graines; 
& outre cela de fourmis, de fcarabés & de petites: 
mouches; mais felon M. Salerne, les infeétes font: 
leur nourriture principale; feulement ils mangent quel- 
quefois au printemps les feuilles les plus tendres du 
laitron /x).. | 

La petite outar de ef : moins répandue que la grande, 
& paroït confinée dans une zone beaucoup plus étroite. 
M. Linnæus dit qu’elle fe trouve en Europe, & parti- 
culièrement en France (y); cela eft un peu vague, 
car il y a des pays très - confidérables en Europe & 
même de grandes provinces en. France où elle eft 
inconnue : on peut mettre les climats de la Suède & 
de la Pologne, au nombre de ceux où elle ne fe plait 
point; car M. Linnæus, lui-même, n’en fait aucune 
mention dans fa Fauna Suecica, ni le P. Rzaczynzki 
dans fon Hifloire naturelle de Pologne; & M. Klein n’en 
a vu qu ‘une feule à Dantzick, laquelle venoit de la 
ménagerie du Marcgrave de Bareith /z). 


(1) Voyez Salerne, Hiff. nat. des Oifeaux, page 155. 
{u) Belon, Hiff. nat. des Oifeaux, page 237. 

(x) Saerne ,-Hiff. nat. des Oïfeaux , page ne 

{>} Linnæus, Syf. nat. edit. x, pag» 154 

k ) Klein, Ordo Ayiuin pags 48: (+ 


48 HISTOIRE NA TURELLE 

Il faut qu’elle ne foit pas non plus bien commune 
en Allemagne, puifque Frifch quifs’attache à décrire 
& role tee les oifeaux de cette région, & -qui parle 
affez au long de la grande outarde, ne dit pas un mot 
de celle-ci, & que Schwenckfeld ne la nomme 
feulement pas. | 


Gefner fe contente de donner fon nom dans a lifte 
des oifeaux qu'il n’avoit jamais vus, & il eft bien 
prouvé qu'en effet il n’avoit jamais vu celui-ci, puifqu’il 
‘ui fuppofe des pieds velus comme à l’Attagas (a; 
ce qui donne lieu de croire qu’il efl au moins s fort 
xare en Suifle, 


Les Auteurs de la Zoologie Britannique qui fe font 
voués à ne décrire aucun ul qui ne fût Breton ou 
du moins d’origine Bretonne, auroient cru manquer 
à leur vœu, s ils euflent décrit une petite outarde qui 
avoit été cependant tuée dans la province de Cor- 
nouailles, mais qu'ils ont regardée comme un oifeau 
égaré, & tout-à-fäit étranger à la Grande-Bretagne 6); 

élle l’eft en effet à un tel point, qu'un individu de cette 
efpèce ayant été préfenté à la Société royale, aucun 
des Membres qui étoient préfens ce jour-là, ne le 
reconnut, & qu’on fut obligé de députer à M. Edwards 
pour favoir ce ue c'étoit /c). 


(a) Gefner, de Do naturg , pag. 715 & 795. 
(t) Briifch Zoology, pag. 288. 

(e) Edwards, Glanures , planche CCLA: | 
| | | D'un 


DE LA PETITE OUTARDE. 49 
D'un autre côté, Belon nous aflure que de fon 
-temps, les Ambañadeurs de Vénife, de Ferrare & du 
Pape, à qui il en montra une, ne la reconnurent pas 
mieux, ni perfonne de leur fuite, & que quelques-uns 
la prirent pour une faifane ; d’où il conclut avec raifon, 
qu'elle doit être fort rare en Italie / 4); & cela ef 
vraifemblable, quoique M. Ray , paflant par Modène, 
en ait vu une au marché (e): voilà donc la Pologne, 
la Suède, la Grande-Bretagne, 1’ Allemagne, la Suiffe 
& l'Italie, à excepter du bee des pays de l’Europe 
où fe trouve la petite outarde, & ce qui pourroit faire 
croire que ces exceptions font encore trop limitées, 
& que la France ef le feul climat propre, le feul pays 
naturel de cet oifeau, c’eft que les Naturaliftes françois, 
font ceux qui paroïffent le connoitre mieux, & prefque 
les feuls qui en parlent d’après leurs propres obferva- 
tions, & que tous les autres, excepté M. Klein, qui 
n’en avoit vu qu’un, n’en parlent que d’après Belon. 

Mais il ne faut pas même croire que la petite outarde 
{oit également commune dans tous les cantons de la 
Mce je connois de très - grandes provinces de ce 
royaume où elle ne fe voit point. … | 

M. Salerne dit qu'on la trouve affez communément 
dans fa Beauce { où cependant elle n’eft que paffagère }, 
qu'on la voit arriver vers le milieu d'avril, & s’en aller 


{d) Belon, Æif, nat. des Oifeaux, page 237 ; 
(e) Ray, Synopfis method. Ayium, Page 59: 
Oifeaux, Tome IL G 


so. :“HASTOIRE NABURELLE. 
aux approches de l'hiver: il ajoute qu’elle fe plaît dans. 
les terres maigres & pierreufes, raifon pourquoi on: 
l'appelle caneperrace, & fes petits perraceaux.. On la voit 
auf dans le Berri, où elle eft connue fous le nom de 
canepetrotte (f.): enfin ellé doit être commune dans le 
Maine & la Normandie, puifque Belon, jugeant de 
toutes les autres provinces de France par celle-ci qu'if 
connoifloit le mieux, avance qu’#/ #y a payfan dans ce 
royaume qui ne la fache nommer (g). 

_ La petite outarde eft naturellement rufée & foup- 
_çonneufe, au point que cela a pañlé en proverbe, & 
_ que l’on dit des perfonnes qui montrent ce caractère, 
qu'ils font de la canepetière (h). | 

Lorfque ces oifeaux foupçonnent quelque danger ; 
_ ils partent & font un vol de deux ou trois cents pas 
trés-roide & fort près de terre; puis, lorfqu'’ils font 
polés, ils courent fr vite qu’à peine un homme les 
pourroit atteindre /z).. 

La chair de la petite outarde eft noire, & d’un goût 
exquis; M. Klein nous affure que les œufs de 1a femelle 
qu'il a eus, étoient très-bons à manger, & il ajoute 
que la chair de cette femelle étoit meilleure que celle 


f? Shlèrne, Hifi, nat, des Oifeaux, page 155. 
{g) Belon, Æif nat. al O: os page 237. 
Ch) Idem, ibidere. 

(i) Tdem, ibidem: 


DE LA PETITE OUTARDE. si 
de la femelle du petit coq de bruyères (4), & dont 
il pouvoit juger par comparaifon. 

Quant à l’organifation intérieure, elle eft à peu près 
la même, fuivant Belon, que dans le commun des 
granivores (/). | 1) IEP 


(k) Klein, Crdo Avium , pag. 18. 
a (1) Belon, Hifi, nat, des Oïfeaux, page 238. 


s2 sé réoshtuil he durs $ 


O1SEA UX | ÉTRA NGERS. 
Qui ont rapport aux Outardes. 
Hi 
LE LOHONG où Z 'OUTARDE 


+ 


‘huppée d'Arabie. 


À o1sEAU que les Arabes appellent Lohong, & que 
M. Edwards a deffiné & décrit le premier, eft à peu 
près de la grofieur de notre grande outarde: il a, 

comme elle, trois doigts a chaque pied ; dirigés de 
même, Bbineis un peu plus courts; les pieds, le 

bec & le cou plus longs, & paroït en général modelé 
fur des proportions ide légères. 


Le plumage de la Pate fupérieure du corps € eft 
plus brun, & femblable à celui de la bécaffe, c’eft- 

à-dire fauve, rayé de brun-foncé, avec des taches 
Hlänèhes en forme de croiffant fur les ailes; le deffous 
du corps eft blanc, ainfi que Île contour de Îa partie 
fupérieure de laile; le fommiet de la tête, la gorge 
& le devant du cou, ont des raies tranfverfales d'un 
brun - obfcur fur un fond cendré; le bas de la jambe, 
de bec & les pieds font d’un brun-clair & jaunâtre; la 
queue eft tombante comme celle de la perdrix, & 
traverfée par une bande noire; les grandes pennes de 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, és. 


l'aile & la huppe font de cette même couleur. 

Cette huppe eff un trait fort remarquable dans 
l’outarde d'Arabie; elle eft pointue, dirigée en arrière, 
& fort inclinée à F’horizon; de fa bafe elle jette en 
avant deux lignes noires, dont Fune plus longue palie 
fur l'œil & lui forme une efpèce de foureil : l’autre 
beaucoup plus courte, fe dirige comme pour embraffer 
l'œil par-deffous, mais n’arrive point jufqu'à lPœil, 
lequel eft noir & placé au milieu d’un efpace blanc. 

En regardant cette huppe de profil, & d'un peu 
loin, on croiroit voir des oreilles un peu couchées, 
& qui fe portent en arrière; & comme l’outarde d’A- 
rabie a été fans doute plus connue des Grecs que la 
nôtre, il eft vraifemblable qu'ils Pont nommée OLIS, à 

caufe de ces efpèces d’ oreilles, de même qu'ils ont 
nommé le duc ous ou oros, à caufe de deux aigrettes 
femblables qui le diftinguent des chouettes. 

Un individu de cette efpèce, qui venoit de Moka, 
dans l’Arabie heureufe, a vécu plufieurs années à 
Londres, dans les volières de M. Hans Sloane ; & 
M. Edwards qui nous en a donné la figure coloriée, 
ne nous a confervé aucun détail fur fes mœurs, fes 
habitudes, ni même fur fa façon de fe nourrir [a ): 


_ (a) M. Edwards Pappelle Arabian Buflard, planche X17. 
M. Linnæus, Otis Arabs auribus eredlo crilatis, Sy, nat. edit. X 
Gen. LXXXV, Spec. 2. 


M. Klen, TZ arda Hichaé hs Habre Ordo Avium, pag. I # 2x 
SEE, fin 


G iif 


A HISTOIRE NATURELLE 


mais du moins il n’auroit pas dû la confondre avec 


Jes gallinacés dont elle diffère par des traits fi frappans, 
ainfi que je l'ai fait voir à l'article de l’outarde. 

Nota. Les Arabes lui donnent le nom de lohong ,; felon M. En- 
wards: nom qui ne fe trouve point dans le texte anglois relatif à Îa 


planche XII, maïs dans fa traduction françoile , laquelle eft avouée 
de l’auteur. 


IT. 
LOUTARDE D'AFRIQUE. 


C'est celle dont M. Linnæus fait fa quatrième 
efpèce, ‘elle diffère de l’outarde d’Arabie par les cou- 
leurs du plumage ; le noir y domine, mais le dos ef 
cendré & les oreilles blanches. 

Le mâle a le bec & les pieds jaunes, le fommet de 
la tête cendré, & Le bord extérieur des aïles blancs: 
mais la fémelle eft pat - tout de couleur cendrée, à 
l'exception du ventre & des cuifles qui font noires 
comme dans l’outarde des Indes (a). | 

Cet oiféau fe trouve en Éthiopie, feton M. Linnæus; 
& il y a grande apparence que celui dont le voyageur 
Je Maire parle fous le nom d’aurruche volante du Séné- 
gal (6), n’eft pas un oiféau différent: car, quoique ce 
Voyageur en dife peu de chofe, ce peu s'accorde en 
partie & ne difconvient en rien avec Se A do 


: (a) Linnæus, Syf. nat, edit. X x, pag 155: 
(b) Voyage de le Maire aux îles Canaries , Cap-verd, Sénégal, | 
&c. Paris, 109$; page 106% 


DES OISEAUX ÉTRANGERS de $$ 
ci-deflus: felon lui, fon plumage eft gris & noir, fa 
chair délicieufe, & fa grofleur à peu près de celle du 
cygne: mais cette conjecture tire une nouvelle force 
du témoignage de M. Adanfon : cet habile Naturalifte 
ayant tué au Sénégal , & par conféquent examiné 
de près, une de ces autruches volantes, nous aflure 
qu’elle reflemble à bien des égards à notre outarde 
d'Europe, mais qu’elle en diffère par Ja couleur du 
plumage qui eft généralement d’un gris-cendré, par 
fon cou qui eft beaucoup plus long, & par une efpèce 
de huppe qu’elle a derrière la tête {c). 

Cette huppe eft fans doute ce que M. Linnæus 
appelle les oreilles, & cette couleur gris - cendré eft 
précifément celle de la femelle; & comme ce font-là 
les principaux traits par lefquels l’outarde d'Afrique de 
M. Linnæus & l’autruche volante du Sénégal, diffèrent 
de notre outarde d'Europe, on peut en induire, ce me 
femble, que ces deux oifeaux fe refflemblent beaucoup, 
& par la même raifon on peut encore étendre à tous 
deux, ce qui a été obfervé fur chacun en particulier ; 
par exemple, qu'ils ont à peu près la groffeur de 
notre outarde, & le cou plus long : cette longueur du 
-cou dont parle M. Adanfon, eft un trait de reffem- 
blance avec l’outarde d’Arabie, qui habite à peu près 
de même climat: & l’on ne peut tirer aucune confé- 
‘quence contraire du filence de M. Linnæus, puifqu’il 
(c ? Voyage au Sénégal, par M. Adanfon, Paris, 1757: 
an-4 Page 160: | 


s6 HISTOIRE NATURELLE 
n'indique pas” une feule dimenfion de fon outarde 
d'Afrique; à l'égard de fa groffeur, le Maire fait celle 
de lautruche volante, égale à celle du cygne Ve #7 
& M. Adanfon à celle de l’outarde d'Europe, puifque 
ayant dit qu’elle fui refflembloit à bien des égards, & 
ayant one les principales différences, il n’en établit 
aucune à cet égard /e/; & comme d’ailleurs l’Éthiopie 
ou }’Abiffinie qui eft le pays de l’outarde d’Afrique, 
& le Sénégal qui eft celui de lautruche volante, 
“quoique fort éloignés en longitude, font néanmoins 
du même climat, je vois beaucoup de het A è 
dire Haites deux oifeaux appartiennent à une feule 
& même efpèce. 


{d) Voyage de le Maire aux îles Canaries, page 72. 
{e) Voyage au Sénépal, Loco citato. | : 


| à à 
LE CHURGE où 'OUTARDE 
moyenne des Indes, 


__ CETTE outarde eft non - feulement plus petite que 
-celles d'Europe, d'Afrique & d'Arabie, mais elle eft 
encore plus menue à proportion, & plus haut montée 
qu'aucune autre outarde: elle a vingt pouces de haut, 
depuis le plan de pofition jufqu’au fommet de Ia tête; 
fon cou paroit plus ceurt, relativement à la longueur 
de fes pieds, du refte elle a tous les caractères de 

l’outarde ; 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, &C. S7 
l’outarde; trois doigts feulement à chaque pied, & 
ces doigts ifolés; le bas de Îa jambe fans plumes; le 
bec un peu courbé, mais plus alongé; & je ne vois 
point par quelles raifons M. Briflon l’a renvoyée au 
genre des pluviers. 

Le caractère diftinétif par lequel les pluviers diffèrent 
des outardes, confifte, felon lui, dans la forme du 
bec, que celles - ci ont en cône courbé, & ceux-là 
droit & renflé par le bout. Or l’outarde des Indes dont 
il s’agit ici, a le bec plutôt courbé que droit, & ne 
l'a point renflé par le bout comme les pluviers; du 
moins c’eft ainfr que l’a repréfenté M. Edwards /4) dans 
une figure que M. Brifflon avoue comme exacte /4): 
je puis même ajouter qu'elle a le bec plus courbé & 
moins renflé par le bout, que l’outarde d’Arabie de 
M. Edwards /c), dont la figure a paru auffi très-exacte 
à M. Briflon (4), & qu'il a rangée fans difficulté parmi 
les outardes. 

D'ailleurs il ne faut que ; re les yeux fur la figure 
de loutarde des Indes, & la comparer avec celles 
des pluviers, pour reconnoitre qu’elle en diffère beau- 
coup par le port total & par les proportions, ayant le 
cou plus long, les ailes plus courtes & la forme du 


{a) Edwards, Glanures, planche ccr.. 
(b) Briflon, Ornithologie, tome V, page 82. 
0 Edwards, Natural hiflory f un common Birds, planche x11. 


(4) Brion, Ornithologie, tome V, page 30: 
Oifeaux, Tome LL 


38 OMISTONRE NATUREELE 
corps plus développée : ajoutez à cela qu’elle eft quatre 
fois plus grofle que le plus gros pluvier, lequel n’a 
que feize pouces de long du bout du bec au bout des 
ongles /e), au lieu qu'elle en a vingt-fix /f). 

Le noir, le fauve, le blanc & le gris, font les 
principales couleurs du plumage, comme dans l’outarde 
d'Europe; mais elles font diftribuées différemment , le 
noir fur le fommet de la tête, le cou, les cuifles & 
tout le deflous du corps; le fauve, plus clair fur les 
côtés de la tête & autour des yeux, plus brun & mêlé 
avec du noir fur le dos, la queue, la partie des ailes 
la plus proche du dos, & au haut de la poitrine où il 
forme comme une large ceinture fur un fond noir; le 
blanc fur es couvertures des ailes les plus éloignées 
du dos, le blanc mêlé de noir fur leur partie moyenne; 
le gris plus foncé fur Îles paupières, l'extrémité des 
plus longues pennes de aile /g), de quelques-unes 
des moyennes & des plus courtes, & fur quelques- 
unes de leurs couvertures; enfin, le gris plus clair & 
prefque blanchâtre fur le bec & les pieds. 


{e) Brion, Ornithologie, tome V, page 76. 
f di ) Jbidem, pige 82. Nota. Cela ne contredit pis ce que j'ai 


dit ei-deflus, qu’elle avoit vingt pouces de haut depuis le plan de 
pofition jufqu’au fommet de la tête, parce qu’en mefurant ainfi Ia 
hauteur on ne tient compte ni de la longueur du bec, ni de celle 
des doigts. : : 

(2) Comme à quelques outärdes d'Europe. Voyez Animaux de 
Perrauk, partie II, page 103. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ÊC. SO 
Ctt oifeau eft originaire de Bengale, où on l'appelle 
churge, & où il a été defliné d’après nature /4): il eft 
à remarquer que le climat de Bengale eft à peu près le 
même que celui d'Arabie, d’Abiflinie & du Sénégal, 
où fe trouvent Îles deux outardes précédentes : on 
peut appeler celle-ci ourarde moyenne, parce qu’elle 
tient le milieu pour la groffeur entre les grandes & 
les petites efpèces. | 


(h) Edwards, Glanures, planche cCL, tome I, chapitre XL. 


L V. 
LE HOUBARA où PETITE QUTARDE 
huppée d'A lfrique. 


Nous avons vu que parmi les grandes outardes, il y 
en avoit de huppées & d’autres qui ne létoient point, 
& nous allons retrouver la même différence entre les 
petites outardes ; car la nôtre n’a point de huppe, ni 
même de ces barbes de plumes qu’on voit à la grande 
outarde d'Europe, tandis que celles-ci ont non-feule- 
ment des huppes, mais encore des fraifes ; & il eft à 
remarquer que c’eft en Afrique que fe trouvent toutes 
les huppées, foit dé la grande, foit de la petite efpèce. 

Celle que les Barbarefques appellent houbaara, efl en 
effet huppée & fraifée; M. Shaw qui en donne la 
figure (4), dit pofitivement qu’elle a la forme & le 

(2) Travels or ob{érvations relating to feveral parts of Barbary ang 
the Levant, By, Thomas Shaw, pag. 252: H + 

1] 


6o HISTOIRE NATURELLE 
plumage de l’outarde, mais qu’elle eft beaucoup plus 
petite, n'ayant guère que la groffeur d’un chapon; & 
par cette raifon feule, ce Voyageur d’ailleurs habile, 
mais qui, fans doute, ne connoïfloit point notre petite 
outarde de France, blîme Golius d’avoir traduit le 
mot loubaary par outarde. | 

Elle vit comme la nôtre, de fubftances végétales & 
d’infeétes, & elle fe tient le plus communément fur 
les confins du. défert. 

Quoique M. Shaw ne lui donne point k huppe 
dans fa defcription, il fui en donne une dans la figure 
qui y eft relative, & cette huppe paroît renverfée en 
arrière & comme tombante; fa fraife eft formée par 
de longues plumes qui naiflent du cou, & qui fe 
relèvent un peu & fe renflent, comme il arrive à notre 
coq domeftique lorfqu'il eft en colëre. | 

C’eft, dit M. Shaw, une chofe curieufe de voir; 
quand elle fe fent menacée par un oifeau de proie, de 
voir, dis-je, par combien d’allées & de venues, de: 
tours & de détours, de marches & de contre-marçhes; 
en un mot, par combien de rufes & de {oupleffes elle 
cherche à échapper à fon ennemi. | 

Ce favant Voyageur ajoute qu’on regarde comme 
un excellent remède contre le.mal des yeux, & que 
par cette raifon l’on paye quelquefois très-cher fon 
fel, & une certaine matière qui fe trouve dans fon 
eftomac. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, de, 61 
© | V. | | 

LE. RAA D, 

autre petite OUTARDE huppée d'Afrique. 


LE Rhaad eft diflingué de notre petite outarde de 
France par fa huppe, & du houbaara d'Afrique, en 
ce qu'il n’a pas comme lui le cou orné d’une fraife; 
du refte, il eft de la même grofleur que celui-ci; ik 
a la tête noïre, la huppe d'un bleu-foncé, le deflus 
du corps & des ailes jaunes, tacheté de brun, la queue 
d’une couleur plus claire, rayée tranfverfalement de 
noir, le ventre blanc & le bec fort, ainfñi que les 
jambes. | | 

Le petit rhaad ne diffère du grand que par fa 
petitefle { n’étant pas plus gros qu’un poulet ordinaire }, 
par quelques variétés dans le plumage, & par ce qu’il 
eft fans huppe; mais avec tout cela, il feroit pofhble 
qu'il fût de la même efpèce que le grand, & qu'il 
n’en différât que par Le fexe; je fonde cette conjecture, 
1.” fur ce qu’habitant le même climat il n’a point 
d’autre nom; 2. fur ce que dans prefque toutes les 
efpèces d’oifeaux , excepté les carnafliers, le mâle 
paroit avoir une plus grande puiflance de développe- 
ment qui fe marque au dehors par la hauteur de [a 
taille, par la force des mufcles, par l'excès de certaines 
parties , telles que les membranes charnues, les épe- 
rons, &c. par les huppes, les aigrettes & les fraifes 


62 HISTOIRE NATURELLE, dc 

qui font, pour ainfi dire, une furabondance d’orga: 
nifation, & même par la vivacité des couleurs du 
plumage. 

Quoi qu’il en foit, on a donné au grand & au petit 
rhaad le nom de faf- faf ; rhaad figniñie le tonnerre 
en langage Africain, & exprime le bruit que font tous 
ces oifeaux en s’élevant de terre; & faf-faf, celui qu'ils 
font avec leurs ailes lorfqu'ils font en plein vol /a). 


(a) Voyez Thomas Shaw, Zravels, dc. pag. 252. 


LE GO Qtek eu 


Planche 11 de ce volume. 


pe Oïfeau, quoique domeftique , quoique le plus 
commun de tous, n'eft peut-être pas encore affez connu; 
excepté le petit nombre de perfonnes qui font une 
étude particulière des produétions de la Nature, il en 
eft peu qui n'aient quelque chofe à apprendre fur les 
détails de fa forme extérieure, fur la ftrudure de fes 
parties internes, fur fes habitudes naturelles ou acquifes , 
fur les différences qu'entrainent celles du fexe, du 
climat, des alimens; enfin, fur les variétés des races. 
_diverfes qui fe font féparées plus tôt ou plus tard de 
la fouche primitive. | 

Mais fi le Coq eft trop peu connu de a plupart 
des hommes, il n’eft pas moins embarraffant pour un 
Naturalifte à méthode, qui ne croit connoître un objet 
que lorfqu’il a fu lui trouver une place dans fes clafles & 


* Woyez les planches enluminées , n° +, 

fa) En Grec, AAéxmp; en Latin, Galus; en Efpagnol & en. 
Italien, Gallo; en Savoyard , Coq, Gau, Geau; en Allemand, 
Han; en Polonois, Xur, Kogut; en Suède, Hoens, Tupt; en An- 
glois , Cok; en vieux François, Gal, Gog. — Gallus gallinaceus, 
Gelner, Avi, pag. 394 — Coc, Coq, Gau, Geau, Gal, Gog, 
Belon, Æiff. nat. des Oifeaux, page 242; & portraits doifeaux,, 
page 58,4, — Le coq & la poule. Briflon, tome I, page 166. 


Gs :AMISTOIRE NATURELLE 
dans fes genres; car, fi prenant les caractères généraux 
de fes divifions méthodiques dans le nombre des doigts, 
il le met au rang des oifeaux qui en ont quatre; que 
fera-t-il de la Ip à cinq doigts qui eft certainement 
une poule, & même fort ancienne, puifqu’elle remonte 
jufqu’au temps de Columelie qui en parle comme 
d’une race de diftinétion (2)? que s’il fait du coq une 
claffe à part, caractérifée par la forme fingulière de fa 
queue ; où placera-t-il le coq fans croupion & par con- 
féquent fans queue, & qui n'en eft pas moins un coq! 
que s’il admet pour caraétère de cette efpèce d’avoir 
les jambes garnies de plumes jufqu’au talon, ne ferat.il 
pas embarraffé du coq pattu qui a des plumes jufqu’a 
l’origine des doigts, & du coq du Japon qui en a 
jufqu’aux ongles! enfin s’il veut ranger Îles gallinacés 
à la clalle des granivores, & que dans le nombre & la 
future de leurs eflomacs & de leurs inteflins, it 
croie voir clairement qu’ils font en effet deftinés à fe 
nourrir de graines & d’autres matières végétales, com- 
ment s’expliquera-t-il à lui-même cet appétit &s 
préférence qu’ils montrent confflamment pour les vers 
de terre, & même pour toute chair hachée, cuite ou 
crue, à moins qu'il ne fe perfuade que la Nature ayant 
fait la poule granivore par fes longs inteflins & fon 
double eftomac, l’a fait auffi vermivore, & même 
carnivore par fon bec un tant foit peu crochu, ou 


{b) Generofifime créduntur quæ quinos habent digitos. Columelle, 
Gb. VIII, cap. IT. | 
plutôt 


DU Coc. 0 
plutôt ne conviendra-t-il pas, s’il eft de bonne foi, 
que les conjeétures que l’on fe permet ainfi fur les 
intentions de la Nature, & les efforts que l'on tente 
pour renfermer l'inépuifable variété de fes ouvrages, 
dans les limites étroites d’une méthode particulière, 
ne paroiffent être faits que pour donner effor aux 
idées vagues & aux petites fpéculations d'un efprit qui 
ne peut en concevoir de grandes, & qui s'éloigne 
d'autant plus de la vraie marche de la Nature & de la 
connoiflance réelle de fes produétions! ainfi fans pré- 
tendre aflujettir la nombreufe famille des oifeaux à une 
méthode rigoureufe, ni la renfermer toute entière dans 
cette efpèce de filet fcientifique dont, malgré toutes 
nos précautions, ils’en échapperoit toujours quelques- 
“uns; nous nous contenterons de rapprocher ceux qui 
nous paroïtront avoir plus de rapport entr'eux, & nous 
tâcherons de les faire connoître par les traits les plus 
caractérifés de leur conformation intérieure, & fur-tout 
par les principaux faits de leur hiftoire. 

Le coq eft un oifeau pefant, dont la démarche ef 
grave & lente, & qui ayant les ailes fort courtes, ne 
vole que rarement, & quelquefois avec des cris qui 
expriment l'effort; il chante indifféremment la nuit & 
le jour, mais non pas régulièrement à certaines heures, 
& fon chant eft fort différent de celui de fa femelle, 
quoiqu'il yaitauffi quelques femelles qui ont le même cri 
du coq, c’eft-à dire, qui font le même effort du gofier 
avec un moindre effet; car leur voix n’eft pas fi forte, 
Oifeaux, Tome 11 ii 


66 HISTOIRE NATURELLE 


& ce cri n’eft pas fi bien articulé; il gratte la terré pour | 
chercher fa nourriture, il avale autant de petits cailloux 
que de grains, & n’en digère que mieux; il boit en 
prenant de Peau dans fon bec & levant la tête à chaque 
fois pour l’avaler, il dort le plus fouvent un pied en 
Dai ed ti cachant fa tête fous l’aile du même côté: 
fon corps, dans fa fituation naturelle, fe foutient à peu 
près parallèle au plan de poftion, le bec de même, le 
. cou s'élève verticalement, le front eft orné d’une crête. 
rouge & charnue, & le deflous du bec d’une double 
membrane de même couleur & de même nature: ce 
n’eft cependant ni de la chair ni des membranes, mais 
une fubflance particulière, & qui ne reffemble à aucune 
autre. | 
Dans les deux fexes, les narines- font placées de part 
& d’autre du bec fupérieur, & les-oreilles de chaque 
côté de la tête, avec une peau blanche au - deffous de 
chaque oreille ; les pieds. ont ordinairément quatre 
doigts, quelquefois cinq, mais toujours trois en avant 
& le refte en arrière; les plumes fortent deux à deux 
de chaque tuyau, caractère aflez fingulier, qui n’a été 
faifi que par trés-peu de Naturaliftes : la queue eft à 
peu près droite, & néanmoins capable de s’incliner 
du côté du cou & du côté oppofé; cette queue, dans 
les races de gallinacés qui en ont une, eft compofée 
(c) Nota. Par une fuite de cette attitude habituelle, là cuifle qui 
porte ordinairement le corps eft fa plus charnue, & nos gourmands 
favent Ma la diftinguer de l'autre dans les chapons & les poulardes. 


DU C0) | 67 
de quatorze grandes plumes qui fe partagent én deux 
plans égaux, inclinés l’un à l’autre, & qui fe ren- 
contrent par leur bord fupérieur fous un angle plus 
‘Où moins aigu; mais ce qui diftingue le mâle, c'eft 
que les deux plumes du milieu de la queue font beau- 
coup plus longues que les autres, & fe recourbent en 
arc; que les plumes du cou & du croupion font 
longues & étroites, & que leurs pieds font armés 
d’éperons : il eft vrai qu'il fe trouve auffr des poules 
qui ont des <pornes mais cela eft rare; & les poules 
ainfi éperonnées, ont beaucoup d’autres rapports avec 
de mäle; Jeur crête fe relève ainfi que leur queue, 
‘elles imitent le chant du coq & cherchent à l’imiter 
‘en chofes plus effentielles {d); mais on auroit tort 
de les regarder pour cela comme hermaphrodites, 
puifqu' tant incapables des véritables fonctions du mâle, 
& n'ayant que du dégoût pour celles qui leur con- 
viendroient mieux, ce font, à vrai dire, des individus 
viciés,, indécis, privés de l’ufage du fexe & même 
des attributs effentiels de l’efpèce, puifqu’ ils ne peuvent 
“n perpétuer aucune. 


Un bon coq ef celui qui a du feu dans les yeux, 
de la fierté dans la démarche, de la liberté dans fes 
mouvemens, & toutes les proportions qui annoncent 
la force: un coq ainfi fait, n’imprimeroit pas la terreur 
à un lion, comme on l’a dit & écrit tant de fois, mais 


(d) Ariftot. Hifloria Animalium, Ub. IX, cap. XLIX. 
14 | Li 


68 HISTOIRE NATURELLE 
il infpirera de l'amour à un grand nombre de poules: 
fi on veut fe ménager on ne lui en laïffera que douze 
ou quinze. Columelle vouloit qu’on ne lui en donnît 
pas plus de cinq; mais quand il en auroit cinquante 
chaque jour, on prétend qu'il né mañqueroit à au- 
cune fe): à la vérité, perfonne ne peut aflurer que 
toutes fes approches foient réelles, efficaces & capables 
de féconder les œufs de fa femelle. Ses defrs ne 
font pas moins impétueux que fes befoins paroiffent 
être fréquens. Le matin lorfqu'on lui ouvre la porte 
du poulailler où il a été renfermé pendant hà nuit, le 
premier ufage qu’il fait de fa liberté eft de fe joindre 
à fes poules; il femble que chez lui le befoin de 
manger ne foit que le fecond; & lorfqu’il a été privé 
de poules pendant du temps, il s’adreffe à la première 
femelle qui fe préfente, füt-elle d’une efpèce fort 
éloignée /f), & même il s’en fait une du premier mâle 
qu’il trouve en fon chemin ; le premier fait eft cité par 
Ariftote, & le fecond eft attefté par l’obfervation de 
M. Edwards /g), & par une loi dont parle Plutarque {4}, 
_{e) Aldrovande, tom. LI bb, NIV | 
| (f) Ex perdice à gallinaceo tertium generatur quod procedinte 
tempore feminæ affimilatur. Ariftot. loco citato. 

(g) Nota Ayant renfermé trois ou quatre jeunes coqs dans un. 
lieu où ils ne pouvoient avoir de communication avee aucune poule, 
bientôt ils déposèrent leur animofité précédente; & au lieu de fe 
battre, chacun tâchoit de cocher fon camarade, quoiqu'aucun ne 


parüt bien aife d’être coché. Voyez Préface des Glanures, tome II, 
{!) Trallatu NUM BRUTA RATIONE UTANTUR: 


DU. VC 0:10. | 69 
laquelle condamnoit au feu tout coq convaincu de cet 
excès de nature. # 

Les poules doivent être afforties au coq fi l’on veut 
une race pure, mais fi l’on cherche à varier & même 
à perfectionner l’efpèce, il faut croifer les races. Cette 
obfervation n’avoit point échappé aux Anciens; Colu- 
melle dit pofitivement que les meilleurs poulets font 
_ ceux qui proviennent du mélange d'un coq de race 
étrangère avec les poules communes; & nous voyons 
dans Athénée, que l’on avoit encore enchéri fur 
cette idée, en donnant un cog-faifan aux poules 
ordinaires (7 ). | 
= Dans tous les cas on doit choifir celles qui ont 
Pœil éveillé, la crête Alottante & rouge & qui n’ont 
point d’éperons ; les proportions de leur corps font 
en général, plus légères que celles du mâle, cependant 
elles ont les plumes plus larges & les jambes plus 
bafles, les bonnes Fermières donnent la préférence 
aux poules noires, comme étant plus fécondes me les 
blanches, & pouvant échapper plus facilement à la 


vue perçante de l’oifeau de É sp qui plane fur les 
baffe-cours.. 


(i) De Ruficé, Gb. VITE, cap. 11. — Nota. Longolius. mdique 
.R façon de faire réuflir cette union du coq-faifan avec les poules 
communes. Gefner, de Avibus, pag. 445. Et l’on m'a afluré que | 
. ces poules fe mêlent auffi avec le coq-pintade, lorfqu’on les à élevés 
de jeunefle enfemble ; mais que les mulets qui propisaiene de ce 
mélange font peu féconds. 


Ï iij 


7° HISTOIRE NATURELLE 

Le coq a beaucoup de foin, & même d’ inquiétude 
& de fouci pour fes poules: il ne Les perd guère de 
vue, il les conduit, fes défend, les menace, va cher- 
cher celles qui s’écartent, les ramène, & ne fe livre au 
plaifir de manger que lorfqu'il les voit toutes manger 
autour de lui; à juger par les différentes inflexions 
de fa voix & par les différentes expreflions de fa mine, 
on ne peut guère douter qu’il ne leur parle différens 
Jangages: quand il les perd il donne des fignes de 
regrets; quoiqu’aufft jaloux qu’amoureux il n’en mal- 
traite aucune, fa jaloufie ne l’irrite qué .contre fes 
concurrens; s’il fe préfente un autre coq, fans lui 
donner le temps de rien entreprendre, il accourt “à 
en feu, les plumes hériflées, fe jette fur fon. rival, 
Jui livre un combat opiniâtre jufqu’à ce que lun ou 
autre fuccombe, ou que le nouveau venu lui cède 
de champ de bataille: le: defr de jouir, ‘tou Jours :trop 
‘violent, le porte non-feulement à écarter tout rival, 
mais même tout obffacle innocent, il‘bat & tue quel- 
. quéfois les pouflins pour: jouir plus à fon aife de da 
amère: mais ce feul defir eft-il la caufe .de fa fureur 
_jaoufe; au milieu d’un ferrail nombreux & avéc toutes 
des reflources qu'il fait fe faire, comment pourroit -if 
‘craindre le befoin ou Ja difette! Quelque véhémens 
que foient fes appétit, il femble craindre encore plus 
de partage qu'il ne defire ‘la jouiflince ; & comme il 
peut beaucoup , fa jaloufie eft au moins plus excufable 
& mieux fentie que celle des autres Sultäns : d’ailleurs, 


DU Core. 14 71 
.iFa comme eux une poule favorite qu’il cherche de 
préférence, & à SR il revient prefqu' auffi fouvent 
qu’il va vers les autres. 

Et ce qui paroit RAR que fa jaloufie ne laiffe pas 
d’être une pañlion réfléchie, -quoiqu’elle ne porte pas 
contre l’objet de fes amours, c’eft que plufieurs coqs 
dans-une baffe - cour ne cefflent de fe battre, au lieu 
qu'ils ne battent. jamais les chapons, à moins que 
ceux-ci.ne prennent l'habitude. de fuivre quelque 
poule. . | | 
Les hommes: qui: tirent parti de tout, pour leur: 
amufement, ont. bien fu mettre en œuvre cette anti-- 
pathie invincible, que la Nature a établie entre un coq 
& un coq: ils ont cultivé cette haine innée avec tant. 
d’art, que les combats de deux oifeaux de bafle-cour : 
font devenus. des. fpeétacles- dignes: d’intéreffer la: 
curiofité des: peuples, même des peuples polis: &: 
en même temps des moyens de développer ou entre-- 
tenir dans les ames cette précieufe férocité, qui eff, 
dit-où, Île germe de lhéroïfme; on a vu, on voit: 
encore tous les: jours dans plus d’une contrée, des: 
hommes de tous états accourir en foule à ces gro- 
tefques tournois, fe divifer en deux partis; chacun de 
ces partis S’échaufter pour fon combattant, joindre la 
fureur des gageures les plus outrées, à l'intérêt d’un fi 
beau fpectacle, & le dernier coup de bec de l’oifeau 
vainqueur, renverfer la fortune de plufieurs familles : 
c’étoit autrefois la folie des Rhodiens, des T'angriens, 


w2  HISTOIREONATURELLE 
de céux de Pergame /4); c’eft aujourd’hui celle dès 
Chinois //), des habitans des Philippines, de Java, de 
l’Ifthme de l’Amérique, & de quelques autres FYations 
des deux continens (mn). 


Au refte, les coqs ne font pas les feuls oifeaux 
dont on ait ainfi abufé; les Athéniens qui avoient un 
jour dans l’année (n), confacré à ces combats de coqs, 
employoient aufli les cailles au même ufage; & les 
Chinois élèvent encore aujourd’hui pour le combat, 
certains petits oifeaux refflemblans à des cailles ou à 
des linotes; & par-tout la manière dont ces oifeaux 
fe battent eft différente, felon les diverfes écoles où 
ils ont été formés, & felon la diverfité des armes 
ofenfives ou défenfives dont on les affuble : mais 
ce qu'il y a de remarquable, c'eft que les coqs de 


{k) Pline, Æiff nat, Gb. X, cap. XXI. 


{l) Gemelli Careri, tome V, page 36, anciennes Relations des 
Indes & de Ja Chine. Traduction de lArabe, page 10$. 

(in) Navarete , Defiription de la Chine, page 40. 

{n) Thémiftocle allant combattre les Perfes, & voyant que fes 
foldats montroïient peu d’ardeur, Îeur fit remarquer l’acharnement 
avec lequel des coqs fe battoient: « voyez, leur dit-il, le courage 
» indomptable de ces animaux , Cependant ils n’ont d’autre motif que 
» le defir de vaincre; & vous, qui combattez pour vos foyers, pour 
Jes tombeaux de vos pères, pour [a liberté. ... » Ce peu de mots 
_ranima le courage de l'armée, & Thémiftocle remporta [a victoire : 
ce fut en mémoire de cet évènement que les Athéniens inftituèrent 
une efpèce de fête qui fe célébroit par des combats de coqs. Voyez 
Élien, de variâ Hifloriä, — Lib. 11. 

| Rhodes 


Rhodes qui étoient plus grands, plus forts que las 
autres, & beaucoup plus ardens au combat, Fétoient 
au contraire beaucoup moins pour leurs femelles ; il ne 
leur falloit que trois poules au lieu de quinze ou vingt, 
_ foit que let feu fe füt éteint dans la folitude forcée 
où ils avoient coutume de vivre, foit que leur colère 
trop fouvent excitée eût étoufié en eux des pafñons 
plus douces, & qui cependant étoient dans l'origine 
Je principe de leur courage & la fource de leur dif- 
pofitions guerrières: les males de cette race étoient 
donc moins mâles que les autres, & les femelles qui 
fouvent ne font que ce qu’on les fait, étoient moins 
fécondes & plus pareffeufes, foit à couver leurs œufs, 
foit à mener leurs pouflins; tant l’art avoit bien réuffi 
-À dépraver la Nature! tant l’exercice des talens de fa 
guerre eft oppofé : à ceux de la propagation ! 
. Les poules n’ont pas befoin du coq pour produire 
des œufs, il en naît fans cefle de la grappe commune 
de l’ovaire, lefquels indépendamment Ge toute com- 
munication avec le mâle, peuvent y grofir; & en 
_groffiffant acquièrent leur maturité, fe détachent de 
leur calice & de leur pédicule, parcourent loviductus 
dans toute fa longueur, chemin faifant s’aflimilent par 
une force qui leur eft propre la lymphe dont la cavité 
de cet oviductus eft remplie, en compofent leur blanc, 
leurs membranes , leurs coquilles , & ne reflent dans 
ce vifcère que jufqu'à ce que fes fibres élaftiques & 
Oifeaux, Tome I. K 


7 À HISTOIRE NATURELLE 

fenfibles étant génées , irritées par la préfence de ces 
corps devenus déformais dés corps étrangers, entrent 
en contraction, & les pouflent au. dehors le gros-bout. 
Je premier, felon Ariflote. 


Ces œufs font tout ce que peut faire la nature 
prolifique de la femelle feule & abandonnée à elle- 
même; elle produit bien un Corps organifé capable” 
d’une forte de vie, mais non un animal vivant fem. 
blable à fa mère, & capable lui - même de produire 
d’autres animaux femblables à lui; il faut pour cela le: 
concours du coq & le mélange intime des liqueurs: 
féminalés des deux fexés; mais lorfqu’une fois ce 
mélange a eu lieu, les effets en font dürables. Harvey 
a obfervé que l’œuf d'une poule féparée du coq depuis. 
vingt jours , n’étoit pas moins fécond que ceux qu’elle 
avoit pondus peu à AS l’accouplement,. mais. l’em- 
bryon qu'il contenoit n’étoit pas plus avancé pour cela, 
& il ne falloit pas le tenir fous la poule moins de 
temps qu'aucun autre pour le faire éclore ; preuve cer- 
taine que la chaleur feule ne fuffit pas pour opérer 
ou avancer le développement düu poulet, mais qu'il 
faut encore que l'œuf foit formé, ou bien qu'il fé 
trouve en lieu où il puiffe tranfpirer, pour que l'embryon 
qu’il renferme foit fufceptible d’incubation, autrement 
tous les œufs qui refteroient dans l'oyrdudtus vingt -un 
jours après avoir été fécondés, ne manqueroient pas 
d'y éclore, puifqu'ils auroient le temps & ia chaleur 


Æ 


due ii 


néceflaires pour cela, & les poules feroient tantôt 


ovipares & tantôt vivipares fois : 

Le poids moyen d’un œuf de pese ordinaire ef 
d'environ ‘une once fix gros; fi on ouvre un de ces 
œufs avec précaution, on trouvera d’abord fous la 


coque une membrane commune qui en tapiffe toute la 


cavité, enfuite le blanc externe qui a la forme de cette 
cavité; puis le blanc interne qui ef plus arrondi que 
le précédent, & enfin au centre de ce blanc le jaune 


qui eft fphérique: ces différentes parties font contenues 
chacune dans fa membrane propre, & toutes ces 


membranes font attachées enfemble à l’endroit de ces 


«<halazgæ ou cordons, qui forment comme les deux 
pôles du jaune; la petite véficule lenticulaire appelée 


cicatricule , Âe trouve à peu près fur fon équateur, & 
fixée folidement à fa furface /p). 


{o) Nota. de ne vois que le doûteur Michel Lyzeruts qui ait 


parlé d'une poule vivipare ; mais les exemples en feroient plus fré- 
_-quens, s’il ne falloit que de la chaleur à un œuf fécondé pour 
éclore. Voyez Éphémérides Ange Der. II, an, 4, appende | 
obféry. XXVITI. 


(p) Nota. Bellini trompé par fes expériences, ou plutôt par les 
conféquences qu'il en avoit tirées, croyoit & avoit fait croire à 
beaucoup de monde, que dans les œufs frais durcis à l'eau bouil- 


Hnte, la cicatricule quittoit la furface du jaune pour fe retirer au 
centre; mais que dans les œufs couvés, durcis de même, la cica- 
tricule reftoit conftamment attachée à la furface, Les Savans de 


Turin, en répétant & variant les mêmes ‘expériences , fe font affurés 


que dans tous Jes œufs couvés ou non-couvés, à cicatricule reftoit 


K ij 


720 .. HISTOIRE NATURELLE 
À l'égard de fa forme extérieure, elle eft trop connue 
pour qu'il foit befoin de la décrire, mais elle eft affez 
fouvent altérée par des accidens dont il eft facile, ce 
me femble, de rendre raifon, d’ après hifloire de l'œuf 
même & de fa formation. | 
Il n’eft pas rare de trouver deux jaunes dans une 
feule coque; cela arrive lorfque deux œufs également 
_mürs fe détachent en même temps de l'ovaire, par- 
courent enfemble l’oviductus, & formant leur blanc fans 
fe féparer, fe trouvent réunis fous la même enveloppe. 
Si par quelqu’accident facile à fuppofer, un œuf 
détaché depuis quelque temps de l'ovaire, fe trouve 
arrêté dans fon accroiflement, & qu’étant formé autant 
qu'il peut l'être, il fe rencontre dans la fphère d’ac- 
tivité d’un autre œuf qui aura toute fa force, celui- ci 
… l'entraïneraavec lui, & ce fera un œuf-dans un œuf /4).. 
‘) Op comprendra de même comment on y trouve 
quelquefois une épingle ou tout autre corps étranger 
qui aura pu Pr jufque dans l'oviduGus (r}. î 
I y a des poules dui. donnent des œufs hardés ou 
fans coque, foit par le défaut de la matière propre 


toujours adhérente à la furface us jaune durci, & que le corps blanc 
que Bellini avoit vu au centre, & qu'il avoit pris pour la cicatricule, 
n'étoit rien moins que cela, & ne paroifloit en eflet au je du 
jaune que lorfqu’il étoit ni trop ni trop peu. cuit. 
{g) Collection académique, partie françoiïfe, tome 1, page. 388; 
er tome IF, page 227; & partie étrangère, tome IV, page 327: 
fr) Ibidem, Partie françoïfe, tome I, page 388. 


LEON IC 07@ € do 
dont fe forme la coque, foit parce qu'ils font chaflés. 
de l'oviductus avant leur entière maturité; auffi n’en: 
voit-on jamais éclore de poulet, & cela arrive, dit-on. 
aux poules qui font trop grafles: des caufes direéte- 
ment contraires produifent Îles œufs à coque trop. 
épaifle & même des œufs à double coque: on en a vu 
qui avoient confervé Le pédicule par lequel ils étoient. 
attachés à l'ovaire, d’autres qui éteient contournés en. 
manière de croiflant, d’autres qui. avoient. la forme 
d'une poire:. d’autres enfin qui portoient. fur leur co 
quille l'empreinte d’un foleil, d'une comète /f), d’une 
éclipfe ou de tel autre objet dont onavoit l'imagination 
frappée; on en a même vu quelques-uns de lumineux: 
ce qu'il y avoit de réel dans ces premiers phénomènes, 
c’eft-à-dire, les altérations de la forme de l’œuf, ou les. 
empreintes à fa furface, ne doit s’attribuer. qu'aux dif-. 
férentes compreflions. qu’il avoit éprouvées dans le 
temps que fa coque étoit encore aflez fouple. pour 
céder à l'effort, & néanmoins affez ferme pour en 
conferver limpreflion: il ne feroit pas tout -à- fait fi 
facile de rendre raifon des œufs lumineux Chi; da 
Docteur Allemand en a obfervé de tels , Qui étoient 
actuellement. fous une poule blanche, Rotdée ajoute-. 
t-il, par un coq très-ardent: on ne peut honnêtement: 
nier la poffbilité du fait, mais comme il ef unique ,. 


([) Colleétion académique, partie étrangere, tome IV, page 1 6 0. 


(1) Éphémérides des curieux de la. Nature, Dec. 11; am ps 
5 obfery, XXF, pe 
K üij, 


78 HISTOIRE NATURELLE 
il eft prudent de répéter l'obfervation avant de l’ex- 
pliquer. | 
À l'égard de ces prétendus œufs de coq qui font fans 
jaune, & contiennent, à ce que croit le peuple, ün 
ferpent {u), ce n’eft autre chofe, dans la vérité, que 
le prémier produit d’une poule trop jeune, ou le 
dernier effort d’une poule épuifée par fa fécondité 
même, ou enfin ce ne font que des œufs imparfaits 
dont le jaune aura été crevé dans l’oyidudus de la 
poule, foit par quelqu’accident , foit par un vice de 
conformation , mais qui auront toujours confervé leurs 
-cordons ou chalazæ., que les amis du merveilleux n’au- 
ont pas manqué de prendre pour un ferpent: c’eft ce 
que M. de la Peyronie a mis hors de doute, par la 
diffeétion d'une poule qui pondoit de ces œufs; mais 
ni M. de la Peyronie, ni Thomas Bartholin qui ont 
difféqué de prétendus coqs ovipares /x), ne leur 
ont trouvé d'œufs, ni d'ovaires, ni aucune partie 
ti f | 
_ Les poules. pondent indifféremment pendant toute | 
T'année, excepté pendant la mue qui dure ordinaire- 
ment fix feinaines ou deux mois fur la fin de l'automne 
& au commencement de l'hiver: cette mue n’eft 
autre chofe que la chute des vicilles plumes qui fe 
_ détachent comme les vieilles feuilles des arbres, & 


{u) Collection académique, -partie françoife, tome III, 
(© Ibidem, Partie étrangère, tome IV, page 225$, 


pt Co 0. 70! 
comme les vieux bois des cerfs, étant pouffées par Îles: 
nouvelles; les coqs y font fujets comme les poules ; 
mais ce qu’il y a de remarquable, c’eft que les nouvelles: 
plumes prennent quelquefois une couleur différente de 
celles des anciennes. Un de nos Obfervateurs a fait 
cette remarque fur une poule & fur un coq, & tout. 
le monde la peut faire fur plufieurs autres efpèces: 
d’oifeaux ,. & particulièrement fur les bengalis dont le 
plumage varie prefque à chaque mue, & en général, 
prefque tous les oifeaux ont leurs premières plumes, 
en naiffant, d’une couleur différente de celle dont'elles: 
doivent revenir dans la fuite. 

La fécondité ordinaire des poules confifte à. pondre 
prefque tous-les jours; on dit qu'il y. en a én Samo- 
gitie (y), à Malaca & ailleurs /Z/, qui pondent deux- 
fois par jour. Ariftote parle de certaines poules d’ Hlyrie 
qui pondoient PAU’ à trois fois, & il y a apparence 
que ce font les mêmes que ces a poules-adriènes- 
où adriatiques dont il parle dans un autre endroit, & 
qui étoient renommées pour leur fécondité : quelques 
unsajoutent qu il y a telle manière de nourrir les poules 
communes; qui leur: donne cette fécondité extraordi- 
naire, la chaleur y contribué beaucoup ; on peut faire 
pondre les poules en hiver, en les tenant dans une 
écurie où il y a toujours du fumier chaud fur lequel 

elles puiffent féjourner. 


(3) Rzaczynski, Hiff. nat. Polon. pag. 43 2: 
.(V Bontekoe , ne de aux Jndes orientales, page 2 rive 


à HISTOIRE NATURELLE 


. Dès qu’un œuf eft pondu il commence à tranfpirer, 
& perd chaque jour quelques grains de fon poids par 
l’évaporation des parties les plus volatiles de fes fucs 
à mefure que cette évaporation fe fait, ou bien il 
s’épaiflit, fe durcit & fe deffèche , ou bien il contracte 
_un mauvais goût, & il fe gäte enfin totalement au 
point qu'il devient incapable de rien produire: l'art 
de lui conferver long - temps toutes fes qualités, fe 
réduit à mettre obflacle à cette tranfpiration /4) par 
une couche de matière grafle quelconque, dont on 
enduit exactement fa coque peu de momens après 
qu'il a été pondu : avec cette feule précaution on 
_ gardera pendant plufieurs mois & même pendant des 
années des œufs bons à manger, fufceptibles d’incuba- 
üon, & qui auront en un mot toutes [es propriétés 
des œufs. frais MES les habitans de Tonquin les 
confervent dans une efpèce de pâte faite avec de la 
cendre tamifée & de la funmure , d’autres Indiens dans 


fa ) Mota. Le Journal Économique du mois de mors 1755, 
fait mention de trois œufs, bons à manger, trouvés en Itelie dans 
l'épaiffeur d'un mur conftruit il y avoit trois cents ans: ce fait eft 
d'autant plus difficile à croire, qu'un enduit de mortier ne féroit pas 
fufffant pour conferver un œuf, & que les murs Îes plus épais étant : 
fujets à l’évaporation dans tous les points de leur épaiffeur, puifque 
les mortiers de l'intérieur fe sèchent à la longue, ils ne peuvent 
empêcher la tranfpiration des œufs cachés dans Leur he. ni ie 


conféquent Les conferver. 


(b) Pratique de l'art de faire éclore les poulets, page TAN AA 
| j’huile ; 


D'ur VC DID.0 TU 81 
d'huile (c): le vernis peut auffi fervir à conferver les 
œufs que l’on veut manger; mais [a graifle n’eft pas 
moins bonne pour cet ufige, & vaut mieux pour 
| conferver les œufs que l’on veut faire couver, parce 
qu’elle s’enlève plus facilement que le vernis, & qu'il 
faut nétoyer de tout enduit, les œufs dont on veut 
que l’incubation réuflifle; car tout ce qui nuit à {a 
tanfpiration nuit aufli au fuccès dé Fincubation. 
J'ai dit que le concours du coq étoit néceflaire pour 
la fécondation des œufs, & c’eft un fait acquis par 
uné longue & conftante expérience; mais les détails 
dé cét acte fi effentiel dans l’hifloire des animaux 
font trop peu connus; On fait, à la vérité, que Îa 
verge du male eft double, & n'’eit autre chofe que 
les deux mamelons par lefquels fe terminent fes vaif- 
eaux fpermatiques à l'endroit de Îeur infertion dans 
le eloaque: on fait qué la vulve de fa femelle eft placée 
au - déflus de l'anus ; & non au - deflous comme dans 
es LE {[d); on fait que lé coq s approche 
de la poule par une efpèce de pas oblique, accéléré, 
baiffant les ailes comme un coq-d'inde qui fait la roue, 
_étalant même fa queue à demi, & accompagnant fon 
action’d’uün certain murmure expreflif, d’un mouve- 
ment de trépidation & de tous les fignes. du defr 
ne on fait ue l s’élance fur Ja Est Ke le 


, 4) Redi ai mimal viventi, 1 Coléétion DETTES pe 
étrangère, tome IV, page 520; & Regnier Graaf, page 24300 


Oifeaux, Tome IL 4 


82 HISTOIRE NATURELLE 
reçoit en pliant les jambes, fe mettant ventre à terre, 
& écartant les deux plans de longues plumes dont fa 
queue eft compofée; on fait que le mâle faifit avec 
fon bec la crête ou les plumes du fommet de la tête 
de la femelle, foit par manière de careffe, foit pour 
garder léquilibre; qu’il ramène la partie poftérieure 
de fon corps où eft fa double verge, & l’applique vive 
ment fur la partie poftérieure du corps de la poule où 
eft l’orifice correfpondant; que cet accouplement dure 
d'autant moins qu'il eft plus fouvent répété, & que le 
coq femble s’applaudir après par un battement d’ailes. 
& par une efpèce de chant de joie ou de victoire; on 
fait que le coq a des tefticules, que fa liqueur féminale 
réfide, comme celle des quadrupèdes , dans des vaif- 
feaux fpermatiques : on fait, par mes obfervations, que 
celle de la poule réfide dans la cicatricule de chaque 
œuf, comme celle dés femelles quadrupèdes dans le 
corps glanduleux dés tefticules; mais on ignore fi la 
double verge du coq ou feulement Je des. deux 
pénètre dans orifice de la femelle, & même s’il y a. 
intromiflion réelle ou une compreflion forte où un 
fimple conta; on né fait pas encore quelle doit 
être précifément la condition d’un œuf pour qu'il 
puifle être fécondé, ni jufqu’à quelle diftance l’aétion 
du mâle peut s'étendre; en un mot, malgré le nombre 
infini d’ expériences & d’obfervations que l'on à faites. 
fur ce fujet, on ignore encore quelques-unes. des 
principales circonftances de la fécondation, | 


44 
—# 


DU PC DA 80 * 2: 83 
Son premier effet connu eff la dilatation de la cica- 
tricule & la formation du poulet dans fa cavité, car, 
c'eft la cicatricule qui contient le véritable germe, & 
elle fe trouve dans les œufs fécondés ou non, même : 
dans ces prétendus œufs de coq dont j'ai parlé plus 
haut /e); mais elle eft plus petite dans les œufs infé- 
conds. Malpighi layant examinée dans des œufs 
féconds nouvellement pondus & avant qu'ils euflent 
été couvés, vit au centre de la cicatricule une bulle 
nageant dans une liqueur, & reconnut au milieu de 
cette bulle l’embryon du poulet bien formé; au lieu 
que la cicatricule des œufs inféconds & produits par 
la poule feule, fans communication avec le mâle, ne 
lui préfenta qu'un petit globule informe muni d'ap- 
pendices, pis, sols d’un fuc épais, quoique tranfparent 
& environné de plufieurs cercles concentriques /f); 
on n’y aperçoit aucune ébauche d’animal : l’organi- 
- fation intime & complète d’une matière informe , n’eft 
ro eh ‘inflantané du mélange des deux liqueurs 


ds) Nota, M de da Dei e a : obfervé dans un de ces bus une 
tache ronde, jaune, d’une ligne de diamètre, fans épaifleur, fituée 
fur La: membrane qu'on wouve:fur la coque :. on ‘peut. éroire que 
cette, tache qui devroit être blanche ; n’étoit jaune ici que parce que 
le jâune de l'œuf s’étoit épanché de toutes parts , comme on la 
reconnu par la difflection de la poule: & fr elle étoit fituée, fur Le 
membrane qu’on trouve fous la coque, c'eift qu'après l'épanchement. 
du jaune, la membrane qui contenoit ce jaune étoit reltée adhérente 
à celle de la coque. R 


(f/) Maïlpighi, Pullus in ovo. : HENT d 
| L I} 


62 AMISTONRE NATURELLE 
féminales; mais s’il ne faut qu'un moment à la Nature 
pour donner la forme première à cette glaire tranfpa- 
rente, & pour la pénétrer du principe de vie dans tous 
fes points, il lui faut beaucoup de temps & de fecours 
pour perfectionner cette première ébauche; ce font 
principalement les mères qu'elle femble avoir chargées. 
du foin de ce développement, en leur infpirant le 
 defir ou le befoin de: couver: dans la plupart des. 
poules, ce defir fe fait fentiraufli vivement, fe marque 
au dehors par des fignes auffi énergiques qué celui de 
laccouplement auquel il fuccède dans l’ordre de Îa 
Nature, fans même qu'il foit excité par la préfence 
. d'aucun œuf; une poule qui vient de pondre éprouve 
une forte de tranfport que partagent. lés autres poules. 
qui n’en font que témoins, & qu’elles expriment toutes 
par des cris de joie répétés /4); foit que la ceffation: 
fubite des douleurs de l’accouchement foit toujours 
accompagnée d’une joie vive, foit. que eette mère 
prévoie dès-lors tous les plaifirs que ce premier plaifie 
fui prépare : quoi qu'il en foit, lorfqu'elle aura pondu- 
vingt-cinq ou trente œufs, elle fe mettra tout de bon: 
(g) Nota. Nous n'avons: point: “ notre. langue de termes 
propres pour exprimer les différens cris de la poule, du coq, des 
poulets ; les Latins qui fe plaignoient de leur pauvreté, étoient beau- 
coup plus riches que: nous, & avoient des expreflions pour rendre 
toutes ces différences. Voyez Gefner, de Avibus, pag. 431: Gallus 
cucurit, pulli pipiunt , gallina canturit, gracillat , pipat, fingultit ; plociuné 


eæ quæ volunt incubare, d'où vient le mot françois ghouffer, le “ip 
que nous ayons dans ce genre, 


BU Co: 8s 
à les couver; fi on les lui ôte à mefure, elle en pondra 
peut-être deux ou trois fois davantage, & s’épuifera 


_ par fa fécondité même; mais enfin il viendra un temps 


ou par la force de Finftinét elle demandera à couver 
par un glouffement particulier, & par des mouvemens 
& des attitudes non équivoques: fr elle n’a pas fes 
propres œufs, elle couvera ceux d’une autre poule, & 
a défaut de ceux-là, ceux d’une femelle d’une autre 
efpèce, & même des œufs de pierre ou de craie; 
elle couvera encore après que tout lui aura été enlevé, 
& elle fe confumera én regrets & en vains mouve- 
mens /4); fi ces recherches font heureufes & qu’elle 
trouve des œufs vrais ou feints dans. un lieu retiré &. 
convenable, elle fe pofe auflitôt deflus, les environne: 
de fes ailes, les échauffe de fa chaleur, les remue: 
doucement les uns après les autres comme pour en: 
jouir plus en détail, & leur communiquer à tous un: 
égal degré de chaleur; elle fe livre tellement à cette: 
occupation, qu’elle en oublie le boire & le manger: 
on diroit qu'elle comprend. toute l’importance de la 
fonction qu’elle exerce, aucun foin n’eft omis, aucune: 
précaution n’eft oubliée pour achever l’exiftence de: 
ces petits Êtres commencés, & pour écarter les dangers: 
qui les environnent /:): ce qu'il y a de plus digne 
(h) Nota On. vient à bout d’éteindre le befoin de couver, en 
tempant fouvent dans feau froide les. pariies poftérieures de a 
poule. | 
(i) Nota, H n’y a pas jufqu'au bruit qui ne leur foit contraire + 


L ii 


86 HISTOIRE NATURELLE 
de remarque, c’eft que la fituation d’une couveufe 
quelqu'infipide qu'elle nous’ paroiffe, eft peut - être 
moins une fituation d’ennui qu'un état de jouiffance 
continuelle , d'autant plus délicieufe qu’elle eft plus 
recueillie, tant la Nature femble avoir mis d’attraits à 
tout ce qui a rapport à la multiplication dés êtres. 

L'effet de lincubation fe borne au développement 
de lembryon du poulet, qui, comme nous l'avons 
déjà dit, exifte tout formé dans la cicatricule de l'œuf 
fécondé: voici à peu près l’ordre dans lequel fe fait 
ce développement, ou plutôt, comme il fe préfente 
à l’'Obfervateur; & comme j'ai déjà donné dans un 
_aflez grand détail tous les faits qui ont rapport au 
développement du poulet dans l'œuf fk), je me conten- 
terai d’en rappeler ici les circonftances effentielles. 

Dès que l’œuf a été couvé pendant cinq ou fix 
heures, on voit déjà diftinétement la tête du poulet 
jointe à l'épine du dos, nageant dans la liqueur, dont 
la bulle qui eft au centre de la cicatricule eft remplie; 
fur la fin du premier jour la tête s’eft déjà recourbée 
en groffiffant. | out 

Dès le fecond jour, on voit les premières ébauches 
des vertèbres qui font comme de petits globules dif- 
poiés des deux côtés du milieu de l’épine; on voit 
on a remarqué qu’une couvée entière de poulets, éclos dans Îa 
boutique d'um Serrurier, fut attaquée de vertiges. Voyez Colletlion 
académique, partie étrangère, tome ITI, page 25. 


:./k) Hifioire Naurelle, some LL, in-Z page 112 7 Jaivantess 


BAL ‘'C 0-0. PRE. 
auffi paroitre Îe commencement des ailes & les vaiffeaux 
ombilicaux, remarquables par [eur couleur obfcure; 
le cou & là poitrine fe débrouillent, la tête groffit 
toujours; on y aperçoit les premiers linéamens des 
yeux & trois véficules entourées, ainfi que l’épine, de 
membranes tranfparentes: la vie du fœtus devient plus. 
manifefte; déjà l’on voit fon cœur battre & fon fang 
circuler. | 

Le troifième jour tout eft plus diftinét, parce que 
tout a grofli: ce qu'il y a de plus remarquable, c’eft le 
cœur qui pend hors de la poitrine & bat trois fois 
de fuite, une fois en recevant par l'oreillette Le fang 
contenu dans les veines, une feconde fois en le ren- 
voyant aux artères, & la troifième fois en le pouflant 
dans les vaiffeaux ombilicaux ; & ce mouvement con- 
tinue encore vingt-quatre heures après que l'embryon 
a té féparé du blanc de fon œuf; on aperçoit auffs 
des veines & des artères fur les véficules du cerveau, 
les rudimens de la moelle de l’épine commencent à 
s'étendre le long des vertèbres: enfin on voit tout le 
corps du fœtus, comme enveloppé d’une partie de la 
liqueur environnante, qui a pris plus de confiftance 
que le refte. 

Les yeux font déjà fort avancés le quatrième jour >; 
on y reconnoit fort bien la prunelle , le criftallin, 
l'humeur vitrée: on voit outre cela sh a la tête cinq 
véficules remplies d'humeur, lefquelles fe rapprochant 
& fe recouvrant peu à peu les jours fuivans, formeron& 


88 HISTOIRE NATURELLE 
enfin le cerveau enveloppé de toutes fes membranes; 
les ailes croiffent, les cuifles commencent à paroitre 
& le corps à prendre de la chair. 

Les progrès du cinquième jour, confiftent, outre ce 
qui vient d’être dit, en ce que tout le corps fe recouvre 
d’une chair onctueufe ; que le cœur eft retenu au 
dedans par une membrane fort mince, qui s'étend fur 
la capacité de la poitrine, & que l’on voit les vaiffeaux 
ombilicaux fortir de l’abdomen /7}. | 

Le fixième jour, la moelle de l’épine s’étant divifée 
en deux parties, continue de s’avancer le long du tronc; 
Je foie qui étoit blanchätre auparavant eft devenu de 
couleur obfeure, le cœur bat dans fes deux ventricules, 
le corps du poulet eft recouvert de fa peau, & fur 
cette peau l’on voit déjà poindre les plumes. 

Le bec eft facile à diftinguer le feptième jour; le 
cerveau , les ailes, les cuifles & les pieds ont acquis 
leur figure parfaite; les deux ventricules du CŒUr pa- 
roiffent comme deux bulles contiguëés & réunies par 
Leur partie fupérieure, avec le corps des oreillettes: on 
remarque deux mouvemens fuccefffs dans les ventri- 
cules auffi-bien que dans les oreillettes , ce font comme 


deux cœurs féparés. 
Le poumon paroît à la fin du neuvième jour, & es 


De 


[1) Nota. Les vaifleaux qui fe répandent dans le jaune de Poœuf, 

& qui par conféquent fe trouvent hors de l'abdomen du poulet, 
rentrent peu-à-peu dans cette cavité, felon la remarque de Stenon. 
Voyez Colleition académique ; partie étrangère, tome VW, page 572. 
couleur 


br C0 0.0 . 80 
‘couleur eft blanchâtre ; le dixième jour les mufcles 
des ailes achèvent de fe former, les plumes continuent 
de fortir, & ce n’eft que le onzième jour qu’on voit 
des artères, qui auparavant étoient éloignées du cœur, 
s'y attacher, & que cet organe fe trouve parfaitement 
conformé & réuni en deux mémbieules | 

Le refte n’eft qu’un développement plus grand des 
parties, qui fe fait jufqu'à ce que le poulet caffe fa 
coquille après avoir pipé /#7), ce qui arrive ordinaire- 
ment le vingt-unième jour, quelquefois le dix-huitième; 
d’autres fois le vingt-feptième. 

Toute cette fuite de phénomènes qui forme un 
fpeétacle fi intéreffant pour un Obfervateur, eft l'effet 
de l’incubation opérée par une poule, & l’induftrie 
humaise n’a pas trouvé qu’il fût au-deflous d’elle d’en 
imiter les procédés : d’abord de fimples villageois 
d'Égypte , & enfuite des Phyficiens de nos jours, foñt 
venus à bout de faire éclore des œufs auffi-bien que 
la meilleure couveufe, & d’en fairé éclore un très-grand 
nombre à la fois; tout le fecret confifte à tenir ces 
œufs dans uné températuré qui réponde à peu près au 
degré de la chaleur de la poule, & à les garantir de 
toute humidité & de toute exhälaifon nuifibles, telle 
que celle du charbon, de la braife, même de cellè des 

œufs gâtés: en rempliffant ces deux conditions effen- 
tielles, & en y Jo gRAER l attention de retourner fouvent 


st Hiftoire re | Le FE, pat 11 13 e7 ae | 
Ofeaux, Lome LL M 


go  ÆFISTOFRE NATURELLE 


les œufs, & de faire circuler dans le four ou l’étuve 
les corbeilles:-qui les contiendront,. en forte que non- 
feulement chaque œuf, mais chaque partie du même 
œuf participe à peu près-également à la chaleur requife 
on réuflira toujours à faire Solone. des- milliers de 
poulets. 


Toute chaleur eft bonne pour cela; celle de la mère- 
poule n’a pas plus de privilége que celle de tout autre 
animal, fans en excepter l’homme /#),.ni: celle du: 
feu folaire ou terreftre, ni celle d’une couche de tan: 

de fumier : le point effentiel' eft de favoir s’en: 
dise maître, c'eft-à-dire, d’être pb ar en état de 
l'augmenter ou de la diminuer 2 à fon gré: or, il fera: 
toujours. poflible , au moyen de bons. thermomètres- 
diftribués avec intelligenee,. dans l'intérieur du four 
ou de l'étuve, de favoir le degré de chaleur de fes 
différentes régions; de la conferver: en étoupant les. 
ouvertures & fermant: tous les regiftres du couvercle, 
de l’augmenter, foit avec des: cendres. chaudes, fi 
e’eft un four, foit:en ajoutant du bois dans le poële 
fi:c'eft une étuve à poêle, foit enfaifant des réchaud s 


{n). Nota. On fait que Livie,. étant grofle, imagina de -couver & 
faire éclore un œuf dans fon fein, voulant augurer du fexe de fon 
enfant par le fexe du pouflin qui viendroit; ce pouffin fut mâle, 
& fon enfant auffi. Les Augures ne manquèrent pas de fe prévaloir 
du fait, pour montrer aux plus incrédules la vérité de leur art: mais 
ce qui refte le mieux prouvé, c’eft que la chaleur humaine eft 

fuffifante pour lincubation des œufs. 


Du Co or 
fi c’eflumé couche, & enfin de la aidée en ouvrant 
es regiftres pour donner accès à l'air extérieur, ou 
bien en introduifant dans le four un ou  Prque corps 
froids, &c. | 

Au refte, quelqu’attention que l’on donne à la 
-conduite d’un four d’incubation , äl n’eft guère pofñble 
d'y entretenir conftamment & fans interruption, le 
trente - deuxième degré qui éft celui de la poule 
‘heureufement ce terme n'eft point indivifible, & l’on 
a vu Îa chaleur varier du trente - huitième au ‘vingt+ 
quatrième degré, fans qu'il en réfultät d'inconvénient 
‘pour la couvée: mais il faut remarquer qu'ici l'excès 
eft beaucoup plus à craindre que le défaut, & que 
-quelques heures du-trente-huitième & même du trente- 
fixième degré, feroient plus de mal que quelques jours 
-du vingt-quatrième; & la preuve que cette quantité de 
moindre chaleur peut encoréêtre diminuée fans incon- 
vénient, c’eft qu'ayant trouvé, dans une prairie qu'on 
#auchoit, le nid d’une perdrix, & ayant gardé & tenu 
à l'ombre les œufs pendant trente - fix heures qu’on 
ne put trouver de poule pour les couver, ils éclerent 
néanmoins tous au bout de trois jours, excepté. ceux 
qui avoient ét ouverts pour voir où en étoient Jes 
perdreaux; à la vérité ils étoient très-avancés , & fans 
doute il faut un degré de chaleur plus fort dans les 
commencemens de l'incubation que fur la fin de ce 
même temps, où la chaleur du petit oifeau fuffit prétque 
feule 4 fon développement, 

NL 1 


92. ÆISTOIRE NATURELLE 

_À l'égard de fon humidité, comme elle eft fort 
contraire au fuccès de l’incubation, ïl faut avoir des 
moyens fürs pour reconnoitre fi elle a pénétré dans” 
le four, pour la difliper lorfqu'elle y a pénétré, & 
pour empêcher qu’il n’en vienne de nouvelle. 

L'’hygromètre le plus fimple & le plus approprié 
pour juger de l’humidité de Pair de ces fortes ue. 
fours, c’eft un œuf froid qu’on y introduit & qu’on y 
tient pendant quelque temps, lorfque le jufte degré de 
chaleur y eft établi; fr au bout d’un demi-quart d'heure 
au plus, cet œuf fe couvre d’un nuage léger, femblable 
à celui que l’haleine produit fur une glace polie, ou 
bien à celui qui fe forme l'été fur la furface extérieure 
d’un verre où l’on verfe des liqueurs à la glace, c’eft 
une preuve que Pair du four eft trop humide, & 5 Peft : 
d'autant plus que ce nuage eft plus long -temps à fe 
diffiper; ce qui arrive principalement dans les fours à 
tan & à fumier ; que l’on a voulu renfermer en un lieu 
clos: le meilleur'remède à cet inconvénient eft de 
renouveler l’air de ces endroits fermés, en y établiffant 
plufieurs courans par le moyen des fenêtres oppofées , 
& à défaut de fenêtres en y plaçant & agitant un ven- 
tilateur proportionné à l’efpace: quelquefois la feule 
tar du grand nombre d'œufs, produit dans 
le four même une humidité trop grande; & dans ce 
cas, il faut tous les deux ou trois Jours retirer pour 
quelques inflans, les corbeilles d’œufs hors du four, 
& l’éventer fimplement avec un chapeau qu’ on ÿ 
agitera en diflérens fens, 


DU CO TANT. 03: 
Mais ce n’eft pas aflez de difliper l’humidité qui : 


s’eft accumulée dans les fours, il faut encore, autant 
qu'il eft poffble, lui interdire tout accès par dehors, 
en revêtiffant leurs parois extérieures, de plomb laminé 
ou de bon ciment, ou de plâtre ou de goudron bien 
cuit, ou du moins en leur donnant plufieurs couches 
à l'huile qu’on laiffera bien fécher, & en collant fur 
leurs parois intérieures des bandes de veflies ou +de 
fort papier gris. 

 C'eft à ce peu de pratiques aifées que fe réduit 
tout l’art de l’incubation artificielle, & il faut y aflu-. 
jettir la ftruéture & les dimenfions des fours ou étuves, 
le nombre, la forme & la difiribution des corbeilles , 
& toutes les petites manœuvres que la circonftance 
prefcrit, que le moment infpire, & qui nous ont été 
détaillées avec une immenfité de paroles, & que nous 
réduirons ici dans quelques lignes, fans cependant 
rien omettre /0). 
Le four le plus fable eft un tonneau revêtu par 
dedans de papier collé, bouché par le haut d’un 
couvercle qui l’emboite, lequel eft percé dans fon 
milieu d’une grande ouverture fermant à couliffe, pour 
regarder dans le four, & de plufieurs autres petites. 
autour de celle-là fervant de regiftre pour le ménage- 
ment de la chaleur, & fermant aufli à couliffes: on 
noie ce tonneau plus qu'aux trois quarts de fa hauteur 


to Voyez l'Art de faire éclore les poulets, par M. de Rennes 
deux volumes in-douze 
M ii 


ÿ4 ‘HISTOIRE NATURELLE 
dans du fumier chaud; on place dans fon intérieur, 
les unes au-deffus des autres & à de juftes intervalles, 
. deux ou trois corbeilles à claire - voie, dans chacune 
defquelles on arrange deux couches d'œufs, en obfer- 
-vant que la couche fupérieure foit moins fournie que 
l'inférieure , afin que l’on puiffe aufli avoir l'œil fur 
celle-ci: on ménage, fi l’on veut, une ouverture 
dans le centre de chaque corbeille, & dans l’efpèce 
de petit puits formé a la rencontre de ces ouvertures 
qui répondent toutes à l'axe du tonneau; .on y fufpend 
‘un thermomètre bien gradué, on en place d’autres en 
différens points de la circonférence, on entretient par- 
tout la chaleur au degré requis, & on a des poulets, 
On peut auffi en ‘économifant la chaleur & tirant 
:parti de celle qu ordinairement on laiffe perdre, employer 
à lincubation artificielle, -celle des fours de pâtiffiers 
“& de‘boulangers, celle des forges & des verreries, 
celle même d’un poêle ou d’une plaque de cheminée, 
en fe fouvenant toujours que le fuccès de la couvée 
eft attaché principalement à une jufte difribution de 
Ja chaleur, & à l’exclufion de toute humidité. 
Lorfque les fournées font confidérables & qu’elles 
‘vont bien ,-elles produifent des milliers de :poulets à 
la fois; & cette abondance même ne feroit pas fans 
inconvénient dans un climat comme le nôtre, fi l’on 
n’eût trouvé moyen de fe. pañler de poule pour élever 
les poulets, comme. on favoit s’en pañler. pour les faire 
éclore ; & ces moyens fe -réduifent à une imitation 


plus ou moins: ce Ha des noté de {a ta») 
lorfque fes: pouflins font éclos. 

On: juge bien que cette mère qui a montré tant 
d’ardeur pour couver, qui a eouvé avec tant d’affiduité,. 
qui a foigné avec tant d'intérêt des embryons qui 
n’exiftoient point encore pour elle, ne fe refroidit pas: 
lorfque fes pouflins font éclos; fon attachement fortifié 
par la vue de ces petits êtres qui lui doivent la naif- 
fance, s’accroit encore tous'les-jours-par les nouveaux. 
foins qu’exige leur foibleffe; fans ceffe occupée d'eux, 
elle ne clierclie de la nourriture que pour eux; fi elle 
n’en trouve point, elle gratte la terre avec fes ongles 
pour lui arracher les alimens qu’elle recèle dans fon 
fein, & elle s’en prive en leur faveur; elle les rappelle: 
lorfqu’ils: s’égarent, les met fous fes ailes:à l'abri des: 
intempéries & les-couve une feconde fois; elle fe livre 
à ces tendres foins avec tant d’ardeur & de fouci,. 
que fà conftitution en eft fenfiblementaltérée, & qu'il 
eft facile de diftinguer de toute autre poule une mère: 
qui mène fes petits, foit. à fes plumes hériflées & à: 
fes ailes trainantes, foit au fon enroué de fa voix &: 
à fes. différentes inflexions toutes expreflives, & ayant: 
toutes une. forte empreinte de follicitude & d’affe“tion. 
maternelle. 

Mais fr elle s’oublie elle-même pour conferver fes 
petits, elle s’expofe à tout pour les défendre; paroit:il 
un épervier dans l'air; cette mère fi foible, fi timide, 
& qui en toute autre circonftance chercheroit fon 


‘96 HISTOIRE NATURELLE 
falut dans la fuite, devient intrépide par tendrefle, elle 
s'élance au-devant de la ferre redoutable, & par fes 
cris redoublés, fes battemens d'ailes & fon audace, 
elle en impofe fouvent à l’oifeau carnafñer qui, rebuté 
d’une réfiftance imprévue, s'éloigne & va chercher 
une proie plus facile; elle paroît avoir toutes les qua- 
lités du bon cœur, mais ce qui ne fait pas autant 
d'honneur au furplus de fon inftinét, c’eft que fi par 
hafard on lui a donné à couver des œufs de cane ou 
de tout autre oifeau de rivière, fon affection n’eft pas 
moindre pour ces étrangers qu’elle le feroit pour fes 
propres pouflins; elle ne voit pas qu elle n "ef que leur 
nourrice ou leur fonne & non pas leur mère , & lorf- 
qu'ils vont, guidés par la Nature, s’ébattre ou fe plonger 
dans a rivière voifine, c’eft un fpectacle fingulier de 
voir la furprife, les inquiétudes, les tranfes de cette 
pauvre nourrice qui fe croit encore mére, & qui preflée 
du defir de les fuivre au milieu des eaux, mais retenue 
par une répugnance invincible pour cet AE s’agite, 
incertaine fur le rivage, tremble & fe défole, voyant 
toute fa couvée has un oi évident, fans ofer Jui 
donner de fecours. | “ii 
H feroit impoflible de fuppléer à tous les foins de 
la poule pour élever fes petits, fr ces foins fuppofoient 
néceffairement un degré d'attention & d'affection égal 
à celui de la mère elle - même; il fufit, pour réuflir, 
de remarquer les principales circonftances de la con- 
duite de la poule & fes procédés à l'égard de fes petits, 
& de 


D LV. & ©°0. 97 
& de les imiter autant qu’il eft poffible. Par exemple, 
ayant obfervé que le principal but des foins de la 
ère, eft de conduire fes pouflins dans ‘des lieux -où 
ils puiffent trouver à fe nourrir, & de Îles garantir du 
froid & de toutes les injures de l'air; on a imaginé 
le moyen de leur procurer tout cela, avec encore 
“plus d'avantage que da mère ne peut le-faire; s'ils 
naiffent en hiver, on les tient pendant un mois ou fix 
femaines dans une étuve échauffée au même degré 
que les fours d’incubation, feulement on les en tire 
cinq ou fix fois par jour pour leur donner à manger 
au grand air; & fur-tout au foleïl; la chaleur de l'étuve 
favorife leur développement, l'air extérieur les fortifie 
& ils profptrent: de la mie depain, des} jaunes d ‘œufs, 
de la foupe, du millet font leur première nourriture; 
fi c’eft en été, on ne les tient dans J’étuve que trois 
ou quatre jours, & dans tous les tèmps on ne les tire 
de l’étuve que pour les faire pañler dans la pouffinicre: 
_c’eft une efpèce de cage carrée, fermée par-devant 
“d’un grillage en fil-de-fer ou d’un fimple filet, & par- 
deflus d’un couvercle à charnière; c'eft dans cette 
cage que les pouflins trouvent à manger: mais lorfqu'ils 
ont mangé & couru fuffifamment, il leur faut un abri 
où ils puiffent fe réchauffer & fe repofer, & c'’eft 
pour cela que les poulets qui font menés par une 
mère, ont coutume de fe rafflembler alors fous fes 
ailes. M. de Reaumur a imaginé pour ce même ufage 
une #ère artificielle ; c’eft une boîte doublée de peau 

Oifeaux, Tome IL on. N 


08 HISTOIRE NATURELLE 
de mouton, dont la bafe eft carrée & le deflus incliné 
comme le deflus d’un pupitre; il place cette boîte à 
l’un des bouts de fa pouflinière, de manière que les 
poulets puiflent y entrer de plein-pied & en faire le 
tour au moins de trois côtés, & ïl l'échaufie par- 
deflous au moyen d’une chaufferette qu’on renouvelle 
felon le befoin; F'inclinaifon du couvercle de cette 
efpèce de pupitre offre des hauteurs différentes pour 
les poulets de différentes tailles; mais comme ils ont 
coutume, fur -tout lorfqu’ils ont froid, de fe prefler 
& même de s’entafler en montant les uns fur les autres ; 
& que dans cette foule les petits & les foibles courent 
rifque d’être étouflés, on tient cette boîte ou #ére 
artificielle ouverte par les deux bouts, ou plutôt on ne 
la ferme aux deux bouts que par un rideausque le plus 
petit poulet puiffe foulever facilement, afin qu'il ait 
- toujours la facilité de fortir lorfqu’il fe fent trop 
preflé, après quoi il peut, en faifant le tour ï revenir 
par l’autre bout & choifir une place moins dangereufe. | 
M. de Reaumur tâche encore de prévenir ce même . 
inconvénient par une autre précaution, c’eft de tenir 
le couvercle de la mère arrificielle incliné affez bas pour 
que les poulets ne puiffent pas monter les uns fur les 
autres; & à mefure que les poulets croiflent, il élève 
le couvercle en ajoutant fur le côté de la boïte des 
haufles proportionnées : il renchérit encore fur tout 
cela, en divifant fes plus grandes pouffinières en deux 
par yne cloifon tranfverfale, afin de pouvoir féparer 


2 


\BAVÉ C'OoNTAL C0 
les poulets de différentes grandeurs; il les fait mettre 
auffi fur des roulettes pour la facilité du tranfport, 
car il faut abfolument les rentrer dans la chambre 
toutes les nuits, & même pendant le jour lorfque le 
temps eft rude ; & il faut que cette chambré foit 


chauffée en temps d’hiver : mais, au refte, il eft bon, 


dans les temps qui ne font ni froids ni pluvieux, 
d’expofer les pouflinières au grand air & au folcil, 
avec fa feule précaution de les garantir du vent; on 
peut même en tenir les portes ouvertes, les poulets 
apprendront bientôt à fortir PEU aller gratter le fumier 
ou béqueter l'herbe tendre, & à rentrer pour prendre 
leur repas ou s’échauffer fous a mére artificielle ; fi l’on 
ne veut pas courir le rifque de les laifler ainfi vaguer 
en liberté, on ajoute au bout de la pouffinière une 
-cage à poulets ordinaire qui, communiquant avec {a 
première, leur fournira un plus grand efpace pour 
s’ébattre, & une promenade clofe où ils feront en 
füreté. 

Mais plus on les tient en captivité, plus il faut être 
exact à leur fournir une nourriture qui leur convienne; 
outre le millet, les jaunes d'œufs, la foupe & la mie 
.de pain , les jeunes poulets aiment auffi la navette, 


‘le chenevis & autres menus grains de ce genre; les 
pois, les féves, les lentilles, le ris, l’orge & l’avoine 


_mondés, le turquis écrafé & le blé noir. H convient, 
& c’eft même une économie, de faire crever dans 


L'eau bouillante la plupart de ces graines avant de les 
N i; 


éo,  AISTORREANATURELLE 
leur donner, cette économie va à un cinquième fur 
le froment, à deux NS na fur l'orge , à une 
moitié fur le turquis, à rien fur l'avoine & le: blé- 
noir; il y auroit de la perte à faire crever le feigle, 
mais c’eft de toutes ces graines celle que les poulets. 
aiment le moins. Enfin, on peut leur donner, à mefure 
qu'ils deviennent grands, de tout ce que nous man- 
geons nous-mêmes, excepté les amandes amères /p} 
& les grains de café /4);: toute viande hachée, cuite: 
ou crue leur eft bonne, fur-tout les vers. de terre: 
c'eft le mets dont ces: oifeaux, qu'on croit fi peu: 
carnafliers, paroiffent être Îe plus friands, & peut-être 
ne leur manque-t-1l, comme à bien d’autres, qu’un. 
bec crochu &. des ferres. pour être de véritables: 
oifeaux de proie: 
_ Cependant il faut avouer qu’ ils ne diffèrent pas: 
moins des: oifeaux de proie par la façon: de digérer, 
& par la ftruciure de l'eftomac, que par le bec &. 
par les ongles; l’eflomac de ceux-ci eft membraneux,. 
_ & leur digeftion s'opère par le moyen d’un diffolvant: 
d (p) Voyez Éphémérides. des curieux de, la. Nature, Dee. I, an. #,. 
ebferv. 9 9e. 


/q) Déux. poulets ayant été nourris, l’ün avec du: Le des 1les 
rôti, l’autre avec le-même café non-rôti, devinrent tous deux étiques 
&.moururent, l’un le huitième jour & l'autre: le dixième, après avoir: 
confommé chacun trois ences de café : les pieds & les jambes. 
étoient fort enflés, & la véficule du fiel fe trouva auffi grofie que 
celle d’une poule d'Inde. Mémoires de l'Académie royale des Sciences, . 
“Année 1740, POLe TOI. 


5 RNA NC 01€ dr RO 
qui varie dans les différentes efpèces., mais dont 
l'action eft bien conflatée (r); au lieu que les galli- 
nacés AIDE être regardés comme ayant trois efto- 
macs; favoir, .r.… le bei qui eft une efpèce de poche 
ia! où les grains font d’abord macérés & 
commencent à fe ramollir; 2.° la partie la plus évafée 
du canal intermédiaire entre le jabot & le géfier, & 
fa plus voifine de celui-ci; elle eft tapiflée d’une 
quantité de. petites g glandes qui fourniffent un. fuc dont 
les alimens peuvent auf fe pénétrer à leur pañlage: 
_3. enfin, le géfer qui fournit un fuc manifeftement 
acide, puifque de l’eau dans laquelle en a. broyé fa 
membrane interne, devient une bonne préfure pour 
faire cailler les crêmes; c'eft ce troifième eflomac 
qui achève, par l’acbion puiffante de fes mufcles, la 
digeftion qui n’avoit été que préparée dans les deux: 
prpioiete. La force de fes mufcles ef plus grande: 
qu'on ne le croireit; en moins de quatre heures elle: 
réduit en poudre impalpable une boule d’un verre 
affez épais pour porter un poids d'environ. quatre: 
kvres: en quarante-huit heures elle divife longitu.… 
dinalement, en deux efpèces de gouttières.,. os. 
tubes. de verre de quatre lignes de diamètre &: d’une: 
ligne d’épaifleur, dont au. bout. de ce temps. toutes: 
les parties aiguës & tranchantes fe trouvent émouffées. 
& le poli détruit, fur-tout. celui. de la partie convexe: 


{r) Voyez Mémoires de l'Académie royale des Sciénces, annése 


L7S2, page 26 0. | 
Ni 


103 . ÆISTOBRE NATURELLE : 
elle eft aufli capable d’aplatir des tubes de fer-blanc ; 
& de broyer jufqu’à dix-fept noifettes dans l’efpace 
de vingt-quatre heures, & cela par des compreffions 
multipliées, par une alternative de frottement dont il 
eft difficile de voir {a mécanique. M. de Reaumur 
ayant fait nombre de tentatives pour la découvrir, n’a 
aperçu qu’une feule fois des mouvemens un peu fen- 
fibles dans cette partie; il vit dans un chapon dont 
il avoit mis le géfier à découvert, dés portions de 
ce vifcère fe contracter, s’aplatir & fe relever enfuite; 
il obferva des efpèces de cordons charnus qui fe 
formoient à fa furface, ou plutôt qui paroifloient s’y 
former, parce qu'il fe faifoit entre-deux des enfon- 
cemens qui les féparoient, & tous ces mouvemens 
fembloient fe propager comme par ondes & très- 
lentement. di 
Ce qui prouve que dans Îles Eat E la digeftion 
fe fait principalement par l'action des mufcles du 
gélier, & non par célle d’un diffolvant quelconque, 
c’eft que fi l’on fait avaler à l’un de ces oifeaux un 
petit tube de plomb ouvert par les deux bouts, 
mais aflez épais pour n'être point aplati par l'effort 
du géfer, & dans lequel on aura introduit un grain 
d'orge, le tübe de plomb aura perdu fehliblement de 
fon poids dans l’efpace de deux jours, & le grain 
d'orge qu’il renferme , fût-il cuit & même mondé, fe 
-retrouvera au bout de deux jours un peu renflé, mais 
auffi peu altéré que fi on l’eût laiffé pendant le même 


Di C0 0 103 
temps dans tout autre endroit également humide; au 
lieu que ce même grain, & d’autres beaucoup plus 
durs, qui ne feroient pas garantis par un tube, feroient 
digérés en beaucoup moins de temps. | 

Une chofe qui peut aider encore à l'aétion du 
géfier, c’eft que les oifeaux en tiennent la cavité 
remplie autant qu'il.eft pofible, & par-là mettent en 
jeu les quatre mufcles dont il eft compofé; à défaut 
de grains ils le leftent avec de Fherbe & même avec 
de petits cailloux, lefquels par leur dureté & leurs: 
inégalités, font des inftrumens propres à broyer les 
grains avec lefquels ils font continuellement froiffés ; 
je dis par leurs inégalités, car lorfqu'ils font polis, ils 
paflent fort vite, il n’y a que les raboteux qui reftent ; 
ils abondent d’autant plus dans le géfier qu'il s’y trouve 
moins d’alimens; & ils y féjournent beaucoup plus 
de temps qu'aucune autre matière digeftible ou non 
—. Ge 

Æt l’on ne fera point furpris que la membrane inté- 
rieure de cet eflomac foit affez forte pour réfifter à la 
réaction de tant de corps durs fur lefquels elle agit 
fans relâche, fi l’on fait attention que cette membrane 
eft en effet fort épaifle & d’une fubflance analogue à 
celle de la corne, d’ailleurs, ne fait-on pas que les 
morceaux de bois & les cuirs dont on fe fert pour 
frotter avec une poudre extrêmement dure, les corps 
auxquels on veut donner le poli, réfiftent fort long- 

vai on peut encore fuppofer que cette membrane 


104 HISTOIRE NATURELLE 


dure, fe répare de la même manière que Îa peau 
calleufe des mains de ceux qui travaiHlent à a des ouvrages 
de force. 
__ Au refle, quoique le petites pierres puiffent ç con- 
tribuer à la digeftion, il n’eft pas bien avéré queles 
‘oifeaux granivores aient une intention bien décidée en 
des avalant. Redi ayant renfermé deux chapons avec de 
d'eau & de ces petites pierres pour toute nourriture, 
ils burent beaucoup d’eau & moururent, l’un au bout 
_ de vingt jours, l’autre au bout de vingt-quatre, & 
+ous deux fans avoir avalé une feule pierre, M. Redi en 
trouva bien quelques-unes dans leur géfier; mais c’étoit 
de celles qu’ils avoient avalées précédemment /f). 
_ Les organes fervant à la refpiration, confiftent en 
“un poumon femblable à celui des animaux terreftres, 
_& dix cellules aëriennes, dont il y en a huit dans la 
poitrine , Qui communiquent immédiatement avec le 
poumon, & deux plus grandes dans Île bas-ventre qui 
communiquent avec les huit précédentes : lorfque dans 
l'infpiration le thorax eft dilaté, l'air entre par le larynx 
dans le poumon, pale du poumon dans les huit 
_ cellules aériennes fupérieures, qui attirent auf, en fe 
dilatant, celui des deux cellules du bas-ventre, & 
celles-ci s’affaiffent à proportion: lorfqu’au contraire 
le poumon & les cellules fupérieures s’affaiffant dans 
d'expiration, preffent air contenu dans leur cavité, 


(J) Redi, des Animaux vivans qui Je trouvent dans les. Animaux 


| #ivVanse 


Cet 


pu Coe | [os 
cet air fort en partie par le larynx, & repañle en partie 
des huit cellules de la poitrine dans les deux cellules 
du bas-ventre, lefquelles fe dilatent alors par une 
mécanique aflez analogue à celle d’un foufflet à deux 
ames: mais ce n’eft point ici le lieu de développer 
tous les reflorts de cette mécanique ; il fufira de 
remarquer que dans les oifeaux qui ne volent point, 
comme l’autruche, le cafoar; & dans ceux qui volent 
pefamment, tels que les gallinacés, la quatrième cellule 
de chaque côté eft plus petite /7. | 
Toutes ces différences d’organifation en éntrainent 
néceffairement beaucoup d’autres, fans parler des 
hanches membraneufes ébfervées dans quelques oi- 
feaux. M. Duverney à fait voir fur un coq vivant, 
que la voix, dans ces oifeaux, ne fe formoit pas 
vers le larynx, comme dans les quadrupèdes, mais 
au bas de la trachée- artère, vers la bifurcation (u), 
où M. Perrault a vu un larynx interne. Outre cela 
M. Hériffant a obfervé dans les principales bronches 
du poumon , des membranes fémi-lunaires pofées 
tran{verfalement les unes au-deflus des autres, de 
façon qu’elles n’occupent que la moitié de la cavité 
de ces bronches , laiffant à l'air un libre cours par 
l’autre demi- cavité ; & il a jugé, avec raifon, que ces 


(t) Mémoires pour fervir à l’'Hiftoire des Animaux, partie II, 
pages 142 à 1604. 
(u) Anciens Mémoires de l'Académie royale des Sciences, 
tome XT, page 7. 
Oifeaux, Tome IL rer 


106 FISTORREONNATERELLE. » 
membranes devoient concourir à la formation de la 
voix des oifeaux, mais moins effentiellement encore 
que la membrane de l'os de Îa lunette, laquelle 
termine une cavité aflez confidérable qui fe trouve 
au-deflus de la partie fupérieure & interne de la 
poitrine, & qui a auffi quelque communication avec 
les cellules aériennes fupérieures: cet Anatomifte dit 
s'être afluré, par des expériences réitérées, que lorf- 
que cette membrane eft percée, la voix fe perd auf; 
& que pour la faire entendre de nouveau, il faut 
boucher exactement l'ouverture de la membrane, & 
empêcher que l'air ne puifle fortir (x). 

D'après de fi grandes différences obfervées dans 
l'appareil des organes de la voix, ne paroitra-t-il pas 
fingulier que les oiïfeaux, avec leür langue cartila- 
gineufe & leurs lèvres de cornes, aient plus de facilité 
à imiter nos chants & même notre parole, que ceux 
d’entre les quadrupèdes qui reffemblent le plus 
l’homme ! tant il eft difficile de juger de l’ufage des 
parties par leur fimple ftruéture, & tant il eft vrai 
que la modification de la voix & des fons dépend 
prefqu’en entier de la fenfibilité de l’oute! 


Le tube inteftinal eft fort long dans les gallinacés, 
& furpafle environ cinq fois la Porigie de l'animal, 
prife de l'extrémité du bec jufqu’à l'anus; on y trouve 


(x) Mémoires de l'Académie royale des Sciences, année 1757, 
page 291 


Dh CIO 0. 107 
deux cæctum d'environ fix pouces, qui prenirènt naif- 
fance à l’endroit où le colon fe joint à l'iléon; le 
retum s'élargit à fon extrémité & forme un réceptacle 
commun , qu'on a appelé chague , où fe rendent 
féparément les excrémens folides & liquides, & d'où 
ils fortent à la fois fans être néanmoins entièrément 
mélés: és parties caractériftiques des fexes s’y trou- 
vent auffr; favoir, dans Îes poules la vulve ou l’orifice 
de l’oyiductus ; & dans les coqs les deux verges, c’eft- 
a-dire, les mamelons des deux vaiffeaux fpermatiques; 
la vulve eft placée, comme nous l’avons dit plus haut, 
au-deffus de l’anus, & par conféquent tout au rebours 
de cé qu'elle eft dans les quadrupèdes. 
= On favoit, dès le temps d’Ariftote, que tout 

oHeau mäle avoit des tefticules, & qu'ils étoient 
cachés dans l’intérieur du corps : on attribuoit même 
à cette fituation la véhémence de l’appétit du mâle 
“pour la femelle qui a, difoit-on, moins d’ardeur, 
parce que l'ovaire eft plus près du diaphragme, & par 
conféquent plus à portée d’être rafraichi par l’air de 
la refpiration /y): au refte, les tefticules ne font pas 
tellement propres au mâle, que l’on n’en trouve auffi 
dans la femelle de quelques efpèces d’oifeaux, comme 
dans fa canepetière & peut-être l’outarde /Z), Quel- 
quefois les mäles n’en ont qu’un, mais Le plus fouvent 

(y) Ariftot. d& Partibus Animalium, Ub. IV, cap. v 


3) Miftoire de l’Académie royale des Sciences, année 7 7S 01 
PAsE 441 
oi 1} 


108 AISTOIRE NATURELLE 

ils en ont deux; & il s’en faut beaucoup que fa 
profes de ces aa de glandes foit proportionnée 
à celle de Foifeau. L'aigle les a comme des pois, 
& un poulet de quatre mois les à déjà comme des 
olives; en général leur groffeur varie:non-feulement 
d’une efpèce à l’autre, mais encore dans la même 
efpèce, & n'eft jamais plus remarquable que dans le 
temps des amours. Au refte, quelque peu confidérable 
qu’en foit le volume, ils jouent un grand rôle dans 
l’économie animale, & cela fe voit clairement par les 
changemens qui arrivent à la fuite de leur extirpation. 
Cette opération fe fait communément aux poulets qui 
ont trois ou quatre mois; celui qui la fubit prend 
déformais plus de chair, & fa chair qui devient plus 
fucculente & plus délicate, donne aux Chimiftes des 
produits différens que ceux qu'elle eût donnés avant 
ta caftration a); il n’eft prefque plus liste à la mue, 
de même que le se qui eft dans le même cas ne 
quitte plus fon bois; il n’a plus le même chant, fa 
voix devient enrouée & il ne la fait entendre que 
rarement ; traité durement par les coqs, avec dédain 
par les poules, privé de tous les appétits qui ont 


(a) L'extrait tiré de fa chair du chapon dégraïffé, eft un peu 
_ moins du quatorzième du poids total; au lieu qu’il en fait un dixième 
dans le poulet, & un peu plus du feptième dans ie coq: de plus, 
l'extrait de 1 chair du coq eft très-fec, au lieu que celle du chapon 
eft difficile à fécher. Voyez Mémoires de l Académie royale des Sciences 
année 17320, PALe 2311 | 


Dim | L'D00. 109 
rapport à la reproduction, il eft non-feulément exclus 
de la fociété de fes femblables, il eft encore, pour 
ainfi dire, féparé de fon efpèce; c’eft un être ifolé, 
hors-d'œuvre, dont toutes les facultés fe replient fur 
lui-même & n'ont pour but que fa confervation 
individuelle ; manger , dormir &:.s’engraifler, voilà 
déformais fes principales fonctions & tout ce qu’on 
peut lui demander: cependant, avec un peu d’in- 
dufirie, on peut tirer parti de fa foiblefle même, & 
de fa docilité qui en eft la fuite, en lui donnant des 
habitudes utiles; celle, par exemple, de conduire & 
_ d'élever les jeunes poulets; il ne faut pour cela que le 
tenir pendant quelques jours dans une prifon obfcure, 
ne l'en tirant qu'a des heures réglées pour lui donner 
a manger, & l'accoutumant peu-a-peu à la vue & à 
la compagnie de quelques poulets un peu forts, il 
prendra bientôt ces poulets en amitié, & les conduira 
avec autant d'affection & d’affiduité que le feroit leur 
mère; il en conduira même plus que la mère, parce. 
qu'il en peut réchauffer fous fes ailes un plus grand 
nombre à la fois. La mère poule, débarraflée de ce. 
foin, fe remettra plutôt à pondre /6), & de cette 
manière les chapons, quoique voués à la flérilité . 
contribueront encore indirectement à la confervation: 
& à la multiplication de leur efpèce. 

Un fi grand changement dans les mœurs du cha- 

pon, produit par une caufe fi petite &.fi peu fufifante 

(b) Voyez Pratique de faire éclore Les œufs , &c. page 9 8. | 
O ii] 


110  ÂAISTOIRE NATURELLE 
en apparence, eft un fait d'autant plus remarquable * 
qu'il eft confirmé par un très-grand nombre d’expé- 
riences que les hommes ont tentées fur d’autres 
efpèces, & qu'ils ont of étendre Juique fur leurs 
femblables. | 

On a fait fur les poulets un eff beaucoup moins 
cruel, & qui n’eft peut-être pas moins intéreffant pour 
la Phyfique; c’eft après leur avoir emporté la crête /c), 
comme on fait ordinairement, d'y fubflituer un de 
leurs éperons naïflans, qui ne font encore que de 
petits boutons ; ces éperons, ainfi entés, prennent 
peu-à-peu racine dans Îles chairs, en tirent de Ia 
nourriture, & croiflent fouvent plus qu'ils n’euffent fait 
dans le lieu de leur origine: on en à vu qui avoient 
deux pouces & demi de longueur, & plus de trois 
lignes & demie de diamètre à la bafe; quelquefois 
en croiflant ils fe recourbent comme les cornes de 
bélier, d’autres fois ils fe renverfent comme celle des 
boucs /d4). 

C’eft une efpece de greffe animale dont le fuccès 

{c) Nota. La raifon qui femble avoir déterminé À couper la crête. 
aux poulets qu'on fait devenir chapons , C'eft qu'après cette opération: 
qui ne empêche pas de croître, elle cefle de fe tenir droite, elle 
devient pendante comme celle des poules, & fi on la laïfloit, elle 


les incommoderoit en leur couvrant un œil, 


{&) Voyez Anciens Mémoires de l’Académie royale des MUR AS 
tome XI, page 48, — Le Journal Économique, Murs 170614 


page 120, 


D LLC 0 D: 111 
a dû paroitre fort douteux Ja première fois qu’on la 
tentée, & dont il eft furprenant qu’on n’ait tiré, depuis 
qu'elle a réuff , aucune connoiflance pratique. En 
général, les expériences deftruétives font plus culti+ 
vées, fuivies plus vivement que celles qui tendent à 
la confervation, parce que l’homme aime mieux jouir 
& confommer, que faire du bien & s'inftruire. 

Les poulets ne naïffent point avec cette crête & 
ces membranes rougeatres qui les diftinguent des autres 
oifeaux, ce n'eft qu'un mois après leur naïiflance que 
ces parties commencent à fe développer; à deux mois 
les jeunes mâles chantent déjà comme les coqs, & fe 
battent les uns contre les autres; ils fentent qu'ils 
doivent fe haïr, quoique le fondement de leur haine 
n'exifle pas encore: ce n’eft guère qu’à cinq ou fix 
mois qu'ils commencent à racheté les poules, & 
que celles-ci commencent à pondre; dans les deux 
{exes, le terme de l’accroiffement complet eft à un an 
ou quinze mois; les jeunes poules ponderft plus, à ce 
qu'on dit, mais les vieilles couvent mieux; ce temps 
néceffaire à leur accroiflement indiqueroit que la durée 
de leur vie naturelle, ne devroit être que de fept ou 
huit ans, {1 dans les oifeaux cette durée fuivoit la même 
proportion que dans les animaux quadrupèdes, mais 
nousavons vu qu'elle eft beaucoup plus longue ; un coq 
peut vivre jufqu’à vingt ans dans l’état de domefticité, 
& peut-être trente dans celui de liberté: malheureufe- 


ment pour eux, nous n'avons nul intérêt de les laiflen 
éd 


ti4 [ISTOIRE NATOÜRELLE 
vivre long - temps: les poulets & les chapons qui font 
deftinés à paroître fur nos tables, ne pafflent jamais 
l’année, & la PIRE ne vivent ds ‘une faifon; les coqs 
& les poules qu’on emploie à la soit ptilanibn de 
l’efpèce, font épuifés affez promptement, & nous ne 
donnons le temps à aucun de parcourir la période 
entière de celui qui leur a été afligné par la Nature: 
en forte que ce n’eft que par des hafards finguliers 
que l’on a vu des coqs mourir de vieilleffe. 
Les poules peuvent fubfifter par - tout avec Ia pro- 
tection de l’homme; auffi fent-elles répandues dans 
tout Îc monde habité: les gens aifés en élèvent en 
Iflande, où elles pondent comme ailleurs fe), & les 
pays chauds en font pleins: mais la Perfe eft le climat 
primitif des coqs, felon le docteur Thomas Hyde (f); 
ces oifeaux y font en abondance & en grande confidé+ 
ration, fur-tout parmi certains Dervis qui les regardent 
comme. des horloges vivantes; & l’on fait qu'une 
horloge eft f'ame de toute communauté de Dervis. 
Dampier dit qu'il a vu & tué, dans les îles de 
Poulocondor, des coqs fauvages qui ne furpafloient 
pas nos corneilles en groffeur, & dont le chant, affez 
femblable : a Phi des cos de nos baffe- cours, étoit 


e) Ho Die de l’Iflande, tome I, page 199. 

(f) Hifloria Religionis veterum Perfarum, dc. pag. 163. Re- 
marquez cependant que Part d’enoraiffer les chapons a été porté 
d'Europe en Perfe par des nn chants Arméniens. LA Dee Tavernier, 
tome IT, page 24: 

# ni. 


DU Co «4 
feulerhènt plus aigu ); il ajoute ailleurs qu'iyena 
dans file Timor & à Sanjago , l'une des îles du Cap 
vert (A). Gemelli Careri rapporte qu'il en avoit 
aperçu dans les îles Philippines; & Merolla prétend 
qu’il y a des poules fauvages au royaume de Congo, 
qui font plus belles & de meilleur goût que les poules 
domeftiques, mais que les je dé eftiment peu ces 
fortes d’oifeaux. 

De leur climat naturel, quel qu’il in: ces oifeaux 
fe font répandus facilement dans le vieux continent, 
depuis la Chine jufqu’au Cap vert, & depuis l'Océan 
méridional jufqu'aux mers du Nord: ces migrations 
font fort anciennes & remontent au- delà de toute 
tradition hiflorique; mais leur établiffement dans le 
nouveau Monde, paroît être beaucoup plus récent. 
L’Hiftorien des Incas /i) aflure qu'il n’y en avoit 
point au Pérou avant la conquête, & même que les 
_ poules ont été plus de trente ans, fans pouvoir s’ac- 
coutumer à couver dans la vallée de Cufco. Corel 
dit pofitivement que les poules ont été apportées au 
Brefl par les Efpagnols , & que Îles Brafiliens les con- 
noifloient fi peu, qu'ils n’en mangeoient d’aucune 
forte, & qu'ils regardoient Îeurs œufs comme une 
‘efpèce de poifon : les habitans de l'ile de Saint- 


(g) Nouveau Voyage autour du monde, tome I, page 82. 
| tt) Dampier, Suite du Pose de la nouvelle nr tome V, 
pige 61. 
{i) Hifoire des Incas, tome If, page 229. 
O: F , Tome IL | d 9 


ti4 HISTOIRE NATURELLE 

Domingüe n’en avoient point non plus, felon le 
témoignage du P. Charlevoix: & Oviedo donne 
comme un fait avéré, qu'elles ont été tranfportées. 
d'Europe en Amérique: ik eft vrai qu'Acofta avance 
tout le contraire ; il foutient que les poules exiftoient 
au Pérou avant l'arrivée des Efpagnols, il en donne 
pour preuves, qu'elles s'appellent dans la langue du 
pays gualpa, & leurs œufs ponro; & de l'ancienneté 
du mot, il croit pouvoir conclure celle de la chofe, 
comme s’il n’étoit pas fort fimple de penfer que des. 
Sauvages voyant pour la première fois un oifeau 
étranger, auront fongé d’abord à le nommer, foit 
d’après fa refflemblance-avec quelque oifeau de leur 
pays, foit d’après quelqu’autre analogie; mais ce qui 
doit, ce me femble, faire préférer abfolument la pre- 
mière opinion, c’eft qu’elle eft conforme à la loi du 
elimat; cette loi, quoiqu’elle ne puifle avoir lieu en: 
général à l'égard des oifeaux, fur -tout à l'égard de 
ceux qui ont l'aile forte, & à qui toutes les contrées. 
font ouvertes, eft néanmoins fuivie néceffairement par 
ceux qui, comme là poule, étant pefans & ennemis de 
Veau , ne peuvent ni traverfer les. airs comme les 
oifeaux. qui ont le vol élevé, ni pañler les mers ou 
même les grands fleuves comme les quadrupèdes qui 
favent nager; & font par conféquent exclus pour Jamais. 
de tout pays féparé du leur: par de grands amas d’eau, 
à moins. que l’homme qui va par-tout ne s'avife de les. 
tranfporter avec lui: ainfr le eogq eft encore un animal 


PET C O0 0: as 
qui appartient en propre à l’ancien continent, & qu’il 
faut ajouter à la lifte que j'ai donnée de tous les ani- 
maux qui n’exifioient pas dans le nouveau Monde, 
lorfqu’on en a fait la découverte. | 

À mefure que les poules fe font éloignées de leur 
pays natal, qu’elles fe font accoutumées à un autre 
climat, à d’autres alimens, elles ont dû éprouver quel- 
_ qu’altération dans leur forme, ou plutôt dans celles de 
leurs parties qui en étotent le plus fufceptibles; & de-là 
fans doute ces variétés qui conflituent des différentes 
races dont je vais parler; variétés qui fe perpétuent 
conflamment dans chaque climat, foi par l'action 
continuée des mêmes caufes qui les ont produites 
d’abord, foit par l'attention que l’on a d’aflortir les 
individus deftinés à la propagation. % 
__… Il feroit bon de dreffer pour le coq, comme je lai 
fait pour le chien, une efpèce d'arbre généalogique 
de toutes fes races, dans lequel on verroit la fouche 
primitive & fes différentes branches, qui repréfente- 
æoient les divers ordres d’altérations & de changemens 
relatifs à fes différens états;. mais il faudroit avoir pour 
cela des mémoires plus exacts, plus détaillés que ceux 
que l’on trouve dans la plupart des relations: ainfi je 
me contenterai de donner ici mon opinion fur la poule 
de notre climat, & de rechercher fon origine après 
avoir fait le dénombrement des races étrangères qu 
ont été décrites par les Naturalifles, ou feulement 
indiquées par les Voyageurs. 


Pi 


+14 CS HISTOIRE NATURELLE 


”" Le cog commun, le coq de notre climat 

2.0 Le cog huppé, il ne diffère du coq commus 
que par une toufie de plumes qui s'élève fur fa tête. 
& il a ordinairement la crête plus petite; vraifemblable- 
ment parce que la nourriture , au lieu d’être portée 
toute à la crête, eft en partie employée à l’accroiffe- 
ment des plumes. Quelques Voyageurs aflurent que 
toutes les poules du Mexique font huppées: ces poules, 
comme toutes les autres de l'Amérique, y ont été tranf- 
“portées par les hommes, & viennent originairement de 
l'ancien continent. Au refte, la race des poules huppées 
eft celle que les Curieux ont le plus cultivée ; & 
comme il arrive à toutes les chofes qu’on regarde de’ 
très - près, ils. y ont remarqué un grand nombre de 
différences, fur-tout dans les couleurs du plumage, 

… d’après lefquelles ils ont formé une multitude de races. 
_ diverfes, qu’ils eftiment d’autant plus, que leurs cou- 
eurs font plus belles ou plus rares; telles que les 
dorées & les argentées; la blanche à huppe noire & 
la noire à huppe blanche; les agates & les chamois; 
les ardoifées ou périnettes; celles à écailles de poiflon 
& les herminées ; la poule veuve , qui a de petites 
larmes blanches femées fur un fond rembruni; la poule 
couleur de feu; la poule pierrée, dont le plumage 
fond blanc ef marqueté de noir ou de chamois, ou 
d'ardoife ou de doré, &c. mais ü doute fort que ces 
* Voyez les planches enluminées, n° 1 


* Jbidem, n° 49. 


n'a C 0:00: | 117 
différences foient affez conflantes & affez profondes 
pour conflituer des efpèces vraiment différentes , 
comme le prétendent quelques Curieux, qui aflurent 
que plufieurs des races ci- -deffus ne propagent point 
enfemble. 

3° Le coq fauvage de » L'Afe: c’eft fans doute celui 
qui approche le plus de la fouche originaire des 
coqs de ce climat; car, n'ayant jamais été gêné par 
l’homme, ni dans le choix de fa nourriture, ni dans 
_ fa manière de vivre, qu’eft-ce qui auroit pu altérer en 
lui la pureté de la première empreinte! il n’eft ni des 
plus grands, ni des plus petits de l’efpèce, mais fa 
taille eft moyenne entre les différentes races. Il fe 
trouve, comme nous l'avons dit ci-devant, en plu- 
fieurs contrées de l’'Afe, en Afrique & dans les îles: 
du Cap-vert: nous n’en avons pas de defcription affez: 
exacte pour pouvoir le comparer à notre coq. Je dois. 
recommander ici aux Voyageurs qui fe trouveront à 
portée de voir ces coqs & poules fauvages, de tâcher 
de favoir fi elles font des nids, & comment elles les. 
font. M. Lottinger, Médecin à Sarrebourg , qui a fait 
de nombreufes & très-bonnes obfervations fur les 
oifeaux, ma affuré que nos. poules, lorfqu’elles font 
en pleine liberté, font des nids, & qu "elles y mettent 
nant de foin que les perdrix. 

4. L’Acoho où cog dé Madagaftar: es rs de 
cette efpèce font très - petites , & cependant. leurs: 
_œufs font encore plus petits à proportion, puifau’elles. 
P iij 


118  AISTOIRE NATURELLE 
en peuvent couver jufqu'à trente à la fois /4), 

s” Poule naine de Java, de la groffeur d’un 
pigeon fl): il y a quelqu’apparence que la petite 
poule angloife pourroit bien être la même race que 
cette poule de Java, dont parlent les Voyageurs; car 
cette poule angloife eft encore plus petite que notre 
poule naine de France, n'étant en effet pas plus groffe 
qu’un pigeon de moyenne groffeur. On pourroit peut- 
être encore ajoutér à cette race la petite poule du 
sep que les Voyageurs difent n'être pas plus groffe 
qu'une tourterelle, & avoir les pres rogneux, mais 
le plumage très - beau. | 


6° Poule de l'iflhme de Darien , plus petite que Îa 
Soul commune : elle a un cercle de plumes autour 
des jambes , une queue fort épaifle qu'elle porte 
droite, & le bout des ailes noir; elle chante avant le 
jour (2 

"7. Poules de Camboge, tranfportées de ce royaume 
aux Phil ippines par les Éfpagnols: elles ont les pieds 
fi courts, que leurs ailes traïnent à terre; cette race 
reflemble beaucoup à celle de [a poule naine de 
France, ou peut-être à cette poule naine qu'on nourrit 
En nr ie: à caufe de fa A & qui marche 


fk) Hiftoire énale des Voyages , tome VIII, pages 0 
| & ag PC£ J 
— 606, 


(L) Col let. académique, partie étrangèré, tome ITT, page 452.) 
{m) Hifoire générale des Voyages, tome VIII, page 157: 


D U cé à 119. 


| toujours en fautant: au refle, ces poules font de la 
groffeur des poules ordinaires, & ne font naines que 
par les jambes qu’elles ont tréès-courtes. 

8. Le cog de Bantam a beaucoup de rapport avec 
le coq patu de France: il a de même les pieds” 
couverts de plumes, mais feulement en dehors; celles 
des jambes font très-longues & lui forment des 
efpèces de bottes qui defcendent beaucoup plus bas 
que le talon ; il eft courageux, & fe bat hardiment 
contre des coqs beaucoup plus forts que lui; il a 
l'iris des yeux rouge, On m'a affuré que la plupart des. 
races pattues n’ont point de huppe. Il y a une groffe 
race de poules pattues qui vient d'Angleterre, & une 
plus petite que l'on sppole le coq nain lim dé 
qui eft bien doré & à crête double. | 
__ Îl y en a encore uné race naine, qui ne furpaffe pas 
le pigeon commun en groffeur, & dont le plumage 
eft tantôt blanc, tantôt blanc & doré. On comprend 
aufli dans les poules pattues la poule de Siam, qui eft 
blanche & plus petite que nos poules communes. 

9 Les Hollandois parlent d’une autre éfpèce de 
coqs propre à l'ile de Java, où on ne les élève guère 
que pour la joute, ils l’appellent &r-poule d'Inde: 
Selon Willulghby, il porte fa queue à peu près comme 
le dindon. C’eft fans doute à cette race que l’on doit 
rapporter celle de ces poules fingulières de Java, dont 
parle Mandeïlo: /z}, lefquelles tiennent de la poule: 

fn) Hiftoire générale des Voyages, tome II, page 35 0. 


420 HISTOIRE NATURELLE 

ordinaire & de la poule d'Inde, & qui fe battent entré 
elles à outrance comme les coqs. Le fieur Fournier 
m'a afluré que cette efpèce a été vivante à Paris /o); elle 
n’a, felon lui, ni crête nt cravate; la tête eft unie 
comme celle du faifan; cette poule eft très - haute fur 
fes jambes ; fa queue eft longue & pointue, les plumes 
étant d’inégale longueur; & en général la couleur des 
plumes ft rembrunie comme salle des plumes du 
vautour. | | Heat 

‘ro Le coq P'Angren ne furpaffe pas le cbt pain 
en groffeur , mais il eft beaucoup plus haut monté 
que notre coq commun, & c’eft la principale chofe 
qui l'en diftingue : on peut donc rapporter à cette 
race le xolo, efpèce de coq des Philippines, qui a 
de très - longues jambes /p). Au refte, le coq d’An- 
gleterre eft fupérieur à celui de France pour le com- 
bat ; il a plutôt une aigrette qu'une huppe; fon cou 
_& fon bec font plus dégagés, & il a au- -deflus des 
narines deux tubercules de ché. rouges comme fa 
crête. 


"Le cog: & dau n *eft remarquable que par 
fon Li plumage. 


(eo) M. Fournier eft un Curieux, qui a élevé pendant plufieuts 
années pour lui-même, pour $. A. S. M. le comte de Clermont, 
& pour plulieurs Sue, des poules & des ee. de toutes 
efpèces. 


(p) Germelli Careri, tome V, page 272. | 
| | 12, Le . 


D U c O0 @. | 127 
12. ° Le cog de Hambourg (4), appelé auffi culotre de 


velours, parce qu'il a les cuiffes & le ventre d’un noir 
velouté : fa démarche eft grave & majeflueufe ; fon 
bec très-pointu; l'iris de fes yeux jaune, & fes yeux 
même font entourés d’un cercle de plumes brunes, 
d’où part une touffe de plumes noires qui couvrent 
les oreilles, il y a des plumes à peu près femblables 
derrière la crête & au-deflous des barbes , & des 
taches noires, rondes & larges fur la poitrine; les” 
jambes & les pieds font de couleur de pomse excepté 
la pros des pieds qui eft jaunâtre. 


13. Le cog frifé dont les plumes fe renverfent 
en dehors: on en trouve à Java, au Japon, & dans 
toute l’Afie méridionale : fans doute que ce coq 
appartient plus particulièrement aux pays chauds; car 
les pouflins de cette race font extrêmement fenfibles 
au froid, &.n’y réfiflent guère dans notre climat. 
Le fieur Fournier m'a afluré que leur plumage prend 
toutes fortes de couleurs; & qu’on en voit de blancs, 
de noirs, d’argentés, de dorés, d’ardoifés, &c. 
has La poule à duvet du Japon *; fes plumes font 
blanches, & les barbes des plumes font détachées & 
reflemblent affez à du poil; fes pieds ont des plumes 
‘en dehors jufqu’à l’ongle du doigt extérieur: cette race 


F (q F. Coû de Hambourg. Albin » tome TITI, page 12, avec ume 
figure. | | # 
* Voyez les planches mule | n. 98: | | 


Oïfeaux, Zome HA 107 


322  HISTOPRE NATURELLE 
fe trouve au Japon, à la Chine, & dans quelques aütres 
contrées de l’Afie. Pour la propager dans toute fa pureté, 
il faut que le père & la mère foient tous deux à duvet. 
15. Le cog nègre a la crête, les barbes, l’épiderme 
& le périofte abfolument noirs: fes plumes le font 
auf le plus fouvent, mais quelquefois elles font 
blanches. On en trouve aux Philippines, à Java, à 
Delhi, à Sanjago, l’une des iles du Cap-vert. Becman 
prétend que la plupart des oifeaux de cette dernière 
ile ont les os auffi noirs que du jais, & la peau de la 
couleur de celle des Nègres /r): fi ce fait eft vrai, on 
ne peut guère attribuér cette teinture noire qu'aux 
alimens que les oifeaux trouvent dans cette île. On 
connoît les effets de la garencé, des caille-lait, des 
oraterons, &c. & l’on fait qu’en Angleterre on rend 
blanche là chair des veaux en les nourriffant de fari- 
neux & autres alimens doux, mêlés avec une certaine 
terre ou craie que l’on trouve dans la province de 
Bedfort /f). Il feroit donc curieux d’obferver à San- 
jago, parmi les différentes fubftances dont les oifeaux 
s’y nourriflent, quelle eft celle qui teint leur périofte 
en noir: au refle, cette poule nègré eft connue eh 
France & pourroit s’y propager; mais comme Ja chair, 
lorfqu’elle eft cuite, eft noire & dégoûtante, il eft 
probable qu'on ne cherchera pas à multiplier cette 


(? Dampier, tome LIL, page 27. à 4 
({) Journal Économique, mai 1954 ete 


; Di CET QC: 123 
. race: lorfqu’elle fe mêle avec les autres, il en réfulte 
des métis de différentes couleurs, mais qui confervent 
ordinairement la crête & Îles cravates ou barbes noires, 
& qui ont même la membrane qui forme l’oreillon, 
teinte de bleu noirâtre à l'extérieur. 


16.” Le coq fans croupion où coq de Perfe de qéélques 
Auteurs: la plupart des poulets & des coqs de Virginie 


___ h'ont point de croupion; & cependant ils font certai- 


nement de race angloife. Les habitans de cette colonie, 
_aflurent que lorfqu’on y tranfporte de ces oifeaux, ils 
perdent bientôt leur croupion /4). Si cela eft ainfr, il 
faudroit les appeler cogs de Virginie & non de Perfe, 
 d’autant plus que les Anciens ne les ont point connus, 
& que les Naturaliftes n’ont commencé à en parler 
- qu'après la découverte de Amérique. Nous avons dit 
que les chiens d'Europe à oreilles pendantes, perdent 
leur voix & prennent des oreilles droites lorfqu'on les 
tranfporte dans le climat du tropique; cette fingulière 
altération produite par l’influence du climat , n'ef 
_ cependant pas auffi grande que la perte du croupion 
& de la queue dans l’efpèce du coq: mais ce qui 
nous paroit être une bien plus grande fingularité, c’eft 
que dans le chien, comme dans le coq, qui de tous 
les animaux de deux ordres très-différens, font le 
p'us domeftiques, “AE raté, le du dénaturés par 


4 t) Tranfadtions Philofophiques nm" 206, année 16933 
PS D At 
Q: 18 


…24 HISFOIRE NATURELLE 
l’homme , il fe trouve également une race de chiens 
| fans queue, comme une race de coqs fans croupion. 
On me montra, 4 y a plufieurs années, un de ces 
_ chiens né fans queue; je crus alors que ce n’étoit 
qu'un individu vicié, un monfire, & c’eft pour cela 
que je n’en fis aucune mention dans f'hiftoire du 
chien: ce n’eft que depuis ce temps que j'ai revu ces 
_ chiens fans queue, & que je me fuis afluré qu'ils 
forment une race conftante & particulière comme 
celle des cogs fans croupion. Cette race de coqs a le 
bec & les pieds bleus; une crête fimple ou double; 
& point de huppe: le plumage eft de toutes couleurs; 
& le fieur Fournier m'a afluré que lorfqu’elle fe mêle 
avec la race ordinaire, il en provient des métis qui 
n’ont qu'un demi-croupion, & fix phumes à la queue 
au lieu de douze : cela peut être, mais j'ai de la peine 
à le croire. R 

17 La poule à cing doigts ef, commé nous avons 
dit, une forte exception à la méthode dont les prin= 
cipaux caractères fe prennent du nombre des doigts: 
celle-ci en a cinq à chaque pied, trois en avant & 
deux en arrière; & il y a même quelques individus 
dans cette race qui ont fix doigts. 

| 18 Les à de Sanfevare : ce font celles se 
donnent ces œufs qui fe vendent en Perfe trois ou 
quatre écus la pièce, & que les Perfans s’amufent à 
choquer les uns contre les autres par manière de jeu : 
dans le même pays, il y a des coqs beaucoup plus 


Os C.d:0: 8 129 
beaux & plus grands, & qui coûtent jufqu’à trois cents 
livres ré ut | 

19. Le to de Caux où & P ie fon attribut 
diftin@if eft la groffeur, il a fouvent la crête double 
en forme de couronne, & une efpèce de huppe qui 
eft plus marquée dans les poules; leur voix eft beau- 
coup plus forte, plus grave & plus rauque, &' leur 
poids va jufqu'à huit à dix livres: on peut rapporter 
à cette belle race les grands coqs de Rhodes, de 
Perfe /x), du Pégu ( y), ces groffes poules de Bahia 
qui ne commencent à fe couvrir. de plumes que lorf- 
qu’elles ont atteint la moitié de leur groffeur (z/: on 
fait que les pouflins de Caux prennent leurs plumes 
plus tard que les pouffins ordinaires. ; 

Au refte, il faut remarquer qu'un grand nombre 
d’oifeaux dont parlent les Voyageurs fous le nom de 
coqs ou de poules, font de toute autre efpèce; telles 
font les poules patourdes où palourdes qui fe trouvent 
au Grand -banc, & font très - friandes de foie de 
morue /4); le coq & la poule noire de Mofcovie: 
qui font coqs & poules de bruyère; la poule rouge 


{u) Voyage de Tavernier, tome IT, pagts 43 à7 44. 
{x} Chardin, tome IT, page 24. | 


{y) Recueil des Voyages qui ont fervi à létabliffement de k 
Compagnie des Indes, tome ITI, page 717. 


'É ) Nouveau Voyage de Dampier, tome IT], page 6 8 
(a) Recueil des Voyages du Nord, tome III, page 15. 


Q ii] 


"4860 HISTOIRE NANDDMRELLE 

du Pérou qui a beaucoup de rapport avec les faifans: 
cette grofle poule à huppe, de la nouvelle Guinée, 
dont le plumage eft bleu-célefte, qui a le bec de 
pigeon, les pieds de poule commune, qui niche fur 
les arbres / 4), & qui eft probablement le faifan de 
Banda ; la poule de Damiète qui a le bec & les pieds 
rouges, une petite marque fur {a tête de la même 
couleur, & le plumage d’un bleu-violet, ce qui pourroit 
fe rapporter à la grande poule d’eau; la poule du Delta 
dont Thévenot vante les belles couleurs, mais qui 
diffère des gallinacés, non-feulement par la forme du 
bec & de la queue, mais encore par les habitudes 
naturelles, puifqu'elle fe plait dans les marécages ; la 
poule de Pharaon, que le même Thévenot dit ne le 
point céder à la célinotte; les poules de Corée qui 
ont une queue de trois pieds de longueur, &c. 

Dans ce grand nombre de races différentes que 
nous préfente l’efpèce du coq, comment pourrons- 
nous démêéler quelle en eft la fouche primitive! tant 
de circonftances ont influé fur ces variétés, tant de 
hafards ont concouru pour les produire ! les foins & 
même les caprices de l’homme les ont fi fort multi- 
pliés, qu'il paroïît bien difficile de remonter à leur 
première origine, & de reconnoiïtre dans nos baffe- 
. cours la poule de la Nature, ni même la poule de 
notre climat: les coqs fauvages qui fe trouvent dans 
les pays chauds de PAfie, pourront être regardés 

{b) Hifioire générale des Voyages tome ÀT, page 2326, 


DU CO bp Ter Tr 7 
comme la tige primordiale de tous Les cogs de ces 
contrées : mais comme il n'exifle dans nos pays tem- 
pérés aucun oifeau fauvage qui reflemble parfaitement 
à nos poules domeftiques; on ne fait à laquelle des 
races ou des variétés l’on doit donner la primauté, 
car en fuppofant que Île faifan, le coq de bruyère ou 
Ja gélinotte, qui font les feuls oifeaux fauvages de ce 
pays qu’on puifle rapprocher de nos poules par Ia 
comparaifon, en foient les races primitives; & en 
fuppôfant encore que ces oifeaux peuvent produire 
avec nos poules, des métis féconds, ce qui n’eft pas 
bien avéré , ils feront alors de la même efpèce; mais 
les races fe feront très - anciennement féparées & 
toujours maintenues par elles-mêmes, fans chercher 
à fe réunir avec les races domeftiques dont elles 
diffèrent par des caractères conftans; tels que le défaut 
de crêtes, de membranes pendantes dans les deux 
fexes & d’éperons dans Îes males; & par conféquent 
ces races fauvages ne font repréfentéés par aucune de 
nos races domeftiques, qui, quoique très -variées & 
très - différentes éntr’elles à beaucoup d’égards, ont 
toutes néanmoins ces crêtés, ces membranes & ces 
éperons qui PAR QUE aux faifans, à la gélinotte & au 
coq de bruyère; d’où l'on doit paire qu il fut 
regarder le faifan, le coq de Diese & la gélinotte 
comme des éfpèces voifines, & néanmoins différentes 
de” celle de a poule, jufqu’? à ce qu’on fe foit bien 
affüré, par des expériences réitérées, que ces Oifeaux 


58 (HISTOTRENNATURELLE 
| fauvages peuvent produire avec nos poules domeftiques ; 
non -feulement des mulets flériles, mais des métis 
Æéconds; car, c’eft à cet effet qu’eft attachée l’idée 
de l'identité d’efpèce : les races fingulières, telles que 
la poule naine, la poule frifée, la poule nègre, la 
poule fans croupion, viennent toutes originairement 
des pays étrangers; & quoiqu'elles fe mêlent & pro- 
duifent avec nos poules communes, elles ne font ni 
de la même race, ni du même climat; en féparant 
donc notre poule commune de toutes les efpèces 
fauvages qui peuvent fe mêler avec elle, telles que la 
gélinote, le coq de bruyère, le faifan, &e. en la 
féparant auffi de toutes les poules étrangères avee 
lefquelles elle fe mêle & produit des individus féconds : 
nous diminuerons de beaucoup le nombre de fes 
variétés, & nous n'y trouverons plus que des diffé- 
rences aflez légères, les unes pour. la grandeur du 
corps: les poules de Caux font prefque doubles, pour 
la groffeur, de nos poules ordinaires , les autres pour 
la hauteur des jambes: le coq d'Angleterre, quoique 
parfaitement reffemblant à celui de France, a les jambes 
& les pieds bien plus longs; d’autres pour la longueur 
des plumes, comme le coq huppé, qui ne diffère du 
coq commun, que par la hauteur des plumes du fommet 
de la tête; d’autres par le nombre des doigts, telles 
que. les poules & coqs à cinq. doigts: d’autres. enfin 
ar la beauté & la fingularité des couleurs, comme fa 

poule de Turquie & celle de Hambourg. Or, de ces 
fix 


DU: CON. 129 
fix variétés auxquelles nous pouvons réduire Îa race 
de nos. poules communes; trois appartiennent, comme 
l'on voit, à l'influence du climat de Hambourg, de 
Ja Turquie & de lAngleterre, & peut-être encore fa 


quatrième & la cinquième ; car la poule de Caux 


vient vraifemblablement d'Italie, puifqu’on l'appelle 
aufli poule de Padoue ; & la poule à cinq doigts étoit 
connue en Italie dès le temps de Columelle: ainfi ül 
ne nous reftera que le coq commun & le coq huppé, 
qu’on doive regarder comme les races naturelles de 
notre pays: mais dans ces deux races, Îes poules & 


les coqs font également de toutes couleurs; le caractère 


conftant de Ja huppe paroïit indiquer une efpèce per- 
feétionnée, c’eft-a-dire plus foignée & mieux nourrie: 
& par conféquent la race commune du coq & de la 
poule fans huppe, doit être la vraie tige de nos poules; 
& fi l’on veut chercher dans cette race commune 


quelle eft la couleur qu’on peut attribuer à [a race. 
primitive, il paroït que c’eft la poule blanche; car, 


en fuppofant les poules originairement blanches, elles 
auront varié du blanc au noir, & pris fucceffivement 
toutes Îes couleurs intermédiaires: un rapport très- 


éloigné, & que perfonne n’a faifi, vient directement à 


l'appui de cette fuppoñtion , & femble indiquer que la 
poule blanche eft en effet la première de fon efpèce, 
& que c’eft d'elle que toutes les autres races font iflues ; 


ce rappoft confifte dans la refflemblance qui fe trouve 


aflez généralement entre la couleur des œufs & celle 
Oifeaux, Tome I R 


Li 


130  ÂAISTOIRE NATURELLE 

du ‘plumage; les œufs du corbeau font d’un vert-brun 
taché de noir; ceux de Îa crefferelle font rouges; ceux 
du cafoar font d’un vert- noir; ceux de la corneille 
noire font d’un brun plus obfcur encore que ceux du 
corbeau; ceux du pic-varié, font de même variés & 
tachetés, la pie-grièche grife a fes œufs tachés de gris, 
& la pie-grièche rouge les a tachés de rouge; le cra- 
paud-volant Îes a marbrés de taches bleuätres & brunes, 
fur un fond nuageux blanchätre: l’œuf du moineau eft 
cendré, tout couvert de taches brunes-marron, fur un 
fond gris; ceux du merle font bleu-noirâtres; ceux de 
la poule de bruyère font blanchâtres, marquetés de 
jaune; ceux des peintades font marqués comme leurs 
plumes, de taches blanches & rondes, &c. en forte 
qu'il paroït y avoir un rapport aflez conftant entre la 
couleur du plumage des oifeaux & la couleur de leurs 
œufs; feulement on voit que les teintes en font beau- 
coup plus foibles fur les œufs, & que le blanc domine 
dans plufieurs, parce que dans Îe plumage de plufieurs: 
oifeaux, il y a auffi plus de blanc que de toute autre 
couleur, fur-tout dans les femelles dont les couleurs 
font toujours moins fortes que celles du mâle: or nos 
poules blanches , noires, grifes, fauves & de couleurs : 
mêlées, produifent toutes des œufs parfaitement blancs: 
donc, fi toutes ces poules étoient demeurées dans. 
leur état de nature, elles feroient blanches ou du moins: 
auroient dans leur plumage beaoup plus de blanc que” 
de toute autre couleur ; les influences de la domeflicité: 


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qui ont changé la couleur de peur plumés, n'ont ss 
aflez pénétré pour altérer celle de leurs œufs: ce 

changement de la couleur des plumes n’eft qu’un effet 
fuperficiel & accidentel, qui ne fe trouve que dans 
les pigeons, les poules & Îles autres oifeaux de nos 
baffe-cours; car tous ceux qui font libres & dans l’état 
de nature, confervent leurs couleurs, fans altération 
& fans autres variétés que celles de l’âge, du fexe ou 
du climat qui font toujours plus brnfèués ;: moins nuan- 
cées, plus aifées à reconnoître, & beaucoup moins 
nombreufes que celles de la domefticité, 


132 FA ST RR TU RER 


* LE PS RP ON (D. 


Planche 111 de ce volume. 


S: le Coq PEER cft l’oifeau le plus. utile à fa 
bafle-cour ; le Dindon domeftique eft le plus remar- 
quable, foit par la grandeur de fa taille, foit par fa 
forme de fa tête, foit par certaines habitudes naturelles 
qui ne lui font communes qu'avec un petit nombre 
d’autres efpèces; fa tête qui eft fort petite à proportion 
du corps, manque de la parure ordinaire aux oifeaux; 
car elle eft prefqu’entièrement dénuée de plumes, & 
feulement recouverte, ainfi qu'une partie du cou, d’une 
peau bleuätre, chargée de mamelons rouges dans la 
partie antérieure du cou, & de mamclons blanchâtres 
fur la partie poftérieure de la tête, avec quelques petits 
poils noirs, clair-femés entre les mamelons, & de 


* Woyez les planches enluminées, n° 97, le mâle. 

(a) Nota. Comme cet oifeau n’eft connu que depuis la décou- 
verte de l’A mérique, il n’a de nom ni en Grec ni en Latin. Les 
ÆEfpagnois lui donnèrent le nom de Pavon de las Indias, c’elt-à-dire, 
Paon des Tndes occidentales ; & ce nom ne lui étoit pas mal appliqué 
d’abord, parce qu'il étend fa queue comme le paon, & qu'il n’y 
avoit point de paons en Amérique. Les Catalans l'ont nommé Zadior, 
Gall- d'Indi ; les Italiens, Gallo - d’India ; les Allemands, Zadianifch 
Han ; les Polonois , Indiyk ; les Suédois, Kalkon ; les Anglois, 
Turkey, — Gallo “Pays , five gallus Indicus. Frifch , Dieu enluminée ; 
CXAIT, 


D'ASILE M Di WELL Et) 
petites plumes plus rares au haut du cou, & qui 
deviennent plus fréquentes dans Ja partie inférieure, 
chofe qui n’avoit pas été remarquée par les Naturaliftes : 
de la bafe du bec defcend fur le cou jufqu’à environ 
le tiers de fa longueur, une efpèce de barbillon charnu, 
rouge & flottant qui paroît fimple aux yeux, quoiqu'il 
foit en effet compofé d’une double membrane, ainfi 
qu’il eft facile de s’en aflurer en le touchant; fur la 
bafe du bec fupérieur s’élève une caroncule charnue, 
de forme conique, & fillonnée par des rides tranfver- 
fales affez profondes: cette caroncule n’a guère plus 
d’un pouce de hauteur dans fon état de contra&ion 

1 de repos, c’eft-à-dire, lorfque le dindon ne 
AIS autour de lui que les objets auxquels il ef 
accoutumé, & n'éprouvant aucune agitation intérieure, 
fe promène tranquillement en prenant fa pâture ; mais 
fi quelque objet étranger fe préfente inopinément, fur- 
tout dans la faifon des amours; cet oifeau qui n’a rien 
dans fon port ordinaire que d’humble & de fimple, fe 
rengorge tout-a-coup avec fierté; fa tête & fon cou 
fe gonflent, la caroncule conique fe déploie, s’alonge 
& defcend deux ou trois pouces plus bas que le bec, 
qu’elle recouvre entièrement ; toutes ces parties char- 
nues fe colorent d’un rouge plus vif; en même temps 
les plumes du cou & du dos fe hériffent, & la queue 
fe relève en éventail, tandis que les ailes s’abaiffent 
en fe déployant jufqu'à trainer par terre: dans cette 


attitude , tantôt il va piafant autour de fa femelle, 
KR iij 


134 HISTOIRE NATURELLE 
accompagnant fon action d’un bruit fourd que produit 
l'air de la poitrine s’échappant par le bec, & qui ef 
fuivi d’un long bourdonnement; tantôt il quitte fa 
femelle comme pour menacer ceux qui viennent le 
troubler ; dans ces deux cas fa démarche eft grave, & 
s'accélère feulement dans le moment où il fait en- 
tendre ce bruit fourd dont j'ai parlé : de temps en 
temps il interrompt cette manœuvre pour Jeter un 
autre cri plus perçant, que tout le monde connoiît, & 
qu’on peut lui faire répéter tant que l’on veut, foit en 
fiflant, foit en lui faifant entendre des fons aigus 
quelconques ; il recommence enfuite à faire la roue 
qui , fuivant qu'elle s’adrefle à fa femelle ou aux 
objets qui lui font ombrage, exprime tantôt fon amour 
& tantôt fa colère; & ces efpèces d'accès feront 
beaucoup plus violens fi on paroît devant lui avec un 
habit rouge; c’eft alors qu'il s’irrite & devient furieux; 
il s’élance, il attaque à coups de bec, & fait tous fes 
efforts pour éloigner un objet dont la préfence femble 
lui être infupportable. 

Il eft remarquable & trèés-fingulier que cette caron- 
cule conique qui s’alonge & fe relâche lorfque lPani- 

mal eft agité d’une pañlion vive, fe relâche de même 
aprés fa mort. 

Il y a des dindons blancs, d'anres variés de noir 
& de blanc, d’autres de blanc & d’un jaune-roufsitre, 
& d’autres d'un gris uniforme, qui font les plus rares 
de tous; mais le plus grand nombre a le plumage 


DU SLR I NSD\O NET: 13$ 
tirant fur le noir, avec un peu de blanc à l'extrémité 
des plumes; celles qui couvrent le dos & le deflus des 
ailes font carrées par le bout; & parmi celles du crou- 
_ pion, & même de la poitrine, il y en a quelques-unes 
de couleurs changeantes, & qui ont différens reflets, 
felon les différentes incidences de la lumière; & plus 
ils vicilliffent, plus leurs couleurs paroiffent être chan- 
geantes & avoir des reflets différens. Bien des gens 
croient que les dindons blancs font les plus robuftes; 
& c’eft par cette raifon que dans quelques provinces 
on les élève de préférence : on en voit de nombreux 
troupeaux dans le Pertois en Champagne. 

Les Naturaliftes ont compté vingt-huit pennes ou 
grandes plumes à chaque aile, & dix-huit à la queue: 
mais un caraétère bien plus frappant, & qui empêchera 
à jamais de confondre cette efpèce avec aucune autre 
efpèce actuellement connue, c’eft un bouquet de crins 
durs & noirs, long de cinq à fix pouces, lequel, dans 
nos climats tempérés, fort de la partie inférieure du 
cou au dindon male adulte dans la feconde année, 
quelquefois même dés la fin de la première; & avant 
que ce bouquet paroiffe, l'endroit d’où il doit fortir 
eft marqué par un tubercule charnu. M. Linnæus dit 
que ces crins ne commencent à paroître qu à la troi- 
fième année, dans les dindons qu’on élève en Suède: 
fi ce fait eft bien avéré, il s’enfuivroit que cette efpèce 
de produétion fe feroit d’autant plus tard, que Îa 
température du pays eft plus rigoureufe; & à la vérité, 


136 HISTOIRE NATURELLE 


l’un des principaux effets du froid eft de ralentir toute 
forte de. développemens. C'’eft cette touffe de crins 
qui a valu au dindon le titre de barbu //pedore bar- 
bato (b), expreffion impropre à tous égards, puifque ce 
n’eft pas de la poitrine, mais de Îa partie inférieure du 
cou que ces crins prennent naiflance, & que d’ ailleurs 
ce n'eft pas affez d’avoir des crins où ds poils pour” 
avoir une barbe, il faut encore qu'ils foient autour 
du menton ou de ce qui en tient lieu, comme dans le 
vautour barbu d’Edwards, planche Cv. | 

On fe feroit une faufle idée de la queue du coq. 
d'Inde, fi l’on s’imaginoit que toutes les plumes dont 
elle eft formée fuflent fufceptibles de fe relever en 
éventail: à proprement parler, le dindon a deux queues, 
l’une fupérieure & l’autre inférieure ; fa première eft 
compofée de dix-huit grandes plumes implantées 
autour du croupion, & que l'animal relève lorfqu'il 
piafle ; la feconde ou l'inférieure confifte en d’autres 
plumes moins grandes, & refte toujours dans la fitua- 
tion horizontale: c’eit encore un attribut propre au 
mâle, d’avoir un éperon à chaque pied; ces éperons 
font plus ou moins longs, mais ils font toujours 
beaucoup plus courts & plus mous que dans le coq. 
ordinaire. 

_ La poule d'Inde diffère du coq, non- feulement en 
ce qu’elle n’a pas d’éperons aux pieds, ni de bouquet. 
de crins dans la partie inférieure du cou, en ce que. 


(Ra: Lion, Faun. Juscica, 7 Syflema nat. edit, x 
caroncule 


: Dal: -L'AI N:B ON: 137 
Ja caroncule conique du bec fupérieur eft plus courte 
& incapable de s’alonger ; que cette caroncule, le 
barbillon de deffous le bec & la chair glanduleufe qui 
recouvre la tête, font d’un rouge plus pale; mais elle 
en diffère encore par les attributs propres au fexe le 
plus foible dans la plupart des efpèces; elle eft plus 
petite, elle a moins de caractère dans la phyfionomie, 
moins de reffort à l’intérieur, moins d’action au dehors, 
fon cri n’eft qu'un accent plaintif, elle n’a de mouve- 
ment que pour chercher fa nourriture ou pour fuir le 
danger ; enfin la faculté de faire la roue lui a été refufée, 
ce n’eft pas qu’elle n’ait la queue double comme le 
male; mais elle manque apparemment des mufcles rele- 
veurs, propres à redreffer les plus grandes plumes dont 
la queue fupérieure eft compofée. 

Dans le mâle, comme dans la femelle, les orifices 
des narines font dans le bec fupérieur; & ceux des 
_ oreilles font en arrière des yeux, fort couverts & 
comme ombragés par une multitude de petites plumes: 
décompofées qui ont différentes directions. 

On comprend bien que le meilleur mäle fera celui qui 
aura plus de force, plus de vivacité, plus d’énergie 
dans toute fon action: on pourra lui donner cinq ou 
fix poules d’Inde; s’il y a plufieurs mâles ils fe battront, 
mais non pas avec l’acharnement des coqs ordinaires: 
ceux - ci ayant plus d’ardeur pour leurs femelles font 
auffi plus animés contre leursrivaux, & la guerre qu’ils 
fe font entr’eux eft ordinairement yn combat : à outrance : 

Oifeaux, Tome II. | “. 


138 HMISTOYIRE NATURELLE 

on en à vu même attaquer des coqs d'Inde deux fois 
plus gros qu'eux, & les mettre à mort; les fujets 
de guerre ne manquent pas entre les. coqs des deux 
efpèces: fr comme le dit Sperling, le coq d'Inde privé 
de fes femelles, s’adreffe aux poules ordinaires: & 
que Îles poules d'Inde dans fl’abfence de leur mâle 
s'offrent au coq ordinaire, & le foilicitent même affez 
vivement fc). 


La guerre que les coqs d’Inde fe font entr'eux eft 
beaucoup: moins: violente; le vaincu ne cède pas tou- 
jours le champ de bataille , quelquefois. même il eft 
préféré par les femelles: on a remarqué qu'un dindon 
blanc ayant été battu par un dindon noir, prefque tous 
les dindonneaux de la couvée furent blancs: 


L’ accouplement des dindons fe fait à peu près de 
Ja même manière que celui des cogs, mais il dure 
plus long-temps : & c’eft peut-être par cette raifon 
qu'il faut moins de femelles au mäle, & qu'il s’ufe 
beaucoup plus vite: j'ai dit plus haut, fur la foi de 
Sperling, qu'il fe méloit quelquefois avec les poules 
ordinaires; le même Auteur prétend que quand il eft 
privé de fes femelles il s ’accouple auf, non -feule- 
ment avec la femelle du paon (ce qui peut être ), 


mais encore avec les eanes { ce qui me paroïit moins 
yraifemblable ). 


La poule d’Inden 'eft pas aufli Hood que la à 


{c) Zoologia Phyfca ; pag. 207: 


DE JD IN D6 W .., Dÿd 
ordinaire, il faut lui donner de temps en temps du 
ghenevis, de d'avoine , du farrafin pour f'exciter à 
pondre; & avec cela, elle ne fait guère qu'une feule 
ponte par an, d'environ quinze œufs; lorfqu’elle en 
fait deux, ce qui eft très-rare, elle commence la 
première fur la fin de l’hiver; & la feconde dans, le 
mois d'août : ces œufs font blancs avec quelques 
petites taches d’un jauie rougeûtre; & du refte, ils 
font organifés à peu près comme ceux de Ja poule 
ordinaire : Ja poule d'Inde couve auffi les œufs. de 
toutes fortes d’oifeaux, on-juge qu'elle demande à 
couver, lorfqu’après avoir fait fa ponte elle refte dans 
le nid; peur que ce nid fui plaife, il faut qu'il foit 
en lieu fec, a une bonne expolition fefon {a faifon, & 
point trop en vue; car fon infhnét la porte ordinaire- 
ment à fe cacher avec grand foin lorfqu’elle couve. 

Ce font les poules de: l’année précédente, qui 
d'ordinaire ‘font! les meilleures couveufes ; elles fe 
dévouent à cette occupation avec tant d'ardeur & 
d'afiduité, qu'elles mourroient d’inanition fur leurs 
œufs, {1 l’on n’avoit le foin de les lever-une fois: tous 
les jours pour leur donner à.boire & à manger, cette 
paññon de couver eft {1 forte & fi durable, qu’elles 
font quelquefois deux couvées de fuite & fans aucune 
interruption; mais dans ce cas, il-faut les foutenir par 
une meilleure nourriture: le male a un infinét bien 
contraire; car s’il aperçoit fa femelle couvant, il caffe 
{es œufs qu'il voit apparemment comme un obfacle 

S ij ; 


140 HISTOIRE NATURELLE 


à fes plaifirs /d), & c’eft peut - être la raifon pourquoi 
la femelle fe cache alors avec tant de foin. 

Le temps venu où ces œufs. doivent éclore, les 
dindonneaux percent avec leur bec la coquille de l'œuf - 
qui les renferme; mais cette coquille eft quelquefois 
fi dure ou les dindonneaux fi foibles, qu’ils périroient 
fi on ne les aidoit à la brifer, ce que néanmoins il ne 
faut faire qu'avec beaucoup de circonfpettion, & en 
fuivant autant qu'il eft poflible les procédés de 1a 
Nature; ils périroient encore bientôt, pour peu que 
dans ces commencemens ‘on Îles maniät avec rudeffe, 
qu'on leur laiffât endurer la faim; ou qu’on les Exporat 
aux intempéries de l'air; le froid ; la pluie & même Îa 
rofée les morfond;le:grand foleil Les: tue prefque 
fubitement, quelquefois même ils font écrafés fous les 
pieds de leur mère: voilà bien des dangers pot un 
animal fi délicat; & c’eft pour cette raifon, & à caufe 
de la moindre fécondité des poules d'Inde en Europe, 
que cette efpèce eft DER moins RPHIeUIE que 
celle des poules ordinaires. 


Dans les premiers temps , il faut tenir Les jeunes 
dindons dans un lieu chaud & fec, où lon aura 
étendu une litière de fumier long bien battue; & lorfque 
dans da fuite on voudra les faire fortir en plein air, 
ce ne fera que par SRG & en choififlant les plus 
beaux Jours. 5 


(à) Spain CE loco Gitato, 


/ 


Da VAN: ON. +" 141 

L’'inflinét des jeunes dindonneaux eft d’aimer mieux 

à prendre leur nourriture dans la main que de toute 
autre manière ; on juge qu'ils ont befoin d’en prendre 
lorfqu’on les entend piauler, & cela leur arrive fré- 
quemment : il faut leur donner à manger quatre ou 
cinq fois par jour; leur premier aliment fera du vin & 
de l’eau qu’on leur foufflera dans le bec, on y mêlera 
enfuite un peu de mie de pain ; vers le quatrième jour on 
teur donnera les œufs gâtés de la couvée, cuits & hachés. 
d’abord avec de la mie de pain, & enfuite avec des 
orties; ces œufs gâtés, foit de dindes, foit de poules, 
feront pour eux une nourriture très -falutaire /e); au 
bout de dix à douze jours on fupprime les œufs, & 
on mêle les orties hachées avec du millet, ou avec 
la farine de turquis, d'orge , de froment, ou de blé 
farrafin, ou bien, pour épargner le grain, fans faire tort 
aux dindonneaux , avee le lait caïllé, la bardane, un 
peu de camomille puante, de graine d’ortie & du fon: 
dans la fuite on pourra fe contenter de leur donner toute 
forte de fruits pourris, coupés par morceaux (f), & 
fur - tout des fruits de ronces ou de mûriers blancs, &c. 
Lorfqu’on leur verra un air languïflant, on leur mettra 
le bec dans du vin pour leur en faire boire un peu, & 
on leur fera avaler auffi un grain de poivre; quelquefois: 
ils paroiïffent engourdis & fans mouvement, lorfqu’ils: 


(e) Voyez Journal Économique , Août 175 7» pages 69 73% 
(f) Journal Économique , doco citatos 


S ii 


442. AÆAISTOIRE NATURELLE 
ont été furpris par une pluie froide, & ils mourroient 
certainement, fi on n'avoit le. foin de les envelopper 
de finges chauds, & de leur fouffler à plufieurs reprifes 
un air chaud par le bec: il ne faut pas manquer de les 
vifiter de temps en temps, & de leur percer les petites 
veflies qui leur viennent fous la langue & autour du 
croupion, & de leur donner de l’eau de rouille: on 
_confeille même de leur laver la tête avec cette eau, 
pour prévenir certaines maladies auxquelles ils font 
fujets /g);.mais dans ce cas, il faut donc les efluyer & 
les fécher bien exactement; car on fait combien toute 
humidité eft contraire aux dindons du premier âge. 
La mère les mène avec la même follicitude que la 
poule mène fes pouflins, elle Îles réchauffe fous fes 
ailes avec la même affection, elle les défend avec le 
même courage, il femble que fa tendrefle pour fes 
petits rende fa vue plus perçante; elle découvre l’oifeau 
de proie d’une diftance prodigieufe, & lorfqu'il eft 
encore invifible à tous les autres yeux; dès qu'elle l'a 
aperçu, elle jette un cri d’effroi qui répand la confter- 
nation dans toute la couvée; chaque dindonneau fe 
réfugie dans les buiflons ou fe tapit dans l'herbe, & la 
mère les y retient en répétant le même cri d’effroi 
autant de temps que l’ennemi eft à portée; mais le 
voit-elle prendre fon vol d’un autre côté, elle les 
en avertit auflitôt par un autre cri bien différent du 


(g? La Figère & les Ourles, felon 1 maifon Ruftique, tome L, 
PILE TI Ze | | 


BAÉSINDUE NID ON. 143 
premier, & qui eft pour tous le fignal de fortir du licu 
où ils fe font cachés, & de fe raffembler autour d’elle. 

Lorfque les jeunes dindons viennent d’éclore, ils 
ont la tête garnie d’une efpèce de duvet, & n'ont 
encore ni chair glanduleufe ni barbillons; ce n’eft qu'à 
fix femaines ou deux mois que ces parties fe déve- 
loppent, & comme on Île dit vulgairement, que fes 
dindons commencent à pouffer le rouge; le temps de 
ce développement eft un temps critique pour eux, 
comme celui de la dentition pour les enfans, & c’eft 
alors, fur-tout, qu'il faut mêler du vin à leur nourriture’ 
pour les fortifier; quelque temps avant de pouffer le 
_ rouge ils commencent déjà à fe percher. 

Il eft rare que l’on foumette les dindonneaux à la 
caftration comme les poulets, ils engraiffent fort bien: 
fans cela, & leur chair n’en eft pas moins bonne, 
nouvelle preuve qu'ils font d’un tempérament moins: 
chaud que les coqs ordinaires. 

Lorfqu’ils font devenus forts, ils quittent leur mère, . 
ou plutôt ils en font abandonnés, parce qu’elle cherche 
à faire une feconde ponte ou une feconde couvée ; 
plus les dindonneaux étoient foibles & délicats dans. 
le premier âge, plus ils deviennent avec le temps: 
robuftes & ent de foutenir toutes les injures du 
temps: ils aiment à fe percher en plein air, & paflent 
ainfi les nuits les plus froides de l'hiver, tantôt fe 
foutenant fur un feul pied, & retirant l’autre dans les: 
plumes de leur ventre comme pour le réchauffer; tantôt, 


144 HISTOIRE NATURELLE 

au contraire, s’accroupiffant fur leur bâton & s'y tenant 
en équilibre ; ils fe mettent la tête fous l’aile pour 
dormir, & pendant leur fommeil ils ont le mouvement 
de la refpiration fenfble & très-marqué. 

La meilleure façon de conduire les dindons siens 
forts, c’eft de les mener paître par la campagne, dans 
les lieux où abondent les orties & autres plantes de 
leur goût, dans les vergers lorfque les fruits commencent 
à tomber, &c. mais il faut éviter foigneufement les 
pâturages où croiflent les plantes qui leur font con- 
traires, telles: que la grande digitale à fleurs rouges ; 
cette plante eft un véritable poifon pour les ditinns ” 
ceux qui en ont mangé, éprouvent une forte d’ivrefle, 
des vertiges, des convulfions; & lorfque a dofe a été 
un peu forte, ils finiffent par mourir éthiques : on ne 
peut donc apporter trop de foin à détruire cette 
plante nuifñble dans les lieux où l'on élève des 
dindons /4). 

On doit auffi avoir attention, fur-tout dans les com- 
mencemens, de ne les faire fortir le matin qu'après 
que le foleil a commencé de fécher la rofée, de les 
faire rentrer avant la chute du ferein, & de les mettre 
à l'abri pendant la plus grande chaleur des jours d'été: 
tous les foirs lorfqu’ils reviennent on leur donne de 
Ja pâtée, du grain ou quelqu’autre nourriture, excepté 
feulement au temps des moiflons où ils trouvent 


(h) Po Hiftoire de l'Académie Royale des Sciences de Paris, 


année 1748, page 84 | 
coinent 


BA ON ND ON \ 145 
fufifamméent à manger par la campagne : comme ils 
font fort craintifs, ils fe laiflent aifément conduire, ül 
ne faut que l’ombre d'une baguette pour en mener 
des troupeaux même très-confidérables, & fouvent ils 
prendront {a fuite devant un animal beaucoup plus 
petit & plus foible qu'eux: cependant il eft des occa- 
fions où ils montrent du courage, fur - tout Jorfqu’il 
s’agit de fe défendre contre les fouines & autres 
ennemis de la volaille; on en a vu même quelquefois 
entourer en troupe un lièvre au gite, & chercher à 
le tuer à coups de bec /5). | 


Ïfs ont différens tons, différentes inflexions de voix 
felon l’âge, le fexe & fuivant les pafions qu’ils veulent 
exprimer : leur démarche eft lente & leur vol pefant: 
ils boivent, mangent, avalent de petits cailloux, & 
digèrent à peu près comme les cogs; & comme eux, 
ïls ont double eftomac, c’eft-à-dire , un jabot & un 
géfier; mais comme ils font plus gros, les mufcles 
de leur géfier ont aufh plus de force. 

La longueur du tube inteftinal eft à peu près qua- 
druple de la Tongueur de l'animal, prife depuis Ja 
pointe du bec jufqu’à l’extrémité du croupion; ils 
ont deux cæcum, dirigés l’un & l’autre d’arrière en 
avant, & qui, pris enfemble, font plus du quart de 
tout le conduit inteftinal ; ils prennent naiflance affez 
près de l'extrémité de ce conduit, & les excrémens 


| (i) Ornithologie de Salerne, page 132: 
Oifeaux , Tome IL T 


+46 HISTOIRE NATURELLE 
contenus dans leur cavité ne diffèrent guère de ceux 
que renferme la cavité du colon & du reélum: ces 
excrémens ne féjournent point dans la cloaque com- 
mune, comme l'urine & ce fédiment blanc qui fe 
trouve plus ou moins abondamment par-tout où pafle 
l'urine, & ils ont aflez de confiftance pour fe mouler 
en fortant par l’avus. 

Les parties de la génération fe préfentent dans les 
dindons à peu près comme dans les autres gallinacés ; 
mais à l'égard de l’ufage qu'ils en font, ils paroiffent 
avoir beaucoup moins de puiflance réelle, les males 
étant moins ardens pour leurs femelles, moins prompts 
dans l’aéte de la fécondation, & leurs approches étant 
beaucoup plus rares; & d’autre côté les femelles pondent 
plus tard & bien plus rarement, du moins dans nos 
climats. | e 

Comme les yeux des oifeaux font, dans quelques 
parties, organifés différemment de ceux de l’homme & 
des animaux quadrupèdes, je crois devoir indiquer ici 
ces principales différences; outre les deux paupières 
fupérieure & inférieure, les dindons, ainfr que la plupart 
des autres oifeaux, en ont encore une troifième nommée 
paupière interne, wembrana niclitans , qui fe retire & fe 
plifle en forme de croifflant dans le grand coin de 
l'œil, & dont les cillemens fréquens & rapides s’exé- 
cutent par une mécanique mufculaire curieufe: Îa 
paupière fupérieure eft prefqu’entièrement immobile ; 
mais l'inférieure eft capable de fermer l’œil en s’élevant 


DU" EI ND ON. 147 
Vers la fupérieure , ce qui n'arrive guère que lorfque 
l’animal dort ou lorfqu'il ne vit plus: ces deux pau- 
pières ont chacune un point lacrymal, & n’ont pas 
de rebords cartilagineux; la cornée tranfparente eft 
environnée d’un cercle offeux, compofé de quinze 
pièces plus ou moins, pofées l’une fur l’autre en 
recouvrement, comme les tuiles ou les ardoifes d’un 
couvert; le criftallin eft plus dur que celui de l’homme, 
mais moins dur que celui des quadrupèdes & des poif- 
fons {4), & fa plus grande courbure eft en arrière //); 
enfin il fort du nerf optique, entre la rétine & la cho- 
roide, une membrane noire de figure rhomboïide & 
compofée de fibres parallèles, laquelle traverfe l'humeur 
vitrée, & va s'attacher quelquefois immédiatement par 
fon angle antérieur, quelquefois par un filet qui part 
de cet angle, à la capfule du criftallin; c’eft à cette 
membrane fubtile & tranfparente que M.” les Anato- 
miftes de l’Académie des Sciences ont donné le nom 
de bourfe, quoiqu’elle n’en ait guère la figure dans le 
dindon, non plus que dans la poule, l’oie, le canard , 
le pigeon , &c. fon ufage eft, felon M. Petit, d’abforber 
les rayons de lumière qui partent des objets qui font 
à côté de la tête & qui entrent directement dans les 
yeux fm); mais, quoi qu'il en foit de cette idée, ül 
: (k). Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, année 1726, 
page 83: | 
 {L) Tbidem, année 1720, page 10, 


{(m) bidem, année 1735, page 1234 dis 
Ti 


148 AÆAISTOIRE NATURELLE 

eft certain que l’organe de la vue eft plus compofé 
dans les oifeaux que dans les quadrupèdes; & comme 
nous avons prouvé ailleurs que les oifeaux l’empor- 
toient par ce fens fur les autres animaux /z), & que 
nous avons même eu occafion de remarquer plus haut 
combien fa poule d'Inde avoit la vue perçante; on ne 
peut guère fe refufer à cétte conjeéture fi naturelle, 
que la fupériorité de l’organe de la vue, dans Îles 
oifeaux, eft dûe à la différence de la ftruéture de leurs 
yeux, & à l’artifice particulier de leur organifation ; 
conjecture très-vraifemblable , mais de laquelle néan- 
moins la valeur précife ne pourra être déterminée que 
par l'étude approfondie de l'anatomie comparée & de 
fa mécanique animale. 

Si l'on compare Îles témoignages des Voyageurs, 
-ôn ne peut s'empêcher de reconnoiître que les dindons 
font originaires d'Amérique & des îles adjacentes : & 
qu'avant {a découverte de ce nouveau continent ils 
n’exiftoient point dans l’ancien. | 

Le P. du Tertre remarque au’ils font dans les 
Antilles comme dans leur pays naturel, & que pourvu 
qu'on en ait un peu de foin, ils couvent trois à quatre 
_ fois l’année fo): or, c’eft une règle généralé pour 
tous Îles animaux, qu'ils multiplient plus dans le climat: 
qui leur eft propre que par-tout ailleurs ; ils y deviennent 


(») Noyez Difcours fur la Nature des Oifeaux, tome, page 5. 
{o) Hiftoire générale des Antilles, tome T1, page 266, 


Dia U DIN Di Na LT 44 
au plus grands & plus forts, & c’eft précifément ce 
que lon obferve dans les dindons d'Amérique: on 
en trouve une multitude prodigieufe chez les Hinois, 
difent les Miffionnaires Jéfuites, ils y vont par troupes 
de cent, quelquefois même de deux cents, ils font 
beaucoup plus gros que ceux que l’on voit en France, 

& pèfent jufqu’à trente-fix livres /p); Joffelin dit jufqu’à 
foixante livres (g): ils ne fe trouvent pas en moindre 
quantité dans le Canada, (où, felon le P. Theodat, 
Récollet, les Sauvages les appeloient Ondettoutaques 
dans le Mexique, dans la Nouvelle Angleterre, dans 
cette vafte contrée qu’arrofe le Miffifipi, & chez: les 
= Brafliens où ils font connus fous le nom de Arignan- 
ouffou {[r). Le doéteur Hans Sloane en a vu à la 
Jamaïque: il eft à remarquer que dans prefque tous 
ces pays les dindons font dans l’état de fauvages, & 
qu'ils y fourmillent par-tout, à quelque diflance néan- 
moins des habitations, comme s’ils ne cédoient le 
terrein que pied à pied aux colons Européens. 
 Maisfi la plupart des Voyageurs & témoins oculaires, 
s'accordent à regarder cet oifeau comme. naturel, 
appartenant en propre au continent de l'Amérique, 
fur-tout de Anse Né ni he ils ne s'ac- 
cordent pas moins à dépofer qu’il ne s’en trouve point 
ou que très-peu dans toute l’Afe.. 

{P) Lettres Édif, XXII. Rat. page ‘2 3 4 

{g) Raretés de la Nouvelle Angleterre. | 

{r) Voyage au Brefil ; recueilli par de Léry, page 71 


ii 


So © HISTOIRERNATURELLE 

Gemelli Careri nous apprend que non - feulement il 
n’y en a point aux Philippines: mais que ceux même 
que les Efpagnols y avoient apportés de la Nouvelle 
Efpagne n’avoient pu y profpérer /f.). 

Le P. du Halde aflure qu’on ne trouve à la Chine 
que ceux qui y ont été tranfportés d’ailleurs: il ef 
vrai que dans le même endroit, ce Jéfuite fuppofe 
qu'ils font fort communs dans Îles Indes orientales ; 
mais il paroît que ce n’eft en effet qu’une fuppofition 
fondée fur des oui-dire, au lieu qu’il étoit témoin 
oculaire de ce qu'il dit de la Chine {7}. 

Le P. de Bourzes, autre Jéfüite, raconte qu'il n'y 
en a point dans le royaume de Maduré, fitué en la 
prefqu'ile en-deçà du Gange; d'où il conclut avec 
raifon, que ce font apparemment les Indes occiden- 
tales qui ont donné leur nom à cet oifeau (17. 

Dampier n’en a point vu non plus à à Mindanao (x), 
Chardin (y) & Favernier qu ont parcouru |’ Afie (7: 
difent politivement qu'il n’y a point de dindons dans 
tout ce vafte pays; felon le dernier de ces Voyageurs, 
ce font les Arméniens qui les ont portés en Perfe 


(f) Vale tome V, pages 271 à 272. 

(t) Hifloire générale des Voyages, tome VIT, page 487 
(#) Leure du 21 feptembre 1713, parmi les Lett. Édif. 
(x) Nouveau Voyage, tome TI, page 406. 

4) Voyages de Chardin, tome IT, page 29. 

(x) Voyages de Tavernier, some II, page 22, 


DU. Di ENED. ON. EG 
où ils ont mal réufli, comme ce font les Hollandois 
qui les ont portés à Batavia, où ils ont beaucoup 
mieux profpéré. 

Enfin Bofman & quelques autres Voyageurs nous 
difent que fi l’on voit des dindons au pays de Congo, 
à la Côte-d’or, au Sénégal & autres lieux de l’Afrique, 
ce n’eft que dans les comptoirs & chez les Étrangers, 
les naturels du pays en faifant peu d’ufage; & felon 
les mêmes Voyageurs, il eft vifible que ces dindons 
font provenus de ceux que les Portugais & autres 
Européens avoient apportés dans les commencemens 
avec la volaille ordinaire /4). 


Je ne diffimulerai pas que Aldrovande, Gefner, 
Belon & Ray ont prétendu que les dindons étoient 
originaires d'Afrique ou des Indes orientales; & quoi- 
que leur fentiment foit peu fuivi aujourd’hui, je crois 

devoir à de fi grands noms de ne point le ne fans 
quelque difcufñon. 

Aldrovande a voulu prouver fort au long que lé 
dindons étoient les véritables méléagrides des Anciens, 
autrement les poules d'Afrique ou de Numidie, dont 
le plumage eft couvert de taches rondes en forme de 
gouttes /galline Numidicæ putiatæ ); mais il eft évident, 
& tout le monde convient aujourd’hui, que ces poules 
ÂAfriquaines ne font autre chofe que nos peintades, qui 
en effet nous viennent d’ Afrique, & font très-différentes 


(a) Noyages de Bofman, pagé 242, 


152  ÂAISTOIRE NATURELLE 
des dindons; ainfi il feroit inutile de difeuter plus ên 
détail cette pue d'Aldrovande qui porte avec élle 
fa réfutation, & que néanmoins M. Linnæus femble 
avoir voulu perpétuer ou renouveler en ABPlQUAN au 
 dindon Île nom de meleagris. 


Ray qui fait venir les dindons d’ Mbiine ou des 
Indes orientales, femble s'être laiflé tromper par 
les noms; celui d’oifeau de Numidie qu'il adopte, 
fuppofe une origine afriquaine ; & ceux de Zurkey & 
d’oifeau de Calécut, une origine afiatique mais un 
nom n’eft pas toujours une preuve, fur-tout un nom 
populaire appliqué par des gens peu inftruits, & même 
un nom fcientifique appliqué par des Savans qui ne 
font pis toujours exempts de préjugés: d’ailleurs Ray 
lui-même avoue d’après Hans Sloane, que ces oifeaux 
fe plaifent beaucoup dans les pays chauds de ? Amé- 
rique, & qu'ils y multiplient prodigieufement /4). 
À l'égard de Gefner, il dit à da vérité, que la 
phpar des Anciens, &.entr autres Ariftote & Pline, 
n'ont pas connu les dindons; mais il prétend que Élien 
Jes à eu en vue dans. de. paflage fuivant, x India galli- 
nacei nafcuntur. maxi ; non vubram habent cri flan, ur 
nofri, fed ira variam à floridam velurt .coronam floribus 
contextam; caudæ pennas non inflexas habent neque revo- 
dutas in orbem, [ed latas; quas cum non erigunt, ur pavones 
grahunt: eorum pennæ finaragdh colorem ferunr. « Les Indes 


(b) Synophs avium, appendix, pag. 2, A 
|  . ee produifent 


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DU); VAI ND ON. 153 
produifent de très-gros coqs dont la crête n’eft « 
point rouge, comme celle des nôtres, mais de « 
couleurs variées, comme feroit une couronne de « 
fleurs ; leur queue n'a pas non plus de plumes recour- « 
bées en arc; lorfqu'ils ne la relèvent pas, ils la « 
portent comme des paons ( c’eft-à-dire, horizon- « 
talement }, leurs pennes font de la couleur de l’éme- « 
raude: » mais je ne vois pas que ce palage foit 
appliquable aux dindons, 1.° la groffeur de ces coqs 
ne prouve point que ce foit des dindons; car on fait 
qu'il y a en effet dans l’Afie, & notamment en Perfe 
& au Pégu, de véritables coqs qui font très-gros: 

2. Cette crête, de couleurs variées, fufroit feule 
pour exclure les dindons qui n’eurent jamais de crête; 
car il s’agit ici, non d’une aigrette de plumes, mais 
d'une crête véritable , analogue à celle du coq, quoique 
de couleur différente : | 

3. Le port de la queue, femblable à celui du paon, 
ne prouve rien non plus, parce qu’Élien dit pofitive- 
ment que l’oifeau dont il s'agit, porté. fa queue comme 
le paon, lorqu'il ne la relève point ; &. s’il Feût relevée 
comme le paon en faifant la roue, Élien n’auroit pu 
oublier de faire mention d’un caractère aufli fingulier, 
& d’un trait de reflemblance fr marqué avec le paon, 
auquel ikle comparoit dans ce moment même:: 

4 Enfin les pennes couleur d’émeraude, ne: font 
rien moins que fufhifantes pour déterminer ici l’efpèce 
des dindons, bien que quelques-unés de leurs phines : 


Oifeaux, Tome IT. | V 


154 HISTOIRE NATURELLE 
. aient des reflets fmaragdins; car on fait que le plumage 
. de plufieurs autres oifeaux a la même couleur & les 
mêmes reflets. 


_Belon ne me paroît pas mieux fondé que Gefner, 
à retrouver les dindons dans les ouvrages des Anciens: 
Columelle avoit dit dans fon livre de RE RusricÀ (c); 
Me. Ifricana ef meleagridi fimilis, niff quod rutilam galearn 
©" criflam capite gerit, quæ utraque in ere fine 
cærulea. « La poule d’ Afrique reflemble à la méléa- 
») gride, excepté qu'elle a la crête & Île cafque rouge 


» ruiila, au lieu que ces mêmes parties font bleues 


dans la méléagride ». Belon a pris cette pouk afiiquaine 
pour la peintade , & la méléagride pour le dindon: 
mais il eft évident par le paflage même, que Colu- 
melle parle ici de deux variétés de la même efpèce, 
puifque les deux oiïfeaux dont il s’agit fe reflemblent 
de tout point , excepté par la cotilelb. laquelle eft en 
effet fujette à varier dans la même efpèce, & notam- 
ment dans celle de la peintade, où les mâles ont les 
appendices membraneufes qui leur pendent aux deux 
côtés des joues, de couleur bleue, tandis que les 
femelles ont ces mêmes appendices de couleur rouge: 
d’ailleurs, comment fuppofer que Columelle ayant à 
défigner deux efpèces auffi différentes que celles de 
la peintade & du dindon , fe fût contenté de les dif 
tinguer lignée variété auffi fuperficielle que celle de 


4e Lib. VII Cap. IT. 


DU DINDON. 155 


la couleur d’une petite partie, au lieu d'employer des 
çaractères tranchés qui lui fautoient aux yeux ! 
C'eft donc mal-à- propos que Belon a cru pouvoir 
s'appuyer de l'autorité de Columelle, pour donner 
aux dindons une origine afriquaine; & ce n’eft pas 
“avec plus de fuccès qu’il a cherché à fe prévaloir du 
paflage fuivant de Ptolomée, pour leur donner une 
origine afiatique. Zrighphon Regia in quâ galli gallmacei 
Barbars effe dicuntur (4). Cette Triglyphe eft en effet 
fituée dans la prefqu'ile au-delà du Gange; mais on 
n'a aucune raifon de croire que ces coqs barbus foient 
des dindons; car, 1.° il n’y a pas jufqu’à l’exiftence 
de ces coqs qui ne foit incertaine, puifqu'elle n’eft 
alléguée que fur la foi d’un, on dit / icuntur ); 2.° on 
ne peut donner aux dindons Île nom de coqs barbus, 
comme je l'ai dit plus haut, ce mot de barbe appliqué 
_ à un oifeau ne pouvant fignifier qu’une touffe de plumes 
ou de poils placés fous le bec, & non ce bouquet 
: de crins durs que les dindons ont au bas du cou; 3° 
… Prolomée étoit Aftronome & Géographe , mais point 
. du tout Naturalifte: & il eft vifible qu'il cherchoit 
à jeter quelqu’intérêt dans fes Tables géographiques, * 
en y mélant fans beaucoup de critique les fingularités 
de chaque pays; dans la même page où il fait men- 
tion de ces coqs. barbus , il parle des trois îles des. 
Satyres, dont les habitans avoient des pires & de 


(4) Geographia , lib, VIH, cap. I], Tabula A1, Af æ, 
LA ij 


1 56 HISTOIRE NATURELLE 
certainés îles Manioles au nombre de dix, tés à 
peu prés dans le même climat, où l’aimant abonde au 
point que l’on n’ofe y employer le fer, dans la conf- 
truétion des navires, de peur qu'ils ne foient attirés & 
retenus par la force magnétique; mais ces queues hu- 
maines, quoiqu'atteftées par des Voyageurs & par 
des miffionnaires Jéfuites, felon Gemelli Careri /e), 
font au moins fort douteufes; ces montagnes d’aimant 
ou plutôt leurs effets fur la ferrure des vaiffeaux ne le 
font pas moins, & l’on ne peut guère compter fur des 
faits qui fe trouvent mélés avec de pareilles incerti- 
tudes ; 4. enfin Ptolomée, à l’endroit cité, parle 
pofitivement des coqs ordinaires { galli gallinacei ), 
qui ne peuvent être confondus avec les coqs d’Inde, 
ni pour {a forme extérieure, ni pour Îe plumage, ni 
pour le chant, ni pour les habitudes naturell les, ni pour 
la couleur des œufs, ni pour Îe temps de l’incuba- 
tion, &c. Îl eft vrai que Scaliger tout en avouant que 
la méléagride d’Athénée ou plutôt de Clytus, cité par 
Athénée, étoit un oifeau d’Étolie, aimant les lieux 
aquatiques , peu attaché à fa couvée, & dont la chair 
fentoit le marécage, tous caraétères qui ne conviennent 
point au dindon, qui ne fe trouve point en Étolie, 
fuit les lieux aquatiques, a le plus grand attachement 
pour fes petits, & la chair de bon goût, il n’en prétend 
pas moins que la méléagride eft un dindon 07: mais 
(e) Voyage, tome Fi page 68. 
(f) In Cardanum exercite 2 38. 


DU) DIN DON. 157 
les Anatomiftes de l’Académie des Sciences qui, 
d’abord étoient du même avis lorfqu'ils firent la def- 
cription du coq Indien, ayant examiné les chofes 
de plus près, ont reconnu & prouvé ailleurs que ja 
peintade étoit la vraie méléagride des Anciens ; en 
forte qu’il doit demeurer pour conftant, qu'Athénée 
ou Clytus, Élien, Columelle & Ptolomée, n’ont pas 
plus parlé des dindons, qu’Ariftote & Pline, & que 
ces oifeaux ont été inconnus aux Anciens. 

Nous ne voyons pas même qu'il en foit fait mention 
dans aucun Ouvrage moderne, écrit avant la décou- 
verte de 1’Amérique : une tradition populaire fixe 
dans le feizième fiècle, fous François I”, l’époque de 
Jeur première apparition en France, car c’eft dans ce 
temps que vivoit l’amiral Chabot: les Auteurs de la 
Zoologie Brirannique avancent, comme un fait notoire, 
qu’ils ont été apportés en Angleterre fous le règne de 
Henri VIII, contemporain de François 1.” /g), ce qui 
s’accorde très-bien avec notre fentiment; car l’Amé- 
rique ayant été découverte par Chriftophe Colomb, 
fur la fin du quinzième fiècle, & les rois François I. 
& Henri VIII étant montés fur le Trône au com- 
mencement du feizième fiècle, 1l eft tout naturel que 
ces oifeaux apportés d'Amérique, aient été introduits 
comme nouveautés, foit en France, foit en Angleterre 
fous le règne de ces Princes; & cela eft confirmé par 


{g) Britifch Zoology, pag. 87. 
V üf 


158 HISTOIRE NATURELLE 


le témoignage précis de J. Sperling, qui écrivoit avant 
1660, & qui aflure expreflément qu'ils avoient été 
tranfportés des Nouvelles Indes en Europe, plus d’un 
fiècle auparavant (h). | 


Tout concourt dures à pr ouver que l’ Amérique ef 
le pays natal des dindons; & comme ces fortes d’oi- 
feaux font pefans, qu'ils n’ont pas le vol élevé & 
qu’ils ne nagent point, ils n’ont pu en aucune manière 
traverfer l’efpace qui fépare les deux continens , pour 
aborder en Afrique, en Europe ou en Afe; ils fe 
trouvent donc dans le cas des quadrupèdes, qui n'ayant 
pu fans le fecours de l’homme pañfer d’un continent 
à l’autre, appartiennent exclufivement à l’un des deux; 
-& cette confidération donne une nouvelle force au 
témoignage de tant de Voyageurs qui aflurent n’avoir 
jamais vu de dindons fauvages , foit en Afie, foit en 
Afrique, & n’y en avoir vu de domefliques que ceux 
qui y avoicnt été apportés d’ailleurs. 


Cette détermination du pays naturel des dindons, 
influe beaucoup fur la folution d’une autre queftion 
qui, au premier coup d’œil, ne femble pas y avoir 
du rapport ; J. Sperling , dans fa Zoologia Phyfice , 
pag. 269, prétend que le dindon eft un Ne (il 
auroit dû dire un mulet }, provenant du mélange de 
deux efpèces, celles du paon & du coq ordinaire; 
mais s’il eft bien prouvé, comme je le crois, que les 


{h) Zoologia Plyfica, pag. 366% 


DU D FINSD ON. 159 
dindons foient d’origine amériquaine , il n’eft pas 
poffible qu’ils aient été produits par le mélange de 
_ deux efpèces afatiques, telles que le coq & le paon; 
_& ce qui achève de démontrer qu’en effet cela n’eft 
_pas, c’eft que dans toute l’Afe on né trouve point 
de dindons fauvages, tandis qu'ils fourmillent en Amé- 
rique; mais, dira-t-on, que fignifie donc ce nom de 
gallo - pavus ( coq-paon }, fr anciennement appliqué au 
dindon! rien de plus fimple; le dindon étoit un oifeau 
étranger, qui n’avoit point de nom dans nos langues 
Européennes: & comme on lui a trouvé des rapports 
affez marqués avec le coq & Île paon, on à voulu 
indiquer ces rapports par le nom compofé de gallo- 
pavus ; d’après lequel Sperling & quelques autres auront 
cru que le dindon étoit réellement le produit du mé- 
lange de l’efpèce du paon avec celle du coq, tandis 
qu'il n’y avoit que les noms de mêlés; tant il eft dan- 
gereux de conclure du mot à la chofe! tant il eft 
important de ne point appliquer aux animaux de ces 
noms compofés qui font tt toujours fufceptibles 
d’équivoque! 

M. Edwards parlé d un autre mulet qu'il dit étre le 
mélange de l’efpèce du dindon avec celle du faifan:; 
l él: fur lequel il a fait fa defcription /), avoit 
été tué d’un coup de fufñl, dans les bois voifins de 
 Hanford, dans la province de Dorfet, où il fut apercu 


(i Glnures, planche CCCXX XVII. 


160 HISTOIRE NATURELLE 


au mois d'octobre 1759, avec deux ou trois autres 
oifeaux de la même efpèce: il étoit en effet d’une 
groffeur moyenne entre le faifan & le dindon, ayant 
trente - deux pouces de vol; une petite aigrette de 
plumes noires affez PPS s’élevoit fur la bafe du bec 
fupérieur; la tête n’étoit point nue comme celle du 
dindon, mais couverte de petites plumes fort courtes: 

les yeux étoient entourés d’un cercle de peau rouge, 
mais moins large que dans le faifan: on ne dit point 
fi cet oifeau relevoit les grandes plumes de la queue 
pour faire {a roue ; il paroït feulement par la figure, 
qu’il la portoit ordinairement, comme la porte le 
dindon lorfqu’il eft tranquille: au refte, il eft à remar- 
quer qu’il n’avoit la queue compofée que de feize 
plumes, comme celle du"coq de bruyère; tandis que 
celle des dindons & des faifans en a dix-huit: d’ailleurs 
chaque plume du corps étoit double fur une même 
racine, l’une ferme & plus grande, l’autre petite & 
duvétée, caractère qui ne convient ni au faifan, ni au 
dindon, mais bien au coq de bruyère & au coq com- 
mun; fi cependant l’oifeau dont il s’agit, tiroit fon 
origine du mélange du faifan avec le dindon, ïl femble 
qu’on auroit dû retrouver en lui comme dans les autres 
mulets; premièrement , les caractères communs aux 
deux efpèces primitives; en fecond lieu, des qualités 
moyennes entre leurs qualités oppofées, ce qui n'a point 
lieu ici, puifque le prétendu mulet de M. Edwards, 
avoit des caractères qù manquoient abfolument aux 
| deux 


DU DINDON. 16r 
deux efpèces primitives { les plumes doubles |, & qu’il 
manquoit d’autres caractères qui fe trouvoient dans ces 
deux efpèces (les dix-huit plumes de la queue }: & 
fi l’on vouloit abfolument une efpèce métive, il ÿ 
‘auroit plus de fondement à croire qu’elle dérive du 
mélange du coq de bruyère & du dindon, qui, comme 
je l'ai remarqué, n’a que feize pennes à la queue, & qui 
a les plumes doubles comme notre pretendu mulet. 

Les dindons fauvages ne diffèrent des domeftiques, 
qu'en ce qu'ils font beaucoëp plus gros & plus noirs: 
du refte ils ont les mêmes mœurs, les mêmes habitudes 
naturelles, la même flupidité ; ils fe perchent dans 
les bois fur les branches sèches, & lorfqu'on en fait 
tomber quelqu'un d’un coup d’arme à feu, les autres 
reftent toujours perchés, & pas un feul ne s’envole. 
Selon Fernandès, leur chair, quoique bonne, eft plus 
dure & moins agréable que celle des dindons domef- 
tiques ; mais ils font deux fois plus gros: Aucxolorl et 
le nom Mexiquain du mâle, & céuarorolin le nom de 
a femelle /4). Albin nous apprend qu’un grand nombre 
de Seigneurs Anglois , fe plaifent à élever des dindons 
fauvages ; & que ces oifeaux réuffiffent aflez bien par- 
tout où il y a de petits bois, des parcs ou autres 
enclos 2). 

Le dindon huppé n’eft qu’une variété du dindon 
commun , femblable à celle du coq huppé dans l'efpèce 
(4) Fr. Fernandès, Æifloria avium noyæ Hi _— page 27 

(!) Albin, Liv. II, n. "XXAIIT. 

Oifeaux, Tome IL - X 


162 HISTOIRE NATURELLE, dt 

du coq ordinaire; la huppe eft quelquefois noire & 
d’autres fois blanche, telle que celle du dindon décrit 
par Albin /#): il étoit de la groffeur des dindons 
ordinaires; il avoit les pieds couleur de chair; la partie 
fupérieure du corps, d’un brun-foncé; la poitrine, le 
ventre, les cuifles & la queue blanches, ainfi que les 
plumes qui formoient fon aigrette ; du refte ifreffem- 
bloit .exaétement à nos dindons communs, & par la 
chair fpongieufe & glanduleufe qui recouvroit la tête 
& la partie fupérieure du cou, & par le bouquet de 
crins durs naïflant {en apparence ) de la poitrine, & 
par les éperons courts qu'il avoit à chaque pied, & 
par fon antipathie fingulière pour le rouge, &c, 


+ (mr) Albin, Liy, 2F, 2 XXXIII, 


EP TV NT A A TE ES Ames D Er 6 2 à A ne nr A MERE ANA à ra PR SNS D OS D CR A 
CE # 4 u À " TJ ? À ie ÿ 
x " ” j 
x ; 


Planche IV de ce ni 


Li ne dx: pas confondre [a Peintade avec le no . 
comme a fait M. Ray, du moins avec le Prado dont 
parle Dampier /4), lequel eft un oifeau de mer, de la 
groffeur d’un canard , ayant les ailes fort longues, & 
qui rafe Ja furface de l’eau en volant; tous caractères 
fort étrangers à la peintade, qui eft un oifeau terreftre, 
à ailes courtes, & dont le vol eft fort pefant. 
Celle-ci a été connue & très-bien défignée par les 
 fAnciens. Ariftote n’en parle qu’une feule fois dans tous 
fes Ouvrages fur les animaux; il la nomme éléagride, & 
dit que fes œufs font marquetés de petites taches /c). 


 * Voyez les planches enluminées, n° 1 0 8. 

fa) La Peintade, en Grec & en Latin, Æelkagris ; en Italien, 
Gallina di Numidia; en AHemand, Perl-huhn; en Anglois, Pintado 
ou Guinea-heu; à Congo, Quetelé. — Meleagris vel gallus numidicus aut 
mauritanus filveftris, Gelner, Avi, pag. 480. — Poule de la Guinée. 
Belon, Ælifloire des Olfeaux, page 246.— Peintade, Mémoires pour 
fervir à l’Hiftoire des animaux, partie IT, page 79, planche XLVII, 
avec une bonne figure. — Gallina Africana. Frifch, planche CXXVI, 
avec une figure coloriée, — La Peintade. Briflon tome TL, page 1 7 r 
avec une bonne figure, planche VIII. 


(b Voyez fon Voyage aux Terres Aufrales , tome IV de fon 


Nouveau voyage autour di Monde, page 23, édit. de Rouen: 


{c) Voyez Hiflorin animalium, lib. VE, cap: tt 
pre | X i 


“4 


164 ÂAHISTOIRE NATURELLE 


Varron en fait mention fous le nom de poule 
d'Afrique, c’eft, felon lui, un oifeau de grande taille, 
à plumage varié, dont le dos eft rond, & qui étoit 
fort rare à Rome /d4). 

Pline dit les mêmes chofes que Varron, & femble 
n'avoir fait que le copier fe); à moins qu’on ne veuille 
attribuer la reffemblance des defcriptions à l'identité 
de l’objet décrit: il répète aufi ce qu’Ariftote avoit 
dit de fa couleur des œufs /f); & il ajoute que les 
Ont de Numidie étoient les plus eflimées /z), 
d'où on a donné à l'efpèce, le nom de poule Numi- 
dique par excellence. | 

Columelle en reconnoifloit de deux fortes. qui fe 
reffembloient en tout point, excepté que l’une avoit 
les barbillons bleus, & que l’autre les avoit rouges ; 
& cette différence avoit paru aflez confidérable aux 
Anciens, pour conftituer deux efpèces ou races dé- 
fignées par deux noms diftinéts : ils appeloient #éléa- 
gride , la poule aux barbillons rouges; & poule afriquaine , 
celle aux barbillons bleus /4), n’ayant pas obfervé ces 


(d) Grandes, variæ, gibberæ quas meleagrides appciiant Græci. Varro, 
de Re Ruflicä, Bb. I, cap. IX. 
| (e) Africæ Gallinarum genus, gibberum » Varüs farm it 
Hift. nat. Gb. X, cap, XXVI. 
| (f) Sbidem, cap. LII. 
(£ ) Ibidem , Cap. XLVIII, quam pese numidicam dicunt, 
Columell. 


(t) KA gallina eff meleagridi funiks nifi quod rutilam palean 


DIE SR MORE FNTT AIDE ‘és 
oifeaux d’affez près pour s’apercevoir que la première 
étoit la femelle, & la feconde le mâle d’une feule & même 
efpèce, comme ’ont remarqué M." de l’Académie /i), 

Quoi qu’il en foit, il paroït que fa prime élevée 
autrefois à Rome avec tant de foin, s’étoit perdue en 
Europe, puifqu’on n’en retrouve plus aucune trace 
chez les Écrivains du moyen âge, & qu'on n’a recom- 
mencé à en parler que depuis que les Européens ont 
fréquenté les côtes occidentales de l'Afrique, en 
allant aux Indes par le cap de Bonne - efpérance /k); 
non-feulement ils l'ont répandue en Europe, mais ils 
l'ont encore tranfportée en Amérique: & cet oifeau 
ayant éprouvé diverfes altérations dans fes qualités exté- 
rieures , par les influences des divers climats; il ne 
faut pas s'étonner f1 les Modernes, foit Naturaliftes, 
foit Voyageurs, en ont encore plus multiplié les races 
que les Anciens. as | 


4 criflam capite aris quæ utr aque funt in meleagride cærulea. Voyez 

Columelle, de Re Ruflicä, lib. XIII, cap. 11. : 
(i) Voyez Mémoires pour fervir à l’'Hifloire naturelle des ani- 

maux, dreflé par M. Perrault, Deuxième partie, page 82, 

(k) « Tout ainfi comme la Guinée, eft un pays dont les 
Marchands ont commencé à apporter plufieurs marchandifes qui « 
étoient auparavant inconnues à nos François; aufir, fahs leurs ce 
Navigations, les poules de ce pays-là étoient inconnues, n’eût « 
été qu'ils leur ont fait pafler la mer, qui maintenant font j'a fi ce 
fréquentes ès maifons des grands Seigneurs en nos contrées, «e 
qu’elles nous en font commune ». Pure Belon. ÆHiff. nat, des 


Oifeaux, pige 246. 
X iï 


166  AJrSTORRE NATUREL ME 

Frifch diftingue, comme Columelle, la peintade à 
barbillons rouges de celle à barbillons bleus //); mais 
il reconnoit entr’elles plufieurs autres différences; félon 
lui, cette dernière qui ne fe trouve guère qu’en Italie, 
n’eft point bonne à manger, elle eft plus petite, elle 
fe tient volontiers dans les endroits marécageux, & 
prend peu de foin de fes petits : ces deux derniers 
traits fe retrouvent dans la méléagride de Clytus de 
Milet; « on les tient, dit-il, dans un lieu aquatique, 
» & elles montrent fi peu d’attachement pour leurs 
» petits, que Îles Prêtres commis à leur garde font 
obligés de prendre foin de la couvée; » mais il 
ajoute ss leur groffeur eft celle d’une se de belle 
race (in): il paroît auffi par un paflage de Pline, que ce 
Naturalifte regardoit la méléagride comme un oifeau 
aquatique (a); celle à barbiflons rouges eft au contraire, 
felon M. Frifch, plus grofle qu’un faifan, fe plaît dans 
les lieux fecs, élève foigneufement fes petits, &c. 
 Dampier aflure que dans l'île de May, l’une de 

celles du Cap-vert, il y a des peintades dont la chair 
ci extragr dinairement blanche; d’autres dont la chair 


# / ) Voyez le Difcours relatif à Îa planche CXXV4I de Fifi. 

(m) Losus ubi aluntur, paluffris el; pullos fuos nulle amoris affiche 
kæc ales profequitur, é teneros adhuc negligit, quare à Sacerdotibus 
curam eorum geri oportet. Voyez Athénée, div. XIV, cap. XXVI, 

(a) Menefas. Africe locum fi icyonem appellat, € crathim amnem in 
oceanum effluentem , dact in quo aves'quas meleagridas 7 pe vocats 
ÿiveres Hüft. Rose HE XXX VIT, cap. II. 


DIEU DIAINBNE END A DVE.. 107 
eft noire, & que toutes l'ont tendre & délicate /0); le 
P. Labat en dit autant /»/: cette différence, fi elle eft 
vraie, me paroîtroit d'autant plus confidérable qu’ellene 
pourroit être attribuée au changement de climat, puifque 
dans cette ile qui avoifine l'Afrique, les peintades font 
comme dans leur pays natal; à moins qu’on ne veuille 
dire que les mêmes caufes particulières qui teignent en 
noir la peau & le périofte de la plupart des oifeaux des 
iles de San-Jago, voifine de l’île de May, noirciffent 
auffi dans cette dernière la chair des peintades. 


Le P. Charlevoix prétend qu’il y en a une efpèce à 
Saint-Domingue, plus petite que l’efpèce ordinaire /g); 
mais ce font apparemment ces peintades marronnes, 
provenant de celles qui y furent tranfportées par les 
Caftillans, peu après la conquête de File; cette race 

étant devenue fauvage , & s'étant comme naturalifée 
_ dans le pays,-aura éprouvé l'influence naturelle de ce 
climat, laquelle tend à affoiblir, amoindrir, détériorer 
les efpèces, comme je l’ai fait voir ailleurs /7): & ce 
qui eft digne de remarque, c’eft que cette race origi- 
naire de Guinée, & qui, tranfportée en Amérique, y 
avoit fubi l’état de domefticité, n'a pu dans la fuite 


(o) Voyez Nouveau voyage autour du Monde, tome IV, page 23. 
(p) Ibidem, tome LE, page 220. 


{g) Voyez Hiftoire de Pile Ne pe de. Saint - Doningue 
pagts 28 7 29. 


(«) Noyez tome IX de cet Ouvrage, page 87. 


168 AMISTOIRE NATURELLE 

être ramenée à cet état, & que les colons de Saint- 
Domingue ont été obligés d’en faire venir de moins 
farouches d'Afrique, pour les élever & les multiplier 
dans les baffe-cours /f); eft-ce pour avoir vécu dans 
un pays plus défert, plus agrefte, & dont les habitans 
étoient fauvages, que ces Belnéidés marronnes , font 
devenues plus fauvages elles-mêmes! ou ne feroit - ce 
pas aufli pour avoir été effarouchées par les Chaffeurs 
Européens, & fur-tout par les François qui en ont détruit 
un grand nombre, felon le P. Margat Jéfuite /z)! 

Marcgrave en a vu de huppées qui venoient de Sierra- 
Liona, & qui avoient autour du cou une efpèce de 
collier membraneux, d’un cendré bleuûtre /z); & c’eft 
encore ici une de ces variétés que j appelle primitives, 
& qui méritent d’autant plus d’attention, qu’elles font 
antérieures à tout changement de climat. 

Le Jéfuite Margat, qui n’admet point de différence 
fpécifique entre Ja poule afriquaine & la méléagride des 
Anciens, dit qu'il y en a de deux couleurs à Saint- 
Domingue, les unes ayant des taches noires & blanches 
difpofées par compartimens en forme de rhomboïdes, 

& les autres étant d’un gris plus cendré : il ajoute 


.(f) Voyez Letr es Éd ifiantes , XX, ”* Recueil, Jbco citato. 
{t) Ibidem. | | 
(4) Earum collum cireum-ligatum feu circum-volutum quaf linteamine 
membranaceo coloris cinerei cærulefcentis : caput tegit criffla obrotunda , 
multiplex, conflans pennis eleganter ou Marcgrave. ÆJif, naturalis 
FER P?g. 192: | 
qu'elles 


DE LA PEINTADE 169 
qu'elles ont toutes du blanc fous le ventre, au - deffous. 
& aux extrémités des ailes /x), 

. Enfin, M. Briffon regarde comme une variété conf- 
tante la blancheur du plumage de la poitrine obfervée 
fur les peintades de la Jamaique, & en a fait une 
race diftinéte, caractérifée par cet attribut /y), qui, 
comme nous venons de le voir, appartient pas moins 
aux peintades de Saint - Domingue qu'à celles. de la 
Jamaïque. 

Mais indépendamment des diffemblances qui ont 
paru fufñfantes aux Naturaliftes pour admettre plufieurs 
races de peintades ; j’en trouve beaucoup d’autres, en 
comparant les defcriptions & les figures publiées par 
différens Auteurs, lefquelles indiquent aflez peu de 
fermeté , foit dans le moule intérieur de cet oïfeau, foit 
dans l’empreinte de fa forme extérieure, & une très- 
grande difpofition à recevoir les influences du dehors. 

_ La peintade de Frifch & de quelques autres /z), a 
le cafque & les pieds blanchatres, le front, le tour 


. (x) Lettres édifrantes, ax lieu cité. 


 {y) Voyez VOrnithologie de M. Briflon , tome I, page 180, 
Meleagris Pectore albo. 


(z) « Le mâle & [a femelle, dit Belon, ont même madrure 
en plumes & blancheur autour des yeux, & rougeur par-deffous ». 
Voyez Hift. nat. des Oifeaux, page 247.— Ad latera capitis albo, 
dit Marcgrave. Hifloria nat. Brafil. pag. 192.— «& La tête eft revé- 
ue, dit le Jéfuite Margat, d’une peau fpongieufe, rude & ridée, cc 
dont a couleur ét d’un blanc - bleuâtre ». Voyez Lettres édifiantes , 
Recueil XX, page 362 er Juivantes. | 

Or eaux, Tome IL Ÿ 


70 HISTOIRE NATURELLE 


_ dés yeux, les côtés de la tête & du cou, dans fa partie 
fupérieure, blancs, marquüetés de gris-céndré ; celle de 
Frifeh a de plus, fous la gorge, une tache rouge en 
forme de croiflant, plus bas un colliér noir fort large, 
Les foies ou filets de l'occiput en petit nombre, & pas 

une feule penne blanche aux ailes; cé qui fait autant 
de variétés par lefquelles les peintades de ces Auteurs 

diffèrent de là nôtre. | | 


Celle de Marcgrave avoit de plus le bec jaune 7, . 
celle de M. Briffon: l'avoit rouge à a bafe, & de 
couleur de corne vers le bout (b). M." dé l’Académie 
ont trouvé à quelques - unes une petite huppe à Ja 
bafe du bec, compofée de douze ou quinze foies où 
filets roides, longs de quatre lignes /c), laquelle ne fe 
retrouve que dans celles de Sierra-Liona, dont j'ai 
parlé plus haut. 

Le Doëteur Cai tr que Îa RUE a la tête toute 
noire, & que c’eft la feule différence qui Ja diftingue 
du mäle /4). | 

Aldrovande prétend au contraire que la tête de la 
femelle a les mêmes couleurs que celle du male; mais que 
fon cafque eft feulement moins élevé & plus obtus /e). 


(a) Roftrum flavum. Voyez Hifloria nat. Brafl. pag. 192. 
{b) Voyez Ornithologie, tome I, page 180. 

(c} Voyez Mémoires fur les Animaux, pertie IT, page 82, 
(d) Caius apud Gefnerum, de avibes, pag. 4817. 

(€) Voyez Ornithologia Aldroy, tom. I, pag. 336. 


DE LEA EM VTUANNE (EN 
Roberts affure qu'elle n’a pas même de cafque /f). 
Dampier & Labat, qu'on ne fui voit point ces bar- 

billons rouges & ces caroncules de même couleur 
qui, dans le mäle, bordent l’ouverture des narines /z}. 

M. Barrère dit que tout cela eft plus pâle que 
dans le mâle /4), & que les foies de l’occipur font plus 
rares, & tels apparemment qu’ils paroiflent dans [a 
planche CXXVI de Frifch. 

Enfin, M." de P Académie ont trouvé dans quel: ques 
individus, ces foies ou filets de laccpur élevés d’un 
pouce, en forte qu'ils formoient comme une re 
huppe derrière la tête /2). | 

ll feroit difficile de démêler parmi toutes ces variétés 
celles qui fontaflez profondes, & pour ainfi dire affez 
fixes, pour conflituer des races diftinctes; & comme 
on ne peut douter qu’elles ne foient toutes fort récentes, 
il feroit peut - être plus raifonnable de les regarder 
comme des effets qui s’opèrent encore ent 
par la domeflicité, par le changement de climat, par 
la nature des alimens, &c. & de ne les employer dans 
la defcription, que pour afligner les limites des varia- 


(f) Voyages de Roberts au Cap-vert & aux Ifles, &c. page 4 0 2 
(g) Nouveau voyage de Dampier, rome VIT, page 23, Nota. H 
ef probable que la crête courte & d’un rouge très- vif, dont parle 
le P. Charlevoix, n’eft autre chofe que ces caroncules. V oyez 
fon ÆHifloire de l'ile Efpagnole, tome 1, ‘page 28, &c. 
(h) Barrère, Ornithologiæ Jpecimen, chaff. IV, gen. 111, fpecies 6. 
[i) Voyez Mémoires fur les Animaux partie IT, page 80. 


VA 


#72 HISTOIRE NATURÉLLE 

tions auxquelles font fujettes certaines qualités de la 
peintade; & pour remonter autant qu’il ef poffible aux 
caufes qui les ont produites jufqu'àa ce que ces variétés 
ayant fubi l'épreuve du temps, & ayant pris la confif- 
tance dont elles font fufceptibles, puiffent fervir de 
caraélères à des races réellement diftinétes. 

La peintade a un trait marqué de reflemblance avec 
le dindon, c’eft de n'avoir point de plumes à la tête 
ni à la partie fupérieure du cou, & cela a donné lieu à 
plufieurs Ornithologiftes; tels que Belon /4), Gefner (l}, 
Aldrovande /7) & Klein (2), de prendre le dindon 
pour la méléagride des Anciens; mais outre les diffé- 
rences nombreufes & tranchées qui fe trouvent, foit 
entre ces deux efpèces, foit entre ce que l’on voit dans 
le dindon & ce que les Anciens ont dit de la méléa- 
gride /o); il fufht pour mettre en évidence la fauffeté 


(k) Voyez Hifoire naturelle des Oifeaux, page 246. 

{{7 Voyez De avibus, pag. 480 & fuiv. | 

(m) Voyez Ornithologiæ, lib. XII, pag. 36. 

(n) Prodromus Hifloriæ avium, pag. 112. 

(0) La Méléagride étoit de la groffeur d’une poule de bonne 
race, avoit fur la tête un tubercule calleux, le plumage marqueté 
de taches blanches, femblables à à des lentilles, mais plus grandes ; 
deux barbillons adhérans au bec fupérieur, Ja queue pendante, fe 
dos rond, des membranes entre les doigts, point d'éperons aux 
pieds, aimoit les De n'avoit point d’attachement pour fes 
petits, tous caractères qu’on chercheroit vainement dans Îe dindon, 
lequel en a d’ailleurs deux très- -frappans, qui ne fe retrouvent point 
dans la defcription de la Méléagride. Ce bouquet de crins durs 


DE: M ANUPHENTNTOADIA 173 
‘de cette conjecture, de fe rappeler les préuves par 
lefquelles j'ai établi à l'article du dindon, que cet 
oifeau eft propre & particulier à Amérique, qu'il vole 
pefamment, ne nage point du tout, & que par con- 
féquent il n’a pu franchir la vafte étendue de mers 
qui fépare |’ Amérique de notre continent; d’où il fuit 
qu'avant la découverte de l'Amérique, il étoit entière- 
ment inconnu dans notre continent, & que les Anciens 
n'ont pu en parler fous le nom de méléagride. 

Il paroït que c’eft aufli par erreur que le nom de 
Knor- haan s’eft gliffé dans la lifle des noms de fa 
peintade donnée par M. Briflon /p), citant Kolbe /4); 
je ne nie pas que la figure par laquelle le Knor-haan a 
été défigné dans le voyage de Kolbe, n’ait été faite 
d’après celle de la poule afriquaine de Marcgrave, 


qu lui fort au bas du cou, & fa manière d’étaler fa queue & de 


__ faire [a roue autour de fa femelle. 


(p} Onithologie, tome TI, page 177. 


(4) Defcription du cap de Bonne-efpérance, tome 111, page 1 6 9. 
c Un oïifeau qui appartient proprement au Cap, dit ce Voyageur, 
ft le Xnor-hahu ou Cog-knor , c’eft la fentinelle des autres oifeaux: « 
il es avertit lorfqu’il voit approcher un homme, par un cri qui « 
reflemble au fon du mot era, & qu'il répète fort haut: fa gran- ce 
deur eft celle d’une poule; il a le bec court & noir comme les « 
plumes de fa couronne; le plumage des alles & du corps mêlé de « 
rouge, de blanc & de cendré; les jambes jaunes, fes ailes petites : ce 
-3 fréquente les lieux folitaires, & fait fon nid dans les buiflons; « 
fa ponte eft de deux œufs; on eftime peu fa chair, quoiqu'elle « 
{oït bonne ». | 


Y iÿ 


174 ÆÂAISTOIRE NATURELLE 
comme le dit M. Briflon; mais il avouera aufli qu’il 
eft difficile de reconnoître dans un oifeau propre au 
cap de Bonne- efpérance , , la peintade qui eft répandue 
dans toute l'Afrique, mais moins au cap que par-tout 
ailleurs; & qu'il eft encore plus difficilé d'adapter à 
celle-ci, ce bec court & noir, cette couronne de 
plumes, ce rouge mêlé dans les eouleurs des ailes & 
_ du corps, & cette ponte de deux œufs feulement que 
Kolbe attribue à fon 4nor-haan. | 

Le plumage de la peintade , fans avoir des couleurs 
riches & éclatantes, eft.cependant très- -diftingué ; c'eft 
un fond gris-bleuatre plus ou moins foncé, fur lequel 
font femées aflez regulièrement des taches blanches 
plus où moms rondes , repréfentant aflez bien des 
perles: d'où quelques Modernes ont donné à cet 
oifeau le nom de pouks perlées (r): & les Anciens, 
ceux de varia & de gurtata ([), tel étoit du moins de 
plumage de la peintade dans fon climat natal; mais 
depuis qu’elle a été tranfportée dans d’autres régions, 
ele a pris plus de blanc, témoin Îles peintades à poi- 
trine blanche de la Jamaïque & de Saint-Domingue, 
& ces peintades parfaitement blanches dont parle 


M. Edwards (£/; en forte que la blancheur de {a 


{r) Voyez Frifch, planche CXX VI, — Klein, H foie Animaliume 
prodomus , pag. 3. 

([) Martial, ÆEpigramum : 

. (ft) « Depuis que les peintades le. font multipliées { en Angle- 
» terre h, leur couleur s’eft altérée:, il s’y eft mêlé du blanc dans 
» plufeurs; d’autres font d'un gris de perle clair, en confervant leur 


DE LA PRE INTADIE 375 
poitrine dont M. Briflon a fait le caraétère d’une variété, 
n’eft qu’une altération commencée de la couleur natu- 
relle, ou plutôt n’eft que le paiese de cette couleur 
à Ja blancheur parfaite. 

Les plumes de fa partie moyenné du cou font fort 
courtes, à f'endroit qui joint fa partie füpérieure , où 
il n'y en a point du tout; puis ellés vont toujours 
croiffant de longueur jufqu’à la poitrine où eHés ont 
près de trois pouces. | 


Ces plumes font duvetées depuis leur raciné jufqu’à 
environ la moitié de leur longueur; & cette partie 
duvetée eft recouverte par l'extrémité des plumes du 
rang précédent, laquelle eft compofée dé barbes fermes 
& accrochées les unes aux autres /4). : 


La peintade a les ailes courtes & la queue pendante, 
comme Îa perdrix, ce qui joint à la difpoftion de fes 
plumes, l’a fait paroitre boflue (genus Gibberum. Pline }; 
mais cette boffe n'eft qu'une faufle apparence, & 
il n’en refte plus aucun veftige lorfque lofeau ef 
plumé /x). | | 

Sa groffeur eft à peu-près celle de la pére commune ; 
mais elle a la forme de la perdrix, d’où lui éft venu 


mouchetures ; d’autres font parfaitément Blanches ». Voyez Glanures 
d'Edwards ; Troifième partie ; page 2 69. 

(u) Voyez Mémoires pour fervir à lHiftoire M Animaux , 
partie TI, page 87, 


{x): Voyez Lettres édifantes, Recueil XX, doso citato, 


176 AH ATU TEE NATURELLE 


le nom de perdrix de Terre-neuve /y); feulement elle 
a les pieds plus élevés & le cou plus long & pe menu 
dans le haut. | 
Les barbillons qui prennent D du. bec fupé- 
rieur, n’ont point de forme conftante , étant ovales 
dans les unes, & carrés ou triangulaires dans Îes autres: 
ils font rouges dans la femelle & bleuâtres dans le mâle; 
& c’eft, felon M." de l’Académie /z) & M. Briflon /a), 
la feule chofe qui diftingue les deux fexes ; mais d’autres 
Auteurs ont affigné, comme nous l'avons vu ci-deflus, 
d’autres res tirées des couleurs du plumage /4), 
des barbilions (c), du tubercule calleux de la tête /d), des 
caroncules des narines /£), de la groffeur du corps ff), 
des foies ou filets de locciput (g/, &c. foit que ces 
variétés dépendent en effet de la différenee du fexe, 
foit que par un vice de logique trop commun , on les 
ait regardées comme propres au fexe de l individu où 


0) Voyez Hu: Etift. nat. des Oïfeaux, page 247. 
{x) Voyez Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des Animaux, 
aps IT, page #3. AS 
(&) Omithologie, tome À, page 179 
{b) Caius apud Gefnerum, de avibus, pag. 487. | 
(c) Columelle, Frifch, Dampier, RE | 
(4) Aldrovande, Robbie: Barrère, Dalechamp, &c. 
(€) Barrère, Labat, Dampier, &c. 


(f) Frifch. 
(g) Frifch, Bairère, &c. 
elles 


DE LA PEINTADE +79 
elles fe trouvoient ar eentEtenient ; & par des caufes 
toutes différentes. A. 

En arrière des barbillons, on voit fr. les côtés de 
la tête, la très - petite ouverture des oreilles qui, dans 
= la plupart des oiïfeaux, eft ombragée par des plumes, 
& fe trouve ici à découvert; mais ce qui eft propre à 
la peintade, c’eft ce tubercule calleux, cette efpèce de 
cafque qui s'élève fur fa tête, & que Belon comparé 
affez mal-à-propos au tubercule , ou plutôt à la corne de 
a giraffe /4); il eft femblable par fa forme à la contre- 
épreuve du bonnet ducal du Doge de Venife, ou, fi 
l’on veut, à ce bonnet mis fens devant derrière /5); 
fa couleur varie dans es différens fujets du blanc au 
_rougeûtre, en pañlant par le jaune & le brun /4); fa 
fubftance intérieure eft comme celle d’une chair en=< 
durcie & calleufe; ce noyau eft recouvert d’une peau 
sèche & ridée qui s'étend fur l'occzpur & fur les côtés de 
la tête, mais qui eft échancrée à l'endroit des yeux //). 
Les Phyfciens, à caufes finales, n'ont pas manqué 
de dire que cette callofité étoit un cafque véritable, une 


(}) Belon, Nature des © sax , page 247 

(i) C'eft à caufe de ce tubercüle que M. Linnæus à nommé Ia 
peintade , tantôt Gallus vertice corneo, Ai nat. edit, VI, tantôt 
- Phafianus vertice callefo , edit. X. ? 
_ {#) Meft blanchâtre dans la planche cxxvr de Frifch, couleur 
de cire, fuivant Belon, page 247; brun, elon Marcgrave; fauves 
brun, felon M. Perrault; rougeätre dans notre planche. 

(l) Mémoires fur les Animaux, partie IT, page #2. 

Oifeaux, Lome IL 


478 HISTOIRE NATURELLE 
arme défenfive donnée aux peintades , pour les munir 
contre leurs atteintes réciproques, attendu que ce font 
des oifeaux querelleurs, qui ont le bect très-fort & le 
crâne très-foible /). | 

Les yeux font grands & couverts, la paupière fupé- 
rieure a de longs poils noirs relevés en haut, & le 
_ criftallin eft plus convexe en dedans qu’en dehors /2). 

M. Perrault aflure que le bec eft femblable à à celui 
de la poule; le Jéfuite Margat le fait trois fois plus 
gros, très-dur & très-pointu; les ongles font aufli plus 
aigus , felon le P. Labat; mais tous s'accordent, 
Anciens & Modernes, à dire que les pisfas n’ont point 
d’éperons. | | 
_ Une différence confidérable qui fe trouve entre la 
poule commune & la peintade, c’eft que le tube intef- 
tinal eft beaucoup plus court à proportion dans cette 
dernière, n'ayant que trois pieds, felon M.* de l’Aca- 
démie, fans compter les cæcum qui ont chacun fix 
pouces, vont en s’élargiflant depuis leur origine, & 
reçoivent des vaifleaux x À méfentère comme les autres 
inteftins. Le plus gros de tous eft le dodéenum, qui a 
plus de huit lignes de diamètre; le gélier eft comme 
celui de la poule; on y trouve auffi beaucoup de petits 
graviers, quelquefois même rien autre chofe, apparém- 
ment lorfque l'animal étant mort de langueur, a paflé 
des derniers temps de fa vie fans manger; la membrane 
(m) Voyez Mif. Aldrovand, Ornithologia, tom. I, pag. 37. 
(2) Mémoires fur les Animaux, partie IT, page 87, | 


DÉC ATEIINT 108, 170 
interne du géfier eft très -ridée , peu adhérente à la 
_ tunique nerveufe, & d’une fübflance analogue à celle 
de H'cCorne, 

Le jabot lorfqu’il eft foufflé, eft de la groffeur 
d’une balle de paume: le canal intermédiaire entre le 
jabot & le géfier , eft d’une fubftance plus dure & plus 
blanche que la partie du conduit inteftinal qui précède 
le jabot, & ne préfente pas à beaucoup près un fr 
grand nombre de vaiffeaux apparens. | 

L'’æfophage defcend le [long du cou, à droite de la 
rachéé-arière {o); fans doute parce que le cou qui, 
comme je lai dit, eft fort long, fe pliant plus fouvent 
en avant que fur les côtés, l’œfophage preflé par la 
trachée-artère dont les anneaux font entièrement offeux 
ici, comme dans la plupart des oifeaux, a été pouflé 
du côté où il y avoit le moins de réfiflance. 

Ces oifeaux font fujets à avoir dans le foie, & 
même dans la rate des concrétions fquirreufes ; on 
en a vu qui n’avoient point de véficule du fiel; mais 
dans ce cas le rameau hépatique étoit fort gros; on 
en a vu d’autres qui n’avoient qu’un feul l'téflicule Cp); 
en général, il paroit que les parties internes ne {ont pas 
moins fufceptibles de variétés que Les parties extérieures. 
“ fuperficielles. | 

Le cœur eft plus pointu qu'il ne " eft communément 


# Voyez les Mémoires. pour fervir à P'Hift. mat. dés Animaux , 
æartie-Tl, page 84, ét. | 


| {p) Noyez Idem, Ibidem, page 84. 7 à 
| ‘1 


#80 HISTOIRE NAPURELLE, 
dans les oifeaux (4), es poumons font à l ordinaire; mais 
on a remarqué dans quelques fujets, qu’en foufflant 
dans la trachée - artère pour mettre en mouvement les 
poumons & les cellules à air; on a remarqué, dis-je, 
que le péricarde qui paroiffoit plus lâche qu’à l’ordi- 
naire, fe gonfloit comme les poumons fr). 
J’ajouterai encore une obfervation anatomique, qui 
peur avoir quelque rapport avec l'habitude de crier, 
& à la force de la voix de la peintade; c’eft que la 
trachée - artère reçoit dans la cavité du thorax, deux 
petits cordons mufculeux longs d’un pouce, larges de 
deux tiers de ligne, lefquels s’y implantent de ae 


côté [[). 


La peintade eft en effet un oifeau très- etant & cé 


n’eft pas fans raifon que Browne l'a appelée gallus 


clamofus (1); fon cri eft aigre & perçant, & à la longue 
il devient tellement incommode, que quoique la chair 
de la peintade foit un excellent manger & bien fupérieur 
à la volaille ordinaire, la plupart des colons d’ Amérique 
ont renoncé à en élever /4); les Grecs avoient un 
mot particulier pour exprimer ce cri (x); Élien dit que 
(4) Voyez les Mémoires pour fervir à l'Hift. nat. des Animaux à 
partie II, page 86, rc. 
{r) Hiftoire de l'Académie des ab tome L. page 15%. 
({) Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Animaux, loco citato, 
(t) Natural Hifiori of Jamaïic. pag. 470. | 
(/ Lettres édifiantes, Recueil XX, loco citato. 
[67 KaytCar, flon Pollux, Fax sue de A ils , PE 47 9 


DÉ: LA PELLE T A DE : IBI 
la méléagride prononce à peu près fon nom /p); le 
Docteur Cai, que fon cri approche de celui de {a 
perdrix , fans être néanmoins aufli éclatant (z); Belon, 
qu'il eff quaff comme celui des perirs poufins nouvellemens 
éclos ; mais il aflure pofñtivement qu’il eft diffemblable 
à celui des poules communes /a); & je ne fais pour- 
quoi Aldrovande /6) & M. Salerne /e), lui font dire 


le contraire, 


C’eft un oifeau VIE, inquiet & turbulent, qui n’aimé 
point à fe tenir en place, & qui fait fe rendre maître 
dans la bafle- cour; il fe fait craindre des dindons 
même, & quoique beaucoup plus petit, il leur en 
impofe par fa pétulance; « la peintadé, dit le P, Margat, 
a plutôt fait dix tours & donné vingt coups de bec, « 
que ces gros oïifeaux n'ont penfé à fe mettre en « 
défenfe: » ces poules de Numidie femblent avoir la 
même façon de combattre, que l’Hiftorien Sallufte 
attribue aux cavaliers Numides: « leur charge, dit-il, 
_eft brufque & irrégulière ; trouvent-ils de laréfiflance « 
ils tournent le dos, & un inftant après, ils font fur « 
l'ennemi (4); » on dns à cet sens en joindre 


(y) De Natura Animalium , lib. IV, cap. XLII, 

{z) Voyez Gefner, de Avibus, pag. 481. 

(a) Hiftoire des Oifeaux, page 248. 

(b) Ornithologia , tom. ÎI, pag. 338 

(c) Hiftoire naturelle des Oïfeaux, page x 24. 

{d) Noyez Letres édi fans, XX." Recucil, /oco citate, 
2 iij 


382 ÂMISTOIRE NATURELLE 
beaucoup d’autres qui atteftent l'influence du climat 
fur le naturel des animaux, ainfi que fur le génie national 
des habitans: léléphant joint à beaucoup de force & 
d’induftrie une difpofition à ? efclavage: le chameau eft 
laborieux, patient & fobre ; le dogue ne démord point. 
Élien raconte que dans une certaine Ifle, [a méléa- 
gride eft refpectée des oifeaux de proie fc); mais je 
crois que dans tous les pays du monde, les oifeaux de 
proie attaqueront par préférence toute autre volaille qui 
aura de bec moins fort, point de cafque fur la tête, 
& qui ne faura pas fi bien fe défendre. 
* La peintade eft du nombre des oifeaux pulvérateurs 
qui cherchent dans la poufhière où ils fe vautrent, un 
remède contre l’incommodité des infectes ; elle gratte 
auffi la terre comme nos poules communes, & va par 
troupes très - nombreufes: on en voit à l’île de May 
des volées de deux ou trois cents; les Infulaires les 
chaffent au chien courant, fans autres armes que des 
bâtons {/f); comme elles ont Îles ailes fort courtes, 
elles volent pefamment; m mais elles courent très - vite, 
& felon Belon, en tenant la tête élevée comme la 
giraffe /£); elles fe perchent la nuit pour dormir, & 
quelquefois la journée, fur les murs de clôture, fur les 


(e) Voyez Hiforia Arimalium, Ub. V , cap. XXVIT.! 

(f) Voyez Dampier, nouveau voyage autour du Monde, 
tome IV, page 23; & le voyage de Brue dans la nouvelle relation 
de l'Afrique occidentale, par Labat. 


(g) Hiftoïire des Oileaux, page 248, 


DE LN) PE INPA ME 13 


haies, & même fur les toits des maifons & fur les 
arbres; elles font foigneufes, dit encore Belon, en 
pourchaffant leur vivre /4/; & en effet elles doivent 
_confommer beaucoup, & avoir plus de befoins que 
les poules domeftiques, vu le peu de longueur de 
leurs inteflins. 

I paroît par le témoignage des Anciens fi) & des 
Modernes /4), & par les demi-membranes qui uniffent 
les doigts des pieds , que la peintade eft un oïfeau demi 
aquatique : auffi celles de Guinée qui ont recouvré leur 
liberté à Saint - Domingue, ne fuivant plus que l’im- 
pulfion du naturel, cherchent de préférence les lieux 
aquatiques & marécageux //). 

/ Si on les élève de jeuneffe , elles s'apprivoifent 
très-bien. Brue raconte qu’étant fur la côte du Sénégal, 


(t) Nota M. de Séve à obfervé en jetant du pain à des 
peintades, que lorfqu’une d’entrelles prenoit un morceau de pain. 
plus gros qu’elle ne pouvoit l'avaler tout de fuite, elle lemportoit 
en fayant les paons & les autres volailles qui ne vouloient pas 1a 
quitter ; & que pour s en débarraffer elle cachoït le morceau de pain. 
dans du fumier ou dans de la terre, où elle venoit le chercher & 
le manger quelque temps après. 

(i) Pline, Hifleria naturalis , Kb. XXX VIT, cap, 11, — Clitus. 
&e Milet dans Athénée, #2. XIV, cap, XXWI, 

_ {k) Gefner, de Avibus, pag. 478. — Frifch, planche CXxXvr, 
— Lettres édifiantes, Recueil XX, dre. 

(1) Lettres édifiantes, bidem. — J’entrai dans un petit bofquet, 

auprès d’un marais, qui attiroit des compagnies de peintades, dit 


M. Adanfon, page 70 de fon voyage au Sénégal, 


184 HISTOIRE NATURELLE 
il reçut en préfent d'une Princefle du pays, deux 
_peintades, l’une mâle & l’autre femelle, toutes deux fr 
familières qu’elles venoient manger fur fon affiette; & 
qu'ayant la liberté de voler au rivage, elles fe rendoient 
régulièrement fur la barque au fon de la cloche qui 
annonçoit le diné & le foupé /#7). Moore dit qu’elles 
font aufli farouches que le font les faifans en Angle- 
terre /2); mais je doute qu’on ait vu des faifans auf 
privés que les deux peintades de Brue; & ce qui prouve 
que les peintades ne font pas fort farouches, c’eft 
qu'elles reçoivent la nourriture qu’on leur préfente au: 
moment même où elles vienhent d'être prifes /o). 
Tout bien confidéré, il me femble que leur naturel 
approche beaucoup plus de celui de la perdrix que de 
celui du faifan. | | 
La poule peintade pond & couve à peu près comme 
la poule commune; mais il paroït que fa fécondité 
n’eft pas la même en différens climats, ou du moins 
qu’elle eft beaucoup plus grande dans l’état de domef- 
ticité où elle regorge de nourriture, que dans l’état de 
fauvage où étant nourrie moins largement, elle abonde 
moins en molécules organiques fuperflues. : | 
On m'a afluré qu “elle eft fauvage à l'Ifle de France; 
 & qu'elle y pond huit, dix & douze œufs à terre dans 


(mn) Troifième voyage de Brue, Li par Labat. 
(n) Voyez Hiftoire générale des Voyages , tome III, page 3100. 


{) Longolius apud Géfrerum, pag: 479 
les 


DE ME AU PET INTOADE 386$ 
les bois: au lieu que celles qui font domeftiques à 
Saint-Domingue, & qui cherchent auffi le plus épais 
| des haies & des brouffailles pour y dépofer leurs œufs, 
en pondent jufqu’à cent & cent cinquante, pourvu qu’il 
en refte toujours quelqu'un re le nid /p). 
Ces œufs font plus petits à proportion que ceux de 
la poule ordinaire; & ils ont aufli la coquille beau- 
_coup plus dure: mais il y a une différence remarquable 
_entre ceux de la peintade domeftique & ceux de’la 
” peintade fauvage; ceux-ci ont de petites taches rondes 
comme celles du plumage, & qui n’avoient point 
échappé à Ariftote /4); au lieu que ceux de la peintade 
domeftique,. font d’abord d’un rouge aflez vif, qui 
devient enfuite plus fombre; & enfin couleur de rofe 
sèche, en fe refroidiffant: fi ce fait eft vrai, comme 
me l’a affuré M. Fournier qui en a beaucoup élevé, it 
faudroit en conclure que les influences de la domefticité 
font ici aflez profondes, pour altérer non - feulement 
les couleurs du plumage, comme nous l'avons vu ci- 
deflus, mais encore celle de la matière dont‘fe forme 
la coquille des œufs; & comme cela n’arrive pas dans 
les autres efpèces, c’eft encore une raifon de plus 
pour regarder la nature de la peintade, comme moins. 
fixe & plus fujette à varier que celle des autres oïfeaux. 
La peintade a-t-elle foin ou non de fa couvée' c'eft. 


(p) Lettres édifiantes, Recueil XX, 
1) Hifloria Animalium, Wb. VI, cap. it 
Orfeaux , Lome IL , D 


186 HISTOIRE NATURELLE 

un problème qui n’eft pas encore réfolu: Belondit 
oui, fans reftriction /r/; Frifch eft auff pour l’affrr- 
mative à l'égard de fa grande efpèce qui aime les 
lieux fecs, & il aflure que le contraire eft vrai dé la 
petite efpèce qui fe plaît dans les marécages ; mais le 
plus grand nombre des témoignages lui attribue de 
l'indifférence fur cet article; & le Jéfuite Margat nous 
apprend qu’à Saint-Domingue, on ne lui permet pas 
de couver elle -même fes œufs, par la raifon qu’elle 
ne s'y attache point, & qu'elle abandonne fouvent fes 
petits; on préfère, dit-il, de les faire couver par des 
| poules d'Inde ou par des poules communes ff}. 

Je ne trouve rien fur la durée de l’incubation; mais 
à juger par la groffeur de l’oifeau , & par ce que l’on 
fait des efpèces auxquelles il a le plus de rapport, on 
peut la fuppofer de trois femaines, plus ou moins, 
felon la chaleur or la faifon ou du climat, l’afiduité 
de la couveufe, 

Au commencement , les jeunes peintadeaux n’ont 
encore ni. barbillons, ni fans doute de cafque: ils 
reffemblent alors par le plumage, par la couleur des pieds 
& du bec, à des perdreaux rouges; & il n’eft pas aifé 
de diflinguer les jeunes mâles des vieilles femelles (4/; 


(7) « Sont moult fécondes & foigneules de bien nourrit leurs 
petits ». Æifloire des Oifeaux, page 248. 


([) Lettres édi iflantes , Recueil XX, ro citate. 


(t) Ceci nous a été affuré par le fieur Fournier, que nons 
avons cité ci-devant. 


DE LA PEINTADE. 1:87 
car c’eft dans toutes les efpèces que la maturité des 
femelles reflemble à l'enfance des mâles. 

. Les peintadeaux font fort délicats & très-difficiles à 
élever dans nos pays feptentrionaux, comme étant 
originaires des climats brûlans de l’Afrique ; ils fe 
nourriflent, ainfr que les vieux à Saint - Domingue , 
avec du millet, felon le P. Margat /4); dans l'ile de 
May , avec des cigales & des vers qu'ils trouvent eux- 
mêmes en grattant la terre avec leurs ongles /x); & 
felon Frifeh. ils vivent de toutes fortes de graines & 
d’infectes (y). | 

Le coq peintade produit auffi avec la poule domef- 
tique; mais c’eft une efpèce de génération artificielle 
qui demande des précautions ; [a principale eft de 
les élever enfemble de jeunefle; & les oïifeaux metis 
qui réfultent de ce: mélange, forment une race bâtarde, 
imparfaite, défavouée pour ainfi dire de la Nature, & 
qui ne pondant guère que des œufs clairs, n’a pu 

jufqu’ici fe perpétuer régulièrement /z). 
Les peintadeaux des baffe-cours font d’un fort bon 
goût, & nullement inférieurs aux pérdreaux; mais les 
fauvages ou marrons de Saint-Domingue, font un 
mets exquis & au-deflus du faifan. 


(u) Lettres édifantes, Recueil XX, loco citato. 

(x) Nouveau voyage autour du Monde, de Dampier, tome IV, 
page 22.— Labat, tome IT, page 326; é7 tome IH, page 139. 

O) Frifch, planche CXXVI. | 


| ANA 


Aaï 


( Étiou le fleur Fournier, 


188 HISTOIRE NATURELLE 
Les œufs de peintade font auf fort bons à margér. 


Nous avons vu que cet oifeau étoit d’origine afri- 
quaine, & de-là tous les noms qui lui ont été donnés 
de poule afriquaine, numidique, étrangère; de poule 
de Barbarie, de Tunis, de Mauritanie, de Lybie, de 
Guinée { d’où s’eft formé le nom de Guinette }, 
d'Égypte, de Pharaon & même de Jérufalem: quelques | 
Mahométans s’étant avifés de les annoncer fous le nom 
de poules de Jérufalem, les vendirent aux Chrétiens 
tout ce qu'ils voulurent /4); mais ceux-ci s'étant 
aperçus de Îa fraude, les revendirent à profit à de bons 
Mufulmans, fous le nom de poules de la Mecque. 


On en trouve à l’Ifle de France & à l’fle de Bour- 
bon (b, où elles ont été tranfplantées aflez récemment, 
& où elles fe font fort bien multipliées /c), elles font 
connues à Madagafcar fous le nom d’acanques (d), & au 
Congo fous celui de guerèle (e}5, elles font fort com- 
munes dans la Guinée (8 la Côte-d’or, ‘où il ne 
s’en nourrit de privées que dans le canton d’Acra, (2) 


(a) Longolius apud Gefnerum, de Avibus, pag. 479: 
{b) M. Aublet. ï 
{c) Voyage autour du Monde de la Barbinais le Gentil, tome XL, 
page 6 0 8. 
(d) François Cauche, relation de Madagafcar, , page 1 E ?. 
fe) Marcgrave, Hifloria nat, Brajil. pag. 192. 
(f) Margat, Lettres édifiantes, loco citato. 


{g) Voyage de Barbot, page 217. 


D En PE UN PA BLUES 80 
à Sierra-Liona /4), au Sénégal /2), dans l'ile de Gorée, 
dans celle du Cap-vert (4), en Barbarie, en Égypte, 
en Arabie /{) & en Syrie {#); on ne dit point s’il y 
en a dans les iles Canaries, ni dans celle de Madère. 
Le Gentil rapporte qu'il a vu à Java, des: poules 
peintades (x); mais on ignore fi elles étoient domef-. 
tiques ou fauvages: je croirois plus volontiers qu’elles 
étoient domeftiques, & qu’elles avoient été tranfportées 
d'Afrique en Afie, de même qu’on en a tranfporté en. 
Amérique & en Europe, mais comme ces: oifeaux: 
étoient accoutumés à un climat très- chaud, ils n’ont 
pu s’habituer dans les pays glacés qui bordent la mer 
Baltique; aufli n’en eft-il pas queftion dans la Fauna 
Juecica de M. Linnæus. M. Klein-paroît n’en parler 
me fur le rapport d'autrui, & nous voyons même, 
qu'au commencement du fiècle ils étoient encore fort 
rares en Angleterre /o). 

Varron nous apprend que de fon temps les poules 
afriquaines ( c’eft ainfi qu'il appelle les peintades }, fe 
vendoient fort cher à Rome à caufe de leur rareté /p); 

{h) Marcprave, Hiff. nat. Brafil. Loco citato. 

(i) Voyage au Sénégal, de M. Adanfon, page 7. 

{t) Dampier, voyage autour du Monde, tome IV, page 23: 

(1) Strabon, 4h. XVI, 

{m) Meleagrides fert ultima [yriæ Regio. Diudor, ficul. 

(r)_ Nouveau voyage autour du Monde, tome III, page »4, 

(c) Voyez Glanures d’Edwards, Zroifième partie, page 2 (9. 


{p) De Re Rufiica, lib. IT, cap. IX. 
À à iij 


190 HISTOIRE. NATURELLE, dc. 

elles étoiént beaucoup plus communes en Grèce du 
temps de Paufanias, puifque cet Auteur dit pofitive- 
ment que la méléagride étoit avec l’oie commune, 
l'offrande ordinaire des ne peu aifées dans les 
myftères folennels d'Îfis /7/: malgré cela, on ne doit 
point fe perfuader que les peintades fuffent naturelles 
à la Grèce, puifque ,. felon Athénée, les Étoliens 
pafloient pour être les premiers des Grecs qui euffent 
eu de ces oifèaux dans leur pays: d’un autre çôté, 
j'aperçois quelque trace de. migration régulière dans 
les combats que ces 'oifeaux venoient fe livrer tous 
les ans en Béotie, fur le tombeau de Méléagre fr), & 
qui ne font pas moins cités par les Naturaliftes que par 
les Mythologiftes; c'eft de-là que leur eft venu le nom. 
de méléagrides {f D, comme celui de peintades leur à 
été donné moins à caufe de la beauté que de agréable 
difiribution des couleurs sont leur plumage eft peint. 


{ah V'id Len de Avibus, pag. 479; quorum tenuier effres 
familiaris in celebribus Wa conventibus ; auirres ane, aves meleagrides | 
immolant. se | 

(r) Simili modo te nempé ut memnonides aves d prgrant meleagrides 
in Baæotia, Plin. Hift. nat, 45. X, cap. XXVI. | 

({) Nota. La Fable dit que les fœurs de Méléagre, défefpérées 
dèe la mort de leur frère, furent changées en ces oifeaux qui porche 
énçore leurs larines femées de leurs PSE 


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OU. 


LE GRAND COQ DE BRUYÈRE () 


Planche V de ce volume. 


S: l’on ne jugeoit des ait que par les noms, on 
pourroit prendre cet oifeau ou pour un coq fauvage, 
ou pour un faifan, car on lui donne en plufieurs pays, 
& fur-tout en Italie, le nom de. Coq fauvage, gallo 
alpéftre (b), felvarico; tandis qu’en d’autres pays on lui 
donne celui de Faifan bruyant & de Faifan fauvage : 

cependant il diffère du faifan par fa queue qui eft une fois 


* Voyez les planches enluminées, n° 73 & 74, 

(a) En Grec, TéreiËs en Latin, Tetrao / Magnus ); en Latin 
moderne, Urogalhs; en Italien, Gallo Cedrone; en Allemand , 
Or-han, Aver-Han; en Polonois, Glufzec; en Suedois, Kjaeder 
ou Zjatder; en Norvège, Lieure; en Anglois, Mountain Cock; dans 
quelques provinces de France, Coq de Limoges , Coq de bois, 
Faifan bruyant, — Tetrao. Bel. Objerv. pag. 11. — Urogallus Jeu 
Tétrao. Aldrov. Avi, tom. II, pag, $9:— Tetrao, five Urogallus. 
Frifch. Tab. ro7. Maf. = Coq & poule noire des montagnes de 
Mofcovie. Albin. Tome II, page 22, planche XXI1X; le mâle, 
planche XXX, la femelle. /Vora. La planche de Frilch eft bien 


1 coloriée, & celles d'Albin le font fort mal. 


fb) Albin décrit le mâle & la femelle fous le nom de Cog & 
de Poule noire des montagnes de et Li ni à Auteurs 


. lappellent Galus filyeftris. 


192  ÂAISTOIRE NATURELLE 


plus courte à proportion, & d’une toute autre forme: 
par le nombre des grandes plumes qui là compofent, par 
l'étendue de fon vol, relativement à fes autres dimen- 
fions, par fes pieds pattus & dénués d’éperons, &c. 
D'ailleurs, quoique ces deux cfpèces d'oifeaux fe 
plaifent également dans les bois, on ne Îes rencontre 
prefque jamais dans Îles mêmes lieux , parce que le 
 faifan qui craint le froid, fe tient dans les bois en 
plaines, au feu que le coq de bruyère cherche lé 
froid & habite les bois qui couronnent le fommet 
des hautes montagnes, d’où lui font venus les noms 
de coq de montagne & | de cog de bois. 

Ceux qui, à l'exemple de Gefner & de quelques 
autres, voudroient le regarder comme un coq fauvage, 
pourroient , à la vérité, le fonder fur quelques analogies; 
car il ya en eftet plufieurs traits de reflemblance avec 
de coq ordinaire, foit dans la forme totale du COFPS » 
_foit dans la configuration particulière du bec, foit par 
cetté peau rouge plus ou moins faillante dont les yeux 
font furmontés, foit par la fingularité de fes PAIBES 
qui font préfque toutes doubles, & fortent deux à 
ar de chaque tuyau, ce qui, fuivant Belon, eft propre 
au coq de nos baffe- cours /c): enfin ces oifeaux ont 
aufli des habitudes communes; dans les deux efpèces, 
il faut plufieurs femelles au mâle; les femelles ne font 
point de nids, elles couvent leurs œufs avec beaucoup 


| (c) Belon, Nature des Oifeaux, page 25 . 
| d’afliduité, 


Da TUE TR AS, 103 
d'affiduité, & montrent une grande affetion pour leurs 
- petits quand ils font éclos: mais fi l’on fait attention 
que le coq de bruyère n'a point de membranes fous 
le bec & point d’éperons aux pieds; que fes pieds 
font couverts de plumes, & fes doigts bordés d’une 
cfpèce de dentelure; qu'il a dans la queue deux pennes 
de plus que le coq; que cette queue ne fe divife point 
en deux plans comme celle du coq, mais qu’il la 
relève en éventail comme le dindon; que la grandeur 
totale de cet oifeau eft quadruple de celle des cogs 
ordinaires /4); qu’il fe plait dans les pays froids, tandis 
que les coqs preipérent beaucoup mieux dans les pays 
| tempérés; qu'il n’y a point d’ exemple avéré du mélange 
de ces deux efpèces; que leurs œufs ne font pas de 
a même couleur :enfin, fi l’on fe fouvient des preuves 
par lefquelles je crois avoir établi que l’efpèce du coq 
eft originaire des contrées tempérées de l’Afie, où les 
Voyageurs n’ont prefque jamais vu de coqs de bruyère; 
on ne pourra guère fe perfuader que ceux - ci foient 
la fouche de ceux-là, & l’on reviendra bientôt d'une 
_crreur occafonnée, comme tant d’autres, par une faufle 
dénomination. Fa | 

Pour moi, afin d'éviter touteéquivoque, je donnerai 
dans cet article au coq de bruyère:, le nom de tetras, 
formé de celui de rerrao, qui me paroïit être fon plus 
ancien nom latin, & qu'il conferve encore aujourd’hui 


{à Aldrovande , Sitil de , tome II, pige 61. 
Oifeaux, Tome IL | BR . 


104. HISTOIRE NATURELLE 
dans la Sclavonie, où il S’appelle serre ; on pourroit 
= aufh fui donner celui de cedron tiré de cedrone, nom 
{ous lequel il eft connu en plufieurs contrées d’ftalie : 
les Grifons l’appellent oo, du mot allemand #Z, 
qui fignifie quelque chofe de fuperbe où d’impofant, 
_ & qui eft applicable au coq de bruyère, à caufe de fa 
| grandeur & de fa beauté; par la même raifon, les habi- 
tans des Pyrénées lui donnent le nom de paon fauvage: 
celui d’urogallus, fous lequel il eft fouvent défigné par 
les Modernes qui ont écrit en latin, vient de ur, eur, 
urus qui veut dire fauvage, & dont s’eft formé en 
allemand Île mot auer-hahn ou ourh-hahn, lequel, felon 
Frifch, défigne un oifeau qui fe tient dans les lieux 
peu fréquentés & de difficile accès: il fignifie auffi un 
_oifeau de marais /e), & c’eft de-là que Le eff venu le 
nom ser-haln, coq de marais qu’on lui donne dans la 
 Souabe, & même en Écoffe Fo | 
Ariftote ne dit que deux mots d’un oïfeau qu’il 
* appelle srrix, & que les Athéniens, appeloient ourax ; 

_cét oifeau, dit-il, ne niche point fur les arbres ni fur 
la terre; mais parmi les plantes bafles & rampantes, 
Terrix quam Athenienfes vocant Seaÿa, nec arbort , nec terræ 
nidum fuum committie, [ed fruici (g). Sw quoi il eft à 
propos de remarquer que l'expreflion grecque FA pas été 
fidèlement rendue en fatin par Gaza; car, 1 * ÂAriftote 

(D Aue, défigne, felon Frifch, une grande place Rule & Hate, 

{f} Gefner, de Avibus, pages 231 & 477. 

(g) Hifloria Animalium, Kb. VI, cap. 1. 


D'D TETRAS. | 195 


ne parle point ici d’arbriffeau /futici ); mais feulement 
de plantes bafles /# Æ ce qui reflemble _ aux gramen 
& à la moufle qu'à des arbriffeaux; 2° Ariftote ne 
dit point que le zerrix faffe de nid fur ces Hein bafles, 
il dit feulement qu'il y niche, ce qui et oître la 
même chofe à un Littérateur, mais non à un Naturalifte, 
vu qu'un oifeau peut nicher, c’eft-à- dire, pondre & 
couver fes œufs fans faire de nid; & c’eft précifément 
le cas du six, felon Ariftote lui-même, qui dit 
quelques lignes plus haut, que l’allouette & le rerrix ne 
dépofent point leurs œufs dans des nids; mais qu’ils 
pondent fur la terre, ainfi que tous les oifeaux pefans, 
& qu'ils cachent leurs œufs dans l’herbe drue 5). 
Or ce qu'a dit Arifiote du wrrix dans ces deux 
pañlages, ainfi reétifiés l’un par l’autre, préfente plu- 
fieurs indications qui conviennent à notre seras, dont 
la femelle ne fait point de nid; mais dépofe fes œufs 
fur la moufle, & les couvre de feuilles avec grand foin 
Jorfqu’elle eft obligée de les quitter: d’ailleurs le nom 
latin éerao, par boniol Pline défigne le coq de bruyère, 
a un rapport évident avec le nom grec zerrix , fans 
compter | ’analogie qui fe trouve entre le nom athénien 
ourax & le nom compofé ourk-haln, que les Allemands 
/1) Es mois ul nnols Quois in humilibus plantis. : 
(i) Oùx cr véotéus.... AN Cp Th A emmAvya Coude UAur 
aon in mudis.,.,.fed in terra obumbrantes plantis. Gefner dit précifé- 
ment : #idum ejus congeflum potius quam conftrutluw vidirus. De Avibus, 


Gb, IT, Prg 487. 
Bb ji 


196 HISTOIRE NATURELLE 
AppHqUe au mêmé oifeau, analogie qui probablement 
n'eft qu'un effet du hafard. 

Mais ce qui pourroit jeter quelques doutes fur l'iden- 

tité du serrix d’Ariftote avec le rerrao de Pline; c’eft 
que ce dernier parlant de fon setrao avec quelque détait, 
ne cite point ce qu Ariftote avoit dit du retrix, ce que 
vraifemblablement il n’eût pas manqué de faire felon 
fa coutume , S'il eût regardé fon tetrao comme étant 
le même oifeau que le serrix d’Ariflote, à moins qu'on 
ne veuille dire qu'Ariflote ayant parlé fort fuperficielle- 
ment du zerrix , Pline n’a pas dû faire | init attention 
au peu qu il en avoit dit. 
_ À l’écarddu grand zetrax dont parle Athénée 77 x), | 
ce neft certainément pas notre tetras, puifqu'il a des 
efpèces de barbilons charnus & femblables à ceux du 
coq, lefquels prennent naiflance auprès des oreilles & 
defcendent au - deflous du bec, caractère abfolument 
étranger au tetras, & qui défigne bien plutôt la méléa- 
gride ou poule de Numidie qui eft notre peintade. 

Le petit serrax, dont parle le même Auteur, n’eft 
felon lui qu’un très - petit oifeau, & par fa petitefle 
même, exclus de toute comparaifon avec notre zerras, 
qui eft un oifeau de fa première grandeur. 

À l'égard du serrax du poëte Nemefianus qui infifte 
Aur fa flupidité, Gefner le regarde comme une efpèce 
d'outarde; mais Je lui trouve encore un trait caraclérifé 
| de reffemblance avec la méléagride; ce font les couleurs 
de fon plumage, dont le fond eft gris-cendré, femé 


DNNANE DRASS AL ton 
de taches en forme de gouttes /4); c’eft bien-là le 
plumage de la. peintade, appelée par quelques-uns 
gallina gurtata (1 pe < | v ; 

Mais, quoi qu'il en foit de toutes ces conjedures , 
il eft hors de doute que les deux efpèces de rerrao de 
Pline, font de vrais tetras ou cogs de bruyère f#): le 
beau noir luftré de leur plumage, leurs fourcils couleur 
de feu, qui repréfentent des efpèces de flammes dont 
Jeurs yeux font furmontés: leur féjour dans les pays 
froids & fur les hautes montagnes, la délicateffe de leur 
chair, font autant de propriétés qui fe rencontrent dans 
le grand & le petit tetras, & qui ne fe trouvent réunies 
dans aucun autre oifeau: nous aperceyons même dans 
la defcription de Pline, les traces d’une fmgularité qui 
n’a été connue que par tres-peu de Modernes: moriumrur 
contumacià, dit cet Auteur, fpiritu revocato (n): ce qui 

(k) Fragmenta bbiopne de Aucupio attribués par quelques - uns 
au poëte Nemefianus, qui vivoit dans le troifième fiècle. 


(l) Et pidla perdix, Numidicæeque guttate Martal, c eft aufir 
très -exactement le plumage de ces deux poules du duc de Ferrare, 
dont Gefher parle à l’article de a peintade, totas cinereo colore , coque. 

albicante, cum nigris rotundifque maculis. De Awvibus, pag. 481. 

| (mn) Decet tetraonas fuus nitor abfolutaque nigritia, in uperciliis coccè 

rubor .… gignunt eos Alpes € feptentrionalis Regio: Pline SDS À. 

cap. XX11. Le Tetrao des hautes montagnes de Crète, vu par Belon,. 

reffemble fort à celui de Pline; il a, dit PObfervateur françois, une 

tache rouge de chaque côté joignant les yeux, & de force qu'il eft 

noir devant l’eftomac , fes plumes en dr Le a bn à de plufieurs. 
fngularités, dc. page 117. 

(n) Capti nimum defpondent, dit Longolius. Bb 

| D 1 


108 {ISTOIRE NATURELLE 

fe rapporte à une obfervation remarquable, que Frifch 
a inférée dans l’hifloire de cet oifeau (0); ce Naturalifte 
n ayant point trouvé de langue dans le bec d’un coq de 
bruyère mort, & lui ayant ouvert le gofier, y retrouva 
la langue qui s’y étoit retirée avec toutes fes dépen- 
dances; & il faut que cela arrive Îe plus ordinairement, 
puifque c’eft une opinion commune parmi les Chaffeurs, 
que les coqs de bruyère n'ont point de langue : peut- 
être en eft-il de même de cet aigle noir dont Pline 
fait mention 2 & de cet oifeau du Brefil dont parle 
Scaliger /4), lequel pafloit auffi pour n’avoir point de 
langue, fans doute fur lerapport de quelques Voyageurs 
crédules, ou de Chafleurs peu attentifs, qui ne voient 
prefque jamais les animaux que morts ou mourans, & 
fur-tout, parce qu'aucun Obfervateur ne leur avoit 
regardé dans le gofier. 

L'autre efpèce de tetrao, dont Pline parle au même 
endroit, eft beaucoup plus grande, puifqu’elle furpaffe 
l'outarde & même le vautour dont elle à le plumage, 
& qu’elle rie le cède qu’à l’autruche; du refte c’eft un 
oifeau fi pefant qu'il fe laifle quelquefois prendre à la 
main /f), Belon prétend que cette efpèce de sera 
ñ’eft point connue des Modernes, qui, felon lui, n'ont 

0] Frifch, 4 fribution méthodique des O ifeaux , ere. Je CVIITe 

(p) Plin. Gb. X, cap. III, 

(4 Le. S cAlIeer in Cardanum, PA 228. 


(r) Cela eft vrai à Ia lettre du petit tetras, comme on Le verra 
dans l'article fuivant, | 


DM DT ETRAN)\)) Top 
jamais vu de tetras ou coqs de bruyère plus grands, ni 
même auf grands que l’outarde : d’ailleurs on pourroit 
douter que l’oifeau défigné dans ce paflage de Pline, 
par les noms d'ous & d’ayis-rarda, fût notre outarde 
dont la chair eft d’un fort bon goût; au lieu que 
l’avis-tarda de Pline étoit un mauvais manger: damnatas 
in cibis; mais on ne doit pas conclure pour cela avec 
Belon, que le grand #erras n’eft autre chofe que l’avis- 
tarda, puifque Pline dans ce même pañfage nomme le 
zetras & V'avis-tarda, & qu'il les compare comme des 
oifeaux d ’efpèces différentes. | 

Pour moi » Aprés avoir tout bien pefé, aimerois 
mieux dire, 1.° que le premier tetrao dont parle Pline, 
eft le tetras de la petite efpèce, à qui tout ce qu’il dit 
en cetendroit eft encore plus applicable qu’au grand: 

2." Que fon grand tetrao eft notre grand tetras, & 
qu'il n’en exagére pas la groffeur en difant qu’il fur- 
pale l’outarde; car j'ai pefé moi-même une grande 
outarde qui avoit trois pieds trois pouces de f’extré- 
_mité du bec à celle des ongles, fix pieds & demi de 
vol, & qui s’eft trouvée du poids de douze livres; or 
l’on fait & l’on verra bientôt que parmi les tetras de 
la grande efpèce, il y en a qui pèfent davantage. 

Le tetras ou grand coq de bruyère a près sn quatre 
pieds de vol; fon poids eft communément de douze 
à quinze livres; Aldrovande dit qu'il en avoit vu un 
qui pefoit vingt-trois livres, mais ce font des livres 
de Bologne, qui font feulement de dix onces:; en 


209 HISTOLRE Muni 


forte que Les vingt-trois ne font pas quinze livres de 
feize onces. Le coq noir des montagnes de Mofcovie 
décrit par Albin, & qui n’eft autre chofe qu’un tetras 
de la grande efpèce, pefoit dix livres fans plumes & 
tout vidé: & le même Auteur dit que les Zeures de 


Norvège, qui font de vrais tetras, font de la grandeur 


TE 


d’une Su us 


Cet oifeau gratte la terre comme tous les frugivores: 
il a le bec fort & tranchant /£), la langue pointue, & 
dans le palais un enfoncement proportionné au volume 
de la langue; les pieds font aufft très-forts & garnis de 


plumes par-devant ; le jabot eft exceflivement grand ; 7 


mais du refte fait, ainfr que le géfier, à peu près comme 


dans le coq domeftique /z): la peau du géfier eft 


veloutée à l’endroit de l’adhérenc des mufcles. 


Le tetras vit de feuilles ou de fommités de fapin, 
de genevrier, de cèdre (x), de fauie, de bouleau, de 


| peuplier ant, de coudrier, de mirtille, de ronce, 


(1) Albin, tome Z, page 27. 


{ÿ Nota. Je ne fais ce que veut dire Longolius, en avale d 


que cet oifeau a des veftiges de barbillons. Voyez Gefner, page 487; 


di auroit-if parmi les sons tetras, une race ou une efpèce qui auroit 


des barbillons, comme cela a lieu à l'évard des petits tetras; ou bien 


Longolius ne veut-il parler que d’une certame difpofition de plumes, 


repréfentant imparfaitement des barbillons, comme il a fait à l’article 


de la Gélinotte! Voyez Gefner, de Avibus , pig. 229. 


(x) Belon, Nature des Oileeux,, pag DS Le 


_ (x) Jbidem, 
de 


DUR ONE TN AS UE er 
de chardon, de pomme de pin, des feuilles & des 
fleurs du blé farrafin, de la gefle, du mille-feuille, du 
piflenlit, du trefle, de fa vefle & de l’orobe, prin- 
cipalement lorfque ces plantes font encore tendres; 
car lorfque les graines commencent à fe former, il 
ne touche plus aux fleurs, & il fe contente des feuilles - 
il mange aufi, fur-tout la première année, des mûres 
fauvages, de la faine, des œufs de fourmis, &c. On a 
remarqué au contraire que plufieurs autres plantes ne 
convenoient point à cet oifeau, entr'autres la livèche, 
l’éclaire , l’hieble , l’extramoine, le muguet, le froment, 
l'ortie, &c. (y). 

On a obfervé dans le géfier des tetras que l’on a 
ouverts, de petits cailloux femblables à ceux que l’on 
voit dans le géfier de la volaille ordinaire, preuve 
certaine qu'ils ne fe contentent point des feuilles & 
des fleurs qu’ils prennent fur les arbres; mais qu’ils 
vivent encore des grains qu'ils trouvent en grattant la 
terre. Lorfqu’ils mangent trop de baies de genièvre, 
leur chair qui eft excellente, contraéte un mauvais 
goût; & fuivant {a remarque de Pline, elle ne conferve 
pas long-temps fa bonne qualité, dans les cages & 
les volières où l'on veut quelquefois les nourrir par 
curiofité /Z}. 

La femelle ne diffère du mâle que par la taille & 


() Journal Économique. Mai 176 IL 
() In aviaris faporem perdunt. Plin, lib. X, cap. XXII. 
O1 nid Tome IE Ce 


202 HISTOIRE NATURELLE 

. par le plumage, étant plus petite & moins noire; au 
refte elle l’emporte fur le mâle par Fagréable varièté 
des couleurs, ce qui n eft point l'ait dans Îles 
oifeaux, ni même dans les autres animaux, comme nous 
l'avons remarqué en faifant l’hiftoire des quadrupèdes, 
& felon Willulghby : C’eft faute d’avoir connu cette 
exception, que Gefner a fait de la femelle une autre 
efpèce de tetras fous le nom de genius major (a) 
formé de l'allemand grugel-hahn ; de même qu'il a fait 
auffi une efpèce de la femelle du petit tetras, à laquelle 
_ila donné le nom de grygallus munor (b); cependant 
Gefner prétend n'avoir établi fes efpèces, qu'après avoit 
obervé avec grand foin tous les individus, excepté 
le grygallus minor, & s'être afluré qu'ils avoient des 
différences bien caraétérifées /c): d’un autre côté, 
 Schwenckfeld qui étoit à portée des Hbhtpgness & 


(a) Nota. Gefner trouve que le nom Fe grand RE ru 
Alpes, conviendroit aflez au grygallus major, vu qu’il ne diffère du 
francolin que par fa taille, étant trois fois plus gros, page 49 $. 


(à) Nota. En eflet, Gefner dit Do que parmi tous Îes 
_ animaux, il n’eft pas une feule efpèce où les mâles ne lemportent 
fur la femelle par la beauté des couleurs; à quoi Aldrovande oppofe 
avec beaucoup de raïfon, Pexemple des oifeaux de proie, & fur-tout 
des éperviers & des faucons, parmi lefquels les femelles non-feulement 
ont le plumage plus beau que les mäles; mais encore furpaflent 
ceux-ci en force & en grofleur , comme il a été remarqué ci-deffus, 


| dans l'hiftoire de ces Oïfeaux. Voyez Aldrovande, de Avibus , 


tom. II, pag. 72. 
Se ts de Avibus , lib. HT, Pr 335 


MO PAT OR ASS UAT  dége 
qui avoit examiné fouvent & avec beaucoup d'attention 
‘le grygallus, aflure que c'eft la femelle du tetras /d); 
mais il faut avouer que dans cette efpèce, & peut-être 
dans beaucoup d’autres, les couleurs du plumage font 
_ fujettes à de grandes variétés, felon le fexe, F’age, le 
climat & diverfes autres circonftances : celui que nous 
avons fait defliner eft un peu huppé. M. Briffon ne 
parle point de huppe dans fa defcription, & des deux 
figures données par Aldrovande, l’une eft huppée & 
l’autre ne l’eft point. Quelques-uns prétendent que le 
tétras lorfqu'il eft jeune, a beaucoup de blanc dans fon 
plumage fe), & que ce blanc fe perd à mefure qu’il 
Vieillit, au point que c’eft un moyen de connoitre l’âge 
de l’oifeau {f); il femble même que le nombre des 
pennes de Îa queue ne foit pas toujours égal; car 
Linnæus le fixe à dix-huit dans fa Fauna Suecica, & 
M. Briffon à feize dans fon Ornithologie; & ce qu'il y a 
de plus fingulier, Schwenckfeld qui avoit vu & examiné 
beaucoup de ces oifeaux, prétend que foit dans la 
grande, foit dans la petite efpèce, les femelles ont dix- 
huit pennes à la queue, & les mâles douze feulement: 
d’où il fuit que toute méthode qui prendra pour carac- 
tères fpécifiques des différences auffi variables que le 


(d) Schwenckfeld , Aviarium Silefiæ, pag. 371. 
(e) Le blanc qui eft dans a queue, forme avec celui des ailes 


& du dos lorfque loifeau fait la roue, un cercle de cette Mi 
Journal Économique. Avril 1 a, 


74 f) Schwenckfeld, Aviarium Silefie, pag. 371. 
| Cch 


204 HISTOIRE NATURELLE 

font les couleurs des plumes & même leur nombre; 
fera fujette au grand inconvénient de multiplier les 
efpèces; je veux dire Îles efpèces nominales, ou plutôt 
les nouvelles phrafes, de furcharger la mémoire des 
commençans, de leur donner de faufles idées des 
chofes; & par conféquent de rendre l'étude de la Nature 
_ plus difficile. 

I n'eft pas vrai, comme la dit Encelius, que le 
tetras mâle étant perché fur un arbre jette fa femence 
_ par le bec, que fes femelles qu’il appelle à grands cris, 
viennent la recueillir, l’avaler, la rejeter enfuite, & 
que leurs œufs foient ainfi fécondés; il n’eft pas plus 
vrai que de la partie de cette femence qui n’eft point 
recueillie par les poules, il fe forme des ferpens, des 
pierres précieufes, des efpèces de perles; il eft humi- 
jiant pour l'efprit humain qu'il fe préfente de pareilles 
erreurs à réfuter. Le tetras s ‘accouple comme les autres 
oifeaux; & ce qu'il y a de plus fingulier, c’eft qu’En- 
_celius Jui-même, qui raconte cette ctrange fécondation 
par le bec, n’ignoroit pas que le coq couvroit enfuite 
fes poules, & que celles qu’il n’avoit point couvertes 
pondoient des œufs inféconds: il favoit cela, & n’en 
perfifla pas moins dans fon Apnée: il difoit pour la 
défendre que cet accouplement n’étoit qu’un jeu, un 
badinage, qui mettoit bien le fceau à la fécondation, 
mais qui ne l’opéroit point, vu qu'elle étoit l'effet 
immédiat de la déglutition de la femence..….. En vérité 
c’eft s'arrêter trop long-temps {ur de telles abfurdités. 


D UV TE TARA Se. 205$ 
Les tetras mâles commencent à entrer en chaleur 
dans les premiers jours de février; cette chaleur eft 
dans toute fa force vers les derniers jours de mars, & 
continue jufqu’à fa poufle des feuilles. Chaque coq 
pendant fa chaleur fe tient dans un certain canton 
d’où il ne s'éloigne pas; on le voit alors foir & matin, 
fe promenant fur le tronc d’un gros pin ou d’un autre 
arbre, ayant la queue étalée en rond, les ailes trainantes, 
le cou porté en avant, la tête enflée, fans doute par 
Je redreflement de fes plumes, & prenant toutes fortes 
de poftures extraordinaires, tant il eft tourmenté par 
le befoin de répandre fes molécules organiques fuper- 
flues : il a un cri particulier pour appeler fes femelles 
qui lui répondent & accourent fous l'arbre où il fe 
tient, & d’où il defcend bientôt pour les cocher & 
les féconder; c’eft probablement à caufe de ce cri 
fingulier qui eft très - fort & fe fait entendre de loin, 
qu’on lui. a donné le nom de faifan bruyant : ce cri 
commence par une €efpèce d’explofion fuivie d’une 
voix aigre & perçante, femblable au bruit d’une faux 
qu’on aiguife; cette voix cefle & recommence alter- 
_nativement, & après avoir ainfi continué à plufieurs 
reprifes pendant une heure environ, elle finit par une 
explofion femblable à la première (g). 
Le tetras qui, dans tout autre temps eft fort difficile 
à approcher, fe laiffe furprendre très-aifément lorfqu’i 


(2) Journal Économique. Avril 1 MS 2e 
| | Cc ii 


206 HISTOIRE NATURELLE 

eft en amour, & fur-tout tandis qu'il fait entendre fon 
cri de rappel; il eft alors fi étourdi du bruit qu'il fait 
lui-même , ou fi l'on veut tellement enivré, que ni à 
vue d’un homme, ni même les coups de fufil ne le 
déterminent à prendre fa volée; il femble qu’il ne voie: 
nin’entende, & qu'il foit dans une efpèce d’extafe (h}s 
c’eft pour cela que l'on dit communément, & que: 
l'on a même écrit que le tetras eft alors fourd & 
aveugle; cependant il ne left guère que comme le 
font en pareille circonftance, prefque tous les animaux 
fans en excepter l’homme: tous éprouvent plus ou 
moins cette extafe d'amour, mais apparemment qu’elle 
éft plus marquée dans le tetras; car en Allemagne on 
donne le nom d ’auer-hahn, aux amoureux qui paroïffent 
avoir oublié tout autre foin, pour S ‘occuper uniquement 
de l’objet de leur paffon (i), & même à toute per- 
fonne qui montre une infenfibilité ftupide pour fes 
plus grands intérêts. | | 
_ On juge bien que c ’eft cette filon où les tetras 
font en amour, que fon choifit pour leur donner la 
chaffe ou pour leur tendre des piéges. Je donnerai en 
parlant de la petite efpèce à queue fourchue quelques 
détails fur cette chafle, fur-tout ceux qui feront les 
qe” propres à faire connoître Les mœurs & le naturel 


(! ,) In tantum aucta ut in terrâ quoque ondbAEe prehendatur. Nota. 
Ce que Pline attribue ici à la grofleur du tetras, n eft peut - être 
qu ’un effet de fa chaleur & de l'efpèce d’ivrefle qui l'accompagne. 


sil JL Frifch, fur les Oiïfeaux ; difcours relatif à Ja fgure CI. 


DU TETRAS, à 207 
de ces oifeaux: je me bornefai à dire ici que l’on fait 
très-bien, même pour favorifer la multiplication de 
l’efpèce, de détruire les vieux coqs, parce qu'ils ne 
_fouffrént point d’autres coqs fur leurs plaifirs, & cela 
dans ühe étendue de terrein affez confidérable; en 
forte que ne pouvant fufhire à toutes les poules de leur 
difiriét, plufreurs d’entr’elles font privées de mâles & 
né produifent qué des œufs inféconds. 

Quelques Oifeleurs prétendent qu'avant de s’accou- 
pler, ces animaux fe préparent une a bien nette 
& bien unie /4/, & je ne doute pas qu’en effet on n’ait 
vu des places ; mais Je doute fort que les tétras aient 
eu la prévoyance de les préparer; il eft bien plus 
fimple de penfer que ces places font [es endroits du 
rendez-vous habituel du coq avec fes poules, lefquels 
endroits doivent être au bout d’un mois ou deux de 
fréquentation journalière, certainement plus battus que 
le refte du terrein. | 

La femelle du tetras pond ordinairement cinq ou fix 
œufs au moins, & huit ou neuf au plus; Schwenckfeld 
prétend que la première ponte eft de huit, & les fui- 
vantes dé douze, quatorze & jufqu’à feize /1): ces 
ee font ta marquetés de jaune; & felon le 


_(k) Gefner, de A, pig. 402. 

(L) Aviarium Silefiæ , pag. 372. Nota. Cette gradation eft con- 
_ forme à l’obfervation d’Ariftote: ex primo coitu aves ova edunt pauciora. 
Hifi. Animal. 42, W, cap. X 17, I me paroit féulement que le 
nombre des œufs et trop grand, 


208 HISTOIRE NATURELLE 

même Schwenckfeld, plus gros que ceux des poules 
ordinaires: elle les dépofe fur la moufle en un lieu 
fec, où elle les couve feule & fans être aidée par le 
mâle /m); lorfqu’elle eft obligée de les quitter, pour 
aller chercher fa nourriture, elle les cache fous les 
feuilles avec grand foin; & quoiqu ele foit d’un naturel 
très- fauvage, r on l’approche tandis qu’elle eft fur fes 
œufs, elle refte & ne les abandonne que très-diffhcile- 
ment, l’amour de la couvée l’emportant en cette 
“aceafon fur fa crainte du danger. 

Dès que les petits font éblos. ils fe mettent a courir 
avéc beaucoup de légèreté; ils courent même avant. 
qu'ils foient dotirseà fi éclos, puifqu'on en voit qui 
vont & viennent ayant encore une partie de leur co- 
quille adhérente à leur corps: la mère les conduit 
avec beaucoup de follicitude & d'affection ; elle les 
promène dans les bois ou ils fe nourriflent d'œufs de 
fourmis, de müres fauvages, &c. La famille demeure 
unie tout le refte de l’année, &: jufqu’e ace que la faifon 
de l’amour leur donnant de nouveaux befoins & de … 
nouveaux intérêts, les difperfe, & fur-tout les mâles 
qui aiment à vivre féparément ; car, comme nous 
d'avons vu, ils ne fe fouffrent pas les uns les autres, 
& ils ne vivent guère avec leurs femelles, que loue 
- befoin les leur rend néceffaires. : 


 {m) Nota. Je crois avoir r à celte part, qu ‘le couvoit a 
environ vingt-huit jours, ce . ch «die Le ma vu BR Le : 
de loiféau, A D PO E e torse : 

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DU. TETRAS. | 209 


- Les tétras, comme je l'ai dit, fe plaifent fur les 
hautes montagnes; mais cela n’eft vrai que pour es 
climats tempérés; car dans les pays très-froids, comme 
à la baie d’Hudfon , ils préfèrent la at &les lieux 
. où ils trouvent apparemment la même température 
que fur nos plus hautes montagnes /2). Il y en a dans 
les Alpes, dans les Pyrénées, ft les montagnes d’Aur- 
vergne, de Savoie, de Suiffe, de Weftphalie, de 
Souabe, de Mofcovie, d'Écoffe, fur celles de Grèce & 
d'Italie, en Norwège & même au nord de fl Amérique : 
on croit que la race s’en eft perdue en Irlande (0); où 
elle exiftoit autrefois. 

On dit que les oifeaux de proie en détruifent beau- 
coup, foit qu’ils choiïfiffent pour les attaquer le temps 
où l'ivreffe de l’amour les rend fi faciles à furprendre, 
{oit que trouvant leur chair de meilleur goût, ils leur 
donnent la chaffe par préférence, 


() Hifoire générale des Voyages, tome XIV, page (67: ; 
(2) Zoologie Britannique, page 84. | | 


Due. 100 1) | Da 


210 AATETANNR il 


LE PETIT TETRAS 


O0 U 


CoQ DE bite À QUEUE FOURCHUE*. 
Planche V1 de ce volume. 


LEUR encore un coq & un faifan, quin 'eft ni cos 
ni faifan, on l’a appelé petit coq fauvage , cog de bruyère, 
cog de bouleau, &c. faifan noir, failen de montagne; on 
lui a même donné le nom de perdrix, de gélinotte ; 
mais dans le vrai c’eft le petit tetras, c’eft le premier 
tetrao de Pline, c’eft le terrao où l'urogallus-minor de la 
plupart des Modernes: quelques Naturaliftes, tels que 
Rzaczynski, l’ont pris pour le serax du poëte Neme- 
 fianus; mais c’eft fans doute faute d'avoir remarqué 
qe la groffeur de ce rerrax eft, felon Nemefianus 
même, égale à celle de l’oie & de la grue /4); au lieu 
que felon Gefner, Schwenckfeld, Aldrovande & 
quelques autres Obfervateurs qui ont vu par eux- 
mêmes, le petit tetras n’eft guère plus gros qu'un coq 
“ordinaire ; mais feulement: d’une forme un peu plus 


alongée , & que fa femelle , felon M. Ray, n'eft pas 


* Voyez les ce enluminées, y n° I 172, le a Km 17, 
la femelle. 
(a) Tarpeiæ eff cufos Arcis non corpore major 
JNec qui te volucres docuit, Palamede, figuras. 
Vide M, Aurelii Olympii Nemefiani, fragmenta de Aucupie, 


DU. PETITTETRAS, àTC. 21k 

tout-à-fait auf groffg que notre poule commune. 

Turner, en parlant de fa poule morefque, ainfiappelée, 
dit-il, non pas à caufe de fon plumage qui reffemble 
à celui de la perdrix; mais à caufe de la couleur du 
mâle qui eft noir, lui donne une crête rouge & charnue, 
& deux efpèces de barbillons de même fubftance & de 
même couleur /4); en quoi Willulghby prétend qu'il 
fe trompe; mais cela eft d'autant plus difficile à croire, 
que Turner parle d’un oifeau de fon pays fapud nos &fl), 
& qu'il s'agit d’un caractère trop frappant pour que 
lon puifle s’y méprendre: or en fuppofant que Turner 
ne s’eft point trompé en effet fur cette crête & fur 
ces barbillons, & d’autre part, confidérant qu'il ne 
dit point que fa poule morefque ait la queue four- 
chue, je ferois porté à la regarder comme une autre 
efpèce, ou fi l’on veut, comme une autre race de petit 
tetras , femblable à la première par la groffeur, par le 
différent plumage du mâle & de la femelle, par les 
mœurs , le naturel, le goût des mêmes nourritures, &c. 
mais qui s'en diftingue par fes barbillons charnus & 
par fa queue non fourchue; & ce qui me confirme 
dans cette idée, c’eft que je trouve dans Gefner un 
oifeau fous le nom de gallus fylveffris (c), lequel a auffi 
des barbillons & la queue non fourchue, du refte fort 
reffemblant au petit tetras ; en forte qu'on peut & 
qu'on doit, ce me femble, le regarder comme un 

(b) Vhyez Gelner, de Avibus, Pig: 477: 

c) ITbidem. 
à D d ij 


212 HISTOIRE NATURELLE 

individu de la même efpèce que la poule morefque de 
Turner, d’autant plus que dans cette éfpéce le mâle 
porte en École { d’où l’on avoit envoyé à Gefner la 
figure de l’oifeau }, le nom de cog noir, & la femelle 
celui de poule grifé, ce qui indique précifément . fa 
différence de plumage, qui dans les vive de tetras 
fe trouve entre les deux fexes. 

Le si tetras dont il s’agit ici, n’eft petit que. 
parce qu’on le compare avec le grand tetras ; il pèfe 
trois à quatre livres, & il eft encore après celui-là, le 
plus g grand. de tous les oifeaux qu'on appelle cogs de 
bois ap | nt 
{Pa Dante ss de chofes communes avec le hd 
_tetras, fourcils rouges, pieds pattus & fans éperons, 
doigts dentelés, tache blanche à laile, &c. mais il 
_en diffère par deux caraétères très-apparens; il eft 
beaucoup moins gros, & il a la queue fourchue, non- 
feulement parce que les pennes ou grandes plumes -du 
milieu font plus courtes que les extérieures; mais 
encore parce que celles - ci fe recourbent ‘en dehors: 
de plus, le mäle de cette petite efpèce a plus de noir, 
‘& un noir plus décidé que le male de la grande efpèce, 
& il a de plus grands fourcils: j'appelle ainf cette peau 
rouge & gländuleufe qu'il a au-deffus des yeux; mais 


Aa grandeur de ces fourcils eft fujette à quelque varia- 


tion dans les mêmes individus en difiérens temps, 
comme nous le verrons plus bas, 


(d) Gefner, de Avibus, pag. 493: 


DNA RETIT T'ETRAS) élue. 213 
La femelle eft une fois plus petite que le male /e), 
elle a la queue moins fourchue, & les couleurs de fon 
plumage font fi différentes, que Gefner s’eft cru en 
droit d’en former une efpèce féparée qu'il a défignée 
par le nom de grygallus minor, comme je l'ai remarqué 
ci-deflus dans l’hiftoire du grand tetras: au refte, cette 
différence de plumage entre les deux fexes ne fe dde 
qu'au bout d’un certain temps; les jeunes mâles font 
d’abord de la couleur de leur mère, & confervent 
cette couleur jufqu’à la première automne: fur la fin 
de cette faifon & pendant l'hiver, ils prennent des 
nuances de plus en plus foncées jufqu'à ce qu'ils foient 
d’un noir-bleuâtre, & ïls retiennent cette dernière 
couleur toute leur vie, ag autres changemens que ceux 
que je vais indiquer; 1. ils pisRaEnt plus de bleu à 
mefure qu'ils avancent en âge: 2.° à trois ans & non 
plus tôt, is prennent une tache blanche fous le bec; 
3.” Jorfqu’ils font très-vieux, il paroît une autre tache 
d’un noir varié fous la queue, où auparavant les plumes 
étoient toutes blanches /f/: Charleton & quelques 
autres ajoutent qu'il y a d'autant. moins de taches 
blanches à la queue que l’oifeau eft plus vieux; en 
forte que le nombre plus ou moins grand de ces taches 
eft un indice pour reconnoître fon Âge 2). 
Les Naturaliftes qui ont compté aflez unanimement 


fe) Bich Zoology, 
4 (f). Aëtes de Breflaw. Movembre 1725. 


7 Charleton, Æxercitationes , pa g. 82. 
D di 


214 HISTOIRE NATURELLE 
vingt-fix pennes dans l’aile du petit tetras, ne s’ac- 
cordent point entr’eux fur le nombre des pennes de 
la queue, & l'on retrouve ici à peu près les mêmes 
variations dont J'ai parlé au fujet du grand tetras. 
Schwenckfeld qui donne dix-huit pennes à la femelle, 
n’en accorde que douze au mäle. Willulghby, Albin, 
M. Briflon en aflignent feize aux mâles comme aux 
femelles, les deux mâles que nous confervons au 
Cabinet du Roï en ont tous deux dix - huit; favoir, 
fept grandes de chaque côté, & quatre dans le milieu 
beaucoup plus courtes: ces différences viendroient-elles 
de ce que le nombre de ces grandes plumes eft fujet 
à varier réellement! ou de ce que ceux qui les ont 
comptées ont négligé de s’aflurer auparavant s’il n’en 
manquoit aucune dans les fujets foumis à leur obferva- 
tion’ au refte, le tetras a les ailes courtes, & par 
conféquent le vol pefant, & on ne le voit jamais 
s’élever bien haut ni aller bien loin. 

Les mâles & les femelles ont l'ouverture des oreilles 
fort grande, les doigts unis par une membrane jufqu’à 
la première articulation & bordés de dentelures /4), 


(h) Nota, Unguis medii digit ex parte interiore in aciem tenuatus , 
expreflion un peu louche de Willulghby ; car fi cela fignifie que 
longle du doigt du milieu eft tranchant du côté intérieur, nous 
avons vérifié fur l’oifeau même, que le côté extérieur & le côté 
intérieur de cet ongle font également tranchans; & de plus, cet ongle 
ne diffère que très- peu & même point du tout des autres par ce 

caraétère tranchant; ainfi cette obfervation de Willulghby nous paroït 
mal fondée, 


DUSPETIT FETRAS; Oe, : 21$ 
la chair blanche & de facile digeftion, la langue molle 
un peu hériflée de petites pointes & non divifée; 
fous la langue une fubflance glanduleufe, dans le palais 
une cavité qui répond exactement aux dimenfons de 
la langue, le jabot très-grand, le tube inteftinal long 
de cinquante-un pouces, & les appendices ou cæcum 
de vingt-quatre; ces appendices font fillonnées de fix 
flries ou cannelures /4). | 

La différence qui fe trouve entre les femelles & les 
mâles, ne fe borne pas à la fuperficie, elle pénètre 
jufqu’à l’organifation intérieure. Le docteur Waygand 
a obfervé que l'os du ffernum dans les mâles étant 
regardé à la lumière, paroifloit femé d’un nombre pro- 
digieux de petites ramifications de couleur rouge, 
lefquelles fe croifant & recroifant en mille manières & 
dans toutes fortes de directions, formoient un réfeau 
très-curieux & très-fingulier; au lieu que dans les 
femelles le même os n’a que peu ou point de ces 
ramifications; il eft auffi plus petit & d’une couleur 
blanchätre /4). 

Cet oifeau vole le plus fouvent en troupe, & fe 
perche fur les arbres à peu près comme le faifan (L}: 
il mue en été, & il fe cache alors dans des lieux fourrés 
ou dans des endroits marécageux /#1); il fe nourrit 


(i) Wilulghby, page 124. Schwenckfeld, page 275, 
{k) Voyez Ates de Breflaw , sois de Novembre 1725. 
{!) Britifch Zoology. 

{rm Adtes de Breflaw , /oco citato, 


2h HISTOIRE. NATURELLE 


principalement « de feuilles & de boutons de bouleau, 
& de baies de bruyère, d’où lui eft venu fon nom 
françois cog de bruyere, & fon nom allemand birck-han 
qui fignifie coq de bouleau; il vit auffi de chatons de 
coudrier , de blé & d’autres graines : l’automne il fe 
rabat fur les glands, Îles mûres de ronces, les boutons 
d’aune, les pommes de pin, les baies de myrtille 

(vitis idæa ), de fufain ou bonnet de prêtre: enfin 
l'hiver il fe réfugie dans les grands bois où il eft réduit 
aux baies de genièvre, ou à chercher fous la neige 
celles de ox} COCCuUI OÙ canneberge , appeiée rulstreént 
couffinet de marais (n); quelquefois même il ne mange 
rien du tout pendant les deux ou trois mois du plus 
grand hiver; car on prétend qu'en Norwège, il pafle 
cette faifon rigoureufe fous la neige, engourdi, fans 
mouvement & fans prendre aucune nourriture (o A 
comme font dans nos pays plus tempérés les chauves- 
fouris, les loirs, les lérots, les mufcardins, les hériffons 


(nr) Voy. Schwenckfeld, Aviarium Silefie, pag. 37 5.— Rzaczynski, 
autfuarium Polon. pag. 422. — Willulghby, page 125. — Briifch. 
Zoology, pag, 85. Ç 

_ fo) Linnœus, Jyf. nat. edit, X, pag. 159. — Gefner, de Avibus, 
pag. 495. JVota. Les Auteurs de la Zoologie Buhiiaitat avoient 
remarqué que les perdrix blanches qui paflent l’hiver dans Ia neige, 
avoient les pieds mieux ER de plumes que les deux efpèces de 
tetras qui favent fe mettre à abri dans les forêts épaifles : mais f 
_ les tetras paflent auffi hiver fous la neige, que devient cette belle 

çcaufe finale, ou plutôt que deviennent tous les railonnemens de ce 
genre lorfqu’on les examine avec les yeux de la Philofophie! 


N'a 


DU “PETAIT TETRAS, Ex y 
&'les marmottes, & (fi fe fait eft vrai }, fans doute à 
peu près pour les mêmes caufes /p}. | | 
On trouve de ces oifeaux au nord de l Angleterre & 
de l’Écoffe, dans les parties montueufes, en Norwège 
& dans les provinces feptentrionales de la Suède, 
aux environs de Cologne, dans les Alpes Suiffes, dans 
le Bugey où ils s'appellent granors, felon M. Hébert; 
en Podolie, en Lithuanie, en Samogitie, & fur-tout 
en Volhinie & dans l'Ukraine , qui comprend les, 
| Palatinats de. Kiovie & de Braflaw, où un noble 
| Polonois en prit un jour centtrente paires d’un feul 
coup de filet, dit Rzaczynski, près du. village dé 
Kufmince /4). Nous Verrons plus bas la manière dont. 
la chaffe du tetras fe fait en Courlande: ces oifeaux 
ne «’accoutument pas facilement à un autre climat, ni 
à l’état de domeflicité; prefque tous ceux que M. le 
maréchal de Saxe avoit fait venir de Suède dans fa 
(p) Voyez T Hiftoire naturelle, générale & Daric bte à tome VIIT; 
page 159, où j'indique la vraie caufe de lengourdiflement de ces: 
animaux. Celui du tetras pendant l’hiver, me rappelle ce que l'on 
trouve dans le livre de Mirabilibus , attribué à Ariftote, au fujet de 
certains oifeaux du royaume de Pont, qui étoient en hiver dans un 
tel état de torpeur,. qu’on pouvoit les plumer, les drefler & même. 
les mettre à la broche fans qu'ils le fentifient, & qu’on ne pouvoit 
les réveiller qu’en les faifant rôtir; en retranchant de ce fait ce qu'on 
y a ajouté de ridicule pour le rendre merveilleux , il fe réduit à un 
engourdiflement femblable à celui des tetras & des marmottes, qui 
fufpend toutes fes fonctions des fens externes , & ne cefle que par 


_ Jaction de la chaleur. 
(g) Auduarium. Polon. pag. 422: | | 
(1 ifeaux, Tome IL FE e 


218 HISTOIRE NATURELLE 
ménagerie de Chambor, y font morts de langueur & 
fans fe perpétuer /5), 

Le tetras entre en amour dans le temps où les faules 
commencent à poufler, c'eft-ä-dire, fur la fin de 


l'hiver, ce que les Chaffeurs favent bien reconnoitre à 


la liquidité de ‘fes excrémens /f); c’eft alors qu’on 
voit chaque jour les: mäles fe raflembler dèsle matin au 
nombre de cent ou plus, dans quelque lieu élevé, tran- 
quille, environné de marais, couvert de bruyère, &c. 
qu'ils ont choifi pour le lieu de leur rendez - vous 
habituel, là ils s’attaquent, ils s'entrebattent avec fureur, 
jufqu'à ce que les plus foibles aient été mis en fuite; 
après quoi les vainqueurs fe promènent fur un tronc 
d'arbre , ou fur l'endroit le plus élevé du terrein, l'œil 
en feu, les fourcils gonflés, les plumes hériffées, la 
queue étalée en éventail, faifant la roue, battant des 
ailes, bondiffant aflez fréquemment /r/, & rappelant 
les femelles par un cri qui s’entend d’un demi-mille: 

fon cri naturel par lequel il femble articuler le mot 
allemand fau /u), monte de tierce dans cette circonf- 
tance, & il y Joint un autre cri particulier, une efpèce 
de roulement de gofier très-éclatant /x); les femelles 


(r} Voyez Salerne, Ornithologie, page ré 

{[) Aûtes de Brefaw. Novembre 1725. 

(t) Frifch, planche CIX.— Britifch Zoology, pag. #5. 
{u) Ornihologie de Salerne, loco citato. | 
(x) Frifch , ébidem, | 


DU PETAT T'ETRAS, CC 219 

‘qui font à portée répondent à la voix des mâles, par un 
cri qui leur eft propre, elles fe raflemblent autour 
d’eux, & reviennent très-exaétement les jours fuivans 
au même rendez - vous; felon le doéteur Waygand, 
chaque coq a deux ou trois poules auxquelles il ft 
plus fpécialement affeétionné (y). | 
_ Lorfque les femelles font fécondées, elles vont 
chacune de leur côté faire leur ponte dans des taillis 
Æpais & un peu élevés; elles pondent par terre & fans 
fe donner beaucoup de peine pour fa conftruction 
d’un nid, comme font tous les oifeaux pefans: elles 
pondent fix ou fept œufs, felon les uns /z), de douze 
à feize, felon les autres /a); & de douze à vingt, felon 
quelques autres /4); les œufs font moins gros que 
ceux des poules domeftiques & un peu plus longuets. 
M. Linnæus aflure que ces poules de bruyère perdent leur 
fumet dans le temps de l’incubation /c). Schwenckfeld 
femble infinuer que le temps de leur ponte eft dérangé 
depuis que cés oifeaux ont été tourmentés par les 
Chaffeurs, & effrayés par les coups de fufl; & ïl 
attribue aux mêmes caufes la perte qu'a fait l'Allemagne 
de plufieurs autres belles efpèces d’oifeaux. | 

Dès que les petits ont douze ou quinze jours, ils 

(y) Ad@es de ‘Breflaw. Novembre 1 725, 

{z) Britifch Zoology , pag. 85, 

(a) Schwenckfeld, Ayiarium Silefiæ, pag. 373: 

(5) Ad@tes de Breflaw, ibidem. | 


.(d 9 yft. nat. edit, X » pag 1 $ 9 
| _Eeij 


i 


220 HISTOIRE NATURELLE 
commencent déjà à battre des ailes & à s’effayer à vol. 
tiger; mais ce n’eft qu’au bout de cinq ou fix femaines 
qu’ils font en état de prendre leur effor, & d’aller fe 
percher fur Îes arbres avec leurs mères: c’eft alors 
qu’on lesattire avec un appeau /#), foit pour Les prendre 
au filet, foit pour les tuer à coup de fufl; la mère 
prenant le fon contrefait de eet appeau pour le piaule- 
ment de quelqu'un de fes petits qui s’eft égaré, accourt 
& le rappelle par un cri particulier qu’elle répète fou- 
vent, comme font en pareil cas nos poules domeftiques, 
& elle amène à fa fuite le refte de la couvée. qu'elle 
livre ainft à la merci des Chaffeurs. je 
_ Quand les jeunes tetras font un peu plus grands & 
qu’ils commencent à prendre du noir dans leur plu- 
mage, ils ne fe laiffent pas amorcer fi aifément de 
cette manière; mais alors jufqu’à ce qu’ils aient pris 
la moitié de leur accroiflement, on les chafle avec 
l'oifeau de proie. Le vrai temps de cette chafle eft 
Varrière - faifon, lorfque les arbres ont quitté leurs 
feuilles; dans ce temps les vieux mâles choififfent un 
certain endroit où ils fe rendent tous les matins, au 
- lever du foleil, en rappelant par un certain cri ( fur-tout 
quand il doit geler ou faire beau temps ), tous les autres 
oifeaux de leur efpèce, jeunes & vieux, mâles & fe- 
melles : lorfqu’ils font raflemblés ils volent en troupes 
(4) Cet appeau fe fait avec un os de l'aile de l'autour , qu'on 


remplit en partie de cire, en ménageant des ouvertures propres à 


rendre le fon demandé. Voyez Actes de Breflaw. Novembre 1 725 


“DU PETIT TETRAS/\dR oi 
fur les bouleaux, ou bien, s’il n’y a point de neige 
fur la terre, ils fe répandent dans les champs qui ont 
porté l'été précédent du feigle, de l’avoine ou d’autres. 
grains de ce genre; & c’eft alors que les oifeaux de: 
proie dreflés pour cela ont beau jeu. 

On a en Courlande, en Livonie & en Lithuanie. 
une autre manière de faire cette chaffe; on fe fert d’ un: 
tetras empaillé , ou bien on fait un tetras artificiel avec: 
de l’étoffe de couleur convenable, bourée de foin ou 
d’étoupe, ce qui s'appelle dans. Le pays. une zlyanes 
on attache cette balvane au bout d’un bâton, & l’on 
fixe ce bâton fur un bouleau, à portée: du lieu que Ces. 
oifeaux ont choifi pour leur rendez - vous. d'amour ;. 
car c’eft le mois d'avril, c’eft-à-dire, le temps où ils. 
font en amour que l’on prend pour faire cette chafle; dès. 
qu'ils set bts la éalvane, ils fe raffemblent autour. 
d’ elle £ s’attaquent & fe défendent d’abord comme par 
jeu; mais bientôt ils s'animent & s’entrebattent réelle- 
ment, & ayec tant de fureur qu'ils ne voient ni n’en-. 
tendent plus rien, & que le Chaffeur qui eft caché: 
og de-là dans fà hutte, peut afément les prendre, 
même fans Coup férir;. ceux qu'il a pris ainfr, il {es 
apprivoife dans l’efpace de cinq ou fix jours, au point. 
de venir manger dans.la main (e): l'année fuivante au: 


(4) Nota, Le naturel des petits tetras, diffère beaucoup en ce. 
point de celui des gran tetras, qui loin de s ’apprivoifer , lorfqu'ils. 
font pris, refufent même de prendre de la nourriture, & s’étouffent. 
quelquefois en avalant leur langue, comme on l’a vu dans leur hiftoire 


LC] 


222  ANSTOTRE IN ATUIRE LE 
printemps, on fe fert de ces oifeaux apprivoifés, au 
lieu de falvanes, pour attirer Îes tetras fauvages qui 
viennent les attaquer, & fe battent avec eux avec tant 
d’acharnement qu'ils ne s’éloignent point pour un coup 
de fufl: ils reviennent tous les Jours de très - grand 
matin au lieu du rendez-vous, ils y reftent jufqu’au 
lever du foleil , après quoi ils s’envolent & fe difperfent 
“dans les bois & Les bruyères pour chercher leur nourri- 
ture; fur les trois heures après midi ils reviennent au 
même lieu, & y reftent jufqu’au foir affez tard: ils fe 
raflemblent ainfi tous les jours, fur -tout Iorfqu’il fait 
beau, tant que dure la faifon de l’amour, c’eft-à-dire, 
environ trois ou quatre femaines; mais lorfqu’il fait 
mauvais temps, ils font un peu plus retirés. 

Les jeunes tetras ont auffi leur affemblée particulière 
& leur rendez-vous féparé, où ils fe raffemblent par 
troupes de quarante ou cinquante, & où ils s’exercent 
à peu près comme les vieux; feulement ils ont la voix 
plus grèle, plus enrouée & le fon en eft plus coupé; 

ils paroiffent auffi fauter avec moins de liberté: Île 
temps de leur affemblée ne dure guère que huit jours, 
après quoi ils vont rejoindre les vieux. 

Lorfque la faifon de l'amour eft paflée, comme ils 
s’affemblent moins régulièrement, il faut une nouvelle 
induftrie pour les diriger du côté de Îa hutte du T'ireur 
de ces balvanes. Plufieurs Chaffeurs à cheval forment 
une enceinte plus ou moins étendue, dont-cette hutte 
eft le centre, .&.en.fe rapprochant infenfiblement, & 


DU, PETIT, TETRAS: 7, 223 
faifant claquer leur fouct à propos, ils font lever les 
tetras, & les pouflent d'arbre en arbre du côté du 
Tireur qu’ils avertifflent par des coups de voix, s'ils 
font loin, ou par un coup de fifflet s'ils font plus 
près: mais on conçoit bien que cette chaffe ne peut 
réuffir qu’autant que le Tireur a difpofé toutes chofes, 
d’après la connoiffance des mœurs & des habitudes. 
de ces oifeaux: les tetras, en volant d’un. arbre fur un. 
autre, choififlent d’un coup d'œil prompt & für, les: 
branches affez fortes pour les porter, fans même en. 
excepter les branches verticales qu’ils font plier par: 
le poids de leur corps, & raménent en. fe pofant deflus, 
à une fituation à peu près. horizontale; en forte qu'ils: 
peuvent très-bien s’y foutenir , quelque mobiles qu'elles. 
foient: lorfqu'ils font pofés, leur fûreté eft leur pre- 
_ mier foin; ils regardent de tous côtés, prêtant l'oreille, 
alongeant le cou, pour reconnoitre s’il n'y à point 
d’ennemis; & lorfqu'ils fe croient bien à l'abri des. 
Oifeaux de proie & des Chaffeurs, ils fe mettent à: 
manger les boutons des arbres: d’après cela un Tireur: 
intelligent a foin de placer fes balvanes fur des rameaux: 
flexibles, auxquels il attache un cordon qu'il tire de: 
temps en temps, pour faire imiter aux balvanes les mou- 
vemens & les ofcillations du tetras fur fa branche. 

- De plus, il à appris par l'expérience que lorfqu'it 
fait un vent violent, on peut diriger la tête de ces. 
balvanes contre le vent; mais que par un temps calme, 
on doit les mettre les unes vis-à-vis des autres; lorfque. 


.# 


224 HISTOIRE NATURELLE 


les tetras pouflés par les Chafleurs de la manière que. 
j'ai dit, viennent droit à la hutte du Tireur, celui-ct 


peut juger, par une obfervation facile, s’ils s’y poferont 


ou non à portée de lui; fi leur vol eft inégal, s'ils 
s’approchent & s'éloignent alternativement en battant 


des ailes , il peut compter que, finon toute la troupe, 
au moins quelques-uns, s’abattront près de lui; fi au 


contraire, en prenant leur eflor non loin de fa hutte, 


ils partent d’un vol rapide & foutenu, il peut conclure 
qu'ils iront en avant fans s'arrêter. 


Lorfque Les tetras fe font pofés à portée du Tireur, 
ii en eft averti par leurs cris réitérés jufqu'a trois fois 
ou même davantage; alors il fe gardera bien de les. 
tirer trop brufquement; au contraire, il fe tiendra 
immobile & fans faire le moindre bruit dans fa hutte, 
pour leur donner le temps de faire toutes leurs obfer- 
vations & la reconnoiffance du terrein; après quoi, 
lorfqu’ils fe feront bien établis fur leurs branches, &: 
qu'ils çommenceront à manger, il les tirera & Îes 


choifira à fon aife; mais quelque nombreufe que foit 


la troupe, fât-elle de cinquante & même de cent, on 
ne peut guère -efpérer d’en tuer plus d'un ou deux 
d’un feul coup; car ces oifeaux fe féparent en fe per- 
chant, & chacun choifit ordinairement fon arbre pour 
fe pofer: les arbres ifolés font plus avantageux qu'une 
forêt pleine; & cette chafle eft beaucoup plus facile 
lorfqu’ils fe perchent que lorfqu'ils fe tiennent à terre: 
cependant, quand # n’y a point -de neige, on établit 

quelquefois 


DUR PREDERATETRASSÉRE… 22$ 
quelquefois les balvanes & la hutte, dans les champs 
qui ont porté la même année de f’avoine, du feigle, 
du blé farrafin, où on couvre la hutte de paille, & on 
fait d’aflez bonnes chafles, pourvu toutefois que Île 
temps foit au beau; car le mauvais temps difperfe ces 
oifeaux, les oblige à fe cacher & en rend la chaffe 
impofhble; mais le premier beau jour qui fuccède, la 
rend d’autant plus facile, & un Tireur bien poñté les 
raflemble aifément avec fes feuls appeaux, & fans qu'il 
foit befoin de Chaffeurs pour les poufler du côté de 
ja hutte. 

On prétend que joue ces oifeaux volent en 
troupe, ils ont à leur tête un vieux coq qui les mène 
en chef expérimenté, & qui leur fait éviter tous les 
piéges des Chaffeurs; en forte qu'il eft fort difcile, 
dans ce cas, de les pouffer vers la balvane, & que 
l'on n’a d’autres reflources que de détourner quelques 
traineurs. 

L'heure de cette chaffe eft chaque jour, depuis le 
foleil levant jufqu’à dix heures; & l’après-midi, depuis 
une heure jufqu’à quatre: mais en automne, lorfque le 
temps eft calme & couvert, la chaffe dure toute Ja 
Journée fans interruption, parce que dans ce cas les 
_tetras ne changent guère de lieu: on peut les chaffer 
de cette manière, c’eft-à-dire, en les pouffant d’arbre 
en arbre jufqu’aux environs du folftice d'hiver; mais 
après ce temps ils deviennent plus fauvages, plus 
défans, plus rufés; ils changent même leur demeure 


Ofeaux, Tome I. Ff 


226 - HISTOPRE NATURELEE-- 
; accoutumée , à moins qu'ils n’y foient rètenus par la 


rigueur du froid ou par l’abondance des neiges. 
On prétend avoir remarqué que lorfque les tetras. 


fe pofent fur la cime des arbres & fur leurs nouvelles 


poufles, c'eft figne de beau temps; mais que pes oo 
les voit fe rabattre fur les branches inférieures & s’y 
tapir, c'eft un figne de mauvais: temps: je ne ferois 
pas mention de ces remarques des Chaffeurs, fr elles 
ne s’accordoïent avec le naturel de ces oifeaux, qui ;. 
felon ce que nous avons vu ci-deflus, paroiflent fort 
fufceptibles des influences du beau & du mauvais temps, 
& déni la grande fenfibilité à cet égard, pourroit être 
fu ppofée fans bleffer a vraifemblance, au degré né- 
ceffaire pour leur faire pre effentir la température du 
lendemain. | | F 
Dans. les temps de: : grande ii ie, ils fe retirent dans 
des forêts les plus touflues pour y chercher un abri; 

& comme ils font alors fort pefans & qu ils volëht 
difficilement, on peut les chaffer avec des chiens 
‘courans, quiles forcent fouvent & les gets même 
à fa courfe {f). | CHI PAR TES 
_ Dans d’autres pays on prend les tetras au ee 


fe Jon Aldrovande É g7; on les barbe auf _. file t, 


ad ‘f) Altes de Brofiw, No bte à 1725, page 52 7.  &r jet) 
page 53 8 T fuivantes. Nota. Cette pefanteur -des tetras a été 
remarquée par Pline; il eft vrai qu'il paroît l’attribuer à la pond efpèce, 
_ & je ne doute pas qu ‘elle ne lui convienne auffi-bien qu’à la pie 


Lx {g) Aldrov. de Ayibus, TOnX, I, pig. É 


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PL. VI. Pag. 226! 


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comme nous l'avons vu ci-deflus; mais il feroit curieux 
de favoir quelle étoit la forme, l'étendue & la difpo- 
- fition de ce filet, fous lequel le noble Polonois dont 
parle Rzaczynski, en prit un jour deux cents foixante 
à la fois. | 


LÉ ELITI LCL) 
À QUEUE PLEINE, ÜC 


à Ep expofé à l’article précédent, Îles raifons que 
Javois de faire de ce petit tetras une efpèce ou plutôt 
une race féparée: Gefner en parle fous le nom de coq 
‘de bois (gallus fylveftris ) (a), comme d’un oifeau qui 
a des barbillons rouges, & une queue pleine & non 
#ourchue; il ajoute que le mâle s'appelle cog noir en 
Écofle, & la femelle poule grife (greyhen). H eft vrai 
que cet Auteur prévenu de l’idée que le mäle & la 
femelle ne devoient pas différer, à un certain point, 
par la couleur des plumes, traduit ici le greyhen par 
gallina fufca, poule rembrunie, afin de rapprocher de 
fon mieux la couleur des plumages; & qu'enfuite ïl 
fe prévaut de fa verfion infidèle pour établir que cette 
£fpèce eft toute autre que celle de la poule morefque 


de Turner /#), par la raifon que le plumage de cette 


(a) Gefner, de Avibus Pig. 477: 


(b) Adem, loco  citato. | 
FFi 


228 HISTOIRE NATURELLE 

poule morefque diffère tellement de celui du mâle, 
qu’une perfonne peu au fait pourroit s'y méprendre, 
& regarder ce mäle & cette femelle comme appar- 
tenans à deux efpèces différentes. En effet, le mâle eft 
prefque tout noir, & la femelle de la même couleur 
à peu près que la perdrix grife; mais au fond c’eft un 
nouveau trait de conformité qui rend plus complète 
la reflemblance de cette efpèce avec celle du coq 
noir d'Écofle, car Gefner prétend en effet que ces 
deux se po fe reffemblent dans tout le refte. Pour 
moi, la feule différence que j'y trouve, c’eft que Le 
coq noir d’Écofle a de petites taches rouges fur Îa 
poitrine, les ailes & les cuifles; mais nous avons vu 
dans l’hifioire du petit tetras à queue fourchue, que 
dans les fix premiers mois les jeunes mâles qui doivent 
devenir tout noirs dans la fuite, ont le plumage de 
leurs mères, c’eft-à-dire, de la femelle; & il pourroit 
fe faire que les petites taches rouges dont parle Gef- 
ner, ne fuflent qu'un refle de cette premiére livrée 
avant qu'elle fe fût changée entiérement en un noir 
pur & fans mélange. 

Je ne fais pourquoi M. Briflon confond cette race 
ou variété, comme H l'appelle, avec Île rerrao pointillé 
de blanc de M. Linnæus /c), puifqu'un des caracteres 
de ce retrao, nommé en Suédois rackléhane, eft d’avoir 
la queue fourchue: & que d’ailleurs M. Linnæus re 
Jui attribue point de barbillons, tandis que le tetras 

fc) Linnæus, Fauna Juerica, n° 167. 


DC PEDATN ETEUSIÉ ES. 2060 
{” dont il s’agit ici a la queue pleine, felon la figure 
donnée par Gefner ; & que felon fa defcription, il a 
des barbillons rouges à côté du bec. 
. Je ne vois pas non plus pourquoi M. Briflon con- 
fondant ces deux races en une feule, n’en fait qu’une 
variété du petit tetras à queue fourchue, puifqu’indé- 
pendamment des deux difiérences que je viens d’in- 
diquer, M. Linnæus dit pofitivement, que fon tetras 
_pointillé de blanc eft plus rare, plus fauvage, & qu'il 
a un cri tout autre, ce qui fuppofe, ce me femble, 
des différences plus caraétérifées, plus profondes que 
celles qui d'ordinaire conflituent une fimple variété. 
Il me paroitroit plus raifonnable de féparer ces deux 
races ou efpèces de petit tetras, dont l’une caraétérifée 
- par fa queue pleine & les barbillons rouges, comprend 
le coq noir d'Ecoffe & fa poule morefque de Turner; 
& l’autre ayant pour attributs fes petites taches blanches 
fur la poitrine, & fon cri différent, feroit formée du 
racklehane des Suédois. | 
Ainf lon doit compter, ce me femble, quatre 
efpèces différentes dans le genre des tetras ou coqs 
de bruyère, 1. le grand tetras ou grand coq de 
bruyère; 2. le petit tetras ou coq de bruyère à queue 
fourchue; 3. le racklan ou racklehane de Suède, indiqué 
par M. Linnæus; 4. la poule morefque de Turner ou 
Coq noir d'Écofle, avec des barbiilons charnus des 
deux côtés du bec, & la queue pleine. 
Et ces quatre efpèces font toutes originaires & natu- 


| F£ ii 


230 HISTOIRE NATURELLE 

relles aux climats du Nord, & habitent également dans les 
forêts de pins & de bouleaux: il n’y a quelatroifième, 
c'eft-àa-dire le racklehane de Suède, qu’on pourroit regar- 
der comme une variété du petit tetras, fi M. Linnæus 
n’afluroit pas qu'il jette un cri tout différent. | 


L'EPETIT'TETRAS 
À PLUMAGE VARIABLE, 


r grands tetras font communs en Lapponie, fur- 
tout lorfque fa difette des fruits dont ils fe nourriffent, 
ou bien l’excefive multiplication de l’efpèce les oblige 
de quitter Îles forêts de la Suède & de la Scandinavie, 
pour fe réfugier vers le Nord /2/: cependant on n’a 
jamais dit qu'on Eût vu dans.ces climats glacés de grands 
tetras blancs; Îles couleurs de leur plumage font par 
leur fixité & leur confiftance , à l'épreuve de la rigueur 
du froid: il en eft de même des petits tetras noirs, 
qui font auffi communs en Courlande & dans le nord 
de la Pologne, que les grands Île font en Lapponie : 
mais le doéteur Weigandt /4), le jéfuite Rzaczynski /c) 
& M. Klein /4), aflurent qu'il y a en Courlande une 


{a) Klein, Aif, Avium PAS. 1734 

{b) Weïgandt, Ades de Breflaw, mois de Novembre, année 172$ 
{c) Rzaczynski, Autluarium, Hif, nat, Polonie, pag. 422, 

(d) Klein, Hif, Aviun Prodromus, pag. 173: 


SU AUNIE NPA Bof a QAR. ARE 
autre efpèce de petit tetras, qu'ils appellent seras blancs, 
quoiqu'il ne foit blanc qu’en hiver, & dont le plumage 
devient tous les ans en été d’un brun-rougeätre, felon 
le doéteur Weigandt /e); & d’un gris-bleuâtre, felon 
Rzaczynski /f): ces variations ont lieu pour les mâles 
comme pour les femelles; en forte que dans tous Îles 
temps les individus des deux fexes ont exactement les: 
mêmes.couleurs: ils ne fe perchent point fur les arbres 
comme les autres tetras, & ils fe plaifent, fur-tout: 
dans les taillis épais & les bruyères, où ils ont coutume 
de choïfir chaque année un certain efpace de terrein,. 
où ils s’affemblent ordinairement, s’ils ont été difperfés 
par les-Chaffeurs, ou par l'oifeau de proie, ou par ur: 
orage; c’eft-à qu’ils fe réuniffent bientôt après, en fe. 
rappelant les-uns les autres. Si-on leur donne la chañle,. 
il faut la première fois qu’on les fait partir, remarquer 
foigneufement la remife car ce fera à coup für le lieu: 
de leur rendez-vous de l’année, & ils ne partiront pas 
f1 facilement une feconde fois, fur-tout s’ils aperçoivent: 
les Chaffeurs, au contraire, ils fe tapiront contre terre, 
_& fe cacheront de leur mieux: mais c’eft alors qu'il: 
eft facile de les tirer. do 

On voit qu'ils diffèrent des tetras noirs, non-feule-- 
ment par la couleur, & par l’uniformité de plumage 
du male & de fa femelle; mais encore par leurs-habi- 
tudes, puifqu'ils ne fe perchent. point; ils diffèrent: 

(e) Weigandt, loco citato, . 

{f) Rzaczynski, loco citate, 


232 HISTOIRE NATURELLE, &t. 

auffi des lagopèdes, vulgairement perdrix blanches, en 
ce qu'ils fe tiennent non fur les hautes montagnes, 
mais dans les bois & les bruyères; d’ailleurs, on ne 
dit point qu'ils aient les pieds velus jufque fous les 
doigts, comme les lagopèdes; & j'avoue que je les 
aurois rangé plus volontiers parmi Îles francolins ou 
attagas, que parmi les tetras, fi je n’avois cru devoir 
foumettre mes conjeétures à l'autorité de trois Écrivains 

æ inftruits, & parlant d’un oifeau de eur pays. 


LA GÉLINOTTE: 


“Planche VII de ce vobume. 


\ ous avons vu ci-deflus, que dans toutes les efpèces 
de tetras , la femelle différoit du mâle par les couleurs 
du plumage, au point que plufieurs Naturaliftes n’ont 
pu croire qu’ils fuflent oïifeaux de. même efpèce. 
 Schwenckfeld /4), & d’après lui Rzaczynski (c), eft 
tombé dans un défaut tout oppofé, en confondant 
dans une feule & même efpèce, la Gélinotte ou 
poule des coudriers, & le Francolin, ce qu’il n’a pu 
faire que par une induction forcée & mal entendue, 
vu les nombreufes différences qui fe trouvent entre 
ces deux efpèces. Frifch eft tombé dans une méprife 
de même genre, en ne faifant qu'un feul oïifeau de 
L'arragen & de V'hafeLhuhn, qui eft la poule des coudriers 


i th) les planches enluminées sf A7dr mâle ; Ÿ 475, 
Ta femelle. 

(a , Géfinotte. En DUR Gallina SRE Gallina filvatica; & 
‘de même en vieux Francois, Gélinotte des bois; en Allemand, Æa/el 
un, Hafel-henne; en Agir ; Hafel-hen ; en Suédois, Hierpe ; 
en Polonois, Jarzabek. — Gallina corylorum feu Bonofa Alberto dia. 
Gefner, Avi. pag. 228. — La Gélinotte. Briflon, Ornitol. tome 1, 
pese 191. | 

{b) Schwenckfeld, Aviarium Sikfiæ, pag. 2 279. 


{c) Rzaczynski, Auluarium Polorie, Pig: 36 6, 
Oifeaux , Tome IL C4 


\ 


334 HISTOIRE NATURÉLEE 
ou gélinotte, & en ne donnant fous cette double 
dénomination que l’hifloire de la gélinotte, tirée p prefque 
mot à mot de Gefner, erreur dont if auroit dû, ce me 
femble, être préfervé par une autre qui lui avoit fait 
confondre, d’après Charleton /}, le petit tetras avec 
la gélinotte , laquelle n’eft autre que cette même poule 
des coudriers : à l’égard du francolin, nous verrons à 
fon article à quelle autre efpèce il pourroit fe rapporter 
beaucoup plus naturellement. 

Tout ce que dit Varron de fa poule ruflique ow 
fauvage /e), convient très-bien à la gélinotte, & Belon 
ne doute pas que ce ne foit la même efpèce /f); 
c’étoit, felon Varron, un oïfeau d’une très - grande 
rareté-à Rome, qu’on ne pouvoit élever que dans des 
cages, tant il étoit difficile à apprivoifer, & qui ne 
pondoit prefque jamais dans l’état de captivité; & c’eft 
ce que Belon & Schwenckfeld difent de la gélinotte : 
le premier donne en deux mots une idée fort jufte de 
cet oifeau, & plus complette qu on ne pourroit faire 
par la defcription la plus détaillée. « Qui fe feindra, 
dit-il, voir quelque efpèce de perdrix métivé entre « 
la rouge & la grife, & tenir je ne fais quoi des « 
plumes du faifan, aura la R it A M de la gélinotte 

de bois (g) ». 


(d) Charlton, Exercitationes , pag 83,n 7% | 
fe) Varron, de Re Rufiica, lib. WI, cap. 1X- _, 
(f) Belon, Nature des Où té pige 253: 
(g) Idem, ibidems 


HRECLA NO ELCENOTMER : bas 

Le mâle fe diftingue de la femelle par une tache 
noire très- marquée qu'il a fous la gorge, & par fes 
flammes ou fourcils qui font d’un rouge beaucoup 
plus vif: la groffeur de ces oïïeaux eft celle d’une 
bartavelle; ils ont environ vingt-un pouces d'envergure, 
les ailes courtes, & par conféquent le vol pefant, & 
ce n’eit qu'avec beaucoup d'effort & de bruit qu'ils 
prennent leur volée; en récompenfe ils courent très- 
vite {h). y a dans chaque aile vingt-quatre pennes 
prefque toutes égales, & feize : à la queue, Schwenckfeld 
dit quinze /7); mais c’eft une erreur d’autant plus 
 groffière, qu'il n’eft peut-être pas un feul oïfeau qui 
ait le nombre des pennes de la queue impair ; celle 
de la gélinotte efl traverfée vers fon extrémité par une 
large bande noirâtre, interrompue feulement par les 
deux pennes du milieu : je n’infifte fur cette circonf- 
tance que parce que, felon la remarque de Willulghby 
dans la plupart des oïifeaux, ces deux mêmes pennes 
du milieu n’obfervent point l'éloignement des pennes 
latérales, & fortent un peu plus haut ou un peu plus 
bas /4); en forte qu'ici la différente couleur de ces 
_ pennes, fembleroit dépendre de la différence de leur 
pofition: les gélinottes ont, comme les tetras, les 
fourcils rouges, les doigts bordés de petites dentelures, 
mais plus courtes; l’ongle du doigt du milieu tranchant, 

(h) Voyez Gefner, page 229, | | 

(i) Schwenckfeld, Aviarium Silefiæ, pag. 278. 

(4) Willulghby , Ornühologia, pag. 3. 


236  ÆHISTOIRE NATURELLE 
_&les pieds garnis de plumes par-devant, mais feulement 
jufqu’au milieu du tarfe; le ventricule ou géfier mufcu- 
leux ; le tube inteftinal long de trente & quelques 
pouces; les appendices où cæcum de treize à quatorze, 
& fillonnés par des cannelures //}; leur chair eft blanche 
lorfqu’elle eft cuite, mais cependant plus au dedans: 
qu’au dehors; & ceux qui l'ont examinée de plus près 
prétendent y avoir reconnu quatre couleurs différentes .. 
comme on a trouvé trois goûts différens dans celle des: 
outardes & des tetras; quoi qu'il en foit, celle des: 
gélinottes eft exquife, & c’eft de-là que lui vient, dit-on, 
fon nom latin bonafa, & fon nom hongrois #/£hafar- 
_madar, qui veut dire affcau de Céfar, comme fi un fr 
bon morceau devoit être réfervé exclufivement pour 
l'Empereur: c’eft en effet un morceau fort eftimé; & 
Gefner remarque que c’eft le feul qu’on fe permettoif 
de faire reparoitre deux fois fur la table des: Princes /m).. 
Dans le royaume de Bohème, on en. mange beau-- 
coup au temps de PAGUES, comme on mange de 
l'agneau en France, & l’on s’en envoie en préfent les 
uns aux autres (n). N 
Leur nourriture, foit en été, foit en hiver, eft à peu 
près la même que celle des tetras: on trouve en été 
dans leur ventricule des baies de forbier, de mirtille & 
de bruyère , des mûres de ronces, des graines de fureau 


é ) Villulghby, Ornithologia, be 126. 
{m) Gefner, Ornithologia, pag. 231+ 
/n) Schwenckfeld, Ayiarium, pag: 279» 


D É: L'ÀA GÉLINOTTÉ 237 


“des Alpes, des filiques de falrarella, des chatons de 
bouleau & de coudrier, &c. & en hiver des baies de 
genièvre, des boutons de bouleau, des fommités de 
bruyère, de fapin, de genevrier & de quelques autres 
plantes toujours vertes /o ): on nourritaufli les gélinottes 
qu’on tient captives dans les volières avec du blé, de 
Vorge, d’autres grains, mais elles ont encore cela de 
commun avec les tetras, qu'elles ne furvivent pas 
long-temps à la perte de leur liberté /»), foit qu’on 
les renferme dans des prifons trop étroites & peu 
convenables, foit que leur naturel lauvage ; ou plutôt 
généreux, ne puifle s’accoutumer à aucune forte de 
prifon. | 

La chafle s’en fait en deux temps de l’année , au 
printemps & en automne; mais elle réuffit, fur - tour 
_ dans cette dernière faifon: les Oiïfeleurs & même les 
Chafñleurs les attirent avec des appeaux qui imitent 
leur cri, & ils ne manquent pas d'amener des chevaux 
avec eux, parce que c’eft une opinion commune que 
les gélinottes aiment beaucoup ces fortes d'animaux /7). 
Autre remarque de Chafleurs: fi l’on prend d’abord 
un mâle, la femelle qui le cherche conflimment 
revient plufieurs fois, amenant d’autres mâles à fa fuite: 
au Jieu que fi c’eft la mate qui eft prife la première, 


… (0e) Voyez Ray, Sinoplis avium, p. $5; Schwenckfeld, page LE 
& Rzaczynski, Auduarium, pag. 366. 


_ {p) Gefner, Schwenckfeld, &c. aux endroits cités, 
(4) Gefher, page 230, 


2 


GS ii 


238 HISTOIRE NATURELLE 
le mâle s'attache tout de fuite à une autre femelle & 
ne reparoît plus /r): ce qu’il y a de plus certain, c’ef 
que fr on furprend un de ces oifeaux mâle ou femelle, 
& qu'on le faffe lever, c ’eft aus avec grand bruit 
qu'il part, & fon inftinét le porte à fe jeter dans un 
fapin touffu, où il refte immobile, avec une patience 
_fingulière, pendant tout le temps que le Chaffeur le 
guette: ordinairement ces oifeaux ne fe pofent qu’au 
centre de larbre, c’eft-à-dire, dans l'endroit où les 
branches fortent du tronc, 


Comme on a beaucoup parlé de la gélinotte, on a 
aufli débité beaucoup de fables à fon fujet; & les plus 
abfurdes font celles qui ont rapport à la façon dont 
elle fe perpétue. Encelius & quelques autres, ont avancé 
que ces oifeaux s’accouploient par le bec, que les coqs 
eux - mêmes pondoient, lorfquils étoient vieux, des 
- œufs qui, étant couvés par des crapauds, produifoient 
cles baflics fauvages, de même que les œufs de nos 
cogs de bafle-cours, couvés auf par des crapauds, 
produifent, felon les mêmes Auteurs, des bañlics 
domeftiques ; & de peur qu'on ne doutit de ces 
bafilics, Encelius en décrit un qu'il avoit vu ff); 
mais heureufement il ne dit pas qu'il l’eût vu fortir 
d’un œuf de gélinotte, ni qu'il eût vu un mâle de 
cette efpèce pondre cet œuf; & l'on fait à quoi s’en 


(r) Gefner, Ornitkologia, Page 2304 


DE LA GÉLINOTTE. 239 
tenir fur ces prétendus œufs de coq: mais, comme les” 
contes les plus ridicules font fouvent fondés fur une 
vérité mal vue où mal rendue , il pourroit fe faire que | 
_ des ignorans, toujours amis du merveilleux, re les. 
gélinottes en amour faire de leur becle même ufage 
qu’en font d’autres oifeaux en pareil cas, & préluder 
au véritable accouplement par des baifers de tourte- 
relles, aient cru de bonne foi les avoir vues s’accoupler 
par le bec. Il ya dans l'Hiftoire Naturelle beaucoup de 
faits de ce genre qui paroïffent ridiculement abfurdes, 
& qui cependant renferment une vérité cachée ; il ne 
faut pour la dégager, que favoir diftinguer ce que 
l'homme a vu de ce qu'il a cru. | | 

Selon l'opinion des Chaffeurs , les sMidtite entrent 
en amour & fe couplent dès les mois d’oétobre & de 
novembre; & il eff vrai que dans ce temps l’on ne tue 
que des mâles qu’on appelle avec une efpèce de fifet 
qui imite le cri très-aigu de la femelle: les mâles 
arrivent à l’appeau en agitant les ailes d’une façon fort 
bruyante, & on les tire dès qu'ils fe font pofés. 

Les gélinottes femelles, en leur qualité d’oifeaux 
pefans, font leur nid à terre, & le cachent d’ordinaire 
fous des coudriers ou fous [a grande fougère de mon- 
tagne: elles pondent ordinairement douze ou quinze 
œufs, & même jufqu'à vingt, un peu plus gros que des 
œufs de pigeons /2); elles Les couvent pendant trois 


(t) Schwenckfeld, page 278. 


340 :: HISTOIRE NATURELLE 
femaines, & n’amènent guère à bien que fept où 
huit petits /4), qui courent dès qu'ils font éclos .. | 
comme font la plupart des oifeaux proper ou à 
ailes courtes (x). “ap | 
_ Dès que ces De font élevés, & qu ls fè trouven£ 
en état de voler, les père & mère les éloignent du 
canton qu'ils fe font approprié, & ces nettes Albne = 
tiffant par paires, vont chercher chacun de leur côté. 
un afle où ils puiffent former leur établ iffement Gps: 
pondre, couver & élever auffi des petits as ‘ls HaTont: 
enfuite de la même manière, ne 
os: gélinottes Ée plaifent dans les forêts où elles 
trouvent une nourriture convenable & leur füreté contre. 
les oifeaux de proie qu’elles redoutent extrêmement, 
& dont elles fe: garantiffent en fe perchant fur les béfrcs, 
branches /£): quelques-uns ont dit qu'elles préféroient . 
les forêts en montagnes; mais elles habitent auffi les. 
forêts en plaines, puifqu'o on en voit AEICOUR aux. 


7 Léonard ie planche. CXII. 
(x) M. de Bomre , qui d'ailleurs extrait & copie ff rhone 
dit que les gélinottes ne font que deux. petits, l’un mâle & Puiià 


femelle. Voyez / Dictionnaire d'Hiftoire Naturelle, à l'article Gélinotte,.: | 


Rien n'eft moiïns vrai, ni même moins vraifemblable : cette erreur, . 
ne peut venir que de celle des Nomenclateurs peu inftruits à qui. 


ont confondu la gélinotte avec foïfeau œras à Ariftote { Vinago de ” 5 
Gaza }, quoique ce foient des efpèces très - éloignées, l’œnas éant 4 


du genre des pigeons, & ne pondant en effet que. deux. œufs. 
(y) Gefner , Ornithologia, p ; pag: 23: 


de) Tics bleus DOS le ARE OL PE ON 
| pt environs . 


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environs de Nuremberg: elles abondent aufi dans les 
bois qui font aux pieds des Alpes, de l’Apennin & 
de la montagne des Géans en Siléfie, en Pologne, &c. 
Autrefois elles étoient en fr grande quantité, felon 
Varron, dans une petite ile de la mer Liguftique, au- 
jourd’hui le golfe de Gènes, qu’on l’appéloit pour 
cette raifon l'#e aux gélinorres. Po Les 


Oifeaux, Tome IL 7: Pot HR 


| £a HISTOIRE NATURELLE 


GÉLINOTTE D'ÉCOSSE (y. 


S1 cet oifeau eft le même que le Gallus paluffris de 
Gefher, comme le eroit M. Briflon, on peut affurer 
que la figure qu’en donne Gefner, n’eft rien moins. 
qu'exacte , puifqu’on n’y voit point de plumes fur les- 
pieds, & qu'on y voit au contraire des barbillons rouges: 
fous le bec; mais auffr ne feroit-il pas plus naturel de- 
foupçonner que cette figure eft celle d’un autre oifeau ? 
-_ Quoi qu’il en foit, ce gallus paluffris où cog de marais, 
eft un excellent manger; & tout ce qu'on fait de fon. 
hiftoire, c’eft qu'il fe plait dans les lieux marécageux , 
comme fon nom de coq de marais le fait aflez en- 
tendre [8 ). Les Auteurs de la Zoologie Britannique 
_ prétendent que la gélinotte d’Écoffe de M. Briflon, 
n'eft autre que le prarmigan dans fon habit d’été, & que 
fon plumage devient prefque tout blanc en hiver /c);- 
mais il faut donc qu'il perde aufhi en été les plumes. 
qui lui couvrent les dois: car M. Briflon dit pofitive- 
ment qu'elle n’a de plumes que jufqu'à l'origine des. 
doigts, & le ptarmigan de la Zoologie Britannique. 
en a jufqu’aux ongles: d’ailleurs ces deux animaux. 


{a) Briflon , tome T, page 1 99, planche XXII, figure 1. 
( b) Gefner, de Naturä Avium, pag. 23: 
#) Briifch Zoology, pag. 86. 


VRE VA GNEL T'AOTUINE, ME. | ed 
tels qu'ils font repréfentés dans la Zoologie & dans 
M. Briflon, ne fe refflemblent ni par le port, ni par la 
phyfionomie, ni par la conformation totale: quoi qu’il 
en foit, la gélinotte d’Écoffe de M. Briffon eft un 
peu plus groffe que la nôtre, & a la queue plus courte; 
elle tient de la gélinotte des Pyrénées par la longueur 
de fes ailes, par fes pieds garnis antérieurement de 
plumes jufqu'à l’origine des doigts, par la longueur 
du doigt du milieu, relativement aux deux latéraux, & 
par la brièveté du doigt de derrière; elle en diffère en 
ce que fes doigts font fans dentelures, & fa queue 
fans fes deux plumes longues & étroites, qui font le 
caractère le plus frappant de la gélinotte des Pyrénées. 
Je ne dis rien des couleurs du plumage; les figures 
les repréfenteront plus exactement aux yeux que ma 
defcription ne pourroit les peindre à lefprit: d’ailleurs, 
rien de plus incertain ici pour caraétérifer les efpèces, 
que les couleurs du plumage, puifque ces couleurs 
varient confidérablement d’une faifon à l’autre dans le 
même individu. 24 


-& : Ù : : 
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A co A ep DU EE 1 
VULGAIREMENT 


£E À GÉLINOTTE DES PYRÉNÉES 73 
Planche VII I de ce volume. 


BAUER les noms ne foient pas Îles chofes, 

cependant il arrive fi fouvent, & fur-tout en Hiftoire 
Naturelle . qu ‘une erreur amitié entraine une erreur. 
réelle, qu'on ne peut, ce me femble, apporter trop 
d’ Hp Pak ä appliquer toujours. à chaque objet les 
noms qui lui ont été impofés; & c'eit par cette raifon 
que nous nous fommes fait une loi de rectifier, autant 
qu'il feroit en nous, la difcordance ou Île mauvais 
emploi des noms. 

M. Briflon qui regarde la perdrix: de Damas où de 
Syrie de Belon /£),.comme étant de la même efpèce 
que fa gélinotte des Pyrénées., range parmi les noms 
donnés en différentes langues à cette efpèce, le nom 


* Voyez les: planches été de 4 n°, 105, le mâle; er Ho Tols. 
la femelle. hs - 

(a) Gélinotte des Pyrénées. En Effrene: Ganga; en Turquie … 
_Catas — Perdrix de Damas ou de'Syrie. Belon, Alf, nat. des: 
Oifeaux, page 259; & Portraits d'Oïfeaux, page 67, 4. — Perit: 
Coq de Bruyère aux deux aiguilles à la queue. Edwards, Glanuress. 
planche CCX LIX, avec une très-bonne figure coloriée. 


(b) Briffon, tome Î, page ro 5. Genre v, Efpèce 4e 


DUC ANG À, dE: 245$ 
grec Zverrohé, & cite Belon, en quoi il fe trompe 
doubiement; car, 1.” Belon nous apprend lui - même 
que l’oifeau qu’il a nommé perdrix de Damas, eft une 
efpèce différente de celle que les Auteurs ont appelée 
fyroperdix , laquelle a le plumage noir & le bec rouge /c): 
_ 2° en écrivant ce nom fyroperdix en caractères grecs, 
M. Briflon paroît vouloir lui donner une origine grecque; 
& cependant Belon dit expreffément que c’eft un nom 
latin /4): enfin, il eft difhcile de comprendre les raifons. 
qui ont porté M. Briflon à regarder l'ævas d’Ariftote, 
comme étant de la même efpèce que la gélinotte des. 
Pyrénées; car Ariftote met fon œnas, qui eft le »#7a20: 
de Gaza, au nombre des pigeons, des tourterelles, des: 
ramiers { en quoi il a été fuivi par tous les Arabes }; 
& il affure poftivement qu’elle ne pond, comme ces 
oifeaux, que deux œufs à la fois /e/: or, nous avons: 
vu ci-deflus, que Îles gélinottes pondoient un beaucoup: 
plus grand nombre d'œufs ; par conféquent l’œras 
d'Ariflote ne peut être regardé comme une gélinotte 
des Pyrénées; ou, fi l’on veut abfolument qu'il en: 
foitune , 1l faudra convenir que la ere des Pyrénées: 
n'eft point. une gélinotte. 

Rondelet avoit prétendu qu A y avoit erreur dans Le- 
“mot grec dwes, & qu'il falloit lire sas, dont la racine: 
fignifie bre , filer, & cela parce que cet oifeau a, dit-il. 

{c) Belon, Nature des Oifeaux, page 258. | 


{d) Idem, ibidem, 
{e) Auifiote, Hif. Animal, lib, VI, Cap, Le 


HS üj: 


546 HISTOIRE NATURELLE 

la chair, ou plutôt la peau ft fbreufe & fr dure, que pour 
la pouvoir manger il faut l’écorcher /f); mais s’il étoit 
véritablement de la même efpèce que la gélinotte des 
Pyrénées, en adoptant la correction de Rondelet, on 
pourroit donner au mot z745 une explication plus heu- 
reufe & plus analogue au génie de Îa langue grecque, 
qui peint tout ce qu'elle exprime, en Jui faifant défigner 
les deux filets ou plumes étroites que Îles gélinottes 
des Pyrénées ont à la queue, & qui font fon attribut 
caraétériftique; mais malheureufement Ariftote ne dit 
pas un mot de ces filets qui ne lui auroient pas échappé, 
& Belon n’en parle pas non plus dans la defcription 
qu’il fait de fa perdrix de Damas: d’ ailleurs, 4e nom 
d’oinas ou vinago convient d'autant mieux à cet oifeau, 
que, felon la remarque d’Ariftote, il arrivoit tous les 
ans en Grèce au commencement de l’automne /g), 
qui eft ie temps de la maturité des raifins, comme font 
en Bourgogne certaines grives, que par cette raifon 
on appelle dans le pays des vertes. 

Il fuit de ce que je viens de dire, que le fyroperdix 
de Belon & l’œras d’Ariftote, ne font point des gangas 
ou gélinottes des Pyrénées, non plus que lalchata, 
Vaffuachat, la filacotona, qui paroïffent être autant de 
noms arabes de l’œnas, & qui certainement défignent 
un oifeau du genre des pigeons /4). 

(f) Gefner, de Naturë Avium, pag. 307. 

(g) Ariftote, Hiff. Animal. Mb. VIE, cap. Nr. 

(h) Voyez Gelner, dé Naturâ Ayiun, pag. 307 & 311 


| , Di LCA NI An CNE 247 
.. Au contraire, l’oifeau de Syrie que M. Edwards 
‘appelle perit cog de bruyère, ayant deux filers à la queue (1); 
& que les Turcs nomment caa, eft exaétement le 
même que la gélinotte des Pyrénées: cet Auteur dit 
que M. Shaw l'appelle Awraviah, & qu'il ne ui donne 
que trois. doigts à chaque pied; mais il excufe cette 
erreur, en ajoutant que le doigt poficrieur avoit pu: 
échapper à M. Shaw, à caufe des plumes qui couvrent: 
les jambes; cependant.il venoit de dire plus haut dans: 
fa defcription , &-: on' voit par fa figure, que c’eft le: 
. devant des jambes feulement qui.eft couvert de plumes: 
blanches. femblables à du poil: or, il eft difficile de: 
comprendre comment le doigt de derrière auroit pu: 
fe perdre dans ces plumes de devant; il étoit plus: 
naturel de dire qu'il s’étoit dérobé à M. Shaw par fa: 
petitefle; car il n’a pas en effet plus de deux lignes. 
de longueur: les: deux doigts latéraux font aufi fort 
courts, relativement au doigt du milieu, & tous font: 
bordés de petites dentelures comme dans le tetras. Le 
ganga ou la gélinotte des Pyrénées, paroïjt avoir un: 
naturel tout différent de celui de la vraie gélinotte ;. 
car, 1.” il a les ailes beaucoup plus longues, relative-- 
ment à fes autres dimenfions: il doit donc avoir le: 
vol ou rapide ou léger, & conféquemment avoir d’autres: 
habitudes, d’autres mœurs qu'un oifeau pefant; car: 
l’on fait combien les mœurs & le naturel d’un animal 
dépendent de fes facultés; 2.° nous voyons par. les: 

(i) Edwards, Glanures, planche. XL1X.- 


248 HISTOIRE NATURELLE 
obfervations du docteur Rouffel, citées dans la defcrip- 
tion de M. Edwards, que cet oïfeau qui vole par 
troupes, fe tient la plus grande partie de l’année dans 
les déferts de la Syrie, & ne fe rapproche de fa ville 
d'Alep, que dans les mois de mai & de juin, & lorf- 
qu'il eft contraint par la foif de chercher les lieux où 
il y a de l’eau: or, nous avons vu dans l’hiftoire de Ia 
gélinoite, que c’eft un oifeau fort peureux , & qui ne fe 
croit en füreté contre la ferre de l’auteur, que lorfqu’il 
eft dans les bois les plus épais: autre différence qui 
n’eft peut-être qu’une fuite de la première, & qui jointe 
à plufieurs autres différences de détail faciles à faifir par 
la comparaifon des figures & des defcriptions, pourroit 
faire douter avec fondement, fi l’on a eu raifon de 
rapporter à un-même genre des natures aufli diverfes. 
Le ganga que les Catalans appellent aufli perdix de 
Garrira [k), eft à peu près de la groffeur d’une perdrix 
vrife : elle a Le tour des yeux noir, & point de flammes 
ou fourcils rouges au-deflus des yeux: le-bec prefque 
droit, l’ouverture des narines à la‘bafe du bec {upérieur 
& joignant les plumes du front, le devant des pieds 
couvert de plumes jufqu'à l'origine des doigts, les 
ailes affez longues , la tige des grandes plumes des 
ailes noire : les -deux pennes du milieu de [a queue 
une fois plus longues que Îles autres, & fort étroites 
dans la partie excédante ; les pennes latérales vont 
toujours en s’accourciffant de part & d’autre jufqu’à 
{#) Barrère Ornitol. -CHait. IV, Genre XY Æfpèce 5: 
| on kB . 


DU GANG A, dt. 249 
da dernière //). NH eft à remarquer que de tous ces 
traits qui caractérifent cette prétendue: gélinotte des 


_… Pyrénées, il n’y en a peut-être pas un feul qui convienne 


exactement à la gélinotte proprement dite. 

La femelle eft de la même groffeur que le mûle: 
mais elle en diffère par fon plumage, dont les couleurs 
font moins belles, & par les filets de fa queue qui 
font moins longs: il paroït que le mäle a une tache 
noire fous la gorge, & que Îa femelle au lieu de cette 
tache, a trois bandes de la même couleur qui lui em- 
braffent le cou en forme de collier. 

. Je n'entre pas dans le détail des couleurs du 54 
mage, la figure enluminée fes préfente avec exactitude, 
elles fe rapportent aflez avec celles de l’oifeau connu à 
Montpellier fous le nom d’ergel, & dont Jean Culmann 
avoit communiqué la defcription à Gefhner /#1); mais 
les deux longues plumes de la queue ne paroiffent point 
* dans cette defcription, non plus que dans la figure que 
Rondelet avoit envoyée à Gefner, de ce même angel de 
Montpellier, qu'il prenoit pour l’æras d’Ariftote /n); 
en forte qu’on eft fondé à douter de l'identité de ces 


(L) Voyez les defcriptions de M." Edwards & Briflon , tant pour 
çe qui précède que pour ce qui fuit. | 

(m) Plumis ex fufco colore in nigrum vergentibus, e7 luteis in ruffumn 
dit Gefner, en parlant de l'angel, page 3 0 7- 
… Olivaceo , flavicante nigro, de rufo varia , dit M. Briflon, en Dirt 
de la gélinotte des Pyrénées. 

(r) Voyez Gefner, de Naturâ Afin pag. 307: : 

491 Ifeaux, Tome IL, [i 


250.. HISTOIRE NATURELLE 


deux efpèces (1 angel & le ganga) }, m mal gré la convenance | 


du lieu & celle rs pl umage, à moins qu ‘on ne fuppofe _ 


que les fujets décrits par Culmann, & deffinés par 
Rondelet, étoient des femelles qui ont les filets de la 


queue beaucoup plus courts, & par conféquent moins 
remarquables. | 


_ Cetteefpèce fe trouve dans la plupart des pays : chaidé | 
de l’ancien continent: en Efpagne, dans les parties méri= 
dionales de la France, en Italie, en Syrie , en Turquie 
& Arabie, en Barbarie & même au Sénégal: car l’oifeau 
té préfente fous le nom de gélinotte de Sénégal * , n’eft 
qu’une variété du ganga ou gélinotte des Pyrénées , il 
eft feulement un peu plus petit; mais il a de même les 
deux longues plumes ou filets à la queue, les plumes 
latérales toujours plus courtes par degrés à mefure 
qu’elles s’éloignent de celles du milieu, les ailes fort 
longues, Îles pics couverts par - devant d’un duvet. 
blanc, le doigt du milieu beaucoup plus long que les . 
latéraux, & celui de derrière extrêmement court; enfin 


point de peau rouge au-deflus des yeux, &. il ne diffèré 


du ganga d’ Enape que par un peu moins de groffeur 
& un Fo plus de rougeätre dans le plumage: ce n’eft 
donc qu’une variété dans là même efpéce, produite 


par l'influence du climat; & ce qui prouve que cet u 


oifeau eft très-différent de la gélinotte, & doit par 
conféquent porter un autre nom, c’eft qu'indépendams 


* Voyez les planches enduminées, n° 130: 


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21. VIT. Pag: 260. 


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DU dan à dé 1 -açi 
mént des caractères diflindifs de fa figure, 1l habite 
par-tout les pays chauds, & ne fe trouve ni dans les 
climats froids, nt même dans Îes tempérés; au lieu 
que la gélinotte ne fe trouve en nombre que dans Îles 
climats froids. 

C’eft ici le lieu de rapporter ce que M. Shaw nous 
apprend du kittaviah ou gélinotte de Barbarie (0), & 
qui eft tout ce qu ’on.en fait, afin que Île lecteur puiffe 
comparer fes qualités avec celles du ganga ou gélinotte 
des Pyrénées, & juger fi ce font en effet deux individus 
de la même efpèce. | | 

« Le kittaviah, dit-il, eft un éilate granivore & 
qui vole par troupes : il a la forme & la taille d’un « 
pigeon ordinaire , les pieds couverts de petites « 
plumes, & point de doigt poftérieur; il fe plait « 
dans les terreins incultes & ftériles ; la couleur de « 
fon corps eft un brun-bleuâtre tacheté de noir: ila «° 
le ventre noirâtre & un croiffant jaune fous la gorge; « 
chaque plume de la queue a une tache blanche à « 
fon extrémité, & celles du milieu font longues & « 
pointues comme dans le rerops où guefpier : du refte « 
_fa chair eft rouge fur la poitrine; mais celle des « 
cuifles eft blanche, elle eft bonne à manger & de « 
facile digeftion ». | 
{o) Nota. M. Shaw 4 cru qu’on pouvoit lui donner le nom de 


* dagopus d'Afrique, quoiqu'il n'ait pas les pieds velus par- -deffous 
comme le véritable fagopède. 7ravels. . . of Barbary and the Leyant, 
P*6 2 ÿ 3° | CE 7 | 

Ji i 


dde Tri G A LS. 


sr oifeau eff le francolin de Belon, qu'il ne faut 
pas bone comme ont fait quelques Ornitholo- 
gifles, avec le francolin qu’a décrit Olina (4); ce font 
deux oïifeaux très-différens, foit par la forme du corps, 
foit par les habitudes naturelles ; le dernier fe tient dans 
les plaines & les lieux bas: il n’a point ces beaux fourcils 
couleur de feu, qui donnent à l’autre une phyfionomie 
{1 diftinguée, il a le cou plus court, le corps plus 
ramafñlé, les pieds rougeûtres garnis d’éperons & fans 
plumes, comme les doigts fans dentelures, c’eftà-dire, 
qu’il n’a prefque rien de commun avec le francolin dont 
il s’agit ici, & auquel pour prévenir toute équivoque, : 
je conferverai le nom d’Arragas, qui lui a été donné, 
dit-on, par onomatopée, & d’après fon propre cri. 
Les Anciens ont beaucoup parlé de l’arragas où attagen 
{ car ils emploient indifféremment ces deux noms he 
Alexandre Mÿndien nous di dt dans Athénée {c), 
qu’il étoit un peu plus gros qu'une perdrix, & que 


{a En Grec, A'Aanas : en  Laün, Attagas ou Attagen ; en 
Anplois, Redgame. — Attagen. Gelner, Avi, pag. #25. — Fran- 
colin. Belon, Hiff. nat. des Oifeaux, page 241. — Coq de marais, 
Albin, tome I, planche xx111, le mâle ; & planche XX1IV, /a femelle, 
— Attagen. Frifch, planche CXIr, avec une figure bien coloriée de 
Ja femelle. — La Cou huppée. Briflon , tome Î, page 209. 
(b} Olina, Urcellaria, pag. 33 2. 

AE Athénée, 49, LX, 


cd 


-D'E L'AiT T:A GA 84 ar 


fon plumage dont Île fond tiroit au rougeätre, étoit 
émaillé de PAYAeUrS couleurs. Ariflophane avoit dit à 
peu près la même chofe; mais Ariflote, felon fon 
excellente coutume de faire connoître un objet ignoré, 
par fa comparaifon avec des objets communs, com- 
pare le plumage de l’attagen avec celui de la bécaffe 
(ouonomaË | (4). Alexandre Myndien ajoute qu'il a les 
ailes courtes & le vol pefant ; & ‘Théophrafte obferve 
qu'il a la propriété qu'ont tous les oifeaux pefans, tels 
que la perdrix, le coq, le faifan, &c. de naître avec 
des plumes, & d’être en état de courir au moment 
qu'il vient d’éclore : de plus, en fa même qualité 
d’oifeau pefant, il eft encore pulvérateur & frugi- 
vore fe), vivant de baies & de grains qu’il trouve, 
tantôt fur les plantes mêmes, tantôt en grattant la 
terre avec fes ongles /f); & comme il coure plus 
qu’il ne vole, on s’eft avifé de le chaffer au chien 
courant, & on y a réuffi (2). 1 

Pline, Élien & quelques autres difent que ces oifeaux 
_ perdent la voix en perdant la liberté, & que la même 


{d) Ariftote, Æliff. Animal, Kb. IX, cap. XX VI. 

_ fe) Nota. Les Anciens ont appelé pulveratrices , les oïfeaux qui 
ont linftinct de gratter la terre, d'élever la pouffière avec leurs ailes ; 
& en fe porn pour ainfi dire avec cette DoRtre, de fe délivrer 
de fa piqüre des mfettes qui les tourmentent; de même que les oifeaux 

Aie s’en délivrent en arrofant leurs plumes avec de l'eau. 

‘(f) Ariftote, Hiff. Animal. Kb. IX, cap. XLIX. 

(g) Oppien, in Ixenticis. Cet. auteur ajoute qu’ils aiment les 
cerf, & qu'ils ont au contraire de l’antipathie pour les coqs! 


li ii 


254 HISTOIRE NATURELLE 
roïideur de naturel qui les rend muets dans l’état de 

captivité, les rend aufli très-difciles à apprivoifer /4), 
Varron donne ns la manière de les élever, & 
qui eft à peu près la même que celle dont on élevoit 
les paons , les fafans, Îles js de Numidie, les 
per drix, c (2 | 

Pline affure que cet oifeau, qui avoit été Font rare, 
étoit devenu plus commun de fon temps; qu’on en 
trouvoit en Efpagne, dans la Gaule & fur les Alpes; 
mais que ceux d’Ionie étoient les plus eftimés /4): 
il dit ailleurs qu'il n’y en avoit point dans l'ile de: 
Crète /2). Ariflophane parle de ceux qui fe trouvoient 
aux environs de Mégare, dans l’Achaïe (mn) Clément 
d'Alexandrie nous apprend que ceux d’ Égypte étoient 
ceux dont les gourmands faifoient le plus de cas: ïl 
y en avoit aufi en Phrygie, felon Aulugelle, qui dit 
que c'eft un oifeau afatique. Apicius donne la maniëre 
d’apprèter le francolin, qu'il joint à a perdrix (2); & 
 Saint- Jérôme en parle dans fes lettres comme d’un 
morceau fort recherché /9). de 


{h) Pline, Æiÿf£ nat, lib. *, cap. XLYIIT. Socrate & Élien, dans 
Athénée. | 

(i) Varron , Geopon. Græc, à l'article du Faifan. : 

(4) Pline, Æif. nat lib: X, cap. XLIX. 

{l) Idem, Üb. VHI, cap. LVIII. 

{) Ariftophane, #: Acharnenfibus. 

{n) Apicius, VI, 7e | 

(o) Atiagenem eructas © comeflo anfere gloriaris, difoit S.° Jérôme 


DE L'ATTAC AS 2$$ 
Maintenant, pour juger fi l'arragen des Anciens eft 
notre attagas ou francolin, il ne s’agit que de faire 
l’hiftoire de cet oifeau , d'après les Mémoires des 
Modernes, & de comparer. | 
Je remarque d’abord que le nom 4’ attagen, tantôt 
- bien confervé, tantôt corrompu /p), eft le nom le plus 
généralement en ufage parmi les Auteurs modernes, 
qui ont écrit en latin, pour défigner cet oifeau. Il eft 
vrai que quelques Ornithologiftes, tels que Sibbald, 
Ray, Willulghby, Klein, ont voulu le retrouver dans la 
Zagopus altera de Pline /g); mais outre que Pline n’en a 
_ parlé qu’en paffant, & n’en a dit que deux mots, 
d’après lefquels il feroit fort difhcile de déterminer 
précifément l’efpèce qu'il avoit en vue; comment 
peut-on fuppofer que ce grand Naturalife qui venoit 
de traiter aflez au long de l’arragen dans ce même 
chapitre, en parle dusfiues lignes plus bas fous un 
autre nom, fans en avertir! Cette feule réflexion 
démontre, ce me femble, que l’arragen de Pline & fa 
lagopus alrera, font deux oifeaux différens ; & nous 
verrons plus bas quels ils font. 


à un hypocrite qui faloït gloire de vivre fimplement, & qui fe 
raffafioit en fecret des bons morceaux. | | 

{p) ATTAGO, ACTAGO, ATAGO, ATCHEMIGI, 
ATACUIGI, TAGENARIOS, TAGINARI, yoces corruptæ 
ab ATTAGENE, que leguntur apud Sylvaticum. Voyez Gelne, 
page 226; & les RAM de Belon, fol. T1, | 


(4) Pline, Hifi, nat. Lib. X, cap. XLVIL. 


— 


256 HISTOIRE NATURELLE 

= Gefner avoit ouf dire qu'à Bologne il s’appeloit 
PR franguello (r); mais Aldrovande qui étoit 

_de Bologne, nous aflure que ce nom de frenguello 
| { hinguello, felon Olina ), étoit celui qu’on y donnoit 

au pinçon, & qui dérive aflez clairement de fon nom 

latin fringilla [[). Olina ajoute qu’en Italie fon francolin, 


que nous avons dit être différent du nôtre, fe nommoit 


communément franguellina, mot corrompu de frangolino, 
& re on avoit donné une terminaifon féminine 
pour le diftinguer du fringuello (t (La: 

_ Jene fais pourquoi Albin, qui a copié la defcription 
_ que Willulghby a donnée du lagopus altera Plinii (u), à 
changé le nom de l’oifeau décrit par Willulghby en 
celui de coq de marais, {1 ce n'eft parce que Tourne- 
forta dit du francolin de Samos, qu'il fréquentoit les 
marais ; mais 1 ef facile de voir, en comparant Îles 
figures & les defcriptions, que ce francolin de Samos ef 
tout-à-fait différent de l’oifeau qu'il a plu à Albin, 
ou à fon Traducteur, d’appeler coq de marais (x 9: 
comme il avoit dé) à donné le nom de francolin au petit 
_tetras à queue fourchue /y}. L’attagas fe nomme chez 
les Arabes duraz où aldura gf , & chez les Anglois red 


{r) Gefner, de Naturä na pag. 225. 
() Aldrovande, de Avibus tom. M, Prg ne 
: {t) Olina, Uccelleria, pag. 33. 
{) Albin, Ornithologia, pag. 
er Idem, Hifi. nat, des Dh, tome I, page 22, 


(y) Zbidem, pag: 21. | 
SAME y 


DE SENRTUTA AS Êc7 


game, à caufe du rouge qu’il a, foit à fes fourcils, foit 
dans fon plumage; on lui a encore donné le nom de 


perdix afclepica (tr). 


Cet oifeau eft plus gros que fa bartavelle, & pèfe 
environ dix-neuf onces; fes yeux font furmontés par 
deux fourcils rouges fort grands, lefquels font formés 
d'une membrane charnue, ile & découpée par le 
deflus, & qui s'élève plus haut que le fommet de la 
tête; les ouvertures des narines font revètues de petites 
plumes qui font un effet aflez agréable; le plumage ef 
mêlé de roux, de noir & de blanc: mais la femetlq a 
moins de roux & plus de blanc que le mâle ; la merm- 


brane de fes fourcils eft moins faiante, & beaucoup 


moins découpée, d’un rouge moins vif; & en géneral 


les couleurs de fon plumage font plus foibles /4); de 


plus, elle eft dénuée de ces plumes noires pointiiées 
de blanc, qui forment au mâle une huppe fur la tête, 
& fous le bec une efpèce de barbe /4). 

Le male & la femelle ont la queue à peu près comme 
la perdrix, mais un peu plus longue ; elle eft compofée 
de feize pennes, & les deux du milieu font variées des 
mêmes couleurs que celles du dos, tandis que toutes 
les latérales font noires: les ailes font fort courtes, 
elles ont chacune vingt-quatre pennes, & c’eft la 
troifième à compter du bout de l'aile qui eft la plus 


(x? Jonfton, Éhattéton &c. 
{a} Britifch Zoology, pag. 85, | 
{b) Aldrovande, de Avibus, tom. IT, pag. 76. 


Oifeaux , Tome IL KK 


258 HISTOIRE NATURELLE: 
longue de toutes; les pieds font revêtus de plumes 
_ jufqu’aux doigts, felon M. Briflon; & jufqu’aux ongles, 
felon Willulghby : ces ongles font noirâtres, ainfñ que 
le bec; les doigts gris-bruns, & bordés d’une bande 
membraneufe étroite & dentelée. Belon aflure avoir vu 
dans le même temps à Venife, des francolins ( c’eft 
ainfr qu'il Rome attagas ), dont le plumage étoit 
tel qu’il. vient d’être dit, & d’autres qui étoient tout 
blancs, & que les Italiens appeloient du même nom de 
francolins ; ceux - ei reflembloient exaétement aux pre- 
miers, à l'exception de la couleur ; & d’un autre côté. 
ils avoient tant de rapport avee la perdrix blanche de 
Savoie , que Belon lés regarde comme appartenans à 
l’efpèce que Pline a défignée fous le nom de /agopus 
alrera (ce): felon cette opinion qui me paroït fondée, 
Vattagen de Pline feroit notre arragas à plumage varié » 
& la feconde efpèce de /zgopus feroit notre arragas. 
blanc , qui diffère de l'autre attagas par la blancheur de 
fon plumage, & de la première efpèce de lagopus. 
appelée vulgairement perdrix blanche , foit par fa grandeur, 
foit par fes pieds qui ne font pas velus en deflous. 

_ Tous ces oïifeaux, felon Belon, vivent de grains & 


d’infectes; la Zoologie Britannique ajoute les fommités 


de bruyère /d) & les baies des eu qui croiffent fur 


les montagnes. 
L'attagas eft en effet un oifeau de montagne : . 


{c) Belon, Nature des Oiféaux, pige 242, 
(&) Brifch Zoology, PE. 8. 


DEN DA À TASG AL 259 
Willulghby affure qu’il defcend rarement dans les 
plaines & même fur le penchant des côteaux /e), & 
qu'il ne fe plait que fur les fommets les plus élevés ; 
on le trouve fur les Pyrénées, les Alpes, les montagnes 
d'Auvergne, de Dauphiné, de Suifle, du pays de Foix; 
d'Efpagne, d'Angleterre, de Sicile, du pays de Vicenfe, 
dans la Lapponie {f); enfin fur Olympe en Phrygie 
où les Grecs modernes l'appellent en langue vulgaire 
_saginari (g), mot évidemment formé de rpgua eos que 
l'on trouve dans Suidas, & qui vient lui-même  d' attagen 
où artagas , lequel eft le nom primitif. 

Quoique cet oifeau foit d’un naturel très -fauvage, 
_ona trouvé dans l'ile de Chypre, comme autrefois à 
Rome, le fecret de le nourrir dans des volières /4), fi 
toutefois l’oifeau dont parte Alexander Benediétus eft 
notre attagas ; ce qui m'en feroit douter, c’eft que le 
francolin repréfenté planche ccx1vr d'Edwards, & qui 
venoit cértainement de l'ile de Chypre, a beaucoup 
moins de rapport au nôtre qu'a celui d’Olina, & que 
nous favons d’ailleurs que celui-ci pouvoit s élever & 
fe nourrir dans les volières (2). 


Ces attagas domeftiques peuvent être plus gros que 
Jes fauvages ; mais CEUx-Ci font toujours préférés pour 


le) Willulghby, Ornitholozia, pag. 128. 
(f) Voyez Klein, Hiff. Avium, pag. 173. 
(g) Belon, Nature des Oifraux, page 242. 
{h) Gefner, Natur& Avium, pag. 227, 


(5) Olina, Uccelleria, pag. 3 3. | | 
ii. KK if 


260 HISTOIRE NATURELLE 
le bon goût de leur chair, on les met au-deffus de fa 
perdrix; à Rome un farcolino s'appelle par excellence 
un morceau de Cardinal {4}: au refte, c’eft une viande 
qui fe corrompt très-promptement, & qu'il eft difficile 
d'envoyer au loin; auffi les Chaffeurs ne manquent:ils 
pas dès qu'ils les onttués de les vider, & de leur rem- 
plir le ventre de bruyère verte //). Pline dit làmême 
chofe du /4gopus {m), & il fautavouer que tous ces oifeaux 
ont beaucoup de rapports les uns avec les autres. 
Les attagas fe recherchent & s’accouplent au prin- 
temps: la femelle pond fur Ha terre comme tous les 
oifeaux pefans, fa ponte eft de huit ou dix œufs, aigus 
par l’un des bouts, longs de dix-huit ou vingt ss 
pointillés de rouge-brun, excepté en une ou deux 
places aux environs. du petit bout: le temps de l’incu- 
bation eft d’une vingtaine de jours; la couvée refte 
attachée à la mère & la fuit tout l'été; l'hiver, les 
petits ayant pris la plus grande partie de leur accroiffe- 
ment, fe forment en troupes de quarante ou cinquante, 
& deviennent fingulièrement fauvages: tant qu'ils font 
jeunes, ils font fort fujets. à avoir les inteftins farcis de 
vers où lombrils;. quelquefois on les voit voltiger ayant 
de ces fortes de vers qui leur pendent de l'anus de la 


longueur d’un Pie (n). 


(k) Gefner, page 228. 
(!) Nillulghby, page 128. 
{m) Pline, 4b. X, cap. KLVIIT: 


(nr) Wiulghby, à l'endroit cité; & Britifch Zoology » pag. ‘46. 
Mais ne feroit-ce pas a verge de ces oifeaux qu'on auroit prife 


D BNE ARR A CAS 263 
Préfentement fi l’on compare ce que les Modernes 
on dit de notre aitagas avec ce que les Anciens en 
avoient remarqué, on s’apercevra que les premiers ont 
été plus exacts à tout dire; mais en même temps on 
reconnoîtra que les principaux caraétères avoient été 
très-bien indiqués par les Anciens: & l’on conclura 
de la conformité de ces caraélères, que l’arragen des 
Anciens & notre in font un feul & même oifeau. 
Aurefte, quelque peine que J'aie prife pour démêler 
les propriétés qui ont été attribuées pêle - mêle aux 
différentes efpèces d’oifeaux auxquelles on.a donné le 
nom de francolin, & pour ne donner à notre attagas 
que celles qui lui convenoient réellement, je dois 
avouer que je ne fuis pas für d’avoir toujours également 
réuffr à débrouiller ce cahos ; & mon incertitude à cet 
égard ne vient que de la licence que fe font donnée 
. plufieurs Naturaliftes, d’appliquer un même nom à des 
efpèces différentes, & plufeurs noms à la même efpèce; 
licence tout-à-fait déraifonnable & contre laquelle on 
ne peut trop s'élever, puifqu’elle ne tend qu’à obfcurcir 
les matières & à préparer des tortures infiries, à qui- 
. conque voudra lier fes propres connoiffances & celles de 
fon fiècle, avec les découvertes des fiècles précédens. 


pour un ver, comme j'ai vu des poulets s’y méprendre à l'égard 
‘ de à verge des canards! 


SAC YSNs 


. ts UT 


262 HIST OIRE NATURELLE 


DRE MERE IE TRE AR TARN ELEC 


L'ATTAGAS B LANC 


QE oifeau fe trouve fur [es montagnes de Suiffe 
& fur celles qui font autour de Vicenfe: je n'ai rien 
à ajouter à ce que j'en ai dit dans l’hifloire de l’attagas : 
ordinaire, finon que l’oifeau dont Gefner a fait La 
feconde efpèce de lagopus (a), me femble être un de 
ces attagas blancs, quoique dans fon plumage le blanc 
ne foit pur que fur le ventre & fur les ailes, & qu'il 
foit mêlé plus ou moins de brun & de noir fur le refte 
du corps; mais nous avons vu ci - deffus que, parmi 
les attagas, les males avoient moins de blanc que les 
femelles; de plus, on fait que la couleur des jeunes 
 Oifeaux , & fur-tout des oifeaux de ce genre, ne prend” 
guère fa confiftance qu'après la première année: & 
comme d’ailleurs tout le refte de la defcription de 
… Gefner femble fait pour caraétérifer un attagas, fourcils 
rouges, nus, arrondis & faillans; pieds velus jufqu’aux 
ongles, mais non par-deflous; bec court & noir; 
queue courte auf; habitation fur les montagnes de 
Suifle, &c. je penfe que l’oifeau décrit par Gefner 
étoit un attagas blanc, & que c'étoit un mâle encore 
jeune, qui n'avoit pas pris tout fon accroiflement, 
d'autant qu'il ne pefoit que quatorze onces au lieu de 
dix-neuf, qui eft le poids des attagas ordinaires. 


(a) Gelner, Alterum Lagopodis genus de Avibus, Pig- 579: 


5, ELA TT AG A, re .aba 
J'en dis autant, & pour les mêmes raifons, de la 
troifième efpèce de lagopus de Gefner LE) 000 
paroît être le même oifeau que celui dont le Jéfuite 
Rzaczynski parle fous le nom Polonois de Parowa (c}, 
Hs ont tous deux une partie des ailes & le ventre 
blancs, le dos & le refte du corps de couleur variée; 
tous deux ont les pieds velus, le vol pefant, la chair 
excellente, & font de la groffleur d’une jeune poule. 
Rzaczynski en reconnoit deux efpèces ; l’une plus 
petite, que j'ai ici en vue; l’autre plus groffe, & qui 

pourroit bien être une efpèce de gélinotte: cet Auteur 
ajoute qu’on trouve de ces Sr parfaitement blancs 
dans le Palatinat de Novogrod. Je ne range pas ces 
|oifeaux parmi les lagopèdes, comme à fait M. Briflon 
de la feconde & de la troifième efpèce de lagopus de 
Gefner, parce qu ils ne font pas en effet lagopèdes, 
c’eft-à-dire, qu'ils n’ont point les pieds velus par- 
deffous, & que ce caractère eft d’autant plus décifif 
qu'il eft plus anciennement reconnu, & que par con- 
féquent il paroît avoir plus de confifance. 


(b) de, Alterum Lagopodis genus de Avibus : eu S7 à 
(c) Rzaczynski, AuGuarium Poloniæ, pag. 410 & 411. 


+ eue 1 PRAIRIE LEE 


d'A à LAGOPÈDE (a), 


phone IX de ce volume. 


hour oïfeau eft celui auquel on a donné le nom de 
Perdrix blanche, mais très -improprement, puifque ce 
n’eft point une perdrix, & qu'il n’eft blanc que pen- 
dant l'hiver, & à caufe du grand froid auquel il eft 
expofé pendant cette faifon fur les hautes montagnes 
des pays du Nord, où il fe tient ordinairement. 
Ariftote, qui ne connoiïfloit point le lagopède, favoit 
que les perdrix, les caïlles, les hirondelles, les moi- 
neaux, les corbeaux & même les lièvres, les cerfs & 
les ours éprouvent dans les mêmes circonftances le 
même changement de couleur (27. Sealiger y ajoute 
les aigles, les vautours, les éperviers, les milans, les 
"tourterelles, les renards / (c); & il feroit facile d’ alonger 
cette lifte du nom de plufieurs oifeaux & dddeupèdes: 


* Voyez " planches enluminées , n° 129 , avec fon plumage 
d'hiver; & n° 494, avec {on plumage d'été. 

{a) Le Lagopède. — Lagopus. Gefner, Avi. pag. 576. — Perdix 
alba five Lagopus. Aldrovande, Avi. tom. ÎT, pag. 143: — Perdrix 
blanche. Belon, Æif, nat. des Oifeaux , page 259. — Lagopus, 
Frifch, planche CX à’ CXTI, avec des figures coloriées. — La 
Gélinotte blanche. Briflon, Ornithologia, tom. I, pag. 216. 

{b) Ariftote, de Coboribus, cap. V1; & ÆHiff. animal, lib. III, 
£ap. XII. 

[c) Scdliger | Exercitationes in Cardanum, fol. 88 & 89. 


fur 


PAU BA GCiO.p EDR | : 26% 


fr lefquels le froid produit ou pourroit produire de 
femblables cffets; d’où il fuit que la couleur blanche 
eft ici un attribut variable, & qui ne doit pas être 
_ employé comme un caractère diftinétif de l’efpèce 
_ dont il s’agit; & d’autant moins que plufieurs efpèces 
du même genre, telles que célles du petit tetras blanc, 
felon le Docteur Weygandt /4) & Rzaczynski (e), & 

de l’attagas blanc felon Belon /f), font fujettes aux 
_ mêmes variations dans la couleur de leur plumage; & 
il eft étonnant que Frifch ait ignoré que fon francolin 
blanc de montagne, qui eft notre lagopède, y fût auffi 
fujet; ou que layant fu, il n’en ait pois parlé: il, dit 
(teen qu'on lui avoit rapporté qu’on ne voyoit 
point en été des francolins blancs; & plus bas il ajoute 
qu’on en avoit quelquefois tiré ( fans doute en été ) 
qui avoient les ailes & le dos bruns, mais qu’il n’en 
avoit AS vu; c’étoit bien le lieu de dire que ces 
oifeaux n'étoient blancs que l'hiver, &c /g). 


J'ai dit qu'Ariftote ne connoifloit pas notre lago- 


_ pède; & quoique ce foit un fait négatif, j’en ai la 


preuve pofitive dans ce paflage de fon hiftoire des 
animaux, où il aflure que le lièvre eft le feul animal 


(d) Voyez Ades de Breflw , Novembre 1725, Café IV, 
art. VII, page 70 dr fuiv. 


( e) Rzaczynski, Autuarium Poloniæ, pag. 427. 
4h 7 Belon, Mature des Oifeaux , page 242, 


 {g) Léonard Frifch, planche CX 7 CXL. 
Oifeaux , Tome LL, A 


266 HISTOIRE NATURELLE 

qui ait du poil {ous les pieds /h); certainement S’Il 
eût connu un oifeau qui eût eu aufli du poil fous les 
pieds, il n’auroit pas manqué d'en faire mention dans 
cet endroit, où il s’occupoit en général, felon fa 
manière, de la comparaifon des parties correfpondantes 
dans Îes animaux, & par conféquent des plumes des 
oifeaux, ainfi que des poils des quadrupèdes. 

Le nom de fagopède, que je donne à cet oifeau; . 
n'eft rien moins qu’un nouveau nom; c’efl au contraire 
celui que Pline & les Anciens lui ont donné /4), qu’on a 
mal-à-propos appliqué à quelques oifeaux de nuit, 
 lefquels ont le deflus, & non le deffous des pieds garnis 
de plumes /4); mais qui doit être confervé exclufve- 
ment à l’efpèce dont il s’agit ici, avec d'autant plus 
de raifon qu'il exprime un attribut unique parmi Îes 
oifeaux , qui eft d’avoir, comme le lièvre, le deffous 
des pieds velus (4. 

Pline ajoute à ce caraère diftindif du lagopus où 
lagopède, a grofleur, qui eft celle d’un pigeon, fa 
couleur qui eft blanche , la qualité de fa chair qui eft 
_ excellente, fon féjour de préférence qui eft le fommet 


{4) Ariftote, lib. III, cap. XII. 

(i) Pline, Æiff Nat, ib. X, cap. XBVIIL. 
(k) Si mens aurità gaudet Lagope flacens. Martial, Il eft vifible 
que le poëte entend parler du duc dans ce PAPE mais le duc 

n’a pas le pied velu par-deffous. 
{l) Voyez Belon, Mature des Oifeaux, page 25 9 Wilulghby, 
page 127; & Klein, Prodrom, Hiff. Avi, pag. 173: | 


D U LAcoPèDe  S6r 


des Alpes : enfin, fà nature qui eft d’être très fauvage 
& peu fufceptible d’être apprivoifé; il finit par dire 
que fa chair fe corrompt fort promptement, 
L’exactitude laborieufe des Modernes a complété 
cette defcription à l'antique, qui ne préfente que les 
maffes principales; le premier trait qu’ils ont ajouté au 
tableau, & qui n’eût point échappé à Pline s’il eût vu 
l'oifeau par lui-même, c’eft cette peau glanduleufe 
qui lui forme au-deflus des yeux des efpèces de fourcils 
rouges; mais d’un rouge plus vif dans le mâle que dans 
la femelle; celle - ci eft auffi plus petite, & n’a point 
fur la tête les deux traits noirs qui, dans le mäle, 
vont de la bafe du bec aux yeux, & même au - delà 
des yeux en fe dirigeant vers les oreilles : à cela près, 
le mâle & la femelle fe reffemblent dans tout le refte, 
quant à la forme extérieure; & tout ce que j'en dirai 
dans la fuite fera commun à l’un & à l’autre. 
La blancheur des lagopèdes n’eft pas univerfelle, & 
fans aucun mélange dans le temps même où ils font 
de plus blancs, c’eft-à-dire, au milieu de l'hiver: la 
_ principale exception eft dans les pennes de la queue, 
dont fa plupart font noires avec un peu de blanc à la 
pointe; mais il paroit par les defcriptions, que ce ne 
font pas conflamment les mêmes pennes qui font de 
cette couleur. Linnæus, dans fa Fauna Suecica, dit que 
ce font les pennes du milieu qui font noires (mn); & 


(m) Tetrao re@ricibus albis, intermediis nigris, apice albis. Faun. 
Duec- He 1692 
Li] 


268 HISTOIRE NATURELLE 
dans fon Syffema Nature, dit (a), avec M. Briffon & 
Willulghby /0), que ces mêmes pennes font blanches 
& les latérales noires ; tous ces Naturaliftes n’y ont 
pas regardé d’aflez près: dans le fujet que nous avons 
fait detbnce, & dans d’autres que nous avons examinés, 
nous avons trouvé Ja queue compofée de deux rangs 
de plumes Fun fur l’autre; celui de deffus blanc en 
entier, & celui de deffous noir, ayant chacun quatorze 
plumes /p/. Klein parle d’un oifeau de cette efpèce 
qu’il avoit reçu de Pruffe, le 20 janvier 1747, & qui 
étoit entièrement blanc, excepté le bec, la partie 
inférieure de la queue & la tige de fix pennes de l'aile. 
Le Pafteur Lappon Samuel Rhéon. qu'il cite, aflure 
que fa poule de neige qui eft notre lagopède , n’avoit 
pas une feule plume noire, excepté la femelle qui en 
avoit une de cette couleur à chaque aile /4); & la 
perdrix blanche dont parle Gefner /r), étoit en effet 
toute blanche, excepté autour des oreilles, où elle 
(n) Tetrao pedibus lanatis , remigibus albis, rectricibus nigris , [ee + 
albis, intermediis Totis albis, None nat. edit. X, pag 159, n° Jin 


art. IV. 


(eo) Willulghby, page 123, n pe 

12) Nota. On ne peut compter exactement fe nombre de ces 
plumes, qu’en déplumant, comme nous l'avons fait, le deffus & | 
le deffous du croupion de ces oifeaux ; & c’eft ainfi que nous 
nous fommes afluré qu'il y-en a Tr blanches en deflus & 
quatorze noires en deflous. | 

{g) Klein, page 1737: 

{r) Gelner, page 577: 


BU DAGOPÉE DE 269 
avoit quelques marques noires; les couvertures de la 
queue qui font blanches & s’étendent par toute fa 
longueur, & recouvrent les plumes noires, ont donné 
lieu à la plupart de ces méprifes. M. Briffon compte 
dix-huit pennes dans la queue, tandis que Willulghby 
& la plupart des autres Ornithologiftes n’en comptent 
que feize, & qu’il n’y en a réellement que quatorze; il 
femble que le plumage de cet oiïfeau, tout variable 
qu'il eft, eft fujet à moins de variétés que l’on n’en 
trouve dans les defcriptions des Naturaliftes /[): les 
ailes ont vingt-quatre pennes, dont la troifième à 
compter de la plus extérieure, eft la plus longue; & 
ces trois pennes, ainfi que les trois fuivantes de 


([) Nota. M n’eft pas étonnant que les Auteurs diffèrent du blanc 
au noir fur la couleur des plumes latérales de la queue de cet 
oïfeau ; car en déployant & étendant cette queue avec à main, 
on eft abfolument le maître de terminer les côtés par des plumes 
noires ou par des plumes blanches, parce qu’on peut les étendre 
& les placer également de côté. M. Daubenton le jeune, a très- 
bien remarqué qu’il y auroit encore une autre manière de fe décider 
ici fur la contradiétion des Auteurs, & de reconnoître évidemment 
que la queue n’eft compofée que de quatorze plumes toutes noires, 
à l'exception de la plus extérieure qui eft bordée de blanc près de 
fon origine, & de la pointe qui eft blanche dans toutes, parce que. 
les tuyaux de ces quatorze plumes noires font plus gros, du double, 
que les tuyaux des quatorze plumes blanches, & qu'ils font moins 
avancés, ne recouvrant pas même en entier les tuyaux des plumes 
noires; en forte qu’on peut croire que ces plumes Blanches ne fervent 
que de couvertures, quoique les quatre du milieu foient auffi grandes 


à: 


que les noires , lefquelles font à très - peu près toutes également 


Jongues, | 


270 HISTOIRE NATURELLE 


_ chaque côté, ont la tige noire lors même qu'elles font 
blanches *; le duvet qui environne les Fiète & les doigts 
jufqu' aux onbles: eft fort doux & fort épais, & l’on 
n’a pas manqué de dire que c’étoit des éfpeces de 
gands fourrés, que la Nature avoit accordés à ces 
oifeaux, pour les garantir des grands froids aukquels ls 
font expolés; jh ongles font fort longs, même celui 
‘du petit doigt de derrière; celui du doigt du milieu 
eft creufé par-deffous, felon fa longueur, & les bords 
en font tranchans, ce qui lui donne de facilité 
pour fe creufer des trous dans la neige, ion 
Le lagopède.eft au moins de {a groffeur d’un pigeon 
privé, felon Willulghby ; il a quatorze à quinze pouces 
de long, vingt-un à vingt-deux pouces de vol, & 
pèfe quatorze onces; le nôtre eft un peu moins gros: 
mais M. Linnæus a remarqué qu’il y en avoit de diffé. 
rentes grandeurs, & que le plus petit de tous étoit 
celui des Alpes /z); il eft vrai qu’il ajoute au même 
endroit, que cet oifeau fe trouve dans les forêts des 
provinces du Nord, & fur-tout de la Lapponie, ce qui 
me feroit douter que ce fût la même efpèce que notre 
lagopède des Alpes, qui a des habitudes toutes diffé- 
rentes, puifqu'il ne fe plait que fur les plus hautes 
montagnes ; à moins qu'on ne veuille dire que a 
température qui règne fur la cime de nos Alpes, eftà 
peu près la même que celle des vallées & des forêts 


x Voyez les planches enluminées, n° 129, 
(4). Vinnæus, Fauna Juesica, pag. 169, 


«DUB AÎGORËÉ DE. 271. 
de Lapponie; mais ce qui achève deme perfuader qu’il 
y a ici confufion d’efpèces, c'eft le peu d'accord 
des Écrivains fur le cri du lagopède, Belon dit qu’il 
chante comme la perdrix {w); Gefner, que fa voix a 
quelque chofe de celle du cerf /x): Linnæus com- 
pare fon ramage à un caquet babillard & à un rire 
moqueur. Enfin, Willulghby parle des plumes des 
pieds comme d’un duvet doux /plumuls mollibus); & 
Frifch les compare à des foies de cochon {y}. Or, 
comment rapporter à la même efpèce des oifeaux qui 
diffèrent par la grandeur, par les habitudes naturelles, 

par la voix, par la qualité de leurs plumes; je pourrois 
encore ajouter par leurs couleurs, car nous avons vu 
que celle des pennes. de la queue n’eft rien moins 
que conflante’ mais ici les couleurs du plumage font 
fi variables dans le même individu, qu’il ne feroit pas 
raifonnable d’en faire le caractère de l’efpèce: je me 
crois donc fondé à féparer le lagopède des Alpes, des 
Pyrénées & autres montagnes femblables, d'avec les 
oifeaux de même genre, qui fe trouvent dans les forêts 
& même dans les plaines des pays feptentrionaux, & 
qui er ie plutôt des tetras, des gélinottes ou 
des attagas; & en cela je ne fais que me rapprocher 
de l'opinion de Pline, qui parle de fon lagopus comme 
d’un oifeau propre aux Alpes. | 


‘ fu) Belon, Nature des Oifeaux , page 259. 
x) Gelner, page 5 78. 
@) Frifth, Nature des Oifeaux , planche Cx: 


14. * 


> HISTORRE, N'ATURELEIE:: - 

Nous avons vu ci-deflus, que le blanc étoit fa livrée 
d’hiver ; celle d’été confifte en des taches brunes, 
femées fans ordre fur un fond blanc: on peut dire 
néanmoins qu'il n’y a point d’été pour lui, & qu'il eft 
déterminé par fa fingulière organifation à ne fe plaire 
que dans une température glaciale ; car à mefure que 
la neige fond fur le penchant des montagnes, il monte 
& va chercher fur les fommets les plus élevés, celle 
qui ne fond jamais; non-feulement il s’en approche, 
mais il s’y creufe des trous, des efpèces de clapiers, 
où il fe met à l'abri des rayons du foleil qui paroiffent 
l'offufquer ou lincommoder fz): il feroit curieux 
d’obferver de près cet oifeau, d’étudier fa conforma- 
tion intérieure , la ftruéture de fes organes, de démêler 
pourquoi le froid lui eft fi néceflaire, pourquoi il évite 
le foleil avec tant de foin, tandis que prefque tous Îles 
êtres animés le defirent, le cherchent, le faluent comme 
le père de la Nature, & reçoivent avec délices les 
douces influences de fa chaleur féconde & bienfaifante ; 
feroit-ce par les mêmes caufes qui obligent les oifeaux 
de nuit à fuir la lumière ou Îles lagopèdes feroient-ils 
les chacrelas de la famille des oifeaux! 

Quoi qu’il en foit, on comprend bien qu’un oifeau 
de cette nature eft difficile à apprivoifer ; & Pline le dit 
expreflément comme nous l'avons vu: cependant Redi 
parle de deux lagopèdes qu’il nomme perdrix blanches 


{z) Belon, page 259. 
| des 


DORA OO PE DEN. 
des Pyrénées, & qu’on avoit nourries dans la volière 
du jardin de Bobol, appartenant au grand Duc /4). 

Les lagopèdes volent par troupes, & ne volent jamais 
bien haut, car ce font des oifeaux pefans: lorfqu'ils 
voient un homme, ils reftent immobiles fur la neige 
pour n'être point aperçus; mais ils font fouvent trahis 
par leur blancheur, qui a plus d’éclat que la neige 
même. Au refte, foit ftupidité, foit inexpérience, ils 
fe familiarifent affez aifément avec l’homme; fouvent 
pour les prendre il ne faut que leur préfenter du pain, 
ou même faire tourner un chapeau devant eux, & faifir 
le moment où ils s'occupent de ce nouvel objet pour 
leur pafer un facet dans le cou, ou pour les tuer par 
derrière à coups de perches /6); on dit même qu’ils 
n'oferont jamais franchir une rangée de pierres alignées 
groffièrement, comme pour faire la première affife 
d’une muraille, & qu'ils iront conflamment tout le 
long de cette humble barrière, jufqu’aux pièges que 
les Chafleurs leur ont préparés. 

Ils vivent des chatons des feuilles & des jeunes 
poufles de pin, de bouleau, de bruyère, de myrtile 
_& d’autres plantes qui croiffent ordinairement fur les 
_ montagnes fc); & c’eft fans doute à la qualité de leur 

nourriture qu’on doit imputer cette légère amertume 


(a) Voyez Colleét. Acad. Part. Étrang. tome Z, Page f20 
(b) Gelner, page s 78. 
(ce) Wiulghby, page 127; Klein, Rage 43 6, 

7 s Tome IL" | Mm 


274 ss HISTOIRE NATURELLE 


qu'on reproche à leur chair {d), laquelle eft d’ailleurs 


un bon manger: on la regarde comme viande noire, & 
_c’eftun bibi très-commun, tant fur le mont Cenis que, à 
dans toutes les villes & villages à à portée des montagnes 


de Savoie (); j'en ai mangé, & je lui trouve beaucoup. 
de reflemblance pour le goût avec la chair du lièvre... 
: Les femelles pondent & couvent leurs œufs : à terre, 
où p plutôt fur les rochers {f); c’eft tout ce qu’on fait 
de Tu façon de fe multiplier : il faudroit avoir des 


ailes pour étudier à à fond les mœurs & les. habitudes 414 


des oifeaux, & far-tout de ceux qui ne veulént point. 
fe plier au joug de la domeflicité, & qui ne fe eu à 
que dans des lieux inhabitables. | | 


Le lagopède a un: très - gros jabot, un gélier mule il 
euleux, où l’on trouve de petites pierres mélées avec. 
les alimens; les inteflins longs de trente-fix à trente- . 
fept pouces; de gros eœcum cannelés & fort longs; 
mais de longueur inégale, felon Redi, & qui font fou- 
vent pleins de très-petits vers (G); les: tuniques dé 
l'inteftin grêle, préfentent un réfeau très-curieux, formé: 
par une multitude de petits vaifleaux, ou plutôt de 
ire rides difpofées avec ordre & fmétrie (h): ‘on à. 


4) bine pagt 5 sos. . 

(e) Belon, page 259: | | 

(f)-Gefñer, pages 78; Rzaczynsk ‘+ page AIIe. 

(g) Coïect. Acad. Part. Étrang. tome Ï, page 5 2.0. 

(h) Voyez Klein; page 117; & Willghby, page 127% Fo 


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rémarqué qu'il avoit le cœur un peu plus petit, & Ja 
rate beaucoup plus petite que l’attagas fi); & que le 
canal cyftique & le conduit hépatique alloient fe rendre 
dans les inteftins féparément, & même à une aflez 
grande diftance l’un de l’autre (À). oi 

Je ne puis finir cet article fans remarquer, Avec … 
Aldrovande, que parmi les noms divers qui ont été 
donnés au lagopède , Gefner place celui d ’urblan 
comme un mot ltalien en ufage dans la Lombardie; 
mais que ce mot eft tout-à-fait étranger, & à la Lom- 
bardie & à toute oreille italienne: il pourroit bien en 
être de même de rhoncas & de herbey, autres noms 
que , felon le même Gefner, les Grifons qui parlent 
Italien donnent aux lagopèdes. Dans {a partie de Ia 
Savoie qui avoifine le Valais, on les nomme arbenne, 
& ce mot différemment altéré par différens patois, 
moitié Suifle, moitié Grifons, aura pu produire quels 
ques-uns de ceux dont je viens de parler. 

(i) Roberg. apud Kleinum , Hift. Avi. par. 117. 

(k) Redi, Collect. Acad, Part, Étrang, tome I, page 467: 


Mmij 


276 TANT OURS NATURELLE 


pu LAGOPÈDE 
DE LA BAIE D'HUDSON() 


| Ki Auteurs de Îa Zoologie Britannique /&) font à 
M. Briflon un jufte reproche de ce qu’il joint, dans 
une même lifte /c), le ptarmigon avec la perdrix blanche 
de M. Edwards, p/ LXx11, comme ne faifant qu'un feul 
& même oifeau, tandis que ce font en effet deux efpèces 
différentes; car la perdrix blanche de M. Edwards eft 
plus de deux fois plus groffe que le ptarmigon, & les 
couleurs de leur plumage d’été font auf fort diffé- 
rentes ; celle-là ayant de larges taches de blanc & 
d’orangé-foncé, & 1e ptarmigon ayant des mouche- 
tures d’un brun-obfcur fur un brun-clair : du refte, ces 
mêmes Auteurs avouent que la livrée d’hiver de ces 
oifeaux eft la même, c’eft-à-dire, prefqu’entièrement 
blanche. M. Edwards dit que les pennes latérales de 
la queue font noires, même en hiver, avec du blanc 
au bout, & cependant il ajoute plus bas, qu’un de ces 
oifeaux qui avoit été tué en hiver, & apporté de la 

(a) Perdrix. Anderfon, Hif. d'Iflande 7 de Groenland, tome I, 
page 77; & tome ÎT, page 49. — Perdrix blanche. Voyage de la 
baie d'Hudfon, tome I, page 5 1, avec une figure. —Perdrix blanche. 
Edwards, Hif. nat. des Oifeaux, tome Il, planche LXXII, avec 
une figure bien coloriée. 


{b) Britifch Zoology, pag. EG: 
(e) Briflon, Ornithologie, tome I, pages 216 & 217: 


DU: SE AA OP ED EXC. 277 
baie d’Hudfon par M. Light, étoit parfaitement blanc, 
ce qui prouve de plus en plus combien, dans cette 
efpèce, les couleurs du plumage font variables. 

La perdrix blanche dont il s’agit ici, eft de groffeur 
moyenne entre la perdrix & le faifan, & elle auroit 
aflez la forme de la perdrix, fi elle n’avoit pas la queue 
un peu longue. Le fujet repréfenté dans la p{ zx x1r 
d'Edwards, eft un coq, tel qu'il eft au printemps lorf- 
qu'il commence à prendre fa livrée d'été; & lorfque 
éprouvant les influences de cette faifon d'amour, il a 
fes fourcils membraneux plus rouges & plus faillans, 
plus élevés, tels en un mot que ceux de l’attagas ; il a 
en outre de petites plumes blanches autour des yeux, 
& d’autres à la bafe du bec, lefquelles recouvrent les 
orifices des narines; les deux pennes du milieu font 
variées comme celles du cou, les deux fuivantes font 
blanches, & toutes les autres noirâtres avec du blanc 
à la pointe, en été comme en hiver. 

La livrée d’été ne s’étend que fur da partie fupérieure 
du corps; le ventre refté toujours blanc ; les pieds & 
les doigts font entièrement couverts de plumes, ou 
plutôt de poils blancs; les ongles font moins courbés 
qu'ils ne le font ordinairement dans les oifeaux /4). 


(d) Nous avons vu deux oïfeaux envoyés de Sibérie, fous le 
nom de /agopèdes, qui font vraifemblablement de la même efpèce 
que le fagopède de Ia baie d’Hudfon, & qui ont en effet les omgles 
fi plats, qu'ils reflembloïient plutôt à des ongles de finge qu'à des 
grifles d’oifeaux, 

. Mmu 


78 HISTOIRE NATURELLE, rc. . 
Cette perdrix blanche fe tient toute l’année à la baie 
d’'Hudfon, elle y pafle les nuits dans des trous qu'elle 
fait fe creufer fous la neige, dont la confiftance en ces 
contrées eft comme celle d’un fable très-fin : le matin 

elle prend fon effor & s'élève droit en haut, en fecouant 
la neige de deflus fes ailes; elle mange le matin & le 
foir, & ne paroît pas craindre le folcil comme notre 
lagopède des Alpes, puifqu’elle fe tient tous les jours 
expofée à l’action de fes rayons, dans le temps de la 
journée où ils ont le plus de force. M. Edwards a 
reçu ce même oifeau de Norwège, qui me paroît faire 
la nuance entre le lagopède dont il a les pieds, &. 
l'attagas dont il a les grands fourcils rouges. 


279. 


OISEAUX ÉTRANGERS, 
Qui ont rapport aux. Cogs de bruyeres , 
aux Crélinoftes, aux Artagas, dc. 

* La GÉLINOTTE pu CANADA (a). 


ÏL me paroît que M. Briflon a fait un double emploi 
en donnant la gélinotte de Canada qu'il a vue, pour une 
efpèce différente de la gélinotte de la baie d’Hudfon, 
qu'à la vérité il n’avoit pas vue; mais il fufhfoit de 
comparer la gélinotte de Canada, en nature, avec les 
planches enluminées d'Edwards de la gélinotte de Ia 
baie d'Hudfon, pour reconnoitre que c’étoit le même 
oifeau; & nos Lecteurs le verront aifément en compa- 
rant Îes planches enluminées, ».° 131 à 132, avec 
celles de M. Edwards, n° 118 à 7r: voila donc une 
efpèce nominale de moins, & l'on doit attribuer à {a 


* Voyez les planches enluminées , n° 131, le mâle; à n° 132, 
la femelle. | | 

(a) Gélinotte de Canada. — Coq de bruyère brun & tacheté. 
Voyage de la baie d’Hudfon, tome T1, page 5 0, avec une figure. 
— Fräncolini brun tacheté. Edwards, planche CXVIII, le mâle; 
& planche LX XI, la femelle. — Gélinotte de Canada, Briflon, 
tome 1, page 203. Gélinotte de la baie d'Hudfon, Zdem, ibidem, 
page 201% | 


280 ÆISTOIRE NATURELLE 


gélinotte de Canada, tout ce que M." Ellis & Edwards 
difent de Ia gélinotte de la baie d'Hudfon. | 

Elle abonde toute l’année dans les terres voifines 
de la baie d'Hudfon, elle y habite par préférence les 
plaines & les lieux bas: au lieu que fous un autre ciel, 
la même efpèce, dit M. Ellis, ne fe trouve que dans 
des terres fort élevées , & même au fommet des mon- 
tagnes: en Canada elle porte le nom de perdrix. 

Le mâle eft plus petit que la gélinotte ordinaire: il a 
les fourcils rouges , les narines couvertes de petites 
plumes noires, les ailes courtes, les pieds velus juf- 
qu’au bas du tarfe, les doigts & les ongles gris, le bec 
noir; en général il eft d’une couleur fort rembrunie, 
& qui n’eft égayée que par quelques taches blanches 
autour des yeux, fur les flancs & en quelques autres 
endroits. | 

La femelle eft plus petite que le mäle, & elle a les 
couleurs de fon plumage moins fombres & plus variées ; 
elle lui reffemble dans tout Îe refte. | 

L'un &. l’autre mangent des pignons de pin, des 
baies de genevrier, &c. on les trouve dans le nord 
de l'Amérique en très- grande quantité, & on en fait 
des provifions aux approches de l'hiver, la gelée les 
faifit & les conferve; & à mefure qu'on en veut manger, 
on les fait dégeler dans l’eau froide. 


EL: 


DES OrSEACX ÉTRANGERS, sé 281 
1 À ab 
* LE CoQ DE BRUYÈRE À FRAISE, 
‘où ZA GROSSE GÉLINOTTE 
DE CANADA (a). 


JE foupçonne encore ici un double emploi, &:je. 
fuis bien tenté de croire que cette groffe gélinotte de 
Canada, que M. Briflon donne comme une efpèce 
nouvelle, & différente de fa gélinotte huppéé de Pen- 
fylvanie, eft néanmoins la même, c’eft-à-dire, la 
même auffi que celle du coq de bruyère à fraife de 
M. Edwards: il eft vrai qu'en comparant cet oifeau 
en nature, où même notre planche enfuminée, 2.104, 
avec celle de M. Edwards, »° 249, il paroîtra au pre- 
mier COUP d'œil des différences très - confidérables . 
entre ces deux oifeaux ; ; mais fi l’on fait attention aux 
refflemblances, & en même temps aux différentes vues 
des Deffinateurs, dont l’un, M. Edwards, a voulu 
repréfenter les plumes au-deflus des ailes & de la 
tête, relevées, comme fi l’oifeau étoit non-feulement 
vivant, mais en action d'amour; & dont l’autre, 
M. Martinet, n’a defliné cet oifeau que mort & fans 
plumes, érigées ou redreffées ; la difconvenance des 


© * Voyez les planches enluminées, LÉ | PES 

(a) Briflon, tome T, page 20 Ze... La Gélinotte huppée de 
Penfylvanie. Ldem, ibidem, pag. 214. ÉS de bruyère à fraife. 
Edwards, Glanures, planche CCXxuviIN, 


Oifeaux , Tome IT Nn 


282 : HISTOIRE NATURELLE 
_ deffins fe réduira à peu de chofe, ou plutôt s’évanouira 
tout-à-fait par une préfomption bien fondée, c’eft 
que notre oifeau * eft la femelle de celui d'Edwards: 
d’ailleurs, cet habile Naturalifte dit poftivement qu’il 
ne fait que fuppofer la huppe à fon oifeau, parce qu'ayant 
les plumes du fommet de la tête plus longues 5 les 
auires, il préfume qu'il peut les redreffer à fa volonté, 
comme celles qui font au-deflus de fes ailes: & du 
refte, la grandeur, la figure, les mœurs & le climat étant 
_ici les mêmes ; je penfe être fondé à préfumer que Ja 
groffe gélinotte du Canada, la gélinotte huppée de Pen- 
fylvanie de M. Briflon, & le coq de bruyère à fraife 
de M. Edwards, ne font qu'une feule & même efpèce, 
à laquelle on doit encore rapporter le coq de bois 
ES décrit & repréfenté par Catefby (4). 
 Elleeft un peu plus g groffe que la gélinotte ordinaire, 
& lui reffemble par fes ailes courtes, & en ce que les 
Fiiades qui couvrent fes pieds ne defcendent pas juf- 
qu'aux doigts; mais elle n'a ni fourcils rouges, ni 
cercles de cette couleur autour des yeux; ce qui la 
caractérife , ce font deux touffes de plumes plus Ilongues 
que les autres & recourbées en bas, qu’elle a au haut 
de la poitrine, une de chaque côté: les plumes de ces 
touffes font d’un beau noir, ayant fur leurs bords des 
reflets brillans qui jouent. entre la couleur d’or & le 


‘à Voyez les planches enluminées , ! FAT Fe 


he b) bg Appendix fig. 1, 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ©7c. 283 
vert; l’oifeau peut relever quand il veut ces efpèces 
de fauffes ailes, qui, lorfqu’elles font pliées, tombent 
de part & d’autre, fur la partie fupérieure des ailes 
véritables; le bec, les doigts & les ongles, font d’un 
brun-rougeätre. 

Cet oifeau , felon M. Edwards, eft fort commun 
dans le Maryland & la Penfylvanie, où on lui donne 
le nom de fafan: cependant il a, par fon naturel & 
fes habitudes, beaucoup plus d’affinité avec le tetras 
ou coq de bruyère: il tient le milieu pour là groffeur 
entre le faifan & la perdrix; fes pieds font garnis de 
plumes, & fes doigts dentelés fur les bords comme 
ceux des tetras; fon bec eft femblable à celui du coq 
ordinaire; l’ouverture des narines eft recouverte par de 
petites plumes qui naiflent de la bafe du bec & fe 
dirigent en avant; tout le deflus du corps, compris 
la tête, la queue & les ailes eft émaillé de différentes 
couleurs brunes, plus ou moins claires, d’orangé & 
de noir; la gorge eft d’un orangé brillant, quoiqu'un 
peu foncé; l’eflomac, le ventre & les cuifles ont des 
taches noires en forme de croiffant, diftribuées avec 
régularité , fur un fond blanc ; il a fur la tête & autour 
du cou, de longues plumes, dont il peut en les 
redreffant à fon gré, fe former une huppe & une forte 
de fraife, ce qu'il fait, principalement, lorfqu'il eft 
en amour; il relève en même temps les plumes de fa 
su en faifant la roue, gonflant fon jabot, trainant 

Nnij 


284 : HISTOIRE NATURELLE. 


‘ les ailes, & accompagnant fon action d’un bruit ni 
& d’un bourdonnement. femblable ni) celui du coq 
d'Inde; & il a de plus pour rappeler fes femelles, un 
. battement d’ailes très - fingulier ,: & aflez fort pour fe 
faire entendre à un demi-mille de diflance par un temps 
calme ; il fe plait à cet exercice au printemps & en 
automne, qui font le temps de fa chaleur, & il le 
répète tous les jours à des heures réglées : sé à 
neuf heures du matin & ur Jes quatre heures du {oir ; 
mais toujours étant pofé fur un tronc fec: lorfqu'il 
_ commence, il mét d’abord un intervalle d'environ 
_ deux fecondes entre chaque battement, puis accélérant 
la vitefle par degrés, les coups fe fuccèdent à la fin 
“avec tant de rapidité, qu'ils ne font plus qu'un bruit 
continu, femblable à celui d’un tambour, d’autres 
_ difent d’un tonnerre éloigné; ce bruit dure environ 
une minute, & recommence par les mêmes gradations 
après. fept ou huit minutes de repos: tout ce bruit 
n'éft qu'une invitation d'amour que le mâle adrefle à 
fes femelles, que celles - ci entendent de Join, & qui 
devient l’annonce d'une génération nouvelle; mais 
qui ne devient aufli que trop fouvent un fignal de def- 
_trudion; car les Chaffeurs avertis par ce bruit qui 

n’eft point pour eux, s'approchent de loifeau fans en 
être aperçus, & faiñiflent le moment de cette efpèce 
de convulfion pour le tirer à coup für: je dis fans en 
être:aperçus; car dès que cet oifeau voit un homme, 


DES. OISEAUX ÉTRANGERS, de, 285$ 
il s'arrête auffitôt, fût-il dans la plus grande violence 
de: fon mouvement, & il s'envole à trois ou quatre 
cents pas: ce font bien-là-les habitudes de nos tetras 
stat & leurs mœurs, quoiqu'un peu outrées. 
La nourriture ordinaire de ceux. de: Penfylvanie , 
font les-grains, les fruits, les raifins, &. fur -tout les 
 baies-de lierre,.ce qui eft remarquable, parce que ces 
baies font un poifon pour plufieurs animaux. : 
Ils ne couvent.que deux fois l’année, pari sine 
au printemps & en automne, qui font les deux faifons: 
où le mâle bat des ailes: ils font leurs nids à terre 
avec des feuilles, ou à côté d’un tronc fec couché par : 
terre ,: Où ‘au pied d'un arbre debout, ce qui dénote 
un oïfeau pefant: ils pondent de douze à feize œufs, 
&les couvent environ trois femaines: la mère a fort à 
cœur la confervation de fes petits ; elle s’expofe à tout : 
pour les défendre, & cherche à attirer fur elle-même 
les dangers qui les menacent; fes: petits de leur : côté 
favent fe cacher très - finement dans Jes feuilles: mais : 
tout cela n'empêche pas que les-oifeaux de proie n’en 
 détruifent-beaucoup: la couvée forme une compagnie 
‘ quinefe divife qu’au printemps -de l’année fuivante: 
Ces oifeaux font fort fauvages , & rien ne peut les - 
| apprivoifer; fi-on en fait couver par des poules ordi- 
naires; ils.s’échapperont .& s’enfuiront dans les bois, j 
prefque aufhitôr qu'ils feront éclos.. : 
-. Leur chair eft blanche. & trés -bonne à manger: 
Nniüj 


286 HISTOIRE NATURELLE 

feroit - ce par cette raifon que les oifeaux de proie leur 
donnent la chaffe avec tant d’acharnement! Nous avons 
eu déjà ce foupçon à l’occafion des tetras d'Europe; 
s’il étoit confirmé par un nombre fuffhfant d’obfervations, 
il s’enfuivroit non - feulement que la voracité n'exclut 
pas toujours un appétit de préférence; mais que f'oifeau 
de proie eft à peu près de même*goût que l’homme, 
& ce feroit une analogie de plus entre les deux efpèces. 


ishaRe à à 


L'oisEAUu d'Amérique qu’on peut appeler gélinotte 
à longue queue, defliné & décrit par M. Edwards, fous 
le nom de heah cock ou grous, coq de bruyère de 
la baie d'Hudfon, & qui me paroît être plus voifin 
des gélinottes que des cogs de bruyère, ou des faifans 
dont on lui a auffi donné le nom: cette gélinotte à 
longue queue, repréfentée dans la planche cxvr1 de 
M. Edwards, eft une femelle, elle a la groffeur, la 
couleur & la longue queue du faifan; le plumage du 
mâle eft plus rembruni, plus luftré, & ila des reflets 
_ à l’endroit du cou; ce mâle fe tient auffi très-droit, & 
il a la démarche fière; différences qui fe retrouvent 
conflamment entre le mâle & la femelle dans toutes 
les efpèces qui appartiennent à ce genre d’oifeau. 
M. Edwards n'a pas ofé donner des fourcils rouges 
à cette femelle, parce qu'il n’a vu que l’oifeau empaillé, 
fur lequel ce caractère n’étoit point aflez apparent; 


4 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 287 
lés pieds étoient pattus, Îles doigts dentelés {ur les 
bords; le doigt poftérieur fort court. | 


À la baie d’Hudfon, on donne à ces gélinottes le 
nom de faifan; en effet, ils font par leur longue queue 
la nuance entre les gélinottes & les faifans; les deux 
pennes du milieu de cette queue, excèdent d’environ 
deux pouces les deux fuivantes de part & d'autre, & 
_ainfi de fuite: ces oifeaux fe trouvent auf en Virginie, 
dans les bois & lieux inhabités. 


* 7 ge" PA O NO 


Planche X de ce volume. Sn 


$: l’empire appartenoit à la beauté & non à fa force, à 
le Paon feroit, fans contredit, le roi des oifeaux; 
n'en eff point fur.qui la Nature ait verfé fes tréfors 
avec plus de profufron: la taille grande, le port impo- 
fant, la démarche fière, la figure héble , les proportions 
du .corps élégantes & .fveltes, tout ce qui annonce un 
être de diftinétion lui a. été donné ; une aigrette mobile 
& légère, peinte des plus riches Roue, orne fa 
tête &. l'élève fans la charger ; fon incomparable plu- 
mage, femble réunir tout ce qui flatte nos yeux dans 
le coloris tendre & frais des plus belles fleurs, tout ce 
-qui les éblouit dans Îles reflets pétillans des pierreries, 
+out ce qui les étonne dans l'éclat majeftueux de l’arc-en- 
ciel; non-feulement la Nature a réuni fur le plumage 
oh paon toutes les couleurs du ciel & de Îa terre pour. 
en faire le chef-d'œuvre de fa magnificence, elle les a 
Æncore -:mélées, afforties : ra , tondues de “ve 


* Foyez, des planches enluminées n° 433, le mile; 434 ; 
a femelle. | 

{e) Le Paon. Æn. A Tabs: en :Latin, Paso; en Efpagnol, 
Pavon; en Italien, Pavone; en Allemand, Pfau; en Anglois, Pea- 
sock; en Suédois, Paofogel; en Polonois, Paw. — Paon. Belon, 
if. nat. des Oifeaux, page 2233. — Pavo. Gefner, Avi, pag. 656. 
= Pavo, Friich, pl. CXVIII, avec une figure coloriée du mâle, 

| inimitable 


| DU LL RxA ON, 4 200 
inimitable pinceau, & en à fait un tableau unique, où 
elles tirent de leur mélange avec des nuances plus 
fombres, & de leurs oppoñtions.entr’elles, un nouveau 
luftre & des effets de lumière fi fublimes, que notre art 
ne peut ni les imiter ni les décrire. 

Tel paroït à nos yeux le plumage du paon, lorfqu’il 
{e | promène paifible & feui dans un beau jour de prin- 
temps; mais f1 fa femelle vient tout-à-coup à paroïtre , 
fi Les feux de l’amour fe joignant aux fecrettes influences 
de la faiïfon, le tirent de fon repos , lui infpirent une 
nouvelle ardeur & de nouveaux defrs; alors toutes fes 
beautés fe multiplient , fes yeux s’animent & prennent 
de l’expreffion, fon aigrette s’agite fur fa tête & annonce 
l'émotion intérieure; les longues plumes de fa queue 
déploient, en fe relevant, leurs richeffes éblouiffantes, 
fa tête & fon cou fe rénverfant noblement en arriére, 
fe deflinent avec grâce. fur ce fond radieux, où la 
lumière du foleil fe joue en mille manières, fe perd 
& fe reproduit fans cefle, & femble prendre un nouvel 
éclat plus doux & plus moelleux, de nouvelles couleurs 
plus variées & plus harmonieufes; chaque mouvement 
de l’oifeau produit des milliérs de nuances nouvelles, 
des gerbes de reflets ondoyans & fugitifs, fans ceffe 
remplacés par d’ autres reflets & d’autres nuances tou- 
jours diverfes, & toujours admirables.  : 

Le paon ne femble alors connoître fes avantages 
que pour en faire hommage à fa compagne qui .en eft 
privée, fans en être moins chérie, & la vivacité que 


Oifeaux, Tome IL | PNR CT 


200. HISTOIRE NATURELLE 


l’ardeur de l'amour mêle à fon action, ne fait qu ajouter 
de nouvelles graces à fes mouvemens qui font natu- 
rellement NOR, fiers. & majeflueux , & qui, dans ces. 
môomens , font accompagnés d’ un murmure énergique 
& fourd qui exprime le defir (b). 

Mais ces plumes brillantes qui furpaffent en éclat 
les plus belles fleurs, fe fétriffent auffi comme elles 
& ‘tombent chaque année fc); le paon, comme s 1 
fentoit la honte de fa perte, craint de fe faire voir: 
dans cét état humiliant, & cherche Îles retraites les. 
plus fombres pour s’y cacher à à tous les yeux, jufqu'à& 
ce qu'un nouveau printemps Jui rendant fa parure ; 
accoutumée, Le ramène fur la fcène pour y jouir des. 
homma ages. dûs : à fa beauté; car on prétend qu'il en. 
jouit en effet, qu'il eft fenfiblé à l'admiration, que le 
vrai moyen de l’engager à étaler fes belles plumes, 4 
c'eft de lui donner des regards d'attention. & des. 
louanges; & qu'au contraire, lorfqu’ on paroît le regarder. 
froidement & fans beaucoup d'intérêt, il replie tous fes. 
tréfors & les cache à qui ne fait point Îles admirer. 

Quoique le paon foit depuis long - temps comme 
naturalifé en Europe, cependant il n’en eft pas plus 
originaire; ce font les Indes orientales, c’eft le Le 
qui pre le faphir , le rubis, la topafe, qui doit être 


(b) Cum flridore procurrens. Palladius, DE RE RU STICA, 
Hb. I, cap. XXvIII. 
{c) Amittit pennas cum primis arborum frondibus, recipit cum germine 


carumdem. Aviftote, Hifl. Animal. Kb. VI, cap. 1%. 


DL. \P À, OX, .291 
régardé comme fon pays natal; c’eft de-là qu'il a pañlé 
dans la partie occidentale de l’Afe, où, felon le 
témoignage poñitif de T'héophrafte cité par Pline, il 


avoit été apporté d’ailleurs /d); au lieu qu'il ne paroiît 
pas avoir pañlé de la partie la plus orientale de l’Afie, 


qui eft la Chine, dans les Indes: car les Voyageurs 
s'accordent à dire, que quoique les paons foient fort 
communs aux Indes orientales, on ne voit à la Chine 
que ceux qu'on y tranfporte des autres pos (e), ce 
. qui prouve au moins qu'ils font très-rares à la Chine. 

Élien aflure que ce font les Barbares qui ont fait 
_préfent à la Grèce de ce bel oifeau (1e. & Ces Bar- 
-bares ne peuvent guère être que les Indiens; puifque 
_c’eft aux Andes qu'Alexandre, qui avoit. parcouru 
FPAfe, & qui connoifloit bien la Grèce, en a vu pour 


| la première fois /g): d’ailleurs, il n’eft point de pays 


où ils foient plus généralement répandus, & en auffi 
grande abondance que dans les Indes. Mandeflo /4) 
& Thévenot /i) en ont trouvé en grand nombre 
dans la province de Guzaratte; Tavernier dans toutes 


{d) Quippe cum Theophraflus tradat invedlitias effé in Afä etiam 
Columbas & Pavones: Plinit, diff, nat. Hib. X, cap. XXIX, 

{e) Navarrette, Defiripion de la Chine, page 40-42. 

(£ ) Ex Barbaris ad Grecos exportatus efe dicitur, primum autem 
diu rarus. Élien, Hifl. Animal. Gb. V, + EXT 

(g) Idem, ibidem, 

(h ) Mandeflo, Voyage des Indes, tome. Il, livre 1, pige 147 

{i) Thévenot, Voyage au Levant, tome HT, page 18. | 


Go 


“De HISTOIRE NATURELLE 


les Indes: mais partict ulièrement dans les territoires de 
Baroche, de Cambaya & de Broudra /4); François 
Pyrard aux environs de Calicut {L) ; les Hollandois fur 
toute Ja côte de Malabar /7); Lintfcot dans l’île de 
| Ceylan (nn): V'Auteur du fecond voyage de Siam, 
_ dans les forêts fur les frontières de ce royaume, du 
côté de SD fo), & aux environs de la rivière 
de Meinam (p); le Gentil à Java, Gémelli Carreri 
dans les îles Calamianes /4), fituées entre les Philip- 
 pines & Borneo; fi on ajoute à cela que dans prefque 
toutes ces contrées, les paons vivent dans Fétat de 
fauvage, qu’ils ne font nulle part, ni fi orands (fr), ni 
fi féconds {[), on ne pourra s a Dé de regarder 
lés Indes comme leur climat naturel /4); & en effet , 
un fi bel oifeau ne pouvoit guère manquer d’appartenir 
à ce pays fi riche, fi abondant en chofes précieufes , 


_{4) Voyages de Tavernier, fome LIT, livre T, page s7& 58. 
{1) Voyages de François Pyrard, tome F, page 420. 
(in) Recueil des Voyages qui ont fervi à l’éabliffement de Ja 

Compagnie des Indes, tome IV, page 16. 
{2) J. Hugonis Lintfcot, Navigatio in Orientem pag: pe 

fo) Second Voyage de Siam, page 7 Fe 
(p) Idem, page 248. 

d) Gemelli Carreri, Voyage autour du Monde, tome Y, page 270. 
{r) Sunt 7 Pavones in Indi& maximi omnium, Ælian, de Naturä 

Animal, Kb. XVI, cap. rl. 

{[) Petrus Martyr, de rebus Oceani, dit que les paons portent . 

aux Indes de vingt à trente œufs. 


(t) Voyez Seconde Relation des Hollandois, page 270, 


io D PA :0 N. +. ia. 
où fe trouvent la beauté, la richeffe en tout genre, 
V’or, les perles, les pierreries, & qui doit être regardé 
comme le climat du luxe de la Nature: cette opinion 
_eft confirmée en quelque forte par le texte facré: car 
nous voyons que les paons font comptés parmi Îles 
chofes précieufes que la flotte de Salomon rapportoit 
tous fes trois ans, & il eft clair que c’eft ou des Indes, 
ou de la côte d’ Afrique la plus voifine des Indes, qüe 
cette flotte, formée & équipée fur la mer rouge /x/, 
& qui ne pouvoit s'éloigner des côtes, tiroit fes 
richefles : or, il y a de fortes raifons de croire que 
ce n’étoit point des côtes d’ Afrique ; car jamais Voya- 
geur n'a dit avoir aperçu dans toute l'Afrique, ni même 
dans les [fles adjacentes, des paons fauvages qui puflent 
être regardés comme propres & naturels à ces pays, 
fr ce n’eft dans l'ile de Sainte - Hélène, où l'amiral 
Verhowen trouva des paons qu’on ne pouvoit prendre 
qu'en les tuant à coups de fufil (5 mais on ne fe 
perfuadera pas apparemment que la Hotte de Salomon 
qui n'avoit point de bouflole, fe rendit tous les trois 
ans à l’île de Sainte-Hélène, où d’ailleurs, elle n’au- 
roit trouvé ni or, ni argent, ni ivoire, ni prefque rien 
de tout ce qu'elle cherchoit /y): de plus, il mé paroït 


(u) Voyez le troifième Livre des Roïs, chap, IX, N. 26. 
. {x) Recueil des Voyages qui ont fervi à l’établiflement de la 
Compagnie des Indes, rome IV, page 101. 


(y) Aurum, argentum , tu ÆElephantorum, &7 Ji mias Pavos, 
Fe bb. III, Cap. X,\N, 22 
Oo iij 


294 HISTOIRE NATURELLE 


vraifemblable que cette ile, éloignée de plus de trois 
cents lieues du continent, n’avoit pas même de paons 
du temps de Salomon; mais que ceux qu'y trouvèrent 
es Hollandois y avoient été lâächés par les Portugais, 
à qui elle avoit appartenu, ou par d’autres, & qu'ils s’y 
étoient multipliés d’autant plus facilement, que l’île de 
Sainte - Hélène n’a, dit-on, ni bête vénimeufe, ni 
animal vorace. : 
On ne peut guère douter que les eee que Kolbe 
a vus au cap de Bonne-efpérance, & qu'il dit être 
parfaitement femblables à ceux d'Europe, quoique la 
figure qu’il en donne s’en éloigne beaucoup de 
n’euffent la même origine que ceux de Sainte-Hélène, 
& qu’ils n’y euffent été apportés par quelques-uns des 
 vaiffeaux Européens qui arrivent en foule fur cette côte. 
On peut dire la même chofe de ceux que les Voya- 
RC LES CRD APOTEUS 46 rovaumE de Congo /4), avec des 
dindons qui certainement n’étoient point des oifeaux 
d'Afrique, & encore de ceux que l’on trouve fur les 
confins d’Angola, dans un bois environné de murs, 
où on les entretient pour le Roi du pays /4): cette 
conjecture el fortifiée par le témoignage de Bofman, 
qui dit en termes formels qu'il n'ya point de paons 


[7 ) Voy. l'Hifloire générale des Voyages, tome V,, planche XXIVe 
(a) Voyage de P. Van-den-Broeck, dans le Recueil des Voyages 
qui ont fervi à l'établiffement . da Compagnie des Jndes , , tome JV, 
pige 321: 
“  {b) Rekrion de Pigafetta, page 92 à PE 


HONP A0 » NE Ti 


£ur la Côte-d’or, & que l'oifeau pris par M. de Fo- 
quembrog & par d’autres, pour un paon, eft un oifeau 
tout différent appelé kroon-vogel (c). 

De plus, la dénomination de paon d’ Afrique, donnée 
par la plupart des Voyageurs aux demoifelles de Nu- 


midie /4), eft encore une preuve directe que l Afrique 


ne produit point de paons; & fi l’on en a vu ancien- 
nement en Lybie, comme le rapporte Euftathe, c'en 


étoit fans doute qui avoient paffé ou qu’on avoit portés 


dans cette contrée de l’Afrique, l’une des plus voifines 
de la Judée, où Salomon en avoit mis long-temps 
auparavant; mais il ne paroit pas qu’ils l’euffent adoptée 


. pour leur patrie, & qu'ils s’y fuffent beaucoup multipliés, | 


puifqu’il y avoit des loix très -févères contre ceux qui 
en avolent tué, ou feulement bleffé quelques uns /£). 

H eft donc à préfumer que ce n étoit point des 
côtes d'Afrique, que la flotte de Salomon rapportoit 
les paons, des côtes d'Afrique, dis-je, où ils font 


fort rares, & où l’on n’en trouve point dans l’état de 
fauvage ; mais bien des côtes d’Afe où ils abondent, 


oùils vivent prefque par-tout en liberté, oùils fubfftent 


& {e multiplient fans le fecours de l’homme, où ils. 


ont plus de grofieur, plus de fécondité que par-tout 


:) Voyage de Guinée , Lettre XV! page 208, 
788 PS 


(d) Voyez Labat, volume TIT, page 141; & la Relation dw 
Voyage de M. de Genes au détroit de Magellan , par le fieur 


Froger, page 41, 
( ) Aldrovande, de Ailes ; tom. ‘11. P°g: $- 


296 HISTOIRE NATURELLE 

ailleurs, où ils font en un mot, comme font tous les 
animaux dans leur climat naturel. | 

Des Indes ils auront facilement paffé dans la partie 
occidentale de l’Afie; auffr voyons-nous dans Diodore 
de Sicile, qu'il y en avoit beaucoup dans la Babylonie : 
la Médie en nourrifloit aufli de très- beaux & en fi 
grande quantité, que cet oïfeau en a eu le furnom 
d avis Medica [f). Philoftrate parle de ceux du Phafe, 
qui avoient une huppe bleue (8), & les Voyageurs en 
ont vu en Perfe /4). 

De lAfie ils ont pañté dans [a Grèce, où ils furent 
d’abord fi rares, qu’à Athènes on les montra pendant 
trente ans à dire néoménie comme un objet de 
curiofité , & qu’on accouroit en foule des villes voifines 
pour les voir /1). 

On ne trouve pas l’époque certaine e de cette migra- 
tion du paon de l’Afie dans la Grèce; mais il y a 
preuve qu'iln'a commencé à paroître dans ce dernier 
pays, que depuis le temps d'Alexandre, & que fa pre-. 
mière flation au fortir de l’Afe, a été l'île de Samos, 


{ f) Aldrovande, Ornithol, tom. IE, pag 


(g) Ibidem, pag. 6. 

{}) Thévenot, Voyage du Levant, tome IT, page 200. 

(i) Tanta fuit in urbibus Pavonis prærogativa ut Athenis tam a 
viris quam 4 mulieribus flatuto pretio Jpetlatus fuerit ; ubi Jin noulis novi- 
duniis &7 viros € mulieres admittentes ad hiÿjufmodi fpetlaculum, ex eo 
fecere ne non mediocrem , multique e Lacedemone ac T'hefaliä videndi 
caufa eù confluxerint. Ælian, Æif. Animal. Ub. V, cap. Xx1. 

| RALÉE 


DU PAONM 297 


Les paons n’ont donc paru dans la Grèce que 
depuis Alexandre; car ce conquérant n’en vit pour fa 


première fois que dans les Indes, comme je l'ai déjà 


remarqué, & il fut tellenent frappé de leur beauté, 
qu’il défendit de les tuer fous des peines très- févères ; 


mais il y a toute apparence que peu de temps après 


Alexandre, & même avant la fin de fon règne, ils 

devinrent fort communs; car nous voyons dans le 
poëte Antiphanes, contemporain de ce Prince, & 
qui lui a furvécu, qu'une feule paire de paons apportée 
en Grèce, s’y étoit multipliée à un tel point, qu'il y 


en avoit autant que de cailles (A): & d’ailleurs, Ariflote 


qui ne furvéquit que deux ans à fon Élève, parle en 


plufieurs endroits des paons comme, d’oifeaux fort 


CONNUS. 


En fecond lieu, que l'ile de Samos ait été leur 

mière flation à leur paflage d’Afie en Europe, 
c’eftce qui eft probable par la pofition même de cette 
Jfle, qui eft très-voifine du continent de l’Afie; & de 
plus, cela eft oué par un paflage formel de Meno- 
dotus 4); quelques-uns même forçant le fens de ce 
paffage, & fe prévalant de certaines médailles Samiennes 


. (k) Pavonum tantum na par unum adduxit quifpiam raram tunc 
avém, munc vero plures funt quam coturnices. 


(1). Sunt ibi Pavones Junoni facri, primi guidem in Samo editi ac 


educati, indeque dedudi ac in alias regiones devetti, veluti Galli e Perfide 
ér quas Meleagridas vocant ex Æolia { feu Ætolia )..Vide Athencus, 
bb. IV, cap. XX, | 

Oïfeaux, Tome IL | Pp 


298 . HISTOIRE NATURELLE 

fort antiques , où étoit repréfentée Junon avec un paon 
à fes picds (mn) , ont prétendu que Samos étoit. la patrie 
première du paon, le vrai lieu de fon origine, d’où 
s’étoit répandu dans l'Orient comme dans l'Occident: 
mais il eft aifé de voir, en pefant les paroles de Meno- 
dotus, qu’il n’a voulu dire autre chofe, finon qu’on 
avoit vu des paons à Samos, avant d’en avoir vu dans. 
aucune autre contrée fituée hors du continent de l’Afe, 
de même qu’on avoit vu dans l’Éolie { ou l’Étholie), des. 
méléagrides qui font bien connues pour être des oifeaux 
d'Afrique, avant d'en voir en aucun autre lieu de la 
Grèce /Veluti.... quas meleagridas vocant ex Æthohä ): 
d’ailleurs, l’le de Samos offroit aux paons un climat 
qui leur convenoit, puifqu’ils. y fubfftoient dans l'état 
de fauvage /[n), & qu’Aulugelle regarde ceux de cette 
Île comme les plus beaux de tous /0). 

Ces raifons ER E plais que fuffifantes po 
de fondement : à la dénomination d’oifeau de 
que quelques Auteurs ont donnée au paon; mais On: 
ne pourroit pas la lui appliquer aujourd’hui, puifque 
M. de Tournefort ne fait aucune mention du 7 
dans. fa “ci de cette lle, na ‘il dit être pl cine. 


(m) On en voit encore aujourd’hui STAR , & mêrne des 
médaillôns qui repréfentent Île temple de Samos avec Junon & fes 
paons. Voyage du Levant de M. de Tournefort, tome I, page 425. 

(n). Pavonum greces aprefles tranfnarini effe dicuntur in infulis Sami 
in luco Junonis. ... Varro, de Re Raflicä, lib. HI, pag- VI, 

QU Auluglle, Nod. Atticæ, lib. VIH, cap. XVL 


| DOTE PA 10 299. 
de perdrix, de bécaffes, de bécaffines, de grives, 
de pigeons fauvages, de tourterelles, de bec -figues 
& d’une volaille excellente /p); & il n'y a pas d’ap- 
parence que M. de Tournefort ait voulu comprendre 
fous la dénomination générique de volaille, un oifeau 
auf confidérable & auf difingué. 


Les paons ds paflé de l’Afie dans Ja Cuèce fe 
font enfuite avancés dans les parties méridionales de 
PEurope, & de proche en proche, en France, en 
Allemagne, en Suiffe & jufque dans Ja Suède (g), où, 
à la vérité, ils ne fubfftent qu'en petit nombre, à force 
de foins /r), & non fans une altération confidérable 
de leur plumage, comme nous le verrons dans la. 
fuite. on, | | | 

- Enfinles Européens qui, par l étendue de HE com- 
rce & de leur navigation, embraffent le globe entier, 
cor répandus d’abord fur les côtes d’ Afique, & dans 
quelques ilés adjacentes; enfuite dans le e Mexique, & & 
de-là dans le Pérou & dans quelques-unes des An- 
tilles É fi; comme Saint - Domingue & la Jamaïque, 


(p) M. de Tournefort, Voyage du Levant, tome 1, page 412. 

{q) Nota. Les Suifles font la feule nation qui fe foit appliquée à 
détruire, dans leur pays, cette belle efpèce d’oifeau , avec autant de 
foin que toutes les autres en ont mis à la multiplier ; & cela en haine 
des Ducs d'Autriche contre lefquels ils s’étoient révoltés ds & dont 
l'Écu avoit une queue de Paon pour cimier, 


fr) Linnæus, Syf. Nat, edit. X, pig. 150: 
(/) Hiftoire des Incas, tome 11, page 329. + MAEM 
| | | Ho Ppi] 


%00 ÂÆISTOIRENNVATUOREZLE 
où l’on en voit beaucoup aujourd’hui /4), & où avant 
cela il n'y en avoit pas un feul, par une fuite de la loi 
générale du climat, qui exclut du nouveau Monde 
tout animal terreftre , attaché par fa nature aux pays. 
chauds de l’ancien continent, loi à laquelle les oifeaux 
pefans ne font pas moins affujettis que les quadrupèdes: 
l’on ne peut nier que Îes paons ne foient des 
oifeaux pefans, & les Anciens l’avoient fort bien 
remarqué (4), il ne faut que jeter un coup d'œil fur 
leur conformation extérieure, pour juger qu'ils n 
peuvent pas voler bien haut ni bien long-temps; ‘# 
groffeur du corps, la brièveté des ailes & la longueur 
embarraffante de la queue, font autant d’obflacles qui 
les empêchent de fendre l'air avec légèreté: d’ailleurs, 
les climats IpieniHppaus ne conviennent point à leur. 
nature, & ils n’y reftent jamais de leur plein gré (x) 


Le coq Ro n'a guère moins d’ardeur por 
femelles, ni guère moins d’acharnement à fe battre 
avec les autres mâles que le coq ordinaire (4); il en. 
auroit même davantage s’il étoit vrai ce qu'on en. 
dit, que lorfqu’il n’a qu’une ou deux poules, il les 


{t) Voyez l'Hifoire de Saint- Domingue de Charlevoix, tome E, 
page 28—32; & la Synoplis Avium de Ray, pag. 1 83. 

(u) Nec fublimiter poffunt nec per longa fpatia. volare. nee 
de Re ruflicä, Bb. VII, cap. XI. 

(x) Habitat apud noffrates rarius , pr æfertim in aviaris magnatine 
mon vero Jponte. Linnœus, Fauna Suecica, pag. 60. 


67 Von Columelle, de Re rficà, Nb. VI, cap. xt, 


DD CP A ON. 30: 
_ tourmente, les fatigue, les rend ftériles à force de les 
féconder, & trouble l’œuvre de la génération à force 
d'en répéter les actes: dans ce cas les œufs fortent 
de l’oviduélus avant qu'ils âient eu le temps d’acquérir 
leur maturité /Z), pour mettre à profit cette violence 
de tempérament , il faut donner au mâle cinq ou fix 
femelles /4/; au lieu que le coq ordinaire qui peut 
fuffire à quinze ou vingt poules, s’il eft réduit à une 
feule, la féconde encore utilement, & la rend mère 
d’une multitude de petits pouffins. 

Les paones ont auffr Le tempérament fort lafcif, & 
forfqu'elles font privées de mâles, elles s’excitene 
entr'elles, & en fe frottant dans la Ds bte (icar ce 
font oifeaux pulvérateurs }, & fe procurant une fécon- 
dité imparfaite , elles pondent des œufs clairs & fans 
germe. dont il ne réfulte rien de vivant; mais cela 

‘arrime guère qu’au printemps, lorfque le retour d’une 
chaleur douce & vivifiante réveille la Nature, & ajoute 
un nouvel aiguillon au penchant qu'ont tous les êtres 


: }) bus £gallinas deferat , nam ji unam aut alicram ra 
Jæpius camprefférit, vixdum concepta in alvo vitiat ova, nec ad partum 
Jinit perduci, quoniam immatura genitalibus docis excedunt, Columelle.. 
de Re ruflicä, loco citato.. 


(a) Je donne ici opinion des Anciens; car dès perfonnes intel- 
Jigentes que j'ai confultées, & qui ont élevé des paons en Bour- 
gogne, mont afluré, d’après leur expérience , que les mâles ne fe. 
_ battoient Jamais, & qu’il ne falloit à chacun qu'une ou deux femelles 
_ au plus; & peut-être cela n'arrive-t-il qu’à caufe de fa moindre 
chaleur du climat. | 


Ppü 


502 HISTOIRE NATURELLE 

animés à fe reproduire; & c’eft peut-être par cette 
raifon qu'on a donné à ces œufs le nom de zéphyriens 
(ova zcphyria), non qu’on fe foït perfuadé qu’un doux 
zéphyr fufife pour imprégner les paones & tous les : 
oifeaux femelles qui pondent fans la coopération du 
mâle; mais parce qu'elles ne pondent guère de ces 
œufs que dans la nouvelle faifon, annoncée ordinaire- 
ment & même défignée par les zéphyrs. 

Je croirois aufli fort volontiers que la vue de leur 
mâle piafant autour d'elles, étalant fa belle queue, 
faifant la roue, & leur montrant toute l’expreffion du 
 defir, peut lès animer encore davantage & leur faire 
produire un plus grand nombre de ces œufs flériles ; 
mais ce que je ne croirai jamais, c’eft que ce manège 
agréable, ces careffes fuperficielles, & fi j’ofe ainf 
parler, toutes ces courbettes de petit maïtre, puiffent 
opérer une fécondation véritable, tant qu'il ne s’y 
joindra pas une union plus intime & des approches 
plus efficaces; & fi quelques perfonnes ont cru que 
des paones avoient été fécondées ainfr par les yeux, 
c’eft qu'apparemment ces paones avoient été couvertes 
réellement, fans qu’on s’en fût aperçu [4/. 

L’âge de la pleine fécondité pour ces oifeaux, eft à 


{b) « L'on ne peut bonnement accorder ce que quelques pères 
» de famille racontent ; c’eft que les paons ne couvrent leurs femelles, 
» ains qu'ils les empliffent en faifant a roue devant elles, &c. Belon, 


Nature des Oifeaux, page 234. 


DU PAON 303 
trois ans, félon Ariftote dy Columelle (à). G 


même felon Pline /e), qui en répétant ce qu'a dit 
Ariflote, y fait quelques changemens; Varron fixe cet 
âge à deux ans /f), & des perfonnes qui ont obfervé 
ces oifeaux, m'’aflurent que Îles femelles commencent 
déjà à pondre dans notre climat à un an, fans doute 
des œufs ftériles ; mais prefque tous s'accordent à dire: 
que l'âge de trois ans eff celui où les mâles ont DTIS. 
leur entier accroiffement, où ils font en état de ARTS 
leur poule, & où la puiffance d’ engendrer s'annonce en: 
eux par une produétion nouvelle très-confidérable e ()> 

celle des longues & belles plumes. de leur queue, & 
par l'habitude qu'ils prennent auflitôt de les déployer 
en fe pavanant & faifant la roue (5 le fuperflu de la 

nourriture n'ayant plus rien à produire dans l'individu, 
va s’employer déformais à lareproduétion de lefpèce. 


C’eft au printemps que ces oifeaux fe recherchent 


(c) Parit maxime à trimatu, Hiff. Animal. b. VE, cap. 1x. 


FRE: Re Rufiicä, Bb. VIIT, cap. X1, oc genus Avium cum 
trimatum explevit, optime progenerat ; fi ri tenerior œtas aut 
Jlerili ifant parum fæcunda. 


(e)-À trimatu parit; primo anno unum aut alterum ovum, fequenti 


guaterna quinave, cæteris duodena non amplius, Plin. 45, X, cap. LIX. 


(f) Ad admifuram hæ minores bimæ non idoncæ , nec-jam majores. 
natu. Varro, de Re Ruflicä, lib. III, cap. vi. 


(g) Voyez le tome II de cette Hifloire Naturelle, générale & 
particulière, page 314 à fuivantes. 


(h) Colores incipit fundere in trimatu. Plin, lik, X, cap. XX. 


+ 


304 | Hisro IRE NATURELLE 


_ & fe joignent (); fi on veut les avancer, on Jeur 
donnera le matin à jeun, tous les cinq jours, des fèves 
_ Jégèrement grillées, felon le précepte de Columelle (k). | 
Lafemelle pond fes œufs peu de temps après qu’elle 
a été fécondée ; elle ne pond pas tous les jours, mais 
feulement de trois ou quatre jours l’un: elle ne fait 
qu'une ponte par an, felon Ariflote /2), & cette ponte 
eft de huit œufs Îa première année, & de douze les 
années fuivantes : mais cela doit s'entendre des paones 
à qui on laifle le foin de couver elles - mêmes leurs 
œufs & de mener leurs petits; au lieu que fi on leur 
enlève leurs œufs à mefure qu'elles PRDESR pour les 
faire couver par des poules vulgaires (71), elles feront 
(i) Ab idibus februariis ante menfém martium. Columelle : jh 
Re ruficé, lib. VII, cap. XI. 
(k) Ibidem 


(1) Semel tantum modo ova parit tri aut paulo pauciora, nec 
éontinuatis diebus Jed Vinis ternifve interpolitis. Hifl. Animal, Kb. a 
Cap. IX, primiparæ olona maxime edunt. Ibidem. 

(rm) Nota. Ariftote dit qu’une poule ordinaire ne peut guère 1 à 
_éclore que deux œufs de paon; mais Columelle lui en donnoit 
jufqu’à cinq, & outre cela quatre œufs de poule ordinaire, plus 
ou moins cependant, felon que la couveufe étoit plus ou moins 
grande : il recommandoiït de retirer ces œufs de poule le dixième 
jour, & d’en fubftituer un pareil nombre de même efpèce , récem- 


* 


ment pondus, afin qu'ils vinflent à éclore en même temps que Îles 
œufs de paon, qui ont befoin de dix jours d’incubation de plus: 
enfin, il prefcrivoit de retourner ceux - ci tous les jours, fi a 
couveufe n’avoit pu le faire à caufe de. leur grofleur; ce qu'il eft 
toujours aifé de reconnoître, ff l’on a eu la précaution de marquer 
ces œufs d'un côté. Paye Columelle , de Re Rujflicä, loco citato. 
trois 


PAUL À oO AN: 36s 
trois pontes , felon Columelle /#); la première de cinq 
en la feconde de quatre, & la troifième de deux 
ou trois: il parent qu’elles font moins fécondes dans 
ce pays-ci, où elles ne pondent guère que quatre ou 
cinq œufs par an; & qu'au contraire, elles font beau- 
coup plus fécondes aux Îndes, où, felon Pierre Martyr, 
elles en pondent de vingt à trente, comme je l'ai 
remarqué plus haut: c’eft qu’en général la température 
du climat a beaucoup d’influence fur tout ce qui à 
rapport à la génération, & c’eft la clef de plufeurs 
contradictions apparentes qui fe trouvent entre ce que 
difent les Anciens, & ce qui fe paffe fous nos yeux. 
Dans un pays plus chaud, les mâles feront plus ardens, 
ils fe battront entr’eux, il leur faudra un plus grand 
nombre de femelles, & celles-ci pondront un plus 
grand nombre d'œufs; au lien que dans ün pays plus 
froid, elles feront moins fécondes, & les mâles moins 
chauds & plus paiñbles. 

Si on laifle à la paone Ja liberté d'agir felon fon 
inftinét, elle dépofera fes œufs dans un lieu fecret & 
retiré : fes œufs font blancs & tachetés comme ceux 
de dinde, & à peu près de la même groffeur; lorfque 
fa ponte eft finie, elle fe met à couver. 

On prétend qu’elle eft fujette à pondre pendant Îa 
nuit, ou plutôt à laifler échapper fes œufs de deflus le 


{n) Feminæ Pavones quæ non incubant, ter anno partus edunt; 
primus ef? partus quinque fere ovorum, Jecundus quatuor, tertius true 
aut duorum. Columelle, de Re ruflicä, Kb. VII, cap. x1. 


Oifeaux, Tome IL Qq 


306 HISTOIRE NATURELLE 

juchoir où elle eft perchée /0); c'eft pourquoi on 
recommande d’étendre de la paille au - deffous pour 
empêcher qu’ils ne fe brifent. 


Pendant tout le temps de l’incubation, la paone évite 
foigneufement le male, & tâche fur-tout de lui dérober 
fa marche lorfqu’elle retourne à fes œufs; car dans. 
cette efpèce, comme dans celle du coq & de bien 
d’autres L£ le male plus ardent & moins fidèle au 
vœu de la Nature, eft plus occupé de fon plaifir par- 
ticulier que de Ja multiplication de fon efpèce, & s’il 
peut furprendre la couveufe fur fes œufs, il les eafle 
_en s’approchant d’elle, & peut-être y met-il de l’inten- 
tion, & cherche-t-il à fe délivrer d’un obftacle qui 
l'empêche de jouir: quelques-uns ont cru qu’il ne les 
cafloit que par fon empreflement à les couver lui- 
même f4), ce feroit un motif bien différent. L'Hifloire 
Naturelle aura toujours beaucoup d'’incertitudes; il fau- 
droit pour les lui ôter, obferver tout par foi - même ; 

mais qui peut tout obferver! | 


La paone couve de vingt - fept : à trente jours, , plus 
ou moins, felon la température du climat & de la 


(o) Pluribus firamentis exagerandum ef aviarium quo tutius integrè 
fetus excipiantur, nam pavones cum ad'nolfurnam requiem venerunt. . à 
perticis infiffentes énituntur ova. . . Columelle, Gb. VIFT, cap. XI. 

(p) Quam ob caufam aves nonnullæ fÿlveffres pariunt, fugientes mare 
dr incubant. Arifiote, Hiflor. Animal, Gb. VI, cap. 1x, 


(4) Voyez Aldrovande > Ai. tOM, I] > page 14 


D UP 4° 0 M 307 
faifon fr): pendant ce temps on a foin de fui mettre 
à portée une quantité fufhfante de nourriture, de peur 
qu'étant obligée d'aller fe repaitre au loin, elle ne 
quittât fes œufs trop long-temps, & ne les Jaiffat 
refroidir: il faut auffi prendre garde de la troubler dans 
fon nid & de lui donner de l’ombrage; car, par une 
fuite de fon naturel inquiet & défiant, fi elle fe voit 
découverte, elle abandonnera fes œufs & recommen- 
cera une nouvelle ponte qui ne vaudra pas la premiére, 
à caufe de la proximité de l'hiver. 

On prétend que la paone ne fait jamais éclore tous 

fes œufs à la fois; mais que dès qu’elle voit quelques | 
pouflins éclos, elle quitte tout pour les conduire; dans 
ce cas il faudra prendre les œufs qui ne feront point 
encore ouverts, & les mettre éclore fous une autré 
couveufe, ou dans un four d’incubation //). 

Elien nous dit que la paone ne refte pas conftam- 
ment fur fes œufs, & qu’elle paffe quelquefois deux 
jours fans y revenir, ce qui nuit à la réuffte de fa 
couvée /1). Mais je foupçonne quelque méprife dans 
ce pañlage d’Élien, qui aura appliqué à l’incubation 
ce qu'Ariftote & Pline ont dit de la ponte, laquelle 
en effet eft interrompue par deux ou trois jours de 

(r) Excludit diebus triginta aut paulo tardius, Ariftote, ÆHif{oria 
Animalium, Gb. VIE, cap, 1x. — Partus excluditur ter noyenis aut 
tardius tricefimo. Plin. lib. X, cap. LIX. 

(f? Maifon Rufique, tome I, page 138. 

(4) Ælian, Hiflor. Animal. Kb, V, cap. XXXII, 


Qai 


308 HISTOIRE NATURELLE 


repos: au lieu que de pareilles interruptions dans 
l’action de couver, paroiffent contraires à l’ordre de 
la Nature, & à ce qui s’obferve dans toutes Les efpèces 
connues. des oifeaux, fi ce n’eft dans les pays où fa 
chaleur de l'air & du fol, gi dinde degré nécefaire 
pour l’incubation {4}. 

Quand les petits font éclos, il faut les bites fous la 
mère pendant vingt-quatre heures, après quoi on pourra 
les tranfporter fous. une mue f x); Frifch veut qu’on 
ne les rende à la mère que quelques jours. après /y}.. 

Leur première nourriture fera la farine d’orge, dé- 
témpée dans du vin; du frament ramolli dans l'eau. 
ou même de la bouillie cuite & refroidie: dans. la fuite 
on pourra leur donner du fromage blanc bien preflé 
& fansaucun petit lait, mêlé avec des poireaux hachés,, 
& même des fauterelles, dont on dit qu'ils font très- 
friands; mais il faut auparavant ôter les pieds à ces | 
infectes. /z/. Quand ils auront fix mois, ils. mangeront 
du. froment,. de l'orge, du marc de cidre & de poiré, 
& même ils pinceront l'herbe tendre ; mais cette 
nourriture feule ne fufhroit point, quoiqu’Athénée 
les a ppelle graminivores. | 

On a obfervé que les premiers jours, la mère ne 

(4) Voyez ci-deflus lAifoire de l’Autrucke. 


(x) Similiter ut gallinacei primo die non amoveantur , pofiero die cu 
éducatrice transferantur in caveam. Columelle, db. VIII, cap. XL. 


(y) Frifch, planche CX1xX. 
fx) Columelle, de Re rujlicä, lib. VIU, cap. xx. 


révenoit jamais coucher avec fa couvée dans le nid 
ordinaire, ni même deux fois dans un même endroit; 
& comme cette couvée fi tendre l& iqui ne peut encore 
monter fur les arbres, eft expofée à beaucoup de 
rifques, on doit y veiller de près pendant ces premiers 
jours, épier l’endroit que la mère aura choif pour 
fon gite, & mettre fes petits. en füreté fous une mue, 
ou dans une enceinte formée en plein champ avec 
des claies préparées, &c (a). | | 

Les paoneaux, jufqu'à ce qu “ils foient un peu forts; 
portent mal leurs ailes, les ont traïnantes /4), & ne 
favent pas.encore s’en fervir : dans ces commencemens, 
la mère les prend tous les foirs fur fon dos, & les 
porte l’un après l’autre fur la branche où ils doivent 
pañler la nuit; le lendemain matin.elle faute devant eux 
du haut de l'arbre en bas, & les accoutume à en faire: 
autant Pour la fuivre, & à faire ufage de leursailes /c). 
. Une mère paone, & même une poule ordinaire, 
peut mener jufqu’à vingt-cinq petits paonaux, felon 
Columelle ; mais feulement quinze, felon Palladius: & 
ce dernier nombre eft plus que fafffant dans les pays 
froids, où les petits: ont befoin de fe réchauffer de 
temps en temps, & de fe mettre à l'abri fous les ailes. 
de la mère qui ne pourroit pas en garantir vingt-cinq 
à la fois. 


(a) Maïton Ruftique , tome F, page: 1 7 &. 
{b) Belon, Nature des Oifeaux, page 234. 
fs) Maïfon Ruftique, tome I, page 239 


Qa iÿ 


310 HISTÔIRÉ NATURELLE 


On dit que fi une pou ordinaire qui mène fes 
pouffins, voit une couvée de petits paoneaux, elle ef 
tellement frappéé de leur beauté qu’elle fe dégoûte de 
fes petits, & Îles abandonne pour s ‘attacher à à ces étran- 
gers (a); ce que je rapporte ici non comme un fait 
vrai, mais comme un fait à vérifier; d’autant plus qu’il 
mé paroit s'écarter du cours "brdihairé de la Nature, 
& que dans les premiers temps, les petits paoneaux 
ne font pas beaucoup plus beaux que les pouflins. 

À mefure que les jeunes paoneaux fe fortifient, ils 
commencent à fe battré { fur-tout dans les pays chauds }; 
& c’eft pour cela que les Anciens qui paroiffent s’être 
beaucoup plus occupés que nous de l'éducation de 
ces oifeaux (e), les tenoient dans de petites cafes fépa- 
rées Pie mais les meilleurs endroits pour les élever, 
c’étoit, felon eux, ces petites îles qui fe trouvent en 
quantité fur les côtes d’Italie (g?, telle, par exemple, 
que celle de Planafie appartenante aux Pifans /); ce 


{d) alle Go lib, VIII, cap. XI. Satis convenit inter autores: | 
non debere alias gallinas quæ pullos fui generis educant, in eodem loce 
palü ; nam cum confpexerunt pavoninam prolem, fuos pullos diligere 
definunt. . .… perofæ videlicet quod ? nec magnitudine nec fpecie pavoni 
pares J int. 

(e) Pavonis educatio us urbani pate Jamiliæ quan tetrici ruflici 
Curam pofcit. .. Columelle, /d. VITI, cap. XT. 

{f) Varro, de Re ruflicä, Lib. Ill, cap. VI. 

F2) Columelle, loco citato, 

{h) Naxro, loco citates | 6 LA 


DID RP AOL AE SK 
font en effet les feuls endroits où l’on puifle lés laifler 
en liberté, & prefque dans l’état de fauvage, fans 
craindre qu’ils s’échappent, attendu qu'ils volent peu 
& ne nagent point du tout, & fans craindre qu'ils 
deviennent la proie de leurs ennemis, dont la petite 
ile doit être purgée: ils peuvent y vivre, felon leur na- 
turel & leurs appétits, fans contrainte, fans inquiétude, 
ils y profpéroient mieux, & ce qui n’étoit pas nécligé 
par les Romains, leur chair étoit d’un meilleur goût ; 
feulement pour avoir l'œil deflus, & reconnoître fi leur 
nombre augmentoit ou diminuoit, on Îes accoutumoit 
à fe rendre tous les jours à une heure marquée & à 
un certain fignal, autour de la maifon où on leur Jetoit 
quelques poignées de grain pour les attirer /7). 

Lorfque les petits ont un mois d'âge ou un peu 
plus, laigrette commence à leur buffet: & alors ils 
font malades comme les dindonneaux lorfqu’ils pouffent 
de rouge: ce n'eft que de ce moment que le cop paon 
les reconnoît pour les fiens; car tant qu'ils n’ont point 
d’aigrette, il les pourfuit comme étrangers /4); on ne 
doit néanmoins les mettre avec les grands que lorfqu'ils 
ont fept mois, & s'ils ne fe perchoient pas d'eux-mêmes 
fur le juchoir, il faut les y accoutumer, & ne point 


fouffrir qu’ils dorment à terre, à caufe du froid & de 
l'humidité Ü PE 


(i) Columelle, loco citato. 
(4) Palladius, de Re rufficä, lb. 1, Lo XXVILL. 
fl) Columelle , loco citato. 


312 HISTOIRE NATURELLE 

L’aigrette eft compofée de petites plumes, dont l& 
tige eft garnie depuis la bafe jufqu’auprès du fommet, 
_ron de barbes, mais de petits filets rares & détachés ; 
le fommet eft formé de barbes ordinaires unies en- 
femble, & peintes des plus belles couleurs. 

Le nombre de ces petites plumes eft variable; j'en 
ai compté vingt-cinq dans un mâle, & trente dans une 
femelle; mais je n’ai pas obfervé un affez grand nombre 
d'individus pour aflurer qu'il ne paie pas y en avoir 
plus où moins. | 

L’aigrette n’eft pas un cône renverfé comme on le 
pourroit croire, fa bafe qui eft en haut, forme une 
eHipfe fort alongée, dont le grand axe eft pofé felon 
la longueur de la tête: toutes les plumes qui la com- 
pofent, ont un mouvement particulier affez fenfble 
pa lequel elles s’approchent ou s’écartent les unes 
des autres, au gré de l’oifeau, & un mouvement 
général par lequel l'aigrette entière, tantôt fe renverfe 
en arrière, & tantôt fe relève fur Îa tête. 

Les fommets de cette aigrette ont, ainfr que tout le 
refte du plumage, des couleurs bien plus éclatantes 
dans le mâle que dans la femelle; outre cela, le coq. 
paon fe diftingue de fa poule dès l'âge de trois mois, 
par un peu de jaune qui paroît au bout de l'aile; dans 
la fuite il s’en diftingue par la groffeur, par un éperon 
à chaque pied, par la longueur de fa queue, & par la 
faculté de la relever & d’en étaler les belles plumes, 
ce qui s'appelle faire la roue. Willylghby croit que le 

paon 


BUT LR A0 ‘NM: Li Vas 
paon né partagé qu'avec Îe dindon cette faculté rémar- 
quable /#): cependant on verra dans le cours de cette 
hiftoire, qu’elle leur ef commune avec quelques tetras 
ou coqs de bruyère, quelques pigeons, &c. | 

Les plumes de la queue, ou plutôt ces longues 
couvertures qui naiflent de deflus le dos auprès du 
croupion, font .en grand ce que celles de l’aigrette 
font en petit; leur tige eft pareillement garnie, depuis 
fa bafe jufque près de l'extrémité, de filets détachés 
de couleur changeante, & elle fe termine par une 
plaque de barbes réunies, ornée de ce qu'on appelle 
l'æd ou le wroir: c’eft une tache brillante, émaillée 
des plus belles couleurs ; jaune doré de plufeurs 
nuances, vert changeant en bleu & en violet éclatant, 
felon les différens afpeëts, & tout cela empruntant 
encore un nouveau luftre de la couleur du centre qui 
eft un beau noir velouté. Honp 

Les deux plumes du milieu ont environ quatre pieds 
_& demi, & font les plus longues de toutes, les laté- 
rales allant toujours en diminuant de longueur jufqu’à 
la plus extérieure; l’aigrette ne tombe point, mais la 
queue tombe chaque année, en tout ou en partie, vers 
la fin de juillet, & repoufle au printemps; & pendant 
cet intervalle, l’oifeau eft trifte & fe cache, 

La couleur la plus permanente de la tête, de Ia 
gorge, du cou & de Îa poitrine, c’eft le bleu avec 
différens reflets de violet, d’or & de vert éclatant ; tous 
(nm) Willulghby, Orrithologia, pag. 112. | 

Oifeaux , Tome IL. Rr 


314 HISTOIRE NATURELLE 

ces reflets qui renaiflent & fe multiplient fans ceffe fur 
fon plumage, font une reffource que la Nature femble 
s'être ménagée pour y faire paroître fucceflivement & 
fans confüufion, un nombre de couleurs beaucoup plus 
grand que fon étendue ne fembloit le comporter: ce 
n’eft qu’à la faveur de cette heureufe indufirie que le: 
paon pouvoit fufüre à recevoir tous les dons qu elle: 
lui deftinoit. | | | 
._ De chaque côté de la tête on voit un renflement 
formé par les petites plumes qui recouvrent le trou: 
de l'oreille. 

Les paons paroiffent fe careffer dre si mie avec: 
le bec: mais en y regardant de plus près, j'ai reconnu: 
qu'ils fe grattoient les uns les autres autour de la tête, 
où ils ont des poux très-vifs_& très-agiles, on les voit. 
courir fur la peau blanche qui entoure leurs yeux , 
& cela ne peut manquer de leur caufer une fenfation 
. Incommode;, aufli fe prêtent-ils avec beaucoup de 
complaifance, lorfqu'un autre les gratte. 

Ces oifeaux fe rendent les maîtres dans la baffe-cour , 
& fe font refpecter de l’autre volaille qui n’ofe prendre 
fa pâture qu'après qu’ils ont fini leur repas : leur façon 
de manger eft à peu près celle des gallinacés, ils fai- 
fiffent le grain de la pointe du bec & l’avalent fans 
le broyer. | 

Pour boire ils plongent le bec dans l’eau, où ils 
font cinq ou fix mouvemens aflez prompts de la mä- 
choire inférieure, puis en fe relevant & tenant leur 


Du PAON.  3rs 
tête FE une fituation horizontale, ils avalent l’eau 
dont leur bouche s’étoit remplie, fans faire aucun mou- 
vement du bec. | 

. Les alimens font reçus dans l’œfophage, où l’on a 
obfervé un peu au-deflus de l’orifice antérieur de 
l’eftomac, un bulbe glanduleux, rempli de petits tuyaux 
qui donnent en abondance une liqueur limpide. 

L’eftomac eft revêtu à l'extérieur d un grand nombre 
de fibres motrices. 

Dans un de ces oifeaux qui a été difléqué or Gafe 
pard Bartholin il y avoit bien deux conduits biliaires ; 
mais il ne fe trouva qu’un feul canal pancréatique, 
Sr d'ordinaire il y en ait deux dans les oifeaux. 

Le cœcum étoit double, & dirigé d’arrière en avant; 
ï égaloit en longueur tous les autres inteflins enfemble, 
& {ès furpañloit en capacité (2). | 

_ Le croupion eft très-gros, parce qu'il eft chargé des 
mufcles qui fervent à redrefler la queue & à l’épanouir. 

Les excrémens font ordinairement moulés, & chargés 
d’un we de cette matière blanche qui fe trouve fur 
les excrémens de tous les gallinacés & de beaucoup 
d’autres oifeaux. | | 

On m'afflure qu'ils dorment, tantôt en cachant la 
tête fous l'aile, tantôt en faifant rentrer leur cou en 
eux-mêmes, & ayant le bec au vent. | | 

Les paons aiment la propreté, & c eft par cette 
raifon qu'ils tâchent de recouvrir & d’enfouir leurs 


ni’ ce Ada Hafnienfia, année 1672, obferv. lg 
Rrij 


516 HISTOIRE NATURELLE 

ordures, & non, parce qu'ils envient à l’homme les 
avantages qu’il pourroit retirer de leurs excrémens /o)> 
qu'on dit être bons pour Île mal des yeux, pour 
‘améliorer la terre, &c. mais dont apparemment ils ne 
connoiffent pas toutes les propriétés. 
: Quoiqu’ils ne puiflent pas voler beaucoup, ils aiment 
à grimper; ils paflent ordinairement la nuit fur les 
combles des maifons, où ils caufent beaucoup de 
dommage, & fur les arbres les plus élevés; c’eft delà 
qu'ils font fouvent entendre leur voix qu’on s'accorde 
à trouver défagréable, peut - être parce qu’elle trouble 
1e fommeil, & d’après laquelle on prétend que s’eft 
formé leur nom dans prefque toutes les langues (2). 

On prétend que la femelle n’a qu’un feul cri qu’elle 
ne fait guère entendre qu’au printemps, mais que le 
mâle en a trois; pour moi j'ai reconnu qu'il avoit deux 
tons, l’un plus grave, qui tient plus du hautbois; 
l'autre plus aigu, précifément à l’oétave du premier, 
& qui tient plus des fons perçans de la trompette; & 
j'avoue qu’à mon oreille ces deux tons n’ont rien de 
choquant, de même que je n’ai rien pu voir de difforme 
dans fes pieds, & ce n’eft qu’en prétant aux paons nos 
mauvais raifonnemens & même nos vices, qu’on a pu 


(0) Fimum im reforbere traduntur, invidentes hominum utilitatibus, 
Plin. 4h. XXIX, cap. vi, C’eft fur ce fondement qu'on impute 
au paon d’être envieux. : 

- (p) Volucres pleræque à fais vocibus appellatæ, ut he... Upupa, 
cuculus , ulula.  . Payo, Varro, de Lingu& Latina, Lib. IV. 


DUR A O0: NN. | ÿ 17 
 fuppofer que leur cri n’étoit autre chofe qu’un gémiffe- 
ment arraché à leur vanité, toutes les fois qu'ils aper- 
çoivent la laideur de leurs pieds. : 
Théophrafte avance que leurs cris fouvent répétés, 
font un préfage de pluie; d’autres qu’ils l’annoncent 
auffi lorfqu’ils grimpent plus haut que de coutume (a); 
d’autres que ces mêmes cris pronoftiquoient la mort 
à quelque voifin; d’autres enfin, que ces oifeaux por- 
toient toujours fous l'aile un morceau de racine de lin 
comme un amulette naturel pour fe préferver des 
fafcinations . .. /r), tant il eft vrai que toute chofe dont 
on a beaucoup parlé a fait dire beaucoup d’inepties ! 
Outre les différens cris dont j'ai fait mention, le 
mâle & la femelle produifent encore un certain bruit 
fourd, un craquement étouffé, une voix intérieure & 
renfermée qu'ils répètent fouvent & quand ils font 
inquiets, & quand ils PRINT tranquilles où même 
.contens. 
Pline dit qu'on a remarqué de la fympathie entre 
les pigeons & Îles paons /f); & Cléarque: parle d’un 
de ces derniers qui avoit pris un tel attachement pour 
une jeune perfonne que l'ayant vu mourir, il ne put 
lui furvivre /2). Mais une fympathie plus naturelle & 
mieux fondée, c’eft celle qui aété obfervée entre les 


{g) Voyez Le Livre de Natwré rerunt, 

(r) Ælian, Hiflor. Animal. Uib. XI, cap. XVIII, 

{f) Plin. Fiff. nat, lib. X, cap, XX. 

(t) Voyez Athénée, Deipnofook, Ub. XI, cap. xxx. 
Rr iij 


348 AISTOIRE NATURELLE 
paons & les dindons: ces deux oifeaux font du petit 
_ñombre des oifeaux qui redreffent leur queue & font 
da roue, ce qui fuppofe bien dés qualités communes, 
auf s'accordent - ils mieux enfemble AHTES tout le 
refte -de là volaille; & l'on prétend même qu’ "on à vu 
un coq-paon couvrir une poule dinde /z), ce qui 
indiqueroit une grande analogie entre les deux efpèces. 

La durée de la vie du paon eft de vingt - cinq ans, 
felon les Anciens (x); & cette détermination me paroît 
bien fondée, puifqu’on fait que le paon eft entièrement 
formé avant trois ans, & que Îles oïifeaux en général 
vivent plus long-temps que les quadrupèdes, parce 
qe leurs os font plus duéliles; mais je fuis furpris 

ue M. Willulghby ait cru, fur l'autorité d’Élien, que 

cet oifeau vivoit jufqu’à cent ans, d'autant plus que lé 
récit d'Élien eft mêlé de plufieurs circonftances vifible- 
ment fabuleufes /y/. | 

J'ai déjà dit que le paon fe nourrifloit de toutes 
fortes de grains comme les gallinacés; les Anciens lui 
donnoiïent ordinairement par mois un boiffeau de fro-: 
ment, pefant environ vingt livres /z); il eft bon de: 
favoir que la fleur de fureau leur eft contraire la), “6 


(«) Voyez Belon, dire des Oiftanx, page 234 

(x) Ariftot. Hiflor. Animal, lb. VI À Le 1x. sn ü5. Le : 
Cap, XX. 

O) Voyez Ælian, de Naturâ Animal. Gb. XI, cap. XXXIII. 

( Varro, de Re Ruflicä, b. TT, cap. vi. 

(a) Linnæus, Syf. nat, edit. X, pag. 156. 


D U Midi 


que la feuille d’ortie eft mortelle aux sis paoneaux 
felon Franzius /4). 


Comme les paons. vivent aux Indes dans l’état de 
fauvages, c’eft auffr dans ce pays qu'on a inventé l’art 
de leur donner la chaffe: on ne peut guère les approcher 
de jour, quoiqu’ils fe répandent dans les champs par 
troupes affez nombreufes, parce que dès. qu'ils dé- 
couvrent le Chafñleur, ils fuient devant lui plus vite 
que la perdrix, & s’enfoncent dans. des broflailles où 
il n’eft guère poffible de les fuivre; ce n’eft donc que 
Ja nuit qu’on parvient à les. prendre, & voici de quelle: 
manière fe fait cette chafle aux environs de Cambaie. | 

On s'approche de l'arbre fur lequel ils font perchés, 
on leur préfente une efpèce de bannière qui porte 
deux chandelles alumées, & où l’on a peint des paons 
au naturel; le paon ébloui par cette lumière, ou bien. 
occupé à confidérer les paons en peinture qui font fur 
la bannière , avance le cou, le retire, l’alonge encore, 
& lorfqu’il fe trouve dans un nœuf coulant qui y a été: 
placé exprès, on tire la corde & on fe rend maître de 
_ Poifeau /c). | 

Nous avons vu qe les. Dos faifoient grand Cas: 
du paon, mais ce n’étoit que pour raffafer leurs yeux. 
de la beauté de fon plumage; au lieu que les Romains. 
qui ont pouflé plus loin tous les excès du luxe, parce 
qu’ils étoient plus puiffans, fe font raffafiés réellement: 


(b) Franzius, Hifor. Animal. pag. 318. | 
(c) Voyage de J. B. Tavernier, tome TIT, pagt 57. 


320 HISTOIRE NATURELLE 


de fa chair; ce fut l’orateur Hortenfius qui imagina le 
premier d’en faire fervir fur fa table {4), & fon exemple 
ayant été fuivi, cet oifeau devint très - cher à Rome; 
& les Empereurs renchériffant fur le luxe des particu- 
liers, on vit un Vitellius, un Héliogabale mettre leur 
gloire à remplir des plats immenfes /e), de têtes où 
de cervelles de paons, de langues de phénicoptères, 
de foies de fcares /f), & à en compofer des mets” 
infipides, qui n’avoient d’autre mérite que de fuppofer 
une dépenfe prodigieufe & un luxe exceflivement 
_deftructeur. | 
Dans ces temps-là un troupeau de cent de ces 
oifeaux pouvoit rendre foixante mille fefterces, en 
n’exigeant de celui à qui on en confioit le foin, que 
trois paons par couvée fg); ces foixante mille fefterces 
reviennent, felon l'évaluation de Gaflendi, à dix ou 
. douze mille francs; chez les Grecs le mâle & la femelle 
fe vendoient mille dragmes /4), ée qui revient à huit 
cents quatre-vingt - fept livres dix fous, felon la plus 
forte évaluation: & à vingt-quatre livres, felon la plus 
_ foible; mais il paroïît que cette dernière eft beaucoup 
Ca foible, fans quoi le pañlage fuivant d’Athénée ne 


(d) Varro, de Re Ruflicä, lib. HT, cap. VI. 
fe) Entre autres dans celui que Viellius fe phifoit à nommer 
l'Égide de Pallas. | 
(T. ) Suétone, dans la vie de ces Ébardure. 
(g) Varro, de Re Ruflicä, Wb. AIT, cap. vi. 
_(t) Élien, Hiflor, Animal, lib, V, cap. XXL. | 
: | fignileroit 


| DE PA ON. at 
fignifiéroit rien. N’y a-t-il pas de la fureur à nourrir 
des paons dont le prix n’eft pas moindre que celui des 
ftatues (). ’ ce prix étoit bien tombé au commencement 
du xvr.° fiècle, puifque dans la nouvelle coutume du 
Bourbonnois, qui eft de 4 521 un paon n’étoit eftimé 
que deux fous fix deniers de ce temps-là, que 
M. Pupré:de Saint-Maur évalue à trois livres quinze 

fous d’aujourd’hui: Mais il paroît que peu après cette. 
époque, le prix de ces oifeaux fe releva; car -Bruyer 
nous apprend qu'aux environs de Lifieux où on avoit 
la facilité de les nourrir avec du marc de cidre, on 
en élevoit des troupeaux dont on tiroit bea aucoup de 
profit, parce que, comme ils étoient fort rares dans 
le refte du royaume, on en envoyoit de-là dans toutes 
les grandes villes pour Îles repas d’appareil /4/: au 
refte, il n'y a guère que les jeunes que l’on puifle 
manger, les vieux font trop durs, & d'autant plus durs 
que Leur chair eft naturellement fort sèche; & c'eit 
ans doute à cette qualité qu’elle doit la propriété 
fingulière & qui paroît affez avérée, de fe conferver. 
fans corruption pendant plufieurs années //); on en 
fert cependant quelquefois de vieux, mais c’eft plus 
pour l’apparcil que pour l’ufage; car on les fert revêtus 


(i) An non furiofum eff alere domi pavones, tum eorum pretio queant 
emi Jlatuæ! Anaxandrides tpud Athenœum, 40. XIV, cap, XX. 
(4) J. Bruyer, de Re Cibariä, üib. XV, cap. XXVIIL. 


(1) Voyez D. Auguft. de Civitate Dei, Ub, XXI, cap. 1Y, 
— Aldrov. Avi. tom. 11, Pig. 27 


Oifeaux, Tome IL. 1e nie is ‘on 


| 


322 HISTOIRE NATURELLE, de 

de leurs belles plumes; & c’eft une recherche de lux 
affez bien entendue, que l'élégance induftrieufe des : 
Modernes a ajoutée à la magnificence effrénée des 
Anciens: c’étoit fur un paon, ainfi préparé, que nos 
anciens Chevaliers faifoient dans les grandes occañons 
leur vœu appelé le vœu de paon [n). 

On employoit autrefois les plumes de paon à âre 
des efpèces d’éventails /z), on en formoit des coù- 
ronnes en guife de laurier, pour les Poëtes appelés 
“Troubadours fo); Gefner a vu une étofte dont la chaine 
étoit de foie & de fl d’or, & la trame de ces mêmes 
plumes /p); tel étoit fans doute le manteau tiflu de 
plumes de paon, qu Rd da Je pape Paul HT au roi 
Pépin /4). ue 

Selon Aldrovande, les œufs de paon font cie 
par tous les Modernes comme une mauvaife nourriture; 
tandis que les Anciens les mettoient au premier rang 
& avant ceux d’oie & de poule commune (7): SL 4 
explique cette contradiction en difant qu’ils font bons 
au goût & mauvais à la fanté /f); refte à examiner 
f la température du climat n'auroit Fr encore ici 
quelque influence. 


(m) Voyez Mém. de Acad. des on tome XX, page 63 4 
(a) Frifch, planche CXVIIT, 
(0) Traité des Tournois, par le P. Ménelier, page. se 
{p) Gefner, de Avibus, 

_ {g) Généalogie de Montmorency, page 20. 
(1) Athénée, Deipnofoph. Kb. II, cap. XVIX. 
(f2. Re Ayi, tom. II, pig 29. 


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D. Lr climat n’influe pas moins fur le plumage des 
oifeaux que fur le pelage des quadrupèdes: nous avons 
vu dans les volumes précédens, que le lièvre, l’her- 
mine & la plupart des autres animaux, étoient fujets 
à devenir blancs dans les pays froids, fur-tout pendant 
l'hiver (a); & voici une cfpèce de Paons, ou fi l’on 
veut une variété qui paroït avoir éprouvé les mêmes 
effets par la même caufe, & plus grands encore, puif- 
qu'elle a produit une race conftante dans cette efpèce, 
& qu'elle femble avoir agi plus fortement fur les plumes 
de cet oifeau; car la blancheur des lièvres & des her- 
mines, n’eft que paflagère, & n’a lieu que pendant 
l'hiver, ainfi que celle de la gélinotte blanche ou du 
lagopède; au lieu que le paon blanc eft toujours blane, 
& dans tous Îles pays, l’été comme l'hiver, à Rome 
comme à Torneo: & cette couleur nouvelle eft même 
li fixe, que des œufs de cet oifeau pondus & éclos 
en Italie, donnent encore des paons blancs. Celui 
qu’Aldrovande a fait defliner étoit né à Bologne, d’où 
il avoit pris occafon de douter que cette variété füt 


propre aux pays froids /4): cependant la plupart des 


{a) Voyez tome VI de cette Hifloie Naturelle, pages 2$9 
260; € tome VIT, page 242. 
(b) Aldrovande, Ornithologia, tom. II, pag. 31. 
Sfij 


324 HISTOIRE NATURELLE 


Naturalifles s'accordent à regarder la Norwège & les 
autres contrées du Nord, comme fon pays natal (Ce) 
_& il paroït qu'il y vit dans l'état de fauvage;: car il fe 
répand pendant lhiver dans l’Allemagne, où on en 
prend affez communément dans cette faifon /4); on en 
trouve même dans des contrées beaucoup plus méri- 
dionales, telles que la France & Fltalie (e);. mais dans 

état de domefticité feulement. | 

(M. Linnæus aflure en général, comme je l’ai.dit 
plus haut, que les paons ne reftent pas même en Suède 
de leur plein gré, &.il n’en excepte point les paons 
blancs ff). 

Ce n’eft pas fans un laps de ps confidérable, &. 
fans des circonftances fingulières, qu’un oifeau né dans. 
es climats fi doux de l'Inde & de l’Afe, a pu s'accou- 
tumer à l’äpreté des pays feptentrionaux ; siln "y a Pas 
été tranfporté par les hommes, il a pu y pañfer, foit 
par le nord de l’Afie, foit par le nord de l'Europe: 
quoiqu’on ne fache pas précifément l’époque de cette 


fc) Frifch, plänche CXX. — Wilulghby, Ornithogia, pe 

(d) Frich, planche CXX. 

(e) Aldrovande, Ornithologia, tom. H, pag. 1. Ïl ajoute Auff 
les îles Madères, en citant Cadamofto, 4 ppt Je n'ai point 
la Relation de ce Voyageur pour vérifier [a citation; mais je vois 
dans VÆZifloire générale des Voyages, tome IT, page 2 70, qu'on trouve 
des paons biancs à l'ile de Madère, & cela eft dit d'après Nicois. 
& Cadamofto. 

(f) Habitat apud noffrates rarius prefertim ; aviariis, Magnatum 
non vero fponte, Linnœus, Fauna Suecica, pag. 60 & 120. 


DU PAON ALAN 325 


migration, Je foupçonne qu'elle n’eft pas fort ancienne; 
€ar je vois d’un côté dans Aldrovande (g), Longolius, 


Scaliger (h) & Schwenckfeld {1}, que les paons blancs. 
n’ont ceflé d’être rares que depuis. fort peu de tempss 
& d’un autre côté je fuis fondé à croire que les Grecs 


ne les ont point connus, puifqu’Ariflote ayant parlé 
dans fon Trané de la génération des Animaux [k h. j 
des couleurs variées. du paon,. & enfuite des perdrix 
blanches, des corbeaux blancs, des moineaux blancs, 
ne dit. pas.un mot des paons blancs. 

Les Modernes ne difent rien non plus de l'hifloiré 
de ces oifeaux; free n’eft que leurs petits font. fort 
délicats à élever (Lt) cependant. il eft. vraifemblable 


que l'influence du climat ne s’eft point bornée à leur- 
plumage, & qu’elle fe fera étendue plus ou moins. 
jufque fur leur on AU HE leurs habitudes, leurs. 
mœurs; & je m'étonne qu'aucun Naturalifte ne fe foit 
encore avifé. d’obferver les progrès, ou du moins le 
réfultat de ces obfervations plus. intérieures. & plus. 
profondes; il me femble qu’une feule obfervation de: 


ce genre feroit plus intéreffante, feroit plus pour l'Hif- 


toire Naturelle, que d'aller compter fcrupuleufement: 
toutes les plumes des oifeaux , & décrire laboricufement. 


(g) Aldrovande , Ornithologia, tom. If, pag. 31. 
{h) Exercitatio, LEK; & CCXxx VIII. 

fr) dr wenckfeld, Aviarium Silefiæ, pag. 327: 
(à) Ariftote , HE, F4 FR 


{l) Schwenckfeld, Ayiarium Silefie, pag. 327. 
| SLiiÿ 


326 ÆISTOIRE NATURELLE, dt. 
toutes les teintes & demi-teintes de chacune de leurs 
barbes dans les quatre parties du Monde. 

_ Au refte, quoique leur plumage foit entièrement 
blanc, & particulièrement les longues plumes de leur 
queue; cependant on y diftingue encore à l’extrémité 
des vefliges marqués de ces miroirs qui en faifoient le 
plus bel ornement /#), tant l’empreinte des couleurs 
primitives étoit profonde! Il feroit curieux de chercher à 
reflufciter ces couleurs, & de déterminer par l'expérience 
combien de temps & quel nombre de générations il 
faudroit dans un climat convenable, tel que les Indes, 
pour leur rendre leur premier éclat. | 


a. 


(im) Frifch, planche CXX. 


Fr FLE OL RARE TA ETES 


LE PAON PANACHÉ 


ce croit que le Paon panaché, n’eft autre chofe 
que le produit du mélange des deux précédens, je 
veux dire du paon ordinaire & du paon blanc, & il 
porte en effet fur fon plumage l’empreinte de cette 
double origine; car il a du blanc fur le ventre, fur les 
ailes & fur les joues ; & dans tout le refte, il eft comme 
le paon ordinaire, fi ce n’eft que les miroirs de la 
queue ne font ni fi larges, ni fi ronds, ni fi bien ter- 
minés: tout ce que je trouve dans les Auteurs fur 
l’hiftoire particulière de cet oifeau, fe réduit à ceci, 
_ que leurs petits ne font pas auffi délicats à élever que 
_ ceux du paon blanc. | 


228 HISTOIRE NATURELLE | 


Îr fuit de nommer cet oïfeau pour fe rappeler Îe 
lieu de fon origine; de Faifan, c’eft-à-dire, l’oifeau 
du Phafe étoit, dit-on, confiné dans la Colchide avant 
l'expédition des Argonautes /4); ce font ces Grecs 
qui, en remontant le Phafe pour arriver à Colchos, 
virent ces beaux ‘oifeaux répandus fur les bords du 
fleuve, & qui en les-rapportant dans leur patrie, lui 
firentun préfent plus riche que celui de la T'oifon d’or. 
Encore aujourd’hui les faifans de la Colchide où 
Mingrélie, & de quelques autres contrées voifines, font 
les plus beaux & les plus gros que l’on connoiffe /c); 


de pas les planches enluminées , n° 1271, le mâle; d'n° 122, 
da femelle 

fa) En: Grec , Pactayos ; en Latin, Phafants ; en Hoi, | 
Surglun; en Italien, Fafano; en Allemand, Fafan ; en Anglois, 
Pheafant. — Faifan. Belon,, Hi lil naturelle des Oifeaux, page 253 ; 
avec une figure affez bonne. — Phafianus. Gefher, Avi. pag. 683. 
— Phaifan. AÏbin, tome T, page 23 ,-avec des figures du mâle & 
de la femelle, planches XXV VÈT X XVI, — Fagiano. Olina, page 49; 
avec une figure. —Phafanus. F rifh, avec une bonne figure coloriée, 
planche CXXIIIT. - 

( b) Argivâ primüm Jum tranfportata carinä 
Ante mihi notum nil, nifi Phafis, erat. Martial, 

{? Marco Paolo affure que c’eft dans les pays foumis aux Tartares 

qu'on trouve les plus gros fifa, & ceux qui ont la plus longue 


c'eft 


ue UC 


DOVFATSUAINRIE . QBS 
c’eft de- là qu'ils fe font répandus d’un côté par la 


Grèce à POccident, depuis la mer Baltique (4 juf- 
qu’au cap de Bonne-efpérance /&) & à Madagafcar /f/; 

& de l’autre par Îa Médie dans l’Orient jufqu’à l’extré- 
mité de la Chine (&) & au Japon (h), & même dans 
fa Tartarie: je dis par la Médie, car il paroît que cette 
contrée fi favorable aux oifeaux, & où l’on trouve Îles 
plus beaux paons, les plus belles poules, &c. a été. 
auffi une nouvelle patrie pour Îes faifans, qui s’y font 
multipliés au point que ce pays feul en a fourni à beau- 
coup d’autres pays /2); ils font en fort grande abondance 
en PRIME: fur-tout fur Ja côte des Efclaves /4/, la 


{d) Regnard tua dans les forêts de Ia Bothnie , deux fifins. 
Voyez fon Voyage de Lapponie, ‘page 105. 

{e) On ne remarque aucune différence entre les faifans du cap de 
Bonne-efpérance & les nôtres. Voyez Kolbe, tome I, page 1 5 2. 

(f) Voyez Défiription de Madagafcar, par Rennefort, page 128. 
H y a à Madagafcar quantité de gros faifans, tels que les nôtres. 
Voyez Flaccourt, Hifloire de Madagaftar, p page 165. | 

{g) Voyez les Voyages de Gerbillon de la Chine, dans la Tartarie 
occidentale , à fa fuite de l'Empereur ou par fes orüres. Pafim, 
= Dans la Corée on voit en abondance des faifans, des poules, des 
alouettes , &c. Hamel, Relation de la Corée, page 587. 
| (h) HWya aufli au Japon des faifans d’une Fr beauté, 
: Koœæmpfer, Æifloire du Japon, tome T, page 11% 

(i) Athenœus olim hafte volucres ex Mediä qua ibi Hu ores -au€ 
méliores ‘effent accerfiri folitas tradit. Aldrovand. Ornithol, tom. 11, 
pag. 50: 

(k) Bofman, Déeftription de la Guinée, pige 39°. 
Oifeaux ; Tome IL | Tt 


220 HISTOIRE NATURELLE 
Côte- d’or (£), la Côte- d'ivoire, au pays d’Iffini Éd 
& dans les royaumes de Congo & d’ Angola /2), où. 
les Nègres. les appellent galgonolés : on en trouve affez 
communément dans les différentes parties de l’ Europe,. 
en Éfpagne, en. Italie, fur -tout dans la campagne de. 
Rome, le Milanès /o) & quelques.îles du. golfe de. 
Naples; en Allemagne, en France, en Angleterre /p},. 
dans ces dernières contréesils ne font pas généralement 
répandus : les Auteurs de fa Zoologie Britannique: 
aflurent poñtivement que dans toute la Grande-Bre- 
tagne (a), on ne trouve aucun faifan dans. l’état de. 
fauvage. Sibbald s'accorde avec les. Zoologiftes, en: 
HE ‘qu ‘en Écoffe quelques RE ri élèvent: 
de ces.oifeaux dans leurs maifons (1). Boter dit encore: 


plus formellement que l'Irlande n’à point de faifans ( J?+. 


(1) Villault de Bellefond, Relation des côtes d'Afrique, Londres, 
1670, page 270. 
: {m) Miftoire générale des Voyages ) dome II, page de citant : 
k°P. Loyer. | 
(x) Pigafete, page 92. 
(o ) Olina, Urccellaria, pag: 49. — Aldrovande , Onithohgia . 
tom. Îl, pag. so & sr. Æieme per [ylvas vagari Phafanos ET fapius. 
Coloniæ in horto fe inter falyiam er -rutam latitantem. obfervaife fé tradié ; 
Albertus. 
{p) Hiftory of A V7 Page 397% 
? Britifch Zoology, pag. 87, | 
(x) Prodromus Hifloriæ naturalis Scotiæ, part. VE, Kb, xr1, re Fi. 
pag 16. si 


({ ANNE Ornithologia ; pag. 118. 


DU F A DSA ML 527 
M. Linnæus n’en fait aucune mention dans le dénom- 
brement des oifeaux de Suède (tx ils étoient encore 
très-rares en Siléfie du temps de Schwenckfeld fu): 
on ne faifoit que commencer à en avoir.en Pruffe, 
ily a vingt ans (), quoique la Bohème en ait une 
très-grande quantité D); & s'ils fe font multipliés en 
Saxe, ce n'a été que par les foins du duc Frédéric 
qui en lâcha deux cents dans le pays, avec défenfe de 
des prendre ou de les tuer /7). Gefher qui avoit par» 
couru les montagnes de Suifle, affure n’y en avoir 
jamais vu fa); il eft vrai que Stumpfus aflure au 
contraire, qu'on en trouve dans ces mêmes montagnes; 
mais cela peut fe concilier, car il eft fort poffble 
qu’il s’en trouve en effet dans un certain canton que 
Gefner n’auroit point parcouru, tel, par exemple, que 
la partie qui confine au Milanès, où Olina dit qu'ils 
font fort communs /4); il s’en faut bien qu'ils foient 
généralement répandus en France, on n’en voit que 
très - rarement dans nos provinces feptentrionales, & 


{t) Voyez Linnæus, Fauna Suecica. ' 


(# ) Rarifima avis in Silejiä noffr4, nec nif AS foulnes, 
qui cum magno © Jfingulari fludio alere Jolent. Schwenckteld, Ayiariurr 


Silefe, pag: 332: 


(x) Modo € in Pruffi à colitur. Kkin, Ordo Avium, pag. 1 14e 
(y) In Boheniià magna eorum copie. Tbidem. 

/z) Aldrovande, Ornithologia , tom. 1, pag. sr. 

{a) Gefner, de Avibus. | 


(b) Olina, ma pag. 49: k 
ti 


| 332 HISTOIRE NATURELLE 
probablement on n’y en verroit point du tout, fi un: 
oifeau de cette diftinction ne devoit être le principal: 
ornement des plaifirs de nos. Rois: mais ce n’eft que 
par des foins. continuels, dirigés avec la plus grande 
intelligence, qu’on peut les y fixer en leur faifant pour 
ainfi dire un climat artificiel convenable à leur natures 
& cela. eft fr vrai qu'on ne voit pas. qu’ils fe foient: 
multipliés dans. la Brie, où il s’en échappe. toujours 
quelques-uns des Capitaineries voifines, & où même 
ils s’apparient quelquefois; parce qu'il eft arrivé à. 
M. le Roi, Lieutenant des ehaffes de Verfailles (Es. 
d’en trouver le nid & les œufs.dans. les grands bois de. 
cette province: cependant ils.y vivent dans l’état de 
liberté, état fi favorable à la multiplication des animaux, 
& néanmoins infufhifant pour ceux même qui, comme 
es faifans, paroiflent en mieux fentir le prix lorfque. 
le climat eft contraire :: nous avons vu en Bourgogne, 
un homme riche faire tous fes efforts & ne rien épargner 
pour en peupler fa terre fitüée dans l’Auxois, fans en 
pouvoir venir à bout: tout cela me donne des doutes. 
fur les deux faifans que Regnard prétend'avoir tués. 
en Bothnie /4),.ainfi que fur, ceux qu'Olaus Magnus 
dit-fe trouver dans la Scandinavie, & y. paffer_ l'hiver 


(c) C'eft à lui qué je dois la plupart de ces faits: if eft peu. 
d'hommes qui ait fi bien obfervé les animaux qui font à fa dif. 
pofition , & qui ait communiqué fes obfervations avec plus de. 

. æèle. 


| { d) Regard, Voyage de Lapponie, page 105: 


BU BUA EL. SA NL 333 
fous [a neige fans prendre de nourriture /6): cette façon 
- de pañfer l'hiver fous la neige, a plus de rapport avec 
les habitudes des coqs de bruyère & des gélinottes, 
qu'avec celles des faifans; de même que le nom de 
gallæ fylveftres qu'Olaus donne à ces.prétendus faifans.. 
convient beaucoup mieux aux tetras ou cogs de bruyère: 
& ma. conjecture a d’autant. plus de force, que ni 
M. Linnæus, ni aucun bon Obfervateur, n’a dit avoir 
vu demréritables faifans dans. les pays. feptentrionaux ;.: 
en forte qu'on peut. croire que ce nom.de faifan aura 
été d’abord appliqué par les-habitans de ces pays a des. 
tetras ou des gélinottes, qui font en effet très-répandus 
dans le Nord, & qu'enfuite ce nom aura été adopté 
fans beaucoup d'examen par les Voyageurs, & même 
par les Compilateurs, tous gens peu attonuse à diftinguex. 
les efpèces. : 

Cela fuppofé, il fuffit.de remarquer que Île. faifan a: 
Vaile courte, & conféquemment le vol pefant & peu 
élevé, pour conclure qu'il n’aura pu franchir de fui- 
même les mers interpofées.entre Îes-pays chauds ou 
même tempérés de l’ancien continent, & l'Amérique: 
& cette conelufion eft confirmée par l'expérience, car 
dans tout le nouveau Monde, il ne s’eft point trouvé 
devrais faifans; mais feulement des oifeaux qui peuvent: 
_ à toute force, être regardés comme leurs repréfentans:; 


fe) Olaus Magnus non folum Phafanos five gallos fylveftres in quibufs 
dam Scandinaviæ locis reperiri fcribit, at quod mirum eff Jub nive abjque 
cibo latitare. Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. 11, pag. 51. 


Lt 


324 HISTOIRE NATURELLE 


carje ne parle point de ces faifans véritables qui iabondent 
aujourd’hui dans les habitations de Saint - Domingue, 
& qui y ont été tranfportés par les Européens, ainfi 
que les paons & les peintades /f). se 

Le faifan eft de la groffeur du coq ordinaire /g), 
& peut en quelque forte le difputer au paon pour la 
beauté; il a le port auffi noble, la démarche auffi fière, 
& le plumage prefque auffi diflingué; celui de la Chine 
à même les couleurs plus éclatantes, mais il n’a pas 
comme le paon, la faculté d’étaler fon beau plumage, 
ni de relever les longues plumes de fa queue, faculté 
qui fuppole un appareil particulier de mufcles moteurs 
dont le paon eft pourvu, qui manquent au faifan, & 
qui établiffent une différence afez confidérable entre 
des deux efpèces: d’ailleurs, ce dernier n’a ni l’aigrette 
du paon, ni fa double queue, dont l’une plus courte 
eft compofée des véritables pennes direérices, & 
VPautre plus longue n’eft formée que des couvertures 
de celles-la: en général, de faifan paroît modelé fur 
des proportions moins légères & nroins élégantes, 
“ayant fe corps plus ramaffé, le cou plus raccourci, la 
tête plus g groffe, &c. | 


{f) Hiftoire de l'ile efpagnole de Saint-Domingue, page 39. 

(g) Aldrovande qui a obfervé & décrit cet oïfeau avec foin, dit 
qu ‘l'en à «examiné un qui pefoit trois livres de douze onces / libras 
tres duodecim unciarum), ce que quelques-uns ont rendu par trois 
livres douze onces: c'eft une différence de vingt-quatre onces fur 
trente-fix. 


DU Er IIS AU. 33S 

Ce qu il “à de plus remarquable dans fà Ho. 
nomie, ce font deux pièces de couleur écarlate, au 
milieu defquelles font placés les yeux, & deux bouquets. 
de plumes d’un vert- doré qui, dans le temps des. 
amours, s'élèvent de chaque côté au-deffus des oreilles; 
gar dans.les animaux il y a prefque toujours, ainfi que: 
je l’ai remarqué, une produétion nouvelle, plus ou 
moins fenfible, qui eft comme le fignal. d’une nouvelle. 
génération : ces bouquets de plalhce font apparemment: 
ce que Pline appeloit, tantôt des oreilles /4), tantôt: 
de petites cornes /4); on fent à leur bafe une élévation: 
formée par leur mufcle releveur (k):-le faifan a outre: 
. cela à chaque oreille, des plumes. dont: il fe fert pour: 
en fermer à fon gré l'ouverture qui eft fort grande /2). 

Les plumes du. cou & du croupion ont le bout: 
échancré en cœur, comme certaines plumes. de la: 
queue du paon (mn). | 

Je n’entrerai point ici: dans lé détail des couleurs. 
du plumage *, je dirai. feulement qu’elles ont beau- 
coup moins. d'éclat dans la femelle que dans le. 
male, & que dans. celui-ci même, les reflets en font: 

(h) Géminas ex. plumë aures fubmittunt Le SAC te Plin, ÆGf 
aat, Bb. X, cap. XLVIII. 

(i) que corniculis. Ibid, Lib. XI, cap. XXX VII, 

(k) Aldrovande, Ornithologia , tom. IT, pag SO. 

(l) Idem, au lieu cité. ï 

(m) Woyez Briflon, Orne IX, page 263. 

* Voyez les planches enluminées , n° 121, où les couleurs du. 
plumage font repréfentées avec affez d’exactitude. . 


336 HISTOIRE NATURELLE | 
encore plus fugitifs que dans le paon, & qu’ils dépén- 
dent non-feulement de d’incidence de la lumièreÿ 
mais encore de la réunion & de la pofition refpeétive 
de ces plumes; car fi on en prend une feule à part, 
les reflets verts s’évanouiffent, & l’on ne voit à leur 
place que du brun ou du noir /4): les tiges des plumes 
du cou & du dos font d’un beau jaune - doré, & font 
l'effet d’autant de lames d’or /0); les couvertures du 
deffus de la queue vont en diminuant, & finiflent en 
efpèces de filets: la queue eft PORN de dix-huit 
pennes, quoique Schwenckfeld n’en compte que 
feize (p); les deux du milieu font les plus longues 
de toutes, & enfuite les pis voifines de celles - là: 
chaque pied eft muni d’un éperon court & pointu, qui a 
échappé à quelques Defcripteurs,.& même au Defïi- 
nateur de nos planches enluminées , , 2. 121; les doigts 
font joints par une membrane plus large qu’elle n’eft 
grdinairement dans Îles oifeaux pulvérateurs (a), cette 
membrane interdigitale plus grande, femble être une 
première nuance par laquelle les oïfeaux de ce genre 
fe rapprochent des oïfeaux de rivière; & en effet, 
Aldrovande remarque que le faifan fe plait dans les 
lieux marécageux; & il ajoute qu’on en prend quelquefois 


{n) Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. IT, pag. 5 . 
{o) Ibidem. | 
FU. Schwenckfeld, Aviarium Silefie, pag. 332: 

| 4) Aldrovande  Orrithologia , loco citato. 

ë dans 


DU FAISAN. Er 

dans les marais qui font aux environs de Bologne /r): 
Olina autre Italien /f), & M. le Roi, Lieutenant des 
chaffes de Verfailles ont fait la même obfervation; ce 
dernier aflure que c’eft toujours dans les lieux les plus 
humides & le long des mares qui fe trouvent dans 
les grands bois de la Brie, que fe tiennent les faifans 
échappés des capitaineries voifines ; quoiqu’accoutumés 
à la fociété de l’homme, quoique comblés de fes 
bienfaits, ces faifans s’éloignentle plus qu’il eft poffible 
de toute habitation humaine ; car ce font des oifeaux 
très-fauvages, & qu'il eft extrêmement diffcile d’ap- 
privoifer: on prétend néanmoins qu'on les accoutume 
à revenir au coup de fiffet /z), c'eft-à-dire, qu'ils 
s’accoutument à venir prendre la nourriture que ce 
coup de fifilet leur annonce toujours; mais dès que 
leur befoin eff fatisfait, ils reviennent à leur naturel & 
ne connoiflent plus la main qui les a nourris; ce font 
des efclaves indomptables qui ne peuvent fe plier à la 
fervitude , qui ne connoiflent aucun bien qui puifle 
entrer en comparaifon avec la liberté, qui cherchent 
continuellement à la recouvrer, & qui n’en manquent 
jamais l’occafion /u); les fauvages qui viennent de la 

{) Aldrovande, Ornithologia , tom. H, pag. 51. 

(f) Olira, Uccellaria, _Pag- 49: 

(t} Voyez le Journal Économique, mois de Septembre 2762; D 
y à grande LE Do que c’étoit-là tout le favoir-faire de ces faifans 
apprivoilés qu’on nourrifloit, felon Élien, dans a ménagérie du roi 
des Indes. De Naturâ Animalium, lib. XI, cap. XVI. 

(u) Non oflante che venghin’ allevati nella cafa,"éT che Jiino nati 


Orfeaux , Tome IL Vu 


338 HISTOIRE NATURELLE 
perdre, font furieux, ils fondent à grands coups de 
bec fur les compagnons de leur captivité, &n ‘épargnent 


‘pas même le paon {x}. 


Ces oifeaux fe plaifent dans les bois en plaine, 
différant en cela des tetras ou coqs de bruyère, qui fe 


-plaifent dans les boïs en montagne ; pendant la nuit ils 


fe perchent au haut des arbres /y), où ils dorment fa 
tête fous l'aile: leur cri, c'eft-à-dire, le cri du mâle, 
car la femelle n’en a prefque point, eft entre celui du 
paon & celui de la peintade; mais plus près de celui- “Ch, 


& par conféquent très-peu agréable. 


Leur naturel eft fi farouche, que non-feulement ils 
évitent l’homme, mais qu'ils s'évitent les uns les autres, 
fi ce n’eft au mois de mars ou d'avril, qui eftle temps 
où le mâle recherche fa femelle; & il eft facile alors 
de les trouver dans les bois, parce qu'ils fe trahiffent 
eux-mêmes par un battement d’ailes qui fe fait entendre 
de fort loin /z): les coq -faifans font moins ardens 


que les coqs ordinaires : Frifch prétend que dans l’état 
de fauvage ils n’ont chacun qu'une feule femelle; mais 


Phomme qui fait gloire de foumettre l’ordre de la 


fotto la gallina, non s'addomeflicano mai, anzi ritengono la dires 


loro, Olina, Uccellaria, pag. 49: Cela eft conforme à ce que jet vu 
moi-même. 


(x) Voyez 1 apud Aldrovandum, Ornihologia, tom. 1 1, 
Peg- 5 2° 

(>) Voyez Frifch, planche CXXIIT. 

(x) Olina, Uccéllaria, pag. 49. 


D GER AL IA St 40 N°1 339 
_ Nature à fon intérêt ou à fes fantaifies, a changé, pour 
ainfi dire, le naturel de cet oifeau, en accoutumant 
chaque coq à avoir jufqu'à fept poules, & ces fept 
poules à fe contenter d’un feul mäle pour elles toutes; 
car on a eu la patience de faire toutes les obfervations 
néceflaires pour déterminer cette combinaïfon, comme 
la plus avantageufe pour tirer parti de la fécondité de 
cet oifeau fa): cependant, quelques économiftes ne 
donnent que deux femelles à chaque mâle /4), & 
j'avoue que c’eft la méthode qui a le mieux réuffi 
dans la conduite d’une petite faifanderie que j'ai eu 
quelque temps fous les yeux. Mais ces différentes 
combinaifons peuvent être toutes bonnes felon les 
circonftances, la température du climat, la nature du 
_{ol, la qualité & la quantité de la nourriture, l’étendue 
& l’expofition de la faifanderie, les foins du Faifandier, 
comme feroit celui de retirer chaque poule auffitôt 
après qu'elle eft fécondée par le coq, de ne les lui 
préfenter qu'une à une, en obfervant les intervalles 
convenables; de lui donner pendant ce temps du blé 
farrafin & autres nourritures échauffantes, comme on 
lui en donne fur la fin de l'hiver, lorfqu’on veut 
avancer la faifon de amour. | 

La faifane fait fon nid à elle feule: elle choïfit pour 


(à) Voyez Journal Économique , Septembre 1757. —Le mot: 
Faifanderie dans l'Encyclopédie. 
{b) Voyez Frich, planche CXX 111, —Maïfon Ruftique, tome 1, 
Pat 135 | de à 
| Vuij 


340 HISTOIRE NATURELLE 
cela le recoin le plus obfcur de fon habitation; elle 
y emploie la paille, les feuilles & autres chofes fem- 
blables; & quoiqu’elle le faffe fort groffièrement en 
apparence, elle le préfère, ainfi fait, à tout autre mieux 
conftruit, mais qui ne le feroit point par elle-même; 
cela eft au point que fi on fui en prépare un tout fait 
& bien fait, elle commence par le détruire & en épar- 
piller tous les matériaux, qu’elle arrange enfuite à fa 
manière. Elle ne fait qu'une ponte chaque année, du 
moins dans nos climats; cette ponte eft de vingt œufs 
felon les uns /c), & de quarante à cinquante felon les 
autres, fur-tout quand on exempte la faifane du foin 
de couver /d); mais celles que j'ai eu occañion de 
voir n'ont jamais pondu plus de douze œufs, & quel- 
quefois moins, quoiqu’on eût l'attention de faire cou- 
ver leurs œufs par des pouies communes: elle pond: 
oïdinairement de deux ou trois jours l’un; fes œufs 
font beaucoup moins gros que ceux de poule, & la: 
coquille en eft plus mince que ceux même de pigeons; 
leur couleur eft un gris- verdâtre, marqueté de petites. 
taches brunes, comme le dit très-bien Ariftote fe), 


[c) Palladius, de Re Ruficé, Ub, L, cap. 20. 

{d) Voyez Journal Économique, eptembre 1 75 + 

{e) Punéis difinéta funt ova Mileagridum 7 Phafianarum. Rubrum 
tinunculi efl modo-minii. Hiftoria Animalium, lb, VE, cap: FE. Pline 
altérant apparemment ce pañlage, a dit: Aa pundlis diflinéla ut. Me: 
deagridi ; alia rubri coloris ut Phafanis , cenchridi. Hiforia naturalis , 
HN, Cap. LIT, 


DUS A A SLA MU 341 
_arrangéés en zones circulaires autour de l'œuf; chaque 
faifane en peut couver jufqu'à dix-huit. 


Si l'on veut entreprendre en grand une déiiearsôk 
de faifans, il faut y deftiner un paré d’une étendue 
proportionnée, qui foit en partié gazonné & en partie 
femé de buiflons, où ces oifeaux puiflent trouvér un 
abri contre la pluie & {a trop grande chaleur, & même 
contre l’oifeau de proie: une partie de ce pare fera 
 divifée én plufieurs petits parquets de cinq où fix 
toifes en carré, faits pour recevoir chacun un coq 
avéc fes femelles; on les retient dans ces parquets, 
foit en les éjointant, c’eft-à-dire, en leur coupant le 
fouet de l’ailé à l'endroit de Ja jointuré, ou bien én 
couvrant les parquets avec un filet: on fe gardera bien 
de renférmer plufieurs: mâles dans la même enceinte: 
car ils fe battroient certainement, & finiroient peut- 
être par fe tuer ff); il faut même faire én forte qu'ils 
né puiflent ni fe voir ni s’enténdre , autrement Îlés 
mouvemens d'inquiétude ou de jaloufe que s’infpi- 
reroient les uns les autres, ces males fi peu ardens 
pour leurs femelles , & cependant fi ombrageux pour 
leurs rivaux, ne manqueroient pas d’étouffer où d’af- 
füiblir des mouvémens plus doux, & fans lefquéls if 
n’eft point de génération. Ainfi, dans quelques ani- 
maux, comme dans l’homme, le degré de la jaloufie 
n’eft ps toujours proportionné au befoin de jouir. 


(f) Paye de Journal Économique, PP 1757 
Vuii 


342 HISTOIRE NATURELLE 
Palladius veut que les coqs foient de l'année pré- 
cédente /g); & tous les Naturaliftes s'accordent à. 
dire qu'il ne faut pas que Îes poules aient plus de 
trois ans. Quelquefois dans les endroits qui font bien 
peuplés de faifans, on ne met que des femelles dans 
chaque parquet, & on laiffe aux coqs fauvages le foin 

de les féconder. mi ne 
Ces oifeaux vivent de toutes fortes de grains & 
d’herbages , & l’on confeille même de mettre une 
partie du parc en jardin potager, & de cultiver dans. 
ce jardin des féves, des carottes, des pommes de terre, 
des oignons, des laitues & des panais, fur-tout des 
deux dernières, dont ils font très-friands; on dit qu'ils. 
aiment aufli beaucoup le gland, les baies d’aubépine 
& la graine d'abfinthe /4); mais le froment eft la 
meilleure. nourriture :qu'on: puifle leur donner, -en y 
joignant lés:œufs de fourmis; quelques-uns recom-. 
mandent de bien prendre garde qu’il n’y ait des four- 
mis mêlées, de peur que les faifans ne fe dégoûtent 
des œufs; mais Edmond King veut qu’on leur donne 
des fourmis même, & prétend que c’eft pour eux une 
nourriture très-falutaire, & feule capable de les rétablir 
lorfqu'ils font foibles & abattus; dans la difette on y. 
fubflitue avec fuccès des fauterelles, des perce-oreilles, 
des mille-pieds: l’auteur Anglois que je viens de 
lg) Journal Économique , Septembre 175. 
(4) Gerhillon, Voyage dela-Cline &7 de la Tartarie, 


| AUS AE PA A AU En LA: SE 
citer, aflure qu'il avoit perdu beaucoup de faifans 
avant qu'il connût la propriété de ces infectes; & qué 
depuis qu’il avoit appris à en faire ufage, il ne lui en 
étoit pas mort un feul de ceux qu'il avoit élevés 7). 
Mais quelque nourriture qu'on leur donne , il faut la 
leur mefurer avec prudence, & ne point trop les en- 
graifler, car les coqs trop gras font moins chauds, & 
les poules trop grafles font moins fécondes, & pondent 
des œufs à coquille molle & faciles à écrafer. 

La durée de l’incubation eft de vingt à vingt-cinq 
jours, fuivant la plupart des auteurs /4) & ma propre 
obfervation: Palladius la fixe à trente //), mais c’eft 
une erreur qui n’auroit pas dû reparoïtre dans la Maifon 
Ruftique /#7); car le pays où Pailadius écrivoit étant 
plus chaud que le nôtre, les œufs de faifans n'y de- 
voient pas être plus de temps à éclore que dans le 
nôtre, oùils éclofent au bout d'environ trois femaines: 
d’où il fuit que le mot sigafimus a. été fubflitué par les 
copiftes au mot: #Zgefmus. 

I faut tenir la couveufe dans un endroit éloigné du 
bruit & un peu enterré, afin qu’elle y foit plus à l'abri 
des inégalités de la température & des npreilions du 
tonnerre, 


(i) Voyez les Tranfactions Philofophiques, x 27, art. VI. 

/k) Gelner. — Schwenckfeïd. — Journal Économique, — M. fe 
Roi, &c. aux endroits cités, 

(l) Palladius, de Re Ruflicä, Ub, 1, cap. XXIX, 

(m) Voyez tome À, page 135. 


344 HISTOIRE NATURELLE 

Dès que les petits faifans font éclos, ils commencent 
à courir comme font tous les gallinacés ; on les faiffe 
ordinairement vingt-quatre heures, fans leur rien donner; 
au bout de ce temps, on metla mère & les petits dans 
une boîte que l’on porte tous les jours aux champs, 
dans un lieu femé de blé, d'orge, de gazon , & fur-tout 
abondant en œufs de fourmis: cette boîte doit avoir 
pour couvercle une efpèce de petit'toit, fermé de 
planches légères, qu'on puifle ôter & remettre à vo- 
lonté, felon les circonftances; elle doit auffr avoir a 
l’une de fes extrémités un retranchement où l’on tient 
la mère renfermée par des cloifons à chaire-voie, qui 
donnént pañlage aux faifandeaux : du refte, on leur 
aile toute liberté de fortir de la boîte & d° y rentrer à 
leur gré; les glouflemens de la mère prifonnière & le 
befoin de fe réchauffer de temps en temps fous fes 
ailes, les rappelleront fans cefle & les empêcheront 
de s’écarter beaucoup: on a coutume de réunir trois 
ou quatre couvées à peu près de même âge pour n’en 
former qu’une feule bande capable d’occuper la mére, 
& à laquelle elle püiffe fuflire. 

On les nourrit d’abord, comme on nourrit tous les 
jeunes pouflins, avec un mélange d'œufs durs, pe 
de pain & de feuilles de laitue, hachés enfemble, 
avec des œufs de fourmis de prés, mais il y a Fi 
attentions effentielles dans ces premiers temps, la pre- 
mière eft de ne les point laiffer boire du tout, & de 
ne les lâcher chaque jour , lorfque la rofée eft 

évaporée, 


D Vi: FAN LTLS AUS 345 
évaporée , vu qu'à cet àâge toute humidité leur eft 
contraire; & c'’eft, pour le dire en paffant, une des 
raifons pourquoi les couvées des faifans fauvages ne 
réuffiffent guère dans notre pays; car ces faifans, comme 
Je l'ai remarqué plus haut, fe tenant par préférence 
dans les lieux les plus frais & les plus humides, il eft 
difficile que les jeunes faifandeaux n’y périffent: la 
feconde attention qu’il faut avoir, c’eft de leur donner 
peu & fouvent, & dès le matin, en entre-mélant tou- 
jours les œufs de fourmis avec les autres alimens. 


. Le fecond mois on peut déjà leur donner une nour- 
riture plus fubflancielle ; des M de fourmis de bois, 
du turquis, du blé, de l’orge, du millet, des féves 
moulues , en augmentant infenfiblement la diflance 
des repas. 


Ce temps eft celui où ils commencent à être fujets 
à la vermine; la plupart des Modernes recommandent 
pour les en délivrer, de nettoyer la boîte, & même 
de la fupprimer entièrement, à l'exception de fon petit 
toit que l’on conferve pour leur fervir d’abri; mais 
Olina donne un confeil qui avoit été indiqué par 
Ariftote, & qui me paroiït mieux réfléchi & plus con- 
forme à la nature de ces oifeaux; ils font du nombre 
des pulvérateurs, & ils périffent lorfqu'ils ne fe poudrent 
point /n), Olina veut donc qu'on mette à leur portée 
des petits tas de terre sèche ou de fablon très -fin, 


(n) Ariftote, Æifforia Animalium, lib. V, cap. XXXI, 
Oifeaux, Tome IL | X x 


346  HISFOIRE NATURELLE 


dans lefquels ils puiffent fe vautrer & fe délivrer ainf 
des piqûres incommodes des infectes fo). 


JI faut auffi être très - exact à leur donner de l’eau 
nette, & à la leur renouveler fouvent, autrement ils 
courroient rifque de la pépie, à laquelle il y auroit 
peu de remède fuivant les Modernes, quoique Palladius 
ordonne tout uniment de la leur ôter comme on l’ôte 
aux poulets, & de leur frotter le bec avec de l'ail 
broyé dans de fa poix liquide. 


Le troifième mois amène de nouveaux dangers: Îles 
plumes de leur queue tombent alors, & il leur en 
poufle de nouvelles, c’eft une efpèce Fe crife pour 
eux comme pour les paons; mais les œufs de fourmis 
font encore ici une reffource, car ils hâtent le moment 
critique, & en diminuent le danger, pourvu qu'on ne 
leur en donne pas trop, car l'excès en feroit pernicieux. 

À mefure que les jeunes faifandeaux deviennent 
grands, leur régime approche davantage de celui des” 
vieux, & dès la fin du troifième mois on peut les 
lâcher dans l’endroit que l’on veut peupler; mais tel 
eft l'effet de la domefticité fur les animaux qui y ont 
vécu quelque temps, que ceux même qui, comme 
les faifans, ont le penchant le plus invincible pour la 
liberté, ne peuvent y être rendus tout d'un coup & 
fans obferver des gradations: de même qu’un bon 
cflomac affoibli par des alimens trop légers, ne peut 


{o) Olina, Uccellaria, pag. 49. 


DU A LL STAURX, 347 
_s’accoutumer que peu à peu à une nourriture plus forte. 
Il faut d’abord tranfporter la boîte qui contient la 
_couvée, dans l’endroit où l’on veut les lâcher: on 
aura foin de leur donner la nourriture qu'ils aiment le 
mieux, mais jamais dans le même endroit, & en 
diminuant la quantité chaque jour, afin de les obliger 
à chercher eux-mêmes ce qui leur convient, & à 
faire connoiflance avec la campagne: lorfqu’ils feront 
en état de trouver leur fubfiftance, ce fera le moment 
de leur donner la liberté & de les rendre à la Nature; 
ls deviendront bientôt auffi fauvages que ceux qui 
font nés dans les bois, à cela près Dr1is conferneron 
une forte d’affetion pour les lieux où ils auront été 
_ bien traités dans leur premier ge. 

: L'homme ayant réufli à forcer le naturel du faifan 
en l’accoutumant à fe joindre à plufieurs femelles, a 
tenté de lui faire encore une nouvelle violence, en 
obligeant de fe mêler avec une efpèce étrangère, & 
fes tentatives ont eu quelques fuccès, mais ce n’a pas 
été fans beaucoup de foins & de précautions /p/: on a 
pris un jeune coq-faifan qui ne s’étoit encore accouplé 
avec aucune faifane , on l’a renfermé dans un lieu 

(p) Jamais les faifans bies! ne cochent Îes poules qu'ils ren- 
contrent; ce n’eft pas que le coq ne fafle quelquefois des avances, 
mais fa poule ne les fouffre point. C’eff à MA. le Roi, Lieutenant des 
Chaffes de Verfailles, que je dois cette obfervation, à beaucoup d'autres 
que j'ai inférées dans cet article : il feroit à fouhaiter que fur l'hifloire de 
chaque oïifeau, on eût à confülter quelqu'un qui eût autant de connoiffances, 
de lumières 7 d'empreffement à les communiquer. K ÿ 

x I] 


348 HISTOIRE NATURELLE 


étroit & foiblement éclairé par en haut; on lui a choifi 
de jeunes poules, dont le plumage approchoit de celut 


de Ja faifane ; on a mis ces jeunes poules dans une 
cafe, attenant à celle du coq-faifan, & qui n’en étoit 
_féparée que par une efpèce de grille dont les mailles 
_étoient affez grandes pour laiffer pair la tête & le cou, 
mais non le corps de ces oifeaux; on a ainfi accoutumé 
le coq-faifan à voir ces poules & même à vivre avee 
elles, parce qu’on ne lui a donné de nourriture que 
dans leur cafe, joignant la grille de féparation; lorfque 
la connoiffance a été faite & qu'on a vu la faifon de 


l'amour approcher, on a nourri ce jeune coq & fes 


poul es de la manière la plus propre à les échauffer & 
à leur faire éprouver le befoin de fe joindre; & quand 
ce befoin a été bien PHrqUe; on a ouvert la commu- 
nication : il eft arrivé quelquefois que Île faifan fidèle 


à la Nature, comme indigné de la méfalliance à 


laquelle on vouloit le contraindre, a maltraité & même 
mis à mort les premières poules qu’on lui avoit don- 
nées; s’il ne s'adoucifloit point, on le domptoit en 
ui touchant le bec avec un fer rouge d’une part, & 
de l’autre en excitant fon tempérament par des fo- 
mentations appropriées ; enfin, le befoin de s’unir 
augmentant tous les Jours, & la Nature travaillant fans 
cefle contre elle-même, le faifan s’eft accouplé avec 
les poules ordinaires , & il en a réfulté des œufs 


pointillés de noir comme ceux de la faifane, mais 


beaucoup plus gros, lefquels ont produit des bâtards 


DO PNANI OA MALE 349 
qui participoient des deux efpèces, & qui étoient 
. mêmes, felon quelques-uns, plus délicats & meilleurs 
au goût que les légitimes; mais incapables, à ce qu’on 

dit, de perpétuer leur race, quoique felon Longolius 
des femelles de ces mulets, jointes avec leur père, 
donnent de véritables faifans. On a encore obfervé de 
ne donner au coq-faifan que des poules qui n’avoient 
“jamais été .cochées , & même de les renouveler à 
chaque couvée, foit pour exciter davantage le faifan 
_{ car l'homme juge toujours des autres êtres par lui- 
même}, foit pare qu'on a prétendu remarquer que 
-lorfque les mêmes poules étoient fécondées une fe- 
_conde fois par le même fuifan, il en réfultoit une race 

dégénérée /g). | 

Gn dit que le faifan eft un oifeau flupide, qui fe 
_croit bien en füreté lorfque fa tête eft cachée, comme 
“on la dit de tant d’autres, & qui fe laiffe prendre à 
tous les piéges; lorfqu’on le chaffe au chien courant, 
_& qu'il a été rencontré, il regarde fixement le chien 
tant qu'il eft en arrêt, & donne tout le temps au 
Chaffeur de le tirer à fon aife /r): il fufit de lui 
préfenter fa propre image, ou feulement un morceau 
_ d’étoffe rouge fur une toile blanche, pour fattirer 
dans le piége: on le prend encore en tendant des 
lacets ou des filets fur les chemins où il pañfe le foir 


(g) Voyez Longolius, Dialoo. de Avibus, — Journal Économique, 
Septembre 175 3, — Mailon Rufique, tome 1, page 125. 


\7/ Olina, Uccéllaria, pag. 77. 1H 
X x ii] 


850 HISTOIRE duruhéare 7 


& le mätin pour aller boire ; enfin, on le chaffe à 
l’oifeau de proie, & l’on prétend que ceux qui font 
pris de cette manière font plus tendres & de meilleur 
goût /f). L'automne eft le temps de l’année où ils 
font le plus gras: on peut engraiffer les jeunes dans 
l’épinette ou avec la pompe, comme toute autre 
volaille; mais il faut bien prendre garde en leur intro- 
duifant la petite boulette dans le gofier, de ne leur 
pas renvérfer la langue , car lis mourroient fur le 
| champ. dune 

Un faifandeau bien gras eft un morceau exquis, & 
en même-temps une nourriture très-faine; aufli ce 


_: mets a-t-il été de tout temps réfervé pour la table des 


riches: & l’on RREUUE comme une.prodigalité in- 
fenfée, la fantaifie qu’eut Héliogabale d en nourrir {es 
lions de fa ménagerie. : 

Suivant Olina & M. le Roï, cet oifeau vit comme 
les poules communes, environ fix à fept ans /+); & 
c'eft fans aucun fondement qu’on a prétendu con- 
noiître fon âge par le nombre des bandes tran{verlales 
de fa queue. : 


VA Aldrovande, ble tom. IT, pré 57: 
4 ? Olina, Uicellaria, pag. 49+ 


& 


AL XI. Pay. 356. 


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LE FAISAN. a 


LE FAISAN BLANC 


Ox ne connoît point affez l’hifoire de cette variété 
de l’efpèce du faifan, pour favoir à quelle caufe on 
doit rapporter la blancheur de fon plumage: l’analogie 
nous conduiroit à croire qu'elle eft un effet du froid, 
comme dans le paon blanc. Il eft vrai que le faifan ne 
s’eft point enfoncé dans les pays feptentrionaux autant 
que le paon; mais aufli fa blancheur n’eft point parfaite, 
puifqu'il a, felon M. Briffon /a), des taches d’un violet 
foncé fur le cou, & d’autres taches rouffâtres fur le 
dos ; & que, felon Olina, Îles mäles montrent quelque- 
fois les couleurs franches des faifans ordinaires* fur la 
tête & fur le cou: ce dernier Auteur dit que les Faifans 
blancs viennent de Flandre ; mais fans doute qu’en 
Flandre on dit qu’ils viennent encore de plus loin 
du côté du Nord: il ajoute que les femelles font d’une 
blancheur plus parfaite que les mâles /4); & je remarque 
que la femelle du faifan ordinaire a auffi plus de blanc 
dans fon plumage que n’en a le-mâle. 


(a) Briflon , Ornithologie, tome.Ï} page 268. 
_ {b) Voyez Olina, Uccellaria, pag. 49. 


352 FLRAAERE : NATURELLE, me 


LE FAISAN VARIÉ. 


Gi OMME le paon blane: mêlé avec le paon ordinaire, 
a produit le paon varié ou panaché, ainfr l'on peut 
croire que Île faifan blanc fe mélant avec le faifan 
ordinaire, a produit le Faïfan varié dont il s’agit icr, 


d'autant plus que, ce dernier a exactement la même . 


forme & la même groffeur que l'efpèce ordinaire , & 
que fon plumage dont le fond eft blanc, fe trouve 
femé de taches v réuniflent toutes les couleurs de 
notre faifan fa). | 

Frifch remarque que le bilans varié n’eft point où 
pour la propagation (b). 


(a) Voyez Briffon Ornithologie, tome I, page “a 
{b) Frifch, article de la planche CxXxIv. 


LE COCQUARD 


353 


LE,xCOCQOUAR 


O U 


LE D FAISAN BÂTARD. 


Planche XIII de ce volume, 


EE E nom de faifan-huneru que Frifch donne à cette 
variété du faifan, indique qu’il le regarde comme le 
produit du mélange du faifan avec la poule ordinaire : 
& en effet, le Faifan bätard repréfente l’efpèce du 
faifan par fon cercle rouge autour des yeux & par fa 
 Jongue queue; & il fe rapproche du coq ordinaire par 
les couleurs communes & obfcures de fon plumage, 
qui a beaucoup de gris plus ou moins foncé: le faifan 
bâtard eft auffs plus petit que Île faifan ordinaire, & il 
_re vaut rien pour perpétuer l’efpèce, ce qui convient 
affez à un métis, ou {1 l’on veut à un mulet. 

Frifch nous apprend qu’on en élève beaucoup en 
Allemagne à caufe du profit qu'on en retire, & c’eft 
en effet un très-bon manger (a). 


(a) Voyez Frifch, planche cxxXv. 

INota. Ce feroit ici le Jieu de parler du faïffan-dindon qui a été 
vu en Anoleterre, & dont M. Edwards a donné la defcription & 

la figure, planche CCCXX XVII; mais j'en ai dit mon avis ci-deflws 


à l’article du Dindon, 
ACTOYSs 


_ Oifeaux , Tome I. qe Y y 


354 HISTOIRE NATURELLE 


OISEAUX ÉTRANGERS, 
Qui ont rapport au. Faifan. 


| E ne placerai point fous ce titre plufieurs oifeaux 
auxquels la plupart des Voyageurs & des Naturaliftes 
_ont donné le nom de Fafans, & qui fe trouvent même 
fous ce nom dans nos planches enluminées; mais que 
nous avons reconnu après un plus mûr examen pour 
des oifeaux d'efpèces fort différentes. | 


De ce nombre font, 1.° le faifan des Antilles de 
M. Briflon (a), qui eft le faifan de File Kayriouacou 
du P. du Tertre /6/, lequel a les jambes plus lent 
& la pue plus courte que le faifan: ; 

2. Le faifan couronné des Indes de M. Briffon le ) 
qui eft repréfenté fous le même nom *, & qui diffère 
du faifan par fa conformation are par la forme 
particulière du bec, par fes mœurs, par fes habitudes, 
par fes ailes qui font plus longues ; par. fa queue plus 
courte & qui, à fa groffeur près, paroît avoir beaucoup 
a de rapport avec le genre FAIRE . | 


«) Briflon , Ornithologie tome T: pige 26 9. 


| (b). Poe le P. du Terre, Hi foire gééie & des Antilles, » ne L 
page 255. | 
..{) Brion, Ornithologie ,; tome e _ page 279. 


.* 5 FO les planches craintes, LITE 


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LE COCOUAR. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, Ÿ'C. 35$ 
3° L’oifeau d'Amérique * que nous avons fait repré- 
. fenter fous le nom de jaifan huppé de Cayenne, paree 
qu’il nous avoit été envoyé fous ce nom; mais qui 
nous paroit différer du faifan par fa groffeur, par Île 
port de fon corps, par fon cou long & menu, fa tête 
petite, fes longues ailes, &c. 

4. Le hocco-faifan de la Guiane **, qui n’ef rien 
moins qu ‘un faifan, comme ïl eft aifé de s’en con- 
vaincre par la comparaifon des figures: 

s. Tous les autres"hoccos d Amérique que M.* 
Briflon & Barrère, &:plufieurs autres entraînés par leurs 
méthodes, ont rapportés au genre du faifan, quoiqu’ils 
en diffèrent par un grand nombre d’attributs, & par 
. quelques-uns même dé ceux qui avoient été choifis 
pour en faire les caractères de ce genre. | 


* Woyez les planches enluminées, n° 337. 
XX Voyez les planches enluminées y n.” 86. 


LÉ 


LE. FAISAN DORÉ ou LE T RICOLOR 
AUPPÉ de la Chine 


QUELQUES Auteurs ont donné à cet oifeau le nom 
pa faifan rouge (a), on eût été prefque auffi-bien fondé 
à lui donner celui de faifan bleu, & ces deux déno- 
minations auroient été auf imparfates que celle de 


{a) Klein, Ordo Au y page 114 > Albin, tome III, page T$s 
Yyi 


:356 : HISTOIRE NATURELLE 

Faifan doré; puifque toutes les trois n’indiquant que 
l’une des trois couleurs éclatantes qui brillent fur fon 
plumage, femblent exclure les deux autres: c’eft ce 
qui m'a donné l'idée de lui impofer un nouveau nom, 
& j'ai cru que celui de Tricolor huppé de à Chine 
le caraétériferoit mieux, puifqu'il préfente à l'efprit 
fes attributs les plus apparens. 

On peut regarder ce faifan comme une variété du 
faifan ordinaire, qui s’eft embelli fous un ciel plus 
beau; ce font deux branches d'une même famille qui 
fe font féparées depuis long - temps, qui même ont 
formé deux races difiinéles, & qui cependant fe re- 
connoïflent encore; car elles s’allient, fe mêlent & 
produifent enfemble; mais il faut avouer que leur produit 
tient un peu de la flérilité des mulets, comme nous 
le verrons plus bas; ce qui prouve de plus en plus. 
J'ancienneté de [a féparation des deux races. | 

Le tricolor huppé de la Chine eff plus petit que 
notre faifan; & je dois avertir à cette occafion que 
dans notre planche enluminée, #° 217, on a omis le 
module qui doit être de deux pouces neuf lignes. 

La beauté frappante de cet oifeau lui a valu d’être 
cultivé & multiplié dans nos faifanderies, où il ef 
aflez commun aujourd’hui: fon nom de tricolor huppé 
indique le rouge, le jaune-doré & le bleu qui dominent 
dans fon plumage, & les longues & belles plumes 
qu'il a fur la tête, & qu'il Tee veut en 
manière de Auppe: il a l'iris, le bec, les pieds &;les 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ÈC. 357 
ongles jaunes, la queue plus longue à proportion que 
notre faifan, plus émaillée, & en général le plumage 
plus brillant : au-deflus des plumes de la queue fortent 
d’autres plumes longues & étroites, de conleur écarlate, 
dont la tige eft jaune; il n’a point les yeux entourés 
‘ d’une peau rouge comme le faifan d'Europe ; en un 
mot, il paroîit avoir fubi fortement l'influence du 
climat. | 

La femelle du faifan doré eft un peu plus petite que 
le mâle, elle a la queue moins longue; ies couleurs dee 
fon plumage font fort ordinaires, & encore moins 
agréables que celles de notre faifane ; maïs quelquefois 
elle devient avec le temps auffr belle que le mâle: 'on. 
en a vu une Angleterre, chez Miladi Effex qui, dans 
l’efpace de fix ans, avoit graduellement changé fa 
‘couleur ignoble de bécaffe en hi belle couleur du mâle, 
duquel elle ne fe diftinguoit plus que parles yeux & 
par la longueur dela queue (4): des perfonnes intelli- 
gentes qui ont été à portée d'obferver ces oifeaux, 
m'ont aufli afluré que ce changement de: couleur avoit 
lieu dans {a plupart des femelles, qu'il commençoit 
lorfqu’elles avoient quatre ans, temps où le mäle com- 
mençoit auffi à prendre du dégoût pour elles & à des 
maltraiter; qu'il leur venoit alors de ces plumes longues 
& étroites, qui dans le mâle accompagnent les plumes 
de la queue; en un mot,;lque plus elles avançoient 
en âge, plus elles devenoient femblables aux mâles, 

{b) Voyez Edwards, planche LXVIE. | 
EE Yyu 


358 : HISTOIRE NATURELLE. 
comme cela à lieu plus « ou moins dans preique tous 
les animaux. 

M. Edwards aflure qu’on a vu pareillement hd 
le duc de Lecds, une faifäne commune, dont le plu- 
mage étoit devenu femblable à celui du faifan mâle; 
& il ajoute que de tels changemens de couleurs n’ont : 
guère lieu que parmi les oifeaux qui vivent dans la 

domefticité (c). 
_ Les œufs de fa faifane dorée reflemblent btodup 
°à ceux de la peintade, & font plus petits à proportion 
que ceux de la poule domeftique, & plus deu: reante 
que ceux de nos faifans. | 
Le docteur Hans Sloane a confervé un male environ 
quinze ans; il paroïît que c’eft un oifeau robufte, puif- 
qu'il vit fi long-temps hors de fon pays; il s’accoutume 
fort bien au nôtre /d), & y multiplie affez facilement; 7 
multiplie même avec notre faifane d'Europe. M. le Roi, 
Lieutenant des chafles de Verfailles, ayant mis une de 
ces faifanes de la Chine avec un coq-faifan de ce 
pays-ci, il en a réfulté deux faifans mâles fort reffem- | 
blans aux nôtres, cependant avec le plumage mal téint, 
& n'ayant que quelques plurnes jaunes fur da tête comme 
je faïfan de la Chine: ces deux jeunes males métis ayant 
été mis avec les faifanes d'Europe, l’un deux féconda 
Ja fienne la feconde année, & il en a réfulté une poule 
faifane qui n’a jamais pu devenir féconde; & les deux 
(c) Edwards, Glanures, Partie ITL.° page TOR, “+ 
ch Hide, planche LXVYII, bats : 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 359 
coqs métis n’ont rien produit de plus jufqu'à 
quatrième année, temps où ils trouvérent le: Hope 
de s'échapper à travers leurs filets. | 

Il y a grande apparence que le tricolor ‘huppé dk 
il s’agit da cet article, eft ce beau faifan dont on dit 
que les plumes fe vendent à la Chine plus cher que 
l’oifeau même /e); & que c’eft aufli celui que arco- 
Paolo admira dans un de fes voyages de la Chine, & 
dont la queue avoit deux à trois pieds de long. 


le) Hs générale des Voyages, tome VI, page 48 A 
Î L 


LE FALSAN NOIR. ET. BLANC 
de la Chine * 


La figure de nos planches cnbnsinéts is été deffinée 
que d’après l’oifeau empaillé, & je ne douté pas que 
celle de M. Edwards /a) qui a été faite & retouchée 
à loifir d’après le vivant, & recherchée pour les plus 
petits détails d’après l’oifeau mort, ne repréfente plus 
exactement ce faifan, & ne donne une idée vs jui 
de fon port, de fon air, &c. | 

Il eftaifé de juger par la feule née de la finie] 
que c’eft une variété du faifan, modelée vous la forme. 


x Voyez les planches enluminées n° 12 7, le mâle ;. & n.' : 124) 
Ta femelle. | 


(a) Voyez Edwards ÆXf, nat, des Oiféaux, planche LXYI 


560 : HISTOIRE NATURELLE 
totale fur les proportions du tricolor huppé de la Chine; 
mais beaucoup plus gros, puifqu’il furpañle même le 
faifan d'Europe: il a avec ce dernier un trait de reffem- 
blancèe bien remarquable, c’eft la bordure rouge des 
veux qu'il a même, plus large & plus étendue; car elle 
Jui tombe de chaque côté au - deffous du bec inférieur 
en forme de barbillons, & d'autre part elle s'élève 
comme une double crête au-deflus du bec fupérieur. 
La femelle eft un peu plus petite que le mâle, dont 
elle diffère beaucoup par la couleur; elle n’a ni le 
deflus du corps blanc comme Jui, ni le deflous d’un 
beau noir avec des reflets de pourpre; on n’aperçoit 
dans tout fon plumage qu’une échappée de blanc au- 
deflfous des yeux; le‘refte eft d’un rouge-brun plus ou 
moins foncé, excepté fous le ventre & dans les plumes 
latérales de la queue, où l’on voit des bandes noires 
tranfverfales fur un fond gris: à tous autres égards, Ja 
femelle diffère moins du.mâle dans cette race que dans 
toutes les autres races de faifan; elle a comme lui une 
huppe fur la tête, les yeux entourés d’une bordure 
rouge , & les pieds de même couleur. 
= Commeaucun Naturalifte, nimême aucun Voyageur, 
ne nous a donné le plus léger indice fur l’origine du 
Faifan noir & blanc, nous fommes réduits fur cela 
aux feules conjeétures; la mienne feroit, que de même 
que Île faifan de Géorgie s’étant avancé vers l'Orient, 
& ayant fixé fon féjour dans les provinces méridionales 
ou tempérées de la Chine, eft devenu le tricolor huppé: 
| | ainfi 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, rc. 361 
ainfi le faifan blanc de nos pays froids ou de la Tar- 
tarie, ayant pailé dans les provinces feptentrionales de 
la Chine, eft devenu le faifan noir & blanc de cet 
_article, lequel aura pris plus de groffeur que le faifan 
primitif ou de Géorgie, parce qu'il aura trouvé dans 
ces provinces une nourriture plus abondante où plus 
analogue à fon tempéramént; mais qui porte l'empreinte 
du nouveau climat dans fon port, fon air, fa forme 
extérieure, femblable au port, à l’air, à la forme exté- 
rieure du tricolor huppé de Ja Chine, & qui a confervé 
du faifan primitif la bordure rouge des yeux, laquelle 
même à pris en lui plus d’étendue & de volume, fans 
doute par les mêmes caufes qui Pont rendu lui-même 

plus gros & plus grand que le faifan ordinaire. 


PUE: 
L'ARGUS où LE LUEN. 


: ON trouve au Et de la Chine une efpèce de faifan ; 
dont les ailes & la queue font femées d’un très-grand 
nombre de taches rondes femblables à des yeux, d’où 
on lui a donné le nom d'Areus ; les deux plumes du 
milieu de la queue font très-longues, & excèdent de 
beaucoup toutes les autres: cet oifeau eft.de la groffeur 
du dindon; il a; fur la tête une double uppe qui fe 
couche en arrière (a). 

(a) Voyez les Tranfidtions I tome as page 88, 
planche III. + 


Orfeaux, Tome IL. Z; Z 


3 62 Hisroire NATURELLE 
| y Vo 
Le NAPAUL ou FAISAN e corntl (o). 


NES Edwards : à qui nous s devons la connoiffance de 
cet oifeau rare, le range. parmi les dindons, comme 
ayant autour de fa tête des excroifflances charnués /4), ï 
& cependant il lu donne le nom de Farfan cornu; Je. 
crois en.effet qu ‘il approche plus du faifan que du din- | 
don; car les excroiflances charnues ne font rien moins 
| que propres à ce dernier; le coq, la peintade, l’oifeau 
| royal, le cafoar & bien. d’autres oifeaux des deux con- 
tinens en-ont auf; elles ne font pas même étrangères 
au-faifan, puifqu'on peut regarder. ce large cercle de 
peau rouge dont fes yeux font entourés, comme étant 
à peu près de même nature, & que dans le faifan noir 
& blanc de la Chine, eette peau forme réellement 
une double crête, fur Le bec & ‘des barbillons au- 
deffous : ajoutez à cela que le napaul eft du climat des 
faifans, puifqu’il a été envoyé de Bengale à M. Mead ; 
qu'il a le bec, les pieds, les  éperons, les ailes & la 
forme ‘totale du faifan; & lon conviendra qu'il :eft 
plus naturel de le rapporter au faifan , qu'à un: oifeau 
d'Amérique, tel que le dindon. 

‘Le ‘napaul ou ‘faifanccornu eft ainfi appelé; parce: 
_qu'il'a en‘effet deux cornes fur da tête ;'ces cornes 
font de couleur bleue, de forme cylindrique, obtufés | 


- fa) Voyez Edwards, Hifi, nat. des. Oifénut, planche CXvI. 
(b) bai Gleanings, &c. tom. LIT, pag: 29e 


DES: OÏSFAUX ÉTRANGERS, dc. 6 


L leur extrémité, couches énarrièré, & d’une fubflance 
“analogue à de la.chair calléufe : il n’a point autour dès 
yeux ce cercle de peau rouge, quelquefois pointillée 
de noir, qu'ont les faifans ; mais il a tout cet efpace 
_ garni de poils. noirs én guife dé plumes : au - deffous 
de cét efpace & de la bafe du bee inférieur, prend 
‘maiffance une forte de gorgerette formée d’une peau 
Tiche, laquelle tombe & flotte librement fur la gorge 
& ‘la partie fupérieure du ‘cou: cette gorgerette eft 
noiré dans fon milieu, femée! de déélqies poils de 
même couleur, & frllonnée par dés rides plus! où moins 
profondes; en forte qu'elle paroît capable d’ extenfion 
dans loifeau vivant, & l’on peut croire qu’il fait la 
gonfler où la‘ refferrer à fa volonté: les parties Jatérales 
en font bleues’ avec quelques taches orangées, & fans 
aucun poil én dehors : mais ha fice iñtéricure qui s’ap- 
plique fur le cou, éft garnie de pétites plumes noirés, 
äinfr que la partie du cou qu’elle recouvre; Le fommet 
de la tête eft rouge, la partie antérieure’ du COrps Fou 
_geâtre, la partie poftérièure plus rembrunie; fur le tout, 
y compris la queue & les ailes, on voit dés taches 
blanches entourées de noir, femées près à près aflez 
régulièrement : ces taches font rondes fur favant, 
oblongües où en forme de larmes ‘fur’ l'arrière, & 
celles-ci tournées de manière que la: pointe régarde fa 
tête; lés ailes ne paflent guère l’origine de la quéue, 
d'où l'on peut et 4 c’eft un oifeau péfant 
» longueur de la : abat n° à ti être ‘déterminée ar 
FRS Zz ij 


364 HISTOIRE NATURELLE, dc. 
-M. Edwards, vu qu’elle y eft repréfentée dans le deffin 
| original comme ayant été ufée par mFael frottement. 


V. 
LE. KATRACA. 


| Quorqu’ À vrai dire il ne fe foit point trouvé de 
véritables faifans dans Amérique, comme nous l'avons 
établi ci-deflus, néanmoins parmi la multitude d’oifeaux 
différens qui peuplent ces vaftes contrées, on en voit 
qui ont plus ou moins de rapports avec le faifan; & 
celui dont il s’agit dans cet article, en approche plus 
qu'aucun autre, & doit être regardé comme fon repré- 
fentant dans le nouveau Monde; il le repréfente en 
effet par fa forme totale, par fon bec un, peu crochu, 
| par fes yeux bordés de rouge & par {a longue queue 
néanmeins comme il appartient à un climat & même 

à un monde différent, & qu'il eft incertain s’il fe mêle 

avec nos faifans d'Europe, je le place ici après ceux 
de la Chine qui s’accouplent certainement & PRES 
avec les nôtres. | AMEL 

L’hiftoire du Katraca nous eft bte; inconnue: in 
tout ce que je puis dire d’après F infpeétion de fà forme 
extérieure, c'eft que le fujet repréfenté * nous paroît 
être le mâle, à caufe ik fa longue queue &. de Ia 
forme de fon corps moins arrondie qu’ alongée. 

Nous lui conferverons le nom de karraca qu il 1 PORS 
au Mexique, fuivant le P. Feuillée. ! 

* Voyez &s planches enfuminees ; ee 1406 3 yuouenot pt 


OISEAUX ÉTRANGERS, 


Qui paroiffent avoir rapport avec le PAo N 
LS ê7 avec le FAISAN. 


Je range fous ce titre indécis quelques Oifeaux 
étrangers, trop peu connus pour qu'on puiffe 
leur affigner une place plus fixe. 

| THIS 

LE CHINQUIS. 
; 3 l'incertitude où je fuis, fi cet oifeau eft un 
véritable paon ou non, je lui donne, ou plutôt je lui 
conferve le nom de Chnguis, formé de fon nom Chinois 
_chin-1chien-Khi, c’eft la dixième efpèce du genre des 
faifans de M. Briflon fa); il fe trouve au Tibet, d’où 
cet Auteura pris occafion de le nommer par du 
Tibet: fa groffeur eft celle de la peintade: il a l'iris des 
yeux jaune, le bec cendré, les pieds gris, le fond du 
plumage cendré, varié de lignes noires & de points 
blancs; mais ce qui en fait l’orrement principal & 
diflindif, ce font de belles & grandes taches rondes 
d’un bleu éclatant, changeant en violet & en or, 
répandues une à une fur les à du dos & les 


bed Voya Brifon, Orge tome Ï, page 294. 
. Zzij 


366  AHISTOGRE NATURELLE 
couvertures des ailes, deux à deux fur les pennés des 
ailes, & quatre à quatre fur les longues couvertures 
de Ja queue, dont les deux du milieu font les plus 
longues de toutes ; les latérales allant toujours en fe 
raccourciffant de chaque côté. | 
On ne fait, ou plutôt on né dit rien de Le hiftoire, 
pas même s’il fait la roue en relevant en éventail fes 
belles plumes chargées de miroirs. | 
Il ne faut pas RARES le chinquis avec Îe kinkï, 
ou poule dorée de Ja Chine, dont il eft parlé dans les 
relations de Navarette, Trigault, du Halde, & qui 
autant qu’on en peut juger par des defcriptions impar- 
faites, n’eft autre chofe que notre tricolor huppé /4). 
_(b) Voyez M. abbé Prévôt, ” pere des dire tome VI, 


page 487: 
db. 


LE APE PÈRE) 


: J'APPELLE ainfi le huitième fifan de M. Briflon 7 

qu’Aldrovande :a nommé: paon du. Japon, tout en 
avouant qu'il ne reflembloit à notre paon que par les 
_ pieds &. la queue /6). | 

Je lui ai donné le nonr de. Sricifère, à caufe dé: 
l’aigrette en forme d’épi: qui s'élève fur fa tête: cette 
aigrette eft haute de quatre pouces, & paroît émaillée 
de vert &. de bleu; le bec.eft de couleur cendrée , 


(a) Briflon, Ornithologie, tome I, page 28 9. 
(b) ARONRE, Tr , tom Il, pag. 35. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, Ÿ'C. 307 
plus long & plus menu que celui du paon; l'iris eft 
jaune, & le tour des yeux rouge comme dans le faifan: 
les plumes de la queue font en plus petit nombre, le 
fond en eft plus rembruni & les miroirs plus grands, 
mais brillans des mêmes couleurs que dans notre paon 
d'Europe; la diftribution des couleurs forme fur la 
poitrine, le dos & la partie des ailes la plus proche 
du dos, des efpèces d’écailles qui ont différens reflets 
en différens endroits, bleus fur la partie des ailes la 
plus proche du dos, bleus & verts fur le dos, bleus, 
verts & dorés fur la poitrine; les autres pennes de l'aile 
font vertes dans le milieu de leur longueur, enfuite 
jaunâtres & finiffent par être noires à leur extrémité: 
le fommet de la tête & le haut du cou ont des taches 
bleues mélées de blanc fur un fond verditre. 

: Telle eft à peu près la defcription qu’Aldrovande 
a faite du mäle, d’après une figure peinte que l’Em- 
pereur du Japon avoit envoyée au Pape; il ne dit point 
s'il étale fa queue comme notre paon; ce qu'il y a 
de certain, c’eft qu’il ne l’étale point dans la figure 
d'Aldrovande, & qu'il y eft même repréfenté fans 
éperons aux pieds, quoiqu’Aldrovande n'ait pas oublié 
d’en faire paroïître dans la figure du paon ordinaire, qu’il 
a placée vis-à-vis pour fervir d’objet de comparaifon. 

Sélon cet Auteur, la femelle eft plus petite que le 
male, elle a les mêmes couleurs que lui fur la tête, 
le cou, la poitrine, le dos & les ailes: mais elle en 
difière en ce qu’elle a le deffous du corps noir, & en 


368 HISTOIRE NATURELLE 

.ce qué les couvertures du croupion qui font beaucoup 
plus courtes que les pennes de la queue, font ornées 
de quatre ou cinq miroirs aflez larges, relativement à la 
grandeur des plumes: le vert eft la couleur dominante 
de la queue, les pennes en font bordées de bleu, & 
les tiges de ces pennes font blanches. rê 

. Cet oifeau paroît avoir beaucoup de rapport avec 
celui dont parle Kœmpfer, dans fon hiftoire du J:pon, 
_ fous le nom de faifan (c); ce que j'en ai dit fufht pour 
faire voir qu’il a plufieurs traits de conformité & plufieurs 
traits de diflemblance, foit avec le paon, foit avec 
le faifan; & que par conféquent, il ne devoit point 
avoir d’autre place que celle que je lui donne ici. + 


fc) « HN y a au Japon une Te de faifans qui fe diftinguent 
» par la diverfité de leurs couleurs, par l'éclat de leurs plumes, & 
» par fa beauté de leur queue, qui égale en longueur la moitié de la 
» hauteur d’un homme, & qui par ce mélange & par une variété 
>» charmante des plus belles couleurs, particulièrement de l'or & de 
Vazur, ne cède en rien à celle du HAo » Kœmpfer; Hi ifoire du 
we , tome Ï, page 112. | 


| Mg dE 
L'ÉPERONNIER *, 


Cer oifeau nef guère connu que par la figure & la 
defcription que M. Edwards a publiées du mâle & de 
la femellé /a), & qu'il avoit faites fur le vivant, 


* Voyez les planches enluminées, n° 492 & 493. 
(a) Edwards, Hif. nat, of Birds, planches LXYII & LXIX. 
| (OP Au 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ec. 369 
: ‘Au premier coup d’œil, le mâle paroit avoir quelque. 
rapport avec le faifan & le paon; comme eux il a la 
queue longue, il l’a femée de miroirs commele paon, 
& quelques Naturaliftes s’en tenant à ce premier coup 
d'œil, l’ont admis dans le genre du faifan /4); mais, 
quoique, d’après ces rapports fuperficiels, M. Edwards 
ait cru pouvoir lui donner ou lui conferver le nom de 
faifan - paon, néanmoins, en y regardant de plus près, 
il a bien jugé qu’il ne pouvoit appartenir au genre du 
faifan, 1° parce que les longues plumes de fa queue 
font arrondies & non pointues par le bout; 2. parce 
qu’elles font droites dans toute leur longueur, & non 
recourbées en en bas; 3. parce qu’elles ne font pas la 
gouttière renverfée par le renverfement de leurs barbes 
comme dans le faifan; 4. enfin, parce qu’en marchant, 
H ne recourbe point fa queue en en haut comme cet 
oifeau. | GE 
Mais il appartient encore bien moins à l’efpèce du 
paon, dont il diffère non - feulement par le port de la 
queue , par la configuration & le nombre des pennes 
dent elle eft compofée; mais encore par les proportions 
de fa forme extérieure, par la groffeur de la tête & du 
cou, & en ce qu'il ne redrefle & n’épanouit point fa 
queue comme le paon /c), qu’il n’a au lieu d’aigrette 


_ [E) Klein, Ordo Avium, pag. 114. — Briflon, Ornitholog. tom. I, 
pag: 291, Genre VII, Elpece 1x. 

(c) M. Edwards ne dit point que cet oifeau fafle la roue; & de 

cela feul je me crois en droit de conclure qu'il ne fa fait point : un 


Oifeaux, Tome IL + SLA aa 


370 HISTOIRE NATURELLE 


qu'une efpèce de huppe plate, formée par les plumes 


du fommet de la tête qui fe relèvent, & dont la pointe. 
revient un peu en avant: enfin, le mâle diffère du coq- 


paon & du coq: faifan, par un double éperon qu'il a 


à chaqué pied; caractère prefque unique d’après lequel 


je lui ai donnée nom d’ÆEperonnier. «4 
Ces différences extérieures qui certainement en 


fuppofent beaucoup d’autres plus cachées, paroîtront 
aflez confidérables à tout homme de fens, & qui ne 
fera préoccupé d'aucune méthode, pour exclure l’é- 


peronnier du nombre des paons & des faifans, encore 
qu'il ait comme eux les doigts féparés, les pieds 
nus , les jambes revêtues de plumes jufqu’au talon, le 
bec en cône courbé, la queue longue & la tête fans 
crête ni membrane: à la vérité, je fais tel Méthodifte 
qui ne pourroit fans inconféquence ne pas le recon- 
noïtre pour un paon ou pour un faifan, puifqu'il a 
tous les attributs par lequel ce genre eft caradtérifé 
dans fa méthode; mais aufli un Naturalifte fans méthode 
& fans préjugé, ne pourra le reconnoitre pour le paon 
de la Nature: & que s’enfuivra-t-il de-là, finon que 
l’ordre de la Nature eft bien loin de la méthode du 
Naturalifte ! 

En vain me dira-t-on que Dee l'oifeau dont Il 
s’agit ici a les principaux caractères du genre du faifan, 
les petites variétés par lefquelles il en diffère, ne doivent 
fait aufls confidérable n’auroit pu échapper à M Edwards; & s’il 
J'eût obfervé, il ne l'auroit point omis. 


ST SANT TRES ET 


DÉS OISEAUX ÉTRANGERS, àC. 371 


point empêcher qu ’on ne le rapporte à ce genre; r 
je démanderai toujours , qui donc ofe fe croire en droit 
de déterminer cés caraétères principaux; de décider, 
par exemple, que l’attribut négatif dé n’avoir ni crête 
hi membrane, foit plus efféntiel que celui d’avoir la 
téte de telle ou telle forme, de telle ou telle groffeur ; 

& de prononcer que tous les Oifeaux qui fe réflemblent 
par des caraétères choiïfis arbitrairement, doivent auffi 
fe reffembler dans leurs véritables propriétés! 

Au refté, en refufant à l'épéronnier le nôm de paon 
de la Chine, je ne fäis que me conformer aux témoi- 
gnages des Voyageurs qui affurént qué dans ce vafte 
pays, on ne voit de paons que ceux kr on y spé 
dés autres contrées /4). #9 eur 

L’épéronnier a l'iris des yeux jaune, ainfi que l'ef. 
pace entre fa bafe du bec, l'œil & le bec fupérieur 
rougé, l’inférieur brun - foncé & les pieds d’un brun: 
fale: fon plumage eft d’une beañté admirable; la queue 
eff, comme jé l'ai dit, femée de ‘miroirs ou de tachés 
brillantes, de forme ovale, & d’une bellé éouleur dé 
pourpre avec des reflets bleus, verts & or; cés miroirs 
fônt d’autant plus. d’efét qu'ils font terminés & déta- 
éhés du fond par uñ doublecéréle , l’an noir & l’autre 
orangé-obfcur : “éhâqué penne ‘de la queue à deux de 
ces miroirs accolés l’ün à l'autre; Ja tige entre deux; 
& maloré cela, comme cette quéue a itfiñiment moins 
de plumes que celles du paôn’, elle’éft beaucoup moins 

-(d) Navarette; die anelhe Ja Cher pages 4oi& 42 | 0 

À 3a 1j 


372 HISTOIRE NATURELLE 

chargée de miroirs; mais en récompenfe, Féperonnier 
en à une très-grande quantité fur le dos & fur les ailes, 
où lé paon n’en a point du tout; ces miroirs des ailes 
{ontronds, & comme le fond du plumage eft brun, on 
croiroit voir une belle peau de martre zibeline enrichie 
de faphirs, d’opales, d’émeraudes & de topafes. 

Les plus grandes pennes de laile n’ont point de 
miroirs, toutes les autres en ont chacune un, & quel- 
qu’en foit l'éclat, leurs couleurs, foit dans les ailes, foit 
dans la queue, ne pénètrent point jufqu'à l’autre furface 
de la penne, dont le deffous eft d’un fombre uniforme. 

Le mâle furpañle en groffeur le faifan ordinaire; la 
femelle eft d’un tiers plus. petite que le mâle, & paroït 
plus lefte & plus éveillée; elle a, comme lui, Piris 
jaune, mais point de rouge dans. le bec, & la queue 
beaucoup plus petite: quoique fes couleurs approchent 
plus de célles du mâle que dans l’ efpèce des paons & 
des faifans, cependant elles font plus mattes, plus 
éteintes, & n’ont point ce luftre, ce jeu, ces ondula- 
tions de lumière qui font un fi bel effet dans les miroirs 
du mâle fe). | 

Cet oifeau étoit vivant à Does: l'année dernière, 
d’où M. le chevalier Codrington. en. a envoyé des 
deffins coloriés à M. Daubenton le jeune, d’après lef- 
quels nous avons fait graver & enluminer les planches 
n°" 492 à 497, dont le premier repréfente le mâle; 
& le fecond la femelle de cet oifeau. 

{e} Voyez Edwards, planches LXVII © LXIX, 


CCR LOÛS 


DE OISEAUX | ÉTRANGERS, dc. 373 


De er ab HOCCOS. 
dune les Oifeaux que l’on défigne ordinairement. 
fous cette dénomination prife dans une acception gé- 
nérique, font étran gers à l'Europe, & appartiennent aux 
pays chauds de l’ Amérique ; les divers noms que Îles. 
différentes tribus de Sauvages leur ont donnés, cha- 
une en fon jargon, n’ont pas moins contribué à en 
énfler la Iifle, que Îles phrafes multipliées de nos 
Nomenclateurs; & je vais tâcher, autant que la difette: 
d’obfervations me le permettra, de eme ces “becs 
nominales aux efpèces réelles. 


LE HOCCO proprement dit *. 


Planches XIII à" XIV de ce volume. 


JE comprends fous cette efpèce, non-feulement le 
mitou & le mitou-poranga de Marcgrave que cet auteur 
regarde en effet comme étant de la même efpèce /a) ; 


_ le coq-indien de M." de l’Académie /4), & de plufeurs. 


* Voyez les planches enluminées, nn.” 86 & 125. 
(à) Marcgrave, Hifloria naturalis Brafilienfs, Ub. V, B. 4 Le 
Pig 195. 5 
,  (b) Mémoires de l'Académie royale des Sciences. » tome ILE, 
partie I, page 221. 


Aaa : LT, 


374 HISTOIRE NATURELLE 


autres fc), le mutou ou moytou de Laët (d) & de 
Léry fersie temocholli des Mexicains, & leur tepe- 
tototl ou oifeau de montagne /f), le quirizao ou curaffo 
de Fa Jamaïque /2), le pocs de Frifch /4/, le hocco de 
Cayenne de M. Barrère /7:), le hocco de la Guiane ou 
douzième faifan de M. Briffon /4); mais j'y apporte 
encore comme variétés le hocco du Brefl ou onzième 
faifan de M: Briflon //), fon hocco de Curaffou qui 
_eft fon treizième faifan /#), le hocco du Pérou * & 
même la poule rouge du Pérou d'Albin (n), le _. 


fe) Longolius, Dialogus de Avibus. — Gefner, de Ayious, lib. IH, 
— Aldrovande, Orritholog. Gb. XIV, cap. KLAGC 

(d) Laët, Novus orbis, pag. Ni | : 

(e) Léry, Voyage au Brefil, page Ai 

(f) Voyez Fernandez, Hif. Avi. nov. Hip. cap. CF pa. 25: 

(g) Hiffoire naturelle dé la Jamaïque, par le Chevalier Hans. nn ; 
page 302. 

fh) Frifch, planche CXXT. tra 

{i) Barrère, Ornithologiæ Jpecimen , pag. 82 & 83; à France 
Équinoxiale, page 140: | 

{k) Briflon, Ornithologie , tome 1, pige 298. 
| (1) Tbidem , pag 296: HS 

{m) Ibidem, pag. 300. ee un 

* Voyez Les planches enluminées, n°125. 

_{n) Albin. Hlif. nat. des Oifeaux, tome IIE, mers XL, ee, Elle | 


»eft de la même grandeur & figure que la pote de Carafou 
» {tome TI, planches XX XI &' XXXII ), & paroît. être de la même 
efpèce: » c’éft ainfi que parle Albin, qui a eu l'avantage de pie 
ces s deux oifeaux vivans. Cu 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ©'C. 375 
de Fernandez (0), & le feizième faifan de M. Briffon /). 
Je me fonde fur ce que cette multitude de noms 
déligne des oifeaux qui ont REAUEOUR de qualités com- 
munes, & qui ne diffèrent entr'eux que par la difiribu- 
tion des couleurs, par quelque diverfité dans la forme 
& les accefloires du bec, & par d’autres accidens qui 
peuvent varier dans la même efpèce à raifon de l’âge, 
du fexe, du climat, & fur-tout dans une efpeèce auffñ 
facile à apprivoifer que celle-ci, qui même l’a été en 
_ plufeurs cantons, & qui par conféquent doit participer 

aux variétés auxquelles les oifeaux domefliques font fi 
2 fujets DE 

M." de l’Académie avoient oui dre que leur coq 
indien avoit été apporté d'Afrique, où il s’appeloit 
ano (r): mais comme Marcgrave & plufieurs autres 
Obfervateurs nous apprennent que c’eft un oifeau du 
Brefil, & que d’ailleurs on voit clairement en compa- 
rant les defcriptions & les figures les plus exactes, 
qu'il a les ailes courtes & le vol pefant; il eft difficile 
de fe perfuader qu’il ait pu traverfer d’un feul vol la 
vafte étendue des mers qui féparent les côtes d'Afrique 
de celles du Brefil, & il paroît casebes plus naturel 


(o) Fernandez, Æiff. re cap. XL, pag. 23. 

{p) Briflon, Ornithologie, tome I, page 305. 

{g) Le Chevalier Hans Sloane dit précifément que Ieur plumage 
varie de différentes manières, comme celui de notre volaille ordinaire, 
tome I], page 302, planche CCLX. 


(x) Mémoires de PAcadémie, tome LIT, partie T, page 2229,. 


ÿ7b . 'HISTOÏRE NATURELLE 
de fuppofer que les fujets obfervés par M." de l'Aca- 
| démie, s'ils étoient réellement venus d'Afrique, y 
avoient été portés précédemment du Brefl ou de 
quelqu’autre contrée du nouveau monde. On peut 
_juger d’après les mêmes raifons, fi la dénomination de 
coq de Perfe, employée par Jonfton, eft rite 
à l’oifeau dont il s'agit ici /f). | 
Le hocco approche de la groffeur du dipdeni l'in. 
de fes plus remarquables attributs, c’eft une huppe 
noire, & quelquefois noire & blanche, haute de deux 
à trois pouces, qui s'étend depuis l’origine du bec 
jufque derrière la tête, & que l’oifeau peut coucher 
en arrière & relever à fon gré, {elon qu'il eft affecté 
difléremment : cette huppe eft compolée de plumes 
étroites & comme étagées, un peu inclinées en arrière, 
mais dont la pointe revient & fe courbe en avant. 
Parmi ces plumes M.” del Académie en ont remarqué 
plufieurs dont les barbes étoient renfermées jufqu’à la 
moitié de la longueur de la côte, dans une efpèce 
d’étui membraneux /7). a 
La couleur dominante du plumage ef le noir, qui, 
fe plus fouvent eft pur & comme velouté fur la tête 
& fur le cou, & quelquefois femé de mouchetures 
blanches ; fur le refle du corps il a des reflets ver- 
dûtres, & dans quelques fujets il fe change en marron-_ 


({) Jonflon lappelle Cog de Toi dfent M. "de neveu 
tome TITI, partie I, page 223. 
fi Mémoires de l'Académie, tome III, partie I, page 221. 
foncé, 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, àC. 377 
foncé, comme celui de la planche enluminée 2° 125. 
L'oifeau repréfenté dans cette planche n’a point du 
tout de blanc fous le ventre ni dans la queue, au lieu 
que celui de la planche n. &6, en a fous le ventre 
& au bout de la queue; enfin d’autres en ont fous le 
ventre & point à la queue, & d’autres en ont à la queue 
& point fous le ventre, & il faut fe fouvenir que ces 
couleurs font fujettes à varier, foit dans leurs teintes, 
foit dans leur diftribution felon Ia différence du fexe. 

Le bec a la forme de celui des gallinacés, mais il eft 
un peu plus fort; dans les uns il eft couleur de chair 
& blanchâtre vers la pointe, comme dans le hocco du 
Brefil de M. Briflon; dans les autres le bout du bec 
fupérieur eft échancré des deux côtés, ce qui le fait 
paroître comme armé de trois pointes, la principale 
au milieu, & les deux latérales formées par les deux 
échancrures un peu reculées en arrière, comme dans 
Jun des coqs indiens de M.” de l’Académie /4); dans 
d’autres il eft recouvert à fa bafe d’une peau jaune, où 
font placées les ouvertures des narines comme dans le 
hocco de la Guiane de M. Briflon /x) ; dans d’autres 
cette peau jaune fe prolongeant des deux côtés de la 
tête, va former autour des yeux un cercle de même cou- 
leur, comme dans le mitou-poranga de Marcgrave /y); 

(«) Mémoires de l’Académie, tome IIT, partie I, page 225; 
& dans la figure /c) de la planche XXXIV. 

(x) Briflon, Ornithologie, page 298. 


(>) Marégrave, Hifioria Avium Brafil. pag. 195. | 
Oifeaux, Tome EL Bbb 


378 HISTOIRE NATURELLE 
dans d’autres cette peau fe renfle fur la bafe du bec 
fupérieur en une efpèce de tubercule ou de bouton 
arrondi aflez dur, & gros comme-une petite noix. On 
croit communément que les femelles n’ont point ce 
bouton, & M. Edwards ajoute qu'il ne vient aux mâles 
qu'après la première année {4 ), ce qui me paroît d’autant 
plus vraifemblable que Fernandez à obfervé dans fon 
tepétototl une efpèce de tumeur fur le bec, laquelle 
n’étoit fans doute autre chofe que ce même tubercule 
qui commençoit à fe former fa); quelques individus, 
comme le mitou de Marcgrave, ont une peau blanche 
derrière l’oreille comme les poules communes ; les 
pieds reflembleroient pour la forme à ceux des galli- 
nacés s’ils avoient l’éperon , & s'ils n’étoient pas un 
peu plus gros à proportion: du refte ils varient pour 
la couleur depuis le brun-noirâtre jufqu’au couleur de 
chair (b}. ue | 
Quelques Naturalifles Ont voulu rapporter * hocco 
au genre du dindon , mais il eft facile, d’après la def- 
_cription ci-deflus, & d’après nos-planches enluminées, 
de recueillir les différences nambreufes & tranchées 
qui féparent ces deux efpèces *; le dindon à la 
tête petite & fans plumes ainfi que ji haut du cour, : 


{) Poe Edwards , Hifloire naturelle des Oi Oran Tares , phnche 
ECXCY: 


(a) Fernandez, Hiff. Avi. nov. Hifpaniæ, cap. C1, Pig FT 
 (b) Noyez la planche CCXCr d'Edwards. 
* Voyez les planches enluminées, n° 86 & 125, 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, àC. 379 
le bec furmonté d’une caroncule conique & mufcu- 
leufe, capable d’extenfion & de contrattion, les pieds 
armés d’éperons, & il relève Îles plumes de fa queue 
en faifant la roue, &c. au lieu que le hocco a la tête 
grofle, le cou renfoncé, l’un & l’autre garnis de plumes, 
fur le bec un tubercule rond, dur & prefque offeux, & 
fur le fommet de la tête une huppe mobile qui paroit 
propre à cet oifeau, qu’il baifle & redreffe à fon gré; 
mais perfonne n'a jamais dit qu'il relevät les pennes 
de da queue en faifant la roue. | ; 

Ajoutez à ces différences qui font toutes extérieures, 
les différences plus profondes & tout auf nombreufes 
_ que nous découvre la diffeétion. 

Le canal inteftinal du hocco eft beaucoup es long, 
& les deux cæcum beaucoup plus courts que dans le 
dindon, fon jabot eft auffi beaucoup moins ample. 
n'ayant que quatre pouces de tour; au lieu que j'ai vu 
tirer du jabot d’un dindon qui ne paroifloit avoir rien 
de fingulier dans fa conformation, ce qu’il falloit d’a- 
voine pour remplir une demi - pinte de Paris: outre 
cela, dans le hocco, la fubftance charnue du géfier eft 
le plus fouvent fort mince, & fa membrane interne au 
contraire , fort épaifle & dure au point "être caflante; 
enfin la trachée-artère fe dilate & fe replie fur elle-même, 
plus ou moins, vers le milieu de la fourchette /c), 
comme dans quelques oifeaux aquatiques, toutes chofes 
fort différentes de ce qui fe voit dans le dindon. 

#10 Vya Mém, de l'A cad, tome LIT, pag. 226 à Jüivantes, 

Bbb ij 


380 HISTOIRE NATURELLE 

Mais, fi le hocco n’eft point un dindon, les No- 
menclateurs modernes étoient encore moins fondés à 
en faire un faifan; car outre les différences qu’il eft 
facile de remarquer, tant au dehors qu’au dedans, d’a- 
près ce que je viens de dire, j'en vois une décifive 
dans le naturel de ces animaux: le faifan eft toujours 
fauvage, & quoiqu'élevé de jeuneffe, quoique tou- 
jours bien traité, bien nourri, il ne peut jamais fe 
faire à la domeflicité; ce n’eft point un domeftique, 
c’eftun prifonnier toujours inquiet, toujours cherchant 
les moyens d'échapper, & qui maltraite même fes com- 
pagnons d’efclavage, fans jamais faire aucune fociété 
avec eux; que s’il recouvre fa liberté, & qu’il foit 
rendu à l’état de fauvage pour lequel il femble être 
fait, rien n’eft encore plus défiant & plus ombrageux, 
tout objet nouveau lui eft fufpect, le moindre bruit 
_leffraié, le moindre mouvement l’inquiète ; l’ombre 
d’une branche agitée fufiit pour lui faire prendre fa 
volée, tant il eftattentif à fa confervation: au contraire, 
le hocco eft un oifeau paifible, fans défiance, & même 
ftupide, qui ne voit point le danger, ou du moins qui 
ne fait rien pour l’éviter ; 11 femble s’oublier lui-même, 
& s’intéreffer à peine à fa propre exiftence. M. Aublet 
en a tué jufqu’a neuf de la même bande, avec le 
même fufl qu'il rechargea autant de fois qu’il fut 
néceffaire; ils eurent cette patience: on conçoit bien 
qu'un pareil oïfeau eft fociable, qu'il s’accommode 
fans peine avec Îles autres oifeaux domeftiques ,  & 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 381 
qu'il s’apprivoife aifément, quoiqu'apprivoifé il s’écarte 
pendant le jour, & va même fort loin; mais il revient 
toujours pour coucher, à ce que m'aflure le même 
M. Aublet; il devient même familier au point de heurter 
à la porte avec fon bec pour fe faire ouvrir, de tirer 
les domeftiques par lhabit lorfqu'ils l’oublient, de 
fuivre fon maître par-tout, & s’il en eft empêché, de 
l’attendre avec inquiétude, & de lui donner à fon 
retour des marques de la joie la plus vive (d). 

Îl eft difhcile d'imaginer des mœurs pluseppofées : 
& je doute qu'aucun Naturalifte, & même qu'aucun 
Nomenclateur s'il les eût connus, eût entrepris de 
ranger ces deux oifeaux fous un même genre. 


Le hocco fe tient volontiers fur les montagnes, fi 
l'on s’en rapporte à la fignification de fon nom Mexi- 
cain Zpetotolr, qui veut dire oifeau de montagne /e): 
on le nourrit dans la volière, de pain, de pâitée & 
autres chofes femblables /f); dans l’état de fauvage, 
les fruits font le fonds de fà fubfiftance: il aime à fe 
percher fur les arbres, fur-tout pour y pañfer la nuit; il 
vole pefamment, comme je l'ai remarqué plus haut, 
mais il a la démarche fière (87: fa chair al blanche, un 


{@) Fernandez, Hiff. Avi, nov, Hi Hip, cap. CI, 
(e) Idem, ibidem. | 
© (f) Ibidem. 


(2) Voyez Barrère, France Équinoxiale page 130. | 
ae ji “ bb if 


Ai vA ; 
ngBe OMRSTOLRE NATURELLE 

peu sèche, cependant lorfqu’elle eft gardée fuffifam- 
ment, c’eft un fort bon manger /4). 

Le chevalier Hans Sloane dit en parlant de cet 
oifeau, que fa queue n’a que deux pouces de long /2); 
fur quoi M. Edwards le relève, & prétend qu’en difant 
dix pouces au lieu de deux, M. Hans Sloane auroit 
plus approché du vrai /4): mais je crois cette cenfure 
trop générale & trop abfolue ; car Je vois Aldrovande 
qui, d'après le portrait d’ un oifeau de cette efpèce, 
affure qu'il'n’a point de queue (1) ;: 8e Faute, 
M. Barrère qui rapporte d’après fes propres obfervations 
faites fur les lieux, que la femelle de fon hocco des 
Amazones, qui eftle hocco de curaffou de M. Briflon, 
a la queue très-peu longue /#1); d’où il s’enfuivroit 
que ce que le chevalier Hans Sloane dit trop générale- 
_ ment du hocco , doit être reftreint à la feule femelle, 
du moins dans certaines races. | 

{h) Fernandez, Marcgrave, en des autres: | 
(i) Hans Sloane, Æif. nat. de la Jamaïque , tome IT, page 302: 
(À) Edwards, Glanures, page 182. 


(l ) Aldrovande, Ornithologia, tom. I, pag. 3 32. 
(mn) Barrère, on Ornithal Jpecimen > PAg 82. 


a 
LE PAUXI Où LE PIERRE *, 


Nous avons fait repréfenter cet oifeau dans nos 
planches enluminées fous le nom de Péerre de Cayenne ; 


7" Voyez les (été enluminées H 78e 


… PI, XIII. Pag. 382. 


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LE HOCCO.FEM 


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DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 383 


& c’eft en effet le nom qu'il portoit à la ménagerie 
du Roi . où nous l'avons fait deffiner d’ après le vivant: 
mais comme il porte dans fon pays, qui eft le Me- 
xique, le nom de pauxt, felon Fernandez /4), nous 
avons cru devoir l’indiquer fous ces deux noms; c’eft 
le quatorzième faifan de M. Briflon , qu’il appelle hocco 
du Mexique. 

Cet oifeau reffemble à plufieurs égards au hocco 
précédent, mais il en diffère aufli en plufieurs points; 
il n’a point, comme lui, la tête furmontée d’une 
huppe, le tubercule qu’il a fur le bec eft plus. gros. 
fait en forme de poire & de couleur bleue. Fernandez 
dit que ce tubercule à la dureté de la pierre, & je : 
foupçonne que c’eft de-là qu’eft venu au pauxi le 
nom d’oifeau à pierre, enfuite celui de pierre, comme 
il a pris le nom de cufco ou de cushew bird, & celui 
de poule Numidique de ce même tubercule, à qui les 
uns ont trouvé de la reffemblance avec la noix d’ Amé- 
rique appelée cufco ou cushew (b), & d’autres avec le 

cafque de la peintade fc). 

Quoi qu'il en foit, ce ne font pas-là les feules diffé- 
rences qui diftinguent le pauxi des hoccos précédens: 
il eft plus petit de taille, fon bec eft plus fort, plus 
courbé & prefque autant que celui d’un perroquet; 
d’ailleurs, H nous eft beaucoup plus rarement apporté 


(a) Fernandez, Hiff, Avi. nov. Hifpaniæ, cap. CCXXII. 
(b) Voyez Edwards, planche CCXCV. 
(€) Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. IF, pag. 234, 


3584 HISTOIRE NATURELLE 
que le hocco; M. Edvards qui a vu ce dernier dans 
| PORAUE toutes les ménageries, n’a jamais rencontré 
qu'un feul cufco ou pauxi dans le cours de fes recher- 
ches /4). | | 

Le beau noir de fon plumage a des rièrs bai & 
couleur de pourpre, qui ne ni a ni ne pourroient 
guère paroître dans la figure. | 

Cet oifeau fe perche fur les arbres: mais il pond à 
terre comme les faifans, mène fes petits & les rappelle 
de même: les petits vivent d’abord d'infeétes, & 
enfuite, quand i ils font grands , de fruits, de grains & - 
de tout ce qui convient à la volaille /e). 
| Le pauxi eft auffi doux, & fi l’on veut auffi ftupide 
que les autres hoccos; car il fe laiflera tirer jufqu'à 
fix coups de fufl fans fe fauver, avec cela, il ne fe 
laifle ni prendre ni toucher, felon Fernandez /f); & 
M. Aublet m'aflure qu’il ne fe trouve que dans les 
lieux inhabités, c’eft probablement l’une des caufes 
de fa rareté en Europe. 

M. Briffon dit que Îa femelle ne diffère du mälé 
que par les couleurs , ayant du brun par-tout où celui-ci 
a du noir, & qu'elle lui eft femblable dans tout le 
refte fg): mais Aldrovande en reconnoiflant que le 


(d) Voyez Edwards, Æifloire naturelle des Oifeaux rares, planche 
CCXCV. 

(e) M. Aublet. — Fernandez, pes: fi. 

(f) Fernandez, ibidem. 


(g) Briflon , Ornithologie, tome X, pige 3037: | 
fond 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, &c. 385$ 
fond de fon plumage eft brun, remarque qu elle a du 
cendré aux ailes & au cou, le*bec moins crochu & 
point de queue /4), ce qui feroit un trait de confor- 
mité avec le hocco des Amazones de Barrère, dont la : 
femelle, comme nous l'avons vu, a la queue beaucoup 
moins longue que le mäle @UZ & ce ne font pas les 
feuls oifeaux d'Amérique qui n'aient point de queue, 

il y a même tel canton de ce continent, où les poules 
tranfportées d'Europe ne pere vivre long - temps 
fans perdre leur queue & même leur croupion, comme | 
nous l'avons vu dans l’ hiftoir re du coq. 


:(h) Voyez Aldrovande, Ornitholigia, tom. [[, pag. 334 

{i) Barrère, Novun Ornithologiæ fpecimen ; pag. 82. 

LA: 
2 / 1 1 + 
LRU AZ LU: 

CET oifeau eft repréfenté dans nos planches enlu- 
minées, fous le nom de Fafan huppé de Cayenne, du 
moins il n’en diffère que très-peu, comme on peut . 
en juger en comparant notre guess 337 à la (ue vi 
tion de Hernandez. 

Selon, cet auteur, l’hoazin n’eft pas tout-à-fait bi 
gros qu'une poule d'Inde; il a le bec courbé, la poi- 
trine d’un blanc -jaunâtre, les ailes & la queue mar- 


quées de taches ou raies blanches à un pouce de 
diftance les unes des autres, le dos, le deffus du cou, 


* Voyez les planches hi ne 337: 


Oifeaux, Tome IL on C " C 


386 HISTOIRE NATURELLE. 
les côtés de la tête d’un fauve-brun; les pieds de 


couleur ,obfcure : il porte une huppe compofée de 


plumes blanchätres d’un côté, & noires de l’autre ; 
cette huppe eft plus haute & d’une autre forme que 
celle des hoccos, & il ne paroit pas qu'il puifle [a 
baifler & la relever à fon gré; il a auf la tête plus 
petite & le cou plus grêle. | 
Sa voix eft très-forte, & c’eft moins un cri qu’un 
hurlement: on dit qu'il prononce fon nom, appa- 
remment d’un ton lugubre & effrayant; il n’en falloit 
pas davantage pour le faire pafler chez des peuples. 


groffiers pour un oifeau de mauvais augure; & comme 
par-tout on fuppofe beaucoup de puiffanee à ce que 
l'on craint, ces mêmes peuples ont cru trouver en 


lui des remèdes aux maladies les plus graves ; mais on 


ne dit pas qu’ils s’en nourriflent ; ils s’en abftiennent 


en effet peut-être par une fuite de cette même crainte, 


ou par répugnance, fondée fur ce qu’il fait fa pâture 


ordinaire de ferpens : il fé tient communément dans 
les grandes forêts perché fur les arbres Île long des 
eaux, pour guetter & furprendre ces reptiles. Il fe 
trouve dans les contrées les plus chaudes du Mexique; 
Hernandez ajoute qu'il paroît en automne , ce qui 
feroit foupçonner que!c’eft un oifeau de pañlage /a). 


Ms Voyez Hernandez, lib. IX, cap. X, pag. 3 2 0% 


Fernandez parle d’un autre oifeau auquel il donne le nom d "hoazin,. 
quoique par fon récit même il foit très-différent de celui dont nous: 
venons de parler; car outre qu'il eft plus petit, fon chant eft fort 


Si x 
PRE. PES 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ©t. 387 

M. Aublet m'aflure que cet oïifeau qu’il a reconnu 

facilement fur notre planche enluminée, ».° 337, s’ap- 

privoife ; qu'on en voit par fois de domeftiques chez 

les Indiens, & que les François les appellent des 

 paons: ils nourriffent leurs petits de fourmis, de vers 
& d’autres infeétes. | | 


agréable, & reflemble quelquefois à l’éclat de rire d’un homme, & 


A 


même à un rire moqueur; & l’on mange fa chair, quoiqu’elle ne 
foit ni tendre ni de bon goût: au refte, c’eft un oïifeau qui ne 
s’apprivoife point. Voyez Hift. Avi. nov. Hifp. cap. LXI, pag. 27. 

Je retrouverois bien plutôt l’hoazin dans un autre oïfeau dont parle 
le même auteur au chapitre CCXXI1I1, page 57, à Ka fuite du 
pauxi ; voici fes termes: Æ/ia avis Pauxi anne“fenda. . , . . Ciconiæ 
magnitudine , colore cinereo, crifl& octo uncias long& e mullis aggeratä 
plumis. . . in amplitudinem orbicularum præcipué circa fummum Li A 
Voilà bien la huppe de dune & fa taille. 


hu fe à 
3 

PUR ADO CE 
CET oifeau s’eft nommé lui-même; car fon cri, 
elon Marcgrave, eft Ja60k » d’où lui eft venu le nom 
d'iacupema : pour moi j'ai préféré celui d'Yacou, 
comme plus propre à le faire reconnoître toutes les 

fois qu'on pourra le voir & l’entendre. 


Marcgrave eft le premier qui ait parlé de cet 
oifeau /4), quelques Naturaliftes, d'après lui, l'ont 


(a) Voyez Marcgrave , Hifloria Avium à lib. V, cap. y, 


pig 1984 
Cccij 


388 HISTOIRE NATURELLE 


mis au nombre des faifans (6); & d’autres, tels que 


M.* Briflon [c) & Edwards /d), l’ont rangé parmi les 


dindons; mais il n’eft ni l’un ni l’autre: il n’eft point 
P 


un dindon., quoiqu'il ait une peau rouge fous le cou; 


car il en diffère à beaucoup, d’autres égards, & par fa 


taille qui eft à à peine égale a celle d’ une poule ordi- 


naire, & par fa tête qui eften partie revêtue de plumes. 


& par fa huppe qui approche beaucoup plus de celle 


des hoccos que de celle du dindon huppé, & par fes 


Pieds qui n’ont point d’épérons; d’ailleurs, on ne Lui 


voit pas au bas du cou ce bouquet de crins durs, ni 
fur Le bec cette caroncule mufculeufe qu’a le coq-d’inde, 


& il ne fait point la roue en relevant les plumes de fa 
queue :. d’autre part, il n’eft point un faifan ; car il a 


le bec grêle & alongé, la huppe des-hoccos, le cou 
menu, une membrane charnue fous la gorge, les. 
pennes de la queue toutes égales, & le naturel doux 
& tranquille, tous attributs. par lefquels il diffère des. 
faifans:, & il diffère par fon cri du faifan & du dindon : 

Mais que fera-t-il donc! il fera un yacow, qui aura 
quelques rapports avec ke dindon {la membrane charnue 


fous la gorge, & la queue compofée de pennes toutes 


égales }; avec les faifans { l’œil entouré d’une peau 
ROIS les ailes courtes & la queue Îongue }; avec les 


(b) Klein, Ordo Avium, pag. 114,7 2. — Ray, Synopf. Aie. 


ao s 0! &c. 


{c) Briflon, Ornchologée tome Ï, page 1 62. 
{d) Edwards, Hlif. nat, des Oifeaux rares, planche X1W7,., 


D 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 389 


hoccos [ cette longue queue, la huppe & le naturel 
_ doux E mais qui s’éloignera de tous par des différences 
aflez caractérifées , & en aflez grand nombre pour 
conftituer une efpèce à part, & empècher qu'on ne 
puifle le confondre avec aucun autre oifeau. 

On ne peut douter que Île guan ou le quar de 
M. Edwards {planche xr11 ), ainfi appelé, felon lui , 
dans les Indes occidentales, apparemment par quel- 
qu'autre tribu de Sauvages, ne foit au moins une 
variété dans l’efpèce de notre yacou, dont il ne diffère 
.que par ce qu’il eft moins haut monté /6), & que fes 
yeux font d’une autre couleur /f); mais on fait que 
_ces petites différences peuvent avoir lieu dans la même 
efpèce, & fur-tout parmi les races diverfes d'une 
…efpèce apprivoifée. 
= Le noir mêlé de brun eft la couleur principale du 
plumage , avec différens reflets & quelques mouche- 
tures blanches fur le cou, la poitrine, le ventre, &c; 

fes pieds font d’un rouge affez vif. 
La chair de l’yacou eft bonne à manger: tout ce 
que l’on fait de fes autres propriétés fe trouve indiqué 
_ dans l’expofé que j'ai fait au commencement de cet 
article, des différences qui le diflinguent des oifeaux 
auxquels on à voulu le comparer. 
M. Ray le regarde comme étant de la même efèce 


_) Marcgrave dit pofitivement crura longe, à lefliôre cités 
(f) Oculi nigreftentes, dit m4 ; of a dark dirty Brenge 
colour , dit M. Edwards. ) 1e 
Cecc ii 


990 > FLISTORRE  N'APURELLE\C 

que le coxolitli de Fernandez (8); : cependant celui-ci 
eft beaucoup plus gros, & il n’a point fous la gorge 
cette membrane charnue ‘qui :caractérife l’yacou; c’eft 
pourquoi je l'ai Ne | avec les pti Se yat 


dits. 

(8) Va Ray, Snopfs Avium, pag. 57. 

LE MARAÏIL. 

LEs Auteurs ne nous difent rien de la femelle de 
lyacobs excepté M. Edwards qui conjecture qu’elle 
n’a point de huppe /a/* d'après cette indication 
unique, & d’après la comparaifon des figures les plus 
exactes, & des oifeaux eux-mêmes confervés, je 
foupçonne que celui que nous avons fait LERFÉSEROr " 
fous fe nom de Faifan verdärre de Cayenne , & quon 
appelle. communément Marail dans cette Ifle, pourroit 
être la femelle, ou du moins une variété de l’efpèce : 
de l’yacou; car j'y retrouve plufieurs rapports marqués 
avec le guan de M. Edwards {planche X111), dans la 

groffeur, la couleur du plumage, la forme totale, à Îa 
buppe près que la femelle: ne doit point avoir; dans 
le port du corps, la longueur de la queue, le cercle . 
de peau rouffe autour des yeux /b), l’efpace rouge & 


(a) Edwards, : Hliff..nat,\ des Gifaux TATES y PAGE. 13e, 12 
7 Voyez les planches, enluminées, ni 349: | 


‘/b) Cette FR nue cf bleue dans l'yacou, & rotige fines Îe 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, C0, 394 
nu fous la gorge, la conformation des pieds & du 
bec, &c. j'avoue que j'y ai auffr aperçu quelques diffé- 
rences; les pennes de la queue font en tuyaux d° orgue 
comme dans le faifan , & non point toutes égales comme 
dans le guan d'Edwards, & les ouvertures des narines ne 
font pas fi près de l'origine du bec: mais on ne feroit 
pas embarraflé de citer nombre d’efpèces où la femelle 
diffère encore plus du mâle, & où il y a des variétés 
encore plus éloignées les unes des autres. 

M. Aublet qui a vu cet oïfeau dans fon pays natal, 
m'aflure qu'il s’apprivoife très -aifément, & que fa 
chair eft délicate & meilleure que celle du faifan, en 
ce qu'elle eft plus fucculente: ïl ajoute que c’eft un 
véritable dindon; mais feulement plus petit que celui 
qui s’eft naturalifé en Europe, & c’eft un trait de 
conformité de plus qu'il a avec l’yacou, d’avoir été 
pris pour un dindon. : 


Cet oifeau fe trouve non -feulement à | Cayenne, 
mais encore dans les pays qu'arrofe la rivière des. 
 Amazones, du moins à en juger par l'identité de nom: 
car M. Barrère parle d’un marail des Alanis 
comme d'un oifeau dont le plumage eft noir, le bec 
vert & qui na point de queue (/c): noùs avons déjà 


maraïl ; mais nous avons déjà obfervé la même variation de couleur 
d’un fexe à l’autre dans les membranes charnues de la peintade. 

{c) Phafanus, niger, aburus, viridi roffro. France É quin. PALE 179% 
Nota, 8e crois que cet auteur a entendu par le mot latin barbare, 
aburus, fans queue; ou qu'il aura écrit abwrus au dieu de abrutus. 
qui, ‘comme srutus, pourroit fignifier arraché , tronqué. 


302 : © HISTOIRE NATURELLE 
vu dans l’hifloire du hocco proprement dit, & du 
pierre de Cayenne, qu’il y avoit dans ces efpèces des 
individus fans queue qu’on avoit pris pour des femelles; 
cela feroit-il vrai auffi des marails? Sur la plupart de 
ces oifeaux étrangers & fl peu connus, on ne peut, 
f l’on eft de bonne foi, parler qu ‘en héfitant & par 
conjecture. | 
sv 20 8 li bo 3 AW 
LEE E AA CA RAA 
J'APPELLE ainfi, d’après fon propre cri, ce bel 
oifeau des Antilles, dont le P. du Tertre a donné la : 
defcription 4); fi tous les oifeaux d'Amérique qui 
ont été pris pour des faifans, doivent fe rapporter aux 
hoccos, le Caracara doit avoir place parmi ces derniers; 
car les François des Antilles, & d’après eux le P. du 
Tertre, lui ont donné le nom de fäifan, « ce faifan, 
> dit-il, eft un fort bel oifeau, gros comme un cha- 
» pon (4), plus haut monté, fur des pieds de paon*. 
» il a le cou beaucoup plus long que celui d’un coq, 
» & le bec & la tête approchant de ceux du corbeau; 
» 1] a toutes Îles plumes du cou & du poitrail d’un 
» beau bleu luifant, & aufr agréable que les plumes 


w 


fa) Le P. du Tertre, Hi n générale des Anis, tome 45 
traité V, $. VIIL. Ç 
y 4) Comment le P. du NS en parlant des Six de cette 
groffeur, a-t-il pu les défigner fous le nom de certains petits. oifeaux, 
comme Je: fait à endroit cité, page 255 ! ù 
» À 


DES OISEAUX ÉTRANGERS,\ÈC. 393 
des paons, tout le dos-eft d’un gris-brun, & les « 
ailes & la queue qu ‘il a affez courtes, font noires. 

Quand cet oifeau ef apprivoifé, il fait le maître « 
dans la maifon, & en chafle à coups de bec les « 
poules - d'inde & les poues communes, & les tue « 
quelquefois; il en veut même aux chiens qu'il becque « 
en traître... J'en ai vu un..... qui étoit ennemi « 
mortel des Népres. & n’en pouvoit foufirir un feul « 
dans la cafe qu “| ne becquât par les jambes ou parc 
les picds niques à en faire fortir le fang ». Ceux qui en 
ont mangé m'ont afluré que fa chair eft auf bonne 
_ que celle des faifans de France. es 


Comment M. Ray a-t-il pu foupçonner qu'un tel 
oifeau fût l'oifeau de proie dont parle Marcgrave 
fous le même nom de :caracara (c); il eft-vrai qu'il 
fait la guerre aux poules, mais c'eft feulement lorfqu'il 
_eft apprivoifé & pour les chaffer, en un mot, comme 
il fait aux chiens & aux Nègres: on reconnoît plutôt 
_ à cela le naturel jaloux d’un animal domeftique qui 
ne fouflre point ceux qui peuvent partager avec lui 
la faveur du maitre, que les mœurs féroces d’un oifeau 
de proie qui fe jette fur les autrés oifeaux pour les 
déchirer & s’en nourrir: d’ailleurs, il n’eft point ordi- 
naire que :la chair. d’un oifeau de praie, foit bonne.à 
manger, comme l’eft celle de notre caracara : enfin, 
il paroît que le caracara de Marcgrave a la queue & 


{c) Marcgrave, Hifforia Ayiurn PBrafil, pag. An. 
Oifeaux, Tome IL Ddd 


304 HISTOIRE NATURELLE 
les. ailes beaucoup plus longues à proportion que celui 
du P. du Tertre. 
EL. 
LE CHACAMEL. 

FERNANDEZ parle d’un oifeau qui eft du même 
pays, & à peu près de la même grofleur que les. 
précédens, & qui fe nomme en bhube Mexicaine 
Chachalacamelr, d’où j'ai formé Îe nom de Chacamel,. 
afin que du moins on puifle le prononcer: fa prin- 
cipale propriété eft d’avoir le cri comme la poule 
ordinaire, ou plutôt comme plufieurs poules, car il 
eft, dit-on, fi fort & fi continuel, qu’un feul de ces 
oifeaux fait autant de bruit qu'une baffe-cour entière ; 
& c’eft de-la que lui vient fon nom Mexicain, qui 
fignifie oféau criard': il eft brun fur le dos, blanc 
tirant au brun fous le ventre, & le bec & les pieds 
font bleuâtres. 

Le chacamel fe tient ordinairement fur Îes mon- 
tagnes, comme la plupart des hoccos, & y élève fes 
petits {a}. à 

{a) Voyez Fernandez, Hif, Avi. nov. Hi ipaniæ, câp. XLI. 

VIIE 
LE PARRAKA ET L'HOITLALLOTE. 

AUTANT qu’on peut en juger par les indications 
incomplètes de Fernandez & de Barrère, on peut, 
ce me femble, rapporter ici, 1.” le Parraka du dernier 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ŸC. 395$ 
qu'il appelle faifan, & dont il dit que les plumes de 
4a tête font de couleur fauve, & lui forment une efpèce 
de huppe /2); 2. lhoitlaïlotl ou oifeau long du pre- 
mier /b), lequel habite les plus chaudes contrées du 
Mexique; cet oifeau a la queue longue, les ailes courtes 
& le vol pefant, comme la plupart des précédens ; 
mais il devance à la courfe les chevaux les plus vites: 
il eft moins grand que les hoccos, n’ayant que dix-huit 
pouces de longueur du bout du bec au bout de la queue; 
fa couleur générale eft le blanc tirant au fauve; les 
environs de la queue ont du noir mêlé de quelques 
taches blanches; mais la queue elle - même eft d’un 
vert changeant, & qui a des reflets à peu près comme 
les HR du paon. 

Au fond, ces oifeaux font trop peu connus pour 
qu'on puifle les rapporter fürement à leur véritable 
efpèce; je ne les place ici que parce que le peu que 
l'on fait de leurs qualités les rapproche plus des oifeaux 
dont nous venons de parler que de tous autres, c’eft à 
l'obfervation à fixer leur véritable place: en attendant, 
je croirai avoir aflez fait, fi ce que j’en dis ici peut 
infpirer aux perfonnes qui fe trouveront à portée, 
l'envie de les connoître mieux, & d’en donner une 
hiftoire plus complète. 


{a) Barrère, Phafianus vertice fulvo, cirrato. France Équinoxille, 
page 140. | 
_ {b) Fernandez, A 1 Avi, nov. Hifpaniæ, cap. LIT, pig 2$ 
CNET 
D dd i 


396 “HISTOIRE N'AGRMADLE. 


LES PERDRIX. 


| efpèces les plus généralement connues font 
fouvent celles dont l’hiftoire eft le plus difficile à dé- 
brouiller, parce que ce font celles auxquelles chacun 
rapporte naturellement les efpèces inconnues qui fe 


préfentent la première fois, pour pet qu'on y aperçoiye | 


quelques traits de conformité, & fans faire beaucoup 
d'attention aux traits de diffemblance fouvent plus 


nombreux: en forte que de ce bizarre affemblage 


d’ êtres qui e rapprochent par quelques rapports fuper- 
ficiels, mais qui fe repouffent par des différences plus 


confdérables, il ne peut réfulter qu’un cahos de con- 


traditions d’autant plus révoltantes, que l’on citera 
plus de faits particuliers de l’hiftoire de chacun; la 
plupart de ces faits étant contraires entr'eux, & d’une 
abfurde incompatibilité lorfqu’on veut es appliquer à 
une feule cfpèce, ou même à un feul genre; nous 


avons vu plus d’un exemple de cet inconvénient dans 


les articles que nous avons. traités ci-deflus, & il ÿ. a 
grande apparence que celui _que va nous fournir l’article 
de la Perdrix ne fera pas le dernier. 

Je prends pour bafe de ce que j'ai à dire des 
perdrix, & pour première efpèce de ce genre, celle 


de notre perdrix grife, comme étant la plus connue, 


& par conféquent la plus propre à fervir d'objet de 


DES AE R DRE À, 397 
comparaifon pour bien juger de tous les autres oifeaux 
dont on a voulu faire des perdrix; j'y reconnois une 
variété & trois races conftantes. | | 

Je regarde comme races conflantes, 1.° la perdrix 
grife ordinaire *, & comme variété de cette race celle 
que M. Briffon appelle perdrix grife-blanche (a); 2° la 
perdrix de Damas, non celle de Belon (b), qui eft 
une gélinotte ; mais celle d’Aldrovande /c) qui ef 
plus petite que notre perdrix grife, & qui me paroiît 
être la même que la petite perdrix de pañlage qui eft 
bien connue de nos Chaffeurs; 3.° la perdrix de Mon- 
tagne que nous avons fait repréfenter **, & qui femble 
faire la nuance entre les perdrix grifes & les rouges. 

J'admets pour feconde efpèce celle de la perdrix 
rouge, dans laquelle je reconnois deux races conf- 
_tantes répandues en France, une variété & deux races 
étrangères. | | | 

Les deux races conftantes de perdrix rouges du 
pays font, 1. celle de la planche enluminée, #.° zfo: 

2. La bartavelle de la planche enluminée, 7° 227 

Et les deux races ou efpèces étrangéres font, r.° la 
perdrix rouge de Barbarie d'Edwards, planche 1x x. 


* Voyez es planches enluminées, M2 

fa) Briflon , Ornithologie, tome À, page 223. 

{b) Bon , Nature des Oifeaux, page 258. 

(€) Aldrovande, Ornithologia, tom. Î[, pag. 143: 


XX V oyez les planches enluminées sh 3 3 6. 


D dd ii 


7. HISTOIRE NATURELLE 
? La perdrix de roche qu’on trouve fur les bords 

de L Gambra. 

Et comme le plumage de la perdrix rouge eft fujet 
à prendre du blanc de même que celui de {a perdrix 
grife, il en réfulte dans cette D une variété par- 
 faitement analogue à celle que j'a reconnue dans 

l'efpèce grife ordinaire. | 

J’exclus de ce genre plufieurs fèves La y ont été 
pri mal-à-propos: | 

* Le francolin que nous avons fait repréfenter *, 

_& que nous avons cru devoir féparer de la perdrix, 
parce qu'il en diffère non-feulement par la forme totale, 
mais encore par quelques caractères RRECURER, tels 
que les éperons, &c. 
2." L’oifeau appelé par M. Briflon, perdrix du Se- 
sd & dont il à fait fa huitième perdrix /4); cet 
oifeau qui eft repréfenté fous le même nom de perdrix 
du Sénégal, nous paroît avoir plus de rapport avec 
les francolins qu'avec les perdrix, & comme c’eft une 
efpèce particulière qui a deux ergots à chaque jambe, 
nous luifdonnerons le nom de bis ersor. 

3. La perdrix rouge d’Afrique ** 

4. La troifième efpèce étrangère donnée par M. 


Briflon fous le nom de grofe perdrix du Brefil (e), qu’il 


* Voyez les planches enluminées, n° 147 & 148. 
** Voyez les planches enluminées, n° 180. 

(2) Briflon , Ornithologie, tome. fl, page 2 31e 
(e) larm , ibidem , pag. 227, fièté Ve. 


DE SAUNMRMER D R 1x. 399 
croit être le zracucagua de Marcgrave ff), puifqu'il en 
copie la defcription, & qu'H confond mal-à-propos 
avec l’agamie de Cayenne *, lequel eft un oifeau tout 
différent, & du macucagua & de la perdrix. 

s+ L'yambou de Marcgrave (8) qui eft la perdrix 
du Brefil de M. Briflon, & qui n'a nt la forme, ni les 
habitudes, ni les propriétés des perdrix, puifque, felon 
M. Briflon lui-même /4}, il a le bec alongé, qu'il fe 
perche fur les arbres, & que fes œufs font bleus. 

_ 6.° La perdrix d'Amérique de Catefby /:) & de 
M. Briflon /4), laquelle fe perche auffi & fréquente 
les bois plus que les pays découverts, ce qui ne con- 
vient guère aux perdrix que nous connoifions. 

7. Une multitude d’oifeaux d'Amérique que Île 
peuple ou. les voyageurs ont jugé à propos d'appeler 
perdrix, d'après des reflemblances très -légères, & 
encore plus légèrement obfervées; tels font les oifeaux 
qu'on appelle à la Guadeloupe, perdrix rouffes, perdrix 
noires © perdrix grifes, quoique, felon le témoignage 
des perfonnes plus. inftruites, ce foient des pigeons. 
ou des tourterelles, puifqu'’ils n’ont. ni le bec, ni la: 


(f}) Marcgrave, Hifloria Avium Brafil, pag. 213. 
_* Voyez les planches enluminées, n° 169. 
(g) Marcgrave, Hifloria Avium Brafil. pag. 192: 
{h) Briflon , Ornithologie, tome 1, page 227. 
(i) Catefby, Appendix , planche X11, avec une Jigure coloriéss 
(4) Briflon , Ornithologie, tome I, page 230. 


4oo HISTOIRE NATURELLE, dc. 
chair des perdrix, qu'ils fe perchent fur les arbres, 


qu'ils y font leur nid, qu'ils ne pondent que deux 


_ œufs, que leurs petits ne courent point dès qu'ils font 
éclos; mais que les père & mère les nourriflent dans le 


nid comme font les tourterelles /7); tels font encore, 


felon toute apparence, ces perdrix à tête bleue que 
Carreri a vues dans les montagnes de la Havane /1); 

tels font Îles sranbouris, les pégaflous, les pégacans de 
Léry, & peut-être quelques-unes des perdrix d’Amé- 
rique que j'ai rapportées au genre des perdrix fur la 
foi des Auteurs, lorfque leur témoignage n’étoit point 
contredit par les faits, quoiqu'il le foit à mon avis 
par la loi du climat, à laquelle un oifeau auffi pefant 
6 . N 2 À * . 

que la perdrix ne peut guère manquer d’être aflujetti. 


mis, Voyez le P: me Fertre, Hiffoire générale des Antilles, tome I, 


pige 254: 
(m) Gemelli Carreri, Voyages... .. tome VI, page 326. 


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RAREMENT jugeant des autres pays par 
celui qu’il habitoit, dife que les Perdrix grifes font 
communes par-tout, il eft certain néanmoins qu'il n'y 
en a point dans l’île de Crète /&); & il eft probable 
qu'il n’y en a jamais eu dans la Grèce, puifqu’ Athénée 
marque de la furprife de ce que toutes les perdrix 
d'Italie n’avoient pas le bec. rouge, comme elles l’a- 
voient en Grèce (c}; elles ne font pas même également 
communes dans toutes les parties de l'Europe, & il 
paroit en général, qu’elles fuient la grande chaleur 
comme le graine froid, car, on n’en voit point en 


* Voyez les a enluminées , n° 27. Comme le mâle & Ia 
femelle fe reflemblent prefqu’en tout, nous ne donnons que l’un 
des deux, afin de ne pas trop multiplier [es planches enluminées. 


fa) En Latin, Perdix; en Efpagnol, Perdiz; en Italien, Perdice; 
en Allemand, Wild-hun où Feld-hun; en Suédois, Rapp-hoena ; en 
Anglois, Partridge; en Polonois, Kuroptwa, — Perdrix grife ou 
gouache, Perdrix gringette, Perdrix griefche, Perdrix grife, Perdrix 
goache, Perdrix des champs. Belon, Mature des Oifeaux, page 257: 
& Portraits d'Oifeaux, page C2, D. — Perdix minor five cinerea, 
Aldrovande, Ornithologie, tome IT, page 140. — Perdix. Frifch,. 
planche CX1IV, avec une figure coloriée. — La Perdrix grile. Briflon, 
| Ornithologie, tome [, page 219. 


{ b) Voyez les Obférvations de Belon, iv. 1, chap. x, 


(c) Voyez Gefner, de Avibus, pag. 680. | 
Oifeaux , Tome IL Eee 


102 HISTOIRE NATURELLE 

Afrique hi en Lapponie /d); & les provinces les plus 
tempérées de la France & de l'Allemagne, font celles 
où elles abondent le plus: il eft vrai que Boterius a 
dit qu'il n’y avoit point de perdrix en Irlande /e); 
mais cela doit s’enténdre des péfdrix rouges qui ne fe 
trouvent pas même en Angléterre | lôn les meilleurs 
Auteurs de cetté nation }, & qui ne fe font pas encore 


avancées de ce côté-là au-delà des iles de Jerfey & 


de SIÉTRORYE la perdrix g vrife €ft affez répandue en 
Suède, où M. Linnæus dit qu’elle paffe l'hiver fous la 
neige dans des efpèces de clapiers qui ont deux ouver- 
qures [f); cette mañière d’hiverner fous la neige, 
reffemble fort à la perdrix blanche dont nous avons 
‘donné l’hiftoire fous le nom de lagopede ; & f\ ce fait 
n’étoit point attefté par un homme de la réputation de 
M. Linnæus, jy foupçonnerois quelque méprife, d’au- 
tant plus qu’en France, les longs hivers & fur - tout 
ceux où il tombe beaucoup de neige, détruifent une 
grande quantité de perdrix: HS comme c’eft un 
“oifeau fort pefant, je doute qu'il ait paflé en Amérique; 
& je foupçonne que les oifeaux du nouveau Monde, 
qu’on a voulu rapportér au genre des perdrix, en feront 
féparés dès qu'ils feront mieux connus. 
{d) La Barbinais le Gentil nous apprend qu’on a tenté inutilement 
‘de peupler l'île Bourbon de perdrix. Voyage autour du Monde, 
tome IT, page 104. 

(e) Voyez Alrovande , Ornithologia, tom. Il, pag. 1 ro. 

(f) Voyez Linnœus, Syfemé Nature, edit. X , pag. 160, 


DE LA PERDRIX GRISE 403 

La perdrix grife diffère à bien des égards de la 
rouge; mais ce qui m'autorife . principalement à en 
faire deux efpèces difinétes, c’eft que felon la remarque 
du petit nombre des Chaffeurs qui favent obferver, 
quoiqu'elles fe tiennent quelquefois dans les mêmes 
endroits, elles ne fe mêlent point l’une avec f'autre, 
& que fi l'on a vu quelquefois un mâle vacantde l’une 
des deux efpèces, s'attacher à une paire de l’autre 
efpèce, la fuivre & donner des marques d’empreflement 
& même de jaloufie, jamais on ne l’a vu s’accoupler 
avec la femelle. quoiqu'il éprouvât tout ce qu'une pri- 
vation forcée, & le fpeétacle perpétuel d’un couple 
keureux pouvoient ajouter au penchant de la Nature 
& aux influences du printemps. 
La perdrix grife eft auf d’un naturel plus doux. 
que larouge (4), & n’eft point difficile à apprivoifer: 
lorfqu’elle n’eft point tourmentée, elle fe famsiarife 
aifément avec l'homme; cependant on n'en a jamais 
formé de troupeaux qui fuffent fe laiffer conduire comme 
font les pérdrix rOULES ; car Olina nous avertit que 
c’eft de-cette dernière efpèce qu’on doit entendre ce 
que les Voyageurs nous difent en général de.ces nom- 
breux troupeaux de perdrix qu'on élève dans quelques 


{g) M. Ray dit le contraire, page 5 7 de fa Syrepfis ; mais comme 
il avoue qu'il n’y a point de perdrix rouges en Angleterre, il n’a 
pas été à portée de faire fa -comparaifon par lui-même , comme l'ont 
faite les :Obiervateurs d’après qui je parle. * 


Ece i 


404 HISTOIRE NATURELLE 
îles de la Méditerranée /4): les perdrix grifes ont auf 
Finftinét plus focial entr’elles; car chaque famille vie 
toujours réunie en une feule bande, qu’on appelle vole 
Où compagnie, jufqu’au temps où l'amour qui l'avoit 
formée la divife pour en unir les membres plus étroite- 
ment deux à deux; celles même dont par quelque 
accident les pontes n'ont point réufli fe rejoignant 
enfemble & aux débris des compagnies qui ont le 
plus fouffert, forment fur la fin de l’été de nouvelles 
compagnies fouvent plus nombreufes que les premières, 
& qui fubfiftent jufqu’à la pariade de l’année fuivante. 
Ces oifeaux fe plaifent dans les pays à blé, & fur- 
tout dans ceux où les terres font bien cultivées & mar- 
nées, fans doute parce qu'ils y trouvent une nourriture 
plus abondante, foit en grains, foit en infectes, ou 
peut-être aufli parce que les fels de la marne qui contri- 
buent fi fort à la fécondité du fol, font analogues à leur 
tempérament ou à leur goût; les perdrix g cils aiment 
la pleine campagne, & ne fe réfugient dans les taillis 
& les vignes, que lorfqu'elles font pourfuivies par le 
Chafleur ou par l’oifeau de proie; mais jamais elles 
nes ’enfoncent dans les forêts, & |’ on dit même affez 
communément qu’elles ne pañflent jamais la nuit dans 
les buiffons ni dans les vignes; cependant on a trouvé 
un nid de perdrix dans un buiffon au pied d’une vigne: 
elles commencent à s’apparier dès la fin de l'hiver, 
après les grandes gelées; c’efl-à-dire, que chaque 


(h) Olna, page 5 7. 


DE LA PERDRIX GRISE  4bs 
mâle cherche alors à s’aflortir avec une femelle: mais 
ce nouvel arrangement ne fe fait pas fans qu'il y ait 
centre les mâles, & quelquefois entre les femelles des 
combats fort vifs: faire la guerre & l'amour ne font 
prefque qu’une même chofe pour la plupart des ani- 
maux, & fur-tout pour ceux en qui l'amour eft-un 
befoin auffi prefflant qu’il left pour la perdrix; auffi des 
femelles de cette efpèce pondent-elles fans avoir eu 
de commerce avec le mâle, comme les poules ordi- 
naires. Lorfque les perdrix font une fois appariées elles 
ne fe quittent plus, & vivent dans une union & une 
fidélité à toute épreuve: quelquefois, lorfqu’après la 
pariade , il furvient des froids un peu vifs, toutes ces. 
paires fe réuniffent & fe reforment en compagnie. 

Les perdrix grifes ne s’accouplent guère, du moins: 
en France, que fur la fin de mars, plus d’un mois. 
‘après qu’elles ont commencé de s’apparier, & elles ne 
* fe mettent à pondre que dans les mois de mai & même 
de juin, lorfque lhiver a été long: en général, elles: 
font leur nid fans beaucoup de foins & d’apprêts; un: 
peu d’herbe & de paille groffièrement arrangées- dans- 
le pas d’un bœuf ou d’un cheval, quelquefois même 
celle qui s'y trouve naturellement, il ne leur en faut 
pas davantage: cependant on a remarqué que les fe- 
mellés un peu âgées & déjà inftruites par l’expérience 
des pontes précédentes, apportoient plus de précaution: 
que les toutes jeunes, foit pour garantir le nid des eaux 
qui pourroient le fubmerger, foit pour le mettre. én. 

Lee ii: 


466 HISTOIRE NATURELLE 


füreté contre leurs ennemis, en choififfant un endroit 
un peu élevé, & défendu naturellement par des brof- 


failles: elles pondent ordinairement de quinze à vingt 
œufs, & quelquefois jufqu'à vin gt-cinq; mais les couvées 
des toutes jeunes & celles des vieilles, font beaucoup 
moins nombreufes, ainfi que les fecondes couvées que 


des perdrix de bon âge recommencent lorfque la pre: 


mière n’a pas réufli, & qu'on appelle en certains pays 
des recoquées : ces œufs font à peu près de la couleur de 
ceux de pigeon; Pline dit qu’ils font blancs /z/; la 


durée de l’incubation eft d'environ trois femaines, un 
peu plus, un peu moins, fuivant les degrés de chaleur. | 


La femelle fe charge feule de couver, & pendant 
ce temps elle éprouve une mue confidérable ; car 
prefque toutes les plumes du ventre lui tombent: elle 
couve avec beaucoup d'afiduité, & on prétend qu'elle 
ne quitte jamais fes œufs fans les couvrir de feuilles; 
le mâle fe tient ordinairement à portée du nid, attentif 
x fa femelle, & toujours prêt à l'accompagner lorf- 
qu'elle fe lève pour aller chercher de la nourriture, & 


fon attachement eft fi fidèle & fi pur, qu'il préfère ces 


devoirs pénibles à des plaifirs faciles que lui annoncent 
les cris répétés des autres perdrix, auxquels il répond 
quelquefois, mais qui ne lui font jamais abangonner 
fa femelle pour fuivre l’étrangère: au bout du temps 
marqué, lorfque la faifon eft favorable & que la couvée 


wa bien, les petits percent deur coque aflez facilement, 


(3) Vüne, db, X, cap, LIT. 


re PPS TPE 
ee 


DE LA PERDRYIX CGRISE 407 
courent au moment même qu'ils éclofent, & fouvent 
emportent avec eux une partie de leur coquille; mais 
il arrive auffi quelquefois qu’ils ne peuvent forcer leur 
prifon, & qu’ils meurent à la peine: dans ce cas, on 
trouve les plumes du jeune oifeau collées contre les 
parois intérieures de l’œuf, & cela doit arriver nécef- 
fairement toutes les fois que l'œufa éprouvé une chaleur 
trop forte: pour remédier à cet inconvénient, on met 
les œufs dans l’eau pendant cinq ou fix minutes, l'œuf 
pompe à travers fa coquille les parties les plus tenues 
de l’eau, & l'effet de cette humidité eft de difpofer 
les plumes qui font collées à la coquille à s’en détacher 
plus facilement; peut-être auffi que cette efpèce de 
bain rafraichit le jeune oifeau, & lui donne affez de 
force pour brifer fa coquille avec le bec: il en eft 
de même des pigeons, & probablement de plufieurs 
oifeaux utiles dont on pourra fauver un grand nombre 
par le procédé que je viens d’indiquer, où par quel 
qu'autre procédé analogue. 
Le male quin'a point pris de part au foin de couver 
des œufs, partage avec la mère celui d'élever les petits; 
ils les mènent en commun, les appellent fans, ceffe, 
eur montrent la nourriture qui leur convient, & leur 
apprennent à fe fa procurer en grattant la terre avec 
leurs ongles; il n’eft pas rare de les trouver accroupis 
l'un auprès de l’autre, & couvrant de leurs ailes deurs 
petits pouflins, dont les têtes fortent de tous côtés 
aves des yeux fort vifs: dans ce cas, le:père& la mère 


268 HISTOIRE NATURELLE 
fe déterminent difficilement à partir, &un Chaffeur qui 
aime la confervation du gibier fe détermine encore 
_plus difficilement à les troubler ‘dans une fonétion fi 
intéreffante; mais enfin, fi: un chien s'emporte & qu'il 
les approche de trop près, c’eft toujours le mâle qui 
part le premier en pouflant des cris particuliers, réfervés 
pour cette feule circonftance; il ne manque guère de 
fe pofer à trente ou quarante pas; & on en a vu plu- 
fieurs fois revenir fur le chien en battant des ailes, tant 
l'amour paternel infpire de courage aux animaux les 
plus timides ! mais quelquefois il infpire encore à ceux-ci 
une forte de prudence; & des moyens conthinés pour 
fauver leur couvée: on a vu le mâle après s'être pré- 
fenté, prendre la fuite; mais fuir pefamment & en trainant 
Faile, comme pour attirer l'ennemi par l'efpérance 
d’une proie facile, & fuyant toujours affez pour n’être 
point pris, mais pas aflez pour décourager le Chaffeur, 
H J’écarte de plus en plus de fa couvée : d’autre côté, 
la femelle qui part un inftant après le mâle s'éloigne 
NE: plus & toujours dans une autre direction: 
à peine s'eft-elle abattue qu’elle revient fur le champ 
en courant le long des fillons, & s'approche de fes 
petits qui fe font blottis ann de fon côté dans les 
herbes & dans les feuilles; elle les raflemble promp- 
tement ;.& avant que le chien qui s’eft emporté après 
le mâle ait eu le temps de revenir, elle Îes a déjà 
emmenés fort loin, fans que le Chaffeur ait entendu 
Je moindre bruit: c’eft une remarque aflez généralement 

| vraie 


| DE LA PERDRIX GRISE. 409 
“vraie parmi les animaux, que l’ardeur qu’ils éprouvent 
‘pour l'acte de la génération eft la mefure des foins 
‘qu'ils prennent pour Île produit de cet aéte: tout eft 
conféquent dans fa Nature, & la perdrix en et un 
-exemple; car il y a peu d’oifeaux auffi lafcifs , comme 
il en eft peu qui foignent leurs petits avec une vigilance 
plus affidue & plus courageufe: cet amour de la couvée 
dégénère quelquefois en fureur contre Îles couvées 
étrangères que la mère pourfuit fouvent & maltraite à 
grands coups de bec. | 
Les perdreaux ont les pieds jaunes en naïffant: cette 
couleur s’éclaircit enfuite & devient blanchâtre, puis 
elle brunit; & enfin devient tout-à-fait noire dans les 
perdrix de trois ou quatre ans: c’eft un moyen de 
connoître toujours leur âge; on le connoît encore à 
la forme de Ra dernière uns de laile, laquelle eft 
pointue après la première mue, & qui l’année fuivante 
eft entièrement arrondie. | 

La première nourriture des perdreaux, ce font les 
_ œufs de fourmis, les petits infectes qu'ils trouvent fur 
la terre & les herbes; ceux qu'on nourrit dans les 
maifons refufent la graine affez long-temps, & il y a 
apparence que c’eft leur dernière nourriture; à tout 
âge, ils préfèrent la laitue, la chicorée, le mouron, le 
laitron , le feneçon & même la pointe des blés verts’, 
dès le mois de novembre on leur en trouve le jabot 
rempli, & pendant l'hiver ils favent bien l'aller chercher 
{ous la neige; lorfqu’elle eft endurcie par la gelée, ils 

Oifeaux , Tome IL | à 


410 HISTOIRE NATURELLE 


font réduits à aller auprés des nu chaudes, qui ne 


font point glacées, & à vivre des herbes qui croiffent 
fur leurs bords & qui leur font très-contraires; en été 


on ne les voit pas boire. 


Ce n’eft qu'après trois mois paflés que les jeunes 
perdreaux pouffent le rouge; car des perdrix grifes ont 
auffi du rouge à côté des temples entre l’œil& l'oreille, 
& le moment où ce rouge commence à paroitre eft un 
temps de crife pour ces oifeaux, comme pour tous Îes 
autrés qui font dans le cas; cette crife annonce l’âge 
adulte: avant ce temps, ils font délicats, ont peu d’aile 
_& craignent beaucoup l'humidité; maïs après qu'il eft 
pailé , ils deviennent robuftes, commencent à avoir de- 
l'aile, à partir tous enfemble, à ne fe plus quitter, & 


fi on eft parvenu à difperfer “ compagnie, ils favent 


fe réunir malgré toutes les précautions du Chaffeur. 


C’eft en fe rappelant qu’ils fe réuniflent; tout le 


monde connoit le chant des perdrix qui eft fort pi 
| agréable, c’eft moins un chant ou un ramage, qu’un 


cri aigre imitant aflez bien fe bruit d’une ge & ce. 
n’eft pas fans intention que les Mytholosiftes ont mé- 


tamorphofé en perdrix l’inventeur de cet inftrument (R): 


le chant du mâle ne diffère de celui de la femelle 


qu’en ce qu'il eft plus fort & plus traînant; le mâle 
{e diflingue encore de Ia femelle par un éperon obtus 
qu'il a à chaque pied, & par une marque noire en 


(#) Ovide, Métamorphofes , Wv. VII. 


DE LA PÉRDRIX CRISE ia 
forme de fer à cheval qu'il a fous le ventre & x que la 


femelle n’a pas. 


Dans cette efpèce, comme dans beaucoup d’autres, 
il naît plus de mäles que de femelles /2), & il importe 


pour la réuflite des couvées de détruire les males fur- 


numéraires, qui ne font que troubler les paires aflorties 
& nuire à la propagation: la manière la plus uftée de 
les prendre, c’eft de les faire rappeler au temps de la 


_pariade par une femelle à qui, dans cette circonftance, 


on donne le nôm de chamerelle: la meïlléure pour cet 
ufage eft celle qui a été prife vieille; les mâles accourent 
à fa voix & fe livrent aux Chaffeurs, ou donnent dans 


les piéges qu’on leur a tendus; cet appeau naturel les 


attire fi puiflamment, qu’on en a vu venir fur le toit 
des maifons & jufque fur l’épaule de l'Oifeleur: parmi 
les piéges qu’on peut leur tendre pour s’en rendre 
maitre, le plus für & le moins fujet à inconvéniens, 
c’eft la tonnelle, efpèce de grande naffe où font pouf- 
fées les perdrix par un homme déguifé à peu près en 


4 


vache, & pour que l'illufion foit plus vonsplète, tenant 


en fa main une de ces petites clochettes qu’on met au 


cou du bétail /#7); lorfqu’elles font engagées dans les 
filets, on choifit à la main les mâles fuperflus, quelque- 
fois même tous les mâles, & on donne la liberté aux 
femelles. 

Les perdrix grifes font oifeaux fédentaires, qui non- 


4) Cela va à environ un tiers de plus, felon M. Le Roy. 
{m) Tor Olina, page 7 ié 
_Fffi 


anz, HISTOIRE NATURELLE 
feulement reftent dans le même pays, mais qui s’écartent 
le moins qu'ils peuvent du canton où ils ont pailé leur 
jeunefle, & qui y reviennent toujours: elles craignent 
” beaucoup. l’oifeau de proie; lorfqw’elles Font aperçu, 
elles fe mettent en tas les unes contre les autres & 
tiennent ferme, quoique l’oifeau qui les voit aufii fort. 
bien les approche de très-près en rafant la terre, pour 
tächer d’en faire partir quelqu une & de la prendre au 
vol: au milieu de tant d’ennemis & de dangers, on 
fent bien qu’il en eft peu qui vivent äge de perdrix; 
quelques-uns fixent la durée de leur vie à fept années, 
& prétendent que la force de l'âge & le temps de la 
pleine ponte, eft de deux à trois ans, & qu'à fix elles 
ne pondent plus. Ofina dit qu'elles vivent douze où. 
quinze ans. | | 
On a tenté avec fuccès de les “ide dans. js 
parcs, pour en peupler enfuite les terres qui en étoient 
dénuées, & Fon à reconnu qu'on pouvôlt les élever à: 
très-peu près comme nous avons dit qu'on élevoit les : 
faifans; feulement il ne faut pas compter fur les œufs 
des perdrix domeftiques. Il eft rare qu’elles pondent 
dans cet état, encore plus rare qu'elles s’apparient & 
s’accouplent; mais on ne les à jamais vus couver en: 
prifon, je veux dire renfermées dans ces parquets où 
les faifans multiplient fi aifément. On eft donc réduit 
à faire chercher par la campagne des œufs de perdrix 
fauvages, & à les faire couver par des poules ordi- 
naires: chaque poule peut en faire éclore environ deux 


DE LA PERDRIXYX GRISE. 41% 
douzaines, & mener pareil nombre de petits, après 
qu'ils font éclos: ils fuivront cette étrangère comme 
ils auroient fuivi leur propre mère, mais.ils ne recon- 
noiflent pas fi bien fa voix: ils la reconnoiffent cepen- 
dant jufqu'a un certain point, & une perdrix ainfr 
élevée , en conferve toute fa vie {’habitude de chantes 
auflitôt qu’elle entend des poules, 

Les perdreaux gris font beaucoup moins délicats: 
à élever que les rouges, & moins fujets aux maladies, 
au moins dans notre pays, ce qui feroit croire que 
c’eft leur climat naturel. Il n’eft pas même néceflaire 
de leur donner des œufs de fourmis, & l’on peut les. 
nourrir comme les poulets ordinaires, avec la mie de 
pain, les œufs durs, &c. Lorfqu'ils font affez forts &: 
qu'ils commencent à trouver par eux-mêmes. leur- 
fubfiftance, on les lâche dans l'endroit même où on: 
les a élevés, & dont, comme je l'ai dit, ils ne s’é- 
Joignent jamais beaucoup. ras | 

La chair de fa perdrix grife el connue Aa très 
long-temps pour être une nourriture. exquife & falu- 
taire; elle a deux bonnes qualités qui font rarement: 
réunies, c’eft d’être fucculente fans être graffe. Ces. 
oifeaux ont vingt-deux pennes à chaque aile , & dix- 
fuit à [a roues les quatre du milieu font. de Ja: 
couleur du dos /#). : 

Les ouvertures des narinés qui fe trouvent à la bafe: 
du bec, font plus qu’à demi recouvertes par un opercule- 


{n) Wälulghby, page 12 0, 
FE ii 


dig HISTOIRE NATURELLE, de. 

de même couleur que le bec, mais d’une fubftance 
plus molle, comme dans les poules. L’efpace fans plume 
qui eft entre l'œil & l'oreille, eft d’un rouge plus wi 
_ dans le mâle que dans la femelle. 

Le tube inteftinal a environ deux pieds & demi de 
long, les deux cæeum cinq à fix pouces chacun. Le 
jabot eft fort petit /&), & le géfier fe trouve plein de 
graviérs mêlés avec la nourriture, comme c'eft l’or- 
dinaire dans les granivores. 


(o ” Ingluvies ample , dit Willulehby, pag. 120; niïs les pates 
que j'ai fait ouvrir V'avoïent fort petit. 


ne RS PNR Te 
EE Lu Us a gr Ce 


Latedrt 


ME A PERDRE 0 
GRISE-BLANCHE (a). 


ee ETTE perdrix a été connue d’Ariflote /4), & 
obfervée par Scaliger /c), puifque tous deux parlent de 
perdrix blanche, & on ne peut point foupçonner que 
ni l’un ni l’autre ait voulu parler du Jagopède appelé: 
mal - à - propos perdrix blanche par quelques-uns; car 
pour ce qui regarde Ariflote, il ne pouvait avoir en 
_ vue le lagopède qui eft étranger à la Grèce, à l’Afe: 
& à tous les pays où il avoit des correfpondances, & 
ce qui le prouve, c'eft qu'il n'a jamais parlé de la 
propriété caractériftique de cet oifeau, qui eft d’avoir 
les pieds velus jufque fous les doigts; & à l'égard de 
Scaliger , il n’a pu confondre ces deux efpèces , puifque 
dans le même chapitre où il parle de la perdrix blanche 
qu’il a mangée, il parle un peu plus bas & fort au long 
du Lagopus de Pline, qui a les pieds couverts de plumes 
& qui eft notre vrai lagopède /4). 


(a) Voyez Briflon , Ornithologie, tome J, page 222. 

(b) Jam enim Perdix vife ef alba, & Corvus, à" Pafér. Aïiftote,, 
de Generatione Animalium, Lib. V, cap. vI. À 

(c) Scaiger, Exercitationes in Cardanum » Exercit. 59. Perdices 
albas & Lepores citavimus. 


(4) Scaliger, ibidem. 


416 HISTOIRE NATURELLE, &t. 

Au refte, il s’en faut bien que Îa perdrix grife 
blanche foit auffi blanche que le lagopède, il n’y a que 
le fond de fon plumage qui foit de cette couleur, & 
l’on voit fur ce fond blanc les mêmes mouchetures 
que dans la perdrix grile, & diftribuées dans le même 
ordre; mais ce qui achève de démontrer que cette 
différence dans la couleur du plumage, n’eft qu’une 
altération accidentelle, un effet particulier, en un mot 
une variété proprement dite & qui n'empêche point 
qu'on ne doive regarder la perdrix blanche comme 
appartenante à l’efpèce de la perdrix grife, c’eft que 
{elon les Naturaliftes & même felon les Chaffeurs, elle 
fe mêle & va de compagnie avec elle. Un de mes 
amis /e) en a vu une compagnie de dix ou douze qui 
étoient toutes blanches & les a auflr vu fe mêler avec 
fes grifes au temps de la pariade; ces perdrix blanches 
avoient les yeux ou plutôt les prunelles rouges , comme 
les ont les lapins blancs, les fouris blanches, &c. fon 
bec & fes pieds étoient de couleur de plomb. 


{e) M. le Roy, Lieutenant des Chafles de Verfailles. 


LA 


pas 


| PETITE PERDRIX GRISE. 


\ + "APPELLE ainfi " pérdrix pr Forte d From 

qui eft probablement la même que la petite perdrix de 
paflage qui fe montre de temps en P'\GPRS en diHérenter 
provinces de France. | | 


‘Elle ne diffère pas feülement la phsdsié ire par fa 
FE" qui eft conftimment plus petite; mais: encore par 
fonbec qui :eft plus alongé ; par la couleur: jaune-de 
fes pieds, &: {ur-tout par l'habitude qu’elle a de changer ; 
de lieu & de voyager: On en voit quelquefois dans la 
Brie & ailleurs, pafler par bandes très-nombreufes ,& 
pourfüuivre leur chemin fans: s'arrêter. Un Chaleur des 
environs de Monthard, qui chafloit a la chanterelle au 
mois de mars dernier 1770 }: en vit une volée de 
cent cinquante ou Qu cents, qui. parut fe détournér, 
attirée par le cri de la chanterelle; mais qui, dès le 
lendemain, avoit entièrement difparu: ce feul fait qui 
eft trés-certain, annonce &.les-rapports & les difié- 
rences qu'il ya entre: ces deux perdrix ; les rapports, 
puifque ces perdrix ou CE ‘furent attirées par le 
chant d’une perdrix grife;*lés différences, puifque ces 
étrangères traversèrent f1 rapidement un pays qui con- 
vient aux perdrix grifes & même aux rouges, Îles unes & 
les autres y demeurant toute l’année; & ces différences 


Oifeaux, Tome I Ggeg 


418 HISTOIRE NATURELLE, 
_fuppofent un-autre inflinét, & par conféquent une autre: 
organt{ation , & au moins une autre race. 

fl ne faut pas confondre cette perdrix de Damas. 
ou de Syrie, avec Îa froperdix d'Élien fa), que l'on: 
trouvoit aux environs d’'Antioche, qui avoit Fe plumage 
noir, le bec de couleur fauve, la chair plus compacte 
& de meilleur goût, & le naturel plus fauvage que les. 
autres perdrix; car les couleurs, comme l’on voit. 
ne fe rapportent point; & Élien ne dit pas que fa 
{raperdix foit un oifeau de paffage ; il ajoute ,. comme: 
une fingularité, qu’elle mangeoit des pierres, ce qui. 
cependant, eft aflez ordinaire dans. les granivares, 
Scaliger rapporte, comme témoin-oculaire, un fait beau- 
coup plus fingulier , qui a rapport à celui-ci; c’eft que 
dans un canton de la Gafcogne où le terrein:eft fort: 
fablonneux, la chair des perdrix étoit remplie d’une: 
quantité de petits grains de: fable fort incommodes /4).. 


(a) Élen, de Naturä Animalium, Bb. XVI, cap. vix.. 
47) Scaliger, Comm..in P. L. ari. de Plant, 


419 


: L A 
PERDRIX DE MONTAGNE * 


J E fais une race diflinte de cette Perdrix, parcé 
qu’elle ne reflemble ni à l'éfpèce grife ni à la rouge; 
Mais il feroit difficile d’afligner celle de ces deux 
efpèces à laquelle elle doit fe rapporter; car f: d’un 
côté l’on aflure qu’elle fe mêle quelquefois avec les 
perdrix grifes /a), d’un autre côté fa demeure ordinaire 
fur les montagnes, & la couleur rouge de fon bec & 
de fes pieds, la rapproche auffi beaucoup des perdrix 
rouges, avec. qui je foupçonne fort qu’elle fe mêle 
“comme avec les grifes; & par cés raifons, je fuis porté 
à la regarder comme une race intermédiaire entre ces 
deux efpèces principales : elle eft à peu près de [a 
groffeur de la perdrix grife, & «elle a vingt pennes à 
da queue. 


* Voyez les planches enluminées, n° 136. 


{a) Voyez Briflon , Ornithologie , tome 1, page 226. 


Cegi 


420 HISTOIRE NATURELLE 


LES PERDRIX ROUGES. 


Li BAR T A VELLE « ou PERDRIX 
GRECQUE”. 


pu: EST aux Perdrix rouges, & Mtetadiomentié a [a 

Bartavelle , que doit fe rapporter tout ce que les Anciens 
ont dit de la perdrix. Ariftote devoit mieux connoïtre 
la perdrix grecque qu'aucune autre, & ne pouvoit guère 
connoître que des perdrix rouges, puifque ce font les 
feules qui fe trouvent dans la Grèce, dans les iles de 
la Méditerranée (a); & felon toute apparence, dans: la 
partie de 1’ Afie conquife PA Alexandre, laquelle eft 
à peu près fituée fous le même climat que la Grèce & 
la Méditerranée (6), & qui étoit probablement celle 
où Âriflote avoit fes principales correfpondances: à 
l égard des Naturaliftes qu font venus depuis, tels que 
Pline, Athénée , &c. on voit aflez clairement que 
quoiqu’ils connuflent en Italie des perdrix autres que 
des rouges (ce); ls fe font contentés de copier ce 

* Voyez les planches enluminées, n° 2317. 

(a) Voyez Belon, Nature des Oifeaux, page 257. 

(b) H paroît que la perdrix des pays habités ou connus par les 
Juifs { depuis l'Égypte jufqu’à Babylone } , étoit la perdrix rouge , 
ou du moins n'étoit pas la grife, puifqu’elle fe tenoit fur les montagnes. 
{Sicut perfequitur Perdix in montibus). Reg. lib. I, cap, XXVI. 

(c) Perdicum in Ttali& genus alterum eff corpore minus, colore obfcu- 
rius , roftro non cinnabarino, Athen. | 


DES PERDRIX ROUGES. 421 


qu’Ariftote avoit dit des perdrix rouges: il ef vrai 


que ce dernier reconnoît une différence dans le chant 
‘des perdrix /4); mais on ne peut en conclure légitime- 
_ment une différence dans l’efpèce; car la diverfité du 
chant dépend fouvent de celle de lPäge & du fexe, 
elle a lieu quelquefois dans le même individu, & elle 
peut être l'effet de quelque eaufe particulière, & même 
de l'influence du climat, felon les Anciens eux:mêmes, 
puifqu’Athénée prétend que les perdrix qui pafloient 


de l’Attique dans la Béotie fe reconnoifloient à ce 


qu’elles avoiént changé de eri /e): d’ailleurs, Théo- 
phrafte quiremarque aufli quelques variétés dans la voix 
des perdrix, relativement aux pays qu'elles habitent, 
fuppofe expreflément que toutes ces perdrix ne font 
point d’efpèces différentes, puifqu’il parle de leurs 
différentes voix dans fon livre de variä yoce Avium 
qufdem generis (f). 

En examinant ce que les Anciens ont dit ou répété 
de cet oifeau, jy ai trouvé un affez grand nombre de 
faits vrais & d’obfervations exactes, mélés d’exagéra- 
tions & de fables, dont quelques Modernes fe font 
-moqués /2), ce qui n’étoit pas difficile; mais dont je 

(a) Ale KaxaGi(va, aliæ ques Ariftote, Æifloria Animalium ! 
Hb. IV, cap. 1X. 

(e) Voyez Gefner, de Avibus , page 671. 


(f) H eft aifé de voir que ces mots, gjufdem cnrs 7 dés ICE 


de la même efpèce. 
. (& Vo Willulghby, Ornithologia, pag. x20. 
Gg g li} 


7 


422 HisTOIRE NATURELLE 
me propofe ici de rechercher le fondement dans les 
mœurs & le naturel même de la perdrix.. | 

_Ariflote après avoir dit que c’eft un oïfeau pulvera- 
teur, qui a un jabot, un gélier po très - petits 
cæcums (h), qui vit quinze ans & davantage /i), qui 
de même que tous Îes autres oïfeaux qui ont le vol 
pefant, ne conftruit point de nid; mais pond fes œufs 
à plate-terre, fur un peu d'herbe ou de feuilles arran- 
_gées négligemment /4/, & cependant en un lieu bien 
expofé & défendu contre les oifeaux de proie; que 
dans cette efpèce qui eft très -lafcive, les mâles fe 
battent entr'eux avec acharnement dans la faifon de 
l'amour, & ont alors les tefticules très-apparens, tandis 
qu'ils font à peine vifbles en hiver /4); queles femelles 
pondent des œufs fans avoir eu commerce avec le 
mâle /#1); que le mâle & la femelle s’accouplent en 
ouvrant le bec & tirant la langue /z); que leur ponte 


(t) Alors » Hifloria Animalium, LB. XI, cap. ultimo; & lib. VI, 
Gap. IV. | 

(i) Idem, ibidem, Ub. TX, cap. vit. Gaza a mis mal-à- propos 
vingt-cinq ans dans fa traduétion , erreur qui a été copiée par 
Aldrovande, Ornithologia, lib. XIH, pag. 116, tom. Il. Athénée 
fait dire à Ariftote que la femelle vit plus long-temps que le mâle, 
comme c’eft l'ordinaire parmi les oifeaux, Woyez Gefner, de Avibus, 
pag. 674- 

(k) Ariflote, Hiforia:  Mrnalier, Kb, VI, cap. x. 

(1) Idem, ibidem, Vb. MY, cap: 1 : 

(m) Idem, ibidem, 

1%) Idem, ibidem, Kb. W; cap... Avicenne-a: pris de-là Foccafon | 


DES PERDRIX ROUGES. 42% 


ordinaire eft de douze ou quinze œufs; qu’elles font 
quelquefois fi preffées de pondre que leurs œufs leur 
échappent par-tout où elles.fe trouvent /0/; Ariftote, 
dis-je , aprèsavoir dit toutes ces chofes qui font incon- 
teftables & confirmées-par le témoignage de nos Obfer- 
vateurs, ajoute plufeurs circonftances où le vrai paroït 
être mêlé avec le faux, & qu'il fufht d’analyfer pour 
en tirer la vérité, pure de tout mélange. 

IH dit donc, 1.” que les perdrix femelles dépofent 
la plus grande partie de leurs œufs dans: un lieu caché 
pour les garantir de la pétulance du: male qui cherche 
à les détruire, comme faifant obftacle à fes plaifirs ).. 
ce qui a été traité de fable par Willulghby /7/; mais: 
à mon avis un peu trop abfolument, puifqu’en diftin= 
guant le phyfique du moral... & féparant le fait obfervé 
de l'intention fuppofée: ce qu’Ariftote a dit fe trouve: 
vrai à la lettre & fe réduit à ceci, que la perdrix a; 
comme prefque toutes les. autres: femelles parmi les: 
oifeaux, l’inftinét de cacher fon nid, &-que les males; 
fur-tout les furnuméraires, cherchant à s’accoupler au: 
temps de Fincubation, ont porté plus d'une fois un: 
préjudice notable à la couvée,. fans autre intention: 
que celle de jouir de la couveufe; c’eft par cette: 


de dire que les perdrix fe préparoïent par. des baifers à des carefies: 
plus intimes, comme les pigeons; mais c’eft une erreur. 

(o) Aïiftote, Hifforia Animalium, Lib. [X,. cap. vu. 

p) Idem, ibidem. 

(3) Wilulghby, Ornithologia, pag, 120: 


424 HISTOIRE NATURELLE 

raifon que de tout temps on a recommandé fa def. 
truction de ces mâles furnuméraires, comme un des. 
moyens les plus efficaces de favorifer la multiplication : 
de lefpèce, non-feulement des perdrix, mais sn 
plufieurs autres oifeaux fauvages. 


 Ariftote ajoute en fecond lieu, que la perdrix Fémellé 
partage lés œufs d’une feule ponte en deux couvées, 
qu’elle fe charge de l’une & le mâle de l’autre, jufqu'à 
la fin de F éleatioh des petits qui en proviennent /r); 
& cela contredit pofitivement l’inftinét qu’il fuppofe au 
male, comme nous venons de le voir, de chercher à 
cafler les œufs de fa femelle: mais en conciliant Ariftote 
avec lui-même & avec la vérité, on peut dire que 
comme la perdrix femelle ne pond pas tous fes œufs 
dans le même endroit, oi Le ils lui échappent fouvent 
malgré elle par-tout où elle fe trouve, & comme le : 
mâle partage apparemment dans cette efpèce, ou du 
moins dans quelques races de cette efpèce, ainfi que 
dans la grife, le foin de l’éducation des petits ; on aura 
pu croire .qu’il partageoit aufli ceux de l’incubation, & 
qu'il couvoit à part tous les œufs qui n’étoient point | 
fous la femelle. : | 
Ariftote dit en troifième lieu, qué les mâles fe 
_cochent Îles uns les autres, & même qu'ils cochent 
leurs petits auflitôt qu'ils font en état de marcher /f),. 


(r) Arifote, Hiforia Animalium lib. VI, cap. VIT. 
({) Idem, ibidem , lib, IX, cap. YIIL, 


:..  DESS PERDRIN ROUGES. es 
& l’on a mis cette aflertion au rang des abfurdités: 
cependant j'ai eu occafion de citer plus d’un exemple 
avéré de cet excès de nature, par lequel un mâle fe 
fert d'un autre mâle & même de tout autre meuble COR, 
“comme d’une femelle; & ce défordre doit avoir lieu 
(à plus forte raifon ) parmi des oifeaux aufli lafcifs que 
es perdrix, dont les mäles lorfqu’ils font bien animés ne 
peuvent entendre le cri de leurs femelles fans répandre 
leur liqueur féminale /4), & qui font tellement tranf- 
portés, & comme enivrés dans cette faifon d'amour, 
que malgré leur naturel fauvage, ils viennent quelque- 
fois fe pofer jufque fur lOifeleur; & combien leur 
ardeur n’eft-elle pas plus vive dans un climat auffr 
chaud que celui de la Grèce, & lorfqu'ils ont été 
privés long -temps de femelles comme cela arrive au 
temps de | incubation 4>à 

_ Ariftote dit en quatrième lieu, que les perdrix fe- 
melles conçoivent & produifent des œufs lorfqu'elles 
fe trouvent fous le vent de leurs mâles, où lorfqué 
ceux-ci paflent au - deflus d’elles en volant, & même 
lorfqu’elles entendent leur voix /y); & on a répandu 
du ridicule fur les paroles du FAUDIOpRE gréc, comme 


) Voyez ci- = deffus. l’hiftoire du coq, celle du fapin, & is 
Glanures d'Edwards, partie II, page 21. | L 


(4) Euflath apud Gefner, de Avibus, pag. 673. 
(x) Voyez Ariftote, Hifloria Animaliun, loco citato, 
| (y) lbidem, Kb. V, Cap. V. 
Oifeaux, Tome IL Hhh 


426 HISTOIRE NATURELLE 
fi elles euffent fignifié qu’un courant d’air imprégné 
par les corpufcules fécondans. du mäle, ou feulement 
_mis en vibration par Le fon de fa voix, fufkfoit pour 
féconder réellement une femelle; tandis qu’elles. ne 
veulent dire autre chofe, finon que les perdrix femelles. 
ayant le tempérament afez chaud pour produire des. 
œufs d’elles-mêmes, & fans commerce avec le mâle ,. 
comme je f ai remarqué ci-deflus, tout ce qui peut 
exciter leur tempérament doit augmenter encore en: 
elles cette puiffance; & lon ne niera- point que ce qui 
Jeur annonce la préfence du mâle ne puiffe & ne doive 
avoir cet effet, lequel d’ailleurs peut être produit par un. 
fimple moyen mécanique qu’ Ariftote nous enfeigne /£}. 
ou par-le feul frottement qu’elles. ji ii en fe vau- 
trant dans la pouffère.. | 1) 
D'après ces faits, il eft ailé le CONCeVOIr que 
quelque paflion qu'ait la perdrix pour couver, elle en. a: 
quelquefois encore plus pour jouir, & que dans. cer- 
taines. circonftances, elle préférera Île plaifir de fe: 
joindre à fon mâle, au devoir de faire éclore fes petits: 
il peut même arriver qu'elle quitte la couvée par amour: 
pour la couvée même, ce fera: lorfque voyant fon: 
mâle attentif à la voix d’une autre perdrix qui le rap- 
pelle, & prêt à Faller trouver, elle vient s'offrir à-fes. 
defirs pour prévenir une incanftance qui feroit nuifiblè: 
(x) Sed' idem faciunt (nempe ova Bÿpenemia feu zephiria pariumt'): 
Æ digito genitale “ir Axiftote , Æifloria Añimalium , Hb, VE. 
EP: FE. 


DES$ PERDRIYX ROUGES. 427 
à la famille, elle tâche de le rendre fidèle en le rendant 
heureux /a4). | 
= Élien a dit encore que lorfqu’on vouloit faire com: 
battre les males avec plus d’ardeur, c’étoit toujours 
en préfence de leurs femelles ; parce qu'un mâle, 
ajoute-t-il, aimeroit mieux mourir que de montrer de 
la lâcheté en préfence de fa femelle, ou que de pa- 
roître devant elle après avoir été vaincu /); mais 
c'eft encore ici le cas de féparer le fait de l'intention: 
ïl eft certain que la préfence de a femelle anime les 
_ mäles au combat, non pas en Îeur infpirant un certain 
point d'honneur, mais parce qu’elle exalte en eux la 
jaloufñe toujours proportionnée dans les animaux au 
_ befoin de jouir; & nous venons de voir combien ce 
befoin eft preffant dans les perdrix. 

C’eft ainfi qu’en diftinguant le phyfique du moral, 
& les faits réels des fuppofitions précaires, on retrouve 
la vérité trop fouvent défigurée dans l’hiftoire des 
animaux, par les fictions de l’homme & par la manie 
qu’il a de prêter à tous les autres êtres fa nature propre, 
& fa manière de voir & de fentir. 

Comme les bartavelles ont beaucoup de chofes 


(a) Sæpe dr femina incubans exurgit, cum marem féminæ venatrici 
attendere fenferit, occurrenfque [e ipfam præbet libidini maris ut [atiatus 
negligat venatricem. Arillote, Hifloria Animaliun, Vb. IX, cap. var. 
Adeoque vincit libido etiam fatäs caritatem , ajoute Pline , 44. X, 
ép AA AIT. | 

(b) Élien » de Natur& Animalium, Gb. IV, cap. 1. 


428 HISTOIRE NATURELLE 
communes avec les perdrix grifes, il fufhra pour aché: 
ver leur hifloire, d'ajouter ici les principales différences 


par lefquelles elles fe diftinguent des dernières. Belon 


qui avoit voyagé dans leur pays natal, nous apprend 
qu’elles ont le double de groffeur. de nos perdrix, 
qu'eiles font fort communes, & plus communes qu’au- 
cun autre oifeau dans la Grèce, les îles Cyclades, & 


principalement fur les côtes de l'ile de Crète ( aujour- 
d’hui Candie }, qu’elles chantent au temps de F’amour, 
qu'elles prononcent à peu près le mot chacabis, d’où 
les Latins ont fait fans doute le mot cacabare pour 
exprimer ce cri, & qui peut-être a eu quelque influence 


fur la formation des noms euberh, cubata, cubai, &c. 


par lefquels on a défigné la perdrix rouge dans les” 


langues orientales. 


Belon nous apprend encore que les bartavelles fe. 
tiennent ordinairement parmi. les rochers: mais qu’elles 


ont l’inftinét de defcendre dans Îa plaine pour y faire 


- teur nid, afin que leurs petits trouvent en naiffant une 
fubfflance facile; qu’elles pondent de huit jufqu”à à feize | 


œufs, de la groffeur d’un petit œuf de poule, blancs, 


marqués de petits points rougeätres, & dont le jaune 


qu'il appelle moyeu, n€ fe peut durcir: enfin, ce qui 


perfuade à un Obfervateur que fa perdrix de Grèce ef 
_ d’autre efpècé que notre perdrix rouge, c’eft qu’il y a: 
en Italie des lieux où elles font connues l’une & l’autre, 
& ont chacune un nom différent ; la perdrix de Grèce 


celui de corhurne, & l’autre celui de perdice (£ D comme 
(©) Voyez Belon, Nature des Où sr page 25$- 


RE PP PT TE D TD EPS PR PS TT 


DES PERDRIX-ROUGES 429! 
fi le peuple qui impofe les noms n'avoit pu fe. mé- 
prendre, ou même diflinguer par deux dénominations 
différentes deux races difiinctes, appartenantes à une 
feule &.même efpèce ! enfin il conje@ure ; &. non 
fans fondement , que c’eft cette groffe perdrix qui, 
fuivant Ariftote , s’eft mêlée avec la poule ordinaire, 
& a produit avec elle des individus féconds, ce qui 
n'arrive que rarement felon Île philofophe Grec, & 
n’a lieu que dans les efpèces les plus lafcives, telles. 
que celles du coq & de la perdrix /4), ou de Ja 
bartavelle, qui eft la perdrix d’Ariflote : celle-ci à 
_encore une nouvelle analogie avec la poule ordinaire, 
c’eft de couver des œufs étrangers à défaut des fiens; 
& il y a long-temps que cette remarque a été faite, 
puifqu’il en.eit queflion dans les livres facrés /e). 

_ Ariflote a remarqué que les perdrix. mâles chan: 
toient ou crioient principalement dans la faifon de 
l'amour, lorfqu'ils fe battent entre eux, & même avant 


à) Je ana en entier le paffage d’Ariftote, parce qu’il préfente 
des vues très-faines & très- philofophiques. Et idéo que non unigene 
cocunt { quod' ea faciunt, quorum tempus par, € uleri geflatio proxima , 
7 corporis magnitudo non mulo difcrépans ), hæc primos partus fimiles 
fibi edunt, communi generis utriufque Jpecie : quales. ... . {ex Perdice 
7 Gallinaceo ) fed tempore procedente diverfi ex don provenientes 
demum form feminæ inflituti evadunt, quemodo femina peregrina ad po/- 
tremum pro terræ naturk rédduntur: heæc enim materiam corpufque Jeminibus 


præflat. De Generatione Animnalium, 6, IF, Caps IF. 


(e) Perdix fovit OYa que non ap Verre Proph. cap. aus TE, 
Ni EE 
Hhh ii 


430 HISTOIRE NATURELLE 
de fe battre /f); l’ardeur qu’ils ont pour leur femelle 
fe tourne alors en rage contre leurs rivaux, & de-là 
tous ces cris, ces combats, cette efpèce d'ivrefle, 
cet oubli d'eux-mêmes, cet abandon de leur propre 
confervation qui les a précipités plus d’une fois, je ne 
dis pas dans les piéges, mais Jufque dans les mains de 
l’Oifeleur /z). | 

On a profité de la connoiffance de leur naturel 
pour Îles attirer dans le piége, foit en leur préfentant 
une femelle vers laquelle ils accourent pour en jouir, 
foit en leur préfentant un mâle fur lequel ils fondent 
pour le combattre /4); & l’on a encore tiré parti de 
cette haine violente .des males contre Îles mäles pour 
en faire une forte de fpedacle, où ces animaux ordi- 
nairement fi timides & fi pacifiques fe battent entre 
eux avec acharnement; & on n’a pas manqué de les _ 
exciter, comme je l'ai dit, par la préfence de leurs 
femelles /4): cet ufage eft encore très-commun au- 
jourd’hui dans lile de Chypre /4); & nous voyons 
dans Lampridius, que l'empereur Alexandre Sévère 
s 'amufoit beaucoup de ce genre de combats. | 


| £ (f) Ariftote, Hi ifloria Animalium, Hb. TV, cap. 1X. 
(g) Idem, ibiden, lib. IX, cap. VIII. 
() Tbidem, Hb. AV, cap. L. 
(i) Élien , de Natur& Animalium, Ub. TV, cap. r. 
{4) Noyez lHifloire de Chypre de François Stephano Lufignano. 


DES PERDRIX ROUGES. 431 


LA PERDRIX ROUGE D'EUROPE k 
Planche X V de ce volume. 


Ed Perdrix tient le milieu pour {a groffeur entre 
da bartavelle & la perdrix grife: elle n ft pas auffe 
répandue que cette dernière, & tout climat ne lui eft 
pas bon: on la trouve dans la plupart des pays mon- 
tagneux &_tempérés de l’Europe, de l’Afie & de 
l'Afrique; mais elle eft rare dans Les pays bas /2)/, 
dans plufieurs parties de | Allemagne & de la Bohème, 
où l’on a tenté inutilement de fa multiplier, quoique 
les faifans y euffent bien réuflr (6): on n’en voit point 
du tout en Angleterre /c) ni dans certaines îles des: 
environs. de Lemnos. (4); tandis qu'une feule paire 
portée dans la petite île d’Azaple (aujourd’hui Nanfo he 
y pullula tellement que fes habitans furent fur le point. 
de leur céder la place //; ce féjour leur eft fi favo-- 
rable qu’encore aujourd’hui l’on eft obligé d’y détruire: 
leurs œufs par milliers vers les fêtes de Pâques, de: 
peur que les perdrix qui en viendroient ne détruififfent: 


* Voyez les planches enluminées ,.n.° x 50. 
(a): Woyez Aldrovande, Ornithologia, tom. IT, pag: 1 ro: 
(b) Idem, ibidem, pag: 106: 
(c) Voyez Ray, Synopfis Avium, page 57: — Hifloire naturel dès: 
Oifeaux. d'Édwaras, planche LIEN: 
(a) Anton. Liberalis apud Aldroy. tom. I, pig: 110. 
& Athénée, Deipno/oph, Nb. IX. 


432 HISTOIRE NATURELLE 


‘entièrement les moiflons; & ces œufs accommodés à 
toutes fauces nourriffent les infulsires pendant RPHAÇUES 
jours /f). | | 
Les perdrix rouges fe tiennent fur les montagnes 
qui produifent beaucoup de bruyères & de Bron, 
& quelquefois fur les mêmes montagnes où fe trouvent 
certaines gélinottes, mal - à- propos appelées perdrix 
Blanches ; mais dans des parties moins élevées, & par 


conféquent moins froides & moins fauvages /2): pen 


dant l’hiver, elles fe recèlent fous des abris de rochers 
bien expofés & fe répandent peu; le refte de l’année, 
elles fe tiennent dans les broffailles, s’y font chercher 
long-temps par les Chaffeurs, & partent difficilement: 
on m'aflure qu elles réfiftent fouvent mieux que Îles 
grifes aux rigueurs de hiver, & que bien qu elles 
foient plus aifées à prendre dans les différens piéges 
que les grifes, il s’en trouve toujours à peu près le 


même nombre au printemps dans les endroits qui leur 


conviennent ; elles vivent de grain, d’herbes , de 
limaces, de chenilles, d’œufs de fourmis & d’autres 
infeétes: mais leur chair fe {ent quelquefois des alimens 
dont elles vivent. Élien rapporte que les perdrix de 
Cyrrha, ville maritime dela Phocide, fur le golfe de 
Corynthe, font de mauvais goût, parce qu'elles fe 


nourriffent d ail (y. 


f É ) Voyez T'ournetoit Voyages du Fair on tome Ï, page 275: 
(g) Stumpfus apud Gefier, de Avibus, pag, (8 2. 
{ty Éiien, de Natur& Ayium, Gb. IV, cap. XHLL. 


DEN 


Elles 


DES PERDRIX ROUGES. 433 


Elles volent pefamment & avec effort, comme font 
les grifes, & on peut les reconnoître de même fans 
les voir, au feul bruit qu’elles font avec leurs ailes en 
PEARL IUT volée: leur inftinét eft de plonger dans 
Îes précipices lorfqu’on les furprend fur les montagnes, 
& de regagner le fommet lorfqu’on va à la remife: 
dans les plaines elles filent droit & avec roideur; lorf- 
qu’elles font fuivies de près & pouffées vivement, elles 
fe réfugient dans les bois, fé perchent même fur les 
arbres, & fe terrent si ce que ne font point 
les perdrix grifes. 
= Les perdrix rouges diffèrent encore des grifes par 
le naturel & les mœurs, elles font moins fociales : à 
la vérité, elles vont par compagnies ; mais il ne règne 
pas dans ces compagnies une union aufli parfaite ; 
quoique nées, quoiqu’élevées enfemble, les perdrix 
rouges fe tiennent plus éloignées les unes des autres, 
elles ne partent point enfemble, ne vont pas toutes 
du même côté, & ne fe rappellent pas enfuite avec le 
même cprenerment, {1 ce n’eft au temps de l'amour, 
& alors même chaque paire fe réunit féparément ; enfin, 
lorfque cette faifon eft pañlée & que la femelle ef 
occupée à couver, le mâle la quitte & la laiffe feule 
chargée du foin de la famille; en quoi nos perdrix 
rouges paroiffent auf différer des perdrix rouges 
de l'Égypte, puifque les Prêtres Égyptiens avoient 
choifi pour l’emblême d’un bon ménage deux perdrix, 

Oifeaux, Lome Il. fii 


434 HISTOIRE NATURELLE 
l'une mâle & l’autre femelle, couvant chacune de fon 
côté (1). 

Par une fuite de leur naturel fauvage, les perdrix 
rouges que l’on tâche de multiplier dans des parcs, & 
que l’on élève à peu près comme les faifans, font 


encore plus difhciles à élever, exigent plus de foins 
& de précautions pour les accoutumer à la captivité, 
ou pour micux dire, elles ne s’y accoutument jamais, 
puifque les petits psrareaux rouges qui font éclos dans. 
Ja faifanderie, & qui n'ont jemais connu la hbherté, 


languiffent dans cette prifon, qu’on cherche à leur 
rendre agréable de toutes manières, & meurent bientôt 
d’ennui ou d’une maladie qui en eft fa fuite, f1 on ne 
les lâche dans le temps où ils commencent à avoir la 
tète garnie de paume. 

Ces faits qui m'ont été fournis par M. le Roy, 
paroiflent contredire ce qu'on rapporte des perdrix 


d'Afie {4) & de quelques îles de l’Archipel /2), & 


fi) Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. 1 pag. 120. 


(k) In regione circa Trapezuntem. . . .. vidi hominem ducentem fecum 
fupra quatuor millia Perdicum. Is iter faciebat per terram, Perdices per 
aerem volabant, quas ducebat ad quoddam caflrum. . ... guod a Tra- 
pezunte diflat trium dierum itinere : cum huic homini quiefcere. . .., 
dibebat , Perdices omnes quiefcebant circa eum , &7 capiebat de iplis 
quantum volebat numerum, Odoricus de Foro -Julii apud Gefner, de 
Avibus, pag. 675. 

(l) H y a des gens du côté de Vefla & d’Élata ( dans l'ile de 
Scio }, qui élèvent les perdrix avec foin: on les mène..,,.à Ia 


DES PERDRIY ROUGES Æ43s 
même de Provence où on en a vu des troupes nom- 
breufes /#), qui obéifloient à fa voix de leur conduéteur 
avec une docilité fingulière. Porphire parle d’une per- 
drix privée venant de Carthage, qui accouroit à la 
voix de fon maitre, le carefloit, & exprimoit fon atta- 
chement par des inflexions de voix que le fentiment 
fembloit produire, & qui étoient toutes différentes de 
fon cri ordinaire /:). Mundella & Gefner en ont élevé 
eux-mêmes qui étoient devenues très - familières /0/; 
il paroit même par plufieurs pafflages des Anciens qu’on 
én étoit venu jufqu'à leur apprendre à chanter ou à 
perfectionner leur chant naturel qui, du moins dans 
certaines races, pafloit pour un ramage agréable /p). 

Mais tout cela peut fe concilier en difant que cet 
oifeau eft moins ennemi de l’homme que de l’efcla- 
vage, qu’il éft des moyens d’apprivoifer & de fubjuguer 
campage chercher féur nourriture comme des troupeaux de mou 
tons : chaque famille confie les fiennes au gardien commun, qui les 
ramène le foir; & on les rappelle chez foi avec un coup de fiffet, 


même pendant [a journée. Voyez le Voyage au Levant de M. de 
Tournefort, tome I, page 386, 


{m) J'ai vu un homme en Provence, du côté de con qui 
conduifoit des compagnies de peïdrix à fa campagne, & qui les 
faifoit venir à lui quand 1 vouloit; il fes prénoït avec la main, les 
mettoit dans fon fein, & les fenvoyoit enfuite. , . , avec les autres. 
Ibidem. 

(n) Porphire, dé Abflinentiä & carnibus, Gb. CH 

{o) Voyez Gefner, de Avibus, pag. 682. 

(p) Athénée, Deipnofoph. — Plutarque, Ufra Animalium , de. 
Élien, de Natur& Animaliun, VÜb. IV, cap. XIIL, 

lii ij 


436 HISTOIRE NATURELLE 
l'animal le plus fauvage, c'eft-ä-dire, le plus amoureux 


de fa liberté, & que ce moyen eft de de traiter felon 


fa nature, en lui laïffant autant de liberté qu il ef. 
poffible : fous ce point de vue, la fociété de la 
perdrix apprivoifée avec l’homme qui fait s’en faire 
obéir, eft du genre le plus intéreffant & le plus | 
elle n’eft fondée ni fur le befoin, ni fur l'intérêt, n1 
fur une douceur ftupide, mais fur la fympathie, le | 
goût réciproque , le choix volontaire ; il faut même 
pour bien réuffir qu’elle foit abfolument volontaire & 
libre: la perdrix ne s'attache à l’homme, ne fe foumet 
à fes volontés qu’autant que l’homme lui laïffe perpé- 
tuellement le pouvoir de le quitter: & lorfqu’on veut 
lui impofer une loi trop dure, une contrainte au-delà 
de ce qu’exige toute fociété; en un mot, lorfqu'on 
veut la réduire à l’efclavage domeftique, fon naturel fr 
doux fe révolte, & le regret profond de fa liberté 
perdue étouffe en elle les “plus forts penchans de la 
nature, celui de fe conferver, on l’a vu fouvent fe 
tourmenter dans fa prifon jufqu’à fe caffer la tête & 
mourir; celui de fe reproduire, elle y montre une 
répugnance invincible ; & fi quelquefois on la vit 
cédant à l’ardeur du tempérament & à l'influence de 
Ja faifon, s accoupler & pondre en cage, Jamais on 
ne la vue s’occuper efficacement, dans la volière la 
plus commode & la plus fpacicufe , à He une 
race fclave. oi 


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DES PERDRIX ROUGES, 437 


LA PERDRIX ROUGE-BLANCHE (a). 


D ANS la race de la Perdrix rouge, la blancheur du 
plumage eft comme dans la race de la perdrix grife, 
un effet accidentel de quelque caufe particulière, & 
qui prouve l’analogie des deux races: cette blancheur 
n’eft cependant point univerfelle, car la tête conferve 
ordinairement fa couleur; le bec & les pieds reftent 
rouges ; & comme d’ailleurs on la trouve ordinai- 
rement avec les perdrix rouges, on eft fondé à la 
regarder comme une variété individuelle de cette race 
de perdrix. | 


(e) Voye Briflon, Ornithologie, tome 1, page 238. 


lii iÿ 


EL r FRANCOLIN®* 


Ce nom de raie eft encore un de ceux qui 
ont été appliqués à des oifeaux, fort différens : nous 
avons déjà vu ci- -deflus qu’il avoit été donné à l’attagas; 

& il paroit par un pañlage de Gefner, que l’oifeau 
connu à Venife fous le nom de francolin, eftu une sipece 


de célinotte (hazel-huln ) (a). 


Le francolin de Naples eft plus oros qu'une poule 
ordinaire, & à vrai dire la posheus de fes pieds, de 
fon bec & de fon cou, ne permettent point d’en faire 
ni une gélinotte ni un francolin /8). 

Tout ce qu’on dit du francolin de Ferräre, c’eft 
qu'il a les pieds rouges & vit de poiflons /c): loifeau 
du Spitzhberg, auquel on a donné le nom de franco, 
s'appelle auffi coureur de rivage, parce qu'il ne s'éloigne 
jamais beaucoup de la côte où il trouve la nourriture 
qui lui convient; favoir, des vers gris & des chevrettes; 


* Voyez les ne enluminées, n° 147 & 148. 


(e) Eft autem ( Francolinus ) eadem Germanorum Hazel-luhu, ut ex 


ëcone Francolini Venetiis dicti quam doéliffimus Medicus Aloyfus Mun- 


della ad me mifit, citra ullam dubitationem cognovi. Gefner, de Avibus, 
pag. 225 

(b) Gefner, ibidem. 

(c) Ali alium quemdam Francolinum faciunt, crdribus rubris, pifcibus 
viventem, Ferrariæ, ut audio, notum. Gelner, ibidem, 


A Ya FE RMAW CODE D 439 
mais il n’eft pas plus gros qu'une âlouette /4). Lie fran- 
colin dont Olina donne la: defcription & la figure /e/, 
_eft celui dont il s’agit ieitvcelui de: M: Edwards en 
diffère en quelques points. (F) »& paroît être exaétement 
le même oifeau que le francolin de M: de Tourne- 
fort (g), qui fe rapproche auffr de :celui de Ferrare, 
en ce qu'il fe plait fur les côtes de la mer & dans 
les lieux marécageux. | été “no? detr 

Enfin le nôtre paroit différer de ces trois derniers, 
& même de celui de M, Briffon (h), Toit par la couleur 
du plumage & même du bec, foit par les dimenfions & 
le port de la queue, quieft plus longue dans da figure 
de M. Briffon, plus épanouie dans la nôtre, & tom- 
bante dans celles de M.:Edwards :& d’'Olina: mais 
malgré cela, je erois que le francolin d’Olina, celui de 
M. de Tournefort, celui d'Edwards, celui de M. Briffon 
& le mien font tous de la même efpèce, attendu qu’ils 
ont nr de chofes communes, & que les petites 
différences qu’on a obfervées entr’eux ne font pas aflez 
çaractérifées pour conflituer des efpèces diverfes , & 
peuvent d’ailleurs être relatives à l’âge, au rene au 
climat, ou à d’autres caufes particulières. | 

de | eft certain que le francolin a beaucoup de rapports 


(d) Voyages de M. l'abbé Prevôr, , tome XV, page 270. 
(e) Olina, page 23. 
 (f) Edwards, lee CCXLVI. 
| (2) Tournefort, tome L, Page 412; 2 tome LL page 10? 
_{t) Briflon, Ornithologie, towe I, page 245. 


440, HISTOIRE NATURELLE 
avec la perdrix, & c’eft ce qui a porté Olina, Linnæus 
& Briflon à les ranger parmi les perdrix. Pour moi, 
après avoir examiné de près & comparé ces deux 
fortes d’oifeaux, j'ai cru avoir obfervé entr’eux aflez 
de différences pour les féparer; en effet, le francolin 
diffère des perdrix, non-feulement par les couleurs du 
plumage, par la forme totale, par le port de Ja queue 
& par fon cri, mais encore parce qu’il a un éperon à 
chaque jambe  f2); tandis que Ja perdrix mâle n a 
qu'un tubercule calleux au lieu d’éperon. He 
Le francolin eft auffi beaucoup moins répandu que 
la perdrix: il paroît qu'il ne peut guère fubfifter que 
dans les pays chauds; l'Éfpagne, Ftalie & la Sicile, 
font prefque les feuls pays de l'Europe où il fe trouve; 
on en voit auffi à Rhodes (k), dans l'ile de Chypre (), 
à Samos (1), dans la Barbarie, & fur-tout aux environs 


{ i) Celui d'Olina n’en a point ; mais il y à apparence qu'il a fait 
deffiner la femelle. 

(k) Olina. 

(1) "Fournefort. RATE 

(m) Edwards... ,. M. Edwards dit qu'il n’eft pas queftion du 
francolin dans le texte du Voyage au Levant de M. de Tour- 
nefort, quoiqu'il y ait une figure de cet .oifeau, fous le nom de 
_ Francolin, forte d'oifeau qui fréquente les marais. Cette affertion eft 
fautive ; voici ce que je trouve, tome I de ce Voyage, page 412, 
édition du Louvre: « Les francolins n’y font.pas communs { dans 
» l’île de Saunos }, & ne quittent pas l marine, entre le petit Boghas 
» & Cora, auprès d'un étang marécageux. . ... on les appelle 
Perdrix des prairies. » La figure de l’oifeau à pore fimplement en tête 
le nom de francolin, | 

de 


Dh DS RNA ON CAO E TN: fi 
de Tunis /), en Égypte, fur les côtes d’ Afe (o) & 
à Bengale /p). Dans tous ces pays; on trouve des 
francolins & des perdrix , qui ont chacun leurs noms 

diftinéts & leur efpèce féparée. 


La rareté de ces oifeaux en Europe, jointe au bon 
goût de leur chair , Ont donné lieu aux défenfes risou- 
reufes qui ont été faites en plufieurs pays de les tucr; 
& de-là on prétend qu’ils ont eu le nom de franco, 
comme jouiflant d'une forte de franchife fous la fauve- 


garde de ces défenfes. 


On fait peu de chofe de cet oifeau au - delà de ce 
que montre la figure: fon plumage eft fort beau; il a 
un coilier tres - réf de couleur orangée; fa 
groffeur furpaffe un peu celle de la perdrix Er a 
femelle eft un peu plus petite que le mäle, & les cou- 
_ leurs de fon plumage font plus foibles & moins variées. 
ner oifeaux vivent de grains: on peut Îles élever 

dans des volières; mais il faut avoir Fattention de leur 
donner à chacun une petite loge où ils puiffent fe tapir 
& fe cacher, & de répandre P la volière ca fable 
& quelques pierres de tuf. 


Leur cri eft moins un chant qu’un ÉementA très- 
fort qui Ë fait entendre de fort loin /4). 


(#) Olina, page ET . 

(0) Tournefort, Voyage au Levant, tome IT, page 103. 
(p) Edwards. | 

(4) Ofina. ‘ nage 
Oï 'Ifeaux , Tome L Kkk 


142 HISTOIRE NATURELLE 
Les francolins vivent à peu près autant que les per- . 

drix {r); leur chair eft exquife, & elle ef pre 

préférée à celle des perdrix & des faifans. 

M. Linnæus (f) prend la perdrix de Damas de 
Willuighby pour le francolin 2), fur quoi il y a deux 
remarques à faire; la première, que ceite perdrix de 
ne eft plutôt celle de Belon qui en a parlé le 
premier (u), que celle de Willelghby qui n’en a parlé 
que d’après Belon; la feconde, que cette perdrix de 
Damas diffère du francolin, & par fa petitefle puit- 
qu’elle eft moins groffe que la perdrix grife, felon 
Belon; & par fon plumage, comme on peut le voir en 
comparant les figures dans nos planches enluminées; 
& par fes pieds velus, qui ont empêché Belon de fa 
ranger parmi les râles de genêt ou les pluviers. | 

M. Linnæus auroit dû reconnoitre le francohïn de 
T'ournefort dans celui d'Olina, dont Willulghby fait 
mention. fx); enfin, le naturalifte Suédois fe trompe 
encore en fixant exclufivement l'Orient pour fe climat 
du francolin , peu cet oifeau fe trouve, comme je 
l'ai déjà remarqué , en Sicile, en tale, en Efpagne, 
en Barbarie , & dans quelques autres contrées qui 
n’appartiennent point à l'Orient. 


(r) Olina: 

{f) Linnœus, Syf, nat. edit. X, pag. 165. 
ft) Will ulghby, Ornithologie , pige 128. 
(u) Belon, Obférv. page 1 52. 

{x) Willuighby, Ornithologie, page r25. 


DU FRANCOLIN. 443 

‘Âriftote met l’attagen, que Belon regarde comme 
le francolin, au rang des oiïfeaux pulvérateurs & fru- 
givores /y): Belon lui fait dire de plus que cet oifeau 
pond un grand nombre d'œufs /z/, quoique cela ne 
fe trouve point à l’endroit cité; mais c’eft une con- 
féquence que l’on peut tirer, dans les principes d’A- 
riflote, de ce que cet oifeau eft frugivore & pulvé- 
rateur. Belon dit encore, d’après les Anciens, que le 
francolin eft fréquent dans la campagne de Marathon, 
parce qu’il fe plait dans les lieux marécageux; & cela 
s'accorde très-bien avec ce que M. de Tournefort 
rapporte des francolins de Samos /a). 

(y) Ariftote, Hifloria Animalium, Kb. 1X, cap. XLIX. 
| (x) Avis multipara eff attagen. Belon, Nat, des Oifeaux, page 2451. 
_ {a) Tournefort, tome F, page 412, 


Le RENE RC OT 


La première efpèce qui nous paroît voifine du 
francolin, c’eft l’oifeau qui nous a été donné fous le 
nom de Perdrix du Sénégal”: cet oifeau à à chaque pied 
deux ergots, ou plutôt deux tubercules de chair dure & 
calleufe ; & comme c’eft une efpèce ou race parti- 
culière, nous lui avons donné le nom de Bis-er20r, à 
çaufe de ce caractère de deux ergots qu’il a à chaque 
pied. Je le place à Îa fuite des francolins, parce qu'il 


ë 


* Voyez les planches enluminées, n° 137: 


Kkk ij 


444 HISTOIRE NATURELLE 


me paroit avoir plus de rapports avec eux qu'avec les 


perdrix, foit par fa groffeur, foit par la longueur Le 
bec & des ailes, foit par fes “heros! 


LE GORGE-NUE ET A RER DEIX 
ROUGE D'AFRIQUE. 


Lis Oifeau que nous avons vu vivant à Paris, chez 
feu M. Je Marquis de Montmirail, a le deffous du cou 
& de la gorge dénués de plumes & fimplement cou- 
verts d’une peau rouge; le refte du plumage eft beau- 
coup moins varié & moins agréable que celui du 
 Francolin. Le gorge-nue fe rapproche de cette efpèce 
par fes pieds rouges & fa queue épanouie, & de l’ef- 
pèce Em a qui eft celle du bis-ergot, par le 
double éperon qu'il a pareillement à chaque pied. 


Le défaut d’obfervations nous met hors d’état dé 


juger à laquelle de ces deux efpèces elle reffemble le 


plus par fes mœurs ou par fes habitudes. M. Aublet 
m'aflure que c’eft un oifeau qui fe perche. 

LA PERDRIxX ROUGE d'Afrique * eft plus rouge que 
nos perdrix rouges, à caufe d’une large tache de cette 
couleur qu’elle a fous la gorge; mais ie refte de fon 
plumage eft beaucoup moins agréable: elle diffère des 
trois efpèces précédentes par deux caractères fort 


* Voyez les planches enluminées, n° 180. 


DU GORGE-NUE, ét. 44S 
apparens, fes éperons plus longs & plus pointus, & 
fa queue plus épanoure que ne font ordinairement 
des perdrix : le défaut d’obfervations nous met hors 
d’état de juger fi elle en diffère auf par fes mœurs 
ou par fes habitudes. 


OISEAUX ÉTRANGERS, 
Qui ont rapport aux PE RDRIX. | 
| I. : 
La Perdrixrouge de Barbarie, donnée par M. Edwards 


planche LXX, nous paroît être une efpèce différente de 
notre perdrix rouge d'Europe, elle eft plus petite que 
notre perdrix grile, elle a le bec, le tour des yeux 
& les pieds rouges comme Îa bartavelle; mais elle a 
fur le haut des ailes, des plumes d’un beau bleu bordé 
de rouge-brun; & autour du cou une efpèce de collier 
formé par des taches blanches, répandues fur un fond 
brun, ce qui, joint à fa petiteffe, diftingue cette efpèce 
des deux races de perdrix rouges qui font connues en 


Europe. 


Kkkiÿ 


446 HISTOIRE NATURELLE 
| [ 


LA PERDRIN nr ROCHE 
Ou DE LA GAMBRA. 


CETTE Perdrix prend fon nom des lieux où elle a 
coutume de fe tenir par préférence; elle fe plait, comme 
les perdrix rouges, parmi es rochers & les préci- 
_ pices: fa couleur générale eft un brun obfcur, & elle a 

fur la poitrine une tache couleur de tabac d’Efpagne. 
Au refle, ces perdrix fe rapprochent encore de la 
_ perdrix rouge par la couleur des pieds, du bec & du tour 
des yeux; elles font moins groffes que les nôtres, & 
retrouflent la queue en courant; mais, comme elles, 
elles courent très-vite, & ont en gros la mème forme /a); 
leur chair eft excellente. 


{a) Voyez Journal de Sübbs, page 287; & l'abbé Prevôt , 
tome III, page 24 9. 
B L:L. 


VE A PERDRIX PERLÉE 
DE. ELA CHEN Ë, | 


CETTE Perdrix qui n'eft connue que par la defcrip- 
tion de M. Briflon /4), paroït propre à l'extrémité 
orientale de l’ancien continent; elle eft un peu plus 
groffe que notre perdrix rouge, elle a la forme, le 
port de la queue, la brièveté des ailes & toute la 


{e) Briffon, Ornithologie, tome T, page 234. 


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RÉ RSS re € Er = Ë > à Ds D 
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PR RS nd ee RE er SENS POS ST ne rte ET RS EU en es re TE PA _ 


_ DES OISEAUX ÉTRANGERS, Ÿ€. 447 
tournure de la perdrix; elle à de notre rouge ordinaire 
{n° 150 ), la gorge blanche; & de celle d'Afrique 
{n° 180), les éperons plus longs & plus pointus; 
mais elle n’a pas, comme elle, le bec & Îles pieds 
rouges ; ceux-ci font roux, & le bec eft noirâtre 
ainfi que les ongles : le fond de fon plumage eft de 
couleur obfcure égayée fur la poitrine & les côtés 
par une quantité de petites taches rondes de couleur 
plus claire; d’où j'ai pris occafion de la nommer 
perdrix perlée + elle a outre cela, quatre bandes remar- 
quables qui partent de la bafe du bec & fe prolongent 
fur les côtés de fa tête; ces bandes font altérnativement 
de couleur claire & rembrunie. 


Ï V. 
LA PERDRIX DE LA NOUVELLE 
ANGLETERRE (à). 


JE mets cet Oifeau d'Amérique & les fuivans à la 
fuite des perdrix, non que je les regarde comme de 
véritables perdrix, mais tout au plus'comme leurs 
repréfentans, parce que ce font ceux des oifeaux du 
nouveau Monde qui ont le plus de rapport avec les 
perdrix, lefquelles certainement n’ont pas l'aile affez 
forte ni le vol affez élevé, pour avoir pu traverfer Les 
mers qui féparent le vieux continent du nouveau. 

L’oifeau dont il s’agit ici eft plus petit que la perdrix 


(a) Brilon, Ornithologie, tome 1, page 229: 


448 HISTOIRE NATURELLE, ARS 


grife ; il a l'iris jaune, le bec noir, la gorge blanche, 

& deux bandes de la même couleur qui vont de la 
bafe du bec jufque derrière la tête en paflant fur les 
yeux; il a auffi quelques taches blanches au haut du 
cou: le deffous du corps eft jaunätre rayé de noir, & 
le deflus d’un brun tirant au roux, à peu près comme 
dans la perdrix rouge, mais bigarré de noir: cet oifeau 
_a la queue courte comme toutes les perdrix; il fe 
trouve non-feulement dans la nouvelle Angleterre, 
mais encore à la Jamaïque, poiae ces deu climats 
foient différens. 

M. Albin en a nourri affez pes temps avec du 
blé & du chenevis (4). 


(b) Albin, tome 1, pagé 25: 


449 


*L A CA ILLE (a) 
Planche x VI de ce vole, | 


RP trouvoit une fi grande reflemblance 
entre les Pérdrix & les Cailles, qu’il donnoit à ces 
dernières le nom de Perdrix naines ? & c’eft fans doute 
par une fuite de cette méprife, ou par une erreur fem 
blable, que les Portugais ont appelé la perdrix codornix,, 
& que les Italiens ont appliqué le nom de corurnice à la 
bartavelle ou perdrix grecque. Il eft vrai que les per- 
drix & les caïlles ont beaucoup de rapports entr ‘elles; 
les unes & les autres font des oifeaux pulvérateurs , à 
ailes & queue courtes & courant fort vite /4), à bec 
de gallinacés, à plumage gris moucheté de brun & 
quelquefois tout blanc /c); du refle, fe nourriflant, 
s'accouplant, conftruifant {eur nid, couvant leurs œufs, 
* Voyez les US enluminées, n° 170. = Nota. Frifch prétend 
4 planche CXVII) que du temps de Charlemagne on lui donnoit 
le nom de Quacara; quelques-uns lui ont aufli donné celui de 


Currelius, & j'en dirai plus bas la raifon : quoi qu’il en foit, ces deux 
noms ont été omis par M. Briflon. 


(a Oprë, en Grec;.en Latin, Coturnix; en Efpagnol, Enr 
viz ; en lulien, Quaglia; en Allemand, Wachtel; en Anglois, Quail; 
. en Polonois, beton. — Coturnix, Ga , Avium, pag. 352. 
Aldrovande, Avi, tom. I, pag. 150.:.+ Frifch, planche CXV 11, 
avec une figure Coloriée du mâle & une de [a femelle. 

(b) Currit fatis velociter unde Currelium vulgo dicimus, Comefos àr de 

c) Ariftote, lib. de Coleribus, cap. vx. 


Oifeaux, Tome IL | Me La | 


459 HISTOIRE NATURELLE 


menant leurs petits à peu près de la même manière, 
& toutes deux ayant le tempérament fort lafcif, & les 
mâles une grande difpofition à fe battre: mais quelque 
| nombreux que foient ces rapports, ils fe trouvent 
balancés par un nombre prefqu'égal de diffemblances, 
qui font de l’efpèce des oies efpèce tout-à-fait 
féparée de celle des perdrix: «en effet, 1.° les cailles 
font conftlamment plus petites que les perdrix,, en com- 
parant les plus grandes races des unes aux plus grandes 
races des autres, & les plus petites aux plus petites ; 
2.° elles n’ont point derrière les yeux cet efpace nu 
& fans plumes qu'ont les perdrix, ni ce fer-à-cheval 
que les mâles de:celles-ci ont fur la poitrine, & jamais 
on n'a vu de véritables cailles à bec & pieds rouges; 
3. leurs œufs font :plus petits & d’une toute autre 
couleur ; À": leur voix eft auffi différente, & quoique 
les unes &.: les autres faflent entendre leur cri d'amour 
à peu près dans le même. temps, il n’en eft pas de 
même du cri de colère, car fa perdrix le fait entendre 
avant de fe battre, & la caille en fe battant (à); 

s. la chair de ‘celle-ci ef d’une faveur & d’une texture 
toute différente, & elle eft beaucoup plus chargée de 
graifle ; d. fa vie eft plus courte ; . elle eft moins 
rufée que la perdrix & plus facile à attirer dans le 
piége , fur - tout lorfqu’elle eft encore jeune & fans 
expérience: elle a les mœurs moins douces & le naturel 
plus rétif; car il eft extrémement rare d’en voir de 
privées, à peine peut-on les accoutumer à venir à la 

(d) Aniftote, Hifloria Animalium, Bb. V HI, cap. XIL, | 


D'E\E AC AT EL'E, 453 
voix étant renferméés de jéuneffe dans une cage: elle a 
les inclinations moins fociales, car elle ne fe réunit 
guère par compagnies fr:ce-n’eft lorfque là couvée 
encore jeune demeure attachée à la mère dont les 
fecours lui fonte néceffairess où lorfqw’une mênte caufe 
agiffänt fur toute l’efpèce à: fois & dans le'mêmé 
temps, on eñ voit de Rpapes: noinbreufes traverfer 
les mers & aborder dans be. même Pays: mais cette 
affociation forcée ne duré! qé autant que fa eaufe qui 
l’a produite, car dès que les caïlles font arrivées dans le 
pays qui leur convient, & qu’elles peuvent vivre à leur 
gré, elles vivent folitairement. Le befoin de l'amour 
eft le feul lien qui les réunit, encore ces fortés d’u: 
hions font- elles fans confiflance pendant leur courte 
durée; car les mâles qui recherchent lés femelles avec 
tant d’ardeir ; n’ont d’attachement de préférénce pour 
aucune en particulier. Dans cetté efpèce les iceouple- 
mens font fréquens, maïs lon né voit: pas un fetl 
couple ; lôrfque le défir de jouir a ceffé ; toute fociété 
eft rompue entre les deux fexes-, le male alors non: 
feulement’ quitte & femble fuir fes femelles s iniats 1 
les repoufle à cotps de bec:& nés 'océupe ér acuité 
façon du foin de {a famille ; de leur côté: fes pets 
font à peine adultes qu'ils fe féparent, & ff on'lés 
réunit par force dans un lieu fermé, ils Le battent à 
outrance les. uns contre lesiautres,, fans. diflinion de 
fexe, & ils finiffent par fe détruire fe + 
| fe) Res Anciens voient Biéfedà, puifquiB dHoient dès enfans 

Lili 


452 HISTOIRE NATURELLE 

L’inclination de voyager & de changer de climat 
dans certaines faifons de l’année, eft, commé je l'ai 
dit ailleurs {£), l’une des. aiféctions les 'aû fortes: de 
l'inftinét des cailles. 

La -caufe de ce defx ne. pur être qu une: caufe 
très-générale, puifqu’elle agit non-feulement fur toute 
l'éfoèce, mais fur les individus même féparés,. pour 
ainfr dire, de leur efpèce, & à qui une étroite captivité 
ne laifle aucune communication avec leurs femblables. 
On a vu de jeunes caïllés élevées dans des cages, prefque: 
depuis leur naiffance, & qui ne pouvoient ni connoître 
ni regretter la liberté, éprouver régulièrement deux fois. 
par an pendant quatre années, une inquiétude & des 
agitations fingulières. dans les temps ordinaires de la 
_pañle: favoir, au mois d'avril & au mois de feptembre; 
cette inquiétude duroit environ trente jours à chaque 
fois, & recommencçoit tous les Jours une heure avant 
le coucher du foleil: on voyoit alors. ces cailles. pri- 
fonnières aller & venir d’un. bout de la. cage à l’autre. 
puis s’élancer contre le filet qui lui fervoit de couvercle, 
& fouvent avec une telle violence qu’elles retomboient 
tout étourdies: la nuit fe pafloit prefqu’entièrement 
dans ces agitations, & le jour fuivant elles paroifloient 
triftes, abattues, fatiguées & endormies. On a remarqué 
que les cailles qui vivent dans l’état de liberté dorment 
querelleurs & mutins, qu’ils étoient Gidiélléèrs comme des caïlles. 
tenues en Cage. Ariflophane, Ë 


(f) Tome I de cetie Hifoire naturelle des Oifeaux, page 12 


MENL ARC ATIDEE 453 
auffi une grande partie de la journée; & fi l’on ajoute 
à tous ces faits qu'il eft très-rare de les voir arriver de 
jour, on fera, ce me femble, fondé à conclure que 
c’eft pendant la nuit qu’elles voyagent /g), & que ce 
defir de voyager eft inné chez elles, foit qu’elles 
craignent les températures exceflives, puifqu’elles fe 
rapprochent conffamment des contrées feptentrionales 
pendant l'été, & des. méridionales pendant lhiver; 
ou ce qui femble plus vraifemblable,. qu'elles n'aban- 
donnent fucceflivement les différens pays que pour 
pafler de ceux où les récoltes fant déjà faites dans ceux 
où elles: font encore à faire, & qu’elles ne changent 
ainfi de demeure que pour trouver toujours une nour- 
_riture convenable pour elles & pour fleur couvée. 

Je dis que cette dernière caufe eft la plus vraifem- 
blable ; car d'un côté, il eft acquis par l’obfervation 
que les cailles peuvent très-bien réfifter au froid, puif- 
qu'il s’en trouve enflande , felon M. Horrebow /4), & 
qu'on en a confervé plufieurs années de fuite dans une 
chambre fans feu, & qui même étoit tournée au nord, 
fans que les hivers les plus rigoureux aient paru les 
incommoder, ni même apporter le moindre change- 


| (2) Les cailles prennent leur volée plutôt de nuit que de jour. 
Belon, Nature des Oïfeaux, page 265. Et hoc femper noëu, dit Pline. 
en parlant des volées de cailles qui fondant toutes à la fois fur un. 
navire pour fe repoler, le faifoient couler à fond par leur poids. 

(4) Voyez Horxrebow, Hifloire générale. des Voyages , tome V,, 
E°e 703 


454 HISTOIRE NATURELLE 

“ment à leur manière de vivre: & d’un autre côté, il 
femble qu’une des chofes qui les fixent dans un pays, 
c’eft l'abondance de l’herbe; puifque felon là remarque 
des Chaffeurs, lorfque. le printemps eft fec, & que 
par conféquent l'herbe eft moins ‘abondante, il y a 
auflt beaucoup moins de cailles le refte de l'année: 
d’ailleurs, le befoin actuel de nourriture eft une caufe 
plus déterminante, plus analogue à linftinét borné 
de ces petits animaux, & fuppofe en eux moins de 
cette prévoyance que les Philofophes accordent trop 
libéralement aux bêtes: lorfqu’ils ne trouvent point de 
nourriture dans un pays, il eft tout fimple qu'ils en 
aillent chercher dans un autre; ce befoin effentiel les 
avertit, les prefle, met en aétion toutes leurs facultés ; 
ils quittent une terre qui ne produit plus rien pour 
eux, ils s'élèvent dans l'air, vont à la découverte d’une 
contrée moins dénuée, s'arrêtent où Hs trouvent à 
vivre: & l'habitude fe joignant à l’inftinét qu'ont tous 
les animaux, & fur-tout les animaux ailés, d’éventer de 
loin leur nourriture; il n’eft pas furprenant qu'il en 
réfulte une affection pour ainfi diré imnée, & que les 
mêmes cailles reviennent tous les ans dans les mêmes 
endroits ; au lieu qu'il feroit dur de fuppofer avec 
Ariftote /2), que c’eft d’après une connoiffänce reflé- 
chie des faifons. qu’elles changent deux fois par an de 
climat, pour trouver toujours la température, qui. leur 
convient; comme: faifoient autrefois. les rais-de: Pen; 

{i) Ariftote, Gb. VIII, cap. XII. 


DEcb VI Aus EE &SS. 
encore plus dur de fuppofer avec Catefby /4), Be- 
lon {l) & quelques autres, que lorfqu’elles changent 
de climat, elles paffent fans s'arrêter dans les lieux 
qui pourroient leur convenir en-deçà de la Ligne, 
pour aller chercher aux Antipodes précifément le même: 
degré de latitude, auquel elles. étoient accoutumées 
de l’autre côté de l'Équateur, ce qui fuppoferoit des. 
connoiflances, ou plutôt des erreurs fcientifiques. aux- 
quelles linfinét brute efl beaucoup moins fujet que: 
la raifon cultivée, ; 

Quoi qu'il en foit, lorfque les Pr rh libres 
elles ont un temps pour arriver, & un temps pour 
repartir: elles quittoient la Grèce, fuivant Ariftote, au 
mois docdromion (mr), lequel. comprenoit la fin d’août 
& le commencement de feptembre. En Siléfie, elles, 
arrivent au mois de mai & s’en vont für la fin d'août /#); 
nos. Chaffeurs difent qu’elles arrivent dans notre pays 
vers le 10 ou le 12 de mai; Aloyfius Mundella dit 
qu’on les voit paroître dans les. environs de Venife 
vers. le milieu d'avril. Olina fixe leur arrivée dans la 
campagne de Rome aux premiers jours d'avril; mais. 
prefque tous conviennent qu'elles s’en vont à la pre- 

7 ) Voyez Catelby, Tranfadions Philofophiques, n. "486, art. VI, 
page 161. 

(L) Belon, Nature des Oifeaux, page 265. | 

(rm) Voyez Ariftote, Hifloria Animalium, Hb. VIT, cap. XI. 

(n) Voyez Schwenckfeld, Ayiariun Silkfia, pag. 249% 


456 HISTOIRE NATURELLE 


mière gelée d'automne (0), dont l'effet eft d’altérer 
la qualité des herbes, & de faire difparoître les infeétes ; 


& fi les gelées du mois de mai ne les déterminent 
point à retourner vers le fud , c’eft une nouvelle 
preuve que ce n’eft point le froid qu’elles évitent, 
mais qu’elles cherchent de la nourriture dent elles ne 
font point privées par les gelées du mois de mai. Au 


refle, il ne faut pas regarder ces temps marqués par 


les Obfervateurs comme des époques fixes auxquelles 


la Nature daigne s’aflujettir, ce font au contraire, des 


termes mobiles qui varient entre certaines limites d’un 
pays à l'autre, furvant la température du climat, & 
même d’une année à l’autre, dans le même pays, 
fuivant que le chaud & le froid commencent plus tôt 
ou plus tard; & que par conféquent la maturité des 


récoltes & la génération des infeétes qui fervent de 


nourriture aux cailles eft plis ou moins avancée. 
Les Anciens & Îles Modernes fe font beaucoup 


occupés de ce pañlage des cailles & des autres oifeaux 


voyageurs : les uns Font chargé de circonftances plus 
ou moins merveilleufes, les autres confidérant combien 
ce petit oïfeau vole difficilement & pefamment l’ont 
révoqué en doute, & ont eu recours pour expliquer 


la difparition régulière des cailles en certaines faifons 
de l’année, à des fuppofitions beaucoup plus révol- 


tantes: maisil faut avouer qu'aucun des Anciens n’avoit 
élevé ce doute; cependant ils favoient bien que les 


{o Voyez Gefner, de Ayibus, pag. 354: | 
| cailles 


_cailles font des oifeaux lourds, qui volent très - peu 
& prefque malgré eux /p), que quoique très - ardens 
_pour leurs femelles, les mâles ne fe fervent pas tou- 
jours de leurs'ailes pour accourir à {eur voix, mais 
qu'ils font fouvent plus: d’un quart de lieue à travers 
l’herbe la plus ferrée pour les venir trouver ; enfin 
qu'ils ne prennent l’eflor que lorfqu'ils font tout-à2 
fait preffés par les chiens ou par les Chaffeurs : les 
Anciens favoient tout cela, & néanmoins ïlne leur 
eft pas venu dans Pefprit que les cailles fe retiraffent 
aux approches des froids dans des trous pour y pañfer 
L'hiver, dans un état de torpeur & d’engourdifflément, 
comme font les loirs, les hériflons les marmottes, les 
chauve - fouris, &c. C’étoit une  abfurdité réfervée à 
quelques Modernes /g), qui ignoroient fans doute 
que la chaleur intérieure des animaux fujets à l’engour- 
diflement étant beaucoup moindre qu’elle ne l’eft 
communément dans les'autres quadrupèdes, & à plus 
forte raifon dans les oifeaux, elle avoit befoin d’être 
aidée par la chaleur extérieure de l'air, comme je l'ai 
dit ailleurs /7); & que lorfque ce fecours vient à leur 

(2 Boys {a pi fes, oi Arillote, Hi ifl. Animalium ; HD. IX, 
Çap. VIII. 

/q) Coturnicèm ane credunt trans mare avolare, guod falfum dé 
convincitur guoniarn {Tans mare pa hiemen non invenitur,; latet | ETLO fic ICUË 
aves ceteræ quibus faperfui lentique humores concoquendi fünt, Albert apud 
Gefnerum, de Avibus, pag. 2 54. 


| (r) Voyez ct-deflus tome PI II de cette FAIRE riaturelle, générale 
& particulière, pages 159 &7 160 


Oifeaux , Tome IL | M mm 


458 HISTOIRE NATURELLE 
manquer, ils tombent dans l’éngourdiffement & meurent 
même bientôt s'ils font expofés à un froid trop rigou- 
reux. Or, certainement cela n'eft point applicable aux 
cailles en qui l’on a même:reconnu généralément plus 
de chaleur que dans les autres oifeaux, au point qu’en 
France; elle a pañfé en proverbe /f), & qu’à la Chine 
on fe fert de ces oifeaux pour fé tenir chaud en les 
portant tout vivans dans Îes mains :/4): d’ailleurs, on 
s’eft afluré par obfervation continuée pendant plufeurs 


années qu’elles ne s’engourdiffent point, quoique tenues 


pendant tout l'hiver dans une chambre ‘expofée au 
nord & fans feu, ainfr que je l’aï dit ci-deflus, d’ après 
plufieurs témoins oculaires & très - dignes de foi qui 
me l'ont afluré: or, fr les cailles ne fe cachent ni 
ne s’engourdiffent pendant l'hiver, comme il eft für 
qu’elles difparoiflent dans cette faifon, on ne peut 
douter qu’elles ne paffent d’un pays dans un autre, & 
c'éft ce qureit: prouvé en un. _—” nombre d’autres 
obfervations. | CE à Les 

Belon fe trouvant en automne far. ‘un navire qui 
pafloit de Rhodes à Alexandrie, vit des cailles qui 
alloient du Septentrion au Midi; &. peu de ces 
cailles ayant été prifes par les gens de l'équipage, of 
trouva dans leur jabot des grains de froment bien 
entiers. Le printemps précédent, le même Obfervateur 
paffant de Pile de Zante dans la Morée, en avoit vu un 


{f{) On dit vulgairement, chaud comme une  Caile, | 
{t) Voyez Ofborn. lies, 190 : 


grand nombre qui alloient du Midi au Septéntrion /4); 
& il dit qu’en Europe comme en Afie, les pe 
font généralement oifeaux de paflage. Or 


M. le commandeur Godeheu les à vus conftamment 
pafler à Malte, au mois de mai, par certains vents 
& repafler au mois de feptembre /x): plufieurs Chaf- 
feurs m'ont afluré que pendant les belles nuits du 
printemps on les entend arriver, & que l’on diftingue 
très-bien leur cri, quoiqu’elles foient à une très-grande 
hauteur; ajoutez à cela, qu'on ne fait nulle part une 
chaffe aufi abondante de ce gibier que fur celles de 
nos côtes, qui font oppofées à celles d'Afrique ou 
d'Afe, & dans les îles qui fe trouvent entre deux : 
prefque toutes celles de l’Archipel & jufqu’aux écueils 
en font couverts, felon M. de Tournefort, dans cer- 
taines faifons de l’année /y); & plus d’une de ces îles 
en a pris le nom d’Ortygia (4). Dèsle fiècle de Varron, 


(u) Voyez les Obfervations de Belon, fol, 9e, verfo; & la Nature 
des Oifeaux, du même auteur, page 26 4 © Juivantes. 


(x) Voyez les Mémoires de Mathématique & de Phyfique, Pré 
febtés à l’Académie royale des Sciences par divers Savans, &ce 
tome III, pages 91 © 92. 


(3) Voyez Tournefort, Voyage au Levant, tome 1, pages 169, 
28 1, 313 XC. 

() Ce nom d'Ortygia, formé du mot grec O'pruë, qui fignifie 
Caille, a été donné aux deux Délos, felon Phanodémus dans Athénée : 
10 l'a encore appliqué à une autre petite île vis-à-vis Siracufe, & 

_ même à la vile d'Éphèfe, {lon Étienne de Byzance & Euftathe. : 


_Mmmi 


460 HISTOIRE NATURELLE 

Von avoit remarqué: qu’au temps de l'arrivée & du 
_ départ des caiïlles, on en voyoit une multitude prodi- 
gieufe dans les îles de Pontia, Pandataria & autres qui 
avoifinent la partie méridionale de l’ftalie [2), & où 
elles faifoient apparemment une fition pour fe repofer. 
Vers le commencement de l'automne, on en prend 
une fi grande quantité dans l’île de Caprée, à l'entrée 
du Po de Naples, que le produit de cette chaffe fait 
le principal revenu de l’Évêque de l'ile, appelé par 
cette raifon l’Évéque des cailles: on en prend auffi 
beaucoup dans les environs de Pefaro fur le golfe 
Adriatique, vers la fin du pers qui eft la faifon 
de leur arrivée (4): enfin, il en tombe une quantité fi 
prodigieufe fur les côtes occidentales du royaume de 
Naples, aux environs de Netruno, que fur une étendue 
de côte de quatre ou cinq milles, on en prend nel | 
quefois .jufqu'à cent milliers dans un jour, & qu’on 
les donne pour quinze jules le cent (un peu moins 
de huit livres, de notre. mannois,). à des efpèces de 
Courtiers qui les font pafler à Rome où elles font 
beaucoup moins communes (cp; il en arrive aufli des 
nuées au printemps fur les côtes de: Provence, parti- | 
culièrement dans les terres de M. l’évêque de Fréjus, 
qui avoifinent la mer, elles font fi fatiguées, dit-on, de la 


(a) Narro, de Re Rufiicä, Hib. HT, cap. v. 
(9) Aloyfus Mundella apud Gefnerum, pag. 354% 


(ÿ Voyez Géfner, de Avibus, pag 356; & Aldrovande, Ornithol, 
tom: IT, pag. 1 64. Cette chafle eft fi lucrative, que le terrein où elle 
fe fait par Îles habitans de Nettuno, eft d’une chèreté exorbitante. 


D En MN CG ALL LA 468 


traverfée que les premiers jours on les prend : à la main. 
Mais, dira-t-on toujours , comment un ojfeau fi petit, 
fi foible, & qui a le vol fi pefant & fi bas, peut-il, 
quoique preffé par la faim , traverfer de grandes étendues 
de mer! J’avoue que quoique ces grandes étendues 
de mer foient interrompues de diflance en diflance par 
_ plufieurs îles où les cailles peuvent fe repofer, telles | 
que Minorque, la Corfe, la Sardaigne, la Sicile, les 
iles de Malte, de Rhodes, toutes les iles de lPAr- 
chipel, j'avoue, dis-je, que malgré cela il leur fut 
encore du fecours; & Ariftote l’avoit fort bien fenti, 
il favoit même quel étoit celui dont elles ufoient le 
plus communément, mais il s'étoit trompé, ce me 
femble, fur la manière dont elles s s'en aidoient : « lorfque 
le vent du nord fouffle , dit-il, les cailles VOyagent « 
heureufement; mais fr c’eft le vent du midi, comme « 
fon effet eft d’appéfantir & d’humecter, elles volent « 
alors plus diflicilement, & elles expriment la peine & 1e 
l'effort par Les cris qu ‘elles font entendre en volant » (a). 
Je crois en effet que c’eft le vent qui aide les cailles 
à faire leur voyage, non pas le vent du nord, mais le 
vent favorable; de même que ce n’eft point le vent 
de fud qui retarde Îeur courfe, mais le vent contraire; 
& cela eft vrai dans tous les pays où ces oifeaux ont 
un trajet confidérable à faire par-deffus les mers /e). 


(d) Ariftote, Hifloria Animalium , lib. VITE, cap. XL. 


(e) Aurê tamen vehi volunt propter pondus corporum virefque par vas 
Pline, Æifor. nat. lib. X, cap. XXIH. 


Mm m Ju 


462 HISTOIRE. NATURELLE 

M. le commandeur Godeheu a très-bien remarqué 
qu’au printemps les cailles n’abordentà Malte qu'avec 
le nord-oueft, qui leur eft contraire pour gagner la Pro- 
vence, & qu’à leur retour c'eft le fud-eft qui les amène 
dans cette île, parce qu'avec ce vent elles ne peuvent 
aborder en Barbarie /f): nous voyons même que 
l’ Auteur de la Nature s’eft fervi de ce moyen, comme 
| le plus conforme aux loix générales qu'il avoit établies, 
pour envoyer de nombreufes volées de cailles aux 
Ifraëlites dans le défert /g); & ce vent qui étoit le 
fud-oueft, pafloit en effet en Égypte, en Éthiopie, fur 
les côtes de la mef Rouge, & en un mot dans les pays 
où les cailles font en ondece (h}). 

Des Marins que j'ai eu occafñon de confulter, 
m'ont affuré que quand les cailles étoient furprifes 
dans leur pañlage par le vent contraire, elles s’abattoient 
fur les vaiffeaux qui fe trouvoient à leur portée, comme 
Pline l’a remarqué {), & tomboient fouvent dans la 


:5 (19 Mémoires préfentés à l’Académie royale des Sciences par 
divers Savans, tome ÎIT, page 92. 

(g) Tranfiulit auflrum de cœlo 7 induxit in virtute fuâ Africum er 
pluit fuper eos ficut palyerem | carnes , C7 Jicut arenam maris volatilia 
pennata, Pfam, 77. 

(4) Sinus arabicus coturnicibus ai ag FI. Jofeph. 42, ZII, 
Cap. I. ss 
(i) Advolant.... non fine periculo navigantium tum appropinquavere 


derris, quippe velis fæpe infident, ér hoc Jempér no(lus ARR navigia: 
Pline, Ai vf nat, lib. X, cap. XNA ES : 


DE LA! 0 Af LOL E: 463 
mér, & qu'alors on les voyoit flotter & fe débattre fur 
les vagues une aile en l'air, comme pour prendre le 
vent; d’où quelques Naturaliftes ont pris occafon de 
dire qu’en partant elles fe munifloient d’un petit mor- 
ceau de bois, qui pût leur fervir d’une efpèce de point 
d'appui ou de radeau, fur lequel elles fe délafloient 
de temps entemps, en voguant fur les flots, de la fatigue 
de voguer dans l'air /4/: on leur a fait auffi porter à 
chacune trois petites pierres dans le bec, felon Pline /2), 
pour fe foutenir contre Île vent; & felon Oppien /#), 
pour reconnoitre, en Îles laiflant tomber une à une, 
fi elles avoient dépaflé la mer; & tout cela fe réduit 
à quelques petites pierres que Îles caiïkes avalent avec 
leur nourriture comme tous les granivores: en général, 
on leur a prêté des vues, une fagacité, un difoérne) 
ment, qui feroient prefque does que ceux qui leur 
ont fait honneur de ces qualités en aient fait beaucoup 
d’ufage eux-mêmes. On a obfervé que d’autres oifeaux 
voyageurs, tels que le Räle terreftre, accompagnoient 
les cailles, & que l’oifeau de proie ne manquoit pas 
d’en attraper quelqu'une à leur arrivée; de-1là on à 
prétendu qu’elles avoient de bonnes raifons pour fe 


(k) Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. IT, pag. 156. 

(1) Quod fi ventus agmen adverfo flatu, cæperit inhibere, ponduftulis 
apprehenfis, aut gutture arenä repleto flabilitæ volant. Lib. X, cap. Xx111. 
On voit à travers cette erreur de Pline, qu’il favoit mieux qu’Ariftote 
comment les cailles tiroient parti du vent pour paler les mers, 

{m) Oppian, in Ixeut, 


464 HISTOIRE NATURELLE 
choifir un guide ou chef d’une autre efpèce, que 
l’on a appelé roi de cailles [orrygomerra ); & cela, parce 
que la première arrivante devant être la proie de l’oifeau 
carnaflier , elles tâchoient de détourner ce malheur fur 
une tête étrangère (2). fe 0 SD 1323 
Au refte, quoiqu'il foit vrai en général que et 
cailles changent de climat, il en refte toujours quel- 
ques-unes qui n’ont pas la force de fuivre les autres, 
{oit qu’elles aient été bleffées à l'aile, foit qu’elles 
foient furchargées de graiffe, foit que provenant d’une 
feconde ponte, elles foient trop jeunes & trop foibles 
au temps du départ; & ces cailles traîneufes tâchent 
de s'établir dans les meilleures expofitions du pays où 
elles font contraintes de refter /0). .Le nombre en eft 
fort petit dans nos provinces: mais les Auteurs de la 
Zoologie Britannique aflurent qu’une partie feulement 
de celles qu'on voit en Angleterre quitte entièrement 
l'île, & que l’autre partie fe contente de changer de 
quartier, paflant vers le mois d'oétobre de l'intérieur 
des terres dans les provinces maritimes, & principale- 
ment dans celle d’Effex où elles reftent tout l'hiver: 
lorfque la gelée ou la neige les obligent de quitter les 
jachères & les terres cultivées, elles gagnent les côtes 


“{n) Primam earm terræ appropinquantem accipiter rapit. Pline, 
loco citato. Aç propterea opera eff univerfis ut follicitent avem generis 
eXterni per quem frufirentur prima difcrünina. Solinus, cap. XVIII. 

_ {o) Coturnices quoque difcedunt , nif paucæ in locis apricis reman- 
ferine, Aviltot. Hiflor. Animal, Kb, VIIL, cap. XII: | 
| de 


DE LA CAILLE. 465 
de la mer, où elles fe tiennent parmi les plantes mari- 
times, cherchant les meilleurs abris, & vivant de ce 
qu'elles peuvent attraper fur les algues, entre les 
limites de la haute & baffle mer: ces mêmes Auteurs 
ajoutent que leur première apparition dans le comté 
d'Eflex, fe rencontre exactement chaque année avec 
leur difparition du milieu des terres /p). On dit auff 
qu'il en refte un aflez bon nombre en Efpagne & dans 
le fud de lItalie, où l’hiver n’eft prefque jamais affez 
rude pour faire périr ou difparoître entièrement les 
infectes ou les graines qui leur fervent de nourriture. 

À l'égard de celles qui pañlent les mers, il n’y a 
que celles qui font fecondées par un vent favorable 
qui arrivent heureufement; & fi ce vent favorable 
fouffle rarement au temps de la pafle, il en arrive 
beaucoup moins dans les contrées où elles vont pañfer 
l'été: dans tous les cas on peut juger affez fûürement 
du lieu d’où elles viennent par la direction du vent: 
qui les apporte. | 

Auffitôt que les caîlles font arrivées dans nos con- 
trées, elles fe mettent à pondre; elles ne s’appairent 
point comme je l'ai déjà remarqué, & cela feroit 
difficile fr le nombre des mâles eft, comme on faflure, 
beaucoup plus grand que celui des femelles; la fidélité, 
la confiance , l’attachement perfonnel, qui feroient des 
qualités eftimables dans les individus feroient nuifibles 
à l’efpèce; la foule des mäles célibataires troubleroit. 

(P) Voyez Britifch Zoology, page 87. 

Oifeaux , Tome IL nr Un 


466 HISTOIRE NATURELLE 
tous les mariages; & finiroit par les rendre flériles: 
au lieu que n’y ayant point de mariage, ou plutôt n’y 
en ayant qu'un feul de tous les mâles avec toutes les 
femelles, il y a moins de jaloufie, moins de rivalté, 
& fi l’on veut moins de moral dans leurs amours: mais 
auffi il y a beaucoup de phyfique; on a vu un mäle 
réitérer dans un jour jufqu’à douze fois fes approches 
avec plufieurs femelles indiftinétement; ce n’eft que 
dans ce fens qu’on a pu dire que chaque mûle fufifoit 
à plufieurs femelles /4); & la Nature qui leur infpire 
cette efpèce de libertinage en tire parti pour la multi- 
pue de lefpèce ; SR femelle dépofe de quinze 
à vingt œufs dans un nid qu'elle fait creufer dans Ja 
terre avec fes ongles, qu’elle garnit d’herbes & de 
feuilles, & qu’elle dérobe autant qu’elle peut à l’œil 
perçant de l’oifeau de proie; çes œufs font mouchetés 
_ de brun fur un fond grisatre; elle les couve pendant 
environ trois femaines: l’ardeur des mäles eft un bon 
garant qu'ils font tous fécondés, & il eft rare qu ils’en 
trouve de ftériles. | 

Les Auteurs de la Zoologie Britannique ditent que 
les cailles en Angleterre, pomeint rarement plus de fix 
ou fept œufs /r); fi.ce fait eft général & conftant , il 
faut en conclure qu'elles y font moins fécondes qu’en 
France, en Italie, &c; refte à obferver fr cette moindre 

{g) Voyez Aldrovande , Ornithologia , tom. IL, pag. 159; & 
Schwenckfeld, Aviarium Silefiæ, pag. 248. 

{r) Voyez Briifch Zoology, page 8 7, 


DEL A NCAA LE. 467 
fécondité tient à la température plus froide ou à quel- 
qu'autre qualité du climat. | 

Les cailletaux font en état de courir prefque en 
fortant de la coque, ainfr que les perdreaux; mais ils 
font plus robuftes à quelques égards, puifque dans 
L'état de liberté ils quittent la mère beaucoup plus tôt, 
& que même doi le huitième jour on peut entre- 
prendre de Îles élever fans fon fecours. Cela a donné 
lieu à quelques perfonnes de croire que les cailles 
faifoient deux couvées par été /f[); mais j’en doute 
fort, {1 ce n’eft peut-être celles qui ont été troublées & 
dérangées dans leur première ponte: il n’eft pas même 
avéré qu'elles en recommencent une autre lorfqu’elles 
font arrivées en Afrique au mois de feptembre, quoi- 
que cela foit beaucoup plus vraifemblable, puifqu’au 
moyen de leurs migrations régulières, elles ignorent 
T'automne & l'hiver, & que l’année n’eft compofée 
pour elles que de deux printemps & de deux étés, 
‘comme fi elles ne changeoient de climat que pour fe 
trouver perpétuellement dans la ifon de Famour & 
de fa fécondité. 

Ce qu'il y a de für, c’eft qu elles quittent leurs 
plumes deux fois par an, à la fin de l'hiver & à la fin 
de l'été; chaque mue dure un mois, & Îorfque leurs 
plumes font revenues, elles s’en fervent auflitôt pour 


({) Aldrovande, Ornithologia, tom. 11, pag. 159, prétend que 
les cailles de l’année fe mettent à pondre dès le mois d'août, & que 
cette première couvée eft de dix œufs au moins. 


Nnnij 


468 HISTOIRE NATURELLE 
changer de climat fi elles font libres, & fi elles font 
en cage, c’eft le temps où fe marquent ces inquiétudes 
périodiques qui répondent aux temps du pañlage. 

I ne faut aux cailletaux que quatre mois pour prendre 
leur accroiflement & fe trouver en état de fuivre leurs 
pères & mères dans leurs voyages. ul 

La femelle diffère du mâle en ce qu’elle ef un peu 
plus groffe felon Aldrovande (d’autres la font égale, 
& d’autres plus petite) qu’elle à a poitrine blanchätre, 
parfemée de taches noires & prefque rondes, tandis 
que le mâle l’a rouffätre fans mélange d’autres couleurs ; 
il a auffi le bec noir, ainfi que la gorge & quelques 
poils autour de la bafe du bec fupérieur /4/; enfin on 
a remarqué qu'il avoit les tefticules très-gros relativement 
au volume de fon corps /z): mais cette obfervation a 
fans doute été faite dans la faifon de l'amour , temps. 
où en général les tefticules des oifeaux groffiffen con- 
A Lis ci: | ie à 

Le mâle & la femelle ont hab deux cris: , l'un 
plus éclatant & plus fort, l’autré plus foible ; le mâle 
fait ouan, ouan, ouan , ouan , il ne donne fa voix fonore 
que lorfqu'il eft éloigné des femelles, & il ne la fait 
jamais entendre en cage pour peu qu’il ait une com- 


( t) Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. Il, pag: 1 ie 
Nota. Quelques Naturaliftes ont pris le mâle pour la femelle; jai 


fuivi dans cette occafion l'avis des Challeurs, & fur-tout de ceux qui 
en chaffant favent obferver. | se 


{:) Wiälulghby, Ornithologia, pag. 121. 


D'ELL ANC AR LEE". 469 
pagne avec lui: la femelle a un cri que tout le nionde 
connoît, qui ne lui fert que pour rappeler fon mâle, 
& quoique ce cri foit foible, & que nous ne puiffions 
l'entendre qu’à une petite diftance, les mâles y accourent 
de près d’une demi-lieue ; elle a auffi un petit fon trem- 
blotant ert, cri. Le mäle eft plus ardent que la femelle : 
car celle-ci ne court point à la voix du mâle, comme 
le mâle accourt à la voix de la femelle dans le temps 
de l'amour, & fouvent avec une telle précipitation, un 
tel abandon de lui-même, qu’il vient la chercher jufque 
dans la main de loifeleur /x). 

La caille, ainfi que la perdrix & beaucoup d’autres 
animaux, ne produit que lorfqu’elle eft en liberté: on 
a beau fournir à celles qui font prifonnières dans des 
cages, tous les matériaux qu’elles emploient ordinai- 
rement dans la conftruétion de leurs nids, elles ne 
nichent jamais, & ne prennent aucun foin des œufs qui 
Jeur échappent & qu’elles femblent pondre malgré elles. 

On a débité plufreurs abfurdités fur la génération des 
cailles ; on a dit d’elles comme des perdrix, qu’elles 
étoient fécondées par le vent, cela veut dire qu’elles 
. pondent quelquefois fans le fecours du mâle e{y);ona 
dit qu’elles s’engendroient des thons que la mer agitée 
rejette quelquefois fur les côtes de Lybie; qu’elles 
paroifloient d’abord fous la forme de vers, enfuite fous 
celle de mouches, & que groffiffant par degrés, elles 

(x) Ariftote, Hiftor. Animal hb VIE: cap. x | 

(y) Tbidem. 

Nnn ii 


4ÿ0o . HISTOIRE NATURELLE 
devenoient bientôt des fauterelles & enfin des cailles (TV 
c’eft-à-dire, que des gens groffiers ont vu des couvées 
de cailles chercher dans les cadavres de ces thons laiffés 
par la mer, quelques infectes qui y étoient éclos , & 
qu'ayant quelque notion vague des métamorphofes des 
_ infectes, ils ont cru qu’une futérelle pouvoit fe changer 
en caille comme un ver fe change en an infecte aîlé; 
enfin on a dit que le mâle s’accouploit avec le crapaud 
femelle C2 ce qui n'a pas ne d’ sé ideu de fon- 
dement. 

Les cailles fe burn de blé, de sé ét ; de 
chenevis, d’herbe verte, d’infeétes , de toutes fortes de 
graines, même de celle d’ellébore, ce qui avoit donné 
aux Anciens de la répugnance pour leur chair, joint à ce 
qu’ils eroyoïent que c’étoit le feul animal avec l’homme 
qui fût fujet au mal caduc /4): mais l'expérience a 
détruit ce préjugé. | 

En Hoilande où il y a beaucoup de ces oïfeaux, 
principalement fur les côtes, on appelle les baies de 
_brione ou couleuvrée, baies aux cailles A c), ce qui 
 fuppofe en elles ! un appétit de gs pour cette 

nourriture. | 

(3) Voyez Gefner, de Avibus, pag. 355. 

(&) Phanodemus apud Gefnerum, pag. 355. 

(b) Coturnicibus veratri {alias veneni) femen gratiffimus cibus, quame 
ob caufam eam damnavere menfæ , ec. Pline, Hif. nat. lib. X, 
Æ€ap. XXIIT. 

(€) Apid Hollandos brioniæ acini quartels beyen dicuntur, Hadrian. 
d un, Nomenclar. AU 


DE LA CAILLE. 471 


_ Il femble que le boire ne leur foit pas abfolument 
néceflaire : car des. chaffeurs m'ont afluré qu’on ne Îes 
voyoit jamais aller à l’eau, & d’autres, qu'ils en avoient 
. nourri pendant une année entière avec des graines sèches 
& fans aucune forte de boifflon , quoiqu’ekles boivent 
aflez fréquemment lorfqu’elles en ont la commodité ; 
ce retranchement de toute boiïflon eft même le feul 
_ moyen de les guérir lorfqu’elles rendent leur eau, c’eft- 
à-dire, lorfqu’elles font attaquées d’une efpèce de 

maladie dans laquelle elles ont prefque toujours une. 
goutte d’eau au bout du bec. 

Quelques-uns ont cru remarquer qu elles troubloient 
l’eau avant que de boire, & l’on n’a pas manqué de 
dire que c’étoit par un motif d'envie, car on ne finit 
pas fur les motifs des bêtes, elles fe tiennent dans les 
champs, les prés, les vignes, mais très-rarement dans 
les bois, & elles ne fe perchent jamais fur les arbres; 
quoi qu’il en foit, elles prennent beaucoup plus de graiffe 
que les perdrix: on croit que ce qui y contribue, c’eft 
l'habitude où elles font de paffer la plus grande partie 
de la chaleur du jour fans mouvement; elles fe cachent 
alors dans l’herbe la plus ferrée, & on les voit quel- 
quefois demeurer quatre heures de fuite dans la même 
place, couchées fur le côté & les jambes étendues: ül 
faut que le chien tombe abfolument deffus pour les 
faire partir. | 

On dit qu’elles ne vivent guère au- del de quatre 
ou cinq ans, & Olina Nef la brièveté de leur vie 


.472' HISTOIRE NATURELLE 

_ comme une fuite de leur difpofition à s’engraiffer (à): 
‘Artémidore l’attribue à leur caractère trifte & querel- 
leur /e); & tel eft en effet leur caraétère, auffi n’a-t-on 
pas manqué de les faire battre en public pour amufer 
da multitude: Solon vouloit même que les enfans & les 
_jeunes gens viffent ces fortes de combats pour y prendre 
des leçons de courage; & il falloit bien que cette forte 
de gymnaftique qui nous femble puérile, fût en honneur 
parmi les Romans & qu'elle tint à leur politique, 
puifque nous voyons qu'Augufte punit de mort un 
Préfet d'Égypte pour avoir acheté & fait fervir fur fa 
table un de ces oïfeaux qui avoit acquis de la célébrité 


par fes victoires: encore aujourd’hui on voit de ces 


efpèces de tournois dans quelques villes d'Italie ; on 
prend deux caïlles à qui on donne à manger largement ; 
on les met enfuite vis-à-vis l’une de l’autre, chacune 


au bout oppofé d’une longue table, & l’on jette entre 
deux quelques grains de millet { car parmi les animaux 


il faut un fujet réel pour fe battre }; d’abord elles fe 
lancent des regards menaçans , puis partant comme un 
éclair elles fe joignent, s’attaquent à coups de bec, & 


ne ceflent de fe battre, en dreflant la tête & s’élevant 


fur leurs ergots, jufqu’à ce que l’une cède à l’autre le 
champ de bataille //): autrefois on a vu ces efpèces de 
duels fe paffer entre une caille & un homme; la caille 
{d) Olina, Uccellaria, pag. 58. 
fe) Artemidore, lb, III, cap. Ve 
(f) Voyez Aldrovande, Ornithologia, tom. II, pag. 161. 
: étant 


DE D AC AT EE A 473 
étant mife dans une grande caifle au milieu d’un cercle 
qui étoit tracé fur Le fond, l’homme lui frappoit la tête 
ou le bec avec un feul doigt, ou bien lui arrachoit 
quelques plumes; fi la caille en fe défendant ne fortoit 
point du cercle tracé, c’étoit fon maitre qui gagnoit 
la gageure, mais f1 elle mettoit un pied hors de la cir- 
conférence, c’étoit fon digne adverfaire antagonifte qui 
étoit déclaré vainqueur, & les cailles qui avoient été 
fouvent viétorieufes fe vendoient fort cher //2). Il eft 
à remarquer que ces oifeaux, de même que les perdrix 
& plufieurs autres, ne fe battent ainfr que contre ceux 
de leur efpèce, ce qi fuppofe en eux plus de ppocios 
sp de courage ou même de colère. 

On juge bien qu'avec l'habitude de changer de climat; 
& de s’aider du vent pour faire fes grandes traverfées , 
la caille doit être un oiïfeau fort répandu; & en effet, 
on la trouve au cap de Bonne -efpérance /4) & dans 
toute |’ Afrique habitable /4), en Efpagne, en ftalie /4), 
en France, en Suifle //), dans les Pays-bas /#7) & en 
Allemagne /x), en Angleterre /o), en Écofle /p), en 


 {g) Voyez Jul. Pollux, de Ludis, ib. IX. 

{h) Voyez Kolbe, tome I, page 152, 

(i) Voyez EL. Jofeph, Zÿ. IT, cap. I. it &C, 

{k) Voyez Aldrovande. 

{l) Situmpfus Aldrovandi, An ; tons TES pre J 57 7 

{m) Aldrovande, Zbidem, 

fn) Frifch, planche CXV II. : 

(0) Britifeh Zoology, page 87. , 
 (p) Sibbaldus, Hiforia Animalium in Scotiä, page16. 

Oifeaux , Tome IL Ooo 


474 HISTOIRE. NATURELLE | 
Suède /4), & jufqu’en Iflande /r) & du côté de l'ER, 
en Pologne /f), en Ruflie fr), en Tartarie /«), & 
jufqu’à la Chine (x); il eft même très- probable qu’elle: 
a pu pafler en Amérique, puifquelle fe répand. chaque 
année affez près des Cercles polaires, qui font les points. 


où les deux continens fe rapprochent le plus, & em 


effet, on en trouve dans les îles Malouines. comme 
nous le dirons plus bas; en général, on en voit toujours 
plus fur les côtes de la mer & aux environs que dans 
l'intérieur des terres. | 
La caille fe trouve donc par-tout, & par- tout on la 
regarde comme un fort bon gibier, dont la chair eft 
de bon goût & auffi faine que peut l’être une chair 
auffi grafle; Aldrovande nous apprend même qu'on en: 
fait find la graifle à part & qu’on la garde pour fervir 
d sisi fau a G); & nous avons vu plus haut que les. 


(g) Fauna Succica, pag. 64. 
{r) Horrebow, Nouvelle Defcription de 1 Iflandes 
SEL Rzaczynski, dau Polonie, pag. 376. 
“ (t) In campis Rufficis € Podolicis repériunitur coturnices. +. Martin. 
Cramer, de Polonia; & Rzaczynski, loco citate, 

(a) Gerbillon, Voyages faits en Tartarie à la faite ou par ve de 
l'empereur de la Cine. Voyez Y Hifloire ax des s FOMER , tome VIE, 
pages 465 & 505. 

[x) Noyez Glanures d'Edwards, tome I, page 2. re Chinois, 


dit-il, ont auffi notre caïlle commune dans leur pays, comme il. 


paroit vifiblement par leurs tableaux, où Fon retrouve fon portrait 4 


d’ dr nature. 


y) pis Aldrovande $ Omega, à tom. A pre L “es Me 


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DEAD AL CG AJID'LE 475 
Chinois fe fervoient de l’oifeau vivant pour s’échauffer 
les mains. | | 

On fe fert aufli de la femelle ou d’un appeau qui 
imite fon cri, pour attirer les mâles dans le piége: on 
dit même qu’il ne faut que leur préfenter un miroir 
avec un filetau-devant, où ils fe prennent en accourant 
à leur image qu'ils prennent pour un autre oifeau de 
leur efpèce ; à la Chine on les prend au vol avec des 
troubles légères que les Chinois manient fort adroi+ 
tement /Z); en général, tous les piéges qui réufhffent 
pour les autres oifeaux, font bons pour les cailles, 
fur-tout pour les mâles qui font moins défians & plus 
ardens que leurs femelles, & que l’on mène par-tout 
où l’on veut en imitant la voix de celles-ci. 

Cette ardeur des cailles a donné lieu d'attribuer à 
leurs œufs f42), à leur graifle, &c. la propriété de 
relever les forces abattues & d’exciter les tempéramens 
fatigués ; on a même été jufqu’a dire que la feule 
préfence d'un de ces oïfeaux dans une chambre, pro- 
curoit aux perfonnes qui y couchoient, des fonges 
vénériens /b); il faut citer les erreurs afin qu’elles fe 
détruifent elles-mêmes. 


x 


{z) Gemelli Carreri. 
(a) Ova coturnicis inun@la teflibus voluptatem inducunt &r pota Kbi- 
dinem augent, Kiranides. 


() Füfeh, planche XV Er 


Ooo i; 


476 HISTOIRE NATURELLE 


LalCHRONIEr 
ou GRANDE CAIÎLLE DE POLOGNE. 


N OUS ne connoiflons cette Caille que par le Jéfuite 
Rzaczynski, auteur Polonois, & qui mérite d’autant 
plus de confiance fur cet article, qu'il parle d’un 
oifeau de fon pays: elle paroît avoir la même forme, 
le même inftinét que la caille ordinaire, dont elle ne 
diffère que par fa grandeur /4); c’eft pourquoi je la 
confidère fimplement comme une variété de cette 
efpèce. | 

Jobfon dit que Îles cailles de la Gambia font auf 
groffes que nos bécaffes (b): fi le climat n’étoit pas 
- auf différent, je croirois que ce feroit le même 
oifeau que celui de cét article. | 


| {a Voyez Rzaczynski, Hif. nat. Poloniæ, pag. 277. 
{b) Voyez Collection de Purchaff, tome 1, page 1 5 67. 


La CALE LE BLANCHE. 


ÂAnisrorr eft le feul qui ait parlé de cette Caille /4), 
qui doit faire variété dans l’efpèce des cailles, comme 
da perdrix grife - blanche & la perdrix rouge - blanche 


{a) Voyez Ariftote, de Coloribus, cap. VI. 


DES NOUMT IR DONS NA A9 
font variété dans ces deux efpèces de perdrix ; l’alouette 
blanche dans celle des. alouettes, &c. 

Martin Cramer parle de cailles aux pieds verdâtres: 
(virentibus pedibus ) (b): eft-ce une variété de l’ de 
ou fimplement un accident individuel”. | 

(b) Martin Cramer, d Poloniâ, ib. 1, pag. 474:- 


L A REX TD LE 
DES ÎLES MALOUIN EST. 


Ok pourroit encore ARTE cette efpèce. comme: 
une variété de l’efpèce commune qui eft répandue en: 
Afrique & en Europe, ou du mains comme une. 
efpèce très-voifine; car. elle n’en paroiït différer. que par: 
la couleur plus. brune de fon plumage, .& par fon bec. 
qui eft un.peu plus fort. do 

Mais. ce qui: s'oppofe à cette idée, c’eft le grand: 
intervalle de mer qui fépare les .continens vers le Midi:. 
&. H faudroit que nos cailles euffent fait un très-grand: 
voyage, fi l’on fuppofait qu'ayant paflé par le nord. 
de l’Europe en Amérique, elles fe retrouvent jufqu’au. 
détroit de Magellan; je ne décide donc pas fi cette. 
caille des îles Malouines eft de la même efpèce que 
notre caille, ni fi elle en provient originairement, ou: 
f ceneft pas plutôt une pr sé & particulière: 
au climat des iles Malouines. | 


* Voyez les: planches enluminées, n° 222. 


Ooo iij. 


478 HISTOIRE FRIC CERN 2 


E : FRAISE ou CAILLE 
DE. LA CHINE “É 


C ET oifeau eft repréfenté dans nos planches fous 
de nom de Calle des Philippines, parce qu’elle a été 
envoyée de ces iles au Cabinet; mais elle fe trouve 
auf à la Chine, & je l’ai appelée la Fraife, à caufe de 
l’efpèce de fraife blanche qu'elle a fous la gorge, & 
qui tranche d’autant plus que fon plumage eft d’un 
brun-noirâtre: elle eft une fois plus petite que la nôtre. 
M. Edwards a donné la figure du mâle, planche CCXLV 1, 
il diffère de la femelle repréfentée dans nos planches 
enluminées, en ce qu’il eft un peu plus gros, quoiqu'il 
ne le foit pas plus qu’une alouette; en ce qu'il a plus 
de caractère dans la phyfonomie, les couleurs du 
plumage plus vives & plus variées, & les pieds plus 
forts. Le fujet defliné & décrit par M. Edwards, avoit 
été apporté vivant de Nanquin en Angleterre. 

Ces petites cailles ont cela de commun avec celles 
de nos climats, qu’elles fe battent à outrance les unes 
contre les autres, fur-tout les males; & que les Chinois 
font : à cette occafion des gageures confidérables, chacun 
pariant pour fon oifeau, comme on fait en Angletérre 
pour les coqs fa): on ne peut donc guère douter 


sé avez les planches his n° 126. 


(a) Voyez George Edwards, Gleanings, tome Ï, page 78. 


DOM NOM ALLER 479 
qu’elles ne foient du même genre de nos cailles, mais 
c’eft probablement une efpèce différente de l’efpèce 
commune, & c'eft par cette raifon que j'ai cru devoir 
jui donner un nom propre & particulier. 


Le TURNIX ou CAILLE 
DE ALADAGASC AMI 


N ous avons donné à cette caille le nom de Zurnix, 
par contraction de celui de Corurmix, pour. la diftinguer 
de la caille ordinaire dont elle diffère à bien des égards ;: 
car premièrement, elle eft plus petite; en fecond lieu... 
elle a le plumage différent, tant pour le fond des cou- 
leurs que pour l'ordre de leur difribution, enfin, elle: 
j'a que trois. doigts antérieurs. à chaque pied, comme: 
les outardes., & n’en a point de poñlérieur.. 


_* Voyez les planches enluminées, n° 17 ÿ: 


£ù RÉVEIL- MATIN 
‘où L A ‘CARE LE DE JAVA (a). 


Lo. Oifeau qui n’eft pas beaucoup plus gros que. 
notre caille, lui refflemble parfaitement par les cou- 
leurs du plumage, & chante auffi par intervalles; mais. 

(a) Voyez Bontius, Elifloria naturalis 4 medica Indiæ  Cneugis : 
pag. 64» 


a8o HISTOIRE NATURELLE 

il s’en diflingue par des différences nombreufes & 
confidérables, 1. par le fon de fa voix qui eft très- 
gravé, très-fort, & aflez femblable à cette efpèce de 
mugiflement que pouffent les butors en-enfonçant leur 
"a dans la vafe des marais /6): 

._2.° Par la douceur de fon naturel qui la rend fufcep- 
tible d’être apprivoifée au même degré que nos RUES 
domeftiques. 

o, Par les impreffions fingulières que le froid fait 
fur fon tempérament, elle ne chante, elle ne vit que 
lorfqu’elle voit le foleil ; dès qu'il eft couché, elle fe 
retire à l’écart dans quelque trou où elle s’enveloppe, 
pour ainfi dire, de fes ailes pour y pafler la nuit; & 
dès qu’il fe lève, elle fort de fa Kthargie pour célébrer 
fon retour par des cris d’allégreffe qui réveillent toute 
la maifon /c): enfin, lorfqu’on la tient en cage, f elle 
n’a pas continuellement le foleil, & qu'on n'ait pas 
l'attention de couvrir fa cage avec une couche de 
fable fur du linge, pour conferver la chaleur, elle 
lnguits dépérit & meurt bientôt. 

2° Par fon inftin@; car il paroït par la robtion de 
Bontius, qu’elle l’a fort focial, & qu’elle va par com- 
| sn Bontius Ag qu'elle fe trouve dans Îles forêts 


(b) Les Hollandois appellent ce | mugilfement, Pütoo , “£on 
Bontius. 

{c) ‘Éontius dit qu'il tenoit de ces oifeaux en cage exprès pour 
fervir de réveil- matin; & ‘en «effet leurs preiniers cris annonçent 
toujours le lever du foleil. as 

de 


DE SCA ILLES\ .. 48 
de l'ile de Java: or nos cailles vivent ifolées & ne fe 
trouvent jamais dans les bois. 

5.” Enfin par la forme de fon bec qui eft un peu 
plus alongé. | | | 

Au refle, cette efpèce a néanmoins un trait de 
conformité avec notre caille, & avec beaucoup d’autres 
efpèces; c’eft que les males fe battent entr’eux avec 
acharnement, & jufqu'à ce que mort s’enfuive; mais 
on ne peut pas douter qu’ellene foit très- différente 
de l’efpèce commune; & c’eft par cette raifon que je 
lui ai donné un nom particulier. 


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Oifiaux, Tome IL | Ppp 


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482 HISTOIRE NATUREL E 


OISEAUX € £ TRANGERS, 
Qui paroiffent avoir du rapport avec les 
PERDRIX & avec les CAILLES. 
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LA ART ce ARS RUE AR TN 


Les Colins font des oifeaux du Mexique, qui ont 
été indiqués plutôt que décrits par Fernandez /a), & au 
fujet defquels il a échappé à ceux qui ont copié cet 
Écrivain plus d’une méprife qu'il ef à propos de 
rectifier avant tout. 

Premièrement, Nieremberg qui fait profeflion de ne 
parler que d’après les autres, & qui ne parle ici des 
colins que d’après Fernandez f), ne fait aucune 
mention du cacacolin du chapire CXXxIV, quoique 
ce foit un oifeau de même efpèce que les colins. 

En fecond lieu, Fernandez parle de deux acolins 
ou cailles d’eau, aux chapitres x & CXXXT; : Nieremberg 
fait mention du premier, & fort mal-à- propos, à la 
fuite des colins, puifque c’eft un oifeau aquatique ,ainfs 
que celui du chapitre cXXXT dont il ne dit rien. | 

(a) Voyez Fernandez , Hifloria Avium novæ lifpaniæ, Cap. XXI, 
XXV, XXXIX, LXXXV & CXXXIV. ù 

(b) Noyez Joann. Eufeb. Nierembergi Hifloria nature maximè 
peregrineæ. Lib. X, Cap. LXXII, pig. 232 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 483 
_Troifièmement, il ne parle point de l’ococolin du 
chapitre LXXxv de Fernandez, lequel eft une perdrix 
du Mexique, & par conféquent fort approchant des 
colins, qui font aufi des perdrix, tant Fernandez , 
comme nous l’alons voir. 


En quatrième lieu, M. Ray copiant Nieremberg 
copifte de Fernandez, au fujet du coyolcozque, change 
fon expreflion, & altère à mon avis le fens de la phrafe; 
car Nieremberg dit que ce coyolcozque eft femblable 
aux cailles ainfi appelées par nos Efpagnols /c) ( lefquels 
font certainement les colins }, & finit par dire qu'il eft 
une efpèce de perdrix d'Efpagne /4); & M. Ray lui fait 
dire qu'il eft femblable aux cailles d'Europe, & fup- 
prime ces mots, 4/f enim fpecies perdicis Hifpanicæ (c): 
cependant ces derniers mots font effentiels, & ren- 
ferment la véritable opinion de Fernandez fur l’efpèce 
à laquelle ces oifeaux doivent fe rapporter, puifqu’au 
chapitre XXXIX , qui roule tout entier fur les colins, il 
dit que les Efpagnols Îles appellent des cailles, parce 
qu'ils ont de la refflemblance avec les cailles d'Europe, 
quoique cependant ils appartiennent très-certainement 
au genre des perdrix: il eft vrai qu’il répète encore 
dans ce même chapitre que tous les colins font rap- 
portés aux cailles; mais il eft aifé de voir au milieu de 


(c) Coturnicibus vocatis a nofiris fimilis. À Yendroit cité, page 233. 
(d) ER enim éjus { perdicis Hifpaniæ ) fpecies. Ybidem. 
{e) Sn 5 methodica aviun appendix, Pag. 158. 

Ppp ÿ 


284 HISTOIRE NATURÈLLE 
toutes cés incertitudes que lorfque cet Auteur donne 
aux colins le nom de cales, c’eft d’après le vulgaire (f?> 
qui dans l’impofition des noms fe détermine fouvent par 
des rapports fuperfciels, & que fon opinion réfléchie 
eft que ce font des efpèces de perdrix. J’aurois donc 
pu, m'en rapportant à Fernandez, le feul obfervateur 
qui ait vu ces. oifeaux, placer les colins à la fuite des. 
perdrix; mais j'ai mieux aimé me prêter autant qu'i 
étoit poffible à l'opinion vulgaire qui n’eft pas dénuée 
de tout fondement, & mettre ces oifeaux à la fuite 
des cailles, comme ayant rapport aux cailles. & aux. 
perdrix, | | ti | 
Suivant Fernandez, les colins font fort communs: 
dans la nouvelle Efpagne; leur: chant, plus où moins 
agréable, approche beaucoup de eelui de nos cailles:;. 
leur: chair: eft un manger très-bon & très-fain, même 
pour les malades, lorfqu’elle ef gardée quelques jours: 
ils fe nourriflent:de grain, & on les tient communément 
“en cage lg); ce qui me feroit croire qu'ils font d'un 
naturel différent de nos cailles & même de nos perdrix. 


{f} Il dit toujours:, en‘parlant de cette efpèce, Coëurnicis Mexi- 
canæ ( cap. XXIV_ }, Coturnicis vocatæ | Cap. XXXIV ), quam.vocant 
Coturnicem ( cap. XXX1X }; & quand il dit Coturnicis noffræ ( cap. 
XXV }, il eft évident qu'il veut parler de ce. même. ojfeau appelé 
Gaille au Mexique, puifqu’ayant parlé dans le chapitre précédent de: 
cette caïlle A eus il dit ici ( cap. XXV h Coturnicis nofiræ quoque: 


ef Jpecies.. 
(g/ Fernandez, ie cit Aÿiüm, Cap. FXXIXS 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, c. 485$ 
NL allons donner les indications particulières de ces 
oifeaux dans les articles fuivans. 


LE 
Er ZLON ECVOL EN) 

CE nom abrégé du mot Mexicain Quanhizonecoln ; 
défigne un oifeau de grandeur médiocre, & dont fe 
plumage eft de couleur obfcure; mais ce qui le dif- 
tingue, c’eft fon cri, qui eft aflez flatteur, quoiqu’un: 
peu plaintif, & la huppe dont fa tête eft ornée. 

Fernandez reconnoîït dans le même chapitre un autre 
colin de même plumage, mais moins gros & fans. 
huppe; ce pourroit bien être la femelle du précédent, 
dont il ne fe diflingue que par des caractèresaccidentels., 
qui font fujets à varier d’un fexe à l’autre. 


{a) Voyez Fernandez, Æifloria Avium, cap. XXXIX. 
PERL 


px GRAND COLIN fe 


C'EST ici la plus grande efpèce de tous ces Colins: 
Fernandez ne nous apprend point fon nom; il dit 
feulement que le fuve.eft fa couleur dominante, que: 
da tête eft variée de blanc & de noir, & qu'il y a aufr: 
du blanc fur le dos & au bout des ailes, ce qui doit: 

_ (a) Voyez Fernandez, cap. XX X IX; & Briflon, Ornithologie,: 
tome Ï, page 257. 
| Ppp ii, 


486 HISTOIRE NATURELLE 
contrafter agréablement avec la couleur noire des pieds 


& du bec. 
1 V. 


LE -CAGOLIN 


CET oifeau appelé Cacacolin par Fernandez, eft felon 


lui une efpèce de caille (a), c'eft-à-dire de colin, de 


même grandeur, de même forme, ayant le même 
chant, fe nourriffant de même, & ayant le plumage 
peint prefque des mêmes couleurs que ces cailles 
Mexicaines. Nieremberg, ds ni M. Briflon n’en 
parlent point. 


(a) Coturnicis vocatæ fpecies. Voyez Paie y ape CXXXIV. 
À | V. 
Le COOL C0S 


C’EST ainfi que j'adoucis le nom Mexicain Coyo/ 
cozque: cet oifeau reflemble par fon chant, fa groffeur, 
fes mœurs, fa manière de vivre & de voler, aux autres 


colins; mais il en diffère par fon plumage: le fauve 


mêlé de blanc eft la couleur dominante du deflus du 
corps, & le fauve feul celle du deflous & des pieds: 
le fommet de la tête eft noir & blanc, & deux bandes 
de la même couleur defcendent des yeux fur le cou: il 
fe tient dans les terres cultivées; voilà ce que dit Fer- 
nandez, & c’eft faute de l'avoir lû avec affez d'attention, 
ou plutôt c'eft pour avoir fuivi M. Ray, que M. Briffon 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dc. 487 
dit que le coyolcos reflemble à notre caille par fon 
chant, fon vol, &c. /a); tandis que Fernandez aflure 
pofitivement qu’il reflemble aux cailles, ainfi appelées 
par le vulgaire, c’eft-à-dire aux colins, & que c’eft en 


effet une efpèce de perdrix /4). 
(a) Voyez Briflon, Ornithologie, tome I, page 256. 
(b) Perdicis Hifparicæ. .. fpecies fl... Hifloria animalium novæ 
Hifpaniæ, Pag. 19, cap. XXIV. 
VE 
EE ENCOLENTFTEOU LE 


Friscx donne fplanche Cx1r1 ), la figure d’un oifeau 
qu'il appelle petite poule de bois d'Amérique, & qui 
reffemble , felon lui, aux gélinottes par le bec & les 
pieds, & par fa forme totale ; quoique cependant elle 
_n’ait ni les pieds garnis de plumes, ni les doigts bordés 
de dentelures, ni les yeux ornés de fourcils rouges, 
ainfr qu'i paroït par fa figure. M. Briflon qui regarde 
cet oifeau comme le même que le Cofenicuilric de 
Fernandez /a), l’a rangé parmi les cailles fous le nonx 
de caille de la Louifiane, & en a donné la figure /4); 
mais en comparant Îes figures ou les defcriptions de 
M. Briflon, de Frifch & de Fernandez, j'y trouve de 
trop grandes différences pour convenir qu'elles puiffent 
fe rapporter toutes au même oifeau: car fans m’arrêter- 


| fa) Fernandez, Hiff. Avium novæ Hifpaniæ, cap. XXv, pag. 19» 
_{b) Briflon , Ornithologie, tome F, page 258 ;. &’ planche xx. 


488 HISTOIRE NATURELLE 
aux couleurs du plumage, fi difficiles à bien peindre 
dans une defcription, & encore moins à l'attitude qui 
n’eft que trop arbitraire; je remarque que le bec & 
les pieds font gros & jaunâtres felon M. Frifch, rouges 
& de médiocre groffeur felon M. Briffon, & que les 
pieds font bleus (clos Fernandez (D 

… Que fi je n'arrête à l’idée que f’afpeét de cet oifeau 
a fait naître chez ces trois Naturaliftes, l'embarras né 
fait qu’augmenter; car M. Frifch n’y a vu qu’une poule 
de bois, M. Briffon qu’une caille, & Fernandez qu’une 
perdrix; car quoique celui-ci dife au commencement 
du chapitre XX, que c’eft une efpèce de caille, il eft 
vifible qu’il fe conforme en cet endroit au langage 
vulgaire; car il finit ce même chapitre en affurant que 
le colenicuilric reffemble par fa groffeur, fon chant, fes 
mœurs & par tout le refte f’cereris cunCis ), à l'oifeau 
du chapirre X XIV: or cet oiïfeau du chapitre X XIV. 
æft le coyolcozque, efpèce de colin; & Fernandez, 
comme nous l'avons vu, met les colins au nombre des 
perdrix (d). 
Je n’infifle fur tout ceci que pour faire fentir & 
éviter s’il eft poffible un grand inconvénient de no- 
menclature. Un Méthodifte ne veut pas qu'une feule 
éfpèce, quelque anomale qu’elle foit, échappe à fa 


{c) Fernandez, a l'endroit cité, page 20. 

{d) Colin genera {quas Coturnices vocant Hifpani, quoniam noffra- 
atibus funt fimiles , th ad tr fheces J Ni nt citra dubium referendæ }. 
Cap. XXXIX. 

méthode : 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, Ôrc. 489 
méthode: il lui affigne donc parmi fes clafles & :e 
genres la place qu'il croit. lut convenir Île mieux; un 
autre qui a imaginé un autre fyflème en fait autant 
avec le même droit; & pour peu que l’on connoiffe 
le procédé des méthodes & la marche de la Nature, 
on comprendra facilement qu'un même oifeau pourra 
très-bien être placé par trois Méthodiftes dans trois 
claffes différentes, & n'être nulle part à fa place. 

Lorfque nous aurons vu l’oifeau ou Îles oifeaux 
dont il s’agit ici, & fur-tout lorfque nous aurons 
loccafion de les voir vivans, nous les rapprocherons 
des efpèces avec lefquelles ils nous paroïtront avoir le 
plus de rapport, foit par la forme extérieure, foit par 
les mœurs & les habitudes naturelles. 

Au refte,. le colenicui eft de la groffeur de notre 
caille, felon M. Briflon; mais il paroît avoir les ailes 
un peu plus longues: il eft brun fur le corps, gris-fale 
& noir par-deflous ; il a la gorge blanche & des efpèces 
de fourcils blancs. 


Mer 
L'OCOCOLIN où PERDRIX 
DE MONTAGNE DU MEXIQUE (4). 


CETTE efpèce que M. Scba a pris pour le rollier 
huppé du Mexique /4), s'éloigne encore plus de la caille 


(a) Voyez Fernandez, chap. LXxxv. Briflon, tome I, page 2 26. 
(t) Voyez VOrnithologie de Briflon, tome IT, page 84. En 
 Oifeaux, Tome IL Qgqq 


490 HISTOIRE NATURELLE, de. 

& même de la perdrix que le précédent: elle eft beau: 
“coup plus groffe, & fa chairn eft pas moins bonne que 
celle de la caille, quoique fort au- deffous de celle de 
la perdrix. L’ococolin fe rapproche un peu de la per- 
drix rouge, par la couleur de fon plumage, de fon bec 


:& de fes pieds, celle du corps eft un mélange de brun, 


de gris- clair & de fauve; celle de la partie inférieure 
des “aies eft cendrée; leur partie fupérieure eft femée 
de taches obfcures, blanches & fauves, de même que 


la tête & le cou: il fe plaît dans les climats tem- 


pérés & même un peu froids, & ne fauroit vivre ni fe 
perpétuer dans les climats brûlans. Fernandez parle 


éncore d’un autre ococolin, mais qui eft un oifeau 


tout différent (c/. 


général les rolliers ont le bec plus droit & la queue plus Matane que. 


les perdrix. 


(c) Ococolin genus Pici, roffro longo € acuto... . vivit in Telco- 


canarum fylvarum arboribus , ubi fobolem ripas non cantillat, Fe, | 


CAP. COCA Te 


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: ë 4 t Ÿ 5 


Planche XVII ride Juivantes de ce volume. 


IL étoit aifé de rendre domeftiques des oifeaux bts 
tels que les coqs, les dindons & les paons; mais ceux 
qui font légers & dont le vol eft rapide, demandoient. 
plus d’art pour être fubjugués; une chaumière bañle 
dans un terrein clos, fufit pour contenir, élever & 
faire multiplier nos volailles; il faut des tours, des 
bâtimens élevés faits exprès, bien enduits en dehors & 
garnis en dedans de nombreufes cellules, pour attirer, 
retenir & loger les Pigeons; ils xe font réellement ni 
domeftiques comme les chiens & les chevaux , ni 
prifonniers comme les poules, ce font plutôt des 
captifs volontaires, des hôtes fugitifs, qui ne fe tiennent 
dans le logement qu'on leur offre qu'autant qu’ils s’y 
plaifent, autant qu'ils y trouvent la nourriture abon- 
dante, le gite agréable & toutes les commodités, toutes 
les aifances néceflaires à la vie: pour peu que quelque 
chofe leur manque ou leur déplaife, ils quittent & fe 
difperfent pour aller ailleurs; il y en a même qui 
préfèrent conflamment les trous poudreux des vieilles 
murailles aux boulins [es plus propres de nos colom- 
biers; d’autres qui fe gitent dans des fentes & des 
‘creux d'arbres; d’autres qui femblent fuir nos habita- 
tions & que rien ne peut y attirer ; tandis qu ’on en 


Qqqij. 


494.  AISTOIRE NATURELLE 

voitau contraire qui n’ofent les quitter, & qu’il faut 
nourrir autour de leur volière qu’ils n’abandonnent 
jamais. Ces habitudes oppofées, ces différences de 


mœurs fembleroient indiquer qu'on comprend fous le 


nom de pigeon, un grand nombre d’efpèces diverfes 
dont chacune auroit ni naturel propre & différent de 
celui des autres: & ce qui fembleroit confirmer cette 
idée, c’eft l opinion de nos Nomenclateurs modernes 


qui comptent indépendamment d'un grand nombre de 


variétés, cinq efpèces de pigeons, fans y comprendre 
ni les ramiers ni les tourterelles. Nous féparerons d’a- 
bord ces deux dernières efpèces de celles des pigeons; 
& comme ce font en effet des oiïfeaux qui diffèrent 
fpécifiquement les uns des autres , nous traiterons de 
chacun dans un article féparé. | 


Les cinq efpèces de pigeons indiqués par nos No< 
menclateurs font, 1.° le pigeon domeftique; 2. le 


pigeon romain, fous l’efpèce duquel ils comprennent 


feize variétés; 3.° le pigeon bifet, 4. le pigeon de: 


roche avec une variété; $.° le pigeon fauvage /a): 


à à \ : \ 5 3 9 \ [4 
or ces cinq efpèces, à mon avis, n’en font qu'une, & 
voici la preuve: le pigeon domeftique & le pigeon 


romain avec toutes fes variétés, quoique différens par 
la grandeur & par les couleurs, font certainement de 
la même efpèce, puifqu’ils produifent enfemble des 


individus féconds & qui fe reproduifent. On ne doit. 
donc pas regarder les pigeons de volière & les pigeons 


(a) Brion, Oruithologie, tome I page 68 jufqu'à 89. 


DRaE 


CNP NE PT RO ET SCA PUR) SRE UE  R = 
PET TE RE raqee DET RRNEnr SR TT OT PR 


D'UN CE ON. Lt AR 
de colombier, c’eft-à-dire, les grands & les petits 
pigeons domeftiques, comme deux efpèces différentes : 
& il faut fe borner à dire que ce font deux races dans 
une feule efpèce, ‘dont l'une eft plus domeflique & 
plus perfeétionnée que l’autre: de même, le pigeon 
bifet, le pigeon deroche & le pigeon fauvage, font 
trois cfpèces nominales qu’on doit réduire à une feule, 
qui eft celle du bifet, dans laquelle le pigeon de roche 
& le pigeon fauvage ne font que des variétés très-léères; 
puifque de l’aveu même de nos Nomenclateurs, ces 
trois oifeaux font à peu près de la même grandeur : 
que tous trois font de paflage, fe perchent, ont en 
tout les mêmes habitudes naturelles, & ne diffèrent 
entr'eux que par quelques teintes de couleurs. 
= Voila donc nos cinq efpèces nominales déjà réduites 
a deux; favoir, le bifet & Île pigeon; entre lefquelles 
deux, il n’y a de différence réelle, finon que le 
premier eft fauvage & Îe fecond eft domeftique: je. 
regarde le bifet comme la fouche première de laquelle 
tous les autres pigeons tirent eur origine, & duquel 
ils diffèrent plus ou moins, felon qu'ils ont été plus 
ou moins maniés par les hommes; quoique je n’aie 
pas été à portée d’en faire l'épreuve, je fuis perfuadé 
que le bifet & Îe pigeon de nos colombiers produiroient 
enfemble s'ils étoient unis; car il y a moins loin de. 
notre petit pigeon domeftique au bifet, qu'aux gros 
pigeons pattus ou romains avec lefquels néanmoins il 
s’unit & produit: d’ailleurs, nous voyons dans cette 
efpèce toutes les nuances du fauvage au domeftique, 


494 HISTOIRE NATURELLE 


fe préfenter fucceffivement & comme par te de 
généalogie , ou plutôt de dégénération. Le bifet nous eft 
repréfenté d’une manière a ne pouvoir s'y méprendre, 
par ceux de nos pigeons fuyards qui défertent nos co- 
lombiers, & prennent l’habitude de fe percher fur les 
arbres, c’eft la première & la plus forte nuance de | 
leur retour à l’état de nature: ces pigeons, quoique 
élevés dans l’état de domeficité, quoiqu’en apparence 
accoutumés comme les autres à un domicile fixe, à des 
habitudes communes, quittent ce domicile, rompent 
toute fociété & vont s'établir dans les bois, ils re- 
tournent donc à leur état de nature pouffés par leur 
feul inftin&. D’ autres apparemment Moins COUrageux , 
moins hardia: quoiqu'également amoureux de leur 
liberté, fuient de nos colombiers pour aller habiter 
folitairement quelques trous de muraille, ou bien en 
petit nombre fe réfugient dans une tour peu fréquentée ; 
& malgré les dangers, la difette & la folitude de ces 
lieux out 4h manquent de tout, où ils font expoñés à. 
- Ja belette, aux rats, à la fouine, à la chouette, & où 
ils font forcés de fubvenir en tout La de à leurs befoins. 
par leur feule induftrie ; ils reflent néanmoins conf-. 
tamment dans ces habitations incommodes, & les 
préfèrent pour toujours à leur premier domicile, où: 
cependant ils font nés, où ils ont été élevés, où : 
tous les exemples de la fociété auroient dû les retenir; 
voilà la feconde nuance: ces pigeons de murailles ne 
retournent pas en entier à l'état de nature, ils ne fe. 
perchent pas comme les premiers, & font néanmoins 


BU) PF CE ON. LE, Ag 
beaucoup plus près de l'état libre que de la condition 
 domeftique. La troifième nuance eft celle de nos pi- 
_geons de colombier, dont tout le monde connoit lès 
mœurs, & qui, lorfque leur demeure convient, ne 
Jabandonnent pas, ou ne la quittent que pour en 
prendre une qui convient encore mieux, & ils n’en 
fortent que pour aller s ‘égaier ou fe pourvoir dans les 
champs voifins: or, comme c'eft parmi ces pigeons 
même que fe trouvent les fuiards & les déferteurs dont 
nous venons de parler, cela prouve que tous n’ont 
pas encore perdu leur inflin& d’ origine , & que l’ha- 
bitude de la libre domefticité dans JA ils vivent 
n'a pas entièrement effacé les traits de leur première 
nature à laquelle is pourroient encore remonter: mais 
il n’en eft pas de même de la quatrième &. dernière 
nuance dans l’ordre de dégénération: ce font les gros 
& petits pigeons de sobre dont les races, les varié- 
tés, les mélanges font prefque innumérables >rparce 
que depuis un temps immémorial ils font abfolument 
domeftiques; & l’homme, en perfetionnant les formes 
“extérieures, a en même temps altéré leurs qualités inté.- 
_rieures, & détruit jufqu'au germe du fentiment de Îa 
liberté; ces oifeaux, la plupart plus grands, plus beaux 
que les pigeons communs, ont encore l'avantage pour. 
nous d’être plus féconds, plus gras, de mali goût; 
_& c’eft par toutes ces raifons qu’on les a foignés de 
plus près, & qu'on a cherché à les multiplier malgré 
toutes les peines qu’il faut fe donner pour leur éducation 
& pour le fuccès de leur nor bEe Us proquit & de 


496 HISTOIRE NATURELLE 


leur pleine fécondité: dans ceux- -Ci aucun ne remonte 
à l’état de nature, aucun même ne s'élève à celui de 
liberté, ils ne quittent jamais les alentours de leur 
volière , il faut les y nourrir en tout temps; la faim fa 
plus prefflante ne les détermine pas à aller chercher 
ailleurs; ils fe laiffent mourir d’inanition plutôt que 
de quêter leur fubfflance, accoutumés à la recevoir 
de la main de l’homme ou à la trouver toute pré- 
parée, toujours dans le même lieu, ils ne favent vivre 
que pour manger, & n'ont aucunes des reflources, 
aucuns des petits talens que Île befoin infpire à tous 
les animaux: on peut donc regarder cette dérnière 
claffe dans l’ordre des pigeons, comme abfolument 
domeftique, captive fans retour, entièrement dépen- 
 dante de l’homme: & comme il a créé tout ce qui 
dépend de lui, on ne peut douter qu'il ne foit l’auteur 
de toutes ces races efclaves, d'autant plus perfeétion- 
nées pour nous, qu'elles font plus dégénérées, plus 
viciées pour la Nature. 

Suppofant une fois nos colombiers établis & peu- 
plés, ce qui étoit le premier point & le plus difficile à. 
remplir pour obtenir quelqu'empire fur une efpèce 
aufli fugitive, aufli volage, on fe fera bientôt aperçu 
que dans le grand nombre de jeunes pigeons que ces 
établiffemens nous produifent à chaque faifon, il s’en 
trouve quelques-uns qui varient pour la grandeur, la 
forme & les couleurs. On aura donc choili les plus 
gros, {es plus finguliers, les plus béaux, on les aura 


féparés de la troupe commune pour les élever à part avec 
| des 


DU: PI GE ON.-1. … 407: 
des foins plus affidus & dans une captivité plus étroite, 
les defcendans de ces efclaves choifis auront encore 
préfenté de nouvelles variétés qu’on aura diftinguées, 
féparées des autres, uniffant conftamment & mettant 
enfemble ceux qui ont paru les plus beaux ou Îles plus 
utiles. Le produit en grand nombre eft la premiere 
fource des variétés dans les efpèces; mais le maintien. 
de ces variétés & même leur multiplication dépend 
de la main de l’homme: il faut recueillir de celle de 
la Nature les individus qui fe reffemblent le plus, les 
féparer des autres, Îes unir enfemble, prendre les 
mêmes foins pour les variétés qui fe trouvent dans 
les nombreux produits de leurs defcendans, & par ces 
attentions fuivies on peut avec le temps créer à nos 
yeux, c'eft-a-dire, amener à. la lumière une infinité 
d'êtres nouveaux que la Nature feule n’auroit jamais 
produits: les femences de toute matière vivante lui 
appartiennent, elle en compofe tous les germes des 
êtres organifés ; mais la combinaifon, la fucceflion, 
l'aflortiflement, la réunion ou Îa féparation de chacun 
de ces êtres, dépendent fouvent de la volonté de | 
l’homme; dès-lors il eft le maître de forcer la Nature 
par fes combinaifons & de la fixer par fon induflrie : . 
de deux individus finguliers qu "elle aura produits comme 
par hafard , il en fera une race conftante & perpétuelle, 
& de laquelle il tirera plufieurs autres races qui, fans 
fes foins, n’auroient jamais vu le jour. 


O! jfeaux » dome, IL | Rre. 


498 HISTOIRE NATURELLE 

Si quelqu'un vouloit donc faire l’hifloire complète 
& la defcription détaillée des pigeons de volière, ce 
_feroit moins l’hiftoire de la Nature que celle de l’art 
de l’homme; & c’eft cette raifon que nous croyons 
devoir nous borner ici à une fimple énumération, qui 
contiendra l’expolition des principales variétés de cette 
_efpèce, dont le type eft moins fixe & la forme plus 
Variante que dans aucun autre animal. 

- Le Biser (6) ou pigeon fauvage * eft la tige pri- | 
mitive de tous les autres pigeons; communément il 
eft de la même grandeur & de la même forme, mais 
d’une couleur plus bife que le pigeon domeftique, & 
c’eft de cette couleur que lui vient fon nom; cepen- 
dant il varie quelquefois pour les couleurs & la grof- 
_feur, car le pigeon dont Frifch a donné la figure fous 
le nom de Columba agreflis {c), n’eft qu’un bifet blanc 
à tête & queue rouffes; & celui que le même Auteur 
a donné fous la dénomination de Vrago, fo ve Colimba 


_b Bifet. Belon, Hi if. des O ifeaux, page 311.. . Bifa, Cr 
feau. Idem, Portraits d’oifeaux, page 77, b. Nota. Le nom Croifeau 
vient peut-être de croifé; les ailes & la queue du bifet étant croifées 
de bandes noires ou brunes. — Comba livia, Gefner, Avi. pag. 
307....+ Palumbus vel palumbes minor. Idem. Jcon. Avi. pag. 66. 
_ Chnéa fera faxatilis. Schwenckfeld , Theriot. Si. pag. 240. 
— Columba fexatilis M. Varrenis. Aldrov. Avi. tom. I, pag. 483. 
— Bifet. Albin, tome ITT, page 1 8, avec une figure, planche X LI F 
— Le Bifet. Briflon, Ornithologie, tome I, page 82. 


* Voyez les planches enluminées, n° 510. 


(c) Frifch, planche CXL1I1, avec une bonne figure coleriée. 


DU PL GE OM: L' 499. 
montana (à), n’eft encore qu’un bifet noir-bleu : c’eft 
le même qu’Albin a décrit fous le nom de pigeon 
ramier {e), qui ne lui convient pas; & le même en- 
core dont Belon parle fous le nom de pigeon fuyard, 
qui lui convient mieux /f); car on peut préfumer que 
l'origine de cette variété dans les bifets vient de ces 
pigeons dont j'ai parlé, qui fuient & défertent nos 
colombiers pour fe rendre fauvages, d'autant que ces 
bifets noirs-bleus nichent non-feulement dans les 
arbres creux, mais auffi dans les trous des bâtimens 
ruinés & les rochers qui font dans les forêts, ce qui 
leur a fait donner par quelques Naturaliftes le nom de 
pigeons de roche où rocheraies; & comme ils aiment auffi 
les terres élevées & les montagnes, d’autres les ont 
appelés pigeons de montagne. Nous remarquerons même 
que les Anciens ne connoifloient que cette efpèce 
de pigeon fauvage, qu'ils appeloient O'rés où Vinago, 
& qu'ils ne ont nulle mention de notre bifet, qui 
néanmoins eft le feul pigeon vraiment fauvage & qui 
n’a pas pallé par l’état de domefticité, Un fait qui 
vient à l'appui de mon opinion fur ce point, c’eft 
que dans tous les pays où il y à des pigeons domef- 
tiques, on trouve aufli des oenas , depuis la Suède /z) 

(d) Frifch, planche CXXX1IX, avec une bonge figure coloriée, 
(e) Albin, tome IT, page 31, avec une figure, vue XLVL 
( f) Belon, Hif. nat, des Oifeaux, pige 312 


(2) Columba ceœrule EPRR collo nitido , maculà el alaruin nigricante. 
Linn, Faun. Suexica, n° 1 74 


Rrrij 


$soo HISTOIRE NATURELLE 

jufque dans les climats chauds /4), au lieu que les 
bifets ne fe trouvent pas dans les pays froids & ne 
reftent que pendant l'été dans nos pays tempérés; ils 
arrivent par troupes en Bourgogne, en Champagne & 
dans les autres provinces feptentrionales de la France 
vers la fin de février & au commencement de mars: 
‘ils s’établiffent dans les bois, y nichent dans des creux 
d’arbres, pondent deux ou trois œufs au printemps, 
& vraifemblablement font une feconde ponte en été; 
& à chaque ponte ils n'élèvent que deux petits, & 
s’en retournent dans le mois de novembre : ils pren- 
nent leur route du côté du midi, & fe rendent pro- 
bablement en Afrique par l'Efpagne re Y pafler 
+ hiver. 


(h) On trouve par-tout dans fa Perf des pigeons fauvages & 
domeftiques, mais les fauvages font en bien plus grande quantité ; 
& comme la fiente de pigeon eft le meilleur fumier pour les melons : 
_ on élève grand nombre de pigeons, & avec foin, dans tout le 
royaume; c’eft je crois le pays de tout le monde où l’on fait es plus 
beaux colombiers. .... on compte plus de trois mille colombiers 
autour d’Hifpaham : c’eft un plaifir du peuple de prendre des pi- 
geons à la campagne. . par le moyen des pigeons apprivoilés 

& élevés à cet ufage, ail font voler en troupes tout le long du 
jour après les pigeons fauvages ; ils les mettent parmi eux dans leur 
troupe, & les amènent ainfi au colombier. Voyage de Chardn, 
tome IT, pages 29 & 30; Voyez auf Tavernier, tome I], pages 22 
& 23. — Les pigeons de l'ile Rodrigue font un peu plus petits que 
les nôtres, tous de couleur d’ardoife, & toujours ‘fort gras & fort 
bons; ils perchent & nichent fur les arbres, & on Jes prend très 
aifément. Voyage de Leguat, iome I, page 106. 


Le bifet ou pigeon fauvage, & l’oenas ou lé pigeon 


_‘ déferteur qui retourne à l’état de fauvage, fe Fe hais 


‘: & par cette habitude fe diftinguent dus pigeon de mu- 
… raille qui déferte auffi nos colombiers, mais qui femble 
craindre de retourner dans les bois, & ne fe perche 
jamais fur les arbres: après ces trois pigeons dont les 
deux derniers font plus où moins prêts de l’état de 
nature, vient le pigeon /) de nos colombiers * qui, 
comme nous l’avons dit, n’eft qu’à demi domeftique, 
& retient -encore de fon premier nftiné l'habitude de 
voler en troupe: s’il a perdu le courage intérieur d’où 
dépend le fentiment de FPindépendance, il a acquis 
d’autres qualités qui, quoique moins nobles, paroiffent 
plus agréables par leurs effets. Ils produifent fouvent 
trois fois l’année, & les pigeons de volière produifent 
jufqu’à dix & douze fois, au lieu que le bifet ne 
produit qu’üne ou deux fois tout au plus; combien 

(i) En Grec, Mreixex; en Latin, Coumba; en Efpagnol, Colont 
ou Paloma ;: en Italien, Columbo, Columba; en Allemand, Tube où 
Tauben; en Saxon, Duve; en Suédois, Duwa; en Anglois, Dove, 
common dove houfe pigeon ; en ais Golab. — Pigeon. Belon, 
Hi if. nat, des Oifeaux, page 31 3e. Coulon, Colombe, Pigeon | 
Pigeon privé. Zdem, Portraits d’oifeaux , page 78, 4 — Cülumba 
yulgaris. Gefner, de Avibus, pag. 270. CHE Profper. Alpin. 
Æpypt. vol. T, pag. 198. — Columba vulgaris. Sloane, Jamaïc. pag: 
302.— Pigeon. Du Tertre, if. des Antilles, tome Î[, page 266. 
— Pigeon fauvage ordinaire. Albin, rome TE, page 17, avec une: 


figure, planche XLI11. — Le Pigeon domeftique. PET, Ornie thai. 
tom. Î, pag. 68. | | 


* Voyez es planches enluminées, n.° 466. 


502 HISTOIRE NATURELLE 

de plaifirs de plus fuppofe cette différence, fur - tout 
dans une efpèce qui femble les goûter dans toutes 
leurs nuances & en jouir plus pleinement qu'aucune 
autre! ils pondent à deux jours de diftance, prefque 
toujours deux œufs, rarement trois, & n’élèvent prefque 
jamais que deux petits, dont ordinairement l’un fe trouve 
mâle & l’autre femelle; il ÿ en a même plufieurs, & 
ce font les plus jeunes qui ne pondent qu’une fois; : 
car le produit du printemps eft toujours plus nombreux, 
c’eft-à-dire, la quantité de RÉPORRERR dans le même 
colombier plus abondante qu’en automne, du moins 
dans ces climats. Les meilleurs colombiers où les 
pigeons fe plaifent & multiplient le plus, ne font pas 
ceux qui font trop voifins de nos habitations ; placez- 
les à quatre ou cinq cents pas de diflance de la ferme, 
fu la partie la plus élevée de votre terrein, & ne 
craignez pas que cet éloignement nuife à leur multipli- 
cation; ils aiment les lieux paifibles, la belle vue, 
l expofition au levant, la fituation élevée où ils puiffent . 
jouir des premiers rayons du foleil: j'ai fouvent vu les 
pigeons de plufieurs colombiers, fitués dans le bas 
d’un vallon, en fortir avant le lever du foleil pour 
gagner un Colombier fitué au-deffus de la colline, & s’y 
rendre en fi grand nombre que le toit étoit entière- 
ment couvert de ces pigeons étrangers, auxquels Îles 
domiciliés étoient obligés de faire place, & quelquefois 
même forcés de la céder: c’eft fur-tout au printemps 
& en automne qu’ils femblent rechercher les premières 


DA x PU GE ON so. 
influences du foleil, la pureté de l'air & Îles lieux 
élevés. Je puis ajouter à cette remarque une autre 
obfervation, c’eft que le peuplement de ces colombiers 
ifolés, élevés & fitués haut, eft plus facile, & le produit 
bien plus nombreux que dans les autres colombiers. 
J'ai vu tirer quatre cents paires de pigeonneaux d’un 
de mes colombiers, qui par fa fituation & la hauteur 
de fa bâtiffe, étoit élevé d’environ deux cents pieds 
au-deflus des autres colombiers, tandis que ceux - ci 
ne produifoient que le quart ou le tiers tout au plus, 
c’eft-à-dire, cent ou cent trente paires: il faut feule- 
ment avoir foin de veiller à l’oifeau de proie qui 
fréquente de préférence ces colombiers élevés & 
ifolés, & qui ne laifle pas d’inquiéter les pigeons fans 
néanmoins en détruire beaucoup, car il ne peut faifir 
que ceux qui fe féparent de la troupe. 

Après le pigeon de nos colombiers qui n’eft qu'à 
demi domeftique , fe préfentent les pigeons de volière 
qui le font entièrement, & dont nous avons fi fort 
favorifé la propagation des variétés, les mélanges & 
la multiplication des races, qu’elles demanderoient un 
volume d’écriture & un autre de planches, fi nous vou- 
_ ions les décrire & les repréfenter toutes; mais, comme 
je l'ai déjà fait fentir, ceci eft plutôt un objet de curio- 
fité & d’art qu'un fujet d’Hiftoire Naturelle; & nous 
nous bornerons à indiquer les principales branches de 
cette famille immenfe, auxquelles on pourra rapporter 
les rameaux & Îles rejetons des variétés fecondaires, 


S04: ÂAISTOIRE NATURELLE | 
Les Curieux en ce genre donnent le nom de fé 
à tous les pigeons qui vont prendre leur vie à fa :. 
campagne, & qu’on met dans de grands colombiers:. 
ceux qu’ils appellent pigeons domefliques ne fe tiennent 
que dans de petits colombiers ou volières, & ne fe 
répandent pas à la campagne; il y en a de plus grands 
& de plus petits; par exemple, les pigeons culbutans 
& les pigeons tournans, qui font les plus petits de 
tous les pigeons de volière, le font plus que le pigeon 
de colombier: ils font auffi plus légers de vol & plus 
dégagés de corps, & quand ils fe mêlent avec Îles 
pigeons de colombier, ils perdent l’habitude de tourner 
& de culbuter ; il femble que ce foit l’état de captivité 
forcée qui leur fait tourner la tête, & qu’elle reprend 
fon affrette dès qu'ils recouvrent leur liberté. | 
Les races pures, c ’eftà-dire, les variétés principales 
de pigeons domeftiques avec lefquelles on peut faire 
toutes les variétés fecondaires de chacune de ces races, 
font, r. Îles pigeons appelés groffes gorges [k), parce 
qu'ils ont la faculté d’enfler prodigieufement leur jabot 
en afpirant & retenant l'air; 2.° les pigeons mondains 
qui font les plus rélbninidabtes par leur fécondité, | 
ainfr que les pigeons romains, les pigeons pattus & 
les nonains //); 3. les pigeons-paons /#1) qui élèvent & . 
étalent leur large queue comme le dindon ou le paon; 
(k) Voyez les planches XVII & XVIII de ce volume, 
_ (l) Voyez la planche X1X de ce volume. 


/m) Voyez la planche xX1I1 de ce volume. : 
{m) Voyæ Rp D 


DU PIGEON. 05 
4.° le pigeon-cravate ou à gorge frifée /z); $.° le pigeon- 
coquille Hollandois; 6. le pigeon-hirondelle; 7° le: 
pigeon-carme; 8.° le pigeon-heurté ; 0.° les pigeons 
Suifles ; 10." le pigeon cülbutant; 11. le pigeon 
tournant. | 

La race du pigeon arabe -gorge eft À to pr des 
Varie fuivantes. 

* Le pigeon groffe-gorge foupe-en-vin, dont les 
VS font très-beaux, parce qu’ils font panachés, &: 
dont les femelles ne panachent point. 1e. 1 
2° Le pigeon groffe-gorge chamois panaché : Ia 
femelle ne panache point; c’eft à cette variété qu’on 
doit rapporter le pigeon de la planche cx1v1 de Frifch , 
que les Allemands appellent Xropf-raube où Kroïper, 
& que cet auteur a indiqué fous la dénomination de 
columba ffrumofa feu columba œfophago inflato. 

3. Le pigeon groffe-gorge, blanc comme un cigne. 

4. Le pigeon grofle-gorge blanc, pattu-& à longues 
ailes qui fe croifent fur la queue, dans lequel la saute 
de la gorge paroït fort détachée. 

s- Le pigeon groffe-gorge gris panaché, & le gris 
doux, dont la couleur eft douce & uniforme par tout 
le pie 

6° Le pigeon groffe-gorge gris-de-fer, gris Hé 
& à Hhpans. 

w'iobe pigeon St - gorge gris piqué comme 
DEA 


fn 1) Voyez la planehe XXIII de ce yolume. | 
Oifeaux, Tome LL Sff 


seb. HISTIOLRREDMMATEUREL LE 

8. Le pigeon groffe-gorge-jacinte d’une couleur 
bleue ouvragée en blanc. | 

9. Le pigeon grofle-gorge couleur de feu; il y a 
fur toutes fes plumes une barre bleue & une barre 
rouge, & la plume eft terminée par une barre noire. 

0:*\Le pigeon groffe - gorge couleur de bois de 
ve 
0 LC pigeon groffe - gorge couleur sk marron 
avec pr pennes de l'aile toutes blanches. 

12. Le pigeon groffe-gorge maurin d’un beau noir 

velouté avec les dix plumes de l'aile blanches comme 
dans le groffe-gorge marron ; ils ont tous deux la bavette 
ou le mouchoir blanc fous Le cou, & dans ces dernières 
races à vol blanc & à groffe gorge, la femelle eft fem- 
blable au mâle ; au refte, dans toutes les races de 
groffes-gorges d’origine pure, c’eft-à-dire de couleur 
uniforme, les dix pennes font toutes blanches jufqu’à 
la moitié de laile, & on peut regarder ce caractère 
comme général. 
1 2. Le pigeon groffe - gorge ardoifé avec le jour 
_ blanc & la cravate blanche; la femelle eft femblable 
au mâle. Voilà les races principales des pigeons à groflé 
gorge: mais il y en a encore plufeurs autres moins 
belles, comme les rouges, les olives, les couleurs fe 
nuit, &C. 

Tous les pigeons en général. ont plus ou moins Îa 
faculté d’enfler leur jabot en infpirant l'air; on peut de 
même le faire enfler en foufilant de l’air dans leur 


DU: BIGEON. s07 
gofier: mais cette race de pigeons groffe-gorge , ont 
cette même faculté d’enfler leur jabot fi fupérieurement 
qu’elle doit dépendre d’une conformation particulière 
dans les organes; ce jabot prefqu'auffi gros que tout le 
refte de leur COrps , & qu'ils tiennent continuellement 
enflé, les oblige à retirer leur tête, & les empêche de 
voir devant eux: aufli pendant qu’ils fe rengorgent, 
l’oifeau de proie les faifit fans qu'ils l'aperçoivent; on 
les élève donc plutôt par curiofité que pour l’utilité. 

Une autre race eft celle des pigeons mondains: c ’eft 
la plus commune & en même temps la plus eftimée à 
‘caufe de fa grande fécondité. | 

Le mondain eft à peu-près d’une moitié plus fort 
que le bifet; la femelle reffemble aflez au mâle; ils 
produifent prefque tous les mois de l’année, pourvu 
qu'ils foient en petit nombre dans la même volière, & 
il leur faut au moins à chacun trois ou quatre paniers 
ou plutôt des trous un peu profonds formés comme 
des cafes, avec des planches, afin qu'ils ne fe voient pas 
lorfqu'’ils couvent; car chacun de ces pigeons défend 
non-feulement fon panier & fe bat contre les autres 
qui veulent en approcher, mais même il fe bat auffi 
pour tous les paniers qui font de fon côté. 

Par exemple, il ne faut que huit paires de ces pigeons 
mondains dans un efpace carré de huit pieds de côté: 
& les perfonnes qui en ont élevé aflurent qu'avec fix 
paires on pourroit avoir tout autant de produit; plus on 
‘augmente leur nombre dans un efpace donné, plus il 
S{{ij 


s08 AHISTOIRE NATURELLE 


y a de combats, de tapage & d'œufs cafés. Il ya dans 
cette race aflez fouvent des mâles ftériles & aufli des 
femelles infécondes & qui ne pondent pas. Fe 
Ils font en état de produire à huit ou neuf mois d’âge, 
mais ils ne font en pleine ponte qu'à la troifième année ; 
cette pleine ponte dure jufqu’à fix où fept ans, après 
quoi le nombre des-pontes diminue, quoiqu'il y en ait 
qui pondent encore à l’âge de douze ans; la ponte des 
deux œufs fe fait quelquefois en vingt-quatre heures, & 
dans f’hiver en deux jours, en forte qu'il y a un inter- 
valle de temps différent fuivant la faifon entre {a ponte 


de chaque œuf; la femelle tient chaud fon premier œuf 


fans néanmois Le couver affidûment: elle ne commence 
à couver conftamment qu'après la ponte du fecond œuf; 
l’incubation dure ordinairement dix-huit jours, quel- 
quefois dix-fept, fur-tout en été, & jufqu’à dix-neuf 
ou vingt jours en hiver: l’atttchement de la femelle à 
fes œufs eft fi grand, fi conflant, qu’on en a vu fouffrir 
les incommodités les plus grandes & les douleurs les 
plus cruelles plutôt que de Les quitter. Une femelle 
entre autres dont les pattes gelèrent & tombèrent, & 
qui malgré cette fouffrance & cette perte de membres, 
continua fa couvée jufqu’à ce que fes petits fuflent 
éclos: fes pattes avoient gelé, parce que fon panier 
étoit tout pres de [a fenêtre de fa volière. 

Le male pendant que fa femelle couve fe tient fur 
le panier le plus voifin, & au moment que preflée par 
le befoin de manger, elle quitte fes œufs pour aller 


D'U PI.GE ON. 3° 
à la tremie, le mâle qu’elle a appelé auparavant par un 
petit roucoulement, prend fa place, couve fes œufs, & 
cette incubation du mâle dure deux ou trois heures 
chaque fois, & fe renouvelle ordinairement deux fois 
en vingt-quatre heures. | 

On peut réduire les variétés de la race des pigeons 
mondains à trois pour la grandeur, qui toutes ont pour 
caractère commun un filet rouge autour des yeux: 

1. Les premiers mondains font des oifeaux lourds, 
& à peu près gros comme dé petites poules, on ne 
les recherche qu’à caufe de leur grandeur; car ils ne 
font pe bons pour la multiplication : 

2. Les bagadais font de gros mondains avec un 
tubercule au- deffus du bec en forme d’une petite 
morille, & un ruban rouge beaucoup plus large autour 
des yeux, c’eft-ä-dire, une feconde paupière charnue 
rougeâtre, qui leur tombe même fur les yeux lorfqu’ils 
font vieux, & Îles empêche alors de voir: ces pigeons 
ne produifent que difficilement & en petit nombre. 

Les bagadais ont le bec courbé & crochu, & ils 
préfentent plufieurs variétés: il y en a de blancs, de 
noirs, de rouges, de minimes, &c. 

3.* Le pigeon Efpagnol qui eft encore un pigeon 
mondain, aufli gros qu’une poule & qui eft très-beau; 
il diffère du bagadais en ce qu’il n’a point de morille 
au-deflus du bec, que la feconde paupière charnue 
eft moins faillante, & que le bec eft droit au lieu d’être 
courbé : on le mêle avec le bagadais, & le produit eft 
un très-gros & très-grand pigeon, 


io  MISTOIRE NATURELLE 

4. Le pigeon turc qui a, comme le bagadais, une 
groffe excroiflance au - deffus du bec avec un ruban 
rouge qui s'étend depuis le bec autour des yeux: ce 
pigeon turc eft très- gros, huppé, bas de cuiffes, 
large de corps & de vol; il y en a de minimes ou 
Bons prefque noirs, tels que celui qui eft repréfenté 
dans la planche CXLIX de Frifch; d’autres dont la 
couleur eft gris-de-fer, gris-de-lin, chamois & foupe- 
en-vin: ces pigeons font très - lourds & ne s’écartent 
pas : leur volière. 

5. Les pigeons romains, qui ne font pas tout-à- fait 
fi grands que les turcs, mais qui ont le vol aufii 
étendu, n’ont point de huppe; il y en a de noirs, de 
minimes & de tachetés * 

Ce font-là les plus gros pigeons domeftiques; il y 
en a d’autres de moyenne grandeur & d’autres plus 
petits. Dans les pigeons pattus qui ont les pieds couverts 
de plumes jufque fur les ongles, on diflingue le pattu 
fans huppe dont Frifch a donné la figure, planche CX1Y, 
fous la dénomination de rrummel raube en allemand, 


& de columba tympanifans en latin, pigeon tambour en 


françois, & le pattu huppé dont le même Auteur a 
donné la figure, planche CXLIV, fous le nom de 107 raube 
en allemand, & fous la dénomination latine columba 
menfhrua feu criflata pedibus plumofis : ce pigeon pattu 
que l’on appelle pigeon tambour, fe nomme aufli pigeon 
_glou glou, parce qu’il répète continuellement ce fon, & 


* Voyez des planches enluminées, n° 110. 


AB U, PI GEO: N. SHx 


que fa voix imite Îe bruit du tambour entendu de loin ; 
le pigeon pattu huppé eft aufli appelé pigeon de mois, 
parce qu’il produit tous les mois & qu'il n'attend pas 
que fes petits foient en état de manger feuls pour couver 
de nouveau; c’eft une race recommandable par fon 
utilité, c’eft-à-dire, par fa grande fécondité, qui ce- 
pendant ne doit pas fe compter de douze fois par an, 
mais communément de huit & neuf pontes, ce qui ef 
encore un très-grand produit. | 

Dans les races moyennes & petites de pigeons do- 
meftiques, on diftingue le pigeon nonain dont il y a 
plufieurs variétés; favoir, le foupe-en - vin, le rouge 
_ panaché, le chamois panaché ; mais dont les femelles 
de tous trois ne font jamais panachées: il y a aufir 
dans la race des nonains, une variété qu'on appelle 
pigeon maurin, qui eft tout noir avec la tête blanche & 
le bout des ailes auffi blanc, & c’eft à cette variété 
qu'on doit rapporter le pigeon de la planche cz de 
Frifch, auquel il donne en allemand le nom de fchleyer 
ou parriquen taube ; & en latin, columba galerira; & qu'il 
traduit en françois par pigeon coiffé; mais en général, 
tous les nonains, foit maurins ou autres, font coiflés, 
ou plutôt ils ont comme un demi capuchon fur {a 
tête qui defcend le long du cou & s'étend fur {a 
poitrine, en forme de cravate compoñfée de plumes 
redreflées : cette variété eft voifine de la race du Pier 
groffe-gorge; car ce pigeon coiffé eft de là même 
grandeur, & fait auffi enfler un peu fon jabot, il ne 


Si2 HISTOIRE NATURÉLLE 
produit pas autant que les autres nonains dont les plus 
parfaits font tout blancs, & font ceux qu’on regarde 
‘comme les meilleurs de la race; tous ont le bec très- 
court, ceux-ci produifent DEAURENP mais les pigeon- | 
neaux font très- “petits. 
Le pigeon-paon eft un peu plus gros que le pigeon 
nonain;, on l'appelle pigeon-paon, parce qu’il peut 
_redreffer fa queue & l’étaler comme le paon. Les plus 
beaux de cette race ont jufqu’à trente-deux plumes à 
la queue, tandis que les pigeons d’autres races n’en 
ont que douze; lorfqu’ils redreffent leur queue, ils la 
pouffent en avant, & comme ils retirent en même 
temps la tête-en arrière, elle touche à la queue. Ils 
tremblent auffi pendant tout le temps de cette opé- 
ration, foit par la forte contraétion des mufcles, foit 
par quelqu’autre caufe, car il y a plus d’une race de 
pigeons trembleurs /o); c’éeft ordinairement quand ils 
font en amour, qu’ils étalent ainfi leur queue , mais ils 
le font aufli dans d’autres temps. La femelle relève & 
étale fa queue comme le mâle, & l’a tout auffi belle; 
il y en a de tout blancs, d’autres blancs, avec la tête 
& la queue noires; & c'eft à cette feconde variété qu il 
_{) Nota. On connoît en effet un pigeon trembleur in du 
pigeon-paon, en ce qu Al n’a pas la queue fi large à beaucoup près. 
Le pigeon-paon a été indiqué par Willulghby & Ray fous la dé- 
nomination Columba tremula laticanda; & le pigeon trembleur fous 
celle de Columba tremula | anguflicauda feu acuticauda : celui-ci fans 


relever ou étaler R Lee » ere: { dit-on ) He continuelle- | 
ment, yes 


faut 


a 


DU PIGEON. x SDS 
gt. rapporter le pigeon de la planche ci de Frifch, 
qu'il appelle en allemand pfau- _zaube où hunerfehwantz à 
& en latin columba caudata: Cet Auteur remarque que 


dans le même temps que le pigeon- paon étale fa queue, 
il agite fièrement & conftamment fa tête & fon cou, 


à peu près comme f'oifeau appelé rorcol: ces pigeons 
ne volent pas aufli-bien que les autres, leur large 
queue eft caufe qu'ils font fouvent emportés par le 
vent & qu'ils tombent à terre; ainfi on les élève plutôt. 
par curiofité que pour l'utilité. Au refte, ces pigeons 
qui par eux-mêmes ne peuvent faire de longs voyages, 
ont été tranfportés fort loin par les hommes; il. y. a. 
aux Philippines, dit Gemelli Careri, des pigeons qui 
relèvent & étalent leur queue comme le paon. 

Les pigeons -polonois fn) font plus gros que les 
pigeons.- paons : ils ont pour caraétère d’avoir le bec. 
très-gros & très-court, les yeux bordés d’un large cercle 


rouge, les jambes très-baffes: il y en a de différentes 


couleurs, beaucoup de noirs, des roux, des chamois, 


des gris, piqués, & de tout blancs. 


Le pigeon. cravate eft l’un des «re petits pigeons ; l 
n'eft guère plus gros. qu’une tourterelle, & en les ap- 
pariant enfemble, ils produifent des mulets ou métis. On 
difingue Île pigeon - cravate du pigeon-nonain, en ce 
que le pigeon-cravate n'a point de demi-capuchon fur 
la tête & fur le cou, & qu'il n’a précifément qu’un 
bouquet de plumes qui femblent fe rebroufler fur la 


(7) Voyla planche xx de ce volume. 
Oifeaux, Tome IL Tit 


si4 HISTOIRE NATURELLE 
poitrine & fous la gorge; ce font de très-jolis pigeons, 
bien faits, qui ont l'air très-propre, & dont il y en a de 
foupe-en-vin, de chamois, de panachés, de roux & de 
gris, de tout blancs & de tout noirs, & d’autres blancs 
avec des manteaux noirs ; c’eft à cette dernière variété 
qu’on peut rapporter le pigeon repréfenté dans la planche 
cxLvi1 de Frifch, fous le nom allemand Mowchen, & 
la dénomination latine, Columba collo hirfuta. Ce pigeon 
ne s’apparie pas volontiers avec les autres pigeons, & 
n’eft pas d’un grand produit: d’ailleurs il eft petit, & 
fe laiffe her prendre par l’oifeau de proie; © "et 
par toutes ces raïfons qu'on n'en élève guëre. | 

Les pigeons qu’on appelle coquille-hollandois, parce 
qu'ils ont derrière la tête, des plumes à rebours qui 
forment comme une efpèce de coquille, font auffi de 
_ petite taille : ils ont la tête noire, le bout de la queue 

& le bout des ailes auf noirs, tout le refte du corps 
Fc Il y en a auffi à tête rouge, à tête bleue & à 
tête & queue Jaunes, & Rire net la queue eft de 
la même couleur que la tête, mais le vol eft toujours 
iout blanc. La première variété qui a la tête noire, 
reffemble fi fort à l’hirondelle de mer, que quelques- 
uns lui ont donné ce nom avec d’autant plus d’analogie, 
que ce pigeon n'a pas le corps rond comme la plupart 
des autres, mais alongé & fort dégagé. | 

Il y a indépendamment des têtes & queues bleues 
qui ont la coquille, dont nous venons de parler, d’ autres 
pigeons qui ont fimplement le nom de tête & queue 


DIV AGE ON. ES 
bleues , d’autres de tête & queue noires, d'autres de tête 
& queue rouges, & d’autres encore, tête & queue 
jaunes, & qui tous quatre ont l’extrémité des ailes de la 
même couleur que fa tête; ils font à peu près gros 
comme les PIERGHS" pags ; leur SE AS très-propre 
& bien arrangé. 

Il y en a qu’on appelle auffs pigeons - hirondelles, 
qui ne font pas plus gros que des tourterelles, ayant 
le corps alongé de même, & le vol très-léger; tout 
le deflous de leur corps eft blanc, & ils ont toutes 
les parties fupérieures du corps ainfi que le cou, la tête 
& la queue noirs, ou rouges, ou bleus, ou jaunes, 
avec un petit cafque de ces mêmes couleurs fur Îa 
tête, mais le deffous de la tête eft toujours blanc 
comme Île deffous du cou. C’eft à cette variété qu'il 
faut rapporter le pigeon cuiraffé de Jonfton /4) & 
de Willughby /7r/, qui a pour caractère particulier 
d’avoir les plumes de la tête, celles de la queue & 
les pennes des ailes toujours de la même couleur, & 
le corps d’une couleur différente, par exemple le 
corps blanc, & la tête, la queue & les ailes noires, ou 
de quelqu'autre couleur que ce foit. 

_ Le pigeon-carme, qui fait une autre race, ef peut- 
être le plus bas & le plus petit de tous nos pigeons ; 
il paroït accroupi comme l’oifeau que l’on appelle le 
crapaud- volant: il eft auffi très-pattu, Ayahe Les pieds 


a) Columba galeata. Jonfton, Avi. pag. 63. 4 
(rt) Columba . Willulghby , Ornithol. pag. 132, n° ir 


Ttti ij 


516 HISTOIRE NATURELLE 
fort courts, & les plumes des jambes très-longues. Les 
femelles & les mâles fe reffemblent, ainfr que dans la 
plupart des autrés races ; on y compte aufli quatre 
variétés qui font les mêmes que dans lés races précé-. 
_dentes, favoir, les gris-de-fer, les chamois, les foupe- 
en-vin & les gris-doux; mais ils ont tous, le deffous 
du corps & des ailes blanc, tout le deflus de leur corps 
étant des couleurs que nous venons d'indiquer: ils font 
encore remarquables par leur bec qui eft plus petit que 
celui d’une tourterelle, & ils ont aufli une petite 
aigrette derrière la tête qui poufle en pointe comme 
celle de l'alouette huppée. 

Le pigeon -tambour ou glou glou , dont nous avons 
parlé, que l’on appelle ainfr, parce qu'il forme ce 
fon glou glou, qu'il répète fort fouvent lorfqu'il eft 
auprès de fa femelle, eft aufñi un pigeon fort bas & 
fort pattu, mais il eft plus gros que le pigeon-carme , & 
à peu près de fa taille du pigeon-polonois. 

Le pigeon-heurté, c’eftà-dire, mafqué comme d'un 
coup de pinceau noir, bleu, jaune ou rouge, au-deflus 
du bec feulement, & jufqu’au milieu de la tête avec 
la queue de la même couleur & tout le refte du corps 
blanc ; eft un pigeon fort recherché des Curieux: il 
n’eft point pattu, & eft de Ja groffeur des pigeons 
mondains made 

Les pigeons-fuiffes font plus petits que les pigeons 
ne & pas plus gros que les pigeons bifets, ils 
font de même tout aufli légers de ps il y en a de 


DO  PTGEON. s1y 
piuñieurs fôïtés, favoir, des panachés de rouge, de 
bleu, de jaune fur un fond blanc fatiné avec un collier 
qui vient former un plaftron fur la poitrine, & qui eft 
d’un rouge rembruni ; ils ont fouvent deux rubans fur 
les ailes de la même couleur que celle du plaftron. 

I y a d’autres pigeons-fuiffes qui ne font point 
panachés, & qui font ardoifés de coukeur uniforme fur 
tout le corps, fans collier ni plaftron; d’autres qu’on 
appelle colliers jaunes-Jafpés, colliers jaunes maillés; d’autres 
colliers jaunes fort maillés, &c. grid 2 ‘ils dre — 
colliers de cette couleur. | 

H y a encore dans cette race de pigeons-füuiffes, une 
autre variété qu'on appelle pigeon aguré, parce qu il 
eft d’une couleur plus bleue que les ardoifés. 

Le pigeon culbutant eft encore un des plus petits 
pigeons, celui que M. F rifch a fait repréfenter, 
planche CXLVIIr, fous les noms de zumimel taube , 
sutnler, columba gefluofa feu geflicularia, eft d’un roux 
brun, mais il y en a de gris & de variés de roux & de 
gris: il tourne fur fui-même en volant, comme un 
corps qu'on jetteroit en l'air, & c’eft par cette raifon 
qu'on l'a nommé pigeon culburanr ; il femble que tous 
fes mouvemens fuppofent des vertiges qui, comme je 
d’ai dit, peuvent être attribués à la captivité. I{ vole 
_très-vite, s'élève le plus haut de tous, & fes mouve- 
_ mens font très-précipités & fort irréguliers. Frifch dit 
que comme par fes mouvemens, il imite en quelque 
façon, les gefles & les fauts des danfeurs de corde & 

ee | Titi li] 


$18 AHISTOIRE NATURELLE 

des voltigeurs , on lui a donné le nom de pigeon -pan- 
tomime, columba gefluofa. Au refte, fa forme eft affez 
 femblable à celle du bifet, & l’on s’en fert ordinai- 
ment pour attirer les pigeons des autres colombiers, 
parce qu'il vole plus haut, plus loin & plus long-temps 
que les autres, & v il ee A plus aifément à r oifeau 
de proie. | 

I en eft de même du pigeon tournant que M. 
Briflon /f), d'après Willulghby , a appelé le pigeon 
batteur ; il tourne en rond lorfqu’il vole, & bat fi forte- 
ment des ailes, qu’il fait autant de bruit qu’une cla- 
quette, & fouvent il fe rompt quelques plumes de l'aile 
par la violence de ce mouvement qui femble tenir de 
la convulfion: ces pigeons tournans ou batteurs font 
communément gris avec des taches noires fur les ailes. 

Je ne dirai qu’un mot de quelques autres variétés 
équivoques ou fecondaires dont les Nomenclateurs 
ont fait mention, & qui reflortiflent fans doute aux 
races que nous venons d'indiquer, mais qu’on auroit 
quelque peine à y rapporter direétement & fürement, 
d’après les defcriptions de ces Auteurs; tels font, par 
exemple, 1.” le pigeon de Norwège, indiqué LE | 
Schwenckfeld /), qui eft blanc comme neige, 
qui pourroit bien ëtre un pe pat huppé pu 


. gros que les autres : 


([) Coumba percufôr. Willulghby , Ornithol, pag. 132, n° 9. 
— Le Pigeon batteur. Briflon, Ornithol. tom. 1, pag. 79° 


( Schwenckfeld, Zheriot, Sil pag. 239. 


DO. PAG ENST LITE. ‘p9 

* Le pigeon de Crète, fuivant Aldrovande /u), 

ou m Barbarie, felon Willulghby (x), qui a le bec 

très-court & les yeux entourés d’une large bande de 

peau nue, le plumage bleuitre & marqué de deux 
Pen noirätres fur chaque aile. 

3. Le pigeon-frifé de Schwenckfeld y) & FE AL- 
drovande (z/; qui eft tout blanc & frifé fur tout le 
Corps. 

4. Le pigeon-meflager de Willulghby a, qui ref- 
femble beaucoup au pigeon turc, tant par fon plumage 
brun que par fes yeux entourés d’une peau nue, & fes 
narines couvertes d'une membrane épaifle: on s’eft, 
dit-on, fervi de ces pigeons pour porter promptement 
-des lettres au loin, ce La leur à fait donner le nom 
de es fegen | 

s. Le pigeon- vit de Willul ghby D: & d AT 
bin /c), qui provient, dit-on, du pigeon groffe- gorge 


{2) Aldrovande, Avi. tom. II, pag. 478. 

“0 Columba Barbarica feu Numidica. Wiälulgh. Orrithol. pag. 132, 
n° 8, planche XX XIV, fous a ornMenen de Columba Numidica 
feu Cri 

D) Colimba crifpa. Schwenckfld, Theriot, Si! pig: 239. 

4) Columba crifpis pennis. Aldrovande , Avi. tom. Il, _ pag: 4703 
ayec une figure. | 

0) Columba tabellaria. Wiflulghby, Ornitholog. pag. 132,n.° $, 
avec une figure, planche XXXIv. | 

(b) Columba eques. Wilulghby, Ornithol. pig. 192, n° 10. 

{c) Pigeon-cavalier. Albin, tome II, page 30, avec une figure, 
planche XLV. 


s20 HISTOIRE NATURELLE 

& du pigeon-meffager participant de l’un & de l’autre: 
car il a la faculté d’enfler beaucoup fon jabot comme 
le pigeon groffe-gorge, & il porte fur fes narines des 
membranes épaifles comme le pigeon-meflager, mais, 
il y a apparence qu'on pourroit également fe fervir 
de tout autre pigeon pour porter de petites chofes, ou 
plutôt les rapporter de loin; il fufit pour cela de les 
féparer de leur femelle & de les tranfporter dans le 
Jieu d’où l’on veut recevoir des nouvelles, ils ne 
manqueront pas de revenir auprès de leur femelle dès 
qu’ils feront mis en liberté /4). 

On voit que ces cinq races de pigeons ne font que 
des variétés fecondaires des premières. que nous avons 
indiquées, d’après les obfervations de quelques Curieux 
qui ont pañlé leur vie à élever des pigeons, & parti- 
culièrement du fieur Fournier qui en fait commerce, 
& qui a été chargé pendant quelques années du foin des 
volières & des baffe-cours de S. A. S. Monfeigneur 

-(d) Dans les colombiers du. Caire. on fépare. quelques. mâles dont 
on retient les femelles, & on envoie ces mâles dans les villes dont 
on veut avoir des nouvelles; on écrit fur un petit morceau de par 
pier qu’on recouvre de cire après lavoir plié; on l’ajufte & lattache 
fous l'aile du pigeon mâle, & on le lâche de grand matin, après lui 
avoir bien donné à MARÉET ; de peur qu'il ne s'arrête; il s’en va 
droit au colombier où eft fa femelle. . . il fait en un jour le trajet 
qu’un homme de pied ne fauroit dde en fix. Voyage de Pietro della 
_ Valie, rome T1, pages 416 7 417. — On fe fert à Alep de pigeons 
qui portent en moins de fix heures des lettres d’Alexandrette à Alep, 
quoiqu'il y ait vingt-deux bonnes lieues, Woyage de Thévenot, 


tome II, page 73. ere 
e € LOMmIE 


DUT EN RE OSX.x S21 
le Comte de Clermont; ce Prince, qui de très- 
bonne heure s’eft déclaré protecteur des Arts, tou- 
jours animé du goût des belles connoïffances, a voulu 
favoir jufqu’où s’étendoient en ce genre les forces 
de la Nature; on a raffemblé par fes ordres toutes 
des efpèces, toutes Îles races connues des oifeaux 
domeftiques, on les a muitipliées & variées à l'infini; 
l'intelligence, les {oins & la culture ont ici, comme 
en tout, perfeétionné ce qui étoit connu, & développé 
ce qui ne l’étoit pas; on a fait éclore jufqu’aux arrière- 
germes de la Nature; on a tiré de fon fem toutes 
les produétions ultérieures qu’elle feule & fans aide 
n’auroit pu amener à la lumière; en cherchant à épuifer 
les tréfors de fa fécondité, on a reconnu qu'ils étoient 
inépuifables, & qu'avec un feul de fes modèles, c'eft- 
à-dire, avec une feule efpèce, telle que celle du pigeon 
ou de la poule, on pouvoit faire un peuple compolé 
de mille familles différentes, toutes reconnoiffables, 
toutes nouvelles, toutes plus belles que f cfpèce dont 
elles tirent leur première origine. 

Dès le temps des Grecs on connoifloit les pigeons 
de volière, puifqu'Ariftote dit qu'ils produifent dix & 
onze fois l’année, & que ceux d'Égypte produifent 
jufqu'à douze fois C); l'on pourroit croire néanmoins 
que Îles grands colombiers où les pigeons ne produifent 
que deux ou trois fois par an, n’étoient pas fort en 
ufage du temps de ce Philofophe: il compofe le genre 

4 } Ariftote, Hifloria Animalium , Lib. VI, cap. 1v. 

Oifeaux, Tome IL Vuu 


ç22 HISTOIRE NATURELLE 


columbacé de quatre efpèces fa); favoir, le ramier 
( palumbes ), la tourterelle /rumur }, le bifet ([vinago ), 
& Île pigeon f columbus }; & c’ell de ce dernier dont 
il dit que le produit eft de dix pontes par an: or ce 
produit fi fréquent ne fe trouve que dans quelques 
races de nos pigeons. de volière; Ariftote n’en diftingue 
pas les différences, & ne fait aucune mention des 
variétés de ces pigeons domefliques; peut-être ces 
variétés n’exifloient qu'en petit nombre; mais 1} pa- 
_roit qu’elles s'étaient bien multipliées du temps de 
Pline /4), qui parle des grands pigeons de Campanie 
& des curieux en ce genre, qui achetoient à un prix 
exceflif une paire de beaux pigeons dortilsracontoient 
Porigine & la nobleffe, & qu'ils élevoient. dans des 
tours placées au-deflus du toit de leurs. maifons. Tout 
ce que nous ont dit les Anciens au fujet des. mœurs 
& des habitudes des pigeons doit donc fe rapporter aux 
pigeons de volière plutôt. qu’à ceux de nos colombiers 


(a) Arifiote, Hiforia Animalium , Ub. VIIT, cap. ur. 

(b) Columbarum. amore infaniunt multi; fuper tetla exædificant urres 
ds; nobilitatemque fingularum à origines narrant veteres. Jam exemplo 
TL. Axius Eques romanus ante bellum civile pompeianum. denaris qua= 
dringentis fingula paria venditavit, ut AA. Varro tradit; quin 7 patriam 
nobilitavere ; in Campanià grande ifimæ provenire ex illimatæ, Pline, Æif: 
nat, Üb. X, cap. XXXVII. 

Nota, Les quatre cents deniers romains font annee fres de 
notre monnoie : la manie pour les beaux pigeons eft donc encore 
plus grande aujourd’hui que du dt à de Pline, çar nos curieux 
les Peu dE à plus cher. 


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“qu’on doit regarder comme une efpèce moyenne entre 
les pigeons domefliques & Îles pigeons fauvages, & 
qui participent en effet des mœurs des uns & des autres. 

Tous ent de certaines qualités qui deur font com- 
munes, l'amour de la fociété, l'attachement à leurs 
femblables, la douceur de mœurs, la chafteté, c’eft- 
à-dire , la fidélité réciproque, & l'amour fans partage 
du mâle & de la femelle; la propreté, le foin de 
foi-même qui fuppofent l'envie de plaire; Part de fe 
donner des grâces qui le fuppofe encore plus; les 
carefles tendres , les mouvemens doux, les baifers 
timides qui ne deviennent intimes & preflans qu’au 
moment de jouir, ce moment même ramené quelques 
inflans après par de nouveaux defrs, de nouvelles 
approches également nuancées, également fenties; un 
feu toujours durable, un goût toujours confiant, & 
pour plus grand bien encore la puifflance d’y fatisfaire 
fans cefle; nulle humeur, nul dégoût, nulle querelle; 
tout le temps de la vie employé au fervice de l’amour 
& au foin de fes fruits; toutes les fonétions pénibles 
également réparties; le mâle aimant affez pour les par- 
tager & même fe charger des foins maternels, couvant 
réel èrement à fon tour, & les œufs & les petits, 
pour en épargner la peine à fa compagne, pour mettre 
entr’elle & lui cette égalité dont dépend le bonheur 
de toute union durable: quels modèles pour l’homme 
s’il pouvoit où favoit les imiter ! 

| Vuui 


<24 HISTOIRE NATURELLE 


OISEAUX ETRANGERS, 
eu ont rapport au PIGEON. 


Ï; y a peu d’efpèces qui foient auf généralement | 
répandues que celle du pigeon; comme il a l'aile très- 
forte, & le vol foutenu, il peut faire aifément de 
longs voyages : aufli la plupart des races fauvages ou 
domeftiques, fe trouvent dans tous Îles climats; de 
l'Égypte jufqu’en Norwège, on élève des pigeons de. 
volière, & quoiqu'ils profpèrent mieux dans les climats 
chauds, ils ne laïffent pas de réuflir dans les pays froids, 
tout dépendant des foins qu’on leur donne, & ce qui 
prouve que l’efpèce en général, ne craint ni le chaud 
ni le froid, c’eft que le Pigeon-fauvage ou Bifet, fe 
trouve également dans prefque toutes les contrées des 
deux continens /a). Le | 
Le pigeon-brun de la nouvelle Efpagne, Pa A par 
(a) Les oïfeaux que les habitans de nos îles de Amérique ap- 
pellent ramiers, font les vrais bifets de l’Europe ; ils font paffagers 
& ne s'arrêtent jamais one np en un lieu; ifs fuivent les graines 
qui ne müriflent pas en même-temps dans tous les endroits des îles; 
ils branchent & nichent fur les plus hauts arbres deux ou trois fois 
l’année. . .. il n’eft pas croyable combien les Chafleurs en tuent. 
Lorfqu’ils mangent de bonnes graines, ils font gras & d’auffi bon 
goût que les pigeons d'Europe ; maïs ceux qui fe nourriffent de 
graines amères, comme de celles de lacomas, font amers comme 


de la fuie. Du Tertre, Hit. des Antilles, tome LI, page 256.—1 
y à des pigeons fur Ia côte de Guinée, qui font des plus communs; 


“DES OISEAUX ÉTRANGERS, de. 525 
Fernandez, fous le nom Mexicain Cehoilorl (b), qui eft 
_ brun par-tout, excepté la poitrine & les extrémités des 
ailes qui font blanches, ne nous paroit être qu’une 
variété du bifet : cet oifeau du Mexique a le tour des 
yeux d’un rouge vif, Firis noire, & Îes pieds rouges ; 
celui que le même Auteur /c) indique fous le nom 
de Hoilot!, qui eft brun, marqué de taches noires, n’eft 
vraifemblablement qu’une variété d’âge ou de fexe du 
précédent; & un autre du même pays appelé Kacahoilorl, 
qui eft bleu fur toutes les parties fupérieures, & rouge 
fur la poitrine & le ventre, n'eft peut-être encore 
qu'une variété de notre pigeon- lauvage (d), & tous 
trois me paroiflent appartenir à à l’efpèce de notre 
pigeon d'Europe. 

Le pigeon indiqué par M. Briffon /e), fous le nom 
de pigeon-violer de la Martinique, & qui eft repréfenté * 
tels que nos pigeons des champs, & qui ne laiflent pas d’être un 
fort bon manger. Bofinan, Voyage de Guinée, page 242,—U ya 
aux îles Maldives quantité de pigeons . . .. . Il y a à Calécut des 
pigeons fort gros & des paons fauvages. raser de Pyrard, pages 1317 
&” 426, 

(b) Fernandez, Hif. nov, Hi Cap. CXXXII, pag. 42. 

{e) Ibidem, cap. LVI, pag. 26; & cap. LX, pagi ST 

_ (d) Tbidem, cap. CLIX, pag. 46. | 

(e) Columba caftaneo violacea; ventre rufefcente ; dénisibus interius 
rufis.…. . Columba violacea Martinicana. Le pigeon violet de Ia 


FRA Briflon, Ornithologie, tome 1, page 129, planche XII, 
fig. 1. — Perdrix rouffe. Du Tertre, Hi il des Antilles, tome IT, 
page 254. | FU : 

* Voyez les planches enluminées, n° 162, 


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$#6 HISTOIRE NATURELLE 
fous ce même nom de pigeon de la Martinique, ne 
nous paroit être qu ‘une tres- -légère variété de notre 
pigeon commun. Celui que ce même Auteur (f) 
appelle fimplement pigeon de fa Martinique, & qui 
eft repréfenté * fous la dénomination de pigeon - roux 
de Cayenne, ne forment ni l’un ni l’autre, des efpèces 
différentes de celle de notre pigeon; il y à même 
toute apparence que Îe dernier n’eft que la femelle du 
premier, & qu'ils tirent leur origine de nos pigeons 
fuyards. On les appelle improprement perdrix à [a 
Martinique où il n'y a point de vraies perdrix, mais 
ce font des pigeons qui ne reffemblent à la perdrix, 
que par fa couleur du plumage, & qui re diffèrent pas 
affez de nos pigeons, pour qu’on doive leur donner 
un autre nom; & comme l’un nous eft venu de 
Cayenne, & l’autre de la Martinique, on peut en 
inférer que l’efpèce «ft répandue dans tous les climats 
chauds du nouveau continent. 

Le pigeon décrit & defliné par N. Edwards /p/anche 
cixxvi), fous la dénomination de pigeon - brun des Indes 
orientales, eft de la même groffeur que notre pigeon-bifet ; 
& comme il n’en diffère que par les couleurs, on 


{f) Columba Japerne fufco- rufeftens , inferne dilute fulvo -vinacea ; 
torque violaceo aureo; maculis in utrâque al& nigris ; redricibus lateralibus 
tæniâ tranfverf@ nigrâ donatis, apice albis.... Columba Martinicana, 
Le pigeon de a Martinique. On lappelle à la Martinique perdrix. 
Briflon, Orniüthologie, tome I, pages 103 & 104. 


* Voyez les planches enluminées, n° 14%. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, &C. 527 
peut le regarder comme une variété produite par l’in- 
fuence du climat. Il eft remarquable en ce que fes yeux 
font entourés d’une peau d’un beau bleu, dénuée de 
plumes, & qu’il relève fouvent & fubitement fa queue 
fans cependant l’étaler comme le pigeon-paon. 

I en eft de même du pigeon d'Amérique, donné 
par Catefby /g), fous le nom de pigeon de paflage, & 
par Frifch, fous celui de coumba Americana [h), qui 
ne difière de nos pigeons fuyards & devenus fauvages, 
que par les couleurs.& par les plumes de la queue qu'il 
a plus longues, ce qui femble Île rapprocher de la 
tourterelle;. mais ces différences ne nous paroiffent pas. 
fufhfantes pour en faire une efpèce diflinéte & féparée 
de celle de nos pigeons. 


Il en ef encore de même du pigeon indiqué par 
Ray 2), appelé par les Anglois pigeon-perroquer , décrit 
enfuite par M. Briflon A) & que nous avons fait re- 
préfenter * fous la dénomination de pigeon-verr des 
Philippines : comme il eft de la même grandeur que 

notre pigeon-fauvage ou fuyard, & qu’il n’en diffère 


(g) Catefby, FHiff. nat. de la Caroline , tome [,.p/anche XX1IT,, 


avec une figure coloriée. 

(4) Frifch, planche CXLIT, avec une Houie coloriée. 

fi) Columba Maderas-patana. variis. coloribus eleganter depicta, Ray. 
Syf. Avi. pag. 196, n° 15. 

(4) Le pigeon vert des Philippines. Briflon, Ornitholog. tome. Le 
page 143,. avec une figure, planche X1 TE 4 

* Voyez les planches snluminées, n° 138. 


s28 : HISTOIRE NATURELLE 


que par la force des couleurs, ce qu’on peut attribuer | 
au climat chaud, nous ne Îe regarderons que comme 
une variété dans l’efpèce de notre pigeon. 


Il s’eft trouvé dans le cabinet du Roi, un oifeau 
fous le nom de pigeon vert d'Amboine, qui n’eft pas celui 
que M. Briffon a donné fous ce nom //), & que nous 
avons fait repréfenter * : cet oifeau eft d’une race très- 
voifine de la précédente, & pourroit bien même n’en 
être qu une variété de fexe ou d’à age, 


_ Le pigeon vert d'Amboine, décrit Fe M. Briffon 
fn), eft de la groffeur d’une tourterelle; & quoique 
différent par la difiribution des couleurs a celui auquel 
nous avons donné le même nom, il ne peut cependant 
_ être regardé que comme une autre variété de l’efpèce 
de notre pigeon d'Europe, & il y a toute apparence 
que le pigeon vert de l'ile Saint- Thomas indiqué par 
Marcgrave /r), qui eft de la même grandeur & figure 
de notre pigeon d'Europe, mais qui en diffère ainfr 
que de tous les autres pigeons, par fes pieds couleur 
de fafran, eft cependant encore une variété du pigeon 


(1) Briflon, Ornithologie, tome Ï, page 145. 
* Voyez les planches enluminées, n° 163. 

(m) Columba viridi- olivacea ; dorfe caflaneo ; remigibus fupra nigris 
infra cinereis , oris ex terioribus flavis ; pedibus nudis. . . Columba viridis 
Amboinenfis. Le pigeon vert d’Amboine. Zdem, at avec une 
Ke planche X, fig. 2, 

‘(n) Columbæ Jylvefris Jpecies ex infula Sani T, or, MARRANT 
Hifl nat. Brafil. pag. 213. 

fauvage, 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, &C. 529 
fauvage. En général, les pigeons ont tous les pieds 
rouges, il n’y a de différence que dans l'intenfité ou 
la vivacité de cette couleur, & c’ eft peut-être par 
maladie ou par quelqu’autre caufe accidentelle, que ce 
pigeon de Marcgrave les avoit jaunes; du refte il 
reffemble beaucoup aux pigeons verts des Philippines 
& d’Amboine, de nos planches enluminées. Thévénot 
fait mention de ces pigeons verts dans les termes 
fuivans : « il fe trouve aux Indes, à Agra, des pigeons 
tout verts, & qui ne diffèrent des nôtres, que par «. 
cette couleur. Les chafleurs les prennent aHFRsent (a 
avec de la glue ».{o). | 

Le pigeon de la Jamaïque indiqué par Hans Snde 
tp), qui eft d’un brun-pourpré fur le corps, & blanc 
fous le ventre, & dont la grandeur eft à peu prés la 
même que celle de notre pigeon fauvage, doit être 
regardé comme une fimple variété de cette efpèce, 
d'autant plus qu'on ne le trouve pas à la Jamaïque en 
toutes faifons, & qu'il n’y ia que comme oifeau de 
pañlage. 

Un autre qui fe trouve dans le même pays de la 
Jamaïque, & qui n’eft encore qu’une variété de notre 
pigeon fauvage; c’eft celui qui a été indiqué par Hans 


_ {e) Voyages de Thévenot, rome III, page 73. 

(p) Columba minor ventre candido. Sloine | Jamaiïc. pag. 30 3; 
planthe CCLXIT, fig. 1. — Columba media ventre candido. Browne, 
Nat. Hiff, of J'amaïc. pag. 469. | 

Oifeaux, Tome IL X xx 


530 HISTOIRE NATURELLE, dc. 

Sloane /g), & enfuite par Catefby /r), fous la déno- 
mination de pigeon à la couronne blanche : comme 
il eft de la même groffeur que notre pigeon fauvage, 
& qu'il niche & multiplie de même dans les trous des: 
rochers, on ne peut guère douter qu'il ne foit de la 
même efpèce. 

On voit par cette énumération, que notre pigeon: 
fauvage d'Europe fe trouve au Mexique, à la nouvelle 
Efpagne, à la Martinique, à Cayenne, à la Caroline, 
à la Jamaique, c’eft-à-dire, dans toutes les contrées 
chaudes & tempérées des Indes occidentales; & qu’on: 
le retrouve aux Indes orientales , à Amboine & juf-. 


qu'aux Philippines. 


(g) Columba minor, capite albo. Goritas, dé Oviede, Sloane, Jamaït, 
pag. 303, planche CCLXI, fig. 2. 

(r) Pigeon: à la couronne blanche: Catefby, ff de la Caroline; 
tome L, page 25, planche XXW, avec:une:bonne figure coloriée, . 


M 11 E R vér M 
Planche XXIV de ce volume, 


C OMME cet Oifeau * ef beaucoup plus gros que 
le bifet, & que tous deux tiennent de très-près au 
pigeon domeftique, on pourroit croire que les petites 
races de nos pigeons de volière font iflues des bifets, 
& que les plus grandes viennént des Ramiers, d'autant 
plus que les Anciens étoient dans l’ufage d'élever des 
ramiers {b), de les engraifler & de les faire multiplier; 
il fe peut donc que nos grands pigeons de volière, & 

( a) Pigeon-ramier; en Grec, Paora ou Palau; en Latin, 
Palumbes ; en Italien, Colombo torquato; en Efpagnol, Paloma torcatz; 
en Allemand, Riugeltaube; en Suifle, Schlag-tub ; en Hollandois, 
Ring-duve; en Flamand, Krieff-duve , & dans le Brabant, ÆManfeau; 
en Anglois, Ring-dove, & dans le nord de l'Angleterre Cushat; en 
Suédois, Ring-dufwa, & dans le Oeland Siutut ; en Polonoïs, 
Grywacz ; en Périgord, Palombe; en Picardie, Maufard & Phavier 
felon Salérne, pag. 162. Ramier, Belon, Fi. nat. des Oifeaux , 
pag: 307.... Ramier, Manfart, Coulon où Pigeon -ramier, Idem , 
Portraits d’ . pige 76, D. — Palumbus, Gefner, Avi pag, 
310... . Palumbus major vel torquatus, d. Icon. Avi, pag. 66. 
BL eu à 8 Profp. Alpin. Ægypt. vol. I, pag. 198. — CRE 
collo utringue albo, pone matulä fufcà. Ed: Faun. Suec. n° 175. 
— Palumbus five Palumbes major; Columba torquatä, Fiich, planche 
CXXXVIII, avec une figure coloriée. Le Pigeon-ramier. Briflon, 
Ornithologie, tome T, page 89. 

* Voyez nos planches enluminées, n° 316. 

{b) Palumbes antiqui cellares habebant quas pafcéndo Jeginabant. 


Perrottus apud Gefnerum, de Avibus, pag. 3 vo. 
X xx ij 


Jan HISTOIRE NAPURELLE 
particulièrement Îles gros pattus, viennent originaire- 
ment des ramiers; la feule chofe qui paroîtroit s’oppofer 
à cette idée, c’eft que nos petits pigeons domeftiques 
produifent avec les grands, au lieu qu’il ne paroit pas 
que le ramier PHRGHne avec le bifet, puifque tous ie 
fréquentent les mêmes lieux fans fe mêler enfemble 
la tourterelle qui s ’apprivoife encore plus aifément que 
le ramier, & que l’on peut facilement élever & nourrir 
dans les maifons, pourroit à égal titre, être regardée 
comme la tige de quelques - unes de nos races de 
pigeons domeftiques fi elle n'étoit pas ainfi que le 
ramier d’une efpèce particulière « & qui ne fe mêle pas 
avec les pigeons fauvages: mais on peut concevoir 
que des animaux qui ne fe mêlent pas dans l’état de 
nature, parce que chaque mâle trouve une femelle de 
fon efpèce, doivent fe mêler dans l'état de captivité 
s'ils font privés de leur femelle propre & quand on 
ne leur offre qu'une femelle étrangère; le bifer, le 
| ramier & la tourterelle ne fe mêlent pas dans les bois, 
parce que chacun y trouve la femelle qui lui convient 
le mieux, c’eftà-dire, celle de fon efpèce propre; mais 
il eft poñfible qu'étant privés de leur liberté & de leur 
femelle, ils s’uniflent avec celles qu'on leur préfentent : : 
& comme ces trois efpèces font fort voifines, Îles 
individus qui réfultent de leur mélange, doivent fe 
trouver féconds & produire par conféquent des races 
ou variétés conflantes; ce ne feront pas des mulets 
flériles, comme ceux qui proviennent de l’ânefle & 


D'UN RU A MI ER Nr 533 


du cheval, mais des métis féconds, comme ceux que 
produit le bouc avec la brebis: à juger du genre 
columbacé par toutes les analogies, il paroît que dans 
l'état de nature il y a, comme nous l'avons dit, trois 
efpèces principales, & deux autres qu’on péut regarder 
comme intermédiaires; les Grecs avoient donné à 
chacune de ces cinq efpèces des noms différens, ce 
qu'ils ne fafoient jamais que dans l’idée qu'il y avoit 
en effet diverfité d’efpèce; la première & la plus 
grande, eft le phaffa où pharta qui eft notre ramier; la 
feconde, eft le péléias qui eft notre bifet; la troifième, 
Je rrugon Où la tourterelle ; la quatrième, qui fait la pre- 
mière des intermédiaires, eft loenas qui étant un peu 
plus grand que le bifet, doit être regardé comme une 
variété dont l’origine peut fe rapporter aux pigeons 
fuyards ou déferteurs de nos colombiers; enfin Îa 
cinquième, eft le phaps qui eft un ramier plus petit que 
le phaffa ; & qu'on a par cette raifon appelé palmbus 
minor, Mais qui ne nous paroit faire qu'une variété dans 
l’efpèce du ramier; car on a obfervé que fuivant les 
climats, les ramiers font plus où moins grands ; ainff 
toutes les efpèces nominales, anciennes & modernes 
fe réduifent toujours à trois, c’eft-à-dire, à celles du 
bifet, du ramier & de la tourtencile ; que peut - être 
ont contribué toutes trois à la variété prefqu'infinie 
qui fe trouve dans nos pigeons domeftiques. | 


Les ramiers arrivent dans nos provinces au printemps, 
un peu plus tôt que les bifets, & partent en automne 
X xx ii] | 


ce HISTOIRENATURELLE 

un peu plus tard; c’eft au mois d'août qu’on trouve 
en France les ramereaux en plus grande quantité, & il 
paroit qu'ils viennent d'une feconde ponte qui fe fait 
{ur la fin de l'été ; car la première ponte qui fe fait de 
très-bonne heure au printemps eft fouvent détruite, 
parce que le nid n'étant pas encore couvert par les 
feuilles eft trop expofé. H refle des ramiers pendant 
l'hiver dans la plupart de nos provinces, ils perchent 
comme les bifets, mais ils n'établiffent pas, comme 
eux, leurs nids dans des trous d’arbres, ils les placent 
à leur fommet & les conftruifent affez légèrement avec 
des bûchettes, ce nid eft plat & affez large pour rece- 
voir le mâle & la femelle; je fuis affuré qu’elle pond 
de très - bonne heure au printemps, deux & fouvent 
trois œufs; car on m'a apporté plufieurs nids où il y 
avoit deux & quelquefois trois ramereaux /c) déjà forts 


« /c) M. Salerne dit que les Poulailliers d'Orléans achettent en 
» Berri & en Sologne, dans Îa faifon des nids , une quantité conii- 
» dérable de tourtereaux qu'ils foufflent eux-mêmes avec la bouche; 
» les engraiffent de millet en moins de quinze jours pour les porter 
» café ? à Paris; qu'ils engraiflent de même les ramereaux ; qu'ils y 
» portent aufli des pigeons bifets & d’autres pigeons qu'ils appellent 
» des pofles; que ces derniers font felon eux, des pigeons de co- 
» Jombiers devenus fuyards ou vagabonds, qui nichent tantôt dans 
>» un endroit & tantôt dans un autre, dans les églifes, dans des tours, 
» dans des muraïlles de vieux châteaux ou dans des rochers. Ornitk. 
pag. 162.» Nota. Ce fait prouve que les Ramiers, ainfi que tous les 
pigeons & tourterelles, peuvent être élevés comme les autres oifeaux 
domeftiques , & que par conféquent ils peuvent avoir donné naïffance 
aux plus belles variétés & aux plus grandes races de nos pigeons de 


DUVRAMIER.\: $3s 
au commencement d'avril; quelques gens ont pré- 
tendu que dans notre climat, ils ne produifent qu’une 
fois l’année, à moins qu’on ne prenne leurs petits ou 
leurs œufs, ce qui, comme lon fait, force tous les 
oifeaux à une feconde ponte. Cependant Frifch aflure 
qu'ils couvent deux fois par an /4), ce qui nous paroit 
très-vrai; comme H y a confiance & fidélité dans 
l'union du mâle & de la femelle, cela fuppofe que le 
fentiment d'amour & le foin des petits dure toute 
l'année. Or la femelle pond quatorze jours après les 
approches du mäle /e/, elle ne couve que pendant 
quatorze autres jours, & il ne faut qu'autant de temps. 
nd les petits puifflent voler & fe pourvoir 
d'eux-mêmes: ainfi il y’ a toute apparence qu’ils pro- 
duifent plutôt deux fois qu’une par an; fa première , 
comme je l'ai dit, au commencement du printemps: 
& la feconde, au folftice d'été, comme l'ont remarqué 
les Anciens: il efk très-certain que cela eft ainft dans 
tous: les. climats chauds. & témpérés, & très-probable: 
qu'il en eft à peu près- de même dans les pays froids. 
Ils ont'un:roucoulement plus fort que celui des pigeons 


volière. M. le Roy, Lieutenant des chaffes & Infpecteur du parc de 

Verfäilles m'a aufli affuré que les ramereaux pris aunid, s apprivoifent 
& s’engraiflent très-bien,. & que même.des vieux ramiers pris-au.fifet 

s’'accoutument aïifément à vivre dans des volières, où l’on peut, en, 
les foufflant, leur faire prendre graifle en fort peu de temps. 


(à) Voyez Frifch, a d'article di Ringel-taube , planche Ox xixpzrrr. 
(e) Arilote, if. animal, Hib. VI, cap. 1v. | 


536 HISTOIRE NATURELLE 
mais qui ne fe fait entendre que “dans la Con des 
amours & dans les jours fereins: car dès qu’il pleut, ces: 
oifeaux fe taifent, & on ne les entend que très-rarement. 
en hiver: ils fe nourrifent de fruits fauvages, de glands, 
de fäine, de fraifes dont ils font très-avides, & aufli de: 
féves & de grains de toute efpèce; ils font un grand déoit 
dans les blés lorfqu’ils font verfés; & quand ces alimens 
leur. manquent , ils mangent de l'herbe: ils boivent à 
la manière des pigeons, c’eft-à-dire, de fuite & fans 
relever la tête qu'après avoir avalé toute l’eau dont ils. 
ont 'befoin; comme leur chair, & fur-tout celle des. 
jeunes, eft excellente à manger, on recherche foi- 
gneufement leurs. nids “HO. en: détruit ainft une 
grande quantité: cette dévaftation, jointe au petit pro- 
duit, quin ’eft que de deux ou trois œufs à. chaque. 
ponte, fait que: l'efpèce n et nombreufe nulle part ; 
on en prend à la vérité beaucoup avec des filets dans 
les lieux de leur paffage , fur-tout dans nos provinces 
voifines des Pyrénées ; mais ce n'eft que dans. une: 
faifon, &. pendant: peu de Jours. | HD 
À paroit que quoique. le. ramier préfère les dial | 
: chauds & tempérés Faut il habite quelquefois dans les 
. Le feptente AUX, 1 puifque, M. sinus Le met. dans 


Hors 


La rochets des deux : es. de la “Madéléine fr ee retraite | 


aün ‘nombre infini. de pigeons : ramiers | naturels au. Pays & qui re 


: diffèrent dé ceux d'Europe, -qu en ce qu ‘ils font d'une délicateiTe &. 
d'un Len plus ua Poyage au. «Shi ge 7. par Gr A à ann, D 


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PLAXIF- pag. 630: 


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LE RAMIER. 


D'ONRA MILLER AA 9237 
la lifte des oifeaux qui fe trouvent en Suède (g); & il 
paroît aufli qu’ils ont paflé d’un continent à l’autre /4), 
car il nous eft arrivé des provinces méridionales de 
l'Amérique, ainfi que des contrées les plus chaudes 
de notre continent, plufieurs oifeaux qu’on doit re- 
garder comme des variétés ou des efpèces très-voifines 
de celle du ramier, & dont nous allons faire mention 
dans l’article fuivant. 


(g) Linn. Faun. Suec. n° 175. | 

() À la Guadeloupe, les graines de bois d'Inde qui étolent mûres 
voient attiré une infinité de ramiers: car ces oifeaux aiment paflion- 
nément ces graines ; ils s’en engraiflent à a merveille, & leur chair en 
contracte une odeur de gérofle & de mufcade tout-à-fait agréable, ... 
Quand ces oïfcaux font gras, ils font extrêmement pareffeux. . . . : 
plufieurs coups de fufil ne les obligent point de s'envoler, ils fe 
contentent de fauter d’une branche à l’autre en criant & regardant 
tomber leurs compagnons. Nouveau voyage aux îles de l’ Amérique , 
tome V', page 486.— À Ja baie de Tous-les-Saints il y a de deux 
fortes de pigeons-ramiers , les uns de Ia groffeur de nos pigeons 
xamiers ({ d'Europe) font d’un gris-obfcur, les autres plus petits font 
d'un gris-clair ; les uns & les autres font un très-bon manger, & il 
y en a de ff grandes troupes depuis le mois de Mai jufqu’en Sep- 
tembre, qu’un feul homme en peut tuer neuf ou dix douzaïines dans 
une matinée, lorfque le cieleft couvert de brouillards & qu’ils viennent 
manger les baies qui croiflent dans les forêts. Fos de Damrier, 


(one dé page C6, 
AE 


Oifeaux, Tome IL | Yyy 


638 HISTONRE NATURELLE 


OISEAUX ÉTRANGERS, 
Qui ont rapport au RAMIER. 
I. 


L: Pigeon-ramier des Moluques, indiqué fous ce 
nom par M. Briflon /4), & que nous avons fait repré- 
fenter * avec une noix mufcade dans de bec, parce 
qu'il fe nourrit de ce fruit; quelqu'éloigné que foit 
le climat des Moluques de celui de l’Europe, cet 
oifeau refflemble fi fort à notre Ramier par la gran- 
deur & la figure, que nous ne pouvons le regarder 
que comme une variété pee par l'influence pe 
climat. 

ÏH{ en eft de même de l’oifeau indiqué & décrit par 
M. Edwards (4), & qu'il dit fe trouver dans les pro- 
vinces méridionales de la Guinée: comme 1l eft à 
demi-pattu & à peu près de la grandeur du ramier 
d'Europe, nous le rapporterons à cette efpèce comme 
fimple variété, quoiqu'il en diffère par les couleurs 
étant marqué de taches triangulaires fur les ailes, & 
qu'il ait tout le deffous du corps gris, les yeux entourés 


(a) Omithol. tom. 1, pag. A avec une figure, planche X111; 
Ag. 2. 

dé Voyez les planches enluminées, n° 164. | 

{e) The triangular Spotted pigeon. Hifl. of Biras. pl. LXXV: 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dre. 539 
d’une peau rouge & nué, l'iris d’un beau jaune, le bec 
noirâtre : mais toutes ces différences de couleur dans 
le plumage, le bec & les yeux peuvent être regardées 
comme des variétés produites par le climat. | 

Une troifième variété du ramier qui fe trouve dans 
_Pautre continent, c’eft le pigeon à queue annelée de 
la Jamaïque, indiqué par Hans Sloane /c) & Brown ; 
qui étant de la grandeur à peu près du ramier d’Eu- 
rope, peut y être rapporté plutôt qu’à aucune autre 
efpèce: if ef remarquable par la bande noire qui 
traverfe fa queue bleue, par l'iris des yeux qui eft 
d'un rouge plus vif que celui de l’œil du ramier, & 
par deux tubercules qu’il a près de la bafe du bec. 


| ii à 
Lis FOUNING0O. 


 L’'orsEau appelé à Madagafcar Founingo-mena-rabou ; 
& auquel nous conferverons partie de ce nom, parce 
qu'il nous paroit être d’une efpèce particulière, & 
qui, quoique voifine de celle du ramier, en diffère : 
trop par la grandeur pour qu’on puiffe le regarder 
gomme une fimple variété /4). M. Briflon a mdiqué 


(c) Columba caudé torquatà , feu faftiä fufc notata. Sloane, net 
pag. 302.—Columba major, nigro cærulefcens, caud8 fafciatä, Browme, 
pag. 468, 

(4) Nota. Ce qui nous fait préfumer que le founingo eft d’une . 
autre efpèce que celle de notre ramier, c’eft que ce dernier fe trouve 
dans ce même climat. « Nous vimes {dit Bontekoe) dans l'ile de 


YyyYi 


540 HISTOIRE NATURELLE 


le premier cet oifeau fc ), & nous l'avons fait repré: 
fenter * fous la dénomination de pigeon -ramier bleu de 
“Madagafear ;  eft beaucoup plus petit que notre ramier 
d'Europe, & de la même grandeur à peu près qu’un 
autre pigeon du même climat qui paroît avoir été 
indiqué par Bontius /£), & qui a enfuite été décrit par 
M. Briflon /g), fur un individu venant de Madagafcar 
où il s'appelle foumngo maïtfou , ce qui paroît prouver 
que malgré la différence de couleur du vert au bleu, ces 
deux er heé font de la même efpèce, & qu’il n’y a 
peut-être entr’eux d'autre différence que celle du fexe 
ou de l’âge : on trouvera cet oifeau vert repréfenté fous 
Ja iorgienios de pigeon-ramier vert de Madegaenr 
dans nos planches enluminées. 


» Mafcarenas , quantité de pigeons -ramiers bleus qui fe Jaïfloient 
» prendre à la main; nous en tuames ce jour-là près de deux cents... 
nous y trouvames aufli quantité de ramiers ». UOL aux Indes 
orientales, pag. 16. 

(e) Le Pigeon-ramier bleu de Midas Brion, Ornithol 
tome Ï, page 140, avec une figure, planche XIV, fig. 1. 

* Voyez les planches enluminées, n° 11. 

_(f) Columba viridiffimi coloris. Bonti. Ind. or. pag. 62, 

{g) Le Pigeon-ramier vert de Madagafcar. Ornithologie, tome Ë, 
page 142, avec une figure, planche XIV, fig. 2. 


*X Voyez ks planches enluminées, n° 111: 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, Ÿ'C. S4X 


RL 
LE, RAMIAE:L. 

L'OISEAU repréfenté * fous la dénomination de 
pigeon -ramier de Cayenne, dont l’efpèce eft nouvelle, & 
n’a été indiquée par aucun des Naturaliftes qui nous ont 
précédés; comme elle nous a paru différente de celle 
du ramier d'Europe & de celle du jouningo d’ Afrique, 
nous avons cru devoir lui donner un nom propre, & 
nous l'avons appelé Ramirer, parce qu’il eft plus petit 
que notre ramier; c'eft un des plus jolis oifeaux de 
ce genre, & qui tient un peu à celui de la tourterelle 
par la forme de fon cou & l’ordonnance des couleurs, 
mais qui en diffère par la grandeur & par plufieurs 
caractères qui le rapprochent plus des ramiers que 

d'aucune autre efpèce d’oifeau. 


I Y. | 
LE Pigeon des iles Nincombar ou plutôt Nicobar, 
décrit & defliné par Albin /4), qui, felon lui, eft de 
la grandeur de notre ramier d'Europe, dont la tête & 
la gorge font d’un noir-bleuâtre, le ventre d’un brun- 
noirâtre, & les parties fupérieures du corps & des 


* Voyez Les planches enluminées, n° 233. 

{h) Pigeon de Nincombar. Albin, tom. III; pag. 2 0, avec des 
figures , planche X LVII, Îe mâle: & planche X LVIII, la femelle. 
Nota. Cette différence de fexe donnée par Albin n’eft pas certaine : 
voyez ci-après ce qu’en dit M. Edwards, | 


Yyy ii 


gi “HISTOIRE NATURELLE + 

ailes variées de bleu, de rouge, de pourpre, de jaune 
& de vert. Selon M. Edwards qui a donné depuis 
Albin une très- bonne defcription & une excellente 
igure de cet oïfeau /2), il ne sen que dela 
_groffeur d’un pigeon ordinaire. ... Les plumes fur le 
cou font longues & pointues comme celles d’un coq 
de baffe-cour, elles ont de très-beaux reflets de cou 
ieurs variées de bleu, de rouge, d’or & de couleur 
de cuivre; le dos & le deflus des ailes font verts avec 
des reflets d’or & cuivre... J'ai, ajoute M. Edwards, 
trouvé dans Albin des figures qu’il appelle e le cog & la. 
poule de cette efpèce ; je les ai examinées enfuite chez le. 
Chevalier Sloane, & je n'ai pu y trouver aucune diffé- 
rence de laquelle on pouvoit conclure que ces oifeaux 
étoient le mäle & la femelle... Albin l'appelle pigeon: 
Ninkcombar ; le vrai nom de File, d’où cet oifeau a: 
été apporté, eft Nicobar .… il y a plufeurs petites îles 
qui portent ce nom & qui font fituées au nord de 


Sumatra. 


de 
L'OrsEau nommé par les Hollandois Crown-vogel, 
donné par M. Edwards, pl cocxxxXvrIr, fous le nom 


de gros pigeon-couronné des Indes ; & par M, Briffon de 2 
fous celui de faifan-courenné des Indes *, 


&) FORMS à à ne » Pig 271 & fuiv. pl CCCXXXIX: 
-{k) Briffon, Ornith, tome 1, page 278, pl: VIT, Je Ie 


XV Qÿ8z. les “à vie enluminées, n° 11 Fe 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, de. 543 
Quoique cet oifeau foit auffi gros qu'un dindon , ül 
Enr certain qu'il appartient au genre du pigeon: äl 
en a le bec, latête, le cou, toute la forme du corps; 
des jambes, les pieds, les ongles, la voix, le roucoule- 
ment, les mœurs, &c, c’eft parce qu’on :a été tromp: 
par fa groffeur qu’on n’a pas fongé à le comparer au 
pigeon, & que M. Briflon & cnbté notre Deflinateur, 
l'ont appelé : faifen ; le dernier volume des Oifeaux de 
M. Edwards n’avoit pas encore paru, mais voici ce 
qu'en dit cet habile Ornithologifte. «1 eft:de 
famille des pigeons, me ‘auf gros qu'un dindon « 
de médiocre grandeur... M. Loten a rapporté « 
des Indes plufieurs de ces FAT VÉVANS, . . . ..  « 
I! eft natif de l’île de Banda... .... M. Loten m'a « 
affuré que c’eft proprement un pigeon, & qu’il en « 
a tous les gefles & tous les tons ou roucoulemens « 
en careflant fa femelle : j'avoue que je n'aurois « 
jamais fongé à trouver un pigeon .. un oifeau « 
de cette groffeur fans une telle information » /{). 


Il eft arrivé à Paris tout nouvellement, à M. le 
Prince de Soubife, cinq de ces oifeaux vivans: ils 
font tous cinq fi reflemblans les uns aux autres par la 
grofleur & la couleur qu’on ne peut diftinguer les 
mäles & les femelles; d’ailleurs, ils ne pondent pas, 
& M. Mauduit, très-habile Naturalifte, nous a affuré 


() Edwards, Glanures, pag. 269 & fuiv. 


44 HISTOIRE NATURELLE, ®‘c. 

en avoir vu plufieurs en Hollande où ils ne pondent 
pas plus qu’en France. Je me fouviens d’avoir {à dans” 
quelques Voyages, qu'aux grandes Indes on élève & 
nourrit ces oifeaux dans des balle - - COUrS, à peu prés 
comme les poules, 


L A 


Ÿ ÉPRONNCE PER ROUE ME ARS 


“724 TOUR TERELLE (4. 


L A Tourterelle aime peut-être plus qu'aucun autre 
oïifeau, la fraicheur en été & la chaleur en hiver : 

elle arrive dans notre climat fort tard au printemps, 

& le quitte dès la fin du mois d’août ; au lieu que les 
“bifets & les ramiers arrivent un mois plus tôt, & ne 
partent qu’un mois plus tard, plufieurs même reftent 
pendant l’hiver: toutes {es tourterelles, fans en excepter 
une, fe réuniflent en troupes, arrivent, partent & voyagent 
enfemble; elles ne féjournent ici que quatre ou cinq 
“mois; pendant ce court efpace de temps, elles s appa- 
rient, nichent, pondent & élèvent leurs petits au point 
_de pouvoir les emmener avec elles. Ce font les bois 
les plus fombres & les plus frais qu’elles préfèrent pour 
s’y établir, elles placent leur nid, qui eft prefque 
_ tout D fur les plus hauts arbres, dans Îles lieux les 
plus éloignés de nos habitations. En Suède (6), en 


‘of a) La Totrtetélles en Grec, rien en Latin, T'urtur ; en 
 Efpagnol, Tortota où Tortora ; en Italien, Tortora , Tortorella; en 
= Allemand, Turtel, Turtel-taube; en Anglois, Turhe, Turhe-dove;.en 
Suédois, Turtur-dufiva; en Polonois, 7rakawke, — Turterelle. Belon, | 
Hifi. des Oifeaux, pag. 309.....Tourte, Turterelle, Torterelle , 
Tourterelle. Idem, Portraits d'O Gi pag. 77- a. — Lurtur. Gefner, 
- Avi page 316.— Tortora noftrate, Olina, pag. 34, avec une fivure, 
— Tourierelle. Albin, tome II, pag. 31, avec une figure, =Turtur. 
“Frifch, planche XIV, avec une figure coloriée. 
(b) Linnæus, Faun. Suec, n° 175. Ai 
Oifeaux , Tome IL Z z2 


Sà6 HISTOIRE NATURELLE 

Allemagne, en France, en falie, en Grèce (c), & 
peut-être encore dans des pays plus froids & plus 
chauds, elles ne féjournent que pendant l'été & quit- 
tent également avant l'automne : feulement Ariftote 
nous apprend qu’il en refte quelques-unes én Grèce, 
dans les endroits les plus abrités : cela femble prouver 
qu’elles cherchent les climats très-chauds pour y pañler 
l'hiver. On les trouve prefque par-tout /4) dans l’ancien 
continent, on les retrouve dans le nouveau fe) & 


{c) Nec hibernare apud nos patiuntur Turtures, ..... volant gregatim 
Turtures cum accedunt 7 abeunt . , ... coturnices quoque diftedunt nif 
paucæ locis apricis remanferint : guod & turtures din Arift. Aiff. anim. 
Gb. VHI, pag. 12. | | 

« /d ) Nous vimes dans Île royaume de Siam, deux fortes de 
» tourterelles ; la première eft femblable aux nôtres & la chair en eft 
» bonne; la feconde a le plumage plus beau , mais la chair en eft 
. jaunâtre & de mauvais goût. Les campagnes font pleines de ces 
tourterelles ». Second voyage de Siam, page 248 ; & Geronier, ÆHif 
nat.  polit. de Siam, page 7 5. — Les pigeons-ramiers & les tourte- 
relles viennent aux îles Canaries des côtes de Barbarie. Æiff. gén. des 
Voyag. tom. II, pag. 241.— À Fida, en Afrique, il y a une fi 
grande quantité de tourterelles, qu'un homme, qui tiroït affez bien, 
_ vouloit s'engager à en tuer cent en fx heures de temps. Bofman, 
Voyage de Guinée, page 4 1 6.—U y a des tourterelles aux Philippines, 
aux iles de Pulo-condor, à Sumatra. Dampier, tome I, page 406, 
tome II, page 82 ; &r tome FT, page 1 5 ÿ.—W'y a ici (à la Nouvelle 
Hollande} quantité de tourterelles dodues & grafles, qui font un 
très-bon manger. Idem, tome IV, page 139. 
| (e) Les campagnes du Chili font peuplées d’une infinité d’oïfeaux , 
particulièrement de pigeons -ramiers & de beaucoup de tourterelles. 


Voyage de Fréler, page 74...,. Les pigeons-ramiers y font amers , 


DE LA TOURTERELLE s47 
juique dans les îles de la mer du Sud (f); elles font 


& le cure n’y font pas un grand régal. Jdem, page 111. 
— À la Nouvelle Efpagne il y a plufieurs oifeaux d'Europe, comme 
des pigeons, des tourterelles grandes comme célles d'Europe, & de 
petites comme des grives. Gemelli Careri, some VI, page 212. 
— Je n'ai vu en aucun endroit du monde, une aufli grande quantité 
de tourterelles & de pigeons-ramiers qu’à Areca, au Pérou. Le Gentil, 
tome Î, page 94: —H y à dans Îes terres de la baie de Campêche 
tois fortes de tourterelles ; les unes ont le jabot blanc, le refte du 
plumage d'un gris tirant fur le bleu; ce font les plus groffes ; & 
elles font bonnes à manger, Les autres font de couleur brune par- 
tout Je corps, moins graffes & plus petites que les premières : ces 
deux efpèces volent par paires, & vivent des baies qu'elles cueillent 
fur les arbres. Les troifrèmes font d’un gris fort fombre, on les appelle 
tourterelles de terre, elles font beaucoup plus grofles qu’une alouette, 
rondes & dodues; elles vont par couple fur la terre. Voyage de Dampiers 
tome III, page 3 1 0.— On croit communément qu'il y a à Saint- 
Domingue des perdrix rouges & des ortolans; on fe trompe, ce 
font différentes efpèces de tourterelles; les nôtres y font fur-tout fort 
communes. Charlevoix, Æiffoire de Saint-Domingue , tome T, pages 
2 8 € 29.— À a Martinique & aux Antilles, les tourterelles ne fe 
trouvent guère que dans les endroits écartés , où elles font peu 
chaflées ; celles de l'Amérique m'ont paru un peu plus groffes que 
celles de France. ..... Dans le temps qu’elles font leurs petits on 
en prend beaucoup de jeunes avec des filets, on les nourrit dans des 
volières , elles s’y engraiflent parfaitement bien, mais elles n’ont pas 
le goût fi fin que les fauvages ; il eft prefqu’impoffible de les appri- 
voifer. Celles qui vivent en liberté, fe nourriffent de prunes de 
monbin & d'olives fauvages, dont les noyaux leur reftent affez long- 
temps dans le jabot, ce qui a fait croire à quelques-uns, qu les 
st: SC de petites pierres : elles font ordinairement fort grafles & 
de bon goût. Mouv, voy. aux Îles de l'Amérique, tome IT, page 237. 


(f) Dans les îles enchantées de la mer du Sud, nous vimes des 


Zzz ij 


s48 HISTOIRE NATURELLE 
comme les pigeons, fujettes à varier, & quoique natu- 
rellement plus fauvages, on peut néanmoins les élever 
de même, & les faire multiplier dans des volières, On 
unit aifément enfemble les différentes variétés, on peut: 
même les unir au pigeon, & leur faire produire des 
métis ou des mulets , & former ainfi de nouvelles races 
ou de nouvelles variétés individuelles. « J'ai vu, m’écrit 
» un témoin digne de foi (8/» dans le Bugey, chez 
». un Chartreux, un oifeau né du mélange d’un pigeon 
» avec une tourterelle: il étoit de la couleur d’une 
» tourterelle de France, il tenoit plus de la tourterelle 
» que du pigeon; il étoit inquiet, & troubloit la paix 
». dans la volière. Le pigeon - père étoit d’une très- 
» petite efpèce, d’un blanc parfait, avec les ailes 
noires ». Cette obfervation qui n’a pas été fuivie juf- 
qu’au point de favoir fi le métis provenant du pigeon 
& de la tourterelle , étoit fécond, ou fi ce n’étoit 
qu'un mulet flérile; cette obfervation , dis-je, prouve 
au moins la très-grande proximité de ces deux efpèces : 
il eft donc fort poflible, comme nous l'avons dejà 
infinué, que les bifets, les ramiers & les tourterelles, 
dont les efpèces paroiffent fe foutenir féparément & 


tourterelles qui étoient ff familières, qu ‘elles venoient fe percher fur 
nous. Hif. des navig. aux terres Auftrales, tome 71. page 52. - . 
H ya force tourterelles aux îles Galla-pagos, dans la mer du Sud: 
elles font fi privées, qu’on en peut tuer cinq ou fix douzaines en 
une après-midi avec un fimple bâton. Nouveaux pages aux iles de 
l Amérique, tome IT, page 67. 

(eg) M. Hebert, que j'ai déjà cité plus d’une fois. 


DE LA TOURTERELLE. 49. 


fans mélange dans l’état de nature, fe foient néanmoins 
fouvent unies dans celui de domefticité; & que de. 
leur mélange, foient iflues la plupart des races de nos 
pigeons domeftiques , dont quelques - uns font de Îa 
grandeur du ramier, & d’autres reflembient a la tour- 
terelle par la petitefle , par la figure, &c. & dont 
plufieurs enfin tiennent du bifer c ou u participent de tous 
trois. 
Et ce qui femble De la vérité de notre opi- 
nion, fur ces unions qu'on peut regarder comme illégi- 
times, puifqu’ elles ne font pas dans le cours ordinaire 
de la Nature, c’eft l’ardeur exceflive que ces oifeaux 
reflentent dans la faifon de l'amour : la tourterelle eft 
encore plus tendre, difons plus lafcive que le pigeon, 
& met aufli dans fes amours, des préludes plus fingu- 
liers. Le pigeon mâle fe contente de tourner en rond 
autour de fa femelle en piaffant & fe donnant des grâces. 
Le mäle tourterelle, foit dans les bois, foit dans 
une volière, commence par faluer la fienne en fe 
profternant devant elle dix-huit ou vingt fois de fuite, 
il s'incline avec vivacité & fi bas, que fon bec Crest 
a chaque fois la terre ou la branche fur laquelle il ef 
of . fe relève dé même; les gémiflemens les plus 
tendres accompagnent ces falutations, d’abord la fe- 
melle y paroîït infenfible, mais bientôt.’ émotion inté- 
rieure fe déclare par quelques fons doux, quelques 
accens plaintifs qu’elle laifle échapper, & lorfqu’une 
fois elle a ent le feu des premières approches, elle 
Liz 20 


sso HISTOIRE NATURELLE 

ne cefle de brûler, elle ne quitte plus fon mâle, elle 
Jui multiplie les baifers, les carefles, l’excite à la jouif- 
fance & l’entraîne aux plaifirs jufqu’au temps de la 
ponte où elle fe trouve forcée de partager fon RIèps j 
& de donner des foins à fa famille. Je ne citerai qu'un 
fait qui preuve affez combien ces oifeaux font ardens 
(h); c'eft qu'en mettant enfemble dans une cage, des 
tourterelles mâles, & dans une autre des tourterelles 
femelles, on les verra fe joindre & s’accoupler comme 
s'ils étoient de fexe différent; feulement cet excès 
arrive plus promptément & plus fouvent aux mâles 
qu'aux femelles: la contrainte & la privation ne fervent 
donc fouvent qu'a mettre la Nature en défordre, & 
non pas à | éteindre! 

Nous connoiflons dans l’efpèce de là tourterelle, 
deux races ou variétés conftantes; la première eft [a 
tourterelle commune *, la feconde s'appelle la sour- 
terelle à collier **, parce qu’elle porte fur le cou, une 
forte de collier noir; toutes deux fe trouvent dans notre 
climat, & lorfqu’on les unit enfemble, elles produifent 
un métis : celui que Schwencfeld décrit, & qu’il appelle 


(h) La tourterelle, m'écrit M. le Roy, diffère du ramier & du 
pigeon par fon libertinage & fon inconftance , malgré fa réputation. 
Ce ne font pas Rat les femelles enfermées dans les volières qui 

s’abandonnent indifféremment à à tous les mâles; j'en ai vu de _fauvages 
qui n’étoient ni contraintes ni eGrronDues par la: domefticité , faire 
deux heureux de fuite fans fortir de a même branche. . 
17 Voyez les pre énluminées, n. 3 94 | 
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DE LA TOURTERELLE, SS1 
aurtur mixtus (1), provenoit d’un mâle de tourterelle 
commune &- d’une femelle de tourterelle à collier, 
& tenoit plus de la mère que du père: je ne doute pas 
que. ces métis ne foient féconds, & qu’ils ne remontent 
à la race de la mère dans Îa fuite des générations. Au 
refle la tourtereile à collier eft un peu plus grofle que 
la tourterelle commune, & ne difière en rien pour le 
naturel & les mœurs; on peut même dire qu'en général 
les pigeons, les ramiers & les tourterelles fe reflemblent 
encore plus par l’inftinét & les habitudes naturelles, que 
par la figure: ils mangent & boivent de même fans 
relever la tête, qu'après avoir avalé toute l’eau qui 
leur eft néceflaire ; ils volent de même en ronpés : 
dans tous la voix eft plutôt un gros murmure ou un gé- 
miflement plaintif, qu'un chant articulé: tous ne pro- 
duifent que deux œufs, quelquefois trois, & tous 


peuvent produire plufieurs fois l’année, dans des pays 
chauds ou dans des volières. 


(i) Theriotrop. Sil. pag. 265. 


Fo S 


s52 HISTOIRE NATURELLE 


OISEAUX ÉTRANGERS, 
| se ont rapport à la T OUR TERELLE. 
LL | 


L À Tourterelle, comme le pigeon & le ramier, a 
- fubi des variétés dans les différens climats, & fe trouve 

de même dans les deux continens. Celle qui a été 
| indiquée par M. Briflon /a), fous le nom de tourterelle 
du Canada, & que nous avons fait repréfenter * eft 
un peu plus grande, & a la queue plus longue que 
notre tourterelle d'Europe: mais ces différences ne 
“font pas affez confidérables pour qu’on en doive faire 
_une efpèce difine & féparée: il me paroît qu'on 
peut y rapporter l’oifeau donné par M. Edwards fous 
le nom de pigeon à longue queue, (planche XV), & 
que M. Briffon a appelé rourrerelle d Amérique (b); ces 
oifeaux fe reffemblent beaucoup, & comme ils n 
diffèrent que par leur longue queue, de notre tourte- 
relle, nous ne les regardons que comme des variétés 
produites par l'influence du climat. 


fa) Oraithol. tom. À, pag. 118, 
* Voyez les planches enluminées > (1 176, 


(b) Briflon, tome 1, page 1017. 


LE 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, dC. 553 
DUR 40 


La tourterelle du Sénégal & la tourterelle à à collier 
du Sénégal *, toutes deux mdiquées par M. Briffon C2 
& dont la oe n’eft qu'une variété de la sa 
comme Ja tourterelle à collier d'Europe, n’eft qu’une 
variété de l’efpèce commune, & ne nous paroiflent pas 
_être d’une efpèce réellement différente de celle de nos 

ronde étant à peu près de la même grandeur, 
_& n’en différant guère que par les couleurs, ce qu 
doit être attribué à l'influence du climat. 

Nous préfumons même que la tourterelle à gorge 
tachetée du Sénégal /4), étant de la même grandeur 
& du même climat que les précédentes, n'en eft encore 
qu'une variété. 


ci Lil, 4 
i/ EH TOUROCCO. 


Mais il y a dans cette même contrée du Sénégal, 
ün oifeau qui n’a été indiqué par aucun des Naturaliftes 
qui nous ont précédé, que nous avons fait repréfen- 
ter ** fous la dénomination de tourterelle à large queue 


* Voyez les planches enluminées, n° 16 Oo & 161. 

(c) La Tourterelle du Sénégal, pl x, fig. 1. — La Tourterelle à 
collier du Sénégal , PRE, Je :E. Ornithol. tome Î, pages 122 
T 124. | 

(d) La Tourterelle à gorge jébeiée du Sénégal Briflon, Ornithol, 


tome Ï, page 125, pl. VIII, fig. 7. 
** Voyez les planches enluminées, n° 329. 


Oifeaux, Tome IL Aaaa 


564 ÆHISTOIRE NATURELLE. 

du Sénégal, nous ayant été donné fous ce nom par 
M. Adanfon: néanmoins, comme cette efpèce nou- 
velle nous paroït réellement différente de celle de la 
tourterelle d'Europe, nous avons cru devoir lui donner 
le nom propre de rourocco, parce que cet oifeau ayant 
le bec & plufieurs autres caraétères de la tourterelle, 
porte fa queue comme le hocco. ù 


Ï V. 
La TOURTELETTE. 


_ UN autre oifeau qui a rapport à la tourterelle, ef 
celui qui a été indiqué par M. Briflon /e), & que 
nous avons fait repréfenter * fous la dénomination de 
rourterelle à cravate noire du cap de Bonne-efpérance ; nous 
croyons devoir lui donner un nom propre, parce 
qu'il nous paroïit être d’une efpèce particulière & 
différente de celle de la tourterelle;, nous l’appelons 
donc Zourtelerte, parce qu'il eft beaucoup plus petit 
que notre tourterelle; il en diffère auffi en ce qu'il a 
la queue bien plus longue, quoique moins large que 
celle du tourocco, il n’y a que les deux plumes du 
milieu de la queue qui foient très-longues; c’eft le mâle 
de cette efpèce qui eft repréfenté dans nos planches 
enluminées; il-diffère de la femelle en ce qu'il porte 


(e) Briflon, Ornithologie, tome 1, page 129, avec une figure, 
planche 1X, fig. 2. 


* Voyez les planches enluminées, n° 140. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, Ÿ'C. SS$S 
une efpèce de cravate d’un noir brillant fous le cou 
& fur la gorge, au lieu que la femelle n'a que du gris 
mêlé de brun fur ces mêmes parties: cet oifeau fe 
trouve au Sénégal comme au cap de Bonne-efpérance, 
& probablement dans toutes les contrées méridionales 
de l’Afrique. | 
| V. 


Tr TURVERF 


Nous donnons le nom Zurser: à un oifeau vert qui a 
du rapport avec la tourterelle, mais qui nous paroît 
être d’une efpèce diftinéte & féparée de toutes les 
autres ; nous comprenons fous cette efpèce du turvert 
les trois oifeaux repréfentés *; le premier de ces 
oifeaux a été indiqué par M. Briflon /f), fous la déno- 
mination de tourterelle verte d’Amboine, & dans nos 
planches enluminées fous celle de rourterelle à gorge 
pourprée d’Amboine, parce que cette couleur de la gorge 
eft le caractère le plus frappant de cet oifeau {/2); le 


_* Voyez les planches sahurisées , de premier, n° 142; le fecond, 
n° 214; le troilième, n° 117. 
- {f) Briflon, sig tome Ï, page 152, ayec une figure, pl. XV, 


figure 2 

: (g) C’eft vraïfemblablement à cette efpèce qu’il faut rapporter les 
paflages fuivans. « Il ÿ a dans l'ile de Java, un nombre infini de 
tourterelles de couleurs différentes, de vertes avec des taches noïres ec 
& blanches; de jiunes & blanches, de blanches & noires, & une « 
efpèce dontla couleur eft cendrée : leur grofieur eft auffi différente « 
que leurs. couleurs font variées ; les unes font de la groffeur d’un «e 


À aa ij 


556 HISTOIRE NATURELLE 

fecond fous le nom de tourrerelle de Batavia, n’a été 
indiqué par aucun Naturalifte, nous ne le regardons pas 
comme formant une efpèce différente du turvert; on 
peut préfumer qu'étant du même climat & peu diffé- 
rent par la grandeur, la forme & Îes couleurs, ce n’eft. 
qu’une variété peut-être de fexe ou d’äge: le troifième, 
fous la dénomination de rourterelle de Java, parce qu’on 
nous a dit qu'il venoit de cette ile ainfi que le précé- 
dent, ne nous paroît encore être qu’une fimple variété 
du turvert, mais plus caraétérifée que la première par 
{a différence de la couleur fous les parties inférieures 
du corps. 


VE. 


CE ne font pas-la les feules efpèces ou variétés du 
genre des tourterelles: car fans fortir de l’ancien con- 
tinent, on trouve la Zourrérelle de Portugal (h), qui eft 
brune avec des taches noires & blanches de chaque | 
côté & vers le milieu du cou; la rourterelle rayée de la 
Chine (2), qui eft un bel oifeau dont la tête & le cou 


pigeon, & les autres font plus petites qu'une grive. » Le Gentil, 
Voyage autour du Monde, tome IX, page 74. 

« Il y a aux Philippines une forte de tourterelle qui a les plumes 
» prifes fur le dos & blanches fur leflomac, au milieu duquel on 
voit une tache rouge comine une plaie fraiche dont le Ang {ortiroit ». 
Gemelli Careri, tome V, page.2 6 6. | 

{h) Colombe de Portugal. Albin, tome IT, page 32, avec une 
figure, planche X LVIII. — Briflon, Ornithol. tome Î, page 98. 

(i) Colombe de [a Chine. Albin, tome IIT, page 19, avec une 
figure, planche XLVI, —Briflon, Ornithologie, tome À, page 107. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, ©C. $$7 
font rayés de jaune, de rouge & de blanc ; /4 rourrerelle 
rayée des Indes (k), qui n’eft pas rayée longitudinalement 
fur le cou comme la précédente, mais tranfverfalement 
fur le COR & les ailes: la sourterelle d'Amboine [L), 
aufli rayée tranfverfalement de lignes noires fur le cou 
& la poitrine, avec la queue très-longue: mais comme 
_nous n’avons vuaucun de ces quatre oifeaux en nature, 
& que les Auteurs qui les ont décrits, les nomment 
colombes Où pigeons; nous ne devôns pas décider f 
tous appartiennent plus à la tourterelle qu’au pigeon. 

4 VIT | 
A sue AA A RE. 4 

D ANS le nouveau continent, on trouve d’abord la 
tourterelle de Canada qui, comme je lai dit, eft de 
la même efpèce que notre tourterelle d'Europe. 

_ Un autre oifeau qu'avec les voyageurs nous appel- 
lerons zourte, eft celui. qui a été donné par Catefby 
(mn), fous le nom de rourterelle de la Caroline. U nous 
paroit être le même * : [a feule différence qu'il y ait 

(4) Pigeon - barré. Edwards, Æif, of Birds, tom. I, pl. XVI. 
— Briflon, Ornithol. tome I, page 100. | 

(1) Columba rufa ; caudâ longi iffimà ; pennis collum &° peltus tegen- 
 tibus nigricante tranfverfim firiatis ; remigibus fufcis, rettricibus fufto- 
rufefcentibus, . . . Turtur Amboinenfis. La tourterelle d’A mboine. Ornith, 


pig. 127, avec une figure; pl. 1X, fs. 3. 


(m) Hifi, nat, de la Caroline, tome He page dau avec une 2 
coloriée. 


* Voyez les planches eminéss RAR 175. 


Aaaa liÿ 


558 HISTOIRE NATUREL LE 


entre ces deux oifeaux, eft une tache couleur d’or; 
mêlée de vert & de cramoift, qui dans l’oifeau de 
Catefby, fe trouve au-deflous des YEUX , fur les côtés 
du cou, & qui ne fe voit pas dans le nôtre, ce qui 
nous fait croire que le premier eft le mâle, & le fecond 
la femelle : on peut avec quelque fondement rapporter 
à cette efpèce, le picacuroba du Brefil, indiqué par 
Marcgrave /n/. | 

Je préfume auffs que la tourterelle de la Buse: 
indiquée par Albin /o), & enfuite par M. Briflon {p), 
étant du même climat que la précédente *, & n’en 
différant pas aflez pour faire une efpèce à part, doit 
être regardée comme une variété dans l’efpèce de Îa 
tourte, & c’eft par cette raifon que nous ne lui avons 
pas donné de nom propre & partieulier. | 

Au refte, nous obferverons que cet oifeau a beau- 
mt de rapport avec celui donné par M. Edwards, 
& que le fien pourroit bien être la femelle du nôtre /g). 
La feule chofe qui s oppofe à à cette préfomption fondée 
fur les reffemblances, c’eft la différence des climats ; 
on a dit à M. Edwards que fon oifeau venoit des Indes 
orientales, & le nôtre fe trouve en Amérique; ne fe 


(a) Picacuroba Brafilienfibus. Hift. nat. Braf. pag. 204. 

(eo) Albin, tome IT, page 32, avec une figure, pl. XL1X. 

(p) Ornithol, tome T, page 135$: avec une se planche XHI; 
fig. x. 

* Voyez les planches miniliéé. n° 174 


(a) Edwards, Hif. Nat, of Birds, tom. I, ph XIV. 


LE 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, àC. $59 
pourroit-il pas qu'il y eût erreur fur le climat dans 
M. Edwards !’tes oifeaux fe reflemblent trop entre eux, 
& ne font pas affez différens de la tourte, pour qu’on 
puifle fe perfuader qu’ils font de climats fi éloignés ; 
car nous fommes aflurés que celui dont nous donnons 
Ja repréfentation, a été envoyé de la Jamaïque aù 
cabinet du Roi. | 


os en tn ie 
Ls COCOTZIN. 
L’orsEAU d'Amérique indiqué par Fernandez (r}, 
fous le nom de Cocorgin, que nous lui conferverons , 
parce qu'il eft d’une efpèce différente de tous les 
autres ; & comme il eft auf plus petit qu'aucune des 
tourterefles, plufieurs Naturalifles l’ont défigné par ce 


caractère en l'appelant pere tourterelle [[); d’autres 
l'ont appelé ortolan (1), parce que n'étant guère plus 


(r) Cocotzin. Hiff. nat. nov. Hifp. pag. 24, cap. XLIV.— Co- 
cotti. Zdem, ibidem, pag. 23, cap. X LI l, — Cocotzin aliud genus, 
Idem, ibidem, pag. 24, cap. XLIvV. Mora. Ces trois oifeaux ne nous 
paroiffent être que de légères variétés dans Ia même efpèce, 


ne é x, Turtur minimus , als macupfis. Ray, Syn. Avi. pag. 1 84, 
me 25.— Turtur minimus, guttatus, Sloane , Jamaïc, pag. 305. 
— Columba fubfufca minima, ére. Browne, Nat. hifi. of Jamaïc. pag. 
46 9.— Petite tourterelle tachetée, Fe tome Î, page 26, avec 
une figure coloriée de là femelle, planche XXV1. 

(t) Ortolan de fa Martinique. Du Tertre, Æif. des Antilles, 
tome IT, page 25 4, — Les oïfeaux à qui nos Infulaires donnent le 
nom d'oriolan, ne font que des tourterelles beaucoup plus petites 


s6o HISTOIRE NATURELLE, dc. 

gros que cet oifeau, il eft de même très-bon à manger, 
On l'a repréfenté * fous les dénominations de perie 
rourterelle de Saint-Domingue, figure 1, & petite tourterelle 
de la Martinique, figure 2. Mais après les avoir examinés 
& comparés en nature, nous prélumons que tous deux 
ne font que la même efpèce d'oifeau, dont celui repré- 
fenté figure 2, eft le mäle; & celui figure r, la femelle. 
I paroït auffi qu'on doit y rapporter le picuipinima de 
Pifon & de Marcgrave fu), & la petite tourterelle 
d’ Acapulco, dont parle Gemelli Carreri {x}. Ainfi cet 
oifeau fe trouve dans toutes les parties méridionales du 
nouveau continent. | 


que celles d'Europe . . ... Leur plumage eft d’un gris- cendré, le 
deflous de la gorge tire un peu fur le roux; elles vont toujours par 
couple, & on en trouve beaucoup dans les bois. Ces oiïfeaux aïment 
à voir le monde, fe promenant dans Îles chemins fans s’effaroucher, 
& quand on les prend jeunes, ils deviennent très- privés; ce font 
des pelotons d’une graifle qui a un goût excellent. Nouveau voyage 
aux îles de l'Amérique, tome IT, pag air | 
* Voyez les planches enluminées , n.° D 42 


(u) Picuipinima. Pion, A if. nat. pag. 86. — Picuipinima Braf . 
lienfibus. Marcgrave , 4 if, nat. Brafil. p PPg: 204- 

(x) Aux environs d’Acapuico, on voit des tourterelles plus petites 
que les nôtres avec la pointe des ailes coloriée , qui volent jufque 
dans les maifons. Gemelli Careri, tome VI, page 9: 


FIN du Tome fecond des Oifeaux, 


“ 
1