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Full text of "Histoire naturelle des oiseaux"

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HISTOIRE 

NATURELLE, 

GÉNÉRALE  ET  PARTICULIÈRE, 

AVEC  LA   DESCRIPTION 

DU  CABINET  DU  ROL 


Tome  Qinn:(ieme\ 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2011 


Iittp://www.arcliive.org/details/liistoirenaturell002buff 


HISTOIRE 

NATURELLE 
DES  OISEAUX. 


Tome  Second. 


A    PARIS, 

DE  L^IMPRIMERÏE  ROYALE. 


M.  DCCLXX. 


naiiMi  ■■  11.  I  ■  ■■■■■!  ■■■■■■■■■ ■!  1 111 


TABLE 

De  ce  qui  eft  contenu  dans  ce 
Volume. 

/  /  E  Faucon .  .......  page    i 

Oifeût/x  étrangers  qui  ont  rapport  au 
Gerfaut  &  aux  Faucons  ...    31 

Le  Hobreau 43^ 

La  Cre(ferelle ...........  48, 

Le  Rochier ,  . .  56 

L'Emérillon 55' 

Les  Pie  -  grièches  , 67^ 

La  Pte-grièche  grîfe  . 70 

La  Pïe-grïèche  roujfe 7  8i 

L'Ecorcheur .... 8  li 

Oifeaux  étrangers  qui  ont  rapport  à 
la  Pie-grièche  grife  &  à  l'Écor- 
cheur,  .  •  .  .  ,  .  .  ,  .. ,  ,  ,  .,    8fe 


^        L    Le   Fingah., .',  ^& 

IL    Rcuge-qiime ,  ,  .  8^ 

m.    Langraien  iT'  Tcha-chert .  ...  89 

I V".   Bécardes 91 

V.    Bécardes  à  ventre  jaune  ^  ....  9:^ 
VI.  Le    Vanga    ou    Bê carde    à    ventre 

blanc  .,.,.,■ 93 

VU.   Le  Schet~bé .  94- 

V\\\,    Le  Tcha-chert-bé ,  ....   ...  95 

JX.   Le  Gonolek 96 

X.   Le  Calï-Calkit/  le  Bruia,  .  ,  97 

XI.  La  Pie-griêche  huppée,  .  .  ^  Jbid, 

Les  Oïjeaux  de  proie  noâurnes,  pp 
he  Duc  OLi  gmnd  Duc .  .  ,- .  121. 
X^  Hïhou  ou  7?/(9yf /;  Z)//r  .  V .     i  j  j 

Z'^   ScOpS   ou  /7^///  i)//6'  ....       151 

La  Hulotte ...........    158 

Le  Chat-huant  .....*.••    163 

L' Enraie  ou  /^  Frefaie .  .  *  .  168 
X<f2  Chouette  ou  Z:/  grande  Chevêche, 

La  Chevêche  ou  petite  Cliouette,    183 


Oijeaiix  étrangers  qui  ont  rappoH  aux 

Hiboux  &  aux  Chouettes.  , ,    i  p  i 

I,    Le  Cahiire  ou  CiTkoiire Ibid, 

II.   Le  Caparacocli,  , 1^4, 

m.    Le  Harfang,  . i  97 

IV.    I^e  Chat- huant  de  Cayenne ,  ,    202 

V.   La  Chouette  ou  grande  Chevêche  de 
Canada , 203 

VI.  La  Chouette  ou  grande  Chevêche  de 
Saint-Domingue ,  , 204^ 

Oîjeaux  quï  ne  peuvent  voler ...    205 

L' Autruche 212 

Le  Tony  ou .  ...  .    29a 

Le  Cajoar «....o    306 

Le  Dronte 325 

L^e  Solitaire  &  l'Oifeau  de  Na^are, 

336 

PaT    M.    DE    BUFF©N. 


HISTOIRE 


HISTOIRE 

NATURELLE 

DES 

OISEAUX, 

LE  FAUCON  (a). 

JL  OR  S  qu'on  jette  les  yeux  fur  îcs 
liltes  de  nos  Noinenclateurs  d'Hiftoire 

(a)  En  dec  moderne,  (taKKù>v  ;  en  Latin  mo-; 
deme,  Falco;  en  Italien,  Falcotie ;  en  Efpagnoi , 
■Halkon ;  en  Allemand,  Falck;  enPolonois,  Sokol ^ 
en  Anglois ,  Falcon,  —  Fako  apud  Fmnicwn  ,  Sui- 
dam  &  récent iores.  Gefner.  Jcon,  Avî.  pag,  ti  04 
i—  Fûucofi.  Bclon  ,  Hijf.  nai.  des^  Oifeaux  ,  pa^e 
Î15. —  Falcc,  Aldrov.  Avi.  rom^  J ,  pag,  ^2^, 
— AcàpucY  fufcus.  Frifch ,  planche  LXXIV,  avec 
une  figure  coloriée. ^ — Accipiier  fujcus  oris  penmrum 
rufefcentibus  ndricihus  fufcis  fujco  faiurativre  iranf- 

perjîm  flriatis Falco ,  le  Faucon,  Briflbng 

ÇYnith,  tome  l ,  page  ^  2  / , 

Qifcaux  f  Tom^  IL       .^        A 


^  'Hlflolre  Naturelle 

Naturelle  (b) ,  on  fer  oit  porté  à  croîr^ 
qu'il  y  a  dans  l'erpèce  du  Faucon  autant 
^de  variéte's  que  dans  celles  du  pigeon , 
de  la  poule  ou  -des  autres  oifeanx  do- 
su  eiliquies  :  cependant  rien  n'efl:  moins 
vrai  ;   l'homme  n'a  point  influé   fur  h 

(h)  M.  Brlffon  compte  treize  variétés  dans 
.C€tte  première  efpèce,  favoir  ;  ie  faucon-fors,  le 
faucon-Iiagard  ou  bolTu ,  ie  faucoii  à  tête  blanche, 
îe  faucon  blanc,  le  faucon  noir  ,  ie  faucon  tacheté, 
]e  faucon  brun  ,  ie  faucon  rouge  des  Indes ,  le 
faucoa  d'Italie  ,  îe  faucon  d'IUande  &  ie  facre  ; 
<&  en  même  temps  il  compte  douze  autres  efpèces 
ou  variétés  de  faucons ,  différentes  de  la  première  ^ 
favoir  ;  4e  faucon  gentii ,  ie  fauccn-péierin  ,  dont 
le  faucon  de  Barbarie  &  ie  faucon  de  Tartarie 
font  àts>  variétés  ;  ie  faucon  à  collier,  le  faucon  de 
roche  ou  rochier  ;  ie  faucon  de  montagne  ou  mon- 
tagner,  dont  ie  faucon  de  montagne  cendré  ell 
une  variété  ;  ie  faucon  de  la  baie  de  Hudfon ,  le 
faucon-étoiié,  le  faucon- huppé  à^s,  Indes,  ie  faucon 
Ât?.  Antilles ,  &  ie  faucon-pêcheur  de  la  Caroline. 
M»  Linnsus  comprend  fous  l'indication  génériquie 
idu  faucon,  vingt-iîx' efpèces  différentes;  mais  il 
eit  vrai  qu'il  confond  feus  ce  même  nom  ,  comme 
il  fait  en  tout  y-  les  efpèçes  ébignées ,  auffi  -  \ÀtVL 
sue  les  erpèce'lç  rbinnesy  ear'çin  trouve  dans  cette 
iiik  de  fa-jcoris  ,  les  argics',^  les '|)ygargU€s, -les 
orfraies  ,  \t^  crefferelles ,  les-bufesV  &c.  Au  moins 
la  iifLe  de  M.-Briiron,  quoique' -d'un  tiers  trop 
jîotîibreufe ,  Ç-^i  faite  avec  plus  de  drcop/ped-ioii 
^  à&  difcernemenî. 


(h  Faucon:  51 

nature  de  ces  animaux  ;  queîqu*utiles 
aux  plaifirs  ,  quelqu'agréables  qu'ils 
foierit  pour  ie  fade  des  Princes  chaf- 
fèurs,  jamais  on  n'a  pu  en  élever,  en 
multiplier  l'efpèce  :  on  dompte  à  la 
vérité  ,  ie  naturel  féroce  de  ces  oifeaux  , 
par  la  farce  de  l'art  &  des  privations  (c): 

( c)  Pour  drefler  îe  faucon,  l'on  commence 
par  l'armer  d'entraves  ,  appelées  jeis ,  au  bout 
defqueHes  on  met  un  anneau,  fur  lequel  eft  écrit 
le  nom  du  maître  ;  on  y  ajoute  àt^  fonnettes  qui 
fervent  à  indiquer  ie  lieu  où  il  eft  lorfqu'ii  s'é- 
carte de  la  chalfe  ;  on  le  porte  continueliemene 
fur  le  poing  ;  on  l'oblige  de  veiller  :  s'il  eft  mé- 
chant &  qu'il  cherche  à  fe  défendre,  on  lui  plonge 
îa  tête  dans  l'eau  ;  enfin  on  le  contraint  par  k 
faim  &  par  la  laffitude  à  fe  laiffer.  couvrir  la  tête 
d'un  chaperon  qui  lui  enveloppe  les  yeux  ;  cet 
exercice  dure  fouvent  tr@is  jours  &  trois  nuits  de 
fuite  :  il  efl  rare  qu'au  bout  de  ce  temps ,  \t% 
befoins  qui  le  tourmentent  &  la  privation  de  ia 
lumière  ne  lui  faflent  pas  perdre  toute  idée  de 
liberté  :  on  juge  qu'il  a  oublié  fa  fierté  riatureHca 
.lorfqu'ii  fe  laifîe  aifément  couvrir  la  tête ,  &  que 
découvert  il  faifit  le  pât  ou  la  viande  qu'on  a  foin 
de  lui  préfenter  de  temps  en  temps  ;  h  répétition. 
de  ces  leçons  en  aÏÏure  peu  à  peu  le  fuccès  :  les 
befoins  étant  le  principe  de  la  dépendance ,  oii 
cherche  à  les  augmenter  en  lui  nétoyanî  l'efiomaG 
par  des  cures  ;  ce  font  de  petites  pe'otles  de  fikffe 
qu'on  lui  fait  avaler  ,  &  qui  augmentent  fon  ap- 
pétit j  on   le  fatisfait  après  l'avoir   excite  ,  &  \% 

Ait 


.^  'Hiflolre  Natiireïle 

DU  ieur  fait  acheter  leur  vie  par  des 
mouvemens  qu'on  ieur  comfnande  ; 
chaque  morceau  de  ieur  fubriilance  ne 
ieur  eit  accordé  que  pour  un  fèrvice 
rendu  :  on  ies  attache  ,  on  ies  garotte , 
on  ies  affuble  ,  on  ies  prive  même  de 
ia  iumière  &  de  toute  nourriture ,  pour 
îes  rendre  pius  dépendans  ,  pius  do- 
ciles ,  &  ajouter  à  leur  vivacité  naturelle 
l'impétuoiité  du  befoin   (d)  ;  mais  iis 

reconnoiffance  attache  l'oifeau  à  celui  même  qui  l'a 
tourmenté.  Encyclopédie  ,  à  l'anick  de  la  fau.-. 
connerit. 

(d)  Lorfque  les  premières  îeçons  ont  réuffi ,  & 
que  roifeau  montre  de  ia  docilité  j  on  le  porte  fur 
îe  gazon  dans  un  jardin  ,  là  on  le  découvre,  & 
avec  l'aide  de  la  viande  ,  on  le  fait  fauîer  de  lur- 
3-nême  fur  le  poing  ;  quand  il  efl  afTuré  à  cet 
exercice  ,  on  juge  qu'il  efl:  temps  de  lui  donner 
3e  vif,  &  de  lui  faire  connoître  le  leurre  ;  c'elî 
une  repréfentation  de  proie,  un  affembiage  de  pieds 
'£•<:  d'ailes ,  dont  les  fauconniers  fe  fervent  pour  ré- 
damer les  oifeaux ,  &  fur  lequel  on  attache  leur 
\iande;  il  ed  important  qu'ils  foientnon-feuîemenc 
accoutumés ,  mais  affriandés  à  ce  leurre  ;  dès  que 
l'oifeau  a  fondu  deffus  &  qu'il  a  pris  feulement 
tine  beccade,  quelques  fauconniers  font  dans  Tufage 
de  retirer  le  leurre  ,  mais  par  cette  méthode  on 
court  rifque  de  rebuter  l'oifeau;  il  efl  pius  fur, 
îorfqu  il  a  fait  ce  qu'on  attend  de  lui ,  de  le  paître 
l|9U£-à-faîî,  ^  ce  doit  être  la  récompenfe  de  i^ 


du  Fdiïcoth  5^ 

fervent  p:ir  nécefîné  ,  par  habitude  & 
fhn^  attachement  ;  ils  demeurent  captifs, 
fans  devenir  donielliques;  l'individu  feul 
ell  efciave  ,  l'eipèce  eil:  toujours  libre , 

docilité  ;  îe  îcnrre  efl  l'appât  qui  doit  le  fure  re- 
venir iorlliu'il  fera  élevé  dans  fes  airs,  m.Tis  i(  ne 
feroit  pas  iiiffifant  fans  la  voix  du  fauconnier  qui 
i avertit  de  fe  tourner  de  ce  côté-là;  i!  faut  que  ces 
leçons  foient  foiivent  répétées I!  faut  cher- 
cher à  bien  connoître  le  caradèrc  lie  loiitau , 
parler  fouvcnt  à  celui  qui  paroît  moins  attentif  à 
la  voix,  laiffer  jeûner  ceiui  qui  revietu  moins  avi- 
dement au  leurre  ;  laiffcr  auiTi  \  eiiier  plus  îoni^- 
temps  celui  qui  n'efh  pas  afTez  famiiier  ;  couvrit: 
fouvenr  du  chaperon  celui  qui  craint  ce  genre 
d'alîujctliifement  :  icrfque  la  fimiliariîé  &  la  docilité 
de  I  oifeau  font  fufnfammcni  confirmées  dans  un 
jardin  ,  on  le  porte  en  pleine  campagne  ,  m^ais  tou- 
jours attaché  à  la  iiiière,  qui  ei^  une  ficelle  longue 
d'une  dixaine  de  toifes  ;  on  le  découvre  ,  <&  en 
l'appelant  à  quc!(}ucs  pas  de  diHance,  oh  lui  montre 
le  leurre;  iorfqu'il  fond  deiTus ,  on  fe  fert  de  fa 
viande  &  on  lui  en  iaiiîe  prendre  bonne  gorge  j 
pour  continuer  de  i'aiTurer,  le  lendemain  on  la  lui 
montre  d'un  peu  plus  loin ,  &  il  parvient  ç.x\Ç\i\  à 
fondi'e  defïïis  du  bout  de  la  i7iicre ,  c'eft  aîcrs  qu'ii 
fiut  faire  connoître  &  manier  pluiieurs  ï^Sn  à  l'cifeau 
le  gîbier  auquel  on  le  defîine;  on  en  conferve  de 
prÏN'és  pour  cet  ufage ,  cela  s'appeî's  dorr-er  l'fjcnp  ,- 
c'eft  la  dernière  leçon  ,  mais  elle  doit  fe  répéter 
jufqu'à  ce  qu'on  foit  parfaitement  aiTuré  de  i'oifeau  : 
alors  on  le  met  hors  de  fiiière  ,  &  on  le  vole  pour 
iors.  Encydijénie ,  an,  de  la  fmcomerie. 

A  ii) 


6  Hlfloire  'Natnrdle 

toujours  également  éloignée  de  Tempire 
de  i'homme  :  ce  n'efl  niêiiie  qu'avec 
des  peines  infinies  qu'on  en  fait  quel- 
ques-uns prifonniers ,  &  rien  n'ell  plus, 
difficile  que  d'étudier  leurs  mœurs  dans, 
î'état  de  nature  ;  comme  ils  habitent  les. 
rochers  les  pius  efcarpés  àQ^:>  plus  hautes, 
montagnes  ,  qu'ils  s'approchent  très- 
rarement  de  terre ,  qu'ils  voient  d'une 
hauteur  &  d'une  ra]:>idiié  ians  égale  ; 
on  ne  peut  avoir  que  peu  de  faits  fur 
ieurs  habitudes  naturelles  :  en  a  feule- 
ment remarqué  qu'ils  choififfent  toujours 
pour  élever  leurs  petits ,  les  rochers  ex- 
poles  au  midi  ;  qu'ils  le  placent  dans  les 
trous  &  les  ûnfraéîures  les  plus  inaccef^ 
iibles  ;  qu'ils  font  ordinairement  quatre 
ceufs  ,  dans  les  derniers  mois  de  l'hiver, 
qu'ils  ne  couvent  pas  long-temps ,  car 
îes  petits  font  adultes  vers  le  15  de 
Mai  ;  qu'ils  changent  de  couleur  fai- 
vant  le  fexe ,  l'âge  &  la  mue  ;  que  les 
femelles  font  confidérablement  plus 
groiTes  que  les  mâles  ;  que  tous  deux 
jettent  des  cris  perçans ,  défagréables  & 
prefque  continuels  ,  dans  le  temps  qu'ils 
chafTent  leurs  petits  pour  les  dépaïfer  3 


{lu  FaucofU  7j 

ce  qui  Te  fait  ,  comme  chez  ïes  aigles  ^ 
par  .la  dure  nécelîité  qui  rompt  les 
liens  dès  ftiniilies  &  de  toute  Ibciété  ,- 
dès  qu'ii  n'y  a  pas  afîez  pour  partager^ 
ou  qu'il  y  a  impofTibiiité  de  trouver 
aiïez  de  vivres  pour  rubfiHer  enfemble 
dans  les  mêmes  terres. 

Le  faucon  ed  peut-être  l'oifeau  dont 
le  courage  efl  le  plus  franc  ,  le  plus 
grand  ,  relativement  à  fes  forces  :  il  fond 
làns  détour  &  perpendiculairement  fur 
fa  proie  ;  au  lieu  que  l'autour  &  ia 
plupart  des  autres  arrivent  de  côté  : 
aufîi  prend-  on  l'autour  avec  ^qs  filets 
dans  iefqueis  le  faucon  ne  s'empêtre 
jamais  ;  il  tombe  à  plomb  fur  l'oifeau 
vi(flim-e  ,  expole  au  milieu  de  l'enceinte 
des  filets ,  le  tue ,  le  mange  {\aX  le  liett 
s'il  efl  gros ,  ou  l'emporte  s'il  n'efl  pas 
trop  lourd ,  en  fe  relevant  à  plom.b  :: 
s'il  y  a  quelque  faifinderie  dans  fou 
voifinage ,  il  choifn  cette. proie  de  pré- 
férence ;  on  le  voit  tout-à-coup  fondre 
fur  un  troupeau  de  faiians  comimic  s'il 
tomboit  à^s  nues  ,  parce  qu'il  arrive 
de  {\  haut,  <&  en  fi  peu  de  temps,  que 
fou  apparition  eil  toujours  im.prévuç  &> 

A  iiij^ 


8  Hifloire  Naturelle 

fouvent  inopinée  :  on  le  voit  fréquem- 
ment attaquer  le  milan  ,  foit  pour 
exercer  fon  courage ,  foit  pour  lui  en- 
lever une  proie  ;  mais  il  iui  fiit  plutôt 
la  honte  que  la  guerre  •  il  le  traite  comme 
m  lâche  ,  le  chafTe  ,  le  frappe  avec 
dédain  ,  &  ne  le  met  point  à  mort , 
parce  que  le  milan  fe  défend  mal ,  & 
<]ue  probablement  fa  chair  répugne  au 
faucon  encore  plus  que  fa  lâcheté  ne 
iui  àé'^l'ûu 

Les  gens  qui  habitent  dans  le  voi- 
fmage  de  nos  grandes  montagnes,  en 
Dauphiné,  Bugey,  Auvergne  &  aux 
pieds  des  Alpes ,  peuvent  s'adurer  de 
îous  ces  faits  (  e  ),  On  a  envoyé  de 
Genève  à  la  fauconnerie  du  Roi,  des 
|eunes  faucons  pris  dans  les  monta  crues 
voifines  au  mois  d'avril ,  &  qui  pa- 
roiffenî  avoir  acquis  toutes  les  di- 
menfions  de  leur  taille  &  toutes  leurs 
forces  avant  le  mois  de  juin.  Lorfqu'ils 
font  jeunes  ;  on  les  iippdk  faucon-fors, 

(e)  Nom.  Ils  m'ont  été  rendus  par  cîes  témoins 
oculaires,  &  partrcufîèrcment  par  M.  Hébert,  que 
j'ai  déjà  cité  plus  d'une  fois ,  &  qui  a  chafTé  pendanî 
gincj  ans  dans  les  monragnes  du  Buge)^, 


du  Faucon,  9 

comme  Ton  dit  harengs  -  fors  ,  parce 
qu'ils  Ibnt  alors  plus  bruns  que  dans 
les  années  iuivantes  ""  ('^''^y(\  planche  I  de 
ce  volume  )  ;  &i  l  on  iippclle  les  vieux 
inucons  ,  hagards ,  qui  ont  beaucoup 
plus  de  blanc  que  les  jeunes  (fj, 
voyer planche  II  de  ce  volume  ^;  le  faucon 
qui  eil  reprélènté  dans  cette  dernière 
planche  nous  paroît  être  de  la  féconde 
année ,  ayant  encore  un  aiïez  grand 
nombre  de  taches  brunes  fur  la  poitrine 
&  fur  le  venire  ;  car  à  la  troifième 
année  ces  taches  diminuent,  &  la  quan- 
tité du  blanc  fur  le  plumage  augmente, 
comme  on  le  peut  voir  dans  le  ftucou 
reprélènté  \  dans  laquelle  on  a  gravé, 
par  erreur ,  le  nom  de  lanière  au  lieu  de 
tiercelet  de  faucon  de  la  troficnu  année, 

Comm.e  ces  oifeaux  cherchent  par- 
tout les  rochers  les  plus  hauts,  &  que 

*  Voycj^  les  planches  enhimïnécs,  n.°  470, 
( f)  JMotn.  Puifque  le  faucon- fors  &  le  faucon- 
Iiagar  ou  bofTu  ne  font  que  Je  nntme  faucon,  jeune 
&  vieux  ,  on  ne  doit  pas  en  faire  des  variétés  dajis 
lefpèce, 

^  Voyei  les  planches  enluminées,  n,°  4-21. 

A   ¥ 


fîo  HïJIoh'e  Naîiirelle 

îa  plupart  des  îies  ne  font  que  des 
groupes  &  des  pointes  de  montagnes  ; 
M  y  en  a  beaucoup  à  Rhodes,  en  Chy- 
pre ,  à  Maïte ,  &.  dans  ies  autres  îles  de 
la  Méditerranée  ,  auffi-bien  qu'aux  Or- 
cades  &  en  Ifîande  ;  mais  on  peut  croire 
que  fuivant  les  différens  clim.ats  ,  ils 
paroifTent  fubir  des  variétés  différentes  , 
dont  il  e(l  néceffaire  que  nous  fafllons 
quelque  mention. 

Le  faucon  qui  efl  naturel  en  France 
eft  gros  comme  une  pouie  :  ii  a  dix- 
huit  pouces  de  longueur  ,  depuis  le 
bout  du  bec  jufqu'à  celui  de  ia  queue  ^ 
êc  autant  jufqu'à  celui  des  pieds  :  la 
queue  a  un  peu  plus  de  cinq  pouces 
de  longueur,  &  il  a  près  de  trois  pieds 
&  demi  de  vol  ou  d'envergure  :  Çqs 
ailes ,  iorfqu'elies  font  pliées ,  s'étendent 
prefque  jufqu'au  bout  de  la  queue  ;  je 
ne  dirai  rien  des  couleurs,  parce  qu'elles 
changent  aux  différentes  mues,  à  mefure 
que  i'oifeau  avance  en  âge  ,  &  que 
d'ailleurs  elles  font  fidèlement  repré- 
fentées  par  les  trois  planches  enluminées 
que  nous  venons  de  citer  ci  -  deffus^ 
J'obferverai  feulement  que  la  couleur  fe 


du  Faucon,  tt 

plus  ordinaire  des  pieds  du  faucon ,  eft 
verçjâtre ,  &  que  quand  il  s'en  trouve 
qui  oni  les  pieds  &:  -la  membrane  du 
bec  jaune  *,  les  Fa.uconniers  les  appel- 
lent faucon  bec  jaune  ,  &  les  regardent 
comme  les  plus  laids  &  ies  moins  nobles-- 
de  tous  les  fiîucons  ;  en  forte  qu'iis  ies 
rejettent  de  l'écoie  de  ia  fiuconnerie  : 
j'obierverai  encore  qu'ils  fe  (ervent  àw 
tiercelet  de  faucon  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  àxL 
mâle ,  lequel  ell:  d'un  tiers  plus  petit 
que  la  femelle ,  pour  voler  ies  p-^rdrix  ^^ 
pies ,  geais  ,  merles  &:  autres  oi féaux  de 
cette  elpèce  ;  au  lieu  qu'on  emploie  îa 
femelle  au  voi  du  lièvre  ,  du  milan ,  de 
la  grue  &  des  autres  grands  oileaux. 

Il  paroît  que  cette  efpèce  de  faucon  ^ 
qui  eil  affez  commune  en  France ,.  fe 
trouve  aufîi  en  Allemno-ne,  M.  FriCch 
(g)  a  donné  ia  ngure  coloriée  d'un 

.  *  Voyez  celui  qui  efî  repréferité  às.n^^^^  flmchr- 
•^nluminée ,   n.°  4-50. 

( g )    N:ita,  Voler  ce  que  M.  FriilH  dit  de  cet 
oifeau  ,  qu'il  appelle  \''em£?ni  ries  canards  ou  ïaïuov/r- 
d'un  ù^-un  noir,  il  a  été  pourvu  par  h  Nature  de 
longues  ailes- &  de  plumes  ferrées  les  unes  fur  les 
amres ,  , . .  ^. ,  ^  Ceti  des  oifeaux-.  ds-  pmia  i'un  àesi 

■      A. -4 


fi2  Hïfloire  Naturelle 

faucon -fors  à  pieds  &  à  membrane  Jiî 
bec  jaune ,  fous  le  nom  de  emen-Jlojfet 
ou  fchwart';^- bmvne  hûhigt ,  &  il"  s'efl 
trompé  en  iui  donnant  le  nom  d'autour 
hrim  ;  car  il  diltère  de  l'auiour  par  la 
grandeur  &  par  le  naturel.  II  paroît 
qu'on  trouve  aufD  en  Allemagne  ,  & 
queiquefois  en  France  ^  une  eipèce 
différente  de  celle-ci ,  qui  e(t  le  faucoa 
pattu  à  tête  blanche  ,  que  M.  Frifch 
appelle  mal  -  à  -  propos  vautour,  ce  Ce 
D3  vautour  à  pieds  velus  ou  à  culotte 
>3  de  plume ,  eft  ,  dit  -  il ,  de  tous  les 
33  oileaux  de  proie  diurnes  à  bec  crochu  ^ 
33  le  feui  qui  ait  {\qs  plumes  julqu'à  ia 
D3  partie  inférieure  des  pieds ,  auxquels 
D>  elles  s'appliquent  exadlement  :  l'aigle 
33  des  rochers  a  aufîi  des  plumes  fem- 
33  blables  ^  mais  qui  ne  vont  que  juf= 
D3  qu'à  la  moitié  des  pieds  :  les  oifeaux 
D3  de  proie  nodlurnes  ,  comme  les 
33  chouettes ,  en  ont  jufqu'aux  ongles , 
33  mais  ces  plumes  font  une  efpèce  de 
23  duvet  :  ce  vautour  pourfuit  toute  forte 

plus  vigoureux,  il  poUrfuit  de  préférence  les  ca- 
nards ,   fes  poules  d  eau  &  autres  oilbaux  d'eau. 


Jii  Faucon.  I  3' 

de  proie  ,  ^  on  ne  le  trouve  Jamais  ec 
auprès  des  cadavres  (h) ,  y>  c'eil  parce 
que  ce  n'efl:  pas  un  vautour ,  mais  un 
fliucon  ,  qu'il  ne  fê  nourrit  pas  de 
cadavres  ;  &  ce  faucon  a  paru  à 
quelques-uns  de  nos  Naturaiifles  allez 
femblable  à  notre  faucon  de  France  ("i/, 
pour  n'en  faire  qu^une  variété  :  s'il  ne 
differoit  en  effet  de  notre  faucon  que 
par  la  blancheur  de  la  tête,  tout  le  reite 
e(t  affez  femblable  pour  qu'on  ne  dût 
ie  confidérer  que  comme  variété  ;  mais 
le  caraélère  des  pieds  couverts  déplumes 
jufqu'aux  ongles,  me  p.iroit  être  fpé- 
cifique ,  ou  tout  au  moins  l'indice  d'une 
variété  confiante,  &  qui  fait  race  à 
part  dans  i'efpèce  du  fiucon. 

Une  ieconde  variété  ejfl  îe  faucon 
Blanc ,  qui  fe  trouve  en  Rullie,  &  peut- 
être  dans  fes  autres  pays  du  Nord  ;  ii 


Y^J  Vr'ifch  ,  p  Fane  fie  L^XV  ;  avec  me  figure 
^coloriée,  —  Le  Faucon  à  tête  blanche.  Briffon , 
tome  I,  page  J  2j ;  &  tome  VI ,  Jvpplément ,  page: 
S.  2.  ,  flanche  I, 

(î)  Voyez  rOrnithoîogîe  de  M^  Briflbn^ 


;  î.  4.  Hîflolre .  Naturelle 

y  en  a  de  tout  -  à  -  £iît  blancs  &  fàns 
taches,  k  l'exception  de  l'extrémité  des- 
grandes  plumes  des  ailes  qui  font:  noi- 
râtres :  il  y  en  a  d'autres  de  cette  eipèce, 
qui  font  aufîi  tous  bfancs,  à  i'exception.^ 
de  quelques  taches  brunes  lur  le  dos 
é£  fur  les  ailes  ,  &  de  quelques  raies 
brunes  fur  la  queue  (k)  r-  comme  ce 
faucon  blanc  eii  de  la  même  grandeur 
que  notre  faucon  ,  &  qu'il  n'en  diffère 
que  par  la  blancheur,  qui  efl  la  couleur 
que  \ts  oifeaux  ,  comme  les  autres 
animaux ,  prennent  affez  généralement 
dans  les  pays  du  Nord  ^  on  peut  pré- 
fumer avec  fbndement  que  ce  n'efl 
qu'une  variété  de  i'efpèce  commune,- 
produite  par  l'influence  du  climat  :  ce- 
pendant il  paroît  qu'en  îjfîande,  il  y  a 
aullj  des  faucons  de  la  même  couleur: 
que  les  nôtres ,  mais  qui  font  un  peu 
pius  gros  ,  &  qui  ont  les  ailes  &  la 
queue  plus  longues  ;  com.me  ils  refTem- 
bient  prefqu'en  tout  à  notre  faucon, 
&:  qu'ils  n'en  diffèrent  que  par.  ces 
XégtïS  caraélères  5  on  ne  doit  pas  les 
féparer  de  i'efpèce  commune.  îl  en  efî^ 
(k)  Briflbîi,   îomtl  imge  ^.z6o_ 


{lu  Faucotù  'î  5' 

tle  même  de  celui  qu'on  appelle y^z/rt?/?- 
gentil ,  que  prefque  tous  les  Naturalises 
ont  donné  comme  diftérent  du  faucon 
commun,  tandis  qu«  c'ell  le  même, 
&  que  le  nom  de  gent.ïl  ne  leur  efl  ap- 
pliqué que  lorsqu'ils  font  bien  élevés ,. 
bien  faits  &  d'une  jolie  figure  ;  aufîi  nos 
anciens  Auteurs  de  fiuconnerie  ,  ne 
comptoient  que  deux  e(|:>èces  principales 
de  fuicon ,  le  faucon- oentii  ou  faucon 
de  notre  pays ,  &  le  faucon-pélerin  ou 
étranger,  &  res^ardoient  tous  les  autres 
comme  de  fimpies  variétés  de  l'une  ou 
de  l'autre  de  ces  deux  cipèces.  li 
arrive  en  effet  quelques  faucons  des 
pays  étrangers  ,  qui  ne  font  que  fe 
montrer  fans  s'arrêter ,  &  qu'on  prend 
au  paffage  i  il  en  vient  fur  -  tout  du 
côté  du  midi,  que  Ton  prend  à  Malte  , 
&  qui  font  beaucoup  plus  noirs  que  nos 
faucons  d'Europe;  on  en  a  pris  même 
quelquefois  de  cette  elpèce  en  France  ; 
&  celui  dont  nous  donnons  la  figure 
enluminée  *  ,  a  été  pris  en  Brie  : .  c'efl 
par  cette  raifon  que  nous  avons  qïVl 
pouvoir  i'appeler  faucon  pûjfager  ^  il, 
^  yojeiis^  planches  enlumn^ess  ^-  n.°  ^éc^» 


Il6         Hljîolre  Naturelle 

paroît  que  ce  faucon  noir  pnfle  en 
Aliemagne  comme  en  France  ,  car  c'efk 
îe  même  que  M.  Frifch  a  donné,  fous 
ie  nom  de  falco  fufcus  ,  fauccn  brun 
(planche  LXXXIII ),  ôl  qu'il  voyage 
beaucoup  plus  loin  ;  car  c'eil:  encore 
ie  même  faucon  que  M.  Edwards  a 
décrit  &  repréfènté ,  tome  I ,  page  ^ , 
fous  le  nom  de  faucon  noir  de  la  baie 
de  Hudfon ,  ôl  qui  en  effet  iui  avoit  été 
envoyé  de  ce  climat.  J'obferverai  à  ce 
fujet  ,  que  le  faucon  paflager  ou  pè- 
lerin ,  décrit  par  M .  Brifibn ,  page  J41, 
n'efl:  point  du  tout  un  faucon  étranger 
ni  paflager  ,  &  que  c'eil  abfolument  le 
même  q  e  notre  faucon-hagard  *  ,  en 
forte  que  i'efpèce  du  faucon  commun 
ou  pafîàger,  ne  nous  efl:  connue  jufqu'à 
préfent  que  par  le  faucon  d'Ifîande,  qui 
n'efl  qu'une  variété  de  I'efpèce  com- 
mune, &  par  le  fiucon  noir  d'Afrique, 
qui  en  difîère  afîez  ,  far  -  tout  par  la 
couleur  ,  pour  pouvoir  être  regardé 
comme  formant  une  efpèce  différente. 
On  pouri-oit  peut-être  rapporter  à 

*  Vo)'ez  celui  qui  eii  repréfenlé  ^  planche  cnh^ 


'{Jii  Faucon,  17, 

cette  efpèce  le  faucon  Tunifieii  ou 
Pumcieii  dont  parle  Beloii  ( l)  ,  «  & 
qu'il  dit  être  ww  peu  plus  petit  que  ce 
le  faucon-pélerin ,  qui  a  la  tête  pfus  cç 
grofîe  &  ronde  ,  &:  qui  reflemble  oç 
par  ia  grandeur  &  ïe  plumage  au  ce 
lanier  w  ;  peut-être  aufTi  le  faucon  de 
Tartarie  (in) ,  qui  au  contraire  ,  eft  un 
peu  plus  grand  que  le  faucon-péferin , 
ai  que  Belon  dit  en  différer  encore,  en 
ce  que  le  deflus  de  lès  ailes  eft  roux  , 
&  que  Tes  doigts  lont  plus  alon gés. 

En  radenibiant  &.  reflerrant  les  difïe- 
rens  ol^jcts  que  nous  venons  de  pré- 
fenter  en  détail ,  il  paroît  i .°  qu'il  n'y 
a  en  France  qu'une  leuie  efpèce  de  fau- 
con bien  connue ,  pour  y  fûre  fon  aire 
dans  nos  provinces  monîagneufes,;  que 
cette  même  eipèce  fe  trouve  en  Suiffe, 
en  Allemagne  ,  en  Pologne  &  jul qu'en 
ïilande  vers  îe  Nord,  en  Italie  (n) ^ 
en  Efpagne  &  dans  les  îles  de  ia  Mé- 
diterranée, &  peut-être  jufqu'en  Egypte 

(1)  Befon  ,  Hijl.  nat.  ces  Oifeaux ,  fagt  1 1  y^ 

(m)  Ibidem,  page  116, 

(ttj  Aldrov.  Avji  tonu  I,  pdg»  f  ^/^ 


fî§'  Hijlolre  NdUirelle 

(o)  vers  îe  midi;  2."  que  ic  faucon  Mane 
n'eft  dans  cette  même  efpèce ,  qu'une 
variété  produite  par  l'influence  du  climat 
du  nord;  3,.°  que  îe  faucon-geinii  n'efl: 
pas  d'une  efpèce  différente  de  notre 
faucon  commun  (p);  4.°  que  ie  faucon- 
pèlerin  ou  paflager  eil  d'une  efpèce 
différente  ^  qu'on  doit  rep-arder  comme 
Étrangère  ,  &  qui  peut  -  être  renferme 
quelques  variétés ,  telles  que  ie  faucon 
de  Barbarie,  ie  faucon  Tunifien,  &c.... 

(0)  Profper  Aipin,  /Eg}ft,  tome  1,  page  200, 

(  p )  Nota,  Jean  àt  Tranchières  ,  qui  efl  l'un 
des  pîus  anciens  êi  peut-être  le  meilleur  de  nos 
Auteurs  fur  h  fauconnerie,  ne  compte  que  fept 
cfpèces  d'oifeaux  auxquels  ii  donne  le  nom  de 
faucon  ,  fâvoir  ;  le  faucon-gentil,  ie  faucon-péierin  ^ 
ie  faucon-tartaret ,  ie  gerfaut  ,  le  facre ,  ie  ianier 
&  ie  faucon  tunifien  ou  tunicien  :  en  retranchant 
de  cette  iifte  le  gerfaut,  ie  facre  &.  ie  ianier,  qui 
ne  font  pas  proprement  des  faucons,  il  ne  refis 
que  ie  faucon-gentil  &  ie  faucon-pélerin  ,'~dont  ie 
rartarst  &  ie  tunifien  font  deux  variétés.  Cet 
Auteur  ne  connoifToit  donc  qu'une  fsuie  efpèce  de 
faucon  naturelle  en  France  ,  qu'il  indique  fous  ie 
Bom  àcfauccn-gentit,  &  cela  prouve  encore  ce  que 
j'ai  avancé  ,  que  le  faucon  -  gentil  &  ie  faucon 
commun,  ne  font  tous  deux  qu'une  feule  &  même 
gfpècee. 


(h  Fdiicoiù  r^ 

Il  n'y  a  donc,  quoiqu'en  dilent  îes  No- 
lîieiichueurs  ,  que  deux  efpèces  réelles 
de  iàucons  en  Europe,» dont  h  première 
efl:  naturelle  à  notre  climat ,  &  fe  mul- 
tiplie chez  nous ,  &:  l'autre  qui  ne  fiiit 
qu'y  pafier  ,  &;  qu'on  doit  regarder 
comme  étrangère  :  en  rappelant  donc 
à  l'examen  la  lifte  la  plus  nombreuie 
de  nos  Nomenclateurs ,  au  fujet  des 
faucons,  &  fuivant  article  par  article 
celle  de  M.  BrifTon ,  nous  trouverons 
1  .^  que  le  £uicon-fors  n'eft  que  ie  jeune 
de  Teipèce  commune  ;  2.°  que  le  fau- 
con -  hagard  n'en  efl  que  le  vieux  ; 
3 .°  que  ie  faucon  à  tête  blanche  &  à 
pieds  pattus  ,  eft  une  variété  ou  race 
conftante  dans  cette  même  e(pèce  ; 
4.°  fous  le  nom  de  faucon  -  blanc , 
M.  BrifTon  indique  deux  différentes 
efpèces  d'oifeaux,  &  peut-être  trois, 
car  le  premier  &  le  troifïème  pourroient 
être  ,  abiolument  parlant  ,  des  faucons 
qui  auroient  fubi  ia  variété  commune, 
aux  oiieaux  du  nord  ,  qui  eft  le  blanc  ; 
mais  pour  ie  fécond ,  dont  M .  Briffon 
ne  paroît  parler  que  d'après  M.  Frifch  5. 
dont  il  cite  ia  planche  LXXX ,  ce  n'eft 


2  0  Htjlolre   'NaîureUe  ^ 

certainement  pas  un  fliucon  ,  mais  un 
oiieau  dé  rapine ,  commun  en  France  ^ 
auquel  on  donne  le  nom  de  harpaye  r 
5.*^  que  îe  faucon  noir  efi:  ie  véritable 
fitiicon-pélerin  ou  paffagcr ,  qu'on  doit 
regarder  comme  étranger  ;  6°  que  ie 
£aucon  lâcheté ,  n'efi  que  le  jeune  de 
ce  même  fèiucon  étranger  ;  7.°  que  ie 
faucon  brun  eft  moins  un  faucon  qu'un 
bufard  :  M.  Frifch  eft  ie  feul  qui  en 
ait  donné  la  repréfentation  (q)  -,  &  cet 
Auteur  nous  dit  que  cet  oiieau  attrape 
quelquefois  en  Volant  les  pigeons  (au^ 
va2;es;  que  fon  vol  eft  très- haut,  & 
qu'on  le  tire  rarement ,  mais  que  néan- 
moins il  guette  les  oi féaux  aquatiques  , 
fur  les  étj^ngs  &  dans  les  au  tes  lieux 
rnarécao-eux  :  ces  indices  réunis  ,  nous 
piorîem  à  croire  ,  que  ce  faucon  brun 
de  M.  Eriffon  n'ed  vraifemblablement 
qu'une  variété  dans  i'efpèce  à^s  bulards, 
quoiqu'il  n'ait  pas  la  queue  aulll  longue 
que  les  autres  bufards;  8.''  que  le  fuicon 
rouge  n'eil  qu'une  variété  dans  notre 
efpèce  commune  du  faucon  ,  que  Belon 
dit,  avec  quelques  anciens  Fauconniers, 
(rj  Frifch,  tome  I,  planche  LXXVI*^ 


{lu  Fûucoiî,  ^  i\ 

fe  trouver  dans  les  lieux  marécageitx 
qu'il  .fréquente  de  préférence;  p.""  que 
le  fiucon  rouge  des  In-des  ,  eft  un  oi- 
feau  étranger ,  dont  nous  parlerons  dans 
la  fuite  ;  i  o.°  que  le  fiucon  d'Italie  , 
dont  M.  Briiïbn  ne  parle  que  d'après 
Jonflon  ,  peut  encore  être ,  fins  fcru- 
pule  ,  regardé  comme  une  variété  de 
l'elpèce  commune  de  notre  faucon  des 
Alpes  ;  I  i,°  que  le  faucon  d'illande 
eft ,  comme  nous  l'avons  dit  ,  une 
autre  variété  de  i'efpèce  commune  , 
dont  il  ne  diffère  que  par  un  peu  plus 
de  grandeur;  12.*"  que  le  facre  n'effc 
point ,  comme  le  dit  M.  Briffbn ,  une 
variété  du  fuicon  ,  mais  une  efpèce 
différente  qu'il  faut  confidérer  à  part; 
13.**  que  le  faucon  -  gendi  n'eft  point 
une  efpèce  différente  de  celle  de  notre 
fîiucon  commun ,  &  que  ce  n'eft  que 
le  faucon- fors  de  cette  efpèce  coin- 
anune  ,  que  M.  BrifTon  a  décrit  fous 
ie  nom  de  faucon-gentil  ;  mais  dans  un 
temps  de  mue,  différent  de  celui  qu'il 
a  décrit  fous  le  fimple  nom  de  faucon; 
14.°  que  ie  faucon  appelé  pékrïn  par 
M.   Bfiflbn,    n'efl  que  notre  même 


2. 1  HiJIoke   Naturelle 

faucon  commun  ,  devenu  par  l'âgé 
faucon-hagard  *,  &  que  par  conféquent 
ce  n'efl  qu'une  variété  de  i'âge  ,  &  non 
pas  une  diverfité  d'efpèce  ;  15.°  que 
ie  faucon  de  Barbarie  n'efl  qu'une  va- 
riété dans  i'eipèce  du  faucon  étranger , 
que  nous  avons  noiumé  faucon paffager  ^ 
iC.""  qu'il  en  eil  de  même  du  faucon 
de  Tartarie  ;  i  yJ"  que  ie  faucon  à  coiiier 
n'efl  point  un  faucon ,  mais  un  oifeau 
d'un  tout  autre  genre ,  auquel  nous 
avons  donné  ie  nom  de  foubufe  / 
I  8.°  que  le  faucon  de  roche  n'eil  point 
encore  un  faucon ,  puifqu'il  approche 
beaucoup  pius  du  hobreau  &  de  la 
crefTerelie  ;  &  que  par  conféquent  c'eft 
un  oifeau  qu'il  fiut  confidérer  à  part  ; 
i^°  que  le  faucon  de  montagne  n'efl 
qu'une  variété  du  rochier  ;  20.''  que  le 
faucon  de  montagne  cendré  n'efl  qu'une 
variété  de  l'efpèce  commune  du  faucon  ; 
:2î,°  que  ie  faucon  de  ia  baie  de  Hud- 
fon  efi  un oiieau  étranger,  d'une  eiJDèce 

*  Vêyei  les  planches  enluminées,  n."  421. 

^  Voyez  celui  qui  efl  repréfenté  ^  pknche  cniu- 
Viiii/e  ^  n/  4.(55. 


du  Faucon,  2r 

différente  de  celle  d'Europe,  Se  dont 
nous. parlerons  dans  l'article  fuivanr  ; 
2Z.''  que  ie  £iucon  étoHé  cfl  un  oifeau 
d'un  autre  genre  que  ie  fJuicon  ;  23 .°  que 
le  £uicon  huppé  des  Indes ,  le  fliucoii 
des  Antilles  ,  le  faucon  -pêcheur  des 
Antilles,  &  le  £iucon  -  pêcheur  de  la 
Caroline  ,  font  encore  des  oifeaux 
étrangers  dont  if  fera  fait  mention  dans 
la  iuite.  On  peut  voir  par  cette  longue 
^numération ,  qu'en  féparant  même  les 
oifeaux  étrangers ,  &  qui  ne  font  pas 
preciiément  des  faucons  ;  &  en  ôrant 
encore  le  faucon  pattu ,  qui  n'eft  peut- 
être  qu'une  variété  ou  une  efpèce  très- 
yoifine  de  celle  du  faucon  commun  , 
il  y  en  a  dix-neuf  que  nous  réduifons 
à  quatre  efpèces  ;  fivoir  ,  le  fmcon 
commun  ,  le  faucon  paffager ,  le  facre 
ScÂe  bufard,  dont  il  n'y  en  a  plus  que 
deux  qui  foient  en  effet  des  faucons. 

Après  cette  réduction  faite  de  tous 
ies   prétendus  faucons  ,   aux   deux   ef- 
pèces  du  faucon  commun   ou  o-entif 
&  ^  du    faucon    pa%er    ou    pèlerin  ; 
VOICI  les  difféfeaçe§  que  noâ  anciens 


54  HiJIoire  Naturelle 

Fauconniers  trouvoient  dans  lexir  nature 
&  mettoiem  dans  ieur  éducation.  Le 
faucon-gentil  mue  dès  îe  mois  de  mars, 
&  même  plus  tôt  ;  ie  faucon  -  pèlerin 
ne  mue  qu'au  mois  d'août:  il  eil  pius 
plein  fur  les  épaules,  &  il  a  les  yeux 
plus  grands ,  pius  enfoncés ,  le  bec 
plus  gros,  les  pieds  plus  longs  &  mieux 
fendus  que  ie  fiucon- gentil  (r):  ceux 
qu'on  prend  au  nid  s'appellent  faucons- 
niais  ;  lorfqu'ils  font  pris  trop  jeunes  , 
ils  font  fouvent  criards  &  difficiles  à 
élever  ;  il  ne  faut  donc  pas  les  dénicher 
avant  qu'ils  foient  un  peu  grands,  ou 
il  l'on  eil  obligé  de  les  ôter  de  leur 
nid ,  il  ne  faut  point  les  manier ,  mais 
les  mettre  dans  un  nid  le  plus  fem- 
blabk  au  leur  qu'on  pourra  ,  &  les 
nourrir  de  chair  d'ours  ^  qui  eft  une 
■viande  aiïez  commune  dans  les  mon- 
tagnes où  l'on  prend  ces  oifeaux  ,  6c 
su  défaut  de  cette  nourriture  on  leur 

(rj  Fauconnerie  d'Arteîoucfie ,  imprimée  à  la 
fuite  de  k  Vénerie  de  du  Fouiiioux,  &  des  Fau- 
conneries de  Jean  de  Franchières  &  de  Guillaume 
Jardif.  Paris >   161^^  page  Sp* 

donnera. 


du  Faucon.  "2  ? 

donnera  de  la  chair  de  poulet  :  fi  l'on 
ne  prend  pas  ces  précautions,  les  ailes 
ne  leur  croi fient  pas  (fj,  ôl  leurs  jambes 
fe  cafient  ou  le  déboîtent  aifément  :  les 
faucons  -  fors ,   qui  font  les  jeunes,   & 
qui   ont  été  pris  en  fepiembre,  odobrc 
&  novembre,   font  les  meilleurs  &:  les 
plus  ailes   à  élever:    ceux  qui  ont  été 
pris  plus  tard  en  hiver  ou  au  printemps 
fuivant,  &  qui  par  ccnféquent  ont  neuf 
ou  dix  mois  d'âge,  font  déjà  trop  ac- 
coutumés à  leur  liberté  pour  fubir  aifé- 
ment la  fervitude ,  6i  demeurer  en  cap» 
tivité  ftns  regret ,    &  l'on  neil  jamais 
fur  de  leur  obéifi"ance  &.  de  leur  fidélité 
dans  le   fervice  :   ils  trompent  fou  vent 
-leur  maître,    &    quittent    iorfqu'il    s'y 
attend  le  moins.   On  prend  tous  les  ans 
les  faucons-péierins  au    mois   de   fep- 
tembre,   à  leur  pafTage  dans   les  îles, 
•ou  fur  les  falaifes  de  la  mer.  Ils  font 
de  leur  naturel  prompts ,  propres  à  tout 

ffj  Recueil  de  tous  les  oifeaux  de  proie  qui 
fervent  à  la  fauconnerie  ,  par  G.  B.  imprimé  à 
îa  fuite  des  Fauconneries  citées  dans  la  note  p?é» 
cédente  ,  page  /  /  ^ ,   per/o, 

Oifeaux,   Terne  JL  B 


%6  'Hiflolrè  mtiirellè 

faire,  dociles  &  fort  aifés  à  inllruîre  (t): 
on  peut  ies  faire  voler  pendant  tout  ie 
-mois  de  mai  &  celui  de  juin ,  "  parce 
qu'ils  font  tardifs  à  muer;  mais  auflî 
dès  que  ia  mue  commence,  ils  ie  dé- 
pouiilent  en  peu  de  temps.  Les  lieux  où 
Ton  prend  le  pius  de  faucons-péierins  , 
ïfont  non- feulement  ies  côtes  de  Bar- 
barie, mais  toutes  ies  îles  de  ia  Médi- 
terranée, &  particulièrement  celle  de 
Candie,  d'où  nous  venoient  autrefois 
Jes  meilleurs  faucons. 

Comme  ies  Arts  n'appartiennent 
point  ài'Hiftoire  Naturelle,  nous  n'en- 
trerons point  ici  dans  ies  détails  de  i'art 
de  la  fauconnerie  ;  on  les  trouvera  dans 
î'Encyciopédie  fu),  dont  nous  avons 
déjà  emprunté  deux  notes,  ce  \Jn  bon 
13  faucon,   dit  M.  ie    Roi,  auteur  de 

'ft)  Fauconnerie  de  Jean  de  Yï2^nQh\hts,vûge  2^ 

fu)  Voyez  cet  article  Faucomiârk ,  au  fujet  de 
S  éducation  à^s  faucons,  de  Tes  maladies  &  des 
foins  propres  à  les  .prévenir,  ou  àtî  remèdes  né- 
ceffaires  pour  les  guérir.  Pat  M,  le  Roy ,  Lien-, 
ynam  es  Chafss  lU  Sa  Majejîe\  à  Vcrfaillis^ 


^//  Faucon:  ^7^ 

fartîcîe  Fauconnerie ,  doit  avoir  la  tête  ce 
ronde,  le  bec  court  &  gros  ,  le  cou  ce 
fort  long,  la  poitrin£  nerveufè,  les  «: 
mahutes  larges,  les   cuifTes  longues,  ce 
les  jambes   courtes ,  la    main   large  ,  ce 
îes  doigts  déliés ,  alongés  &  nerveux  ce 
aux  articles ,  les  ongles  fermes  &  re-  ce 
courbés ,  les  ailes  longues  ;  les  fignes  œ 
de   force    &:   de    courage,    font  les  ce 
mêmes  pour  le  gerfaut  &  pour    le  ce 
tiercelet ,  qui  e(t  le  mâle  dans  toutes  ce 
îes    efpèces    d'oifeaux  de  proie ,    &:  ee 
qu'on  appelle  ainfi,   parce  qu'il  eft  ce 
d'un  tiers  plu5  petit   que  la  femelle  ;  ce 
une   marque  de  bonté   moins   équi-  ce 
voque  dans  un  oiieau,  eft  de  chevau-  ce 
cher  contre  le  vent,  c'eft-à-dire ,  de  ce 
fe  roidir  contre ,  &  fê  tenir  ferme  fur 
ie  poing  lorfqu'on    l'y  expofe  :    le 
pennage  d'un  faucon  doit  être  brun 
&.  tout  d'une  pièce ,  c'eft-à-dire ,  de 
même  couleur  ;  la  bonne  couleur  des  ce 
mains    efl:  de  vert-d'eau;    ceux  dont  ce 
les  mains  &  le  bec  font  jaunes ,  ceux  ce 
dont  le  plumage  eft  femé  de  taches,  c< 
font  moins  eftimés  que   les   autres;  ^ 

Bij 


;2,S  Hipoke  Naturelle 

>3  on  fait  cas  des  faucons  noirs,  mais 
>>  quel  que  foit  leur  plumage ,  ce  font 
39  toujours  les  plus  forts  en  courage 
j>  qui  font  les  meilleurs  ....  Il  y  a 
»  des  faucons  lâches  &  parefleux,  il 
?5  y  en  a  d'autres  fi  fiers ,  qu'ils  s'irri- 
35  tent  contre  tous  les  moyens  de  les 
3>  apprivoifer  ;  il  faut  abandonner  les 
uns   &  les  autres ,  &:c  w. 

M.  Forget,  Capitaine  du  vol  a 
Verfailles ,  a  bien  voulu  me  commu- 
niquer la  notice  fufvante. 

ce  II  n'y  a ,  dit-il ,  de  diiTérence  efîèn- 
35  tielle  entre  les  faucons  de  difiérens 
35  pays ,  que  par  la  grofîeur  ;  ceux  qui 
35  viennent  du  Nord,  font  ordinaire- 
35  ment  plus  grands  que  ceux  des  mon- 
35  tagnes  des  Aipes  &  des  Pyrénées  ; 
3>  ceux-ci  fe  prennent,  mais  dans  leurs 
35  nids ,  les  autres  fe  prennent  au  paffage, 
33  dans  tous  les  pays  ;  ils  paffent  en  oc- 
35  tobre  &    en  novembre ,  &  repafTent 

35  en.  février  &  mars L'âge  ôqs 

53  faucons  le  âé^igno,  très- diflindement 
33  ia  féconde  année,   c'eil- à-dire,  à  la 


n. 


l'/.L^nu/,   23 


LE   FAUCON    SORT, 


l,]I. 


PI.  R.pqi/.  2$. 


LE    FAUCON  HAGARD. 


du  Faucon,  2p 

première  mue,  mais  dans  ia  fuite  les  ce 

coiinoidiînces   deviennent  bien   plus  ce 

diiriciies  ;  indépendaiijment  dits  chan-  « 

gemens  de  couleur,  on  peut  les  dif-  ce 

tinguer   jufqu'à     la    troiliènie   mue ,  ce 

c'eli-à-dire,  par  la  couleur  des  pieds  « 
&  celie  de  la  membrane  du  bec  :>^. 


4> 


I 


Bïij 


"30  'Hjloke  Naturelle 

mSEAUX  ÉTRANGERS 
Qjù  ont  rapport  au  Gerfaut 

&  aux  Faucons,. 

JLi  E  faucon  dlfîande,  que  nous  avons- 
dit  être  une  variété  dans  i'efpèce  de 
îîotre  faucon  commun,  ôi  qui  n'ea 
diffère  en  effet,  qu'en  ce  qu'il  efl  un 
peu  plus  grand  &:  plus  fort, 

IL 

Le  faitcon  noir*  qui  fe  prend  au 
paiîage  à  Malte,  en  France,  en  Alle- 
magne,, dont  nous  avons  parlé,  &  que 
mr  Frifch  (a)  &  Edwards  (b)  ont 
indiqué  &  décrit,  qui  nous  paroit  être 
d'une  efpèce  étrangère  &  différente  de 
celle  de  notre  faucon  commun  ;  fob- 
ièrverai  que  ia  defcripuon  qu'en  donne 

*  Voyei  les  planches  enluminées,  n.°  4^9.^ 
(a)  FriCch  ,  tome  1,  -planche  DCXXlll, 
[h}  Edwards,  toms  î ^  jmge  ^ , planche IV^i^ 


(^es  Olfeûux  étrangers',        'J  t] 

]Vï.  Edwards  eft  exadle,  mais  que 
M.  J'rifch  n'eft  pas  fondé  à  prononcer 
que  ce  faucon  doit  être  fîuis  doute  ie 
plus  fort  des  oiieaux'de  proie  de  ià 
grandeur,  parce  que  près  de  i'extré-^ 
miré  du  bec  fupérieur,  ii  y  a  une  e(- 
pèce  de  dent  triangulaire  ou  de  pointe 
tranchante  ,  &  que  les  jambes  font 
garnies  de  plus  grands  doigts  &  ongles- 
qu'aux  autres  faucons;  car  en  corn-- 
parant  les  doigts  &  le's  ongles  de  ce 
faucon  noir,  que  nous  avons  en  na- 
ture, avec  ceux  de  notre  faucon,  nous 
n'avons  pas  trouvé  qu'il  y  eût  de  diffé- 
rence, ni  pour  la  grandeur,  ni  pour 
la  force  de  ces  parties  ;  &  en  comparant 
de  même  le  bec  de  ce  faucon  noir  avec 
îe  bec  de  nos  faucons ,  nous  avons 
trouvé  que  dans  la  plupart  de  ceux-ci 
il  y  avbit  une  pareille  dent-  trianguiaircy 
"vers  l'extrémité  de  la  mandibule  fupé-- 
rieure;  en  forte  qu'il  ne  diffère  point 
à  ces  deux  égards  du  faucon  commun , 
comme  M.  Frifch  femble  l'infinuer  ; 
au  refte,  le  faucon  tacheté  dont  AL^ 
JEdwards    i^iixi^    h  d^fcription    &   la 

B  iii| 


32  Hifioke  Naturelle 

figure  (c),  &  qu'il  dit  être  du^  même 
ciiniaî  que  ie  faucon  noir,  c'eil- à-dire, 
des  terres  de  ia  baie  de  Hudfon,  ne 
nous  paroît  être  en  eilet  que  ie  finicon- 
îors  ou  jeune  de  cette  même  eipece, 
&  par  coniéquenî  ce  n'cil  qu'une  va- 
YÏéié  produite  dans  ies  couleurs  par  la 
différence  de  l'âge,  &  non  pas  une 
Yariété  réelle  ou  varie'té  de  race  dans 
cette  eipèce.  On  nous  a  aiTuré  que"  la 
plupart  de  ces  faucons  noirs  arrivent 
du  coté  du  mj!di  ;  cependant  nous  en 
avons  vu  un  qui  avoit  été  pris  fur  ies 
côtes  de  i'Amiérique  feptentrionale,  près 
du  banc  de  Terre-neuve;  &  com.me 
M.  Edwards  dit  qu'il  fe  trouve  auiîi 
dans  les  terres  voiiïnes  de  h  baie  de 
rJudion  ,  on  peut  croire  que  feipèce 
eft  fort  répandue,  &  qu'elle  fréquente 
également  les  climats  chauds,  tempérés 
ou  fi'oids. 

Nous  obierverons  que  cet  oifèau 
que  nous  avons  eu  en  nature,  avoit 
hs  pieds  d'un  bleu  bien  décidé,  & 
que   ceux  que  l'on  trouve  repréientés 

(c)  Edwards ,  ims  I ,  pûge   ^ ,  planche  III* 


'cles  Oifedux  étrangers',       ^  ^ 

dans  les  planches  enluminées  de  M/^ 
Edwards  <&  Frilch,  avoient  les  pieds 
jaunes;  cependant  il  n'ell  pas  douteux 
que  ce  ne  foient  les  mêmes  oileaux: 
nous  avons  déjà  reconnu  en  examinant 
ies  balbuzards,  qu'il  y  en  avoit  à  pieds 
bleus,  &  d'autres  à  pieds  jaunes  ;  ce 
caracftère  eft  donc  beaucoup  moins  fixe 
qu'on  ne  l'imaginoit:  A  en  eil:  de  la 
couleur  àti  pieds  à  peu  près  comme 
de  celle  du  plumage  ;  elle  varie  fouvent 
avec  \^'^g^^    ou    par    d'autres  circonf- 


tances. 


III. 


L'o  I  s  E  AU  qu'on  peut  appeler  ïe 
faucon  rouge  des  Indes  orientales ,  très^ 
bien  décrit  par  Aldrovande  (d),  &  à 
peu  près  dans  les  termes  fuivans.  La 
femelle  qui  elt  d'un  tiers  plus  grofîè 
que  le  mâle,  a  le  delTus  delà  têtelarfye 
&  prefque  plat  :  la  couleur  de  la  tête , 
du  cou  ,  de  tout  le  dos  &  du  defTus 
des  ailes,  efl:  d'un  cendré  tirant  fur 
ie  brun;  le  bec  eft  très-gros  ,  quoique 

(â)    Fako    mleus    indicus.    P^àxoy,  Avu    pag? 


Ç^  'Hïphe   'Naturelle 

!e  crochet  en  foit  afTez  petit  :,  îa  bafè 
du  bec  eil  jaune,  &  le  relie  jufqu'au 
crochet  eil  de  couleur  cendrée  ;  -ia  pu- 
pille des  yeux  efl  très-noire ,  l'iris  brunCj 
ia  poitrine  entière,  la  partie  Tupérieure 
du  delTous  des  ailes ,  le  ventre ,  le  crou- 
pion &  les  cuiiïes,  font  d'un  orangé 
prefque  rouge  :  il  y  a  cependant  au~ 
defTus  de  la  poitrine  fous  le  menton, 
une  tache  longue  de  couleur  cendrée  , 
&  quelque  petite  tache  de  cette  même 
couleur  fur  la  poitrine-:  la  queue  eft 
rayée  de  bandes  en  demi-cercle ,  aïter-^ 
nativement  brunes  &  cendrées  ;  les, 
jambes  &  les  pieds  font  jaunes,  &  les. 
ons:îes  noirs.  Dans  le  mâle ,  toutes  les 
parties  rouges  font  plus  rouges,  oc. 
toutes  les  parties  cendrées  font  plus 
brunes  ;  ie  h^Q  eft  plus  bleu ,  &  \q% 
pieds  font  plus  jaunes.  Ces  faucons, 
ajoute  Aldrovande,  avoient  été  envoyés 
des  Indes  orientales  au  grand  Duc  Fer- 
dinand-, qui  les  fit-  deffiner  vivans  (e)^ 

(t)  Rouge  faucon  eft  fôuvent  trouvé  es  iieujji 
pkins  &  en  migrais  :  il  efl  hardi  ;  mais  difficile  à. 
gouverner.  FmcQnmrk  d^Jaxdif^  fremUn  parm  ^ 


tJes  Oifeûiix  étrangers.       3  5  • 

Nous  devons  obierver  ici  que  Tardif^, 
Albert  &:  Creicent  (g) ,  ont  parlé  du 
faucon  rouge  comme  d'une  elpèce  ou 
d'une  variété  qu'on  Gonnoiiïbit  en  Eu-- 
rope,  &  qui  Te  trouve  dans  les  pays 
de  plaines  &:  de  marécages;  mais  ce 
faucon  rouge  n'eft  pas  aflez  bien  dé- 
crit ,  pour  qu'on  puiiïe  dire  fi  c'eft  le 
même  que  le  faucon  rouge  des  Indes,, 
qui  pourroit  bien  voyager  &  venir  eiî^ 
Europe  comme  le  fuicon  paflager.. 

I  V. 

L'^O  I  s  E  A  U  indiqué  par  Willuf-^ 
ghby  (h) i  fous  la  dénomination  de 
falco  indiens  cirratus,  qui  efl  plus  gros^ 
que  le  faucon,  &  prelque  égai  à  l'au- 
tour, qui  a  fur  la  tête  une  huppe  dans 
l'extrémité  ie  divife  en  deux  parties  qui 
pendent  fur  ie  cou.  Cet  oifeau  efï  noir 
fur  toutes  les  parties  fupérie tires  de  lai 
i^ete  &  du  corps;  mais  fur  La  poitriRe  &: 

(f)  Albert,  vtrjo  2j,  cap.  xm. 

(g)  Peir.  Crefcmîius,  lib.  X ,  cap*  \Y^ 


2  6  Hijtolre  Ndtm-elk 

ie  ventre,  fon  plumage  eft  traveife  de 
lignes  noires  &l  blanches  alTernativement: 
ies  plumes  de  ia  queue  font  auffi  rayées 
de  lignes  aîtcrnativement  noires  &  ceii-  | 
drées  ;  les  pieds  font  couverts  de  piumes 
juiqu'à  i'origine  des  doigts;  l'iris  des 
yeux,  la  peau  qui  couvre  la  bafe  du 
hec ,  &  ies  pieds  font  Jaunes  ;  ie  bec 
eil  d'un  bieu  noirâtre,  &  ies  ongles 
font  d'un   beau  noir. 

Au  refie,  ii  paroît  par  ie  te'moignage 
des  Voyageurs ,  que  ie  genre  des  fau- 
cons ed  i\m  des  plus  univerfeilement 
répandus  ;  nous  avons  dit  qu'on  en 
trouve  par-tout  en  Europe,  du  Nord 
au  Midi,  qu'on  en  prend  en  quantité 
dans  ies  îles  de  ia  Méditerranée,  qu'iis 
font  communs  fur  la  côte  de  Barbarie» 
M.  Siiaw  (ï) ,  dont  j'ai  trouvé  ies  re- 
lations preique  toujours  fidèles,  dit 
qu^au  royautne  de  Tunis,  ii  y  a  des 
faucons  &  des  éperviers  en  afiez  grande  ^ 
abondance,  &  que  ia  cFiaiTe  à  i'oifeau 
eft  un  des  pius  grands  piaifirs  éts 
Arabes  &  d^s  gens  un  peu  au-defîus  du 
commun  :  on   ies  trouve  encore  piiîs 

OJ  Voyage  de  M.  Sliaw^  tom  h  vagi  ^S^^^ 


clés  O  if  eaux  éîrûtigcrs.        37 

fréquemment  au  Mogol  (k)  &  en 
Pcrlè  fl),  où  Ton  prétend  que  l'ait  de 

(k)  On  fe  fert  du  fiuccai  au  Mogo!,  pour  la 
chafîe  du  daim  <Si  des  gazelles.  Vojyai^e  dt  Je<as 
Oi'ington,  mm  1 ,  page  ^yg* 

(  l)  Les  Perfàns  entendent  tout -à-fait  Men  à  en^ 
feigner  les  oifeaux  de  chalTe,  &  ordinairement  ils 
dreiïent  les  faucons  à  \oler  fur  toutes  fortes  d'oi- 
feaux,  &  pour  cela  ils  prennent  àti  grues  <&  d'autres 
oifeaux  qu'ils  laiflent  aller,  après  leur  avoir  bouché 
iesyeux;  auffi-tôt  ils  font  voler  le  faucon,  qui  les 

prend  fort  aifément Il  y  a  des  fiucons  pour 

la  chalTe  de  la  gazelle,  qu'ils  inflruifent  de  la  ma- 
nière qui  fuit  :  ils  ont  àt?>  gazelles  contrefaites 
Rempaillées) ,  fur  le  nez  defquelles  ils  donnent 
toujours  à  manger  à  ces  faucons,  &  jamais  ailleurs^ 
après  qu'ils  les  ont  ainfî  élevés,  ils  les  mènent  à  îa 
campagne  ;  &  lorfqu'iis  ont  découvert  une  gazelle, 
ils  lâchent  deux  de  qç.s  oifeaux  ,  dont  l'un  va  fondre 
fur  le  nez  de  la  gazelle ,  &  lui  donne  en  arrière 
à^s  coups  de  pieds:  la  gazelle  s'arrête  &  fe  fecoue 
pour  s'en  délivrer)  l'oifeau  bat  àti  ailes  pour  fe 
retenir ,  ce  qui  empêche  encore  îa  gazelle  de  bieri 
courir,  &:  même  de  voir  devant  elle  ;  enân,  lorf- 
qu'avec  bien  de  la  peine  elle  s'en  efl;  défaite  ,  l'autre 
faucon  qui  efl  en  l'air  prend  la  place  de  celui  qui 
eft  à  bas ,  lequel  fe  relève  pour  fuccéder  à  fon  com- 
pagnon quand  il  fera  tombé  ;  &  de  cette  forte  ils 
retardent  tellement  la  courfe  de  la  gazelle  ,  que  \t^ 
chiens  ont  le  temps  de  l'attraper.  Il  y  a  d'autant 
plus  de  plaifir  à  ces  chaffes  ;,  que  k  pays  eâ  plat 
&  découvert ,  y  ayant  fort  peu  de  bois.  Relation 
é Thsmot^  toms  lU  j>age  2,00»  tytf  V"jage: di 


3  s        Hijlo\re'I<!atureïïe 

îa.  fauconnerie  efl  plus  cultivé  que  par- 
tout ailleurs  (m);  on  en  trouve  jufqu'au 

'Jmn  Ovïngtony  lomt  1,  -page  2~p.  —  La  manière 
dont  les  Perfans  drefTent  ies  faucons  à  ia  chaffe  àes 
bêtes  fauves,  efl  d'en  écorcher  une  &  A'tn  remplir- 
la  peau  de  pailie ,  &  d'attacher  toujours  la  viande 
dont  on  repaît  ies  faucons  fur  la  têie  de  cette  peau 
bourrée  ,  que  l'on  fait  mou^■oir  fur  quatre  roues 
par  une  machine ,.  tant  que   i bifeau   mange  ,  afin 

de  l'y  accoutumer Si  la  bête  efl  grande ,  on 

lâche  piufieurs    oifeaux  après    elle,   qui  la    tour- 

mentent  l'un  après  l'autre ils  fe  fervent 

auffi  de  cts  oifeaux  pour  les  rivières  &  les  m?.rais, 
dans  lefquels  ils  vont,  comme  les  chiens,  chercher 

le  gibier Comme  tous  les  gens  ^'épée  font 

chafîeurs,  ils  portent  d'ordinaire  à  l'arçon  de  la 
felle  une  petite  tinnbaie  de  huit  à  neuf  pouces  de 
diamètre,  qui  leur  fert  à  rappeler  l'oifeau  en. 
frappant  deifus.  Vi)ysige  de  Chardin,  tome  11, 
■pages  ^2  iT"  ^j,  —  La  Perfe  ne  manque  pas 
d'ûifeaux  de  proie;  il  s'y  trouve  quantité  de  fau- 
cons, d'éperviers  &  de  lannerets,  &  autres  fem- 
bîables  oifeaux  de  chaiTe,  dont  la  Vénerie  du 
Hoieft  très-bien  pourvue,  &  on  y  en  compte  plus 
de  huit  cents  :  'es  uns  font  pour  le  fanglier,  l'âne 
fauvage  &  la  gazelle  ;  les  autres  pour  voler  les 
grues,  les  hérons ,  ies  oies  &  \ts  perdrix.  Une 
grande  partie  de  ces  oifeaux  de  chaffe  s'apporte  de 
HufTie;  mais  ies  plus  grands  &  les  plu«^  beaux  vien- 
nent àcs,  montagnes  qui  s'étendent  xexs  le  Midi  g', 
depuis  Schyras  jufqu'au  golfe  Perfique,  Voyage  ds, 
JDampieïf  tome  II ,  page  2 ^  &  faiv. 

(^n)\^  Perfans  qui  font  fort  paîi€ns,  prennent 


des  OïfedîTx  If  rangers:      jc^; 

Japon,  ou  Kœnipfer  (n)  dit  qu'on  les^ 
tient  plutôt  par  taite,  que  pour  l'utilité 
delà  chafle,  &  ces  fiuicons  du  Japon 
viennent  des  parties  (^ptentrionales  de. 
cette  île.  Kolbe  (o)  ïàW.  auffi  nientioix 
^Q.?,  fimcons  du  cap  de  Bonne- efpé-. 
rance,&  Bofman  de  ceux  de  Guinée  (p) ; 
en  forte  qu'il  n'y  a,  pour  ainfi  dire  5 
aucune  terre,  aucun  climat  dans  l'an^ 
cien  continent,  où  l'on  ne  trouve  l'ef^ 
pèce  du  fîiucon  ;  &  comme  ces  oileaux: 
fiipportent  très-bien  le  froid  ,  &  qu'ils- 
volent  facilement  &:  très  -  rapidement ,, 
on  ne  doit  pas  être  furpris  de  les 
retrouver  dans  le  nouveau   continent; 

aufll  pîaifir  à  drefîer  un  corbeau  de  la  même 
manière  qu'ils  dreiïent  un  épervier.  Voyage  dî. 
Dampier ,  tomt  il,  page  jz/. 

(n)  Kœmpfer ,  Hijl.  du  Jàpnn,  leme  l,pagei  /_/*. 

{0I  Koibe,  Defaiption  du.  cap  de  Bonne- e/pérance^ 
wme  111 ,  page  i  ^  6,. 

(p)  Sur  cette  côte  de  Guinée,  on  voit  encore 
Un  autre  oifeau  de  proie ,  qui  reifemble  fort  à  un 
fpucon  ,  &  qui ,.  quoiqu'un  peu  plus  gros  qu'un^ 
piaeon,  efl  fï  hardi  &  fi  fort,  qu'il  le  jette  fur 
les  plus  grofTes  poules  &  \ts  emporte.  Voyage  tk- 
ÇailUmie  Bofman,  Uurc  i j/ î>age  z.CS^.. 


4o  HîJIoire  Naturelle 

il  y  en  a  dans  ie  Groenland  (q),  'dans  les 
parties  montagneules  de  l'Amérique  lep- 
tentrîonaie  &  méridionaie  Cr),  Sl  jufque 
dans  les  îles  de  la  nier  du  Sud  ff), 

( q)  On  trouve  dans  le  Groenland  àt%  faucons 
blancs  &  gris,  en  très  -  grand  nombre,  &  plus 
qu'en  autre  lieu  du  monde.  On  portoit  ancienne- 
ment de  ces  oifeaux  pour  grande  rareté  aux  rois 
de  Danemarck  ,  à  caufe  de  leur  bonté  mer- 
veilieufe,  &  les  rois  de  Danemarck  en  faifoienC 
àts  préfens  aux  rois  &  princes  leurs  voiflns  oa 
amis ,  parce  que  {a  chafTc  de  l'oifeau  n'eft  du  tous 
point  en  ufage  dans  le  Danemarck  ,  non  plus  qu'aux 
autres  endroits  du  Septentrion.  Recueil  des  Voyages 
du  Nord,    tome  I ,  j>age  pp. 

(r )  On  a  envoyé  plufieurs  &:  diverfes  fortes 
de  faucons  de  la  neuve  Efpagne  &  du  Pérou  aux 
feignturs  d'Efpagne ,  d'autant  qu'on  en  fait  grande 
ertime.  Il  y  a  même  des  hérons  &  des  aigles  de 
diverfes  fortes,  &  il  n'y  a  point  de  doute  que  ct^ 
efpèces  d'oifeaux  ,  &:  autres  femblables ,  n'y  aient 
paUé  bien  plus  tôt  que  les  lions  &  les  tigres,  ////- 
loïn  naturelle  des  Indis  cccidemales  ,  par  Acofta , 
page  T p S'  —  Nota,  L'oifeau  que  les  Mexicains 
appeloient  HotU ,  bdrqué  par  Fernandès ,  paroît 
être  le  même  que  te  faucon  noir  dont  nous  avons 
parlé. 

{/)  Hidoire  6es  Navigations  aux  terres  Auft 
traies  ;  lonu  lU ,  .^agt  /j?/. 


'^les  Oipûiix  eîfwîgers*       41; 
V. 

L'o  1  s  E  A  u  appelé  t^nûs  par  les 
Nègres  du  Sénégal  ,••&  qui  nous  a 
été  donné  par  M.  Adanlon,  (uns  le 
nom  de  faucon-pêcheur  *,  il  rcilemble 
prefque  en  tout  à  notre  faucon  par  ies 
couleurs  du  plumage;  il  efl  néanmoins 
un  peu  plus  petit,  &  il  a  fur  la  tête  de 
longues  plumes  eminentes  qui  le  ra- 
battent en  arrière  «Se  qui  forment  une 
efpèce  de  hupj^^e ,  par  laquelle  011 
pourra  toujours  diilinguer  cet  oifeau 
des  autres  du  mém.e  genre  :  il  a  nulli 
ie  bec  jaune ,  moins  courbé  &  plus  gros 
que  le  fiiucon  ;  il  en  diffère  encore  eu 
ce  que  les  deux  mandibules  ont  ôqs 
dentelures  trèi-fenfibles  ;  &  Ton  nature! 
eii  aufîi  difierent  ;  car  il  pêche  plutôt 
qu'il  ne  chafle  :  je  crois  que  c'efi  à 
cette  efpèce  qu'on  doit  rapporter  l'oi- 
leaù  duquel  Dampier  (t)  fait  mention 
fous  ce  même  nom  à^  faiiCGn-pêcheur  : 
ce  il  reflembie,   dit-il,  à  nos  plus  petits 

*  Voyelles  planches  enluminées ,  n.°  478. 
(î)  Nouveau  ^^oyage  autour  du  monde  ^  pa^ 
Guillaume  Dampier ,  tome  JII,  ^age  j  i  é\ 


4  2       Htjlolre  Naîiireïïe ,  &ù 

>3  faucons  pour  la  couleur  &:  L\ figure: 
35  il  a  le  bec  &  ies  ergots  faits  tout  de 
3>  même;  il  fe  perche  fur  ies  troncs 
33  des  arbres  &  fur  les  branches  sèches 
3)  qui  donnent  fur  l'eau  dans  les  criques, 
35  les  rivières  ou  au  bord  de  fa  mer; 
»  &  dès  que  ces  oifeaux  voient  quel- 
33  ques  petits  poiffons  auprès  d'eux,  ils 
33  volent  à  fleur  d'eau  ,  ies  enfilent  avec 
>5  leurs  griffes  ,  &  s'élèvent  aufli-îôt  en 
35  l'air ,  fans  toucher  l'eau  de  leur^ 
ailes  53  :  il  ajoute  ce  qu'ils  n'avalent  pas 
3D  le  poiffon  tout  entier,  comme  font 
33  les  autres  oifeaux  qui  en  vivent ,  mais 
33  qu'ils  le  déchirent  avec  leur  beC;  & 
ie  mangent  par  morceaux  ^>^ 


'4Ï 


^LE  HOBR^AV(a). 

Voye:^  planche  JII  de  ce  volume, 

JLj  E  Hobreau  efl;  bien  plus  pçiît  que 
îe  faucon,  &  en  diffère  aufîi  par  les 
habitudes  naturelles  :  le  faucon  eft  plus 
fier,  plus  vif  &  plus  courageux;  il  at- 
taque des  oiieaux  beaucoup  plus  gros 
que  lui.  Le  hobreau  efl:  plus  lâche  de 
fon  naturel  ;  car  à  moins  qu'il  ne  foit 
drefîé,  il  ne  prend  que  les  alouettes  &, 
les  cailles  ;  mais  il  fait  compenfcr  ce 
défaut  de  courage  &  d'ardeur  par  fou 

*  Voye-i_  les  planches  enluminées  ^  n.^*  43  i  îf  432," 

(a)Y.r\    Angîois,   rJohly;  en  Italien,    Bncdlo» 
—  Hobreau.  Btlon  ,  Hijloire  naturelle  des  Oifeauv^ 
page   it8.   —    Subbvteo,    Aîdrov.  Avi.  tome  \^ 
page   373  ......    Falco  arborarius.  Aidrov.  Avi». 

tome  ï  ,  pag,  492.  —  Hobreau,  Albin,  loine  1 , 
■page  7,  pi.  VI,  avec  une  figure  coloriée.  —  Litho": 
falco  five  czfalus ,  Rochier ,  cx.fahn.  Y n(<z\\ ,  planche; 
LXKXVI ,  avec  une  figure  coloriée. —  Le  Hobreau, 
BriiTon,  Ornithnl.  tome  I ,  page  375.  —  Thâ 
Hobby.  Britifch  T^oq\o<^n , planche.  /{  ^,  avec  una 
figure  coloriée^ 


44-  Hijlolre  Naturelle 

indudrie  :  dès  qu'il  aperçoit  uit  chafleiif 
&  fou  chien ,  il  ies  fuit  d'aiïez  près  ou 
plane  au-defTus  de  leur  tête,  &  lâche 
de  iaiiir  ies  petits  oi féaux  qui  s'èièvent 
devant  eux;  li  le  chien  \à\x  lever  une 
alouette,  une  caille,  &  que  le  chaiTeur 
ia  manque ,  il  ne  la  manque  pas  :  il  a 
l'air  de  ne  pas  craindre  le  bruit,  &:  de 
ne  pas  connoitre  Teffet  des  armes  à  feu , 
car  il  s'approche  de  très-près  du  chaf- 
ieur  qui  le  tue  fouvent  ioifqu'il  ravit 
fa  proie:  il  fréquente  les  plaines  voi- 
fines  des  bois ,  &  fur-tout  celles  où  \^s 
alouettes  abondent  ;  il  en  détruit  un  très- 
grand  nombre,  &  elles  connoifient  fi 
bien  ce  mortel  ennemi,  qu'elles  ne 
l'aperçoivent  jamais  fins  le  plus  grand 
effroi ,  &:  qu'elles  fe  precipiient  du  haut 
des  airs,  pour  fe  cacher  fous  i'hcrbe 
ou  dans  les  buifTons  :  c'eil:  ia  feule 
manière  dont  elles  puifTent  échapper; 
car  quoique  i'aiouette  s'élève  beaucoup, 
ie  hobreau  vole  encore  plus  haut  qu'elle, 
&  on  peut  ie  drefTer  au  leune  comme 
ie  fmcon  &  les  autres  oifeaux  du  plus 
haut  vol  :  il  demeure  cSc  niche  dans  les 
forets  où  il  fe  perche  fur  ieo  arbres  les 


du  Hoir  eau,  4j' 

plus  élevés.  Dans  quelques-unes  de  nos 
provinces  on  donne  le  nom  de  hobreau 
/h)  aux  petits  ieigneurs  qui  tyrannifent 
leurs  paiilins ,  <^  plus  panicuiièrenient 
au  gentilhomme  à  lièvre,  qui  va  chafîer 
chez  les  voifins ,  lans  en  être  prié,  & 
qui  chafTe  moins  pour  Ton  plaifir  que 
pour  le  profit. 

On  peut  obferver  que  dans  cette 
efpèce  le  plumage  de  i'oifeau  efl  plus 
noir  dans  la  première  année  qu'il  ne 
i'ell  dans  les  années  fuivantes  :  il  y  a 
aulfi  dans  notre  climat  une  variété  de 
cet  oifeau,  qui  nous  a  paru  afTez  fin- 
gulière  pour  mériter  d'être  repréfentée  *; 
les  différences  confiftent  en  ce  que  la 
^orge,  le  defTous  du  cou,  ia  poitrine, 
une  partie  du  ventre  &  les  grandes 
plumes  des  ailes  font  cendrées  &  fans 
taches  \  tandis   que    dans    le    hobreau 

(h)  Ce  nom  de  Hohreau  ,  appliqué  aux  Gentils- 
îiommes  de  campagne,  peut  venir  aufTi  de  ce  qu'au- 
trefois tous  ceux  qui  netoient  point  aiïez  riches 
pour  entretenir  une  fauconnerie,  fe  conîentoient 
d  élever  àts  hobreaux  pour  la  chafTe. 

*  V^-^-l,  ks  phiches  tnhminces,  13/  -^31» 


^'é  Hijlolre  'Naturelle  ■ 

commun,  îa  gorge  &  ie  deiïbus  Ja 
cou  font  blancs ,  la  poitrine  &'le  defTus 
du  ventre  blancs  aufîi ,  avec  des  taches 
îongitudinaîes  brunes,  6c  que  les  grandes 
plumes  des  ailes  font  prefque  noirâtres  : 
ïl  y  a  de  même  d'affez  grandes  diffé- 
rences dans  les  couleurs  de  la  queue, 
qui  dans  le  hobreau  commun  efl:  blan- 
châtre par-defîous,  traverfée  de  brun, 
&  qui  dans  l'autre  efl  abfokiment  brune. 
Mais  ces  différences  n'empêchent  pas 
que  ces  deux  oifeaux  ne  puifTent  être 
regardés  comme  de  la  même  efpèce; 
car  ils  ont  la  même  grandeur,  ïe  même 
port  ,  &  fe  trouvent  de  même  en 
ï^rance;  &  d'ailleurs  ils  fe  refîemblent 
par  un  caractère  fpécifique  très-parti- 
culier ,  c'efl:  qu'ils  ont  tous  deux  ie  bas 
du  ventre  &ies  cuifles  garnies  déplumes 
d'un  roux  vif,  &  qui  tranche  beaucoup 
fur  les  autres  couleurs  de  cet  oifeau;  if 
n'eft  pas  même  impoffible  que  cette 
variété,  dont  toutes  les  différences  fè 
réduifent  à  des  nuances  de  couleurs, 
ne  provienne  de  l'âge  ou  des  différent 
temps  de    la   mue  de  cet   oifeau;    de. 


I'/.IZl./>aç,4^- 


I.E    BTOBREAXJ 


^du  Hôlreau:     '         ^^y^ 

c'efi:  encore  une  raifon  de  plus  pour  ne 
le  pas  réparer  de  l'efpèce  commune.  Au 
refte ,  îe  hobreau  fe  porte  fur  le  poing, 
découvert  &  fans  chaperon  ,  conime 
i'émérillon ,  l'épervier  Sl  l'autour ,  &  l'on 
en  faifoit  autrefois  un  grand  ufage  pour 
la  chaffè  des  perdrix  &  des  c.a  lies. 


4  s  Hlflolre  Ndturdk 

L  A 

CRESSEREj..LE  (a) 

VoyeT^  la  planche  I  V  de  ce  volume, 

J_jA  CrefTerelIe  *  efi  i'oifeau  de  proie 
le  plus  commun  dans  la  plupart  de  nos 

provinces 

*  Voyei  hs planches  ■.nhimlnées,  n.°^  4.01  £7*4.71, 

(a)  En  Grec,  K£V>f/f  ou  'K.iyy^iç',  Cenchris 
feu  miliaria  dichuY  hac  avis ,  ait  Gefnerus ,  quoi 
pundis  nigrïi^^  vvJii  amulis  injigms  fît  :  en  Latin  , 
Tinnunaut s  ;  en  Italien,  Cambello  ,  Tiv.incuk ,  Tin- 
tarello ,  Gavinelh;  en  Efpagnol  ,  Cerràcalo  ou 
Xcmicalo  ;  en  AilcrKani ,  Roeihel  weih  ou  Wamen- 
waehcr ,  qnod  aJa'i  extendat  (  ait  Schwenckfeid  )  ven- 
tile ù;;^  injtar  vamlalr.i  quod  vannum  nominaut  ;  en 
pGîciiois,  Pujiolka;  en  ngfois,  lùjlril  ou  KefrnU 
J\o-:c.  Ce  pourroii  êrr-^  r  ce  mot  An^ois  Kejirel , 
qu'eu  dérivé  le  nom  C  ?/ que  les  Bourguignons 
donnent  à  cet  oiTeau  ^n.  EcolTe  ,  Sianchel  oxx 
Stmnel  ou  Stonegall  ;  on  ùi  aulfi  appeié  en  vieux 
François ,  &  encore  sdaellement  dans  quel(|ues 
provinces  de  France,  Ce/cerelle,  Quircerelle ,  £cre- 
celle.  Saierne  dit  quVjn t'appelle  en  ioiogne,  Meiy 
à  Châions- fur  -  Âlarne,  E.abû.iUet ;  en  Provence 
Maiier  ;  en  Touraîne ,  Pitrlcu  ;  à  Saumur  ,  Pitri 

en  Beauce 


^de  la  Cnfferelïe»  4p* 

provinces  de  France,  &  fur -tout  en 
Bourgogne  :  il  n'y  a  point  d'ancien 
château  ou  de  tour  abandonnée  qu'elle 
ne  fréquente  &  qu  efie  n'habite  ;  c'efl 
fur-tout  le  matin  &  le  foir  qu'on  la  voit 
voler  autour  de  ces  vieux  bâtîmens ,  & 
on  l'entend  encore  plus  fouvent  qu'on 
ne  îa  voit  ;  elle  a  un  cri  précipité  pH. , 
pCi  ,pti  ou  pu,  prï,  prï ,  qu'elle  ne 
cefle  de  répéter  en  volant  ,  &  qui 
effraie  tous  les  petits  oifeaux  fur  iefquels 
eîle  fond  comme  une  flèche,  &  qu'elle 
faifit  avec  fes  ferres  ;  fi  par  halard  elle 
les  manque  du  premier  coup ,   elle  les 

en  Beauce ,  Preneur  de  muhts ,  b'c .  .  .  .  CrefTereiJe 
ou  Cercerelle.  Beion  ,  Hipire  naturelle  des  Oifeaux, 
page  I  14. — Tinnuncuhs  feu  Cenchvïs.  Aidrov'.  AvL 
tom.  I,  pag.  556.  —  Crecerdie.  Albin,  tome  I , 
page   8,  -planche  VU,  avec  une  figure  coloriée , 

qui  eft  ceile  de  ia  femelle Co^ de  Windhover, 

Albin,  tome  III ,  planche  v,  avec  une  figure  co= 
■ionée,  qui  eft  celle  du  m^\^.—  Tmnunculus  verys. 
Frifcb,  plmche  LXXXlv,  avec  une  fiaure  coloriée, 

qui  eft  celle  du  mafe falco  ?ufus.  Frifch  ' 

pknche  LXXXVlïI ,  avec  une  figure  coloriée ,  cmi 
cfi  celle  de  îa  femdle.  —  La  CrefTereiie.  Briffon 
OrnlihoL  tome  I  ,    page  393.  —  Kcflrii  Britifch 
Zoology,  planche   A    S ,   ûg.    1 ,  The  mnk ,  Th& 
feniale ,  fig.  2  ,  ces  deux  figures  font  coloriées. 

O'^eauxi  Tomç IL  C 


50^  Hïfloire  Ndîiirelle 

pourfuît  fans  crainte  du  danger  jufque 
dans  les  maifons  ;  j'ai  vu  pius  d'une 
fois  mes  gens  prendre  une  crefTe relie  & 
ie  petit  oifeau  qu'elle  pouriliivoit ,  en 
fermant  la  fenêtre  d'une  chambre  ou  la 
porte  d'une  galerie,  qui  étoient  éloignées 
de  plus  de  cent  toifes  des  vieilles  tours 
d'où  eiie  étoit  partie  :  lorfqu'elle  a  faifi 
&  emporté  i'oifeau  ,  elle  le  tue  &  ie 
plume  très  -  proprement  avant  de  ie. 
manger  :  elle  ne  prend  pas  tant  de 
psine  pour  les  fouris  <&  les  mulots  ;  elle 
avale  les  plus  petits  tout  entiers,  &  dé- 
pèce les  autres.  Toutes  les  parties  molles 
du  corps  de  la  fouris  fe  digèrent  dans 
reftom.ac  de  cet  oifèau  ;  mais  ïa  peau 
fe  roule  &  formée  une  petite  pelote  , 
qu'il  rend  par  le  bec  ,  &  non  par  le 
bas;  car  fes  excrémens  font  prefque  li- 
quides &  blanchâtres  :  en  mettant  ces 
pelotes  qu  elle  vomit ,  dans  l'eau  chaude, 
pour  les  ramollir  &  les  étendre  ,  on  re- 
trouve !b  peau  entière  de  la  fouris  comme 
fi  on  l'eût  écorchée.  Les  ducs  j  les 
chouettes  ,  les  bufes ,  &  peut-être  beau- 
coup d'oifeaux  de  proie  3  rendent  de 
pareilles  pelotes  dans  iefquelleSj  o\\v^% 


Je  la  Crefferelk:  5'fl 

la  peau  roulée ,  il  fe  trouve  quelquefois 
des  portions  les  plus  dures  des  os  ;  il  eii 
eft  de  même  des  oifêaux  pêcheurs  ;  les 
arêtes  &  ies  écailles  des  poifTons  fe 
roulent  dans  ieur  eftomac  ,  &  ils  les 
rejettent  par  le  bec. 

La  creflerelle  efl:  un  aflez  bel  oifeau  ; 
elle  a  i'œil  vif  &  ia  vue  très-perçante , 
îe  voi  aifé  &  foutenu:  elle  efl:  diligente 
ôi  courageufe  :  elle  approche  par  le 
naturel ,  des  oilèaux  nobles  &  géné- 
reux ;  on  peut  même  la  drefîer,  comme 
ies  émériilons ,  pour  la  fauconnerie.  La 
femelle  efl  plus  grande  que  le  mâle ,  & 
elle  en  diffère  en  ce  qu'elle  a  la  tête 
rouffe ,  le  defTus  du  dos  ,  des  ailes  & 
de  la  queue  rayé  de  bandes  tranfver- 
files  brunes  ;  &  qu'en  même  temps 
toutes  les  plumes  de  ia  queue  font  d'un 
brun  roux  plus  ou  moins  foncé  ;  au 
lieu  que  dans  le  mâle  ,  ia  tête  &  ia 
queue  font  grifes ,  &  que  ies  parties 
fupérieures  du  dos  &  des  ailes  font  d'un 
roux  vineux ,  fenié  de  quelques  petites 
taches  noires  ;  on  peut  voir  les  diffé- 
rences du  mâle  &  de  ia  femelle  danf 

Ci; 


y  2  Hîjloire  Naturelle 

les  planches  enluminées  que  nous  ayons 
citées. 

Nous  ne  pouvons  nous  difpenfêr 
d'obferv^er  que  quelques  -  uns  de  nos 
Nomendateurs  modernes  (bj,  ont  ap- 
pelé épervier  des  akuettes ,  la  crefTerelie 
fenieile,  &:  qu'ils  en  ont  fait  une  efpèce 
particulière  &  différente  de  celle  de  ia 
creiîereiie. 

Quoique  cet  oifeau  fréquente  habi- 
tueliement  ies  vieux  bâtimens ,  ii  y 
niche  pkîs  rarement  que  dans  les  bois  ; 
&  iorfqu'il  ne  dépole  pas  fès  œufs 
dans  des  trous  de  murailles  ou  d'arbres 
ereux  ,  ii  fait  une  efpèce  de  nid  très- 
négligé  ,  compofé  de  bûchettes  &  de 
racines,  &  aflez  fembiabie  à  celui  des 
geais ,  fur  les  arbres  les  plus  élevés 
des  forêts  :  quelquefois  ii  occupe  aufîî 
les  nids  que  ies  corneilles  ont  aban- 
donnés; ii  pond  plus  fouvent  cinq 
œufs  que  quatre,  &  quelquefoij  iix  & 
même  iêpt ,  dont  les  ^Jeux  bouts  font 
teints  d'une  couleur  rougeâtre  ou  jau-- 
mire  ,  affez  femblable  à  celle  de    fon 

(h)  BrilTon,  tome  î,  jmge  //^e 


de  ta  Cre (fer elle*  j  j^ 

pîuiriage.    Ses  petits ,    dans  le  premier 
âge  ,  ne  font  couverts  que  d'un  duvet 
blanc  ;   d'abord  il  les   nourrit  avec  des 
in  levées ,   &  en  fuite  il  leur  apporte  d^s 
mulots   en   quantité   qu'il  aperçoit    iur 
terre  du  plus  haut  des  airs  où  il  tourne 
lentement,  &  demeure  fouvent  ftation- 
naire  pour  épier  Ion   gibier  fur  lequel 
il  fond  en  un  inftont  :  il   enlève  quel- 
quefois  une  perdri.K   rouge   beaucoup 
plus  pefante  que  lui  ;    fouvent  aufli  if 
prend  des  pigeons  qui  s'écanent  de  leur 
compagnie;   mais  fa  proie   la  plus  or- 
dinaire après  les  mulots  &  les  reptiles, 
font  les  moineaux  ,  les  pinçons  &  les 
autres  petits  oifeaux  :  comme  il  produit 
en  plus  grand   nombre  que  ia  plupart 
ôts  autres  oifeaux    de    proie  ,    l'efpèce 
eil  plus  nombreufe  &  plus  répandue  ; 
on   ia    trouve    dans   toute    l'Europe  , 
depuis  la  Suède  Ce)  jufqu'en  Italie  de 
en  E (pagne  ^^J;  on  la  retrouve  même 
dans  les  pays  tempérés  de  l'Amérique 

(c)  Linn.  Faun.  Suec.  n,°  6y» 

(d)  AIdroY,  AvU  tom.  I  ;  pag.  3  5  tf , 

C  iij 


[54  Hïjloire  Naturelle 

feptentrionaîe  (  e  ) '-  plufieurs  de  ces 
oifeaux  reftent  pendant  toute  l'année 
dans  nos  provinces  de  France  ;  cepen- 
dant j'ai  remarqué  qu'il  y  en  a  voit  beau- 
coup moins  en  hiver  qu'en  été ,  ce 
qui  me  fait  croire  que  plufieurs  quittent 
ie  pays  ,  pour  ailer  paffer  ailleurs  la 
înauvaifè  fàifon» 

J'ai  fait  élever  plufieurs  de  ces  oi- 
feaux dans  de  grandes  volières  ;  iis  font  ^ 
comme  je  l'ai  dit ,  d'un  très-beau  blanc 
pendant  le  premier  mois  de  leur  vie  ,. 
après  quoi  les  plumes  du  dos  deviennent 
roufTâtres  &  brunes  en  peu  de  jours  : 
ils  font  robuites  <&  aifés  à  nourrir  ;  ils 
mangent  la  viande  crue  qu'on  leur  pré- 
fente ,  à  quinze  jours  ou  trois  femaines 
d'âore  ;  ils  connoiffent  bientôt  la  perfonne 
qui  les  foigne  ,  &  s'apprivoifent  a(îez 
pour  ne  jamais  l'oifenfer  :  ils  font  en- 
tendre leur  voix  de  très-bonne  heure  ^ 
%L  quoiqu'ehfermés ,  ils  répètent  le  même 
cri  qu'ils  font  en  liberté  :  j'en  ai  vu 
s'échapper  &  revenir  d'eux-mêmes  à  la 

(§)  Hans  Sloane  ^  Jama'ic,  pag.  ^94.^ 


P/.nrp,u^c.S4. 


LA  CRESSERELLE  . 


de  la  Crefferelké  5  j 

Irolièré,   après  un  jour  ou  deux  d'ab- 
{^ncç^ ,  &  peut-être  d'abUinence  forcée. 

Je  ne  connois  pomt  de  variétés  dans 
cette  efpèce  que  quelques  individus  qui 
ont  ia  tête  &  ïes  deux  plumes  du  milieu 
de  ia  queue  grifes  ,  tels  qu'ils  nous 
font  repréfentés  par  M.  Friich  (planche 
LXXXYj;  mais  M.  Saierne  fait  men- 
tion d'une  crefTerelIe  jaune  qui  le  trouve 
en  Sologne ,  &  dont  les  œufs  font  de 
cette  même  couleur  jaune,  ce  Cette 
creflereile  ,  dit-il ,  eft  rare  ,  &  quel-  ce 
quefois  elfe  fe  bat  généreufement  es 
centre  îe  jean-ie-blanc ,  qui ,  quoi-  ce 
que  plus  fort ,  eft  fou  vent  obligé  de  ce 
lui  céder:  on  les  a  vus,  ajoute-t-il ,  ce 
s'accrocher  enfembîe  en  i'air  y  &  ce 
tomber  de  la  forte  par  terre  comme  ce 
une  motte  ou  une  pierre  :  >5  ce  fiit  me 
paroît  bien  ftiipedl;  car  i'oifeau  jean= 
le-blancefl  non-feuiement  très-iiipérieur 
à  la  creflereiîe  par  la  force  ;  mais  il  a 
îe  vol  &  toutes  les  allures  fi  différentes^ 
qu'ils  ne  doivent  guère  fe  rencontrer* 


mj 


5*^  Hifîolre  Natunlk 


*  LE  ROC  HIER  (a). 

Xj 'ois EAU  qu'on  a  nommé  fmîfen  de 
roche  ou  rochïer  ^  n'efi  pas  fi  gros  que 
ia  creflerelle ,  &  me  paroît  fort  fem- 
hlable  à  l'émériiion  ,  dont  on  fe  (èrt 
dans  la  fîiuconnerie  ;  il  fait  ,  diient  îes 
Auteurs,  ia  retraite  &  Ton  nid  dans  les 
rochers.  M.  Frilch  eiî  le  feul  avant 
nous  qui  ait  donné  une  bonne  indi- 
cation de.  cet  difeau ,  &  Ton  peut  com- 
parer dans  Ton    ouvrage  ,  ia  iigure  du 

*  Voyci  ks  planches  enluminées ,  n,*  447. 

(a)  Litho-fakus,  Gefncr  ,  Avi.  pag.  75, 
—  Falco  Ir.pidayhis.  Aidi'ov.  AvLxom.  I ,  parj.  499, 
"  —  Dendro-fako  five  ftmr-uy„  Éniériilon,  FriCch  , 
•planche  LXXXVlI,  avec  une  figure  coloriée. —  Le 
faucon  de  roche  ou  Rochier.  BrifTon  ,  Ormthoh 
tome  I,  paj/e  ^49.  JW'W.  Il  me  paroît  qu'on 
doit  rapporter  à  cette  efpèce  le  faucon  de  mon- 
tagne cendré;  BrifTon,  tome],  pa^e  ^JS'  ^^ 
\&  Fafccnis  momani  fecundum  genus  d'AIdrovande , 
Avi.  tom.  ï ,  pag.  79  ;  &  que  ces  Auteurs  ont 
fait  un  double  emploi  en  féparant  ces  deux  efpèceî 
d'oileaux. 


'du  Rochier.  57^ 

rochier  ,  'planche  lxxxvii  ,  avec  fa 
nôtre ,  &  aufîi  avec  les  crefTerelIes  mâle 
&  femeile ,  qui ,  tomes  trois  font  afîez 
bien  rendues  ;  leurs  rapports  de  reiïem- 
blance  &  de  différence  ,  font  encore 
mieux  exprimés  dans  nos  planches  en- 
luminées ;  en  confidérant  attentivement 
la  forme  &  ies  caradères  de  cet  oifeau , 
&  en  les  comparant  avec  la  forme  & 
les  caradères  de  i'efpèce  d'émériilon  , 
dont  on  fe  fert  dans  la  fauconnerie  *  , 
nous  fommes  très  -  portés  à  croire  que 
le  rochier  &  cet  émérillon  font  de  la 
même  efpèce ,  ou  du  moins  d'une 
efpèce  encore  plus  voifme  i'une  de 
l'autre ,  que  de  celle  de  ia  crefferelle. 
On  verra  dans  l'article  fuivant ,  qu'il 
y  a  deux  efpèccs  d'émérillons  ,  dont 
la  première  approche  beaucoup  de 
celle  du  rochier ,  &  la  féconde  de  celle 
de  la  crefTerelle  :  comme  tous  ces 
oifeaux  font  à  peu  prèis  de  la  même 
taille,  du  même  naturel,  &  qu'ils  va- 
rient autant  &  plus  par  le  fexe  &  par 
l'âge,  que  par  la  différence  des  efpèces^ 
*  Yo)'ti  h  planches  tnluminécs,  n.°  4^8. 

Cy 


13  8      Hîflohe  Naturelle,  érC 

il  eft  très -difficile  de  les  bien  recoii- 
noître,  &  ce  n'eft  qu'à  force  de  corn- 
paraifons  faites  d'après  nature,  que  nous 
iommes  parvenus  à  ies  dilUnguer  ki 
uns  des  autres. 


'f9 


^L'EMERIl.LON(a), 

Voyei  planch  V  de  ce  volume. 

X-i 'oiseau  dont  il  eft  ici  qiienîon  ;. 
n'efl  point  i'émériilon  des  Naturaiilies ,. 
mais  i'émériilon  des  Fauconniers  ^  qui 
n'a  été  indiqué  ni  bien  décrit  par  aucun 
de  nos  Nomenclateurs  ;  cependant  c'eft 
le  véritable  émériKon  dont  on  fe  fsrt: 
tous  les  jours  dans  la  fauconnerie ,  & 
que  l'on  dreffe  au  vol  pour  la  chafTe  ; 
cet  oiieau  e(t ,  à  l'exception  des  pie- 
-grièches ,  le  plus  petit  de  tous  les  oifeaux 
de  proie  ,  n'étant  que  de  la  grandeur 

.*  Voyei  ks  plancher  enluminées  ,  n°  ^6'>à,- 

(a)  En  Grec  ,-  A'/cuAii)»',  quoi  onmi  tempors 
appareat  ;  en  Latin  ,  /Efalo ,  en  Italien  ,  Smerh  ^ 
ou  Smeriglio  ;  en  Allemand ,  JVIyrle  oa  Smyrlm ,» 
en  Pologn€,  Orjemlik  ;  en  Angiois  ,  Alerlin  ;  sx\ 
ÉœfTe  on  appelle  le  naâie,  Jach;  en  vieux  François^ 
JLoy^tte  :  en  quelques  provinces  de  France ,  Polft- 
lier  ,  Preneur  de  Paffe  ou  Pafferets,  —  The  MerUïï^- 
Brkifch   Zoology,  pi,  j^  i  a»  -=~  Frifch  ^  wmt  /j^ 


^6o  Hîjlohe  NatmeUe 

d'une  groiï'e  grive ,  néanmoins  on  doit 
ie  regarder  comme  un  oifeau  noble,  & 
qui  tient  de  plus  près  qu'un  autre  à 
l'eipèce  du  fliucon  ;  il  en  a  le  plu- 
mage (b ),  la  forme  &  l'attitude;  il  a 
ïe  même  naturel ,  la  même  docifité ,  & 
tout  autant  d'ardeur  &  de  courage  :  on 
peut  en  faire  un  bon  oifeau  de  chafîè 
pour  les  alouettes,  les  cailles,  &  même 
îes  perdrix  qu'il  prend  &  traiifj)orte , 
quoique  beaucoup  plus  pelantes  que 
iui  ;  fouvent  il  les  tue  d'un  feul  coup, 
en  les  frappant  de  l'ellom^ac,  fur  la  tête 
ou  fur  le  cou. 

Cette  petite  efpèce,  fî  voifîne  d'aîi- 
îeurs  de  celle  du  faucon  par  ie  courage 
&  le  naturel  ( c) ,  reflemble  néanmoins 
plus  au  hobreau  par  la  figure,  &  encore 
plus  au  rochier  ;  on  le  diftinguera  ce- 
pendant du  hobreau  ,  en  ce  qu'if  a  les 

(h)  Nota,  If  reffembfe  en  effet  par  les  nuances 
&  la  diftribution  des  couleurs  au  faucorr-fors, 

(cj  Plufîeurs  Auteurs  ayant  fait  fa  remarque  cfe 
îa  conformité  de  I  émérifion  avec  Je  faucon,  font 
appelé /^f"//'  faucon ,  filo,  parinis  merlinus,  Schwenck- 
leld,  Avi.Sil.  pag.  ^49. —  FakoneIkst'Rz&ç»  Auifl^ 
mih  nat»  FoU  pag.  3  5^. 


2e  ÏÉmertllofl:  ^€t\ 

aîles  beaucoup  plus  courtes ,  <5c  qu'elles 
ne  siétendent  pas  à  beaucoup  près  (uf- 
qu'à  l'extrémitié  de  la  queue,  au  liea 
que  celles  du  hobreau    s'étendent  ua 
peu  au-delà  de  cette  extrémité  ;  mais, 
.comme  nous  l'avons  déjà  fait  fentir  dans 
l'article   précédent  ,    Tes    reiïembiances 
avec   le  rochier  font    fi  grandes,  tant 
pour  ia  groiïeur  &  la  longueur  du  corps, 
ia  forme  du  bec,  des  pieds  &  des  ferres^ 
les  couleurs  du  plumage ,  la  diftribution 
des  taches ,  &c ......  .   .  qu'on  feroit 

très -bien  fondé  à  regarder  ie  rochier 
comme  une  variété  de  rémérilion,  ou 
du  moins  comme  une  efpèce  fi  voifine, 
qu'on  doit  fufpendre  fon  jugement  fur 
la  diverfité  de  ces  deux  elpèces  :  aiî 
refte ,  i'émériflon  s'éloigne  de  l'efpèce 
du  faucon  &  de  celle  de  tous  les  autres 
oifêaux  de  proie  ,  par  un  attribut  qui  k 
rapproche  de  la  clafTe  commune  des 
autres  oi féaux  ;  c'efl  que  le  jn aie  &  ia 
femelle  font  dans  l'émérillon  de  la  même 
grandeur,  au  lieu  que  dans  tous  les  aiures 
oiièaux  de  proie  ,  le  mâle  eft  bien  plus 
petit  que  la  femelle  :  cette  fingularité  ne 
tient  donc  point  à  leur  manière  de  vivre^. 


'6i  Hiphe  NaînreUe 

ni  à  rien  de  tout  ce  qui  diftingue  îes 
oifeaux  de  proie  des  autres  oifeaux  ;  elle 
iêmbieroit  d^abord  appartenir  à  ia  gran- 
deur ,  parce  que  dans  ies  pie-grièches  y 
qui  font  encore  plus  petites  que  ies  émé- 
riilons ,  le  mâle  &  la  femeile  font  aufîi 
de  la  même  grofîeur  ;  tandis  que  dans 
ies  aigles ,  ies  vautours  ^  ies  gerfauts , 
les  autours ,  ies  faucons  &  ies  éperviers , 
ie  mâle  eft  d'un  tiers  ou  d'un  quart  plus 
petit  que  la  femelle.  Après  avoir  ré— 
fîéciii  fur  cette  fingularité  ^  &  reconnu 
qu'elle  ne  pouvoit  pas  dépendre  des 
caufes  généraies  ,  j'ai  reclierché  s'il  n'y 
en  avoit  pas  de  particulières  auxquelles 
on  pût  attribuer  cet  effet  ;  &  j'ai  trouvé 
€n  comparant  les  paffages  de  ceux  qui 
ont  diiTéqué  des  oifeaux  de  proie,  qu'il 
y  a  dans  la  plupart  des  femelles  un: 
double  cœcum  aiïez  gros  &  aifez  étendu  f 
tandis  que  dans  les  mâies  il  n'y  a  qu'un 
tœciim  ,  &  quelquefois  point  du  tout  i 
cette  différence  de  la  conformation  in- 
térieure ,  qui  fe  trouve  toujours  en  plus 
dans  les  femelles  que  dans  ies  mâles  ^ 
peut  être  la  vraie  caufe  phyfique  de  leur 
=iixcès  €n  grandeur,  Je  iaiffe  aux  gea^ 


"^àe  ÏÉmérûlohl-  <?  J 

-qui  s'occupent  d'anatomie  à  vëiifierplus 
exacflement  ce  fait ,  qui  feul  m'a  paru 
prof)re  à  rendre  raifon  ^de  la  fupe'riorité 
-de  grandeur  de  la  femelle  fur  le  mâle  j. 
dans  prefque  toutes  les  efpèces  des 
grands  oifeaux  de  proie. 

L'émcrillon  vole  bas ,  quoique  très.- 
vite  &  très-légèrement,  il  fréquente  les 
bois  &  les  buiiîbns  pour  y  faifir  les  peiits 
oilèaux  ,  &  chaffe  feul  fans  être  ac- 
compagné de  fa  femelle  ;  elle  niche  dans- 
les  forêts  en  montagnes ,  â:  produit 
cinq  ou  lix  petits. 

Mais  indépendamment  de  cet  émé-* 

rillon  dont  nous  venons  de  donner  l'hif- 

^toire  &  la  repréfèntation ,  il  exifle  une 

autre  efpèce  d'émérillon  mieux  connue 

[des   Naturalises  5    dont    AI,-   Frifch   a 

I  donné  la  figure  (planche  LXXXîx) ^ 

i&  qui  a  été  décrit  d'après  nature  par 

|-'M.  Briffon  ,  tome  I ,  page  ^82:  cet 

!  -émériilon   diffère  en  effet  par  un  affez 

-^rand  nombre  de  caradères  de  i'émé» 

!  riilon  des  Fauconniers  ;  il  paroît  même 

-approcher  beaucoup  plus   de  Telpèce 

:  de  ia  crefferelle,   du  moins  autant  qu'il- 

\  nous   eft   permig    d'en   juger   par  la 


'^4  Hljîoke  Naturelle 

repréfentation  ,  n'ayant  pu  nous  le  prô-^ 
curer  en  nature  ;  mais  ce  qui  femble 
appuyer  notre  conjedure  ,  c'eft  que  les 
oifeaux  d'Ame'rique  qui  nous  ont  été 
envoyés  fous  les  noms  d'émérlllon  de 
Cayenne  ^ ,  &  émérillon  de  Saint- Domin" 
gue  ^ ,  ne  nous  paroifTent  être  que  des 
variétés  d'une  feule  efpèce ,  &  peut- 
être  l'un  de  ces  oifeaux  n'eft-il  que  le 
mâle  ou  la  femelle  de  l'autre  ;  mais 
tous  deux  reiïemblent  fi  fort  à  l'émé- 
rîllon  donné  par  M.  Frifch,  qu'on  doit 
les  regarder  comme  étant  d'efpèces  très- 
voifjnes  ;  &  cet  émérillon  d'Europe  , 
auiïi-bien  que  ces  émériiions  d'Amé- 
rique dont  les  cfpèces  font  fi  voifînes, 
paroitront  à  tous  ceux  qui  les  confi- 
dèreront  attentivement  beaucoup  plus 
près  de  la  creflerelie  que  de  l'émérillon 
des  Fauconniers  :  ii  fe  peut  donc  que 
cette  elpèce  ait  pafTé  d'un  continent  à 
l'autre;  &  en  effet  M.  Linnoeus  fait 
mention  des  crefTereiles  en  Suède,  <Sc 
ne  dit  pas  que  les  émériiions  s'y  trou- 
vent )    ceci   femble    confirmer   encore 

'  Voyei  les  planches  enluminées  ^  n,°  ^^^^ 


de  l'ÉniérilIou:  êf 

notre  opinion ,  que  ce  prétendu  cmé- 
rilion'des  NaturaiLiles  n'efl:  qu'une  va- 
riété, ou  tout  au  pius  une  elpèce  très- 
voifine  de  celle  de  la  creflereile  ;  on 
pourroit  même  lui  donner  un  nom  par- 
ticulier ,  Il  on  vouloit  la  didinguer,  foit 
de  l'éinérilion  des  Fauconniers,  foit  de 
la  cre/l'erelle  ,  &  ce  nom  fer  oit  celui 
qu'on  lui  donne  dans  les  îies  Antilles. 
et  L'émériilon  ,  dit  le  P.  du  Tertre , 
que  nos  hai^iîans  appellent  gry  gry ,  c< 
à  caufe  C|u'en  volant  il  jette  un  cri  ce 
qu'ifs  expriment  par  ces  fyllabes  gry  c< 
gry,  e(ï  un  autre  petit  oifeau  de  proie  « 
qui  n'elt  guère  plus  gros  qu'une  ce 
grive  ;  il  a  toutes  les  plumes  de  deiTus  ce 
5'e  dos  &  des  ailes  roufîts  ,  tachées  c< 
de  noir,  &  le  deiïbus  du  ventre  blanc,  « 
moucheté  d'hermine  ;  il  efl:  armé  de  ce 
bec  &  de  griffes  à  proportion  de  fa  «c 
grandeur  ;  il  ne  fait  la  chafîe  qu'aux  ce 
petits  lézards  &  aux  fauterelles  ,  &  ce 
quelquefois  aux  pe.its  poulets  quand  ce 
i  ils  font  nouvellement  éclos;  je  leur  en  ce 
ai  fiit  lâcher  plufieurs  fois  ,  ajoute-t-il  ;  ce 
la  poule  fe  défend  contre  lui  Ôl  lui  «< 


'6  6      Hijîoire  Naturelle ,  &c, 

»  donne  la  chafîe  ;  les  habitans  en  maiï-r 
gent ,  mais  il  n'efl:  pas  bien  gras  (^d):>:>, 

La  relTemblance  du  cri  de  cet  éme'- 
rillon  du  P.  du  Tertre  (e),  avec  le  cri 
de  notre  crefTerelIe  eft  encore  un  autre 
indice  du  voifinage  de  ces  efpèces  ;  & 
il  me  paroît  qu'on  peut  conclure  afTez 
pofitivementque  tous  cesoifeauîi  donnés 
par  ies  Naturaiifles ,  fous  les  noms  d'é-* 
mêrîllon  cF Europe ,  émérïllon  de  la  Caroline 
ou  de  Cayenne  ,  Se  êmérillon  de  Saint^ 
Domingue  ou  des  Antilles,  ne  font  qu'une- 
varie'té  dans  i'efpèce  de  la  crefferelie  à 
laquelle  on  pourroit  donner  le  nom  de 
gry  gry  pour  la  diftinguer  de  la  cr efle-^ 
relie  commune. 

( d)  Hifî.  nat.  des  Antilles,  par  le  Pèie  é$ 
^Tertre,   tome  II ,  pages  2j^  îr  ^j^. 

(e)  l^ota.  Le  cri  de  ia  crefFereile  eu  prï  pn,  ce 
qui  ap}-»roche  beaucoup  de  giy  gry,  qui  ed  ie  nome 
qu  on  doniie  aux  Antiiies  à  cet  oifeau  à  caufe  de 
foiî  cri. 


TL  T^'  pa,/.  oh' 


l'emerii.liox 


LES     . 

PÏE-GRIECHES. 

i  v-rf  ES  oileaux,  quoique  petits,  quoi^ 

que  délicats  de  corps  <&  de  membres, 

,  doivent  néanmoins  par  ieur   courage  , 

I  par  leur  large  bec ,  fort  &  crochu  ;   & 

j  par  leur  appétit  pour  la  chair ,  être  mis 

i  au  rang  des   oileaux  de  proie  ,   même 

I  des  plus  fiers  &  des  plus  fanguinaires  ; 

I  on  eft  toujours  étonné  de  voir  i'intré- 

1  pidité    avec  laquelle    une    petite   pie- 

j  grièche   combat   contre    les  pies  ,    les 

I  corneilles ,  les  crefîerelles ,  tous  oileaux 

I  beaucoup    plus    grands    &    plus  forts 

I  qu'elle;  non- feulement  eHe  combat  pour 

j  ic  défendre  ,  mais  fouvent  elle  attaque  ^ 

i  &  toujours  avec  avantage  ,    fur  -  tout 

I  lorfque  le  couple  fe  réunit  pour  éloigner 

i  de  leurs  petits  les  oifeaux   de  rapine  ; 

elles  n'attendent  pas  qu'ils  approchent  ^ 

H  fuffit  qu'ils  pafTent  à  leur  portée,  pour 

qu'elles  aillent  au-devant  ;  elles  les  atta« 

^uent  à  grande  cris  ^    ieur   font  df3 


éB  Hipoke  Naturelle 

bleffures  crudies  ,   &  les  '  chaJfTent  iti 
tant  de  fureur  ,    qu'ils   fuient  fouvni 
iàns  ofer  revenir  ;    cl  dans  ce  coiT^at 
inégal  contre  d'auffi  grands  ennéiis, 
\\  eit  rare  de  ïes  voir  fuccomber  fouJa 
force  ,  ou  fe  iaifier  emporter  ;   ii  arik 
feulement  qu'elles  tombent  quelque  jis 
avec  i'oifeau  contre  iequei  elles  (è  iat 
accrochées  avec  tant  d'acharnement,  cie 
ie  combat  ne  finit   que  par  ia  chute^ 
ia  mort  de  tous  deux  ;  auffi  les  oife^x 
de  proie  les  plus  braves  les  refpec^eii; 
ies  milans,  (es  bufes ,  îes  corbeaux  jj- 
roillènt  les  craindre   &   les   fuir  plujt 
que  les  chercher  ;  rien  dans  la  Natip 
ne  peint  mieux  ia  puiffance  &  les  drcf 
du  courage,    que  de  voir  ce  petit  cL 
feau  qui  n'efl  guère  pius  gros  qu'us 
alouette,  voier  de  pair  avec  ies  épervie  L 
îes  faucons  &  tous  les  autres  tyrans  \ 
i'air,  fans  fes  redouter  ;  &  chafler  da: 
îeur  domaine,    fans  craindre  à'^w  et 
puni  ;    car  quoique  les  pie-grîèches 
nourriiïent    communément    d'infet^e^ 
elles  aiment  la  chair  de  préférence  :  ell< 
pourfuivent  au  vol  tous  les  petits  o 
féaux  ;  oaea  a  YU  prendre  desperdreai] 


'iJes  Pk-gnèches,  6^^ 

de  Jeunes  fevreaux  ;  les  grives ,  les 
îrles ,  &:.Ies  autres  oifeaux  pris  au  lacet 
au  piège ,  deviennent  leur  proie  I:i 
^  ordinaire  ;  elles  les  fairifTent  avec 
\,  ongles ,  leur  crèvent  la  tête  avec  le 
c ,  leur  ferrent  &  déchiquètent  le 
[« ,  &  après  les  avoir  e'trangle's  ou 
j-és  ,  elles  les  plument  pour  les  manger, 
l  dépecer  à  leur  aile ,  &  en  emporter 
jns  leur  nid  les  débris  en  lambeaux. 
j  Le  genre  de  ces  oifeaux  eft  compofe 
[m  affez  grand  nombre  d'efpèces  ; 
Liis  nous  pouvons  réduire  à  trois  prin^ 
.:)ales  c£ux  de  notre  climat,  Ja  pre^ 
ère  efl  celle  de  la  pie-grièche  grife , 
(econde  celle  de  la  pie-grièche  roufTe , 
la  troifième  celle  de  la  pie-grièche  ap- 
lée  vulgairement  Vécorcheur.  Chacune 
\  ces  trois  efpèces  mérite  une  defcrip- 
n  particulière ,  &  contient  quelques 
riétés  que  nous  allons  indiquer» 


y^  'Hfloke  Naturelle 


L  A 


PIE^GRIÈCHE  GRISE  fa^ 


Voye^  la  planche  VI  de  ce  voh 


urne. 


ETTE  Pie-grièche  grife  *  eft  très 
commune  dans  nos  provinces  de  Frana 

(û)  En  Grec  moderne,  KcMug/it^v  ;  en  Latin 
Lanius  ;  en  Italien ,  Gaia  fperviera ,  Falcontlk 
Orejh ,  Caflrica,  Ver/a,  Srragaiiina,  J^aganoia 
en  Sa\'oie  ,  A'Iontagafe ,  Arneat  ;  en  Bourgogne 
Foiichari  ou  Bouchari ,  mot  qui  vient  de  l'Angloi 
Butchev ,  Buîchery ,  qu'on  prononce  en  Franco 
Boutchtr ,  Boutcheryy  Boucher ,  Boucherie  ;  en  AHl 
mand,  Thom-Iùef^er  y  Thorn  -  Tracer  ;  Walut  -  ht 
Warkengel;  Nun-maerder,  Nun-îoeder;  en  Polonoi 
d'Zieri(ba,  Sirokos ,  Wîekfiy ;  en  Suède,  Wa\ 
fogeî  ;  enAnglois,  Butcher-bird ,  Adder-bird,  Aiù 
"togafer — Lanius  Cimreus.  Gefner,  Avi.  pag.  57J 
Curn  icône  maris, —  Collurio.  Aldrov^  Avi,  tom.  I 
pag.  389.  Cum  icône  fmnincz,  —  Grande  Vit 
grièchc,  Beion ,  Hifl*  nat.  des  Oifeaux ,  page  i  2  6^ 
fg,  page  127,  —  Caflrica  palumbina.  Olina 
pag.  4-1  ,  avec  une  figure.  —  Grand  Écorcheu 
cendré.  Aîbin  ,  loim  11  ^  page  f ,  avec  une  fîguri 
coloriée,  planche  Xlll.  —  Lanius  médius  feu  fecundus 
Pica  medicz  inagniiudinis^  Frirch  ,  tab.  L  X»  Icont; 
maris  &  faiminœ, 

^  y<^'^  l^s  ]}lamhes  enluminées t  n.®  ^^^,f 


^de  la  Pie-grièclie  gnfe,        y  t] 

i5t  paroît  être  naturelle  à  notre  climnt, 

car  elle   y  pafTe  l'hiver  &  ne  le   quitte 

sn  aucun  temps  ;   elle  habite  les  bois  & 

les  montagnes  en   été ,  ^   vient   dans 

les   plaines  &   près  des  habitations  en 

hiver  ;    elle   fait  Ton  nid  fur  les  arbres 

[es   plus  élevés  des  bois   ou  des  terres 

n  montagnes  ;  ce  nid  eft  compolé  au 

iehors    de   moufTe    blanche  entreîafTée 

3'herbes  longues,    &  au  dedans  il  eft 

mx\  doublé   &  tapiiïe   de  laine  ;  ordi- 

lairenient  il  eft  appuyé  fur  une  branche 

double  &  triple  fourche  ;   la  femelle 

:[ui  ne  diffère  pas  du  mâle  par  la  grof- 

,eur ,  mais  feulement  par  la  teinte  des 

:ouleurs  plus  claires  que  celles  du  mâle , 

ond  ordinairement  cinq  ou  fix  &  quel^ 

(uefois    fept  ,    ou    même    huit    œufs 

Tos   comme   ceux  d'une  grive  ;    elle 

ourrit  fes  petits  de  chenilles  &  d'autres 

ilêcles  dans  les  premiers  jours ,  &  bien- 

5t  elle  leur  fait  manger  de  petits  mor- 

eaux   de    viande    que   leur   père  leur 

pporte  avec  un  foin  <Sc  une  diligence 

dmirables  ;    bien   différente   des  autres 

ifeaux  de  proie  qui  chaffent  leurs  petits 

^Aiit  qu'ils  foisat  en  état  de  fe  pour'wfeil^ 

L. 


^2  FTîflotre  Naturelle 

d'eux-mêmes,  la  pie-grièche  garde  «Se 
foigne  les  Tiens  tout  le  temps  du  premier 
âge,  ôa  quand  ils  font  adultes,  elle  ies 
loigne  encore  ;  ia  famiîle  ne  fe  fépare 
pas ,  Oii  les  voit  voier  enfemble  pendant 
Fautomne  entier ,  <&  encore  en  hiver , 
fans  qu'ils  fe  réuniiîent  en  grandes 
troupes  :  chaque  famille  fait  une  petite 
bande  à  part ,  ordinairement  compofe'eg 
du  père,  de  ia  mère  &  de  cinq  ou  fix 
petits  ,  qui  tous  prennent  un  inte'rêt 
coinmun  à  ce  qui  leur  arrive,  vivent 
en  paix  ,  &  chaiïènt  de  concert,  jufqu'à 
ce  que  ie  fentiment  ou  ie  befoin  d'a- 
mour, plus  fort  que  tout  autre  fenti- 
ment ,  détruifè  les  liens  de  cet  attache- 
ment, &  enlève  les  enfans  à  leurs  parens  ; 
ia  famille  ne  fe  fe'pare  que  pour  en 
former  de  nouvelles.  \ 

II  eft  aifé  de  reconnoître  ies  pie- 
grîèches  de  loin ,  non-fèulement  à  caufè 
de  cette  petite  troupe  qu'elles  forment 
après  le  tem^ps  des  nichées ,  mais  encore 
à  leur  vol  qui  n'eft  ni  dired ,  ni  oblique 
à  ia  même  hauteur,  &  qui  ie  fait  tou-i 
jours  de  bas  en  haut ,  &  de  haut  en  ^ 
bâs^  alternativement  &  précipitamment; 


'delà  Pie-gnèchè  gAfè.       yf 

en  peut  aufîi  ies  reconnoître ,  fans  ies 
voir,  à  leur  cri  aigu  troui  tfôu'i ,  qu'on 
entend  de  fort  loin  ,  &  qu'elles  ne 
cefîent  de  répéter  loriqu'eiles  font  per- 
chées au  lonimet  des  arbres. 

II  y  a  dans  cette  première  elpèce, 
variété  pour  la  grandeur,  &  variété 
pour  la  couleur  :  nous  avons  au  Cabinet 
une  pie-grièche  qui  nous  a  été  envoyée 
d'Italie,  &  qui  ne  diffère  de  la  pie- 
grièche  coinmune,  que  par  une  teinte 
de  roux  fur  la  poitrine  &  le  ventre  *; 
on  en  trouve  d'abioiument  blanches 
dans  les  Alpes  (b),  Si  ces  pie-grièches 
blanches,  aufTf -bien  que  celles  qui  ont 
une  teinte  de  roux  lur  le  ventre ,  font  de 
îa  jiiême  grandeur  que  la  pie-grièche 
grife,  qui  n'eft  elle-même  pas  plus  grofî^ 
que  le  mauvis  (  c) ,  autrement  la  griye^ 

*   f''<y^  les  planches  enluminées,  n.°  -2,1  .figure  ri 

fh)^  Lan'ius  alhus.   Aldrov.  Avï,  tom,   I ,  pagi 
3  87.    Cutn  kone. 

(c)  Lunius  major,  GtCnev ,  Âri.  pag.  581; 
Cum  icône,  —  fica  churea  feu  lanius  major,  Frifch  , 
tûb.  Lix,  avec  àts  figures  coloriées  du  mâie  &  dç 
ia  femeife. 

Oifeauxj  Tome  IL  D 


74  I^ïftoire  Naturelle 

mauviette  (d);  mais  il  s'en  trouve  d'ajatres 
en  Ailemagne  &  en  SuilTe  qui  font  un 
peu  plus  grandes ,  &  dont  quelques  Na- 
turalifles  ont  voulu  fîiireune  elpece  par- 
ticulière ,  quoiqu'il  n'y  ait  aucune  autre 
diiïéfence  entre  ces  oifeaux  que  celle  d'un 
peu  plus  de  grandeur ,  ce  qui  pourroit 
bien  ])rovenir  de  la  nourriture,  c'efl-à- 
dire,  de  l'abondance  ou  de  la  difette 
des  pays  qu'ils  habitent;  ainii  la  pie- 
grièche  grife  varie ,  même  dans  nos 
climats  d'Europe,  par  la  grandeur  & 
par  \^i  couleurs  :  on  ne  doit  donc  pas 
être  furpris  fi  elle  varie  encore  davantage 
dans  des  climats  plus  éloignés ,  tels  que 
ceux  de  l'Amérique,  de  l'Afrique  &  des 
îiides  ;  la  pie-grièche  grife  de  la  Loui- 
.fiane*5  ell  le  même  oifeau  que  la  pie- 

(à)  Nota,  Eiie  diffère  de  la  première  en  ce 
ciielle  eft  plus  grande  &  plus  crroffe,  &  en  ce 
qu'eîJe  a  les  pîumeî  fcapuiaires  &  les  petites  cou- 
vertures du  deffiis  des  ailes  d'une  couieur  rouflâtre  ; 
mais  comme  elle  reffemble  par  tout  ie  refle  à  ia 
pie-grièche  commune  ,  ct%  diiterences ,  qui  peut- 
être  ne  font  pas  générales  ni  bien  confiantes  ,  ne 
nous  paroiflent  pas  (uffifantes  pour  établir  une 
efpèce  diftind:e  &:  féparée  de  la  première. 


de  la  Pie-gnèchc  grijc.        7  J 

gricche  grife  d'Euro i[)e  ,  de  kiqiieîle  elle 
paroît  différer  aulii-pcu  que  la  pie- 
grièche  d'Italie  ;  on  n'y  reniarqueroit 
même  aucune  difFiTence  bien  Tcnilble  , 
fi  elle  n'étoit  pas  un  peu  plus  petite 
ÔL  un  peu  plus  ïonc^t  de  couleur  iur 
k;i  parties  Ibpéricures  du  corps. 

La  pie-giièche  dii  cap  de  bonne- 
Efptrance''  (e) ,  la  pie-gricche  grife  du 
Sénégal^   &:  la  pie -grièche    bieue  de 

*  Vi>y(ri  les  y! anches  enluminées,  n.^  477»  fg^ii'^  t  » 
(e)  Nota,  C'eft  à  cette  efpèce  qu'on  doit  auffi 
rapporter  1  oi'eau  des  Inàcs  orientales ,  que  les 
Anglois  qui  fréquentent  les  côres  de  Bengale  ont 
appelé  Dial-hird  (  l'horloge  ou  ie  cadran  )  ,  &  qui 
a  été  indiqué  par  Albin  ,  tome  II! ,  page  8 ,  avec 
àçi>  figures  coloriées  du  maie  ( yl,  XVIlJ ,  &  de 
ia  femelie  { pL  XVI II):  <«  cette  pie  grièche,  dit-il , 
ert  grande  à  peu  près  comme  notre  pie-grièche  (t 
grife ,  avec  ie  bec  noir ,  les  coins  de  la  bouche  « 
jaunes,  l'iris  àt^  yeux  de  la  même  couleur,  les  •: 
jambes  &  les  pieds  hruns:  le  mâle  a  la  tête,  le  «. 
cou  ,  le  dos  ,  le  croupion  ,  les  couvertures  du  <e 
defîus  de  la  queue  ,  les  plumes  fcapuiaires,  ïa  « 
gorge  &  la  poitrine  noires;  le  ventre,  les  côtés  «. 
&  les  couvertures  du  delfous  de  la  queue  blanches;  v. 
toutes  les  plumes  de  la  queue  également  longues,  « 
noires  en  de iïus  &  blanches  en  defTous  :  la  femelle  *« 
ne  diiîère  du  mâle  qu'en  ce  que  les  couleurs  foni  « 
moins  foncées  ». 

è  Voyei^  les  ykncks  enluminas,  n.°  297,  /^.  /,' 

Di; 


•7"^  'Bîjlohe  Ndîurelîe 

Madagafcar*,  font  encore  irois  variétés 
^îrès-vôirines  l'une  de  i'autre,  &  appar- 
tiennent également  à  l'eTpèce  commune 
,de  ia  pie-grièche  grife  d'Europe  ;  celle  du 
Cap  ne  diffère  de  ceiie  d'Europe  qu'en 
-Ce  qu'elfe  a  toutes  les  parties  lupérieures 
,du  corps  d'un  brun -noirâtre;  celle  du 
Sénégal  les  a  d'un  brun  plus  clair,  & 
.celle  de  Madagafcar  a»ces  mêmes  parties 
d'un  beau  bleu  ;  mais  ces  différences 
,dans  la  .couleur  du  plumage ,  tout  -le 
refle  étant  égal  &  femblabie  d'ailleurs, 
ne  luffiient  pas  à  beaucoup  près  pour 
,en  faire  des  efpèces  diftinifes  &  féparées 
de  la  pie-grièche  commune.  Nous 
donnerons  plufieurs  exemples.de  chan- 
gemens  de  cpulevir  tout  auiîi  grands 
dans  d'autres  oifeaux,  même  dans  notre 
climat;  à  plus  forte  raifon  ;  ces  chan- 
gemicns  doivent-ils  arriver  dans  des 
.^rlim.ats  difïerens  &  aufîî  éloigné:  les 
.uns  des  autres  :  l'influence  de  la  te.  • 
.rature  fe  marque  par  des  rappor 
-dts  gens  attentifs  ne  doivent  pas  ...i.ier 
réchapper  ;  par  exemple ,  nous  tn 
ici  que  la  pie  -  grièche  étran^. 


X.A  PIE-GRIEGETE  GRISE 


'i^ie^h  Pie-grîèche  gnfe.        jj 

Feflenibie  le  plus  à  notre  pie-grièch^ 
d'Italie,  ell  celle  de  la  Loiiiiiaiie  :  or 
ta  température  de  ces  deux  climats  n'cfl:' 
pas  "fort  illégale ,.  &  nous  trouvons  mi 
contraire  que  celle  dja  Cap,  du  Sé- 
négal &  de  Madagalcar  reflemble  moins  ,< 
parce  que  ces  climats  (ont  en  effet  d'une 
température  très  -  différente  de  celle 
d'Italie. 

Il  en  cfl  de  même  du  climat  de 
Cayenne ,  où  la  pie-grièche  prend  un 
pluinage  varié  ou  rayé  de  longues 
taches  brunes*;  mais  comme  elle  eu. 
de  la  même  grandeur  que  notre  pie^ 
grièche  grife,  &  qu'elle  lui  reffemble- 
à  tous  autres  égards ,  nous  avons  crti 
pouvoir  ia  rapporter  avec  fondenienî^à> 
cette  ef[:)èce  commune. 

2'"  V'iy£i  ks  planches  enluminks,  n,°  ^^Ja 


p  iç 


7'8  fliflolre  NaîîireJle 

LA  '         ■ 

PIE-€RIECHE  ROUSSE  (a). 

V>ETTE  Pie-grièche  roiifTe*  efl  un 
peu  plus  petite  que  la  grifc,  &  trèi- 
aiiée  à  reconnoure  par  îe  roux  qu'elle 
a  fur  îa  tête ,  qui  eil  quelquefois  rouge 
&  ordinairement  d'un  roux  vif;  on  peut 
aufïi  remarquer  qu'elle  a  ies  yeux  d'un 
gris  biitn châtre  ou  jaunâtre;  au  lieu  que 
ia  pie-giièche  griie  ies  a  bruns  ;  elie  a 
aufîi  ie  bec  &  ies  jambes  plus  noires  : 
ie  naturel  de  cette  pie-grièche  roulTe 
cil  à  très -peu  près  le  même  que   celui 

(a)  Coïkr'tonls primum  geniis.  AfJrov.  AvL  tom.  I, 
|>ag.  389.  Cnm  icône  maris,  —  Ecorcheur  à  tête 
ronge.  Albin,  tome  11,  pn^e  1  o ;  avec  une  fi^^ure 
coloriée  du  vcv^^t,  planche  XVI ...  ,  Pctii  Ecorcheur 
femeiie,  pUyic^t  XV,  —  Pic  a  minima  ;  Lanius 
tninor  feu  lerïiwi,  \-i'vx\\,  mh.  LXI,  avec  des  figures 
coloriées  du  mâle  &  de  k  femelle.  —  Ampcîis  dorfo 
grifeo  macula,  ad  oculos  longirudiriali  (fœmina).  Lirin. 
Faun.  Suec.  tab.  2  ,  t\.°  \  80.  —  Lanius  ruj'us.  La 
Pie-grièche  rouiTe,  BrifTon ,  icme  U ,  page  i  ^j. 

*  Voyei^  les  planches  enluminées,  n.^  9,  figure  2 3 
Je  mâle  ,•  i^  rJ^  31,  figure  i ,  ia  femelle^ 


'^e  kl  Pie-gmche  rciifc,       jc^ 

de  la  pie-grièche  grile  :  toutes  deux  font 
aufli  hardies,  aufii  méchantes  l'une  que 
i'autre;  mais  ce  qui  prouve  que  ce  font 
néanmoins    deux    elpèces    ditîérentes  , 
c'eft  que  la  première  i^ile  au  pays  toute 
i'année  ;  au  lieu   que   celle-ci  ie  quitie 
en  automne  ,  &  ne  revient  qu'au  pria- 
temps  ;  la  famille  qui   ne  fe  lepare  pas 
a  ia  fonie  du  nid  ,  &  qui  demeure  tou- 
jours rafîêmbfce,  part  vers  le  commen- 
cement  de   fepîembre,    lans    ie   réunir 
avec  d'autres  familles ,  &    l^ns  faire  de 
iongs   vols:    ces   cifeaux   ne   vont   que 
d'arbre  en  arbre,  &.   ne  voient  pas  de 
fuite,  même  dans  le  temps  de  leur  dé- 
part ;   ils  relient  pendant  l'été  dans  nos 
campagnes,  &.   font  leur  nid  fur  quel- 
que arbre  touîtii  ;   au  lieu  que  îa  pic- 
grièche  grife  habite  les  bois  dans  cette 
même   (iiifon ,   &   ne  vient  guère  dans 
nos   plaines   que   quand  ia  pie-grièche 
rouffe  ell  partie  :  on  prétend  aulli  que 
de  toutes   les  pie-grîèches   celle- ci  eil 
îa  meilleure,  ou,    fi  Ton  veut,  ia  feule 
qui  ioit  bonne  à  manger  (bj, 

/g)  Lanius  'tninor  rutihs  ad  clbum  r:pnor  reljqu's^ 
dduaius  Ù' Jalubrif,  Sch,  Thinoirop .  SU  pag.  292, 

D  iiij 


$0         Hi foire  Naîiirtlle,  à" cl 

Le  mâle  &  la  femelle  font  à  très-  • 
peu  près  de  la  même  groiîèu/  ;  mais 
iis  diffèrent  par  les  couleurs  affez  pour 
paroître  des  oifeaux  de  différente  ef- 
pèce  :  nous  renvoyons  fur  ceia  aux 
planches  enluminées  que  nous  venons 
de  citer,  &  qu'il  iulïîra  de  compare* 
pour  le  reconnoître;  nous  obferverons 
Seulement  au  fujet  de  celte  efpèce  & 
de  la  fuivante,  appele'e  Vécorcheur ,  que 
ces  oifeaux  font  leur  nid  avec  beaucoup 
d'art  &  de  propreté,  à  peu  près  avec 
les  mêmes  matériaux  qu'emploie  la  pie- 
grièche  grife  ;  la  mouffe  &  la  laine  y 
font  fi  bien  entrelaiTces  avec  les  petites^ 
racines  fouples ,  les  herbes  fines  & 
longues  ,  les  branches  pliantes  des  petits 
arbulles,  que  cet  ouvrage  paroît  avoir 
été  tiiui  :  ils  produifent  ordinairement 
cinq  ou  fîx  œufs,  &  quelquefois  da- 
vantage ;  &L  ces  œufs  dont  le  fond  efl 
de  couleur  blanchâtre,  font  en  tout  ou 
en  partie  tachés  de  brun  ou  de  fauve, 


8i 


L' ECO RC HEUR  (a). 

Voye^  la  planche  Vil  de  ce  vclume. 


E 


Ij'É  c  O  r  c  h  e  u  r  eft  1111  peu  pîuà 
petit  que  la  pie-griècLe  roufle ,  &  lui 
reffemble  afTez  par  les  habitudes  natu- 
relles, comme  elfe  il  arrive  au  prin- 
temps ,  fait  Ton  nid  far  des  arbres  ou 
même  dans  des  buifTons  en  pleine  cam- 
pagne &  non  }3as  dans  les  bois ,  part 

*  Voye^^  ks  planches  enluminées,  n.°  3  \,  figure  J/ 

(a)  Petite  Pie  -  griècfie ,  Pie  -  efirrayère  /  Pie»" 
ancrouelie.  Be'on,  HijL  nat.  des  Oïjeaux,  page  i  28} 
&•  P.'Ytrùiîs  d'O'îJeaux ,  page  zi ,  rcdo ,  avec  figure» 
—  CcMurionis   prjpï    teriium   genus,    Aidrov.   Avï, 

tôîM.  I ,  pag.  390»  Cum  icône MeruliZ  con^ 

gêner alia.  Idem,  tom.  II,  pag.  625.  Cum  aherâ 
icône.  —  Ampelis  dorfo  grifeo  tnaculà  ad  oculos  lon-r 
gimdinali,  Linnseus  ,  Faiin,  Suec.  n.^  180.  Cum 
fcone  maris  non  accunudi  Nota.  M.  Linnseus  sc\k. 
trompé  en  prenant  i'efpèce  précédente  &  celle  -  ci 
peur  la  femelle  &  le  mâle  de  la  même  efpèceo 
—^  Petit  Écorcheur»  Aibin  ,  tome  II ,  page  i  <?', 
svec  une  figure  coloriée,  planche  XIV,  .  .  .  Colluriâk 
|^'£cor€h€iir»  J^fiflun  j   tsms  II-,  vase  ///, 


82  Hijloire  Naîurelk 

avec  Ç'à  famille  vers  le  mois  de  feptemLrey 
fe  nourrit  communément  d'iniedes ,  & 
fait  auffi  la  guerre  aux  petits  ôileaux  ; 
en  (orte  qu'on  ne  peut  trouver  aucune 
différence  eiïentielie  entr'eux ,  /iiion  la 
grandeur ,  ia  diftribution  &  les  nuances 
CQS  couleurs,  qui  paroiOent  être  conf- 
tamnient  différentes  dans  chacune  de 
ces  efpèces,  tant  celles  du  maie  que 
celles  de  la  femelle  ;  néanmoins  comme 
entre  le  mâle  &  la  femelle  de  chacune 
de  ces  deux  efpèces,  il  y  a  dans  ce 
même  caradère  de  ia  couleur  encore 
plus  de  différence  que  d'une  ef])èce  à 
i'autre,  on  feroit  très- bien  fondé  à  nç 
ks  regarder  que  comme  des  variétés, 
êa  à  réunir  fous  la  même  efpèce ,  la 
pie-grièche  rouffe,  i'écorcheur  &  l'é- 
corcheur  varié  (b),  dont  quelques  Na- 
turalifies  ont  encore  fait  une  efpèce 
diflinde ,  <&  qui  cependant  pourroit 
bien  être  ia  femelle  de  celui  dont  A 
eft  ici  queflion;   nous  renvoyons  aux 

(h)  Colknoms  parvifecundwn  genus,  AiJrov.  A  vu 
t©m.  I,  pag,  390.  Cuni  icône ,  .  .  .  Collurlo  vanuSt 
rÉcorcheur  varié.  BriiTon,  tomt  11 ,  page  i  j^. 
An  fuicedetitis  fairdna,  Idem,  ibidem  ,  pag>  158, 


de  VÉcorchur.  ^^ 

planches  enluminées  pour  en  juger  par 
îa  comparaiibn. 

Au  relie ,  ces  deux  efpèccs  de  pie- 
grièches  avec  ieurs  variétés ,  nichent 
dans  nos  climats  ,  &.  ie  trouvent  en 
Suède  comme  en  France;  en  ibne 
qu'elles  ont  pu  pafler.  d'un  contineuî  à 
l'autre  ;  il  ell  donc  \  préiumer  que  les 
clpèces  étrangères  de  ce  mime  genre^ 
&  qui  ont  des  couleurs  rouifes,  ne  font 
que  des  vartttcs  de  i'écorcheur,  d'au- 
tant qu'ayant  i'ulage  de  pafier  tous  les 
ans  d'un  climat  à  i'auire ,  elles  OJit  pu 
le  naturalifer  dans  des  climats  éloignés, 
encore  plus  ailément  que  la  pie-grièche 
qui  reile  conilamment  dans  notre  pays. 

Rien  ne  prouve  mieux  le  palTage  de 
ces  oileaux  cie  notre  pays  dans  des  climats 
plus  chauds,  pour  y  pafTer  i'hiver,  que 
de  ies  retrouver  au  Sénégal  ;  la  pie- 
grièche  roulTe  ^,  nous  a  été  envoyée 
par  M.  Adanfon,  &  c'eil  abfoiument 
,îe  même  oileau  que  notre  pie-grièche 
roufle  d'Europe;  il  y  en  a  une  autre'* 
qui  nous  a  été  également  envoyée  du 

*  Voye^  les  planches  enluminer,  n.°  ^77 >  fgi*rt  z, 
^  IhïcUm ,  n.^  479. 

D  vj 


84  Hifîolre  Naturelle 

Sénégal,  &  qui  doit  n'être  regardée 
que  comme  une  fimple  vari^'té  dans 
l'eipèce,  puilqu'elie  ne  diffère  des  autres 
que  par  ia  couleur  de  la  tête  qu'elle  .a 
noire,  &  par  un  peu  plus  de  longueur 
de  queue,  ce  qui  ne  fait  pas  à  beau- 
coup près  une  affez  grande  différence 
pour  en  former  une  cfpèce  diftinde 
&  réparée. 

Il  en  efl  de  même  de  i'oifeau  que 
nous  avons  sppeîé  V écorcheur'^  des  Phï^ 
lipp'in&s  ( c) ,  &  encore  de  celle  que 
nous  avons  appelée  pie-grièche  ds  la 

■*  Voj-eiks  planchs  e7ilunùnées,  n.°  ^J^,  figure  i , 
(c)  ïi  nous  paroît  que  cet  oifeau  eft  le  même 
que  ceiui  que  M.  Edv/ards  a  donné  fous  le  nom 
iiQ  pie-grièche  rouge  ou  rdUjfe  huppée,  «  Cet  oifenu  , 
*  dit-il,  s'appelie  Carach,  dans  ie  pays  de  Bcht 
3>  ^ale ,  &  diffère  de  nos  pie-grièclies  par  une  fnippe 
qu'il  porte  fur  la  tête  »  ;  mais  cette  différence  efî 
ijien  légère,  car  cette  huppe  n'en  eft  pas  une-, 
c'ed  feulement  une  difpoiltion  de  plumes  qui  pa- 
roiir*:nt  hériiTée^  comme  celles  du  geai  lorfqu'il  efl 
en  ccîcre,  &:  que  M.  Edwards  avoue  lui  même 
qu'il  n'a  vue  que  dans  i'oifeau  mort.-  en  forte 
qu'on  ne  p«4it  pas  afTurer  fi  ces  plumes  n'avoient 
pas  été  redrefTëes  par  quelque  froifiemcnt  avant  ou 
après  ia  mort  de  i'oifeau  ,  ce  qui  efi  bien  différent 
jd'une  huppe  naturdle.  La  preuve  de  ce  que  je 
%ism    àt  dire^    ç'eft.^u'oa    voit  une  ferobiafck . 


^r>.IL. 


PLpn.piig.  84, 


jl'ecorcheur. 


de  ï Êcorcheur*  ■  8'  5'  ' 

'Ilouifiane  ^,  qui  nous  ont  été  envoyées 
de.  ces  deux  climats  fi  éloignés  l'un  ce 
rentre,  &  qui  néanmoins  le  reflemblent 
aflez*  pour  ne  paroîire  que  le  même 
oileau ,  &  qui  dans  ^e  réel  ne  font 
eniemble  qu'une  variété  de  notre  écor- 
cheur,  à  la  femelle  duquel  cette  varié  le 
relîembie  preiqu'en-  tout. 

huppç  fur  la  tête  de  la  pie-griècf.e  Manche  &-noire 
de  Surinam,  dent  ie  même. M.  Edwards  a  donné 
la  figure  dans  ia  première  partie  de  ics  Glanures  *  ; 
or  nous  avons  cette  efpèce  au  Cabinet  du  Roi ,  & 
ii  crt  certain  qu'elle  n'a  jx)int  de  huppe;  dès  -  loKS 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  prérumer  que 
cette  apparence  de  huppe,  ou  plutôt  de  plumes 
FiërilTées  fur  la  tête,  qui  fe  trouve  dam  ces  deux 
pie-grièches  de  M.  Edwards,  ne  foi t  une  difpo-; 
fitlon  acciJente'le  ou  momentanée,  &  qui  proba- 
Mement  ne  fe  manifef-le  que. quand  loifeau  ell  en 
colère  ;  ainfi  nous  perUflons  à  croije  que  cette  pie^ 
grièche  de  Bengale  n'eft  qu'une  variété  de  i'efpèce 
de  la  pie- grièche  roufîe  ou  de  l'écorcheur  d'Europe, 

*  Glanures -d'Edwards,  partie  I,  page  j  y,  pi.  CCXXVIi  . 

?   Vû^c:^  les  pknches  enluminées  ^n°  -^<)j..=  . 


8^  Hifloire  Naturelle 

OISEAUX  ÉTRANGERS 

Qjn  ont  rapport  à  la  PiE-GRÎÈCHE 
grife  &  à  ÏÉcorcheu R, 

I. 

LE    F  I  N  G  A  H. 

J_j  'oiseau  des  Indes  orientales , 
appeié  à  Bengale  Fïngah ,  dont  M. 
Edwards  a  donné  la  deicripiion  fous  ie 
nom  dQ  pie-grieche  des  Indes,  à  queue 
fourchue ,  qui  efl:  certainement  une  ei- 
pèce  difrérente  de  toutes  !es  autres  pie-  ; 
grièches.  Voici  ia  traduction  de  ce  que 
dit  M,  Edwards  à  ce  iujet  :  la  forme 
du  bec,  les  niouflaches  ou  poils,  qui 
en  furmontent  la  bafe  ,  ia  force  des 
jambes  m.'ont  déterminé  à  donner  à  cet 
oifeau  le  nom  de  pk-grièche ,  quoique 
fà  queue  foit  fiite  tout  autrement  que 
celle  dts  pie-grièches  dont  les  piumes 
du  milieu  roai  les  plus  ioiigues  j  au  iieu 


des  Oifeaux  e [rangers >       87 

C[iie  dans  ceile-ci  elîes  font  beaucoup 
plus  courtes  que  les  plumes  extérieures  ; 
€11  forte  que  ia  queue  paroîc  fourchue 
c'efl-à-dire,  vide  au  milieu  vers  ion 
extrémité  :  il  a  ie  bec  épais  &  fort  , 
voûte  en  arc  y  a  peu  près  comme  celu! 
de  i'épervier,  plus  long  à  proportion 
de  fa  groiïeur ,  âc  moins  crochu  ,  avec 
des  narines  affez  grandes  ;  la  bafe  de  la 
mandibule  fupérieure  eft  environnée  de 

poils  roides La  tête  entière ,  le 

cou,  ie  dos  &  les  couvertures  des  ailes 
font  d'un  noir  brillant ,  avec  un  reflet 
de  bleu,  de  pourpre  6c  de  vert,  &:  qui 
fe  décide  ou  varie  fuivanî  l'incidence 

de  la  lumière La  poitrine  efl: 

d'une  couleur  cendrée,  fombre  &  noi- 
râtre :  tout  le  ventre ,  les  jambes  &  les 
couvertures  du  defTous  de  la  queue 
font  blanches  ;  les  jambes ,  les  pieds  & 
ies  ongles  font  d'un  brun  noirâtre  :  je 
doutois,  ajoute  M.  Edwards,  fi  je  de- 
vois  ranger  cet  oifeau  avec  les  pie-= 
grièches  ou  avec  les  pies  ;  car  il  me 
paroiiToit  égaicment  voifin  de  chacun 
de  ces  deux  genres ,  &  je  penfe  que 
ïous  deux  pourroient  nQïi  fûre  qu'un? 


&8'         MïJIofre  Naîùrelle^ 

les  pies  convenant  en  beaucoupr  de 
choies  avec  ics  pie-grièches  ;  quoique 
perfonne  en  Angleterre  ne  Tait  remar- 
qué ,  il  paroît  qu'en  France  on  y  a  fait 
attention ,  &  qu'on  a  obfervé  cette 
conformité  de  nature  dans  ces  deux 
oiieaux ,  puilqu'on  les  a  tous  deux 
appelés  pies  (a) . 

(a)  Edwards,  Ifijl.  -nat.  pf  hirds ,  îum.  II; 
p<rg.  /  6, planche  L  VJ,  avec  une  figure  bien  coloriée, 

ri. 
ROUGE-QUEUE. 

L' O  I  S  E  AU  des  Indes  orientales  , 
indiqué  &  décrit  par  A  ibin,  fous  le 
nom  de  Rouge-queue  de  Bengale  ^  ileft 
de  la  même  grandeur  que  la  pie-grièche 
gri(e  d'Europe-:  le  bec  efi  d'un  cendré 
brun  ;  i'iris  dts  yeux  eft  blanchâtre  ,  le 
deiTus  &  le  derrière  de.  la  tête  noirs; 
il  y 'a  au-deiïous  des  yetix  une  tache 
d'un  rouore  vif  terminée  de  blanc,  & 
iur  le  cou  quatre  taches  noires  en  por- 
tion de  c^icfe;  .iedeffus   du  CQU;  k 


{les  Oifeûux  étrangers.        8  9 

Jos,  le  croupion,  les  couvertures  du 
deiTus  de  la  queue,  celles  du  deffous 
des  ailes,  &  les  plumes  Icapulaires  font 
brunes;  la  gorge,  le  defTus  du  cou,  la 
poitrine,  le  haut  du  \e«tre-,  les  côtés 
&  les  jambes  font  blanches;  le  bas  du 
ventre  &:  les  couvertures  du  defious  Je 
la  queue  font  rouges;  la  queue  eft  d'un 
brun  clair;  les  pieds  &  les  ongles  font 
noirs  (b)»- 

i  (h)  Rouge -queue  de  Bengale.  Aibin^  tome  IIJ, 
\page  2.^  y  planche  LVI ,  avec  une  figure  coiorîée. 
I— La  Pie-gfièche  de  Bengale.  BrifTon,  tomt  U\ 

III. 

LANGRAIEN 

E  T 

TCHA'CHERT^ 

Les-  oilêaux  envoye's  de  Manille. 
&  de  Madagafcar,  le  premier  fous  le 
inoni  de  Langraien ,   ôl  le  fécond  fous 

*  Voyeiks  planches  enluminas^  n,°  ^tfy^i^f  ft 

I  ^  n»°  3 2  ,  figure  2,.. 


po  Hifolre  Naturelle  i 

celui  de  tcha-chcrt ,  que  l'on  a  rapport€'s)i 
peut-êipe  mai-à-pioj)os  au    genre   c!es|J 
pie-grièches  (c) ,  parce  qu'ils. en  diffè-;- 
rent   par  un   caradère  efieniiel,   ayonti 
les  ailes,   iorCqu'elles  font  pliées  ,   au(îi  ■ 
longues  que  lu  queue  ;  tandis  que  toutes 
les  autres  pie-grièches,  ainfi  que  les  oi- 
féaux   étrangers    que    nous   y   rappor- 
terons,  ont    les    ailes    beaucoup    plus 
courtes  à  proportion,    ce  qui  pourroit 
faire    croire   que    ce   font  des   oifeaux^ 
d'un  autre   genre:   néanmoins,  comme 
ceiui  de  iMiidagafcar  approche  aflez  d^ 
l'efpèce  de  notre  pic-grièche  grife  , 
cette  diiference  p;cs  de  la  longueur  dej 
ailes,   on   pourroit  le  reo-arder  comm( 
faiiant  la  nuance  entre  notre  pie-grièch( 
&    cet   oifeau     de    Manille,    auquel    i| 
reffemble  encore  plus  qu'à    notre  pic- 
grièche;  &    comme  nous  ne  connoil- 
fons  aucun  genre  d'oifeaux,  auquel  on 
puifTe  rapporter  direcT:ement  cet   oifeau 
de  Manille,  nous  avons  fuivi  le   fentii 
ment  des    autres   Naturaiiites ,    en    lui 
donnant  le  nom   de  pie-grièche ,  auffi^ 
bien  qu'à   ceiui   de  Aladagafcar;    mais 
(c)   Briffon,  tom&  U,  fû^ts  j  80  if  i ^  J,      • 


"{les  Oifcdux  cîvdu^crs.        91 

Inous  avons  cru  devoir  ici  marquer  nos 
cloutes  fur  la  jullclle  de  cette  denomi- 
naiion. 

IV. 

BÉCARDES.'' 

Les   oileaux  envoyés  de  Cayenne  ; 

îe  premier,  w/'  30^,   Tous  le  nom    de 

P'u'-grièclte  grife  ;   ôl  le   Iccond  ,    fous 

;  celui  de  pie  -  gruchc  tachetée ,    qui  font 

j  d'une   efpèce   difle rente    de    nos    pie- 

I  grièches  d'Europe,  &  que  nous  avons 

[cru  devoir  appeler  bécanies ,  à  caufe  de 

la  grollcur   <Sc  de  la  longueur  de   leur 

bec,  qu'ils  ont  aulll  de  couleur  rouge; 

ces  becardes  digèrent    encore    de  nos 

pie-grièches ,  en  ce  qu'elles  ont  la  tête 

toute  noire ,  &  l'habitude  du  corps  plus 

cpaifîè  6>L  plus   longue  ;   mais   d'ailleurs 

elles   leur  refTemblent    pii;s   qu'à    tout 

'  autre  oileuu.  Au  reite,  l'une  nous  paroit 

être  le  maie  &:  l'autre  la  femelle   de  h 

nièine   efpèce,    fur  laquelle   nous   ob- 

ferverons  qu'il  le  trouve  encore  d'autres 

'^  l^oj'c'^/csfkvic/its ailuminéts,  n.'^'^jo^.  ÎT'  377» 


^'1  Mîjîotre  Naturelle' 

efpèces  fembiabies  par  la  grofTeur-  ^^ 
bec  dans  ce  même  ciimat  de  Cayenne 
&  dans  d'autres  climats  très-éloignés,, 
comme  on  va  le  voir  dans  les  articies 
divans. 

v; 
B  ÉC  A  RD  E 

A.    VENTRE    JAUNE.^' 

L'oiseau  envoyé  de  Cayenne, 
fous  le  nom  de  Pie-grièche  jaune ,  qaï 
par  fon  long  h&c  nous  paroît  être  d'une 
efpèce  afTez  voifine  de  la  précédente, 
&  que,  par  cette  raifon ,  nous  avons 
appelé  la  bécarde  à  ventre  jaum,  car  elles 
ne  diffèrent  guère  que  par  les  couleurs  : 
ïes  planches  enluminées  fufïiront  pour 
îes  faire  reconnoître  &  diftinguer  aifé- 
ment  l'une  de  l'autre. 

^^VoyeiJes  planches  enluminéts  ^  n,®  295, 


des  Oîjeaux  étrangers*       c^^ 
VI. 
'Le  VANGA  ou  BÉCARDE 

1     V  ENTRE    BLANC.  * 

L'oiseau  envoyé  de  Madagnfcnr 
wr  M.  Pgivre,  Tous  le  nom  de  Vanga, 
k  qui,  quoique  différent  par  i'efpèce 
le  -nos  pie-grièches  &  -de  nos  écor- 
^eurs  ,  peut  -  êîie  même  étant  d'un 
utre  genre,  a  néanmoins  pius  de  rap^ 
•ort  avec  ces  oifeaux  qu'avec  aucun 
utre  ;  c'eft  pour  cette  raiion  que  nous 
vivons  nommé  fur  ies  pianqhes  eniu- 
linées  ,  pk-grU'che  ou  écotcheur  de  Mû- 
'iigafcar.  Mais  on  pourroit  à  plus  julîe. 
tre  le  rapporter  au  g€nre  des  bécarde^ 
ont  nous  venons  de  parler ,  oc  i'ap.^ 
eier  bccardt  a   ventre  blanc. 

Vp^^ih  j^Ianches  cnîunibm,  n,^  a  a  Sa 


^4  Hijîone  Nature JJe 

VIL 

LE  SCHET^BÉ^ 

L'oiseau  envové  de  Madnaafca 
par  M.  Poivre,  fous  le  nom  de  Schet-bé 
êi  dont  i'efpèce  nous  paroît  fi  voiiin 
de  la  précédente ,  qu'on  pourroit  ie 
regarder  toutes  deux  comme  ncn  fi^J 
iarit  qu'une,  n  {e  climat  de  Cayeno 
n'étoit  pas  aiifîl  éloigné  qu'il  efl  d 
ceiui  de  Madagafcar.  Nous  avons  a 
peié  cet  oife-àupie-griêche  rouffe  de  Adû 
dagafcar^  p?:r  la  mêm.e  rai  (on  que  nov 
avons  appelé  ie  précédent  pïe-grïèch 
jaune  de  Cayenne;  &  il  fiiut  avouer  qi: 
cette  pie-grièche  rouiîe  de  Madagafca 
approche  un  peu  plus  que  celle  c 
Cayenne  de  nos  pie  -  gricches  d'Eu 
rope ,  parce  C{u'eile  a  le  bec  plus  cour 
ÔL  par  conléquent  différent  de  ceiui  c 
nos  pie-grièches  d'Europe  ;  au  reft< 
ces  deux  efpeces  étrangères  font  pii 
voifuies  l'une  de  l'autre,  que  de  n< 
pie-gnèches  d'Europe. 

?  VO'^l  l<:s  planches  enluminées  ^  n,*  s  p  8,  fgure 


{Je s  Oîjeaux  étrangers.        95 
VI  I  î. 

LE  TCHA-CHERT-BÉ^ 

L'OïSEAU  envoyé  de  Madagafcar 
par  M.  Poivre,  fous  le  wom  de  Tcha- 
chert-bé ,  &  que  nous  avons  noiiiiiié  au 
bas  de  nos  planches  enluminées ,  gronde 
pic-griècke  verdâtre ,  âc  qui  ne  nous 
paroît  êu'e  qu'une  elpèce  ircs-voinne, 
ou  même  une  variété  d'âae  ou  de  fexe 
îdans  l'elpèce  précédente,  dont  elle  ne 
idiiîère  guère  que  parce  qu'elle  a  le  bec 
iun  peu  plus  court  ôi  moins  crochu, 
[&  les  couleurs  un  peu  diiïercmment 
jclillribuées.  Au  relie,  ces  cinq  oifeaux 
létrangers  &  à  gros  bec  ;  favoir ,  la  pie- 
igrièche  grife  (k  la  pie-grièche  jaune  de 
jCayenne,  la  pie-grièche  roufTe,  i'é- 
|:orcheur  &  ia  pie-grièche  verdâtre  de 
iMadagafcar,  pourroient  hÏQn  faire  un 
oetit  genre  à  part  auquel  nous  avons 
itJonné  le  nom  de  bécardes,  à  caufe  de 
c^a  grandeur  &  de  ia  groiieur  de  leur 
bec,   parce  que  dans  le  réel,  tous  ces 

*  Voytj^  ks  flanches  enluminées^  n,^  3  74., 


'«p6  Wtjîolre   "Naturelle 

oifeaux  diffèrent  aflez  des  pie-grièchi 
pour  devoir  en  être  leparés.  | 

I  X. 

LE  GONOLEK^ 

L'oiseau  qui  nous  a  été  envo 
-du  Sénégai  par  M,  Adanfon  fous 
aïoni  de  Pie-gneche  rouge  du  Sénégc 
.&  que  les  Nègres,  dit -il,  appelle 
:g07\okk,  c'efi-à-dire,  mangeurd'inied' 
•C'eit  un  oiieau  remarquable  par  \ 
couleurs  vives  dont  il  eft  peint  ;  il  < 
à  très-peu  près  de  la  même  grande^ 
que  ia  ple-grièche  d'Europe,  &  nV 
,diffère,  pour  ainfi  dire,  que  par  ] 
couleurs,  qui  néanmoins  fuivent  da: 
ieur  diitribution  à  peu  près  le  mên 
ordre  que  furla  pie-grièche  grife  d'Ei 
rope  ;  mais  comme  les  couleurs  en.ellt 
mêmes,  font  très- différentes,  nous  ave 
cru  devoir  regarder  cet  oifeau  comr 
étant  d'une  eij:)èce  différente. 

^  Vo^c-^  ks  planches  enluminées,  n,*  y6. 


iks  O  if  eaux  étrangers,        07; 
X. 

^LeCALI-GALICetleBRUIA^ 

L'oiseau  envoyé  de  Madagafcar 
par  M.  Poivre  ,  tant  ^e  mâfe  que  îa 
femelle  ,  le  premier  fous  le  nom  de 
Cali-calic ,  Se  ie  fécond  fous  celui  dé 
Bruîa,  que  l'on  peut  rapporter  au  genre 
de  notre  écorcheur  d'Europe,  à  caufe 
de  fi  petiteffe  ;  mais  qui  du  refte  en 
diffère  affez  pour  être  regarde'  comme 
un  oifeau  d'efpèce  différente. 

il 

F  XL 

\  î>  PIE-GRIÈCHE  HUPPÉE. 

\  L'oiseau  envoyé  du  Canada  fous 
[îe  nom  de  Pîe-grièche  huppée ,  &  qui 
[porte  en  effet,  fur  le  fommet  de  îa  tête 
lune  huppe  molie  &  de  plumes  îon-- 
[guettes  qui  retombent  en  arrière  ;  mais 
jqui  du  refte  eft  une  vraie  pie-grièche 

*  Veyti  les  planches  enluminées,  n.°  ^pp,  fier,  ^ 
k  mfile  ;    &  fig.  2 ,  la  femelle,  'a*    » 

^  Voyei  les  planches  enluminées  y  n,°  4.7^,  Çia,  2 

Oifeaux ,  Tome  IL  £ 


5 8  Eïpoire  Naturelle,  &ç,  . 
&  alTez  femblabîe  à  notre  pie-grièche 
roufle  par  ia  dirporïtion  des  couleurs, 
pour  qu'on  puiOe  ia  regarder  comme 
une  eipèce  voifine  ,  qui  n'&n  diffère 
guère  que  par  les  caradères  de  cette 
huppe  &  du  bec  qui  cft  un  peu 
plus  groso 


99 

L  ES 

OISEAUX  DE  PROIE 

* 

NOCTURNES. 

1-jES  yeux  de  ces  oifeaux  font  dune 
fenfibilité  fi  grande,  qu'ils  paroi/rent 
être;  cblouis  par  la  clarté  du  jour  ,  & 
entièrement  otruiqués  par  \qs  rayons  du 
foleil  :  ii  leur  faut  une  lumière  plus 
douce ,  telle  que  celle  de  i'aurore  naif^ 
iante  ou  du  crëpulcule  tombant  ;  c'efl 
alors  qu'ils  fortent  de  leurs  retraites  pour 
chaffer ,  ou  plutôt  pour  chercher  leur 
proie ,  &  ils  Ibnt  cette  quête  avec  grand 
avantage  ;  car  ils  trouvent  dans  ce  temps 
les  autres  oifeaux  &  les  petits  animaux 
endormis  ,  ou  prêts  à  l'être  :  les  nuits 
où  la  lune  brille  font  pour  eux  \qs 
beaux  jours  ,  les  jours  de  plaifir  ,  \qs 
jours  d'abondance  ,  pendant  lefquels  ils 
chaflênt  plufieurs  heures  de  fuite ,  &  Çq 
pourvoient    d'amples    provifions  :    le^ 

Ei; 


'îoo        Hîjlolre  NatiireHe 

nuits  où  h  lune  fait  défaut  font  beau-- 
coup  moins  heureufcs  ;  iîs  n'ont  guère 
qu'une  heure  le  foir  &  une  heure  le 
matin  pour  chercher  leur  rubfiPiance  ; 
car  il  ne  faut  pas  croire  que  la  vue  de 
ces  oifeaux  qui  s'exerce  fi  parfaitement 
à  une  foibie  lumière ,  puifie  fe  palTer 
de  toute  lumière ,  &  qu'elle  perce  en 
effet  dans  l'obfcuriîé  la  plus  profonde; 
dès  que  la  nuit  elî  bien  ciofe  ,  ils  ceffent 
de  voir,  &l  ne  diffèrent  pas  à  cet  égard 
des  autres  animaux  ,  tels  que  les  lièvres  , 
ks  loups,  les  cerfs,  qui  fortent  le  foir 
des  bois  pour  repaître  ou  chafler  pen- 
dant la  nuit  :  feulement  ces  animaux 
voient  encore  mieux  le  jour  que  la 
nuit  ;  au  lieu  que  la  vue  des  oifeaux 
nodurnes  ell  fï  fort  olfufquée  pendant 
îe  jour,  qu'ils  font  obligés  de  fe  tenir 
dans  le  même  lieu  fans  bouger ,  & 
que  quand  on  les  force  à  en  lorrîr,. 
ils  ne  peuvent  faire  que  de  très-petites 
courfcs  ,  des  vols  courts  &  îents ,  de 
peur  de  fe  heurter  ;  les  autres  oifèaux 
qui  s'aperçoivent  de  leur  crainte  ou  de 
la  gêne  de  leur  fituation,  viennent  à 
lenvi  les  infulter  ;  les  mézangcs ,  les 


Jes  O'ifedux  de  proie  noélurnes,  i  o  i 

pinçons ,  les  rouge-gorges ,  les  meries  , 
les  geais  ,^  les  grives,  à^c.  arrivem  à  h. 
file  :  { oiieau  de  nuit  perché  fur  une 
branche  ,  immobile  ,  étonné  ,  entend 
ieurs'mouvemens-,  ieur>  cris  c{ui  redou- 
blent (ans  cefTe  ,  parce •qu'ii  n'y  répond 
que  par  des  geiies  bas,  en  tournant  la 
têre  ,  Tes  yeux  &:  Ibil  corps  d'un  air 
ridicule  ;  il  fe  laijfîe  même  aflailiir  & 
frapper  ,  fluis  fe  défendre  ;  \^^^  plus 
petits  ,  les  plus  foibies  eîe  Tes  ennemis 
lont  les  pkîs  ardens  à  le  tourmenter  y 
les  plus  opiniâtres  à  le  huer  :  c'efl  (ur 
cette  efpèce  de  jeu  de  moquerie  ou 
ci'aniipathie  naturelle  ,  qu'ed  fondé  le 
petit  art  de  la  pipée  ;  i[  fjffit  de  jMacer 
*  un  oifeau  nodurne,  ou  même  ^^n  cou- 
I  trefiire  la  voix  ,  pour  fiire  arriver  les 
-oifeaux  à  l'endroit^  où  Ion  a  tendu  \^i^ 
giuaux  Y^^/^-  ii^  fiLit  s'y  prendre  une 
heure  avant  la  ïin  du  jour,  pour  que 

(n)  Nvd.  Cette  efpèce  de  chafTe  étoit  connue 
dë5  Ancien^;  car  kn'àoic  l'indique  cbirement  duns 
Jes  t"i-tne.î  fuivans;  Die  co.teyct  aviculœ  vmnes  noc-^ 
tuani  circumvolant ,  qwd  mïrari  vocmur  ,  advoîantef- 
que  yacuivum.  Qiia  proprer  ea  cnnfmuîâ  auicularwn 
gênera  àr  v<2ria  muita  capiunt,  Hïih  anim.  ilb.  ftCj 

:.  ii; 


Ï0  2        Hî flaire   'Nûîureik 

cette  chaiïe  foit  heiireufe  ;  car  fi  l'on 
attend  plus  tard ,  c^i  m  cm  es  petits  oi- 
féaux  qui  viennent  pendant  ie  jour  pro- 
voquer Foifeau  de  nuit,  avec  autant  d'au- 
dace que  d'opiniâtreté  ,  îe  fuient  &  le 
redoutent  éh%  que  l'obfcurité  lui  permet 
de  fe  mettre  en  mouvement,  &  de  dé- 
ployer fes  ficuités. 

Tout  cela  doit  néanmoins  s'entendre 
avec  certaines  reflridions  qu'il  efl  bon 
d'indiquer  ,  i ."  toutes  ies  efpèces  de 
hiboux  &  de  chouettes ,  ne  font  pas 
également  ofFufquées  par  la  iumière  du 
jour  ;  ie  grand  duc  voit  affez  clair  pour 
voier  &  fuir  à  d'af  ez  o-randes  diflances 
en  plein  jour  ;  îa  chevêciie ,  ou  la  plus 
petite  cfpè'ce  de  chouettes  chaffe,  pour- 
iliit  &  prend  des  petits  oi féaux  long- 
temps avant  îe  coucher  &  après  le  lever 
du  foieil.  Les  Voyap-eurs  nous  affurenf 
que  le  grand  duc  ou  hibou  de  {'Amé- 
rique feptentrionale  (b) ,  prend  ies  ge- 
linottes blanches  en  plein  jour,  &  même 
lorfque  ia  neige  en  augmente  encore 
ia  iumière  ;  Belon  dit  très-bien  dans  fon' 

(h)  Voyage  de  ia  baie  de  Hudfon ,  tome  -/^ 


Jes  Oifeàux  Je  proie  îioâunies.  ï  o  3 
vieux  langage  (c),  que  quiconque  prendra 
^arde  à  la  vue  de  (es  oifcaux ,  ne  lu  trou- 
vera pas  fi  unhé cille  qu'on  la  crie  ;  2/'  if 
paroîî^que  le  hibou  commun  ou  moyeii 
duc  voit  plus  mal  que  le  fcops  ou  peut 
duc,  &  que  c'elt  ^ie  tôus  les  hiboux 
celui  qui  eft  le  plus  offufqué  par  la  lu- 
mière du  jour,  comme  le  font  aufli  le 
chat-huant,  l'effraie  &  la  hdiotte;  car  on 
voit  les  oiltauK  s'attrouper  également 
pour  (es  infulter  à  la  pipée  ;  mais  avant 
de  donner  les  faits  qui  ont  rapport  à 
chaque  eipèce  en  pariiculier,  ii  faut  eii 
préleiuer  les  difiindions  générales. 

On  peut  diviicr  en  deux  genres  prin- 
:ipaux  les  oiicaux  de  proie  nodurnes  , 
le  gcrire  du  hibou  <Sc  celui  de  la  choueu'e^ 
qui  contiennent  chacun  plu(ieurs  ef- 
jvcces  diiTérentes  ;•  ie  caractère  difdnc^if 
de  ces  deux  genres  ,  c'eft  que  tous  les 
hiboux  ont  deux  aigrettes  de  plumes  ea 

I  fcj  Be!on,  Hlil  nat.  nés  Olfeaux ,  pnge  133, 
N>[ci.  C'ci!  en  efFit  avec  cette  reihidioq  (ju'on 
blt^enîendi'e  ee  qu-é  difent  à  cet  égird  ia  plupart: 
les  Ecrivains,  &  entr'autres  Schwenckfeld!  Nodu 
\erjricd:i(fimè  vidcntcs  ^  dïu  cacmiaitcs,  Theriotrop, 
fi/,  pag.  308. 

E  ii ij 


J04  Hîfwîre  Naturelle 
f©rme  d'oreilles  ,  droites  de  chaque  côte 
de  la  tête  (d) ,  tandis  que  les  chouettes 
ont  la  tête  arrondie  fans  aigrettes  (Si  liins 
aucunes  plumes  proéminentes  ^^^Z  nous 
Téduifons  à  trois'  ics  efpèces  contenues 
dans  le  genre  du  hibou.  Ces  trois  éfpèces 
font  I."  le  duc  oii  grand  duc  ,  2."  le 
hibou  ou  moyen  duc,  3."  le  fcops  ou 
peiiî  duc  ;  mais  nous  ne  pouvons  ré- 
duire à  moins  de  cinq  tes  efpèces  du 
genre  de  la  chouette ,  &  ces  eijjèces 
iont,  i.*"  la  hulotte  ou  huette ,  2.°  le 
chat- huant,  3.''  i'eîîniie  eu  freffaie  , 
4.°  la  chouette  ou  grande  chevêche  , 
5.°  la  chevêche  ou  petite  chouette  ; 
ces  huit  efpèces  (e  trouvent  toutes  en 

(d)  Nortu  Ces  oifcaux  peuvent  remuer  Si  faire 
baiifcr  ou  élever  ces  aigrettes  de  piumes  à  voionté. 

f  e  J  II  parott  que  Pline  avoit  remarqué  cette 
différence  générique  ,  iorfqu'il  dit  :  Pennaroriun  ani- 
n^ûiîum  buhcni  tnmùm  iT  olô  pluma  relut  aui-er,  Lib. 
Xf,  cap.  47.  Et  aiiieurs:  Oiis  hùone  niinûr  eÛ  ,- 
mx^uîs  m"J7>' ,  auriluis  p'unuis  ernimmibus  ,  unde  & 
nanun  illi  ;  quidam  hiiinè  aficncm  vocant.  Lie.  X  , 
cap.  23.  I^ota.  Qu'il  y  a  trois  efpèces  de  hiboux 
tjui  ont  en  efîet  Cxti  aigrettes  de  plumes  ,  &  qus 
ces  trois  efpèces  font  ie  grand  àwc  ,  bubo  ;  le  moyen 
duc,  otus ;  &.  le  petit  duc^  afio ,  eue  Pline  con- 
fond avec  ypfm 


des  Oïfedtix  de  proie  noâiinies,  v&f 

Europe  &  même  en  France  ;  queîques- 
unes  ont  des  variétés  qui  paroifi'ent  dé- 
pendre de  la  différence  des  climats  ; 
d'autres  ont  des  repréfentans  dans  le 
nouveau  continent  ;  la  plupart  des  hi- 
boux &  des  chouettes»  de  l'Amérique 
ne  diffèrent  pas  afîez  de  celles  de  l'Eu-* 
rope ,  pour  qu'on  ne  puifle  leur  iup-. 
pofer  une  même  origine. 

Aridote  £iit  mention  de  douze  ef^ 
pèces  d'oileaux  (jui  voient  dans  l'obf^ 
curité  ,  &  volent  pendant  la  nuit  ;  ôc 
comme  dans  ces  douze  efpèces  il  com-. 
prend  l'orfraie  &  le  tette  -  chèvre  ou 
crapaud  volant^  fous  les  noms  à^  phinis: 
&  d'cegoti/ûs  ;  &  trois  autres  fous  les, 
noms  de  capriceps  ,.  de  chalcis  ôl  de^ 
iharadrios ,  qui  font  du  nombre  des. 
oifeaux  pêcheurs  &.  habitans  des  marais, 
ou  des  rives  des  eaux  &  des  torrens  ;  \\ 
paroît  qu'il  a  réduit  à  (ept  efpèces  tous. 
les  hiboux  &  toutes  les  chouettes  qui 
étoiem  connus  en  Grèce  de  fon  temps;, 
ie  hibou  ou  moyen  duc  qu'il  appelle: 
O^itç,  otus ,  précède  &  conduit,  dit-il  5; 
ks    cailles  ^   lorf<ju'elks    partent  pou^ 


\ 
io5       Hijloire  Naîîirelk 

changer  de  climat  (f);  &  c'efl:  par 
cette  railoa  qu'on  appelle  cet  oileau 
dux  ou  duc  ;  l'étymologie  nie  paroït 
fîire  ,  mais  le  fait  efl:  plus  qu'inceruiin  : 
il  cft  vrai  que  les  cailles  qui ,  iorfqu'clles 
partent  en  automne,  font  furchargées 
de  graifTe ,  ne  volent  guère  que  la  nuit , 
êL  qu'elles  fe  repofent  pendant  le  jour 
à  l'ombre  pour  éviter  la  chrJeur,  <Sc 
que  par  conféquent  on  a  pu  s'aperce- 
voir que  le  hibou  accompagnoit  ou 
précédoit  quelquefois  ces  troupes  de 
cailles  ;  mais  il  ne  paroït  par  aucune 
obfervation,  par  aucun  témoignage  bien 
conflaté  ,  que  le  hibou  foit  comme  la 
caille  un  oifeau  de  pafTage  ;  ie  feul  fait 
que  j'aie  trouvé  dans  les  Voyageurs  , 
qui  aille  à  l'appui  de  cette  opinion ,  efl 
dans  la  Préface  de  i'Hiiloire  Naturelle 
de  la  Caroline ,  par  Catefby  ;  il  dit 
ce  qu'à  vingt-fix  degrés  de  latitude  nord, 
59  à  peu  près  entre  les  deux  coniinens 

^fj  Cum  coturnîces  adeunt  hca  ,  fine  rîticihus 
fergunt  ;  at  cum  hïnc  abeum  ,  ducihus  linguJaca ,  oto 
ir  matrice  iroficifcuntuy.  Arift»  Hijl,  mitih  lib.  YlHj 


P   'lies  Oifedîix  de  proie  noâurnes.  i  07 

:f d'Afrique  &  d'Amérique ,  c'eft-à-dire,  ce 

U  iix  cents  lieues  environ  de  l'un  &  ce 

\  de  .l'autre ,  il  vit  en  allant  à  la   Ca-  ce 

rôline  uil  hibou  au-defTus  du  vaiiieau  ce 

où  il  étoit ,  ce  qui  le  furprit  d'autant  ce 

pius  que  ces  oiièaux    ayant  les  ailes  ce 

:  courtes  ,  ne  peuvent  voier  fort  loin ,  ce 

)  &:  font  aifénient  iailés  par  les  enfàns,  ce 

I  ce  qui  arrive  tout  au  plus  à  la  troi-  ce 

fiènie  volée;  il  ajoute  que  ce  hibou  ce 

,  difparoît  après  avoir  fiât  des  tentatives  ce 

pour  fe  repofer  fur  le  valifeau  (g)^^- 

On  peut  dire  en  faveur  du  fait  5  que 

tous  les  hiboux  6w  toutes  les   chouettes 

j  n'ont  pas  les  ailes  courtes,  puifque  dans 

1  ia  plupart  de  ces  oifeaux  elles  s'étendent 

!  au-delà  de  l'extrémité  de  la  queue,  & 

j  qu'il  n'y  a  que  le  grand  duc  &  l^fcops, 

j  ou  petit  duc  5  dont  les  ailes ,  lorfqu'elles 

j  font  pîiées ,  n'arrivent  pas  jufqu'au  bouc 

de   la    queue  ;    d'ailleurs  on  voit ,    ou 

plutôt  on  entend  tous  ces  oifeaux  faire 

d'affez  longs  vols  en  criant  ;  dèt-Iors  il 

Icmbie  que  la  puilfance  de  voler  au  loin 

(g)  Hift.  nar.  de  k Caroline,  par  M.  CateiLy^ 

E  V j 


io8        H'î foire  Naturelle 

pendant  la  nuit  leur  appartient  aufîT- 
bien  qu'aux  autres  ;  mais  que  n'ayant 
pas  d'aujfîi  bons  yeux  ,  &  ne  voyant 
pas  de  loin ,  ils  ne  peuvent  fe*  formée 
lin  tableau  d'une  grande  étendue  de 
pays  ,  &  que  c'eft  par  cette  raiion  qu'ils 
n'ont  pas ,  comme  ia  plupart  des  autre$> 
oi féaux  ,  i'inftincfl  des  migrations  ,  qur 
fuppofe  ce  tableau  pour  le  déterminer 
à  fiire  de  grands  voyages  ;  quoi  qu'il  en 
foJt ,  il  paroît  qu'en  général  nos  hiboux . 
&  nos  chouettes  font  allez  fédentaircs  : 
on  m'en  a  apporté  de  prefque  toutes 
les  efpèces ,  non-leulement  en  été  ,  au 
printemps ,  en  automne  ,  mais  mêjne 
dans  les  temps  les  plus  rigoureux  de 
l'hiver  ;  il  n'y  a  que  le  fcops  ou  petit 
duc  qui  ne  fe  trouve  pas  dans  cette 
laiion  ;  6c  j'ai  été  en  eftet  informé  que 
cette  petiie  efpèce  de  hibou  part  en 
automne ,  &  arrive  au  printemps  ;  ainfi 
ce  feroît  plutôt  au  petit  duc  qu'au 
moyen  duc  qu'on  pourroit  attribuer  h 
fonction  de  conduire  les  caiiles  ;  mais 
encore  une  fois  ce  faitn'efi:  pas  prouvé ,' 
&  de  même  je  ne  fais  pas  fiir  quoi  peut 
être  fondé  un  autre   fait   avancé  par. 


I'    des  Oifedîix  de  proie  noâurnes.  i  oc^ 

Pjl  Ariftote  ,   qui    dît  que  le  chat  -  huant 

\\  (  glaux ,   noâua  f    feion   (on   interprète 

i  Gaza)   fh)f  fè  cache  pendant  quelques 

jours  de  fuite  ;    car  on  m'en  a  apporté 

,j  dans  fâ  pius  mauvaiie  faifon  de  l'année, 

tj  qu'on  avoit  pris  dans  Ies.bois  ;  &  fi  i'oii 

■  prétendoit  que  le  mot  glaux  ,   noâva  ^ 

indique  ici  l'efTraie ,  ie  fait  feroit  encore 

moins  vrai  ;  car  à  l'exception  des  foirées 

très-fbmbres  &  pluvieaies ,  on  Fentend 

tous  les  jours  de  l'année  fouffler  &  crier 

à  l'heure  du  crépulcufe. 

Les  douze  oifeaux  de  nuit ,  indiqués 

t  2.  y 

par  Ariflote  ,  font  :    byas ,    otos ,  fcêps^. 

4-  5  6  7 

phinis  ,     œgotilas  ,     eleos  >    vyâïcorax  s- 

s  9  I  o  II 

œgoiios  ,    glaux  ,    charadrios  ,-    chaicis  3.. 

1 2 
tegocephalos ,  traduits  en  latin  par  Théo- 
'dore  Gaza. 

I  25  4- 

nfio ,    offifraga  ,.   ca-^ 

)        8  9 

'>  ulula  f  noâudg, 

(h)  Paucis  qiiihfiîam  diebus  (glaux)  noâua  lalSS-^ 
i^ï^,  H'iff,  anitn.  iib,  VIII,  cap,  16^ 


ï  ï  o         Hijloïre  Naturelle 

I o  I  r  12 

charàdrius ,  chalcls ,  capriceps ;  j'ai  cni) 
devoir  interpréter  cii  François  les  neuf 
premiers  comme  il  fuit  : 

Le  duc  ou  grand  duc,   le  hibou  ou 

moyen  duc,   ie  petit  duc ,  Vorfraie ,  ie 

mr^  -  f^^vr^  ou  crapaud  volant ,  r  effraie 

6  7  8 

ou  frejfaîe  ,   la  ^z.'/c;/r^ ,    la  chouette  ou 

9 

grande  chevêche,  le  chat- huant. 

Tous  les  Naturaliftes  &  les  Litté- 
rateurs conviendront  aifément  avec  moi, 
I.**  que  le  byas  des  Grecs,  bubo  des 
Latins ,  efl  notre  duc  ou  grand  duc  ; 
z°  que  Votes  des  Grecs,  otus  des  La-- 
tins ,  efl  notre  hibou  ou  moyen  duc  ; 
3.*'  que  lefcops  des  Grecs,  ûjio  des  La- 
tins ,  efl  notre  petit  duc  ;  4.°  que  le 
phinis  des  Grecs ,  ojjïfraga  des  Latins , 
cft  notre  orfraie  ou  grand  aigle  de  mer  ; 
s".°  que  Vœgotilas  des  Grecs  ,  caprimutgus 
des  Latins,  e(t  notre  tette- chèvre  ou^ 
crapaud  volant;  6.*' que  Veleos  des  Grecs,  ' 
aluco  des  Latins  ,  efl  notre  effraie  ou 
éefaie;    mais  ils  me  deiuattderQat  eu 


des  Oifeaux  de  p foie  îwétunies.  m 

même  temps  par  quelle  raifon  je  pre'-- 
,tcnds  que  le  glmix  ell  notre  chat-huant, 
jfe  nyârcorax  noire  hulotte ,  &  Vcegolios 
notre  chouette  ou  grande  chevêche  ; 
tandis  'que  tous  les.  Interprètes  &.  tous 
jks  Naturaliftes  qui  m'oi^t  précédé  ont 
attribué  le  nom  cegolios  à  ia  hulotte, 
&:  qu'ils  font  forcés  d'avouer  qu'ils  ne 
fàvent  à  quel  oifeau  rapporter  celui  de 
Tiydicorax ,  non  plus  qu'e  ceux  du  cha- 
radrïos ,  du  chalds  ôl  du  capriceps ,  & 
qu'on  ignore  abfolument  quels  p.euvent 
être  les  oifeaux  défignés  par  ces  noms; 
6ç  enfin  ils  me  reprocheront  que  c'efl 
jnal-à-propos  que  je  tranfporte  aujour- 
d'hui le  nom  de  glaux  au  chat-huant  3 
tandis  qu'il  appartient  de .  tout  temps  , 
c'eil-à-dire,  du  confentement  de  tous 
ceux  qui  m'ont  précédé ,  à  la  chouette 
ou  grande  chevêche  ,  &  même  à  ia 
petite  chouette  ou  chevêche  proprement 
dite,  comme  à  la  grande. 

Je  vais  leur  expofer  les  raifons  que 
m'ont  déterminé,  &  je  les  crois  aflez 
fondées  pour  les  (atisfaire  ,  &  pour 
cclaircir  l'obfcurité  qui  réfulte  de  leurs 
douie§  &  dekurs  feufles  jinerprétatigns. 


I  ï  2         Hifloire  Naturelle 

De  tous  les  oileaux  de  nuit  dont  nous 
avons  fiiit  i'éniimération,  le  chat-  huant 
eft  le  feui  cjui  ait  les  yeux  bleuâtres ,  & 
la  hulotte  la  {q\\\q  qui  les  ait  noirâtres  ;. 
tous  les  autres  ont  l'iris  des  yeux  d'un 
jaune  coufeiir  d'or  ,  ou  du  moins  cou- 
ieur  de  fafran.  Or  les  Grecs  dont  j'ai 
fouvent  admiré  la  juflefTe  de  difcerne^. 
inent  &  la  précifion  des  idées,  par  les; 
noms  qu'ils  ont  im pôles  aux  objets  de- 
là Nature,  &  qui  font  toujours  relatifs,! 
à  leurs  caraélères  diflindli^s  &  frappans^^ 
n'âuroient  eu  aucune  railoa  de  donner 
le  nom  glmix  (glaucus)  vert  de  mer  o^x. 
bleuâtre ,  à  ceux  de  ces  oileaux  quÉ 
n'ont  rien  de  bleuâtre,  &  dont  les  yeuje: 
font  noirs  ou  orangés  ou  jaunes  ;  &  ili^ 
auront  avec  fondement  impofé  ce  non^ 
à  i'efpèce  de  ces  oileaux  ,  qui  parmi 
toutes  les  autres  ,  efl:  la  feule  en  effet, 
qui  ait  les  yeux  de  cette  couleur  bleu- 
âtre ;  de  même  ils  n'âuroient  pas  appelé 
vyélhordx ,  c'eft-à-dire ,  corbeau  de  nuit,, 
des  oifèaux  qui  ayant  les  yeux  jaunes; 
ou  bleus,  &  le  plumage  blanc  ou  o-ris 
n'ont  aucun  rapport  au  corbenu,  &  ilâ 
auront  doiané  avec  juftc  raiibn  ce  noia 


des  Oîfeûiix  dcprcie  ncâurncs,  i  i  3 

à  la  hulotte  ,  qui  eft  la  feuie  de  tous 
ces  oiicaux  nodunics,  qui  ait  {es  yeux 
noirs  t<  le  j)îuinnge  aulli  prefque  noir, 
&i  qui  de  plus  approche  du  corbeau 
plus  qu'aucun  autre  par  la  grcfleur.    . 

II  y  a  encore  une  raifon  de  conve- 
nance qui  ajoute  à  la  vi'aifenibfance  de 
mon  interprétation  ,  c'ed  que  (e  nyc- 
ticorax  chez  les  Grecs,  6i  même  chez 
les  Hébreux  ,  étoit  un  oifeau  commua 
&  connu ,  puiiqu'ils  en  empruntoicnt  des 
comparaîions  (ficut  nyâicorax  in  demi' 
cilioj;  il  ne  faut  pas  s'imaginer,  comme 

I  le  croient  ia  plupart  de  ces  Liitérateurs, 

■  que  ce  fût  un  oiieau  fi  foiitaire  &  fi 
rare  ,  qu'on  ne  puiffe  aiijourd'hui  en 
retrouver   l'efpèce  :   la  hulotte  eft  par- 

I  tout  allez  commune;  c'eil  cîe  toutes  les 
chouettes  la  plus  grofie,  la  plus  noire 
&  la  plus  femblabie  au  corbeau  :  toutes 
les  autres  efpèces  en  font  abfolument 
différentes;  je  crois  donc  que  cette  ob- 
lervation ,  tirée  de  la  chofe  même,  doit 
avoir  plus  de  poids  que  l'autorité  de  ces 

.  Commentateurs,  qui  ne  connoifFent  pas 
aiïez  la  Nature ,  pour  en  bien  inter- 
préter i'hiltoire. 


T  ï  4        Hijloire  Naturelle  \ 

Or  le  glûux  étant  le  chat-huant,  ou 
fi  l'on  veut  ,  la  chouetie  aux  yeux 
bleuâtres  ,  &  le  nyâicorax  étant  la  hu- 
iotte  ou  chouette  aux  yeux  noirs  ,  Vœ- 
golios  ne  peut  être  autre  que  la  chouette 
aux  yeux  jaunes;  ceci  iiiéfite  encore 
quelque  dircuflion. 

Théodore  Gaza  traduit  le  mot  nyc- 
îhorax  ,  d'abord  par  cicumû  ,  enfùite 
par  ulula,  <&  enfin  par  cicunla ;  cette 
dernière  interprétation  n'éil  vraifernbla- 
hX^m^m  qu'une  fîiute  à^s  Copiées ,  qui 
de  cicuma  ont  fait  ckunia  ;  car  Feftus 
avant  Gaza  ,  avoiî  également  traduit 
vyâicQTûx  par  clcurna ,  &  îfidore  p.ar  ce- 
cuma ,  &.  quelques  autres  par  cecuû  :  cqH 
même  à  ces  noms  qu'on  pourroit  rap- 
porter l'étymoiogie  des  mots  ^neta  en 
italien 5  chomîte  en  françois:  fi  Gaza  eût 
fait  attention  aux  caraclères  du  nyâkorax, 
ï\  s'en  i^roit  tenu  à  la  ieconde  inîeq:!ré- 
taiion  ulula ,  &  i\  n'eût  pas  fait  double 
emploi  de  ce  terme ,  car  il  eût  alors  tra- 
duit œgolïos  par  cicuma;  il  me  paron  donc 
par  cet  examen  coiuparé  de  ces  difFérens 
objets  &  par  ces  raiibns  critiques  ,  que 
le  ghmx  Q^  le  chat-huaat  ^  ie  nyâicorax 


(bs  Oifedux  (k  proie  noâiirncs.  1 1  5 
hulotte  ;   eSc  Xcs^olïos  •  la  chouette  ou 
'grande  chevêche. 

:  li  reile  le  chnmdiios ,  le  chalcïs  ai  le 
capriceps.  Gaza  ne  leur  donne  peint  de 
noms  latins  particiiiiors;  c^  fe  contente 
de  copier  le  mot  grec,  .&  de  les  indi- 
quer par  charadrius,  cJialâs  Si.  capriceps: 
comme  ces  oifeaux  Ibnt  d'un  genre 
différent  de  ceux  dont  nous  traitons ,  (Se 
que  tous  trois  paroiffcnt  être  des  oifeaux 
de  marais ,  &  hai:»itant  le  bord  des  eaux  , 
nous  n'en  ferons  pas  ici  plus  ampie 
mention  ;  nous  nous  réfervons  dVii 
parier  lorlqu'ii  fera  queftion  des  oiicaux 
pêcheurs,  parmi  lefquds  ii  y  a ,  comme 
dans  les  oifeaux  de  proie  ,  des  efpèces 
qui  ne  voient  pas  bien  pendant  le  jour, 
&  qui  ne  pèchent  que  dans  le  temps 
où  les  hiboux  &  les  chouettes  chafîent, 
c'efc-à-dire,  iorfque  la  lumière  du  jour 
ne  les  oiïiifque  plus  :  en  nous  renfer- 
mant donc  d:vns  le  fujet  que  nous  trai- 
tons,  &  ne  confidu-ant  à  préfent  que 
les  oifeaux  àa  genre  des  hiboux  ôl  des 
chouettes ,  je  crois  avoir  donné  la  iufte 
interprétation  à^i  mots  grecs  qui  les 
xiéfio-nent   tous  ;  ii  n'y  a  que  la   feule 


I  I  6        Hiflou-e  Naturelle 

chevêche  ou  petite  chouette  dont  je  rw 
trouve  pas  le  nom  dans  cette  lanouei 
Ariiîote  n'en  fliit  aucune  menticn  nuile 
part ,  &  ii  y  -a  grande  appi-tence  qu'il 
n'a  pas  diilingué  cette  petite  efpèce  de* 
chouette  de  ceile  àxijcops ,  ou  petit  duc^ 
parce  qu'elles  fe  reilembient  en  effèi 
par  la  orandeur ,  ia  forme ,  la  couleujr 
des  yeux,  &  qu'elles  ne  diftèrent  efTeul 
tieiiemem  que  par  la  petite  plume  pro-»- 
e'minente  que  ie  Icops  porte  de  chaque 
côté  de  ia  tête,  &  dont  la  chevêche  ou 
petite  chouette  e(i  dénuée  :  mais  toutes 
ces  diiicrences  particulières  feront  ex- • 
poites  plus  au  long  dans  les  articles, 
lui  vans. 

Aidrovande  remarcjue  avec  raifon  ,  i 
que  la  plupart  des  erreurs  en  Hiiloire^l 
Naturelle,  font  venues  de  la  conflifioii  i 
des  noms,  &  que  dans  celle  des  oifèaux  | 
nccflurnes ,  on  trouve  Tobicurité  &  les  ( 
ténèbres  de  la  nuit  ;  je  crois  que  ce  que  \ 
nous  venons  de  dire  pourra  les  diOlper  \ 
en  grande  partie  :  nous  ajouterons,  poiir^: 
achever  d'éclaircir  cette  matière,  quei- ' 
ques  autres  remarques  ;  le  nom  iile ,  eule 
en  Allemand  ;  owl ,  houkî  en  Angloisj 


iles  Oîfeaux  de  proie  noâurnes.  i  1 7 
huette  ,    hulotte   en    François ,   vient  du 
Latin  ulula ,  ôc  celui-ci  vient  du  cri  de 
::es  oîfeaux  nocflurnes  de  la  grande  ef- 
pcce;  il  elt  très-vraiiemblable  ,  comme 
,e  dit   M.    Frilch  ,    qu'on    n'a  d'abord 
nomme   ainfi   que  îes   grandes  efpèces 
de  chouettes ,  mais  que  fes  petites  leur 
rciiemblant  par  la  forme  &  par  le  na- 
turel,  on  leur  a  donné  le  même  nom  , 
qui  dès- lors  elt  devenu  un  nom  général 
6c  commun  à  tous  ces  oi féaux  ;  de  -  là 
h  confufion  à  laquelle  on  n'a  qu'impar- 
iaucment  remédié,  en  ajoutant  à  ce  nom 
oc  aérai  une  épi  th  été  priie  du  lieu  de  leur 
dcineurc  ou  de  leur  forme  particulière  , 
ou  de  leurs  difîérens  cris  ;  par  exemple, 
/?£///  -  eule  en  Allemand  ,    chouette  des 
rochers  ,    qui    ell   notre    chouette  ou 
grande  chevêche  ;   kirc/i  -  eule  en  Alle- 
mand ,  churchowl  en  Angîois ,  chouette 
des  églifês  ou  des  clochers  en  François, 
qui  eil  notre  eiïraie  ,  qu'on  a  aufîi  2i^' 
pelé  fclikyer-eule  ,  chouette  voilée  ,  perl- 
eule ,    chouette  perlée   ou  marquée  de 
petites  taches  rondes  ;  orh-eule  en  Alle- 
mand, horn-oivl  en  Anglois,  chouette  ou 
jîibou  à  oreilles  en  François,   qui  eft 


•f 

'î  I  8        Hîfloire  Ndîurelle 

notre  hîP:>ou  ou  moyen  duc  ;  knapp-euh, 
chouette  qui  fait  avec  Ton  bec  le  bruit 
qu-e  l'on  fait  en  cafiant  une  noifette  ,  ce 
qui  ne'anmoins  ne  peut  défïgner  aucune 
elpèce  particulière ,  puifque  toutes  les 
grofles  eipèces  de  hiboux  &  de  chouettes 
font  ce  même  bruit  avec  leur  bec  ;  le 
nom  biibo ,  que  les  Latins  ont  donné  à 
îa  plus  grande  efpèce  de  hibou  ,  c'efl^ 
à-dire  au  grand  duc  ,  vient  du  rapport 
d-e  ion  cri  avec  le  m.ugilTementdu  bœuf; 
&  les  Allemands  ont  défigné  le  nom  de 
i'animal  par  le  cri  même ,  ulu  (  oukoiij, , 
puhu  ( pouhou  ). 

Les  trois  efpèces  de  hiboux  &  les  i 
cinq    el]:)èces   de    chouettes  que    nous? 
venons  d'indiquer  par,  des  dénomina-?) 
lions  precilès,  &  par  des  caradères  aufîî: 
précis ,  x:ompo{ent  le  genre  entier  é^si 
oifeaux  de  proie  nocturnes  ;  ils  diiîerent; 
des  oifeaux  de  proie  diurnes,  i .°  Par  le 
fens  de  la  vue ,   qui  eft  excellent  dansj 
ceux  -  ci ,  <&  qui  paroît  fort  obtus  dans 
ceux-là ,  parce  qu'il  eft  trop  fenfible  & 
trop  afteété  de  i'éciat  de  la  lumière  ;  on 
voit  leur  pupille  ,   qui  eft  très-large ,  (è 
ï'étrécir  au  grand  jour  d'une  manière  !^ 


lies  Oïfeaux  4e  proie  noâurnes.  i  rp 
différente  de  celle  des  chats  ;  \\  pupille 
dcsoiieaux  de  nuit  reile  toujours  rondç 
en  le  rétréciflant  conceatriquemcnt  ;  au 
lieu  que  celle  des  chats  devient  perpeii- 
diculaireinent  étroite  &  longue.  2."  Par 
le  lens  de  l'ouïe ,  il  paroît  que  ces  oi- 
leaux  de  proie  nodurnes  ont  ce  iens 
fupérieur  à  tous  les  autres  oileaux ,  & 
}xut  -  être  même  à  tous  les  atiimaux  • 
car  ils  ont^  toute  proportion  gardée, 
les  conques  des  oreilles  bien  plus  o-rande$ 
qu'aucun  des  animaux  ;  il  y  a  auUl  plus 
d'appareil  &  de  mouvement  dans  cet 
organe,  qu'ils  font  maîtres  de  fermer  & 
d'ouvrir  à  volonté,  ce  qui  n'efl  donné 
à  aucun  animal.  3 ."  Par  je  bec  dont  Li 
bafe  n'eft  pas  comme  dai^s  les  oifeaux 
de  proie  diurnes ,  couverte  d'une  peau 
iifTe  &  nue,  mais  efl  au  contraire  gari^ie 
de  plumes  tournées  en  devant;  &  de 
plus  ils  ont  le  bec  court  &  mobile  dans 
fes  deux  parties  comme  le  h^c  des  per= 
roquets  (h),  &  c'efl  par  la  facilité  de  ces 

(h)  Utrumquerojhwnfve  mmdihulcz  amlcz  wolUes 
fim  ;  infigiufque  fuperioYi  mufculi  ah  utraque  pane  dati 
qui  luiid  renvveant  adducamque  ad  hferius  rcfmm  re^ 
Mus  adduaormi  aluy  in  uno  laterc  ai?  occipiie  v^rMu^ 


I  2  b     H ijloire  Naturelle ,  &c. 

deux  mouvemens,  qu'ils  font  fi  fouvent 
craquer  leur  bec,  &:  qu'ils  peuvent  auiîî 
l'ouvrir  aitez  pour  prendre  de  très  gros 
morceaux  que  leur  gofier  auiîi  ample  , 
aufîi  large  que  l'ouverture  de  ieur  bec , 
ieur  permet  d'avaler  tout  entiers.  4.''  Par 
les  ierres  dont  ils  ont  un  doigt  antérieur 
de  mobile  ,  &  qu'ils  peuvent  à  volonté 
retourner  en  arrière  ,  ce  qui  leur  donne 
plus  de  fermeté  &  de  facilité  qu'aux 
autres  pour  fe  tenir  perchés  fur  un  feul 
pied.  5.°  Par  leur  vol  qui  fe  fait  en 
culbutant  lorfqu'iis  fortent  de  ieur  trou  , 
&  toujours  de  travers  &  fans  aucun' 
bruit  ,  comme  fi  le  vent  les  emportoit  : 
ce  font-ià  les  différences  générales  entre 
ces  oi féaux  de  proie  noâ:urnes ,  &  les 
oiieaux  de  proie  diurnes ,  qui ,  comme 
l'on  voit,  n'ont  pour  ainfi  dire  rien  de 
fembiable  que  leurs  armes ,  rien  de  com- 
mun que  leur  appétit  pour  ia  chair  & 
leur  goût  pour  ia  rapine. 

tinàimsa  expanfione  in  palato  définît.  Klein ,  de  Avih» 

LE  DUC 


*Z£   DUC  (a) 

o  u 
GRAND    DUC, 

Voye^  planche  viii  de  ce  volume, 

jLi  ES    Poètes  ont  dédié  l'Aigïe  à  Ju-J 
piter,    &  ie  JDuc  à  Junon  ;    c'efl  ea 

f^  Voyei  les  planches  enluminées,  n,°*4,35  ^  38^^ 

(a)  En  Grec,  Bvctç  ;  en  Latin,  Buh;  en  EP 
^agnol;  Bu/io;  en  Portugais,  Afoc/io  ;  en  ïtaîien; 
Duco ,  Dugo  ;  en  Savoyard  ,  Cnaferon  ;  en  AHe- 
tnsind,  Uhu,  Hiihu,  Schuffur ,  Bhu,  Becghu,  Huhuy^ 
^Jiuh ,  Huo ,  Puhi  ;  en  Poionois,  Puhaci,  ^owa.' 
îe^na;  en  Suédois,  Vf;  en  Anglois,  Great  hornowi, 
JEagk-owh — On  l'appelle  aufîi  en  François ,  Grand 
■  Hibou  cornu  ;  en  quelques  endroits  de  l'Italie ,  Bar^^. 
hagiani  ;  en  quelques  endroits  de.  la  France ,  Bar^, 
ia'ian;  &  en  Provence,  Petuve,  —  Buho.  Gefner;' 
Avium,  pag.  233.  —  Aldrov.  Avi,  tom,  I,  pag4 
502.  —  Grand  duc.  Belon.  J^iji.  nat,  des  Oifeaux^ 
page  135.  —  Grand  chat  -  huant.  Albin,  tome  11  ^ 
page  /,  planche  IX ,  avec  une  figure  colorîéef 
— r:  Bubo  noâua  maxima,  Frifch  ,  planche  XCIII ,. 
avec  une  figure  coloriée.  —  Le  Grand  duc,  BrllFoi^ 
■Ornirh.  tome  ï ,  page  4.77, 

Oifeau?if  Tçms  JL^  JE 


;i  2  2         HiPûîre  Nûtwelle 

efTct  l'aigle  de  la  nuit ,  &  le  roi  Je  cett^ 
tribu  d'oileaux  ,  qui  craignent  la  lumière 
du  jour  ,  6c  ne  volent  que  quand  elle 
s'éteint  :  le  duc  paroît  être  au  premier 
coup  d'oeil  aulîi  gros,  aufîi  fort  que 
ï'aigle  commun  ,  cependant  il  ed  réel- 
iement  plus  petit,  Ôt  [es  proportions  de 
fon  corps  font  toutes  ditlérentes  ^  il  a 
ïes  jambes,  le  corps  &  la  queue  plus 
courtes  que  l'aigle  ,  la  tête  beaucoup 
pîus  grande ,  les  ailes  bien  moins  lon- 
gues ,  rétendue  du  vol  ou  l'envergura 
n'étant  que  d'environ  cinq  pieds  :  on 
diftingue  aifém^ent  le  duc  à  la  grofTe 
figure,  à  fon  énorme  tête,  aux  larges 
&  profondes  cavernes  de  fes  oreilles, 
aux  deux  aigrettes  qui  furmontent  ft 
tête ,  &  qui  font  élevées  de  plus  de 
deux  pouces  &  demi;  à  fon  bec  court, 
noir  &  crochu  ;  à  fes  grands  yeux  fixes 
&  tranfparens  ;  à  fes  larges  prunelles 
noires  &  environnées  d'un  cercle  de 
couleur  orangée  ;  à  fa  face  entourée  de 
poils,  ou  plutôt  de  pentes  plumes  blan-^ 
ches  &  décompoiées  qui  aboutiOent  à. 
une  circonférence  d'autres  petiiCo  piume^ 
ftiféesj  à  fes  ongles   noirs /très- fon|j| 


in  Duc  Giï  grand  Duc.    i  z^ 

,èi.  très-crochus  ;  à  Ton  cou  très -court, 
à  Ton  plumage  d'un  roux  brun  taché 
de  noir  &  de  jaune  fiir  le  dos  j  &  de 
jaune  fur  le  ventre  ^  marqué  de  taches 
noires .  &  traverfé  de  quelques  bandes 
brunes  mêlées  allez  confufément  ;  à  lès 
pieds  couverts  d'un  duvet  épais  &.  de 
plumes  rouiTâtres  jufqu'aux  ongles  (b); 
^nfiïi  à  Ton  cri  effrayant  (c)   hû'ihôu, 

(h)  Nota,  La  femcîfe  ne  diffère  du  mâîe,^ 
^  t^tVi  ce  que  les  plumes  fur  le  corps ,  les  ailes  & 
I  la  queue  ,  font  d'une  couleur  plus  f ombre. 

i      (c)  Voici  ce  que   rapporte  M .  Frifch  au  fujet 

j  des  différens    cris    du   Puhii,   Schuffut ,  ou   Grand 

I  Vue ,  qu'il  a  long  -  ternps  gardé  vivant  :  lorfqu'iï 

avoit  faim,  dit  cet  Auteur,     il  formoit    un  (on 

i  allez   fcmbiable  à  celui  qui  exprime  fon  nom    (en 

I  Aiiemand,  Puhu)  Pi7«/^£?«;  ïorfqu'il  entendoit  îoufe 

ou  cracher  un  vieillard  ,  il    commençoit   très-hauÊ 

£c  très-fort,  à  peu-près  du  ton  d'un  payfan  ivre 

qui  éclate  en  riant ,    &  il     faifoit  durer  Ton  cri 

Oiihou  ou  Pouhou,    autant  qu'il  pou  voit  être    de 

temps  fans  reprendre  haleine  ;  il   m'a  paru  ,   ajout-e 

M.   Frirch  ,    que    cela  arrivoit  lorfqu'iï  étoit    en 

i  amour ,  &  qu'il  prenoit  ce    bruit  qu'un  homme 

fait  en  touflant ,  pour  le  cri  de  fa  femelle  :    mais 

quand  il  crie  par  angoiffe  ou  de  peur,   c'eft  tirs 

:  cri  très-défagréable  >    très -fort   &.   cependant    alTez 

'  femblable  à    celui  des  oifeaux    de  proie  diurnes, 

-:  Traduit  de  l'Allemand  de  Frifch  ,  article  du   Buh§ 

i  m  Grand  Duc* 


Iwuliûu ,  houhôu ,  pouhôu ,  qu'il  {'?àt  y  H 
teniir  dans  le  filence  de  la  nuit,  lorfque 
tous  les  autres  animaux  fe  taifent;  6c 
c'efl  alors  qu'il  les  éveille ,  les'  inquiète  , 
ies  pourfuit  &  les  enlève ,  ou  les  met 
à  mort  pour  les  de'pecer  &  les  emporter 
dans  les  cavernes  qui  lui  fervent  de 
retraite;  auffi  n'habite -t-il  que  les  ro- 
.chers  ou  les  vieilles  tours  abandonne'es 
<&  fituées  au-deffus  des  montagnes  :  iî 
defcend  rarement  dans  les  plaines,  ^ 
aie  le  perche  pas  volontiers  fur  les 
arbres  ,  mais  fur  les  égliies  écartées  <Sc. 
fur  les  vieux  châteaux.  Sa  chafTela  pluS! 
ordinaire,  font  les  jeunes  lièvres,  ie$i 
iapins ,  les  taupes ,  les  mulots ,  les  fou  ris  j 
qu'il  avale  tout  entières,  &  dont  il  digérée 
la  fubftance  charnue ,  vomit  le  poil  ^4^ ^j 

(d)  J'ai  eu  deux  fois,  dit  M.  Frifch,  des  grandtS^ 
Ducs  vivans,  &:  je  les  ai  ccnfervés  iong-temps;  jec 
les  nourrilTois  de  chair  &  de  foie  de  bœuf,  doiùi 
Ils  ava'oienî  foavent  de  fort  gros  morceaux  j  Ior(-- 
qu'on  jetoit  des  fouris  à  cet  oifeau  ,  ii  leur  brifoitf 
les  côtes  (Se  les  autres  os  avec  fon  bec  ,  puis  il  les. 
avaloît  l'une  après  l'autre ,  quelquefois  jufqu'à  cinq  \ 
4e  fuite  ;  au  bout  de  quelques  heures  ,  les  poils  ; 
&  les  os  fe  radembloîent ,  fe  pelotonnoient  dans 
fon  eftomac  par  petites  mafles ,  après  quoi  il  les 
îFan^enoît  en  haut,   6:  ies  rejetoiï  par  le  becj  ay|J 


du  Duc  ou  grdrîJ  Diià    t  i  y 

îes  os  &  ia  peau  en  peîottes  arrondies  ^ 
ril  mange  auilî  les  chauve- fburis,  ics 
jièrpens,  les  ie'zards,  les  crapauds,  leS 
iigreiîouiiles  ,  ôl  en  nourrit  fes  petits  :  if 
;ehafle  alors  avec  tant  d'adiyité ,  que  foit 
[nid  regorge  de  provifioni  ;  il  en  raiïein- 
?'l)Ie  plus  qu'aucun  autre  oifeau  de  proie. 
'  On  o;arde  ces  oiieaux  dans  les 
[me'nagerics  à  caufe  de  leur  figure  fin- 
^uiière  ;  i'eipèce  n'en  eil  pas  auflî 
Jnombreufe  en  France  que  ceiie  des 
^autres  hiboux,  &  il  n'eft  pas  fiar  qu'iis 
:rell:ent  au  pays  toute  l'année ,  ils  y  ni- 
'chent  cependant  quelquefois  fi-ir  (10.9 
'arbres  creux ,  &  plus  fouvent  dans  des 
tavernes  de  rochers  ,  ou  dans  des  trouS' 
'de  hautes  &  vieilles  murailles  ;  leur  nid 
^  près  de  trois  pieds  de  diamètre,   & 

déf  ut  d'autre  pâture  ,  il  mangeoit  toute  forte  de- 
poiifons  de  rivière ,  petits  &  moyens  ,  &  après* 
avoir  de  même  brifé  &  pelotonné  les  arêtes  dans 
fon  eftomac,  il  les  ramenoit  ie  long  de  fon  coUj^- 
&'  (es  rejetoit  par  fe  bec  :  ii  ne  voufoit  point  du' 
tout  boire,  ce  que  j'ai  obfervé  de  même  de  que-ques- 
oifeaux  de  proie  diurnes.  Nota,  Qu'à  îa  vérité  ces^ 
sifeaux  peuvent  fe  paffer  de  boire  ,  mais  que  ce- 
pendant ,  qunnd  ils  font  à  portée  ,  ils  boivent ,  m^ 
S  cachant-,  Vo}'eiJur  cchl'artick  du  jean-ie-blanc^- 


12  6        Hipoire  Naturelle 

eft  compofe  de  petites  branches  de  borsi||' 
ièc   enirel.ilîées   de  racines   rou{)les,   & 
garni   de   feuilles    en   dedans/,    on    ne< 
trouve   fouvent    qu'un   œuf    ou    deux^ 
dans  ce  nid,  &  rarement  trois  ;.  la  cou- 
leur de  ces  œufs   tire  un  peu  fur  celiez 
du  plumage  de  l'oifeau  ;   leur   grofleur  i 
excido.    ceile    des  (xixîs   de   poule:  les; 
petits  font  irès-voraces ,  &  les  pères  &< 
mères  très -habiles  à  la  chaffe  cju'ils  font  i 
dans  le  filence ,  &  avec   beaucoup  j:)Ius  i 
de  légèreté  que  leur  groiïe   corpuiancejL 
ne  paroît  ie  permettre;  fouvent  ils   iek 
battent  avec  les  bufes,    &   font   ordi-: 
nairement  les   plus  forts  &   ies  maîtres 
de   la   proie   cju'iis    leur    enlèvent;    ilsi 
fupportent  plus  allument  la  lumière  duj: 
jour  que    les  autres    oiieaux  de  nuit  ^ 
car  ils  fortent  de  meilleure  heure  ie  foir 
&  rentrent  plus  tard  le  matin;   on  voit 
quelquefois  le  duc  affaiili  par  des  troupes  i 
de  corneilles  qui  le   fuivem   au  vol   &  c 
l'environnent  par  milliers;     il    foutient  i 
leur  choc  (e),  pouffe  des  cris  plus  forts  j 


(e)  Fortîjfimd  avis  fap'ius  valde  tumuhuatur  imer^  f 
mlknarii  numeri  comicest  Klein,  Avit  pag.  54.  &;! 
(uîvjintes,  •! 


y//  Duc  ou  ^mnd  Duc.    1  27 

tiu'elies,   &   finit  par  ies  difperfcr,   <5c 
,fouvent    par    en    prendre    quelqu'une 
ilorfque  la  lumière  du  jour  baifle  ;  quoi- 
i  qu'ils  aient  les  ailes  plus  courtes  que  la 
,  plupart  des  oil'eaux.  de  haut  vol ,  ils  ne 
ilainènt  pas  de  s'élever  jiffez  haut,  fur- 
I  tout  à  l'heure  du  crépu  feu  le  ;   mais  or- 
idinairement  ils  ne  volent  que  bas  &  à 
[de  petites  diftances  dans  les  autres  heures 
\  du   jour  :    on  fe   iert   du   duc   dans   la 
i fauconnerie  pour  attirer  le   milan;   on 
i  attache   au  duc  une  queue  de  renard, 
I  pour  rendre  la   figure  encore  plus  ex-. 
\  Uaord inaire  ;  il  voie  à  fleur  de  terre ,  & 
ife  poie  dans  la  campagne,  fans  fe  per- 
cher  fur  aucun    arbre ,    le   m.ilan   qui 
(l'aperçoit  de  loin ,  arrive  &  s'approche 
du  duc ,  non  pas  pour  ie  combattre  ou 
l'attaquer  ,  mais  comme  pour  l'admirer  y 
&   ii  fe  tient  auprès  de  lui  afTez  long- 
j  temps  pour  fe  îaifier  tirer  par  le  chai- 
:  ieur ,   ou  prendre  par  les    oifeaux    de 
j  proie   qu'on  lâche   à    (a  pourluite  :    la 
i  plupart  des  faifuidiers  tiennent  aufîi  dans 
leur  faifanderie  un   duc  qu'ils  mettent 
'toujours  en  cage  fur  des  juchoirs  dans 
un  lieu  découvert;  afin  que  les  corbeaux 

F  iiij 


fï  2  8        'Hïfloire  Naturelle 

êL  les  corneilles  s'aiïembient  autour  Je 
ïui,  &  qu'on  puifTe  tirer  &  tuer  un  plus 
grand  nombre  de  ces  oifeaux  criards 
qui  inquiètent  beaucoup  leâ  jeunes 
failans;  &  pour  ne  pas  effrayer  les  fai- 
fans,  on  tire  ies  corneilles  avec  une 
farbacane  (fj. 

On  a  obferve'  à  l'égard  des  parties 
intérieures  de  cet  oifeau  qu'il  a  la  langue 
courte  &.  afTez  large,  reftomac  très- 
ample  ,  l'œil  enfermé  dans  une  tunique 
cartiiagineufe  en  forme  de  capfule ,  & 
ie  cerveau  recouvert  d'une  fimple  tu- 
nique plus  épaiife  que  celle  des  autres 
oifeaux ,  qui  comme  les  animaux  qua- 
drupèdes 5  ont  deux  membranes  qul^ 
recouvrent  la  cervelle  (^gj. 

Il  paroît  qu'il  y  a  dans  cette  efpèce 
une  première  variété    qui    femble    ex% 

(f)  Voyez  Frifch ,  à  l'article  du  Grand  Duc* 

(g)  Vide  Schwenckfeld  ,  Theriotrop,  SU.  pagi. 
^o8.  Nota.  Ceux  qui  voudront  avoir  àts  cou- 
ïioifTances  exades  fur  ia  ftrudure  àts  parties  in- 

*  lérieures  des  oifeaux  de  ce  genre ,  ies  trouveronl- 
dans  les  ^obfervations  51  &  52  de  Jean  de  Ma- 
raîto.  Ephémérides  des  Curieux  de  la  Nature ,  aunes 
\j  682.  ;  &  Coll,  Acad,  paru  étrangère,  tomç  IIÏ  ^ 
j^ages  ^7^  a^  ^75,. 


«^//  Duc  ou  grand  Duc.  î^^ 

ï^nfermer  une  féconde  ;  toutes  deux  ie 
trouvent  en  Italie ,  &  ont  été  indique'es 

j  par  Aldrovande ,  on  peut  appeler  l'un 
le  duc  aux  ailes  noires  (h),  &:  le  fécond 
le  duc  aux  pieds  mis  (ï);  le  premier  ne 
diffère  en  effet  du  grand  duc  commun 
que  par  les  couleurs  qunl  a  pïus  brunes 

\  ou  plus  noires  liir  les  ailes ,  le  dos  &: 
la  queue  ,  6c  le  fécond  qui  reiïeinbfe 
en  entier  à  celui-ci    par   ces   couleurs 

'  plus  noires  ,    n'en  difîère   que  par  h 

:  jMudité  des  jambes  &  des  pieds  qui  font 
très-peu  fournis  déplumes;  ils  ont  âullx 
tous  deux  les  jambes  plus  menu-ts   & 

i.Hioins  forces  que  le  duc  coiraîiiuio 

Indépendamment  de'  ces  deux  va^» 
nétés  qui  le  trouvent  dans  nos  climats  ^ 
îî  y  en  a  d'autres  dans  des  climats  p!us 

:  éioiscnés  :  le  duc  blanc  de   LaDDonie , 

(h)  Bulo  nojler,  AiJrov.  Avi»  tom.  î,  -pv.gi- 
■50 S.  —  Grand  duc  aux  ailes  noïres.  k\h\n  ^, 
tome  JII,  page  ^,  —  Le  grand  duc  d'Italie.  Brllîon, 
lomt  I,  page  ^82,  —  Le  grand  hibou  CGma  d'A- 
thènes. Edwards,  Glanures  ,  page  3  •7,  pUncFae 
ccxxvii. 

-  _  ( i)  Bulo  mP.er.  Afdrov.  Avl  ton?,  \ ,  pagi- 
'508.  —  Le  grand  duc  dé<lîaufîë.  Briffon  ^  ^mrlt 

X    f 


'ï  '3  o       Hifloire  Naturelle 

marqué  de  taches  noires  ,  qu'indique 
Liniiœus  (k),  ne  paroît  être  qu'une 
variété  produite  par  le  froid  du  Nord  ; 
on  fliit  que  la  plupart  des  anii-naux  qua- 
drupèdes font  naturellement  blancs  ou 
îe  deviennent  dans  les  pays  très-froids  ; 
il  en  efl:  de  même  d'un  grand  nombre 
d'oifeaux  :  celui-ci  qu'on  trouve  dans 
ies  montagnes  de  Lapponie  efl  blanc, 
taché  de  noir;  &  ne  diffère  que  par 
celte  couleur  du  grand  duc  commun  ; 
ainfi  on  peut  le  rapporter  à  cette  efpècc 
comme  ifimple  variété. 

Comme  cet  oifeau  craint  peu  îe 
chaud ,  &  ne  craint  pas  le  froid ,  on  le 
trouve  également  dans  les  deux  con- 
îinens  au  Nord  &  au  Midi,  &:  non- 
ièuîemem  on  y  trouve  l'elpèce  même, 
mais  encore  ies  variétés  de  i'efpèce  : 
i,e  jacurutu  du  Brefii  (IJ,   décrit  par 

(k)  Strix  cafite  auriw ,  corpon  alhtJo.  LinnseU5, 
'Faun,  Suec,  numéro  46.  —  Le  grand  duc  àt 
Lapponie.  BriiToa,  tome  1,  page  ^86, 

(  l)  Jacurutu  Brafillenfibus ,  Bufo  Lujithamî 
tiodua  eji  magnnudine  aquat  anfcns  :  cûput  habet 
ronmdwn  injîur  felis  :  rofirum  admcum  nigrwn ,  fu- 


du  Duc  ou  grand  Duc.     î  j  t; 

^arcgrave  ;  efl:  ablolument  le  même 
oiieau  que  notre  grand  duc  commun  ; 
celui  qui  nous  a  eié  apporté  des  terres 
Alagellaniques  *,  ne  diffère  pas  afTez 
du  grand  duc  d'Europe  pour  en  faire 
une  efpèce  féparée;  celui  qui  efl:  indiqué 
par  l'Auieur  du  voyagera  ia  baie  de  Hud- 
ion ,  fous  le  nom  de  hibou  couronné  (m) , 
ÔL  par  M.  Edwards,  fous  le  nom  de  duc 

iy  fpleniîcntes  ini'Jar  cryjlalll ,  in  quthits  imerlas  dr- 
culus  jîayns  verjus  extrcwa  apparet  ;  Ltitwio  oculomm 
aliqnamo  mdjor  gro^fo  mifnico  ;  prope  aurium  foramina 
ylwnas  hahci  duos  dighos  Ltngas,  qua  inflar  aurium 
in  acutum  definunt  &  attoHuntur  .•  cauda  lata  eji  , 
neque  alcz  pertingmn  ad  Ulius  extremitatmi  :  cyura 
pciinis  vifiita  ufque  ad  pedcs,  in  niàhus  quatuor  digiti, 
nés  anterins ,  iinus  pojîerivs  ver  fus,  ntquc  in  quolibet 
nnguis  incurvants  t  niger ,  pkjquam  digitum  longus  iT" 
acutijpmus  ;  penna  totivs  corporis  varie  gant  ur  e  flavo, 
clho  &  nigrkante  yerckganter,  Marcg.  ////?.  natt 
BrafiL  pag.  199. 

*  F^'f^  Je  s  planches  enlumïne'es,  n,*'  3  85. 

(m)  Le  arancl  hibou  couronné  efl  fort  commun 
dans  les  terres  voifiiies  de  ia  baie  de  Hudion  ;  cefi 
un  oifeau  fort  finguiier,  &  dont  la  tête  n'efl:  guère 
plus  petite  que  celle  d'un  chat  ;  ce  qu'on  appelle 
fcs  cornes,  font  des  pi  urnes  qui  ^élèvent  pré ctjémem 
/lu-dt^us  du  bec,  où  elles  font  ■  mêlées  de  blanc, 
devenant  peu  à  peu  d'un  rouge-brun  marqueté  de 
noir,  Vcj/oge  de  (a  baie  de.  Hudjon,  lome  I ,  page ^ j .^ 

F  vj 


[ï^i        'Hîjtolre  NatureBe 

de  Virginie  (nj,  font  des  variétés  qui  fg 
Si-ouvent  en  Amérique  les  mêmes  qu'en 


/«/«  Getoifeau,  dit  M.  Edwards',  efî  de  fa- 
80  plus  grande  efpèce  àts  hiboux,  &  très-approchans 
5»  de  ia  grandeur  du  hibou  cornu,  que  nous  ap- 
5>  peions  hibou  aigle  (grand  duc);  fa  tête  eft  aufii 

:>»  grofTe  que  ceiie  d'un  chat ie  bec  efl  noir^ 

»  ia  mandibule  Tupérieure  en  eft  crochue  &  fur- 
»  paflè  la  mandibule  inférieure  comnfe  dans  les 
3>  aigles  ;  il  eft  recouvert  d'une  peau  dans  laquelle 
5»  font  placées  les  narines ,  &.  qui  eft  recouverte  à 
3>  la  bafe  par  de^  plumes  grifes  qui  environnent  le 
3>  htç;  les  yeux  font  grands,  &  l'iris  en  eft  brillante 

3>  &  couleur  d'or Les  }jlun:cs  qui  compofent- 

3)  /(fj  cornes ,  p'ennent  leur  naij/ance  immédiateme-nt 
S)  au'deffiis  du  bec ,  où  elles  font  mélangées  d'un 
3J  peu  de  blanc;  mais  à  mefure  qu'elles  s'élèvent 
2>  au-deflus  de  la  tête,  elles  deviennent  dun  rouge» 
»  brun  &  fe  terminent  par  du  noir  au  dehors  ; 
>j  le  deffus  de  la  tête  ,  du  cou ,  du  dos ,  àts  ailes 
5>  &  de  la  queue,  font  d'un  brun  obfcur,  taché 
3>  &  entre  -  mêlé  aiïez  confufément  de  petites  lignes 
5>  tranfverfales  rougeâtres  &  cendrées.  .  »  ,  .  le  haut 
s>  de  la  gorge,  fous  ie  htc,  t?i  blanc  ;  un  peu  plus 
•»  bas ,  jaune-orangé ,  taché  de  noir  ;  le  bas  de  la- 
9>  poitrine,  le  ventre,  les  jambes  &  le  delTous  de: 
»  la  queue  efi  blanc  ou  d'un  gris-paie  ,  alTez  régu- 
»  lièrement  traverlë  de  barres  brunes  ;  ie  dedans  ■ 
3>  d&s  ailes  eft  varié  &  coloré  de  la  même  façon , 
s>  les  pieds  font  couverts  ,  jufqu'aux  ongles ,  de 
3>  plumes  d'un  gris-blanc ,  &  les  ongles  font  d'une 
?>  couleur  de  corne  brune  &  foncée  :  j'ai  deffiné  j 
^  ajoute  M»  Edwards^  çcî  oiCeau  vivant  à  l^nàx^^. 


'du  Duc  ou  grand  Duc.     r  3  31 

îurope  ;  car  la  différence  la  plus  re- 
inarquable  qu'il  y  ait  entre  le  duc 
commun  &  ie  duc  de  la  baie  de 
I ludion  (Se  de  Virginie,  c'cfl:  que  les 
aigrcucs  partent  du  bec  au  lieu  de  partir 
des  oreilles.  Or  on  peut  voir  de  même 
dans  les  figures  des  trois  ducs,  données' 
par  Aldrovande,  c[u'il  n'y  a  que  le 
premier,  c'eft-à- dire  ,  le  duc  commun 
dont  les  aigrettes  partent  des  oreilles  ^ 
&  que  dans  les  autres ,  qui  néanmoins 
font  des  variétés  qui  fe  trouvent  en 
Italie  ,  les  plumes  des  aigrettes  ne  partent 
pas   des   oreilles,    mais    de  la  bafe   du 

où  il  étoit  venu  de  Virginie  :  j'en  ai  chez  moi  « 
ia  dépoui<le  d'un  autre  qui  eft  empaiiié,  &  qui  «■ 
a  éié  apporté  de  ia  baie  de  HuJron  ;  il  m'a  « 
paru  qu'il  étjit  de  la  même  efpèce  .que  le  « 
premier,  étant  de  la  même  grandeur  &  n'en  <«• 
différant  que  par  quelques  nuances  de  couleur  »' 
Je  ne  ferai  qu'une  réflexion  fur  cette  dclcription 
dont  je  viens  de  donner  la  tradudion  par  extrait , 
c'ell;  qu'il  n'y  a  que  le  caradère  àti  aigrettes  partanS' 
du  bec,  &  non  pas  des  oreilie5,  qui  puilTe  faire  re- 
garder cet  oifeau  d'Amérique  comme  iaifant  une 
variété  confiante  dnns  i'efpèce  du  grand  duc  ;  & 
que  cette  variété  fe  trouvant  en  Europe  auffi- bien 
qu'en  Amérique,  elle  eft  non-feulement  confiantej 
;  mais  générale  ,  &  fait  une  branche  particulière  ^ 
jLine  famille  différente  dans  cette  efpèce< 


Ï34  Hïfioire  Naturelle,  &c: 
bec  ,  comme  dans  le  duc  de  Viro-inîe , 
décrit  par  M.  Edwards  :  il  me  paroît 
donc  que  M.  Klein  a  prononcé  trop 
légèrement,  iorfqu'ila  dit  que  te  grand 
duc  de  Virginie  étoit  d'une  elpèce 
toute  différente  de  i'efpèce  d'Europe  , 
parce  que  les  aigrettes  partent  du  bec  , 
au  lieu  que  celles  de  notre  duc  partent  ^ 
des  oreilles;  s^ii  eût  comparé  les  figures  % 
d'AIdrovande  &  celles  de  M.  Edwards, 
il  eût  reconnu  que  cette  même  diffé- 
rence, qui  ne  fait  qu'une  variété,  fe 
trouve  en  Italie  comme  en  Virginie,  ëc 
qu'en  général  les  aigrettes  dans  ce^  oi- 
fèaux  ne  partent  pas  préciiément  du  bord 
des  oreilles,  mais  plutôt  du  deffus  des 
yeux  &,  des  parties  fupérieures  à  la  bafe 
du  bec. 


^ 

# 


^<êf^ 


n. 


M.  7I[I.fUN/.z34. 


LE     &RA:>J^r)    DUC 


135' 
LE  HIBOU  (a) 


ou 
MOYEN    DU  C^, 

Voyei  la  flanche  ix  de  ce  yolume<, 

!■ 

!  JLi  E  Hibou  ,  Otus  ou  moyen  Duc , 
!  a ,  comme  le  grand  duc  ,  ies   oreiiles 

^  *  Voyei  les  planches  enluminées,  n.°'  z^if  473  » 

(a)  En  Grec ,  D^'jtç  ;   en  Latin  ,  Afio  ou  Otus; 

'  en    Italien ,   Gufo  ,    Barhagianni  ;    en    Efpagnoî  ,' 

j  Mochuelo  ;   en  Allemand,    Orheule  ou  Rmtieule  i 

Ohrreuti^,  Kauiijem  ;  en  Polonois ,  Cluk  -  noaiy  ou. 

Sowa-urfaîa;  en  Suédois,,  Hern-ugJa;  en  Angloisj^ 

Hom-owl ;  on  l'appelle  en  quelques  endroits,  Chm- 

huant  cornu  ;   en  Bourgogne  ,  Chov.e  Comerote  ;  en 

î   Gafcogne ,    Ducquet ,  c'eft-à-dire ,   Petit  Duc  ;   en 

i   Sologne  ,   Chat-huant  de   bruyères  ,  parce  qu'il  fe 

I   tient  dans  les  landes  &  bruyères;  en  Anjou  &  en 

j  "Bretagne,  Chouant  ;  &  dans  quelques  autres  endroiiS 

i    Clouc'.et ,    à  caufe  de  Ton  cri  clôû ,   clôûd.  —  Afw» 

Gefner,  Avi.  pag.  223....  Oius.  Idem  ,  pag.  6  3  ^i 

—  Moyen  Duc  ou  Hibou  cornu.  Beîon,  Hifl.  nait 

'des    Oijeaux ,   page  137.  — Grand  Duc.   Albin, 

i^me  1  f  page   â  ,  plmck  X  ^   ayeç  une  figuie 


r:^3^  Hijhlre  Isciturée 
&rt  ouvertes,  &  furmontées  d'une  a!^ 
grette  compofée  de  fix  plumes  tournées 
en  avant  (b);  mais  ces  aigrettes  font 
plus  courtes  que  cdfes  du  grand  duc  ^ 
&  n'ont  guère  plus  d'un  pouce  de  lon- 
gueur,  eiles  paroillent  proportionnées 
à  là  taiîle,  car  il  ne  pèfe  qu'environ 
^\^  onces ,  6c  n'efi:  pas  plus  gros  qu'une  r* 
corneille  ;  ii  forme  donc  une  efpèce | 
évidemment  différente  de  ceiie  du  grand 
duc,  qui  e(t  gros  comme  une  oie,  & 
de  celie  du  Scops  ou  petit  duc ,  qui 
îî'efi:  pas  plus  grand  qu'un  merle ,  & 
qui  n'a  au-deiïus  des  oreilles  que  des 
aigrettes  très-courtes.  Je  fais  cette  re- 
i^arque ,  parce  qu'il  y  a  des  Naturaliftes^ 
qui  n'ont  regardé  le  moyen  &  le  petit 

eoîoriée.  — '  N^diia  m'imr  mrnta,  Scops.  Frifch  ;- 
-planche  X  c  I  X ,  a^'ec  une  figure  coloriée.  —  Le- 
moyen  Duc  ouïe  Hibou.  BrilTon  ,  Ornithologie,.- 
tome  r,  page  4,80.  —  The  long  Eand  owL  Lej 
Hibou  à  longues   oreilles.  Britifch  Zoology  ,    FlJ 

(h)   Notdo  Aldrovandle  dit  avoir  obfervé  quel 
c-naque  plume  auricukire  qui  compofe  l'aigretre j.| 
peut  ie  mouvoir  féparément ,    &  que  la  peau  qurî 
pecou'/ra  la  cavité  ues  oreilles  naît  dç  la  partie  iiy 
ff  rieure  la  pias  yoJHnf  df  rgep5 


"du  Hthoîi  ou  nwyen  Duc.    1 3  7 

Juc ,  que  comme  de  fimples  varie'tés- 
d'une  feule  &  même  efiDèce  :  le  moyen: 
duc  a  environ  un  pied  de  longueur  de 
eorps,  depuis  îe  bout  du  bec  jufqu'aux 
ongles,  trois  pieds  de  vol  ou  d'enver- 
gure ,  &  cinq  ou  fix  pouces  de  ion^ 
gLieur  de  queue;  il  a  le  defTus  delà 
îéic,  du  cou ,  du  dos  de  des  ailes  raye's 
de  gris ,  de  roux.&:  de  brun;  la  poitrine 
&  le  ventre  font  roux,  avec  des  bandes 
brunes  irregulières  &  étroites  ;  le  h^c  eHi 
court  &:  noirâtre  ,  les  yeux  font  d'un 
beau  jaune,  les  pieds  font  couverts  de 
plumes  roufTes  jufqu'à  l'origine  des 
ongles,  qui  font  afTez  grands  &  d'un? 
i)run  noirâtre  ;  on  peut  oblerver  de  plus- 
qu'il  a  la  langue  charnue  &  un  peu 
fourchue,  les  ongles  très-aigus  &  très- 
îranchans,  le  doigt  extérieur  mobile, 
&  pouvant  fe  tourner  en  arrière ,  i'ef- 
tomac  afîez  ample ,  la  véficule  du  fiel 
très-grande ,  les  boyaux  longs  d'en- 
jjViron  vingt  pouces ,  les  deux  cœcum  de 
Meux  pouces  &  demi  de  profondeur, 
idc  plus  gros  à  proportion  que  dans  les 
jautres  oiieaux  de  proie.  L'efpèce  en  effc 
fiCOiiimuae  &  beaucoup  plus  noinbreufe 


ï  3  8  Hiflolre  Naturelle 

«dans  nos  dunats  (c),  que  celle  du  gmnd 
duc  ,  qu'on  n'y  rencontre  que  rareiiienc 
en  hivet;    au  lieu   que   le  moyen  duc 
y   refle    toute    l'année,     &  ^le   trouve^ 
même   plus   airément  en    hiver     qu'eiiii 
été  :    il   habite    ordinairement  dans   les» 
anciens    bâdmens   ruinés ,  dans   les  ca-.- 
vernes  des  rochers  (d),  dans  le   creux: 
des  vieux   arbres ,    dans    les   forêts   en  i 
montagnes,  &  ne  defcend  guère  dans. 
les  plaines;  îorfque  d'autres  oi féaux  l'at- 
taquent ,   il  fe   fert  très  -  bien  ,   &   des 
griffes  &    du  bec  ;   il   fe  retourne  auilî 
fur  le  dos  ,   pour  fe  deTendre  ,  quand  il 
efl  afîàiiii  par  un  ennemi  trop  fort.         i 
Il  par  oit   que   cet    oifeau ,     qui    elli 
commun  dans  nos  provinces  d'Europe,!, 
le  trouve  auiîi  en  A  fie  ;   car  Belon  dit 
en  avoir  rencontré  un  dans  les  plaines 
de  Ciiicie. 

(c)  Nota,  II  efl  plus  commun  en  France  &  en 
îtaiie  qu'en  Analeterre.  On  le  trouve  très  -  fré- 
quemment en  Bourgogne,  en  Champagne,  eiî 
Sologne  &  dans  ies  montagnes  de  l'Auvergne. 

(dj  Sîn  il  Gufù  ntlk  grotte,  per  îe  bûche  degJl 
alhcri ,  mUantrlngUe  o  crtpature  di  mûri  e  tetti  dt 
café  dijabitate ,  ne  dirupi  e  luoghi  ère  mi,  Oiina. 
UccelUr,  fog.  5  6. 


iu  Hîhoti  OU  moyen  Duc.    r  jp' 

II  y  a  dans  cette  efpcce  pîuricurs 
variétés  dont  la  première  le  trouve  en 
Italie,  (k  a  été  indiquée  par  Aidro- 
;:vande;  ce  hibou  d'Italie  ell  plus  gros 
[que  le.  hibou  commun,  *Sw  en  diffère 
auïîi  par  les  couleurs  :  voyez  &  com- 
parez les  dcfcripiions  qu'il  a  laites  de 
Tun   &   de  1  autre,  (e) . 

Ces  oileaux  fe  donnent  rarement  îa 
peine  de  faire  un  nid ,  ou  (e  l'épargnent 
1  en   entier  :     car  tous    ies  œufs   &   ies 
[  petits  qu'on  m'a  apportés ,  ont  toujours 
été  trouvés     dans  des    nids   étrangers , 
fouvent  dans  des   nids   de  pies ,    qui , 
'  comme  i'on  fait ,  abandonnent  chaque 
i  année  leur  nid  ,  pour  en  fiire  un  nou- 
veau ;    quelquefois    dans    des    nids  de 
butes  ,     mais    jamais    on    n'a  pu    me 
trouver  un  nid  conftruit  par  un  hibou  : 
ils   pondent    ordinairement    quatre    ou 
cinq  œufs ,     &  leurs    petits    qui   font 
blancs  en  naiflant,  prennent  des   cou- 
leurs  au  bout  de  quinze  jours. 

Comme    ce    hibou    n'efl     pas    fort 
fenfible   au  froid ,    qu'il    pafTe    l'hiver 
dans  notre  pays ,    &   qu'on   le  trouve 
(e)  Aldroy,  AvU  tom,  I,  pag.  519, 


I 


lï^o        Hïfmlre  Naturelle 

en  Suède  comme  en  France  0,  iî 
pu  palier  d'un  continent  à  l'autre; 
par  oit  qu'on  le  retrouve  en  Canada  de- 
dans plufieurs  autres  endroits  de  l'Amé- 
rique feptentrionale  Cg);  ii  fe  pourroit 
même  que  le  hibou  de  la  Caroline  décrit 

(f)  Strix  capite  aurlio ,  pènjiisfex*  Linn.  Faun^, 
'Suec.  n.°  4,7.  . 

(g )  Nota,   i.°  C'eft  au  hibou  commun  ou'"*' 
îïioyen  duc  qu'il  faut  appliquer  le  pafTage  fuivant. 
«  On  entend  durant  ia  nuit,   prefque  dans  toutes 
5>  nos  îles ,    une  forte  de  chat- huant  qu'on  appelle' 
»  canot ,   qui  jette   un    cri  lugubre ,    comme   quF 
»  crieroit  au  canot,  ce    qui  lui  a  fait    porter    ce 
»  nom  ;  ces  oifeaux  ne  font  pas  plus  gros  que  des' 
2»  tourterelles ,  mais  ils  font  tout  femblables  en  leur 
2>   plumage  aux  hiboux  que  nous  voyons  commu- 
3»  nément  en  France  ;  ils  ont  deux  ou  trois  petites- 
2J  plumés  aux  deux  côtés  de  la  tête  ,  qui  femblenr 
»  être  des  oreilles  :   ils  fe  rafîemblent  quelquefois 
»  fept  ou  huit  de  ces  oifeaux  au-deffus  àçs  toits  j- 
ou  ils  ne  ceiïènî  de  crier  pendant  toute  la  nuit  »,' 
jShta,  %.°  Par  ia  comparaifon  de  la  grandeur  de  cg' 
hibou  avec  une  tourterelle,  il  femlieroit  que  c'efi 
îe  fcops  ou  petit  duc;    mais  s'il  a,  comme  le  dit 
l'Auteur ,  plufieurs  plumes  éminentes  aux  côtés  de 
h.  tête,  ce  ne  peut  être  qu'une  variété  de  i'efpèce 
du  moyen  duc.  Ce  même  Auteur  ajoute  que  le 
chat-huant  Canadien  n'a  de  différence  du  François, 
qu'une  petite  fraife  blanche  autour  du  cou  &  un 
cri  particulier.   Hifloire  de   la  nmvelk  France  }'ar; 
Çharkvoix y  tmi  lU ,  V^i^k^ï 


I2u  Hihou  ou  moyen  Duc,  1 4T1 
ïp^r  Catefby  (h),  &  celui  de  l'Ame- 
iique  méridionale ,  indiqué  par  le  Père 
j  Feuillée  fi) ,  ne  fuflent  que  des  variétés 
de  notre  hibou,  produiies  par  la  diffé- 
rence des  climats,  d'autant  qu'ils  font 
à  très-peu  près  de  la  mçme  grandeur, 
&:  qu'ils  ne  diffèrent  que  par  les  nuances 
ôi  la  diflribution  des  couleurs. 

On  fe  fert  du  hibou  &  du  chat- 
huant  (k)i  pour  attirer  les  oifeaux  à  la 

(h)  Voyez  la  defcriptîon  &  la  figure  coloriée  de 
cet  oifeau  dans  l'Hiltoice  Natureile  de  la  Caroline^; 
:ar  C:ilQ\hY ,  pi^ge  j,  planche  VII. 

(ï)  Buho  ocro-cinereus  peéîore  nmcnhfo,  Feuillée  l 
Ohfir.  Phyfi(].  pag.  j^,  avec  une  figure,  jyotû.  Il 
:')aroît  qu'on  peut  rapporter  à  ce  hibou  de  l'Amé- 
!-iqus  méridionale,  indiqué  par  le  Père  Feuillée,' 
relui  dont  Ferjriandès  fait  mention  fous  le  nom  de 
Tccohlt,  qui  fe  trouve  au  Mexique  &  à  la  nouvelle 
L'>»?.gne  ;  mais  ceci  n'eft  qu'une  vraifemblanca 
"ondée  fur  les  rapports  de  grandeur  &:  de  climat,' 
:ar  Fernandss  n'a  donné  non  -  feulement  aucune 
fif^ure  des  oifeaux  dont  il  parle,  mais  même  aucune 
dcfcription  afi!ez  détaillée  pour  qu'on  puifTe  le  re^ 
connoître. 

'k)  h  Gkfo  ah'dmeme  Barlagtdmï  ucceUacdo^not^ 

■j  ïn  forma  di  civetta  (chat-huant)  grofo  quantê' 

•m  gaÙina,  con  le  penne  dal  lato  del  capo  che  pmoit 

:/.;;  comcine,  di  color  gialb.  mejlicafù  con  profilnturéL 

di  :icro,  Cou  ^uejio  Jucçella  a  anlmali  grojjt  çotne  c0f^ 


I 


14^  Hijlohe  Nûîurelk 
pipée,  &  l'on  a  remarqué  que  les  gros 
oiieaux  viennent  plus  volontiers  à  la  voix 
du  hibou ,  qui  eit  une  efpèce  de  cri 
plaintif  ou  de  géniifTenient  grave  & 
alongé  côîvl,  clôûd,  qu'il  ne'  cefTe  de 
jépéter  pendant  la  nuit,  &  que  les  petits 
oiiëaux  viennent  en  plus  grand  noPxibre 
à  celle  du  chat- huant  qui  efl  une  voix 
Jiaute,  une  efpèce  d'appel  hohô ,  hohô  : 
îous  deux  font  pendant  le  jour  des  geftes 
ridicules  &  bouffons  en  préfence  des 
îiommes  &  d^s  autres  oifeaux.  Arifloie 
n'attribue  c&ixc  efpèce  de  talent  ou  de 
propriété  qu'au  hibou  ou  moyen  duc, 
ctus  ;  Pline  la  donne  au  fcops ,  &  ap- 
pelle ces  gefles  bizarres  ,  motus  fatyricos; 
mais  ce  Icops  de  Pline  elt  le  même 
oifèau  que  Voîos  d'Arijflote  ;  car  les  La- 
îins  çonfondoient  lous  le  même  nom 
icops,  Yotos  &  le  y?^';?^  des  Grecs,  ie 
moyen  duc  &  le  petit  duc  qu'ils  réu- 
jiiil oient  fous  une  feule  efpèce  ,  &  fous 
le  même  nom  ,  en  le  contentant  d'aver-î- 
tir  qu'il  exiiloit  néanmoins  des  grands 
£cops  &  dt$  petits.. 

cornachk  e  nihlii  con    h  cîveita   a  uçcdkîti  d^ognl^ 
^m»  plina,  Uceller*  fog,  ^6,, 


<^//  Hîlon  où  moycli  Duc.    143^ 

C'eiT:  en  cfîet  au  hiboni ,  otus ,  ou 
moyen  duc,  qu'il  finit  principalement 
appliquer  ce  que  difent  les  Anciens  de 
ces  geftes  bouffons  &  inouvemcns  faty- 
riques  ;  ôl  comme  de  très-habiies  Phy- 
ficiens'ôc  Naturaliftes  ont  prétendu  que 
ce  n'étoit  point  au  hibdu,  mais  à  un 
autre  oiieau  d'un  genre  tout  différent, 
qu'on  appelle  la  demoifelle  de  JSumidïe , 
qu'il  faut  rapporter  ces  pajfîages  des 
Anciens,  nous  ne  pouvons  nous  dii^ 
penfer  de  difcuter  ici  cette  queftion,  & 
de  relever  cette  erreur. 
,  Ce  lont  M/'  les  Anatomifîes  de 
l'Académie  des  Sciences,  qui  dans  la  d^Ç- 
cription  qu'ils  nous  ont  donnée  de  la 
jdemoifelle  de  Numidie ,  ont  voulu  établir 
pette  opinion  ôl  s'exprimer  dans  les 
;ermes  ùiivans.  ce  L'oileau  (difent-iis) 
que  nous  décrivons  efl  appelé  demoï-  ce 
^elle  de  Numïdie ,  parce  qu'il  vient  de  ce 
cette  province  d'Afrique ,  &  qu'il  a  <c 
certaines  façons  par  le i quelles  on  a  <c 
trouvé  qu'il  (embioit  iniiier  les  gefles  ce 
d'une  femme  qui  affecfle  de  la  grâce  « 
dsms  ion  port  &  dans  Ion  marcher,  se 
piirembIetçjiirfouvçnt^ueI(^ue  choie  «; 


[1^4*       JJifloire  NatnreÏÏe 

de  la  danfe  :   il  y  a  plus  de  deu^sf 
mille  aiis  que  les  Naturaliftes  qui  ont 
parle  de  cet  oifèau ,  i'ont  défigné  par 
cette  particularité  de  l'imitation    des 
geftes  &  des  contenances  de  la  femme. 
Ariftote  lui  a  donné  le  nom  de  ba-^ 
teleur,àz  danfeur  &  de  bouffon,  contre- 
faifant  ce  qu'ii   voit  faire.  .....    lî 

y  a  apparence  que  cet  oifèau  danfeur 
&  bouiîbn  étoit  rar^  parmi  les  An- 
ciens ,  parce  que  Pline  croit  qu'il  eft 
fabuleux ,  en  mettant  cet  animal  qu'il 
appelle  fatyrique  au  lang  des  pégaiès,, 
é^s  griffons  &  des  firènes ,  iî  eft  en- 
core croyable    qu'il    a    été   jufqu'ài 
préfent  inconnu  aux  Modernes,  puif- 
qu'ils  n'en  ont  point  parlé  comme; 
l'ayant  vu ,  mais  feulement  comme; 
ayant  iû  dans  ies  écrits  des  Anciens,^ 
la  defcription  d'un  oifeau  appelé  y?^^ji 
&  otus,  par  les  Grecs ,  &  afio  par  leS: 
Latins,  à  qui  ils  avoient  donné  ie: 
nom  de  danfeur,   de  bateleur  &    dei 
comédien ,  de  forte  qu'ii  s'agit  de  voir 
il  notre  demoifelie  de  Numidie  peut, 
paffer  pour  le  fcops  &  pour  Voîus  des 
n  Anciens;  la  defcription  qu'il  noes, 


i///  Hihou  ou  moyen  Duc.    i^f 

ont  laifTée  de  Yeîus  ou  fcops,  confifle  ce 
en  trois  particularités  remarquables. . .  ce 
la  première  ell:  d'imiter  les  gelles. ...  ce 
la  féconde  ell:  d'avoir  des  éminences  ce 
de  plumes  aux  deux  côtés  de  la  tête  ,  ce 
en  forme  d'oreiiîcs. .  .*.  &  la  troiiicme  ce 
cft  la  couleur  du  plumage  ,  qu'A-  ce 
lexandre  Myndien ,  dans  Athénée  ,  ce 
<iit  être  de  couleur  cie  plomb  :  or  la  ce 
demoifelle  de  Numidie  a  ces  trois  at-  ce 
tributs,  &  Ariftote  femble  avoir  voulu  ce 
exprimer  leur  manière  de  danfer  ,  ce 
qui  eft  de  fauter  l'une  devant  l'autre ,  ce 
lorfqu'il  dit  qu'on  les  prend  quand  ce 
^lles  danfent  l'une  contre  l'autre.  Be-  ce 
ion  croit  néanmoins  que  Votus  d'A-  <x. 
riftote  eft  le  hibou  ,  par  la  feule  raifon  ce 
que  cet  oifeau ,  à  ce  qu'il  dit ,  fait  oc 
beaucoup  de  mines  avec  la  tête  ;  la  ce 
plupart  des  Interprètes  d'Ariflote ,  qui  ce 
font  aufîi  de  notre  opinion ,  fe  fon-  te 
dent  fur  le  nom  à'otus ,  qui  fignifie ,  ce 
ayant  des  oreilles  ;  mais  ces  elpèces  ce 
d'oreilles  dans  ces  oifeaux  ne  font  pas  ce 
îout-à-fait  particulières  au  hibou ,  &  ce 
Ariftote  fait  afTez  voir  que  Votus  n'eft  ce 
pas  le  hibou  ,  quand  il  dit  que  Votus  çç. 
0  Ifs  aux ,  To-m  IL  Q 


:"I46  hijloire  Naturelle 
:>o  reiïembie  au  hibou  ,  &  il  y  a  appn- 
53  rence  que  cette  relTeinblance  ne  con- 
33  fide  que  dans  ces  oreiiles  :  toutes  les 
»  demoilelles  de  Nun:iidie  que  nous 
>5  ayons  diiréquées ,  avoieiit  aux  côtés 
^3  des  oreiiles  ,  ces  plumes  qui  ont 
33  donné  le  nom  à  i'otus  des  Anciens... 
:>3  Leur  plumage  étoiî  d'un  gris-cendré, 
:>3  tel  qu'ii  eil  décrit  par  Alexandre 
Myndien  àansïotus  :>3. 

Comparons  maintenant  ce  qu'Ariflote 
dit  de  Votus,  avec  ce  qu'en  difeiit  ici  iM./^ 
de  i' Académie  :  otus  noéluœ  fimilis  eft , 
plnnulis  circiter  aurts  eminentlbus  prœditus, 
unde  nomen  accepït ,  quafi  aurïtum  dïcas  ; 
nomulli  eum  ululam  oppeîlant  ,  alii  afio- 
neriîe  B.latero  h'ic  ejî ,  é^  hallucinator  if 
flanîpes  ^  faltantes  enbn  imîtatur,  Capitur 
intentas  in  altero  aucupe,  altero  cîrcumeunîe 
ut  noâuM.  Uotus ,  c'ell:-à-dire  ie  hibou 
ou  moyen  duc  eil  femblable  au  noflua , 
c'eft-à-dire  au  chat-huant  ;  ils  font  en 
effet  femblables  ,  foit  par  la  grandeur  , 
foit  par  le  plumage  ,  foit  par  toutes  les 
habitudes  naturelles  :  tous  deux  ils  font 
oifeaux  de  nuit,  tous  deux  du  même 
genre  &  d'une  efpècç  très-Yoifme^  au 


(la  Hthoîi  on  moyen  Duc.    T  4.7 

lieu  que  ia  deinoilcHe  de  Numidic  elt 
iix  fois  plus  grolle  &  plus  grande , 
d'une  forme  toute  dliicrcnte ,  îk.  d'un 
genre  rrcs-éioigné ,  &:  qu'elle  n'efl  point 
dij  nombre  des  oifeaux  de  nuit  ;  ïotus 
ne  diffère  ,  pour  aiafi  dire  ,  à\\  noélua , 
que  par  les  aigrettes  de  plumes  qu'il 
porte  fur  ia  tête  auprès  des  oreilles  , 
&  c'efl  pour  dillinguer  l'une  de  l'autre, 
qu'A  riftote  dit  ,  pumul^s  dr citer  auresi 
eminetitïbus  prœditus  ,  imde  nomen  accepit^ 
qiiafi  auritum  dicas.  Ce  iont  des  petites 
plumes,  pinnulœ ,  qui  s'élèvent  droites 
&  en  ai2:rettes  auprès  des  oreilles ,  circïter 
aures  eminentilnis  ,  &  non  pas  de  longues 
plumes  qui  ie  rabattent  &  qui  pendent 
de  chaque  côté  de  ia  tête  ,  comme  dans 
la  demoi(elle  de  Numidie  ;  ce  n'efl 
donc  pas  de  cet  oileau ,  qui  n'a  point 
d'aigrettes  ^  plumes  releve'es  &  en  forme 
d'oreilles  ,'  qu'a  été  tiré  îe  nom.  de  otus  » 
quafi  aurïtus  ;  c'efl  au  contraire  du  hibou 
qu'on  pourroiî  appeler  noâua  aurita , 
que  vient  évidemment  ce  nom  ,  &  ce 
qui  achève  de  le  démontrer ,  c'eil  ce 
qui  fuit  immédiatement  dans  Ariflote, 
nonnullï  eum  (otum)  ululam  appellant ,  cdïï 


[148'  'HiJIohe  Naturelle 
ûfionem.  C'eft  donc  un  oifeau  du  genre 
des  hiboux  &  des  chouettes,  puiTque 
quelques-uns  lui  donnoient  ces  noms  j 
ce  n'eli  donc  point  la  demoifelle  de 
Numidie  aufïï  difFérente  de  tous  ces 
pifeaux  ,  qu'un  dindon  peut  l'être  d'un 
épervler.  Rien,  à  mon  avis,  n'eft  donc 
plus  mal  fondé  ,  que  tous  ces  prétendus 
rapports  que  l'on  a  voulu  établir  entre 
Voîus  des  Anciens  ,  &:  i'oifeau  appelé 
demoifelle  de  Nu?nidïe ,  &  l'on  voit  bien 
que  tout  cela  ne  porte  que  fur  les 
gedes  &  les  mouvemens  ridicules  que 
fe  donne  la  demoifelle  de  Numidie  ; 
elle  a  en  effet  ces  geftes  bien  fupé- 
rieurement  au  hibou  ,  mais  cela  n'em- 
pêche pas  que  celui-ci,  aufîî-bieii 
que  la  plupart  des  oifeaux  de  nuit  , 
ne  foit  hlatero  ,  bavard  ou  criard  (  l); 
'  hallucmator ,  fe  contrefaifant  ;  planipes  > 
bouffon.  Ce  n'efl  encore  qu'au  hibou 

(l)  M.  Frifcïi  ,  en  parlant  de  ce  hibou,  dit 
quefon  cri  eft  très-frécjuent  &  fort,  qu'ii  reffemble 
aux  huées  des  enfans  iorfquils  pourfuivent  quel- 
qu'un dont  ils  fe  moquent;  que  cependant  ce  cri. 
cft  commun  à  plufieurs  efpèces  de  chouettes.  VoviT 
Frifch  ,  à  l'article  des  Oifeaux  nodurnes. 


du  Hïhou  ou  moyen  Duc,    i  ^cji 

qu'on  peut  attribuer  de  le  iaiiïer  prendre 
ttuûi  aîfëment  que  les  autres  chouettes  ,» 
comme  le  dit  Aridote,  &c.  Je  pourrois 
ui'ctendre  encore  pius  fur  cette  criti- 
que,, en  expolant  &  comparant  ce  que 
dit  Pline  à  ce  fujet  ;  mais  en  voilà  plus? 
qu'il  n'en  faut  pour  mettre  la  chofe 
hors  de  doute  ,  ù.  pour  afTurer  que 
Yotos^  des  Grecs  n'a  jamais  pu  défigner 
la  demoiielle  de  Nimiidie  ,  &  ne  peut, 
s'appliquer  qu'à  i'oifeau  de  nuit ,  auquel 
nous  donnons  le  nom  de  /iii?au  ou  moyeri 
duc  :  j'obTerverai  feulement  que  tous- 
ces  m  ou  ve  mens  bouffons  ou  fatyrïques 
attribue's  au  hibou  par  les  Anciens,  ap- 
partiennent aufli  à  preique  tous  les  oi- 
féaux  de  nuit  (m) ,  Sl  que  dans  le  fait  ils  fe' 
réduiient  à  une  contenance  étonnée ,  à 
de  fréquens  tournemens  de  cou  ,  à  des 
înouvemens  de  tête  ,  en  haut  ^  en  ba^ 

('mj  Tous  les  hiboux  peuvent  tourner  leur  tête- 
Comme  i'oifeau  appelé  to7-coL  Si  quelque  chofe  d'ex- 
traordinaire arrive  ,  ils  ouvrent  de  grands  yeux  ; 
dreflent  leurs  plumes  &  paroiiïent  une  fois  plus 
gros;  ils  étendent  auiTi  les  ailes,  fe  baifTent  ou  s'ac-*; 
GroupifTcnt  ,  mais  ils  fe  relèvent  promptement  ; 
comme  étonnés  ;  ils  font  craquer  deux  ou  treiç 
iLis  kur  bec.  Mm  ^  iùldmh 

G  ilj 


!  ï  5  o      Hijloîre  Naturelle,  &c. 

&  de  tous  côtés ,  à  des  craqueniens  de 
bec ,  à  des  trépidations  de  jambes ,  & 
des  mouvemens  de  pieds  dont  ils  por- 
tent un  doigt ,  tantôt  jen  arrière  ,  & 
tantôt  en  avant ,  &  qu'on  peut  aifément 
remarquer  tout  cela  en  gardant  quel- 
ques-uns de  ces  oileaux  en  captivité  ; 
mais  j'obferverai  encore  qu'il  faut  les 
prendre  très-jeunes  loriqu'on  veut  les 
nourrir  :  les  autres  re fuient  toute  la 
nourriture  qu'on  leur  préfente  dès  qu'ils 
font  enfermés. 


JP/JX. .  r^.ur.  ,Scy 


LE    HIBOU  ^,  MOYEl^  DXTC  = 


ï  5  r 


L£  SCOFSfaJ 

o  u 

PETIT  'duc, 

Voye:^  la  planche  X  de  ce  volume. 


* 


V  OICI  la  troifième  &  dernière  efpèce 
du  genre  des  Hiboux ^  c'ed-à-dire,  des 

^  V^^y^Z  ^-^  planches  enluminées,  n.°43(5o 

(a)  En  Grec,  2>c<i!-j^,  en  Latin,  Afio ,  en 
Italien  ,  Zipctta  ou  Zue:ia  ,  Ahchavello  -,  Chiv'mo  / 
en  Allemand,  Sîol,eule ;  en  Polonois,  Sowka  ;  en 
Anglois ,  Littk  horn-owL  Scops  Aldrovandi.  'Av'u 
tom.  I  ,  pag.  530.  ^ —  Hueiie  ou  Huiorte  ou. 
Chouette,  nommée  par  aucuns,  Pnit  Duc,  Belon, 
Hifl.  nat>  <ks  O'ijtau:-:,  page  14?.  Et  Portraiîs  d  oi- 
feaux  ,  j.mgt  2-.  —  NoSlua  Jfunor,  noéîua  nucupana* 
Scops  riinu.  Rzac.  Hifl,  nat.  Pol,  pag.  288.  Noâlua 
tniuor.  Scops  A/dror.  nJi.  Rzac.  Aud,  h'/fl.  nar, 
P:'7.  pag.  398.  —  Scops  AJdwiKrn-û,  Wii'ulghby, 
Orniih,  pag.  65,  tab.  XII. —  Le  petit  Duc.  Fh 
XXXVII ,  fig.  I,  Omit  h.  Brifîljn  ,  tome  1 ,  page 
^çS' — The  fhorî  eared  owl.  Le  Hibou  à  oreilles 
courtes,  Britifch  Zooiogy,  ph  B  ^;  «^ /'/•  B  ^  ^^ 

G  liij 


,^5  2         'HîJIohe  Naturelle 

©ifeaux  de  nuit,  qui  portent  des  pîumes- 

J%.  2.  Nota.  C'efî  pour  ne  rien  omettre  &  pou? 
i--:U  indiquer,  que  je  cite  ici  ia  Zoo'ogie  Britan- 
nique;  car  cet  ouvrr.ge  ,  dont  le  principal  mérite 
confiée  dans  {es  plandies  ,  efi   même  cà  cet  égard 
encore  très-défcdueux  :   par  exemple ,  les  aiarettes 
àts,  hiboux ,   qui  ne  font  compofëes  que  de  plumes  y 
Y  font   repréfentées    comme   fi   c'étoit   de    vraies 
oreilles  de  chair  ,  &c.  .  .  .  .  .  De  même  il  eft  dit 

dans  le  texte  que  le  hibou  à  oreilles  courtes  a  treize 
pouces  &  demi  Anglois  de  longueur  ,  ce  qui  fait 
plus  de  douze  pouces  &  demi  de  France  :  or  ce 
même  oifeau  n'a  que  fept  pouces  &  demi  tout' 
au  plus ,  ainïî  c'eft  probablement  le  moyen  duc  ,, 
que  l'Auteur  aura  pris  pour  le  petit  duc,  &  ce 
qui  prouve  encore  fon  peu  de  ConnoifT^ince  «.% 
d'exaélitude ,  c'efl:  d'avoir  également  indiqué  ce 
même  oifeau  dans  les  /;/.  B  ^  if  E  ^  >  fig-  ^* 
On  voit ,  au  premier  coup  d'œil ,  que  ce  ne  doit 
pas  être  le  m.eme  oifeau ,  puifque  la  figure  repré- 
fentée  dans  la  planche  B  4  ,,  fg>  ^  ,  ell  d'un;, 
tiers  plus  petite  que  celle  qui  eft  repréfentée  dans 
la  flanche  ^  ^  ,  &:  que  le  moyen  duc  qui  ef&; 
repréfenté  dans  la  -planche  B  ^  ,  fig-  i  >  n'eft  pas. 
plus  grand  que  le  petit  duc,  B  4,  fg-  2.  :  or 
îe  moyen  duc  ayant ,  comme  le  dit  Willulghby, 
quatorze  pouces  &  derr>i  ;  Ç\  le  petit  duc  en  avoit 
treize  &:  demi,  comme  le  dit  l'Auteur  de  la  Zoo- 
logie Britannique ,  pourquoi  ne  pas  appuyer  -fur 
ce.  fait  &  relever  l'erreur  de  ceux  qui  ne  lut 
donnent  que  fept  pouces  î  ou  bien  dire  qu'en  An- 
gleterre les  petits  ducs  font  plus  gros  qu'ailleurs  ^. 


du  Scops  ou  petit  Duc>     ï  j  ^\ 

ctevëes  aii-defilis  deja  tête ,  &:  elle  cfl: 
r>ilee  à  dillinguer  des  deux  autres,  d'a- 
bord par  la  petitefîè  même  du  corps 
de  l'oileau  ,  qui  n'efi;  pas  plus  gros 
f[u'un  merle,  <S:  en  fuite  par  ie  raccour- 
ctiTement  très-marqué  de  ces  aigrettes 
qui  lurmontent  ies  oreilles  ,  ielquelies 
dans  cette  efpèce  ne  s'éièvent  pas  d'un 
demi-pouce  ,  &  ne  font  compoiées  que 
d'une  feule  petite  plume  (l?);  ces  deux 
caradères  fuffifent  pour  dillinguer  le 
petit  duc  du  moyen  &  du  grand  duc  ^ 

eu  bien  encore  que  c'eft  une  efpèce  parriculière 
à  ia  Grande-Bretagne:    cela   vabit  bien  h  peine 
d'être  difcuté  ;    mais  cet  Auteur   ne  difcute  rien  ^■- 
nc  dit  rien  de  nouveau  ,  ni  même  rien  de   mo- 
derne,   car  it  paroît  ignorer  beaucoup  de  chofe^^ 
qui  ont  été  dires  avant  {ni  l'ur  les  fujets  qu'il  traite. 
L'ouvrage  de  M.  Edwards  ert  infiniment  meilleur;, 
car  indépendamment  de  ce  que  les  defiins  êc  les 
planches    coloriées  font  plus  correéles  ,  c'eft  que 
fès  delcriptions  font  plus  exaéles,  fes  comparaifons 
plus    juftes,   &  que  par -tout  il  paroît  avoir  une 
pleine  connoiffance  de  ce  qui  a  été  fait  avant  iur 
fur  les    objets  qui  ont  rapport  à  ceux  qu'il  nous  ■ 
préfente. 

fl')  Aures  vel  fJumulœ  in  aurium  modum  fwmdœ. 
ifî  r7wrruo  vix  apparent ,  i?i  vivo  manifejlions  ^  ex  ufiâ  - 
tkiniiim   pinnulâ  corjlamsi,    Aidrov.    /H'i»   tom,  1'^ 


i  I  5  4        Hifîolre    'Naturelle 

&  oii  (e  reconnoitra  encore  aîiéiiient  â 
ia  tête  qui  eft  proportionneliemem  plus 
petite  par  rapport  au  corps  que  ceiie 
des  deux  autres  ,  &  encore  à  fon  plu- 
mage plus  élégamment  bigarré  &  plus 
diitinClemeiit  tacheté  que  celui  des  au- 
tres ,  car  tout  fon  corps  eft  très-joli- 
jnent  varié  de  gris ,  de  roux ,  de  brun 
^  de  noir  ;  &.  les  jambes  font  couvertes 
jufqu'à  l'origine  des  ongles ,  de  plumes 
d'un  gris  -  rouflâtre  mêlé  de  taches 
Brunes  ;  il  diffère  aulTi  des  deux  autres 
par  le  naturel ,  car  il  fe  réunit  en  troupe 
en  automne  &  au  primemps  ,  pour 
paiïer  dans  d'autres  climats  ;  il  n'en 
relie  que  très -peu,  ou  point  du  tout 
en  hiver  dans  nos  provinces  ,  &  on 
îes  voit  partir  après  les  hirondelles ,  & 
arriver  à  peu  près  en  même  temps  ; 
quoiqu'ils  habitent  de  préférence  les 
terreins  élevés,  ifs  fe  raffembient  vo- 
lontiers dans  ceux  où  les  mulots  fe  font 
le  plus  multipliés ,  &.  y  font  un  grand 
feien  par  la  dellru<fl:ion  de  ces  animaux  qui 
fe  multiplient  toujours  trop,  &  qui  dans 
de  certaines  années  puiliiient  à  un  tel 
point ,  qu'ils  dévorent  toutes  les  graines 


J//  Scops  ou  peut  Duc,     155 

&  toutes  les  racines  jiles  plantes  les  plus 
nëcefliiires  à  la  nourriture  &:  à  l'uîage 
de  l'homme  :  on  a.  fouvent  vu  dans  les 
tenips  de  cette  eipèce  de  fîéau  ,  les  petits 
ducs  arriver  en  trotipe,  &  faire  li  bonne 
guerre  aux  mulots  qu'en  peu  de  jours 
ils  en  purgent  la  terre  (cj ;  les  hiboux 
ou  moyens  ducs  fe  réuniiient  aufli  quel- 
quefois en  troupe  de  plus  de  cent  ; 
nous  en  avons  été  informés  deux  fois 
par  des  témoins  oculaires  ,  mais  ces 
aOemblées  font  rares,  au  lieu  que  celles 
des  fcops  ou  petits  ducs  fe  font  tous 
îes  ans  ;   d'ailleurs   c'efl  pour  voyager 


(c)  Noter,  I S  Samuel  Dalc  en  cite  deux  exemples 
d'après  Chiiutey  ,  &  ii  les  rapporte  dans  ie.s  termes 
fui\3ns.  ///  i/ie  veor  fjSo  et  hallomide  an  army  of 
mi  as  fo  overrun  ihc  morshts  near  fouih-minfkr  that 

îne  ent  up  gYajJ  to  ihe  vcry  roots But 

at  knght  d  great  immher  of  Strange  painted  owls 
came  and  dcvonred  ail  rhe  mice.  The  likc  appened 
c.gain  in  Ejfcx  anno  i  6a.F,  Childrey,  Britav.nia  bo- 
ïûnlca  ,  pag.  i  oo. —  Dales  appendix  tho  îhe  hijîory 
vf  Hanvich,  London  ,  1732,  pag.  397.  AW. 
5.°  Que  quoique  Dale  rapporte  ces  faits  à  Votai 
ou  'ûiojym  duc,  je  crois  qu'il  faut  les  attribuer  au 
fcops  ou  petit  duc  ,  à  caufe  de  l'indication  Sirangt 
j'dnncd  ow/s  ,  qui  tuffit  pour  £iire  icconnoître  ici 
k  fcops  ou  petit  duc. 

Gvj 


il  3^        Hijloire  Naturelle 

qu'ils  femblent  fe  raflembîer,  <5:  il  n^QW 
refle  point  au  pays  ,  au  lieu  qu'on  y 
trouve  des  hiboux  ou  moyens  ducs  en 
tout  temps  ;  ii  eil  même  à  préfumer 
que  ies  petits  ducs  font  des  voyages  de 
long  cours  ,  &  qu'ils  paiïent  d'un  con- 
tinent à  i'autre  ;  i'oifeau  de  la  nouvelle 
Elpagne  indiqué  par  Nieremberg,  fous- 
îe:  nom  de  îalchicuatlï ,  efl  ou  de  h 
anême  efpèce  ,  ou  d'une  eipèce  très- 
voifine  de  celle  du  fcops  ou  petit 
duc  (d)i  au  rede  ,  quoiqu'il  voyage 
par  troupes  nombreufes,  il  efl  aiïez  rare 
par- tout  j  &  difficile  à  prendre;  on  nV 
jamais  pu  m'en  procurer  ni -les  œufs 
ni  les  petits ,  &  on  a  même  de  la  peine. 
à  l'indiquer  aux  Chafîeurs  qui  le  con- 
fondent toujours  avec  la  chevêche  ,, 
parce  que  ces  deux  oifeaux  font  à  peuj 
près  de  la  même  grofîeur ,  &  que  les 
petites  plumes  éminentes  qui  diflinguent; 
îe  petit  duc  font  très  -  courtes  ,   &  trop 

(d)  Exoikurn  où  gemis  lakhicuaîU  vicïetur  :  corffu-a, . 
avis  efl  five  aur'iculata ,   -parva  cor  pore  ,  refuna  ,  roCiro  • 
Irevi ,   nigra  lumine ,   hitta  enéejcms  iride  f'ifca  à" 
âmrea  -plumis  vjqm  ad  cnira  ,    mra   à"  mcurva  un- 
guïlms.  Catera  fimilis  nofli'aà  otu,  Eufeb.  Niereiîîbr^ 
'^Ifj  m,^  Lib,  X  ^  cap.  xxxix .  page  z  z.u 


F/.X.mur  iSf. 


XE    SCOPS  LUC  PETIT  DUC 


•     W//  Scops  ou  petit  Duc:   t  5  7 

peu  apparentes  pour  fcire  un  caracftère 
qu'on  puifTe  reconnoître  de  loin. 

Au  relie,  la  couleur  de  ces  oiieaux 
varie  beaucoup  fiai vant  Tige  &  leciimat^. 
ôi  peut-être  le  iexe  ;  ils  îbnt  tous  gris^ 
dans  ie  premier  âge  ,  il  y  en  a  de  plus 
bruns  ies  uns  que  ies  autres  quand  ils 
font  adultes  ,  la  couleur  des  yeux  paroît 
fuivre  celle  du  plumage,  ies  gris  n'ont 
îes  yeux  que  d'un  jaune  très -pâle,  ies 
autres  ies  ont  plus  jaunes  ou  d'une 
couleur  de  noifette  plus  brune  ,  mais 
ces  iégères  difFe'rences  ne  fuffilent  pas 
pour  en  fliire  des  elpèces  diilin-des  & 
réparées^ 


.î  5  s       Hifioire    'Naturelle 

*LA  HULOTTE  (a). 

JLi  A  Hulotte  qu'on  peut  appeler  auffi 
ia  chouette  noire ,  &  que  ies  Grecs  ap- 
peioient  nyclicorax  ou  ie  corbeau  de  nuit^ 


Vc>}'ci  ks  'planches  enlumine  es ,  n,®  4.4. 


(a)  En  Grec ,  l^vK-nKû^.z,  ;  ^"  Latin ,  Ululn  ; 
&  auiïï  en  Italien  ielon  Gelner  \  Alocho  cl  quei- 
quefois  Luckaro  îéon  Wà^os-àuàty  en  Portugal.;, 
Conifa;  en  Gitalogne,  Xura,  Kuta  ;  en  AHerriand, 
Huhu  ;  en  Polonois,  Ldok  ,  Sowka ,  Puj^ïh;  en 
An'-jfois ,  H'.nvlet  ;  on  i'appelle  en  Bourgoo'ne  Chouc , 
ce  qui  eft  un  augmentatif  de  Ch.ueite.  Salerne  dit 
qu'on  Tappelie  en  Champagne  le  Trtmhkiir  ,  parce 
que  cet  oifeau  crie  comme  en  friîTonnant  &  trcm- 
blant  de  froid.  Ulula.  Gefner,  Avï.  pag!  772, 
—  Aidrov.  Avi.  tom.  I  ,  pag.  538.  —  Ulula  La." 

finis.   Ray,  Sj'n.  Avi,  p-g.   xù ,    n.''  4-. « 

Ulula  Gefntri ,  idem ,  ibidem ,  n°  5 .  —  Ulula  Al- 
drovandi.  Wiliuigh.  Cntiîh,  pag.  68.  —  Hibou  fans 
cornes  ou  Chat-huanî.  Beion  ,  Hi(î.  fiar.  dts  Oifenuxt 
page  159.....  Hibou ,  Chat-huant  ,  appelé  auiTi 
'^Dame,  Imm.  Portraits  d'Oiieaux ,  page  26  A» 
l'holà.  Cette  dér.om.ination  Dame  vient  probable- 
ment de  ce  que  cet  oifeau  a  ia  face  enxiroiir.c'e 
^\\w  collier  &  d'une  eîpèce  de  chaperoii  allez  fem-, 
blabie  à  ceux  que  portant  les  femmes  pour  ie 
j»3uvrir  la  tête  j  mais  on  peut  dire  la  même  c'):vJ\.^ 


^e  la  Hulotte^  ï  5p 

cO:  îa  plus  grande  Je  toutes  ies  chouettes  | 
QÏie  a  près  de  quirr/e  pouces  de  ton- 
gueur,  depuis  ie  bout  du  bec  à  l'ex- 
tre'miîé  des  onole^  ;  eiie  a  la  tête  très- 
groiïe ,  bien  arrondie  &  lans  aigrettes , 
ia  face  enfoncée  &  comme  encavée  dans 
fi  plume  ,  les  yeux  aufli  enfoncés  6c 
environnés  de  plumes  grifâtres  &  dé- 
compolées ,  l'iris  des  yeux  noirâtre  ou 
plutôt  d'un  brun  foncé ,  ou  couleur 
de  noifett^  obfcur,  le  bec  d'un  blanc- 
jaunatre  ou  vcrdâtre  ,  le  deffus  du  corps 
couleur  de  gris -de -fer  foncé,  marqué 
de  taches  noires  &  de  taches  blanchâtres  ; 
ïe  defibus  du  corps  blanc  ,  croifé  de 
bandes  noires  traniverfafes  &  longitu- 
dinales ;  ia  queue  d'un  peu  plus  de  Ùk 

de  l'effraie  &.  du  chat -huant.  — Vlula.  Aldrov, 

Ai'i,   tom.  I  ,   pag.  538' Ahico ,  idem  ,• 

tom,  I,  pag.  5  54-. —  Chouette  noire  Albin, 
îome  111 ,  page  ^  ,  planche  VIII ,  avec  une  figure 
mal  coloriée.  Nota.  Albin  me  pxroît  avoir  fiùt  une 
faute  ,  en  diiant  dans  fa  defcription  ,  que  cet  oifeau 
a  l'iris  àes  yeux  jaune,  à  moins  qu'il  n'appelle 
jaune  le  brun  couleur  de  noifette,  coui-ur  où  il 
entre  en  effet  un  peu  de  jaune  obfcur.  —  No^lua 
wajoY.  Frifch  ,  planche  XCIV  ,  avec  une  ff^ure  bien 
coloriée. — La  Hulotte,  BrifTon,  OmiihoL  îome  i^ 
page   <^oj. 


[f6o        HifLoire  Naturelle 

pouces ,  les  ailes  s'éiendent  un  peu  au- 
delà  de  Ton  extrémité,  l'étendue  du  vo! 
de  trois  pieds ,  les  jambes  couvertes  juf- 
qu'à  l'origine  des  doigts  ,  de  plumes 
Blanches  tachetées  de  points. noirs  (b); 
ces  caradères  font  plus  que  fuffifans 
pour  faire  diilinguer  la  hulotte  de  toutes 
les  autres  chouettes  ;  elle  vole  légère- 
îuent  &  fins  faire  de  bruit  avec  fes 
ailes,  &:  toujours  de  côté  comme  toutes 
les  autres  chouettes;  c^eit  fon  cri  (c) y 
hofi  ou  ou  oïl  ou  OU-  oïl  ,  qui  reffemble 
afiez  au  hurlement  du  loup ,  qui  lui  a 
fait  donner  par  les  Latins  le  nom  à' ulula ^ 
qui  vient  à'ululare  ,  heurier  ou  crier 
comme  le  loup  ,  &  c'efl  par  cette  même 

(b)  On  peut  encore  ajouter  à  ces  caradères  un 
figne  diftindif,  c'eft  que  la  piume  ia  plus  exté- 
rieure de  i'aiie  t{\.  plus  courte  de  deux  ou  trois 
pouces  que  la  féconde  ,  qui  eft  elle  -  même  pius 
courte  d'un  pouce  que  ia  troiiîème  ,  <&  que  ies 
plus  longues  de  toutes  font  îa  quatrième  &  ia  cin- 
quième, au  lieu  que  dans  l'effraie  la  féconde  &  ia-^ 
îroifième  font  les  plus  longues,  &  l'extérieure 
neil:  pius  courte  que  d  un  ckmi-pouce» 

(c)  Cet  oifeau  pouiïe  la  nuit,  fur- tout  quand  i?' 
gèle,  une  voix  terrible ,  qui  fait  peur  aux  femirj^ 
ê^.  aux  eiïfanSj-Salerne^  S^^^^/ic/.  page  5.3  j 


'de  la  Hulotte,  'i6t 

âwJogle  que  les   Allemands  i'appelienî 
hû  h  il  ou  plutôt  lidu  Jidu  (d). 

La  hulotLe  ie  tient  pendant  l'été 
dans  les  bcis ,  toujours  dans  des  arbres- 
creux  ;  quelquefois  elle  s'approche  en> 
hiver  de  n-os  habitations ,  elle  chafTe  & 
prend  les  petits  oifeaux ,  &  pius  encore" 
\^%  mulots  &:  {es  campagnols  ;  elle  ies- 
avale  tout  entiers ,  &  en  rend  aufli  par 
le  bec  les  peaux  roulées  en  pelotons  :; 
lorfque  la  chaife  de  la  campagne  ne- 
iui_  produit  rien  ,  elfe  vient  dans  les 
granges  pour  y  chercher  àts  fouris  & 
At^  rats  :  elle  retourne  au  bois  de  aranâ 
matin  à  l'heure  de  la  rentrée  des  lièvres , 
&  elle  fe  fourre  dans  les  taillis  les  plus^ 

(â)  Nota.  C'ed  d'après  Gefner  que  Je  dis  ici  qua 
îes  Allemands  appellent  cette  chouette ,  hû  hû  /, 
cependant  c'ed  ie  grand  duc  auquel  appartient  ce 
nom  :  il  dit  aufTi  qu'ils  l'appellent  id  Se  eu/.  JVU 
Frifch  ne  lui  donne  que  le  nom  générique  eu/e ,. 
&  dit  que  les  autres  furnoms  qu'oii  lui  donne  em 
Allemand  font  fans  fondement ,  comme  celui  de 
/inapp  euk ,  par  exemple,  qui  exprime  le  craque- 
ment que  cet  oifeau  fait  avec  fon  bec,  mais  que 
toutes  les  efpcces  de  chouettes  font  également  j. 
&  nacht  eut  qui  fignine  chouette  de  nuit  ,  puilque 
toutes  les  chouettes  font  égaiemenî.  des.  oileaux  d^ 
aui,^^ 


1 62  Hifîoîre  Naturelle,  &c. 
épais  ,  ou  fur  {es  arbres  les  plus  Feuilles, 
&  y  pafTe  tout  le  jour  ,  iàns  chano-er 
de  lieu  :  clans  la  mauvaile  iaifon  ,  elle 
demeure  dans  des  arbres  creux  pendant 
le  jour,  &  n'en  Ibrt  qu'à  la  nuit;  ces 
habitudes  lui  font  communes  avec  le 
hibou  ou  jiioyen  duc,  auffj-bien  que 
celle  de  pondre  leurs  œufs  dans  éç.% 
nids  étrangers ,  fur-tout  dans  ceux  des 
bufes ,  des  crefTerelics ,  des  corneilles  <5c 
àts  pies  ;  elle  fait  ordinairement  quatre 
œufs  d'un  gris  file ,  de  forme  arrondie , 
&  à  peu  près  aulli  gros  que  ceux  d'une 
petite  poule. 


<w/-> 


1^3 


L  E 

""CHAT-HUANTfa). 

Voye:^  la  planche  XI  de  ce  volume. 

/il  près  ia  hulotte ,  qui  efl  la  plus 
grande  de  toutes  les  chouettes ,  &  qui 
a  les  yeux  noirâtres  ,  fe  trouvent  le 
Chat  -  huant    qui    ies  a  bleuâtres  ,    & 

*  Voye?^  ks  planches  enluminées,  n.°  437, 

(a)  En  Grec  ,  Tkoj^  ;  en  Latin ,  Noélua  ;  en 
Catalogne,  Cahtca ;  en  Allemand,  MikhfangeY , 
Kinder,  Alekker,  Stock-euk ;  en  Anglnis,  Common 
Irown-owl  ow.  Leech-owl — Strix.  Gefner  ,  Avi  ^ 
pag.  738.  —  Aldrov.  Avi ,  tom.  I  ,  pag.  561* 
—-Chouette.  Albin  ,  tome  l,  page  1  o,  j^Ianche  IX , 
avec  une  figure  mal  coloriée.  —  Noélua  majou 
Frifch  ,  planche  XCVI ,  avec  une  figure  coloriée  du 
mâle;  ir  planche  xcv,  avec  une  fi^rure  coloriée 
de  la  femelle.  —  Le  Chat-huant.  Briilbn  ,  Omiîh» 
tome  I,  page  500.  —  The  tawny  owL  Britifch 
Zoo!og)r,  ph  B  j.  Nota.  Que  faute  d'exaditude, 
i'Auteur  de  la  Zoologie  Britannique  a  marqué  du 
même  numéro  B  S'  c^eux  planches  différentes ,  & 
que  l'une  de  ces  planches  repréfente  ie  hibou  012 
moyen  duc  ,  &  l'autre  le  chaî- huant  dont  ii  cil 
ici  ^uertionj 


'i  64        Hîfiolre  Naturelle 

ï' Effraie  qui  les  a  jaunes  :  tous  deux?- 
font  à  peu  près  de  la  même  grandeur; 
ils  ont  environ  douze  à  treize  pouces  de 
iongueur,  dépuis  le  bout  du  bec  juf- 
qu*à  i'exirémJîé  des  pieds,  ainfi  ils  n'ont 
guère  que  deux  pouces  de  moins  que- 
ia  hulotte  ,  mais  ris  paroifîent  fenfibie- 
jTient  moins  gros  à  proportion.  On  re- 
eonnoîtra  le  cliat-huant  d'abord  à  Tes 
yeux  bleuâtres,  &  enfuite  à  la  beauté  &t 
à  la  variété  diftincfle  de  Ton  plumage  (b); 
Sl  enfin  à  Ton  cri  Iw/id  j  hohô ,  ho  ho  ho  ho  ^ 
par  lequel  il  fembie  huer  ,  hôler  ou* 
appeler  à  haute  voix. 

Gefner,  Aidrovande ,  &  plufieurs- 
autres  Naturalilles  après  eux,  ont  em- 
ployé ie  mot  Jïrîx ,  pour  défigner  cette- 
efpèce ,  mais  je  crois  qu'ils  fè  font 
•f rompes,  &  c|ue  c'ell  à  l'effraie  qu'il  faut 

(h)  Voyez-en  îa  ciefcription  très-détaillée  &  très- 
"cxade  dans  J'Ornithoiogie  deM.Briffon,  tome  I ,■ 
•page  y  o  o  i^  Julvantts  :  ii  fiiffit  de  dire  ici  que  les- 
eoufeurs  du  chat- huant  font  bien  plus  ciaires  que: 
eeiles  de  la  hulotte  ;  ie  mâle  chat  -  huant  eft  à  ia- 
%-érité  plus  brun  que  la  femelle  ,  mais  il  n'a  que  ' 
très-peu  de  noir  en  comparaifon  de  ia  hulotte  qur 
de  toutes  les  cliouettes  eft  ia  plus  grande  &  la  piii|- 


àii  Chaî-hiianî.  \6f 

îe  rapporter  :  jlnx ,  pri.*»  dans  cette  ac^ 
,cepîion,  c'eft-à-dire,  comme  nom  d'urjL 
oifeau  de  nuit,  eft  un  mot  plutôt  latin 
que  grec;  Ovide  nous  en  donne  l'e'ty- 
inologie  ,  &  indique  aiïez  clairement 
quei  eft  l'oiieau  nocturne  auquel  ii  ap- 
partient, par  ie  paflage  fuivant  : 


Strh 


wn 


grande  caput,  flanUs  oculi ,  roflra  apta  rapînm 
Canines  permis,  iinguibus  hamiis  inejl, 

Efl  illis  ftrigibiis  nomen  ,  Sed  iiominis  hujus 
Caufa  qiiod  horrenda  ftridere  noéîe  foîent. 

La  tête  groiïe  ,  les  yeux  fixes ,  îe 
bec  propre  à  ia  rapine  ,  les  ongles 
en  hameçon,  font  des  caraâières  corn- 
jiiuns  à  tous  ces  oifeaux  ;  mais  la  blan- 
cheur du  plumage  ,  canïtks  permis  ^ 
appartient  plus  à  i'eftraie  qu'à  aucuii 
autre  ;  &  ce  cjui  détermine  fur  cela 
mon  ientiment,  c'efl  que  le  mot  Jlrîdor^ 
qui  figniiîe  en  latin  un  craquement ,  un 
grincement,  un  bruit  délagréablement 
entrecoupé  &  femblable  à  celui  d'une 
fcÏQ,  eil  précifément  îe  cri  ^r^^  grei 
ude  i'e&aie  i     au   iieu  que  le    qù  du 


1  66  .      HiJIoke  Ndturelk 

chat- huant  eil  plutôt  une  voix  haute, 
un  hôlement  qu'un  grincement. 

On  ne  trouve  guère  ies  chat-hûnns 
ailleurs  que  dans  ies  bois  ;  en  Bourgogne 
ils   font  bien  pius    communs   que  ies 
hulottes ,  ils  le  tiennent  dans  âts  arbres 
creux ,    &  l'on   m'en   a  apporté   quel- 
ques -  uns    dans  le    temps   le  plus  ri- 
goureux   de   l'hiver  ,    ce   qui    me   fait 
preTumer  qu'ils  reftent  toujours  dans  le 
pays  ,  &  qu'ils  ne  s'approchent  que  ra- 
rem.ent  de  nos  habitations.   M.  Frifch 
donne  le  chat-huant  comme  une  varie'té 
de  i'efpèce  de  la  hulotte ,  &  prend  en- 
core pour  une  féconde  variété  de  cette 
îTiêmie  efpèce  le  mâle  du  chat-  huant: 
fà  planche  cotée  XCI V,  efl:  la  hulotte  ;  ia 
flanche  XCV,  ia  femeile  du  chat-huant; 
&  la  planche  XCVI  le  chat-huant  mâle  : 
îiinfi  au  lieu  de  trois  variétés  qu'il  in- 
dique ,  ce  font  deux  efpèces  différentes, 
ou  û  l'on  vouioit  que  ie  chat-huant  ne 
fût   qu'une    variété   de    i'eipèce   de  ia 
hulotte  ,    il    faudroit   pouvoir  nier  ies 
différences   confiantes  &  les  raracflères ,  î 
qui  ies   diftinguent  l'un  de  l'autre ,   & 
qui  nae  paroiflent  aflez  fenfibks  &  aflez 


TLxi.p^u/.j^r/^. 


I.E    CHAT-HTJANT 


du  CJmî'huaut.  i  6"^ 

iiîuîiipîiés  pour  conftitutr  deux  efpèces 
dillincî^es  &  féparées. 

Comme  le  chat -huant  fe  trouve 
en  Suède  &  dans  les  autres  terres  du 
Nord  (c) ,  il  a  pu  pafîer  d'un  continent 
è  l'autre  ;  aufii  le  retrouve  -  t  -  on  en 
Amérique  jufque  dans  les  pays  chauds. 
Il  y  a  au  cabinet  de  M.  Mauduyt , 
un  chat-huant  qui  lui  a  été  envoyé  de 
Saint-Domingue,  qui  ne  nous  paroît 
être  qu'une  variété  de  i'eipèce  d'Eu- 
rope ,  dont  il  ne  diffère  que  par  l'uni- 
formité des  couleurs  fur  la  poitrine  &: 
fur  le  ventre  qui  font  roufies  &  prefque 
fans  taches ,  &  encore  par  les  couleurs 
plus  fojicées  é&^  parties  fupérieures 
du  corps. 

(c)  Sirîx  capite  lûtvï ,  corpore  ferrugineo ,  renùg^ 
lernâ  longhre.  Linn.  Fami>  6mc.  n.°  55, 


l'm       'Hijloke  Naturelle 

TEFFRAIE 

OU 

%A    PRES  AIE  fa) 


Voye^  la  planche  xii  de  ce  volume. 


Is 


'effraie  qu'on  appelle  corn miiné- 
nient  ia  chouette  des  clochers ,  effraie 
en  eifet  par  les  foufflcmens.,  chë ,  chêi , 

chëfi  f 

*  Voyei^ks  ■planches  enluminées ,  n.®^  474-  &  44. o'^ 

'(a)  En  Grec,  'E\ïoç ;  en  Latin,  AJuco  \  €iî 
'Allemand  &  en  Flamand,  Kirch-euk,  ce  qui  fignifie 
Chouette  des  égUfes ;  SchkyeY-euk ,  Chouette  voilée, 
parce  qu  elle  femble  avoir  la  tête  encapuchonnée  j 
Perl-euk  ,  parce  que  Ton  plumage  eft  parfemé  de 
taches  rondes  comme  des  perles  ou  des  gouttes  de 
liqueur  ;  en  Anglois.,  Whlte-owl ,  Chouette  blanche. 
î^ota,  Salerne  dit  qu'on  l'appelle  dans  i'Orléanois, 

ia  Sologne ,  &c Fréfaie;  en  Poitou, 

Fréfaie  ;  en  Gafcogne,   Brefague  ou  Irtfaço;  dans 
ie   Vendômois  ,    Chouart,  —  Effraie  ou   Frefaïe, 

Selon ,   Hifl,  nat,  des  Oijeaux,  page  14.2 

Petit  Chat-huant  plombé.  Idem,  Portraits  d'oifeaux^ 
'^agt  2.  6^1  B'  ^oint  II  paroît  gue  Beîon  confond  ^ 

à  quelques 


.  '^e  rEfmte  Oti  ia  Frcfale.    i  6^^, 

fhêû ,  chièû  ,  i€S  cris»  acres  &:  lugubres 
grei ,  gré ,  créi ,  &  fa  voix  entrecoupée 
qu'elle  fî>it  ibuvent  retentir  dans  ic  fi- 
lence  de  la  nuit  ;  elle  eft ,  pour  ainfi 
dire,  domellique ,  &.  habite  au  inilieu  des 
villes  les  mieux  peuplées  ;  les  tours  , 
ies  clochers ,  les  toits  des  égiifes  &  des 
autres  bâtimens  élevés  lui  fervent  de 
retraite  pendant  le  jour ,  &  qWq  en  fort 
à  l'heure  du  crépufcule  ;  Ton  louffle^ 
ment  qu'elle  réitère  fans  cefîe ,  reflem- 
ble  à  celui  d'un  homme  cjui  d;  rt  la 
bouche  ouverte  ;  elle  pouffe  aufTi  en 
volant  <Sc  en  fe  repofmt,  difîérens  fons 
aigres,  tous  fi  défagréables  que  cela 
joint  à  l'idée  du  voifmage  des  çimetière$ 
^  des  égiifes,   &   encore  à  i'obfcurité 

à  quelques  égards ,  l'effraie  ou  frefaïe  avec  le  tettCf 
chèvre  ou  çrapaud-voiant,  6i  Gefner  ie  jui  a  re# 
proche  avec  jufte  rai(on,  —  AIuco  miaor,  Aidror. 
Avu  tome  I.pag.  536.  Vfu'x  gcnus  alitrum  quod 
quidam  fîammeatum  cogmminant,  Gefner,  Avi,  pag, 
774.  —  Aluco  m'mor  Alikovandi  Wiliulgh.  Orn'uh, 
pag.  6j,  tab.  xill.  —  Lucheran  ou  Chcuette- 
bianche,  Albin  ,  tome  11, -page  j,  planche  XI,  avec' 
•  une  figure  coloriée.  —  Noéîua  gimaia,  Frifch, 
■^lanc.  XCVll,  avec  une  figure  coloriée.  —  Le  petil 
Çhat-huant.  Briifon ,  Omth,  tome  I,  page  50^, 
I—  The  White  owl.    Britifch  Zooiogy,  yh  B^ 

O'ifcaux:  Toms  JL  H 


A 


lïjQ  'Hifloire  iSûîureïlè 
de  la  nuit ,  infpire  de  i'horreur  &  de  fe 
crainte  aux  enfans ,  aux  femmes  & 
îiiême  aux  hommes  fournis  aux  mêmes 
préjugés ,  &  qui  croient  aux  revenans , 
aux  forciers,  aux  augures;  ils  regardent 
i'efîraie  comme  Toifeim  funèbre,  comme 
ie  meiïager  de  la  mort;  -ils  croient  que 
quand  il  fe  fixe  fur  une  niaifon ,  &  qu'il 
y  fait  retentir  une  voix  différente  de  fe& 
cris  ordinaires ,  c'eft  pour  appeler  quei^ 
qu'un  au  cimetière. 

On  la  diftingue  aifément  às,^  autres 
chouettes  par  la  beauté  de  fon  piumage  ; 
(elle  eiL  à  peu  près  de  la  même  grandeui* 
que  ie  chat-huant,  pius  petite  que  ia-' 
hulotte,  &  plus  grande  que  la  chouette 
proprement  dite ,  dont  nous  parlerons 
dans  l'articie  fuivant ,  elle  a  un  pied  ou 
treize  pouces  de  longueur,  depuis  le 
bout  du  h^c  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue  qui  n'a  que  cinq  pouces  de  lon- 
gueur ;  éà.ç.  a  le  deffus  du  corps  jaune , 
onde  de  gris  &  de  brun ,  &  taché  dé 
points  blancs;  îe  deflbus  du  csrps 
blanc,  marqué  de  points  noirs  ;  les 
veux  environnés  très-régulièrement  d'un 
cercle   de  plumes  blanches  &  fi  fines  ^ 


'  "cle  ï Effraie  ou  h  Frefaiel    17T 

qu'on  les  prendroit  pour  des  poils  ; 
l'iris  d'un  beau  jaune  ,  le  bec  blanc , 
excepté  le  bout  du  crochet  qui  e(l 
brun  ;  les  pieds  couverts  de  duvet  blanc  ^ 
ies  doigts  blancs  &:  les  ongles  noirâtres  ; 
il  y  en  a  d'autres  qui ,  quoique  de  la 
même  eipèce ,  paroilTent  au  premier 
coup  d'œil  être  afTez  difiérentes  ;  elles 
font  d'un  beau  jaune  lur  la  poitrine  & 
fur  ie  ventre,  marquées  de  même  de 
points  noirs;  d'autres  font  parfaitement 
blanches  fur  ces  mêmes  parties ,  fans 
îa  plus  petite  tache  noire  :  d'autres  enfin 
font  parfaitement  jaunes  &  (^ns  aucune 
tache  *.. 

J'ai  eu  pîufieurs  de  ces  chouettes 
vivantes,  ii  eft  fort  aifé  de  les  prendre, 
en  oppofant  un  petit  tilct ,  une  trouble 
à  poilïon  aux  trous  qu'elles  occupent 
dans  ies  vieux  bâtimens;  elles  vivent 
dix  ou  douze  jours  dans  ies  volières  où 
elles  font  renfermées ,  mais  clîes  refufent 
toute  nourriture,  6l  meurent  d'inanition 
nu  bout  de  ce  temps  ;  ie  jour  elles  ie 
tiennent  fans  bouger  au  bas  de  ia  vo-- 
lière ,  ie  foir  elles  montent  au  iommet 
*  Voye:(^  ks  j)ldnçhes  cnhminées,  n.^  4-40. 


7  7  2:  Hifloire  NatnrcUe 
cjes  juçhoirs  où  elles  font  entendre  îeut 
louiilement ,  chë,  chëï ,  par  lequel  elles 
i£niblent  appeler  \^5>  autres  :  j'ai  vu  plu- 
fieurs  fois  en  effet ,  d'autres  effraies 
arriver  au  fbufïîement  de  l'effraie  pri- 
ipnnière  ,  le  pofer  au  -  deffus  de  la 
volière,  y  fliire  le  même  foufflement , 
à.  s'y  lailFer  prendre  au  filet.  Je  n'ai 
jamais  entendu  leur  cri  acre  (Jîrïdor) , 
crèi ,  giei  dans  les  volières  ;  elles  ne 
poufTent  ce  cri  qu'en  volant  &  îorf- 
fîju'eiles  font  en  pleine  liberté  ;  la  fe- 
îneiie  eft  un  peu  plus  grofTe  que  le 
Biâle ,  &  a  les  couleurs  plus  claires  & 
plus  difi:in<*les  ;  c'efl:  de  tous  les  oifsaux 
jio<fturncs  ceiui  dont  le  plumage  eft  le 
plus  agréablement   varié. 

L'efpèce  de  l'çfFraie  ^ft  nombreuicj 
&  par-tout  très-commune  en  Europe  ; 
comme  on  la  voit  en  Suède  aulli-bfen 
qu'en  France  (b),  elle  a  pu  paffer  d'un 
continent  à  l'autre  ;  aulîi  la  trouve-t-on 

(h)  Strix  capite  Imn  ,  corpore  luîfo.  Linn.  Fdun« 
Snec,  n.**  49.  Naia,  M.  Sa'.erne  s'cfl  trompé  lorfqu'if, 
a  dit  que  Linnaeiis  n'en  p.arle  point ,  &  qu'appa- 
temment  ia  frefaie  ne  le  trouve  point  en  5uède^ 
Voyf^  Sahmc,  Omithpl.  lu-i^c  jo»_ 


Ve  ïEffime  Ou  .la  Frejaie.    îjj 

èîi  Amérique,  depuis  les  terres  du  Nord 
juiqu'à  celles  du  Midi.  Marcgrave  l'a 
vue  &  reconnue  au  Brcfil,  où  les  nci- 
turels  du  pays  l'appellent  ïuïdara  (c), 

L  effraie  ne  va  jpas  comme  la  hulotte 
&  le  chat-huant,  pondre  dans  des  nids 
érrangers  ;  elle  dépofe  les  œufs  à  crud 
dans  des  trous  de  murailles ,  oiî  fur  des 
folives  foLis  les  toits,  &  aufîi  dans  des 
creux  d'arbres  ;  elle  n'y  met  ni  herbes 
ni  racines  ,  ni  feuilles  pour  les  recevoir  ; 
'elle  pond  de  très-bonne  heure  au  p)rin- 
temps,  c'eft-à-dire,  dès  la  fin  de  mars 
ou  le  commencement  d'avril  ;  elle  fait 
ordinairement  cinq  œufs  &  quelquefois 
fix  &  même  fept ,  d  une  Forme  alongée 
&  de  couleor  blanchâ:re;  elle  nourrie 
fes  petits  d'inleCles  &  de  morceaux  de 
chair  de  fouris  ;  ils  font  tout  blancs  dans 
ie  premier  âge  ,  &  ne  font  pas  mauvais 
à  manger  au  bout  de  trois  feinaines, 
car  lis   font  gras   &:  bien  nourris;    les 

(c)  Tuldara  BYafiJ'enfllus  ;  ululez  e(}  fpecks  ,  Cn'- 
tnatns  ScHLElER-EULE  ,  Bclgïs  krkuyk  .,..,, 
Ddfcyiliiiur  &  à  Gcjicro,  Marcgr.  Hifi,  nnt,-  Brajil» 

H  iij 


^îj4  Hifloîre  NdUirelk 
■pères  &:  mères  purgent  les  églifes  cfe 
iburis  ;  ils  boivent  aufîî  afTez  fcm^enî 
ou  plutôt  mangent  l'huile- des  lampes,, 
ilir-tout  fi  elle  vient  à  fe  figer  ;  ils 
ay aient  les  fouris  &  les  mulots ,  les  petits 
oifeaux  tout  entiers ,  ôt  en  rendent  par 
îe  ho-c ,  les  os ,  les  pium.es  &l  les  peaux 
roulées,  leurs  excrémens  font  blancs  & 
liquides  comme  ceux  de  tous  les  autres 
oifeaux  de  proie;  dans  la  belle  faifon  ^ 
îa  plupart  de  ces  oifeaux  vont  le  foir 
dans  \qs  bois  voifins ,  mais  ils  reviennent 
tous  les  matins  à  leur  retraite  ordinaire^ 
où  ils  dorment  &:  ronflent  jufqu'aux 
heures  du  loir;  &  quand  la  nuit  arrive,, 
ils  fe  laiiTeni  tomber  de  leur  trou ,  & 
volent  en  culbutant  prefque  jufqu'à  terre 
îorfque  le  froid  eft  "rigoureux ,  on  ieS- 
îrouve  quelquefois  cinq  ou  fix  dans  le 
même  trou ,  ou  cachées  dans  les  four- 
rages ;  elles  y  cherchent  l'abri,  fair 
tempéré  &  la  nourriture  ;  les  fouris  font 
en  effet  alors  en  plus  grand  nombre 
é'àxïs  les  granges  que  dans  tout  autre 
temps  :  en  automne  ,  elles  vont  fou  vent 
yifiter  pendant  ia  nuit  ks  iieiix  où  Fou 


X'EIE'PRAIE. 


"   ik  FEffiwe  ou  la  FrefatCé  -îyf 

^  tendu  des  rejettoire^  ôl  des  lacets  pour 
prendre  des  bécafles  &  des  grives  (^dj,- 
elles  tuent  ies  béeaffes  qu'eliey  tr<)uveii;| 
fuipendues,  &  les  mangent  fur  le  lieu  y 
Biais  elles  emportent  quelquefois  les  grives 
éc  les  autres  petits  oi féaux  qui  font  pris 
aux  lacets,  eiies  ies  avalent  fouvent entiers 
Si  avec  la  plume,  mais  eiies  déplument 
ordinairement,  avant  de  ies  manger ^^ 
.  ceux  qui  font  un  peu  plus  gros  :  ces 
dernières  iiabitudes  ,  aufii-bien  que  ceile 
de  voier  de  travers,  c'eil-à-dire  ,  comme" 
û  le  vent  ies  emportoit ,  &  fans  faire 
aucun  bruit  des  ailes ,  font  commuiies 
à  l'effraie,  au  chat-liuant ,  à  la  hulotte' 
&  à  ia  chouette  proprement  <^te.  dout 
nous  allons  parier. 

{(^J  Rejettoire ,  Baguette  de  bois  vert  courbée  ^ 
èu  bout  de  laquelle  on  attache  un  iacet ,  &  qui 
par  Ton  reffort  en  lerre  le  nœud  coulant  &  enièvg 

IWëauj- 


Hiii; 


176       Hiflolre  Naturelle 

LA  CHOUETTES 

OU    LA 

GRANDE  CHEVECHE  (a). 

Yoy%  la  planche  Xlll  de  ce  volume, 

V>ETTE  efpèce,  qui  eft  la  Chouette, 
proprement  dite,  &  qu'on  peut  appeler 
ia  chouette  des  rochers  on  la  grande  che- 
yêche ,  eft  affez  commune,  mais  elie 
n'approche    pas  auiîi  fouvent  de  nos 

^   Voyei  ks  planches  enlumineis,   nJ^  43  S. 

y^ï^  Fn  Grec,   A'iyooMoç-^    en    Latin,    Cicuma'j 
fen  Allemand,  Stein-kmi,  ou  Stein-tuk ;  en  Poionois, 
Sowa  ;  en  Angloîs,   Gfeat  Bnnvn  owL   —  Notflua 
quant Jaxatikm  Heîve'.'ti   eogmtninant,    Noétua  faxa' 
ri/is.  Gefner,  Au/,-  pag.  622.  AUrov,  Ai^i  tome  I, 
pag.  545.  —  Grsnde  Chevêche.   Btion,    Hifhiye 
vaturelk  des  Oifcaux  ,  page  140  .....  .    Chevêche. 

griraaut  ;  Machette,  Idenu  Portraits  d'oifeaux  ,  pagt 
2. y.  A>  Grande  Chouette  brune.  Albm  ,  tcmu  III, 
•page  ^,  planche  VII,  avec  une  figure  mal  coloriée, 
Ululû  -flamineata,  A1.'/-7  jaune  ians  oreilles  ou  Stein* 
eule.  Chouette  ou  Souette.  Frifch  ,  planche  XCVIIL , 
avec  une  bonne  figure  coloriée.  —  La  grande 
ghouçiîÇ;  Briflbn  ^  Omithol,  tome  I ,  page  %i\^ 


^de  h  Chou e île,  &c.      lyy 

ïiaBkations  que  i'eîTfafe  ;  elle  fe  tient 
plus  volontiers  dans  ies  carrières ,  dan^ 
ies  -rochers ,  dans  ies  bâiimens  ruinés 
Si.  éloignés  des  lieux  habités  :  il  femblG 
qu'elle  prétère  les  pays  de  nuontagnes, 
&  qu'elle  cherche  les  précipices  escarpés 
&  les  endroits  Iblitaires  ;  cependant  on 
ne  la  trouve  pas  dans  les  bois  ,  &  elle 
ne  le  loge  pas  dans  des  arbres  creux  (^i^Js. 
on  la  diilinoruera  ailément  de  la  hulotte 
êc  du  chat-huant  par  la  couleur  des 
yeux  qui  font  d'un  très-beau  jaune, 
au  lieu  que  ceux  d^  la  hulotte  font  d'un 
brun  prefque  noir,  &  ceux  du  cha^ 
huant  d'une  couleur  bleuâtre  ;  on  la 
diliinguera  plus  difficilement  de  l'effraie  , 
parce  que  toutes  deux  ont  l'iris  des  yeux 
■  jaunes,  environnés  de  même  d'un  grand 
cercle  de  petites  plumes  blanches  :  que' 
toutes  deux  ont  du  jaune  fous  le  ventre  ^ 
ÔL  qu'elles  fom  à  peu  près  de  la  m.ême: 


fl;J    Nolîs  laifTeroïis  (  ctit  M.  Frifc?ï  )  a  cette- 

Chouette  fon  narn  difliî>dif  Stcineuk ,  parce  que 

je  ne  i'ai    jamais   trouvée  dans  des  arhrcs  creux  ^^ 

Tna's  feuifincnt  dans  des  batimens  en  ruines  eu  d'H! 

^  HTiO-ns  abandonnés  depuis  longtemps,  Si  d^ns  lâiù 

'  jpcehars.  Frîjch  ,  arucle  des  Oifcûux  n^clumes^ 


^TjS  'HïjÎGtre  Naturelle  - 
grandeur  ;  mais  ia  chouette  des  rocf.ers- 
ed  en  général  plus  brune,  marquée  de 
taches  pius  grandes  &  longues  comme 
de  pedîes  fiammes  ;  au  lieu  que  les 
taches  de  l'effraie,  lorfqu'elle  en  a,  ne 
font,  pour  ainfi  dire,  que  des  points 
ou  des  gouttes ,  &  c'eit  par  cette  raifoiî 
qu'on  a  appelé  l'effraie  noâua  guttaîa  ^ 
Ci  la  chouette  des  rochers  dont  il  eft  ici 
quefiion,  noâua  flamme at a;  elle  a  au (îi- 
les  pieds  bien  pius  garnis  de  plumes , 
ÔL  le  bec  tout  brun  ;  tandis  que  celui 
de  l'effraie  ell  blanchâtre,  &  n'a  de 
brun  qu'à  ion  extrémité.  Au  rePœ  ,  la^ 
femelle,  dans  cette  efpèce ,  a  les  cou- 
leurs pius  claires ,  &  les  taches  plus 
petites  que  le  mâle,  comme  nous  l'a- 
vons auiîi  remarqué  fur  la  femelle  diï 
ehat- huant. 

Belon  dit  que  cette  efpèce  s'appelle 
ïa  grande  chevêche;  ce  nom  n'eil.  pas 
impropre,  car  cet  oifeau  reffemble  affcz 
par  fon  plumage  &  par  fes  pieds  bien 
garnis  de  duvet,  à  la  petite  chevêche: 
que  nous  appelons  fimplement  chevêche;- 
il  paroît  être  aufîi  du  même  naturel ,  ne 
fe  temnt  tous  deux  que  ciaa§  ks  roçh^rs^ 


lie  la  Chouette ,  &c.      17^ 

îes  earrièies,  &  très-peu  dans  les  bois  : 
ces  deux  efpèces  ont  auffi  un  nom  pac^ 
lîculier ,   kaut-^  ou  kautT^-kïn  en  Alle- 
mand ,  qui  répond  au  nom  particulier, 
chevêche  en  François.  M.  Salerne  dit 
que  la  chouette  du  pays  d'Orléans  eft 
certainement    Ja    grande    chevêche    de 
Beion  ;  qu'en  Sologne  on  l'appelle  r/z^- 
yêche ,  &:  plus    communément  chavoche 
ou  caboche;  que   les   Laboureurs   font 
grand  cas   de   cet  oiieau,   en   ce   qu'ii- 
détruit  quantité  de  mulots  ;  que  dans  k 
mois  d'avril  on  l'entend  crier  jour  & 
nuit  goût ,   mais   d'un  ton  adez  doux^ 
ëé.   que  quand    il     doit  pleuvoir ,    ellç' 
change  de   cri,   &  Temblc  dire  goyonj 
qu'elle  ne  fait  point  de  nid ,  ne  pon^< 
que  trois  œufs  toiu  blancs  ,  parfiitemeiit 
ronds ,  &  gros  comme  ceux  d'un  pigeon 
,ramier  ;  il  dit  auffi  qu'elle  loge  dans  d^s^ 
arbres   creux,   &:    qu'Olina  fe  trompe' 
lourdement  quand  il  avance  qu'elfe  couve 
les  deux   derniers   mois  de  l'hiver  v  ce- 
pendant  ce  dernier  fiit  n'eil  pas  éloigné- 
du  vrai^  non- feulement  cette  chouette  5. 
Biais  même  toutes  les  autres  pondent:  au^ 


(ïSô  Hiflolre  Naturelle 
par  confequent  dans  ce  même  temp? , 
é<  à  l'égard  de  ia  demeure  habituelie 
de  la  chouette  ou  grande  chevêche  dojit 
51  eft  ici  quedion ,  nous  avons  obiervé 
qu'elle  ne  la  prend,  pas  dans  des  arbres 
creux,  comme  i'aiTiue  M.  Saleme , 
mais  dans  des  trous  de  rochers  &  dans 
les  carrières ,  habitude  qui  lui  eft  eom- 
îiiune  avec  îa  petite  chevêche  dont  nous 
allons  parler  dans  l'article  fuivant;  elle 
eft  aufti  confidérablement  plus  petite 
que  la  hulotte,  &  même  plus  petite  que 
k  chat-huant ,  n'ayant  guère  que  onze 
pouces  de  longueur  depuis  le  bout  du 
bec   juiqu'aux  ongles. 

11  paroît  que  cette  grande  chevêche 
quiert  aflez  commune  en  Europe  ,  fur- 
tout  dans  les  pays  de  montagnes ,  fe  re- 
trouve en  Amérique  dans  celle  du  Chily, 
&  que  i'efpèce  indiquée  par  le  Père^ 
Teuiliée,  fous  le  nom.  àQchevêche-Iap'infc}, 
êi  à  laquelle  il  a   donné  ce  furnom  de 

fc)  Efpèce  de  chevcche-iapin  ou  ulula  cmicuînria. 
Peiiiifée ,    Journal  des   Ohfervations  yhyfiquts  ,    page 

<6z.  — La  chouette  de  Coquimbo.  '^Y'dTon^Orniih. 

tome  ï,  pîîge  525,  où  l'on  peut  en  voir  fa  dtrcrip- 
tion  aufli  ijiçn  4ue  dans  î  ouvrage  du  P.  Feuiiléc, 


''de  h  Chouette ,  &c,      \  8  îl 

}apin  ,  parce  qu'il  l'a  nrouvée  dans  un 
trou  fait  dans  la  terre  ;  que  cette  efpèce  , 
dis- je ,  n'eft  qu'une  variété  de  noire 
grande  chevêche  ou  chouette  des  rochers 
d'Europe,  car  eile  eft  de  la  même 
grandeur  &  n'en  diffère  que  par  la  dif- 
tribution  des  couleurs ,  ce  qui-  n'eft  pas 
fuffifant  pour  en  faire  une  efpèce  dif- 
tinde  &  féparée.  Si  cet  oifeau  creufoit 
lui-même  fon  irou  ,  comme  le  Père 
Feuiilée  paroit  le  croire ,  ce  feroit  une 
raifon  pour  le  juger  d'une  autre  efpèce 
que  notre  chevêche  (d) ,  &  même  que 

(d)  Nota,  I .°  Le  P.  du  Tertre  ,  en  parlant  (îe 
i'oifeau  no<flurne  appelé  dialjle  dar.s  nos  îles  de 
l'Amérique,  dit  qu'il  eft  gros  comme  un  canard, 
qu'il  a  ia  vue  afFreufe,  le  plumage  mêlé  de  blanc 
èi  de  noir ,  qu'il  repaire  fur  les.  plus  hautes  mon- 
tagnes ,  qu'il  fe  territ  comme  le  lapin  dans  lis  irons 
qu'il  fak  dans  la   terre ,  où  il  pond  Tes  oeufs,  les  y. 

couve  &   élève  {ts  petits qu'il  ne  defcend 

jamais  de  la  montagne  que  de  nuit,  &  qu'en  volant 
il  fait  un  cri  fort  lugubre  <&.  effroyable.  Hjloire  des 
Antilles,  tome  II ,  page  2.  jy.  Nota.  2.°  Cet  oifeau 
efl  certainement  le  même  que  celui  du  P.  Feuiilée,. 
^&  quelques-uns  des  habitans  de  nos  xhî.  fe  trouvera 
peut-être  à  portée  de  xérifier  s'il  creufe  en  effet  un 
terrier  pour  fe  loger  &  y  élever  fe^  petits.  Tout 
ie  refte  des  indications  que  nous  donnent  ces  deux 
Auteurs  ,  s'accorde  à  ce  que  cet  oifeau  foiî  de 
îa  même  efpèce  que  notre  chevêche  ou  chouet€ 
des  rochers^ 


(rSV      Hlfwlre  Naiiirtlk ,  &c~. 

toutes  nos  autres  chouettes  ;  mais  il  ne 
^'enruit  pas  de  ce  qu'il  a  trouve  cet 
©iieau  au  fond  d'un  terrier ,  que  ce  foit 
l'oifeau  qui  l'ait  creule  ;  &  ce  qu'on  en 
peut  feulement  induire,  c'eft  qu'il  efl 
du  même  naturel  que  nos  chevêches 
d'Europe ,  qui  préfèrent  conftam.ment 
ies  trous ,  foit  dans  les  pierres ,  foit  dans 
ies  terres ,  à  ceux  qu'elles  pourroien,! 
trouver  dans  les  arbres  creux. 


;/// .  //. 


I^l.  XnLpj,;.26-2. 


iiillliiiii'iiilii^ 


I.A    CHOUETTE. 


i 


i 


183' 

£A  CHEVÈCHE(^ 

ou 

PETITE  CHOUETTE^ 

Voy^:^  la  planche  Xîv  de  ce  volume,- 

X^  A  Chevêche  &:  îe  Scops  ou  petit: 
j^uc  5    font  à  peu   près    de  ia   même- 

T  Voyei^  les  flanches  enluminées ,  w^-   439» 

(û)  Nota,  hes  Grecs  &  les  Latins  n'ont  pa^ 
dîflingué  cette  efpèce  par  un  nom  particulier,  &.  iîs- 
îont  vraifemblabïement  confondue    avec  celie   du^ 
fcops  ou    petit   duc,  afio.  Il  en  eft  de  même  des- 
Italiens  qui  les  appellent  tous  deux  Zueîta  ou  Civetra  ; 
en  Efpagnol ,  LechuTa;  en    Portugais,  Mocho ;   en^ 
Allemand,  Az/rç  ou  plutôt  Kautikin;  en  Polonois^ 
S'^QWa  ;    en    Angiois  ,    Littk    owL   Ncâucz   genus 
jMYvnm,   Gefner  ,    Icon,   Avi.  pag.    15,. —  Petite 
GTievêche,  -  Belon  ,    Hijloire  naturelle  des  Oifcaux  ,. 
page  140. —  Noélua.  Àldrovande,  Av'u   tom.  I, 
pag.   54.3.  —  Petite  Chouette,  Albin  ,  tome  11 ^ 
jiûge  8 y  planche   :k  1 1 ,   avec  une  figure  coloriée^ 

—  Petit  Hibou,   'Eàw^ràs  ^   Glanures-,  page   39^; 
■pi.  ce XXVI II,  avec  une  bonne  figure  coloriée» 

—  La  petite  Chouette  ou  la  Chevêche.  BrifTona 


fïg4  ^ifolre  Naturelle 
grandeur,  ce  (ont  les  plus  petits  oifènt^ 
du  genre  des  hiboux  &  des  chouettes; 
iïs  ont  fept  ou  huit  pouces  de  longueur, 
depuis  ie  bout  du  bec  jufqu'à  i'extré- 
niité  des  ongles,  &  ne  font  que  de  la 
^roiTeur  d'un  merie;  mais  on  ne  îes 
prendra  pas  Tun  pour  l'autre ,  fi  l'on 
le  lou vient  que  le  petit  duc  a  des  ai- 
grettes ,  qui  font  à  la  vérité  ,  très-courtes 
&  conipoiées  d'une  feule  piume  ,  & 
que  la  chevêche  a  la  tête  dénuée  de 
ces  deux  plumes  éminentes;  d'ailleurs 
gWq  a  l'iris  des  yeux  d'un  jaune  plus 
paie  ;  ie  bec  brun  à  la  ba(e  ,  &i  jaune 
vers  ie  bout ,  au  lieu  que  k  petit  duc 
a  tout  le  bec  noir  ;  elle  en  diftère  auiîi 
beaucoup  par  les  couleurs,  &  peut  ai- 
fément  être  reconnue  par   la  réguiarittf 

Britifch  ^.odogy, planche  B  /«  Notû'\\.  EtiwarJs, 
M.  Frirch  &  l'Auteur  de  ia  Zoo'ogie  Britannique 
ont  chacun  donné  une  planche  coloriée  de  cet 
oifeau  :  la  aicilleure  &  la  plus  refTeiriblante  à  fa 
INature,  e(ï  celle  de  M.  Edwn  ds;  elle  rcpréfente  ia 
ffmelle  de  cette  elpèce.  La  plrinche  de  ta  Zo.^ogie 
Britannique  &  celle  de  M.  Frifch  reptéfentent  fe, 
mâle,  mais  ce  dernier  Auteur  a  fait  une  ÛMXe. 
en  donnant  de-  yeux  d'un  bleu  noirâtre  à  cet  oittau'^ 
car  il  les  a  d  un  jaune  pâle. 


^^e  la  Chevêche ,  &c,       185" 

'«5c s  taches  blanches  qu'elle  a  furies  ailes 
&:  fur  ie  corps,  »Sc  aulîi  par  fa  c|ueue 
courte  comme  celle  d'une  perdrix  ;  elle 
a  encore  les  ailes  beaucoup  plus  courtes 
a  proportion ,  plus  courtes  même  que 
îa  grande  chevêche ,  elle  a  un  cri  or- 
dinaire poupoû  poïipou,  qu'elle  pouiîè 
&  répète  ei;  volant  j  &  un  autre  cri 
qu'elle  ne  fait  entendre  que  quand  elle  eft 
polée  ,  qui  reflemble  beaucoup  à  la  voix 
d'un  jeune  homme  qui  s'écrieroit,  aime, 
hëme  j  ^'w?  plufieurs  fois  die  fuite  (b); 
elle  (è  tient  rarement  dans  les  bois,  ion 
domicile  ordinaire  eft  dans  les  maiures 

(h)  Noia.  Étant  couché  dans  une  Hes  vieilles 
toUr5  du  château  de  Montbard  ,  une  chevêche  vint 
fepofer  un  peu  avant  le  jour,  à  trois  heures  du 
matin,  fur  la  tablette  delà  fenêtre  de  ma  chanîbre> 
&  m'éverifa  par  ("on  cri  hêmë,  ëdwe  ;  comme  je 
prêtois  l'oreille  à  certc  voix  qui  me  parut  d'abord 
d'autant  plus  finguiière  quelle  étoit  tout  près  de 
moi ,  j'entendis  un  de  mes  gens,  qui  étoit  couché 
dans  la  chambre  au-dedus  de  la  mienne,  ouvrir 
fa  fenêtre,  &:  trompé  par  la  reffemblance  du  fon 
bien  articulé  edric ,  répondre  à  roife^U;  qui  eÇt-tn 
là-bas,  je  yit  m'appelle  vas  Eàme,  je  771' appelle  Pierres 
Ce  domeftique  croyoit ,  en  effet ,  que  c'étoit  un 
homme  qui  en  appeloit  un  autre,  tant  la  voix  de 
ia  chevêche  refTemble  à  là  \oix  humaine  &  articur^ 
^iltin<^çment  ce  mot. 


Iî26        HiJIoire  Naturelle      . 

écartées  des  iieux  peuplés ,  dans  fe 
carrières ,  dans  les  ruines  des  anciens 
édifices  abandonnés  ;  eile  ne  s'établit 
pas  dans  ies  arbres  creux  ,  &  reflembie 
par  toutes  ces  habitudes  à  ia  grande 
chevêche  ;  elle  n'eft  pas  abfolument  oi- 
feau  de  nuit ,  elle  voit  pendant  le  jour 
beaucoup  mieux  que  les  autres  oifeaux 
Boclurnes,  &  iouvent  elle  s'exerce  à 
ïa  chafle  ûqs  hirondelles  &  des  autres 
petits  oifeaux ,  quoiqu'affez  infruclueu- 
fement  ;  car  ii  eil  rare  qu'elle  en  prenne  ; 
elle  réuffit  mieux  avec  les  fouris  & 
ks  petits  mulots  qu'elle  ne  peut  avaler 
entiers  &  qu'elle  déchire  avec  le  bec 
&  les  ongles  ;  elle  plume  auffi  très- 
proprement  les  oifeaux  avant  de  les 
manger  ;  au  lieu  que  ies  hiboux  ,  la 
hulotte  &  les  autres  chouettes  les  avalent 
avec  la  plume  qu'elles  vomiUent  eniuite , 
iàns  pouvoir  la  digérer  ;  die  pond  cinq 
œufs  qui  font  tachetés  de  blanc  &  de 
jaunâtre ,  &  £iit  fon  nid  prefqu'à  crud 
dans  des  trous  de  rochers  ou  de  vieilles 
murailles.  M.  Frifch  dit  que  comme' 
eette  petite  chouette  cherche  la  folitude  j 
quelle  habite  çommunéjîicm  ks  églifes^ 


^de  la  Chevêche,  &c>       i  87 

les  voûtes,  les  cimeticres.où  Ton  conf^ 
truit  des  tombeaux ,  queiques-uns  l'ont 
nommée  oïfeau  d'églife  ou  de  cadavrCf 
hircken-odcr ,  leich  enhuhu ,  &.  que^  comme 
on  a  reiTiarqué  auiîi  qu'elie  voltigeoit 
quelquefois   autour    des   mailbns   où   il 

y  avoit   des    mourans Le 

peuple  fuperflitieux ,  l'a  appelée  oïfeais 
de  mort  ou  de  cadavre,  s'rmnginant 
qu'elle  préfageoit  la  mort  des  malades. 
Al.  Frifch  n'a  pas  fait  attention  que 
e'eft  à  i^effraie,  &  non  pas  à  la  che- 
vêche qu'appartiennent  toutes  ces  im- 
putations, car  cette  petite  chouette  eil 
très-rare  en  comparaiion  de  l'effraie; 
elle  ne  fè  tient  pas  comme  ceile-ci  dans 
Jes  clochers ,  dans  les   toits  des  égiifès  ; 

;  elle  n'a  pas  le  foufHement  lugubre  ^ 
ni  le  cri  acre  &  effrayant  de  l'autre,  <Sc 
ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'eft  que  fî 
cette  petite  chouette  ou  chevêche  eft 
regardée  en  Allemagne  comme  l'oifeau 
de  la  mort ,  en  France  c'eft  à  l'effraie 
qu'on,  donne  ce  nom  finiftre.  Au  refie, 
Ja   chevêche    ou  petite    chouette  dont 

^   M.  Frifch  a  domié  la  figure,   &  qui  le 
trouve  eu  Aii€magn,e  ;  paroit  être  une 


■î88        Hïflolre  Ndfurcile     ■ 

Variété  dans  refpèce  de  notre  chevêche^ 
eile  eft  beaucoup  pftîs  noire  par  le  plu- 
inage^  &  a  aufîî  Tiris  des  yetix  noir, 
au  lieu  que  notre  chevêche  eil  beaucoup 
moins  brune ,  &  a  i'iris  des  yeux  jaune  : 
nous  avons  aulîl  au  cabinet  \ix\t  variété 
de  l'efpèce  de  la  chevêche  qui  nous 
a  été  envoyée  de  Saint-Dominguej  ^, 
qui  ne  diffère  de  notre  chevêche  de 
France,  qu'en  ce  qu'elle  a  un  peu 
moins  de  blanc  fous  la  gorge  ,  &  que 
ia  poitrine  &  le  ventre  ioni  rayés  tranf- 
verlalement  de  bandes  brunes  afîez  ré- 
gulières; au  lieu  que  dans  notre  che- 
vêche ,  il  n'y  a  que  des  taches  brunes 
femées  irrégulièrement  fur  ces  mêmes 
parties. 

Pour  préfenter  en  raccourci,  &  d  une 
manière  plus  facile  à  faifïr,  les  caraâ:ères 
qui  diiiingjuent  lès  cinq  efpèces  de 
chouettes  dont  nous  venons  de  parler , 
nous  dirons:  i,""  Que  la  hulotte  efl  la 
plus  grande  &  ia  plus  grofîc,  qu'elle  a 
les  yeux  noirs,  le  plumage  noirâtre,  & 
le  bec  d'un  blanc- jaunâtre,  qu'on  peu~t 
îa  nommer  hgrofpe  chouettt  nvire  aux  yeux 
fio'irs  ;  2."  Que  le  ch^it-huant  eïl;  moins 


<7^  la  Chevêche ,  &c.      i  8^^ 

grAi^d  &.  beaucoup  moins  gros  que  la 
hulotte ,  qu'il  a  ies  yeux  bleuâtres ,  le 
plumage  roux  mêlé  de  gris-de-fer,  le 
h^c  d'un  blanc  verdâtre  ,  ik  qu'on  peut 
l'appeler  la  chouette  rouffe  &  gris-de-fer 
aux  yeux  bleus  :  3 .°  Que  l'effraie  eft  à 
peu  près  de  la  mêine  grandeur  que  le 
chat-huant ,  qu'elle  a  les  yevix  jaunes  , 
le  plumage  d'un  jaune  blanchâtre,  varié 
de  taches  bien  diilincles ,  &.  le  bec  blanc 
avec  le  bout  du  crochet  brun ,  &  qu'où 
peut  l'appeler  la  chauetle  blanche  ou  jaune 
aux  yeux  orangés  :  4."  Que  la  grande 
chevêche  ou  chouette  des  rochers  n  efl 
pas  fi  grande  que  le  chat  -  huant  ni 
l'effraie  ,  quoiqu'elle  foiî  à  peu  près  aulîi 
grofie ,  qu'elle  a  le  plumage  brun ,  les 
yeux  d'un  beau  jaune  &  ie  bec  brun , 
&  qu'on  peut  l'appeler  la  chouette  brune 
aux  yeux  jaunes  &  au  bec  brun:  5.°  Que 
îa  petite  chouette  ou  chevêche  efl  beau- 
coup plus  petite  qu'aucune  des  autres, 
qu'elle  a  ïe  plumage  brun ,  régulière- 
ment taché  de  blanc  ;,  ies  yeux  d'un 
jaune  pâle  &  le  bec  brun  à  la  bafe , 
&  jaune  vers  le  bout,  &  qu'on  peu* 
J'appeler  la  petlu  çhmtts  brum  aux  yeux 


^. 


Ipô  Htjiohê  Naîmilïe]  'éTc:- 

jaunâtres }  au  bec  brun  ù"  orangé.  Cei 
caradères  fe  trouveront  vrais  en  général; 
ies  femelles  &:  les  mâîes  de  toutes  ces 
«ipèces  fe  relîemblant  affez  par  les  cou- 
leurs, pour  que  les  différences  ne  foient 
pas  fort  fenlibles  :  cependant  il  y  a  ici, 
comme  dans  toute  la  Nature,  des  va- 
riétés alTez  confidérabks  ,  fur-tout  dans 
îes  couleurs  ;  il  fe  trouve  des  hulottes 
plus  noires  les  unes  que  les  autres , 
des  chat-huants,  plutôt  couleur  de  plomb 
que  gris-de-fer  foncé ,  des  effraies  plus 
blanches  ou  plus  jaunes  les  unes  que 
ies  autres ,  des  chouettes  ou  chevêches 
grandes  &  petites,  plutôt  fauves  que 
briuies,  mais  en  réunifiant  enlemble 
&  comparant  îes  caradères  que  nous 
venons  d'indiquer,  je  crois  que  tout 
le  monde  pourra  ies  reconnoître  ,  c'efl- 
à-dire,  les  diftinguer  ies  unes  des  autres 
lans  s'y  méprendre. 


JI, 


Tl  .Xn7 /7(U^.  i^û. 


LA    CHEVECHE    au  PETITE   CHOUETTE 


OISEAUX  ÉTRANGERS 

Qjd  ont  rapport  aux  Hl  BOUX 


èr  aux  Chouettes. 
I. 


L 


'oiseau  appelé  Cabure  ou  Cahourâ 

I  par  les  Indiens  du   Brefil,   qui  a  à^s 

j  aigrettes  de  plumes  fur    ia  tête ,  &.  qui 

I  n'efl   pas  plus  gros  qu'une  litorne  ou 

1  grive  des  genévriers  ;   ces   deux  carac- 

I  tères  Tuffifent  pour  indiquer  qu'il  tient 

I  de  très-près  à    i'eipèce   du  fcops    ou 

j  petit  duc  ,   fi   même  il  n'ejfl  pas  une 

'  .variété  de  cette  efpèce.   iMarcgrave  efl 

ie  feul  qui  ait  décrit  cet  oiieau   (a)^  il 

n'en  donne  pas  la  figure  ;  c'eft  ,  dit-il , 

une  efpèce   de   hibou   de  la   grandeur 

(d'une  iitorne  (turdela);  il  a  ia  tête  ronde, 

ie   bec   court ,    jaune   &   crochu   avec 

deux  trous  pour  narines  ;  ies  yeux  beaux , 

grands ,  ronds ,  jaunes  avec  la  pupille 

iioire  ;  (bus  les  yeux  &  à  coté  du  bec  ^ 

(a)  Marcgrave,  HiJI,  Braf,^^g,  ai  a» 


î  5  1       Hîflove  NaîweÏÏe 

H  y  a  des  poils  ionguets  &  bruns  ;  les 
jambes  font  courtes  &  entièrement  cou- 
vertes, ^ulli-bien  que  les  pieds,  de 
piumes  jaunes  ;  quatre  doigts  à  l'ordi- 
naire ,  avec  des  ongles  iëmilunaires., 
noirs  &  aigus  ;  la  queue  large ,  &  à 
l'origine  de  laquelle  fe  terminei^t  les 
ailes  :  le  corps ,  le  dos ,  les  ailes  &  la 
queue,  font  de  couleur  d'ombre  pâle, 
inarquée  fur  la  tête  &  le  cou  de  très- 
petites  taches  blanches ,  &  fur  les  ailes 
de  plus  grandes  taches  de  cette  même 
couleur;  la  queue  eft  ondée  de  blanc, 
ïa  poitrine  &  le  ventre  iont  d'un  gris- 
blanchâtre,  marqué  d'ombre  paie  (c'eil- 
à-dire  d'un  brun  clair).  Marcgrave 
ajoute  que  cet  cifeau  s'apprivoile  ailé- 
ment ,  qu'il  peut  tourner  la  têie  &  alonger 
îe  cou  j  de  manière  que  l'extrémité  de 
fon  bec  touche  au  milieu  de  fon  dos  ; 
qu'il  joue  avec  les  hommes  comme  un 
iînge ,  &  fait  à  leur  alpeét  diverfes 
bouifonnerîes  &  craquemens  de  bec;  , 
«qu'il  peut  outre  cela  remuer  les  plumes  I 
qui  font  des  deux  côtés  de  la  tête ,  de 
manière  qu'elles  ie  drefTent  &l  repré- 
lenteut  des  petites  cornes  ou  des  oreilles; 

enfia 

î 


•    lies  Oifcaux  étrangers,  &c.    i  p  3 

enfin  qu'il  vit  de  chair  crue:  on  vole 
par  cette  defcription  ,  con'ibien  ce  hibou 
approche  de  notre  fcops  ou  petit  duc 
d'Europe,  <5c  je  ne  ferois  pas  éloigné 
de  croire  que  cette  même  efpèce  du 
Brefil  fe  retrouve  au  cap  de  Bonne- 
efpërance.  Kolbe  dît  que  \t%  chouettes 
qu'on  trouve  en  quantité  au  Cap  ,  font 
de  la  même  taille  que  celles  d'Europe  , 
que  leurs  plumes  font  partie  roug^  & 
partie  noires,  avec  un  mélange  de  ta- 
ches griles  qui  les  rendent  très-bciles, 
&:  qu'il  y  a  plufieurs  Européens  au 
Cap  ,  qui  gardent  des  chouettes  appri- 
voilées  ,  qu'on  voit  courir  autour  de 
feurs  maifons ,  &  qu'elles  fervent  à  net- 
toyer leurs  chambres  de  fouris  (b):  quoi- 
que cette  defcription  ne  foit  pas  afîèz 
détaillée  pour  en  faire  une  bonne  com- 
parai(bn  avec  celle  de  Marcgrave,  ou 
peut  croire  que  ces  chouettes  du  Cap , 
qui  s'apprivoilent  aiiément ,  comme  \^% 
hiboux  du  BrefiI,  font  plutôt  de  cette 
même  efpèce  que  de  celles  d'Europe  , 
parce  que  les  influences  du  climat  Ibnt 

(l)  Defcription  du  cap  de  Bonne-efpérance  g 
y)ms  111 1  pages  I ç8  &  1 9^* 

O'ifeaux ,  Tome  IL  I 


fî94'       Hiflolre  Ndtiirelfe 
â  peu  près  les  mêmes  au  Brefil  &  ail 
Cap ,  &  que  les  difFérences  &  ies  va- 
riétés des  eipèces  fom  toujours  analogues 
aux  influences  du  climat. 

II. 

L'oiseau  de  la  baie  de  Hudfon^^ 
appelé  dans  cette  partie  de  l'Amérique ^ 
Caparacoch,  très  -  bien  décrit ,  defîîné  , 
gravé  &  colorié  par  M.  Edwards,  qui 
l'a  nommé  hawk-oiyl  (c),  chouette- 
épervier  ,  parce  qu'il  participe  des  deux, 
&  qu'il  ièmble  faire  en  effet  la  nuance 
entre  ces  deux  genres  d'oifeaux  ;  il  n'efl 
guère  pins   gros  qu'un  épervier  de  la 

r  ^        s         (panow-hawh  (        , 

petite  eipece  <  ,  .  ,  .  >  >  la 
î  ^  )  eperyier  des  moineaux  \   ' 

longueur  de  fes  ailes  &  de  fà  queue  luî 
donne  l'air  d'un  épervier  ;  mais  la  forme 
de  fa  tête  &  de  lès  pieds  démontre 
qu'il  touche  de  plus  près  au  genre  des 
chouettes  ;  cependant  il  vole ,  chafîe  & 
prend  fa  proie  en  pein  jour ,  comme 
les  autres  oifeaux  de  proie  diurnes  ;  fon 

fç)  The  Luth  Hawk-owL  Edwards ,  Hif},  oj 
Birds ,  tom.  II,  pag.  62,  planche  LXIl,  ayei? 
Une  benne  figure  coloriée. 


'  ^des  Oijeaux  étrangers,  &€,    i^f 

•î>ec  ell:  femblable  à  ctiui  de  répervier , 

mais  fans  angles  fur  les  côtés  ;  il  efl 
luifant  &  de  couieur  orangée,  couvert 
prefqu'en  entier  de  poils ,  ou  plutôt  de 
petites  plumes  décompofées  &  grifes  , 
comme  dans  la  plupart  des  efpèces  de 
choueues  ;  i'iris  des  yeux  efl  de  la  même 
couieur  que  celle  du  bec,  c'eft-à-dire, 
orangée  ;  ils  font  entourés  de  blanc  , 
ombragés  d'un  peu  de  brun  moucheté 
de  petites  taches  longuettes  &  de  couleur 
obfcure ,  un  cercie  noir  environne  cet 
efpace  blanchâtre ,  &  s'étend  autour  de 
ia  face  jufqu'auprès  des  oreilles  ;  au- 
delà  de  ce  cercie  noir  fe  trouve  encore 
un  peu  de  blanc  ;  ie  fommct  de  la  tête  efl 
d'un  brun  foncé ,  marqueté  de  petites 
taches  blanches  &  rondes  ;  le  tour  du 
cou  &  les  plumes,  jufqu'au  milieu  du 
dos ,  font  d'un  brun  obfcur  &  bordées 
de  blanc  ;  les  ailes  font  brunes  &  élé= 
gamment  tachées  de  blanc  ,  !es  piumes 
fcapulaires  font  rayées  iranfverfalement 
de  bîanc  «&  de  brun  ;  les  trois  piumes 
ies  plus  voifmes  du  corps  ne  font  pas 
tachées  ,  mais  feulement  bordées  de 
blanc;  la  partie  inférieure  du  dos,  I§ 


'Ip6         HîPoire  Naturelle 

croupion  &  ies  couvertures  du  deflîïJ 
de  la  queue  font  d'un  brun  foncé , 
avec  des  raies  tranfverfaies  d'un  brun 
plus  léger  ;  la  partie  inférieure  de  ia 
gorge,  ia  poitrine,  le  ventre,  les  côtés, 
les  jambes  ,  ia  couvertfire  du  deiTous 
de  la  queue  &  ies  petites  couvertures 
du  defious  des  ailes  Ibnt  blanches  ,  avec 
des  raies  tranlveriaies  brunes  ;  ies  o-randes 
font  d'un  cendré  obfcur  ,  avec  des  ta^ 
ches  blanches  fur  les  deux  bords  ;  la 
première  des  grandes  plumes  de  l'aile  eft 
toute  brune  ,  fans  tache  ni  bordure 
blanche ,  &  il  n'y  a  rien  de  femblable 
aux  autres  plumes  de  l'aiie  ,  comme 
on  peut  aufîi  le  remarquer  dans  les 
autres  chouettes;  les  plumes  delà  queue 
font  au  nombre  de  douze ,  d'une  cou- 
leur cendrée  en  defTous  ,  d'un  brun 
obfcur  en  deiïus  avec  des  raies  tranf- 
verfaies étroites  &  blanches  ;  les  jambes 
&  les  pieds  font  couverts  de  plumes 
fines  ,  douces  &  blanches  comme  celles 
du  ventre  ,  traverfées  de  lignes  brunes 
plus  étroites  &:  plus  courtes;  les  ongles 
font  crochus ,  aigus  &  d'un  brun  foncé. 
Uu  autre  individu  de  ia  même  eipèe^ 


Aes  01  [eaux  êtKcingers,  &c.    i<^j 

èioM  un  peu  plus  gros  ,  ^  avoit  les 
couleurs  plus  claires ,  ce  qui  fait  pré- 
fumer que  celui  qu'on  vient  de  décrire 
efl  ie  maie,  &  ce  iecond-ci  la  femelle  : 
tous  deux  ont  été  apportés  de  la  baie 
de  Hudfpn  en  Angleterre  ,  par  M. 
Light,  à  M.  Edwards. 

I  ï  L 

LE  HARFANG\ 

Uo  î  s  E  A  u  qui  fe  trouve  dans  ies 
terres  feptentrionaies  des  deux  contînens^ 
que  nous  appellerons  Harfang,  du  nom 
liarfaong  (d) ,  qu'il  porte  en  Suède ,  <Sc 
qui  par  ià  grandeur  ed  à  i'égard  des 
chouettes ,  ce  que  ie  grand  duc  eft  à 
J 'égard  des  hiboux  ;  car  ce  harfang  n'a 
point  d'aigrettes  fur  la  tête  ,  &:  il  e(t 
encore  plus  grand  &  pius  gros  que  ie 

*  Voye7_  les -planches  tnluminécs ,  n.°  4.58. 

(d)  Strix  caphe  lavl ,  corpore  alhïdo.  Harfaong» 

Linn.   Fmn.  Suec,  n.°    54 Nydea.  Sirix 

cap: te  lavi ,  corpore  altido,  macul'is  Imatis  diftantibus 

fùjcis.  ldenrj.J>y?.  nat,  edit.  X Noâuafcandmv& 

ma:<ima  ex  aJbo  &  cinerco  var'iegata,  Rudi)eck  cité 
par  Linnaeus.  //'/V, 

liij 


nc}S        Hîjlotre  Naturelle 

grand  duc;  comme  la  plupart  des  oi- 
jeaux  du  Nord  ,  il  e(l  prefque  par- 
tout d'un  très  -  beau  bianc  ,  mais  nous 
ne  pouvons  rien  faire  de  mieux  ici,  que 
de  traduire  de  l'Angrlois  la  bonne  def- 
cription  que  M.  Edwards^  nous  a 
donnée  de  cet  oifeau  rare,  &  que  nous 
n^wons  pu  nous  procurer  :  «  la  grande 
53  chouette  blanche,  dit  cet  Auteur,  efl 
53  de  ia  première  grandeur  d:îns  le  genre 
53  des  oileaux  de  proie  nocflurnes ,  6c 
D3  c'eft  en  même  temps  i'efpèce  la  plus 
53  beile  à  caufe  de  Ion  plumage  qui  eft 
y>  blanc  comme  neige  ;  fa  têie  n'efl  pas 
DD  fï  groffe,  à  proportion,  que  celle  des 
33  autres  chouettes  ;  (es  ailes ,  forfqu'elles 
33  font  pliées,  ont  liize  pouces  (  Anglois) , 
3>  depuis  l'épaule  jufqu'à  l'extrémité  de 
5>  la  plus  longue  plume  ,  ce  qui  peut 
5>  faire  juger  de  fà  grandeur  :  on  dis 
>3  que  c'eft  un  oifeau  diurne,  &  qu'il 
>?  prend  en  plein  jour  les  perdrix  blan- 
y>  ches  dans  les  terres  de  la  baie  de 
S3  Hudfon  (e),  où  il  demeure  pendant 

( e)  Nota.  Que  ces  perdrix  blanches  des  terres 
du  nord  de  l'Amérique  ne  font  pas  ds5  perdrix  ^. 
piais  des  gélinotte^s 


des  Û if  eaux  étrangers,  &c.  'l^^ 

toute  l'année  ;  Ton  bec  efl  crochu  et 
comme  celui  d'un  épervier ,  n'ayant  et: 
point  d'angles  fur  les  côtés  ;  il  ell  ce 
noir  &  percé  de  larges  ouvertures  ou  c< 
narines ,  il  efl  de  plus  prefqu'entière-  c< 
nient  couvert  de  plumes  roides ,  fem-  ce 
blables  à  des  poiis  plantés  dans  ia  ce 
h:i{ç.  du  htQ  ,  &  fe  letournant  en  ce 
dehors  ;  la  pupiifé  des  yeux  ell  en-  c< 
vironnée  d  ua€  iris  briilaiit^  &  jaune  ,  <.< 
k  tête  auffi-bien  que  le  corps,  les  ce 
ailes  &  la  queue  font  d'un  bianc  pur  ;  es 
ie  defTus  de  la  tête  efl  feulement  ce 
marqué  de  petites  taches  brunes  ,  ia  « 
partie  fupérieure  du  dos  eft  rayée  cî 
tranPv^erfaîement  de  quelques  lignes  c€ 
brunes  ,  lés  côtés  fous  les  ailes  font  <.< 
auffi  rayés  de  même ,  mais  par  des  c< 
lignes  plus  étroites  &  plus  claires  ;  les  ce 
grandes  plumes  des  ailes  font  tachées  c^ 
de  brun  fur  les  bords  extérieurs  ,  il  ce 
y  a  aulîi  des  taches  brunes  fiir  les  ce 
couvertures  des  ailes ,  mais  leurs  cou-  ce 
vertures  en  deflous  font  purement  ce 
blanches ,  le  bas  du  dos  «Se  ie  croupion  ce 
font  blancs  &  iàns  taches  \  les  jambes  ce 
&  ks  pieds  fom  couverts  de  plumes  c^^ 

l  iiij 


:2oo         Hiflolre  Ndîurelfe 

5>  blanches,  les  ongles  font  longs,  fbrts^ 
>3  d'une  couleur  noire  &  très-aigus  :  j'ai 
»  eu  un  autre  individu  de  cetie  efpèce , 
35  ajoute  M.  Edwards,  qui  ne  diiîéroit 
»  de  celui-ci  qu'en  ce  qu^il  a  voit  des 
35  taches  plus  fréquentes  &  d'une  cou- 
leur plus  foncée  :>:>  (f).  Cet  oifeau  qui 
eft  commun  dans  les  terres  de  la  baie 
de  Hudfon,  eft  apparemment  confiné 
dans  les  pays  du  Nord,  car  il  efl  très- 
rare  eu  Penfiivanie ,  dans  le  nouveau 
continent;  &  en  Europe,  on  ne  le 
trouve  plus  en- deçà  de  la  Suède  &  du 
pays  de  Dantzick  ;  il  efl  prefque  biauc 
&  fans  taches  dans  les  montagnes  de 
Lapponie.  M.  Klein  dit  que  cet  oifeau 
qu'on  appelle  hûrfang  en  Suède  ,  fe 
nomme  weijfebunle  fchliclete-eule  en  Aiîe- 
magne;  qu'il  a  eu  à  Dantzick  le  mâle 
êc  la  femelle  vivans ,  pendant  plufieurs 
mois  (g),  en  1747.  M.  Ellis  rapporte 

//;  Edwards  ,  HiJÎ.  of  Birds ,  tom.  1 1  , 
pag.  6  [  ,  -planche  LX I ^  avec  une  bonne  figure 
coloriée. 

(g)  —  Ulula  alla  maculls  tenei  coloris.  Hûrfang; 
Suec.  WeifTehunte  Schlidete-euîe.  Ejuftnodl  avetn 
anno  17 f  7,  j  j^i^r  if^J^^am  inter  curioja  jocktath 


aes  Oifeatix  étrangers,  é"c.  .2  o  Sj 

que  le  grand  hibou  tianc  fans  oreilles 
(  c'efl  -  a  -  dire  ,  cette  grande  chouette 
tianche  )  ,  aboncie  auili  -  bien  que  le 
hibou  couronné  (  c'eft- à-dire,  le  grand 
duc  ) ,  dans  les  terres  qui  avoifinent  la 
baie  de  Hudfon  :  il  e(t,  dit  cet  Auteur, 
d'un  blanc  ebiouilTant,  &  i'on  a  peine 
à  ie  dillinguer  de  la  neige  ;  il  y  paroît 
pendant  toute  l'année ,  il  vole  louvent 
en  plein  jour,  &  donne  la  chaffe  aux 
perdix  blanches  (h):  on  voit  par  tous 
ces  témoignages  ,  que  ie  harfling ,  qui 
éft  fans  comparaifon  la  plus  grande  de 
toutes  les  chouettes  ,  le  trouve  afiez 
communément  dans  les  terres  fepten- 
trionales  des  deux  continéns  (ij;  mais 

Gûar  repofuî.  Pondus  aguahat  j»  4"^  -pojîià  marem  if 
^xminam  vivos  ohtinui,  pojî  menjcs  fex  famina  mornia , 
marem  Hhenate  donavu  Eadtm  apud  Edwdrdum ,  t,  II, 
p.  6\,  Ab  iinco  rojiri  cid  exitumcmdx  i  ~-  uln<z  daitl 
alïs  exyanjis  2\,  rofîmm  &  ungy.es  nigri ;  getia ,  alct 
inferna. ,  uropygium  pedss  pilofa  laéîea  ;  rruncus  fupernè 
juper  albo  ex  cinereo  mavmoratus,  Klein ,  Avu  p.  54.. 

(h)  Voyage  de  ia  baie  de  Hudfon ,  tome  l  ; 
pages  //  &  ^6.  Nota,  J'ai  dé/à  averii  que  ces 
perdrix  étoient  des  géiiriotîes. 

(i)  Nota»  On  îe  trouve  ,  comme  on  voit ,  en 
Lappotiie ,  en  v5iiède  &  dans  le  nord  de  i'Ailemagne^ 

I  V 


.20  2        Mijîohe  Naturelle 

qu'apparemment  cet  oifeau  craint  lé 
chaud ,  puifqu'on  ne  le  trouve  dans 
aucun  pays  du  Midi.- 

IV. 

LE  CHAT- HUANT 

de  Cayenne  *, 

L'o  I  s  E  AU  que  nous  avons  cru 
devoir  appeler  ie  Chat-huant  de  Cayenne;, 
qui  n'a  été  indiqué  par  aucun  Natu- 
ralise ;  il  efl:  en  effet  de-  la  grandeur 
du  chat-huant,  dont  cependant  il  diffère 
pour  ia  couieur  des  yeux  qu'ii  a  jaunes, 
en  forte  qu'on  pourroit  peut-être  ie  rap- 
porter également  à  i'efpèce  de  l'effraie; 

©n  le  trouve  à  la  baie  de  Hùdfon  &:  en  Penfilvaniej 
©n  ie  trouve  aufTi  en  Iflande ,  car  Anderfon  l'a  fair 
deffiner  &  graver.  Voyei  la  Dtfcnpdon  de  Ufiande ,. 
par  Anderfon,  tome  1 ,  jwge  Sj,  planche  I  ;  &  quoi- 
que  Horrobous  ,  qui  a  fait  ia  critique  de  l'ouvrage 
d'Anderfon  ,  afTure  qu'ii  n'y  a  aucun  hibou  ni 
chouette  en  Jflande ,  ce  fait  négatif  &  général  ne 
doit  pas  être  admi5  fur  la  parole  d'un  leui  garant , 
dont  il  paroît  que  le  but  principal  étoit  de  coa^ 
tredire  Anderfon. 

^  y^^l  k^  plane  kl  cajmlmff^  n*  ^,^ 


des  Olfecwx  étrangers,  &c.    203 

ïnais  dans  le  vrai,  il* ne  refiemble  ni  à 
Tun  nia  l'autre,  &:  nousparoit  être  un 
oiieau  différent  de  tous  ceux  que  nous 
avons  indiqués  :  il  eft  particulièrement 
remarquable  par  Ton  plumage  roux , 
rayé  tranfverfalement  de  lignes  en  ondes 
brunes  &  très-  étroites,  non-leulement 
fur  ia  poitrine  &  le  ventre ,  mais  même 
fur  le  dos  ,  il  a  aufîi  le  bec  couleur  de 
chair  &  les  ongles  noirs  ;  cette  courte 
defcription  fufïira  pour  faire  diflinguer 
cette  elpèce  nouvelle  de  toutes  les  autre.s 
chouettes» 

y, 

La  Chouette  ou  grande 
Chevêche  de  Canada. 

Cet  oïfèau  qui  a  été  indiqué  par 
M.  Briffon  (k) ,  fous  le  nom  de  6//^;- 
huant  de  Canada ,  nous  a  paru  appro-- 
cher  beaucoup  plus  de  i'efpèce  de  la^ 
grande  chevêche,  &  c'efl  par  cette raifoii 
que  nous  lui  en  avons  donné  le  nom  i 

(h)  BrifTon,  Omithoh  tomçl,  page  ^iS]fiàî2ck 

î  y) 


20  4*        Hifîolre  Naturelle 

îa  planche  enluminée  qui  le  repréfenle^ 
comparée  avec  celle  de  notre  chevêche 
&  de  notre  chat-huant ,  luffit  pour  dé- 
montrer que  cet  oilcau  a  plus  de  rapport 
avec  la  première  qu'avec  le  lecond  ;  elle 
diffère  néanmoins  de  notre  chevêche, 
en  ce  qu'elle  a  fur  la  poitrine  &.  fur  le 
ventre  des  bandes  brimes  tranfverfales  , 
régulièrement  difpolées  ,  &  c'eft  une 
chofe  aflez  fingulière ,  qui  fe  trouva 
également  dans  la  petite  chevêche  d'A- 
mérique dont  nous  avons  parlé  à  l'article 
de  la  chevêche  ou  petite  chouette,  <5c 
que  nous  n'avons  confidéré  que  comme 
une  variété  de  cette  petite  efpèce. 

VL 

La  Chouette  ou  gt^ande 
Chevêche  de  Saint-Domingue. 

Cet  oifeau  nous  a  été  envoyé  de 
Saint-  Domingue  ,  &  nous  paroit  être 
une  efpèce  nouvelle,  différente  de  toutes 
celles  qui  ont  été  indiquées  par  tous  \q% 
Naturaliiles  ;  nous  avons  cru  devoir  la 
rapporter  par    ie    nom   à   ceUe  de  k 


(ies  Oifeai/x  etrangêfs,  '&c.   2.  o  f 

CÎiouette  ou  grande  chevêche  d'Europe, 
parce  qu'elle  s'en  éloigne  moins  que 
d'aucune  autre  ;  mais  dans  le  réel ,  elle 
nous  paroît  faire  une  efpèce  à  part ,  & 
qui  mériteroit  un  nom'  particulier  ;  elle 
a  le  bec  plus  grand  ,  plus  fort  ôc  plus 
crochu  qu'aucune  elpèce  de  chouette , 
&  elle  diffère  encore  de  notre  grande 
chevêche  ,  en  ce  qu'elle  a  le  ventre 
d'une  couleur  roufîâtre,  uniforme,  ôl 
qu'elle  n'a  fur  la  poitrine  que  quelques 
taches  longitudinales  ;  au  lieu  que  ïa 
chouette  ou  grande  chevêche  d'Europe, 
a  fur  ia  poitrine  &  fur  le  ventre  de 
grandes  taches  brunes  ,  oblongues  & 
pointues ,  qui  lui  ont  fait  donner  le  nom 
de  Chouette  flambée,  no^ua fammmî£l^ 


2o6       Hiflolre  Naturelle 

0  I S  E  A  U  X 

QUI  NE  PEUVENT  VOLER^ 

jLJ  e  s  Oifeaux  les  plus  îégers  &  qur . 
percent  les  nues  ,  nous  pafTons  aux 
plus  peians  qui  ne  peuvent  quitter  la: 
terre;  le  pas  eft  brufque ,  mais  la  coni- 
paraifon  eft  la  voie  de  toutes  nos  con- 
noiflànces ,  &  le  contrafte  étant  ce  qu'il 
y  a  de  plus  frappant  dans  la  compa- 
railbn ,  nous  ne  laififTons  jamais  mieux- 
que  par  l'oppofition  ,  les  points  prin- 
jeipaux  de  la  nature  des  êtres  que  nous- 
confidérons.  De  même ,  ce  n'efl  que 
par  un  coup  d'œil  ferme  fur  les  ex- 
trêmes que  nous  pouvons  juger  les 
milieux.  La  Nature  déployée  dans  toute 
fon  étendue,  nous  préiente  un  immenfe 
tableau ,  dans  lequel  tous  les  ordres  des 
êtres  ioat  chacun  repréfcntés  par  une 
chaîne  qui  foutient  une  fuite  continue 
d'objets  aflcz  voifms ,  affez  femblablea^ 
jpour  cjue  leurs  différences  foia^t  difficiles 


'âes  Oîjeatix'^  à"c*        20-/ 

a  {aifir  ;  cette  chaîne  n'eit  pas  un  fimpk 
fil  qui  ne  s'étend  qu'en  longueur ,  c'eft 
une  large  trame  ou  plutôt  un  fluiceau  ^ 
qui,  d'intervalle  à  intervalle,  jette  des 
branches  de  côté  pour  le  réunir  avec 
ies  faifceaux  d'un  autre  ordre  ;  &  c'eil 
ilir-tout  aux  deux  extrémités  que  ces 
faifceaux  fe  plient ,  fe  ramifient  pour 
en  atteindre  d'autres.  Nous  avons  vu 
dans  l'ordre  des  quadrupèdes  ,  Fune 
des  extrémités  de  la  chaîne  ,  s'élever 
vers  l'ordre  des  oifeaux  par  les  pola^- 
touches,  les  roufîettes,  les  chauve-fourisj. 
qui  ,  comme  eux ,  ont  la  faculté  de 
voler.  Nous  avons  vu  cette  même 
chaîne  ,  par  fon  autre  extrémité  ,  fe  ra-* 
•feaiffer  jufqu'à  l'ordre  des  cétacées  par 
îes  phoques,  les  morfes ,  les  lamantins. 
Nous  avons  vu  dans  le  milieu  de  cette 
chaîne ,  une  branche  s'étendre  du  finge 
à  l'homme  par  le  magot,  le  gibbon  5. 
fe  pithèque  &  l'orang-outang.  Nous 
Favons  vue  dans  un  autre  point ,  jeter 
un  double  &  triple  rameau ,  d'un  côté 
vers  les  reptiles  par  les  fourmiiliers  ,  les 
phatagins ,  les  pangolins ,  dont  la  forme 
approche  de  celle  des  crocodiles ,  des 


■j2Lo8        Hijlolre  Naîiirelle 

Iguanes  ,  des  lézards  ;  &  d'autre  côté 
vers  les  cruftacés  par  les  tatous  ,  dont 
ie  corps  en  entier  e(t  revêtu  d'une  cui- 
ra(îè  offeuie.  Il  en  iera  de  même  du 
fàilceau  qui  foutient  l'ordie  très -nom- 
breux des  oiieaux  ,  fi  nous  plaçons 
au  premier  point  en  haut  les  oifeaux 
aériens  les  plus  légers,  les  mieux  volans, 
nous  defcendrons  par  degrés  &  même 
par  nuances  prerqu'infenlibles  aux  oi- 
ieaux les  plus  pefans ,  les  moins  agiles  , 
ôi  qui  dénués  des  inftrumens  nécelîaires 
à  l'exercice  du  vol ,  ne  peuvent  ni  s'é- 
lever ni  fe  foutenir  dans  l'air;  &  nous 
trouverons  que  cette  extrémité  inférieure 
du  faiiceau,  le  diviTe  en  deux  branches, 
dont  l'une  contient  les  oifeaux  terrellres, 
tels  que  l'autruche ,  le  touyou  ,  le  cafoar, 
le  dronte  ,  &:c.  qui  ne  peuvent  quitter 
ia  terre  :  &  f  au'.re  fe  projette  de  côté 
fur  les  pingoins  &:  autres  oifeaux  aqua- 
tiques ,  auxquels  fufage  ou  plutôt  ie 
féjour  de  ia  ierre  &  de  l'air  font  éga- 
lement interdits  ,  &  qui  ne  peuvent 
s'élever  au-delTus  de  ia  furnxe  de  l'eau, 
qui  paroît  être  leur  élénient  particulier. 
Ce  Ibntlà  les  deux  extrêmes  de  ia  chainç 


des  Oifeaux  ,^  &c,        1  o  p 

<fue   nous  avons   raifjn   de  confidérer 
d'abord  avant  de  vouloir  faifir  les  mi- 
lieux ,  qui  tous  s'éloignent  pius  ou  moins 
ou  participent  inégalement  de  ia  nature 
de  ces  extrêmes  ,  &  iur  ieiquels  milieux 
nous  ne   pourrions  jeter  en   effet    que 
des  regards  incertains ,  fi  nous  ne  con- 
noiiîions  pas  les  limites   de  la  Nature 
par  la  confidération  attentive  des  points 
où   elles    font   placées.     Pour    donner 
â   cette  vue    métaphyfique    toute  ion 
étendue,  &  en  réaiifer  les  idées  par  de 
juftes  applications ,  ^lous   aurions    dû  , 
après  avoir  donné  l'hifloire  des  animaux 
quadrupèdes  ,  commencer  celle  des  oi- 
feaux par  ceux    dont  ia  nature  appro- 
che le  plus  de   celle  de  ces  animaux. 
L'autruche  qui  tient  d'une  part  au  cha- 
meau par  la  forme   de   {ç.%  jambes ,  & 
au  porc-épic  par  les  tuyaux  ou  piquans 
dont  fes  ailes  font  armées ,  devoit  donc 
fuivre  les  quadrupèdes  ;    mais  la   Phi- 
iofophie    eft    fouvent    obligée    d'avoir 
l'air  de  céder  aux  opinions  populaires, 
&  le    peuple   des   Naturaliftes   qui  efl 
fort  nombreux ,    fouffre  impatiemment 
iju'on  dérange  fes  méthodes ,  &  n'auroit 


^i6        Hijloke  Nûtuteîle 

regardé  cette  dirpofiîion  que  comme 
une  nouveauté  déplacée ,  produite  par 
l'envie  de  contredire  ou  le  deiir  de  faire 
autrement  que  les  autres  :  cependant  on 
verra  qu'indépendamment  des  deux 
rapports  extérieurs  dont  je  viens  de 
parler  ,  indépendamment  de  l'attribut 
de  la  grandeur ,  qui  feul  fuffiroit  pour 
faire  placer  Tautruche  à  ia  tête  de  tous 
ies  oiieaux  ;  elle  a  encore  beaucoup 
d'autres  conformités  par  l'organifatiorï 
intérieure  avec  les  animaux  quadrupèdes, 
êi  que  tenant  prefi^u'autant  à  cet  ordre 
qu'à  celui  des  oifeaux  ,  elle  doit  être 
donnée  comme  faifant  la  nuance  entre 
î'un  &  l'autre. 

Dans  chacune  de  ces  fuites  ou- 
chaînes,  qui  foutiennent  un  ordre  entier 
de  la  Nature  vivante ,  les  rameaux  qui 
s'étendent  vers  d'autres  ordres  font  tou- 
jours aflez  courts  &  ne  forment  que 
de  très-petits  genres.  Les  oifeaux  qui 
ne  peuvent  voler,  fe  réduifent  à  fept  ou 
huit  efpèces;  les  quadrupèdes  qui  vo-. 
îent ,  à  cinq  ou  fix  ;  &  il  en  efl  de 
même  de  toutes  les  autres  branches 
.'qui  s'échappent  de  leur  ordre  ou  du 


^Jes  Oifeattx^,  &c.       2  i  \ 

feîfceau  principal ,  eiles  y  tiennent  tou- 
jours par  le  plus  grand  nombre  de  con- 
formités ,  de  refiemblances ,  d'analogies, 
éc  n'ont  que  quelques  rapports  &:  quel- 
ques convenances  avec  les  autres  ordres  ; 
ce  font ,  pour  aînfi  dire ,  àç.i  traits  fu- 
gitifs que  la  Nature  paroît  n'avoir  tracés 
que  pour  nous  indiquer  toute  l'étendue 
de  fa  puiiïance ,  &  faire  fentir  au  Phi- 
iofophe  qu'elle  ne  peut  être  contrainte 
par  les  entraves  de  nos  méthodes  ,  vt 
renfermée  dans  les  bornes  étroites  du 
cerck  de  ros  idées. 


^%  ï  z        Hïjloire  Naturelle 

T AUTRUCHE  (a). 

Voye:^  planche  XV  de  et  volume, 

l_j  '  A  u  T  R  U  C  H  E  efl  un  oifeau  très- 
anciennement  connu  ,  pui (qu'il  en  eft 
£ût  mention  dans  le  plus  ancien  à^s 
Livres  :  ii  failoit  même  qu'il  fût  très- 
connu  ,  car  ii  fournit  aux  Écrivains 
facrés  piufieurs  comparaifons  tirées  de 
fcs  mvjsurs  &  de  les  habitudes  (  bj;  ôc 
plus  anciennement  encore,  fa  chair  étoit, 

*   Vo^'£7_  les  planches  enluminées,  ii.°  4-57. 

(a)  Autruche,  en  Hébreu,  Jacuah;  en  Arabe; 
J^eamah;  en  Grec,  S^f  y^r?  j  en  Latin  ,  Sirwhio; 
en  Efpagnol ,  AvejiYui  ;  en  ItaJien  ,  Snutio  ;  en 
A\\tms.\\à ,  Strujf  on  Sîrau((  ;  tn  Angiois,  OJkich, 
' — Autruche.  %\on  ,■  HiJIoire  natt^relk  des  Oifraux, 
page  231.  —  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hiftoirc 
des  Animaux,  yariie  II,  j)age  iiS>  avec  une 
aifez  bonne  figure.  —  Albin,  tome  111 ,  page  j ^, 
planché  XXXI,  avec  une  figure  coforiée. 

(h)  Hahîtahunt  ihi  flruthme^.  Ifaïe,  cap.  XI II, 
"V .  2.1,  —  Filîa  p.'^puii  mei  crudelis  qunfi  (Iruthio  in 
deferio.  Jérém.  Thnn.  cap.  IV,  V.  \.l—lMdum 
^uafi firuthionum,  Mich,  ca£,  I ^  y,  <^» 


1 


de  TAuîrir^he.  2  r  f 

tloii  toute  apparence ,  une  viande  com- 
mune ,  au  moins  parmi  le  peuple 
puifque  le  Légiflateur  des  Juifs  la  leur 
interdit  comme  une  nourriture  im- 
monde (cj:  enfin,  il  en  eft  queftioa 
dans  Hérodote,  le  plus  ancien  des  Hil- 
toriens  profanes  {rlj,    &  dans  les  Écrits 

fcj   Leulric.cRp.XI,  y.  iC.^Deufem.  cap, 
XIV,  y.  I 5,  * 

fr/J  Nota.  Hérodote,  fi  l'on  en  croit  M.  de 
Saarne  fOmnnoL.g/e,  page  y.;),  parle  de  troii  fortes 
dautruches;  le  ihouihos  aquatujue  ou  marin,  qui  eft 
ie  poilTon  piat  nomvni  plye  :  K a:érien ,  ^^xl  eft  notre 
meneau,  t^  le  terreitre  (kamgaios),  qui  eft  notre 
autruche.  De  ces  trois  efpèces ,  la  dernière  eft  la 
leule  dont  jaie  trouvé  l'indicaticn  dans  Hérodote 
(Jn  Mdpomene  verjus  finem  ) .  encore  ne  puis  -  ic 
être  de  lavis  de  M.  Salerne  fur  la  manière  d'en- 
îendreleyWo:;  katagaios  qui,  félon  moi,  doit 
être  ici  traduit  par  autruche  fe  creufant  des  trous  dafts 
la  terre,  non  que  j'admette  de  telles  autruches,  mais 
parce  qu  Hérodote  parle  en  cet  endroit  des  produc- 
tions fingulieres  &  propres  à  une  certaine  réajon  de 
\  Afrique,  &  non  de  celles  qui  fui  étoient"  com- 
munes avec  d  autres  contrées  ( Hcz  Junt  iWic  fera 
tr  item^  ciu<z  ahln).  Or  l'autruche  ordinaire  étant 
très -répandue  &  par  conféquent  très- connue  dans 
toute!  Afrique,  ou  bien  il  n'en  auroit  pas  fait 
mention  en  ce  lieu,  puifqu'elle  n'étoir  pas  ojne 
produdion  propre  au  pays  dont  il  parbit,  ou  du 
roojn^   s  il  en  c^t  fait  ^îention ,  ïi  auroit  om^ 


^i4       Hîjïoh'e  Naturelle 

des  premiers  PhilofGphes  qui  ont  traita- 
des  chofès  naturelles  ;  en  effet ,  com- 
ment un  animal  fi  confidérabie  par  fa 

î'cpitftète  de  terreÛre,  qui  n'ajoutoit  rien  à  l'idée 
que  tout  ie  monde  en  avoit  ;  &  en  cela  cet  Hif-* 
torien  n'eût  fait  que  fuivre  Tes  propres  principes , 
puifqu'il  dit  aiiieurs  (in  Thalia) ,  en  parlant  du 
chameau  ,  Grczcis  utjotè  fdentilrus  non  jmto  dcfcri- 
iendum,  H  faut  donc,  pour  donner  au  pafTage  ci- 
defTus  un  fens  conforme  ài'efprit  de  l'Auteur,  rendre 
îe  katagaios  comme  je  1  ai  rendu ,  d'autant  plus  qu'il 
«xifle  réellement  des  oifeaux  qui  ont  l'infiind  de  fe 
cacher  dans  ie  fable ,  -&.  qu'il  efi:  queflion  dans  le 
tnême  paflage  de  chofes  encore  plus  étranges,  comme 
de  ferpens  &  d'ânes  cornus,  d'acéphales,  6fc.  & 
i'on  fait  que  ce  Père  de  i'Hiflcire  n'étoit  pas  tou- 
jours ennemi  des  hhlts  ni  du  merveilleux. 

X  l'égard  àts  deux  autres  efpèces  de  firouths  ; 
i'aërien  &  l'aquatique,  je  ne  puis  non  plus  accorder 
à  M.  Saierne  que  ce  foit  notre  moineau  ôc  le 
poiiïbn  nommé  plye ,  ni  imputer  avec  lui  à  îa 
langue  Grecque  fî  riche,  fi  belle,  fi  fage,  l'énorme 
difparate  de  comprendre  fous  un  même  nom  d« 
•ctres  auffi  diiïemblabies  que  i'autruche ,  le  moineau 
&  une  efpèce  de  poiïïbn.  S'il  failoit  prendre  un 
parti  fur  les  deux  dernières  fortes  de  flrouthos , 
ï'aërien  &  l'aquatique ,  je  dirois  que  le  premier  eft  ; 
cette  outarde  à  long  cou,  qui  porte  encore  au- 
jourd'hui dans  plus  d'un  endroit  de  l'Afrique  Je 
nom  à' autruche  volante ,  Sl  que  le  fécond  eft  quel- 
que gros  oifeau  aquatique  à  qui  fa  pefanteur  ou  ia 
:&ibieire  de  fes  ailes  ne  permet  pas  de  voler. 


'de  TAuîriiclie,  ^iy 

grandeur ,  fi  remarquable  par  fa  forme , 
il  étonnant  par  fa  fécondité  ,  attaché 
d'ailleurs  par  fa  nature  à  un  certain 
climat,  qui  efl  l'Afrique  &  une  panie 
de  i'Afie,.auroit-iI  pu  demeurer  inconnu 
(dans  des  pays  fi  anciennement  peuplés, 
où  il  fe  trouve  à  la  vérité  des  déferts  , 
mais  où  il  ne  s'en  trouve  point  que 
l'homme  n'ait  pénétrés  &  parcourus! 

La  race  de  l'autruche  cfl  donc  une 
race  très-ancienne  ,  puifqu'elle  prouve 
jufqu'aux  premiers  temps  ,  mais  elle 
lî'eft  pas  moins  pure  qu'elle  efl  an- 
cienne; elle  a  fu  fe  conferver  pendant 
cette  longue  fuite  de  frècles ,  &  tou^ 
jours  dans  la  même  terre ,  fans  altération 
comme  fans  méfalliance  ;  en  forte  qu'elle 
icfl:  dans  les  oifeaux ,  comme  l'éléphant 
dans  les  quadrupèdes ,  une  efpèce  en- 
tièrement ifolée  &  diftinguée  de  toutes 
ies  autres  efpèces  par  des  çara(â:ères 
auffi  frappans  qu'invariables. 

L'autruche  pafTe  pour  être   le  plus 
grand  des  oifeaux  ,  mais  elle  eft  privée, 
\  par  fa  grandeur  même  ,   de  ia  princi- 
pale prérogative  des  oileaux  ,   je  veux 
dire  la  puifTançe  de   voier  :  l'une  é& 


2i6        Hijlohe  Naturelle 

celles  fur  qui  Vaflifnien  a  fliit  Tes  ob-^ 
fervations,  pefoit,  quoique  très-maigre, 
cinquante-  cinq  livres  toute  ccorchée  & 
vidée  de  Tes  parties  intérieures  ;  en  lorie 
que  paflant  vingt  à  vingt  -  cinq  livres 
pour  ces  parties  &  pour  la  graifîe   qui 
lui  manquoit  (e);  on  peut ,   fans  rien 
outrer,  fixer  le  poids  moyen  d'une  au- 
truche vivante  &  médiocrement  grafîè , 
ri  foixarite  &  quinze  ou  quatre  -  vingts 
livres  :  or  queiie  force  ne  faudroit-ii  pas 
dans  les  ailes  ôl   dans  les  muicles  mo- 
teurs  de   ces  ailes  ,    pour   foule  ver  (Se 
ibutenir  au  milieu  des  airs  une   maiïe 
auffi  pelante  î   Les  forces  de  la  Nature 
paroiflënt   infinies    lorfqu'on    la    con- 
temple en  gros  &  d'une  vue  générale; 
mais  lorfqu'on  la  confidère  de  près  <Sc 
©n  détail ,  on  trouve  que  tout  eil  limité  ; 

fe)  Ses,  Jeux  ventricules,  Bien  nettoyés ,  peroîent 
feuls  fix  livres  ;  le  foie  ^  une  livre  huit  onces  ;  le 
cœur,  avec  Tes  at*eiHettes  &  les  troncs  àes  gros  vaif- 
(eaux  ,  une  livre  iept  onces;  les  deux  pancréas, 
une  livre  ;  &  il  faut  remarquer  que  les  inteftins^, 
qui  font  très-lor\gs  &  très-gros  ,  doivent  être  d'ua 
poids  confidérabîe.  Voye^^  Notomia  dello  Strujjp% 
Tome  I  des  Œuins  d&  ValUJnim,  page  239  & 
(lavantes,  '  ' 


de  F  Aiiîniclic»  1 1 7 

êc  c'efl  à  bien  faifir  les  limites  que  s'eft 
prefcrit  la  Nature  paT  fagefîe ,  &  non 
par  impuiffance  ,  que  conlifle  la  bonne 
méthode  d'étudier  &  fes  ouvrages  & 
les  opérations.  Ici  un  poids  de  foixante 
&  quinze  livres,  efl:  llipéricur  par  (a 
feule  réfiftance  à  tous  les  moyens  que 
la  Nature  fait  employer  pour  élever  & 
faire  voguer  dans  le  fluide  de  i'atmo- 
fphère  des  corps,  dont  la  gravité  fpé- 
cifique  efl  un  millier  de  fois  plus  grande 
que  celle  de  ce  fluide;  &  c'eil  par 
cette  raifon  qu'aucun  des  oifeaux  dont 
iâ  nialîê  approche  de  celle  de  l'autruche; 
tels  que  le  touyou,  le  cafbar,  le  dronte, 
n'ont  ni  ne  peuvent  avoir  la  faculté  de 
voler  ;  il  eft  vrai  que  la  pefanteur  n'eil 
pas  le  feul  obftacle  qui  s'y  oppofe  ;  la 
force  des  mufcles  pecfloraux  ,  ia  gran- 
deur des  ailes ,  leur  fituation  avantageufe, 
ia  fermeté  de   leurs  pennes   ('fjj   &c. 

ff)  Notû«  J'appelle  &  dans  la  fuite  j'appellerai 
toujours  ainfî  \es  grandes  plumes  de  i'aife  &  de  ia 
queue  qui  fervent,  foit  à  î'adion  du  vol ,  fort  à  fa 
direélion ,  me  conformant  en  cda  à  l'analogie  de 
ïa  langue  latine  &  à  i'ufage  des  Écrivains  àes  bons 
fiècles ,  iefquels  n'ont  jamais  employé  le  mot  i^euna, 
dans  un  autre  fens.  Rapidisfecat  petinis,  Virgil^ 

Oifeaux }  Tomi  II*  K 


aî8         Hijlolre  Naturelk 

feroient  ici  des  conditions  d'autant  "pîus 
néceffaires ,  que  la  réfiitance  à  vaincre 
efl  plus  grande  :  or  toutes  ces  condi- 
tions ieur  manquent  abfoiument  ;  car 
pour  me  renfermer  dans  ce  qui  regarde 
Tautruche,  cet  oifeau,  à  vrai  dire,  n'a 
point  d'ailes,  puifque  les  plumes  qui 
îortent  de  fes  ailerons  font  toutes  éfilées^ 
décompofées,  &  que  ieurs  barbes  font 
de  longues  foies  détachées  les  unes  dts 
autres ,  &  ne  peuvent  faire  corps  en- 
fçnibie  pour  frapper  l'air  avec  avantage, 
ce  qui  eft  îa  principale  fondion  des 
pennes  de  Faile  ;  celles  de  la  queu.e 
font  aulîi  de  ia  même  flruclure,  &  ne 
peuvent  par  conféquent  oppoier  à  l'air 
une  réfifiancc  convenable  ;  elles  ne  font 
pas  même  dilpofées  pour  pouvoir  gou- 
verner le  vol  en  s'étalant  ou  fe  ref- 
ferrant  à  propos ,  &  en  prenant  diffé- 
rentes inclinaiibns  ;  &  ce  qu'il  y  a  de 
remarquable,  c'eft  que  toutes  les  plumes 
qui  recouvrent  le  corps  font  encore 
faites  de  même  ;  l'autruche  n'a  pas  , 
comme  la  plupart  des  autres  oi féaux , 
àQs  plumes  de  plulieurs  fortes ,  les 
mes  lanugineufes  &  duvetées ,  qui  font 


^Je  r Autruche:  it^ 

immédiatement  fur  Ja  peau,  les  autres 
d'une  confillance  plus  ferme  &  plus 
ferrée  qui  recouvrent  les  premières,  ôc 
d'autres  encore  plus  fortes  &:  plus  lon- 
gues qui  fervent  au  mouvement,  ôc 
répondent  à  ce  qu'on  appelle  /es  œuvres 
vives  dans  un  vaifleau  :  toutes  les  plumes 
de  l'autruche  font  de  la  même  efpèce , 
toutes  ont  pour  barbes  des  filets  dé- 
tachés, fans  confiftance,  fans  adhérence 
réciproque,  en  un  mot,  toutes  font 
inutiles  pour  voler  ou  pour  diriger  le 
vol  ;  auffi  l'autruche  eft  attachée  à  la 
terre  comme  par  une  double  chaîne, 
fon  excefîive  pelanteur  &  la  confor- 
mation de  fès  ailes  ;  &  elle  efl:  con- 
damnée à  en  parcourir  laborieufèment 
ïa  furface ,  comme  les  quadrupèdes , 
fans  pouvoir  jamais  s'élever  dans  l'air  ; 
auffi  a-t-elle,  foit  au  dedans,  foit  au 
dehors,  beaucoup  de  traits  de  refîem- 
blance  avec  ces  animaux  :  comme  eux , 
elle  a  fur  la  plus  grande  partie  du 
corps,  du  poil  plutôt  que  des  plumes; 
fa  tête  &  fes  flancs  n'ont  même  que 
peu  ou  point  de  poil,  non  plus  quiê 

K  ïj 


'210        Hiflolre  Naturelle 

fes  cuifTes  qui  font  très-groffes ,  très-^ 
mufculeufes  ,  &  où  réfide  la  principale 
force  ;  les  grands  pieds  nerveux  <Sc 
charnus  qui  n'ont  que  deux  doigts  , 
ont  beaucoup  de  rapport  avec  les  pieds 
du  chameau  qui ,  lui-même ,  eft  un 
animal  fingulier  entre  ies  quadrupèdes 
par  la  forme  de  fes  pieds;  fes  ailes  ' 
armées  de  deux  piquans  fèmblabics  à 
ceux  du  porc-épic ,  font  moins  des 
ailes  que  des  cfpèces  de  bras,  qui  lui 
ont  été  donnés  pour  fe  défendre;  i'o- 
3-ifice  des  oreilles  efl  à  découvert,  & 
feulement  garni  de  poil  dans  la  partie 
intérieure  où  eH:  le  canal  auditif;  fà 
paupière  fupérieure  eft  mobile  comme 
dans  prefque  tous  les  quadrupèdes ,  & 
bordée  de  longs  cils  corn. me  dans 
l'homme  &  l'éléphant  ;  la  forme  totale 
de  ^&s  yeux  a  plus  de  rapport  avec  les 
yeux  humains  qu'avec  ceux  des  oi- 
ieaux ,  &  ils  font  difpofés  de  manière 
qu'ils  'peuvent  voir  tous  deux  à  la  fois 
le  même  objet  (g);  enfin  les  efpaces 

(g  )  Voyez  Mémoires  de  l'Académie ,  cmé^ 


^de  ÏAiiiruch:  '"lit 

caîîeiix  &  dénués  de  plumes  Sl  de  poils 
qu'elle  a  comme  le  chameau ,  au  bas 
du  Jlernum ,  &  à  l'endroit  des  os  pubis , 
€11  dépofant  de  fa  grande  peianteur,  la 
mettent  de  niveau  avec  les  bttes  de 
fomme  îes  plus  terreilres  ,  les  plus 
lourdes  par  elles-mêmes,  &  qu'on  a 
coutume  de  fur  charger  des  plus  rudes 
fardeaux.  Thévenot  étoit  fi  frappé  de 
la  refiemblance  de  l'autruche  avec  le 
chameau  dromadaire  fh),  qu'il  a  cru  lui 
voir  une  bcfîe  fur  le  dos  (^1);  mais 
quoiqu'elle  ait  le  dos  arqué,  on  n'y 
tfoiive  rien  de  pareil  à  cette  émJnence 
charnue  des  chameaux  &  des  droma- 
daires. 

Si  de  l'examen  de  la  forme  extérieure, 
nous  pafTons  à  celui  de  la  conformation 
interne,  nous  trouverons   à  l'autruche 

fil)  Nota,  II  faut  que  les  rapports  cfe  reffeni'* 
Klance  qu'a  i'autruche  avec  ie  chameau  foient  en 
fiTet  bien  frappaiT^,  puifque  les  Grecs  modernes, 
Jes  Turcs,  les  Pei-fans ,  dic.  l'ont  nommée,  chacun 
dans  leur  langue  ,  oi[c au- chameau  :  Ton  ancien  nom 
Ç^îçc,  jlrPinhos,  eft  la  racine  de  tous  les  nsms,  fans 
exception ,  qu'elle  a  dans  les  différentes  langues  de 
i'Europe. 

(ij  Voyages  de  Thévenot,  îome  1 ,  fagt  ///J 

K  iij 


2.2  2         Htflolre   Naturelle 

de  nouvelles  diffembîanccs  avec  les 
oifeaux ,  &  de  nouveaux  rapports  avec 
ies  quadrupèdes. 

Une  tête  fort  petite  (h),  aplatie,  & 
comporée  d'os  très- tendres  &  très-foi- 
blés  (l),  mais  fortifiée  à  fon  foinmet 
par  une  plaque  de  corne  ed:  foutenue 
dans  une  fituation  horizontale  fur  une 
colonne  oileufe  d'environ  trois  pieds 
de  haut ,  &  compofée  de  dix-fept  ver- 
tèbres :  la  fituation  ordinaire  du  corps 
eil  aufli  parallèle  à  l'horizon  ;  le  dos 
a  deux  pieds  de  long  &  fept  vertèbres , 
auxquelles  s'articulent  fept  paires  de 
côtes  j  dont  deux  de  faulTes  &  cinq 
de  vraies  :  ces  dernières  font  doubles  à 
leur  origine,  puis  fe  réunifTent  en  une 
feule  branche.  La  clavicule  ed  formée 

(k)  Nota.  Scaîiger  a  remarqué  que  plufieurs 
autres  oifeaux  pefans,.  tels  que  k  coq ,  le  paon  ,  le 
dindon  ,  &:c.  avoient  auiïi  ia  tête  petite  ;  au  lieti 
que  la  plupart  des  oifeaux  qui  volent  bien  ,  petits 
&  grands ,  ont  {a  tête  p5us  gi'ofTc  à  proportion, 
Exsrcit.  in  Cnvdamim,  fol.  308,  verfo, 

(I)  M.^*  de  l'Académie  ont  trouvé  une  fraélure 
au  crâne  de  i'un  àes  fujets  qu'iis  ont  dilTéqués.  Mé- 
moires pour  fervir  à  l'Hifloire  namrclk  des  Animaux  ^ 
partie  ill;  page  15U 


de  ï Autruche*  I23 

d'une  troifième  paire  de  faufles  côtes  ; 
les  cinq  véritables  vont  s'attacher  par  des 
appendices  cartiiagineufes  au  Jlernum  , 
qui  ne  defcend  point  juiqu'au  bas  du 
ventre  comme  dans  ia  plupart  à^i  oi- 
ièaux ,  ii  eft  aufîi  beaucoup  moins 
faiiiant  au  dehors;  fa  forme^  a  du  rap- 
port avec  celle  d'un  bouclier,  &:  ii  a 
pius  de  iargeur  que  dans  l'homme  miême. 
De  i'os  facrum  naît  une  efpèce  de  queue 
compofée  de  fept  vertèbres  iemblables 
aux  vertèbres  humaines,  le  fémur  a  un 
pied  de  long,  le  tibia  &  le  tarfe,  un 
pied  &  demi  chacun  ;  &  chaque  doigt 
eft  compofé  de  trois  phalanges  conmle 
dans  l'homme,  &  contre  ce  qui  fe  voit 
ordinairement  dans  les  doigts  des  oi- 
feaux  ,  iefqueïs  ont  très  -  rarement  un 
nombre  égal   de  phalanges  (m). 

Si  nous  pénétrons  pius  à  l'intérieur, 
&  que  nous  obfervions  les  organes  de 
ia  digefiion  ,  nous  verrons  d'abord  un 
bec  aflez  médiocre  (n ) ,  capable  d'une 

(m)  Voyez  Ambr.  Paré  ,  lih.  XXIX^,  cap,  2  2j 
Bl  Vaililhieri,  wme  I,  jmge  2^6  à" J'eq, 

(n)    Nota,    M.  J3riffon    dit    que  fe    fcec  fcil 

K  jii; 


^24  HîJIûire  Trahir  elle 
très-grande  ouverture,  une  langue  fort 
courte  &  fans  aucun  vedige  de  pa- 
pilles ;  plus  loin  couvre  un  ample 
pharynx  proportionné  à  l'ouverture  du 
Bec ,  &  qui  peut  admettre  un  corps 
de  la  grolîeur  du  poing;  rcefophage 
dl:  aufii  très  -  large  &  très  -  fort ,  & 
aboutit  au  premier  ventricule  qui  fait 
ici  trois  fondions;  celle  de  jabot, 
parce  qu'il  ell  le  premier;  celle  de 
ventricule  ,  parce  qu'il  e(l  en  partie 
mulculeux ,  (5c  en  partie  muni  de  libres 
mufculeufes,  longitudinales  &  circu- 
laires ( o);  enfin  celle  du  bulbe  glan- 
duleux qui  ie  trouve  ordinairement 
dans  la  partie  inférieure  de  i'cefophage 
la  plus  voifine  du  géfier ,  puifqu'il  ell 
en  effet  garni  d'un  grand  nombre  de 
gfandes  ;  &  ces  glandes  font  conglo- 
inérées ,  &  non  cojiglobées  comme  dans 

ungurculé  ;  VaHîfnieri ,  que  la  pointe  en  efl  obtufe 
&  fans  crochet  :  ia  iangue  n'eft  point  non  plus 
«î'une  forme  ni  d'une  grandeur  confiante  dans 
tous  les  individus.  Voyej_  Animaux  de  Perrault, 
-^aYîie  II,  -page  1 2.  ^ ,  &   Vaiiifnieri,  uhïjufYa* 

[0)  VaHifnîerr,  uhî  fupra. — Rnmby,  nJ"  jSi 
f  ^i ^  di^  Trcinf  Phflofoj)hiqiies  de  Londres, 


de  l Autruche',  2  2"|'| 

'  h.  plupart  des  oifeaux  (p):  ce  premier 
ventricule  efl:  fitué  plus  bas  que  le  fé- 
cond ,  en  forte  que  l'entrée  de  celui-ci 
que  l'on  nomme  commune'ment  Vorîfica 
Jiipérieur,  e(t  réellement  f  orifice  inférieur 
par  fa  fïtuation  ;  ce  fécond  ventricule 
n'efi  fou  vent  didingué  du  premier  que 
par  un  léger  étranglement ,  &  quelque- 
fois il  eil:  féparé  lui-même  en  deux 
cavités  diftindes  par  un  étranglement 
femblable,  mais  qui  ne  paroît  point  au 
dehors  ;  il  elt  parfemié  de  glandes  & 
revêtu  intérieurement  d'une  tunique  vii- 
ieufe  prefque  femblable  à  la  flanelle  j, 
fans  beaucoup  d'adhérence  ,  &  criblée 
d'une  infinité  de  petits  trous  répondant 
îiux  orinces  des  glandes  :  il  n'efl:  pas 
aulîi  fort  que  le  font  communément  les 
géiiers  des  oifeaux  ,  mais  il  eil  fortifié 
par  dehors  de  mufcles  très  -  puiflans  ^ 
dont  quelques-uns  font  épais  de  trois 
pouces  ;  fi  forme  extérieure  approche' 
beaucoup  de  celle  du  ventricule  de 
l'homme, 

M.  du    Verney  a  prétendu  que  Je 

(p)  Mém,  peur  fervir  à  i'Hif^oire  des  Animaux^- 

iC  Y 


xzd        Hîjlolre  Naturelle 

canal  hépatique  fe  tcrminoit  dans  cc 
iecond  ventiicuie  (q) ,  comme  cela  a 
lieu  dans  la  tanche  <Sc  plufieurs  autres 
poiflons  ,  &  même  quelquefois  dans 
l'homme,  fëlon  i'obfervation  de  Ga- 
iien  (r);  mais  Ramby  (f)  &  Vallifnieri 
^t)  afTurem  avoir  vu  conftamment 
dans  plufieurs  autruches  i'infertion  de 
ce  canal  dans  le  duodénum,  deux  pouces, 
un  pouce ,  quelquefois  même  un  demi'- 
pouce  feulement  au-delTous  du  pylore; 
&  Valiifiiieri  indique  ce  qui  auroit  pu 
occafionner  cette  mëprife,  fi  c'en  eft 
ime ,  en  ajoutant  plus  bas ,  qujl  avoit 
vu  dans  deux  autruches  une  veine  allant 
du  fécond  ventricule  au  foie,  iaqueik 
veine  il  prit  d'abord  pour  un  rameau 
du  canal  hépatique ,  mais  qu'il  reconnut 
enfuite  dans  les  deux  fujets  pour  un 
vaifTeau  fanguin ,  portant  du  fang  au 

•  -(q)  Hiftojre  de  l'Académie  Royale  des  Sciencc% 
mnee  i  dp^,  page  21  j^ 

(r)  Valiifnieri,  uhi  jup-a» 

(f)  Tranfadions  Philofophiques  ,  n°  ^  S^i 

(î)  VaHifnien,   toms,  1,  page  2^t\ 


de  ï Autruche,  227 

foie  &.  non  de  ia  bile  au  ventricule  (u). 

Le  pylore  eft  plus  ou  moins  îarge 
dans  difFérens  fujets,  ordinairement  teint 
en  jaune,  &  imbibé  d'un  fuc  amer, 
ainfî  que  le  fond  du  fécond  ventricule , 
ce  qui  eft  facile  à  comprendre ,  vu  i'in- 
fertion  du  canal  hépatique  tout  au  com- 
mencement du  duodmum)  ôl  fa  diredion 
de  bas  en  haut. 

Le  pylore  dégorge  dans  ïe  duodénum. 
qui  eft  le  plus  étroit  des  inteftins,  & 
où  s'insèrent  encore  les  deux  canaux 
pancréatiques  j  un  pied  &  quelquefois 
deux  &  trois  pieds  au-deiïbus  de  Vïïh- 
fertion  de  l'hépatique,  au  lieu  qu'ils  s'iri- 
sèrent ordinairement  dans  les  oifeaux 
tout  près  du   cholédoque. 

Le  duodénum  eft  fans  valvules ,  ainfr 
que  \q  jéjunum  y  l'iléon  en  a  quelques- 
unes  aux  approches  de  (à  jondion  avec 
le  colon:  ces  trois  inteftins  grêles  font 
à  peu  près  la  moitié  de  la  longueur  de 
tout  le  tube  inteftinaï ,  &  cette  longueur 
eft  fort  fujette  à  varier ,  même  dans  des- 
fujets  d'égale  grandeur,  étant  de  foixanxe- 

{uj  Yaliirrueri^r  tome  1,  page  -2^/. 


2i2        Hïjlotre  Naturelle     ■ 

pieds   dans  les   uns  (x),  &   de  ymgt-^ 
neuf  dans  ies  autres  (y)» 

Les  deux  cœcum  naiffent  ou  du  com- 
mencement du  colon,  félon  les  Anar 
tomiftes  de  l'Académie,  ou  de  la  fin 
de  l'iléon,  félon  le  dcdeur  Ramby  /l^^; 
chaque  cœcum  forme  une  efpèce  de 
cône  creux,  long  de  deux  ou  trois 
pieds,  iarge  d'un  pouce  à  fa  bafe ,  garni 
à  l'intérieur  d'une  valv^uie  en  forme  de 
iame  fpiraie ,  faiiant  environ  vingt  tours 
de  la  ba(e  au  fommet,  comme  dans 
îe  iièvre ,  le  lapin  &  dans  le  renard 
marin  ,  la  raie ,  la  torpille  ,  l'aiguille  de 
mer,  &c. 

Le  colon  a  aufîi  fês  valvules  en 
Jèuiiiet ,  mais  au  lieu  de  tourner  en  fpi- 
raie comme  dans  le  cœcum ,  ia  iame  ou 
feuillet  de  chaque  valvule,  forme  un 
croiiïant  qui  occupe  un  peu  plus  que 
la  demi  -  circonférence  du  coion;    en 

(x)  Voyez  Coîiedions  Philofopîiiques ,  ff»*  // 
'ifftîcîe  VIII. 

(y)  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hiftoire  àt%  hxCi* 
ïnaux ,  fûYiie  11,  -page  1^2» 

(l)  Tranfadions  Philofophiques,  »/  sS^^ 


de  ï'Auîi'nche,  22'^ 

forte  que  ies  extrémités  des  croidàns 
oppofés  empiètent  un  peu  les  unes  fur 
ies  autres,  &  Te  croiient  de  toute  la 
quantité  dont  elies  iurpadent  le  demi- 
cercie  ;  ftrucfture  qui  fe  retrouve  dans 
ie  Golon  du  linge  &  dans  ie  jéjunum 
de  i'iiomme,  &  qui  fe  marque  au  dehors 
de  l'inteflin  par  des  cannelures  tranfver- 
faies ,  paralièles ,  efpacées  d'un  demi- 
pouce,  &  répondant  aux  feuillets  in- 
térieurs ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  remar- 
quable, c'eii  que  ces  feuillets  ne  fie 
trouvent  pas  dans  toute  ia  longueur  du 
colon ,  ou  plutôt  c'eit  que  l'autruche 
a  deux  colons  bien  difîincls ,  l'un  plus 
krge  &  garni  de  ces  feuillets  intérieurs 
en  forme  de  croiffans ,  fur  une  lon- 
gueur d'environ  huit  pieds  ;-  l'autre  plus 
étroit  &  plus  iong  ,  qui  n'a  ni  feuillets 
ni  valvules,  &  s'étend  jufqu'au  reâum^ 
c'efl  dans  ce  fécond  cofon  que  les  ex- 
crémens  commencent  à  fe  figurer  félon 
Vallifnieri. 

Le  reâum  eft  fortîarge,  long  d'en- 
■vîron  un  pied ,  &  muni  à  fbn  extré- 
mité de  fibres  charnues  :  il  s'ouvre  dans 
une  grande  podie  ou  veflie  eompofee 


230        Hîflone  Naturelle 

des  mêiKes  membranes  que  les  inteflîns, 
mais  pius  épaiffes ,  &  dans  laquelle  on 
a  trouvé  quelquefois  jufqu'à  huit  onces 
d'urine  (a);  car  les  uretères  s'y  rendent 
aufîi  par  une  iniertion  très  -  oblique , 
telle  qu'elle  a  lieu  dans  ia  vefile  des 
animaux  terreftres  ;  &:  non  -  feulement 
ils  y  charient  l'urine ,  mais  encore  une 
certaine  pâte  blanche  qui  accompagne 
îes  excrémens  de  tous  les  oifeaux. 

Cette  première  poche  ,  à  qui  i!  ne 
wianque  qu'un  col  pour  être  une  véri- 
table vefîie,  communique  par  un  orifice 
muni  d'une  efpèce  de  fphrn^fler  à  une 
féconde  &  dernière  poche  pius  petite, 
qui  fert  de  pafTage  à  i 'urine  &  aux 
excrémens  folides.  &  qui  e(t  prefque 
rempile  par  une  forte  de  noyau  cartiia:- 
gineux,  adhérant  par  Ca  bafe  à  ia  jondion 


(a)  Nota.  L'urine  d'aotruche  eriiève  îes  taches 
d'encre,  feion  Hermoîaiis;  ce  fait  peut  n'être  poiiît 
vrai,  mais  Gefner  a  eL4  tort  d€  le  nier  fur  ie  fon- 
dement unique  qu'aucun  oifeau  n'a^'oiE  d^urine;.. 
car  tous  ies  oifea-ux  oni  àtî,  reins ,  des  uretères ,  &: 
par  conféquent  de  i'urine ,  &  ils  ne  difërent  des 
quadrupèdes,  fur  ce  point,  qu'en  ce  que  chez  eux 
le  nâikm  s  ouvre  daiu  ia  yefTre^ 


de  l'Autruche,  2  5  î 

des  os  pubis ,  &  refendu  par  le  milieia 
à  la  manière  des  abricots. 

Les  excrémens  foiides  reffemblent 
beaucoup  à  ceux  des  brebis  ôc  des 
chèvres  ,  ils  font  diviles  en  petites 
iiiafîes ,  dont  ie  A^oîume  n'a  aucun 
rapport  avec  la  capacité  des  inteflins  oii 
ils  Ce  font  formés  :  dans  les  inteftins 
grêles ,  ils  (è  préfentent  fous  la  forme 
d'une  bouillie ,  tantôt  verte  &  tantôt 
Hoire  ,  félon  la  quantité  des  alimens , 
qui  prennent  de  la  confiftance  en  ap- 
prochant des  gros  inteftins  ,  mais  qui 
ne  le  figurent,  comme  je  l'ai  déjà  dit^ 
que  dans  le  fécond  colon  fl?J, 

On  trouve  quelquefois  aux  environs 
de  V anus 3  de  petits  facs  à  peu  près 
pareils  à  ceux  .que  les  lions  &  les  tigres 
ont  au  même  endroit. 

Le  méfèntère  efl  tranlparent  dans 
toute  fon  étendue ,  &  large  d'un  pied 
en  de  certains  endroits.  Vaïlifnieri  pré- 
tend y  avoir  vu  des  vefliges  non  obA 
curs  de  vaifîeaux  lymphatiques  ;  Ramby 
dit  auffi  que  les  vaifîeaux  du  méfentère 

'(}}  Yailifnieri,  ulï  Jupa\ 


32  3  2        Hiflôire  Naturelle 

font  fort  apparens ,  &  il  ajoute  que  les 
glandes  en  font  à  peine  vifil^les  (  c  );' 
mais  il  faut  avouer  qu'elles  ont  été  ab- 
folument  invifibles  pour  la  plupart  d^^- 
autres  obiervateurs. 

Le  foie  efl    diVifé  en    deux  orrands" 

o 

iobes,  comme  dans  l'homme,  mais  il 
efl  fîîué  plus  au-  milieu  de  la  région' 
des  hypocondres ,  &  n'a  point  de  vé- 
ijcule  du  fiel  :  la  rate  efl:  contiguë  au' 
premier  eflomac ,  &  pèfe  au  moins' 
deux  onces. 

Les  reins  font  fort  grands  ;,  rarement 
découpés  en  plufieurs  lobes ,  comme 
dans  les  oiféaux ,  mais  le  plus  fouvent 
en  forme  de  guittare ,  avec  un  baffin- 
affez  ample. 

Les  uretères  ne  font  point  non  plus 
comme  dans  la  plupart  des  autres  oi- 
féaux  5  couchés  i\rr  les  reins ,  mais  ren- 
fermés dans  leur   fubflance  (d), 

L'épipioon  eft  très -petit,  &  ne 
recouvre  qu'en    partie    le   ventricule  ; 

(c)  Tranfaélions  Philofsphiques ,  n."  ^§^, 

(d)  Mémoires  pour  fervîr  à  l'Hifloire  des  Ani^' 


de  t Autruche:  ^3J^ 

maïs  à  la  place  de  i'épiploon ,  on  trouve 
quelquefois  fur  ies  inteftins  &  fur  tout 
le  ventre ,  une  couche  de  graifîe  ou  de 
fuif,  renfermée  entre  les  aponévrofes 
des  mufeles  du  bas-ventre ,  épaifle  de- 
puis deux  doigts  jufqu'à  fix  pouces  ("ej^ 
&  c'eft  de  cette  graifîe  mêlée  avec  ie 
fang,  que  fe  forme  la  manîèque ,  comme 
nous  le  verrons  plus  bas  :  cette  graifle 
éroit  fortellime'e  &  fort  chère  chez  les 
E.omains ,  qui  félon  le  témoignage  de 
Pline,  la  croy oient  plus  efficace  que 
celle  de  l'oie,  contre  les  douleurs  de 
rhumatifme ,  les  tunieurs  froides,  la  pa- 
ralyfie  ;  &  encore  aujourd'hui  les  Arabes 
l'emploient  aux  mêmes  ufages  (fj.  Val-^ 
iifnieri  efl:  peut-être  le  feuT,  qui  ayant 
apparemment  difféqué  des  autruches  fort 
maigres,  doute  de  fexillence  de  cette 
graiffe ,  d'autant  plus  qu'en  Italie  ia 
maigreur  de  l'autruche  a  pafle  en  pro- 
verbe, magro  comme  irno  Stru-^Tp;  W  ajoute  ^ 

fe)  Ramby,  Tran/aélinns  Phihfoj^hiques ,  n.°  3  ^6^ 
ta—  G.  Warren ,  ihïd,  n.°  3  94.  —  Mémoires  pour 
fervir  à  l'Hiftoire  des  Animaux  y  partie  Jl ,   -page, 

J2p. 

(fj  The  Woïld  Difpîaj/cd ,  lom.  XIII,  ^,iy. 


il  3  4  Hlfîoîre  Naturelle 
que  les  deux  qu'il  a  obferve'es  paroîf^ 
foient ,  étant  dllfëquées ,  des  Iquelettes 
décharnés ,  ce  qui  doit  être  vrai  de, 
toutes  {es  autruches  qui  n'ont  point  de 
graifîe  ,  ou  même,  à  qui  on  l'a  enlevée, 
attendu  qu'elles  n'ont  point  de  chair 
fur  ia  poitrine  ni  fur  ie  venîfe ,  les 
inufcles  du  bas-ventre  ne  commençant  à 
devenir  charnus  que  fur  ies  flancs  Cg). 

Si  des  organes  de  ia  digeflion ,  je: 
pafie  à  ceux  de  la  génération ,  je  trouve 
de  nouveaux  rapports  avec  i'organiiation 
des  quadrupèdes  :  ie  plus  grand  nombre 
des  oîfeaux  n'a  point  de  verge  apparente; 
i'autruche  en  a  une  afîez  confiderable , 
compofée  de  deux  ilgamens  blancs  , 
fbiides  &  nerveux  ,  ayant  quatre  lignes 
de  diamètre ,  revêtus  d'une  membrane 
épaifle ,  &  qui  ne  s'unifTent  qu'à  deux 
doigts  près  de  l'extrémité:  dans  quel- 
ques fujets  ,  on  a  aperçu  de  pius  dans 
cette  partie ,  une  fubftance  rouge ,  Ipon- 
gieufe  5  garnie  d'une  muititude  de  vaii- 
feaux  j  en  un  mot ,  fort  approchant  des 

(g)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hifîoire  des  kvÀ- 
m&ux,  panie  11,  page  izy,  — Vallirnieri,  zomi  J, 
pages  2J-I  &  ^/^. 


ck  l'AuîmcJic,  ^Si 

^orps  caverneux  qu'on  obferve  dans  fa 
A  erge  des  animaux  leïrellres  ;  le  tout 
elt  renteriiîé  dans  une  membrane  com- 
mune ,  de  même  fubftance  que  les 
ligamens ,  quoique  cependant  moins 
épaifTe  &  moins  dure  :  cette  verge  n'a 
ni  giand,  ni  prépuce,  ni  même  de 
cavité  qui  pût  donner  ifTue  à  la  matière 
leminaie  ,  ielon  M.'^  les  Anatomifles  de 
l'Académie  f/ij;  mais  G.  Warren  pré- 
tend avoir  dilTéqué  une  autruche  dont 
la  verge  longue  de  cinq  pouces  & 
demi ,  étoit  creufée  iongitudinalement 
dans  (a  partie  fupérieure ,  d'une  efpèce 
de  fillon  ou  gouttière ,  qui  lui  parut 
être  le  conduit  de  la  femence  (^ij>  Soit 
que  cette  gouttière  fût  formée  par  îa 
jonclion  des  deux  iigamens ,  foit  que 
G.  Warren  fe  foit  mépris,  en  prenant 
pour  la  verge  ce  noyau  cartilagineux 
de  la  féconde  poche  dti  redum,  qui 
efl  en  effet  fendu,  commue  je  i'ai  re- 
marqué pkis  haut  ;  foit  que  la  ftrucltire 
&L  la  forme  de  cette  partie  foit  fujette  à 

(h)    Partie    II ,  page    ///. 

(i)  Tranfadions    Phiiofophiques,    »/  SPi-t 
micle  V* 


^  3  ^  Hifloire  Naturelle  ' 
varier  en  diftérens  fujets  :  il  paroîî  que 
cette  verge  efl  adhérente  par  fa  bafe  à 
ce  noyaux  cartilagineux ,  d'où  fe  repliant 
en  deffous ,  elle  paiTe  par  la  petiie  po-^ 
che ,  &  fort  par  Ton  orifice  externe , 
qui  eil  Vimùs,  &  qui  étant  bordé  d'un 
ïepii  membraneux  ,  forme  à  cett«  partie  " 
Vîi  £\ux  prépuce  5  que  le  _  Douleur 
Browne  a  pris  fans  doute  pour  un  pré- 
puce véritable ,  car  il  eil  le  leui  qui  eu- 
donne  un  à  f autruche   f/ij. 

ïî  y  a  quatre  mufcies  qui  appartien- 
nent à  Yûîws  &  à  la  verge,  Si  de- là 
réiiîlte    entre  ces  parties ,   une   corref- 


pondance  de  mouvement,  en  vertu  dé 
laquelle  lorfque  l'animai  fiente  ,  la  verge 
fort  de  piufieurs  pouces  ("IJ» 

Les  tefiicules  font  de  différentes 
groffeurs  en  différens  fujets  ,  &  varient- 
à  cet  égard  dans  la  proportion-  de  qua- 
rante-huit à  un  5  fans  doute  félon  l'âge  ,* 
îa  faifon ,  ie  genre  de   m.aladie  qui  a 

{ÂJ  Coî!e<^ions  Phiiofophiques,  w."  /,  art»  VU/» 

(l)  Nota.  Warren'  a  appris  ce  fait  de  ceux  qui- 
éîoient  chargés  du  foin  de  plufîeurs  autruches  en' 
Angleterre.  Voj.>,  Tranf,  Phihf,  i\,^  3-94^. 


de  F  Autruche,  2  7  y 

j^récéâé  la  mort,  &c.  lis  varient  auffi 
ipour  la  conirguradon  extérieure,   mais 
laftrudure  interne  efi  toujours  fa  même- 
leur  place  eft  fur  les  reins,  un  peu  plus 
a  gauche  qu'à  droite;  G.  Warren  croit 
avojr  aperçu  des  véficules  léminales. 
\     Les  femelles  ont  auffi  des  te/licu[es  • 
car  je  pcnfe  qu'on  doit  nommer  ainfî 
tes  corps  glanduleux,  de  quatre  lianes 
ie  diamètre  -fur  dk-huit  de  longueur 
que  l'on  trouve  dans  fes  femeiies  au^ 
Jeflus  de   l'ovaire,    adhérans  à   i'aorte 
^  k  h  vefrie-cave,   &   qu'on  ne  peut 
voir  pris  pour  des  glandes  furrénales, 
{ue  par  ia  prévention  reTuItante  de  quel' 
[ue  fyftème  adopté  précédemment.  Les 
anepctières   femelles  ont  aufTi  des  tef, 
cules  fembfablesà  ceux  des  mâles  /m), 
<  il  y  a  lieu  de  croira ,  que  ies  outardes 
?mdles  en  ont  pareillement ,  &  que  fi 
•I/'  ies  Anatomifles   de   i'Académîe 
ans  leurs  .nombreufes  difTeaions  ,  ont 
ru  n'avoir  jamais  rencontré  que    des 

W  Hiftoîre  deTAcadémie  des  Sciences ,  ^mk 


'2^9  Hijîohe  Naturelle 
iHâles  (n),  c'ell:  qu'ils  ne  vouioîent  point 
reconnoître  comme  femelle  ,  un  animal 
à  qui  ils  voyoient  des  tefticuies.  Or , 
îout  le  monde  fait  que  i'oûtarde  eft 
parmi  les  oifeaux  d'Europe,  celui  qui 
a  le  pius  de  rapport  avec  i'autruche, 
&  que  la  canepetière  n'eft  qu'une 
petite  outarde ,  en  forte  que  tout  ce  que 
j'ai  dit  dans  le  traité  de  ia  génération 
lur  les  tefticules  des  femelles  des  qua- 
drupèdes ,  s'applique  ici  de  foi-même  à 
toute  cette  claiTe  d' oifeaux  ,  &  trouvera 
peut-être  dans  ia  fuite  des  applications 
encore  pius  étendues. 

Au-defTous  de  ces  deux  corps  glan- 
duleux ,  efl:  placé  i'ovaire  ,  adhérant 
aufîi  aux  gros  vaiffeaux  ianguins  ;  on 
le  trouve  ofdinaîrement  garni  d'œufs  de 
différentes  grofTeurs,  renfermés  dans 
leur  calice  comme  un  petit  gland  l'eft 
ëans  ie  fien ,  &  attachés  à  i'ovaire  par 
ieurs  pédicules;  M.  Perrault  en  a  vu 
qui  étoient  gros  comme  des  pois ,  d'autres 

(n)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hiftoire  àç$  Aiii* 

mauX;,  l'artk  U,  page  i  oSf 


p. 


de  l'Autruche^.  2  ?  p^ 

comme  des  noix,  un  feul  comme  les 
deux  poings  (0), 

Cet  ovaire  eft  unique  ,  comme  dans 
preique  tous  les  oilèaux  ,  &:  c  ell: ,  pour 
îe  dire  en  pafîànt,  un  préjugé  de  plus 
contre  l'idée  de  ceux  qui  veuîent  que 
içs  deux  corps  glanduleux  qui  fe  trou- 
Vent  dans  toutes  les  femelles  é^s  qua- 
drupèdes ,  repréientent  cet  ovaire,  qui 
cft  une  partie  fimple  (p) ,  au  lieu  d'a- 
vouer qu'ils  repréientent  en  effet  les 
teiticules ,   qui     font    au  nombre    des 

(0)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hif!oire  à.t%  Ani- 
maux, j)anic  il,  [iage  i  j  S, 

(p)  Nora.  Le  bécharu  eft  le  feul  oifeau  dans 
lequel  M."  les  Anatomifles  de  l'Académie  aient 
^■u  trouver  d^ux  ovaires  ;  mais  ces  prétendus  ovaires 
"•sîoient,  félon  eux,  deux  corps  glanduleux  d'une 
ubflance  dure  &  folide ,  dont  l'un  (e'efl  le  gauche) 
e  divifoit  en  pluileurs  grains  de  groiïeurs  inégales; 
-nais  fans  m'arrêter  à  la  difTérente  flruclure  de  ces 
■eux  corps ,  &  en  tirer  des  conféquences  contre 
'identité  de  leurs  fondions ,  je  remarquerai  feule- 
nent  que  c'efl  une  obfervation  unique  &  dont  on 
:e  doit  rien  conclure  jufqu'à  ce  qu'elle  ait  été  con- 
irmée;  d'ailleurs,  j'aperçois  dans  cette  obfervation 
Tîême  une  tendance  à  l'unité  ,  puifque  Xoi'Idv.élus  , 
jui  efl  certainement  une  dépendance  de  l'ovaire  g 
:toit  unique. 


'Z^o       Hïjloh'ê  NaîureÏÏe 

parties    doubles ,    dans    ies  mâles   des 
ci  (eaux  comme  dans  les  quadrupèdes. 

L'entonnoir  de  Voviduâus  s'ouvre 
au»deflous  de  i  ovaire ,  &  jette  à  droite 
.&  à  gauche ,  deux  appendices  mem- 
braneufes,  en  forme  d'aileron  ,  leC  < 
queiles  ont  du  rapport  à  ceiles  qui  (è 
trouvent  à  l'extrémité  de  ia  trompe  dans 
les  animaux  terreilres  (^q).  Les  œufs 
qui  fè  détachent  de  i'ovaire ,  font  reçus 
dans  cet  entonnoir,  ôl  conduits  le  iong 
de  Voviduâus  dans  la  dernière  poche  in- 
teflinale ,  où  ce  canai  débouche  par  un 
orifice  de  quatre  iignes  de  diamètre, 
mais  qui  paroît  capable  d'une  diiatatioa 
proportionnée  au  voiume  des  œufs., 
étant  piifîé  ou  ridé  dans  toute  fa  cir- 
conférence ;  lintérieur  de  Voviduâus 
étoit  auiîi  ridé ,  ou  plutôt  feuiiieté , 
comme  le  troifième  &  ie  quatrième 
ventricule  des  ruminans   (r). 

Enfin  ia  féconde  &  dernière  poche 
ïnteftinaie  dont  je   viens  de  parler,  a 

^   (q)  Mémoires  pour  fcrvir  à  l'Hifloire  àes  Ani^   | 
inaux  ,  jyartie  II,  page  i ^  dt. 

\  (y)  Ihïdwi^  Pge.i37i  ^ 

aufli 


de  l'Autruche,  '2.±i 

•  *■ 

auiïi  dans  la  fenieile  Ton  noyau  carti» 
iagineux,  comme  dans  le  mâle;  &  ce  ' 
noyau ,  qui  fort  quelquefois  de  plus 
d'un  demi-pouce  hors  de  Vairus,  aune 
petite  appendice  de  la  longueur  de  trois 
lignes,  mince  &  recourbée,  que  M/^ 
les  Anatomiftes  de  TAcadémie  regardent 
comme  un  clitoris  (f),  avec  d'autant 
plus  de  fondement,  que  les  deux  mêmes 
mufcles  qui  s'insèrent  à  la  baie  de  la 
ver^e  dans  les  mâles,  s'insèrent  à  la  ba(è 
de  cette  appendice  dansies  femelles. 

Je  ne  m'arrêterai  point  à  décrire  en 
détail  les  organes  de  la  refpiration,  vu 
qu'ils  relTemblent  prefque  entièrement 
à  ce  qu'on  voit  dans  tous  les  oiieaux , 
étant  compofés  de  deux  poumons  de 
<fubftance  ipongieufe,  &  de  dix  cellules 
à  air  ,  cinq  de  chaque  côte'^ ,  dont  la  qua-= 
trième  eil  plus  petite  ici,  comme  dans 
tous  les  autres  oifeaux  pefans:  ces  cei- 
iules  reçoivent  l'air  des  poumons,  avec 
iefquels  elles  ont  des  communications 
fort  fenfibles;  mais  il  faut  qu'elles  en 
aient  atilîi   de   moins    apparentes  avec 

(f  )  Mémoii-es  pour  fcrvir  à  i'Wifloire  des  Ani- 
maux, partie  II,  vage,  /J"/. 

Oijhaux,  Tome  II.  L 


1242         HijQolre  Nûturelle 

-d'autres  parties  ,  .puifque  Valiifnier] ,  .en 
ibufiîant  dans  ia  trachee-artère,  a  vu 
un  gontleinenî  le  îong  des  cuifTes  &: 
-fous  iQS  ailes  (t),  ce  qui  ilippûfe  une 
.conformation  femblable  à  celle  du  pé- 
lican ,  dans  lequel  M .  Méjy  a  aperçu  , 
fous  l'aiiTeHe,  &  entre  fa  cuiiTe  &  k 
ventre,  des  poches  membraneufes  qui 
fc  rempiilîoient  d'air ,  au  temps  de  i'exr 
piration ,  ou  lor (qu'on  foufiioit  ave^c 
force  dans  ia  trachée-artère  ,  &  qui  en 
fournilToi^nt  appar.emm^ent  au  diîu  cel« 
îulaire   (u). 

Le  D  odeur  Browneditpofinvemeni, 
que  l'autruche  n'a  point  d'épiglotte  (x): 
M.  Perrault  le  fuppoie,  puifqu'il  nrt- 
tribue  à  un  certain  inufcle ,  la  fondion 
de  fermer  la  glotte  ,  en  rapprochant  les 
carùiages  du  larynx  fy):  G.  Warren 
prétend  avoir  vu  une  épiglotte  dans  le 

(t)  Vallifnieri,  tome  J,  fdgc  2^fg, 

(u)  Mémoires  de  i' Académie  àt%  Sciences  j 
-pinét  i6p^,  tome  J(,  -page  ^^6. 

(x)  CoHeaions  Philofophiques,  «."  /,  art,  VIIT^ 

(y)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hiftoire  à^s  Ani- 

jpnanx,  i^cjîU  U,  poge  r^Zt 


de  ï Autruche.  24  V 

fuJGt  qu'il  a  dilTéqiié  *(\);  &  Vaililhièi-i 
concilie  toutes  ces  contrariétés,  en  di- 
fant ,  qu'eu  effet  il  n'y  a  pas  précifé- 
ment  une  épiglotte  ,  mais  que  la  partie 
poftérieure  de  la  langue  en  lient  lieu, 
en  s'appliquant  tur  la  glotie  dans  ia 
déglutition    (^a),       -■ 

11  y  a  aufîi  diverfité  d'avis  fur  le 
nombre  &:  la  forrae  des  anneaux  car- 
tilagineux du  larynx  :  Vallifnieri  n'eu 
compte  que  deux  cents  dix -huit,  & 
foutient  avec  M.  Perrault,  qu'ils  font 
tous  entiers.  Warren  en  a  trouvé  deux 
cents  vingt-fix  entiers,  tans  compter 
ies  premiers  qui  ne  le  font  point ,  non 
plus  que  ceux  qui  lont  immédiatement 
au-delTous  de  la  bifurcation  de  la  tra- 
chée. Tout  cela  peut  être  vrai ,  attendu 
ies  grandes  variétés  auxquelles  eft  fu jette 
ia  ftru^lure  des  parties  internes  ;  mais 
tout  cela  prouve,  en  même  temp^, 
combien  il  eft  téméraire  de  vouloir  dé- 
crire une  elpèce  entière  d'après  un  petit 
ïiombre  d'individus,  &  combien  il  eft 

{^  Tranfadions  PhilofopFiiqucs ,  k."  S^^^ 
(a)  Yalllfnieri ,  tome  1 ,  ^age  2^ç, 

h  1} 


^44  Hlfîoke  Naturelle 
dangereux  par  cette  méthode ,  de  pren-» 
dre  ou  à^t  donner  des  variétés  indivi- 
duelles pour  des  caradères  conftans. 
M.  Perrault  a  obiervé  qu€  chacune 
des  deux, branches  ce  la  trache'e-artère, 
fe  diviie  en  entrant  dans  le  pournon, 
en  piufieurs  rameaux  membraneux , 
comme  dans   l'éléphant  ( b ), 

Le  cerveau  avec  le  cervelet ,  forjne 
une  mafic  d'environ  deux  pouces  & 
demi  de  long  lur  vingt  lignes  de  large; 
Vallilnieri  afîùre  que  celui  qu'il  a  exa- 
miné ,  ne  pefoit  qu'une  once ,  ce  qui 
ne  feroit  pas  la  douze- cemièm.e  partie 
du  poids  de  Tanimai  :  il  ajoute ,  c[ue 
,ia  ftruCiure  en  étoit  ierablable  à  celk 
:du  cerveau  des  oifeaux  y  &  telle  préci- 
iement  qu'elle  eft  décrite  par  Wiîlis;  je 
remarquerai  néanmoins  avec  M /^  les 
Anatomiues  de  l'Académie,  que  les  dix 
paires  de  nerfs  prennent -kur  origine 
&  fortent  hors  du  crâiie,  de  la  même 
manière  que  dans  les  animaux- te^rfellres  ; 
que  la  partie.  cartîcale^(?c  b. partie  m oel- 
\t\\it  du  cervelet,  font  dilpolees  comme 

(h )  Mémo!:Cs  pour  (txv'X  à  riliîloire  des- Ani- 
m^iiyir  partie  II,  i\'.:gc  r^^. 


ck  F- Autruche,  24.5 

dans  ces  mêmes  animaux  :  qu'on  y 
trouve  quelquefois  les  deux  apophyfcs 
vcrmiformes  c|ui  le  voient  clans  l'homme, 
&  un  ventricule ,  de  la  forme  d'une 
]>lume  à  écrire ,  comme  dans  la  plupart 
{\çs  quadrupèdes  (c). 

Je  ne  dirai  qu'un  mot  fur  les  orgnnes 
de  la  circulation ,  c'eft  que  le  cœur  efl 
prefque  rond  ,  au  lieu  que  les  oifcàuk 
l'ont  ordinairement  plus  alongé. 

A  Ttgard  des  fens  externes ,  j'ai 
déjà  parlé  de  la  langue,  de  roreilic  & 
de  la  forme  extérieure  de  l'oeil,  j'ajou- 
terai feulement  ici,  que  (a  ftru<flure  in- 
lerne  eil  celle  qu'on  obferve  ordinai- 
rement daus  les  oifcaux.  M.  Rainby 
j)rérend  que  le  globe  tiré  de  fon  orbite , 
prend  de  lui-même  une  forme  prefque 
triangulaire  (d);  il  a  aufTi  trouvé  l'iiu- 
meur  aqueufe  en  plus  grande  quantité , 
&  l'humeur  vitrée  en  moindre  quantité 
qu'à  l'ordinaire   (e)* 

(c)  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hifloire  àti  Ani- 
maux ,  imrt'u  U.  j)age  J  J ^ 

(d)  Tranfadions   Philorophiques,  »/ ^/jfa 

(e)  J'uidm ,  ïî.*"  386. 

L   iij 


'2,4'6        Hîfîoh'ê  NaîiireÏÏe 

Les  narines  font  dans  le  bec  fupe- 
rieur,  non  loin  de  fa  bafe  ;  il  s'élève 
du  milieu  de  chacune  des  deux  ouver- 
tures, une  protubérance  cartilagineufe 
revêtue  d'une  membrane  irès-fine  ,  &: 
ces  ouvertures  communiquent  avec  ie 
palais,  par  deux  conduits  qui  y  abou- 
liiïent  dans  une  fente  affez  confidé- 
rabfe  ;  on  fe  troniperoit ,  fi  l'on  vouloit 
conclure  de  îa  ftrudure  un  peu  com- 
pliquée de  cet  organe ,  que  i'autruche 
cxceile  par  ie  fens  de  l'odorat  ;  les  fiits 
ies  mieux  confcatés  nous  apprendront 
bientôt  tout  le  contraire,  &  il  paroîten 
général ,  que  ies  fenfations  principales 
&  dominantes  de  cet  animal ,  font  ceiles 
de  la  vue   &  du   fixîème   fens. 

Cet  expofé  fuccinél  de  i'organifation 
intérieure  de  l'autruche,  eft  plus  que 
fuflîfint  pour  confirmer  l'idée  que  j'ai 
donnée  d'abord  de  c&i  animai  inigulier 
qui  doit  être  regardé  comme  un  être 
de  nature  équivoque ,  &  faiiant  ia  nuance 
entre  ie  .  quadrupède  «Se  i'oifeau  Y/y^/ 
fà  place,  dans  une  méthode  où  l'on  fe 

(f)  Panîm  avis  partîm  quûÂrvpes ,  dit  très  -  Lfen 
ÂriftoîC;  lib.  IV,  dcfanïhu^  animaHuni,  cip.  uitirao* 


{le  ï Autruche.  24/ 

fjropoferoit  de  représenter  le  vrai  iyf- 
tème  de  la  Nature,  ne  feroit  ni  danS' 
ia  clafTe  des  oileaux ,  ni  dans  celle  àts 
quadrupèdes ,  mais  ilir  le  pafjage  de 
l'une  à  l'autre;  en  efiet,  quel  autre  rang, 
nfijgiier  à  un  animai,  dont  ie  corps, 
mi- parti  d'oifeau  (Se  de  quadrupède, 
efl  porté  fur  des  pieds  de  quadrupède , 
é<  iurmonîé  par  une  tête  d'oifeau ,  dont 
ïe  mâle  a  une  verge  &  la  femelle  vui 
clitoris,  cojnme  les  quadrupèdes,  6c 
qui  néanmoins  eil  ovipare ,  qui  a  un 
géfier  comme  les  oiieaux,  &  en  même 
teinps  plufieurs  eftomacs  <&  des  intedins  , 
qui  par  leur  capacité  &  leur  rtructure  ^ 
répondent  en  partie  à-  ceux  des  rumi- 
nans ,  en  partie  à  ceux  d'autres  qua- 
drupèdes î 

Dans  l'ordre  de  la  fécondité,  l'au- 
truche femble  encore  appartenir  de  plus 
près  à  la  claife  des  quadru|)èdes  qu'à 
celle  des  oiicaux  ^  car  elle  eil  très- 
féconde ,  6c  produit  beaucoup.  AriRo^e 
dit  qu'après  i'aiuruche  ,  l'oifeau  qu'il 
nomme  airïcapilla,  efi  celui  qui  pond 
Ig  plus  ;  &  il  ajoute  que  cet  oifeau 
ûtrïcapïllat  pond  vingt  œufs  &  davay- 

L  iiîj 


248        Hîjioïre  Naturelle 

tnge  ^g);  d'où  ii  fuivroiî  que  i^autruche 
en  pond  au  moins  vingt-cinq:  d'ail- 
kurs ,  félon  ies  Hiftoriens  modernes  & 
ies  voyageurs  les  piu4  infiruiis ,  elle 
£àïi  piuiieufs  couvées  de  douze  ou 
i|iiiriZ€  ceuls  chacune.  Or ,  fi  on  ia  rap- 
ponoh  à  la  clafiè  des  oifeaux .  elle  feroit 
ia  plus  grande ,  &  par  conféquent  de- 
vroîî  produire  le  moins,  fuhrant  l'ordre 
€|ue  (uîc  conftamment  ia  Nature  dans 
ia  lîiuitipiicatîon  des  animaux ,  dont  elle 
paroît  avoir  fixé  la  proportion  en  raifon 
invcriè  de  ia  grandeur  des  individus  ;  au 
iieu  qu'étant  rapportée  à  la  ciafTe  des  ani- 
Biaux  lerrellres,  elle  le  trouve  très-pedte, 
ïtlaiîvement  aux  plus  grands,  (k  ]>lus 
petite  que  ceux  de  grandeur  médiocre, 
tels  que  le  cochon ,  <k  la  grande  fécondité 
lentre  dans  Tordre  naturel  &  général. 

Oppien ,  qui  croyoit  mai- à-propos 
que  ies  chameaux  de  la  Baéiriane  s'ac- 
coupi oient  à  rebours  &  en  fe  toun  ani: 
le  derrière,  a  cru  par  une  fecorde 
erreur,  qu'un  oife  au- charrie  au ,  (car  c'eil 
le  nom  qu'on  donnoit  dès-iors  à  l'au* 
iruche)  ne  pourroit  manquer  de  s'ac- 
(g)  Hiji,  aitimah  lib,  IX,  cap.  xxv. 


^e  ï Autruche,  14.^ 

coupler  de  la  même  fxiçon ,  &  il  l'a 
avancé  comme  un  fait  certain  ;  mais 
cela  n'eR  pas  plus  vrai  de  i'oifeau-cha- 
ineau  ,  que  du  chameau  lui-même, 
comme  je  l'ai  dit  ailleurs  ("hj:  &.  quoi- 
que ,  félon  tome  apparence ,  peu  d'ob- 
ièrvateurs  aient  été  témoins  de  cet  ac- 
couplement ,  &  qu'aucun  n'en  ait  rendu 
compie,  on  eit  en  droit  de  fuppofet 
qu'il  fe  fait  à  la  manière  accoutumée^ 
jufqu'à  ce  qu'il  y  ait  preuve  du  Goii- 
traire. 

Les  autruches  pafîent  pour  être  fort 
lafcives  Si  s'accoupler  fouventj  &  fi 
l'on  fe  rappelle  ce  que  j'ai  dit  ci-defTus 
des  dimeiiiions  de  la  verge  du  mâle  ^ 
on  concevra  que  ces  accouplemens  lié 
fc  paffent  point  en  fiinpiescomprefïlGnsj 
comme  dans  prefque  tous  les  oiicau^^ 
mais  qu'il  y  a  une  intromiflion  réelle 
des  parties  fexuelles  du  maie  dans  celte 
de  la  femelle.  Thévenot  efl  le  feul  qui 
cfîie'  qu'elles  s'affortilTent  par  paires,  ôc 

(h)  Voyez  îe  tome  X,  -page  f/  <3e  cette  nou- 
vélie  édition  ;  &  le  tome  Xîl,pâge  j2^  de  léditicA 
en  trente-un  volumes. 


2. 5  o        HiJIoh'e  Naturelle 

que  chaque  m  Me  n'a  qu'une  femeîle , 
contre  i'ulage  des  oifeaux  pcfans  (i). 

Le  temps  de  la  ponte  dépend  du 
climat  qu'elles  habitent,  &  c'e(l  tou- 
jours aux  environs  du  folilice  d'été  , 
c'eft-à-dire  au  conmiencement  de  juillet, 
dans  l'Afrique  feptentrionale  (k) ,  &  fur 
îa  fin  de  décembre  dans  l'Afrique  mé- 
îidionale  (l).  La  température  du  climat 
influe  aufîi  beaucoup  fur  leur  manière 
de  couver;  dans  la  zone  torride,  eiles 
fe  contentent  de  dépofer  leurs  œufs  fur 
un  amas  de  fable  qu'elles  ont  formé 
groffièrement  avec  leurs  pieds ,  &.  où 
îa  feule  chaleur  du  foleil  les  fût  éclore  ; 
à  peine  les  couvent  -  elles  pendant  la 
Tiuit:  &  cela  même  n'efi  pas  toujours 
nécelTaire  puifqu'on  en  a  vu  éclore  , 
qui  n'avoient  point  été  couvés  par  la 
îiière ,  ni  mjêiue  expofés  aux  rayons  du 
foleil  (m);  mais  ,  quoique  les  autruches 

'(t)  Voyage  de  Thévenot,  tome  h -page  ^//s 
(k)  Albert ,  de  Animal,   lib.  XX ni. 
(IJ    Voyage  de  Dampier  autour  du  monde; 
t{>me  11,  page  ^  /  / . 
^(m)  Janne^uin  étant  au  Sénégal,  mit  dans  f^ 


de  l'Aumiche.  2  5  i| 

ne  couvent  point  outijue  très -peu  leurs 
œufs  ,  il  s'en  fk\ut  beaucoup  qu'elles  les 
♦abandonnent:  au  contraire,  elles  veil- 
lent alîidûment  à  leur  confervation,  & 
ne  les  perdent  guère  de  vue;  c'efl  de- 
là qu'on  a  pris  occalion  de  dire  qu'elles 
les  couv  oient  des  yeux  ,  à  la  lettre  :  & 
Diodcre  rapporte  une  façon  de  prendre 
ces  animaux  ,  fondée  fur  leur  grand 
aitachement  pour  leur  couvée  ;  c'ell  de 
planter  en  terre ,  aux  environs  du  nid 
ëi.  à  une  jufle  hauteur  ,  des  pieux  armés 
de  pointes  bien  acérées ,  dans  lefquelles 
la  mère  s'enferre  d'elle-même  lorfqu'eije 
revient  avec  empreifement  fe  pofer  fur 
fes  œufs  Cn). 

Quoique  le  climat  de  la  France  foit 
beaucoup  moins  -chaud  que  celui  de  la 
Barbarie,  on  a  vu  des  autruches  pondre 
à  la  ménagerie  de  Verfiilles;  mais  M/^ 
de  l'Académie  ont  tenté  inutilement  de 
faire  éciore  ces  œufs  par  une  incubation 

caffette  deux  œufs  d'Autmctie  tien  enveloppés  d'ë- 
toupes  j  quelque  temps  après  il  trouva  que  i'iin 
de  ces  œufs  étoit  prêt  d  eclore,  Vr^yei  Hijîoire  ^if- 
vérale  des  voyages  ,  tome  ll'^fage  ^j  S» 

L  v; 


a  5  2       Hïjloke  Naturelle 

artificielle ,  foit  en  employant  h  chaleur 
du  foieii ,  ou  celle  d'un  feu  gradué  & 
îîîénagé  svec  art  :  ils  n'ont  jamais  pu 
parvenir  à  découvrir  dans  les  uns  ni 
dans  les  antres  ^  auci;^ne  organiintion 
commencée ,  ni  même  aucune  dilpoii- 
tion  apparente  à  ia  génération  é^un 
nouvel  être  ;  k  jaune  ôk  ie  blanc  de 
celui  qui  avoit  été  expoie  au  feu , 
s'étoient  un  peu  épaiflis  ,  ceiui  qui 
avoit  été  mis  .\x  foîeil ,  avoit  contradé 
une  très-mauvaiie  odeur  ;  &  aucun  ne 
préientoit  fa  irioindre  apparence  d'un 
fœtus  ébauché  ^o),  en  forte  que  cette 
incubation  philolophiquc  n'eut  aucun 
fuccès.  M.  de  Reaumur  n'cxiftoit  pas 
encore. 

Ces  œufs  font  très-durs,  très-pefans 
â:  très -gros:  mais  on  fe  les  repréfente 
quelquefois  encore  plus  gros  qu'ils  ne 
font  en  effet,  en  prenant  d^s  œufs  de 
crocodiles  pour  des  œufs  d'autruche  (o); 
on  a  dit  qu'ils  étoient  comme  ia  lête 

(o)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hifloire  des  Ani- 
maux, far  tic  /y,  -page  i  ^S, 

(j>J  Bdon ,  HiJL  na»  des  Oifiatt^,  page  23^, 


de  F  Autruche,  253 

d\ui  enfiint  (q),  qu'ils*  pou  voient  con- 
tenir jufqu'à  une  pinte  de  liqueur  (r), 
qu'ils  pelbicnt  quinze  livres  (f),  & 
qu'une  autruche  en  pondoit  cinquante 
dans  une  année  (t)  ;  Eilen  a  dit  jufqu'à 
quatre-vingts  ;  mais  la  plupart  de  ces 
faits  me  paroiflent  évide  mmeni  exagérés  ; 
car  I  °  comment  (e  peut-il  faire  qu'un 
oeuf  dont  la  coque  ne  pèfe  pas  plus 
d'une  livre,  &  qui  contient  au  plus  une 
pinte  de  liqueur ,  Toit  du  poids  total  de 
quinze  livres  !  il  faudroit  pour  cela  que 
le  bkinc  &.  le  jaune  de  cet  œuf,  fût  fept 
fois  plus  àQn.ÇQ  que  l'eau,  trois  fois  plus 
que  le  marbre,  &  à  peu-près  autant 
que  l'étain  ,  ce  qui  eft  dur  à  fuppolèr. 

zJ"  En  admettant  avec  Wiiiulghby-j 
que  l'autruche  pond  dans  une  année 
cinquante  œufs ,  pe(ànt  quinze  livres 
chacun ,  il  s'enfuivroit  que  le  poids  totaî 

{(f)  y^'{[{\i\^hYt  Ornlthoîflgia  ,  pag.  105. 

(r)  Beion ,  Hift,  nat,  des  Oifeaux ,  fwge  235. 

(f)  Léon- r  Africain,  Defcripthn  <k  l'Afrique: 
lib.  IX.  —  Wiiiulghby,  ubi  fipra. 

(t}  Wiilulgliby,  ibiém. 


^54        Hïfioire  Naturelle 
de  la  ponte,  feroit  de  fept  cents  cin- 
quante livres,  ce  qui  eil  beaucoup  pour- 
un  animai  qui  n'en   pèle   que    quatre - 
"vingts. 

II  me  paroît  donc  qu'il  y  a  une  ré- 
dudion  confidérable  à  faire,  tant  fur 
le  poids  des  œufs  que  fur  ieur  nombre , 
ÔL  il  ell  fâcheux  qu'on  n'ait  pas  de 
me'moires  allez  lûrs  pour  déterminer 
avec  judefTe  ia  quantité  de  cette  réduc- 
tion ;  on  pourroit ,  en  attendant ,  fixer 
le  nombre  des  œufs  d'après  Ariilote,. 
à  vingt-cinq  ou  trente  ;  &  d'après  les 
Modernes  qui  ont  parié  le  plus  fage- 
ment,  à  trente-fix  :  en  admettant  deux 
ou  trois  couvées,  &  douze  œufs  par 
chaque  couvée,  on  pourroit  encore  dé- 
terminer le  poids  de  chaque  œuf,  à 
trois  ou  quatre  livres ,  en  paiTant  une 
livre  plus  ou  moins  pour  la  coque ,  & 
deux  ou  trois  livres  pour  la  pinte  de 
blanc  &  de  jaune  qifelie  contient  :  mais 
H  y  a  bien  loin  de  cette  fixation  conjec- 
turale à  une  obfervation  précité.  Beau- 
coup de  gens  écrivent,  mais  il  en  efl 
peu  qui  mefurem,    qwi  pèfeat  ,    qui 


de  ï Autruche.  2  5  5 

comparent  ;  de  quinzç  ou  feize  autru- 
ches ,  dont  on  a  fait  la  dilîedion  en 
difiérens  pays,  il  n'y. en  a  qu'une  feule 
qui  ait  été  pcfce,  &  c'eft  celle  dont 
nous  devons  la  dcfcription  à  VaHifnierî. 
On  ne  fait  pas  mieux  ie  temps  qui  eft 
néceiiaire  pour  l'incubation  des  œufs  ; 
tout  ce  qu'on  fait ,  ou  plutôt ,  tout  ce 
qu'on  affure,  c'ed  qu'aufîi-tôt  que  les 
jeunes  autruches  font  éclofes,  elles  font 
en  état  de  marcher ,  &  même  de  courir 
h.  de  chercher  leur  nourriture  (u) ^  en 
forte  que  dans  la  zone  torride  où  elles 
trouvent  ie  degré  de  chaleur  qui  leur 
convient  &  la  nourriture  qui  leur  cft 
propre ,  elles  font  émancipées  en  naif 
flmt,  &  font  abandonnées  de  leur  mère 
dont  les  foins  leur  font  inutiles  :  mais 
dans  les  pays  moins  chîiuds,  par  exem- 
ple ,  au  cap  de  Bonne-êfpérance  ,  la 
mère  veille  à  fes  petits,  tant  que  fes 
fecours  leur  font  néceifaires  (x) ,  &  par- 
tout les  foins  font  proportionnés  aux 
be  foins. 

(u)  Léon -l'Africain,  Defcription  de  PA/ri^iae,^ 
iib.  IX. 

^xj  IColbc;    Defcrlpîlon  qu  Cap^ 


2.^6         H'ijlolre  Ndturdk 

Les  jeunes  autruches  font  d'un  gris-^ 
cendré  ia  première  année  ,  &  ont  des 
plumes  par-tout,  mars  ce  font  de  fauflès 
plumes  qui  tombent  bien-tôt  d'elks- 
înêmcs  pour  ne  plus  revenir  fur  les 
parties  qui  doivent  être  nues ,  comme 
ia  tête,  !e  haut  du  cou,  ies  cuifTes,  les 
fiaiics  ôi  le  defîous  des  ailes;  elles  iont 
remplacées  fur  le  rcfte  du  corps  pc^r 
des  plumes  aiternativemient  blanches  & 
noires  ,  &  quelquefois  gril  es  par  le  mé- 
lange de  ces  deux  couleurs  fondues  en- 
fcmbie  ;  les  plus  courtes  font  fur  ia 
partie  inférieure  du  cou,  la  feule  qui 
en  foit  revêtue;  t\\ç.s  deviennent  plus 
iongiîes  fur  ie  ventre  ai  fur  le  dos,  les 
■\Am^  longues  de  toutes  font  à  Textré- 
mlté  de  la  queue  &  des  ailes ,  &  ce  font 
fes  plus  recherchées.  M.  Klein  dit  ^ 
d'après  Albert,  que  les  plumes  du  dos 
font  très-noires  dans  ies  mâles  &  brunes 
dans  les  femelles  (y):  cependant  M/*  de 
i' Académie  qui  ont  diiïcqué  huit  au- 
truches ,  dont  cinq  mâles  &  trois  fe- 
melles, on^:  trouré  le  plumage  à   peu 

(y)  Klein,  Hijl,  Avhim ,  pag.  i  6,  —  Albert, 
'A^ui  Gejmrum  dt  Avibut ,  pag,  j^u 


de  V Autruche.  257 

près  feniblable  dans  les  unes  &  les 
yiurcs  (\) ,  mais  on  n'tii  a  jamais  vu 
qui  euflent  des  ]>iumes  rouges,  vertes, 
bitues  cSc  jaunes,  comme  Cardan  fembie 
Tavoir  cru ,  par  une  méprife  bien  dé- 
placée dans  un  ouvrage  yiù/  la  fuhîilïté* 

Redi  a  reconnu  ])ar  de  nombreufcs 
obfervations ,  que  prefque  tous  les  oi- 
féaux  étoient  fujcis  à  avoir  de  la  vermine 
dans  leurs  plumes ,  6c  même  de  piu- 
licurs  efpcces  ;  «Se  que  la  plupart  iwoient 
leurs  inledes  particuliers  qui  ne  fe  rcn- 
controient  point  ailleurs,  mais  il  n'en 
a  jamais  trouvé  en  aucune  fciifon  dans 
les  autrucfccs ,  quoiqu'il  ait  fait  fes  ob- 
fervations fur  douze  de  ces  animaux  j 
dont  quclques«uns  étoient  récemment 
arrivés  de  Barbarie  (a). 

D'un  autre  côié  Valiifnieri  qui  en  a 
difléqué  deux,  n'a  trouvé  dans  leur 
intérieur  ni  iombrils ,  ni  vers,  ni  infedcs 
quelconques   (b);   il  lemble  qu'aucun 

(lj  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hiftolre  des  Anï» 
maux ,  jyartk  II,  page  /  i  ^  i 

(a)  Coliedion  Acad.  tonie  1  de  /'Hiftoii'e  natu- 
relle, page  ^6^f» 

(b)  (Euvres  de  Valliûiieri,  tome  I,  page  2^^» 


2  5  8  HîjMre  Naturelle 

de  ces  animaux .  n'ait  d'appétit  pour  îa' 
ehair  de  l'autruche  ,  qu'ils  l'évitent  nîêir.e 
&  la  craignent ,  &.  que  cette  chair  ait 
quelque  qualité  contraire  à  leur  multi- 
plication ,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
attribuer  cet  cifet,  du  moins  pour  l'in- 
térieur ,  à  la  force  de  1  eilomac  ôl  de 
tous  les  organes  digeftifs,  car  l'autruche 
a  une  grande  réputation  à  cet  égard, 
il  y  a  bien  des  gens  encore  qui  croient 
qu'elle  digère  le  t^ï ,  comme  la  voraille' 
commune  digère  les  grains  d'orge  ;■ 
quelques  Auteurs  ont  même  avancé 
qu'elle  digéroit  le  fer  rouge  (c);  mais  on 
îne  diiDenfera ,  fans  doute ,  de  réfuter 
férieiifement  cette  dernière  aflertion  ;  ce 
fera  bien  aflez  de  déterminer  d'après  les- 
faits ,  dans  quel  fens  on  peut  dire  que 
Faatruche  digère  le  fer  à  froid. 

Il  eft  certain  que  ces  animaux  vivent 
principalement  de  mxatières  végétales , 
qu'ils  ont  le  géfier  muni  de  mufcies 
très-forts,  comme  tous  les  granivores  (d), 

(c)  iMarmoi ,  D.j'cri^nion  de  l'Afilcjuc ,  tome  I ,  ' 
page  6  s.. 

(  d)  Nota,  Quoijue  i'autruchis  foit  omnivore 
dam  le  tait ,  ii  Itmbie  nàmmoms  qu'on  dois  ia 


de  l'Autruche,  ^59 

&  qu'ils  avaient  fort  fotivent  du  fèr  ^e), 
au  cuivre,  des  pierres,  du  verre,  du 
}3ois  ÔL  tout  ce  qui  fe  pré  fente  ;  je  ne 
nier^ois  pas  même  qu'ils  n'avalafîent 
queIc[uefois  du  fer  rouge ,  pourvu  que 
ce  fut  en  petite  quantité  ,  6l  je  ne  penfî 
pas  avec  cela  que  ce  fat  impunément: 
ii  paroît  qu'ils  avalent  tout  ce  qu'ils 
trouvent ,  jufqu'à  ce  que  leurs  grands 
eiiomacs  foient  entièrement  })Ieins,  6c 
que  ie  befoin  de  les  iefter  par  un  vo- 
lume fufiifant  de  matière,  eil  l'une  dts 
principales  caufes  de  ieur  voracité.  Dans 
îes  fujets  difTéqués  par  \^'^arren  ^J'J  ëc 
par  Ramby  /gj^  les  ventricules  étoienî 

ranger  pamHes  grani\'ores,  puifque  dans  Tes  ciéferts 
elle  vit  de  daites  k  autres  fruits  ou  matières  vécé- 
taies,  6c  que  dans  les  ménageries  on  !a  r.ourrit  de 
ces  mcincs  matières:  d'ailleurs,  Sîrabon  nous  dit, 
Iih.  VI ,  que  loi'fque  les  chaiTeurs  veulent  i'attircj* 
dans  ie  piège  qu'ils  lui  ont  préparé,  ils  iui  pré- 
Tentent  du  grain  pour  appât, 

(e)  Je  dis  fort  foiivent ,  car  Albert  afTure  très- 
pofitivement  qu'il  n'a  jamais  pu  faire  avaier  du  fer 
à  plufieurs  autruches,  quoiqu'eiies  dévorafrent  avi- 
dement des  os  fort  dur.'^  &  même  des  pierres.  Voj'e-^^ 
Cejner ,  de  h\\hv.s ,  pig.  /-f^,  C* 

(f)  Tranfadions  Phiîofophiviue^ ,  w/j»^^» 

(g)  Ibïim.iL'  s^6. 


2  6o         Hijhke  Naturelle 

teilement  reiiipiis  &l  diftendus,  que  fa 
première  idée  qui  vint  à  ces  deux  Ana- 
tomiftes  ,  fut  de  douter  que  ces  auiiuaux 
eufîènt  jamais  pu  digérer  une  tefie  fur- 
charge  de  nourriture.  Ramby  ajoute  que 
les  matières  contenues  dans  ces  ventri- 
cules paroiiToient  n'avoir  fubi  c|u'une 
légère  aïteration.  Yaliiinîeri  trouva  auiîî 
ie  premier  ventricule  entièrement  plein 
d'herbes ,  de  fruits  ,  de  légumes  ,  de 
noix ,  de  cordes  ,  de  pierres  ,  de  verre , 
de  cuivre  jaune  &  rouge ,  de  fer ,  d'e- 
tain,  de  plomb  &  de  bois;  il  y  en 
avoit  emr 'autres  un  morceau,  à.  c'étoit 
le  dernier  avalé ,  puifqu'ii  étoit  tout  au- 
deifus,  lequel  ne  y)eroit  pas  loin  d'une 
livre  (hj.  M/^  de  l'Académie  afiurent 
que  les  ventricules  des  huit  autruches 
qu'ils  ont  obfervées,  fe  font  toujours 
trouvés  remplis  de  foin ,  d'herbes , 
d'orge,  de  {è^es^  d'os,  de  monnoies, 
de  cuivre  &  de  cailloux  >  dont  quelques- 
uns  avoient  la  grofieur  d'un  œuf  (i); 
i'autruche  emafie  donc  les  matières  dans 

(h)  Opère  di  Vallïjnkri ,  tome  î  ,  page  24.0. 

(i)  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hifloire  àçi  Anî^ 
î«aux,  partie  îlf  page  2 2p> 


de  ï Autruche,  261 

* 

fes  eflomacs  à  niiloiî  de  leur  capacité, 
&  par  la  néceilité  de  les  remplir;  «Se 
comme  elle  digère  avec  fliciiité  ôc  promp- 
titude, il  eil  ailé  de  comprendre  pour- 
quoi elle  eil  inlatiible. 

Mais  quelque  inlatiabîe  qu'elle  ibit, 
on  me   demandera    toujours  ,  non    pas 
pourquoi  elle  conlomme  tant  de  nour- 
riture,  mais    pourquoi    elle    arale    des 
matières  qui  ne  peuvent  point  la  nourrir, 
&  qui  peuvent  même  lui  faire  beaucoup 
tk   mai;   je  répondrai  que   c'eil:   parce 
qu'elle  efi:  privée  du  fens  du  goût,  & 
cela  eil  d'autant  plus  vraiiemblable,  que 
-iii  langue  étant  bien  examinée  par  d'ha- 
!  biles  Anatomldes,  leur  a  paru  dépourvue 
I  de  toutes  ces   papilles  ienfibles  &  ner-* 
j  veufes  ,   dans   leiqueiles   on   croit   avec 
ï  aHez  de  fondement  que  réfide  la   fen- 
fuian  du  goût  //;/ .-   je  croirois  même 
;  qu'elle   auroit  le   iens   de  l'odorat  fort 
i  obtus ,   car   ce   iens   efl   celui    qui   fcrt 
le  plus  aux  animaux  pour  le  diicerne- 
iment  de  leur  nourriture;  &   l'autruche 
la   il  peu  de   ce   diicernement,   qu'elle 
avale  non-ieulementle  ter,  les  cailloux 5 
j      C/iJ  Vaiiirnieri,  :ome  1 ,  page  2fp, 


'%()%         PAflone  NûturcUe 

îe  Yerre,  mais  même  le  cuivre  qiù  a 
une  Çi  mauvaile  odeur  ,  &  que  Yallif- 
nieri  en  a  vu  une  qui  étoit  mort€  pour 
avoir  dévoré  une  grande  quantité  de 
chaux  vive  (l):  les  gallinacés  &  autres 
granivores ,  (|ui  n'ont  pas  les  organes 
du  goût  fort  ienfibies ,  avalent  bien  de 
petiies  pierres  qu'ils  prenneiit  apparem- 
ment pour  de  petites  graines ,  loriqu'elles 
font  mêlées  enfembie;  mais  fj  on  leur 
préfente  pour  toute  nourriture  un  nom- 
bre connu  de  ces  petites  pierres ,  ils 
mourront  de  faim ,  fans  en  avaler  une 
feule  (m);  à  plus  forte  raifon  ne  tou- 
eheroient-iis  point  à  la  chaux  vive  :  &' 
l'on  peut  conclure  de-là ,  ce  me  femblé,' 
que  l'autruche  eO:  un  des  oifeaux  dont 
ks  fens  du  goût ,  de  l'odorat ,  & 
même  celui  du  toucher  dans  les  parties 
internes  de  la  bouche  ,  font  les  plus 
émoufTés  &  les  plus  obtus  ;  en  quoi  il  \ 
faut  convenir  qu'elle  s'éloigne  beaucoup 
^e  la  nature   des  quadrupèdes. 

(I)  Vallifnieri,  tome  1 ,  page  -2^/« 

(m)  Colîedion  Académi(jue ,  tome  I  de  /'Hifloîr^  < 
fimxïé.\c,  page  ^^^t 


de  f  Autruche.  z6y 

AJais  enfin  que  deviennent  les  CabC^ 
tances  dures,  refradajfes  &  nuifibles, 
que  lautruchç  avale  lans  choix  &  dans 
ia  feule  intention  de  fe  remplir!  que 
deviennent  lur-tout  fe  cuivre,  le  verre, 
Je  fer  !  fur  cela  les  avis  font  partages^ 
âc  chacun  çjte  des  ftits  à  l'appui"^ de 
fon  opinion.  M.  Perrault  ayant  trouvé 
foixanre  &  dix  doubles  dans  reiioniac 
,-d'un  de  ces  animaux  ,  remarqua  qu'ils 
étoient  la  plupart  ufés  &  confumés 
prelque  aux  trois  quarts  ;  mais  ii  jugea 
que  c  etoit  plutôt  par  lewr  frottement 
piutuel  &  celui  des  cailloux,  que  par 
i'adion  d'aucun  acide,  vu  que  quel- 
ques-uns de  ces  doubles  qui  étoient 
boflus  ,  fe  trouvèrent  fort  ufés  du  côté 
convexe ,  qui  étoit  aufli  le  plus  expoie 
aux  frottemens,  &  nullem.ent  endoiii^ 
înagésdu  côté  concave  ;  d'où  il  conclut 
que  dans  les  oifeaux ,  ia  diffolution  de 
ia  nourriture  ne  fe  fiit  pas  feulement 
par  des  efprits  iiibtils  &  pénétrans,  mais 
encore  par  l'adion  organique  du  ven- 
tricule qui  comprime  &  bat  inceffam- 
ment  les  alimens  avec  les  corps  durs 
gue  ces  mêmes  animaux  ont  i'inflinv't 


2. 64  Hijloire  'Naturelle 
d'avaîer;  &  comme  toutes  les  matières 
contenues  dans  cet  edomac  e'toient 
teintes  en  vert  ;  il  conclut  encore  que 
ia  difTolution  du  cuivre  s'y  éroit  fliiie, 
non  par  un  diil'olvant  particulier,  ni 
par  voie  de  digefiion  ,  mais  de  la  même 
manière  qu'elle  Te  feroit  fi  l'on  broyoit 
ce  méral  avec  des  herbes  ,  ou  avec  quel- 
que liqueur  acide  ou  falée  :  il  ajoute 
que  le  cuivre,  bien  loin  de  fe  tourner 
en  nourriture  dans  i'eflomac  de  i'au- 
truche ,  y  agiffoit  au  contraire  comme 
poilon,  &  que  toutes  celles  qui  en 
avaloient  beaucoup  mouroient  bien-tôt 
après    (n), 

Vallilnieri  penfe  au  contraire  que 
rautmche  digère  ou  diiTout  les  corps 
durs,  principalement  par  i'adion  du 
diffolvant  de  i'edomac ,  lans  exclure 
celle  à^s  chocs  &  frottemens  qui  peu- 
vent aider  à  cette  adïion  principale  ; 
voici  les   preuves  : 

i.°  Les  morceaux  de  bois,  de  fer 
ou  de  verre  qui  ont  réjourné  queîq?je 
temps  dans  les  ventricules  de  l'autruche, 

(n)  Mémoires  pour  fervir  à  fHifioire  des  Ani- 
maux, ^rtie  il,  pcgt  j  2p, 

ne 


^e  T Autruche.  26 ^^ 

ne  font  pomt  lifles  &  tuifans  comine  ils 
devroient  l'être ,  s'ils  cufTent  été  ufés 
par  le  frottement  ;  mais  ils  lont  raboteux, 
fiilonnés  ,  criblés  comme  ils  doivent 
i'être  ,  en  ruppofant  qu'ils  aient  été 
rongés  par  un  difToIvant  aélif  : 

2,.°  Ce  diffolvant  réduit  les  corps 
ies  plus  durs ,  de  même  que  les  herbes, 
îes  grains  &  les  os,  en  molécules  im- 
palpables qu'on  peut  apercevoir  au 
microfcope  Sl  même  à  i'œii  nu  : 

3 .°  II  a  trouvé  dans  un  eftom-ac 
d'autruche  un  clou  implanté  dans  l'une 
de  fès  parois ,  &  qui  traverfoit  cet  el- 
tomac  de  façon  que  les  parois  oppofées 
'lie  pouvoient  s'approcher  ni  par  confé- 
quent  comprimer  les  matières  contenues, 
autant  qu'elles  îe  font  d'ordinaire  ;  ce- 
pendant les  alimens  étoient  aulîi  -  bien 
difTous  dans  ce  ventricule  ,  que  dans 
un  autre  qui  n'étoit  traverfé  d'aucun 
clou ,  ce  qui  prouve  au  moins  f|ue  îa 
digeftion  ne  fe  fait  pas  dans  l'autruche 
uniquement   par  trituration  : 

4.°  II  a  vu  un  dés  à  coudre ,  de 
cuivre  ,  trouvé  dans  i'eftomac  d'un 
chapon  ,  lequel  n'étoit  rongé  que  dans 
OifeauXf  Toms  Jl,  M 


7.(iG        Hijloire  NatureUe 

ie  feul  endroit  par  où  il  touchoît  atl 
gefier,  &  qui  par  conlëquerit  étoit  ie 
moins  expoié  aux  chocs  dei  autres  corps 
durs  ;  preuve  que  la  diflolution  des 
métaux  ,  dans  l  eitomac  des  chapons , 
fe  fait  plutôt  par  l'aCiion  d'un  diiToIvant, 
quel  qu'ii  roit ,  que  par  celie  dç.s  chocs  i 
&  des  trottemens ,  c\  cette  conlequence  ^ 
s'étend  aflez  natuxeliement  aux  autm-]v 
ches  : 

5/  Il  a  ^-u  une  pièce  de  monnoic 
rongée  il  profondément ,  que  Ion  poids 
étoit  réduit  à  trois  grains  : 

6.  Les  glandes  du  premier  eflomac 
dccnent ,  étant  pre (Tees  ,  une  Liqueur 
vifqaeute  ,  jaunâtre  ,  inilpide ,  ô:  qui 
néanmoins  imprime  très -prom.p  rement 
fur  ie  fer .  une  tache  oblcure  : 

7.'   En5n ,  i"ac1:iyité   de  ces  fîics  , 
la  force  à^i  mufdes  du  géîîer ,   &  ia 
couleur  noire  qui  teint  les  excréiriens 
des   autruches  qui   ont  avalé   du  fer  , 
comme  eïïe  teint   ceux  des  perfonnes 
cr^  f:nt  uilge  des  martiaux  &  les  ài^,^ 
gèrent  bien ,   venant  à  i'appui  d^s  ^^J^J 
precédens .  autoriient  VaiLlhieri  à  con-^ 
jectiiTcr.  n:n  pas  tout -à- fait,  que  les^ 


/ 


"de  TAutntcIie.  16 j 

autruches  digcrcnt  le  fer  &  s'en  nour- 
îifl'ent,  comme  divers  iniedes  ou  reptiles 
le  nourrilTent  de  terre  &  de  pierres  j 
mais  que  les  pierres ,  les  métaux  &  fur- 
tout  le  fer ,  diflous  par  ie  fuc  des  glandes, 
fervent  à  tempérer  comme  ablbrbans , 
les  fermens  trop  acflifs  de  i'eftomac  , 
qu'ils  peuvent  le  m.êler  à  la  nourriture 
commue  eicmens  utiles  ,  i'afiailonner  , 
augmenter  la  force  des  folides,  &  d'au- 
tant plus  que  le  fer  entre ,  comme  on 
fait,  dans  la  compolîtion  des  erres  vivans  ; 
<5i:  que  lorfqu'ii  eft  luftiiâmment  atténue' 
par  des  acides  convenables,  il  le  voîa- 
tiiife  &  acquiert  une  tendance  à  végéter, 
pour  ainfi  dire ,  &  à  prendre  des  formes 
analogues  à  celles  des  plantes ,  comme 
on  le  voit  dans  i  "arbre  de  mars  foj;  ôc 
ceil  en  effet  le  feui  (ens  raifonnable 
dans  lequel  on  puiile  dire  que  l'autruche 

fo)  Mémoires  de  i'Académie  des  Sciences,  années 
j  yo  j,  T  /O  6  iT  fuivanies. —  Vaiiilnieri ,  tome  I , 
rr-ge  z^2.  ;  &  ii  confirme  encore  Ion  fentimenC 
par  les  obfervations  de  Santorini  fur  des  pièces  de 
monnoie  &  des  clous  trouvés  dans  i'eftomac  d'une 
autruche  qu'il  avoir  dilléquée  à  Venife ,  &  par  le* 
expérience;  de  i' Académie  (M  Cimaito ,  fur  la  digçi-, 
tion  àç^  Oiieaux, 


^6%        Hîflehe  Natureik 

digère  le  fer ,  &  quand  elle  auroit  Tef^ 
îoinac  affez  fort  pour  le  diaérer  véri- 
.îablement ,  ce  n'elt  que  par  une  erreur 
bien  ridicule  qu'on  auroit  pu  attribuer 
à  ce  géfier,  comme  on  a  fait,  la  qualité 
d'un  remède  &  la  vertu  d'aider  la  di- 
gellion ,  puil qu'on  ne  peut  nier  qu'il 
ne  foit  par  lui-même  un  morceau  tout- 
à-fait  indigefte  :  mais  telle  ejfl:  la  nature 
de  refprit  bum.ain  ;  lorfqu'ii  efl  une 
fois  frappé  de  quelque  objet  rare  & 
fingulier,  il  fe  plaît  à  le  rendre  plus 
fniguiier  encore ,  en  lui  attribuant  des 
propriétés  chimériques  &  fouvent  ab- 
furdes  :  c'efi:  ainfi  qu'on  a  prétendu  que 
ies  pierres  les  plus  tranfparentes  qu'oa. 
trouve  dans  les  ventricules  de  l'autruche, 
avoient  aufli  la  vertu ,  étant  portées  aa 
cou,  de  faire  faire  de  bonnes  digeftions; 
que  la  tunique  intérieure  de  fon  géfier 
avoit  celle  de  ranimer  lui  tempérament 
afFoibli  &  d'infpirer  de  l'amour  ;  fon 
foie  j  celle  de  guérir  le  mal  caduc  ;  (on 
fang ,  celle  de  rétablir  la  vue  ;  la  coque 
de  les  œufs  réduite  en  poudre ,  celle 
de  foulager  les  douleurs  de  la  goutte 
&  de  ia  gravelle  ,  &c,  Yallifnieri  a  eu. 


-    i'€  T'Autniclïei  16 (.y 

«ccafion  de  conflatcr  par  Tes  expériencesp? 
3a  raniTeté  de  la  plupart  de  ces  prétendues- 
vertus;  &  les  expériences  lont  d'autaat 
plus  décifives,  qu'il  les  a  faites  fur  les 
perfonnes  les  plus  crédules  &  les  plus- 
prévenues   (p)» 

L'autruche  efl  un  j^ifeau  propre  & 
particulier  à  l'Afrique,  aux  îles  voifines 
de  ce  continent  (q) ,  &  à  la  partie  de 
i'Afie  qui  confine  à  l'Afrique  ;  ceS' 
régions  qui  font  le  pays  natal  du  cha-- 
meau ,  du  rhinocéros,  de  l'éléphant  & 
de  plufieurs  autres  grands  animaux  5 
dévoient  être  auffi  la  patrie  de  l'autru- 
ehe  5  qui  ed  l'éléphant  des  oifeaux  ; 
elles  font  très-fréquentes  dans  les  mon= 
tao-nes  fituées  au  fud-oueft  d'Alexandrie, 
fuis-ant  le  dodeur  Pokoke.  Un  Mif- 
iionnaire  dit  qu'on  en  trouve  à  Goa  ^ 
mais  beaucoup  moins  qu'en  A  rabie  (r);: 

(p)  Valiifnien,  tome  I,  y  agi  2  j  y, 
(q)  Le  vorou-patra  de  Madagafcar  eft  uns 
cTpèce  d'autruche  qui  le  retire  dans  les  lieux  déferts 
&  pond  àt%  œufs  d  une  finaulière  grolTeur.  Hifîoire. 
générale  dt s  vo^'agcs ,  tome  VIII,  page  6o6y  citant? 
Flaccour. 

.    /V  Voyage  du  Fr.  Philippe,  Carme-déchaufle^- 
}>agt  ij8, 

M  ii; 


%jo        Tfijlohe  T^aUireUe 

Philoflrate  prétend  même  qu'ApoîîonîuS' 
en  trouva  jufqu'au  de-là  du  Gange  (J) , 
mais  c'étoit  fans  doute  dans  un  temps 
où  ce  pays  étoit  moins  peuplé  qu'au- 
jourd'hui: les  Voyageurs  modernes  n'en 
ont  point  aperçu  dans  ce  même  pays  ^ 
finon  celles  qu'on  y  avoit  menées  d'ail- 
leurs (t),  &  tous  conviennent  qu'elles 
ne  s'écartent  guère  au-delà  du  trente- 
cinquième  degré  de  latitude ,  de  part  & 
d'autre  de  U  Ligne  ;  &  comme  l'au- 
truche ne  vole  point  ,  elle  eft  dans  le 
cas  de  tous  les  quadrupèdes  àfi  parties 
méridionales  de  l'ancien  continent,  c'eft- 
à-dire ,  qu'elle  n'a  pu  palTer  dans  le 
nouveau;  aufli  n'en  a- 1- on  point  trouvé 
en  Amérique,  quoiqu'on  ait  donné  Ton 
rem  au  touyou  ,  qui  iui  reflemble  en 
effet ,  en  ce  qu'il  ne  vole  point  <St  par 
quelques  autres  rapports  ,  mais  qui  eft 

(J)   Vïta  Apollomî ,  lib.  UI. 

ft)  On  en  nourrit  dans  les  ménageries  cîu  roi 
de  Perfe,  feîon  Thévenot  f  tome  11 ,  page  2ao), 
ce  qui  fuppofe  qu'elles  ne  font  pas  communes  dans 
ce  pays.  —  Sur  la  route  d'Ifpahan  à  Scfiiras  on 
amena  dans  le  caravanferaî  quatre  autruches  ,  dife 
pemelli  Carreri ,  toms_  11 ,  page  2.^8^ 


fJe  rAuîniçhe*  ijt 

Sxvcit  efpèce  difFérente ,  comme  nous 
ie  verrons  bientôt  dans  Ion  hiftoire  : 
par  la  même  raifon  ,  on  ne  i'a  jamais 
rencontrée  en  Europe ,  où  elle  auroit 
cependant  pu  trouver  un  climat  con- 
venable à  fa  nature  dans  la  Morée  ,  &; 
au  midi  de  i'Efpagne  &  de  l'Italie  ; 
mais  pour  fe  rendre  dans  ces  contrées, 
if  eût  fallu  ou  franchir  les  mers  qui  l'en 
leparoient ,  ce  qui  lui  étoit  impoiTiblCj 
ou  faire  le  tour  de  ces  mers  ,  &  re- 
monter jufqu'au  cinquantième  degré  de 
latitude  pour  revenir  par  ie  Nord  en 
traverfant  des  régions  très  -  peuplées  , 
nouvel  obftacie  doublement  infurmon- 
table  à  ia  migration  d'un  animal ,  qui 
ne  fe  plaît  que  dans  les  pays  chauds  & 
ïes  déierts  :  les  autruches  habitent  en 
effet,  par  préférence,  les  lieux  les  plus 
lôiiiaires  &  les  plus  arides ,  où  il  ne  pleut 
prefque  jamais  (u) ,  &  cela  confirme  ce 

(u)  Struthum  gêner  an  in  parte  Afrk/x  qua  non  phit 
îTKjuiî  Theophraflus  ,  de  Hifl,  plant.  44.  ,  apud  Gef- 
ncrum  ,  pag.  74.  M'tû.  Tous  les  Voyageurs  &  les 
Naturalises  font  d'accord  fur  ce  point;  G.  Warren 
eft  ie  feui  qui  ait  fait  un  oifeau  aquatique  de  l'au- 
truche, l'animal  le  plus  anti-aquatique  qu'il  y  ait; 
|1  convient  bien  q_u  elle  ne  fait  point  nager  ;  mais 

M  iiij 


272.        Hifîoire  Naîurelle 

que  difent  les  Arabes ,  qu'eiîes  ne  Bol- 
vent  point  ;  elles  fe  réimifTent  dans  ces^ 
déferts  en  troupes  nombreufes  ,  qui  de 
ioin  refTemblent  à  des  efcadrons  de  ca- 
valerie, &  ont  jeté'  i'aiarme  dans  plus 
d'une  caravane  :  leur  vie  doit  être  un 
peu  dure  dans  c&s  folitudes  vaftes  & 
ileriles ,  mais  elles  y  trouvent  h  liberté 
&  l'amour;  &  quel  défert,  à  ce  prix, 
ne  feroit  un  lieu  de  délices  !  c'efi  pour 
j.ouir,  au  fein  de  la  Nature ,  de  ces  biens 
ineflimables  qu'elles  fuient  l'homme  ; 
mais  l'homme  qui  fait  le  profit  qu'ii  en 
peut  tirer  ,  les  va  chercher  dans  leurs 
retraites  les  plus  fauvages  ;  il  fe  nourrit 
de  leurs  œufs ,  de  leur  fang ,  de  leur 

cHe  a  les  jambes  hautes  &  ie  cou  long  ,  ce  qui 
lui  donne  ie  moyen  de  m.archer  dans  l'eau  <&  d'y 
faifîr  fa  proie;  d'ailleurs,  on  a  remarqué  que  fa 
tête  avoit  quelque  reiïèmblance  avec  celle  de  l'oie  ; 
en  faut-il  da\antage  pour  prouver  que  l'autruche  efî 
Un  oifeau  de  rivière  \  Voy.  Tranfad.  Phïl.f.n°  j  ç^* 
Un  autre  ayant  ouï  dire  qu'on  voyoit  en  Abiffinie 
àts  autruches  de  la  groiïeur  d'un  âne,  &  ayant 
appris  ,  d'ailleurs ,  qu'elles  avoient  le  cou  &  \cs 
pieds  d'un  quadrupède  ,  en  a  conclu  &  écrit  qu'elles 
avoient  ie  cou  &  les  pieds  d'un  âne ,  fuidas,  Il  n'y 
a  guère  de  fujet  d'Hiftoire  naturelle  qui  ait  fait 
d'ire  awîânt  d'abfurdités  que  i'autruche,_ 


'de  ïAuîniche,  273^ 

graffle,  de  leur  chair  ,  il  le  pare  de  leurs 
plumes  ;  il  conferve  peut  -  être  i'elpé- 
rance  de  les  (ubjuguer  tout-à-fiut ,  «Se  de 
les  mettre  au  nombre  de  les  eiclaves. 
L'aut-ruche  promet  trop  d'avantages  à 
l'homme,  pour  qu'elle  puifîe  être  ea 
fureté  dans  l'es  déierts. 

Des  peuples  entiers  ont  mérité  le 
nom  de  Struthophages ,  par  i'ulage  où 
ils  étoient  de  manger  de  l'autruche  fx); 
&  ces  peuples  étoient  voifnis  des  Elé- 
phantophages  ,  qui  ne  faifoient  pas 
îneilleure  chère.  Apicius  prefcrit  ,  Ôc 
avec  grande  raifon  ,  une  fauce  un  peu 
vive  pour  cette  viande  (y))  ce  qui 
prouve  au  moins  qu'elle  étoit  en  uiage 
chez  les  Romains;  mais  nous  en  avons 
d'autres  preuves.  L'empereur  Hélioga- 
baie  fit  un  jour  Tervir  la  cervelle  de  fix 
cents  autruches  dans  un  feul  repas  f:^^;^ 
cet  Empereur  avoit  ,  comme  on  iàit  5 
ia  fantaifie  de  ne  manger  chaque  jour 

(x)  Strabon,  Ub.  XV L.  —  Diod,  ^icdt  Fahvl," 
'Aftriq.  geftis  ,  iit>.  IV, 

(y)  Apicius ,  Hb,  VI ,  cap,  I,  - 


^74  Hifloue  Naturelle 
que  d'une  feule  viande ,  comme  fàlfans^, 
cochons,  poulets ,  &  l'autruche  étoit  du 
nombre  (a),  mais  apprêtée  fans  doute 
à  la  manière  d'Apicius  :  encore  aujour~ 
d'hui  les  habitans  de  la  Lybie,  de  la 
Numidie,  &c.  en  nourrirent  de  privées, 
dont  ils  mangent  la  chair  &  vendent  les 
plumes  (bj;  cependant  les  chiens  ni  les 
chats  ne  voulurent  pas  même  fentir  la 
chair  d'une  autruche  que  Vallifliieri 
avoit  difTéquée  ,  quoique  cette  chair  fût 
encore  fraîche  &  vermeille ,  à  la  vérité 
l'autruche  étoit  d'une  très-grande  mai- 
greur (  c);  de  plus  ^  elle  pou  voit  être 
vieille  ^  &  Léon-i' Africain  qui  en  avoit 
goûté  fur  les  lieux ,  nous  apprend  qu'oa 
ne  mangeoit  guère  que  les  jeunes,  & 
même  après  les  avoir  engraiffées  (dj; 
le  Rabin ,  David  Kimbi ,  ajoute  qu'on 
préféroit  les  femelles  (e),  &  peut-être  en 

(a)  Lamp.  in  vita  HeliogahaVu 

(b)  Beîon  ,  Hiiï,  nai^  des  Oifeam ,  page  2  5  7; 
—  Marmol,  Defaiption  de  l'Afrique  ^  tome  lilg 
p^.ge  25. 

(c)  Opère  di  V&llïjnïeri,  tom.  î,  pag»2  5J« 

(d)  Defcription  de  i'Africjue,  Rv»  IX^ 
(ej  Gçfser ,  de  Ambus ,  page  7^  i  » 


^ile  ïAumiche.  275 

eut- on  fait  un  mets  paffiible  en  les  fou- 
metiant  à  la  calhaiion. 

Cadainofto  &  quelques  autres  Voya- 
geurs difent  avoir  goûté  des  œufs  d'au- 
truche ,  &  ne  les  avoir  point  trouvés 
mauvais;  de  Brue  &:  le  Maire  afTurent: 
que  dans  un  feul  de  fes  œufs,  il  y  a 
de  quoi  nourrir  huit  hommes  (f);  d'au- 
tres qu'il  pèfe  autant  que  trente  œufs 
de  poule  fg),  mais  il  y  a  bien  loin  de-là 
à  quinze  livres. 

On  fait  avec  la  coque  de  ces  œufs , 
des  efpèces  de  coupes  qui  durciffent 
avec  le  temps,  &  refTemblent  en  quel- 
que forte  à   de  l'ivoire. 

Lorfque  les  Arabes  ont  tué  une  au- 
truche ,  ils  lui  ouvrent  la  gorge ,  font 
une  ligature  au-defTous  du  trou ,  &  la 
prenant  enfuite  à  trois  ou  quatre ,  ils  la 
iecouent  &  la  reflafTcnt  ,  comm.e  on 
reffafîeroit  une  outre  pour  la  rincer  ; 
après  quoi  la  ligature  étant  défaite  ,  il 
fort  par  le  trou  fait  à  la  gorge  ,  une 
quantité    confidérable   de  mantèque  en 

(f)  Voyage  au  Sénégal  ,   &;c.  page  i  c^. 

(g)  Koibe ,  Defcriftbn  du  cap  de  BcrMe-eJ^érance^ 

M  vj 


276        Hîjïom  Naîurelk 

confiftaiice  d'huile  figée  ;  on  en  tire 
quelquefois  jufqu'à  vingt  livres  d'une 
lèufe  autruche  ,  cette  mantèque  n'eft 
autre  chofe  que  le  fang  de  l'animai 
mêlé  ,  non  avec  la  cha'r ,  comme  on 
i  a  dit  ,  puifqu'on  ne  lui  en  trou  voit 
point  fur  le  ventre  &  la  poitrine  ,  où  en 
effet  il  n'y  en  a  jamais  ;  mais  avec  cette 
graifîè ,  qui  dans  les  autruches  grafîès  , 
forme ,  comme  nous  avons  dit ,  une 
couche  épaiffe  de  piufieurs  pouces  fur 

^  ies  inteftins  :  les  habitans  du  pays  pré- 
tendent que  !a  mantèque  efï  un  très- 
bon  manger  ,  mais  qu'elle  donne  le 
cours  de  ventre  (h). 

Les  Ethiopiens  écorchent  les  au- 
truches &  vendent  leurs  peaux  aux 
Marchands  d'Alexandrie  ;  le  cuir  en  efl 
très-épais  (i),  &  les  Arabes  s'enfaifoient 
autrefois  des   efpèces  de  foubrevelles  ^ 

qui  leur  tenoient  lieu  de  cuira ffe&:  de 

{hj  Voyage  de  Thévcnot,  tor^e  1 ,  page  j  t ^î 

(i)  Nota,  Schwenckfeid  prétend  que  ce  cuir 
épais  eft  fait  pour  garantir  {'autruche  contre  la  ri- 
gueur du  froid  ;  il  n'a  pas  pris  garde  qu'elle  n'ha-' 
Htoit  que  les  pays  chauds,  F^^-,.  AviariUffi  Silffiie  - 


'de  FAuînicIiè.  zjy 

Î30ucîier  (k).  Belon  a  vu  une  grande 
quantité  de  ces  peaux  toutes  emplumées 
dans  les  boutiques  d'Alexandrie  (l) ,  les 
longues  plumes  blanches  de  îa  queue 
ÔL  des  ailes  ont  été  recherchées  dans 
tous  les  temps  ;  l€$  Anciens  les  em- 
ployoient  comme  ornement  &  comme 
diilindion  militaire  ,  &  elles  avoienî 
fuccédé  aux  plumes  de  cygne  ;  car  les 
oileaux  ont  toujours  été  en  pofTeffioii 
de  fournir  aux  peuples  policés ,  comme^ 
aux  peuples  fauvages ,  une  partie  de 
{eur  parure.  Aidrovande  nous  apprend 
qu'on  voit  encore  à  Rome  deux  ftatues 
anciennes ,. l'une  de  Minerve  &  l'autre 
de  Pyrrhus,  dont  le  cafque  efl  orné  de.^ 
plumes  d'autruche  (m)j  c'eft  apparem-- 
raent  de  ces  mêmes  plumes  qu'étoit 
compofé  le  pennache  des  foldats  Ro- 
mains, dont  parle  Polybe  (n),  &  qui 
conliftoit  en  trois  plumes  noires  oa 
rouges  d'environ  une  coudée  de  haut  i  -. 

{k)  PqIIux  y  apud.  Gefmrum ,  de  ÂNibus ,  /;^^5 .. 

(l)  "èéon.Obfem  fol.  <)C, 

(m)  AIdroVo  Je  Avibus ,  tom.  I ,  pag>  5  9  éj  ^ 


2.78        Hiflolre  Naturelle 

c'eft  précifément  la  longueur  des  grandel 
plumes  d'autruche.  En  Turquie  ,  au- 
jourd'hui ,  un  Janifîaire  (0)  qui  s'eft 
fignalé  par  quelques  faits  d'armes  (p), 
a  le  droit  d'en  décorer  Ton  turban ,  & 
la  Sultane,  dans  le  féraii,  projetant  de 
plus  douces  vidoires  ,  ies  admet  dans  (a 
parure  avec  complaifance.  Au  royaume 
de  Congo ,  on  mêle  ces  plumes  avec 
celles  du  paon  ,  pour  en  faire  des  en- 
lèignes  de  guerre  (q) ,  &  les  Dames 
d'Angleterre  &  d'Italie  s'en  font  des 
cfpèces  d'éventails  (r)  ;  on  fait  affez  quelle 
prodigieufe  confommation  il  s'en  fait  en 
Europe  pour  ies  chapeaux ,  les  cafques  , 
îes  habillemens  de  théâtre ,  les  ameuble- 
mens ,  ies  dais,  les  cérémonies  funèbres, 
&  même  pour  la  parure  des  femmes  ; 
&  il  faut  avouer  qu'elles  font  un  boa 
effet  ,  foit  par  leurs  couleurs  naturelles 
ou  artificielles ,  foit  par  leur  mouvement 

(0)  Belon,  Ohferp ,  ,  .  .  fol.  <)6, 

(p)  Aldrov.  de  Avihus ,  tom.  I,  pag.  59^.' 

(q)    Hiftoire  générale  des  Voyages  ,  îome   V, 
page  j  6, 

(r)  Aldrov,  îiUJupra* — Wilîulghby,  'page  /p  j, 


"de  TAutfîiche:         ij(^ 

ëoux  &  ondoyant  :  mais  il  efl  bon  de 
fa  voir  que  les  plumes  dont  on  fait  le 
plus  de  cas ,  font  celles  qui  s'arrachent 
à  i'animai  vivant ,  &  on  les  reconnoît  en 
ce  que  leur  tuyau  étant  preffé  dans  les 
doigts  ,  donne  un  fuc  fanguinolent  ; 
celles  au  contraire  qui  ont  été  arrachées 
après  ia  mort ,  font  sèches ,  légères  & 
fbrt  fu jettes  aux  vers  (f)» 

Les  autruches,  quoique  habitantes 
du  défert ,  ne  font  pas  aufïï  fauvages 
qu'on  I'im=agineroit  :  tous  ies  Voyageurs 
s'accordent  à  dire  qu'elles  s'apprivoifent 
facilement  ,  fur -tout  iorfqu'elies  font 
jeunes.  Les  habitans  de  Dara,  ceux  de 
Lybie ,  &c.  en  nourriffent  des  trou- 
peaux (t),  dont  ils  tirent  fans  doute 
ces  plumes  de  première  qualité ,  qui  ne 
fè  prennent  que  fur  ies  autruches  vi- 
vantes ;  elles  s'apprivoifent  même  fans 
qu'on  y  mette  de  foin ,  &  par  la  feule 
habitude  de   voir  des   hommes  &  d'eii 

ff)  Hiftoire  générale  àts  Voyages  ,  tome  II; 
fage  6^2. 

(t)  Marmol,  Dtjcr'iptm  de  l'Afrique,  tome  ^^^^ 
page  1 1_. 


xWo        Hîph-e  Naturelle 

recevoir  ia  nourriture  &  de  bons  traite- 
temens.  Brue  en  ayant  acheté  deux  à 
Serinpate  fur  la  côte  d'Afrique ,  les 
trouva  tout  apprivoifées  loriqu'il  arriva 
au  fort  Saint- Louis  (u).- 

On  fait  plus  que  de  les  apprivoifer, 
on  en  a  dompté  quelques-unes  au  point 
de  îes  monter  comme  on  monte  un 
cheval  ;  &  ce  n'eit  pas  une  invention 
îiiodemej  car  le  tyran  Firmius  qui  régnoit 
en  Egypte  fur  ia  fin  du  troifième  fiè= 
cle  ,  le  faifoit  porter,  dit -on,  par  de 
grandes  autruches  (x).  Moore ,  Anglois,- 
dit  avoir  vu,  à  Joar  en  Afrique,  un 
bomme  voyageant  fur  une  autruche  (y), 
Vailithieri  parie  d'un  jeune  homme  qui 
s'étoit  fait  voir  à  Venife  monté  fur  une: 
autruche  ,  Sl  iui  faiiant  faire  des  efpèces- 
de  voites  devant  ie  menu  peupie  (■^); 

(u)  Hiftoire  générale  àt^  Voyages,  tome  11» 
page  608, 

(x)  Firmius  imper at or  reâus  eftingentihus  Strmhio^: 
nibus.  Textor.  apud  Gefneriim ,  ;'^^.  /7/, 

(y)  Hiftoire  générale  Q&s  Voyages,  tome  111^ 
fage    S^. 

(l)  Valiifnieri ,  wins  1 ,  page_  2  jj  3  - 


de  fAuînicJie.  2  S  r 

^n^n  M.  Adanfoiî  a  vu  au  comptoir 
de  Podor,  deux  autruches  encore  jeunes, 
dont  la  plus  forte  couroit  plus  vue  que 
le  meilleur  coureur  Anglois,  quoiqu'elle 
eût  deux  Nègres  fur  ion  dos  (a);  tout 

(a)  <«  Deux  autruche?  qu'on  élevoit  depuis  près 
de  deux  ans  au  comptoir  de  Podor,  fur  le  Niger,  u 
quoique  jeunes  encore ,  égaloient ,  à  très-peu  prèy,  « 
k  groffcur  des  plus  groffes  de  celles  que  je  n'avois  'c 
aperçues  qu'en  paiïant  dans  les  campagnes  brûlées  « 
&  fablonneuds  de  la  gauche  du  Niger  :  ceiles-ci  « 
Gtoient  fî  privées ,  que  deux  petits  Noirs  monté-  « 
rent  enfembie  la  plus  grande  des  deux  ;  celle-ci  <« 
n'eut  pas  plutôt  fenti  ce  poids ,  qu'elle  fe  mit  à  « 
courir  de  toutes  fes  forces  &  leur  fît  faire  plu-  « 
fieurs  fois  le  tour  du  village,  fans  qu'il  fût  poHible  « 
de  l'arrêter  autrement  qu'en  lui  barrant  le  paf-  « 
fage.  .  .  .  Pour  cllayer  la  force  de  CGi  animaux  ,  " 
je  fis  monter  un  Nègre  de  taille  fur  la  plus  petite ,  « 
&  deux  autres  fur  la  plus  groffe  :  cette  charge  «^- 
ne  parut  pas  difproportionnée  à  leur  vigueur  ;  « 
d^abord  elles  trottèrent  un  petit  galop  des  plus  « 
ferrés;  enfuite,  lorfqu'on  les  eût  un  peu  excitées  « 
elles  étendirent  leurs  ailes  comme  pour  prendre  « 
ie  vent,  6c  s'abandonnèrent  à  une  telle  vîteffe,  « 
qu'elles  fembloient  perdre  terre,  .  ,  .  Je  fuis  per-  « 
fuadé  qu'elles  auroient  laiffé  bien  loin  derrière  « 
elles  les  plus  fiers  chevaux  Anglois.  .  =  ,  Il  eft  vrai  « 
qu'elles  ne  fourniroicnt  pas  une  courfe  aulTi  longue  « 
qu'eux  ;  mais  à  coup  fur  elles  pourroient  l'exé-  « 
cuter  plus  promptement.  J'ai  é'é  plufieurs  fois  ^ 
témoin  de  ce  fpedacle,  qui  doit  donner  une  ïàée  « 
âe  la  force  prodigieufe  de  i'autruche,  &  feire  h 


'2^2  riïfloke  Naturelle 
Cela  prouve  que  ces  animaux,  Huis  cire 
nbfolunicnt  fiiroucfics  ,  font  nc-anmoins 
(l'une  nature  rciive,  ôl  f|ue  ff  on  ])eut  les 
apprivoifcr  jufqu'à  fc  laifler  mener  en 
troupeaux,  revenir  uu  bercail  &  même  à 
f oufTrir  qu\jn  lesmojKe,  il  efl  difficile  <^ 
peut-être  impofrible  de  les  réduire  à  obéir 
à. la  main  du  cavalier,  à  feniir  Tes  de- 
mandes ,  cojnprendrc  Tes  v(;lonics  dx. 
s'y  foumctire  :  nous  voyons  par  la  re- 
!ai!(»yn  même  de  M.  Adanfon  ,  cjue 
l'autruche  de  Podor  ne  s'élciigi'ia  j>as 
beaucoup,  mais  fju'ciîe  fit  plufieurs  fois 
le  tour  de  la  bourgade  ,  &  qu'on  ne 
])Ut  l'arrêter  qu'en  lui  barrant  le  pafîage; 
docile  à  uji  ccriain  point  \><\v  ftiij>i';iié  , 
elle  parok  ijitraitaljlc  par  fon  naturel  ; 
&.  il  fiut  bien  f{ue  cela  f /it ,  puifque 
l'Arabe  qui  a  dompté  le  clievai  &  fub- 
jugué  le  chameau  ,  n'a  pu  encore  mai- 
trilér  entièrement  l'autruche:  cej)end?iju 
jufque-Ià  on  ne  pourra  firer  parti  de  fa 
viieffe  (3f  de  fa  force  ,  car  la  f  ;rce  d'un 

y>  conurnire  fie  quel  ufa^ve  fille  pourrr^ît  ixxn  U  on 
>»,troLiv(jit  moyen  de  la  m/itrifer  8i  de  l'inOniirC 
comme  on  dttiït  un  cheval  ",  Vcy^l^t  au  Séiu'^nl ,^ 


\k  FAutrQche.  1S3' 

clonicfli(|UC  iiulocilc,  il-  tourne  prcUjuc 
((nijouis  coiuic  Ion  nuiinc. 

Au  relie  ,  (|uoiquc  les  nutnichcs 
courent  plus  \  iie  (jue  le  cliewil  ,  e'efl: 
cependant  avec  le  elieval  (ju'on  les 
court  cS:  qu'on  le>  preiul  ,  mais  (n\  voit 
bien  <|u'il  y  iàut  un  peu  cl'inJullric  ; 
celle  des  Aralie.s  conlilie  à  les  (uivrc  à 
vue,  (ans  les  trop  prcller ,  c^  fur-tout 
\\  les  in(|uieter  afle/  jnnn"  les  eiupêeluT 
(le  prendre  de  la  nourriture  ,  inai.s  point 
allez  j)our  les  deierininer  à  s'cchapper 
|>ar  \\\\<<i  fuite  jiroinpte;  cela  ell  d'aïuant 
plus  fàeiie  (ju'elles  no  vont  guère  iur 
une  li»>-ne  droite,  t^  ciif elles  décrivent 
])rel(jue  toujours  dans  lein*  eourle  un 
ccrele  jilus  ou  moins  étendu;  les  Arahes 
peuxeiti  donc  diriger  leur  niarelu-  fur 
un  cercle  concentricjue  ,  intérieur,  j)ar 
conic-qiient  ])lus  eiroit  ,  c<c  les  (uivrc 
toujours  à  une  jullc  dillance,  en  (ailant 
J;eauc(nij)  moins  de  chemin  <|if elles  : 
lorlqu'ilslesontainfi  fitiguéescSi  afîamécs 
pendant  un  ou  deux  jours,  ils  prennent 
îeur  mojucni,  fondent  fur  elles  au  graïuï 
£;alop  cil  ici  niuiani  contre  le  vcai  auiaut 


a  84  Htftohe  Naturelle 
qu'il  eft  poflible  (  b  ),  &  ies  tuent  a 
coups  de  bâton  pour  que  ieur  fang  ne 
gâte  point  le  beau  blanc  de  leurs  plu- 
mes :  on  dit  que  lorfqu  elles  le  fement 
forcées  &  hors  d'état  d'échapper  aux 
ChafTeurs  ,  elles  cachent  leur  tête  & 
croient  qu'on  ne  les  voit  plus  (c);  mais 
il  pourroit  fe  fliire  que  i'abrurdité  de 
cette  intention  retombât  fur  ceux  qui 
ont  voulu  s'en  rendre  ies  interprètes,  & 
qu'elles  n'eullent  d'autre  but  en  cachant 
leur  tête  que  de  mettre  du  moins  en  fureté 
la  partie  qui  eil:  en  même  temps  la  plus 
importante  &  la  plus  foible. 

Les  Struthophages  avoient  une  autre 
fliçon  de  prendre  ces  animaux  ,  ils  le 
eouvroient  d'une  peau  d'autruche ,  paf- 
fant  leur  bras  dans  le  cou ,  ils  lui  fai- 
foient  faire  tous  les  mouvemens  que  fait 
ordinairement  l'autruche  elle-même ,  & 
par  ce  moyen ,  ils  pouvoient  aifément- 

(b)  Kiein,  HW,  Avium  ,  pag.  \6. —  Hiiloire 
^énéraie  des  Voyages,  tome  II ,  page  6^2, 

(c)  Piine,  lih.X,  cap»  I. —  Kolbe,  Defcrlption- 
4u  c^p  de  Bonnt-ejvùance y  ifCi 


Je  l'Autruche,  285' 

Î05  approcher  &  les  furprendre  (  d ): 
c'eil:  ainfi  que  les  Sauvages  d'Amérique 
fe  deguirent  en  chevreuil ,  pour  prendre 
les  chevreuils. 

On  s'ell  encore  fervi  de  chiens  & 
de  filets  pour  ceite  chafîè  ,  mais  il  paroît 
qu'on  la  fait  plus  coiumunément  à 
cheval  ;  &  cela  feul  fuffit  pour  expli- 
quer l'antipathie  qu'on  a  cru  remarquer 
entre  le  cheval  &  l'autruche. 

Lorfque  celle-ci  court ,  elle  déploie 
{qs  ailes  &  les  grandes  plumes  de  (a 
queue  (e),  non  pas  qu'elle  en  dre  aucun 
iècours  pour  aller  plus  vite ,  comme 
je  l'ai  déjà  dit ,  mais  par  un  efîèt  très- 
ordinaire  de  la  correfpcndance  d^s  muÇ. 
clés  5  &  de  la  manière  qu'un  homme 
qui  court  agite  les  bras  ,  ou  qu'un 
éléphant  qui  revient  fur  le  ChaiTeur, 
drefle  &  déploie  Tes  grandes  oreilles  (f); 
ia  preuve ,  fans  réplique ,  que  ce  n'ell 
point  pour  accélérer  fon  mouvement 
que   l'autruche    relève   ainfi    fes  ailes , 

(d)  Diod.  Sicul.  de  Fabul  Aniiq,  geflis,  Wh.  IV"^ 
,{e)  Léon  Afric.  Dsfcrlpiion,  lib.  !>;, 


'2.% 6        Hijloire  'NaînreÏÏê 

c'eft  qu'elle  les  relève  iors  même  qu'elle 
va  contre  le  vent,  quoique  dans  ce  cas 
elles  ne  puifîent  être  qu'un  obilacle  : 
ia  vîtefle  d'un  animal  n'efl  que  l'effet  de 
la  force  employée  contre  fa  pefanteur  ; 
&:  comme  l'autruche  eit  en  même-temps 
très-pe(ante  &  très-vite  à  la  courfe,  il 
s'enfuit  qu'elle  doit  avoir  beaucoup  de 
force  :  cependant  malgré  (à  force ,  elle 
conferve  les  mœurs  des  granivores  :  eiie 
n'attaque  point  les  animaux  plus  foibles , 
rarement  même  fe  met-eile  en  défenie 
contre  ceux  qui  l'attaquent  ;  bordée  fur 
lout  le  corps  d'un  cuir  épais  &  dur, 
pourvue  d'un  large  Jfernum  qui  lui  tient 
îicu  de  cuiraffe ,  munie  d'une  féconde 
cuirafî'e  d'infenfibiiité ,  elle  s'aperçoit  à 
peine  des  petites  atteintes  du  dehors ,  <& 
elle  fait  fe  iouilraire  aux  grands  dangers 
par  la  raj:)ïd!té  de  fa  fuite  ;  fl  quelque- 
fois elfe  fe  défend ,  c'eft  avec  le  bec , 
avec  les  piquans  de  fes  aiies  ( g ),  & 
fur-tout  avec  les  pieds.  Thévenot  en  a 
vu  une  qui  d'un  coup  de  pied  renverfà 
j.m  chien  ('h).  Belon  dit  dans  fon  vieux  • 

(g)  Albert,  de  Animal,  apitd  Gefn,  pag.  74a. 
(■'0  Voyages  de  ThçvcnoE ,  loms  I,  j^age  j  i ^^ 


'ie  ï Auiriiche:  1S7 

îangnge  ,  qu'elle  pourroit  ainfi  ruer  par 
tene  un  homme  qui  fuiroit  devant 
elle  fij;  mais  qu'elle  jeue ,  en  fuyant , 
des  pierres  à  ceux  qui  la  pouriuivent  f/(J, 
j'en  doute  beaucoup  ,  ôl  d'auiant  plus 
que  la  vîtefîè  de  fa  courfe  en  avant 
feroit  autant  de  retranché  fur  celle  des 
pierres  qu'elle  lanceroit  en  arrière ,  & 
que  ces  deux  vîtefîes  oppofées  étant  à 
peu  près  égales,  puifqu'elies  ont  toutes 
deux  pour  principe  le  mouvement  des 
pieds  ,  elles  fe  détruiroient  nécefîaire- 
ment  :  d'ailleurs  ce  fait  avancé  par 
Pline  ,  &  répété  par  beaucoup  d'autres, 
ne  me  pnroît  point  avoir  été  confirmé 
par  aucun  Moderne  digne  de  foi ,  & 
i'on  fait  que  Pline  avoit  beaucoup  plus 
de  génie  que  de  critique. 

Léon-I' Africain  a  dit  que  l'autruche 
étoit  privée  du  fens  de  l'ouïe  f/J;  ce- 
pendant nous  avons  vu  plus  haut  qu'elle 

fîj  Belon  ,  ////?.  fiaf,  des  Oifeaux ,  page  255. 

(k)  Ungula  ,  lis .^  bijulca  ,  conipreherJendîs 

lap'ulibus  utiles ,  quos  in  fugâ  contra fequemes  ingermît 
J_ib^  X  ,  cap.  I , 

(IJ  Dejcripno  Afriea  ^  iib.  ÎX, 


^3  3         Hijîoh'ê  Naturelle     ■ 

paroifloit  avoir  tous  les  organes  doù 
dépendent  les  fcnfations  de  ce  genre  , 
Touverture  des  c;rci!lcs  efl  même  fort 
grande,  ôc  n'eft  point  ombragée  parles 
plumes  ;  ainfi  il  efl:  probable  ou  qu'elle 
n'cfl:  fourde  qu'en  certaines  circonftances, 
comme  le  tétras,  c'eft-à-dire  dans  la 
faifon  de  l'amour,  ou  qu'on  a  imputé 
quelquefois  à  furdité  ce  qui  n'étoit  que 
l'effet  de  la  ilupidité.  | 

C'eft  aufTi  dans  la  même  faifon, 
ièïon  toute  apparence ,  qu'elle  fait  en- 
tendre fa  voix  ;  elle  la  fait  rarement 
entendre  ,  car  très  -  peu  de  perfonnes 
en  ont  parlé  ;  les  Écrivains  facrés  com-  j 
parent  l'on  cri  à  un  gémiffement  (^m/,  f 
&  on  prétend  même  que  fon  nom  hé- 
breu jacnah  eft  formé  à^ianah  ,  qui 
fignifie  hurler.  Le  docfleur  Browne  dit 
que  ce  cri  reffemble  à  la  voix  d'un 
cnfmt  enroué ,  &  qu'il  efl  plus  trifl:e 
encore  (nj;  comment  donc  avec  cela 
ne  paroîtroit  -  il  pas  lugubre  &  même 

.  À, 
(m)  Michée,  cap,  I,  Ludum  quafi  SiruthiomiiTU  S 

(n)  CoIIedions  Philofophiques ,  »/  /,  ariïch 

terrible , 


i>i.xr.^u7ç.2SS. 


l'ax^truche 


de  l'Autruche.  i^^ 

terrible,  (èlon  rexpreiîlbn  de  M.  Sandys, 
à  des  Voyageurs  qui  ne  s'enfoncent 
qu*avec  inquiétude  dans  l'iinmenfité  de 
ces  déferts,  &  pour  qui  tout  être  animé, 
fans  en  excepter  l'homme ,  efl:  un  objet 
à  craindre  &  une  rencontre  dangereufè  i 


O'ifeaux,  Tome  IL 


N 


apo    H'tjïaire  Naturelle 


LE  TOUYOUfaJ. 

X-i*AuTRUCHE  de rAméiîque mé- 
ridionale ,  appelée  aufïi  autruche  d'Oc- 
e'ident ,  autruche  de  Alagellan  &  de  la 
Guyane ,  n'eft  point  une  autruche  :  je 
crois  que  le  Maire  eft  ie  premier  Voya^ 

feur  qui ,  trompé  par  quelques  traits 
e  reiïemblance  avec  l'autruche  d'Afri-^ 
que  ,  lui  ait  appliqué  ce  nom  (b)»  Klein 
qui  a  bien  vu  que  i'efpèce  étoit  diffé- 
rente ,  s'ell:  contenté  de  l'appeler  au- 
truche bâtarde  (c),  M.  Barrère  la  nomme 
tantôt  un  héron  (d) ,   tantôt  une  grue 

(a)  Touyoïi  on  Touyouyoïi.  --—  Struthm  Euf, 
Nieremberg,  jyagc  -2/7;  la  figure,  pagt  218, 
fous  le  nom  Z^/«^?^.  — -Nhaiiduguam.  Marcgrave  , 
Tiifl,  nat,  Braf,  pag.  190;  &  Pifon ,  page  8^ , 
avec  une  figure.  —  Autruche  de  Guiaae,  Definar- 
chais,  tome  lîJ ,  page  ^2^* 

(h)  Voyez  Tes  Navigations  Auflrales,  pagi  i2pl 
dans  le  Jonmaîre  dun,^  22, 

(c)  Avium,  Hift,^2ig,  !7«' 

(d)  Orukhohgia ,  pag.  é/, 


I 


du  Touyoti,  "2p  I 

ferrlvore  (e),  tantôt  un  émeu  à  long  cou  (f); 
d'autres  ont  cru  beaucoup  mieux  lairc 
en  lui  appliquant  d'après  des  rapports , 
à  la  vérité  mieux  ll\ilis ,  cette  dénomi- 
nation conipofée  ,  cafoar  gris  a  bec  dau^ 
îruche ;  Moehring  (g)  &  M.  BrifTon  (hf 
lui  donnent  le  nom  latin  de  rhea,  auquel 
le  dernier  ajoute  le  nom  Américain  de 
îouyou ,  formé  de  celui  de  touyouyou  qu'il 
porte  communément  dans  la  Guyane  (i); 
d'autres  Sauvages  lui  ont  donné  d'autres 
noms  ,  y  ardu ,  yandu ,  andu  &  nandu- 
guacu ,  au  Brefii  (k);  fallian,  dans  l'île 
de  Maragnan  (l);furl,  au  Chili  (m),  &c. 
voilà  bien  des  noms  pour  un  oifeau  il 

(e)  France  Équinoxiaïe,  page  t^J* 

(î)  Oraithologia ,  pag,  64., 

(g)  Meth.  Avi.  Ctn»  65, 

(h)  Brifïbn>  tomt  V,  page  S» 

(i)  Barrère,  France  É'iuinoxiaîe »  page  ijj»! 

(k)  Nieremberg,  pnge  2  i  j;  lA^rcgtViC ,  page 
J^o;  Pifuii,  pdge  8^;  de  Lact,  &e. 

(l)  Hiftoire  générale  des  Voyages,  tdint  XIV9 
page  ^  té» 

{mj  Ukrembarg ,  page  2 1 ;^, 

Ni) 


2p2         Hîflûire  jNûturelle 

nouvellemeat  coiinu  ;  pour  moi  f adop- 
terai volontiers  ceiui  de  toiiyou  que  iui 
3  donné  ^  ou  plutôt  que  lui  a  coiifervc 
M.  Briiïbn,  &  je  préférerai,  fans  héfiter, 
ce  nom  barbare ,  qui  vraifèmblablement 
a  quelque  rapport  à  la  voix  ou  au  cri 
de  l'oifeau  ,  je  le  préférerai  y  dis-je ,  aux 
dénominations  Iciemifiques  ,  qui  trop 
fouvent  ne  foat  propres  qu'à  donner 
de  fau  (Te  s  idées,  éc  aux  noms  nouveaux 
qui  n'indiquent  aucun  caractère,  aucun 
attribut  eflèntiel  de  l'être  auquel  on  les 
.applique. 

M.  Briflon  paroît  croire  qu'Aldro- 
Vîinde  a  vpvilu  défigner  le  touyou  fous 
îe  nom  iïavis  eme  (n) ,  &.  il  efl:  très- 
vrai  qu'au  tome  111  de  l'Ornithologie 
de  ce  dernier ,  page  /  -f  / ,  ii  fe  trouve 
une  pianche  qui  repréfente  le  îou)  ou  & 
le  cafoar,  d'après  les  deux  planches  de 
Nieremberg,  page  2  i  S  ;  6^  qu'au  delTus 
de  la  planche  d'Afdrovande  eil  écrit  eu 
gros  caradère ,  AVIS  EME  ,  de  même 
que  la  figure  du  touyou  ,  dans  Nie- 
femberg,  porte  en  tête  le  nom  à'émeu; 

(n)  Briffons  towt  V  de  fan  Ornithofogîe ç 
'pagi  8* 


du  Tovjou,  I93 

ïliaîs  îî  eft  vîfibïe  que  ces  deux  titres 
ont  été  ajoutés  par  ies  Graveurs  ou  les 
Imprimeurs  ,  peu  inftruits  de  l'intention 
des  Auteurs  ,  car  Aldrovande  ne  dit  pas 
un  mot  du  touyou,  Nieremberg  n'en 
parle  que  fous  les  noms  d'yardou ,  de 
furi  &  (ï autruche  d'Occident  ;  &  tous 
deux  ,  dans  leur  defcr^ption  ,  appliquent 
les  noms  à^eme  &.  à'àneu  au  feui  cafoar 
de  Java;  en  forte  que  pour  prévenir  la 
confufion  des  noms ,  l'eme  d'AIdro- 
Yande  &  l'émeu  de  Nieremberg  ,  ne 
doivent  plus  déforinais  reparoitre  dans 
ia  lifie  des  dénominations  du  touyou. 
Marcgrave  dit  que  les  Portugais  i'ap- 
pelent  fw^  dans  kur  langue  (oj;  mais 
les  Portugais  qui  avoient  beaucoup  de 
relations  dans  les  Indes  orientales ,  con-^ 
îioifToient  i'émeu  de  Java  ,  êi  ils  ont 
donné  Ton  nom  au  touyou  d'Améri- 
que, qui  lui  reffembicit  plus  qu'àêucim 
autre  oifeau ,  de  même  que  nous  avons 
donné  ie  nom  d'autruche  à  ce  même 
touyou;  &  il  doit  demeurer  pour  ccnf- 
tant  que  le  nom  d'émeu  efl  propre 
au  cafoar  des  Indes  orientales ,  &  ne 
(oJ  rvlarcgrave,  HiJÎ*  nat,  BraJ,  pag.  190. 

N  iij 


2^4'        Hiflotre   "N mur  elle 
convient  ni  au  touyou  ni  à  aucmi  autre 
oifeau  d'Amérique. 

En  détaillant  les  difFérens  noms  du 
touyou ,  j'ai  indiqué  en  partie  ies  diffé- 
rentes contrées  où  ii  fè  trouve  ;  c'eft 
un  oifèau  propre  à  l'Amérique  méri- 
dionale ,  mais  qui  n'eft  pas  également 
répandu  dans  toutes  les  provinces  de 
ce  continent.  Marcgrave  nous  apprend 
qu'il  efl  rare  d'en  voir  aux  environs  de 
Fernambouc  ,  il  ne  l'efl  pas  moins  aii 
Pérou  &  le  long  des  côtes  les  plus  fré- 
quentées, mais  il  efl:  plus  commun  dans 
îa  Guyane  (p),  dans  les  capitaineries  de 
Sérégippe  &  de  Rio-grande  (q) ,  dans 
les  provinces  intérieures  du  Brefil  (r) ^ 
au  Chili  (f) ,  dans  les  vaftes  forêt^ 
qui  font  au  nord  de  l'embouchure  de 
la  Piata  (t) ,  dans  les  favanes  immenfe^ 

(p)  Barrei-e,  France  Équinox'mk ,  page  153. 

(q)  JVÎarcgrave,  Hiji.  nat,  BraJîL  pag.   190. 
■  (r)  Hiiîoire  générale  des  Voyages,  totmXlV  t 
page  2çp. 

(f)  Hiftoire  des  Incas,  tomt  II,  page  zj^  if 
Juîvantes» 

(  t  )  Wafer ,  Nouveaux  Voyages  de  Dawpier; 
tome  V,  page  30  S. 


fin  Touyou\  'ipj 

tj\iî  s'étendent  au  fud  Je  cette  rivière  (u) 
&  dans  toute  la  terre  Magellanique^A*^^ 
jufqu'au  port  Defiré  ,  &  même  jufqu'à 
la  côte  qui  borde  le  détroit  de  Ma- 
gellan (y  )  :  autrefois  il  y  avoit  des 
cantons  dans  le  Paraguai  qui  en  étoient 
remplis ,  fur-tout  les  campagnes  arrofces 
par  i'Uraguai  ;  mais  à  mefure  que  les 
hommes  s'y  font  multiplie's ,  ils  en  ont 
tué  un  grand  nombre  ,  &  le  refle  s'efl 
éloigné  (:^J:  le  capitaine  Vood  aiïure 
que  bien  qu'ils  abondent  fur  la  côte 
feptentrionale  du  détroit  de  Magellan, 
on  n'en  voit  point  du  tout  fur  la  côte 
méridionale /^^^;  &  quoique  Coréal  dife 
qu'il  en  a  aperçu  dans  les  îles  de  la 
îjier  du  fud  (b),  ce  détroit  paroît  être 

fu)  Wafer ,    Nouveaux   Voyages  it  Dampun 
tome  V,  page  68. 

(x)  Ibidem  f  tome  IV,  page  69  j   6i   tome  V, 
page  181. 

(y)  ll'ifîem,  page  19a, 

(1)  Hiftoire  du  Paraguai  du  P.  Charîevoîx; 

tome  1 ,  page  ^i ;  îr  tome  H ,  page  J  jz. 

(a)  Suite  des  Voyages  de  Dampier,  tome  V» 
fage  ip2. 

(b)  Voyages  de  Cor  cal  ^  tome  II ,  page  20  S, 

N  iiij 


zc^6        Hiflotre  Naturelle 

îa  borne  du  climat  qui  convient  au 
touyou  ,  comme  le  cap  de  Bonne- 
cfpérance  eft  la  borne  du  climat  qui 
convient  aux  autruches  ;  &  ces  ries  de 
la  mer  du  fud ,  où  Coréai  dit  avoir 
vu  des  touyous ,  feront  apparemment 
quelques-unes  de  celles  qui  avoilinent 
ies  côtes  orientales  de  l'Amérique  au- 
delà  du  détroit  :  il  paroît  de  plus  ,  que 
îe  touyou  qui  fe  plaît  comme  Tautruche, 
fous  la  zone  torride ,  s'habitue  plus  fa- 
cilement à  des  pays  moins  chauds , 
puifque  la  pointe  de  l'Amérique  méri- 
dionale ,  qui  eft  terminée  par  le  détroit 
de  Magellan ,  s'approche  bien  plus  du 
pôle  que  le  cap  de  Bonne-efpérance 
ou  qu'aucun  autre  climat  habité  vo- 
lontairement par  les  autruches  ;  mais , 
comme  félon  toutes  les  relations ,  le 
touyou  n'a  pas  plus  que  l'autruche  la 
puiffance  de  voler ,  qu'il  eft ,  comme 
elle ,  un  oifeau  tout-à-fiiit  terreftre ,  & 
que  l'Amérique  méridionale  eft  féparée 
de  l'ancien  continent  ,  par  des  mers 
immeniès  ;  il  s'enfuit  qu'on  ne  doit  pas 
plus  trouver  de  touyous  dans  ce  con- 
tinent ,  qu'on  ne  trouve  d'autruches  ea 


du  Tony  ou:  ^97 

Amérique ,  6:  cela  eft  en  effet  conforme 
au  témoignage  de  tous  ies  Voyageurs. 

Le  touyou,  (ans  être  tout- à- fait  aufîî 
gros  que  i'autruche ,  eft  le  plus  gros 
oiieau  du  nouveau  monde  ,  les  vieux 
ont  julqu'à  fix  pieds  de  haut  (c);  & 
^'^afer  qui  a  melliré  la  cuifîe  d'un  des 
plus  grands,  l'a  trouvée  preiquc  égale  à 
Qtïï&  d'un  homme  (d) ;  il  a  le  long  cou, 
la  petite  tête  &  le  bec  aplati  de  l'au- 
truche (e) ,  mais  pour  tout  le  rede  , 
il  a  plus  de  rapport  avec  le  calbar:  je 
trouve  même  dans  l'hifloire  du  Brefil, 
par  M.  Tabbé  Prévôt  (f),  mais  point 
ailleurs ,    i'inçlication    d'une  efpèce  de 

(c)  Bsrrèrc,  Frame  JÉqumxîak ,  page  i  ]3*- 

(d)  Suite  des  Voyages  de  Dampier ,  tome  M^, 
page  ^08, 

(t)  Nofa.  On  voit  dans  la  figure  de  Nieremberg,' 
page  2. 1 8,  une  efpèce  de  calotte  fur  le  fommet  de- 
la  tête  ,  qui  a  du  rapport  à  la  plaque  dure  &  cal- 
ieufe  que  i'autruche  a  au  même  endro/t,  félon  le 
Dcfteur  Browne  (Voyez  \ Hïjloire  de  l'Autmiht\\ 
maiî  il  n'cll  queflion  de  cette  calotte  rii  dans  la 
Description  de  Nieremberg,  ni  dans  aucune  autre. 

(f)  Hiftoire  ^éuérale  des  Voyages,  tome  XIV^ 

Nv 


2^S       Hiftoke  Naturelle 

corne  que  cet  oifeau  a  fur  le  Bec,  & 
qui ,  fi  elle  exiftoit  en  effet ,  feroit  un 
trait  de  refTemblance  de  plus  avec  le 
cafbar. 

Son  corps  eft  de  forme  ovoïde,  & 
paroît  prefque  entièrement  rond  ,  iorf- 
qu'il  eft  revêtu  de  toutes  fes  plumas  : 
i^s  ailes  font  très-courtes  &  inutiles  pour 
le  vol ,  quoiqu'on  prétende  qu'elles  ne 
foient  pas  inutiles  pour  la  courfe  ;  ii  a 
fur  le  dos  &  aux  environs  du  croupion , 
de  iongucs  plumes  qui  lui  tombent  en 
arrière  &  recouvrent  l'anus ,  il  n'a  point 
d'autre  queue  ;  tout  ce  plumage  eft 
gris  fur  le  dos  &  blanc  fur  le  ventre  : 
c'efî  un  eifeau  très-haut  monté ,  ayant 
trois  doigts  à  chaque  pied  ,  &  tous  trois 
en  avant,  car  on  ne  doit  pas  regarder 
comme  un  doigt ,  ce  tubercule  calleux 
&  arrondi  qu'il  a  eh  arrière,  &  fur 
îeqùd  le  pied  fe  jcpofe  comme  fur  une 
efpèce  de  talon  ;  on  attribue  à  cette 
conformation  la  difïicuké  qu'il  a  de  fe 
tenir  fur  un  terrdn  giiffant,  &  d'y 
marcher  fans  tomber  ;  en  récompenfè  , 
il  court  très-légèrement  en  pleine  cam- 
pagne ,  élevant  tantôt  une  aile ,  tantôt 


i!u  Toupu»  ^pp 

une  autre ,  mais  avec  <jes  intentions  qui 
ne  font  pas  encore  bien  éclaircies  ; 
Marcgrave  prétend  que  c'efl:  afin  de 
s'en  lervir  comme  d'une  voile  pour 
prendre  le  vent  ;  Nieremberg,  que  c'efl 
pour  rendre  le  vent  contraire  aux  chiens 
qui  le  pourfuivent  ;  Pifoii  <Sc  Klein, 
pour  changer  fouvent  ia  diredion  de 
fa  courle,  afin  d'éviter  par  ces  zig- 
zags les  flèches  d^s  Sauvages  ;  d'autres 
enfin ,  qu'il  cherche  à  s'exciter  à  courir 
plus  vite ,  en  fe  piquant  lui-même  avec 
une  eij^èce  d'aiguillon  dont  (es  ailes  font 
armées  (g  ]  :  mais ,  qu-oi  qu'il  en  foit 
des  intentions  des  touyous ,  il  eft  certain 
qu'ils  courent  avec  une  très  -  grande 
VÎtefTe  ,  &  qu'il  efl  difficile  à  aucun 
chien  de  chafTe  de  pouvoir  les  atteindre  ; 
en  en  cite  un  qui  fè  voyant  coupé  , 
s'élança  avec  une  telle  rapidité  qu'il  en 

(g)  Voyez  tous  ces  Auteurs  aux  endroits  in- 
lïiqués  ci-defrus  ;  mais  il  faut  remarquer  que  Pifon  , 
Marcgrave  ni  aucun  autre  qui  ait  vu  le  touyou , 
ne  parle  de  cet  aiguillon  de  i'aiie,  &  qu'il  pourroit 
bien  avoir  été  donné  à  cet  oifeau  feulement  par 
analogie  ,  ou  parce  qu'on  a  cru  pouvoir  lui  attribuer, 
en  fa  qualité  d'autruche ,  les  propriétés  de  l'autruche 
4'Afrique  ;  fuite  inévitable  de  ia  confiifîon  dos  non». 

N  v| 


300         Hîjloïre  Klaîurelk 

impofà  aux  chiens ,  &  s'échappa  vers 
ies  montagnes  (h):  dans  l'impoiïibiiké 
de  les  forcer ,  les  Sauvages  font  re'duits 
à  ufer  d'adrefTe  &  à  leur  tendre  des 
pièges  pour  les  prendre  (i).  Marcgrave 
dit  qu'ils  vivent  de  chair  &  de  fruits  (k)^. 
mais  fi  on  les  eût  mieux  obfervés,  on^ 
€Ût  reconnu ,  Hins  doute ,  pour  laquelle 
de  ces  deux  fortes  de  nourritures  ils  ont 
un  appétit  de  préférence  ;  au  défaut  des 
faits  on  peut  conjedurer  que  ces  oi- 
ièaux  ayant  le  même  inftînA  que  celui 
des  autruches  &  des  frugivores ,  qui  ell 
d'avaler  des  pierres  ,  du  fer  &  autres 
corps  durs  (l),  ils  font  auffi  frugivores, 
&  que  s'ils  mangent  quelquefois  de  la 
chair,  c'efl ,  ou  parce  qu'ils  fontprefTés 
par  la  faim  ,  ou  qu'ayant  les  fens  du  goût 
éj:  de  l'odorat  obtus  comme  l'autruche, 

(h)  Navigations  aux  terres  Auikïzhs,  ^ages  2  o 

(i)  Hiftoîre  générale  des  Voyages,  totnt  J(IV, 
jkigej  1  6, 

(h)  Marcgrave ,  Hifl.  nat,  Buaf,  ubi  fupra. 

(1)  Idem,  uhtfupra,  —  Wafer,  Suit-e as  Voyages 
«^<ri?^w^/Vr,  tome  IV;  page  508^ 


-  '  cUt  Touyoïr.  501 

îls  avalent  indiflinderiieiit  tout  ce  qui 
fe  prefente. 

INicremberor  conte  des  chofês  fort 

o 

étranges  an  iujet  de  leur  propagation  ; 
félon  lui,  c'eft  le  mâle  qui  fe  charge 
de  couver  les  œufs  ;  pour  cela  il  fait  en 
forte  de  rafîenibler  vingt  ou  trente  fe- 
melles ,  afin  qu'elles  pondent  dans  un 
même  nid  ;  dès  qu'elles  ont  pondu  , 
ils  les  chafîe  à  grands  coups  de  bec  , 
&  vient  le  poier  fur  leurs  ceufs  ,  avec 
la  fingulière  précaution  d'en  iaifîer  deux 
à  l'écart  qu'il  ne  couve  point  ;  lorfque 
ies  autres  commencent  à  éclore  ,  ces 
deux -là  fe  trouvent  ofâtés,  &  le  mâle 
prévoyant  ne  manque  pas  d'en  calîer 
Fun ,  qui  attire  une  n>u!titude  de  mou- 
ches ,  de  fcarabées  &  d'autres  infèd:es 
dont  les  petits  fe  nourriffent  ;  lorfque 
Je  premier  efl  confomrné  ,  le  couveur 
entame  le  fécond  &  s'en  fèrt  au  même 
ufàge  (m):  il  efl  certain  que  tout  cela 
a  pu  arriver  naturellement;  il  a  pu  fe 
faire  c[ue  des  œufs  inféconds  fc  foient 
caffés  par  accident ,  qu'ils  aient  attiré 
des  infedes  ,  lefqucîs  aient  fervi  de 
(m)  Niercmbcrg,  Hifl*  vatt  Pere^r.  pàg.  a  17» 


"30  2       Hïjloïre  Naîitrelle 

pâture  aux  jeunes  touyous  ;  il  n'y  a 
que  l'intention  du  père  qui  foit  fuf-  | 
pede  ici ,  car  ce  font  toujours  ces  in- 
tentions qu'on  prête  afTez  légèrement 
aux  bêtes ,  qui  font  le  roman  de  i' His- 
toire Naturelle. 

A  l'égard  de  ce  mâle  qui  fe  charge , 
dit-on  ,  de  couver  à  l'exclufion  des  fe- 
melles ;  je  ferois  fort  porté  à  douter  du 
fài,  &  comme  peu  avéré,  &  comme 
contraire  à  l'ordre  de  la  Nature  :  mais 
ce  n'efl  pas  affez  d'indiquer  une  erreur, 
il  faut ,  autant  qu'on  peut ,  en  découvrir 
les  caufes  ,  qui  remontent  quelquefois 
jufqu'à  la  vérité  ;  je  croirois  donc  vo- 
iontiers  que  celle-ci  e(t  fondée  fur  ce 
qu'on  aura  trouvé  à  quelques  coyveufès 
des  tefticules ,  &  peut  -  être  une  appa- 
rence de  verge  comme  on  en  voit  à  l'au- 
truche femelle ,  &  qu'on  fè  fera  cru  en 
droit  d'en  conclure  que  c'étoit  autant 
de  mâles. 

Wafer  dit  avoir  aperçu  dans  une  terre 
déferte,  a-u  nord  de  la  Plata,  vers  îe 
trente  -  quatrième  degré  de  latitude 
méridionale  ,  une  quantité  d'œufs  de 
touyou  dans  le  fable  où,  félon  lui,  ces 


du  -  Touyou.  303 

©îiêaux  les  îaifTent  coincer  (n);  fi  ce  fîût 
eft  vrai ,  fes  détails  que  donne  Nie- 
remberg  fur  l'incubation  de  ces  mêmes 
ceufs ,  ne  peuvent  l'être  que  dans  un 
climat  moins  chaud  &  pius  voifm  du 
pôle  ;  en  efîèt ,  ies  Hollandois  trouvè- 
rent aux  environs  du  port  Defiré  ,  qui 
eft  au  quarante- (eptiè me  degré  de  lati- 
tude, un  touyou  qui  couvoit  &  qu'ifs 
firent  envoier  ,  ils  comptèrent  dix-neuf 
ceufs  dans  ie  nid  (0)  ;  c'eft  ainfi  que  les 
autruches  ne  couvent  point ,  ou  pres- 
que point  leurs  œufs  fous  ia  zone  torride, 
&  qu'elles  ies  couvent  au  cap  de  Bonne- 
éfpérance  où  la  chaleur  du  climat  ne  icroit 
pas  fufïifantc  pour  ies  fiire  éciore. 

Lorfque  ies  jeunes  touyous  viennent 
de  naître,  ils  font  familiers  &  fui  vent  la 
première  perfonne  qu'ils  renGonrent(^/?^/ 
lîiûis  en  vieiliifTam  ils  acquièrent  de  l'ex- 

{n)  Tome  IV  àc  la  fuite  des  Voyages  de  Dampîei', 
page  j  08. 

(0)  Voyages  des  HoUandois  aux  Indes  orientales, 
tome  II ,  -page  i  y. 

(p)  «  J'ai  été  fuivi ,  moi  -  même ,  dit  Wafer, 
par  plufieurs  des  ces  jeunes  autruch&s  (  il  appelle  « 
aifjji  les  touyous  ) ,  qui  font  fort  fimpies  &  inno-  « 
cernes  ».  Voyages  de  Dainjncr  fWme  lV,pag^  ^  0^8* 


304       Hifloke  Naturelle 

périence  &  deviennent  faiivages  (q):  il 
paroît  qu'en  général  leur  chair  efl  un 
aflez  bon  manger  (r),  non  cependant 
celle  des  vieux  qui  ell:  dure  &  de  mauvais 
goût  (f);  on  pourroit  perfectionnée 
cette  viande  en  élevant  des  troupeaux 
de  jeunes  touyous,  ce  qui  feroit  êicile  y 
vu  les  grandes  diipofiîions  qu'ils  ont  i 
s'apprivoifer,  les  engraiiTant  &  employant 
tous  les  moyens  qui  nous  ont  réufîi  à 
regard  des  dindons  ,  qur  viennent  éga- 
iement  ùqs  climats  chauds  &l  tempérés 
du  continent  de  l'Amérique. 

Leurs  plumes  ne  font  pas,  à  beau- 
coup près ,  aufîi  belles  que  celles  de 
i'autruche  (t);  Coréal  dit  même  qu'elles 
Be  peuvent  fervir  à  rien  (u)  ;  il  ieroit  à 

('^«^^  «  If  y  a  un  très- grand  nombre  d'autruches 
■n  dans  cette  île  du  port  Defiré,  lefquelies  font  fort 
farouches  »,  Vqyagi  des  Hollandois  aux  liuks  orkn- 
taks ,  tome  II ,  pagt  1  y. —  «  Je  vis  au  port  Defîré 
»  trois  autruches,  fans  pou\'oir  les  approcher  aflez 
a>  pour  les  tirer  :  àk^  qu'elles  m'aperçurent  ,  elles 
s'enfuirent  »,  Navlgaiion  aux  tares  Aufirahs  ,  pages' 

-2  0 27. 

frj  Marcgrave ,  ////?»  naf,  Brajtl.  pag.  190» 
f/J  Wafer,  uhi  fupra. 

(t)  Hift.  des  ÏBcas,  tome  11,  pag't  2jé. 

(u)  Voyages  de  Çoréai  ^  tome  11^  i^cgê  zoSt 


du  Touyoïf.  3  o  ^ 

defircr  qu*au  lieu  de  nous  parler  de  feur 
peu  de  valeur ,  les  Voyageurs  nous 
eufTent  donné  une  idée  juite  de  kur 
ftruéture  :  on  a  trop  écrit  de  l'aui ruche , 
&  pas  afTez  du  touyou;  pour  faire  i'Iiif^ 
toire  de  la  première,  la  plus  grande  diffi- 
culté a  été  de  raflembler  tous  les  faits , 
de  comparer  tous  les  expofés ,  de  dif^ 
cuter  toutes  les  opinions ,  de  faifir  ia 
vérité  égarée  dans  le  labyrinthe  des  avis 
divers  ou  noyée  dans  l'abondance  des 
paroles  :  mais  pour  parier  du  touyou , 
nous  avon»  été  fouvent  obligés  de  de- 
viner ce  qui  eft ,  d'après  ce  qui  doit 
être  ;  de  commenter  un  mot  échappé 
par  hafard,  d'interpréter  jufqu'au  filence  ; 
au  déiriut  du  vrai ,  de  nous  contenter 
du  vraifemblabîe ,  en  un  mot  de  nous 
lé foudre  à  douter  de  la  plus  grande 
partie  des  faits  principaux ,  &  à  ignorer 
prefque  tout  le  refle ,  jufqu'à  ce  que  les 
obfervations  futures  nous  mettent  en 
état  de  remplir  les  lacunes  cjue ,  faute  de 
mémoires  luffifans,  nous  laiffons  aujour- 
d'hui dans  fon  hiftoire. 


30(5        Hîflùlre  Naturelle 


LE  CASOARfaJ. 

JLi  E  S  Hollandois  font  les  premiers 
qui  ont  fait  voir  cet  oifeau  à  l'Europe, 
ils  le  rapportèrent  de  l'île  de  Java ,  en 
I  597,  à  leur  retour  du  premier  voyage 
qu'ils  avoient  fait  aux  Indes  orientales  fhj; 
les  habitans  du  pays  l'appellent  Eme , 
dont  nous  avons  fait  emeu  :  ceux  qui 
l'ont  apporté  lui  ont  auiîi  donné  le 
nom  de  caffmvare  (c ),  que  nous  pro- 
nonçons cafoar  ,   &    que  j'ai  adopté, 

(a)  CaCoar,  Aux  îndes,  Eme  on  Emeu  ;  en 
Euj^ope,  Çrjhar  on  Cûfowar.r — 'Emeu.  Àm,  Cluju  ,^ 
Exot,  iib.  V,  pacf.  97,  avec  une  allez  bonne  figure, 
J>age  p  8,  —  Cafoar.  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hif^ 
toire  àts  Animaux  ,  ■partie  II ,  page  t  JJ,  plancht 

LVl,  avec  une  aflez  bonne  figure. Gafowary, 

Albin  ,  tome  II  ^  y  âge  ^  ç,  planche  LX ,  avec  une 
mauvaife  figure.  —  Cajuariits.  Frifch  ,  planche  CV, 
avec  une  figure  coîoriée. —  Cafoar.  Brifîbn,  Oraith, 
tome  V,  page  10,  planche  l,  figure  2. 

{èj  Hirtoire  générale  des  Voyages,  mne  VIII, 
pûge  j  12, — Clufius,  Exot'ic.  Iib.  V,  cap.  Iil, 
pag.  97,  edit,  fol,  \6o'^,  ex  Off.  Plantin, 

(c)  Bontius, —  rrifch,  adTahuîam,  pag.  105, 


duCaJoar,  307 

parce  qu^il  n'a  jamais  été  appliqué  à 
aucun  autre  cifeau  ;  au  lieu  que  celui 
d'emeu  a  été  applique  ,  quoique  inai- 
à- propos,  au  touyou  ,  comme  nous 
Tavons  vu  ci-deffus  dans  l'hifloire  de 
cet  oifeau. 

Le  calbar,  fans  être  aufîj  grand  ni 
même  auffi  gros  qi'e  l'autruche  ,  pnroît 
plus  mafTif  aux  yeux  ,  parce  qu'avec, 
un  corps  d'un  volume  prelque  égal, 
îl  a  fe  cou  &:  les  pieds  moins  longs  & 
beaucoup  plu«  gros  à  propornon,  &  îa 
partie  du  corps  plus  renflée,  ce  qui  iu| 
donne  un  air  plus  lourd. 

Celui  qui  a  été  décrit  par  M."  de 
l'Académie  des  Sciences  ,  avoit  cinq 
pieds  &  demi  ,  du  bout  du  bec  au 
bout  des  ongles  (d);  celui  que  Ciufms 
a  obfervé  étoit  d  un  quart  plus  petit  (e)» 
Houtraan  lui  donne  une  grofTeur  double 
de  celle   du  cygne    (f)>   &   d'autres 

(d)  Mémoires  pour  ferv'îr  à  l'Hiftoire  ét%  kvX' 
m?i\i-x ,  partie  II,  pagt  i  S7» 

(e)  Ibidem,  —  &  Clufius  ,  uhifupra, 

(f)  Voyage  d'Houtman  dans  le  Recueil  des 
Voj'ages  d€  la  Cowpaguie  HoilaJ}dt;>ife  aux  Indes  Orim- 
taUs t  année  ^  )^ù» 


3o8        Hïjlohe  Naîwelk 

Ho!  andois  celle  d'un  mouton  :  cett^ 
■variété  de  mefures ,  loin  de  nuire  à  la' 
yériîé ,  eft  au  contraire  la  ieufe  chofe 
qui  puifîè  nous  donner  une  connoiA 
fance  approchée  de  h.  véritable  grandeur 
du  cafoar;  car  ia  taille  d'un  feul  indi- 
■widu  n'efl  point  ia  grandeur  de  i'efpèce, 
&  Ton  ne  peut  fe  former  une  idée  jufte 
de  ccHe-ci ,  qu'en  fa  confidérant  comme 
une  quantité  variable  entre  certaines  li- 
mites ;  d'où  il  fuit  qu'un  Naturalise 
qui  auroit  comparé  avec  une  bonne 
critique  ,  toutes  les  dimenfions  &  les 
defcriptions  des  Obfervateurs ,  auroit 
des  notions  plus  exaéles  &  plus  fûres 
de  lefpèce,  que  chacun  de  ces  Obfer- 
vateurs qui  n'auroiî  connu  que  l'individu 
qu'il  aura  mefuré  &  décrit. 

Le  trait  le  plus  remarquable  dans  îa 
ligure  du  cafoar ,  efl  cette  efpèce  de 
cafque  conique,  noir  par- devant,  jaune 
dans  tout  le  relie  ,  qui  s'élève  fur  le 
front ,  depuis  la  bafe  du  bec  jufqu'au 
milieu  du  fominet  de  la  tête  ,  &  quel- 
quefois au-delà  :  ce  cafque  efl  formé 
par  le  renflement  éç.%  os  du  crâne  eii 
cet  endroit ,  &  il  eil  recouvert  d'une 


c'u  Cnfoar,  50^ 

enveloppe  dure,  compoiee  de  plufieurs 
couches  concentriques ,  &  analogues  à 
la  liibftance  de  la  corne  de  bœuf;  fâ 
forme  totale  efi:  à  peu  près  celle  d*uri 
cône  tronqué ,  qui  a  trois  pouces  de 
haut,  un  pouce  de  diamètre  à  1'  balè 
&  trois  lignes  à  Ion  fommet.  Clufius 
penfoit  que  ce  cafque  tomboit  tous  les 
ans  avec  les  plumes  ,  lorlque  l'oilèau 
étoit  en  mue  ^^;  mais  M/^  de  l'Aca- 
de'mie  des  Sciences  ont  remarqué  avec 
raifbn  ,  que  c'étoit  tout  au  plus  Tcnve- 
loppe  extérieure  qui  pouvwt  tomber 
ainli ,  &  non  le  noyau  intérieur ,  qui , 
comme  nous  l'avons  dit ,  fait  partie  des 
os  du  crâne ,  &  même  ils  ajoutent  qu'on 
ne  s'eft  point  aperçu  de  ia  chute  de 
cette  enveloppe  à  la  ménagerie  de  Ver- 
failles  pendant  les  quatre  années  que 
Je  cafoar  qu'ils  décri  voient  y  a  voit  paf- 
fées  ( h)  :  néanmoins  il  peut  le  faire 
qu'elle  tombe  «n  efîêt ,  mais  en  détail , 
&  par  une  efpèce  d'exfoliation  fuccef- 
five,  comme  le  bec  de  pluûeurs  oiièaux , 

(g)  Clufius,  Exotic,  îM/upra,  pag.  98. 
(h)  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hiftoire  des  Aiw- 
maux  ,  panii  II ,  ya£e  i  âi* 


3  I  o        Hiflolre  Naturelle 

&  que  cette  particularité  ait  échappé  aux 
Gardes  de  la  ménagerie. 

L'iris  des  yeux  eft  d  un  jaune  de 
topafe ,  &  ia  cornée  fingulièrement  petite, 
relativement  au  globe  de  i'œil  (i),  ce 
qui  donne  à  l'animal  un  regard  égale- 
ment farouche  &  extraordinaire  ;  la  pau- 
pière inférieure  eft  la  plus  grande,  & 
celle  du  dcflus  eft  garnie  dans  (a  partie 
moyenne  d'un  rang  de  petits  poils  noirs, 
lequel  s'arrondit  au  -  deftus  de  l'œil  en 
manière  d^ourcil  &  forme  au  cafoar  (k) 
une  forte  de  phyfionomie  que  la  grande 
ouverture  du  bec  achève  de  rendre 
menaçante  ;  les  orifices  extérieurs  à^s 
narines  font  fort  près  de  la  pointe  du 
bec  fupérieur. 

Dans  ie  bec ,  il  faut  diftinguer  la 
charpente  du  tégument  qui  la  recouvre  : 
cette  charpente  confifte  en  trois  pièces 
très-folides,  deux  defquelles  forment  le 

(i)  Le  gbbe  de  l'œil  avojt  Un  pouce  &  demi  de 
diamètre;  ie  crillallin,  quatre  lignes ,  &  ia  cornée 
trois  lignes  (txÀQmtni,  AÎlémoires  your  feruir  à  l'Hif. 
tô^rcdes  Aalmaux , -çdiïiiQ  il ,  page  1^7. 

.  (kj  Ibidem t  page-i6ij       . 


{lu  Cafoar,  3  i  i 

potinour ,  &  le  troilitme  l'arête  fupé- 
rieure  qui  cfl  beaucoup  plus  relevée  que 
dans  Tauiruche  ;  toutes  les  trois  fout  re- 
couvertes par  une  membrane  qui  remplit 
les  entre- deux. 

Les  mandibules  fupérîeure  &  infe^ 
rîeure  du  bec  ont  leurs  bords  un  peu 
echancrés  vers  le  bout  ,  <5c  paroifTent 
avoir  chacune  trois  pointes, 

La  tête  &  le  haut  du  cou  n'ont  que 
quelques  petites  plumes ,  ou  plutôt  quel- 
ques poils  noirs  &  clair- femés;  en  forte 
que  dans  ces  endroits  la  peau  paroît  à 
découvert  ;  elle  eft  de  différentes  cou*- 
ieurs  ,  bleue  fur  les  côtés  ,  d'un  violet 
ardoifé  fous  la  gorge,  rouge  par- derrière 
en  plufieurs  places,  mais  principalement 
vers  le  milieu  ;  &  ces  places  rouges  font 
uzi  peu  plus  relevées  que  le  relte ,  par 
des  efpèccs  de  rides  ou  de  hachures 
obliques  dont  le  cou  eft  fillonné  :  mais 
il  faut  avouer  qu'il  y  a  variété  dans  \% 
dilpofition  de  ces  couleurs. 

Les  trous  des  oreilles  étoîent  fort 
grands  dans  le  cafoar  décrit  par  M/*  de 


3  ï  2        Hijlolre  Naturelle 

r Académie  ( l),  fort  petits  dms  celui 
décrit  par  Clufius  (mj,  mais  découverts 
dans  tous  deux,  &  environnés  comme 
les  paupières,  de  petits  poils  noirs. 

Vers  le  milieu  de  la  partie  antérieure 
du  cou,  à  l'endroit  où  commencent  les 
grandes  plumes,  naiflent  deux  barbillons 
rouges  &  bleus,  arrondis  par  le  bout, 
que  Bontius  met  dans  la  figure  immé- 
diateinent  au-deflus  du  bec ,  comme  dans 
îes  poules.  Frifch  en  a  repréfenté  quatre, 
deux  plus  longs  fur  les  côtés  du  cou , 
&  deux  en  devant,  plus  petits  &  plus 
courts  ;  le  cafque  paroît  auffi  plus  large 
dans  fa  figure ,  &  approche  de  la  forme 
d  un  turban  fn).  Il  y  a  au  cabinet  dti 
Roi  une  tête  qui  paroît  être  celle  d^uii 
cafoar ,  &  qui  porte  un  tubercule  diffé- 
rent du  tubercule  du  cafoar  ordinaire  ; 
c*eft  au  temps  &:  à  l'obfervation  à  nous 
apprendre  fi  ces  variétés  &l  celles  que 

{IJ  Mémoires  pour  fervir  à  THiftoire  des  Ani- 
maux^ partie  II,  page  i6i, 

(m)  Clufius,  Exotic,  lib,  V,  cap,  ni ,  pag.  9B. 

(n)  Frifch,  page  loj^ 

/  nous 


Ju  Cajçau  3^3 

BOUS  rt marquerons  clans  la  flûte ,  font 
conilantes  ou  non  ;  fi  quelques  -  unes 
ne  viendroient  pas  du  peu  d'exacftitude 
des  Dedinateurs  ,  ou  fi  elles  ne  tien- 
droient  pas  à  la  difFe'rence  du  fexe  ou 
à  quelqu'autre  circonftance.  Frilch  pré- 
tend avoir  reconnu  dans  deux  cafoars 
empaillés  ,  des  variétés  qui  diflinguoient 
le  mâle  de  la  femelle  ;  mais  il  ne  dit  pas 
quelles  font  ces  différences. 

Le  cafoar  a  les  ailes  encore  plus 
petites  que  l'autruche  ,  &  tout  aufîi 
inutiles  pour  le  vol  ;  elles  font  armées 
de  piquans  &  même  en  plus  grand 
nombre  que  celles  de  l'autruche.  Clufius 
en  a  trouvé  quatre  à  chaque  aiie  ;  M/*  de 
l'Académie  cinq,  &  on  en  compte  fèpt 
bien  diftindes  dans  la  Jîg,  de  Frifch , 
pL  I  0  j;  ce  font  comme  des  tuyaux 
de  plumes  qui  paroifîènt  rouges  à  leur 
extrémité  ,  &  font  creux  dans  toute  leur 
longueur  ;  ils  contiennent  dans  leur  ca- 
vité une  efpèce  de  moelle  femblable  è 
celle  des  plumes  iiaiffanies  des  autres 
^  oifeaux  :  celui  du  milieu  a  près  d'un 
pied  de  longueur  &:  environ  trois  lianes 
de  diamètre,  c'eft  le  plus  long  de  tous^ 
Oifeaux,  Tome  IL  O 


'3  14  Hijlohe  Natmelle 
ics  latéraux  vont  en  décroifîlint  de  part 
^  d'autre  comme  les  doigts  de  ia  main 
<5ç  à  peu  près  dans  le  mêwie  ordre, 
S^yammerdanl  s'en  fervoit  en  guiie  dç 
chalumeau  pour  fouffier  des  parties  très- 
délicates  ,  comme  les  trachées  des  in- 
fec^tes ,  &c.  (o).  On  a  dit  que  ces  ailes 
a  voient  été  données  au  cafbar  pour 
i'aider  à  aller  plus  vite  fp);  d'autres  qu'il 
pou  voit  s'en  fervir  pour  frapper,  comme 
avec  des  houdlnes  (q);  mais  perfbnne 
ne  dit  avoir  vu  quel  ufage  il  en  fait 
réellement  :  le  cafoar  a  encore  cela  de 
commun  avec  i'autruche  ,  qu'il  n'a 
qu'une  feule  efpèce  de  plumes  fur  tout 
îe  corps ,  aux  aiîes ,  autour  du  crou- 
pion 5  &c.  mais  ia  plupart  de  ces  plumer 
font  doubles ,  chaque  tuyau  donnant 
ordinairement  nailTance  à  deux  tiges 
plus  ou  moins  longues  &  fouvent  iné- 
gales entr'eilcs  ;  elles  ne  font  pas  d'unq 

(o)  Colie^.  Acad.  étrangère  ,  lome  11  de  /'Hif-n 
toire  Naturelle  ,  jwge  zij. 

(p)  Gufiusi  Exoiic,  iib.  V,  cap.  llî;  pag.  98c 

(q)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hiftoire  des  Ani- 
maux,  i>ûme  U ,  fage  160, 


du  Ccifoaf*  3  T  j" 

llmc^ure  uniforme  oians  toute  leur  lon- 
gueur ,  les  tiges  font  plates ,  noires  & 
luifantes ,  diviiees  par  nœuds  en  defTous, 
&  chaque  nœud  produit  une  barbe  ou 
un  filet ,  avec  cette  différence  que  depuis 
la  racine  au  milieu  de  la  tige ,  ces  filets 
font  plus  courts  ,  pius  fouples ,  plus 
bran  c  h  us ,  &.  pour  ainfi  dire  duvetés, 
&  d  une  couleur  de  gris-tanné  ;  au  lieu 
que  depuis  le  milieu  de  la  même  tige 
à  fon  extrémité ,  ils  font  plus  longs , 
plus  durs  &  de  couleur  noire  ;  &  comme 
ces  derniers  recouvrent  les  autres  ôi.  font 
les  lèuls  qui  paroiflent ,  le  cafoar ,  vu 
de  quelque  diftance ,  fèmble  être  uii 
animal  velu ,  &  du  même  poil  que 
l'ours  ou  le  fangiier  :  les  plumes  les  plus 
courtes  font  au  cou ,  les  plus  longues 
autour  du  croupion ,  &  les  moyennes 
dans  Tefpace  intermédiaire  ;  celles  du 
croupion  ont  jufqu'à  quatorze  pouces  , 
&  retombent  fur  la  partie  poftérieure 
du  corps  ,  elles  tiennent  lieu  de  la  queue 
qui  manque  abfoiument  (^r), 

II  y  a  ,    comme  à  l'autruche  ,   un 

(y)  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hiftoire  des  Ani- 
jnaux,  }mrtie  U,  }mge  ijS» 

o  \) 


I  î6        HiJIotre  Naturelle 

efpace  calleux  &  nu  fur  \g  Jlernum,  a 
l'endroit  où  porte  le  poids  du  corps 
lorfque  i'oifeau  eil  couciié  ;  &  cette 
partie  efl:  plus  faiiiante  &  plus  relevée  dans 
Je  caioar  que  dans  Tautruche  (fj. 

Les  cuifics  &  les  jambes  font  revêtues 
de  plumes  prefque  jufqu'auprès  du 
genou  ,  ôi.  ces  plumes  tiroient  au  gris 
de  cendre  dans  le  fujet  obièrvé  par 
Clufius  ;  les  pieds ,  qui  font  très-gros- 
ÔL  très-nerveux ,  ont  trois  doigts  &  non 
pas  quatre  comme  le  dit  Bontius ,  tous 
trois  dirigés  en  avant  ;  les  Hoiîandois 
racontent  que  le  cafoar  le  fert  de  fès 
pieds  pour  ia  défenfe ,  ruant  &  frap^ 
pant  par-derrière  comme  un  cheval  (t), 
félon  les  uns;  &  félon  les  autres,  s'é- 
lançant  en  avant  contre  celui  qui  l'atta- 
que &  le  renverfant  avec  les  pieds ,  dont 
îl  lui  frappe  rudement  la  poitrine  (u), 
Clufius  qui  en  a  vu  un  vivant  dans 
les  jardins  du    comte  de    Solms  à  ia. 

{/)  Voyages  de  la  Compagnie  HoIIandoifei 
tome  VU ,  page  ^^p^ 

(t)  Hiftoire  généraie  à.t^  Voyages^  tomi  Vlîll 
fa^e  112, 
(uj  Ibidem» 


'Un  Cajoar^  5  \  f 

li  aye ,  dit  qu'il  ne  fe  fert  point  de  foil 
bec  pour  fe  défendre  ,  mais  qu'ii  fe 
porte  obiiquenîent  fiir  Ton  adverlaircy 
ÔL  qu'ii  le  frappe  en  ruant  ;  il  ajoute  que 
ie  même  cojute  de  Sohus  lui  montra 
un  arbre  gros  comme  la  cuifle  que  cet 
oifeau  avoit  fort  maltraité  ,  &  emièrc- 
jnent  écorchë  avec  (es  pieds  &  fes  on- 
gles ( X ):  ii  eft  vrai  qu'on  n'a  pas  re- 
marqué à  la  ménagerie  de  Verfaiiies  5 
que  îes  cafoars  qu'on  y  a  gardés  fuilent 
fi  méchans  &:  fi  forts;  mais  peut-être 
etoient-ils  plus  apprivoifés  que  celui  de 
Ciufius  :  d'aiiieurs  ils  vivoient  dans  l'a- 
bondance &  dans  une  pius  étroite  cnpîi- 
TÎté ,  toutes  circonftances  qui  adouciiTenl 
à  la  iongue  les  mœurs  des  animaux  qui 
ne  font  pas  abiolument  féroces,  énervent 
ieur  courage ,  abâtardilTent  leur  naturel 
&  les  rendent  méconnoiffables  au  travers 
des  habitudes  nouvellement  acquifes. 

Les  ongles  du  cafoar  font  très-durs  ^ 
noirs  au  dehors  &  blancs  en  dedans  ('y)<,- 
Linnœus  dit  qu'il  frappe  avec  fongle 

{xj  CIu^us,   Exoiic.  lib.  V,  cap.  III. 

{yj  Mém.  pour  fovir  à  l'Hifîoire  des  Aniraau>^' 

O  iij 


3  î  8        Hîjloîre  Naturelle 

du  milieu  qui  eft  le  plus  grand  f-^) ;  ce- 
pendant les  defcriptions  &  ies  figures  de 
M/'  de  l'Académie  &  de  M.  Brifibn, 
repréfentent  i'ongle  du  doigt  intérieur 
comme  ie  plus  grand ,  &  il  i'efl  en 
effet  (a): 

Son  allure  efi:  bizarre  ;  il  fenibîe 
qu'il  rue  du  derrière ,  faifant  en  même 
temps  un  demi-faut  en  avant  ('bj;  mais 
îualgré  ia  mauvaife  grâce  de  (ïi  démar- 
che ,  on  prétend  qu'il  court  plus  vite 
que  ie  nicilieur  coureur  (c);  ia  Yii^û'e  ed 
teliem.ent  l'attribut  des  oil'eaux,  que  les 
plus  pefans  de  cette  famille  font  encoi'e 
plus  légers  à  ia  courfe  que  les  plus  légers 
d'entre  les  animaux  terreflres. 

Le  cafoar  a  ia  langue  dentelée  fiir 
îes  bords ,  &  fi  courte ,  qu'on  a  dit  de 
iui,  comm.e  du  coq  de  bruyère,  qu'il 

(  1.)  G  en.  2i6,  edito  x,  Vngne  inurmcdlo  majore 
{trit. 

(a)  Mémcires  pour  fervir  à  l'Hifloire  des  Ani- 
maux,  parue  II,  j^age  //^.-— •  Ornithoiogie  de 
Briiîcn  ,  tome  V,  page  i  i . 

(h )  Vcyage  des  Hollandob;  ioms  VU,  ^-a^t 


du   QjfcûK  5  I  p 

ft*en  avoit  point  :  ctllc  qu'a  obfèrvée 
M.  Perrault  avoit  feuicnient  un  pouce 
de  long  &  huit  lignes  de  large  (d);  ii 
avuie  tout  ce  ciu'on  lui  jette  ,  c'eit-a- 
dire  ,  tout  corps  dont  le  volume  cfl: 
proportionné  à  l'ouverture  de  Ton  bec. 
Frifch  ne  voit  avec  raifon ,  dans  cette 
habitude,  qu\m  trait  de  conformité  avec 
ks  gallinacés ,  qui  avalent  leurs  aiimens 
tout  entiers  &  Ihns  les  brifer  dans  leur 
bec  (e);  mais  les  Hoiiandois  qui  paroif- 
iènt  avoir  voulu  rendre  plus  intérefÏÏuiie 
i'hiftoire  de  cet  oileau  ,  dé]h,  fî  finguiier, 
en  y  ajoutant  du  merveilleux ,  n'ont  pas 
manqué  de  dire  ,  comme  on  i'a  dit  de 
i'autruche  ,  qu'il  avaloit  non- feulement 
les  pierres  ,  ie  fer  ,  les  glaçons ,  &c. 
irais  encore  des  charbons  ardens,  &  fans 
même  en  paroître  incommodé  Z'f). 

On  dit  aufli  qu'il  rend  îrès-promp- 
tement  ce  qu'il  a  pris  (g),  &  quelquefois 

(li)  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hiflcirc  des  Ani- 
maux ,  partie  II ,  fhige  t  6y. 

(e)  Frifcn  ,  -pagt  &  figure  j  oj» 

( f)  Hiftoire  générale  its  Voyages,  t07ne  VIIlj^ 
page  112. 

.  (g)  Voy,  des  Hoiiandois,  mic  VU  P'^g^  Si^^ 

Oiiij 


\^i6       Hifîoîre  Naturdk 

des  pommes  de  ia  groiïeur  du  poing 
auffi  entières  qu'il  les  avoit  avalées  (h); 
Sl  en  effet ,  le  tube  inteftinal  eft  fi  court 
que  les  alimens  doivent  palTer  très-vîtc  ; 
ÔL  ceux  cjui  par  leur  dureté  font  ca- 
pables de  quelque  réfiftance ,  doivent 
éprouver  peu  d'altération  dans  un  û 
petit  trajet ,  fur-tout  lorfque  les  fondions 
de  fedoinac  font  dérangées  par  quelque 
maladie  :  on  a  afliiré  à  Clufius ,  que 
dans  ce  cas  il  rendoit  quelquefois  les 
ceiifs  de  poule  dont  il  étoit  fort  friand , 
tels  qu'il  les  avoit  pris,  c'ell  -  à  -  dire  , 
Bien  entiers  avec  la  coque ,  &  que  les 
ïivaiant  une  féconde  fois  ,  il  les  digéroit 
Lien  (^ij:  le  fonds  de  ia  nourriture  de 
ce  même  cafoar  ,  qui  étoit  celui  du- 
comte  de  Solms ,  c'étoit  du  pain  blanc 
coupé  par  gros  morceaux ,  ce  qui  prouve 
qu'il  e(t  frugivore ,  ou  plutôt  il  eft  om- 
nivore ,  puifqu'il  dévore  en  effet  tout, 
ce  qu'on  lui  préfente  ,  &  que  s'il  a  le 
jabot  &  le  double  eftomac  des  animaux 
qui  vivent  de  matières  végétales  ('kjj, 

(h)  Hift.  gén.  des  Voyages ,  /.  VlU^-p.  112. 
(i)  Ciufms,  Exotic,  iib.  V,  cap,  ni ,  pag.  99. 
(h)  Mifin.  pour  feryir  à  l'Hiftoire  des  Animaux^ 


'^11  Cujoar.  '5'2'r. 

lï  a  les  courts  inteftinij  des  animaux  car^ 
naf fiers  :  le  tube  inteilinal  de  celui  qui 
a  été  difTéqué  par  M/'  de  l'Académie, 
avoit  quatre  pieds  huit  pouces  de  long 
&  deux  pouces  de  diamètre  dans  toute 
fon  étendue  :  ie  cœciim  étoit  double  & 
n'avoit  pas  pius  d'une  ligne  de  diamètre 
fur  trois ,  quatre  <Sc  cinq  pouces  de 
longueur  (" l J;  à  ce  compte  ie  cafoar  a 
les  inteftins  treize  fois  plus  courts  que 
l'autruche,  ou  du  moins  de  celles  qui 
îes  ont  le  plus  longs  ;  ôl  par  cette 
raifon,  il  doit  être  encore  plus  vorace 
&  avoir  plus  de  difpofition  à  manger 
de  ia  chair ,  c'eft  ce  dont  on  pourra 
s'affurer ,  lorfqu'au  lieu  de  fè  contenter 

^'drtie  JJ,  pages  ijf,  ij^j  ij/'à^i^o.  Notai 
l\  y  a  dans  ce  dernier  endroit  une  ligne  omife  au 
bas  de  la  page  qui  indiquait  la  différence  qui  fe 
trouve  entre  les  ventricules  dans  divers  individus  j 
cette  différence  confiiie,  fi  je  ne  me  trompe,  en 
ce  qu'ils  font  tantôt  m.ufcuîeux  &  tantôt  mem- 
braneux ;  firudiire  indécife,  êi  qui  convient  affez 
à  la  nature  équivoque  d'un  animal  qui  n'eff  pro- 
prement ni  oifeau  ni  quadrupède,  &  qui  réunit  les 
eftoraacs  des  granivores  avec  les  inteilins  des  car^ 
îiafllers'.. 

///  Animnux  de  Perrault  ,;w^^ /ffj'-,. 


[322        Hïjloîre  Naturelle 

d*examiner  des  cadavres  ,  les  Obfèrva- 
leurs  s'attacheront  à  étudier  la  Nature 
vivante. 

Le  caioar  a  une  véficuïe  du  fieî ,  & 
Ion  canal  qui  ie  croile  avec  ie  canai 
hépatique  ,  va  s'inférer  plus  haut  que 
celui-ci  dans  le  duodénum ^  &  le  pancréa- 
tique s'infère  encore  au-deffus  du  cyi- 
tique  (m)  ,  conformation  abfolument 
différente  de  ce  qu'on  voit  dans  l'au- 
truche. Celle  des  parties  de  la  génération 
du  niâîe  s'en  éloigne  beaucoup  moins; 
la  verge  a  fa  racine  dans  la  partie  fu- 
périeure  du  reâum ,  fa  forme  efl:  celle 
d'une  pyramide  triangulaire ,  large  de 
deux  pouces  à  fa  h-A^o.  &  de  deux  lignes 
à  fon  fommet  ;  elle  efl:  compofée  de 
deux  ligamens  cartilagineux  très-foiides, 
fortement  attachés  l'un  à  l'autre  en 
deiïus ,  mais  féparés  en  deiTous  ,  & 
lailiant  entr'eux  un  demi  -  canal  qui  efl 
revêtu  de  la  peau  ;  les  vaifîeaux  dé- 
férens  &  les  uretères  n'ont  aucune 
communication  apparente  avec  le  canaî 

(m)  Mémoires  pour  rcr\'ir  à  l'Hidoire  dcs  Ani^r    ■ 


clu  Cafoar,  323^ 

de  la  verge  (n) ^  en  forie  que  cette  partie 
qui  paroït  avoir  quatre  fondions  prin- 
cipales dans  les  animaux  quadrupèdes  , 
îa  première  de  fervir  de  conduit  à  l'urine, 
ia  ieconde  de  porter  la  liqueur  fémi- 
nalc  du  mâie  dans  I-a  matrice  de  ia  fe- 
melle ,  la  troiiième  de  contribuer  par 
fa  fenfibiiité  à  i  einillion  de  cette  liqueur, 
îa  quatrième  d'exciter  ia  lèinelie  par  fou 
action  à  répandre  la  fienne,  femble  être 
réduite  dans  le  cafoar  &  l'autruche  aux 
deux  dernières  fendions ,  qui  font  de 
produire  dans  les  réfervoirs  de  la  liqueur 
it'minale  du  mâle  &  de  la  femelle  les  mou- 
vemens  de  correfpondance  néceflaires 
pour  i'émiiîion  de  cette  liqueur. 

On  a  rapporté  à  Clufius  que  l'animal 
étant  vivant ,  on  avoit  vu  quelquefois  fa 
verge  fortir  par  l'anus  (0),  nouveau 
trait  de  refTemblance  avec  l'autruche. 

Les  œufs  de  ia  femeile  font  d'un 
gris  de  cendre ,  tirant  au  verdâtre  ,  moins 
gros  &  plus  alongts  que  ceux  de  i'au- 
îruche ,  ck  (emés  d'une  multitude  de  petits 

(n)  Mémoires  pour  fervir  à  l'HiRoire  des  Anî- 
ïnaux-  ,  partie  II ,  page   i  6^f., 

(oj  CiuGus,    ExûiiÇf  kùlfmtra;  p^g.  ()^. 

O  v; 


324  'Mjloire  Naturelle 
tubercules  d'un  vert  foncé  ,  la  coque 
n'en  eft  pas  fort  épaiffe  feion  Ciufius  ^ 
qui  en  a  vu  plufieurs  ;  le  plus  grand 
<Je  tous  ceux  qu'il  a  obfervés  ,  ayoiî 
quinze  pouces  de  tour  d'un  fens  &  un 
peu  plus  de  douze  de  l'autre  (p) , 

Le  cafoar  a  les  poumons  &  les  dix 
cellules  à  air  comme  les  autres  oileaux  ; 
&  particulièrement  comme  les  oifeaux. 
pefans ,  cette  bourfe  ou  membrane  noire 
propre  aux  yeux  des  oifeaux  ,  &  cette 
paupière  interne  qui ,  comme  on  fait , 
eft  retenue  dan^  le  grand  angle  de  l'œil  des 
oifeaux  par  deux  mufcles  ordinaires  (q) ^ 
&  qui  eft  ramene'e  par  inftans  fur  la. 
cornée  par  i'adlion  d'une  efpèce  de 
poulie  mufculaire  ,  qui  mérite  toute  la 
euriofrté  des  Anatomiftes  (r ).. 

Le   midi  de  la   partie  orientale  de 
FAfie  paroîc  être  le  vrai  climat  du  cafoar^ 

(p)  Ciufius,  Exotîc.uin  fupm ,  pag,  çç.Ova 
'punâis  excavatis,  dit  Linnseus  :  cela  ne  rclTemble. 
point  à  ceux  que  Ciufius  a  obfervés. 

(ij)  Hifioire  de  l'Académie  royale  àtî  Sciences- 
de    PaÙs  ,  tome  J I ,   page  ^p^jp,. 

(y )  Mémoires  pour  fervir  à  i'Hifloire  des- Ani? 


(h  CdfoûîV  3  2  5' 

fon  domaîne  commence  ,  pour  aind 
dire  ,  où  finit  celui  de  l'autruche  ,  qui 
n'a  jamais  beaucoup,  dépaflé  le  Gange  , 
comme  nous  l'avons  vu  dans  fon  hif- 
toire  ;  au  lieu  que  celui  -  ci  tê  trouve 
dans  les  îles  Moluques ,  dans  celles  det 
Banda,  de  Java,  de  Sumatra,  &.  dans  les 
parties  corre (pondantes  du  continent  ^fj: 
mais  il  s'en  faut  bien  que  cette  efpèce 
{bit  auflj  multipliée  dans  fon  diftricfl  que 
['autruche  reft  dans  le  fien ,  puifque 
130US  voyons  un  roi  de  Joardam  ,  dans 
i'ile  de  Java,,  faire  préfent  d'un  cafoar 
à  Scellinger  ,  capitaine  de  vaiiîeau 
Hollandois ,  comme  d'un  oifeau  rare  (t); 
la  raifon  en  efl: ,  ce  me  femble  ,  qii<3 
les  Indes  orientales  font  beaucoup  plus 
peuplées  que  l'Afrique  ;  &  l'on  fait 
qu'à  mcfure  que  l'homme  ie  multiplie 
clans  une  contrée  ,  il  détruit  ou  fait  fuir 
devant  lui  les  animaux  fauvages  qui 
vont  toujours  cherchant  des  afiies  plus- 
paifibles ,   des  terres  moins  habitées  ou 

(f)  Voyage   des  HoHandois ,  tome  Vil ,  -pag^ 
'^,^p> — Clufius,  Exoiic*  iib.  V,  cap.  ni ,  pag,  991,,) 

(t)  Hiftoire  générale  des  Voyages,,  toms  VUJj. 


■326        Hifloire  Naturelle 

occupées  par  des  peuples  moins  policés^ 
&:  par  conféquent  moins  defiruâeurSr 

Il  eil  remarquable  que  le  calbar,  l'au- 
truche &  le  touyou  ,  les  trois  plus  gros 
oifeaux  que  l'on  connoifie  ,  ibnt  tous 
trois  attachés  au  climat  de  la  zone  tor- 
ride,  qu'ils  lemblent  s'être  partagée  entre 
eux  ,  ÔL  où  ils  fe  maintiennent  chacun 
dans  leur  terrein ,  fans  le  mêler  ni  le 
ilirmarchèr  ;  tous  trois  véritablement 
terrefrres  ,  incapables  de  voler  ,  mais 
courant  d'une  très-grande  vîteffe  ;  tous 
trois  avalent  à  peu  près  tout  ce  qu'on 
ieur  jette ,  grains  ,  herbes  ,  chairs  ,  os  , 
pierres,  cailloux,  fer,  glaçons,  &c. 
tous  trois  ont  le  cou  plus  ou  moins 
long,  les  pieds  hauts  &  très- forts,  moins 
de  doigts  que  la  plupart  des  oifeaux  , 
(k  l'autruche  encore  moins  que  les  àcu% 
autres  ;  tous  trois  n'ont  de  plumes  que 
d'une  feule  forte ,  différentes  des  plumes 
des  autres  oifeaux  ,  &  différentes  dans 
chacune  de  ces  trois  efpèces  ;  tous  trois 
n'en  ont  point  du  tout  fur  la  tête  ql  le 
haut  du  cou ,  manquent  de  queue  pro- 
prement dite  ,  &  n'ont  que  des  ailes 
iinparf liies  ;  gsrrâes  ds  qiîe^ues  tuyaux 


du  Ciifoûr.  327 

làns  aucunes  barbes,  comme  nous  avons 
remarqué  que  ies  quadrupèdes  des  pays 
chauds  avcieni  moins  de  poii  que  ceux 
des  régions  du  Nord;  tous  trois,  en 
un  mot ,  paroiiïent  être  la  produdion 
naturel!c  &  propre  de  la  zone  torride  : 
mais  malgré  tant  de  rapports,  ces  trois 
efpèces  font  différenciées  par  des  carac- 
tères trop  frappans  pour  qu'on  puifïe 
les  confondre  :  l'autruche  le  diflingue 
du  caibar  6c  du  touyou  par  la  grandeur, 
par  Tes  pieds  de  chameau  &  par  la  nature 
de  fes  plumes  ;  elle  diffère  du  cafoar , 
en  particulier ,  par  la  nudité  de  fes  cuifîès 
&  de  fes  fîancs  ,  par  la  longueur  &  îa 
capacité  de  fes  inteftins,  &  parce  qu'elie 
n'a  point  de  véficule  du  fiel  ;  &  ie 
cafoar  diiïere  du  touyou  &  de  l'autruche 
par  fes  cuiiïes  couvertes  de  plumes , 
prefque  jufqu'au  tarfe,  par  les  barbillons 
rouges  qui  lui  tombent  fur  le  cou ,  & 
par  le  cafque  qu'il  a  fur  la  tête. 

Mais  j'aperçois  encore  dans  ce  dernier 
caradère  dillinétif ,  une  analogie  avec 
ies  deux  autres  efpèces  ;  car  ce  cafque 
n'eft  autre  chofe ,  comme  on  fait ,  qu'iuî 


3  2  8     Hljfolre  JNaiureJle ,  &c.  . 

renflement  des  os  du  crâne ,  lequel  efl 
recouvert  d'une  enveloppe  de  corne  ; 
&  nous  avons  vu  dans  i'hiftoire  de  l'au- 
truche &  du  touyou ,  que  la  partie  fu- 
périeure  du  crâne  de  ces  deux  animaux 
ëtoit  pareillement  munie  d'une  plaque 
dure  &  calicufe. 


3P-9 


LE  DRONTE(a).- 

V-/  N  regarde  communément  la  légè- 
reté comme  un  attribut 'propre  aux  oi- 
feaux,  mais  fi  l'on  voufoit  en  faire  le 
caradère  effentiel  de  cette  clafFe  ,  le 
D route  n'auroit  aucun  titre  pour  y  être 
admis ,  car  loin  d'annoncer  ia  légèreté 
par  Tes  proportions  ou  par  fes  mouve- 
mens ,  il  paroît  fait  exprès  pour  nous 
donner  l'idée  du  plus  lourd  des  êtres 
organifés  ;  repréfentez  -  vous  un  corps 
maffif  &  prefque  cubique ,  à  peine  fou- 
tenu  fur  deux  piliers  très- gros  &  très- 
courts  ,  furmonté  d'une  tête  fi  extraor- 
dinaire qu'on  la  prendroit  pour  la  fan- 
taifie  d'un  Peintre  de  grotefques;  cette 
ûiQ  portée    fur   un    cou   renforcé    & 

(a)  Dronte  efl:  le  nom  que  lui  donnent  les  habîrans 
de  i1!e  M  aurice  &  des  lieux  voifîns  :  les  Portugais 
l'ont  appelle  Dodo  ;  les  Hollandois,  Dod  -  aens  & 
Walgh-vngel.  —  Dronte  aliis  ,  Dodaerîs.  Bontius ,. 
Jndes  Orientales  ,  page  30.  —  Gallinacms  gallus pi^: 
regrinus.  Clufius,  Exoik,  iib.  V,  pag.  pp,  Edward%, 


330        Hijlohe    'Naturelle 

goillreiîx  ,  confifte  prcfque  toute  entitTS 
dans  un  bec  énorme  où  font  deux  gros 
yeux  noirs  entourés  d'un  cercle  blanc  ^ 
&  dont  l'ouverture  des  mandibules  le 
prolonge  bien  au-delà  des  yeux  ,  &  preA 
que  julqu'aux  oreiiles  :  ces  deux  man- 
dibuies  concaves  dans  ie  miiieu  de  leur 
iongueur ,  renflées  par  les  deux  bouts 
&  recourbées  à  la  pointe  en  iens  con- 
traire ,  refTembient  à  deux  cuillers  poin- 
tues 3  qui  s'appliquent  l'une  à  l'autre  fa 
convexité  en  dehors  :  de  tout  cela  ii 
j'éluite  une  phyrionomie  flupide  &:  vo- 
race ,  &  qui,  pour  comble  de  difformité, 
efl  accompagnée  d'un  bord  dé  plumés, 
icquel  fuivant  le  contour  de  la  bafe  du 
bec  s'avance  en  pointe  fur  le  front, 
puis  s^arrondit  autour  de  la  face  en 
manière  de  capuchon,  d'où  lui  eil  venu 
le  nom  de  cygne  encapuchonné  (cycnus 
cucullatus), 

La  groffeur  qui,  dans  les  animaux, 
fuppole  la  force ,  ne  produit  ici  ({ue  la 
pelanteur  ,  l'autruche  ,  le  touyou  ,  le 
cafoar  ,  ne  font  pas  plus  en  état  de 
voler  que  le  dronte  ,  mais  du  moins 
ils  font  trèj-yîtçs  à  la  courfe  >  au  lieu 


<lu  .Dronte.  3  3  î 

que  le  droiite   paroît  .accablé   de   fon 
propre  poids,  &  avoir  à  peine  }a  force 
de  ie  traîner  :   c'eft  dans  les  oileaux  ce 
que  le  parefTeux  eft  dans  les  quadru- 
pèdes; on  diroit  qu'il  eft  compote  d  une 
maiière  brute,  inadive  ,  où  les  mole-- 
cules  vivantes  ont  été  trop  épargnées  ; 
il  a  des  ailes  ,   mais  ces  ailes  font  trop 
courtes  &i  trop  foibles  pour  l'élever  dans 
les   airs  ;   il  a  une   queue  ,   mais   cette 
queue  e(l  difproporiionnée  &  hors  de 
fa    piace  ;    on    le  prendroit  pour  une 
tortue  qui  fe  feroit  affublée   de  la  dé- 
pouille d'un  oifeau ,  &  la  Nature  en  luï 
accordant  ces  ornemcns  inutiles  ,^  fembie 
avoir  voulu  ajouter  l'embarras  à  la  pe- 
fanteur,  la  gaucherie   des  mouvemens 
à  l'inertie  de   la    maffe ,    &   rendre   fa 
lourde  épaifleur  encore  plus  choquante, 
enfiifant  fouvenir  qu'il  eft  un  oifeau. 

Les  premiers  Hollandois  qui  le  virent 
dans  l'île  Maurice ,  aujourd'hui  file  de 
France  (b),  f appelèrent  walgh-vogel , 

fb)  Nota.  Les  Portugais  avoient  auparavant 
nommé  cette  île,  Jllha  do^ Cime  ,  ceft-à-dire,  //?.> 
aux  Cyrnc^ ,  apparemment  parce  qu  iis  y  avorent 
aperçu  des  drontes  qL*!s  prirent  pour  des  cygnes. 


3  3^  Hlfîoîre  Naturelle 
ôifeau  de  dégoût ,  autant  à  caufe  de  fîï 
figure  rebutante  que  du  mauvais  goût 
de  fa  chair  ;  cet  oifeau  bizarre  cft  très- 
gros  ,  &  n'efl  furpaiïe  à  cet  égard  ,  que 
par  les  trois  précédens  ,  car  il  furpaiTe 
Je  cygne   &  ie  dindon. 

M.  BrifTon  donne  pour  un  de  Tes 
caradères  ,  d'avoir  la  partie  inférieure 
des  jambes  dénuée  de  plumes  ;  ce- 
pendant \^  planche  CCXCIV  d'Edwards 
îe  repréfente  avec  des  plumes  ,  non- 
feulement  jufqu'au  bas  de  la  jambe  , 
mais  encore  jufqu'au  -  delTous  de  fon 
articulation  avec  le  tarfe  ;  le  h^c  fu- 
périeur  efl:  noirâtre  dans  toute  fou 
étendue  ,  excepté  fur  la  courbure  de 
fon  crochet  où  il  y  a  une  tache  rouge  ;■ 
ïes  ouvertures  des  narines  font  à  peu 
près  dans  fà  partie  moyenne,  tout  pro- 
che de  deux  replis  tranlverfaux  qui  s'é-* 
ièvent  en  cet  endroit  iur  fa  furface. 

Les  plumes  du  dronte  font  en  gé- 
néral fort  douces,  k  gris  efl  leur  couleur 
dominante ,  mais  plus  foncé  fur  toute 
îa  partie  fupérieure  &  au  bas  des  jambesy 
&  plus  clair  fur  l'eftomac  ,  le  ventre 
&  tout  Iç  deiîgus  du  corps  ;^  il  y  a  du 


liii  D route,  3  3  31 

Jaune  &  du  blanc  dan^  les  plumes  des 
iiiles  &  dans  celles  de  la  queue  ,  qui 
paroiflent  tri  fées  ,  &  font  en  fort  peut 
nombre.  Clufius  n'en  compte  que  quatre 
ou  cinq. 

Les  pieds  &  les  doigts  font  jaunes , 
J&:  les  ongles  noirs  ;  chaque  pied  a  quatre 
doigts ,  dont  trois  dirigés  en  avant  & 
le  quatrième  en  arrière  ;  c'eft  celui  -  ci 
qui  a  l'ongle  le  plus  long  (c). 

Quelques-uns  ont  prétendu  que  îe 
dronte  avoit  ordinairement  dans  i'eilomac 
une  pierre  auffi  groiTe  que  le  poing  (d) , 
ôi  à  laquelle  on  n'a  pas  manqué  d'at- 
tribuer la  même  origine  &  les  mêmes 
vertus  qu'aux  bézoards  ;  mais  Clufms 
qui  a  vu  deux  de  ces  pierres  de  forme 
&  de  grandeur  difféi entes  (^ejj  penfe  que 
i'oifeau  les  avoit  avalées  comme  font 
les  granivores ,  &  qu'elles  ne  s'étoient 
point  formées  dans  fon  eitomac. 

^c^  Voyez  Clufius,  Exoric.  pzg,  100. — Edwards^ 
fyirre  CCXCIV, 

(d)  Voyage  àt%  HoIIandois  aux  Indes  Orientales ^ 
tomt  II  y  page  21^. 

(0  Ciufîus^  ubi  Juprat^ 


3  34        HifiOÎre  'NatureÏÏe 

Le  cîronie  paroît  propre  &  pnrtîcuîîer 
%u%  îles  de  France  &  de  Bourbon,  & 
probable  ment  aux  terres  de  ce  continent 
qui  en  font  ies  moins  éloignées  ;  mais 
je  ne  iàche  pas  qu'aucun  Voyageur  ait 
dit  l'avoir  vu  ailleurs  que  dans  ces  deux 
îles. 

Quelques  Hoîlandois  î'ont  nommé 
dodûrfs  ou  dodaers  ;  les  Portugais  &  ies 
Angiois  ,  dodo  ;  dronte  ell  Ton  noin 
original ,  je  veux  dire  celui  fous  lequel 
ii  eït  connu  dans  le  lieu  de  Ton  origine  ; 
&  c'ed  par  cette  raifon  que  j'ai  cru 
devoir  ie  lui  conferver  ,  &  parce  qu'or- 
dinairement ies  noms  impofcs  par  \^s 
peuples  fimpies  ont  rapport  aux  pro- 
priétés de  ia  chofe  nommée  :  on  lui  a 
encore  appliqué  les  dénominations  de 
cygne  a  capuchon  ff),  à' autruche  encapu- 
chonnée (g) ,  de  coq  étranger  (h) ,  de 
Waigh-vogel ;  ôc  M.  Moehring  ,  qui 
n'a  trouvé  aucun  de  ces  noms  à  ion 
goûî,  a  imaginé  celui  de  ruphus ,   que 

(f)  Nieremberg ,  H'ijl.  mr,  maxime  ycrep-in^^  * 
pag/232. 

(g)  Linnaeus,  Gen,  86,  fper,  ^» 
(h)  Ciufius,  ExQîlc.  pag.jioos 


(Ju  Drontc',  -^-i^^ 

M.  Briiïon  a  adopté^  pour  Ton  nom 
latin  ,  coniine  s'il  y  avoit  quelque  avan- 
tage à  donner  au  même  arwmal  un 
nom  dilférent  dans  chaque  langue  ,  (5c 
comme  ii  l'effet  de  cette  multiiude  de 
fynonymes  n'étoit  pas  d'embarraiïer  la 
Icience  &  de  jeter  de  la  confufion  dans 
les  choies:  ne  multiplions  pas  ies  êtres, 
difoient  autrefois  les  Philofophes;  mais 
aujourd'hui  on  doit  dire  &  répeter  fans 
ceffe  aux  Naturalises,  ne  multipliez  pas. 
ifis  noms  Huis  néceiLté. 


4m 


5  3  5        Hijhire  Natiirdle 


LE  SOLITAIRE 

ET  '         . 

L'OISE  A  U  DE  NA  ZAR  E. 

J_jE  Solitaire  dont  parlent  Léguât  (a), 
^  Carré  (b  J,  &  i'oifeau  de  Nazareth 
dont  parle  Ft.  Gauche  ("^J^  paroiiTent 
avoir  beaucoup  de  rapports  avec  le 
dronte  ,  mais  ils  en  diffèrent  aufli  en 
plu  fleurs  points  ;  &  j'ai  cru  devoir  rap- 
porter ce  qu'en  difent  ces  Voyageurs  3 
parce  que  fi  ces  trois  noms  iiedéfignent 
qu'une  feule  &  unique  e(pèce,  les  re- 
lations diverfès  ne  pourront  qu'en  com- 
piéter  fhiiloire  ;  &  fi  au  contraire  ils  dé- 
iignent  trois  efpèces  différentes  ,  ce  que 
j'ai  à  dire  pourra  être  regardé  comme  un 

'      faj   Voyage  en  deux  îîes  défertes  des  Indes 
Orientales j  tame  I ,  pages p  8  —  102, 

(h)  Voyage  de  Carré ,  cité  dans  VHiJîoire  géné- 
rale des  Voyages ,  tome  IX,  page  3. 

(c)  Defcription de  l'île  de  Madagafcar, 

commencement 


</}/  Soliîalre,  &c.        3  ^j  7 

commencement  d'+iiiloire  de  chacune  , 
ou  du  moins  comme  une  notice  de 
nouvelles  elpèces  à  examiner,  de  même 
que  l'on  voit  dans  les  cartes  Géogra- 
phiques une  indication  des  terres  in- 
connues ;  dans  tous  les  cas  ce  fera  un 
avis  aux  Naturaliftes -qui  le  trouveront 
à  portée  d'oblerver  ces  oiieaux  de  plus 
près,  de  les  comparer,  s'il  eft  poriible, 
&  de  nous  en  donner  une  connoiflance 
plus  diflindie  &  plus  précife  :  les  feules 
queOions  que  l'on  a  faites  flir  des  chofes 
Ignorées,  ont  valu  fouvent  plus  d'une 
découverte. 

Le  foiitaîre  de  l'île  Rodrigue  efl  un 
très-gros  oiieriU,  puifqu'ii  y  a  des  mâles 
qui  pèfent  juiqu'à  quarante-cinq  livres: 
3e  plumage  de  ceux-ci  efl:  Ordinairement 
mêlé  de  gris  &  de  brun,  mais  dans  les 
femelles,  c'efl  tantôt  le  brun  &  tantôt 
ïe  jaune -blond  qui  domine.  Carré  dit 
que  le  plumage  de  ces  oiieaux  efl  d'une 
couleur  changeante ,  tirant  fur  le  jaune  , 
ce  qui  convient  à  celui  de  la  femelle  ; 
&  il  ajoute  qu'il  lui  a  paru  d'une  beauté 
admirable. 

Les  femelles  ont  au-deflus  du  beç 

Oifeaux,  Tome  IL  P 


3  j  8        Mifloire  Natureîk 

comme  un  ba-ndeaw  de  veuve  ;  leurs 
plumes  fe  renflent  des  deux  côtés  de  la 
poitrine  en  deux  touffes  blanches ,  qui 
repréfentent  imparfaitement  le  lein  d'une 
femme  ;  les  plumes  des  cuifTes  s'arron- 
dilîent  par  le  bout  en  forme  de  coquilles, 
ce  qui  fait  un  fort  bon  effet  ;  &  comme 
fi  ces  femelles  fentoient  leurs  avantaaes, 
elles  ont  grand  foin  d'arranger  leur  plu- 
mage ,  de  le  polir  avec  le  bec  &  de 
Tajuiler  prefque  continuellement  ,  en 
forte  qu'une  plume  ne  pafTe  pas  l'autre  ; 
elles  ont ,  félon  Léguât ,  Tair  noble  ^l 
gracieux  tout  enfemble;  &  ce  Voyageur 
afîure  que  fouvent  leur  bonne  mine 
ieura  fauve  ia  vie  (d),  fi  cela  eft  ain fi , 
&  que  le  folitaire  &  le  dronte  foient  de 
ia  mêm.e  efpèce  ,  il  faut  admettre  une 
ifès-grande  différence  entre  le  mâle  & 
la  femelle  quant  à  la  bonne  m.ine. 

Xl'et  oifcau  a  quelque  rapport  avec 
ïe  dindon  ;  il  en  auroit  les  pieds  &  le 
bec  fi  fes  pieds  n'étoient  pas  plus  élevés 
&  fon  bec  plus  crochu;  il  a  au iTi  le  cou 
plus   long   proportionnellement  ,    l'oeil 

(d)  Voyez  h  figuH  (page  p  S )  du  Voyage  dg 
Léguât, 


du  Solîîûire,  &c.         335? 

noir  <5c  vif,  la  tête  *ians  crête  ni  huppe 
&  prefcjue  point  de  queue  ;  Ton  derrière, 
qui  eft  arrondi  à  peu  près  comme  la 
croupe  d'un  cheval ,  eft  revêtu  de  ces 
piumes  qu'on  appelle  couvertures. 

Le  folitaire  ne  peut  fè  fervir  de  ies 
ailes  pour  voler,  mais  elles  ne  lui  font 
pas  inutiles  à  d'autres  égards  ;  l'os  de 
i'aileron  fe  renfle  à  Ton  extrémité  en  une 
efpèce  de  bouton  fphérique  qui  fe  cache 
dans  les  plumes  &  lui  fèrt  à  deux  ufages  ; 
premièreinent  pour  fe  défendre  ,  comme 
ii  fait  aufli  avec  le  bec  ;  en  fécond  Jieu 
pour  fifre  une  efpèce  de  battement  ou 
de  moulinet  en  pirouettant  vingt  ou 
trente  fois  du  même  côté  dans  i'efpace 
de  quatre  à  cinq  minutes  ;  ç'efl  ainii , 
dit-on,  que  îe  maie  rappelle  fa  compagne 
avec  un  bruit  qui  a  du  rapport  à  celui 
d'une  crefTerellc  &  sentend  de  deux 
cents  pas. 

On  voit  rarement  ces  oi/êaux  en 
troupes,  quoique  i'efpèce  foit  afTez  nom- 
breufe  ;  quelques-uns  difent  même  qu'oE 
n'en  voit  guère  deux  enfemble  fe). 

'fe)  Hiftoire  générale  des  Voyages,  tom  IX { 
pageji  citant  le  Voj/age  de  Carre» 


'54^         ^'tfaîre  Naturelle 

lis  cherchent  les  lieux  écartes  pouf 
faire  leur  ponte,  iL  confiruilent  leur  nid 
de  feuilles  de  palmiers  aiuonceltes  à  la 
hauteur  d'un  pied  &  demi  ;  la  femelle 
pond  dans  ce  nid  un  œuf  beaucoup  plus 
gros  qu'un  œuf  d'oie  ,  &:  le  mâle  par- 
tage avec  elle  la  foncftion  de  couver.- 

Pendant  tout  le  temps  de  l'incubation, 
&  même  celui  de  l'éducation  ,  ils  ne 
fouffrent  aucun  oilèau  de  leur  efpèce  à 
plus  de  deux  cents  pas  à  la  ronde  ;  & 
l'on  prétend  avoir  remarqué  que  c'eft 
le  mâle  qui  chafie  les  mâles  ,  &  la 
femelle  qui  chafle  les  femelles  ;  remar- 
que difficile  à  faire  fur  un  oileau  qui 
paffe  la  vie  dans  les  lieux  les  plus  fau- 
vages  &  les  plus  écartés. 

L'œuf,  car  il  paroît  que  ces  oi féaux 
n'en  pondent  qu'un  ,  ou  plutôt  n'en 
couvent  qu'un  à  la  fois;  l'œuf,  dis-je, 
ne  vient  à  éclore  qu'au  bout  de  fept 
femaines  (f),  ôl  le  petit  n'efl  en  état 

ffj  Nom,  Ariftote  fixe  au  trentième  jour  fe 
terme  de  l'incubation  peur  les  plu^  gros  oifeaux  , 
tels  que  l'aigle  ,  l'outarde  ,  l'oie  ;  il  e(l  vrai  ou'i! 
Tie  cite  point  l'autruche  en  cet  endroit,  hiji,  Anbut 
kk  VI ,  cap,  VI, 


du  Solitaire,  &c.         341 

de  pourvoir  à  les  bcfoins  que  plufieurs 
mois  après  :  pendant  tout  ce  temps  ie 
père  &  ia  mère  en  ont  foin  ,  &  cette 
feule  circonilance  doit  iui  procurer  uft 
inilincfl:  plus  perfedionné  que  celui  de 
i'autruche  ,  iaquelie  peut  en  naiiîant 
fabfifier  par  eiie-même  ,  &  qui  n'ayant 
jamais  beibin  du  fecours  de  les  père  & 
mère,  vit  ifolée,  fans  aucune  habitude 
intime  avec  eux,  &  fe  prive  ainii  des 
avantages  de  leur  focie'te'  qui ,  comme 
je  l'ai  dit  ailleurs ,  eil  ia  première  édu- 
cation des  animaux  &  celîe  qui  déve- 
ioppe  ie  pius  leurs  qualités  naturelles; 
auifi  l'autruche  pafTe-t-elIe  pour  ie  plus 
ftupide  des  oi'eaux. 

Lorlque  l'éducation  du  jeune  folltalre 
efl  finie ,  ie  père  &  la  mère  demeurent 
toujours  unis  &  fidèles  l'un  à  l'autre , 
quoiqu'ils  aillent  quelquefois  le  mêler 
parmi  d'autres  oifeaux  de  leur  efpèce  : 
les  foins  qu'ils  ont  donnés  en  commun 
au  fruit  de  leur  union  ,  fembient  en 
avoir  refîerré  les  liens  ,  &  lorfque  ia 
fii(on,  les  y  invite  ils  recommencent  une 
nouvelle  ponte. 

On  aiïure  qu'à  tout  âge  on  leur 

Piij 


r542  yïjloîre  Naturelle  ■ 
trouve  une  pierre  dans  le  gtfier  ,  comme 
au  droiite  ;  cette  pierre  eft  grofTe  comme 
un  œuf  de  pouk ,  plate  d'un  côté  , 
convexe  de  Tautre  ,  &  un  peu  raboteufe 
&  afTez  dure  pour  fervir  de  pierre  à 
aiguifer;  on  ajoute  que  cette  pierre  eft 
toujours  feule  dans  ieur  eftomac  ,  & 
qu'elle  efl  trop  grofi^  pour  pouvoir 
pafTcr  par  le  canal  intermédiaire  qui  fait 
îa  feuie  communication  du  jabot  au 
géfier,  d'où  l'on  voudroit  conclure  que 
cette  pierre  fe  forme  naturellement  &  à 
la  manière  des  bézoards ,  dans  le  ge'fier 
du  folitaire  ;  mais  pour  moi  j'en  conclus 
ièulement  que  cet  oifeau  eil:  granivore , 
qu'il  avale  des  pierres  &  des  cailloux 
comme  tous  les  oifeaux  de  cette  cîaiïe  y 
notamment  comme  l'autruche,  le  tou- 
you  ,  le  cafoar  <Sc  le  dronte ,  &:  que  le 
canal  de  communication  du  jabot  au 
géfier  eu  fufceptibîe  d'une  dilatation 
plus  grande  que  ne  l'a  cru  Léguât. 

Le  feul  nom  de  folitaire  indique  un 

naturel    fauvage  ;    &    comment    ne   ie 

fer  oit- il  pas  !    comment  un  oifeau  qui 

compofe  lui  feui  toute  la   couvée  ,  & 

■qui  par  conféquent  pafle  les  premiers 


'du  Solkûtre,  &c.       343' 

feiiips  de  fa  vie  fans  aucune  fociété  avec 
d'autres  oi féaux  de  Ton  âge ,  &  n'ayant 
qu'un  commerce  de  néceffité  avec  Tes 
père  &  mère,  lauvages  eux-mêmes, 
ne  feroit-il  pas  maintenu  par  i'exemple 
&  par  l'habitude  !  on  fait  combien  ies 
habitudes  premières  ont  d'influence  fur 
les  preinières  inclinations  qui  foiment  ie 
naturel  ;  &  ii  eft  à  préfumer  que  toute 
eipèce  où  la  femeîie  ne  couvera  qu'un 
Q^wî  à  ia  fois ,  fera  fauvage  comme  notre 
foiitaire  ;  cependant  il  paroît  encore  plus 
timide  que  iàuvage  ,  car  ii  fe  laiile  ap^ 
procher  &  s'approche  même  affez  fa- 
milièrement, fur-tout  iorfqu'on  ne  court 
pas  après  lui  &  qu'il  n'a  pas  encore 
beaucoup  d'expérience  ;  mais  ii  eft  im- 
pcfîlbie  de  i'apprivoifer.  On  l'attrape 
diâicilement  dans  les  boii  ,  où  ii  peut 
échapper  aux  chafTeurs  par  ia  rufè  <5c 
par.  fon  adreiTe  à  fe  cacher;  mais  commue 
ii  ne  court  pas  fort  viie ,  on  ie  prend 
aifément  dans  ies  plaines  &  dans  ies 
iieux  ouverts:  quand  on  l'a  arrêté ,  il 
ne  jette  aucun  cri ,  mais  il  iaiiïè  tomber 
des  larmes  &  refufe  opiniâtrement  toute 
ïiQurriture.  M.  Caron,  Diredeur  de  la 

Piiij 


'344*  Htfloire  Naturelle 
Compagnie  des  Indes  à  Madagafcar , 
en  ayant  fait  embarc|uer  deux  venant 
de  i'île  de  Bourbon  pour  les  envoyer 
au  Roi  ,  ils  moururent  dans  le  vaifTeau 
fans  avoir  voulu  boire  ni  manger  (g). 

Le  temps  de  ieur  donner,  la  chafîc 
efl  depuis  le  mois  de  mars  au  mois  de 
ieptembre  ,  qui  efi:  l'hiver  àç.s  contrées 
qu'ils  habitent ,  &  qui  eft  auffi  ie  temps 
ou  ils  font  ie  plus  gras  :  ia  chair  des 
jeunes  fur-tout,  eft  d'un  goût  excellent. 

Telle  eft  l'idée  que  Léguât  nous 
donne  du  foiitaire  (h);  il  en  parie  non- 
fèulement  comme  témoin  oculaire  ,  mais 
comme  un  Obfervateur  qui  s'étoit  at- 
taché particulièrement  &  long-temps  à 
étudier  les  mœurs  &  les  habitudes  de 
cet  oifeau;  &  en  e&t,  fa  reiadon,  quoi- 
que gâtée  en  quelques  endroits  par  des 
idées  fabuleufes  (i) ,  contient  néanmoins 
plus  de  détails  hifioriques  fur  le  foliiaire 

(g)  Voyage  de  Carré  aux  Indes. 

(h)  Voyage  de  Léguât ,  tome  l ,  pages  p  S — 102, 

(i)  Par  exemple ,  au   fujet  du   premier  accou- 

pkmcnt  des  jeunes  foliîaires,  où   (on  im3gin:iîioa 

prévenue  lui  a  fait  voir  ies  formaiités  d'une  efpèce 

de  nriuriagej  au  fujet  de  la  pierre  de  i'Eftomac,  &c. 


>45 

que  je  n  . .     ...  .        i.uTu^  .^..v.  ^-juie  ^d'e-» 

criîs  fur  des  oilevîux  plus  géaéralemenî; 
&  plus  ancienneiTieaf  connue.  On  parle 
de  l'autruche  depuis  trente  iîècles,  ôl  l'on 
ignore  aujourd'hui  combien  elle  pond 
d'oeufs  ,  &  combien  elie  elt  de  temps 
à  les  couver. 

L'oiieau  de  nazareth ,  appelé  fans 
doute  ainfi  par  corruption ,  pour  avoir 
été  trouvé  dans  l'île  de  Nazare  ^kj,  a  été 
obfervé  par  Fr.  Gauche  dans  i'iie  Mau- 
rice ,  aujourd'hui  i'île  Françoiiê  ;  c'eil 
lin  très-gros  oifeau ,  ck  pius  gros  qu'un 
cygne;  au  lieu  de  plumes  ii  a  tout  ie 
corps  couvert  d'un  duvet  noir  ;  &  ce- 
pendant ii  n'eft  pas  abfoiument  fans 
plumes,  car  ii  en  a  de  noires  aux  ailes  ce 
de  frifées  far  le  croupion ,  qui  lui  tien- 
nent lieu  de  queue  ;  iï  a  ie  bec  gros  , 
recourbé  un  peu  par-defîous,  ies  jambes 
(  c'eft- à-dire  les  pieds  )  hautes  &:  cou- 
veries  d'écaiiles ,  trois  doigts  à  chaque 

f /i  J   L'île  de  Nazare  eft  plus  haute  que  Vih 
Maurice  à  1 7  degrés  de  latitude  fud.  Voyeila  Def- 

cription de  Madagafcar ,  i^ar  Fr*  Caucàe  .^ 

page  jjo  ir  Juïv^ 


'54^        HiJJoke  Naturelle 

pied  ,  ie  cri  de  l'oiicn ,  &  fa  chair  ert 

inédiocrement  bonne. 

La  fèmelie  ne  pond  qu'un  œuf,  & 
cet  œuf  tÇi  blanc  &  gros  comme  un 
pain  d'un  ibu;  on  trouve  ordinairement 
à  coié  une  pierre  bianche ,  de  la  groi^ 
feur  d'un  œuf  de  pouîe  ,  ôc  peut-être 
cette  pierre  fait  -  elle  ici  ie  même  effet 
que  ces  œufs  de  craie  blanche  que  ies 
Fermières  ont  coutume  de  mettre  dans 
îe  nid  où  elles  veulent  firre  pondre  leurs 
poules  :  celle  de  Nazare  pond  à  terre- 
dans  les  forêts  j  fur  de  petits  tas  d'herbes 
ÔL  de  feuilles  qu'elle  a  formés  ;  fi  on 
tue  le  petit ,  on  trouve  une  pierre  griie 
dans  fon  ge'fier;  la  figure  de  cet  oifeau, 
eil-il  dit  dans  une  note  (1)^  fe  trouve 
dans  ie  Journal  de  la  ficonde  Navigation 
des  Hollandais  aux  Indes  crîentales  , 
&  ils  l'appellent  oifeau  de  Naufée  :  cqs 
dernières  paroles  femblent  décider  la 
qu^ilion  de  l'identité  de  i'efpèce  entr« 
ie  dronte  &  l'oiieau  de  Nazare ,  &:  la 
prouveroient  en  effet,  fi  leurs  delcripdons 

(l)  Voyez  la  Defcripîron de  Madagafcaiî, 

par  Fr.  Gauche  ,  j^age  i  j  à  ix  fuiy^- 


i^e  pfeTemoient  des  «différences  effen- 
ticHes ,  notamment  dans  le  nombre  des 
doigts  ;  mais  fans  entrer  dans  cette  dil- 
Giîfiion  particulière ,  &  fans  prétendre 
réfoudre  un  problème  où  ii  n'y  a  pas 
encore  afiez  de  données  ;  je  me  con- 
tenterai d'indiquer  ici  les  rapports  & 
ies  diftérences  qui  réfultent  de  ia  com- 
parai fon  des  trois  defcriptions. 

Je  vois  d'abord  en  comparant  ces 
trois  oiieaux  à  k  fois ,  qu'ils  appartien- 
nent au  même  climat  &  prefque  aux 
mêfoes  contrées  ;  car  ie  dronte  habite 
i'îie  de  Bourbon  <&  i'île  Françoife  ,  à 
laquelle  il  fembie  avoir  donné  fon  nom 
d'île  au  cygne,  comme  je  l'ai  remarqué 
plus  haut  ;  ie  folitaire  habitoit  l'île  Ro- 
drigue dans  le  temps  qu'elle  étoit  entiè- 
rement déferte ,  &  on  l'a  vu  dans  i'île 
Bourbon  ;  i'oifeau  de  Nazare  fe  trouve 
dans  i'îie  de  Nazare ,  d'où  ii  a  tiré  fon 
nom  &  dans  l'île  Françoife  (m);  or  ces 
quatre  îles  font  voi fines  les  unes  des 
autres  ,  &  il  eft  à  remarquer  qu'aucun 
de  ces  oifeaux  n'a  été  aperçu  dans  le 
continent. 

(m)  Voytz  ci-deiTus  i'Iiiftoirc  l&  ces  oifeauxj 


"^^S         Hîfîoke  Naturelle 

Ils  fè  reiTemblent  auffi  tous  trois  plirâ 
ou  moins  par  la  groffeiir  ,  par  i'im- 
puiiTance  de  voler  ,  par  la  forme  des 
aiies ,  de  la  queue  &  du  corps  entier  ; 
<5c  on  leur  a  trouvé  à  tous  une  ou  piu- 
iieurs  pierres  dans  !e  gëiier ,  cq  c|uï  les 
fuppole  tous  trois  granivores  ;  outre 
■cela  iis  ont  tous  trois  une  allure  fort 
iente,  car,  quoique  Léguât  ne  dife  rien 
de  celle  du  folitaire ,  on  peut  juger  par 
la  figure  qu'il  donne  de  la  femelle  (n), 
que  c'eit  un  oifeau  très-pefant. 

Comparant  enfuite  ces  mêmes  oKeaux 
pris  deux  à  deux ,  je  vois  que  !e  plu- . 
mage  du  dronte  fè  rapproche  de  celui 
du  folitaire  pour  ia  couleur ,  &  de  celui 
de  i'oiieau  de  Nazare  pour  ia  qualité 
de  la  plume  qui  n'efi:  que  du  duvet  ;  & 
que  ces  deux  derniers  oifeaux  convien- 
nent encore  en  ce  qu'  ils  ne  pondent  & 
ne  couvent  qu'un  œuf. 

Je  vois  de  plus  qu'on  a  appliqué 
au  dronte  &  à  i'oiieau  de  Nazare  ie 
même  nom  d'oiieau  de  dégoût. 

Voilà  les  rapports  y  6l  voici  les  diffé- 
rences : 

{fij  Voyage  de  Léguât ,  tome  J,  fage  jx  Sy 


du  Sofitûire  ,  &c,         349 

le  foli taire  a  les  plymes  de  îa  cuidc 
arrondies  par  le  bout  en  coquilles  ,  -ce 
qui  iuppoie  de  véritables  plumes  comme 
en  ont  ordinairement  les  oi féaux,  &  non 
du  duvet  comme  en  ont  le  dronte  & 
l'oiieau  de  Nazare. 

La  femelle  du  folifaire  a  dç:ux  touffes 
de  plumes  blanches  lur  la  poitrine  ;-  on 
ne  dit  rien  de  pareil  de  ia  femelle  des 
deux  autres. 

Le  dronte  a  les  plumes  qui  bordent 
îa  baie  du  bec  diipoiées  en  manière  de 
capuchon  ,  &  cette  difpoiition  efl  fi 
fi-appante  ,  qu'on  en  a  fait  le  trait  ca- 
rac^tcfril.uquig  de  fa  dénomination  (  cycnus 
cucullatiis ) ;  de  plus ,  il  a  les  yeux  dans 
ie  bec,  ce  qui  n'eil  pas  moins  frappant; 
&  i'oii  peut  croire  que  Léguât  n'a  rien 
vu  de  pareil  dans  ie  folitaire  ,  puifqu'il  le 
contente  de  dire  de  cet  oifeau  qu'il  avcit 
tant  obfervé,  que  fa  tête  étoit  fins  crêie 
&:  fans  huppe;  &  Gauche  ne  ^^x  rien  du 
tout  de  celle  de  l'oiieau  de  Nazare. 

Les  deux  derniers  font  haut  montés , 
au  lieu  que  le  dronte  a  les  pieds  très- 
gros  &  très-courts. 

Celui- ci  j  &  ie  folitaire  qu'on  dit  avoir 


5^0        Hi foire  Naturelle 

à  peu  près  les  pieds  du  dindon  ,  ont 
quatre  doigts  ,  (5c  Toifeau  de  Nazare 
n'en  a  que  trois ,  félon  le  témoignage 
de  Gauche. 

Le  foiitaire  a  un  battement  d'ailes 
très-remarquable  ,  &  qui  n'a  point  été 
remarqué  dans  les  deux  autres. 

Enfin  il  paroi t  que  la  chair  des  fo- 
îitaires  ,  &  lur-tout  des  jeunes,  eft 
excellente  ;  que  celle  de  l'oifeau  de  Na- 
zare efl:  médiocre ,  &  celle  du  drorue 
mauvaifc. 

Si  cette  comparai  Ton  qui  a  été  faite 
avec  la  plus  grande  exaélitude,  ne  nous 
met  pas  en  état  de  prendre  un  parti  fur 
la  queftion  propofée ,  c'efl:  parce  que 
les  obfer valions  ne  font  ni  affèz  multi- 
pliées ni  afiez  fûres  ;  il  feroit  donc  à 
defirer  que  les  Voyageurs ,  ôl  fur- tout 
les  Naturalises ,  qui  fe  trouveront  à 
portée  ,  examinaifent  ces  trois  oifèaux , 
&  qu'ils  en  fiiïent  une  defcription  exaéle, 
qifi  porteroit  principalement  : 

Sur  la  fonne  de  la  tête  &  du  bec  : 

Sur  la  qualité  des  plumes  : 

Sur  la  forijie  (Se  les  dimenfions  û^^ 
pieds  i 


€///  Solhdire,  &a        35Ï! 
"Sur  k  nombre  des.cioims  : 
Sur  les  difîérences  qui  ie   trouvent 

entre  le   mâle  .&  la  fenielle  : 

Entre  les  poufîins  *Sc  les  adultes-: 
Sur    leur   façon    de   marcher  oc  de 

courir  : 

En  ajoutant,  autant  qu'il  feroit  po(^ 

iible ,  ce  que  l'on  fait  dans  ie  pays  fur 

ieur  génération ,   c'e(t-à-dire  ,    lur  leur 

manière  de  le  rappeler,  de  s'accoupler, 

de  faire  ieur  nid  &  de  couver: 

Sur  le  nombre ,  la  forme ,  la  couleur, 

ie  poids  &  le  volume  de  leurs  cjcufs  : 
Sur  le  temps  de  l'incubation  : 
Sur  leur  manière  d'élever  leurs  petits  : 
Sur  la  façon  dont  ils  le  nourrilîènt 

eux-mêmes  : 

Enfin  fur  la  forme  &  les  dimenfîons 

de  leur  edomaç  ,  de  leurs  inteftins  <Sc  de 

ieurs  parties  fexuelles. 

I^IN  du  fécond  Volume  des  Oifeaux^ 


i 

i  f^S&SI^^^^ÊL 

ffx^^SBt 

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