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Full text of "Histoire naturelle et moralle des Indes, tant Orientalles qu'Occidentalles : où, il est traicté des choses remarquables du ciel, des elemens ... qui sont propres de ce pays. : ensemble des mœurs, ceremonies ... des mesmes Indiens."

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A PARIS, 


histoire 

natvreliæ 

ET  MORALLE 

deslndes,tanc  Orientalles 
qu'Occidencaücs: 

çhfil  efl  trdiBe  des  chofes  rerndri^uahles  du  Oe 
Elemensy  Métaux  fFlantès  e?"  Animaux  fi  t 
propres  de  ce  pays,  En[emhledesmœurs:,ccren 
loix-y  gouuernemms 
diens, 

Gompofée  cïi  Caftillan  par  loteph  Acôlta 
traduite  en  François  par  Robert 
Régnault  Cauxois. 

DEDIE'  AV  RÔY. 


Dernicre  cdition,reüeuë  corrigée 
mueau. 


ChezM  A R G O R R Y,ruë  S.îaqi 

au  Lyon  Rampant.  j, 

m7d:c; 

( \ 


nmm 


D E 


AV  ROY  TRES  CHRESTIEN 

FRANCE  ET  DE  NAVARRE. 

Henry  IIII.  de  ce  nom. 

, Cet  admirMeO'  tnmncme  guemer 

! ydexAndre^idh  Koy  des  Macedomens,  qui 
^ar  f*  vdeur  CT  heureufe fortune,  rangea 
fiu4 [on  fournir  tout  es  les  ^rouinces  de  Grece,au  farauat 
defvmes  en  flufeurs  Cantons  CTK^fMques,  fuis 
pajfantla  mer  de  ï autre  cofté/uhmgua  le  tref grand 
Cr  trefofulentl^aumede  Perfes  aT  de  la  continuât 
plus  outre  Jit  retentir  [es  armes  tujques  bien  auant  de^ 

danstlndeOrientallefornedefesdejfeins,  CTfour  lors 

la  flm  renommes  CT  fln^heureufi  région  delà  terrez 
Entre  mille  grandes  CT  belles  affeBtons  qm  Ugeoient 
en f m amegenereufe  ay' guerrier e,auoit  cette-cy  , qu  il 
defiroit  O' de  vaincre  CT [urmonter  tous  les  autreS,noff 
point  feulement  en  valeur  CT  réputation  d'armes-,  mais 
aup  en  fauoir  CT  cognoifance  des  chofes  : (T  fur  tout 
des  terres  O*  régions  efranges.P e telle  fa^on,  qu  il  fai-^ 

fostcurieujement  rechercher  [a^k  quelque  prix  que  cé 

fut  ) tous  les  liures  rares  exquis  qu  on  feuueit  re- 

souurer  de  fin  temps.Etluy  encor  fortieunei  comme  les 

^mbafadeurs  de  Perfefufent  venus  vn  iour  deuersfin 
pere,il  les  enquifl  fi particulièrement  de  la  naturegran^ 
deur,crfituatio  du  S^oyaume  de  Perfides  viHesfleuues 
0*montagnesd'iceluy:mefmes  des  mœurs  du peuple,0* 

1 I . *-7  U/HArUp  tnfJ.f'  Cf 


fitiguliei 


Ê PI  ST  RE 

iie  ce^dt  Untais  dej^nlf,iuJqHes.a  ce  qicdeut  cont^uUcé 
grand  O' florÿant  Empire, de  forte  e^u'on  pourrait  dire 
auec  raifon,cpue  les  proposer  aduertifemets  de  ces  ^yCm- 
hajfadeursfurent  comme  la  première  efimctlle,ot*  caufi 
des  grandes  viBoires  O'  heureux  fucce's  qui  luy  amue^ 

rent  depuis.  Dequoy  me  refouuenantyS  1 É,  (17"  dela> 

comparaifon  que  plujieursfont  auiourd’huy  ,deja  valeur^ 
clemcncei^honne fortune  aU  vofre, voire  de  plufeurs 
autres  dons,cr'  vertm  héroïques,  dont  il  e^oit  doué,  qui 
vous  font  pareillement  comunes'.Outre  ce  que  tous  deux 
puijfans  ce  redoutefPrmces,e^es  ijjus  ( quoy  qu  en  dt^ 
uers fiecles)dvn  mefne  ejîoc  de  nohlejfe,0^race  de  Her-* 
cules,  luy  par  CaranusiEt  vous,S  i R Y., par  charlema^ 
gne,qm juiuant  les  anciens  tefnoignages , en  efoit  aufi 
defeedui  &de  l a race  duquel  vo^  efes  extraiBpar  leKoy 
S.Loysce  les  autres  Eoys  de  Frace  vospredeceJJeurs,iJfus 
delà  race  du  mefme  Charlemagne  par fexe féminin:!  e me 
fuis  enhardy  de  traduire  en  langueFra^oife  V B ifloirena 
tutelle  et  moralle  des  Jndes  Orient  ailes, neuuellement 
compofeeen  Cajiillanpar  lofeph  ^cofa,  homme  certaU 
nement  doBeO'fort  curieux, pour  laprefenteraux  pieds 
devofre  Majcf  e, fous  efpoif  que  celuy  feroitchojèagrea- 
hle,pour  la  deleBable  variété  et  nouueauté  des  ckofes 
qui  y font  contenues:  Comme  le  croy  qu*.y€lexandre  mef 
mel'orroit  fort  volontiers  s’il  viuoit  en  ce  prefent  Jtecle} 
luy  qui  tant  de  fois  de  fin  temps  defra  qud  fuiî  encor* 
vn  autre  monde, h fin  d'auoir  vn  plus  large  champ  d'ex-- 
ercer  fis  prouejfes.  Et  ce  qui  plus  nia  incité  de  l'entre^ 
prendre, a efié  que  les  Ejpagnols,ialeux  et  enuieux  de  ce 
hien,ayantsfait  brufier  ^ar  EdiB puhltc{  comme  on  nia 
aduerty  puis  quelque  temps) tous  les  exemplaires  de  ce- 
fie  Hifioirefifind’enprtuerlesautres  nations,  et  leur 
celer  U cognoifance  des  Indes»  iay  penfé  que  ieferjü 


AV  Roy. 

faute Jîie  Ulfil/ perdre  d U France{Jt  curlettfe  deschojès 
rares  heUes)vn fi  riche  loyau^c'J  vnefi  gentiUe  Ht- 

fioirefejuel'^uthettr  acomfofiéeJ,aflnsg^<^n^^  a 
'veued^œilyO'  fmles  mefmes  lietiXy  d’vntel  ordre  <(sr 
hrieueté qu'auec  home  ratfon  d peut  efîre  appelle  l’He  ^ 
radote  O^le  FÜne  de  ce  monde  mmellement  deJçoMuert, 
Bref  te  peux  dire  de  ce  CafidanyS  i R ceft  vn 
prifennier  d’entre  vos  ennemis  Jequel  tay  furpns  en  fa 
terre  Juy  ayant  appris  tellement  quellemettt  nofire  Un-> 

gue  Françoifepeurvousleprefenteryàfinqunlvous  con-^ 

duife  O' toutes  les  fingulante\plm  exqutfes 

de  ce  nouueau  monde  fans  crainte  cr  danger  de  naufra-  - 
ge.Qu^  fiycomme  Alexandre  fiuueram  d’vnegranae 
Megion  de  l’Europe  en  la partie  d’ Orient yA  voulu  tourner 
fies dejfemsfiur  l'Inde  Onentale-,^mfi voua  S ï . R ^y^jfi^ 
de  Ja  mefme  race  y comme  - luy  Prince  m"popfeur 

triumphant  d’vn grand  O"  florijjant  Royaume  de  kEu - 
rope  en  la  partie  d’ Occident  yVeiUefaufii  voir-cr’regar- 
der  de  plus  près  cesJndes  OccidentalleSyencerplus  riches 
^ renornmees  dprefent  que  ne furent  oncq  les  Orient ar 

lessCefiuymefmc  vous  fferuira  de  guide  de  tres-fi’^ 

délie  efpionypoùr  vous  aduerttr  desportSyvilles0^  mon-r 
tagnesd' iceluy  yO'  de  l’ordre  nature  dupeupleÿdonf 

il  vous  dira  d’auant  âge  que  ne firent  sncqles  ^mkajfa, 
deurs  dePèrfé  au  Poy  Mexandre.Jl plaira  donc  a vop 
fire  Maiefie'yS  i R 'E/ecemirde  hone  part  ce  trefor  efira- 
geryque  vous  offre  l'vn  de  vos  humbles  fidelles  Jùb- 
setSypourtefhmgnage  du feruice  qu’il  vous  doit 
a voué p^ur  toute' fa  vie. 

pu  Haure  de  Graceyle premier  Décembre,  15.9  7.  ; - 

yoftrctres-humblc,&  très  obeifTant  fuljjjca&feraitcur, 
Robert  regnavld. 

^ iij 


UD  FBKXISS'EM  EN  T D E 
l'autheur  aux  Leflturs, 


. Lufieurs  autheurs  ont  cfcrit  dw  li-* 

I ares , & des  narrations , du  nouueau 
k monde  & des  Indes  Occidentales,cf- 
-A-.- J quels  ils  defcriuent  les  chofes  nou- 
uelles,&  eftrangcs , que  l'on  a dcfcouuertes  en 
CCS  parties  la, les  a6bes , & les  aducntures  des  EU 
pagnols  qui  les  ont  côqueftecs&peuplees.Mais 
iufques  à prefent  ie  n’ay  vcu  aucun  authcur,  qui 
trai6fce,&  déclaré  les  caufcs  ,&raifons  , de  tel- 
les nouueautés,&  merueillcs  de  nature,ny  mcU 
mes  qui  en  face  aucun  difcours  & rccerche.  le 
n’ay  point  V eu  aiiiTi  liure  qui  face  mention  des 
beftesj&hiftoiresdcsmefmes  Indiens  anciens, 
& naturels  habitans  du  nouueau  monde.  A la 
vérité  ces  deux  chofes  font  aiTez  difficiles  , 
première  d’autât  que  font  œuures  de  nature,qui 
fortent,  & font  contraires  à la  philofophic  an- 
cienne receue  & pratiquée,commc  de  raonftrer 
que  la  région  qu'ils  appellent  Torri<^  > cft  fort 
1 fort  tcoîPcrcc% 


aregion  quiis  appeuem  

humide, & en  pluficurs  endroits  fort  temperee, 
l’il  pleut  en  icelle  quand  le  Soleil  en  clt  plus 


& qu’ii  pleut  en  icciie  quauu  ie  w.  — i'— 
proche,&autres  fcmblableschofes.Car  ceuxqut 
ont  efcric  des  Indes  Occidentales,n  ont  pas  fait 
profefliondetantde  philofophic /voirc  la  plus 


J 


part  d’iccux  efcriuâins  ne  fe  font  pas  apperceus 
de  telle  choreXà  fécondé  eftqu^ellc  traide  des 
belles , Ôc  hiftoire  propre  des  Indiens , laquelle 
chofercqueroit  beaucoup  de  communicatiô  & 
de  progrès  dans  le  pays  auec  les  mermes  Indios 
ce  que  la  plus  part  de  ceux  qtü  ont  traidé  dcsln- 
des,n’ont  peu  faire,  ou  pour  n’entendre  Icurl^ 
guCjOu  pour  ne  vouloir  recherche  ,leurkantt- 
qüitez  , tellement  qu’ils  fe  font  contentez  de 
raconter  quelque  cho(è  d eux  qui  eftoit  le  plus 
commun  & fuperficiel.  Defirant  donc  auoir 
quelque  plus  particulière  cognoiflance  de  leurs 
chofes  , i’ay  fait  diligence  de 'm’informer  des 
hommes,  les  plus  expérimentés  verfez , en 
CCS  matières,  pour  tirer,  & recuillir,  de  leurs 
difcours&  relations,  ce  qui  m’a  femblé  fuffire 
pour  donner  cognoilTancc  des  faits  & couftu- 
înes  de  ces  peuples.  Et  en  ce  qui  eft  du  naturel 
du  pays , & de  leurs  proprietez , ie  l’ay  apprins 
par  l’experience  de  plulicurs  amis , & par  la 
diligence  qu<e  i’ây  faite  de  chercher  , difeou- 
rir  i & conférer  auec  perfonnes  fages  & expé- 
rimentez. Il  me  femble  mcfme  qu’en  ce  fai- 
fant , il  fe  prefente  quelques  aduertiffèments, 
qui  pourront  feruir  & proffiter  à d’autres  ef- 
prits  meilleurs,  affin  de  chercher  la  vérité,  ou 
de  palier  plus  outre  , en  trouuant  agréable  ce 
qu’ils  trouucront  cy  dedans.  Ainfi  combien 
que  le  nouueau  môde,n’eftplus  nouueaUi  mais 
vieil,veu  le  beaucoup  que  l’on  a eferit  d’ice- 
luy,ce  neantmpins  celle  hiftoire  pourra  eftre 
tenue  en  quelque  façon  pour  nouuellc,  d autant 
qu’elleeftçnpatriçhiftpirc,  5c  en  partie  philo- 


fophie,  êc  non  {culemcnt , d’autant  que  ce  font 
<ruures  de  nature,  mais  auffi  celles.du  liberal  ar^ 
bhre  , qui  iom  les  faits , & couftumes  des  hom-^ 
jïiês,  ce  qui  m!a  dènnéoccafion  de luy  donner 
,n6m  d’Hiftoirc  Naturelle  Sc  Moralle  des  In- 
des,, com  prenant  ces  deux  chofes.ll  eft  fait  men- 
'tmnesdeux  premiers  liures.,  de  ce  qui  rouej^ 
le  cie^h,  température , ôc  habitation  de  ce  mon- 
ade, lefquels  liarésiiîuois  premièrement  efcrits 
:en  Latin  , &c  maintenant  les^ay  traduits  vfant 
plus  delà  licence  dWthcur  y 'que  de  l’obliga- 
tion d interprété,  pour  m’aceômmoder  mieux 
à ceux  pour  qui  elle  eft  cfcrite  en  vulgaire.  E,s 
deux  hures  fuyuants  eft  trai(fté,cc  qui  touche 
cesftlementsôc  mixtes  naturels  , quifontme- 
taux  pi  a n teSi&  a n i m au  x , . & ce  qui  fe mble  rç- 
-niarauableaux  Indes , le  refted;es  liures  dilcou-^ 

• raaif  ce  que  i’ay  peu  difeourir  au  certain , , ^ ce 
qui  m a lemblé  digne  de  mémoire  des  homnacs 
de.leurs  belles , ( ie  veux  dire,  des  mefmes  ln- 
diés).  de  leurs  ceremonies,  cou  ft  urnes,  go  uuer- 
nement. guerres  & aduen.cures,  iHera  dit  en. la  j 
mefmehiftoire  , comme  i’ay  peu  apprendre^  & 
cognoiftre  les beftes  des  anciens  Indiens,  veu 
qu’ils n’anoient  aucune  crcriture,ny  caradere, 
comme  nous  allons , ce  qui  n’cft  pas  peu  d’ig- 
^duftrie  d auoir  peu  conferuer  leurs  anriquitez 
faiis l’vfagedeslettresr,  enfin  l’intention  de  ce 
trauail  eft  afin  que  ayant  la  cognoilfance  des 
œuures  naturelles,  que  le  fage  autheur  de  toute 
la  nature  a faites  , l’on  loue  de  glorifie  le  hault 
Dieu,  qui  eft  merueilleux  en  tout  Ôc  par  tour, 
bt  qu’ayant  cognoUrance  des  couftumes  & 


chofesdcs  Indiens,  l’on  leur  aide  plus  faciîle^ 
meptà  fuyurc,&pcrreuerer  en  la  haute  voca- 
tion du  S.Euangile,àlacpgnoiflanccde  laquel- 
le le  reigneur  a voulu  amener  cefte  natiop  fia» 
ueoglce  en  ces  derniers  fiecles.  Outke  tbuteç 
ces  chofcsvn  chacun  pourra  mcfme  tirér  pour 
foy  quelque  fruir,attendu  que  le  fage  tire  touf- 
iours  quelque  chofe  de  bon  de  quelque  petit 
fubietque  cepuifle  eftre, comme  l’on  peut  ti- 
rer des  plus  vils  & petits  animaux  vne  grande 
philofophie.llrcfte  feulement  d’aduettir  le  le- 
cteur ^ que  les  deux  premiers  liures  de  cefte 
hiftoire.  ou  difeours , ont  cfté  eferits  eftant  au 
Peru,  & les  autres  cinq  depuis  en  Europe  , l’o- 
bedience,  m’ayant  comitiandé  de  retourner, 
par  deç3(:ainfi  les  vns  parlent  des  chofes  des 
Indes  comme  de  chofes-prefentes,  & les  autres 
corame.de  chofes  abfentes.  C çft,  pourquoy  il 
m'afemblé  bon  daduçrtic  le  Lecteur  dccecy, 
afin  que  cefte  diuerfitéde  parler  nçluyfoit  en- 
nuyeufej,_ 


- _ . / 

ÎJ  Uîsro  JII^M  /N  2>/U/f 

tvRAlem  a Iosepho 
^coJlâHt^micofermone  cfimpiUram  ,mfer  à 
S^herto  I^gmddo  GüÜicé  reddttam, 

K^fd  LeBhrem, 

I luftrare  nouos  rctinérc  cupidinc 
mundos,  - 

^ Lataq',  fl  Pela'gi  littora  noffe  ciipist 
I Hue  curfus  difpone  tuos,  non  nau- 
J fealædct, 

Neé  ftomachus  ciucm  te  vetet  cfTe  maris. 

I^il  opiis  cft  veloarimas  {àrcire  carinis, 

Aur  Magnetiaca pixide.nil  opus  eft. 

Altcr  Tiphysadeft,extfemas  ire  per  oras 
Edocet,&  populôs',iam  breuiorc  via: 

Sidéra  fub  terris  vetcrl  non  cognita  fcclo, 

3rcaq-,  in  occidno  limine  fîgna,  refera 
..périem  Zonæ,qùenon  habitabilis  antè 
ludicio' veterum,tunc  habita  ta'  tamen: 
Noueris  in  curfu  quo  figno  vtatur,  & aura, 

Védicet  atque  fibi  quidquid  vterquepolus. 

Noiieris  & montes.Germaniqi  oraTyphœi 
Igniuoma,  Sepifees,  flumina  magna,lacus, 
Templa/acerdotes,  verique  imitaminacultus, 
Chriftiçolûm  ritus  vt  coluilFe  putes. 

Annales, faftofqilibros^elemcntâque, régna, 

Irapcrium,rcges,  prælia,  magna,duces. 
Terra  ferax  gcmmis,fulu6qircferta  métallo, 

Sc  percgrinatibiconfpicienda  dabit. 

Pcniqlquod  luftris,  & fumptibus  haufit  iber*, 
^ Bis  quarto  poteris  parcus  adiré  die. 

AntonivsBqîidoiu 


I^hertum  ^gin/ddum  tradu^orem^ 

Te Francifcis alit , quem  nobis cdidit  vrbs^ 

' LU' 

Vcllerij  rnofltisnoiïîine,  nomen  habct. 
BjEtica(demirans  gcniiim)mutaie  loquelam 
Inftitic.vtpptius  dicereE  cffefuum. 
Ipfctamcn  patriærcducemtei'eddis’,  dCjilla 
Qjaæ  fecreta  cupit , cognitiora  facis. 
on  re  pœniteat  tanti,Reginalde , laboris. 

Hoc  tibi  nap  patriæ  pignus  amoris  erit; 
Parua videre  paras  vidorem  praemia  regem 
Henricum,&  facras  contcruiire  manusJ 
Quigrarus  patriæ,tum  regi,deferit  auras, 
Re(5iiùs  ille  fuo  munere  fundtus  abit. 

'■  Antonivs  Bond o Ro 

\.  . 'ïfi 

^demdemde'mfcnptmelthn,. 

ECquid  iddn  prima  promittic  frontc  libellus 
Indos  eoos  occidubfquc  fimul. 
Attamenhéfperias  tantummodo  dctegit  oras, 
Nulla  ferè  eoi  eft  mcntio  fada  Coli 
Hoc,Rcginalde,typisxlcbetur , non  mus  e^roro 
(Error  fi  fueriE  confplçicndusibi.  ) 

Occiduus  nobis,alijs  orit\irus  habetur 
Phœbus-.nil  prius  cft,pbftcriulve  globo. 

Ant.  Bondo^. 


M.CHARLES  REGNAVLD, 
A Robert  Regn  AV  LD  son 
Frere^fu):  la  craduftionde  FHiftoi- 
re  Naturelle  des  Indes  Occiden» 
taies, 


I 


I 

I 


A M.  REGNAVLD  SVR 
laVersionde  l h ist  Di- 
re des  Indes  de  TEfpagnol  de  Io« 
fephe  Acofta. 

SONRT. 

Polyclete  irnager  hunnoitvn  viftge 
Sihien  apres  le  vif  que  nature  amitpeur 
Qjfelle  fimblafî  amir fur  l'image  trompeur 
1.11e  mefmé  imite  lestraiBsdefonouurage,  - ^ 

Mais  le  feul  Hyponte  entre  ceux  de fin  aage 
M efinfa  ce  fl  ouuner  deflreux  que  l honneur 
D*vn  tâhleauqu  il  offrait  retournafl  au  denneurl 
Non  à l'art  que  l'on  eufl  admire  d'auantage. 

^infi  tout  Eflagnol  qui  veoirra  que  tes  doigts 
Ont  d*vn  traiBp  dtum fait  Mofla  François, 

Qm  deuancèpar  toy  ne fait  plus  quete fuyurei 
Craindra  que  ton  labeur  fut  du  flen  le  tombeau 
T m renom fin  oubly/a  cendre  ton flambeau 
Et  du  riche  Féru  les  fecretsincognus, 

Frira  que  ton  pinceau  ne  nom  change fin  Hure, 

F.  l'Ep  ARMENTiER. 


Ex(mtlitfrmlegeà;l  l{oy. 

inar  grâce  &priuilege  du  Roy  il  eft  permis  à 
1 Robert  Regnauld  de  faire  imprimer  par  tel  . 
libraire  ou  imprimeur  que  bon  luy  fembjera,  | 

fon  Hiftoire  Naturelle  & Moralle  des^dndcs,  | 
tradmtte  de  Caftillanen  François,  Ôc  ce  pour  | 
l’efpace  & terme  de  dix  années , & dcttenfes  I 
font  faites  à tous  libraires  & imprimeurs  de  j 
n’imprimer  ou  faire  imprimer  ledit  liure  fans  le 
confentementjde  O h ÿ fur  peine  de  cinquante 
efeus d’am,ende,&  de confifeatiô des  Exemplai- 
res quif  en  trouueront  imprimez  : Et  ledit  Ro- 
bert Regnauld  a choifi  Ôc  tranfporté  fon  priui-  j 
hoc  à MarcOrry  marchant  libraire  àParis.pouc 
Ic^empsdedix  ans.Donné  le  i. [Décembre mil 
cinq  cens  quatre  vingts  dixfept.Èt  de  noftre  ré- 
gné le  hui6liefme.  Signé  H EN  R Y.  Et  p^sbas 
Potier.  Et  feellé  en  dre  iaunc  fur  limple 
queue. 


ï 


LIVRE  PREMIER  DE 


LHlSTOi:^E  NATVRELLE 
& morale  des  Indes^tant 
Orientales  qu’Occi- 
dentales. 

Del*opmon  <jue  (Quelques  jlutheur s ont  cm penjàns  que 
le  Ciel  ne  s'ejlendoit  mjques  au  nouueau  Monde, 
Chapitré  premier. 

Es  anciens  ont  efté  Ci  eC- 
longnezdc  penfer , qu’il 
y eut  peuple  ou  nation 
habitante  en  ceftui  nou» 
ueau  môde^que  plufieurs 
mefnie  d’entr’eux  n’ont 
peu  s’imaginer  que  de  ce 
cofte  cy  J y eut  feulement 
terre:  & qui  plus  efl:  digne  de  merueille,f  en  font 
trouué  aucuns , qui  ont  nié  tout  ouuertcment 
que  le  Ciehquc  nous  y voyons  à prefenr,y  peuft 
cftrc.  Car  iaçoit  que  la  plus  grand  part,  voire 
les  plus  renommez  entre  les  Philofophcs,ayent 
bien  recogneu  que  le  Ciel  cftoit  tout  rond, 
(comme  en  cfFeét  il  l’eft  ) & que  par  ce  moyen 
il  entouroit  ôc  ceignoit  toute  la  terre,  l’enfer- 
rant Sc  comprenant  dedans  foy  : Ncantmoins 

A 


Histoire  natvrelle 
plufieurs  du  nombre  mefme  des  Dodeurs  fa- 
crez , de  plus  grande  authoritc , ont  eu  fur  ce 
point  difFcrentes  opinions  : f’imaginans  la  fa- 
bricque  de  ceft  vniucrs,à  la  façon  d ’vne  maifon 
en  laquelle  le  toi6b  qui  la  couure , circuit  & f c- 
ftend  tant  feulement  en  la  partie  d’enhaut,  & 
non  pas  par  toutes  les  autres  parties  ; alleguans 
pout'leur  raiion  que  la  terre  autrement  de- 
meureroit  fufpendue , au  milieu  de  l’air.  Ce  qui 
leur  fembloitchofe  du  tout  hors  d apparence: 
& tout  ainli  que  l’on  void  en  tout  baftiment , le 
fondement  & raJTiettc  fîtuez  d’vne  part,  &lc 
toid  & couuerture  d’vne  autre  oppofite  & cô- 
traire,  ainfi  qu’en  ce  grand  édifice  de  l’vniuers, 
rn.  toutle  Ciel  deraeuraft  en  la  partie  d’enhaut , ôc 
la  terre  en  la  partie  d’embas.  Le  glorieux  Chry- 

l.in  r/>,H.foftome,  comme  homme  qui  feft  plus  occupe 
\d  Hebr.  en  l’eftudc  des  lettres  facrees , que  non  pas  aux 
fciences  d’humanité , femble  cftre  de  cefte  opi- 
nion, quand  il  ferid  en  fes  Commentaires  fur 
l’epiftre  aux  Hebrieux , de  ceux  là  qui  afferment 
la  rotondité  du  Ciel.  Et  femble  que  la  fainde 
Eferiture  ne  vueille  fignifier  autre  chofe,  ap- 
pellant  le  Ciel , tabernacle,  ou  taudis,  faid  de  la 
ffel.s.  main  de  Dieu.  Etfurce  fubiedil  paflcplus  ou- 
demchryf.  trc,  difant  quc  ce  qui  fe  meut  & chemine,  n elt 
7om.6.i^,  pas  le  Ciel,  mais  que  c’eft  le  Soleil,  la  Lune , & 
cftoilles  qui  fe  meuuent  au  CielEn  la  façon 
les  paflireaux,  & autres  oyfeauxfe  men- 

■ uent  parray  l'air , tout  au  contraire  de  ce  que  les 

Philofophes  penfent , qu’ils  fe  tournent  auec  le 
mefme  Ciel,comme  les  bras  dVne  roüe,  auec  la 
mefme  roüc.  Theodotet  autheur  fort  grauc 


Dès  Indes  Liv.  I.  2 

fuit  en  cefte  opinion,  Chryfofl:omc,&  Théo-  *theop.mi. 
phileaufîi,  félon  qu’il  ade  couftume,  prefque 
en  toutes  chofes.  Mais  Ladtance  Firmian,  de- 
uant  tous  les  deiTusditSjayant  la  raefme  opiniô,  Mp.%4. 
fc  moque  des  Peripatetidens  & Academiques, 
qui  donnent  vne  figure  ronde  au  Cieheonfti- 
tuans  la  terre  au  milieu  du  monde  : pour  autant 
que  ce  luy  femble  chofe  ridicule,  que  la  terre 
demeure  fufjjendue  en  rair,comme  il  eft  deuant  [! 

dit. Par  laquelle  fienne  opinion,  il  fe  conforme 
à celle  d’Epicure,qui  tien  t,que  de  l’autre  part  de 
la  terre,  il  n’y  a autre  chofe  qu’vn  Chaos,  ou 
abyfme  infiny.  Et  femble  mcfme  que  faind: 

Hierofme  f approche  aucunement  de  cefte  opi-  I 
nion , efcriuant  fur  l’epiftrc  aux  Ephefiens  en 
ces  termes  : Le  Phtlojophe  naturel  pdr  Jk  centemplâ- 
t ion  pénétré  iufques  m hdult  du  Ciel^O^  de  l' autre  part 
iltrouue  vngraÀ  vmde^  aux  profonds  Cf’  ahyjmesde  U 
terre.Von  dit  auffi  que  Procope  afferme  (ce  que 
ien’ay  veu  toutesfois)  fur  le  liuredu  Genefc,  Sixttu  Se- 
que  l’opinion  d’Ariftote  touchant  la  figure  , & 
mouuement  circulaire  du  Ciel  eft  contraire  & ‘ 

répugnant  à la  fainéle  Efcriture.Mais  quoy  que 
difent  & tiennent  là  defliis  tous  les  anciens,  il 
. ne  f en  faut  efmouuoir.Pource  qu’il  eft  tout  co- 
gncLi  & approuuc  qu’ils  ne  fe  font  pas  tant  fon- 
ciez des  fciences  &demonftrations  dcphilofo- 
phierpourautàt  qu’ils  fe  font  occupez  à d’autres 
de  bien  plus  grande  impôt tâce.  Mais  ce  qui  plus 
eft  à efmcrueiller , eft  queS.  Auguftinmefme,  /ingj.z.de 
tant  verfé  en  toutes  les  fcienccs  naturelles,  voi-  Genef.  ad 
re  fort  dode  en l’Aftrologie,&  Phyfique,ncât- 
moins  demeure  toufiours  en  doute, fans  fe  pou- 

Aij 


I 

> 

■I  3J. 


i 


i 


SdpUa» 


Histoire  'natyrelie 
uoif  refoudre,  fl  le  Ciel  circuit  la  terre  de  rôtî- 
tes parts,  ou  non.  [oucie-ie  ( difoit-il  ) ejue 

neJpenpons  ^tte  le  Ciel,  comme  vne  houle  enferre  enfiy 
U ferre  de  foutes  parts  ^e^ant  icelle  au  milieu  du  monde, 
comme  au  peloton  de  fil  le  fondreau:  ou  que  nous  difions 
qu'ilneflpasainfhmaisque  leciel  couure  la  terre  par 

'une  part  feulement, tout  atn fi  quvn  grand  plat, qui  cH 

par  le  dejfus.  Au  mefme  lieu  que  deflus , il  lemble 
demoftrer,  voire  dit  clairemct  qu’il  n’y  a demo- 
ftration  certaine,  pour  affermer  la  figure  ronde  j 
du  Ciel, mais  feulement  de  fîmples  coniedures. 
Efquels  lieux  alléguez,  & en  d’autres  endroits 
mcfmes  ils  tiennent  pour  chofe  douteufe  le 
niouueraent  circulaire  du  ciel.  Ncantmoins 
on  ne  fe  doit  ofFenfer,  ny  auoir  en  moindre  efti- 
me  les  Dodeurs  de  la  fainde  Eglifc,  fi  en  quel- 
ques poindts  de  laPhilofophie  & fcicnces  na- 
turelles ils  ont  eu  differente  opinion  à ce,  qui 
cft  tenu  & receu  pour  bonne  philofophic  : veu 
que  toute  leur  eftudc  a efté  de  cognoiftre,  pref- 
cher , & feruir  le  Créateur  de  toutes  chofes , en 
quoy  ils  ont  efté  exccllens,  & comme  ay  ans  bie 
employé  leur  eftude  en  chofe  plus  importante,  j 
c’eft  peu  de  chofe  en  eux  de  n auoir  cognu  tou-  j 
tes  les  particularitez  concernantes  les  creatu- 
xcs.  Mais  bien  d’auantage  font  à reprendre  les  ! 
Philofophes  vains  de  ce  fieclc , qui  attaignans 
iufques  à la  cognoiflànce  de  1 eftre,  & ordre  des 
créatures  du  cours  & mouuemçnt  des  Cieux, 
ne  font  pas  paruenus  (malheureux  qu’ils  font)à  j 
cognoiftre  le  Créateur  de  toutes  les  chofes.  Et  | 
Ecrapefehansdu  tout  en  fes  œuurcs, n’ont  point  | 
montepat  leurs  imaginatiôs  iufquesà  cognoi-  | 


Des  Indes.  L i v.  I.  5 

ftrc  Tautheur  fouucrain  d’icelles jain fi  que  nous 
cnfeignelafaiiiâieEfcritui'e:  oubien  s'ils  l’onc 
cogneu,ne  l’ont  point  ferui  & glorifié  comme 
ils  dcuoientjaueuglez  de  leurs  inuentions , de- 
quoy  1 es  accufe  & reprend  l’Apoftrc. 

Qw  le  ciel  efl  rond  de  toutes  farts  yfe  momant  en 
fin  tourde  fi^-mejme, 

C H A P.  II. 


R venans  à noftrefiibieéî:,  il  n’y  a 
point  de  doute,  que  l’opinion  qu'ôt 
eu  Ariftotc  & les  autres  Peripateti- 
dés  auec  les  Stoïques  ( que  la  figure 
'du  Ciel  eftoitrondcj&femouuoic 
circulairement  en  fon  tour)eft  fi  parfaitement 
véritable  que  nous, qui  fommes  &viuons  à pre- 
fent  au  Peru,  le  voions  de  nos  propres  yeux.  En 
quoy  l’cxpericncc  doit  valoir  d’auantage , que 
toute  autre  demôftration  philofophique , d au- 
tât  que  pour  faire  cognoiftre  que  le  ciel  efl:  tout 
rond , & qu’il  côprend  & circuit  en  foy  la  terre 
de  to^  coftez , Sc  pour  en  cfclarcir  tout  le  doute 
que  l’on  en  pourroit  auoir,il  fuffit  que  i’ay e veu 
& contêplé  en  ceflui  noflre  hemiiphere  la  par- 
tie & région  du  ciel , qui  tourne  autour  de  cefle 
terre,  laquelle  n’a  efle  cogneuc  des  anciens , ou 
bien  d’auoir  veu  & remarqué(comme  i’ay  fait) 
les  deux  pôles,  cfquels  le  Ciel  fe  tourne,comme 
dans  fes  fiches.Iedy  le  pôle  Artiqueou  Septé- 
trionalquevoycnt  ceux  de  l’Europe,  & l’autre  decèJef.ad 
Antarticquc  oû  Méridional  (duquel  fain t Au»  Ut.  caÿ.  lo, 

A iij 


HiStOIRE  NATVREXIE 

guftin  eft  en  doubte  ) & lequel  nous  changeons 
%c  prenons  pour  le  Nort  icy  au  Peru , ayâs  palPé 
la  ligne  equinoftiale.  Il  fuffit  finalement,  que 
i’aye  couru  par  nauigation  plus  de  fieptante  de- 
grezduNortau  Sud,  fçauoir  quarante  dVn  co- 
llé de  la  ligne,  & vingttrois  de  lautre.  LailPant 
quant  à prefent  le  tefinoignage  des  autres  qui 
ont  beaucoup  plus  nauigé  que  moy , & en  plus 
grande  hauteur,eftâs  paruenus  prefque  iufques 
à feptantc  degrezau  Sud.Qui  dira  que  la  nauire 
ÆppelleeVidoire,digne  certainement  de  perpé- 
tuelle memoire,n’ayc  gaigné  le  prix  &c  le  triom- 
phe d’auoir  le  mieux  dercouuert  & circuy  la 
rondeur  de  la  terre , mefme  le  Chaos  vain  Ôc  le 
vuideinfiny  , que  les  anciens  Philofophes  di- 
foyent  eftre,au  delPoubs  de  la  terre , ayant  faidl  j 
tout  le  tour  du  monde, & circuy  l’immenfite  du  I 
grand  Océan  ? Qui  eft  donc  celuy  qui  ne  reco-  j 
^noiftra  par  eefte  nauigation  que  toute  la  gran- 
deur de  la  terre,  quoy  qu’elle puifle  eftreplus 
grande,qu’on  ne  la  dépeint  pas,  ne  Toit  fubieélc  j 
aux  pieds  d’vn  homme , puis  qu  il  la  peut  mefu-  j 
rer?  Ainfi,rans  aucun  doute  le  Ciel  eft  de  figure 
ronde  & parfaire.  E t la  terre  aufli  Pembrairant 
& ioignant  aucc  l’caiie  fait  vn  globe , ou  boule 
ronde  compofee  de  ces  deux  Eléments , ayans 
leurs  bornes  ôc  limites  dans  leur  propre  ron- 
deur ôc  grandeur*  Ce  qui  fe  peut  fuftifamment 
prouuer,  ôc  demonftrer  par  raifons  de  Philolb-  | 
phie  ôc  Aftrologie , laiffant  arriéré  les  fubtile-s  j 
definitiôs  qu’on  peut  alléguer  communément. 
Que  au  corps  le  plus  parfaiél  (qui  eft  le  Ciel)  fe 
doit  attribuer  la  plus  parfaire  figure , qui  eft 


DES  Indes.  Liv-  I.  4 

fans  doute  la  figure  ronde.  Duquel  encore , le 
mouuement  circulaire  ne  pourroit  eftre  ferme, 

& efgal  en  foy , fiil  auoit  quelque  coing , ou  de- 
ftour  en  quelque  part,  ou  fiil  eftoit  tortu  ( com- 
me il  le  faudroic  dire  par  ncceffité)  fi  le  Soleil,la 
Lunc,&  les  eftoilles  nefaifoyentle  tour,  ôc  cir-^ 
cuifibyent  tout  le  monde.  Mais  fans  confiderer 
toutes  ces  raifons,il  me  femble  que  la  Lune  feu- 
le eft  fiiffifantc,  en  ce  cas,  comme  vn  fidelle  tef- 
raoingdu  Ciel  mefme:  veu  que  fon  Eclipfe  ad- 
ulent feulement , lors  que  la  rondeur  de  la  terre 
fioppofe  diamétralement  entre  elle  & le  foleil, 

& par  ce  moyen  empefehe  que  les  ray  os  du  So- 
leil no  donnent  fur  icelle.  Ce  qui  ne  pourroit 
certainement  aduenir , fi  la  terre  11  eftoit  au  mi- 
lieu du  monde , circuitc  & entourée  de  tout  le  . ^ a p 
Ciel.  Il  y en  a eu  aucuns  qui  ont  douté  iufques  24- 
là,  fi  la  refplendeur , qui  eft  en  la  lune,  luy  eftoit  c.  ^ . 

cômuniquecde  lalumierc  du  Soleil.  Maisc’eft 
par  trop  douter,puis  qu’il  ne  fe  peut  trouuer  au- 
tre caufe  raifonnable,  des  Eclipfes , du  plain,  & 
quartiers  de  la  lune , que  la  communication  de 
la  refplendeur  ôc  lumicre,qui  procédé  duSoleil. 

Aufli  fi  nous  voulons  diligemment  rechercher 
cefte  matière,  nous  trouuerons,  que  l’ofifcuritc 
de  la  nuiét  n’eft  caufee  d’autre  chofe  que  de  l’ô- 
bre  que  fait  la  terr€,cmpefchant  la  clarté  du  So- 
leil de  paflèr  de  l’autre  cofté  du  Ciel, où  il  ne  ict- 
tefesrais.  Sidoncileftainfique  le  Soleil  n’ou- 
trepafie  point,&  ne  iectc  fes  raiz  fur  l’autre  par- 
tie de  la  terre,  ains  feulement  fe  deftourne  à fon 
coucher,  faifant  efehine  à la  terre , par  vn  tour- 
noyement  (ce  que  par  force  fera  contraint  d *ac- 

A iiij 


Histoire  natvrelle 
corder  celui,  qui  voudra  nier  la  rotondité  du 
Ciel , puis  qu'à  leur  dire  le  Ciel  comme  vn  plat 
feulement  couure  la  face  de  la  terre).  Il  s enfuy  t 
clairement  que  l’on  ne  pourra  remarquer  la 
différence  que  nous  voyons  eftre  entre  les  iours 
& les  nuids , lefquels  en  quelques  régions  font 
courts  6c  longs  félon  les  faifons , 6c  en  d’autres 
Atigitji.l'th.  perpétuellement  efgaux.  Ce  que  laind  Augu- 
deGenef.ad  ftfn  efcrit  aux  liures  de  Genef.ad  ttteram.  l’on 

Itt.c.  10.  pourra  bien  comprendre  les  oppofitions^  con- 
uerfîons , cfleuations,  defeentes,  6c  tous  autres 
afpeds , 6c  difpofîtions  des  planettes  6c  eftoil- 
les , quand  nous  cognoiftrons  qu’elles  fe  meu- 
iient,&  que  neantmoins  le  Ciel  demeure  ftable  ; 
6c  immobile.  Chofe  qui  me  fcmble  bien  aifec 
à entendre,  6c  le  fera  à tout  autre,  m’eftant  per- 
mis de  feindre  ce  qui  me  vient  en  la  phantafie. 

Car  fî  nous  pofons  le  cas , que  chaque  eftoille 
&plancttefoitvn  corps  en  foy,&  quelle  foit 
demenee  6c  conduitte  par  vn  Ange,  en  la  façon 
Da».ï4,  que  fut  porté  Habacuc  en  BabylonciQui  feraie 
vous  prie  celui  tant  aueuglé , qui  ne  voye  bien 
que  tous  les  afpcdsdiuers  qu’on  void  apparoir 
aux  planettes  6c  eftoilles , peuuent  procéder  de 
ladiuerfîré  du  mouuement  que  celuy,  quile^ 
mene  & conduit , leur  donne  volontairement?  I 

Ce  pendant  l’on  ne  peut  dire  auec  raifon , que  | 
celle  cfpacc  6c  région,  par  où  l’on  feint  que  j 
marchent  6c  roulét  continuellement  les  elloil-  I 

Ics,ne  foit  élémentaire  6c  corruptible, puis  qu’il 
fe  diuife  6c  fcpare  quand  elles  palîent , lef- 
quclles  certainement  nepalïèntpasparvn  lieu 
vuide.  lî  la  région  en  laquelle  les  elloil- 


DIS  Indes.  Liv.  I.  y 
les  & planettes  fc  meuucnt , cft  corruptible, 
par  raifon  donc  les  cftoilles  & planettes  ledoi- 
uent  cftre  elles  mcfmes  de  leur  propre  natu- 
re, ôc  par  confequcnt  fedoiuent  changer,  al- 
térer, & finablement  prendre  fin.  Pource  que  « 
naturellement  le  contenu  n’cft  pas  plus  dura- 
ble que  le  contenant.  Or  dire  que  les  corps  cc- 
leftes  foyent  corruptibles  , cela  ne  s’accorde 
point  auec  ce  que  TÊfcriture  dit  au  Pfalmc,  ^ vfaîm.  14S. 
Dieu  lesfeit pourteuJîoursiEt  encore  moins  le  rap- 
porte à Tordre  &conferuation  de  ceft  vniucrs. 
ledyd’auantage  pour  confermer  cefte  vérité, 
que  ce  quife  meut,  font  les  mefmes  deux,  & 
en  iceux  les  eftoilles  cheminent  en  tournoyant. 

Ghofe  que  nous  pouuons  cognoiftre  auec  les 
yeuXjpuis  que  nous  voyons  que  non  feulement 
les  eftoilles  fe  meuuent , mais  auflî  les  régions 
ôc  parties  entières  du  Ciel.  le  ne  parle  point 
feulement  des  parties  luyfantes  & refplendif- 
fan  tes,  comme  celle  que  Ton  appelle  la  voyc 
laidtec,  que  le  commun  appelle  le  chemin  S. 
lacquesj  mais  ie  dy  cela  d’auantage,  pour  les 
autres  parties  noires  6c  obfcures  qui  font  au 
Ciel.  Pource  que  nous  y voyons  realemcnt 
comme  des  taches  & obfcuritez , qui  font  fort 
manifeftes,  lefquelles  ie  n’ay  point  fouuenance 
auoir  iamais  veu  en  Europe , mais  au  Peru,  en 
ceft  autre  hemilphereie  les  ay  veües  plufieurs 
fois  fort  apparentes.  Ces  taches  font  de  la  cou- 
leur ôc  forme  de  la  portion  de  la  Lune  eclipfoe. 

& luy  reflèmblent  en  noirceur  & obfcurité.  El- 
les marchent  attachées  aux  mefmes  eftoilles,  & 
toufîours  dVncmcfme  teneur  & figure,  com- 


HïSTOI  RE  N ATVREL  LE  ^ 

me  nous  Tauons  cogneu  & remarqué  par  ex- 
pericnec  tres-clairc.  Parauenturc  cela  femblc- 
raà  quelques-vns  chofenouuelle,&  pourroyêc 
demander  d’où  procédé  tel  genre  de  taches  au 
Ciel;ie  ne  puis  certes  refpodre  autre  chofe  pour 
l’heure, finon  que,  comme  difent les  Philofo- 
phes , que  la  voy  e ladee  eft  compofee  des  par- 
ties du  Ciel  les  plus  denfes  & efpelTes , & qui 
pour  cefte  caufe  reçoiuent  plus  grande  lumière: 
ainh  par  contraire  raifon  il  y a d’autres  parties 
fort  rares,  déliées , & tranfparcntes,  lefquelles 
pour  receuoir  moindre  lumière , fe  mblcnt  plus 
noires  & obfcures.  Que  cecy  en  foitlavrayc 
raifon , ou  non , ( ic  n en  peux  rien  affermer 
de  certain)  fi  cft-il  pourtant  véritable,  que  fé- 
lon la  figure  que  ces  taches  ont  au  Ciel,  elles 
femeuuent  auecvnemefme  proportion  quant 
& leurs  cftoillcs , fans  aucunement  fe  feparcr 
d’elles.  Qui  eft  vne  expérience  certaine  Sc  re- 
marquée par  plufieurs  fois  tout  exprès.  Il  f en- 
fuytde  tout  ce  que  nous  auons  did,  que  fans 
doubte  le  Ciel  contient  en  foy  de  toutes  parts 
la  terre,tournoyant  continuellement  al  entour 
d’icelle , fans  que  Ton  puilfe  plus  propofer  que- 
ftion  làdelTus. 

Chapitre  III* 

QjieU  fiin^e  Efiriture  mvA  enfeigne  fieU  terre  eU 
' mmilietidn  monde. 


Ombic  qu’il  femble  à Procopc,  à Ga- 
ze,&  à aucuns  autres  de  fon  opinion, 
que  ce  foit  côtreueniu  àlafaindeEf- 


DIS  Indes'  Liv.  I.  ^ 

criturc,  de  figurer  la  terre  au  milieu  du  monde, 
ÔC  de  dire  que  le  ciel  eft  tout  rond  : fi  eft-ce  que 
à la  vérité  cefte  dodtrinc,  non  feulement  ne  luy 
cft  point  contraire,  mais  auffi  fe  trouue  du  tout 
conforme  à ce  qu’elle  nous  en  enfeigne.  Car 
lailîàntàpartles  termes  dont  vfe  la  mcfme  Ef- 
criture  enplufieurs  endroits:  La  rondeur  de  U ter- 
re,{d>c  ce  qu’en  autre  endroit  elle  dit,que  tout  ce 
qui  eft  corporel,  eft  circuit  & entouré  du  Ciel, 
& comme  embralTé  de  fa  rondeur)  à tout  le 
moins  ne  peut  on  nier,  quelepafiàge  de  l’Ec- 
clefiafte  ne  foit  fort  clair,  où  il  cft  diét  : Le  Soleil 
nAi^ife  couche , retourne  en fin  mefime  heu  : va 

recommençant  à naifire,d  prend  fin  chemin  par  le  mi- 
dy fe  tournant  lufijues  au  Septentrion, ce  fi  efprit  chemi- 
ne circuijfant  a l'entour  toutes  chofes,  s en  retourne  k 

finmefine  endroit.  En  ce  lieu  la paraphrafe  & ex- 
pofition  de  Grégoire  Neocefarien  ou  Nazian- 
zcnc  àiv.Le  Soleil  ayant  couru  toute  la  terre  J en  reuiet 
comme  en  tournoyant  iufcjues  a fin  mefinepoinB  et'  ter- 
me. Ce  que  dit  Salomon  interprété  par  Grégoi- 
re ne  pourroit  certainement  eftre  vray , fi  quel- 
que partie  de  la  terre  delaiilbit  d’eftre  circuite 
du  Ciel.  Et  ainfi  l’entend  fainét  Hierofmeef- 
criuantfur  l’cpiftre  aux  Ephefiens,de  cefte  ma- 
niere.14 plue  commune  opinion  afferme^  fe  conformant 
auec  l' Ecclefiafie  ) e^uele  Ciel  efirond  femouuant*en 
circuit alamaniere d'vnehoule.  Et  eft  chofe  certai- 
ne que  aucune  figure  ronde  ne  tient  ny  latitude 
ny  longitude,ny  hauteur  ny  profondeur,  pour- 
ce  qu’en  toutes  ces  parties  elle  cft  efgale  ôc  pa- 
reille. Par  cela  il  appert  félon  faind  Hierof- 
me,  que  ceux  qui  tiennent  que  le  Ciel  eft  rond. 


HeUer  13. 
Sap.x.z.j 

II.I8.  £ 

P faim.  ^1.7 

z3.39.97- 
leb  37. 

Ecclef.  I. 


H'itr.m  cap. 
yad  Ephef 


Histoire  naturelle 
non  feulement  ne  font  pas  contraires  à la  fain- 
saf. hem*J.  dc Efcriturc , ains  au  contraire  fe  conforment 
I.  hexam.  ^ icelle’.atteiidu  principalement  que  S.Bafile  & 
fro^efinm.  qui  limite  ordinairement  aux  li- 

ures  appeliez  Hexameron , fctrouuentvnpeii 
douteux  enccpoind.  En  fin  toutesfois  ils  re- 
uiennent  à concéder  la  rondeur  de  ce  monde, 
lleft  vray  que  S.  Arabroife  ne  demeure  point 
iaccorddccefteqainteireiice.  qu’Ariftote  at- 
tribuç  au  Ciel.  Et  certainement  c eft  choie  bel- 
le de  voir  auec  quelle  grâce , & quel  ftyle  ac- 
comply  lafainde  Eferiture  traide  de  la  fitiia- 
tion  de  la  terre  & de  fa  fermeté , pour  caufer  en 
nous  vne  grande  admiration , & non  moindre 
contentement  fur  l’ineffable  puiffance  & fa- 
geffe  du  Créateur.  D’autant  que  en  vn  endroit 
Dieu  nous  référé , que  ç’a  efte  luy  qui  a eftably 
Tfaim.  74.  colomnes  qui  foufticnnent  la  terre,  nous 
donnant  à entendre , comme  bien  l’explique  S. 
r i,  Ambroife,  que  le  poids  immenfe  de  toute  la 
«4^7  é terre  eft  fouftenu  par  les  mains  du  diuin  pou- 
uoir.La  fainde  Eferiture  a de  couftume  de  les 
appellerainfi,&vferdeceftephrafe,  les  nom- 
mant colomnes  du  Ciel  & de  la  terre,  non 
point  celles  de  l’autre  Atlas  , qu’ont  feint  les 
Poëtes , mais  celles  propres  de  la  parolle  eter-  | 
nelle  de  Dieu  , qui  par  fa  vertu  louftient  les  j 
id  916.  Cieux&  la  terre.  D'auantage  la  fainde  Efcri-  | 
tiire  en  autre  lieu , nous  demonftre  comme  la  j 
Hthr.  î.  terre , ou  grande  partie  d’icelle , eft  ioinde  ÔC 

cnuironneedel’elementde  l’eau,  difant  gene- 

rallement  que  Dieu  mit  la  terre  fur  les  eaux.  Et 
en  autre  endroid , qu’il  fonda  la  rondeur  de  la 


DisIndes.  Liv.  I.  7 

terre  fur  la  mer.  Et  encore  que  fainâ:  Auguftin  Augufi,»ù 
n'accorde  pas  que  de  ce  palîage  (comme  de  fen- 
tence  de  foy  ) l’on  puilfc  inférer  que  la  terre  ôc 
l’eau  face  vn  globe  au  milieu  du  monde,  pré- 
tendant par  ce  moyen  donner  autre  expofition 
à CCS  paroles  duPfalme.  Ce  neantmoins  il  efî: 
tout  certain , que  ce  qui  eft  porte  en  ces  paro- 
les du  Ffalme,  nous  veut  donner  à entendre 
qu’il  n yad’occalion  d’imaginer  autre  ciment, 
ouliaifonà  la  terre , que  l’elcmcnt  de  l’eau,  le- 
quel, quoy  qu’il  foit  facile  ôc  muable,  neant- 
moins fouftient  ôc  cnccinr  celle  grande  machi- 
ne de  la  lerre.Ce  qui  a efté  fai6l  par  la  fagelfe  du 
très  grand  Architcéle.  L’on  dit  que  la  terre  eft 
fondée  ôc  baftie  fur  les  eaux,  ôc  fur  la  mer.  Mais 
au  contraire  la  terre  eftpluftoft  audelToubsdc 
l’eau , que  non  pas  dcfliis , pource  que  félon  l’i- 
magination Ôc  iugement  commun,ce  qui  eft  de 
l’autre  cofté  de  la  terre  que  nous  habitons, 
lèmbleeftreaudelToubs  de  la  terre,  & par  meC- 
me moyen  les  eaux  ôc  la  mer,  qui  ceignent  la 
terre  de  l’autre  part,  font  au  delfoubs,  ôc  la  ter- 
re au  delTiis.  Neantmoins  la  vérité  eft  foule- 
ment,  que  ce  qui  proprement  eft  en  bas,  eft  ce 
qui  eft  toufiours  plus  au  milieu  de  l’vniuers: 
maislafainéleEfcriture  faccommode  à noftrc 
façon  d’imaginer  & parler.  Quelqu’vn  pourra 
demander , puis  que  la  terre  eft  eftablie  fur  les 
eaux  ( comme  dit  la  làindle  Eferiture  ) for  quoy 
font  eftablies  les  mefmes  eaux,  ou  quel  appuy 
les  fouftient  ? Et  lî  tant  eft  que  la  terre  ôc  i’eaue  ' 
font  vue  boule  ronde , où  fo  peut  fouftenir  tou- 
te cefte  horrible  machine?  A cela  relpond  en  au- 


•■T’ 


H I S T O I R E N ATVRE LL Ê ^ 

trc  cndroid  la  fainae  Efcriture , nous  donnant 


trc  cndroiCt  la  laincie  e-iuiiluic  , üwuj 
bien  plus  grande  admiration  de  la  puilîànce  dti 
Créateur:  Et  dit  ces  propos  : La  terre  ieflend  vers 
jLfulm fur  vn  vutde,€r  demeure  fedue^ur rien,  p 


P faim. 


que  certes  cfttres-bien  did,  pource  que  reale. 
met  il  femble  que  cefte  machine  de  la  terre  & 
de  la  mer  eft  affile  fur  rien , quand  on  la  dépeint 
droit  au  milieu  de  l’air , comme  en  vérité  elle  y 
eft.  Mais  cefte  merueillc  que  les  hommes  ad- 
mirent tantjDieu  ne  l’a-il  pas  luy-mefme  efclar-  • 
cie,demandant  au  raefme  lob  en  ces  termes:  T>y 
moyfitu  fiaûquiatené  le  flomh  ou  la  ligne  four  U 
fabrique  du  monde,er  auec  cfuel  ciment  ont  efléafr^ 
loinEls  fes  fondernenscBnzkmcmyâiin  de  nous  fai- 
re entendre  la  trace  & modelle  de  ce  merueil- 


recncciiuic  i<i  ^ 

TUm.iot.  leux  édifice  du  monde , le  Prophète  Dauid  ac 


couftume  de  chanter  & loüer  les  œuures  diui- 

nes.  dit  fort  bien  en  vn  pfalme  compofe  fur  ce- 
ftc  matière  en  ces  propos , Toy  qui  m fonde  la  terre 
fur  la  mefme flMité  CT  fermeté  fans  qu'elle  chancelle, 
m tourne  dé  vn  coftény  d'autre , four  toufiours  <CT  au- 
Voulât  dire  la  caufe  pourquoy  la  terre  eftat 
affife  au  milieu  de  l’air  ne  tombe^ni  ne  chacelle 
d’vn  cofté  ny  d’autre,  eft , pource  que  de  fa  na- 
ture elle  a des  fondemens  afteurez , qui  luy  ont 
efté  donnez  par  fon  tres-fage  Créateur  : afin 
que  de  foy-  mefme  elle  fe  fouftienne , fans  auoir 
befoin  d’autres  appuis,  ou  fouftenemens.  Donc 
en  cet  endroit  fc  trompe  l’imaginatiô  humaine, 
cherchant  d’autres  fondemens  à la  terre , que 
les  fufdits  : & vient  leur  faute  de  mefurer  les 
chofcsdiuines,à  lafaçon  des  humaines.  Ainli 

ne  doit  on  craindre , que  quelque  gran  de  & pe- 


Des  Indes.  Liv.  I.  S 

Tante  que  fembleccfte  machine  de  la  terre  fuT> 
pendue  en  l’air,  qu’elle  puifle  tomber  , ou  con- 
rourner  f en  delTus  deffoubs  ; nous  eftans  afleu- 
rez  fur  ce  point,  parce  que  le  mefme  Pfalmc 
dit,  que  pour  iamais  elle  ne  fc  renuerfera.  Ccr-  pfaîm 
tes  auec  raifon  Dauid  apres  auoir  contemple 
&chantél’eftâtde  lî  merucilleufcs  œuures  du 
Seigneur,  ne  cciTe  de  fe-refiouïr  auec  luy  en 
icelles, difanc  : O cmhien  les  œuurei  du  Seigneur font 
aggradies  accreües^il  appert  bien  cjue  tout  a Jont Jor~ 

tmde  fin  fçauoir.  Et  en  vérité  fi  ic  dois  racoi^rer 
ce  qui  fe  palîe  fur  ce  propos:  iedy  que  fouuen- 
tesfi)is  que  i’ay  voyagé , pafiànt  les  grands  gol- 
phes  de  rOcean,&  cheminant  par  les  autres  ré- 
gions de  terres  fi  cftranges , m’an-eftant  à con- 
templer êc  confiderer  la  grandeur  de  ces  œu- 
ures du  Seigneur,  ie  fentois  vn  admirable  con- 
tentement de  celle  fouueraine  fageffe  & gran- 
deur du  Créateur, qui  reluy  t en  ces  mefmes  œu- 
ures, en,  comparaifon  defquelles,  tous  le  pa- 
lais, chafteaux,  & baftimens  des  Roys , enfem- 
ble  toutes  les  inuentions  humaines  femblent 
bien  peu,voirc  chofes  baflès  & viles,  au  refpeâ: 
d’icelles.  O combien  de  fois  me  venoit  en  la 
penfee,  & en  la  bouche  ce  pafiàge  du  Pfeaume, 
quiditainfi:  Grande  récréation  m aueXjLonné  S'w-' 
gneutyparvos  œuures  y O*  ne  cejferaj  de  merefoujir 
en  la  contemplation  des  œuures  de  vos  mains.  Reale- 
ment  & de  faid,  les  œuures  diuines  ontne  fçay 
quelle  grâce  & vertu  cachee  & fecrette,  qui 
combien  qu’elles  foyent  contemplées  plufieurs  - 
& diuerfes  fois , neantmoins  caufent  toufîours 
vn  nouueau  gouft  & contcntement:au  contrai- 


Histoire  KATVRELLf  , ] 

rc  les  œuures  humaines , encor  qu’elles  foyenf  ; 
conftruides  auec  vn  exquis  artifice > toutesfois 
eftans  veuës  fouuent,  ne  font  plus  cftimees , au 
contraire  deuiennent  ennuyeufes,  foitquc  ce 
foyentiardins  tres-plaifans , ou  palais , ou  tem- 
ples magnifiquement  baftis , foit  Pyramides  de 
fuperbe  édifice,  foit  peintures, fculptures,  ou 
pierres  d’exquife  inuention  & labeur  , quoy 
qu’elles  foyent  douées  de  toutes  les  beautez  i 
qu'il  cft  poifiblc  : toufiours  c’eft  chofe  certaine  ! 

qu  en  les  contemplant  deux  ou  trois  fois  auec  | 
atten  tion , les  yeux  fe  diuertiffent  toft  de  cefte  i 
veuë  à vne  autre , eftans  incontinent  foulez  d’i- 
celles. Mais  Cl  auec  attention  vous  confiderez 
la  mer , ou  quelque  haute  montagne , yftàntc 
hors  la  plaine  d’vnc  eftrange  hauteur,  ou  les 
champs reueftus de  leur  naturelle  verdure,  ôc 
de  belles  fleurs,  ou  bien  le  cours  furieux  de 
quelque  fleuue , qui  fans  ceflèr  bat  continuelle- 
ment les  rochers  en  bruyant , finalement  quel- 
ques œuures  de  nature  que  ce  foyent , quoy 
qu’elles  foyent  contemplées  piufieurs  fois, 
toufiours  caufent  nouuelle  récréation  , & ia- 
mais  nefennuycla  veuë.  Ce  qui  reflcmblc  vn 
banquet  manifique  & abondant  de  la  diuinc 
fagelfc  , qui  fans  iamais  ennuyer,  caufe  touf- 
iours nouuelle  confideration. 

OntenàM  U reffonfi  d ce  qui  eïi  dRegui de  U 
fmCie^feriture  contre  U rondeur 
de  U terre» 


Ch  AP.  lin. 


DIS  Indis^  Liv.  I.  P 
^Eucnantdonc  à la  figure  du  Ciel , ic 
, ne  fçay  de  quelle  audoritc  delà  fain- 
^dbe  Eferiture  on  ait  peu  tirer,  qu’elle 
nefoitpasrondejUy  fonmpuueméc 
circulaire,  pource  que  ie  ne  voy  point  que  ce 
que  S. Paul  appelle  le  Ciel  tabernacle,ou  taudis, 
que  Dieu  a eftably  & non  point  Tbomme,  puifi- 
fc  eftre  appliqué  à ce  propos.  Car  quoy  qu’il 
nous  dife  qu’il  eft  faid  par  Dieu , l’on  ne  doit 
pour  cela  entendre  que  le  Ciel  tout  ainfi  côme 
vn  toid,  couure  la  terre , dVne part  feulement, 
ny  mefme  que  IcCiel  foit  bafti  ians  le  mouuoir, 
comme  ilièmble  que  quelques- vus  l ’ont  voulu 
donner  à entendre.  L’Apoftre  en  ce  lieu  traitoit 
de  la  conformité  du  tabernacle  ancien  de  la  loy, 
difânt  là  defius  que  le  tabernacle  de  la  loy  nou- 
uelle  de  grâce,  eft  le  Ciel,  auquel  eft  entré  le 
grand  preftre  lefus  Chrift  vnc  fois,par  fon  fang, 
& de  là  f entend  qu’il  y a autant  de  prééminen- 
ce , du  nouueau  tabernacle  au  vieil , comme  il  y 
a différence  d’entre  l’authcur  du  nouueau,  qui 
eft  Dieu,  & çil  du  vieil  qui  a efté  l’homme , en- 
cor qu’il  foit  vray  que  le  vieil  tabernacle  fut 
auflî  bien  bafty  par  la  fagelfe  de  Dieu  qui  l’cn- 
feigna  àfbn  ouurier  Befeleel:  & ne  doit  on  pen- 
ferqueces  comparaifons, paraboles  & allégo- 
ries fepuiflent  rapporter  en  tout  & par  tourà 
ce  à quoy  elles  font  accommodées,  comme  le 
bien-heureux  Chryfoftome  a bien  feeu  dire  à 
ce  propos.  L’autre  authorité  que  rapporte  S.> 
Auguftin  alléguée  d’aucuns,pour  monftrer  que 
le  Ciel  n’eft  pas  rond,eft  telle  en  difanr , Le  Ciel 
teJlcnÀ  comme  vne Dont  ris  concluent  qu  il 

B 


Hthr.  %. 


Exod. 


Chryfojl.  iit 
xO.ca^. 


P faim.  19}, 


Hijtoirê  natvrelie 
n’efl:  pas  rôd,  mais  plat  en  la  partie  d’enhaut.  A 
quo y refpôd  fort  biê&fort  farnilieremét  le  me- 
me S.  Dodeur,  mais  dônant  à entendre  que  ce 
paffage  duPfalmiftc,ne  parle  ny  s’étend  propre- 

met  de  la  figure  duCiel,mais  dit  cela  feulemét,a 

de  Gen.ad  fin  die  noLîs  dcmonftrcr aucc  quelle  facilitéDieu 
baftit  vn  Ciel  fi  grand,ne  luy  ayât  efté  non  plus 
difficile  debaftir  vne  fi  immenfe  couucrture, 
côme  eft  le  Ciel,qu  il  feroit  à nous  de  défployer 
vne  peau  double, ou  bien  prétendant  le  Pfalmi- 
fte  nous  donnera  entendre,  la  grande  maiefte 
de  D-ieu,  anquel  le  Ciel  ferr,  qui  eft  fi  beau  ÔcCi 
grand, de  mefme  façon  que  nous  feruent  les'tê- 
tesoucouuertures  aux  champs.  Ce  qui  a efté  | 
fort  bié  déclaré  par  yn  Poê’te,difant:  Letmdisdti 

lfak.66.  Mefme  le  paftàge  d’Ifaie  qui  dit,Ze  Ciel 

me  fert  de  chaire,^  U terre  d’efiaheattpour  mes  f ieds. 
Que  fi  nous  enfuyuons  l’erreur  des  Anthropo- 
morphites,qui  attribuoyent  des  membres  cor- 
porels à Dieu  félon  fa  diuinité,noiis  aurions  oc- 
cafiô  fur  le  dernier  palfage  de  rechercher  com- 
ment il  feroit  poifible,  que  la  terre  fuft  l’cfca- 
beau  des  pieds  de  Dieu,&  côme  le  mefme  Dieu 
pourroit  tenir  ces  pieds, d’vne  partie  & d’autre, 

& plufieurs  teftes  tout  à l’entour,  puis  qu’il  eft  | 

en  tout  & par  tout  le  monde,  qui  feroit  chofe  | 

vaine  & totalement  ridicule  Jl  faut  donc  con-  j 
dure  que  aux  faindes  Eferitures  nous  ne  deuôs  | 
pas  fuiure  la  lettre  qui  tue,mais  l’efprit  qui  viui- 
ficjCorame dit  fainôt  Paul. 


I 


BIS  Indes,  L IV.  I. 


lO 


De  U façon  (^figure  dn  Ciel  du  muHean 
monde. 

Chapitre  V. 

Lufîeurs  enEurope  demandent  qucl- 
le  eft  la  façon  & figure  de  ce  Ciel,  qui 
eft  en  la  partie  du  Sud , pource  qu’il 
V^'«Wne  fien  peut  trouuer  choie  certaine 
aux  liurcs  des  anciens  Jefquels  encor  qu’ils  ac- 
cordent y auoirvn  Ciel  en  celle  autre  part  du 
monde,  ce  neantmoins  n’ontpeu  atteindre  iu^ 
ques  à la  cognoilîànce  de  la  façon  & figuréj 
quoy  que  à la  vérité  ils  facent  mention  d vriè 
belle  & grande  elloille , qui  fe  vôid  en  ces  par- 
ties cy , laquelle  ils  appellent  Canopus.  Ceux 
quidenouueauontnauigé  en  ces  parties,  ont 
accoullumé  d eferire  & raconter  choies  gran- 
des de  ce  Ciel,  à fçauoir  qu’il  ell  fortrefplen- 
dilfant,  y ayant  grand  nombre  de  belles  elloil- 
ies.  Et  en  elFed  les  chofes  qui  viennêt  de  loing, 
fe  deferiuent  ordinairement  auec  augmenta- 
tion. Mais  il  mefembletout  au  contraire,  te- 
nant pour  certain,  que  en  noftre  collé  du  Nort^ 
il  y a plusgrand  nombre  d’elloilies,  & déplus 
illullrc  grandeur,  ne  fe  voyant  point  par  deçà 
clloilles  qui  excédent  la  Pouffiniere,  ny  le  Cha- 
riot. Il  eÜ  bien  vray  que  la  Croifee  de  deçà  eft 
fort  belle  & aggreable  à voir.  Nous  appelions 
Croilce,  quatre  eftoilles  notables  & apparen- 
tes, qui  font  entre  elles  vne  forme  de  Croix, 

B ij 


ca^.  zi. 


Histoire  hatvrelli 
âfllfes  efgalcmcnt  Ôc  auec  propordô.  Les  igno-' 
rans  croyent  que  cefte  Croifee  eft  le  Pôle  du  . 
SudjD  autant  qu  ils  voyent  les  mariniers  pren-  | 

dre  leur  hauteur  par  icelle , comme  nous  auons 

icyaccouftumé  de  la  prendre  par  le  Nort.  Mais  j 

ils  Te  trompent.  Et  la  raifon  pourquoy  les  ma- 
riniers le  font  de  cefte  façon , eft,  pfource  que 
de  ce  cofté  du  Sud  il  n’y  a aucune  eftoille  fixe, 
qui  marque  le  Pôle,  comme  a noftrePole  le 
faia  l’eftoille  du  Nort.  Et  ainfi  ils  prennent 
leur  hauteur  par  l’eftoille  du  pied  de  la  Croiiec, 
diftante  du  vray&fixc  Pôle  Antardique  ,de  tre- 
tc  degrez , comme  de  là  l’eftoille  du  Nort  eft 
diftante  du  pôle  Ardique  de  trois  degrez,  ou  ^ 
peu  d’auantage.  Et  ainfi  il  eft  plus  difficile  de  I 
prendre  la  hauteur  en  ces  parties , pourcc  que  i 
ladidc  efioille  du  pied  de  E.  Croifte  doit  eftrc  | 
droide,  ce  qui  aduient  feuicment  en  vnc  heure  | 
de  la  nuid,  qui  eft  en  diuerfes  parties  de  l’an , en  j 

differentes  heures , ôc  bien  fouuent  en  toute  la 
iiuid,ne  fè  monftre:qui  eft  choie  fort  mal  com-  ; 

mode,  pour  prendre  la  hauteur.  Par  ainfi  les  i 

plus  experts  pilotes  ne  fe  foucient  de  la  Croi-  | 

fee , prenans  la  hauteur  du  Soleil  par  1 Aftrola-  | 

be»  pr  lequel  ils  cognoiflènt  la  hauteur  où  ils 
fe  trouuent.En  quoy  communément  iesPortu-  i 

gais  font  plus  experts , comme  nation  , quia  ; 
grand  difeours  en  l’art  de  nauiger,  fur  toutes 
les  autres  nations.  Il  y a aufli  de  cefte  partie  du  ; 
Sud  d’autres  eftoilles,  qui  en  quelque  façon  ref- 
ftmblcnt  à celles  du  Nort.  Ce  qu’ils  appellent  j 
la  voycladee,  feftend  beaucoup,  & eft  fort 
refplandiirant  en  cc  cofté  du  Sud , fe  voyant  en 


Des  Indes.  L IV.  I,  n 

icelle  J CCS  taches  noires  tant  admirables , des- 
quelles cy  deuant  nous  auons  faidt  mention. 
Pour  les  autres  particularitez  d’autresleS  diront 
auec  plus  grande  curiofité,  &nous  Suffit  pour 
rheure  de  ce  qu’auons  did. 

4 terre  CT*  mer  fiuhs  les  âeux  Pôles, 
Chap.  VI. 

E ne  nous  ell  point  peu  de  chofe  fai^» 
de,  d’eftre  Sortis  de  cefte  matière, 
auec  cefte  cognoiffance  & refolutio 
qu’il  y a vnCiel  en  ces  parties  des  In- 
des, qui  les  couure,  comme  à ceux 
d’ Europe, d’Afie  & A frique.Et  no^  Sert  ce  point 
quelqucsfois  contre  beaucoup  d Efpagnols,qui 
par  deçà  foufpirent  pour  lenrESpagnc,  ne  Sça- 
chans  dequoy  parler  que  de  leur  pays , lefquels 
l’cSmcrucillent,  voire  fe  fafchenr  contre  nous 
autres,  eftimans  que  nous  auons  oublié , & fai- 
fons  peu  de  cas  de  noftrc  patrie.  Aufquels  nous 
refpondons , que  pour  cela  le  defir  de  retour- 
ner en  Efpagnene  nous  tranaille  point.  Pource 
que  nous  trounons  que  nous  Sommes  auffi  pro- 
ches duCicleftans  au  Peru,  comme  nous  en 
Sommes  eftans  enEfpagne:commc  dit  fort  bien 
S.HieroSmeeScriuanrà Pauline,  Sçauoir qucla 
porte  duCicl  eft  auftî  proche  dé  Bretagne,com-- 
me  de  HieruSalem.  Mais  encor  que  le  Ciel  du- 
cuife  le  monde  de  tous  coftez,  il  ne  Saur  pas 
pour  cela  penSer,  que  necdlâirément  il  y ait 
terre  de  touscoftez  du  monde.  Car  eftantainfî 

B iij 


Histoire  natvrelle 
que  les  deux  Eîemens  de  la  terre  ^l’eaue  corn- 
pofentvn  globe  ou  boule  ronde,  félon  que  la 
I plus  part,  & les  plus  renommez  au  theurs  des 

anciens  l’ont  tenu  (à  ce  que  rapportePlutarque) 
phun.lJe  & comme  on  le  prouue  par  demonftrations 
fUchisphil  tres-certaines  l’on  pourroit  coniedurer , que 

la  mer  occupaft  toute  celle  partie  qui  eftfoubs 

le  Pôle  Antartique  ou  Sud,  de  telle  façon  qu’il 
ne  reftaft  aucune 
terrej  feionqueS. 
ment  contre  ceux 

**^^’^’^‘difant,  que  encor  que  l’on  face  preuue,  & que 
l’oncroye  que  le  monde  foit  de  fîgureronde, 
côme  vne  boule , il  ne  faut  inferer  de  cela , que  | 

en  celle  autre  partie  du  mond_e,  la  terre  foit  def-  I 

! couuerte  & fans  eaue.  Et  fans  doubte  S.  Augu- 

flin  dit  fort  bien  en  ce  poindt,  ce  neantmoins  le 
contraire  de  ce  ne  fe  prouue,  &c  ne  f enfuyt  non 
plus  fçauoir  qu’il  y aye  terre  defcouuerte  au 
Pôle  Antartique.  CequePcxperiencenousaja 
monllré  à velied’œilellre  ainlîcômeen  elFe£fc 
Ul’ell:.  Car  iaçoit  que  la  plus  grande  partie  du  I 
inonde , qui  ell  foubs  le  Pôle  Antartique , foit  ^ 
occupée  de  la  mer  j ce  neantmoins  elle  nerdl  j 
pas  entièrement:  Mais  y a terre , de  forte  qu’en  ■ 

toutes  les  parties  du  monde,  la  terre  & l’eaüe  fe  i 

vont embrairansl’vn l’autre,  qui  eft  véritable-  j 

' mentvnechofepournousfaireadmirer&glo- 

rilîer  l’art  du  fouuerain  créateur.  Nous  fçauons 

Geite  .1.  Efcriture , que  au  commen-  ^ 

cernent  du  monde  les  eaux  furent  allèmblces,  | 
& fe  ioignirent  en  vn  endroit,  tellement  que  la  i 

terre  demeura  defcouuerte.  D’auantage  la  ; 

j 

i 

I 


place  en  ces  parties  pour  la 
Auguftin  reprend  fort  dodle- 
qui  tiennent  les  Antipodes; 


1 


Des  Indes.  Liv.  I.  ii 

mcfmeErcriturefaindenous  enfeigne,  que  ces 
aflemblemcnS  d'eaux  f’appellerér  mer,  êc  com- 
me elles  font  pliifieurs,  ileft  deneceiîitéqu’ii 
y ait  plufieurs  mers. Et  non  feulement  eft  ccfte 
diuerfité  des  mers  en  la  mer  Méditerranée,  les 
vues  f appeHans  Euxine , les  autres  Cafpie  , au- 
tre Erythree,  ou  rouge,  autre  Perfiqiie,  autre 
d’italie,&ainfi  plufieurs  autres.  Mais  auiTi  bien 
au  grand  Océan  que  l’Efcriture  fainde  a accou- 
ftumé  d appelle!*  abyfme,  encore  que  reale- 
raent&  en  vérité  ce  ne  foit  qii’vne  mer,  mais 
en  plufieurs  Sc  differentes  manieres-.commeau 
refpedderoutlePem&de  toute  l’Amerique, 
ils  appellent  lync  la  mer  duNort,  & l’autre  la 
mer  du  Sud.  En  l’Inde  Orientale  l’vne  s’appelle 
la  mer  d’Inde,  & l’autre  de  la  Chine.  Et  ay  re- 
marqué tant  en  ce  que  i’ay  nauigé  moy-mefme 
que  par  la  relation  des  autres  , queiamais  la 
mer  ne  fe  feparc  de  la  terre  de  plus  de  mil 
lieues.  Et  quoy  que  fe  puiireeftcndre  la  gran- 
deur de  l’Océan,  fi  eft-ce  qu’il  n’outrepàlfe  ia- 
mais  ccfte  mefure.  le  ne  veux  pas  pour  cela  di- 
re que  l’on  ne  nauige  plus  de  mil  lieues  de  la 
mer  Oceane  : qui  feroit  contre  la  vérité , puis 
que  nous  fçauons  que  les  nauires  de  Portugal 
ont  nauigé  quatre  fois  autant,  voire  d’auanta- 
ge,  que  tout  le  monde  en  rond  fe  peut  nauiger 
par  mer,comme  en  ce  temps  nous  l’auons  défia 
veu , fans  que  plus  on  en  puifiè  douter.  Mais  ee 
que  ie  dy  & afferme,  eft  que  en  ce  qui  eft  au- 
iourd'huydefcouuert, aucune  terre  n’eft  diftan- 
te&eflongnee  par  ligne  direde  de  l’autre  ter- 
re ferme,  ou  Ifles,  qui  luy  foyent  plus  proches, 

B iiij 


Histoire  natyrelle 
au  plus  que  de  mil  lieues , ôc  que  par  ainfî  entre 
deux  terres,  il  n’y  a point  plus  grande efpacc 
de  mer  : le  prenant  par  les  parties  des  terres 
plus  proches  les  vnes  des  autres.  Pourcc  que  de 
la  lin  de  l’Europe  ou  de  l’Afrique  & de  leur  co- 
llé, les  Canaries,  les  Açores,  les  Ides  du  Cap 
de  vert,  ôc  les  autres  qui  font  en  ce  pareilles, 
ne  font  diftantes  de  plus  de  trois  cens  lieues, 
ou  cinq  cens  de  la  terre  ferme.  Defdites  Ides 
prenantfon  cours  vers  les  Indes  Occidentales, 
à peine  y a-il  neuf  cens  lieues,  iufques  aux  Ides 
S. Dominique,  les  Vierges , la  bien  heureufe  & 
les  autres , & les  mefmes  Ides  vont  courant 
par  leur  ordre , iufques  aux  ides  de  Barlouente, 
qui  font,  Cuba,  Elpaignolla,  & Boriquen  j D’i- 
celles iufqu  a la  terre  ferme  à peine  y a-il  deux 
cens  ou  trois  cens  lieues , & en  l’endroit  le  plus 
proche  beaucoup  moins.  La  terre  ferme  court 
vn  efpacc  infiny , depuis  la  terre  de  la  Floride, 
iufqu  a la  terre  des  Patagons , & de  l’autre  cofte 
du  Sud,  depuis  le  deftroit  de  Magellan  iufqu’au 
Cap  de  Mendoce,  court  vne  terre  très-longue, 
mais  non  beaucouplarge:  carleplus  largegifl: 
le  trauers  du  Peru,qui  eft  diftante  du  Brelil,d  é- 
uiron  mil  lieues.  En  celle  mefme  mer  du  Sud, 
encorqu’on  ne  Içache  rencontrer  la  fin,  en  ti- 
rant vers  le  Ponant,  neantmoins  il  y a peu  de 
temps  que  l’on  dcfcouurit  les  Ides , qu’ils  ont 
appellees  de  Salomon, qui  font  plufieurs  & gra- 
des,diftantes  du  Peru  comme  huiél  cens  lieues. 
Et  pour  ce  que  l’on  obferue , & fe  trouue  ainfi, 
que  là,  où  il  y a plufieurs  & grandes  Id es,  la  ter- 
re ferme  en  eft  peu  edongnec:  de  là  vient  que 


i)îs  Indes.  Lïv.  I.  Ij 

plufîcurs , & moy-mcfmc  aucc  eux,  ayons  opi- 
nion, qu’il  y'a^uelque  grande  terre  fcrnie  pro- 
che deidites  Ifles  de  Salomô, laquelle  rcfpond  à 
noftre  Amérique,  du  collé  du  Ponant  j 5c  feroit 
poflîblc  qu’elle  couruft  par  la  hauteur  du  Sud, 
iufqucs  au  deftroit  de  Magellan.  On  tient  que  la 
neuue  Guinee  cil  vnc  terre  ferme , 8c  quelques 
dodes  la  peignent  fort  près  des  Illes  de  Salo- 
mô:Dc  forte,  que  c’cftchofevray-femblablede 
dire  qu’il  y a encorcvne  bonne  partie  du  monde 
à dcfcouurir , puis  qu’auiourd’huy  les  noftres 
nâuigent  en  cefte  mer  du  Sud,  iufques  à la  Chi- 
ne & Philippines,  &difons  que  pour  aller  du 
Peru  en  ces  parties  là,qu’ilspaflcnt  vneplus  lô- 
gue  mer  que  non  pas  allât  d’Elpaigne  au  mefmc 
Peru.  D’auantageroncognoiftquec’ell  par  le 
tant  lignalé  deftroit  de  Magellan ,’  que  ces  deux 
mers  feioignent,&  continuent  l’vneauec  l’au- 
tre , (ic  dy  la  mer  du  Sud  auec  la  mer  du  Norr) 
par  la  partie  du  Pôle  Antardiquequi  cft  en  hau- 
teur de  cinquante  & vn  degré.  Mais  c’eft  vnç 
belle  5c  grande  queftion,  où  plulleurs  felont 
employez , fçauoir  lî  ces  deux  mers  fe  ioignenr, 
& continuent  aulîi  bien  du  collé  du  Nort.Mais 
ie  n’ay  point  cognoilîànce , que  iufqucs  auiour- 
d’hiiy  aucun  aye  peu  attaindre  à ce  poind , lî  ce 
n’eft feulement,  par  ne  fçay  quels  indices,  5c 
coniedures.  Quelques-vns  afferment  qu’il  y a 
vn  autre  deftroit,  fous  le  Nortàl’oppolîtede 
celuy  de  Magellan  : Toutesfoispour  noftre fu- 
ied,il  fufîît  de  fçauoir  maintenant  au  vray  quil 
y air  terre  de  ce  collé  du  Sud,&que  c’«ft  vne  ter- 
re aulîî  grande  comme  toute  l’Europe,  1’ Alîe,& 


Histoire  katvrelle 
l’Afrique  mefrae,  que  à tous  les  deux  Pôles  du 
monde,  l’on  trouuc  & rencontre  tcrre,&  mer, 
embraflees  l’vne  auec  l’autre.  Enquoy  les  anciés 
ont  peu  entrer  en  doubte  & le  contre-dire  par 


Chapitre  VII. 

i 

ygS^^Vis  doc  que  c'eft  cliofe  cogneüe,  qu’il 
aterreaucoftédu  Sud,ou  pôle  An- 
rartique:refte  maintenant  devoir  s’il  y I 
^ hommes  habitans  en  icelle, qui  a | 

efté  au  temps  pafféjvne  queftion  fort  debamc. 
Laftâce  Firmian  & S.  AnguftinCc  mocquent  de 
ceux  qui  afferment  les  Antipodes(qui  vautau- 

aj.  tant  à dire  comme,hommes  qui  ont  leurs  pieds 

Aug.lié.  au  contraire  des  noftrcs)  Mais  encor  que  ces 
</e  Crfwifrfte  ^^ithcurs  s’accordciit  en  cefte  moquerie, 

ce  neanrmoins  aux  rairons,&  motifs  de  leur  o- 

pinion,font  fort  differents  1 vn  de  1 autre,  com- 
me ils  eftoient  fort  diuers  defprit,&  d enten-  ^ 

dement.  La6tance  fuit  le  vulgaire, eftimâtcho-  j 

fe  ridicule  de  dire, que  le  ciel  eft  formé  en  rond  ; 
&circLiit:&  que  la  terre  foitau  milieu  enuiron- 
née  & cnclofe  d’iceluy  comme  vne  pelotte.  Et  ■ 

pour  ce  il  eferit  en  ces  termes.  Quelle  raifon  y a 
tl  à ce  c^ne  qudf^es  vus  vedeîtt  dire,qu  tly  A des  ^n-  i 
tipodes^qm  ont  lenrspAS  cotr Aires  aux  noJlresfEft  ilpofst-  j 
ble,qudy  Ait  homes  fi  lourds, CT  fi gtofsters,  qu't  croyet,  | 
quil  y Alt  vn  peuple,  ou  nAtioncheminAnt  les  pieds  en 

hAult,  et'  Ia  tefie  en  ktSfO^  chofes,qm[onticy 


e d expérience. 

Pour  reprouuer  l' opinion  de  LAElAnce  qui  tient 
quil  ny  A point  d' K^^ntipodes 


DES  Indes.  Liv.  1.  14 

arrejlees  d'vne  fdçon fiyetde  ce^e  Autre  fart 
fendanteSjC^  renuerfeesau  centrairexquelei  arhteSy  O* 
les  grains  croijfentlà  cotre  has,<^  queUpluje^ld  neige  ^ 
lagrejle  tombent  s’efcoulent  de  terre  contremot^ 

Puis  apres  quelques  autres  propos  ^ le  mefme 
Ladance  tient  ces  propos  : L‘opinion  cr  imagina- 
tion,que  quelques  vns  ont  eue  ejîimas  le  Ciel  rond,  a ejîé 
la  caufe  le  motif  d' muent er  ces  Antipodes fufpendus 

en  l'air, par  ainfie  ne  puis  que  dire  de  tels  Philofophes,f- 
nen  que  ayans  vnefols  erré,ilspourJuyuent,ct'  sohjhnet 
toujiours  en  leur  opinion, Je  dejfendans  les  vns  les  autres» 
Iniques  icyfontles  propos  de  Ladance.  Mais 
quoy  qu'il  die , nous  autres , qui  pour  le  prefent 
cftans  au  Peru,  habitons  la  partie  du  monde 
contraire  à l’Afie,  & fommes  leurs  Antipodes 
(ainfi  que  les  Cofmographes  l’enfeignent)ne 
nous  voyons  pas  cheminans  fufpendus  en  l’air, 
la  telle  en  bas,  ny  les  pieds  en  haulr.  Certaine- 
ment c’ell:  chofe  merueilleufe  de  coniîdererqiie 
l’efprit  & entendement  humain  ne  peut  attain- 
dre  & paruenir  à la  vérité,  fans  vferd  imagina- 
rion:&  d’autre  part,qu’il  lui  ell  impoflible,qu’ii 
n’erre,  & nefaillc,  Pii  l’en  veut  totalement  ab- 
Henir.  Nous  pepouuons  côprendre  que  le  Ciel 
fait  rond,  comme  il  l’eft,  d' que  la  terre  foit  au 
milieu.  Pans  l’imagination.  Mais  ii  cehe  mefme 
imagination  n’eftoit  corrigée,  & réformée  par- 
la raifon,  ôc  que  nous  l’enfuyuiffiôs  du  tout,  en 
fin  nous  nous  trouuerions  trompez.D’où  nous 
pouuons  conclure  vne  expérience aifeuree,  que 
en  nos  âmes , il  y a vne  certaine  lumière  du  ciel, 
par  laquelle  nous  voyons  &iugeons,  voire  les 
mefraes  images,  & formes  intérieures , qui  fe 


Histoire  natvrelle 
prcfcntcntà  nous, pour  les  cognoiftre,  & par 
cefte  mcfme  lumicre,nous  approuuons,  & rc-  , 
icttons  ce, que  l’imagination  nous  reprefcntc.  | 

Et  de  là  voit- on  clairement  comme l’ame  ra-  j 
tionellc  eft  par  deflus  toute  la  nature  corporel- 
le,& comme  la  fbrcc,&  vigueur  eternelle  de  la 
vérité  prefide  au  plus  éminent  lieu  de  l’homme: 
mcfme  l’on  recognoit  facilement,comme  cefte 
lumière  ft  pure,  eft  participante,& procédé  de 
celle  première  ôc  grande  lumière  : que  qui  ne 
fçait  céladon  qui  en  eft  en  doubte,  nous  pouuôs 
dire  de  luy  qu’il  ignore,  ou  doubte  s’il  eft  hom- 
me, ou  non.  Ainft  ft  nous  demandons  à noftrc 
imagination,ce  qui  luy  femble  de  la  rondeur  du  | 

Ciel , à la  vérité  elle  ne  nous  refpondra  autre  ' 
chofç,1(ïnonquecequcditlemefmc  Laétance,  i 
fçauoir  que,  fi  le  Ciel  eftrond,lcSoleil,&  les 
cftoilcs  deburoient  tomber  lors  qu’ils  fe  mou-  [ 
uent,&  qu’ils  changent  de  place,&s’efleuent  en 
tirant  au  midy.  T out  de  m efme  que  fi  la  terre  c- 
ftoit  pendue  en  l’air,  les  hommes,qui  habitent  | 
en  l’autre  partie  d’icelle,doibucnt  cheminer  les  I 

pieds  en  haut,&  la  tefte  en  bas,&  que  les  pluies 
ne  tomber  point  d’enhaut,mais  coulent  de  bas  ; 
en  amont: &plufieurs  autres  monftmofités  ri- 
dicules. Mais  fi  l’onconfultela  force  de  la  rai- 
fon,  elle  fera  peu  de  cas  de  toutes  ces  peintures  , 
vaines,&fera  qu’on  n’efeoutera  non  plus  l’ima- 
ginanon,qu’vnc  vieille, folle.  Mais  auec  cefte 
fienne  grauité,&  intégrité  refpondra  la  raifon, 
que  c’eft  vue  erreur  fort  grande  de  fabriquer  | 
en  noftre  imagination,tout  le  monde  en  la  façô  , 
d’vnc  maifon,en  luy  donnant  pour  fondement  j 


BES  ÏNDIS.  Liy.  î,  ÿl 

îatcrrej&leCiclpourtoi(^&  eouuermre.  £c 
dira  d’auantagc  que  comme  aux  animaux,  la  tc- 
fte  eft  la  partie  la  plus  haute,  & la  plus  eileuec 
(bien  que  tous  les  animaux  n’ayent  pas  la  tefte 
pofée  en  mcfme  lîtuatiô,les  vns  l’ayans  au  plus 
haut,  comme  l’homme^  les  autres  trauerfanres, 
comme  les  brebisj  les  autres  au  milieu  comme 
les  fefehes  ôc  araignées)  : ainfîle  Ciel,  en  quel- 
que endroit  qu’il  loit,eft  roufîours  en  haut,5c  la 
terre  ne  plus  ne  moins  , en  quelque  endroit 
qu’elle  foit,demeure  toufiours  en  bas.  Parquoy 
cftant  ainfi  que nofi,reiraagination,eft fondée. 
furletemps,&lclieu,lefquelselle  ne  peut  pas 
mcfme  comprendre  & conçeuoiryniuerfclle- 
menr,mais  feullement  en  particulier:  Il  s’enfuit 
que  quand  on  la  veut  cfleuer,  à la  confîderation 
des  chofes,qui  excedêt  & furpalïènt  le  temps  ôc 
lieu, qui  luy  font  cogneus,aufïî  toft  elle  defehet 
Ôc  ne  peut  bonnement  fubfifter,h  la  raifonne  la 
fouftient  ôc  foufleue,  & elle  ne  peut  bonnemêt 
fc  tenir  en  pied. De  mefmc  nous  voyôs,  que  fur 
ledifeours  de  la  création  dumonde,nofi:rcima- 
ginatiô  extrauague  pour  chercher  vn  téps,  auac 
la  creatiô  d'iceluy,&  pour  £“e  bafdr  le  mode,  cl-  ' 
le  reraarquevn  lieu.Mais  elle  ne  palFe  pas  outre 
à cofiderer,  q le  monde  pouuoit  eftre  fait  d vnc 
autrefaçôjCômeainfî  foit  neantraoins  qlarai- 
fon  nous  apprend  qu’il  n’y  a point  eu  têps,auâc 
qu’il  y air  eu  mouuemct,  duquel  le  temps  eft  la 
mcfure,&  qu’il  n’y  a eu  aucun  lieu,auparauant 
1 vniuers,  qui  côprend  ôc  contient  en  foy  tout 
lieit.Enquoy  l’excellent  Philofophe  Ariftote  fa. 
tisfait  clairement,  êc  en  peu  de  paroles  à l’ar- 


'Ar^.x.cîe 

C<e/.f.3. 


Categoria- 
rum  f.io.i 
x.tomo. 


Histoire  natvrelle 
gumcnt  que  ron  fait  contre  le  lieu  de  la  terre, 
s aydant  de  noftre  mefmè  vfage  de  imaginer, 
quand  il  dit(&auccverité)^e^î^  msudcyce  mef- 
meiieu  de  U terre,ejl  m milïeu>,<C7'  en  ho4, 0'  tanp 
flm  vne  chofe  ejl  m milmi^tAnt  flm  efl  elle  en  ho/s.  La- 
quelle relponfe  ayant  efté  alléguée  & mile  en 
auant  par  Laéfance  Firmian,luy-mefme  néant- 
moins  paiîe  fans  la  debatre  & confiner  d’aucu- 
ne raifon^  fe  palTantdedirejqu’ilnes’y  peurar- 
reftei'jpour  trai6terj&  auancer  d autres  chofes, 

V e U cAufe,^ourejusy  ftinB 
A nié  les  ^nfipodes. 

Chapitre.  VIII. 

A raifon,qui  a meu  S.  Auguftindc 
nier  les  A ntipodes,a  efté  bien  autre, 
que  celle  prealleguée,co mine  eftanc 
d’vn  entédemét  plus  fublime.  Pour- 
ce  que  la  raifon,  qu  auons  deduide  cy  deuant, 
(qui  cft  que  les  Antipodes  chemineroient  au 
reuers,)eft  deftruide  par  le  mefme  S.  Dodeur 
en  fon  liure  des  prédications, par  ces  paroles. 

Les  anciens  tiennent, que  la  terre  de  tom  coftés,efl  en  bas 
le  Ciel  par  deJfuâ,pour  raifon  dequoy  les  Antipodes 
quils  difent ^cheminer  au  cotraire  de  nom, ont  de  mefme 
nom, le  Ciel  au  dejfm  de  leurs  tefes.Vuis  donc  que  S. 
Auguftin  a recogneu  celaainfi,{ivray-fcmbla- 
ble  «Sc  conforme  à bonne  Philofophie,  quelle 
fera  la  raifon  dirôs  nous,pour  laquelle  vnpcr- 
fonnagefi  dode  &ftfuffifanr  que  luy,  ait  efte 
pouffé  d’enfuiure  l’opinion  côtraireî  Pour  cer- 
tain, qu’il  en  a tiré  le  motif  la  caufe,  des  en- 


Des  Indes  Liv.  L 
traillés  de  la  facrée  Théologie,  félon  laquelle, 
les  lettres  diuines  nous  enfeigncnt,que  tous  les 
hommes  du  monde  defeendent  dVn  premier 
homme,qiîifut  A^lam.Etdcdirc  que  les  hom- 
mes eulfent  peu  palîèr  au  nouueau  monde , tra- 
uerfants  le  grand  Océan,  cela  fcmblcroit  in- 
croyable,&vnpur  menfonge.  Et  à la  vérité  lî 
lefuccez,&  expérience  de  ce,  quenousauons 
veu  en  nos  ficelés, ne  nous  euft  efclarcis  fur  ce 
point, l’on  euft  tenu  iufqucs  à maintenant,  cefte 
raifon  pour  bonne.Mais  encore  que  nousfça- 
chions,que  cefte  raifon  n’eft  pertinente,  ny  vé- 
ritable ce  néant  moinsvoulons  nous  bien  y do- 
ner  refponce,  en  déclarât  de  quelle  façon  & par 
quel  chemin,  le  premier  lignage  des  hommes, 
peut  palfcr  icy:commêt,&  par  quel  endroit,  ils 
vindrent  pour  peupler  & habiter  çcs  Indes.  Or 
pour  ce  que  par  cy  apres  nous  traiterons  ce  fu- 
iet  fort  fuccintcmcnt,  il  fera  bon  d’entendre 
pour  le  prefenr,cequelcS.dodeur  Auguftin, 
difpute  fur  cefte  matiere,aux  liures  de  la  cité  de 
Dieu,difantainfi.Ce»’^j?o#wf  (^uel'on  doihue  Ltl.iS. 
croire  ce^que  quelques  vns  a^ermmt  qudy  a.  des  jînîi- 
fodes,ceJl  k dire  des  homes  ^qul  habit  et  de  l’autre  partie 
de  U terre^en  la  regid  dejquels  le  Soleil  fe  leue  lorsO^  au 
temps  qu’il  Je  couche  en  la  no/ire^  que  leurs  pas  font 

au  rehourSjO'  au  cotraire  des  nojîres,puif  qu’ils  ne  l’af- 
ferment point  par  reuelation  certaine  quils  en  ayerynais 
feulement  par  vn  d f cours  de  Vhilofophie  quils  font  ^par 
lequel  ils  concluent,que  la  terre  ejlant  au  milieu  du  mo- 
de de  toutes  parts  enmronnée^tT  ceuuerte  efgalemet  du 
Ciel,necejfairement  doiht  efre  le  plus  bus  lieu  celuy^qui 
le  plus  ejl  au  milieu  du  mode. Puis  apres  il  connue  en  ces 


HlSTOmE  NATVRBLLl 
termesy  U fam^ieEfcriture  nerre.ny  fe  trope  en  meme 
mdmereyU  vérité' de  la^iuelle  efl  Jibien  dppreme'e  en  ce 
qu’elle  prepofejes  chsfes  qm fintpajféer.pmr  autant  que 
ce  quelle  a prohetifé  demir  aduenir,ejl  de  point  en  point 
arnué:  Corne  no^  le  voyons. Et  ejl  chofe  hors  de  toute  ap-~ 
parée e de  dire,que  les  homes  ayent  peupajfer  de  ce  coti* 
nent  icy  en  l’autre nouueau  mode,o^trauerjèr  cejleim- 
menfiéde  la  mer  Oceane, puis  que  d’ ailleurs  A fetrouue 
impofsible  que  les  hommes  ayent  pajfe  en  ces  parties  la^e^ 
fiant  chofe  certaine^que  tous  homes  defeendent  de  ce  pre-^ 
tnïer  homme.Enquoy  l’onrccognoit  que  toute  la 
difficulté, que  S.  Auguftiny  trouuen’a  point  c- 
fté  autre  , que  l'incomparable  grandeur  de  ce 
large  Océan.  S.  Grégoire  Nazianzcne,a  eu  la 
ay  adfojU  merme  opinion,  afficurant  ( comme  chofe  fans 
miamm.  jg  deflioic  de  Gibaltar ,il  eft 

impoffiblc  naidger  plus  outre:  & fur  ce  fubjcd 
eferit  en  vnc  ficnne  epiftre.  le  m'accorde  bien  auec 
le  dire  de  Pindare  qui  dit  que pajfé  Cadi^la  mer  efi  tn- 
nauigahleaux  homes.Etluy  mefme  en  l'oraisô  fu- 
nèbre, qu’il  feit  pour  S.  B aille  dit.  Qj^tlnaefie 

permis  d aucun  nauigantlameridepajferledefiroitde 

Gibaltar.  Et  eft  véritable  que  ce  paffiagc  de  Pin- 
dare,où  il  dit.Q^il  efi  défendu  auxfages  aux  fols 

de  fçauoir  ce  qui  efi plus  outre, que  le  deflroit  de  Gibalt ar^ 
a efte  prins  & reccu  pour  prouerbe.  Auffi  voy- 
ons nous  par  l'origine  de  ce  prouerbe , combic 
) les  anciens  fc  font  fichez  & arreftez  obftiné- 

ment  fur  cefte  opinion,  comme  auffi  par  les  li- 
ures  des  Poëtes,dcs  hiftoriographes  & Cofmo- 
graphes  anciens,  que  la  fin  & borne  de  la  terre 
aeftémifeen  Cadizd’Efpagne,  où  ils  fabriquée 
les  colomnes  d’Hercules,  là  ils  bornent  les  fins 

& limi- 


DIS  ÏK  DIS  LlV.  I.  17 

limites  de  l’Empire  Romain,Ià  ils  dépeignée 
les  limites  du  monde.  Et  non  feulement  les  let- 
tres prophanesenparlentdecefte  façon,  mais 
auflî  les  lainéles  Efcri turcs  pour  faccommoder 
à noftre  langage,difans  que,lW/f^  â'jiugufte  Ce- 
Jkr fut  publié,  afin  (^ue  tout  le  monde  fut  enregiHré:  Sc 
d’Alexandre  le  Grand,^«’//  efendit  jon  Empire  iuf 
ques  AUX  fins  <cr  limites  de  U terre.  Et  en  autre  en- 
droit ils  diienr  que  fEiiangile  (ly  cru  en 

tout  le  monde  vniuerfel.  Car  lafainéte  Efcripture 
par  vn  ftylc  qui  luy  cft  commun , appelle  tout  le 
inonde  ce , qui  cft  la  plus  grande  partie  d’iccluy, 

& qui  iufques  auiourd’huy  a eftë  dcfcouucrt  &: 
cogneu.  Et  ont  ignoré  les  ancicns,quc  la  mer  de 
l’Inde  Orientale,  ny  cefte  autre  de  l’Occidenta- 
Ic,  peuft  eftre  nauigec , en  quoy  ils  fe  font  gene- 
rallement  accordez.  Pour  raifon  dequoy,  Pline  ^7”*  ^ 
cicript  comme  chofe  certaine  ,.quc  les  mers  qui 
font  entre  deux  terres,  nous  oftent  l’enticre 
moytié  de  la  terre  habitable:pource  (dit-il)  que 
d’icy  nous  ne  pouuons  aller  là,ny  de  là  non  plus 
venir  icy.Et  finalement,  Tulle,Macrobc,Pom- 
ponie  Mele , & les  anciens  eferiuains  ont  cefte 
mefme  opinion. 


De  l'opinion  d'^rifote  touchAnt  le  nouucAu  monde  ^ 
CT'  ce  qui  U deceu  peur  le  luy  f Aire  nier. 

Ch  A P.  IX. 

[Vtre  toutes  les  raifons  fufdiéles , il  y 
|cn  a eu  vnc  autre , pour  laquelle  mef^ 
^me  les  anciens  furent  efmeuz  à croi- 
re qu’il  eftoit  impofliblc  aux  honir. 
mes  de  pafler  en  ce  nouueau  monde.  Ceft 

C 


Histoire  NAT  V RE  LIE 

qu’ils  tenoyent,  que  outre  riramcnficé  Sc  gran- 
deur de  rOcéau , la  chaleur  de  la  région , que 
Ton  appelle  Torride  ou  bruflee , eftoit  tant  cx- 
cefliue,  qu’elle  ne  pouuoît  permettre  aux  hom- 
mes , quelques  hazardenx  & laborieux  qu’ils 
fuirent , de  la  paffer , ny  par  mer , ny  par  terre, 
pour  trauerler  d vn  Pôle  a l’autre.  Cariaçoit 
que  ces  Philofophes  ayent  eux  mefmes  affer- 
mé,quela  terre  elïoit  ronde  ( comme  en  efFcd 
elle  Icft  j & que  fous  les  deux  Pôles  y a terre 
habitable  : ce  neantmoins  ont  ils  mefeogneu, 
que  la  région  comprenante  tout  ce  qui  eft  en- 
-nre  les  deux  Tropiques  ( qui  eft  la  plus  grande  ! 
' des  cinq  Zones  ou  régions,  par  lefquellcs  les  j 
Cofmographes  , & Aftrologues  diuilent  le- 
monde)  peut  eftre  habitée  de  I humain  lignage. 

La  raifon  qu’ils  donnoyent  pour  fouftenir  que 
celle  Zone  torride  eftoit  inhabitable , eftoit  à 
cauf:  de  l’ardeur  du  Soleil,  lequel  fait  fon  cours 
droirement  par  delTus  celle  région , Ôc  f en  ap- 
• ' proche  de  fi  près  qu  elle  en  eft  totalement  em- 

L'afee,  & par  confequent  luy  caufe  vn  defaut, 
d’eauës  & de  pafturages.  De  celle  opinion  a 

cftéAriftote,  lequel  encore  qif  il  fut  grand  Phi-  | 
k lolbphe,neatmoinsfcft  trompé  en  cet  endroit,  i 

^ pour  refclarcilTemcnt  dequoy  il  fera  bon  de  di-  ! 

re  & remarquer  les  poinâs  où  il  a bien  difeou-  | 

Me-  autrcs  où  il  a failly.Ce  Philofophe  doc  | 

taph.eajK^.  met  en auaiit  vne  difputc  fur  le  vent  Meridio- 
hal,ou  du  Sud , à fçaiioir  fi  nous  deuons  croire, 
qu’il  prenne  fa  nailfance  du  midy , ou  bien  de 
l’autre  Pôle  contraire  au  Nort,  & efeript  en  ces 
' termcs,i<i  raijon  nom  enfei^ne,<jue  U lutitttde 


i 


■ Des  Indes  Lrv.  I.  iS 

geur  de  la  terre  habitableyeH  bornee  ix  àeterminee^ex 
neantmoms  toute  cejle  terre  habitable  ne  peut  efire  con^ 
iointe  X continuée  l’vne  a l'autre. Tour  autant  que  U 
région  du  milieu  eH  trop  mteperee.  Car  il  efi  certain  que 
en  fa  longitude, qui  eîi  d' Orient  au  Ponant,  il  n'y  a point 
de  tropgrdd froid, ny  d’excefiue  chaleur, mais  il  efl  en  fa 
latitude  X h auteur, qui  ef  d'vnPolea  la  ligne  Equim- 
Biale.  Et  par  ainf  pourroit-on  cheminer  aX  trauerfer 
toute  la  terre  en  fa  longitude, f lagradeur  de  la  mer,  la- 
quelle conioint  les  terres  enfemblément,ne  âonoit  empef 
chement.liiCques  ici  il  n y a rien  à côtredire  en  ce 
que  dit'Apftote  , ôc  a fort  bonne  raifon  dédire 
que  la  terre  par  falongitude,qui  cft  d’Orient  au 
Ponant,  court  plus  vniement,  «Sceft  toufiours 
plus  commode  à la  vie  ôc  habitation  humaine, 
que  non  pas  par  fa  latitude,  qui  eftduNortau 
midy.Ce  qui  eft  véritable,  non  feulement  pour 
celle  raifon  fufdice  d’Ariftorc , à fçauoir  pour  ce 
qu’il  y a vne  mefmc  ôc  toufioursfcmblable  tem- 
pérance du  Cieljdc  l’Orient  au  Ponanr:attendu 
qu’elle cllefgalemcntdiftante,  &du  froid  fep- 
tentrional , & de  la  chaleur  du  midy:  Mais  auili 
pour  vne  autre  raifon,  qui  eft  qu’en  allât  ôc  che- 
minant toulîours  en  longitude  l’on  trouue  ôc 
apperçoit-on  les  iours  ôc  les  nuidsfuccedans 
les  vns  aux  autres  alternatiuemenr.  Ce  qui  ne 
peut  eftre  en  allât  par  la  latitude;  d’autât  que  par 
neceflîtéilferoitbefoin  d’g,rriuer  iiifqucs  à ce- 
lle région  Polacquc,en  laquelle  il  y a nuid  con- 
tinuelle de  lîx  mois , chofe  grandement  incom- 
mode pour  la  vie  humaine. Le  Philofophe  paife 
plus  outre,  reprenant  les  Géographes  ; qui  def- 
friuoyent  la  terre  en  fon  temps,  ôc  dit  ainli. 


HlStOIRÏ  natvrells 
l'opeut  hecogmtjlre  ce  (jueiUy  diCyf  Arles  chemins  <jue 
Vo  feutfairepAr  terre, CTpar  les  nauigdtios  maritimes. 
Car  il y a grande  dijferece  entre  la  Ungttude  er  U lat't^ 
tiide,  d'autant  que  l'eÿace  O"  interuaüe  qui  efl  depuis 
les  colones  d’ Hercules  ou  defiroit  de  Gihaltar , lufques  a 
/’  Inde  Onetale,  excede  de  la  proportion  de  plus  de  cinq  a 
mis, celle, qui  efi  depuis  /’  Ethiopie  yujques  au  lacMeotis 
Cr  derniers  confins  de  Scythie:  ce  qui  efi  approuuè par  le  , 
compte  des  tournées  des  chemins, CT  de  la  nauigatio,que 
musfiauonsàprefentparlamefme  experience.  D'autre 
part  nous  amnsaufiicognoijfance  de  la  terre  habitable, 
lujques  aux  parties  d icelle  quifint  inhabttablesdE.Z  cer- 
tes en  ce  point  l’on  doibt  pardonner  à Ariftotç^ 
puis  que  de  foh  temps  l’on  n’auoit  point  encore 
defeonuert  plus  outre,que  la  premiercEthiopic 
appellee  extérieure , qui  eft  ioignant  l’Arabie, 
& r Afrique-, & que  1 autre  Ethiopie  intérieure  a 
efté  totalement  incogneuë  defon  temps  -,  Mcf- 
me  toute  cefte  grande  terre  que  nous  appelions 
auiourd  huy  la  terre  de  Prete-Ian.Comme  auflî 
n’ont  point  eu  cognoilfance  du  refte  de  la  terre, 

qui  gift  foubs  l’ E quinoxe,& va  courant  iufqucs 

à outrepalTer  le  T topique  de  Capricorne , pour 
‘farrefter  au  Cap  de  bonne  efpcrance,  fi  bien 
co<7ueu  & renommé  par  la  nauigation  des  Por- 
tugais, que  fl  l’on  mefure  la  terre  depuis  ce  Cap 
iurques  à la  Scythie  & T artarie,il  n’y  a point  de 
doubte , que  cefte  e fpace  & latitude  fe  trouue- 
ra  aufti  grande  comme  l’efpace  & la  longitude, 
qui  eft  depuis  Gibaltar  iufques  à l’Inde  Orien- 
tale. C ’eft  chofe  certaine,  que  les  anciens  n’ont 
point  cogneu  les  commencemens&  fources  du 
Nil,ny  la  fin  de  l’Ethiopie , & pour  cela  Lucairi 


l 

I 


lucait.io. 

pharJaU 


DIS  Indes.  Liv.  I.  19 

reprcndlacuriofitc  de  Iules  Cefar,  de  vouloir 
rechercher  & enquérir  la  fourcc  du  Nil , difant 
par  CCS  vers: 

te  fert-il  B^maln  de  prendre  Unt  de  peines ^ 
rechercher  du  Nil  les  Jour  ces  fontaines^ 

Et  le  mefrae  Poete  parlant  ajucc  le  Nil , dit: 

Pttû  que  ta  pnme  fource  ejl  Jîcachee  encere, 

Q^e  qm  tu  fois^o  Ntl , tout  l'vniuers  ignore. 

Mais  par  la  fainde  Efcritnre  rnefme  l’on  peut 
entendre  que  celle  terre  cil  habitable.  Car  fî 
ellenereftoit , le  Prophète Sophonias , ne  di- 
ront parlant  de  ces  nations  appcllecs  à l’Eiian- 
gile.ifi  fis  de  mes dijJerfeT^  ainfi  appclle-il  les  A- 
po(ïr:cs)m’ apporteront  des  prefens  de  plus  outre. que  les 
nuages  d' Ethiopie.  N ç^Lmmoins , comme  il  aefté 
dit,  il  eft  raifonnable  de  pardonner  au  Philofo- 
plie , d’auoir  creu  les hiftorieiis,  & Cofmogra- 
phes  de  Ton  temps.  Pourfuyuons  donc  mainte- 
nant,&  examinons  ce  qui  f eiiTuit  du  mefme  A-  Soph.ca.^.c. 
riftotc.  F" ne  partie  du  monde  (dit-il)  qui  efî  la fepten- 
trionale Jîtuee  au  Nort^outre  la  Zone  tempéree,ejl  inha  - 
hitahlepour  l' exce'Jdefroidured*  autre  partie, qui  ejî  au 
midy , de  mejme  ne  peut  ejlre  habitée  outre  le  Tropiqu^ 
pour  bexcejsfue  chaleur  quiy  eJl.Mais  les  parties  du  mo^ 
de font  cr  gifent  outre  l’Jndefivn  cojré,  CF  les  colom-' 
nés  d^ Hercules  de  l autre, pour  certain  ne  fepeuuet  iom~ 
dre,  CF  continuer  l'vne  a l’autre: de  telle  faço  que  toute 
la  terre  habitable  fe  tienne  en  vn  feulcotinet  a caufe  de 
la  merqm  les  fepare.  En  ce  dernier  poin  61  il  ditla 
vérité,  puisilpourfiiyt  touchant  l’autre  partie 
du  monde,  & dit:  il  ejl  necejfaire  que  la  terre  aye  méf^ 
me  proportion,auecjon  Pôle  .AntarPHque  que  cefie  nojhe 

C iij 


Histoire  NATVRELLX 
fdrtie  habitable  a amc  le Jien,  qm  ejl  le  Nortj  O'  n'y  d 
Ÿointde  doute  que  en  l'autre  monde  toutes  chofes  doiuep 
ejlre  dijpojees  comme  en  cejluy-cy,  fpecialement  en  la 
natjfance  CT  ordre  des  vents.  E t apres  auoir  m is  en 
auanr  d’autre  raifoiis  , hors  de  propos  , con- 
clud  le  merme  Ariftore  difant  : Nom  debuons 
donc  cofejferpar  necefsite'^que  le  M endionalejl  le  mefme 
vent  qmfouffle'.O' procedede  cefle  région  embrafée  de 
chdeur  daquelle  région  pour  eHrefortproche  du  Soleil, 
defaut  manque  d’eaux,^^  depafurages  Cccy  eft 

i opinion  d’Ariftotc,  & à la  vérité,  riiumaine 
coniedure  à grâd  peine  a peupafler  plus  outre* 
D’où  fouuctcsfois  ie  vien  à coniîdcrer,(  par  vue 
contemplationChreftienne)combiendcbilc,& 
petite  a cftc  la  Philofophie  des  fages  de  ce  fie- 
cle,  en  la  recherche  des  chofes  diuines,  puifque 
mefme  aux  chofes  humainesjoù  ils  fcmblent  fi 
bien  ver(èz,ils  ont  maintefois  erré.  Ariftote  cft 
d’opinion  & afferme  que  la  terre  habitable  au 
pôle  Anrardiqùe  en  longitude  eft  tref  grande, 
qui  eff  <TOrient  au  Ponant,  ôc  qu’en  latitude  du 
Pôle  Antardique  à la  ligne  equinodial  elle  eft 
très  petite.  Ce  qui  eft  fi  contraire  à la  vérité, 
^ue  toute  1 habitation  prefque  , qui  eft  en  ce 
cofté  du  Pôle  Antardique,  afafituation  en  la 
latitude , ( i’entens  du  Pôle  a la  ligne , ) & en  la 
longitude  d’Orient  au  Ponant  elt  tant  petite, 
que  la  latitude  l’excede  trois  parts,  voire  d a- 
nantage.  L’autre  opinion  eft,qu’il  afferme  que 
la  région  du  milieu  eft  du  tout  inhabitable, 
pour  eftre  fouz  la  Zone  Torride embtafee  de 
i’cxceffiue  chaleur  que  luy  caufe  la  prochaineté 


Des  Indes. -Liv.  I.  '20 
du  Soleil,  & par  cefte  raifon  n’a  point  d’eaux, 
ny  de  pafturages.  Ce  qui  eft  auflî  tout  au  con- 
traire, d’autant  que  la  plus  grande  part  de  ce 
nouueau  monde  eft  ftruée  entre  les  deux  Tro- 
piques fouz  la  mefme  Zone  Torride:  Et  néant- 
moins  fe  t rouue  fort  peuplee,  & habitée  d’ho- 
mes, & d’autres  fortes  d’animaux,eftant  la  ré- 
gion la  plus  abondante  de  tout  l’vniuers  en 
eaues  & pafturages:  & qui  plus  eft  fort  tempé- 
rée en  la  plus  grande  partie.  Ce  que  la  volonté 
de  Dieu  a diïpofé  de  telle  façon,  afin  de  mon- 
ftrer  comme  mefme  aux  chofes  naturelles  il  a 
renuerfé  5c  confondu  la  fagefte  de  ce  fiecle.  En 
refolution  il  faut  croire  que  la  Zone  Torride 
eft  fort  bien  peuplée  & habitée,  quoy  que  les 
anciens  l’ayent  tenu  pour  chofcim  poffible. 
Mais  l’autre  Zone  ou  région  , qui  eft  entre  la 
Torridé'^5c  la  Zone  du  Pôle  Antardique,  en- 
core que  en  fon  afliete  elle  foit  fort  commo- 
de pour  la  vie  humaine,  ce  neantmoins  eft  peu 
peuplée  5c  habitée,  puis  que  l’on  necognoift 
autre  habitation  en  icelle,  que  le  Royaume  de 
Chillé,  5c  vne  petite  portion  ioignantle  Cap 
de  bonne  efperance.  Le  refte  eft  occupé  de  la 
mer  Oceane,  bien  que  plufteiirs  foyent  d'opi- 
nion ( laquelle  ie  veux  bien  enfuyure  de  ma 
part  ) qu’il  y a beaucoup  d’auantage  de  terre, 
non  encore  defcoimerte  , laquelle  doit  eftre 
terre  ferme  à Popppfite  du  Royaume  de  Cbil- 
lé,  qui  va  courant  plus  outre, que  le  cercle  ou 
Tropique  4c  Capricorne.  Que  fil  y en  a fans 
doute  ce  doit  elire  vne  terre  d’excellente  tem- 
pérature, pour  eftre  au  milieu  des  deux  extre- 

C iüj 


Histoire  natvrellï 
mitez  & fituée  en  mefmc  climat,  que  la  meil- 
leure région  de  l’Europe.  Etpourcefteconfi- 
deration  cft  fort  bonne  la  coniedlure  d’Arifto- 
te  : mais  parlant  de  ce  qui  eft  auiourd’huy  def- 
couucrtjce  qui  cft  en  cefte  Zone  eft  peu  de  cho^ 
fe,  en  comparaifon  de  la  grande  efpacc  de  terre 
habitée  eftendue  fouz  la  Zone  T orridc. 

Qj^  Pline  CT  les  Anciens  ont  eu  U mejme  ej^i^ 
moncju  ^riHste, 

Chapitre  X. 

'Opinion  fufdicftc  d’Ariftote  a cftç 
fuyuic&  tenue  par  Pline,qui  ditain- 
fi:La température  delaregiôdu  mi- 
lieu du  monde,  par  où  & à l’endroit 
de  laquelle  continuellement  chemine  le  Soleil, 
eft  embrafee  & bruflee  comme  ’d’vnfcupro- 
chain,ioignant  icelle  région  du  milieu.  Il  y en  a 
deux  autres  aux  deux  coftez^qui  pour  eftrc  en- 
tre 1 ardeur  de  cefte  Torride,  & le  froid  cruel 
des  deux  autres  cxrrcmcs,font  fort  temperees, 
& ne  peuuent  auoir  communication  Icsvnes 
auec  les  autres,  à caufe  de  l’ardeur  cxceftiuc  du 
Ciel.  Qm  a efte  la  mcfme  opinion  des  anciens 
généralement  deferite  par  le  Pocte,  ences  versî. 

Tout  le  Ciel  eji  circuit  de  cinc^  Zones  dont  l'vne 
Qj^e  Phehus  ard toujiours^d’vne  hrAiXe importune 
R^nd  U terre  au  dejfous  toute  rouge  d' Ardeur. 

Et  le  mcfme  Poëte  en  autre  lieu, 

Ojie'^Ji  queli^uegent  hdlrite  en  celle ^Art, 


7DES  ÏNDÉS.  LlV.  I.  iï 

^mfiuhs  U large  Zone  a fin  cartier  a fart 
Qt^  VhehtM  au  milieu  des  quatre  autres  allume. 

Et  vn  autre  Poctc  dit  plus  clairement. 

Jly  a fur  U terre, autant  de  régions 
Comme  au  ciel  qu  on  diuife  en  ces  cinq  fert  'ienSf 
t>  ont  celle  du  milteu,far  l'ardeur  excitée. 

Des  chauds  raids  du  Soleilyeji  toute  inhahitie. 

Les  anciens  ont  fondé  leur  opinion  commune 
fur  vne  raifon,  qui  leur  a femblécertaines& in- 
expugnable. Car  voyans  que  tant  plus  vne  ré- 
gion appprochoit  du  midy,  tant  plus  elleeftoit 
chaude,  (laquelle  preuue  eft  fi  certaine  en  ces 
rcgions,que  pour  cefte  m cfme  raifon,cn  laPro- 
uincc  d’Italie  la  Fouille  eft  plus  chaude,  que  là 
Tofeane,  & en  Efpaigne,  TAndalufic  plus  que 
la  Bifcayccchofc  fi  apparente  , que  iaçoit  qu’il 
n’y  ait  point  de  différence  entre  IVne  & l’autre 
de  plus  de  huiét  degrés,  & encore  moins, on 
voit  que  IVnc  eft  fort  chaudc,&  l’autre  au  con- 
traire, bien  froide,  ) de  là  ils  inferoicntque  la 
regiori  fi  proche  du  midy  ayant  le  Soleil  droit 
pour  Zenith,  nccelfairement  deuoit  eftre  con- 
tinuellement embrafée  de  chaleur. Ils  voyoient 
d’auanragc,que  toutes  les  diuerfitez  des  faifons 
de  fannée,du  Printemps,de  lEfté,del’ Autône, 
& de  l’H  yuer,cftoiêt  caufées  de  l’aprochcmcnr, 
&efloignement du  Soleil.  Voyans  auflî  que, 
combien  qu  ils  fuffènt  fort  cfloignez  du  Tro- 
piquc,par  où  chemine  le  Soleil  en  cfté,ccncanr- 
moins  lors  qu’il  s’approchoit  d’eux,en  lamcf- 
me  faifon  ils  féntoientde  terribles  chaleurs,  &■ 
de  la  ils  iugeoient  que,fi  ils  euflent  eu  leSoleil  fi 
proche  d’eux, qu  il  cheminaft  au  deflus  de  leurs 


Histoire  natvreele 
ccftcs,&  tout  le  long  de  la  nuée, la  chaleur  feroit 
tant  infupportable,  que  (ans  doute  elle  confu- 
meroit  & embraferoit  les  hommes  par  fon  ex- 
ccs.C’a  efté  la  mefme  rairon,qui  a efmeu  les  an- 
ciens à croire  que  la  région  du  milieu  n’eftoit 
^ point  habitable, & pour  cela  l’appellerent  ils  la 
Zone  bruflante.  Et  à la  vérité,  fi  rexpcriencc 
oculaire,que  nous  en  auons,ne  nous  euft  efclar- 
cis  fur  ce  point,nous  dirions  auiourd’hujr,  que 
cefte  raifon  elloit  fort  peremptoire  & Mathé- 
maticienne, d’où  nous  pouuons  voir,combien 
foiblc  eft  noftrc  entendement, pour  compren- 
dre feulement  ces  chofes  natuÆllesi  Mais  ores 
que  nous  pouuons  dire  qu’il  eft  efeheu  au  grand 
heur  & félicité  de  noftrefieclc,d’auoirlacon- 
gnoiftànce  de  ces  deux  grandes  mcrueilles,  à 
fçauoir  que  l’on  peut  fort  facilement  nauiger  la 
truande  mer  Oceane,&  que  foubz  la  Zone  T or- 
ride  les  hommes  iouïffènt  d’vn  Ciel  fort  tem- 
péré. ( Chofe  que  les  anciens  n’ont  peu  iamais 
croire.  ) De  la  derniere  de  ces  deux  merueilles, 
touchant  la  qualité  & habitation  de  la  Zone 
Torride,nous  en  traiterons  auec  l’ayde  de  Dieu 
fort  amplemêt  au  liure  enfuyuant.Et  par  ce  me 
fcmble  conucnable  de  difeourir  en  ce  liure  de 
l’autre,  qui  eft  de  la  maniéré  de  nauiger  1 Oceâ, 
d’autant  que  cela  nous  importe  beaucoup  pour 
le  -fubied  de  ceftœuure.Maisauant  que  de  ve- 
nir à ce  point,  il  fera  bon  de  dire  ce  que  les  an- 
ciens ont  tenu  de  ces  nouueaux  hommes,  que 
nous  appelions  Indiens. 


DÉS  Indes.  Liv.  I.  lï 

hn  trame  t^uel^ue  cogm  'tffance  de  ce  mmem 
mande  dedans  les  Imres  des  anciens. 

Çhap.  XL 

^#jM^^Lprenantdoncquescç  qL7i  a efté  mis 
auant  cy  deflbs,ilfautnecdïairc- 

conclure  , ou  que  les  anciens  nutan.-^ 
C^^^pQntcreu,qu’iln’y  auoit  hommes  psir  de pladtis 
de  là  leTropiquc  de  Cancer  (comme  S.  Aiigu-/'^>'^-£‘'*/’*” 
ftin,  ôc  Ladance  Tont  tenu  ) ou  que  fil  y en  a- 
uoit , àtoutlcmoinsilsn’habiroientpascntre 
les  deux  tropiques  (ainlî  que  lont  affermé,  Ari- 
ftote,&  Pline,&  deuant  eux  le  Philofophe  Par- 
menides  ) dont  le  contraire  eft  a ffez  prouuécy 
deuant,  tant  pour  Ivn  que  pour  lautre.Mais  ce 
pendant,  plufîeurs  par  curiofitfé  pourroient  dc- 
inander,files  anciens  n ont  eu  aucune  cognoif- 
fance  de  cefte  vérité,  qui  nous  eft  à prefent  fî 
claire  & fî  notoire:  D autant  que  à la  vérité  ce-  * 
la  femble  vnc  chofe  fort  eftrange,que  ce  nou- 
ueau  monde  eftant  fî  grand, comme  nous  le 
voyons  oculairement,  ait  efténeàntmoins  in- 
cogneu  des  anciens, par  tant  de  fiecles  paifez. 

D’où  quelques  vns  auiourd'huy,  pretendans  a- 
moindrir  en  ceft  endroit  la  félicité  de  noftre 
fîecle,  ôc  la  gloire  de  noftre  nation, fefforcent 
de  monftrer  que  ce  nouneau  nionde  a cfté  con- 
gncudesanciens.Etdefaitlonne  peur  pas  ni- 
cr,qu'il  n’y  en  air  quelques  apparences.  Sainét 
Hierofme  efcriuantfur  l’Epiftreaux  Ephefîens 
dit. .AH’ecraifonnom  recherchas  ce  que  veut  dire  Hier,fupet 

foJhe,ences^araIles,quildtt.  Fous  aue\chemmévn 


Histoire  natvreiie 
tempi félon  le  cours  de  ce  tnoftdeyfçauoir  jî d'au/inture  il 
nous  veutfMreentedreyijuily  Ait  vn  Autre fiecleyC^ui  ne 
foityny  defpénde point  de  ce  monde ymais  d'autres  modes 
defcjiuels  efcript  Clement  enfonepijirefOceAny  O"  les 
mondes  cjui  font  par  delà  l Océan.  Ce  font  les  tenues 
defaind  Hierofmc.Mais  àlaverité  ic  ne  peux 
rrouuer , quelle  Epiftre  foit  celle  de  S. Clément 
que  citcfaindHicrormerneantmoins  fans  dou- 
te ic  croy,  queS.  Clement  l’a  ercripte,puirquc 
S.  Hierofme  l'a  mis  en  auant  .Etauec  raifon  dit 
S.  Clement,  que  par  delàlamer  Oceane,ilya 
vn  autre  mondcjvoire  plufieurs  mondes,  com- 
me c’eft  laveritéjpuifque  il  y a fi  grande  diftancc 
d’vnnouucau  monde  à l’autre  nouueau  mon- 
de. (l’entens  dire  du  Peru  & des  Indes  occiden- 
tales, à la  Chine  & Indes  Orientales.)D’auan- 
‘ tage  Pline, qui  a efté  fi  diligent  rechercheur  des 
chofes  eftranges  , & admirables  , rapporte  en 
fonhiftoire  naturelle,  que  Hannon  capitaine 
Carthaginois,nauiga  par  POccan  depuis  le  de- 
ftroitdeGibaltar,  coftoyanttoufioursla  terre 
iufques  aux  confins  d’Arabie,  & qu’il  laifla  par 
eferit  celle  fienne  nauigation.  Q^e  s’il  eft ainfi 
commePlinefeforit,il  s’enfuit  que  Hannon  na- 
uiga  autant,  comme  nauigent  auiourd’huy  les 
Portugais  , trauerfans  deux  fois  par  delloubs 
fequinoxe,qui  eft  vne  chofe  efpouuan table.  Et 
qui  plus  eft  le  mcfme  Pline  rapporte  de  Cor- 
nele  Nepueu  autheur  fort  graue , & dit  que  le 
mefme  chemin  a efté  nauigé  par  vn  autre  hom- 
me appellé  Eudaxius,  toutesfois  par  chemins 
contraires: d’autant  que ceft Eudaxius  fuyuant 
le  Roy  des  Latyres,fortit  par  la  mer  rouge  d|j^s 


DIS  Tndis^  Lirty  L 
fOcean,  & en  tournoyant  pamint  iufques  au 
deftroir  deGibaltar  ce  que  le  mermc  Cornelle 
Nepueu  afferme  eftreadiienu  de  lontêps.  Com 
me  auflî  d autres  autheurs  graues  eferment, 
quVne  nauirc  de  Carthaginois  pouffée  par  la 
force  des  vens  dans  la  mer  Oceanc,  arriüa  en 
vne  rerrci  qui  iufques  à ce  temps  n’auoit  efté 
cogneüCj&qiveftant  de  retour  à Carthage^don- 
iia  vn  grand  défît*  & enuieaux  Carthaginois  de 
defcouurirj&  peupler  cefte  terreice  que  voyant 
le  Sénat,  par  vn  rigoureux  decret  défendit  tel- 
le nauigation,  craignant  que  auec  le  defîr  de 
nouuclles  terres,fon  delaiffaftà  aymer  fon  pays. 

De  tout  cccy  Fon  peut  tirer  que  les  anciens 
ont  eu  quelque  cognoiflànce  du  nouucau  mon- 
de encore  que  parlant  de  noftre  Amérique  Ôc 
de  toute  cefte  Inde  Occidentale,  à peine  en 
trouue  Fon  chofe  certaine  es  liures  des  Efcri- 
iiains  anciens.  Maisjle  Flnde  Orientale, ic  dis 
qu’il  y en  a affez  ample  mention , non  feule- 
ment de  celle  de  par  delà,  mais  aufll  de  celle  de 
par  deçà,qui  anciennement  eftoit  la  plus  efloi- 
gnée,  pourcc  que  l’on  y alloit  par  contraire 
chemin,que  celuy  qu’on  faid  auiourd’huy . 
Pourquoyn’eftilpasaifé  detrouuer  aux  liures 
anciens  Malaeà  qu’ils  appclloient  le  doré  Cher- 
fonefe,  le  Cap  de  Comorni , qui  fappelloit  le 
promontoire  de  Cori,  ôc  la  grande  6c  renom- 
mée Ifte  de  Sumatre,  tant  cele.brée  par  1 ancien 
nom  de  Taprobane?  Qi^  dirons  nous  des  deux 
Ethiopies , des  Brachmanes  , &de  la  grande 
-terre  des  Chinois’qui  doute  que  aux  liures  des 
andens,il  n’en  foit  fait  mention  pltifieurs  fois? 


Histoire  natvrelie 
Mais  des  IndesOccidentales,nous  ne  tfouuons 
lUn.lih.  é,  point  dedans  Pline,que  en  cefte  nauigation  l’on 
caf  XI,  pailàft  les  Ifles  Canaries  qu’il  appelle  Fortu- 
nées , la  principale  dcfquelles  il  dit  auoir  efté 
nommee  Canarie,  pour  la  multitude  des  chiens 
qui  cftoyent  en  icelle.  Mais  à peine  il  y a aucu- 
ne apparence  aux  liures  anciens  de  la  nauiga- 
tion , que  Ion  fait  auiourd  huy  plus  outre  que 
les  Canaries,  par  le  Golphe  qu’auec  fort  bonne 
raifon  ils  appelloyent  grand.  Ce  neantmoins 
beaucoup  ont  opinion  que  Seneque  le  Tragi- 
que a prophetifé  de  ces  Indes  Occidentales, 
parce  que  nous  lifonsen  fa  tragédie  de  Medec 
en  vers  Anapeftiques,qui  reduids  en  vers  Fran-* 
çoisjdifcnt  ainli: 

^ . il  viendra  fur  le  dernier  aa^e 

Jded.all.i,  ynJiecLenouueauybien-heureuXy 
in  firh  OÙ  nojlre  Océan  Jfacieux 

^ftcndrafluslomg  fonriuage, 
yne  grand  terre  fe  verra 
Nauigeant  cejle  mer  profonde, 

£t  lors  vn  autre  nouueau  monde 
,y€ux  humains  fe  decouunra, 

/ La  Tuüé  par  tout  renommée 

Four  vn  bout  du  monde  ejlongne 
Tantofi  apres  ce poinEl  gaigné 
Sera  pour  voifne  contrée, 

Cecy  raconte  Seneque  en  ces  vers,  &ne  pou- 
uons  bonnement  nier  que  la  prenant  à la  let- 
tre, fa  predidion  ne  foit  vcritable.Car  fi  l’on 
compte,  les  longues  années  quil  dit,  à com- 
mencer dés  le  temps  du  T ragique , l’on  trouue- 
ra  plus  de  mil  & quatre  cens  ans  palTez,  & ^ 


15MS  ÏNÊIS.  Lïv.  î.  24 

c*eft  dés  le  temps  de  Mcdec , il  y en  aura  plus  de 
deux  mil  : ce  que  nous  voyons  auiourd’huy^  à 
veuë  d’œil  tellement  accomply , veu  qu’il  n’y  a 
point  de  doute  que  l’on  n’ayetrouué  le  palïàgc 
de  rOcean  lî  long  temps  caché,  & que  l’on  a 
dçfcouuertvne  grande  terre  & nouueau  mon- 
de habitée  , plus  grande  que  tout  ce  continent 
de  l’Europe  & de  l'Alîe.  Mais  ce  que  l’on  peut 
cncelaraifbnnablement  difputereft,  àfçauoir 
ü Seneque  a did  cela  par  diuination , ou  lî  ç’a 
cftépocciqucment,&à  la  volee.Etpour  en  dire 
mon  opinion , ie  croy  qu’il  la  pronoftique  aucc 
la  façon  de  deuiner  qu’ont  les  hommes  (âges 
& aduifez  : attendu  que  en  Ton  temps  Ton  en- 
treprenoit  défia  de  nouuellcs  nauigations , 
voyages  par  mer.  Il  cognoiflbit  bien  aufli  com- 
me Philofophe,  qu’il  y auoit  vne  autre  terre 
contraire  & oppofitcà  nous,  qui  eftoit  celle 
qu’ils  appellent  Antichthon.  Et  par  ce  fonde- 
ment il  a peu  confidercr  que  la  hardiefic  &in- 
duftriedes  hommes  en  fin  pourroir  atteindre 
iufques  là  que  de  trauerfer  la  mer  Oceane , Ôc 
l’ayant  trauerfec , pourroyent  delcouurir  de 
nouuelles  terres,  &vn  autre  monde: attendu 
que  du  temps  de  Seneque  l’on  auoit  cognoif- 
fance  du  fuccez  de  ce  naufrage  que  Pline  racon- 
te, par  lequel  on  pafia  le  grand  Océan.  Ce  qui 
appert  auoir  efte  le  motif  de  la  Prophétie  de 
Seneque,  comme  il  le  donne  à entendre  par  les 
vers  ci  deuant  recitezrapres  lefquels  aiant  ache- 
uéd’eferire  lefoucy  ôc  la  vie  peu  malicieufe  des 
anciens,  il  fuy  t ainfi: 


HiSTOIEI  NATTRlLtS 
Z>€uiourd*huy  ceîî  vn  Autre  temps,  . - / 

CArUmer  contente  ou  forcée. 

Se  votd  de  l ’hArdj  trAuerfee, 

Qmny  prend<jueduŸAjfetemps* 

Et  plus  bas  il  dit  ainli: 

Tout  IfAteAu  fins  crAindrenAujrA^e 
Seiette  or  furU  hAutemer, 
EtjAlebouillAntpafa^er 
Tient  pour  bref  vnjilongvoy Age, 
lln’eiïplusrknA  defcouunr, 

I7y  lieux  ejui  foyent  encor  a prendre  t 
CeluylÀqui  Jèveutdejfendre, 
jyvnmuueAumur  fedoibtctuurtr, 

' Tout  eftrenuersé  par  le  monde. 

J{iennefî  enfin  lieu  demeure', 

Eîen  fecret  ny  rien  d' Ajfeuré 
Ny  A parmy  U terre  ronde, 

Onvoid  que  le  cJoAud  Indien  ' 

Eoit  l'^rAxe  en  froideur  extrefine, 

Etl^ElbeCT  le  Kfimtoutdemefme, 
lAuent  le  peuple  Perfien. 

Etdeccfte  tant  grande  hardicflc  des  hommes, 
Senequea  conieduré  ce  qu’il  a clcrit  comme 
le  dernier  poind  qui  doit  arriuer  difant://  viedrA 
fur  le  dernier  âge, ôcc.^inCi  qu’il  a efté  mis  cy  deff’. 

De  /’  opinion  que  PUton  A eue  des  Indes 
Occidentales. 

Chapitre  XII. 

Br  fi  quelqu’vn  a rraidé  plus  partie 
culiercment  de  celle  Inde  Occi- 
dentale , que  l’honneur  en  doit  dire 
donné  à Platon , qui  en  Ton  T imcc 


D E S Indes.  L i v.  I.  i; 

dit  aiiîfi:  F»  ce  temps  l'on  nepoumit  namger  ce  Colphe 
(il  entcnddelamer  Atlanrique^qui  eft  l’Océan, 
qui  fe  rencontre  au  fortir  du  deftroir  de  Gibal- 
tar  )pùHr  ce  cjue  lepaffage  ejioit  clos  a U bouche  des  ro- 
lomnesd' Hercules  , (qui  cftlemcfmedeftroitdc 
Gihaltâï;).  Et  cejle  Ijle  ejlost  'mnBe  en  ce  temps  k U 
bouche  juJdiBejCf  ejioit  de  telle  grandeur  ^quelle  excé- 
dait toute  l*^yfjteey' l'Afrique  enfem  hle'ment:  O' alors 
ily  amit  vnpajfage pour  aller  de  ces  JJles  k d’autres^  et 
de  ces  autres  ijles  l'o  allait  k la  ter re ferme ^qui  ejloit pro- 
che,enutronnee  de  la  vraye  mer.  Cela  eft  raconté  par 
Critias  en  Platon.  Et  ceux  qui  fe  pcrfuadenc 
que  ceftenarration  de  Platon  eft  vue  vraye  hi- 
ftoire  deduidc  & contenue  fouz  ces  termes, 
difent  que  celle  grande  Ille  appellce  Atlanti- 
que , laquelle  excedoit  en  grandeur  l’Afrique 
& l’ Alîetoutenfemblc,  occupoit  alors  la  plus 
grande  part  delà  mer  Oceanc  appellée  Atlan- 
tique,queles  Efpagnols  nauigcntauiourd’huy, 
& que  les  autres  Iflcs,  qu’il  difoit  ellre  proches 
de  celle  grande, font  celles  que  maintenat  nous 
appelions  Illes  de  Barlouante,  àfçauoir  Cube, 
Erpagnolle,S.Iean  du  port-riche,  lamaique  & 
autres  Illes  de  celle  contreetmefme  que  la  terre 
ferme  dont  il  fait  mention,  cil  celle  qu’auiour- 
d’huy  nous  appelions  terre  ferme,  à fçauoir  le 
Peru,&l’ Ameriquc,&que  celle  vraye  mer,qu’il 
dit,ell  ioignant  icelle  terre  ferme,fçauoir  lamer 
du  Sud,  qu’il  appelle  vraye  mer,pour  ce  que  en 
comparailbn  de  fa  gradcur,les  autres  mei's,Me- 
diteranécs,voirela  mefme  Atlantique,  font  co- 
rne petites  mers,Par  cela  à la  vérité  ils  donnent 
vne  interprétation  fort  ingenieufe  &artificicu^ 


Histoire  NATVRELLÉ 

fe  ôc  artificieufe  à ccs  propos  de  Platon.Mais  û 
ccfte  interprétation  doit  eftre  tenue  pour  véri- 
table, ou  non,  i’ay  délibéré  l’cfclaircir  en  autre 
lieu. 

cjuelcjues  vns  ont  eu  opinion  c^ue  Aux  lieux  de  l Ep- 
cri(urefunBc,oùil  efifaiFt  mention  d'ophir,  en  le 
doit  entendre  de  nojîre  P eru» 

Chap.  XIII. 


Veîquesvns  ont  cefte  opiriio  qu’il 
eft  fait  mention  en  la  S.  Efcritürc 

de  ceftelnde.Occidentale,prenas 

la  regiô  du  Peru,  pour  ceft  Ophir 
tant  cdcbré  en  icelle.Roberr  Efti^nne,  ou  pour 
mieux  dire  François  Valable,  homme  fort  ver- 
fé  en  la  Tangue  Hébraïque  (comme  ray  ouy  ra- 
conter à noftre  Précepteur  qui  wt  fon  dilci- 

, ,,  plc)dit  aux  annotations  fur  le  neufiefme^ 

tre  du  troificfme  liure  desRoys  o^uelIfleEf- 
*■  pa-^nolle  , que  trouua  Chtiftophle  Colomb, 

cftoit  celle  d’Ophir,  dont  Salomon  faifoit  ap- 
porter quatre  cens  vingt,  ou  quatre  cens  cin- 
Wntetalenrsd-or  tres-fin&pur.Pour  ce  que 
•BiUUregU  l’or  de  Cibao  que  les  noftres  apportent  de  1 1- 
imfhaks.^.  fpacmolle,  efl  de  telle  façon  & qualité.  Etten 
rrouuent  encore  plufieurs  aurres  , qui  after- 
raét  que  celluy  noftre  Peru  eftOphir.deduilans 
& tirans  vn  nom  de  l’autre.lequels  croyent  que 
de  pa„lipomenon  fut 
to  eferit l’onfappelloit Peru(comme auiourd’huy 

ils  fe  fondent  en  ce  quela  fainae  Efcriture  rap- 


DES  Indes.  Liv.  I.  z6 

porte  que  l’on  apportoitd’Ophir  deTortrcl^ 
pur , & des  pierres  fort  precieufes  auecdii  bois 
qui  eftoit  fort  beau  &fortrare:lequellescho- 
fes  font  abondantes  au  Peru,cornme  ils  difent. 
Mais  ( à mon  opinion)  c’eft  chofe  fort  eflognée 
de  vérité,  que  le  Pcru  foit  Ophir  tant  célébré 
par  les  lettres  facrées.  Car  iaçoit  qu’en  ce  Pe- 
ru  il  y aitalTez  grande  abondance  d’or,cen’eft 
pas  toutesfois  de  telle  façon,  que  l’on  le  doiue 
efgaler,  à la  renommée  desrichelTcs  qu’a  eue 
anciennement  l’Inde  Orientale.  le  ne  rrouue 
point  qu’cn  ce  Peru,il  y ait  des  pierres  Ci  pre- 
cieufes, ny  de  bois  fi  exquis,qu’on  n’en  ait  ia- 
inais  veu  de  femblables  en  Hierufalera.Car  en- 
core qu’il  y ait  des  efmeraudes  exquifes  , ôc 
quelques  arbres  d Vn  bois  dur  ôc  aromatique: 
ce  neantmoins  ie  n’y  troiiue  point  chofe  digne 
de  telle  louange,  que  lafaindeEfcriture  don- 
ne à Ophir.  Mefmcilmefemblequ’il  n’eft  pas 
vray-femblable  que  Salomon  eufi;  laiflé  l’Inde 
Orientale  tres-richc  ôc  opulentc,pour  enuoyei: 
fes  flottes  de  nauires  à cefte  derniere  terre  : que 
fi  elles  y eftoient  venues  tant  de  fois,  ( comme 
ilefl:  efcrit)ccrtainemétnous  troimcrions  plus 
de  refte  ôc  de  tefmoignage  d’icelles,  que  nous 
n’auonspas.D’auautagel  Etymologie  du  nom, 
d’Ophir,& le  changement  ou  redudion  d’ice- 
luy  au  nom  du  Peru,me  femblc  chofe  peu  con- 
fiderable,  eftant  certain  que  le  nom  du  Peru 
n’eft  pas  fort  ancien,ny  commun  à toute  cefte 
contréc.L’onaende  çouftume  ordinairement 
cnccsdefcouuertures  du  nouueau  monde,  de 
donner  nom  aux  terres  & porcs  de  mer,  fdon 

D ij 


z.Par.S, 

^.Reg.zz. 


Histoire  natyrelle 
l’occafion  qui  fc  prefentoit  alors  de  l 'afriuee 
Sc  cxoy  que  le  nom  du  Peru  aefté  ainfi  trouucii 
ôc  mis  en  vfage.  Car  nous  tenons  icy,quclc 
nom  a eftc  donné  à toute  ceftc  terre  du  Peru, 
à canfe  dVn  flcuus  ainfi  appeilé  parles  naturels 
du  pays, auquel  les  Elpagnols  arriuerent  quand 
ils  firent  la  première  defcouucrtc.  Et  de  la  nous 
difons  que  les  raermes  Indiens  naturels  du  Pe- 
ru ignorent,'  de  ne  fc  reruent  aucunement  de  ce 
nom  6c  appdlation,pour  lignifier  leur  terre.  Il 
femble  d auantage  que  les  mefmes  autheurs 
veulent  dire,que  Sepher,  dénommée  en  lafain- 
de  Eferiture,  eftceqiEauiourd’huy  l’on  appel- 
le les  A ndes,qui  font  des  montaignes  tres-hau- 
tes  du  Peru.  Et  cefte  refcmblance  des  mots  & 
appellations,  n’eft  pas  choie  fuffifante.  Carlî 
^ , eclà  auoit  lieu  nous  pourrions  aufii  bien  dire 
que  ledan  eftlecfan,  mentionné  en  la  fainde 
Eferiture.  AulTi  nous  ne  poiiuons  dire  que  les 
lenanfiîiat  j^Q^^sdeTitc  6c  Paul,defqucls  ont  vfélcs  Roys 
Heber.G.n.  Peru,foyent  prouenus^es  Ro- 

lecfanfiliui  maitis,  OU Chtcftiens  j d autant quc c cft vna't- 

^braha  ex  eument  trop  foiblc  6c  trop  leger  , pour  tirer 
Cetura  Ge.  ^nclufiou  de  choles  fi  grandes.  L’on  voit  c|ai-  H 
rement  que  G eft  choie  contraire  à l’intention  | 
de  l’Efcritüre  lainde,  ce  que  quelques  vns  ont  | 
clcrit  que  Tharfis  6c  Ophir  n’eftoient  en  vnc 
raefme  route  6c  prouince,en  conférant  Je  cha- 
pitre vingtdeuxiefme  du  quatricfmc  liure  des 
Roys,  auec  le  chapitre  vingtiefine  du  fécond 
liure  du  Paralipomenon.  D’autant  que  ce  qui 
eft  dit  au  liure  des  Roys,  que  lofaphat  drelïà 
vnc  flotte  de  nauircs  en  Afiongaber  pour  aller 


Des  Indes.  L IV.  î.  17 

quérir  de  Tor  à Ophir,  eft  autîî  référé  au  Para- 
lipomenon,  quecefte  mcfme  flotte  fut  drefTee 
pour  aller  à Tharfis.  D’où  l’on  peur  facilement 
luger  que  en  ces  liures  ftifdits , quand  TEfcritu- 
rcparlede  Tharfls  & Ophir,  elle  entend  vnc 
mefmechofe.  Quelqu’vn  me  pourroit  deman- 
der fur  cecy, quelle  région  ou  prouince  eftoit 
ceft  Ophir,  oùalloitla  flotte  de  Salomon,  aucc 
les  mariniers  de  Hyram  Roy  de  Tyr  & de  Sidô, 
pour  rapporter  de  l’or , & où  prétendant  aller 
la  flotte  du  Roy  îofaphât,  périr,  & fit  naufrage 
en  Afiongaber, comme  rapporte  l’Efcritufe.En 
cecyie  dis,  que  ie  m’accorde  fort  volontaire- 
ment à l’opinion  delofephc,  en  fes liures  des 
Antiquitez,  où  il  dit  que  c’efl:  vue  prouince  de 
l’Inde  Orientale , laquelle  fut  fondée  par  ceft 
Ophir,  fils  de  Ie6tan,duquel  il  eft  faid  mention 
au  Genefc  dixiefme , & eftoit  celle  prouince 
abondante  d’or  tres-fin.  De  là  eft  venu  que  l’on 
célébré  tant  l’or  d’Ophir , ou  d’Qphas,  ou  félon 
qu’aucuns  veulent  dire  que  ce  mot  d’Obrife, 
vaut  autant  comme  qui  diroit  l’Ophirize.  Pôur- 
cc  que  y voyant  fept  fortes  3c  efpeces  d’or, 
(comme  référé  faind  Hierofme  ) ccluy  d'O- 
phir  eftoit  tenu  pour  le  plus  fin,  comme  icy 
nous  louons  & eftiraons  l’or  de  Valdiuia  ou  de 
Caranaya.  La  principale  raifon  qni  me  flyr 
croire  qu’Ophir  eft  en  llndc  Orientale, & non 
en  cefte  Occidentale,  eft  pource  que  la  flotte  de 
Salomon  ne  pouLioit  venir  icy  fans  palîcr  tou- 
te l’Inde  Orientale  , toute  la  Chine,  Ôc  autre 
grande  cfpace  de  mer;  n’cftanr  pas  vray  fem- 
b|able  qu  ils  eulfent  trauerfé  tout  le  monde* 

D iij 


II. 


Gsnef.  to. 


Histoire  natvrelle 
pour  venir  icy  chercher  de  l’or  , principale- 
ment eftant  cefte  terre  de  telle  façon , que  l’on 
n’en  peut  auoir  eu  cognoiirance  par  aucun 
voyage  de  terre,  &monftrerons  apres  que  les 
anciens  n’auoyent  cognoiflance  de  l’art  de  na- 
uiger,  dont  nous  vfons  auiourd  huy , fans  le- 
quel ils  n’eulTent  peu  fengoufFrer  ôc  auancer  fi 
allant  dans  la  mer.  Finablemcnren  ceschofes, 
quand  iln’apparoit  indices  certains,  mais  feu- 
lement eonic6tures  legeres  , l’on  n’eft  oblige 
'd’en  croire  d’auantage  que  ce  qu’il  en  fcmblc  à 
vn  chacun. 

jtgnijle enU  famSle  Efenturé  Tharfs 
. O^hir. 

Ch  AP.  XII II. 


I les  opinions  ôc  coniedtures  d’vn 
chacun  doiuéteftre  receuës,  ie  tiens 
quant  à moy,qu  e en  la  fainxSte  Efcri- 
i-v^.tureces  raotsdcTharfis  & Ophir, 
le  plus  fouuent  ne  fignifient  aucun  lieudetcr- 
miné,mais  que  c’eft  vn  mot  ôc  fignifîcation  ge- 
nerale aux  Hebrieux , comme  en  noftre  vulgai- 
re,ce  mot  des  Indes  nous  cft  general , en  noftre 
vfage,  & façon  de  parler  : car  nous  entendons, 
par  les  Indes,  des  terres  fort  riches , ellongnees 
&eftranges  desnoftres.  Ainfi  nous  autres  Ef- 
pagnols  indifféremment  appelions  Indes  le  Pé- 
ril , le  M'exique,  la  Chine, Malaque , ôc  le  Brcfil, 
ôc  de  quelconques  parties  de  celles  cy,que  vien- 
nent lettres^  nous  difons  que  ce  font  lettres  des 
Indes  , eftaiis  néant  moins  lefdites  terres  ôc 


DES  Indes.  Liv.  I.  28 

royaumes  de  grande  diftance  & diuerfîté  entre 
elles 5 iaçoitauffi  qu’on  ne  puilîè  nier,  que  le 
nom  des  Indts  fentend  proprement  de  l’Inde 
Orientale.  Et  pour  ce  que  anciennement  on 
parloir  de  ces  Indes  comme  dVne  terre  fort  ef- 
longnée , de  là  cft  venu , que  à la  defcouuerturc 
de  ces  autres  terres,aiiffi  bien  efloignecs , a Ion 
donne  le  nom  des  Indes:pour  eftre  diftantesdes 
autres , ôc  tenues  comme  k bout  du  monde.  Et 
de  mefme  façon  il  me  femblej  que  Thariis  en  la 
fainde  Eferiture  le  plus  fouucnt  ne  lignifie  ny 
lieu,ny  partie  determinee , mais  feulement  des 
régions  fort  ellongnees , & félon  lopinion  du 
peuple/ort  riches, & fort  eftranges.  Car  ce  que 
lofephe  & quelques-vns  veulctdire,qneThar- 
lis  cft  T arfo  felô  l’intenrion  de  rEferiture,  il  me  Maneii.  m 
fembleauec  bonne  raifon  auoir  efté  reprouué  ^aorno. 
par  làind  Hierofraemô  feulement  d’autant  que 
ces  deux  vocables  f’efcriuent  par  diuerfes  let- 
treSjl’vn  auec  vne  alpiration , & l’autre  làns  af- 
piràtionjmais  aulîî,pource  que  l’on  eferit  beau- 
coup de  chofes  de  Tharlîs , qui  ne  peuucnt  pas 
bien  côuenir  ny  fe  rapporter  à Taifo  cité  de  Ci- 
licie.  Il  eft  bien  vray,  que  en  quelques  endroits 
del’Efcriturejil  eftditqueTharliseften  Cili- 
cie.Ce  qui  fe  trouiie  au  liure  de  ludith,  quand  il 
eft  parlé  d’Holofernes.duquel  il  eft  dit  qu’ayant 
pafté  les  limites  d’Affyrie  , il  paruint  iufques 
aux  grands  monts  d’Ange,  (qui  paraduenture 
cftTaurus)Iefquelsmonrsrontàlafeneftre  dé  leTeTlml 
Cilicie,  & qu’il  entra  en  tous  les  chafteaux,  où 
il  alTembla  toutes  fes  forces , ayant  deftrait  cel- 
le tant  renommee  cité  de  Melothi-,  delpouilla, 

•P 


Histoire  NATVREitE 
& ruina  tous  les  fils  de  Tharfîs  & d’Ifracljquî 
eftoientioignam  le  defert,  & ceux  quieftoyent 
au  Midy , vers  la  terre  de  Ccllon  ? & de  là  pàflà 
l’Euphrates:mais(comme  i’ay  dit)ce  qui  eft  ain- 
Theed/tn  I.  fî  cfcrit  de  Tharfis  ne  fe  peut  accommoder  à la 
loan.  cité  de  Tarfo.  Theodoret  & autres  fuyuans 
^rtafmot.  pinterpretation  desfeptante,  en  quelques  en- 
*alphatetc^  droits  mettent  Tharfis  en  Afrique,  voulans  di- 
apparatHt.  te  que  c’eftoit  la  ville  mcfmc,qui  anciennement 
Eappelloit  Carthage,.&  auiourd’huy  Royaume 
de  Thunes,  & difent  que  c’eftoit  là  oùlonas 
vouloit  aller,  quand  l’Efcriture  rapporte  qu’il 
Eenfuyoit  du  Seigneur  en  Tharfis.  Autres  veu- 
Hieron.  ad  lent  dire,  que  Tharfis  eft  vne  certaine  région 
Aîaneü.  des  Indes , comme  il  femble  que  faind:  Hierof- 
mefyvueille  incliner.  le  neveux  pas  à prefenc 
debatre  ces  opinions , mais  ie  veux  bien  dire, 
que  l’Efcriture  fur  cefte  matière  ne  fignifie  pas 
toujours  vne  région  ou  partie  du  monde  cer- 
taine & determinee.  Il  eft  certain  que  les  Ma- 
ges ou  Rois  qui  vindrent  adorer  lefusChrift, 
Tfalm.  44.  eftoyentd’Orient,  &aufti dit l’Efcriture,  qu’ils 
60.  eftoyeiit  de  Saba,Epha,&  Madiem.Et  quelques 
hommes  dodes  font  d’opinion , qu’ils  eftoyent 
d’EthiopiCjd,’ Arabie,&  de  Perfc.Et  neantmoins 
le  Pfalmiftc  & l’Eglife  chante  d’eux  j Les  B^s  de 
Tharjïs  apporteront  âesprefens  Nous  nous  accordés 
donc  aucc  S.Hieroftne,  que  Tharfis  eft  vri  mot, 
qui  a plufieurs  & diiierfes  fignifîcations  en  l’Ef- 
criture , & que  quelquefois  il  fignifie  la  pierre 
Chryfolithe ou  lacinthe,  tantoft  quelque  cer- 
taine région  des  Indes , tantoft  la  mer  mefme, 
qui  eft  de  couleur  de  lacinthe  à la  rcuerberatiô 
/ * 


Dïs  Indes.  Liv.  Ï. 
da  Soleil.  Mais  auccrailbh  le  mefmclàinâ:  Do- 
reur nie,  que  Tharfis  foit  région  des  IndesJ  où 
vouloir  fuyr  Ionas,piiis  que  partant  de  loppéjl 
luy  eftoit  irapoffible  de  nauigeriufquesés  In^ 
des  par  icelle  mer.  Pourcc  que  loppc  ( qu’au- 
iourd’huy  nous  appelions  laffe , n’eft  pas  vii 
port  de\Ja  mer  rouge , laquelle  eft  iointe  auec  la 
■ mer  Indjique  Orientale,  mais  de  la  mer  Médi- 
terranée, qui  n’a  point  d’iffue  par  la  mer  Indi- 
que. D où  il  appert  clairement,  que  la  nauiga- 
tion.quefaifoitla  flore  de  Salomon,partant  de 
'Afîongaber  ( où  reperdirent  les  nauires  du  Roy 
lofaphat } alloit  par  la  mer  rouge"  à Tharfis  & 
Ophir,cequi  eft  exprefiTémentattefté  en  TEfcri- 
ture.  Et  a efte  cefte  nauigation  fort  differente 
de  celle  que  pretendoit  faire  lonas  à Tharfis^ 
puifque  Afiongaber  eftleportd Vne  citéd  Idu- 
mçe,  aflîfe  fur  ledeftroit,  ou  la  mer  rouge  fc 
joint  auec  le  grand  Océan.  De  ceft  Ophir  l’on 
^pportoit  à Salomon  de  l’or,  de  l’argent,  du 
morphie , des  monines , ôc  coqs  d’Inde, & eftoit 
leur  voyage  de  trois  ans,  tou  tes  Icfquellescho- 
fes  fans  doubtedoiuétcftre  entendues  de  l’In- 
de Orientale,  qui  eft  fécondé  & abondante  en 
tout  ce  que  delfus , ainfi  que  Pline  l’enfeigne,  Sc 
que  nous  en  auons  àprefent  certaine  cognoil^ 
fance.De  noftre  Peru  certainement  ils  n euflént 
peu  apporter  du  morphie , d’autant  que  les  Êlc- 
phans  y font  du  tout  incogncus.  Mais  ilscuflcnt 
bien  peu  apporter  de  l’or,  de  l’argent , ôc  de  fort 
plaifantes  ôc  gentilles  monines.Finablem  ent  il 
me  femblc  quel’Efcriture  fainde  ente  dcomme 
munementpar  ce  motde  Tharfis  , ou  la  grande 


Histoire  ^rATVRiitE 
nier,  ou  des  régions  fort  eflongnees  &cfl:rah^ 
ges.  Par  ainfî  il  fuppofe  que  les  Prophéties  qui 
parlent  de  Tharlîs  ( puifque  i'efprit  de  prophé- 
tie peut  tout  fçauoir)  fc  peuucnt  bien  fouuent 
accommoder  aux  chofes  de  noftrc  nouucau 
monde. 

VeU  Propheùed'^hdias^quequel^Hes-vns  inter^re^ 
tent  ejlre  des  Indes, 

Chapitre  XV. 

Uj^^Iuficurs  difent  & afferment,  que  en  la 
'S^^^faindeEferiture  il  a efté  prédit  bien  ^ 
^Jnîlpl  cenouueau 

adphdffpH.  ^ monde  deuoit  eftre  conuerty  a ielus 

Cathol.  re~  Ghi’ift  par  la  nation  Efpaignolle , & à ce  propos 
getn^.Com.  mettent  en  auant  & expliquent  le  texte  de  la 
Tn  d' Abdias,  qui  dit  ainfi  : ^ U trmfm- 

de  cefi  ex er cite  des  enfms  d’ifiaelfolfedera  toutes 
Lçs  chefes  des  chAn^neensmpjties  en  Sare^te,  U tras^  j 
migrationde  HierufAle^cjui  eji  au  Boffhore  ^pjfej.era  /«  j 

citel^du  tnidy, CT  materont  les  fameurs  au  mot  de  Sio  ! 

four  mger  le  mot  d ' Efau^  fera  le  royaume  four  leSeï--  \ 

gneur.  Cccy  a efté  mis  ainh  en  vulgaire  fuyuat  la  j 
LudotticM  lettre.Mais  les  autheurs  que  i etés,en  l’Hebricu 
Zeo  Augtt-^  lifent  ainfis  Et  la  tranfmigram  de  cefi  exercite  des  en- 
fimian.mcS  . cananedns  lufques  a Zar- 

Abdtl.  fhafqm  eft  France)  la  tranfmigration  de  leruja- 

lern.qui  efl  en  safharad  ( entendez  pour  Efpaignc) 
fojfedera  pur  héritage  les  cite\du  midy^cr'  monteront 
ceux  jui procurent  la  faluationau  mont  de  Sionspour 
mger  le  mot  d’Efau,  fer  ale  roiaume  pour  le  S eigneur. 
Toutefois  aucuns  d’eux  n’alleguent  fudirant 


Des  Indes  Liv.  T.  3® 

tefmbignage  des  anciens , ny  raifon  pertinente, 
pour  monftrer  que  Sapharad,que  faindHicrof- 
me  interprété  leBofphore  ou  deftroir,  & les 
feptante  Interprétés  rEirphrate,  doiue  lignifier 
l’f  fipagne , que  leur  feule  opinion.  Les  autres 
allèguent  laParaphrafe  Chaldaique , qiiieft  de 
celle  opinion,  & mefmeles  anciens  Rabis  qui 
l’expliquent  de  celle  façon,commeauffi  ils  ex- 
pliquent Zarphatellre  France  ( que  nollre  vul- 
gaire & les  feptante  difent  ellre  Sarepte).  Et 
faiiraiit  celle  dilputc,  qui  appartient  aux  gens 
plus  de  loifir,  quelle  neceflitcy  a-il  de  croite, 
que  les  citez  de  TAullrCjOU  de  Mageb(ainfi  qvr- 
efcriuentles  fcptantc)foycnt  les  gens  de  ce  nou- 
iicau  monde? D’auantage,qucl  befoing  dl-il  de 
croirc,&  de  prendre  la  nation  Elpaignollc  pour 
la  tranfinigration  de  Hierufalem  en  Sapliarad? 
Il  ce  n’cll  que  nous  vueillions  prendre  Hierufa- 
Icm  lpiritucilement,&  que  pour  icelle  nous  en- 
tendions l’ Eglife.  De  forte  que  par  la  tranfmi- 
gration/de  Hierufalem  en  Sapharad , le  faind 
Efprit  nous  deraonllre  les  enfans  de  lafainde 
Eglifcf,  qui  habitent  aux  fins  de  la  terre , Ôc  aux 
riuages , pourçe  cela  en  langue  Syriaque  ell  did 
Sapharad,  & fe  rapporte  bien  à nollre  Efpagne, 
qui  félon  les  anciens  ell  la  fin  &le  bout  de  la 
terre  , ellant  prefquc  toute  enuironnee  de  la 
mer.  Orparlescitezd’ Aullre, oudeSudjlbn 
peut  entendre  ces  Indes  : attendu  que  la  plus 
grande  part  de  ce  nouueau  monde  eil  affife  au 
Midy  : & la  meilleure  partie  duquel  regarde  le 
Pôle  Antardiquc.Ce  qui  fenfuiteft  facile  à in- 
terpreter,fçauoir  c'enx  fit  ^murent  U 


- -t-i 


Histoire  natvrelie 
UYmt  dit  mont  àeSionpourmger  le  mont 
qu’on  peut  dire  que  ceux  là  fe  retirent  à la  Do- 
étrine,&  au  fort  de  la  S.  Eglife , qui  prétendent 
rompre  & diffipcr  les  erreurs  profanes  des  gen- 
tils , car  cela  peut  eftrc  interprété  iuger  le  mont 
* d’Efau.  D’où  il  f’enfuy  t bien,  que  alors  le  royau- 
me ne  fera  pour  les  EEpagnols,  ny  pour  c ux 
d’Europe,  mais  pour  lefus  Chrift  noftre  fau- 
ueur.Qmconque  voudra  expliquer  de  celle  fa- 
çon la  Prophétie  d’ Abdias, ne  doit  eftre  reprins 
puis  qu  il  eft  certain  que  le  faind  Efprit  a feeu 
&cogneu  tous  les  fecrcts  long  temps  au  pàra- 
uanr.  Et  femble  qu’il  y a grande  apparence  de 
croire , qu'il  ell  faid  mention  en  la  fainde  Ef- 
criture,  dVnc  affaire  de  telle  importance , com- 
me eft  la  defcouuerrure  des  Indes. & nouueau 
monde , & conuerlion  d’iceluy  en  la  foy.  Ifayc 
mefme  dit  ces  termes,  les  Ailles  desnAmres  fit 

tA-jo. Inter,  vont  de  l’autre  part  d'Ethiopie,  Plufieurs  autheurs 
tres-dodes  déclarent  que  tout  ce  chapitre  eft 
entendu  des  Indes,  & le  mefme  Prophète  en 
Jfak  6 6.  d*autrc  endroit  àiZyQj^ceux  qui  efehaperont  d’ijrael 
iront  fort  loing  k rharfisCTen  des  ifies fort  eflqgneeSyoJi 
ils  conttertirot  au  Seigneur  plufieurs  O*  dmerfes  natios^ 
Entre  lefquellcs  il  nommela  Grece,l  Italie, ÔC 
r Afrique, & beaucoup  d’autres.Ce  qui  sas  dou- 
te fe  peut  bien  rapporter  a la  conuerlion  de 
ces  nation?  des  Indes.  Car  citant  chofe  alTeurcc 
M4«/j.i4'que  l’Euangile  doibt  dire  prelchcc  par  tout 
l’vniuers , ainlî  que  le  Sauueur  nous  l a promis, 
& qu’alors  viendra  la  fin  du  monde, il  f’cnfuit,5f 
ainfi  le  doibt-on  entendre , qu^cn  toute  l’cllen- 
due  du  monde  il  y a beaucoup^  de  nations  a 


DES  Indes.  Liv.  I.  ^ 

qui  Tefus  Chrift  n’a  cfté  annoncé.  Partant  nous 
debuons  de  là  recueillir, qu’il  eftdetneuré  gran- 
de partie  du  monde  incogneuc  aux  anciens  , Ôc 
qu’auiourd’huy  il  y en  a encore  vne  bonne  par- 
tie à defcouurir. 

P4r  moyen  on  f peu  Arriuer  Aux  Indes  les 

premiers  hommeSyO'’  ny  font  Ar- 

riue^degrho'felonleurm’’ 

tention. 

Chapitre  XV I* 


Aintcnant  il  cft  temps  de  rcfpondrc 
à ceux  qui  difent  qu’il  n’y  a point 
pd’ Antipodes,  & que  cefte  région  ou 
' nous  viuons, ne  peut  eftre  habitée. 
L’immcnfe  grandeur  de  1 Océan,  erpouuanta 
tellement  faindt  Auguftin,  qu’il  ne  pouuoit  pé- 
fer  comment  le  lignage  humain  euftpeu  palïci* 
à ceftuy  noftrc  nouueau  monde.  Mais  puis  que 
d’vne  part  nous  fçauons  de  certain  que  palfez 
font  plufieurs  ans,'  qu’il  y a des  hommes  habi- 
tans  en  ces  parties  cy,  & d’autre  part  ne  pou- 
uons  nier  ce  que  la  fainde  Eferirure  nous  en- 
feigne  clairement,  que  tous  les  humains  font 
procédez  d’vn  premier  homme,  que  fans  doute 
lerons  contrainds  de  croire  & confelîèr  que 
les  hommes  ferontpalTez  icy  deEEurope,deFA- 
fic,  ou’de  f Afrique  : toutesfois  ce  pendant  ü 
nous  faut  rechercher  & difeourir  par  quel 
chemin  ils  y ont  peu  Ycnir.Il  n’edpas  vrai-fem- 


I 

Histoire  natvrelle 
blablc  qu’il  y ait  eu  vnc  autre  arche  de  No  c,  en  i 

laquelle  les  hommes  puiflent  cftre  arriuez  aux  | 
Indesj&moins  encore  que  J’Ange  ait  tranfpor-  | 
té  les  premiers  hommes  de  ce  nouueau  monde,  | 
attachez  Ôc  furpcndiis  par  les  cheueux,  comme 
ilfeit  le  Prophète  Habacuc,  car  nous  ne  trait  - 
tons  pas  de  la  toute  pnillance  de  Dieu,  mais 
feulement  de  ce  qui  eft  conforme  à la  raifon  ôc 
àhordre  & difpofition  des  chofes  humaines. 

Ceft  pourquoy  ces  deux  chof  s doiuent  cftre  ; 
tenues  pour  admirables  & dignes  de  merueil- 
le,  voire  d’eftre  comptées  entre  les  fecrets  de  | 
Dieu.  L’vne  que  le  genre  humain  ait  peu  palTer  i 

vne  h grande  trauerfe  de  mer, & de  terre.  L’au- 
tre que  y ayant  icy  fi  grand  nombre  de  peuple 
ilsayent  efté  neantmoins  incogneus  par  tant 
de  fîecles.  Pour  cefte  caufe  ie  demande  par 
quelle  deliberation,  force  ôc  induftrie  , le  li- 
gnage des  Indiens  a peu  palier  vne  lî  large  mer, 

& qui  pouuoit  eftre  l’inucntcurd  viipalfage  li 
eftrange.  Véritablement  ie  l’ay  plufieurs  ibis 
recherché  & ruminé  à moy-mefme,  (comme 
plufieurs  autres  ont  fait,  ) & iamais  n’ay  peu 
trouuer  chofequime  peuft  fatisfaire.  Toutes- 
fois  i’en  veux  bien  dire  ce  que  i’en  ay  conceu  Ôc  i 
qui  me  vient  à prelent  en  la  fantafie , puis  que 
les  tefmoins  me  manquét  lefquels  ie  peulTe  fui-  , 
ure  ôc  me  lailTer  aller  par  le  fil  de  la  raifon, 

(quoyqü’ilfoit  fort  délié  )iufqnes  à ce  qu’il  fc 

difparoilfc  du  tout  de  deuant  mes  yeux.  C’eft 
vne  chofe  certaine  que  les  premiers  hommes 
font  venus  en  la  terre  du  Peru  pari  vne  de  ces 
deux  maniérés,  fçauoir  ou  par  terre  , ou  par 


D ëS  Indes.  Liv.  L $ï 
îner.  Qi^  fils  font  venus  par  lamcr,càcftc 
ou  fortuitement  ôc  par  hazard , ou  de  gré  6c 
propos  delibcré.rentens  par  hazard  eftans  ict- 
tez  par  quelque  orage  & force  de  tourmente, 
comme  il  aduient  en  têps  rude,&  tempeftueux. 
rentensauflî  de  propos  délibéré  qu'ils  eulïcnr 
drefle  leur  nauigation  , pour  chercher  & def- 
couurirl  de  nouueiles  terres.  Outre  ces  deux 
maniérés  ic  trouuc  , qu’il  n'ell  point  poffiblc 
d’en  trouuer  d’autres, (i  nous  voulons  fuyurele 
cours  des  chofes  humaines,  6c  ne  nous  arrefter 
à fabriquer  des  fiétions  Poétiques  6c  fabuleu- 
fes.  Car  il  ne  faut  pas  que  quclqu’vn  fe  perfua- 
de  de  trouuer  vn  autre  Aigle,  comme  celle  de 
Ganimede,  ou  quelque  cheual  volant,  comme 
celuy  de  Perfeus  , qu’il  maintienne  auoir  ap- 
porté les  premiers  Indiens  par  l'air,  ne  que  par- 
aduciiture  ces  premiers  hommes  fefoy entier-, 
uis  de  poiirons,cômc  Serenes,ouNicolas,pour 
les  auoir  palFés  là.  Mais  delaiflànt  arriéré  ces 
propos  de  menfonge,  6c  dignes  de  rifée,exami- 
nons  vn  peu  chacune  de  ces  deux  maniérés  mi- 
les enauant:attendu  que  celle  difpute  fera  plai- 
lànte  & vtile.  Premièrement  il  me  femble  que 
ce  ne  feroit  pas  chofe  trop  eflongnée  de  raifon 
de  dire,que  les  premiers  & anciens  peuples  de 
ces  Indes  font  venus, ont  defcouuert,  6c  peuplé 
parlamefmc  façon,  que  nous  autres  à prefent 
y venons  iournellement,  à fçauoir  pat  Part  de 
nauiger,  6c  l’ayde  des  pilotes,^lcfquelsfecon- 
duifenr  parla  hauteur  & cognoiffancc  du  Ciel, 
&auec  rinduftric  qu’ils  ont  de  changer  & ma- 
uier  les  voiles  félon  le  temps  qui  fe  prefente.  i 


ifcP4f4.9. 

5.R«g.io. 


Histoire  natvrelie 
Pourquoy  cela  ne  pourroit-jl  pas  bien  eftrc? 
faut-il  croire  que  nous  feuls  hommes,  & en  ce- 
ftuynoftrerieclc,  tant  feulement,  ayons  com- 
prins  & cogncu  fart  de  nauiger  FOcean  î Nous 
voyons  que  de  ce  temps  mefme,  Fon  nauige  ôc 
trauerfe  encore  rOcean  pour  defcouurir  nou- 
uelles  terres,cômc  peu  de  temps  y a qu’ Aluaix> 
Mcndana  ôc  fes  cornpaignons  ont  nauige,  eftâs 
partis  du  port  Lima,  Ôc  fuiuy  la  route  du  Po- 
nant pour  defcouurir  la  terre  qui  gift  à 1 Eft,  oà 
eft  le  Peru,  & au  bout  de  trois  mois,  defeou- 
urirent  les  Ifles,  qu’ils  appellerent  îlIcsdeSa- 
lomon,qui  font  plufieUrs  Ôc  fort  grandes.  Ety 
a grande  apparence  qu’elles  gifent,ioignantla  | 
nouuelle  Guynce.'ou  pour  le  moins  qu’elles  sot 
fort  proches  d’vne  autre  terre  ferme.  Et  enco- 
re auiourd’huy  par  le  commandement  du  Roy, 
ôc  de  fon  confcil  l’on  délibéré  d apprefter  vnc 
nouuelle  armée  pour  aller  à ces  Ifles.  Puis  donc 
qu’il  eft  ainfi,pourqiioy  ne  dirons  nous  pas,quc 
les  anciens  aûflibien  n’ayent  peu  auoir  le  cou- 
rage, Ôc  refolütion  de  voyager  par  mer  à mef- 
me deliberation  de  defcouurir  la  terre,  qu’ils 
appellent  Antidthon,  opppflte  à la  leur,  ôc  que  | 

félon  le  difeours  de  leur  philofophie,  deuoit 
cftrc  auec  deflein  de  ne  farrefter  iulques  à la  | 
veue  des  terres  qu’ils  cherchoient’  Certaine- 
ment il  iry  a aucune  répugnance  ou  contrarie-  | 
te  que  ce  que  nous  voyons  auiourd’huy  arri- 
uer  , foit  ainfl  anciennement  arriué  : attendu 
mefme  que  la  fainde  Efcriturc  tefmoignequc 
Salomon  priht  desmaiftres  pilotes  de  Xyr  ÔC 
de  Sidon  , fort  adroits  ôc  expérimentez  à la 

mer. 


DIS  ÎNDÊS.  LïViJ> 
mcr5&  <îuc  par  leur  induftiic^l’on  feit  cefte  na- 
ùigation  de  trois  ans.  A quel  propos  pelez  vous 
qu  elle  remarque  Tare  des  mariniers , 3c  leur 
fcience,  enfemblc  Icut  nauigation  fi  longue  de 
trois  ans,  finô  pour  nous  doner  à entendre  que 
la  flotte  de  Salomon,nauigcoit  le  grand  Océan? 
Il  y en  a beaucoup  qui  font  de  cefte  opinion, 
aufqucls  il  fcmble  que  fain<5t  Auguftin , auoic 
peu  de  raifon  de'  fefpouuenter,  3c  ermerueillcr 
de  la  grandeur  de  l’Océan  puifqifil  pouuoit  cô- 
ieâurer  qu’il  n’eftoit  fi  difficile  à nauiger,  veu 
ce  qui  cft  rapporté  de  la  nauigation  de  Salomô. 
Mais  pour  dire  la  vérité  mon  opinion  cft  bien 
autre,&nc  me  puis  perfuader  que  les  premiers 
Indiens  foient arriuez  en  ce  nouueau  monde, 
{>arvnc  nauigation  ordonnée,&  faite  à propos. 
Mefmc  ie  ne  veux  pas  accorder  qu  e les  anciens 
ayent  cogneu  l’art  3c  induftrie  de  nauiger  par 
le  moyen  duquel  les  hommes  auiourd’huy  tra- 
uerfent  la  mer  Oceanc  de  quelque  partie,que 
ce  foit  à quelcôquc  autre,qu’il  leur  prenne  fan- 
tâfic.Cc  quhls  font  auec  vne  incroiablc  viftef- 
fe  ôc  refolution  , attendu  que  ie  ne  trouuc  en 
toute  l’antiquité  aucjjn  refte,  ou  tefmoignagc 
d vne  chofe  fî  notable , & de  fi  grande  impor- 
tance. Et  ne  trouuc  qu’aux  liures  des  anciens 
foit  faite  aucune  mention,  dclVfagedelapier- 
re  d’ Aymât,  ne  de  1 Efguille  à nauiger, voire,nc 
croy-ie  point  qu’ils  en  ayent  eu  aucune  con» 
gnoiffance.  fî  l’on  ofte  la  cognoiflancc  de 

l'Efguillc  à nauiger.  Tort  çognoiftra  facilement 
qu’il  eftimpoffible  qu’il^  ayent  trauerfé  l efté- 
diie  du  grand  Oècan.Çcux  qui  ont  quelque  co- 


HfSTOIRE  NAtVRELLE 

giioiflànce  de  la  mer,  entendent  bien  ce  que  ic 
dis.Pourcc  que  ileft  aufli  facile  de  croire,  que 
les  mariniers  eftans  en  plaine  mer  puiflent  dret- 
fer  la  proue  de  la  nauire , où  ils  voudront,  fi 
l’Elguille  de  nauiger  leur  deffaut , comme  de 
pcnler  que  Taueugle  puilîè  monftrcr  aucc  le 
doit  Ce, qui  eft  proche  ou  ce  qui  eft  eflogne  en 
quelque  endroit.  Et  eft  vnc  chofe  efmerueilla- 
ble  que  les  anciens  ayent  ignoré  par  tât  de  téps 
vne  fi  excellente  propriété  de  la  pierre  d ay mat^ 
de  qu’elle  ait  efté  defcouuerte  & cogneu  par 
Tlin.Uh.i.cA^s  modernes.  Il  appert  bien  que  les  anciens 
ont  ignoré  cefte  propriété,  en  ce  que  Pline,  qui 
j(^  curieux  hiftorien  des  choies  naturelles,  j 
hh.y.c.^.  parlant  de  cefte  pierre  d Aymant, 

ne  dit  aucune  chofe  de  cefte  vertu  & proprié- 
té, qu’elle  a de  faire  toufiours  tourner  deuers  le 
Nort  lé  fe  r qu’elle  aura  touche , qui  eft  la  vertu 
la  plus  admirable  qu’elle  ait.  Ariftote  Theo- 
•^•■^•phrafte,  Diofeoride,  Lucrèce  ny  aucuns  hifto- 
ZueretJ.  6.  fl^ns  ny  philofophes  naturcls,quc  i’ay  veu,n  en 
font  aucune  mcntion,encorc  qu  ils  traiélent  de 
Aug  deCi-  lapriered’Aymant.  Sainét  Auguftin  eferiuant 
uit.Dei.c.4.  d’autre  part  plufieurs  6c  dmerfes  proprictez,  6c  \ 
i^erueilleufes  excellences  de  la  pierre  d’Ay mat  , 
Lures  de  la  cité  de  Dieu,  n en  parle  nulle- 
ment. Et  eft  certain,que  toutes  les  merueilles,  ; 
que  l’on  contc,de  cefte  pierre,  ne  font  rien,  au 
refped  de  cefte  propriété  fi  eftrange,  qu  elle  a 

de  regarder  toufiours  au  Nort,  qui  eft  vn  grand 

p;.  . , miracle  de  nature.Il  y a enepte  vn  autre  argu- . | 

.6  ^ ^^  ment,quicftque  Pline  traitant  des  premiers 

inuenteurs  de  la  nauigation,  (5c  racontant  tous 


DES  Indes^  Liv,  L 34 

les  inftrumens  ôc  appareils,ne  parle  aucuncmêc 
der£iguilleànauiger,ny  de  la  pierre  d*  Aymar: 
mais  ie  dy  fe  ullement  que  1 art  de  rccognoiftrc 
les  eftoilles,  a efté  inuentc  des  Phéniciens.  Et 
n’y  a point  de  doute,  que  ce  que  les  anciens  ont 
fçcu  &cogneu  del’artdenauiger,n’eftoit  qu'au 
regard  des  eftoilles,  & remarquans  les  riuages, 
Caps,&  différences  des  terres.Q^e  s’ils  le  troii- 
uoientfî  auanren  haute  mer,  que  du  tout  ils 
perdiflènrla  vcucdela  terre,  ils  ne  fçauoiêteii 
quelle  part  dreffer  la  proue  per  autre  difeours, 
finon  par  les  eftoilles,  Soleil  & la  lune,  Ôc  cela 
leurdefFaillant,(côi1ieiladuient  entêps  nébu- 
leux , & couuert , ) ils  fe  gouuernoyent  par  la 
qualité  du  vent , & par  coniedtures  du  chemin 
qu’ils  pouuoientauoir  fai d,  fînableraétalloiéc 
conduits  de  leur  inftind.  Comme  en  ces  Indes 
les  Indiens  nauigenr  vn  lôg  chemin  de  mer  co- 
duits  fculemêt  par  leur  induftrie  & inftind  na- 
turel. Et  fert  beaucoup  à ce  fubj  ed,ce  qu’ef. 
critPline,dcsinfulairesdelaTaprobane,  ( que 
auiourd’huy  nous  appellonsSumatra)  di4nr  en 
cefte  façon,lors  qu’il  traide  de  l’art  & induftrie 
dontils  vfoient  kmvLigcr.CeuxdcUTaprobmene 
voyent point  le  Non,  CT  four  nAuiger, fuppleet  a ce  def 
faut  port  ms  mec  eux  certains  peut  s oyjeauxjefquels  ils 
laijfent  aller fouuent^Cr  corne  ces  petits  oyfeauxpar  na- 
turel inïlinÜ  vollet  toujiours  vers  la  terre  Jes  mariniers 
dreffet leur proUejà leur JùirteiQm  doubtc  dôc,quc 
s’ils  euflent  eu  cognoiffance  de  l’Efguille,  ils  ne 
fe  fufsêt  aidez  pour  guide,de  ces  petits  oyfeaux, 
pour defcouurirla  terre?brefil  fufïïtpour  mô- 
llfcr  que  les  anciens  n’ont  cogneu  ce  fecret  de 

E ij 


Histoire  natvrelie 
la  pierre  d’Aymanr,  dcveoirque  à choie  fi  rc-  I 
m?frquabie,il  n’y  a aucun  mot  ny  vocableLatin,  j 
nyGrec,ny  Hcbreu,quiluy  {bit  propre.Car  vne  | 
chofe  de  telle  importance, n’euft  point  manqué  i 
de  nom  en  ces  langues, fils  reulTent  cogneu.  De 
là  vient  qu’auiourd'huy  les  Pilotes,  pour  faire 
dreficr  la  route,à  ccluy  qui  tient  legouiiernail, 
fereent'auhant  dclapouppe,quieft  à fin  qu’il 
puiiTe  de  ceft  endroit  regarder  l’Erguille,  là  ou 
anciennement,  ils  feoient  en  la  proüe,pour  re- 
crarder  les  ditferenccs  des  terres  ôc  des  mers,  6c  , 

duquel  lieu  ils  commandoient  au  gouuernail.  ; 

Comme  auiourd  huy  l’on  vfe  encore,  à l’entrer 
ou  fortir  de  quelque  port  &c  haurc,  & pour  ce- 
lle occafion  les  Grecs  appelloicnt  les  Pilotes 
pour  ce  qu’ils  fe  tenoient  en  la  Prouë. 

Pe  U mpriete  CT  vertu  dmlrahlede  Uperre 
d‘^ymAnt,  pur  lefaitdcUndmgamn, 

^ que  le  anciens  rien  ont  eu  con- 
doléance. 

Chapitre  XVII. 

] 

Ar  ce  qui  e(l  dit  cy  dclPus  il  appert,  | 
que  l’on  doit  tenir  la  nauiption  des  | 
Indes, fi  bricfue,&fi  certaine  q nous  | 
Panons  de  la  pierre  d’Aymàt.  Côme  j 
auiourd’huy  nous  voyons  pluficurs 
hommes,  qui  ont  voyagé,  de  Lisbonne  à Goa 
de  Seuille  à Mexicque,  à Panama  & en  toute 
celle  autre  mer  du  Sud^iufques  à la  Chine  ôc  au 


DES  Tndis  Liy,  T. 
deftroit  de  Magellan , &ce  aulîî  facilement  & 
certainement , comme  le  laboureur  peut  aller 
de  la  métairie  en  la  ville.  Nous  auons  veu  aulîî 
des  hommes  qui  ont  fai6t  quinxe  voyages  aux 
Indes,  voire  dixhniâ: , & auons  entendu  parler  ] 
d’aucuns  anciens  lefquels  ont  fait  plus  de  vingt 
voyvigcs,  palïàns  ôc  repafrans'la  largeiu*-de  ce 
grand  Océan,  aufquels  ils  n’ont  apperceu au- 
cuns relies  ny  apparences  de  ceux  qui  auoyen  t 
palTe  ny  rencontré  voyagers , à qui  demander  le  ^ ^ 

chemin. Carf  eomme  dit  le  Sage)  la  nauire  cou- 
pe 1 eau  ôc  Tes  ondes,  làns  lailîcr  vefïigcs  par  ou 
ellepalTè,  ny  fairechemindansles  ondes. Mais 
par  la  vertu  & propriété  de  la  pierre  d’aimant, 
il  fe  faicl  en  cell  Océan  comme  vn  chemin 
tracé  & defcoLiuert,  le  tres-haulr  Créateur  de 
toutes  cliofes  luy  ayant  communiqué  telle  ver- 
tu,que  par  fon  attouchement  au  fer,  il  luy  com- 
munique celle  propriété,  d’auoir  fon  mouuc- 
nient  & regard  vers  leNorr,  fans  y faillir , en 
quelque  partie  du  monde  que  ce  puilfe  dire. 
Queiques-vns  recherchent  qucle  dl  la  caufe 
de ceîlc propriété  merueiileufe,  & veulent  di- 
re, & fimaginer  ie  ne  fçay  quelle  fympathie; 
mais  quant  à moy,ie  prends  plus  de  plailîr  Sc  de 
contentement  conlîderant  ces  merueilles  , à 
louer  lagradeur  & pouuoir  du  tont-puilîànt,  Sc 
me  refiouyr  en  la  contemplation  de  Tes  œuures 
admirables,&  à dire auec  Salomon, parlant  fur  54/?.ï4. 
ce  propos:^  Pm»,  duquel  U Fromdeîue gouuerne 
maintient  vn  lois, luy  donnant  vn  chemin  djfei^re'jur  I4 
7ner,c^  du  milieu^  des  hondijfantes  ondes,  pour  montrer 
que  de  mejme ^açon  tupourrois  fauuer  CF  deliurcr  l'hd~ 

E iij 


Pfallo6. 


Histoire  natvrelle 
me  de  tout  perd  nAufrage^encor  qt*'  dfut fins  nAmre 

au  mdieu  de  la  mer.  Mais  d'autant  ^uetes  œuures  fine 
pleines  de  fagejfc,  les  hommes  mettet  ha'Xardet  leurs 
vies fur  vn  peu  de  hoù,  c^pour  trauerfer  la  merjefchap 
pentc^fe  laijfent  aller  en  vn  bafleau.^l  fur  ce  mefm  c 
propos  le  Vdzlmi^càii:  Ceux qmmontent  fur  mer 
en  des  nauires^O"  e^uifot  leurs  affaires  en  trauerfmt  les 
eaux ^ font  ceux  qui  au  profond  de  la  mer  ont  veu  les  œu- 
ures du  Seigneur , <ctfes  merueilles.  E t à la  vérité  ce 
n’eft  pas  vue  des  moindres  merueilles  de  Dieu, 
que  la  force  d Vne  pierre  E petite , commande  à 
la  mer,  Sc  contraigne  l’abyfrne  infiny  de  luy  o- 
bcïr  & fuyurc  fon  commandement.  Mais  pour 
autant  que  e’eft  chofe  qui  fe  void  tous  les  iours, 
Ôc  femblefi  facile,  les  hommes  ne  fenefmer- 
ueillent  point,&  ne  fe  fouuienncnt  pas  d y pré- 
dre  garde  : & d’autant  que  cefte  libéralité  eft  tel- 
le, les  ignorans  pour  cela  en  font  moins  d’^ftat. 
Neantmoinsceux  qui  le  veulent  conEderer  de 
près,  font  conduits  par  la  raifon  à bénir  lafa- 
gefle  de  Dieu  , & luy  rendre  grâces  d’vn  fi 
grand  bencEce.  Eftant  donc  ordonné  du  Ciel, 
que  ces  nations  des  Indes  qui  tant  de  temps  ont 
efté  cachées  fuifent  cogneue's  & defcouuertcs, 
& que  cefte  route  fut  hantee  ôc  frequentee,afin 
que  tant  d’ames  vinffent  à la  cognoiifance  de 
lefus  Chrift,  & gaignaftent  le  falut  éternel , il  a 
efté  pourueu  de  guide  alîeurce  pour  ceux  qui 
font  ce  chemin/çauoir  l’Efguille  de  nauiger,5c 
la  vertu  delà  pierre  d’Aymant.  On  ne  peut  fça- 
iioir  au  certain , depuis  quel  temps  ceft  vfage  &: 
art  de  nar.iger  a efté  mis  en  lumière:  mais  quant 
à moy,  ie  tiens  pour  certain , qu’il  n’cft  pas  fort 


! 


Dis  Indes  Lïv.  I.  3^ 

ancien , d’autant  que  outre  les  raifons  dcfduitcs 
au  chapitre  precedent , ic  n’ay  Icn  en  aucun 
autheur  ancien  , traittant  des  horloges,  qu’il 
(bit  faid  aucune  mention  de  la  pierre  d’aymant. 

Et  neantmoins  il  eft  certain  que  le  principal  & 
plus  neceiîàirc  inftruraent  des  cadrans  au  foleil, 
dont  nous  vfons  auiourd'huy,  eft  rcfguillede 
fer  touchée  de  la  pierre  d’aymant. Quelques  au- 
theurs  approuuez  efcriuent  en  l’hiftoire  des 
Indes  Orienrales,que  le  premier  qui  commen- 
ça à defcouurir  ce  fecret  fur  mer,  fut  VaCcode 
Gama,lequelà  lahauteurde  M ozam bique 
contra  certains  mariniers  Mores,  quivfoyent  ^ 
de  l’Éfguille  de  nauiger,&  que  par  le  moyen  d’i- 
celle  Elguille  il  nauigea  ces  mers  : toutesfois  ils  eap.  yk, 
n’efcriuent  point  de  qui  ils  auoyent  apprins  ceft  Ozj>yitn  de 
artifice  ; & quelqucs-vns  d’étreux  meîmes  font  '^^^*** 
de  noftre  opinion , qui  eft  que  les  anciens  ont 
ignoré  ce  fecret.  D’auantageie  diray  Vne  autre 
& plus  grande  memcillc  de  rEfguille  de  naui- 
ger , que  l’on  pourroit  tenir  pour  incroyable , fi 
l’onnel’auoitveu  &'COgncu  par  expérience  fi 
aifcurce  & manifefte.  Le  fer  touché  & frotte 
de  la  pierre  d’Aymant  par  la  partie  d’iccllc 
pierre,  qui  en  fànaiflance  regarde  le  Sud  ou^ 

Midy , a cefte  vertu  de  fe  tourner  & incliner 
toufiours  ôc  en  tous  lieux  vers  le  contrairc,qui 
eft  le  Nort  : toutesfois  en  tous  lieux  il  ne  le  re- 
garde pas  direétemenr,  mais  y a certains  points 
& climats,  où  il  regarde  droitementle  Nort  & 
f y arrefte  : mais  paifantou  changeant  de  ce  cli- 
mat ,il  coftoye  vnpeu,  ou  à l’Orient  ou  Ponant, 
tant  plus  qu’il  fe  va  efloignant  de  ce  climat, c’eft 

E iiij 


Histoiri  katvrelle 
ce  que  les  mariniers  appellent  nordefter  , ou 
nortoefter.  Nordefter,  vaut  autant  à dire  corn-. 
raecoftoycr,  i’inclinant  au  Leuant,  & nortoe- 
fter f’inclinant  auPonent.  Eteftchofedetellc 
confequencc,  & qui  importe  tant  de  fçauoir  ce- 
fte  declinaifon , ôc  coftoyement  de  l Efguille, 
que  il  Ton  n’y  penfoit  ôc  regardoit  de  près, 
(quoy  quelle foit  petite)  l’on f’cfgareroit  mer- 
ueillcufement  en  la  nauigatiô,  ôc  arriucroit  l’on 
€11  autre  lieu  que  ccluy  où  l’on  pretendoit  aller. 
Vniour  vn pilote  Portugais  fort  expérimenté 
medifoitqu’ily  auoit  quatre  points  en) tout  le 
monde,  oùTEiguille  fe  dreflbitau  Nort,’&  me 
les  contoit  par  leurs  noms,quc  ie  n’ay  retenus, 
vn  d’iceux  eft  la  hauteur  de  l’Ifle  de  la  corne  en 
la  T icrcy  ere,  ou  Alçores , qui  eft  chofe  fort  co- 
gneue  à tous  : mais  tirant  outre  de  là  à plus  de 
hauteur,  il  nortoefte , qui  eft  à dire  décliner  au 
couchant.  Mais  tirant  au  contraire  à moins  de 
hauteur,  vers  l’Equinoélial , il  nordefte , qui  eft 
incliner  à l’Orient.  Les  maiftres  en  ceft  art  I 
pourront  enfeigner  de  combien  , ôc  iufqucs  ' 
où,  de  ma  partie  demander  ois  volontiers  aux 
bachellicrs  qui  prefument  fçauoir  tout  ce  qui 
eft,  qu’ils  me  diifentlacaufe  de  ceft  effeâ:,  ôc 
pour  quelle  raifon  vn  peu  de  fer  frotté  à la 
pierre  d’Aymant  reçoit  tant  de  vertu  que  de  re- 
garder toufiours  au  Nort  : mais  encor  auec  tel- 
le dextérité , qu’il  cognait  les  climats  Ôc  diuer- 
fts  fituations  du  monde , & où  il  fe  doit  ficher 
ôc  dreircr,où  fincliner  en  vn  cofté  ou  en  l’autre,  | 

aufli  bien  qu’aucun  Philofophc  Ôc  Cofmogra- 
phe  qui  foit.  Que  fi  ne  pouuons  bonnement  | 


DIS  Indes,  Liv.  I.  37 

defcouurir,  la  caufe  ôc  la  raifondc  ccs  chofcs 
que  nous  voyons  iourncllcment  à l’œil, qui  fans 
doute  feroient  fort  difficiles  à croire,  fi  nous  ne 
les  voyons  ainfîouuertement  ; Certes  Tonco- 
gnoit  bien  par  là  noftre  folie  & vanité , de  nous 
vouloir  faire  iuges,&  aflubiedir  à noftre  raifoii 
&difcours  les  chofes  diuincs  & fouueraines. 
C’eft  pourquoy  il  vaut  mieux,  comme  dit  Gré- 
goire Théologien, que  la  raifonfalfuiettifté  à la 
fby,  puifque  en  fa  maifon  racfme  elle  ne  fe  peut 
pas  bien  gouuerner.Mais  cccy  nous  doit  fuffirc, 
retournons  à noftre  propos,  ôc  concluons  que 
l’vfage  de  l’Elguille  à nauiger  n’a  point  cfté  co- 
gneuc des  anciens , d’où  1 on  peut  refoudre  qu’il 
leur  a cfté  impoffiblc  de  faire  voyage  de  propos 
délibéré,  parrans  de  l’autre pionde pour  venir 
en  ceftuy-cy  par  1 Océan. 

Chapitre.  XVIII. 

eff  refondu  a ceux  qui  difent  qu4» 
temp  fajfé  comme  autourd’huj  l'on  a 
nautgé  jitr  l' Océan. 

E que  l’on  allègue  au  contraire  de  ce 
quia  efté  diét,  que  la  flotte  de  Salo- 
mon nauigeoit  en  trois  ans,  n’eft  pas 
preuuc  fuffilàntc,  puis  que  les  fain- 
éte$  Efcrirurcs  n’afferment  pas  expreflement 
que  ce  voyage  duraft  trois  ans,  mais  bien  qu’il 
fcfaifoitvne  fois  en  trois  ans.  Et  encore  que 
nous  accordions  que  la  nauigation  duraft  trois 
ans,  ilpouuoit  eftre  , comme  il  eft  plus  vray-' 
femblablc , que  cefte  flotte  nauigeant  vers  l’In- 


îen.io. 


Histoire  natvrelle 
de  Orientale, fut  retardée  de  fa  route  pour  la  di- 
ueriîté  des  ports  & régions  , qu’elle  aîloit  reco- 
gnoilîànt  : comme  auiourd’huy  en  toute  la  mer 
du  Sud,  l’on  nauige  depuis  Chile  iufquesàla 
iicuucElpagne, laquelle  nauigation  encor  qu’el- 
le foit  plus  certaine,  neantmoins  elle  eftbien 
plus  longue  àcaufede  ce  tournoyement  qu’elle 
cft  contrainte  de  faire  par  les  coftes , & le  retar- 
dement qu’elle  peut  auoir  en  diuers  ports.  Et  à 
la  vérité  ie  ne  trouue  point  és  liurcs  des  anciens 
qu’ils  fe  foyent  beaucoup  aduancez  & engol- 
phez  en  l’Océan , & ne  peux  croire  , que  ce 
qu’ils  en  ont  nauigé  ait  efté  autrement  que  de 
la  façon  qu’on  nauige  encor  auiourd’buy  en  la 
mer  Méditerranée.  Qm  donne  occafion  aux 
hommes  doétes  de  croire , qu’ancicnneraent 
l’on  ne  nauigeoit  point  fans  rames,  d’autant 
que  l’on  alloittoufiours  coftoyant  la  terre,  & 
femblc  que  l’Efcriture  fainde  le  viieille  ainfi 
donner  à entendre , quand  elle  parle  de  cefte  fa- 
meufe  nauigation  du  Prophète  lonas,  ouilell 
did,  que  les  mariniers  eftans  forcez  du  temps, 
ramerentàterre. 


l'on  peut  comcHurer  tfue  les  premiers peupleurs 
des  Indes  ji  font  amueX^ptir  tourmente 
Cr*  contre  leur  volonté. 

Chapitre  XIX. 
jYâtmôftréqu’iln’y  apointd’ap-  ^ 
paréce  de  croire  que  les  premiers 
habicansdes  Indes  y foient  venus 
de  propos  delibcré,ilfcnfuytdôc 
que  s’ils-y  font  venus  par  mer,  ç’a 


Des  Indes.  Liv.  I.  3S 

efté  par  cas  fortuit  ôc  par  force  de  tourmen- 
te, ce  qui  n’eft  pas  incroyable,  quelque  grande 
que  foit  la  mer  Oceane,  puis  qu’il  en  eft  au- 
tant aduenu  de  noftre  temps:  lors  que  ce  ma- 
rinier (duquel  nous  ignorons  encore  le  nom, 
afin  que  vn  œuure  fi  grand  & fi  important 
ne  s’attribue  point  à d’autre  autheur  qu’à  Dieu) 
ayant  par  vn  terrible  ôc  mauuais  temps  reco- 
gneu  ce  nouueau  monde,  laifiàpour  paye  de 
fon  logis  où  il  l’auoitreceUjàChriftophle  Co- 
lon, la  cognoiflance  d’vne  fi  grand’  chofe.  Ain- 
fi  a-il  peu  arriuer,jquc  quelques  hommes  de 
l’Europe  ou  Affrique  , au  temps  palfé  ayent 
efté  poufiez  par  la  force  du  vent.,  & iettez  à 
des  terres  incogneucs  par  delà  la  mer  Occa- 
ne.  Qui  clt-ce  qui  ne  fçait  point  que  plufieurs, 
ou  la  plus  grand’  part  des  régions  que  l’on  a 
defcouuertes  en  ce  nouueau  monde,  a efté  par 
ce  moyen,  dcfquellesrondoibt  pluftoft  attri- 
buer ladefcouuerture  à la  violence  des  temps 
ôc  orages , que  non  pas  à l’efprit  ôc  indiiftrie  de 
ceux  qui  les  ont  defcouuertes  ? Et  afin  que  l’on 
rccognoifte  que  ce  n’a  pas  efté  de  noftre  temps 
feulement  que  l’on  a faiét  Ôc  entreprins  de  tels 
voiages,pour  la  grandeur  de  nos  nauires, valeur 
&hardieficde  nos  hommes,  on  peut  voir  de- 
dans Pline,  que  plufieurs  des  anciens  ont  faicl 
de  femblables  voyages.il  dit  donc  de  cefte  façô: 
l'on  raconte  que  CaiM  Cefar fiU  à'^Hgujle , e^mt  en 
charge  (iir  U mer  ^ trahie , l'on  vetd  rccogneut 
des  pièces  rejies  de  nauires  Espagnols , qm  y amyent 

fery.'Ex.  dit  z^vesiNepos  raconte  du  circuit  Septentri»- 
ndj  quel’ on  apporta  a Plmntm  \AetclltiS  Celer  compa- 


Histoire  natvrelie 
gnm  414  conJUUt  de  C4m  ^jfrânm  (eflant  Urs  iceluy 
Metellus  Proconjùl  en  GduleyCertxins  Indiens  qm  auoiet 
ej}e' preJènte'X^ar  leB^Qi  de  SHeueylefquels  Indiens  n4ui-t 
gems  de  l’ Inde  pour  leur  commerce  ^furet  iette'^en  Ger- 
maniepdr  U force  des  tempefies. Vom  certain  fl  Pline 
dit  vérité, les  Portugais  ne  nauigent point au- 
iourdhiiy  d’auantage  que  firent  ceux  là  en 
FU»  lîy  6 naufrages.  Tvn  depuis  l’Efpagne  iuf- 

cap.  11.  Rouge , & l’autre  depuis  l’Inde 

Orientale  iufques  en  Allemagne.  Le  mcfme  au- 
theur  eferit  en  vn  autre  liure,  qu’vn  feruiteur 
d’Annius  Plocanius , qui  tenoit  la  ferme  des 
droits  de  la  mer  Rouge, nauigeant  la  route  d’A- 
rabie, fiiruint  des  vents  du  Nort  furieux,  telle- 
ment qu’en  quinze  iours  il  paflà  la  Carmanic, 
iufques  à recognoiftre  Hippures,  port  de  la 
Taprobane,qu’auiourd*huy  nous  appelions  S4- 
matre.  Mefme  l’on  raconte  d’vn  nauire  de  Car- 
thaginois , qui  de  la  mer  de  Mauritanie  , fut 
poulLé  d’vn  vent  de  bize,  iufques  à la  veiie  du 
nouueau  monde.  Ce  qui  n’cftpaschofenou- 
uelle  à ceux  qui  ont  quelque  expérience  de  la 
mer,  d’entendre  que  quelquefois  vne  tempe- 
fic  dure  fi  long  temps  & obftinémcnt , fans  ap- 
paifetfafureur.  Il  m’eft  aduenu  allant  aux  In- 
des, que  partant  des  Canaries,  iay  defcouuert 
& apperceu  en  quinze  iours  la  première  terre 
peuplée  des  Efpagnols.  Et  fans  doute, ce  voya- 
ge euft  efté  plus  bref,  fi  les  mariniers  eufient 
appareillés  toutes  leurs  voiles, à la  bize  qui  cou- 
roit.  Ain  fi  me  femble-il  chofè  vray  fcmbla- 
blc , qu’au  temps  paffé  les  hommes^oyent  arri- 
liez  aux  Indes, contre  leur  inteîition , pouifez 


Des  Indes,  liv.  L 
& vaincus  de  la  fureur  des  vçnrs.lls  font  au  Pe- 
ru  grande  mention  de  quelques  Geans  qui  ont 
cfté  en  ces  quartiers,  les  osdefquclsfevoyent 
e ncor  auiourd’huy  en  M anra  ôc  port  vieil, d’vne 
grandeur  cnorme,&  à leur  proportion,  ces  ho- 
mes deuoient  citre  trois  fois  plus  grads  que  les 
Indiens  d’atiiourd’liuy.  ils  racontent  que  ces 
Geans  vindrent  par  mcr,&  faifoient  la  guerre  à 
ceux  du  pays, qu'ils  baftirent  de  fomptueux  edi- 
ficeSjdont  ils  monftrent  encor  auiourd’huy  vn 
puits  fait  de  pierres  de  grand  valeur.  Ils  difent 
d’auantage,  que  ces  hommescommettans  pé- 
chez enormcSj&fpecielcmenr  cil  contre  natu- 
rc,furent  embrafez  &confumcz  du  feu  qui  vint 
du  ciel.Mefme  racontent  les  Indiens  d Y ca,  ôc 
d’ A rica,qu’ils  fouloient  anciennement  nauiger 
fort  loin  à des  Ifles  du  Couchant,  & faifoient 
leur  nauigation  en  des  cuirs  de  loup  marin  en- 
flez. De  façon  qu’il  n’y  a point  faute  de  tcfmoi- 
gnages  pour  mbftrcr  que  l’on  aitnauigé  la  mer 
du  Sud  deuât  que  les  Efpagnols  y vinflèiit.  Ainfl 
pouuons-noiis  penfcr,que  le  nouueau  monde  a 
commencé  d’eftre  habité  par  des  hommes  qui 
yonteftéiettezparlatempeftedesvcnts,  ôc  la 
force  du  Nort,  comme  finalement  on  l’a  veue 
dcfcouiicrtc  en  noftre  temps.  Il  eft  ainfi(  chofe 
bien  confiderablc  ) que  les  ccuures  de  nature 
de  grand  ^importance,  pour  lapins  grand  part, 
ont  cfté  trouuees  fortuitement,  fans  y penfer, 
ôc  non  pas  par  rinduftrie  ôc  diligence  humaine 
La  plus  part  des  herbes  mcdicinal/es,des  pier- 
res, des  plantes,  des  métaux,  des  perles,  de  l’or, 
aymant,ambrc,diamant,&  la  plus-parc  de  cho-^ 


!Î  1 


Histoire  natvreilë 
fes  femblablesj&lcursproprietez&vertus  font 
pluftoft  venues  en  la  cognoilTance  des  hommes 
par  accident  que  par  art,&  par  leur  induftric. 
Afin  que  l’on  voye  que  la  gloire  & louange  de 
telles  merueilles,  fe  doit  pluftoft  attribuer  à la 
prouidence  du  Createur^que  non  pas  à Fenten- 
dementhumainrpour  autant  que  ce  qui  nous 
femble  arriuer  fortnitement,procede  toufiours 
de  fbrdonnancc  & dilpofition  de  DieUjquifait 
toutes  chofes  auec  raifon. 


i ; 4 


Qm  nerntmoms  tmt  ce  qui  a ejiê  dit  cy  deffut  eji 
vray-fernhUhle  de  penpr,queles ^re~ 
tniers peuqileurs  des  Jndesy  font 
venMpar  terre. 

Chapitre  XX. 


jE  conclus  donc  qu’il  eft  bien  vray- 
Ifemblablc  de  penfer  que  les  pre- 
jmiers  , qui  arriuerent  aux  Indes, 
jfuft  par  naufrage  & tempefte  de 
[mer  : mais  il  fe  prefentc  fur  ce 
point  vnc  difficulté  , qui  me  trauaille  beau- 
coup, qui  eft  qu’cncor  que  nous  accordions, 
que  les  premiers  hommes  foyent  venus  à des 
terres  fi  cfloignées,que  celles  cy,  & que  les  na- 
tions que  nous  voyons  icy  foyent  forties  d’eux, 
&fc  foyent  tellement  multipliez  qu’ils  font  à 
prcfènt.Neantmoins  ie  ne  me  puis  imaginer, 
par  quel  moyen,  ny  de  quelle  façon,lesbcftes 
& animaux, dont  il  fetrouiic  grande  abondan- 


i 


D Ë s T N DE  s.  L I V.  T,  . 40 

tcâux  Indes,y  aycnt  peu  arriner,  n’cftant  pas 
croyable  que  l’Oïi  les  y ait  embarquez  6c  por- 
tez par  mer.  La  raifon  pour  laquelle  nous  fom- 
mcs  contraints  de  dire,que  les  premiers  hom- 
mes des  Indes  fons  venus  de  TEurope  ou'de 
l’Afic,  cftpour  ne  contredire  à la  fainàc  Efcri- 
ture,qui  nous  enfeigne  clairement  que  tous  les  Cenef.y, 
hommes  font  fortis  d’Adam:  Par  ainfi  nous  ne 
pouuons  dôner  autre  origihe  aux  hommes  qui 
font  es  Indesj  veu  que  la  mefme  Eferiture  nous 
dit,quc  toutes  les  belles  & animaux  de  la  terre 
périrent,  finon  celles  qui  furent  referuces  en 
l’Arche  de  Noé  pour  la  multiplication  & en- 
tre tien  de  leur  e^ece.De  façon  que  nous  do- 
uons necdïàirement  référer  la  multiplication 
de  tous  les  animaux  fufdits  à ceuxqui  fortirenc 
de  l’Arche  de  N oé  aux  monts  d’Araraat  où  elle 
s’arrefta,  & par  ce  moyen  nous  deuons  recher- 
cher, tant  pour  les  homes  que  pour  les  belles,  ^ 
le  chemin  par  lequel  ils  font  palîèz  du  vieil 
mondeau  nouueau.  Sain6l  Augullin  traidrant 
celle  quellion,  pour  quelle  raifon  l’on  rrouuc 
en  certaines  I lies  des  loups  , des  tygres,  ôc  au-  ,1/  ‘ 

très  belles  rauilfantes  qui  n’apportent  aucun 
profîtauxhomeSjVeuqu’iln’yapoint  de  don- 
teque  leselephans,  cheuaux,  bœufs, chiens  & 
autres  animaux  dont  ce  feruent  les  hommes,  y 
ont  elle  portez  tout  exprès  en  des  nauires,  co- 
rne nous  voyons anjourd’huy  quel  on  les  por- 
te depuis  l’Orient  iufques  en  l’Europe,  6c  de 
1 Europe  au  Peru,  encor  que  les  voyages  en 
foieiit  11  longs.Et  par  quel  moyen  ces  animaux 
qui  font  de  nul  profit,  au  contraire  font  dom- 


Histoire  natvr"^i  lle 
mageables,  comme  les  loups,  ôc  autres  de  telle 
nature  farouche,  ayent  peu  paiîèr  aux  Indes, 
fuppofé  ( comme  il  eft  certain  ) que  le  Déluge 
noya  toute  la  terre.  Sur  lequel  traidé,  ce  dode 
Ôc  faind  home  eflaye  à fc  demefier  de  ces  difïi- 
cultéz , difant,  qu’ils  peurent  paflTerà  nage  en 
ces  ïfles;  ou  que  quelqu’vn  les  y a portez  ex- 
près pour  Icdefduit  de  la  chalfe.  Ou  bien  que 
par  la  volonté  de  Dieu  , ils  eullènt  efté  créez 
tout  de  nouueau  delà  terre,  enlamefmc  forte 
Ôc  mani  ere  de  la  première  création, quand  Dieu 
dift;  : U terre  prodtttfe  tout  AmmdviuAnt  en  fort 

Cenef.u  genre iAnmAux^re^tiles  CX  hepsfiuuAges  des  chAmps 
Jelen  leur  ejpece.  Mais  li  nous  voulons  appliquer 
ceftefolution  à noftre  propos,  la  chofe  en  de- 
meurera plus  ambarafléej  car  commençant  au 
dernier  pointjiln’eft  pas  vray-fcmblable,  félon 
Fordre  de  nature,  ny  n’eft  pas  chofe  conforme 
à Fordre  du  gouuernemeiitqueDieuaeftably, 
que  les  animaux  parfaits,  comme  les  lyons, les 
tigres  ôc  les  loups,fcngendrent  delà  terre,  fans 
leur  génération  , comme  F^n  voit  que  les  rats, 
les  grenouilles  , les  abeilles  ôc  tous  autres  ani- 
maux imparfaits  fengendrent  communément. 
D’auantage,  à quel  propos  ell-ce  quefEferi- 
ëenef.j . turc  dit,6c  répété  tant  de  fois*,  r« prendras  de  toM 
les  Animaux  CX  oifeaux  du  Ciel  fept  CT'  fept^mafles  CX 
femelleSyà fin  c[tie  Itmr  generanon  s'entretienne  fisr  U 
terre,  fi  tels  animaux  apres  le  Dcluge  deuoient 
eftre  créez  derechef  par  vncnouuelle  manière 
decreation,fanslaconjondiondu  malle  &fe- 
raelle  f Et  fur  ce  pourroit  encor  fc  faire  vne 
autre queftion  : Pourquoy  tels  animauxnaif-. 


©El  Indes.  Liv.  T.  41 

fans  de  la  terre(rclonccfl:ç  opinion  ) il  n’y  çn  a 
pas  auflî  bien  en  toutes  les  autres  parties  de  la 
terre  ferme,  & es  autres  Ifles  rpuifque  nous  ne 
dcuons  pas  confiderer  l’ordre  naturel  deJa  gé- 
nération, mais  feulement  la  libéralité  du  Créa- 
teur. D’autre-part  que  l’on  ait  paifé  quelques 
vnsde  ces  animaux,  pour  ledcfduitdelachaiïè 
( qui  cft  (on  autre  refolution  ) ie  ne  le  veux  pas 
tenir  du  tout  pour  chofe  incroyable  : d autanc 
que  nous  voyons  fouuentesfois  que  les  Prin- 
ces & grands  Seigneurs  tiennent  8c  nourrif- 
fent en  leurs  cages,  pour  leur  plaiiir  ôc  gran- 
deur tant  feulement,  des  lyons,  des  ours  V au- 
tres beftcs  fanuages,  principalement  quand  el- 
les font  amenées  de  terres  lointaines:  mais  de 
dire  cela  des  loups,  renards  8>c  autres  animaux 
qui  n’apportent  aucun  profit,  & qui  n’ont  rien 
de  rare  ny  de  bon  que  de  faire  dommage  au  be- 
ftiafi& de  dire  aiifli  qu’ils  ont  prins  la  peine  dà, 
les  apporter  par  mer  pour  la  chafle  : certaine- 
ment c’eft  chofe  qui  n’a  point  de  raifon*  Qui 
cft  ce  qui  pourra  penfer  qu’en  vne  nauigation 
fi  longue  & infinie  il  y ait  eu  des  hommes  qui 
ayent  prins  la  peine  de  porter  au  Peru  des  re- 
nards, principalementde  ceux  qu'ils  appellent 
Anas,qui  cft  vne  efpece  des  plus  ords  ëc  in- 
fedls  que  Paye  iamais  veu  - Qui  voudra  dire  auf». 
fi  qu’ils  y ayent  apporté  des  tigres  & des  lyons? 
certainement  c’eft  chofe  digne  de  rifée  8c  mo- 
querie, de  le  vouloir  penfer.  Car  c’eftoii  âlîez 
voire  beaucoup  aux  ho nnn es,  pouftez  malgré, 
eux  par  1 orage  8c  la  tempefte  en  vn  fi  lointain, 
^incogneu  voyage,  de  pouuoir  efehapper  du, 


HlStOlRE  NATVHELtÉ 
danger  dé  la  mer  leurs  propres  vies /ans  fama- 
fer  à porter  des  renards  & des  loups, &les  nour- 
rir par  la  mer.  Si  donc  ces  animaux  font  venusf 
par  raer,il  faut  croire  que  ç’a  efté  à nage:  ce  qui 
fe  peut  faire  en  quelques  Ifles,peu  diftantes  Sc 
efloignees  des  autres,ou  de  la  terre  ferme:com- 
me  on  ne  le  peut  nier,  veu  Fcxpcrience  certaine 
que  nous  en  auons,&  que  nous  voyons  que  ces 
animaux  cftans  preflez  nagent  iour  &nuid  fany 
felaiTcrj&enfinilsfefchappcnt  de  la  façon. 
Mais  cela  fentend  en  de  petits  golphes  & rra 
f uerfeSjpource  qu’en  noftre  Océan  fon  Ce  mo- 
queroit  de  tels  nageurs;veu  que  les  ailles  fail- 
lent  aux  oifeaux,  raefmes  de  grand  vol,  fur  le 
paflàge  d’vn  fi  grand  abyfmc.Et  combien  qu'il 
fc  trouüc  bien  des  petits  oifeaux  quivolent  plus 
de  cent  lieues , corne  nous  fauons  veu  plufieur» 
fois  envo7agcant,toutesfois  c*eft  chofe  impof- 
fiblc  aux  oiîeaux,à  tout  le  moins  fort  difficile, 
de  pouuoir  paflèr  toute  la  mer  Oceane.Or  tout 
ce  que  nous  auons  dit  cy  defliis  eftant  véritable 
par  quelle  part  ferons-nous  le  chemin  à cesbe- 
ftes  fauuages  Sc  aux  oyfiilos  pour  les  pafièr  aux 
lndes,&  comment  dirons-nous  qu’ils  fontpaf- 
fezd’vn  monde  àfautreîle  côicdurc  donc  par 
le  difeours  que  i’ay  fait,quc  le  nouucau  monde, 
que  nous  appelions  Indes , n’eft  point  du  tout 
diuifé  ny  feparc  defautre  monde;&  pour  en  di- 
re monopiniô,il  y a ja  fort  long  temps,  que  i’ay 
penfé  que  IVne  & l’autre  terre  le  ioignent  & 
continuent  en  quelque  part, ou  à tout  le  moins 
fauoifinent  & approchent  de  bien  prcs.Et  tou- 
tesfois  encor  iufqucs  à prefent  n’y  a aucune 


Des  Inoès.  Liv*  L 4i 

certitude  du  contraire  : pour  autant  que  vers  le 
pôle  Arâ:iquc,qnc  nous  appelles  le  Nortj  tou- 
te la  longitude  de  la  terre  neR  pasdercouuer^ 
te  &côgncuë,  ôc  y en  aplufieursquiafFermenc 
qu’au  delïus  dé  la  Floride,  f’eftend  au  Septen- 
trion vnè  terre  fort  large,qu’ils  difent  fe  venir 
rertdrciufques  àlamer  Scytique  Ou  Germani- 
que.D’autresadiouftentquil  y a eu  vn  nauire 
quinauigeanten  ces  parties,  raconte  auoirveu 
la  cofte  de  Bacaleos,  qui  f’eftênd  quafi  iufqucs 
aux  fins  de  l’Europe.  D’auantage  l’on  ne  fçaic 
non  plus  iufques  où  s’eftend  la  terre  qui  court 
au  defiiis  du  cap  de  Mcndoce  en  \a  mer  du  Sud, 
finon  que  l’on  dit  que  c eft  vne  terre  fort  gran- 
de & qui  court  vne  longueur  infinici  6c  retour- 
nant à raiitie  pôle  duSüd,iln  yapashomme 
quifçacheoùs’arreftelaterrequi  eft  de  l’antre 
Cofté  du  deftroit  de  Magellan . Vn  nauire  de  l’E* 
uefque  de  Plaifànce  qui  paflà  le  deftroit, racon- 
te n’auoir  perdu  la  veuë  de  la  terrei  le  mefmc 
dit,  Hernande  Lamerpilote,qui  par  tourmen- 
te paftà  deux  ou  trois  degrez  au  delîus  dudit 
deftroit.Ainfin’ya-ilraifon  ny  expérience  qui 
contredife  mon  imagination  ou  opinion  : Sça^ 
uoir  eft  que  toute  la  terre  fe  joint  & continue 
en  quelque  endroit,  ou  à tout  le  moins  qu’elle 
s approche  fort  l’ vne  de  l’autre.Si  cela  eft  vray, 
c5  me  en  efFcdt  il  y a de  l'apparence,  la  relponce 
eft  aifée  au  doute  fi  difficile  que  nousauions 
propofé  , comment  peurent  palfer  aux  Indes 
les  premiers  peupleurs  d icelles  ; pour  ce  que 
l’on  doit  croire  qu’ils  ne  peuuent  pas  tant  y 
cftre  venus  nauigeans  par  la  mer,  comme  che- 

Fij 


fîlSTOIRl  NATVREtLI 
minanspar  terre,5:  auroientpeu  faire  ce  chc- 
min/ans  y penfsr.cn  chaiigeans  peu  à peuleiirs 
terres  & habitations. Les  vus  defqucis  peuplas 
les  terres  qu'ils  renconcroienr  , les  autres  en 
cherchant  d autres  nouuelles  , vindrent  en  fin 
par  la  longueur  du  temps  à remplir  & peupler 
les  terres  des  Indes  de  tantdenations,gcns 
langues  que  nous  y voyons. 

Ve  quelle  façon  O"  maniéré  les  animaux^ 
fliaux  domeftiques  ^ajferent  aux  Indes. 

' C H A P.  XXL, 

Es  fignesScargumensquireprefen- 
centàceuxqui  font  curieux d'exami» 
ner  la  façon  & maniéré  des  Indiens 
aident  beaucoup  à fouftenir  l’opiniô 
fufdide;pour  autant  que  l’on  ne  trouue  point 
d hommes  habitans  és  l£lcs,quifont  beaucoup 
tüognees  delà  terre  ferme,  ou  des  autres  Ifles, 
comme  la  Bermude,dontla  raifon  eft,  pource 
que  les  anciens  ne  nauigeoicntque  auxeoftes 
prochaines,  & toufiours  à veiiedeterre.  Sur- 
quoy  l’on  rapporte  qu'il  ne  feft  trouué  en  au- 
cune partie  des  Indes  de  grands  nauires , qui 
fuflent  capables  de  palfer  tels  golphes,  mais  feu 
lement  y a l’on  troaué  desRal{as,Barquettes  ou 
Canoës,  qui  toutes  font  moindres  que  Chal- 
ioppes,defqucllcs  fortesde  vaifeaux  feulement 
vrendeslndiens,aueclefquelsils  ne  pourroiéc 
fcngolpher  en  vne  fi  grande  rrauerfe,  fansvn 
înanifefte  dagerdenaufrage,&  ores  qu’ils  euf» 
fient  eu  des  nauires  fiuffifans^ils  ne  fçauoiét  l’arc 


DES  Indes.  Liv.  I. 
dcl  E(guillc,Aftrolabc  ou  cadran.  QueOils  eul^j 
fenteftéhuidoiidixioursransvoir  la  terre,  il 
cftoit  impoflîble  qu’ils  ne  fe  perdilfent , fans 
pouuoirrecognoiftreoùilseuflent  efté.  Nous 
recognoifsôs  plufieurs  Ifles  fort  peuplees  d’in- 
diens,& leur  nauigatiô  fortylitee,  m ais  c’eftoic 
cellequ’ils  pouuoiêt  faire  en  Canoës  &Barquec 
res  fans  l'E^uilledenauiger.  Quand  les  Indiens 
du  Péril  qui  demeuroient  en  Tombes, veirent  la 
première  fois  nos  nauires  Efpagnols  qui  naui- 
geoient  au  Pcru,&recogncurent  lagrâdeur  des 
voiles  rendus, & du  corps  des  nauires,  demeurè- 
rent fort  eftonnez,  Ôc  nepouuansfepeiTuader 
que  ce  fuilent  nauires,pour  n é auoir  iamais  veu 
de  telle  forme  Ôc  grandcur,fimaginoient  que  ce 
fulîènt  des  roches. Mais  voiâs  qu’ils  aduançoiêc 
fans  fcnfoncer,demeuroy  ent  tous  rauis  ôc  tiâf- 
portez  d’elpouuentemêtdufques  à ce  que  regar- 
dans  déplus  pres,ils  recogneurent  des  hommes 
barbus , qui  chemînoyent en  iceux , qu’ils  efti- 
merent  alors  deuoir  eftre  quelques  Dieux,  ou 
gens  du  Ciel.  D’où  il  appert  combien  c’eftoit 
chofe  incogneue  aux  Indiens,  d’auoir  de  grands 
nauires.il  y a encor  vne  aütre  raifob^,  qui  nous 
fait  croire,&tenir  pluftoft  l’opinion  mfdite,fça- 
uoir  que  ces  animaux  defquels  nous  difons  qu’il 
n’eft  pas  croyable,  qu’ils  ayent  efté  embarquez 
par  aucuns  hommes  , pour  porter  és  Indes,  ne  le 
tiennent  qu’en  la  terre  ferme,  ôc  non  point  aux 
Ifles  qui  font  à quatre  iournees  de  terre  ferme, 
l’ay  faid  celle  recerche  pour  faire  prenne  de  ce^ 
cy , d’autant  qu’il  m’a  femblé  que  c’eftoit  vu 
poinift  de  grande  importance,  pour  me  refou- 

F iij 


Histoire  iTATyREtj.E 
di'C  en  l’opinion  que  i’ay  di(3:e , que  la  terre  des 
Indes,  d’Europe,  d’Aiie  & d’Afrique , ont  quel- 
que communication  enfemble  , ou  à tout  le 
moins  qu’elles  i?approchent  fort  par  quelque 
partie.  Il  y a en  l’Amerique  ôc  Peru  beaucoup 
de  belles  fauuages,  comme  des  Lyons  (encor 
qu’ils  nefoycnt  femblables  en  grandcur,ficrtc, 
ny  en  la  mefme  couleur  de  roux,aux  renommez 
Lyons  de  1’ Afrique.il  y a aulïi  grand  nombre  de 
Tigres  qui  font  fort  cruels  , 8c  plus  communé- 
ment aux  Indiens , que  non  pas  aux  Efpaignols. 
Ilyaauffi  des  Ours,  non  pas  toutefois  en  fort 
grande  abondance.  Des  Sangliers  & des  Re- 
nards vn  nombre  infiny.  Keantmoins  fî  nous 
voulons  chercher  de  routes  ces  efpeces  d ani- 
maux, en  rillc  de  Cuba , Efpagnolle,  lamaiquc, 
la  Marguerite  , ou  la  Dominicque,  il  ne.f’en 
trouucra  aucuns.  Tellement  que  efditcs  Illes, 
quoy  qu’elles  fulTent  fertiles  & de  grande  ellen- 
due,  il  n’y  auoir  aucune  forte  d’animaux  de  fer- 
uice , quand  les  Efpaghols  y arriucrent  : mais  à 
prefent  y a fi  grand  nombre  de  troupeaux  de 
CheuauX  , Bœufs,  Vaches  , Chiens  & Pour- 
ccaux,qui  ont  multiplié  de  telle  façon,que  jales 
troupeaux  de  Vaches  n’ont  plus  de  maiftre  af* 
feur^mais  appartiennêt  au  premier  qui  les  tue, 
ôc  iartiere,  foit  en  la  montagn&eu  aux  champs: 
ce  que  les  infulaires  font  feulement  pour  auoir 
le  cuir, dont  ils  font  grand  traffic,laiflTans  perdre 
la  chair,  fans  la  manger.  Les  chiens  y ont  telle- 
ment multiplié, qu’ils  marchent  en  troupes,  ÔC 
endommagent  fort  le  beftial , ôc  font  autant  de 
deigali  que  des  Loups,  qui  cftvne  grande  inco- 


Dis  ÏNDis  Liv.  X 44 

feditc  en  Gcs  Iflcs  là.  Il  n’y  a pas  feuîetncnc 
faute  de  beftes  làuuages  en  ces  Ifles , mais  en  la 
plus  grand’ part,  d’oyfeaux  & oyfîllons.  Pouc 
les  perroquets , il  y en  a beaucoup  qui  ontvn 
grand  yo1,&  vont  parbandes,mais  il  y en  a peu 
comme  i’ay  dit,&  d’autres  fortes  d’oyfeaux.  De 
Perdrix  il  ne  me  fouuiét  point  d’y  en  auoir  veu, 
ny  entendu  qu’il  y en  aye  comme  au  Peru.  Audi 
peu  y a-il  de  ces  beftes  qu’ils  appellent  au  Peru, 
Guancos  & Vicunas,qui font  comme  Chieures 
fâuuagcs,  fortyifteSj  Cnl’eftomacdefquclles  fc 
trouuc  la  pierre  Bczaar , que  plufieurs  eftiment 
degrandpris,&  fen  trouue  quelquesfois  dàuflî. 
grolTesquVn  œuf  de  Poulie  , voire  la  moitié 
d’auantage.  ils  n’ont  non  plus  d’autre  forte  de 
beftial,quc  de  ceux-là  que  nous  appelions  mou- 
tons d’Inde , Icfquels  outre  la  laine  & la  chair, 
de  laquelle  ils  fenourrÜfçnt  &fc  yeftent,  leur 
feruentd’afnes,  «5r  de  voy  turcs  à porter  charge. 
Ils  portent  la  moitié  de  la  charge  d’vnc  mule, 
& font  de  peu  de  fraiz  à leurs  maiftres , pourcc 
qu’ils  n’ont  bcfoin,ny  de  ferrures,  ny  de  bas,  ny 
d’auoine,  pour  leur  viure , ny  en  fin  d’autre  hatr 
nois;  d’autant  que  de  tout  cela  ils  en  font  poiir- 
ueus  de  nature,  qui  a voulu  en  ccfauorifçr  ces 
pauures Indiens.  De  tous  ces  animaux,  &:dc 
plufteurs  autres  fortes , dont  ic  feray  mention 
en  fon  lieuja  terre  ferme  des  Indes  cft  fort  abô- 
dante  & remplie.  Mais  il  ne  fen  trouuc  aux 
Ifles  que  ceux  que  les  Elpagnols  y ont  appor- 
tez.Il  eft  bien  vray , qu’vn  de  nos  freres  veid  ,yn  ‘ 
iour  vn Tigre  en  vnc  ifle,  comme  il  nous  a ra- 
conté, fur  le  propos  d’vnc  fîenne  pérégrination 

F 


Histoire  uatvrelib 
& naufrage.  Mais  interrogé  combien  ceftc  Ifle. 
cftoit  eflongnee  de  terre  ferme,refpondir  com- 
me de  fix  à huidlieuës  pour  le  plustlaquellc  tra- 
uerfede  mer  les  Tigres  peuuent  aifemcnt  paC- 
fer  à nage.L  on  peut  inferer  par  ces  argumcns& 
autres  remblablcs,quc  les  premiers  Indiens  ont 
palTc  pour  peupler  ces  Indes  plus  par  le  chemin 
de  terre,  que  de  la  merj  ou  fil  y a eu  nauigation, 
qu’elle  n’a  efté  ny  grande  ny  difficile  : pourcc 
que c’efl  chofe indubitable,  qu’vn  monde  doit 
eftre  ioint  & continué  auecl’aurre , ou  à tout  le 
moins  eftre  en  quelque  endroit  fort  proche  Wn 
de  l’autre. 

Qm  le  des  Indiens  rieîî point pxfe  par  l'ijle 


renommée  Ifle  Atlanticque,  &c  de  là  palferent 
d’ifle  en  autre , iufqiies  à paruenir  à la  terre  fer- 
me des  Indes: pource que  leCrifiasde  Platon 
en  fon  Timce  , en  difeonrt  de  ccûe  façon. 
Car  fi  i’Ille  A tlanticque  eftoit  aulfi  grade  com- 
me toutel’Afie  & l’Afrique  enfemble,  ou  bien 
encor  plus  grande,  comme  veut  dire  Platon, 
elle  deuroit  par  neceflîté  comprendre  tout 
1 Océan  Atlanticque , & paruenir  prefqueiuf- 


L y en  a quelques- vns  qui  fuyuans 
l’opinion  de  Platon,  mentionnée 
cy  deftus,  difent  que  ces  gens  là  par- 
tirent de  l’Europe  ou  d’Afrique, 
pour  aller  en  cefte  tant  famenfc& 


DE’s  lNDis  Liir;  L 4j 

^iies  auxiflcs  du  nouueau  mondc.Et  dit  d auan- 
tagc  Platon , que  par  vu  grand  & cftrange  délu- 
ge fon  Iflc  Atlantique  fe  noya , ôc  par  ce  mo.yen 
rendit  celle  mer  innauigab  e,  pour  la  grande 
abondance  des  bancs,  rochers,  &impetuofitc 
des  vagues  qui  y eftoyenr  encore  de  fon  temps. 
Mais  qu’en  fin  les  ruines  de  celle  Illc  noyee,  fc 
ralîîrcnt  ôc  rendirent  celle  mer  nauigable  Cecy 
a elle  fort  curieufemenr  traidé  & difeouru  par 
aucuns  hommes  dodes  & de  bon  entende- 
ment j &neantmoins  ellantdepres  conlîderé, 
à vray  dire  fe  treuucnr  chofes  ridicules , qui  ref- 
Icmblent  plus  les  fables  ou  contes  d Ouide, 
qu’vnc  hilloire  ou  Philofophie  digne  d dire 
mifeen  auant.  La  plus  part  des  interprètes  ôC 
expofiteurs  de  Platon  afferment  que  c’dl  vne 
vraye  hilloire,  tout  ce  que  Crifias  raconte,  de 
l'ellrange  origine  de  P*fle  Atlanticquc,  de  fa 
grandeur  ôc  prolperité,  des  guerres  qu’ils  ont 
eues  contre  ceux  de  1 Europe,^:  plulîeurs  autres 
chofes.  Ce  qui  fait  croire  d’auantage  que  c’eli 
hilloire  vraye,  font  les  paroles  de  Crifias,  que 
Platon  introduit  cnfonTimcc,  difanr,que  le 
fubied  qu’il  vcuttraitrcr  ell  de  chofes  cllran- 
ges,  mais  qui  font  neantmoins  véritables.  Les 
autres  difciples  de  Platon  confiderans  que  ce 
difeours  a plus  d’apparence  de  fable,  t^ic  non 
pas  d'hilloire,  difenr , que  l’on  doit  entendre  ce- 
la par  allégorie,  & que  ç’a  ellé  l’intention  de 
leur  diuin  Philolophe.  De  celle  opinion  ell 
Procle,&  Porphyre,  voire  Origene,  lefqucls  c- 
ftiment  tant  les  eferipts  de  Platon,  que  quand 
ils  en  parlent , ü femblc  que  ce  foyent  les  liures 


Histoire  natvreli.i 
de  MoiTc,ou  d’Efdra$,&  là  où  il  leur  femblc  que 
les  eferits  de  Platô  ne  font  pas  vrais  femblablcs, 
difent  qu’on  les  doit  entendre  en  fens  allégorie 
&nayftic.  Mais  pour  dire  la  vérité,  ie  ne  porte 
point  tant  de  refped  à Tauthorité  de  Platon, 
quoy  qu’ils  l’appellent diuin,  qu’il  mefemble 
trop  difficile  de  croire  qu’il  ait  peu  efcrireccs 
cbofesdel’Ifle  Atlantique, pour  vne  vraye  hi- 
ftoire,  lelquellcs  pour  cela  ne  laiffient  point  d’e- 
ftre  de  pures  fablcs:vcu  qu’il  confelTe  ne  l’aupir 
appris  que  de  Critias  qui  eftoit  petit  enfant , & 
entre  autres  chanfons  chatoit  celle  de  l Ifle  At- 
lantique.Quoy  que  c’en  Toit, que  Platon  l’ait  et 
critpour  hiftoireou  pour  fable,  quantàmoy, 
ie  croy  que  tout  ce  qu  il  a clcrit  de  cefte  Ifje, 
commençant  au  Dialogue  du  Timee,  &pour- 
fuyiiant  à ccluy  de  Critias , ne  peut  eftre  tenu 
pour  chofe  vraye  J finon  entre  les  enfahs  dcle$ 
vieilles.  Qui  ne  tiendra  pour  fable,  dédire  que 
Neptune  Penamoura  de  Cly  té,&  eut  d’elle  cinq 
fois  des  gemeaux  d’vne  ventree,  & qued’vne 
montagne  il  tira  trois  pellottes  rondes  de  rner, 
& deux  de  terre , qui  fc  relTerabloyent  fî  bien, 
que  l’on  euft  difl:  quelles  culTent  cfté  faiéfccs 
toutes  en  vn  tour  ? Qpedironsnousdauanta- 
ge  de  ce  Temple  de  mil  pas  de  long,  &de  cinq 
cens  de  large,  duquel  les  parois  par  dehors  e- 
ftoyent  toutes  couuertcs  d argent , tout  le  lam- 
bris d or , & le  dedans  d’yuoire  cifcllé  Ôc  entre- 
kiré  d or,dargcnt,&  de  perles?  En  fin  parlant  de 
fa  ruine  finale , il  conclud  ainfi  au  Timee  : En  vn 

tour  vne  nmfl furmnt  vngrxnd,  âeluge  ^ lequel 

tous  nos  foldats  furent  engloutis  À monceâux  dans  U ter^ 


DES  ÎNDESi  Liy.:  î,  jfs 

àe  cejle  fdçsn  Vljle  Atlantique  ejlant fùîmergee 
dij^amt  en  la  mer.  Pour  certain  ce  fut  bien  à pro- 
pos que  cefte  I/le  difparut  fi  fubircment,  veu 
qu’elle  eftoit  plus  grande  que  l’Afic  ôc  l’Afri- 
que cnfcniblc,  Ôc  qu’elle  eftoit  fai£te  par  encha- 
tement.  C’eft  chofe  auftî  de  mefme  fort  à pro- 
pos, de  dire  que  les  ruines  de  cefte  Ifle  Ci  gran- 
de fe  voyent  au  fonds  de  la  mer,  & que  ceux 
qui  les  voyent , qui  font  les  mariniers , ne  peu- 
uent  nauiger  par  là.  Puis  il  adioufte  ; Pourcefîe 
caujè  tufques  ameurd'huy^cefte  mer  m Je  naui^e  pmt, 
ny  ne  feut  ejlre  nauigee  four  raijoh  du  banc , qui  feu  a 
feu  seCl  forme'  en  cejîe  ijle fuhmergee,  le  demande- 
rois  volontiers  quelle  mer  a peuenglourir  vnc 
telle  infinité  de  terre,  qui  eftoit  plus  grande 
que  toute  r Afie  & l’Afrique  enfcmble,  &qui 
(è  confinoit  iufques  aux  Indes , & encore  len- 
gloutir  de  telle  façon , qu’il  n’en  foit  demeuré  à 
prefent  aucuns  reftes  ny  apparences  quelcon- 
ques : veu  qu’il  eft  tout  cogneu  & e^ronué, 
que  les  mariniers  ne  trouuct  aucun  fond  ( quoy 
>que  longue  foit  leur  fonde  ) en  la  mer  où  ils  di- 
fentauoir  efté  cefte  Ifle.  Toutesfois  ce  pourra 
fcmbler  chofe  indifcrerc  & efloignee  de  rai- 
fon,dc  vouloir dilputer ferieufement  les  cho- 
fes  qui  ont  efté  racontées  par  paifetemps  feule- 
ment , ou  bien  fi  l’on  doit  auoir  tant  de  relpedb 
àl'authorité  de  Platon  ( comme  il  eft  bien  rai- 
fonnable)  on  les  doit  pluftoft entendre,  pour 
fignifier  fimplcment , comme  en  peinture  la 
profpcrité  d’vne  ville , & quant  &:  quant  fa  jper- 
dition.  Car  l’argument qq’ils font  pourprou- 
uer  que  réellement  & de  faiét  cefte  Ifle  Atlanti- 


Histoire  NATVR.ELLS 
que  ait  cftc , difans  que  la  mer  en  ces  parties  là 
retient  encor  auiourd’huy  ce  nom  d’Atlanti- 
que,eft  de  peu  d’importance;  veu  que  nous  fça? 
uons  que  le  mont  Atlas , duquel  Pline  dit  cefte 
TUn.l^.  c.i.  mer  auoir  prins  fon  nom , cft  aux  confins  de  la 
&L6.c.ii.  mer  de  Mauritanie.  Et  file  mefrae  Pline  racon- 
te que  ioignant  le  mont  fufdit  il  y a vne  Ifle  nô- 
mee  Atlantique,  qu’il  dit  eftrc  fort  petite  & de 
fort  peu  de  valeur. 

^ l'opinion  de  plujteurs  cjui  afferment  que  la  premier 

^ re  race  des  Indiens  vint  des  Imfs^  nejl  point 

véritable. 


Ch  A P.  XXI  II. 


SES  Indes.  Liv.  I.  . 4^ 
fhrdtetur  alors  Dieu  monflra ps  merueilles  en  leur  m - 
droit ^arreflat  le  cours  du  fleuue  mj^ues  a ce  qu'ils  eufset 
pajféj  d'autant  que  le  chemnpour  aller  en  cejle  région 
efioit  tres4ong,cr'  d'vn  an  Cr  deinj^O"  s’appelle  cefie 
région  ^rfarcht.^lors  ils  y demeurèrent  mfques  aux 
derniers  temps.Maintenant  quand  ils  commenceront  à 
reuenirp  tout  fuijfant  retiedra  derechef  vne  autrefois 
le  cours  du  fleuue.afin  quils  j[mifent^aJ]erjCr'pour  cejle 
caufe  tu  as  veu  cejle  multitude  auec  faix,  Q^lqucs 
vns  veullent  accommod^erceftecfcnturc  d’Ef- 
dras  aux  Indiens,  difans  qu’ils  furent  conduits 
de  Dieu  ou  iamais  n’habita  genre  humain,  5c 
que  la  terre  où  ils  demeurèrent  eft  h efloignéc, 
qivil  y a vn  an  & demy  de  chemin  pour  y aller, 
eftanteefte  nation  naturcllementpailible  , 5c 
qu’il  y a de  grands  indices  &argumens  entre 
le  vulgaire  de  ces  Indiens  , pour  faire  croire 
qu’ils  defeendent  delà  race  des  luifs,  d’autant 
que  l’on  lesvoit  communément  efchars,rabaif. 
fez,  cérémonieux,  & fubîils  en  menfonge.  Et 
difent  d’auantage  que  leurs  habits  rdfemblent 
fort  a ceux  dont  vfoyent  les  Iuifs,pour  ce  qu’ils 
portent  vne  tunique  ou  chemifolle,&  vn  man- 
teau brode  tout  au  tour,  vont  les  pieds  nuds, 
ou  feulement  auec  des  femelles  attachées  de 
eourroyes  fur  le  pied, qu’ils  appellét  Ojotas.  Et 
difent  qu’il  appert  par  leurs  hiftoires,comme 
aulîî  par  les  anciennes  peintures,  qui  les  repre- 
fenrent  en  celle  façon  , que  ccll  habit  cftoit 
l’ancien  vefteraent  des  Hebrieux,  & que  ces 
deux  fortes  d habits,  dont  les  Indiens  vfent  tant 
feulement  eftoyent  ceux  dont  vfoit  Samfon, 
que  rEfcriturc  appelle  Tunicam  , 5c  Smdonem, 


HiST  OIRÊ  NATVREltE 
quicftlcmefiticqacles  Indiens  appellent  che- 
mifollc  5c  manteau.  Mais  toutes  ces  conieâu- 
res  font  legeres,  5c  pluftoft  contr’eux,quepour 
eux:  : car  nous  fçauons  bien  que  les  Hebrieux 
vfbyent  de  lettres,  5c  il  n’y  en  a aucune  appa- 
rence entre  les  Indiens . Les  autres  eftoient 
fort  amis  de  largent,&  ceux-cy  n’en  ont  point 
de  cure.  Les  luifs  fils  n’eftoient  circoncis  ne 
Veftimeroientpasluifs,  &les  Indiens  au  con- 
traire ne  le  font  ny  peuny  point,&iamaisn’ôt 
vfc  de  ceremonie  qui  en  approche  , comme 
pluheurs  des  Orientaux.  Mais  quelle  apparen- 
ce y a-il  de  coniedurcr  cecy , veu  que  les  luifs 
font  tant  diligens  à conferuer  leur  langue  & 
kursantiquitez,  de  forte  qu’en  toutes  les  par- 
ties du  monde  , où  ils  font  ils  different  5c  les 
congnoit-on  toufiours  d’aiiec  les  autres  , 8c 
neantmoins  qu'aux  Indes  feulement  ils  ayent 
oublié  leur  lignage,  leur  loy  leurs  ceremonies, 
leur  MefFic,&  finalement  tout  leur  ludaifmc? 
En  ce  qu'ils  difent  que  les  Indiens  font  efehars, 
rabaifTcZjfuperfticicux  5c  fubtils  en  menfonge; 
pour  le  premier  c’efl:  chofe  qui  n’cft  point  com- 
mune à tous  : car  il  y a des  nations  entre  ces 
Barbares , exemptes  de  ces  vices.  Il  y en  a d’au- 
tres gcncreux  8c  hardis,  il  y en  a aufli  de  grof- 
fiers,&  fort  lourds  d’entendement.  Q^ntaux 
ceremonies  8c  fuperftitions,  les  Gentils  en  ont 
toufiours  fort  vfé*De  leur  façon  d’habits,com- 
mc  il  a efte  defcritcydcuant,ilsenvfentainfi, 
pour  ce  que  c’eft  le  plusfimplc  8c  naturel  du 
monde, fans  artifice, & qui  prcfquc  a efte  com- 
mun,non  feulement  aux  Hebricux,maisà  tou- 


èis  Indîs.  Liv.  I.  48 

tes  les  autres  nations.  Veu  mefme  que  l’hiftôife 
d’E(3ras(fî  nous  deuons  adioufter  foy  auxEfcri- 
tures  apocryphes)eftplus  contraire,  qu’elle!  ne 
fe  rapporte  à leur  intention.  Car  il  dit  en  ce  |âf- 
fage,queles  dix  tribus  s’elloignercnt  de  la  mul- 
titude des  Gentilsjpour  garder  leur  foy  ôc  cere- 
monies,& Ton  voit  que  les  Indiens  font  addô- 
nez  à toutes  les  idolâtries  du  monde.  Et  ceux 
qui  ont  cefte  opinion  mefme  voyeht  bien  fî  les 
entrées  du  fleuüe  Euphrate  vôtiufques  aux  In- 
des,&s’il  eft  neccflàire  aux  Indiens , de  repafîèr 
par  là,commeilcftditaulieu  prcailegué.  Ou- 
tre ce  ic  ne  voy  point  comme  ils  fe  puilfent  no- 
iner  pacifiques,  Ÿeu  qu  ils  fe  font  continuelle-: 
ihent  guerroyez  les  vns  les  autres.En  coiiclu' 
fion  ie  nevoy  point  que  l’Euphrate  de  l’apocry- 
phe Efdras,foit  vn  pafiàge  plus  propre  pour  al- 
ler au  nouucau  monde,  que  renchantée  Ôc  fa-* 
bulcufcllle  Atlantique  de  Platon. 

Tour  quelle j'AtJôn  l'on  ne peut  hien  treuuerl origine 
des  Indiens, 


Chapitre  XXIIII. 

,L  eft  plus  aife  de  réfuter  ôc  contredi- 
te les  faulfes  opinions  mifes  en  auanc 
fur  l’origine  des  Indiens,  que  non  pas 
d’en  dire  ôc  arrefter  vue  relblutioii 
certaine  ôc  veritablerpour  autant  qu’il  n y a au- 
cune clcriture  entre  les  Indiens, ny  mémoires 
certaines  de  leurs  fondateurs^  Et  que  mefme  il 
n eft  fait  aucune  mention  de  ce  nouticau  mon- 
de és  liurcs  de  ceux  qui  ont  eu  cognoiflànce 


Histôire  NATVRELLI 
des  lettres  : noé  anciens  ont  tenu  qu’en  ces 

parties  là,  n y auoitny  hommes,  ny  terre,  ny 

Ciel.  A raifon  dequoy  celuy  là  fcmbleroit  fort 

teiieraire  & prefomptueux,quipcnferoitdef- 
couurir  & monftrer  la  première  origine  des 
Indicns,&  des  premiers  hommes  qui  ont  peu- 
ple les  Indes.Mais  nous  pouuons  de  loing  don- 
ner iugement,  par  ledifcours  que  nous  auons 
misenauantcy  defTus,que ce  peuple  des  Indes 
cft  venu,  faduançant  peu  à peu  iniques  à cc 
qu’il  foit  arriué  au  nouueau  monde,  & ce  par 
l’aide  & le  moyen  de  la  continuité  ou  voilina- 

ge  des  terres, ou  bien  par  quelque  nauigaiion. 
Cequimefembleauoirefté  le  moyen,  par  le- 
quel ils  y font  vcnus,&  non  pas  qu  ils  ayent  fait 
armée  pour  y aller  de  propos  délibéré,  ny  qu  il 
leur  foit  arriué  aucun  naufrage,  outempefte, 
qui  les  y ait  portez  : combien  quen  quelque 
partie  des  Indes , aucunes  de  ces  chofes  puif- 
fent  eftre  arriuees  , d’autant  que  ces  régions 
cftans  fl  grandes  qu  elles  comprennent  en  elles 
des  nations  fans  nombre,nous  pouuons  croire 
que  les  vns  y font  venus  pour  peupler  d vne 
forte,8c  les  autres  d’ vne  autre  fa . on.  Mais  en 
finie  me  refouz  à ce  point, que  la  vraye  & prin- 
cipalle  caufe  & moyen  de  peupler  leslndes,a. 
efté  pour  ce  q ie  les  terres  & limites  d icelles 

fc  ioignoient  &continuoicnt  en  quelques  ex- 

tremitez  du  monde, ou  qu’à  tout  le  moins  elles 
eftoient  fort  proches.  Et  croy  qu  il  n y a pas 
pluficurs  miliers  dannées , que  les  hommes, 
habitent  Ce  nouueau  monde,  & Indes  Occi- 
dentales .mcfmc  que  les  premiers  hommes  qui 
* yen- 


ï>  E s î N bE  s.  L I Ÿ.  î.  4f 

y entrèrent,  & eftoient  pluftoft  hommes  fau- 
uages,&:  chaffcurs,que  non  pas  efleuez&nour- 
ris  en  Republique  ciuille&  policée  , ôc  qu’ils 
arriuerent  au  noiiueau  monde,  pluftoft  s’eftans 
perclus  de  leur  terre,  ou  s’y  eftans  troUuez  en 
trop  grand  nombre,  & en  neceffité  d’en  cher- 
cher vne  autre,laquclle  ayant  trouuée,  ils  com- 
mencèrent peu  à peu  à la  peupler,  n’ayans  point 
d’autre  loy,  qü’vn  peu  d’inftind  naturel,  & en- 
cor fort  obfcur,&pour  le  plus  quelques  couftu- 
mes  qui  leur  font  demeurées  de  leur  première 
patrie.  Et  bien  qu’ils  fuftent  fortis  de  terres  po- 
licées <^biê  gouuernces,fi  eft-ce  qu’il  n’eft  pas 
incroyable  de  péfer  qu’ils  euflent  oublié  le  tout 
pour  la  lôgucur  du  temps,&  le  peu  d’vfage  : veu 
que  l’on  l^it’qu’cn  Efpagne  &en  Italie  mefme, 
1 on  trouue  des  compagnies  d'hommes  qui  n’é 
ont  rien  que  la  figure  ôc  gcft:c  feulement , d’oà 
l’on  peut  conieéturc  que  de  la  façonnes  mœurs 
barbarefqucs  &inciuils,fontvenusence  nou- 
ueau  monde*  / 


De  ce  que  les  Indiens  racontent  de  leur 
origine. 

Chapitre  XX V. 

E n’eft  paschofe  de  grande  importan- 
ce de  fçauoir  ce  q les  mefmes  Indiens 


loiit  accouftumé  de  raconter  de  leur 
^-'ccmmencement  &origine,yeu  qu’ils 
reftcmblct  plus  leurs  fonges  quovrayes  hiftoi- 
res.Ils  font  entr 'eux grade  mérion  d’vn  delnge 
auenu  en  leurs  pays, mais  l’ô  ne  peut  pas  bié  m- 

G 


Histoire  KATyREtts 
gef,  fî  cc  déluge  eft  l’vniücrfcl,  dont  parle  liEf-* 
crimre,  oufi  ç’aefté  quelque  autre  dcliigc,  ou 
inondation  particulière  des  régions  ou  ils  font. 
Aucuns  hommes  experts,  dilent  que  l’on  voit 
en  ces  pays  là , plulîeurs  notables  apparances 
de  quelque  grande  inondation, & fuis  de  l’opi- 
nion de  ceux  qui  penfent  que  les  veftiges  Sc 
marques  qu’il  y a de  cedelugejncfontdcceluy 
de  Noé,mais  de  quelqu’autre  particulier,  com- 
me de  ccluy  que  raconte  Platon,  ou  ccluy  que 
les  Poètes  chantent  de  Deucalion.  Quoy  qu  il 

en  foit  les  Indiens  difent  que  tous  les  hommes 

furent  noyez  en  ce  deluge,&  racontent  que  du 
grand  lac  Titicaca,  fortit  vn  Viracocha  qui 
farrefta  en  Tiaguanaco  , où  l’on  voit  auiour- 
d’huy  des  ruines  & veftiges  d anciens  édifices 
fort  cftrangcs,  & de  là  vintaCufco:  ainfî  re- 
commença le  genre  humain  a fe  multiplier.  Ils 
monftrent  en  ce  mefme  lac  vn  petit  lilet,  ou  ils. 
feignent  que  le  Soleil  fe  cacha  & fy  conferua: 
& pour  cefteraifon  ils  luy  faifoient  de  grands 
facrifices  en  ce  lieu,  non  feulement  de  brebis, 
mais  d’hommes  mcfmes.  D autres  racontent, 
que  fix  ou  ne  fçay  quel  nombre  d hommes,  Ibr- 

lirent  d’vne  certaine  cauerne,  par  vne  feneftre, 
qui  donnèrent  commencement  à la  multipli- 
cation des  hommes,  ôc  a cefte  occafion  les  ap- 
pellent Pacaritampo.  Ceftpourquoy  ils  font 
d’opinion  que  les  Tambos  eft  la  race  la  plus 
ancienne  des  hommes.  Ils  difent  que  Mango 
Capa,lequel  ils  rccognoiflent  pour  fondateur 
& chef  des  lngas,eftoit  yftu  de  cefte  race  là,  & 
y que  de  luyfortircnt  deux  familles  ôc  lignages. 


DES  Indes.  Liv.  I.  ÿp 

Tvn  de  Hanan  Cufco,&  l’autre  de  Vrni  Cufco. 
Ilsdifent  d’auantage,que  quand  les  Roys  In- 
gas  enrreprenoyent  guerre  & conqueftoienc 
diuerfes  prouinccs , ils  donnoient  couleur  ôc 
prenoycntpretexredeleur  entreprinfe,  difans 
que  tout  le  monde  les  deuoit  recognoiftre  : 
pour  autant  que  tout  le  monde  s ’eftoit  renou- 
ucllé  de  leur  race  & de  leur  patrie.  Et  merrae 
que  la  vraye  Religion  leur  auoit  efté  rcuelcc 
du  Ciel.  Mais  que  îert  d’en  dire  d ’auantage,  veu 
que  tout  y eft  plein  de  menfonge  & de  vanité, 
ôc  du  tout  efloigné  de  raifoii?  Qu^clques  hom- 
mes do  éleseferiuent,  quetout  ce  dont  les  In* 
diens  font  mcntion,&:n’cft plus  ancien  que  de 
quatre  cens  ans,&  tout  ce  qu’ils  difent  du  para- 
uant  n’eft  qu’vneconfufion  embrouillée  de  fl 
obfcures  tenebres  qu’on  n’y  peut  trouuer  au- 
cune vérité.  Ce  qui  ne  doit  lembler  eftrangc, 
d’autant  que  les  liures  & eferitures  leur  def- 
faillent,  au  lieu  defquelles  ils  fe  feruent  de  leur 
conte  de  leurs  Quipocamayos,qui  leur  eft  par- 
ticulier. Par  lequel  conte  tout  ce  qu’ils  peu- 
uent  rapporter  ne  peut  eftre  plus  long  que  de 
quatre  cens  ans.  M’informant  diligemment 
.d’eux,pourfçauoir  de  quelle  terre,  & de  quelle 
nation  ils  pafTerent  autres  fois,  là  où  ils  font  & 
viuent  à prefent,  ie  les  ay  trouué  fî  elloigncz  de 
pouüoir  donner  raifoii  decela,qu’ils  tiennent 
pour  certain  qu’ils  font  creez  de  leur  première 
origine  en  ceiiouucau  monde,  où  ils  habitent. 
Mais  nous  leur  auons  oflé  ceft’ erreur  par  no- 
ftrefoy,  qui  nous  enfeigne  que  tous  les  hom- 
mes procèdent  d’vn  premier  homme.  Il  y a 

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HitOIRl  NATVRELtB 
grande  conicdure&fort  apparente,  que  ccS 
homes  par  longue  efpace  de  temps, n’ont  point 
eu  de  Roys,ny  de  Republiques,mais  que  ils  vi- 
noyent  par  rrouppes  comme  font  aniourd’huy 
ceux  de  la  Floride,  de  Chiriquanas,du  Brcfil,& 
plufieurs  autres  nations  qui  n’ont  aucuns  Roys 

aireurcz,finon  félon  l’occafiô  qui  s’offre  ou  en 
paix  ou  en  guerre  qu’ils  eflifcnt  leurs  Capitai- 
nes,comme  il  leur  plaift.  Mais  quelques  hom- 
mes,furpaffans  les  autres  en  force  & induftrie, 
auec  le  temps  commencèrent  à feigneurier,&: 
commander^  comme  fît  anciennement Nem- 
Gen.io,  brof.puiscroiflantpeuàpeufontvenusà  fon- 
der les  Royaumes  du  Péril  & de  Mexique,  que 
nosEfpagnols  trouuerét,&  combien  qu’ils  fuf- 
fent  barbares, furpafToyét  neantmoins  de  beau- 
coup les  autres  Indiens.  Voila  comment  la  rai- 

fon  fufdide  nous  demonftre,que  la  race  des  In- 
diens a commencé  à multiplier,  pour  la  plus 
grand’ part,d’hommesfauuages  & fugitifs.  Ce 
qui  doit  fuffire  touchan  t Porigine  des  gens  dot 
nous  parlons,laifTantlefurplus  quandl'on  trai- 
tera leur  hiftoire  plus  àloinr. 


J 


Jï 


LIVRE  SECOND  DE 

LHlSTOïRE  NATVRELLE 

& morale  des  Indes. 


Chapitre  premier. 

Q^ce  n'ejl^as  hors  âe^roj^os,mals  necejpure^de  trmtter 
de  U mture  de  pE^mnoxe, 

OvR  bien  comprendre  les  cliofes 
des  Indes  , il  eft  necelEiire  de  co- 
gnoiflre  la  nature  & dilpofition  de 
cefte-,region , que  les  anciens  appel- 
îoyent  Zone  T orride,&  la  tenoyent  pour  inha- 
bitable jven  que  la  plus  grand’  partdecenou- 
ueau  monde  que  l’on  a dernièrement  defçou- 
uert,  gift  & eft  fitué  fous  cefte  région  du  milieu 
du  Ciel.  Etmefemblechofefortà  propos,  cc 
que  quelques  vns  difent,  que  la  cognoüTancc 
des  chofes  des  Indes  dépend  de  bien  entendre 
la  nature  de  l’Equinoxe:  d’autant  que  la  diffé- 
rence qu’il  y a prefque  entre  l’vn  ôc  l’autre  mo- 
de, procédé  des  proprierez  de  ceft  Equinoxe, 
Et  faut  noter  que  tour  ceft  efpacequi  eft  en- 
tre les  deux  trop'iques,  fe  doit  tenir  & enten- 
dre proprement  pour  cefte  ligne  du  milieu , qui 
eft  l’Equinoxe,  ainfî  appellee,  pource  que  le 
Soleil  faifant  fon  cours  en  icelle , rend  par  tout 
le  monde  les  iqurs  ôc  les  nuids  efgaux  -,  mefmes 


i' 


(,  Histoire  natvrelle 

que  ceux  qui  habitent  audeffous  d’icelie,  iouyf^ 
fcnt  tout  le  long  de  l’annce  de  ccftc  mefme  ef- 
galité  des  iours  Ôc  des  nuisis.  Or  en  cefte  ligne 
Equinoxialle,  nous  trouuons  tant  d’admirables 
proprietcz,que  c’eft  auec  bonne  raifon  que  1 en- 
tendement humain  le  refucille  & trauaille  pour 
en  rechercher  les  caulcs,  n’eftant  point  tant 
cfmcuà  ce  parla  doâ:rine  des  anciens  Philo- 
fophes , que  par  la  merme  raifon  & certaine  ex- 
périence. /- 

Tour  quelle  rdifin  la  dnaens  ont  tenu  que  U Zone  T tr- 
ride  ^ourcertAin  ejleit  inhahiuhle. 
Chapitre  ii. 

cherchant  à prefent  ce  fubjeâ:  dés 
^^^^^fon  commencement,  aucun  ne  pour- 
nier  ce  que  nous  voyons  claire- 
•^^^^^^ment,  que  le  Soleil  en  fapprpchant 
crchaufc,&  refroidift  en  fefloignant.  T efmoins 
en  font  les  iours  & les  nuids,  tcfmoins  l’Hyucr 
êc  l’Efté , la  variété  dcfqucls  & le  froid  & le 
chaud  eft  caufé  par  rapprochement  ôc  efloi- 
gnement  du  Soleil.  D’autr^art  il  cftauffi  cer- 
tain, que  plus  le  Soleil  f approche  ôc  iettefes 
rayons  direétement , plus  la  terre  en  eft  arfe  ôc 
embrafee,  ce  qu'on  void  clairement  en  la  cha- 
leur du  Midy  Ôc  en  la  force  de  l’Eftc.  D’où  l’on 
peut  iuger  ( à ce  qu’il  me  fcmble  ) que  tant  plus 
vne  terre  eft  cfloignec  du  cours  du  Soleil,  tant 
plus  cft-ellc  froide.  Ainfi  nous  expérimentons 
que  les  terres  & régions  qui  fapprochent  d’a- 
uantage  du  Septentrion  ou  Nort  font  les  plus 


Dis  Indes  Lïv.  II. 
froides , & au  contraire  celles  qui  Papprocîicnc 
daZodiaquc,  où  chemine  le  Soleil , k trouuent 
les  plus  chaudes.  Pour  celle  caufc  l’Ethiopie 
furpalïc  l’Afrique  ôc  Barbarie  en  chaleur  , la 
Barbarie  fiirpafre  l’Andalouzie , l’Andalouzic, 
Caftille  & Arragon,  & Caftille  & Arragon  fur- 
paflcnt  auflî  la  Bifcaye  & la  France.  Et  d'autant 
plus  quelles  font  Scptentrionalles,  d’autant 
moins  font  elles  chaudes  : par  confequent  cel- 
les qui  s’approchent  le  plus  du  Soleil , ôc  font 
plus  à plomb  frappées  de  Tes  rayons  , fç  relTen- 
tcnt  d’auantagc  delà  chaleur  du  Soleil.  Qucl- 
ques-vns  mettent  en  auant  vne autre  raifon  à 
celle  fin , qui  ell  que  le  mouuement  du  Ciel  ell 
fort  foudain  ôc  leger  deuers  les  Tropiquesj 
mais  qu  a l’endroit  des  Pôles  au  contraire  il  ell 
fort  lent  & pefant:  d’où  ils  concluent  que  la  ré- 
gion que  le  Zodiaque  circuit  &con  tient  ell  em- 
brafee  de  chaleur,  pour  trois  caufes  ôc  raifons, 
IVnepour  le  voifinage  du  Soleil,  l’autre  pour 
receuoir  diredemcnt  fcs  rayons , la  troilîef- 
me,  pource  qu’elle  participe  ôc  fe  relient  aucu- 
nement de  ce  plus  ville  ôc  foudain  mounement 
du  Ciel.  Voila  ce  que  la  raifon  Ôc  le  difçours 
nous  enfeignent , touchant  la  caufe  du  froid  ôc 
chaleur  des  régions  de  la  terre.  Mais  que  dirons 
nous  des  deux  autres  qualitcz,  qui  font  l’humi- 
ditc&lafecherelTcî  toutlemefmc.  Caria' fe- 
chcrelïc  femble  cllre  caulêc  par  rapproche- 
ment du  Soleil,  & l’humidité  de  fon  clloigne- 
ment,  d’autant  que  la  nuiél  eftaiit  plus  froide 
que  le  ipur , cil  aulîî  plus  humide , ôc  le  iour  ell 
plus  fec,  comme  ellant  le  plus  chaud.  L’hyuer 

G iiii 


• Histoire.natvrilli 
pendant  que  le  Soleil  cft  plus  efloigné  ,fcvoi<î 
plus  froid  & plus  pluuieux,  & l’Efté  au  contrat 
re,  auquel  le  Soleil  eft  plus  proche,  certaine- 
ment eft  plus  chaud  & plus  fec.  Pourcc  que 
tout  ainfi  que  le  feu  a la  propriété  de  cuire  & de 
brufler , auiîî  l’a-il  pareillement  de  dclTechcr 
rhumidité.Coiihderâs  donc  ce  que  delfus,  Ari- 
ll:ote&  les  autres  Philofophes  attribuent  à la 
région  du  Midy , qu’ils  appellent  Torride , vnc 
cxceffiue  chaleur,  ôc  vnc  fechereflTc  tout  enfem- 
ble.  C’eft  pourquoyils  difent  que  ccftc  région 
eftoitmerueilleufement  embrafee  & delèchec: 
de  que  par  confequent  elle  n’aueit  point  d’eaux 
ny  de  pafturages,caufe  pour  laquelle  ellcdeuoit 
cftre  par  neceflité  fort  contraire  & fort  incom^ 
mode  à la  vie  humaine. 

U Zûne  Ternde  efi  fort  humide , cotttre  l 
^ mon  des  Anciens.  ^ 

C H A P.  III. 


O VT  ce  que  nous  auonspropofe 
ci  deflus  fembie  certainemet  cftre 
vray  & bien  à propos,  & néant- 
moins  la  concluhonqu’ils  en  veu-^ 
lët  tirerfe  treuuc  apertemet  fauU 
fe-.d’autant  que  la  région  du  Midy,  qu  ils  appel- 
lentTorride,  eft  peuplée  & habitée  d’hommes 
realemcnt  &defaiâ:i&  nous  raefmesyauons 


demeuré  lôg  tcmps:auftî  eft-elle  fort  commode 
plaifaiite  & agreable.Si  donc  il  eft  ainfi,comme 
on  ne  le  peut  nier, que  d’vne  propofttion  vérita- 
ble , l’on  ne  peut  tirer  vne  conclufton  faulfc , & 


DES  Indes  Lit,  II.  55 

que  ncantmoins  cefte  conclufion  foit  ^iifîc, co- 
rne elle  reftjil  nous  eft  bcfbin  de  retourner  arriç 
re^par  les  mefmes  pas, pour  conridcrcr,&  regar- 
der vn  peu  de  plus  près  cefte  propofitiô,  & d où 
procédé  l’erreur  & la  faute.  Nous  dirons  donc, 
premieremét  quelle  eft  la  vérité  , félon  que  l’ex- 
perience  certaine  nous  le  monftre,  puisapres 
nousleprouuerons  , (combien  que  foitchofe 
fort  difticile  ) & mettrons  peine  d’en  donner  la 
raifon,  fuy uant  les  termes  de  Philofophie.  Le 
dernier  point  que  nous  auons  propofécy  def- 
fus , que  la  fecherelfe  eft  plus  grande  lors  que  le 
Soleil  eft  plus  prochain  de  la  terre , femble  cho- 
fe  certaine  & veritable,&  ne  Teft  pas  toutefois, 
au  contraire  eft  totalement  faulfe.Car  il  n’y  a ia- 
inais  plus  grande  abondance  de  pluyes  en  la 
5 que  Jors  que  le  Soleil palîc  par 
deflus5&  en  eft  fort  proche.  C’eft  certainement 
chofe  admirable,  & digne  d’eftre  remarquée, 
quel  air  eft  plus  ferain,  & (ans  pluyes , fous  ce- 
Ib  Zone  Torride,  lors  que  le  Soleil  en  cftplus 
cflongné,&  au  côtraire,  qu’il  y aplus  depluyes^ 
de  neiges , & de  brouillars  au  temps  que  le  So- 
leil en  eft  plus  proche.  Ceux  qui  n ont  point 
cfte  en  ce  nouueau monde,  parauanture  tien- 
dront cecy  pour  chofe  incroyable,  & femblera 

cftrangc  mefme  à ceux,  qui  y ont  efté , fils  n’y 
ont  prins  garde  : mais  les  vns  & les  antres  f y ac- 
corderont volontiers,  en  remarquant  Icxpe- 
nence  certaine  de  ce  qui  a efté  dit  en  ce  cofté 
duPeru , qui  regarde  le  Pôle  du  Sud  ou  Antar- 
otiquc , le  Soleil  en  eft  plus  efloigné,  lors  & au 
mefrne  temps  qu’il  eft  plus  prochain  de  l’Euro- 


Histoire  NATVREtis 

pc , irçauoir,cnMay,Ium,Iuillct,&  Aouft, 
qu’il  fait  fon  cours  au  Tropique  de  Cancer , du- 
rant leCquels  moys , au  Peru  y a vne  grande  fe- 
renité  & tranquillité  de  Pair,  & n’y  tombent  a- 
îors  aucunes  nciges,ny  pluycs.Tous  les  flcuues 
&:riuicres  y diminuent  fort , & quclques-vns 
y tarilfent  du  tour,  Mais  comme  l'annec  f auan- 
ce,&  quclc  Soleil  Rapproche  du  Tropique  de 
Capricorne,  alors  commcncct  les  eaux,  pluyes, 
neiges,  & fe  font  les  grandes  creuës  desriuie- 
res, qui eft depuis  0(Tobrc,iufqucs  en  Décem- 
bre, puis  apres  le  Soleil  fe  retirant  du  Caprin 
corne, lors  que  fes  rais  donnchtdroittement  fur 
les  telles  de  ceux  du  Peru;  c cil  alors  que  la  for- 
ce ôc  fureur  des  eaucs  eft  grande , c’eft  le  temps 
des  pluyes,  neiges,  & grands  desbordemens  des 
riuiercs , qui  eft  en  la  mcfijic  faifon  de  1 annee, 
qu’il  y a plus  grande  chaleur,  fçauoir  depuis  la- 
uier  iulques  àlaMy-Mars.  Et  eft  chofelivraye 
& fl  certaine,  que  perfonne  ne  le  peut  contredi- 
re. Et  tout  le  contraire  alors  fe  rencontre  es  re- 
oions  du  Pôle  Arélique , outre  l’Equinoxe,  ce 
qui  procédé  d’vne  mefme  raifon.  Mais  voyons 
maintenant  de  la  température  de  Panama,  ôc 
de  toute  ccftecoftc,  tant  de  la  neuue  Efpagnc, 
des  Ifles  de  Barloucnt,  de  CubajEfpaignollc  6c 
Iamaique,que  dcSainél  lehan  de  port-riche, 
nous  trouuerons  fans  faute,  que  depuis  le  com- 
mencement de  Nouembre , iufques  en  Apuril, 
ils  y ont  Pair  & le  Ciel  fprt  clair  & fort  ferein, 
dont  la  raifon  eft , pourautant  que  le  Soleil  paf- 
fant  par  l’Equinoxe , pour  aller  au  T ropique  de 
Capricorne , il  feya  çfloignapt  deecs  rcgions^^ 


CES  Indes.  Liv.  II. 
plus  qu  en  autre  faifon  de  l’année  : Et  au  con- 
traire, ils  y ont  de  grofïcs  pluyes,  & de  fore 
grands  rauages d’eaux,  quand  le  Soleil  retour- 
ne vers  elles , & qu’il  en  eft  plus  proche , qui  cfi: 
depuis  luin  iufques  en  Septembre  : pource  que 
alors  fes  rayons  donnent  plus  fort  fur  eux.  On 
void  aduenir  le  fcmblable  en  l’Inde  Orientale, 
comme  nous  l’apprenons  ionrnellement  par 
. les  lettres  qui  en  viennent.  Par  ainfî'  c’eft  vnc 
réglé  generalle  ( bien  qu’en  aucuns  lieux  il  y ait 
exception)  qu’en  la  région  du  Midy,  ou  de  la 
Zone  T orride,  qui  eft  vnc  mcfme  chofe,  l’air  y 
cftplusfercin,  & y a plus  defecherdfc  alors, 
que  le  Soleil  en  eft  plus  efloigne  : & au  contrai- 
re, que  quand  il  f en  approche , il  y a plus  de 
pluyes  ôc  de  l’humidité , & tout  ainfî  comme  le 
Soleil  fauancc  ou  fîsrctire  peu  ou  plus,  ainfila 
terre  abonde  ou  manque  d’eaux  ou  d’humi- 
dité. 

Qt£4ux  régions  qm  font  hors  des  Tropiques  y il  y a plue 


d‘ eaux,  lors  que  le  Soleil  en  e fl pl  ' ' 

tout  au  contraire  de  ce  qui  eji  ^ 

Zone  Torride, 


Ch  AP.  Il  II. 


i S régions  qui  font  hors  les  Tropî- 
I ques.  Ton  void  tout  le  contraire  de 
ce  qui  eft  dit  ci  dcfîîisrpourcé  que  la 
' pluye  fc  mefle  aucc  le  froid, & la  fc- 
cherefle  auec  la  chaleur , ce  qui  eft 


fort  bié  conu  en  toute  rEurope&cn  tout  Icvieil 


Histoire  natv relie 
mondé , comme  on  le  void  de  racfmc  façon  en 
tout  ce  nouucau.  Dont  eft  tcfmoing  tout  le 
Royaume  de  Cliillé , qui  pour  cftre  dehors  le 
Tropique  de  Capricorne,  & en  mefrac  hau- 
teur que l’Efpagne , eft fubied  aux mefmcs  loix. 
de  THyiier,  ôc  de  l’Efté,  excepte  que  l’Hyuer  eft  ■ 
là  quand  TEfté  eft  en  Efpagne,  d’autant  qu’ils 
font  en  diuers  Pôles.  Par  ainfi  quand  le  froid 
eft  en  ces  prouinees,  les  eaux  y font  en  fort  grà-. 
de  abondance , qui  eft  quand  le  foleil  fen  efloi- 
gneleplus,  depuis  le  commencement  d’Auriî, 
iufques  à la  fin  de  Septembre.  Finalement  la 
difpoficion  des  faifons  y eft  telle  qu’en  Europe, 
fçauoir  que  la  chaleur  & fccherelfe  y viennent^ 
quand  le  Sole  il  y retourne.  De  là  vient  que  ce 
Royaume  de  Chillé  approche  plus  de  la  tem- 
pérature de  l’Europe , quîaucun  autre  des  Iiir- 
des,tant  aux  fruids  de  la  tcrre,qu’en  la  difpofî- 
tion  du  corps  ôc  de  l’efprit  des  hommes.  Ce 
qu'ils  difent  cftre  de  la  mefme  façon  en  cefte 
partie  de  terre,  qui  eft  deuant l'Ethiopie  inté- 
rieure , laquelle  fe  va  eflargiffant  en  façon  de 
pointe , iufques  au  Cap  de  bonne  Efperancc.  Ce 
qu’ils  tiennent  pour  vraye  caufe  des  inonda^ 
dons  du  Nil,  qui  font  en  Efté,  defqueHes  les  an- 
ciens ont  tantdifputé:  d^autantqu’cn  cefte  ré- 
gion là  fHyucr  ôc  les  pluyes  y commencent 
au  mois  d’ Auril,  quand  le  Soleil  pafTe  défia  le  fi- 
gue d’ A ries.  Et  ces  eaux  qui  en  partie  procè- 
dent des  neiges , ÔC  en  partie  des  pluyes,  f affem- 
blent  ôc  font  de  grands  lacs  ôc  eftangs,defquels 
procédé  par  bonne  ôc  vraye  Geograghic  le 
fleuueduNil,Et  par  ce  moyen  va  peu  à peiicf- 


DSS  îNdi^.  Liv.  II. 
largîflànt  fon  cours,iufqücs  àçc  qu’apres  auoii* 
couru  vn  long  chemin  J il  vient  finablémcnt  au 
temps  de  l’Efté  inonder  l’Egypte , qui  femblc 
choie  contre  nature,  Sc  neantmoins  eftehofe 
qui  f y rapporte.  Car  au  mefine  temps  qu’il  eft 
Efté  en  Egypte  fîtuce  au  Tropique  de  Cancer, 
î’Hyuer  cft  aux  Iburces  du  Nil,qui  eft  en  l’autre 
Tropique  de  Capricorne.  Ilyaen  l’Amérique 
vne  autre  & femblable  inondation  que  celle 
du  Nil,auParaguey,  ouautremcntriuiercdela 
Plâtre  ( qui  vaut  autant  à dire  comme  riuiere 
d’argent  ) lequel  toutlcs  ans  receuant  vne  infi- 
nité d’eaux  qui  tombent  des  montagnes  du 
Peru  , vient  à le  desborder  fi  terriblement  de 
fon  cours,&  va  gagnant  tellement  cefte  région, 
que  les  habitans  font  contraints  , durant  ces 
mois  là,  de  fe  retirer,&  fe  tenir  en  des  Barques 
& Canoës  , & de  quitter  l’habitation  de  la 
terre. 


ê^entrelesdeuxTrêprquesen  Efté^  ou  temps 
de  chaleur ^eji  la  fatfon  eù  ily  Aplus^ran-' 
de  abondance  depluyeSyauec  vn 
dffceursdel’ffyuerO'de 


Ch  AK  V. 


O V R rcfolution  l’Efté  eft  touf- 
iours  fuiuy  Sc  accompagné  de  cha- 
leur &dc  fechcreffe  és  deux  région  s 
ou  Zones  téperees,  & l’Hyucr  aufîi 
de  froidure  Sc  d’i\umidiré  : Mais  en 


HiSTOI*.E  NATVRELtE 
la  Zone  Torride  les  fufdites  qualitcz  ne  fc  trou- 
uent  point  enremblc  de  la  merme  façon, d’autac 
que  les  pluyes  y fuiuent  la  chaleur,  & le  froid  y 
eft  accompagné  de  fechcrdlè  & dVn  air  ferain. 
T’entends  parle  froid  le  defaut  de  chaleur  cxcef- 
liue,  d’où  vient  que  l’Hyucr  fe  prend  en  noftrc 
Europe  pour  le  froid,&  le  temps  pluuieux  & E- 
fté  pour  le  temps  de  chaleur  Ôc  ferenité  de  l’air. 
Nos  Eipagnols  qui  font  au  Peru  & en  la  neuf- 
ue  EipagnCjVoyans  que  ces  deux  qualitez  ne  £c 
trouuoient  point  cniemblc  corne  elles  font  en 
Efpaigne,appellentrhyuerlafaifon  en  laquel- 
le il  y a beaucoup  d’eaux  & de  pluyes, & l’Eftc, 
celle  ou  il  y en  a peu,ou  point.  En  quoy  ils  fc 
trompent- cuidemment,  quoy  qu’ils  vueillent 
dire  par  vnereiglecommune,querEfté  eft  aux 
montaignes  du  Peru,  depuis  le  mois  d’ A puril* 
iufques  en  Septembre,pourautat  que  les  pluyes 
ceiïènt  en  ce  temps  là,&  que  l’hyuer  eft  depuis 
le  mois  de  Septembre  iufques  au  mois  d’Auril, 
pource  qu’alors  elles  y reuiennent,  & parainfi 
il  eft  hyucr  ôc  l’Efté  au  Peru,  lors&  au  mefmc 
téps,qu  ’il  l’eft  en  Efpagne^  De  forte  que  quand 
le  Soleil  chemine  audeiîusdeleur  tefte,  alors 
ilscroycnt  que  c’cftlefond  de  l’hyuer,  pour- 
ce qu’il  y a plus  grande  abondance  de  pluyes. 

Mais  c eft  chofe  digne  de  rifée,  comme  venant 
de  gens  ignorans  & fans  lettres  : car  tout  ainlî 
comme  la  diuerftté  qui  eft  entre  le  iour  ôc  h 
niiid,procede  de  la  prcfence  ou  abfencc  du  fo- 
lcil,en  noftre  hemifphcre,felon  le  mouuement  i 
du  premier  mobile,  qui  eft  lacaufeduiour  ôc  i 
de  la  nuidl,  ainfi  la  différence  que  nous  voyons  | 


»ES  Inoes.  Liv.  IL 
entre rhyucr&  TEfté  procédé  de  rapprôche- 
menr  ou  eflongneinent  du  Solcil/clonle  mou- 
uement  du  mcfnie  Soleil,  qui  en  eft  la  propre 
caufe.  Donquesi  vray  dire,  il  eft  Elle  lors  que 
lé  foleil  eft  plus  proche,&hy  lier  quand  il  eft  le 
plus  ellongné.  La  chaleur, le  froid,  & toute  au- 
tre température,  font  caufccs  par  neceflîté  de 
rapprochement  ou  efloignement  du  Soleil: 
mais  le  plcuuoir  &non  pleiuioir,qui  eft  l'humi- 
dité & la  fechereflc,ne  s’en  enfuiuent  pas  nccef- 
fairement.  Ceft  pourquoy  il  eft  aifé  de  iiiger 
(outre  cefte  opinion  vulgaire  ) que  au  PerUi 
Lhyucr  eft  ferein,  ôc  fans  pluyes.&quePEftéy 
cftpiuuicux,  &non  pas  au  contraire,  comme 
pluficurspenrentquelhyuer  foit  chaud  (ScTE- 
fte  foit  froid.Ils  tombet  en  la  mcfme  erreur  fur 
la  différence  qu’ils  font,  entre  la  pleine  &lcs 
montagnes  du  Pcru,difans  que  quand  il  eft  Efté 
en  la  montagne,  l’Hy  uer  eft  en  la  plaine,qui  eft 
en  Auril,  May,  luin,  Iuillct,&  Aouftrpourcc 
qu  alors  l’air  eft  fort  clair  &ferain  en  la  mon- 
tagne, fans  aucunes  pluies  ny  bruines,&  en  ce 
temps  là  neantmoinS  on  void  ordinairement 
en  la  plaine,dcs  brouillars  qu’ils  appellent  gua- 

riia,  qui  eft  comme  vnerofée  fort  douce,dc la- 
quelle eft  couuerr  le  Soleil.  Mais  l’Hyuer  Ôc 
l'Efté,  comme  il  eft  dit, font  caufez  de  rappro- 
chement ôc  efloignement  du  Soleil.  Puis  donc 

qu’il  eft  ainfi,qu‘en  tout  le  Peru,  tant  en  la  m5- 
tâgne,comme  en  la  plainc,lc  Soleil  s’en  appro- 
che & efloigne  en  vn  mefine, temps  : iln  ya 
donc  point  de  raifon  de  dire,  que  quand  il  eft 
Efté  en  vue  partie,  l’Hy  uer  foie  en  vne  autre. 


Histoire  natvrelli 
Toütcsfois  c’cft  chofe  de  peu  d’importance  dé 
débattre  fur  la  fignificatiô  des  mots,  qu’ils  rap- 
pellent comme  ils  voudront5&  difent  qu’il  foit 
Efté  quand  il  neplcutpoint,  encore  qu’il  face 
d’auâtage  de  chaleur.Mais  ce  où  bon  doit  auoir 
plus  d’efgard,efl:  à laveritédu  fubieâ:,qui  cft  de* 
claré,  à fçauoirquelafcchcreirej  ou  deffautdé 
pluyes,ne  font  pas  toujours  en  plus  grande  a- 
bondarîce,  quand  le  Soleil  s approche  le  plus, 
ainh  que  l’o  n voit  en  la  Z onc  T orride. 


Qî^  Ia  Zone  Tornle  Abonde  en  eâue  çZt  ^AflurAges, 
contre  l’opinion  d’ ,^riJ}ote^qu  A mvs  en 
Auant  le  contrAire* 


Ghap.  VL 

I Ar  le  difeours  precedent  l’ô  peut 
îfacilement  entédre,  que  la  Z one 
IXorride  n’eft  feche,  mais  abôda- 
ite  en  eaux,  ce  qui  eft  tellement 
S vray  qu’elle  furpafle  les  autres  re 
"gions  du  monde  en  abondance 

d’eaux  fi  ce  n’cft  en  quelques  endroits,  ou  il  y a 
des  fablôs  ou  terres  defcrres,côme  l’on  trouue 
mefme  es  autres  parties  du  monde.  Quant  eft 
pour  les  eaux  du  Ciel,l’on  a défia  môftrc  qu  il  y 
a grande  abondance  de  pluyes,neiges  &grefles, 
qui  fpecialemêr  abôdent  en  la  prouince  du  Pe^ 
ru.'mais  pour  les  eaux  de  la  terre,  c5me  font  ri- 
iiiercs,  fontaines,  ruiircaux,  puits,  torrens& 
lacSjie  n’en  ay  rien  dit  iufqucs  icy,toutesfois- 

eftant 


DES  Indês.  LiV.il 
eftant  chofe  ordinaire , que  les  eaux  d’embas  fe 
rapportent  à celles  d’enhaut,  bon  doit  enten- 
dre qu’il  ne  peut  y enauoirfaure.Ec  de  vray  il  y 
a vue  telle  &1Î  grande  abondance  de  fourccs 
& de  fontaineSjqu’il  ne  fe  peut  trouuer  lieu,  ré- 
gion ou  contrée,  dans  tout  le  rcfte  du  monde, 
où  il  y ait  tant  de  lacs,marefcagcs,&  fi  grandes 
riuieres.  Car  la  plus  grande  partie  de  T Améri- 
que , eft  prcfque  inhabitable  pour  cefte  trop 
grande  abondance  d eaux,  d’autant  que  lesri- 
uicrcs, enflées  de  grandes  pluycs  de  l’Eité,  for- 
tent  à tous  coups  de  leur  iiâ:  ,•  auec  telle  furie 
quelles  rompent  routcc qu’elles rencontrenr. 
éc  ne  peut  on  cheminer  en  plufieurs  endroits,à[ 
caufè  de  la  boüe  & fange  des  marefcagcs  & val- 
lons. A cefte  occafion  cêux  qui  demeurent  ioi-  • 
griant  le  Paraguey,  duquel  nousaùcnscy  def- 
fus  fait  mention,  preuoyanslacrue  dufleuuc 
auantqu’elleaduienne,  fe  mettent  en  leurs  Ca- 
noës auec  leurs  meubles  & hardes,  & prefque 
par  lefpace  de  trois  mois, ils  guarantilfent  leurs 
vies  & moyens  en  nagean  t.  Puis  apres  le  fleuué 
retournant  en  fan  liét,  ils  reuiennent  en  leurs 
raaifons  comme  deuant,  encor  toutes  moittes 
8c  dégoûtantes  de  l inondarion.Et  eft  ce  fleuue 
de  telle  grandeur,que  le  Nil, le  Gange,  ôc  f Eu- 
phrate, s’ils  eftoient  àmaftèz  cnfemble , ne  le 
pourroient  pas  elgaller  à beaucoup  près.  Mais 
que  dirons  nous  delagranderiureredcla  Mag- 
dalaine,qüi  s'cngolphe  en  la  mer  entre  fainde 
Marthe  & Carthagene,&’  eft  appelléc  auec  bô- 
nc  raifon,grâde  riuiere?  Nauigeanten  ces  par- 
ties là,ieftüis  efmerueillé, comme  foneauc, qui 

H 


HltOlkl  NATVRELÎl 
eft  rrcs-clairc,  demeuroit  & s’efcouloit  dans  la 
mer  plus  de  dix  lieues  auanr,ayant  en  fa  largeur 
deux  lieues  ôc  d’auanrage,  fans  qu’elle  fe  mef- 
laft,  ny  peufi:  eftre  vaincue  des  vagues  impe- 
tueufes  de  la  mer  Oceanc.  Que  s’il  faut  parler 
d’aüantage  des  fleuues,  cé grand  fleuue,  appelle 

par  les  vns  la  riuierc  des  Amazones, par  les  au- 
treSiMaranou,&  par  les  autres,  riüicre  d Ofcl- 
iana,laquellenosEfpagnolsnauigercnt  lors  de 
leurs  defcoùuertes,doitefteindte  la  renommée 
de  tous  les  autres.  Et  à la  vérité  ic  fuis  en  doute 
fl  ie  le  dois  appellcr,ou  riuierc,  ou  mer.  il  fluc 
depuis  les  montagnes  du  Peru,  defquelles  il  re- 
çoit vne  abondance  infinie  d’eaux, de  pluyes,& 
de  riuicres  , qu'il  va  recueillant  & attirant  à 
• foy,puis  paflànt  les  grandes  campagnes  & plai- 
nes de  Pautiti , diiborado,&  des  Amazones, 
vient  en  fin  s’emboucher  dans  l’Océan,preIque 
à trauers  des  Ifles  de  la  Marguerite  , & delà 
Trinité.  1 1 a fi  couche  fi  large  & fi  fpacieufe, 
principallcmentau  dernier  tiers  de  lalongueur 
qu’il  contient  au  milieu  de  foy  plufieurs  &T 
grandes  Ifles  : Et  ce  qui  femble  incroyable, 
quand  on  le  nauige  par  le  milieu,  l’on  ne  voit 
que  du  Ciel  ôc  de  l’eaue.  On  dit  bien  d’auanta- 
ge,  que  de  ce  milieu  l’on  ne  peut  pas  voir,  ny 
defcouurir  à l’œil  plufieurs  grandes  ôc  hautes 
montagnes,  qui  font  à fon  riuage,à  caufe  de  fa 
grande  largeur.  Nous  allons  apprins  de  bonne 
part  la  grandeur  Ôc  largeur  efmerueillable  de 
ce  fleuue,  ( qui  doit  bien  ce  me  femble  mériter 
le  nom  d’Empereur  ôc  Monarque  des  fleuues) 
qui  fut  par  le  rapport  dVn  frere  de  noftre  corn- 


DES  Indes.  Liv.  IL  58 

pagnic,lequcl  cftant  icunc  pour  lors,  le  nauigea 
en  la  compagnie  de  Pierre  d’Orfua,  auec  lequel 
il  le  trouua  à toutes  les  aduantures  de  celle 
cllrangc  entrée  &dercouuerte,& aux  feditions 
& pernicieux  adles  de  ce  mefehant  Diego  d’A- 
quirre,d  oùDieuluy  lit  la  grâce  de  forrir  ôc  en 
cllre  deliuré,  pour  le  mettre  de  noftre  compa- 
gnie. T elles  donc  font  les  riuieres  qui  font  en 
la  region^qu’ils  appellent  Zone  Torride  , & k 
région  feche  ôc  brullée,  en  laquelle  Arillote  6c 
les  anciens  difent  qull  n’y  a point  d eaux  ny  de 
pallurages.  Mais  d’autant  que  i’ay  fait  mention 
'■dulleuue  Marannon,afin  de  monftreiT’abon- 
dancc  des  eaux  qui  font  en  la  Torridci  il  ne  fera 
mal  à propos  de  toucher  quelque  chofedcce 
grand  lac,  qu’ils  appellent  Tidcaca, qui  eft  au 
milieu  dé  la  prouince  de  Collao.  Il  y a plus  de 
dix  fleuues,  fort  grands,  qui  fe  perdent  en  en- 
trant dans  ce  lac,&  neantmoins  mapour  fa  vui- 
de,quVn  feul  courant  d’eaue  qui  eft  petit , bien 
qu’on  dilè  qu’il  eft  tres.profond,  & de  telle  fa- 
çon,qu’il  eft  impolîible  d’y  baftir  ou  faire  pour, 
pour  la  profondeur  de  foneaue,  6c  qu’on  ne  le 
peut  non  plus  palier  par  bateaux,  pour  la  gran- 
de roideur  & rapidité  du  coiirantj  L’on  le  pafte 
par  vn  gentil  & remarquable  artifice , propre 
ôc  particulier  aux  Indiens,  qui  eft  auec  vn  pont 
de  paille,  pofé  fur  la  mefmc  eaue,  lequel  d’au- 
tant qu’il  eft  fait  dVne  matière  fi  legere  ne  s’en- 
fonce point,  Sc  neantmoins  eft  cepaftàge  fort 
feur  6c  fort  aifé.  Ce  lac  contient  prefque  qua- 
tre vingts  lieues,  trente  cinq  en  fa  longueur  ÔC 
quin2elicuesaupluslarge.il  y aplufieurs  Ifles 


Histoire  NAT  V R EL  LE 
qui  anciennement  eftoient  habitées  & culd- 
uées,  mais  auioutd’huy  elles  font  dcfcrtes.  Il 
produit  vne  grande  abondance  de  ioncs,qufe 
les  Indiens  appellent  Tocora,duquel  ils fe fer-'' 
ucnt  en  mille  vfages.  Car  il  fert  de  mangeaille 
aux  pourceaux,  aux  chcuaux,  & aux  hommes 
mefæes.Ils  en  font  des  maifons,  du  feu,  & des 
barques.  Bref  les  Vros  rrouuent  en  ceftuy  leur 
Torora,tourcedonrîls  oindebcfoing',  &font 
ces  Vrds.vn  peuple  (i  brutal  & fi  lourd,  qu’eux 
rcefmes  ne  s’eftimentpas  hommes. On  raconte  r 
d’eux,  qu’eftans  interrogez  de  quelle  nation  ils 
eftoient,  ils  refpondireîlt  qu’ils  n’eftoient  pas 
îiommes,mais  Vros,comme  fî  s’eftoir  quelque 
genre  d’animatix.ll  s’eft  trouué  des  villages  en- 
tiers des  Vros, habituez  en  ce  lac  feulement  das 
leurs  bafteaux  de  Totora,  lefquels  font  liez  cn- 
lemble  , Sc  arreftez  à quelque  roche,  & bien 
foLUient  changent  ainft  de  lieu  àautre,  toutlc 
village  enfemble.  Par  ainft  qui  voudroitau- 
iôurdhuy  les  chercher  où  ils  eftoient  hier,on  i 
n’y  trouucroit  aucun  refte  ny  apparence  deux 
ny  de  leur  village.Le  cours & vuide  de  ce  grâd  • i 
lac,  ayant  couru  eiTuiron  cinquante  lieues,fait  i 
encor  vn  autre  lac,  moindre  toutcsfois  que  le  | 
premier  qiTÜs  appellent  de  Parya,  & contient" 
aufti  en  foy  quelques  iftcttes,  mais  l’on  ii’y  voit 
aucune iftue.  Quelques  vus  penfent  qu’il  court  j 
deflbuz  terre,  & qu’il  va  donner  en  la  mer  du 
Sud,  mettant  en  allant  àcefte  fin  qu’il  y a vn 
bras  de  fleuue  que  l’on  voit  naiftre  ôc  entrer  en 
la  mer  fort  proche  du  riuage,  fans  en  cognoi- 
lire  l’origine.  Au  contraire  ie  croy  que  les  eaux 


»Es  Indes.  Liv.  II.  5^ 

nJcGcIacfc  rcfoluenc  & diffipcnr  dans  le  mef- 
tnclac,  par  l’ardeur  & chaleur  du  Soleil.  Ce 
difeours  me  femble  fuflîfant,  pour  mordlrer 
qu’à  tort  les  anciens  ont  tenu  la  région  du  mi- 
lieu inhabitable  par  faute  d’eaux,  d’autant  qu’il 
y en  a grande  abondance , de  du  Ciel  ^dc  |a 
icrçe. 


Chapitre  VII. 


la  raljènpourquoy  le  Soleil  hors  des  Tropiques 
entendre  ^Uis  grande  qi4'antité{L'eau'és  quand  li 
eji plf0  ejloign,é^o^ pour qmy aiu,  contraire  ’ 
dedans  à' iceux  il  en  engendre 
il  m efl  plusi 
Khê.  -,  : ■ 


Enfant  plufieui  s fois  à part  moy  d’ôà 
pouuoit  procéder  quel  Equinoxe  eii 
fi  humide,  comme  i’ay  did , pour  ré- 
futer l’opinion  des  anciens , ie  n’en 
frouue  point  d’autre  caufe,  que  la  grande  force 
du  Soleil  en  ces  parties  là,  par  laquelle  il  efleuc 
& attire  à foy  vne  grande  abondance  de  va- 
peur de  toutrOccan,  qui  en  ceft  endroit  eft 
fort  grand  &c  fort  eftendu,  & ayant  tiré  à foy 
grande  abondance  de  vapeurs,  àulîî  toft 
les  rcfoult  & conuertir  en  phiyes,  6c  eft  ap- 
prouué  par plufieurs  expériences  certaines,que 
ces  P uyes  & torrens  çcleftes  prouiennent 
des  plus  grandes  chaleurs  du  Soleil.  Preinie- 
fement,  comme  nousauonsjadidcy  deuanr 


Histoire  natvrelle 
il  pleut  en  ces  pays  là,  au  temps  que  le  Soleil 
iette  Tes  yayonsdire<5temenr  fur  la  terre,  &quc 
encefaifant  il  a plus  de  force:  mais  quand  le 
Soleil  fen  edoigne,  la  chaleur  fe  tempéré  , & 
alors  il  n’y  tombe  point  de  pluye.  D’où  1 on 
peut  bien  inférer  que  la  force  & ardeur  du  So- 
leil eft  ce  quicaufelespluyes  en  telles  régions: 
Audi  l’on  obferue,  tant  auPeru,  neuue  Efpa- 
gne,  qu’en  foute  la  Torride,  que  les  pluyes  y 
Viennent  ordinairement  apres  Midy , lorsque 
les  rayons  du  Soleil  font  au  poind:  de  leur  plus 
grand’  force,  Sc  que  c’eft  chofe  rare  de  voir 
pleuuoir  au  matin.  C’eft  pourquoy  les  voya- 
geurs y preuoyent , ôc  commencent  leur  iour- 
iiee  de  grand  matin , afin  de  l’acheuer , & fe  rc- 
pofer  à Midy , pourcei  qu’ils  tiennent  qu  ordi- 
nairement il  y pleut  apres  midy.  Ceux  qui  ont 
hanté  ôc  cheminé  par  ce  pays  là , en  peuuent 
parler  fuffifamment  : car  mefmes  il  y en  a au- 
cuns,qui  y ayans  faiét  quelque  refidcnce,  difent 
que  la  plus  grande  abondance  des  pluyes,  eft  ; 
quad  la  Lune  eft  en  fon  plein  : encore  que  pour 
dire  la  vérité , ie  n’en  ay  peu  faire  preuue  fuffi- 
fànte,  bien  que  i’y  aye  prins  garde  quelqucsfois. 
D’auanrage  lesiours,l  an  & les  mois  donnent 
à entendre  la  vérité  de  ce  que  delfus , fçauok* 
qu’en  la  Torride  l’exccfllue  chaleur  du  Soleil 
caufe.  les  pluyes.  L’experience  nous  enfeigne 
Icmefme  aux  chofes  artificielles,  comme  au}t 
alambics , anfquels  on  diftille  les  eaues  des  her- 
bes ou  des  fleurs  : car  la  vehemcnce  du  feu  en- 
ferre & contraint , poufle  & efleue  en  haut  , 
Viîc  abondance  de  vapeurs , lefquelles  cftans  j 


Des  Indes^  Liv.  II. 
prcflecs,  & ncirouuansifîue,  font  conucrtics 
en  liqueur  & en  eaux.  Uoi^  void  tout  le  mefmc 
en  lot  & en  l’argent  que  l’on  tire  & afHne  par  le 
vif  argent,  d’autant  que  {î,lefeucftlent&  pc- 
tit,ron  ne  tire  quafi  rien  du  vif  argent , raais  fil 
cftafpre  & Violent,  il  euapore  beaucoup  le  vif 
argent , lequel  le  rencontrant  en  haut  contre  le 
chapitcau(qu’ils  appellent)  le  tournent  inconti- 
nent en  liqueur,  ôc  commence  à dégoûter  en 
bas.  Ainfi  la  grand’  ardeur  du  Soleil  produit  ces 
deux  effets,  quand  elle  trouue  matière  difpofcc, 
qui  cft  de  leucr  les  vapeurs  en  haut , & l’auttc  de 
les  refoudre incontinent,  ôc  les  tourner  en  li- 
queur , lors  qu’il  y a quelque’  pbftacle , pour  }es 
confumer  ôc  refoudre.  Et  bien  qu’il  fcmbic  que 
ce  foient  chofes  contraircs,qu  Vn  mefme  Soleil 
dans  la  Zone  Torride,  eftanc  proche  caufeles 
pluyes,  ^ que  hors  la  Torride  cftantcfloigné, 
il  caufç  vn  rnefme  effedt  : h eft-ce  que  tout  bien 
confédéré,  il  ne l'efl:  pas  réellement  &de  faidt. 
Mil  effeds  es  chofes  naturelles  procèdent  de 
r:hofe^  contraires  par  vn  moyen  diuers.  Nous 
mettons  fecher  le  linge  au  feu  ôc  à l’air,  def- 
quelsneantmoinsl’vn  efehauffe,  ôç  l’autre  re- 
froidit. Les  paftes  font  fechees  & endurcies 
par  le  Soleil  &par  la  gel  ce.  L’exercice  modé- 
ré prouoque  le  dormir,  fil  eft  trop  violent,  il 
l’cmpefche:  h l’on  ne  met  du  bois  au  feu , fina- 
lement il  fefteint,  fi  l’on  y en  mec  beaucoup 
& trop,  il  s’efteint  aufîî  : car  la  feule  proportion 
l’entretient  & le  fait  durer.  Pourbicn  voir  vnc 
çhofe , elle  ne  doit  edre  ny  trop  proche  des 
yeux,  ny  trop  loin , mais  en  diftance  raifonna- 

■ H iiij 


Histoire  natvrelle 
bîc  & proportionnée  : eftant  trop  efloigné  dV- 
nechofe  l’on  en  perd  la  veuë,  & trop  proche 
auflî,  ne  la  peut  voir.  Si  les  rayons  du  Soleil 
font  foibles , ils  n'attirent  pas  les  pmincs  des 
riuieresi  fils  font  violens  , auffi  toft  qif  il  a attiré 
les  vapeurs,  il  les  refoult  ôc  conforome , mais  la 
chaleur  modeiee  les  attire  & conferue.Pour  ce- 
lle raifon  les  vapeurs  ne  felîeuent  point  com- 
munément de  nuid , ny  à midy,  mais  au  matin, 
quand  le  Soleil  commence entrer  en  fafor-? 
ce.  Sur  ce  fubied  il  y a mil  exemples  de  chôlej 
naturelles,  que  l’on  void procéder  fouuent  de 
chofes  contraires,  qui  doit  faire  que  nous  ne 
nous  deuons  pas  efmerueiller , h le  Soleil  pour 
eftre  fort  proche , engendre  les  pluyes  ôc  qu  il 
en  fait  tout  autant  eftant  fort  efloigné , mais 
qu’eftant  fon  approchement  modéré  ôc  pro-  . 
portionné,  il  n’en  produit  ny  caufe  aucune-  £ 
ment.  Ce  pendant  il  refte  encor  vn  poind  que  | 
l’on  peut  demander;  pour  quelle  raifon  en  la 
Zone  Torride  rapprochement  du  foleil  caufe 
les  pluyes , ôc  hors  d’icelle  font  caufees  par  fon 
efloignement.  A ce  que  ie  puis  iuger , la  raifon  j 
eft,  que  hors  des  Tropiques  en  Hyuer  ,1e  foleil 
n’a  point  tant  de  force , qu  il  foiî  fuflîfant  pour  i 
confumer  les  vapeurs  qui  fefleuent  de  la  terre 
ôc  de  la  mer.  Car  ces  vapeurs  famalfcnt  en  gra- 
de abondance  en  la  région  froide  de  l’air,  où 
elles  font  congelees  ôc  efpaiflies  par  la  grande 
froideur,  puis  apres  eftans  prelTees,  fe  refoluent 
^ conuertilfent  en  eau.  C’eftpourquoy  en  ce 
temps  d’Hy  lier  , que  le  foleil  eft  plus  efloigné, 
que  les  iours  fontcourts,&  les  nuiéls  plus  Ton- 


^es  Tndis  Liy,  il 
gucs,  la  chaleur  du  foleil  a peu  de  force,  mais 
quand  le  foleil  Rapproche  de  ceux  qui  font 
hors  des  Tropiques,  qui  eft  au  temps  dTfté,  la 
force  du  foleil  eft défia  telle,  qu’elle efleue  les 
vapeurs,  & tout  cnfembleles  confomme,  les 
dilfipe  &■  refoult  : caria  chaleur  & la  longueur 
des  iours  font  caufèes  par  l’approchement  du 
Soleil.  Mais  au  dedans  des  Tropiques,  en  la 
région  Torride,  refioignement  du  foleil  atout 
autant  d’effedtque  le  plus  grand  approchement 
:1qui  (bit  aux  régions  defdits  Tropiques.  Au 
l^noyen  dequoy,  il  ne  pleut  pas  en  la  Torride, 
fàlors  que  le  foleil  eft  cfloigné,  non  plus  que 
hors  les  Tropiques,quand  le  foleil  eft  plus  pro- 
che, d’autant  qu’en  ceft  approchement  & ef- 
îoignement , lé  foleil  demeure  roufiours  en 
■yne  mefme  diftance  , d’où  procédé  vn  mefme 
cfFed  de  fereniré.  Mais  quand  le  foleil  eft  au 
période  de  fa  force  en  la  Zone  T orride , & qifil 
iettefcsrayonsdiredementfurla  tefte  dés  ha- 
bitans,  il  n’y  a ny  ferenité  ny  fecherefte,  com- 
me il  femble  qu’il  deuroit  y auoir.  Mais  pluftoft 
de  grandes  Ôc  eftranges  pluyes,  d’autant  que  par 
la  force  excefiîue  de  fa  chaleur , il  attire  & efle- 
ue prefque  en  vn  inftant  vne  grande  abondan- 
cedevapeursde  la  terre,  ÔC  merOccanc,  lef- 
quelles  font  fi  eljaaüîès  & en  fi  grande  abondan- 
ce, que  le  vent  ne  les  pouuant  difliper  ny  re- 
foudre  facilement,  elles  viennent  à fe  fondre 
en  eau,  qui  caufeles  pluyes  fi  froides  & en  fi 
pande  abondance,  car  la  grande  vehemence  dç 
la  chaleur  peut  attirer  en  peu  de  temps  beaü- 
epup  de  vapeurs,  lefquelles  elle  nepeut  fi  toft 


HiSTOIRS  NATVRELIE 
confumcr  & refoudre  , & cftans  attirées  & aC- 
femblees , par  leur  grande  abondance  fc  fon- 
dent & tournent  en  eau.  Ce  que  l’on  cognoi- 
ftra  fort  bien  par  ceft  exemple  domeftique  & 
familier.  Quand  l’on  met  roftir  vn  morceau  de 
porCjde  mouton, ou  de  veau, fi  le  feu  eft  violent, 
& la  viande  enfoit  fort  proche,  nous  voyons 
que  la  graifle  fe  fond  toft  & dégoûte  en  bas, 
qui  vient  dcjce  que  la  grande  chrileur  attire  de 
elleue  ceft  humeur  & grailfe  de  la  chair,&  pour 
eftre  en  grande  abondance  ne  la  peut  refoudre, 
ôc  ainfi  diftille  & tombe  d’auantagc.Mais  quad 
le  feu  eft  modéré , & ce  que  l’on  roftit  eft  en  di- 
ftance  proportionnee,nous  voyons  que  la  chair 
fe  roftit  proprement , fans  que  la  grailîe  diftille 
trop  à coup,  pource  que  la  chaleur  rapderce 
attire  rhumiditc,  quelle  confommede  refout 
en  vn  inftant.C’cft  pourquoy  les  cuiftniers  font 
le  feu  modéré , de  n’en  approchent  la  viande  ny 
trop  près  ny  trop  loin,dc  peur  qu  elle  ne  fe  fon- 
de. On  le  peut  voir  par  vne  autre  expérience 
aux  chandelles  de  fuif  de  de  cire  , car  fi  la  mef* 
cheeneftgroiîe,  elle  fait  fondre  de  découler  le 
fuif  de  la  cire  : pource  que  la  chaleur  ne  peut 
conlbmmer  cequi  fefleue  d’humeur  : mais  fila 
flame  eft  proportionnée , la  cire  ne  fe  fond  ny 
decoulle,  pource  que  la  flame  va  confommant 
peu  à peu  ce  qui  fefleue.  Ce  qui  me  femblela 
vraye  raifon  pourquoy  en  l’Equinoxe , de  en  la 
Torride,  la  grand’ force  de  la  chaleur  caufe  les 
pluyes , Icfquelles  en  d’autres  régions  font  cau- 
fees  par  la  foiblefle  Ôc  peu  de  chaleur. 


D ES  Indes.  Liv.  II-  Ci 

Cmment  V on  dm  entendre  ce  qm  d ej}é  diB  cj  dejfm 
deUZoneTornde.  . 

Ch  A P.  VI  U. 


’I  L cft  ainfi  qu  CS  chofes  naturelles 
'^phylîques  l’on  ne  doit  rechercher 
[de  reigle  infaillible  & mathémati- 
que, mais  ce  qui  eft  ordinaire,  & ce 
qu’on  void  par  expérience,  qui  eft  la  pluspar- 
faidle  reigle , il  faut  croire , que  ce  que  nous  a- 
uons  dit,  qu’il  y a plus  d’humidité  en  la  T orride 
qu’aux  autres  regions,&  qu’en  icelle  il  ne  pleut 
point  lors  que  le  Soleil  en  eft  plus  proche,  fe 
doit  prendre  & entendre  de  mefmc  : & de  vray 
c eft  bien  ce  qui  eft  le  plus  cpmun  & le  plus  or- 
dinaire. Mais  ce  n’eft  pas  pour  erapefeher  les 
exceptiôsquc  nature  a voulu  mettre  à cefte  ré- 
glé, rendant  quelques  régions  de  la  T orride  ex^ 
tremement  feches.  Ce  qu’on  raconte  de  1 E- 
thiopie,  & nous  l’auons  veu  en  vue  grande  par- 
tie du  Peru,  oi^  toute  la  terre  ou  cofte,  qu'ils 
appellent  Plaines,  manquent  de  pluyes,  voire 
d’eaux  de  la  terre,  excepté  quelques  vallees  où 
il  y a des  eaues  de  riuiercs  qui  defeendent  des 
montagnes , le  furplus  font  fablons  & terres 
fterileSiOÙ  à grand’  peine  l’on  trouue  des  fontai- 
nes, mais  bien  quelques  puits  très-profonds. 
Mais  nous  dirons  ( Dieu  aidant)  enfonlieu, 
quelle  eft  lacaufe  pourquoy  il  ne  pleut  point 
en  ces  plaines  ( chofe  que  plufieurs  demandent) 
car  à prefent  ie  prétends  de  mqnftrer  feule- 
ment qu’il  y a plufieurs  exceptions  aux  réglés 


Histoire  matvrelle 
naturelles,  d’ou  vient  qu’il  peut  aduenir  en 
quelque  partie  de  la  Torride,  qu’il  ne  pleut  pas 
lors  que  le  Soleil  eft  plus  proche,  mais  quand  il 
cftplus  efloignc.  Bien  que  iufques  auiourd’huy 
ie  neTayc  veu  ny  entendu , toutesfois  fil  y en  a, 
pn  le  doit  attribuer  à la  qualité  particulière  de  • 
la  terre;  mais  auffi  quelquesfois  fil  aduientlc 
contraire , l’on  doit  auoir  cfgard  qu’en  ces  cho- 
fes  naturelles  il  arriue  plufieurs  contrarierez  & 
empefehemens , par  lefquels  elles  fe  changent 
& delFont  les  vnes  les  autres.  Pour  exemple , il 
peut  eftre  que  le  foleil  caufera  les  pluyes,  6c  que 
le  vent  les  empefehera , ou  bien  les  rendra  plus 
abondantes  qu’elles  n’ont  accouftumé  d’eftre. 
Les  vents  ontleurs  proprictez  & diuerscora- 
mcncemens,  par  lefquels  ils  opèrent  de  diffe- 
rens  efFeds , qui  font  le  plus  fouuenc  contraires 
à ce  que  Tordre  & la  faifon  requièrent.  Puis 
donc  qu  en  chacun  endroit  Ton  voidarriuerdc 
grandes  varierez  en  Tannée  qui  prouiennent  de 
la  diuerfité  des  mouuemens  6c  alpeds  despla- 
nettcSjCe  n’eft  point  chofe  mal  a propos,de  dire 
qu’en  la  Zone  Torride  Toh  peut  voir&  remar- 
quer quelques  chofes  contraires  à ce  que  nous 
auons expérimenté.  Mais  pour  refolution, ce 
quenousauons  conclu  eft  viie  vérité  bien  cerr 
raine  &experimentee, à fçauoir  la  grande  fe- 
cherefte  que  les  anciens  ont  penfé  eftre  en  la  ré- 
gion du  milieu, que  nous  appelions  Torride,n’y 
çftre  point  du  tout , Ôc  qu’au  contraire  il  y a 
beaucoup  d’humidité,  &que  les  pluyes  y font 
alors  que  leSoleil  en  eft  plus  proche. 


D ES  Indes.  Liv.  IL  4: 

U T%rrde  nefi point  excefiaementchaudej  mais 
plnjioji  modérée. 

Chapitre  IX, 

JV fques  icy  nous  au5s  traidc  de  l’Ku^» 
de  la  Zone  T orridejmaintenâe 
fera  bon  de  parler  de  deux  autres 
•qualircz,qui  font  le  chaud  & le  froid. 
Nous  auons  demonftré  fur  le  commencemenc 
de  ce  difcours,Gomme  les  anciens  ont  tenu,  que 
la  Zone  Torride  eftoit  chaude,  & feche  cxcciïî- 
uemcnt,ce  qui  n’efi:  pas  ainfi  toutesfois;  car  elle 
cft  chaude  &:  humide,&en  la  plus  grand’ partie, 
fa  chaleur  n’eft  pas  cxceffiue,mais  pluftoft  rem- 
pcréc;Cc  que  l’on  tiendroitpour  incroyable,  iî 
nous  ne  Tauions  aflez  expérimente.  Quand  ic 
paiîày  auxlndes(iedkay  ce  quim’arriua)  ayanc 
leu  ce  que  lès  Poëtes&  Philofophes  difent  de  la 
Zone  Torride,  iemepcrfnadois,  quarriuantà 
1 Equinoxe, ie  ne  pourrois  y fupporter  cefte  ex- 
ccffiue  chaleur.  Mais  il  m’aduint  tout  au  con- 
traire,car  au  temps  que  i’y  paifay  , qui  fut  alors 
que  le  Soleil  y el1:oitpourZenith,eftant  entre 
aufigned’Arics,àfçauoirau  mois  de  Mars,  i’y 
fenty  fi  grand  froid  que  i eftois  contraint  me 
mettre  au  Soleil  pour  m efehauffer  : que  pou-- 
Dois  ie  moins  fairealors,  que  de  me  rire  ôc  me 
mocquer  des  météores  d’Ariftotc  , & de  ià 
Philofophie,  voyantquaulieu,  &cnlafaifon, 
que  tout  y debuoit  eftrc  embrafé  de  chaleur 
fuiuant  fes  règles,  moy  de  tous  mes  copagnons 


^ H IS T O I RE  N AT VRI  L LE 

auions  froid?il  n’y  a à laverité  région  au  monde 
plus  douce  ny  tempérée,  que  fous  l’Eqüinoxc, 
combien  qu  elle  ne  foit  pas  en  tous  endroits 
d efgale  ou  femblablé  temperaturç,&  qu’il  y ait 
beaucoup  de  diuerlîtez.  La  Zone  Torride  en 
quelques  endroits  cft  fort  temperéc,  comme  en 
Quitto,&  aux  plaines  du  Peru,en  quelques  en- 
droits fort  froide,comme  en  Potozi,&  aux  au- 
tres fort  cbaude,commeenFEthiopie,  Brefil,& 
aux  Mollucques.Cefte  diueriltédôc  nouseftât 
certaine, & route  cogncüe,nous  deuons  par  for- 
ce rechercher  vue  autre  caufe  du  froid  & du 
chaud,que  les  raions  du  Soleil  y font  iiaiftrc,vcu 
qu’en  vne  mcfme  faifon  de  l’annee  , & en  lieux 
qui  font  dVne  mefme  hauteur&diftâce  du  Polc^ 
& de  l’Equinoxe, on  y retrouue  vne  E grande  di- 
ncr  Eté,qu  e les  vns  font  embrafez  de  chaleur,les 
fUt.rnT'm  autres  de  froidure,  & les  autres  fe  trouuent  te- 
C'wïCriw.  perez  d Vne  chaleur  modérée.  Platon  met  fa  tat 
renomée  Ifle  A tlâticque  foubs  la  ZoncT  orride, 
puis  did,qu’en  certain  téps  de  l’année  clleauoit 
le  Soleil  pour  Zenith,  & ncantmoins  qu’elle  e- 
ftoit  fort  tempcrée,fort  abondâte,&  fort  riche. 
TUt\.Uh.6.  ditqueTaprobane,  ( qu’ils  appellent  au- 

iourd  huy  Samatre)eft  foubs l’Equinoxe,  corn* 
me  en  effed  elle  y eft,efcriuant,  qu’elle  n’eft  pas 
feulement  riche,&  heureufc,mais  auffi  peuplée 
d’hommes  & d’animaux.  D’où  l'on  peut  facile- 
ment cognoiftre,  qu’cncor  que  les  anciens  ayét 
tenu  la  chaleur  de  la  Torride  infupportablc, 
neantmoins  ils  pouuoient  bien  entédre  qu  elle 
ne  l’cftoir  pas  tant  comme  ils  difoient.  Le  très- 
excellent  A Urologue  ôc  Cofmographc  Ptplo- 


©ES  Indes.  Liv.  II.  ^4 

Sncc,  & Tinfignc  Philofophc&mcdecin  Aui- 
ccnnc  en  ciirét  meilleure  refolution  eftans  tous 
deux  d opinion,que  fous  l’Equinoxe  y auoit  de 
fort  commodes  habitations, 

lit  chdmr  deUTorride efl temperée,fùHrlUhon-^ 
dance  des  ^luyes^  O*  four  U hriefueté  des  ïmrsi 

Ch  AP.  X. 

Epuis  que  le  nouueau  monde  a cfté 
j Fon  a cogneu  & fans 
m doubte,cc  que  les  derniers  autheurs 

ont  tenu  véritable.  Maiscefl:  chofe 
naturelle^quc  quand  quelque  chofe  qui  eft  hors 
de  noftrc  opinion , nous  vient  à eftrc  cogneüc 
parFcxpericncCi  nous  voulons  incontinenten 
rechercher  la  caufe.  C*eft  pourquoy  nous  déli- 
rons fçauoir  pour  quelle  caufe  la  region^de  la- 
quelle le  Soleil  eft  plus  proche,  n’eft  pas  feule- 
ment tcmpercc,mais  eft  froide  en  pluficurs  en- 
droits.Confideranteefte  matière  generalemct, 
ictrouuedeuxcauiesgcncralles  , pour  rendre 
cefte  région  tempérée , Fvne  eft  celle  cy  deuant 
déclarée,  d’autant  que  cefte  région  eft  fort  hii- 
mide.&fubiecteauxpluyes,  & n’y  apointdc 
doute, que  la  pluye  ne  refraichilfe , pource  que 
Fefleuement  de  Feaiic  eft  de  fon  naturel  froid, 
& encor  que  Feaue  , par  la  force  du  feu  fcf- 
chaufFe,  cencantmoins  ne  laiftè  pas  de  tempé- 
rer l’ardeur,  cauféc  des  rayons  du  Soleil  pure- 
ment. Ce  qu’on  voit  par  expérience  en  h Arabie 
intérieure  , laquelle  eft  embrafée  du  Soleil, 


HiStOiRE  NATVRELLS 

pour  n’y  auoir  aucunes  pluyes  qui  tempèrent 
la  furie.  Les  nuages  & bruines  empefehent 
que  les  rayons  du  Soleil  n’oifen cent  tant,  & fes 
pluyes  qui  procèdent  d'icelles  mefmes,  rafrai- 
chiilcnt  l’air  & la  terre  , & l’humedent  auffi, 
quelque  chaude  qu' elle  puilfe  eftre.  L’on  boit 
l’eaüe  de  la  pluye,  &elieeftanchelafoif,com- 
mc  les  noftres  l’ont  bien  efprouué,  ayans  faute 
d’eaüe  pour  boire.  De  forte  que  la  raifon  & 
rexpcricnce  nous  enfeigne,quelapluyede  foy 
appaife  la  chaleur, &par  ce  moyen  ayant  ia  mô- 
ftre  comme  la  Zone  Torride  eftfort  pluuieu- 
le,il  appert  aufll  qu’il  y a en  icelle,  choie  qui 
peut  rend  re  fa  chaleur  temperée.  A cecy  i’en  di- 
ray  encor  vne  autre  raifon  qui  m cri  te  bié  qu’o  n 
entende  , non  feulement  pour  celle  matière, 
mais  audi  pour  plufieurs  autres,  car  pour  le  dire 
en  peu  de  parollesjle  Soleil  qiioy  qu  il  foit  fort 

chaud  &bruflant  en  lEqainoxe,ceneantmoins 

c’eft  pour  peu  de  temps,  de  forte  que  la  chaleur 
duiour  y eftant  plus  briefue  & de  moindre  du- 
ree, ne  fait  pas  tant  d’embrafement.  Ce  qu’il 
conuient  déclarer  ^ entendre  plus  particuliè- 
rement. Ceux  qui  font  verfez  à la  cognoilTance 
de  la  Sphère, enfeignent  fort  bien,  que  d’autant 
plus  que  le  Zodiaque  eli  oblique  & trauerlant 
fur  nollre  hcmifphere,  d autant  plus  les  iours 
& les  nuids  font  inégaux;  & au  contraire  où  la 
Sphere  eft  droitte,  ôc  les  fignes  montent  droi- 
îement.les  iours  & les  nuidsyfont  égaux. 
C’clïpourquoy  en  toute  la  région  qui  eft  entre 
les  deux  tropiques,  il  y a moins  d’inegalite  aux 
jours  6c  aux  nuits, que  hors  d’ieeux,&  plus  1 on 

approcl^ 


tiES  Indes.  Liÿ,  ït 
tpprochc  de  la  ligne,  moins  y trotnie  on  d’inc- 
galirc,  ce  que  nous  aiions  expenmenté  en  ces 
parties.  Ceux  de  Qmrtovpour  ce  qu’ils  font  au 
deiîotibsdclaligne,  n’ont  point  en  toute  1 an- 
née les  iours  ny  les  nui6ts  pl^  courts  en  vue  fai- 
{bn  qu’en  l’autre,  mais  y font  eontiuuellement 
efgaux.  Ceux  de  Lyma,  pour  ce  qu*ils  font  di- 
llâs  de  la  ligne  prefque  de  douze  degrez,  apper- 
çoiuertt  quelque  différence  entre  les  iours  &lcs 
nui6ts,  mais  c'eft  fort  peUjd’autant  qu’en  Decc- 
brc&cn  lanuier  les  iourS  y croiflent  d vn  heure, 
ou  peu  moins.  Ceux  de  Potoziy  recognoiflent 
beaucoup  plus  de  différence,  tant  l’Hyuer  que 
I’Eftc,pour  ce  qu’ils  font  prefque  foubs  le  T ro^ 
pique.Mais  ceux  qui  font  du  tout  hors  des  T to- 
piques remarquent  d’autant  plus  la  briefueté 
des  iours  de  THyucr,  6c  la  longueur  de  ceux  de 
l’Eftc,  qu’iîsfont  elloignez  de  la  ligne  & fonc 
proches  duPolciCOmme  l’on  void  qu’en  Alle- 
magne & en  Angleterre  les  iours  font  plus  legs 
ch  £ftc  qu’en  Italie  & Efpagne.  C’eft  chofe  c^ui 
(c  ÿoid,  que  la  Sphère  cnfcigiie,  & l’expericncc 
Icmonftrcclairêment.llfautadiouftcr  vne  au- 
trc  prûpo{îtion,quieftauiïi  vraye,&bien  conf* 
lîdcrable,  pour  tons  les  effeeffs  de  lanature,fça-, 
uoir  la  pcrfcuerance  & continuation  de  fa  caufe 
efficiente  à Opérer  &agir.  Cela  fuppofe,fi  l’on 
me  demande , pourquoy  en  1 Équinoxe, il  n’y  a 
point  de  fi  violantes  chaleurs  eii  Efté , qu’il  y a 
en  quelques  autres  régions,  (comme  en  Ande- 
îuzie  es  mois  de  luillct  & Aouft)  ie  refpondray 
pourcc  que  les  iours  d’Efté  font  plus  longs  en 
Andcluzic,5c  les  nuids  y font  plus  courtes, 

ï 


Histoire  natvrelie 
iour  comme  chaud  qu’il  cft  enflame  & caufe la 
chaleur,la  nuid  auiïi  comme  froide  & humide 
donne  du  rafraichiflèment . Suyuant  quoy  au 
Peru  il  n’y  a point  tant  de  chaleur,  pour  ce  que 
les  iours  d’Efte  n*y  font  pas  fi  lôgs,  ny  les  nuids 
fi  courtes,  qui  caufe  que  la  chaleur  du  iour  eft 
beaucoup  tempérée  par  la  fraifeheur  de  la  nuid 
Mais  làoù  les  iours  font  de  quinze  ou  feize  heu- 
res, par  raifon  il  doit  y auoir  plus  de  chaleur, 
que  là  où  ils  ne  font  que  de  douze  ou  de  treize, 
& où  il  en  demeure  autantde  la  nuid  pourra- 
fraichiflcraent.Et  bien  que  la  ZoncT orride  foit 
plus  proche  du  Solei!,que  toutes  les  autres  ré- 
gions, fi  eft-ce  t outesfois,quc  la  chaleur  du  So- 
leil n’y  demeure  pas  fi  long  tempsrcar  c’eft  cho- 
fc  naturelle  qu’vn  feu  encor  qu’il  foit  petit,  fil 
perfeuerc  efehauife  d’auantage  quVn  plus  gràd 
qui  durera  peu,principalement  fil  y.furuient  du 
rafraîchifiemenr.  voudra  mettre  donc  ces 
deux  proprietczdela  Torride  en  vue  balance, 
fçauoir.qu’elleefi:  plus  pluuicufe  au  temps  de  là 
plus  grande  chaleur,&  que  les  iours^y  font  plus 
courts  i on  pourra  bien  parauanture  trojuucc 
quelles  feront  efgallés  à ces  deux  autres  eôtrai- 
res,  qui  font  que  le  Soleil  y eflplus  proche  ÔC 
plus  droit  qu  es  autres  régions,  à tout  le  moins 
qne  l’pn  n’y  rccagnoiftra  pas  beaucoup  d’auan- 


DIS  Indes.  Liv*  II. 


4ét 


Qi[ily  A d'* autres  rAÎfèns  outre  les  âefdmttes  cy  dejfm, 
qui  montrent  que  U T ornde  ejl  temperée,^rin  et  paie- 
ment en  U cojle  de  U mer  Oceme, 


Ch  A P.  XI. 

i Stant  chofè  refoluc  que  les^deux 
Iproprietez  fufdides  font  commu- 
incs  & vniutrlèlles  à toute  Ja  région 
' r orriide,&  qu’en  icelle  neâtmoins 
il  fc  trouue  aucus  lieux  fort  chauds, 
êc  les  autres  où  il  y a fort  grand  froîdcBr éf  la  té- 
peraturen’y  èft  efgâlle  en  tous  lieux,raàisen  vn 
mefmc  cliftiar,vne  partie  efl:chaiide,faütre  froi 
de,&rautré  téinperee  tpiit  envn  raefmé  temps: 
nousfommes  eôtraints  de  trecherchei*  d autres 
railônSjd’DÙ  procédé  celle  grande,diucrlîté  qui 
fe  trouue  ainlî  en  là  Torride.  Dilèouf  ant  donc- 
ques  fur  èefte  queftièn,  féii  trouue  trois  caulès 
apparentes  & eertaines,&  vue  quatriefme  plus 
oblcüre&  cachee.Les  caufes  apparentes  & cer- 
taines font- , la  première  rOccan  , la  fécondé 
lalfiête  & fituation  de  la  terre,  & la  troiliefme 
le  naturel  & propriété  de  plulîèurs  & diuers 
- vents.  Outre  ces  trois  que  le  tiens  pourmani-i- 
feftes,  ie  croy  qu’il  y en  a vne  autre  quatriefnàè*, 
cachée  & moins  apparente, qui  eft  la  propriété 
de  la  mefmc  terre  habitée,  Ôc  la  particulière  in- 
fluence, de  fon  Ciel.  Qm  voudra  conlideret  dé 
pte'z  Ics'  caüfés  & faifons  generales,' cyd-blfui 
defduités  > on  troüuera'  qu’elles  ne  font  Iti flj» 

I ii 


HlSfÔIRE  KATVRILLÈ 
fantcs  pour  la  rcfolution  totale  de  ccftc  ma- 
tière, vcu  ce  qui  arriuc  iournellemcnt  cii  di- 
uers  lieux  de  1 Equinoxc.Maiiomotapa,&'grari- 
de  partie  du  Royaume  de  Prefte  lan,  fontlî- 
tuées  delTous  la  ligne,  ou  fort  prochcs,efquel- 
les  régions  ils  endurent  de  terribles  chaleurs, 
& y nailîcnc  les  hommes  tous  noirs  j Ce  qui 
n’eft  pas  feulement  en  ces  parties  de  terre  fer- 
me,efl0ignécs  dé  la  mer,  mais  aufli  en  eft  il  de 
mefme  éslflcsenuironnéesdelamcr.  L*Ifle  de 
faind  Thomas  eft  foubs  la  ligne,  les  Ilîes  de 
Cap  de  vert  en  font  prochaines,  & en  l’vnc  & 
en  l’autre  y régnent  defurieufes  chaleurs,  & y 
font  mefipes  tous  les  hommes  noirs.  Soubs  k 
.mefme  lignc,qubicn  proche  d’iceUc  , gift  vnc 
partie  du  Peru  , ôc  du  nouucau  Royaume  de 
Grenade, qui  ncantmoins  /ont  terres  fort  tem»- 
peréeSjdcclinantes  pluftoft  à froidure,  que  non 
pas  à chaleur,  & les  hommes  qui  habitent  en 
icelle,  font  blancs.  La  terre  du  Brefticftenk 
mefoie;diftancc  de  la  ligne  que  le  PerUi&neâtr 
ipoins  le  .Brefil  & route  cefte  cofteeft  extrê- 
mement ehaude  , encore  qu’elle  foken  la  mer 
duNortyèc  l’aiurecofte  du  Peru  qui  eft  en  la 
mer  duSud,eftforaempcrée.  le  dis  donc  que 
qui  voudra  confiderer  ces /différences;  & don- 
ner la  r^aifon  d’icelles  , ne  fe  pourra  contenter 
des  gcnerallesjcy  deffus  traitrees,  pour  décla- 
rer côme  la  Torride. peut  eftrc  vnc  terre  tto- 
pcréc.  E litre  les  caufes  ôc  rajfons  lp.eçialesi*ay 
mis  pour  la  première  la  mer , pour  ce  que-fonil 
doute;  fonvoifinageayde  à tempérer,  & refroi- 
dir la  chaleur.  Car  combien  que  foneaue  foie 


Des  Indes.  Liv.  IL  €7 


lâilec,  clic  eft  toufiours  eau  tôutesfpis,  ^rl’Càu 
de  fa  nature  eft  frpidç  , &iî  encore  eft  remar- 
quable que  poupla  profond! te  de  l’Occan,  l’eau 
îicn  pcutcftrecrçhaufFecj)arlâ  chaleur  du  So- 
leil , comme  les  eaux  des  riuieres.  Finablement 
toutaitift  congelé  Tel  nitre(quoy  qu’il  foi  t du 
naturel  du  fcl)  a la  propriété  de  refroidir  l’caue: 
ainfî  voyons  nous  par  expérience  en  quelques 
ports  & hautes  qucTeau  delà  mery  raftaifehir, 
ce  que  nous  auons  veu  en  céluydeCallao,  où 
1 on  raettoirrafraifchirl  caue  ou  vin  pour  boi- 
re dedans  djes  cruches  ou  flafeons  mifes  en  la 
mer.  D-où  l’on  peut  (ans  doute  recognoiftre 
que  l'Ocean  a cefte  propriété  de  remperer  &: 
rafraifehir  l’cxcelîîuc  chaleur,  Povir  cefte  occa- 
fion  l’on  relient  d’auantage  la  chaleur  en  la  ter- 
re, qu’en  la  mer,  c^^teris  fmhns,  &communé- 
menties  terres  fttuees  fur  la  marine  J fontplus  ' 
fraifehes  que  celles  qui  en  font  efloignecs  c£tc^ 
rifparéw , comme  i’ay  di(ft.  Ainfi  la  plus  grande 
partie  du  nouueau  monde  eftant  fort  proche  de 
la  mer  Oceane,  nous  pouuons  dire  auec  raifon, 
encor  qu’il  {bit  fpubs  la  Torride,  qu’il  reçoit  de 
la  mer  vn  grand  bénéfice,  pour  tempérer  fa 
chaleur, 

les  pim  hautes  terres fint  les  pim  froides^  ÇT’  ' 


quelle  en  ejl  la  raifon. 
Chapitre  xir. 


I A is  fi  nous  voulôs  encor  rechercher 
.particulièrement , nous  trouuerons 
Iqu  en  toute  cefte  terre  il  n’y  a pas  v- 
'ne  chaleur  totalement  elgalle,  quoy 


I lij 


Histoire  natvrelie 
quelle  foie  én  pareille  diftance  de  la  mer , & en 
mefme  degré, veu  qu  en  quelques  parties  d’icel- 
le il  y a beaucoup  de  chaleur,  & en  d’autres  y en 
a fort  peu.  Il  n’y  a point  de  doute  que  la  caufe 
de  cecy  ne  foit  pourautant  que  rvnc  eft  plus 
balTe , & que  Taurre  eft  plus  haute  ôc  plus  efle- 
uce  , d’où  vient  que  IVne  eft  chaude  & l’autre 
froide.  Ceftehofe  certaine  que  lerommet  des 
montagnes  eft  plus  froid  que  le  profond  des 
vallées  , ce  qui  ne  procédé  point  feulement  de 
ce  que  les  rayons  du  Soleil  ont  plus  de  reper- 
culïion  au.Y  lieux  bas  êc  profonds , encor  qu’il 
en  foit  vnc  grande  raifon , mais  il  y en  a v ne  au- 
tre, qui  eft  que  la  région  de  l’air  eft  plus  froide, 
d’autant  plus  qu’elle  eft  haute  & elloignce  de 
la  terre.  Les  plaines  de  Collao  au  Peru , ôc  de 
Popajan  en  la  neuue  Efpagnc , font  preuuc  fuf- 
ffante  de  cecy.  Car  fans  doute , toutes  ces  par- 
ties font  terres  hautes,  ôc  pour  cefte  raifon  àuflî 
font-elles  froides,combien  qu  elles  foyent  tou- 
tes enuironnecs  de  hauts  pics  de  montagnes 
fort  expofees  aux  rayons  du  foleil.  Mais  ft  nous 
demandons  pourquoy  au  Peru&  en  la  ncuftic 
EfpaignCjles  plaines  de  la  cofte  font  terres  chau 
des , ôc  les  plaines  de  la  mefme  terre  du  Peru  ôc 
de  la  neufue  Efpagne  font  au  contraire  terres 
froides:  A la  veritç  ienevoy  point  qu’il  fen 
puifte  donner  autre  raifon , linon  que  les  vues 
font  en  terre  balfe,  Sc  les  autres  en  terre  hau- 
te. L’expcriencc  nous  enfeigne  que  la  moyen-  ' 
ne  région  de  l’air  eft  plus  froide  que  l’inferieu- 
re : ôc  pource  tant  plus  les  montagnes  f appro- 
chent d’icelle  région  moyenne,  tant  plus  clics 


©ES  Indes.  Liv.  IL  é8 
font  froides,  couucrtes  de  neiges  &: de gciccs. 
La  raiion  mefrae  f y accorde , pourcc  que  fil  y a 
vnc  fphere  ou  région  du  feu, comme  Ariftote  ôc 
les  autres  Philofophcs  difent,  la  région  moyen- 
ne de  l’air  doit  cftre  plus  froide  par  antiperifta- 
2C , la  froidure  eftant  repouiree,&  fc  rdferranc 
en  icelle,  comme  en  temps  d’Efté  nous  voyons 
aux  puits  qui  ont  de  la  profondité.  Pour  celle 
occafion  , les  Philofophes  afferment  que  les 
deux  extrêmes  régions  de  l’air,  celle  d’enhaut, 
& celle  d’embas  font  les  plus  chaudes , &c  la 
moyenne  plus  froide.  Que  fil  eft  ainli , comme 
de  fait  l’expcrience  le  ni  online,  nous  en  tirerons 
encor  vn  argument  (Scraifon  remarquable,pour 
monftrer  quelaXorride  eft  temperee.  Sçauoir 
que  la  plus  grande  partie  des  Indes  eft  vue  ter- 
re haute,  remplie  de  beaucoup  de  montagnes, 
qui  par  leur  voifinage  rafraiclri lient  les  terres 
prochaines. L’on  void  continuellement  es  fom- 
metsjdes  montagnes  dont  ie  parle',  de  la  neige, 
delagrellc,  & des  eaues  toutes  glacées,  & le 
froid  qu’il  y fait  eft  lî  afpre,  quel  herbe  en  eft 
toute  greftllonnee , tellement  que  les  hommes 
& chenaux  cheminans  par  là,  y font  tous  en- 
gourdis de  froid, Cecy, comme i’ay  délia  di6b,eft  ^ 
en  la  Zone  Torride,  & aduicntleplus  fouuenc 
quand  ils  ont  le  Soleil  pour  Zenith.  Ainli  eft- 
ce  chofe  notoire  & conforme  à la  raifon , que 
les  montagnes  font  plus  froides  que  ne  font  les 
vallees&les  plaines,  d’autant  qu’elles  partici-^ 
peut  de  la  région  moyenne  de  l’air , qui  eft  tres- 
froide.  Orlacaufepourquoylarcgion  moyen- 
ne de  l’air  eft  plus  froide,  a efté  mefme  dide  çy 

1 iiij 


HiSTOIHÏ  NATVREttl 
<3euant,  qui  cftquela  région  de  Tair  prochaine 
de  l’exhalation  ignee , laquelle  ( félon  Ariftote) 
cft  fur  la  Iphcrc  de  lair , repoulîc  & reiette  ar- 
rière toute  la  froidure  , laquelle  fe  retire  & rc- 
ferre  en  la  moyenne  région  de  Tair  parantipc-^ 
riftafcjComme  parlent  les  PhiJofophes.En  apres 
h quclqu’vn  me  demande  ôc  veut  interroger  de 
Ariîf,  Ma.  cefte  façon , fil  cft  ainiî  que  lair  foit  chaud  & 
humide , comme  tient  Ariftote,  & comme  l’on 
dit.commiinément,d’où  procédé  ce  froid  qui  fé 
retire  en  la  tnoycnne  région  de  l’air , puis  qu’il 
ne  peut  venir  de  la  fphere  du  feu  î Car  fil  pro- 
cède de  l’eau  ou  de  la  terre , par  cefte  raifon  la 
baîfe  région  de  l’air  deuroit  eftre  plus  froido 
que  celle  du  milieu.  Certes  à rcfpondrc  au 
vrayeequei  en  penfe,  ie  confefteray  que  ceft 
argument  & obiedf  ion  m’eft  tant  difficile,  que 
le  fuis  prefquc  dîipofc  4c  fuyure  l’opinion  de 
ceux  qui  reprouuent  les  qualitcz,  fy  mbolcs  & 
diftymboles  que  met  Ariftote  aux  clcracncs, 
difantquccefont  imaginations,  lefqucls  pour 
cefte  occafion  tiennent  que  l’air  defon  naturel 
cft  froid , de  à.cefte  fin  ils  fe  feruent  de  plufieurs 
argumens  & raifbns , du  nombre  defquelsnoiis 
en  propoferons  vn  aifez  vulgaire  & cogneu, 
laiiîans  les  autres  à part  ,fçauoir  qu’es  iours  ca- 
niculaires nous  auons  accouftumé  nous  don- 
ner de  l’air  auecvnefuentail,  &ttouuons  qu’il 
noiisrafraifchirs  de  forte  que  ces  Autheurs  af- 
qu<=  la  chaleur  n'eft  vnc  propriété  par- 
x<j.  de  coel.  ticulierç  d’aucun  autre  élément  que  du  fcnl  feu 
hterar.  quieftefpars  ^mellé  parmy  toutes  les  chofes 
(félon  que  le  grand  Denis  nous  eufeigne  ) mais 


Tn  D I S.t V.  ïî;  ^ 

qu’il  lôit  ain  fi,  ou  qu’il  en  foi  t autrement  ( car  io 
neveuxpas  contredire  à Arifto  te,  fi  ce  n’cft  en 
chofe  fort  certaine  ) en  fin  ils  faccordent  tous 
que  la  moyenne  région  de  l air  eft  plus  frpidè 
quelaplusbafic  prochaine  à la  terre,  comme 
mefme  l’experiencc  le  monflxe,puis  qu’en  celle 
région  du  milieu,  |es  neiges,  les  grelles, frimats 
& autres  indices  d’extreme  froid  fengendrent. 
Or  donc  la  région  du  milieu  qu’ils  appellent 
Torride  , ayant  dVn  code  la  mer,  & de  l'autre 
les  hautes  montagnes,  l’on  doit  tenir  cela  pouç 
caufcsfuffilàn tes  pour  tempérer  ^ rafraifehir 
fa  chaleur. 


les  vents  jrsïâs  fintU  pr  'mcifuUe  c4ufi  rendre 

ii"  ldTorrtdetemferee„ 

^ Ch  AP,  XIII. 

A température  de  celle  région  fedoît 
principalcmct  attribuer  à la  projiric- 
^7  te  du  vert  t qui  court  en  celle  terre  là, 
lequel  ell  fort  frais  & gracieux.  La 
prouidence  du  grand  Dieu , créateur  de  toutes 
chofes  a elle  telle,  qu’il  a ordonné  qu  il  y eull 
des  vents  mcrueilleulement  frais  en  la  région 
ou  le  Soleil  fait  fort  cours  (qui  lemble  deuoir 
dire  du  tout  embrafee)  afin  que  par  leurfraif^ 
cheur,  I excefliue  chaleur  du  Soleil  full  tempe- 
ree.  Et  ne  font  pas  ceux-là  trop  efloignez  d’ap- 
parence de  raifon,qui  ont  eu  opinion  que  le  Pa- 
rais terrellre  clloit  fouz  l’Equinoxe , fils  ne  fc 
fuirent  trompez  eux-mefmes  fur  la  caufe  de 
leur  opinion , en  ce  qu’ils  difoyent  que  l’egaiité 


H T s T6  I RE  NATVRELLE 
dcsioürs  & des  nuids  eftoit  feule  fuffilànte 
çaufe  de  rendre  celle  Zone  temperee,  à laquelle 
opinion  toutesfois  plulîeurs  autres  ont  elle 
contraires , du  nombre  dcfquels  a cfté  le  Poète 
renommcjdifant: 

celle  région 

S’emhraXe  mceJfAmment  aux  chaleureux rdy ans 

Vu  Soleil  qui  d’iUeciamais  ne  fe  retire, 

Donques  la  fraîcheur  de  la  nuidl  n'eft  pas  telle, 
qu’elle  foit  feule  fufïifante  pour  modérer  & 
corriger  de  lî  afpres  & furieufes  ardeurs  du  So- 
leil, mais  pluftoll  celle  Torride  reçoit  vne  lî 
douce  température  par  le  bénéfice  de  l’air  frais 
ôc  gracieux , de  telle  forte, que  combien  qu’elle 
ait  elle  tenue  des  ancien s,plus  embrafec  qu’vnc  ‘ 
fournaife  ardente,  & ceux  qui  1 habitent  à prç- 
fent , la  tiennent  pour  vn  Printemps  délicieux: 
il  appert  par  argument  Sc  raifons  fort  euiden- 
tes,  que  la  caufe  de  cecy  gill  principalement  en 
la  qualité  du  vent.  Nous  voyons  en  vn  mefmç 
climat  quelques  régions  & villes  mcfmes  plus 
chaudes  les  vues  que  les  autres , pource ‘feule- 
ment qu’ils  fe  refléntent  moins  des  vents  qui 
rafraichilTent.  De  mefme  en  ell-il  en  d’autres 
terres,  où  le  vent  ne  court  point,  lefquelles  font 
toutes  embrafees  comme  vn  fourneau,  & y ell- 
on  fi  fatigué  de  la  chaleur,  que  d’y  ellre,  c ell 
autant  que  de  fe  voir  dans  vne  fournaife.  Il  y a 
beaucoup  de  ces  bourg  ides  &c  de  ces  terres  au 
Brcfifcn  Ethiopie  & au  Paraguay,  comme  cha- 
qu’vn  fçaic  : & ce  qui  ell  plus  confiderable,  c’ell 
que  l’on  void  ces  diflerences  , non  feulement 
parmy  les  terres,  mais  aulÏÏ  en  la  mer  j il  y a des 


DIS  In o ï s . L ivi  II.  ’ 70 

merSjOÙ  l’on  fent  beaucoup  de  chaIeur,comme 
ils  racontent  de  celle  de  Mozambique  &Or- 
mus,  & en  l’Orient,  & de  la  mèr  de  Panama,  en 
Occident  ( laquelle  pour  celle  occalîpn  engen- 
dre & produit  en  foy  des  Cayamans)  cômeaulîî 
en  la  mer  du  Brelîl.  Il  y ad’autres  mers , voire 
en  mefme  degré  de  hauteur,  fortfroides , corne 
cft  celle  du  Peru,  en  laquelle  nouseufmes  froid, 
comme  i’ay  raconté  ci  delTus,  quand  nous  la  na- 
uigeafmes  la  première  fois , qui  elloit  en  Mars, 
&auTemps  que  le  Soleil  cheminoît  pardelTus. 
Alaveritéen  ce  continent,  où  la  terre  & l’eau 
font  de  mefme  forte  , ronnepeutimaginerau- 
tre  occahon  de  il  grande  différence , linon  la 
propriété  du  vent  qui  les  rafraichir.  fi  l’on 

veut  depresaduifer  àcelleconfîderariôdu  vét, 
dont  nous  auôs  parlé,  l’on  pourra  refoudre  plu- 
fieurs  doutes  qu’aucunsinettêc  en  auant,  de  qui 
femblent  chofes  eftranges&  merueilleufes,fça- 
uoirpourquoi  le  foleildonnant  de  fes  rais  fiir  la 
région  Torride,  & particulièrement  au  Peru, 
voire  beaucoup  plus  violemment  qu’il  ne  fait 
pas  en  Efpagnc  és  iours  caniculaires  , neant- 
moinsl’onrefiftc  à fa  chaleur  auecvne  fort  lé- 
gère couuerture,  fi  bien  qu’au  couuert  d’vne 
natte  ou  d’vn  fimple  toict  de  paille , l’on  eff; 
mieux  contregardé  de  la  chaleur , que  Ion  n’eft 
pas  en  Elpagnedefibus  vji  toiétde  bois,&  mef- 
me d’vne  voûte  de  pierre.  D’auâtagepourquoy 
les  nuiéls  d’Efté  ne  font  chaudes  ny  cnnuyeu- 
fes  au  Peru, comme  en  Efpagne  ? Pourquoy  aux 
plus  hauts  fommets  des  montagnes , & mefme 
ptre  les  monceaux  de  neige,  il  y fait  quel- 


Histoire  katvrelle 
qucs-fois  de  grandes  & infupportâblcs  cha^ 
leurs.  Pourquoy  en  toute  la  prouinee  de  Co-  | 
lao , quand  l’on  fe  trouue  à l’ombrage  quelque 
petit  qu'il  puiflè  eftrcd’on  y fentdu  froid , mais 
quand  l’on  vient  à en  fortir  aux  rayons  du  So- 
leil , incontinent  l’on  vient  à y fentir  vne  cxcef-  i 
fîuc  chaleur.  Pourquoy  toute  la  cofte  du  Peru 
eftant  pleine  de  Tablons , neantmoins  Te  trouue 
fort  tcmperce,  & pourquoy  Potozi  diftant  dç 
la  cité  d’ Argét  tant  fculcmét  de  dixhuiâ:  lieiies 
& en  vn  meffiie  degré , eft  toutesfois  de  fi  diffe- 
rente tempcraturejque  le  pays  eftant  tres-froid, 
il  eft  fterile  &fec  à merudllcs:  au  contraire  la  , 
ville  d’A  rgent  eft  temperee , déclinant  à la  cha^- 
leur , & a vn  terroir  fort  gracieux  êc  fertile,  t 
C’eft  donc  pour  certain  le  vent , qui  principale-  i 
ment  caufe  toutes  ces  eftranges  diuerfitez  : car  | 
fans  le  bénéfice  du  vent  frais , l’ardeur  du  Soleil  | 
eft  telIe,qu’encor  que  ce  foit  au  milieu  des  nei-  | 
ges,  elle  brufle  & cmbrafe , mais  aufli  quand  U ‘ 
fraicheur  de  l’air  reuient,  aufli  toft  toute  la  cha- 
leur fappaife,quelque  grande  qu’elle  foit:  & où 
ce  vent  frais  eft  ordinaire,  & règne  fouuent,  il 
empefehe  que  les  vapeurs  terreftres  & groflîc- 
res  qU’exhale  la  terre,  ne  le  ioignent , & caufent  f 
vne  pefante  & ennuyeufe  chaleur , dont  le  con- 
traire aduienten  Europe  j d'autant  que  parTcx- 
halation  de  ces  vapeurs  , la  terre  demeure  com- 
me bruflee  du  Soleil  du  iour , qui  eft  caufe  que 
les  nuiéls  y font  fi  chaudes  & ennuyeufes, telle- 
ment qu’il  fcmblc  plufieurs  fois , que  l’air  forte 
comme  d’vne  fournaife.  Pour  cefte  mefrae  rai-  ; 
fon  5 au  Peru  cefte  fraifeheur  du  vent  caufe  que  ; 


Des  Indes.  Liv.  IL 
par  le  moyé  de  quelque  petit  ombragera  cou- 
cher & déclin  du  Soieild  on  y cftaircz  frUfehe^ 
-ment  : au  contraire  en  Eûrope  le  temps  le  plus 
doux  & plus  agréable  cii  Efté  eft  le  matins  & le 
foireftlcpIus  froid,&le  plus  ennuyeux.  Mais 
au  PerUjCn  toüt  LEquinoxoii  n’é  eft  pas  de  raefl 
me,  d’autant  qùcrous  les  matins, que  le  vcntde 
la  mer  y ceftè  , Ôc  que  le  Soleil  y commence  à 
ietter  fes  rayons, pour  cefte  raifon  l’on  y lent  k 
plus  grande'chalcur  aux  matins,  iufques  au  re- 
tour dudit  vent  qu’ils  àppel|cnr  autrement, Ma- 
rce,oavcntde  la  mer,  qui  fait  qu’on  commen- 
ceaÆntir  lediroid.  ?Nous  aüons  experîmenté 
tout  cecy  du  'temps;' que  nons  eftions  aùx  Elles 
qu  ikappellenf  dc'Barlouânte,  où  au  matin  nb* 
fuyons  det;hatid,&à^midf]nôus  féntions  vn  bo 
frais,jpour^ce  qüelabi:feî>ï:dihaire,  quieft  vn 
vent  frais:dt^gïâtieü^,yefoüftle  alors.  • ' 

ctUxi/jïii h^it enf fiuhs  l' Equinoxe , vment  d'ime 
:'o.  ’'-nfUfmdk*cè'(^d'dme^  ' 

tl*?:  r*  .1.  ' vt),  ' - ; ' ' . . - 

I«eu:^quiOnt-du‘^i^fiiOn/^ 

; radis  terreft re jeftoi t èn  l^gt i înn vf» 
•^^^fùlfeutconduitspaf^  difeours,  ert- 
cor  ne  fémblero|ë tils  point  eftre  du 
tour  hors  düchëmin.Non  âuëie  vueille  refou- 
dcc  qucle  Paradis  d€licieùk;<lbt  parle  rEfcrim- 
xc,  Toit  en  ce  lien  là, d’au  tant  que  ce  fèroit  tème- 
rite  de  rafermerpourchofecëffainej  mais  ie 
dis,quc  Cl  lo  pêüt  dire,qtî’il  y ait  quelque  Para- 
dis en  la  terre  ce  doit  eftre  enlien,  oùîon  iouift- 


T 


Histoire  NATVRELt* 
d vnc  température  fort  trâquille  & fort  douce. 
Carila’ya  chofe  Ci  fafeheufe  & répugnante  à 
lavie  humaine,quedeviurcfbus  vnCicla  ouvn 
air  contraire, ennuyeux  ôc  maladifjGOmc  il  n’cft 
chofe  plus  agréable,  que  de iouyr d*vn Ciel 
d’vn  air  qui  foit  faih,doux,  ûibHl,  Ôc  gracieux.il 
cft  certain , que  rio^  ne  participé^  point  d aucun 
des  elemens,  ny  nîch  aiions  Ivf^gè  û fouuét  en 
ljnjtei;ieqr  du  c6j:ps,que.nQUsauôs  del  air  C'efl: 
celuy  qui  ^niiironhe  nos  corps  dé:tQures  parts, . 
qui  nçu?  en  tre  iufques  dans  les  crttrailles.,  & à 
çhalquc  motnentynous  vavifîtant.lceoeur , aa- 
qu/£jdlÂiT'‘pi^iiï^e  les  proprieteZio''Sy’aircft  tant  , 
îoiq  . corrompUi,!  il  caufe  larnoif  : fileftpur  ' 
&^4*?b^^,il  augrpente  les  fôrcîgsriMnablcmciit  | 
nous  pouuo^s  direiq^^l’^irfedlelbjcoutc.la  vie  | 
des  hqmmesidc  Côjÿie  que  çombienquel’pn  aye  | 
des  biens  5cdes  i*i<heiÉ%^Û  efl:-çeqMecliîc  Ciel  | 
eft  fâcheux  & mal  fain,l  on  ne  peut  viure  à fai-  ^ 
fcjnj^auec  du  cont^i'emehVvyMais;ft:lWr  &Je  ' 
Cieleftralubrcÿgtâtieux^plâ:ifanr,cncor  quc;^  ! 
l’on  n’ait  d’autres  richelTcs,  ne  laiflfe  de  donner  ' 
du  contentemerît ]^|îu pWihrü  /Gdnhderant  à 
part  iTVQ)^,l’^güeâblp  tei^  plqUcurs 

terres, des _,|ndcs,iOh:l’oA  ne  £^ir  que  c!eft  d^  i 
l’h y uer,qui  par  fon  froid  gellc  & êhraint  ,ny.dé  | 
l’Efté-,  quiennuye  par  Tes  chaleursy  maïs  âuêç 
vne.nate,  l’on  fc  guarantir  de  quelque  iniuredu  ^ 
temps  que  ce  foit,  & où  il  eft  à peine  befoin  idé 
changer,  d'habit  en  tgute  l’année?  le  dis  certes  ■ 
que confiderant cela plufieurs  fois,ie  trouüe  ôc 
me  femble  encor  auiôurd’huy , que  li  les  homes  ; 
fc  vquloient  vaincre  eux  mefmcs  , & fc  defliec  | 


DSS  Î^Dss.  Liv.  IL  -7i 
des  lacs  que  la  cupidité  leur  drciTe/c  defiftans 
de  plufieurs  iuutilks  & pernicieux  defTeings; 
fans  doute  qu’ils  pourroiét  viure  aux  Indes  fore 
doucement  & heurenfement;  car  ce  que  lès  au- 
tres Poètes  cha  ntent  des  champs  EIifëes,&  de 
lafamcufeTempé,ou  ce  que  Platon  raconte  oii 

feint,defon  Iflè  A rianrique^ccrces  lès  homme? 

les  rrouueroiêtcn  ccsterrcs/id Vncœur  crenc- 
reuxils  aymoient  mieux  eftrc  feigneurs  de kur 
argent,&  de  kur  conuoitife,que  d’en  dêmcurcr 
clclaues  comme  ils  font.  Ce  que  nous  auôs  tfai^ 
tciufques  icy  fuffira. touchant  les  qualircz  de 
1 Equinoxe,  du  froid,  chaud;fecherdre,  pluyesj 
& des  caufes  defa.temperâtUfe*.Ledifcours  en 
particulier  des  diuerfitez  des  venrs^auxideseteri^ 
rcs,des  mettaux,plantes  & animaux,qui  y font 
& dont  y a aux  Indes  grande  abondance,reftera 
pour  d autres  liures,car  la  difficulté  de  ce  qui  eft 
traitte  en  ccftuy-cy,quoy  qu  au  bref,k  fera  pa- 
rauanture  trouuer  plus  long  qu'il  n’effi 


AiucrtifTcment  au  Lcdcuf. 

Le  LeEleurâoit  eflre aduerty^qaetefcnuy  les  deux 
Imtes^refedens  en  LAtm,lors  c^ue  lejlois  ah  Peru, 
Cr  purce  fArlent  sis  des  chofes  des  Indes,  comme  de 
çhofesfrefentestdef  uis  efimtvenu  enlffaigne,mefem- 
Uahondelestrddmre  en  Ungue  vulgaire, cr'  ne 

changer  kfa^on  de  prler^epiy  eftut  couchée  : mak 
duxçtn^Uxres fithi4ns,jfÀr.ce  queae  les  ay  faits  ep  Euro^^ 
fe,iay  ejîé  contraint  de  changefUfacm  de  prier, de 
trakter^en-  teettx  les  chofes desijftdes, comme  terres  O* 
çhofesab fentes,  & far  ce  fse  çefie  diuerjtté de^ farter i 
fourreitamcriufn  of enfer  le  leÜeur,d  m^afetn  ble  bon 

V iLp.Xf  P:  -- 

J : ; ^ ■ 

-nn  m.  jirî  - V-'  - ■ •'■' 


LIVRETROISIESMEDE 

L HlSTOlRÈ  NÂTVRELLE 

Amorale  des  Indes. 

l^hifltire  ndtUreÜe  des  îndes  eji 
^Utjknte  CT”  agreaUe, 

Chapiîhe  pkEMîEik. 

O V T E hiftoirc  naturelk 
de  foy  efl  aggrcablc  , 6c 
^mcfmeeftvtilc,&  degrâd. 
proffit  à ceux  qui  veulent 
eflcuer.lcur  difeours , &c 
cotitemplatiÔ  en  haut,  en 
' ce  qu’elle  les  excite  à glo- 
rifierrAutheurde  toute  k 
nature, côitie  nous  voyons  que  font  les  fages  & 
faints  perfonnages,  principalement  Dauid  en 
plufîeurs  & diuers  Pfeaümes,où  il  célébré  1 ex- 
cellence des  œunres  de  Dieu.  Et  lob  aulîi  trai- 
tant des  fecrets  du  Créateur,  où  le  mcfme  Sei- 
gneur refpond  à lob  fi  amplement.  Celuy  qui 
fc  plaira  d’entendre  les  vrayes  œuures  de  celle 
nature  fi  diuerfe  & fi  abondante,  aura  vraye- 
ment  le  plaifir  6c  contentement  de  l'hiftoircj 
& plusencorquandil  cognoiftra  ,que  ce  ne 
font  point  fimples  oeuures des  hommes,  mai>$ 
du  Créateur  mefmc,  6c  qu’il  pafieraplusoutri 

, k 


Pfaî.  lOjJ 
I3y.9!.9»‘ 

I8.8. 

Ioh.iî.^9. 

3^.40.41, 


Histoire  N ATVRÉitÉ 
Ôi  parnicndra  à comprendre  les  caufes  natnrcî- 
les  de  ces  œuures , il  fera  occupé  en  vn  vray  ex- 
ercice de  Philofophie.  Mais  qui  efleuera  plus 
haut  fa  confideration,regardât  au  grand  & pre- 
mier Architeâe  de  toutes  ces  merueillcs,  co- 
gnoiftra  lafapicncc  &grandeur  infinie  d iccluy, 
pourrôs  dire  qu’il  traidera  vne  cxcellétc  Théo- 
logie, & par  ainû  la  narration  des  chofes  natu- 
relles,peut  beaucoup  teruir  pour  plufieurs  bon- 
nes confiderations,  combien  que  lafoiblelTe  ôc 
débilité  de  plufieurs  appétits  ait  accouftume  j 
ordinairement  defarreiier  au  moins  profîrablej  - 
qui  eft  le  defir  defçauoir  chofes  nouuclles, ap- 
pelle curiofiré.Lc  difeours  ô<:hiftoire  des  chofes 
naturelles  des  îndes^outre  le  commun  conten- 
tement qu’il  donne,il  en  a encore  vn  autre , qui 
eft  de  rrairter  de  chofes  efloignccs,  la  plus  part 
defquclles  ont  efté  incogneues  aux  plus  excel- 
lensautheurs  de  telle  profeflion  quiayentefte 
entre  les  anciés.  s’iffailloit  eferire  ces  cho 

fes  naturelles  des  Indes,  aufiî  amplement  com- 
me elles  le  requièrent  bien,  eftans  chofes  fi  rc- 
marquablesjie  ne  doute  pasqu  on  n’é  peuft  fai- 
re des  œuurcs,qui  ne  feroient  pas  moindres  que 
celles  de  Pline,Theophrafte  & A riftote.  M ais  ic 
ne  me  réputé  point  afièz  fiiffifant,&  (encor  que 
ie  le  fufic  ) ce  ne  feroit  mon  intention,  ne  ten- 
dât  à autre  fin  que  de  remarquer  quelques  cho- 
fes naturelles  quei’ayveues,&cogneucs  eftant 
aux  Indes,ou  bien  que  i’ay  entédues  de  perfon- 
nes  dignes  de  foy,lefquelles  me  femblent  eftrc 
rares,&  peu  cogneues  en  l’Europe.  A raifon  de- 
quoy  ie  paficray  fuccindement  fur  beaucoup 


DES  In  DE  s.  L l V.  I I|î* 
4’icelles:tant  pourcc  qu'elles  font  ia  eferites  par 
d ’autresjou  bien  qu’elles  requièrent  d’auanrage 
d efclaircilîcment  & de  difcours,que  ce  que  ic 
1 car  poiirrois  donner. 


Des  vent  s, de  leurs  différences,  fro^rietêXjy' (*^fes  en 
général. 


Ch  AP.  II. 


Yanttraittéaux  deux  liures  pre- 
cedens  ce  qui  concerne  IcCicl,  &c 
I habitation  des  Indes  en  general, 
il  nous  conuient  parler  des  trois 
elemenSjrair, l’eau  Ôch  terre, 5cde 
leurs  compofez,qui  font  les  métaux,  plantes  ôc 
aniraaiix^car  pour  le  regard  du  feu,ie  nevoy  cho 
fe  fpeciàlc  aux  Indes  qui  ne  foit  es  autres  regiôs. 
Cl  quelqu’vn  ne  vouloit  dire  que  la  faç5  de  tirer 
du  feu  en  frottant  deux  baftons  iVn  contre  1 au- 
tre,comme  en  vfent  quelques  Indiens,  de  cuire 
quelque  chofe  en  des  courgcs,y  icttât  vnc  pier- 
re ardente,&  d’autres  chofes  ferablables  fulTcnc 
àremarquer,auflîenay-ieefcrit,ceque  Ton  en 
pouuoit  dire.  Mais  de  ceux  qui  font  aux  Vul- 
cans  ou  bouches  de  feu  des  Indes,  dignes  cer- 
tainement de  remarque,  i’en  diray  àlcur  ordre 
en  traittantde  la  diuerfité  des  terres,  cfquelles 
l'on  trouuêccs  feuxou  Vulcans.Parquoy  pour 
commencer  par  les  vents,  ic  diray  premiere- 
mentjqae  c’eft  à bonne  caiife  que  Salomon, en- 
tre les  grandes  fciences  queDieu  luy  auoit  don- 
nées , cftime  beaucoup  la  cognoilïàncc  de  ia 


i 


Histoire  NATUREL  18 
force  des  vents,  & de  leurs  pioprietez  ceTtai- 
nemcnt admirables.  Pour  ce  quelcsvns  font 
pluuicuXjSc  les  autres  fecs,  les  vns  maladifs,  & 
les  autres  fains,  les  vns  chauds  , ôc  les  autres 
froids,  les  vus  doux  & gratieux , & les  autres 
rudes  & tempeftueux,  les  vns  ftcriles  & les  au- 
tres fertiles,  aucc  vne  infinité  d'autres  différen- 
ces,!! y a des  vents  qui  courent  en  certaines  ré- 
gions ôc  font  comme  feigneurs  d’icelles,  fans 
fonffrir  l’entrée  ou  communication  de  leurs 
contraires.  En  d’autres  parties  ils  foufflent  de 
telle  façon  que  tantoft  ils  font  vainqueurs  & 
tantoft  ïont  vaincus,  ôc  bien  fouucntil  y ades 
vents  diuers  & contraires,lcfquels  courent  en»  ' 
fcmble^out  en  vn  mefme  téps,  diuifans  le  che- 
min entr  eux,  Ôc  quclquesfois  les  vns  foufflent 
en  haut  d vne  façon,  ôc  les  autres  par  le  bas 
d’vne  autrcj  quelquesfois  fe  rencontrent  violé- 
mentles  vns  les  autrcs,qui  fait  courir  de  gran- 
des fortunes  à ceux  qui  font  lors  fur  mer.  Il  y a 
des  vents  qui  aydent  à la  génération  des  ani- 
maux, & d’autres  qui  l’cmpefchent,  & y font 
contraires.  Il  y a vn  certain  vent  de  telle  pro- 
priété que  quand  il  fouffle  en  quelque  contrée, 
il  y fait  pleuuoir  des  pulces  , non  point  par 
maniéré  de  >dirc , mais  en  fi  grande  abondance 
qu’ils  en  troublent  acobfcurcifient  l’air,  Ôc  en 
couurcnt  tout  ie  riuagcdcla  mer,  & en  d’au- 
tres endroits  il  fait  pleuuoir  des  petits  crapaux. 

Ces  diuerfitez  ôc  d’autres  qui  fontafflezeo-  ^ 
gneues,fattribuent  communément  au  lieu  par 
oùpafTentces  vents,  pour  ce  qu’ils  difent,  que 
de  ces  lieux  ils  prennenje  leurs  qualicez  d’eftre 


Des  In  DIS.  Liv.  III.  7f 
froids , chauds , fccs  ou  humides , maladifs  ou 
fains , Sc  ainh  de  tout  le  reftc , ce  qui  cft  en  par- 
tie véritable,  & ne  le  peut  on  nier,  d’autant 
quen  peu  de  diilance  l’on  void  en  vn  mefmc 
vent  beaucoup  de  diucrfitez.  Pour  exemple,  en 
Efpagne,  le  Solanus  ou  vent  dcLcuanticft  com- 
munément chaud  &cnnuyeuxjeii  Murcia,c’eft 
le  plus  frais  & plus  fain  qui  y foit , pource  qu’il 
paiîè  par  ces  vergers,  5c  cefte  li  large  campa- 
gne qu’on  void  âfTcz  fraifche.  En  Carthagenc, 
quin’eft  gueres  efloignec  de  là,  le  mefmevent 
cil:  ennuyeux  ôc  mal  fain.  Le  Méridional , que 
ceuxdelamcrOceane  appellent  Sud.,  ôc  ceux 
-delà  mer  Méditerranée  Meziozorne , commu- 
nément eftpluuieux&  moleftc,  & en  la  mef- 
mc ville  que  ie  dis,  cft  fain  & gracieux.  Pline  4. 

raconte  qu’en  AfFrique  il  pleut  du  vent  de  Nort, 
&quelcvcntdcMidy  yeftferain.  Qui  voudra  ’ 
doncconftderer  de  près  ce  que  i’ay  diddeccs 
vents , il  pourra  bien  comprendre  qu’en  peu  de 
diftance  & efpace  de  terre  ou  de  mcr,vn  mefmc 
vent  a plufteurs  &c  diuerfes  proprictez  , voire 
quclqucsfois  toutes  contraires.  D’où  I on  peut 
inférer  qu’il  tire  ôc  acquiert  fa  propriété  & qua- 
lité du  lieu  par  où  il  pafte.  Ce  quieft  vray  de  ^ 

telle  façon , que  l’on  ne  peut  pas  toutesfois  di- 
re infailliblcracnr,  que  ce  foit  la  feule  & princi- 
pallc  caufe  des  diuerfîtez  5c  proprictez  des 
vents.  Carc’eft  chofe  que  l'on  apperçoit  & re- 
cognoit  fort  bien,  qu  en  vne  région  qui  con- 
tienne cinquante  lieues  de  circuit,  ie  le  mets 
ainft  pour  exemple , le  vent  quifouftlcd’vn  co- 
fté  çft  chaud  ôc  humide,  ôc  celuy  qui  fou|fle 
' K iij 


Histoire  natvrelle 
d’vn  autre , eft  froid  êc  fcc.  Toutesfois  cefte  di- 
ucrnténcfctrouucpcintcslieuxpar  où  il  paf- 
fc^qui  me  fait  dire  pluftoft,  que  les  vents  d’eux- 
mcfmes  apportent  quant  6c  eux  ces  qualitez, 
d’où  vient  que  Ton  leur  approprie  les  noms  de 
CCS  qualitez.  Pour  exemple  l’on  attribue  au  vent 
de  Septentrion,  autrement  appelle  Cicrço,ou 
Nort,  la  propriété  d’eftre  froid  & fcc,&  de  con- 
fommer  les  bruines.  A fon  contraire,  qui  eft 
le  vent  de  Midy , Leucche  ou  Sud,  eft  auffi  attri- 
bué tout  le  contraire , qui  eft  d eftre  humide  & 
chaud,&  d’engendrer  des  brouillats.Cccy  donc 
cftant  general  & commun,  l’on  doit  rechercher 
vue  autre  caufe  vniuerfelle , pour  donner  rai- 
fon  de  CCS  cftcéts,  &ne  fufïîtpas  de  dire  que 
les  lieux  par  où  ils  paftent  leur  donnent  ces 
proprietez  qu’ils  ont , puis  que  paflans  par  de 
mefmes  lieux,  on  void  qu’ils  ont  appertement 
effeds  tous  contraircs.Tellcment  que  nous  de- 
uons  confefler  par  force , que  la  région  du  Ciel  j 
où  ils  foufflent , leur  donne  ces  proprietez  6c  ' 
qualitez.  Comme  le  Septentrional  de  foy  eft  i 
froid , pourcc  qu’il  procédé  du  Nort , qui  eft  la 
région  plus  efloignee  du  Soleil.  Le  Sud  qui 
fouffle  du  Midy  eft  chaud , 6c  pourcc  que  la 
chaleur  de  foy  attire  les  vapeurs , il  eft  auflî  hu-  i 
mide,  &pluuieux:  au  contraire  le  Nort  eft  fcc  i 
6c  fubtil , d’autant  qu’il  ne  lailfe  efpaiflir  les  va-  : 
peurs , & de  cefte  façon  l’on  peut  difeourir  des 
autres  vents , leur  attribuans  les  proprietez  des  | 
régions  de  l’air  d’où  ils  foufflent.  Mais  confidc-  i 
rant  cela  de  plus  près,  cefte  raifon  encor  ne  j 
mepeutfatisfaire.  Parquoy  ie  veux  demande^ 


Des  Tniies.  Lîv.  III.  7<ç 
eue  fait  la  région  de  l air  par  où  paiTcnt  ces  vêts, 
h elle  ne  leur  attribue  point  fa  qualité.  leledy, 
pourautant  qu’en  Allemagne  le  Méridional  eft 
chaud  & pluuieux,  & en  Afriqucle  Nort  eft 
froid  & fcc.  Ncantmoins  il  eft  tres-certain  que 
de  quelconque  région  d’Allemagne  où  f engen- 
dre le  Sud, doit  eftie  plus  froide  qu  aucune  d’ A r- 
frique  où  f engendre  le  Nort.  fil  eft  ainft 

donques , pour  quelle  raifon  eft-cc  que  le  Nort 
eft  plus  froid  en  A friquc,que  n’eft  le  Sud  en  Al- 
lemagne, yeu  qu’il  procédé  dVne  région  plus 
chaude?  Lonme  pourra  refpondre  quec’eft  à 
caufequ’ilfouFflc  du  Nort  qui  eft  froid,  mais 
cela  n’eft  pas  chofefuffifanteny  véritable  j Car 
fil  eftoit  ainfi,  lors  que  le  Septentrional  fouffle 
en  Afrique,  il  deuroitaufti  courir  & continuer 
Ton  mouuemcnt  en  toute  la  région  iufques  au 
Nortree  qui  n’eft  pas  toutesfois,  car  en  vn  mef- 
me  temps  il  court  des  vents  de  Nort  fort  froids 
CS  terres  qui  font  en  moins  de  degrez  , &des 
vents  d’embas,  qui  font  fort  chauds  és  terres 
fituces  en  plus  de  degrez,  ce  qui  eft  tout  cer- 
tain, couftumier  & notoire.  D’où  l’on  peur,  à 
mon  iugement , infererque  ce  n’eft  pas  raifon 
pertinente  de  dire , que  les  lieux  par  où  paftent 
les  vents  leur  donnent  ces  qualitez,  nymcfmc 
qu’ils  font  diucrfîfiez,pourcc  qu’ils  fouffîcnr/de 
diuerfes  régions  de  l’air , encor  que  l’vn  & l’au- 
tre enfoit  quelque  raifon, comme  i’aydiéfc.Mais 
ilcftbcfoin  de  fenquerir  plus  auant  pourfça- 
iioir  quelle  eft  la  vraye  & originelle  caufe  de 
CCS  différences  fi  eftranges,  qu’on  void  entre  les 
yci^cs.  Îcn’cnpeux*îimagincr  d'autre,  finon  que 

K iiij 


Histoire  katvrelle 
la  mcfmç  caufc  efficiente  qui  produit&  fait  nai- 
ftre  les  vents , leur  donne  & imprime  quant  & 
quant  cefte  première  & originelle  propriété. 
Car  à la  vérité  5 la  matière  de  laquelle  les  vents 
font  formez  (:qui  n*eft  autre  chofe  félon  Arifto- 
tc,que  rcxhalation  des  elernens  intérieurs)  peut 
bicncaufercn  effed  vnc  grande  partie  de  cefte 
diuerfité,  poureftre  plus  grolTe,  plus  fubtile, 
plus  feche  ou  plus  humide.  Mais  ce  n’cft  pas 
pourtant  vneraifon  pertinente,  veu  que  nous 
voyons  en  vne  mefmc  région  ou,  les  vapeurs  Ôc 
çxhalations  font  d’vnc  mefmc  forte  5c  qualité 
qu’il  fy  efleuc  des  vents  & effeds  tous  contrai- 
res. Parquoy  Ton  en  doitreferer  jacaufeàref* 
fîcient  fuperieur  ôc  celefte , qui  doiteftre  le  So- 
leil, & au  mouueracnt  & inffiiencc  des  Çieux, 
lefquelsparleurs  mouuemcns  contraires  don- 
nent & caufent  de  diuerfes  influences.  Mais  les 
principes  de  ces  mouucmens  & influences  font 
fl  obfcurs  êc  cachez  aux  hommes,  ôc  d’ailleurs 
fl  puiffians  & de  fl  grande  efficace , que  le  Saind 
Prophète  Dauid  en  cfprit  prophétique , & le 
Prophète  Hiereraie  celebrans  les  grandeurs  du 
^ier^ïo'^’  Seigneur,  en  parlent  ainfi,  Qm  profert  ventos  de 
fupsyCpài  tire  les  vents  de  fes  threfors.  A 
la  vérité  ces  principes  Ôc  commcncemens  font 
des  threfors  bien  riches  ôc  bien  cachez:  car 
l’Autheur  de  toutes  chofeslcs  ticnrcnfaniain 
ôc  en  fapuilîànce , quand  il  luy  plaift  les  tire  ôc 
les  met  dehors  pour  le  bien  ou  pour  le  chafti- 
ment  des  hommes,  Ôc  enuoye  tel  vent  qu’il 
veut , non  pas  en  la  façon  de  ceft  Eolus , lequel 
les  Poètes  ont  follement  feint  auoir  la  chargé 


BES  ÎNDES.  LlV.  III,  77 

de  tenir  les  vents  aiTcftcz  & enfermez  dansvn 
antre , tout  ainfi  que  des  belles  làuuages.  Nous 
ne  voions  point  le  commencement  de  ces  vêts, 
& ne  fçauons  non  plus  combien  ils  doiiient  du- 
rer,d'où  ils  procèdent, ny  iufques  où  ils  doiuent 
aller.  Mais  nous  voyons  ôc  cognoilTbns  fort 
’ bien  les  diuers  effeds  & operations  qu  ils  fon  r, 
ainfrqucla  fupreme  vérité,  autheurdc  toutes 
chofcsnousraapprins,difant  .:i’/?/r/r«y  vbi  vulc 
voçem  eiVA  attdis , nefeis  vnde  venit  mt 

^uovadit.  L’cfprit  ou  vent  fouffle  où  bon  luy 
Icmble,  & bien  que  tu  fente  Ibn  foufflement,  tu 
ne  fçais  pas  tontesfois  d’où  il  procédé , ny  iuf- 
ques où  il  doit  arriüer  : afin  de  nous  enfeigner, 
que  comprenans  fi  peu  és  chofes  qui  nous  font 
prercntcs&  communes,  nous  ne  deuons  pas 
prefuraer  d’entendre  ce  quieft  fi  haut  & fi  ca- 
ché , que  les  caufes  & motifs  du faind  Efprit. 
Ceft  pourquoyilfuffîtque  nous  cognoiffions 
Tes  operations  Sc  cfFeéts,iefquels  nous  font  fuf- 
filâmmentdefcouuerts  en  fa  grandeur  & perfe- 
blion  , ôc  d aupir  en  general  philofophé  ce  peu 
des  vents  ôc  des  caufes  de  leurs  différences,  pro- 
prictez  & operations  que  nous  auons  réduites 
en  trois,qui  font  le  lieu  par  où  ils  pafient,  les  ré- 
gions où  ils  foufflenr,  dç  la  vertu  celcfie,prinçi- 
pe&  motif  des  vents,  . 


HiSTOXRI  NATV’RiLtl 


DUucmes  fro^rietc^de  vents  qui  courent  M 
muueau  monde. 
Chapitre  III. 


Arfflot.  1.  ’E ST  vnc  queftion  fort  difputecpar 


foufflc  depuis  le  Pôle  Antardiquc, 
ou  bien  tant  feulement  depuis  1 Equinoxe  & 
Midy,  qui  eft  proprement  demander  fi  par  de- 
là l’Fquinoxeila&  retient auffi la mefrae  qua- 
lité de  chaud  & pluuicux  que  nous  voyons  icy. 
C’eft  vnpoinél  fur  lequel  on  peur,  non  fansrai- 
fon,entrer  en  doute. Car  bien  qu’il  pafle  1 Equi- 
noxe,il  nclaifle  pas  toutesfois  d’eftrevcntd’Au- 
Her  ou  Sud,  puis  qu’il  vient  du  mcfme  coftedu 
monde,  comme  lèvent  de  Nort  qui  court  du 
cofté  contraire , ne  laiflè  pas  auflî  d’eftre  Nort, 
encor  qu'il  pafle  outre  la  T orride  & ligne  Equi- 
noxiale. Et  femblc  bien  par  cela  que  ces  deux 
vents  doiuent  retenir  leurs  premières  propric- 
tezdVn  d'eftre  chaud  & humide, & l’autre  froid 
&fcc,P  Aufter  de  caufer  les  bruines&dcs  pluyes 
& leBoreeou  Nort  de  les  confommer,  & de 
rendre  le  Ciel  ferain  & tranquille.  Toutesfois 
Ariftote  f encline  à la  contraire  opinion , p.our- 
autant  qu’en  Europe  le  Nort  eft  froid , pourcc 
qu’il  vient  du  Pôle, région  extrêmement  froide, 
& le  Sud  au  contraire  eft  chaud,  pource  qu’il 
vient  du  Midi, qui  eft  aufli  la  région  que  le  foleil 
efehauffe  d’auàtage.  Par  cefte  raifon  donc  il  fau- 
droic  croire  que  rAufterferpit  froid  à ceuxqpi 


Met.  ca^.y 


Ariftote , fçauoir  fi  le  vent  Aufter, 
que  nous  appelions  Abreguo  ou  Sud 


Bi$  lîïDïs.  Liv.  ML 
habiter  l’autre  partie  delà  ligne , & que  le  Nort 
leur  feroit  chaud:car  en  ces  parties  l’Auftcr  vict 
du  Pôle,  & le  Nort  vient  du  Midy.  Et  combien 
qu’il  femble  par  cefte  raifoii,  que  l’Aufteroii 
Sud  doiue  eftre  plus  froid  par  delà  que  n’cft 
pas  le  Nort  par  deçà , attendu  que  Ion  rient  la 
région  du  pôle  du  Sud  plus  froide  que  celle  du 
pôle  du  Nort,à  caiife  que  le  foleil  demeure  fept 
iours  d’auantage  par  an  au'Tropique  de  Can- 
cer , qu’il  ne  fait  pas  au  Tropique  de  Capricor- 
ne, comme  il  appert  parles  Equinoxes  Sc  fol- 
fticcsqu’ilfaitésdcuxccrclcs.En  quoy  il  fem- 
ble que  la  nature  ait  voulu  monftrer  la  préémi- 
nence & excellence  que  eefté  moitié  du  mon- 
de qui  efl:  au  Nort  a fur  l’autre  moitié  qui  eft  au 
Sudid’oùil  femble  qu’il  y ait.raifon  de  croire, 
quccesqualirezdes  vents  fe  changent  en  pal- 
fant  laligne  : mais  à la  vérité  il  n’en  eft  pas  ainh, 
à ce  que  i’ay  peu  comprendre  par  l’expericncc 
de  quelques  années  que  i’ay  efté  en  ces  parties 
des  Indes,  quigifent  au  Sud  de  l’autre  cofté  de 
la  ligne.  Il  eft  bien  vray  que  le  vent  du  Nort 
n’eft  pas  fi  communément  froid  & fercin  par 
deIa,CQmmeilcfticy.  En  quelques  endroits  du 
Pcru,comme  en  Lyma  ôc  aux  plaines , ils  expé- 
rimentent que  le  Nort  leur  eft  maladif  & en- 
nuyeux, & par  toute  cefte  cofte,  qüidurcplus 
de  cinq  cens  lieues,  ils  tiennentlc  Sud  pour  vn 
ventfain  ôc  frais,  &qui  plus  eft  tres-ferain  Ôc 
gracicuxjmcfmes  que  iamais  il  n’en  pleut , tour 
au  contrairede  ce  que  nous  voyons  en  Euro- 
pc,&  en  cefte  partie  de  la  ligne.  T outesfois  ce 
qui  eft  en  la  cofte  du  PerUj,  n^eft  pas  vnc  re- 


Histoire  NATVREttE 
glc  generale,  mais  pluftoft  vnc  exception,  8c 
vnemerueillcdc  nature,  dcnepleuuoiriamais 
cnccftccoftclà,&:  qu’il  y régné  toufiours  vn 
mefmc  vent,  fans  donner  lieu  à fon  contraire, 
dequoy  nous  dirons  apres  ce  qu’il  nous  en  fem- 
blera.  Maintenant  demeurons  à ce  point,quc le 
Nort  n’a  point  de  l’autre  cofté  de  la  ligne  les 
proprictez  que  l’Aufterapar  deçà,  encor  que 
tous  deux  foufflcnt  du  Midy  , à des  régions  Sc 
parties  du  monde  oppofites  & contraires.  Car 
ce  n’eft  pas  reigle  generale  par  delà , que  le 
Nortfoit  chaud  ny  pluuieux,  comme  l Aufter 
l’eft  par  deçà:  au  contraire  il  pleut  là  aufli  bien 
lors  que  noftrc  Aufter  y régné, comme  l’onvoid 
en  route  la  Sierre  ou  montagne  du  Peru  , en 
Chillé , & en  la  terre  de  Congo , qui  eft  de  l’au- 
tre cofte  de  la  ligne,  & bien  aduancec  en  la  mer. 
Et  en  Potozi  mefrae , le  vent  qu’ils  appellent 
Tomahani,(qui  eft  noftrc  Nort,h  i’ay  bône  me- 
moirc)eft  extrêmement  froid,  fec , ôc  mal  plai- 
faut,  comme  il  nous  eft  par  deçà.  Il  eft  vray  que 
cen’eft  pas  chofe  couftumiere  par  delà,  que  ce 
Nort  dillîpe  les  nuages  comme  icy  : au  contrai- 
re,(fi  ic  ne  me  trompe)  il  caiife  fouucntesfois  de 
la  pluye.  Et  n’y  a point  de  doute , que  les  vents 
ne  tirent  & n’empruntent  cefte  grande  diuerfî- 
té  d’efteds  contraires , des  lieux  par  où  ils  pai- 
fent,  ôc  des  prochaines  régions  d’où  ils  nailîenr, 
comme  chafque  iour  l’on  expérimente  en  mj! 
endroits.  Mais  parlant  en  general  delà  qualité 
des  vents,  l’on  doit  pluftoft  regarderaux  coftes 
ôc  parties  du  monde , d’où  ils  naifteiit  ôc  procè- 
dent , que  non  point , pour  cftrc  du  cofté  de  de- 


Des  Indis.  Liy.  IIÎ. 
càlaligncou  autrement,  commcilmcrcmble 
que  le  Philofophe  en  a eu  opinion.  Ces  vêts  ca- 
pitaux, qui  font  le  Leuant&  le  Ponant,  nont 
pointdcqualitezfivniuerfelles,  ne  commu- 
nes en  ce  continent  , nycnfautre  comme  les 
deux  fufdits.  Le  Solanus,  ou  Leuateft  icy  ordi^ 
nairemen  t ennuyeux  Se  mal  fain,&  le  Ponat  ou 
Zephyre,cft  plus  doux  &plus  fain.  A ux  IndesAr 
en  toute  la  T orridc,  le  vent  d’Oricn  r qu’ils  ap- 
pellentbnre,eft  au  cotraircd’icy  fort  fain  & dé- 
licieux : Du  Ponant  ie  n’en  pourray  dire  chofe 
certaine  ny  generalle,  d’autant  qu’il  ne  foufïlc 
point  du  tout,  ou  bien  fort  rarement  en  la  Tor- 
ride,car  en  tout  ce  que  fô  nauige  entre  ces  deux 
tropiquesjevent  de  la  brife  y cft  ordinaire,mais 
pour  ce  quec’eftvnedesmerucilleufes  œuures 
de  nature,  il  fera  bon  d’en  entendre  la  caufe  5c 
l’origine. 

les  hnfes  cernent  tmjtmrs  en  U Torride, 

Cr  Ijors  d'icelle  les  vents  d'iihas  or  les 

hrïps  y font  tonjîours  ordinaires» 

Ch  AP.  IIIL 

E la  mer  n’eft  pas  comme 

la  terre,  pour  retourner  par 
OU  l’on  a pairé,il  y a vnmefmeche- 
niin,ditlcPhilo{bphc,  d’Athenes  à 
Thebes  quedeThebesà  Athcncs,maisiln  eit 
pasainficnlamer,  pour  ce  que  l’on  va  par  vn 
ehemin  Sc retourne-on  par  vn  autre.  Les  pre- 
Bîiers  qui  defcouurircn  t le«  Indes  Occidenta- 


Histôire  KATYRILLÏ 
Imn  JeGa-  |gs  yoire  Orientales,  trauaillcrcnt  beaucoup  Sc 
grandes  difficultezàtrouucr  larou- 
.4.  fç^  jufqu«s  à J.Ç  qycrcxpérienccmaiftreflc  de 
cesfecrets,  leiireuftenfeigné,  quedenauiger 
par  l’Oeean,n’eftpas  chofe  femblablc,  que  de 
pa{Ter,en  Italie, par  la  mer  Mediterranée,  ou  T5 
varecognoilFant  au  retour  les  mefines  ports  ôc 
caps,  qu’on  a veus  à rallcr,&nefaîc-ontoaC- 
iours  qu'attendre  la  faueur  duventjqui  s’y  chan- 
ge en  vn  inftanr,&  encor  quad  il  leur  defFaut,  ils 
ont  recours,  & fe  feruent  fort  bien  de  la  rame, 
Ôc  ainlî  vont  & viennent  les  galeres  toufiours, 
en coftoyant la  terre. En  certains  endroits  delà 
mer  Oceancl’on  ne  doitefpcrer  autre  vent, que 
celuy  qui  court,  par  ce  que  ordinairement  il  y 
dure  long  temps:  en  fin  celuy  quieftbon  pour 
aller  ne  l'eft  pas  pour  retourner  : car  en  la  mec 
outre  le  Tropique, &dcdâs  la  Torride,les  vents 
de  Leuant  y régnent  toufiours,foufïlant  conti- 
nuellemcnt.fans  permettre  leurs  contraires,  en 
laquelle  région  y a deux  chofes  merueilleufes, 
l’vne  qu’en  icelle,  ( qui  eft  la  plus  grande  des 
cinq,enquoy  ils  diuifent  le  monde)  régnent  les 
vents  d’ Orient  qu’ils  appellent  Brife^,  fans  que 
ceux  du  Ponant  Sc  Midy,qu’ils  appellent  vents 
d’à bas,ayent  lieu  de  courir  en  aucune  faifon  de 
rannee;  L’autre  meruille  eft  que  ces  brifes  ne 
celLent  iamais  de  fonfïler,&:  le  plus  communé- 
ment CS  lieux  qui  font  plus  proches  de  la  ligne, 
cfquels  il  femble  que  les  calmes  dcuirent  cftfc 
plus  ordinaires,  d’autant  que  c’eft  la  partie  du 
monde  plus  fubiette  à l’ardeur  du  Soleil.  Mais 
c’eft  au  contraire, car  à peine  1 on  y voit  des  cal- 


©ES  In»is.  Lïv.  ni  S6 

mes,  & fi  labrifc  y cft  beaucoup  plut  froide 
y dure  plus  long  temps  : ce  qui  a efté  recogncu 
en  toutes  les  nauigations  des  Indes.  Ceft  donc 
làToccafion  pourquoy  la  nauigation  que  l’on 
fait  allant  d’Efpaigne  aux  Indes  Occidentales, 
cft  plus  briefuc&  plus  facillc,  Voire  plus  afleu- 
rce,  que  celle  que  l’on  fait  au  retour  d’icelles 
en  Efpaigne.  Les  flottes  fortans  de  Scüille  ont 
le  plus  de  peine  ôc  de  diflîculté,àpafler  & arri- 
ueriufques  aux  Canaries,d  autant  que  ce  Gol- 
phedes  Vegues,  ou  des  iumenrs.,  cfl:  variable, 
cftantbatu  de  plufleurs  & diuers vents  , mais 
ayant  pafle  les  Canaries,  elles  vont  baiflàns  iuf- 
ques  à entreren la  Torride,  où  ilstrouuentin- 
continentla  brilè,  Ôc  y nauigent  vent  en  poupe, 
de  telle  forte,qu’à  peine  efl:  befoing,  en  tout  le 
voyage  de  toucher  aux  voiles,  Pourcefte  raifon 
ils  appcllercnt  ce  grand  Golphe,  le  Golphedcs 
Dames,pour  fa  douceur  ôc  ferenité.  En  apres 
fuyuant  leur  route  elles  arriuent  iufques  aux  If. 
lesde  laDominiqnc,Guadelupc,  Defiree,  Ma- 
rigualante  ôc  les  autres,  qui  font  en  ceft  endroit 
comme  les  fauxbourgs  desindesi  Là  les  flottes 
fe  fcparent,5c  fediuflent, dont  les  vns  (qui  vont 
cnlaneufue  Efpaigne,)tirêcàmaindroite  pour 
rccognoiftrc  1 E(pagnolle,&  ayans  recogncu  le 
Cap  faind  Antoine,  donnent  iufques  à faind 
leanDelua,  leur  feruant  toufiours  la^  mefme 
brife.  Celles  de  terre  ferme  prennent  la  main 
gauche,  ôc  vont  recognoiftrcla  hautemontai- 
gne  de  Tayronc,  puis  ayant  touché  en  Car- 
thagene,paflènt  outre  à Nombre  dedyos,  d’où 
par  terre  l’on  va  à Panama>&  de  là  par  la  mer  du 


Histoire.  NATvRtttB 
Sud  au  Pcru.  Mais  lors  que  les  flottes  retour- 
nent en  Efpaigne, elles  font  leur  voyage  en  cefte 
facon.La  flotte  duPeru  varecognoiftrelc  Cap 

fainaAnthoinc,puisentrcenlaHauane,quicfl: 

vn  fort  beauportjdcFifle  de  Cubcj&  selle  de  la 
neufuc  Efpagne  vient  mefme  toucher  en  la  Ha- 
uanc-eftant  fortiedelavraye  Croix,  ou  de  Ofle 
defaindlcan  Deluattoutefois  cen  eft  fans  tra- 
iiail,  pour  ce  que  là  ordinairement  ventent  les 
brifes,  qui  eft  vn  vent  contraire  pour  aller  a ce 
port  de  la  Hanane.Ces  flottes  eftas  lointes  pouf 
retourner  en  Efpaigne,vont  chercher  leur  hau- 
' tcur  hors  desTropiques,oùincontinet  ils  trou- 
ucntdes  vents  d’àbas,qui  leur  feruent  luiques  a 
laveüedesiflcs  des  Açores  ou  Tyerccres,&dc 
lààScuille.De  fortequils  fontlcvoyagede  l’al- 
lcr  en  peu  de  hauteur, ne  fefloignans  point  de  la 
ligne  de  plus  de  vingt  degrés,  qui  eft  la  dam  les 
Tropiques.  Mais  le  retour  fe  fait  par  le  dehors 
d’iceux  Tropiques, en  vingt  huid  ou  trente  de- 
vrez de  hauteur  pour  le  moins,  ce  qu’ils  lont 
pour  la  raifon  fufditte,d’autant  que  das  les  Tro- 
piques continuellement  régnent  desvents  d O- 
ncnt,lefquels  font  propres  pour  aller  d Elpai- 
sne  aux  Indes  Occidentales,  pour  ce  que  la  rou- 
te  eft  d’Oriét  au  Ponant, & hors  les  Tropiques, 
qui  eft  en  vingt  trois  degrés  de  hauteur  Ion 
nouuedesvems  d’àbas,lefque!s  font  plusce  - 
tains  & ordinaires  , plus  fon  feflongne  de  U 

ligne,  qui  font  propres  pour  retourner  des  In- 
des, d-autant  que  cefont  ^ 

r Client,  qui  feruent  pour  courir  arOiient&^au 


DES  Ind  ES.  Liu.IIL  gj 

Nort.  Le  mefmc  difeours  eft  aux  nauigations 
que  l’on  fait  en  la  mer  du  Sud  allant  de  la  neuf- 
ue  Efpagne  Ôc  du  Peru,aux  Philippines , ou  à la 
Chine,&  retournant  des  Philippines  ou  Chine, 
à la  neufue  Efpaignc  , car  cela  leur  eft  facile" 
pour  ce  qu’ils  nauigent  toufiours  d’Orient  au 
Ponent,proche  de  la  ligne , où  ils  trouuent  con- 
tinuellement le  vent  de  brife  , qui  leur  donne 
en  poupe.  En  Tan  quatre  vingts  quatre  fortit  de 
Caliao  cnLyma,vn  nauire  pour  aller  aux  Philip- 
pines , lequel  courut  ôc  nauigea  deux  mil  iept 
cents  helies  fans  voir  terre , Ôc  la  première  qu’il 
defcouuritfuftl’IiledeLuiron  , oùilalloit&y 
pnntport,  ayant  fait  fon  voyage  en  deux  mois, 
lansauoir  eu  aucune  faute  de  vent,  nyfoufferc 
aucune  tourmente,  ôc  fiitfa  route prefque  touf- 
iours fous  la  ligne:  pourcequedcLymaquieft 
à douze  degrés  au  Sud  il  vint  arriuer  à Menilla 
qui  eft  quaft  autres  tant  au  Nort.  Le  mefrne 
heur  accompagna  Aluaro  de  Màndana , quand 
il  fut  à la  defcouuertedes  liles  appcllées  de  Sa- 
lomon , pour  ce  qu’il  eut  toufiours  le  vent  en 
pouppe,iufques  à la  veuë  de  ces  Ifles  jiefquelles 
domenteftrediftantes  du  lieu  du  Peru  doù  ils 
fortirent  comme  mil  lieües,  ayant  faitfa  route, 
toufiours  en  vncmcfme  hauteur  au  Sud.  Le  re- 
tour eft  comme  le  voyage  des  Indes  en  Efpai, 
gnCjCar  ceux  qui  retournent  des  Philippines  ou 
Chine  a Mcxicque,afin  de  trouuer  les  vents  d’a- 
bas  montent  à beaucoup  de  hauteur,  iurquesà 
' mettre  au  droit  des  Ifics  de  lappon,  Avenant 
a recognoiftre  les  Calliphornes  retournent  par 
,1a  cofte  de  la  neufue  Eipaigne  ,auportd’Aca- 

L 


Histoire  NATVRELLE 
pulcojd’où  ils  eftoicnt  partis.  De  forte  qu’il  eft 
mefmc  prouué  par  cefte  nauigation,  que  d’O- 
ric?nt  au  Ponentj  l’on  nauige  fort  bien , dans  les 
Tropiques , d’autant  qu’il  y régnent  des  vents 
Orientaux  : mais  retournants  du  Ponent  en  O- 
ricnr , l’on  doit  chercher  les  vents  d’à  bas  ou  du 
Ponentjhors  des  Tropiques  en  hauteur  , de 
vingt  fept dcgrcs.Les  Portugais  expérimentent 
le  mefme  en  la  nauigation  qu’ils  font  à l’Inde 
d’Oricntjbicn  que  au  rebours  , pour  ce  que  al- 
lant de  Portugal,  le  voyage  eft  ennuyeux  & de 
^ traiiail,mais  le  retour  eft  plus  aife , d'autant  qu’à 
l’ailer  leur  route  eft  du  Ponentà  l’Orient  , tel- 
lement qu’il  leur  çonuient  monteriufques  àcc  ^ 
qu’ils  ay é t trouué  les  vents  generaux  , qu’ils  di- 
fcnt,qui  font  au  deftus  de  vingt  fept  degréz.  Et 
au  retour  ils  recognoiffent  les  T yerciere  s,  mais  , 
c’eft  plus  aifement  pour  ce  qu’ils  viennent  d'O-  . 
ricntjcnquoy  les  brifes , ou  Norts , leur  feruent, 
FinaÙement  les  mariniers  tiennent  ià  pour  ré- 
glé & obferuation  certaine , que  dans  les  Tro-  i 
piques  régnent  continuellement  les  vents  de 
Leuant,parquoy  ily  eft  tres-facilc  de  nauiger 
au  Ponent.  Mais  hors  iceux  Tropiques  , il  y a~ 
en  quelques  faifons  des  brifes , en  d’autres  ôc 
plus  ordinairement  des  vents  d àbas:  àraifon 
dequoy  ceux  qui  nauigent,du  Ponent  cnOrient 
procurent  touftours  fortir  de  la  Torride  , 5c  fc 
mettre  en  hauteur  de  vingt  fept  degrés , Ôc  pour 
ccfteraifonles  hôtnesfcfont  jàhazardez  d’en- 
treprendre des  nauigations  cftràgcs,  &à  des  par- 
ties efloignees  & incogncucs. 


DES  In  DI  S.  Liv.  III, 


82 


Ve  U différence  des  hrifes  CT  vents  d'àhas , tnfemhlc 
des  autres  vents, 

C H A P.  V. 

jIen  queeequiaeftccîitcydicfrusfbit 

^vne  chofe  fî  approuuec,&  fi  vniuerfcl- 
^Ie,neantmoins  il  me  reftc  tou.fioursvn 
Mcfir  jd’cnqucrir  lacaufc  dcce  fècrcr, 
pourquoy  en  la  T orride , Ton  nauige  toufiours 
d’Orient  cnOccidér  aiiec  telle  facilitCj&no  pas 
au  côtraired  Oceidêten  Orient.  Qui  cftlc  mefi- 
mc^que  fi  l’on  dcmâdoit^pourquoydes  brifes  ré- 
gnent la,  &npn  lesvents  d’àbas.puifquelclô  bo- 
ue PhilofophiejCequi  eft  pcrpetuel,vniuerfcl  & 
de  par  foy  (comme  dilent  les  Philofophes  ) doit 
auoir  vue  caufc  propre  & de  par  Iby.Or  auâtquc 
de  m arreftcr  à celle  qucftion  qui  me  fcmble  re- 
marquable, illera  beloing  de  déclarer  ce  que 
nous  entendons , par  les  brifes  & vents  d a bas, 
à caufc  que  cela  leruiüa  beaucoup  pour  ce  fub- 
jcdi&pourplufieurs  autres  chofes  & matiè- 
res des  vcnts,ic  nauigations.  Les  pilottcs  met- 
tent trente  deux  difFeccnces  de  vents  ,’pour  ce 
que  pour  conduire  leur  proiic  au  port  defiré, 
ils  ont  de  befoing , faire  leur  conte  , fort  pun- 
diuallcmcnt  & le  plus  diftin6lement&  au  me- 
nu qu’ils  peuucnt,  veuque  pour  peu  qu'ils  ti- 
ralîèntcn  vn  colle  ou  à l’autre  , en  fin  de  leur 
chemin,  fc  troüucroient  beaucoup  elloïgncz 
d’où  ils  penferoient  aller:  & ne  content  plus  de 
trente  deux  vents  , d’autant  que  ces  diuifions 

^ y 


Histoire  natvrelle 
fuffifcnt,  &nc  pourroit-on  auoirla  mémoire 
pour  en  retenir  d’auantage.  Mais  à la  rigueur 
comme  ils  mettent  trente  deux  vents,  l’on  en 
pourroit conter  é'4. 128.  & 25^»  finalement  al- 
ler multipliant  ces  parties  iufques  à l’infiny. 
Car  le  lieu  où  fie  trouuc  le  nauire  eftant  comme 
le  centre , & tout  hemifphere  en  circonfcrance, 
qui  eft  ce  qui  empefehe,  que  l’on  ne  puiffe  con- 
ter des  lignes  fans  nombre , Icfquellcs  fortans 
de  ce  centre,  tirent  droità  ce  cercle  lineal  en 
tout  autant  de  parties , qui  feront  autant  de  v êts 
diuers , piufque  ainfi  eft  , que  le  vent  vient  de 
toutes  les  parties  de  rhcmifphere , & qu’on  le 
peut  diuifer  en  autant  de  parties  que  nous  vou- 
drons imaginer  ? Toutesfois  la  fagefle  des  hom- 
mes, fe  conformant  à la  fainde  Eferiture,  re- 
marque quatre  vents , qui  font  les  principaux 
de  tous  , ôc  comme  quatre  coings  de  Tvnlucrs, 
que  l’on  ferme , en  faifant  vne  croix  aucc  deux 
ligneSjdont  l’vne  va  d’vn  Pôle  a l’autre , & 1 au- 
tre d’vn  cquinoxeà  l’autre  , & fontd  vn  cofte 
le  Norr,ou  Aquilon,  & l’ Aufter  ou  vent  de  Mi- 
dy,fon  contraire  : & de  l’autre  cofté  l’Orienr, 
qui  procédé  d’où  fort  le  S oleil,  & le  P onêt  d ou 
il  fc  couche'.  Et  combien  que  l’cfcriture  fainde 
parle  en  quelques  endroits  d'autres  diuerfitez 
de  vcnts,côme  del’Eurus,&  Aquilon,  que  ceux 
delà  mer  Océan,  appellent  Nort  d eft,  & ceux 
de  H mer  Mediterranée  Gregual,  duquel  il  eft. 
fait  mention  en  la  nauigation  de  faind  Paul  : fi 
cft-cc  que  la  mefme  Eferiture  fainde  rapporte 
ces  quatre  diftcrêces  remarquables , que  tout  le 
monde  cognoit,  qui  font  comme  il  eft  dit , Sep- 


DES  Indes.  Liu.  III. 
fcntrion,Midy50nent,&  Ponent.  Mais  d autae 
que  l’on  trouiie  trois  différences  auleucr  , ôc 
naiffancc  dp  Solcil,(d  ou  vient  le  nomd’Orient) 
à fçauoirlcs  deux  plus  grandes  dcciinaifons, 
qu’il  a accoullumé  de  faire  , & le  milieu  d’iccl- 
les,  félon  qu’ilnaiften  diuers  lieux  en  hyuer, 
l’Efté  & en  celle  qui  tient  le  milieu  de  ces  deux 
làifonsjPour  cefteraifon  l’on  conte  deux  autres 
vents  qui  font  l’Orient  d’Efté  , & l’Orient  de 
l’Hyuerj&par  confequentdcux  autres  Ponants 
d'Hyuer  6c  d’Efté,  contraires  aux  dcfrufdits.  De 
forre  qu’il  y a huitvcnts,cn  huitpoints  notables 
du  Ciel,  qui  font  les  deux  Pôles , les  deux  Equi- 
noxes, les  deux  folftices  ,&  leurs  oppofîtes  au 
mefmc  cercle,  lefquels  font  appeliez  de  diuers^ 
noms  6c appellations  en  chacun  lieu  de  lamcr  6c 
delatcrrc.  Ceux  qui  nauigent  l’Océan  ont  ac- 
couftumcles  appcllerainfî.llsdôncnt  le  nom  de 
Nort,aux  vents  fouflans  de  noftre  Pôle , qui  re- 
tient le  mcfmenom  de  Nort,  6c  de  Nordeft  : ce- 
luy  quiluy  eftprochain,& qui  vient  de  l’Orient 
cftiual, ils  l’appellent  Eft:  celuy  quifortdu  vray 
Orient, equinoccial , 6c  Sueft  celuy  qui  vient  de 
l’Oriét  d’hyucr.  Au  midy  ou  Pôle  Antardiqüe, 
ils  donnent  le  nom  de  Sud  , 6c  à.  celuy  du  cou- 
chant d’hyuerjc  nom  de  Suroeft,  au  vray  cou- 
chant equinoccial,le  nom  de  oeft , ôc  au  cou- 
chant d’efté,  celuy  de  nort-oeft.  Ils  diuifent  en- 
tre eux  lereftc  des  vents , 6c  leur  donnent  les 
noms , félon  qu’ils  participent  6c  s’approchent 
des  autres,  comme  Nort  nortoeft,nortnoitdeft, 
eft  nordeft,  eftfucft,  fur  foroeft , fufucft , oeft 
furoeft,  oeft  norto eft,  de  forte  que  par  leurs 

L iîj 


Histoire  natvrelie 
dénominations  l’on  eognoit  d’où  ils  procèdent. 
En  la  mer  Mediterranée  encor  qu’ils  fuyuent  la 
merme  diuifion,&  façon  de  contcr,neantmoins 
ils  leur  donnent  d’autres  noms  differents  , ils 
appellent  le  Nort , Tramontane  Ton  con- 
traire qui  cft le  Sud,Mezoiorne,  ou  Midy,  l’Eft 
ils  l’appellent  Leuant,&  l’Oeft  Ponent,  & ceux 
qui  trauerfentees  quatre^ilslcs  nomment ainfî: 
lcSueft,eft,pareuxdit  Xirocque,  ou  Xaloque, 
& Ton  oppofîte  qui  eft  le  Norto  eft,Mcftral.  Ils 
appcllét  græCjOU  grcgual,  le  nort-deft , & le  fû- 
roefl:  Ton  contraircjcuefche , lybique,  ou  affri- 
quain.  En  latin  les  quatre  cognus  fontjfepten- 
trio,Aufter,fubfoianus  jfauonius,  &lcscnrre- 
lalfez  font,  Aquilo , V ulturnus , Affricus  ôc  Co- 
rus,  Selon  Pline  Vulturnus  & Eurus , font  vu 
mcfmeventjqui  eftlcfueft , ou  xaloque  ^fauo- 
niu^  eft  le  merme  que  l’oeft  ou  Ponent , Aquilo 
& Ôorcas,lc  mcfmcquc  norteft,  ougregual , 6c 
Tramontane, P Africus,&  lybique,  eft  ce  furoeft 
ou  lcucfche,l’Aufter&  notus,eftlefud  ou  midy. 
Corus  &Zcphyrus,n’cft  autre  que  le  nortoeftp 
ouMeftral , & à fon  prochain  qui  cft  nortdcft 

ou  gregual  , on  ne  luy  donne  autre  nom  que 
Phénicien.  Qi^lques  autres  les  diuifenrd’vnc 
autre  manière,  mais  parce  que  ce  n'eft  pas  à pre- 
fent,  noftre  intention  de  raconter  les  noms  la- 
tins 6c  grecs  de  tous  les  vents , difons  feulement 
qui  font  ceux  d’entre  ces  vents , que  nos  mark 
niersdcl’OccandTndc,  appellent  Brifes  , 6c 
vents  d’à  bas.  rayefté fort  long-tempsen  diffi- 
culté fur  ces  noms, voyant  qu'ils  en  vfoient  fort 
différemment  iufques  à ce  que  i’ayc  recogneu. 


Des  Indes.  Liv.  ML  §4 
que  CCS  noms  font  plus  generaux ,,  que  propres 
& particuliers.  Ils  appellent  brifes  ceux  qui  fer- 
lient  pour  aller  aux  Indes , & qui  donnent  quafî 
en  poupe, Icfquels  par  ce  moyen,  comprennent 
tous  les  vents  Orientaux  & ceux  qui  en  dépen- 
dent, Rappellent  vents  d’àbas  ceux  qui  font 
près  pour  retourner  des  Indes,  & quifoufïîent 
depuis  le  Sud  iufqucs  au  Ponent  eftiual , de  ma- 
niéré qu  ils  font  comme  deux  efcoüades  des 
vents  de  chafeun  codé , les  Caporaux  dcfqûel- 
les  font  dVne  partie  nortdcft,ougrcgual , & de 
l’autre  le  Suroeft  ou  Icuefche.Mais  l’on  doit  en- 
tendre, que  du  nôbre  des  huit  vents  & différen- 
ces que  nous  auons  cottez,il  y en  a cinq  qui  font 
propres  pour  nauigcr,&  non  point  les  trois  au- 
tres. le  veux  dire  que  quand  vn  nauirc  nauige 
en  la  mer, il  peut  aller  Ôc  faire  long  voyage,  aucc 
IVn  de  ces  cinq  vcnts,cncor  qu’ils  ne  luyfcruent 
pas  efgallemcnt , mais  il  ne  fe  peut  pas  feruir 
d’aucuns  des  trois, comme  fi  le  nauire  va  auSud, 
ilnauigeraauecleNort , lcnortdeft,lenorto- 
cft,R  aucc  1 Eft,&  fOeft  : Car  ceux  des  codez 
feruent  efgallemcnt,  pour  l’aller  & pour  le  ve- 
nir. Mais  du  S ud,il  ne  s’en  pourra  feruir  .pour 
ce  qu'illuycft  diredement  contraire,ny  defes' 
deux  collateraux  qui  font  fueft  & furoeft  , qui 
cft  vue  chofe  fort  triuialle  Se  commune  à ceux 
qui  nauigent.  C’efi:  pourquoy , il  n’eftoit  befoin 
de  le  defduirc  icy , fînon  pour  lignifier  que  les 
vents  latéraux  du  vray  Orient  font  ceux,  qui 
communément  foufflent  en  la  Torride  , qu’ils 
appellent  Brifes , R les  vents  de  Midy  declinans 
au  Ponent  , qui  feruent  pour  nauiger,  d’Occi- 
L iiij 


Histoire  natvrelle 
dent  à l’Orient,  ne  font  point  ordinaires  en  la 
Torride , parquoy  l’on  les  va  chercher  hors  des 
Tropicques , ôc  les  appellent  les  mariniers  des 
Indes  communément  vents  d àbas. 

Quelle  eji  U edufe  j^ourquoy  nauigednt  en  U Torride^ 
tony  tronue  tonjtours  des  vents  d'Onent* 


Cahp.  VI. 

n^j^^^Ifons  maintenant  ce  qui  touche  k 
queftionpropofée , fçauoir , quelle 
cftk  caufcpourquoyl  on  nauige  bic 
en  la  Torride, d’Oricnr  au  Ponât,6c 
non  pas  au  contraire. Surquoynous 
deuons  prefupppofèr  deux  fondemens  certains. 
‘ LVn  eft  que  le  mouuemcnt  du  premier  mobile, 
qu’ils  appellent  rauiifantjOU  diurnel,  non  feule- 
ment tire  & cfmeut  quand  & luy  les  Spheres 
celellcs , qui  luy  font  infcricuresj  comme  nous 
le  voyons  chacun  iour,au  Solcil,cn  la  Lune , & 
aux  Eftoilles,maisauiriles  elemens  participent 
de  ce  mouuement,  entant  qails  n’en  font  point 
empefehez  La  terre  ne  fc  meut  point  à caufe  de 
fa  grande  pefanteur  qui  la  rend  mobile,&  qu  el- 
le eft  aufîi  beaucoup  efloignée  de  ce  premier 
mobile.  L’clcmcnt  de  l’eauc  ne  le  meut  nô  plus, 
de  ce  mouuement  diurnel,  d’autât  qu’il  eft  loint 
& alfemblé  auec  la  terre  ,&  font  enfemble  vnc 
Sphère  , de  façon  que  la  terre  l’cmpcfchc  de  fc 
mouuoir  circulaireracnt , mais  les  deux  autres 
elemens , le  feu  & Fair , font  plus  fubtils  & plus 
proches  des  régions  celeftes,d‘où  vient  quils 
participent  dc'lcur  mouuement,  & font  meus 


I 


V 


des  Indes,  Liu.  III.  85 
& agitez  circulaircmcnr,  corne  les  mermes  cor- 
ps celdles.Pour  le  regard  du  feu,il  n’y  a point  de 
doute  qu  il  liait  la  Sphcrejainlî  qu’Ariftote  & 
les  autresPhilolbphes  Tont  tenu:mais  pour  Pair 
(qui  eft  le  point  de  noftrc  fubiet)  ileft  trefeer- 
tam  qudl  le  meut  du  mouuement  diurnel,  qui 
eft  d Orient  à 1 Occident  3 ceque  nous  voyons 
clairement  es  Cometes  qui  lè  meuuent  d’O- 
xicntal  Occident^montanSjdelcendans  5 ôc  fi- 
nalement tournoyans  en  noftrchcmifphere,  de 
la  mefmc  façon  que  les  eftdillesfe  meuuent  au 
firmament.  Car  autrement,  ces  Cometes  eftans 
en  la  région  & Sphère  de  Pair  où  elles  fengen- 
drentj  apparoilïcnt&fc  conlbmment , il  leur 
leroitimpoffiblcde  le  mouuoir  circulairement 
comme  iis  fc  meuuent,  fi  l’element  de  Pair  du  ils 
lpnt,nefemouuoitdu  mefine  mouuement, du 
premier  mobile.  Car  eftans  ces  Cometes  d vns 
matière  enflammee,  par  raifon  deiiroicnt  de- 
meurer arreftées  làns  fe  mouuoir  circulaire- 
ment 3 fi  la  Sphère  où  elles  font  demeuroit  fins 
femouuoir,ficen  eftqucnous  faignionSj  que 
quelque  Ange  ou  intelligence  chemine  auec  la 
CometCj  la  menant  circulairement.  En  Tan 
1577.  apparutceftemerucilleufeComcte(  de 

figure  reifemblant vn  plumage  ) depuis  1 hori- 
fon  prefqueiufqucs  à la  moitié  du  Ciel , ôc  dura 
depuis  le  premier  Nouembre  iufques  au  hui- 
«ftiefmc  de  Décembre,  ie  dis  depuis  le  premier 
de  Nouembre,  car  iaçôitqu  en  Elpaianc  onia 
vcid&remarqua  premièrement  au  5.^  de  No- 
uembre ( fuyuântlc  récit  des  Hiftoriens  dçcc 
têps)ncantmoins  au  Peru , où  i’eftois  pour  lors^ 


Histoire  natvrellë 
ilmcfouuient  bien  que  nous  la  vifmes  & rc- 
marquafmcSjhuiâ:  ioursdeuant,&tous  les  iouis  | 
cnfuiuans.Pour  la  caiife  de  cefte  diuerfitc , quel- 
ques vns  la  pourront  dire  particulièrement,  | 
mais  ie  veux  dire  qii’cn  ces  quarante  iours  qu’el- 
le  dura , nous  'rcmarquafm  es  tous  , tant  ceux  ' 
qui  eftoient  en  Europe  , que  nous  autres  auffi 
qui  eftions  alors  aux  Indes , qu’elle  fe  mouuoit 
chaque  iour  du  mouuement  vniuerfel,  d Orient 
auPonanr,  comme  la  Lune  & les  au  très  eftoil- 
Ics.'D’où  il  appert,  que  la  Sphere  de  l’air , eftant 
fa  région,  il  faut  que  le  mefme  élément  fe  meu- 
uc de  cefte faç5.  Nous recogneufmes  aulïi , que 
outre  ce  mouuement  vniuerfel  elle  en  auoit  en- 
cor vn  autre  particulier , par  lequel  elle  fe  mou-  - 
iioit  auec  les  planètes  d Occident  en  Orient,  ; 
car  chaque  nuiâ:  elle  deuenoit  plus  Orientale,  | 
ainfî  que  font  la  Lune,lc  Soleil,  ôc  1 Eftoille  de  | 
Venus. Nous  remarquafmcsd  auantage  vn  troi-  | 
fiefmc  mouuement  particulicr,dôt  elle  fe  mou- 
noitauZodiacquevcrsleNort  , d’autant  que 
palîées  quelques  nuiefts  , ellefe  trouuoit  plus 
coniointe  aux  fignes  Septentrionaux.  Et  para- 
uanturc  cela  fut  caufepourquoy  ceftegrâdcCo- 
mette  fut  pluftoftveuede  ceux  qui  eftoient  plus 
M eridionaux,  comme  le  font  ceux  du  Peru.  Et 
d’autre  part  ceux  de  l'Europe  commencèrent  à 
la  voir  plus  tard , à caufe  que  par  ce  troifiefme 
mouuemenr,que  i’ay  dit,  elle  s approchoit  plus^ 
des  Septêrrionaux. Toutesfois  vn  chacun  apeu 
reiuarquer  les  différences  de  ce  mouuement , de  < 
façon  que  l’on  peut  bien  voir , queplufieurs  & 
diuers  corps  cclcftes , donnent  leur  imprellîon  i j 


DES  Indes.  Liu.  III.  8^ 
à la  Sphere  de  l’air , ainfi  eft  il  certain  que  l’air  fe 
meut  du  mouuemér  circulaire  du  CieI,d’Orienc 
au  Ponantjqui e ftle premier  fonderaen t mis  en 
auanr  cy  ddliis.Le  fecôd  n^eft  pas  moins  certain 
nynotoire,quieftquele  mouuemet  de  l’air  aux 
parties  qui  Ibnt  fous  la  ligne , ou  proches  d’icel- 
le,cH:  très  viftc  ôc  leger,&d’autât  plus  qu  il  s’ap- 
proche de  l’Equinoxe,  par  confequent  ce  mou- 
uemcnt  eft  d’autant  plus  lent&pefantjqu  il  s'ef- 
loigne  de  la  ligne  en  s’approchant  des  Pôles.  La 
raifon  de  cccy  eft  manifefte , par  ce  que  le  mou-  ^ 
uement  du  corps  celefte,eftat  la  caufe  efficiente 
de  ce  mouuement  de  Pair , il  doit  par  neceffité 
cftre  plus  prompt  & pluslcgerà  l’endroit  où  le 
corps  celeftc  a Ton  mouuement  plus  vifte.  Or  de 
vouloir  cnreigner  la  raifon  pourquoy  le  Ciel  a 
vn  plus  viftc  moiiuemét  en  la  Torride,  qui  eft  la 
ligne  plus  qu’en  autre  partie  du  Ciel , ce  feroit 
peueftimerles  hommes:  puis  qu’il  eft  aiféde 
voir  envncroüe  que  Ton  mouuement  eft  plus 
tardif  & pefant  à l’endroit  de  la  plus  grande  cir- 
conférence, qu’à  l’endroit  de  là  plus  petite , ôc 
qu  elle  acheuefon  grand  tour,  au  mefme  efpace 
detemps,  que  la  moindre  acheuefon  petit.  De 
ces  deux  fondemens  procédé  la  raifon  pour  la- 
quelle ceux  qui  nauigent  grans  Golphcs , d O- 
rient  au  Ponant,trouuct  toufiours  vent  en  pou- 

pejallansen  peu  de  hauteur,  &tantplus  ils  ffint 

proches  de  l’Equinoxe,  tant  plus  leur  eft  certain 
Sc  durable  le  vent.Et  au  contraire  nauigcansxlu 
Ponant  a 1 -Orient , ils  trouuent  toufiours  vent 
en  proue  & contraire.  Pour  ce  que  le  mouue- 
ment tres-vifte  de  l’Equinoxe,  tire  apres  foy 


Histoire  natvrelie 
l’elcmcnt  de  l’air  , comme  il  fait  le  furplus  des 
Spheres  fupericures.Par  ainfi  l’air  fuit  toufîours 
le  mouuementdu  iour  allant  d’Orient  au  Po-- 
nantjfans  iamais  varier,  & le  mouuemct  de  1 air 
vifte , amene  mefmc  apres  foy  les  vapeurs  & ex- 
halations qui  s’eflenent  de  la  mer,  ce  qui  caufe 
en  ces  parties  & régions  vn  continuel  vent  de 
Brife,  qui  court  de  Lcuanr.  Le  Pere  Alonfo 
Sanchez  ^ qui  cft  vn  religieux  de  noftre  compa- 
gnie,qui  a voyage  en  l’Inde  Orientale  ôc  Occi- 
dentale, comme  homme  ingénieux  & experi- 
mêté,diroit, qu’en  nauigeant  delTous  la  ligne,  ou 
proche  d’icelle,auecvn  temps  continu  ôc  dura- 
ble , illuy  fembloit  que  c’eftoit  le  mefmc  air, 
meu  du  Ciel,  qui  çonduifoit  les  nauircs , ôc  n’c- 
ftoit  pas  proprement  vn  vent  ny  exhalation,, 
maisc'eftâirefmeudu  cours  iournalicr  du  So- 
leil f Pour  preuue  dequoy  il  mettoit  en  auant, 
que  le  temps  cft  toufiours  egal&  fcmblable  au 
Golphe  des  Dames , &és  autres  grands  Gol- 
phes,que  l’on  nauige  en  la  T orride.  Pour  raifon 
dequoy  les  voiles  des  nauircs  , y font  toufiours 
de  mcfrac  façô/ans  aucune  impetuofité,&  fans 
qu’il  foitbefoing  les  changer  prefqiie  eb  routle 
chemin.  Qi^e  fi l’air  n’eftoit  efmeu du  Ciel,  il 
pourroit  quclquesfois  deffaillir , quclqucsfois 
fc  changer  au  côtrairc,&quelquesfois  yauroit 

des  tourmentes.  T outesfois  combien  que  cccy 
foit  dit  dodement,  l’on  ne  peut  pas  nier , que  ces- 
nefoitvent,&  qu’il  n’y  en  aye , attendu  qu’il  y a 
des  vapeurs  Ôc  exhalations  de  la  mer  , & que 
nous  voyons  quelqucsfoisque  tantoft  la  Brife 
cft  plus  forte,  & tantoft  plus  foible,  ôc  remifè' 


©ES  Indes.  Liu.  1 1 1.  87 

de  telle  façon  qu’il  aduient  quelquesfois  que 
l’on  ne  peur  porter  toutes  les  voiles.  L’ondoie 
dond  entendre, &eft  la  vérité  que  l’air  efmeu  at- 
tire quant  & foy  les  vapeurs  qu’il  trouue , d’au- 
tant que  la  force  cft  grande  , & qu’il  ne'  trouue 
pointdereiîftence,  pourraifondequoy  le  vcnc 
d’Orient&Ponant  cft  auffi  continuel  &prcfque 
toufiours  fcrnblableés  parties  qui  font  proche» 
delà  lignc,&pi‘efque  en  toute laTorride,qui  eft 
le  chemin  que  fuit  leS  oleil  entre  lesdeux  cercles 
du  Cancer  & du  Capricorne. 

Teurqmy  fort  ans  de  U Torride  en  f lus  de  hauteur 

trouue ^Imjouuent  des  vents  d^nhas. 

Chap.  VII. 


^Vi  voudra  biejegarder  de  près  ce  qui 
^a  efté  dit,  pourra  auftî  bien  entendre, 
qu’en  allant  du  Ponant  à l’Orient  , en 
hauteur  plusoutre  que  lesTropiques, 
l’on  trouue  des  vents  d’abas  ^ d’autant  que  le 
mouuemcnt  de  l’ E quinoxe  eftant  fi  vifte , il  eft 
caufe  que  l’air  fe  meut  ddfouz  luy  fuiuant  fon 
mouuement,qui  eft  d’Orient  au  Ponant,  atti- 
rant quant  & foy  les  vapeurs  qui  s’efleuent  de 
la  mer  , de  forte  que  les  vapeurs  & exhalations 
quifefleuentdes  coftes  derEquinoxe,  ou  Tor- 
ride, venansà  rencontreiTe  cours  & mouue- 
ment  de  la  Zone,  font  contraintes  parla  reper- 
culîîon  de  retourner  quafi  au  contraire  , d’où 
viennent  les  vents  d’abas,&  Suroeft , communs 
& fi  ordinaires  en  ces  parties  là.  Tout  ainfi  que 
I nous  voyons  au  cours  des  çaues,lefquellesfiel- 


Histoire  natv Relie 
les  font  rencontréesd  autres  qui  foient  plus  for- 
tes,rcrournent  quafi  au  cotraire.  Et  femble  qu’il 
en  Toit  ainE  des  vapeurs  & exhalatiôs , d’où  viét 
que  les  vents  fe  tournêt  & fe  feparenr  d Vne  part 
à 1 autre.  Ces  vents  d’àbas  re^nét  le  plus  cômu- 
nemét  en  la  moyéne  hauteur,  qui  eftde  27. à 37.  t 
degrez-.côbien  qu’ils  ne  foy et  pas  h certains  & fi  | 
regulicrsque  lesBrifes  le  font  en  peu  de  hauteur. 
La  raifon  eft  pour  ce  que  les  vêts  d àbas  ne  font 
pas  caufcsdecc  mouuement  propre  6c  efgaldu 
Ciel, corne  les  Brifes  le  fonr,eftans  proches  de  la 
liçrne.  Mais  comme  i’ay  dit,  ils  y fontplus  ordi- 
naires,&:  bié  foLiuêtplus  furicux&plus  tépeftu- 
eux.Mais  en  allât  en  pins  grande  hauteur,  côme 
de  quarâte  degrcz,il  y a aulîi  peu  d’alTcurance  es 
vêts  en  la  mcr,comme  en  la  terre,  car  tantoft  les 
Brifes,ouNorts  y foufflent,  5:  tantoft  les  vents 
d’àbaSjOü  Ponans,  d’où  vient  que  les  nauigatiôs 
y font  plus  incertaines  & plus  dangereufes. 

Des  exceptions qu'dy  a en  U réglé  fuflite.O*  desvets 
Cr  cdmes  ftily  a en  U mer  cr  en  U terre, 

C H AP.  VIII. 

E que  nous  auons  dit  des  vents  qui 
courét  ordinairement  dedans  & de- 
hors la  T ©rridc , fe  doit  entendre'en 
la  haute  mer  & aux  grads  Golphcs: 
car  en  la  terre, c’eft  tout  autremét,  en  y 
laquelle  l’on  trouue  de  toutes  fortes  de  vents  à 
caulè  de  l’inégalité  qu’il  y a entre  les  môtaignes  y 


DES  Indes.  Liu.  Ilf.  gg 
8c  les  vallées,legrand  nombre  des  riuieres&  des 
hcs,ôc  les  diuerfes  fitiiatiôs  des  pays,  d’où  s’efle- 

uet  les  vapeurs,grofres,&erpaiircs,lerqucllcs  sot 

efmcues  de  IVdc  ou  de  l’autre  part , félon  la  di- 
iierfitc  de  leur  origine,  & commencerîieiit,qui 
fait  ces  vents  diuers  ; {ans  que  le  mouucmcnt 
de  1 air,caufé  du  Ciel , ait  tant  de  puiffance  que 
de  les  attirer,  ôc  mouuoir,quant&  foy. Et  celle 

diucrfifé  de  vents,ne  fe  trouue  point  feulem enc 

en  la  terre , mais  auffi  es  codes  de  la  mer  , qui 
font  en  la  Torride  , poiirce  qu’il  y a des  vents 
forauis.qui  viennent  de  la  terre,  & marins,  qui 
loufflcmdc  la  mtr,  lefquels  vcntsdela  mer 
lont  ordinairement  plus  fains , & plus  eratieux, 
que  non  pas  ceux  del*  terre  , lefquels  font  au 
contraire, ennuyeux,  &malfains,  bien  que  ce 
loit  la  différence  des  coftesqui  caufe ‘celle  di- 
uerfite-Communementles  forains , ou  terriens 
loufilent  depuis  la  minuit,  iiifquesau  Soleille- 
uant,&  ceux  delà  mer,depuis  que  le  Soleil  cou- 
mence  à s’efehauffer  iufques  apres  qu'il  ed  cou- 

che.  Dequoylacaufeell  parauanture  , que  la 

terre  comme  matière  plus  grolfe , fume  dîuan- 
taç,alorsquelaflamedu  Soleil  ne  donne  plus 
deHus,toutainfiquele  boisvert,  oumalfec, 
fume  d’auantage  en  efteignant  la  flarae.  Mais  la 
mer  comme  elle  ell  compofée  de  parties  plus 
lubtiles  n engendrepointde  fimiées,finon'quâd 
Ion  1 efehauffe;  de mefmequela  paille,  ouïe 
foing,ellant  humide  & en  petite  quantité  , en- 
gendre  de  la  fumee , quand  on  les  brude  & 
lors  que  la  dame  edfe  , la  fumée  deffaut  mut 
auffi  tod.Q^oy  qu  il  en  foit  il  ed  certain,  que  le 


Histoire  natvrille  | 

vent  de  la  terre  (ouffle  pluftoft  la  nui6t  j & cc- 
) luy  de  la  mer  au  contraire  durant  le  iour.  Telle- 
ment que  tout  ainfî  qu’il  y a fouuentesfois  des 
vents  contraires , violents , & tempeftueux  és 

coftcsdela  mer  , ainfiyvoit  on  de  tresgrands 

Calmes.  Quelques  hommes  fort  expcrijaientez 

racontent  qu’ayans  nauigé  pluiîeurs  grandes  : 
trauerfes  de  mcr,(ous  la  ligne,  ils  n y ont  néant- 
moins  iamais  veu  de  calmes,  mais  que  touuours 
peu  ou  beaucoup  , l’on  y fait  chemin  à cau^dc 

l'air  efmeu  du  mouuemcnt  celeftc  , quilumta 

conduire  la  nauire  donnant  en  poüppc,  comme 
il  fait.I’ay  défia  dit,commevnc  nauire  de  Lyma,;  | 
allant  à Maniila,nauigea&:  courut  deux  mil  iept  « 

cens  lieues,  toufiours  fouz  la  ligne,  à tout  le  | 

moins  n’en  eftant  efloigné  que  de  douze  degrez  | 

&ceaumoisde  Feurier,&deMars,  quieltio^  j 

que  le  Soleil  y eft  pour  Zenit , & en  tout  ceft  e^  | 
pace  ne  trouucrent  aucuns  calmes  , mais  touf-  | 
iours  vn  vent  fraiz , tellement  qu  en  deux  rnois  | 
ils  firent  ce  grand  voyage.  Mais  en  la  Torride, 

’ &hors  d icelle  l’on  a accouftume  de  veoir  de  | 
grands  calmes,  és  codes  où  arriuent  les  vapeurs  | 
des  Ifles,ou  de  la  terre  ferme.  Oeft  pourquoy  ^ 
les  tourbillons  5c  tempeftes  , 5c  les  inerpcrecs 
crmotions  de  l’air  font  plus  certaines  & ordi-  | 
naires , aux  codes  où  arriuent  les  vapeurs  de  la 
tcrre,que  non  pas  en  la  pleine  mer.  1 entens  en 
la  Torride,  car  hors  d’icelle  & en  la  haute  mer  i 

l’on  y trouue  des  calmes  ,&  des  tourbillons  de  | 

vents.  Toutcsfoisilnelaificpas  d yauoir  quel- 
quesfbis  entre  les  deux  Tropiques  , voire  cr^a  j 
mcfmc  ligne , des  grands  vents  ôc  des  pluj 


DES  Indes.  L I V.  II f,  8^ 

bîtes,  encor  que  ce  foit  bien  auant  dans  la  mer, 
car  pour  ce  faire  les  vapeurs  & exhalations  de  la 
mer/ônt  aiîèz  fuffirantcs,IcfqucHcs  fcfmouiias 
aucunesfois  haftiiiemcnt  en  fair,caufènt  des  tô- 
ncrres  & tourbillons, mais  cela  eft  plus  ordinai- 
re près  de  la  terre, acdcfllis  la  terre.  Quandie  n^- 
uigeay  du  Peru  en  la  neufue  E{pagne,ie  rcma^ 
quay  qu’en  tout  le  temps  que  nous  fufmcs  en  la 
coflcduPcru,  noftre  voyage  fut(commctouf- 
iours  a accoutumé)  fort  doux  Sc  facile,  à caufe 
du  vend  de  Sud  qui  y court,&auec  lequel  l’on  va 
vent  en  poupe,  retournant  d’Efpagne  ôc  de  la 
neufue  Elpagnc.  Comme  nous  trauerfîons  le 
GoIplie&  allions  toufiours  auant  dans  la  mer, 
prefque  toufiours  foiibs  la  ligne,nous  trouuaf- 
mes  vn  temps  fraiz,paifible  & gracieux,vent  en 
poupe;mais  arriuât  côme  proche  de  Nicaragua 
Sc  de  toute  Celle  colle,  nous  eufmes  des  vents 
contraires  auec  grande  quantité  de  pluyes  âc 
brouillais  qui  quelquesfois  bruyent  horrible- 
ment. T oute  celle  nauigatîon  fut  dans  la  Zone 
Torride,  car  de  douze  degrez  au  Sud  qu’cll  Ly- 
ma,  nous  nauigeafmes  à dixfept  où  gill  Guatul- 
co,port  de  la  neufue  Elpagne,  ôc  croy  que  ceux 
qui  auront  prins  garde  aux  nauigatiôs  qu’ils  ont 
faites  dans  la  Torride, trouueronrà  peu  près  ce 
que  i’en  ay  dit, qui  lulfira  pour  la  raifon  des  vêts 
qui  régnent  par  la  mer  en  la  Zone  Torride. 

ejfe^s  memeiUeux  âei  vents  qui  font  en  qneU 
ques  endhits  des  Jndes, 


Ch  a p.  I X. 


M 


H I s T O I R E N AT  V R E L LE 

E feroic  chofe  fort  difficile  de  racon-  . 
ter  par  le  menu  les  effedfcs  admirables  I 
que  caufent  aucuns  vents  en  diuerfcs 
régions  du  monde  5 &d*en  donner  la  | 
raifon.  Il  y a des  vents  qui  naturellement  trou- 
blent l’eaue  de  la  mer , & la  rendent  vertenoire,  ^ 
d autres  quila  rendent  claire  comme  vn  mi- 
Loir  5 \cs  vns  efgay ent  & rcfiouyirenr  de  foy , ôc 
les  autres  apportent  de  l’ennuy  & de  la  triftef- 
fe.  Ceux  qui  nourrifTcnt  des  vers  à foye  ont 
grand  foin  de  fermer  lés  feneftres , lors  que  les 
vents  d’abas  foufflent , ôc  de  les  ouurir  quand 
leurs  contraires  courent , ayans  trouué  par  cer-  . 
raine  expérience  que  leurs  vers  fe  meurent  ôc 
^ diminuent  par  les  vns,  s’cngraifTcnt  &deuien-  | 
lient  meilleurs  par  le  moyen  des  autres , ôc  qui  y 
voudra  prendre  garde  de  près , il  pourra  remar-  | 
quer  en  foy-mefmc , que  les  diuerfitez  des  vents  ; 
caufent  de  notables  imprefîîons  ôc  changemens 
en  la  difpofîtion  des  corps , principalement  aux  I 
parties  dolentes  ôc  indifpofees , ôc  lors  qu’elles  ' 
10.  tendres  ôc  debiles.  L’Eferiture  appelle 

^ .4’;  l’vn,  vent  bruflant,  ôc  l’autre  vent  de  rofec  ÔC 
loan.  4.  plein  de  douceur.  Et  neft  pas  chofe  efmerueil- 
ofee  IJ.  labié,  que  l’on  apperçoiue  de  fi  notables  effcéls 

Dan.},  des  vents  es  herbes , animaux , ôc  es  hommes,  i 
puis  que  l’ô  en  cognoift  vifiblement  au  fer  mefi- 
me,  qui  cft  le  plus  dur  de  tous  les  métaux.  l’ay 
veu  des  grilles  de  fer  en  quelques  endroits  des 
Indes , de  telle  façon  moulues  x confommees, 
qu’en  les  preflànt  entre  les  doigts,  elles  fe  refol- 
uoyent  en  pouldre , comme  fi  c’euft  efte  du  foin  , j 
ou  de  la  pailîefeichc.  Çe  qui  procède  tant  feu 


des  Indes.  Lir.  HL  «o 

Jemcnr  du  venr,qui  le  corrompt  du  tout,  Sc  fans 
qu’on  le  puifFe  cmpcfcher.  Mais  laiflant  à part 
plulicurs  autres  grands  & merucilleux  cfFeds, 
1 en  veux  feulement  raconter  deux.  Lvn  def- 
quels , encor  qu’il  caufedes  douleurs  plus  gran- 
des que  la  mefme  mor  t , n’apporte  point  de  mal 
ly  d incommodité  d’auantage,  l autre  deftruit 
& oHe  la  vie  fans  le  fentir.  Le  mal  de  la  mer 
dont  ceux  là  font  trauaillez , qui  commencent 
a nauiger,  eft  vne  chofe  fort  ordinaire,  & neant- 
moinsli  l’on  ignoroitfon naturel,  qui  eft  tant 
cogneu  a tous  les  hommes,l’on  penferoir  que  ce 
l ufl:  le  mal  de  la  mort,de  la  façon  qu’il  afflige  ôc 
Tourmente  pendant  le  temps  qu’il  dure  par  le 
vomilFement  d’eftomach,  douleurs  de  tkeôc 
autres  mil  accidens  fafclicux.  Mais  à la  vérité  ce 
mai  11  commun  & fi  ordinaire  vient  aux  hom^ 
mes, pour  la  nouueautédel’airde  la  mer.  Car 
combieri  qu’il  foit  vray  que  le  mouuemct  du  na- 
uire  y aide  beaucoup  en  ce  qu’il  s’efmcur  plus  ou 
moins,  & mefme  l’infecfHon  &mauuaife  odeur 
des  chofes  des  nauires.Neantmoins  la  propre  ÔC 
natm  ellecaufe  eft  l'air  & les  vapeurs  de  la  mer. 

^ tellement  le  corps 

e^fcltornach,  qui  n’yfont  point accouftumez, 
qu  ils  en  font  raerueiileufement  efmeus  ôc  chà- 
gez.  Car  l’air  cil:  l’element  par  lequel  nous  vi- 
uons  & refpirons , l’attirant  dedans  nos  mcfmes 
entrailles , lefquelles  nous  baignons  ôc  arrou- 
ons  diceluy  : c’eft  pourquoy  il  n’y  a chofe  qui 
altéré  fl  toft.  &aucc  tant  de  force,  que  lechan- 
gernent  de  l’air  que  nous  refpirons  , comme  l’on 
Yoid  en  ceux  qui  meurent  de  pefte.  Ccfl  chofe 

M ij 


Histoirs  natvrelle 
appronuees  par  plufîeurs  experiêces,que  l’air  de 
la  mer  eft  principal  moteur  de  celle  eftrange  in- 
difpol]  tiô  -,  l’vne  ell  que  quand  il  court  de  la  mer 
vnair  fort,  nous  voyons  que  ceux  quifontcii 
terre  fe  fenrent  du  mal  de  la  raer,comme  il  m’ell 
aduenuplufieurs  fois.  V ne  autre  que  tant  plus 
auât  l’on  entre  dans  la  mer,^  que  1 on  s efioigne 
de  terre,  plus  on  efi:  atteint  & ellourdy  de  ce 
mal;  vnc  autre  qu’allans  le  long  de  quelque  Ille , 
&venans  par  apres  à emboufeher  en  la  plaine 
mer,  l’on  y trouue  en  ceft  endroit  l’air  plus  fort. 
Encor  que  ie  ne  vueille  pas  nier  que  le  mouue- 
ment&  agitation  ne  puilEe  caufer  ce  mal, puis 
que  nous  voyons  des  hommes  qui  en  font  épris, 
palïans des riuieres  en  des  barques,  ôc  d’autres 
qui  en  font  de  mefme  en  allant  dans  des  cha- 
riots ou  carolTes , félon  les  diuerfes  comple- 
xions  d’eforaacs;  comme  au  contraire  y en  a 
d’autres , qui  pour  grolîe  Ôc  efmcuë  que  puilFe 
eftre  la  mer,  ne  fen  fentent  iamais.  Parquoy 
c’eft  chofe  certaine  & experimentee,  que  l’air 
de  la  mer  caufe  ordinairement  ceft  effed  en 
ceux  qui  de  nouueau  entrent  fur  icelle.  l’ay 
voulu  dire  tout  cecy  , pour  déclarer  vn  effed 
eftrange  qui  aduient  en  certains  endroits  des 
Indes,  où  l’air  ôc  le  vent  qui  y courteftourdit 
les  hommes,  non  pas  moins,  mais d’auantage 
qu’en  la  mer.  Q^lques-vns  le  tiennent  pour 
fable , d’autres  difent  que  c’eft  addition  , de  irxa 
part,  le  diray  ce  qui  m’eft  aduenu:  1 1 y a au  Peru 
vne  montagne  haute  qu’ils  appellent  Pariaca-^ 
ca,  & ayant  ouy  dire  &parlcr  du  changement 
qu’elle  caufoit,  i’allois  préparé  le  mieux  que  ie 


DES  Indes.  L IV.  III.  «j 

pouuoisfelon  l’enfeignemenr  que  donnent  par 
deia  ceux  qu’ils  appellent  Vaquianos  ou  ex- 
perts: mais  neantmoins  toute  ma  préparation 
qnand  le  vins  à moi^ter  les  efcallicrs  qu’ils  ap- 
pellent qui  cftle  plus  haut  de  celle  monraane 
lefüslubitcmentatreint&rurprinsd’vn  mal  fi 

mortel  & ellrange  , que  ie  fus  prefqnc  fur  le 
poinddemelaiflerchoirde  la  monture  en  ta- 
re, & encor  que  nous  fuffions  pluheurs  de  com-  ' 
pagine,  chacun  halloit  le  pas  fans  attendre  fon 
compagnon,  pour  fortir  viftement  decemau- 
uais  pallage.  Me  trouuant  donq  feul  auec  vu 
Indien  , lequel  ie  priay  de  m’aider  à me  tenir  fur 
lamonture,  ie  fus  épris  de  telle  douleurde  fan- 
glots  &devomiiremens,  queiepenfay  ietter 
rendre  lame.  D’autant  qu’apres  auoir  vomy  la 
viande,  les  phlegmes  & la  colere,  l’vneiaune  & 
lautreverde,  levinsiufques  à ietter  lefano-  de 
la  violence  que  ie  fentois  en  lellomach , ie  dfs  en 
hn,  que  fl  cela  eut  duré,  ieulTepenfé  certaine- 
ment ellrearriué  à la  mort.  Mais  cela  ne  dura 
quecommetroisouquatreheures,  iufquesà  cè  . 
que  nous  fulïîons-defcendus  bien  bas^  eSc  que 
nous-  fullions  arriuez  en  vne  température  plus 
conuenableau  naturel,  où  tous  nos  com  paon  ôs 
qui  efloyent  quatorze  ou  quinze,  clloyeiiîforî 

tanguez,  quelques  vns  cheminans  demandoient 

conlciTion,  penfansrcallementmourir , les  au 
yesmettoyentpiedà  terre,  & elloyenr perdus 
de  vomilTement,  & de  force  d’aller  à la  felle, 

& me  fut  did  qu  autresfois  quelquesvns  y a- 
uoyent  perdu  la  vie  de  ceft  accident,  levdsvn 
hommequife  dcfpitoit  contre  terre , fefcrianr 
- „ M iij 


/ 

Histoire  natvrelie 
de  rage  & douleur  que  luy  auoit  caufé  lepalîà- 
'gede  Pariacaca.  Mais  ordinairement  il  ne  fait 
point  aucun  dommage  qui  importe  , autre  que 
ceft  ennuy  & fafeheux  defgouft  qu’il  donne 
pendant  qu’il  dure,  & n’eft  pas  feulement  le 
pas  de  la  montagne  Pariacaca  , quiacefte  pro- 
priété , mais  auflî  route  celle  cliainc  de  monta- 
gnes qui  court  plus  de  cinq  cens  lieues  de  long,* 
& en  quelque  endroit  que  Ton  la  pa(lè  , l’on 
fent  celle  cil  range  intemperature,  combien  que 
ce  foir  en  quelques  endroits  plus  qu’és  autres, 
& plus  à ceux  qui  montent  du  collé  de  la  mer, 
qu'à  ceux  qui  viennent  du  collé  des  plaines.  le 
l’ay  palTce  mcfme  outre  de  Pariacaca  par  Lu- 
canas  & Soras,  & en  autre  endroit  par  Colle- 
guas  ,&  en  autre  par  Cauanas,  finalement  par 
quatre  lieux  dilFcrens  en  diuerfes  allées  & ve- 
nues, ôctoufiours  en  cet  endroit  ay  fenty  l’al- 
teration &ellourdilïcment  quei’ay  diél , encor 
qu’en  nul  endroit  ce  n’a  ellé  tellement  que  la 
première  fois  en  Pariacaca.,  ce  qui  a ellé  expé- 
rimenté par  tous  ceux  qui  y ont  palTc.  Et  n'y  a 
point  de  doute  que  la  caufe  de  celle  intempe- 
rature & fi  ellrange  alteration  ell  le  vent,ou  l’air 
qui  y règne,  pource  que  tout  le  remede  ( & le 
meilleur  qu’ils  y trouuent)  cil  de  fe  boulcher 
tant  que  l’on  peut  le  nez,  les  oreilles  & la  bou- 
che, & de  fe  couurir  d’habits,  fpecialcmentl’e- 
ftomac,  d’autant  que  l’air  cil  fi  fubtil&peiî«- 
trant,qu’il  va  donner  iufques  aux  entrailles  : Sc 
non  feulement  les  hommes  fentent  celle  alte- 
ration, mais  aufii  les  belles,  qui  quelquesfois 
fiarrellenr,  de  forte  qu’il  n’y  a efperoii  qui  les. 


desIndes.  Liu.'  HT.  ' 91 

puifîc  faire  aduancer.  De  ma  part  ie  tiens  que 
celieucft  vn  des  plus  hauts  endroits  de  la  ter- 
re qui  Toit  au  monde:  car  l’on  y monte  vne  ef- 
pacedefmefuree,  & me  femble  que  la  monta- 
gne Neuade  d’E]^agnc,  les  Pyrenees  &les  Al- 
pesd’Italie  (ont  comme  maifons  communes  à 
1 endroit  des  h'autes  tours.  Parquoy  ic  me  per- 
fuade  J que  lelernent  de  l air  eft  en  ce  lieu  là 
iîfubtil  & fi  délicat,  qu’il  ne  fe  proportionne 
point  à la  refpiration  humaine,  laquelle  le  re- 
quiert plus  gros  & plus  temperé , & croy  que 
c eft  la  caufe  d’alterer  fi  fort  l’eftomac , 6c  trou- 
bler toute  la  dilpofition.  Les  palîages  des  mon- 
tagnes Neuades  & autres  de  l’Europe  queiay 
veucs,  combien  que  l’air  y foit  froid , Ôc  qu’il 
trauaille  & contïaigne  ceux  qui  y palïenrdcfe  ^ 
veftir , neantmoins  ce  froid  n’ofte  pas  l appetit 
de  manger , au  contraire  il  le  pronoque , ny  ne 
caufe  point  de  vomifièment  en  l’eftomac , mais 
feulement  quelque  douleur  aux  pieds , êc  aux 
mains.  Finalement  leur  operation  eft  extérieu- 
re , mais  cil  des  Indes  que  ie  dy , (ans  trauaillcr 
ny  les  pieds  ny  les  mains,  ny  auèune  partie  ex- 
térieure, brouille  toutes  les  entrailles  au  de- 
dans, 6c  ce  qui  eft  plus  admirable,  il  auiént  au 
mefine  endroit  que  le  Soleil  y eft  chaud,  qui 
me  fait  croire  que  le  mal  que  l’on  en  reçoit 
vrênt  de  la  qualit  é de  l’air  que  Ton  y relpire, 
d’autant  qu’il  eft  tres-fubtil  6c  tres-delicac,  6c 
que  fon  froid  n’eft  pas  tant  fcnfible  comme  il 
eft  pénétrant.  Toute  cefte  chaine  de  montagnes 
eft  communément  deferte  , iàns  aucuns  villa-, 
ges  ny  habitations  des  hommes, Ac'forte  qu’à 

M iiij 


Histoire  natvrelle 
peine  Ton  y troiiue  des  petites  maifons  ou  rc- 
traittes  pourylogerlcspaiTansde  nuid.  Il  n’y  a 
non  plus  d’animaux  ^ ou  bons  ou  mauuais , fi  ce 
n’cft  quelques  Vicunos,  qui  font  des  moutons 
du  pays  , lefquels  ont  vnc  propriété  eftrange  & 
merueilleufe,  comme  ie  diray  en  fon  lieu.  Llier- 
bc  y eftfouucntesfois  bruflee&  toute  noire  de 
l’air  que  ie  dis , ôc  ce  defert  dure  comme  vingt 
cinq  à trente  lieues  de  trauerfe  j ôc  contient  de 
lôgueur,côme  i ay  did , plus  de  cinq  cens  lieues. 
Il  y a d’autres  deferts  ou  lieux  inhabitez,  qu’ils 
appellent  au  Peru  Punas  ( pour  parler  du  fécond 
poind  que  nous  auons  promis  ) où  la  qualité 
del’air  îrenche  les  corps  & la  vie  des  hommes, 
fanslefentir.  Au  temps  palfé  les  Efpagnols  che- 
rainoyentdu  Peru  au  Royaume  deChillé,  par 
la  montagne  : auiourd’huy  l’on  va  ordinaire- 
menrparmer,  & quelquesfois  lelongde  la  co- 
de : & combien  que  le  chemin  y foit  ennuyeux 
&fafcheux,  il  n’y  a pas  toutesfoistantdedan- 
ger,  qu’en  l’autre  chemin  de  la  montagne , où  il 
y-a  des  plaines  , au  paflage  defquelles  pluheius 
hommes  font  morts  &c  péris , & d’autres  en  font 
efehappez  par  grande^ aduantdre,  dont  les  vns 
font  dèmeurez  eftropiez.  ^ll  court  en  exft  en- 
droit vn  petit  air,  qui  n’cft  pas  trop  fort  ny  vio- 
lent,mais  il  pénétre  de  telle  façon , que  1 es  hom- 
mes y tombent  morts  quaf  fans  fefentir,  ou 
bien  les  doigts  des  pieds  & des  mains  y demeu'*- 
rent:  ce  qui  pourra  ferabler  chofe  fabuleufe, 
ôc  routesfois  c’eft  chofe  ver/table.  , l’ay  cogneu 
Sc  long  temps  fréquenté  le  general  Hierofme 
Cofeilla,  ancien  pcupleur  de  Cufco  , qui  aiioit 


DES  lïÎDES.  LlV.^  lîL  5,5 

perdu  trois  ou  quatre  doigts  de  pieds , quiluy 
romberent  en  paflànc  ies  deferts  de  Chillé , par 
ce  qu’ils  auoienr  cfte  atteints  & pénétrez  de  ce 
petit  air  , & quand  il  les  vint  à regarder  , ils 
eftoient  défia  tous  morts , ôc  tomba-ent  d’eux 
mefines  fans  luy  faire  aucune  douleur , tout  ain~' 
fi  quetombedelarbre  vneporaegaftcc.  Ce  Ca- 
pitaine racontoit  qued’vne  bonne  armée  qu’il 
auoit  conduite  & palfée  parce  lieu  les  années 
precedentes, depuis  ladefcouuertcdece  Royau- 
me fai  dlc  par  Almagro,  vne  grande  partie  des 
homme  s y demeurèrent  morts  ^ & qu’il  y vid  les 
corps  tftendus  parmy  le  defert , fans  aucune 
mauuaifc  odeur  ny'eorruptiô*  Adiouftât  d’aiian- 
rage  vne  chofe  fort  eftrange^q  u’ils  y trouuercnt 
vn  ieune  garçon  yioant,  lequel  eftantenquis  co- 
rne il  auoit  vefeu  en  ce  lieu  ,;dift  qu’il  s’eftoit  ca- 
ché en  vne  petite  cauerne,  d’où  il  fortoit,  pour 
couperauec  vn  petit  coufteau,  de  la  chair  d’vn 
chenal  mort,  & qu’il  fedoitainfi  fobftànté  long 
temps,  aucc ne fpy  combien  de  compagnons, 
qui  fe  maintenoient  de  celle  façon, 'mais  que 
défia  ils  y eftoient  tous  demeurez.  Tvn  mourant 
auiourd’huy  & demain  i’autreidifant  qu’il  ne  de- 
lîroit  autre  chofe  que  de  rhourir  làaucc  les  au- 
tres, veu  qu’il  ne  fen  toit  défia  plus'  en  luy  aucu- 
ne difpofirion  pour  aller  en  vn  autre  endroit, 
ny  pour  prendre  gouft  en  aucune  chofe.  l’ay 
entendu  le  raefme  d’autres  ,&  particulièrement 
d’vn  qui  eftoit  de  noftre  compagnie , lequel 
pour  lors  ellant  feculier  auoit  palfé  par  ces  ^de- 
ferts , Sc  cil  vne  chofe  mcrueilleufe  que  la  qua- 
lité de  cell  air  froid,  qui  tue  Ôc  conferue  aufii 


Histoire  natvrelle 
tout  cnfemblc  les  corps  morts  fans  corruption, 
le  l’ay  auffi  entendu  d Vn  venerable  Religieux  de 
l’ordre  de  Saind  Dominicque  & Prélat  d ’icellc, 
qui  lauoit  veu  paffant  par  ces  deferts,&  qui  plus 
cft,  rac  conta , qu’eftant  contraind  d’y  palfer  la 
nuidjpourfc  dcffendre  & remparer  contre  ce 
vent  fi  mortel  que  ie  dy  qui  court  en  ce  lieu , ne 
trouuantautrechofcà  propos  aflembla  grande 
quantité  de  ces  corps  morts  qui  eftoientlà , ôc 
fit  d’iceux  comme  vne  muraille  de  cheuct  de 
lid , de  celle  façon  il  dormitjes  morts  luy  don- 
nans  la  vie.  Sans  doute  c’eft  vn  genre  de  froid 
que  ceftuy-là  fi  pénétrant  qu’il  cfteint  la  chaleur 
vitale  en  coupant  fon  influence: & d’autant  qu’il 
cft  aufi  trésfroid  il  ne  corrompt  ny  donne  putre- 
fadlion  aux  corps  morts , parce  que  la  putre- 
faélion  procédé  de  chaleur  Ôc  d’humidité.Q^ant 
àPautre  forte  d’air  que  l’on  oit  refonner  foubs 
la  terre, & qui  caufe  des  tremblemcns , plus  aux 
Indes  qu’es  autres  régions , i cnparlcray  en  trai- 
tant des  qualitez  de  la  terre  des  Indes.Maintc- 
nantnous  nous  contenterons  de  ce  qui  cftdit 
des  vents  & de  l’air , ôc  paflerons  à ce  qui  fe  pre- 
ferjtc  du  fubiet  de  l’eaUc 


De  l'Océan  qui  circuit  les  Indes  de 
la  mer  du  Nort  celle 


De5  Indes.  Liv.  III.  5,4 
N T R E les  eaucsjla  mer  Ocea- 
nc  a la  principauté,  par  laquelle 
les  Indes  ont  efté  defcouuertes, 
qui  toutes  font  enuirônécs  d’el* 
le  mefme,car  ou  ce  font  Ifles  de 
r 1'  n ~ Occanc  , ou  bien  terre 

ferme  laquelle  mefme  en  quelque  part  qu'elle  fi- 
mlTe  Ôc  sacheue  , cil:  toufiours  bornée  deceif 
Océan.  lufques  auiourd’huy  l’on  n’a  point  def- 
couucrtau  nouueau  mondeaucune  mer  Médi- 
terranée comme  il  y en  a en  Europe , Afie  ôc 
Al-nque  , efquelles  il  entre  quelque  bras  de  ce- 
lte grande  mer,  &fontdesmers  diftinéles pre- 
nansles  noms  des  prouinces  & terres  quelles 
vont  baignant , & prefque  toutes  les  mers  Me- 
direiTances  fe  continuent  ôc  ioignent  entre 
eux  &auec  le  mefme  Océan , par  le  deftroitdc 
Oilbatar , que  les  anciens  nommèrent  Colom- 
nesde  Hercules.  Combien  que  la  mer;Pvouac 
e mt  eparée  dé  ces  autres  Mediterranées, 
nitre  toute  feule  en  l’Océan  Indique,  & la  mer 
Oalpie  ne feiointauec  aucune  autre.  Doneques 
aux  Indes, comme  i’ay  dit , l’on  ne  trouue  point 
d autre  mer  queceft  Océan,  lequel  ils  diuifent 
en  deux  ,1  vn  qu’ils  appellent  mer  du  Norr,  ôc 
1 autre  mer  du  Sud  1 pource  que  la  terre  des  In- 
des Occidentales  , qui  fut  premièrement  def- 
couuertepar  l Oceap,  quiarriueiufquesà  l’E- 
Ipagnc,  cil:  route  lîtuée  au  Norr;  &par  icelle 
terre  ion  a defcouucrt  depuis  vne  merde  l’au- 
je colle,  laquelle  ils  ont  appcllée  mer  du  Sud, 
dautantqu’ils  defeendirent,  iufques à palfer  la 
ligne,  Ôc  ayans  perdu  le  Norc  ou  pôle  Arélique, 


HerodolVA 

luutisi. 


Histoire  natv relie 
qu’ils  appelleient  Sud  : pour  cefte  caufe  l’on  a 
appellé  la  mer  du  Sud  tour  ceft  Océan,  qui  eft 
de  l’autre  cofté  des  Indes  Occidentales,  encor 
qu’vne  grand’  partie  d’icelle  Toit  fituée  au  Nort, 
comme  l’eft  toute  la  colle  delà  ncufue  Efpagnc 
Nuaragna,Guatimala  & Panama.L’on  dit  que  le 
premier  defcouureur  de  celle  mer  fut  vn  Bla- 
feonunes  de  Balboa , & qu'il  la  defcouurir  par 
l’endroit  que  nous  appelions  auiourd’huy  ter- 
re ferme,  où  la  terre  s^ellrelTir , & les  deux  mers 
s’approchent  de  lî  près  l’vne  de  l’autre  qu’il  n y 
a que  fept  lieues  de  dillance  Car  combien  que 
l’on  en  chemine  dixhuid , de  Nombre  de  Dios 
à Panama , neantmoins  c’ell  en  tournoyant, 
pour  chercher  la  commodité  du  chemin,  mais 
tirant  par  la  droite  ligne , l’vne  mer  ne  fe  trouue- 
ra  dillan te  de  l’autre  de  plus  que  iay  dit.  Cal- 
ques vns  ont  difeouru  & mis  enauantdc  rom- 
pre le  chemin  de  fept  lieues , afin  de  ioindre  vnc 
merauec  l’autre,  pour  rendre  le  pafiage  duPe- 
ru  plus  commode  & plus  aifé , parce  que  ces 
dixhuiél  lieues  de  terre,  qu’il  y a entre  Nom- 
bre de  Dios  & Panama,  emportent  plus  de  def- 
pence  & de  trauail  que  deux  mil  trois  cens 
qu’il  y a de  mer.  Sur  quoy  toutesfois  quelques 
vos  ont  voulu  dire  que  ce  feroit  peur  noyer 
la  terre,  difans  qu’vne  mer  eil  plus  baife,  que 
l’autre.  Comme  au  temps  paffé  l’on  trouue  par 
les  hiftoires , que  pour  la  mefmc  confideration, 
l’on  delaiifa  Pentreprinfe , de  vouloir  ioindre  & 
continuer  la  mer  Rouge  auec  le  Nil,  du  temps 
du  Roy  Scroftris,&  depuis  de  1 Empire  d’Otho- 
man.  Mais  de  ma  partie  tiens  tel  difcours& 


DES  Indes.  Liv.  III. 
propofition  pour  chofe  vaine  , encor  que  cec 
inconucnienc  allégué  n y deuft  point  efchoir, 
lequel  aulîi  ic  ne  veux  pas  tenir  pour  certain, 
& croy , qu  il  n y a puillance  humaine , qui  fuft 
lufïirante  pour  rompre  & abbatre  ces  rres-for- 
tes  & impénétrables  montaignes  , que  Dieu  a 
miles  entre  les  deux  mers,  & lesahiites  déro- 
ches tres-dures , afin  de  fouftenir  la  furie  des 
deux  mers.  Et  quand  bien  ce  lcroit  chofe  polîi- 
ble  aux  hommes  , il  me  femblc  que  londeb- 
uroif  craindre  lechafiiementdu  Ciel, en  voulant 
corriger  les  œuures  que  lelCreatcur  par  fa  gran- 
de prouidencc  a ordonnées?,  ^ difpofées"cn  la 
fabrique^dc  cet  vniuers.  LaifTant  donc  ce  dif- 
cours , d’ouurir  la  terre,  &vnir les  deux  mers 
enfembic,  il  y en  a vn  autre  moins  téméraire, 
mais  bien  difficile  Sc  dangereux  de  rechercher, 
fi  ces  deux  grands  abifmes  fe  ioignenten  quel-  < 
que  partie  du  monde,  qui  fut  lentreprinfe  d® 
Fernande  Magellan,  gentil-homme  Portugais, 
duquel  la  grande  hardieffe  & confiance,  effi  la 
lecherche  de  ce  fubjed  , de  heureux  fuccez 
qu  ileuflen  le  trouuant,  donna  le  nom  d éter- 
nelle mémoire  , à ce  deflroir  que  iuflement  l’on 
^pelle,du  nom  defon  defcoimreur,  Magellan. 
Duquel  deflroit  nous  traitterons  quelque  peu] 
œmme  d Vne  des  grandes  merucilles  du  monde! 
Q^lques  vns  ont  creu,  que  ce  deflroit  que  Ma- 
gellan trouua  en  la  mer  du  Sud,  n’eftoir  point, 
ou  bien  qu  il  s efloit  referré,  comme  Dom  A- 
lonlc  d’Arfilla  eferit  en  fon  Auracane,  &aii- 
^lourd  huyyenaqui  difent,  qu’il  n’y  a point  de 
teiddtroir,  mais  que  ce  font  desifles,  entre  la 


Hisi^oire  natvrelle 
mer  Se  la  terre , pource  que  la  terre  ferme  prend 
fin  en  cet  Endroit,  5c  au  bout  d’icelle  font  tou- 
tes Ifles,  outre  lefqnelles,  fvne  mer  fe  ioint  plai- 
nement,  auec  l’autre,  ou  pour  mieux  dire  eft 
route  vnemerme  mer,  Mais  a la  vérité  c eft  cho- 
fecertaincqu’ily  avndeftroit  & de  là  teireforc 
longue,  &fortcftenduc  d’vncofté  ôc  d’autre: 
bien  que  l’onnayt  encore  peu  cognoiftre,  iul- 
ques  où  fepeut  eftendre  cela  qui  eft  de  l’autre 
cofté  du  deftroit  au  Sud.  Apres  Magellan  palTa  le 
deftroit,  vne  nauirede  l’Euefque  de  Plaifance,  ! 
DomGuitieres'jCarnaial,  de  laquelle  ils  diferrt 
queleMaft  eft  encor  àLyma  à l’entrée  du  Pa- 
lais,l’on  alla  depuis  par  le  cafté  du  Sud, pour  def- 
couurir  ce  deftroit,  parle  commandement  de 
DomGuarciadeMendoce,  qui  pour  lorsauoit 
le  aouuernement  de  Chillé.Suyuant  quoy  le  Ca- 
piuine  Ladrillero,le  trouua  5c  le  palîa.Pay  leu  le 
difeours  5c  la  narration, qu’il  en  a faide,  où  il  dit 
qu’il  ne  fe  bazarda  de  defembarquer  le  deftroit 
mais  qu’ayant  defiaÙecogneu  la  mer  du  Nort , il 
retourna  arriéré  pour  lafpreté  du  temps , 5c  que 
THiiier  eftoit  jà  entré,  qui  caufoit  que  les  vagues 
venants  du  Nort  eftoient  groftes  5c  bondilPan- 
tes , 5c  les  mers  toutes  efeumantés  de  furie.  De 
noftre  temps  François  Drach  Anglois,a  pafte  ce  j 
mefme  deftroit-,  Depuis  luy  le  capitaine  Sar-  j 
miento  le  pafta  par  le  cofté  du  Sud , 5c  tout  der-  j 
niercmcnt,cn  l’an  de  mil  cinq  ce ts  quatre  vi^ts 
5c  fept,d’autres  Anglois  l’ont  pafte , par  l’inftru- 
dion  qu’en  donna  Drach,  lefquels  de  prefent 
i-audent  la  cofte  du  Peru,  Ôc  pource  que  le  rapord 
qu’cnafaidlc  maiftre  Pilote,  quile  pafta,  mc^ 


r LI  .^ndes.  Liv.  tu.  56 

Icmble  notablcjic  rinfcreray  icy. 


_ comme  l’on  le 

^djfa  dti  cojlé  du>  Sud, 

Chapitre  XI. 

N-l’an  dcnoftrc  Salut  mil  cinq  cents 
foixantc  & dixncuf,  ayant  François 
Drach  palTé  le  deftroit  de  Magellan 

couru  la  code  de  Chillé,&  de  tout 

lePeru,  &prins  lenauire  defaina  Icand’An- 
thona,  où  il  y auoitgrandc  quantité  de  barres 
d argent,  IcViceroy  Dom  François  de  Tolfede  - 
arma&enuoya  deux  bonnes  nauircs,  pourre- 
cognoiftre  le  deftroit,  allant  pour  Capitaine 
d icelles  , Pierre  Sarmicnro  homme  doéte  en 
ro  ogie.  Ilsibrtirentdc  Callao  de  Lyma,  an 
comniencementd’Odobre,&pource  qu’cn  ce- 
lte cafte  il  court  vri  vent  contraire,  qui  {buffle 
touhours  du  Sud ,.  ils  saduaneererrt  beaucoup 
en  la  mer,  Payants  nauigé  peu  plus  de  trente 
loiirs  auecvn  temps  fauorable.fe  trouuerent 
en  k hauteur  du  deftroit.  Maisd’autant  quïleft 
fort  difficile  de  le  recognoiftre,  ils  s’approchè- 
rent de  terre  , où  ils  entrèrent  en  vnc  grande 
Anle,enlaqueileilyavn  Archipelague  d’ffles. 
armienra  s’obftinoit,  que  là  eftoit  le  deftroit 
& tarda  plus  d vn  mois  à le  chercher , par  diiiers' 
en  roits,  montant  ffir  de  tres-bautes  montai- 
gnes  en  terre.  Mais-Voyant  qu’il  neletrouuoit 
point,  alarequefteque  ccuxde  l'armee  luyft. 

rent,  retournèrent  en fînà  rortirenia  mer,où 


Histoire  natvrelle 
il  fit  largue/ Le  mcfmeiour  furuint  vn  temps 
alTez  rude.aucc  lequel  ils  coururent , & au  com- 
mencement de  la  nuid  veirent  ne  feu  de  la  Ca- 
pitaine, quiaufli  toft  difparut , tellement  que 

fautre  nauire  ne  la  veidiamais  depuis.  Lciour 

enfuyuant  durant  toufiours  la  force  du  vent, 
qui  eftoit  trauerfain , ceux  de  la  Capitaine  re- 
coeneurentvnc  ouuerture,  qiiefaifoit  la  terre, 
de  trouuercnt  bon  de  s’y  retirer  a l abry  *,  iufques 
à ce  que  la  tempelle  full  appaifec.  C e qu  il  leur 
fucceda de  telle  façon,  quayans  recogneurou- 
iierture  ils  veirent , qu’elle  alloitde  plus  en  plus 
entrant  dedâs  la  terre,  & foupçonnâs  que  ce  fuft 
le  deftroit  qu  ils  cherchoient,  prindrent  hau- 
teur au  Soleil , ou  ils  fe  trouuerent  en  cinquante 
& vn  degré  & demy , qui  eft  la  propre  hauteur 
du  deftroit:&  pour  s alfeurer  d auantage,  mirent 
le  briguantin  hors , lequel  ayant  couru  plufieurs 
lieues  dans  ce  bras  de  mer  fans  en  voir  la  nn, 
recogneutque  ceftoitlà  le  deftroit.  Et  pour  ce 
qu’il?  anoient  ordre  de  le  pafter,  ils  laiftcrent 
vue  haute  Croix  plantée  là  & des  lettres  au  bas 
afin  que  fi  l’autre  nauire  arriuoit  là , elle  euk 
nouucllcs  de  la  Capitaine , &lafuyuift.  I s pal- 
ferent  donc  le  deftroit  en  temps  fauorablc,  & 
fans  difficulté , & fortis  en  la  mer  du  Nort , arri- 
uerentcnienefçay  quelles Ifles,  cuils  recueil- 
lirent dd’eaue  & fe  rafraifchircnt.  Çelà  pnn- 
drcntleur  route  au  Cap  de  vert.  D’oulc  P^rc 
maicur  retourna  auPeru , par  la  voyc  de  Car- 
thagenc , & de  Panama , & apporta  au  Viceroy 
le  difeours  du  deftroit, & de  tout  le  fuccez,  don* 
il  fut  recompenfé  félon  le  bon  feruicc  qu  il  auoi 


1: 


des  Indes.  Liu.  ITI. 

ftit.  Maisk  Capitaine  Pierre  Sarmknto,  du 
CapdevertpalTaenSeuille.enla  meftne  nani- 
re  quil  auou  palTele  deftroit,  & fut  à la  cour 
ou  fa  Maiefte  le  recompenfa,  &àfon  inftance 
fit  commandement  ledreflèr  vne  groflè armée’ 
qu’il  enuoya  foubs  la  conduite  de  Diego  Fl  o’ 
rezde  Valdez  pour  peupler  & fortifier  ce 
deftroit.  Toutesfois  celle  armee  apres  diuers 
ticlpencè  &aifez  peu 

deffea.  Reuenantdoncàl’autrenauire  Viçad- 
imrale,  quialloitenla  compagnie  de  la  Capi- 

tame,l  ayantperdue,  auec le  Temporal  quei^y 

dit , el.e  fe  mit  a prendre  la  mer , le  plus  qu’elle 
peut;  mais  comme  le  vent  eftoit  trauerfain  & 
tenipeaueux,ils  cuidercnt  certainement  périr, 
defortequilsfeconfeflérent  tous,  fe  prepa- 
rans  a la  mort.ILa  tempeile  leur  continurtrois 
loursfans  s appaifer,  &àchaque  heiireils  pen- 
loient  deuoir  donner  en  terre . mais  il  leur  ad- 
umt  bien  au  contraire , car  ils  falloient  plus  ef- 
ioignans  delà  terre , iufques  àla  fin  du  troifief- 
meiour.que  latempeftefappaifi,.  &lors  pre- 
nants hauteur , ilsfetrouuerenten  cinquLte 
fix  devrez,  toutesfois  voyant  qu’ils  n’auoyent 
donne  au  trauers.  &aucontrairc  ils  eftoyent 
efioignez  de  la  terre,  fe  trouuerent  tous  efmer- 
ueillez.Dourls  iu«rent(  comme  Hernande' 
Umero  pilote  de  ladite  nauire  me  le  conta)  que 

a terre  qui  eft  de  l’autre  cofté  du  deftroif;  com- 
me nousallonsparlamerduSud  , ne  couroit 
pas  mefinerumb  que  iufques  au  deftroit,  mais 
pu  ellefetoutnoit  vers  le  Leuant;  Car  autre- 
ment c euft  efté  chofe  impoflible , qu’ils  n’euf- 

N 


'Histoire  katvrilli 
fcnt  aborde  la  terre , ayans  couru  tant  de  temps 
pouiïez  de  ce  trauerfain  , mais  ils  ne  palîèrent 
point  plus  outre , & ne  veirent  non  plus  Ci  la 

terre  s’acheuoitlà,  ( ainfi  que  quelques  vns  veu-  ! 
lent  dire  ) que  c’eft  vne  Ifle  que  la  terre  de  l’au- 
tre codé  du  deftroit,  & que  là  les  deux  mers  de 
Nort  & Sud  fe  ioignent  enfcmble , ou  fi  elle  al- 
loit  courant  vers  TEft , iufques  à fe  ioindre  auec 
la  terre  de  Vida , qu’ils  appellent , qui  refpond 
au  Cap  de  bonne  Efperance.comme  c’ed  l’opi- 
nion d’autres.  La  vérité  de  îcecy  n’cd  encor  au 
iourd’huy  bien  cogneue , & ne  fe  trouue  aucun 
qui  aye  couru  cede  terre.  Le  Viceroy  Dom 
Martin  Henricque,me  dit , qu  il  tenoit  pour  in- 
uentionderAnglois,lebruit  qui  auoit  couru, 
de  ce  que  ce  dedroit  hiCoit  incontinent  vne  ^ 
Ifle  & fc  ioignoient  les  deux  mers  ; Pour  ce  que 
edant  Viceroy  delà  neufue  Elpagne,il  auoit 

diligemment  examiné  le  pilorte  Portugays  que 

FrançoisDrac  y laiflà,&  neantmoins  n’auoit  au- 
cunement entendu  telle  chofe  de  luy.  Mais  ce- 

doic  vn  vray  dedroit, & terre  ferme  des  deux  co- 

ftez.Rctournant  donc  ladite  Viçadmiralle,  ils 
reco<yncurent  le  dedroit,  comme  ledit  Hernan- 
àc  Lamero  me  raconta,  mais  par  vne  autre  bou- 
che ou  entrée, qui  ed  en  plus  de  hauteur,  à caufe 
de  certaine  grande  ifle , qui  ed  à 1 eraboucheure 
du  dedroit  qu’ils  appellct  la  Cloche,pour  la  for- 
me qu’elle  a.Et  comme  il  difoit,il  le  voulut  paf- 
fer,mais  le  Capitaine  & les  foldatsncle  voulu- 
rent point  confentir,  leur  fcmbloit  que  le  temps  , 
edoit  ia  bien  aduancé,&  qu’ils  couroient  grand  | 
danger , par  ainflils  retournèrent  à Chillé  ik  au^ 


DES  Indes.  Liu.^  III.  o8 

Pcru , làns  I auoirp^ITé. 


Dudejïmt  ^ue  quelques  vm  ajfermet  ejîre  en  UFloride, 
Ch  A P.  XII. 

■ outainfî  comme  Magellan  trouua. 

ce  deftroit  qui  eit  au  Sud,il  y en  a eu 
d autres  qui  ont pretêdu  defcouurir 
vn  autre  deftroit , qu’ils  difen  t eftrc 
au  Norr,  & l’imaginent  en  la  Flori- 
dCjdont  la  code  court  de  telle  façon,que  Ton  ne 
Içaitla  fîn.L’Adelantadc  Pierre  Mclendcz  hom- 
me içauant  & expérimenté  eh  la  mer , afferme 
que  c ed  choie  certaine^qu’il  y a là  vn  dcftroit,&: 
que  lcRo.yluy  auoit  corn  mandé  de  le  defcouurir 
enquoy  faircil  monftroit  vn  très-grand  defir,  il 
mettoit  en  auant  ces  raifbns , pour  prouuer  fbia 
opiniô , & difoit  que  l’on  auoit  veu  en  la  mer  du 
Nortjdes  relies  de  nauires  femblables  à ceuxdôc 
vfoyent  les  Chinois , ce  qui  euft  ellé  impolTiblc, 
S’il  n’y  eull  eu  palTage  d'vne  mer  à l’autre.  Et 
racontoit  mefme , qu’en  certaine  grande  baye, 
quieilcnla  Floride  , laquelle  entre  trois  cens 
lieues  dans  la  terre , 1 on  y void  des  balaines  en 
certain  temps  de  l’année,  qui  viennent  de  l’au- 
tre mer.  Apportant  outre  ce  quelques  autres 
indices , concluoit  fïnablement  que  c’eftpit 
^°^^^^ii3,ble  àlafagelîè  duCrcatcur,  & 
au  bel  ordre  de  la  nature,  que  comme  il  y auoit 
l^communication , 8c  palTage  entre  les  deux  mers 
au  Pôle  Antarélique,  il  y en  euft  aulïî  tout  de 

N ij 


Histoire  natv^ÏPle 
mcfmcauPolc  Ardicquc,  qui  eft  le  principal  | 
Pôle.  Quelques  vns  veulent  dire , que  Drach  a 

cucognoiffanccdeccdefti-oit,  &quïladonné 

occzSon  de  le  iuger  ainfi,  quand  il  palTa  le  long 
de  la  cofte  de  la  neufue  Efpagne,  par  la  mer  du 
Sud.Merme  l’on  a opinion  que  d’autres  Anglois? 
quiccfteanncci^S-.  prindrent  vnc  nauirc  Ve- 
nant des  Philippines, auec  grande  quantité  d’or, 
& autres  richeffes , ay ent  auffi  pafle  ce  deftroit. 
Laquelle  prinfe  ils  firent , ioignant  les  Calli- 
phornes , que  les  nauires  retournans  des  Philip- 
pines & de  la  Chine  en  la  neufue  blpagnc,  ont  ^ 

accouftume  de  rccognoiftrc.  L on  s afleure  que  | 
comme  auiourd’huy  eft  grande  la  hardiefiè  des  | 
hommes  , & le  defir  de  trouuer  nouueaux  | 
moyês  de  s’agrandir  tel , qu’auant  peu  d’annccs  1 
l’on  aura  defcouucrt  ce  fccret.  Et  eft  certes  vnc  j 
chofe  digne  d’admiration,  que  comme  les  four-  ■ 
mis  vont  toufioursfuyuant  le  chemin  &la  tra-  1 

ce  des  autres  , aufti  les  hommes  en  la  cognoif-  | 
fance  & recherche  des  chofes  nouuclles  , ne  , 
s’arreftent  iamais  iufqucs  ace  quils  ayent  at- 
teint le  but  defiré  pour  le  contentement  & 
cloiredes  hommes.  Et  la  haute  & éternelle  fa*  • 
lelTedu  Créateur  fefert  de  cefte  naturellecu- 
riofitc  des  hommes , pour  communiquer  la  lu- 
mière de  Ton  faintEuangilc  , aux  peuples,  qui 
toufiburs  viuentes  tenebres  obfcures  de 
erreurs.  Mais  en  fin  le  deftroit  du  PoleArcli- 
que , s’il  y en  a , n’a  point  encor  efte  defcouuerc 
iufques  atiiourd’huy.  C’eft  pourquoy  ce  ne  fer^ 
point  chofe  hors  de  propos  de  dire  ce  quel 
nous  cognoifîbns  des  particularitcz  du  deftroin 


N DE  s.  Liu.  III. 

Antradiqucjiaclefcouucrti&rrccogneuparlera- 
porc  du  ceux  qui  l’ont  VCU  & remarqué  oculai- 


rcmenr. 


E deftroic.comme  i’aydit,..tt  a 
quante  degrez  iuftes  au  Sud,  & 
dVne  mer  en  l’autre  l’elpacede  qua 
:rcvingtsdix  ou  cet  lieues.  Au  plus 
eftroic  il  eftdVne  lieue, ou  quelque 
peu  moins, auquel  lieu  ainfieftroit  ils  pretedoiêc 
q le  Royfift  bailir  vnc  forrereire,pQiir  deffendre 
le  palIàge.Le  fôd  en  quelques  endroitseftiî  pro- 
fond,qu’on  ne  le  peut  fonder,  &c  en  d'autres  bon 
trouuc  fôds  à i8.  voire  à 15.  bralTées.De  cét  lieiies 
qu’il  codent  de  longueur  de  I vne  mer  àl’autre, 
l ô rccognoifl:  claircmétque  les  vagues  delà  mer 
du  Sud  courêtiufques  à 30.  lieues , & les  autres 
éo.& dix  lieiies  font,  occupées  des  ondes  & des 
flots  de  la  mer  duNort.Mais  il  y a cefte  diiFerécc 
que  les  tréte  lieues  du  cofté  du  Sud  courit  entre 
des  roches  Sc  montagnes  tres-hautes , les  fom- 
mets  dcfquelles  font  continuellement  couuerts 
des  neiges , tellement  qu’il  femblc  ( à caufe  de 
leur  grande  hauteur  ) quelles  fc  ioignent  les 
vues  auecles  autres,  ce  qui  rend  l’entrée  du  de- 
ftroit  du  cofté  du  Sud  fl  difficile  à recognoiftre. 
En  ces  trente  lieiies  la  meryefi:  tref-profonde, 
fl  bien  qu’on  n’y  peut  trouiicr  fonds,  toutesfois 
l’on  y peut  amarer  les  nauires  en  terre,  d'autant 

N"  iij 


Histoire  natv relie 
que  le  riuage  y eft  droit  & coupé.  Mais  aux  au- 
tres foixante&  dix  lieues  qui  viennent  de  la  mer 
du  Nortjl’on  y trouue  fonds,  & y a d vn  cofté  ôc 
d’autre , de  grandes  campagnes  qu’ils  appellent 
Cauanas  ,Plufieurs  grandes  riuicresdVne  eaue 
belle  & claire,[entrent  dans  ce  deftroit  , & y a 
es  enuirons  d’iceluy  de  grandes  & merucilleufes 
forefts,  oùjlon  trouue  quelques  arbres  d’vn 
bois  exquis  &de  bonne  odeur , lefquels  fontin- 
cogneus  par  deçài  dont  apportèrent  pour  mon- 
ftreccuxquiypairerent  duPeru.  Il  y a de  gran- 
des prairies  auar  dedans  la  terre , & y apludeurs 
Iflesquifefontau  milieu  du  deftroit.  Les  In- 
diens qui  habitent  au  cofté  du  Sud  font  petis  6c 
mefehans  : ceux  qui  habitent  du  cofté  du  Nort, 
font  grands  &vaillans  , ils  en  apportèrent  en 
Efpagne  quelques  vus  , qu’ils  prindrent.  Ils  y 
trouuerent  des  morceaux  de  drap  bleu , ôc  au- 
tres enfeignes  & apparences  que  quelques 
hommes  de  l’Europe  aiioient  palTé  par  là.  Les 
ludiensfaluerentlesnoftrcs  , auecle  nom  de 
lefus.Ibfontbonsarchcrs  , ôc  vont  veftiis  de 
peaux  de  beftes  de  chafle  j-dont  il  y en  a là  gran- 
de abondance;  Leseauesdu  deftroit  croilPent 
&decroiirent , comme  les  marées,  & voit  on  à 
l’œil  que  les  marees  d’vn  cofté  viennent  de  la 
mer  du  Nort,&  les  autres  de  la  mer  du  Siid.  Au 
lieu  où  elles  fe  rencontrent , lequel  comme  i ’ay 
dir,eft  à trente  lieues  du  Sud,  & àfoixante  & dix 
du  Nort,  combié  qu’il  fcmble  qu’il  deuft  y auoit 
plus  de  danger  , qu’en  tout  le  refte  , néant- 
moins  quand  la  nauiredu  Capitaine  Sarmien- 
fo,  dont  i’ay parlé  cy  dellus,lapaftà,ilsn’cu- 


DES  Indes.  Lin.  îoo 

rcnc  point  de  grand’ tourmente , au  contraire, 
ils  y trouuerent  beaucoup  moins  de  difficulté 
qu  ilsne  penfoient,  parce  que  alors  le  temps 
cftoitfort  doux  & gracieux,  & d’auantage  les  i 
vagues  de  la  merdu  Norr , y venoient  défia  fort  j 
rompu  és,à  caufedu  grand  efpace  de  foixante&^ 
dix  lieu  es  qu  ils  chcmincnt,>&  les  flots  de  la  mer  t 
duSud,n’yfontnon  plus  furieux  à caufe  de  la 
profondeur  qui  eft  en  cefl:  endroit , dedans  la- 
quelle profondeur  ces  mefmes  flots  fc  rompent 
ôc  fe  noyenr.Il  eftbié  vrayqu’en  temps  d’Hyuer 
le  deftroit  eft  innauigeablc  pour  les  tcmpeftes.& 
furies  des  mers  qui  y font  alors  .Ccftpourquoy 
quelques  nauiresqui  fèfbnt  ingerez  de  paflèr  ce 
deftroit  au  téps  d’Hyuer,fefont  perdus.  fYn  feul 
nauirc  fapafle  du  cofté  duSud,qui  eft  laCapitai- 
ne,que  i’ay  ditte,  & ay  efte  bien  amplement  in- 
forme de  tout  ce  que  i’ay  dit  par  le  pilote  d’icc- 
luy  appelle  Hernaridc  Alonfe,  & ay  veu  la  vraye 
defeription  ôc  cofte  du  deftroit  qu'ils  firent  ôc 
tracèrent  en  le  palïànt,de  laquelle  ils  apporterét 
lacopieauRoy  d’Efpagnc  , & l’original  à leur 
Viceroy  auPeru.  ‘ f 

"DhJIhx  O'  rejîux  de  U mer  O cerne  es  Jndes, 

C hap.’  XIIII. 


N des  admirables  fccrcts  de  nature 
eft  le  flux  ôc  reflux  de  la  mer , non 
feulement  pour  cefteeftrange  pro- 
priété , de  croiftre  ôc  deferoiftre, 
mais  auflî  beaucoup  d’auantage  pour  la  diffe- 

N iiij 


Histoire  natvrelle 
rcncc  qu’il  y a en  cela  en  Miucr  fes  mers  , voire 
en  diuerfes  colles  d’viie  mefmc  rner.  Il  y a des 
mers  qui  n’ont  ne  flux  ny  reflux  iournel , com- 
me l'onvoid  en  laMediterranée  iiiterieurequi  c II 
en  lamerThyrrcnc,  &toutesfois  il  y a flux  & 
reflux  par  chafquc  iour  en  la  mer  Mediterra- 
née fuperieure,qui  ell  cellede  Venife  , qui  don- 
ne occafion  à bon  droit  de  s’en  efmerueillcr  en 
ce  que  toutes  ces  deux  mers  eftans  Meditcrra- 
nées,  & celle  de  Venife  non  plus  grande  que 
l’autre,  fi  cft-ce  qu  elle  a du  flux  & reflux  com- 
me l’Océan,  & celle  autre  mer  d’Italie  n’en  a 
point.  Il  fc  trouuc  quelques  mers  Mediterra- 
ncesqui  manifellement  croilîcnt  & diminuent 
chafque  mois , & d'autres  qui  ne  croiflènt  ny 
auiourny  aumoys.  Il  y a d’autres  mers  comme 
l’Occean  d’Efpagne  qui  ont  le  flux  & reflux  de 
chafque  iour  , & outre  celluy-làils  ont  auflî 
celuy  de  chafquc  mois  qui  vient  deux  fois,  àfça- 
uoir  à l’entrée,&  au  plein  de  la  Lune,  & l’appel- 
lent grande  mer.  Or  de  dire  qu’il  y ait  quelque 
mer,qüiaye  le  flux  6c  reflux  de  chafquc  iour , & 
n’aye  celuy  du  mois , ie  n’en  fçachc  point.  C’ell 
ceofeefmerueillable,  que  la  diuerlité  que  l’on 
void  és  Indes  fur  ce  fubieél  : car  il  y a des  en- 
droits où  la  mer  chafquc  iour  monte  & dimi- 
nue deux  lieues,  comme  l’on  void  en  Panama, 
& au  haut  de  Teau  elle  monte  beaucoup  d*a- 
• uantage , il  y en  a d’autres  où  elle  monte  & s*a- 
bailTe  fi  peu , qu’à  peine  en  cognoilt  onja  diffé- 
rence. Oeil  l’ordinaire  de  la  merOceaned’a- 
uoir  fon  flux  Ôc  reflux  iournel  , & ce  reflux 

iournel  ell  deux  fois  au  iour  naturel,  Ôc  s’aduan- 


DES  Indes.  Liu.III.  loi 
ce  toufiours  de  trois  quarts  d’heure  en  vn  iour 
pluftoft  qu'en  l’autre , fuiuant  le  mouucmcnt  de 
la  Lune.  Parainfila  mareé  n’cft  iamais  en  vne 
mefmc  heure  d’vniour  , qu  elle  cft  en  celle  de 
l’autre.  Quelques  vns  ont  voulu  dire  que  ce 
flux  & reflux  procedoit  du  mouuement  local 
de  l’eaue  de  la  mer , de  forte  que  leauc  qui  vient 
croiflànt  en  vn  coftc,  va  dccroiflànt  en  l’autre 
quiluy  efl:  contraire,  tellement  qu  il  eft plaine 
merenvn endroid  lorsque  la  mer  eft  baflcen 
la  partie  oppofitc  , tout  ainfi  que  l’on  void  en 
vne  chaudière  pleine  d’eâiic  que  l’on  remue, 
quand  elle  panche  d Vncôfté  l’eaue  augmente, 
& à l’a^utre  coftc  elle  diminue.  Il  y en  a d’autres 
qui  afferment  que  la  mer  en  vn  mefine  temps 
croift  en  tous  endroits  & en  vn  mefme  temps 
elle  y diminue  tout  ainfi  que  le  bouillô  d’vn  pot, 
fortant  du  centre  s’eftendà  tous  endroits,  ôc 
quand  il  cefle  il  diminue  aufîi  de  toutes  parts. 
Cefte  fécondé  opinion  eftvraye,  & la  peut-on 
tenir  , félon  mon  iugement,  certaine  & expéri- 
mentée , non  pas  tant  pour  les  raifons  que  les 
Philofophes  en  donnent  en  leurs  Mcteores,quc 
pourl  expcrience  certaine  que  l'on  en  a peu  fai- 
re.Car  pour  mefatisfairedecepoint  &queftion 
iedemanday  fort  particulièrement  au  fufdit  pi- 
lote, comment  cftoient  les  marées  qu’il  trouua 
au  deftroit,  6c  s’il  eftoir  ainfi  que  les  marces  delà 
mer  du  Sud  deferoiflbient , au  temps  que  celles 
de  la  iT^du  Nort  montoienr.  Etau  contraire, 
pourquoy  cefte  demande  eftant  véritable,  ilad- 
uenoit  que  le  croiftre  de  la  mer  en  viî  endroit, 
cftoit  deferoiftre  en  l’autre, qui  eft-ce  que  la  pre- 


Histoire  natvrelle 
miere  opinionafFerme.il  nîe  rcfpondit  qu’il  n en 
eftoitpas  ainfi,mais  que  1 ô voyoit  & recognoif- 
foit  apertemét  que  les  marées  de  la  mer  du  Nort 
& celles  de  la  mer  du  Sud  croilîoienr  en  melmc 
temps  tant  que  les  vagues  d vne  met,  fe  rencon- 
troicnt  auec  celles  de  l’autre  & qu’en  vn  mefmc 
temps  aufîi  elles  commençoient  à defcroiftrc 
chacune  en  fa  mer  j difant  que  le  monter  & def- 
cendre  eftoit  chofè  qu’ils  voyoient  chafque  iour, 
6c  que  le  coup  ôc  le  rencontre  d’vn  flux  à l’antre 
fefaifoit  (comme  i'ay  dit)  aux  foixante  ôc  dix 
lieues  de  la  mer  du  Norr,  & aux  trente  delà  mer 
du  Sud.  D’où  l’on  peut  recueillir  maiiifeftement 
que  le  flux  ôc  reflux  de  l’Océan  n’eft  pur  mouue- 
ment  local,  mais  pluftofl:  vne  alteration  &fer- 
ucur,par  laquelle  rcalemê  t toutes  les  eaucs  mon- 
tent ôc  croilFent  tout  en  vn  mefme  temps , ôc  en 
autre  elles  s’abaiflent&  diminuent  ainfl  que  le 
bouillon  du  pot,  dont  i’ay  parlé  cy  ddîus.  Ilfe- 
roit  impoflîblede  comprendre  ce  point  par  ex- 
périence, fl  ce  n’eftoiten  cedeftroit  oùfeioint 
tout  l’Occan  d’vne  part  ôc  d’autrc,car  il  n’y  a que 
les  Anges  qui  le  peulfent  voir  ôc  rccognoiftrc 
par  les  codes  oppofites , d’autat  que  les  hommes 
n’ont  point  la  veuë  allez  lointaine , ny  le  pied  af. 
fez  vide  ôc  leger  qu’il  feroit  de  bcfoin,pour  por- 
ter les  yeux  d’vn  codé  à l’autre  en  fi  peu  de  temps 
qu’vne  marée  donne  de  loifir  , qui  font  feule- 
ment fix  heures. 


DES  Indes.  Lrv.  III.  joz 

J)  e dtuers  f&ijfons,  er  de  U mmiere  de 
fefcher  des  Indiens. 

Ch  AP.  XV, 

y a en  lOcc.in  des  Indes, vue  innom- 
brable muiritude  de  poifTons,  les  eC- 


*pcces  & proprietcz  dcfquels  , le  feul 
^Créateur  peut  déclarer.  Il  y en  a plu- 
lieurs,  qui  font  de  mefme  genre,  que  ceux  que 
voyons  en  la  merdebEurope,  comme  font  fain- 
tes  & allofes,  qui  montent  delà  mer,  aux  riuie-' 
res,  dorades,  fàrdincs  ôc  pluficurs  autres.  Il  y 
en  a d autres  , dont  ie  nepenfè  point  en  auoir 
veu  par  deçà  de  fèmblables , comme  ceux  qu'ils 
appelIentjCabrillas,  quirefemblent , de  quel- 
que ebofe  , lestruittes,  & les  appellent  en  la 
neufue  Elpaignc,  bobos,  Ôc  moment  de  la  mer 
aux  riuicres.  le  n’ay  point  veu  par  delà  de  befu- 
gues,  nyde  rruittes,  encor  qu’ils  diient  qu’on 
en  trouue  en  Ghillé.  De  Tonineil  y en  a en 
quelques  endroits  de  la.  cofte  du  Peni  , mais 
c efl  fort  rarement , & font  d’opinion , qu’à  cer- 
tain temps  ils  vont  frayer  au  deftroit  de  Ma- 
gellan comme  ils  font  en  Elpagnc  au  deftroir  dç 
Gibaltar.  Etpour  celle  occaiîon , bon  en  trouue 
dauantage,  enlacoftedeChillé,  combien  que 
celle  quei’ay  veuc  par  delà , n’eft  telle  que  celles 
d Elpagne.  Aux  Illes  qu’ils  appellent  de  Barloué- 
rc  qui  font  Cube,làind:  Dominicque,  port  riche 
& lamaique,!  on  trouue  vn  poiiïbn  qu’ils  appel- 
lent Manati , cftrange  clpece  depoilfon , Ci  poif- 
fon  l’on  doit  appellcr,  vn  animal  qui  engendre 


Histoire  natvrelle 
fcs  petits  viuants,&  a des  mammelles  & da  laiâ: 
dont  il  les  nournft,pailTant  l’herbe  aux  champs, 
mais  en  efFe£fc,il  habite  ordinairement  en  Icaue, 
& pour  cefte  occalîon  ils  le  mangent  comme 
poiiîbn  , toutefois  lors  quei’en  mangeay,quifut 
àS.Dominicque  vniour  de  Vendredy,  i*auois 
quelque  fcrupule,  non  point  tant  pource  qui  eft 
dift,  comme  parce  qu’en  couleur  & faueur,  il 
cftoit  femblable  à des  morceaux  de  V eau,&  auflî 
cft-il  grand  Ôc  de  la  façon  d’vne  vache, par  la  par- 
tie de  derricre.Des  Tiburons , ôc  de  leur  incroy- 
able voracité  , ic  m’en  efmerueillay  auecraifon, 
lors  que  ic  veids  que  d'vn , qu’ils  auoient  prins, 
(au  port  que  i'ay  dit)  luy  tirèrent  du  petit  ventre 
vn grand  coufteau  de  boucher,  vn  grand  haim 
de  fer,  ôc  vn  morceau  de  la  telle  d’vne  vache, 
auec  fa  corne  entière,  encorne  fçay  li  toutes 
deux  y eftoient  point.  le  veids  en  vneanfeque 
fait  la  mer  où  l’on  auoit  pendu  en  vn  pieu , pour 
palletcmpsvn  Cartier  de  cheual,  qu’en  vn  mo- 
ment vne  compagnie  de  Tiburons  vindrent  à 
l’odeur  , où  afin  d’auoir  plus  de  plaifir , la  chair 
du  cheual  ne  touchoic  pasenl’eaue,  maiselloit 
eüeuée  en  l’air, ie  ne  fçay  combien  de  palmes,  ôc 
celle  bande  de  poiffons  eftoient  à l’entour,  qui 
fautoient(5c  d’vne  atteinte  en  l’air  couppoient 
chair  & os  , dvneeftrange  viftefte  , tellement 
qu’ils  decoupoient  le  mefme  iarct  du  roulïîn 
comme  fi  c’euft  efté  vn  tronc  de  lai6luc,d  autant 
qu’ils  ont  les  dents  trenchantes  comme  rafoirs. 


Il  y a des  petits  poilfons  qu’ils  appellent,  ram-  i 
bos,  qui  s’attachent  à ces  Tiburons  , &lcfquels  / 
ils  ne  peuuent  chalTer,&:  fe  nourriflent  de  cc  qui  V 


peuuentchalTer; 


DES  Indes.  Liv.  III  loj 

cfchappe  par  les  coftez  à ccs  Tiburonsr  il  y a 
d’autres  petits  poillons  qu’ils  appellent,  poiC- 
fons vollans,lefquels  l’onrrouuc  danslcsTro- 
piques,  & ne  penfe  point  qu’il  y en  ait  ailleurs, 
ils  font  pourfuyuis  par  les  Dorades  , Sc  pour 
s’efchapper  d’icelles  fautent  de  la  mer,  &vont 
aflez  loing  en  l’air , & pour  celle  caufe  les  appel- 
lent poilibns  volans,  Ilsontdes  ailles  comme 
de  toillc  , ou  parchemin  qui  les  fouPJenncnt 
quelque  temps  en  l’air.  Au  nauire  où  i’allois  en 
voila  ou  fauta  vn , que  ie  veids , &remarquay  la 
façon  que  ic  dy  des  ailles.  Il  ell  fouucntfait  men- 
tion és  hilloiresdes  Indes,  deslezards,ou cay- 
mans,qu  ils  appellent,  & Ibntdc  vray  ceuxquc 
Pline,  &les anciens  appcücnt crocodiles  , on 
les  trouue  CS  colles  &riuieres  chaudes  j car  aux 
colles  & riuieres  froides,il  ne  s'en  trouue  point, 
Ceftpourquoyiln’y  en  a point  entoure  la  co.» 
lleduPeru,iufqucsàPayra,  mais  de  là  cnauanî 
1 on  en  trouu%  ordinairement  es  riuieres.  C’clî 
vn  animal  tres-fier  & cruel,  combien  quùlfol 
fortlent&  pefant.  Il  fait  fachalfe,  &va  cher-  ' 
cher  fa  proyc , hors  de  l’eauc , & ce  qu’il  y prend 
vif,le  va  noyer  en  l’eaue,  toutesfoisil  ne  le  man- 
ge point  que  hors  de  l’eaue,  d’autant  qu’il  a Iç 
gofier  de  telle  façon,  qiics'ily  cntroitdel  caue, 
ilfcnoveroit  facillcmenr.  Cellvnechofccf- 
merueillable,que  le  combat  dVn  caymanr,  auec 

le  tygre , dont  il  y en  a de  trcf-cruels  aux  Indes 
Vn  religieux  des  nollrcs  me  raconta,  qu’il  auoic 
vcii  ces  bePes  combatre  crucllement,l’vnc  con- 
tre l’autre,  au  nuage  de  la  mer.  Lccaymant,  a- 
uec  la  queue,  donnoitdc  fort  grands  coups  au 


Histoire  natvrelle 
rygre,  & tafchoit  par  fa  grande  force  de  l’em- 
porter en  l eauë,  &letygre  auecfes  griffes  rc- 
ffftoir  au  caymant, l'attirant  à terre.  E n fin  le  ty- 
gre  vainquit  & ouurit  le  lézard  , ce  deutcftre 
parle  ventre  qu’il  a fort  tendre  & fort  délicat, 
car  en  autre  partie  il  eft  fi  dur , qu’il  n y a lance, 
voire  à peine  arquebufe,  qui  le  puiffe  percer.  La 
victoire  qu’eut  vn  Indien  d’vn  autre  cayrnant, 
fut  encor  plus  excellente,  lecaymant  luyauoit 
emporté  vn  fien  petit  fils  , & quant  ôc  quant 
s cftoit  plongé  en  la  mer,  dont  l’Indien  efmeu 
& courroucé,  fe  ietta  incontinent  apres,  auec 
vn  coufteau  en  la  main,  & comme  ils  font  ex- 
cellens  nageurs  & plongeurs,  & que  le  cayrnant 
nage  toufîours  à fleur  d’eauë,  illebleflaauven- 
trc,dc  telle  façon  que  le  cayrnant  fe  fentant  blef- 
fé,fortithorsauriuage,  & lafeha  le  petit  enfant 
iàmorr.  Encor  plus  efmcrueillable  eft  le  com- 
bat, que  les  Indiens  ont  auec  les  balaincs  , en 
quoy  paroift  la  grandeur  & magnificence  du 
Creatcur,de  donner  à vne  nation  fi  baffe , com- 
me font  les  Indiens , l’induftrie  & la  hardieffe 
d’attaquer  la  plus  fiere  & plus  difforme  befte 
qui  foit  en  r.vniucrs,&:  non  feulement  de  la  com- 
batte, mais  aiiffi  de  la  vaincre,&  d’en  triom- 
pher fl  gaillardement.  Confiderant  cela , ic  me 
fuisfouuenu  plufleurs  fois,  dupaffage  dupfal- 
mifte,  qui  dit  de  la  balaine  : Draco  ifte.quern forma- 
padilludcndtim  ei.  Qi^llc  plus  grande  moquefic 
peut-il  eftre,  que  ce  qu’vn  Indien  meme  vne  ba- 
leine auffi  grande  qu’vne  montaigne,  vaincue 
& attachec,auec  vne  corde  î La  façon  & manié- 
ré dont  vfent  les  Indiens  de  la  Floride,  ( félon 


DES  Indes.  Liv.  III.  104 
que  m’ont  raconté  perfonnes  expertes  ) pour 
/prendre  ces  balaincs,dcrquelles  y a grande  quan- 
tité, eft  qu’ils  le  mettent  en  vnc  canoë,  ou  bar- 
que, qui  eft  comme  vnc  crcorce,  & en  nageant 
S’approchent  du  cofté  delà  balaine,  puisdVnc 
grande  dextérité  ils  luy  fautent  & montentfur 
le  col , & là  fe  tient  comme  à cheual , en  atten- 
dant Ion  point  i puis  à fa  commodité  met  vn  ba- 
fton  aifgii  & fort,  qifil  porte  auec  foy , dans  la 
feneftre  delà  narine  de  la  balainc,  i appelle  na- 
rine,le  conduit , ou  pertuis , par  où  relpirent  les 
baleines.  Incontinentic  pouife  allant,  auec  vu 
autre  bafton  bien  fort,  & le  fait  entrer  le  plus 
profondément  qu’il  peut.  Cependant  la  balei- 
ne bat  funeufement  la  mer,  &ellcue  des  mon- 
laignesdcauë,  s’enfonçant  dedans dVne  gran- 
de violence,  puis  refforr  incontinent,  ne  Sa- 
chant que  faire  de  rage , l’Indien  neantmoins 
demeure  roufiours  ferme  & aflis,  &pour  luy 
payer  l’amende  de  ce  mal,  luy  fiche  encor  vn  au- 
tre pieu  femblable  en  l’autre  narine  le  faifanc 
entrer  de  telle  façon  qu’il  l’eftouppedu  tout,  & 
luy  ofte  la  refpiration , & alors  il  fe  remet  en  fa 
canoë,  qiiil  dent  attachée  au  cofté  delà  balei- 
ne auec  vnc  corde,  puis  (e  retire  vers  terre  ayant 
premièrement  attaché  fa  corde  à labalaine,  la- 
quelle il  va  fillant  & lafchat  fur  la  balaine,qui  ce- 
pendant, qu’elle  ttouue  beaucoup  d’caqc,  faulrc 
dVn cofté  & d’autre , comme  troublée  de  dou- 
leur, & en  fin  s 'approche  de  terre,  où  elle  de- 
meure incontinentà  fec,  pour  la  grandeenor- 
mite.de  fon  corps , fans  quelle  puilfe  plus  fc 

mouuoir,  ny  fe  manier  lors  grand  nombre 


Histoire  natvrelle 

d’indiens  viennent  rrouiier  le  vainqueur,  pour 
cueillir  fes  dcfpouillcs , ils  acheuent  de  la  tuer , la 
découpant,  & faifant  des  morceaux  de  fa  chair 
qui  cft  allez  mauuailèjefqucls  ils  fcichent  & pil- 
lent pour  en  faire  delà  poudre,  dont  ils  vfent 
pour  viande, qui  leur  dure  long  téps.  Enquoy  eft 
accomply  eequieft  ditenvn  autre  pfalinedela 
mefme  baleine.  Veâijh  cum  efu  fo^ults  ^thiopum. 

L’ Adelentadc  Pierre  Mendés  racôtoit  plulicurs 
fois  celle  pefchcrie,dc  laquelle  mefme  fait  men- 
tion Modardes  en  fonliure.  Il  y a vnc  autre  pef- 
cherie  , dont  vfent  ordinairement  les  Indiens 
en  la  mer , laquelle , quoy  qu’elle  foit  moindre, 
ne  lailfe  d’ellrc  digne  de  raconter.  Ils  font  com- 
me des  fagots  de  ionc,  ouvarigfcc  , bien  liez, 
qu’ils  appellent  Balfas , & les  ayants  portez  fur 

Icursefpaulcsiufqiiesàlamer,  lesyiettent,  Sc  j 

incontinent  ils  fc  mettent  delfiis  , &ainli  alTis  j 
entrent  bien  auant  en  la  mer  , vogansaucc  de  | 
petites  cannes  , d’vn  colle  & d’autre  , ils  vont  j 
vnc  ôc  deux  lieiies  en  l^autc  mer  pour  pefeher,  | 
portails  fur  ces  fagots  leurs  cordes  ôc  leurs  rets, 

& fe  foullenants  fur  iceux  ils  iettent  leurs  rets,& 
font  la  pefehants  la  plus  grande  partie  de  la 
nui£l,ou  du  iour,  iufqufes  à ce  qu’ils  ayent  emply 
leur  mcfurc  , auec  laquelle  ils  retournent  fort 
contens.  Certes  ce  m’clloit  vnc  grande  récréa- 
tion, de  les  voir  aller  pelcher  au  Callao  deLy-  | 
ma,pourcc  qu’ils  elloient grandnombre,  & ain-  | 
fi  chacun  chcualier,ou  affis , coupant  les  ondes  | 
de  la  mer,  à qui  mieux  mieux,  lelquellesà  1 en.  ^ 
droit  oùils  pefehent  font  grandes  , & funcu-j 
fes,  rcfcmbloient les  Tritons,  ouNcptunesv 

qu’on 


Des  Inoes.  Liv.  III.  loj 
qu’on  peint  ëeflbs  rcaüe,&  cftâs  arriuez  en  ter- 
re tirent  leur  barque  de  rcaüc  fur  leur  dos,  la- 
quelle auiîî  roft  ils  defFont&eftêdcnt  fur  le  riua- 
gc  à fin  que  les  herbes  fc  fechet  & cfgoutcnt.  Il 
y auoir  d'autres  Indiens  des  vallées  de  Yca , qui 
auoientde  couftume  d’aller  pefeher  fur  des  cuirs 
ou  peaux  de  loups  marins , enflez  & pleins  de 
vent,  ôc  de  fois  à autre  les  fouffloient  comme 
pelotes  de  vent,  de  peur  qu’elles  ne  s’enfonfaf- 
fent.  Au  val  de  Ganete,  qu’anciennement  ils  ap- 
pelIoicntleGuarco  , il  y auoit grand  nombre 
depefeheurs  Indiens,  mais  pource  qu’ils  refî- 
fterentàTlngua,  quand  il  fut  conquefter  cefte 
terre , il  feignit  faire  paix  aucc  eux  : c’efl  pour- 
quoy  à fin  de  luy  faire  fcfte,ils  ordonnèrent  vnc 
pefche  foIemncUe  de  plufieurs  miliçrs  d’in- 
diens, qui  en  leurs  vaiflèaux  de  ionc, entrèrent 
en  la  mer,&  au  retour  de  l’Jngua , qui  auoir  ap- 
pareille quelques  foldats  couuerts,  fit  d’eux  vn 
cruel  carnage , & dcl  à demeura  celle  terre  tant 
defteupiec  , combien  qu’elle  foit  fi  abondante 
&l:ertik.  le  VIS  vne  autre  façon  de  pefeher  où 
me  mena  le  Viceroy  Dom  François  de  Toile- 
de:  toutcsfoisce  n’dloitpointcn  lamer,  mais 
en  vne  riuierc  qu’ils  appellent  Grande  en  la  pro- 
uince  des  Charcas.où  des  Indiens  Chiraquanas 
le  plongeoienten  l’eaüe  , & nageans  auec  vne 
admirable  viftclfc  fuiuoien  t les  poiflbns,&  guec 

de  darts  ou  harpons  qu’ils  portoient  en  la  main 
droite  nageans  feulement  auec  la  gauche  bief- 
^ ’ <S^ainfinaure  le  droienten 

^ , reflcmblans  en  cela  elère  plus  poiflons 
<ia-hommts  de  terre.  Mais  grès  que  nousfpm- 

O 


Histoire  natVrelle 
mes  forties  de  la  mcr,venons  à ces  autres  fortes 
d’eaues  qui  reftent  à dire. 

VcsUciCt  àeseft^mgsftel'on  trome  éi  Indes. 

Ch  AP.  XVI.  ' 

V lieu  de  ce  que  la  mer  Médite rra^ 
f née  eft  au  vieil  monde,  le  Créateur 
a pourueu  ce  nouueau  de  pluficurs 
► lacs,  dont  y en  a quelques  vns  fl 
^grands  que  l’on  peut  proprement 
appellcrraeri;  veuque  l’Efcriture appelle ainfi 
celuy  de  Paleftine.qui  n-eft  pas  fi  grâd  que  quel- 
ques vns  de  ceiix-cy.Le  plus  renomme  eft  celuy 
deTiticaca,qui  eft  auPeru  en  la  prouincedeCol- 
lao,  lequel  comme  i'aydit  au  bure  precedent, 
contient  prefque  quatre  vingts  lieues  de  tour. 
& y entrent  dix  ou  douze  grands  fleuues.  Il  y a 
quelquetcmps  quel'on  commença  ale  naui- 
aer  auec  desbStques  & des  nauires,  & ypro- 

cederent  fl  mal  que  le  premier  nauite  quiyen- 

tra  s’ouurit  d’vne  tempefte  qui  s’efleua  en  ce 
lac.  L’eaue  n’cft  pas  totalement  amere  ny  la- 
lée  côme  celle  de  la  mer , mais  elle  eft  fi  efpaifle 
qu-on  ne  la  peut  boire.  Deux  efpeces  de  poil- 

fons  s-engendrentencelac  en  fort  grande  abo- 

dance.  Ivn  defquels  ils  appellent  Suches.qui 
eft  grand  & fauoureux  . mais  flegmatique  oc 
mal  fain;&  l’autre  Bogas.qui  eft  plus  fam . com- 
bien quilfoit  petit  & fort  efpineux.  Il  y a très- 
grand  nombre  de  canarts  fauuages  & de  cet- 
ccreulles.  Quand  les  Indiens  veulent  faire  te- 


DES  Indes.  L IV.  III. 
ftc  ou  donner  du  pafl'etcmps  à quelque  perfon- 
nagequi  pafîc  le  long  des  deux  riuages , qu’ils 
appellent  Chucuyto  & Omaruyo  , ils  alTem-, 
bicntvnc  grandV quantité  de  Canoës,  ôc  vont 
faifant  vn  rond  pourfuiuans  & eniërrans  les  ca- 
nards iufques  a en  prendre  aucc  les  mains  tant 
qu’ils  veulent,  & appellent  ccfte  façon  depef- 
cher  Chacp.  En  l’vn  ôc  en  l’autre  riuage  de  ce 
lac  font  les  meilleues  habitations  du  Peiu.  De 
fon  y (Tue  il  naift  ôc  procédé  vn  autre  lac  plus 
petit , encor  qu’il foit  bien  grand,  qu’ils  appel- 
lent Paria,  au  riuage  duquel  y a grand  nombre 
de  beftial , fpecialcmcnt  de  porcs,  qui  s’enerraif- 
fent  extrêmement  des  herbiers  qui  croTlfent 
en  ces  riuagcs.il  y a beaucoup  d’autres  lacs  aux 
lieux  hauts  de  la  montagne  d’où  naillent  des 
riuicrcs  ôc  des  ruiflèaux  , qui  vicnent  de  là  en 
auantà  eftre  fort  grands  fleuucs.  Au  chemin 
d Arequippa  a Collao , il  y a au  haut  deux  beaux 
lacsd’vncofté  Ôc  d-autre  du  chemin  : de  IVn 
fort  vn  rui{reau,qui  depuis  dénient  fleuue , Ôc  Ce 
perd  à la  mer  du  Sud.  De  l'autre  ils  difent  que 
lafamcuferiuierc  d’Aporima  prend  fon  origi- 
nCjdc  laquelle  1 ont  dit  que  la  renommée  riuie- 
JTC  des  Amazones,autremenr dite  deMaragnon, 
procédé  auec  fa  grande  quantité  ôc  aflcmbléc 
d’eaues  qui  fc  ioignent  en  ces  montagnes.  C’eft 
vnechofe  que  l’on  peut  fouuentcsfois  deman- 
der, d’où  viét  qu’il  y a tant  de  lacs  au  haut  de  ces 
montagnes  ,efquels  il  n’entre  aucune  riuiere, 
mais  au  contraire  plufieurs  grands  ruiflèaux  en 
fortent,<?c  fi  n’apperçoit-on point  que  ces  lacs 
diminuent  prefque  en  aucune  faifon  de  lan 

O ij 


Histoire  natvrelle 
née.  De  penfct  que  ces  lacs  s’engendren  t des 
neiges  fondues  oudespluyes  du  Ciel,  cela  ne 
fansfaitpointdii tout, car  ily enapluricnrs  de 

ctmx-là  düi  n ont  cefte  abondance  de  neiges 
ny  tanÊdepluyes,5€  fi  l’on  ne  s^apperçoit  point 
ou’ils  diminuent.  Ce  qui  fait  croire  que  ce  ionc 
fources  qui  y naiflent  & fourdent  naturelle-  ^ 
ment , bien  qu’il  ne  Toit  pas  mal  a^proposde 
croire  que  les  neiges  & les  pluyes  y peuuent 

aider  en  quelques  faifons.  Ces  lacs  fontli  com- 
muns aux  plus  hauts  fommets  des  montagr^s, 
qu’à  peineya-ilriuierefameure  qui  nc  tire  Ion 

origine  de  quelqu  vn  d'iceux.  Leur  eauc  cft 
fort  nette  & claire,  ÔcCi  engendre  peu  de  poif- 
fons , encor  fi  peu  qu’il  y en  a , elle  fort  menu  à 
caufe  du  froid  qui  y ea  continuellement  : Com- 
bien qu’il  y ait  toutesfois  quelques  vns  de  ces 

lacs  qui  font  véritablement  chauds,  qui  eUvue 

autre  mcrueille  : Au  bout  de  la  vallee  de  Tara- 


autremeruemc. 

paya  proche  de  Potozi  y a vn  lac  de  forme  rond 
îel  qu’il  femble  auoir  efté  fait  par  compas, heauc 


diWKlefttrcs-chaude,  combien  que  la  terre  ctt 

foit  extrêmement  froide.  Ils  ont  accouftume  de 
s>y  baigner  près  du  riuage  , /«tant  qu  vn  peu 

auant  l'on  ne  pourroit  fouffrir  la  chaleur.  Au 

milieu  de  ce  lac  y a vn  bouillon  de  plus  de  vingt 
piedsen  quarre.quieftfa  vrayefourcei&neant- 
înoins  quoy  que  cefte  fource  en  foit  amfi  grau- 
de,iamais  on  ne  le  void  croiftre  en  aucune  faço, 

& femble  qu’il  s’exhale  de  foy-mcfme , ou  qu  il  ^ 

ait  quelque  iffue  cachée  &incogneue.  On  ne  le  | 
void  non  plus  diminuer,  qui  cft  vne  autre  mer-  | 

ucillc,  iaçoit  que  l’on  en  ait  tiré  vn  gros  ruifteau  | 


DES  Tndis.  Liy.  IIÎ. 
eourant  pourfaire  moudre  certains  engins  pour 
le  merai , veu  que  pour  la  grande  quantité  de 
reaüe  qui  en  lorr,par  raifon  il  deur oit  diminuer 
Or  laiiTant  le  Peru  ôc  pafTant  à la  neufuc  Efpa- 
gne,  les  lacs  qui  s y trouuent  ne  font  pas  moins 
remarquables , Ipecialcment  ce  tant  "fameux  de 
Mexique  ^ auquel  1 on  trouue  de  deux  fortes  d’e- 
aucs , 1 Vue  fallée  & femblable  à celledcla  mer, 
ôc  1 autre  claire  ôc  douce  à caufe  des  riuieres  qui 
y en  trent.  Au  milieu  de  ce  lac  y a vn  rocker  fort 
plailant&  délicieux  où  il  a des  baings  d’caiie 
chaude  qui  y fourdent,  lefquels  ils  eftiment  be- 
aucoup pour  la  fancédl  y a des  iardiiis  au  milieu 
de  ce  lac,  fondez  & portez  fur  Peaue  raefoeoù 
Tonvoid  des  parterres  pleins  de  mille  fortes 
d herbes&  de  fleurs,&font  de  telle  façon  qu  on 
ne  les  peut  bien  comprendre  linon  en  les  voy- 
ant.LaCité  de  Mexique  eft  fondée  fur  ce  lac, en- 
cor que  les  Elpagnols  ayêt  remply  de  terre  tout 

lelieu&affiettedicclle,lai{ransfeulementqiiel- 

ques  courants  deaue, grands  & petits  qui  entrét 
& tournoyent  dans  la  ville  pour  voidurer  ce 
qu’ils  ont  de  bcfoin.comme  bois,herbes^  pier- 
res , frui(Sts  du  pays , & routes  autres-chofes. 
C^nd  Cortès  GonqueftaMexique  il  Hc  Faire  des 
briguamins  , ôc  depuis luy  fembla  qu’il  dk-ok 
plus  feur  de  ne  s’en  feruir  point.  Ceft  pourqnoy 
lis  vfcntdes  Canoës , dont  y a grande  abondan- 
ce.Il  y a en  ce  lac  beaucoup  de  poilfon  & de  vi- 
uier,  combien  que  ic  n’y  ay pas  vCu  de  )poilîbn 
dcprixjtoutesfois  ils  difent  que  le  reuenu  de  ce 
lac  vaut  trois  cens  mille  ducats.  Il  y a plufieurs 
autres  lacs  non  loin  delà,  d nu  l’on  porte  beau- 

O iij 


Histoire  natvrelle 
€OUp  de  poiflbn  à Mcxique.La  prouincc  dcMc- 
chouacan  eftainfi  appcllée.pourcequec’cftvnc 

Eroiiince  abondante  en  poiflbn.  Il  y a de  trcs- 
eatix  & grands  lacs  , efqiiels  y a beaucoup  de 
poiffon , ôc  eft  ccfte  terre  faine  & frefche.  Il  y a 
plufieurs  autres  lacs  5 dcfquelsil  n eft  pas  pollî- 
ole  faire  mention , ny  les  {çauoir  en  particulier, 
feulement  l’ont  peut  remarquer  parce  qui  en  a 
cftédifcouru auliureprccedétque  fouzla Tor- 
ride il  y a plus  grande  abondance  de  lacs  qu’en 
autre  partie  du  monde  :&  ainfi  parce  que  nous 
auons  dit  cy  deflus,&  le  peu  que  nous  dirons  des 
riuieres  & fontaines , nous  mettons  fin  à cefte 
matière  d’eaües. 


Defîufears  ûr*  diuerjes Jeunes  O* font Aines, 


L y a e's  Indes  comme  es  autres 
[parties  du  monde  grande  diuerfi- 
' tédcfources  , fontaines  riuie- 
I res  5 & quelques  vues  de  proprie- 

tez  eftrangcs.  En  Guancâuelica 

duPeruoù  font  les  mines  du  vif  argent,il  y a , 
vnc  fontaine  qui  ictte  f eaüe  chaude , & en  cou-  | 
lant  fon  caüc  fe  conuertit  en  roche , de  laquelle  | 
roche  ou  pierre,!  on  ediftie  quafi  toutes  les  mai- 
fons  du  bourg.  Cefte  pierre  eft  molle , & aifee  i 
a coupper,car  aucc  vn  fer  l’on  la  couppe,  & tail-  \ 


desIndis.  L IV.  III  io8 

le  auffi  facilemcnr,c6me  fi  c’eftoie  du  bois,&  efi: 
Icgerc  &de  durce.Si  quelques  ho mmes,:ou  ani- 
maux boyucnt  de  cefte  eauc  , ils  meurent  d’au- 
tant qu’elle  fe  congellc  dedans  leur  ventre,  & s’y 
conuertiten  pierre  , pouil,çefte  caufe  en  font 
morts  quelques  cheuaux:  Comme  cefte  eauc 
fc  va  conuertiiranr  en  pierre , celle  qui  decoul- 
le  bouche  le  chemin  au  refte,  tellement  qu’elle 
efteontrainte  de  changer  Ton  cours,  & pour 
çefte  raifon  elle  court  en  diuers  endroits,au  pris 
que  va  croiirant  la  roche.  En  la  pointe  ou 
Capdefainefte  Helene,  y a vnefource  ou  fon- 
taine de  betum,  qu'au  Peru. ils  appellent  Cop- 
pcy.  Ce  doit  eftrc  vue  chofe  femblableà  ce 
que  dit  1 Eferiture^de  ce  val  fau nage  où  fe  trou- 
uoient  des  puits  de  betiira.  Les  mariniers  fc 
feruent  de  cefte  fontaine  , ou  puits  de  Cop- 
pey  , pour  oindre  & poifter  leurs  cordages 
& appareils  , pourcc  qu’elle  leur  fert  com- 
me la  poix  & le  bray  en  Efpagnc.  L ors  que  ie 
nauigeoisen  lancufueEfpagnc , par  la  cofte  du 
Peru  , le  pilote  me  monftra  Mlle  qu’ils  appel- 
lent 1 Ille  des  loups , où  il  y a vne  autre  fontaine 
& puits  de  Coppey  , ou  betum  , auec  lequel 
mefmement  ils  breent  les  cordages . Il  y a d’au- 
tres fontaines  Sc  fources  de  goultran  , que  le 
iufilit pilote,  homme  excellent  en  fa  vacation, 
me  dit  auoir  veues  , & qu’il  luy  eftoit  adiienu 
quenauigeant  quelquesfois  par  cefte  cofte  là, 
ils  eftoit  trouué  fi auanten  la  mer  , qu’il  auoit 
perdu  la  veuë  de  terre , & ncantmoins  il  auoit 
recogneu  par  l’odeur  du  Coppey  , où  il  eftoit, 
aufli  certainement,  comme  s’il  euft  recogneula 

O iiij 


HiSTome  katvrelie 
terre,téllecft  Todeurqui  fort  continuellement 
de  celle  fourcc.  Aux  baings , qu’ils  appellent  les 
baingsdcl’Ingua , y a vn  canal  dVnc  caue  qui 
fort  toute  chaude  & bouillante, &ioignant  icel- 
le y en  a vne  autre  dont  l’eau  cft  auffi  froide  que 
neige:  L’Ingua  auoit  accouftumé  de  les  mo- 
dérer l’vneaucc l’autre, &eft vne chofe  remar- 
quable,qii’il  y ait  des  fources  de  qualitez  fi  con- 
traires , qui  (ont  & viennent  fi  près  1 vne  de 
l’autre.  Il  y a vn  nombre  infini  d’autres  fources 
chaudes, fpeciallement  en  la  prouincc  des  Char- 
cas  , en  l’eau  defquelles  l’on  ne  peut  endurer 
& tenir  la  main  l’elpacc  d’vn  Mmâ^comvat 

ie  l’ay  veu  par  gageure.  En  vne  maitairie  proche. 
dcCufcofourd  vne  fontaine  defel  , qui  ainfi 
comme  elle  va  courant,  fc  va  conuertifiant  en 
fel,qui  eft  blanc,  & bon  à mcrueilles  : que  fi  elle 
cftoit  en  autre  contrée  , ce  né  (eroit  petite  ti- 

chefic,  toutesfoisils  enfontpeud’eftat , pour 

l’abondance  du  fel  qu’il  y a là.  Les  caues  qui 
courent  en  Guayaquif  qui  eft  au  Peru  , prefque 
foubs  la  ligne  Equinoxiallc  , font  tenues  pour 
falutaires , pour  le  mal  Ncapolitain , & autres 
femblablcs.  A raifon  dequoy  I on  y vient  de 
plufieurs  lieux  fort  efloignez  pour  y receuoir 
guarifon.  Et  difent  que  lacaufe  de  cela  cft, 

pour  ce  qu  il  y a en  cefte  contrée  grande  ^hon- 

dancc  de  racines , qu  on  appelle  falcepârcille, 
la  vertu  & operation  de  laquelle  éft  fi  cogneue, 
& qu’elle  communique  fa  propriété  aux  eaux 
où  elle  cft  mife,  de  guarir  cefte  maladie.  Bilca- 
notacftvnc  montagne , qui  félon  bopinion  du 

commun , cft  au  plus  haut  lieu  du  Peru, le  fom- 


Dés  Indes.  Liv.  III.  iof> 
met  de  laquelle  eft  tout  couucrt  de  neige,  & en 
quelques  endroits , effc  noir  comme  charbon.  îl 
fort  d’iccluy  deux  (burces  en  lieux  tour  contrai- 
res , qui  deuiennent  incontinent  fort  grands 
ruilîêaux , & peu  à peu  grands  fleuries , IVn  def- 
qucls  va  à Collao  dans  ce  grand  lac  Titicaca, 
l’autre  va  aux  Landes,  &eft  eduy  qu’ils  appel- 
lèntYücay,  qui fc ioignant aucc  vn autre,  fort 
à la  mer  du  Nort  ^ ayant  vn  cours  furieux  & im- 
pétueux. Celle  fource  quand  elle  fort  de  la  ro- 
che Bilcanota  que  i'ay  dit,  eftde  lamcfme  for- 
te & couleur  que  l’eaue  de  Lexiue  , ayant  la 
couleur  cendrée,  &iettantvnc  fumée,  comme 
de  chofe  bruflée,  laquelle  court  ainfi  vn  long 
temps,  iufqiiesàcc  que  la  multitude  des  eaux 
qui  y entrent,  luy  cllcigneiit  ce  feu  & fumcc^ 
qu’elle  tire  de  fon  commencement.  En  la  iieuf- 
ue  Efpaghe  i’ay  v eu  vne  fource , comme  d’ancre 
quelque  peu  blcüc,  Vne  autre  au  Peru  de  cou- 
leur rouge  comme  fang,  d’où  ils  1 appellent  la  ri- 
uierc  rouge. 

Dfs  Kjuitres, 


Ntre  toutes  les  riuicrcs  non  feule- 
ment des  Indes , mais  auflî  de  tour  le 
mode  vniuerfei,  le  fleuuc  Maragnon, 
ou  des  Amazones,  tient  la  principau- 
té , duquel  nous  auons  parlé  au  liure  precedent. 
Les  Elpagnols  l’ont  pluflcursfoisnauigc,  pre- 
tendans  defcouurir  des  terres , quifelonle  bruit 


HiSTOTRÈ  NAT  V RE  lie 
commun , font  fort  riches , rpccialcracnt  celles 

qu’ils  appellent  de  Dorado , & Paytiti.  TAde- 
lentadelcandeSallines  , fit  vnc  entrée  mémo- 
rable , encor  qu’elle  fut  de  peu  d’effed.  Il  y a vn 
palTagc  qu’ils  appellent  le  Poiigo , qui  doit  eftre 
vn  des  plus  dangereux  pas  de  tout  le  monde: 
car  la  riuiere  cftant  referrée  en  cet  endroit , & 
contrainde  entre  deux  roches  tres-hautes  en 
précipice  vient  à tomber  droidement  du  haut 
en  bas , auec  vne  grande  roideur  , où  l’eaue par 
la  cheute  quelle  faid  de  fi  haut,fait  vn  tel  bouil- 
lon, quilfcmbleimpoflible  delcpafierfans  fc 
noyer.  Neantmoins  la  hardiefie  des  hommes  a 
bien  ofé  entreprendre  de  pafler  ce  paffage, 
pourledefirdc  ce  Dorado  tant  renommé.  Ils 
fclaiircrent  couler  du  haut  en  bas  , poulfezdc 
la  roideur  & du  courant  du  fleuue  , fe  tenans 
bien  aux  Canoës  ou  barques , ou  ils  eftoient , & 
encor  qu’elles  fullent  renuerfées  fens  defius 
dclfoubs  en  tombant , & eux  & leurs  Canoës 
s enfonçafient  en  l’eauej  neantmoins  par  leur 
force  & par  leur  induftrie  ils  fc  remettoient  & 
recournoient  tbufioiuscn  haut,  &dc  celle  fa- 
çon efehappa  toute  l’armee  , excepte  quelque 
peu  qui  fe  noyèrent.  Et  ce  qui  ell  plus  admira- 
ble , iis  s'y  comportèrent  fi  dextrement  qu’ils  ne  i 
perdirent  pas  mefme  là  munition  ôc  la  poudre  | 
qu’ils  portoient.  Au  retour , (pourcc  que  apres  | 
auoir  enduré  beaucoup  de  trauaux,  & de  dan-  j 
gers,  ils  furent  contrainds  en  fin  de  retourner  j 
parce  mefme  lieu)  ils  monterait  par  l’vne  de  j 
CCS  roches  tres-hautes  auec  leurs  poigriards  | 
qu’ils  fichoient  en  la  roche.  Le  Capitaine  Pierre  (j 


DES  Indes.  Liv.  III.  no 

d’Orfua  fit  vne  autre  entrée  par  le  inefincflea- 
UC,  lequel  cftantmort  fur  ce  voyage , ôc  les  foi- 
datss ’eftans  mutinez,  d’autres  Capitaines  pourr 
fuyuirentl’cntrcprinfe,  par  le  bras  qui  vient  iuf- 
ques  en  la  mer  du  Norr,  Vu  religieux  de  no- 
ftre  compagnie  nous  difoit,  qu  cftant  feculier,  il 
fc  rrouua  quafi  en  toute  cefte  entreprinfe , & 
que  les  marées  monroient  bien  près  de  cent 
lieucsa  monrle  fieuuc,  ôc  que  à l endroit  où  il 
vafe  ictterdans  la  mer,  qui  eft  quafi  foubs  la 
lipc,  ou  fort  proche  d’icelle,  il  a foixante ac 
dix  lieues  d’emboucheure,  choie  incroyable, 
& qui  excède  la  largeur  de  la  mer  Mediterra- 
née; encor  qu’il  y ait  quelques  autres,  qui  en 
leuis  deicriptions  , ne  luy  donnent  que  vino^t 
cinq  ou  trente  lieues  d’emboucheure.  Apres- 
ceftcriuicre,  tient  le  iccond  lieu  en  l’vniucrs  la 
riuieredc  Plata,  oudargent,  qui  s’appelle  au- 
trement le  Paraguey , laquelle  court  des  monta- 
gnes duPeru,  & fc  va  perdre  en  la  mer,  en  la 
lauteur  de  trente  cinq  degrez  au  Sud.  Elle 
.roift,  comme  ils  difent,  énlamcfmc  façon  dit 
^il,  mais  beaucoup  d’auantage  fans  comparai- 
bn , 6i  rend  les  champs  qu’elle  baigne  comme 
me  mer , par  1 eij^ace  de  trois  mois , apres  re- 
ourne  à fon  cours , où  les  nauircs  montent 
îeaucoup  de  lieues  à mont.Il  y a plufieurs  au- 
resfleuucs,  qui  ne  font  pas  tourcsfois  de  telle 
grandeur , Ôc  neantmoins  cfgallent,  voire  fur- 
>alTent  les  plus  grands  de  l’Europe,  comme  cc- 
□y  de  la  Magdaleinc , proche  de  fainte  Marthe, 
a riuicre  grande  , ôc  celuy  d’Alüarado  en  la 
icufuc  Efpagne,  &vn  nombre  infini  d’autres. 


Histoire  natvrelli 
Du  cofté  du  Sud  aux  montagnes  du  Peru,  les 
fleuucs  communément  ne  lont  pas  fi  grands, 
pource  qu  ils  ont  peu  d efpacc  de  courir , & ne 
peuLicnt  alîèmblcr  tant  d’eaux,  mais  ils  font  fore 
roides , à caufe  qu’ils  tombent  de  la  montagne, 
& ont  des  a uallagcs  & des  crues  'fiibitcs:à  raifon 
dequoy  ils  font  fort  dangereux,  $c  ont  elle  caufe 
queplufieurs  hommes  y font  morts.  En  temps 
de  chaleur,ils  croifiènt  & fe  desbordent  le  plus, 
l’ay  trauerfë  vingt  fept  riuicres  en  celle  cofte, 
dont  ic  ri’en  ay  pas  palïc  vnc  feule  à gué.  Les  In- 
diens vfent  de  mil  artifices  pour  palTerlesriuie^ 
rcs.  En  quelques  endroits  ils  ont  vne  longue 
corde  qui  trauerfcd’vn  cofté  àrautre,&  en  icel- 
le pend  vn  panier  ou  corbeille,  dans  laquelle  fe 
fe  met  ccluy  quiveiit  pafler , Sc  alors  ils  le  tirenti 
du  riuage  aucc  vne  autre  corde , tellement  qu  il 
paffe  dedans  cefte  çorbeille.En  d’autres  endroits 
Mndien  palEc  commcàcheualfur  vn  botcau  de 
paille,  & derrière  luy  celuy  qui  veut  palier,  & 
vogantauec  vn  bout  daix  pailc  de  cefte  façon. 
En  d’autres  endroits  ils  ont  vn  radeau  de  courges 
ou  citrouillcsjfur  Icfquclles  ils  mettent  les  hom- 
mes ou  hardes  qu’ils  doluent  pafter , & les  In- 
diens liez  auec  des  cordes  vontnageans,  & ty- 
rans apres  eux  ce  radeau  de  citrouilles  , comme 
des  chenaux  tirent  vn  coche, ou  carofte;  d’autres 
vont  derrière  poulfans  les  citrouilles  pour  leur 
ayder.  Paftez  qu’ils  font,  ils  prennent  fur  leurs , 
cfpauUes , leur  barque  de  citrouilles , &c  retour- 
ner à nage,  ce  qu’ils  font  en  la  riuicre  de  la  Sain- 


te, au Pcru.Nouspaftafmes celuy  d’Aluarado  en, 
kn^ufiie  Efpaigncjfur  vnc  table  que  les  Indiens( 


Des  Indes.  Liv.  III.  ni 
portoicnc  fur  leurs  cfpaules,  & quand  ils  per- 
doienc  terre , ils  nageoienr.  Ces  artifices  ôc  mil 
autres,  dont  ilsfe  lcruent  pour  paficr  ainfi  les 
riuicres, certainement  font  auoircrain die  en  les 
regardant  ôc  contemplant,  en  ce  qu^ils  s’aident 
de  moyens  fi  dcbiles,  & fragiles  ^ Mais  néant- 
moins  iis  font  fort  aficurez.  Ils  n Vfent  point 
i autres  ponts , que  de  crins  ou  de  paille.  Il  y a 
iefia  en  quelques  riuieres  des  ponts  de  Pierre, 
3aiHs  par  la  diligence  de  quelques  gouuerneurs, 
nais  beaucoup  moins  qu’il  ne  feroit  de  befoin 
învne  terre,  ou  tant  d hommes  le  noyenr  par 
àute  d’iceux,&  laquelle  donne  tant  de  deniis, 
lefquels  non  feulement  TEfpagne , mais  aufli 
[autres royaumes eftranges  baftilTent de fuper- 
>es  édifices?!  Les  Indiens  tirent  &deriuentdes 
leuues  qui  courent  des  montaignes  aux  vallées 
CS  piaines,plufieurs  & grands  ruifieaux , pour 
tioulcr  la  terre,  ce  qu'ils  ont  accoullumé  de 
aire  d’vne  telle  induftrie , qu’il  n’y  en  a pas  de 
leilleurs  en  Murcya,  ny  à Milan  mefme,  ce 
uieftauffilaplus  grande  &totallerichefiedcs 
laines  du  Peru , & de  pluficurs  autres  parties 
CS  Indes.  * 


Histoire  natvrelte 


I 

Pela  qualité  de  U terre  des  Indes  en  général. 

C H A P . X I X. 

peut  cognoiftrc  la  qualité  delà 
terre  des  Indes,  en  la  plus  grand’  part, 
(puis  que  c’efi  le  dernier  des  trois  Elc- 
raensdcfquels  nous  auôs  propofe  de 
traitter  en  ce  liure  ) par  le  difeours  que  nous  a- 

uons  fait,  auliure  precedent,  de  la  Zone  Torri- 
de , veu  que  la  plus  grande  partie  des  Indes  le 
trouue  fituce  en  icelle.  Mais  pour  ce  faire  en-  , 
tendre  plus  particuliercmét,  i ay  remarque  trois  j 
fortes  de  terres,  eneequeiay  cheminé  par  ces 
régions, dont  il  y en  a vnc , qui  eft  balle , y ne  au- 
tre très  haute,  & l'autre  qui  tient  le  milieu  de 
ces  deux  extrémités.  La  terre  balTe  eft  celle 
qui  eft  en  la  cofte  de  la  mer,  dont  il  s’en  trouue 
par  toutes  les  Indes,  & eft  ordinairement  fort 
chaude  & humide,  qui  caufe  qu’elle  n eft  pas  li  | 
laine,  & qu  apreftnt  on  la  voit  moins  peuplee,| 

combien  que  au  temps  paffe,  elle  ait  eftcbieiij 
peuplée  dlndiens , comme  il  appert , par  le^s  hi- 1 
Lires  de  la  neufue  Efpaigne,  & du  Peru , & s y , 

conferuoient&  viuoient,  entant  que  la  région] 
leur  cftoit  naturelle , comme  ceux  qui  y auoienC| 
efté  engendrez.  Ils  y viuoient  delà  pcfchedela| 
mer  & des  femences , qu’ils  faifoient,  tiranS  deSj 
ruilfeaux  ’des  riuieres  defquels  ils  xc  feruoieiici 
faute  de  pluye,d’autant  qu  il  y pleut  fort  peu , &| 
en  quelques  endroits  n'y  pleut  point  du  tout.j 
Cefte  terre  baflè  abeaucoupdc  lieux mhabita»-j 


DÈS  Indes.  Liv.III.  ixi 

bics , tant  à caufè  des  Tablons , qui  y Tont  dange- 
reux, car  ii  s’y  trouue  des  montaignes  entières 
de  CCS  {àblons , que  a caule  des  marcicages  qui 
S’y  font  des  caues  defeendants  des  montaignes, 
Icfquclles  ne  troiuians  p oint  d’y flTue  en  ces  ter- 
res plates  & balFcs  les  noyent  du  tour, & les  ren- 
dent inuriles.Etàlavcritc  la  plus  grande  partie 
de  toute  cefte  coftede  la  mer,  cftde  cefte  forte 
CS  Indes , principalement  du  cofté  de  la  mer , du 
Sud.  L’habitation  defquelles  coftes  eft  â pre- 
fent  fi  diminuée  & mefprifée , que  des  trente 
parts  du  peuple,  qui  y habitoir,  les  vingt  neuf  y 
leffàillent,&:  à Ton  opinion , que  le  refte  des  In- 
iiens  finira  auantpeu  de  temps.  Plufieurs  félon 
curs  diuerfes  opinions  attribuent  celaàdiuer- 
ès  cailles,  les  vns  au  trop  grand  tranail^  que  l'on 
L donne  a ces  Indiens , les  aurres  au  changement 
k diuerfiré  des  viandes , Ôc  boire  dont  ils  vfcnr, 
[epuis  qu’ils  communiquer  auec  les  Efpagnolsi 
:s  autres  au  trop  grand  excésde  boire,  Mau- 
res vices  qu  ils  ont.  Quantàmoy  ie  croy  que 
e defordre,  eftlaplus  grande  caulc deleurdi- 
iinution,  &n’eft  pas  temps  maintenant  d’en 
ifcourir  d’anantage.  En  cefte  terre  baffe,  (que 
: dy  gcnerallcment  eftre  mal  faine  & peu  con-* 
diable  à l’habitation  des  hommes)  il  y a excep  - 
on  en  quelques  endroits  qui  font  temperez  ôc 
.rtilcs,  comme  La  plus  grand’  partie  des  plai- 
es du  Peru,  où  il  y a des  valons  frais,  ôc  qui  font 
>rt  fertiles.  La  plus  grande  partie  de  Phabira- 
onde  la  cofte  , entretient  tout  le  commerce 
’Efpaigncpar mer , duquel deifpcnd tout leftat 
:s  Indcs^  En  cefte  cofte  il  y a quelques  villes 


Histoire  natvrelle 
alTez  bien  peuplées , comme  Lyma&  Tmxillo, 
au  peru  Panama  ôc  Carthagcnc , en  la  terre  fer- 
me,& es  Ifles  ûin£l:  Dominicque,-port-richc,& 
la  Hauane,  &plufieurs  autres  villes,  qui  font 
moindres  que  celle  cy , corne  eft  la  vraye  Croix, 
en  la  nçufueEfpagne,  Yça,Aricgua,  &autres 
au  Peruj&:  mefmes,les  ports  font  communcméc 
habitez , combien  que  ce  Toit  allez  petitement. 
La  fécondé  forte  de  terre,  eft  au  contraire  fort 
haute,&par  confequent  froide  ôcfeichc,  com- 
me toutes  les  montagnes  le  font  ordinairement. 
Celle  terre  n'cft  point  feriile  nyplaifante,  mais 
elle  eft  fort  faine,  qui  la  rend  peuplée  Sc  habi- 
tée.Il  y a des  pafturages , & en  iceux  beaucoup 
de  beftiâl,  ce  qui  fuftante , en  la  plus  grand’  part, 
la  vie  humaine,  Scaueclebeftial,  ils  fupplcent 
le  deffaut  qu’ils  ont  de  bleds  & femences  par 
leurs  trocs , & efehanges.  Mais  ce  qui  rend  en- 
cor d’auantage  ces  terres  habitées,  & quelques 
vncs  fort  peuplées,eft  la  richefte  des  mines , qui 
fctreuuent  en  icelles,  pource  queroutobeità 
l’argent,  & à l’or.  A caufe  des  mines  il  y a quel- 
ques habitations  d’Elpagnols  &: d’indiens,  qui 
fe  fontaccreües,  ôc  augmentées , comme  eft  Po- 
tofi , & Guancauelicqua  au  Peru , & Cacatecas 
cnlancufueEfpaigne.  Il  y a auflîpar  toutes  ces 
montagnes  , de  grandes  habitations  d’indiens 
qui  auiourd’huy  fc  maintiennent , voire  veut-on 
dire  qu’ils  vont  en  augmentant,finon  que  le'' tra- 
uail  des  mines  en  confume  beaucoup , & quel- 
ques maladies  generallcs  en  ont  mefme  dc- 
ftruit  vue  grande  partie,  comme  le  Cocoliftc^ 
enlaneufue  Efpaignc,  Toutesfois  l’onnes’ap* 

perçoitj 


DES  Indes.  Liv.  III.  ir. 

perçoit  point  qu’ils  diminuent  beaucoup.  En 
ccftc  extrémité  de  terre  haute  , froide  âc  fei- 
chcjil  y a deux  commodîtez , que  i’ay  dides  des 
pafturages,  & des  mines, qui  rccompéicnt  bien 
les  autres  deux  qui  font  és  terres  baffes  de  la 
cofte , à fçauoir  le  commerce  de  la  mer  , & la 
fertilité  du  vin  , qui  ne  croift  qu’en  ces  terres 
fort  chaudes.  Entre  Ces  deux  e3ttre{mcs,yala 
rerre  de  moyenne  hauteur  , laquelle  combien 
qu’elle  fait  en  quelques  endroits  plus  baffe  ou 
plus  haute  l’vne  que  l’autre , ce  ncantmoins  elle 
n approche  ny  delà  chaleur  de  la  cofte  , ny  de 
1 intemperaturedes  montagnes.  Encefte  forte# 
de  terre  il  croift  beaucoup  de  femcnccs , de  fro- 
ment, d orge , & de  mays , lefquellcs  ne  fe  trou- 
ucntaucunementés  terres  hautes  , mais  bien 
aux  balles  : il  y a mefme  abondance  de  paftu- 
rages  , debeftiaî,defruids  , &dcforcftsaf- 
ffz  verdoyantes.  Celle  partie  eft  la  meilleure 
habitation  des  trois , pour  la  fanté , & pour  la 
récréation.  C'cft  pourquoy  auffi  ce  qui  eft  le 
plus  peuplées  Indes  , eft  de  celle  qualité  , ce 
que  i ’ay  remarqué  fort  curieufement  en  plu- 
fieurs  chemins  & voyages  que  i’ay  faits  , & ay 
trouuépour  vray,  ce  que  les  prouinces  &:  par- 
ties mieux  peuplées  d’indiens , font  en  celÆ  lî- 
tuation.  Que  Ion  regarde  de  près  en  la  neufuc 
Efpagne(quieft  fans  doute  la  meilleure  pro- 
uincc  que  le  Soleil  enuironne  ) par  quelque  en- 
droit de  la  cofte  que  l’on  y entre , bon  y va  touf- 
lours  montant , & encor  qff apres  auoir  monté 
beaucoup,  l’on  commence  à defeendre  , tou- 
testois  c’eft  fort  peu , Sc  toiifiours  la  terre  y de- 

P 


Histoire  katvrelle 
meure  beaucoup  plus  haute  que  ^celle^  de  la  co-  ■ 

ftc.  Tout  le  terroir  de  Mexique  cft  de  cefte  na- 
ture ôc  fituation  , & ce  qui  cft  es  enuirons  du  : 
Vulcan  , qui  eftla  meilleure  terre  des  Indes,  ! 
comme  auffi  le  font  au  Peru,  Arcquipa,  Gua-  : 
mangua,&Cufco  , combien  que  ce  foq  l’vn  * 
plus  que  l’autre.  Mais  en  fin  tout  y eft  terre  j 
haute,  encor  que  l’on  y defcendcà  des  vallees 
profondes  , &:  que  l’on  monte  de  hautes  mon-  i 
tagnes , ilsendifent  autant  de  Quito,  Sain6te  j 
Foy,&  du  meilleur  du  nouueau  Royaume.Pour 
refolution , ic  croy  que  la  fagefle  éc  prouiden-  | 
% ce  du  Créateur,  a pourucu  cnceey  , & voulu 
pour  le  mieux,  & que  la  plus  grande  part  de  ce- 
lle terre  des  Indes  fuft  haute  Sc  cfleuce  , afin 
qu’elle  fuftd’vne  meilleure  température.  Car 
eftantbaire,clle  euft  elle  fort  chaude  foubs  la 
Zone  T orride , principalement  cftant  diftante 
ôc  efloignée  de  la  mer.  Audi  toute  la  terre  que 
i’ay  veue  és  Indes , eft  auoifince  de  montagnes 
d’vn  coftéjOU  de  l’autre,  ôc  quelquefois  de  tou- 
tes parts.  Tellement  que  i’ay  plufieurs  fois  dit 
par  delà,  que  iedefirois  me. voir  en  vn  endroit, 
d’où  l’horifon  fe  formait  & finift  par  le  Ciel , ÔC 
vne  terre  eltendue  ôc  vnic , comme  1 on  voit  en 
Efpagne  en  mille  campagnes  : toutesfois  ie  n ay 
point  de  fouucnance  d’auoir  iamais  veu  telles 
veues  aux  Indes,fult  aux  Ifles,  ou  en  la  terre  fer-^ 
me,encor  quei’yaye  cheminé  plus  de  feptcenSj 
lieues  en  longueur.  Mais  comme  iaydit,  le 
voifinage  des  montagnes  eft  fort  a propos  cn| 
cefte  région,  pour  tempererla  chaleur  du  So-; 
leil.  Par  ainfi  tout  le  plus  habité  des  Indes , eft! 


Dés  lNt.ES.  Liv.  IIÎ.  114 

de  la  façon  que  i’ay  dit , ôc  généralement  toute 
cefte  terre  eft  abondante  en  herbages , paftura- 


TEuropÉ 

terre  belle,  fi  verdoyante  & pîeinTJe  frifcadVsI 
A eantmoins  cefte  réglé  a quelques  exceptions, 
& principalemét  en  la  terre  du  Peru,qui  eft  d’vn 
naturel  eftrangc, entre  toutes  les  autres,  de  la- 
quelle nous  dirons  maintenant. 

J^espra^riete'^deUterredu  Fem. 

Ch  AP.  XX. 


Ous  entendons  par  le  Peru  , non  ' 
point  toute  cefte  grande  partiedu 
monde,  qu'ils  appellent  l’Ameri- 
que,  puis  que  en  icelle  eft  comprins 

le  Brefil,  le  Royaume  de  Chille' , & 

celuy  de  Grenade,  & toutesfois  aucun  d’iceux 
Royaumes,n’eft  lcPeru,mais  tant  feulement  ce- 
fte partie  qui  gift  au  coft é du  Sud , commençant 
au  Royaume  de  Qmtto,  qui  eft  foubs  la  ligne  & 
quiva  courant  en  longueur  iufqucs  auRoyaume 
deChillc,lcquel  eft  hors  les  Tropiques,  quife^ 
royent  fix  cens  lieues  en  longueur, & en  largeur 
ne  contient  point  d’auantage  que  ce  que  com- 
prennent les  Indes , ou  montagnes , qui  ibnt  co- 
rne cinquante  lieues  communes,  encor  que  en 
quelques  endroits,comnie  à Chachapoyas , il  y 
air d’auantage.Cefte partiedu  monde  que  l’on 
appelle  Peru  ^ eft  fort  remarquable , & con- 

P ij 


Histoire  natvrellb 

tient  en  foy  des  proprictez  fort  eftranges,  qui  | 
font  quelle  fert  d’exception  à la  règle  gênera-  ' 
le  des  Indes.  La  première  eft  qu  en  toute  .la  co-  ! 
fte  il  ne  foufle  continuellement  qu Vn  feul  I 
vent,  qui  eft  le  Sud  & Suroeft  , contraire  à ce-  ^ 
luy  qui  a accouftumé  de  courir  foubs  la  T orri- 
dc' La  fécondé  eft  ,/qii’eftant  ce  vent  de  fa  natu-  | 
re  le  plus  violent  ^ tempeftueux  ôc  maladif  de 
tous  , neantmoins  il  eft  en  cefte  région  mer- 
iicil'eufement  gracieux,  fain  , & aggrcable  , de  i 
telle  façon  que  l’on  luy  doit  attribuer  1 habita- 
tion de  cefte  cofte  , laquelle  fans  doute  feroit  , 
inhabitable  ôc  ennuyeufe,  à caufede  fa  cha-  | 
leur,  fi  parfon  fouftlcmentellen’eftoit  addou- 
cie.  La  troifiefme  eft  que  iamais  il  ne  pleut, 
tonnc,neige , ny  grefle  en  toute  cefte  cofte , qui 
eft  vne  chofe  digne  d’admiration.  Quartement 
à peu  de  diftance  de  la  cofte  il  pleut  & nei^e  ter- 
riblement. Qmntement  il  y a deux  chaines 
demontaignes , qui  courent  l’vnc  comme  1 au- 
tre , ôc  en  vne  mcfme  hauteur  du  Pôle,  néant-  • 
moinsenl’vneyade  tres-grandes  forefts,  & y | 
pleut  la  plus  part  de  l’année,  eftant  fort  chau-  | 
de.  L’autre  tout  au  contraire  eft  toute  nue  ôc  \ 
defcouuerte,  & fort  froide,  de  forte  que  l’Hy-  I 
uerôd’Eftc  font  départis  en  ces  deux  monta- 
gnes , & les  pluyes  ôc  la  ferenité  mefme.  Oc  j 
afin  d’entendre  mieux  cecy  , l’on  doit  confide-  j 
rcrqucle  Perueft  diuifé  comme  en  trois  p'ar- 
ties  , longues  Ôc  eftroittes  , qu’ils  appellent 
Lanos,  Sierras,  ôc  Andes.  LcsLanos,fontla 
cofte  de  la  mer,  la  Sierra , font  toutes  monta- 1 
gnes , Ôc  quelques  vallées , Ôc  les  Andes , font  | 


DES  Indes.  Liv.  UT,  jj. 
montagnes afpres  «rrudes.  Les  Lanos,  ou  co- 
ite de  la  mer  , ont  quelque  dix  lieues  de  lame 

en  quelques  endroits  moins,  &cn  autresqu?!- 
que  peu  d’auantage.  La  Sierra  contient  com- 
me vingt  lieues  en  large  , & les  Andes  autant 
tantoft  plus  , tantoft  moins.  Ils  courent  en 
leur  longueur  Nort&  Sud.  & en  leur  largeur, 
dOrientauPonanr.  Ceft  donc  chofe  merueil 

leule.qu  en  fi  peu  de  diftance , comme  Ton  t cin - 

quante  heues , efgallement  efloignees  de  la 
ligne  &PoIc  , y-air  vne  fi  grande  diuerfiré, 
qu  envniieuilyplenue  prefque  roufidurs  , & 
enlautrciln’ypleuiic  quafiiamais.  Une  ple-it 
ïamais  en  celle  cofieou  Lanos,cncor3  qn’il  y 
tombe  quelquesfois  vne  eaue  menue  , o'i’ih 

appellent  Giiarua,  &en  Caftille  MoIIina'  Li- 
quelle  quelquesfois  s’efpaiffit  en  certaines 
gouttes  d’eauc  qui  tombe  , touresfois  ce  n eft 

point  choie  ennuycurc,ny  telle  3 qu'il  foit  be-' 
loing  de  fccouunr  pour  cela.  Les  couuemues 
ylonrdenatesauecvnpcude  terre  par  deiruc 
&leurell  chofe  fiiffifante.  Aux  Andes  prerque 
durant  toute  l’année  i,ly  pleut , combien  qu'il 
y aitenvntcmpsplusdcferenité  qu’eu  l'autre. 
En  la  Sierra  3 quigillau  milieu  des  deux  extrê- 
mes 3 il  pleut  au  mefmc  temps  qu’en  Elpagne, 
qui  eft  depuis  Septembre  iufques  en  ASril 
mais  en  l'autre  faifon  , le  temps  y dl  plus  fc- 
ram,  qui  ell  quand  le  Soleil  en  ell  plus  elloi- 
gne  &le  contraire  quand  il  en  ell  plus  pro- 
che,dequoy  nous  auons  alTcz  amplement  traît- 
re au  hure  precedent.  Ce  qu’ils  appellent  An- 
des, 6:  ce  qu  ils  appellent  Sierra,fom  deux 


Histoire  natvrelle 
cliaines  de  montagnes  tres-hautes  ^ qui  doinent  | 
courir  plus  de  mil  lieues  à veue  Ivne  de  l’autre, 
&prerquecfgalement.  Il  y a vn  nombre  infini  ; 
de  vicugnes  , qui  naiflcnt  & s’engendrent  aux 
Sierres,  qui  font  proprement  comme  chieures 
fauuages , fort  viftes  6c  fort  agiles.  Il  y a mefmes 
de  CCS  animaux, qu’ils  appellentGuanacos&  Pa- 
cos,qui  font  des  moutons,  qu’on  peut  aufii  bieri 
dire  les  Afnes  de  ce  pays , dequoy  il  lcra  traitte 
en  fonlieu:  & aux  Andes  fe  trouuent  des  finges 
fort  gentils  Ôc  plaifants , ôc  des  Perroquets  en 
grande  quantité.  L’on  y trouuc  aiilTi  îberbc,  , 
ou  arbre  qu’ils  appellent  Coca,  qui  eft  tant  efti-  \ 
me  des  Indiens , ôc  la  traite  qu’on  en  fait  y vaut  i 
beaucoup  d’argent.Celle  qu’ils  appellent  Sierre,  ! 
fait  des  vallées  es  endroits  où  elle  s’ouure , qui  i 
font  les  meilleures  habitations  du  Peru,com-  ! 
me  eft  lavallée  de  Xanxa,&  d’ Andaguaylas,&  de 
Yucay.  En  ces  vallées  il  croift  du  froument  du  ^ 
mays , ôc  d’autres  fortes  de  fruits, toutesfois  és 
vnes  moins  qu’aux  autres.  Plus  outre  que  la  cite 
de  Cufco(quieftoit  anciennement  la  cour  des  ■ 
Seigneurs  de  ces  Royaumes)les  deux  chaines  de 
montagnes  que  i’ay  diètes  fe  retirent  ôc  s’efloi- 
gnent  d’auantage  les  vnes  des  autres , Ôc  laiflent 
au  milieu vne pleine  ôc  large  campagne, qu ils 
appellent  la  prouince  de  Collao,  où  il  y a grand 
nombre  de  riuiercs,&  beaucoup  d’herbages  & 
pafturages  fertiles , & là  eft  aufti  le  grand  lac  de  i 
Titicaca:mais  encor  que  ce  foit  terre  pleine,  ôc  à | 
la  mefme  hauteur  6c  intempcraturequela  Sier-  ; 
re,6c  qu’il  n’y  ait  non  plus  d’arbres  ny  de  forefts,  : 


desIn  DES.  Li  V.'  HT. 
toutefois  le  defaut  qu’ils  ont  du  pain  y eft  reco- 
penféparlesracinesqu’ils  fement,  lcrquclles 
lis  appellent  Papas , & croisent  dedans  la  terre. 
Cefte  racine  eftle  manger  des  Indiens.  Car  les  fe- 
chans  & nctroyans  ils  en  font  ce  qu’ils  appellct 
Chugno.qui  eft  le  pain&  nourriture  de  ces  pro- 
uinces.  Il  y a mefme  d’autres  racines  & petites 
herbes  qu’ils  mangent.C’cft  vne  terre fainc,&  la 
plus  peuplée  des  Indes  & la  plus  riche,  pour  l’a- 
bondance des  beftiaux  qui  s’y  nourrilîent,  tant 
del  eijaecc  mcfnic  de  ceux  qui  {ont  en  Europe, 
comme  brebis  > vaches  &cheures,  que  de  celles 
du  pays  qu’ils  appellent  Guanacos.&  Pacos,& 
y a des  perdrix  aiPez  abondâment.  Apres  la  pro- 
uincc  de  Collao  vient  celle  de  Charcas , où  il  y a 
des  vallées  chaudes  de  grande  fertilité  ôc  des  ro- 
ches tres-afpres,  lefquellcs  font  fort  riches  de 
mines,tellcmcnt  qu’en  nul  endroitdu  mondcil 
n’y  en  a point  de  meilleures  ny  de  plus  belles. 

Des  cAufes  ils  donnent  pomquoj  il  ne  pleut  dux  U- 
nos  ou  coJlesdeUmer, 

Ch  AP.  XXI. 

Autant  que  c eft  choie  rare&T  ex- 
traordinaire qu’il  y ait  quelque  ter- 
re où  il  ne  pleuue  iamais,ny  tonnej 
les  hommes  défirent  naturellement 
feauoir  la  caufe  de  telle  nouiieauté. 
Laraifon  que  donnent  quelques  vns  qui  ont  rcr 
cherchéde  conlideré  cecy  de  près,  eft  qu’il  ne 

P iiij 


Histoire  NATVRELLE 
s’cflcuecnceftc  coftc  des  vapeurs  allez  grofTes  | 
^ruffifantcspour  engendrer  la  pluye  faurc  de  | 
matière  : mais  qu’il  y a feulement  des  vapeurs  : 
petites  & legeres  , qui  ne  peuuent  engendrer  ^ 
autre  chofe  que  les-  broiiillars  & rofées  : corn-  | 
me  nous  voyons  en  Europe  qivil  y a bien  fou- 
uent  au  matin  des  vapeurs  qui  s’efleucnt , lef- 
quellcs  ne  fe  conuertilîènt  pas  en  pluyes  : mais  s 
feulement  en  brouillars.  Ce  qui  prouient  de  la 
matière  qui  n’eft  point  allez  grolle  & fuffilàntc 
pour  fe  tourner  en  pluye.  Et  difent  que  la  caufe  ^ 
pourquoy  cela  , qui  n’aduient  qu’aucunesfois  | 
en  Europe,  arriue  continuellement  en  la  coftc  | 
duPeru.eftpoiir  cequeccfte  région  eft  tres-fe-  | 
chc& ne  rendpoint  de  grofles  vapeurs.  On  re-  \ 
cognoiftfa  fccherefle  par  le  grand  nombre  de  | 
(àblonsquiyfont,  & par  ce  que  l’on  n’y  trou- 
ue  ny  puits  ny  fontaines, finon  en  vne  rres-grâ- 
de  profonditc  de  quinze  ftades,  (qui  eft  la  hau-  i 
teurd’vn  homme  ou  plus)  ôc  encor  eft  ce  près  | 
des  riuieres , l’eauc  defquelles  pénétrant  la  ter-  1 
rcjcft  caufe  que  l’on  y peut  faire  des  puits.  Tel-  j 
lement  que  l’on  a veu  par  expérience  que  le  ] 
cours  des  riuieres  eftant  deftourné , les  puits  le  \ 
font  taris  iufqucs  à ce  qu’elles  fulfenr  retour-  j 
nées  en  leurs  cours  ordinaires  , & donnent  ce-  s 
fte  raifon  pour  caufe  materielle  de  ceft  elfcéfci 
mais  pour  la  caufe  efficiente  ils  en  ont  vne  au-  jj 
tre  qui  n’eft  pas  moins  confiderablc  , qui  eft:  j 
que  la  hauteur  excelfiue  de  la  Sierre  , qui  court 
par  toute  la  coftc , porteabry  àces  lanos  , de 
forte  qu’elle  empefehe  qu’aucun  vent  n’yfouf- 
fie  du  coftédelaterrc,  fi  ce  n’eft  fi  haut  qu’il  | 


Des  Indes.  Liv.  III. 
foitpar  defftis  les  croupes  de  ces  montagnes, 
au  moyen  dequoy  ilny  court qu’vn  reul  vent 
qui  eft  ccluy  delà  mer,lequel  ne  trouuant  point 
de  contraire  , nepreffe  n y exprime  point  les 
vapeurs  quisefleuent  pour  en  engendrer  la 
pluye , de  maniéré  que  labry  de  la  Sierre  em- 
pefehe  que  les  vapeurs  ne  s’efpaiffifrent , &fait 
qu  elles  fe  conuertiffent  toutes  en  bruines.  Il  y 
a quelques  expériences  qui  Ce  rapportent  à ce 
difcours,  d'autant  qu’il  pleut  en  quelques  colli- 
nés  de  la  cofte  qui  ont  le  moins  dabry,  comme 
font  les  roches  d'Atico  & d’Arequipa  : mefmes 
qu’il  y a pieu  en  quelques  anne'es  que  les  Nôrts 
ou  Brifes  y fouffloient , voire  pendant  tout  le 
tcmpsqu’ilsdurerent,commeil  arriua  en  foi- 
Xante  &dixhuid:  aux  lanos  de  Trugillo,  où  il 
pleutabondamraent  j ce  qu’ils  n’auoient  point 
veupluficurs  ficcles  auparauant.  D’anantacreil 
pleut  en  la  mefme  cofte  es  lieux  où  les  Brifes^ou 
Nortsfont  ordinaires,  comme  en  Guayaquil 
& es  lieux  où  la  terre  fe  haulfe  beaucoup  & fé 
deftourne  de  l’ombrage  & abry  des  monta- 
gnes, comme  en  ceux  qui  font  plus  outre  que 
Anqua.  C^elques  vnsen  difcourentde  cefte 
façon,  mais  que  chacun  en  penfe ce  qu’il  vou- 
dra : c’eft  vne  chofe  certaine  que  defeendant 
de  la  Sierre  en  ces  lanos  bon  a accouftumé  de 
voir  comme  deux  Ciels , IVn  clair  & ferain  par- 
le haut,  & l’autre  obfcur , & comme  vn  voile 
gris  tendu  au  deftbubs , qui  couure  route  la  co- 
fte ^ mais  en  cor  qu’^  n’y  plcuue  pas,  cefte  brui-  v 
ne  y eft  merucilleufcment  profitable  pour  pro- 
duire de  l’herbe,  &pourefieuer^&  nourrir  les 


Histoirenatvrelle  i 

fcmenccs  ; car  encor  qu  ils  ay cnt  l’eaiie  au  pied  | 
tant  qu’ils  veulent  qu’ils  tirent  des  eftrangs  ou  j 
lacs",  toutesfois  cefte  humidité  du  Ciel  a vne  tel-  ; 
le  vertu,  que  celfant  de  tomber  fur  la  terre  elle  i 
caufe  vne  grande  incommodité  & diminution  | 
aux  grains  & fcmenccs.  Et  ce  qui  eft  plus  digne  | 
d’admiration, les  fablons  fecs  & ftcriles  par  cefte  | 
rofée  ou  bruine  fc  reueftent  d’hcrbes&dc  fleurs  i 
quieftvnechofe  plaifantc&  agréable  à voir  & | 
de  grande  vtilité  pour  les  pafturages  du  beftial,  | 

comme  l’on  void  en  la  montagne,  qu’ils  appel-  \ 

lent  de  fablon,proche  de  la  Cité  des  Roys. 

I>e  U propriété  de  U neufueEjpdgnejdes  Ijîes  des  au- 

tres terres. 

Chap.  XXII. 


A neufuc  Efpagnc  fiirpaflè  les  au- 
tres prouinces  en  pafturagcs,qui  cau- 
fe  qu’il  y a vn  nombre  infiny  de  trou- 
pes  de  cheuaux,vachcs , brebis  & au- 
tres beftiaux.  Elle  eft  fort  abondante  en  fruids, 
& en  toute  forte  de  grain-,  en  fomme  c’eft  la  ter- 
re la  mieux  pourueue,  & la  plus  accomplie  qui 

foit  és  Indes.  Toutesfois  le  Peru  la  furpafle 
en  vnechofe , qui  eft  au  vin  , pourcc  qu’il  y en 
croift  abondamment , &debon  , &dciour 
en  iour  les  vignes  y vont  multipliant  & 
mentant , lefquelles  croiflent  aux  vallees  fort 
chaudes  où  il  y a arroufement  d’eaues.  Et 
combien  qu’il  y ait  des  vignes  en  la  neufue  Ef- 
pagne  , toutesfois  le  raifin  n’y  vient  point  en  fa 


DBS  Indes.  Liv.  ni.  nS 
niamrit£pr&pre  & eoDoenable  pour  en  faire 
du  ym.  U caufe  eft  pource  qu’il  pleut  par  delà 
cil  luiUet  & qui  sit  quand  leraifm  mcu- 

m : ^11;  pourquoy  il  ne  paruientà  Ca  maturi- 
té. Q^ç  (Lpar  emiafiré  i’on  vouloit  prendre 
a peine  d en  faire  du  vin , il  feroit  cornme  ce- 
luy  duGeu&uoi^r&rde  JCombardie,  qui  eftfort 
petit  & forta^re  , ayant  vn  gouft  comme  de 
verdjus.  Les  mes  qu’ils  appellentde  Barlouen- 
te, qui  font  1 £fpagnole._^Cube,  Port-riche,  ôc 
aut  resr  en  ces  enuirons  font  ornées  de  beau- 
coup  de  verdure  &pafturages.  & font  abon- 
dantes en  beftial , fçauoir  eft  d’e  vaches  & de 
porcs  qui  y four  deuenus  làuuages.  La  richeire 
de  CCS  Ides  fournies  engins  defucre,  âc  les  cuirs 
jly  a beaucoup  de caîTc  & degingem- 

brc.  Et  eft  chofe  incroyable  de  voir  le  grand 
iiombredeces^marchandifes,  que  l’on  enleue 
en  vn.eflorte,neftantqualîpas  vray  femblable 
qu  en  toimc  TEiiS^ipe  uueupcuft  tant  gafter.  Ils 
cnenleuêtmÆfme^dtrbois  de  qualité  6c  de  cou- 
eur  exccllente,cômerEbene&  autres  qui  fer- 
uenraux  édifices  ^menuyEcrie.  Il  en  y a beau- 
coup quikappelent,  ou  Guayac 

propre  pourguarir  la  ver  olle.  Toutes  ces  Illes 
&rcdfesqnifanr  en  ces  enuirons  qui  font  en 
tres-graud  nombre , ont  vn  trcs-bcau  & rres- 
plaila^ regard,  pource  que  durant  toute  Lan- 
nee  elles  &Qtreueftues  d’herbes  de  d arbres , tel- 
lement qu’ils  ne  peuucnt  difçerner , quand  il  eft 
utonne,ou  efté,pour  la  coiirrnuelle  humidité 
^ î^eft  iQintc  auec  la  chaleur  de  la  Torride , & 
combien  que  cefte  terre  foit  de  cres-grande 


Histoirb  NATVRELLE 
cftenduCjil  yaneaiitmoins  peu  d habitations, 
d’autant  que  d’elle  mefme  elle  engendre  de 
grands  Arcabutos,qu’ils  appellent,  qui  font  des 
bois,  ou  taillis  fort  efpais , & qu’il  y a beaucoup 
de  marefeages  & bourbiers  és  plaines.  Ils  don- 
nent vnc  autre raifon notable  , de  ce  quelles 
fon  t peu  habitées,  qui  cfl:  d autant  qu  il  y cft  re- 
fté  fort  peu  d’indiens  naturels  ,par  l’inconfide- 
ration  & defordre  des  premiers  conquefteurs 
& peuplcurs‘,parquoy  ils  fe  feruent  la  plusgrand 
part  de  Nègres , mais  ils  couftent  cher , acaulc 
qu’ils  font  fort  propres  à cultiiier  la  terre.  îlnc 
croiftnypain,ny  vinences  Ifles,  poureeque  la 
trop  grande  fertilité  &vicc  de  la  terre  , ne  les 
laide grener , mais  clleiette  le  tout  en  herbe 
fort  inegallement.il  n’y  a non  plus  d’oliuiers,au 
moins  ils  ne  portent  point?  doliues , mais  beau- 
coup de  fucilles  vertes  ôc  plaifaiites  a la  veüe, 
qui  toutesfois  n’apportent  aucun  fruiéfc.  Le  pain 

d ont  ils  vfenteft  delà  Cacaue , de  laquelle  nous 

dirons  en  fon  lieu.ll  y a de  l’or  és  riuieres  de  ce 
Ifles',que  quelquesvns  tircnt,mais  c’eft  en  petite 
quantité  ,par  faute  de  naturels,  qui  lapprolfi- 
f gf^X’ay  elle  peu  moins  d vn  an  en  ceslfl.es, &ace 
qui  m’a  efté  raconté  de  la  terre  ferme  des  Indes, 
où  ie  n ay  point  efté , comme  la  Floride , Nica- 
ragua,Guatimalla,&  autres , i ay  entendu  & ap- 
pnns,qu’ellecftprefqnedecefte  qualité  , que 

i ay  ditte.  Toutefois  ie  ne  mets  les  chofes  plus 
particulières  de  nature , qui  font  en  ces  prouin- 
CCS  de  terre  ferme,  pour  n’en  auoir  parfaite  co- 
gnoilfance.  La  terre  qui  plus  reflemble  al  El- 
paigne,&  aux  régions  de  l’Europe,  en  routes  les 


DES  Indes.  Liv.  III. 

Indes  Occidentales,  eft  le  royaume  de  Chillé 
quieft  hors  delà  réglé  generallc  de  ces  autres 
régions , d autant qu  il  eft  fitué  hors  la  Torride 
& le  Tropique  de  Capricorne- Celle  terre  de  foy 
cil  frefehe  & fertile , ôc  produit  de  toutes  les  d 
pccesdefruicasquifont en  Efpagne,  ^rappor- 
te auffipnde  abondance  de  pain  &de  vin, corn- 

mcmefineelle  abonde  en  pafturages  ôc  beftial. 
LcCielyeftfain&ferain,  entre  le  chaud  &lc 
iroidX’hyuer  &1  Eflé  y cil  parfaitement  & sy 
trouuegrande  quantité  d’or,  qui  ell  tres-fîn 
Neantmoins  celle  terre  cllpauure&peupcu- 
plec,pour  la  guerre  continuelle,  que  les  Auraca- 
nos  & leurs  alliez  y font,  d'autant  que  ce  font 
des  Indiens  robulles,&  amis  de  leur  liberté. 

.^^l^terremcogneue.O'deUd'merftU^vnh^^ 

ttcr^ciuiejimreles  Orientaux  cr  Occidentaux. 

Ch  AP.  XXIII. 


L y a de  grandes  conieélures  qu’en 
laZoneTcmperée,  qui  cil  au  Pôle 
Antarrique,  il  y ait  des  terres  gran- 
|des  5c  fertiles,  mais  iulqiies  auiour- 
d huy  elles  ne  font  defcouuertes , ôc 
ne  congnoit-on  d autre  terre  en  celle  Zone,  que 
celle  de  Chille  ôc  quelque  partie  delà  terre , qui 
court  d’Ethiopie  au  Cap  de  bonne  Efperance, 
comme  il  a elle  dit  au  premier  liure.  On  fçait 

au  ipeu  J s il  y a habitation  aux  deux  autres  Zo- 


Histoire  natvrelle 
nés  des  Pôles, & fi  la  terre  continue  & paruient 
iufques  à celle  du  cofté  de  l’ Antardiquc  ouSud. 
L on  ne  côgnoit  pas  mcfme  la  terre  qui  gift  pai- 
féledeftroit  de  Magellan,  dautantquelaplus 
grande  hauteur  que  l’on  a cogneue  d’icellc  eftde 
cinquante  fix degréz,ainri  qu  il  eft  dit  cy-dcuat, 
& du  cofté  du  pôle  Articque,ou  Nort,n’cn  Içaic 
on  non  plus  iufques  où  va  la  terre  , qui  court 
paftéleCapde  Mcndoçin  & les  Calliphornes, 
ny  les  bornes  & fin  de  la  Floride , & iufques  ou 
elle  peut  s’eftendre  vers  l’Occident.  Il  y a peu 
de  temps  que  Ion  a dcfcouuert  vne  nouuelle 
tcrre,qu’ils  appellent  le  nouucau  Mexicqiie,  ou 
ils  difcnt,qu’il  y a beaucoup  de  peuples  qui  par- 
lent la  langue  des  Mcxicquains.Lcs  Philippines 
& les  Ifles  fuyuantes, comme  racontent  aucuns 
qui  lefçauentpar  expérience,  courent  plus  dci 
neuf  cents  lieues:  mais  de  traitter  de  la  Chine,  | 
Cochinchine,  & Syam  , & autres  régions  qui  | 
font  de  l’Inde  Orientale , ce  ftroit  contre  i^n  | 
intention  ,qui  eft  feulement  de  traitter  des  Oc-i 
cidcntalcs.  L’on  ne  cognoit  pas  mefme  la  plusi 
grand’ part  de  l’ Amérique  qui  gift  entre  le  Peru 
&leBrcfil,  combien  que  de  toutes  parts  Ion 
en  cognoifle  les  bornes.  Surquoy  il  y a diuerlcs 
opinions  des  vns  & des  autres,  qui  dilent,  que 
tout  eft  vne  terre  noyce , pleine  de  lacs  & de 
lieux  aquatiques.  D’autres  afferment  qu’il  y a; 

de  grands  & fleuriffans  royaumes,  s ’imagiUans 

que  là  font  le  Pay  titi , le  Dorado , & les  Cæfars; 
oùilsdifcnt  qu’il  y a des  chofes  merueilleufcs, 
l’ay  ouy  dire  à vn  de  noftre  compagnie,  ' 

dignedcfoy,quilyauoit  veu  de  grandes  habt-| 


DES  Indes.  -Liv  UJ 
tarions,*  des  chemins  autant  rompus  &bat 
tuscommefontceux  de  Salamanqueà  Vaidla 
dollit,ce  quoi  veid  alors  que  Pierre  d’Orfua  & 
deputsluyceuxquilujr  fuccederent  firent  IW 
tree&  defcouuerte,  parîagrande riuieredes 
Amazones  lefquels  croyans  que  le  Dorado 
qu  ils  cherchoien t eftoi t plus  auan  t,  ne  fe  fil! 

rOorldo  m"?  *meurerent  fans 

leDoradoqu-ilsnetrouuerentpoint , & fa„s 
ceftegrandeproumcequ-ilslaiiTerenr.  De  yray 

c eft  chofe  lurques  auiourd’huy  cachée  nul 
1 habitation  de  1 Amérique , excepté  les  ex^re- 
mitez,qui  font  le  Peru.le  Brefil,  dc^’cndroit  oà 

lateirecomracnceàs’eftteflîr,  qui  eft  en  la  ri 

Chille,&auxCharcas.Ily  aforrpeu  de  temnt 
quenousauons  entendu.par  lettredes  noftre 
qui  cheminent  en  fainéle^  Croix  de  la  5^1^^ 
que  I on  va  defcouurant  de  grandes  prouinces’ 
& habitions, qui  tombent  en  ceftepartie  qu 
eaentreleBrefil&lePeru.  Le  temps  I sdlf 

SukSn?  à vouloir 

ciicuir  le  monde  d vnepart  & d’autre  . nous 

pouuons  croire , que  toutaiiifi  que  l'on  a def 

couuerttoiitce  qui  eft  cogneu  iufques  rpre: 

fent  Ion  pourra  de  mefine  defcouurir  ce^ii 

tefte.afinquele  S.Eiiangile  foit  annoncéàlv' 

nl^de^P  les  deux  Couron- 

nes de  Pormgal , & de  Caftille . fe  font  rencon- 

treesparl’Orie„t& parle  Posent,  iufqS 

âlaveritevnechoferemarquable,  quelei  vus 


Histoire  natvrblle 
foient  paruenus  iufques  en  la  Chine  & lappon 
par r Orient,  ôdes  autres  aux  Philippines  qui 
rontvoyfmes&prefquc  contiguës  à la  Chine, 
par  l’Occident.  Cardenac  dcLuffon  , qui  eft 
laprincipalle  des  Philippines, où  eftlacitc  de 
Mammille,iufques  àMacan,qui  eft  1 illedeCau- 
ton,iln’yaquequatre  vingtsou  cent  lieues  de 
mer  entre  deux,  &trouiie  chofe  merueilcule, 
qu  encore  qu’il  y ait  fl  peu  de  diftancede  Tvn  a 
l’autre  ilyancanrmoins  , felonleur  conte  , vn 


iour  entier  de  diftercnce  entre  eux  , de 


iUUl  CllLlCl  .. 

qu’il  eft  Dimcnche  à M acan , lors  que  a Marail- 
Ic  il  eft  Samedy,&  ainft  du  refte.  Ceux  de  M acan 
& la  Chine  ont  vn  iour  aduancé , & ceux  des 


Philippines  enontvn  retardé.îladiiintau  Pere 
lonfe 


AllonfeSanchés,  duquel  il  eft  fait  mentioncy- 

deuant,  que  partant  des  Philippines  il  arriua  a 

Macan,le  deuxiefrae  iour  de  May  félon  fon  co- 
te, & voulant  dire  l’office  de  faind  Athanale, 
trouua  qu’ils  celebroiêt  la  fefte  de  l’inuention 
Sainde  Croix, par  ce  qu’ils  contoient  là  le  troi- 
fiefme  de  May.  il  Iny  en  aduint  tout  autant , en 
vn  autre  voyage  qu’il  fit  par  delà  Caciques  vns 
ont  trouué  cefte  variation  & diuerfitc  cftrange,  | 
& leur  femblc,  que  cela  procédé  de  la  faute  des  ^ 
vns, ou  des  autres  , ccqui  n’cft  pas  toutesfois,, 
mais  eft  vn  conte  vray  & bien  obferuc  : car  fuy- 
uant  la  différence  des  chemins  par  ou  ont  cite 
les  vns  & les  autres , il  faut  ncceffaircmcnt  di- 1 
re  que.quand  1-on  fe  rencontre  on  doit  auoir  i 
vniour  de  différence.  La  raifon  ett  pource  que; 

nauigeantd-Occidentàl'Orient  , Ion  va  touf. 

iour^agnaijtleiour,  &ttouuel  on 


I 


DES  Indes.  Liv.  III. 

Jeiier  du  Soleil,  & au  contraire  ceux  qui  naui- 
gentchOrientau  Ponant,  vont  toufiours  per- 
dant le  iour , & s en  retirent  arrière  , pource 
que  le  Soleil  déplus  en  plus  leur  valeuant  plus 
tard,  & comme  plus  ils  vont  approchant  du 
Lcuantoudu  Ponant , plus  ils  ont  le  iourtoft 
ou  tard  A u Peru , qui  eft  Occidental , au  re- 
Ipedt  de  1 Efpagnc,  Ton  y demeure  de  plus  de  ïîx 
heures  arriéré  ; de  façon  que  quand  il  eft  mi- 
dy  en  Efpagne , il  eft  aube  ou  poind  du  iour  au 
Peru  ; & quand  l’aube  du  iour  eft  par  deçà,  la 
minuKftfetrouue  eftre  par  delà.  l’ay  faidhpreii- 
ne  certaine  de  cela  , par  la  computation  des 
cclipfes  di.  Soleil  & de  la  Lune.  ^Maintenant 
donc  que  les  Portugais  ont  faid  leur  naulsa- 
tira  d Occident  à l'Orient , & les  Caftillans 
d Orient  en  Occident,  quand  ils  fe  font  venus 
àioindre&  rencontrer,  qui  a elle  aux  Philip, 
pmes  & Macan , les  vns  ont  gaigné  douze  heu- 
resdaduancc,  & les  autres  en  ont  perdu  tout 
autant.  Par  ainft  en  vn  mcfmepoinâ:  & en  vn 
iDdme  temps  ils  trouucnt  la  différence  de  vins: 
heures,  qui  eft  vn  iour  entier.  Au  moyen  dt 
quoyneccfrairementles  vns  fontau  rroi/îefme 
de  May  quand  les  autres  content  le  dcuxicfme: 
&quand  les  vns  ieufnct  le  Samedy  Sain6t,lcs  au- 
tr^  mangen  t c%  la  chair  pour  le  iour  delà  Refu  r 
rcction.Q^  finous  voulons  feindre  qu’ils  paf. 
lallcnt  plus  outre,  tournoyans  encor  vnc  autre 
foislemonde,&qu’ilsvfairentdu  mefme  cote, 
quand  ils  rc^urneroient  à fc  ioindre  ils  fe  trou- 

ucroicntaiÆ  bien  par  leur  mefme  côte  en  deux 
urs  e iffcrcncc. Car  comme  i’aydit,ceux  qui 

0^ 


Histoire  natvrelle 
vont  au  Icuer  du  Soleil  vont  contant  le  iour  plu-  i 
lloftjXorame  le  Soleil  leur  va  Icuanrpluftoft,  & 
ceux  qui  vont  au  couchât  au  contraire  vont  c5- 
tant  le  iour  plus  tard, d’autant  qu’il  leur  va  fortât  ' 
plus  tard.  Finalement  la  diuerfité  des  midis  fait  , 
le  diuers  conte  des  iours.Et  d’autât  que  ceux  qui 
vont  nauigeants  du  Leuant  au  Ponent,vont  châ-  ! 
géants  leurs  midis  fans  le  fentir^Sc  toujours  ne- 
antmoinspourfuiuentlemeihiecontooù  ils  fe 
trouuent  quant  ils  partent,  ilcftnecclïàirequ’a- 
cheuants  le  circuit  du  monde  ils  trouuent  faute 
à leur  conte  d’vn  iour  entier. 

Des  Volcms  ou  huches  de  feu, 

i 

Chap.  xxiiir.  I 


O MB  I E N que  l’on  trouiic  en  d’au-  | 
très  endroits  des  bouches  de  feu,  I 
comme  le  mont  Ætna  & Vvefuuio, 
quauiourd’huy  ils  appellent  le  mont 
de  Soma , neantmoins  c’eft  chofe  remarquable 
que  ce  qui  fe  trouue  es  Indes.  Ordinairement 
ces  Volcans  font  rochers  ou  pics  de  montagnes 
tres-hautes  qui  s’efleuent  par  dclTus  lesfommets  ‘ 
de  toutes  les  autres  montagnesflis  ont  en  leurs 
fommitez  vne  planurc,&:  au  milieu  vne  folTe  ou 
grande  bouche  qui  defeend  iufques  au  profdnd 
ou  pied  d’icclle^,  qui  cft  chofe  efpouuentable  à 
roir.De  ces  bouches  il  fort  de  la  fumée,  & quel- 
quesfois  du  feu.Il  y en  a quelques  vus  quiiettent 
bien  peu  de  fuméç,6cprcfquc  n’ont  aucune  for-  > 


, „ P Xndis.  Lir.  nr.  lu 
me  de  Volcans.comme  ell  celuy  d’Arequipa.qui 

eftd  vnehauteurdemefurceAprefque  du  tout 

de  fable  qui  ne  fe  peut  monter  en  moins  de  deux 

"■/■^«ouuéaucuneap- 
parencedefeu  mais  feulementlesveftiges de 
quelques  facnfices  que  faifoient  là  les  Indiens 
lorsqu  ;lseftoient  Ge'tils.Etquelque  peudefu- 
raee  qu  il  ictte  quelquesfois.  Le  Volcan  de  Me- 

xique.quicftproche  du  bourg desAnges,eftauf- 
fidvnehaureuradmirableoùl’onmo1i«  trente 

lieuesen  tournoyant.  Dece  Volcà  fortmon  pas 
cominuellementimais  de  fois  à aiitre&  prcfque 
hafque  lour.yne  grolTe  exhaltation&  rourbillô 

t^s^^r'd  I P"  ftitfemblableàvn 

re  P né  ''"«““«noire&obfcu- 

le.Plus communément  ellefortaumatinaDres 

encoTqiti^n"*’  il  fe  couche, 

encoi  quel  en  ay  veu  forrir  en  autres  heurpç  Tî 

orraulii quelquesfois  apres  ceft  fomleLu 

coupdecendres.  Defeul’onn’en  a encor-veu' 

erres  iSc  dclairs  fi  grands  que  l’onvoid&  oir 
d^uiairementences  parties.  Quelques  Efpa 

QJj 


Histoire  natvrelle 
faire  pour  dcfi:ouurir  ce  qu’il  y auoit  en  ce  V ol- 
can.  Les  Volcans  de  Guatimalla  font  plus  renô- 
mez  tant  pour  leur  grandeur  & hauteur, que  les 
nauigeans  en  la  mer  du  Sud  dcfcouurent  de  fort 
loin, que  pour  rcfpouuentement  & violence  des 
feux  qu’ils  iettent  de foy.  Il  arriuaau  2;.  de  Dé- 
cembre de  l’an  pâlie  158^.  que  toute  la  Cite  de 
Guatimalla  prefquc  tomba  d’vn  tremblement 
de  terre,  où  demeurèrent  mefme  quelques  per- 
foniies.  Il  y auoit  défia  fix  mois  que  de  iour  & 
de  nuia  leVolcan  ne  cefibit  de  ietter  par  le  haut 
3c  comme  vomir  vn  fleuue  de  feu,la  matière  du- 
quel tombante  aux  coftéz  du  Volcan,  fe  con- I 
uertilfoit  en  cendre  comme  terre  brullee(cho-  , 
fe  qui  furpalTe  le  iugeraent  humain  d entendre  i 
comme  il  peut  tirer  de  Ibn  centre  tant  de  matie-  j 
re  qu’il  icttoit  hors  de  foy  durant  ces  fix  mois:  | 
pource  qu’il  n’auoit  accouftumé  de  ietter  que  | 

de  la  fumée  & non  pas  roufiours,  mais  quelques  1 
fois  de  petites  flaramefehes.  Cela  mefuteferit  1 

cftant  en  Mexique  par  vn  Secrétaire  de  l’Au-  : 
dience  de  Guatimalla,  home  digne  defoy,voirc  ^ 
ii’auoit  pas  encor  alors  celfc  ce  Volcan  deiet-  , 
ter  ces  feux  que  ie  dy.  Ces  ans  pafiez  me  trou- 
uant  en  Quitto  en  la  Cité  des  R oys,  le  V olcan 
qu’ils  ont  proche  iettoittant  de  cendre,  quen 
beaucoup  de  lieux  en  circuit  il  pleut  tant  de 
cendre  qu’elle  obfcurciflbit  la  lueur  du  iour  5c  ■ 
en  tomba  telle  abondance  en  Qmtto  qu  il  ti  e - ; 
ftoit  poffible  de  cheminer  par  les  rues.  L’on  a 
veu  d’autres  Volcans  qui  ne  iettent  ny  flamme 
ny  fumée,  ny  cendre  mefme,  mais  l’on  les  void  i 
brufier  au  fonds  d’vne  viuc  flamme  fans  famor-i 


DES  Indes.  Liv.  III.  125 

rir:  de  telle  façon  eftoir  celui  qu  en  noftrc  temps 
vn  preftre  cupide  «Sc  auaricieux  fc  peifuada  que 
ce  qu’il  voyoic  bruilant  eftoient  mafFcs  d or , iu- 
gcaiit  en  foy  mefme,  que  ce  ne  pouuoit  cftre  au- 
tre métal  ny  mariere,chofe  qui  depuis  tant  d’an- 
nées  ardoit  (ans  fc  cônfbmmer,^  eftant  en  cefte 
perfuafion,  il  fît  de  certaines  chaudières  & chai- 
Dcs  , aucc  ne  fçay  quel  inftrumeiit  pour  cueillir 
& retirer  lor  de  ce  puits  ou  Volcan  : mais  le  feu 
fc  moqua  de  luy,pource  que  k chaine  de  fer  Sc  k 
chaudière  n approchoyent  pas  pluftoft  du  feu^ 
quaulTiroftcllcs  nefedesfilfent &fuiTent  cou- 
pées comme  iî  c euh:  cfté  des  cftoupcs.Cc  néant- 
moins  on  me  dih:  que  ce  peribnnage  s’obftinoit 
tou/îours, &alloit recherchant  d’autres  inuen- 
tionspour  tirer  &puiferccft  orqu’il  imaginoit. 

eif  Uc4uppourquojile  feua^lafrmee  durent 
JUong  temps  en  ces  Folcans. 

Ch  AP IX.  XXV. 

n cft  ja  befoin  défaire  mention  des 
autres  V olcans , puiique  par  les  delTuf- 
^^^^^diéts  l’on  peut  entendre  ce  qui  en  eh:, 
toutesfois  c’eft  chofe  digne  d e recher- 
cher quelle  ch:  k caufe  qui  fait  durer  le  feu  & k 
lumec  en  ces  V olcans  : pource  qu’il  femblc  que 
ce  foit  chofe  prodigieufe,  voire  qui  excede  le 
cours  naturel  de  ictterdc  leur cftomac  tant  de 
nammes  comme  ils  en  Yomilfent.D’où  procède 
celle  matière  qui  k leur  donne,  ou  comme  ell 
elle  engendree k dedans  ? Quelques- vns  ont  eu 
apinion  que  ces  Volcans  vontconfommantk 
iDatierc  intérieure qu’ilsontde  leur  nature,  ôc 


Histoire  NATVRELLE 
croyentpour  ceftecaufe  que  naturellement  ils  j 
prendront  fin , quand  ils  auront  confommc  le  I 
boiSjpar  maniéré  de  dire,  qu’ils  ont  en  eux.  Suy- 
uant  ccfte  opinion , l’onvoid  auioiird  huy  quel- 
ques montagnes  ou  rochers , d’où  l’on  tire  de  la 
pierre  bruflee.qui  eft  fort  legere:  mais  fort  dure, 
& eft  excellente  à faire  édifices  & baftimens, 
comme  celle  que  l’on  apporte  en  Mexicque 
pour  baftir.Et  en  effedt  il  y a des  apparences  à ce 
qu’on  dit , que  ces  montagnes  ou  rochers  ont  eu 
autresfois  vn  feu  naturel,qui  s’eft  cfteint  apres  la 
matière  confommee.Et  par  ainfi  ces  pierres  font 
demeurées  bruftees  & penetrees  du  feu,  com-  | 
me  on  les  void.  Quant  eft  de  moy,  ie  ne  veux  j 
pas  contredire,  qu'il  n’y  air  eu  autresfois  dui 
feu,  ou  qu’en  ces  lieux,  au  temps  pâlie  il  n’y; 
ait  eu  des  Volcans.  Mais  ce  m’eft  chofe  difficile  | 
à croire , qu’il  en  foit  ainfi  de  tous  les  V olcans,  ' 
veuque  la  matière  qu’ils  mettent  hors,  eftquafi  i 
infinie,  & qu’elle  ne  pourroit  plus  eftant  amaf-' 
fec  enfemble,  cftre  comprinfc  dans  ceftecon- 
cauité  mefm  c dont  elle  fort.  Outre  cela  il  y a . 
des  Volcans,  qui  en  centaines,  voire  milliers 
d’annecs , font  toufiours  d’vne  mefme  façon, 
icttans  côntinucllementdelafumee,  du  feu,  & 

' de  la  cendrc.Pline  hiftoriographe  naturel  (félon 
que  référé  l’autre  Pline  Ton  nepueu  ) recher- 
chant ce  fecrer  pour  voir  comme  fe  paflbit  ce- 
ftc affaire,  & s’approchant  de  trop  près  de  l'ex- 
halation du  feu , de  l’vn  de  ces  V olcans  mourut, 
& penfant  en  venir  à bout  par  fa  diligence , vint 
à bout  de  fa  vie.  Pour  moy  fur  cefte  confidera-! 
tion,ie  pcnfc,&  eft  mon  opinion,que  comme  il; 


DES  Indes.  Liv.  III.  124 

y a des  lieux  en  la  terre , qui  ont  lavertu  d’atti- 
rer à foy  la  matière  vaporeufe,  & de  la  conuer- 
tir  en  eaue , qui  Conx  les  fontaines  îefquelles 
tôufiours  découlent,  & toufîours  ont  dequoy 
decouller , entant  qu  elles  attirent  à foy  la  ma- 
tière del’eaue  : anjfïi  de  mefme  il  y a des  lieux 
qui  ont  la  propriété  d’attirer  à eux  les  exhala- 
tions chaudes , & de  les  conuertir  en  feu  ôc  en 
fumée,  & par  leur  force  ôc  violence,  iettent 
mefme  d’autres  matières  efpaifles  qui  fe  refol- 
uent  en  cendre,cn  pierre  de  ponce,  ou  autre  ma- 
tière femblable,&  qui  eft  vn  argument  fuffifant, 
qu’és  Volcans  cela  (oit  ainfi,  c’eft  qu’ils  iettent 
en  certain  temps  de  la  fumée, non  pas  toufiours, 

Sc  en  certain  temps  du  feu,&  non  toufîours,  qui 
cft  félon  qu’ils  ont  peu' attirer  à foy  & digérer, 
comme  les  fontaines  en  temps  d’Hyuerabodêt, 

& en  Efté  diminuent,  voire  quelques-vnes  fe- 
chent  du  tout , félon  la  force  & vigueur  qu’elles 
ont,&  félon  la  matière  qui  fe  prefénte;  ainfî  eft  il 
de  ce  que  ces  Volcans  en  diuers  temps  iettent  du 
feu,  plus  ou  moins.  Les  autres  difènt  que  -c  efl  le 
feu  d’enfer,  & qu’il  fort  par  là , pohr  feruit  d’ad- 
uertifîèment,  afin  de  confiderer  par  là  ce  qui  efl: 
cnl  autre  vie:mais  fi  l’Enfer, comme  tiennent  les 
Théologiens,  efl:  au  centre  de  la  terre,  laquelle 
tient  de  diamètre  plus  de  deux  miHe  lieûcs , l’on 
ne  peut  pas  iuger,  que  ce  feu  foit  du  centre^  d’au- 
tantplus  que  le  feu  d’Enfcr, félon  que  SiBafîle  5c  pr^i 
autres  enfeignent,efl:  fort  different  dc^eftui  que 
nous  voyohs,pource  qu’il  efHàns  lümiere,&ard  exam> 

& brufle,  fans  cotnparaifon  plus  que  le  noftie. 

QJiij.. 


Histoire  N A TVRE  LIE 
Ainfî  ie  conclus  que  cc  quci’ay  didmefemble 
pIusEaifonnablé. 

Des  tremhlemensâe  terre.  ) *- 


C H A P.  X X V r. 

Velques-vns  ont  pcnfé , que  de  ces 
Volcans  qui  font  es  Indes  procèdent 
les  tremblements  de  terre,  aflez  fre- 
qiiens  par  delàrmais  parce  qu’ils  vié- 
nent  ordinairement  CS  lieux  qui  font  cfloignez 
de  ces  Volcans,  ce  n’en  peut  paseftre  la  caitfc 
totale.  Il  eft  bien  vray  qu’ils  ont  certaine  forme 
& fympathie  les  vns  aueclcs  autres  : pource  que 
les  exhalations  chaudes  qui  f engendrent  és  in- 
times concauitez  de  la  terre, fcmblcnt  eftrc  la 
principale  matière  du  feu  de  ces  V olcans,par  lef- 
quels  mefmcs  s’allume  vne  autre  matière  plus 
grofïc,  & rend  ces  apparences  de  flâme  & fumée 
qui  fortcnt.Et  ces  mefmcs  cxhaladôs  ne  trouuâs 
au  dedans  de  la  terre  aucune  fortic  aifce,meuuét 
la  terre,pour  Ibrtir  aucQvne  grade  violencc,d’ou 
vient  le  bruit  horrible  qu’on  entend  au  deifoubs 
delà  terre,  &:mefmc  lemouuementdelaterre, 
cftant  agitee  de  cefte  bruflante  exhalation.Tout 
ainfî  comme  k poudre  à canon  és  mines  ôc  arti- 
fices , ëftant  réuchec  du  feu  rompt  les  roches  Sc 
les  murailles: &commc  la  chaftaigne  mife  au  feu 
faute  & fe rompt  en  faifant  bruit , lors  quelle 
iette  dehors  l’air  qui  eft  enfermé  dedans  foii 
cfcorce,  parla  vigueur  du.feu;  Audi  le  plus  ordi- 
nairement ces  tremblements  de  terre  ont  ac- 
couftumé  d’aduenir  aux  endroits  maritimes. 


DES  Indes.  Liv.III  . 12, 

qui  font  voifins  de  leaue.  Comme  l’on  voit  en 
î h urope,  Sc  aüx  Indes,  que  les  bourgs  &:  villes 
pluselloignées  delà  mer  & des  eaux,  Tentent 
moins  ce  trauail,  & au  contraire  ceux  qui  font 
«ports  de  mer,  es  riuieres,  és  codes  , &és 
lieux  quien  font  voifins  , endurent  plus  celle 
calamite.  Ileftaduenuau  Peru  vne  cliofemer- 
ueilleufe  & digne  de  noter,  fçaubir  qu’il  y a eu' 
des  rremblemens  de  terre  qui  ont  couru  de- 
puis Chillc  .iufquesà  Qiiitto , qui  font  plus  de 
cinq  cens  lieues,  le  dy  des  plus  grandes  dont 
on  au  ouy  parler,  car  les  autres  moindres  y 
font  allez  ordinaires.  En  la  colle  de  Chillé  ('il  ne 
me  fouuient  quelle  année  ) fut  vn  tremblement 
de  terre  fi  terrible , qu'il  tenuerfa  les  monta- 
gnes entières  & par  ce  moyen  empefeha  le 
courant  des  Heuues . qu'il  conuettit  en  lacs,  il 
abbaritdes  villes,  &tuagrand  nombre d hom- 
mes, faifantfortirla  mer  de  fon  lieu,  quelques 
lieues  bien  auant , de  façon  qu’elle  laillUes  na- 
uiresa  fec,  bien  loing  de  la  rade- ordinaire^  & 
P uficurs  autres  chofes  trilles  & efpouuenra- 
bles.  Etfi  bien  m en  fouuient,  ilsdifent  que  le 
trouble  & efmotion  que  fit  ce  tremblement 
courut  trois  cens  lieues  , le  long  de  la  colle.  A 
peu  de  temps  delà,  quifutl'an  dequatre  vingts 
deux , vint  le  tremblement  d’Arequipa , qui  ab- 
batit  & ruina  prefque  toute  celle  villelà.  Du 
depuisen  lanquatrevingtsfix,  leneufiefmede 
iuillct,  aduintvn  autre  tremblement  enlacitc 
des  Koys  , lequel  félon  qu’eferiuit  le  Viceroy 
auoit  couru  e long  de  la  colle  cent  foixante& 
du  lieues,  & de  trauers  dedans  la  Sierre  cin. 


c 


£cclef.y 


Histoire  natvrelie 
quatîtc  lieues.  La  mifericorde  du  Seigneur  fut 
grande  en  ce  tremblement,  de  preuenir  le  peu- 
ple par vn grand  bruit,  qu'ils  ouyrent  quelque 
pcudeuantlc  tremblement,  &:  comme  aduertis 
par  les  expériences  paflees,  incontinent  fc  mi- 
rent en  rauueté,  Ibrtant  és  rues,  places  &c  iar- 
diiis , finalement  és  lieux  defcouuerts , par  ainfi 
encor  qu  elle  ruina  beaucoup  ladite  ville,  & que 
les  principaux  édifices  dicelle  tombèrent,  ou 
furent  à demy  ruinez , neantmoins  on  dit ^qu’il 
n’v  demeura  que  quinze  ou  vingt  perfonnes  leu- 
Icment  de  tout  le  peuple.  U fit  en  la  n:^r  le 
mefrae  trouble  acmouuement  qn  auoit  faict  ce- 
luy  de  Chillé,  qui  fut  incontinent  apres  le  trem- 
bleraentde  terre,  fi  que  l’on  veid  la  merfortir 
fiirieufe  & bondilTante  de  fes  nuages  , & entrer 

au  dedans  de  la  terre  prefque  deux  Mes  auant: 

car  elle  monta  plus  de  quatorze  brafles , & cou- 
urit  toute  cefte  plage,  tant  que  les  digues  & 
pièces  de  bois  qui  eftoyent  la  , nageoyent  en 
, feaue.  En  apres  l’an  enfuyuant,  il  y eut  encor 
vn  autre  tremblement  de  terre  au  Royaume  & 

cité  de  Quitto , & femble  que  tous  ces  notables 
trembleuTens  de  terre  en  celle  colle , « fiic- 

cedé  les  vns  aux  autres  par  ordre,  & de  laidl  elle 
cllfubictteà  ces  inconueniens.  Ceftpourquoy 
encor  qu’en  la  colle  du  Peru  ils  ne  foyenttour- 
mentez  du  Ciel  des  tonnerres  & foudres , ils  ne 
lailTent  pas  toutesfois  d’auoir  de  la  crainte  du 

colléde  la  terre,  &ainfi  chacun  ^aeuantfoy  à 
veüe  d’oeil  les  hérauts  de  la  diurne  luftice , afan 
de  craindre  Dieu.  Car,  comme  ditlEfcrituie, 
Retournant  donc  à nollte 


DES  Indes.  L i v.  II I.  nS 
propos,  ie  dy  que  les  lieux  maritimes  font  plus 
fubi^ts  à ces  tremblemens  dont  la  caufe  eft, 
comme  il  me  femble,qucreaue  bouche  &eftou- 
pe  les  conduits  & ouuertures  de  la  terre,  par 
où  fe  deburoyent  exhaler  & fortir  les  exhala- 
tions chaudes,  qui  Pcngendrcnt  en  icelle.  Et 
mefme  que  l’humidité  erpailîîirant  la  fiipcrfîcie 
de  la  terre,  fait  que  les  fumees  Sc  exhalations 
chaudes  fe  refferrcnt  & fe  rencontrent  plus 
violemment  la  dedans,  qui  par  apres  viennent 
à rompre  en  s’enflammant.  Q^elques-vns  ont 
obferuc  que  tels  tremblemens  de  terre  ont  ac- 
couftumé  de  s’efmouuoir  , lors  qu'il  vient  vn 
tcmpspiuuieux, apres  quelques  fcches  années. 
D où  vient  que  Ton  dit  que  les  tremblemens 
de  terre  font  plus  rares  és  lieux  où  il  y a grand 
nombre  Sc  quantité  de  puits , ce  qui  eft  approu- 
iiéparlexperience.  Ceux  de  la  cité  deMexic- 
que  ont  opinion  que  le  lac , fur  lequel  elle  cft  fi- 
tuec,  caufe  les  tremblemens  de  terre  qui  y fur- 
uicnnent , encor  qu  ils  n’y  Ibycnt pas  beaucoup 
violens,  &c’eftchofc certaine,  queles  villes  & 
prouinces  fitiiees  auant  dedans  les  terres,  & 
qui  font  jplus  efloignees  de  la  mer,  reçoiuent 
quelquesroisdegrandsdommagesde  ces  trem- 
blements, comme  la  cité  de  Chachapoyas  aux 
Indes  , & en  Italiç  celle  de  Ferraré:  encor  que 
furccfubiedilfemblcque  celle  cy,  pour  eftre 
voifine  d’vne  liuicre , Sc n’eftrc pas  auflî  fort  ef- 
loignec  de  la  mer  Adriatique  , doiue  pluftofl: 
cftre[mife  au  nombre  des  villes  maritimes.  En> 
l’an  mil  cinq  cens  quatre  v ingts  & vn , en  Chu-, 
guiano,  cité  du  Peru  , autrement  appellee  la 


Histoire  natvrelle 
Paix , arriua  vn  cas  fort  eftrange  fur  ce  propos, 
c'cft  qu Vn  bourg,appellé  A ngoango,auquel  ha- 
bitoient  plufieurs  Indiens, enchanteurs  & idola-  i 
très,  tomba  inopinément  en  ruine , de  forte  que 
vne  grande  partie  de  ce  bourg  fut  enleuée  & em- 
portée,dont  plufieurs  de  ces  Indiés  furent  eftou- 
fez,&  ce  qui  femblc  incroyable  (neantmoins  at- 
telle par  perfonnages  dignes  de  foy  ) la  terre  qui 
fc  ruina  & qui  s’abbarit  ainfi,  courut  & coula  fur 
Icpays  l’elpace  d'vne  lieue  & demie , comme  fî 
c’euft  elle  de  leaue  ou  de  la  cire  fondue  de  façon 
qu’elle  boucha  & remplit  vn  lac,  & demeura 
ainfi  cftendue  parmy  toute  celle  contrée. 

i 

amme  U terreur  U mers*  emhrajfenf 
l'vn  l'autre, 

Chap.  XXVII. 

! 

’Acheueray  par  cell  élément  de  la  i 

latcrre,leioignantauecleprece-  ■ 

dent  de  l’caue , l’ordre  & embraf.  | 
fement  defquels  ell  de  foy  certai-* 
nement  admirable.  Ces  deux  élé- 
ments ont  vne  mcfme  Sphere  départie  entr  eux, 
&fcvont  embralTans  & accollans  en  mille  fa-  I 
çôns  & manières.  Par  quelques  endroits  l eaue  ' 
combat  furieufement  la  terre , comme  fon  en-  I 
nemie,  & en  autres , elle  la  vient  enceindicd  v-  j 
ne  façon  fort  douce  & amiable,  il  y a des  lieux  i 
où  la  mer  vient  entrer  dedans  la  terre  bien  a-  | 
uant,  comme  venant  lavifiter , & d autres  el- 
quels  la  terre  fe  recompenfe,  iettant  en  la  mer- 


BES  Ind  ES.  LîV,  III. 

fês  caps,pointes,  & langues  auancces,  qui  vont 
pcnctrâr  iufqucs  aux  entrailles.  En  quelques  en- 
droits Ivn  élément  s acheue,&Fauttc  Ce  cômen- 
cc/e  donnantplacc  peu  àpeu  iVn  à 1 autre.  Aux 
autres  chafeuns  d*eux(lors  qu’ils  fè  ioignent)  ont 
vnc  tref.grande  profondeur, & clîeuation,  com- 
me il  fe  trouue  des  Ifles  en  la  mer  du  Sud,&mef- 
me  en  la  mer  duNort,dcfquelles  les  nauires  fap- 
prochent  tout  contre.Et  quoy  qu’ils  y iettentla 
fonde  enfoixantc  Sc  dix  & quatre-vingts  braf- 
lecs,  fi  eft-ce  qu’ils  n’y  trouucntpoint  de  fonds. 
Qsfaiaiuger,  que  ce  font  comme  des  pics  ou 
pointes  de  terre,qui  montent  du  profond,&fcf- 
Icucnt  en  hautjcholc  digne  de  grade  admiratiô. 
A ceproposmedit  vnPilotefort  experimentéi 
que  les  Ifies, qu’ils  appcllétdcs  loups,&d’aurres, 
qui  lont lur  le  commencement  de  la  cofte  de  la 
neufue  Efpaigne,  qu’ils  appellent  des  Cocos  c- 
Itoient  de  celle  mcfmc  façon.  D-auantage  il  fe 

trouuevnendroitau  milieu  du  grâd  Ocef,  hors 

de  la  veuë  de  terre , & edoigné  jd’icelle  de  plu- 
licurs  lieues,auquel  Pô  voit  comme  deux  tours, 
ou  pics,d’vne  roche  fort  hault  cflciicz,quiforrêt 
du  milieu  de  la  mer,&neantmoins  ioignant  icel- 
les 1 on  ne  peut  trouuer  ny  fonds  ny  terre.  L’on 
lie  peut  encor  certainemen  t comprendre,ny  re- 
cognoiftre,quclle  cft  la  forme  entière  & parfaite 
de  la  terre  des  Indes,  pour  n’auoir  efté  les  extre- 
mitez  d icelle  du  tout  defcoiiucrtes  iufqu’àpre- 
lent.  Ncantmoins  nous  pouuons  dire  comme  à 

trauers,qu  elle  peut  eftre  comme  vn  cœur,  auec 
Ui  ehl  au  Pcru,Ia  pointe  au  defiroit  deMagellan 


Histoire  natvrelie 
& le  haut  où  il  s’acheue  eft  la  terre  ferme, & de  là 
commence  le  continent  à s’cflargir  peu  à peu,iuf 
ques  à arriuer  à la  hauteur  de  la  Floride  & terres 
fuperieures,  qui  ne  font  cncor  bien  cogncües. 
L’on  pourra  entendre  d’autres  particularitez  de 
cefte  terre  des  Indes,  par  les  commentaires  que 
lesEfpagnols  onteferit  de  leurs  fuccés  & def- 
couuertes,&  entre  autre  de  la  pérégrination  que 
i’ay  efcripte,qui  à la  vérité  eft  eftrange,&en  peut 
donner  beaucoup  de  cognoilFancc,  & eft  ce  qui 
m’afemblé  fuftîre  à prefent  pour  donner  quel- 
que intelligence  des  chofes  des  Indes,-quantaux 
communs  éléments,  defquels  toutes  les  parties 
du  monde  font  formées  & compofées 


LIVRE  QVATRIESME 

de  LHISTOIRE  NATVREL- 

le  ôc  morale  des  îndes. 

Chapitre  premier. 

ne  trois  genres  de  mixtes.ou  compofel(^ , dent  ie  dois 
tramer  en  cefie  hijioire, 

Y A N t traitté  au  liure 
precedét  de  ce  qui  tou- 
che les  elcmens,  les 

/impies  dcslndcs^nous 
parleros  en  ce  prefent 
îiare,dcs  mixtes  & des 
compofez, entant  qu’il 
nous  sêblera  conuena- 
ble  au  fubjeâ:,  dot  no’* 
voulons  traicter.Efco- 
Die  qu  ily  ait  beaucoup  d’autres  gères  diuers,nb^ 
teduiros  toutcsfois  cefte  matière  en  trois^qui  Ce- 
rôties  mctaux,Ies plantes  & les  animaux.  Or  les 
métaux  font  comme  des  plantes  couuertes&ca- 
chces  dedâs  les  entraillesde  la  terre,  qui  ont  quel 
qucre/Téblâce  entre  eux,en  la  forme  & manière 
deleurproducîfiomd  autant  que  l’on  voic  &rc- 
congnoift  mefme  entre  eux  des  rameaux,  Sc 
commevn  tronc,  duquel  iisnailicnt  Ôc  procè- 
dent, qui  font  lesgrodes  veines  de  les  moindres, 


Histoire  natvrelle 
teüeroenr  qu’ils  ont  entre  eux  vne  liaifbnjtclic 
qu’il  fcmblc  proprement , que  ces  minéraux 
croilTent  à la  façon  des  plantes.  Non  pas  qu  ils 
•ayent  vne  vraye  vie  vegetatiue  intérieure,  car 
c’eft  chofe  qui  eft  feulement  propre  aux  vrayes 
plantes,  mais  ils  fe  produifent  aux  entrailles  de 
laterre,parlavertu,&laforcc  du  Soleil,  & des 
autres  planètes  , & dans  vne  longue  efpace  de 
temps  fe  vont  augmentant,  & prcfquc  multi- 
pliant,à la  façon  des  plantes.  Et  tout  ainfi  com- 
me les  métaux,  font  des  plantes  cachées  en  ter- 
rc,ainfi  pouuons  nous  dire  que  les  mefmes  plan- 
tes font  des  animaux  fixes  & arreftez  en  vn  lieu, 
la  vie  defquclles  s’entretient  par  l alimcntquc 

nature  leur  va  fournilfant,  dés  leur  propre  naif- 

fance.  Mais  les  animaux  furpaifent  les  plantes, 
en  ce  qu’ils  ont  vn  eftrc  plus  parfait,  & de  là 
aulTi  ont-ils  befoin  d’vn  aliment  & nourriture 
plus  parfaite.  Pour  lequel  chercher  nature  leur 
a donné  vn  mouuement  & vn  fentiment , afin 
de  le  defcouurir&cognoiftre.  De  forte  que  la 
terre  rude  & ftcrille,cft  comme  la  matière,  & a- 
liment  des  métaux  , & celle  qui  eft  fertile  & 

mieuxalfaifonnée,  la  nourriture  des  plantes. 

Les  mefmes  plantes  feruent  d’aliment  aux  ani- 
maux, ôdes  plantes  &animauxtousenfcmblc 
font  l’aliment  des  hommes,  feruant  toufiours 
.lanaturcinfcricureàl’cntrcticn  & fuftcntation  , 

dclafupericure,  ôc  la  moins  parfaiéle  le  tub- 
mcttantàlaplus parfaire.  D’ou  l’on  pcutvoir  i 

combienils’cnfaut,quel’or,bargent , &lcs au- ; 

treschofes  que  les  hommes  cftimcnt  tant  par  i 
Icurauaricc,  foientla  fin&  Icbut  dcl  homme  , 

auaucl  I 


DES  Indes,  Liv.  IIII  125? 
auquel  il  doibue  tendre,puis  qu’ils  font  tant  de 
degrez  plus  bas  en  qualité  que  i1iomme,lcquel  a 
cité  crée  & ordonné,pour  éftrcfubicét  de  feruir 
feulement  au  Créateur  vniucrfel  de  toutes  cho4 
fesjcommc  àfaproprefin,&  fon  parfaid repos; 
ôc  auquel  homme^routes  les  autres  chofes  de  ce 
monde  n’ont  efté  propofécs,ou  dclaifTees,  finon 
pour  s’en  feruir  à gaigner  celle  dcrnicre  fin.  Qui 
voudra  confiderer  les  ebofes  créées  Ôc  en  difeou 
rir  félon  celle  Pliilolophiej  pourra  certes  tirer 
quelque  fruit  de  leur  cognoilîance  ôc  confidera- 
tionfe  feruantd’icelles,pourcognoillre&  glo- 
rifier leur  Autheur.Mais  qui  fe  voudra  aduancer 
plus  outre  à la  cognoilîance  deleurs  proprietez 
& vtilireZj&voudraferendrecuricLixde  les  re- 
chercher, celuy  là  trouiiera  finallementen  ces 
créatures, ce  que  le  làge  dit,  qn  ils fint  aux  peds  des 
foUcr  tgnorans,Çç^Moh  des  lacs,  ôc  des  piégés  où 

i s fe  précipitent, &fe  perdent  iournellemenr.  A 5^6.14. 
cefteintentiondonc&afinque  le  Createurfoit 
glorifié  en  fes  créatures,  ie  pretens  dire,  en  ce  li- 
ure,  quelques  vnes  deschofes,dont  il  y a beau-, 
coupés  Indes,dignesd’hilloire,acdellre  racon- 
tées, touchant  les  métaux,  plantes  &:  animaux, 
qui  font  propres,& particuliers  en  ces  parties.  * 

Mais  d’autant  que  ce  feroitvneoEUure  tres-gfâ- 
dc,que  de  traitter  cecy  ,exaélemét,&  qui  reqùeri^ 
toit  plus  grand  fçauoir  ôc  cognoilîance,  voir#^ 
beaiKoup  plus  de  loyfir,  que  ie  n’aypas,iedis, 
que  feulement  mon  intention  ell  de  traitter  fuc- 
cintement  quelques  chofes, que  i’ay  comprinles, 
ôc  remarquées  tant  par  cxperiéce,queparlerap- 
port  de  gens  dignes  de  foy,  touchant  ces  trois 


Histoire  natvrelle 
chofes  que  i’ay  propofces,laiflant  auxautrcs  plus 
curieux  &diligents,de  pouuoir  traiderplus  am- 
plement de  ces  matières. 


l’ahndance  grande  quantité  des  métaux  qui font 

és  Indes  Ocddentalles. 

Ch  A P.  II. 


Ma  fagelTe  de  Dieu  a créé  les  métaux 
pour  medecine  & pour  dcffencc, 
pour  ornement  5 &pourinftrument 
des  operations  defhommc.Dcrquel- 
lesquatres  chofes,  l’on  peut  facilement  donner 
exemple,  mais  la  principale  fin  des  métaux,  & 
la  derniere  d’icelles,  cft  pour  ce  que  la  vie  hu- 
maine n’a  pas  befoin  feulement  de  fe  fuftanter, 

comme  celle  des  animaux,  mais  aufli  de  trauail- 
ler,,&ouurer  félon  la  raifon,  & capacité  , que 
luy  adonne  le  Créateur:  &ainfi comme  l’cnrc- 
dement  humain  s’applique  à'diuersarts  & fa- 
cilitez, ainfi  le  mefme  autheur  a donné  ordre, 
qu’il  y euft  matière  & fubieét  à diuers;artifices 
pourlaconfcruation,reparation,  feureté,  orne- 
ment,&  exaltation  de  fes  œuures.  Donques  la 
diuerfité  des  métaux,  que  le  Créateur  a enfer- 
rés és  armaires,  & concauitez  de  la  tcrre,eft  tel- 
le & fi  grande, que  la  vie  humaine  tire  profit  & 
commodité  de  chafeun  d’iceux.  Des  vns  elle  fe 
fertcnla  guarifon  des  maladies,des  autres  poul- 
ies armcurcs,&’  pour  deffenfes  contre  les  cnne- 


Des  Indes.  Liv.  IIK.  i^o 
mis;  les  vns  font  pour  l’ornement  & pareurede 
nozperfonnes,  & de  noz  maifons,  & les  autres 
font  propres  à faire  des  vaifleaux,  &fcrremens, 
aueclesdiucrfes  façons  d’inftrumcns,  que  l’in- 
duftrie  humaine  a inuenté  & mis  en  vfage.  Mais 
fur  tous  les  vfages  des  métaux,  qui  font  Amples 
& naturels, la  communication  des  hommes  en  a 
trouuévn,qui  ell  l’vlàge  de  la  monnoye, laquelle, 
comme  dit  le  Philofophe,eft  la  mefurc  de  toutes 
chofes.Et  combien  que  de  foy  (^naturellement, 
elle  ne  foitqu’vne  feule  chofe,  neantmoinsen 
valeur(?cefHmation,l’on  peut  dire  quelle  eft  tou- 
tes chofcs.La  monnoye  nous  eft  comme  viande, 
vcftemêr,  maifon,cheuauchure,&gencrallemét 
tout  ce  que  les  hommes  ont  de  befoing.  Par  ce 
moyen  tout  obeift  à la  monnoye,  & comme  dit 
le  Sagejpour  faire  vnéinuention  , qu’vue  chofe  „ . 
fufttouteSjles  hommes  guidez  ou  poulfez  d’vn 
inftineft  naturel,clleurêcla  chofe  plus  durable,^ 
plus  maniable,  qui  eft  le  métal, & entre  ces  me^ 
taux  voulurent  que  ceux  la  eulîcnt  la  preeminc- 
ce  en  cefteinuention  de  monnoye,  qui  de  leur 
naturel  eftoientplus  durables, ^incorruptibles, 
à fçauoir  l’argent  &c  l’or.  Lefqucls  non  feule- 
ment ont  efté  en  eftime  , entre  les  Hebrieux, 
Aftyrie  ns, Grecs,  Romains,  & autres  nations  de 
l’Europe  & d’ Allé,  mais  aufli  entre  les  plus  cf. 
loignées  ôc  barbares  nations  de  l’vniuers , com- 
me font  les  Indiens,  tant  Orientaux  , comme 
Occidentaux  , où  l’or  ôc  l’argent  eft  tenu  en 
auin  grand  prix  & cftime,remployansenl’ou- 
urage  de  leurs  temples  & palais,  & aux  vefte- 
mcnts,&  àccouftremens  des  rois,  & des  grands 


Histoire  natvrelle 
feigneurs.  Mais  encor  que  l’on  ait  trouué  quel- 
ques barbares,  quinecognoilToicnr,  nyl’or,  ny 
1 argent  comme  l’on  raconte  de  ceux  de  Flo- 
ride,qui  prenoient  les  poches,  & les  Tacs,  où  c- 
ftoitl’argenr,  lequel  ils  iettoient  & delaiflbient 
efpars  par-my  la  terre, comme  chofe  inufile.  Et 
Pline  mefme  recite  des  Babitacques,  qui  abhor- 
roienr  l’or,  & pour  cela,  renfeueliffoienr,  afin 
que  perfonne  ne  s’en  peuft  feruir.  Toutesfois 
il  fe  trouueauiourd’huy  fort  peu  de  cesFlori- 
diens  ôc  Habitâcques,  & grand  nombre  au  con- 
traire, de  ceux  qui  eftiment,  recherchent,  ôC 
fonteftat  del’or&  de  l’argent,  fans  qudlsayent 
befoing  de  l’apprendre  de  ceux,  qui  y vont  de 
l’Europe.  Il  eftvray  que  leur  auaricen’eft  point 
paruenuesau  but  de  celles  des  noftres,  & n’ont 
pas  tant  idolâtré  l’or  & l’argent  , quoy  qu’ils 
fulïênt  idolâtres  , comme  quelques  mauuais 
Chreftiens  , qui  ont  commis  plufieurs  grands 
exceds  pour  l'or  & l’argent.  Neantmoins  c’eft 
vnechofe  fort  digne  de  confideration,  que  la 
fageffedu  Seigneur  eternel  aitainfi  voulu  enri- 
chir les  terres  du  monde  plus  cfloignées  , & 
qui  font  peuplées  d’hommes , moins  ciuils,  & 
politiques,  qu’en  ces  lieux  là  il  ait  mis  le  plus 
grand  nombre  de  mines,  ôc  en  plus  grande  a- 
bondance  que  iamais  ait  efté  , afin  d inuiter 
les  hommes  par  tel  moyen  à rechercher  ces 
tejres  ôc  IcspolTedcr,  afin  aulîî , fur  cefte  oc- 
cafion,  de  communiquer  larcligion,&cultu- 
reduvray  Dieu  à ceux  qui  ne  le  cognoiflbient 
point  J s’accomplilEant  en  cela  la  Prophétie 
d’ifaye,  difant,  que  TEglifc  deuoit  eftendre 


DES  Indes.  Liv.  III.  ~ r;i 
fcs  bornes , non  feuîenient  à'ia  dextre,  mais  auT- 
fi  àlafcncftre,  qui  s’entend,  comme  dit  faina  AugMM 
Auguftm,quc  l’Euangile  fe  doit  cflargir  &eften-  z- 
I dre,  non  feulement  par  ceux  qui  finceremcnt 
& auec  vne  vraye  & parfaiae  charité  le  pref- 
chent  & annonccnt,mais  auffi  par  ceux  qui  l’an- 
noncent , tendans  à fins  & intentions  •tem- 
porelles. D’où  nous  voyons  les  terres  des  In- 
des, pour  eftreplus  abondantes  de  mines  & de 
richefles , cftre  de  noftre  temps  les  mieux  culti- 
iiees  en  la  Religion  Chreftienne , faidant  le  Sei- 
gneur pour  fes  fins  & intentions  fouueraines 
denosdefirs  & inclinations.  Là  delfus  difoit 
vn  homme  fage , que  ce  que  fait  vn  pere  àfafil- 
le.pour  la  bien  marier,  eft  de  luy  donner  beau- 
coup de  dot  & de  moyens  en  mariage,  ceque 
Dieu  a faid  à celle  terre , tant  afpre  & laborieu- 
fc , luy  donnant  de  grandes  richdles  en  fes  mi- 
nes, afin  que  par  ce  moyen  elle  trouuafi;  mieux 
qui  la  vint  rechercher.  Il  y a donc  aux  Indes  Oc- 
cidentales grand  nombre  & abondance  de  mi- 
nes de  toutes  fortes  de  métaux,  comme  decui- 
urc,  de  fer,  de  plomb,  d’eftain , de  vif-argent, 
d’argent,  & d’or:  & entre  toutes  les  régions  & 
parties  des  Indes , les  Royaumes  du  Peru , font 
ceux  qui  abondent  le  plus  en  ces  métaux,  (pe- 
ciallement  én  argent,  or , & vif-argent,  ou  mer- 
cure, ôc  fy  en  rrouuegrand  nombre,  pource 
quêtons  les  iours  l’on  dcfcouure  de  noiiuelles 
mines.  Et  cft  chofe  fans  doute,  que  félon  la 
qualité  de  la  terre,  cellesquifontà  defcouurir, 
font  en  plus  grand  nombre,  fans  comparaifbn, 
que  celles  que  l’on  void  à prefent  dcfcouuer- 

R iij 


PWo 

deGeaef. 

tnttnd. 


f.»feh.Uh.Z 
def>r£par. 
Euiing.  (•' 


Histoire  natvrelle 
tes  : voire  fcmble  que  toute  la  terre  eft  femee  de 
ces  métaux  plus  qu'aucune  antre  terre,  qui  nous 
foit  à prefent  cogneue  au  monde , oiT  de  laquelle 
lesautheurs  anciens  ayent  faid  mention  par  le 
palTc. 

Pela  qualité  nature  de  la  terre  ^ oùfe  trcmentles 
met  aux  métaux  ne  Je  mettent 

en  œuure  es  IndeSyO'  comme  les  In- 
diens fe  Jermyent 
dheeux, 

C H A P.  III» 

A raifon  pourquoy  il  y a tant 
de  richeffes  de  métaux  CS  Indes, 
fpecialement  aux  Occidentales 
du  Peru,  eft  comme  i ay  did,  la 
volonté  du  Créateur,  qui  a de- 
party  Ces  dons  comme  il  luy  a 
pieu.  Mais  venant  à la  raifon  naturelle  Sc  Philo-  ; 
fopliique , c’eft  chofe  bien  vraye  ce  qu'en  a efcric  ; 
Philon  homme  fage,  difant,  que  Por , l'argent  & 

■ métaux  naiftènt  naturellement  aux  terres  plus 
fterilcs  & infrudueufes.  De  vray  nous  voyons 
qu’aux  terres  de  bonne  température  , & qui 
font  fertiles  d'herbes  & de  ffuids,  rarement 
ou  iamais  on  n'y  treuue  des  mines , pource  ! 
que  la  nature  fe  contente  de  leur  donner  yl-  | 
gueur  , pour  produire  les  fruids  plus  neceflai-  ! 
‘ res  à la  conferuation  & entretien  de  la  vie  des  j 
, animaux  Sc  des  hommes.  Au  contraire  aux  ter-  j 
res  qui  font  fort  afpres , feiches  , Sc  fterilcs,  j 


DES  Indes.  Liv.  IIII.  1^2 
comme  en  des  montagnes  tres-hautcs,  &en 
des  roches  qui  font  afpres,  ôc  dVnc  tempéra- 
ture fort  rude  , l’on  y rrouue  les  mines  d’ar- 
gent, de  vif-argent,  &:  de  l’or,  & toutes  ces  ri- 
cheiïès  (qui  font  venues  en  Efpagne,  depuis 
que  les  Indes  Occidentales  ont  efté  defcouuer- 
tes)ont  efté  tirées  de  lieux  comme  cela , qui  font 
afpres,penibles,  defcouuerts  &ftcriles.  Toutes- 
fois  le  gouft  de  cefte  monnoye  rend  ces  lieux 
doux  Ôc  aggrcables  voire  habitez  de  grand  nom- 
bre dépeuple.  Or  combien  qu’il  y ait  aux  Indes 
(comme  i’aydiéljplufteurs  veines  & mines  de 
toutes  fortes  de  métaux , toutesfois  ils  n’en  ti- 
rent ny  fe  feriient  point  dautres  , que  des 
naines  d or  ôc  d’argent , ôc  mefnie  de  vif-argen  t, 
d’autant  qu’il  eft  neceflàirc,  pour  tirer  & affi- 
ner l’or  5c  l’argent.  Ils  y portent  le  fer  d’Efpa- 
gne,  5c  de  la  Chine.  Qiwnt  au  cuiure,  les  Indiens 
en  ont  tiré  Ôc  mis  en  œuurc  quelqucsfois  pour 
ce  que  leurs  ferremens  ôc  armes  n’eftoyenr 
point  ordinairement  de  fer  , mais  de  cuiure. 
Depuis  que  les  Efpagnols  tiennent  les  Indes, 
l’on  en  a tiré  fort  peu,  ôc  ne  prennent  point  la 
peine  d’en  rechercher  les  mines,  encor  qu’il  y 
en  aitplufieurs,pource  qu’ils  s’arreftent  à la  re- 
cherche des  métaux  plus  riches  5c  précieux, 
5cy  employent  leur  temps  5c  leur  tr^uail.Ils  fe 
feruent  des  autres  métaux  de  cuyure  5c  fer , tant 
feulement  de  ce  qu’on  leur  en  enuoye  d’Efpa- 
gne,oubicn  de  ce  qui  refte  de  l’affinement  de 
l’or  5c  l’argent.  L’on  ne  trouue  point  que  les 
Indiens  vfaftent  cy  deuant  d’or , ny  d'argent , ny 
d autre  mctail  pour  monnoye,  5cpour  prix  des 

R iiij 


Histoire  natv relie 
chofcs  J mais  feulement  s’cii  feruoy ent  pour  or- 
nement,comme  il  a efté  did,&  ainii  il  y en  auoir 
grande  fomme  & quantité  aux  temples , palais, 
& fepulturcs , auec  mil  genres  de  vafes  d’or  & 
d’argent  qu’ils  auoyent.  Ils  ne  fc  feruoyent 
point  d’or  ny  d’argent  pour  traficquer  & achep- 
ter,  mais  changeoycnt  & trocquoyent  des  cho- 
fcs aux  autres , comme  Homère  Ôc  Pline  racon- 
tent des  anciens.  Ils  auoyent  quelques  autres 
chofcs  de  plus  grande  eftime,  quicouroit  entre 
eux  pour  prix  5 au  lieu  demonnoyc,  & iufques 
auiourd’huy  dure  cefte  coullume  entre  les  In- 
diens, comme  auxprouinccs  de  Mcxicquc,ils 
vfentaulieu  de  monnoye  du  Cacao  (quieftvn 
petit  fruid } & auec  iceluy  acheptent  ce  qu’ils 
veulent.  Au  Peru  ils  fe  feruent  du  Coca,  pour  ce- 
lle mefmc  fin , qui  eft  vne  feuille  que  les  Indiens 
eftiment  beaucoup,  comme  au  Paragucy  ils  ont 
des  coings  de  fer  pour  monnoye,  & ducofton 
tiflii  en  faindc  Croix  de  la  Sierre.  Finalement  la 
maniéré  de  traficquer  des  Indiens, & leur  achepr 
ter  ôc  vendre , eftoit  efehanger  Ôc  bailler  chofcs 
pour  chofcs  : ôc  bien  qu’il  y eut  de  grands  mar- 
chez, ôc  des  foires  fort  célébrés , fi  cft-ce  qu’ils 
n’ont  eu  befoing  ny  neceflîté  de  monnoye , ny 
mefmc  de  courratiers,  pource  que  tous  eftoyent 
fort  bien  apprins,à  fçauoir  combien  il  eftoit  be- 
foing de  donner  d’vne  forte  de  marchâdiic  pour 
vne,  tant  d’vne  autre.  Depuis  que  les  Efpagnols 
y font  entrez , les  Indiens  fe  font  mefmes  feruis 
de  l’or  & de  l’argent  pour  achep  ter,  &au  com- 
mencement n’y  auoit  aucune  monnoye  j mais 
l’argent  au  poids,  eftoit  leur  prix  ôc  leur  mon- 


DES  Inde  s.  iLiv.  IIî. 
noyc,  comme  Ton  raconte  des  ancics  Romains.  ^UnM. 
Du  depuis  pour  plus  grande  commodité , l’on 
forgea  de  la  monnoye  en  Mexicque,  & au  Peru, 
toutesfoisiufqucs  àprefent,  en  ces  Indes  Occi- 
dentales Ton  n’a  battu  aucune  monnoye  de  cuy- 
urc  ou  autre  métal , mais  feulement  d’argent,  & 
d’or  : pource  que  la  richeife  d’icelle  terre  n’a  ad- 
mis ny  receu  la  monnoye  qu’ils  épellent  de  bil-^ 

Ion,  ny  autres  genres  d’alloy , dont  ils  vfent.en 
Italie , & aux  autres  prouinces  de  l’Europej  bien 
qu’il  foit  vray , qu’en  quelques  ifles  des  Indes, 
comme  faind  Dominique,  & Port-riche,  ils 
vfent  de  monnoyede  cuiure,qui  font  des  quarts, 
lefquels  ont  cours  feulement  en  ces  iiles,pource 
qu’il  y a peu  d’argent  & d’or.  le  dis  peu , encor 
qu’il  y en  ait  beaucoup,  toutesfoisiln’yaper- 
fonne  qui  le  tire  ou  afïîne.Mais  pource  que  la  ri- 
chefîè  des  Indes , & l’vfagc  de  trauailler  aux  mi- 
nes, conlîfte  en  or,  argent , vif-argent,  ie  diray 
quelque  chofe  de  CCS  trois  métaux,  laiirantpour 
l’heure  le  refte. 


Histoire  natvrelle 


Tîin.lih  33. 
eaf.  3. 


Apoc.^.& 

il. 

Can.‘^. 

rjalm.  67. 

T/jrw.  4. 
%.Keg,6. 


Ve  hr  que  l’on  tire  (ÿ*  affine  e's  Indes. 

Chap.  IIII. 

’O  R,  entre  tous  les  métaux,  a efte 
toufiours  eftimé  pour  le  plus  excel- 
lent , & auec  bonne  raifon , d’autant 
qu’il  eft  le  plus  durable  & incorru- 
ptible de  tous  ; car  le  feu,  qui  confume  ôc  dimi- 
nue tous  les  autres,  l’amende,  ôc  le  rend  en  fa 
perfedion.  L’or  qui  a paffé  plufîeurs  fois  par  le 
feu  demeure  en  fa  couleur,  tres-fin&:  très -pur, 
lequel  proprement  s’appelle,  (félon  que  Pline 
dit)  Obrifo , dequoy  fait  tant  de  mention  bEf- 
criture , ôc  l’vfage  qui  confomme  tous  les  au- 
tres métaux  (comme  dit  le  mcfme  Pline)  n’a- 
moindrit aucunement  l’or , ôc  n’y  fait  aucun 
dommage,  mefme  il  ne  fe  mange,  ny  nes’en- 
uieillit.  Et  bien  que  fa  matière  ôc  fon  corps 
foit  fl  ferme  ôc  fi  folide  qu’il  eft , il  fe  laiftè 
ncantmoins  tellement  doubler  ôc  tirer , que 
c’eft  chofe  merueilleufe.  Les  batteurs  d’or  ôc 
tireurs  fçauent  bien  la  force  qu’il  a de  fe  laifter 
fi  fort  amenufer  fans  fe  rompre  iamais.  Tou- 
tes lefqiielles  chofes  bien  confiderees , auec  au- 
tres excellentes  proprietez  qu’il  a,  donneront  ; 
à entendre  aux  hom mes  d’entendement , pour-  | 
quoy  enbEferiture  fainde  la  Charité  faccom- 
pare  à l’or.  Au  refte , il  eft  peu  de  befoin  3c 
raconter  fes  excellences  , pour  le  faire  efti- 
mer  ôc  rechercher.Car  la  plus  grande  excellence 
qu’ilait,eftd’eftrcjacogneu,  comme  il  l’eft  en- 
tre les  hommt s , pour  la  fuprefme  puiirancc  ôc 


Des  Indis.  Liv.  mr.  ,,, 

grandeur  au  monde.  Venant  donc  à noflreiûjet 
il  y a aux  Indes  grande  abondance  de  ce  métal, 
ôc  Içait-on  par  les  hiftoires  certaines  que  les  In- 
guas  duPcrunefecontcntoyentpas  d’auoir  de 
grands  &petits  vafes  d or,des  cruches, des  coup- 
pcs,dcs  laces  ôc  des  Hafeons,  voire  des  tinnes  ou 
grands  vailTeaux  : mais  auffi  en  auoyent-ils  des 
chaires, des  brancars  ou  litières  tour  d or  maffif: 
«Sc  en  leurs  temples  auoyent  mis  pluficurs  fta- 
tucs  &imagcs  d’or  maffif,derquclles  l’on  en  trou 

ue  encor  en  Mcxicquc  quelques- vnes, mais  non 

pas  en  telle  quantité  que  quand  les  premiers 
conquefteurs  arriuerem  en  l’vn  & en  l’autre 
Royaume,  qui  y trouucrcnr  de  grandes  richeP- 
ies,&  en  fur  encor  fans  comparaifon  caché  dans 
terre  beaucoup  d’auantagcparles  Indiens.  Ce 
leroit  chofequifembleroitfabuleure  de  racon- 
ter qu  ils  ayent  fait  des  fers  à chenaux  d aroent 
a fautede  fer,  & qu’ils  ayent  payé  trois  cens  ef 
eus  d vue  bouteille  de  vin,  & autres  chofese- 
Itranges  : ôc  toutesfoisen  vérité,  elles  font  ad- 
uenues,  voire  ôc  des  chofes  encor  pins  gran- 
des. L on  tire  l’or  de  ces  parties  en  trois  façons 
manières,  ou  atoutlemoinsi’ay  veuvfer  de 
ces  trois.  Car  il  fe  trouue  de  l’or  en  paille  ou 
pcpin , de  I or  en  poudre  Ôc  de  l’or  en  pierre.  Ils 
appellent  l’or  en  pépin,  de  pefîts  morceaux  d’or 
qui  letrouucntainfi  entiers,  & fans  meflanae 
dau^e  métal,  lequel  n’a  befoin  d’eftre  fondu 
ny  affine  par  le  feu:&  les  appellent  pépins,  pour 
ce  que  ordinairement  ce  fon  t petits  morceaux 
comme  pépins  ou  femcnce  de  mêlions  & ci- 
nouillcs,  &celuy  dont  parle  lob,  quand  il  dit. 


TUn.  lih.  3. 
thé^.S. 


Histoirï  NATVRELLE 
Ime  illm  mmm.  Co  mbicn  qu’il  arriue  quelques- 
fois,  qu’il  y en  a déplus  grands  & de  tels  que 
i’en  ay  veü  qui  pefoy ent  plufieurs  liures.  C eft 
rcxccllcncc  & la  grandeur  de  ce  métal  feul(  fé- 
lon que  Pline  afferme)  de  fe  trouuer  ainfi  pur 
& parfaid,  chofe  qui  n aduient  point  à tous  au- 
tres métaux , lefqucls  ont  toufiours  de  l’cfcmnc 
& du  terreftre , Ôi  ont  de  befoin  qu’on  les  affine 
aucc  le  feu.  l’ay  veu  mefmc  de  l’argent  naturel, 
en  façon  mefmeilycn  a 

d’autre  que  les  Indiens  appellent  Papas,  & qucl- 
quesfois  il  fen  trouue  des  morceaux  de  tout 
pur  & fin,  en  façon  de  petites  racines  rondes, 
ce  qui  eft  rare  toutesfois  en  ce  métal , mais  allez 
ordinaire  en  l’or.  Il  fe  trouue  peu  de  ceft  or  en 
pépin , au  rcfpcd  des  autres  efpeces.  Ceft  or  en 
pierre  eft  vnc  veine  d’orquinaift  & s engendre 
dans  la  mefme  pierre  ou  caillou,  comme  l’ay  veu 
aux  inincs  de  Caruma  au  gouuernement  de  Sal- 
lines  ,des  pierres  fort  grandes  toutes  pénétrées 
&trauerfees  d’or.  D’autres  quieftoyent  la  moi- 
tié d’or  & l’autre  moitié  de  pierre.  L’or  qui  elt 
de  cefte  façon  fe  trouue  en  des  puits  ou  des  mi- 
nes qui  ont  leurs  veines  comme  d’argent  mais 
ils  font  trcs-difficiles  à tirer.  Agatarchides  ef- 
ait  au  liure  cinqujerme  delà  mer  Erythree  ou 
rou2C  (aiufi  raconte  Phocion  en  fa  Bibliothè- 
que) la  façon  & maniéré  d’affiner  l’or  rire  des 
nier  es,  de  laquelle  ont  vfé  anciennement  les 
Lys  d'Egypte,  & cil  vne  chofe  admirable 
de  voir  comme  ce  qu’il  en  efcrir  cellcmble  & 
fe  rappofte  proprement  a la  façon  dont  Ion 

,,r.  ILrmaLtenantàraffinerces  metauxdor 


DES  Indes.  L IV.  II IL  135 
& d’argent.  La  plus  grande  quantité  d’or  que 
Ton  tire  Ôc  recueille  es  Indes  eft  de  celuy  qui  eft 
en  poudre, qui  fc  trouue  es  riuieres  ou  es  lieux  & 
torrens  où  beaucoup  d eaucs  ont  paife,  d autant 
que  les  fleuues  des  Indes  iont  abondans  en  cefte 
cfpece  d’or.  Comme  les  anciés  ont  célébré  pour 
cefte  occafion  le  Tage  en  Efpagneje  Paélole  en 
i^iîe,&leGangecn  rinde  Orientale,  & appeL 
loient  rament  A amï^  ce  que  nous  autres  appelions 
lor  en  poudre,  & eftoit  laplus  grande  quantité 
de  1 or  qui  le  faifbit  a prefent  que  ces  raclcures^c 
poudres  qui  Ce  trouuoient  es  riuieres.  A prefent 
aux  nies  de  BarJouente,  Efpagnolle,  Cube  & 
Port-riche, y en  a eu^&  y en  a encor  en  grand’  a- 
bondance  es  riuieres , mais  on  en  rapporte  fort 
peu  en  Efpagne,par  faute  de  naturels  du  pays,  & 
pourladifficulré  qu’il  y a de  le  tirer.  II  y en  a gra- 
de quantité  au  Royaume  de  Chillc,  de  Qm?to, 
&aunouueau  Royaume  de  Grenade.  L’or  le 
plus  célébré  eft  celuy  de  Caranaua  au  Peru,  & 
ccluy  de  Valdinia  cnChillé,  d’autant  qu’il  vient 
auecPalloy  &perfeérion  , qui  font  vingt  trois 
quiilats  & demy, voire  quelquefois  plus.  L’on 
fait  eftat  aufti  de  l’or  de  V eragua  pour  eftre  tres- 
lîn.Ilsapportentmcfme  beaucoup  d’or  à Mexi- 
que des  Philippines  & de  la  Chine,  mais  com- 
munémentil  eft  foible  & de  bas  alloy.  L’or  fe 
trouue  mefle  ordinairement  ou  auec  l’aro^ent ou 

aucclecuiure.Plineditqii’iln’y  aaucunor  où  il 

n y ait  quelque  peu  d’argent  ou  de  cuiure.  Mais  PlmM. 
celuy  qui  eft  meflé  d’argent  eft  communément 
de  moins  de  quiilats  que  celuy  qui  eft  meflé  de 
eulure.S’il  y a la  cinquiefme  partie  d’argent.  Pli- 


HtSTOIRE  KATVRELLB 

■ ne  dit  qu’il  s’appelle  proprement  qui  a 

la  propriété  de  reluire  plus  a la  lumière  du  feu 
que  l’argent  fin  ny  l’or  fin.  Celuy  quicftauccle 
cuiure  eft  ordinairement  du  plus  haut  alloy.  On 
raffine  l’or  en  poudre  en  des  lauoirs  en  le  lauant 
en  beaucoup  d’eaüe,iufqiies  à ce  que  le  fable  tô- 
be  des  plateaux, & l'or  comme  le  plus  pefant  de- 
meure au  fond  s.L’on  l’affine  mefmeauec  du  vif 

argent  & auec  de  l’eaue  forte,pource  que  l’allun 
dont  on  fait  ceftccaue,alavertu  defeparer  Tor 
d’auec  l’ordure  oudes  autres  métaux.  Apres  qu’il 
eft  purifié  & fondu  ils  en  font  des  briques  ou 
petites  barres  pour  l’apporter  en  Efpagne,pour- 
ce  que  cftant  en  poudre  on  nelepourroittirer 
des  Indes,car  on  ne  le  peut  quinterj  marquer  ny 
cflayerqu’apr es  qu’il  eft  fondu.  Le  fufdir  hifto- 
j;iographe  raconte que  l’El^agne  fur  toutes  au- 
très  prouinces  du  monde  cftoit  abondante  en 
des  métaux  d’or  & d’argent,  fpeciallement  Gal- 
lice  & Portugal,  & fur  tout  les  Aftures,  d’où  il 
raconte  qu’on  apportoit  par  chacun  an  à Ro- 
me vingt  mil  liures  d’or,  & qu’il  ne  s’en  trou- 
uoit  en  aucun  autre  lieu  vne  telle  abondance. 

M ro  CcquifembleeftretcrmoignéauliuredesMa- 

i.mtth.z.  où  il  eft  dit  entre  les  grandes  richef- 

fes  des  Romains,  qu’ils  curent  en  leur  puifTancc 
les  métaux  d’or  & d’argent  qui  font  en  Efpa- 
gnc.  Auiourd’huy  ce  grand  threfor  d’Efpa^gnc 
fuy  vient  des  Indes,  en  quoy  la  diuincproui- 
dence  a voulu  qu’aucuns  Royaumes  feruent 
aux  autres,^ leur  communiquent  leurs  richef- 
fes  à fin  de  participer]  de  leur  gouucrncmcnt 
pour  le  bien  des  vns  Sc  des  autres  en  fc  corn- 


BïS  Indes,  Liv.  HH. 

mumquantreciproquement  les  biens  & grâces 
dontils, omirent.  On  nepeutbien  apprécier  ny 
eftimer  le  nombre&quantitédorquel'onap! 
porte  desindes  mais  1 onpeut  bien  alFermer  qSe 
ceft  beaucoup  daiiantage  que  ce  que  Pline  ra 
conte  qu’on  apportoit  chafque  an  d-Efpagneà 
Rome.  En  la  flotte  ou  le  vins.qui  fut  l’an  fjS, . h 
déclaration  de  la  terre  ferme  fut  de  douze  Lf! 
fons  d or.defqiiels  chafque  calTon  pour  le  moins 
^foi t quatre  arobes.qui  font  cen t liures  pefant- 
&mil  cinquante  fix  marcs  de  la  neufue  Efpa.zne 

quieftoittantfeuleme'tpourleRoy,fa„sce%uî 

vintpour  les  marchands  & paniculiers.eftant 
nregiftre,&  ce  qui  vint  non  enregiftré.comme 
Ion  en  apporte  beaucoup.  Cela  Mc 
touche  ror  des  Indes:  roi-rr*.».- 


^ r oles,£ Vf  rar art^m  commmem,s& 

mds  («fendre  & seÜniSdLf. — e..:r 


V 7 , tien  arrê  te 

'^mretned  l <^‘‘^"f>^MferenfeJ,r. 

^ congele  , qui  fontXli  fufflitesy^^^^^^^ 


Histoire  natvrelle 
profond  des  montagnes&  és  entrailles  de  la  ter- 
re ou  de  l’arene  des  riuiercs,&  es  lieux  par  où 
les  torrens  ont  paffé,  ou  bien  aux  très  - hautes 
montagncsilefquelles  poudres  d’or  delcendent 
& s’efeouient  aucc  l’eaue  qui  eft  la  plus  commu- 
ne opinion  que  l’on  tient  es  Indes.  D*ou  vient  ’ 
que  plufieurs  du  vulgaire  croyent  que  ledelu-  ; 
ec  ayant  noyé  toute  la  terre  iufques  aux  plus 
hautes  montagnes , a efté  caufe  qu  à prefent 
l’on  trouue  ceft  or  és  riuieres,  ôc  en  des  lieux  ii 
elîoignez.Nous  dirons  maintenant  comme  1 on 
defcouure  les  mines  d’argent,  de 

racincs&commencemcns,dont parle  lob.  ht 

diray  en  premier  licu,que  la  caufe  pour  laquel- 

le  l’on  donne  le  fécond  lieu  à l’argent  entre  les 
métaux,  eft  pource  qu’il  approche  de l’or  plus  : 
que  nul  autre  d’iceux,  en  ce  qu  il  eft  plus  dura-  j 

blc  & fefent  moins  endommage  du  feu,  le  lail- 

lant  aufli  manier  & mettre  en  œiiure  plus  faci- 
lement que  les  autres, voire  il  furpailelorenU 

clairté  & fplendeur,  & au  Ton  qu  il  a plus  clair 
& plus  agreable.Car  fa  couleur  eft  plus  confor- 
me & relTemblante  la  lumière,  & fon  on  e 

plus  penetrant,plus  vif  & plus  délicat.  Aufli  y a 
il  certains  lieux  cfqucls  ils  eftimcntl  argent  da- 

uantagequenonpaslor.Toutesfoisc  eft  vu  ar- 

gumelt  Sc  figne  pour  iuger  que  1 or  eft  plus 
précieux  de  tous  les  metaux,en  ce  qu  il  fe  trou- 
uc  plus  rarement,&  que  la  nature  fc  raoftre  plus 

efcharfcàlcproduircquenon paslcs  autresien- 

cor  qu’il  y ait  des  terres  ( comme  1 on  dit  de  la 
Chine  ) cfquellcs  l’on  trouue  plus  facilement 
dcror,qucS:rargcnt mcfmc.  Toutcsfois c eft 


DES  Indes  Ltv.  IHI.  j,, 
choie  plus  comune  & ordinaire , que  l’on  trou- 
ueplusfaalement&  en  plus  grande  abondan- 
cedelargem  quedelor.  Le  Creareura  pour- 
0“«d“tales  dVne  lîgranderi- 
cheffed  argent, que  tout  ce  que  l’on  voidéshi. 
lloires  anciennes , & tout  ce  que  l’on  dit  des  ar- 
genteries & minières  d’Efpagne  & des  autres 
promnees,  eft beaucoup  moins qu« ceque l’on 
void  en  ces  parties  là.  Les  mines  d’argent  fe 
trouuent  communément  es  montagnes  & ro- 
ches très- hautes  & du  tout  defertes  : encores 
qu  autrefois  1 on  en  ait  trouué  és  pleines  & câ- 
pagues.  Il  y en  a de  deux  fortes  differentes , les 
^les  qu  ils  appellent  efgarées , & les  autres  fixes 
&arreflees.  Les  efgarées  font  des  morceaux 
de  métal  qui  fe  trouuent  amalTez  en  quelques 
endroits,lefquelseftans  tirez  & leuez , fon  n’en 
trouue  point  apres  dhuantage.  Maisles  veines 
fixes  font  celles  qui  en  profondeur  & longueur 
ontvne  fuitte continue  en  façô  degrandef  brà- 
ches  & rameaux  d’vn  arbre , & quand  l’on  en  a 
louue  yne  d icelles  , l'on  en  trouue  ordinai- 
remet  plufieurs  autres  au  mefme  lieu.  La  façon 
de  purger  & d’affiner  l’argent  de  laquelle  ' 
vfe  les  Indiens  eftoit  par  fondure,  elfondant 
&faifant  refoudre  celle  malTe  de  métal  pat  le 
feu  qui  lette  le  terreftre  d’vn  collé,  &parfa 

force  feparc  1 argent  d’auec  le  plôb , l’eftain  dV 


ueclecuiurc  &Tes  autres  métaux  qulfe  trou- 
uent mêliez.  A celle  fin  ils  faifbient  & ballif- 
joientdes  petits  fourneaux  en  lieux  où  le  vent 
louffloitleplus  communémentAauec  du  boi^ 
du  charbon  qu’ils  y mettoient , faifoient  leur 

S 


Histoire  natvrelle 
artifice  & leur  affinement , & appellent  au  Fera  | 
ces  fourneaux  Guayras.  Depuis  que  les  Efpa-  | 
onols  y font  entrez , outre  celle  façon  de  fon-  i 
dre  & d’affiner,  dont  ils  vfent  encor  à prefenr,  j 
ils  affinent  auffi  l’argent  auec  du  vif  argent,  & j 
en  tirent  d’auaiitage  par  ce  moyen,  que  non  pas  ; 
en  le  faifant  fondre  & l’affinant  par  le  feu.  Car  | 
il  fe  trouue  du  métal  d’argent  que  Ton  ne  peut  | 
affiner  ny  purger  aucunement  auec  le  feu,  mais 
feulement  auec  le  vif  argent.  Mais  celle  fortc'dc  : 
métal  ell  cômunémcnr  métal  pauure  & foible,  , 
qui  elb  celuy  toutesfois  qui  le  trouue  en  plus  i 
grande  abondance.  Ils  appellent  pauure  celuy  | 
qui  rend  & donne  peu  d’argent, & grande  quan-  | 
rite  de  métal, & celuy-la  riche  au  contraire , qui 
donne  & rend  plus  grande  quantité  d’argent.  . 
C’eftvnechofe  merueilleufenon  feulement  de 
celle  différence  & diuerfité  qui  fe  trouue  à af-  | 
finervn métal  parle  feu  , Ôc  l’autre  fans  feu,  | 
auec  du  vif  argent , mais  auffi  de  ce  qu’aucuns  } 
de  ces  iffetauxqui  s’affinent  au  feu  ne  peuuent  f 
pas  bien  cllrc  fondus  quand  le  feu  en  ell  allu-  i 
mé  auec  du  vent  artificiel  comme  de  foufflets,  ; 
mais  feulement  quand  il  ell  fouillé  & allumé  i 
auec  l’àir  naturel  & lè  vent  qui  court.  Et  d’au- 
tres au  contraire , qui  font  plus  facilement  fon-  j 
dus  auec  l’air  artificiel  des  foufflets  , que  non  t 
pas  auec  l'air  5c  le  vent  naturel.  Le  métal  des  ii 
mines  de  Porco  s’affine  facilement  auec  des  ,! 

fouffiets,  & celuy  des  mines  de  Potozi  ne  peut  |i 
cftre  fondu  auec  les  foufflets  , mais  feulement  ÿ 
par  le  moyen  de  l’air  des  Guayras , qui  font  de 
petits  fourneaux  aux  collez  des  montagnes,  ba- 


DES  Indes.  L IV.  Il  IL  138 
ftis  exprès  du  cofte  du  vent,  au  dedans  defqnéis 
ils  fondent  ce  metah&combien  que  ce Ibit  cho- 
fedifîîcilc  de  donner raifon  à ccftcdiuerlîtc,tou- 
tesfois  elle  ell  toute  ccrtaine&  approuuée  parla 
longue  expérience.  Tellement  que  l’auaricicux 
defir  de  ce  métal  tant  eftimé  des  hommes,  leur  a 
fait  rechercher  mille  inuentions  &gentils  ar- 
tifices, d’aucuns  dcfquels  nous  ferons  mention 
cy  apres.  Les  principaux  lieux  des  Indesoùron 
rire  1 argent  font  la  neufue  Elpagnc  & le  Peru, 
mais  les  mines  du  Peru  furpalfentdebeaucoup 
les  autres,  & entre  routes  les  autres  du  monde 
celles  de  Potozi,  defquelles  nous  trairterons  vn 
peuàloifir,pourGe  que  ce  font  des  chofes  plus 
cclcbres&plus  remarquables  qui  foiêt es  Indes. 

ka 

De  U montagne  mcoUine  de  Pote’^;  O-' de  fadef. 
couuerttire. 

C H A P.  VI 

La  montagne  OU  colline  de  Potozi  tant  re- 
nommée cftfituceen  laprouince  de  Char- 
cas  au  Royaume  du  Peru , diftant  de  l’Equinoxe 
vers  le  collé  du  Sud  ou  Pôle  Antarélique  de  ai. 
degré  deux  tiers  : de  forte  qu’elle  tombe  fous  le 
Tropique  aux  confins  de  la  Zone  T orride  , & 
toutefois  celle  région  cil  extrêmement  froide, 
voire  plus  que  n ell  pasCalHlle  la  Vieille  auRoy- 
aumed  Elpagnc,  &:  plus  encor  que  la  Flandre 
mefinc,  combien  que  par  raifon  elle  deuil  cllre 
chaude  ou  temperée,  eu  elgard  à la  hauteur  à; 

S ij 


Histoire  natvrellb 
eflcuation  du  pôle, où  elle  eft  limée.  La  raifon  | 
de  ceftc  fi  froide  téperature  eft  qucccftc  mon- 
tagne cft  fort  efleuée  , & qu’elle  cft  agitée  & 
hantée  devents  qui  font  fort  froids  & intera- 
perez,  rpccialemenr  de  celuy  qu’ils  appellent  | 
Thomahaui,qui  cft  impétueux  & trcs-froid.  Il 
régné  ordinairement  és  mois  de  luin  , Juillet, 
&Aouft.  Le  fonds  & terre  de  ceftc  montagne 
cftfec,  froid  & fort  mal  agréable  , voire  du 
tout  fterile  qui  n’engendre  ny  produit  aucun 
fruidjiiy  herbe  ny  grain , auflî  eft-il  naturel- 
lement inhabitable  pour  l’inrcmperaturc  du 
Ciel&Iaftcrilité  dclaterrc.  Mais  la  force  de  ! 
l’argent  qui  attire  à foy  l’auarice  & le  delîr  des  | 
autres  chofes  a peuplé  cefte  montagne  plus  | 
qu’aucun  autre  lieu  qui  foit  en  tous  ces  Royau-  î 
K:  mes,  la  rendant  fi  abondante  de  toutes  fortes  | 

de  viandes , qu’on  ne  peut  defirer  chofe  qui  ne  | 
s’y  trouue,voite  en  grande  abondance,  & cora-  i 
bien  qu’il  n’y  ait  rien  que  ce  que  l’on  y apporte  i 
par  voiture  , neantmoins  les  places  y font  fi 
pleines  de  frui6ts,confcrues , vins  exquis , foyes 
& toutes  autres dclices , quilnes’en  trouuccn 
autre  endroit  d’auantage.  Cefte  montagne  eft  , 
de  couleur  tirant  fur  le  roux  & obfcur , & eft  fa 
façond’vnealTcz  agréable  rencontre  à lavelic 
refterablant  parfaitement  la  forme  d’vn  pauillo 
rondjou  bien  dVn  pain  de  fucre.  Elle  s ’eficue  de  ' 
furpalTe  toutes  les  autres  montagnes  & colli-  ! 
nés  quifont  àl’enuiron.  Le  chemin  par  lequel  ! 
' on  y monte  eft  fort  afprc&  fort  roide  , en-  | 
cor  qu’on  y aille  tout  à chcual.  Elle  finit  par  I 
' le  haut  en  pointe  de  forme  ronde,  &aen  fon  | 


DES  Indes.  Liv.IIII. 

Died  vne  lieue  de  circuit.  Elle  contient  depuis 
Je  rommet  iufques  au  pied  mil  fix  cens  vina: 
quatre  verges  communes  ,lefquelJes  reduites^à 
la  mcfure  des  lieues  dEfpagne  font  vn  quart 
de  lieue.  Au  pied  dccefte  montagne  l’on  void 
vneautrepetice  colline  qui  naift  d’icelle  , en 
laquelle  anciennement  il  y a eu  quelques  mi- 
nes de  ces  métaux  efpartis  & fans  fuitte  ^ qui  fe 
trouuoientlà  comme  en  des  bourfes  , Sc  non 
pas  en  des  veines  fixes  & continues , & néant  - 
mo  ins  elles  eftoient  fort  riches  , encor  qu’elles 
furent  en  petit  nombre.  Ce  petit  roc  eftoir  ap- 
pelle des  Indiens , Guayna  Potozi , qui  veult  di- 
ra je  kunePotozi,  au  pied  duquel  commence 
l’habitation  des  Efpagnols  Ôc  Indiens , qui  font 
vcnusàlarichelîe  ôc  à l’œiiure  de  Potozi:  la- 
quelle habitation  peut  contenir  quelques  deux 
lieues  de  circuit  3 & toute  la  plus  grande  riMiéte 
& commerce,  qu’il  y ait  en  aucun  lieu  du  Peru, 
le  fait  en  celle  habitation.  Les  mines  de  celle 

montaigne  n ont  point  elle  foiiyes  ,ny  defcoii- 
uertesdu  temps  des  Inguas, qui  eftoient  les  fei- 
gneursduPeru,auparauantquc  les  Efpagnols 
y cntralTcnt,  combien  qu'ils  ayent  fouy , ôc  ou- 
uert  les  raines  de  Porco,  aftez  proches  de  Poto- 
zi,n  en  ellantdiftantes  que  de  fix  lieues  Icule- 
inét.La  caufe  en  pouuoit  eftre , faute  d’en  auoir 
eu  la  cognoilfance^combicn  que  aucuns  racon- 
tent ic  ne  fçay  quelle  fable , que  comme  on  vou- 
lut quclquesfois  ouurir  ces  mines  , vne  voix 
rut  entendue, qui  difoit  aux  Indiens , qu’ils  n'y 
touchallènt  pas,  &que  celle mpntaigne  eftoic 
rclerucc  pour  d’autres.  Devrayi’on  n’euftau- 

S iij 


H"i  STOIRE  NATVRELLE 

cune  cognoilîànce  de  Pocozi , ny  de  fa  richcfle,  i 
que  iufqiies  à douze  ans  apres  Tentrée  des  Efpa-  ; 
gnols  au  Peru,  duquel  la  dcfcouiierture  s’en  fie  ! 
en  cefte  façon.  Vn  Indien  appelle  Gualpa , de  la  ‘ 
nation  de  Chumbibilea,  quieft  vue  prouincc  j 
dcCurco,allantvniouràlachaiTe  &pourfuitte 
de  quelque!  venaifon , & cheminant  vers  la  parc 
du  Ponant , où  la  befte  fe  retiroic , commença 
de  courir  à mont  le  roc,  qui  pour  lors  eftoit 
couuert,  & planté  pour  la  plus  part  de  certains 
arbres  qu’ils  appellent , Quinua , & de  builFons 
fort  elpais,  & comme  il  s’efleuoit  pour  monter 
en  vn  palTage,quelque  peu  afpre  & difficile , fut  , 
contraint  mettre  la  main  en  vue  branche , qui  , 
fortbit  de  cefte  veine  d’vne  mine  d argent  { ^ \ 
laquelle  depuis  ils  ont  donné  le  nom  de  riche)  | 
qu’il  arracha , & apperceuft  en  la  folle  Ôc  racine  ^ 
d’icelle  le  métal , qu’il  recongneuft  eftre  fort  j 
bon , par  l’experience  qu’il  aiioit  de  ceux  de  i 
Porco:  puis  ayant  trouué  en  terre,  ioignant  ce  i 
fteveine  quelques  morceaux  de  métal,  qui  s’e- 
ftoient  rompus  & départis  d’icelle , fans  toutes- 
fois  qu^on  les  peut  bien  cognoiftre , a caufe  que 
leur  couleur  eftoit  changée,  &gaftée du  Soleil, 
Sc  de  l’eaue.  Il  les  porta  à Poïco  elfaycr  par 

Guayras  (quieft efprouucr le  métal  par  le  feu) 

& ayant  rccogneu  par  là  fa  grande  richeflè  , ôC 
heureufe fortune,  fouyiroic  & tiroit  fccrette- 
ment , cefte  veine  fins  le  communiqu  er , ou'cn  , 
parlera  perfonne  , iniques  ace  quvn  Indien, 
nommé  Guanca,natifde  la  vallée  deXaura,  qui 
cft  aux  limites  delà  Cité  des  Roys  , lequel  de- 
meurant au  lieu  de  Porco,  proche  voifin  de  ce  j 


dïsIndes,  Liv.  IIII  140 

Gualpa  , Chumbibilqua  s’apperceut  vn  iour 
qu’il  faifoit  quelque  affinement^  & qu’il  faifoit 
de  plus  grands  fomons  &bricques,  que  celles 
qu’on  faifoit  ordinairement  en  ces  lieux  : pour- 
ce  mefme  qu'il  augmentoit  en  delpence  d’ha- 
bits, ayant iufques  alors  vcfciialTez  pauurcraét. 
Poiirccfteoccafion  , &que  ce  métal  . que  fon 
voifinaffinoit&rmettoitenœuure  , eftoit  dif- 
ferent de  celuyde  Porco  , il  penfa  de  defeou- 
urir  ce  fecret , & fît  tantque  combien  que  Tau- 
tre  tint  fon  affaire  fecrette , alitât  qu’il  luy  eftojt 
poffible,  neanrmoins  par  importunité  fut  con- 
traint de  le  mena-  au  roc  de  Potozi , ayant  défia 
pafirédeuxmoisenlaiouiffanccde  ce  riche  tre- 
for.Et  lors  l’Indien  Gualpa , dit  à Guanca , qu’il 
print  pour  fa  part  vne  veine  qu’ilauoit  defcoii- 
uertc, laquelle eftoit  proche  delà  veine  riche, 
Sc  eft  celle  que  l’on  appelle  auiourd’huy , la  vei- 
lle de  Diego  Centeno  , qui  n’eftoitpas  moins 
riche,  mais  feulement  plus  dureà  foiiir , & plus 
difficile  à tirer.  Par  ainfi  tout  d’vn  accord  par- 
tirent entre  eux  le  roc  le  plus  riche  du  monde. 

Il  aduint  du  depuis,  que  l’Indien  Guanca  trdu- 
uant  quelque  difficulté  à fouyr  ôc  cauer  fami- 

pt, qui  eftoit  tres-durc,  &fautre  Gualpa , ne  luy 
voulant  faire  part  de  la  fîenne , curent  débat  en- 
femblc,&pourceftecaufelc  Guanca  de  Xau- 

ra,  irrite  de  cela,  & de  quelque  autre  chofè,  al- 
la defcouurir  cefte  affaire  à fon  maiftre  qui  s’ap- 
pclloit  Vuillaroel , Efpagnol , qui  lors  refîdoit 
en  Porco.  Ce  Vuillaroel  en  voulant  cognoiftre 
la  vérité , alla  en  Potozi,  & trouuantla  richeffe 
que  foiiYanacona,  ou  fcruiteur,luy  aiioit  dit,fift 

S iiij 


Histoire  natvrelle 
enregiftrcr l’Indien  Giiança,  s’eftacquant  auec  : 
luy  àlafufditteveine,quifutditeCenteno,  ils  ! 
appellent  cela  eftacquer,  qui  vaut  autant,  que 
llgnallei-  & remarquer  pour  foy  la  mine , & au-  ; 
tant  d’efpace , que  la  loy  concédé  & 'permet  à | 
ccuxlàquitrouuentvnemincj  ou  bien  à ceux 
qui  la  foüyirent  : au  moien  dequoy  apres  1 auoir 
monftrée  & defconuertc  à la  iuftice , ils  demeu- 
rèrent feigneurs  de  la  mine , pour  la  fouyr  &c  en 
tirer  rargent,comme  de  leur  propre , en  payant 
leulcmentauroy  fon  droit  de  cinquiefrae.  De 
forte  que  le  premier  cnregiftrcracnr  & décla- 
ration que  l’on  fit  des  mines  de  Potozi , fuft  le 
vingt&  vniefmeiourdu  moisd’Auril  5 del  an 
mil  cinq  cents  quarante  cinq,  au  territoire  de 
Porco',  par  lefdits  V illaroel  Efpagnol  ôc  Guan-  ; 
ca  Indien.  Incontinentapres  l'on  defcouurit 
vne  autre  veine  qu’ils  appellent  veine  d’eftain  | 
quiaefte  tres-riche,quoyquerude&  laborieu-  | 
fe  à y trauailler , pour  eftre  fon  métal , aufîi  dur 
que  le  caillou.  Du  depuis  le  trentiefme  iour 
d’ Aouft  au  mefme  an  de  quarante  cinq,  la  veine 
appelléc’.  Mendiera,  fur  enregiftrec,  qui  font 
les  quatre  principalles  veines  de  Potozi.  Ils  di- 
fent  de  la  veine  riche , la  première  qui  fut  def- 
couucrtc , que  fon  métal  eftoit  hors  terre  la 
hauteur  d’vnel’ancc  en  façon  de  rochers , fouf- 
leuant  la  fuperficie  de  la  terre,  comme  vne  Cre- 
fte  de  trois  cents  pieds  de  longueur , & de  treZe  > 
delarge,  & que  cela  demeura  defcouuert  , & 
defeharné  par  le  deluge , ayant  cefte  veine  com- 
me la  partie  lapins  dure,  refifté  àla  force  & ' 

impetuofité  des  eaucs.Son  métal  eftoit  fi  riche  i 


D^s  Indes.  Lîv.  IIÎL 
qu’îl  y auoit  la  moy  tic  d’argent,  & continua  ce- 
lle veine  en  fa  richellc,  iiifques  à cinquante  & 
foixante  ftades,àrhauteurd’vn  homme  depro- 
fondeur,oil[  ellevinràdefFaillir.  De  celle  façon 
furent  defcouuertcs  les  mines  de  Poto^i  parla 
prouidcnce  diuine,Iaquelle  a voulu,  pourla  féli- 
cite d’Efpagne,que  la  plus  grande  richelTe  qif  on 
fçache,&  quiiamais  ait  ellé  au  monde , full  ca- 
chée pour  vn  temps,  pour  la  defeonurir  au  téps 
que  l’Empereur  Charles  le  Quint,  de  glorieufe 
mémoire, tenoit  rEmpire,lesRoyaumes  d’Efpa- 
gne,&  la  feigneuric  des  Indes.  Incontinêt  apres 
que  la  defcouucrture  dePotozi,fut  cogneuë  aux 
Royaumes  du  Peru,pluEeursElpagnols  & pref- 
que  la  plus  part  des  bourgeois  de  la  citéd’Argér, 
qui  ell  à dixhuiâ:  lieues  dePotozi,  vindrétponr 
y prendre  des  mines , mefmes  y vindrent pluE- 
eurs  Indicns,dediucrfesprouinces,&  Ipecialle- 
mentles  GuayzadoresdcPorco  , fi  qu&en  bref 
temps  ce  fut  la  meilleure  Ôc  plus  grande  habita- 
tion de  tout  le  Royaume, 

VeUnchefequel^ondtirée ijr  tire  chacun  ionr  du 
roc  ou  montagne  de  Voto-^^. 

Chapit.  VII. 


’ Ay  ellé  plufieurs  fois  en  doute, 
s’ilfe  trouuoitaux  liilloires  des 
anciens,  vncE  grande  richeflede 
mines,  comme  celles  que  nous 
vciie  de  noftre  temps  au  P&- 
ru.S  il  y a eu  iamaisau  monde  des  mines  riches 


Histoire  NATVRELLE 
& renommées  pour  cet  efFeâ:  J ce  ont  cfté  ccl-  j 
les  d’Efpagne , dont  les  Carthaginois  ont  iouy,  ! 
& du  depuis  les  Romains  , lefquelles,  comme 
i’aydit  5 ne  font  pas  feulement  cftimées  & re- 
nommées par  les  liures  profanes , mais  auffi  par 
les  Eferitures  fainétes.  Celuy  qui  plus  particu- 

...  licreraent  fait  mention  de  ces  mines  , au  moins 

p/w.  ; .35.  Pliiie,qui  efcric  ainfi , en  fon 

hi^oke  nztütcWc.llfi  trame  de  l’argent  frejqiie  en 
foutes pretimees , mdis  celuy  à'EfpAÿte  ejî  le  medleur  de 
tous, lequel  cmfî  O”  s’engendre  en  vne  terre fterile,  aux 
montagnes  cr'  rochers, et'  efl  chofe  certameO'  infaRihle  . 
qdes  lieux  ou  Ion  A vne fou  dejcouuert  aucunes  de  ces  \ 
veines, il  y en  a d’autres  qui  n’en  font guer  es  ejlotgnees,  c e , 
quifetrouue  aufi  prefqueen  touo  autres  métaux  ; 
four  cela  les  Grecs  (à  mon  aduis)  les  affeüerent  métaux,  \ 
C’efi  vne  chofe  ef  range, que  les  fuit  s ou  trous  de  ces  mi-  | 
nés  d’Èfpagne , lefquels  on  commenta  k fouir  du  temps  | 
deHannibalfe  voyent  encor  k,  frefent,0''retiennft  encor  ; 
les  mejmes  noms  de  ceux  qui  les  dejcouurirent,  Entre  ces  i 
mines,ceîle  que  defcouunjl  Bebello,qui  en  retient  le  nom 
encor  auiourd  huy, fut  fort  renommée , dlt-on  qu'elle 

donnait  O'  rapportait  fi  grande  richejfe  k fin  maifire 
Hannihal,que  chaque  iour  l’onreceueilloit  trois  ces  liures^ 
d’ argent, iufques  k maint enat  on  a toufiours  continue 
de  trauailler  k cefie  mine, de  telle  fort  e qu’elle  eji  àpreset  ' 
de  mil  cinq  ces  pas  de  profondeur,  cauée  en  la  mont  agne. 
Vefquelspuits  neantmoinscefie grade  profondeur, les  Ga-^ 
fions  qui  y trauaiUet  tiret  l'eaue  qu’ilsy  trouuet  ^ourles  1 
afficher  et' y cauer  mieux  kleur  alfe,tout  durât  le  temps  1 
Gemlrav-  que  les  chandelles  O'  l^  lumière  leur  dur  et, en  t elle  abo'^  j 
^ui inChro  dance  quil  fembleque  ce  quils  en  icttent fiitvne  nuiere.  ! 

Iufques  icy  font  les  paroles  de  Pline  , quci’ay  | 


i 


DBS^  Imdis,  Liv.  un. 

• voulu  icy  reciter  de  mot  à mot , pour  conten- 
ter d auaiitage  ceux  qui  entendent  que  c^eft  de 
mines,  voyant quelamcfme  chofe  qu’ils  expé- 
rimentent auiourd  huy,  a eftéexcercée  par  les 
anciens.  Et  certainement  la  richeire  de  celle 

mine  d Hannibal  aux  monts  Pyrénées , elloit 
grande  & bien  remarquable  , laquelleles  Ro- 
mainspolïederent,y  ayans  continue  Ton  ouura- 
ge , luiqiies  au  temps  de  Pline,  qui  fut  comme 
rmis  cens  ans.  La  profondité  de  celle  mine 
citoitdc  mil  cinq  cens  pas , qui  eR  vn  mil  &de- 
my  &-fut  fl  riche  au  commencement , qu  elle 
valloit  a fonmaillre par  chacun  iour  trois  cens 
Juires,dedouze  onces  la  liure.  Mais  combien 
que  celle  rich elfe  ait  elle  grande  , elle  n’appro- 
.che  ncantmofns  à celle  qui  de  nollre  temps 
s eft  retrouueeen  Potozi.  Car  comme  il  apoert 
par  les  regillres  de  la  maifon  de  la  contradà- 
tion  de  celle  pouince  , & comme  plulîeurs 
hommes  anciens  dignes  de  foylatteftent , au 
temps  quele  Dccntié  Polio  gouiiernoit  celle 
prouince  , qui  fur  plulîeurs  années  apresladcf- 
couuertedecellemontagne,  l’on  enregillroit 
& tiroit  pour  la  cinquiefme,  chacun  Sa^medy, 

cent  cinquante  & deux  cens  mil  pezes  , dontie 

ciiiquielmc  reuenoir  à trente  & quarante  mil 
pezes  , & pour  chacun  an  vn  million  & demy 
oupeu moins.  Tellcmentque fuyuantee con- 
te 1 on  tiroit  chaque  iour  de  celle  mine  , com- 
me trente  mil  pezes  , dontilreuenoit  au  Roy 
pourlacinquicfme/ixmil  pezes  par  iour.  Il  y a 
encor  vue  chofe  à mettre  en  auant , pour  mon- 
trerlaricheiredc  Potozi , que  k conte  qui  a 


cftéfait , neft  feulement  que  de  l’argent  qui  fc 
marquoit  & quintoit , &eftchofe  cogneue  au 
Peru , que  l’on  a vfé  long  temps  èn  ces  Royau- 
mes d’argent  qu’ils  appelioient  courant , lequel 
n’eftoit  marqué  ny  quinte.  Et  tiennent  pour 
certain  ceux  qui  cognoüfent  ces  mines , qu  en 
ce  temps,  la  plus  grande  partie  de  1 argent  que 
l’ontiroitdePotozi,  nefe  quintoit  point , & 
eftoit  celuy  qui  auoit  cours  entre  les  Indiens, 
ôc  beaucoup  entre  les  Efpagnols  , couime  le 
Ta  y veu  continuer  iufques  à mon  temps. Par  ce- 
la Ion  peut  bien  croire  , que  le  tiers  de  la  ri- 
chclTedePotozi , voire  la  moitié  ne  fe  mani- 
feftoit,ny  ne  fe  quintoit  poiiit.  Il  y a encor  vnc 
autre  conlîderation  plus  remarquable  , en  ce 
que  Pline  met,que  l’on  auoit  fouy  mil  cinq  cens 
pas  en  celle  mine  de  Babello , & que  touhours 
l’on  trouuoitdel’eaue,  quieftee  qui  donne  c 
plus  grand  empefehement  qui  fort  a tirer  e 
métal  des  mines.  Mais  en  celle  de  Potozi , en- 
cor que  l’on  y ait  fouy  &;  caué  plus  de  deux 
cens  llades  ou  hauteurs  d’vn  homme  en  pro- 
fondeur, iamais  on  n’y  a trouuéd’eaiie  , quielt 

le  plus  grand  heur  de  celle  montaigne.  Mais 
quoy  ? les  mines  de  Porco  , dont  le  meta  e 
rres-boii  ôc  tres-richc , font  auiourd’huy  delail- 
fées  pour  Tincommodite  de  1 eau  qu  ils  y ont 
rencontrée  en  y fouylî'ant.  Pour  ce  que  ce  lont 

deuxtrauaux  infupportables  en  recherchant  c 

met^lde  cauer  & rompre  les  roches , & d en  ti- 
rer Peaue  tout  cnfemble.  Le  premier  delquels, 

à fçauoirde  cauer  la  roche,  donne  alfez  de  pei- 
ne, voire  cil  trop  dur  & trop  excelfif.  Finalle- 


BES  Indes.  Liv.  IîTî.  145 
ment  auiourd  huy  ùl  Maiefté  reçoit  pour  fou 

quint  par  chacun  an  iVn  portant Tautre^vn  mil- 
lion de  fàrgcntdes  mines  de  Potozi , fansl’au- 
rrcncheire.quiluyvientdevif  argent , & au- 
tres droits  Royaux , qui  eft  vn  grand  threibr. 
Quelques  hommes  experts  ayans  fupputé  les 
contes  difenr, que  ce  que  Ton  a apporté  à quin- 
tercnla  caifèjoudouanc  de  Potozi, iufques en 
1 an  mil  cinq  cens  quatre  vingts  cinq , fc  monre 
àcentmillionsdcpczes  d’edày  , dont  chaque 
peze  vaut  treize  rcaux  &vn  quart , fans  conter 
1 aigenr  que  I on  a peu  tirer  fans  quinter,  Sc  qui 
a efté  quinte  es  autres  caiïès  Royalles  , Sc  fans 
I argent  coiirat  que  l’on  a mis  en  œuure  au  pais, 
qui  n efl:  point  quinté , qui  eft  vue  chofe  innon- 
brable  , combien  que  les  premiers  regiftres 
des  quints , ne  foient  pas  iî  clairement,  ou  in- 
telligiblementefcrits,  quefpnt  ceux  dauiour- 
d huyrpour  ce  qu’aux  commencemens , Sc  pre- 
mières defcouuertes,  l’on  faifoit  larecepte  par 
Romaines , tant  eftoit  grande  l’abondance  qu’il 
y en  auoit.  Mais  par  les  mémoires  & recher- 
ches que  feir  le  ViçeroyDom  Francifquc  de  Tol- 

Icde , en  1 année  mil. cinq  cens  foixante  Sc  qua- 
torze fe  trouua  qu’il  y auoit  foixante  Sc  feize 
millions,iufqu'en  en  ladite  année,  <Srdepuisie- 
dit  an  iufques  a celuy  de  quatre  vingts  cinq  in- 
clufiuemcnt,  il  appert  par  les  regiftres  royaux 
qu  il  s’eft  quinté  iufques  à trente  cinq  millions. 
L’onenuoyaau  Viçeroy  ce  conte  de  Potozi, 
cnl  anquci’ay  ditjlors  que  i’eftois  au.  Peru,  Sc 
du  depuis  larichdîè  qui  eft  venue  aux  flores  du 
Peru , eft  monteea  beaucoup  d’auantage.  En  la 


Histoire  natvrêlie 
flore  où  ie  vins  , de  l an  mil  cinq  cens  quatre 
vin«7ts  fepc,il  y anoic  onze  millions  qui  vindrent 
auxlleux  flottes  du  Peru,&  M exicque , dont  les 
deux  tiers  eftoient  en  celle  du  Peru  , &yen 
auoirprefque  la  moitié  pour  le  Roy.  Pay  voulu 
defduire  cecy  particulièrement , afin  de  faire 
entendre  la  puilPancc  que  la  diuine  Maieftc  a 
voulu  donner  aux  Roys  d’Elpagne , fur  les  chefs 
dcfquels  tant  de  Couronnes  & de  Royaumes 
ont  efté  amalïez  , &lefquels  par  ipeciaile  fa- 
ueur  du  Ciel , ont  ioint  les  Indes  Orientallcs 
auec  les. Occidentales  , cnuironnans  tout  le 
monde  par  leur  puilPance.  Ce  que  Ion  doit 
croire  , eftre  ainfi  arriué  , parla  prouidence. 
de  noftre  Dieu,  pour  le  bien  de  ces  peuples  qui 
viuent  fi  efloignez  de  leur  chef,qui  eft  lePonrife 
Romain,  vicaire  de  Chrift  noftreSeigneur,enla  , 
foy  ôc  obeiffancc  duquel , -tant  feulement  Pon 
peur  eftre  fauné,  & mefine  pour  la  deffence  de  la 
foy  Catholique  &de  l’Eglife  Romaine,  en  ces 
parties,  où  la  vérité  eft  tant  oppugnée,&pour- 
fuyuie  des  heretiques.Et  puifque  leSeigneur  des 

Cieux,qui  donne  &ofte les  Royaumes  a qui  il 

veut,  & comme  illuy  plaift  l’a  ainfi  ordoimé, 
nous  le  debuons  fupplier  qu’il  luy  plaifc  fauori- 
fer  le  zclc  pieux  du  Roy  Catholique , luy  don-  ; 
nant  heureux  fuccés , & profpere  viéloire  con-  , 
trcles  ennemis  de  la  fainc^e  foy,veu  que  en  celle  | 
caufe  il  galle  le  threfor  deslndes,qu’il  luy  a don-  j 
néjVoireen’abefoing  de  beaucoup  dauantage. 
Cependant  il  fuffit  d’auoir  fait  celle  digrelïïon 
pour  monftrer  les  richelTes  de  Potozi.  C ell 
pourquoy  nous  reuiendrons  à dire  comme  Ion 


Commt  l on  tranaille  ès  minés  de 


Ghap.  vm, 


D E S Indes,  L i v, 
illc  és  mines, & 
taux  que  Ion  en  tire, 


144 

trauaillc  es  mines, & comme  l’on  affine  les  me^ 


•Oecefe  plaignant  du  premier  imen-soetiui 
iteur  des  mines;  dit  fort  bien.  confeUo* 

Uem  pnmtis,  quis fmt  lUe^ 

^y€un  quipondera  tejii. 
rr  <^ensmdfque^Uterevolenées, 

Frectofa.  pericuUfidit}  ' 

Aucc  raifon,il  les  appelle  précieux  danger,  pour 

legiand  trauail  & péril , aucc  lequel  !•«„  tire  3Î- 
les  metaux.queles  hommes  eftimcnt  tant.Pline 
dit  qu  en  Italie  il  y a pluiîcurs  métaux,  mais  que 

lesanciensnevoulurent  pas  permettred-y  tra- 
uailler  , afin  deconferuer  le  Peuple,  Ils  appor- 
m!llerrp'?"‘*“,  & fuifoient  tra. 

taircs.  LElpagne  en  fait  auiourd’huy  tout  de 
mefine  aux  Indes , en  ce  que  y ayant  & reliant 
fans  doubte  en  Elpagne,  plufieurs  mines  de  mé- 
taux, neantmoms  ils  ne  les  veulent  pas  cher- 

«faer,nypermettre  qu’on  y trauàille  ,à  caufe  des 

inconucmes.que  l'on  y voit,chafcun  iour  : mais 
ils  les  font  apporter  des  Indes,  où  on  les  tire 

au«beaucoupdetrauail,&rifque.  Ccroc  de 

lotozi  contient  eufoy.commei’ay  dit,  quqtte 


Histoire  natvrelle 
veines  principalles , qui  font  la  veine  riche , cel- 
le de  Centeno^celle  d’Eftain , & celle  de  Men- 
dieta.Toutcs  ces  veines  font  en  la  partie  Oricn> 
talle  de  la  montagne,  comme  regardans  le  leuer 
du  Soleil  : car  en  l’Occidentalle  il  ne  s’en  trou- 
uc  aucune  ^ Lcfdittes  veines  courent  Nort  & 
Sud,qiiieftdc  Pôle  en  Pôle.  Elles  ontà  hen- 
droit  le  plus  large" ihe  pieds  , & au  plus  eftroit 
vnepaulme.  Ily  en  a d’autres  dediuerfe  façon 
qui  fortcntd’iccllcs  veines  , comme  les  grands 
rameaux  des  arbres , ont  de  couftume  d’en  pro- 
duire de  petits.  Chafquc  veine  a diuerfes  mines 
qui  font  parties  ou  portions  d’elle  merme  , di- 
ftindesj&fcparées,  entre  diuers  maiftres,  des 
noms  dcCqucls  elles  font  ordinairement  appel- 

lées.  Là  grande  mine  contient  quatre  vingts 
vert^es,  & ne  peut  contenir  dauâtage  par  1 or- 
donnance , & la  moindre  en  contient  quatre. 
Toutes  CCS  mines  font  auiourd  huy  fort  pro- 
fondes.Uon  conte  en  la  veine  riche , foixante 
& dixhuit  mines , qui  font  profondes  de  quatre 
vingts  & cent  ftades , ou  hauteurs  d'hommes, 
voire  en  quelques  endroits  iufqucs  a deux 
ccnts.L  oncontecnla  veine  de  Centeno  vingt 
quatre  mines,  dont  quelques  vnes  s’aduancent 
iufquesàfcptante  ou  quatre  vingts  ftades  , de 
profond, &ainfi  des  autres  veines  de  cefte  mon- 
tacnc.L  on  inuenta  pour  remede  à cefte  gran- 
de profondité, des  mines  qu’ils  appellent  focca- 
bones,quifontcauesou  mines  faides  au  pie 
de  la  montaigne,  Icfquelles  vont  traucriknt  ml- 

ques  à rencontrer  les  veines.  Car  l’ondoibt  en- 
tendre,que  cgbien  que  les  veines  courent 


DIS  In  DI  S.  Liv.  IIII.  14J 

&Sud,commeii  aefté  dir,  ncantmoins ç’eft  en 
rabai(Tai|t  depuis  le  fommct  iufques  au  pied  Ôc 
basdclalmon  ragne,  qui  fera  félon  qu  on  croit 
par  coniedureplus  de  douze  cents  ftades.  Et  à 
ce  conte  encor  quelcs  mines  s’eftendent  en  tel-^ 
le  profondeur,  il  refte  ncahtmoins  encor  plus 
de  fix  fois  autant  d’cfoace,  iufques  àleur  fonds 
ôc  racine,  laquelle  félon  qu’ils  difent  doit eftrc 
frcs-riche  & abondante,  comme  le  tronc  & la 
fburce  de  routes  les  veines.  Combien  que  iuf- 
qu  auiourd’huy  nous  ayons  veu  le  contraire  par 
expérience,  car  tant  plus  haute  &cïleuéc  cftla 
veine  à la  fuperfîcie  de  la  rerre,tant  plus  Ce  troii- 
ue  riche, plus  aulîi  qu’elle  va  en  profondeur,  l’on 
trouue  fon  métal  plus  pauure,  & moindre  d’al- 
loy.  Cependant  ils  inuenterent  les  Soccabo- 
ns,  par  Icfqucls  on  entre  & fort  aifemenr,  pour 
trauailler  aux  mines , auec  moins  de  couft  , de 
peine  & de  dangcr.Ils  ont  huid  pieds  de  largeur 
&vneftade  de  hauteur,  ôc  les  ferment  auec  des 
portes  i L’on  tire  par  ieeqx  les  métaux  fort  fa- 
cilemcnt,en  payant  au  proprietaire  du  Socca- 
bon,le  cinquicfmc  de  tout  le  métal  que  l’on  ti- 
re pariceluy.  Il  y en  a défia  neufdefaids. Vau- 
tres que  l’on  a commencé  à faire.L’on  fut  vingt 
neuf  ans  àfairevn  Soccabon,  qu’ils  appellent, 
du  venin,  qui  va  fc  rendre  & donner  à la  veine 
riche,  ayant  elle  commence  en  l’an  mil  cinq 
cents  cinquante,  l’vnziefme  année  de  la  dcf. 
couuerte,&’acheuécn  l’an  mil  cinq  cens  quatre 
vintscinq,  rvnfiefmc  d’Aurilj  Ce  Soccabon 
rencontra  la  veine  riche  , à trente  cinq  ftades 
près  de  fafource  ou  racine,  & y auoit  de  là  où 

T 


Histoire  NAT VR s 
il  rencontra  la  veine  iufquc  au  faut  & embou- 
cheure  de  la  minc,autres  cent  & trente  cinq  fta- 
des.De  façon  qu’il  falloir  defeendre  toute  cefte 
profondité  pour  trauailler  à la  mine.  Tout  ce 
Soccabon  contient  depuis  Ton  ouuerturc  , iuf- 
ques  à h veine  de  Crufero,qu"ils  appellent,  deux 
cents  cinquante  verges , àlaquellc  œuurc  furent 
employezjles  vingt  neuf  ans  de  temps,  qui  ont 
efté  dits,  afin  que  Tonjvoy e le  grand  rrauail,  que 
prennent  les  hommes,pour  rechercher  l’argent 
aux  entrailles  de  la  terre.  Cependant  ils  trauail- 
lenrences  mines  en  continuelles  tenebres,  ôc 
obfcurité,fansfçauoir  aucunement  quand  il  eft 
iour  ou  nuit.Or  d’autantquc  ce  font  lieux,que  le 
Soleil  nevifite  aucunemcnt,il  n’y  a pas  fculcmét 
de  perpétuelles  tenebres,  mais  aufli  y fait  vn  ex- 
trême froid,&:y  court  vn  air  fi  groflîcr,&  con- 
traire à la  nature  & difpofition  humaine,  que  les 
hommes  qui  y entrent  de  nouueau  s’y  eftour- 
diffent  comme  du  mal  delà  mer.  Ce  quim’ad- 
uint  à moy-raefmc  en  vne  de  ces  raines  , où  ic 
fenty  douleur  de  cœur, 5c  fanglots  d’eftomach. 
Ceux  qui  y trauaillent  fe  feruent  de  flambeaux, 
5c  chandelles  pour  leur  cfclairerjcn  départant  le 
labeur, 5c  l’ouurage  de  telle  forte  que  ceux  qui 
trauaillent  le  iour  , y repofent  la  nuit,5c  les  au- 
tres au  contraire  les  viennent  efehanger,  pour 
trauailler  la  nuit  5c  repofer  le  iour. Le  métal  y eft 
communément  dur,5c  à cefte  caufe,ils  le  tirent  à 
coups  de  martcaux,le  rompant  5^  cfclattant  par 
forcc,comme  fi  c eftoit  vn  caillou.  Par  apres  ils 
montent  ce  métal  fur  leurs  elpaules  , par  des 


rt,  ' 14e 

ephtn  CS  â trois  branches , faites  de  cuir  de  va- 
che retors,  comme  pièces  de  bois, qui  font  tta- 
nerfees  d efchel  ons  de  bois  : de  forte  qu’en  cha- 
cunede  ces  efchelles , l’on  y peut  monter  & 
defeendre  tout  enfemble.  Ces  efchelles  font 
longuesdedixftades,  & à la  fin  dïcelles,  en  te- 
.commence  vue  autre  de  la  mefme  longueur 
commenceant,  & finilfant  chafque  efchelle,  à - 
des  cfi:abhcs&  plates  formes  de  bois,  où  il  y a 
des  fieges.&  lieux  pour  fe  repofer , comme  gal- 
eries d autant  qu’ilya  pluiîeurs  de  ces  efcSel- 
les  a monter,  bout  à bout.  Vn  homme  y porte 

ordinairement, furfesefpaules,  lepoixdedeux 
«robes  de  métal,  auec  vnetoille attachée,  en 
feçon  dvne  hotte,  & y montent  trois  à trois. 

Celuy  qui  va  deuantporrevnechandelle,atta- 
checafonppulfeicarcommeil  ell  dit,  il  ii’y  a 

"k  n T’T > & vont  fetenans  àfef- 
chelle  des  deuximains  pour  monter  fi  grande 
efpace  de  hauteur,  qui  furpalTe  communiment 
cent  cinquante  ftades  de  hauteur, chofe  effroya- 
ble, & qui  donne  l’efpouuente  feulement  à y 
penfet,  tant  eft  grand  le  defir  d’argent,  pour  la 
recherche  duquel  les  hommes  efidurent  tant 
de  trauail.  Et  certes  ce  n’eft  point  fans  raifon, 
que  Phne  traittant  de  celle  matière  s’exclame 
Scditainfi.  Not^entrmsmPiMSMxmmUeaeUpr  ■ 
tmc,  Cf  domfmrfuyuam  Us  nchePs  sufi»es.,uxf!lTl.,, 
WdtW^nei^.&parapres 
llditainfi.  C.,.x^s,sr.chenLsUsmsu.xfi„ü» 
2T77n  desrnxs,  crLtSes 

’^J^r‘f<’^‘>»‘»U*hkmrdcsch4ndfUes7ùUimr 

Tii 


Histoire  natvrelle 
U nuiB font femhlMes,<cren  flttfiet^rs  tn«is  ne  voyet 
aucun  tour, d' eu  bien feuuent  U adulent, ([ue  les  farcis  des 
mines  fendent  <CT  tombent, accaUans  dejfow  flujteurs 
des  miniers,<jui  y trauaillent.  Et  en  apres  il  adioude^ 
ils  entament  U roche  dure,auec  des  marteaux  de  fer, fe- 
fants  cent  cinquante  liures,0-' tirent  les  métaux  fur  leurs 
efiaullesytrauaillans  de  leur  CT  de  nuiH,les  vns  defqueh . 
baillent  leur  charge  aux  autres,^'  tout  cela  ef  en  ebfcu^ 
rité,fuifque  les  derniers  feulement  voyent  la  lumière. 
t4uec  des  coings  defer^er  des  marteaux  ils  rompent  les 
caiUous,tat  durs,erforts  quils foyent,pource^que  la  faim 
delUrgent  elî  encorplufafire,Cr’ plus  forte.  Celacft 
dePlme,  qui  encor  qu’il  parle  comme  hiftorio^ 
graphe  d alors,  neantmoins  femblc  prophète 
d auiourd’huy.Et  n eft  moindre  ce  que  Phocion 
d’ Agatharchidcs,raconte,du  grand  trauail,qu’é- 
duroient  ceux,  qu'ils  appelloient  Chryhos,  à ti- 
rer l’or,pourcc  que  comme  le  fufdit  autheur  dit, 
l’or  & l’argent  donnent  autant  de  trauail  à le  ti- 
rer &rcchercher,comme  il  apporte  de  conten- 
tement eftantpoflede. 

Comme  Ion  affine  le  métal  d’argent» 

Chapitre  IX. 

Es  veines  que  i ay  dit, où  l’on  trou-  | 
UC  Targent,  courent  ordinairement  i 
entre  deux  rochers  qu’ils  appel-  i 
pîIBs^îlentlachaffc  dont  l’vnd’iceiuaac- 
couftuméd’eftte  tres-dur  comme  caillou  , «e 
l-autre  mol  te  plus  facile  atoropte.  Tout  ce 


DES  In  DEsXiv.  III I.  147 

nierai  ne  fctrouue  pas  toufiours  cfgal  & dVnc 
me/iîie  valeur.  Car  il  y en  a vne  mefine  veine, 
d Vne  forte  fort  riche,  qu’ils  appellent  Cacilla,* 
ouTacana,  d’oul’on  tire  beaucoup  d argent, & 
l’autre  eft  pauiirc,  duquel  l’on  tire  peu  d’ar- 
gent.Le  métal  le  plus  riche  decefîe  montagne 
cftdc  couleur  d’ambre , 6c  apres  celuy  qui  tire 
le  plus  fur  lenoir.Il  y enad  autre,  qui  eft  corn-- 
me  roux  , d’autre  femblable  à la  couleur  de 
cendre  : en  fomme  de  plufieurs  & diuers  cou- 
leurs, &^mble  à ceux  qui  ne  les  cognoilïènt 
point,  que  ce  foient  des  prières  de  nulle  va- 
leur. Maislesminierscognoiftcnt  incontinent 
fa  qualité  6c  fa  perfeâ:ion,par  certains  lignes  Sc 
petites  veines,  qu  ils  y voyent.  On  porte  tout 
le  métal  que  l’on  tire  des  mines,  fur  des  mou- 
tons du  Peru,  qui  feruent  d’afnes  à porter  aux 
moulins.  Le  métal  le  plus  riche  s’affine  en  Je 
fondant , dedans  ces  petits  fourneaux  queiay 
dit,  qu’ils  appellent  Guayras.  car  ceftuy  eft  le 
plus  plombcux,  pour  raifon  dequoy  il  en  eft 
plus  racile  a fondre,  auffi  pour  le  mieux  fon- 
dre, les  Indiens  y iettent,  ce  qu’ils  appellent 
Sorochc,qui  eft  vn  métal  fort  pldmbeux,  & le 
métal  eftanc  en  ces  fourneaux , Tordure  & le 
terreftre,  par  la  force  dufeu,  demeure  en  bas,  6c 
le  plomb  , & l’argent , fc  fondent , de  telle 
façon  que  l’argent  eft  porté  nageant  fur  le 
plomb  , iiifques  à ce  qu’il  foit  purifié,  puis 
apres  ils  raffinent  encor  plufieurs  fois  ceft 
argent , par  cefte  manière  de  fondeure.  L’on 
a ^accouftume  de  tirer  d*vn  quintal  de  mé- 
tal , trente , quarante  , voire  cinquante 

T iij 


Histoire  natvrelle 
pczcs  d’argent,  & toutesfois i en  ay  veu  d’vnc 
forte  que  l’on  me  monftra  par  excellence , du^ 
quel  l’on  tiroit  en  le  faifant  fondre  de  celle  fa- 
çon, deux  cens  , voire  deux  cens  cinquante  pe- 
zesd’argent  du  quintal,  richelfe  vrayement ra- 
re &prcfque,  incroyable,  li  par  le  feu  nous  n’en 
auions  veu  l’expcricnce,  mais  tels  métaux  font 
fort  rares.  Le  pauurc  métal  cft  celuy  qui  d’vn 
quintal  rend  deux  ou  trois  , cinq  ou  lix  pezes 
OH  peu  d’auantage.Ce  métal  ordinairement  n’eft 
point  plombeux , mais  cft  fcc;  c’eft  ^ourquoy 
l’on  ne  le  peut  affiner  par  le  feu.  Et  pour  celle 
raifon  ilyauoit  en  Potozi  vne  grande  quantité 
de  CCS  panures  métaux  , dcfquels  l’on  nefaifoit 
pas  grand  eftat , & cftoient  deiettez  comme  la 
paille  & comme  l’efcume  des  bons  metaux,iuf- 
ques  à cc  que  l’on  mit  en  allant  le  moyen  d’af- 
finer aucc  le  vif  argent,  par  le  moyen  duquel 
celle  efeume  qu’ils  appelioient  Oquiache  fut 
dcgrandprofit.Car  levif  argent  par  vne  eftran- 
ge  & merucillcufe  propriété  purifie  l’argent, 
& cft  propre  pour  ces  métaux  qui  font  fecs  & 
panures,  efquels  toutefois  ilfcconfurac  moins 
de  vif  argent  que  non  pas  es  riches  , car  tant 
plus  ils  font  riches , plus  ils  ont  befoin  de  vif 
argent.  A uiourd’huy  la  façon  d’affiner , qui  cft  la 
plus  commune  & plus  exercée  enPotozi,cft  celle 
qui  fe  fait  par  le  vif  argent, comme  aulfi  és  mines 
de  Cacatecas  & autres  de  laneufuc  Efpagne.  Il 
y auoit  anciennement  aux  flancs  & aux  fommets 
de  Potozi  plus  de  fix  mil  Guayras  , qui  font  ces 
petits  fourneaux  où  l’on  fond  le  métal,  lefqucls 
cftoient  pofez  en  façon  de  luminaires  , telle 


Des  Indes.  Liv.  IIIT,  14S 
ment  que  c ’eftoit  vn  plaifant  (pcdtacle  cJc  les  voir 
dciiuid  , éc  iettcr  la  lumière  fî  loin , qu^ilsfcm- 
bloycnt  n’cftrc  qu  vn  brafîer  ou  flamme  de  feu. 
Mais  auiourd’huy  pour  le  plusqu’on  yentrou- 
ue,  c’cftdcux  mil,  d’autant  que  comme  i’aydiét, 
ils  vient  peu  de  la  fonte,  mais  aflinentaueclc  vif 
argent  qui  cfl:  de  plus  grand  profit  Et  pour  ce  que 
les  proprietez  du  vif  argent  font  admirables,  Sc 
quecefte  maniéré  d’afîîner  l’argent  eftfortrc- 
marquable:Ic  traitteray  du  vif  argent , de  fes  mi- 
nes âc  ouurage,  & ce  qui  femblera  conucnable  à 
cefujed, 

Despro^nete'X^  meruedleujès  du  vif  argent. 
Chap.  X. 

* 

E vif  argent  ainfî  appelle  par  les 
Latins,  pource  qu’il  coule  &fc 
glifle  viftement  dVn  lieu  en  autre 
entre  tous  les  métaux  a de  grau  - 
des  5c  merucilleufcs  proprietez. 
La  première,  que  combien  que 
ce  foitvnvray  métal,  lî  cft  ce  routes  fois  qu’il 
n’cft  pas  dur , 5c  fi  n’a  point  de  forme  ar- 
reftée  ny  de  confiftance  comme  les  autres  mé- 
taux, mais  il  eft  liquide  5c  coulant , non  pas 
comme  l’or  Sc  largenr  fondu, ains  de  fa  propre 
nature  , combien  qu’il  foit  vne  liqueur  , il  ell 
neantmoins  plus  pefiint  qu’aucun  autre  métal; 
c’cftpourquoy  tous  les  autres  nagent  deflus  & 
ne  vont  point  au  fond,  d’autant  qu’ils  font  plus 
legcrs.Fay  veu  mettre  en  vn  baril  de  vif  argent 
deux  liurcs  de  fer,  lefquellcs  nageoient  delfiis 

T iiij 


eaf.6. 


Histoire  nAtv^eeie 
comtne  fait  du  bois  ou  du  liège  fur  1 eaiie.  Piina 
mctvnc  exception  à cela,  difant  que  lot  tant 
feulement  s’y  enfonce  & ne  nage  pas  delïus  : ie 
n en  ay  pas  veu  l’experiencc,  mais  parauanture 
cela  procédé  de  ce  que  le  vif  argent  naturcUe- 
ment  circuit  l ot  & le  cache  dedans  foy , qui  eft: 
vue  des  plus  importantes  proprictez  qu’il  ait. 
Car  il  s’attache  à l’or  d’vnc  façon  raerueilleufe, 
le  cherche  &le  va  trouuer  là  où  il  le  fent,&  ce 
non  feulement , mais  aulïi  il  l’enuironnc  & le 
iointde  telle  façon , qu'il  le  dcfpoüille  & 
re  de  quelconque  métal  & autre  corps  où  il  ^ 
foit  raeflé.  Pour  cefte  raifon  ceux-là  prennent  I 
de  l’or  qui  fe  veulent  preferuer,  du  dommage  | 
& des  incommoditez  du  vif  argent.  L’on  s eft  i 
feruy  pour  doiyier  remede  à ceux,  és  oreilles  j 
defquels  on  auroit  nus  du  vif  argent  pour  les  | 
faire  mourir  fccretement , de  certaines  petites  | 
platines  d’or  qu  on  leur  mettoit  és  oreilles,  à | 
cauic  de  la  vertu  qu’a  l’or  d’attherle  mercure.  | 
Et  par  apres  ils  tiroient  les  platines  routes  blâ- 
ches  du  vif  argent  qui  s’y  eftoit  attache.  Eftant 
vniour  à Madril  allé  voir  les  ouurages  exquis 
que  lacomo  de  Treço,  excellent  ouuricr  Mi- 
lannois  faiibit  pour  fainét  Laurens  le  Royal,  il 
aduint  que  ie  m’y  trouuay  le  iour  qu’ils  doroient 
quelques  pièces  d’vn  contre- table  qui  eftoient 
de  bronze  , ce  qui  fe  fait  auec  vif  argent. 
d’autant  que  la  fumee  du  vif  argent  eft  mortel- 
le,il  me  difl:  que  les  ouuriers  fe  preferuoient  de 
ce  venin  en  prenant  vn  doublon  d’or  roullé 
qu’ils  aualloient,  lequel  cftant  en  l’eftomac  atti- 
roitàfoy  tout  le  vif  argent  quUcur  entroit  en  | 


D ES  Indes.  L i v.  I II 1/ 

fumée  par  les  yeux,  par  les  oreilles , par  les  na^ 
rines  Ôc  par  la  bouchc,&  parce  moyen  fc  ga- 
rantiffoientclu  dommage  du  vif  argent  qucl  or 
attiroit  ainlî  en  reftomac,&  iettoienten  apres 
letout  auec  les  cxcremens , ebofe  certes  digne 
d'admiration.  Apres  que  le  vif  argent  a purifié 
1 or,&  qu’il  1 a nettoyé  & purgé  des  autres  mé- 
taux, &de  tout  meflange,ileft  fcparc  luy-mef- 
me  d’auecl’or  fon  arny  par  la  chaleur  du  feu,le- 
quel  lelaific  du  tout  purifié  & fans  vif-argent. 
Plincdit  quepar  certain  art  & inuentioii  l’on 
feparoit  l'or  d’aueclevif  argent,  toutefois  ie  ne 
voy  point  qu’auiourd’huy  l’onvfe  de  tel  art,  Sc 
me  femble  que  les  anciens  n’ont  point  feeu  & 
entendu  que  l’argent  fe  peuft  affiner  aueeduvif 
argent,  qui  eft  aiiiourd’huy  le  plus  grand  vfage 
& principal  profit  du  vifargét,  pour  ce  qu’il  dit 
cxprdrémentquelevifargétnefeiointà  aucun 
autre  métal  qu  a l’or,  & lors  qu’il  fait  mention 
d’affiner  l’argent  il  ne  parle  feulement  que  delà' 
maniéré  de  fondre , d ou  l’on  peut  infererque 
les  anciens  n’ont  point  cogneu  ce  fecret.  A la 
vérité  iaçoit  qu’entre  l’or  & le  vif  argent,  il  y 
ait  vne  amitié  âc  fympathie,  neantmcTins  là  où 
le  vif  argent  netrouue  point  d’or,ilfc  va  rendre 
à l’argent  &feiointauecluy,  bien  que  ce  ncfoit 
pas  de  telle  façon  qu’il  fait  aucc  l’or.  Mais  en  fin 
il  le  nettoy e il  le  fepare  d’auec  la  terre , le  cui- 
urc  & le  plomb, parmy  lefquels  s’engendre  l’ar- 
gent,fans  qivil  foit  befoin  de  feu  pour  le  raffiner 
par  fondure,  encor  qu’il  fc  faille  feruir  du  feu 
pour  le  feparer  d’auec  rargent,  comme  ie  diray 
Çy  apres.  Le  vifargenc  ne  tient  conte  des  autres 


/ 


Histoire  natyrilie 
métaux,  horf-mislor  & l’argent  : au  contraire 
il  les  corrompt,  les  parforce  &lcs  confomme, 
& les  va  fuyant  tant  qu’il  peut.  Ce  qui  eft  aufli 
vnechofe  admirable,&pourceftc  caufeTon  le 
met  en  des  vafes  de  terre  ou  dans  des  peaux  d’a- 
nimaux, d’autant  que  fi  on  le  met  dans  des  vaif- 
féaux  de  cuiurc , de  fer  ou  d’autre  métal , auflî 
roft il  les  perce  & corrompt,  & pénétré  aufii 
toute  autre  matière.  Ceft  pourquoy  Pline  l’ap- 
pelle le  venin  de  toutes  chofes,  & dit  qu’il  con- 
fbmme  ôc  gafte  tout.Lontrouue  du  vif  argent 
CS  fcpultures  des  hommes  morts,qui  apres  auoir 
confommé  les  corps,  en  fort  former  & fore 
entier,  lls’cn  eft  mcfmc  trouuc  dans  les  os  & 
mouelle  des  hommes  & des  animaux  ,lefquels 
l’ayant  receu  en  fumee  par  la  bouche  te  par  les 
narines  il  fe  congelle  au  dedans,  & leur  pénétre 
ainfiles  os.  Etpourcc  ccftvne  chofe  fortdan- 
gereufede  hanter  & fréquenter  auec  vne  créa- 
ture fi  venimeufe  ôc  fi  mortelle.il  a auflî  vne  au- 
tre propriété  de  courir  & faire  cen^  milpetites 
goures , defquclles  pour  petites  ôc  menues  que 
elles  puilTent  eftrc,  il  ne  s’en  perd  pas  vne,  mais 
vont  retournant  par  cy  par  là  fe  ioindre  auec  leur 
liqueur.Et  eft  quafi  incorruptible  n’y  ayant  cho- 
fe prefque  quilepuüFe  gafter,  d’où  vient  que  le 
mefmc  Pline  l’appelle  fueur  eternelle.  Il  a en-, 
cor  vne  autre  propriété,  c’eft  que  combien  qu  il 
foit  celuyqui  feparcl’or  d’auecdecuiure,  5e  de 
tous  les  autres  métaux  , neantmoins  ceux  qui 
veulent  dorer  du  cuiurc,  du  bronze  ou  de  1 ar- 
gent,fe  feruent  du  vifargent,pourcftrc  le  moyen» 
neur  de  ceft  aflcmblcment.car  on  dore  les  me- 


DES  Indes.  Liv.  III I.  i^o 
taux  par  fon  aide.  Entre  taures  les  merueilles 
deccftc  cftrangc  liqueur,  celle  qui  m’a  femblc 
plus  digne  d’eftrc  remarquée,  cft  que  combien 
qu’il  Toit  la  chofe  la  plus  pefanre  du  môde,neant- 
moins  il  fe  tourne  toîalement  en  la  chofe  plus  lé- 
gère du  monde,  qui  eft  la  fumée  par  laquelle  il 
monte  en  haut  ayant  efté  conuerty  en  icelle,  auffi 
toftla  mefme  fumée,qui  cft  vue  chofe  fi  legerc/e 
retourne  datout  en  vnc  chofe  fi  pefantc,  comme 
eft  la  propre  liqueur  du  vif  argent:cnquoy  il  fe  re- 
font. car  cefte  fumée  venant  à rencontrer  en  haut 
le  métal  qui  eft  vn  corps  dur, ou  bien  venant  à vnc 
région  froidc,auflî  toft  il  s’e^Jaiflit  & fe  tourne  en 
vif  argent:  qirc  fil’onluy  donne  vue  autrefois  le 
fcu,rour  de  mefme  il  fe  retourne  en  fumée  pour  fe 
refoudre  encor  en  vifargenr.Trâfmutatiô  vraye- 
ment  cftrangc  dVne  chofe  fi  pefanteen  chofe  fi 
lcgerc,&  d’vncfilcgercen  vnc  fipefante,  ecque 
l’on  peut  tenir  pour  chofe  rare  en  nature.Et  pour 
ccl’autheurdcla  nature  eft  digne  deftre  glorifié 
en  toutes  ces  Sc  autres  eftranges  proprictez  de  ce 
métal, puifque  toute  chofe  engendrée  obeicprop- 
temcntàfes  loix  cachées  & incogneucs. 

Ifeu  m l'on  trouue  le  vif  argent, CT  comme  Von  àefeou- 
urit  ces  tres-nches  mines  en  Guancmilca, 


tout  enfemble  ce  vermcillon  que  les 


Ch  A P.  XI. 

E vif  arget  fe  trouue  en  vne  manière  de 
pierrc,laquelle  donne  & apporte  aufli 


î anciens  encor  au- 


Histoire  natvrelle 
ioui'd’huy  l’on  appelle  les  images  de  criftal  mi- 
niades,lefquclsfont  peints  aucc  du  vif  argent. 
Les  anciens  ont  beaucoup  fait  d’eftatde  ce»»/-» 
nmm,  ou  vcrmeillon,  le  tenant  pour  vne  couleur 
X.J3  C.7,  facréc,  comme  Pline  raconte  , difant  que  les 
' * Romains  aiioient  accouftumé  d’en  peindre  la 

face  de  lupiter  & les  corps  de  ceux  qui  triora- 
phoient  en  Ethiopie, mefmes  les  idoles , & les 
gouuerncurs  aüfli,  anoient  la  face  peinte  de  ce 
minium.  Et  que  ce  vermeillon  eftpit  tellement 
cftimé  à Rome(leqiieron  y portoit  feulemenc 
d’Efpagne  , où  il  y auoit  beaucoup  de  puits  & 
de  mines  de  vif-argent , qui  y font  encor  au- 
iourd’huy  ) que  les  Romains  ne  permettoient 
pas  que  l’on  l’affinaft  & accommodaft  en  Ef- 
pagne,  de  peur  qu’ils  n’en  dcfrobalTent  quel-- 
que  choie,  mais  on  le  portoit  a Rome,feelley 
tout  ainfi  en  pierre  comme  ils  le  tiroicnrdcla 
mine, puis l’afïinoient.L’on  yen  apportoitpar 
chacun  an  de  l’Efpagne,  fpecialemtnt  del’An- 
dalufie,cnuirondixmil  liures,quc  les  Romains 
cftimoient  vne  cxceflTiue  richclTe.  l’ay  rappor-- 
té  tout  cecy  de  cet  Autheur , afin  que  ceux  qui 
voyent  auiourd  huy  cequilcpafleauPcrii,  ayet 
le  contentement  de  fçauoir  ce  qui  s^eft  pafle  an- 
ciennement, entre  les  plus  puilïànts  feigneurs 
del’vniuers.  leledy  pour  les  Inguas,  Roys  du 
Peru,& pour  les  Indiens  naturels  dûceluy,  qui 
trauaillercnt  & fouyrent  long  temps  es  mines 
de  vif  argent, fans  fçauoir  ce  que  c’eftoit  du  vif- 
argent,  & fans  le  cognoiftre,  ny  fans  y recher- 
cher autre  chofe  que  le  Cynabre  ou  vermeillon, 
qu’ils  appellent  Limpi, lequel  ils  eftimentbeau- 
coup,pour  ce  mefme  effeâ:,que  Pline  a raconte 


dïsIm  DES.  Li  v:  iiir.  y JJ 

des  Romains,&  des  Ethiopiens, qui  eft  pour  Ce 
peindre  & teindre  la  face  & le  corps  d’eux  & 
leurs  idoles  , ce  qui  a efté  beaucoup  pratique 

rar les  Indiens,fpecialleraent quandils  alloienc 
la  guerre,&en  vfentcncor  auiourd’hny  quad 
ils  font  quelques  dances  &feftes,  Rappellent 
cela  fc  barbouiller,  pour  ce  qu’il  leur  fembloit 
que  les  faces  Rvifages  ainfi  barbouillez  efpou- 
uentoient  beaucoup, «c  auiourd’huy  le  tiennent 
pour  vn  ornement  & mignardife.  Pour  cefte 
caufe  il  y a eu  d’eftranges  ouurages  de  mines, 
aux  montagnes  de  Guancauilca  , qui  font  au 
Peru,  proches  de  la  cité  de  Guamangua,  def- 
quelles  ils  tiroient  ce  métal,  Reftdelafaçon, 
que  Cl  auiourd’huy  l’on  entre  par  Icscaues  ôc 
occabons,  que  les  Indiens  firent  de  ce  temps' 
là  les  hommes  s’y  pcrdent,&  ne  trouuent  point 
de  chemin  pour  en  fortir  : mais  ils  ne  fe  fou- 
cioient  point  du  vif-argent,  qui  naturellement 
eft  en  la  mcfinc  matière,  ou  mctal,dc  vermeil- 
lon,  ny  ne  cognoifibient  point  qu’il  y euft  au 
inonde  de  telle  matière.  Les  Indicnsn’ontpas 
cftcfeuls,  qui  ayenr  efté  long  temps  fans  auoir 
cognoilfance  de  cefte  richeirc  , mais  auftî  les 
Efpagnolsont  eftéde  mefme,  iufques  à ce  que 
en  l’an  mil  cinq  cens  foixantefix  , R foixante 
Icpt,  que  le  Licentié  Caftro  gouucrnoitau  Pc-, 
rujl’ondcfcouuritles  mines  de  vif-argent  ce 
qui  àduint  de  cefte  façon.  Vn  homme  d'enten- 
dement, appellé  Hendeque  Guarçcs,  Portu- 
gais de  nation,  ayant  vn  morceau  de  ce  métal 
coloré,  qucâ’ay  dit,  que  les  Indiens  appellent 
umpi^aucc  lequel  ils  le  peignent  le  vifage,com- 


Histoire  natvrelie 
me  illcregardoit&  contemploir,  cognent  que 
c’cftoit  la  mermechofe  qu’en  Caftille,  l on  ap- 
pelloit  vermcillon  , Ôc  d’autant  qu  il  fçauoit 
bien  que  le  vermcillon  fc  tire  du  mcfme  métal 
que  le  vif  argent  , ilcôniedura  que  ces  mines 
deuoienteftredevifargent,  & fe  tranfporta  au 
lieu  d’où  l’on  tiroft  ce  metal,pour  en  fkire  l’eflay 
6c  rexpericnce.Ce  qu’il  trouua  eftre  ainfi,&  ayâc 
de  celle  façon  efté  defcouiiertes  les  mines  dePaU 
cas  au  terroir  de  Guamangua,il  y alla  grand  nô- 
bre  d’hommes  pour  tirer  le  vif-argent,  & de  là  le 
porter  à Mexicque, où  l’on  affine  l’argent  par  le 
moyen  du  vif-argent,  dequoy  plufieurs  fe  font 
enrichis.Cefte  contrée  de  mines, qu’ils  appellent 
Guancauilca,  dcllors  fe  peupla  d’Efpagnols  Sc 
d'indiens, qui  y arriuerent,  & auiourd’huy  y ar- 
riuent  encor  pour  trauailler  à l’ouurage^de  ces 
mines  de  vif-argent, lefquelles  font  en  gràd  nô- 
bre  & fort  abondantes.  Mais  fur  toutes  ces  mi- 
nes,celle  qu’ils  appellent  d’Amador,dc  Cabrera, 
autrement  des  Saints,  cil  belle  ôc  remarquable. 
C'efl:  vn  rocher  de  pierre  tres-durc,  toute  feméc 
de  vif-argent,&  de  telle  grandeur  qu’elle  s’elléd 


plus  de  quatre  vingts  varres  en  longueur,  & 

quarante  en  largcur,en  laquelle  mine  l’on  a fait 


plufieurs  puits  & fofles  de  foixantc  & dix  ila- 
des  de  profondeur,  de  forte  que  plus  de  trois 
cens  hommes  y peuucnt  trauailler  tous  enfem- 
bletantcftgr'andc  fa  capacité.  ^ Cefte  mine  fut 
dcfcouucrte  par  vn  Indien  d’Amador  de  Ca- 
brera, appcllé  Nauincopa,  du  bourg  d’Acoria, 
^lafitenrcgiftrcr  Amadot  de  Cabrera  en  foï 


DBS  Indes,  tiv,  IIII. 
nom.  Il  en  fut  en  procez  contre  le  Procureur 
fifcal,  mais  par  arreft  rvfufruia  luyenfutad- 
iugé,  comme  ayant  efté  le  defcouureur.  Du 
depuis  il  vendit.fondroi<5tà  vn  autre  , pour  le 
prix  de  deux  cens  cinquante  mil  ducats  , & par 
apres  ayant  opinion  qu’il  auoit  efté  trompe  en 
ceftevente,  mit  en  adion  l’acheteur,  pour  ce 
qu’ils  difent  qu’elle  vaut  plus  de  cinq  cens  mil 
ducats  , voire  quelques  vns  tiennent  qu  elle 
vaut  bien  vn  million  dor:  chofe  rare,qu’il  y ait 
vnc  mine  de  telle  valeur  &richdîcl  Lorsque 
Dom  Francilque  de  Tollcde  gouuernoit  au 
Peru,  il  y eut  vn  homme  qui  auoit  efté  en  Me- 
xicque,  êc  remarqué  comme  l’on  afïînoit  l’ar- 
gent, aucc  le  Mercure,  appellé  Pero  Fernandes 
de  Velafco,  qui  s’offrit  & s’ingeradaffiner  de 
de  tirer  l’argent  de  Potozi,auec  le  Mercure,  & 
en  ayant  fait  'preuue  en  l’an  milcinqcensfoi- 
xante&  onze,  en  vint  à fonhonneur,&lorson 
commença  en  Potozi  à affiner  l’argent  auec  le 
vif-argent  que  l’on  y portoit  de  Guancauelic- 
qua,quifut  vn  beau  remede  pour  les  minesrcar 
parlemoycndccevif.argcnr,l’ontira  vn  nom- 
bre infini  d’argent  de  ces  métaux  , dont  ils  ne 
laifoientpointd’cftat , lefquels  ils  appelloyent 
racljmres.Car  comme  il  a efté  dit  le  vif-argent 
purifie  largent  encor  qu’il  foit  rec,pauure,  ôc 
de  peu  d alloy , ce  que  l’on  ne  peut  faire  en  le 
Allant  fondre  par  le  feu.  Le  Catholique 
tire  de  1 ouurage  des  mines' du  vif-argent,  fans 
couft  ny  rifque  aucune  , prcfque  quatre  cents 
ini  pezesdemine,  qui  font  de  quatorze  reaux 
Chacun,  ou  peu  moins,  outre  le  droit  qui  luy  re- 


Histoire  katvrelli 
uient  en  Potozi,  où  il  eft  employé  , qui  cftvne 
autre  grande  richefle.  L’on  tire  chacun  an, Ivn 
portant  l’autre  , de  ces  mines  de  Guaneauilca, 
huiét  mil  quintaux  devif-argcnt,& voire  d’auan-  ! 
tage.  i 

D e Uflçon  de  tirer  le  vif-argent, comm  c 

on  en  affine  l’argent  i 

Chap.  XII. 

K lions  maintenant  comme  Ton  tire  | 
le  vif-argent, & comme  auec  luy  1 on 
affine  l’argent.  L'on  prend  la  pierre 
ou  métal,  où  fe  trouue  le  vif  argent, 
laquelle  ils  mettent  au  feu  dedans 
des  pots  de  terre, bien  bouchcz,apres  qu’ils  l’ont 
premièrement  pillée  & moulluc,  de  forte  que  ce 
métal  ou  pierre,  venant  à fe  fondre  par  la  cha- 
leur du  feu  le  vif-argent  s’en  fepare,&  en  fort  en 
cxhalation,&  quelque  fois  mefme  auec  la  fumee 
du  mefme  feu,  iufques  à ce  qu’il  rencontre  quel- 
que corps,oùils’arreftc  &fe  congellc  : que  s il 
palTe  outre  en  haut  fans  rencontrer  aucun  corps 
dur,il  va  à mont  iufques  à ce  qu’il  foit  refroidy, 
& lors  cftant  congellé  il  retombe  en  bas.  Quand 
la  fondurc  eftachcuée  , ils  detoupent  les  pots 
&:  en  tirent  le  métal,  attendants  toutesrois  à 
ce  faire,  qu  il  foit  bien  refroidy, car  s’il  y reftoit 
encor  quelqu?  fumée  ou  vapeur,  qui  rencon- 
traftlesperfonnesquiles  deftoupent,  ceferoit 
pour  les  faire  mourir  ou  demeurer  perclus  , ou 

à tout  le  moins  pour  en  perdre  les  dents.  Lt 
d’amant  que  l’on  vfe&dcfpcndvn  nombre  m- 


DES  Indes.  Liv.  nil.  153 
fini  de  bois,  pour  cntretcnirle  fcu  àfondreJes 
métaux.  V n racurnicr  nommé  Rodrigo  de  Tor- 
res,  rrôuua  vue  inuention  tres-v.die,  quifut 
de  cueillir  dVne  certaine  paille  qui  croift  par 
toutes  ces  montagnes  du  Peru,  laquelle  ils  ap?- 
pcllent  Ycho,&  efteomme  vne  efpece  de  ionc 
dur  aucc  quoy  ils  font  du  feu.  G’eft  chofe  mer- 
ueillcufe  que  la  force  que  ce'fte  paille  a rpour 
fondre  ces  metaux,ce  qui  eft,  comme  Pline  dit, 
qu  il  y a de  1 or  que  Ton  fond  plus  facilement 
auec  la  flamc  de  la  paille,  que*  non  pas  auec:  ivn 
gros  brafier,  quoy  qu’il  foit  bien  ardanti&en:- 
flamc.Ils  mettent  le  vif-argent  akifi  fondu  dans 
des  pcauxjd’autant  qu’il  fe  garde -fort  bien  dans 
du  cuir, & de cefte  façon  Fon  le;m  àox  màga- 

fins  du  Roysd’c>àl’on,lctirc'pour  le  porter  par 
merà  Aricqua  ,puis  à Potozi  par  terre.fur  les 
moutons  du  pays;  Il  fe  confume  ordinaire^ 
ment  chaque  an  en  Potozi,  pour  l’affinement 
des  métaux  enuiron  fix  ou  fept  mil  quintaux  de 
Vif-argent,  fans  ce  que  l’on  tire  des  lames,  (qui 
eft  le  terreftre, bordure  des  premiers  lauoirs  des 
metaux,qui  (c  font  en  des  chaudières.  ) LeffiucU 
les  lames  ils  bruaent  & mettent  en  des  four- 
neaux pouren  tirer  le  vif-argçnt,qui  demeure 
en  icelles.  Ed  y a plus  de  cinquante  de  ces  four- 
neaux; en  la  villle  de  Porozi,&  en  Tarpaya.  La 
quantité  des  métaux  que  l’on  affine  i(  comme 
quelques  hommes  expérimentez  en  ont  fait  le 
conte,  ) fe  peut  monter  à plus  de  trois  censmil 
quintaux  par  an,des  lames  & terreftres:  dcrquclà 
rciondues  & rafinées  , l’on  peutrifer  plus  de 
deux  mil  quintaux  de  vif-argent.  Ord’on  doit 

V 


Histoire  natvrelle 
^çau6ir,qu’il  y a>diuerfes  fortes  de  métaux  pour  | 
-ce*  qu’il  y a quelques  métaux  qui  rendent  beau-  : 
:gÔu|)  d’argent  Ôc  confommentpeu  de  vif-argét, 
_&'d’autrcs  au  cô’ùtraire  qui  confomment  beau-  ' 
-coup  de  i^if-argent , de  rendent  peu  d’argent.  Il  i 
iy.en  a d’autres  qui  en  confomment  beaucoup, 
-^rendent  beaucoup  dargent,&d  autres  qui  cô- 
:fomment  peudeA'if  argent,  derendeut  peu  d’ ar- 
.gentr&relonrqucles  hommes  rencontrent  en 
cesmetâMx^ainfiils  enrichillcnt  & appauurif- 
fent  en  leur  traitte.  Combien  que  le  plus  ordi- 
nairemét  ibafriuc;que  tout  ainfi  comme  le  fne- 
æal  riche  doni?^  plus  d’argent^aufli  il  confomme  > 
'beiucoup-pltîs  ^ e mercure, dé  le  paiïîire  au  con-  , 
traire  ainfi  qaàl  donne  peu  d^argent,  il  confom- 
me auffi  peu  de  vif~argent.  L’on  pille  & meut  i 
prcmicrcment  le  métal  fort  ïïkehu  , aiiec  des 
' -maires  deinfiruments,  qui  frappent  de  pillent  : 
:ceftc picrrcjcomme  des  m.oullins  à tan,dc  eftant  | 
le  métal  bien  pillé,ils  le  fafçent  en  des  facs  de  i 
cuiure,  qui  font  ôc  rendent  la  poudre  aulïi  def- 
liécdcmenue,commc  ceux  qui  font  faits, de  foyc 
<îecheual,  & fafçent  ces  facs  ,lors  quils  font 
bien  accommodez  ôc  entretenus , trente  quin- 
taux en  vn  ioûr  ôc  vne  nuid , puis  l’on  met  la 
poudre  de  ce  met'al,eftantfafçee  en  des  calibns  ■ 
de  buitroncs,  où  ils  la  mortifient  ôc  defgrailTenc 
auecdelafaulmure,mcttantà  chaques  cinquâ- 
tc  quintaux  de  poudre  cinq  quintaux  de  fel , de  ! 
font  cela,pourcc  que  le  fel  defgrailîe  ce  métal,  i 
& le  fcpared’aucc  la  terre  de  l’ordure  qu’il  a , à i 
finquelcvif  argent  recueille  plus  facillement,  j 
ôc  attire  largcnt.  j^pres  ils  mettent  du  vif  ar-  | 


des  Indes:  Liv.  IIH. 
genr  en  vn  linge  de  HolJande  cru,  & le  pref- 
lent  5c  expriment  fur  le  meral,(brtant  Je  vif-ar- 
gcntcomme  vncrorée^cntournant  & meflant 
toufiours  cependant  le  métal,  afin  que  cefte  ro- 
lec  de  vif-argent  fc  communique  à tour.  Au  pa- 
rauant  quijseuirent  inuenté  les  buytrones  de 

reu,  l’on  amalfoit  Arpaiftrifibit  plufieurs  & di- 

uerfesfois  Je  métal  auec  le  vif  argent,  dans  de 
grandes  auges,  Sc  Je  lailfoient  ainfi  pofer  quel- 
ques iours,  puis  retournoient  à le  remefler  & 
amalfer  vne  autre  fois,  iufques  à ce  qu’ils  pen- 
loient  que  tout  le  vif-argent  eftoit  ia  incorpo- 
re auec  1 argent,  ce  qui  tardoit  vingt  iours  & 
plus  & quand  il  tardoit  peu  , c’eftoit  comme 
neuf  iours.Pu  depuis  l’on  defcoiaurit,  ( comme 
Je  defir  d’acquérir  eft  diligent  ) que  pour  ab- 
bregerle  temps,  le  feu  y aidoir  beaucoup  pour 
cauier  que  le  vif-  argent  recueiJlift  pJuftoll  l’ar- 
gent, & ainfi  ils  inuenterent  les  buytrones  où 
ion  mertoit  des  calFes  pour  mettre  le  métal 
auec  du  fel  & du  vif- argent, & par  delTous  met- 
toient  le  feu  petit  à petit  en  des  fourneaux  faits 
cxpr^es.  par  delfous  terrc,&enrefpace  de  cinq 
ou  fix  lours  le  vif-argent  incorpore  à foy  Par- 
gent  puis  quand  ils  cognoiffent  quelemercu- 
realaitfondeuoir/çauoir  qu’il  a dutoutafse- 
a . lailfer  rien  arriéré,  5c  qu’il  s en 

dt  imbu,  comme  fait  l’efponge  de  l’eaueyl’in- 
jorporant  auec  foy  , & le  feparant  de  la  terre 
U plomb  & du  cuiure,aucclefquels  il  s’engen- 
ire,  puis  ils  le  tirent  & feparent  du  mefinevif- 

irgent.Gc  qu’ils  font  en  cefte  maniéré,  ils  met- 

:nt  le  métal  en  des  chaudières , Sc  vailFcaux 

Vij  ' 


Histoire  natvrelle 
pleins  dcaucjou  aueedes  moullinets  ou  roues» 
vont  tournant  tout  à l’entour  le  métal,  comme 
quiferoitdelamouftarde,  & lors  va  fortant  la 
-terre  6c  ordure  du  metal,auecreauc  qui  court, 
6cfargent  & vif-argent , comme  plus  pefants 
demeurent  au  fond^de  la  chaudière  , & le  mé- 
tal qui  demeure  cft  comme  du  fable  : de  là  ils  le 
tirent  & portent  lauer  vne  autre  fois  auec  de 
grands  plats  de  bois  en  des  cuues  pleines  d’eaue, 
& là  ils  acheuent  de  faire  tomber  la  terre  ,laif- 
fant  l’argcnt-&  vif-argent  feuls.  Touresfois  il 
ne  lailPe  pas  de  couler  qnelquel  fois  vn  peu  d’ar- 
genr& vif-argent,  auec  la  terre  & ordure,  6c 
cft  ce  qu’ils  appellent  relaué,lequcl  ils  approuf-  ! 
firent  parapres,&en  tirent  ce  qu’il  refte. 

Aptes  donc  que  l’argent  & vif  argent  font  nets, 
&qu’ils  commencent  à reluire, à caufe  qu’il  n’y 
refte  plus  de  terre,  ils  prennent  tout  ce  métal, 
lequel  eftant  mis  dans  vn  linge  ils  le  preftent  & 
expriment  très- fort,  & par  ce  moyen  fort  tout: 
le  vif-argent  , qui  n’eft  point  incorporé  auec 
rargent,6c  demeure  le  refte  fait  comme  vn  pain 
d’argent , ôc  vif-argent,  ainfi  que  demeure  le 
marc  des  amandes , quand  elles  font  preflees, 
pour  faire  de  l’huyle,  ôc  eftant  ainfi  bien  prelfé, 
le  marc  qui  demeure  contient  en  foy  feulement 
la  fixiefmc  partie  d’argent, & les  cinq  autres  de 
mercure.  Tellement  que  s’il  refte  vn  marc  de 
foixanre  liurcs,  les  dix  font  d’argent,  6c  les  cin- 
quante de  vif-argent.  De  ces  marcs  ils  font  des 
piiics,qu’ils  appellent,  ou  pommes  de  pin,cn  la 
façon  de  pains  de  fucrc  , creufes  par  dedans,; 
Icfqucllcs  ils  font  ordinairement  de  cent  liurcs, 


t>  E s I N D E S.Ll  V.  1 1 1 L 
pcfântjpuispour  fcparer  l’argent  d’auec  le  vif- 
argent,  les  iTiettcnt  au  feu  violent,  où  ils  les 
couurcnt  d’vn  vaze  de  terre,  à la  façon  d’vn 
moulle  à faire  les  pains  de  fucre,  qui  font  com- 
me capuchons, & les  couiirantde  charbon,  leur 
donnent  le  feu,  par  lequel  le  vif-argent  s’exha- 
le en  fumee,&:  rencontrant  ce  capuchon  de  ter- 
re , la  s’elpailîît  & diftille,aiiii(x  que  fait  la  fumée 
du  pot  au  couuercle,&  par  vn  canal  en  façon 
d’allembicq,  l'on  reçoit  tout  le  vif-argent  qui 
fcdiftille,  demeurant  l’argent  feul,  lequel  ne  fc 
change  en  la  forme  ôc  figure,mais  aux  poix  il  di- 
minue de  cinq  parts  moins  qu’auparauant,  <5c 
demeure  crefpu  & fpongieux,  qui  eft  vne  chofe 
digne  de  voir.De  d’eux  de  ces  peinesî’on  fait  vne 
barre  d argent , du  poids  de  foixante  dnqou 
foixantefix  marcs,  & de  celle  façon  ils  la  por- 
tent ellàyer,  quintér  & marquer.  L’argent  tiré 
auecle  mcrcure,cftrrfin,queiamais  il  n’abaiire 
de  deux  mil  trois  cens  quatre  vingts  d’alloy,  Sc 
cil  lî  excellent  que  pour  le  mettre  en  œuure,les 
orfeutires  ontbefoinde  l’abbailTer  d’alloy,  en 
y mettant  delarouldc,Gu  meflange,  cÔmeaulîi 
Ion  fait  es  mailbns  delà  monnoye,  où  l’argent 
femctenœuurelbus  le  coing.  L’argent  endure 
tous  ces  tourments  ôc  martyrs  ( s’il  faut  dire 
ainfi)pour  dire  affiné:  que  fi  l’on  confiderc  bic, 
c dl  vn  amas  tout  formé,où  l’on  mcut,ron  s’af- 
çc,  1 on  pailltit,  l’on  fait  le  leuain , ôc  l’on  cuit 
1 argenttoutre  tout  ccla,ron  le  lauc,relaue,  cuit, 
.& recuit , palTant  par  les  pillons,  facs,  auges, 
buytrones,chcudicres,batoirs,  prdToirs , fours, 
ôc  nnablcmcntpar  l’eauc  Ôc  par  le  feu. le  dis  cc- 

V iij 


Ecclefz, 

TJaLii. 


Histoire  î4ATVRELtE 
cy,pour  ce  que  voyant  ceft:  artifice  en  Porozi,  ic 
confideroisce  qucditrEfcriturcdesiuftes,  que 
coUbit  ees^C^ quaji  ar^entum,ôc  ce  que  el- 
le dit  en  autre  ^5îZ,J}04t  Argmtum  ^urgatum  terr& 
jjurgAtum  feptuphtm.T dkmem  que  pour  purifier 
l’argcnr,  l’affiner  & le  nettoyer  de  k terre  ôc 
pierre, où  il  s’engendre  , l’on  le  purge  & purifie 
fcpt  fois,  car  en  cfFcd  ils  le  tourmentent  ôc  paC- 
fcntparles  mains fept  fois,  voire  d’auantagc, 
iufques  à ce  qu’il  demeure  pur  ôc  fin,cequieft 
de  mefme,en  la  dodrine  du  Seigneur  , ôc  doi- 
uent  eftre  telles,  ôc  ainfi  purifiées  les  âmes,  qui 
doiuent  participer  ôc  ioüii:  de  fa  pureté  diuine. 

Ves  engins  à moudre  les  met  aux  de 

l’ejfaji  de  l'argent. 

Chap.  XIII. 


Our  conclurre  cefte  matière  ôc  fu- 
iet  de  l’argent  &dcs  métaux  , il  nous 
refte  deux  chofes  à dire , l’vne  def- 
_ quelles,  efi:  de  traitter  des  engins  ôc 
moulins,&  l’autre  des  eirais.l’ay  défia  dit,com- 
me  l’on  meut  le  métal  pour  receuoir  le  vif-ar- 
gent, laquelle  moulure  fe  fait  auec  diuersin- 
firumens  &cngins,les  vns  auec  des  cheuaux  co- 
rne des  moulins  à bras,  ôc  les  autres  comme 
moulins  à eaue,  defqiielles  deux  fortes  y a vnc 
grande  quantité.Mais  d’autant  que  l’eaue  qu’ils 
ont[là  communément  ,n’cftquede  la  pluye,il 
n’y  en  a pas  fuffifamment  en  Potozfqu’cn  trois 
ou  quatre  mois,qui  font  en  Décembre,  îanuier. 


DES  Indes.  Liv.  IIII. 
Fein‘ier,pour  ceftc  occafîon  ils  ont  fait  de  lacs 
& eftangs  qui  contiennent  de  circuit v coiiame 
mil  ôc  iix  cens  verges , & de  profondeur  trois 
ftades,  il  y en  a ièpt  auec  leurs  efelufes,  telle- 
ment que  quand  üeft  befoin  d’eaue,  l’on  leué 
vue  efciufe  d’où  fort  vn  ruillèau  d’eaue,  lequel 
ils  relèiTciit  aux  feftes.  Et  quand  lés  lacs  ôc 
cftangs  fe  rcmplilîènr,&  que  lannec  eft  abonjdâ- 
tecnpluyeSjlemoudrey  dure  fîxou  fept  mois, 
de  façon  que  mefme  pour  l’argent  les  homes  dé- 
firent ôc  dcmâdcnt  vne  bonne  année  d’eaues  en 
Potozi,côme  l’on  fait  aux  autres  endroits  pour 
le  pain.  Il  y a d’autres  engins  en  Tarapaya^qui 
eft  vne  vallée  diftante  trois  ou  quatre  lieiics  de 
Potozijoù  il  court  vue  riuiercy  comme  mefme 
en  d’autres  endroits.  Ladiuerfité  qui  eft  entre 
CCS  engins,  eft  que  les  vns  font  de  fix  pillons, 
les  autres^  de  douzc,&  les  autres  de  quatorze, 

L on  meut  ôc  pille  le  métal  en  des  mortiers  où 
iour  ôc  nuiét  ils  trauaillent , & de  là  l’on  porte 
ce  qui  eft  moulu  pour  fafeer.  Il  y a au  riuage  du 
ruilfeau  de  Potozi  quarante  huiét  inftrumenS'^ 
ôc  engins  àcaüedehui(51:,dix&douzepillGSj6c 
quatre  autres  de  l’autre  cofté,  qu’ils  appellent 
’ranacognugno,en  la jallée  de  Tarapaya,y  ens  à 
vint  deux  tous  à eaüe,outre  lefqucls  y en  a trcn.-l 
te  à chenal  en  Pordzi,  ôc  plufieiirs  autres;  en 
d’autres  endroits,  tant  a efte  grand  & eft  encor 
le  defir  ôc  induftrie  de  tirer  l’argent.  Lequel  fîW 
nalement  eft  eftayé  ôc  elprouué  par  les  mai- 
ftres  à ce  députés  par  le  Roy.  Pour  dôner  l’alloy 
a chaque  pièce  l’on  porte  les  barres  d’argent  à 
l’eftàyeur,qui  meta  chacune  fon  numéro , pour 

V iiij 


Histoire  natvrelle 
ce  que  Tonluy  en  porte  pluficurs  à la  fois,il  cou- 
pe de  chacune  vn  petit  morceau,  lequel  il  poi- 
leiuftementj  & le  met  en  vn  creufet , qui  eft 
vn  petit  v^Ce  fait  de  cendres  d’os  brûliez  & 
battus,  puis  il  pofe  tous  ces  creufets  chacun 
en  fon  ordre  au  fourneau , leur  donnant  le  feu 
violêt,lors  le  métal  fe  fond,  & ce  qui  eft  plomb 
fc  refout  en  fuméc,&  le  cuiure  & eftaing  fe  dif- 
foluent , demeurant  l’argent  très-fin  de  cou- 
leur de  feu  : & eft  vne  chofe  merucilleufc,  que 
quand  il  eft  ainfî  raffine , encor  qu’il  foit  liqui- 
de 6c  fondujil  ne  s’cfpand  point,  quoy  que  Ton 
renuerlè  le  creufet  la  bouche  en  bas , mais  il 
demeure  toufîours  fixe,  & fans  en  tomber  vne 
- goutte.  L’elïàyeur  recognoift  en  la  couleur  ôc 
autres  lignes  quand  il  eft  affiné , 6c  lors  il  tire 
les  creufets  du  feu  & repefe  délicatement  chaf- 
que  morceau , regarde  ce  qu’il  eft  diminué  de 
'Ion  poids,  pource  que  celuy  qui  eft  de  haute 
loy  diminue  peu,  6c  celuy  qui  eUdebalTeloy 
beaucoup,&  ainfi  félon  qu’il  eft  diminué  il  voit 
l’alloy  qu’il  tient,  fuiuant  quoy  il  marque  pun- 
<ftualcment  chafquc  barre.  Le  poids  6c  bal- 
lance  font  fi  délicats  & les  grains  fi  menus,quc 
Tonne  les  peut  prendre  auec  la  main,mais  feu- 
lement auec  des  pincettes,  6c  fait  Ton  ceft  ef- 
fayàlalumiere  de  la  chandelle,  à fin  qu’il  n’y 
ait  aucun  air  qui  face  mouuoir  les  balancesrcar 
deccpeudelpend  le  prix  6c  valeur  de  toute  la 
barre.  Ceft  à la  vérité  vne  chofe  délicate , 6c 
TfaLé^.  qui  requiert  vne  grande  dextérité , dequoy 
Prew.i7.z7  mcfmc  s’aide  la  Sain (fte  Efcriturc  endiuers  en- 
droits , partie  pour  déclarer  de  quelle  façon 


DES  Indes.  L IV,  I III. 

Dieu  cfprouuc  les  ficns,&  pour  noter  & remar- 
quer les  difteren ces  des  mérités  & valeur  des  Hierm. 
amesjoùau  Prophète  Hieremie  Dieu  donne  le 
tiltre  d’ellayeur,  à fin  qu'il  cognoilTe  & déclare 
la  valeur  Tpiritucllc  des  hommes  & de  Tes  ceu- 
uresî,  [qui  eft  vn  propre  négoce  de  l’e/prit  de 
Dieu,eftant  celuy  qui  pefe  l’efprir  des  hommes. 
Nous-nous  contenterons  deccquieft  dit  fur  le 
fubjedt  de  l'argentjmctaux  & mines: Se  paflèros 
aux  deux  autres  mixtes  propofez,  qui  font  les 
plantes  ôc  animaux. 


l’argent , dont  nous  auons  trai- 
ûé  , que  pource  qif ils  viennent  & prennent 
leur  origine  mefme  des  mines  & des  métaux,  p/,v, 
ainfi  que  raconte  Pline.  L efmeraude  a efté  an-  ‘ 
ciennement  en  grande  eftime,  comme  le  mef- 
me autheur  efcrit,&  luy  dônoit-on  le  troifief- 
me  lieu  entre  les  ioyaux  ôc  pierres  precieufes, 
fçauoir  apres  le  diamant  & la  perle.  AuiourI 
d’huy l’on  n'eftime plus  tant  l’cfmeraude  ny  la 
perle,pour  la  grande  abondance  que  l’on  a ap- 
portée des  Indes  de  ces  deux  fortes  de  pier- 
res, & n’y  a que  le  diamant  feul  qui  retienne  & 
demeure  en  fa  principauté,  laquelle  on  ne  luy 


DesEjmerauâcs, 
Chap.  XIIII. 


L ne  fera  pas  hors  de  fubjcd  de 
[dire  quelque  chofe  des  efraerau- 
des  , tant  pource  que  c’eft  vnc 
chofe  precieufe  comme  l’or  & 


Jplin.Uh.^y. 


Tlin.Uh.  9‘ 
rrf/>,35. 


Histoire  nAtvrelle 
peut  ofter.  Apres  viennent  en  eftime  les  rubis 
fins  & les  autres  pierres,que  l’on  tient  plus  pre- 
cieufes  que  les  efnicraudes.  Les  hommes  font 
tant  amis  des  fingularitez  & des  chbfes  rares 

que  ce  qu  ils  voyenteftre  commun  ils  ne  l’efti- 
menrplus.  L’on  raconte  d’viiEfpagnol  qui  au 
commencement  de  la  defcouuerte  des  Indes  fut 
en  Italie,  & monftra  à vn  lapidaire  vne  efme- 
raude , auquel  demandant  le  prix  d’icelle , apres 
que  le  lapidaire  l’eut  regardée  de  près  & bien 
confiderée  comme  elle  cftoit  d’vne  excellente 
qualité  & figure,  refpondit  quelle  valloitcent 
ducats.Illuyenraonllravne  autre  plus  grande 
que  le  lapidaire  eftima  trois  cens  ducats.  L’E* 
fpagnol  eftant  enyuré  de  ces  propos  le  mena 
en  ?on  logis,  & luy  en  monftra  vn  caftbn  tout 
plein,lorsritalien voyant vnjfi  grand  nombre 
de  ces  efmerâiides,dift,Monfieur,cclles-là  vou- 
dront bien  vnefculapiece.il  eneftaduenu  au- 
tant és  Indes  Sc  en  Efpagne,quc  ces  pierres  ont 
perdu  Survaleur  , pour  la  grande  richefle  & 
abondance  d’icelles  qui  s’y  en  efttrouuée.  Pli- 

ne  raconte  plufieurs  excellences  des  efmerau- 
des  entre  lefquelles  il  dit,  qu’il  n*y  a chofe  plus 
atrreable  ny  plus  falubre  à la  veue , enquoy  il  a 
rSfon.Maisfonauthorité  importe  peu,pendat  | 
qu’il  y en  aura  telle  abondance.  Laslia  Romai-  | 
ne,de  laquelle  il  raconte  qu’en  vn  fcoffion.&  I 

veftementbrodé  de  perles  & efmeraudes  , elle  | 
employa  la  valeur  de  quatre  cens  mil  ducats,  | 
pourroit  auiourd’huy  aucc  ^ moins  de  quarante 
mil  en  faire  deux  paires  tels  que  celuy-là.  Il  s’en 
cft  trouué  en  diuerfes  parties  des  Indes  , ôc  les 


Des  Indes.  Liv.  IIIT. 

Roys  de  Mexique  les  eftimoient  beaucoup,voi- 
reauoiciitaccoufturaéquelquc  vus  de  fc  percer 
les  narines,  d’y  mettre  vne  excellente  efme- 
raude.  Ils  les  mcttoient  aux  vifages  de  leurs 
idoles , mais  le  lieu  où  Ton  en  a trouué  & s en 
rrouue  encor  auiourd’huy  plus  grande  abon- 
dance eft  au  nouueau  Royaume  de  Grenade,' 
Scâu  Peru, proche  de  Manta  Sc  port  vieilli  y 
a vers  ce  lieu  vn  terrouer  qu’ils  appellent  ter- 
re des’efmeraudes , pour  la  cognoilTânce  que 
l’on  a qu’il  y en  a beaucoup,  encor  qnciufques 
auiourd’huy  l’on  n’a  point  conquefté  celle  ter- 
re. Les  cfmeraudcsnailîent  en  des  pierres  en 
forme  de  Cryllaux,& les  ay  veuesen  lamefme 
pierre,  qu’ils  vont  comme  y formant  vne  vei- 
ne,& comme  il  femblcfe  vont  peu  à peuelpaif- 
lilfant  & affinant.  Pource  que  i’en  veids  quel- 
ques vncs  qui  elloientmoitiéblanches  & moi- 
tié vertes,d’autrcs  toutes  blanches  , & d’autres 
ja  routes  vertes  & parfaites  du  tout.  I enay 
vcuquelques  vncs  de  la  grandeur  d’vne  noix, & 
s’en  trouue  de  plus  grandesiinais  ie  n’ay  point 
fccu  qu’en  noftre  temps  Ion  en  ait  trouué  de 
la  grandeur  & figure  du  plat  ou  ioyau  qu’ils  ont 
à Gennes, qu’ils  elliment  auec  raifon  pour  ioyau 
de  grand  prix  , & non  pas  pour  relique,  puis 
qivil  n’apparoift  point  que  ce  foie  vne  Reli- 
que, mais  efi:  le  contraire.  Neantmoins,  fans 
comparaifon,  ce  que  Theophrafte  raconte  de 
rcfmeraude,  que  le  Roy  de  Babylonc  prefen- 
ta  au  Roy  d’Egypte  , furpalFe  celle  de  Gen- 
ncs.Or  elle  auoit  quatre  couldées  de  long,  & 
troisde  large  , & dit  qu’au  Temple  de  lupi. 


"Exod.!^. 

39. 

ji foc,  ti. 


Histoire  NATVRELLE 
y auoic  vne  efguille,ou  pyramide,  faittc  de 
qiiatres  pierres  d’ermcraudcs,  de  quarante  cou- 
dées de  long  ,&  en  quelques  endroits  de  quatre 
coudées  de  large,&de  deux  en  d’autres  endroits, 

& que  de  fon  temps  il  y auoit  à Tyr , au  temple 
d’Hercules,vn  pillier  d’efmeraude.  Il  eftoitpa^ 
rauanturcjcomme  dit  Pline,de  pierre  verte,  qui 
tiroir  fur  l’efmcraude:  & l’appelloient  efmerau- 
dc  faufe,Commc  quelques  vns  veulent  dirc.quc 
certains  pilliers  qui  font  en  l’Eglife  cathedrallc 
de  Cordoüe , font  de  pierre  d'efmcraude , & y 
font  depuis  le  temps,  qu’elle  fut  mefquitte  des 
roys  Miramamolins  Mores , qui  regnerent  en 
icelle.En  la  flotte  de  mil  cinq  cens  quatre  vingrs  I 
fept, en  laquelle  ievins  des  Indes,  ils  apporte-  ! 
rent  deux  caflbns  d’efmeraudes,  dôt  chacun  pc- 
zoit  pour  le  moins  quatre arrobes,d’où  l’ô  peut 
voir  l’abondance  qu’il  y en  a.L’Efcriture  fàinâic  i 
célébré  les  cfmeraudes,comme  ioyaux  fort  pre-  | 
deux,  on  la  met  entre  les  pierres  precieufes,  ! 
que  le  grand  Pontife  portoit  en  fon  ephod,ou 
pedoral, comme  celles  qui  ornoient  les  murs 
de  lacelefteHicrufalem. 

Des  Ferles. 


Ch  AP.  XV* 


^ Aintcnant  que  nous  traittonsdela 
principallc  richefleque  l’ô  apporte 
'des  Indes,il  n’eft  pas  raisônabled’ou 
blicr  les  perles, que  les  anciesappel- 
, loiét  marguaritcs,ôceftoiét  aux  pre- 


SES  Ind  es.  Liv.  IIII.  159 

micrs  temps  en  fî  grande  eftimc,qu’il  iVappartc- 
noit  qu’aux  perfonncs  royallcs  à en  porter;mais 
auiourdhuyilyena  telle  abondance  , que  les 
NcgrefTes  mcfmes  en  portent  des  chaines. Elles 
s’engendrent  es  conchesouhuiftrcs  de  la  mer, 
aucc  leur  chair  , & m cft  arriuc  mangeant  des 
huiftres,  d’y  trouuer  des  perles  au  milieu.  Ces 
huiftres  font  par  dedans  dVne  couleur,  comme 
deCiel,fortviue;&en  quelques  endroits  l’on 
en  faid  des  cuillieres,qu’ils  appellent  de  nacre. 

Les  perles  font  de  tres-difFerentes  formes , en  la 
grandeur,  fîgiire,couleur,&  polilTeurc,  comme 
auflî  en  leur  prix  elles  different  beaucoup.  Ils 
appellent  les  vnes  aue  mariasjpour  eftre  comme 
les  petits  grains  du  chappellet,  les  autres  patc- 
noftres, parce  qu’elles  fontgroffcs.Peu  fouuenc 
l’on  en  rrouue  deux  qui  foient  tout  d’vne  gran- 

dcur,forme,  & couleur.  Pour  celle  occafion  les 
Romains  ( félon  qu’eferit  Pline) les  appelloient 
Vnions.  Qu^and  il  aduienr,que  l’On  en  trouue 
deux,  qui  fe  rcffemblent  du  tout,  ilshauffenc 
beaucoup  de  prix,  fpcciallement  pour  des  pen- 
dants d'oreille.Pen  ayveu  quelques  paires, qu'ils 
cftimoient  à milliers  de  ducats  , encor  qu  elles 
ne  fuffent  pas  de  la  valeur  des  deux  perles  de 
CIeopatra,dcfquelles  Pline  raconte,  qucchacu-j^i^g„,. 
ne  valoit  cent  mil  ducats,  aücc  lefquelles  celle 
folle  Roinc,gaigna  la  gageure,  qu’elle  auoic  fai- 
dc  contre  Marc- Anrhoine,dcgaller,&derpen- 
fer,en  vnTouper  plus  de  cent  mil  ducats,d’autat 
que  fur  le  deirert,elle  mit  vnc  de  ces  perles  en  de 
fort  vinaigre,puis  apres  la  perle  ellant  diffoute 
aucc  le  viiiaigre,elle  la  beut  ainii.  Ils  difenc  que 


Histoire  natvrelle 
Faiitre  perle  fur  coupee  en  deux,&  mife  au  Pa- 
theon  de  Rome, aux  pendants  d oreille  de  la  fta- 
tue  de  Venus. E(bpe  racôte  de  Clo'uiSsfils  du  ba- 
ftcleur  ou  comedien^qu’en  vn  banquet  il  fitpre- 
fenter  aux  côuiez  entre  les  autres  mets,achacuji 
vne  perle  riche,  dilToulte  en  vinaigre  afin  de  rc- 
dre  la  fefte  plus  magnifique.  Ce  font  efté  des  fol 
lies  de  ces  temps  là, mais  celles  d’auiourd  huy  ne 
font  pas  moindres,  attendu  que  nous  voyons, 

1 • non  feulement  les  chapeaux  ôc  les  cordons, 
mais  auflî  les  botines,&  les  patins  des  femmes, 
de  bafle  condition  , eftre  touts  femez  de  bro- 
derie deperles.  L’on  pefche  des  perles  en  di- 
uers  endroits  des  Indes,  mais  la  plus  grande  a- 
bondance  eft  en  la  mer  du  Sud, proche  du  Pana- 
ma,où  font  les  Ifies  qu  ils  appellent, pour  celle 
occafion,lcsiaes.cles  perles.  Mais  l’on  en  tire 
auiourd  liuy  en  la  mer  du  Nort, en  plus  grande 
quantité  Sc  de  meilleures,  qui  eft  proche  de  la 
riuiere,qu’ils  appellent  de  la  liaehe.  le  veids  la 
- comme  l’on  en  faifoit  la  pefche, qui  fe  fait  auec 
alfez  de  couft,  &dc  trauail  des  panures  efcla- 
ues,  lefquels  fe  plongent  fix,neuf,voire  douze 
bralTcs>  en  la  mer  ,,à  chercher  les  huiftres,lef- 
quelles  ordinairement  font  attachées  aux  ro- 
chers',&  grauicr  de  la  mcr.Ils  les  arrachent  de  là, 
&s’cn  chargent  pour  reuenir  fur  l’eaue  6c  les 
mettre  en  leurs  canoës,  où  ils  les  ouurent  apres 
pour  en  tirer  le  threfor,qu  ils  ont  dedas.  L eaue 
de  la  mer  eft  en  ceft  endroit  tres-froidc,  mais 
encor  ce  leur  eft  beaucoup  plus  grand  trauail, 
de  retenir  leur  haleine,  quelquesfois  vn  grand 
quart  d’heure  voire  demie  heure, en  faifant  leur 


Des  Indes.  Liv.  IIIT.  i^q 
pefchc.Er  afin  que  ces  pauures  cfclaucs  puifïènc 
mieux  retenir  leur  haleine,ils  leur  font  manger 
des  viandes  j(ccheSj&  encor  en  petite  quantité, 
tellement  que  l’auarice  leur  fait  faire  ces  abfti- 
r»ences&: continences  contre  leurvolontc.L’on 
met  des  perles  en  œuure,en  diuerfes  façons , ôc 
les  perce-dn  pour  fairedeschaines,6cy  enaja 
grâd’  abondâce  en  quelque  lieu  que  ce  foit.Enla 
mil  cinq  cens  quatre  vingts  fept  ie  veids  au  mé- 
moire de  ce  qui  venoit  des  Indes  pour  le  rov, 
qu’il  y auoit  dixhuid  marcs  de  perles,  & encore 
trois  calions  d auantagc.Et  pour  les  particuliers 
il  y en  auoit  mil  deux  cents  foixante  ,&  quatre 
marcs,&  outre  tout  cela  fept  fachets,  qui  ne- 
ftoienrpointpczez,cequeroueulltenu  en  au- 
tre temps  pour  fable. 


D«  pain  des  I ndes:  ey-’  in  Majs, 

Ch  A P.  XVI, 

Aintenant  pout  traitter  des  plantes, 
r+/»ÿnous  commencerons  àcelles  qui  font 
optes  & particulières  es  Indes , & 
puis  apres  de  celles  qui  font  commu- 
nes aux  Indes  , & à l’Europe.Etpour  ce  que  les 
plantes  ont  efté  créées  principalkment  pour 
1 entretien  de  Tbdmme  ^ & que  la  principalle 
d ontil  prcn(l  nourriture  eft  le  pain,  il  fera  bon 
de  dircj  quel  pain  il  y a aux  Indes,  aedequoy  ils 
vient  a faute  d’iceluy.  Ils  ont  comme  nous  auôs 
icy,  vn  noiïi  propre,  par  lequel  ils  defignent  & 


Histoire  natvrelle  ^ 

fienificnt  le  pain,  qu'ils  difent  au  Pcru, Tanta, & j 
en  d'autres  lieux,d’vne  autre  fkçon.Maûî  la  qua-  | 
li té  & fub (lance  du  pain,  dont  ils  vfoicnt  aux  l 
Indes, eft  chofe  fort  differente  du  noftrc,  pour-  ! 
ce  qu  il  ne  fe  trouue  qu'il  y cuft  aucun  genre  de  { 
fromcnt,ny  orge,ny  mil,ny  deces  autres  grains  , 
dont  l’on  fe  fert  en  Europe , à faire  du  pain^au  ; 
lieu  de  cela  ils  vfoicnt  d’autres  fortes  de  grains 
ôc  racines,cntre  lefquels , le  mays  tient  le  pre- 
mier lieu,&  auec  raifon  le  grain,  qu’ils  appellet  , 
mays, que  l’on  appelle  en  Caftille , bledd  Inde, 

& en  Italie,  grain  de  Turquie,  Et  ainfi  comme 
le  froment  eft  le  plus  commun  grain , pour  IV-  [ 
faee  des  hommes,és  régions  de  l’ancien  monde  j 
qui  font  Europe,  Afic,&  Afrique:  Ainfi  aux  en-  j 
droits  du  nouucau  monde, le  grain  de  mays, eft  j 
le  plus  commun,6c  qui  prefquc  s eft  trouue  en 
tous  les  royaumes  des  Indes  Occidcntalles, 
comme  auPern,enlaneufue  Efpagnc,  au  nou- 
ucau royaume, en  Guatimalla,en  Chillc,cn  tou- 
te la  terre  fcrmc.Tc  ne  trouue  point,  qu'ancien-  | 
nement  és  ïües  de  Barlouentc,  qui  font  -Cuba,  i 
fainél  Dominiquc,Iamaycque  & fain6tlcan,ils  i 

vfalfent  diiMays  , auiourd’huy  ils  vfent  beau-  ^ 
coup  de  la  Yuca,  & Gaçaui , dequoy  nous  trai- 
terons incontinent,  le  ne  penfe  point,  que  le  j 
orain  de  mays  foit  inferieur  au  froment, en  ror-  , 
çc,ny  en  rubftance,mais  il  eft  plus  chaud,&  plus  , 
groflier,  & engendre  beaucoup  de  fang,  d où  j 
vient  que  ceux  qui  n’y  font  point  accouftu-  | 
mcz  s’ils  en  mangent  trop, ils  deuiennent  enfkz  j 
& rogncux.il  croift  en  des  cannes,  ourofeaux, 

chacun  defqucls  porte  vnc  ou  deux  g«PP«> 

^ ^ aufqucllcs 


DES  Indes  Li  v.  IIII.  i^i 
aurqncllcs  le  grain  eft  attaché  : & combien  que 
le  grain  ch  foit  afîèz  gros , ficft-ce  qu’il  s’y  en 
trouue  en  grande  quantité  , tellement  qu’en 
quelques  grappes  i’ay  conté  fept  cens  grains.  Il 
le  faut  femer  à la  main  vn  à vn  , & non  pas  ef- 
pards.Il  veut  la  terre  chaude  & humide  j & en 
croift  en  plufieurs  lieux  des  Indes  en  fort  gran- 
de abondance.  Etn’ell:  point  chofe  rare  èn  ces 
pays  de  recueillir  trois  cens'âncgues  ou  me- 
fùrcs  d’vne  feule  de  feraence.  Il  y a de  la  diffé- 
rence entre  le  mays , comme  il  y en  a entre  le 
fromcnrvn  eft  gros  & fort  nourriffant,  & l’au- 
tre petit  â-c  fec  qu’ils  appellent  Morochc.  Les 
fueilles  & la  canne  verte  du  mays  eft  vn  man- 
ger, fort  propre  pour  les  mulles  <Sc  pour  les 
chenaux  : âc  leur  fert  auffi  de  paille  quand  elle 
eft  feche  ; le  grain  en  eft  de  plus  de  fubftance  ôc 
nourriture  pour  les  cheuaux  qucn’eftpas  l’or- 
ge. C eft  pourquoy  ils  ont  accouftumé  en  ces 
pays  de  faire  boire  les  beftes  auant  que  leur 
donner  à manger.  Car  fi  elles  beuuoient  apres 
ce  feroit  pour  les  faire  enfler,  comme  elles  fc- 
roientayant  mangé  du  froment.  Le  mays  eftle 
pain  des  Indes , & le  mangent  communément 

boiiilly , ainfî  en  grain  tout  chaud  , & l’appel- 
lent Mote,commcles  Chinois  & lappons  mef- 
mc  mangent  le  ris  cuit  auec  fon  eaue  chaude, 
quelquesfois  le  mangent  rofty.  Il  y a du  mays 
rond&  gros  comme  celuy  de  Lucanas  , que 
les  jEfpagnols  mangent  rofty  comme  viande 
aclicicufe,&amcillenre  faueur  que  les  buar„ 
benfes  ou  poisroftis.  Il  y avnc  autre  façon  de 
le  manger  plus  delideufc,  qui  eft  de  moudrclc 

X 


Histoire  natvrelle 
mays,5c  en  ayant  amalfé  la  fleur,  en  faire  de  pe- 
tits tourreaux  qu’ils  mettent  au  feu , qu’on  a ac- 
couftumé  de  prefenter  tous  chauds  à la  table. 
En  quelques  endroits  ils  les  appellent  Arepas, 
ils  font  mefme  de  celle  pafte  des  boulles  ron- 
des, Sc  les  accouftrent  dVne  façon  qu’ils  du- 
rent ôc  fe  côferuentlong  temps , les  mangeants 
comme  vn  mets  délicieux.  Ils  ont  inuentc  aux 
Indes  ( pour  friandile  ôc  delices)  vnc  certaine 
façon  de  pallez  qu’ils  font  de  celle  pâlie  & fleur 
auecdufucre,lefquels  ils  appellent  bifeuits,  ôc 
mellindues.  Le  mays  ne  fert  pas  feulement  aux 
Indiens  de  pain , mais  auflî  il  lert  de  vin  : car  ils 
en  font  leurboilTon,dc  laquelle  ils  s’enyurent 
plulloftquedcvinde  raiflns.  Ils  font  ce  vin  de 
mays  en  diuerfes  façons  , l’appellans  au  Pem 
Acua,&pourlcnom le  plus  communes  Indes 
Chicha.  Le  plus  fort  fe  fait  en  façon  de  ceruoi- 
fe,  mettant  tremper  premièrement  legrain  de  | 
maysiufqucsàce  qu’ilfecreue  , par  apres  ils  le  | 
cuifent  d’vnc  telle  façon  , ôc  deuient  fi  fort  qu’il 
en  faut  peu  pour  abbatre  fon  homme.Ils  appel- 
lent celluy-là  au  Peru  Sora,&ell  vn  breuuage 
deffendu  par  la  Loy , à caule  des  grands  incon- 
ueniens  qui  en  prouiennenr,  cnyurant  les  hom- 
mes.Mais  celle  loy  y cil  mal  obferuéc,  d’autant 
qu  ilsne  lailPentpoint  d’en  vfer  , ainspalPenc 
les  nuicls  Ôc  les  iours  entiers  à en  boire  en  dan- 
Tlm.Uh.  14  ^ ballans. Pline  raconte  que  celle  façon  de  ’ 

ZI . breuuage,  qui  elloit  de  grain  trempé  ôc  cuit  par 
apres  auec  lequel  on  s’enyuroit , elloit  ancien- 
nement en  vfage  en  Efpagne  , cnFrancc  &en  ; 
d’autres  prouinccs , côme  auiourd’huy  en  Flan- 


j 

i 


DBS  Indes.  L IV.  Illf. 
dresilsvfentdclaceruoifefaide  de  grain  d’or- 
ge.Il  y avneautrefaçondefairerAcua  du  Chi- 

cha , qui  eft  de  mafchcr  le  mays , ôc  faire  du  le« 
uaindcccqui  aeftéainfi  mafdhé,  apres  le  faire 
bouilIir,voirccft  l’opiniondesindiens  , que 

pour  faire  de  bon  leuain  , il  doit  cftrc  mafché 
par  des  vieilles  pourries  , ce  qui  fait  mal  au 
cœur  à louir  feulement,  toutesfois  ils  ne  laif- 
fentpasdele  boire.  La  façon  la  plus  nette,  la 
plus  faine, & qui  fait  moins  dédommagé  cfl:  de 
roftircemays  , qui  eft  celle  dont  vfent les  In- 
diens, les  plus ciuilife2,& quelques  Efpagnols 
mefme  pour  medecine:car  en  effed ils  trouuenc 
que  c eft  vue  fort  falubre  boilFon  pour  les  reins, 
d’où  vient  qu’es  Indes  à peine  fc  trouue-il  au^ 

CLin  qui  fc  plaigne  de  ce  mal  de  reins,  à caufe  de 
cequ’ilsboiuentdeceChicha.  Les  Efpagnols 
& Indiens  mangent  pour  friandife  ce  mays 
boüilly  ou  rofty , quand  il  eft  tendre  en  fà  grap*' 
pe  comme  laid,ils  le  mettent  au  pot,  & en  font 
des  faulfes,qui  eft  vn  bon  manger.  Les  reiettons 
du  mays  font  fort  gras  , Sc  feruent  au  lieu  de 
beurre  & d huillç , tellement  que  le  mays  es  In- 
des ferc  aux  hommes  ôc  auxbeftes  depain  , de 
vin  & d’huilic.  Pour  cefte  raifon  le  Viccrov 
Dom  Francifque  de  T ollede , difoir  que  le  Peru 
auoit  deux  choies  riches  ôc  de  grande  nourri- 
ture,  quieftoientlcmays&lebcftialdupays. 

A la  vérité  il  auoit  raifon, d’autant  que  ces  deux 
chofes  y feruent  de  mil.  le  demanderay  pluftoft 
queiene  refpondray , d’où  a efté  porté  le  pre- 
mier  rnays  aux  Indes , ôc  pourquoy  ils  appellent 
en  Italie  ce  grain  tant  profitable , grain  de  T ur« 

X y 


Histoïre  natvrelle 
quie?Caràlavcnté,icnctrouuc  point  que  les 
anciens  facent  mention  de  ce  grain,  combien 
que  le  mil  ( que  Pline  efcriteftrevenude  l’Inde 
en  Italie,  y auoit  dix  ans  lors  qu’il  efcriuoit  ) ait 
quelque  relTemblance  auccle  mays , en  ce  qu’il 
dit  que  c’eft  vn  grain  qui  naift  en  rofeau , & fe 
couuredefa  fueille,  ayant  le  coupeau  corne  des 
cheueux , & en  ce  qu’il  eft  fertillc.  Toutes  lef- 
quelles  chofes  nefe rapportent  pas  au  mil.Enfin 
le  Créateur  a departy  & donné  à chaque  région 
ce  qui  luy  eftoit  necelTaire.  A ce  continent  il  a 
donné  le  froment,qui  eftle principal  entretenez 
met  des  hômes,&au  côtinent  deslndes  il  a don- 
né le  mays, qui  tiétlcfecôd  lieu  apres  le  froniêr,  , 
pour  l’entretenemét  des  hômes&  des  animaux,  j 

D« 7acaSjCaçdm,PapASj  chunes  O'  àn  pif» 
Chapit.  XVII. 

N quelques  endroits  des  Indes  l’on  j 
vfe  d’vn  gère  de  pain  qu’ils  appellét  | 
Caçaui , lequel  fe  fait  d’vnc  certaine 
racine  qu’ils  appellent  Yuca.  L’y  uca 
cftvncgrandc&groITeracine  qu’ils 
couppent  en  petits  morceaux, la  râpent , puis  la 
mettans  corne  en  vne  prdfe  ils  refpreignét  pour 
en  faire  vne  tourte,defliée  & grade , de  la  forme 
prcfque  d’vne  targue  ou  bouclier  de  More , puis 
apres  ils  la  font  fecher , & eft  le  pain  qu  ils  maii- 
gét.Ceft  vne  chofe  sas  gouft , mais  qui  eft  faine 
& de  bonne  nourriture  ; Pour  cefteraifon  nous 
difi5s(eftâs  à S.Dominique  ) que  c’eftoit  le  pro- 
pre manger  des  gourm^,car  l’on  en  peut  magee 
beaucoup, fans  craindre  que  l’cxccz  en  face  mal. 


DES  Indes.  Liv.IIII. 
ïl  efl:  bcfoin  d’humedcr  la  Caçaue  pour  la  man- 
ger, d'aurant  qu’elle  eft  afpre , & s’humecte  faci- 
lement,auecdereaueoudupotagc,  où  elle  eft 
fort  bonne,  pource  qu’elle  Fenfle  beaucoup , & 
ainfiils  en  font  des  capirotades.  Mais  elle  fe 
trempe  mal-aifément  en  du  laid  ny  en  du  miel 
deCanes,ny  enduvin,  parce  que  ces  liqueurs 
ne  la  pcuuentpenetrer,  corne  ils  font  le  pain  de 
froment.  Il  y a de  cefte  Caçaue  IVne  plus  deli- 
cateque  l’autre  , qui  eft  celle  que  fon  fait  de  la 
fleur, qu’ils  appelle t’xauxau, laquelle  ils  eftiment 
beaucoup  en  ces  parties- là.  Q^ntà  moyi’efti- 
merois  d’auàtage  vn  morceau  de  pain , quelque 
dur  ôc  noir  quil  peuft  eftre.  C’eft  chofe  mér- 
ucillcufequele  fucoueaucquifort  de  cefte  ra- 
cine lors  qu’ils  Fefp teignent  ainfi,  8c  qu’ils  font 
la  Cacaue,eft  vn  venin  mortel , 8c  fi  l’on  en  boit 
il  occit , mais  le  marc  qui  en  xefte  eft  vn  pain  8c 
nourriture  fort  faine , côme  nous  auons  dit.  Il  y 
avnautr'e  genre  d’yuca  qu’ils  appellent  doux, 
qui  n’a  pas  ce  venin  enfonfuc,ceftuy-là  fe  man- 
ge en  racine,bouilly  ou  rofty,&eft  vn  bon  man - 
ger.La  Caçaue  fe  conferue  long  temps , auflî  la 
porte-on  furmer,enlieudebiîcuit.  Lelieulà 
où  l’on  vfc  d’auantage  de  ce  pain  eft  aux  Ifles 
qu'ils  appellent  de  Barloucnce  ,lefquelles  font 
(comme  nous  auons  dit)  S.  Dominique  j Cuba, 
Port  riche,lamaïque,  8c  quelques  autres  de  ces 
cnuirôsràcaiife  que  la  terre  de  ces  Ifles  ne  rap- 
porte point  de  froment,  nyde  mays.  Car  lors 
que  l’on  y feme  du  froment , il  y vient  bien , 8c 
naift  quant  8c  quant  en  fort  belle  verdure,  mais 
c’eft  fi  inegallement  que  l’on  ne  peut  le  recueit- 
r X iij 


Histoirï  natvrïlle 
lir  J pourceque  d’vncm€fmeremencc&  en  vu 
merme  temps  iVii  eften  tuyau  , & Fautre  en 
cfpy , & l’autre  qui  ne  fait  que  germer , 1 vn  eft 
grand , & 1 autre  petit , IVn  n-eft  que  de  l’her- 
be,& l’autre  eft  défia  en  grain  : & combien  que 
Tony  ait  mené  des  laboureurs  pourvoir  s ils  y 
pourroientvfer  de  l’agriculture  du  bled,fieft- 
ce  qu’ils  n'y  ont  trouué  aucun  moyen  de  ce  fai- 
re,pour  la  qualité  de  la  terre.  L’on  y apporte  de 
la  farine  delà  neufuc  Efpagne  ou  des  Canaries, 
laquelle  eft  fi  humide  qu  à peine  en  peut-on 
faire  du  pain  qui  foit  proffitable  , & de  bon 
gouft.Les  hofties  quand  nous  difions  laMefle  fe 
plioient,  comme  fi  c’euft  efté  du  papier  mouillé^ 
ce  qui  eft  caufé  par  l’extreme  humidité , ôc  cha- 
leur qu’il  y a tout  enfemblc  en  cefte  terre,  il  y 
a vn  autre  extreme,  & contraire  à ceftuy  cy , qui 
eft  qu’en  quelques  endroits  des  Indes  , il  ny 
croift  demays,  ny  de  froment,  corne  eft  le  haut 
de  la  Sierre  du  Peru , & les  prouinces , qu  ils  ap-, 
pellent  de  Colao , qui  eft  la  plus  grande  partie 
de  ce  royaume,  où  la  température  eft  fi  froide 
& fi  feche  qu'elle  ne  peut  endurer  qu’il  y croif- 
fe  du  froment, ni  du  Mays  , au  lieu  dequoi  les 
Indiens  vfentd’vn  autre  genre  de  racines  qu’ils 
appellent  Papas  jlefquellesfont  delà  façon  de  | 
turmes  de  terres  qui  font  petites  racines  , 5c  | 
iettent  bien  peu  de  fueilles.  Ils  cueillent  ces  Pa-  | 
pas,&  les  laiffent  bien  fecher , au  Soleil , puis  les  | 

pillanSjCn  font  ce  qu’ils  appellent  Chuno,  qui  | 

fe  conferuc  ainfi  plufieurs  iours , & leur  fert  de  | 
pain.  Il  y a en  ce  royaume  fort  grande  traitte 
deceChuno,pour  porter  aux  mines  de  Poto- 


desIndes.  Liv.  IIII  1(^4 

zifl’on  mange  mefmc  ces  Papas , ainfi  fraifches 
bouillies  ourofties,  & des  cfpeces  d’icellcs  y 
cnadeplusâouee&qui  croiftés  lieux  chauds, 
dont  ils  font  Certaines  fauces  & hachis  , qu’ils 
appellent  Locro.  En  fin  ces  racines' font  tout 
le  pain  de  celle  terre,  tellement  q^e  quand  ràii- 
neeenellbônc,  ils  s’en  refiôuilïèntfort,  pour- 
cequeairczfouuent,elles  fe  gellent  dedans  la 
terre, tant eft  grknd  le  froid  & inrempcrature 
de  celle  région.  Ils  apportent  les  maysdes  val- 
lces,«S«:delacolle,ouriucdelamer  , éc  les  Ef- 

pagnols  qui  font  friâds , font  apporter  des  mef- 
meslieux,delafarinedcbled,  laquelle  fe  con- 
férue  bien  de  s’en  fait  de  bon  pain , à càufe  que 
la  terre  elHèehe.  En  d’autres  endroitsdes  In- 
des,comme  es  nies  Philippines  -,  ils  fc  feruent 
de  ris  au  lieu  de  pain , dont  il  y en  croill  de  fort 
exquis , & en  grande  abondance  en  toute  celle 
ttrre,& enlaChine,  oùilellde  bonnenourri- 
ture,ils  le  cuifent  en  des  pourcellaines  ^ & apres 
le  mellent  tout  chaud , auec  Ion  eaîie  parmy  les 
autres  viadesrils  font  mefme  de  ce  ris , en  beau- 
côüp  d’endroits  leur  vin,  & breuuage,  le  faifant 
tremper,  & puis  bouillir  ^ corne  l’on  fait  la  biè- 
re en  Flandres,'Oul  Àcua  au  Peru.  Le  ris  ell  vnc 
viande  qui  n’^ell^Ueres  moins  Commune,&  vni- 
uerfclle,cn  tôutlemondejquèle froment,  le 
mays,&paraduânture  encorl’ell  ildauantagc: 
car  outre  ce  qu'ils  en  vfent  en  la  Chine , au  kp- 
pon,és  Philippines,  de  en  la  plus  grande  partie 
de  1 Inde  Orientale , c’ell  le  grain , qui  eft  le  plus 
comun  en  Afrique, &en  Ethiopie.  Le  ris  demâ- 
de  beaucoup  d’humidité , de  pr efque  vnc  terre 

X iiij 


Histoire  NATVRELLB 
toute  replie  d’cauc,côme  vnc  prairie.  En  Euro- 
pe,au  Perua&  en  Mcxicqucjoù  ils  ont  1 vfage  du 
bled,l  on  mange  le  ris  ,pour  vn  mets  & viande, 
& non  pas  pour  pain , & le  cuifent  aucc  du  laid, 
ou  du  bouillon  du  pot, ou  dvne  autre  maniéré. 
Le  ris  le  plus  exquis  eft  celuy  qui  vient  des  Phi- 
lippines ôc  de  la  Chine, comme  il  a efté  ja  dit,  & 
cecy  fuffiiè  pour  entendre  generallement , ce 
que  l’on  mange  és  Indes  au  heu  du  pain. 

D tf  d'merfes  rAcmes,ejm  croijfentés  I ndes, 

ChA?^  XVIII. 

^^^j^Ombien  que  la  terre  de  deçà  foit 
plus  abondante  , & plus  fertile  en 
fruids  qui  croiffcnt  fur  la  terre  , à 
j^^OIÈcaufe  dcIa  grande  diuerhté  des  ar- 
bres  fruitiers  , & des  iardinages  qüe 
nous  auons  ; neantmoins  quant  aux  racines  & 
autres  chofes  croilfans  delTbubs  la  terre,dôt  Ion 
vfe  pour.  viande,me  femble  qu’il  y en  a plus  gra- 
de abôdance  par  delà, Car  de  ces  efpeces  de  plan- 
tes,nous  auôs  bié  icy  veritablemét  des  raues,dcs 
naucaux , des  paftenades , des  chicorées , des  d- 
boules,des  aux , ôc  quelques  autres  racines  pro-i 
fîtables,mais  en  cepayslà,ily  enade  tantdiuer- 
fes  fortes , que  ic  ne  les  pourray  conter.  Celles 
defquelles  maintenant  il  me  fouuicnt,  outre  le 
Papas,qui  cft  le  principal,  il  y aies  Ocas,  yano. 
cocas,camotes,vatas,  xiquimas,  yuca,^  cochu- 
cho,caui , totora,mani , & vnc  infinité  d’autres 
cfpcces, comme  de  patattres , lefquelles  on  mâ- 
oë  comme  vne  viande  deliçatte  , & fauourcufe. 
L’on  a de  mefmeapportc  aüx  Içidèsrdes  racines 


DES  Indes,  Liv.  IIII.  ,gç 
depar  deçà,lcfquelles  ont  cela  de  plus , qu'elles 
y profitent  & ftuaifient  d’auâtage,  que  ne  font 
pas  les  plantes  des  Indes,  quâd  elles  font  appor- 
tées en  Europe , la  caufe  en  eft  comme  Se  ifoy 
d autant  que  par  delà  ilya  plus  de  diuerfitezde 
température  que  non  paspar  deçà , pour  raifon 
dequoydeftaifedefleuer  , & nourrir  les  plan- 
tes en  ces  regiÔs,&  de  les  acômoder  à la  tempe- 
rature  qu’elles  requièrent.  Et  mefme  les  racines 
& les  plates, qui  y croifsét,  làns  y auoir  efté  por- 

tee_s,y  font  meilleures,  que  par  deçà  ; car  les  oyJ 

gnos,Ies  aulx,&les  pallenades,ne  font  pas  telles 

cnElpaigne,qu’ellessotauPeru:pourlesnaue- 

aux,ils  y font  en  fi  grande  abondance,  qu’ils  ont 
augmente  en  quelques  endroits , de  telle  façon, 
quel  on  m a alFetmc,qu'ils  ny  pouuoiêt  efpuy- 
fet  1 abondace,  & force  des  naueaux , qui  y pul- 

luloientainfopoury  femer  dubled.  Nous  auôs 

veuaflezdefoisdes  rauesplus  groifes  , quele 
bras  d vn  home,fort  tedres&de  bon  gouft  & de 
ces  racmes  que  lày  dites,  quelques  vncs  feruent 
pourviade,&magerordinaire,  cômeles  camo- 
tes,lefquelles eftatrofties,ferugtde fruit, ou  de 
legumes.Ilyenad’aucres,  quileurferuer  dede- 
uces,come,le  cochucho , qui  eft  vnc  petite  raci- 

cofilTent,  pour  plus 
pande  dehcatelfe.  H y a d’autres  racines  qui 
fontpopresp^^^^ 

qui  eft  d’vne  qualité  fort  froide  & humide , & 
ra  temps d’Efte  rafraichit,  & eftanchela  foif, 
mais  esPapas  &les  oças  font  les  principalles  ' 
pourianourriture,  &fubftàce.  Les  Indiens efti- 
menti  ail  fm:  touresles  racines  de  l’Europe,  âc 


Histoirenatvrelle 
k tiennent  pour  vn  fruit  de  grande  efficace.  En- 
quoyils  n’ont  pas  faute  de  raifon,pource  qu’il 
leur  conforte  & efchauffe  leftomach,  àcaufc 
qu’ils  le  mangent  d’vn  appetitjdc  ainfi  crud,  co- 
rne il  fort  de  la  terre. 

Ve  flufeurs  firtes  de  verdures^O'  légumes jO'  de  ceux 
qu’ds  appellent  concombreSypmes  ou  pommes  de  pm, 
petitsfrmts  de  chilléjCr  des  prunes, 


Ch  AP.  XIX. 


* Visque  nous  auons  commencé  par  les 
I moindres  plantes , ie  pourray  toucher 
^ en  peu  de  paroles , ce  qui  concerne  les 
--  lyerduresj&lesporées,  & ce  que  les 
Latins  appellcntArbufta/ans  toucher  encor  rie 
des  arbres.  Il  y a quelques  genres  de  ces  arbrffi 
féaux,  ou  verdures  aux  Indes  , qui  sot  de  fort  bô 
gouft.Lcs  premiers  Efpagnols  nômerent  beau- 
coup de  chofesdes  Indes  des  noms  d’Efpagnc 
prins  des  chofes  à quoy  ils  reirerabloiét  le  plus, 
corne  les  pincs,concôbres  & les  prunes,  côbien 
que  ce  fulTentàlavcritédes  fruits  diuers  & fort 
diffierês,fans  côparaifon,de  ceux  d’Efpagne,  qui 
s’appellêt  ainfi.  Les  pincs  ou  pômes  de  Pin, font 
de  la  mefme  façon  & figure  extérieure , que  cel- 
les de  CafHlle:  mais  au  dedans  elles  differentdu 
tout,pourcc  qu’elles  n’ont  point  de  pignons,  ny 
d’efcaillcs,raais  le  tout  y eft  vne  chair  , que  l’on 
peut  manger,quâd  l’efcorçe  en  eft  dehors,  & eft 
vn  friiir,qui  a 1 odeur  fort  excellente , Sc  eft  fort 
fauoureux,ôc  délicieux  au  gouft.  Il  eft  plein  de 


) 


DES  Indes.  L IV.  IIII. 
ruc,&  a la  faueur  d’aigre-doux , ils  le  mahgen  t 
rayant  couppé  en  morceaux,  & lailTé  tremper 
quelques  temps  en  de  reaüe&  du  fel.  Quel- 
ques vnsdifent  , qu'il  engendre  la  cholere,  & 
que  1 vfage  n en  eft  pas  trop  fain.  K4  ais  ie  n en 
ay point  veu aucune  expérience,  qui  le  puilîè 
faire  croire.  Elles  naiircnr  vneà  vue,  comme 
vne  canne  ou  tige  , qui  fort  d’entre  plufietirs 
feuilles,  comme  le  lys,  combien  quelle  foie  vu 
peu  plus  grade,  & plus  gro (Te.  Le  haut&c'ôup-^ 
peau  de  chaque  canne  cftla  pomme,  elle  croift 
en  terres  chaudes  ôc  humides , & les  meilleures 
fon t celles  des  Ifles  de  Barlôuente.  Il  n en  croift 
pointau  Peru,  maisl’onyen  apporte  des  An- 
dcs,lefquelies  routesfois  ne  font  ny  bonnes , ny 
bien  meures.  L’on  prefenta  vne  de  ces  pines  à 
TEmpereur  Charles  , quideuoit  auoir  donné 
beaucoup  de  peine  & de  foucy  à l’apporter  des 
Indes,ainfiaueclàplante , caronnel’euftpeu 
autreiDcnt  apporter  : routesfois  il  n’en  voulut 
pas  efprouuer  le  gouft.  l’ay  veu  en  la  neufue 
Elpape,delaconferuedeccspines,  qui  eftoit 
fort  bonne.  Ceux  qu’ils  appellent  concombres 
ne  lont  point  arbres  non  plus,  mais  feulement 
desarbriireaux,  parce  qu’ils  iVont  qu’vn  an  de 
Quree.  Ils  luy  donnèrent, ce  nom , pour  ce  que 
quelques  vns  de  ces  fruits,  & la  plus  part , font 

en  longueur  & en  rondeur  femblables  auxeon* 
combres  d’Efpagne,  mais  au  refteils  font  beauA, 
coup differens,  par  ce  qu’ils  n’ont  pas  la  cou- 
leur verde , mais  violette , ou  iaune  ou  blanche, 
&nerontpoint  elpineux  , ny feabreux , mais 
tort  vins  & polis , ayans  le  gqufl:  tres-different 


Histoire  natvrelle 
^ trop  meilleur  que  le  concombre  d’Efpa- 
gne  : car  ils  ont  vn  aigre-doux  fort  fauoureux 
quand  ils  font  meurs  , combien  que  ce  fruidt 
n’ait  pas  le  gouft  fi  aigre,  comme  la  Fine.  Ils 
font  fort  fraiz,  pleins  de  fuc  , & de  facile  dige- 
ftion^dc  en  temps  de  chaleur  font  propres  pour 
rafraifehir.  L’on  en  ofte  l’efcorce  qui  eft  blan- 
che, &toutcequirefte  cft  chair.  Ils  croifTent 
en  vne  terre  temperée , & veulent  eftre  arrou- 
fez , & encor  que  pour  la  reflcmblance  ils  les 
appellent  côcombres , il  y en  a beaucoup  néant- 
moins  qui  fdn  ronds  du  tout  , & d’autres  de 
differente  façon  , tellement  qu’ils  n’ont  pas 
mefmelafigure  des  concombres.  Il  ne  me  fou- 
uient  point  auoir  veu  de  celle  forte  de  plante 
en  la  neufue  Efpagne , ny  aux  Ifles  , mais  bien 
aux  Lanosdu  Peru.  Ce  qu’ils  appellent  petit 
fruiél  de  Chillé  eft  de  mefme  , fort  plaifant  à 
manger , & tire  prefque  au  goufl  de  ccrifes, 
niais  en  tout  le  refte  il  efl  fort  different  : d’au- 
tant que  ce  n’efl  pas  vn  arbre , mais  vne  herbe,  : 
qui  croillpeu,  5c  s’cfpand  fur  la  terre , icttant  ce 
petit  fruidl , qui  en  couleur  & grains  rcffemble 
quafi  & approche  des  meures  quand  elles  font 
blanches,  encore  à meurir,  bienquece  fruiâ: 
foit plus  rude,&  plusgrand  que  les  meures.  Us 
difent  que  ce  petit  fruid  fc  trouue  naturelle-  i 
ment  aux  champs  en  Chille , ou  i y en  ay  veu.  j 
L’on  la  feme  de  plantes  6c  de  branches , & croifl  : 
comme  vn  autre  arbriffeau.  Ce  qu’ils  appellent  , 
pruncs/ont  véritablement  fruids  d’arbres , & j 
ont  plus  de  reffemblance  , que  les  autres  aux  : 
vrays  prunes.llycnade  diuerfes  fortes, dont:  | 


) 


DES  Indes.  Liv.  Un. 
ils  appellentlesvpesprunes  de  nicaragua , qui 
fontforcrouges  &pecites.  & ont  fort  peu  de 
chair  ail  delius  du  noyau,maisle  peu  qu^ils  tien- 
lient  eft  dVn  gouft  exquis  , & dVn  aigret  aufli 
bon  ou  meilleur  que  celuy  des  cerifes.  L'on  elK- 
mecéfruidteftre  fortfain,quicaufeque  l’onle 
donne  aux  malades,  fpeciallement  pourprouo- 
querl’appetit.  Il  y en  a d'autres  grandes  & de 
couleuroblfure.quiont  beaucoup  de  chair 

maisc’eftvn  manger  groffier.&depeudegouft’ 

qui  font  comme  Chauacanas , lefqueis  ontcha- 
qu  vn  deux  ou  trois  petits  noyaux.  Or  pour  re- 
uemr  aux  verdures  & porees  , ip  ne  trouue 
pointqueles  Indiens euITcnt  des  iardins  de  di- 
uerfes  plantes  & por&s  , mais  qu’ils  culti- 
uoient  la  terre,  enquelques  endroits  feulement 
pourleslegumes.dont  ils  vfent.  comme  ceux 
quilsappellentFrifolles&  Pallares  . qui  leur 

lertcommeicydeguarbences.febues.oulen- 

tilles.  &nay  point  recogneu  que  ceux-cy  ny 
autres genresdeleguraes  d'Europe,  s’y  foyent 

îèZ“,f les  Efpagnols  y emraLt 
lefqueis  y ont  porte  des  plantes  & legumes 

dEfpagne.qutyctoiirent&  multiplient  fort 
bien.voireeii quelques  endroits,  ils  excédent 
beaucouplafetnlit^depardeçà.  Cômefi  nous 
parlions  des  mêlions,  qui  croilTent  en  la  vallee 
deY^ucaauPeru,  defquels  la  racine  fefait  tige. 

q^»  dureplulieursannées.pottant  chacunedes 
^ 1 accommodent  comme  11  c’eftoit 
narbre.chofequeienefçache point  qui  foit 

monftruofitequeks  callaballes  ou  citrouilks 


Histoire  natvrelle  • 
des  Indes , en  la  grandeur  qu’elles  ont,  comme 
elles  croiflent  rpeciallement  celles  qui  font  pro- 
pres & particulières  du  pays  , qu’ils  appellent 
Capallos.Lerquelles  ils  mangent  le  plusfouuent 
en  Carefme,  bouyllies  ou  accommodées  en  vne 
autre  faulcc.!!  y a mil  difFereces  de  genre  de  cal- 
labalTes’.car  quelques  vnes  font  tant  difformes 
pour  leur  grandeur  3 qu’ils  font  de  leurefcorce, 
eftant  coupée  par  le  milieu  & nettoyée,  comme 
des  paniers  où  ils  mettent  toute  la  viande  pour 
vndifner.Des  autres  petites  ils  en  font  des  vafes 
pour  manger,ou  boire  dedans , ôc  les  accom- 
modent fort  proprement , pour  plufieiirs  & di- 
uers  vfageSji’ay  dit  cecydes  petites  plan  tes, nous 
dirons  maintenant  des  grandes , où  nous  parle- 
rons de  l’Axi,quineantmoins  eft  encor  des  pe- 
tites. 

JDet'^yfxion^omre  à'inde. 

Ch  AP.  XX. 


’On  n’a  point  trouué  CS  Indes  Occi- 
dentales aucune  efpicerie , qui  leur 
fuft:  propre , & particulière , comme 
, poiure,clou , candie , mufeade , ou . 
gingembre  : iaçoit  qu’vn  frère  de  noftre  com- 
pagnie 3 qui  a voyagé  en  beaucoup  & diuers  en- 
droits 3 nous  ait  recitéqu’en  desdeferts  de  l’Iflc 
Iaraaycque,il  auoit  trouué  des  arbres , où  croif- 
foitdu  poiurc.  MaiA’on  n’eft  pointencor  cer- 
tain que  c’en  foit,  & n’y  a point  mefrac  de  trait- 
te  de  CCS  cfpiceries  aux  Indes,  Le  gingembre 


DES  Indes  Liv.  III I. 
fiitporté^derindeà  lEfpagnoIie,  &yamul- 
tiplic  detcJIc  façon  , que  l’on  ne  fçauroit  aii- 
lourdliiiy  que  faire  du  grand  nombre  qu’il  yen 
a.  En  la  flotte  de  Tannée  mil  cinq  cens  quatre 
vingtsfepc , Ton  apporta  vingt  deux  mil  cin- 
quante trois  quintaux  de  gingembre  à Seuillc* 
mais  Icfpicerie  naturelle,  que  Dieu  a donné  aux 
Indes  Occidentales,  eft  ce  que  nous  appelions 
en  Caftiile,poiure  des  Indes , & aux  Indes  Axi, 
par  vn  mot  general , prins  de  la  première  terre 
des  Ifles, qu’ils  conquefterent.  Il  eft  dit  en  lan- 
giiedeCufcoVchu,  &en  celle  de  Mexicque, 
Chili.  Cefteplanteeftdefia fortcoffncue,par- 
quoy  1 en  diray  peu  de  chofe  , feulement  l’on 
doitentendte  , quanciennement  entre  les  In- 
diens , elle  cftoit  fort  eftimée , & en  portoient 
aux  endroits  où  elle  ne  ctoiffoit  point  , comme 
vnemarchandife  de  confcquence.  Elle  ne  croift 
pas  es  terres  froides , comme  en  la  Sierre  du 
1 eru , mais  aux  vallées  chaudes , où  elle  eft  fou- 
uentanoulee  llyadecetaxidc  diuerfes  cou- 
eurs,l  vn  eft  vert , Tvn  rouge , & Taurre  de  cou- 
leur laulnc,  & ycnad’vncfortedc  fort  caufti- 
que,  qu  ils  appellent  Caribe  , qiûeft  extrême- 
ment afpre  &poingnant,&  d autre  qui  n’a  point 
ceftearprere,  mais  au  contraire  eft  fi  doux  que 
Ton  le  peut  manger  feul , comme  vn  autre  fruit. 

Il  y en  a qui  eft  fort  menu,  & odoriférant  en  la 
ouchc,  quafî  comme  d’odeur  de  mufe,  & eft 

& poignant  en  ccï 
Axi,  font  les  veines  & la  graine  feulement;  car 

* af'onduqu’on  lemange 
Ycrt  ôc  fec , entier  Ôc  broyé , au  pot  A en  des 


HiSTGI  RE  N ATVR  E LL  E 

faulces,  carc’cft  la  piincipale  faulce  , & toute 
I cfpicerie  des  Indes.  Qiwnd  cet  axi^eft  prins 
modérément , il  aide  & conforte  rellomach 
pour  la  digeftion  : mais  fi  Ton  en  prend  trop , il 
a de  mauuais  effets  , pour  ce  que  de  fpy  il  e ft 
fort  chaud,fort  fumeux,&  fort  penetratif,  d’ou 
vient  que  Ivfage  encft  preiudiciable  à la  fanté 
des  ieunes  gens^principalemcnt  de  l’ame , d’au- 
tantquilprouoqueàla  fenfualité  , &eft  vnc 
chofe effrange  , que  combien  quele  fcu,&la 
chaleur  qui  ell  en  luy  foit  affez  cogneue  , par 
l’expericncc  que  tous  en  font,  veu  que  chacun 
dit  qu’il  brufle  en  la  bouche , ôc  en  l’eftomach, 
neantmoins  quelques  vus , voire  pluficurs  veu- 
lent maintenir , que  lepoiure  d’Inde  n ’eft  pas 
chauld  , mais  qu’il  eft  froid  &bien  temperé. 
Mais  ie  leur  pourroisdirc,  qu’il  en  feroît  tout 
autant  du  poiure  , encor  qu’ils  m’amenaflent 
toutes  les  expériences  qu’ils  voudroient  de 
rvn&del’autre.Toutesfois  ceftvne  mocque- 
riededire,  qu’il n’eft  point  chauld^  veu  qu’il 
l’cft  extrêmement.  L’on  vfedufel , pour  tem- 
pérer l’axi,  d’autant  qu’il  a grande  force  de  le 
corfi<yer  ,&fe modèrent  ainfi  iVn  l’autre,  par 
la  contrariété  qui  eft  entre  eux.  Ils  vfent  aiiflî 
de  Tomates  qui  font  froids  & bien  fains.  C eft 
vn  genre  de  grain  qui  eft  gros  , ôc  plein  de  fuc 
lequel  donne  bon  gouft  a la  faulce , & font  bons 
aufli  à manger,  llfctrouue  de  ce  poiure  d’Inde 
vniuerfellement  en  toutes  les  Indes  , & Ifles, 
neufueEfpagne  ,Peru,&  en  tout  le  reftc,qui 
eft  dcfcouucrt,  tellement  que  comme  le  mays 
eft  le  grain  le  plus  general  pour  le  pain,  ainfi 

l’axi 


) 

DES  INI^ES.  Lîv.  nu: 

iuTces  commune  pour  le^ 

•'"v  ' 

J) H Plane» 

Chapit.  XXI. 

Enant  aux  grandes  plantes , ou  aux  ar- 
bres, le  premier  des  Indes  duquel  il 
cftconucnable  parler  eft  le  plane  ou 
- • plftano , comme  levulgaire  l’appelle. 
I ay  elle  quelque  temps  en  doute, fi  leplafiLue 
les  anciens  ont  célébré,  & celuy  des  Indes  eftoic 
vne  mefme  efpecei  celluy-cy  bien  confideré , & 

ce  qu  I s efcriuét  de  rautçe,il  n'y  a point  de  dou- 

tequilsnelbyentdediuetfes  elpeces.  La  caulè 
pourquoylesEfpagnols  l’ontappelléplanefcar 
les  naturels  n auoient  point  de  tel  nomlaellé 
commeesautresarbres,  pour  autant  qu’ils  ont 
trouue  quelque  relTemblâce  del’vn  à l’autre,en 
la  melme  façon  qu'ils  ont  appelle  ptuncS,  pines. 
:amandes,&  concombres,  des  chofes  fi  differen- 
tes à celles  qui  en  Caftille  font  appellées  de  ces 

|noms.  U chofe  enquoy  il  me  femblequ’ils  trou- 
lUerent  plus  de  refemblance  entre  ces  planes  des 
In^des,&  les  planes  que  ont  célébré  lesanciens.a 
Wte  en  la  grandeur  des  fueilles  : pour  ce  que  ces 
planes  les  ont  très  grandes*  tres-fraifches , & 
es  anciens  les  ont  tant  eftimez  aulîl  pour  celle 

gr^eui'j&ccftc  fraifchcur  de  leurs  fucillcs.Ccft 
jUHlivne  plate  qui  a befoing  de  beaucoup  d*eaue, 
l^prefque  continucIlemét,ce  qui  s’accorde  auec 
‘ tienture,  qui  dit:  Comme  le  flâne  auprei  deseam.»  • 

Y 


< 

Histoire  natvrelle 

£cl.  14,  Maisàlavcrîtéilnyanonplusdecomparaifon 
nydereffemblancedcrvne  àl’autre,non  plus 
qu’il  y a,  came  dit  le  proucrbe,  de  l’œuf  à la  cha- 
ftaignc.  Car  premièrement  le  plane  ancien  ne 
porte  point  de  fruidt,au  moins  ils  n en  faifbicnt 
point  d’eftat,  mais  la  principalle  occafion  pour-  ! 

quoy ilsreftimoientjcftoitaeaulè  de  fon  om-  i 

bragCjpar  ce  qu’il  n y auoit  non  plus  de  Soleil  j 
del£us  vn  plane , qu’il  y a delTous  vnc  couuer-  . 
. turc.  Au  contraire, la raifon  pourquoy  l’on  le  | 
doiteftimer  en  quelque  chofees  Indes  , voire  ; 
en  faire  beaucoup  d’eftat , eft  à caufe  de  fon 
frui(ft,quieft très- bon,  car  d’ombrage  ils  n’en 
ont  aucunement.  I>auantage  le  plane  ancien 
auoit  le  tronc  fi  grand,  & les  rameaux  fi  efpars, 
que  Pline  raconte  d’vn  Licinius  , Capitaine 
Romain , lequel  accompagné  de  dixhui(ft  de  (es 
compagnons  , print  la  refeétion  fort  à l*aifc, 
dans  le  creux  d’vn  de  ces  planes.  Et  de  l’Em- 
reur  Caius  Caligula,  qui  s’affit  luy  & vnze  con- 
uiezfur  le  haut  des  rameaux  d’vn  autre  plane,  j 
& là  leur  fit  vn  fuperbe  banquet.  Les  planes  | 

des  Indes,n’ont  point  de  tels  creux,  troncs  , ny^  i 

r,  rameaux.  Il  dit  d ’aiiantage  que  les  anciens  'pla-  | 

nés  croiflbient  en  Italie,  & en  Elpagne,  com-  | 
bien  qu’ils  y euftent  efté  apportez  première-  | 
ment  de  GrecCj&  auparauant  de  l’Afic  : mais  les  : 
planes  des  Indes  ne  croiflent  point  ny  en  Ita-  j 
lie , ny  en  Efpagnc.  le  dy  qu’ils  n y croillent  | 
point , car  encor  que  l’on  en  ait  veu  quelques  !j 
vns  à Seuille  au  iardin  du  Roy , ils  n y croiflent,  ; 
& ny  vallent  rien.  Finalement  la  chofe  enquoy 
ils  crouucnc  de  la  reflemWancc  entre  l’vn  & 


I 


DES  Indes.  Liv.  IIIÎ. 

Tautre  cft  fort  differente.  Car  iaçoic  que  la 
fueille  de  ces  planes  anciens  fuft  grande  , tou- 
tesfois  elle  neftoit  pas  telle  , ny  fcmblablc  à 

ceux  qui  font  és  Indes , veu  que  Pline  l’accom.  p„„  . , „ 
parealafueilled  vnevigne.oudellguier.  Les  «/is 

fueilles  du  plane  des  Indes  font  dVne  merueil- 
leufe  grandeur , & font  prefquc  fuffifantes  pour 
couurir  yn  homme  des  pieds  iufqucsàla  tefte, 
tellement  qu’aucun  ne  peut  lï^ettreen  doute’ 
qu  lin  y ait  grande  différence  enfrelVn  & Tau’ 
Maispofélecas  , que  ce  plane  des  Indes 
loitdifterentderancien/pour  cela  il  n’en  me- 
me  pas  moindre  loiiange,  raaispeutcftrc  encor 
dauantage,  àcaufe  des  proprierez  tant  vtiles 
& profitables  qu’il  a en  luy.  C’eft  vne  plante 
quifairvncep  dedans  la  terre,  duquel  fortent 
plufieurs  reiettons  diuers  & feparez , fans  cftrc 
lonits  enfemble.  Ces  reiettons  croilTent  & 
groliillent , Laifant  prefquc  chacun  vn  arbrif- 
leau  a part , & en  croilfantils  iettent  ces  fueil- 
les qui  font  vn  vert  fin , & liffé , & de  la  gran- 
deur que  i’ay  ditte.  Quand  il  cft  creu,  comme 
de  la  hauteur  d vne  ftade  Ôc  demie , ou  de  deux,  v 
il  lette  vn  feul  rameau  ou  grappe  de  fruieft  , au- 
quel il  y a quclqucsfois  grand  nombre  de  ce 
Iruia,&quelquesfois  moins.  l’cnay  conte  en 

quelquesvns  de  ces  rameaux,  trois  cens,  dont  ““  ' 

chacun  auoit  vne  paulme  de  long  , plus  ou 
moins,  &cftoit  gros  comme  de  deux  ou  trois 
doigts , bien  qu’il  y ait  beaucoup  de  différence 

en  cela,  entré  les  vns&  les  autres.  L’on  en  ofte 
laeoquc,ouefcorce,  tout  le  refte  eft  vne 
chair , ou  noyau  ferme , ôc  tendre , qui  eft  bon 

y ij 


HiSTOI  RE  N ATVR  ELLE 

à manger,fain  & de  bône  nourriture.  Ce  fruicâ 
incline  vn  peu  plus  à froideur  qu  à chaleur.  Ils 
ont  accouftumé  de  cueillir  les  rameaux  , ou 
grappes, que  i’ay  dit , eftants  verts , & les  mettre 
en  des  vailîeaux  où  elles  fe  meurifTcnt , eftans 
bien  couuertes,  fpeciallement  quand  il  y a dV- 
ne  certaine  herbe  , qui  fert  à cet  effeâ:  : h l’on 
les  laiflTc  meurir  en  l’arbre  , ils  en  ont  meilleur 
gouft,&vne  odeur  tres-bonne,  comme  de  ca- 
moifleSjOU  pommes  douces.  Ils  durent  prefque 
routlelongdel’annee,  à caule  qu’il  y a touf- 
iours  des  reiettons  , qui  naiflènt  de  ce  cep , tel- 
lement que  quand  Fvn  acheuc , l’autre  com- 
mence à donner  fruid,  l’vn eft  àdemy  parcreu, 
& l’autre  commence  à iettonner  de  nouucau, 
de  façon  que  les  vns  fuccedent  aux  autres  , ÔC 
ainfi  y a toufiours  du  fruid  toute  l’annce  du- 
rant. En  cueillant  la  grappe  ils  couppent  lere- 
ietton  5 d’autant  qu’il  n’en  iette  point  plus  d v- 
iie,ny  plus  d’vne  fois  , mais  comme  i’ay  dit , le 
cep  demeure  & reiette  continuellement  de 
nouueaux  reiettons , iufques  à ce  qu’il  fe  laiTe, 
& vieillÜTe  du  tout.  Ce  plane  dure  quelques 
années  , & demande  beaucoup  d’humidité , & 
vne  terre  fort  chaude.  Ils  luy  mettent  de  la  cen- 
dre au  pied,pour  le  mieux  entretenir,  & en  font 
desbocqueteaux  fort  efpais,  qui  leur  font  de 
grand  profit  Ôc  reuenu,pour  ce  que  c’eft  le  fruid 
dont  l’on  vfc  le  plus  és  Indes  , & yeft  prefque 
vniiierfellemcnt  cômun  en  tous  endroits,  iaçoit 
qu’ils  difent  que  fon  origine  foit  venue  de  l’E- 
thiopie;Etàla  veritéles  Nègres  en  vfent  beau- 
coup, &cn  quelques  endroits  fen  feruent  au  lieu 


BES  Indes,  Liv.  IIIL  171 
dcpain,voire  en  font duvin. L’on  mage  cefruiâ: 
de  plane  tout  cm  comme  vn  autre  fruité,  l'on  le 
roitit  merrne,  & en  fait-on  plufieurs  fortes  de 
potages  voire  des  conferues , & en  toutes, ces 
choles,il  s’accomode  fortbicn.il  y a d'vne  efpe- 
ce  de  petits  planes  blan  cs&fort  délicats, lefqnels 
Ils  appellent  en  bEfpagnoIlcDominiques.Il  y en 
a d autresqui  fontplus  fonsôc  plus  gros,&d  vne 
couleur  rouge.Iln  en  croift  point  en  la  terre  du 
1 cru,mais  Ion  les  y apporte  des  Indes, comme  à 
Mexique, deCuernauaca,&des  autresvallées  En 
la  terre  ferme  Ôc  en  quelques  îlles  y a de  grands 
planarcs,  qui  font  corne  boqueteaux  fort  efpais. 
01  la  plante  eftoit  propre  pour  brufer,c’eull  edé 
la  plus  vtile  de  toutes , mais  elle  n y cft  aucune- 
ment propre.car  fa  focille  , ny  fés  rameaux  ne 
peuuet  bruller,&encor  moins  feruirde  mefrain, 
àcaufequec’cft  vnboismoüelleux,  ôc  qui  ira 

point  de  force.  Neantmoins  Dom  Allonfe  Dar- 
zillaCcommcildit  ) feferuiedes  fueillcs  feches 
de  ceft  arbre  pour  efcrirevnc  partie  de  l’Aura- 
cane,&  a la  vérité  à faute  de  papier  on  fen  pour- 
roitferuir  veuque  fa  fueille  eft  de  la  lareeur 
d vne  fueille  de  papier , ou  peu  moins  ôc  longue 
de  quatre  fois  autant. 

'Du  CAcao  de  U Cocd. 

Chap.  XXII. 


Açoit  que  le  plane  foit  le  plus  prof 
Stable, neantmoins  leCacao  eft pk 
^eflimé  en  Mexique,  dda  Coca  au  Pe 
riiefquelsdeux  arbres  ils  ont  beau 
Y iij 


Histoire  natvrelle 
coup  de  ruperftition.  Le  cacao  eft  vti  frui(^ 
vn  peu  moindre  qu’amandes  , & toutesfois 
plus  gras  , lequel  eftantrofty  napas  mauuaife 
faneur.  Ilefttanteftimé  entre  les  Indiens,  voi- 
re entre  les  Elpagnols  , que  c'eft  vn  des  plus 
riches,  voire  plus  grands  commerces  de  la 
neufuc  Elpagne,  Car  comme  c’eft  vn  fruidt 
fcc  & qui  fe  garde  loing  temps  fans  fe  cor- 
rompre , ilscnamcinent  des  nauires  chargez 
de  la  prouince  de  Guatimalla.  En  l’an  palTé 
vncorfaire  Angloisbrufla  au  port  de  Guatulco 
en  la  neufue  Efpaigne  plus  de  cent  mil  charges 
de  cacao.  L’on  fen  fcrc  mefme  comme  de 
monnoye , d’autant  qu  aucc  cinq  cacaos  ils 
acheptent  vue  chofe , aucc  trente  vnc  autre , & 
auec  cent  vnc  autre  , fans  qu’il  y aye  contra- 
didion , & ont  accouftumé  de  les  donner  pour 
aumofnc  aux  panures  qui  leur  demandent.Lc 
principal  vfage  de  ce  cacao  eft  en  vn  brcuuagc 
qu’ils  appellent  Chocholaté,dont  ils  font  grand 
cas  en  ce  pays  , follement  & fans  raifon,  & fait 
mal  au  cœur  à ceux  qui  n’y  font  point  accou- 
' ftumeZjd’autât  qu’il  y a vne  efeume  & vn  bouil- 
lon au  haut  qui  eft  fort  mal  agréable  pour  en 
vfer , fi  l’on  n’y  a beaucoup  d’opinion.  T oures- 
foisc’eft  vnc  boiftbn  fort  eftiméc  entre  les  In- 
diens, de  laquelle  ils  traittent,  feftoyent  les 
Seigneurs  qui  viennet  ou  palfcnt  par  leur  terre. 
Les  Efpagnols  & les  Efpagnolles  qui  font  ja 
accouftumez  au  pays, font  extrêmement  friands 
decechocholaté.  Ils  difent  qu’ils  font  ce  cho- 
cholaté  en  diuerfes  façons  6c  qualitez  , fçauoir 
l’vn  chaudjl’autre  froid,5c  l’autre  tempéré , 6c  y 


DES  Indes»  Lrv.  IIII. 
mettent  des  efpiqs  beaucoup  de  ce  chili.  MeC- 
mes  ils  en  font  des  partes,  qu’ils  difent  eftre  pro- 
pres pour  l’eftomach , & contre  le  catarrhe. 
Quoy  qu’il  en  foit , ceux  quiny  ont  point  efte 
nourris  n’en  font  pas  beaucoup  curieux.  L’ar- 
bre où  croift  ce  fruid:  eft  d’vne  moyenne  gran- 
deur &d’vne  belle  façon,  ileft.fi  délicat  que 
pour  garder  que  le  Soleil  ne  le  brufle  ils  plan- 
tent auprès  de  luyvn  autre  grand  arbre  qui  luy 
fèrtlculcment  d’ombrage,  & l’appellent  la  mc- 
re  du  cacao.  Il  y a des  lieux  où  ils  font  ainfi  que 
les  vignes  &Ics  oliuiers  font  en  Efpagne.  La 
prouincc  qui  en  a plus  grande  abondance , pour 
le  commerce  & la  marchaiidifc  eft  celle  de  Gua- 
timalla.il  n’en  croift point  au  Peru  , mais  il  y 
croiftdclacoca,  qui  eft  vnc  autre  chofe  où  iis 
ont  encor  vne  autre  plus  grade  fuperftition  qui 
femble  eftre  chofe  fabulcufe.  A la  vérité  la 
traittcdelacocacn  Potozi  fe  monte  à plus  de 
demy  million  de pezes par  chacun  an,  d’autant 
qu’on  y en  vfe  quelques  quatre  vingts  dix  ou 
quatre  vingts  quinze  mille  corbeilles  par  an. 

En  l’an  mil  cinq  cens  quatre  vingts  & troison 
yen  confomma  cent  mil,  Vnc  corbeille  de  co- 
cacn  Cufco  vaut  deux  pezes  & demy  , & trois, 
& en  Potozi  elle  vaut  tout  contant  quatre  pe- 
zes & cinq  tomincs  , & cinq  pezes  efiayez. 
C’eft  l’efpece  de  marchandife  à l’occafion  de 
laquelle  prefque  fc  font  tous  les  marchez  & 
foire  , parce  que  c’eft  vne  marchandife  dont 
il  y a grande  expédition.  La  coca  donc  qu’ils 
eftiment  tant , eft  vne  petite  fueille  verdc  qui 
naiftendes  arbrilfcaux  qui  font  comme  d’vnc 

Y iiij 


Histoire  natvrelle 
braffe  de  haut , elle  croift  en  des  terres  fort 
chaudes  & humides,  &ietteceft  arbre  de  qua- 
tre mois  en  quatre  mois  cefte  fucille  qu’ils  ap- 
pellent la  trefmitas  ou  tremoy  : elle  requiert 
beaucoup  de  foin  à la  culriucr  , pource  qif  el- 
le eft  fort  délicate , ôc  beaucoup  d’auantage  à la 
conferucr,apres  qu  elle  eft  cueillie.  Ils  les  met- 
tent par  ordre  en  des  corbeillôs  longs&eftroits, 
& en  chargent  les  moutons  du  pays  , qui  vont 
aucc  cefte  marchandife  en  tronppes  chargez  de 
mil  êc  deux  mil , voire  trois  mil  de  ces  corbeil- 
lons.  On  l’apporte  le  plus  communément  des 
Andes  & vallées , efquelles  il  y a vne  chaleur  in- 
fupportable,  ôc  où  il  pleut  toufiours  la  plus  part 
de  1 année.  Enquoy  les  Indiens  endurent  beau- 
coup de  trauail  & de  peine  pour  l’entretenir,  ôc 
bienfouuent  plufîeurs  y perdent  la  vie  , parce 
qù  ils  partent  de  la  Sierre  ôc  de  lieux  tres-foids 
poui-rallerculduer  d:  recueillir  en  ces  Andes. 
C’eftpourquoy  il  y a eu  de  grandes  difputcs  ôc 
diuerfité  d’opinions  entre  quelques  hommes 
dodes  &fages,à  fçauoir  fil  eftoit plus  expediet 
d*arracher  tous  ces  arbres  de  coca,ou  de  les  laif- 
fer,mais  en  fin  ils  y fontdcmeurez.  Les  Indiens 
reftimcntbeaucoup,&:  au  temps  des  Rois  In- 
guas  il  n’eftoitpas  licite  ny  permis  au  commun 
peuple  d’vferdela  coca  fans  la  licence  du  Gou- 
uerneur.  L’vfage  en  eft  tel  qu’ils  le  portent  en  la 
bouche  ôc  lemafchcnt , fueçant  fans  toutes- 
fois  Faualler.  Ils  difent  qu’elle  leur  donne  vn 
grand  courage,  dcleur-eft  vue  fingulierc  frian- 
dife.  Plufieurs  hommes  graues  tiennent  cela 
pout  fijperftition  ôc  chofede  pure  imagination. 


Des  Indes.  Liv.  IIÎT.  175 
De  ma  part , pour  dire  la  vérité,  ie  me  perfuadc 
que  ce  n eft point  vne  pure  imagination,  mais 
au  contraire  i en rçns  qu  elle  opéré &donnc  for- 
ce^ courage  aux  indieiisrcar  Ton  en  voit  des  ef- 
fcds,  qui  ne  peuuenteftre  attribuez  à imagina- 
tion, comme  de  cheminer  quelques  iournécs 
fâm  manger  auec  vne  poignée  de  coca,&  autres 
cfrcéls  (emblables.  i-afaulfè  auec  laquelle  ils 
mangent  ce  coca  luy  eft  aflcz  conuenablc,pour- 
ce  que  i en  ay  goiifté,&  a comme  le  gouft  de  Su- 
macq.  Les  îndienslabroyentauecdcla  cendre 
d’os  brûliez  & mis  en  poudre,ou  bien  auec  de  la 
chaux, comme  d autresdilent^ce  qui  leur  remblc 
fort  appetirTant  & de  bon  gouft , & difent  qu'il 
leurfairvngrand  profit.  IlsyemployentÜbre- 
racn  t leur  argent,  & fon  feruent  en  mefme  vfaee 
que  de  la  inonnoye.  Encor  toutes  ces  chofes  ne 

leroicntpointmalàpropos,n’eftoientlehazatd 

& rr  fque  qu’il  y a en  fon  commerce, & à l’appro- 
ntcr,en  quüy  tantees  gens  font  occupez.  Les 
^ eigneurs  Inguas  vfoient  du  coca  comme  de 
choie  royalle  & friande,  &eftoit  la  chofe  qu’ils 
ofiroientlepluseri  leurs  facrifices,  lebruflans 
tn  l’honneur  de  leurs  idoles. 

^f*Maguey,duTmdM^Cochemlle,del4mr 

dn  CO  t fon. 

Ch  A P.  XXIÎI. 

Emagueycft  Larbredes  mcrueillés, 
duquel  les  Nouueaux  ou  Chapeto- 
nés  ( comme  ils  les  appellent  ésln- 
des)oiît  accoullumc  d’eferire  des  mi- 


Histoire  natvrelle 
racles,  en  ce  qu’il  donne  dercaüe,  du  vin,  de 
l’huillc , du  vinaigre,du  miel,du  firop,du  fil , des 
cfguilles  , &mil  autres  chofes.  Ceft  vn  ar- 
bre que  les  Indiens  cftiment  beaucoup  en  la 
neufue  Erpagne,  & en  ont  ordinairement  en 
leurs  habitations  quelquVn  pour  entretenir 
leur  vie.  Il  croift  & le  cultiuent  aux  champs,  ôc 
a les  fueilles  larges  &groflieres , au  bout  def- 
quclles  il  y a vnc  pointe  forte  ôc  aigue , qui  fert 
pour  attacher  comme  des  efplingues , ou  pour 
coudre  comme  vnc  efguille,&  tirent  aufli  de  ce- 
lle fueille  comme  vn  certain  fil,  dot  ils  fc  feruér. 

Ils  coupent  le  troc  qui  eft  grosquâd  il  eft:  encore 
tendrc,&  demeure  vne  grande  (concauité , par 
laquelle  monte  la  fubftance  de  la  racine,  & eft 
vne  liqueur  que  l’on  boit  comme  de  l’eaüe  qui 
eft  frefehe  & douce.  Cefte  mefmc  liqueur  eftant 
cuitte  fe  tourne  comme  vin,  lequel  deuient  vin- 
aigre en  lelaifiànt  aigrir,  & en  le  faifant  bouil- 
lir d’auantage  il  deuient  côme  du  miel,  ÔC  le  cui-  i 
Tant  à demy  il  leur  fert  de  firop,  qui  eft  afiez  fain 
&de  bonne  faneur , voire  me  femble  meilleur 
que  le  firop  de  raifins.  Voila  comme  ils  font 
cuire  ôc  fc  feruent  de  cefte  liqueur  en  diuerfes 
façonSjde  laquelle  ils  tirentbone  quantite,d’au- 

tant  qu’en  certaine  faifon  ils  tirent  par  chaque 

ioLir  quelques  pots  de  cefte  liqueur.il  y a melmc 
de  ces  arbres  auPeru,mais  ils  ne  les  rendét  point 

fi  profitablescômeenlaneufucEfpagne.Le  bois 

de  ceft  arbre  eft  creux  ôc  mol , Ôc  fert  pour  con- 
feruer  le  feu,  pourcc  qu’il  le  retient  comme  vnc 
mefehe  d’arquebuze  , ôc  s’y  garde  long  ^temps, 
dont  i’ay  veu  que  les  Indiens  s’cn  feruoict  à ceft  | 


; 

desIndes.  Liv.  IIII  174 

çfFcd.  Le  tunalcft  vn  autre  ari>re  fameux  en  la 
iicufue  Efpagne , fi  arbre  nous  dcbuons  appel-^ 
1er  vn  raonçeau  de  fucilles  amafièes  les  vues  fur 
les  autres  , lequel  efl:  de  la  plus  eftrange  façon 
d’arbra , qui  foit.  Pource  qif il  fort  de  terre  pre- 
mièrement vnefucille,  & d'icelle  vue  autre,  ôc 
de cefte-cyvne autre,  & ainfiva  croilîànt  iuf- 
ques  a fa  perfe6Hon,finon  que  comme  fes  fucil- 
les vont  fbrtanten  haut  & aux  coftez,  celles, 
d embas  s'cngrofiilïcnt , Sc  viennent  prefque  à 
perdre  la  figure  de  fueilles,en  failant  vn  tronc 
Sc  des  rameaux  qui  font  alpres , efpineux  & dif- 
formes , d où  vient  qu  en  quelques  endroits  ils 
1 appellentchardon.  Il  y a des  chardons,  on  tu- 
nauxlaiiuages  qui  ne  portent  point  de  fruit,  ou 
bien  il  eft  fort  elpineux,&lânsaucunproffit.  Il 
y a mefine  des  Tunaux  doraeftiques , qui  don- 
nent du  fruit  fort  eftimé  entre  les  lndiens,qu’ils 
appellent  Timas,  & font  de  beaucoup  plus  gra- 
des que  les  prunes  de  frere,  êc  ainfi  longues.  Ils 
en  ouurentla  cocque,qui  eft  graftè,&  au  dedans 
y a de  la  chair, & des  petits  grains  femblables  à 
ceux  des  figucs,qui  font  fort  doux,  & ont  vn  bo 
gouft,  fpeciallcmcnt  les  blanches , lefquels  ont 
vue  certaine  odeur  fort  aggreable,  mais  les  rou- 
ges ne  font  pas  ordinairement  fi  bons.  Il  y a vnc 
autre  forte  de  Tunaux  , lefquels  ih  eftiraent 
beaucoup  dauantage,  en  cor  qu’ils  ne  donnent 
point  de  fruiâr,  & les  cultiuent  auec  vn  grand 
foing  ôc  diligence  : Ôc  iaçoit  qu’ils  n’en  recueil- 
lent point  de  ce  fruit , neantmois  ils  rapportent 
vne  autre  commodité  &»  profEt  qui  eft  de  la 
graine,  d’autant  que  certains  petits  v'ers  naif- 


( 


Histoire  natvrelle 
fent  aux  fueillcs,  de  cct  arbre , quand  il  eft  bien 
cultiucj  éc  y font  attachez,  CO  uuerts  d vne  cer- 
taine petite  toile  deliée,Iefqucls  on  circuit  dé- 
licatement, & eft  la  cochenille  des  Indes  tant 
renommée , de  laquelle  Tonteinten  graine.Ils 
leslaiircntfccher,.  &ainlifecsils  les  apportent 
en  Elpagne,qui  eft  vne  groire,&  riche  marchan- 
dife.  L’arrobe  de  cefte  cochenille  , ou  graine, 
vaut  plufieurs  ducats.  On  en  apporta  en  la  flot- 
te de  l’an  mil  cinq  cens  quatre  vingts  fept , cinq 
mil  flx  cents  foixante  dixfept  arrobes,  qui  mon- 
toient  à deux  cens  quatre  vingts  trois  mil,fept 
cents  & cinquante  pezes,  & ordinairement  il 
envienttous  les  ans  vne  femblablc  richefle. 
CesTunauxeroiflentés  terres  temperees  , qui 
déclinent  à froideur.  Au  Pem  il  n ’y  en  croift: 
point  encor  iufques  à prefent.  l’enay  veu  quel- 
ques plantes  en  Efpagne  , qui  ne  méritent  pas 
toutesfois  d’en  faire  aucun  eftat.  le  diray  auflî 
quelque  chofe  de  l’Anir,  combien  qu'il  ne  vient 
pas  dVn  arbre, mais  d’vue  herbe,  parce  qu’il  fert 
à la  teinture  des  draps,  & que  c’cftvne  marcha- 
dife  qui  s’accommode  auec  la  graine , & meflne 
qu’il  croift  en  grande  quantité , en  la  neufue  Ef- 
pagne,d’où  il  en  vint  cnla  flotte  que  i aydit,cinq 
mil  deux  cents  foixante  & trois  arrobes,  ouen- 
uiron,  qui  montent  autant  de  pezez.  Lecotton 
mefmc  croift  en  des  petits  arbrifleaux , & en  des 
grands  arbres  qui  portent  comme  des  pommet- 
tes,lefquels  s’ouurent  & donnent  cefte  filaire,& 
apres  l’auoir  cueillie  la  fillent , & la  tirent  pour 
en  faire  des  eftoftes.C^ft  vne  des  chofes  qui  foit 
és  Indes  de  plus  grand  proftit,&:  de  plus  d’vfage. 


DIS  Indes.  Liv.  IIII,  ,7. 
car  il  IcHrfertdelin , Ôc  de  laine  pour  faire  des 
habits.ll  croift  en  terre  chaudeAy  en  a vne  gra- 
quantité  es  vallces&  cofle  duPcru,en  la  neu> 
fue  Efpagne,  es  Philippines,&enIaCIiinc.Tou- 
tesrois  il  y en  abeaueoiip  d’auantage,  qu’en  au- 
cun lieu  que  ie  fachc,en  la  prouince  deTucuma 
en  celle  de  fainéte  Croix  de  la  Sierre,  Ôc  au  Para- 
gucy,&leur  eft  le  cottô  le  principalre-ucnu.L  on 
apporte  en  Efpagne  du  cottô  des  Ifles  deS.Do,- 
minique,&  cnvintlannee  quei’ay  dit  foixante 
& quatre  arrobes.  Aux  endroits  des  Indes  ou 
croift  le  cotron  ils  en  font  de  la  toiledont  les  ho- 
mes &:  les  femmes  vfciitlcplus  communemér, 
mcfmes  en  font  leurs  feruiettes  de  tables , voire 
des  voillcs  de  nauire.il  y en  a de  gros , & d’autre 
qui  eft  fin  & délicat.  Ils  le  teignent  en  diuerfes 
couleurs,  comme  nous  faifons  les  draps  de  laine 
en  Europe.  ^ 

Des  Mdme^es^Guajüuos  Faites, 

c H A P.  xxiin. 


Es  plantcsdont  nous  auôs  parlé  font 
les  plates  les  plus  profitables  dcsln- 
des,  ôc  celles  qui  font  les  plus  nccef- 
fairesjpour  le  viurenoutesfois  il  yen 

a beaucoupd’autres  qui  font  bonnes 

à m%cr , entre  lefquelles  les  mameyes  font  efti- 
meés  eftans  de  la  façon  des  grofiespeft;hes,  voi- 
re plus  groffes.Ils  ont  vn  ou  deux  noyaux  dedas, 
Sc  h chair  quelque  peu  dure.  Ils  y en  a qui  font 

l 


Histoire  natv relie 
doux  & d’autres  qui  ibnt  aucunement  aigres,  & 
on  t l’efcorce  forte  Sc  dure.  On  fait  de  la  confer- 
ue  de  la  chair  de  ce  fruit , qui  reiremble  au  coti- 
gnac.  L’vfage  de  ce  fruit  eft  allez  bon , & encor 
meilleure  la  conferue,que  l’on  en  faiA.lls  croif- 
fent  éslllesj&rn’en  ay  point  vcuau  Pcru.C'ell 
vn  arjjre  qui  eft  grand, & bié  faitjdVn  allez  beau 
fueillage.Les  Guayauos  font  d’autres  arbres  qui 
portent  cômunement vn  mauuais  fruidt , plein 
de  pépins  afpres,&  font  delà  façon  de  petites 
pômes.Ceft  vn  arbre  mal  eftimé  en  là  terre  fer- 
me,&auxl  11  cs,car  ils  difent  quûla  rodeur,cômc 
de  punaifes.Le  gouft&  làueur  de  ce  fruit, eft  fort 
grolïîer,&  fa  fubftancc  mal  faine. Il  y a en  S.Do- 
minique,  & és autres  Illes des môtagncs toutes 
pleines  de  ces  guayauos,&difenr,qu’ils  n’yauoit 
point  de  telle  forte  d’arbres,  auantqueles  Efpa- 
gnols  y arriualTcnr,  mais  que  l’ô  les  y a apportez 
de  ie  ne  fçay  où.  Cet  arbre  a multiplié  innnimér,  | 
parce  qu’il  n’y  a aucun  animal,  qui  en  mange  les  | 
pepinSjOu  la  graine,d’où vient  qu’eftans  ainll  fe-  ; 
mez  parmi  la  terrc,comme  elle  eft  chaude &hu- 
mide,il  y a ainfi  multiplie.  AuPeru  cet  arbre  dif- 
féré des  autres  guayauos,  pourcc  que  le  fruit  n’é 
. eft  point  rouge,mais  eft  blac,&n’à  aucune  mau- 
uaife  odeur , mais  eft  d’vn  fort  bon  gouft  : Sc  de 
quelcôque  forte  de  guayauos, que  ce  foir,le  fruit 
en  eft  aulïî  bon  comme  le  meilleur  d’Elpaigne, 
fpeciallemcnt  de  ceux  qu’ils  appellent  guayauos 
dematos,  & d’autres  petites  guayauiiles  blan- 
ches.C’eftvn  fruit  aflèz  fain,&conuenable  pour 
reftomac,pource  qu’il  eft  de  forte  digeftion , Sc 
allez  froid  : les  Pàttas  au  contraire  font  chaudes 


Des  Indes,  Liv.  IIIî. 
&aeIicates.LéPaIto  eft  vn  arbre grâd  & de  beau 
fueillagCjqui  ale  fruiét^come  des  grofles  poires, 
il  a dedans  vn  gros  noyau,&  tout  le  rcfte  eft  vne 
chair  molle,  tellement  que  quand  ils  font  bien 
mcursjils  font  comme  du  beurrc,&  ontlcgouft 
délicat.  Les  paltas  font  grâds  au  Peru,  & ont  vnc 
efcaille  fortdure,quc  l’on  peut  ofter  toute  entiè- 
re. Ce  frui<5t  eft  en  Mexique  , pour  la  plus  part 
fort,ayant  1 efcorcedclice,quifc  pelle  côme  des 
pomes.  Ils  les  tiennent  pour  vne  viande  fainc,& 
cômei’ay  dit,qui  décline  quelque  peu  à chaleur. 
Ces  mamayesjguayauos,  &paltos,fontlcspcll 
chesdes  pommes, & les  poires  des  Indes , encor 
que  ic  choilîrois  pluftoft  celles  de  1 Europe. 
'Mais  quelques  autres  par  l’vfagc,ou  peuteftre, 
par  affeiftion^pourront  cftimerd  auantage  ceux- 
cy  des  Indes.  le  ne  doute  point  , que  ceux  qui 

n ontpointveu,ny  goufté, de  ces  fruits, prendrôt 

peudeplaifiràlire  cccy  , voire  fe  lalfcront  de 
1 ouyr,&moy  mefîne  ie  m’en  Iaire,qui  caufe  que 
j abregeray  en  racontant  quelques  autres  fortes 
de  fruits.  Car  ce  feroit  chofe  impoftîblc  de  pou- 
uoir  traiter  de  tous.  ~ 

Du  Chtcoçàt^otCfdes  yyfnnm<u  ^ des  Capüyes^ 


Chapit.  XXV. 


' V elqucs  vns  qui  ont  voulu  augmen- 
ter les  choies  des  Indes,  ont  mis  en 
auant  qu’il  y auoit  vn  fruit,qui  eftoit 
ifemblable  au  cotignac,  & l’autre  qui 


Histoire  natvrelle 
eftoit  comme  du  blanc  manger  : pourcc  que  la 
faueur  leur  fembla digne  de  ces  noms.  Lecoti- 
gnacoumeiTnelâde((iieneraetrôpe  ) eftoic  ce 
qu’ils  appelloient 5 capotes,  ou chicoçapores, 
quifoncd’vn  gouftforc  donx,&  approchant  à 
la  couleur  de  cotignac.  Q£elques  crollos , ( qui 
eftle  nom  dont  ils  appellent  les  t f|:^agnols  nais 
auxïndes)  difent  que  ce  fruit  furpalTe  cncxccl- 
lence  tous  les  fruits  d'Efpagne.  Toutesfois  ce 
n eft  mon  opinion,  mais  ils  difent , que  au  gouft 
principalement  il  furpallc  tous  les  autres  fruits, 
où  ie  ne  me  veux  pas  arrefter  neantm  oins,  par- 
ce que  cela  ne  le  mérité  pas.  Ces  chicoçapores 
GU  çapotes, entre  leCquels  ily  apeude  différen- 
ce , croifTent  es  lieux  chauds  de  la  neufue  Efpa- 
gne,&nay  point cognoifTance,  qu’il  y ait  de 
tel  fruit, en  la  terre  ferme  du  Peru.  Pour  le  blanc 
manger,  c’eft  l’Annone  , ou  guanauana  , qui 
croift  en  terre  ferme.  L’Annonaeft  delà  façon 
dVnepoire,  & ainh  quelque  peu  aigue  & ou- 
uertc , tout  le  dedans  eft  tendre  Ôc  mol  comme 
burre,&  eft  blanc,  doux  ôc  d’vn  gouft  fort  fa- 
iioureux.  Ce  n’eft  pas  manger  blanc  encor 
qu’il  foit  blanc  manger,  mais  à la  vérité  c’eft 
beaucoup  augmenté  de  luy  donner  tel  nom, 
bien  qu’il  foit  délicat  ôc  d’vii  gouft  fauoureux, 
ôc  quoy  que  félon  le  jugement  d’aucuns , il  foit 
tenu  pour  le  meilleur  fruit  des  Indes , il  a en  foy 
vue  quantité  de  pépins  noirs  , ôc  les  meilleurs 
que  i’aye  veü  a cfté  en  la  neufue  Efpagnc,  où  les 
capolies  croifTent  auffi, qui  font  comme  des  cc- 
rifes , ôc  vn  noyau , bien  que  quelque  peu  plus 
gros.Mais  la  forme  ôc  figure , eft  comme  de  ce- 


) 


DES  Indes.  Liv.IIÎI.  , 17^ 

rifcSjdc  bonne  faiieur,ayat  vn  doux-aigret:  mais 
ieiî’avpointveudecapollycscn  autre  contrée- 


JDepluJteurs fortes  de  fruitiers  ^des  Cocos, des 
^mendesydes  yindes,^des  Amen- 
des de  Qhacha^oyas, 

Chapitre  XXVI. 

ir  paspoflîblc  de  racon- 
les  fruits  Ôc  arbrCs  des 
:endu  que  ie  nem  en  re- 
pas de  plulîeurs,  & qu’il 
. icor  beaucoup  d’auanta- 

ge  dciquels  le  n’ay  pas  cognoi{rance,&  me  fem- 
blechofeennuyeufedcparlerde  routes,  dont 
ilmefouLiienr.  Il  fetrouue  donc  d’autres  gen- 
res de  fruitiers&  de  frnits,plus  groffiers,  com- 
me ceux  qu’ils  appellent  lucumes, du  fruiét  def- 
quels  ils difcnt,parprouerbe,  quec  eft  vnprix 
diliimule,  eôme  les guauas,pacayes,lcs bobos, 
& les  noix  qu  ils  appellent  emprifonnées.  lef. 
quels  fruits  femblentà  pluficurs,cftre  des  noix 
deiamefmc  efpece  que  font  celles  d’Efpagne. 
Voire  ils  di{cnt,quc  lî  l’on  les  tranlplâtoitfou- 
ucnt.dvnlicu  en  autre,qu’ils  rapportcroienc 
des  noix  toutes  fcrablables  à celles  d’Efpagne 
ce  qu’ils  donnent  aiiiEvn  fruit  fauuagc,  & fi 
mal  plaifant  eft  à caule  qu’ils  font  lauqages.  En 
vu  ^ confidererla  prouidence  ôc 

iichellcdu  Createur,lequel  a departy  à tant  de 
luerfes parties  du  monde,  telle  variété  d’arbres 

Z 


zw': 


Histoire  natvrelei 
fruitiers  , le  tout  pour  leferuice  des  hommes 
qui  habitent  la  terre , & eft  vne  chofe  admira- 
ble de  voir  tant  de  differentes  Formes,goufts,  & 
effets  du  tout  incogncus,  & dont  on  n auoit  ia- 
maisouy  parler  au  monde,  auparauant  la  def- 
couuertc  des  Indes.  Et  defquelles  mefmc  Pline, 
Diofeoride  & Theophrafte,  voire  les  plus  cu- 
rieux,n’ont  eu  aucune  cognoilTance,  neâtmoins 
toute  leur  recherche  & diligence.  Il  s’efttrou- 
ué  des  hommes  curieux  de  noflre  temps  qui  ont 
efeript  quelques  traittez  de  ces  plantes  des  In- 
des,des  herbes,  & riuieres  , ôc  des  operations, 
qu’ils  ont  en  fvfage  de  mcdecine,aulquelsron 
pourra  recourir,  qui  en  voudra  auoir  plus  am- 
ple cognoifraiice,par  ce  queie  prétends  traitter 
fcullcment  en  peu  de  mots  & fupcrficiellement 
ce  qui  me  viendra  en  la  mémoire  , touchant  ce 
fubied.  Neantmoins  il  ne  me  fcmble  pas  bon 
paffer  foubs  filencc  les  cocos  , ou  palmes  des 
Indes , à caufe  d’vne  propriété  qu’ils  ont  qui  eft 
fort  notable, (Scremarquable.Ie  les  appelle  pal- 
mes,non  pas  proprement,ny  qu’il  y ait  des  dat- 
tes , mais  d’amant  que  ce  font  arbres  fembla- 
blcs  aux  autres  palmes.  Ils  font  hauts  & forts, 
& plus  ils  montent  en  haut  plus  vont  ils  iettaus 
des  rameaux, grands  & fort  ehendus.  Ces  pal- 
mes ou  cocos  donnent  vn  fruit  qu’ils  appellent 
auffi  cocos  , dequoy  ils  ont  accouftumé  faire 
des  vafes  pour  boire, &difent  qu’il  y en  a quel- 
ques vns  qui  ont  vne  vertu,&  propriété  contre 
lepoifon,  &pour  guérir  le  mal  de  codé.  Le 
iioy  au  & la  chair  d’iceux(quand  il  eft  efpoiffi& 
icc)cftbonàmangerA3ppi‘‘ochc  quelque  peu 


Des  Indes.  Liv.  IîîÎ.  i^g 
dugouftdechaftaignesverdes.  Qiyndlecoco 
f cft  en  l’arbre  encor  tendre,  tout  ce  qui  eft  dedâs 
cft  comme  vn  laiâî  qu'ils  boiuent  par  délices 
& pour  rafrailbhir  en  temps  de  chaleur.  l’ay 
veu  de  CCS  arbres  en  faind  Jean  de  port  - riche 
Sc  autres  endroits  des  Indes,  & m’en  dircncvne 
chofe  remarquable  que  chaque  mois  ou  Lune 
cet  arbre  iette  vn  nouueau  rameaii  de  ces  co- 
cos, tellement  qu’il  donne  du  fruit  douze  fois 
par  an,comme  ce  qui  efl:  eferit  en  l’Apocalypfc^ 
Sc  à la  vérité  il  me  femble  que  cefull  de  mefmc, 
pour  ce  que  tous  les  rameaux  ibnt  d’aages  fort 
differens,  les  vns  commencent,  les  autres  font 
défia  meurs,  & les  autres  le  font  à demy.  Ces 
cocos  que'ie  dy  font  ordinairement  delà  fiau- 
re&grolîeurdvnpetitmelon  : Il  yenad’vnc 
autre  forte  qu’ils  appellent  coquillos  , qui  eft 
vn  fruft  meilleur,  dont  il  y en  a en  Çhillé.  Ils 
font  quelque  peu  plus  petits  que  noix, mais  vn 
peu  plus  ronds;  Il  yavncautrcelpecedccôco» 
qui  ne  donnent  point  ce  noyau  ainfî  cfpoilîî, 
mais  tls^mt  dedaiTS-vïrc  quantité  de  petits  fruits 
comme  Amendes,iLlx façon  des  grains  de  grc- 
nàde.Ces  amendes  font  trois  fois  auflî  grandes 
que  celles^  de-CalHllc,  ^Icurreflcmblentau 
• gouftjcncor  qu’elles  foient  vn  peu  plus  aipres 
& lonnrafïl  ^.^mides  Ôc  huilleufcs.  Cel^  vn  af- 
fez  bon  manger  , auflî  ils  s’en  lèruent  en  déli- 
ces , faultc  d’amendes  , pour  faire  des  mafle- 
pains,&.autres  telles  chofes.  Us  les  appellent 
amendes  des  Andes  , pour  ce  que  ces  cocos 
croyflcrit  habondamment  és  Andes  du  Peru, 
Sc  font  fi  forts  Sc  durs, que  pour  les  ouurir,  il  cft 

Zij 


Histoire  natvrellè 
befoing  de  les  frapper  rudement  auecvnc  grolïc 
pierre.  Quand  ils  tombent  de  Farbrc^s'ils  reii- 
controient  la  telle  de  quelqu’vn,  iln'auroitià 
befoing  d’aller  plus  loing.  Et  femble  vne  chofe 
incroy ablejque  dedans  le  creux  de  ces  cocos  qui 
ne  font  pas  plus  grands  que  les  autrcs,ou  gucres 
d’auantage,ily  ancantmoinsvne  telle  multitu- 
de & quantité  des  ces  amandes.  Mais  en  ce  qui 
concerne  les  amendes,  & tous  les  autres  fruits 
femblableSjtous  les  arbres  doibuent  céder  aux 
amendes  de  Chachapoyas,  Icfquellcs  ie  ne  peux 
autrementappcller.Celllefruitle  plus  délicat, 
friand,&  plus  faiii, de  tout  tant  que  i aye  veu  és 
Indes.  Voirevn  dode  médecin  afFermoit  qu’en-, 
tre  tous  les  fruits  qui  font  es  Irides,  ou  en  Efpa- 
gne,nul  n’approchoit  del’excellence  de  ces  amé- 
des.  Il  y en  a de  plus  grandes  & de  plus  petites 
que  celles  que  i ay  dit  des  Andes,  mais  toutes 
font  plus  graffes  que  celles  de  Caftille.Elles  Ibnc 
fort  tendres  àmanger,ont  beaucoup  de  fiic,  & 
de  fubftâce,&'  comme  ondueufes  Sc  fort  agréa- 
bles,elles  croilTent  en  des  arbres  très-hauts , & . 
de  grand  fueillage.  Et  comme  c’eft  vne  chofe 
precieufcjnature  auflî  leur  a donné  vne  bonne 
couuerturc  & dc^nfê  veu  qu’elles  font;  en  vne 
cfcorce  quelque  peu  plus  grande  Sc  plus  poignâ-  . 
te , que  celle  des  chaflaignes,  r<l%4éifois  quand 
celle  cfcorce  cftfechc  , l’on  en  tire  facilement 
le  grain.Ils  racontent  que  les  linges,  qui'font 
fort  friands  de  ce  fruit , & defquels  il  y avn 
grand  nombre  en  Chachapoyas  du  Peru  , (qui 
cil  la  contrée  de  toutes,  où  ie  fcache  qu’il  y ait 


DES  Indes.  L IV.  IIII. 
de  ccsarbrcs)pour  ne  fe  picquer  en  1 efcorce, 
& en  tirer  l’amande  , les  iettent  rudement. du 
haut  de  l’arbre, fur  les  pierrcs,&  les  ayants  ainfi 
rompues,  les  acheuent  douurir  pour  les  man- 
ger à leur  plailîr. 


Deflwftean  Muerfis  fimrs,(jr  âe  quelques  i^res, 

(jui  donnent  feulement  de  U fleur comme  les 
Indiens  en  vfnt, 

Chap.  XXVII  . 

Es  Indiens  font  fort  amis  des  fleurs, 
^ & en  la  neufue  Efpagne,  plus  qu’en.' 
1/  autre  partie  du  monde,  parquoy  ils 
'S  ont  accouflumé  de  faire  plufieurs 
fortes  de  boucquets,  qu’ils  appellent  là  fuchil- 
les,aucc  vne  telle  variétés  gentil  artifice,  qUe 
1 on  n y peut  riendefirer  d’auantagedls  ont  vn  e 
couftume  entre  eux  que’les  principaux  offirent 
pai  honneur  leurs  fiichilles,  ou  boucquets  aux 
îeigneurs,5c  a leurs  hoftes,  & nous  en  dônoient 
en  telle  abondance  , quand  nous  cheminions 
par  celle  prouince,quc  nous  ne  fçauions  qil’en 
faire,  bien  qu’ils  le  leruent  auiourd’huyià  cet 
efFet,desprincipalIes  fleurs  de  Caftille,  pource 
quelles  croiflent  là  mieux  qu’icy,  comme  font 
les  œillets.rolcs,iafmins,violcttes,fleurs  d’oran- 
ges, &les  autres  fortes  de  fleurs,  qu’ils  y ont 
portées  d’Elpagne,  y proffitent  merueilleufç- 
ment.Lesrofiers  en  quelques  endroits  y croif- 
foient  trop, tellement  qu’ils  ne  donnoient  point 

Z iij 


Histoire  natvreili' 

«3c  rofcs.Il  arriva  viiiour  qu’vu roficr  fut  brû- 
lé, & les  reiettbns  6c  fcyons  qui  icttcrent  in- 
continent portèrent  dcsrofes  en  habondance, 
&de  là  ils  apprindrcnt  à les  efmonder,&en  oftcr 
le  bois  fuperflu , tellement  qu’auiourd’huy  ils 
donnent  des  rofes  fuffifamment.Mais  outre  ces 
fortes  de  fteurs,  que  l’on  y a portées  d’icy , il  y 
en  abeaucoup  d’autres,  les  noms  defquelles  ic 
ne  peux  pas  dirciqui  font  rouges, iaunes,bleiies 
violettes, & blanchcs,aucc  mil  différences  lef- 
quelles  les  Indiens  ont  accouftumé  de  porter 
en  leurs  telles,  comme  vn  plumage  pour  orne- 
ment.Il  efl  -'«^ay  que  plufieurs  de  ces  fleurs  n’ont 
quelayeiie,  pource  que  l’odeur  n’en  éft  point 
bonne,  ou  elle  eft  groflîerc  , ou  elle  s n’en  ont 
point  du  tout, encor  qu’il  y en  ait  quelques  vnes 
d’excellente  odeur.  Comme  celles  qui  croilîent 
en  vn  arbre  qu’ils  appellent  floripondio,ou  por- 
te fleur, qui  ne  donne  aucun  fruit,  mais  porte 
feulement  de  ces  fleurs,  lefquelles  font  plus  gra- 
des que  fleurs  de  lys,&  font  quafl  en  forme  de 
clochctres,tqutes  blanches,&ont  au  dedans  des 
petits  Allers  comme  l’on  voit  au  lys  : il  ne  cefle 
toute  l’année  de  produire  ces  fleurs,  l’odeur  def-  I 
quelles  efl  merueillcufèment  douce  & agréable  - 
ipecialemcntcnlafraifcheurdu  matin.  Le  vi- 
çcroy  Dom  Francifeo  de  Tollede,enuoya  de  ces 
arbres  au  roy  Dom  Philippe,comme  vne  chofe 
digne  d’eflre  plantée  aux  iardins  royaux.  En  la 
neufue  Efpagnc  les  Indiens  eftiment  beaucoup 
la  fleur  qu’ils  appellent  yolofuchil , qui  fignifie 
fleur  de  cœur,  pource  qu’elle  efl  de  la  mcfme 
forme  d’vn  cœur,  6c  n’eft  pas  gucrcs  moindre.  Il 


DES  Indes.  Liv.  III I.  ig© 
y a mefme  vn  autre  grand  arbre , qui  porte  de 
ccftc  forte  de  fleurs,  fans  porter  d'autre  fruit, 
elle  a vne  odcur,qui  eft  forte,  ôc  comme  il  me 
femble,  trop  violente,  à d’autres  elle  leur  pour- 
ra fembler  aggreable.Ceft  vne  chofe  allez  co- 
gneue,que  la  fleur  qu’ils  appellent  fleur  du  So- 
leil,a la  figure  du  Soleil,  ôc  fe  tourne  félon  le 
raouuement  d’iceluyi  il  y en  a d’autres,  qu’ils' 
appellent  œillets  d’înde,  lefquels  reflcmblent 
à vn  fin  velours  orangé  & violet,  celles  là  n’ont 
aucune  fentcur,quifoitd’eftime,mais  feulemec 
fontbelles  àla  veüe.  Il  y a d’autres  fleurs, s qui 
outre  la  beauté  de  la. veüe , combien  qu’elles 
n’ayent  aucune  odeur,  ont  vne  faueur  comme 
celles  qui  reffemblent  à eelle  du  creflbn  alle- 
nois,que  fi  l’on  les  mangeoit  fans  les  voir , 1 on 
ne  iugeroit  point  que  et  fuft  autre  chofe.  La 
fleur  de  granadillc  efl:  tenue  pour  chofe  re- 
marquable, & difènt  qu’elle  a en  foy  les  mar- 
ques &cnfeignes  de  la  paffion,  ôc  que  l'on  y 
remarquelcs  cloudsjla  coulomne,  les  fouets, 
la  couronne  d’efpincs , & les  playes , enquoy 
ils  ne  font  pas  du  tout  cflongnefis  de  raifon, 
iaçoit  que  pour  y trouuer  & remarquer  tou- 
tes ces  chofes,il  foit  befoing  de  quelque  pie- 
té,qui  aydç  à enfaire  croire  vne  partie  , mais 
elle  efl:  fortcxqnifc,  ôc  tresbelle  à la  vcüe,en- 
cor  qu’elle  n’aye  point  d’odeur.  Le  fruit 
qu’ils  appellent  auflî  granadillc,  fe  mange, 
fe  boitjoupour  mieux  dire  fe  fucce,  pour  ra- 
fraifehir  : ce  fruit  efl:  doux,&  félon  l’opinion  de 
quelques  vns,  il  l’eftpar  trop.Lcs  Indiens  ont 
accouftumé  en  leurs  fcftes,&  dances  de  porter 


Histoire  natvrelle 
<3es  jfleurs  en  leurs  mains,  & les  Roys  & Sei- 
gneurs en  portent  pour  la  magnificence  Pour 
celte  occafion  l’on  void  des  peintures  de  leurs 
anciens  ordinairement  auec  des  fleurs  en  la 
main  , comme  l’on  void  icy  auec  desgants.il 
melcmbléen  auoir  allez  dit  fur  ce  qui  concer- 
ne les  fleurs.  L’on  vfeauflî  àcell  effed  dubazi- 
lic,encor  que  ce  ne  fait  point  vne  fleur,  mais 
feulement vne herbe,  & ont  accoultumé  d'en 
auoir  en  leurs  iaf dins , & de  la  bien  cultiuer, 
mais  maintenant  ils  en  ont  fi  peu  de  foing,qu’il 
n’cll  plus  auiourd’hüy  bazilic , mais  c’elt  vne 
herbe  qui  croilt  autour 'des  ellangs. 

Ch  AP.  XXVIII.  - 

81^  E fouuerain  Créateur  n’a  pas  feule-  I 
^ ment  formé  les  plantes  pour  feruir  | 
de  viande,mais  auflî  pour  la  recrca- 
don  & pour  la  médecine  & giiarifon 
de  1 homme. l’ay  dit  quelque  peu^  de  celles  qui 
feruent  pour  la  nonrritùrc,qui  ell  le  principal: 

Et  mefmc  quelque  peu  de  celles  qui  feruent  de 
récréation.  Ilrefte  donc'màintenanr  detraittcr 
deceles  qui  font  propres  à la  médecine,  dont 
ie  diray  auflî  quelque  peu  de  chofe,  Er  encor 
que  toutes  les  plantes  foient  medecinales  quand 
elles  Ion t bien  cogneües  & bien  appliquées, 
toutesfois  il  y a quelques  chofes  particulicre- 
rncnt,que  bon  void  notoirement  auoir  eftéor- 
dônées  du  Créateur  pour  la  medeciné;  & pour 


DES  In  des.Liv.  III  L igi 
, la  làntédeshommes.Comme  font  les  liqueurs, 
huillesjgôratncs  &rezines  qui  prouiennentdc 
dmerfcs  plantes  & herbes,  ôc  qui  facillcment 
demonftrenr  à il’experience  à quoy  elles  ibnt 
propres.Sur  toutes  ces  chofes  le  baufme  auec  ^ 

raifon  eftrenornmépourfon  excellente  odeur, 

& beaucoup  d’auantage  pour  l’exquis  efFe6t 
qu’il  a de  curer  les  playes , ôc  autres  diuers  rc- 
medesque  l’on  expérimente  enluy  fur  lague- 
rifon  des  maladies.  Le  baufmequi  vient  des  In- 
des Occidentales  n’eft  pas  de  la  mefme  efpece 
quelevray  baufme,quiron  apporte  d‘ Alexan- 
drie ou  du  Caire,&  qui  anciennement  eftoit  en 
ludée,  laquelle lLidée( félon  que  Pline  eferit  Vp/-  , r ^ 
polFcdoit  feule  au  monde  celle  grandeur,  iüf- cXV- 

ques  à ce  que  rEmpereur  Vcfpafien  l’apoortâ 

à Rome  ôc  en  Italie. Ce  qui  me  donne  occalîon 
de  dire  que  IVne  liqueur  & l’autre  ne  font 
point  d’vnc  mefme  efpece,  c’eft a caufe que  les 

arbres  d’où  elles  fortênt  font  entr  eux  fort  dif- 

ferentésrear  l’arbre  du  baufme  dePaleftineeftoic 
petit,  & à la  façon  de  vigne,  comme  raconte 
Fifoepour  l'auoir  veu,  & ceux  d’auiourd’huy 
qui  l’ont  veu  en  Orient  en  difent  autant. Com- 
me aiiffi  la  fainde  Eferiture  appelle  le  lieu  où  cit 
groITitle  baufme, vigne  d’Enguaddfpour  laref- 
femblancequii  aauec  'Ies  vignes.  lay  veu  1 ar- 
bre d’où  fe  tire  le  baufme  des  Indes,quiellauf- 
fi  grand  comme  vn  grenadicr,voirc approchant 
quelque  peu  defafaçqn,  fi  i’ay  bonne  mémoi- 
re,n’ayant  rien  de  commun  auec  la  vigne,  corn- SttakUh} 

bien  que  Strabon  efcriue,  que  l’arbre  ancien 
du  baufme  eftoitdela  grandeur  des  grenadiers. 


Histoire  nAtvrelie  . 

Mais  aux  accidcns  ôc  opcratiôs,  ce  font  liqueurs 
fort  femblablcs , comme  elles  le  font  en  leur  o- 
deur  admirable  , ôc  en  la  cure  ôc  guarifon  des  | 
playes,en  la  couleur  & en  là  fubftance,vcu  qu’ils 
racontent  de  l’au  tre  baufraCjqu’il  y en  a de  blâc,  i 
de  vermeil,  de  verd,  & de  noir  : ce  que  Ion  void 
auffi  en  ceux  des  Indes.  Et  tout  ainfi  qu’ils  ti- 
royent  l’ancien  en  coupant  ôc  incifant  Icfcorce, 
plmMb.ii,  diftiller  ccfte  liqueur,  ainfi  en  font 

ilsdemcfmcenceluy  des  Indes,  encor  qu’il  di-  , 
ftille  en  plus  grande  quantité.  Et  comme  en  ceft  ^ 
' ancien,  il  y en  a d’vnc  forte  qui  cft  tout  pur , le- 
quel ils  appellent opobalfamo,  qui  eft  la  propre 
larme  qui  diftille , ôc  vn  autre  qui  n cft  pas  fi  ex- 
quis , lequel  on  tire  du  bois  de  l’efcorcc  ôc  des  ; 
fucifles  efpraintes  ôC  cuites  au  feu  , lequel  ils 
appellent  xylobalfami.  De  mefme  aufiî  entre  le 
baufme  des  Indes , il  y en  a vn  pur  qui  fort  ainfî 
dcl’arbre,  ôc  d’autres  que  les  Indiens  tirent  en 
cuifant  ôc  clpreignant  les  fueilles  ôc  le  bois, 
racfmes  ils  le  fophiftiquent  & augmentent  aucc 
d’autres  liqueurs , afin  qu’il  y en  ait  d ’auantage. 
Etn’cft  pas  fans  raifon  qu’ils  l’appellent  bauf- 
me , car  il  l’cft  véritablement , encor  qu’il  ne 
foit  pas  de  la  mefme  efpecc  de  l’ancien  , & cft 
beaucoup  eftimé,  ôc  le  feroit  d’auantage,  fice 
quieftauiourd’huy  ésefmcraudcs  ôc  perles  n’y 
cftoit,à  fçaiioir  d’eftre  à prefent  engrande  quan- 
tité. Ce  qui  importe  d’auantage , cft  iVfage,  au- 
quel il  cft  employé  de  feruir  de  chrefme , qui  eft 
fl  neceftaire^en  la  fainéle  Eglife,  & de  telle  véné- 
ration, ayant  déclaré  le  Siégé  Apoftolique , que 
l’on  face  le  Chrefme  aux  Indes  auec  le  baufme. 


r 


Des  Indes.  Liv.  IIII. 

3c  que  Ton  en  vfc  au  Sacrement  de  Confîrmatiô 
& aux  autres  Sacrcmens,dqnt  l Eglifcvre.  L’on 
apporte  le  baufrae  en  E fpagne  de  la  neufue  Ef- 

pagnedelaprouinccdeGuatimalla,  de  Chiap- 
pa  «Sc  d’autres  lieux  où  il  abonde  dauantage,en  - 
cor  que  le  plus  çftimé  foit  celuy  qui  vient  de 
rifle  de  T ollu,  qui  eft  en  la  terre  ferme , non  pas 
loin  de  Gartagene.  Ce  baufméefl:  blanc,&  com- 
munément ils  tiennent  pour  plus  parfait  le  r 
blanc  que  le  rouge,  encor  que  Pline  donne  le 
premier  heu  au  vermeil,  le  fécond  au  blanc,  le 
troificAnc  au  verd,  & le  dernier  au  noir  : mais  il 
fcmble  que  Srrabon  eftimed’auantage  lebauf- 
mc  blanc;  comme  les  noftres  reftiment.Monar- 
des  rraictc  amplement  du  baufme  des  Indes  en 
la  première  6c  fécondé  partie,  fpecialeraent  de 
celuy  de  Gartagene  & de  Tollu,,  qui  eft  tout  vn.  hh. 

le  nay  point  trouué  que  les  Indiens  ancienne^ 
ment  eftimaflènt  beaucoup  le  baufme , ny  ràef- 
nie  1 employalfent  en  vfàgc  d’imporunce,cncor 
queMonardes  dife,  que  les  Indiens  curoyenc 
auec  iceluy  leurs  playcs,  que  de  làl’apprin- 
drentles  Efpagnols. 

Vel^mhrCy  ‘^t^treshmlles^gommeSj  0^ dromes 

Ion  apporte  des  Indes, 

Chap.  XXIX. 

Près  le  Bauflne,  l’Ambre  rient  le  fé- 
cond lieu  : c eft  vnc  autre  liqueur  qui 
eft  auflî  odoriférante  6c  medecinalle, 

^ mais  pluseipaifredefby,qui  fc  tour- 
ne 6c  s efpaiflitcn  vne  pafte  de  complexion 


Histoire  natvrelle 
chaude  &:  de  bon  parfum,  lequel  ils  appliquent 
auxplaycsjblelïèures  & autres  necelîirez.  Sur- 
quoy  ie  me  rapporte  aux  Médecins, rpecialemét 
au  dodeur  Monardes,qui  à la  première  partie  a 
eferit  de  cefte  liqueur  ôc  de  beaucoup  d’autres 
ni cdecinallcs,qui  viennent  des  Indes.  Cet  Am- 
bre vient  mefmc  de  la  neufue  Efpagne,  laquel- 
le a cet  aduantage  Eu*  les  autres  prouinces  en 
ces  gommes  , liqueurs  & lues  d'arbres.  Qui 
caufe  qu’ils  ont  là abondâce  de  matières  , pour 
le  parfum, & pour  iamedecine,  comme  eftl’A- 
nimé,qui  y vient  en  grande  quantité,  le  Copal, 
oufuchicopal,  quieftvn  autre  genre  , comme 
deftorax,  & encens,qni  a mefme  d’excellentes 
operations  , & eft  d Vne  tres-bonne  odeur, 
propre  pour  les  fuffumigations.  Mefmc  la  Ta- 
camahaca,  & la  Caranna  qui  font  aufïî  fort  me- 
decinalles.  On  apporte  de  cefte  prouince  de 
l’huille  d’afpic,  duquel  les  médecins  & pein- 
tres fe  feruenc  aftez,  les  vns  pour  leurempla- 
ftres,  ôc  les  autres  pour  vernir  leurs  peintures. 
L’on  apporte  mefme  pour  les  médecins,  la  caf- 
fe  fiftule,  laquelle  croift  abondamment  en  S. 
Dominique. Ceftvn  grand  arbre,  qui  porte  ces 
cannes  comme  fon  fruid.  L’on  apporta  en  la 
flote  où  ie  vins  de  S. Dominique  quarante  huid 
quintaux  de  calLe  fiftule.  La  falcepareille  n’cft 
pas  moins  cogneue  , pour  mille  remedes  , à 
quoy  on  1 employé.  Il  en  vint  en  cefte  flotte,’ 
cinquante  quintaux  de  la  mefme  Ifle.  Il  y a 
beaucoup  de  cefte  falcepareille  au  Peru,  & de 
fort  excellente  en  la  prouince  de  Guayaquil, 
qui  eft  foubs  la  ligne.  Pluficurs  fe  vont  faire 


©ES  Indes.  Li  v.  IIII.  igj 
guarir  en  ccfte  pronince,&cfl: l’opinion  de  quel- 
ques vns,que  les  fculeseaux  fimpics  qu’ils  boi- 
uenc  leur  donnent  fanré.à  caufe  qu’elles  palTenc 
par  racines,  comme  nous  auons  dit  fy  delFus, 
d’où  elle  tire  fa  vertu,  tellement  que  pour  fuer 
en  cefte  terre, il  n eft point  befoing de  beaucoup 
decouuerrure,  ny  d’habits*.Le  bois  deguayaç, 
qu’ils  appellent  autremet  bois  faint,  ou  bois  des 
Indes  , croiÆ  en  abondance  aux  mefmes  Ifles , ôc 
eftaulïipefmt  que  le  fer,  tellement  qu’il  s’cn- 
fonfc  incôtinentenrcaue.  De  ceftuy  l’on  en  ap- 
porta en  cefte  flotte  trois  cens  cinquante  quin^ 
taux,<Sc  en  euft-on  peu  apporter  vingt,  voire  cet 
mil,  s il  y auoit  diftribution  de  ce  bois.  Il  vint 
aulfi  en  la  mefme flotte, & delà  mefmc  Ifle,cenc 
trente  quintaux  de  bois  de  Brefifqui  eft  fi  roue^c 
enflambe  ôc  fi  cogneu,6c  dont  on  vie  tant  pour 
les  teintures  ôc  autres  cbofès.Il  y a es  Indes  vne 
innnité  d autres  bois  aromatiqucs,gômes,  huil- 
es,&  drognes,de  forte  qu’il  n’eftpaspoffible  de 
les  pouuoir  tous  raconter  , & eftchofeauflîde 
pcud’importanccàprefent.  le  diray  feulement 
qu’au  temps  des  Roys  Inguas  de  Cufco , & des 
Roys  Mexiquains,  il  y eut  beaucoup  degrans 
perfonnages  experts  à curer  Sc  medcciner  auec 
les  fimples,&  faifoicnt  de  fort  belles  cures,d’au- 
rant  qu’ils  auoient  cognoifl'ancede  plufieurs 
vertus  Su  proprietez  des  herbes, racines,  bois  ôc 
des  plaiitcs,qiii  croilfent  par  delà, &dont  les  an- 
ciens d Europe  n’ont  eu  aucune  cognoilîance.îl 
y a mil  de  ces  fimples , qui  font  propres  pour 
puigcr,comme  les  racines  de  Mechoaçan,  les 
pignons  de  la  Punna,la  côferiie  de  Giianucquo, 


Histoire  natvrelle 
1 huille  de  fignierj&  plufîeurs  autres  chofès,  Icf- 
quelleseftans  bien  appliquées  & en  temps  , ne 
font  pas(comme  ils  tiennent)  de  m oindre  effica- 
ce que  les  drogues  quiviennent  d’Orient.Ce  qui 
le  peut  voifsen  lifant  le  difeours  qu’en  fait  Mo- 
nardeSjCn  la  premiere&fecode  partie  où  il  ti^ait- 
te  amplement  du  Tàbaco,oupetum,duquel  l’on 
a fait  de notaWes  expériences  contre  le  venim. 
Le  TabacoeftvnarbriireaUjOii  plante  alTez  cô- 
mune,quia  en  foy  ncantmoins  des  rares  vertus, 
comme  entre  autres  de  feruir  de  çontrepoifoii, 
aiiffi  que-plufieurs  &diuerfes  plantes, par  ce  que 
r A utheur  de  toutes  chofes  a departy  fes  vertus, 
comme  il  luy  a pleu,&  n’a  point  voulu  qu’aucu- 
ne chofcnacquift  au  monde  ocieufe.  Mais  c’eft 
vn  autre  don  fouuerain  à l’homme  de  les  co- 
gnoiftre,&  en  fçauoir  vfer  comme  il  conuienr, 
ce  que  le  mefme  Créateur  concédé  à qui  il  luy 
plaift.Le  Dodeur  François  Hernandes  a fait  vn 
bel  oeuure  de  celle  raatierc,des  plâtes)des  Indes, 
liqueurs, & autres  chofes  mcdecinalles,par  l’ex- 
pres  commandement  & commiffion  de  fa  Ma- 
iefté  , faifant  peindre  & pourtraire  au  naturel 
toutes  les  plantes  des  Indes,  lefquclles, comme 
ilsdifent,  font  en  nombre  de  plus  de  mil  deux 
ccs,&  difent  que  cet  œuure  a coufté  plus  de  foi- 
xante  mil  ducats, duquel  œuure  leDodeurNar- 
dus  Anthonius  médecin  Italien,a  fait  vn  extrait 
curieux,&renuoyc  aufdits  liures,ccluy  qui  vou- 
dra plus  cxadementcognoiftre  des  plantes  des 
Indes, principalement  pour  la  medecine. 


Disgrmieifortfl,  des  Indes, des  Cedres,des  Ceims,  (y 
Autres^ Afîds  ârhres  ^uiy Jont, 

, Chapitre  XXX. 

que  dés  le  commencement  du 
^mondejarerrea  produit  des  plantes 
des  arbres,  parle  commandement 
du  Seigneur, ncantmoins  elle  ma  kiffé 
d e produire  en  quelques  lieuxplus  qu^cs  autres, 
& outre  les  plantes  & les  arbres  qui  par  l’indu- 
ftrie  des  hommes  ont  efté  tranfpkntees  & ap- 
portées d’vnlieu,en  au  tre, il  y en  a encor  beau- 
coup q nature  a produits  de  foy  mefme.  le  croy 

quedeceftcrortcily  enad’^^uâtage  aunouueau 
mode,quenousappellonsIiiles,foir  en  nôbre, 

ou  en  diucrlitez,que  non  pas  au  vieil  monde  & 
terres  de  l’Europe, del’i^ fie  & Afrique.La  raifon 

chaude &humide,comme  nous  auons  monftré 

au  lccond  liure,contre  I opinion  des  anciés,  qui 
caufequela  terre  produit  en  grande  abondance 
vncinfinitedc  plantes  fauuages,  & naturelles, 
a ouvienrqueprefquciaplus  grandepartie  des 
Indes  eftinhabi:able,&qu’on  ny  peut  chemi- 
ner.pour  les  bois &efpaiffesforcfts  qui  y four, 
aufquellesl'on  trauaille  continuellement  pour 
les  abbatre.il  a elle  befoing  & neceffiire , pour 
cheminer  par  quelques  endroits  des  Indes 

principallementauxnouuelles  entrées,  de  fai-’ 

«ne  I arbres,  &dTar. 

tant  les  builTons , de  forte  que  comme  nous 


-Histoire  katvrelle 
i’efcriuent  quelques  religieux,  qui  1 ont  e{proo= 
ué,  il  a cfté  telle  fois  qu  ils  non:  peu  cheminer 
en  vn  iour  plus  dlyne  liche.  Vndenosfreres 
homme  digne  de  foy,nous  contoit  que  s eftant 
cfgaré  & perdu  dans  les  montagnes,  fans  fça- 
uoir  quelle  part  ny  par  où  il  deuoit  aller  , il  Ce 
troLiua  dedans  des  buiiTons  fi  cfpais,  quil  fut 
contraint  de  cheminer  fur  iceux  fans  mettre 
les  pieds  enterre,  par  1 efpace  de  quinze  iours 
entiers, & que  pour  y voir  le  Soleil,  & pour  re- 
marquer quelque  chemin  en  celle  foreftfief- 
pailfc  ôc  pleine  de  bois, il  auoit  befoing  de  mon- 
ter au  coupeau  des  plus  grands  arbres  , pour 
delàdefcouurirle  chemin.  Qmliraledifcours, 
traittant  de  fon  voyage  , & combien  de  fois  il 
s’eft  perdu  &efgaré,&  les  chemins  qu’il  a che- 
minez, les  cftrangcs  aduentures  qui  luy  font  ad- 
uenues,  eeque  i’ay  eferit  fiiccin(^emenr,  pour 
me  femblcr  chofe  digne  d’ellre  fceüe,&qui  aura 
quelque  peu  chemine  par  les  montagnes  de$ 
Indes,  encor  que  cenefoycntque  les  dixhuibl 
lieues  qu’il  y a deNom  dcDieuàPaiiama,pourra 
bien  penfer  de  quelle  grandeur  font  ces  forefts 
des  Indes,  de  forte  que  n’ayant  aucun  Hyuer  en 
CCS  parties  là,qui  face  fentir  le  froid,&  que  1 hu- 
midité du  Ciel  Ôc  de  la  terre  y eft  fi  grande  , que 
les  môtagnes  produifentvne  infinité  de  forefts, 
ô{  la  campagne  qu’ils  appellent  Sauanas,vnc  in- 
finité d’herbe  : il. n’y  a point  de  faute  d’herbe 
pour  les  pafturages,de  mefrain  pour  les  édifices, 
ny  de  bois  à faire  du  feu.C’eftvne  chofe  impof- 
fiblc  de  pouuoir  raconter  les  différences  Ôc  figu- 
res de  tant  d’arbres  fauuages,d  autant  que  de  la 


DES  Indes.  Liv.  IIII.  ig; 
plus  part  l’on  n’en  fçaic  pas  les  noms.  Les  cedres 
[ il  eftimez  anciennement  font  là  fort  communs, 
pour  les  édifices  Ôc  pour  les  nauires,  & y en  a de 
dinerfes  façonsjles  vns  blancs,&  d autres  roux, 
qui  font  fort  odoriferans.  Il  y a vnc  grande 
quantité  de  Lauriers  d’vn  plailànt  regard  aux 
Andes  du  Peru.  Aux  montagnes  de  la  terre 
ferme  aux  Ifies-,  en  Nicaragua,  &enla  neufue 
Elpagne.  Comme  aulÏÏ  il  y a vne  infinité  de 
Palmes,  Sc  de  Ceiuas,  dequoy  les  Indiens  font 
leurs  canoës  , quifont  des  bafteauxfaits  tout 
d’vne  pièce.  Lon  apporte  en  Elpagne  du  mef. 
ram  de  bois  fort  exquis  de  la  Hauane  , en  l’Ille 
de  Cube, où  il  y a vne  infinité  de  fcmblables  ar- 
bres comme  font  l'Ebene,  le  Caouana,  la  Gre- 
nadille,  les  Cedres,  & autres  clpeces,qucicnc 
cognmspoint.il  y a mefme  de  grands  Pins  en 
la  neufue  Efpagne,encor  qu’ils  ne  foient  pas  fi 
forts  que  font  ceux  d’Efpâgne.  Ils  ne  portent 
point  de  pignons,  mais  pommes  vuides.  Les 
Cnefnes  qu  ils  appellent  de  Guayaquil  , eft  vn, 
bois  exquis, & odoriférant,  quand  on  le  taille, 
racfme  il  y a des  cannes  & rofeaux  très-hauts 
I des  rameaux  & petites  cannes,  defquels  ils  font 
i des  bouteilles  & cruches  pour  puiferdel’eauc, 

I & fen  feruent  mefmes  en  leurs  baftiments.  Il  y 
aauflîle  bois  de  manlle,dequoy  ils  font  des  ar- 
i bres  & mafts  de  nauires,  & les  eftiment  aulÏÏ 
rorrs  comme  fi  c’eftoit  du  fer.  Le  Molle  eft  vn 
I arbre  de  beaucoup  de  vertus,  lequel  iette  des 
petits  rameaux,  dont  les  Indiens  font  du  vin, 
j ils  1 appellent  en  Mexique,  arbre  du  Peru, pour 
|cc  quil  eft  venu  de  là,mais  il  cncroiftaulîien 
i Aa 


Histoire  katvrelle 
ianeufueEfpagnCj&dc  meilleur  que  celuy  du  | 

Peru.Il  y a mil  autres  fortes  d’arbres  dont  ce  fe-  ! 
roitvu  trauailfupcrflu  d’en  traitter,  quelques  ; 
vnsde  ces  arbres  font  d vne  enorme  grandeur^  ^ 
&parleray  feulement  d’vn  qui  cft  en  TlacoCba-  . 
uoya, trois  lieues  de  Guaxaca,  en  la  neufue  Efpa- 
gne.Cet  arbre  cftant  mefnré,fc  trouua  fcullemét 
en  vn  crcux,auoir  par  dedans  neufgraças,&  par 
dehors  ioignant  la  racine,feize,&plus  haut  dou- 
ze. Cet  arbre  fut  frappé  de  foudre, depuis  le  haut 
iufques  au  bas, au  droit  du  cœur,  qui  fit  ce  creux, 
quiycft.llsdifcntqucauparauarqucie  tonner- 
re fuft  tombé  deflus,  il  eftoit  fuffifant  pour  om-  ■ 
brager  mil  hommes.  Ceft  pourquoy  ils  s’y  allé-  j 
bloiêt  pour  faire  leurs  dâccs,bals  & fuperftitiôs;  i 

neâtmoinsilreftcencordeprefentdcs  rameaux  ; 
& de  laverdure.mais  non  pas  beaucoup,  ils  ne  î 
fçauent  quelle  cfpecc  d arbre  c’eft , finon  qu’ils  I 
dilent  que  c’eft  vne  efpece  de  Cedre.  Ceux  qui  [ 
rrouueront  cecy  eftrange,lifcnt  ce  que  Pline  ra-  > 
conte  du  plane  de  Lydie  , le  creux  duquel  con- 
renoit quatre virigtsôcvn  pied,  & relîcmbloit 
pluftoft  vne  cabane  ou  maifon.que  nô  pas  creux  , 
d arbre,fon  branchage  vn  bois  cnticr,Fombragc  ' 
duquel  couuroit  vne  grande  partie  de  la  campa- 
gne. Par  ce  qui  cft  eferit  de  cet  arbre,  1 on  n aura 
point  tantd  occafion  des’efmerueiller  duTyfte- 
ran,qui  auoit  la  mailon  & meftierdans  le  creux 
d vrtChaftaignier.EtdVn  autre  Chaftaignier,  fi 
ce  n eftoit  ccftuv  là  mefme,  dcdtins  le  creux  du- 
quel enrroient huidt  hommes  à cheual,& enre- 

fortoyent  fans  f incommoder  les  vns  les  autres. 

Les  Indiens  cxcrçoicnc  ordinairement  leurs  | 


3 


D is  T NDES.  Liv.  IHL  i8^ 
^ idolâtries  en  ces  arbres,  ainfi  eftranges , &dif- 
' formes,  ainfi  que  faiioient  mefmc  les  anciens 
Gentils,  comme  racontent  quelques  autheurs 
de  ce  temps. 

P es  plantes  Çr' fruitiers  que  l'on  a ap^9rte‘^de 
Efpagne  AUX  Indes, 


Ch  AP.  XXXI. 


E s Indiens  ont  eu  plus  de  profit,  & 
ont  efté  mieux  rccompenfés  es 
plantes  que  1 on  y a portées  d’Efpa- 
gne  , quen  autres  marchandifes, 
pour  ce  que  le  peu  qui  font  venues  des  Indes 

en  Erpagne,ycroifi'enrpcu,&yontf  mal  multi- 
plie, & au  contraire  legrand  nombre  que  l’on 
a porté  d’Efpagne  aux  Indes,  y vient  tref-bicn, 
& y font  grandement  multipliées.  le  ne  fçay  fi 
nous  deuons  dire  que  ce  roit,àcaufe  de  la  bon- 
té des  plantes,  pour  donner  gloire  à cequieft 
d icy,  ou  bien  fi  nous  dirons  que  e’eft  la  terre, 
pour  la  donner  à ce  qui  cft  de  delà.  Finablement 
il  y a par  delà  , de  tout  ce  qui  Ce  produit  de  bon 
cnElpagnc,  & en  quelques  endroits  meilleur, 
& en  quelques  endroits  pire  , commclefro- 
ment,  1 orge,  les  porees  ou  verdure,  & toutes 
fortes  de  icgumes,aufii  les  leétues  , choux,  ra- 
ues,oygnons  , ail,pcrfil,naueaux,paftenadcs, 
berengenes  , ou  pommes  d’Amour  fcariolles, 
betes,  eljpinards,  garuenecs  ou  poids,  febucs, 
Aa  ij 


Histoire  natVrelle 
lentilles,  & finablement  tout  ce  qui  croift  par 
deçà  de  domeftiquc,& de  profit  : de  (brre  que  I 
ceux  qui  y ont  faitvoyagc,ontcftc  curieux  d’y  | 
porter  des  fcmences  de  toutes  fortes,  & le  tout 
y a beaucoup  fruidifie  encor  que  ç’ait  efte  di- 
uerfement,  fçauoir  aux  vns  mieux,  aux  autres 
moins.Quand  aux  arbres, ceux  qui  plus  gcneral- 
lement,  & plus  abondamment  y ont  trudifié, 
ont  efté  les  oranges,  lymonniers,  citronniers, 
Sc  autre  fruids  deceftcfortc.  Il  y a défia  en 
quelques  endroits,cômme  des  bois,  &desfo-  i 
refis  d’orangers.  Ce  que  trouuant  cftrangc,ic' 
demanday  qui  auoitremply  ces  champs  de  tant 
d'orangiers,  fon  merefpondir,  que  cela  efioit 
aduenu  fortuitement,  d'autant  que  les  oranges 
çfians  tofiibces  à terre,&  pourries,  leur  femen- 
cc  auoit  germé,  & de  celles  que  les  eaux  auoienc 
emporté  en  diuers  endroits , venoientànaifirc 
ces  bois  ainfi  elpais.  Ce  qui  mcfembla  vne 
bonne  rayfon.ray  dit  que  c’efioit  lefruid,qui 
gcnerallement  fefi  plus  augmenté  és  Indes, 
pour  ce  que  ie  n’ay  efié  en  nul  endroit  où  il  n’y 
ait  des  oranges,d’autàt  que  toutes  les  Indes  font  ; 
vne  terre  chauldc  & humide, qui  cft  ce  que  re-  ! 
quiert  cet  arbre.  Ils  ne  croilîcnr  point  en  la  j 
Sierre,  mais  fon  les  y apporte  des  vailees  ou  | 
cofie  de  la  mer.  La  conferue  d’oranges  clofcs 
qu’ils  font  és  Ifles,  efi  la  meilleure  que  i*ay  vcüc 
par  deçà,ny  par  delà  mefmc.  Les  pefehes,  les 
pre(fes,&  abricos,  y ont  fort  multiplié , & en 
la  neufue  Efpagne  plus  qu’en  autre  endroit.  Il 
croift  au  Perufort  peu  de  ces  fortes  de  fruids, 
outre  les  pefehes,  Sc  encor  moins  es  Ifics.  H y 


Dis  Indes.  Liv.  MIL  1S7 
croift  des  pommes  & des  poires  j mais  c*eft 
fez  moyennement,  il  y a des  prunes  rarement, 
mais  des  figues  en  abondance,  principalement 
au  Peru.  Ilfe  trouuc  des  coings  en  toutes  les 
contrées  des  Indes,&cnlaneuue  Efpagne,  en 
telle  abondance , qu'ils  nous  en  donnoyent  cin- 
quante à choifir  pour  demie  reaile.  Ilyaaflcz 
dc^renades  auiïî , bien  qu’elles  foyent  toutes 
doücesjcar  les  aigres  n’y  font  point  bien  venues. 
Il  y a de  tresbons  mêlions  en  quelques  endroits 
du  Peru.  Les  cerifes  & les  guignes  iufques  au- 
iourd  huy  n’ont  point  encor  bien  frudifié  es 
Indes,  ôc  croy  quccè  n’eft  pas  faute  de  tempe- 
rature,  pourcc  qu’il  y en  a de  toutes  fortes,  mais 
peut  eftrefautedefoingjOu  parce  que  l’on  n’a 
pas  bien  rencontré  fa  température.  En  finie  ne 
trouuc  point  que  par  delà  ils  ayent  faute  d’au- 
cun fruid  délicieux.  Q^ant  aux  fruids  groffiers 
ils  n’ont  point  de  bcillotres , ny  de  chaftaignes, 
Sc  nay  point  de  cognoiflancc,  que  iufques  au- 
iourd’huy  ilyenait  creu.  Les  amendes  y croif- 
fcnt,mais  c’eft  fort  peu.  L’on  y porte  d’Éfpagne 
pour  les  friands,  des  amandes,  des  noix,  des 
aucllaines,  &n’ay  point  entendu  qu’il  y ait  des 
nèfles,  ny  des  cormes,  ce  qui  importe  peu.  Me 
fcmble  que  cccy  doit  fuffirc  pour  faire  enten- 
dre qu’il  n’y  manque  aucune  délice  de  fruids. 
Maintenant  difons  quelque  chofe  des  plantes 
de  profit  5 que  l’on  y a portées  d’£{pagnc,&a- 
cheucrons  ce  traitté  des  plantes,  qui  cft  défia 
ennuyeux. 

Aa  iij 


Histoire  naturelle 

DtsrâifinSyVigneSjoUuei , mtutesy  (X  des 
cannes  du  fucre,  ' 


Chapitre  XXXII. 


[’E  N T E N s par  les  plantes  profi- 
jrablcs  celles  qui  outre  ce  que  l’on 
[en  mange  au  logis,  apportent  de 
^l’argent  à leur  maiftre.  La  princi- 
= pale  derquelles  eft  la  vigne , de  la- 
quelle vient  le  vin,le  vin-aigre,le  railin  vert  & 
fcc,  le  verjus  & lefirop.  Maisle vin cftceluy 
qui  vaut  le  mieux.  Il  ne  croift  point  de  vin  ny 
raifin  es  Ifles  ny  terre  ferme,  mais  en  la  neufue 
Efpagne,  il'y  a quelques  vignes  qui  portent  du  ! 
railiiijtoutcsfois  I on  n’en  fait  point  de  vin.  La 
caufe  en  doit  eftre  pourcc  que  le  raifin  nefe 
menrit  pas  bien  à caufe  des  pluyes  qui  yvien-r 
lient  aux  mois  de  luillet  & Aouft,qui  lesem-  | 
pefchentde  mcurir:ils  s’en  feruent  tant  feule-  | 
ment  pour  manger.L’on  y porte  le  vin  d’Efpa-  ■ 
gne  & des  Canaries , comme  en  tout  lereftc  : 
des  Indes  referué  au  Peru  & au  Royaume  de 
Chillé,où  il  y a des  vignes  qui  rapportent  de 
tresbon  vin,  lefquclles  vont  chaque  iour  croift 
faut  en  quantité  à caufe  que  c’eft  vne  grande 
richelTeen  ce  pays,&  en  bonté, parce  que  auec 
le  temps  ils  deuiennent  plus  expérimentez  vi^  ; 
gnerons.  Les  vignes  du  Peru  font  communes  : 
CS  vallées  chaudes, où  il  y a des  eaües,&  les  ar- 
roufent  aucç  la  main  , parce  qu’il  n y tombe 
point  de  pluyes  du  Ciel,  & aux  Lanos,&  en  la  ; 
Sierreclleny  vient  pointàtcmps.llyadcscn- 


DES  Indes.  Liv.  HII.  i88 
droits  où  les  vignes  ne  font  point  arroufées  ny 
du  Ciel  ny  de  latcrre,&  toutefois  elles  ne  lai{^ 
fentdc  frudifier  en  grande  abondance,  com- 
me en  la  vallée  d’Y ca,  Ôc  aux  fofles  qu’ils  appel- 
lent de  Villacuri,  efquels  lieux  il  fe  trouue  des 
folfezou  terre  enfoncées  parmy  les  morts la- 
blons , lelquels  font  toute  l’année  d’vne  in- 
croyable fraifeheur,  fans  qu’il  y pleuue  aucu- 
nement en  quelque  faifon  que  ce  foi t,ny.  qu’il  y 
ait  des  eaüespour  les  arroufer  artificiellement. 
La  caufe  eft  parce  que  le  terroucr  eft  fpon- 
gieux,  ôc.  qu  il  fucçc  l’eaüc  des  riuicres  qui  vien- 
nent delà  Sierre,  qui  humedent  ces  fablons, 
ou  bien  c’efl:  l’humidité  de  la  mcr(comme  d’au- 
tres penfent  ) laq  lellc  palfant  aütrauers  de  ce 
fable, caulc  quel  caüe  n’en  eft  pas  fterile  ny  inu- 
tilc,ainfi  que  le  Philofophc  rcnfcigne.  Les  vi- 
gnes y ont  tant  multiplié  , qu’à  ceftc  pccafioii 
Icsdifines  des  Eglifcs  y font  augmentez  de  cinq 
^fix  fois  au  double  depuis  vingt  ans.  Les  val- 
lées plus  fertillcs  de  vignes  font  Vidor  , pro- 
che d’Arequipa,  Yca , au  terroucr  de  Lyma  ôc 
Caraguato,au  terroucr  de  Chuquiauo.  Ils  por- 
tent ce  vin  à Potozi , Cufco  Ôc  en  dîners  m- 
droitSjCc  qui  eft  vn  grand  rcuenu  : Car  ,auec 
toute  l’abondance  qu’il  y en  a,vne  bouteille  pu 
arrobe  y yaut  cinq  ou  fix  ducats , que  fi  c’eft 
vin  d’Efpagne,  comme  on  y en  porte  commu- 
nément aux  flottes,  il  en  vaut  dix  ou  douze. 
L’on  fait  du  vin  comme  celuy  d’Efpagne  au 
Royaume  de  Çhillé , pourcc  que  c’eft  le  mef* 
mc  climat,  mais  il  fe  gafte  quand  l’on  l’apporte 
au  Peru.  ils  mangêtdcs  raifins,où  l’on  ne  peut 

Aa  iiij 


Histoire  naturelle 
boire  de  vin,  & eft  chofe  admirable,  que  l’on 
trouuc  en  la  Cite  de  Cufco  des  raifins  frais 
tout  le  long  dclannce,  qui  vient  (comme  ils 
médirent)  de  ce  que  les  valleesproduifcnt  du 
fruiAcndiuersmois  de  l’an,  foit  qu’ils  entent 
les  vignes  en  diuerfes  faifons,  ou  que  celle  va- 
riété vienne  de  la  qualité  de  la  terre:  quoy  qu’il 
en  foit,  c’eft  vnc  chofe  certaine  qu’il  y a quel- 
ques vallees  qui  portent  du  friiià  tout  le  long 
de  l’annce.  Si  quelqu  vn  fefmcrueille  de  cecy,  il 
fè  pourra  crmcruciller  d’auantage  de  ce  que  ie 
diray,  & peut  cftre  ne  le  croira  pas.  Il  y a des 
arbres  au  Peru,  d’efquels  hvne  moitié  donne  du 
fruiél  lîx  mois  durant , & l’autre  moitié  en  don- 
ne les  autres  lix  mois.  EnMalla,  qui  eft  treize 
lieiies  diftante  de  la  Cité  des  Roy  s,  y a vn  fi- 
guyer , duquel  la  moitié , qui  eft  au  collé  du 
Sud,  eft  verte,  & donnedufruiélvne  faifonde 
l’annce,  fçauoir  quand  il  cil  Efté  en  la  Sierre,  & 
l’autre  moitié  qui  eft  vers  les  Lanos  du  collé  de 
la  mer,  eft  verte,  & donne  fon  fruiél  en  l’autre 
faifon  contraire,  quand  il  eft  Efté  aux  Lanos.Cc 
qui  prouient  de  la  variété  de  la  température  ôc 
dei  air  qui  vient  d’vne  part  ou  d’autre.  Le  rc- 
uenuduvin  qui  y eft  n’cft  pas  petit,  mais  il  ne 
fort  point  de  la  prouince.  Mais  la  foye  qui  fc 
fait  en  la  neuue  Elpagnc  Ce  tranlporte  es  au- 
tres Royaumes,  comme  au  Peru.  Il  n’y  en  auoic 
point  au  temps  des  Indiens  , mais  l’on  y a porté 
des  meuriers  d’Elpagnc , & y viennent  bien, 
principalement  en  la  prouince  qu’ils  appellent 
Miftecqua,  où  il  y a des  vers  à foye,&  mettent 
en  œuurc  la  foye  qu’ils  en  recueillent,  dont  ils 


I 


DES  In  DEsXlV.  lin.  1^9 

font  de  tref*bon  tafctas.  Toutesfois  ilsn’çn 
ont  point  fait  iiifqücsà  prefentdcdamas,de  fa- 
tins,ny  de  velours.  Lcfucre  eftvn  autre  reue-^ 
nu  plus  grand,  veu  que  non  feulement  on  en 
confommc  ps  Indes , mais  anfli  Ton  en  apporte 
beaucoup  en  Efpagne  , car  les  cannes  croif- 
fent  fort  bien  en  diuerles  parties  des  Indes. 
Ils  ont  bafty  leurs  engins  aux  Ifles , en  Mexi- 
que J au  Peru  & en  d’autres  endroits  qui  leur 
apportent  vn  fort  grand  reuenq.  L’on  me  dift 
que  l’engin  à lucre  de  Nafca  foqloit  valoir  de 
reuenu,  plus  de  trente  mil  pezÿ  , par  chacun 
an.Celuy  deChicamajioignantTiruxillo,  eftoit 
mcfme  d’vn  grand  reucnii,&  ccüx  de  la  neufûc 
Eipagne  auflî  ne  le  font  pas  moins  : car  c’efl: 
vncchpfeeftrangcqueccqucron  gafte"&con- 
fommedefucre  es  Indes.  L’on  apporta  de  Tlf- 
le  defaind  Dominique,  en  la  flotte  ou  ic  vins, 
huideens  quatre  vingts  &dixhuid  caflbns  de 
fucre , lefquels  eftans  comme  ie  les  vid  char- 
ger en  Port-riche,  chaque  caflèdeuoit  cftreà 
mon  opinion  de  huid  arrobes  pefant,qui  font 
deux  cens.  Le  fucre  efl:  le  principal  reuenu  de 
ces  Ifles, tant  fe  font  adonnez  les  hommes  à l 'ap- 
pétit des  chofes  douces.  Il  y a mefmc  des  oli- 
ues  Sc  oliuiers  aux  Indes,  iedyen  Mexique  & 
au  Peru:  toutesfoisiln’y  a point  eu  encor  iuf. 
ques  auiourdhuy  aucun  moulin  à huille,&nc 
s’en  fait  point,  parce'qu’ils  confomment  tou- 
tes les  oliucs  à manger  , & les  accommodent 
fort  bien:  ils  trouuent  que  pour  faire  l’huillelc 
couft  y cftplus  grand  que  le  profit.  Ceft  pour^ 
quoy  l’on  y porte  tout  l’huillc  qu’il  y a d’EIpa-» 


Histoire  natvrelle 
gne.  En  cèft  endroit  i acheueray  la  matière  des 
plantcsA  venons  aux  animaux  des  Indes. 

ViiheîîUl  portant  des  vaches. 

Ch  A P.  XXXIII. 

SB  trouue  qu’il  y a troislbrtes  d ani- 
I naux  es  Indes,  dontles  vnsy  ont 
; efté  portczd'Efpagne,les  autressôt 
Je  la  mcfrae  efpecc  de  ceux  que 
f nous  auons  en  Europe,  & toute- 
fois n’y  ont  point  efté  portez  par  les  Efpagnols, 
& les  autres  Ton  t animaux  propres  des  Indes,  & 
defquels  l’on  ne  trouue  point  en  Efpagne.  De  la 
première  forte  font  les  brebis,  vaches  , cheures, 
porcs,cheuaux,afnes,chiens,Ghats  & autres  tels 
animauxtcar  il  y en  a és  Indes  de  toutes  ces  efpc- 
ccs.Le  menu  beftial  y a beaucoup  multiplié,  que 
fl  l’ô  y pouuoi  t approfiter  les  laines  pour  les  en- 
uoyer  en  Europe,  ce  feroit  vne  des  plus  grandes 
richeifes  qu’ils  eulEent  és  Indes  : pource  que  les 
troupeaux  de  brebis  ont  là  vn  grand  nombre 
de  pafturages,  fans  que  1 herbe  y diminue  en 
beaucoup  d’endroits.,  Il  y a auPeru  vne  telle 
abondance  de  ces  pafturages  Sc  herbages,  que 
perfonnench  polfcdeen  propre, mais  chacun 
fait  paiftre  fes  troupeaux  où  il  veut.Pour  cefte 
raifonil  y a communément  grande  abondance 
de  chairs,  lefquelles  font  à fort  bon  marché, 
mcfmeles  autres  chofes  qui  procèdent  des  bre- 
bis,comme  le  laid  &lc  froumage.  Ils  furent 
vn  temps  qu’ils  laifterent  perdre  toutes  les  lai- 


DES  Ind  ES.  Ll  V.  ini.  ^50 

ncs,  iufquesà  cc  que  quelques  vns  Ce  mirent  à 
les  mefnager  ôc  en  faire  des  draps  & couucr- 
tures,  qui  a efte  vngrandfccours  pour  le  com- 
mun peuple  de  celle  terre  ; d’autant  que  le 
drap  de  Callille  y cil  fort  cher.Tl  y a plufieurS 
drapiers  drapans  au  Pcru,&  beaucoup  d’auan- 
tage  en  la  neufue  Efpagnc,  encor  que  les  draps 
que  l’on  y porte  d’Efpagne  foyent  beaucoup 
meilleurs,  foit  que  lalaineenfoit  plus  line, ou 
que  les  ouuricrs  foyent  plus  experts.  Autres- 
fois  fe  font  r routiez  des  hommes  qui  polîè- 
doient  foixante  & dix  & cent  mil  telles  de  bre- 
bis,encor  qu’àprefcntn’y  en  ait  gueres  moins. 
Que  û c*clloit  en  Europe  ce  feroit  vne  très* 
grande  richelîe , mais  en  ce  pays-là  ce  n’cll 
quVne  moyenne  richelTe.En plufieurs  endroits 
des  Indes,  & croy  que  c’ell  en  la  plus  grand’ 
part,  le  raenubellial  ne  fructifie  & n'y  profite 
pas  bien  à caufeque  l’herbe  ell  hau te, & la  ter- 
re lî  vicieufe  qu’il  n y peut  pas  bien  paillre  con- 
me  le  grand  bellial.  G ell  pourquoy  il  y a vne 
innumerable  multitude  de  vachcs,derqucllcs  y 
a des  deuxfortes.Lesvnes  rontdomcfliqucs,& 
qui  vont  en  troupeaux,  comme  en  la  terre  de 
Charca,  & en  autres  prouinces  duPeru,  com- 
me mcfme  en  toute  la  neufue  Elpagne.  De  ces 
vaches  domelliqucsilss’en  feruent&cn  tirent 
de  la  commodité  , tout  ainlî  qu’en  Elpagne, 
fçauoir  la  chair,  le  beurre  , les  veaux,  & les 
bœufs  pour  labourer  la  terre.  L'autre  forte  de 
vaches  font  làuuagesquife  tiennent  es  monta- 
gnes & forcllsrc’elt  pourquoy  on  ne  les  dompte 
point,&n’om  aucun  maiftre  à qui  cllcsfoicnt  en 


Histoire  natvrelle 
propre,  tant  pour  l’afpretc  & cfjjcfTcur  des  fo- 
refts  , que  pour  la  grande  multitude  qu’il  y en  a: 

& celuy  qui  le  premier  les  tue , en  eft  le  maiftre, 
comme  d vnc  belle  de  chalTc.  Ces  vaches  fauua- 
ges  ont  tellement  multiplié  en  S.Dominique,& 
en  autres  endroits  des  ènuirons , qu  elles  vont  à 
milliers  par  les  campagnes  & bois,  n’ayans  au- 
cun maiftre  à qui  elles  appartiennent.  L’on  fait 
lachafleàces  belles,  pour  leur  cuir  tant  feule- 
ment, &fortent  en  la  campagne  des  nègres  ou 
des  blancs  à cheual,  auec  leurs  coupe-iarefts, 
qui  courent  les  toreaux  & vaches  , & quand  ils  i 
les  ont  frappez , êc  arreftez , ils  leurs  appartien- 
nent. Ils  les  cfcorchent,  & en  portent  la  peau 
en  leur  maifon , laillant  la  chair  perdue , fans 
qu’il  y ait  perfonne  qui  la  prenne  ou  empor- 
te, à caufe  de  l’abondance  qu’il  yen  a.  Telle- 
ment qu’ils  m’ont  attefté  en  celle  llte , qu’en 
quelques  endroits  l’air  s’y  cftoit  corrompu, 
pour  l’abondance  de  ces  chairs  empuanties.  Le 
cuir  que  l’on  apporte  en  Efpagnc  eft  vn  des  1 
meilleurs  rcuenus  des  Illes  ,&de  la  neuuc  Ef-  ' 
pagne.  En  la  flotte  de  quatre  vingts  & fept,  il 
vint  de  S.  Dominique  le  nombre  de  trente  cinq  ^ 
mil  quatre  cents  quarante  quatre  cuirs  de  va-  i 
ches  , & de  la  neufuc  Efpagne  foixante  quatre  ; 
mil  trois  cents  cinquante,  qu’ils  eftimerent  à . 
quatre  vingts  feize  mil  cinq  cens  trente  deux  I 
pezes.  De  forte  que  quand  l’on  defeharge  vnc 
de  ces  flottes,  c’eft  choie  admirable,  devoir  la 
riuicre  dcSeuille  & cet  arcenatoù  fe  defehar- 
gent  tant  de  cuirs  & de  marchandife.  Il  y a auflî 
des  cheurcs  en  grand  nombre, le  principal  profit 


ixES  Indïs,  Liv.  IÎII.  i^r 
tdefquelles  cft  le  fuif,  outre  les  cabrits, le 
autres  commoditez  qu’ou!en  tire  : d’autant  que 
les  riches , &les  pauures  fe  feruentdccefuif 
pour  leur  cfclairer,  car  comme  il  y en  a gran- 
de quantiréjauffi  y eft  ilàforc  bon  conte,&  plus 
que  rhuille  mefme.  Il  eft  vrayquctoiy:  leftiif 
dont  ils  fereruent,  n’eft  pas  feulement  de  celuy 
des  maflcs.Ils  en  accommodent  les  marroquins 
pour  lacbaulIeure,tputesfois  ien’ay  point  opi- 
nion qif  ils  foient  (i  bons  comme  ceux  que  l’on 
y porte  de  Caftille.Les  cheuaux  y ont  multiplié, 
& y font  exquis  en  beaucoup  d’endroits  , voire 
en  la  plus  partfycn  trouue  des  races  d’auffibôs 
comme  les  meilleurs  d’Elpagne, tant  pour  cou- 
rir vne  carrière  & pour  parade,que  pour  le  rra- 
uail,&  pour  faire  chemin.  Ccftpourquoy  ils  fc 
feruent  pour  beftes  de  loüagc,&  pour  voyager, 
le  plus  ordinairement , des  cheuaux  combien 
qu’il  n’y  ait  pas  faute  de  mulles  , car  il  y en  a 
beaucoupjlpeciallement'és  lieux,  oùfe  font  les 
voitures  par  terre, comme  en  la  terre  ferme.  Il 
n’y  a pas  vn  h grand  nombre  d’afnes,  aulli  ils  ne 
s’e  feruent  gueres  àcetvfage,  ny  pour  le  trauail 
& leruice.Des  chameaux  il  y en  a quelque  peu, 
& en  ay  veu  au  Peru  qui  y auoient  eft  portez  des 
Canarics,&  qui  y auoient  multiplié,  mais  aftèz 
pctitement.En  S.  Dominique  les  chiens  y ont 
multiplié  en  nombre,&  en  grandeur,d  vne  telle 
façon  que  c’eftauiourd’huy  la  playc,&üi’aftlidio 
de  cefte  Ifle.Car  iis  mangent  les  brebis,  & vont 
cntrouppesparleschamps.Ccux  qui  les  tuent 
y ont  vn  tel  falairc,que  ceux  qui  tuent  les  loups 
cnEfpagne;  de  vrays  chiens,il  n’y  en  auoit  point 


HlSXaiRJE  natvrelle 
premièrement  es  Indes,,mais  quelques  animaux 
femblables  àdes  petits, chiens  lesquels  les  Indiés 
appellent  Alco,  c’eftpourquoy  ils  appellent  du 
raermenomd’Alco.leschiens,querony  a por- 
tez d’Efpagnc,  à caufe  de  la  rclTemblanee  qui  eft 
entre  cux,& font  les  Indiens  fiamis  de  ces  pe- 
tits chiens,qu’ils  efpargneront  leur  nî%cr,pour 
leur  donner:  tellement  que  quand  ils  vont  par 
pais,  ils  les  portent  auec  eux  fur  leurs  efpaulles 
ou  en  leur  fein,&  quand  ils  font  malades  ils  tic 
nent  ces  petits  chiens  aiiec  eux,  fans  fe  feruir 
d’eux  en  autre  chofe  que  pour  l’amitie  Ôi  com 
pagnie. 

JDe  quelques  animaux  de  t Europe, que  les  E^a- 
^nolstrouucrent  es  IndeSyC^  comment  tls 
peuueutj  auoirpajfe'. 

Ch  AP.  XXXIIII. 

’Es  T vnechofe  certaine,  que  l’on  a 
porté  d’Efpagnc  tous  ces  animaux 
donti’ay  parlé,  & qu’il  n y en  auoit 
point  CS  Indes  , quand  elles  furent 
premièrement  defcouucrtcs  , il  n’y  a pas  cent 
ans  : car  outre  qüe  c’eft  vnc  choie  qui  peut  cftrc 
approuuée,  par  des  tcfmoii^s  qui  viuent  cnco- 
rcs,  ce  en  eft  vnc  preuue  fuffifantc,  de  voir  que 
les  Indiens  n’ont  en  leur  langue, aucun  mot  pro- 
pre pour  fignificr  CCS  animaux,  mais  ils  fefer- 
ucntdcs  mefmcs  noms  Efpagnols,côbicnqu  ils 
foicm  corrompus.Pour  autant  que  ne  cognoif- 


bE  s Indes.  Li  v.  IIII.  r<)i 
fans  point  la  chofe^  ils  prindrenr  le  mot^com- 
mun  aux  lieux,  dont  elle  auoitefté  apportée, 
l’ay  trouué  cefte  reiglc  bonne  pour  dircerner, 
quelles  chofes  auoient  les  Indicns.aupârauanç 
que  les  Efpagnols  y vinlfcnt,  & celles  qu’ils  n a- 
uoientpoinrrcarilsdonnoicntvn  nom  à celles 
qu’ils  auoient , & cognoilToicnt  défia,  & ont 
donné  des  noms  nouueaux  à celles  qu’ils  ont 
eu  de  nouueau,qui  font  les  merrnes  noms  Ç fpa- 
gnols  le  plus  communément , quoy  qu’ils  les 
prononcentà  leur  mode,  comme  au  cheual,aii 
vin  & au  froment.  L’on  y trouua  des  animaux 
delamefmc  elpecc  de  ceux  quenousauons  en 
l’Europe  fan  s qu’ils  y euflentefté  portez  par  les 
Efpagnols,  Il  y a des  lyons,des  tigres,ours/an- 
gliers,renards&d’autrcs  beftesfietes  & fau na- 
ges,dequoy  nous  auonspropofé  vn  argumétau 
premier  liure/çauoir  que  n eftant  pas  vray-fem- 
blable,  qu’ils  cuirenrpalTé  aux  Indes  par  mer, 
attendu , que  ceft  chofe  impoffiblc  de  palier 
rOccan  ànage,  & feroit  vne  folie,  de  penfer 
que  les  hommes  les  euflent  embarquez  aucc 
eux,  il  fenfiiir  que  ce  monde  le  continue  en 
quelque  endroit  aucc  l’autre  nouueau,  par  où 
ces  animaux  peuuent  auoirpalfé,  & peuplé  peu 
à peu  ce  nouueau  monde  :puifqueruyuant  l’Ef- 
criture  ces  animaux  fc  fauuerent  en  l’arche  de 
Noé,  & delails  ont  multiplié  au  monde.  Les 
lyons  que  i’ay  veus  ne  font  rouges  , & n’ont 
point  ces  crains,  auec  lefquels  on  aaccouftumé 
de  les  peindre.  Ils  font  gris,&  non  pas  fi  furieux 
comme  on  le  voit  en  peinture.  Les  Indiens 
f amalîent , 6c  fallcmbicnt  pour  prendre  6c 


Histoire  natvrelle 
chafTer  les  lyons  commevn  circuir,qu*ils 

appellent  chaco,  dont  ils  les  enukonnenr,  puis 
les  tuent  à coups  de  pierres,  de  battons , & d au- 
tres inttruments',  Ces  lyons  mefmcs  ont  acebu- 
ftumé  de  grimper  aux  arbres, où  ettans  montez 
les  Indiens  les  tuent  auec  des  lances , ou  arbal- 
lettrcs,& plus  facilement  auec  des  arquebuzes. 
Les  tygres  y font  plus  furieux , plus  cruels, 
ôc  ont  la  rencontre  plus  dangereufe  , a caufe 
qu’ils  s’eiîancent  ôc  aifaillent  en  trahifon.  Ils 
font  tachetez,  &delamefmefaçonque  leshi- 
ftoriographes  les  peignent.  Tay  ouy  quclques- 
fois  conter  que  ces  tygres  eftoient  animez  con- 
tre les  Indiens , & qu’ils  n’affailloyent  point  les 
Efpagnols,  ou  bien  peu , & qu’ils  alloy  ent  pren- 
dre &choifirvnlndié  au  milieu  desEfpagnols, 
ôc  qu’ils  les  emportoyent.  Les  ours  qu’ils  appel- 
lent en  langue  de  Cufco , otoioncos,  font  de  la 
mcfme  efpece  que  ceux  d’icy , ôc  fe  territtenr. 
L’on  y void  peu  de  ruches,  pourccque  les  ray  s 
de  miel  qui  font  es  Indes  fc  trouuent  aux  arbres  i 
& ddfoubs  la  terre, & non  pas  aux  ruches, côme 
en  Cattille.Les  rays  de  miel  que  i’ay  veus  en  la 
prouince  de  Charcas,  que  là  ils  appellent  le  chu 
guanas,font  d’vn  couleur  grife  , ayant  peu  de 
fuc,&reffemblcntplusàvne  paille  douce,  qu  à 

des  rays  de  miel.  Ils  difent  que  les  abeilles  font 
petites  comme  mouches, & qu  elles  iettent  leur 
ciTaindcflbubslaterre.Le  miel  en  ett  afpre,  ôc 
noir,  toutesfois  en  quelques  endroits  il  y en  a 

de  meilleur,&  des  rayons  mieux  formez,  com- 
me en  la  prouince  de  T ucuman  en  Chille,  ôc  en 
Cartagcac.  le  n’ay  point  veu  ny  ouy  parler 


DES  Indes.  Liy.  IIII.  1^3 
qu’il  y ait  des  fangliers,mais  des  regnards  & au- 
tres animaux  qui  mangent  les  beftes,&  la  volail- 
le,il  y en  a plus  que  les  pafteurs  ne  voudroient. 
Outre  ces  animaux  qui  font  furieux  & domraa- 
geableSjil  y en  a d’autres  profitables,  qui  n’y  ont 
point  efté  portez  par  les  Êfpagnols,com me  font 
les  cerfs  & autres  dont  y en  a grande  abondance, 
en  toutes  les  forefts.Mais  la  plus  grande  partie 
cftvnevenaifon  fans  cornes,  à tout  le  moins  ic 
n’y  en  ay  point  veu  d’autrcs,ny  ouy  parler  qu’oa 
y en  aitveu,&tous  font  fans  cornes  comme  cor- 
cos.Il  ne  mefemble  pas  difficile  de  croirermais 
cft  prefquc  certain,que  tous  ces  animanxparleur 
legereté,&  pour  eftre  naturellement  fauuages, 
ayent  palfc  d’vn  monde  à l’autre,  par  quelque 
endroit  ou  ils  fe  ioignent,puis  que  aux  grandes 
Ifles  ôc  elloignees  de  la  terre  ferme,ie  n’ay  point 
de  cognoilfance  qu’il  fy  en  trouue , quoy  que 
i aye  fait  recherche  de  le  defcouuir, 

DesoiJèamdefardefàqmfentésJndes^O^ 
comment  tU  pmenty  nuoir  fajfe» 

Chapitre  XXXV.- 

L*On  pourra  plus  facilement  croire  qu’il  en 
foitainfi  des  oifeaux,  & qu’il  y en  a de  la 
mefme  efpece  de  ceux  de  par  de  çà,commc  font 
les  perdrixjles  tourtcs,pigcons,ramiers,cailics& 
plufieurs  & diuerfes  fortes  de  faucons  , lefquels 
l’on  enuoye  de  la  neufuc  Efpagne  & du  Pcru,aux 
feigneurs  d’Efpagne,d’autant  qu’on  en  fait  gran- 

Bb 


Histoire  kat'vrillb 
de  cftime.Il  y a mcfme  des  Hérons, &dcs  Aigles  I 
de  diuerfes  fortes, &n  y a point  de  doute  que  ces 
cfpcces  d’oifeaux  & autres  fcmblablcs,n’y  ayent 
palTc  bien  pluftoft  que  les  lyons  les  tigres , & les 
^erfs.Ilfetrouucaufliés  Indes  vn  grand  nom- 
bre de  Perroquets  , fpeciallement  aux  Andes  | 
du  Peru,&  es  Iflcs  de  Port-riche,&:  S.  Doraini-  | 
que,  où  ils  vont  par  bandes  , comme  font  les  | 
pigeons  par  deçà.  En  fin  les  oyfeaux  auec  leurs  | 
aiflesjvont  où  ils  veulent,  & certainement  plu-  ! 
fleurs  efpeces  d’iceux  pourront  bien  paffèr  le  J 
' Golphc,puis  que  c’eftehofe  certaine  , comme 

TîinM.io  Pline  l’afFerme,  qu’il  y en  a beaucoup  qui  paf- 
cap.z}.  fentlamcr,&vont  en  des  régions  fort  eftran- 
ges,  combien  que  ie  n*aye  point  leu,  qu’aucuns 
oifeauxpalîent  auvolvn  fi  grand  golphc,  com- 
me eftceluy  de  la  mer  Oceane  des  Indes.  Tou- 
tesfois  neleticns-ie  pas  pour  du  tout  impoflî- 
ble,puisque  l’opinion  commune  des  mariniers 
cft  , qu’il  f en  trouue  deux  cens  lieues  , voire 
beaucoup  d’auantageloing  de  la  terre.  Et  que 
mefme,commc  Ariftotelenfeigne,  les  oifcaiix 
endurent  facilement  cftre  dans  l’caue,  d*autant 
deVnrt.mi  ont  peu  de  refpiration  , comme  nous 

maUap.t.  ^^^^s  aux  oifeauxmaritimes,lefquelsfe  pion-  J 

gcnt,&font  vn  long  temps  dedans  l’eaüe.  Ain  fi  | 
pourra-ondire,quelcs  oifeaux  qui  fe  treuuent 
à prefenten  la  terre  ferme,&  es  Ifles  des  In- 
des, ont  peu  pafler  la  mcr,fc  delalTans  en  des  . 
mettes,  & en  des  terres  , qu’ils  recognoiffent  ' 
par  vninftina:  naturel,  ( comme  Pline  raconte  . 
de  quelques  vns  ) ou  parauanture  , fc  laifiTans  i 
tomber  cnrcaüc  , quand  ils  font  fatiguez  de 


©ES  I N D E S.  L I V.  I 1 1 r.  194 

voiler, &apres  reprenans  Ie^vol,quand  ils  Ce  font 
repofez  quelque  pcu.Q^âtaux  oifeaux  que  Ton 
voidés  Ifles,crquellesil  n’y  a point  d animaux 
terreftres  ié  tics  (ans  donte,qu’ils  y ontpafle  par 
vnedes  façons  furdites. Mais  pour  les  autres  oi* 
féaux  qui  Ce  trouuct  en  la  terre  ferme,  principa- 
lement ceux  qui  on, tvn  petit  vol,  il  eftplusaifé 
de  croire  qu’ils  y ayent  efté  comme  les  animaux 
dcla  tGrrc,quifontdela  mefme  cfpece  de  ceux 
d Europe. Car  il  y a aux  Indes  de  grands  oifeaux 
fortpelants,commc  les  Auftruclies.dont  il  y en 
a fort  au  Peru,  lefquclles  ont  accouiluméd'ef- 
pouuanter  quelque  fois  les  moutôs  du  pays  qui 
vont  chargez.Maislaiflànt  ces  oifeaux  , qui  fe 
gouuernent  d eux  mefmes/ans  que  les  hommes 
en  ayent  le  foing,fi  ce  n’eftpour  la  chailè,  parles 
dcsoilèauxdomeftiques.  Iç  mefmerueille  des 
poulles,artendu  qu’il  y en  auoitaux  Indes,auant 
queles  Efpagnolsyarriuaffenr,  ce  quiefl:  affez 
prouue,parcc  qu  elles  ont  vn  nom  propre  du 
pays,& appellent  la  poulie  Gualpa,  & leur  œuf 
Ponto,  ôc  ont  en  vlagcle  mefmcproucrbe  que 
nous  auonsicy,  d’appellcr  poulie  vn  homme 
couard.  Ceux  qui  furent  à la  defcouuerte  des 
Ifles  de  Salomon  racontent,  qu’ils  y ont  vcii 
des  poulies  fcmblables  aux  noftres.  L’on  peut 
entendre  que  la  poulie  citant  vn  oifeau  (i  do- 
meftique,  & fi  profitable  comme  elle  cil , les 
hommes  les  y ont  peu  porter  auec  eux,  quand 
ils  pafièrent  d’vn  lieu  en  autre  , comme  nous 
voyons  encor  auiourd’huy  , & que  les  Indiens 
en  voyageant  portoient  leur  poulie  , ou  poul- 
let  fur  la  charge  qu’ils  portent  fur  leurs  elpaul- 

Bb  ij 


Histoire  natvrelie 
les,&  mcfmcs  les  portent  facilement  en  leurs 
poullicrsj&cages  de  ionc,oude  bois.  Finalement 
il  y a es  Indes  beaucoup  d’efpcce  d’animaux  ôc 
d’oifeaux  de  ceux  de  l’Europe,  que  i’ay  dittes , ÔC 
d’autres  fortes  que  d’autres  pourront  raconter. 

Comme  il  efl  fo^thle  es  Indes  ^ueU 

t^ues  fortes  d' ammauXjdent  il  ri  y atP 
f oint  ailleurs, 

Chap.  XXXVI. 


l’Eftchofe  plus  difficile  de  môfficr 
j ôc  prouucr,  quel  commencement 
ont  eu  plufieurs  & diuerfes  fortes 
d’animaux  qui  fe  trouuét  es  Indes, 
. J de  fefpece  defquels  nous  n’auons 
point  en  ce  conrinét.Car  fi  le  Créateur  les  a pro- 
duits en  ces  parties,  il  ne  faut  point  alléguer, 
ny  auoir  recours  à l’Arche  de  Noé  , Ôc  n’eftoit 
point  de  befoing  de  {àuuer  alors  toutes  les  efpe- 

cesd’oifeaux&animaiiXjfi  d’au  très  deuoient  c- 
ftre  créées  denouueau:d’autreparton  ne  pour- 
roit  pas  dire,que  le  monde  euft  elle  fair&acheiic 
CS  fix  iours  de  la  création,  fil  y euft  eu  encor 
d’autres  nouuellcs  eipcees  àtormer,  & princi- 
palement des  animaux  parfaits  , ôc  non  moins 
excellents,  que  ceuxqui  nous  font  cogneus.  Si 
nous  difons  donc  que  toutes  les  cipeccs  d ani- 
maux furent  conferuecs  en  farche  de  Noé  , i I 


Des  Indes.  L IV.  II Iî.  19 j 
s’enfuit  que  les  aniraaux^dc  refpecc  defquels  il 
ne  s’en  trouue  en  d’autres  endroits,  qu’es In- 
des  , yayent  palTé  de  ce  continent,  tout  ainfî 
commcnousauons  dit  des  autres  animaux,  qui 
nous  font  cogneus.  Cela  fuppofé,  ie  demande 
comme  il  cft  poffiblc  qu’il  n’en  foit  reftc  par 
deçà  aucun  de  leur  cfpece  , & comme  il  s’en 
troujie  feulement  par  delà,  ou  ils  font  comme 
voyagers  & eftrangers.  .C’cft  à la  vérité  vnc  ^ 
queftion  qui  m’a  long  temps  tenu  en  perplexi- 
tc.Iedy  pour  exemple,!!  les  montons  du  Peru, 
& ceux  qu’ils  appellent  Pacos,&  Guanacos,  ne 
fetrouuent  point  en  d’autres  régions  du  mon- 
de,qui  les  aportezau  Peru,ou  comment  y ont 
ilseftc,  veu  qu’il  n’eft  demeuré  aucune  appa- 
renccjtiy  refted’iceux  en  tout  ce  monde?  Que 
fi  ils  n y ont  point  palîc  dVne  autre  région, 
comment  fe  font  ils  formez  ôc  produits  par 
delà?  Parauanture  Dieu  a-il  fait  vne  autre  nou- 
uelle  création  d’animaux  f Ce  que  ie  dy,deces 
Pacos,  & Guanacos,  ie  le  dyde  mil  autres  dif- 
férentes efpcces  d oifeaux  & d’animaux  de  fo- 
rcftjquiiamais  n’ont  efté  cogncus,ny  de  figure, 
nyde  nom,&  defquels  il  n’eft  fait  aucune  men- 
tion,fbit  entre  les  Latins,  foit  entre  les  Grecs, 
ou  quelques  autres  nations  de  ce  monde.ll  ^ut 
donc  dire,  que  combien  que  tous  les  animaux 
foyent  fortis  de  l’Arche  , neantmoins  par  vn 
inftind  naturel , Ôc  prouidcnce  du  Cicl,diuers 
'genres  d’iceux  s’efpartirent  en  diuerfes  régions, 
en  aucunes  defqueîles  ils  fe  trouuerent  fi  bien, 
qu’ils  n’en  voulurent  pointpartir  j ou  s’ils  en 
fortirent,nefeconferuerent,  ou  bien  en  fin  de 
Bb  iij 


Histoire  natvrelle 
temps  ils  périrent  totallement , comme  î on 
voit  arriuer  en  beaucoup  de  chofes  : car  fi  l on 
y veut  regarder  de  près,  on  trouuera  que  ce 
n’eft  pas  tant  feulement  vue  chofe  propre  & 
particulière  es  Indes  , mais  aufli  generalle  en 
beaucoup  d’autres  régions  & prouinces  de 
bA fie, d’Europe,  & d’AfFrique,  efqnelles  l’on 
dit  qu’il  y a de  certaines  cfpeccs  d animaux, qui 
ne  le  trouuent  point  en  d autres  régions , au 
moins  s’il  s’cn  trouue  ailleurs  1 on  rccognoift 
qu’ils  y ont  cfté  portez  de  là.  Puis  donc  que  ces 
animaux  fontfortis  de  l’arche  , comme!  pour 
exemple , les  Elephans  que  Ton  trouue  feule- 
ment en  l’Inde  Oricntalle,&  de  là  fe  font  com- 
muniquez en  d’autres  régions  , nous  en  pour- 
rons dire  autant  de  ces  animaux  du  Peru,  & des 
autres  des  Indes  qui  ne  le  treuuent  en  autre 
partie  dumondc.L’on  peur  bienaulîi  confidc- 
rer  fiir  ce  fubiet,  fi  tels  animaux  different  en 
efpece  , & cflentiellement  de  tous  les  autres, 
ou  fi  cefte  leur  différence  eft  accidentalle , la- 
quelle peur  y auoir  cfté  cauféepar  diuçrsacci- 
dens,comme  nous  voyons  au  lignage  des  hom-  i 
mes , que  les  vns  font  blancs,  ôc  les  (autres  fon^  ^ 
noirs, les  vns  geans,les  autres  nains,  & en  j 
l’efpece  des  finges,  les  vns  n ont  point  de  queue,  j 

6c  les  autres  en  ont,  entre  les  moutons , les  vns  ! 
font  ras , ôc  les  autres  vellus , les  vns  grands  ôc 
forts,  qui  ont  le  col  fort  long,  comme  ceux  du 
Peru,&lcs  autres  foibles  & petits,  ayans  le  col 
court  comme  ceux  de  Caftillc.  Mais  pour  en 
parler  plus  fainement , qui  voudra  par  ce  du- 
cours,  en  mettant  feulement  ces  différences 


DES  In  DEsXlV.  III I. 
accidcntalles  , confcrucr  la  propagation  des 
animaux  es  IndcSa&lcs  reduiréà  ceux  d’Euro- 
pe, prendra  vne  charge,  de  laquelle  il  pourra 
raalaifement  fortir  à fon  honneur.  Car  u nous 
deuons  iuger  les  elpeccs  d’animaux  par  leurs 
proprictezjceux  des  Indes  font  fi  differents,  que 
c’eft  appellcr  l’œufchaftaignejdc  les  vouloir  ré- 
duire aux  efpeccs  cogneiies  de  l'Europe. 

V es  font  propres  es  Indes, 

Ch  AP.  XXXVII. 


X y a aux  Indes  de  plufîeurs  fortes 
jd’oifeaux  remarquables,  foit  qu’ils 
|foient  de  la  mefmc  efpece  de  ceux 
,*,,,,,,„^j»d’icy,  ou  autres  differents.  Ils  appor- 
tent de  la  Chine  certains  oifeaux,  qui  n’ont 
point  de  pieds  aucunement,  ôc  toutlcur  corps 
cftquafî  plume.  Ils  ne  s’allient  point  enterre, 
mais  ils  fe  pendent  aux  rameaux  par  des  fillets, 
ouplumes  qu’ils  ont,&ainfi  fe  repofent  conime 
des  mouches, & chofes  aeriennes.  AuPeruily 
a des  oy  féaux  qu’ils  appellent  Tomineios,  fî  pe- 
tits que  beaucoup  de  fois  i’ay  douté,lcs  voyant 
voler,fi  c’eftoient  abcillcs,ou papillon:  mais  à 
la  vérité,  ce  font  oyfeaux.  Au  contraire  ceux 
qu’ils  appellent  condores,y  font  d’vnc  extrefme 
grandeur , & d Vne  telle  forçe , que  non  feule- 
ment ils  ouurcn  t & dcfpccent  vn  mouton,  & le 
mangent,  mais  auflî  vn  veau  tout  entier.  Ceux 
qu’ils  appellent  Auras,  & les  autres  poullazcs, 
(îefqucîics  ic  croy  quant  à moy  eftrc  du  genre 
Bb  iiij 


HiSTOIItË  NATVRELIË 
«3cs  corbeaux)  font  d’vne  cftrange  Icgcrcté , & 
ont  la  vcüc  fort  aiguë,  cftans  fort  propres  pour 
nettoyer  les  Citez,  d’autant  qu’ils  n y lailfcnt 
aucunes  charongnes,  nychofesmortcs.ïlspaf- 
fent  la  nuit  fur  les  arbres,ou  liir  les  rochers,  & 
au  matin  viennent  aux  Citez  fe  mettans  fur  le 
fommctdcs  plus  hauts  édifices, d’où  ils  efpient 
& attendent  leur  prife.  Leurs  petits  ont  le  plu- 
mage blanc,  comme  l’on  raconte  des  corbeaux, 

& changent  le  poil  en  noir.  Les  guacamayac, 
font  oy&aux  plus  grands,  que  perroquets,  & 
leur  reflcmblenten  quelque  chofe,ils  Ibntcfti-  j 
raez  pour  la  diuerfe  couleur  de  leur  plumage, 
qui  eft  fort  beau, 5c  fort  aggrcable.  En  la  neufue  j 
Elpagne,il  y abondance  d oyfeaux,  d’vn  excel-  ! 
lent  plumage, deforte  qu’il  ne  s'en  trouue  point  | 
en  Europe, qui  en  approchent-.comme  l’on  peut  | 
voir  parles  images  de  plumes, qu’ils  apportent  i 
dclà,Iefquels  aucc  beaucoup  dcraifon,fontpri-  | 
fez  & eftimez , donnans  occafion  de  s’cfmer- 
uciller  que  l’on  puifiè  faire  auec  des  plumes 
d’oifeauxjvne  œuure  fi  délicate,  & fi  parfaite- 
ment e{galle,qu’ils  femblent  proprement  eftrc 
de  vrayes  couleurs  de  peinture,  & ont  vnœil, 
&vn  regard  fi  gay,fi  vif,  & fi  agréable,  que  le 
peintre  n’en  peur  pas  faire  de  fi  beaux, auec  fon 
pinçeau,  ôc  fes  couleurs.  Quelques  Indiens, 
bons  ouuriers  & experts  en  cet  art,pourtraycnt 
de  CCS  plumes  , âc  reprefententparfaidement 
ce  qu’ils  voyent  peint  auec  lepeinçeau,  de  telle 
façon,  que  les  peintres  d’Efpagne  n’ont  en  ce 
point  aucun  auantage  fur  eux.  Le  précepteur 
du  Prince  d’Elpagnc  Dom  Philippe, luy  donna  ! 


DES  Indes.  Liv.  III I.  1^7 
trois  cftampes,  ou  pourtraits  faits  de  plume, 
comme  pour  mettre  en  vu  breuiaire,  Icfquellcs 
fon  AltefTe  môftra  au  roy  Dom  Philippe  noftre 
heur,  fon  perejlcfquels  fa  majefte  contemplant, 
& regardant  de  prés,  dift,  qu’il  n’auoit  iamais 
veu  en  œuure  fi  petite,  vne  chofe  de  Ci  grande 
perfedion  &excellence.Cômeon  euftvn  iour 
prcfcntéàlaSaindctéde  Sixte  cinquicfmc,  vn 
autre  quatre  plus  grand,  où  eftoic  pourtraitS. 
François, & qu’on  luy  euftdit,  que  les  Indiens 
faifoient  cela  de  plurac,il  le  voulut  efprouuer, 
touchant  des  doigts  le  tableau,pour  voir  fi  c’e- 
ftoit  plume,  d’autât  que  cela  luy  fcmbloit  cho- 
fe merueillcufe,d’eftrc  fi  proprement  agençé, 
que  laveiic  ncpouuoitiugcr,&difccrncr  fic’e- 
ftoient  couleurs  naturelles  de  plume,  bu  fi  elles 
cftoient  artificielleSidc  pinceau . Ceft  vne  cho- 
fe fort  belle,  que  les  rays,  & regard  que  iette 
vn  vert,vn  orengé,commcdoré,&:  autres  cou- 
leurs fines,  ôc  vne  chofe  digne  de  remarquer, 
que  lesregardansd’vneautrefaçoq^  on  les  voit 
comme  couleurs  mortes.Ils  font  les  meilleures 
& plus  belles  images  de  plume,  en  la  prouince 
de  Mcchouacan,& au  bourg  dePafearo.  La  fa- 
çon eft  qu’au  ec  de  petites  pinces  delicattes,  ils 
arrachent  les  plumes  des  mefmesbifeaux  morts, 
& auec  vne  colle  defiiée  qu’ils  ont , les  vont  at- 
tachantlegercment,&  poliement.  Ils  prennent 
CCS  plumes  fi  délicates, & petites  de  ces  oy- 
fcaux,qu’ils  appellent  au  Peru,  Torpineios,ou 
d’autres  femblables , qui  ont  de  tres^parfaides 
couleurs  en  leurs  plumes.  Les  Indiens  outre 
CCS  images,  fe  fcruoicnr  des  plumes  en  beau- 

/ ■ 


Histoiri  natvreile 
coup  d’autres  ouurages  fore  précieux , fpccial- 
lement  pour  l’ornement  des  roys  & feig^eurs 
de  leurs  templcs,&  idoles.  Car  il  y a auili  d’au- 
tres grands  oy féaux , qui  ont  des  plumes  excel- 
lentes,& tref-fines,dequoy  ils  faifoient  des  pan- 
naches,  & plumages  biguarrez , fpcciallement 
quand  ils  alloient  en  guerre,  les  enrichiflànt 
d’or  &d’argent,fort  artificieufement,qui  eftoit 
vne  chofe  de  grand  prix.  Les  mefmes  oyfeaux  y 
font  encor  auiourd’huy,  mais  ils  n’en  font  pas 
tant  curieux,  & n’en  font  plus  tant  de  panna- 
ches,nydegentillcires  comme  ils  fouloicnt.  Il 
y a aux  Indes  d’autres  oyfeaux  du  tout  contrai- 
res àceuxcy,dcfîrkhe  plumage,  lefquels ou- 
tre ce  qu’ils  font  laids  ne  feruent  d’autre  cho- 
fc,que  de  faire  de  la  fiente,  & neantmoins  ne 
font  ils  pas  peut  cftrc,  de  moindre  proffit.  lay 
confideré  cela  m’efmerueillant  de  la  prouiden- 
cc  du  Createur,qui  a aiiifi  ordonné,  que  les  au- 
tres créatures  feruent  aux  hommes.  En  quel- 
que Iflcs,ou  Phares, qui  font  ioigtiant  la  cofte 
du  Pcru,l’on  voit  Icloingdes  pics,  & montai- 
gnes  toutes  blanches , & diroit-on  à les  voir 
que  ce  feroitdcla  neige  , ou  que  toutyeftvnc 
terre  blanchc,mais  ce  font  des  monceaux  de  la 
fiente  de  ces  oyfeaux  marins  qui  vont  là  conti- 
nuellement fienter,  & y en  a fi  grande  abondan- 
ce qu’elle  fe  haufTe  pluficurs  aulnes,  voire  plu- 
fieurs  lançes  en  haut:  ce  qui  femblc  chofe  fabu- 
leufc.lls  vont auec des  bafteaux  à ces  Ifles, feu- 
lement pour  charger  cefte  fiente,  pourcc  quil 
n’y  a autre  fruit,grand  ny  petit  en  icelles  j Et  eft 
cefte  fiente  fi  comnaode,&  fi  proffitable,  que  la 


Des  Indes.  Liv.  IIII.  19S 
tcrrCjqui  en  eft  fumécji'apporte  du  fruit  en  fort 
grand  abondance.lls  appellent  celle  fiéte  guano 
d’où  a prins  le  nô  la  vallcc,qu’ils  difent  de  lima- 
guana,  es  vallées  du  P^u^où  ils  fc  feruent  de  ce- 
lle fîcntc,&  ell  la  plus  fertile  de  ce  terroir.  Les 
coings,  grenades  Ôc  autres  fruiéls  y excédent 
en  grandeur  & bonté  tous  les  autres,  6c  difent 
que  c'eftpourcequel’eaüe,auec  laquelle  ils  les 
arroufent,  palïc  par  de  la  terre,  fumée  de  celle 
fiente,  qui  caufcla  beauté  de  ce  fruiél.  Telle- 
ment que  ces  oifeaux  n’ont  pas  feulement  la 
chair  pour  feruir  de  viandc,le  chant  pour  lare- 
creation,la plume  pour  lorncment  6c  gaillar- 
dife:  mais  aulîi  leur  fiente  fert  pour  engrailïèr 
la  terre.  Ce  qui  a elléainli  ordôné  parle  Créa- 
teur fouuerain  pour  le  feruice  de  l’homme,  à 
fin  qu’il  fe  rclTouuienne  de  recognoillre  & cllrc 
loyal  à ccluy  duquel  tout  fon  bien  procédé. 

Veshejiesdechajfe. 

Chap.  XXXVIII. 


V T R E les  animaux  de  chafle,  dont 
l^noLis  auons  parlé  , qui  font  com- 


, muns  és  Indes  6c  à l’Europe,  il  y en 
>a  d’autres  qui  fe  trouuent  par  delà, 
dontic  ne  fçache  point  qd’ify  en  ait  par  deçà, 
linon  que  parauanture  ils  y ayent  cllé  apportez 
de  CCS  parties  là.  Ils  appellent  Sainos  , des  ani- 
maux qui  font  faits  comme  petits  porcs  qui 
ont  celle  chofe  ellrange  d’auoir  le  nombril  fur 
l’efehine  du  dos.  Ceux-  là  vont  par  les  bois  en 


Histoire  natv relie 
trouppes,ils  font  cruels  Tans  eftre  aucunemenr 
craintifs , ru  contraire  ils  alTaillcnt  & ont  des 
crocs  comme  rafoirs  , auec  lefquels  ils  font 
de  dangereufes  bleflTeures  & incifionSa  fi  ceux 
qui  les  chafient  ne  fe  mettent  enlieudefauue- 
té.Ccuxqui  les  chafient  pour  les  tuer  plus  feu- 
lement montent  en  des  arbres  ou  incontinent 
les  fainos  ou  porcs  accourent  & arriuent  cti 
trouppe  à mordre  l’arbre  quand  ils  nepeuuent 
nuire  à l’homme, & alors  du  haut  auec  vnc  lan- 
ce ils  blefient  ôc  tuent  ceux  qu’ils  veulent.  Ils 
font  très-bons  à manger,  mais  il  eft  befoin  auf- 
fitoftleurofter  & couper  ce  rond  qu’ils  ont  au 
nombril  de  l’elpine,car  autrement  dans  vn  iour 
ils  fe  corromproient.  Il  y a vue  autre  race  de 
petits  animaux  qui  refièmblent  à des  cochons 
de  laid,  & les  appellent  Guadatinaias.  le  doute 
s*il  y auoitaux  Indes  auanr  que  les  Efpagnols  y 
vinffent,des  porcs  de  la  mcfme  cfpcce  de  ceux 
d’EuropCjd’autant  qu’en  la  defcouuerte  des  If- 
les  de  Salomon, il  eft  dit  qu’ils  y trouucrcnt  des 
poulies  ôc  des  porcs  d’Efpagne.Maisquoy  que 
ce  foit,  c’eft  vne  chofe  certaine  que  ce  bcftial 
a multiplié  prefquc  en  toutes  les  parties  des 
Indes  fort  abondamment.  Ils  en  mangent  la 
chair  fraifehe,  la  tiennent  aufli  faine  & bon- 
ne comme  fic’eftoit  du  mouton,  comme  en 
Carthagene  en  quelques  endroits  ils  font  de- 
uenus  {auuages&  cruels,&leurfait-onlachaf- 
fecommeàdes  fangliers,ainfi  que  l’onvoiden 
fainârDominique,&  és  autres  Ifles  où  le  beftial  i 
s’efi:  habitué  aux  forefts.  En  quelques  endroits  i 
ils  les  nourrilîent  auec  le  grain  de  raays,  ôc  ils  | 


DES  Indes.  Liv.  IIIL  195 
{•cngraiflcnt  mcrueilleufemcnt  àfin  d en  aiioir  le 
fain,dôr  ils  vfent  à faute  d huillc:cn  aucuns  lieux 
Ton  en  fait  des  iambons,  comme  ca  Tolluca  de 
la  neufuc  Efpagne,&  en  Paria  du  Peru,  Retour- 
nant donc  à ces  animaux  de  par  delà, tout  ain fi 
corne  les  {àinos  font  femblables  aux  porcs,quoy 
qu’ils  foient  plus  petitsrainfi  les  dantes  reifem- 
blent  aux  petites  vaches, combien  qu’ils  reiîèm- 
blent  mieux  à des  mulles,  pour  11  auoir  point  de 
cornes.Le  cuir  de  ces  animaux  eft  fort  cftimé 
pour  des  collets  & autres  couucrtures,  ôc  font  (î 
durs  qu’ils  relîftent  à quelque  coup  que  cefoir. 
Et  comme  les  dantes  font  deffendus  par  la  force 
ôc  dureté  de  leur  cuir,  ceux  qu’ils  appellent  ar- 
madillos  le  font  auffi  par  la  multitude  des  cfcail- 
les  qu’ils  ont , lefquels  f’ouurent  ôc  fe  ferrent 
comme  ils  veullent  en  façon  de  cuirafTc.Ce  font 
des  petits  animaux  qui  vont  par  les  bois,lefqueIs 
ils  appellent  armadillos , àcaufcdeladeffence 
qu’ils  ont  femettans  dans  leurs  coquilles,  Ôc  les 
defcouurant  quand  ils  veulcnt.l’en  ay  mangé, & 
ne  me  fcmble  pas  chbfe  de  grand’  valeur:  mais  la 
chair  des  yquanas  eft  vn  meilleur  manger,  com- 
bien qu’ils  foient  hy  deux  ôc  horribles  à la  vcüc; 
car  ilsreflcmblentaux  vrais  lézards  d’Efpagne, 
encor  qu’ils  foient  d’vn  genre  ambigu  ôc  dou- 
teux, d’autant  qu’ils  vont  à l’eaiie,  ôc  fortans  en 
terre  montent  aux  arbres  du  riuage,  ôc  comme 
ils  fe  iettentdes  arbres  en  l’eaüe,  les  batteaux  fe 
mettêt  deifous  qui  les  recueillent.  Les  chinchii- 
les  eft  vn  autre  genre  de  petits  animaux  comme 
efeurieux.  Ils  ont  vn  poil  merueilleufemct  doux 
6c  lilfé , Ôc  porte  l’on  leurs  peaux  comme  yné  . 


Histoire  NATVRELIE 

chore  cxquife  &:  falutairc  pour  efchaufFcr  Fcfto- 
mach  ôc  les  parties  qui  ont  belbin  de  chaleur 
modérée.  Ils  font  des  couuertures&  des  caftcl- 
longncs  du  poil  de  ces  chinchilles,  8c  fe  trouuét  .j 
en  la  Sierre  du  Peru,où  il  y a merme  vn  petit  ani-  i 
mal  fort  commun  qu’ils  appellent  cuyes,  que  les  1 
Indiens  eftiment pour vntref-bon  manger,  ôc  ^ 
ont  aceouftume  d’offrir  fouucnt  en  leurs  facrifi-  J, 
ces  ces  cuycs.Ils  font  comme  petits  connins,  & |i 
ont  leurs  creux  & tanières  dans  la  terre  , & en  J 
quelques  lieux  ont  mine  toute  la  tcrredesvns  sot  4 
gtis,les  autres  blancs  ôc  les  autres  meflez.  Il  y a j 
d’autres  petits  animaux  qu’ils  appellent  Vifea-  i 
chas,qui  font  comme  des  Heures , combiê  qu’ils  j 
foientplus  grandsjaufquels  ils  font  la  chafic,  ôc 
lesjnangent.Des  vrais  Heures  il  y en  a affez  grad  j 
nombre  pour  la  chaffe  en  quelques  endroits.  < 
L’ontrouuc  auflîdcs  connins  ai'i  Royaume  de 
Quitte  mais  les  bons  y font  venus  d’Efpagne.  ■ 
C’eft  vn  autre  animal  eftrange,  que  celuy  lequel  ' 
pour  fon  exccfïîue  pcfantcur  ôc  tardiueté  à fc  : 
moiiuoir,ils  appellent  Perico-ligero  , ou  petit  I 
Pierre  le  Leger.Il  y a trois  ongles  à chaque  main 
ôc  meut  fes  pieds  ôc  fes  mains  comme  par  com-  ^ 
pas  ôc  fort  pefamment,&  relfemble  de  face  à v- 
ne  gucnon.Il  a vn  cry  hautin,il  môte  aux  arbres, 
ôc  mange  des  formis. 


DIS  Indes.  Liv.  III I, 
D«  Mim  mguemm  des  Indes, 

Chap/XXXIX. 


ioo 


R toutes  les  montagnes  de  ces  Tflcs 
'de  la  reiTC  ferme,&  des  Andes  il  y a vn 
inôbreinfînyde  Micos  ou  guenons  qui 
^ font  de  la  race  des  fingesjmais  differcns 
en  ce  qu’ils  ont  vne  qiieüe,voirc  fort  longue.  Et 
y en  a entr  eux  quelques  races  qui  font  trois  fois 
plus  grands,yoire  quatre  que  les  ordinaires,  les 
vns  font  du  tout  noirs  jes  autres  bay  s,  les  autres 
gns,&lcs  autres  tachetez, 5anenez.Lcurlceere- 
t^e&lcur  façÔ  de  faire  eft  admirablc,pour  ce  qu’il 
lemble  qu’ils  ayent  de  la  raifon  & du  difeours  à 
cheminer  par  les  arbres,en  ce  qu’ils  veulct  pref- 
qucimirer  les  oifeaux.  En  allant  de  Nom  de 
Dieu  en  Panama  ie  vids  en  Capira  qu Vne  de  ces 
guenons  fauta  dVn  arbre  en  l’autre  qui  cftoit 
de  l’autre  collé  de  la  riuierc,  ce  qui  me  fît  beau- 
coup efmerueiller.  Ils  fautent  où  ils  veulent 
fentortillans  la  queue,  en  vne  branche  pour 
l'cshranler  & quand  ils  veulent  fauter  en  vn 
lieu  efloigne  , & qu’ils  ne  peuuentd’vn  fauty 
atteindre  , ils  vfent  alors  dVne  gentille  façon 
qui  efl  qu  ils  f attachent  à la  queue  les  vns  des 
autres,  & font  par  ce  moyen  comme  vn  chaî- 
ne de  plufîeurs  , puis  apres  ilsfcflanccnt&fo 
lettentauant , & le  premier  eftant  aidé  de  la 
force  des  autres  atteint  où  il  veut,  & fatrache 
en  vn  rameaux, puis  il  aide  & Ibuftient  tout  le 


Histoire  natvrelle 
rcftc  iufqucs  à ce  qu’ils  foient  tous  parucnus 
attachczjcommci’ayditjàla  quciie  les  vus  des 
autrcs.Ce  feroit  chofe  longue  à raconter  quel- 
les folies,  embufehes  & trauerfes,  & les  ieux 
&:  gaillardifes  qu’ils  font  quand  on  les  drefle: 
Icfquelles  ne  fcmblent  pas  venir  d’animaux  bru- 
taux,  maisd’vn  entendement humain.l’envids  i 
vnen  Carthageneenla  raaifon  du  Gouuerneur  ! 
tellement  drefle, que  les  chofes  qu  il  faifoitjCem-  , 
bloicnt incroyables. Ils l’enuoyoient  ala  tauer-  > 
nepour  auoir  duvin,  ôc  luy  mettoient  en  vnc  , 
main  de  l’argent  ôc  le  pot  en  l’autre  , ôc  n eftoit 
pas  polîible  de  luy  tirer  Target  de  la  mainiufques 
à ce  qu’on  luy  euft  donné  le  pot  plein  devin.  Si 
les  enfans  le  rcncontroicnt  par  la  rue  ôc  qu’ils  le 
vinlTcnt  agafler  ou  luy  ietter  des  pierres,  il  met- 
toit  bas  le  pot  d’vn  cofté  ôc  fur  les  pierres,  ruant 
de  fa  part  contre  les  enfans  iufques  a ce  qu’il  euft 
alTeurc  le  chemin:  puis  retournoit  à porter  fon 
pot;&  qui  plus  cft, encor  qu’il  fuft  bon  beuueur 
devin  ( comme  pluficurs  fois  ic  luyenay veu 
boire  lors  que  Ion  maiftre  luyen  iettoit  d’éhaut)  | 
neantmoins  il  n’y  euft  iamais  touché  qu’on  ne  ; 
luy  en  euft  donné  congé.  Ils  me  dirent  mefmc  j 
que  fil  voyoit  des  femmes  fardées , il  fe  iettoit  ! 
fur  elles  ôc  leur  tiroir  la  coiffeure,  les  dcfaccom-  j 
modant  ôc  les  voulant  mordre.  Cccy  pourra  c-  j 
ftre  additiô  pource  que ie  ne l’ay  point veu:mais 
ie  ne  penie  point  qu’il  y ait  animal  qui  plus  ap- 
proche de  la  conuerfation  humaine  que  cefte  ra- 
ce de  guenons.Ils  en  racontent  tant  de  chofes, 
que  de  peur  que  Ton  ne  penfe  que  i’adioufte  foy 
à des  fables, ou  que  Tô  ne  les  tiéne  pour  telles,  ic 

trouuc 


DES  Indes.  Liv.  IIII.  2©i 
îrouue  meilleur  de  laiiîèr  c&fubjeâ:  ôc  conclure 
celle  marierc^en  benilTantfautcur  de  toures  cré- 
atures de  ce  qu’il  a voulu  créer  vne  efpece  d’ani- 
maux feulement  pour  la  récréation  & le  plailîr 
des  hommes.  Quelques  vns  ont  eferit  que  l’on 
apporroitcesmicos  ou  guenons  à Salomon  de 
1 IndeOccidentale,mais  ic  croy  demapart  que 
ceUoit  de  l’Orientale. 


Des  vlmgnes  tAru^ues  du  féru, 

C H A P.  XL. 

kN  T R E les  cliofes  remarquables 
Mes  Indes  du  Peru  font  les  vieugnes 
& moutons  du  pais  qu’ils  appellent, 

/qui  {ont  des  animaux  trâiâ:able"s  & 

‘ de  beaucoup  de  profit.  Les  vieugnes 
fontfauuagesj&lesmoutons^eftvnbeftialdo- 
meftique.Quelquesvnsont  penféqueles  vicu- 
gnes  font  cequ’Ariftote,Pline&  autres  autheurs 
traident,quandilsefcriuentdc  ce  qu’ils  appel- 
lent Capreas,qui font cheures  fauuages,  &c\ç.m  cap.^%. 
portent  certainement  quelque  relfemblance 
pour  la  legereté  qu’ils  ont  à aller  par  les  bois 
& montagnes,  & pour  relfembler  aufii  en  quel-  ^ 
que  chbfe  auxeheures,  mais  en  efFed  elles  ne  ^ 
font  point  d'vnc  mefme  elpece  j car  les  vieu- 
gnes n’ont  point  décernés  , mais  celles  là  en 
ont,comme  Ariftote  raconte.  Ce  ne  font  point 
non  plus  les  chieures  de  finde  Orientale, de  l’ef. 
pecedefqucls  ils  tirent  les  pierres  de  bezaar: 
car  fils  font  de  ce  genre,  ce  feroitvneeipece 

Ce 


Histoire  natvrelle 
diucrfe  : comme  en  la  race  des  chiens  refpece 
du  maftin  eft  autre  que  celle  du  Icuricr.  Les  vi- 
eugnes  du  Peru  ne  font  point  auffi  les  animaux 
qui  portent  la  pierre  de  bczaar  en  la  prouincc 
delaneufueEfpagne,  lefquels  ils  appellent  là 
bezaars,  d'autant  que  ceux-là  font  de  Tcfpecc 
des  cerfs  &venaifon.  Neantmoinsicnc  fçachc 
autre  partie  du  monde  où  il  y aye  deccsani-  I 
maux  linon  au  Peru  & en  Chillc,  qui  font  pro-  i 
uinccsioignantesrvncdeTautre.  Les  vicugncfr 
font  plus  grandes  que  les  chcures,&  plus  pettics 
que  les  veaux.  Ils  ont  le  poil  tirant  à couleur 
derofefeche,  quelque  peu  plus  claire;  ils  n’ont 
J oint  de  cornes  comme  les  cerfs  & capreas.  Ils 
pailfent  & fc  retirent  es  endroits  les  plus  hau- 
tains des  montagnes, qu’ils  ^pcllcnt  Pugnas. 

La  neige  ny  la  gelée  ne  les  ofrenfe  point,au  con- 
traire il  fcmblc  qu’elle  les  recrée.  Ils  vont  en 
troupe  & courent  tref-lcgerement.  Quand  ils 
rencontrent  des  voyageans  ou  quelques  be- 
lles, ils  fenfuyent  commebeftes  fort  timides, 
& en  fuyant  ils  chalfcntdeuant  eux  leurs  petits. 

L’on  ne  fapperçoit  point  qu’ils  multiplient 
beaucoup.  Ceft  pourquoy  les  Roys  Inguas 
auoient  defFendu  la  chafle  des  vicugncs,fi  ce  n’c- 
ftoit  pour  leurs  feftes,  & par  leur  comraande- 
ment.Qi^lques  vns  fc  plaignent  que  depuis  que 
les  Efpagnols  y font  entrez,  Fon  a donné  trop 
deliccnceàlachalfedesvicugnes,&  qu’ils  font 
diminuez  pour  celle  occafion.  La  maniéré  de 
chafler  dont  les  Indiens  vfent  ellde  ccchaco, 
qui  eft  qu’ils  famalFcnt  plulicurs  hommes  cn- 
fcmblc,quclquefois  iufqucs  à mil  ou  trois  mil. 


DES  Indes.  Lrv.  IIîî.‘  loz 
voire  dauantage,& entourant  vn  grand  efpace 
debois^vont  chafTanclavenaifon  ,mfques  à ce 
qu’ils  fc  foient  ioints  de  tous  coftez  , par  ce 
moyen  il  fc  prennent  d’ordinaire  de  trois  àqua- 
tre  cens  ou  enuiron7&Iors  ilsprcnnent  ce  qu’ils 
veulcnt,laiirans  aller  le  refte  , fpecialement  les 
femelles  pour  la  mnltiplicatiô.  Ils  ontacconftu- 
iné  de  tondre  ces  animaux, &de  faire  de  leur  lai- 
ne des  couuertures  & caftelognes  de  grand  prix, 
pourcc  que  celle  laine  ell  comme  vne  foye  blan- 
che qui  dure  long  temps, &:  comme  la  cou  leur, 
eft  naturelle  &nô  point  de  teinture, cilcrcll  per- 
pétuelle. Les  edoffes  faites  de  celle  iâinè  font 
fort  fraifchcs&: fort  bonnes  pouf  le  temps  de 
chalcurs,&  ticnét  qu’elles  font  profitables  pour 
l’inflammatiori  des  rcins,&.autrcs  parties  tepe- 
rans  la  chaleur  excelîîueLa  mcfmc  vertu  à celle 
laine  quand  elle  ell  luifc  en  des  ma  telas,  ^ ' C’ell 
pourquoy  quelques  rns  en  vfent  à celle  fin,pour 
l’experience  qu’ils  en  ont.  Ils  difent  d’auantat^e, 
que  celle  laine  ou  couuerture  faite  d’icelle  cil 
medecinallepour  d’autres  indirpofitiôs,commc 
pour  lagoutteitoutefois  ie  n’ay  pas  cognoilfance 
qu’on  en  ait  fait  aucuneexpcrience  certaine.  La 
chair  de  ces  vicugncsn’ellpas  bonne  encor  que 
les  Indiês  la  mâgcnt,&  qu’ils  en  fôt  de  la  cccinc 
ou  chair  fcchce,pour  les  clFeds  delà  medecine, 
lediraycequci'ayveu  cheminant  par  la  Sierre 
duPeru,i ’arriuay  en  vn  tambo  ouhollcllerie  vn 
foir,ellât  affligé  d’vnc  terrible  douleur  des  yeux, 
tellement  qu'il  me  fcmbloit  qu’ils  vouloient 
fortir  dehors  ( qui  dl  vn  aeddent  lequel  ordi- 

Ce  ij 


Histoire  natvrelle 
mircracntaduienren  CCS  parties-là  d’autat  que 
l’on  pafle  des  lieux  couiierts  de  neige , qui  caia- 
fent  ceft  accident  en  les  regardant.)  Eftant  donc 
couché  auec  telle  douleur  que  ie  perdois  pref- 
que  patiêce,arriua  vne  1 ndiêne  qui  me  dift,Perc, 
mets  toy  cela  aux  yeux,&  tu  feras  guary:c’eftoit 
vn  morceau  de  chair  de  vieugne  tuée  nouuclle- 
raenr^ôc  encor  toute  fanglante.  iVfay  de  cefte 
medecine,& incontinent  cefte  douleur  fappaifa 
& peu  de  temps  apres  me  quitta  du  tout.  Outre 
les  chacosquei’ay  dit^quieftla  façô  gencrale<Sc 
plus  ebmnaune  de  chaifer  éslndesjils  ont  accou- 
ftuméd’eh  vfer  d’vne^utre  particulière  pour  les 
prêdre^qui  èft,qu’en  aprochant  alfez  près  ils  iet- 
têt  dèîr.dordcaux  auec  certains  plôbs,  qui  prênét 
& fejneflent  entre  leurs  pieds,&les  empefehent 
qu’ils  nepeuucntcourir,par  ce  moyen  ils  pren- 
nent la  vieugne.  La  principale  raifon  pourquoy 
ceft  animal  efteftimé,  eft  à caufe  des  pierres  de 
bczaar  quife  trouuent  enluy,dcfquelles  no®  trai 
dtérons  cy  apres.llyavn  autre  genre  d’animaux, 
qu’ils  appellent  taruguas,lcfquels  auflî  font  fau- 
uages,  ôc  font  plus  légers  que  les  vieugnes.  Ils 
font  pl®  grands  de  corps,&  ont  vne  chaleur  plus 
feche.lls  ont  les  oreilles  molles  Ôc  pendantes,& 
ne  marchent  point  en  trouppes  comme  les  vi- 
cugncs,à  tout  le  moins  ie  n en  ay  point  veu  que 
de  feulles,  & communément  en  des  lieux  tref- 
hauts.L’on  tire  mefme  des  pierres  de  bezaar  de 
CCS  taruguesjlefquelles  font  plus  grandes, & onc 
plus  d’operation  Ôc  de  vertu. 


j 


1 


»E  s In  DIS.  L IV.  II II.  205 

Fdcos,  Gudttdces  ^ montons  du  Fem, 

Ch  A P.  XLI.  / 

Ln’yachpfcau  Pcrii  de  plus  gran- 
de richefTe  & profit  cjuele  beftial 
du  pays,  que  les  noftres  apellcnt 
moutons  des  îndcs,  & les  Indiens 
en  langue  generale  l’appellent 
Lama.Car  tout  bien  confideréc’eft  l’animal  du 
plus  grand  profit,  &de  la  moindre  deipenfe  de 
fous  ceux  que  l’on  cognoifie.IIs  tirent  de  ce  be- 
ftial la  viande  & le  veftement,commeils  Tôt  des 
brebis  enEipagne.  D’auantage  ils  en  tirent  la 
cômodirc  de  la  charge  ÔC  delà  voiture,  de  tout 
ce  qu’ils  ont  debefoin,  attendu  qu’il  leur  fert  à 
porter  leurs  charges , & d’autre  cofté  il  n’eft 
point  de  befoin  de  dclpendre  à les  ferrer,  ny 
cnfellcs  ou  enbafts,&nonplu$enauoine:mais 
il  fert  fes  maiftrcs  gratuittement  fe  contentant 
de  l’herbe  qu’il  trouuc  parmy  les  champs:  de 
manière  que  Dieu  les  apourucus  de  brebis  & 
de  iumens  en  vn  mefme  animal.Et  comme  c eft 
vne  nation  pauiire,  il  avouluauffi  les  exempter 
en  ce  poind  de  couft  Sc  de  defpenfe,  pour- 
ce  qu’il  y a beaucoup  depafturages  & herba- 
ges en  la  Sicrre,&  ce  beftial  n’a  point  befoin 
d’autre  couft.  Il  y a deux  elpeces  de  ces  mou- 
tons ou  Lamas  , les  vns  defquels  ilsi  appellent 
pacos  ou  moutons  porte-laine  , & les  autres 
font  ras  &de  peu  de  laine,  aufii  font-ils  meil- 
leurs pour  la  charge  : ils  font  plus  grands  qu  e 
des  grands  ^ moutons , ôc  moindres  que  des 

Ce  iij 


'Histoire  natvrelie 
veaux  J ôc  ont  le  col  fort  long  à la  lemblan- 
ce  d’vn  chameau , dont  ils  ont  bien  befoin  : car 
cftans  hauts  & cflcuezde  corps,  ils  ont  befoin 
d’vn  colainfi  long,  pour  ne  fembler  point  dif- 
formes. Ils  font  de  diuerfcs  couleurs , les  vns 
tout  blancs , les  autres  noirs , les  autres  gris , & 
les  autres  mcflez,  qu’ils  appellent  Moromoro. 
Les  Indiens  auoyent  de  grandes  fupcrftitions  à 
choifir  ces  animaux,  pour  les  facrifices,  de  quel- 
le couleur»  ils  deuôyenteftrc , Iclon  ladiuerhtc 
des  faifons  & des  facrifices.  La  chair  en  eft  bon- 
ne, çncor  qu’elle foit  dure,  mais  celle  de  leurs 
aigneaux  eft  la  meilleure  , & la  plus  délicate, 
que  l’on  fçauroit  manger,  toutesfois  l’on  n’en 
confomme  pas  beaucoup  à manger , pource  que 
le  principal  fruid  ôc  profit  quhls  rapportent  eft 
la  laine , pour  faire  des  draps,  6c  le  leruice  qu’ils 
font  à porter  charge.  Les  Indiens  mettent  la 
laine  en  œuure,&  font  des  eftofes,  dont  ils  fe  vc- 
ftcnt,l’vne  quieftgroffierç  &cômune,qu’ils  ap^ 
pellcnt  hanafea,  ôc  l’autre^ne  ôc  délicate,  qu'ils 
appellent  Cumbi.  De  ce  Cumbi  ils  font  des  ta- 
pis de  tables , des  couuerturcs , ôc  autres  ouura- 
ges  exquis,  qui  font  de  longue  duree,  &ont  vn 
aftez  beau  luftre,approchant  comme  du  mifoyc 
&CC  qu’ils  ont  de  fingulicr,  eft  leur  façon  de 
tiftre  la  laine,  d’autant  qu  ils  font  a deux  faces 
tous  les  ouuragcs  qu’ils  veulent,  fans  que  l’on 
voye  aucun  finit  ny  bout,  en  toute  vncpicce. 
L’Ingua  Roy  duPeruauoitde  grands  maiftres 
Ouariers  à faire  cefte  matière  de  Cumbi , ôc  les 
principaux  refidoyent  au  carder  de  Capachica, 
ioignant  le  grand  lacdcTiticaca.  Us  taignenc 


DES  Indes.  Liv.  IIII.  204 
ccfte  laine  de  diucrfes  couleurs  très -fines,  auec 
plufieurs  fortes  d’herbes  , de  laquelle  ils  font 
beaucoup  de  differens  ouurages  , de  grofïîers, 
GU  communs, & de  fins.  Tous  les  Indiens  ôc  In- 
diennes y trauaillcnt  en  la  Sierre , ôc  ont  leurs 
meftiers  en  leur  maifon/ans  qu’ils  aycnt  befoin 
d’acheptcr  ny  faire  faire  les  eftofes  qu'ils  vfenc 
chez  eux.  Ils  font  de  la  chair  de  ce  bcftiah  du 
Cufchargui,  ou  chair  fechee,  qui  leur  dure  long 
temps, & en  font  grand  eftime.lls  ont  accouftu-» 
mé  de  conduire  des  bandes  de  ces  moutons, 
chargez  comme  voituriers,  & vont  en  vnc  ban- 
de trois  cens  ou  cinq  cens , voire  mil  moutons, 
lefquels  portent  du  vin , du  mays,  du  coca,  du 
chuno,du  vif  argent,^:  toute  autre  forte  de  mar- 
chandifc,&  qui  pins  cfl  de  l’argent  la  meilleure 
de  toutes.  Car  l’on  porte  les  barres  d’argent, de- 
puis Potozi  iufques  en  Ariqua,  où  il  yafoixan- 
te  &■  dix  lieues , & auoyent  autre^^fois  accou- 
Irumé  de  les  portera  Arcquippa,qui  font  cent 
cinquante  lieues.  I(^me  fuis  beaucoup  de  fois 
cfmerueillé  de  voir  ces  trouppes  de  moutons 
chargez  de  mil  8c  deux  mil  barres  d’argent , & 
beaucoup  d’auâtage , qui  font  plus  de  trois  cens 
mil  ducats,  fans  autre  garde  ny  efcorte  , que 
quelques  Indiens,  quiTeruent  feulement  pour 
guider  les  moutons  , 8c  les  charger  &defchar- 
ger , ou  pour  le  plus  quelque  Efpagnol , 8c  dor- 
ment àinfî  toutes  les  nuids  au  milieu  des  chaps 
fans  autre  garde  que  cela.  Et  neantmoins  en  vn 
fi  long  chemin  &aiiec  fi  peu  de  garde,  l'on  ne 
trouue  iamais  qu’il  y ait  faute , ou  perte  d’aucu- 
ne chofe  fur  vn  fi  grand  nombre  d’argent,  tant 
, Ce  iiij 


Histoire  NATVREtti 
cft  grande  la  leurcté.deflbubs  laquelle  on  che- 
mineau Peru.  La  charge  que  porte  ordinaire- 
ment vn  de  ces  moutons.eft  comme  de  quatre  i 
ou  fix  arrobes , quand  le  voyage  eft  long  ils  ne  j 
cheminent  par  iour,  que  deux  ou  trois  lieues,  ! 
ou  quatre  pour  le  plus.  Les  moutonniers  qu’ils 
appellent,qui  font  ceux  qui  conduifent  les  trou- 
pes,& bandes, ont  leurs  giftes , & repaires  or- 
dinaires, qu’ils  cognoiflènt  où  il  y a del’caüc, 
&des  pafturages,  & là  ils  defehargent  & font 
leurs  tentes  y faifarts  du  feu  & accommodans 
leur  manger,  & ne  font  pas  trop  mal , encore 
que  ce  foit  vne  façon  de  cheminer  affez  flegma- 
tique & tardiue.C^nd  il  n’y  a point  plus  dV- 
iie  iournée  de  chemin  à faire, vn  de  ces  moutons 
porte  bien  huit  arrobes  pezant,  &d’auantage, 
ôc  chemine  auec  fa  charge,  vne  iournée  entière 
dchuitoudix  lieiies,ainfi  qu’en  ont  vfé^epau- 
ures  foldats,qui  cheminoient  par  le  Peru.T out 
ce  beftial  fe  plaift  en  vn  dr  froid,  & pourcefte 
occafion,ilfe  trouue  bien^  la  Sierre,&  meurt  I 
aux  Lanos.à  caufe  dclachaleur.il  arriue quel- 
ques fois  que  ce  beftial  eft  tout  couuert  de  gla- 
ce, & de  gcllée,  ôc  neantmoins  demeure  fain,  ôc 
fe  porte  fort  bien.  Les  moutons  ras  font  plai- 
fans  à regarder,  pource  qu’ils  s’arreftent  au  che- 
min, ôc  hauflent  le  col,regardans  les  perfonnes 
fort  attentiucment,&  demeurent  là  ainfivnc 
longue  efpace  de  temps,fans  fe  mouuoir,ny  fai- 
re femblant  de  crainte,ny  de  contentement:  ce 
qui  donne  occafîon  de  rire,  les  voyàt  ainfi  arre- 
ftez', Encor  que  quelques  fois  ils  s efpouuantent  - 
fubitement,&  s’en  courent  auec  la  charge,  iuf- 


Des  Indes.  Liv,  IIII.  105 
qucs  aux  plus  hauts  rochers.  De  façon  que  ne 
lespouuants  atteindre,  on  cft  contraint,de  les 
ruer,  & tirer  à l’arquebuze,  de  peur  de  perdre 
les  barres  d’argent,  qu’ils  portent  quelquefois* 
Les  Pacos  fe  fafchent  & s’obftinent  contre  la 
charge, fe  couchans  aucc  icelle,  fans  qu’on  les 
puiffe  faire  relcuer , mais  pluftoft  fe  laiflèront 
ils  coupper  en  rail  pièces  que  de  fe  mouuoir, 
quand  ce  defpitleurvient,d  oùeft  venulepro- 
uerbe  qu’ils  ont  au  Pcru,de  dire  que  quelquVn 
s’eftcmpacqué,  pour  lignifier,  qu’il  s’eftobUi- 
néid’autant  que  quand  ces  animaux  fe  fafchent, 
c’cftauecexcés.Leremedc  que  les  Indiens  ont 
alors,eft  de s'arrefter,&  s’alïèoir auprès  du  Pa- 
co,&  luy  faire  beaucoup  de  carelîes , iiifques  à 
ce  qu’il  ofte  fa  fafcherie,&  qu’il  fe  releue,  6c  a- 
uient  quelques 'fois,  qu’ils  font  contraints  d’at- 
tendre deux,ou  trois  heures , iufqucs  à ce  qu’il 
foit  deferapacque  ôc  defennuye.  Il  leur  vient 
vn  mal  comme  de  la^alle,  qu’ils  appellent  ca- 
rache,  qui  les  fait  mourir  ordinairement.  Les 
anciens  auoient  en  ce  vn  rcmede  , d’enterrer 
toute  vifue,  celle  qui  auoit  le  carache,de  peur 
qu’elle  n’en  infedtaft  le  relie:  pource  que  c’efl: 
vn  mal  fort  contagieux,&  qui  va  de  l’vn  à l’au- 
tre. Vn  Indien,quiaura  vn  ou  deuxdecesmoii- 
tons,n’ell  pas  réputé  pauure,car  vn  de  ces  mou- 
tons delà  terre,  vautfix  êc  fept  pezes elïàyez, 
& d’aiiantage  félon  le  temps  & les  lieux. 


Histoire  natvrelli 

Z)  es  pierres  hejâars. 

Ch  AP.  XLII. 

■ A pierre  befaar  fe  trouue  en  tous 
ces  animaux,  que  nous  auonsdit  cy 
If  defTus , cftrc  propres  & particuliers 
du  Péril  , de  laquelle  quelques  au- 
theurs  denoftre  temps  ont  eferit  des  Hures  en- 
tières,que  pourront  voir  ceux  qui  en  voudront 
auoir  plus  particulière  cognoiHancc.  Pour  le 
fubiet  prefcnr,il  fuffira  de  dirc^que  cefte  pierre 
qu’ils  appellent  bezaar  , fc  trouue  en  l’efto- 
mach&  ventre  de  ces  animaux,  quelqucsfois 
vne  feule  , ôc  quelques  fois  deux , ôc  trois  , & 
quatre.  Elles  font  beaucoup  differentes  entre 
dles,cn  la  forme,  en  la  grandeur,  & en  la  cou- 
leur : d’autant  que  les  vues  font  petites,commc 
auelines , & encor  moindres,  les  autres  font 
comme  des  noix,  les  autres  comme  des  œufs 
de  pigcon,&  quelques  vues  aufïî  grandes  com- 
me vnœufdepoulle,&  en  ayveu  d'aucunes  de 
la  grandeur  d’vne  orange:  en  la  forme  les  vnes 
font  de  forme  ronde,les  autres  douallc,  les  au- 
tres de  façon  de  lentille,  & de  plufieurs  autres 
formes.  Pour  leur  couleur,  il  y en  a de  noires, 
de  blanches , de  grifes , de  verd  brunes , d’autres 
qui  font  comme  dorees.  Ce  n’eft  pas  vne  règle 
certaine, que  de  regarder  la  couleur,  nyla  fi- 
gure, pour  iuger  quelles  font  les  meilleures , ou 
les  plus  fines.  Toutes  ces  pierres  font  formées 
ôc  compofees  de  diuerfes  tunicques , ou  pelli- 


DES  Ind  ES.  Ll  V.  IIII.  20g 

culcs,  & les  vncs  furies  autres.  En  la  prouince 
de  Xaura,  & en  d’autres  prouinccs  du  Peru, 
l’on  trouue  de  ces  pierres  en  diuerfes  fortes 
d’animaux,  fiers  & domeftiques  , comme  es 
GuanacoSjés  Pacos,é  s V icunes,&  es  Tarugucs, 
d’autres  y adiouftent  vnc  autre  efpece,  qu’ils  di- 
fent  cftre  chaires  fauuages , Refont  celles  que 
les  Indiens  appellent  Cypris.  Ces  autres  for- 
tes d’animaux  font  fort  cogneues  au  Peru , ôc 
enauons  défia  traitté  cyddTus.  Les  Guanacos 
ou  moutons  du  pays,  & les  Pacos,  ont  com- 
munément les  pierres  plus  petites,  &noirct- 
tes,  ôc  ne  font  pas  tan  t eftiraees,  ny  approuuees, 
pour  IVfagedc  la  médecine..  On  tire  les  plus 
groffes  pierres  de  bezaar,des  viennes,  &font 
grifes,  ou  blanches,  ou  de  verd  obfcur , lef- 
quelles  font  tenues  pour  les  meilleures.  L’on 
cftime  que  celles  des  Tarugucs  font  les  plus 
excellentes,  dont  il  y en  a quelques-vnes  bien 
grofles,  elles  font  coramunemenc  blanches , ti- 
rans  fur  le  gris,  & ont  leurs  tuniques  & pellicu- 
les, communément  plus  gtofies  Ôc  cfpailfes  que 
les  autres.  L’on  trouue  la  pierre  bezaar  efgal- 
lement  aurant  aux  malles  , qu’aux  femelles. 
Tous  les  animaux  qui  l’engendrent,  ruminent, 
&:  ordinairement  pailfentparmy  les  neiges,  & 
les  roches.  Les  Indiens  racontent  detradition 
ôc  enfeignement  de  leurs  peres  ôc  anciens , que 
en  la  prouince  de  Xaura , Ôc  en  d’autres  pro*uin  - 
ces  du  Peru  , il  y a plufieurs  herbes  ôc  animaux 
venimeux,  Icfquels  empoifonnent  l’eaue,  ôc  les 
pafturages , où  ils  boiucnt  ôc  mangent,  ôc  où  ils 
Meurent.  Delqueiies  herbes  venimeiifes  il  y en 


Histoire  nat vrille 
a vne.qui  eft  fort  cogneüe  de  la  vicugne  par  vn 
inftind  naturel , & des  autres  animaux  qui  en- 
gendrent la  pierre  bezaar,  lefquels  mangent 
cefte  hcrbe,& par  le  moyen  d’icelle  ils  fc  pre- 
feruent  du  poifon  des  eaux  & des  paftur3ges,& 
ainli  difent  ils  que  de  cefte  herbe  le  forme  en 
leur  eftomach  cefte  pierre,  d’où  elle  tire  toute 
la  vertu  qu’elle  a contre  le  poifon , fes  au- 
tres operations  merueillcufes.  C’eft  1 opinion 
ôc  tradition  des  Indiens  , defeouuerte  par  des 
perfonnes  fort  expérimentez  au  Royaume  du 
Peru,  ce  qui  s’accorde  auec  iaraifon,& auecce 
que  Pline  raconte  des  chieures  montagneres, 
^^^^•^'^•i°-lefquellesfe  nourriftènt,  & pailfent  de  poifon, 
fans  qu’il  leur  face  mal.Les  Indiens  interroge» 
pourquoy  les  moutons,les  vaches,  chieures  de 
veauxjdel’efpecede  ceux  deCaftille  , n’ont  pas 
la  pierre  de  bezaar,veu  qu’ils  paiflent  és  mefmcs 
roches  que  font  les  autres, refpondent  qu’ils  ne 
croyent  pas  que  ces  fufdits  animaux  de  Caftil- 
le,  mangent  cefte  herbe , Ôc  qu’ils  ont  mcfme 
■ trouué  la  pierre  bezaar  en  des  Cerfs  , ôc  des 
Daims.  Cela  femblc  s’accorder  auec  ce  que 
nous  fçauons  , qu’en  la  neufue  Efpagne  il  fe 
trouue  de  pierres  de  bezaar  , combien  qu’il 
n’y  ait  point  de  vieugnes,  de  Pacos,  de  Taru- 
gues,  ny  de  Guanacos,mais  feulement  des  cerfs , 
en  quelques  vns  dcfqucls  l’on  trouue  cefte  pier- 
re. Le  principal  effet  de  la  pierre  bezaar,eft  co- 
tre le  venin  & maladies  venimeufes,  encor  qu’il 
y ait  fur  ce  diuerfes  opinions,  & quelques  vns 
tiennent  cela  pour  mocquerie,  ôc  les  autresen 
font  des  miracles.  Comment  que  c en  foit,c  eft 


O 


DES  Indes.  Liv.  IIII,  207 
Tnc chofè certaine, quelle cft de  grade operatiô, 
quand  elle  eft  appliquée  à téps,dVne  façon  con- 
uenable,ainfi  que  les  herbes, & à des  perfonnes 
capables  & difpofees.Car  il  n’ell:  pas  de  medeci- 
ne,qui  guarilfe  infalliblement  toufiours.  En  Ef- 
pagne,&en  Italic,ron' aveu  d’admirables  elFeéts 
decefte  pierre, contre  leTauerdettc,  qui  eilvnc 
efpece  de  pefte,mais  non  pas  tant  au  Perü.  L’on 
l’applique,  pillce  & mife  en  quelque  liqueur,qui 
fe  puilEe  accommoder  pour  laguerifon  de  la  me- 
lancholie,mal  caduc, fiebures  peftilcnticufes,  & 
pour  plufieurs  fortes  de  maladies.Les  vns  la  pré- 
nentauecduvin,les  autres  auec  du  vin-aigre,  a- 
uec  eaüe  dazahac,  de  langue  de  bœuf  de  boiirra- 
ches,&  d’autres  fortes,que  diront  les  médecins 
ôc  apoticaires.La  pierre  de  bczaar  n’a  aucune  fa- 
ueur  propre,  comme  raefraelcditRafis  Arabe. 
L’on  en  aveu  quelques  expériences  rcmarqna- 
bles,&iVya  pointdedoute,qrautheur  de  tout 
ceft  vniuers,n’ait  donné  de  grandes  vertus  à ce- 
fte  picrre.Lcs  pierres  de  bezaar,  qui  viennent  de 
rindeOrientale,ont  le  premier  lieu  d ’eftime  en- 
tre ces  pierres, lefqiielles  font  de  couleur  oliua- 
ftre,le  fécond  ccllesdu  Peru,&  le  troifîefme  cel- 
les de  la  neufue  Efpagne. Depuis  que  bon  a com- 
mencé de  faire  eftat  de  ces  pierres,ils  difent  que 
les  Indiens  en  ont  fophiftiqué,&fait  d’artificiel- 
les, ôc  plufieurs  quand  ils  voyen  t de  ces  pierres 
plus  grandes  que  les  ordinaires,  croyentque  cç 
font  pierres  faufes,&  vne  tromperiemeatmoins 
il  y en  a de  grades  fort  fines,&dc  petites  qui  font 
contrefaites.L’cfpreuue  &cxpcriéce,eft  le  meil- 
leur maiftre  de  les  cognoiftre.  Vne  chofe  cft  di- 


Histoire  natvreile 
gnc  d’admirer,  qu'ils  naifTçnt  &fe  former  fur  des 
chofes  fort  eftranges,comme  fur  vn  fer  d’efguil- 
lette  fur  vne  efplingue,ou  fur  vne  bûchette,  que 
i’on  trouue  au  centre  de  la  piciTC,&pour  cela  ne 
tiennent  ils  pas, quelle  foitfaufe,  jpour  ce  qu'il 
arriueque  lanimal  peutauoir  aualle cela,&quc 
lapierrefecaille,  &fepaiflit  là  delfus  , qui  va 
croiirant,vnc  coquille  l’vne  fur  l’autre  , & ainfi 
f’augméte.Ic  veids  au  Peru,deux  pierres  fondées 
& formées  fur  des  pignôs  de  Caftille, ce  qui  no^ 
fit  tous  beaucoup  elmerueillcr  , pour  ccqiien 
tout  le  Péril  nous  n ’auions  point  veu  de  pignes, 
ny  de  pignons  de  Caftille,f  ils  nettoient  appor- 
tez d’Efpagne,  ce  qui  me  femble  chofe  fort  ex- 
traordinaire.Ce  peu  fuffife,touchant  les  pierres 
bezaars.On  apporte  des  Indes  d'autres  pierres 
medecinalles,  comme  la  pierre  d’Hyiada, ou  de 
Rate, la  pierre  de  fang,dc  lai6t,&  de  mer:  Celles 
qu’ilsappellentCornerinas,  pour  le  cœur,  def- 
quelles  il  n’eft  point  de  befoing  de  parler,  pour 
n’auoir  rie  de  commun  à la  matière  des  animaux 
dont  nous  auons  traittc.Cc  qui  cft  dit,  foit  pour 
faire  entendre  comme  le  grand  Maittrc  & Au-  ; 
theur  tout-puiflànt  de  l’vniucrs,a  departy  fes  | 
d5s,&fecrers  merueillcuxà'toutes  les  parties  du  | 
monde, pour  lefquels  il  doit  ettre  adoré  & j^lori-  | 
fié  par  tous  les  ficelés  des  ficelés.  Amen.  | 


2S0 


Prologuedes  Liuresfuyiianfs. 

Tant  mini  ce  c^ui  concerne  l'hipi- 
re  niitureUe  des  Indes,  ie  train eray  cy 
apres  de  l’BiJfoire  mor aile,  c'efi  adi- 
ré des  couJlumes,<arfans des  Indiens. 
Car  apres  le  Ctcl,la  temperature,Ufi- 
mation,V'  les  qualitet^du,  nouueau  monde,apres  les  élé- 
ments, cr  les  mixte  s, ie  veux  dire  les  met  aux, plantes  CT 
anmaux,dequoy  notuauens parle' aux  hures precedens,ce 
quisefiprefentr.VordreO^raifin  nous  muite  a pour  fut- 
ure,O' entreprendre  le  miné  des  hommes,  jui  habitent 
au  nouue au  monde . C ejl peurquoy  lepret  ens  dire  aux  U- 
ures  fuyuds,ce  qui  mejemblera  digne  d'ejlrerecitéfur  ce 
fuieL  Et  pour  ce  que  l'intetié  de  cefle  hifioire  n>efl pas  feu- 
lemétpour  doner  cognoifance  de  ce  qui  fe  pajfe  aux  Indes 
mais  aup  pour  acheminer  cefie  cognoifsace,au  fruiH  que 
l'on  peut  tirer  d'icelle, qui  ejl  d’aider  a ce  peuple  , a faire 
leurfalut,erglorifor  le  Créât eureyr  redepteur,qui  lésa 
tire'Xpest  entres  trefobfcur es  deleur  infidélité, ^leur 
a communiqué  l'admirable  lumière  de  fin  Euangile. 
Fartant pemierementiediray  en  ces  hures  fuiuans,^ce 
qut  touche  leur  religion, oupperJhtion,leurs  coujlumes, 
leurs  idptries,0'  l eurs  facrifices,puu  apres  ce  qui  ef  de 
leur  police  éT  gouuernement , de  leurs  letx  , coujîu^es 


^delemfaits.EtpeurcequeU  mémoire  s\fl  confr- 
uee  entreU  nation  Mexiquaine, de  leurs  commencemets, 
rttcceJsidns,guerres^O"  autres  chojês  dignes  de  raconter^ 
outre  ce  tpui  fera  traitte  au  lime  fxiemcyi  ëferay  vn pro- 
pre er particulier difcoursau  hure  feptiefme,  mfques  4 
montrer  la  difpoftton  & augures  (jue  ces  nations  eurent 

dumuueauEoyaurhe  de  Chri^ynofire Seigneur,  qmfe 

démit  eftendre  en  ces  terres, CT  les  fuhmguer  Àfiy,co^ 
me  il  a fait  en  tout  le  rejîe  du  mondes  Qui  a U vente  ef 
vne  chofe  digne  dégradé  confderation  dç  voir  comme  U 
diurne  preuidence  a ordonne, ifue  la  lumière  de  fa  parole, 
trouuafentreeauxdernieresfinsiX  homes  de  la  terre. 
Ce  n'ef  point  chofe  (pui fit  de  mo  proiet,d’efcrire  mainte- 
nant ce  que  les  E^agnols  ont  fait  en  ces  parties  la,car  d y 
4 affe^de  liures  efirits  fur  cefie  matière,  CT  non  pim , ce 
que  lesferuiteurs  du  Seigneur  y ont  trauaille  O"  f^^^~ 
fé,d’autdi  que  cela  requiert  vne  autre  nouuelle  diligece, 

le  me  contenteray  feulement  de  mettre  cefte  hifloire,  ou 

relation,  aux  portes  de  l'Euangile,puis  qu’elle  ejî  défia 
toute  acheminée,  afaire  cognoifire  les  chofes  natureUes 
Crmoralles  des  lndes,afin  que  leJ}mtuel,a^leChri(iia- 
ntfmey  fit  planté  (T  augmenté, comme  dejl  amplemet 
expliqué  aux  hures  que  nom  auons  efcrit,  de  procura- 
dalndiorumfalute.  Qm  f quelqu  vn  sefmerueilU 
d’ aucunes fa^ons,(T  couftumes  des  Indiens, O"  les  veut 
meÿrifer comme idiots,ou  les  auoiren  horreur, comme 
gensinhumdmi  diaboliques  , qud  prenne  garde 
fe  fomienne  que  les  mefmes  chofes,  voire  depires,ont  ejte 
'veues  entre  les  Grecs  CT  les  Eomains,qm  ont^  commande 
il  tout  le  monde.  Comme  H on  pourra  facilemet  entendre, 
non  feulement  denos  ^utheurs,Eufehe  de  Cefaree,Cle- 
ment  Mexandrin,Theodoret ,CT  Autres  , matf  aufsdes 
leurs  mefmes,comme  Pline, Denis  Halycarnajfe,  cr  Plu- 
tarque, 


tArqHe.CdrleJrinceâestenehresesîm  le  chef  âe  toute 
infideUte,cen  ef  pas  chofenouueJleydetrouuer  entre  les 
infidèles  des  cruautel(^des  immondices, CT  des  folies,pro  - 
presCTconuenahlesÀ  vn  tel  mdifire.Et  iaçoit  fte  les 
anciens  Gentils  ayent  de  beaucoup  Jurpajfé  ceux  cy  du 
nouneau  monde,  en  valeur  O'  fcience  natureUe,neant- 
moins peut-onremar^uer  en  eux  plufieurs  chefes  dignes 
de  mémoire. Mais  enfin  le  plus  qu'il  y a efi  comme  de 
^ens  barbares, lejquéls pnue'Xfie  la  lumière  fispernatu- 
relie, ont  eu  aufii  defaut  de  la  Philofiphie  ^ doHrine 
naturelle. 


ïth.itl.. 


Z/4.I4* 


LIVRE  CINQVIESME 

D E LH ISTOIRE  NATVREL- 

le  & morale  des  Indes. 

Ç H A P I T R E P R E M £ E À. 

l 'orgueil  O'  l'enuie  du  Dt/éle^A  ejlilâ 
Uufeâe  l' idolâtrie. 

’O  R G V E I L&Ia  prcfbmp 
tion  du  Diable  cft  fi  gran- 
de & fi  obftinéc,  que  tou- 
fiours  il  appette  & fief- 
force,  de  fie  faire  honorer 
pour  Dieu,&  tout  ce  qu’il 
peut  defrober  &fiappro- 
prier  de  ce  qui  appartient 
au  tref-haut  Dieu,  il  ne  celle  de  le  faire  aux  na- 
tions aueugles  du  monde, lefquclles  la  lumière, 
& rcfplcndeur  du  faindt  Euangile  n’a  point  en- 
cor efclaircies.  Nous  lifons  en  Iob_>de  cet  or- 
gueilleux tyran.qu’il  met  fies  yeux  au  plus  haur, 
& qu’entre  tous  les  fils  de  l’orgueil  il  eft  le 
Roy.  Les  diuines  eferitures  nous  enfcigncnc 
fort  clairement  fies  mauuaifes  intentions , & fia 
trahifon  fi  outrecuidee  , par  laquelle  il  a pré- 
tendu efgaller  fbn  throTne  à celuy  de  Dieu, 
iccluy  difiant  en  Efaye  : Tu  difiif  en  fty ’mejme 


DES  iNDEÿ.  LlV.  V.  ^ 210 

ùmonterÂj/mffies  mCid.cr  mettray  ma  ch  dre fi^r 
toutes  les  ejloilles  du  Ciel , CT"  m'’djfoirray  au  fom~ 
met  du  firmament,  <cr  aux  cofie^^  df  Aquilon,  le  fajfe- 
ray  la  hauteur  des  nues,  cr"  fieray  fembUhle au  Très- 
haut.  , Et  en  Ezechiel  : Ton  cœur  s efi  efieué,cr  tu 
oidit^iejuis  Dteu,CT  me  fuis  afiis  en  la  chaire  de  'Dieu 
au  mdieu  delà  mer.  Ainfi  ronfioiirs  perfifte  Satan 
à ce  mefchanr  appétit  de  fe  faire  Dieu.  Et  com- 
bien que  le  iufl,  & feuere  chaftimcntdutref- 
haut  l’ait  deipouiilé  de  tonte  fa  pompe  5 & la 
beauté  , par  laquelle  il  feftoit.enôrgueilly  , 
ayant  efté  traitré  comme  meriroit  fa  felonnie 
&indifctetion  , ainb  qu’il  eft  eferit  auxmcf- 
mes  Prophètes  :neantmoins  il  n a pas  diminué 
dVn  point  fa  mefchante&  peruerfé  intention, 
laquelle  il  demonftre  par  tous  les  moyens  qui 
lüy  font  polîibles,  comme  vn  chien  enragé, 

^ mordant  l’efpée  de  laquelle  l’on  le  frappe.  Car 
comme  il  eft  eferit,  l’orgueil  de  ceux  qui  haif- 
ftnt  Dieujcontinue  & va  tou  fours  croiftant. 

D’où  vient  le  perpétuel  & cftrange  foucy  quep/j'/«j 
cet  cnnemy  de  Dieu  a toufiours  eu  , de  fe  faire 
adorer  des  hommes  inuentant  tant  de  (Genres 
d’idolâtries,,  par  lefquelles  il  a tenu  fi  loncr 
temps  fubiet te  la  plus  grande  partie  du  mon- 
de , de  forte  , qu’à  peine  refte-il  a Dieu  vn 
coing  de  fon  peuple  dd  firael.  Et  depuis  que  le  Mmh.  n. 

fortdel’Euangilleravaincu&defarmé,  &que 

par  la  force  de  la  croix  , il  a brifé  & ruiné  les 
plus  importantes  Ôc  puiftantes  places  de  fon 
Royaume  par  fa  mefme  tyrannie , il  a com- 
mencé d’aftaillir  les  peuples  Anations  les  plus 
efloignecs  ôc  barbares  , fefforcant  de  confer-^ 


Histoire  watvrelle 
uer  entr’eiix  la  faufe  & mcnfongerc  diuinitc, 
laquelle  le  fils  de  Dieuluy  auoit  oftee  en  fon 
Eglife,  renchaifnant  Renfermant  comme  en 
vne  cage, ou  prifon , ainfi  qu’vne  befte  furieu- 
feà  fa  grande  confufion  , & rcfiouiirancc  des 
feruiteurs  de  Dieu  , comme  il  le  fignifie  en 
Joh.^o,  lob.  Mais  en  fin  ores  quel  idolâtrie  a efté  ex- 
tirpée de  la  meilleure  , & plus  notable  partie 
du  monde  , il  f eft  retiré  au  plus  efloigné,&  a 
régné  en  celle  autre  partie  du  monde  , laquelle  " 
combien  qq’clle  foit  beaucoup  inferieure  en 
npblclTe , ne  l’eft  pas  toutesfois  en  grandeur  & 
largeur.  Il  y a deux  caufesR  motifs  principaux 
pour  lefquels  le  diable  f’eft  tant  eftudié  à 
planter  Tidolatrie  R toute  infidélité  , de  telle 
façon  qu'à  peine  l’on  trouue  aucune  nation , ou 
il  n’y  ait  quelque  idolâtrie  .L’vne,  eflfagrande 
prelomption  R orgueil,  qui  ell  telle  , que  qui 
voudra  confiderer,  comme  il  a bien  ofé  fatta- 
quer  au  mefmc  Fils  de  Dieu  R vray  Dieu,  en 
luy  difant  effrontément  qu’il feprollernafi: dé- 
liant luy,  R qu’il  l’adoraft,  ce  qu’il  faifoit,com-r 
bien  qu’il  ne  fçeull  pas  alTeurement  que  c’e- 
ftoit  le  mefmc  Dieu,  mais  pour  le  moins  ayant 
quelque  opinion  qu’il  full  le  Fils  de  Dieu. 

Cruel  R efpouuanrable  orgueil , d’ofer  ainfi 
indignement  attaquer  Ton  Dieu  1 certaine- 
ment ccluy  là  ne  trouuera  pas  beaucoup  eftran- 
gc,  qu’il  fe  face  adorer  comme  Dieu,  par  des 
nations  ignorantes,  puis  qu’il  f eft  voulu  faire 
adorer  par  Dieu  mefmc  , en  Ce  difant  Dieu, 
bien  qu’il  foit  vne  fi  abominable  R deteftablc 
créature.  L’autre  caufe  R motif  de  1 idolâtrie. 


Des  In*  de  s.  Liv.  V. 


cfHahaync  mortelle,  & inimitié  qa’ila  con-^ 
ceüc  pour  iamais  contre  les  hommes.  Car 
comme  dit  le  Sauueur,  des  le  commencement 
lia  efté  homicide, & retient  cela  comme  vne 
condition  & propriété  infeparablc  de  fa  mef- 
chancelé.  Et  pour  ce  qu’il  fçait , que  le  plus 
grand  malheur  de  l’homme,  eft  d’adorer  la 
créature  , comme  Dieu,  à cefte  occafion  il  ne 
edîe  d'inuenter  toutes  fortes  d’idolarries,poiir 
deftruirc  les  hommes  & les  rendre  ennemis 
de  Dieu.  Il  y a deux  maux  que  le  Diable  fait 
en  i’idolatrie,rvn  qu’il  nye  fon  Dicu,fuyuant 
ce  palïàge,  Tua>s  âelAiJfe  le  Dieu  qm  f <i créé.  Etl’au- 
tre,qu’il  s’affubictiftà  vnechofe  plus  balTeque 
luy,  pour  ce  que  toutes  les  créatures  font  in- 
ferieures àlaraifonnable,  & le  Diable,  encor 
qu  iifoit  fuperieur  de  l’homme  en  nature, 
neantmoins  en  eftat  il  eft  beaucoup  inferieur, 
puis  que  l’homme  en  cefte  vie  eft  capable  de  la 
diuinité  de  éternité.  Par  ce  moyen  Dieu  eft 
des-honoré,  & 1 homme  perdu  en  tous  en- 
droits parfidolatrie , dequoy  le  Diable  fuper- 
be  & orgueilleux  eft  fort  content. 

De  flufieursjortes  dùdolatrle  defqueilet  les 
Indiens  ont  vfé. 


&Ta  fin  de  tous  maux , pour  cefte  ocr- 
_ cafionl’ennemy  des  hommes  a mul- 
tiplie tant  de  fortes  & diuerfitez  d idoUtrie,que 


C H A P.  1 1. 

‘Idolâtrie,  dit  le  fainét  Efpritparle  Sap.- 
fage,cft  lacaufe,le  commencement. 


Dd  iij 


Histoire  NATVREtLE 
ce  feroit  choie  infinie  de  les  conter  toutes  par 
le  menu  j Toutesfois  on  pourra  réduire  toute 
1 idolâtrie  en  deux  chefsjl’vn  qui  eft  fur  les  cho- 
fes  naturelles3&  hautre  fur  celles  qui  font  ima- 
ginées, ôc  compofees  par  inuention  humaine; 
La  première  d’icelles  eft  diuifée  en  deux,  car  ou 
la  chofe  que  l’on  adore  eft  generalle,  commelc 
SoleiUa  Lune,le  feu,  la  terre,  & les  Elemcnis: 
ou  elle  eft  particulierc,comme  vne  certaine  ri- 
uiere,vne  f©ntaine,vn  arbre,&  vne  foreft,quand 
ces  chofes  ne  font  point  adorées  generalicmêc 
en  l’efpece  dont  elles  font,  mais  quelles  font 
tant  feulement, ado rees  en  leur  particularité. 
De  ce  premier  genre  d’idolâtrie , ils  ont  cxcef- 
{iucraentvféau  Pcru,& l’appellent  proprement 
guaca.  Le  fécond  genre  d’idolâtrie  quidefpend 
dVne  inuention  ou  fidion  humaine,  fe  peut 
mefme  diuifer  en  deux  fortes.  L’vnc  qui  regar- 
de le  pur  art,&  inuention  humaine,comme  d’a- 
dorer les  idoles,  ou  les  ftatues  d’or , de  bois , ou 
de  pierre  de  Mercure , ou  de  Pallas , qui  ne  font, 
«y  n’ont  iamais  efté  rien  autre  chofe  que  la  pein- 
ture: ôc  l’autre  qui  concerne  ce  qui  realle  ment 
a efté , ôc  eft  véritablement  quelque  chofe,  mais 
non  pas  telle,  que  ce  que  l’idolâtrie  qui  l’ado- 
re en  feint,commeles  morts,ou  les  chofes,  qui 
leur  font  propres, que  les  hommes  adorent  par 
vanité,&  flateric.De  forte  qiic  nous  les  redui- 
fons toutes, en  quatre  fortes  d’idolâtrie,  dont 
vfent les  infidelles, de  toutes  Icfquclles  il  nous 
conuiendra  dire  quelque  chofe. 


QmUs  Indiens jant  quelfie  cogmijfunce  de  Vieu. 
Ch  AP.  III, 


N premier  lieu , iaçoit  que  les  ténè- 
bres de  l'infidelité  tiennent  l enren- 
dement  de  ces  natiôs  obfcurcyiTou- 
tesfüisjcn  beaucoup  de  chofes,  lalu- 

mieredelavcrité,  & de  laraifon  ne 

^iffe  pas  d’operer  quelque  peu  en  eux,  Ceft 
pourquoy  communément  ils  tiennent,  & reco- 
gnoiflent vn  ruprcfme  Seigneur,  & Autheur  de 
toutes  choies, lequel  ceux  du  Pcrii  appelloienr, 
viracocha,&  luy  donnoient  des  noms  de  grande 
excellence,l’appellansPachacamac,ouPachaya- 
chachic,qui  eft  Créateur  du  Ciel  & de  la  terre. 
EtVfapu , qui  eft  admirable,  & autres  noms 
icmblables.C’cft  celuy  qu’ils  adoroiét,  &cftoit 
le  plus  grand  de  tous,  lequel  ils  honoroienten 
regardant  au  .Ciel.  On  en  peut  voir  autant  en- 
tre ceux  de  Mexique,  & auiourd’huy entre  les 
Chinois, & en  tous  autres  infidclles.  Ce  qui  fe 
rapporte  fort  bien  à ce  que  raconte  le  Hure  des 
Aétes  des  Apoftres  , que  fainét  Paul  fe  trouua 
en  Athènes,  oùilveit  vn  autel  intitulé,  Jgnoto 
D^’o,au  Dieu  incongneu , d’où  l’Apoftie  print 
occafîon  de  les  prefeher  leur  difant,  Celuy  que 
V9HS  Autres  Adorc'^am  le  cognoi(lrc^ejl  celuy  que  le pref- 
che.jye  mefrae  ceux  qui  prefehent  auiourdhuy 
PEuangile  aux  Indiens,  île  trouuent  pas  beau- 
coup de  difficulté  à leur  perfuader,  qu’il  y a vn 
Dieufuprerme,  6c  Seigneur  de  toutes  chofes, 
Dd  iiij 


; * Histoire  NATVRiLtE 
& que  ccftuy  là  cft  le  Dieu  des  Chreftiens,  & le 
vray  Dieu,combien  que  c’eft  vue  chofe  qui  m’a 
beaucoup  fait  efmeruciller  , queiaçoit  qu’ils 
enflent  bien  cefte  cognoiflànce,  ils  n’auoient 
point  neantmoins  de  nom  propre,  pour  nômer 
Dieu:carfi  nous  voulons  rechercher  en  langue 
des  Indiens  vnmot,  quirefponde  à ce  nom  de 
Dieu, côme  le  latin  Deusylt  grec,r/;w,l  hebreu, 
f /.l’ Arabie, Ton  n’en  trouucra  aucun  en 
langue  dcCufco,  ny  en  langue  de  Mexicque. 
D’où  vient  que  ceux  qui  prefehent  ou  eferi- 
uent  aux  Indiens , vfent  de  noftre  mefme  nom 
Efpagnol,  Dios , s’accommodans  à l’accent  Ôc 
prononciation  propre  des  langues  Indiennes, 
qui  sot  fort  differentes. D’où  il  appert  le  peu  de 
cognoiflàncc  qu’ils  auoient  de  Dieu , puifqu’ils 
nclcpeuuent  pas  mefmcs  nommer,  lice  n’eft 
par  noftre  mefme  mot.  Toutesfois  à la  vérité,: 
ils  ne  lâiflbientpas.d’en  auoir  vne  congnoiflàn- 
ce  telle  quelle. C’eft  pourquoy  ils  luy  fîrentau 
Peru  vn  tres-riche  temple,  qu’ils  appelloient 
la  Pachacamac,qui  cftoit  le  principal  Sanéluaire 
de  ce  royaume.  Et  comme  il  a efte  dit,  ce  mot 
de  P achacamacjvaut  autant  que  Créateur, com- 
bien qu’en  ce  temple  ils  excerccaflcnt  auflî 
leurs  idolatrics,adorantle  diable,  & les  figures. 
Ils  faifoient  mefme  des  facrifices  & offrandes 
au  viracocha,qui  tenoit  le  ruprefmelieu,  entre 
les  adoratoires,que  les  Roys  Inguas  ont  eu. 
Delà  vint  qu’ils  appelloient  les  Efpagnols  vi- 
racochas,  parce  qu’ilAuoient  opinion  , qu’ils 
cftoient  fils  du  Ci€i,&diuins,dc  mefme  que  les' 
autres  attribuèrent  vnc  deité  à Paul , ôc  à Bar- 


BIS  In  dis.Liv.  V;  iij 

iiabc,appcllans  l’vn  Iupiter,5<:  l’autre  Mercure, 
ainfl  ils  vouloient  leur  offrir  des  facrifîces,con- 
meàdcs  Dieux:&  tout  de  mefmc  que  les  Bar- 
bares de  M dite  (qui  efl:  Malthe)  voyans  que  la 
vipere  ne  faifoit  point  de  mal  à rApoftre,lap-t^,=ï.i?. 
pclloicnt  Dieu.Donques  comme  ainfifoitjquc 
c’eft  vne  vérité  conforme  à toute  bône  raifon, 
qu’il  y ait  vn  fouuerain  Seigneur  & roy  du  Ciel, 
lequel  les  gentils  aucc  routes  leurs  idolâtries 
& infidélité,  mont  pas  nyé,ainfi  que  l’on  voit 
«n  la  philofophie  du  T imee  de  Platon, en  la  me- 
thaphyfîquc  d’ Ariftote,&en  l’Æfculape  deTrif- 
megifte,  comme  mefme  es  Poefies  d’Homerc, 

^ Virgile.  Delà  vient  que  les  prédicateurs  cuà-  Trimeg.< 
geliques  n’ontpas  beaucoup  de  difficulté  à plan- 
ter , & perfuader  cefte  vérité  d vn  fuprefme  ^ 
Dicu,quelques  barbares  & beftialles  que  foient 
les  nations,  aufquelles  iis  prefchcnt.Maisil  efl 
très  difficile  de  leur  defraciner  de  l’entende- 
ment  qu’il  n’y  ait  nul  autre  Dieu,ny  autre  d'eité 
qu’vnc  feulle,  & que  toutes  les  autres  chofes 
de  foyn’ont  point  de  puiflance  ny  d’eflre,  ny 
d operation,qui  leur  foit  propre  finon,  ce  que 
le  très-grand,  feul  Dieu , & feul  Seigneur  leur 
donne, & leur  communique.  En  fin  il  cft  ne-, 
ceffaire  de  leur  perfuader  cela  par  tous  moyens, 
en  reprouuant  leurs  erreurs:  tant  en  ce  qu’ils 
Taillent  vniuerfellemcnt , d’adorer  plus  d’vn 
Dieu,qu’en  particulier  ( qui  eft  beaucoup  d a- 
uantage)dc  tenir  pour  dieux,  & de  demander 
aide,  & faueur,  des  autfès  chofes  qui  ne  font 
point  dieux, & n’ont  aucun  pouuoir,  que  celuy 


, ' Histoire  katvrelli 
qucle  vray  Dieu  , leur  Seigneur, & Créateur 
leur  concédé. 

Du  ^remiergenre  de  l’idolâtrie,  fur  les  chojês  naturel^ 
les,  O'  'uniuerfelles. 

Ghap.  IIII. 

Près  le  Viracocha,  oulefupre- 
rae  Dicu(le  plus  fouuent&  com- 
munément,entre  tous  les  infidel- 
ies)  ce  qu’ils  ont  adoré, &adorcnr, 
eft  le  S61eil,&aprcs  les  autres  cho 
fes,qui  font  les  plus  remarquables  en  nature  ce- 
lefte,ou  élémentaire, comme  la  lune,leseftoilles, 
la  mer,&  la  terre.Les  guacas,ou  adoratoires  que 
les  Inguas  feigneurs  du  Peru , auoient  en  plus 
grande  reuerencc, apres  le  viracocha, & leSoleil, 
cftoit  le  tonnerre, qu’ils  appelloicnt  par  trois  di- 
iiers  nôs,Chuquilla,Gatuilla,&lntiillapa.  S’ima 
ginansquec’eftvn  homme  qui  eft  au  Ciel,  auec 
vne  fonde, & vnc  maffiie , & qu  il  eft  en  fa  puif- 
fance  de  faire  pleuuoir,grefler,  tonner,  & tout 
le  reftc,qui  appartient  à la  région  de  l’air , où  fc 
créent  les  nuages.  C’eftoit  vnc  guaca  ( ainft 
appelloicnt  ils  leurs  adoratoires  ) generalle  à 
tous  les  Indiens  du  Peru,  & liiy  oftroientdi- 
uers  facrifices,&  en  Cufco,  qui  eftoit  la  cour  & 
ville  Métropolitaine, ils  luy  facrifîoient  mefmc 
des  enfans,  comme  au  Soleil,  ils  adoroient  ces 
trois,  Viracocha, le  Soleil,  & le  tonnerre,  d’vne 
autre  façon  que  tout  le  refte,  ainft  que  Polio 
efeript  l’auoir  expérimenté  , qui  eftoit  qu’ils 


P ES  Indes.  L iv.  V.  îf4 

^nettoient , comme  vn  gantellct , ou  bien  vn 
gant  en  leurs  mains  , quand  ils  les  haulîbient 
pour  les  adorer;  Ils  adoroient  mefme  la  terre 
laquelle  ils  appelloicnr,Pachamama,  à la  façon 
que  les  anciens  celcbroicnt  la  DeelTe  Tellus: 
ôc  la  mer  auffi  , qu’ils  appellent  Mamacocha, 
comme  les  anciens  adoroient  Thetis,  ou  Nep- 
tune. D’auantage  ils  adoroient  Parc  du  Ciel, 
& eftoient  les  armes  & blafons  del’Ingua,auec 
deux  couleuures,  eftendues  aux  collez.  Entre 
les  Elloilles  communément  tous  adoroient 
celle  qu’ils  appellent  Colça,  que  nous  appel- 
ions par  deçà  les  Cabrilles.  Ils  attribuoient  à 
diuerfes  elloilles  diuers  offices , 6c  ceux  qui 
auoient  befoing  de  leur  faueur,  les  adoroient 
comme  les  Pafteurs  adoroient,  ôc  facrifioient 
à vue  eftoille  qu’ils  appelloient , Vreuhillay, 
qu’ils  difent  élire  vn  mouton  de  plulîeurs, 
couleurs  , ayant  le  foing  de  la  conferuation 
du  beftial , 6c  tient  l’on  que  c’ell  celle  que 
les  Allrologues  appellent  Tyra.  Ces  Pafteurs 
mefraes  adorent  deux  autres  Elloilles  qui 
vont  Acheminent  proches  d’icelles,  refquel- 
îes  ils  nomment,  Catuchillay  6c  Vrcuchillay, 
ôc  feignent  que  c’eft  vne  brebis  & vn  agneau. 
D’autres  adoroient  vne  eftoille  qu’ils  appellent 
Machacuay,  à laquelle  ils  attribuent  la  charge 
Apuilfance  furies  ferpens  A couleuures, pour 
empefeher  qu’ils  ne  leur  filfent  mal.  Ils  attri- 
buoient  la  puilTanced’vne  autre  eftoille,  quïls 
appclloient  Chuquinchinchay  , qui  vaut  au- 
tant que  tigre  fur  les  tigres,  les  ours  Aies  lyôs, 
A ont  creu  généralement  que  de  tous  les  ani- 


) 


Histoire  natvrillb 
maux  qui  font  en  la  terre , il  y en  a vn  feul  au 
Ciel  qui  leur  eft  femblable , lequel  a la  charge 
ôc  le  foin  de  leur  procréation  & augmentation* 
E t ainfi  ils  remarquoient  ôc  adoroient  plulicurs 
& diuerfes  cftoilles,  comme  celles  quils  ap- 
pclloyentChacana,Topatarca,  Mamaha,  Mir- 
co.Miquiquiray,  &pluficurs  autres.  Tellemenc 
qu’il  femble  qu’ils  approchoyent  aucunement 
des  propohtions  des  Idées  de  Platon.  Les  Mc- 
xiquains  prefquc  de  la  mefmc  façon , apres  le 
fupremc  Dieu  adoroyent  le  Soleil.  Ceft  pour- 
quoy  ils  appelloyent  Hernando  Cortex  ( com- 
me il  l’efcrit  en  vne  lettre  enuoyee  à l’Empe- 
reur Charles  le  Qmnt  ) fils  du  Soleil , pour  fa  di- 
ligence & courage  à circiiir  la  terre.  Mais  ils 
faifoyent  la  plus  grande  adoration  à l’idole  ap- 
pellec  Vitzilipuztli , lequel  en  toute  celle  ré- 
gion ils  appelloyent  le  Tout  puilfant  ôc  Sei- 
gneur de  toutes  chofes.  Pour  celle  caufe  les 
Mexiquains  luy  ballirent  vn  temple  le  plus 
grand , le  plus  haut , le  plus  beau,  ôc  le  plus  ma- 
gnifique &fomptueux  de  tous.  La  fituation& 
forterclTe  duquel  fe  peut  coniedurcr  par  les 
ruines  qui  en  font  demeurées  au  milieu  de  la 
Cité  de  Mexique.  Mais  en  ceft  endroit  l’idola- 
rric  des  Mexiquains  a elle  plus  pernicieufc& 
dommageable  que  celle  des  Inguas,  comme 
l’on  verra  mieux  cy  apres,  d’autant  que  la  plus 
grande  partie  de  leur  adoration  ôc  idolâtrie 
foccupoit  aux  idoles , ôc  non  pas  aux  mcfmes 
chofes  naturelles , combien  qu’ils  attribuoyent 
les  effeds  naturels  aux  idoles  , comme  des 
pluyes,de  la  multiplication  du  bellial,de  la  guer^ 


t)is  Indes.  Liv.  V.  iif 
rede  la  génération, ainfi  que  les  Grecs  & les  La- 
tins fe  font  forgez  des  idoles  de  Phœbus,de  Mer 
curcdeIupiter,deMincruc&  de  Mars.  Enfin 
qui  voudra  bien  confiderer  cecy  de  près  trouue- 
ra  que  la  façon  & maniéré  dont  le  diable  a vfé  à 
tromper  les  Indiens,cft  la  mefmc  auec  laquelle 
il  a trompé  ôc  deccu  les  Grecs  & Romains, &les 
autres  anciens  Gentils,leurfaifantentendrc  que 
ces  créatures  remarquables^le  Soleil,îa  LunÇjles 
Eftoilles  & les  Eléments jauoient  d'eux  mcfmes 
le  propre  pouuoir&  authoritéde  faire  du  bien 
ou  du  mai  aux  hommes  : Et  combien  que  Dieu 
ait  créé  routes  ces  choies  pour  le  feruice  del’hô- 
me,  neantmoins  il  fcft  tant  oublié  qu’il  fefl: 
voulu  efleucr  contre  luy.  Et  d’autrepart  il  a rc- 
cogneu&fcftâflubjctty  aux  créatures  qui  luy 
font  mefme  inferieures, en  adorant  ôc  inuoquat 
fes  propres  œuures,&  iailî'ant  d’adorer  & inuo- 
qucle  Créateur, comme  le  propofe  fort  bien  le 
Sage  par  ces  pâtolesifem  les  hommes  font  vains  O'  sa^A^. 
ahu>je%jp^Hels  U cogmijsance  de  Dieu  ne Je  trouuejpemtf 
veto  ifudsn  ont pa^pett  coj^noijlre  celujtqui  ejlypar  les 
chofes  mefmes  qiu  leur fembloient  ejlre  bonnes.  Et  üçsit 
quds  cent empUf sent  fes  æuureSy  ds  nontpMtoutesfok 
attaint  mfques  a U cegnoifsAnce  de  l'autheurO^  oùurier 
d’tcellesmak  ds  ont  creu  que  lefeUyle  vent f Air  Agité  Je 
circuit  des  EfloilleSylesgrAdeseAÜeSy  le  Soleil  CT'  U Lune 
ejioient  Dieux  Cf  gouuerneurs  du  monde,  s’efîans 
rendus  amoureux  de  U beauté  de  telles  chofes, d leursï^ 
hloitqu'ds  les  deuoient  eflimer comme  Vieux.OeftAÏ- 
fn  qu’ils  confderent  de  combien  plus  beau  ejl  leur  Crea^ 
îeur,puis  que  c’efi  celuy  qui  donne  les  beaute’fgy'  qui  4 

fait  ces  mejmeschofes.ï)' Autre  part  fds  ont  eu  en 


Histoire  natvrelle 
mm  lapmjfmce  <CT  les  effets  de  ces  chofes,  pdr  icelles 
tnejmes  ils  doiuent  entendre  de  combien  doit  ejlre  pins 
putffimt qn' elles  îeuteSyCeluy  cjui  leur  à donné cefi  efîre 
^n’ellesont,pôurce  que  l'on  peut  coieBurerpar  U beauté 
O' grandeur  quont  les  créatures, quel  doiteftre  le  C rea- 
teur  de  toutes  ces  chofes.  lufques  icy  font  les  paro- 
les du  liure  de  Sapience  , defquelles  l’on  peut 
tirer  vu  bon  ôc  fort  argument,  pour  coiiuaincre 
la  grande  tromperie  des  idolâtres  infidèles , qui 
veulent  pluftoft  feruir  3c  reuerer  la  créature 
que  le  Créateur  : comme  iuftement  l’Apoftré 
les  reprend.  Mais  d’autant  que  cecy  n’eft  point 
du  prefent  fubjed,&  qu  il  eft  fLiffifamment rap- 
porté aux  Sermons  queTonaeferits  contre  les 
erreurs  des  Indiens,  il  fiiffit  quant  à prefent  de 
dire  qu’ils  adoroient  le  grand  Dieu  , 3c  leurs 
Dieux  vains  3c  menfongers  tout  d’vne  mefme 
façon:  pour  ce  que  la  façon  de  faire  oraifon  au 
Viracocha,au  Soleil,  aux  Efioilles  , 3c  au  refte 
des  Guacas  ou  idoles  , cftoit  d’oiiurir  les  mains 
3c  faire  certain  fon  auec  les  leures , comme  de 
perfonnes  qui  baifent,  3c  de  demander  ce  que 
chacun  defiroit  en  leur  offrant  facrifices.  Com- 
bien qu’il  y euft  grande  différence  entre  les  pa- 
roles dont  ils  vfoient  pour  parler  auec  le  grand 
Ticciuiracocha  , auquel  ils  artribuoient  prin- 
cipalement le  pouuoir  3c  commandement  fur 
toutes  chofes,  3c  celles  dont  ils  vfoient  à par- 
ler aux  autres,lefquels  ils  n’adoroient  feulement 
^ que  chacun  en  fa  maifon  comme  Dieux  ou  Sei- 
gneurs particuliers  , 3c  difoient  qu’ils  eftoient 
leurs  interceffeurs  entiers  le  grand  Ticciuira- 
cocha.  Ceffe  façon  d’adorer  ouurant  les  mains 


i)ES  Indes.  Lrv.  V.  2ïtf 

êc  comme  en  baifant , a quelque  chofe  de  fem^ 
blable  à celleque  lob  auoir  en  horreur,  comme 
ehofe  propre  des  idolâtres, difant.  tayhaifémes 
mains  anec  ma  homhe  regardant  le  Soleil  quU  drduk 
mla  Luneijffand elle  efi  clatreice  eft  vne tres-gran-. 

de  m^HitefO'  eJ}  nier  lé  Très-grand  Die»,  ^ 

DeVidslatrie  dont  les  Indiens  vferentfiif 
les  chofes  particulières. 

Ch  AP.  V. 

Le  diable  ne  fcft  pas  contenté  de  faire  que  les 
aueugles  Indiens  adoralTent  le  Soleil,  la  Lu- 
ne,les  Elldilles,  la  terre,  la  mer  &plufieurs  au- 
tres chofes  gen  erales  en  la  nature;  mais  il  a pâlie 
pF  outre  en  leur  dônant  pour  Dicu,^  les  aHiib- 
leélilTans  à des  chofes  balTes  &petites,&  la  plus 
grand  part  ordes  &infames.  L’onnefefpouuc- 
tera  point  de  ceft  aueugicment  des  barbares,  qui 
fe  voudra  fouuenir  de  ce  que  FApoftrc  dit  des 
Sages  &des  Philofophes,qu’ayans  cogneu  Dieu 
ils  ne  le  glorifièrent  point  ny  ne  luy  rendirent 
grâces  Goinmc  à leur  Dieu  , mais  qu’ils  feper- 
dirept  eh  leurs  opinions&pcnrées,&  leur  cœur 
a efté  endurcy  en  leur  follic  , & ont  changé  la 
gloire &dcïüc de fÊterncl  Dieu  à des  femblan- 
ces  & figures  de  chofes  caduques  ôc  corrupti- 
blés  comme  d’hommes,  d*oifèaux,de  beftes  6c 
de  ferpens.  L on  fçait  allez  que  les  Egyptiens 
adoroieutle  chien  d’Ofiris,la  vache  d’I fis , & le 
moutoü  d Ammon;lcs  Romains  adoroient la 


Histoire  natvrelle 
ficdîc  Februa,des  Ficures,  & l’oye  Tarpcicn- 
ne,  & qu’ Athènes  la  Sage  adoroitleCoq&lc 
Corbeau,  & femblables  autres  vanitez  & mo- 
queries, dont  les  hiftoires  des  anciens  Gentils 
font  toutes  remplies.  Et  font  tombez  les  hom- 
mes en  vn  fi  grand  malheur,  pour  n auoir  voulu 
fafiubjettir  à la  loy  de  leurvray  Dieu  & Créa- 
teur, comme  faind  Athanafelc  traidedode- 
menteferiuant  contre  les  idolâtres.  Mais  ceft 
vnechofe  merueillcufemcnt  eftrange  , que  le 
desbordement  & perdition,  qui  a efté  en  cela 
entre  les  Indiens,  fpecialcmcnt  duPerurcar  ils 
adoroient  les  riuieres , les  fontaines  , les  cm- 
boucheurcs  des  riuieres , les  entrées  des  mon- 
tagnes,les  roches  ou  grandes  pierres , les  colli- 
n«,  les  fommets  des  montagnes  qu’ils  appel- 
lent Apachitas  , & les  tiennent  pour  chofede 
grande  deuotion.En  fin  ils  adoroient  toute  cho- 
fe  en  nature , qui  leur  fcmbloit  remarquable  Sc 
différente  du  refte,  cômey  rccognoifTant  quel- 
que particulière  deïte.  L’on  mé  monftra  en  Ca- 
xamalca  de  la  Nafca  vne  colline,ou  grand  tertre 
de  fable  qui  fut  le  principal  adoratoirc  , ou 
Guaca  des  anciens.  le  leur  demandois  quelle 
diuinitc  ils  y trouuoient , & ils  merefpondi- 
rent  qu  ils  l’adoroient  à caulc  de  cefte  mer- 
ucille  qu’il  auoit  d’eftre  vn  tertre  de  fable  tref- 
haut  au  milieu  des  montagnes  de  pierre  qui 
cftoient  tref-efpaillès.  Nous  eufmes  befbin  en 
la  Cité  des  Roys  dVn  grand  nombre  de  gros 
bois  , pour  fondre  vne  cloche,  &pourccl’on 
coupa  vn  grand  ixhve  difforme  , ^ qui  pour  là 
grandeur  & fon  ajjitiquitc  auoit  cfté  long  temps 
® adoratoirc. 


A 


DES 


---  Indes.  Lrv.  V.  217 
adoratoirc,  ôc  Guaca  des  Indiens.  Et  leur  fem- 
bloic  qu’il  y aunit  quelque  diuinitcen  routee 
qui  auoir  quelque  chofc  d extraordinaire  & 
d eftrange  en  fon  genre , iufqucs  à en  attribuer 
autant  aux  petites  pierres  & métaux,  voire  aux 
racines  & aux  fruits  delà  terre,  comme  aux 
racines,  qu’ils  âppelloient  Papas.  Il  y en  a dVne 
forte  eftrange  qu’ils  âppelloient  Lallahuas , lef- 
quellesilsbaifoienc  & les  adoroient.  Ilsado- 
rent  aufli  les  ours  ,les  lyons  , les  tigres  Sc  les 
couleuures,afin  qu’ils  ne  leur  facent  aucun  mal, 
êc  tels  que  font  leurs  Dieux , telles  & aufli  plai- 
fàntes  (ont  les  choies  qu’ils  leur  offrent  en  les 
adorant.  Ils  ont  accouftunié  quand  ils  vont  par 
chemin  d’yriet£er  ou  aux  carrefours,  aux  colli- 
iies,&  principalement  aux  somets,  qu’ils  appcl- 
îen t Apachittas,des vieux fouliers  ,des plumes, 
duCoca  mafché,qui  eft  vue  herbc,dont  ils  vEenc 
beaucoup.  Et  quand  ils  n’ont  rien  d’auantagei 
Jeur  lettent  vnepierre  ,1c  tout  en  offrande, afin 
qu  ils  les  laiffentpafrer,  & qu’ils  leur  donnent 
bones  forces , lefquclles  ils  difen  t leur  augmen- 
ter par  ce  moyen , comme  il  eft  rapporté  en'  viî 
Cocileproiiincial  du  Perii.  C’eftpourquoy  Pon 
trouuecnces  chemins  de  grands  monceaux  de 
CCS  pierres  offertes,  &dcs  autrcs-chores  fufdi- 
tes.De  femblable  folie  vfbientles  anciens , def- 
quelsileftdit  suxProaerbesi 
fre  des  pierres  4^moceau  deMercHre^amfiqueeeUyJw 
honnorelesfds  :.qui  eftàdire,que  l’on  ne  tire  non 
plus  de  fruid  nyid’vtilitc  du  fécond,  que  du  pre- 
mier : pourccque  le  Merciu*e  de  pierre  nere- 

cognoiftpointl:offrandc,nyle  fol  nepenvte^ 

VEe 


Conciî.h 


TroUerll 


HisTOIKE  NATYREItE 
cognoiftrc  l’honneur  que  l’on  luy  fait.  Ils  vloicC 
d Vnc  autre  offrande,  non  moins  plaifantc  & ri- 
dicule, qui  eft  d’arracher  le  poil  des  fourcils , Se 
les  offrir  au  Soleil  Se  aux  collines , aux  Apachi- 
tas,aux  vents  ou  aux  chofes  qu’ils  craignét.  Tel 
eftle  malheur  auquel  pluheurs  Indiens  ontvef- 
cu  & viuent  encor  auiourd  huy,  aufquels  le  dia- 
ble fait  entendre  ce  qu’il  veut  comme  à des  en- 
fans  , quelqi^grande  folie  que  ce  foit.  Ain  h S* 
Chryfoftome  en  vne  Homelie  , accomparc  les 
Gentils, mais  les  feruitcurs  de  Dieu  , qui  trauail- 
lent  en  leur  enfeignement  & laluation  , ne  doi- 
uent  pas  mefprifer  ces  folies  & enfances,  puis 
qu’elles  fuffifent  , à enlacer  ces  panures 
abulèz  à vne  cternelle  perdition  , ains  les 
doiuentauec  bonnes  & claires  raifons , tirer 
dVne  fi  grande  ignorance  : Car  à là  vérité  c'effc 
chofeconfiderable,  commeilsfaffubiettiffentà 
ceux  qui  leur  enfeignent  le  vray  chemin  de  rai- 
fon.Il  n’ya  chofe  entre  les  créatures  plus  illuftre 
quele  Soleil,  Se  cftxeluy  lequel  tous  les  Gentils 
comunémentadoroienr.Vn  capitaine  diferet  & 
bonChreftien  mecontoitj  qu’auecvne  bonne 
raifonilauoitperfuadéaux  Indiésque  le  Soleil 
n’eftpit  pas  Dieu-,  mais  feulement  vne  créature 
de  Djêu  i & fut  ainfî,  Itderaanda  au  Cacique  ôc 
feigneur  principal  qu’il  luy  donnait  vn  Indien 
leger,pour  portervne  lettre,il  luy  en  donna  vn, 
Sc  le  capitaine  demanda  au  Cacique, dy  moyqui 
cille  Seigneur  & le  prrhcipàl,où  ceft  Indien  qui 
port  la  lettre  fi  legeremét,ou  royqui  l’enuoycS 
porter?  Le  Cacique  terpondic  , C’eft  moy  fans 
doute , pource  que  ceftuy-la  ne  faitautic  chofi 


DES  Indes.  Liv.  V”.  '^jg 

que  ce  que  ieluy  commande.  Ainfi,  répliqua  le 
capitaine, en  cft-il  du  Soleil  que  nous  voyons,  &■ 
duCrearcur  de  toutes  cil  ofes,  d’au  tant  que  leSo- 
leil  n’efl:  point  d'auanrage  qu  vn  valler  de  cc 

Xres-hautSeigneur,qui  par foji  commandemét 

chemine  auec  telle  legereré  fans  Ce  lalTer,  portât 
la  lumière  à toutes  les  nations.  Ainfi  tu  vois  co- 
rne ceft  contre  ràifon  de  rendre  au  Soleil  l’hon- 
neur qui  eft  deu  au  Créateur  & feigneur  de  tout. 
La  raifon  du  Capitaine  les  contenta  tous,  & difl: 
le  Cacique  & les  Indiens  qui  eftoient  auec  luy, 

que c’eftoitgrâde  vérité, &qu’ilss’eftoiêt  beau- 
coup refioüis de l’auoir entendue.  L’on  raconte 
d’vn  des  Roys  Inguas,homme  de  fort  fubtil  en- 
tendement , lequel  voyant  corne  tons  fes  prede- 

celTeurs  adoroient  le  Soleil,dift  qu’il  ne  luyfem- 

bloit  point  que  le  Soleil  fufl:  Dieu,ny  ne  le  pou- 
uoit  cftre,pource  que  Dieu  eft  vn  grâd  Seigneur 
qui  auec  vn  grand  loifir  Sc  repos  fait  fes  œuures" 
&queleSoleilneceirciamaisde  cheminer, di- 
fant  qu’vnc  chofe  qui  trauaiIIoittât,neluy  pou- 
uoir  fcmblcr  eftre  Dieu,  en  quoy  il  dift  vérité. 
Ainfi  lors  que  l’on  vient  à déclarer  aux  Indiens 
leurs  erreurs&aucUglemctpar  des  raifons  dou- 
ces & aifees  a comprendre,  ils  font  incontinent 
conuaincus,  &ferengcnt  admirablement  à la 
vérité.  4 


Ee  ij 


<j^^ISTOIRE  NATVRELLB 

V'vn  àntre  genre  d'fdtUtffe fur  les  dejfin^s,. 


Il  y a vn  autre  genre  d’idolatric  fort 
IdifFerent  des  fufdits,  dont  les  Gentils 
^ont  vfé  à l’occalîô  de  leurs  deffun  <^Sj 
qu’ils  aimoient&  eftimoient:&:  fem- 
blcquele  Sage  vueille  donner  à entendre  que 
le  commencement  de  Tidolatric  foit  procédé  de 
là , difant  ainfij  le  commencement  de  formcaûanfut 
f ur  U refutAtm  des  Uoles,0"  cefte  smtentton  efi  vneto  - 
{de  cormftion  de  U vlcyCAr  M commencement  du  mode 
il  n'y  A foint  eu  d’idoles, ny  en  U fin  ny  en  auta  four  teufi- 
toursAtAmAÎs.  Mais  U vAnité  (T  ofiueté  des  hommes  4 
Af forte  ce^îe  inuention  au  rndde , vosre four  ceHe  occa/io 
dur  et fi  feu  leursvies,fource  qutl  ArnuA  (f^e  leferefor- 
tAntAmerementUmort  definfils  mifirAble  , fit  four  [a 
confoUtion  vnfourtrAit  du  defunB,crcommeçAA  l'ho^ 
norer  O*  Adorer  comme  Dieu, lequel  feu  AufArauatJiuott 
Acheuè fies  iours  comme  homme  mortel,  cy  four  cefie fin 
ordonnA  entre fies feruiteurs  quen fi  mémoire  Un  fit  des 
deuetions  tT  fAcnfices.  DudefutsAfres  flufieurs  tours 
fAjfe\cefiemAudttecoufiumeAyAnt  efie  Authorifee  de- 
meurA  cej}  erreur  cAnomfee four  ley,Cf  AinfifAr  le  corn- 
mAdement  des  S^s  O"  tyrAns,les  fourtrAtts  les  idoles 

efioient  Adore\  Delk  vmt  Aufii  que  Un  commenciA  a en 
fAtre  AutAnt  aux  AlfenSyCT  ceux  cjue  Un  ne  fournit  Ado  - 
rer  enfrefience,four  efire- efioignesyls  les  Adoroiet  de  cefie 
fAçon  y CT'fAifiient  Afforter  les  fourtrAtts  des  J{^s  qutls 
vouloient  honorer yÇuffleAnt  fAr  cefie  inuention  l Ahfence 

de  ceux  qu  ils  vouloient  Adorer»  LA  curiofitt  des  excelles 


des  InÊes,  Liv.  V.  11^ 

«rnmen  mgmenu  cefle  muenüon  d’tâoUtrieyteUement 
^ue  parleur  art  ces fiatues  furent jî  elegmtes  ^ ep4,e  ceux 
tourne fauoient  ce  quec'ejioit  ^efoient  prouoquet^  k les 
adorer, d autant  que  par  l excellence  de  leur  art, preten^ 
dans  contenter  celuy  iput  leur  haïUoit  à faire , ds  tiraient 
des  pourtraits^  peintures  beaucoup  plus  excellentes,c^ 
le  vulgaire  conduit  de  l'apparececr grâce  de  l'ouurage, 
vint  J.  tenir  0^  ejhmerpour  Dicuceluy  qui  peu  aupa- 
rauat  auott  ejle  honore  corne  homme.Et  cela  fut  l’erreur 
fniferable  des  hommes , qui  s^accomodans  ores  a leur  af- 
feBion0jèntiment ,ores  a la  fatterie  de  leurs  ^ys,vm^ 
drent  a impojèr  aux  pierres  le  nom  incommunicable  de 
Vieu , les  ador ans  pour  Dieux,  Tout  cccy  cfl:  au  li- 

ure  de  Sapience^ qui  cft  digne  d’eftre  notré,  & 
trouucrontaupieddcla  lettre  ceux  quiièfont 
curieux  rcchcrcheurs  de  l’antiquité,  que  l’ori- 
gincdcl  idolâtrie  onteftéces  pourtraits  & fta- 
tües  des  defFunârs , ie  dy  de  i’idolatrie  , qui  ed: 
proprement  d adorer  les  idoles  & images:  car 
il  n’eft  pas  certain  qucccfte  autre  idolâtrie  d’a- 
dorer les  créatures,  comme  le  Soleil,  & la  mili- 
ce du  Ciel,ou  le  nombre  des  pknettes  & eftoil- 
Ics,  dcquoy  ileftfait  mention  aux  Prophètes,  itteum 
ait  efte  depuis  1 idolâtrie  & les  ftatuës  : combien  Sofb. 
que  làns  doute  l’on  ait  fait  des  ftatücs  & idoles 
en  l’honneur  du  Soleil,  de  la  Lune  & delà  ter- 
re. i Venant  à nos  Indiens,  ilsvindrent  au  fom- 
inct  de  l’idolâtrie  par  les  mefmes  voyes  que 
dcmonftrerEfcriture.Prcmiercmct  ils  auoient 
foin  de  conferuer  les  corps  de  leurs  Roys  & 
Seigneurs , & demeuroient  entiers  fans  aucune 
mauuailè  odeur ,&  fe  corromprcplus  de  deux 
cens  ans.  De  celle  façon  elloicnt  les  Roys  In- 

Ec  iij 


Histoire  natvreile 
guas  au  Cufco, chacun  en  fa  chappellc  & adora- 
toirc,dôt  le  V iccroy  Marquis  de  Canette , pour 
extirper  Tidola trie  fit  tirer  & porter  enla  Cite 
des  Roys  trois  ou  quatre  Dieux,  qui  caufa  gran- 
de admiration  de  voir  ces  corps  morts  depuis 
tât  d’années  fi  beaux  & fi  entiers  qu  ils  eftoienr. 
Chacun  de  ces  Roys  Inguas  laiiroit  tous  fes 
threfors,  moyens  Sc  reuenu  pour  entretenir  fon 
adoratoire  où  l’on  mettoit  fon  corps,  & y auoit 
beaucoup  de  miniftres  anec  toute  fa  famille, 
quieftoient  dediezàfon  feruice.  Car  nul  Roy 
fuccefiéur  n’vfurpoit  les  threfors  & vaifi'elle  i 
de  fon  prcdeccfieur , mais  il  en  aficmbloit  tour  ’ 
de  nouueau  pour  luy&r  pour  fon  palais.  Ils  ne  i 
fe  contentèrent  point  de  celle  idolâtrie  enuers 
les  corps  des  deffunds  , mais  aufli  iis  faifoient 
leurs ftatües  Sc rcprcrcntations,& chaque  Roy 
durantfavie  faifoit  faire  vne  idole  où  il  eftoie 
reprefenté,laquelle  ils  appelloieiît  Guaoigui, 
qui  lignifie  frère.  Pour  ce  que  l’on  deuoit  faire 
à celle  llatue  durant  la  vie  &la  mort  de  l’In- 
gua,  autant  d’honneur  & de  vénération  qu‘à 
luy-mefme.Et  portoient  celle  llatue  en  la  guer- 
re ôc  en  procelîîon , pour  auoir  de  la  pluye  ôc 
du  bon  temps,  Scieur  failoientdiuerfes  firllcs, 
&facrificcs.  Il  y aeubeaucoup  de  ces  idoles  au 
Cufco,&  en  fon  terrhoire  ; toutesfois  l’on  dit 
à prefent  que  celle  fuperllition  d’adorer  les 
pierresyacelfédu  tour  , ou  en  la  plus  grande 
partie.  Âpres  qu’on  les  eut  defcouuertes  , parla 
diligence  du  licencié  Polio  , & fut  la  première  | 
celle  d’InguaRocha,  chef  de  la  partialité  ou  ! 
race  principale  de  Hanam  Cufco  , de  trouus 


DES  Indes.  Liv.  V.  210 

fon  de  çeftcfaçon,qu’entrc  les  autres  nations  ils 
auoient  en  grande  eftime&  reueroient  les  corps 
de  leurs  predecelTeurs,  &adoroicnt  aulÏÏ  leurs 
ftatucs. 

I>esfaperfiti6ns,dont  tk  vfiienp  mec  les  msrts, , 
Ch  APiT.  VII. 

E s Indiens  du  Peru  ontereu  com> 
munement  que  les  am es  viuoient 
apres  celle  vie , & que  les  bôs  eftoiéc 
en  la  gloire,  &lesmauuais  en  la  pei- 
ne: tcllementqu’ily  a peu  de  difficulté,  à leur 
perfuader  tels  articles.  Mais  ils  ne  Ibnt  pas  par- 
ucnusiufquesaupointdccongnoiftre,  que  les 
corps  deuoient  refufeiter  auee  les  âmes.  C’cli 
pourquoy  ils  employoient  vne  exceffiue  dili- 
gence,comme  il  a ellé  dit,  à conferuer  les  corps 
lefqucls  ils  honoroient  apres  la  mort , à cefte 
fin  leurs  fuccelTeurs  leur  bailloient  des  robes, 
Sc  leur  failbienr  des  làcrifices:  ipcciallement  les 
roys  Liguas,  en  leurs  enterrements  debuoient 
cftrc  accompagnez  de  grand  nombre  de  ferui- 
teurs  & femmes  pour  ffiii  feruice  çn  l’autre  vie. 
^arquoyle  iour  qu’il  decedoit  , l’on  mettoit 
à mort  les  femmes  qu’il  auoit  le  plus  ay  niées,  fes 
feruiteurs  & officiers , afin  qu’ils  l’allaifent  fer- 
uir  en  l’autre  vie.QuandGuanacapa  mourut,qui 
futpercd’Atagualpa,au  temps  duquel  entreiéç 
les  Efpagnols  , l’on  mit  à mort  mil  Ôc  tant  de 
perfonnes,  detousaages,  & conditions  pour 
fon fcruice,  ^ pour  l’açcôpagncr  en  l’autre  vie<, 

E c iiij 


Histoire  natvrelle 
ils  les  tuoient  apres  plufieurs  chanfons^&yuro- 
gneriesj&ces  deftinez  à la  mort  Te  tenoient  bien 
heureux.  Ils  leurfacrifioient  plufieurs  chofes, 
fpeciallementdesperits  enfans , &de  leur  fang 
faifoient  viie  raye  au  vifage  du  defFundt  d’vne 
oreille  en  l’autrci  Cefte  melmefuperftition , & 
inhumanité  de  tuer  des  hommes5&  des  femmes 
pour  accompagner  & fcruir  k deffunt  en  l’au- 
tre vie, a efté  fuy  uie  d’autres , & cft  encor  à pre- 
fent  vfitée  parmy  d’autres  nations  barbares; 
VoirecommecfcriptPollôjcllea  efté  prefque 
gcneralle  en  toutes  les  Indes.  Le  vénérable  Bc- 
da  mefmc  raconte , que  les  Anglois  au  parauant 
que  fc  conuertir  à l’Euangilc,  auoienc  cefte  mefi- 
mecouftumede  tuer  des  hommcs,pouraccom- 
pagner  & feruir  les  deffunts.  L’on  raconte  d’vn 
Portugays , qu  eftant  captif  entre  les  barbares, 
auoit  rcçeu  vn  coup  de  flefehe,  dont  il  perdit  vn 
œil,&  comme  ils  le  voulurent  facrifier , vn  ioiir 
pour  accompagner  vn  feigneur  defFund , il  ref- 
pondit  que  ceux  qui  demeuroient  en  Pautre  vie, 
fcroientpeud’eftatdudefFunét,  fi  on  luy  don- 
noit  pour  compagnon,vn  home  borgne, & qu’il 
eftoit  meilleur  luy  en  donner  vn  qui  euft  fes 
deux  yeux,  & cefte  raifon  eftant  trouiiée  bonne 
par  les  barbares , fuft  caufe  qu’ils  le  laiflèrenr. 
Outre  cefte  fupcrftition  de  làcrificr  les  hommes 
aux  dcfFumfts  dont  l’on  n’vfequ’à  l’endroit  des 
grands  feigncurs,il  y en  a euvne  autre  beaucoup 
plus  commune  & gencralle  en  toutes  les  Indes, 
qui  cft  de  mettre  à boire,  & à manger  fur  les  ic- 
pultures  des  defFunéFs , croyâs  qu’ils  fc  nourrif- 
foient  de  cela , qui  a mefmc  efté  vn  erreur  entre 


DES  Indes.  Lîv.  V.  221 
les  andens,côme  cfcrip  tS.  Auguftin.  Et  pour  cet 
cfFcâ:,dc  leur  donner  à manger  & à boire.  Au- 
iourd’huy  plulîeurs  Indiens  infîdellcs , tirent  de 
terre  fecretrement  leurs  defFunds  des  cimerie- 
res,&  les  enterrét  en  des  collines,ou  en  des  paf^ 
fages  des  montaignes , ou  bien  en  leurs  propres 
maifons.Ilsont  mefme  accouftumé  dcleur  met- 
tre de  1 argenr;,&  de  l’or  en  la  bouche^aux  mains 
&au  fein&deles  reueftir  de  robes  neufues,&da 
rables,doublees,&pliees,pa  r deiîbubs  le  lit  mor 
tuaire.Ils  croyct  que  les  âmes  des  defFunds  vôt 
vagabondes,&  endurent  le  froid,  la  Foifjla  faim, 
& le  trauail  j & par  celle  occalîon , ils  font  leurs 
anniuerfaires,  en  leur  portant  des  habits  à man- 
ger âc  à boire.  A raifon  dequoy  les  Prélats , en 
leurs  fynodes  aduertilïènt  fur  tout  que  les  pre- 
ftres  donnent  à entendre  auxlndiens,qiie  les  of- 
frandes que  l’on  met  aux  Eglifesfur  les  fepulm- 
res,nc  font  pas  le  manger  ny  boire  des  défends 
mais  pour  les  pauures  & pour  les  feniftres , & 
que  Dieu  ell  feul  qui  fuftante  les  amès  en  l’autre 
vie,puifque  ils  ne  mangent  ny  ne  boyiient  aucu- 
ne chofe  corporelle,&  importe  beaucoup  qu’ils 
fçaehentbien  cela  afin  qu’ils  ne  conuertillent 
cet  vfage  rcligicux,en  fuperftition  gentille, com- 
me Icfontplufieurs. 


Histoire  natvrelle 


De  U fdçon  d'inhumer  lesdejfunts,entre  lesMexiqudms 
(CT*  autres  nattons. 

Ch  AP,  VIII. 


g Y ant  raconté  ce  que  plufîeurs  nations 
f du  Peru  ont  fait  aucc  les  deffunts,ü  ne 
S fera  mal  à propos,  de  faire  mention 

; particulière  desMexiquains  en  cet  en^ 

droit, les  mortuaires  defquelseftoientfort  fol- 
lemnirez<5c  pleins  de  grandes  folies.C’eftoit  l'of- 
fice des  prcftres,&  religieux  en  Mexique(car  il  y 
en  aiioit  qui  viuoient  en  vne  cftrange  obferuâcc, 

cômeilferadircy  apres) d’enterrer  les  morts,  ôc 

faire  leursobfeques.Les  liçux  où  ils  les  enterroi- 
cnr,eftoir  en  leurs  iardins , & aux  courts  de  kur 
maifons  propres , les  autres  les  portoiét  çs  lieux 
des  facrifices,qui  fe  faifoient  es  montagnes.  Les 
autres  les  brufloient,&  apres  enterroient  les  cè- 
dres en  leurs  têples,&  les  enterroient  tous,  aucc 
tout  ce  qu’ils  auoient  d’h^^bits , de  pierres , & de 
ioyaux.  Ilsmettoientles  cendres  de  ceux  qu’ils 
brufloiét  en  des  pots , Sc  auec  icelles  les  ioyaux, 
pierres, & afficquets  des  defFunts , quelques  ri- 
ches, & précieux  qu’ils  fulTent.  Ils  chantoient 
les  offices  funebres , comme  refponfes  , & le- 
noient  les  corps  des  defFunts  beaucoup  de  fois, 
faifans  plufîeurs  ceremonies.  En  ces  mortuai- 

rcs  ils  mangeoient , de  beuuoient , & ficeftoit 

perfonnes  de  qualité,  l’on  y donnoit  des  habits 
^tousçeux  qui  efloient  venusa  1 enterrement. 


Des  Indes.  Liv.  V.  221  î 

<^and  quelqu’vn  mouroir,  ils  le  mettoieDt,  ¥ î T 

cftenducnviiechâbre^iufqucsàcequedetODS  i ^ ‘ 

coftezlcsparens&amisfuircntvenusjcfquels  V > I 

apportoienrdespre(entsaumort,&Iefalüoiêt  j ' :;  i, 

commcs^leuftcfté  envic.  Etli  c eftoit  vnroy,  ^ !' 

oufeigncurdeqaelque  ville,ils  luyofH-oien^  j } " 
deseclaucspourcftremisàmonaiiecb^  II.  I 

de  1 aller  feruir  en  laurre  monde  i Ils  faifoienc  t'  ' 

mourir auffi le preftre ou chappelkin qu’il auoic  ’ 

(car  tous  les  feigneurs  auoient  vn  preftre,  qui  | i , 

aansleurs  maifons  leur  adminiftroit  les  cere-  ■ ' 

monks  ) & le  tuoient  alors  , afin  qu’il  allaft  ad- 

miniftrer  fon  office  au  mort.  Ils  tuoienr  le  cuy-  , 

limer  Je  fommeliier,les  nains,&les  bollus,  def- 

qucls  ils  le  feruoient  beaucoup  , & ne  pardon- 

noienr pas  mefmes aux  freres du  deffund,  qui 
i auoientkfplus  Tcruy. Car  c’eftoitvnc grandeur 

entre  les  kigneurs,  de  fc  feruir  de  leurs  freres, 

&desdeffiifdits.  Finalement  ils  tuoient  tous 
ceux  de  fon  train,  pour  aller  entretenir  fa  mai- 
on  en  1 autre  monde  : & de  peur  que  la  pau- 
urcte  ne  les  vint  acueillir  , ils  enterroient  Lee 

eux  plufîeursricheires,d or,d’argent, depierre- 

iics,de  courtines  d Vnouurage  exquis,  de  bra- 
celets d’or,  & d’autres  riches  pièces.  Que  s’ils 
brufloientledeffundkils  en  faifoient  auSntde 
tous  fes  fcruitcurs,^  ornements qu’ilsluy  bail- 
loient  pour  l’autre  monde:  Puis  ils  prenoient 
toute  celle  cendre  laquelle  ils  enterroient  auec 
vne grande  follemiiité.  Les  obfcques  duroient 
dixiours,  auec  des  chants  de  pleurs  Ôc  de  la- 
memation,  (Sdespreflres  emportoient  les  def- 
lunds  auec  tant  de  ceremonies , ( Cdqn  qu’on 


( 


Histoire  N AT  VR  EL  LE 

les  ch  requcroit)&en  fi  grand  nombrcjqù  on  ne 
les  pourroitprefque  conter.  Ils  mettoient  aux 
Cappitaincs,&  Seigneurs  leurs  marques  d’hon- 
neur,&lcurs  Trophées/elon  leurs  entreprinfes 
& la  valeur,  qu’ils  auoict  employée  aux  guerres, 

& es  gouuerncméts.Car  pour  cet  efFcd  ils  auoi- 
ent  des  blafons , de  armes  particulières.  Ils  por- 
toient  ces  marques  & blafons,au  lieu  ou  il  defi- 
roit  eftre  enterré, ou  bruflé , marchant  deuant  le 
corps, & l’acompaignant  comme  en  proceflion, 
où  les  preftr es , & dignitez  du  T cmple  alloient 
auec  diuers  ornements, & appareils. Les  vns  eji-  . 
cenfans,les  autres  chantans,&les  autresfonnats 
de  fluftes  triftes,&  de  tambours,ce  qui  augmen-  | 
toit  beaucoup  les  pleurs  des  vaflàux&  parens. 
Le  preftre  qui  faifoit  l’office  eftoitorne  des  mar  ; 
ques  de  Rdole,que  le  Seigneur  auoit  repreffin te:  ; 
car  tous  les  Seigneurs  reprclentoient  les  idoles,  ; 
ôc  en  prenoient  le  nom  de  quelqu’vn , & à cefte  , 
occafioneftoient  eftimez  & honorez.  L’ordre  ' 
de  Cheuallerie  portoir  ordinairement  ces  mar-  ; 

ques  deffijfdiaes.Ccluy  qu’ils  debuoiêt  brufler,  i 

eftant  apporté  au  lieu  a ce  deftine,  ils  1 enuiron-  i 
noient  de  bois  de  pin,&  tout  ce  qui  eftoit  de  fon 

baguaîye  , puis  y mettoient  le  feu  comme  iay  | 
^ ditci-dcffiis,  l’augmentant  toufiours  auec  du  : 
bois  gommeux,iuîqucs  à çc  que  le  tout  fuft  con-  . 
uerty  en  cendre.  Incontinent  fortoitvnprcftrc  ^ 
en  habité  ornement  de  diable,  ayant  des  bon-  ; 

ches  à toutes  les  iointurcs , & pluficurs  yeux  de  | 
miroirs,&:  tenoit  vn  grand  bafton,auec  lequel  il  | 

mefloit  toutes  les  cendres  fort  audacieufement  j 

&auecvngefte,  &vnc reprefentation  fi  terri-  ! 


i 


DES  In  DES.  Liv.  V.  225 

blc,qü’ücfpouuentoic  touslcs  afîîftans.  Qiicl- 
qucsfois  ce  miniftrc  auoit  d’autres  habits  difFe- 
rcns,  félon  qu’cftoit  la  qualité  du  mort.  lay  fait 
telle  digreffion  des  obfcques  6c  funérailles  fur 
1 idolâtrie  & luperllition  qu’ils  âuoientauxdef- 
funds,  maintcnantilell  raifonnablcde  retour- 
ner à l’intention  principale,  &d’acheuer  celle 
matière. 


Vu  tfmtriefme  Cr'  dernier ^enre  d’idolâtrie^  dont  les 
Jndiens  ont  ’^J^JpeaddementlesMexfqHains^enuers 
les  ma^es  cr  flmtues. 

Ghap.  IX. 


Ombien  que  véritablement  Dieu 
foit grandement  ofFenfé  en  ces  ido- 
lâtries fufdites,  où.  l’onadoroit  les 
créatures,  fiell-ceque  leS.  Efprit 
reprouue  6c  condamne  encor  d’a- 
uahtâgevn  autre  genre  d’idolatrie,  qui  ell  de 
ceux  qui  adorent  feulement  les  images  &figiires 
faites  de  la  main  des  hommes , Icfquellcs  n’ont 
autre  chofe  en  elles, que  d’cllre  vn  bois,  ou  pier- 
rc,ou  métal, &la  ligure  que  Dieu  leur  a vouludo 
ncr.C'cllpourquoyle  Sage  parle  ainfi  de  telles 
gens:  Malheureux  font  ^ entre  les  morts fe  peut  con- 
ter l'efperace  de' ceu^i  ont  appelle  les  æuures  des  mams 
des  hommes  Dieux,  hr,  l’argent , cr  l'muenùon  de  U 


xp.44- 

Hter.io. 
IBaruc.6. 
Pfal.  115. 


ÔJee. 


Histoire  N AT VRE LIE 
femhUnce  dUnimaux,  ou  vne  pierre  inutiUe  qui  ri  A rié» 
^ (tuant Age  que  d'ejlre  vne  ^ntiquatUe.  Et  pour  fuie 
diuinement  ces  propos  à l’encontre  de  cet  er- 
reui-j  & folie  des  Gentils . Comme  aufli  le  Pro- 
phète Efaie,  le  Prophète  Hieremie  , le  Prophè- 
te BaruCj&  le  S.  RoyDauid,  en  traittenc  am- 
plementi  Et  eft  neceifaire  & conuenable  que  le 
miniftre  de  Chrift , qui  reproitucles  erreurs  de 
l’idolâtrie  i aye  bonne  veüè,  .&  qu’il  confidcrc 
bien  ces  paiTages,  & les  raifons  que  le  Erprit 
touche  fi  viuemcnt  en  iceux,&  comme  toutes 
fe  reduifent  en  vne  brefue  fcntence , que  met  | 
en  auant  le  Prophète  Ofée  : Celuy  qm  l’afait  a efté 
vn  ouurier,pArqucy  d nejl point  Dteu.Le  veau  donc  de 
S Am  Ane,  fer  mr A AUX  miles  d' Araignées.  Reuenant  : 
donc,ànofire  propos , ily  â eu  aux  Indes  vne  | 
grande  curiofité  de  faire  des  idoles  & peintu-  î 
resdediiierfes  formes  , Ôc  de  diuerfes  matie-  ; 
res , lerqucllês  ils  adoroient  pour  dieux  , & les  | 
appelloient  au  Peru  Guacas  , eftans  ordinaire- 
ment des  beftes  laides  & difformes,  au  moins 
celles  que  fay  veue,  eftoient  toutes  ainfi.  le  : 
cro  y certainement  que  le  diable,  en  1 honneur 
duquel  fon  faifoit  ces  idoles  , prenoit  plaifir 
de  fe  faire  adorer  en  fesdiffbrmitez.  Et  à la  vé- 
rité il  fe  trouuoit  aufli  , que  le  diable  parloit 
&refpondoiten  beaucoup  de  ces  Guacas  , ou 
idoles , & fes  preftres  & miniftres  venoient  à 
ces  oracles  du  pere  de  menfonge , ôc  quel  il  eft,  ; 
tels  eftoient  fes  confeils , aduis  ôc  prophéties. 
C’aeftcésprouinces  dclaneufue  Efpagne , en  | 

Mexiquc,TeIcuco,Tlafcalla,  Cholula,  ôc  aux  j 

parties  voifincs  de  ce  Royaume  , ou  ce  genre  j 


DES  Indes.  Liv.  V.  ^ 12. 

d’idoIatrie  a efté  le  plus  pratiqué,  qu’en  R oyaù- 
_ medu  monde.  Et  eft  vne  chofe  prodigieufe, 

d ouïr  conter  les  fuperftitions  qu'ils  ont  eues 
en  ce  point;  toutesfôisil  ne  fera  pas  mal  plai- 
fantd'cn  raconter  quelque  chofe.  Le  principal 
idolede  Mexique eftoit,  comme  i’aydit , Vie 
zilipuztli.  Ceftoirvncftatuede  bois  tailleé  en 
lemblanced  vn  homme aiïrs  en  vn  efeabeau  de 
couleur d azur,  pofé  fur vn  branquard,  de  cha- 
que coing  duquel  fortoitvn  bois,  ayant  la  fof. 

me  dVne.  telle  de  ferpenr.  L’efeabeau  denot- 
toir  qu’il  eftoit  affis  au  Ciel  , cet  idole  auoit 
tout  le  front  azuré  , & eftoit  lié  par  delTus  le 
nez  dvne  bande  de  couleur  d’âzur  , qui  pre., 

noitd  vne  oreille  à l’autre,  Il  auoit  fur  la  telle 
vn  riche  plumage  , en  façon  d'vn  bec  de  petit 
oileau,  qm eftoit  couuert  parle  haut  d’vA  or 
bien  bruny  II  auoit  en  la  main  gauche  vne  ron- 
delle blanche,  auec  cinqfofmesde  pommesde 
pm  faites  déplumés  blanches,  qui  y elloient 
pofœs  en  croix , & du  haut  fottoit  vn  guaillar- 
det  d or  ayant  aux  collez  quatre  fagettes  , Icf- 
quelles(aud,re  des  Mexiquains)  aLyent  efté 
cmioyeesdu  Ciel, pour  faire  les  aéles  & prou- 
ellcs,  qui  fedirontenCon lieu.  Il  auoit  en  la 
mamdextrevn  ballon  azuré , qui  eftoit  taillé 
en  façon  d vaecouleuure  ondoyante.  Tout  cet 
ornement  :&  le  telle  qu’il  auoit , pottoit  fon 
léns.amfi  queledêclaroyteut  les  Mexiquains. 
l;,  gauche  de  p^ 

reluifante.  lediraycyapres  du  Templefuper- 

be  deÿcrifices  , feftes  . & ceremonies  de  ce 
g and  idole  , qm  font  cho/cs  remarquables. 


Histoire  natvrelli 

Mais  à prcfent  il  fera  feulement  dit,  qucceft 

idole  vcftu  5c  orné  richement , eftoit  mis  en  vu 
autel  fort  haut, en  vne  petite  piece,  ou  encaftil- 
Icment,  fortcouucrtedelinceux  , de  ioyaux, 
de  plumes  & d’ornements  d’or , aucc  beaucoup 
de  rondelcs  déplumés  , les  plus  belles  & plus 
gentilles  qu  ils  pouuoient  recouurcr  , & auoit 
loufiours  deuant  foy  vne  courtine,  pour  plus 
arande vénération.  loignant  la  chambre,  ou 
chapelle  de  cet  idole  , il  y auoit  vne  pièce  qui 
eftoit  de  moindre  ouurage,&  non  pas  fi  bien 
ornée,  où  il  y auoit  vn  autre  idole  , qu’ils  ap-  , 
pelloient  Tlaloc.  Ces  deux  idoles  cftoient  ' 
toufiours  enfemble  , pour  ce  qu’ils  les  repu-  ' 

toient compagnons, 5c d’vneclgalle  puiflànce. 
Jly  auoit  vn  autre  idole  en  Mexique,  fort  cfti-  | 
mé,  qui  eftoit  le  Dieu  de  pœnitence  & desiu-  : 
bilez  Sc  pardons  des  pçchez.  Ils  appelloiem 
ceft  idole  Tezcallipuca  , & eftoit  fait  d vne 
pierre  fort  reluifante  & noire,  comme  layel, 
eftant  veftu  de  quelques  gentils  affiquets  a 
leur  mode.ll  auoit  des  pendans  d orciileS  d oc 
& d’àrgcnt , & en  la  Icure  d'embas  vn  petit  ca- 
non de  cryftal,  de  la  longueur  d’vn  xeme  ou 
demy  pied,  Dans  lequel  ils  mettoient  quelque 
fois  vne  plume  verte , & quelquesfois  vne  azu- 
tée,quilefaifoit  telTembler,tantoft  vne  clrac- 
raude  tantoft  vne  turquoife  il  auoit  les  che- 
ueux  ceints  & bandez  aiiec  vn  lifet  d’or , brur 
ny , au  bout  duquel  pendoit  vne  oreille  d or, 
auec  deuxbrandons  de  fumées  peintes  en  iceb; 
lc,quiftgnifioicntlcs  prières  des  affligez  & pc- , 
chez  qu’il  oy  oit , quand  ils  fe  rccommando^icnt  i 


UES  Indes.  Liv.  V.  zij 
a luy.Eiître  les  deux  oreilles  pendoient  vn  nom- 
bre deperitsherons.Ilauoicvn  ioyau  pendu  au 
col,lî  grand  qu’il  luy  couüroit  l'eftomach.  Aux 
deux  bras  des  bracellets  d’or,  au  nombril  vne  ri- 
che pierre-vcrre,&  en  la  main  gauche  vn  efilan- 
tail  de  plumes  prccieufes  vertes,  azurées, & iauL 
nes,qui  Ibrroicnt dVn  chafton  d’or  rcluifant,  ôc 

fort  bruny,tellement  qu’il  fembloit  que  ce  fuit 
vn  miroir,  qui  iîgnifîoit  que  dedans  ce  miroir  il 
voyoit  tout  ce  qui  Te  faifoit  au  moqde.îls  appel- 
loientcc  miroir  ou  chafton  d’oii’,Itlacheaya,  qui 
vcurdircfonrcgardoir.ll  tenoitcn  la  main  de- 
xtre  quatre  fagettes,  qui  fignifioientle  chafti- 
ment  qu'il  dônoir  aux  mauuais,pour  les  péchez. 
Ccftpourquoyc’cftoit l’idole  qu’ils  çraignoicc 
le  plus,  de  peurquilncdcfcouiirift  leurs  fautes 
&delits.Ilyauoitpardondepechez  en  fafcfte, 
qui  fe  faifoit  de  quatre  ans  enqüatre  ans,commc 
ilferaditcyaprcs.ïls  renoient  ce  mefme  idolb 
Tezcatlipuca  pour  le  Dieu  de  la  fecherefle,  de 
la  famine , ôc  fteriliré,&  de  la  péftiicnce.  Pat-' 
quoy  ils  le  peignoyent  auiîî  en  vne  autre  for- 
me, a fçauoireftant  affis  auec  beaucoup  de  ma- 
iefte  , Ihr  vn  clcabeau  entouré  d’vne  Courtine 
rouge,  peinte  &:  elabourée  de  teftès  & os  de 
morrs.En  la  main  gauche  il  aiioit  vne  rondelle 
auec  cinq  pines  , ou  formes  de  pommes  dêpiii 
raittes  de  cottoii  , ôc  cnladroitte  vncdardille, 
comme  d’vn  gefte  mcnaïîànt,  & ayant  le  bras 
eftendu,  comme  qui  la  voudroir  ietter,&dela 
rondelle  fortoyent  quatre  fagettes.  Il  auoitle 
vifage  âc  apparence  de  courroucé,  Ôc  de  cole* 


Histoire  natyrilee 
rc,Ic  corps  oint  tout  de  noir , & la  tefte  plei- 
ne de  plumes  de  cailles.  Ils  vfoyent  de  gran- 
des ruperftitions  enuers  cet  idole, pour  la  grand 
crainte  qu’ils  auoient  de  luy.En  Cnolula,  qui  c- 
ftoit  vnc  republique  de  Mexique, ils  adoroient 
vn  fameux  idole,quieftoit  le  Dieu  des  marcha- 
difeSj  pour  ce  qu’ils  eftoient  grands  marchands, 

& encor  auiourd’huy  font  ils  fort  addonnez  au 
commerce, ils  l’appelloicnt  Quetzaalcôalt  Ceft 
idole  eftoit  en  vne  grande  place,  en  vn  temple 
fort  haut  , & auoit  autour  de  luy  de  l’or,de  lar- 
gent,desioyaiix,des  plumes  fort  riches,  & des 
habits  de  diuerfcs  couleurs.il  auoit  le  corps  en 
forme  d homme,  mais  le  vifage  d’vn  petit  oy- 
fe^u  auec  vn  bec  rouge , ôc  au  dclTus  vne  ,crefte, 
pleine  de  verrucs,ayant  des  rangs  de  dents,  & la 
langue  qui  luy  fortoit  dehors.il  portoit  fur  la  te- 
lle vnc  mittre  pointue  de  papier  peinr,vne  faulx 
en  la  main,  ôc  beaucoup  d’affiquets  d’or  aux 
iambes , & ( mil  autre  folle  inuentions  , qui  ^ 
toutes  auoient  leur  lignification  , & l’ado- 
royent  par^ice  qu’il  faifoit  riche  ceux  qu’il 
vouloir,  comme  Mcmnon&Plutus.  Etàla 
vérité  ce  nom  que  les  Choluanos  donnoient 
àleur  Dieu  eftoit  bien  à propos,  encor  qu’ils 
ne  l’cntendilfent  pas.  Ils  l’appelloient  Qîfet- 
zaalcoalt,  qui  lignifie  coulcuure  de  plume  ri- 
che,car;tçl  ell  le  diable  de  l anarice.  Ces  bar- 
bares ne  fe  contentoyent  point  d'auoir  des 
Dieux  , mais  aullî  ils  auoyent  des  Déclics 
comme  les  fables  des  Poètes  les  introdui- 
sent, Sc  faueugle  Gentilité  des  Grecs  ^ des 


Des  Inües.  Liv.  V.  ikî 
Roitiains,  les  ont  vénérées.  La  principale  des 
Deeircs  quils  adoroient , eftoir  appelléeTo- 
zi,  qui  veut  dire  noftre  ayculle,  laquelle  com- 
me racontent  les  hiftoires  de  Mexique , fut  Fi- 
le du  Roy  de  Culguacan , qui  fut  la  première 
quils  cicorchcrcnt  par  le  commandement  de 
Vitzilipuztli,  laquelle  ils  confàcrcrentdeceftc 
façon  , pour  eftre  fà  fœur,  ôc  des  lors  ils  com- 
mencèrent a efcorchcr  les  hommes  en  leurs  fà- 
ci'ifices  , & de  veftir  les  viiians  des  peaux  des 
facrifîcz  , ayans  appris  que  leur  Dieu  feplai- 
foitenccla  , comme  merme  d'arracher  le  cœur 
de  ceux  qu'ils  (àcrifîoient  , ce  qu’ils  apprin- 
drent  de  leur  Dieu  , lequel  tira  & arracha  le 
cœur  de  ceux  qu’il  chaftia  en  T ulla , comme 
il  fera  dit  en  fon  lieu.  L'vne  de  ces  Deeflès 
qu’ilsadoroycntcutvnfîlsgrand  chalTcur,  que 
ceux  de  Tlafcalla  depuis  prindrent  pour  Dieu, 

& ceux  làjeftoient  le  party  contraire  des  Mc- 
xiquains  , auec  l’aide  defqucls  les^Eipagnols 
gagnèrent  le  Mexique.  La  prouinccdçTlaf- 
eallacftfortproprepourlachairc,  6c  le  peuple 
fort  addonné  à icelle.  C’eftpourquoy  ilsfai- 
foyent  vne  grand  fefte  à cet  idole  , lequel  ils 
pcignoyenrd’vnc  telle  forme,  qu'il  n’eft  ia  be-- 
foing  de  perdrc  lc  temps  àladcfcrite.  Mais  la 
fefte  qu'ils  luyfaifoycnteftoit  plaifante  , 6c  en 
celle  façon.  Ils  fonnoyent  vne  trompe  fur 
l’aube  du  iour,  au  fon  de  laquelle  ils  falîem-^ 
bloyent  tous  aucc  leurs  arcs,flefches , fîllets, 

6c  autres  inftrumcnts  de  chalTc  , 6c  alloycnt 
auec  leur  idole  en  proccllîon  , fuyuis  d’vn 
grand  nombre  de  peuple  à vue  Sierre  haute, 


Histoire  NATyR-HLii 
au  fommct  de  laquelle  ils  auoient  drcffc  Rac- 
commode vnc  fucillce,  &au  milieu  vn  autet 
trel^richement  aorné,  où  ils  metroyent  l’ido- 
le. Ils  alloyent  cheminans  auec  vn  grand  bruit 
de  trompettes,  de  cornets,  de  Autres  3 Rdc 
tambours,  6c  paruehus  au  licu,ils  circuiAbient 
RenuironnoycnttouslescoAczdc  ccAc  Sicr- 
re  ou  montagne  , où  ils  mettoyent  le  feu  par 
tous  les  endroits,  au  moyen  dcquoyfortoicnt 
plufieurs  & diuers  animaux.,  comme  cerfs, 
connils.  Heures , regnards  & loups  , Iciqucls 
alloyent  vers  le  fommct  fuyants  le  feu.  Ces 
chaAcurs  couroycnr  apres  auec  de  grands  cris 
& bruits  de  diuers  inAruments , les  chaffans 
iufqucsaurommct  deuant  l’idole,  où  arriuoit 
vn  tel  nombre  de  beftes  de  chalîe,  en  A grand 
prcAc,  qu’elles  fautoyent  les  vnes  fur  les  au- 
tres, fur  le  peuple,  6c  fur  l’autel  mefme  , cn- 
quoy  ils  prenoient  vn  grand  plaiAr,  & reAouif- 
fance.  Alors  ils  prenoyent  vn  grand  nombre  ! 
de  ces  beftes,  6c  facriAoient  deuant  l’idole  les 
cerfs,  R.grands  animaux  , leur  arrachant  le 
cœur  , auec  la  mefme  ceremonie  dont  ils 
vfoyent  an  facriAce  des  hommes , ce  qu’eftant  J 
achcué  , ils  prenoyent  toute  cefte  chafFe  fur  i 
leurs  efpaules  , & fe  retiroyent  auec  leur  ido- 
le de  la  mefme  façon  qu’ils  y cftoyent  venus, 
Rentroyenten  la  cité  chargez  de  toutes  ces 
chofes  , fort  reAouys  auec  grand  nombre  de  | 
muAquCjdebuccines  , R de  tambours , iuf-  j 
ques  à arriucr  au  temple  où  ils  mettoyent  leur 
idole, auec  grande  reuercnce,R  follemnitc. 

Ils  alloyent  tous  incontinent  accommoder  les 


DS  S In  d IS.  Lx  v.  y.  11-7 

diairsdcccftc  chalTc,  dcguoy  ils  faifoicnt  vu 
banquet  à tout  le  peuple , Se  apres  difner  fai- 
foyent  leurs  farces,  reprefen tâtions,  & dan- 
ces deuant  Tidolc.  Ils  auoyent  vn  autre  grand 
nombre  d’idoles, de  Dieux  & Dedfes,  mais  les 
principales  cftoyent  en  la  nation  Mexiquai- 
ne  , ôc  aux  peuples  voifins  , ainfi  qu’il  a efté 
dit. 


P’z/«e  efitAnge  f4con  d*tdoUtrte  frati^uée  entre  lei 
Mexiquains, 

Chapitre  X. 


Omme  nous  auos  dit  que  les  Roys 
înguas  du  Peru , firent  faire  à leur 
fcmblance,de  certaines  ftatues  que 
ils  appclloyét  leurs  Guaoiquies,ou 
freres,  &leurfai(bient  porter  au- 
tant d’honneur  qu’à  eux  mefinesrainfî  en  ontfait 
les Mexiquains dclcurs Dieux,  maisils onrpaf- 
fcpIusoutrc,pourcequc  des  hommes  vifs,  ils 
fairoyentdesDicux,quieftoiren  celle  maniéré, 
llsprcnoyentvn  captif,  tel  qu’ils  aiîiroient  bon 
cftre,&auparauant  que  de  le  lacrifier  à leurs  ido- 

Ies,Iuydonnoyent  le  mefinc  nom  de  l’idole , au- 
quel il  deuoit  eftre  facrifié,  & le  veftoient  & 
ornoyent  des  mefmes  ornemens  que  leur  ido- 
le,difans  qu’il  reprefen  toit  fc  mefme  idole.  Et 
pendant  toutlc  temps  que  duroit  celle  reprefen- 
tation  ( qui  eftoit  d Vn  an  en  certaines  felles, 
end  autres  de  fix  mois,  Sc  en  d’autres  moins) 
«s  ladoroient  & yeneroient  de  la  mefme  fa-* 


Histoire  NATVRELiB 
çon  que  le  propre  idole  , ce  pendant  il  matî- 
geoit  3 beuuoic  & fc  refiouilîoit.  Quand  il  alloit 
par  les  rues,  le  peuple  for  toit  pour  l’adorer,  ôc 
tous  luy  ofFroyent  beaucoup  d’auraofnes,& 
luy portoyencles  enfans,  &les  malades,  afin 
qu  il  les  guarift  & benift  , ôc  luy  laiflbient  en 
tout  faire  fa  volonté,  fauf  qu’il  eftoittoufiours 
accompagné  de  dix  ou  douze  bommes,  de  peur 
qu’il  ncs’enfuift.Et  luy  afin  que  l’on  luy  fift  rer^ 
uercnceparoùilpalfoir,  fonnoit  de  fois  à au- 
tre, dVne  petite  flufte,  afin  que  le  peuple  s’ap- 
preftaft  pour  l’adorer.  La  fefte  eftant  venué,  Ôc 
luy  eftant  bien  gras,  ils  le  tuoient,  l’ouuroicnt, 
& le  mangeoienr,  faifans  vn  folcmnel  facrificc 
de  luy-  A la  vérité  c’eft  vne  cliofe  pitoyable  de 
confidercr  la  façon  de  laquelle  Satan  tenoit 
ces  gens  en  fa  puiftance,&  tient  encor  auiour- 
d’huy  plufîeurs  qui  font  de  femblables  cruau- 
tez  ôc  abominations , aux  dcfpcns  des  triftes 
ames,&  des  miferables  corps  de  ceux  qu’ils  luy 
offrent,  ôc  luy  fe  moque  Ôc  rit  de  la  bourde  & 
moquerie  qu’il  fait  aux  panures  malheureux, 
lefquels  mentent  bien  par  leurs  pcchez,  que 
le  très  haut  Dieu  les  delaiflc  en  la  puiflancc 
de  leur  cnnemy , qu’ils  ont  choifi  pour  Dicu,& 
pourfoufticn.Mais  puis  que  i’aydit  eequifuf- 
fit  de  l’idolâtrie  des  Indicns,il  s’enfuit  que  nous 
traitrionsde  leur  religion , ou  pour  mieux  dire 
fupcrftition , de  laquelle  ils  vfent  en  leurs  fa- 
crifices, temples  ôc  ceremonies,  ôc  ccq'ui  tou- 
che le  refte. 


IBIS  Indes^  Liv.  V.  218 


Chapitre  XI. 

J V A N T que  de  venir  à ee  point,!  o 
doitconfidercr  vne  ehofe,  quieft 


fort  digne  de  regarder  de  prés,  qui 
eft  que  comme  le  diable,  par  fon 
orgucil,aprins  party  & s’eft  rendu 


contraire  à Dieu, ce  que  noftre  Dieu  par  fa  fagef- 
fe,ordonne  pour  fon  honneur  & fcruice,&  pour 
le  bien  & faliit  de  rhommé,le  diable  s csforce  de 
rîmirer.&  le  periicrtir,pour  cftre  honoré&  faire 
que  rhôme  en  foit  condamné.Car  comme  nous 
voyons  que  le  grad  Dieu  a des  facrifices,des  pre- 
ftresjdes  Sacrements,dcs  religieux,  desProphe- 
tcs,&  des  gerts  dédiez  à fon  fcruice  diuin,&  fain- 
tes  ceremonies  , ainh  le  diable  a fes  facrifices, 
preftreSjfos  façons  de  Sacrements , fa  gent  dé- 
diée,fes  reclus,&£àintetez  faintes  , auec  mille 
fortes  de  faux  Prophètes,  tout  ce  qui  fera  plai- 
fant  d’entendre,  cftanr  déclaré  en  particulier, 

& non  point  de  petit  fruit,  pour  celuy  qui  fe 
fouuicndra,comrae  le  diable  eft  Icpere  demen- 
fonge,  ainfi  que  la  vérité  le  dift  en  1 Euangilc, 
parquoy  il  procure  vfurper,  pour  foy  la  gloire 
de  Dieu  & contrefaire  la  lumière , par  fes  tene- 
bres.  Les  enchanteurs  d’Egypte,  enfeignez  de  ' 
leur  maiftre  Satanas,s  csforçoient  de  faire  d’au- 
tres iqerucilles  fcmbkblcs  à celles  de  Mpyfe 


Ff  iiij 


îùhî» 


Hl  S TOI RI  NATVRELII 
& d*Aaron,  pour  s’crgallcr  à eux.  Nous  lifons 
auliurc  des  luges,  de  ce  Micas  preftre  du  vain 
idole  qui  fe  Teruoit  mefmc  des  onicments  dont 
on  vfoit  au  Tabernacle  du  vray  Dieu,comme  de 
Tephod  du  Seraphin,&  des  autres  chofes.  Soit 
que  ce  foit , à peine  y a il  chofe  inftituéepar  le- 
fus^Chrift  noftrc  Seigneur,cn  faloy  Euangeli. 
que,qucle  diable  ne  layc  fophiftiquee  en  quel- 
que façon,&  portée  afagenrilité,  comme  l'on 
pourra  voir  en  lifantee  que  nous  tenons  pour 
certain  J par  le  rapport  de  gens  dignes  de  foy, 
des  couftumcs,&  ceremonies  des  IndienSjdef- 
quellçs  nous  traiterons  en  ce  liurc. 


Destemfksqm  fifint  trottue^ 
és  Indes.  ■ 


Chap.  XIL 


I Ommençant  donc  par  les  Temples, 
\ tout  ainfi  que  le  grand  Dieu  a voulu 
qucronliiy  dediafl:  vnc  maifon,  oà 
Ibn  S.Nôfafthonorc,(5c  qu’elle  fuil 
particulièrement  voüee  àfonferui- 
cc,ainfi  le  diable  par  Tes  mefehantes  intentions, 
perfuada  aux  infidcllcs  qu’ils  luy  filFent  de  fuper- 
bcs  temples,  & des  particuliers  adoratoires , & 
lânétuaires^En  chaque  prouince  du  Peru,il  y a- 
uoitvn  principal  guaca,ou  maifon  d’adoratiô,& 
outre  icelle  y en  auoitvne  yniuerfelle  par  tous 
les  royaumes  des  Inguas  , entre  Icfquelles  il  y 
en  a eu  deux  fignallees  , & remarquées , 1 vne 
qu’ils  appclloient  de  Pachacama>  qui  eftà  qua- 


DES  Indes.  Li'V’.  V. 
jtrç  liciics  dcLy  ma,  où  l’on  voit  cncor  airioür- 
d’hiiy  les  ruines  d’yn  trcs-ancien,  & grandedi- 
, fice,dnquel  François  Pizarre  & les  Sens  tirè- 
rent ceftericheire  infinie  des  vafes,  &dcs  cru- 
ches d’or,&  d argent,  qu’ils  apporterent,quand 
ilsprindrentl’Ingua  Altagualpa.Ily  a certains 
mempircs  & difeours  <jui  difent , que  le  diable 
en  ceTemple,parloitvifiblement,  & donnoit 
rcfponccs  parfon  oracle , &que  quelques  fois 
ils  voyoient  vnc  coulemire  tachetée , & cfl: 
vne  diofe  fort  commune  & approüuee  es  In- 
des,quc  le  diable  parloit  , ôc  relpondoit  en  ces 
faux  fanduaires  , en  trpmpant  les  mifcrables. 

Mais  là  où  l’Euangile  eft  entré,  & là  où  Ion  a 
clleué  le  fîgncdela  Croix,  Icperede  menfon- 
ge  y eft  deuenumuet,  ainfi  que  Plutarque  ef-  ^ 
crit  de  fon  temps.  Cur  cefduent  fjthynsfondere  ou  r^eirl  * 
€uU.  Etfaind  luftin  martyr  traiébe  amplement /»/?.*«  4/c/. 
de  ce  filence  que  Chrift  impola  aux  àtmons\f^o  chnfik. 
qui  parloient  par  les  idoles  , comme  il  auoit 
efté  beaucoup  au  parauant  prophetizé  en  la 
d.iuine  Efcripturc.  La  façon  quauoient  les  mi- 
niftres  infidelles  & enchanteurs , de  confiilter 
leurs  dieux  , eftoit  comme  le  diable  les  enfei- 
gnoit.  C’eftoit  ordinairement  de  nui (5tj  &pour 
le  faire  entrpient , les  cfpaules  tournées  vers 
l’idole , marchans  en  arrière , & plians  les  corps 
en  inclinants  la  tefte,  8c  fe  mertoient  en  vnc 
laide  pofture  , &a]infi  ils  les  confultoient  ^ La 
relponce  qu’ils  faifoient  ordinairement  eftoit 
en  manière  dVn  fifflement  efpouuentable , ou 
comme  vn  grinflement,  qui  leur  faifoit  hor- 
reur, 8c  tour-ce  dont  il  les  aducrtiiroir,  & iepr 


Histoire  katvrelle 
commandoit,  eftoit  vn  acheminement  à leur 
déception  5c  perdition.  Maintenant  l’on  trou- 
iie  peu  de  ees  oracles , par  la  mifcricorde  de 
Dieu,  & grande  puilTance  de  lefus-Chrift.Il  y 
a eu  au  Peruvn  autre  temple,  & oratoire  plus 
cfl:imé,qui  fut  en  la  Cité  de  Cufco,  où  eft  au- 
iourdhuy  le  monaftere  de  fainétDominicque. 
Et  I on  peut  voir  que  ç’a  cfté  vnc  œuurc  fort 
belle  & magnifique,  par  le  pané , & pierres  de 
redificc,qui  relient  encpr  auiourd’huy.  Ce 
temple  eftoit  corne  le  Panthéon  des  Romains, 
en  ce  qu’il  eftoit  la  maifon  & demeure  de  tous 
les  Dieux:  Car  les  roys  Inguas  mirent  en  icc- 
luy  les  Dieux  de  toutes  les  nations,  ôc  prouin- 
ces  qu’ils  conqueftoient,  ayant  chafquc  idole 
fon  lieu  particulier,  ou  ceux  de  leur  prouincc 
les  venoient  adorer , aucc  vnc  defpencc  excef- 
fiuc  de  chofes,que  l’on  apportoit  pour  fon 
minifterê.Etpar  cela  ils  auoient  opinion,de  re- 
tenir feurement  ôc  en  debuoir , les  prouinccs 
qu’ils  auoient^  conqueftées,  tenants  leurs  dieux 
comme  en  oftage.En  cefte  mefmc  maifon  eftoit 
lePinchao,  qui  eftoit  vne  idole  du  Soleil , de 
tres-fin  or  ouuré  d’vne  grande  richclïe  de  pier- 
reries, lequel  eftoit  pofe  vers  l’Orient,  aucc 
vn  tel  artifice,  que  le  Soleil  à fon  Icuer  iettoit 
fes  rayons  fur  luy,  & comme  il  eftoit  de  tresfin 
métal, les  rayons  reucrberoicnt,auec  telle  clar- 
té,qu’ilreftembloitvn  autre  Soleil.  Les  Inguas 
adoroient  ccftuy-la  pour  leur  Dieu,  ôc  IcPa- 
chayacha,qni  fignifie  le  Créateur  du  Ciel  ; Ils 
difentqueaux  dcfpouilles  de  cctèinple  fi  riche 
ynfoldat  eiupourfa  parteefte  4es-bçlle  plan- 


»ES  Incês.Liv.  V.  250 

die  d’or  du  SoleiL  Et  comme  le  ieu  eftoit  lors 
de  faifon,  ilia  perdit  vne  nuit  eniouant,  dbù 
vint  le  prouerbe  qui  e/l  au  Peru,pour  les  grands 
loueurs,  difant  qu’ils  iouent  le  Soleil  auanf 
qu’il  naiflc. 

V es fu^trles  temples  âeMexicfie^ 

Chap.  XÎII. 

A fiiperftition  desMexicquainS-aefté 
fans  côparaifon  plus  grande  que  celle 
de  ceux  cy  : tant  en  leurs  ceremonies 
corne  en  la  grandeur  de  leurs  téples, 
Icfquelsanciennemcntles  Efpagnols  appelloiét 
decçmot  Cu,  lequel  mot  peut  auoir  efté  prins 
des  infulaires  de  S. Dominique  ou  de  Cuba , çô- 
mc  beaucoup  d’autres  mots,quifonten  vlge,le^- 
qucls  ne  font  ny  d’Elpagne  , ny  d’autre  langue 
dont  l’on  vreauiourd’huy  es  Indes,commefont 
Mays,Chico,  Vaquiano,  Chaperon,  & autres 
femblables.il  y auoir  donc  en  Mexique  le  Cu, 
fi  fameux  temple  de  Vitzilipuzili , qui  auoit  vn 
tour  & circuit  fort  grand,  &faifoit  au  dedans 
de  foy  vne  belle  cour.  Il  eftoit  tout  bafty  de 
grandes  pierres  en  façon  de  couleuures,  atta- 
chées les  vnes  aux  autres,  &pour  cela  le  cir- 
cuit eftoit  appelle  Coatcpantli,  qui  veut  dire 
circuit  de  couleuures.  Sur  chacun  des  coupeaux 
des  chambres  & oratoires  où  eftoient  les  idoles 
y auoit  vn  perron  fort  ioIy,ouuragé  des  petites 
pierres  menues , noires  comme  du  geais  arran- 
geesd  vn  bel  ordre,  auecle  champ  tout  rclcué 


HiSTOIRI  NATyREIII 
de  blanc  & de  rouge  , qui  rendoie  à le  voir 
d’embasjvnc  grande  clarrc.  Et  au  defTus  du 
perron  il  yauoitdes  carneaux  fort  mignonne- 
ment faits, ouuragez  comme  en  limaçons,  ôc 
auoit  pour  picd&  appuy  deux  Indiens  de  pier- 
re affis  tenans  des  chandeliers  en  leurs  mains 
&d’iceux  fortoient  comme  des  croifons  rc- 
ueftus  auec  les  bouts  enrichis  de  plumes  iaunes 
ôc  vertes  , & des  franges  longues  de  mefme. 
Au  dedans  du  circuit  de  cefte  Cour,ilpuoie 
plafieurs  chambres  de  Religieux  , & d autres 
qui  cftoient  audelhis  pour  les  Preftres  ôc  Pa- 
pes,car  ainh  ils  appelloient  les  fouuerains  Pre- 
ftres  qui  {eruoient  à l’idole.  Cefte  Cour  eft  ft 
grande,&ri  fpaticufe,quchuid:oudix  rail  per- 
ibnnes  y dançoient  en  rond  fort  à 1 ’aife,  s ’entre- 
tenans  les  mains  les  vns  des  autres,  qui  eftoit 
vue  couftume  dont  ils  vfoient  en  ce  Royaume: 
ce  qui  femble  chofe  incroyable.il  y auoit  qua- 
tre portes  ou  entrées  à l Orient,au  Ponent,  au 
Nort  ôc  au  Midy.  De  chacune  de  ces  portes 
fortoit  ôc  commençoit  vne  chauftee  fort  belle 
de  deux  à trois  lieues  de  long.  Parquoy  il  y auoit 
au  milieu  du  lac  où  eftoit  fondée  la  Cité  de 
Mexique  quatre  chauflées  en  croix  fort  larges,, 
qui  rcbelliiroient  beaucoup.  Sur  chacun  portail 
ou  entrée  il  y auoit  vn  Dieu  ou  idole,  ayant  le 
vifage  tourné  du  cofté  des  chaulfées  vis  à vis 
de  la  porte  de  ce  temple  de  Vitzilipuztli.  Il  y 
auoit  trente  degrezdc  trente  braftes  de  long, 
& cftoient  feparez  de  ce  circuit  de  la  Cour  paç 
vne  rue  qui  eftoit  entr’eux,  Au  haut  de  ces  de- 


Indes.  Lit.  Ÿ.  i^r 
gircz  il  y anoit  vn  pourmciioir  de  trente  pieds 
de  large  tout  enduit  de  chaux  , au  milieu  du- 
quel pourmenoirfe  voyoit  vne  palliiTade  tref- 
bicn  faite  d’arbres  fort  hauts  plantez  de  rang  à 
vnebralîc  IVn  de  l’autre.  Ces  arbres  eftoient 
fort  gros,  & tous  percez  de  petits  trous, depuis 
lepicdiufqucsaucoupcau,  ôc  y auoit  des  ver- 
ges trauerfans  d’vn  arbre  à l’autre  , aufquelles 
eftoient  ttauerfees  &enchairnccsplufieurste- 
ftes  de  morts  parles  templcs.En  chafque  ver- 
ge il  y auoit  vingt  teftes  , ôc  ces  rangs  de  teftes 
continuoientdcpuislcbas  iufqucs  au  haut  des 
arbres.  Cefte  palilîadc  eftoit  li  pleine  de  ces 
teftes  de  morts  depuis  vn  bout  iufqucs  à l’au- 
tre, que  c’eftoit  vne  chofemcrucilleufement 
trifte  ôc  pleine  d’horreur.Lcs  teftes  eftoient  de 
ceux  qu’ils  auoient  lacrifiez  , car 'apres  qu’ils 
eftoient  morts  , ôc  que  Ton  en  auoit  mangé  la 
chair,  la  tefte  en  eftoit  apportée  ôc  baillée  aux 
miniftres  du  temple,qui  les  cnchaiftioient  ain- 
fi,  iuiques  à ce  qu’elles  tombaftent  par  mor- 
ceaux Ôc  auoient  le  foin  de  remplacer  celles 
quitomboient  par  d’autres  qu’ils  mettoient  en 
leurs  places.  Au  fbmmct  du  temple  il  y auoit 
deux  pierres  ou  chappelles,&  en  icelles  eftoient 
les  deux  idoles  que  i’ay  dites  de  Vitzilipuztli, 
& IbncôpagnonTIalot.Ces  chappelles  cftoict 
taillées  ôc  cifellées  fort  artificieufement,  ôc  ft 
hautes  efleuées,  que  pour  y monter  il  y auoit 
vn  clcallicr  de  pierre  de  ftx  vngts  degrez.  Au 
deuant  de  ces  chambres  ou  chapelles  il  y anoit 
vne  court  de  quarante  pieds  en  quarré,au  mi- 
lieu de  laquelle  il  y auoit  vne  pierre  haute  de 


Histoire  natvreile 
cinq  paumes,qui  cftoit  verte  & pointue  en  fa- 
çon de  pyramidej&eftoit  là  pofée  pour  les  facri- 
£ces  des  hommes  que  l’on  y faifoit:  Car  vn  ho- 
me cftant  couché  deflus  à la  rcnuerre^elle  luy  fai 
foit  ployer  le  corps,  & ainfi  ils  l’ouuroycnt  & 
luy  tiroient  le  cœur,comme  ic  diray  cy  apres  .Il 
y auoit  en  la  Cité  de  Mexique  huid  ou  neuf  au- 
tres temples  comme  celuy  que  iay  dit,lefquels 
eftoient  attàchcz&:  continuez  les  vns  aux  autres 
dans  vn  grand  circuit,  & auoient  leurs  degrez 
particuliers,  leur  cour,  leurs  chambres  & leurs 
dortoirs. Les  entrées  des  vns  eftoientau  Ponar, 
des  autres  au  Leuant,des  autres  au  Sud,  Sc  celles 
des  autres  au  Nort.  Tous  ces  temples  eftoient 
ingenieufementelaborcz,&enceints  de  diuer- 
fes  façons  de  créneaux  & peintures,  aucc  beau- 
coup de  figures  de  pierres,  eftans  accompagnez 
& fortifiez  de  grands  & larges  efperons.  Ils  e- 
ftoientdediez  à diuers  Dieux, mais  apres  le  té- 
ple  de  Viczilipuztlijfuiuoit  celuy  de  Tezcalipu- 
ca,quieftoit  le  Dieu  de  Pœnitcnce  & dc^s  cha- 
ftiemenSjfort  eflcué  haut  ôc  fort  bien  bafty.  Il  y 
auoit  quatre  vingts  degrez  pour  y monter  , au 
haut  dcfquels  fe  faifoitvneplanureoutabledc 
fix  vingts  pieds  de  large,  & ioignant  icelle  vne 
falle  ’tapilTée  de  courtines  de  diuerfes  couleurs 
& tjuurages:  La  porte  d’icèlle  cftant  bafte  ôc 
large,  toufiours  cbUuerte  dVn  voile  , & n’y 
auoit  que  les  preftres  feulement  qui  y pouuoict 
cntrer.Tout  ce  temple  eftoit  elabouré  de  di- 
uerfes  tailles  & effigies  aucc  vne  grande  curio- 
fité  , d’autant  que  ces  deux  temples  eftoient 
comme  les  Eglifes  Cathédrales,  &lçrcftçà 


ms  Imdes.  tiv.  V.  2,^ 

îcuf  rcfpe<a  comme  paroi(rcs5fh-ermita2^  & 

cftoientfifpacieux&dcranr  de  chambres  q^il 
y auoit  en  iceux  les  minifteresjes  colleeesdes  ef 
choies  & les  maifons  des  preftrcs^dont  ie  parle 
raycyapres.Ccquicftdicpeut  fuffire  pour  en^ 
tendre  l’orgueil  du  diable,&  le  malheur  de  celle 
milcrable  nation, qui  auec  fi  grande  dcfpenfe  de 
leurs  biens  de  leur  trauail,  & de  leurs  vies  fer- 

uoientainfi  lcurpropreenncmy,qiiincpretcn- 

doit  d eux  autre  chofe  que  de  deftruire  leurs  a- 
mes, &conlommer  les  corps.  Ncantmoins  ils 
1 en  contentoientfort,ayans  opinion  en  leur  fi 
grande  erreur,quecefioicnt  de  grands  & puif- 

lans  Dieux,  que  ceux  aulqiiels  ils  faifoient  ces 


9 N trouüe  entre  toutes  les  na 
tions  du  monde  des  hommes  part 
culierement  dédiez  au  feruice  d 

vrayDieu,  oudeceluyquieftfam 

lelquels  feruent  aux  facrifices,  & pour  déclare 
au  peuple , ce  que  leurs  Dieux  leur  comman 
dent.  Il  y a eu  au  Mexique  fur  ce  poina  vn 
eftrange  curiofite.  Et  le  diable  voulant  contre 
fore  1 vfage  de  l’Eglife  de  Dieu,  a n,is  en  l'or 

Jcdecespreftresdeplusgrandsoufupcrieurs 
&dcmomdres,lesvnscomme  Acolytes,  & le 

autres  comme  Leuites.  Et  ce  qui  m'a  plus  fai 


Histoire  natv relie 
cimcrueillcr^'cftquc  lc  diable  a voulu  vfîirpcf 
pour  foy  le  femice  de  Chrift,  iufques  à fe  fcruir 
du  mefrae  nonv.Car  les  M exiquains  appclloicnt 
leurs  grands  preftres  en  leur  ancienne  langue 
Papas;commc  pour  fignifierSouucrains  Ponti- 
fes,ainfi  qu  il  appert  à prefent  par  Icurshiftoires. 
Les  preftres  de  Virzilipuztli  fueccdoient  par  li- 
gnages de  certains  quartiers  de  la  ville  députez  à 
ceft  efFed,  &ccux  des  autres  idoles  y venoient 
par  eftedion,  ou  pour  aüoir  efte  offerts  au  tem- 
ple dés  leur  enfancc.Le  continuel  exercice  des 
preftres  eftoit  d’cncenfcr  les  idoles, ce  qu’ils  fai- 
foient  quatre  fois  durant  le  iour  narurel.La  pre- 
mière à l’aube  du  iour,la  fécondé  à midy,  la  troi- 
fiefme  au  Soleil  couchant,  &la  qnatricfnic  à mi- 
nuid.Aceftehcurcdc  minuidfeleuoient  tou- 
tes les  dignitez  du  templc,&aulieudc  cloches 
ils  fbnnoient  des  buccines  3c  de  grands  cornets, 
&les  autres  des  fleuftcs,&  fonnoientlong  téps 
vnfontrifte,&  apres  auoir  celTé  le  fon  fortoit 
Icfemainier  , veftu  d’vnc  robe  blanche  en  fa- 
çon de  Dalraatique,auecrcnccnfoir  enlamain 
plein  de  brafier  qu’il  prenoit  au  foyer, bruflani 
continuellerhentdeuantrautel,  en  l’autre  main 
vnebourfe  pleine  d’encens,  lequel  il  iertoit  en 
renccnfoir,&  comme  il  entroit  au  lieu  où  eftoit 
l’idole  il  cncenfbit  auec  beaucoup  de  reuerecea- 
presil  prenoit  vn  lige, duquel  il  nettoioitl  autel 
& les  courtines.Cela  acheué  ils  f’en  alloient  to* 
cnfcmblc  en  vnc  chapelle  & là  faifoient  certain 
genre  de  pénitence  fort  rigoureufe  & aufter  e,  fe 
frappans  & tirans  du  fang,  de  la  façon  que  ie  di- 
ray  cy  apres  auTraitté  delà  Pénitence,  que  le 

diable 


©ES  Tnûës.  Liv.  V. 
diable  à enfcighcc  aux  liens  & ne  failloient  ia, 
mais  a ces  matines  de  mihuift.  Aucuns  autres 
que  les  preftres  ne  pouuoient  fe  méfier  de  leurs 
facrificcs  5c  chacun  d’eux  fyemployoit  félon 
leur  dignité  & degré.  Ils  prefehoient  mcfme  le 
peuple  en  certaines  feftesj  comme  nous  dirons, 
quand  ie  tràitteray  d icelles. ils auoient  du  reuc- 
nu,  Scieur  failbic-on  des  offrandes  abôndam- 
menr.  Icdiray  cy  apres  de  fonction  dont  ils  v- 
foientà  confacrerlesprcftres.Au  Peru  les  pre- 
ftres  eftoient  fubftantez&entrctenus  du  reUenU 
& des  h|ritages  de  leur  Dieu,  qu’ils  appelloient 
Chacarasjlefquels  eftoient  eh  grand  nombre,^ 
bien  riches. 

. Des  monafteres  des  vierges  que  le  dUhle  imentâ 
fourfonjeirmee. 


O M M E la  vie  rcligieufefdelaquel 
le  plufieurs  feruiteurs  & feruantes 
de  Dieu  ont  fait  profefïion  enda 
faindc  Eglife^aFimitatibn  de  lefus 
Chrift,  & de  fes  fainéts  Apoftres) 
eftvncchofe  fi  agteable  aüx  yeux  de  la  diuinc 
Majefté,par  laquelle  fon  faindNom  eft  tantho- 
uoré,5cfon  Eglife  embellie:  Ainlî  le  Pere  de  mé- 
fongefeft  efforcé  de  l’imiter  & contrefaire  cri 
ccla,voiré  corne  débattre  auec  Dieu  de  lobfer- 
üaee  5c  aufterité  de  vie  de  fes  miniftres.il  y auoit 
au  Perü  plufieurs  thonafterês  de  vierges  ( car 

Gg 


Histoire  natvrelib 
d’autre  qualité  belles  n’y  cftoient  point  rccciies)- 
& pour  le  moins  y en  auoit  vn  en  chaque  pro- 
uince.  Il  y auoit  en  ces  monafteres  deux  for-  | 
tes  de  femmes,  les  vnes  anciennes  qu’ils  appcl- 
loient  Mamacomas,pour  l’inftrudion  Sc  enfei*- 
gnement  des  ieunes.  Et  les  autres  cftoient  de 
icunes  filles  deftinées  là  pour  vn  certain  temps, 
puis  aptes  l’on  les  droit  de  là  pour  leurs  Dieux 
ou  pour  l’Ingua.  Ils  appelloicnt  ccûe  maifoii 
ou  monaftere  Acllaguagi,  qui  eftàdire  maifon  ! 
de  choifies.  Chaque  monaftere  auoit  fon  Vi- 
caire ou  gouucrneur  nommé  Appopain^ca,  le- 
quel auoit  la  puiftancc  & liberté  de  choifir 
toutes  celles  qu’il  vouloir  de  quelque  qualité  , 
qu’elles  fuftent,eftans  au  ddfoubs  de  huid  ans, 
fiellesleur  fembloient  de  bonne  taille  & dif- 
pofition.  Ces  filles.ainfi  enferrées  dans  ces  mo- 
nafteres cftoient  endoétrinées  par  les  Mama- 
comas  en  diuerfes  chofes  nccelfaires  pour  la 
vie  humaine , ôc  aux  couftumes  & ceremonies 
de  leurs  Dieux,  & par  apres  ils  les  tiroient  de 
là  eftahs  au  deifus  de  quatorze  ans  , ôc  les  en- 
iioy oient  en  la  cour  auec  bonne  garde,  vne 
paTtie  defqnelles  cftoient  députées, pour feruir 
aux  G uacas  & fan duaires  côferuans  perpétuel- 
lement leur  virginité,  vncpartiepourlesfacri- 
fices  ordinaires  qu’ils  faifoient  de  pucelles,  & 
autres  l3crificcs  extraordinaires  quifefaifoient 
pour  le  falut , la  mort, ou  les  guerres  de  l’ingua, 
ôc  vne  parue  mefme  pour  feruir  de  femmes 
ôc  de  concubines  à l’Ingiia , & à d’autres  fiens 
parens  ôc  Capitaines  aufquels  il  les  donnoit, 
qui  leur  çftoit  vne  grande  ôc  honorable  rc-  | 


DES  ÎND  ES.  LiV.  V.  2j4 

compenfe  : & cc  departement  fe  faifoit  par 
chacun  an.  Ces  monaftercs  auoient  & polîè- 
doient  en  propre  des  héritages  , rentes  & rc- 
uenus  pour  rentretien, nourriture  ôc  fuilenta- 
tion  de  ces  vierges  qui  fy  eftoient  en  grand 
nombre.  Il  n’eftoit  point  licite  à vn  pere  de 
faire  refus  de  bailler  les  filles  lors  que  TAppo- 
panaca  les  demandoit  pour  les  enferrer  & met- 
tre en  CCS  monafteres, voire  plufieurs  ofFroient 
leurs  filles  de  leur  bonne  volonté,  leurfeni- 
blant  que  c’eftoit  vn  grand  mérité  pour  elles 
d cftre'facrifiées  pour  l’Ingua.  Si  l’on  trou- 
uoit  que  quelques  vns  de  ces  Mamacomasou 
Acllascuftfailly  contre  fon  honneur , c’eftoit 
vnineuitable  chaftiment  de  les  enterrer  toutes 
viues, cm  de  les  faire  mourir  par  vn  autre  genre 
de  cruel  fiipplice.  Le  diable  a eu  mefrae  en  Me- 
xique fa  façon  & maniéré  de  religieufcs  9 encor 

que  leur  profefîîon  ne  fuft  de  plus  d’vn  an  entiet 
& eftoit  en  cefte  forte.  Au  dedans  de  cc  grad  cir- 
cuitquenous  auons<^it  cy  deftus  , qui  eftoit  au 
temple principal,ily.auoit  deux  maifbns  côme 
clauftrales  visa  vis  1 vnedel  autrc,l’vned’hom-  ' 
mes  ôc  l’autre  de  femmes.  En  celle  des  fem- 
mes il  y auoit  feulement  des  pucelles  de  dou- 
ze a treize  ans  5 lefquelles  ils  appelloicnt  les 
ülles  de  penitence.  Elles  eftoient  autant  corn- 
melcs  hommes,  viuoient  en  chafteté  & règle 
comme  pucelles  , dediées'au  feruicc  de  leur 
Dieu.L  exercice  quelles  auoient  eftoit  de  net- 
toyer Sc  ballier  le  temple  , Ôc  apprefter  cha- 
que matin  à manger  à Hdole  & à fès  miniftres 
delaumofne  querecueilloientles  religieux. 

Gg  ij 


Danitl  I4j 


Histoire  NATVREtiB 
La  viande  qu’ils  appreftoienc  à Tidolc  eftoic 
des  petits  pains  en  figure  demains  & depieds^ 
comme  du  maire- pain,  & appreftoient  aucccC 
paiiide  certaines  fiaiilccs  qu’ils  mettoient  cha- 
que iour  au  deuant  de  l’idole,  & fies  prcftreslc 
mangeoient  comme  ceux  de  Baal  , que  conte 
Daniel.  Ces  filles  auoient  les  cheueux  coupez, 

' 6c  les  laifibicnt  crdiftre  par  apres  iufqu’à  quel- 
que temps:elles  feleuoient  à minuiét  aux  mati- 
nes de  l’idole,  qu’ils  celebroient  tous  les  iours, 
faifans  les  mermes  exercices  que  les  religieux. 

Ils  auoient  leurs  Abbailtes  qui  les  occupoientà 
faire  des  toiles  de  diuerfes  façons  pour  l’orne- 
ment de  leurs  idoles  & des  temples.  Leur  habit 
ordinaire  eftoit  tout  blanc  fans  aucun  ouuragc 
nycouleur.Elles  faifoient  auffi  leurs  péniten- 
ces à minuidl:,  fe  facrifians  en  fc  blelfans  ellcs- 
mcrmes,5:re  perçans  le  bout  d’enhaut  des  orcil- 
les,&  mettans  en  leurs  ioües  le  fang  qu’elles  en 
tiroient,  & par  apres  fclauoient  pour  ofter  ce 
fang  en  vn  petit  cftang  qui  eftoit  dedans  leur 
monaflere.Eiles  viuoient  en  grande  honnefte- 
té  & diferetion  : & fil  fê  trouuoit  que  quclquV- 
ne  eutfailly  , quoyque  ce  fuftlegercment, in- 
continent elle  efioit  mife  à mort  fans  remif- 
fion,  difams  qu’elle  auoit  violé  la  maifon  de  leur 
Dieu.  Ils  tenoient  pourvu  augure  & aducrtilfc- 
mêt  que  quelqu Vn  de  ces  religieux  ou  religieu- 
fes  auoient  fait  faute  quand  ils  voyorent  palier  I 
quelque  rat  ou  fouris,  ou  chauuc  fourisenla  ; 
chappclledeleur  idole,ou  qu’ils  auoient  rongé  j 
quelques  voiles  : pour  ce  qu’ils  difoient  que  le  j 
rat  ou  chauue- fouris  ne  fefufi:  point  hazardé  à I 


Des  Indes.  L IV.  V.  235 
faircvncrcIJc  indignité, fl  quelque  délia:  n’euft 
précédé,  ôc  deflors  commençoientà  faire  inqui- 
fîtion  & recherche  du  fait, «puis  ayant  defeou- 
uert  le  délinquant  ou  délinquante,  de  quelque 
qualité  quil  fuft,incontinentle  faifoientmou- 
rir.  En  ce  monallere  n’eftoientreceües  que  les 
filles  de  Ivn  des  fix  quartiers  qui  eftoient  nom- 
mez pour  ccft  eftca,&duroit  celle  piofeffion, 
comme  ilaellédit,!  elpaced^vn  an  entier,  pen- 
dant lequel  leurs  peres  ou  elles  auoient  fait 
vœudeferuir  l’idole  en  celle  façon,  & de  là  el- 
les fortoient  pour  fe  marier.  Ces  pucelles  de 
Mexique, & encor  plus  celles  du  Peru, auoient 
quelque  rclfcmblance  aucc  les  vierges  Vella- 
de  Rome,  comme  racontent  les  hilloires, 
afin  que  l’on  entende  comme  le  diable  a eu  le 
defir  dellreferuyde  gens  qui  gardent  virgini- 
tejnonpas  que  la  nettéluy  agrée,  car  de  foy 
il  ellcfprit  immiinde,raais  pour  le  defir  qu’il  a 
d ofter  au  grand  Dieu  félon  Ibn  pouuoir,  celle 
gloire  de  feferuir  de  netteté  & intégrité- 

P es  monajleres  de  lieli^ieux  que  ledUhle  à mnente\ 
pour  Ufiiperflitien. 

Ch  AP.  XV  I. 

«’On  cognoill  alTez  par  les  lettres  des 
peres  de  nollre  compagnie  clcrites 
du  lappon  , le  nombre  &la  multi- 
tude des  Religieux  qu’il  y a en  ces 
proLiinces,  lefquels  ils  Rappellent  Boncos  , 6c 
nicfmc  leurs  coullumes,  fuperftition , & men- 
langes.  Qi^clques  peres  qui  ont  ellé  en  ces  pays 


Histoire  natv relie 
racontent  de  ces  boncos5& religieux  delà  Chi- 
ne,difans^qu’il  y en  a deplafieurs  ordres,  & de 
diuerfes  fortes, que  lesvns  les  vindrent  voir  ve- 
ftus  d Vn  habit  blanc,  portails  des  bonnets,  Ôc 
les  autreSjdVn  habit  noir,  fanscheueux  &c  fans 
^ boniier,&que  ces  religieux  ordinairement  font 
peu  eftiraez,  & les  Mandarins,ou  miniftresde 
iufticclcsfouettent  comme  ils  font  lcrefte  du 
pcuple.Ils  font  profeiîîonde  nepoint  manger 
de  chair  ,ny  depoiflbn , nyde  chofe  aucune  a- 
yant  vie  , ains  iculement  du  ris,  5c  des  herbes, 
mais  en  fecret  ils  mangent  de  tout,  5cfontpi- 
res  que  le  commun  peuple.  Ils  difentque  les 
religieux  qui  font  en  la  cour , qui  eft  en  Paquin, 
font  fort  cftimez.  Les  Mandarins  vont  ordi*^ 
nairement  fc  recreerauxNarelles,oumonafte- 
res  de  ces  moines  , & en  ritournent  prefquc 
toufiours  yures.Ces  raonafteres  font  ordinai- 
rement hors  des  villes,  5c  ont  dedans  leur  en-  | 
clos  des  Temples:  Toutesfois  ils  font  pcujeu-  | 
rieux  en  la  Chine  des  idoles  , ou  des  temples, 
car  les  Mandarins  font  peu  d’eftat  des  idoles,  , 
&les  tiennent  pour  vue  chofe  vainc,  5c  digne 
de  rifécjvoire  ne  croyent  pas  qu’il  y ait  autre 
vie  ny  autre  Paradis,  que  d’eftre  en  office  de 
Mandarin,  ny  d’autre  enfer,  que  les  prifons 
qu’ils  donnent  aux  delinquans.  Quant  au  vul- 
guairc,  ils  difent  qu’il  eft  ncccfrairc  de  l’entre- 
tenir par  l’idolatric,comme  mefmc  lePhilofo-  ; 
phe  l’cnfeigne  à fes  gouuerneurs.  Etaeftécii 
l’Efctiture  vne  exeufe, que  donna  Aaron, de  lido-  j 

ledu  veau  qu’il  auoitfaiâ:  faire. Neantmoins  les  j 

Æfcüd.iï.  Chinois  ont  accouftumé  de  porter  aux  pqup-  | 


DES  Indes.  Liv.V. 
p€sdcleurs  nauircs,ende  petites  chappelcsvne 
pucellc  en  bofTc  affife  en  fa  chaire  aucc  deux 
Chinois  au  dcuant  d'elle  agenouillez  en  façon 
d’Anges,  &y adelalumiereardentedc  iour  & 
de  nuic.Et  quand  ilsdoiuenc  faire  voile,  ils  luy 
font  plufîcurs  facrifices,  & ceremonieSjauec  vn 
grand  bruit  de  tambours,  & de  cloches,  ietrans 
des  papiers  bruflans  par  la  pouppe.  Venansdôc 
^uxReligieuxde  ne  fçache  point  que  au  Pcruil 
y ait  eu  mairon  ,proprcd  hommes  retirez  optre 
leurs  prcftres , Sc  forciers,dont  y en  a vne  infini- 
lé.Maisç’acftécnMexicquc  où  ilfemble,  que 
le  Diable  ait  mis  vne  propre  obferuance:  Car 
il  y aiioit  au  circuit  du  grand  temple  dcuxMo- 
naftêres, comme  iaydit  cy-dcflus,  l’vn  de  pu- 
celles,dcquoy  i’ay  traidé,  âc  l’autre  de  ieuncs 
hommes  reclus  de  dix-huid  à vingt  ans  , les- 
quels ils  appelloientReligieuxJls  portoient  vne 
couronne  en  la  tefte  comme  les  frcres  de  par 
deçà,  lescheucux  vn  peu  plus  longs,  qui  leujt 
tomboientj  iniques  à moytié  de  l’oreille,  excep- 
té que  au  derrière  de  la  telle  , ils  les  iailfoient 
croiftre  quatre  doigt  de  large  qui  leurdefcen- 
doient  fur  les  elpaulles,&  les  troulToient  &ac- 
commodoient  partrclTes.  Ces  ieunes  gens  qui 
feruoient  au  Temple  de  Vitzilipuztli,  viwoient 
çnpauurctc,5c  chafteté,  & faifoient  l’office  de 
Leuitcs,adminiftrans  aux  preftres,  Sc  dignitez 
du  Temple,  l’encenfoir,le  luminaire, & lesye- 
ftemens.  Ils  ballioyent  , Sc  nettoyoient  les 
lieux  facrez  apportans  du  bois  afin  qu’il  bruf- 
laft  rouliours,  au  bralîcr,  ou  fouyer  du  Dieu, 
qui  eftoit  corpmevne  lampe  qui  ardoit  conti? 

H 


Histoire  ^fATv relie 
nullement  deuant  l’aurel  de  l’idolç.  Outre  ces 
icunes  hommes  , il  y auoir  d autres  petits  gar- 
çons,qui  eftoient  comme  nouices,qui  feruoient 
auxehofes  manuelles,  comme  eftoie d'accom- 
moder le  Temple  de  rameaux,  rofes  , & ioncs, 
donner  l’caue  à lauer  aux  preftres,  bailler  les 
rafoirs  pour  facrifier  , & aller  aacc  ceux  qui 
demandoient  raufmone  pour  la  porter.  Tous 
ceux  cy  auoient  leurs  fupericurs,  qui  auoient 
la  charge  & le  commandement  fur  eux  j & vi- 
uoient  auec  vne  telle  honnefteté,  que  quand 
ils  forroient  en  public,  où  il  y auoit  des  femmes, 
ils  alloient  touhours  les  teftes  fort  baiirécs,  les 
yeux  en  tcrrc,lans  les  ofer  haulTer  pour  les  re- 
garderais auoient  pour  veftement  des  linceux 
de  red,5f  leur  eftoit  permis  de  fortyr  par  la  Ci- 
té quatre  à quatre,&hx  à hx  pour  aller  deman- 
der raurnolneaux  quartiers.  Et  quand  bonne 
leur  la  donnoit,  ils  auoient  licence  daller  aux 
grains  des  champs,&  cueillir  les  elpicsdc  pain, 
ou  grapetrcsdeMays,qinls  auoient  de  befoin, 
fans  que  le  maiftre  en  ofaft  parler,  nylesempe- 
feher. Ils  auoient  cefte  licence  pour  ce  qu’ils  vi- 
uoient  pauuremcnt,  ôc  n’auoicnt  autre  rcuenu 
que  l’aufinone.  Ils  ne  pouuoient  eftre  plus  de 
cinquantei& s'exerçoient  en  penitence,  ic  leuas 
à minuit  à Tonner  des  cornets  ôc  buccines,  pour 
çfueillcr  le  peuple.  Ils  faifoient  chacun  leur 
quart  à veiller  lidolc,  de  peur  que  le  feudede- 
uât  Tautd  ne  s’eftaignir.  Ils  adminiftroit  en  Tcn- 
cenfoir,auec  lequel  les  preftres  cnccnfoicnt  l’i- 
dole à minuit, au  matin,à  midy,  &au  foir.  Ils.c- 
ftoient  fort  fubiets  ôc  obeiflans  à IcuK  fupç- 


SES  INDIS.  L I V.  V. 
rieurs,  ôc  n outrepalToient  pas  dVn  point  ce 
qu’ils  leur  commandoient.  E t apres  qu  à minuit 
les  preftres  auoient  acheué  d’encenfer,  cenxcy 
s’en  alloient  en  vn  lieu  fecret  ôc  efearté,  & facri- 
fioient  fe  tirans  du  fang  des  mollets  auec  des 
pointes  dures  5c  aigues.Et  de  ce  fang  qu'ils  ti- 
roientainJfî  ils  s’en frottoyent  les  temples,  iuf* 
quesaudclTous  dclorille,  & ayans  acheué  ces 
facrifices  ils  s’en  alloient  incontinent  fe  lauer 
en  vn  petit  eftang,deftiné  à cet  effet.  Cçs  icuncs 
gens  ne  fe  oignoient  point  d’aucun  betum, parla 
telle  ny  par  le  corps,  comme  faifoient  les  pre? 
lires  , & leurs  vellemens  eftoient  d’vne  toile, 
qu’ils  font  là  fort  rude,&  blanche.  Cet  exerci- 
se & afpretc  des  penitpuces  leursduroit  vnaii 
entier, auquel  ils  viuoient  auec  beaucoup  d’au- 
lleriréj&defolitude.  C’efi:  à la  vérité  vne  cho- 
feefirange,quelafaulfe  opinion  de  religion,  a 
tant  de  force  à l’endroit  de  ces  ieunes  hommes 
^filles  de  Mexique, qu’ils  vont  feruans  le  dia- 
ble auec  tant  de  rigueur  ôc  d’aullerité  : ce  que 
plufieurs  de  nous  autres  ne  faifons  pas  au  ferui- 
cc  du  Très-haut  Dieu  , quieftvnc  grand’hontc 
&confulioqpour  ceux  d’entre  les  noftres  qui 
fe  glorifient:  d’auoir  fait  vn  bien  peu  de  péni- 
tence , combien  que  l’exercice  de  ces  McxiC'^ 
quains n’cR pas  perpétuel,  mais  d'vn  an  feule- 
ment,ce  qui  leur  eftoit  plus  tolcrable. 


Histoire  natvriii.e 


Vespnkences^O^âe  lUufierité dont  les  Indiens  ont  vJ?, 
À laperjhajion  du  Diahle*  ^ 

/ Chap.XVII. 

iVifquc  nous  fommes  venus  à ce 
point  il  fera  bonjtant  pour  dcfcou- 
I urir  le  maudit  orgueil  de  Satan,c5- 
confondre  , & rcfucillcr 
quelque  peu  noftrc  lafcheté&  froi- 
deur au  feruicc  du  grand  Dieu,  que  nous  difions 
quelque  chofe  des  rigueurs^  pénitences  eftran- 
ges,que  celle  mifcrable  gent  failbit  parla  perfua- 
^ non  du  diablc:comme  les  fauxProphetes  de  Ba- 
aljquifc  bleiroient,&  frappoient , auec  des  lan- 
cettes,& fe  tiroient  du  fang,  & comme  ceux  qui 
facrifioient  leurs  fils  & filles  au  fale  Belphegor, 
P/rf/.i®;.  ^ palToientpar  le  feu,  félon  que  tefmoignct 

4.Rc^.2i.^  les  diuincslettres.  Car  Satan  a toufiours  délire 
délire  feruy, au  grand  dommage,  &delpcns  des 
Jiommes.il  a elle  délia  dit,  comme  les  prcllrcs 
êc  religieux  de  Mexicqucjfeleuoicnt  à minuit, 
& ayans  encenfe  deuant  ridolc,commcdigni- 
tez  du  tcmple,ils  s’en  alloient  en  vn  lieu  alfez 
large  où  il  y auoit  beaucoup  de  cierges,  & là 
s’aireoient,  Sc  prenans  chacun  vnc  pointe  de 
manguey,qui  ell  comme  vnc  alcfne,ou  poinçon 
aigu, auec  lefquellcs  , ou  auec  autres  fortes  de 
lancettes,  ou  rafoirs,  ils  fcpeignoient  &per- 
coient  le  mollet  des  iambes,ioignant  ros,fe  tiras 
beaucoup  de  fang  auec  lequel  ils  sbignoientpar 
les  temples, demettoient  tremper  ces  pointeSjOU 


DES  Indes.  Liv.  V.  23g 

lancettes,  dedans  le  rcfte  du  fang,  puis  apres  les 
mettoient  aux  créneaux  de  la  cour  fichez  en 
des  globes,  ou  boulles  de  paille,!  fin  que  tous 
veiflent  & cogneudènt  la  penitence  qu’ils  fai- 
foientpour  le  peuple. Ils  Te  laucnt,&ncttoyent 
ceiàng,  en  vn  lac  député  pour  cet  effet,  qu'ils 
appellent  Ezapangué,  qui  efl:  à dire  eaüe  de  fangi 
Et  yauoit  au  Temple  vn  grand  nombre  de  ces 
pointes  & lancettes,par- ce  qu’ils  nepouuoient 
faire  fèruir  vne  deux  fois.  Outre  cela  ces  pre- 
ftres  religieux  faifoient  de  grands  ieufnes, 
comme  de  ieufner  cinq  ôc  dixiours  fLiyuants, 
deuant  quelqu’vne  de  leurs  grandes  feftes,  Ôc 
leur  eftoiet  ces  iours  comme  noz  quatre  temps: 
il  gardoient  il  eftroiéteraent  la  continence,  que 
quelques  vns  d’eux  pour  ne  tomber  en  quelque 
fcnrualité  , fèfendoient  les  membres  virilz  par 
le  milieu, & faifoient  mil  chofes,  pour  fc  rendre 
impuilîàns,afin  de  n’offenfer  point  leurs  Dieux, 
îls  ne  beuuoicnt  point  de  vin,  ôc  dormoiént 
fort  peu,  poureeque  la  plus  part  de  leurs  exer- 
cices eftoient  de  nuiét , & com mettoient  fur 
eux  mefines,  de  grandes  cniautcz,  femartyn.» 
ians  pour  le  Diable,  le  tout  afin  qu’ils  fuD 
fent  reputez  grands  ieufneurs  ôc  penitens. 
Ils  auoient  accouftumé  de  fe  difeipliner  auce 
des  cordes  , pleines  de  nœuds,&  non  pas  eux 
feulement,  mais  encore  le  peuple  faifoit  cefte 
macération  & fuftigation  , en  la  proceilîon  & 
fefte,  qu’ils  faifoient  à l’idole  Tezcalipuea, 
que  i’ay  dit  cy  deffus  eftre  le  Dieu  de  peni- 
fence.  Car  ,alors  ils  portoient  tous  à leurs 
mains  des  cordes  neufues  de  fil  de  mangney. 


Histoire  natv relie 
dVncbrairedelong,auec  vn  nœud  au  bout,  8c 
d’icclles  ils  fc  fu&gèoyciit  s’en  donnans  dé 
^ grands  coups  par  les  efpaulles.  Les  preftrcs 
ieiifnoycnt  cinq  iours  fuyuans , anant  cefte  fc- 
ftc  , mangeans  vue  feule  fois  le  iour , & fe  tc- 
noyent  feparez  de  leurs  femmes,  fans  fortirdu 
temple,  pendant  ces  cinq  iours  fe  foüettans  ri- 
goureufemcnt  auec  les  ordres  fufditres.  Les 
lettres  des  peres  de  la  compagnie  de  lefus, 
qu'ils  ont  efcrites  des  Indes,  rraittcnt  ample- 
ment des  pénitences  , & excelïiues  rigueurs^, 
dont  vfcnt  les  Boncos,  encor  que  le  tout  y ait 
cfté  fophiftiqué  , & qu’il  y ait  plus  d’apparan- 
ceque  de  vérité.  AuPeru  pour  folemnifer  la 
fefte  de  l’Yta,  qui  eftoit  grande,  tout  le  peuple 
icufnoitdeux  iours,  durant  lefquels  ils  ne  tou- 
choyent  point  à leurs  femmes,  ny  ne  man- 
gcoient  aucune  viande  auec  du  fel,  & d’ail,  ny 
ne  bcuuoient  point  de  Ghica.Ils  vfoient  beau- 
coup de  cefte  façon  de  ieufner,  pour  certains 
pechez,  & faifoyent  penitence  en  fe  foüettans 
aUeedes  orties  fort  afpres.  Et  tantoft  s’entre- 
frappansplufieurs  coups  par  les  efpaulesd’vne 
certaine  pierre  en  quelques  endroits.  Cefte 
gentaueuglée  par  laperfuafton  du  Diable,  le 
rranfportoiteiides  Sierres  ou  montagnes  fort 
afpres,  où  quelques  fois  ils  fe  fatrifioienreux 
mefmesjfcprecipiians  du  haut  en  bas  de  quel- 
que haut  rocher,qui  font  toutes  embufehes  & 
tromperies  deceluyqui  nedeftrericn  tant,  que 
le  dommage  8c  perdition  des  hommes. 


I 


1 


î)  1 s I NDES.  Lit.  V. 


1^0 


i^esjkcrtjices  qi^e  les  Jndiensfaîfoient  A»  duUe^  dé 
truelles  chofes. 


Ch  AP.  XVIII. 


•gteM^^’Acftécn  l’abondance  & diucrfiré 
d’offrandes  & facrifices,  enfeignez 
infidelles  pour  leur  idolâtrie, 
que  Tcnnemy  de  Dieu  & des  bora« 
mes  apliisdcmonffré  Ton  aftucc  & 
{àmerchancerc.Etcomme  c‘cft  vnechofecon- 
uenablc,&  propre  de  la  religion,de  confommer 
la  iubftance  des  créatures,  au  feruicc  & à 1 lion- 
lieur,  du  Créateur, qui  cft  le  facrifice:  ainfi  le  pè- 
re de  menfonge  a inuenté  de  fe  faire  offrir  & fà- 
crifier,les  créatures  de  Dieu,  comme  à rautheur 
& feigneur  d’iccllcs.Le  premier  genre  dcfàcrifi- 
ccs,duquel  les  hommes  ont  vfé,  a eftéfort^  fim- 
ple.Car  Cain  offrit  des  fruits  delà  tejrre,  & Abel 
du  meilleur  de  fon  beftail,ce  que  firent  auffî  de- 
puis Noe,  Abrahpam , & les  autres  Patriarches, 
iufques  à ce  que  cefl:  ample  cérémonial  dû  Lcui- 
tique,ait  cfté  donné  par  Moyfe, auquel  il  y a tant 
de  fortes  & différences  de  facrifices,  pour  diuers 
aftaireSjdediueiTes  chofcSj&auec  diuerfes  ccrc- 
raonies.Dc  la  mefme  façon  il  feff  contenté,  en^ 
tre  quelques  nations  de  leur  cnfeigner,qu’ils  luy 
facrifialîent  de  cequ’ils  auoiét:mais  enuers  d’au- 
tres il  a paffe  fi  outre,en  leur  donnant  vne  mul- 
titude de  couftumeSj&de  ceremonies,fur  les  fà- 
Grifîces,&  tantd’obferuanccs,  quelles  fontef- 
merudllables.  Et  femble  clairement, que  par  là  ü 


Histoire  natvrelli 
vucille  débattre,  & s’efgallcràlaloy  ancienne, 
6c  en  beaucoup  de  chofes  vfurper  Tes  propres 
ceremonies.Nous  pouuons  réduire  en  trois  gé- 
rés de  facrifices  tous  ceux  dont  vfent  les  infidel- 
Ics  , les  vnes  des  chofes  infenfibles,  les  autres 
d’animaux , & les  autres  d’hommes.lls  auoycnt 
accouftume  au  Peru  de  facrifier  du  Coca,  qui 
eft  vne  herbe  qu’ils  cftiment  beaucoup,  & du 
mays,quieft  leur  blcd,des  plumes  de  couleurs, 
& du  Chaquira  , qu’ils  appellent  autrement 
Mollo,des  couches  ou  huiftres  de  mer,& quel- 
ques fois  de  l’or  & de  l’argentj  qui  eftoit  aucu- 
nes fois  en  figures  de  petits  animaux.  Mefme  de 
la  fine  eftophe  de  Cumbi , du  bois  taillé,&  o- 
doriferanc,  ôc  le  plus'  ordinairement  du  fuif 
bruflé.Ils  faifoient  ces  offrandes  ou  facrifices, 
pour  obtenir  des  vents  propices,  6c  vn  bon 
temps.ou  pour  lafanté  6c  deliurance  de  quel- 
ques dangers, ou  malheurs.  Au  fécond  genre, 
leur  ordinaire  facrifice  eftoit  de  Cuyes  , qui 
font  de  petits  animaux,  comme  petits  connils, 
que  les  Indiens  mangent  ordinairement.  Et  en 
chofes  d’importance , ou  quand  c’eftoyent 
quelques  pcrfoimes  riches  , ils  ofFroyent  des 
Pacos,  ou  moutons  du  pays,  ras  ouvellus, & 
prenoyent  garde  fort  curieufement , au  nom- 
bre,aux  couleurs,5<  au  temps.  La  façon  de  tuer 
quelconque  vidtime  , grande  ou  petite,  dont 
vfoient  les  Indiens  félon  leurs  ceremonies  an- 
ciennes.ellla  mefme  de  laquelle  vfent  auiour- 
d’huy  les  Mores,qu  ils  appellent  Alquiblé,qui 
eft  de  prendre  la  befte  fur  le  bras  droit,  & luy 
purner  les  yeux  vers  le  Soleil,  difant  certaines 


-1 


Dis  Ind'is^Liv.  V,  240 
paroles,  félon  la  qualité  de  la  vidime  que  f on 
tue.  Car  fi  elkcftoitdc  couleur,  les  paroles 
faddrciroienrauCliuquilla,&  Tonnerre,  afin 
qu’ilny  euftdifcrte  d’eaux;fi  elle  cftoit  blan- 
che & raie, ils  1 ofïroient  au  Soleil  auec  ecrtai- 
nesparoles,  fi  elle  eftoit  velue,  ils  l’ofFroycnt 
auflî  auec  d’autres,  afin  qu’il  donnaft  fa  luinic- 
re,&fuft  propice  à la  génération  :Jïc  eftoitvii 
Guanaco,  qui  eft  de  couleur  grife  , ilsaddref- 
foy cnr le facrifice au V iracocha.  Au Cufco Ion 
tuoic  &lacrifioit  chacun  an  , auec  ccfte  cerc- 
monie,vn  mouton  ras  au  Soleil, & le  brufioyent 
vcftu  dVne  chcmifolle  rouge  , & lors'  qu’il 
brufloit,ilsiettoycn  taufeu  certains  petits  pan- 
niersdcCoca  , quilsappelloient  Vilcaronca, 
pour  lequel  facrifice  ils  auoient^es  hommes 
députez  ôc  du  beftail  , qui  ne  feruoit  à autre 
chole.Ils  lacrifioyent  mefinc  des  petits  oifeaux, 
encor  que  cela  ne  fuft  pas  fi  frequent  au  Peru, 
comme  en  Mexique,  où  le  facrifice  des  cailles 
cftoit  fort  ordinaire.  Ceux  du  Peru  facrifioient 
des  oifeauxdela  Puna,  ( ainfi  appellent  ils  le 
defert  ) quand  ils  déuoyent  aller  à la  guerre 
pourfairediminuer  les  forces  des  Guacas  de 
leurs  contraires.  Ils  appelloyent  ces.  laerificês 
Cuzcouicça , ou  Conteuieça,  ou  Huallaiiicça, 
ouSopauieça,  ôc  le  faifoyent  en  ccfte  forme. 
Ilsprenoient  pliifieurs  fortes  de  petits  oifeaux 
du  defert,  & afiembloient  beaucoup  d’vn  bois 
efpincux,qu’ils  appellent  Yanlli,  Icqpel  eftanc 
allumé,aflèmbloyenr  ces  petits  oifeaux.  Cetaf- 
fcmblemcnteftoitappellé  Quico,  puis  les  ier- 
tmentau  feu,  autour  duquel  alloycm  les  oÿ- 


Histoire  NÂTVREitE 
ciers  du  (acnficc  , àuec  certaines  pierres  ron- 
des & cottellces , ou  eftoient  peintes  plufîeurâ 
couleuureSjlionSjCrapaux,  & tigres,  proferans 
GemotVfachiim,  qui  fignifiekvidoire  nous 
foitdonnée,&  autres  paroles.  Enquoÿ  ils  di- 
(oyent  que  les  forces  de  Guacas  de  leurs  enne- 
mis fc  perdoienc  , & tiroyent  certains  mou- 

tons noirs  , qui  eftoyent  en  prifon  quelques 
iours  fans  manger  , lefquels  ils  appelloient 
Vrca,&  en  les  tuans,difoyent  ces  paroles,  com- 
me les  cœurs  de  ces  animaux  lontafFoiblis, 
ainfi  foyent  affoiblis  nos  contraires  : que  fils 
Voyoienrt  en  ces  moutons, quVne  certaine  chair  ■ 
qui  eftoit  derrierre  le  coeur,ne  fe  fuft  point  con-  i 
iommée  par  les  ieufnes  & prifons  palTees,  ils  les 
tenoyent  pour  vn  mauuais  augure,  ils  ame-  i 
noyent  certains  chiens  noirs  , qu’ils  appel-  | 
loient  Appuro$,5destuoient  , les  iettans  en  | 
Vnc  pleine  auec  certaines  ceremonies,  faifans 
manger  celle  chair  à quelques  fortes  d hom-  | 
mes,  lefquels facrifices ils faifoyent , de  peur 
queflngua  nefuftofFenféauecdu  poifon  , & 

pour  cet  effet  ils  icufnoycnt  depuis  le  matin 
iufques  au  leuer  des  eftoilles  . Sc  lors  ils  fe 
faoulloyent  ôc  fe  honnilToyent  à la  façon  des  ^ 
Mores.  Ce  facrifice  leur  eftoit  le  plus  conue- 
nable,  pour  foppofer  aux  Dieux  de  leurs  con- 
traires, & combien  quepourlciourd’huy  vnc 
grand’  partie  de  ces  couftumes  ayent  cclféjlcs  j 
guerres  ayans  prins  fin,  toutesfois  il  en  cft  de-  ! 
meuré  encor  quelques  reftes,  pour  l’occafiort 
des  difputcs  particulières  ou  communes  des 
Indiens,  ou  des  Caciques,  ou  d’entre  les  villes, 

/ llî 


DES  Indes.  Lit.  V.  241 
Ils  fàcrîfîoycnt  Ôc  ofFroyent  auffi  des  conches 
de  la  mcr,qu’ils  appellent  Mollo  , &les  ofFroict 
aux  fontaines  ôc  fources  , dilàns  que  les  cou- 
ches eftôiéc  filles  delà  mer,  mere  de  toutes  les 
eaux.  Ils  donnent  à CCS  conches  des  noms  dif- 
fercnsj  félon  la  couleur  , &fenferuent  aufîîà 
diuerfes  fins.  Ils  en  vfent  prefque  en  toutes 
fortes  de  facrifices , ôc  encor  auiourd  huy  quel- 
ques vns  mettent  des  conches  pillees  dedans’ 
leur  Chica  , par  fuperftition.  Finalement  il 
leur  fembloit  conuenable  d offrir  facrifices  de 
tout  ce  qu’ils  feraoyent&  efleuoient.il  y auoit 
des  Indiens  députez  pour  faire  ces  facrifices, 
aux  fontaines,  fources  ôc  ruiffeaux , quipafîôiêt 
par  les  villes , ou  par  leurs  Chacras  , qui  font 
leurs  meftairies , ôc  les  faifoyent , apres  auoir 
acheuc  leurs  femailles  , afin  qu’ils  ne  ceflaffent 
de  courir,  ôc  qu’ils  arroufaflent  toufiours'  leurs 
héritages.  Les  forciers  ietroyent  leur  fort  pour 
cognoiftrele  temps  auquel  les  facrifices  fe  de- 
uoyent faire, lefqnelseftanîf  achetiez,  l’on  af- 
fembloit  de  la  contribution  du  peuple , ce  que 
l’ondeiioicfacrifier,  Ôc  les  bailloit^oi/à  ceux 
qui  auoyent  la  charge  de  faire  ces  facrifices.  Ils 
les  faifoyent  au  commencement  de  fHyucr, 
qui  eftlors  que  les  fontaines,  fources,  ôc  riuic- 
res  croiffentpour  fhumidité  du  temps,  Sc  eux 
Fattribuoyent  à leurs  facrifices.  Ils  ne  facri- 
fioyent  point  aux  fontaines  Ôc  fources  des  de- 
ferts.Auiourd’huy  demeure  encor  entre  eux  le 
refpedt qu’ils  auoyent  aux  fontaines,  fources, 
cftangs,ruiflèaux,ouriuieres,  quipaffentpar  les 
villes, & Chacras, mefuesaufli  aux  fontaines  ôc 

Hh 


HtSTOIr’ê  N ATVRELLE 
rinieres  des  defers.  Ils  font  particulière  reuc- 
rence  & vénération  à la  rencontre  de  deux  ri- 
uieres,&làfe  lauent  pour  lafanré  , f'oignanç 
premièrement  aucc  de  la  farine  de  mays  , ou 
auec  autres  chofes,  en  y adiouftant  diuerfes  ce- 
remonies,ce  qu’ils  font  mefmc  en  leurs  baings. 

Dei ficrijîcei  d'hommes  qtitlsfaifèjient. 

Ch  AP.  XIX. 

A plus  pitoyable  mefauanture  de  ce 
pauurc  peuple , cft  le  valfcllage  qu’ils 
payoient  au  diable,  luy  facrifiant  des  i 
hommcs,qui  font  les  images  deDieu, 

& ont  efté  creez  pour  iouyr  de  Dieu.  En  beau-  i 
coup  de  nations  ' ils  auoyent  accouftumé  de 
tuer,  pour  accompagner  les  deffundts,  comme 
aeftédit  cy  delTus  , les  perfonnes  qui 'leur  c- 
Ifoycnt  les  plus  aggreablcs , & de  qui  ils  imagi- 
noyent  qu’ils  fe  pourroyent  mieux  fernir  en 
l’autre  monde.  Outre  cefte  occafion  , ils  a- 
uoyent  accouftumé  au  Peru  , de  facrifier  des 
enfans  de  quatre  ou  fix  ans , iufques  à dix , & la 
plus  part  de  ces  facrificcs , eftoient  pour  les  af- 
faires qui  importoyent  àringua,commc  en  Tes 
maladies  , pour  luy  enuoyer  fanté  , raefme 
quand  il  alloit  en  guerre,  pour  la  vi(ftoire  , & 
quand  ils  donnoyent  au  nouueau  Ingua  , le 
bourrellet,quieftl’en(eigne  du  Roy  , comme 
font  icy  le  feeptre  &la  couronne.  En  cefte  fo-  I 
Icnmité , ils  facrifioyent  le  nombre  de  deux  | 
cens  enfans  de  quatre  à dix  ans , qui  cftoit  vn  | 


DES  Indes.  V.  Liv.  242 

cruel  Sc  inhuma^in  fpedacle.  La  façon  de  les  fa- 
crifier  eftoitdeles  noyer  & enterrer  auec  cer- 
taines reprefentations  & ceremonies , tantoil 
ils  leur  couppoyent  la  telle  , & f'oignoyenc 
auec  leur  fang , d’vnc  oreille  en  l’autre.  Ils  fa- 
crifioyentmefmedcsfîlles,du  nombre  de  cel- 
les qu’on  amenoit  à l’fngua  , des  monafteres 
donti’ay  traitté  cy  deffüs.  Il  y auoiten  ce  cas 
vn  abus  fort  grand  ôc  fort  general  , qui  eftoit 
que  fi  quelque  Indien  qualifié , ou  du  vulgaire, 
eftoit  malade , &le  deuin  luy  diloit  que  pour 
certain  il  deuoit  mourir , ils  facrifioyent  au  So- 
leil, ou  au  Viracocha,  Ion  fils,  le  prians  de  le 
contenter  d’iccluy  , ^ & qu’il  ne  vouluft  ofter 
la  vie  au  pere.  Oeft  vne  femblable  cruauté  à 
celle  que  rapporte  l’Efcriture  , dont  via  le 
Roy  de  Moab , en  facrifiant  Ibn  fils  premier  ne  ' 
fur  la  muraille,  àla  veue  de  ceux  d’Ifrael,  auf- 
quels  cet  aéle  lèmbla  fi  trille,  qu’ils  ne  voulu- 
rent pas  le  preflerd’auantage  , & ainfi  ftèn  re- 
tournèrent en  leurs  maifons.  L’Eferiture  ra-  -r 
conte  aufti  le  mefme  genre  de  facrifice  auoir  ] 
elle  en  vlàge  , entre  les  nations  barbares  des 
Cananeans  & lebufeans  , les  autres  dont 
cCcmle\mi:e  de  Sapience.  Ils  appellent  paix  de  vi^  ^ 

ure  en  jî grands  rnnux^  ♦ comme  de  facrifier 

leurs  propres  fils , ou  défaire  dUutresfitcnfices  cache7y 
ou  de  veiller  toute  U nmflfaifans  aBesdefiols,  ^ ainfi 
ils  ne  gardent  point  netteté  en  leur  vie , ny  en  leurs  ma- 
riages^ais  Ivnpar  enuie  ofie  la  vie  à l’autre  , l'autre 
luy  oHe fa  femme  CT  fin  contentement,  CT  tout y efi  en 
confrfionde fang  J' homicide,  le  larcin,  la  tromperie 
U çorruptmfi  infidélité  des feditms,  les  panure  mets  Us 

Hh  ij 


JP  fa!.  10  5. 


Histoire  natvreliê 
mutujenesJ,  oubliace  de  JDieuJa  cotammation  desdmes^ 
le  changement  defexe^i^ denatjfance/mconjlancedes 
mariages, le  defordre  de l’ adultéré, çy-  ordure.  Carbide- 
latrie  cjl  vn  ahifme  de  tom  maux.  Le  {a^e  dit  cela  de 
ces  peuples,  defqiiels  Dauidfeplainr,  que  ceux 
d’Ifraelapprindrent  telles  couftumes  , iufques 
à facrifier  leurs  fils  &:  filles  au  diable.  Ce  queia- 
mais  Dieu  n’a  voulu,  & neluy  a point  efté  ag- 
greable.Car  comme  il  a efté  aurheur  de  la  vic,& 
qu’il  a fait  toutes  ces  autres  chofes  pour  la  com- 
modité de  l’homme,  il  ne  fcplaift  point  que  les 
hommes  Foftent  la  vie  les  vns  aux  autres.  Bien 
que  le  Seigneur  ait  approuué  acceptéla  vo- 
lonté du  fidelle  Patriarche  Abraham,  il  ne  con- 
fentit  pas  pourtant  au  fait,  qniefioitde  couper 
la  telle  à Ton  fils.  Enqiioy  l’onvoitla  malice  & 
tyrannie  du  diable, qui  a voulu  en  cela  furpalîèr 
Dieu,prenant  plaifir  d’eftre  adoré  auec  efFufion 
de  fang  humain , &procurantpar  ce  moyen  la 
perdition  des  aines  & des  corps  enfemblc,  pour 
la  haine  enragée  qu’il  porte  à l’homme,comme 
fon  cruel  aduerfaire. 


Des  horrih^es facrijices  d'hommes,  dont  vfyent  les 
MexiquamSé 


Chap.  XX. 


AçoitqueceuxduPcru  ayentfur- 
palïe  ceux  de  Mexique  en  l’occifio 
ôc  facrifice  de  leurs  enfans , ( car  ic 
n’ay  point  leu  ny  entendu , que  les 
Mexiquains  vralPent  de  tels  facrifi- 


DES  Indes.  L IV.  V,  243 

ccs)coutesfoisceiix  de  Mexique  les  ont  furpaf- 
fez, voire  routes  les  nations  du  mondcjau  grand 
nombre  d’hommes  qu’ils  racrifioient , en  la 
façon  horrible  qu’ils  le  faifoient.Er  afin  que  l’on 
voyele  grand  malheur  enquoy  le  diable  tenoic 
ce  peuple  aucuglé,ic  raconteray  par  le  menu  IV- 
fage  & façon  inhumaine  qufils  auoient  en  cela. 
Prctnieremenc  les  hommes  qu’ils  facrifioyent, 
eftoyentprinsen  guerre.  Et  ne  faifoienc  point 
ces  folemnels  faetifices,  fi  ce  n’ciloit  de  cap- 
tifs, de  forte  qiiil  fi:mble  qu’en  cela  ils  ont 
fuyuile  ftile  des  anciens.  Car  félon  que  veu- 
lent dire  certains  Autheurs , pour  celle  occa- 
fion  ils  appelioyent  le  facrifîce  viEiimA,  d au- 
tant que  c’cfioit  de  chofe  vaincue  : comme 
mefme  ils  happelioyent  hofim cjmfi hofic , pour 
ce  que  c’eftoit  vne  offrande  faite  de  leurs  en- 
nemis , côbien  que  l’on  ait  accommodé  ce  mot 
à toutes  fortes  de  facrifices.  A la  vérité  les  Me- 
xiquains  ne  facrifioyent  point  à leurs  idoles 
queleurs  captifs  , & n’eftoyent  les  ordinaires 
guerres  qu’ils  faifoyent , que  pour  auoir  des 
captifs  pour  les  facrifices.  C’eft  pourquoy 
quand  Ip  vns  & les  autres  fe  battoyent  , ils 
tafchoycntdc  prendre  vifs  leurs  contraires,  & 
de  ne  les  tuer  point,  pourioliyr  de  leurs  facri- 
fices. Etceftefurlaraifon  que  donna  Motccu- 
ma  au  Marquis  du  V al , quand  il  luy  demanda, 
pourquoy  eftant  fi  puifianr , & ayanr  conquefié 
tant  de  Royaumes  ,il  n’auoit  pas  fubiugué  la 
prouincedeTla{calla,quiefi:oitfiproche,Mo- 
tçcumarefponditàcela,  que  pour  deux  cauRs, 
Hh  jij 


Histoire  natvrelle 
iln’auoitpas  conqucfté  ccftcprouincc,  com- 
bien qu’il  luyeuft  eftc  fi  facile  fil  l’euft  voulu 
entreprendre  : l’vne  pour  auoir  enquoy  exer- 
cer laieuncfie  Mexiquaine,  depeur  qu’elle  ne 
fè  nourrift  en  oifiuetc  ôc  delicatefie  : l’autre 
& principale,  qu’il  auoit  referué  celle  prouin- 
ce, pour  auoir  d’où  tirer  des  captifs  pourfacri- 
fier  à leurs  Dieux.  La  façon  dont  ils  vfoient  en 
ces  facrificcs  cftoit  qu’ils  alTembloient  en  celle 
pallilïàde  de  telles  de  morts,  quia  cllé  ditte  cy 
deffus,  ceux  qui deuoientellrefacrifiez,  ôc  fai- 
foitronaueceuxaupiedde  celle  pallilîade  vne  i 
ceremonie,  qui elloit qu’ils  les  mettoienttous 
arrangez  au  pied  de  celle  pallilTàdc  auec  beau-  * ^ 

coup  d’hommes  de  garde  qui  les  entouroient. 
Incontinent  fortoitvn  prellre  vellu  dVne  au- 
be courte /pleine  de  flocquons  ou  houpettes 
par  le  bas  , ôc  defeendoit  du  haut  du  temple 
auec  vne  idole  faide  de  pâlie  de  bled  ôc  mays 
amalTé  auec  du  miel  , qui  auoit  les  yeux  de 
grains  de  voirre  vert  , ôc  les  dens  de  grains  de 
maysi,  6c  defeendoit  auec  toute  la  viftelTc  qu’il 
poLiupit  les  degrez  du  temple  en  bas  : demon- 
toit  par  delîiîs  vne  grande  pierre  qui  elloit  fi- 
chée en  vne  fort  haute  terralfe  au  milieu  de  la 
cour.  Celle  pierre  fappelloit  Quauxicalli,  qui 
veut  dire  la  pierre  de  l’Aigle  , ôc  y montoit  le 
prellre  par  vn  petit  efcallicr  qui  elloit  au  dé- 
liant de  la  terralfe,  6c  defeendoit  par  vn  autre  | 
qui  elloit  en  fautre  collé,  toufiours  embralïànt  1 
fon  idole.  Puis  môtoit au  lieu  où  elloicnt  ceux 
quel'ondeuoit  facrifier  , 6c  depuis  vn  bout 
iufqiics  à l’aqtre  alloit  monllrant  celle  idole  à 


DES  Indes.  Lîv.  V.  144 
vn  chacun  d’eux  en  particulicrjeur  difant , Ce- 
ftuyeft  vofti-e  Dieu.  Et  en  acheuant  de  mon- 
ftrer  defeendoie  par  l’autie  cofté  des  degrez, 
& tous  ceux  qui  deuoient  mourir  fen  alloienc 
en  procdïïon  iufques  au  lieu  où  ils  deuoient 
cftre  facrifiez  , & là  trouuoient  appreftez  les 
miniftres  qui  les  deuoient  facrifier.  La  façon 
ordinaire  de  facrifier  eftoit  d’ouurir  leftomac 
à celuy  qu’ils  facrifioient,  apres  luy  auoir  tiré 
le  cœur  encor  à demy  vif,  ils  iéttoienc  Ihom- 
me  & le  faifoient  rouler  par  les  degrez  du  tem- 
ple , lefqiicls  eftoient  tous  baignez  & fouillez 
de  ce  fang.Et  à fin  de  le  faire  entendre  plus  par- 
ticulièrement, fix  Sacrificateurs  conftituez  en 
cefte  dignité/ortoient  au  lieu  du  facrifice  , qua- 
tre pour  tenir  les  mains  & les  pieds  de  celuy 
qued’on  deqoit  facrifier  : l’autre  pour  tenir  la 
tefie,&l’autfeponrouurir  l’eftomach  , ôc  tirer 
le  cœur  du  facrifié.  Ils  appelloient  ceux-là  Clia- 
chalmua,  qui  en  noftrc  langage  vaut  autant  que 
miniftrede  chofcfacréc.  C'eftoit  vue  dignité 
fuprefme  & beaucoup  cftirace  entr’eux , où  foii 
heritoit  Ôc  fuccedoit  comme  en  vne  chofe  de 
mayorafqueoufief.  Leminiftrequi  auoit  l’of- 
fice de  tuer , qui  eftoit  le  fixiefme  d’icciix , eftoit 
cftimé&  honoré  comme  fouiicrain  preftre  Sc 
Pontife,  le  nom  duquel  eftoit  different,  félon 
la  différence  des  temps  & fqlcmnitez.  Toutde 
mefme  eftoient  leurs  habits  differens  quand 
iisfortoientà  excercer  leur  office  , félon  la  di- 
uerfité  de  temps.  Le  nom  de  leur  dignité  eftoit 
Papa  ôc  Topilzin , leur  habit  & robe  eftoit  vne 
courtine  rouge  en  façon  de  Dalmatique  auec 
H h iiij 


H I ST  O I RE  N A TV  R E IL E 
des  hoüpes  au  bas , vue  couronne  de  riches 
plumes  verdes , blanches  ôc  iaulnes  fur  la  te- 
Ite,  & aux  oreilles  comme  des  pcndans  d or, 
aufquels  y auoit  des  pierres  vertes  cnchalTées, 
êc  au  deiïbubs  de  la  leure  ioignanc  le  milieu 
de  la  barbe  auoit  vne  picce  comme  vn  petit 
canon  dVnc  pierre  azurée.  Ces  (ix  facrifica- 
teurs  venoient  les  vifages  ôc  les  mains  ointes 
d'vn  noir  fort  luifant.  Les  cinq  autres  auoienc 
vne  cheuelure  fort  crefpuc  ôc  entortillée  auec 
des  liiets  de  cuir  , deiquels  ils  font  ceints  par 
le  milieu  de  la  telle  5 &portansau  front  de  pe- 
tites rondelles  de  papier  peintes  de  diuerfcs 
couleurs,  ôc  elloientvellusd  vneDalmatique 
blanche  ouuree  de  noir.  Ils  reprelèntoicnt 
aueccell  ornement , la  mefme  figure  du  dia- 
ble: de  forte  que  cela  donnoit  crainte  & tre-r 
meur  a tout  le  peuple  de  les  voir  fortir  auec 
vne  fi  horrible  reprelèntation.  Le  louuerain 
preftre  portoit  en  la  main  vn  grand  coufteau 
d vn  caillou  fort  large  ôc  aigu , vn  autre  prcltre 
portoit  vn  collier  de  bois,  ouuré  en  façon  d’v- 
necouleuure,  Tousfixfe  mettoienten  ordre 
joignant  celle  pierre  pyramidalle,  de  laquelle 
i ay  parlé  cy  deuant , ellant  vis  à vis  de  la  por- 
te de  la  chappelle  de  Fidole.  Celle  pierre  elloit 
fi  pointue,  quebhomme  qui  deuoitellre  facri- 
fié,  ellant  couckédelTusàiarenuerfe,feplyoit 
de  telle  façon  qu’en  luy  laifiant  feulement  tom- 
ber le  coufleau  fur  l’efiomach , fort  facilement 
il  fouuroit  par  le  milieu.  Apres  que  ces  facrifi- 
cateurs  elloient  mis  en  ordre.  Ion  droit  tous 
ceux  qui  auoient  cllé  prins  és  guerres,  lelqueis 


desInd  ES.  Liy.  V.  ±At 

dcuoicntcftrefacrifiez  encèftefeftc.  Eteftans 
fort  accompagnez  d'hommes  pour  la  garde  ôc 
tousnudsj  Ion  les  faifoic  monter  de  ran^  ces 
larges  degrez  au  lieu  où  choient  appareillez 
les  mmiftres  : & comme  chacun  d'yeux  venoit 
en  Ton  ordre,  les  fix  Sacrificateurs  le  prenoient 
1 vn  par  vn  pied,  l'autre  par  vn  autre  : IVn  par 
vnemain,  & l’autrepar  l'autre,  & le  iettoient 
à la  renucrle  fur  celle  pierre  pointue  , où  le 
cmquiermcdeces  miniftres  luy  mettoitlc  col- 
lier  de  bois  au  col,  & le  grand  prehre  luy  ou- 
uroitl'eltomachauec  le  coufteaud'vne  efiran 
ge  promptitude  & Icgercté , luy  arrachant  le 
cœur  auec  les  mains  , 3c  le  monftroit  ainli  fu- 
mant au  Soleil,  à qui  il  ofFroit  celle  chaleur  & 
fumce  de  cœur , & incontinent  fe  tournoit 
verslidole.&luytettoitau  vilage,  puis  ils iet. 
toient  le  corps  du  facrilîé  , le  roulant  par  les 
degrezdu  temple fortfacilement,  pour ceque 

la  pierre  eftoit  mifefi  proche  des  dearez  qu’il 

n’y  auoit  pas  deux  pieds  d’efpace  entrfla  pierre 
& le  premier  degré  : de  forte  que  d’vu  feul  coup 
de  pied  ils  iettoient  les  corps  du  haut  en  bas. 

De  celle  façon  ils  facrifioient  vn  à vn  tons 
ceux  qui  y clloicnt  deftinez , & apres  qu’ils 
elloient  morts , & que  l’on  auoit  ietté  les  corps 
en  bas,  leurs  maillres  ou  ceux  quiles  auoient 
prinsles  alloicnt  relcuer,  &lcs  emportoient, 
puis  apres  les  ayans  départis  entre  eux  ils  les 
mangeoient  celebrans  leur  fcfte&  folemnité. 

Il  yauoittoufiourspourlemoinsqiiarante  où 

cinquante  de  ces  facrificz,pource  qu’il  y auoit 
deshommes  tore  adroitsàles.prendre.Les  na- 


Histoire  natvrelle 
dons  circonuoifines  en  faifoient  autat , imitans 
les  Mexiejuains  en  leurs  couftumes  & ceremo- 
nies fur  le  feruice  des  Dieux, 

Dvne  antre Jèrte  de facr^ces  d'hommes  ^d^ntvjôient  la 
Mexn^iutrss. 

Ch  AP.  XXL 

L y auoit  vue  autre  forte  de  fàcrificcs 
P qu  ils  faifoient  en  diuerfes  fcftes,lef- 
^^‘‘quelsilsappelloiêt  Racaxipe  V eliz-  ^ 
W:  tli,qui  eft  autant  qu'efcorchemêt  de  | 
perfonnes.L’on  1 appelle  ainfi,pourcequ  en  cer-  ^ 
taines  feftes  ils  prenoient  vn  pu  plufieurs  efcla-  i 
ues, félon  le  nombre  qu  ils  vouloiêt,  & apres  l’a-  | 
uoir  elcorché  en  reueftoient  de  la  peau  vn  | 

homme  qui  cftoit  député  à ccft  eflfe6t.  Ceftuy-  i 

là  f en  alloit  par  toutes  les  maifons  & marchez  I 
de  la  Cité , dançant  & ballant , & luy  deuoienc-  i 
tous  offi-ir  quelque  chofe  , & fi  quelqu  vn  ne 
luy  ofFroit  rien  j il  le  frappoit  d’vn  coing  de  la 
peau  au  vifage , le  fouillant  de  ce  fang  fige  qui 
y eftoic.  Celle  inuention  duroit  iufqucs  à ce 
que  le  cuir  fecorrompift,  pendant  lequel  temps 
ceux  qui  alloicnt  ainfi  allembloient  beaucoup  j 
d’aumolnes  qu’ils  employent  aux  chofes  nc- 
celTaires  pour  le  feruice  de  leurs  Dieux.  En 
beaucoup  de  ces  feftes  ils  faifoient  yn  deffy 
entre ccluy  qui  facrifioit,  & ccluy  qui  deuoic 
eftre  facrifié , en  celle  forme.  Ils  attachoient 
l’efclaiie  par  vn  pied  à vne  grande  roue  de  pier^ 


DES  Indes.  Liv.  V.  24^ 

rc  , & luy  bailloien  t vne  efpée  & vue  rondel- 
le aux  mains  afin  qii  il  fe  defFendift  : Sc  fortoit 
incontinent  celuy  qui  le  deuoit  faenfier  armé 
d vne  autre  efpée  & rondelle  : que  fi.  celuy  qui 
deuoit  eftre  facrifie  fe  defFendoit  vaillamment 
contre  1 autre  J & l’empefehoit , il  demeuroit 
exempt  Sc  deliuré  du  facrifice  , acquérant  le 
nom  de  Capitaine  fameux,  & comme  tel  eftoit 
du  depuis  entendu  : mais  fil  eftoit  vaincu  ils  le 
facrifioient  en  la  mefme  pierre  où  il  eftoit  at- 
tache. C eftoit  vn  autre  genre  de  facrifice 
quand  ils  dedioient  quelque  efclaue  pour  eftre 
lareprelentationdcridole,  &dilbient  quec’e- 
ftoit  fa  relîemblance.Ils  donnoient  aux  preftres 
par  chacun  an  vn  efclaue,  à fin  qu’il  n'y  euft 
iamais  fau-tedb  la  femblance  vifue  de  l’idole.  E t 
incontinent  qu  il  entroiten  1 office  apres  qu'il 
eftoit  bien  laué  ils  Icveftoicntde  tous  les  habits 
Sc  ornemens  de  l’idole,  luy  donnans  fou  mefme 
nom.  il  eftoit  toute  l’année  reueré&  honoré 
comme  le  mefme  idole , Sc  auoit  toufiours  auec 
luy  douze  hommes  de  garde,  de  peur  qu'il  ne 
s’enfuift,  auec  laquelle  garde  l’on  lelaiftbit  aller 
librement,où  il  vouloir;  Sc  fid'auanturcils’en-' 
fuioit,le  chefde  la  garde  eftoit  mis  enfon  lieu, 
pour  reprefenter  l’idole,&  apres  eftre  facrifié. 
Cet  Indié  auoit  le  plus  honorable  logis  de  tout 
le  temple, où  il  mangeoit  Sc  beuuoit , Sc  où  tous 
les  principaux  le  venoient  feruir  & honorer; 
luy  appor  tans  à manger,  auec  l’ordre  Sc  appareil 
que  Ton  fait  aux  grands.  Quand  il  fortoit  parmy 
les  rues  de  la  Cité,  il  alloit  fort  accompagné 
defeigneurs,&portoit  vne  petite  flufte  enU 


Histoire  N AT  VREL  LE 

main,  qu’il  touchoit  de  fois  à autre , pour  faire 
entendre  qu’il  palïbit.  Et  incontinent  les  fem- 
mes fortoientauec  leurs  petits  enfansen  leurs 
bras , & les  luy  prefentoient , le  falüans  comme 
Dieu.  T out  le  relie  du  peuple  en  faifoit  autan tj 
llslemettoientdenuiten vne  forte  prifon,ou 
cagCjde  peur  qu’il  ne  fen  allait , iufques  à ce  que 
arriuantlafelle,ilslc  lacrifioient , comme  iay 
dit  cy  delfus.  Par  ces  façons , & beaucoup  d’au- 
tres le  Diable  abufoit , ôc  entretenoit  ces  pan- 
ures raifcrables , & elloir  telle  la  multitude  de 
ceux , qui  eftoient  facrifiez  par  celle  infernallç 
cruauté , qu’il  femble  que  ce  foit  chofe  incroya- 
ble: Car  ils  afferment,  qu’il  y en  auoit  quelques  j 
fois  plus  de  cinq  mil,  & que  tcliour  s’ell  palfe, 
qu’ils  en  ont  facrifié  plus  de  vingt  mil,  en  diuers 
endroits.  Le  diable  vfoit , pour  entretenir  celle 
tuerie  d hommes , d’ vne  plaifante  & cllrange 
inucntion,quielloit,que  quand  il  plaifoit  aux 
prellres  de  Satan , ils  alloient  aux  Roy  s,  & leur 
declaroient  comme  leurs  dieux  fe  mouroient 
de  faim,&  qu’ils  eulTent  mémoire  d’eux.  Incon'* 
tinent  les  Roys  fappareilloient,  & aduertif- 
foicntlesvnslcsautres,  que  les  dieux  deman- 
doieiiE  à manger,  partant  qu’ils  commandalicnt 
au  peuple, de  fe  tenir  prcll  à venir  à la  guerre , & 
ainlî  le  peuple  alTemblé  , 8c  les  compagnies  or- 
données ils  fortoient  aux  champs , où  ils  alTem- 
bloiét  leur  armée,&  route  leur  difpute  Sc  com- 
bat,elloit  de  fe  prendre  les  vus  les  autres  pour 
facrifier,  tafehans  de  fe  faire  paroillrcrant  d’vn  . 
collé  que  d’autre,  en  amenant  le  plus  de  captifs  ; 
pour  le  facrifice , tellement  qu’en  çcs  batailles,  ; 


Des  Indes.  Liv.  V. 
ils  tafchoient  plus  à fentre-prédre,  qu  a f’entrc-^ 
tuer , pource  que  tout  leur  but  eftoit  d’amener 
des  hômésvifs,pour  dôner  à manger  à leurs  îdo- 
leSjqui  eftoit  la  façon^par  laquelle  ils  apportoi- 
ent les  vidimes  à leurs  Dieux;E  t doit  on  fçauoir 
que  iamais  Roy  n eftoit  couronné , qu’au  preal- 
lableiln  cuftfubiugue  quelque  prouince  de  la- 
quelle il  amenaft  vn  grand  nombre  de  captifs, 
pourjes  {àcrifices  de  leurs  dieux^&ainfi  par  tous 
moyes,c  eftoit  chofc  infinie,que  le  fang  humain 
que  l’on  efpandoit  en  l’honneur  de  Satan. 


Comme  défia  les  Jndtens  efioient  ne pon~ 

mient  fins fioHjfrtr  U cruauté  de  leurs  dieux. 


Chap.  xxir. 

; 

tSj^^Lufteurs  de  ces  barbares  eftoient  déf- 
Ulîez  & ennuyez  d’vne  Ci  exceffiuc 
^^^^cruauté,à  efpâdre  tant  de  fang  d hom-» 
mes,  & du  tribut  fi  ennuyeux  d’eftre 
toufioursenpeinedegaignerdes  captifs,  pour 
la  nourriture  de  leurs  Dieux  , leur  femblant  vne 
chofeinfupportable.  Etneantmoinsils  nelaif- 
foient  de  fuyure  & exécuter  leurs  rigoureufes 
loix,pour  la  grand  crainte  qucles  miniftres  des 
idoles  leur  donnoient  deleurcofté,  & par  les 
rufes  auec  Icfquelles  ils  tenoientee  peuple  en 
erreur  j Mais  enl’interieur  ils  defîroient  allez, 
defe  voir  libres  d vne  fi  pezante  charge.  Etfuft 
vnegrandeprouidêccde  Dicu,que  les  premiers. 


Histoire  nàtvreile 
qui  leur  donnèrent  la  cognoilïàncc  de  la  loÿ 
de  Chrifl: , les  trouua(Tcnt  en  celle  difpolîtion: 
pourcc  que  fans  doute,  ce  leur  fembla  vne  bon- 
ne loy , & vn  bon  Dieu , qui  vouloir  cftre  feruy  i 
deceftefaçon.Sur  ce  propos  me  con  toit  vn  re-  1 
ligieuxgraue  en  la  neufue  Elpagne , que  quand  : 
il  fut  en  ce  royaume  il  auoir  demandé  à vn  an- 
cien Indien,hommc  de  qualité  , comment  les 
Indiens  auoient  li  toft  receu  la  loy  de  lefus- 
Chriftj&laiirélaleur , lans  faire  d’auanrage  de 
preiluejd’eflTayjny  de  dilpnte  furicelle  J car  il 
lémbloit  qu’ils  felloienr  changez  fans  y auoir  : 
ellé  crmeuspasraironfufîîranre,  L’Indien  ref- 
pondit,ne  croy  point pere  , que  nous  prenions  ' 
fünconfderement  laloy  de  Chrift,  comme  tu  : 
dis,pourccqueierapprens , que  nous  cftions  | 
defalaifez,  & mefcontens  des  chofes  que  les  | 
idoles  nous  commandoient , & que  nous  auios  | 
défia  parlé  d*ç  les  lailfer  , & de  prendre  vne  au-  | 
trc.loy.  Et  comme  nous  trouuafmes  que  celle 
que  vous  nous  prefchiez , n’auoit  point  de  cru  - 
aurez, & qu’elle  nous  eftoit  fort  conuenable, 
iufte,&  bonne,nous  entendifmes , & creufmes, 
que  c eftoit  la  vraye  loy  , & ainfi  nous  la  re- 
ceufmes  fort  volontairement.  La  rcfponce  de  | 
ceft  Indien  s’accorde  bien  auec  ce  que  l’on  lift  , 
aux  premiers  difeours  que  Hernand  Cortès  j 
enuoyaà  l’Empereur  Charles  le  quint,  où  il  ra- 
conte, que  apres  auoir  conqueftéla  Cité  de  j 
Mexicque,  eftant  en  Cuyoacan  , luy  vindrent  , 
des  ambalfadeurs  de  la  rcpublicquc  Sc  prouincc  j 
ce  de  Mechoacan , demandas  qu’il  leur  enuoiaft  ! 
/a  loy,Ôc  qu’il  la  leur  apprift  & fift  entedre,  pour  | 


DïSiKDISi  LiV.  V.  24g 

mirant  qa’ils  prctcndoienr  de  lailTer  la  leur , ’ 

ne  leur  fcmbloit  pas  bonne , ce  que  leur  accor- 
da Cortès  , & auiourd’huy  font  les  meilleurs 
Indiens,&  plus  vrais  Chreftiens  qui  foienr  en  la 
neufueEfpagne.  LesErpagnols  qui  virent  ces 
cruels  facrifices  d hommes , fe  déterminèrent 
d employer  toute  leur  puilTance,  àdeftruirevn 
Il  deteftabe,&  maudit  carnage  d’hommes,  ôc 
dautanrplusqu ils veirentvnfoir  deuant  leurs 
yeux  faCrifier,roixante,ou  foixante&  dix  foldats 
Elpagnols , qui  auoient  cftéprins  en  vne  batail- 
le , qui  fe  donna  fur  la  conquefte  de  Mexicque, 
&vncautrefôis  trouucrent  eferit  de  charbon, 
en  vne  ehambre  en  T czcufco , ces  mots , Icyfufi 
fn[onnier,vntelmdheMrem,auecfes  cempaamns.me 
ceuxdeTeXmfcofacr'tJîerem.  Iladuint  mefmeàcc 
propos, vn  cas  fort  eftrange , & neantmoins  vé- 
ritable, ayant  efte  rapporté  par  perfonnes  di- 
gnesdefoy,  &futqucles  Efpagnols  regardans 
vnlpeébaclede  ces  facrifices,  & comme  ils 
uoient  ouiicrt  & tiré  le  cœur  à vn  ieune  homme 
^ort  dilpos,  l’ayant  ietté , & fai t rouleur  du  haut 
en  bas  de  degréz  comme  eftoit  leur  couftume 
quand  il  vint  en  bas  dit  aux  Efpagnolsen  fa 
angue,Cheualliersils  m’ont  tué,  cequiefmeut 
grandement  les  noftres  d’horreur,  & de  pitié. 

Et n’cft point chofe  incroyable,  que  ceftuy  là, 
ayantlecœur  arrache,  air  peu  parler  , attendu 
que  Galien  raconte  qu’il  efl:  arriué . plufieurs 
fois  aux  facrifices  des  animaux , apres  leur  auoir 
tire  le  cœur  & ietté  furl’autel , que  les  animaux  ^ ^ 

rclpiroient, voire  bramoient  Sc  cryoient  hau- 
tement, mefme  couroieiit  quelque  temps.  -Laif. 


Histoire  natvrelle  ^ , 

fans  maintenant  cefte  queftion , comme  il  foit  | 
poflible  que  cela  puilFe  eftrc  par  nature  ,ie  pour  i 
fuiuraymon  intention, qui  eft  de  fairevoir,com-  i 
bien  ces  barbares  abhorroient  défia  cefte  infup- 
portable  feruitude  , qu’ils  auoient  à l’homicide 
infernalj&combiengrandeacfté  la  mifericor- 
de  que  le  Seigneur  leur  a faidte,  en  leur  commu- 
nicquant  fa  loy, douce, & du  tout  aggreabif . 

Comme  le  dUUes'efiejfor^é  d'enfùyure  ^ de  contre^  ^ 


crements,que  lefus  Chrift,noftre  Seigneur  a in-  j 
ftitucz,&dcfquels  vfe  la  fainaeEglire,ayant  fpc-  , 
ciaîlement  prétendu  imiter,en  quelque  façon  le 
facrement  de  communion, ( qui  eft  le  plus  haut,  j 
&lcplusdiuindetous)pour  le  grand  erreur  des  i 
infidellesquiy procedoiêtdecefte  maniéré. Au  | 
premier  moys  qu’au  Peru  ils  appellent  Ray  mcôc 
refpond  à noftre  Décembre , fe  faifoit  vnc  tres- 
follemnelle  fefte,appcllée  Capacrayme,  &en 
icelle  fe  taifoient  beaucoup  de  facrifices , & ce- 
remonie, qui  duroient  plufieurs  iours , pendant 
lefqiiels  nul  forain,  ou  eftranger  nefc  pouuoic 


Ch  A P.  XX  V. 


E qui  eft  lé  plus  efmerueillable  de 


benuie&prefomptiondeSatâjCft  j 


/i  qu'il  ait  contrefait  non  feulement  j 
^en  ridolatrie&facrificcs,maisauf-  ! 
encertainesceremonies,nozSa-  ^ 


crouuer 


DES  Indes.  Liv.  V.  14^ 
trouüer  en  la  cour,  qui  eftoiten  Cufco.  Ces 
îours  eftams  pallèz,ils  donnoient  congé&licen- 
ce  aux  eftrangers  d’entrcr,afîn  qu'ils  participâf- 
fent  à la  fefte,&  auxfacriËceSjIeur  communiant 
en  cefte  formc.Les  Mamacomas  du  Soleil,  qui 
eftoienr  comme  reîigieufes  du  Solcil/aifoiêt  dé 
petits  pains  de  farine  de  Mays,  teinte  ôc  paiftrie 
auec  le  fang  des  moutons  Macs  qu’ils  facrifioiêt 
cciourlà,  incontinent  ils  commandoientque 
tous  les  forains  des  prouinces  entraflet,  lefquels 
fe  metroient  en  ordre,  ôc  les  preftres  qui  cftoict 
de  certain  lignage, defeendans  de  Liuquiyupan- 
gui,donnoientà  chacun  vn  morceau  de  ces  pe- 
tits pains,leurdilanrs  qu’ils  leur  donnoient  ces 
morceaux,afîn  qu’ils  fuflènt  confederez,  & vnis 
auec  l'Ingua,  & qu’ils  les  aduilbient,  qu’ils  ne 
difibnt  ny  penfàlTent,  mal  contre  Fingua  , mais 
qu’ils  luy  portaiîcnt  toüfiours  bonne  affeétion^ 
pourcc  que  ce  morceau  feroit  tefmoing  de  leur 
intention,  3c  volonté  , que  fils  ne  faifoient  ce 
quils  dcbüoient,  il  les  dclconuriroit,  &fèroic 
con  tre  eux.  L’on  portoit  ces  petits  pains  en  de 
grands  plats  d’or,  &d  ’argent,quieftoitdcftinez 
pour  cet  efîer,&  tous  rcceuoicnt,&  mangoient 
CCS  morceaux  rcmerciâns  infiniment  le  Soleil 
d’vne  fi  grande  grâce  qu’il  leur  faifoir,  difans  des 
paroilcs,  Sc  faifans  des  fignes  d’vn  grand  conte- 
tement&dcUotionrProtcftans  qu’en  leur  vic,ils 
ne  feroient,  ny  penferoient  chofe  contre  le  So- 
leil, ny  contre  l’Ingua, & qu’auec  cefte  côditioii 
ils  rcceuoient  ce  manger  du  Soleil , & que  ce 
manger  demeüreroit  en  leurs  corps,  pour  tef- 
Hîoignagc  de  la  fidelité  qu’ils  gardoient  au  So- 

li 


Histoire  natvrelle 
Icilj&àl’lngüaleurRoy.  Ccfte  façon  de  com-  | 

munier  diaboliquement  fc  faifoit  mefmc  au  di-  | 

xiefmc  mois  appelle  Coyarayme,qui  cftoit  Sep- 
tembre, eu  la  feftefollemnelle,qu’ils  appellent 
Cy tua/aifant  la  mefme  ceremonic,&  outre  ce-  ‘ 
fte  communion,  ( f il  eft  permis  d vfer  de  ce  mot, 
en  chofe  diabolique' qu  ils  failoienr  à tous  ceux 
qui  venoient  de  dehorsdls  enuoioiét  aufli  de  ces 
pains, en  to^  les  guacas,fan61:uaires  ou  idoles  de  r 
toutleroiaume,&  tout  en  vn  mefme  temps  f’y 
trouuoient  des  perfonnes  de  tous  coftcz,qui^- 
noient  exprès  pour  les  rcccuoir,  aufquels  ilsdi- 
foient  en  leur  baillât,que  le  Soleil  leur  enuoioit 
cela  en  ligne  qu’il  vouloir  que  to^  le  vcnerallcnt 
&honora(Tent,&  en  enuoioiét  mefme  par  hon- 
neur aux  Caciques.  QuelquVn  parauanture,tié- 
dra  cecy  pour  fable  inuention,mais  pourtant 
c'eft  vue  chofe  ttef- véritable,  que  depuis  Ingua 
Yupangi(quieftceluy  qui  afaitplus  de  lorx,  de 
couftumes,& ceremonies. comme  Numaà  Ro- 
me) dura  celle  maniéré  de  communion,  iufques 
à ce  que  l’Euangile  de  noftre  icigneur  lefus 
Chrift,  mit  hors  toutes  ces  fuperftirions,  leur  j 
dohnantlcvray  manger  de  vie  qui  conferuc  & I 
vnit  les  âmes  auec  Dieu.  Qui  voudra  f en  fatif- 
fairc  plus  amplement,  life  la  relation  que  le  li- 
centiéPoloefcriuitàl  Archeuefque  des  Roys, 
Dom  leronimode  Loayfa,oùil  trouucra  cecy, 

& beaucoup  d’autres  chofes  qu’il  a defcouucr- 
tes  & approuuceS;par  fa  grande  diligence. 


Ve  lafaçon.que  le  âUhle  s^ejî  efforcé  âe  contrefaire  en 
Mexique,la  fejie  dn  S.  Sacrement  C7"  com- 
mmionfdont  vje  U fainHe  Egtife, 

Chap.  xxiiir. 

E fera  chofe  encor  plus  cfmerueiîia- 
ble,  d ’ouir  parler  de  la  fefte  ôc  fol- 
lemnité  de  la  communion  , que  le 
mefme  diable  prince  d’orgueil , or- 
donna en  Mexique , laquelle  ( bien 
qu  elle  foit  vn  peu  lôgue)  il  ne  fera  mal  à propos 
de  raconter,  félon  qu’elle  eft  elcriptc  par  perfon 
nés  dignes  de  foy.Lcs  Mexiquains  faifoient  au 
mois  de  May,leur  principalle  fefte  de  leur  Dieu 
Vitzilipuzrlij&deuxioursauparauant  cefte  fe- 
fte,ces  nlles  dont  i’ay  parlé  cy  deftlis,  quieftoiéc 
rcclufès  au  mefme  T emple,  & cftoient  comme 
religieufes,  moulloient  vne  quantité  de  femen- 
ce  de  blettcs,auec  du  Mayslrofty , & apres  qu’il 
cftoit  moulu  le  paiftriftbicnt  & amalîbient  aucc 
du  miel,  de  faifoient  de  cefte  pafte  vn  idole, de 
la  mefme  grandeur  qu’eftoit  celuy  d e bois  , luy 
mettans  au  lieu  des  yeux,  des  grainsde  voirres 
verts  azurez  ou  blancs , & au  lieu  de  den  ts,des 
grains  de  Mays,  aftîs  auec  tout  rornement,& 
appareil  que  i’ay  dit  cy  dclïus.  Apres  qu’il  eftoic 
du^out  acheué,toas  les  Seigneurs  venoient,  & 
luy  apportoient  vn  veftement  exquis, A: riche, 
toutfcmblableacelaydé  l’idole,  duquel  ils  le 
veftoient.  Et  apres  l’auoir  ainft  veftu  de  or- 
ne, ils  1 afteoient  en  vn  elcabeau  azuré  , de  fur 

li  ij 


HîSfOiRE  NATVRELtE 

vn  brancard  jpour  le  porter  fur  les  cfpàulcs.  Le 
matin  de  larcfte  venu,  vne heure  auam  le  iouf 
forcoient  toutes  ces  filles  veftues  de  blanc  ,.auec 
des  ornements  tous  neufs,lcfquelles  eftoiétap- 
pcllce^  ce  iour  làSœursduDieu  VitzilipnztH. 
Elles  venoienr  couronnées  de  guirlandes  de 
mays  rofty  & creualfé  , relîèmblanr  azahar  ou 
fleurd’orcnge,&portoientenlcurcol  de  grof- 
fes  chai  fines  de  mcfme,  quileur  palîoient  en  efi- 
charpe,par  delîbubs  le  bras  gauche.Ellcs  cftoiêc 
colorées  deYermeilîon,par  les  ioiieSj&auoient 
les  bras  depuis  les  couldcs  iufiques  aux  poings  ! 
CGuuerrs  de  plumes  rouges  de  perroquets,  ôc 
ainfi  ornees  elles  prenoient  l’idole  fiir  leurs 
cfipaulles,  le  tirans,  ôc  portans  en  la  cour  où  e- 
ftoient  défia  tous  les  ieunes  hommes , veftus  | 
d’habits  faits  d’vn  red  artificieux  eftans  couron-  I 
nez  de  la  mefime  façon  que  les  femmes.  Lors  I 
que  CCS  filles  fiortoient  auec  l’idole  les  ieunes 
hommes  fiapprochoient,  auec  beaucoup  de  re- 
uerence,  & prenoient  la  litiere,  ou  brancard, 
où  eftoit  l’idole  fur  leurs  cipaules,  la  portans 
au  pied  des  degrez  du  Templc,où  tour  le  peu- 
ple fihumilioit,  & prenant  de  la  terre  de  l’aire, 
fie  la  mettoit  fur  la  telle,  qui  eftoit  vne  ceremo- 
nie ordinaire,  qu’ils  obfieruoienr  entre  eux,  aux 
principalles  feftes  de  leurs  dieux.  Cefte  cere- 
monie faite,  tout  le  peuple  fiortoit  en  procefi- 
fion,aucG  toute  la  diligence  6c  Icgercté.  qui  leur  i 
eftoit  poftible,  6c  alloient  à vne  montagne, qui  | 
eftoit  à vne  lieiie  de  la  Cite  de  Mexique,  ap- 
pellée  Chapultepec  , 6c  là  faifioient  vne  fta* 
non  6c  des  fiacrifices.  Incontinent  ils  partoicnc 


DES  Indes. Lîv.  V.  251 

delàaucciamcfmc  diligence , pour  aller  en  yn 
lieu  proche  de  là,  qu’ils  appelloient  Atlacuya- 
uayajoùilsfaifoiencla  fécondé  ftarion,  & de  là 
alloicnc en  vn  autre  bourg vne  lieue  plus  outre 
quilc  ditCiiyoaquan,d'où  ils  parroientjretour- 
nansenlaCité  de  Mexique,  fans  faire  aucune 
autre  ftation.Ilsfailbientce  chemin  de  plus*  de 
quatre lieiies, en  trois  ou  quatre  heures,  & ap- 
pelloient ceftcproceirion,Ypayna  VirzilipuL 
tli,qui  veut  dire,  levifte,  & diligent  chemin, de 
Vitzilipuztli.  Arriuez  au  pied  des  degrez  ils 
mettoient  bas  le  brancard  de  fidole  , ôe  pre- 
noientdegrolïès  cordes  qu’ils  attachoientaux 
bras  du  brancard  , puis  aiiec  beaucoup  de  dif- 
cretion  &dereuerence,ils  montoient  lalitiere 
auecl  idole, au  {bmmetduTemple,lcs  vns  tirans 
d’enhaut,&  les  autres  leuraydansd’embas,ce- 
pendant  l’on  n’entendoit  retentir  que  le  fon 
des  fluftes,  des  bucçines,des  cornets, & des  tan- 
boursqui  fonnoient.  Ils  le  montoient  de  celle 
façon,  d’autant  que  les  degréz  du  Temple 
cftoient  fort  roides &eftroits,&:l’efcallier  fort 
large,  tellement  qu’ils  n’y  pouuoient  monter 
çefte  litiere  fir  leurs  elpaulles.  Pendant  qu  ils 
montoient  celle  idole,  tout  le  peuple  elloit  en  la 
cour  , auec  beaucoup  de  reuerence  , Sc  de 
crainte.  Apres  qu’il  elloic  monte  iulques  au 
hault , & qu’on^I  auoit  mis  en  vne  petite 
loge  de  rofes  , qu’ils  luy  tenoient  appreftée, 
incontinent  venoient  les  ieuncs  hommes, 
lefqucls  femoient,  &rclpandoicnt  beaucoup 
^e  fleurs  de  diuerlçs  couleurs  , dont  ils  retn-- 

li  flj 


J 


Histoip.e  natvre-lli 
pîifToient  tout  le  temple  dedans  & dehors.  Ce- 
la fait  toutes  les  filles  fortoient  auec  lorncr- 
ment  fufdit,ôc  apportoienc  de  leur  contient  des 
tronçons  ou  morceaux  de  pafte  cempofée  de 
blettes,  &de  mays  rofty,  qui  eftoit  deiamef- 
me  pafte  dequoy  Hdolecftoit  fait&  compofe, 
&cftoienten  forme  de  grands  os.  Ils  Icsbail- 
loicnt  aux  ieunes  hommes  , lefquels  les  por- 
toient  en  haut,  les  mettans  aux  pieds  de  [ido- 
le , dont  ils  rempliflbient  tout  le  lieu,  iufques 
ace  qu’il  n’ycnpeuft  entrer d’auantage.  ils ap- 
pelioicnt  les  tronçons  de  pafte,  les  os  & chair 
de  Vitzilipuztli.  Et  ayans  ainfi  eftendu  ces  os, 
auffi  toft  venoient  tous  les  anciens  du  temple, 
preftres,  Leuites,&:  tout  le  refte  des  miniftrcs, 
félon' leurs  dignitez  & antiquitez  ( car  il  y 
auoit  entr’eux  fur  ce  poind  vnc  belle  réglé  & 
ordonnance,  ôc  venoient  les  vns  apres  les  au- 
tres auec  leurs  voiles  de  red , de  diuerfès  cou- 
leurs Ôc  ouurages  , félon  la  dignité  & office 
dvn  chacun,  ayans  des  guirlandes  en  leurs  te - 
ftes  , & des  chain^s  de  fleurs  pendües  au  col. 
Apres  eux  venoient  les  Dieux  & Deeftesquils 
ador oient  en  diuerfes  figures,  veftusdelamcf- 
me  liurée,puisfe  mettans  en  ordre  autour  de 
ces  tronçons  & morceaux’ de  pafte  faifqient 
certaine  ceremonie  en  chantant  Sc  ballant  fur 
iceux.  Au  moyen  dequoy  ils  demeuroient  bénits 
& confacrez  pour  la  chair  & os  de  cefte  idole;. 
La  ceremonie  ôc  benedidion  de  ces  tronçons 
de  pafte  , par  laquelle  ils  eftoient  tenus  &cfti- 
mezpouros  ôc  chair  de  ridole,cftant  acheuéC;, 


»is  Indes.  L I V.  V.  15^ 

ilshoôoroicnt  ces  morceaux  de  lamefmc  ma- 
niéré que  leur  Dieu.  Puis  fortoient  lesSaciift- 
catcursqui  commençoient  le  facrifice  d’hom- 
mes, en  la  façon  qu’il  a efté  ditcyddîus,&en 
facrifîojt  on  ce  iour-là  plus  grand  nombre 
qu  en  nul  autre , pour  autant  qiiç  c’eftoit  la  fe- 
ftela  plus  folcmnclle  qu  ils  euiîcnt.  Les  facri- 
ficcs  eftans  acheuez , fortoient  tout  auiïî  roffc 
tous  les  ieunes  hommes  & filles  du  temples  , or-  ^ 
nés  comme  il  a efté  dit  ; & apres  f eftrc  mis  en 
ordre  &fcftrc  rangez  les  vnsvisà  vis  des  au- 
tres, ils  balloient  & dançoient  au  fondu  tam- 
bour qu’on  leur  {bnnoit  en  louange  de  la  fo- 
lemnitc  & de  l’idole  qu’ils  cclebr oient.  Auquel 
chant  tous  les  Seigneurs  anciens  , ôt  les  plus 
notables  leur  refpondoient  balians  à l’entour 
d’iceux,  & faifans  vngtand  cercle  comme  ils 
ont  decouftume,  demeurans  toufîours  les  ieu- 
nes hommes  Sc  filles  au  milieu.  A ce  beau  Ipe- 
€tacle  venoit  toute  la  Cité , Ôc  auoit  vn  com- 
mandement fort  diligemment  obferué  en  celle 
terre,  que  le  iour  de  l’idole  Vitzilipuztli,  Ion 
ne  deuoie  manger  autre  viande  que  celle  pafte 
emmiellée  dequoy  l’idole  eftoit  fait.  Et  celle 
viande  fe  deuoit  manger  incontinentaupoinél 
du  iour  , &nedcuoit~on  boire  d’eaiieny  aucu- 
ne autre  chofe  apres  iufques  apres  midy,  & tc- 
noient  que  c’elloit  vu  mauuais  augure,  voire 
facrilcgc  que  de  faire  le  contraire  ? mais  apres 
îcs  ceremonies  acheuées  il  leur  çlloit  permis 
de  mangpr  toute  autre  chofe.  Pendant  le  temps 
de  celle  ceremonie  ils  cachoient  l’calie  aux 
petits  enfans,  aduçrtiirans  cous  ceux  qui  auoient 

li  iiij  ^ 


Histoire  natyreiie 
î’vfage  de  raifon  de  ne  boire  point  d’eaiic  , que 
fils  le  failbienrjl’irede  Dieu  viendroit  fur  eux, 
& monrroientj  ce  qu'ils  obferuoicnt  fort  dili- 
gemment & rigoureufement.  Les  ceremonies, 
bal  & facrifices  acheuez  , ils  f en  alloicnt  tous 
delpouiller,  5c  les  preftres  & dignitez  du  tem- 
ple prenoient  l’idole  de  parte  , lequel  ils  def- 
pouilloient  de  ces  ornements  qu’il  auoit  , 5c 
fâiCoicnt  plurteurs  morceaux,  tant  de  cert  ido- 
le mcfme  , que  de  ces  tronçons  qui  crtoient 
confacrez  , puis  apres  ils  les  deparroient  au 
peuple  en  forme  de  Communion,  commen- 
çans  aux  plus  grands  , 5c  continuans  au  refte, 
tant  hommes,  femmes  , que  petits  enfap$,lef- 
quels  les  receuoiét  auec  tant  de  pleurs,  de  crain- 
te ôc  de reuerence  , que  c^ertoit  vne  ehofè  ad- 
mirable, difans  qu’ils  mangeoient  la  chair  5c 
les  os  de  Dieu  , dequoy  ils  fe  tenoient  indi- 
gnes. Ceux  qui  auoient  des  malades  en  de- 
mandoient  pour  eux  , 5c  leur  portoient  auec 
beaucoup  de  reuerence  5c  vénération.  Tous 
ceux  qui  communioient  demeuroient  obligez 
de  donner  le  difme  de  certe  femence  ou  grain, 
dequoy  eftoir  fait  l’idole.  La  folcmnitc  de  la 
Communion  crtantacheuée  , vn  vieillard  de 
beaucoup  d’authoritémontoit  fur  vn  lieucmi- 
nent , & dVne  voix  haute  prcfchoitlcurloy 
& leurs  ceremonies.  Qd  ne  fefmerueillera 
donc  que  le  diable  ait  erté  rt  curieux  de  le  fai- 
re adorer  5c  rcceuoir  en  la  façon  que  I e s v s 
Christ  noftre  Dieu  a ordonné  8c  enfei- 
gne,  5c  comme  lafainéleEglifcaaccourtumé? 
Par  çela  certes  ’,  l’on  voit  clairement  vérifié  ce 


: D I S Inde  s.  L i v.  " V.  155 

a cftc  propofé  au  commencement , que  Sa- 
tan tafehe  & Peftorce  tant  qu* il  peut  dVfutr 
per  & de  defrober  pour  foy  1 honneur  & feruice 
qui  eft  deu  à Dieu  fcul , encor  qu'il  y mefle  tou- 
noursfescruautez& ordures,  poureeque  c’eft 
vnefpritd  homicide  &d’immondicité,  & pere 
de  menfonge. 


Confejfetin  de  U ConfeJ^ien  dont  vfoient  lei 
Indiens,  , 


Chapitre  XXV. 

E pere  demenfonge  a voulu  mclme; 
contre-fâire  le  facrement  de  Con- 
feffion  , & en  fes  idolâtries  fe  faire 
honorer  auec  des  ceremonies  fort 
Icmblables  à l’viàge  des  fidèles.  Au  Peru  ils 
auoient  opinion,  que  toutes  les  maladies  & 
aduerfitez  leur  venoient  pour  les  pechez  qu’ils 
auoient  faits,  & pour  remedeils  vfqientdcfa- 
crifices  , & outre  cela  fe cbufelfoient  mefmc 
verbalement  prefque  en  toutes  les  prouinccs, 
& auoient  des  confeficurs  députez  pour  ceft 
effed  ,.  des  fuperieurs  , & d’autres  qui  leur  c- 
ftoient  inferieurs  : & y auoit  des  pechez  refetr 
uez  aufupericurdls  receuoientdes  pénitences, 
voire  quelques  fois  tres-rigourcufes  : & prin- 
cipalement quand  le  pecheur  cftoit  quelque  ' 
pauure  homme,qui  n’auoit  que  donner  au  Con- 
rcflèur,  & eftoit  cefl:  office  de  Confeflèur  mef- 
me  exercé  par  les  femmes.  L’vfagc de  ces  Con- 
feflcurs.forçiers  5 qu’ils  appellent  Ychuiri  ou 


Histoire  natv relie 
Ychuri , a cftc  le  plus  vniuerfel  es  prouinces 
de  Collafuio.  Ils  ont  vne  opinion  que  ceftvn 
cnorme  péché  d’en  celer  en  la  Confefîionquel- 
quVn  qu  ils  ay ent  commis.  Et  les  Y churis  ou 
Confefleurs  defcouuroient , fi  l’on  leur  en  ce- 
loirpardes  forts  , ou  par  le  regard  de  la  cour- 
roye  de  quelque  animal,  & les  chaftioient en 
leur  donnant  vn  nombre  de  coups  dVne  pier- 
re fur  les  erpaiiles  iufques  à ce  qu’ils  euflent  ^ 
tout  defcouuert,  puis  apres  luy  donnoient  vne 
penitence  , & faifoient  le  facrifice.  Ils  fe  fer- 
uent  mefmc  de  celle  Confelîïon,  quand  leurs 
enfans , leurs  femmes , leurs  maris  ou  leurs  Ca- 
ciques font  malades,  ou  qu’ils  font  en  quel- 
ques grands  trauaux.  Et  quand  l’Ingna  efioit 
malade  toutes  les  prouinces  fe  confefloient, 
principalement  ceux  de  la  prouince  de  Col- 
lao.  Les  Confefieurs  eftoient  obligez  de  tenir 
fecrertes  les  confeflions  qu'ils  receuoient,  fi- 
nonen  certains  cas  limitez.  Les  pechez  def- 
quels  principalement  ils  fe  confelfoient,  eftoit 
le  premier  de  tuer  l vn  l'autre  hors  la  guer- 
re: en  apres  dè  defrober,  de  prendre  la  femme 
d’autrny  , de  donner  du  poifôn  ou  forcellcric 
pour  faire  mal,  ôc  tenoient  pour  vn  grief  pc-. 
ché,  de  f oublier  à la  reuerence  de  leurs  Gua- 
cas  ou  chapelles  , de  ne  garder  point  les  fc- 
ftes,  de  dire  mal  de  l’Ingua,  de  ne  luy  obeyr 
point.  Ils  ne  faceufoient  point  d’ades  ôc  pechez 
intérieurs,  mais  félonie  rapport  de  quelques 
preftres,  depuis  que  les  Chreftiens  vindrenten, 
ce  pays  , ils  faceuferent  aulfi  à leurs  Ychuris, 
^confelfeurs  de  leurs  penfccs.  L’Iguane  con- 


DIS  Indes.'  Liv.  V.  254 
fc/Toit  fcs  pcchez  à nul  homme,  mais  feulement 
au  Soleil , afin  qu’il  les  dift  au  Viracocha,  Ôc 
qu’il  les  luy  pardohnaft.  Apres  que  l’Ingua  fe- 
ftoit  confelfé  , il  faifoit  vn  certain  bam  pour 
acheuer  defe  nettoyer  en  vne  riuicre  couran- 
te , dilànt  ces  paroles  : Tay  dit  mes  pechez  au 
Soleil  , tôy  riuierc  recoy  les  , & les  porte  à la 
mer, où  iamais  iis  ne  puifiènt  paroiftre  Les  au- 
tres qui  fe  confelTbyent  vfoyent  mcfmemcnt 
de  ces  bains , anec  certaines  ceremonies  fort 
femblables  à celles  dont  les  Mores  vfent  au- 
iourd’huy,qu  ils  appellent  Guadpy,  & les  In- 
diens les  appellent  Opacuna.  Et  quand  il  arri- 
uoit  à quelque  home  que  lès  enfans  luy  mou- 
royent,il  eftoit  tenu  pour  vn  grand  pecheur,& 
luy  difbyent  que  c’eftoir  pour  fes  pcchez  que 
le  fils  efioit  mort  premier  que  le  pere.  C’ell 
pourquoy  ceux  à qui  cela  arriuoit,  apres  qu’ils 
feftoyent  confelTez,  ils  cftoyent  baignez  en  ce 
bain  appcllé  Opacuna,  comme  il  a eftè  dit  cy 
defiiis  : puis  quelque  Indien  monftrucux, com- 
me boiru  Ô€  contrefait  de  nature , les  venoit 
foetter  auec  certaines  orties.  Si  les  Sorciers 
ôu enchanteurs  parleurs  forts  ou  augures,  af- 
fermoyent  que  quelque  malade  deuoit  mou- 
rir , le  malade  ne  taifoit  point  de  difficulté  de 
tuer  fon  propre  fils,encpr  qu’il  n’en  euft point 
d’autres,  efperant  par  ce  mpyen fe fauper  delà 
mort  , ôc  difant  qu’au  lieu  de  luy  il  offroit  fon 
fils  en  facrifice.  Et  depuis  qu’il  y a des  Chr«- 
ftiens  en  cefte  terre,  cefte  cruauté  a cfté  encor 
exerceeen  quelques  endroits.  Ceftàlaveritc 
ynechoieeftran^c,  que  celle  couftamedccoîi- 


Histoire  natvrellï 
fcfTcrlcs  pcchcz  (ccrcts,  foit  demeurée  fi  long 
tempSj&  de  faire  de  fi  rigoureufes  pœnitenccs 
qu’ils  faifoyent,  comme  deieuner,  de  donner  1 
des  habits, de  l’or,  de  l’argent , de  demeurer  aux  ; 
montagnes,  & dereceuoir  de  grands  coups  fur  ! 
les  clpaulles.  Les  noftres  difent,  qu’en  la  pro-  î 
uince  de  Chiquito  , ils  rencontrent  encor  au-  i 
iourd’huy  cefte  pefte  de  confeficurs,  ou  Ychu- 
ris  , & que  beaucoup  de  malades  fe  retirent  | 
vers  eux  : mais  défia  par  la  grâce  de  Dieu , ce  ; 
peuple  va  du  tout  s’efclaircilfant,&recognoif-  ; 
îènti’effed  & le  grand  bénéfice  denoftre  con-  j 
feffion  iacramcntale , à laquelle  ils  viennent 
auec  vne  grande  deuotion.  Et  en  partie  cet  vfa- 
ge  pafic  leur  a efté  permis  par  la  prouidence  du 
Seigneur,  afin  que  la  confeflion  ne  leur  fem- 
blaft  difficile.  Par  ce  moyen  k Seigneur  eft  en 
tout  glorifié,  & le  Diable  mocqueur,demeur« 
mocqué.  Or  d’autant  que  c eft  vnechofequi 
touche  à ce  propos , ie  raconteray  icy  1 Vfage  1 
dVne  eftrange  confcftion  que  le  Diable  auoit  j 
introduite  au  lappon, comme  il  appert  par  vnc  j 
lettre  venue  de  là,  quidit  ainfi.Il  yaenOcac^ 
des  roches  tres-grandes,  & fi  hautes,  qu’il  y *a 
des  pics  enicelles, de  plus  de  deux  cens  bralFcs 
de  haut.  Entre  ces  grands  rochers,  il  y avndc 
ces  pics,  ou  pointes  qui  s’efleue  fi  terriblement 
haut,  que  quand  les  Xamabuzis  ( qui  font  les 
pèlerins  ) le  regardent  feulemcnt,les  membres 
leur  en  tremblent , & les  cheueux  s’en  herilTon- 
nent , tant  eft  ce  lieu  terrible  ôc  erpouucnta? 
blc.Ilya  au  fommet  de  cefte  pointe  vne  gran- 
de verge  de  fer  de  trois  hrafies-dc  long  , qui  y 


ï>is  iNBEt.  Lit.  V.  255 
cft  pofcc  par  vn  cftraïige  artifice.  Au  bout  de  ce- 
fte  verge  eft  attachéevne  balancc,dont  les  cfcail- 
les  font  fi  grandes^  ^u’en  vne  d'icelles  Te  peut  af- 
fooirvii  h5me,&JiesGbq^uis,  (qui  font  des  dia- 
ble^ en  figure  huinaine)  commandêrquc  vndc 
ces  pèlerins  y entrét  les  vns  apres  les  autres/ans 
qu’il  en  refte  vn  feul,puis  aucc  vn  cngin&m- 
ftrument  qui  fe  remeiie,moyennantvne  roüe^ils 
font  que  cefte  verge  de  fer,ea laquelle  la  balan- 
ce eftpenduc/orte dehors,  & demeure  toute 
fuipendue  cnrair,efi:ant  afiislVn  des  Xamabu-j 
jiisen  IVn  des  plateaux  descelle  ballancc.  Etcôr 
me  l’efcaillc  où  eftaflîs  l’homme,  n’a  point  de 
contrepois  de  l’autre  cofté,incontinent  ellepcd 
en  bas,&  l’autre  f efleue  iufques  à ce  qu’elle  ren^ 
contre  & touche  à la  verge.  Alors  les  Goquis 
leur  difent  du  rocher, qu’ils  fe  confeflent,&  diêr 
tous  les  pechez  qu'ils  auront  commis, dont  ils  fc 
fouuicndront,  & ce  à haute  voix, afin  que  touÿ 
les  autres  qui  font  là  le  puificntouyr. . Inconti- 
nent il  commence  à feconfefler,  pendant  quoy 
quelques  vns  des  affiftans  fe  rient  des  pechez 
qu’ils  oyenr,& les  autres  engemiiîent  Etàeha- 
quepeché  qu’ils  difentjEautre  efcaillc  de  la  bal- 
lance  baille  vn  peu,  iufques  à ce  que  finablemêt 
ayant  dit  tous  CCS  pcchez,  la  vuide  demeure  cf- 
galle  à 1 autrCjOÙ  eft  le  trille  pœnicenr , puis  les 
Goquis  refont  tourner  la  roue,  & retirent  vers 
eux  la  verge  & ballance  d’où  fort  le  pèlerin,  & * 
apresyen  entrcvnaucre,iufquesà  ce  que  tous 
y ayentpaïTé.Vn  lapponnois  contoitcela  aprcs> 
qu’il  fuft  ChrelHen,dilàntqu’ilauoit  efté  en  ce. 
pèlerinage,  & entré  en  la ballance  fept^  fois,  où 


Histoïri  natvrelie 
piibliquementilfeftoit  confdré.Il  difoit  mcf- 
mc,qae  fi  dauanture  quclqu  vn  de  ceux  qui  font 
mis  en  ce  lieu, ne  raconte  le  peché,commc  il  cft 
paflcjOU  qu'il  en  celle  qiielquVn , fefcaillc  de  U 
ballance  vuidc,ne  fabbaifle  poinr,&f  il  f obftinc 
apres  qu’on  luy  a fait  inftance  de  fc  confelTer,  & 
ne  vueille  defcouurir  tous  ces  pechezJesBoquis 
le  iettent  & font  choir  du  haut  en  bas,  où  en  vn 
moment  il  eft  rompu  & brife  en  mille  pièces. 
Neantmoins  ce  Chrefticn  nommé  lean  nous 
difoir,qn  ordinairement  la  crainte  &trcmeur  de 
ce  lieu,  eft  fi  grande  à tous  ceux  qui  f y mettent, , 
& le  danger  que  chacun  voit  à fœil,  de  tomber 
de  la  ballance,  ôc  eftre  defrompu  ôc  brifé  en  bas, 
qu’il aduient  fort  peu  fouuent  qu’il  y en  aye,  qui 
ne  defcoLiùrent  tous  leurs  pechez.Ce  lieu  cft  ap- 
pelle d’vn  autre  nom  Sangenotocoro,qui  veut 
dire  lieu  de  confcflîon.  L’on  voit  bien  claircmct 
par  ce  difcours,comme  le  diable  a prétendu  vfiir 
per  pour  foylc  fcruice  diuin,en  faifant  de  la  con- 
feflîon  des  pechez(  laquelle  le  Sauueur  a infti- 
tueepour  le  remede  des  hommes  ) vne  fuperfti- 
tion  diaboIique,pour  leur  grand  dommage  & 
pcrdition.EtneJ’a  pas  fait  moins  à Tendroit  de 
la  Gentilitc  du  lâppon, qu’à  rédroit  de  celle  des 
prouinccs  de  Collao  au  Perur' 


V 


©ES  liîOES.  Liv.  V. 


Be  lUhominAUe  onBion,  dont  vjoyent  les 

frejîres  Mexiftâins  cr  AîttresnaümSÿ 

de  leur  fortUeges, 

C H A P.  XXVI. 


Bleu  ordonna  en  la  loy  ancienne , ia 
façon  comme  Tondeuoit  confacrer 
la  perfonnne  d'Aaron  &c  les  autres 
preftres  , & en  la  loy  Euangelique 
tiouSauons  mefmeleS.Chrefme,& 
on6lion,dequoy  1 on  vfe  quand  l’on  nous  làcrc 
preftres  de  Chrift.ll  y auoit  mefme  en  la  loy  an- 
cienne, vnc  certaine  compoftrion  odoriférante, 

. que  Dieu  deffendoit  d’employer  en  autre  choie 
qu  au  ferüice  diuin.  Le  diable  a voulu  contre- 
faire toutes  ces  choies  à là  façon,  comme  il  a 
accouftumé , ayant  inuentc  à celle  lin  des  cho- 
fes  hordes,  Scfifalles,  qu’elles monUrentaf- 
fczquelcn  eft  l’Autheur.Les  preftres  des  ido- 
les en  Mcxique,foignoyentcn  celle  manière. 

Ils  1 oignoient  le  corps  depuis  les  pieds  iulques 
à la  telle, & tous  les  cheueux  aulli,  lelquels  leur 
demeuroient  en  forme  de  trelTes  rcircmblans 
a des  crins  de  cheual , à caufe  qu’ils  y appli- 
quoyent  celle  ondlion  humide  & mouillée. 

Les  cheueux  leur  croilToient  tellement  auec  le 
temps  , qu’ils  leur  tomboient  iufques  aux  ia- 
rets,  lipefants  qu’ils  leur  donnoient  beaucoup 
de  peine  à les  porter,  car  ils  ne  les  coupoyenr, 
ny  tondoient  point,  iufques  , à ce  qu’ils  mou- 
rullent , ou  qu  on  les  en  dilpenfall  pour  leur 


) ' 

Histoire  natv^rilli 
grande  vieillcire,  ou  bien  qu’on  les  employai 
aux  gouuernements  & autres  offices  honora- 
bles en  la  république.  Ils  porroien  t leurs  che- 
nellurcstreirecSjdcfix  doigts  de  large  , & ft 
' noirciiîoient  & teignoyent  auec  de  la  fumee 
de  bois  de  pin,  ou  raifine,pour  ce  que  de  toute 
antiquité  entre  eux,  ç’a  efté  roufiours  vnc  of- 
frande qu’ils  faifoient  à leurs  idoles*  Et  pour 
cefte  occafion  elle  eftoit  fort  eftitnec  & reue- 
ree.  Ils  eftoient  toufiours  noircis  de  cefte 
teinture,depuis  les  pieds  iufques  à la  telle , tel- 
lement qu’ils  refTembloyent  àdes  Negresfort 
rcluifants  , & celle  la  eftoit  leur  ordinaire  on- 
dlion.  Toutesfois  quand  ils  alloyent  facrifief 
& ençcnfer  dedans  les  montaignes  , ou  aux 
fommets  d’icelles,  ôc  auxcauernes  obfcures  Sc 
rencbreufcs,où  eftoyent  leurs  idoles,  ils  vfoient 
d’vne autre  onélion  fort  differente,  faifant  de 
certaines  ceremonies  pour  leur  ofter  la  crain- 
te, & augmenter  le  courage.  Cefte  oélionfe 
faifoitauec  diuerfes  bcftiolles  vcnimcufes,com- 
me  d araignées,  defeorpions,  de  cloportes,  de 
fallcmandrcs  & de  viperes  , Icfquelles  les  gar- 
çons des  Colleges  prenoyent  & amalToycnt,  à 
quoy  ils  eftoyent  fi  adroits , qu’ils  en  eftoient 
toufiours  garnis  , quand  les  preftres  leur  en 
demandoyent.  Le  principal  foii^  & foucy  de 
cesgarçons,eftoitd’allcr  à la  chaflc  de  ces  be- 
ftioîlestque  fils  alloient  autre  part,  & que  da* 
uanturc  ils  rencontraflent  quelqu’vne  de  ces 
beftiolles,  ils  farreftoyent  à la  prendre , auec 
autant  de  peinc,commé  fi  leur  propre  vie  euft 
defpendii  de  cela*  A raifon  dequoy  les  Indiens 


Dits  T N® ES.  Liv.  V. 

Me  Craign6yent  point  ordinairement  ces  be- 
ftiollcs  vcnimeufcs  ^ n’enfaifans  non  plus  d’c- 
ftat  que  fi  elles  ne  l’eulîènt  point  efté,  d’autant 
qu’ils  auoient  tous  efté  nourris  en  cét  exerci- 
ce. Pour  faire  cet  vnguent  de  ces  bcftiollcs,  ils 
les  prenoyent  toutes  enfcmble , & les  brufi. 
loientaufouyerdu  templc/j  qui  eftoit  deuanc 
lauteljiufquesàce  qu’elles  fulFcnt  rcdüittes  en 
ccndrcjpuislesmcttoienten  des  mortiers  auec 
beaucoup  de  Tauaeo,ou  betunij  (qui  cft  vn  hcr- 
bcjdont  celle  nation  vfe  pour  endormir  la  chair, 
& pour  ne  fentir  point  le  rrauail)aucc  lequel  ils 
mefloient  ces  cendres,  qui  leur  faifoit  perdre  la 
force.  Ils  mettoient  mefme  auec  celle  cendre, 
quelques  fcorpions,araignes  & cloportes  viues, 
mcflans  &amafiànsle  toutenfemble,  puis  ils  y 
mctfoycntdVncremence  toute  moullüe,  qu'ils 
appclloyent01oluchqui,dcquoy  les  Indiens  foc 
Viibreuuagc,pourvoirlcsvifions,  d’autant  que 
l’cffcdl  de  celle  herbe,ell  d’oller&priuer  l ’hom- 
me du  lèns.  Ils  moulloycntraefineaûec  ces  cen- 
dres,des  vers  noirs  & velus,defquelslepoiireu- 
lemen t ell  venimeux  , & amalîbyent  tout  cela 
cnlcmble  auec  du  noir,  ou  fumée  de  rezine,  le 
mettans  en  des  petits  pots,lefquels  ilspofoycnt 
deuant  leur  Dieu  , difans  que  c’elloit  là  leur 
viande.  C’ell  pourquoy  ils  appclloycnt  cela 
manger  diuin.  Par  le  moyen  de  cet  oignement 
ils  deuenoyent  ibreiers,  & voy oient , & par- 
loyent  au  diable.  Les  prellres  cllans  barbouil- 
lez de  celle  pafte  perdoient  routecrainte,pre- 
nanscneuxvnelprit  de  cruauté.'  A raifon  de 

Kk 


f 


Histoiri  katvrelle 
cjuoy  ils  tuoient  les  hommes  aux  facrificcs 
fort  hardiment  , & alloyent  de  nuidl  tous  feuls 
aux  montaignes  & dedans  les  cauernes  ob^ 
feures  J mefprifans  les  beftes  fiercs,  tenans 
pour  certain  & approuuc,  que  les  lions, tigres, 
ferpens,&  autres  beftes  furieufes,  qui  fengen- 
drent  aux  montagnes  & forefts,  fenfuyroient 
d cux,par  la  vertu  de  ce  betum  de  leur  Dieu  . Et 
àkveritéjficcbetumne  les  pouuoit  faire  fuir, 
c’eftoitchofe  fuffifante  pour  ce  faire  , que  le 
pourtrait  du  diable  enquoy  ils  cftoient  tranf- 
formez.  Ce  betum  feruoit  mcfmc  pour  guarir 
les  malades  & les  enfans  , parquoy  tous  lap- 
pelloient  la  médecine  diuine,  & ainh  de  toutes 
parts  venoient  ils  par  deuers  les  dignitez  & 
preftres,comme  vers  leurs  Sauueurs,  afin  qu’ils 
îcur  applicaltent  la  mcdecine  diuine,  ôdesoi- 
gnoyent  d’icelle, par  les  parties  denllantes.  Ils 
afferment  qu’ils  fentoient  par  ce  moyen  vn 
notable  allégement,  ce  qui  deuoit  eftre  à caufe 
queleXauaco,  & Ololuchqui,  ont  d’eux  mef- 
mes  cefte  propriété  d’endormir  la  chair,  cftans 
appliquez  en  façon  d emplaftre  , ce  qu’ils  doi-r 
lient  operer  , à plus  forte  raifon,eftans  mcflea; 
auectelspoifons.Et  pourcc  qu’il  leur  araortif- 
foit,  & appaifoit  la  douleur  , il  leur  fembloi  t 
que  ce  fuft  vn  effeâ:  de  fanté,  & de  vertu  diui- 
ne. Ceft  pourquoy  ils  accouroient  à ces 
preftreSjComme  à des  houjimes,  faints , Icfqucis 
entretenoient  en  cet  erreur  , & csblouyfle- 
ment  les  ignorans  , leur  perfuadans  ce  qu’ils 
vouloicnt,  & les  faifans  venir  à leurs  médeci- 
nes , & ceremonies  diaboliques , par  cc  qu’ils 


Des  In  ü e s.  L i V.  V.  ifî 
iuoieht  telle  aüthorité,  qu’il  (liffifoit  qu’ils  lé 
diircnt  pour  le  faire  tenir  comme  article  de 
foy.  Et  àinfi  ils  faifoient  parmy  le  vulgaire 
mille  ruperftitions,  en  la  façon  d’offrir  l’cn* 
ccnSjCn  la  façon  de  leur  couper  les  cheueux,  ca 
attachant  de  petites  bûchettes  au  col , & des 
fillets  auec  des  petis  os  de  couleuures,leur  com-^ 
mandant  qu’ils  fc  baignaircnt  à certaine  heure* 
quils  veillafîènt  de  nui(5t  au  fouyer  , de  peur 
que  le  feu  ne  feftaignift,  quilsncmangeafTent 
point  d’autre  pain  que  celuy  qui  aüoit  cfté  of-^ 
îert  à leurs  dieux,  qu’ils,  fc  rctiralîènt  en  leur 
befoing  incontinent  par  deuers  les  forciers,  lef- 
quels  auec  certains  grains  iettoyent  les  forts 
ôedeuinoient,  regardans  endescuucs,&  poel- 
les  pleines  dcaue.  Les  forciers  &miniftresdu 
Diable  * àuoient  accouftumé  mefrne  de  em- 
badurnbfer,bcaucoup.  Et  efl: vue  chofe  infinie 
de  la  grand’ multitude,  qu’il  y a ciie  décès  de- 
uins,  fortilleges,  enchanteurs,  dcuinctirS  & au- 
tres fortes  de  faux  prophètes.  Au  iourd’huy  il 
i-efte  encor  de  ccfte  peftilence  , quoy  qu’ils  fè 
tiennent  fccrets  counerfs,  ri  ofàns  oüuerte- 
ment  exercer  leurs  facrilegês , & diaboliques 
ceremonies,&  fuperftitions,  mais  leurs  abus  & 
maléfices  font  defcouuerts  plus  ail  long , & 
particuliefement  aux  confeflîorinaires  faits 
parles  Prélats  du  Peru.  Il  y a vn  genre  de  Cor- 
ciers,  entre  les  Indiens  permis  par  les  Roys 
Inguas, qui  font  comme  deuins,  Icfquels  pren  - 
nent vnc  telle  forme  ôc  figure  qu’ils  veulent, 
allans  & faifans  par  l’^ir  beaucoup  decherairt 
en  fort  peu  de  temps , de  voyoient  ce  qui  fc 


Histoire  natvrelie 
palïbit.  Ils  parlent  auec  le  Diable  , lequel 
leur  refpond  en  de  certaines  picrrcs,ou  autres 
chofes  qu’ils  vencrent  beaucoup.  Ils  feruent 
de  deuins  , ôc  pour  dire  ce  qui  fcpairecndes 
lieux  les  plus  efloignez,  aüantquclanouuellc 
en  vienne,  ou  puilFe  venir.  Comme  merme il 
cft  encor  arriué  depuis  que  les  Erpagnols  y 
font  qu  en  diftance  de  plus  de  deux  ou  trois 
cens  lieues , l’oH  a fçeu  les  mutineries  , les  ba- 
tailles, les  rebellions,  les  morts,  tant  des  ty- 
rans, comme  de  ceux  qui  eftoient  du  cofte  du 
Roy,  & des  perfonnes  particulières,  ce  que 
Ton  a fçeii  du  meflneiour,  que  les  chofes  arri- 
uerenr,  ou  bien  le  ioiir  enfuyuant , qui  eftoit 
chofe  impolîible  , félon  le  cours  de  nature. 
Pour  faire  celle  diuination,  ils  fe  mettent  en 
vne  m^ifon  fermee  par  dedans , & fenyurent 
iurques  à perdre  le  iugemcnr,  puis  vn  iour  apres 
ils  refpondcnt  à ce  que  l’on  leur  demande. 
Quelques  vns  aflerment  quils  vfent  de  cer- 
taines ondions.  Les  Indiens  difent , que  les 
vieilles  exercent  ordinairement  cet  office  de 
fortilleges  , Ôc  particulièrement  celles  d’vne 
prouincc,  quils  appellent  Coaillo,  dVne autre 
ville,  appcllée  Manchey,  & delaprouince  de 
Guarochiri.  Ils  enfeignent  mefme  oùfontles 
chofes  perdues  & defrobees.  De  toutes  ces 
fortes  de  lorciers,  il  y en  a eu  en  tous  endroits, 
vers  lefquels  viennent  ordinairement  les  Ana- 
conas  , ôc  Cyuas  , qui  feruent  aux  Lfpagnols 
quand  ils  ont  perdu  quelque  chofe  de  leur 
maillre  , ou  qu’ils  défirent  fçauoir  quelque 
fuceex  des  chofes  palïècs,ou  aduenir,  Commç 


BIS  Indes.  Liv.  V.'  25^ 

quand  ils  dcfccndcnt  & vont  aux  citez  des  Ef- 
pagnols  pour  leurs  affaires  particulières,  ou 
pour  les  publiques , ils  leur  demandent  fî  leur 
voyage  fc  portera  bien  , fils  feront  malades, 
fils  mourront  ou  retourneront  fains , fils  ob- 
tiendront ce  qu’ils  prétendent,  Scies  forciers, 
ou  deuineurs  reipondent,  ouy  , ou  non , ayans 
premièrement  parlé  auec  le  Diable,  en  vn  lieu 
obfcur , de  manière  que  ces  Anaconas  oyent 
bicnlcfbn  delà  voix  , mais  ils  ne  voyent  paH 
qurles  diuins  partent , ny  n’entendent  pas  ce 
qu  ils  difenr.  Ils  font  mille  ceremonies  Ôc  la* 
crifices  pour  cet  effeéf , auec  Icfquels  ils  inuo- 
quent  le  Diable , & fenyurent  brauement.  Et 

Eour  ce  faire  ils  vfent  particulièrement  dVnc 
erbe,  appellce  Villea,  le  fuc  de  laquelle  iis 
mettent  dedans  le  Chica,ou  le  prennent  d’au- 
tre façon.L  on  peut  voir  par  cecy,  combien  eff 
grand  le  malheur  de  ceux  qui  ont  pour  mai^. 
ftres,  les  minillrcs  de  ccluy  la,  duquel  l’office 
cil:  de  tromper.  Et  eft  vne  choie  approuuée 
qu’il  n’y  a rien  qui  empefehetant  les  indiens, 
de  rcccuoir  la  foy.  du  S.  Euangile,&dcperfc- 
ucrer  en  icelle  , que  la  communication  de  ces 
Ibrcicrs  qui  ont  efte  , ôc  y font  encor  en  très-» 
grand  nombre  , bien  que  par  làgracedu  Sei- 
gneur ôc  diligence  des  Prelats,&  des  preftres, 
ils  vont  diminuant, & ne  font  plus  ffpreiudi.cia- 
bles.  Quelques  vns  d’iccnxfe  font  conuertis  & 
ont  prefehé  publiquement  , defcouurans  ôc 
blifmans  eux- mefmes  leurs  erreurs  ôc  trompe- 
ries , ôc  dcclarans  leurs  finedes  ôc  mcnieries, 
dequoy  on  aveu  fqrtir  de  grands  fruids,CQn:!(.- 

iij 


»)- 


Histoire  natvriiie 
mertefmc  nousfçaiions  par  lettres  du  lappon, 
qu  il  en  eft  arriué  de  mefmeen  ces  parties,  le 
tout  à la  gloire  & honneur  de  noftrc  Dieu  âc 
Seigneur. 

JPes  antres  ceremonies  ^ coujlumes  des  Indiens 
font  femhUhles  attx  nojîres, 

Chap.  XXVII. 

Es  Indiens  ont  eu  vn  nombre  infîny 
d’autres  ceremonies  & couftumes, 
pluficurs  delquellcs  refembloyent  à 
la  loy  ancienne  de  Moyfe^  les  autresà 
celles  dont  vfent  les  Mores  , & les  autres  ap- 
prochoienr  dclaloy  Euangelique,  comme  les 
baingSjOU  Opacuna,  qu’ils  appellent,  qui  eftoit 
qu’ils  fe  lauoyent  en  reaüe,pourk  nettoyer  de 
leurs  pechez^  Les  Mexiquains  auoycnt  auffi 
entf eux  quelque  forte  de  bapterme  , qu’ils 
faifoyent  aucc  ceremonie  , qui  cftoit  quilsin:* 
cifoyent  les  oreilles  le  membre  viril  aux  pe- 
tits enfansnouuéaux  nez  , contrefailàns  aucu- 
nement la  Circôcifion  des  luifs.Ceftc  ceremo- 
nie fe  faifoit  principalement  à l’endroit  des  fils 
des  Roys,&  des  Seigneurs.  Incontinent  apres 
leur  naiirance  les  preftres  les  lauoient,  de  leur 
mettoyentvne  petite  efpée  à la  main  droitre,  ôc 
àla  gauchevnerondelle,&âux  enfans  ducôrau 
& vulgaire,  ils  leur  mettoyenr  les  marques  de 
leurs  offices,&  aux  filles  des  infiruraens  à fillcr  à 
tiltre , & à rrauailler  Et  duroit  cefte  ceremonie 
quatre  iours,qui  fe  faifoit  deuant  quelque  idole 
Ils  côtradtoyent  leurs  mariages  à leur  modc,dôç 


1>  E s I N D E S.  Ll  V.'  V.  2^0 

îe  liccnti  Polo  a efcrit  vn  Traitté  tout  en- 
tier, & cn  diray  cy  apres  quelque  chofe.Én  au- 
tres chofes , mefmes  leurs  ceremonies  & cou- 
ftumcs  auoienc  quelqué  apparence  deraifon. 
Les  Mexiquains  fe  marioicnr  par  la  main  de 
leurs  preftres  en  celle  façon.  L’efponx  & ef- 
pouze  Ce  mettoient  enfemble  deuant  le  pre- 
ftre  , lequel  les  prenoit  par  les  mains , de  leur 
demandoit  füs  fcvouloient  marier, puis  ayant 
entendu  la  volonté  de  tous  deux,  il  prenoit  vn 
coing  du  voile,  dont  la  femme  auôit  la  telle 
couuerte,&vn  autre  coing  de  la  robe  d.e  I kom- 
mc,  lefquels  il  attachoit  enfemble , faifant  vn 
nœud,  & les  menoit  ain lî  attachez  à la  maifon  ^ 
de  l’elpouze,  où  il  y auoic  vn  foyer  allumé,  & 
lors  il  faifoit  faire  à la  femme  fept  tours  à l ’en- 
tour de  ce  foyer  , puis  lés  mariez  fe  feoy en  t en- 
femble, ôc  parce  moyen elloit  conrradé  leur 
mariage.  Les  Mexiquains  elloicnt  trcf-ialoux 
de  l’intregrité  de  leurs  femmes  & elpouzes,tcl- 
lement  que  fils  fapperceuoient  quelles  ne 
fuirent  telles  qu  elles  deuoienr  ellre  (ce  qu’ils  rc 
CognoilToicnc  par  lignes  ou  par  paroles  cfhoii- 
tées  ) ils  le  faifoient  incontinent  entendre  aux 
peres  & parens  de  ces  femmes, à leur  grand  hô- 
te &deshonncur;parce  qu’ils  n’auoienrpasbié 
prins  garde  fur  elles.  Mais  ils  honoroient  & 
ellimoient  beaucoup  celles  qui  conferuoient 
leur  honnelleté,  leur  failansde  grandes fellcs, 

&c  donnoient  pluliçurs  prefents  à elle  & à fes 
parens.  Ils  faifoient  pour  celle  occafioii  de 
grandes  offrandes  à leurs  Dieux , & vn  ban- 
quet folemnel en  la  maifon  de  la  femme,  & vn 
Kk  üij 


Histoire  NATVRELtE 
autre  en  la  maifon  de  l’homnic.  Qiund  on  les 
menoie  en  leur  maifon  ils  mettoient  par  mé- 
moire tout  ce  que  rhomme  & la  femme  appor- 
roient  enfcmblc  de  prouifîons  de  maifon , de 
terre  , de  loyaux  ôc  d’ornejnents  , lequel  mé- 
moire chafquepered’iccux  gardoit  par  deuers 
luy,pource  que  fi  d*aucnture  ils  venoient  à fai- 
re diuorcc  (comme  il  eftoit  ordinaire  entr’eux) 
ne  fe  trouuans  bien  iVn  aucc  l’autre , ils  par- 
toient  leurs  biens  , félon  que  chacun  d’eux  en 
auoit  apporté,  ayant  chacun  d’eux  liberté,  en 
tels  cas  , de  fe  remarier  auec  quibonluyfem- 
blcroit , & bailloient  les  filles  à là  femme,  & 
à d’homme  les  fils.  Ils  leur  defFendoientexpref- 
fément  fur  peine  de  mort  de  fe  remarier  en- 
femb/e,  ce  qu’ils  obferuoicnt  fort  rigoureufe- 
menr.  Etiaçoic  qu’il  fcmble  que  plufieursde 
leurs  ceremonies,faccordent  auec  les  noftres, 
ncanrmoins  elles  font  fort  differentes,pourlc 
grand  meflange  d’abomination  qui  y efttouf- 
ioiirs.  C’efi:  vne  chofe  commune  & generale 
en  icelle,  qu’il  y a ordinairement  vne  de  ceS’ 
trois  chofes,  ou  de  la  cruauté,  ou  dcl’ordurci 
ou  de  la  pareffe  : car  toutes  leurs  ceremonies 
eftoient  cruelles  ôc  dommageables,  comme  de 
tuer  les  hommes,  & de  refpandre  le  fangrou  el- 
les eftoient  ordres  & falles,comme  de  boire  & 
de  manger  a4  nom  de  leurs  idoles , ôc  d’vriner 
mefme  en  leur  honneur,  les  portans  fur  leurs 
cfpaulles  , df  foindre  ôc  barbouiller  fi  laide- 
ment, ôc  de  faire  mille  autres  fortes  de  vile- 
nies qui  eftoient  pour  le  moins  vaincs  ou  ridi- 
cules ôc  oifeufes,  &■  qui  reirembloicntplus  œu- 


- BBS  ImdBS.  LïvIV.  2^i 

urcs  d’enfans , que  d’hommes.  La  caufe  de  ce- 
la cft  la  propre  co ndition  de  l’cfprit  malin , du- 
quel Imtention  cft  toufîours  drelfcc  à faire 
mal,  prouoquantles  hommes  à des  homicides 
& ordures,  ou  pour  le  moins  à des  vanitezSc 
occupations  inutiles.  Ce  qu’vn  chacun  peut  af- 
fez  bien  cognoiftre  ^ en  cônftderanc  attendue/ 
ment  les  adioiis  & comportemens  du  diable, 
à l’endroit  dexeux  quhl  va  dcceuant.  Car  en 
toutes  fesillufîons  l’on  y trouue  toujours  méf- 
iées toutes,  ouquelquVnc  de  ces  trois  chofes. 
Les  Indiens  mcfme  depuis  qu’ils  ont  laJumie- 
rc  denoftre  Foy  le  rient,  & fe  moquent  des 
folies  & inepties  , cfquclles fleurs  Dieux  les 
tenaient  occupez  , Ôc  aufquels  ils  fciHoienr 
beaucoup  plus  de  crainte  qu'ils  auoient  d’eux, 
qu’ils  ne  leur  fiilent  du  mal , en  ne  leur  obeyf- 
fànt  point  en  toutes  chofes  , que  non  pas  pour 
bamour  qu’ils  leur  portoient.  Combien  que 
quelques  vns  , voire  en  grand  nombre,  vef. 
quiflent  trompez  & deçcus  de  vaines  efperan- 
çes  de  biens  temporels  : car  d’eterncJs  ils  n’en 
auoient  point  cognoiftànce.  Et  certainement 
là'oùla  puilfance  temporelle  feft  plus  agran- 
die , là  feft  plus  accrcue&  augmentée  la  hiper- 
ftition.  Comme  l’oh  void  aux  Royaumes  de 
Mexique  & de  Cufco , où  e’eft  vnexhofe  in- 
croyable que  le  nombre  des  ado ratoires  qu’il 
y auoit  : veu  que  dans  l’enclos  de  la  Ci  té  de  Me- 
xique il  y en  aupitplus  de  trois  cents, Mango- 
Ingua  Yupangui  , entreles  Roys  de  Cufco,  a 
efté  celuyqui  ale  plus  augmenté  le  ièruice  de 
leurs  idoles  ^ inuentant  mille  diuerfjtczde  f^- 


HiST01«.E  NATVRlttB 
erificcs,  fcftcs  & ceremonies.  Autant  en  fit  ca 
Mexique  le  Roy  Ifcoalt , qui  fut  le  quatrief- 
me  Roy.  Il  yauoit  aufli  grand  nombre  de  fii- 
perftitions  & facrifices  en  ces  autres  nations 
d’indiens,  comme  enlaprouincedeGuatimal- 
la,aux  Ifles,  au  nouucau  Royaume, en  lapro- 
uincc  de  Chillé,& aux  autres  qui  eftoient  com- 
me Republiques  & Gomunautez*  Mais  ce 
n’eftoit  rien  auTefpedl  de  Mexique,  & de  Cu^ 
feo,  où  Satan  eftoit  comme  enfaRome,&en 
fa  Hierufalcm , iufqucs  à ce  qu’il  ait  efteietté 
. dehors  contre  fa  volonté,  &ait  efte  pofee  ôc 
colloquée  en  ion  lieu  la  faiçiéle  Croix,  ôc  que 
le  Royaume  de  C h r i s t noftre  Dieu  ait  occu- 
pé celuy  que  le  tyran  auoit  vfurpé. 


Ve  (Quelques  fejles  celehrées par  ceux  de  Cupo,  ^ cmiy 
ment  le  dfahle  a voulu  mefme  imiter  lemyjiere 
de  U tres-famHe  Trinité,  ^ 

Chapitre  XXV fti. 

O V R conclure  ce  qui  touche  la 
■Religion,  il  refte  de  dire  quelque 
:hofe  des  feftes  &£blennitcz  que 
:elebroientlcs  Indiens,  lefquelles 
f pour  ce  qu’elles  font  diuerfes,&  en 
grand  nôbre,ne  pourront  pas  eftre  toutes  raeôr 
tées.Les  Ingiiasfcigneurs  du  Peru  auoientdcux 
fortes  de  feftes,  les  vues  qui  eftoient  ordinaires, 
& qui  efeheoient  en  certains  mois  de  l’année, & 
d’autres  extraordinaires,qui  fe  faifoiétpour  çau- 


Des  lïTpEs. Liv.  V.  z6z 
fcs  occurrcntcs&d’uîîportanee,commc  quand 
l’on  couroniioir  quelque  nouucau  Roy  , quand 
l’on  commençoie  quelque  guerre  d’importan- 
ce, quand  il  y auoit  quelque  grande  neceffité 
d"caue,ou  defecherdre,ou  d’autres  dîofesfem- 
blables. Pour  les  feftes  ordinaires  . Ton  doiten- 
tendre/que  chafque  mois  de  l’an,  ils  faifoîcnt 
des  feftes  & làcrificcs  differents , & encor  que 
tous  cuftcntcela  defemblable  quel'on  y oftroic 
cent  moutons,  toutesfois  en  la  couleur,  6c  en 
la  forme  les  moutons  deuoienteftre  fort  diffe- 
rents. Au  premier  mois  qu’ils  appellent  Rayme, 
qui  eft  le  mois  de  Décembre , ils  faifoient  la 
première  fefte  qui  eftoit  la  principale  de  tou- 
tes,&pour  cefte^occafîon  ils  l’appelloient  Ca- 
pacrayme,  qui  eft  à dire,  fefte  riche  ou  princi- 
pale.En  celle  fefte  fon  offroit  vn  grand  nouir 
bre  de  moutons  & d’aigneaux  en  facrifice,  Ôc 
les  brüfloit-on  auec  du  bois  taille  & odorifé- 
rant, puis  ils  faifoient  apporter  de  l’or  & de  l’ar- 
gcnr,delTus  certains  moutons,  &mcttoient les 
trois  ftatues du  Soleil  ,6cks  ^rois  du  tonnerre, 
le  pere  , le  fils  èc  lefrere.En  ces  feftes  l’on  de- 
dioit  les  enfans  Inguas,cn  leur  mettant  les  Gua- 
ras  ou  enfeignes , 6c  leur  perçoient  les  oreilles, 
puis  quelque  vieillard  les^  fouetoit  auec  des 
fondes  , 6c  leur  oignoit  le  vilàge  auec  du  fang, 
le  tout  en  ligne  qu’ils  deuoienteftre  Chcualiers 
loyaux  de  l ’bigua.Nul  eftrâger  ne  pouuoit  eftre 
enCufcOjdurantcemois  6c  celte  fefte,  mais  fur 
la  fin  ils  y entroient,&  leur  donnoit-on  alors  de 
CCS  morceaux  de  maySj^auec  du  fang  du  facrifi- 
cc,quils  mangeojent  en  ligne  de  côfederatiç>ii 


Histoire  N ATVREL LE  , 

aucc  ringua,commc  il  a cfté  dit  cy  dcfliis.C  cil  I 
rnc  chofc  cftrangcquc  le  Diable  fclonfa  mode 
ait  mefmc  introduit , en  ridolatrie,vnc  Trinité:  I 

car  les  trois  ftatucs  du  Soleil,  cftoicntappcllces 
Apomti,Churiintî,  ôc  Intiquaoqui , qui  ngnifie 
lepere  ôc  feigneur  Soleil,  le  fils  Soleil,  ôc  le 
frere  Soleil , de  la  merme  façon  ils  nommoient 
les  trois  ftatues  de  Chuquilla,  qui  eft  le  Dieu 
qui  prelide  en  la  région  de  Tair ,où  il  tonnc,pleuc  i 
Ôc  ncige.ll  me  fouuient ,qu  cftant  en  Chuquifa- 
ca,  vn  preftre  honorable  me  monftra  vne  in- 
formation , que  i’cuz  allez  long  temps  entre  ! 
mes  mains,  où  il  cftoir  prouué  qu’il  y auoit  vu 
certain  Guaca,  ou  oratoire,  où  les  Indiens  ado-  ! 

roient  vneidolc,nommé  Tangatartga,  laquelle 
ils  difoient  eftrc  vne  en  trois,  ôc  trois  en  vne. 

Bt  comme  ce  preftre  eftoit  cfmerueillc  de  cela 
ie  luy  dy  que  l,e  diable, par  Ton  infernal  ôc  obfti- 
né  orgueil,  par  lequel  il  prétend  toufîours  le 
faire  Dieu,  delroboit  tout  ce  qu’il  pouuoit  de  ! 
la  vérité,  pour  l’employer  à fes  menfonges,  6c  ! 
tromperies.  Reuenans  donc  aux  feftes  du  fe-  | 
cond  mois,  qu’ils  appellent  Caraey,  outre  les  i 
facrifîces  qu’ils  faifoicntjils  iettoient  les  cendres  ’ 
aualvnruilïèau,allanscinq,ou  lîx  lieiies  apres,  i 
aucç des  bourdons,  ou  ballons,  le  priant  qu’il  i 
les  portail  iufques  à la  mer,  pour  autant  que  le 
Viracocha  y debuoit  rcceuoir  ceprefenr.  Au  , 
troi(ielme,quatriefme,  & cinquiefme  mois,  ils  | 
offroient  cent  moutons  noirs  mcllez,  Ôc  gris,  | 
auec  beaucoup  d’autres  çhofes , que  ie  lailTc , de  j 
peur  d'eftre  ennuyeux.  Le  fixiefme  mois  fap-  j 
pelle  Haruneuzqui  Aymorey , qui  rçfpond  ^ [ 


BES  Indes.  Liv.  V, 

May,  auquel  l’on  facrifîoit  cent  autres  moutons 
de  toutes  couleurs,cnceftc  Lune  , & mois,  qui 
eft  quand  Ton  apporte  le  May  des  champs  en 
la  maifon,  l’on  failoit  la  feftc  qui  cft  encor  au- 
iourd’huy  fort  en  vfage  entre  les  Indiens  ôc 
rappellent  Aymorey.  Ceftc  feftc  fe  fait  en  ve- 
nant depuis  la  Chacra, ou  métairie  iufqucs  à la 
maiiôn,  difàns  certaines  chanfons,où  ils  prient 
que  le  Mays  puifle  durer  long  temps,  & l’appel- 
lcnt,Mamacora.  Ils  prennent  certaine  portion 
^ du  plus  fécond  Mays , du  creu  de  leurs  metai- 
rics,Icquel  ils  mettent  en  vn  petit  grenier  qu’ils 
appellent  Pirua , auec  certaines  ceremonies,^ 
veillants  trois  nuits,  & mettent  çe  Mays  dans 
les  plus  riches  habits  qu’ils  ayenr,  &dcs  qu’il 
cft  ainfî  cnueloppc  & accommodé,  ils  adorent 
eefte  Pirua,  & l’ont  en  grande  vénération,  di- 
fantsqueceft  lamcrcdu  Mays  deleurs  hcrita- 
ges,&  que  par  ce  moyen  le  Mays  augmente,  ôc 
fecohferue.Encemoisilsfontvn  facrificc  par- 
ticulier, ôc  Ics  fbrciers  demandent  àkPirua,iî 
elle  a de  la  force  aflez  poUfc  durer  iufques  à 
I an  à venir,  Ôc  fi  elle  reipond,quenon,ils  por- 
tent le  mais  brufler  à lamctairic,d’oùils  l’ont 
apporte,  félon  la  puilfance  d’vn  chacun,  apres 
ils  font  vne  autre  Pirua,  auec  les  mefines  cere- 
monies, difans  qu’ils  la  renouuellent,  afin  que 
la  femcncc  du  Mays  ne  periflè,  ôc  fi  elle  refpond 
qu’elle  a de  la  force  aflèz,  pour  durer  d’auanta- 
gc,ils  la  laifient  iufqucs  à Tautre  année.  Ceftc 
fotre  vanité  dure  iufqucs  aiiiourd  huy  , &eft 
fort  commune  entre  les  Indiens  , d auoir  ces 
Piruas,  ôc  fiürc  la  fefte  d’ Aymorey . Le  feptiefmc 


HiSTOIrI  NA TV relie 
mois  rcfpond  à luin,  & Rappelle  Aucaycuzqüî 
întiraymijcniccluy  ils  faifoientlafcftc , appel- 
iéelntiraymijOÙ  l’on  facrifioit  cent  moutons, 
guanacoSj&  difoient  que  c’eftoit  la  fefte  du  So- 
leil:cn  ce  mois  ils  faifoient  vn  grand  nombre 
de  ftarues  de  bois  de  qninua  taille  toutes  vc- 
ftueâ  de  précieux  habits  , & fe  faifoit  le  bal 
qu’ils  appclloientCayo.  En  celle  fcllc  Fonef- 
pandoit  beaucoup  de  fleurs  par  le  chemin,  & y 
vcnoientles  Indiens,  fort  barbouillez , & les 
feigneurs  y eftoient  ornez  aüec  de  petites  pla- 
tines d^or  à la  barbe,  & y chantoienttous,  &* 
doit-onfçaiioir  que  celle  fellc  tombe  quafl  au 
n^efmc  temps,  que  nous  autresGhreftienSfai- 
fonslafollemnitéaufaind  Sactement,  qui  luy 
f eiremble  en  quelque  chofe,  comme  aux  dan- 
ses, chants  & reprefentations.  Et  pour  celle 
raifon,  il  y a eu,  ôc  a encor  entre  les  Indiens 
(kfquels  celebroient  vne  fcllc  aucunement 
femblable  à celle  que  nous  célébrons  du  faindfc 
Sacrement  ) beaucoup  de  fuperllitionsàcelc- 
brer  celle  fclle  ancienne,  de  Tlntiraymi*  Le 
huitiefme  mois  ell  appelle,  Chahua,  Huarqui, 
auquel  ils  brulloient  cent  autres  moutons,-tous 
grisjdc  couleur  de  Vizcacha,felon  l’ordre  fuf- 
dit,  lequel  mois  refpond  à nollre  luillet.  Le 
neufîefmc  moisfappclloit  Yapaguis  , auquel 
l’onbrulloit  cent  autres  mourons,  de  couleur 
dcchallaigne,&:couppoit-on  la  gorgc,&bruf- 
loit-on  auflî  mil  Cuyes,  afin  que  la  gcllée  , ny 
rcaüe,ny  l’air, ny  le  Soleilne  filfcntaucun  mal 
aux  metairies,&  refpond  ce  mois  à l’  Aoull.  Le 
dixicfmc  mois,  fappeUoit  Coyaraymi,  auquel 


I 


1 

I 

i 


DE  Indes.  Liv.  V.  2^4 

rori  brufloit  cent  autres  moutons  blancs,  qüi 
eftoient  vellus.En  ce  mois  qui  refpond  à Sep- 
tembre l’on  faifoit  la  feftcL  appclléc  Situa,  en 
celle  forme.îlsr«alTembloient  le  premier  iour 
de  la  Lune,auantqu  elle  leuall.  Et  en  la  voyant 
ilsl^efcrioient  hautcment,portas  en  leurs  mains 
. des  flambeaux  de  feu,  & difans,que  le  mal  f en 
aille  dehors,  en  s'entre-frappans  les  vns  les  au- 
tres, auec  ces  flambeaux.  Ceux  qui  faifoienr  ce- 
la s’appelloicnt  Panconcos.  E t apres  auoir  achc^ 
ué,  s’en  alloient  en  baing  general,  aux  ruilTcaux 
& aux  fontaines,  chacun  en  fon  propre  èllang. 
&rcmcttoient  à boire  quatre  iours  durans.  En 
ce  mois  les  Mamaepmas  du  Soleil  faifoient  gra- 
de quantité  de  petits  pains„faits  auec  le  fang  des 
fàcrihces,  & en  donnoient  vn  morceau  àcha- 
eüii  des  eftrangers  &forains,mefmeils  en  cn- 
uoyoient  aux  Guacas,ellrangers,de  toiitle  roy- 
aume,&à  plufieursCuracas,  en  ligne  de  confé- 
dération, & loyauté  au  Soleil  ôc  à Tlngua , com- 
me il  a elle  ià  dît.Les  baings,  yurogneries,  Sc 
quelque  relies  de  celle  fcllc  Situa , demeurent 
encor  auiourd’huy  en  quelques  endroits  , auec 
des  ceremonies  quelque  peu  differentes,  ce  qui 
ellfccretcmenttoutcsfois,parce  que  ces  feiles 
principalles,  & publicques  ont  celfé.  L’vnfief- 
mc  mois,Homarayrai  Punchaiquis,  auquel  ils 

facrifiQientccntautrcsmoutons.Etfilsauoicnt 

faute  d’eaue  pour  vnremede , ôc  afin  de  faire 
plcuuoir,  ils  mettoient  vn  mouton  tout  noir,  ^ 
attaché  au  milieu  d’vne  plaine  elpandant  beau+ 
coup  de  Chica  tout  autour  de  luy  , & ne  luy 
donnoient  point  à manger , iufqucs  à ce  qu’ü 


Histoire  natvrellb 
pleuft,  ce  qui  cft  encor  praticquc  auiourd’huy 
en  pluiîeurs  endroits,  en  ce  mefme  temps  qui 
cft  Odobre.  Le  douzicfme , & dernier  mois 
(’appelloit  Aymara,  auquel  l'on  facrifioitcenc 
autres  moutons , & failbient  la  fefte  appellcc 
Raymicaiitara  Rayquis.Enccmois  quirefpond 
àNouembre,  l’on  appareilloit  ce  qui  eftoit  ne-  . 
ceilaire  pour  les  enfans  qui  fè  debuoient  faire 
nouiccs,le  mois  enfuiuant,  & les  enfans  auec  les 
vieillards  faifoient  vne  certaine  monftre  auec 
quelques  tours  , & cefte  fefte  eftoit  appellcc 
Iturâymijlaqueilefc  fait  ordinairement  quand 
il  pleut  trop , ou  trop  peu,ou  qu’il  y a de  la  pe- 
ftilence.  Entre  les  feftes  cxtraordinaircs,qui  y 
cftoientaulE  en  grand  nombre,  la  plus  fameu- 
fe  eftoit  celle  qu’ils  appelloient  Y tu.  Cefte  fe- 
fte Ytu  n’auoit  point  de  temps  ny  de  faifon  ar- 
reftée,  autrement,  que  en  temps  dcneceflité.  | 
Pour  fe  préparer  à icelle  tout  le  peuple  ieuf»  ; 
noitdenxiours  durants  , aufquels  ils  ne  tou- 
choient  point  à leurs  femmes  ny  ne  mangeoient 
point  de  viande  auec  le  fel,ny  ail, 6c  ne  bcuuoiét 
point  de  Chica.  Tous  ftaircmbloicnt  en  vne 
place,où  il  n’y  auoit  aucun  eftrangcr,  ny  aucun 
animal,  -&  auoient  de  ccrtainshabits  5c  orne- 
ments , qui  feulement  feruoient  pour  cefte  fe- 
fte. Ils  marchoient  en  proceflion  fort  douce- 
ment, les  teftes  couuertcs  de  leurs  voiles,  bat-  ^ 
tans  des  tambours  fans  parler  1 vn  à 1 autre.Cela 
duroit  vn  iour  ôc  vne  nuid.puis  le  iour  enfuy-  | 
uant,ils  danfoicnt,&  faifoient  bonne  cherc,  par  j 
' deux  iours  ôc  deux  nuits  continuellement,  di- 
(àns  que  leur  oraifon  auoir  efté  acceptée.  Et. 

encor 


ôES  Indes,  Lit.  V. 
encor  que  cefte  fcfte  ne  fe  face  auiourd  huy  aucc 
toute  cefte  ceremonie  ancienne.  Ci  cft-ce  que 
communément  ils  en  font  vne  autre^qiii  eft  fort 
femblable,laquelle  ils  appellent  Ayma,  auec  des 
vefteraens,qui  feruent  feulement  à ceft  effed,& 
font  cefte  maniéré  de  proceflîon  aüec  leurs  tâ- 
bours,  ayans  auparauant  ieufnc,puis  apres  fe 
mettent  à faire  bône  chere:  ce  qu’ils  ont  de  cou- 
fturae  de  faire  en  leurs  vrgentes  neceftîtez.  Et 
combien  que  les  Indiens  ayêt  delailTé  en  public 
de  facrifier  des  beftes , & autres  chofes  qui  ne  le 
peuuent  cacher  desEfpagnols,neantmoins  ils  fe 
feruent  toufiours  de  plufieurs  ceremonies  qui 
ont  leur  origine  de  ces  feftes  & fupcrftitionsan- 
ciennes.Car  ils  font  encor  auiourd’huy  couucr- 
temêt  cefte  fefte  de  iTtu  aux  dances  de  la  fefte 
du  Sacrement,  en  faifaits  les  dances  de  Lyamal- 
lama,&  dé  Guacon , & d’autres  félon  lenr  ccred 
monie  ancienne  : à quoy  Ton  doit  bien  regarder 
de  près.  L’onafaitdes  Traittezplus  amples  de 
ce  qui  concerne  cefte  matière , pour  les  lieux  oà 
ileftneedraire  remarquer  les  abus  & fuperfti- 
tions  qu’auoient  les  Indiens  lors  de  leur  gcntil- 
litéjà  fin  que  les  Preftres  &Curez  y prennet  gar- 
de.Suftifedoncàprefent  d’auoir  traitté  de  l’e- 
xercice, auquel  le  diable  occupoit  fes  deuots , à 
fin  que  contre  fa  volonté  l’on  voyc  la  différence 
qu’il  y a del  a lumière  aux  tenebres,&  de  la  véri- 
té Chreftienne  au  mefonge  Gétil,quoy  que  l’en- 
nemyde  Dieu&  des  hommes  ait  tafehé  auec 
tous  fes  artifices  de  contrefaire  les  chofes  de 
Dieu 


HiSÎOIRE  NAT^^R.ELLE 

Pe  U fcjle  dtf  lukléqfte  cdehroient  les 
Mexiqmms, 

CüAF.  XXIX. 

'Es  Mexiquains  n’ont cftc moins cu- 
' rieux  en  leurs  feftes&fc 


biens , mais  d Vn  grand  coüft  de  lang. 
humain.  Nousauons  cy  delTus  parlé  delà  fefte 
principale  de  Virzilipuzeli  ^ apres  laquelle  la  fe- 
fte de  Tezcalipuca,eftoitla  plus  folemnifce.Cc-^ 
fte  fefte  tomboit  en  May,&  en  IcurKalêdrier  ils 
l’appelloiencT oxcoltjelle  efeheoit  de  quatre  ans 
en  4. ans  auec  la  fefte  de  pénitence,  où  il  y auoic 
planrere  indulgence  & pardon  des  pechez.En  ce 
iourilsfacrifioicnt  vn  captif,  qiüauoit  la  fem- 
blanee de ridole  Tezcalipuca,qui  eftbit  le  157. 
deMay.Enlaveillede  cefte  fefte,  les  fêigneurs 
venoient  au  temple  , & apportoient  vn  verte- 
ment neuf  femblable  à celuy  de  l’idole,  lequel 
lespreftresluy  veftoient,  luy  ayans  première- 
ment ofté  les  autres  habits , lefquels  ils  gardoiéc 
auec  autant  ou  plus  de  reuerencç , .que  nous  fai- 
fonslesornemens.  Il  y auoir  aux  coffres  de  l’i- 
dole plufîeursornemens,  ioyaux , affiquets,  & 
autres  richeftes , de  bracelets , de  plumes  pre- 
cieufes,  qui  ne  feruoient  d’autre  chofeque  d’e- 
ftrelà,  &adoroient  tout  cela  comme  le  mef- 
mc  Dieu.  Outre  le  vertement , auec  lequel  ils 
adoroient  l’idole  ccioar-là  , ils  luy  mettoient 


DES  Indes.  Lïv.  V.  2^^ 

dè  certaines  enfeignes  'de  plume , des  garde- 
foleils  , des  ombrages , Ôc  autres  chofes  ; l’ayans 
ainiî  reueftu  & orné , ils  oftoient  la  courtine  ou  ( 
voile  de  la  porte,à  fin  qu’il  fuft  veu  de  tous , Sc 
alors fortoit  vne  des  dignitez  du  temple,  ve- 
ftudelamdrac  façon  que  l’idole,  portant  des 
fleurs  efi  la  main,  & vne  petite  fleute  de  terre, 
ayan  tvn  Ton  fort  aigu,  & fc  tournant  du  cofté 
derOrient  ilia  touchoit , puis  retourne  vers 
rOccident,  le  Norc  & le  Sud , il  faifoit  le  fem- 
blablc.  Et  apres  auoir  ainfi  fonné  vers  les  qua- 
tre parties  du  monde  ( dénotant  que  les  pre- 
fens  & abferts  royoient)ilmettoitledoigt  en  ' 
l’aire, accueillant  de  la  terre  d’icelle,  la  mettoit 
en  fa  bouche , & la  mangeoit  en  figne  d adora- 
tion. Autant  en  faifoient  tous  ceux  qui  y cftoict 
prefens , & en  plcurans  fe  profternoient  inuo- 
quansrobfcuritc  de  la  nuiét  & les  vents , les 
prians  qu’ils  ne  les  dclailTaflcnt  ny  oublialTenc 
pointjou  bien  qu’ils  leuroftaflènt  la  vie,  pour 
^donner  fin  à tant  de  trauaux  qu’ils  enduroient 
en  icelle.  Les  larrons  , les  fornicatcurs , les 
homicides, actous  les  autres  delinquans  auoient 
grande  crainte  ôc  triftdlecneux  pendant  que 
cefte  fleute  fonnoit  : tellement  que  quelques 
vns  ne  pouuoient  diflîmuler  ny  cacher  leurs 
délits.  Par  ce  moyen  tous  ceux-là  ne  deman- 
doient  autre  chofe  à leur  Dieu , fmon  que  leurs 
délits  ne  fuflent  point  manifeftez  , efpandans 
beaucoup  de  larmes,  & aucc  vne  grande  re- 
pcntance  Ôc  regret , offroient  quantité  d'en- 
cens pour  appaifer  leur  Dieux.  Les  hommes 
courageux  ôc  vaillans  , ôc  tous  les  vieux  fol- 


Histoire  natvrbeie 
dats  qui  fuiuoicnt  l’art  militaire  , en  oyant  cc- 
ftefleute  demandoient  auec  vne  grande  deuo- 
tionàDieule  Créateur,  au  Seigneur  pour  le- 
quel nous  viuons,  au  Soleil,  & à d’autres  leurs 
Dieux,  qu’ils  leur  donnalTent  vidoirc  contre 
leurs  ennemis  , & des  forces  pour  prendre 
beaucoup  de  captifs , à fin  d’Honorer  leurs  fa- 
crifices.  La  ceremonie  fufdiâ:e  fc  faifoit  dix 
ioursauparauantlafefte,  pendan%lefqucls  dix 
iours  Icpreftrc  fonnoit  celle  fleure  , à fin  que 
tous  fifl'ent  celle  adoration  de  manger  de  la 
terre  , Ôc  de  demander  à leur  idole  ce  qu’ils 
voudroientr  & faifoient  chafque  iour  oraifoa 
les  yeux  hauflez  au  Ciel  auec  des  foufpirs  & 
gemiflemens , comme  perfonnes  quife  contri- 
lloicnt  de  leurs  fautes  &pechez.  laçoit  que 
celle  contrition  ne  full  que  par  crainte  de  la 
peine  corporelle  que  l’on  leur  donnoit,&  non 
pas  pour  crainte  de  l’eternelle  , parce  qu’ils 
croyoient  pour  certain  qu’il  n’y  auoit  point 
de  peine  fi  ellroitte  en  l’autre  vie.  C eft  pour- 
quoy  ils  foffroient  à la  mort  volontairement, 
ayans  opinion  que  c’elloità  tous  vn  repos  af- 
feuré.  Le  premier  iour  delà  fefte  de  cefl  ido- 
le Tczcalipiica  ellant  venu  , tous  ceux  de  la 
Cités’aircmbloienten  Vne  cour  pour  célébrer 
auflîla  fcllc  du  Kalendrier  , dont  nous  auons 
parlé,  qui  s’appelloit  Toxcoalth,  quifignifie 
chofefeche:  laquelle  fefte  nefe  faifoit  à autre 
fin,  que  pour  demander  de  l’caiie  en  la  façon 
que  nous  autres  folemnifons  les  Rogations; 
ôc  ainfi  celle  fefte  cftoit  toufîours  en  May, 
qui  eft  le  temps  que  l’on  a plus  faute  d’caües 


t)Es  Indes.  Liv^/V.  xSy 

en  ce  pays-là.  L’on  commençoit  à la  Cclebrci: 
le  ncufiefme  de  May , finiirant  le  dixneufiefmc. 
Le  dernier  iour  de  la  fefte  au  matin  les  preftres 
tiroient  vn  brahquart  ou  litiere  fort  bien  or- 
née de  courtines,  &dc  fandos  de  diuerfes  fa- 
çons. Ce  branquart  auoit  autant  de  bras  (5c  te- 
nons, qu’il  y auoit  de  miniftresquile  dcuoienc 
porter.  Tous  lefquels  fortoient  barbouillés 
denoir,  leseheueux  longs.  trefTes par  la  moi- 
tic  auecdeslizctsblancs,  ôcveftus  de  la  liiirce 
ded’idolç.  DelFus  ce  branquart  ils  mettoient 
le  perfohnàge  de  l’idole , député  pour  celle  fe- 
fte , qu’ils  appelloicnt  femblance  du  Dieu  Tes. 
calipiica  , & le  prenans  fuiTeurs  efpaules  le  ri- 
roient  en  public  au  pied  des  degrez  , & incour 
tirtent  fortoient  les  ieuncs  hommes , & les  fil- 
lesreclufes  de  ce  temple  , portans  vne  grofié 
Corde  torfe  de  chaifnes  de  mays  rofty  , auec 
laquelle  ils  enuironnoient  le  branquart  , & 
mettoient  au  col  de  l’idole  vue  chaifnc  de  mel- 
me,  &enlateftevnc  guirlande.  Ils  appellent 
la  corde  Toxcalt,  dénotant  la  fechcrclTe , & fte- 
rilité  du  temps.  Les  ieunes  hommes  fortoient 
entourez  auec  des  courtines  de  red,  des  guir-  * 
landes,  & des  chaifnes  de  mays  rofty.  Les  filles 
cftoient  veftues  d’habits  & ornements  tous 
neufs , portans  au  col  des  chaifnes  de  mays  ro- 
fty, & en  leurs  teftes  des  T yares  faiéles  de  ver- 
getres  toutes  couucrtes  de  ce  mays.  Ils  auoient 
les  pieds  couuerts  de  plumes  , & les  bras  & 
ioucs  colorées  de  fard.  Ils  apportoient  aufti 
beaucoup  de  ce  mays  rofty  , & les  principaux 
fc  les  mettoient  à U tefte  ôc  m col , prenans 

L 1 iij 


HiSTÔI  RE  N ATVR  E tt  E 
des  fleurs  en  leurs  mains.  Apres  que  l’idole 
cftoitmis  enfon  branquart  & litière  , ils  fe- 
moientpar  tout  au  tour  grande  quantité  de  ra- 
meaux de  raanguey,lcs  fucilles  duquel  font  lar- 
ges ôc  efpineufcs.  Ce  branquart  mis  fur  les  ef- 
paules  des  deirufdits  religieux, ils  le  portoient 
en  proccflîon  par  dedans  le  circuit  de  la  cour, 
& deux  preftres  marchoient  deuant  aucc  des 
brafiersou  encenfoirs,  encenfans  fortfouueut 
l’idole  , 6c  chafqiie  fois  qu’ils  mettoient  l'en- 
cens ils  hauflbient  le  bras  le  plus  haut  qu’ils 
pouuoicnt  vers  l’idole  6c  vers  le  Soleil , leur  di- 
îans,  qu’ils  efleuaflènt  leurs  oraifons  au  Ciel, 
comme cefte  fumée  fefleuoit  en  haut.  Alors 
tout  le  peuple  quieftoit  en  la  cour  alloit  & ic 
tournoit  en  rond  vers  le  lieu  où  alloit  l’idole, 
portans  tous  en  leurs  mains  des  cordes  neufues 
de  fil  de  manguey,d’vne  braffe  dclong,  ayans  vn 
nœud  au  bout , 6c  auec  icelles  fe  deiciplinoient 
ftndonnans  de  grands  coups  fur  les  clpaulles,  | 
de  la  façon  que  l'on  fe  difeipline  icy  le  Içudy 
Saindt.  Toute  la  muraille  delà  cour  6c  les  cré- 
neaux cftoient  pleins  de  rameaux  6c  de  fleurs, 
fl  bien  ornez  , 6c  auec  telle  fraifeheur  qu’ils 
donnoientvn  grand  contentement.  Celle  pro- 
ceflîon  eftant  acheuce,  ils  rapportaient  l’ido- 
le au  lien  où  il  auoit  accoullumé  d’ellrc  : puis 
apres  venoit  vne  grande  multitude  de  peuple 
auec  des  fleurs  accômodéesdediuerfes  façons,  | 
dont  ils  rempliflbient  le  temple  6c  toute  la  cour, 
de  forte  qu’il  fcmbloit  ornement  d’oratoire. 
Tout  cela  elloit  accommodé  6c  mis  en  ordre 
parles  mains  des  preftres  , les  ieuues  hommes 


DES  Indes.  I,iv.  V.  2^S 

idu  Temple  leur  baillant , & feruant  ces  chofes 
de  dehors.  La  chapelle  ou  chambre  de  l’idole 
demeuroit  ce  iour  là  defcouuerte  fans  y mettre 
le  voile.  Cela  fait  chacuij  venoit  offrir  des  cour- 
tines, des  fandaux , des  pierres  precieufes  , des 
ioyaux,de  l’encens,  du  bois  gommeux , des  gra- 
pcs,ou eipics de Mays 3 des  cailles,  ôc  finable- 
mentjtout  ce  qu’ils  auoient  accouftume  d’offrir 
en  telles  follemnitez.  Qi^ndils  offroient  ces 
cailles,(qui  eftoit  l’oflrande  des  panures  ) ils faî- 
foient  cefte  ceremonie , qu’ils  les  bailloientaux 
preftres,  Icfqiiels  les  prenants , leur  arrachpient 
latefte  , &aufli  toftlcs  iettoient  aux  pieds  de 
l’autel , où  ils  perdoient  leur  fang  , ôc  autant  en 
faifoicntils  des  autres  qu’ils  offroient.  Chacun 
offr oit  félon  fon  pouuoir , d’autres  viandes  , &: 
fruits  lefquels  eftoient  aux  pieds  de  l’autel  des 
miniftresduTemple,  & eftoient  ceux,  qui  les 
rébueilloieiit , & les  portoient  en  leurs  cham- 
bres, Cefte  follemnelle  offrande  faite,  lé  peu- 
ple s’en  alloit  difiier,  chacun  en  fon  bourg  & en 
famaifbn/laiffansainfila  fefte  fufpendue,  iuf- 
ques  apres  difncr.  Pendant  ce  temps  les  ieiines 
hommes  & filles  duTemple , auec  les  ornemêts 
fufdits  s occupoientàferuir  fidoie,  de  tout  ce 
qui  luy  eftoit  dédié,  pour  fon  manger.  Laquelle 
viande  eftoit  appreftée  par  d autres  femmes  qui 
auoient  fait  vœu  de  s’occuper  ce  iour  la,  à faire 
le  manger  de  l’idole , ôc  d’y  feruir  tout  le  iour, 
C’eftpourquoy  toutes  celles  qui  auoient  fait  le 
vœujvenoient  au  point  du  iour,  s’offrans  aux  dé- 
putez du  Temple,  afin  qu’ils  leur  cômandafTent 
ce  qu’elles  deuoient  faire , ôç  racçpmpliffoienr 
Ll  iiij 


Histoire  natvrelle 
fort  diligemment.  Elles  faifoient  & appreftoiéc 
tant  de  diuerfitez  & inuentions  de  viandes , que 
c’eftoit  vne  chofe  admirable.Ceftc viande  eftanc 
accommodée,&  l’heure  du  difner  venue, heures 
CCS  filles  fortoient  du  Temple  , en  proceffion 
' chacune  vn  petit  pannier  de  pain,en  la  main,  Sc 
en  l’autre  vn  plat  de  ces  viandes,  & marchôic 
deuant  elles  vn  vieillard , qui  feruoit  de  maiftre 
d’hoftel,auccvn  habit  afTezplaifant  •,  il  eftoie 
•vcftudVnfurplis blanc, qui luy  venoit  iufqucs 
au  mollet  des  iambcs,fur  vn  pourpoint  fans  mâ- 
ches de  cuir  rouge, à la  façon  dVne  tunicque.  Il 

portoit  des  ailles,  au  lieu  de  manches,  d’où  for- 

toient  des  lifets  larges , aufquels  pendoit , fur  le 
milieu  des  clpaulles,  vne  moyenne  callabalîe, 
ou  citrouille, qui eftoit  toute  remplie,  & cou- 
uerte  de  fleurs,  par  des  petits  trous  qui  y eftoiér, 
écau  dedans  y auoit  plufieurs  chofes  de  fuÿr- 
ftition.  Ce  vieillard  marchoitainfi  accommo- 
dé deuant  l’appareil , fort  humble , & trille , a- 
yant  la  telle  baiiréc  ,&  en  approchant  du  lieu, 
qui  eftoit  au  pied  des  degrés,  il  faifoit  vne  gran- 
de humiliation , &reuerence,  puis  fe  retirant 
d’vn  collé  les  filles  s’approchoient  auec  la  vian- 
de, & lalloient  prefenter  de  rang , & par  ordre 
les  vues  apres  les  autres , auec  beaucoup  de  re- 
uerence.  Puis  ayants  prefenté  toutes  cesvian- 
des,  le  vicllard  s’en  retournoit  comme  deuant, 
&remenoit  les  filles  en  leur  Conuent.  Cela 
fait , les  ieunes  homes , & miniftres  de  ce  T em- 

ple  fortoient,  &recueilloicnt  celle  viande , la- 
quelle ils  portoient  aux  chambres  des  dignitez 
& preftres  du  Temple , lefquels  auoient  ieufnc 


Des  Indes.  Liv.  V. 
pari’erpace  de  dnq  iours , mangeaiis  feulement 
vnc  fois  le  iour  j & s’eftoient  abftenus  de  leurs 
femmcSjfans  fortir  du  Temple , duranttes  cinq 
iours,  pendant  lefquels  ils  fe  fouettoient  rigou- 
rcufemenc , auec  des  cordes , & mangeoient  de 
cefteviandediuine  (ainfil’appelloientils)  tout 
ce  qu’ils  ponuoient,  & n’eftoit  licite  à aucun 
d’en  manger,linon  à eux.  T out  le  peuple  ayant 
acheué  dcdifner,  fe  ralfcmbloitàlacour  pour 
célébrer  & voir  la  fin  de  la  fefic , ou  ils  faifoient 
venir  vn  captif  qui  par  l'efpacc  d’vnan,  auoit 
TepreCenté  1 idol;;,  eftant  veftii , orné  & honoré 
comme  le  raefme  idole , & luy  faifans  tous  ré- 
férencé, le  mettoient  entre  lés  mains  des  facri- 
ficateurs  , lefquels  fe  prefenr oient  au  raefme 
temps, & l’alloient  faifir  par  les  pieds,  & mains», 
Le  Papa  luy  fendoit  Ôc  ouuroit  l’cftomac  , luy 
arrachant  le- cœui\,'>puis  hauflfoit  la  main  tant 
qu’il  pouuoit,  le  monftrant  au  Soleil , & à Pido-^ 
le^commeilaeftéditcy  deuant.  Ayans  ainfi  fa- 
crifié  celuy  qui  reprefentoit  1 idole , ils  s’en  al- 
loienten  vn  licuconfacré  , &:  député  pour  cet 
cfFet,où  arriuoieht  les  ieunes  hommes , & filles 
du  Tcmplc,aucc  les  ornements  fufdits,  lefquels 
cftans  mis  en  ordre,  dançoient  & chantoient  à 
l'entour  des  tambours , & autres  inftrumcnts, 
dont  les  digihcez  du  T emple  iouoyen  t , & (bn- 
noient.Puis  venoient  tous  les  Seigneurs , ayans 
les  mefmes  enfeignes , & ornements  , que  les 
ieunes  hommes,  lefquels  d ançoient  en  rond, 
autour  d’iceux.  L’on  ne  tuoit  point  ordinaire- 
ment en  ce  iour  d’autres  hommes , que  le  facri- 
fiéjtoutesfois  de  quatre  ans , en  quatre  ans  feu- 


Histoire  N ATVRELLE 
Iciment,ron  en  auoit  d’autres  auecluy,qui  eftoit 
en  Tan  du  lubilé&indulgence  planicrç.  Apres  fc 
Soleil  couché,  chacun  cftât  côtenF  de  fonner  de  , 
manger  & de  boire,  les  filles  s’en  alloiêt  toutes  à 
leur Côuentj&prcnoient  de  grâds  plats  de  terre,  | 
pleins  de  pain  paiftry  de  miel , qui  eftoient  cou- 
uerts  de  petits  panniers  ouurez  & façonnez  de  ' 
teftes,&:  os  de  mort,ôc  portoient  la  Collation,  à 
ridolc,montans  iufques  à la  cour , qui  eftoit  de- 
uant  la  porte  de  TOratoire , Ôc  l’ayants  poféc  en 
ce  lieu  elles  defeendoient  auec  le  mefme  ordre, 
qu’elles  y auoient  môté,lc  maiftre  d’hoftel  allant 
toufiours  deuant.  Incontinent  fortoiét  tous  les 
jeunes  hommes  en  ordrc,auec  des  cannes  ou  ro- 
feaux,és  mains , qui  commençoient  à courir  au 
hault  les  degrez  du  T épie , à l’enuie  iVn  de  l’au- 
tre,pour  arriuer  les  premiers  aux  plats  de  la  col- 
lation. Cependant  lesdignitez  rcmarquoient  cc- 
luyqui  auriuoit  le  premier,recond,troifiefme,5c 
quatriefine,  fans  faire  eftat  du  refte.  Cefte  colla- 
tion eftoit  auflî  toft  cnleuee  par  ces  ieunes  hom- 
mcSjlaquelle  ils  emportoient , comme  grandes  ' 
reliques.  Cela  faid  les  4.  qui  premiers  eftoient 
arrinez,  eftoient  mis  au  milieu  des  dignitez  Ôc 
anciens  du  Temple,  & auec  beaucoup  d’hon-  . 
neur  les  mettoient  en  leurs  chambres , les  loiias  ' 
leur  donnans  de  bons  ornemens , & de  là  en 
auant eftoient  reuerez  Sc  honorez  comme  hô-  * 
mes  fignalez.  La  prinfe  de  cefte  collation  eftant 
acheucc , Ôc  la  fefte  célébrée  auec  beaucoup  de 
refiouiiïànce,&dc  crieric,ils  donnét  côgé,à  tous 
ces  ieunes  hommes,  & filles  qui  auoient  feruy  ! 
l’idole,aû  moyen  dequoy  il  s’en  alloient  les  vus 


[ 


DES  Indes.  Lïv.  V.  27® 
apres  les  autres , au  temps  qu’elles  fortoient. 
Tous  les  petits  enfans  des  colleges,  & cfcholes 
cftoient  à la  porte  de  la  cour,auec  des  pellotcsdç 
ionc  &:  d’herbes , aux  mains , Icfquelles  ils  leur 
icttoicntrcmocquans,&rians  d’dlcs,  comme 
de  perfonnes , qui  fc  retiroient  du  fermice  de  H- 
dolciils  fortoient  auec  liberté  de  dirpofer  de  foy 
à leur  volonté,  & auec  cekprenoit  fin  la  fefte. 

- Ve  U fef^e  des  MArehàinds  celehrolent  ceux  de  ■ 

Cholutecas, 


Chap.  XXX. 

Ombien  que  i’aye  alTez  cy  dcflüs 
parlé  du  feruice  que  les  Mexiquains 
faifoient  à leurs  dieux , fi  effc-ce  que 
ie  diray  encor  quelque  chofe  de  la 
fefte  de  celuy  qu’ils  appclloicnt 
Quctzacoaalt,quieftoitleDieu  des  riches  , la- 
quelle fe follcmnifoit  en cefte  forme.  Quarante 
iours  auparauant  les  Marchands  acheptoientyn 
cfclaue,bienfair>fansaucunviceny  tache,  tant 
de  maladie , comme  de  blcfteure , lequel  i)s  ve- 
ftoient  des  ornements  de  l’idole  afin  qu’il  le  re- 
prefentaft  quarante  iours.  Auantquc  de  le  ver 
ftirilslc  purifioient  le  làuant  deux  fois  en  vu 
lac  qu’ils  appclloicnt  lac  des  dieux , ôc  apres 
qu’il eftoit purifié,  ils  le  veftoient,  demefme 
que  l’idole  çftoit  vcftu.  Il  eftoit  fort  reueré,du- 


Histoire  katyreii-e  . 
tant  quarante  iours , à caufc  de  ce  qu’il  rcpré- 
fentoit.  Ils  rcmprifonnoicnt  de  nuit(  comme 
ilaefté  ditcy-delTus,)  de  peur  qu’il  ne  s’enfuift 
& le  matin  le  tiroient  de  la  prifon,  Icmettans 
en vn  licucminent,oùilsle  teruoicnr , en  liiy 
donnant  à manger  des  viandes  exquifes.  Apres 
qa’ilauoit  mangé  ils  luy  mettoient  des  chaînes 
de  fleurs 'au  col,  & beaucoup  de  boucquets  aux 
mains.  Ilauoitfa  garde  fort  accomplie  , auec 
beaucoup  de  peuple  qui  l’accompagnoit  & al- 
îoitauccluy  parla  Cité.  Il  alloit  chantant  Sc 
danfant  par  toutes  les  rues  ,afin  d’eftre  cogneu 
pour  la  femblance  de  leur  Dieu  , & lors  qu  il 
commençoit  à chanter  , les  femmes petits 
enfansfortoiehtde  leurs  maifons  , pour  le  (a- 
lucr , & luy  faire  leurs  offrandes  comme  a leur 
Dieu.  Deux  vieillards  d’entre  les  dignitez  du 
Temple,  venoientpardeuers  luy,  neuf  iours 
auparauant  la  fefte , Icfqucls  fhumilians  deuant 
ÎLiy,luy  difoi'cnt  d vne  voix  fort  humlDle,  & baf- 
fe , Seigneur  ru  dois  fçauoir  , que  d icy  a neuf 
iôurSjS'acheüele  trauail  de  danfer , & de  chan- 
ter, car  alors  tu  dois  mourir , & il  deuoit  ret- 
pondre  qué  ce  fuft  à la  bonne  heure.  Ils  appcl- 
loiét  cefte  ceremonie  Neyolo  Maxiltleztli,qui 
veut  dire  l’àduerrifremét,&  quand  ils  l’aduertif- 
foient,  ils  prenoiêt  garde  fort  ententiuemét , fil 
fé  contriftoir  point , &fil  dançoit  auffi  ioyeu- 
fement,  qiiedecouftume,  ques’ilne  le faifoit 
auec  vne  telle  gayeté  qu’ils  defîroycnt,  ils  fai- 
foycntvnefotte  fupcrftition  en  cefte  manière, 
lis  s’en  alloyenf  incontinent  prendre  les  ra- 
foirs  des  facrifices , lefqucls  ils  iauoyent  j ôc 


:bEâ  ÏNDtS.  liv.  V.  -lyi 

mettoycnt  du  fang  humain , qui  y rcftoit  des  fa- 
crifîces  paflèz.  E t de  ces  laueiires  luy  faifoy ent 
vn  breuuage  mefle  auec  vne  autre  liqueur  fai- 
te de  Cacao,  &luy  dpnnoientàboirc  , & dû 
foyent  que  ce  breüuage  auoit^  telle  operation 
en  luy,  qu’il  luy  feroit  perdre  la  mémoire  de 
tout  ce  que  l’on  luy  auoic  dit  , ôc  que  cela  le 
rendroit  prcfqueinfenlîblc’,  & retourneroit  à 
Ion  chant  , & gayeté  ordinaire.  Ils  diTcntd’a- 
uantage,  qu’il  foffroit  allègrement  à mourir, 
fftant  enchanté  de  ce  breuuage.  La  caufe  pour- 
quoy  ils  tafehoyent  de  luy  ofter  cefte  triftelTc, 
cftroit  pour  autant  qu’ils  tenoyent  cela  pour 
vnmauuais  augure,  6c  pour  vn  pronofticq  de 
quelque  grand  mal.  Le  iour  delà  fefte  cftant 
venu,  apres  luy  auoir  fait  beaucoup  d’honneur* 
chanté  la  mulique,  &luy  auoir  prefenté  l’en- 
cens , les  facrificateurs  fur  la  minuid  le  pre- 
iioycnt  & le  facrifioyent  à la  façon  fufditte, 
faifans  offrande  de  Ton  cœur  à la  Lune,  lequel 
ilsiettoyent  apres  contre  fidolc,  laifTant  tom- 
ber le  corps  au  bas  des  degrez  du  temple  , où 
ceux  qui  fauoycnt  offert  le  releuoyent , qui 
cftoyentics  marchands  , defquels  eftoitla  fc- 
fte.  Puis  fayant  porté  en  la  maifon  du  plus  no- 
table d’entre  eux  , lefaifoyent  apprefter  en  di- 
uerfes  faulces,  pour  célébrer  à faube  du  iour 
le  banquet  ôc  difhé  delafeflc,  ayans  premiè- 
rement donné  le  bon  iour  à l’idole  , auec  vn 
petit  bal  qivils  faifoyent  pendant  que  l’aube 
lortoit,  éc  que  l’on  accommodoitle  facrifié. 
En  apres  tous  les  marchands  s’afTembloyent  à 
ce  banquet , Ipecialcmcnt  ceux  qui  faifoyent  le 

A 


Histoire  natvreilê 
èommcrccdcvcnducj  & acheter  des  efclaucs,’ 
quiauoyent  en  charge  d’offrir  par  chacun  an  I 
vnefclaue  , pour  la  femblahce  de  leur  Dieu.  j 
Celle  idole  cftoit  vn  des  plus  honorez  de  ce- 
lle rerrejComme  f ay  dit , c’efl  pourquoy  le  tem-^  ^ 

pie  où  il  eftoit , elloit  de  beaucoup  d’auihor  ité. 

Il  y auoit  fùixa:nte  degrez  pour  y monter , 6c  au 
deffus  d’iceux  y auoit  vne  cour  de  moyenne 
largeur,  fort  proprement  accommodée  6c  pla- 
llrée  au  milieu  de  laquelle  il  y auoit  vne  gran- 
de piece  ronde , en  la  façon  de  four , ayant  fort 
entrée  bafrc,&  eftroittc , tellement  que  pour  y , 
entrer  , il  falloir  fcbaiffcr  bien  fort.  Ce  temple  . | 
auoit  fes  chambres,  ouchappelles  , comme  les  | 
autres,  où  il  y auoit  des  conuents  de  preflres,  ! 
dcieufnes  hommes,  de  filles , 6c  d’enfans , com-  | 
meilaeflédit,  & toütesfois  il  n’y  auoit  qu’vu  I 
feul  preflre  qui  refidoit  continuellement  là  , 6c  | 
cfloit  comme  femainier.  Car  combien  qu’il  y j 
eufl  en  chacun  de  ces  temples  trois  ou  quatre  j 
Curez &dignitez,  chacun  y feruoit  fà  feraai-  î 
ne,fans  en  forrir  L’office  du  femainier  du  tem-  j 
pic  c apres  auoir  cndoélriné  les  enfans  ) efloic  | 
de  battre  vn  grand  tombour  tous  les  iours  à j 
l’heure  que  fc  couchoit  le  Soleil pour  la  raef-  | 
me  fin  que  nous  auons  accouflumé  de  fonner  | 
l’oraifon.Cc  tambour  cftoit, tel , que  l’on  en  en-  1 

rendoit  le  fon  enroue  de  toutes  les  parts  de  la  ! 
Cité , alors  vn  chacun  ferroit  fa  marchandife, 

6c  fe  rctiroit  en  fa  maifon-,  6c  y auoit  vn  fî 
grand  filcncc, qu’il  fcmbloit  qu’il  n’y  euft  hom- 
me viuant  dans  la  ville.  Au  matin , lors  que  l’au- 
be du  iour  commcnçoitàfortir,  ilrecommc»- 


Des  îïîdês.  Lty.  V. 
çoità  battre  ce  tambour  , qui  cftoit  le  fîgne 
que  le  iour  commençoir , au  moyen  dequoy  les 
Voyagers  & forains  s’arreftoyent  à ce  lignai 
pour  commencer  leurs  voyages  , pource  qu jl 
n’eftoit  point  permis  iufqucs  à ce  temps  ^ de 
forrir  de  la  cité.  Il  y auoit  en  ce  temple  vnc 
cour  de  moyenne  grandeur  , en  laquelle  l’on 
faifoît  de  grandes  dances  , ôc  rcliouilTances, 
aucc  des  farces,  ou  entremets  , le  iour  delà  fe- 
ftedel  idole. Pour  lequel  elFedî:  il  y auoit  au  mi- 
lieu de  celle  cour  vu  petit  theatre  de  trente 
pieds  en  quarre,  fort  proprement  agence  , le- 
quel ils  accommodoyent  de  fueillagcspourcc 
iour,  auec  tour  Fartifice  Sc  gentillelTe  qu’il  elloit 
polîîble,ellanttoutenuironnc  d’arcades  de  di- 
ueiTcs  fleurs , ôc  plumages , ôc  y tenoy ent  atta- 
chez en  quelques  endroits  beaucoup  de  petis 
oifeaux,  connils,  & autres  animaux  pailîbles. 
Apres  difnertoutlc  peuple  falfembloir  en  ce 
lieu  , ôc  les  baftellcurs  fe  prefentoyent  , ôc 
iouoyent  des  farces  , les  vns  contrefaifoyent 
les  fourds , Ôc  les  enrumez , les  autres  les  boi- 
teux, les  aueuglcs,  ôc  les  manchots, lefquels 
venoyent  demander  guarifon  à l’idole.  Les 
fourds  refpondoyent  du  coq  à l’afne  , les  cn- 
ruhumez  toulfoientjlesboiteux  clochoyent,ra- 
Gontans  leurs  miferes  Ôc  ennuis,  dequoy  ils 
faifoyent  beaucoup  rire  le  peuple  , les  autres 
fortoyent  en  forme  de  bcftiolcs , les  vus  eftans  {. 
veftus  comme  efeargots , les  autres  comme  cra- 
paux , ôc  d autres  comme  lézards  ^uis  fehtre- 
rencontrans  racontoyent  leurs  offices  , Ôc  Ce 
rctirans  chacun  de  fon  colle , ils  touchoyent  de 


Histoire  natyreile 
petites  flu  ftes , qui  cft oit  chofe  plai fante  à ouy r | 
Us  contrefaifoyent  meCme  des  papillons , & des  ! 
petits  oifeaux,  de  diuerles  couleurs  , & cftoyent  ; 
les  enfans  du  temple,  qui  reprefentoyét  ces  for-  j 
mes, puis  ils  montoyent  en  vne  petite  forcft,qui  j 
eftoirlà  plantée  exprès,  où  les  preftres  du  tépie,  { 
les  tiroyenr  aucc  des  farbacanes..  Et  ce  pendant 
ils  fc  difoyent  plufieurs  plaifans  propos , les  vns  ] 
en  attaquant, & les  autres  en  deffendâr,  dequoy  j 
les aififtans eftoiét ioyeufement entretenus. Ce-  | 
la  acheué  ils  failoiét  vn  balou  mommerie,  auec  | 
tous  ces  perfonnages , Ôc  par  ce  moyen  s ache-  i 
uoitlafeftc.  Ce  qu’ils  auoient  accouilumé  de  j 
faire  aux  plus  principallcs  feftes.  | 


Qmlj^rojît  l'onfeut  tirer  du  traitté  des fu^erjîitions 
des  Jndes. 


Ch  A P.  XXXI. 


; Equi  a efté  dit  fuffife  pour  eiitêdre 
le  foin , & la  peine  que  les  Indiens 
employoientà  feruir  & honorer 
leurs  idoles,  & pour  mieux  dire  le 
diablercar  ce  feroit  vne  chofe  infi- 
nie , & de  peu  de  profit , de  vouloir  raconter  cn- 
ticrcmét  ce  qui  s"y  palTe,veu  mefme  qu’il  pour- 
ra femblcr  à quelques  vns  qu’il  n cftoit  point  de 
befoing  d’en  dire  tant,côme  i’ay  faitjEt  que  c^’eft 
perdre  le  téps,comme  l'on  fait  en  iifant  les  côtes 
que  feignent  les  Romans  de  Chcualerie.  Mais 
h ceux  qui  ont  cefte  opinion  y veulent  regar- 
der de  près , ils  troqueront  qu’il  y a grande  dif- 


bES  Indes.  Liv.  V.  175 

ferenee  entre  l Vil  & l’antre  , & recognoiftrone 
que  ce  peur  eftre  vne  chofe  vtile,  pour  pluficürs 
confiderations  d’auoir  la  cognoilïàncc  des  c«u- 
ftumes  & ceremonies, dont  vfoienc  les  Indiens. 
Premièrement  ccftecognoifîàncen’eft  pas  feu^ 
leraent  vtile  mais  aulïîneceiraire  aux  terres  oà 
ils  ont  vfé  de  ces  (üperftitions,afitl  que IcsChre- 
ftiens^&  maiftres  de  la  loy  de  Chrift,  fçachêt  les 
erreurs  &rupcrftitions  des  anciens, pour  voir  lî 
les  Indiens  en  vfent  point  encor  auiourd  huy 
ouuertement.ou  couucrtemenr.  Pour  celle  oc- 
calîon  plufieurs  doutes  & lîgnallez  perlbnnagcs 
onteferit  desdifcoursaircz  amples,de  ccquifé 
cil  trouué,  voire  les  Conciles  proinciaux,  onc 
commandé  que  l’on  les  efcriue,&  imprime,  co- 
rne on  a fait  en  Lima,  oùvn  difeonrs  a elle  fait 
pP  ample, que  ce  qui  en  eft  icy  traitte.  C’efl  pour 
quoy  c’ell  chofe  importâte  pour  le  bien  des  In- 
diens,que  les  Efpagnols  eftans  en  ces  parties  des 
Indes,ayêt  la  cognoillànçe  de  toutes  efes  chofes. 
Celle  narratiô  mefme  peut  feruir  aux  Efpagnols 
dedelà,&  à to® autres  en  quelque  endroit  qu’ils 
foyent  pour  remercier  Dieu  nollrc  Seigneur,  & 
luy  rendre  grâces  infinies  d’vn  fi  grand  bien  que 
celuy  que  nous  a departy,&:  va  donnant  fa  fain- 
élc  Loy,laqnelle ell toute iulle,  toute  nette,  ôc 
toute  profitable.Ce  que  l’on  peut  cognoillrc  en 
la  comparant  auec  lesloix  de  Satan,  outâtde 
malheureux  ont  vefeu  fi  miferables.  Elle  peut 
mefme  feruir  pour  defcouurir  l’orgueil,  Icnuie, 
les  tromperies, & les  embufehes  du  diable,  qu’il 
exerce  contre  ceux  qu’il  tient  captifs,  veu  que 
d’vn  collé  il  veut  imiter  Dicu,&:fairc  côparaifon 

Mm 


Histoire  natvreiie 
âucc  luy,&  fa  faindc  Loy,  & d’autre  cofte  il 
tremefle  en  fes  adcs,tantdevanitez,  d’ordures, 
& de  cruantez, comme  celuy  qui  n’a  point  d’au-* 
treexcrcice,quederophiftiquer,  & corrompre 
toutcequicftbon.Finablemét  qui  verra  leste- 
nebres  acTaueuglemenc  auquel  tant  de  grandes 
prouinces,&Royaumes,ontvefcu  Ci  long  temps 
& que  beaucoup  de  peuples,  voire  vne  grande 
partie  du  môde,viuent  encor  deçeus  de  fembla- 
bles  tromperies, ne  pourra, (fil  ale  cœur  Chre- 
ftien  ) qu’il  ne  rende  grâces  au  tref-haut  Dieu, 
pour  ceux  qu’il  appelle  de  fi  grandes  tenebresà 
l’admirable  lumière  de  fon  Euangile,  fuppliant 
Êimmcnfe  charité  du  Créateur  qu’il  les  côferue, 
si  augmente  en  fa  cognoilTance,&  en  fon  obeif* 
fancé,&  que  de  mefme  aufli  il  fe  contrifte,  pour 
ceuxquitoufîoursfuyuentle  chemin  de  perdi- 
tion Æt  qu’en  fin  il  fupplie  le  Pere  de  mifericor- 
de,  qu’il’  leur  defcouure  les  threfors,&richeire$ 
de  lehis  Chrift,  lequel  auec  le  Pere,  & le  S.  Ef- 
prit, régné  par  tous  les  ficelés  Amen, 


•?£» 


m 


livre  sixiesme 

de  LHISTOIRE  NATVREL- 

Ic  & morale  des  Indes. 


' Chapitre  premier. 
l opnion  de  ceux  là  ejl faufe  tiennent  qj4.e  les  In- 

• diens  ont  faute  d*  entendement. 


Y A N T traitté  cy 
uant  de  la  religion  dot 
vfoientles  Indiens,  ic 
prétends  eferire  en  ce 
liure  de  leurs  couftu- 
mes,police,&  gouuer- 
nemêt.poiir  deuxfîns, 
IVneafind’ofterlafau 
fe  opinion,  que  l’on  a 
communément  d’eux, 
qu’ils  font  homes  grolîîers  & brutaux,  ou  qu’ils 
ont  11  peu  d entendement,  qu’à  peine  meritenc 
ils  qu’on  die  qu  ils  en  ayent.D’où  vient  que  l’on 
leur  fait  plufieurs  excez  & outrages  en  fe  feruàs 
d’eux  prefque  en  la  mefme  façon,que  fi  c’eftoiet 
belles  brutes,  Sc  les  reputans  indignes  d’aucun 
refpea:,  qui  eft vnfi vulgaire  , & fi pernicieux 
erreur  ( ainlî  que  le  fçauent  fort  bien  ceux  qui 
auec  quelque  zele,  & confideration  , ontehe- 
miné  parmy  eux,  & qui  ont.veu  & cogneu 

Min  ij 


Histoire  NAivRELiE 

leurs  fecrcts  , & confciis)  & d’autre  part  le  peu 
de  cas  que  font  de  ces  Indiens,  plufieurs  qui  j 
penfentfçauoir  beaucoup  , & neantmoins  qui  ! 
font  ordinairemenL  les  plus  ignorans,  & plus  j 
prefomptueux  , que  ic  ne  voy  point  de  plus  > 
beau  moyen  pour  confondre  celle  pernicicu-  ; 
fe  opinion,  qu’en  leur  deduifant  l’ordre  & fa-  j 
cou  de  faire  qu’ils  auoient  au  temps  qu’ils  vi-  i 
noient  encor  fonbs  leur  loy,  en  laquelle  com^  ; 
bien  qu’ils  eulfent  beaucoup  dechofes  barba- 
res,&  fans  fondement, neantmoins  ils  en  auoiét 
beaucoup  d’autres  dignes  de  grande  admira-  | 
tion  , par  lerquellcs  l’on  peut  entendre  qu’ils  : 
ont  le  naturel  capable  de  rcceuoir  toute  bon-  ^ 
ne  indrudion , & de  fait  ils  furpalîent  en  quel-  | 

ques  chofes  plufieurs  de  nos  Republiques.  Et  \ 

n’cft  point  chofe  de  merucillc,  qu’il  y ait  eu  en-  ( 
tr’eux  de  Û grandes  & fi  lourdes  fautes  , veu  j 
qu’il  y en  a eu  aulfi  entre  les  plus  fameux  legif-  J 
lateurs  , & Philofophes,(  voire  fans  excepter  j 
Lycurgue  ny  Platon.)Et  entre  les  plus  fages  Re-  i 

publiqueSjComme  ont  ellé  la  Romaine,  & l’A-  1 

thenicnne,  où  l’on  peut  recognoillredcs  cho-  | 
fes  fl  pleines  d’ignôrance,  Ôc  fi  dignes  de  rifee, 
qu’à  la  vérité  fi  les  Republiques  des  Mexi-  i 
quains  & Inguas  eulfent  efté  cogneues  en  ce 
temps  des  Romains,  & des  Grecs, leurs  loix  8c 
gouuernemens,  eulfent  |fté  beaucoup  eftimez  ; 
d’eux.  Mais  nous  autres  à prefent  ne  confide-  | 
rans  rien  de  cela,  y,  entrons  par  l’efpéc,fans  les  j 
oLiyr,  ny  entendre  , nous  perfuadans  que  les 
chofes  des  Indiens  ne  méritent  point  qu’on  en 
face  ellimc  autre,  que  comme  l’on  fait  dvnc 


Di«  Indes.  Liv.  VI.  275 
vcnaifon  prinfe  en  la  foreft,qui  ait  efte  amenée 
pour  noftre  feruiec  & palTetemps.  Les  hom- 
mes plus  profonds , & plus  diligents , qui  ont 
pénétré  & atteint  iufqùes  à la  cognoiflanec  de 
leurs  fecrets,  couftumes  &gouuernemcnt an- 
cien , en  ont  bien  autre  opinion.  & f cfinemeil- 
lenr  de  Tordre  , ôc  du  dilcours quia  efté  entre 
eux.  Du  nombre  dcfqnels  eft,  Polo  Onde^ 
guardio  , lequel  ie  fuis  communément  au  dif- 
coiirs  des  chofes  du  Peru,&  pour  celles  de  Me- 
xique IcandeToüar  ,quiauoiteu  vnepieben- 
dc  en  1 Eglife  de  Mexique  , &auiourd’buy  efi: 
religieux  de  noftre  compagnie  de  leftis  , lequel 
parle  commandement  du  Viçeroy  Dom  Mar- 
tin Enrriques  , a fait  vn  diligent(&  ample  re- 
cueil des  hiftbires  decefte  nation,  & pluiîeurs 
autres  graues  & notables  perfonnages,  lef- 
quels  tant  par  parole  , que  par  eferit,  m’ont 
fuffifamment  informé  de  toutes  ces  chofes, 
queie  raconte icy.  L’autre  fin  ôc  intention,  & 
Je  bien  qui  fe  peut  enfuiure  par  la  cognoifTan- 
ce  de  ces  loix  , couftumes  , & police  des  In- 
diens , eft  afin  de  leur  aider,&  les  régir  par  les 
mefmes  loix  & couftumes,  attendu  qu’ils doi- 
uent  eftrc  gouuernez  félon  leurs  couftumes 

Ï>riuileges  , entant  qu’ils  ne  contreuiennent  à 
aloy  de  Chrift  , & de  fa  fainde  Eglife,qu’on 
leur  doit  conferucr  & entretenir,  comme  leurs 
loix  principales.  Car  Tignorance  des  loix  ôc 
couftumes  a efté  caufe  , que  Ton  y a commis 
plufieurs  fautes  de  grande  importance:  parce 
que  les  iuges,  Ôc  Gouuerneurs  ne  fçauent  pas 
bien  comment  ils  doiiient  donner  iugeraent,6ç 

iij 


Histoire natvrelle 
y régir  leurs  fuiets.  Et  que  outre  ce  que  c’efl: 
leur  faire  vn  grand  tort , & aller  contre  raifon, 
ce  nous  eft  choie  preiudciable  & dommagea-  | 
ble  , par  ce  que  de  là  ils  prennent  occafion  de 
nous  abhorrer , comme  gens  qui  en  tout  foit  i 
au  bien  ou  au  mal,  leur  auonsefté,  Ôc  fommes 
toufiours  contraires. 

Ve  U JiiffutAtîon  des  temps , du  lÇaîe»dner  du- 
ipuel  vfoyent  les  Mexiquams. 

Chapitre  I î. 

Our  commécer  donqitcs  par  la  di^ 
uifion  &fupputation  des  temps,  ; 

que  les  Indiens  faifoycnt(enquoy  * 

certes  lo  peut  recognoiftre  vn  des  ; 
plus  grands  lignes  de  leur  viuacirc,  ; 

& bon  entendement)  iediray  premièrement  de 
quelle  maniéré  les  Mexiquains  côtoyent  & di- 
uifoyent  leur  année,  de  leurs  mois,de  leur  Ka- 
lendrier  , de  leurs  contes  , des  lîeçles  & des 
aages . Ils  diuifoyent  l’an  en  dixhuit  mois, à cha- 
cun defquels  ils  attribuoyent  vingt  iours,  en- 
quoy  les  trois  cens  foixante  iours  font  accom-  I 
pliSjfans  comprendre  en  aucun  de  ces  mois  les  , 
cinq  iours,qui  relient  du  fyrplus,  faifant  1 accô- 
plürementdel’an  entier.Mais  ils  les  contoyent  ; 
à part,&  les  appelloyent  les  iours  de  rien,duraiit  ^ 
lefquels  le  peuple  ne  faifoit  aucune  chofe  , 6c  j 
n’alloycnt  pas  mcfmes  en  leurs  temples,  mais  ils  ; 
foccupoyent  feulement  à fe  viliter  lesvns  les  j 
autres,perdansainlile  téps,  &lesfacrilicatcurs  i 
du  temple  celToient  aulïi  defacriher.  Aptes  ces  ! 


DES  Indes.  L IV.  VI. 
cinci  iours  paiTcz  , ils  rccômcnçoient  leur  côte 
de  Tan , duquel  le  premier  mois,&  le  cômcnce- 
menteftoit  enMars,quandles  fueilles  cômen- 
çoient  à reuerdir,  encor  qu  ils  prinlTcnt  trois 
iours  du  mois  deFeurier.car  leur  premier  iour 
de  l’an  citoit  corne  le  vingt  fixiefmede  Feurier, 
ainfî  qu’il  appert  par  leur  calendrier,  dedans 
lequel  mefme  le  noftre  eft  comprins,  de  em- 
ploie d’vn  fort  ingénieux  artifice,&  fut  fait  par 
lesanciens  Indiens, qui  cogneurent  les  premiers 
Efpagnols.  l’ay  veu  ce  Kalendricr,  & l’ay  encor 
en  ma  puiffance,  qui  mérité  bien  d’eftre  veu, 
pour  entendre  ledifcours,  de  l’indufttie(,  qua- 
lioient  les  Indiens  Mexiquains.  Chacun  de  ces 
dixhuid  mois  auoitfon  propre  nom,&  fa  pro- 
pre peinture,  qu’il prenoit  communément,  de 
la  principalle  fefte  qui  fe  faifoit  en  ce  mois , ou 
de  la  diuerfité  du  temps, que  l’an  caufe  en  iceux. 
Ils  aupient  en  ce  Kalendrier  , certains  iours 
marquez  ôc  deftinez  pour  leurs  feftes,  & con- 
toient  les  fepmaines,de  treize  iours,en  y remar- 
quâts  les  iours,  par  vn  zéro,  qu’ils  multiplioient 
iufques  à treize,  & incontinent  recômençoient 
à conter  , vii  deux  ôcc.  Ilsremarquoicnt  aufli 
les  années' de  ces  roues  , par  quatre  lignes.,  ou 
figures,attribuans  à ^haain  an  vn  ligne , donc 
IVneftoit  d’vne  maifon,l’autrc  d'vnconnin,  le 
troifîefme  d’vn  rofeau,  & le  quatriefme  dvn 
caillou.  Ils  les  peignoient,de  celle  façon,deno- 
tans  par  icelles  figures  l’an  quicouroit,  difants 
à tant  demaifons,ouà  tantde  caillous  , de  telle 
roiie,fucceda  telle  chofe. Car  l’on  doit  fcaiioir, 
que  leur  roiie,  qui  efloit  coiume  vn  fiecle , con^ 
Mm  iiij 


\ 


/À 


Histoire  natvreilb 
tenoit  quatre  fepmaînes  d’annees,  eftant  cha- 
cune fepmaine  de  treize  ans^qui  accompliflbicc 
en  tout  cinquante  deux  ans.  Ils  pcignoient  au 
milieu  de  cefte  roue,  vn  Soleil,  d’oùfortoient 
en  croix,  quatre  bras  ou  lignes  iufques  à la  cir- 
conférence de  la  roüe,  dcfaifoienrlcur  tour  en 
telle  façon  que  la  circonférence  cftoit  diniféc 
en  quatre  parties  cfgalles , chacune  dcrqucllcs 
auec  Ton  bras,  on  ligne , auoit  vne  couleur  par- 
ticulière, & differente  des  autres  , & eftoient 
les  quatre  couleurs,  vert,azuré;rougc  &iaunc. 
Chaque  portion  de  ces  quatre , auoit  treize  fe- 
paradons,qui  auoient  toutes  leurs  fîgnes,ou  fi- 
gures particulieres,dcmaifon,oudeconnin,  ou 
derozeau  ou  de  caillous,  fignifiant  parchafquc 
ligne  vne  année,&en  tefte  de  cefigne,  ilspei- 
gnoient  ce  quieftoit  arriuéceftanlà.Ceftpour 
quoyie  veids  auCalendrierVquei’ay  dit,  l’an- 
née, en  laquelle  les  Efpagnols  entrèrent  en  Me- 
xique , marquée  par  vne  peinture  dVn  homme 
veftu  de  rougCjànoftre  mode,car  tel  eftoit l’ha- 
bit du  premier  Efpagnol,  qu’enuoya  Fernand 
Cortès,  au  bout  de  cinquante  deux  ans,  que  fe 
fermoir,  & accomplilFoit  la  roüe.  Ils  vfoient 
d’vne  plaifante  ceremonie,qui  cftoit  que  la  der- 
nière nuit,  ils  rompoient  tous  les  vafes,&vten- 
files  qu’ils  auoient,  &eftaignoient  tout  le  feu, 
6c  toutes  les  lumieres,difans,  que  le  monde  de- 
uoic prendre  fin,  à raccomplilïèraentd Vne  de 
ces  roues,  & qued’auanture  , ce  pourroiteftre 
celle  où  ils  fe  trounoient.Car  (difoient  ils)  puif- 
que  le  monde  doit  alors  finir,  qu’eft-il  plus  dé 
befoing  d’ajpprefter  de  viande,  ny  de  manger? 


I 

i 


DIS  ÎNDESÎ  LiV.  VL  '277 
Ccft  poiirquoy  ils  n’auoiejit  plus  que  faire  de 
vafes,  ny  de  feu.  Sur  çefte  opinion  ils  paflbient 
jtoutc  la  nuid , en  grande  crainte,  diians,  quç 
peult  cftre  il  ne  viendroit  plus  dciour,&veil- 
foient  tous  fort  attentiuement  pour  voir  quand 
ieiour  viendroit  : maisvoyans  quel’aubeconn- 
rnençoit  à poindre,  incontinent  ils  battoienc 
plufieurs  tambours  fonnoient  des  buccines, 
des  fleutes,  & autres  inftrumens  de  refiouiiran- 
ce  6c  allegreflè  , difans  que  défia  Dieu  leural- 
longeoit  le  temps  d’vn  autre  fiecle,quieftoient 
cinquante  deuxans.EtaJorsils  recommençoiéc 
vneautre  roue.  Ils  prenoieht , eh  ce  premier 
ipur,  6c  commencement  duriecle,dufeunou- 
ueau,  & achetoient  des  vafes,&:vtenj[iles  neufs 
pour  apprefterla  viande,&alloient  tous  quérir 
ce  feu  nouueau,  chez  le  grand  Preftre,  ayants 
fait  auparauantvncfollemnelle  proceffion,d’a- 
diondegraccs  pour  la  venue  du  iour,  & pro- 
longation dVn  autre  fiecle.  Telle  eftoitleur  fa- 
çon,&maniere  de  conter  les  années, les  mois  les 
ftpmaines,&les  fiecles. 

Comment  lesE^is  îngunu  contoientles 
Çr  lei  mots, 

Chap.  III. 


Ombien  que  cefte  fuppuration  dcf 
temps, praticquee  entre  les  Mexic- 
quains  foit  allez  ingenieufe  6c  cer^ 
taine,pour  des  hommes , qui  n’a- 
toutesfofs. 


Histoire  natvrelie 
il  me  femble  qu’ils  ont  eu  faute  de  difeours , & 
de  confidetationiii’ayants  point  fondé  leur  con- 
te fur  le  cours  de  la  Lune  ny  diftribué  leurs  mois 
félon  icelle,  enqiVoy  certainement  ceux  du  Peru 
les  ont  furpaflczjpource  qu’ils  partoient  leür  an 
en  autant  de  iours,  parfaidlemét  accomplis,cô- 
me  nous  faifonsicy,  &lc  diuifoient  en  douze 
mois, ou  Lunes, efquels  ils  employoient,  & con- 
foramoient les  vnze iours,  quireftentdela  Lu- 
ne, ainiî  que  l’efeript  Polo.  Pour  faire  leur  con- 
te de  1 an  feur  6ccertain,ils  vfoient  de  cefte  indu- 
ftrie*,  que  aux  montagnes,  qui  eftoient  au  tour 
de  la  Cité  de  Cufco  ( où  fe  tenoit  la  cour  des 
Rois  î nguas,&  le  plus  grand  fanduaire  des  roi- 
aumes, Comme  fi  nous  difions  vue  autre  Rome) 
il  y auoit  douze  coulomnes,  affifes  par  ordre, 
en  telle  diftance,lVne  de  l’autre,  que  chafquç 
mois,  vne  de  ces  coulomnes  remarquoit  le  le- 
uer,  & coucher  du  Soleil.  Ils  les  appelloienp 
Succanga,&  par  le  moieii  d’icelles,  ils  enfei- 
gnoient,  &annonçoient les feftes, (Scies  faifons 
propres  à femer,  à recueillir , & à faire  autres 
chofes,  Ilsfaifoientde  certains  facrifi.ces  à ces 
pilliers  du  Soleil, fuiuant  leur  fuperftition. Cha- 
que mois  auoit  fon  nom  propre,  & fes  feftes 
particulières.  Ils  comraençoientran  parlan- 
iiier,  comme  nous  autres,  mais  depuis  vnRoy 
Ingua,  appellé  Pachacuto,qui  fignifie  reforina- 
teurdu  Temple, fit  commencer  leur  an  par  Dé- 
cembre,à caufe(comme  ieconiedure)  qu’alors 
le  Soleil  commence  à retourner,  du  dernier 
point  de  Capricorne,  quicftle  Tropique,  plus 
proche  d’eux.  le  ne  fçay  point,queles  vus  ny 


DES  Indes,  Liv.  VL  27S 
les  autres, ayent  remarqué  aucun  Bifexte,  con- 
bien  que  quelques  vns  dient  le  contraire.  Les 
fepmainesque  contoient  les  Mexicqiiains  n’c- 
ftoientpas  proprement  fcpmaines,  puisqu’el- 
les n'eftoient  pas  defeptiours,  auflî  les  Inguas 
n’en  firent  aucune  mention,  ce  qui  n’eftpas  de 
mcrueilie,  attendu  quelecontedclafepmaine, 
n’eftpas  fondé  fur  le  cours  du  Soleil , comme 
celuy  delan,ny  fur  le  cours  delà  Lune,commc 
celuy  des  mois,  mais  bien  entre  les  HeLrieux 
eft  fondé  fur  la  création  du  monde,  que  rappor- 
te Moyfe,&  entre  les  Grccs,&  les  Latins,  furie 
nombre  des  fept  Planètes  , du  nom  defquelles 
mcfme,  lesioursde  la  fcpmainc  ont  prins leur 
nom.  Ncantmoins  c’eftoit  beaucoup  à ces  In- 
diens,eftans  hommes  fans  Hures,  & fans  lettres 
comme  ils  font , qu’ils  eulPcnt  vnan,des  faifons 
&desfeftes,  fi  bien  ordonnées,  comme  il  eft 
ditcy  delîus. 

Qml'onr^A  ^oïnt  trouué  Aucune  nAÙm  d'indiens  t^ui 
vfajl  de  lettres. 

Ch  A P.  IIII. 

Es  lettres  furent  inuentées  pour 
reprefenter  & fignifier  proprement 
les  paroles  que  nous  prononçons, 
ainfi  que  les  paroles  raefmes  ( félon 
le  Philofophe)  font  les  fignes  & marques  pro- 
pres des  conceptions  & penfées  des  hommes. 
Et  l’vn  & l’autre  ( ie.dy  les  lettres  & les  mots) 
ont  efté  ordonnez  pour  faire  entendre  les  cho- 
fes.La  voix  pour  ceux  qui  font  prefents,  (Scie? 


Histôire  NATVRELLE 
lettres  pour  lesabfcns,&  pour  ceux  qui  font  à 
venir.  Lcs'fîgncs  Ôc  marques  qui  ne  font  pas 
propres  pour  fignifierles  paroleSjmaislcscho- 
feSjne  peuucnt  eftrc  appeliez,  ny  nefoint  point 
à la  vérité  des  lettres , encor  qu’ils  foent;  ef- 
crits.  Car  I on  ne  peut  dire  quvne  image  du 
Soleil  peint , foit  vne  efcriturc  du  Soleil, 
mais  feulement  vne  peinture  : autant  en  eft- 
il  des  autres  lignes  & charaderes  qui  n’ont  au- 
cune reflèmblance  à la  chofe,  mais  qui  feruent 
tant  feulement  de  mémoire.  Car  celuy  qui  les 
inuenta  ne  les  ordonna  point  pour  fignifier  des 
paroles:mais  feulement  pour  dénoter  vne  cho- 
fe. On  n’appelle  point  aulïices  charaderes  let- 
tres n y eferitures  , comme  de  fait  ils  ne  le  font 
pas  . mais  pluftoft  des  chiffres  ou  mémoires, 
ainfi  que  font  ceux  dont  vfent  les  Spheriftes  6c 
Aftrologues.pour  fignifier  diuers fignes  oùpla- 
nettes  de  Mars,  de  Venus, de Iupiter,&c.TcIs 
charadercs  font  chiffres  6c  non -pas  lettres, 
pourautantque  quelque  nom  que  Marspuiffe 
auoir  en  Italien  , François,cnEfpagnol,  touf- 
iours  ce  charaderelc  fignifierce  qui  ne  fe  trou- 
ue  point  es  lettres  : car  iaçoit  qu’elles  déno- 
tent les  chofes,  c’eft  par  le  moyen  des  paroles: 
D’où  vient  que  ceux  qui  n’en  fçauent  la  lan- 
gue, ne  les  en  tendent  pas,  comme  pour  exem- 
ple, le  Grec  ny  l’Hebrieu  ne  pourra  pas  com- 
prendre ce  que  fignifie  ce  mot  Sol,  iaçoit  qu’ils 
levoyent  efcrit,pour  ce  qu’ils  ignorent  le  mot 
Latin.  Tellement  que  l’efcriture  & les  lettres 
font  feulement  pratiquées  par  ceux,  qui  auec 
icelles  fignifient  des  mots  ; car  fi  irntriediate- 


DES  Iî4DES.  tiV.  V t 
mctit  elles  fignifîcnt  les  chofes , elles  ne  font 
plus  lettres  ny  efcritureSjtnais  des  chiffres  ôc  des 
pcintureSjdecjuoy  l’on  tire  deux  chofes  bien  no- 
tablcs.L’vne  ,que  la  mémoire  des  hiftoîres&an- 
tiquitez  peut  demeurer  aux  hommes  par  Ivné 
de  ces  trois  maniérés, ou  par  les  lettres&efcritu- 
res,commcil  a efté  pratiqué  entre  les  Latins  les 
Grecs;  les  Hebrieux  & beaucoup  d’autres  na- 
tions,ou  par  pcinturc,comme  l’on  a vfc  prefque 
en  tout  le  monde-.car  il  eft  dit  au  Concile  de  Ni- 
ce fécond.  Lafe'mmreefivn  Hure  four  les  idiots  qui 
neJçAuent  ItreyOn  par  chiffres&  charaâ:ereSjCom'- 
me  le  chiffre  fignifie  le  nombre  de  cent,  de  mil 
& autres  fans  fignifier  cefte  parole  de  cent,ou  de 
mil. L’autre  chofe  notable  que  l’on  en  peut  tirer 
eft  celle  qui  f eft  propofée  enccchapitre,àfça- 
uoir  que  nulle  nation  des  Indes  defcouuertes  de 
noftre  téps,n’a  vlé  de  lettres  ny  deferiture,  mais 
de  deux  autres  manieres,qui  en  fontimages&fi- 
gures.  Ce  que  i’entens  dire  non  feulement  des 

Indes,du  Pei  u&:  de  la  neufue  Efpagne,mais  auf- 

fi  du  lappon  &de  la  Chine.Et  bien  que  ce  que  ic 
dis parauanture pourra fembler à quelques  vus 
cftrc  fauxjveu  qu’il  eft  rapporté  par  les  difeours 
qui  en  font  eferits, qu’il  y a de  fi  grandes  Librai- 
ries & vninerfîtez  en  la  Chine  & au  lappon , & 
qu’il  eft  fait  mention  de  leurs  Chapas,  lettres  & 
expéditions, toutesfois  ce  que  ie  dy  eft  chofe  vé- 
ritable, ainft  qu’on  pourra  entendre  par  le  dif- 
eours fuiuant. 


Histoire  natvrelié 


Ve  U façon  des  lettres  0*  des  Hures 
dont  vfoientles  chinois. 

Ch  a p.  V. 

Ly  enaplufieursqnipenrenr,  &eft 
bien  la  plus  commune  opinion,  que 
les  efcritures  dont  vfent  les  Chinois 
font  lettres, comme  celles  dontno** 
vfons  en  Europe,  & que  par  icelles 
i on  puilTe  cfcrire  les  paroles  Ôc  difcoucs,  & que 
feulement  ils  different  de  nos  lettres  & efcritu^  j 
resenladiuerfitédes  charadtercs  , comme  les  î 
GrccsdifterentdesLatins, & les  Hcbreux  des 
Chaldeâs.Mais  il  n’en  eft  pas  ainfi,pource  qu’ils 
n’ont  point  d’ Alphabet, ny  n’efcriuent  point  de 
letrres,mais  toute  leur  efcriture  n’efl:  autre  cho- 
fc  que  peindre  & chiffrcr,&  leurs  lettres  ne  fi-  ■ 
gnifîent  point  des  parties  de  didUons,  comme 
font  les  noftres,  mais  font  des  figures  & repre- 
fentations  des  chofes, comme  du  Soleil,  du  feu, 
d’vn  homme  de  la  mer,  & des  autres  chofes.  Ce 
qui  appert  euidemment,  parce  que  leurs  efcri-_ 
türcs  ôc  Chapas  font  entendues  d’eux  tous,  co- 
bien que  les  langues,  dont  parlent  les  Chinois, 
foienten  grand  nombre, 5efort  differentes  entre  ' 
elles,  en  la  mcfme  façon  que  nos  nombres  de 
chiffre  font  entendus  cfgallement  en  François, 
en  Efpagnol,&  en  Arabie. Car  celle  figure  8.  ou  • , 
quecefoitfignifiehui6b,encorque  le  François 
appelle  ce  nombre  d’vne  façon,  6c  l’ElpagnoI 


DES  Indes.  Liv.  VI.  . 2S0 

dVneautre.D’où  vient  que  les  chofes  eftans  de 
foy  innumerablesjes  lettres  aiiffi  ou  figures  dot 
vfent  les  Chinois  jpour  les  dénoter  fon  t;  prefque 
infiniesitellementque  celuy  qui  doit  lire  ouef- 
crire  à la  Chine(commc  fôtles  Mandarins)  doit 
fçauoir  & retenir  pour  le  moins  quatre  vingts 
cinq  mil  charaderes  ou  lertrcs,&  ceux  qui  font 
parfaits  en  cefte  ledure  en  fçauentplusde  fix 
vingts  milChofe  prodigieufc  ôc  cftrange,  voire 
qui  feroit  incroyablejfi  elle  n’eftoit  atceftée  par 
des  pcrfonnes  dignes  de  foy, comme  les  peres 
de  noftre  compaguie  , quifontlàcontinuellc- 
menrjapprenans  leur  langue  &efcriture,  & y a 
plusdedixans,quedenuid&de  iour  ils  feftu- 
dientàcecy,auecvn  perpétuel  trauail.  Car  la 
charité  de  Chrift,&  le  defir  de  la  faluation  des 
ames/urmonteeneux  tout  ce  trauail  & diffi- 
culté, qui  eft  la  raifon,pour  laquelle  les  hom- 
mes lettres  font  tant  eflimez  enla  Chine, à 
caufe  de  la  difficulté  qu’il  yaàles  comprendre, 
^ ceux  la  feulement  ont  les  offices  de  Manda- 
rins,Gouuerneiirs , luges  & Capitaines.  Pour 
cefte  occafioii  les  peres  prennent  beaucoup 
depeine  de  faire  apprendre  à leurs  enfans  à li- 
re &efcrire.ll  y a grand  nombre  de  ces  efchol- 
les  où  les  enfans  font  inftruits,&  où  les  mai- 
ftres  les  font  eftudier  de  iour,  & le  pere  de  nuit 
en  la  maifon . T ellement  qu’ils  leur  endomma- 
gent beaucoup  les  yeux,  ôc  les  fouettent  fort 
fouuent  auec  des  rofeaux , bien  que  ce  ne  foit 
pas  de  ces  rigoureux,  defquels  ils  fouettent  les 
mal-faideursj  Ils  appellent  cela  la  langue  Ma- 
darine,quiabefoinderaagc  dVn  homme  pour 


Histoire  natvrelle 
eftrc  comprinfe  : & doit-on  fçaiioir  qu’cncor 
que  la  langue,de  laquelle  parlent  les  Mandarins 
foie  particuliere,& differente  des  vulguairesjcf^ 
quelles  font  en  grand  nombre,&  qu’on  y eftudic 
comme  Ton  fait  par  deçà  en  Latin  ôc  en  Grec,& 
que  les  Ictrrcz  qui  font  par  toute  la  Chine  lafça- 
uenr,&  entendent  tant  feulement:  fi  eft- ce  tou- 
tesfois  que  tout  ce  qui  cft  eferit  en  icelle,eft  en- 
tendu en  toutes  les  languc?,&iaçoit  que  les  pro- 
uinccs  ne  fentr’entendent  point  de  parole  les 
vnes  les  autres,  toutesfois  par  cfcritilsfentr’- 
cntendentfvnfautre,carilnyaqu Vneforte  de 
figures  ou  carad:eres  pour  toutes, qui  fignifie  v- 
ne  mefmc  chofe,  mais  non  pas  vn  mefmc  mot  | 
ny  prolation , veu  que  comme  i ay  dit,  ils  font  1 
feulement  pour  dénoter  les  chofes,  & non  pas  j 
les  paroles,  comme  l’on  peut  facilement  enten-  j 
dre  par  Tcxcraple  des  nombres  de  chiffre.  C’eft  i 
pourquoy  ceux  du  lappon  ôc  les  Chinois  li-  i 
fent  ôc  entendent  fort  bien  les  eferitures  les  î 
vns  des  autres  : combien  que  ce  foient  des  na- 
tions,& des  langues  fort  differentes.  Que  s'ils 
parloicntce  qu’ils  iifent,  ou  eferipuent,  ils  ne 
le  pourroient  pas  entendre.  Telles  font  donc 
les  lettres,  & les  liures  dont  ^tfent  les  Chinois 
fi  renommez  au  monde.  Pour  faire  leurs  im- 
prefïîons , ils  grauent  vne  planche,  des  figures 
qu’ils  veulent  imprimer.Puis  en  eftampent  au-  ; 
tant  defueillcs  de  papier  qu’ils  veullent,  de  la  I 
mefmc  façon  que  l’on  fait  icy  les  peintures, qui  | 
font  grauées  en  du  cuiure,  ou  dubois.  Mais 
quelque  homme  d’entendement  pourra  deman- 
der , comment  ils  pcuuent  fignifier  leurs  con- 

) ceptions 


Dis  Indes.  Liv.  VI.  281 
ceptîons  par  des  figures  qui  approchent,  ou  refi- 
femblent  à la  chofe  qu’ils  veulent  reprefentcr, 
CGpïîme  de  dire  que  le  Soleil  efchauffe, Ou  qu’il 
a regarde  le  Soleil,  ou  que  leiour  eft  du  Soleil. 
FinalementjCommentillcur  eft  pofîible  de^'dc- 
noter  par  de  mefines  figurcs,les  cas, les  conion- 
âions,&  les  articles  qui  font  en  plufîeurs  lan- 
gues Sc  efcritures.Ie  rcfponds  à cela,qudlsdi- 
ftinguenr,&fignifientccftevarieré  par  certains 
poinds  rayez  & difpofitions  delà  figure.Mais  il 
eft  difficile  d entendre  cotnment  ils  peuuent  ef- 
< crire  en  leur  langue  des  nomspropres,  fpcciale- 
mentd’eftrangers,veu  que  ce  font  chofes  que  ia- 
mais  ils  n’ont  vcues,&  qu’ils  ne  peuuent  inuen- 
ter  des  figures  qui  leur  foient  propres,  l’en  ay 
Voulu  faire  l’cxpericnce  me  trouiumt  en  Mexi- 
que auec  des  Chinois,  ôc  leur  dy  qu’ils  eferiuif- 
fent  en  leur  langue  cefte  propofition.  lofcph 
d’Acofta  eft  venu  du  Peru,&:  autres  femblables, 
furqUoy  le  Chinois  fur  vn  long  temps  penfif^ 
mais  en  fin  il  fefcriuit.Ce  que  d’autres  Chinoisi 
leurentapres,bicnqLi’ilsvariairentvn  peu  en  la 
prononciation  du  nom  propre. Car  ils  vfertt  de 
ceft  artifice  pour  eferire  le  nom  propre,qu’ils 
cherchent  quelque  chofe  en  leur  langue  qui  aye 
relfemblanceàcenom,  & mettent  la  figure  de 
cefte  chofe.  Et  comme  il  eft  difficile  entre  tant 
de  noms  propres, de  leur  trooüer  deschofès  qui 
leur  portent  reircmblance  en  laprolation  : auffi 
leur  eft-ce  chofe  fort  difficile  & fort  laborieufe 
d’eferire  tels  noms.Sur  ce  propos  le  pere  Allon., 
fe  Sanchez  nous  contoit  que  lors  qu’il  eftoir  en 
ia  Chine,6c  que  i on  le  raenoit  en  diuers  Tribu- 
' ' Nn 


Histoire  natvrelie 
naiix,  de  Mandarin  en  Mandarin  ,ils  eftoieni 
fort  long  temps  à mettre  Ton  nom  par  efcrit  en 
leurs  Chapas,toutesfois  ils  rcfcriuoient  en  fin  le 
nommans  en  leur  façon,  & tellement  ridicule, 
<ju’à  peine  approchoicnt-ils  le  nom,qui  eftla  fa- 
çon des  lettres  & efcritures,  dont  vfoientles 
Chinois.  Celle  des  lapponnoisenapprochoit 
beaucoup, encor  qu  ils  afferment  que  les  feig- 
iieurs  îapponnois  qui  vindrent  en  Europe  efcri- 
uoient  facilement  toutes  chofes  en  leur  langue, 
quoy  que  ce  fulfêt  des  noms  propres  d’icy,mef- 
me  l’on  m’a  monftré  quelques  efcritures  d’eux: 
parquoy  il  femble  qu’ils  doiuent  auoir  quelque 
forte  de  lettres,  encor  que  la  plus  parc  de  leurs 
efcritures  foient  par  charadcrcs  & figures, co- 
rne il  a efte  dit  des  Canots. 

Ves  efchdes  vniuerJîteX^e  U chme. 

C H A P.  V I. 

E s peres  de  la  Compagnie  difeiic 
qu’ils  n’ont  point  veu  en  la  Chine 
de  grandes  efcholcs  & Vniuerfitez 
de  Philofophie  & autres  fciences 
naturelles,&  croyent  qu’il  n’y  en  a point,  mais 
que  toute  leurcftudceft  en  la  langue  Mandari- 
ne,qui  eft  trcf-ample,  & rref-dimcile,commc 
i’ay  dit,  & que  ce  qu’ils  eft  udient  font  chofes 
qui  font  eferites  en  cefte  langue,  qui  font  des 
hiftoûxs  des  fedes  & opinions  dcsloix  ciuiks. 


BES  Indes.  Liv.  VI.  ^ 282. 

«Scs  prouerbcs  moraux  , des  fables, 5c plufîcurs 
autres  telles  compofitions,&  ce  qui  cil  defpcnd. 
Desfcicces  diuines  ils  n’en  ont  aucune  cognoif- 
fance,  ny  n’ont  autre  chofe  des  naturellesique 
quelques  petits  reftesqu’ilsontendespropôfi- 
tionsefgüaréeSj  fans  art  & fans  méthode,  félon 
rentendement  Ôc  èftude  d’vn  chacun.  Pour  les 
Mathematiqüesils  ont  expérience  des  mouue- 
mensceleftes&  des  éftoiles,&  pour  la  Médeci- 
ne ils  ont  cognoilTance  des  herbes,  parlcmoyé 
defquellcs  ils  guarilîcnt  plufieurs  maladies, &en 
vfent  beaucoup. Ils  eferiuent  aucc  des  pinceaux, 
& ont  plufieurs  Hures  efcritsà  la  main, & d’au 
très  imprimezqui  font  to^d’afiez  mauuaîsordre. 
Ils  fontgrâds  ioiicurs  de  Comédies:  ce  qu’ils  fôt 
auec  vn  grand  appareil  de  theatrcs,vcftemens, 

- cloches,tambours,&devoix,felon  qu  il  eft  con-^ 
ucnable.  Quelques  peres  racontent  ÿauôirveit 
des  Comédies  qui  duroient  dix  & douze  iourS 
auec  leurs  nuidts,fâs  qu’il  y euft  faute  de  ioüeurs 
fur  le  theatre , ny  de  ^edbateurs  pour  les  regar- 
der. I Is  font  plufieurs  Scenes  ditferentes,&  pen^ 
danr  que  les  vns  reprefentent,  les  antres  dorméc 
où  repaifiènt.Ils  rraitrent  ordinairement  en  ces 
Comédies  des  chofes  morales  & de  bon  exem- 
ple, qui  fontneantmoins  entrcmefléesdechoJ 
fes  gayes  & plaifantes.  Voila  en  fomme  ce  que 
les  noftres- racontent  des  lettres  & exercices 
, de  ceux  dé  la  Chine,  où  l’on  ne  peut  nier  qu’il 
n’y  ait  beaucoup  d’entendement,  & d’induftrie. 
Mais  tout  cela  cil  de  peu  de  fubftancc,  pour  ce 
qu’en  effed  toute  la  fcience  des  Chinois  tend 
feulement  à fçauoir  eferire  & lire,  & non  point 

Nn  ij 


Histoire  NAT vRELtE 
d’auantage:car  ils  ne  pamicnnent  point  es  feiê- 
ces  plus  hautes,&  leur  eferire  & lire  n’eft  point 
proprement  eferire  ôc  lire,puifque  leurs  lettres 
nefontpointlectres,  qui  puitfe  reprefenter  les 
paroles,  mais  font  figuresclechofesinnumera- 
bleSjlelqiielles  ne  fepeuuent apprendre  que  par 
vn  bien  long  temps,  & auec  vn  trauailinfiny. 
Mais  en  fin  auec  toute  leur  (çience,vn  Indien  du 
Peru  ou  Mexique  qui  a apprins  à lire  & eferire, , 
fçait  plus  que  le  plus  fage  Mandarin  d entr’eux, 
veu  que  1 Indien  auec  vingt  quatre  lettres  qu’il 
fçait, eferira  ôc  lira  tous  les  mots  ôc  paroles  qui 
font  au  monde, & le  Mandarin  auec  les  cent  mil 
» lettres,aura  beaucoup  de  peine  pour  eferire  quel 
que  nom  propre  de  Martin,ou  Allonfc,&  à plus 
forte  raifon  nepoatra-il  pas  eferire  les  noms  des 
chofes  qu  il  ne  cognoift  point.Car  en  fin  l’efcri- 
re  de  la  Chine  n’eft  au  trechofe  quvi>c  façon  de 
peindre  ou  chiffrer. 

Ve  U façon  des  lettres  O'  eferitures  dmÿ 


.Chap.  vil 

’On  trouuequ’il  y a entre  les  nations 
de  la  neufucE^agnevne  grand’ co- 
gnoiffance,  & mémoire  defantiqui- 
té.  C’eftpourquoy,  recherchant  de 
quelle  façon  les  Indiens  auoient  conferué  leurs 
hiftoircs,  ôc  tant  de  particularitez,i’apprisque 
encor  qu’ils  ne  fuffent  point  fi  fubtilsny  fi4:u- 


ont  vfe  les  MexK^mms, 


DES  Indes.  Liv.  VI.  lîi 
deux  comcfotît  les  Chinois  & les  lapponnois, 
fl  cft-ce  qu’ils  auoient  entr  eux  quelque  forte 
de  lettres  & de  liures,  par  lefquels  ils  confer- 
uoient  à leur  mode  les  chofes  de  leurs  prede- 
celTeurs  En  la  prouincede  Yu-latan,oùcftl’E- 
uefehé,  qu’ils  appellent  de  Honduras  il  y auoit 
des  liures  de  fueillcs  d’arbres  à leur  mode 
ployez  & efquarris , efquels  les  fages  Indiens 
tenoiçnt  comprinfes  & defduittes  la  diftributio 
de  leurs  temps,  la  cognoilfancedes  Planettes, 
des  animaux  ôc  des  autres  chofes  naturelles, 
auec  leurs  antiquitez:  chofe  pleine  de  grade  eu- 
riolitc  &diligence.ll  femblaà  quelque  Pédant 
que  tout  cela  eftoicvn  enchantement  & art  d,c' 
Magie,&fouftint  obftinémenc  que  l’on  Icsde- 
uoit  brufler,  de  forte  qü’ils  furent  mis  au  feu. 
Ce  que  du  depuis  non  feulement  les  Indiens 
recogneurent  auoir  efté  mal  fait,  mais  aulli  les 
Efpagnols  curieux  qui  defiroient  cognoiftre 
lesfccrets  du  pays.  lien  eftarriuc  autant  es  au- 
tres chofes , car  les  noftrcs  penfans  que  le  tout 
fufl:  fuperftition,ont  perdu  plufeurs  mémoires 
des  chofes  anciennes  & ficrées,  qui  pounoient 
beaucoup  profiter*  Cela  procédé  d’vn  zelefoi 
& ignorant,  qui  fans  fçauoir  ny  vouloir  enten- 
dre les  chofes  des  Indiens  , difenc  ( comme  à 
charge  clofc  ) que  ce  font  toutes  forcelleries, 
& que  tous  les  Indiens  ne  font  que  des  yuron- 
gnes  , qui  font  incapables  de  fçauoir  ny  d’ap- 
prendre aucune  chofe.  Car  ceux  quife  font 
voulus  diligemment  informer  d’eux, y ont  trou- 
ué  beaucoup  de  chofes  dignes  de  confidera- 
tipu.  Vu  de  noftrc  conupagnie  de  l £ s v s,  hom- 
Nn  iij 


Histoire  natvrelle 
me  fort  accort  & expérimenté,  aflcmblacnk 
prouince  de  Mexique  les  anciens  de  Tefcuco, 
de  Tulla,&de  Mexique,& conféra  fort  ample- 
ment  aiicc  eux,  lefquels  luy  monftrerent  leurs 
liurcsjhiftoires,  & Calédriers,  qui  eftoient  cho- 
fes  fort  dignes  de  voir,  pource  qu'ils  auoient 
leurs  figures, & Hieroglyficqucs,  par  Icfquelles 
ils  reprefentoient  les  chofes  en  celle  maniéré. 
Celles  qui  auoient  forme,  ou  figure  eftoient  re- 
prefentees  par  leurs  propres  images,  & celles 
qui  n’en  auoient  point,  eftoient  reprefentees 
par  des  charaéleres  qui  les  fignifioient,&  par  ce 
moyen  ilsfiguroient,  & eferipuoient  eequiis 
vouloienr.Etpour  remarquer  le  temps  auquel 
quelque  choie  arriuoit,  ils  auoient  ces  roiies 
peintes,  car  chacune  d’icelles  contenoit  vn  fic- 
cle,qui  eftoit  cinquante  deux  ans,comme  a efte 
dit  cy-ddîus,&  au  cofté  de  ces  roiies, ils  pei- 
gnoient,auec  ces  figures  & chara6leres,àl’en* 
droit  de  lanncCjles  chofes  mémorables  qui  ad- 
ueiioient  en  icelle.  Comme  ils  remarquèrent 
hannee , que  les  Efpagnols  entrèrent  en  leur 
pays,en  peignant  vn  homme  aucc  vn  chapeau, 
ôc  vne  iuppe  rouge, au  figne  du  rorcau,qui  cou- 
roit  alors.  Et  ainfi  des  autres  accidens.  Mais 
pource  que  leurs  Eferitures  & charaderes  n’e- 
ftoientpas  fi  ruffifans,  comme  nos  lettres  &ef- 
cricurcs,  ils  ne  pouuoicnt  exprimer  défi  prés 
les  parolles , ains  feulement  la  fubftance  des 
conceptions.Et  d’autant  qu’ils  auoient  accou- 
ftumé  de  raconter  par  cœur  des  difcours,& dia- 
logues compofez  par  leurs  Orateurs, & Rheto- 
riciens  ancicns,&  beauco^up  de  Chapas  drdîcz;. 


isis  Indes.  Lfv.  VI.  284 
jparlcurs  Poetes  ( ce  qui  cftoitimpofîîblc  d’ap- 
prendre par  les  Hiéroglyphiques , ôc  charade- 
res)  les Mexiquains  cftoient  fort  curieux,  que 
leurs  enfans  apprinflent  par  mémoire  ces  Dia^ 
logucs  âc  comportions.  Araifon  deqiioy  ilsa- 
uoient  des  efcholes  & comme  des  colleges, 
ou  reminaires,où  les  anciens  enfeignoient  aux* 
enfans,ccsoraifons,&  beaucoup  d’autres  cho- 
fes,  quife  conferuoient  entr’eux,  par  la  tradi- 
tion dcsvns  aux  autres,  aulli  entièrement  com- 
me fi  elles  euffent  efté  coüchées  par  eferit.  Spe- 
ciallemenr  les  nations  plus  renommées  auoient 
foing,que  leurs  enfims  ( qui  auoient  inclination 
pour  eftre  rhctoricicns  & exercer  l’office  d’o- 
rateurs J apprinfiènt  de  mot  à moi  ces  haran- 
gues. Tellemewt  que  quand  les  Efpagnols  vin- 
drent  en  leur  pays,&  qu’il?  leur  eurent  enfeigné 
à lire  ôc  eferire  noftre  lèttre  , plufienrs  de  ces 
Indiens  efcriuirent  alors  cef  harangues , ainfi  ^ 
que  le  refmoignent  quelques  hommes  graues 
qui  les  leurent.  Ce  qui  eft  dit  poiirce  que  ceux 
qui  liront  cnlhiftoire  Mexiquaine,  detelsdif- 
cours  longs  ôc  elegans  , croiront  facillement 
qu’ils  font  inuentez  des  Efp3gnols,&  non  pas 
reallement  prins  , ôc  rapportez  des  Indiens. 
Mais  en  ayant  cogneula  vérité  certaine,  ils  ne 
laifieront  pas  d’adioufter  foy , comme  c eft  I.1 
raifon,à  leurs  hiftoircs.lls  eftriuoient  auffi  ces 
mefmes  difeours,  àleurmodc,  par  des  images, 
& charadlcres , ôc  ay  veu  pour  me  faisFaireen 
cet  endroit,  l«s  oraifons  du  Pater  nofter^  ôc 
Aue  Maria, Symbole  , &confeffion  generalle, 
efcriptes  en  cefte  façon  d’indiens.  Et  à la  vérité 
Nn  iiij 


Histoire  natvreiie 
quiconque  les  verra,  s’en  ermerueillera.  car 
, pour  fîgnifîer  ces  paroles,  M<ry  pecheitr  me  confejfe, 
ils  peignoient  vnlndien  à genoux  aux  pieds  d’vn 
Religieux, comme  qui  fe  confelTe,  & puis  pour 
celle  cy,  a DterttmtpwJJant^  ils  peignoient  trois 
vifages,  auec  leurs  couronnes,  en  façon  de  la 
Trinite,C7"  à U gloneu^fe  vierge  Marie^\\s  peignoiét 
vn  vifage  de  noftre  Dame,  & vn  demy  corps  de 
petit  kfamH  Vierrecr fimti  Paul.dcs  te- 

Hes,auec  des  couronnes,  &vne  clef,  &vnccf- 
pée,&  où  les  images  leur  deffailloient,  ils  ract- 
toientdes  charaâ:cres,comme,e«^«oj  lay  peche, 
etc.  D’où  l'on  peut  cognoiftre  laviuacité  de 
rentendement  de  ces  Indiens , puifque  celle 
façon  d’eferire  noz  oraifons,  & chofes  de  la 
foy,  ncleurapas  elle  enfeignécparlesEfpai- 
gnols,  ny  ne  reuflent  peu  faire,  fils  n’euflent  eu 
particulière  conception,de  ce  qu’on  leur  enfei- 
gnoit.rayveuauTerulaconfeirion  de  tousfes 
pechezqu’vn  Indien  apportoit  pour  le  confef- 
fer,  eferite  delà  mefmc  forte  de  peintures,  & 
de  charaéleres,  en  peignant  ^hafeun  des  dix 
commandemcnts,d’vne  certaine  façon,  oùily 
auoit  certaines  marques  comme  cKifFres,qui  e- 
lloient  les  pcchez,  qu’il  auoit  faits  contre  ce 
commandement,  le  ne  doute  point  quclî  beau- 
coup des  plus  habiles  Efpagnols  elloient  em- 
ployez à faire  des  mémoires  de  chofes  fembla- 
bles  par  leurs  images  & marques,  qu’en  vn  an 
•ils  n’y  pourroientparucnir,.nQn  pas  en  dix. 


Des  Indes. L IV.  Y ï» 


Vesregijîres , O"  conter,  dont  vfoient  les 

Indiens  du  Féru, 

Chapitre  VIII. 

; V parauant  que  les  Efpagnols  vinlTcnt 
^és Indes,  ccüxduPeru  nauoient au- 
baine forte  d’efcripture,  fuft  par  let- 
tres,par  charaéteres , chiffres  , ou  fi- 
gures,comme  ceux  de  la  Chine  ôc  de  Mexique: 
touresfois  ils  nelaiflerent  pas  de  conferuer  la 
mémoire  de  leurs  antiquitez,ny  de  retenir  l’or- 
dre de  toutes  leurs  affaires  de  paix , de  guerre, 
ôc  de  police , pource  qu’ils  ont  eflé  fort  diligens 
en  la  tradition,  des  vus  aux  autres, & les  ieunes 
gents/apprcnoient  & gardoient  comme  cho- 
fefacrée,  ce  que  leurs  fuperieurs  leur  racon- 
toicnt,  Sdenfcignoientauecle  mefmc  foingà 
leurs  fucceflèurs.Outre  cefte  diligence,  ilsfup^ 
pleoient  la  faute  defcriturcs  ^ des  lettres,  eri 
partie  par  la  peinture,  comme  ceux  de  Mcxic- 
que  ( combien  que  ceux  du  Peru  y fuffent  fort 
grofficrs  & lourds)  & en  partie, & le  plus  com- 
munément pardesquippos.  Ces  quippos  font 
des  Memoriaux,  ouregiftres,quifo*htfaidsde 
rameaux,  efquels  il  y adiucrs  nœuds  &:  diuer- 
fes  couleurs,  qui  fignificntdiucrfes  chofes  : ôc 
eft  yne  chofe  eftrange , que  ce  qu’ils  ont  expri- 
mé (Screprefenté  par  ce  moyen.Car  les  quippos 
leur  vallent  autant,  que  des  liure  s d hiftoires, 
de  loiXjde  ceremonies, & des  contes  de  leurs  af- 
faires.ll  y auoit  des  officiers  députez  pour  gar- 
der ces  Quippos  ( qu’auiourd’huy  ils  appellent 


Histoire  natv relie 
Qmpocamayos  ) lesquels  eftoient  obligez  de 
tenir  Sc  rendre  conte  de  chafque  chofe  comme 
les  Tabellions  par  deçà.Ceft  pourquoycntout 
l’on  leur  adiouftoit  entière  foy,&  creance,  car 
félon  diuerles  fortes  d’affaires,  comme  de  guer- 
re, de  police  , de  tributs  , deceremonies,&dc 
terres,  il  y auoitdiuersjQuippos,ourameaux, 
en  chacun  defquels  il  y auoit  tant  de  nœ,uds  pe- 
tits & grands  Sc  de  fillets  attachez , les  vns  rou- 
ges, les  autres  verts,  les  autres  azurez,& les  au- 
tres blancs.  Et  finalement , tant  de  diuerfitez, 
que  tout  ainfi  que  nous  autres , tirons  vne  infi- 
nité de  mors  de  vingt  quatre  lettres,  en  les  ac- 
commodans  en  diuerfes  façons, ainfi  ils  tiroien  c 
des  fignifications  innumerables,de  leurs  nœuds 
âc  diuerfes  couleurs.  Ce  qu'ils  font  d Vne  telle 
façon,qu’il  arriue  auiourd’huy  auPeru,quc  quad 
au  bout  de  deux  ou  trois  ans,  vn  commifl'aire 
.va  informer  de  la  vie  de  quelque  officier,  que 
les  Indiens  viennent  auec  leurs  menus  contes  ôç 
approuuez  difans’,  qu’en  tel  bourg  ils  luy  ont 
baillé  tant  d’œufs  lefquels  ils  n’a  point  payez,en 
vnerellemaifon  vne  poulie,  en  vne  autre  deux 
faix  d'herbes  pour  fescheuaux,& qu’il  n’a  payé 
que  tant  diargent,&  demeure  en  refte  de  tant. 
Lapreuue  eflant  faire  fur  le  champ,  auecceflc 
quantité  de.nœuds  & de  poignées  de  cordes, 
cela  demeure, pour  tefmoignage,  & efcriptiirç 
certaine.  le  vy  vne  poignée  de  ces  fillets  auf- 
quels  vne  Indienne  portoit  eferite  la  confeffion 
gcncrallc  de  rourefa  vie,&par  iceux  fe  confef- 
foit  comme  i’eulfepcu  faire  en  du  papier  eferit, 
^ }uy  demanday , ce  que  c çftoit,  que  quelques 


I>ÏS  ÎND.Es'  Liv.  VL 
filez  qui  me  femble^rcnc  quelque  peu  «îifferens, 
clic  me  dijft  que  c’eftoient  certaines  circon- 
ftanccs,quc  le  péché  rcqueroit  pour  eftre  cn- 
rieremeiit  confeffé.  Outre  ces  qiiipposdefil, 
ils  ont  vne  autre  comme  maniéré  d’eferire  auec 
de  petites  pierres,  par  le  moyen  derquelles  ils 
apprennent  punduallement  les  paroles  qu  ilç 
veulent  fçauoir  par  cœur.£teft  vne  chofe  plai- 
fante  de  voir  les  vieillards  & caducs,  auec  vns 
rôtie  faite  de  petites  pierres, apprendre  le  Pater^ 
nofler^  auec  vne  autre  Maria,  Ôc  auec  vne 
autre  le  Creds^Sc  de  retenir  quelle  pierre  eft  qui 
futconçeuduS.  Efprityôc  hqueWe, J9u0itfiu{>s  Ponce 
eftaulïl  vne  chofe  plaifante,deles  voir 
corriger  quand  ils  faillent,  car  toute  la  corre- 
dion  ne  gift  , qu’à  contempler  leurs  petites 
pierres  , & feroit  vne  de  ces  rodes  fumfante 
pour  me  faire  oublier  tout  ce  que  ie  fçay  par 
cœur.  Il  y a vn  grand  nombre  de  ces  rodes 
aux  cimetières  des  Eglifes , pour  cet  effed. 
Mais  c’eft chofe  quifemble  enchantement , de 
voir  vne  autre  forte  de  Quipos,  qu’ils  font  de 
grains  de  mays.Carpour  faire  vn  conte  diffici- 
le , auquel  vn  bon  Arithméticien  feroit  bien 
empefehé  auec  la  plume,  & pour  faire  vne  par- 
tition , afin  de  voir  combien  vn  chacun  doit 
contribuer  , ils  tirent  tant  de  grains  d’vn  co- 
fté  , & en  adiouftent  tant  de  l'autre,  auec  mil 
autres  inuentions  Cesindiçns  prendront  leurs 
grains  , ôc  en  mettront  cinq  d’vn  cofté,  trois 
d’vn  autrCj&huiden  vn  autre,  & changeront 
vn  grain  d’vn  cofté,  & trois  d’vn  autre.  Tellc- 
luent  qu’ils  fqrtept  auec"  leur  conte  çcruin^ 


Histoirï  NAT?RELLE 
fans  faillir  dVn  point*  Et  fè  mettent  pluftoft  à 
laraifon  par  ces  Quippos^ur  ce  quvn  chacun 
doit  payer,  que  nous  ne  pourrions  faire  nous 
autres  aueclaplun:;ie.  Par  cela  l’on  peut  iager 
filsontderentendemcnt,&  fi  ces  hommes  font 
beftes.  De  ma  part  ie  tiens  pour  certain  qu’ils 
nous  furpaflenc  és  chofes  où  ils  fappliquenc. 

Del* ordre  ([u>e  les  Indiens temj/ent  en  leurs  efentures. 

Ch  AP.  IX. 


L fera  bon  d’adioufter  icy,  ce  que 
jnous  auons  remarqué,  touchant! les 
Icfcriturcs  des  Indiens:  car  leur  façon 
[n’eftoit  pas  d ’eferire  auec  vne  ligne 
-fuyuie,  mais  du  haut  en  bas , ou  cii 
rond.  Les  Latins  & Grecs  efcriuoyent  du  cofté 
gauche  au  droit, qui  eft  la  commune,  & vulgaire 
façon  dont  nous  vfons.  Les  Hebrieux  au  con- 
traire commençoyent  de  ladroite  à la  gauche, 
c’eftpourquoy  leurs  liures  commencent  où  les 
noftres  finiïLent.Lcs  Chinois  n’efcriuent  pas,ny 
comme  les  Grecs  , ny  comme  les  Hebrieux, 
mais  de  haut  en  bas,  car  comme  ce  ne  font  pas 
des  lettres,  mais  des  diétions  entières,  & que 
chaque  figure,  ou  charaétere  fignifie  vne  cho- 
fe,  ils  n’ont  point  de  befoing  d afièmbler  les 
parties  des  vnes  auec  les  autres , & ainfi  peu- 
uent  ils  bien  eferire  du  haut  en  bas.  Ceux  de 
Mexique  pour  la  raefme  raifon  n’efcriuoient 
pas  en  ligne,  d’vn  cofté  àTautre,  mais  au  re- 
bours des  Chinois  commcncans  en  bas  mon- 


BES  IndÎs.,  Liv.  VL  i§7 
toieftt  toujours  cil  haür.lls  fe  fcruoient  de  cefte 
façon  d'efcrircjaucontc  des  iours,&  du  refte  des 
chofes  qu'ils  rcmarquoyent.Côbien  que  quand 
ils  efenuoient  en  leurs  roues, ou  lignes,  ils  com- 
mençoient  du  milieu  où  ils  peignoient  le  Soleil,  ' 
&dclàalloient  montans  parleurs  années,  iujP- 
ques  au  tour,  & circonférence  de  la  roiie.  Fina- 
blement  il  Ce  trouue  quatre  differentes  fbrteS 
d ’eferire,  les  vns  efcriuans  de  la  droite  à la  gau- 
che,les  autres  de  la  gauche  à la  droitte,  les  vns 
de  haut  en  bas,&  les  autres  du  bas  en  haur,cn- 
quoy  l’on  voit  la  diuerfîté  des  entendemens  hu- 
mains. 

Comment  les  Indiens  enmjoient  leurs 
ntejsagers, 

G H A P.  X. 

Our.  acheuer  la  façon  qu’ils  auoient 
d’eferire  , quelqu'vn  pourra  douter 
auec  raifon  , comment  les  Roys  de 
Mexique, & du  Peru,  auoient  cognoif- 
farice  de  tous  leurs  Royaumes  qui  eftoient  fi 
grands, ou  de  quelle  façon  ils  pouudient  defper- 
cher  les  affiiires  qui  fe  prefenroiét  en  leur  Cour, 
veü  qu’ils  n’auoiéntl’vfage  d’aucunes  lettres,  ny 
d’eferire  mifliucs.Sur  quoy  l’on  peut  eftrc  fatif- 
fait  dece  doute,quâd  on  fçaura  que  par  paroles, 
par  peinturesjoupar  ces  mcmoriaux,ils  eftoienc 
•fort  fouuent  aduertis  de  tout  eequifepaffoir. 
Pour  cet  effeâ:  il  y auoit  des  hommes  fort  viftes, 
&difpos,  qui  feruoient  de  courriers,pour  aller 
&venir,ldquclsilsnourriffoienten  cet  cxerci- 


Histoire  natyreIlb 
Êe  de  courir  dés  leur  enfance, & prcnoient  peine 
qu’ils  fulféc  de  lôguc  halcine,afîn  qu’ils  peiilTent 
monter  en  courant  vne  montagne  fort  haute, 
fans  fe  lafiTer.  C’eft  pourquoy  en  Mexique  ils 
donnoient  le  prix  aux  trois  & quatriefmes  pre- 
miers,qui  montoient  ces  grands  degrez  du  tem- 
ple,comme  il  a efté  dit  au  liure  precedent.  Et  eij 
Cufco,lors  que  fe  faifoit  leur  foleranellc  fefte  de 
Capacrayme,lesnouices  montoiét  à qui  mieux 
mieuxlerocde  Yanacauri,  &generalement  l’e- 
xercice de  la  coLirfe  a efté&  eft  encor  fort  en  vla- 
ge.entre  les  Indiens. Q^nd  il  fe  prefentoit  vne 
affaire  d’importance,  iis  enuoyoient  dépeinte 
aux  feigneurs  de  Mexique  la  chofe  dont  ils  les 
vouloientinformer,ainfi  qu’ils  firent,  alors  que 
les  premiers  nauires  Efp’agnols  parurent  à leur 
veüe,&  lors  qu’ils  prindrent  T oponchan.  Ils  e- 
ftoientau  Perufort  curieuxdes  coutriers,&l’IiT 
gua  en  auoitpar  tout  Ton  Royaume, comme  des 
portes  ordinaires,  appeliez  Chafquis  , defquels 
fera  traitté  en  fon  lieu. 

De  U façon  degomernementyO^  des  E^ys 
qu'ont  eu  les  Indiens. 


C H A P.  XI. 


\L  ert  affez  expérimente  que  la  chofe 
’enquoy  les  Barbares  monrtrent  plus 
|lcur  barbarifme  ,eft  en  leur  gouuer- 
^lemenr , & façon  de  commander, 
pour  ce  que  tant  plus  les  hommes  approchent 


»1S  In  D ÉS.  Liv.  Vî.  zU 

âé  la  raifon,  tant,  plus  leur  gouuerncment  cft 
humain,&  moins  infolent,  &-lcs  Roys  &fei- 
gncursfontplustraittables,  & faccommodenc 
mieux  auec  leur  valTaux  , en  recognoilFants 
qu’ils  leur  font  cfgaux  en  nature,  6c  toutesfois 
inferieurs  , en  1 obligation  d’auoir  foingdela 
Republique.Mais  cntreles  Barbares,  tout  y elt 
contraire,  d’autant  que  Icurgouuernement  elt 
tyrannique,  & traittent  leurs  fubiets  comme 
beftes  , & de  leur  part  veulent  eftre  iraittez 
comme  Dieux.  Pour  celle  occallon  plulîeurs 
peuples  & nations  des  Indes, n’ont  point  fouf- 
fert  de  Rop,  ny  de  feigneurs  abfolus,  &fou- 
uerains,mais  viuenten  communauté,  6c  créent 
& ordonnent  cîes  Capitaines,  & Princes  pour 
certaines  occalions  'feulement , aufquels  ils 
obeilTent  durant  le  temps  de  leur  charge  , 6c 
apres  ilÿ  retournent  à leurs  premiers  offices. 
La  plus  grande  partie  de  ce  nouiieau  monde, 
où  il  n’y  a point  de  Royaumes  fondez  , ny  de 
Republiques  ellablies  , ny  Princes,  ou  Roys 
perpétuels,  fe  gouucrncnt  de  celle  façon  jiaçoit 
qu’il  y ait  quelques  feigneurs  6c  principaux 
hommes,  qui  font  elleuez  entre  le  vulgaire. 
Ain£  ell  gouucrnée  toute  la  tcrredcChil!e,en 
laquelle  les  Auracancs,ceuxdcTcucapel,  6c  an- 
rres,ontpar  tant  d’années  refillé  contre  les  Efo 
pagnols.Er  de  mefmcauffi  toutlcnouucau  Pvoy 
aume de  Grenade,  celuy  de  Guatimalla  , les 
Ifles,toüte  Ja  Floride, le  Brefij,Luiron,  6c  d’au- 
tres terres  de  grande  ellendüc,  excepté  qu’en 
plulîeurs  de  ces  lieux  , ils  y font  encore  plus 
barbares,  vai  qu’à  pcincy  rccognpilîènriis  de 


Histoire  natvreile 
chef,  mais  tous  commandent , & gouuerncnt 
en  commun,  n’y  ayant  autre  chofe,  que  de  la 
volonté  , de  la  violence  , de  finduftrie  , & du 
defordre,  tellement  que  ccluy  qui  peut  d’a- 
uanrage,  commande  & y a ledellus.  il  y a en 
Miide  Orientale  de  grands  Royaumes  , bien 
fondez,  & bien  ordonnez,  comme  cftceluy  de 
Sian,celuy  deBifnaga,  & autres,  qui  peuueut 
aifembler  ôc  mettre  en  campagne  quand  ils 
veulent,  iufques  à cent  & deux  cens  mil  hom- 
mes. Comme  auffi  le  Royaume  de  la  Chine,le- 
quel  en  grandeur  &pui(ranccfurpafrc  tous  les 
aiitres,&  dont  les  Roys,  félon  qu’ils  racontent, 
ont  duré  plus  de  deux  milans,  pour  le  bel  or- 
dre&gouuernementqu’ils ont.  Mais  en  1 Inde 
Occidentale,  Ton  y a feulement  trouué  deux 
Royaumes,  ou  Empires  fondez,  qui cftoient 
celuy  des  Mexiquains  enlaneufue  Efpagne,& 
ccluy  des  înguas  au  Peru.  Et  ne  pourroispas 
dire  facilement  lequel  des  deux  a efté  le  plus 
puÜÏânt  Royaume  , d’autant  que  Motecuraa 
fiirpaflToit  ceux  du  Peru  en  édifices,  & en  la 
grandeur  de  fa  cour.  Mais  les  Inguas  auffi  fur- 
pafToient  les  Mexiquains  en  threfors  , richef- 
fes,&en  grandeur  de  prouinccs.  Pour  le  re- 
gard de  l’antiquité,  le  Royaume  des  Inguas 
l’eft  d’auanrage  , bien  que  ce  ne  foit  pas  de 
beaucoup,  & me  fcmble  qu’ils  ont  efté  efgau)^ 
en  faits  d’armes, & en  viétoires.  C’eft  vne  cho- 
fe certaine  , que  ces  deux  Royaumes  ont  de 
beaucoup  excedé  tout  le  refte  des  feigneuries 
des  Indiens , defcouuertes  en  ce  nouue  au  mon- 
de, tant  en  bon  ordre  ôc  police,qu’cn  pouuoir 


DÉS  ÏN&ESl  LtV.  Vr. 

& richclîe,&  beaucoup  dauantagccn  fùperfti- 
tion  & feruice  de  leurs  idoles , ayans  plufîcurs 
chofes  fcmblables  les  vues  aux  autres.  Mais  en 
vne  chorc  ils  eftoyent  bien  différés,  car  entre  les 
Mexiquains  la  fucceffion  duRoyaume  efloit  par 
cfleâion,  comme  l’Empire  Romain,  & entre 
ceux  du  Peru^le  cftoit  héréditaire,  Ôc  fuyuoic 
fordre  du  fang , comme  les  Royaumes  de  Fran^ 
ce,&  d’Efpagne.  le  traitteray  donc  cy  apres  de 
CCS  deux  gouuerncments , ( comme  de  la  chofe 
principale, &■  plus  CôgneUe  d’entre  les  Indiens,) 
en  tant  qu’il  me  femblcra  eftre  propre  à ce  fub- 
ied,laifrantplufieurs  chofes  menues  & proli- 
xes,qui  ne  font  pas  d’importance. 

c. 


VugoHuernement  des  ^s.O'Jngmsdi^ 
Pem, 


Chapït.  XII. 


Ingua  qui  regnoit  au  Pera  , cftant 
fils  légitimé  luyfuccedoir, 
& tenoyent  pour  tel  , celuy  qui 
eftoitnédcla  principale  femme  de 
ringua  , laquelle  ils  appelloyent  Goya.  Ce 
qu  ilsonttoufiours  obferué,  depuis  le  temps 
d’vn  Ingua , appelle  Y upangui , qui  efpoufa  Ta 
foeur.  CafcéSjRoys  reputoyent  pour  hon- 
neur,d’cfpoufer  leurs  fœurs.  Et  bien  qu’ils  euT 
lent  d autres  feinmes,  ou  concubines,  routes- 
fois  la  fijcccfiion  du  Royaume  appartenbit  au 
fils  delà  Goya.  Il  eft  vray  que  quand  le  Roy 

Oo 


Histoire  natvrelië  | 

auoit  vn  frcre  légitimé, il  fuceedoit  au  deuant  da 
£îls , & apres  luy  Ton  nepueu , & fils  du  premier. 
Les  Curacas  & Seigneurs  gardoyent  le  mefmc 
ordre  de  fucceflion, eu  leurs  biens  ôc  offices.  Et 
faifoy  ét  à leur  mode  desceremomesj&obfeques  | 
exceffiuesaudeffimd.Ils  obferuoyentvnecou-  ! 
ftumc,veritablemétgrande,& magnifique, qu’vit 
Roy,qui  entroit  auRoyaumc  de  nouueau,n'hc-  i 
ritoit  point  d’aucune  chofe  des  meubles , vten-  ^ 
fi  les, & tbrefors  de  Ton  predecelTeur  , mais  il  de- 
uoit  eftablir  fia  maifon  de  nouueau,&  afièmbler  j 
de  bor,de  l’argent , ôc  les  autres  chofes  qui  luy  | 
cftoyent  neceflaires  , fans  toucher  à celuy  du 
deffund  , qui  eftoit  totalement  dédié  pour 
fon  adoratoire  , ou  G uaca , & pour  l’entretien 
de  la  famille  qu’il  laifibit , laquelle  auec  fa  fuc- 
ceffioii  s foccupoit  continuellement  aux  fa- 
crifices , ceremonies , ôc  feruice  du  Roy  mort. 
Carauffi  tofl:  qu’il  eftoit  mort,  ils  le  tenoyenc  ^ 
pour  Dieu,&  auoit  fes  facrifices,  ftatues , ôc  au- 
tres chofes  femblables.  Pourcefte  occafionil 
yauoitauPcru  vnthrefor  infiny,  car  vn  cha- 
cun des  Inguas  , f’eftoit  efforcé  de  faire  que 
fon  oratoire  ôc  threfor  furpaffàft  celuy  de  fes 
predeceffeurs,  La  marque , oU  enfeigne , par 
laquelle  il  prenoit  la  poffeffion  du  Royaume, 
eftoit  vn  bourrelet  rouge  , d’vnc  laine  plus 
fine  que  foye  , lequel  luy  pendoirau  milieu  du 
front  3 n’y  ayant  que  Flngua  feul , qui  le  pou- 
uoit  porter,  pour  autant  que  c’eftoit  comme 
la  couronne  , ôc  diademe  Royal.  Toutesfois 
l’on  poLiuoit  bien  porter  vn  bourrelet  pendu 
au  cofté,  proche  de  l’oreille , comme  quelques 


Î)es  Indes.  Lit.  VL  l'^o 
âigneurs  en  portoyent , mais  Mngua  feul  le 
poimoicpoftei*au  milieu  du  front.  Au  temps 
qu’ils  prenoyent  ce  bourrelet  / ils  faifoyent 
desfeftesfort  foîemnelles,  &plufîeurs  facrifi- 
ces  , auec  grande  quantité  de  yafes  d’or  , & 
d’argentjgrand  nombre  de  petites  formes  , ou 
images  de  brebis  , faites  d’or  & d’argent , grand 
abondance  d’eftophes  de  Cumby  , bien  efla- 
bourees,  de  fine  ôc  de  moyenne  , plufieurs 
conches  de  mer  de  toutes  fortes , beaucoup  de 
plumes  riches  ,&  mil  moutons,  qui  deuoyent 
eftre  de  diuerfes  couleurs.  Puis  le  grand  pre- 
ftre  prenoit  vn  enfant  entre  fes  mains , del’aage 
defixàhuiétans  , & prononçoit  ces  paroles, 
auec  les  autres  miriiftrcs,  parlant  à la  dame  du 
Ymcoch^ySei^neurnétff  t'ejfrens  cela,  afn.qudm 
nous  tiennes  en  rtpos , er  nous  aides  en  nos guerres , «»- 
ferue  mjîrefeigneur  l’ingua,  en  fagrandeur , ejîat 

quil  Aille  toufiours  augmentant,  CT  luy  donne  hauem^ 
de  j^amir  afin  qu'il  nous gouuerne.tlfc  trouuoitdes 
hommes  de  tout  le  Royaume  , &de  tous  les 
Guacas , & fanduaires  à cefte  ceremonie  , ôc 
ferment.  Et  fans  doute  l’affedion  & reueren- 
ce  que  ce  peuple  portoit  aux  Roy  s Inguas^ 
cftoit  for  t grande,  car  il  ne  fc  trouue  point  que 
iamais  aucun  des  fiens  luy  ayé  fait  trahifon: 
pour  autant  qu’ils  procedoyent  en  leur  gou- 
uérnement,  non  feulement  auec  vnepuifiàncc 
abfolüe , mais  aulTi  auec  vn  bon  ordre  & iufti- 
ce,  ne  permettant  pas  qu’aucun  y fuft  foulé. 
L’Ingua  pofoit  fes  gouuerncurs  en  diuerfes 
prouinces , entre  Icfquels  les  vns  eftoyent  fu- 
pciicurs^  ôc  qui  ne  recognoifibyent  autre  que 
O O ij 


O HiSTO  1 Rt  NAT'y^REL  LE 

îiijr,  d’autres  qui  êftoyent  moindres , & d’autres 
plus  particuliers,aucc  vn  (i  bel  ordre,  & vnc  tel- 
le grauité  qu’ils  ne  Fcnhardilïbycnt  pas  de  fen- 
yurer,ny  de  prendre  vn  clpy  de  mays  deleurvoi- 
lîn.  Ces  Inguas  tenoyent  pour  maxime  qu’il 
conuenoit  touiiours  entretenir  les  Indiens  en 
occupation , de  là  vient  que  nous  voyons  encor 
auiourd’huy  des  chauflees  des  chemins , & des 
œuuresd’vn  fort  grand  rrauail,lefquels  ils  difent 
auoir  efté  fai  tes, pour  exercer  les  Indiens,de  peur 
qu’ils  ne  demeurafïènt  oyfifs.Quand  il  conque- 
ftoitvne  prouincede  nouueau  > il  auoit  ac-> 
eouftume  d’enuoyer  incontinent  la  plus  grande 
parr,&  les  principaux  des  naturels  de  ce  pays,en 
d’autres  prouinces,ou  bien  en  fa  cour,  & les  ap- 
pellent auiourd’huy  au^eru,  Mitimas.  Puis  au 
lieud’iceux,ilenuoyoit  d’autres  de  la  nation  de 
Cufco/pecialemcnt  les  Orciones , qui  eftoyent 
c6me  les  Cheuallicrs  d anciéne  maifon.  Ils  cha- 
ftidyét  rigoureufement  les  crimes, & délits, c’ell 
pourquoy  ceux  qui  ont  cogneu  quelque  chofe 
de  cela  font  bien  d’opinion  qu’il  n’y  peut  auoir 
de  meilleur  gouucrncmcntpour  les  Indiens^  ny 
plu?  affeiiré  que  celuy  des  Inguas. 


I 


I 


I 


B ES  Ind  es*  Liv.  VL’ 


2fl 


VeîéàifirHutionfieîes  Ingu/i^fAifoienPde  lenrs 
VAjfAUX, 


Chap,  xiir. 


L ' 


. O V R p^rticularifer  d’auantagc  ce  que 
[ i ay  dit  cy  deflüs,ron  doit  fçauoir  que 
; la  diftributiôn  quefairoient  les  haguas 
Ide  leurs  valTaux,  elloitü  exaéte  dc.pai!- 
ticulierc  , qu’illes  pouuoic  tous  gouuerner  fort 
facilement , combien  qüe  fon  Roypme  fud:  de 
mil  lieues  d’eftendiie  : car  ayant  conqnefté^vne 
prouince , il  rediiifoit  incontinent  les  liadiés  en 
villes  &commuiiaùtez^,  lefquelsil  diuiroit.cm 
bandes.  Sur  ehaciinc  dixaine  d’Jndiens  il  en 
commettoit  vn  pour  en  auoir  laicbarge^fur  cha- 
que centainevn  autre, fur  phaque  millier  vn  au- 
trCj  & fur  dix  mil  hommes  ÿn  autre , -lequel  ils 
appelloient  Hump , qui  eftoit  yme  des  grandes 
charges , & par  delTus  tous  ceux-là  encor  ^ en 
chaque  prouince  il  y auoit  vn  Gouuernedr  de 
•la  maifon  des  Inguas  , auquel  tous  les  autres 
obeiflê)ient,&luyrendoienrcontc  tous  les  ans 
par  le  menu,dc  tout  ce  qui  elloit  arriué , à fça-^ 
uoir  , de  ceux  qui  eftoient  nez  , de  ceux  qui 
eftoicntmorts,des  troupeaux  &.des  femcnces. , 
Les  Gouuerneurs  forroient  par  chacun  an  de 
CufcQjOÙ  eftoit  la  cour , & y rctournoient  pour 
la  grande  fefte  du  Rayme  , en  laquelle  ils  ap- 
portoienttoutletributdu  Royaume  à la  cour, 
&nypouuoient  rentrer  qua  çefte  condition. 
Tout  le  Royaume  eftoit  diuifé  en  quatre  par- 

O O iij 


' ■ Histoi  re  N A TVR  B Lt  E 
tics,  qu’ils appelloientTahuantinfuyo, rçauoir 
GhinchafüyOjCollaruyo , Andcfuyo  & Condc- 
fuyo,fuiuant  les  quatre  chemins  qui  fortoiét  de 
Cufco  où refidoitla  cour,  & fe faifoient  les  af- 
femblées  generâles  du  Royaume.  Ces  chemins 
& prouinces  correlpondantes  à iceux  cftoient 
vers  les  quatre  coings  dti  monde , Collafiiyo  au 
Sud>Chinchafiiyo  au  Nort , Condefuyo  au  Po- 
îient,^  Andefuyo  au  Lcuanu  En  toutes  les  vil- 
les & bourgades  il  y auoit  deux  fortes  de  peu- 
ple qui el^ient  de  'Hananfaya  & V rinlàya , qui 
cfteomme  dire , ceux  d’enhaut  ôc  ceux  d’embas. 
Quand  Ipn  coinmandoit  de  faire  quelque  œu- 
ure, ou dcibtirnir quelque  chofè  à ringua,les 
officiers  fçauoieht  auffi  roft  de  combien  cha- 
que prouince,  ville  & partialité  y deuoit  con- 
tribuer, dont  ledepartemenr  ne  fe  faifoit  point 
par  partsdgalles , mais  par  cottifation  félon  la 
qualité  & moyens  du  pays.  Tellement  que  fil 
falloir  cueillir,  par  maniéré  de  dire , cent  mil  fa- 
negues  de  mays,  l’on  fçauoir  auffi  toft  combien 
il  falloit  que  chaque  prouince  en  baillaft , fuft  la 
dixiefme  partie, la  feptiefmeou  la  cinquiefme, 

A utant  en  eftoitdes  villes  ôc  bohrgades,  & Ail- 
les ou  lignages.LesQuipoeamayos,qui  eftoient 
les  officiers  & ,intendans,  tenoient  le  conte  de 
tout  auec  leurs  filez  & neuds , fans  y faillir  au- 
cunement ,rapportans  ce  que  l’on  auoit  payé, 
iufquesà  vncpoulle  & vne  charge  de  bois,  & 
envn  moment voyoit-on  parleurs  regiftres  ce 
que  chacun  deuoit  payer. 


Daitimensqiie  Icsln- 
guas  ont  faits  en  temples  & fottëref- 
feSjCliemins  i'màifons  des  cîiàitlps  & 
autres  femblables:  qui  ont  efte  en 
grand  nombre  &d’vn  exceffi# 'trauaib/dôramte 
l’on  peut  voir  encor  auiourd  buy  pàr  ]es-ruy- 
nes  & veftiges  qui  en  reftènt , tant  en  Güfco 
qu’en  Tyaguanaco  , Tambo  & en  autres 'en-: 
droits , où  il  ya  des  pierres  -d^vn  gr'andèur  dc- 
mefurée  :de  forte  que  l’on  ne  peut  penfèp  c^m- 
me  elles  furent  couppées  , -amenées  affifés  au 

lieu  où  elles  eftoient.  Il  Vendit  vn  gr^i'd  'nom- 
bre de  peuplé  de  toutes-  lés  prouinces  pôliî  tra- 
uailler  à ces  édifices  & fortèrelfes  que  Tlngua 
faifoit  faire  en  Cufco  ,-ou  en  d’autres  parties  de 
fon  Royaume:d’autât  quétèls  ouuragéS  élîbienc 
eftranges , 8c  pour  efpoüuen ter  ceux  qui  les 
contcmploient, iis  n vfoient  point  de  mortier 
ou  cyraent , & n auoient  point  de  fet  nÿ  d’acier 
pour  couper  & mettre  en  ϟuire  les  pieliffcs.  Ils 
n auoient  non  plus  de  ihaGbincs,  ny  d’autres  îwd 
ftruments  pour  les  apporter  toutesfois  cl- 
ics eftoient  fi  propremét  mifes  enœuurc  , qu’en 
beaucoup  d’endroits  à peine  voyoit-'on  la  ioin- 
ture  des  vnés  aucc  les  autres  : &y  a plufieurs  de 
ces  pierres  fi  grandes, comme  il  eft  dit, que  ce  fc- 
roit  vue  chofe  incroyable  fi  on  ne  les  voyoir. 
le  niefuray  à Tyaguanaco  vne  pierre  de  trente 
Oo  iiij 


Histoire  natvrelle 
il uid  pieds  de  long,  de  dixhuid  de  large  , & 
fixd’efpais.  Et  en  la  muraille  de  la  forrereirc  de 
Cufco , qui  eft  de  Moallon , il  y a beaucoup  de 
pierres  qui  font  çncor  d Vnc  plus  eftrange  gran- 
deur , 6c  ce  qui  eft  plus  cfmerueiliable  eft  que  i 
ces  pierres  n’eftans  point  taillées  ny  efquarries 
pour  les  accommoder  > mais  au  contraire  fort 
inegallcs  les  vnes  aux  autres , en  la  forme  6c 
grandeur,  neantmoins  ils  les  ioignoient  &en-  | 
chaflbient  les  vues  aucc  les  autres , fans  ciment  ' 
dVnc  façon  incroyable.  Tout  cela  fe  faifoità.  | 
force  dcrpeuple, , ^ aüec  vne  grande  patience 
à y rrauailler,  Car^pour  enchaiîèr  vne  pierre 
auec  l’autre  , félon  qu’elles  eftoient  adiuftées, 
ileftoit  .befoin  de  les  eflayer  , 6c  manier  plu- 
lîeurs  fois  la  plus-part  d’icelles , n’eftans  pas  ef- 
galles  ny  ynies.  L’Ingua  ordônnoit  par  chacun 
an  le  nombre  du  peuple  qui  dcuoiç  ivenir  pour 
trauailler  aux  pierres  & édifices , 6c  en  faifoient 
les  Indiens  le  departement  entre  eux  comme 
des  autres  chofes, fans  qu’aucun Tuft  foulé. 
Neantmoins  encor  que  ces  édifices  fuirent 
grands,  ils  eftoient  communément  mal  ordon- 
nez 6c  incommodes  j 6c  prefque  ^cpmme  les 
Mofquittes  ou  édifices  des  barbares.  Ils  n’ont 
(çeu  faire  d’arcades  en  leurs  édifices  ny  de  ci- 
ment pour  les  baftir.  - Quand  ils.yirent  drçlTer 
des  arcs  de  bois  en  la  riuicrede  Xaura,  ^ apres 
que  le  pont  fut  acheué  qu’ils  virent- rompre  le 
bois,  tous  commencèrent  à fuir,  penfans  que 
leponf,quieftoitdepierrcde  caille  deuft  tom- 
ber à l’inftanc:  & comme  ils  curent  veu  qu’il 
demeuroit  ferme  , 6c  que  les  Elpagnols  mar- 


DES  Indes,  Liy.  VI.  295 
choient  deiïti  s , le  Çacicque  dit  à fes  compa-* 
gnons  : llejl  bi.en  rAifinque  nom  fermons  4 ceuxey 
qmfimblent  bienefre  aU  vérité  fils  àu>  Soleil,  Les 
ponts  qu'ils  faiioient  eftoient  de  ioncs  tilTus, 
qu'ils  atcachpient  au  riuage  auec  de  forts  pieux, 
d’autant  qu’ils  ne  poüu'oiêt  faire  aucuns  pots  de 
pierresny  de  bois.  Le  pont  quieft  auiourd’huy 
au  cours  de  l’eaüe  du  grand  lac  de  Chiqiiit- 
toen  Collao  eft  admirable  : car  ce  bras  d’eaüe 
eft  il  profond  que  Fpn  n’y  peut  alïèoir  ^ucuii 
fondement  ,&  ü large , qu'il  n’eft  pas  poffiblc 
d’y  faire  vue  arche  qui  le  rrauerfe  : tellement 
qu’il  cftoit  du  tout  impoffible  d’y  faire  aucun 
pont,, fuft  de  pierre  ou  de  bois.  Mais  Fenten- 
dement  & induftriex  des  Indiens  inuenta  le 
moyen  d y faire  vn-pobt  alTez  ferme  & afleuré, 
çftant.fak  feulement  de  paille  : chofe  gui  fetxi- 
ble  fabûleüfe  5 & toutesfois  qui  eft  véritable. 
Car  comme  nous  auons  ditcy  deflus , ils  amaf- 
fent  ôc  attachent  enfcmble  certaines  bottes 
de.jonces  ôc  d’herbiers  qui  fengendrent  au  lac 
qu’ils  appellent  Torora  ; & Comme  c’eft  vne 
matière  fort  legere  , &qui  rie  fenfonce  point 
enl  eaiie  jilsicttent  deftiis  vne  grande  quanti- 
té de  ioncs,  puis  ayans  arrefté  ôc  attaché  ces 
bottes  d’herbiers  d’vncofté  êc  d’autre  de  là  ri- 
uiere,  les  hommes  & les;  beftes  chargés  paf- 
fent  par  deftiis  fort  à l’aife.  le  me  fuis  quelques- 
fois  efmcrueillé  en  paftant  ce  pont  de  Faftifîce 
des  Indiens , veu  que  dVne  chofe  fi  facile  Ôc  ft 
commune  ils  font  vn  pont  meilleur  ôc  plus  af- 
feuré  quen’eft  pas  le  pont  de  batteaux  de  Se- 
uillea  Triane.  l’ay  mefuréla  longueur  de  ce 


Histoire  N AT VRÉ LIE 
j5ont,  & fi  bien  m’en  fijuuient,il  cftoitdeplüs 
de  trois  cens  pieds  , &direntque  la  profonditc 
de  ce  courant  eft  tres-grandc,  & femble  par  def- 
fiis  que  l’eaue  n*a  aucun  mouuement:  toutesfois 
ils  difent  qu’au  fonds  il  avn  coursfuricux&vio- 
Icnt.Cecy  ruffifepourlesedifices.-  -v 


reuenu  de  l‘ln^uA^0*  de  l'ordre  des  tributs  H 
imj^ofôtt  itùxjndiensi 

Chap.  XV. 


A ricbêlîe  des  Inguas  eftôit  incom- 
parablCjCar  bien  qu’aucun  Roy  n’he-  ’ 
rkaft  point  des  moyens  & threfors 
^ defon  pre^eceiTeur  ,neântmoins  ils 
auoicntà  leiir  volonté  toutes  les  fiebeflés  qui 
eftoient  en  leurs  Royaumes  , tant  d’argent  & 
d’orjComraed’eftofFe  J de  Cumbi  & be-ftianx,- 
enquoy  ils  eftoient  rres-abondans  , & la  plu$> 
grande  nchcire  de  routes  eftoif  rinnumerablo 
mulrirudede  vafianx  qui  eftoiêt  fbüs  occupez 
& attentifs  à ce  qui  plaifbit  au  Roy*  Ils  appor- 
toient  de  chaque  prôuinceceqifil  auoit  choifi 
pour fon  tribut.  Les  Chichas  luy  enuoyoient 
du  bois  odoriferant'&  riche  j les  Lucanas  des 
brancarspour  porter  fa  litiere  ; les  Chumbil- 
bicasdes  danceurs,  & ainfi  tour  le  refte  des 
prouinces  luy  enuoyoit  de  ce  qu’ils  auoient 
en  abondance,  & ce  outre  le  tribut  general  au- 
quel tous  côtribuoient.Lcs  Indiens  qui  eftoient 
nommez  pour  cet  effet,  tranailloient  aux  mines 


DES  Indes.  L IV.  VI. 
d’argent, & d’or, qui  cftoienc  auPeruen  grande 
abondance,  lefquelsl  Ingua  entretenoic  de  ce 
qu’ils  auoienc  de  befoing, pour  leurs  defpcns,  ôc 
tout  ce  qu'ils  tiroicht  d’or  , & d’argent , eftoit 
pour  luy.Par  ce  moyen  il  y a eu  en  ce  Royaume 
de  fi  grands  threfors,qucc’eftropinion  de  plu- 
fieurs,que  ce  qui  tomba  entre  les  mains  des  Ef- 
pagnols , combien  que  ç’ait  cfté  vn  grand  nom- 
bre,côme  nous  rçauoiis,n’eftoit  pas  la  dixiefme 
partie,de  ce  que  les  Indiens  enfoüyrent , Sc  ca- 
cherct/ans  que  l’on  l’aye  peu  dercouurir,neant- 
moins toutes  les  diligences  , que  lauarice  y a 
cnreignécs,pourcefaire.  Mais  la  plus  grande 
richefiede  ces  barbares,  eftoit  que  leurs  vafi- 
faüx  eftoient  tous  leurs-efclaues  , du  trauail  def- 
qucls  ils  iouilloicnt  à leur  contentement  : Ôc  ce 
qui eft admirable,  ilsfè  (cruoient  deux  d’vnc 
telle  façon  que  cela  ne  leur  eftoit  pas  feruitu- 
de,  mais  pluftoft  vne  vie  fort  delicicufe.  Or 
pour  entendre  l’ordre  des  tributs  que  les  In- 
diens paypient  à leurs  Seigneurs , l’on  doit  fça- 
uoir,quc  lors  que  l’Inglia  conqueftoir  quelques 
villes  , il  en  diuifoit  toutes  les  terres  en  trois 
parties , la  première  d’icelles  eftoit  pour  la  reli- 
gion,&  ceremonies , de  telle  forte,  que  le  Pa- 
chayachaqui,qui  eft  le  Créateur , &■  le  Soleil , le 
Chuquilla,  qui  eft  le  T onnerre , le  Pachamaraa, 
&lcs  morts,  & autres  Guacas  & fanduaires 
enflent  chafeun  leurs  propres  terres , ôc  le  fruid 
defquellesfegaftoit,  & confommoit  en  facrifi- 
Gcs , & en  la  nourriture  des  rainiftres  ôc  pre- 
lires.  Caril  yauoit  des  Indiens  députez  pour 
ehafquc  Guaca , Ôc  fanduaivc , ôc  lapins  grande 


iu  i 


Histoire  natvrelli 
partie  de  ce  reuenu,  fe  dcfpendoit  en  Cufco , oà 
cfl:Gitrvniuerfel&  general  fanéluaire,  Sc  l’au- 
tre en  la  mefme  ville,  où  il  fe  cueilloir  : pource 
que  à 1 imitation  de  Cufco , il  y auoit  en  chaque 
' villçdes  Guacas , & oratoires  du  mefme  ordre 
&auccles.mefmes  fiinâ:ions,quieftoicnt  fer- 
«is  delà  mefme  façon , & ceremonies  que  celuy 
de  Cufco,  qui  eftvnechofe  admirable,  & dont 
l’on  eft  bien  informé,comme  l’on  l’a  trouué,  en 
plus  de  cent  villes  , Ôc  quelques  vnes  diftantes 
deux  cents  lieues  de  Cufco  j Ce  que  l’on  femoit 
&recueilloit  en  ces  terres,  eftoit  mis  en  des 
maifons , comme  depofîtaires , bafties  pour  cet 
effet;  & eftoit  cela  vnc  grande  partie  du  tribut, 
que  les  Indiens  payoient.  le  ne  peux  dire  com- 
bien femontoiteefte  partie,  pource  qu’elle  c- 
ftoitplus  graadc  en  des  endroits  qu’en  autres, 
& en  quelques  lieux  eftoit  prefque  le  tout  , & 
ceftepartioçftpitla  première  que  l’on  mettoit 
à proftît.La  fécondé  partie  des  terres  , & héri- 
tages, eftoit  pour  l’Ingua,  de  laquelle  luy  ôc  fa 
maifbn  eftoient  fubftahtez , mefmes  fes  parens, 
les  SeigheurSj-les  garnifons , ôc  foldats,  C eft 
pourquoy  ç’eftoit  laplusgrande  portion  de  ces 
tributs,  ainfiqu  il  appert  par  la  quantité  de  for, 
de  l’argent,&  autres  tributs  qui  eftoient  és  mai- 
fons,àce  députées  ,Iefquelles  font  plus  lôgues, 
ôc  plus  larges , que  celles  où  l’on  garde  les  reue- 
nusdes  Guacas.  L’on  portoitCe  tribut  fort  foi- 
gneufement  en  Cufco,  on  bien  és  lieux  , où  il  en 
eftoit  de  befoing  pour  les  foldats,  &quandily 
enanoit  qu.antité,l’on  legardoitdix,  & douze 
anssiufqiîésau  temps  de  neceffué.  Les  Indiens 


Ï5ES  Indes.  LiV'.  VI. 
cultiuoicnt  & approffîtoienc  ces  terres  de  Tin- 
gua  a ajpres  celles  des  Guacas,  pendant  lequel 
tcmpsjils  viüoient  J & eftoient  nourris  aux  défi 
pens  dcl’Ingua,  du  Soleil , ou  des  Giiacas , félon 
les  terres  qu’ils  labouroient.  Mais  les  viellards, 
les  femmes  ôc  les  malades  eftoient  referuez  êc 
exempts  de  ce  tribut , & combien  que  ce  que 
lonrecueilloitences  terres,  fuftpour  l'Ingua, 
ou  pour  le  Soleil, ouGuacas,neantmoins  la  pro^ 
prictc  en  appartenoit  aux  Indiens , 6c  leurs  prç^ 
decdreurs.Latroifîcnnc  partie  des  terres,  eftoit 
donnée  par  ringua,  pour  la  communauté,  6c 
n’a  on  point  defcouuert,lîccfte  portion  eftoit 
plus  grande  , ou  moindre  que  celle  de  l’In- 
gua,ou  Guacas:  toutesfois  il  eft  certain  que  l’on 
auoitefgard  àce  quellcfuft  fuffifante,  pour  la 
fuftentation  & nourriture  du  peuple.  Aucun 
particulier  ne  poftèdoit  chofe  propre  decefte 
troifiefme portion,  ny  iamaisles  Indiens  n’en 
polfederent,  ficen’cftoitpar  grâce  fpecialledc 
Iln^ua,  & toutesfois  cela  ne  pouuoit  eftre  en- 
gagé, ny  diuifé  entre  les  heritiers.  L’on  depar- 
toit  par  chafeun  an  ces  terres  de  communauté 
en  baillant-à  vn  chafeun  , ce  qui  luy  eftoit  de 
befoing  pour  la  nourriture  de  fa  perfonne , & 
famillc.Par  ainiî  félon  qu’augmentoit,  ou  dimi- 
nuoit  la  famille, l’on  haulîbitou  retranchoit  la 
part:  car  il  y auoitdcs  mefures  , dcterminces 
pour  chaque  per Ibnne.  Les  Indiens  nepay oient 
pointdc  tribut,  de  ce  qui  leur  eftoit  departy. 

Car  tout  leur  tribut  eftoit  de  cultiuer,  &main- 
^nirenboncftatles  terres  de  l’îngua  , ôc  des 
& de  mettre  les  fruiéts  d’icelles  aux  de- 


MiStOIRE  NATrREIIE 
|)ofîfaires.Quand  l’annee  cftoit  ftcrile  l’on  doiî- 
noit  de  ces  mefmes  fruicls  airifî  referuez  aux 
iieceffiteux  J d’autant  qu’il  y en  auoit  toufiours 
defuperabondanr.UIngua  faifoirla  diftributiô 
diîdîelHàlainfi  que  des  terres  , qui  cftoit  de  le 
conter,&  diuifer,  puis  ordonner  les  pafturages 
& limites, pour  le  beftial  des  Guacas  , de  l’In- 
gua,&  de  chaque  ville.  C’eft  pourquoy  vne  par- 
tie du  reuenu , eftoit  pour  lareligion , vne  autre 
pour  le  Roy,&  lautre  pour  les  mefmeslndiens. 
Le  mefrae  ordre  eftoit  gardé  entre  les  chaG 
Leurs,  neftant  permis  d'enleuer  ny  de  tuer  des 
femelles.  Les  troupeaux  des  Inguas  & Guacas 
eftoient  en  grand  nombre,&  fort  féconds,  pour 
cefte  caufe  ils  les  appclloient,Capaëllama,  mais 
ceux  du  commun &public  , eftoient  en  petit 
nombre,  Sc  de  peu  de  valeur , parquoy  ils  les  ap- 
pelloient  Bacchallama.  L’Ingua  prenoit  vn 
grand  foing,  pour  la  conferuation  du  beftial, 
d'autant  que  c’eftoit,&  eft  encor  toute  la  richef- 
fe  de  ce  Royaume,  & commeil  a efté  dit , ils  ne 
facrifioientpointde  femelles,  & ne  les  tuoient 
point  ny  ne  les  prenoient  àlachafle.  Sila  cla- 
uelléc  ou  rongne,  qu’ils  appellent  carachc , ve- 
noit  à quelque  befte , elle  debuoit  eftre  à l’in- 
ftant  enterrée  toute  vifue  , de  peur  qu’elle  ne 
baillaftle  mal  à d’autres.  Ils  tondoientle  beftial 
enleurfaifon,&en  diftribuoientà  vn  chafeun 
pourfiller  , &tiltredela  matière  & eftophe, 
pour  le  feruice  de  fa  famille,y  ayant  desvifiteurs 
pour fenquerir fils  l’accompliftbient,  lefqucls 
chaftioient  les  negligens.  L’on  tiftToit  & faifoit 
des  eftophes  de  la  laine  du  beftial  de  l’Ingua,  ' 


iss  Indes,  Liv.  ŸL  29^ 
pourluy&pourîesficnsjl'vne  fort  fine,  & à 
deux  faces,qii  ilsappelloient  èumbi  ,&  l’autre 
groffiere  Sc  moyenne,  qu’ils  appelloict  Abafca. 
Il  n’y  auoit  aucun  nombre  de  ces  eftofFes,oufaa- 
bits  arreftéjfinon  ce  que  l’on  departoit  à vu  cha- 
cun. Lalaine  quiL*cfi:oit,eftoit  mifeaux  maga- 
fins,  dequoy  les  Erpagnols  les  trouuerent  encor 
tous  pleins,&  de  toutes  les  autres  chofes  neçef- 
(aires  à la  vie  humaine.  Il  y aura  peu  d’hommes 
d ’entendcmerir,  qui  ne  foienr  cfnierueillez  d’vn 
fi  notable  & bien  ordonné  gounernement, puis- 
que les  Indiens,  ( fans  eftre religieux,  ny  Chre- 
(tiens; gardoient  en  leur  façon,  celte  perfection, 
de  ne  tenir  aucune  chofe  en  propre , & de  pour- 
uoir  à toutes  leurs  necelîitcz,  entretenas  fi  abô- 
damment  les  ciiofes  de  la  religion , & celles  de 
icur  roy  & (eigneur. 

JPfs  arts^<cr  offices  quexer^oientles  Indiens, 


Ch  apit.  - XVI. 

L Es  Indiens  du  Peru  auoient  vne  perfedi- 
on,quieftoit  d’enfeigner  à vn  chacun  des 
petits  enfans,  tous  les  arts&  meltiers,  qui  e- 
(loient  nccelîàires  pour  la  vie  humaine  , pour- 
cc  qu  il  n y auoit  point  entre  eux  d’artifans 
particuliers,  comme  le  font  encre  nous  autres 
les  couiluriers,  cordonniers,  tilTerans  , & 
autres,  mais  tous  apprenoient  tout  ce  qu’ils  a- 
uoient  de  bcfoing,pour  leurs  perfonnes,&  mai- 
tons  , & fe  pouruoyoient  à eux  mefmes.  Tous 


Histoike  NATVRELLE 
fçauoient  riftre , & faire  leurs  habits , c’cft  pouf 
quoy  ringua  les  fournilîànt  de  laine , leur  don- 
noitdcs  habits.  Tous  fçauoient  labourer  la  ter- 
re,& lapproffiter, fans  louer  d autres  ouuriers. 
Tous  baftilFoient  leurs  maifons , & les  femmes 
cftoient  celles  qui  en  fçauoient  le  plus  , lef- 
quelles  n eftoient  point  nourries  en  delices,  ! 
mais  feruoicnt  leurs  maris  fort  foigneufemenr.  ^ 
Les  autres  arts  & mefticrs  qui  n eftoient  point 
pour  les  chofes  communes  Ôc  ordinaires  de  la 
vie  humaine, auoientleurs  proprescompagnons 
& manufadeurs , comme  eftoient  les  orfeures, 
les  peintres  jles  potiers, les  barquetiers,  les  con- 
teurs , 5c  les  ioLieurs  d’inftruments.  Il  y auoit 
aufli des mefnics  tiftèrans,&  architcdesfpour 
les  œuiires  exquifes  , defquels  fc  feruoicnt  les 
Seigneurstmais  le  commun  peuple , comme  il  à 
efté  dit , auoit  chez  luy  tout  ce  qui  luy  eftoit  de 
befoing  j pour  fa  maifon , fans  qu’il  luy  conuint 
rien  achepter.  Ce  qui  dure  encor  auiourd’huy, 
de  forte  que  nul  n’a  befoing  d'autruy,  pour  les 
chofes  neceffaires,  pourfaperfonne  & pour  fa 
maifon,comme  eft  de  chaufteure,  veftement,  5c 
de  maifon  jde  femer , de  recueillir,  5c  de  faire  les 
ferremens,  5c  inftruments  à ce  neceflàires.  Les 
Indiens  imitent  prefque  en  cela  les  inftitutions 
des  moines  anciens-,  defquels  il  eft  traidlé  en  la 
vie  des  Peres.  A la  vérité  c’eft  vn  peuple  peu  a- 
uare,&  peu  delicieux,à  raifon  dequby  ils  fc  con- 
tentent de  paflèr  le  temps  aftez  doucement,  & 
certes  fils  choiftlîoient  cefte  façon  de  viure, 
par  cfledion , 5c  non  pas  par  couftume , ny  par 
nature,  nous  dirions  que  ce  feroitvne  vie  de 


Des  Tndes.  Liv.  Vî.  257 
grand’  perfêdion,  veu  qu’elle  eft  alfez  idoine 
pour  receuoirla  dodrine  du  faind  Euangile,  fi 
contraire  & fi  ennemie  deforgueil,  de  l’auaricc, 
de  la  volupté.  Mais  les  prédicateurs  ne  donnent 
pas  toufiours  bon  cxêplejfclon  lu  dodrinequ  ils 
prefehent  aux  Indiens.  Cefi:  vnechofercmar- 
quablejquccôbien  que  les  Indiens  foient  fifim- 
plcs  en  leur  mode  & habits,  routesfois  Ion  y 
voit  vnc  grande  diuerfiré  entre  les  prouinces, 
Ipecialemcnten  leur  habit  de  telle:  car  en  quel- 
ques endroits  ilspjortét  vn  long  tifiu,  duquel  ils 
fontpiuficurs  rours,cn  d’autres  vn  autre  tilfu  lar 
ge,qui  ne  fait  qu Vn  tour,  en  d’autres  comme  de 
petits  mortiers  ou  chapeaux; en  quelques  en- 
droits comme  des  bonnets  hauts  &ronds,&  en 
d autres  comme  des  fôds  dé  facsjauec  mil  autres 
différences. Ils  auoient  vne  loy  eftroire  & inuio- 
lable,qu’aucunnepeuftchagerla  mode  &façon 
d'habits  de  fa  prouince,  encor  qu’il  fien  allafl:  vi- 
ure  en  vnc  autre,ce  que  Flngua  eftimoit  eftre  de 
grande  importance  pour  l’ordre  & bon  gbuucr- 
nement  defonRoyaume,’&  î’obferucnt  encor 
auiourd  huy,bienquecene  foit  pasauée  vn  tel 
foin  qu’ils  auoient  accouftiimc. 


Despjies  CT’  Chappis  dont  les 
Incuas  (è  femoient 
Chap.  XVII. 

jLyauoit  vn  grand  nombre  dépolies 
*&  courriers,  dont  1 Inguafèicruoiten 
^ toutfon  Royaume,  lelqucls  ils  appel- 
■^«Joient  Chafquis,  & choient  ceux  qui 
portoientles  mandements  aux  Gouuerneurs,6c 


Histoire  natvrelie 
tapportoientleursaduis  & aducrtifTcmcns  à la 
Cour.  Ces  Chafquis  eftoient  mis  & pofez  à cha- 
qu’vne  Gourfe  qui  cftok  à licuc  6c  demie  IVnc  de  ' 
l’autre  en  deux  petites  maifonS  où  ils  eftoient 
quatre  Indiensdeiquels  on  y cômcttoitdecha-  ; 
que  contrée,  & eftoient  efehangez  de  mois  en 
mois.  Ayans  reccu  le  paquet  ou  meftàge,ils  cou-* 
roiét  de  toute  leur  force  iufques  à ce  qu'ils  Teuf- 
fent  baillé  à l’autre  Chafqui,eftans  toufiours  ap- 
pareillez &au  guet  ceux  qui  deuoient  courir. Ils 
couroient  en  vn  iour  & vne  nuiét  cinquante 
lieues , combien  que  la”plus-part  de  ce  pays-là 
foit  fort  afprç.lls  leruoîentauftîpour  apporter 
les  chofes  que  l’Ingua  voiiloitauoîr  prompte-  | 
ment.  C’eft  pourquoy  ilyauoit  toufiours  eh  | 
Cufco  dupoillon  demerjfrais  de  deux  iours  ou  i 
peu  d auantag.e,bien  qu’il  en  fuft  efloigne  de  pP  | 
de  cent  lieues. Depuis  que  les  Efpagnols  y font  ' 
entrez, l’on  a encor  vfé  de  ces  Chafquis  aux  têps  I 
des  fcditions,&  en  eftoit  grand  befoin.  Le  Vice-  ! 
roy  Dom  Martin  les  mit  ordinaires  à quatre 
lieues  l’vn  de  l’autre,  pour  porter  & rapporter  ■ 
les  defpeches,qui  cftvne  chofe  fort  neceftTaire  en  î 
ce  Royaume, encor  qu’ils  ne  courent  pas  auec  la  ! 
legereté  que  faifoient  les  anciens , ôc  qu’ils  ne  | 
foientpasen  fi  grand  nombre,  neantmoins  ils  ! 
font  bien  paycz,&feruent  comme  les  ordinaire^  I 
d’Efpagne,  où  l’on  donne  les  IçttBcs  qu’ils  por- 
f eiic  à quatre  ou  cinqliciies» 


DES  Indes.  L i y.  VI.  " i^É 

I>elit  mJHce^L6iX(Hÿ^ peines  que  les  Inguas  ont  ordonne'^ 
de  leurs  marïagesi, 

Ch  AP.  XVIIL 

O V T ainli  comme  ceux  qui  fai-' 
foienr  quelque  bon  ferufce  en  guer- 
re,ou  à î’adminiftration  de  la  Repu- 
bliqueieftoienthonorcz'  & recom- 
penfez  de  charges  pübliques,de  ter- 
tes  qui  leur  eftoienr  don  nées  en  proprc,d’arnîes 
ëc  marques  d’honneur,  de  mariages  auec  fem- 
mes du  lignage  de  l’ingûa  ; Ainli  donnoicnt-ils 
de  leueres  chaftimens  à ceux  qui  eftoicntdefo- 
bcilîàns&couîpables.Ils.puni'iroient  dé  mort  les 
homicideSjles  larcinSjles adultères,  & ceux  qui 
commetroientincefte  auec  les  afeendâs  ou  def- 
cendansendroitte  ligne  cftoienc  aulîî  punis  de 
iV-OVt.  Mais  ils  ne  tenoierit  point  pour  adultère 
d auoir plufieurs  femmes  oii  conci^ines,  êc  el- 
les néncourôicnt  point  la  peine  de  mort  pour 
dire  trouucçs  auec  d’aiitres,ains  iculcmcnt  celle 
qui  eftoit  la  vraye  & légitimé  £fpoufe,auec  la- 
quelle proprement  ils  contraétoient  mariage. 
Car  ils  n’en  auoient  point  plus  dVnc,laquelle 
ils  cfpoufoicnt  & receuoienr  aüec  vne  parti- 
culière rplemnité  & ceremonie,  qui  éftoit  que 
l’eCpoux  fe  tranfportoit  à la  maifon  d 'elle,  & de 
ia  la  menoit  auec  iuy,luy  ayant  premièrement 
m^is  au  pied  vncoitoya.ils  appellent  ottoya  la 
cnauireurr  dont  ils  vfent  par  delà,  quieft  vu 
Chauiîôn  ôa  fàuîjcr  ouücrt  comme  ccuxdes  fre- 

h 5 


Histoi  re  N-A tvre  lie  | 

rcs  de  S. François. Si  l’efpoufe  cftoit  pucelle^fon  | 

ottoya  eftoit  de  lainc,mais  fi  elle  ne  l'cftoitpoint  j 

ilcftoirfairdeionc.  Toutes  les  autres  femmes  i 
ou  concubines  du  mary  honoroicnt  & feruoict 
celle  là  comme  femme  légitimé,  qui  feule  aufli 
apres  le  decez  du  mary  portoitledueildenoir 
l’efpaced’vnan,&nefe  marioit  point  qu'apres 
ce  temps  paifé  & cftoit  communcmét  plus  icu 
ne  que  le  mary.Llnguadonnoitdefa  main  cc- 
fte  femmeà.fes  gouuerneurs  ôc  capitaines,^  les 
gouuérncurs  3c  Caciques  afiebloiêt  en  leurs  vil-  i 
lesjto^lesieuneshômcs&ieuncsfillcs  envncpla  j 
ce,&  leur  donnoiêt  à chacun,fa  féme  aucc  la  cc-^ 
remonie  fufdite,de  luy  chauffer  ceft  ottoy  a,&  de 
celle  façon  contradoient  leurs  mariages.Si  ce- 
lle femme  eftoit  trouuce  aucc  vn  autre  que  le 
raary,elle  eflok  punie  de  mort,&  l’adulterc  auf- 
fi:&  bien  que  le  mary  leur  pardonnafl,clles  ne 
laifToient  pas  d'eflre  punies,mais  elles  efloient 
difj3eiifécs  delamortftlsdonnoientvne  femblà- 
blepcincàceluy  quicommcttoirinceflc  auec  la 
iï>ere,ayeulle,fille,ou,petitc  fille.  Car  iln’clloic 
point  defFendu  cntr’eux  de  fe  marier, ny  de  con- 
cubiner  auec  les  autres  parentes,  mais  le  pre- 
mier degré  feulement  eftoit  deflendu.  Ils  ne 
permertoient  point  aulïî  que  le  frère  eull  co- 
gnoilTance  auec  fa  fœur,enquoyceuxdu  Pcm 
le  trompoiencfort,  c oyans  que  les  Inguas  & 
feigneurs  pouuoienc  légitimement  contraéler 
mariage  auec  leurs  fœurs , voire  de  perc  & de 
mere  : car  à la  vérité  il  a toufiours  efté  tenu 
pour  illicite  entre  les  Indiens,  &’'dcfFepdu  de 
contrader  au  premier  degré: ce  qui  dura  iuf- 


©ES  Indes.  Liv.  VL  / 2^9 
qiies  au  temps  de  Topa  Ingua  Yupanguij  perc 
de  Guaynacapa  & ayculd’Atahualpa,au  temps 
duquel  les  Efpagnols  entrèrent  au  Perii , pour- 
cc  que  ce  Topa  Ingua  Yupangui  fut  le  premier 
qui  rompit  cefte  coufturae,&  fc  maria  auec  Ma- 
maoeliofalœurdu  coftè  paternel,  & ordonna 
que  les  Seigneurs  Inguas  fe  peuiTent  marier 
auecieurs  fœurs  de  perc,&non  point  d’autres. 
Cequilfitdelà  part:  ôc  de  ce  mariage  eut  pour 
fils  Guaynacapa,  6c  vne  fille  appellée  Goya  Cufi- 
fillim^j  fe  fentant  proche  delà  mort  il  com- 
manda que  lès  enfans  de^cre  &de  metefema- 
riallènt  enfemble  & donna  permifiion  aurefte 
des  principaux  deion  Rôyaume  de  fe  pouiioir 
marier  auec  leurs  fœurs  de  pere.Et  d’autant  que 
ce  mariage  fut  illicite  ôc  contre  la  loy  naturel- 
le, Dieu  voulut  mettre  fin  au  Royaume  des  In- 
guas , pendant  le  régné  de  Guafear  Ingua , ôc 
Atahualpa  Ingua, qui  cftoit  le  fruiét  procréé  de 
ce  mariage.  Qui  voudra  plus  exaélemcnt  en- 
tendre la  façon  des  mariages  entre  les  Indiens 
du  P cru  3 qu’il  lile  le  Traittéque  Polo  en  a cC- 
crit  a linftancc  de  Dom  Hierofme  de  Lôaifa 
Archeucfque  des  Roys,  lequel  Polo  enfitvnc 
fort  curicuferechcrchejcomme  il  a fait  deplu- 
fieurs  autres  chofes  des  Indiens.Ce  qui  impor- 
te bien  d eftre  cogneu  pour  cuiter  l’erreur  ôc 
inconuenient  oùplufièurs  tombent,quine  fça^ 
chans  quelle  femme  entre  les  Indiens,  eftl’ef- 
..  poule  légitimé  ou  la  concubine,  font  marier 
1 Indien  baptizé  auec  fa  concubine,  enlailPant 
la  la  légitimé  efpoufe.  Par  là  voit-on  auffi  lepcu 
deraifon  qu  ont  eu  quelques  vns  qui  ont  pre- 

Pp  iij 


Histoire  natvrelle 
tendu  dire,  que  l’on  deiioit ratifier  le  mariagiç 
de  ceux  quifebaptifoienc,  encor  qu'ils  fufienç 
frere  &fœur.  Le  çontraire  a efté  déterminé  par 
,1c  Synode  prouincialde  Lyma,auec  beaucoup 
.de  raifon:  puis  qu’il  eft  ainfi  qu’entre  les  Indiens 
mefme  ce  mariage  n’eftoit  pas  légitimé. 

P el' Online  dçs  Inguoi/eignenrs  di4  Pem^  (Tdeleun 
conquejîes  c^viBoires. 

ChapitreXIX.  ^ 

A R le  confmandement  de  la  maie- 
Catholique  du  RoyDom  Philip- 
l’on  a faitla  plus  diligence  &exa- 
recherche  , qu’il  a efié  poflible 
de  l’origine,  couftume,&  priuileges  des  Inguas, 
ce  que  1 on  n’a  peu  faire, fi  bien  comme  l’on  eufi: 
defiré.àcaufe  que  ces  Indiens  n’auoient  point 
d eferiptures  : toutesfois  l’on  en  a recouuré  ce 
que i’endirayicy,par  leurs  quippos  & regiftres, 
lefquels  comme  i’ay  dit,  leur  feruent  deliures. 
En  premier  lieu,  il  n’y  auoir  poin  t anciennetnêt 
au  Pera,aucjjn  royaume  ny  leigneur  à qui  tous 
obeiirenr,mais  eftoient  comrnunautez^comme 
il  y a encor  auioiird'hiiy  au  royaume  dé  Chillé, 
& prefque  en  Toutes  les  prouinccs,qncles  Ef- 
pagnols  ontconquifcs,en  ces  Indes  Occiden- 
tales,excepté  le  royaume  de  Mexique.  Parquoy 
I on  doit  fçauoir  qu’il  s'eft  trouué  aux  Indes, 
trois  genres  de  gouuernemenr,  & façon  devi- 
urc.Le  premier,  & meilleur  a efté  de  royaume 
ou  monarchie,  comme  fur  ccluy  deslnguas,^ 


DES  ÏNDÎS.  LlV.  VI.  3©o 

ccîuy  dcMorcciima,  corabicn  qu’ils  jFiiflent  cit 
la  plus  part  tyranniques.  Le  fécond  eftoit  de 
cominunautcz,  où  ilslc  gouucrnoienr  par  l’ad- 
uis  & authorité  de  pluneurs  qui  font  comme 
Confeillcrs.Ccux  la  en  temps  de  guerre  eilifoiét 
vn  cappitaine,  à qui  toute  vne  nation  ou  pro- 
uince  obeilToit,&  en  tempsdepaix  chaque  vil- 
le ou  congrégation  fe  regiiToit , ôc  fe  gouuer- 
noit  Coy  mefmey  ayant  quelques  hommes  prin- 
cipaux, que  le  vulgaire  refpecle,  & quelques 
fois, mais  peu  fouuent, aucuns  d’euxfaffemblcnt 
pour  les  afîaires,qui  font dnnportance, afin  d’a- 
uiier  ce  qui  leur  eftconiienable.  Le  troifiefmc 
genre  de  gouuerneméteft  du  tout  barbare,  qui 
cft  compofé  d’indiens  fans  loy,fansroyj,  Sc  fans 
lieu  arrefté,qui  vonfpar  rrouppes,  comme  be- 
lles fauuages.A  cequei’aypcu  comprendre,  les 
premiers  habitans  des  Indes  eftoient  de  ce 
genre,Gomrae  le  font  encor  auiourd’hny,  vne 
grande  partie  des  Brefilliens,  Chyraguanas, 
Chunchos,  Yfcaycingas,  Pilcoçones,  & la  plus 
grande  partie  des  Floridiens,  & tous  les  Chi- 
chimaquas  en  laneuftie  Efpagne.  Pe  ce  genre 
fe  forma  l’autre  forte  de  gouuernemêt  en  com- 
munaurez , par  l’indu llrie , & fçauoir , de  quel- 
ques principaux  d’entr’eux,  efquels  iljya  quel- 
que peu  plus  d’ordre  , 5c  qui  tiennent  vn  lieu 
plusarrefté  , comme  le  font  auiourd'huy  ceux 
d’Auracano,&  de  Tcucapel  en  Chillé,  ôc  c’e- 
lloient,au  nouueau  royaume  de  Grenade,  les 
Mofcas,&les  Ottomittes,  en  la  neufue  Elpa- 
gne:&cntousccux-cyilya  moins  de  fierté , & 
beaucoup  plus  de  raifon  qu’és  autrcs.De  cegen- 
Pp  mj 


Histoire  natvrelii 
re  par  la  vaillanrife,  & fçauoir  de  quciqnes  ex- 
cellens  hommes  {ortie  l’autre  goiiucrnement 
plus  puiflant,qui  inftituale  Royaume,  & la  mo- 
narchie,quenous  trounarmes  en  Mexique  & 
au  PcrUjpource  que  les  Inguas  mirent  toute  ce- 
fte  terre  en  leur  fubieâ:ion,&  y eftablircnt  leurs 
loix  & gouLiernement.il  le  trouue  par  leurs  mc-^ 
moires  que  leur  règne  a duré  plus  de  trois  cents 
aiis,mais  ma  pas  atteint  iufquesà  quatre  cents, 
combien  que  leur  feigneurie  ait  efté  vn  long 
temps  , fans  s’eil:endre  plus  auanr,quc  cinq  pu 
liz  lieues,  au  tour  deCufco.Leur  commence- 
ment & origine  a efté  en  la  vallée  de  Cufco, . 
doù  peu  à peu  ils  conquefterent  la  terre  que 
nous  appelions  Peru,  5c  pafterent  plus  outre: 
queQmctOjiufqucs  à la  rîuiere  de  Pafto,  vers 
le  Nort,& pamindrent  iufquesà  Chilléversle 
Sud, qui  feroientprefque  millieüès  delong.  Il 
s’eftendoit  en  largeur  iiifqucs  à la  mer  du  Sud 
qui  leur  eftauPonent,  & iulques  aux  grandes 
campaignes  qui  font  de  l’autre  part  delà  chaî- 
ne des  Andes,où  l’on  voit  encor  auiourd  huy  le 
chafteaii,qLhfe  nomme,  le  Pucara  de  l’Ingua, 
quieft  vnefoi'terefte,  qu’il  fit  baftir  pour  def- 
feacc,&-  frontiereversTOricnr.  Les  Inguas  ne 
s aduencerenr  point  plus  outre  de  cefte  part, 
pour  l’abondance  des  eaux,  marercages,lacs,<So 
riuicrcs,  qui  courent  en  ces  liciies,  de  forte  que 
lalaigeur  de  ce  Royaume  ne  (croit  pas  droidbe- 
mcnc , de  cent  lieues.  Ces  Inguas  furpalTerent 
toutes  les  autres  nations  de  l’Amérique,  en  po- 
lice & gouuernerficnt,&  beaucoup  d’auantage 
en  valeur, (5c  en  armes,  combien  que  les  Cana-^ 


DES  Indes.  Liv.  VI.  joï 
ris,  qui  cftoient leurs  mortels  ennemis,  Sc  qui 
fàuoriferent  les  Efpagnols,n’ayent  iamais  voulu 
recongnoiftre  ny  confefler  cet  auanrage  fur 
eux,  de  telle  façon  que  fi  encor  auionrd  nuy  ils 
viennent  à tomber  fur  ce  difeours,  & compa- 
raifons,  & qu’ils  foientvn  peu  inftiguez,&  ani- 
mez, ils  s entretueront  à milliers  furcefte  dif. 
pute,  qui  font  les  plus  vaillans,ainfî  qu’il  eft  ar- 
due en  Cufco.L’artifice  & couleur,  de  laquelle 
les  Inguasfcferuoienc , pour  conquefter  & fc 
• faire  Seigneurs  de  toute  ccfle  terre,  fut  en  fai- 
gnant  que  depuis  le  Deluge  vniuerfcl,  duquel 
tous  les  Indiens  ont  congnoifTancc,  le  monde 
auoitefté  reftauré  & repeuplé  par  ces  Inguas, 
Sc  quefept  d'iceux  fortirent  de  la  cauerne  de 
Pacaricambojià-raifon  dequoy  tout  le  refte  des 
hommes  leur  debuoient  tribut  ôc  valTcllage, 
comme  à leurs  progeniteurs  : outre  cclails  di- 
foienr,5c  affermoient,  que  cuxfculstcnoicnt  la 
vraye  rcligion,&  fçauoient  comment  Dieu  de- 
uoit  eftre  feruy  8c  honoré , 8c  que  pour  cefte 
occafîon  ils  y debuoient  inftruire  tous  les  ho- 
mes. G’eft  vne  chofe  infinie, que  le  fondement 
qu’ils  donnent  à leurs  couftumes,  8c  eeremo- 
nies,&  y auoiten  Cufco,plus  de  quatre  cents 
oratoires,  comme  en  vne  terre fainétc,  8c  tous 
les  lieux  y eftoient  remplis  de  leurs  myfteres. 
Comme  ils  alioient  conqueftans  les  prouin- 
ccs,aufîî  alioient  ils  introduifans  leursmcfmes 
Guacas,&  couftumes.  En  tout  ce  Royaume  le 
principl  idole , qu’ils  adoroient,cftoientlc  Vi- 
racocha,  Pachayachachic,  qui  lignifie  Créa- 
teur du  monde,  8c  apres  hiy  le  Soleil.  Ceft 


Histoire  natvrelle 
-pourquoy  ils  difoicnt  que  le  Soleil  rcccpuoit 
là  vertu  & Ton  cftre  du  Créateur,  ainfi  que  les 
autres  Guacas,  ôc  quils  eftoienc  intercefleurs 
cnuersluy. 

Dpi  fremler  InguA^Cy  fes  fuccefenrs, 

C H AP.  X X. 

E premier  homme  que  les  îndiens  ra- 
content cftre  le  commencement,  6c 
le  premier  des  Inguas,futMangoca- 
pa,duqucl  ils  feignent, qu’apres  le  dé- 
luge il  fortit  de  lacauerne,oü  fencftredeXaiii- 
b6,qiîicft  eftoignéede  Cufco,  eniiironde  cinq 
(ouftx  lieues.lls  difent  que  ceftuy  la dôna  com- 
mencement à deux  principaux  lignages,  & fa- 
milles d’Inguas,  les  vns  defquels  furent  appel- 
iez Hananeufeo,  &les  autres  Vrineufeo.  Du 
premier  lignage  vindrent  les  Seigneurs , qui 
conquefterent,  & gouuernerent  cefteprouin- 
ce,  éc  le  premier  qu’ils  fontchef,6cfouchcda 
lignage  de  ces  Seigneurs  que  ie  dys,  s’appclloit 
Ingaroca,  lequel  fonda  vnefamille,  ou  Aillo, 
quils  appellent,  nommee  Viçaquiquirao.  Ce- 
ftuy là  encor  qu’il  ne  fuftpas  grand  feigneur,  fe 
feruoit  ncantraoins  aiiec  de  la  vaiiîèlle  d or,6c 
d’argenr,&  ordonna  en  mourant,  que  tout  foa 
trefor  fuftdeftinépour  leferuice  de  fou  corps,. 
& pour  la  nourriture  de  fa  famille:  Ton  fuccef- 
feur  enfitdemefme,  6c  fe  tourna  cefte  façon 
4.Ç  faire , en  couftume  generale,  comme  i’ay  dit. 


Des  Inde  s.  L i v.  V I.  3©a 

quenul  Ingua  nepciit  heriter  des  biens  & mai^ 
fon  de  fon  predeceireiir. , mais  qu’il  fondaft  vne 
nouucllc  maiibn.  Au  temps  de  cet  Inguaroça 
les  Indiens  auoyent  desidolesd’or, &luyfuc- 
céda  Yaguarguaque , homme  défia  vieil,  &di- 
fent  qu  il  eftoit  appelle  de  ce  nom  là,  qui  figni- 
fie larme  defang,  pour  ce  que  ayant  efté  vne 
fois  vaincu,  & prinspar  Tes  enhémis, de  dueil 
& ennuy  il  en  pleura  du  fang.  Il  fut  enterré  en 
vn  bourg  appelle  Paullo  , qui  eft  au  chemin 
d’Omaftiyo,  & fonda  la  famille  appelléé  Ao- 
caillipanaca.  A ceftuy  fucceda  vn  ficn  fils  Vira- 
cocha,Ingua,qui  fut  fort  riche, & fit  faire  beau- 
coup de  vaifreilcd’orj&d’argenttil  fonda  leii- 
gnage,  ou  famille  de  Coccop'anaca.  Gonfdles 
Pizarre  chercha  le  corps  de  ceftuy  cy , pour  la 
renomméedu  grand  threfor;quV eftoit  enterré 
auec  luy,  & apres  auoir  donné  de  cruels  tour- 
ments à plufieurs  Indiens, en  fin  il  le  rrouua  en 
Xaquixaquanamù  le  mefme  Pizarre  fur  apres 
vaincu  en  bataille,  prins , & fait  exécuter  par  le 
prefident  Guafea.  Gonfalles  Pizarre  fit  brufler 
le  corps  deceViracocha  Ingua,  &les  Indiens 
prindrent  depuis  ces  cendres,  lerqucllesils  mi- 
renten  vnpetitvaze,&  lesconferuerent,  y fai- 
fans  de  grands  facrificcs , iufqu  a ce  que  Polo  y 
remedia , & aux  autres  idolâtries  qu  ils  faifoien  t 
fur  les  corps  des  autres  Inguas,  Icfquels  auec 
vne  admirable  addreirc  & diligence,  il  tira  des 
mains  des  Indiens,  les  trouuans  fort  entiers,  6c 
fort  embaufmez,  enquoy  ilefteignit  vn  grand 
nombre  d'idolâtries,  qu'ilsy  faifoyent.Les  In- 
diens trouucrentmauuais,quc  cet  Ingua  fimi- 


HlStOlRÊ  natvreile 
tuîaft  V iracocha,  qui  eft  le  nom  de  leur  dieu,  & 
luypour  fen  cxcufer,  il  leur  fit  entendre,  que 
le  mcrmeViracGcha  luy  cftoit  apparu  en  fon- 
ge  , qui  luy  auoit  commandé  de  prendre  fon 
nom.  A ccftuy  fucceda  Pachacuti  Ingua  Yupan- 
gui,\qui  fut  fort  valeureux  cohquerant,&  grand 
politique,inucnteur  de  la  plus  grande  partie  des 
couftumes,  êc  fupcrftitions  de  leur  idolâtrie, 
comme  iediray  incontinant. 


J?e  Pachdcuû  Ingud  Tupangui,  O'  de  ce  (put  dàtilnt 
depms  fin  temps  mfiptes  a Guaynacapd. 

Chap.  XXI. 


^chacuti  Ingua  Yupangui  régna 
kfoixante  & dix  ans , & conquefta 
I beaucoup  de  pays.  'Le  commcnce- 
»ment  de  fes  conqueftes  fut  par  le 
'moyen  d’vn  ficn  frère  aifné,  qui 
ayant  du  viuant  de  fon  pere,  tenu  la  feigneuric, 
Ôc  de  fon  confentement  faifoit  la  guerre,fut  def- 
confir  en  vnê  bataille  qu’il  eufi:  contre  les  Chan- 
guas,qiii  eftla  natiô  qui  po  ifedoit  la  vallee  d’ A n- 
dagitayllas  diftante  de  trente  ou  quarante  lieiies 
de  Ciifco/ar  le  chemin  de  Liraa.Ceft  aifné  ,ayât 
ainfi  eftédefcôfit/e  retira  auec  peu  d’homes,  ce 
que  voyant  fon  frere  puifné,  Ingua  Yupangui, 
pour  fe  faire  feigneur , inuenta  ôc  mit  en  auant, 
qu’vn  iour  luy  eftât  fcul  ôc  ennuyéje  V iracocha 
creatcur,auoit  parlé  à luy,fe  plaignant  que  con- 
bicn  qu’il  fuft  le  feigneur  vniuerfel , ôc  créateur 


B ES  In  DÉ  S.  Liy.  VL  50^ 

âe  toutes  chofes,&^u’il  ciift:  fait  leCiel,Ie  SoîcÜ, 
îc  monde  & les  hommes, & que  le  tout  fuft  fou» 
fapuiiîànce,routcsfoisils  ne  luy  rendoiént  io- 
bciflàncc  qu’ils  deuoient, au  contraire,  ils  hono- 
roient  Sc  adoroient  ergallemcnt  le  Soleifle  T ô- 
nerre,laTerre,&  les  autres  chofcsjqui  n’auoict 
aucune  autre  vertu,que  celle  qu’il  leur  departoic 
Sc  qu’il  luy  failbit  fçauoir, qu’au  Ciel  où  il  eftoit, 
fohi’appelloit  Viracocha  Pachayachachic,  qui 
lignifie  Créateur  vniucrfel,&  afin  que  les  Indiés 
creuflent  que  c’eftoit  choie  vrayc,qu’il  ne  dou- 
tait, bien  qu’il  fiift  tout  feufdelcuer  des  hom- 
mes foubs  ce  tiltre, qu’il  luy  donneroit  la  vidoi- 
re  contre  les  Changuas,quoy  qu’ils  fufient  pour 
lors  vidorieux,  & en  fi  grand  nombrc5&  le  fe^ 
roit  Seigneur  de  cesRoyaumcs,pour  ce  qu’il  luy 
chuoycroit  des  hommes  qui  luy  aider  oient  fans 
cftrc  veus,&  fit  tant  que  fur  cefte  couleur  &fàn- 
tafie,  il  commença  d’aflemblervn  grand  nom- 
bre dcpcuplc,dont  il  drefla  vne  puilfante  armé^ 
Æucc  laquelle  il  obtint  la  vidoire/efaifaritfei- 
gneur  du  Royaume,  oftant  à fonpere,&  à Ton 
frere  la  feign curie.  Puis  apres  il  côquefta,  & def- 
confit  les  Changuas,&dés  lors  ilordonna  que  le 
Viracocha  feroit  tenu  pour  feign  eut  vniiierfel, 
& que  les  ftatues  dü  Soleil  & du  Tonnerre, luy 
feroicntreuercnee,& honneur.  Des  ce  temps 
aulïiron  commença  de  mettre  la  ftatue  du  V ira- 
cochaplus  haut  que  celle  dti  Soleil,  du  Tonner- 
re,& du  refie  des  Guacas.Et  iaçoit  quocOt  Ingua 
Y upangui  eùft  donné  des  metairies,terrcs,&be- 
ftiaux  au  Soieifau  Tonnerre,  & autres  Giiacas, 
ilnededià'Coutcsfois  aucune  chofe  auViraco- 


Histoire  natv relie 
cha, donnant  pour  raifon,qu’iln  enauoirpoîrîX 
de  befoingjpar  ce  qu'il  eftoit  feigneur  vniucrfcl, 
& créateur  de  toutes  ciiofes.  Il  déclara  à fcs  fol- 
datsapresrcnticrevidoire  des  Changuas  , que 
ce  n’auoient point  efté  eux, qui  auoient  vaincu^ 
mais  certains  hommes  barbus,quc  Iç  Viracocha 
luyauoit  enuôyez,&quc  perfone  ne  lesauoit  pal 
voir  que  luÿ,  Icfquels  du  depuis  f eftoiét  conuer- 
tisen  pierres.parquoy  ilcôuenoitles  chercher, 
& qu  il  les  recognoiftroit  bicn,&:  par  ce  moyen 
âircmbla&ramalîàaux  montagnes  vne  grande 
multirnde  de  pierres, qu’il  choifît,&lcs  mit  pour 
Guacas  Icfqiicls ils  adoroient,&  leur  facrifioiét, 
ils  les  appellcrcnt  les  Pururaucas,&  les  portoiêt 
en  la  guerre  auec  grande  deuotion,  tenans  pour 
certain  qu’ils  auoient  obtenu  la  victoire  par  leur 
aide.  L’imagination  ôc  fidion  de  cet  Ingua,eut 
tantde  puilî'ance,que  parce  moyen  il  obtint  de 
fort  belles  vidoires.Ceftuy  fonda  la  famille  ap- 
pellée  Y nacapanaca,&fit  vne  grade  ftatue  d or, 
qu  ilappella  Indiillapa,iaquelle  iimir  en  vn  brâ- 
card  d’or,  fort  riche,  ôc  de  grand  prix^  duquel  or 
les  Indiens  prindrent  beaucoup  pour  porter  à 
Xaxainalca,pour  la  liberté  ôc  rançon  d’Atahul- 
pa, quand  le  Marquis  François  Pizarre  , le  tint 
prifonnicr.  Le  Liceiitic  Polo  trouua  en  Cufco 
dans  fa  maifon,  Tes  feruiteurs  ôc  Mamacomas, 
quiferuoict  à (à  memoire,&  trouua  qucle  corps 
auoitefté  tranfportéde  Patallada,àTotocache, 
où  depuis  lesEfpagnqls  ont  fondée  la  paroilTe  S. 
Blas.Ce  corps  eftoit  ft  entier, & bien  accommo- 
Jé,auec  certain  betum,qu  il  femblpic  eftretoüc 
vif/ll  âuoit  les  yeux  faits  d vue  petite  toiile  d’or/ 


©ES  Indes.  Liv.  VI,  joà 

lîproprement  agencée  , quils  fembloienr  des 
propres  yeux  naturels.  Il  auoir  en  la  telle  vn 
coup  de  pierre  qu'il  euil  en  vnc  guerre,  & eftoic 
gris,&  çhenu,ians  auoir  perdu  vnreul  cheueu, 
• non  pins  que  fil  ne  fuftmortqiiedeceiourlà 
mcfmcjcombicnquilyeuftplus  de  foixanre  & 
dfxhuia  ans  qu’il  efloit  décédé.  Le  furdit  Polo 
enuoya  ce  corps  auec  ceux  de  quelques  autres 
Inguas,cn  la  ciee  de  Lima,par  le  comniandemêc 
du  Viceroy,  le  Marquis  de  Canette,  qui  efloit 
chofè  fôrtnecelîàire, pour  delracineri  idolâtrie 
de-  Cufco  , & plufieurs  Efpagnols  ont.veu  ce 
corps, auec  les  autres  en  rhofpitd  S.  Andr.é,quc 
fonda  ce  Marquis,  ctobicn  qu’ils  fuffent  defu 
bien gaftcz.Dom  Philippe  Caritopa, qui  fut  ar- 
rierc-fils/ou  bifarricre^Els  de  cet  Ingua,alxa- 
moit  que  les  richelîes  que  celuy  lailFa  à fa  faœii- 
le,eft^cntgrandes,&  qu’elles  deuoient  eftrecti 
lapuiüancc  des  Yanaconas,  Amaro  & Toto,  Sc 
autres. A cctlnguafucceda  Topaingua  Yupau- 
gui,  auquel  vn  fien  fils  appellédemefmcnQnv 
lucceda,  qui  fonda  la  famille  appellee  Capaç 


Histoire  natvrelle 


Du  flpia grand  iüuflre  Ingua, 

appelle'  Guaynacapa 

Chapitre  XXI I. 

V Ce  dernier  Ingua/ucceda  Guay- 
iiacapa,  qui  vaut  autant  à direquc 
ieune  homme,riche  & valeureux, 
& fut  tel  à la  vérité  plus  que  nul 
de  fcs  predcceircurs,ny  de  fes  fuc- 
ceffeurs.  Il  fut  fort  prudent,&  mit  vn  fort  bon 
ordre, par  tous  les  endroits  de  fon  Royaume,  fut 
homme  hardy  & determinejvaillant&fort  heu- 
reux en  guerre.  Parquoy  il  obtint  de  grandes  vi- 
doires , il  eftendit  fon  royaume  beaucoup  plus 
que  tous  fes  predecelTeürs  enfemble  n’auoieiit 
fait,  & mourut  au  royaume  de  Quitte , qu^il 
auoit  eonquefté,  cftant  efloigné  de  fa  Cour  d« 
quatre  cens  li»ües.Les  Indiens  l’onurirent  apres 

fon  decez,&  en  laiffarent  le  cœur&lcs  entrailles 

cnQmtto,&  le  corps  fut  apporté  en  Cufco,lc- 
quelîut  mis  au  renommé  temple  du  Soleil. 
L’on  voit  encor  auiourd’huy  plufieurs  édifi- 
ces, chaulTces,  forterclfes,  & œuures  notables 
de  ce  Roy,  & fonda  la  famille  de  Terne  Bam- 
ba.  Ce  Guaynacapa  fut  adoré  des  fiens  pour 
Dieu,  eftant  encor  envie,chofe  que  les  vieil- 
lards afferment,  &:  qui  ne  feftoit point faidc 
à l’endroit  d’aucun  de  fes  predccelfeurs.  Quand 
il  mourut,  ils  tuerent  mil  perfonnes  de  fa  maî- 
fon,.pour  l’aller  feruir  en  l’autre  vie  , lefquels 

mouroient  ainfi  fort  volontiers,  pour  aller  à' 

fon  feruice.  Tellement  que  plufieurs  fof- 

froyenç 


Des  Indes.  Liv.  VI. 
froicnt  à la  mort,  pour  le  mefme  cffcd,ouire' 
ceux  qui  y cftoicnc  deftinez.  Et  cftoit  vue 
chofe  admirable,  que  fa  richeiTe  Ôc  Ton  thre- 
for.  Et  d'  autant  que  peu  de  temps  apres  la 
mort,  les  Eipagnols  y entrèrent , les  Indiens 
prirent  beaucoup  de  peine  pour  faire  difparoi- 
llrc  le  tout,  combien  qu’il  y en  euftvne gran- 
de partie  qui  fut  portée  à Xaxam.dca,  poUrla 
rançon  de  Atahulpa  Ton  fils.  Quelques  hom- 
mes dignes  de  foy  , afferment  qu’il  auoit  en 
Cufco  plus  de  trois  cens  fils,  ôc  arriéré  fils.  Sa 
merc  appellée  Mamaoello  fut  entré  eux  fore 
eftimee.  Polo  enuoya  en  Lyma  les  corps  d’i- 
ccllc,  ôc  de  Guaynacapa,  fort  bien  embauf. 
mez,  Ôc  dcfracirta  vne  infinité  d’idolatric , que 
l’on  faifbit  en  cet  enMroit,  A Guaynacapa  fuc- 
ceda  en  Culco  vn  fîen  fils  nommé  Titoeuflî- 
gualpa , qui  depuis  fappella  Guafpar  Ingua, 
fon  corps  fut  bruflé  parles  Capitaines  de  Ata- 
hulpa,  qui  fut  auflî  fils  de’ Guaynacapa,  &le- 
qucl  fc  rebella  en  Quitto  contre  fon  frère, & 
jnarcha  contre  luy  auec  vne  puilfantc  armée. 
Il  arriua  que  Quifquits  ôc  Chilicuchi,  Capi- 
taines de  Atahulpa  prindrent  Guafpar  Ingua, 
en  la  cité  de  Cufco, apres  qu’il  eut  efte  reccu 
pour  feigneur  ôc  Roy  ( car  il  eftoi tic  légitime 
fuccefîèur  ) ce  qui  caufâen  toutfbn  Royaume 
vn  grand  dueil,fpeciallement  ên  fa  Cour.  Et 
comme  toufiours  en  leurs  nccclîircz  ils  auoy- 
enr  recours  aux  facrifices,  nefe  rrouuans  alors 
allez  puiflàns  pour  mettre  leur  feigneur  en  li- 
berté, tant  pour  les  forces  des  Capitaines  qui 
Icprindrent,  comme  pour  lagrofie  armee  qui 


Histoire  wATVRittB 
Vcnoitauec  Atahulpa.  Ils  dclibcrcrcnt  ( roire 
quelques  vns  dilenr  que  ce  fut  par  le  comman- 
dement de  cet  Ingua)dc  faire  vn  grand  & fb- 
lemnel  facrificc  au  Viracocha,  Pachayacha- 
chic,  qui  fîgnifie  créateur  vniuerfel,  luy  de- 
mandant que  puis  qu’ils  ne  pouuoient  deli- 
urcr  leur  feigneur  , il  cnuoyaft  du  Ciel , des 
liommesquiledeliuralTent  de  prifon.  Et  com- 
me ils  eftoient  en  grande  efperance  fur  ce  fa* 
crifice  , il  leur  vint  nouucllc,  comme  vn  cer- 
tain peuple  qui  eftoit  venu  par  mer,  auoit  mis 
pied  à terre  , Sc  prins  prifonnier  Atahulpa, 
pour  cefte  occafîon  ils  appellcrent  les  Efpa- 
gnols  Viracochas  , croyans  qu’ils  eftoient 
hommes  enuoyez  de  Dieu,  tant  pour  le  petit 
nombre  qu’ils  eftoyent  à prendre  Atahulpa 
en  Xaxamalca  , comme  pour  ce  que  cela  ad- 
uint  incontinent  apres  leur  facrifîce  fufdit 
fait  au  Viracocha.  Et  de  là  vint  qu'ils  com- 
mencèrent d’appellcr  les  Efpagnols  Viraco- 
chas, comme  ils  le  font  auiourd  huy.  Et  à la  ! 
vérité  , fi  nous  leur  euflions  donné  vn  bon  ] 
exemple,  & tel  que  nous  deuions,  ces  Indiens  ! 
auoient  bien  rencontré  , difans  que  c’eftoienc  i 
hommes  enuoyéfe  de  Dieu.  Et  eft.vnechofc  | 
fort  confidcrable  , que  la  grandeur  ôc  proui-  j 
dence  diuine  , comme  il  difpofa  Fentree  des  | 
noftres  au  Peru  , laquelle  euft  cfté  impoftîble,  j 
n’cuft  efté  la  dilfenfion  des  deux  freres  , &dc 
leurs  partifans,&  l’opinion  fi  grande  qu’ils  cu- 
rent des  Chreftiens  , comme  d’hommes  du 
Ciel, obligez  certes  en  gagnant  la  terre  des  Indes 


Des  derniers fùccejfeurs  des  Im 


Chap.  XXIII. 


des  Indes.  L i y.  VI, 
à prendre  peine  de  faire  eaener  beaucoup  d'a~ 
mes  au  Ciel.  &&  a 


Le  refte  de  ce  fiibier  eft allez  amplem et  traît- 
re par  les  autheurs  Efpagnols  auxhiftoires 
des  Indes,  & d’autant  que  celaeft  outrclapre- 
fenceintention,iediray  feulement  de  la  fuccef. 
lion  qu’il  y eut  des  Inguas.  Atahulpa  eftant  mort 
en  Xaxamalca,&  Guafear  en  Cufco,&  François 
Pizarre  auec  les  fiens,feftan  t emparé  du  Royau- 
me, Mangocapa,  fils  de  Guaynacapa,lcs'aiîiegca 
en  Cufco,  & les  teint  fort  prcirez,mais  en  fin  il 
quitta  tout  le  pays,  & fe  retira  en  iVilca-bam- 
ba,  aux  montagnes  cfquelles  il  fe  maintint  à 
caufe  de  fafprcté  & difficilleaccez  d'icelles, & 
la  demeurèrent  les  fucccelîèurs  Inguas,  iufques 
à Amaro,qui  fut  prins  & exécuté  en  la  place 
de  Cufco,  auec  vne  incroyable  douleur,  & 
regret  des  Indiens,  voyans  publiquement  fai- 
re iuftice  de  celuy  qu’ils  tenoient  pour  fei- 
gneur.  Apres  cela  l’on  en  emprifonna  d’au- 
tres du  lignage  de  ces  Inguas  iay  cogneu 
Dom  Charles,  petit  fils  de  Guaynacapa,  & fils 
de  Polô,  qui  fe  fit  bapdfer,  & fauorifà  touf- 
iours  les  Eipagnols  contre  Mangocapa  fon 
freire.  Lors  que  le  Marquis  de  Canette  gou- 
uernoit  en  ce  pays  , Sarritopaingua  fortit  de 
Vilcabamba,  & vint  foubsalïeurancéà  ia  cité 
des  Roys,  où  luy  fut  donnée  la  valleeYucay, 

0^  H 


H I s T O I R E N A T V R E 1 1 1 

& d’autres  chofes,  à quoy  fucceda  vnc  {îcnne 
fille.  Voila  la  fucceflion  qui  cft  auiourd’huy  co- 
gneiie  de  eefte  fi  grande  8c  riche  famille  des  In- 
guasjdefquels  le  régné  dura  plus  de  trois  cens 
ans,  où  l’on  conte  onze  fiiccefièurs  en  ce  Roy- 
aume, iufques  à ce  qu’il  celfa  du  tout,en  l’autre 
partiallité  & VrincufcOjqui  comme  a efte  dit  cy 
dcflus,eut  fon  origine  mcfmc  du  premier  Man- 
gocapa,ron  conre  huiâ:  fucceireurs  en  eefte  ma- 
nière. A Mangocapa  fucceda  Gin choroca,à  cc- 
ftuy  Capac  Y upangui,à  ccftuy  Lluqui  Y upagui,  i 
à ceftuy  Maycacapaeftc  Tarcogumam,  auquel 
fucceda  vn  fien  fils,  qu’ils  ne  nomment  point,à  • | 
ce  fils  fucceda  Dom  Ican  Tambo  Maytapanaca.  | 
Celafuftifc  pour  l’origine  & fucceflion  des  In-  I 
guas,  qui  gouuerncrent  la  terre  du  Peru,auec  ce 
qui  a efte  dir  dé  leurs  loix,gouuernement,&ma- 
nicredeviure 

Z>e  U manière  de  R^puhU^ue  qtittutient  \ 

les  Mexft^uasns.  | 

Chapitre  XXIII I. 


Ombien  que  l’on  pourra  voir  par 
l’hiftoire  qui  fera  eferite  duRoyau 
me,fucceiîîô,&  origine  des  Mexi- 
quainSjlcur  manière  de  Rcpubli- 
quc&gouuernemenr,fi  cft-ce  tou- 
tesfois  q ic  diray  icy  sômaircmét  ce  qui  me  fem- 
blera  plus  remarquable  en  general,  dôtil  fera  cy 
apres  plus  amplement  difeouru  en  l’hiftoirc. 
La  première  cnofe  par  laquelle  on  peut  iuger 


DIS  • Indes.  Liv.  VI,  *507 
que  le  gouucrnciticnt  des  Mexiquains  a cfté 
fortpolitic,  eft  i’ordre  qu’ils  auoyent  J &gar- 
doyent  inuiolablement  d eflire  vn  Roy,  Pour 
ce  que  depuis  le  premier  qu’ils  eurent,  appelle 
Acamapach,  iufques  au  dernier  qui  fut  Mote- 
çuma  , fécond  de  ce  nom , il  n’y  en  eut  aucun 
qui  vint  au  Royaume  par  droit  de  fuccclîîon, 
ains  feulement  y venoyent  par  vue  légitimé 
nomination  , & efledion.  Cefte  alledionau 
commencement  eftoit  aux  voix  du  commun, 
combien  que  les  principaux  fulfent  ceux  qui 
conduifoyent  l’affaire.  Du  depuis  au  temps 
d'YfcoaltquatriefmeRoy,par  le  çonfeil  tor- 
dre dVn  fage  & valeureux  homme , qu’ils  a- 
uoyent  appelle  Tlacael  , il  y eut  quatre  efle- 
âcurs  certains  & arreftez  , lefquels  auec  deux 
feigneurs,  ouRoySjfubiets  au  Mexiquain,  qui 
cftoyent  ccluy  de  Tefcaco,  ôc  celuÿ  deXacu- 
ba,  auoycnt  droit  de  faire  cefte  efledtion.  Ils 
eflifoyent  ordinairement  pour  Roys,  des  ieu- 
ncs  hommes,  pour  ce  que  les  Roys  alloycnt 
touliours  à la  guerre,  & eftoit  prefque  la  prin- 
cipalle  occafion  pourquoy  ils  les  vouloyent, 
C’eftpourquoy  ils  prenoyent  garde  qu’ils  fuf- 
fent  propres  Ôc  idoines  à la  guerre,  5c  qu’ils 
prinfent  pUiftr,  & fe  glorifiaffent  en  icelle. 
Apres  l’efledion  ils  faifoyent  deux  maniérés 
de  feftes  , l’vnc  en  prenant  pofleflîon  del’cftat 
Royal,pour laquelle  ils  alloyent  ^u  temple,  5c 
faifoyent  de  grandes  ceremonies,  ôc  facrifices 
fur  le  bralîer  appelle  diuin , où  il  y auoit  touf- 
iours  dufeudeuant  l’autel  de  l’idole,  & apres 
quelques  rhetoriçiens  qui  f eftudioyent  en  cela. 


" Histoire  NATVRELLi 

faifoicnt plufieurs  oraifons  & karangucs.  L’au- 
tre fefte  & la  plus  folemnelle,  eftoic  de  fou 
' coLironnemcnr  , pour  laquelle  il  deuoic  pre- 
mièrement vaincre  en  bataille , & amener  vu 
certain  nombre  de  captifs , que  l’on  deuoit  fa- 
crifier  à leurs  dieux,  ôc  entroit  en  triomphe 
auecvne grande  pompe,  luy  faifansvncfolem- 
nclle  réception  , tant  ceux  du  temple,  lefquels 
alloyent  tous  enprocelTion,touchans  &iouans 
deplulîeurs  fortes  d’inftrumens,  ôc  encenfans 
Ôc  chantans  comme  les  fcculiers , ôc  les  Gour- 
tifans,  qui  fortoient  aucc  leurs  inuentions  à re-  j 
ceuoir  le  Roy  vidorieux.  La  couronne  & en-  ■ 
feigne  Royalle  eftoiten  façon  de  mitre  parde-  | 
uant,  &eftoit  par  derrière  coupée  , de  forte 
qu’elle  n’eftoit  pas  tout  ronde , car  le  deuant 
eftoit  plus  haut,&  alloit  fefleuant  comme  en  | 
pointe.  LèRoy  dcTefcuco  auoit  le  priuilege 
de  couronner  de  fa  main  le  Roy  de  Mexique*  | 
Les  Mexiquains  ontefté  fort  loyaux  ôc  obeif-  j 
lansà  leurs  Roys,  &ne  fe  trouue  point  qu’ils  ; 
leur  ayent  fait  de  trahifon.  Les  hiftoires  racon-  j 
tent  feulement , qu’ils  tafeherent  de  faire  mou-  , 
rir  par  poifon,  leur  Roy  appelle  Ticocic,pour  | 
auoir  efté  couard  &de  peu  d’effeâr.Maisil  ne  j 
fetrouucpointqu’il  yaiteu  entr’eux  de  diflenf-  { 
lîons,&  partialitez  par  ambition,  combien  que  ; 
ce  foie  chofe  alTez  ordinaire  es  communautez:  i 

au  contraire  elles  racontent,  comme  l’on  verra  j 
en  fon  lieu,qu  vn  homme  le  meilleur  des  Mexi-s  i 

quains,refufa  le  Royaume  , luy  femblant  qu’il 
eftoit  expédient  à la  Republique  d'auoir  vn  au- 
tre Roy.Aucômcncementqucles  Mexiquains 


DIS  Ind  1$.  Ll  \r*  VT.  50S 
cftoient  encor  pauurcs,  & afTêz  petits  compa- 
gnorts^ky^oys  eftoient  fort  modérez  à leur  en- 
tretien,& en  leur  cour,  mais  comme  ils  augmé- 
terent  en  pouuoir,ils  augmentèrent  auffi  en  ap- 
pareils & en  magnificence, iufques  à paruenir  à 
ia  grandeur  de  Moreçu  majequd  quand  il  n’euft 
€U  autre  chofe  que  la  maifon  des  animaux  , c e- 
ftoitvnechofeafTezfuperbc,  & telle  qu’on  neii 
aiamais  veu  dVutre  femblable.Car  il  y auoit  en 
cefte  ficnne  maifon  de  toutes  fortes  de  poiflbns, 
d’oifcauxdeXacamamas,&  de  beftes,  comme 
en  vne  autre  arche  de  Noé.  I^ur  les  poifîbns 
de  mer  il  y auoit  des  eftangs  d eaüe  fallcc,  &c 
pour  ceux  des  riuieres,  des  cftangsd'eaüc dou- 
ce. Les  oifeaux  de  proye  y auoient  leurs  vian- 
des,& les  beftes  fieres  aulïi  en  fort  grande  abon- 
dance, & grand  nombre  d’indiens  eftoient  oc- 
cupez à entretenir  ces  animaux.Quand  il  voyoit 
qu’il  n'eftoit  pas  poflible  d’entretenir  ou  nour- 
rir quelque  forte  de  poilîbn,  d’oifeau,  ou  de 
befte  fauuage  , il  en  faifoit  faire  l’image  & la 
femblance  richement  taillée  en  des  pierres  pre- 
cieufes,  en  argent,  en  or,  en  marbre  ou  en  pier- 
re: &poiir  toutes  fortes  d’entretiens,  il  auoit 
des  maifons  & palais  diiiers , les  vns  deplaifir* 
les  autres  de  deuil  & trifteire,5(:  les  autres  pour 
y trairter  les  affaires  du  Royaume.il  y auoit  en 
ces  palais  plufîeurs  chambres,  félon  la  qualité 
des  feigneursquileferuoient  auccvnc  cftrangc 
ordre  & diftinélion, 

Qj  iiij 


Des  titres  CT  dignite’\^(^m  ejioient entre 
les  Mextqmtns. 


E s Mexiquains  ont  cfté  fort  c«- 
départir  les  grades  & di- 
gnjtez  entre  les  nobles  & les  fei- 
gneurs , afin  que  l’on  recogneuft 
ceux  d .inr'eux,  aufquels  l’on  deuoit  faire 
plus  d’honnciÿ  La  dignité  des  quatre  efle- 
deurs  , eftoit  celle  qui  eftoit  la  plus  grande 
Sc  la  plus  honorable  , apres  le  Roy,  & leselli- 
foit-  on  inconnnent  apres  l’efledion  du  Roy. 
Ils  choient  ordinairement  freres  ou  fort  pro- 
ches parens  du  Roy,  & lesappelloientTlaco- 
hccalcalt,  qui  fignifie  Prince  de  laces  que  l’on 
iette  ou  darde,  qui  eft  vnc  forte  d’armes,  dont 
ils  vfoienr  fouucnt.  La  dignité  d’apres  eftoit 
celle  de  ceux  qu'ils  appelloicntTlacatecati,qui 
eftàdire,circoncifeursou  coupeurs  d’hommes. 
La  troifiefme  dignité  eftoit  de  ceux  qu’ils  ap- 
pelloient  Ezuahuacalt , qui  fignifie  efpandeut 
de  fangpar  efgratignebent.  Tous  lefquels  til- 
très  &dignitez  eftoient  exercez  par  des  hom- 
mes de  guerre.Il  y auoit  vn  autre  quatriefrae 
intituléTlilancalqui,qui  vaut  autant  à dire, que 
feigneurdela  maifon  noire,  ou  de  la  noirceur, 
àcaufed’vn  certain  encre,  duquel  les  preftres 
foignoient,  ôc  quiferuoit  en  leurs  idolâtries. 
Toutes  ces  quatre  dignitez  eftoient  du  grand 
Cionfeil,  fans  Taduis  defquels  le  Roy  ne  faifpi  ç 


? 


MS  Indes'  Liv.  VI.  509 
ny  pouuoit  faire  aucune  chofe  d’importance, 
& le  Roy  eftant  mort  l’on  en  deuoit  cllire  en 
fa  place  vn  qui  fuft  en  quclquVne  de  ces  qua- 
tre dignitez.ll  yauoit  auflî  ou|re ceux-là  d’au- 
tres confcils,  & audience,  (^difent quelque-s 
viis  qu’il  y ei^auoit  autant  comme  en  Efpagfle, 
& qu’il  y auoit  diuers  fieges  ôc  iurifdidions 
auec  leurs  Co’nfeillers  & alcades  de  cour,  & 
d’autres  qui  leureftoient  foubmis,commecor- 
rigidors,  alcades  maieurs,Licutcnans  & Algua- 
fits  maieùrs,  & d’autres,  qui  eftoient  encor  in- 
ferieurs &foubfmis  àceux-cy.auecvnfort  bel 
ordre.  Tous  lefquels  dcfpandoient  des  quatre 
premiers  Princes  qui  aififtoient  au  Roy.  Ces 
quatre  tant  feulement  auoient  la  iurifdidion  6c 
puiflànce  de  condamner  à la  mort,&les  autres 
leur  enuoyoient  des  mémoires  des  fentcnces 
qu'ils  donnoient:  Au  moyen  de  quoy  en  certain 
temps  l’on  faifoit  entendre  au  Roy  tout  ce  qui 
fe  palToit  en  Ton  Royau  me.  Il  y auoit  mefme  vn 
bon  ordre  6c  police  eftablie  fur  le  reuenu  du 
Royaume  : c^r  il  y auoit  des  officiers  départis 
par  toutes  les  prouinces,cômedes  Rcceucurs, 
6c  T reforiers,  qui  recucilloient  les  tributs  & rc- 
tes  Royales.  L’on  portoit  le  tribut  en  la  cour 
pour  le  moins  de  ipois  en  mois,  lequel  tribuç 
eftoitde  tout  ce  qui  croift  & f’engendre  en  la 
terre , & en  la  mer  tant  de  ioyaux  6c  d’habits, 
que  de  viandes.  Ils  eftoient  fort  foigneux  de 
mettre  vn  bon  ordre  eW  ce  qui  touche  leur  rc- 
ligion,fuperftitioii  6c  idolâtries  : 6c  pour  cefte 
occafion  y auoit  vn  grand  nombre  de  miniftres 
qui  aupient  la  charge  d’enfeigner  au  peuple  les 


Histoire  NATVREiti 
couftumes  & ceremonies  de  leur  L07,  C*cft 
pourquoy  fur  ce  qu Vn  preftteChreftien  vn  iour 
fe  plaignoit  que  les  Indiens  n’eftoient  pas  bons 
Chreftiens,  & ne  proficoient  point  à la  loy  de 
Dieu;  Vn  vieillard  Indien luy  rcfponditfortà 
propos  en  ces  termes:  QueUs^refires  ( dift-il  ) em~ 
fUjent  mtmt  de  foin  CT  de  diligence  à fatre  les  Indiens 
Chrejhens^que  lesminijiresdes  idoles  emploient  à enfii- 
gner  leurs  ceremonies.  cAr  auecUmoinédufom^uilsy 
prendront yils  mm  rendront  les  meilleurs  Chrefhens  du 
mode^fourcequeUloydelefmChrifi  ejl  heÀuçoup rneil- 
leureimAis  les  Indiens  ne  l'apprenenf  point  àftute  deges 
qui  U leur  enfagnent.  E nqiioy  certainement  il  dift 
veritéjà  noftrc grand’honte  & confufion. 


Comment  les  Mexiquainsf^ti  (oient  U guerre,  cy’de  leurs 
ordres  de  Cheudlerie. 

Ckjlv,  XXVI.  . 

Es  Mexiquains  donnoient  le  pre- 
rnier  lieu  d'honneur  à 1 art  &profcf- 
fion  militaire  : c'eft  pourquoy  les 
S nobles  efioient  les  principaux  fol- 
dats,  & les  autres  qui  n'eftoient  point  nobles 
par  la  valeur  6c  réputation  qu’ils  acqueroient 
cil  guerre,  paruenoient  en  des  dignitez&  hon- 
neurs : de  forte  qu’ils  eftoient  tenus  pour  no- 
bles. Ils  donnoient  de  belles  rccompêfes  à ceux 
qui  auoient  fait  valcureufcmcnt,  lefquels  iouif- 
foientdc  priuileges  que  nul  autre  ne  pouuoic 
auoir  : ce  qui  les  encourageoit  beaucoup.  Leurs 
armes  eftoient  des  rafoirs  de  caillons  aigus  ôc 
rrcnchans, qu’ils  mcttoicnc  des  deux  coftczdVn 


DES  Inde?.  Lit.  VI.  310 
feaftôn,  qui  cftoit  yne  arme  fi  furieufè,  qu’iîs  af- 
ferment qucdVn  feul  coup  iis  cncoupoient  le 
cola  vnclicual.  lls  auoient  de  fortes  &pcfan- 
tes  maflucSj  des  lances  en  façon  de  piques,  6c 
d autres  façons  de  dards  à ietter,à  quoy  ils 
cftoienr  fort  adroits,  6c  faifoiçnt  la  plus-part 
de  leur  combat  auec  des  pierres.  Il  auoienc 
pour  armes  defFenfiucs  de  petites  rondelles  ou 
efeus , 6c  quelque  façon  de  fallades  ôc  morions 
enuironnez  de  plumes.  Ils  fc  veftoient  de  peaux 
de  tigres  ou  lyons,  6c  d'autres  animaux  fauua- 
ges.  Ils  venoient  incontinent  aux  mains  auec 
renncmy,5«:  eftoient  fort  exercez  à courir  & à 
lutter.  Car  leur  principale  façon  de  vainpre 
n’eftoit  pas  tant  en  tuant  comme  en  prenant 
des  captifs,  dcfquels  ils  fe  feruoient  en  leurs  fa- 
crifices, comme  il  a efté  dit.  Motcçumamitla 
cheuallerie  à fon  plus  haut  poin6I,  en  inftituan  t 
certains  ordres  militairs, comme  de  Comman- 
deurs , auec  certaines  marques  6c  enfeignes. 
Les  plus  honorables  d’entre  les  Cheualicrs 
eftoient  ceux  qui  portoient  la  couronne  de  leurs 
cheueux  attachée  auec  vn  petit lizet rouge, & 
auec  vn  riche  plumache,  d’où  pendoientfur 
leurs cipaullcs  des  rameaux  de  plumes,  6c  des 
bourlets  demelmc.  Ils  portoient  autant  deces 
bourlets  comme  ils  auoient  fait  d’aétes  fignalez 
en  guerre.  Le  Roy  mefmeeftoit  de  ceft  ordre 
de  Cheuallerie,  comme  l’on  peütvoiren  Cha- 
pultcpecjoù  eftoient  Moteçuma  &fon  fils  ac- 
couftrez  de  ces  façons  de  plumaches,  taillez  en 
^ne  roche, qui  eft  vnc  chofe  dignedevoir.il  y 
auoitvn autre  ordre  de  Cheuallerie,  qu’ils  ap- 


Histoire  nat vrille 
pelloient  les  lyons  & les  tigres,  lejfqucls  cHoiet 
communément  les  plus  valleureux,&  qu’on  rc- 
marquoit  le  plus  en  guerre, où  ils  alloientpor- 
tans  toujours  leurs  marques  & armoiries.  Il  y 
auoit  d’autres  Cheualiers , côme  les  Cheualiers 
Gris,  qui  n’eftoient  en  telle  eftime  côme  ceux- 
cy,lefqucls  auoientles  cheueux  coupez  en  rond 
par  delfus  loreille.lls  alloientà  la  guerrc,por- 
tans  de  mefraes  marques  que  les  autres  chcual- 
licrs,  toutesfois  ils  n’eftoient  point  armez,  que 
iufques  à la  ceinture , mais  les  plus  honorables 
larmoient  entièrement.  Tous  les  cheualiers  , 
pouuoient  porter  de  Tor  & del’argentj&  fe  vc-  ! 
ftir  de  riche  cotton , fe  feruir  de  vafes  peints  Ôc  j 
dorez,  & porter  des  foiiliers  à leur  modcimais  ! 
le  commun  peuple  ne  pouuoitfe  reruir,quedc 
vafes  de  terrc,ncleur  eftantpas  permis  dépor- 
ter des  fouliers , & ne  pouuoient  fe  veftir  que 
deNequen,quieftvne  matière  groflîere.  Cha- 
cun ordre  de  ces  cheualiers  auoit  fon  logis  au 
Palais , marqué  de  leurs  marques , le  premier  | 
cftoit  appelé,le  logis  des  princes , le  fécond  des  ■ 
Aigles,le  troificfme,des  lyons,  & tygrcs,&  le  4. 
des  gris.Les  autres  officiers  communs , eftoient  1 
en  bas,logez  en  de  moindres  logis  : & fi  quel-  ! 
qu Vnfc  logeoit  hors  defon  lieu,il  enepuroit  | 
peine  de  mort.. 


I 


Des  Indes.  Liv.^  Vt.  ^îï 


leurs  enfans.Car  ils  recognoiflbient  biê,que  tou 
te  la  bonne  cfpcrance  dVnc  Republique,  con li- 
fte en  la  nourriture  & inftitution  de  la  icunclTè, 
ce  que  Platon  iraidc  alfez  amplcment,en  fes  li- 
urcs  delegihus.Et  pour  celle  occaliô  ils  Peftüdie- 
renr  & prindrent  peine  d;clloigner  leurs  enfans^ 
dcsdelices,&  delaliberté,qui  font  les  dcujf  pe- 
ftes  de  cet  aàge,cn  les  occupans  en  des  exercices 
honneftes,  &c  profitables.  Pour  cet  clFe(5l,il  y 
auoit  aux  Temples  , vue  maifoii  particulière 
d enfans  , comme  des  cfchollcs , ou  collegesy 
quieftoit  feparce  de  celle  des  icunes  hommes, 
& des  filles  du  Temple,  dont  nous  auons  am- 
plement rraidc  cy-dcuant.  Il  y auoit  en  ces  el^ 
cholles,  vn  grand  nombre  d’enfans , que  leurs 
pères  y raenoient  volontairement , lefquels  a- 
uoient  des  pédagogues  & maillres,  qui  les  cn- 
feignoient  en  tous  louables  exercices,  à élire 
bien  nourris*  porter  refped  aux  fupericurs,à 
feruir  ôc  à obéir,  leur  donnans  à celle  fin  cer- 
tains préceptes  & cnfcigncments.Et  afin  qu’ils 


Chap.  XXVII. 


jLn’yachofe,quim’aye  donne  plus 
Jd’occalîoq  d’admirer,  ny  que  iaye 
icrouécplus  digne  de  loiiange  & de 
^mcmoirc,que  l’ordre  & le  foing,quc 
Ues  Mexiquains  auoient  à nourrir 


Histoire  natvrelle 
fuflent  aggrcablcs  aux  Scigncurs,ils  leur  appre- 
noicnc  à chanter,  & à dançer,& les  dreiroicnc 
aux  cxerciçcs  de  la  guerre,  qui  à tirer  vneflcf^ 
che,  vn  dard,  oubafton  bruflépar  lebout,&à 
bien  manier  vne  rondelle  & vnc  cfpce.  Ils  ne 
les  laiiïbient  gueres  dormir,  afin  qu’ils  faccou- 
ftumafiTent  au  trauail  dés  fcnfancc,  5c  qu’ils  ne 
fufiènt  point  hommes  de  dclices.Outre  le  nom- 
bre commun  de  ces  enfans,  il  y auoit  aux-  mefi- 
mes  colleges,  d’autres  enfans  des  Seigneurs,  & 
nobles,lefquels  eftoient  plus  particulièrement 
traiébez.On  leurportoit  leur  manger  ôc  ordi- 
naire de  leurs  maifons,&  eftoient  recomman- 
dez à 'des  vieillards  & anciens,  pour  auoir  cf- 
gard  fur  eux,  lefquels  continuellement  les  ad- 
monneftoientd’eftre  vcrtueux,de  viure  chafte-. 
ment.d’eftre  fobres  au  manger,  de  icufner,&  de 
marcherporémenr,&auecmerurc.  Ils  auoicnr 
accouftumede  les  exercer  au  trauail,  5c  en  des 
exercices  laborieux  : 5c  quant  ils  lesvoyoient 
inftruitsentousces  exercices,ils  confideroienr 
attentifueraent  leur  inclination,  5c  fils  en  voi- 
oient  quelques  vns  auoir  rinclination  à la  guer- 
re, apres  qu’ils  auoient  atteint  l’aage  fuffifanr, 
ils  rcchcrchoient  l’occafion  de  les  ciprouuer, 
en  les  enuoyant  à la  guerre,  foubs  couleur  de 
porter  des  viurcs,5c  des  munitions  aux  foldats, 
afin  qu’ils  veiirent  là  ce  qui  C'y  paffoif,  5c  le  tra- 
uail que  l’on  y enduroic.Et  afin  qu’ils  perdiirent 
la  crainte,  ils  les  chargeoient  aulîî  de  pezants 
fardeaux,  afin  que  monftrans  leur  courage  eft 
cela  ilsfuffcntplusfacillementreccuscn  la  cô- 
pagnie  des  foldats.  Par  ce  moyen  il  auenoità 


x> ES  Indes.  Liv.  VI. 
plulîeurs,  daller  chargez  à l’armce , 6c  retour- 
ner Capitaincs,aüce  mar<^uc$  d’honneur.  Quel- 
ques V ns  d'iceux  Te  vouloicnt  teUement  faire 
paroiftre,  qu’ils  demeuroient  prins  ou  morts, 
& tenoient  pour  moins  honorable  de  demeu- 
rer prifonniers.C ’elbpourquoy  ils  le  fîifoienc 
pluftofl:  mettre  par  pièces,  que  de  tomber  cap- 
tifs entre  les  mainsde  leurs  ennemis.  Voilà  co- 
rnent les  enfans  de  Nobles  qui  auoicnt  rincli- 
nation  àla  guerre  y eftoient  cmpIoyez.Les  au- 
tres qui  auoient  leur  inclination  aux  ehofes  du 
Tcmple,(Sc  pour  le  dire,  ànoftremode  ,à  eftre 
Ecclefiaftiques, apres  qu’ils  auoient  atteint  l’aa- 
ge  fuffifant,efl:oient  tirez  du  coilege,&  lesmet- 
toit-on  au  logis  du  Temple,  qui  eftoit  pour  les 
Religieux,  & leur  donnoit-on  alors  leurs  or- 
dres & marques  d’Ecclelîaftiqucs.Làils  auoient 
leurs  prekts  & maiftres,  qui  leur  enfeignoient 
ccquicftoit  de  la  profeffion , où  ils  debuoienc 
demeurer,  y ayants  elle  dédiés.  Ces  Mexic- 
quains  prenoient  vn  grand  foing  à nourrir  les 
enfansiquefi  auiourd’huy  ils  fuyuoient  encor 
ceq  ordre, en  fondant  des  maifons  & colleges, 
pour  linftruélion  de  la  ieunelTe,  fans  doubte 
que  la  Chreftienté  floriroit  beaucoup  entre  les 
Indiens.  Quelques  perlônnes  pieufes  l ontcô- 
mence,  &lc  Roy  & fon  Confeil  l’ont  fauorifé, 
mais  d’autant  que  c’eft  vne  ehofe  , où  il  n y a 
point  deproffir,  il  s’aduance  bien  peu,  de  y Va 
l’on  alTezfroidemét,  Dieu  nous  vueille  cfclar- 
cirlesycux,afinqueiious  voyons,  que  cela  cft 
ànoftreconfufion,  veu  que  nous  autres  Chre- 
ftiens  ne  faifons  point  ce  que  les  enfans  des  te- 


Histoire  natvrelle 
ftcbrcs  faifoicnc  à leur  perdition,  enquoy  nous 
nous  oublions  de  noftrc  deuoir. 

VesfeJieSjCr  danses  des  Indiens 

Chap.  XXVIII. 

^'Autant  que  c’eft  vne  chofe  quideC- 
topend  en  partie  du  bon  gouuernemér, 

a“^^Wd  auoir  en  la  Republique  quelques 
^^ieux,  & récréations  , quand  il  en  eft 
temps,  il  ne  fera  mal  à propos,que  nous  racon- 
tions fur  celle  matière,  ce  que  faifoient  les  In- 
diens,principallement  les  Mexiquains.  L’on  n a 
' point  defcouuert  es  Indes,  aucune  nation  qui 
viue  en  communantez  , qui  n’ayt  fon  entre- 
tien,& fa  récréation,  en  ieuXjdançcs,  & exerci- 
ces de  plaifir.  l’ay  veu  au  Perudesieux  quils 
faifoient,en  façon  de  combat, aulquels  les  hom- 
mes des  deux  collez  fenflamboient  quelques 
fois  d’vne  telle  façon,  que  bien  fouuent  leur 
Paella  ( qui  cftoit  le  nom  de  cet  exercice)  ve- 
noic  à ellre  dangereufe.  l’ay  veu  aullî  plufieurs 
fortes  de  danfes,  efquelles  ils  conrrc-raifoienr, 
& reprelêntoient  certains  melliers,  & offices, 
comme  de  bergers,  laboureurs,  pefeheurs,  & 
chaircurs,&faifoientordinairement  toutes  ces 
danfes,auecvnfon  ôc  vn  pas  fort  pefant,  ôc  fort 
graue.îl  y auoit  d’autres  danfes  &Snafcarades, 
qu’ils  appclloicnt  guaconcs,  dont  les  mafques, 
& les  gcllcs  cftoienr  pures  reprefentationsdu 
Diable.Il  y auoit  mefme  deshommes,quidan- 
foient  fur  les  efpaulles  les  vns  des  autres  en  la 

façon 


DES  Indes.  Liv.  VI. 
façon  qu’ils  portent  en  Portugal,  ce  qu’ils  ap- 
pellentles  Paellas..  La  plus  grande  partie  de  ces 
danfes  eftoient  fuperftitions  êc  cfpeces  d’ido- 
latrie,  pour  ce  qu’ils  honoroient  leurs  idoles 
&Guacas  en  cefte  façon.  Ponreefte  occafioii 
les  Prélats  fe  font  efforcez  de  leur  ofter , le  plus 
qu'ils  ont  peu  de  ces  danfes , combien  qu’ils  les 
lailfenràcaufe  qu’vne  partie  ne  font  que  ieux 

de  récréation,  car  toufiours  ils  danfent,  Ôc  bal- 

lent  à leur  mode.Ils  vfent  en  ces  danfes , de  plu- 
licurs  fortes  d’inftruments  , dont  les  vns  font 
comme  fleutes  ou  petits  canons,  les  autres  coii- 
me  tambours,  5cles  autres  comme  cornets  en- 
tortilles j^-mais  communément  ils  y chantent 
tous  à la  voix,&  y en  a vn  ou  deux  qui  chantent 
premièrement  la  chanfon , puis  tous  les  ^autres 
luy  refpondent.  C^elques  vues  de  ces'  chan- 
fons  eftoient  fort  ingenieufement  compofées, 
& contenants  des  hiftoires  : d’autres  eftoient 
pleinesdcfuperftitions,&lesautres  n’eftoient 
que  pures  folies.  Les  noftres  qui  conuerfent 
entr'eux , ont  eflaye  de  mettre  les  chofes  de  no- 
ftrefainde  Foy  en  leur  façon  de  chant.  Ce  qui 
a allez  bien  profité,  d’autant  qu’ils  employent 
les  tours  entiers  aies  chanter  & reciter  , pour 
le  grand  plaifir  & contentement  qu’ils  pren- 
nent a ce  chant.  Ils  ont  mis  mefinesà  leur  lan- 
gue de  nos  compofitions  de  raufique  , comme 
des  Hui61ains,Chanfbns  ôc  Rondeaux,  lefquels 
ils  ont  fort  proprement  tournez,  qui  eft  à la  vé- 
rité vn  beau  ôc  fort  necelfaire  moyen  pour  in- 
ftruire  le  peupie.lls  appelioient  communément 
auPerudes  dances  Tagui,és  autres  prouinces 

Rr 


HisTOÎRE  KATVREttl 
Areittos  , & en  Mexique  Mittotrcs.  Et  n*y% 
point  eu  en  aucun  autre  lieu  vne  telle  curiofi- 
té  de  ces  ieux  & dances  , comme  en  la  neufue 
E(pagne,oùion  voit  encore  auiourd'huy  des 
Indiens  fi  braues  fauteurs  , que  c eft  vne  chofc 
admirable.  Les  vnsdancentfur  vnccorde,les 
autres  fur  vn  pieu  haut  & droit  en  mille  façons. 
Les  autres  aucclaTpianre  des  pieds  & les  iarets, 
manient,  iettent  en  haut  & reçoiuentvn  tronc 
fort  pefant:  ce  qui  femblc  incroyable , fi  ccn’cft 
en  le  voyant.  Us  font  plufieurs  autres  démon- 
(Irations  de  leur  grande  agilité,  en  fautant,  vol- 
tigeant, faifantdesfouples-fauts , tantoft  por-  | 
tans  vn  grand  & pefant  faix , tantoft  endurans 
des  coups  qui  feroient  fuffifants  pour  rompre 
du  fer.  M ais  l’exercice  de  récréation  le  plus 
vfité  entre  les  Mexiquains  , eft  le  folcmncl 
Mittotté  , qui  eft  vne  forte  de  bal  qu’ils  efti- 
moient  fi  brauc  &fi  honorable,  que  le  Roy 
rnefmcydançoit  quelques  fois  , non  pas  tour 
tesfois  par  force  comme  le  Roy  Dom  Pedro; 
d’Arragon,auecleBarbier  de  Valence.  Ce  bal  ! 
ou  Mittotté  fc  faifoit  ordinairement  es  cours 
du  temple,  &en  celles  des  maifons  Royallcs  ; 
qui  eftoient  les  plus  fpacieufes.  Ils  polbientau 
milieu  de  la  cour  deuxdiuersinftruments , vn  j 
quieftoit  en  façon  de  tambour,  & l’autre  en  | 
façon  d vn  baril  fait  tout  ’d’vne  pièce , & creu-  j 
fé  par  dedans , Icfquels  ils  mçttoient  fur  vne  fi- 
gure d’homme , ou  d'animal, ou  deftus  vne  cou- 
lomne.  Ces  deux  inftruraents  eftoient  fi  bien 
accordez  enfemblc  , qu’ils  rendoient  en  leur 
fon  vne  aflez  bonne  harmonie,  & faifoient  aucç. 


©BS  Indes,  ri  V.  VI.  514 

keit  înftrumcns  plufîcurs  & diucrfcs  fortes 
d’airs  &dc  chanfons.  Ils  chantoient  & bal- 
loient  tous  au  fon  & à la  cadençe  de  ces  in- 
ftrumens,  dVn  fi  bel  ordre  & d’vn  fi  bel  ac- 
cord , tant  aux  voix  qu’au  mouuement  des 
pieds  , que  c’eftoit  vne  chofe  plaifantc  à 
voir.  Ils  faifoient  en  ces  danfes  deux  cercles 
ou  roues , 1 vn  dcfquels  eftoit  aulnilieu , proche 
des  inftrumens , auquel  les  anciens  & leigneurs 
chantoient  & danpient  fansprcfque  fc  raou- 
uoir  : l’autre  eftoit  du  refte  du  peuple  à l’cn- 
rour,alIez  efloigne  du  premier,  auquel  ils  dan- 
çoient  deux  à deux  plus  legerement,&:  faifoient 
diuerles  façons  de  pas , auec  certains  lauts  à la 
cadence.  Touslelquels  enlemble  faifoient  vu 
fort  grand  cercle.  Ils  feveftoient  pour  ces  dan- 
ses de  leurs  plus  précieux  habits  & loyaux , fé- 
lon le  moyen  &pouuoird’vn  chacun,  eftimans 
cela  vne  chofe  fort  honorable  : & pour  cefte 
occafion  ils  apprenoient  ces  dances  dés  leur 
enfance.  Et  combien  que  la  plus  grande  part 
d icelles  Ce  faifoient  à I honneur  de  leurs  ido- 
les, ncantmoins  cela  n’eftoit  pas  d’inftitution, 
mais  comme  il  a efté  dit,  c’eftoit  vne  récréa- 
tion & pafîe-temps  pour  le  peuple.  C cft  pour- 
quoy  il  n’eft  pas  propre  de  les  ofter  du  tout 
aux  Indiens,  mais  on  doit  bien  prendre  garde 
<^uils  n’y  méfient  parmy  quelques  fupcrfli- 
tions.  l ay  yen  faire  ce  bal  ou  Mittotté  en  la 
cour  defEglife  de  Topetzotlan  , qui  eft  vn 
bourgafeptiieüesde  Mexique,  Ôc  me  fcmbla 
des  lorsque  c’eftoit  chofe  bonne  d’y  occuper 
Sc  entretenirles  Indiens  es  iouirs  dcfcftesjpuis 


Histoire  nATvRELti 
qu’lis  ont  befoin  de  quelque  récréation:  & d’au- 
tât  plus  que  celle-là  eft  publicque,&  fans  le  pre- 
iudice  d’autruy,il  y a moins  dlnconueniétqu’cn 
d’autres  qu’ils  pourroient  faire  eux  feuls-,  (i  l’on 
leur  oftoit  celles-là.  Ceft  pourquoy  il  faut  con- 
clure,fuiuaiitleconfeil  du  Pape  Grégoire, que 
c’eft  vue  chofe  fort  propre  de  lailfer  aux  Indiens 
ce  qu’ils  ont  de  couftume  & vfages,  pourueu 
, qu’ils  ne  foient  point  meflczde  leurs  erreurs  an- 
eiens,&  de  faire  en  forte  que  leurs  feftes  & paf- 
fe-téps  facheminent  à Fhonneur  de  Dieu,  & des  ; 
fainds  defquels  ils  celebrent  les  feftes.  Cecy  | 
pourra  fuffire  en  general  des  mœurs  & couftu-  ' 
mes  politiques  des  Mexiquains.  Et  quant  à leur  | 
origine , accroilîement  & Empire , d’autant  que  I 
c'eft  vne  matière  plus  ample  , & qui  fera  belle  ôC  | 
plaifantc  d’entendre  dés  fon  comracncemcnti 
nous  en  traitterons  au  liure  fuiuant. 


3i; 


LIVRE  SEPTIESME 

DE  LHISTOÎRE  NATVREL- 

Ic  & morale  des  Indes. 


c ejî  vne  chofe  vtile  d entendre  les  aBes 
des  Indes  ^frinapdetnent  ceux  des 
Mexicjutuns, 


.f»„C 


hapitre  premier. 


O V T E hiftoire  véritable  bien 
eferite  eft  toufiours  profitable 
au  Ledeur.  Car  comme  ditle 
S âge  ; Ce  qui  a ejlé  eJl  ce  qui  Jèra, 

e^î  ce  qui  a ejle.  Les  chofes  humai- 
nes ont  entr’clles  beaucoup  de 
reflfemblaiice,  &lcsvnsrefontfages,parce  qui 
arriue  aux  autres.  Il  n’y  peuple  fi  barbare  qui 
n ait  en  foy  quelque  chofe  de  bon  , & digne  de 
loliange,ny  Republique  fi  bien  ordonnée,  où  il 
n’y  ait  quelque  chofeà  reprédrc.C’efl  pourqiioy 
quand  il  n’y  auroit  autre  fruid  en  Lhiftoirc  & 
narration  des  faits  des  Indiens  , que  celle  com- 
mune vtilitcd’eflrc  vne  hiftoire  & relation  des 
chofes  , lefquelles  cnefFedde  vérité  font  aduc- 
nues,clle  mérité  afTezd’cflre  rcceùe  comme  cho- 
fe vtile, ^ ne  I^  doit-on  pas  rciettetj  pourtant  fi 

îlr  iij 


Histoire  UATVREtLE 
cc  font  chofcs  des  Indiens.  Comme  nous  voyos 
^ue  les  aiithcurs  qui  traittêt  des  choies  naturel- 
leSjefcriuent  non  feulement  des  animaux  géné- 
reux, des  plantes  fignallees  & des  pierres  prcci- 
eufes,mais  auffi  des  animaux  vils,des  herbes  co- 
munesjdes  pierres  & chofes  vulguaires, d’autant 
qu'il  y a toufiours  en  icellesquelques  proprictez 
dignes  d'eftre  remarquées.  Ainfi  quandil.n’y  au- 
roit  autre  chofe  en  cecyquç  ie  traittc,que  d’eftre 
vnehi{loire&  non  point  des  fables  &:  fixions, 
c’efl:  touhonrs  viifubied;  qui  n’eftpas  indigne 
d’eftrecfcrit.nyd’eftrcleu.llyaencorvne  autre 
raifon  plus  particulière  rc’eft  que  Ton  doit  d’a- 
uantage  eftimeren  cecy  ce  quieftdignede  mé- 
moire, d’autant  que  c’eft  vne  natiô  peu  cftimée, 
& d’autant  mefiTie  que  c’eft  vne  matière  difFeré- 
te  de  celle  de  noftreEurope,  comme  aufli  le  font 
ces  nations  : enquoy  nous  deuons  prendre  plus  | 
de  plai(îr&  de  contentement  d’entendre  le  fond 
de  leur  origine,  leur  faconde  viure  , leurs  heu- 
reufcs&nialheurcufcs  aduatures.Et  n’eftpas  ce- 
lle matière  feulement  plaifantc&  agréable,  mais 
auffi  eft  vtile  ôc  profitable,  principalemét  à ceux 
qui  ont  la  charge  de  les  regir&  gouuerner  :car  la 
-cognoiftancc  de  leurs  aéles  inuite  à donner  cré- 
dit aux  noftres,&cnfeigne  en  partie  comment 
ils  doiuêteftre  traittez,  voire  elle  o.fte  beaucoup 
du  commun, & fol  mefpris,auquel  ceux  de  l’Eu- 
rope les  ont, ne  iugeans  pas  que  ces  peuples  ayet 
aucune  chofe  de  raifon.Car  certainement  on  ne 
peut  mieux  trouuer  l’efclarciftement  de  cefte 
opinion,  que  par  la  vraye  narration  des  faits  : 
geftes  de  ce  peuple,  le  traiélcray  donc  aueç  i 


»is  Indes.  Liv.  VIT.  3i'f 
l’aydc  du  Seigneur , le  plus  brefuement  que  ie 
pourrayjdel’origiije,progres  , & faits  notable?, 
des  Mexicquains,  par  où  Ton  pourra  cognoiftrç 
le  temps, & ladifpofition  quelehaiir  Dieu  vou- 
lut choilîr,pûur  enuoyer  à ces  nationsja  lumiè- 
re de  rEuangilc  de  lefus  Chrift  Ton  fils  vnique 
noftrc  Seigncur,lcquelie  fiipplie  acheminer  no- 
ftre  petit  trauail , de  forte  qu’il  puilfe  reufiir  à la 
gloire  de  (à  diuincgrandcur,&  à quelque  vtilité 
de  CCS  peuples,  aulquclsila  cômuniqiié  fa  faill- 
ie loy  Euangelique. 

Des  Amiens  hAhltAns  de  U neufm  EjpAgne^c^  comment 
les  NdHAtUcAij  vindrent. 

Ch  AP.  IL 


Es  anciens, & premiers  habiransdes 
prouinces,qucnous  appelles  neufue 
Efpagne,  furent  des  homes  fort  bar- 
barcs,&  fauuages,qm  viuoiet  & fen- 
tretenoient  feulement  de  la  chalTc.  A celle  oc- 
cafionelloient  appeliez  ChichiraccquaS.  Ils  ne 
(emoientjiiy  ne  cultiuoicnt  point  la  terre , ôc  ne 
viuoient  point  enlcmble  , d’autant  que  tout 
leur  exercice  , eftoit  de  chafier  , enqiioy  ils  e- 
ftoient  fort  adroits.  Ils  habitoient  aux  plus  af- 
pres  lieux  des  montagnes  viuants  belliailemenc 
fans  nulle  police,  & alloient  tous  nuds.  Ils  fai- 
foienc  la  chafîè  aux  belles  rondes,  aux  heures, 
■ Rr  iiij 


Histoire  N AT  VREL  LE 
connins,bclletccs,raiipes,charsrauuagcs  J & 
aux  oifeauxjvoire  aux  beftcs  immondes , com- 
me aux  coulcuures  , lézards,  locuftcs  , & vers 
dont  ils  fenourri{Toient,auec  quelques  herbes 
& racines.  Ils  dormoientauxmôragnes,endcs 
cauernes,&  en  des  builFons:  Sc  les  femmes  mef- 
mesa!loientàlachaire,auccleurs  maris  , laif- 
fans  leurs  petits  enfans  attachez  aux  rameaux 
d vn  arbre , dans  quelque  petit  pannier  de  ionc, 
qui  fe  paflbient  d’eftre  allaittez  iufques  à ce 
qu’elles  retçurnafTent  de  la  chalTe.  Us  n’àuoienc  i 
aucuns  fupericurs,  ôc  ne  recognoilToient,  ny 
n’adoroient  aucuns  dieux,  & n’auoient  point  de 
couftumes  ny  de  religion.  Il  y a encor  auiour- 
dliuy  en  laneufuc  Efpagne  , de  cefte  forte  de 
gens,  qui  viuent  de  leur  arc  ôc  flefchesylefquels 
font  fort  dommageables  : pour-autant  qu'ils 
faiîemblcnt  par  compagnies,  pour  faire  quel- 
que mal-ou  vollerie,&  n'ont  peu  les  Efpagnols 
parforce,ny  findrcs,lcs  réduire  à quelque  po- 
lice ôc  obeiiîance.  Car  comme  ils  n'ont  point 
villes,ny  de  refîdences , combatte  auec  eux , cft  i 
proprement, chalîèr  aux  belles  fauuages,  qui 
fefeartent  , & fe  cachent  aux  lieux  les  plus  af-  1 
près, & couuerts  delà  Syerre.  Telle  eft  la  façon  | 
de  viure  encor  auiourd’huy  en  beaucoup  de  j 
prouinces  des  Indes,  &ell  traitté  principallc-  | 
ment  de  cefte  forte  d’indiens , auxliures  de  fro- 
curanda  indiorum fdute.hn  lieu  où  il  eft  dit,  qu’ils 
ontdcbefoing  d’eftre  contraints  ôc  alfubicdis 
par  quelque  force  honnefte,  ôc  qu'il  eft  nccef- 
faire  de  les  enfeigner  premièrement  à eftre  ho- 
mes, puis  apres  à eftre  Chreftiens.  L’on  veut  di^ 


d£s  Indes.  L IV.  VIL  317 
rc,qne  ceux  qu’ils  appellent  enlaneufueElpa- 
gne,Ottomics, eftoieiit de Gcftc  forte,  lefquels 
communément  font  de  panures  Indiens  habi- 
tans  en  vne  terre  afpre  & rude , & neantmoins 
font  enalîëz  grand  nombre,  &viucnt  enfem- 
ble  ayants  entre  eux  quelque  police  , ôc  ceux 
quilescognoilfent,neles  trouiient  pas  moins 
idoines , ôc  capables  es  chofes  de  la  Chreftien- 
té,que  les  autres,  qui  font  plus  opulcns , ôc  que 
l’on  tient  pour  mieux  policéz.  Venans  donc  à 
noftre  fubied,  les  Ghichimccas , ôc  O ttomics, 
qui eftoient les  premiers  habitans  delà  neufue 
Elpagnc,d  autantqu’ils  nefemoient,  ny  labou- 
roient  la  terre,  larlîcrent  le  meilleur  & le  plus 
fertile  de  celle  contrée,  làns  le  peupler  , ce  que 
les  nations^  qui  vindrent  de  dehors  occupèrent, 
lefquels  ils  appelaient  Nauatalcas  , d’autant 
que  c eftoit  vne  nation  plus  ciuile , Ôc  plus  poU-. 
tiquc,&fignifieceraot,  peuple  qui  parle  bien, 
au  relped  des  autres  nations  barbares , ôc  fans 
raifon.Ces féconds pcupleurs Nauatalcas,  vin- 
drent  des  autres  terres  cfloignces  , qui  gifenc 
vers  le  Nort , où  l’on  a maintenant  defcouuerc 
yn  Royaume , qu’ils  appellent  le  nouueau  M e- 
xique.  Il  y a en  celle  contrée  deux  prouinc.es, 
l’vneappelléeAztlan,  qui  veut  dire  lieu  de  hé- 
rons,l’autre  Tuculhuacan  , quifignifie  terré  de 
ceux  qui  ont  les  ayculs  diuins.  Les  habitans  de 
ces  prouinces ont  leurs  maifons  , leius  terres 
labourables,  dieux , couftumes , & ceremonies, 
auec  le  mefme  ordre , ôc  police , que  les  Naua- 
ftalcas  , &font  diiiifèzcn  fept  lignages  ou  na~ 
tionS;  ôc  pour  ce  qu’il  y a vn  vfàge,  en  celle  pro- 


Histoire  natvrelir 
Bince,quc  chafcun  de  ccs  lignages  a (on  lieu  , ÔC 
fon  temtoire  (èparc , les  Nauatlacas  peignent 
leur  origine , ôc  premier  territoire  en  figure  de 
cauerne,  ôc  difent  qu  ils  fortirent  de  fepr  caucr- 
nes.pourvenirpeuplcrla  terrede  Mexique, de 
quoy  ils  font  mention  en  leur  hiftoirc  , oùil* 
peignent  fepteauernes,  &lcs  hommes  qui  en 
lortcnr.  Par  la  fupputation  de  leurs  liurcs , il  y a 
plus  de  huit  cents  ans,  que  ces  Nauatlacasfor- 
lirét  de  leur  pais , qui  feroit  le  reduifant  à noftre 
conte  j’annee  de  noftre  Seigneur  , hui  cents 
vingt.  Q^nd  ils  partirent  delcurpays,pour  i 
venir  en  Mexique, ils  tarderét  quatre  vingts  ans  ' 
en  chemin,  & lacaufe  qu’ils  demeurèrent  fi  log 
temps  en  leur  voyage , fut  que  leurs  dieux,  ( Ict 
quels  (ans  doubteeftoient  diables,  quiparloient 
vifiblementàcux)  îcurauoient  perfuadé  qu’ils 
àllaflent  recherchants  de  nouueiles  terres,  qui 
cufientdc  certains  fign es.  Ceft  pourquoy  ils 
venoientrecognoifians  toute  la  terre,  pour  rc-  i 
chercher  les  figues  , que  leurs  idollcs  leur  a-  | 
uoient donne,  &és lieux  qu'ils  trouuoient  de  j 
bonne  habitation. ils  peiiploient  ôc  labouroienc 
la  terre , & comme  ils  defcouuroient  toufionrs  ' 
de  meilleures  contrées  , ils  dclaiiroicnt  celles  | 
qu’ils auoientainfi  premicremen.t  peuplées,  y ! 
laifiàns  neantmoins  roufiours  quelques  vns,  , 
principalement  les  vieillards  malades,  ôc  fati-  ^ 
guezjmcfmes  y plantoient,&  baftifibienr,  dont  I 
l’on  voit  encor  auiotird’huy  des  reftes  par  le  ! 
chemin  qu’ils  tindrent,  Remployèrent  quatre 
vingts  ans  en  celle  façon  de  cheminer  fi  à loifir, 

•e  qu’ils  eufient  peu  faire  en  vn  mois,  par  ce 


des^-Jndes.  Liv.  VIL' 
moyen  ris  entrèrent  en  la  terre  de  Mexique,  ca 
l’année  de  neuf  cents  deux  félon  noftrc  conte. 

^tmment  les jtx  lignages  de  N AuatlMcas peuplèrent  U 
terre  de-Mexupte, 

Ch  AP.  III. 

Es  fept  lignages  que  i'aydir,nc  forti-r 
rent  pas  tous  enfcmble,  les  premiers 
furent  les  Siichiinilcos,quifignifîe 
gent  de  femenccs  deflcurs.Ccux-là 
peuplèrent  le  riuage  du  grand  lac  de 
Mexique,verslc  Midy,&:  fondèrent  vneCitc  de 
leur  nom  & plufîeur s-bourgades.  Long  temps 
apres  arriucrentceuxdii  fécond lignage  appeliez 
Ghalcas,  qui  fignific  gent  des  bouches , Iciquels 
fonderêt  auffi  vne  autre  Ci\é  de  leur  nô,depar- 
tans  leurs  limites,  & territoire , auec  les  Suchi- 
mücos.  Les  troihefmes  furent  les  Tcpanecas 
qiiifignifie,  gent  du  pont,  lefquels  peuplèrent 
le  riuage  du  lac, vers  1 Occident,  & Faccreurent 
tellement  qu’ils  appellerent  le  chcf&  métropo- 
litaine de  leur  prouincc  Azcapuzalco , qui  vaut 
autantà  dire, que  fourmilliere,&furent  vn  long 
temps  fprtpuilîants.  Apres  ceux-là  vindrent 
ceux  qui  peuplèrent  T ezcuco , qui  font  ceux  de 
Cuihua  , qui  veut  dire  gent  courbée,  pource 
qu’en  leur  pays  il  y auoit  vne  montagne  fort  re- 
courbée. Et  de  cefte  façon  fut  ce  lac  enuironné 
de  ces  quatre  nations  , pcuplans  ceux  cy  TO- 
ticntjSc  les  Tcpanecas  le  Norr.  Ceux  de  Tez« 


Histoire  natvrelle 
cuco  furent  eftimez  fort  courtifans.  Car  leur 
îangue,&  prononciation  eft  fort  douce,  & mi- 
gnardc.  Apresarriuerentles  Tlalluicas,quifî- 
gnifiegentdela  S verre.  Ceuxlàcftoiét  les  plus 
rudes , & groffiers  de  tous , ôc  comme  ils  trou- 
uerent  toutes  les  plaines  occupées  , autour  du 
laciufqucs aux Syerres , ils  palTerent  de  lautrc 
coftédelaSyerre,  où  ils  trouuerent  vnc  terre 
fort  fertile,  fpacieufe , & chaude , en  laquelle  ils 
fonderêt  & peupiereilt  plulieursgrâds  bourgs, 
appellans  la  Métropolitaine  de  leur  prouincc 
Quahtmachua , qui  vaut  autant  à dire  que  lieu, 
où  fonne  la  voix  de  l’aigle,^ que  noftre  vulgaire 
appelle,  & par  corruption , Quernauaca , & eft 
cefte  prouincc  celle  que  l’on  appelle  auiour^ 
d’huy  lè  Marquizat.  Ceux  de  la  lîxiefme  géné- 
ration, qui  font  les  Tlafcaltecas,  qui  vaut  au- 
tant à dire  que  gent  de  pain , paflerent  la  Syer- 
^ revers  1 Oriwnt  traueiTans  toute  la  Syerre  Mc- 
nade,  où  cft  le  fameux  Vulcan , entre  Mexique 
ôc  la  Cite  des  Anges , où  ils  trouuerent  de  bori 
pays,&  fi  eftendirent  bien  auant  plufieurs  édi- 
fices. Ils  y fondèrent  pluheurs  ville%  ôc  Citez, 
dont  la  Métropolitaine  s’appella  de  leur  nom 
Tlafcala.  Cefte-cy  efi:  la  nation  qui  fauorifa  les 
Efpaignols, à leur  entrée,  & par  Tayde  defquels 
ilsgaignerent  ce  pays , parquoy  iufques  auiour- 
d huy  ils  nepayent  point  de  tribut , ôc  iouifïçnt 
d vne  exemption  generale.  Lors  que  toutes 
ces  nations  peuplèrent  ces  pays,  Jes  Chinchi- 
mecas,  anciens  habirans  neleur  firent  aucune 
iefiftance,raais  ils  fenfiiyoient , ôc  comme  tous 
e^ouiientez  ils  fc  cachoyent  au  plus  couuert 


DÉS  Indes.  Liv.  VII.  51^ 
des  rochers.  Mais  ceux  qui  habitoyentdei  au- 
tre cofic  delà  Sierre,où  les  Tlafcaltecas  fha- 
bituerent,  nepermirent  point  ce  que  le  refic 
des  Chichimecas  auoycnt  permis  : au  contrai- 
re ils  fe  mirent  en  deffènce,pour  côferucr  leur 
pays,  & comme  ils  cftoyentgeans,  félon  que 
raconte  leur  hiftoire,  ils  voulurent  ietter  par 
force  les  derniers  venus , mais  ils  furent  vain- 
cusparla  rufe&  finelfe  des  Tlafcakecas , lef- 
quelsfaignirentdefaire  ^aix auec eux , puis  les 
conuierenten  vn  grand  banquet,  & lors  qu’ils 
eftoyent  occupez  à leurs  yurongnerics  , il  y 
eut  des  hommes  qui  auoyent  elle  mis  en  cm- 
buichea  celle  fin  , qui  leur  delroberent  fine- 
ment leurs  armes , qui  elloicnt  de  grandes  maf- 
fuesjdeslrondellesjdesclpeesdebois,  & autres 
telles  fortes  d’armes.  Cela  fait  ils  le  ietterent  à 
l’impourucii  fur  eux  , & les  Chichimecas  fc 
voulans  mettre  en  delFenfe  , & ne  trouuans 
pointleurs  armes,  fenfuirent  aux  montaf^nes 
&forells prochaines,  où  mettanslamain^aux 
arbres, les  rompoyent  & arrachoyent , comme 
fi  c’eulTcnt  ellé  fueilles  de  laidues.  Mais  en  fin 
comme  les  TlafCaltecas  alloyent  armez,  & en 
ordre  ils  deffirent  tous  les  geans , fans  en  lailfer 
vnfeul  en  vie.  Ce  qu’on  ne  doit  trouucr  ellran- 
ge , ny  pour  fable  de  ces  geans  , car  on  y trouuc 
encor  auiourd’huy  des  os  d’hommes  morts, 
d’vnc  incroyable  grandeur.  Lors  quei ’clloisen 
Mexique,  en  Lannec  de  quatre  vingts  ôc  lix,l’on 
trouua  vn  de  ces  geans  enterré  en  vne  de  nos 
métairies),  que  nous  appelions  lefiisdu  Mont* 
duquel  l’on  nous  apporta  vnedentà  veoir  , la- 


Histoire  natvreili 
quelle  fans  y adiouftcr  jcftoic  aulîî  grande  que 
le  poignet  dVn  homme, & felonccftcproportio 
tout  le  refte,  lequel  ie  vey,  8c  m’efmcrueillay  de 
eefte  difforme  grandeur.  Les  Tlafcaltecas  donc 
par  ccftcviâ:oire,demeurcrcntpaifiblcs,&  tous 
les  autres  lignages  aufïî.  Ces  lix  lignages  que 
i ay  ditjconleruerent  toufiours amitié  entr’eux, 
marians  leurs  enfans les  vns  aueeles  autres , 8c 
deparrans  leurs  limites  paifîblement,puisfeftu' 
dioyenr  parvnchôneftc  émulation  d^accroiflrc 
8c  d’illuftrcr  leur  republique. Les  barbares  Chi- 
chimecas  voyans  ce  qui  paifoit , eômencerêt  de 
prendre  quelque  police,&  à fe  vcfl;ir,ayans  hôte 
de  ce  qu’auparauat,  8c  iufques  alors  ils  n’auoyét  i 
efté  hôteux,  8c  ayans  perdu  la  crainte  par  la  cô-  i 

munication  de  ces  autres  peuples , côraencerét  i 
d apprendre  d’eux  plufieurs  chofes , & faifoient  | 
deha  leurs  maifonnettes , ayaus’quelqiie  police  i 
&gouiiernemét.  Ilsefleurêtaulîi  des  feigneurs,  ' | 

qu’ils  recognoifToient  pour  chefs,  8c  fupericurs:  | 

au  moyen  dequoy  ils  fortirent  pref^e  entierc- 
mctde  cefte  vie  beftiaIlc,toutesfois  ils  refîdoyéc  ■ 
toufiours  aux  montagnes,&en  la  Sierre  feparez 
des  autres.  Neâtmoins  ie  tiens  pour  certain  que 
cefte  crainte  eft  prouenuc  des  autres  nations,  8c 
prouinces  desIndcs,dont  les  premiers  furet  ho- 
mes fauuagcs,lcfquels  ne  viuasque  de  chafle  en- 
trèrent, penetrans  les  terres  8c  pays  fort  afpres, 
dcfcouurans  vn  nouueau  monde,  & habitans  en 
iceluyprefque  corne  beftes  fauuages,fans  toids,  i 
& fans  maifons,fans  terres  labourables,fàns  be-  j 
ftialjfans  Roy,loy  ,ny  Dieu,ny  raifon.Du  depuis  | 
quelques  autres  cherchas  de  meilleures  de  non-  | 


B^ES  Indes.  Lî y.  VÎL  510 
oelles  terreSjpeuplerent  le  pays  fertile, inrrodui- 
fans  vn  ordee  poliric,&  quelque  façon  deRepu« 
bliquCjCncor  qu  elle  fuft  fort  barbare.  Par  apres 
CCS  mcfnle  homes, ou  d’autres  nations, qui  euréc 
plus  d’entendemét  & d induftriç  que  les  autres, 
rcmploycrct  à alîîïbiettir&opprimerles  moins 
puiirans,iufqucs  à fonder  des  Royaumes,&dcs 
grands  Empires.  Ainfi'en  aduinten  Mexique,  au 
Peru,  & en  quelque  endroit  où  le  trouucnc  des 
citcz,&dcsRepubliques  fondées  parmy  cesBar- 
bares.Ce  qui  me  confirme  en  mon  opinion,Ia- 
qucllci  ayamplemêtdefduittcau  idiurc,que  les 
premiers  habitans  des  Indes  Occidentales  vin-' 
drent  par  terre,  & que  par  confequent , route  la 
terre  des  Indes  fc  continue, aucc  celle  d’Afic, 
d Europe,  & d Afrique,  Sc  le  nouucau  monde 
auec  lcvicil,(côbicn  quefon  n’ait  encor  defeou- 
uer t à prefent  aucun  pays  qui  touche&  fe  ioigne 
auec  les  autres  mondes  jou  que  fil  y a mer  entre 
deux, elle  eft  eftroittc,que  les  beftes  fiercs&fau- 
uages  la  peuücnt  facillcmenr  pafTer  à nage,&lcs 
hommes  en  de  mefehans  bafteaux.  MaislaifTans 
celle  philofophie  retournons  à nohre  hiftoirç. 


Hîstoirenatvrelle 


VeU [ortie  des  Mexiquai?is,de  leur  chemin^  dU 

feu^lement  de  ceux  de  Mecheuacan, 

Chàp.  IIII. 

^ Rois  cens  deux  ans  apres  que  les 
i^fix  lignages  furdits  furent  fortis 
jde  leur  payspôur  peupler  là  neu- 
fuc  Efpagne,  le  pays  eftani  défia 
fortpeujné  & réduit  à quelque 
forme  dè  police, ceux  de  la  7.  cà- 
uerne,ou  Iignceayarriuerét,qui  eft  la  narionMc- 
xiquâine,  laquelle  comme  les  autres  fortit  de  la 
prouincc  de  Aztlan  ôc  Teuculhuacan , nation 
politique, courtifane,&fort  belliqucufe.Ils  ado- 
royêt  f idole  VitziliputzU, duquel  a efié  fait  am- 
ple mention  cy  deuanr,  & le  diable  qui  cftoit  en 
cet  idole  parloit  & regiflbit  alfez  facilement  ce- 
lle nation.  Cefte  idole  donc  leur  commanda  de 
fortir  de  leur  paySjIeur  promettant  qu’il  les  fe- 
roit  Princes &feignenrs  de  toutes  les  prouinceSj 
qu’auoient  peuplé  les  autres  fix  natiôs^qu’il  leur 
donncroitvne  terre  fort  abondante  beaucoup 
d’or,d’argcnt,depicrresprccieufes,depluraes;& 
de  riches  mantes,fuyuantquoy  ils  fortirent  por- 
tails auec  eux  leur  idole  dansvn  coffre  de  ionc, 
qui  eftoit  porté  par  quatre  des  principaux 
preftres,aufquelsilfecommuniquoit , & leur 
rcueloit  en  fecret  le  fuccez  de  leur  chemin  & 
voyage , les  aduifant  de  ce  qui  leur  deuoit  ad- 
uenir.  Il  leur  donnoit  mefmes  des  loix , ôc  leur 
enfeignoit  les  couflumes,  ceremonies,  & facri- 

fices 


Des  Înd’es.  Liv.  VîL  521 

èccs  qu’ils  deUoicnt  obfcrucr.  ils  n’aJuan- 
çoient  ny  ne  fe  mouuoient  aucuneraent,  fans 
l’aduis  & commandement  de  cct  icfole.  Il  leur 
dilbit  quand  ils  deuoient  cheminer,  & quand 
en  quelque  lieu  ils  deuoient  farrefter,  enquoy 
ils  luy  obciiroient  du  tout.  La  première  chofe 
qu'ils  faifoient,  où  que  ce  fud  qu’ils  arriualîènt, 
cftoit  d ’edifîer  Vnc  maifon.ou  tabcrnaclc,pour 
leur  faux  Dieu, qu’ils  dreiïbient  toujours  au  mi- 
lieu du  cattïp,&  y mettoienrl  arche  fur  vn  autel, 
dcla  mefmefaçonquiOn  en  vfe  en  la  faindle  E- 
glifcChreftiennc.Celafairilsfaifoicnt  leurs  fe- 
mences  de  pain,  & des  legumes  dont  ils  vfoient 
& cftoient  li  addonnez  à 1 obeilîance  de  leur 
Dieu,  que  fil  leur  commandoit  de  recueillir 
ils  recueilloicnt , mais  fil  leur  commadoitde 
îcUerleeamp,toutdemeuroitlà,  pour  femence 
& nourriture  des  vieillards,malades  & fatiguez, 
qu’ils  àlloientlaiiïans  à tout  propos  de  lieu  en. 
autre,  afin  qu’ils  peuplaircnt.Pretendanspar  cc 
moyé  que  toute  la  terre  dcmeurcroir  peuplée  de 
leur  nation.  Celle  fortie  & pérégrination  des 
. Mcxiquâins,  fèmblcra  parânancure  femblable  à 
la  fortie  d’Egypte,&au  chemin  que  firent  les  en- 
fans  d Ifrael,  veu  que  ceux-là, comme  ceux  cy, 
furent  admonnellcz  dè  fortir,&  chercher  la  ter- 
re de  promilîion,&  lesryns,&  les  autres  porroiéc 
pour  guide  leur  Dieu, çonfolrok‘nti’arche,&:luy 
faifoieni  tabernacle,  déifiés udUifoitjleur  don- 
nant des  Ibix  de  des  cepctâ'Oftîer:delcs;vns,  de  les 
autres  ConfammerenG^viii  ^ând  nombre  d’an- 
uecs  fur"c£voyagcdè'lëU5i*üeErc'promife,oU  l’on 
recognoiii  de  la  relfcmbllàHèié'de  plufi^  très 


HîStOIRE  NATVRIILI 
chofes,  en  ce  que  les  hiftoires  des  Mexiquains 
racontent,  & ce  que  la  diuine  Eferiture  rapporte 
des  Ifraelites.Et  fans  doute  c'eft  vnc  choie  veri- 
table,quc  le  Diable  prince  d’orgueil,  Eeft  efforce 
par  les ruperftitions de cefte nation, de  contre- 
faire &enfuyurc  ce  que  le  trcf-haur,&vray  Dieu 
fit aueefon peuple.  Carcommeila  eftétraitté 
cy  deffiis,  Satan  a,  vne  eftrange  enuie  de  fe  com- 
parer ôc  f egallcr  a Dieu,  d où  cet  ennemy  mor- 
tel a prétendu  faulfementvfurper  la  commun!- 
cation,  & familiarité  qu’il  Uiy  a pfeu  auoir  auec 
les  hommes.  S ’eftiliamais  veudiablejquîcon- 
ucrfaft  ainfi  auec  les  hommes,commc  ce  diable 
Vitzilipuztli?  L’on  peut  bien  voir  quel  il  eftoit,  ! 
par  ce  que  I on  n a iamais  vcu,rty  ouy  parler, de  j 
eouftumes  plus  fiipciftitieufes,  ny  defacrificcs  i 
plus  cruels  & inhumains,  que  ceux  que  ceftuy  j 
enfeigna  aux  fiens.En  fin  elles  furent  inuentees  ' 
par  1 ennemy  du  genre  humain.  Le  chef  & Capi-  I 
taine  que  ceux  cy  ruyuoient,auoitnom  Mexi,  j 
d’où  vint  par  apres  le  nom  de  Mexique,  & celuy 
,de  fa  nationMcxiquainc.Cc  peuplcdoncchcrai- 
nant  ainfi  à loifirjcommeauoient  fait  lesfix  au-  . 
très  nations, peuplans  & ciiltiuans  la  terre  en  di- 
uers  endroitSjdont  ya  encor  auiourd’huy  desap- 
parenccs,  & ruines,  & apres  auoirenduré  beau- 
coup de  trauaux  3c  de  dangers , vindrenr  en  fin 
arriuer  eh  la  prouince  de  Mechoacan,qui  vaut  i 
autant  à dire  què  rerredepoi(ron,pour  ce  qu’il  j 
y en  a grand’  abondance  en  de  beaux  ôc  grands  | 
lacsioù  fe  contetans  de  la  fituatipn,&  frailcheue 
de  la  terre,  ils  fy  voulurent  repofer  (Srarrefter, 
Toutesfois  ayans  côfulté  leur  idole  fur  cepoinr^ 


i)ÉS  Indes.  Liv.  VII.  5U 

& voyans  qu’il  n’en  eftoir  pas  contentais  luy  de- 
mandèrent qu’il  leur  permift  à tout  le  moins  d y 
laiflcr  de  leurs  hommes,  qui  peuplalTent  vne  il 
. bonne  terre,cc  qu’il  leur  accorda,  leur  enfcignat 
le  moyen  comment  ils  le  feroient.Qui  fut  com- 
me les  hommes  Ôc  les  femmes  lcroient  entrez 
pour  ce  baigner  en  vn  lac  fort  beau,qui  l’appel- 
îoit  Pafcuaro,çeux  ci^ui  refteroicnt  en  terre  leur 
defrobaiTcnr  tous  leérs  habics,&:incontinentlè- 
ùalïcnt  le  camp, &,f  en  allaient  fans  faire  aucuîi 
briiiif.  Ce  qui  fut  ainlî  fait,  & les  autres  qui  ne 
pcnloicnt  en  la  tromperie,  pour  le  contentemêt 
qu’ilsprenoientàlèbaigner,quand  ils  foitirehc 
&fe trouucrentdelpouillezde  leurs  habits,  Ôc 
ainfi  moquez  & delailîè'z  dé  leurs  compagnons, 
ils  demeurèrent  fort  mal  contensy&indignez  die' 
cela,de  forte  que  pour  fai  re  demonftration  dé, la 
haine  qu’ils  conçeurét  contr’eux,ils  difent  qu’ils 
changeren  t de  façon  de  viure,  voire  de  langa-’ 
ge.A  tout  le  moins  c’eft  vne  chofe  certaine,  que 
toulîours  lesMechpaçanes  ont  efté  ennemis  des 
Mexiquains,  e’eft  pourquoy  ils  vindrent  con- 
gratuler le  Marquis  de  Valley  apres  lavidoire 
obtcnue,qiiand  il  gagna  Mexique. 


Histoire  natvrelle 


De  ce  c^m  arnua.  en  Malmdco^en  Tula, 
CT' en  Chd^dtepec, 

. C H AP.  V. 


!t  y a de.  Mexouacquan  en  Mexique, 
fvlus-de  cinquante lieiies,& furie  che- 
toin  cft  MaiinalcOjOÙ  il  Icuraduinti 
^ue  fe  plaignans  à leur  idole  d"vne 
femrne  rref-grande  forciere,  qui  venoken  leur 
compagnie  , >pôrrant  le  nom  de  fœur  de  leur 
Dieu  pour  ce  que  auec  fes  maüüais  arrs,elle  leur 
faïfoit  de  grâïïds  dommages,pretendânc  par.cer- 
wins  rnoyeus^  fc  faire  adorer  d eux,copime  leiir 
Deefl^;fidole'pariaenfonge  à l’vndc  ces  viéil« 
>ards  qui  portoient  l’arche,  6e  iuy  eornanda  que 
de'fa  part  ihcQnfôlaft  le  peuplejlcur'fairànil  dd 
Mpuueau  de^grundes  promelfes,&  qu’ils  lâiffaf- 
feut  cefte  fîennle  fœur;  auec  fa  famille, commè 
criiellc  Ôc  maàoâife,en  leuât  le  camp  de  nuid  en 
grand  lilenceifans  lailfer  aucune apparêce  par  ou 
ikalloiér.ikdeiireiîr  ain  fij&la  forcierc  fe  trou- 
uantfeule  auecî^  famille,  delaillèe  de  la  façon 
peupla  là  vue  ville  qui  fut  appellee  Malinalco, 
ôc  les  habitans  de  laquelle  font  tenus  pour  de 
grands  forcici^jeftans  ylTus  d’vnc  telle  mcre.Lcs 
Mexiquains  , d’autant  qu'ils  feftoient  beau- 
coup diminuez  par  ces  diuifions  , ôc  pourlc 
nombre  des  malades,  6c  gens  fatiguez  qu’ils  al- 
loycntlaiirans,  fe  voulurent  reffaire,farreftans 
en  vn  lieu,  appellé  Tula  , qui  fignifie  lieu  de 
ioncies.  Là  leur  idole  leur  commanda  qu’ils 


■e\‘ 


Des  Ikdes.  Ltv.  VII.  32; 
arrcftaflcntvne  grande  riuicrc  , afin  qu’elle  fe 
rclpandift  dedans  vne  grande  plaine,  &auec  le 
moyen  qu’il  leur  enfeigna  , ils  enuironnerent 
d’caüevnecqlline  appellée  Coatepec,  & en  fi- 
rent vn  grand- lac  , lequel  ils  planrercnc  tout  à 
l’entour  de  faux,  d’ormes,  fapins,  & autres a^ 
bres.Il  commençaàfy  engendrer  beaucoup  de 
poiiîbn,  & y venir  plufi'eurs  oifeaux,  de  forte 
qu’il  f y fit  vn  lieu  delicieu|.  C’eftpourquoy 
raflîett^  de  ce  lieu,  leur  femblant  alTcz  agréable, 
ôc  eftans  laflèz  de  tant  cheipiincr,pli]fieiirs  par- 
lèrent de  peupler  là , ôc  ne  palfer  pins  outre, 
dequoy  le  diable  fe  fafcha  fort  , ôc  menaffant 
les  preftres  de  mort,  leur  commanda  qu  ils  re- 
miflent  lariuiere  àfon  cours.  Et  leur  dit  qu’il  ~ 
donneroit  celle  nuid  le  chaftiement  à ceux 
qui  auoient  cfté  defobciflàns,  td  qu’ils  le  me^' 
litoyent.  Orcommelc  mal  faire  eft  fi  propre 
au  diable,  & que  la  iuftice  diuine  permet  bien 
fouuent  queceux  là  foyent  mis  entre  les  mains 
dVn  tel  bourreau,  qui  lechoififlent  pour  leur 
Dieu  : ilarriua  que  fur  la  minuid  ils  ouyrent 
en  certain  endroit  du  canâp,  vn  grand  bruit, & 
au  matin  allans  celle  part,  ils  trouuerent  morts 
ceux  qui  auoyent  parlé  de  demeurer  là.  La  fa- 
çon comme  ils  auoyent  cfté  occis  , fut  qu’on 
leur  auoit  ouuert  l’eftomach,  ôc  en  auoiton  ti- 
ré le  cœur.Etdc  là  ce  bon  Dieu  enfeigna  à ces 
pauures  malheureux,  les  façons  des  faciificcs 
qui  luy  plaifoyenr,quieftoitenouurant  l’efto- 
mach, dcleur  tirer  le  cœur,  ainfi  qu’ils  l’ont  de- 
puis pratiqué  en  leurs  horribles  facrifices-Ayâs, 
vçiice  chaftiment  ainfi  fait,  &que  la  çampa- 


Histoire  natvreile 
gnc  f’eiloit  dcfcchcc  > à caufc  queiclacPcftoit 
vuidé,  ils  confukcrent  leur  Dieu  de  fa  volonté, 
lequel  leur  commanda  de  palferourrejCe  qu’ils 
firent,  & peu  à peu  aduanccrcntjiufqucs  àarri- 
ucr  à Chapulrepec  , à.  vne  lieue  de  Mexique, 
lieu  célébré  pour  fa  récréation , & fraifehenr. 
Ils  fc  fortifièrent  en  ces  montagnes,  pour  crain-* 
te  des  nations  qui  habitoyent  cefte  contrée, 
Icfquelles  leur,eftoient  toutes  contraires, prin-» 
, cipalcmcnt  d’autant  quVn  nommé  Copil,  fils 
de  cefte  forciere  laiflee  en  Malinalco  , auoit 
blafmé,  & mal  parlé  des  Mexiquaiiis.  Car  ce 
Copifpar  le  commandement  de  famcre,quel- 
quetêps  apres  vint  à la  fuitie  des  Mexiquains, 
& feftorça  d’inciter  contre  eux  les  Tapanecas, 
& les  autres  circonuoifins,iufques  aux  Chalcâs> 
de  forte  qu’ils  vindrent  en  main  armée  pour  de- 
fiiruire  les  Mexiquains.  Le  Copil  cependant  £ç 
mit  en  vne  Colline  qui  cft  au  milieu  du  lac,ap- 
peilée  Acopilco,  attendant  la  deftruétion  de 
fes  ennemis, & eux  par  l’aduis  de  leur  idole  zU 
lercnt  contre  luy,&  le  prenants  au  defpourueq 
le  tuerent,  6c  en  apportèrent  le  cœur  à leur 
Dieu,  lequel  commanda  qu’on  le  iettaft  au  lac. 
Et  feignent  que  de  là  f eft  engendree  vne  plan- 
te , appellée  T unal , ou  du  depuis  fut  fondée 
Mexique.  Us  vindrent  aux  mains , auec  les 
Chalcas,  ôc  autres  nations , Sc  aiioyent  les  Me- 
xiquains efleu  pour  leur  capitaine  ,vn  vaillant 
homme,  appellé  Vitzilonilti,qui  en  vne  char- 
ge fut  prins  &tué  par  les  ennemis,  mais  pour 
celales  Mexiquains  ne  perdirent  pas  courage, 
ains  combattans  valeureufement,  malgré  leurs 


lit. 


»if  Indes.  Liv.  VÎI.  ^24 
ennemis  rompirent  leursefcadrons,&menahs 
au  milieu,  Si  corps  de  la  bataille  les  veiilards, 
femmes  & petits  cnfans,pafïèrcnt  outre  iufqucs 
'à  Atlacuyauaya,  ville  des  Cuîhuas,  lefquels  ils 
trouucrent  (olcmnifans  vne.fefte,  auquel  lieu 
ils  fc  fortifièrent.  LcsChalcasny  les  autres  na- 
tions,nc  les  fîiyuircnt  plus,  mais  ellans  dcfpitez , 
de  fc  voir  derfaits par vn  fi  petit  nôbrede  gens, 
eux  qui  eftoient  en  fi  grande  multitude,  fe  retir 
rerenten  leurs  villes. 

De  U guerre  <jue  les  MexiqHims  eurent  contre  ceux  de 
Culhuacm. 

Chap.  VI. 

^exiqûains,  par  Ic’conreil  de  l’I- 
enuoierenr  leurs  meiragers, au 
leur  de  Cuihuacan,  luydeman- 
rn  lieu  pour  habiter,  lequel  a- 
pres  en  auoircommunicqué  auecles  fiens  leur 
accorda  le  lieu  de  Tiçaapan  , quifignific  eaües 
blanches, en  intention  qu’ils  fe  perdiirent,  & y 
mouruflènttous,pour autant  qu’il  yauoitcnce 
lieu  vn  grand  nombre  de  viperes,  de  couleu- 
urcs,  & d’autres  animaux  venimeux , qui  s’en 
gendroient  envne  Colline  proche  de  là.  Mais 
eux  pei-fiiadez,  ôc  enfeignezde  leur  diable,  re- 
ceiuent  de  bonne  volonté,  ce  qui  leur  fut  o&- 
fert,  & adoucirent  par  art  diabolique,  tous  ces 
animaux,  fans  qu 'ils  leur  fiilent  aucun  domma- 
ge, vodrçles  conuertircnten  viande, & en  m.an- 
geoient  à leur  contentement  5c  appétit.  Ce 
que  voyant  le  Seigneur  de  Culhuacan,5c  qu  ik 

Sf  iiij 


Histoire  natvrelle 
anoientfcmc  ôc  culriué  la  terre, il fcrefolut  de 
les  receuoir  en  fa  Cité , & de  contraaer  amitié 
aucc  eux.  Mais  le  Dieu  que  les  Mexiquains  ado- 
roient,  (comme  il  a accouftumé  de  ne  faire  au- 
cun bien  finonpour  en  tirer  dumal)  diftàlcs  . 
preftres,  que  ce  n’eftoit  là  le  lieu  où  il  ^vouloir 
qu’ils  demeuralTent , & qu’ils  en  deuoient  for- 
tir  en  faifant  la  guerre.  C’eft  pourquoy  ils  de- 
uoient chercher  vne  femme,  qu’ils  nomme- 
roient  la  Déclic  de  difeorde,  & pourtant  ilsad- 
uiferent  d’enuoier  demander  au  Roy  de  Cul- 
huacan  fa  fille  , pour  eftre  Royne  des  Mexic-  : 
quains , & mere  de  leur  Dieu , lequel  receut  vo- 
lontiers cefte  amballîide,  & incontinent  leur  ' 
enuoya  la  fille  bien  ornée  ik  bien  accompagnée, 

La  mefme  nuit  qu’elle  arriua , par  l’ordonnance  | 
de  l’homicide  qu’ils  adoroient,  ils  la  tuerent  | 
cruellement.  Et  apres  l’auoir  efcorchéc  fort  | 
proprement  comme  ils  Içauent  faire, ils  en  vc-  I 
llirentde  la  peau,  vnieune  homme  ,quilscou-  ! 
urirentpardclFus  des  habillemens  d’elle,  &dc 
celle  façon  le  pofeyent  auprès  de  l’idole , le  de- 
dians  pour  deelfe  & mere  de  leur  Dieu , Ôc  rouf- 
iours  depuis  l’adorerent,  en  faifans  vne  idole,  ' 
qu’ils  appelloyentToccy , qui  veut  direnollre  ! 
ayeulle.  Noncontens  de  celle  cruauté  ils  inui- 
terent  malicieufement  le  Roy  de  Culhuacan, 
perc  de  la ieune fille  , de  venir  adorer  fa  fille, 
qui  elloit  défia  confacrée  Deelfe,  lequel  venant, 
auec  de  grands  prefens  &bien  accompagné 
des  liens,  fur  mené  en  vne  chappelle  fort  obfcu-  ; 
re , où  elloit  leur  idole , afin  qu’il  offrit  facrificc  j 
à fa  fille , qui  elloit  en  ce  lien.  Mais  il  arriua  quç  i 


D3SS  Indes.  Liv.  VU.  525 

renccns,qui  cftoit  en  vn  brafier,&:  fouyer,fèlï)n 
leur  couftume,  falluma  de  forte  que  par  cefte 
clartéjilrccongneuticpoil  de  fa  fille,  & ayant 
par  ce  moyen  defcouucrt  la  cruauté,&Iatrom- 
perie,fortit  de  là  s’eferiant  hautement,  puis  auec 
toiisfesgensfrappafuricuremcnt  furies  Mexi- 
quainsjiufqucs  à les  faire  retirer  au  lac,  tellement 
que  peu  s’en  fallut  qu’ils  ne  fy  noyalîènt.  Les 
Mexiquainsfe  defFendoient,  iettans  certaines 
dardillcs,  dont  ils  feferuoient  àla  guerre,  def- 
quelsils  ofFençoicnc  beaucoup  leurs  ennemis. 
Mais  en  fin  ils  gaUgnerent  terre,  ôc  delailTans  ce 
liculafcn  allèrent  coftoyans  le  lac,  fortharaf- 
fez  & mouillez, les  femmes  & petits  enfans 
pleurans  deiettans  de  gfans  cris  contre  eux  8c 
contre  leur  Dieu , qui  les  àuoir  rnis  en  telles 
deftrclTes.  Ils  furent  contrains  de  palfer  vne 
riuierc,  qui  ne  fepouuoir  gueyer,  c eft  pour- 
qüoy  ils  faduiferent  de  faire  de  leurs  rondel- 
les,&deioncs  certains  petits  bateaux,  cfquels 
ils  palTerent.  Puis  apres  en  tournoyant,  cftans  1 
partis  deCulhuaçan,  arriuercntà Iztacalco,  8c 
finalement  au  liêu,  où  eft  auioürd’huy  l'Hcr- 
mire  Saind  Anthoinc  à l’entrée  de  Mexique, 
8c  au  quartier  qu  ils  appellêt  auiourd’huy  faindt 
Paul,  pendant  lequel  temps  leur  idole  les  con- 
foloit  en  leurs  trauaux,  Sc  les  animoit,  leur  fa|- 
fant  prom  elles  de  grandes  chofes. 


Histoire  katvrexie 

Ve  U ftndaüon  de  Mexique, 

Cha  pitrxVII 

E temps  çftant  defiavenu,  que  le  pe- 
ledemenfonge  deuoit  accomplir  la- 
promeflTc  qu’il  auoit  faite  à fon  pc^- 
pic,  lequel  ne  pouuoit  plusfuppor- 
tertantde  tournoyemenr,de  trauaux,&  de  dan-^ 
gers , aduint  que  quelques  vieillards  preftres, 
pufprciers,  eftans  entrez  dans  vn  lieu  plein  de 
glaieuls  efpais  rencontrèrent  vn  cours  d ’eaüe 
tort  claire  & belle,  qui  fembloit  argentée,  ôc 
regardans  à l’entour,  veirent  que  le  arbres  , le 
pré,  lespoilfons , & tour  ce  qu’ils  regardoient 
eftoitfortblanc.Eftans  ermerucillcz  dccela,  il 
leur  fouuint  d’vnc  prophétie  de  leur  Dieu,  par 
laquelle  il  leur  auoit  donné  cela  pour  lignai,  du 
lieu  où  ilsfe  dcbuoicntreporer,&  fc  faire  Sei- 
gneurs des  autres  nations.  Alors  pleurans  de 
ioyc,  retouréerent  vers  lepculc  auec  ces  bon- 
nes nouuelles.  La  nuit  enfuyuantc  Vitzilipuzrli 
fapparut  en  fonge  à vn  preftre  ancien,  & luy 
dift,qu’ils  cherchaffen  t en  ce  lac , vn  Tunal,qui 
n.aidoit  dVne  pierre  ( qui  eftoit  à ce  qu'il  luy 
diO:,lc  lieu  mefme,  ou  par  fon  commandenaenc, 
ils  auoient  ieçtéle  cœur  deCopil  fils  dclafqr-. 
cicre,leur  cnnemy)  Et  que  lur  ce  T unal,ils  ver- 
roientvn  aigle  fort  beau,  qui  fe  paiflToitlà,  dç 
certains  beaux  petits  oifeaux,  &que  quand  ils 
veiToient  cela,  qu  ils  creulTcnt  quec’eftoit  le 
lieu, où  leur^iïédebuoit  eftrebaftie,  laquelle- 


DI  S I NpE$r  LlV.  y j.  5itf 

(îcuoitfurmonter  les  autres,  &eftrc  remarqua- 
ble au  monde.Lc  matin  venu  le  vieillard  aflem- 
bla  tout  le  peuple , depuis  le  plus  grand,iufques 
au  plus  petit,  & leur  fît  vite  longue  harangue, 
Tur  le  fiibiet  de  la  grande  obligation  qu’ils  auoiét 
à leur  pieuj&dclareuelatîon,que  luy  indigne, 
en  auoit  eue  celle  nuit,  concluant  que  tous  de- 
uoient  fe  mettre  à rechercher  ce  lieu  bien  heu- 
reux qui  leur  cftoit  promis.  Ce  qui  caufa  telle 
deuotion,&allcgrelïcà  tous,  que  fans  dilayer 
ils  fe  mirent  incontinent  à l’entrcprinfe,  & fç 
diuifàns  en  blandes  commencèrent  à recher- 
cher ,fuyuant  les  fignes  de  la  reuclation  Id  lieu 
defîré.  Parmy  refpailTeur  des  ioncs  & glaieuls  de 
ce  lac,  ils  rencontreretceioürlàlc  coursd’caüç 
duiour  de  deuanr,forr  different  toiiresfois,d  au- 
tantqu’iln’cftoitpas  blanc,  mais  vermeil  com- 
me fang,  lequel  fe  feparoit  en  deux  ’rüiflèaux, 
dont  il  y en  auoitvnqui  eftoitde  couleur  azu- 
rée , fort  obfcure , ce  qui  les  fît  beaucoup  efmer- 
ueiller,&  dénota  vn  grand  myflerc  à ce  qu’ils  di- 
foient.  En  fin  apres  au oir  beaucoup  cherché  çà 
& là, apparut  le  Tunahnaifïan  t d’vne  pierre,  fur 
içquelil  y auoit  vn  Aigle  Royal,  ayant  les  ailles 
Guuertes  ôc  eflendiies  , tourné  deuers  le  So- 
leil, en  recepuant  fa  chaleur.  Alentour  de  cet 
Aigle,  il  yaucit  beaucoup  de  plumes  riches 
blanches,rougcs,iaulnes,bieües,  & vertes  , dé 
la  mefme  forte  de  celles,  dont  ils  font  des  ima- 
ges, lequel  Aigle  tenoit  en  fes  griffes  vn  fort 
bel  oyfeau.  Lefquels  le  vdrentj,  & recon- 
gneqrent  que  c’eftoit  le  lieu  , qui  leur  auoit 
elle  prédit  par  roracle  : ils  fagcnouillerenç 


Histoire  natvrilie 
tous  faifâhs  grande  vénération  à l’aigle,laqucl- 
leleur  inclina  la  tefte,ên  regardant  de  tous  co- 
ftez.  Il  y eût  alors  de  grands  cris  & demonftra- 
tions>&  adions  de  grâces  au  Créateur,  & à leur 
grand  Dieu  Vitzilipuztli,  qui  en  toi^t  leur  eftoit 
perc,&  leur  auoit  toujours  dit  vérité.  Ils  ap^ 
pellerént  pour  celle  occafion  la  Cité  qu’ils  fon- 
dèrent là  Tenoxtiltan,  qui  lignifie  Tunal  en 
pierre,  & iufqucs  auiourd’huy  ils  portent  en 
leurs  armes  vue  aigle  fur  vn  Tunal,aucc  vnoi- 
feau  en  vne  griffe,  &aflisderautrefurvnTu- 
nal.Leiourfuiuantparla  commune  opinion  ils  , 
firent  vn  Hermitage  ioignant  le  Tunal  de  lai- 
gle,  à fin  que  l’Arche  de  leur  Dieu  y repofall,  | 
iufques  à ce  qu’ils  euflènt  le  moyen  de  luy  fai-  1 
re  vn  fomptucux  Temple,  & ainfi  firent  ceft 
Hermitage  de  guazons  Sc  de  mottes  qu  ils  cou- 
iirirent  de  paille  , puis  apres  ayans  confulté 
leur  Dieu,  ils  delibererent  d’acheter  de  leurs 
voifins’de  la  pierre,  du  bois  ôc  de  lachaux,en  | 
troc  de  poifTons  , de  grenouilles  & de  chc-  j 
urettes,  raefme  aulïi  de  canards, poulies  d'eaiie,  j 
courlieux  Ôc  autres  diuers  genres  d’oifeaux  ma- 
rins. Toutes  lefquelles  chofes  ils  pefcHoient  ! 
&c  chalToient  auec  grande  diligence  en  ce  lac,  j 
auquel  il  y en  a en  grande  abondance.  Usai-  j 
loient  auec  ces  chofes  és  marchez  desvilles^^  ; 
Citez  des  Tapanequas,  &C  de  ceux  dcTezcuco  i 
leurs  circonuoifins,  & auec  beaucoup  d’artifi-  I 
ceaircmblcrentpeuà  peu  ce  qu’ils  auoient  de  j 
befoing  pour  l’edifice  de  leur  Cité  : de  forte  ! 
qu’ils  baftirent  de  pierre  & de  chaux  vne  meil- 
îcurç  chappclle  pour  leur  idolc^,  ôc  f employé- 


Des  Ikbes.  Lit.  VII.  327 
rent  à f emplit  auec  desplanches  &:  dabloc,vnc 
grandepartic  decelac.Cela  fait  l’idole  parla  vnc 
Muid  à vn  de  fcs  prêtes  en  ees  termes: 
IdexlejUAins  (^uelesfetgneUrsfeâimfint  chamn  auecjes 
parens  CT”  tfiidsp  fepdrent  en  quatre  quartiers 

principatix  a l'entour  de  la  maifin  que  m'auet^pute pour 
mon  repos^  que  chaque  quartier  édifié  en^fon  quartier 
félon  fa  volant  é.Qt  qui  fut  mis  en  executiô,&  ceux 
là  fonties  quatre  quartiers  principaux  deMexi- 
que>'que  l’on  appelle  auiourd’huy  Sain d lean, 
Sainde  Marie  la  Ronde,  Saind  Paul,  & Saind 
Scbafticn.  Apres  cela  les  Mexiquains  cftans  ainfî 
dioifez  e-n  ces  quatre  quartiers,  leur  Dieu  com- 
mâda  qu’ils  repartirent  entr’eux  les  Dieux  qu’il 
leur  dcclàrcroir,  5c  quils  nommalicnt  à chaque 
quartier  principal  des  quatre  d’autres  quartiers 
particuliers  où  leurs  Dieux  fuflTent  adorez.  Par 
àînii  fous- chacun  de  ces  qnatrc,quartiers  princi- 
paux il  yen  auoitplufiéurs  petits  qui  y eftoienc 
couaprins  félon  le  nombre  des  idoles, que  leur 
Dieù)éin*eommàda'd’adorer,Icfquels  ils  appel- 
lererit^Gâlpultetco,  qui  vaut  autant  â dire  que 
Dieii  dés quartiers.En  ceie  maniéré  la  Ciré  de 
M çxtqùéjTenoxtiltan-fut  fondée,  5cv.int  à gran- 
de augmcntationi  ' ■ 


il/, O 


Delàfie'd'fion  de  ceux  d'é  Tlatelulco,  premier 


Ciÿ/À  P.  VI  I I. 


c'a 


E siT^É  dinifioiicdCs  quartieys  eftant  faidc 
^ éil  Pordre  ddîtifdk^  qiielquesi vieillards 


Histoire  NATVRiLtE 
âtjcicns  eurciit  opinion  qu’au  departement  des 
lieux  , l’on  ne  leur  auoitpas  porté  le  ref- 
pcâr  qu’ils  meritoient  , pour  cefte  occalîon 
eux  ôc  leurs  parens  Te  mutincrent  & allèrent 
rechercher  vnc  nouucllc  refidence  : & com- 
me ils  alloicnt  parlclacilstrouucrent  vnc  pe- 
tit terre  ou  tcrralTc  qu’ils  appellent  Tlotelo- 
li , ou  ils  peuplèrent , luy  donnans  le  nom  de 
Tlatellulco,  qui  cft  à dire  lieu  de  terrafle.  Cela 
fut  là  troifiefmc  diuifion  dçs  Mexiquains,  de- 
puis qu’ils  partirent  de  leur  pays;  celle  de  Me- 
chouacaii  ayant  efte  la  première  , 5e  Celle  de  | 
Malmalco  la  fécondé.  Ceux-là  qui  fe  feparc-  | 
rent  & fen  allèrent  en  Tlatellulco  eftoient  des 
hommes  renommez  & d’vn  màuuais  naturel: 
par  ainli  ils  exerçoient  enuers  les  MexiquainS 
leurs  voilinSjle  pire  voi finage  qu’ils  pouuoicnt 
Ils  ont  eu  toufiours  des  débats  contr’eux,&  iuf- 
ques  auiourd’huy  durer  encor  leurs  inimitiez  & 
ligues  anciennes.  Voyâs  doc  ccux  de  Tcnoxtilta,  j 
que  ceux  de  Tlatellulco  leur  eftoient  fort  con-  j 
traircs  , & qu’ils  alloient  mulciplians  , curent  | 
crainte  qU’auce  le  temps  ils  ne  vinflent  à les  j 
furmonter,  & fur  ceft  affaire  faftemblerent  en  | 
confeil,  ou  ils  aduiferent  qu’il  eftoit  bon  d’ef-  j 
lire  vn  Roy  , auquel  ils  obeiftent,  & qui  fuft  | 
craint  de  leurs  enncmis,d’aUtât  que  par  ce  moyc  | 
ils  feroient  plus  vnis  & plus  forts  entr’eu  x,  & 
les  ennemis  ne  fe  hazarderoient  tant  en  leur 
endroit.  Eftansjadcliberezd’cflirevn  Roy,ils 
prindrent  vn  autre aduis  fort  vtile&afleurc, de 
nel’eflire  point  d’entr’eux,  pour  cuiter  lesdif- 
fendons,  & pour  gagner  auec  le  nouucau  Roy 
quclquVnc  des  autres  nations  voifincs  , def- 


DIS  IpiDis.  Li  r.  VIT.  51Î 

quelles' ils  fc  voypicnt  drçuis,  cuxdeftituei 
de  roue  fecours.  Tout  confidcré,ranr  pour  ap. 
paifer  le  Roy  de  Culhuacan,qu  ils  auoient  gran* 
deraent  ofFence,  ayansTué  & efcorchc  la  fille 
de  fon  prcdeceflèur  , & luy  ayans  fait  vne  iî 
lourde  moquerie  , comme  mefnie  pour  auoir 
vn  Roy  qui  fuft  de  IcurfaiigMexiquain,  de  la 
génération  defquels  il  y en  aiioit  beaucoup  en 
Culhuacan^quiy  reftoient  encor  du  temps  qu’ils 
vefeurent  en  paix  auec  cüx,ilsarreftcrcntd’cr- 
Jire  pour  Roy  vn  içunc  homme  appellé  Aca- 
mapixtli,  fils  d vn  grand  Prince  Mexiquain,  Ôc 
d Vne  Dame  fille  du  RoydcCulhuacan.  Incon- 
tinent ils  luy  enuoyerent  Ambafîàdeurs  auec 
vn  grand  prefenr  pour  demander  ceft  hom- 
me, Icfquels  firent  leur  ambafiàde  en  cester- 
mesiGrand  Seigneur^Nom Autres  vos  vafaux  cr fir^ 
uiteurs,les  2\dexiquAmsmû  cr  refere\dedansUs  hef- 
bters  (T  rofeaux  du  Uc ,feuls  CT  déUijfe\de  te^es  les 
nations  du  monde, mAÛ  feulement  conduits  CT  achemi^ 
nel(^pAr  nojire  Dieu  au  heu  ou  fimmes,  qui  tombe  en  U 
fun/diBion  de  vos  limites  d‘ ^Jiapufalco  CT  de  Tejeu-. 
feiores  que  vous  nowaue^ermisd'ejlre  o^de  demeu^ 
rer  en  iceluy,notu  ne  voulons  feint  ny  nefifos  raifinna- 
He  de  vmre fans  chef  cr  fans  Seigneur  qui  nom  corn, 
mande,  mm  corrige  €T  gouuerne, nom  infruifanf  en 
m^e façon  de  vture,^  Gr  mm  deffende  de  nos  ennemis, 
Fartant  mm  vemnsàvem,fçachansquen  vofire  Cour 
Cr  maifon  il  y a des  enfansde  nopregeneration,affaren^ 
teXer  allieX^auec  U vofire,  qmfontfortisdenosen^. 
traïUes  CT  des  voftres  fie  nofire  fang  gt  du  vofire,entre[ 
lefquels  nom  auons  cognoijfance  d*vn  petit fils  vofire  GT 
mfire,  appelle  ^camapmli,  Nm  vom  fupphom 


Histoire  natyreilb 
’ doncé^ae  vom  mVÂ  le  donme^X^our  S eigneur  JecjuelnMf 
eJhmerons,comme  d mente,fuii  (^u'd  e(i  de  U lignee  des 

Seigneurs  MextcjUfAîtis  ^ des  de  CulhuActin.  Lc 

Roy  ayant  mis  l’afFairé  en  deliberation,  & trou- 
uant  que  ce  ne  luy  eftoit  point  chofe  mal  a pro- 
pos de  l’allier  auec  les  Mexiquains  qui  cftoient 
vaillans,  leur  refpondit  qu’ils  menaffent  Ton  pe- 
tit fils  à la  bonne  heure,  combien  qu’il  adiou- 
fta,  que  fi  c’euft  efté  vnc  femme  qu’il  ne  leur 
euft  pas  baillée,  lignifiant  l’aétc  Ci  énorme  ra-  , 
conte  cy  deffus,  & aclieua  fon  difcours  endi-  i 

lant:^’^»  dille  mjn petit Jiis,(ju  djèrue  vofîre  Diea^CT* 
foit fin  Liei4tenAnt,(^tdd  Tegijfe  gmuerne  les  crea.tu  - 
rèsde  céluy  pour  (jui  now  vtuonsfii^eur de  Id  nuiClydu 
tour  des  vents,  (^u'd  àille  CT fiit fetgneur  de  l eaue 
0^  de  Id  terre,  quil pofiede  Id  ndtion  Mexiqudme, 
emmene'X^le  k U bonne  heureyty  dye^Jefiin  de  le  trait- 
îer  comme  fils  0"  petit  fils  mien.  Les  Mexiquains 
luy  rendirent  grâces,  & tout  enfemble  luy  de- 
mandèrent qu’il  le  mariait  de  la  main,arailon  j 
deq^îoy  il  luy  donna  pour  femme  vne  Dame 

des  plus  nobles  d’entr’cux.Ils  menèrent knoii- 

ueau  ïloy  & la  Royne  aucc  tout  l’honneur  qui  | 
leur  eftoit  poffible,  & leur  firent  vne  foleranel-  | 
le  réception,  fortaris  tous  iiifques  aux  pluspe-  j 
ris,aà  voir  le  Roy,  lequel  ils  menèrent  en  des  | 
Pala^qui  pour  lors  eftoient  aflez  panures.  Et  < 

les  âyàns  aflis  enleursthrofnes  Royaux  incon-  < 

tin  en  tfe  leua  vn  de  fes  vieillards  Sc  Rhetoii- 
ciens  qu’ils  eftimoient  beaucoup,  qui  leur  par- 
la en  celte  manicre;Mo» filsjei^neur  cr  Boy  nofire, . 
tu  fiû  le  bien  venu  k cefie  pauure  mdifion  0"  Cite,  entre  ■> 
ces  herbiers  CT  fanges  ou  tes pmures  peres  , ayeulx  CT*  • 

parent 


Des  Indes.  Liv.  VIL  32^ 
pArens  endurent  ce  qmfçait  leSei^neur  des  chops  créées, 
i^egardeps^neur^que  tu  viens  icy  psure^re  la  defft  nce, 
l’ombrage  l’abry  de  cefie  nation  Mextquaine,  O"  pour 

(flre  U rejfembldce denoffre Dieu ritlpiptiXtli^À l’oC' 
capon  dequoy  Le  commandement  Ct'  uirifdiBion  i do- 
ne,  T Hpau  que  notts  ne  fommes  point  en  m^re  pays^ 
puis  que  Ut  erre  que  nom  pojfedons  autourd'huy  efl  d'au  - 
truy^  nefçamns  ce  quijera  de  nom  demain  ou  vn  au- 

tre lour.'par  amp  cenpdere  que  tu  ne  viens  peint  pour  te 
refiopr  nj/  recreer,  mais  plupo fi  pour  endurer  vnnou- 
ueau  trauaiL  en  vne  charge p pesate^qui  te  doitteupours 
faire  tr auMller^ef  at  efclaue  de  toute  cefe  multitude  qui 
t ef  tombée  en  fort j O"  de  tout  ce  peuple  circonmipn^ 
lequel  tu  doibs  mettre  peine  de  le  gratifier , Ct'  les  rendre 
contens  , pwfquetupais  que  nom  vimns  en  leurs  terres, 
Cr  dedans  leurs  limites.  Et  achcua  répétant  CCS 
mots  : T U fois  le  bien  venuyoy  Cf  la  goyne  nofre  mal- 
jirejfeacefuy  vosîre  l^oyaume.  Telle  futia  Haraii- 
gLie  du  vieillard,  laquelle,  & les  autres  Haran- 
gues que  celcbrent  les  hiftoires  Mexiquaines, 
les  enfans  auoientaccouflumé  d apprendre  par 
cœur  , & ainfi  fè  conierucrenr  par  tradition, 
& y en  a quelques  vnes  d’icellesqui  méritent 
bien  d'eftre  rapportées  en  leur  propres  ter-, 
mes.  Le  Roy  leur  refponditen  les  remerciant 
& leur  offrant  fa  diligence,  &foucyàlcs  def- 
fendre,  & Ibn  aide  en  tout  ce  qu'il  pourroir. 
En  apres  ils  luy  firent  le  ferment, &luy  mirent 
félon  leur  mode  la  Couronne  Royale  fur  la  te- 
lle , qui  efl  femblable  à la  Couronne  de  la  fei- 
gneurie  de  Venife.  Le  nom  d'Acamixtli pre- 
mier Roy  , lignifie  poignée  de  rofeaux  : c’efl 

Te 


Histoire  natvrellé 
pourquoy  ils  portent  enleurs  armes  Tnemairr 
tenant  plufieurs  fagettes  de  rofeau. 

Ve  l'e(ltiinge  tribut  que  les  Mexiijiiams^aj'oienf  à ceux 
Ch  AP.  IX. 

LEs  Mcxiquains  rencontrèrent  E bien  en  Tcf 
lediondcleurnouueauRoy,  qu’en  peu  de 
temps  ils  commencèrent  à prendre  forme  de 
République,  & à fe  faire  renommer  parray  les 
e ftrangerSjà  caufe  dequoy  leurs  voifins  meuzd'é 
nie  &de  crainte  traitrerent  de  les  fubiuguer/pe- 
cialement  les  Tapanecas,quiauoient pour  Ciré. 
Métropolitaine  Azcapuzalco,  aulquels les  Me- 
xiquains  paioient  tribut  comme  hommes  ve- 
nus de  dehors, & demeurans  en  leur  terre.  Car 
le  Roy  d’Azcapuzalco  craignant  leur  puiflàn- 
ee  qui  alloit  croilîanr,voulur  opprimer  les  Me- 
xiquains,  & en  ayant  délibéré  auec  les  liens  en- 
noya  dire  au  Roy  Acamixtli  que  c eftoit  trop 
peu  de  chofe  que  le  tribut  ordinaire  qu’ils  luy 
payoientj&qucdclàenauant  ils  luy  deuoienc 
aiiifi  apporter  des  fapins  &c  des  faulx  , pour  les 
édifices'  de  fa  Cité,  & outre  cela  qu’ils  luy  de- 
uoieiit  faire vniardin  en  l’eaüe,  femé  de  diuer- 
fes  herbes  ôc  de  Icgumes,  & luy  deuoienr  ame- 
ner pair  eaiie,  ainli  accommodé  par  chacun  an, 
fans  y manquer  : que  fils  y failloient,illesde- 
cla^ero^^  fes  ennemis,  &:  les  raleroit  du  tour. 
Les  Mexiquains  reccurent  beaucoup  d’cnniiy 


DES  Indes,  Lîv.  VIL  ‘ 15® 

&de  fafchene  de  ce  commandementjteDar  pour 
ç.ho{è  impoffibîe  ce  qu’il  leur  deinandoic  , & 
que  ce  n’eftoit  autre  choie  qiiedeccrcher  vne 
bccafion  pour  les  ruiner  ; mais  leur  Dieu  Vir- 
^ilipuztli  les  confola,  fapparoiiranr  celle  nuiéh 
àvn  vieillardjauquelilcômanda  qu’il  dift  de  fa 
part  au  Roy  Ion  fils,  qu’il  ne  lift  point  de  diffi- 
culté d accepter  le  tribut,  & qu’il  leuraideroit 
ôc  rendroit  le  tout  facile  : ce  qui  aduint  de- 
puis.^ Car  eftant  venu  le  temps  du  tributjes 
Mexîquains  portèrent  les  arbres  que  l’on  leur 
auoit  commande,  & quipluscll,  ieiardin  fait 
en  1 eaüe  , ôc  porté  en  icelle  , auquel  y auoit 
beaucoup  de  mays,  qui  ell  leur  bled  délia  grc- 
nq  auec  les  clpics.  Il  y auoit  aulliduchilliou 
axi,  des  blettes,  tomates,  frilblles,  chias,  cour- 
ges ôc  beaucoup  d’autres,  chofes  toutes  par^ 
çrcues  ôc  en  leur  faifon.  C’eüx  qui  n’ont  point 
veu  les  inrdins  qui  fefont  au  lac  en  Mexique  au 
milieu  de  i’eaiie,ne  croiront,&  tiendront  pour 
contes  ce  que  l’efcris,  ou  fils  le  croient, ils  di- 
ront que  c ell  vu  enchantement  du  diable  qu’ils 
adoroient.  Maisreallement  & de  fait  ceft  cho- 
fe  fortfaifable,  ôc  à l’on  veu  plulieurs  fois  faire 
de  cesiardinsmouuans  en  l’eaüe.Carilsiettent 
de  la  terre  delîus  du  ione  ôc  du  glayeul,d’vne 
telle  façon,  qu’elle  ne  fe  deffait  point  en  l’eaüe, 
ôc  fement  ôc  cultiucnt  celle  terre  : de  forte  que 
legrainycroift&meuritfoft  bien.  Luis  apres 
ils  l’enleucnt  d’vn  lieu  en  autr,c.  Mais  il  eft  bien 
vjay  qué  de  faire  fadleraent  ce  iardin  grand, 
& que  les  fruids  y croiirent  bien,  ell  choie  qui 
fait  juger  quii  y aÜGit  du  faitdc  \dtzilipuzdi| 


Histoire  natvrelle 
lequel  ils  appellent  autrement  Patillas  , prin»  | 
cipalement  n en  ayant  iamais-  fait  ny  veu  de 
femblables.  Le  Roy  d’Azcapuzalco  fefmcr-  | 
ueilla  beaucoup  quand  iividaccomply  cequ’il 
auoit  tenu  pour  iinpoffible  ^ ik  dift  aux  liens 
que  ce  peuple  auoit  vn  grand  Dieu  qui  leur 
rendoit  tout  facile  , difant  aux  Mexiquains, 
que  puifque  leur  Dieu  leur  donnoit  routes  cho- 
fes  parfaites  , qu’il  vouloir  quefannée  enfui- 
uant  au  temps  du  tribut,  ils  iuy  apportalfent 
dans  le  iardin  vue  cane &vn heronauec leurs 
œufs  coLuicz,  qui  deuoient  eftre  de  telle  forte, 
qu  elles  efclouilfen  rieurs  petits  en  arriuant.  fans 
y faillir  aucunement , fur  peine  d’encourir  fon 
indignation.  Les  Mexiquains  furent  fort  trou- 
blez ëc  trilles  dVn  fi  fuperbe  & difficile  corn-  ; 
mandement  qu’il  leur  faifoit  : mais  leur  Dieu, 
comme  il  auoit  accouftuméjes  côforta  de  nuid 
par  vn  des  liens,  & leur  dill  qu'il  prenoit  roue 
cela  en  fa  charge  , qu’ils  ne  perdilfent  point 
courage,  mais  qu  ils  crculîenr  pour  certain  qu’il 
viendroit  vn  temps  que  les  AzcapuzalcoS  paye- 
1 oient  de  leurs  vies  cesdefirs  denouueaux  tri- 
buts. Le  temps  du  tribut  cftantvcnu,comme 
les  Mexiquains  portoient  tout  ce  que  fon  leur 
auoit  demandé  de  leurs  iardinages,  l’on  rrouua 
parmy  les  ioncs  ôc  glayeuls  du  iardin,  fans  fça- 
uoir  comment  ils  y eiloient  demeurez,  vne  cane 
& vn  héron  couuans  leurs  œufs,  Ôc  cheminans, 
arriuerent  à A zcapuzalco,où  incontinent  leurs 
œufs  furent efclos.  Dequoy  le  Roy  d’Azcapu- 
zalco ellanr  efmerueillé  ourre-mefure,  dill de- 
rechef, aux  liens,  que  ces  chofes  elloient  plus 


©ES  Indes.  Lrv.  VIL  531 
qu'hamaines,&  que  les  Mexiquains  commen- 
çoient. comme  pour  fe  faire  Seigneurs  de  tou- 
tes cesprouinces.  Neantmoins  il  ne  diminua 
aucunement  l’ordre  de  ce  tribut, & les  Mexi- 
quains, pour  nefetrouuer  allez  pnillans,endu- 
rerenc  ôc  dt:meurerent  en  celle  fubiedion  & 
fcruitudciefpace  de  cinquante  ans.Ence  temps 
le  Roy  Acamapixtii  mourut,  ayant  augmenté 
fâ  Ciré  de  Mexique  de  pluHeurs  édifices,  riies, 
conduits  deaües  , & de  grande  abondancede 
munitions.  Il  régna  en  paix  ôc  repos  quarante 
ans  , ayant  toufiours  eilé  zélateur  du  bien  & 
augmentation  de  fa  République.  Comme  il 
elloit  proche  de  fa  fin , il  fit  vne  chofe  mémo- 
rable, qui  fut  qu'ayant  des  enfans  légitimés, 
aufquels  il  euft  peu  laiircr  la  fucedfion  du 
Royaume,  neantmoins  ne  le  voulut  pas  faire 
mais  au  contraire,  il  dift  librement  à la  Répu- 
blique, que  comme  ils  l’auoient librement  ef- 
leu,  ainfî  qu’ils  efleufient  celuy  qui  leur  fem- 
bleroit^llrelcplus  propre  pour  leur  bongou- 
uernement,  les  admonn^ant qu’en  ce  faifant 
ils  eulïèntclgardau  bieh^  la  République,  ôc 
fe  monftraiît  fafehé  de  né  les  lailTer  libres  du 
tribut  (Scfubicélion  trefpalla,  ieurayaaH  recom- 
mandé fa  femme  & Tes  enfans,  ôc  lailTaloAit  Ton 
peuple  defeonforté  pour  fa  mort.  ^ ' 'r 

Tt  iij 


Histoire  ’natv relie 
Du  fécond  de  ce  qui  Aduïnt  enfin  régné. 

Ch  A P,  X. 

H s obfeques  du  Roy  defFundt  aclie  ^ 
nées,  les  anciens,  les  principaux  du 
Royaume,&  quelque  partie  du  peu- 
ple f’alTembierent  pour  eilireWn 
Roy,  ou  le  plus  ancien  propofa  la  necdlite  en 
laquelle  ils  eftoienr,  & qu;il  conuenoit  efliré 
pour  chef  de  leur  Cité  vne  perfonne  qui  euft 
pitié  des  vieillards , des  femmes  veufues  & des 
orphelins , & qui  fuft  pcre  de  la  RepubliquCj 
pource  qu'ils  deuoient  eftre  les  plumes  de  Tes 
aillesjles  fourcils  de  Tes  yeux , Sc  la  barbe  de  Ton 
yifage  : qu’il  eftoit  necelïàire  qudl  fu fl:  valeu- 
reux, pource  qu’ils  auoient  befoin  debien  tofl: 
fe  preualoir  de  leurs  bras,  fclonqueleur  auoit 
prophetifé  leur  Dieu.Leur  refolution  en  fin  fut 
d’eflirepoLir  Roy  vn  fils  du  predeceircur,vl‘ans 
enuers  luy  d vn  aufii  bon  office, en  luy  donnant 
fon  fils  pour  fuccefléur,  comrneil  fit  enuers  fa 
RepubliquCjfe  confiant  en  icelle.  Ce  ieune  ho- 
me fappelloit  Vitzilouitli , qui  fignifie  plume 
riche  ,ils  luy  mirent  la  Couronne  royale  & l’oi- 
gnirent, comme  ils  ont  accQuftumé  de  faire  à 
tous  leurs  Roys,  aucc  vne  onéfipn  qu’ils  ap- 
pelloient  diuine , d'autant  que  c’eftoit  la  mefme 
onélion,  de  laquelle  ils  oignoient  leur  jdolé.  ! 
Incontinent  vn  Rhetoricien  fit  vne  elegante  | 
haranguejl’exhortantd’auoir  bon  courage  pour  | 
les  tirer  des  trauaux/eruitude  & mifere,efquél- 
|es  ils  viuoienr,  eftans  opprimez  desAzcapuzal- 
€OS,&:  icelle  acheuée  tous  luy  firent  l'hommage 


BEs  Indes.  Liy.  VIL  '53 £ 

& îarecognoifTancc.Ccroy  n’feftoit  point  ma- 
rie,& fon  Confeil  fut  d’opinion  qu’il  fcroic  bon 
de  le  marier  ancc  la  fille  du  Roy  de  Azcapuzal- 
co,afin  del  auoir  pour  amy,&  d’obtenir  parce- 
fee  alliance  quelque  diminution  de  la  pefantc 
charge  des  tributs, qu  il  ieurimpofoit,combien 
quils  curent  quelque  crainte,  qu’il  ne  defdai- 
gnaft  de  leur  donner  fa  fille,  à caufe  qu’ils  eftoiet 
fes  valîàux  : touresfois  le  Roy  d’Azcapuzalco 
f’y  accorda,  apres  qu’ils  luy  eurent  demandé 
fort  humblement,  &auec  des  parolleshonne- 
ites, lequel  leur  donna  vnefienne  fille  appeliéc 
A y anchigual, laquelle  ils  menèrent  auec  gran- 
de fefte  écrefiouilTance  en  Mexique,  de  "firent 
la  ceremonie,  & folemniré  du  mariage ,-  qui  e- 
ftoif  d attacher  & nouer  vn  coing  du  manteau, 
de  rhpmme,auec  yn  autre  du  voile  de  la  femme 
en  figne  de  lien  de  mariage.  Cefiie  Royne  en- 
gendra vn  fils, le  nom  duquel  ils  furentdemanr- 
dèr  à fon  ayeul,le  Roy  d’Azcapuzalco,  &ict- 
tans  les  forts  comme  ils  auoient  accoufiume, 
( pource  qu’ils  obferuoient  fort  les  Augures, 
principalement  fur  le  nom  de  leurs  enfaris  }il 
voulut  que  fon  petit  fils  fappcllaft  Ghimalpo. 
poca  ,qui  fignifie  rondelle  qui  iettefumee.  La 
Royne  fa  fille  voyant  le  contentement  que  le 
Roy  d’Azcapuzalco  monftra  de  ce  petit  fils, 
printdelà  occafionde  luy  demander,  qu’il  luy 
pleuft  de  foulager  les  Mexiquains,  de  la  charge 
Il  pelante  des  tributs, puifqu’il  auoit  défia  vn  pe- 
tit fils  Mexiquain,ceque  le  Roy  fit  de  bonne 
volonté, parle  Confeil  des  liens,  leur  lailfant 
au  lieu  du  tribut  qu’ils  payoicnc  vnefubieéUoiî 
Tt  iiij 


Histoire  NATVREitB 

de  luy  porter  chacun  an  vnc  couple  de  canards 
&des poiironsen  recognoiirancc quils eftoient 
Tes  fabiecls  & qu  ils  habitoicntcnlarerrc.Par 
ce  moyen  les  Mexiquains  demeurèrent  fort 
foulagez&  contens,  mais  le  contentement  leur 
dura  bien  peu, pour  ce  que  laRoyne,  leurpro- 
tedrice  mourut  peu  de  temps  apres,  & l’année 
enfuyuante  mourut  aulîî  leR.oyde  Mexicque, 
Vitziloiiitli , lailfant  fon  fils  Chitaalpopoca, 
aagédedixans.  Il  régna  treize  ans,  & mourut 
aagé  de  trente  ans,ou  peu  plus  11  fat  tenu  pour 
vn  bon  Roy  & diligent  au  feruice  de  fes  dieux, 
defqucls  ilsauoient  opiniô  que  les  roys  eftoiee 
les  re'remblances,&  que  l’honneur  que  l’on 
faifoirà  leur  Dieu, fefaifoic  au  Roy,  qui  eftoit 
fa  femblancc.  Cefl  pourquoy  lesroys  ontefté 
fi  afFedionnez  au  feruice  de  leurs  Dieux.  Ce 
Roy  fut  curieux  de  gâigner  les  volontcz  de  fes 
voifius,  & de trafficquer  auec  eux,  enquoy  il 
augmenta  fa  Cité,  fai fanr  quelesficnss’exerçaf-  ! 
fcnt  en  chofes  de  guerre, parmy  le  lac,  preparats, 
&difpofins  les  hommes  pour  ce  qu’ils  preten- 
doient  obtenir ,comme  bien  tofl:  l’on  verra. 

Pütreijtejme  Chimdpopocaydeja  cmeHemort,  ^ 

de  l’occajîon  de  U guerre  que firent  les  Mexiqmins. 

Chap.  XI. 

Le  s Mexiquains  pour  fuccelTeur  du  Roy  ' j 
mort,  cfleurent  fon  fils  Chimalpopoca, 
par  vn  ment  aduis  Ôc  deliberation  çommünc|  i 


Des  Ikdes.Liv.  Vïl.“ 
encor  qu’il  ne  fur  qu’vn  enfant  de  dix  ans^ 
ayans  opinion  qu'il  clloir  toufiours  necelîai- 
rc,  de  conferiicr  la  grâce  du  Roy  de  Azeapu- 
zalco,  enfaifant  fon  petit  fils  Roy. Par  ainfiils 
le  mirent  en  fon  throfne,Iuy  donnant  des  cn- 
feignesde  guerre  auec  vn  arc  , & des  flefehes 
en  vne  main,& vne  efpcc  de  rafoirsfdont  ils  ont 
accouftumé  d'vfcr)cnla  droidc,  fignifianspar 
cck,commeilsdirent,queparlesarmesilspre- 
tendoientfe mettre  en  liberté.  Ceux  de  Mexi- 
que auoient  grande  difetted’caiie,  pour  ce  que 
celle  du  lac  eftoitbourbeufe  &fangeufe,&  par 
confcquentmauuaifeà  boire,  pour  à qiioy  re- 
médier, ib  firent  que  le  Roy  enfant  enuoyaft 
demander  à fon  aycul,  leRoyd’Azcapuzalco, 
l’caucdela  montagne  de  Chapultepec,  qui  eft 
à vne  lieue  de  Mexique, comme  ila  efté  did  cy 
dclTus,  ce  qu’ils  obtindrent facilement,  &par 
leur  diligence  firent  vn  aqueduc,  de  fafeines. 
glaieul,&  gafon,  par  lequel  ils  firent  venir  l'cauc 
en  leur  Cité.  Mais  d’autant  que  laCitéeftoic 
fondée  fur  le  lac,  ôc  que  l’aqueduc  le  trauerfoir, 
il  fe  rompoit  en  beaucoup  d’endroits,  & ne 
pouuoienrs  efiouir  del’eaue,  comme  ils  defi- 

roient  & auoient  de  beroing,Surceftcoccafion 

foit  qu’ils  la  recherchaflent  tout  exprès,  pour 
quereller  les  Tapanecas  , ou  fiift  qu’ils  f’e 
meulfent  fur  peu  d’occafionjcnfin ils enuoye- 
rent  vne  cmbalTade  au  Roy  d Azcapuzalco, 
fort  refoIue,difansqu’iIs  nepouuoicntfaccom- 
moderdereaue,dontilleur  auoit  fait  grâce  , à 
caufe  que  le  canal  fieftoit  rompu  en  beaucoup 
é’endroits  ,partantluy  demandoiept , qu’il 


Histoire  natv relie 
pourueuft  de  bois, de  chaux  Sc  de  pierre,  8c  qu’il 
leur  cnuoyaft  fes  ouuriers  , afin  que  par  leur 
moyen  ils  filîent  vn  canal  de  pierre5&  de  chaux 
qui  ne  fc  peuft  rompre*  Ce  mefiTage  ne  pleur 
gucres  au  Roy,& encore  moins  aux  fiens, leur 
femblant  que  c’eftoit  vn  melTage  outrecuidc, 
&des  propos  fort  infolens,  pourdcs  valfauxà 
Tendrciâ:  de  leur  Seigneur.  Les  principaux  du 
Confeil  doneques  cftants  indignez  de  cela,  di- 
foientque  ceftoie  délia  beaucoup  dehardielPe, 
puis  que  ne  fe  contenrans  de  ce  que  l’on  leur  ; 
aiioit  permis  de  demeurer  en  terre  d’autruy  & : 
qu  on  leur  auoit  donné  de  l'eaüe , ils  vouloient  ' 
d’aiiantage,  que  l’on  les  allall  feruir.Q^lIe  cho-  i 
feeftoitcela,  ôc  dequoy  prcfumoitvnc  nation  | 
fugitiue  & enferrée  entre  les  bourbiers,  qu’ils  1 
leurfcroicnt  bien  entendre,  fils  eftoient  pro* 
près  pour  cftre  ouuriers,  & que  leur  orgueil 
f abbailTeroit , en  leur  oftant  la  terre  & la  vie. 
Sur  CCS  termes  & colère  ils  fortirent  laiflans  | 
le  Roy,  lequel  ils  auoientvnpeu  pour  fufpeét 
à caufe  du  petit  fils  Etcuxfeparement  conful-  | 
terent  de  nouueau  ce  qu’ils  debuoient  faire , ou 
ils  delibererent  de  faire  crier  publicq^iemenr, 
que  nul  Tapanecqua  euft  à traiéter,  ny  faire 
commerce aucc  aucun  Mexiquain, qu’ils  n’al-  ‘ 
laffentenleur  Cité  , & ne  les  rcceuircnt  en  la 
leur,  fur  peine  de  la  vie.Par  où  l’on  peut  enten- 
dre , que  le  Roy  ne  commandoit  pasabfolue-  j 
ment  fur  ce  peuple  , & qu'il  gouuernoitplus  en  ! 
façon  de  Conful,  ou  de  Duc.que de  Roy,com- 
bien  que  depuis  auec  la  puÜîance,  faugmenta 
aiîffi  le  commandement  des  Roisjufques  à de-. 


DES  Indes.  Lïv.  VIL  334 
uenir  Tyrans  parfaidls,  comme  l’on  verra  aux 
derniers  Roys.  Carçaefté  toujours  vne  cho~ 
fc ordinaire  entre  les  barbares,  que  telle  qu’a 
efté  la  puiiïàncc  , tel  a eflé  le  commandement, 
voire  en  noz  hiftoires  d’Efpagne  fe  troime  en 
quelques  Roys  anciens  , la  façon  de  regner, 
dont  CCS  Tapanecas  vferenr.  Et  les  premiers 
Roys  des  Romains  furent  de  mefme,faufqi.ie 
Rome,  des  Roys  déclina  aux  confuls  &rvnfe- 
nat,  iufques  .à  ce  que  du  depuis  ’elle  vint  à la 
puiRance  des  Empereurs.  Mais  ces  barbares, 
de  Roys  modérez  déclinèrent  à Tyrans.  Et  e- 
ftantlVn  & lautrc  gouùernement,  le  meilleur 
ôc  plus  feur,  eftle  regne  modéré.  Or  retour- 
nansà  noftrehiftoire , le  Roy  d’Azcapuzalco, 
voyant  la  deliberation  des  liens  , qui  eftoit  de 
tuer  les  Mexiquains,lespria  quepreinicrement 
ils  defrobâlTent  fon  petit  fils  le  ieune  Roy,  Sç 
apres  qu’ils  fiffent  au  Mexiquains  ce  qu’ils 
voudroient.  Prefque  tous  faccorderent  en  ce- 
la pour  donner  côtentement  au  Roy,&  pour  la 
pitié  qu’ils  auoientderenfanr,mais  deux  prin- 
cipaux y contredirent  bien  fort,  affermans  que 
ceftoit  vn  mauuais  confcil,pQurceqüeChimal- 
popoca,bié  qu’il  fuft  de  fon  fang,eftoit  du  cofté 
delà  mere  , & que  le  cofté  du  pere  deuoit  eftre 
préféré.  Parquoy  ils  conclurent  que  le  pteniier 
qu’il  conuenoit  tuer  , eftoit  Chimalpopoca, 
Roy  de  Mcxiqne,&  protégèrent  d’ainfile  fai- 
re. Le  Roy  d’Azcapuzalco  fut  fi  fafehéde  celle 
refillancequ’ilUuy  firent,  & du  confeil  &re- 
folution  qu’ils  prindrenr,  que  de  là  à peu  de 
temps , de  douleur  & de  defpit  il  tomba  iiaaia- 


Histoire  natvrellh 
de,dont  il  mourut.  Par  la  mort  duquel  les  Ta- 
panecas  f’achcuans  de  refondre  , commirent 
vne  grande  trahilon.  Car  vne  nuiét  le  ieune 
Roy  de  Mexique  dormant  fans  garde,  &fans 
fe  douter  de  rien  , ceux  d’Azcapuzalco  entre- 
gent en  fon  Palais,  & le  tuèrent  foudainement, 
Peu  retournans  fans  eftfe  apperceus.  Le  matin 
venu  que  les  nobles  de  Mexique  furent  falüer 
le  Roy,  comme  ils  auoyent  accouftumé,  ils  le 
trouuerent  mortauec  de  cruelles  bldrcures,  & 
lors  ils  feferierent,  efleuans  vn  pleur  qui  rem- 
plift  toute  la  cité,  & tous  aueuglezde  colerefe 
mirent  incontinent  en  armes,  pour  venger  là 
mort  de  leur  Roy.  Comme  ils  raarchoyenc 
défia  pleins  de  fureur,  & fans  ordre, leur  fortit 
au  deuant  vn  des  principaux  Chcualiers  des 
leurs,  tafehant  de  les  appaifer,  parvnefagcre- 
monftrance.  Oh  Æe7^vms[  dit-il)  o MexiqnAms^ 
rep0pl(jv9S  cæHrSyregArde'Xjlu-e  les  chofes  qm font  faites 
fans  csnjUeraitony  ne font  pas  bien  conduittes,  ny  n'ont 
point  de  bon  fsccéT^  pe^rimel^vojire  doHleHr^conJtde- 
rans  qii  encor  que  vofre  I\oy fait  mortyl^dlufre  fang  des 
MexiqHams  n'ejî  pas finy  en  luy.  Nous  amns  des  enfans 
des  Koys  deffnntls^  par  laconimtte  defqHelsfHCcedans 
dH  poyamie , vous  fere^nieux  ce  qne pretendél^ayans 
ynchefqmvoHSgmde  a vojlre  entrepnfe.  N' aHelf  pas  . 
amf  aueugleX^^  deporte^^  vous,  CT  cjlife'?^  première- 
ment vn  poyyCP" feignenrqm  voHSgmdc,cr'  encourage 
contre  vos  ennemis.  Ce  pendant  difimuley^  difcrette- 
mentfaifanslesobfeques  de  voJlrej{oy  mort, dont  vous 
•voye-^le  corps  prefent. Car  par  cy  apres  il  fe  treuueravne 
meilleure  occafion  d'en  faire  la  vangeance.  Par  ce 
moyen  les  Mexiquains  ne  palTerent  point  plus 


Des  Indes.  Liv.  VÎT.  ^55 

outrc,5c  Farrefterent  pour  faire  les  obfeques  de 
leur  Roy.  Aqiioy  ils  conuicrent  les  feigneursde 
Tefcuco,&  ceux  de  Culhuacan,  Si  leur  racontè- 
rent 1 ade  11  enorrae  & fi  cruel,  que  les  T apane- 
cas  auoient  commis,  lesinuirans  à auoir  pitié 
d’eux,&à  Findigner  cotre  leurs  ennemjs.à  quoy 
ils  adioufterent  que  c’eftoit  leur  intention  de 
niourir,ou  de  venger  vne  fi  grande  mefchâceté, 
leur  demandans  qu'ils  ne  fauorifalïcnt  le  parry  fi 
iniufte  de  leurs  contraires,&  que  de  leur  part  ils 
ne  les  requeroient  point  qu’ils  leur  aydaffent  de 
lenrsarmes,  &hommes,  mais  feulement  qu’ils 
fu fient  attentifs  à regarder  ce  qui  fe  paircroit,& 
qu’ils  defireroient  pour  leur  entretien,  qu’ils  ne 
leur  bouchaircnt  ny  empefchafientle  commer- 
ce,comme  auoient  fait  les  Tapanecas.  A ces  rai- 
fons  ceux  de  Tefcuco,  & Culhuacan,leurde^ 
monftrerent  beaucoup  de  bonne  volonté  , 6c 
qu’ils  en  eftoient  fort  fatisfaitSjleurofFrantleurS' 
Gitcz:&tout  le  commerce  qu’ils  en  defi  reroiér, 
afin  qu’à  leur  volonté  ils  fepourueulîent  depro- 
uifions,  6c  de  munitionspar  terre, & par  eaüe. 
Apres  cela  ceux  de  Mexique  les  prièrent  qu’ils 
demeurafi'çnt  auec  eux,  & alliftairenr  àl’cfiediô 
du  Roy  qu'ils  voiiloient  faire  ce  qu  ils  accordè- 
rent aufiî  pour  leur  donner  contentement. , 


I^lSfO'lRE  KATVRELLÉ 

Î)h  cjUAtnejmeKoy  nommé TXaalty  O'  là^erre  con~ 
tre  les  TA^AnecaSo 

Ch  AP.  Xïî.  , . 

I Eux  qui  fê  deubient  rrouuer  en  l’et 
Icdion,  eftastoiisairemblez/ele-^ 
uavn  vieillard, tenu  pourvn^rand 
orateur dcquel  félon  que  raconter 
les  hiftoires,  parla  en  celle  manié- 
ré Lwmers  de  vosyc’j^x  vom  mdnqne  o MexiquAins^ 
mdx  celle  du  cœur,  car  poféle  cAi,que  vous  Aue’t^ 

perdu  celuy  qui  ejioit  U lumière, le  guide  de  cejle  J{e-, 
publique  Mexiquaine,celle  du.cœur  neAtmoins  'vous  e^ 
demeurée, pour  cofiderer  que  s'ils  ont  tué  vn  home, d' Au- 
tres font  demetiréjjipres  luy  qui  pourront  fuppleer  fort 
Aduantdgeufement  U faute  que  nous  auons  dc  luy.Lq  no- 
Uejfe  de  Mexiquenejipas  finie  pour  cela,ny  le  sag  I{oyal 
efiemt.TourneTfesyeux  (CT^Ÿegardefautour  de  vous,^  _ 
'VOUS  voirct^  la  Noblejfe  Mexiquame  mife  enordre,non 
point  vn  deux, mais plufîeurs  cyr  exccliens princes, fils  du 
^cAmapAxtli,nofire  vray  CT  légitimé  feigneur.îcy  ; 
'VOUS  pourreT^choifir  A vofire  volonté ,difimt  le  veux  ce-  ' 
fiuy  cy,Ct'  non  cet  autre.  Que  fi  vous  auefperdu  vn  \ 
pere,  icy  voi^s  trouueréXfcre  iÿ^mere.  Faites  efiat,» 
MexiquatnsJ  que  leSoleiis’efi  eclipfé^  obfcurcyfurU 
terre  pour  vnpeu  de  temps, qu  incontinent  retourn  e- 
va  U lumière  fur  icelle.Si  Mexique  a eFlé  obfcurciepar  U 
mort  de  vofire  Pfy , forte  bien  tofi  le  Soleil,  efiife'?^  vn  au-  \ 
tre  Roy.  Fegarde'^bien a qui, fur  qui  vous letteref 
lesyeux  CT  enuers  qui  s'incline  vofire  cœur, car  cefiuy- là 
ejî  celuy  que  vofire  Dieu  Fit^ilipuKgli  a esleu.  E t di- 
làraîic  encor  ce  difeours,  cec  orareur  achêua  au 


DES  In D ES.  Lï  V.  VIT, 
contentement  dVn  chacun.  En  fin  pat  la  refoU 
lution  de  ce  confeil,  fut  efleuRoy  Ifcoalt,  qui 
fignifie  couleimre  de  rafoirs,  lequel  eftoic  fils 
du  premier  Roy  Acamapixdi,quilauoiteu  dV- 
ne  ficnne  cfclaue  : &bien  qullnefutpaslegh- 
dme,  ils  le  choifitcntjpour  ce  qu’il  dioit  plus 
auantagcux  que  les  autres,  en  meurs,  valeur,& 
magnanimité  de  courage.  Tous  monftrerent 
quils  en  eftoienr  foncontens,  & fur  tous  ceuj^ 
deTefcuco  : pour  autant  que  leur  Roy  eftoic 
marié  auec  vne  fœur  d’ifcoalr.  Apres  que  ce 
Roy  fut  couronné,  & mis  en  fon  fiege Royal, 
fe  IcLia  vn  autre  orateur  qui  traitta  de  l’obliga- 
tion que  le  Roy  auoit  à fa  République  , & dii 
courage  qu’il  deudit  raonftrer  aux  trauaux.di- 
fant  entre  autres  chofes:  Kegarde<fuamourd'htty 
nous  fommes  dependans  de  toy,  paraudnture  UiJ^eras-ta 
tomber  U charge  cjui  ejl  fur  tes  efpaulles,iafera^s  tu  périr 
le  vieillard  CT'  U vieilleforphelitigy  U veufue^f^yes 
ptié des  enfans  qui  vont grapinant parmy  l’aire^  lefquels 
périront  fi  ms  ennemù  nous furrnontent. or  fus  donc fei-- 
gneur  commence  k def  loyer  CT"  ejlendre  ton  manteau^ 
pour  prendre fur  tes  efpaulles  tes  enfans  yqm font  les  pan- 
ures CT'  le  commun  populaire,  lefquels  font  afeure"^  de 
l 'ombrage  de  ton  manteau, 'CT'  en  lafraifcheur  de  ta  bé- 
nignité. Continuant  fur  ce  fubiet  beaucoup 
d’autres  paroles, lefquelîcs  ( comme  en  fon  lieu 
a eftédit)ils  apprennoien.t  par  cœur, pour  l’exer- 
cice de  leurs  enfans,  & apres  les  enfeignoienc 
comme  vne  leçon,  à ceux  qui  commençoient 
d’apprendre  cefte  faculté  d orateurs.  Ce  pen- 
dant les  Tapanecas  cftoienc  refolusdedeftrui- 
re  h nation  Mexiquaine,  ôc  pour  GCtefrcd,ilâ 


Histoire  natvrelle 
auoicntdreiTé  beaucoup  d’appareils.  Parquoÿ 
le  nouucau  Roy  traicta  de  déclarer  la  guerre,  | 
& venir  aux  mains,  auec  ceux  qui  les  auoyent  | 
tellement ofFenccz.  Mais  le  commun  peuple  ^ 
voyant  que  leurs  contraires  les  furpailbicnt 
beaucoup  en  nombre  d’horames,&  en  machi-  { 
nés  de  guerre , cftans  elpouuentcz  vindrenr 
vers  le  Roy,  & luy  demandèrent  par  importu- 

niré.qu’iln’entreprinft  point  vne  guerre  ü dan-  | 

gereiife  , qui  feroit  deftruire  leur  pauurcCiie 

5^  nation.  Surquoy  eftans  interrogez  quel ad- 
uis  il  conuenoit  prendre,  refpondirentquele  « 
Roy  d’Azcapuzalco  eftoit  fort  pitoyable,  que  ^ 
ils  luy  demandaient  paix,  & foftrÜentlefer-  i 
iiir,  en  les  tirant  hors  de  ces  glaieuls  , ôc  qu  il  j 
leur  donnaft  des  maiibns  & des  terres  parmy  j 
les  Tiennes  , afin  que  par  ce  moyen  ils  defpen-  j 
diflent  tous  d vn  feigneur.  Et  pour  obtenir  i 
cecy  ils  portajîènt  leur  Dieuenfalitiere,  pour  i 
inrercefTeur.  La  clameur  du  peuple  eut  tel  i 
pouuoir,  principalement  y ayans  quelques  no- 
bles, qui  approuuoient  leur  opinion,  que  Ton 
fit  incontinent  appeller  les  preftres  ôc  appre-  , 
fier  la  litiere,  & leur  Dieu,  pour  faire  ce  voya- 
ge. Comme  cela  Tappreftoir,&  que  tous  con- 

ièntoient  à cet  accord  de  paix,  & de  T’aiTubiet- 
rir  aux  Tapanecas,  vn  ieune  homme  gaillard, 

Sc  de  bonne  façon,  fefieua  parmy  le  peuple, le- 
quel auec  vne  fort  bonne  grâce  , parla  ainfi:  i 
Q^efl-ce  cy , o Mexiqtt4ms,efies  vom  foUyCemment  telle 
comrdife  cfl-elle  entree  parwy  nomfnoHS  demns  nous  j 
aller  rendre  ainJtMsx  .yfT^apuXalcos?  Puis  le  tour- 
nant vers  le  Roy,  luy  dit;  Comment  fet^neur, per 

met 


DES  IndesT  L IV.  vil  357 
tnetteXjvom  telle  choJe'ifarle'Xji,  ce  peuple, Ct*  Itty  dites 
laijfe  rechercher  vn  moyen, pour  nojire  honneur, 
pournojlredejfenjè,  O'  que  mus  ne  nous  mettions  point 
Ç follement  Ct'  fihonteufemcnt  entre  les  muins  de  nos 
ennemis.  Ce  ieunc  homme  f’appelloit  Tlacacl- 
leCj  nepueu  du  mefme  Roy,&  fut  le  plus  valeu- 
reux capitaine  ,&  du  plus  grand  conieil  que  ia- 
mais  les Mexiquains  ont  eu,  comme  cy apres 
Ton  verra.  Animé  donc  Ifcoalt,par  ce  quefon 
nepueu  luy  auoit  diét , fî  prudemment,  retint  le 
peuple , en  difant  qu’ils  liiy  lailîalTent  première- 
ment elprouuer  vn  autre  meilleur  moyen.  Et 
puis  fe  tournant  vers  la  nobleifc  des  liens , leur 
dit:  Vous  ejlesicy  tous  qm  ejles  mes  parens , Ct'  le  meil- 
leur de  Mexique , celuy  qui  Aura  le  courage  déporter  vn 
mejfage aux  Tapanecas,  quil p leue.  Eux  fe  regardans 
les  vns  les  autres,  ne  fe  remuoyent  point , & n’y 
eut  aucun  qui  vouluft  s’offrir  au  coufteau.  Alors 
ce  ieune  homme  Tlacaellec  fe  leuant  f offrit  à 
y aller,  difant  que  puis  qu’il  deuoit  mourir,  qu’il 
importoit  peu,  que  ce  fuft  auiourd’huy  ou  de- 
main,. Car  pour  quelle  occalîonfe  deuoit  il  tant 
conferuer?  qu’il  eftoit  tout  preft,  6c  qu’il  luy 
commandai!:  ce  qu’il  luy  plairoit.  Etiaçoitquc 
tous  iugealTent  cet  ade  pour  vne  témérité, 
neantmoins  le  Roy  fe  refolut  de  l’enuoyer, 
afin  qu’il  cogneuft  la  volonté  ôc  dilpolition  du 
Roy  de  Azcapuzalco,  6c  de fes hommes,  efti- 
mant  qu’il  eftoit  meilleur  d’aduanturer  la  vie 
de  Ibn  nepueu  , que  l’honneur  de  fa  Républi- 
que. Tlacaellec  eftant  apprefté,  print  fon  che- 
min, &paruenu  aux  gardes  qui  auoyent  com- 
mandement de  tuer  quelconque  Mcxiquaiii 


Histoire  natvrelle 
qui  vinft  vers  eux , par  artifice  ou  autrement, 
leur  perfuada  qu’ils  le  laiiraflcnt  entrer  vers  le  j 
Roy,  lequelfiefraerueillade  le  voir,&  ouyt  fon  I 
ambaflàde  , qui  eftoit  de  luy  demander  paix  ^ 
foiibs  honeftes  conditions  , lequel  relpondit 
qu’il  le  comrauniqueroit  auec  les  fiens,&  qu’il 
rctournaft  l’autre  iour  pour  la  refponfe  : lors 
Tlacaellec  demanda  feuretc,  mais  il  n’en  peut 
obtenir  d’autre,  finon  qu’il  vfaft  de  fa  bonne 
diligence.  Auec  cela  il  retourna  en  Mexique, 
donnant  parole  aux  gardes  de  retourner.  Le 
Roy  de  Mexique  le  remerciant  de  fon  bô  cou-  / i 
rage,  le  r’enuoya,  pour  auoir  la  refponfe,  &luy 
commanda,  que  li  elle  eftoit  de  guerre,  qu’il 
donnaft  au  Roy  d’Afcapuzalco  certaines  ar- 
mes pour  fe  deffendre , Sc  luy  oignift  & emplu- 
maft la  tefte,  comme  ilsfaifoyentaux  hommes 
morts,luy  difant  que  puis  qu’il  ne  vouloit  point 
la  paix, qu’ils  luy  ofteroyentla  vie  &aux  nens. 

Et  encor  que  le  Roy  d’Azcapuzalco  eut  déli- 
ré la  paix,  pour  cftre  de  bonne  condition,  les 
liens  neantmoins  refguilloniicrent  de  forte, 
que  la  refponfe  fut  de  guerre  declaree.  Ce  qu’e- 
ftant  ouy  par  le  melTager , il  fift  tout  ce  que  fon  | 
Roi  luy  auoit  commandé,  déclarant  par  celle 
ceremonie,  de  donner  armes,  & oindre  le  Roy  | 
auec  l’onélion  des  morts , que  de  la  part  de  fon  | 
Roy  illedelfioit.  Parquoy  ayant  tout  acheué, 
celuy  d’Azcapuzalco  fe  lailîant  oindre,  & em- 
plumer , donna  au  melfager  en  payement  de 
bonnes  armes , & ce  pendant  l’aduifa  de  ne  re- 
tourner point  parla  porte  du  palais, pource 
que  plulieurs  ratteiidoycnt  là  pour  le  mettre 


Des  I N D E s.  L I V.  VII.  338 
par  pièces,  mais  quil  fortift  enfecret  par  vne 
petite  faulfe  porte  qui eftoit  ouiierte,  en  vne 
des  cours  de  Ton  palais.Ceieune  homme  le  fit 
ainfi , & tournoyant  par  des  chemins  cachez 
vint  à fe  mettre  en  fauueté,  à lavcuë des  gar- 
des , 6c  de  là  les  deffia,difant:  Tafmecoi^  O* 
capu^lcos , voM  faites  mal  vejlre  office  de  garder,  fça- 
chelÇfionc  que  vous  deue’Xjous  mourir,  qttd  ne  de- 
meurera vn  Tapaneca  en  vie.fft  pendant  les  gardes 
feietterent  furluy,  & fe  porta  fi  valeureufe- 
ment  en  leur  endroit,  qu’il  en  tua  quelques- 
vns,  & voyant  qu’il  y accourroit  beaucoup  de 
peuple,  fe  retira  gaillardement  à fa  cité , où  il 
porta  nouuelles  que  la  guerre  eftoit  declaree 
auec  les  Tapanecas,  & qu'il  auoit  desfié  leur 
Roy. 

De  la  hataille  que  les  Mexiquams  donnèrent  aux 
Tapanecas , ty'de  lagrande^  vifloire 
quils  ohtmdrent. 

Chapitre  XIII. 

E deffi  entendu  par  le  vulgaire  de 
Mexique,  ilsvindrent  vers  le  Roy, 
auec  leur  couardife  accouftumee, 
luy  demander  congé  defortirdefa 
Cité , tenans  pour  certain  leur  perdition.  Le 
Roy  les  confola  & anima , leur  promettant  que 
il  leur  donneroit  liberté,  en  furmontant  leurs 
ennemis , 6c  qu’ils  ne  doutaflent  point  d’eftre 
vaincus.  Le  peuple  répliqua  ; Et  fi  nom  femmes 
vaincus,  que  feras  nornïSt  nous  femmes  vaincus  (refp  o- 


r 

Histoire  natvrelle 
dit  le  Roy)  dés  tnam^mant  nom  mm  obligeons  de  nom 
mettre  en  vos  mams^  djin  ejne  vom  nom  metttel^  mort, 
Cr*  mungiei^  nos  ch  Air  s en  des  pUtSj  O"  tftte  vom  vom 
vengieTjle  nom  Autres.îl  fer  A donc  Amjî  ( dirent  ils) 
(î  vo^  perdelQA  viélotre^cjue  ji  vom  l'ohteneK^és  mAin~ 
tenAnt  mm  nom  offrons  a ejîrevos  tribut  Air  es,  trAuAiller 
en  vos  mAifonsffAire  vos  femences^  porter  vos  Armes 

O""  bagAge  quAnd  vous  iretfi  Ia guerre , pour  toufours, 
Cr  À lamAÛ  nom  Autres  O"  tios  defeendAns.  Ces  ac- 
cords faids  entre  le  peuple  & les  nobles  ( lef- 
quels  ils  accomplirent  depuis  de  gré  ou  par  for- 
ce éntiercmenr,cômme  ils  le  promirent)  le  Roy 
nomma  pour  Ton  Capitaine  general  Tlacaellec, 
& tout  le  camp  eftant  mis  en  ordre,  & par  efea- 
drons , donna  les  charges  de  Capitaines  aiix 
plus  valeureux  de  fes  parens&  amis:  puis  leur 
fît  vne  belle  harangue,  par  laquelle  il  les  anima 
& leur  accreut  de  beaucoup  le  courage , qu’ils 
auoyentdefîa  bien  préparé,  & ordonna  qu’ils 
obeyirentrousau  commandement  du  general, 
qu’il  auoit  eftably.  Lequel  fepara  fes  gens  en 
deux,  & commanda  aux  plus  valeureux  & har- 
dis, que  en  fa  compagnie  ils  aiTaillilïènt  les  pre- 
miers , & que  tout  le  refte  demeuraft  arrefté 
■âuec  le  Roy  Ifcoalt , iufques  à ce  qu’ils  veifTent 
les  premiers  donner  fur  leurs  ennemis.  Mar- 
chans  donc  en  ordre , ils  furent  defcouuerts  de 
ceux  d’Azcapuzalco,  Icfqucls  incontinent  for- 
tirent  furieufement  de  leur  cité  , portans  de 
grandes  richelTes  d’or,  dargent,  & d’armes  de 
beaucoup  de  valeur,  comme  ceux  qui  auoycnt 
l’Empire  de  toute  cefte  contrée.  Ifcoalt  donna 
lefignal  de  la  bataille , auec  vn  petit  tambour 


DIS  Indes.  L IV.  VII.  359 
qu’il  portoic  fur  fes  efpaulcs,  & incontinent  ' 
efleuercnt  vn  grand  cry,  f^efcrians,  Mexique, 
Mexique  , donnèrent  fur  les  Tapanecas  : ôc 
bien  que  les  Tapanecas  fuflent  en  bien  plus 
grand  nombre  qu’eux  fans  comparaifon,  tou- 
tesfois  ils  ne  lailferentde  les  rompre,  & les  fi- 
rent retirer  en  leur  cité.  Puis  venans  ceux  qui 
eftoyent  demeurez  derrière  , ctians  Tlacael- 
lec,  viétoirc , victoire,  tous  d’vn  coup  entrè- 
rent en  la  cite,  où  par  le  commandement  du 
Roy  , ne  pardonnèrent  à homme  , ny  vieiU 
lards,  femmes  , ny  enfans.  Car  ils  les  mirent 
tous  au  rrenchant  de  lelpec , pillèrent  & facca- 
gerent  la  cité,  qui  eftoit  très  riche.  Et  non 
contens  de  cela,  ilsfortirent  àJapouiTuittedc 
ceux  qui  s’en  eftoyent  fuys  ôc  retirez  en  l’afpre- 
té  desSierres  ou  montagnes  qui  eftoyent  pro- 
ches de  là , frapans  fur  iceux , dont  ils  firent  vnc 
cruelle  boucherie.  Les  Tapanecas  d’vne  mon- 
tagne où  ils  s’eftoyent  retirez , ietterent  les  ar- 
mes , & demandèrent  les  vies , s’oftrans  à feruir 
les  Mexiquains,  leur  donner  des  terres  ôc  des 
iardins , de  la  pierre , de  la  chaux  & du  mefrain, 

& de  les  tenir  toufiours  pour  leurs  feigneurs.  A 
cefte  occafion  Tlacaellec  fit  retirer  fes  gens, 
& ceftèr  la  bataille  , leur  donnant  les  vies 
foubs  les  conditions  deflùfdites  , Icfquelles 
ils  iurerent  folemncllement.  Puis  apres  ils 
retournèrent  à Azcapuzalco  ,&auecleursdef- 
pouilles  fort  riches  & viétorieufes  à la  cité  de 
Mexique.  Le  iour  enfuyuant  deRoy  fit  aflem- 
bler  les  principaux,  & le  peuple,  aufquels  il  re- 

Vu  iij 


Histoire  natvrelle 
mit  en  auant  l’accord  qu’auoit  fait  le  commun, 
leur  demanda  s’ils  eftoient  contens  d’y  pcrli- 
fter,  le  commun  dit  qu’ils  l’auoyent  promis,  ôc 
que  les  nobles  l’auoyent  bien  mérité,  parquoy 
ils  eftoyent  contents  de  les  feruir  perpétuel- 
lement .*  dequoy  ils  firent  vn  ferment  qu’ils 
ont  depuis  gardé  làns  y contrcuenir.Celafaid, 
Ifcoalt  retourna  à A zcapuzalco,  &parlecon- 
feil  des  fîens  départit  toutes  les  terres  des  vain- 
cus,& leurs  biens  entre  les  vainqueursda  prin- 
cipalle  partie  tomba  au  Roy , puis  à Tlacacllec, 
& apres  au  relie  des  nobles/elon  qu’ils  s’eftoy- 
cnt  fignallez  en  la  guerre.  Ils  donnèrent  raef- 
^ me  des  terres  à quelques  plébéiens , pour  s’eftre 

portez  vaillamment,  aux  autres  diftribuerent 
du  pillage , ôc  en  firent  peu  d’eftat,  comme  de 
gens  couards.  Ilsdellinerentmefme  des  terres 
en  commun  pour  les  quartiers  de  Mexique,&  à 
chacun  les  fîennes , afin  qu’auec  icelles  ils  aidaf- 
fent  au  feruice  & làcrifices  de  leurs  dieux.  Ce 
fut  l’ordre  qu’ils  gardèrent  toufiours  de  là  en 
auant , au  departement  des  terres  ôc  delpouilles 
de  ceux  qu’ils  auoyent  vaincus  & airubieélis. 
Par  ce  moyen  ceux  d’Azcapuzalco  demeurè- 
rent fi  panures  , qu’il  ne  leur  relloit  aucunes 
ferres  pour  labourer, & le  pire  fut  que  l’on  leur 
olla  leur  Roy , & le  pouuoir  d’en  eflire  d’autres 
•que  celuy  de  Mexique. 


Des  Indues  El VII.  340 

De  U guerre  vi^oire  que  lesMexiqmins 

eurent  contre  U cité  de 
Cuyoâcan. 

Chapitre  XIII I. 

O M B I E N que  la  principale  cité 
des  Tapanelcoas  fur  celle  de  Az- 
capuzalcojtoutefois  ils  en  auoyent 
d’autres  qui  auoiét  leurs  Seigneurs 
particuliers , comme  Tacuba,  & 
Cuy  oacan.  Ceux  là  ayans  veu  l’efchec  pa{Té,euf- 
fent  bien  voulu  que  ceux  d’Az  capuzalco  eufsct 
renouuellé  la  guerre  contre  les  Mexiqtiains , àc 
voyans  qu’ils  ne  f y prcparoiêr  point,  corne  vne 
nation  du  tout  rôpue  & desfaite,ceux  de  Cuyo- 
acan  delibererent  de  faire  à partfoy  la  guerre, 
pour  laquelle  ils  fefforcerêt  d’inciter  les  autres 
iiatio^is  circonuoifînes,lerquelles  ne  voulurent 
point  fe  mouuoir,ny  quereller  les  Mexiquains. 
Ce  pendant  croillant  la  hay ne  & enuie  de  leur 
profperité , ceux  de  Cuioacan  commencèrent  à 
mal  traiéber  les  femmes , qui  alloyent  à leurs 
marchez,  le  mocquans  d’elles,  & en  faifans  au- 
tant aux  hommes  fur  lefquels  ils  auoyent  la'do- 
minatio.Pour  laquelle  occafion  le  Roy  de  Me- 
xique defFendit  qu’aucun  des  fiens  n’allaft  en 
Cuyoacan,  & qu’ils  ne  receuiïcnt  en  Mexique 
aucuns  d’eux.  Ce  qui  donna  occafion  à ceux  de 
i^uyoacan  de  fe  refoudre  du  tout  à la  guerre. 
Mais  premièrement  ils  les  voulurent  prouoc- 
quer  par  quelque  honteufe  mocquerie,  qui  fuft 

Vu  iiij 


( 

Histoire  natvrelle. 

Je  les  conuier  en  vne  de  leurs  feftes  {ôllcm- 
neJleSjOÙ  apres  leur  auoir  fait  vn  beau  banquet, 
& les  auoir  feftoyez  auec  vne  grande  dance  à 
leur  mode,  ils  leur  enuoyercnt  pour  le  deflcrt 
des  habits  de  femmes,  & les  contraignirent  de 
lesveflir,&  retourner  ainfî  veftusen  femmes 
en  leur  cité,  leurreprochans  qnils  n’cftoy ent 
que  des  couards,  & des  efféminez,  den’auoir 
ofé prendre  les  armes,  y ayans  eftéaffez  pro- 
iiocquez.  Ceux  de  Mexique  difent,  qu’en  re- 
compenfe  ils  leur  firent  vne  autre  lourde  moc- 
querie , en  leur  mettant  aux  portes  de  leur  Cité 
de Cuyoacan,  certaines  chofes  quifumoyent, 
par  le  moien  dcfquelles  plufieurs  femmes  auor- 
terenr, &plufîeurstomberent malades.  Enfin 
le  tout  vint  iufques  au  poinét  de  guerre  décla- 
rée, de  forte  qu’ils  fe  donnèrent  vne  bataille, 
oiT ils  employèrent  toute  leur  puifîànce  de  part 
& d’aurre,&  en  icelle  Tlecaellec,par  fa  magna- 
nimité &rufe  de  guerre, obtint  la  vidoire.  Car 
ayant  laiffé  le  Roy  Ifcoalt  combatant  auec  ceux 
de  Cuyoacan , s’alla  mettre  en  embufeade  auec 
quelque  peu  de  vaillans  foldats,&  en  tournoiac 
leur  vint  donner  en  queue,  où  chargeant  fur 
eux , illes  fit  retirer  en  leur  cité.  Mais  voyant 
qu’ils  pretendoyent  fe  retirer  au  Temple , qui 
eftoit  bien  fort,  fe  ietta  fur  eux  accompagné  de 
trois  valeureux  foldats,&  leur  gaigna  le  deuanr, 
fe  faififfant  du  Temple  où  il  mit  le  feu,  &les 
força  de  s’en  fuyr  parmy  les  champs , où  faifàiit 
grand  efchec  fur  les  vaincus , les  fuyuirent  deux 
lieues  dans  le  pays,  iufques  à vne  colline , où  les 
vaincus  iettans  les  armes,  & croifans les  bras 


iDEs  In^ès".  Liv.  VII.  54Î 
fc  rendirent  aux  Mexiquains,  ôc  auec  beaucoup 
de  larmes,  leur  demandèrent  pardon  de  lou- 
treeuidance  qu’ils  auoyent  eue  en  les  traidtant 
comme  femmes , & s’offroyent  à eftre  leurs  ef- 
claues,  II  bien  qu’en  fin  les  Mexicquains  leur' 
pardonnerenr.De  cefte  vidoire  les  Mexiquains 
remportèrent  de  tres-riches  defpouïllles  d’ha- 
bits , d’armes,  de  l’or,  de  l’argent,  des  ioyaux  & 
des plumaches riches, auec  vn  grand  nombre 
de  captifs.  En  cefte  bataille  il  y eut  trois  des 
principaux  de  Culhuacan  qui  vindrent  ayder 
aux  Mexiquains,  pour  gaigner  honneur,  lef- 
quels  furent  remarquables  lur  tons.  Et  du  de- 
puis eftansrecogneuz  par  Tlacaellec , & ayant 
fait  prenne  de  leur  fidelité,  leur  donna  les  deui- 
fes  Mexiquaines^&  les  eut  toufîours  à fon  cofté 
ou  ils  combatirent  en  tous  lieux  valeurcufc- 
ment.  L’on  recogneu  t bien  que  toute  la  vidoi- 
re  debuoit  eftre  attribuée  an  general  ôc  à ces 
trois.  Car  entre  tant  de  captifs  qu’il  y auoit , il  y 
eii  auoit  les  deux  tiers  qui  furent  gaignez  par 
ces  quatre,  ce  qui  fe  prcuua  facilement  par  la 
rufedont  ils  vferent:  car  en  prenant  vn  captif, 
incontinent  ils  luy  coupoyentvn  peu  de  che-, 
ueux,&  les  bailloyêt  aux  autres.  Ainfi  il  fe  trou- 
ua  que  ceux  qui  auoient  les  cheueux  coupez  re- 
uenoyent  à ce  nombre,  d’où  ils  acquirent  vue 
grande  réputation  & renommeede  valeureux, 

■ Ils  furent  honorez  comme  vainqueurs , en  leur 
donnant  de  bonnes  portions  de  defpouillcs  ,& 
des  terres,  ainfi  que  les  Mexiquains  ont  de  tout 
temps  accouftume  de  faire  , qui  donnoitocca- 
fion  à ceux  qui  combattoyent , de  fc  faire 


Histoire  na'tvreile 
renommer,  &gaignerdc  la  réputation  aux  ar- 
mes. 

De  U guerre  O*  vi^oire  que  les  Mexiquams  eurent 
contre  les  Suchimilcos, 

Chapitre  XV. 

A nation  des  Tapanecas  e- 
ftant  fubiuguee , les  Mexi- 
quains  eurent  occafiô  d’en 
faire  autant  aux  Suchimil- 
cos,  Icfquels  côme  il  a elle 
dit,  furent  les  premiers  de 
ces  fept  cauernes  ou  ligna- 
ges qui  peuplèrent  cefte 
terre.Les  Mexiquains  toutesfois  ne  recherchè- 
rent pas  roccafion,  combien  qu’ils  pouuoyent 
prefuraer  comme  vainqueurs  de  paiTcr  plus  ou- 
tre, mais  lesSuchimilcoslesefmeurent,  pour- 
leur  malheur,  comme  ilarriueaux  hommes  de 
peu  de  fçauoir,  &qui  regardent  de  trop  près, 
lefquels  pour  ne  preuoir  le  dommage  qu’ils 
imaginoyent,  tombèrent  en  iceluy.  Les  Suchi- 
milcos  furent  d’opinion  que  pour  les  vidoi- 
res  pailees,  les  Mexiquains  entreprendroyent 
de  les  aflubiettir,  & delibererent  entr’euxeefl: 
affaire.  Il  y en  eutquelques-vns  qui  dirent  qu’il 
eufteftébondés  lors  de  les  rccognoiftrc  pour 
fuperieurs,&d ’approLiuerleur  bon  hcur,neant- 
moins  le  contraire  fucrefolu , & faduancerent 
pour  leur  donner  bataille.  Ce  qu’entendu  par 
Ifcoalt  Roy  de  Mexique,  il  enuoya  contre 
eux  fon  general  T lacaéllec , aucc  fon  arraee , & 
vindrent  à donner  bataille  au  raefme  champ, 
qui  feparoyent  leurs  limites,lefquelles  deux  ar- 


DES  Indes.  LiVi  VIL  342. 
mecs  eftoycnt  afièz  efgales  en  hommcs&  en  ar- 
mesjinais  elles  furent  bien  diuerfes  en  rordré& 
maniéré  de  côbattre.  Pource  que  les  Suchimil- 
cos  chargerêt  tous  enfemble  envn  moeeau  fans 
ordre,  ôc  Tlacaellcc  diuifa  les  liens  par  efcadrôs 
auec  vn  bel  ordrerpar  ainli  ils  rôpirent  inconti- 
nent leurs  contraires , les  faifans  retirer  en  leur 
cité,en  laquelle  ils  entrèrent  alors, &les  fuiuirêt 
iufques  à les  enfermer  au  T épie , où  ils  mirét  le 
feu,&  les  firent  fuyr  aux  môtagnes,  & en  fin  les 
rednifirent  à ce  point,  qu’ils  ferendirêtles  bras 
croilèz.  Le  capitaine  Tlacaellcc  retournant  en 
grand  triomphe , les  preftres  allèrent  au  deuant 
le  receuoir , auec  leur  mufique  de  fluftes,  en  en- 
cenfant  deuant  luy , les  Capitaines  principaux 
faifans  d’autres  ceremonies  ôc  monftres  d’al- 
legrelTe],  qu’ils  auoient  accouftumé  de  faire,  ôc 
le  Roy  auec  eux , s’en  allèrent  tous  au  Temple, 
rendre  grâces  à leur  faux  dieu.  Car  le  diable  a 
toufiours  efté  fortdcfireuxde  cela^ôc  de  s attri- 
buer 1 honneur  de  ce  qu  il  n’a  point  mérité,  at- 
tendu que  c’eft  le  vray  Dieu, qui  donne  la  vidoi- 
re,&  qui  fait  regner  ceux  qu’il  luy  plaift,  ôc 
non  pas  luy.  Le  iour  enfumant  le  Roylfcoalt 
fut  en  la  cité  de  Suchimilco,&  là  fe  fift  iurer  roy 
des  Suchimilcos,&  pour  les  confoler,leur  pro- 
mit faire  du  bien, en  figue  dequoy  il  leur  cômâ- 
da  qu’ils  fiffent  vnegrande  chaufïèe,qui  trauer- 
faft  de  Mexique  à Suchimilco , qui  font  quatre 
lieues , afin  qu’il  y eut  plus  de  commerce  Ôc  co- 
munication  entr’eux.Cc  que  hrêt  les  Suchimil- 
cos,&  en  peu  de  téps  le  gouucrnemênt  des  Me- 
xiquains  leur  fembla  fi  bon , qu’ils  f eftimerent 


Histoire  îïAtvrelle 
heureux  d’auoir  changé  de  Roy  & de  Républi- 
que, ôc  quelques  circonuoihns  pouffez  d’en- 
uie,  ou  de  crainte  à leur  perdition,  ne  fyrenc 
pas  faiéts  fages  du  malheur  de  ces  autres , com-  j 
me  ils  deuoyent.  Cuitlauaca  eftoit  vne  cité  dans  ' 
le  lac , laquelle  ( encor  que  le  nomade  habita- 
tion Toit  changée}  dure  encor.  Ils  eftoyent  fort 
adroits  à nauiger  par  le  lac,  & pourtant  il  leur 
fembla  qu’ils  pourroyent  endommager  beau- 
coup les  Mexiquains  par  eau.  Ce  que  le  Ri:>y 
ayant  entendu,  il  euft  voulu  y enuoyerincon-  i 
tinent  fon  armee  pour  combattre  contr’eux: 
mais  Tlacaellec  eftimant  peu  cefte  guerre,  ôc 
reputantchofehonteufe  de  mener  vne  armee 
contre  ceux-là , il  s’offrit  de  les  vaincre  auecles 
cnfansreuls,& le  mita  effed.Il  s’en  alla  au  tem- 
ple , & tira  du  conuent  ceux  d’entre  les  enfans, 
qu’il  trouua  propres  à ceft  affaire , aagez  depuis 
dix  ans  iufques  à dixliuiét , lefquels  fçauoyent  | 
guider  & mener  des  batteaux  ou  canoës,  & | 
leur  enfeigna  certaines  ruffs. L’ordre  qu’ils  tin-  i 
drent  à cefte  guerre  fut  qu’il  s’en  alla  en  Guida-  s 
uaca  auec  fes  enfans , où  par  Ces  rufes  il  prefla  j 
fes  ennemis  en  telle  façon  qu’il  les  fit  fuyr,  & 
comme  il  les  pourfuiuoit,  le  feigneur  de  Cuitla- 
iiaca  luy  vint  au  deuanr,&  fc  rendit,  luy,  fa  cité, 
&fon  peuplerpar  ce  moyen  ceffa  la  pourfuit- 
te.  Les  enfans  retournèrent  auec  beaucoup  de  j 
defpouilles  & plufieurs  captifs  pour  leurs  fa-  | 
crifices,qui  furent  receuz  folemnellement  auec  j 
vne  grande  proceflîon,  mufique  Sc  parfums,  ôc  | 
allèrent  adorer  leurs  dieux  en  prenant  de  la 
terre  qu’ils  mangeoyent,  6c  fe  tirant  du  fang  du 


Des  Indes.  Liv.  VII.  345 

deuant  des  iambes  auec  les  lancettes  des  pre- 
llres , & faifans  d’autres  fuperftitions  qu’ils  a- 
uoycntaccouftimié de  faire  en  telles  folemni- 
tez.  Les  enfans  furent  fort  honorez  & encou- 
ragez, & le  Roy  les  embralTa  & baifa,  & fes  pa- 
rens  & alliez  les  accompagnèrent.  Le  bruit  de 
celle  vidoire  courut  par  tout  le  pays,  comme 
Tlacacllcc  auoitfubiugué  la  cité  de  Cuitalua- 
ca,  auec  des  enfans,  dont  la  nouuelle&conlî- 
deratio^  des  chofes  palfces  ouurit  les  yeux  à 
ceux  de  Tezcuco , nation  principale  & fort  ac- 
corte,poUr  leur  façon  de  viure.  T ellement  que 
le  Roy  de  Tezcuco  fut  le  premier  qui  fut  d’o- 
pinion qu’ils  fedcuoyentaîîubiettir  auRoyde 
I^exique,&  l’y  conuier  auec  fa  cité.  Parqiioy 
de  l’aduis  de  fon  confeil,  ils  enuoyerent  des 
Ambafladeurs  bons  orateurs  aqec  des  prelèns 
honorables  pour  s’offrir  aux  Mexiquains  com- 
me fubieds,  leur  demandans  paix  ôc  amitiexe- 
la  fut  accepté  grarieufement , combien  que  par 
le  côfeil  de  Tlacaellec,  pour  effeduer  cela,  il  fît 
vnc  ceremonie  que  ceux  de  T ezcuco  fortiroiêc 
en  armes  auec  ceux  de  Mexique,  ôc  qu’ils  fc  co- 
battroyent  &rendroyent  incontinent  qui  fur 
vn  ade  & ceremonie  de  guerre,  fans  qu’il  y eut 
aucun  fang  refpandu  d’vne  part  ny  d’autre.  Par- 
quoy  le  Roy  de  Mexique  demeura  fouuerain 
feigneur  de  T ezcuco , & ne  leur  ofta  point  leur 
Roy , mais  le  fit  de  fon  confeil  priué , tellement 
qu’ils  fe  font  toufiours  conferuez  de  celle  fa- 
çon iufques  au  temps  de  Meteçuma  fécond, du- 
rant le  règne  duquel  les  Efpagnolsy  entrèrent, 
Ayans  affubietty  la  terre  ôc  la  cité  de  T ezcuco. 


Histoire  natvrelle 
M exique  demeura  dame  de  toute  la  terre  & des 
villes  qui  font  à l’entour  du  lac  où  elle  eft  fon-  | 
dee.îfcoalt  ayant  donc  iouy  de  celle  profperité,  | 
& régné  douze  ans  5 mourut  laülànt  le  Royau-  i 
me  que  l’on  luy  auoit  donné  , bien  augmenté 
par  la  valeur  & confeil  de  fon  nepueu  Tlacael- 
lec  ( comme  a efté  raconté  ) qui  fut  d’aduis  & 
trouua.  meilleur  que  l’on  elleut  vn  autre  Roy 
que  luy , comme  nous  dirons  cy  apres. 

Dtiancjuiejme  de  Mexique  appelle  Mote^umd 


cuco  & au  Roy  de  T acuba,par  fpecial  priuilege, 
Tlacaellec  alfembla  ces  fix  perfonnagcs,  com- 
me celuy  qui  auoit  la  fouueraine  authoritc, 
aufqucls  ayans  propofé  l’affaire,  fut  clleu  Mo- 
teçuma  premier  de  ce  nom , nepueu  du  mcfmc 
Tlacaellec.  Son  elleélion  fut  fort  agréable  à 
tous , à l’occalîon  dequoy  ils  firent  des  feftes 
trcs-folemnelles  & plus  magnifiques  que  les 
precedentes.  Incontinent  qu’ils  l’eurent  elleu, 
ils  le  menèrent  auec  grande  compagnie  au  tem- 
ple,ou  deuant  le  foyer  diuin  qu’ils  appelloyent, 
(où  il  y auoit  toufiours  du  feu  iour&  nuiél)lc 
mirent  en  vn  throfne  royal , le  reueftans  d’or- 
nemens  royaux.  Etcftantlà,le  Roy  fetirad(' 
fang  des  oreilles  Ôc  des  iambes , aueedes  ongles 


premier  de  ce  mm. 


Ch  AP.  XVI. 


’Av  TANT  que  l’efleélion  du  nou- 
ueau  Roy  appartenoit  aux  quatre 
Efleéleurs  principaux  ( comme  il  a 
efté  dit)&  auec  eux  au  Roi  de  T ez- 


DES  Indes.  Liv.  VIL  344 
ou  griffes  de  tigres,  qui  eftoit  le  fàcrifîce,  au- 
quel le  diable  fe  plaifoic  d’eftre  honore.  Les 
preftres,  les  anciens  & les  Capitaines  luy  firent 
leurs  harangues , le  congratulans  tous  de  Ton 
cfledion.  Ils  auoyentaccouftumé  en  telles efi- 
ledions  de  faire  de  grands  banquets  & des  dan- 
ces, où  ils  confommoyent  beaucoup  de  lumi- 
naires. Du  temps  de  ce  Roy  fut  introduite  la 
couftunac  qu’ils  auoient  que  le  Roy  deuoit  aller 
en  perfonne  faire  la  guerre  à quelque  prouince, 
d’où  il  amenaft  des  captifs  pour  folemnifcr 
lafeftedefon  Couronnement,  & pour  lesfo- 
Icmnels  facrificcs  de  ce  iour  là.  Pour  celle  cau- 
fc  le  Roy  Moteçuma  alla  en  la  prouince  de 
Chalco,  les  habitans  de  laquelle  felloycntd'e- 
clarez  fes  ennemis, où  ayant  combaru  valcureu- 
j fement,' il  amena  vn  grand  nombre  de  captifs, 
defquels  il  offrit  ôc  célébra  vn  notablefacrifi- 
celeiourdefon  couronnement,  combien  que 
pourlorsilnc  fubiugua  pas  toute  la  prouince 
de  Chalco , d’autant  que  c’elloit  vne  nation 
fort  belliqucufe.Plufieursvenoient  à ce  Cou- 
ronnement de  diuerfes  proninces  , tant  pro- 
ches qu’elloigneespour  voircelle  fefte,en  la- 
quelle tous  ceux  qui  y venoyent  elloient  abon- 
damment & magnifiquement  nourris  & reue- 
Ilus,  principalement  les  panures , aufquels  l’on 
donnoit  des  habits  neufs.  Pour  celle  caufe  l’on 
apporroit  ce  iour  là  en  la  Cité  les  ti'ibuts  du 
Royauecvnbcl  ordre  & appareil,  qui  confi- 
lloiten  des  elloffes  àfaire  des  habits  de  toutes 
fortes,  du  Cacao,  de  l’or,  de  l’argent , de  riches 
pliimaches , de  grands  fardeaux  de  cotton  , de 


Histoire  natvrelie 
îaci , cîes  concombres , de  plufieurs  fortes  de  le-, 
gumes,  de  plufieurs  fortes  de  poiflbns  de  mer, 
& de  riuiere , d vne  quantité  de  fruiéts , & delà 
venaifon  fans  nombre,  fans  faire  compte  dVii 
nombre  infiny  de  prefents,  que  les  autres  Roys 
êc  feigneurs  enuoyoiêt  au  nouueau  Roy  Tout 
ce  tribut  marchoit  de  rang  félonies  prouinces, 
&au  dquant  les  maiftres  d’hoftcl,  &les  rece- 
ueursauecdiucrfes  marques  & enfeignes  dvn 
fort  bel  ordre,  tellement  que  c’eftoit  vne  des 
plus  belles  choies  de  la  fefte , que  de  voir  Tcn- 
treedes  tributs.  Le  Roy  eftant  couronné,  il 
s’employa  à conquefter  plufieurs  prouinces, 
& d’autant  qu’il  eftoit  vaillant  & vertueux,  il 
alla  toufiours  augmentant  déplus  en  plus,  & 
fe  feruoic  en  toutes  fes  affaires  du  confeil  & de 
l’induftriedc  fon  general  Tlacaellec,  lequel  il 
aima  & eftima  toufiours  beaucoup , c5me  il  en 
auoitaufii  bien  occafion.  La  guerre  où  il  s’oc- 
cupa le  plus , & qui  luy  fut  plus  difficile  fut  cel- 
le de  la  prouincc  de  Chalco , en  laquelle  luy  ad- 
uint  de  grandes  chofes , dont  il  y en  a vne  entre 
autres  fort  remarquable , qui  fut  que  les  Chal- 
chas  ayans  prins  en  guerre  vn  frère  de  Mote- 
cuma,  ilss’aduiferent  de  lecreer  &eflircpour 
leur  Roy , parquoy  ils  luy  firent  demander  fort 
courtoifements’il  vouloit  accepter  cefte  char- 
ge. Il  leur  refpondit  apres  qu’ils  l’en  eurent 
fort  importuné,  & qu’ils  y perfiftoyent  tbuf- 
iours,  que  fi  à bon  efeient  ils  le  vouloyent  efli- 
repour  Roy,  qu’ils  plantaflcnt  en  la  place  vn 
arbre  ou  pieu  fort  hault,  auquel  ils  nfient  ac- 
commoder ôc  drefler  comme  vn  petit  théâtre 

au 


, DES  IWd'es.  Liv.  vil  34J 

au  coupcau  où  l’on  peuft  monter.  Les  Chalcas- 
penfans  que  ce  fuft  quelque  ceremonie  pour 
le  fa  ire  d'auantage  valoir,  le  mirent  incontinenc 
àeffed,  & luy  alfemblant  tous fes  Mexiquains 
au  tour  du  pieu,  monta  au  coupcau  , auec  vti 
chappeau  de  fleurs  en  la  main:&  de  là  il  parla 
aux  Sens  en  celle  façon.  O vdeurenx  Mexiqmms^ 
tetix-cy  me  veulent  ejltre  four  leur  J{py,mais  les  Dieux 
ne  veulent  fus Permettre  que  four  ejîre  I{oy  te  commette 
aucune  trahifon  cotitremonfays,  au  contraire  te  veux 
que  vom  affrcmc\Âe  moy^quil  conuient  fluflofi  enàu^^ 
rer  U mort,  que  d'aider  a [es  ennemis.  Difanr  cela  fe 
iettaduhaut  enbasfe  brifant  en  mille  pièces, 
duquel  fpedacle  les  Cbalcas  eurent  telle  hor- 
reur & defpit,  qu’incontinent  ils  feietterent  fiip 
les  Mexiquains  , qu’ils  mirent  tous  à mort  à 
coups  de  lances,  comme  hommes  qu’ils  efti- 
merent  trop  hautains , fuperbes  & inexorables, 
difans  qu’ils  auoient  les  cœurs  cndiablcz.  Ilad- 
uintque  la  nuidt  enfuiuante  ils  ouyrent  deux 
chathuants  qui  cryoient  de  trilles  cris  : ce  qu  ils 
interprétèrent  pour  figne  malheureux , & pour 
vn  prefage  de  leur  prochaine  deHrudion , com- 
me il  aduintî  car  le  Roy  Moteçuma  alla  en  per- 
fonne  contr’eux  auec  toute  fa  puiflàncc  ,où  il 
les  vainquit, &ruyna  tout  leur  Royaume  : 
pàlTant  outre  la  Sierre  Mcnade,  il  allatouliours 
conqueftant  iufques  à la  mer  du  Nort.  Puis  rc- 
tournantverscclleduSudil  gagna  & afluiettit 
plufieursprouinccs  , tel lera en t qu’il  fe  fit  tres- 
puiflant  Roy,  le  tout  auec  l’aide  & confcil  de 
Tlacaellcc^,  quiaprcfque  conquis  toutfEmpi- 
rc  Mexiquain.  T oiitcsfois  il  fut  d’opinion  ( ce 

Xx 


Histoire  nÀ^vrelle 
qui  fut  accomply  ) que  l’on  ne  conqueftaft  point 
laptouince  de  Tlaîcalla,  à fin  que  les  Mexi- 
quains  cuirent  vne  frontière  d’ennemis  où  ils 
exercafient  & tinflent  toufiours  en  allarmc  h 
ieunelTe  Mexiquaine , & à fin  mefme  qu’ils  euf- 
fent  quantité  de  captifs  pour  faire  les  facrifi- 
ccsàleurs  idoles , efqüels  comme  il  a efté  dit, 
ils  confonuïioientvn  grand  nombre  d hommes 
qui  deuoient  cftrejprins  en  guerre,  & par  force. 
L'honneur  fe  doit  attribuer  à ce  Moteçuma,ou 
pour  mieux  dire  à ce  Tlacacllec  fon  general , du 
bel  ordre  & police  qui  eftoit  en  ce  Royaume 
Mexiquain , comme  aufli  des  confeils  6c  belles 
enrreprinfes qui  fyfont  exécutées, mefimes  du 
grand  nombre  des  luges  ôc  magiftrats  qui  y 
cftoient  autant  bien  ordonnez  qu’en  aucune 
République,  voire  qui  fuft  des  plus  florilTantes 
deFEurope.  Ce  mefme  Roy  augmenta  beau- 
coup la  maifon  Royale  , & luy  donna  beau- 
coup d’authorité,  ordonnant  plufieurs  Sc  di- 
uers  officiers  , defquels  il  fe  kruoit  auec  vu 
grand  appareil  & ceremonie.  Il  ne  fut  pas 
moins  remarquable,  touchant  la  deuotion  âc 
feruiceMefes  idoles  , d’autant  qu’il  accreut  le 
nombre  des  miniftres , leur  inftituant  de  nou- 
uclles  ceremonies  , aufquelles  il  portoit  vn 
grand  rcfped.  Il  édifia  ce  grand  temple  dédié 
à leur  Dieu  Vitzilipuztli,  duquel  il  a efté  fait 
mention  en  l’autre  liùrc.  Il  facrifia  en  la  dedi- 
cation  de  ce  temple  vn  grand  nombre  d’hom- 
mes qu’il  auoit  prins  en  diuerfes  victoires.  Fi- 
nablementiouUrant  de  fon  Empire  en  grande 
profperitc il  tomba  malade  Sc  mourut,  ayant 


DES  Indes.  Liv.  VII.  ^4^ 

rcgné  vingt  huid  ans,  bien  autre  que  ne  fut  fon 
fuccctTeiir  Ticoçic , qui  nelüy  reîfembla  ny  en 
valeur  ny  en  bon*  heur. 

Comme  TUcaellec  refufi  d'effre  de  l'eJle^ionO* 

gejlesde  Tico^ic. 

Chapit.  XVII. 

E s quatre  députez  FalTemblercnr  en 
confeîl  auec  les  feigneursdeTezcuco 
&de  Tacuba  , ou  prefidoitTlacacl- 
lec,& procédèrent  à lefledion  dVn 
Roy , en  laquelle Tlacaellec  fut  efleii  par  toutes 
les  voix,  côme  méritant  mieux  celle  charge  que 
nul  autre.Il  la  refufa  fourrât , leur  perfuadât  par 
jtaifons  pertinente  s,  qu’ils  en  deuoient  ellire  vn 
autre  pource  qu’il  difoit  qu'il  elloit  meilleur  & 
plus  çxpediét  quVn  autre  fuHRoy,&que  luy  fut 
s5  cxecutcur&coadiuteur,come  il  auoit  ellé  iuf- 
ques  alors,que  nô  pas  de  le  charger  de  tout,puif 
que  fans  eftre  Roy , il  ne  fc  tenoit  pas  moins  ob- 
ligé de  trauailler  pour  faRepublique,que  s’il  l’c- 
ftoif.  C’ell  vne  chofe  fort  rare  de  refufer  la  prin- 
cipauté & le  commandement,  & de  vouloir  bic 
porter  la  pleine  & le  foucy , fans  en  auoir  Thon  - 
ncnrÔdapuilTanCe.  Et  y en  a bien  peu  qui  veu- 
lent quitter  à vn  autre  la  puilTancc  & l’authori^ 
té  qu’ils  peuuent  feulemét  retenir  en  leur  main, 
encor  que  ce  full  chofe  profitable  à la  Républi- 
que. Ce  barbare  furpalîà  en  cela  les  plus  fages 
d’entre  les  Grecs  & les  Romains , & ell  vne  le- 

Xx  ij 


Histoire  natvrellï 
çon  cju’on  peut  faire  à Alexandre  & à Iules  Cc« 
iar,  dcrquelsl’vn  eftimoit  peu  dechofede  con- 
mander  à tout  vn  monde, & fît  cruellement  per- 
dre la  vie  à Tes  plus  chers  & plus  fidelles  ferui- 
teurs  , pour  quelques  légers  foupçons , qu’ils 
vouloient  regner  : Ôc  l’autre  fe  déclara  ennemy 
de  fa  patrie, difantjC^ue  fil  eftoit  permis  à Thom- 
me  de  faire  quelque  chofe  contre  le  droit  5rla 
raifon,cedeuoiteftre  pour  regner  : telle  cft  la 
foif  & le  defir  que  les  hommes  ont  de  comman- 
der. Bien  que  ceft  ade  de  Tlacaeliec  pouuoic 
auflî  procéder  d’vne  trop  grande  confiance 
de foy , luy  fembknt  que  fans  eftre  Roy  il Ic- 
ftoit  allez , veu  qu'il  commandoir  prefque  aux 
Rois  eux  luy  permettoient  porter  certaines 
enfeigneSjCÔmevn  tiare,  qu’il  leur  appartenoit 
de  porter  feulement.  Neantmoinscctadc  mé- 
rité beaucoup  de  loliange , ÔC  d eftre  bien  con- 
fideré  en  ce  qu’il  auoit  opinion  de  pouuoir  d’a- 
uantage  aider  à fa  République  , eftant  fiibied 
qu’eftant  fouuerain  Seigneur.  Et  tout  ainfi 
qu’en  vnc  comedie  , celuy-la  mérité  plus  de 
gloire , qui  reprefente  le  perfonnage  qui  im- 
porte le  plus,  encor  qu’il  foit  dVn  pafteur  ou 
dVn  payfàn,  &lailTc  celuy  du  Roy  Ôc  du  Ca- 
pitaine à celuy  qui  le  fçait  faire.  Ainfi  en  bon- 
ne Philofophie,  les  hommes  doiuent  auoir  ef- 
gard  fur  tout  au  bien  public , ôç  fappliquer  en 
fefïicc  ôc  eftat  qu’ils  entendent  le  mieux.  Mais 
celle  philofophie  eft  la  plus  efioignéede  ce  qui 
fe  pratique  auiourd’huy.  Cependant  venons  à 
noftrcdifcours  , ÔC  difons  qu’en  rccompenfc 
dckmodeftie:  & pour  le  refpcd  que  luy  por- 


©ES  Indes.  Liv.  VIL  347 

foicnt  les  cflcâ:eui;«  Mexiquains^ils  demandè- 
rent à Tlacaellec  , que  puis  qu’il  ne  \rouloit 
regnerj  qu’il  dift  celuy  qui  luy  fembloit  pro- 
pre, & il  doua  fa  voix  à vn  fils  du  Roy  defFumS', 
qui  pour  lors  efioic  encor  fort  kune,  appelle  . 
Ticoçic,  furquoy  ils.  répliquèrent  que  fes  cf- 
paullcs  efioient  bien  foiblcs  pour  vn  fi  grand 
fardeau.  Tlacaellec  refpondit  que  les  fiennes 
eftoient  là  pour  luy  aider  à porter  la  charge, 
comme  il  auoit  fait  aux  defFunds.  Au  moyé  dc- 
quoy  ils  prindrent  leur  refolution , &c  fut  eflcu 
Ticoçic,  auquel  furent  faites  toutes  les  cere- 
monies accouftumées.  Ils  luy  percerent  la  na- 
rine , & pour  ornement  ils  y mirent  vnc  cfme- 
raude,quieftlacaufepourqupy  aux  linres  Me-' 
xiquains , ce  Roy  eft  denotté  par  la  narine  per- 
cée. Il  fut  fort  difFerent  de  fon  pere  & predecef- 
feur,  ayant  cfté  remarqué  pour  borne  couard  & 
peu  belliqueux.  Il  alla  faire  la  guerre  pour  fon 
Couronnement  en  vne  prouince  quï  fcfioit  re- 
bellée, où  il  perdit  beaucoup  plus  des  fiens,  qu'il 
ne  prînr  de  captifs. Neantmoins  il  retourna , di- 
faut  qu’il  amenoit  le  nombre  des  captifs  qu’il 
cftoit  requis  pour  les  faciifices  de  leur  Couron- 
nemçnty  & ainfi  il  fut  couronné  auec  vne  gran- 
de folemnité.Mais  les  Mexiquains  , mal  contes 
d’auoir  vn  Roy  fi  peu  guerrier,  traitterent  de 
îuy  auancer  la  mort  par  poifoii.  Pour  cefte  oc- 
cafiô  il  ne  dura  point  au  Royaume  plus, de  qua- 
tre ans,d’où  Fon  voit  bien  que  les  enfans  ne  fuy- 
uent  pas  roufiours  le  fang&la  valeur  de  leurs 
peres,&  que  tant  plus  grande  a cfté  la  gloire  des 
predecclTeurs,  plus  abominable  eft  la  lafchcté  de 
^ . Xx  iij 


Histoire  natvrelle 
pufillanimitédcceuxquilear  fuccedcnt  au  co- 
mandement 5 & non  pas  au  mérité.  Mais  ccftc 
perte  fut  bien  reftaurée,par  vn  frère  du  deffunt^ 
qui  cftoir  auffi  fils  du  grand  Moteçuma,  appelle 
Axayaca,&  lequel  fut  efleu  parfopinion  de  Tla- 
caellcc , où  il  rencontra  mieux  qu’au  precedent. 

VeUmm  àeTUueüec,  des aBes d’ ^XÀydca  7, 

J{py  desMexic^udim, 

Chap.  xviir. 

N ce  temps  Tlacacllec  efioit  défia 
fortvieil,&à  caufe  de  (à  vieilleflTe,!  ô 
le  portoit  en  vne  chaire , fur  les  ef- 
paullesjpour  fc  trouuer  an  confeil&: 
aux  affairesqui  Ce  prefentoiêt.En  fin 
[il  tôba  maladejOÙ  le  nouueau  Roy , qui  n'eftoit 
pas  encor  couronné,  le  vifitoit  fouuent  , &ref- 
pandoit  beaucoup  de  larmes  , d’autant  qu’il  luy 
lémbloit  qu’il  perdoit  en  luy  fon  pere,  ôc  le  pere 
de  la  parrie.Tlacaellec  luy  recommanda  affeélu- 
eufement  fes  enfans,principalemenc  l’ailni,  qui  . 
s’eftoit  montré  valeureux  aux  guerres  pafièes, 
le  Roy  luy  promit  de  l’auoir  pour  recomman- 
dé, & pour  confoler  d’auantage  le  vieillard  j il 
luy  donna  en  fa  prtfence  la  charge  & les  enfei- 
gnes  de  fon  Capitaine  general  ,auec  toutes  les 
prééminences  defon  pere,dequoy  le  vieillard 
demeura  tellement  content,  que  fur  ce  conten- 
tement il  achcua  fes  iours.  s’ils  ne  fulïcnt 


DES  Indes.  Liv.  VII.  54^ 
paflfez  de  ccfte  vie  en  l’autre , ils  eiilTent  peu  fc 
tenir  bien  heureux,  attendu  que  d’vne  fi  petite, 
& fi  pauure  Cité , en  laquelle  il  nafquit , il  fit  Sc 
cftablit  par  fa  valeur  , Sc  inagnaniraité  vivfi 
grandyfi  riche,&  fi  puilîant  royaume.  Les  Me- 
xiquains  îuyfircnt  des  obfeques,comme  au  fon- 
dateur de  cet  Empire, plus  fomptueufes , & plus 
magnifiques  qu’ils  n’auoient  fait  à aucuq  des 
Royspredecefiéiirs ,&  incontinent  apres  Axa- 
yaca,  pourappaiferlc  dueil,que  tout  le  peuple 
Mexiquain  portoit  de  la  mort  de  fon  capitaine, 
délibéra  de  faire  le  voyage,  comme  il  eftoit  de 
befoingpour  fon  couronnement.  C’eft  pour^ 
quoyilmcna  fon  armée  auec  grande  diligence 
en  la  prouince  de  T equantepec  diftantc  de  Me- 
xique de  deux  cent  lieues  , Ôc  là  il  donna  la  ba- 
taille à vnpuilTant  exercite,  & nombre  infiny 
d’hommes,qui  s’eftoient  afièmblez , tant  de  ce- 
fte prouince,  comme  des  circonuoifincs  pour 
s’oppofer  aux  Mexiquains.  Le  premier  de  Ion 
camp  qui  s’aduança,pour  (e  méfier  au  côbat,fur 
le  mefrac  Roy  défilant  fes  ennemis , defquels  il 
faignit  fuir , lors  qu’ils  le  chargèrent , iufques  à 
les  attirer,  en  vnc  embnfche , où  il  y auoit  plu- 
ficurs  foldats  cachez  foubs  de  la  paille , lefquels 
fortirentà  l’impourucu  , & ceux  qui  alloient 
fuyants  tournèrent  tefte , tellement  qu’ils  arre- 
fterentau  milieu  d’eux  ceux  de  Tequantepec, 
Sc  les  chargèrent  fort  viuement,  en  faifant  d’eux 
vue  cruelle  boucherie.  Et  pourfuyuant  leur  vi- 
ctoire ils  raferent  leur  Cité  , &leur  Temple, 
chaftierentrigoureufement  tous  les  cirçonuoi- 
fins,puis  ils  tirèrent  outre,  Sc  fans  s’arrefter  au- 
X X iiij 


Histoire  NATVREtLE 
cuncmenc,  allèrent  conqueftans  iufques  à Gua- 
tulco , qui  eft  vn  port  aiiiourd’huy  fort  cognea 
en  la  mer  du  Sud.  Axayaca  retourna  dccevoya- 
ge  à Mexique  auec  de  grandes  delpouilles,  & ri- 
cheires.ou  il  fut  honorablement  couronné  auec 
defomptueux,&  magnifiques  appareils  de  fa- 
crifices,detribitts,&  autres  chofes,oùplufieurs 
vindrentvoir  Ton  couronnement.  Les  Roysde 
Mexique  recepuoient  la  couronne  de  la  main 
des  Roysde  Tezcuco  ,qui  auoient  cefte  préé- 
minence. îl  fit  beaucoup  d'autres  en ircprinies, 
où  il  obtint  de  grandes  vidoires  , ellant  touf- 
iours  le  premier , qui  conduifoit  fon  armée , ôc 
alîàilloit  fes  ennemis,  d’où  il  acquit  le  nom  de 
très  valeureux  Capitaine  , & non  content  de 
fubiuguerles  étrangers,  il  reprima,  & mift  le 
frem  aux fiens  qui  s eftoient  rebellez  , ceque 
iamais  aucun  de  fes  predeceirenrs  n’auoit  peu, 
ny  ofé  faire.  Nous  auons  défia  dit  cy  deuant  co- 
rne quelques  feditieux  s’eftoient  feparez  de  la 
république  Mexiquaine,  qui  fondèrent vnc  Ci- 
té,proche  de  Mexique,  laquelle  ils  appellcrent 
Tlateluico,  & fut  à l’endroit  , où  eft  auiour- 
d hny  faind  Jacques.  Ceux  la  feftans  reuoltez 
tindrent  vnparty  àpart  ôc  faccreurent,  ôc  mul- 
tiplièrent beaucoup,  ne  voulans  iamais  recon- 
gi  oidre  les  Seigneurs  de  Mexique  ny  leur  pre- 
fter  obeifiance.  Le  Roy  Axayaca  les  enuoya 
donc  requérir  qu’ils  ne  fuirent  diuifez,  mais  que 
puis  qu’ils  eftoient  d’vn  mcfme  fang,&  vn  peu- 
ple, qu  ils  fe  ioignilîent  ôc  recongneulfent  1« 
Roy  de  Mexique.  Surquoy  le  Seigneur  de  Tla- 
relulco,fitvne  rclponcc  pleine  de  grand  mef- 


H 


‘ 


DES  Indes.  Xiv.  VIL  54^ 
pris  &:  orgueil , deffiant  le  Roy  de  Mexique  à 
combattre  en  duel  , & incontincUt  alïembla 
fes  hommes,  commandant  à vnc  partie  d’ieeux 
qu’ils  allaient  Ce  cacher  dans  les  herbiers  du 
iac , afin  d’eftre  mieux  couuerts.  Où  pour  fe 
mocquer  d’auantage  des  Mcxiqiiains , il  leur 
commanda  prendre  des  figures  de  corbeaux, 
d’oyes  , & d'autres  animaux,  comme  des  gre- 
nouilles , & autres  femblablcs , penfans  par  ce 
moyen  furprendre  les  Mexiquains,  lors  qu’ils 
pafleroientparles  chemins&chauirees  du  lac. 
Ayant  entendu  lcdefïi  & la  ruze  de  fon  con- 
traire, il  partit  fon  armée  , donnant  vne  partie 
à fon  general  fils  de  Tlacacllec,^&  luy  comman-» 
da  de  rompre,  & décharger  fur  cefte  embufea- 
dc  du  lac , luy  d’autre  cofté , auec  Ir  refte  de  fes 
gens  par  vn  chemin  qui  n’ertoit  point  hanté, 
s’alla  camper  dcuantTlatelulco  Incotntincnt  il 
fitappellci^ç^eluy  qui  l’auoit  défié  , afin  qu’il  ac- 
complift  fa  parole , & côme  les  deux  Seigneurs 
dcMexique  &de  Tlatclulco  ,faduancerent  ,ils 
cbramandierent  chacun  aux  liens  , qu'ils  ne  fe 
remuafrent  iufques  apres  auoir  ven  lequel  des 
deux  feroit  le  vainqueur,  ce  qui  fut  fait , ôc  toiit 
au  flîtoft  ces  deux  Seigneurs  vindrent  Fvn  con- 
tre l’autre  valeiireufement , où  ayans  longue- 
ment combattu , en  fin  celuy  de  Tlatelulco  fuft 
contraint  tourner  les  efpatilles  , d’autant  que 
celuy  de  Mexique  le  chargeoit  plus  furieüfe- 
ment  qu'il  nepouûoitfupporter.  Ceux  de  Tla- 
telulco voyansTuir  leur  Capitaine,  perdirent 
courage,&  tournèrent  aufiî  le  dos:  mais  les  Me- 
pciquains  lesSuyuants  de  prés  les  chargèrent 


Histoire  natvrelie 
furieufcmcnt.  Ncantmoins  le  Seigneur  de  TIa- 
telulcOjn’efchappa"pasdcs  mainsd’Axayaca.Car 
fè  penfant  fauuçr , il  fe  retira  au  haut  du  temple 
où  Axayaca  le  (uyuit  de  prés,  qui  l’attaignit  & le 
faifîtd  vne  grande  force,  puis  le  ietta  du  haut 
du  téple  en  bas,  & fit  mettre  le  feu  puis  apres  au 
teraple,&  à la  Cité.Cependat  que  cela  fe  palToic 
àTlatclulcOjlegencralMexiquain  eftoitfort  ef- 
chauffé  à la  vengence  de  ceux  qui  l’auoient  pré- 
tendu deffaire  parruze,&partrôpcric,  & apres 
les  auoir  forcez  par  armes  de  fe  rendre,  & de  luy 
demander  mifericordc , le  general  leur  difl  qu’il 
ne  leur  pardonneroit  point,  que  premièrement 
ils  n'eulTent  fait  les  offices  des  figures  qu’ils  re- 
prefentoient , parquoy  il  vouloir  qu’ils  criaffent 
corne  les  grenouilles,&  les  corbcaux,&chafcun 
félon  les  figures  qu’ils  auoient  prinfes  d’autant 
qu’ils  n’auroiétpoint  de  côpofition  qu’en  ce  fai- 
fant.Ce  qu’il  fift  pour  les  afFrôter,6rmocquer  de 
leur  ruze.La  crainte  & neceffité  enfeigne  toutes 
chofcsjtellemét  qu’ils  chaterenr,  &crierétauec 
toutes  les  différences  de  voix  que  l’on  leur  com- 
manda,pourauoir  leurs  vies  fauues,  côbien  que 
ils  fuffent  fort  defpitez  du  pafletemps  que 
leurs  ennemis  prenoyent  d’eux.  Ilsdifent  que 
iufqnes  auiourd’huy  durent  encor  les  brocards 
desMexiqnains  enuers  IcsTlatelulcos  , qui  le 
portent  impatiemment,  lorsque  l’on  leurra^ 
mentoit  ces  chants  & cris  d animaux.  Le  Roy 
Axayaca  prit  plaifir  à cefte  rifée , & incontinent 
apres  s’en  retournèrent  en  Mexique,  en  gran- 
de uefiouilîânce.  Ce  Roy  fut  eflimé  pourvu 
4es  meilleurs  qui  ayent  commadéen  Mexique. 


' BES  Indes.  Liv.  VII.  iso 
Il  régna  onze  ans , & luy  rucceda  vn  qui  fat  be- 
aucoup moindre  que  luy  en  yalcur&  vertus. 


Des  faifis  ^Bes  Z.Bjy  de 

^ . Mexsi^tte. 

Chap.  XIX. 

|Ntrc  les  quatre  cflcâ:eiirs  de  Mexi- 
|que,qui  comme  il  a efté  dit,  auoycnt 
'le  droit  d’eflire  au  Royaume  celuy 
I qu’ils  votîloyent , il  y en  aüoit  vn 
doué  deplufieurs  perfc(5Hons,  nom- 
mé A utzol.  Ceftuy  ftjt  efleu  des  au tres,&  fut  cc- 
fteelcdion  fort  aggreableàtoutlc  peuple, car 
outre  ce  qu’il  eftoit  fort  vaillar,  tous  l’eftimoyét 
courtois,  Sc  officieux  enuers  vn  chacun , qui  eft 
vnc  dcsprincipalles  conditions  requifes  à ceux 
qui  gouuernent,  pourfe  faire  aimer  & obeïr, 
Or  pour  célébrer  la  fefte  de  Ton  couronne- 
ment, ils’aduifadc  faire  le  voyage  , ôc  aller 
chaftier  loutrecuidatice  de  ceux  de  Quaxulat- 
lan,prouince  fort  riche  & abondante  , qui  eft 
auiourd’huy  la  principale  de  la  neufue  Efpa- 
gne.  Ceux-là  auoyent  voilé  les  officiers  & mai- 
ftres  d'hoftel  qui  apportoient  le  tribut  à Mct 
xique’,  &auec  cela  feftoyent  rebellez.  Il  ent 
de  grandes  difficultez  à réduire  cefte  nation, 
pource  qu’ils  s'eftoyent  mis  envn  lieu,  où  vn 
grand  bras  de  mer  empefehoit  le  palîàge  aux 
Mexiquains.  Pour  lequel  trauerfer  Autzolhc 
auec  vn  eftrange  trauail  ôc  induftrie  fonder  en 


H I s T O I R E N AT  V R E L I E 
Teauc^comme  vneiflcttedefafcincs,de  tcrrc/& 
autres  mareriaux , parle  moyen  duquel  œuure 
ilpcutluy  &fes  gens  pafler  vers  fes  ennemis, 
^leur  donner  bataille,  où  il  les  vainquit , & 
cbiiftia  à fa  volonté,  puis  fen  retourna  à Mexi- 
que en  triomphe  , & auec  grandes  richelTes, 
poureftre  couronné  Roy  , felonlcur  couftu- 
ine.  Autzol  cftendit  Ton  Royaume,  par  plu- 
lieurs  conqueftes  qu’il  fit , iufques  à paruenir  à 
Guatimallajquieftàtrois  cens  lieues  de  Mexi- 
que. Il  ne  fut  pas  moins  liberal,  que  vaillant, 
car  lots  que  les.tributs  arriuoyent,(  lefquels 
comme  il  a efté  dit , venoycnr  avtec  vn  grand 
appareil,  & abondance)  il  fortoit  de  fon  palais, 
& faifoit  afTembler  en  quelque  lieu  tout  le 
peupIe,puiscommandoitque  l’on  apportaft  là 
tous  les  tributs , Icrquels  il  departoit  à ceux  qui 
auoyent  necelîitç.  Il  donnoit  aux  pauures  des 
cftoffesàfaire  deshabits,  des  viandes,  & de 
tout  ce  qu’ils  auoycnr  de  befoing  en  grande 
quantité, & les  chofes  de  prix,  comme  l’or , l'ar- 
gent,les  ioyaux  , ^les plumaches  eftoient  dé- 
partis entre  les  Capitaines  ,foldats,  & ferui- 
teui-sdefamaifon  , félon  le  mérité  d’vn  cha- 
cun.Cet  Autzol  fut  raefmc  grand  politic  ,&fit 
abbairc  les  édifices  mal  ordonnez  , & en  ree- 
dificr  de  nouueau  d’autres  fort  fomptueux.  Il 
luy  femblaque  la  Cité  de  Mexique  auoit  trop 
peiid-caùe  , & que  le  lac  eftoitfort  bourbeux, 
parquoy  il  fe  délibéra  d’y  faire  venir  vn  gros 
cours d-’eaüe, dont  feferuoient  ceux  de  Guyoa- 
can.  A celle  fin  il  fit  venir  vers  luy  le  principal 
decçftecité,quieftoiç  yn  fameux  forcier  , & 


DES  Ikdes,  Lir.  vn.  Ï5X 
luy ayant  propoféfon  intention,  leforcicrluy 
dift  qu’il  regardai!:  bien  ce  qu’il  faifoit  ,^our  cc 
que  celle  afeirc  eftoit  de  grande  difficulté,  Sc 
qu’îlentendift,  que  s’il  tiroitee  ruilleau  de  fort 
coLfts  ordinaire,  & le  faifoit  aller  en  Mexique, 
iinoyeroit  la  cire.  Il  fembla  au  Roy  que  ces 
cxcules  n eftoyent  que  pour  euiter  feffed  de 
fon  delfein , parquoy  en  cftant  irrité  le  renuoya, 
ôc  quelques  iours  apres  enuoya  à Cuyoacan 
vn  preuoft  pour  prendre  le  forcicr,  lequel  ayant 
entendu  pour  quelle  occafion  venoyent  les 
miniftres  du  Roy,  les  fit  entrer  en  fa  maifôn, 
puis  fe  transforma  5c fe  prefentaà  eux  en  for- 
me dVn  aigle  terrible , dequoy  le  preuoll:  Sc  fes 
gens  efpouuentez  , s’en  retournèrent  fans  le 
prendre.  Autzol  irrité  en  renuoya  d’autres,  auf- 
quels  il  fe  prefenta  en  figure  d’vn  tigre  rres- 
furieux  , &ne  luy  oferent  non  plus  toucher. 
Les troiûefmes  y furent,  Sc  le  trouuerent  en 
forme  dVn  ferpent  horrible  , dont  ils  curent 
grande  frayeur.  Le  Roy  efmeu  d’auantage  de 
ces  façons  défaire  , eniioya  dire  à ceux  de 
Cuyoacan , que  s’ils  ne  luy  ainenoyent  le  for- 
cierliéjilferoitrafer  leur  cité;  pour  crainte  de- 
quoy, oufoit  quc  luy  de  fa  volonté  , ou  foit 
qu’ilyeuftefté  forcé  des  fiens,  en  fin  fe  lailfa 
emmener  au  ^oy,qui  le  fit  incontinent  eftran- 
glcr  , puis  apres  il  accomplir  fon  dcifcinjfai- 
fànt  carier  vn  canal , par  où  celle  eaüc  peut  cou- 
ler à Mexique , parle  moyen  duquel  il  fit  venir 
vn  gros  cours  d’eaüe  au  lac,  lequel  ils  condui- 
rent  auec  de  grandes  ceremonies  Sc  fuperftr- 
Eioiis,où  il  y auoic  des  prefttes  qUialloycnt  en- 


Histoire  natv relie 
çcnfansle  long  du  riuagejes  autres  facrifians 
des  caillas  du  fang  dcfqucllcs  ils  oignoycnt  les 
bordsduc^nal,  & les  autres  fonnans  des  cor- 
nets accompagnoycnt  l’caüc  de  leur  mufiquc. 

Vn  des  principaux  alloic  v^cftli  dvn  habindc 
la  i^açon  qu’ils  attribuoy  cnt  à kDcede  de  l’eaiie, 

& tous  la  ralubient,luydi(ans  qu*elle  fuft  la  bien 
venue.  Toutes  Icfquelles  chofes  font  peintes  6c 
figurées  és  annales  de  Mexiquc,Ieliuredefquel- 
les  cft  auioLird’huy  à Rome , qui  a efté  mis  en  la 
(acrée  Bibîiotheque,ou  librairie  Vaticanc,où  vn 
pere  de  noftre  compagnie  qui  eftoit  venu  de 
Mexique  le  vid , ôc  les  autres  hiftoires  lefquel- 
les  il  expliquoit , & faifoit  entendre  au  Bibli- 
othécaire de  fa  Saindeté,  qui  le  plaifoit  infini- 
ment d’entendre  ce  liure  lequel  il  ii  auoit  iamais 
peu  côprendre.  Finalemêt  l’caûe  fut  amenée  en 
Mcxique,mais  elle  yfourdit  en  telle  abondance, 
que  peu  s’en  falluft  que  elle  ne  noyaft  la  cité  co- 
rne l’autre  auoit  predit^deen  effed  elle  ruina  vne 
grande  partie  d’icelle,  à quoy  incontinent  ils  rc- 
mcdierêt,par  rinduftried’Aurzol.  D’autSt  qu’il  . 
fit  faire  vn  canal  ôc  iirue,pour  en  faireîcoulcr  les 
eaux , au  moyen  dequoy  il  repara  les  baftimens  | 
qui eftoycnttôbezd’vnouurage exquis,  eftans  | 
au  parauant  de  raefchâs  édifices.  Par  ainfi  il  laif-  i 
fa  fa  cite  enuironnéed’eaüc,  comme  vne  autre 
V enife,  ôc  fort  bien  baftie.  Son  tegne  dura  onze 
ans,qui  s’acheua  au  dernier&plus  grand  fuccef- 
feur  de  tous  les  Mexiquains. 


D«s  Indes.  Liv.  VII.  35^ 

Vc  r ejle^ion  du^rdnd  MoteçttmA  dernier  de 

Mexique, 

Chap.  XX. 

|V  temps  que  les  Efpagnoîsenrrcfcnt 
' en  la  ncufueElpagne,qui  fut  en  l’andu 
[Seigneur  mil  cinq  cens  dixhuid,  Mo- 
'tcçtiraa  fécond  de  ce  nom , Ôc  dernier 
R oydesM  exiquainSjie  dy  dernier,car  iaçoit  que 
ceux  de  Mexique , apres  fa  mort  en  elîeurenc  vn 
autre,^voire  duviuât  raeli-ne  dcMotcçuma, qu’ils 
déclarèrent  ennemy  de  la  patrie,c5me  l’on  ver- 
ra cy  apres.  Mais  celuy  qui  luy  fucceda  Ôc 
celuy  qui  vint  captif  entre  les  mains  du  Mar- 
quis de  Vallé  , n’eurent  que  le  nom&:  tiltre 
de  Roys  , d’autant  que  le  Royaume  eftoit  ia 
prefque  tout  rendu  aux  Efpagnols.  Tellement 
qu’auec  raifonnous  cotons  Moteçuma,  pour  le 
dernier  Roy  ,&  corne  tel  il  vint  au  période  de  la 
puilFance  Ôc  grandeur  des  McxiquainSjCe  qui  cft 
admirable  pour  eftre  arriué  entre  b’arbares.  A ce- 
lle caufe,&  que  celle  là  eftoit  la  faifon,que  Dieu 
auoit  choifie , pour  enuoyer  la  cognoilFance  de 
fpn  Euangilc,  ôc  règne  de  lefus  Chrift , en  cefte 
côtree,ieraconterayplus  diftindemél  lesades 
de  Moreçuma,que  des  autres.  Auparauant  qu’il 
fuft  Roy, il  eftoit  de  Ton  naturel  tort  graue , ôç 
fort  pofé , ôc  parloir  peu , tellement  que  quand 
il  opinoitau  priué  confeil,  où  il  affiftoit,  Tes 
propos  ôc  difeours  faifoyent  admirer  vn  cha- 
cun , ft  bien  que  deflois  il  eftoit  craint , ôc  ref- 


HiSTOI  RE  N ATVRItlB  j 

pcAc.  Il  fe  rctir oit  ordinairement  en  vnc  cha- 
pelle, qui  luy  eftoitdellinéeau  temple  de  Vic- 
zilipuztli , où  ils  difoyent  que  leur  idole  par- 
loir auecluy,  & à cefte  occahon  eftoiteftiraé  | 
fortreligieux , ôc  deuot.  Pour  fes  perfedions 
donc,  &■  pour  cftrc  trcr-noble,&  de  grand  cou-  | 
rage,(bh  efledion  futbriefue,  & facile, comme 
d’vme  perfonne  fur  laquelle  tous  auoyentles  | 
yeux  fichez , pour  eftre  digne  dVne  telle  char-  ^ 
ge.  Ayant  entendu  Ton  efledion , il  fe  cacha  au  i 
temple,en  cefte  Chapelle  , fiift  qu  il  fift  par  | 
difeours  ^ & qu’il  apprehendaft  vne  charge  fi 
ardue , & difficile,  comme  efioit  de  régir  vn  tel 
peuple:  ou  fuft comme ic  croy  par  hypocrifie, 
&pour  môftrcr  qu’il  ne  defiroit  eiirien  l’Em- 
pire. En  finilsletrouuerentlà,  & le  prindrent 
& menèrent  à Ton  confilloire,  l’accompagnant 
aucc  toute  la  refiouiirance  qui  leur  fut  poflî- 
ble.  Il  marchoit  aucc  vne  telle  grauicc , qu’ils 
difoyent  tous,  que  le  nom  de  Moteçumaluy 
conuenoit  fort  bien,  qui  vaut  autant  à dire  que  | 
feigneur  courroucé.  Les  Efledeurs  luy  firent 
vne  grande  reuercnce,  luy  faifans  entendre  qu’il  i 
auoit  efté  cfleu.  De  là  il  fut  mené  deuant  le 
foyer  des  Dieux, pour  cnçcnfer , où  il  leur  offrit 
facrificcs^en  fe  tirant  du  fang  des  oreilles  , & , 

des  mollets  des  iambes  , félon  leur  couftume 
Ils  le  reueftirent  de  fes  ornements  Royaux  , & ^ 

luy  ayans  perce  les  narines  par  le  cartilage , ils  ; 
y perdirent  vne  efmeraude  très  riche,  couftu-  j 
me  certes  barbare  & fafeheufe , mais  le  defir  d«  | 
çoramandcr,empefche  de  fentir  telles chofes.  j 
Apres  qu’il  fut  afiis  en  fon  throfnc , il  ouy t les  | 

orai-  I 


Des  Indes.  LiVi  VIL  35I 

braifons  & harangues  que  l’oii  luy  hrjefquel- 
Jes  auffijfèlon  qu’ils  aboient  accouftumé,  eftoiéc 
cleganreSj&arEificieures.  La  première  futpro^ 
Jioneeeparlc  Roj?  de  Tffcuco  , laquelle  ayant 
efté  conferueejpour  la  fraifehe  memoirej&  eftâc 
bien  digne  d’eftre  ouyetiela  refereray  icy  de  mot 
^moi,Ôcàii2im(\\Laconcordance  cr  vmté  âes  voix< 
Jkr  ton  ejleBion , donne  ajfe'^a  entendre{tres-7iolUadolej^ 
cent)le grandheur  que  tout  le  Koyaume  en  don  recemir, 
tatitpour  dusir  mente'yC^  ejîe' di^ne  que  tu  luy  comma,-^ 
dâjfes  que  pour  Id  rejîeuijimce  Jî  gener  aile  que  tom  de^ 
monfirçnt^a cAufe d’ icelie.En quoy  kU  vente' ils  ont  ke 
de  U raijon:  car  dejia  l'Empire  de  Mexique Je  va  tellemet 
dilatant, que  pour gouuerner  vn  monde  ^comme  il  ejl, 
porter  vne  charge  jipejante^il  ifefl pas  de  hejomg  d'vne 
moindre  dextérité, CE  magnanimité, que  de  celle  qui  re~ 
Jide  en  ton  ferme  CE  valeureux  cœur,  ny  d'vn  entende- 
ment moins  repofé  CE  de  moindre  prudence  que  de  la  tie- 
ne.le  voy  CErecognoy  clairement, que  le  Dieutout-pmjk 
faut  aime  cejle  Cité,  puis  qui  il  luy  a donné  la  clarté, de 
choijir  ce  qui  luy  ejloit  conucnable.  Car  qui  ef  ce  luy  qui 
ne  croira  qu'vn  Prince, qui  auat  que  dè  regner,  auoit pé- 
nétré les  neuf  voûtes  du  Ciel ,ne  doiue aujli  bien  obtenié 
amourd'huy  les  chofs  qui  font  terriénes^pour  fecounrfon 
peuple, en  s'aidant  à cejle  fin  de  fon  entendement  f bo  CE 
fi  fubtilyVeu  qu'ily  eïl  obligé, par  le  deuoir  CE  la  char- 
ge de  Poy?  Qui  ne  croira  aufique  le  grand  cour age,que 
tu  as  tou  four  s valeur  eufement  monfré  en  affaires  d'im- 
portanceme  te  manquera  point  auiourd’huy  és\chofes  ou 
tu  en  as  tant  de  befoingtQmpenfera  qu'en  vne  telle  va- 
leur puiffe  deffaiütr  l'aide  CE  lefecoim  a la  veufue  CE 
Àl'orphelin?  Qm  ne  fe  perfuadera  que l' Empire  Mexi- 
' ' Yy 


HlSTOfllÉ  NATVRÉLtE 
qudm  ne  joit  ^Aruenu  au  fommet  de jon  authomé,pûU 
que  le  Seigneur  dés  chofes  créées/ a departy  vne  telle  ey* 
Jî  grande  grâce, que  par  ton  feul  regard, tu  fats  ejmer- 
ueiller  ceux  qui  te  contemplent?B,elieuy  toy  donc, o terre 
heureufe/  qui  lé  créateur  a donne  vn  Prince,  qui  te  fera 
vne  coulonrie ferme  fur  laquelle  tu  feras  appuyee,qui  fera 
ton  pere,  y'  ta  deffence, duquel  tu  feras  (ecourue  au  be^ 
foi?ig,quifera  plus  que frereenuers  les  fens,  par  pieté  (y* 
facumence.  Tu  au  vn  Roy,quiacaufedefon  ejlatnefe 
donnera  point  aux  delices,  y qui  ne  demeurera  point 
eftendu  en  vnlicl  occupéynvices,  y enpajfetemps'.au 
contraire, au  milieu  de  fonplm  doux  y plus  prof od fem- 
me,fine  œùr  trefaïdira,  y fi  refueillera,pourlefeucy 
qu  il  doit  auoir  de  toy,yne fient  ira  point  legoufe  du  plus 
fauoureux  mets  de  fin  difné, ayant  l efpnt feufpedu  en  Ih- 
magmation  de  ton  bien.Dy  moy  donc  Royaume  bien  heu- 
reux,fi  ïe  n'ay  pas  raifen  de  dire  que  tu  te  refeowJfes,yte 
recreée  k prefent ,d\iuoir  trouue  vn  tel  ]\oy: Et  toy  gene- . 
reux  adolefeentyy  trefpuijfant feigneur  noJlre,ayes  co^ 
fiance  y bon  cour  âge, que  puifquele  Seigneur  des  chofes 
créées t adonné ce(h  charge/  te  danera  aufei  U prouefe 
la  magnanimitérequfe  pour  l’ exercer,  y peux  bien  efe 
per er, que  celuy  qui  au  temps pafsé a vféde ji  grandes  li- 
béralité fenuers  toy,  ne  te  déniera  point  fis  plus  grands 
dons, puis  qu  il  t'a  mu  en  vne  charge  fi  grande,  de  laqud 
lepufsetu  louyr plufeeurs  années. Le  RoyMotecuma 
fut  fort  ententif  à ce  difcoi^rs,  lequel  eftlnt  a- 
chciié,ils  difent  qu’il  fe  troubla  dVnc  telle  forte, 
que  voulant  par  trois  fois  refpondre  il  ne  peuc 
parler, eftant  vaincu  des  larmes  quel’aile&lc  co- 
rciitement  à bien  fouuér  accouftumé  de  caufer, 
cndemonftrarion  de  grande  humilité.  En  fin,c- 
ftant  rciienuafoy,il  dilt  brefuemenr  ,7e  ferais  tro^ 


DES  Indes.  Liv.  VIL  " ' 554 

meublé Jfm  E^oy  de  TeX^HCoJiie ne  cognoifsoii,  en- 

tendéi^jqHe  les  chofeS' que  v6u6 m aue^'^dittesjont  vne 
^ure  faueur  qu'il  vous  qtUîJl  me  greffer, q>uù  qu'entre 
tant  d'hommes  fi  nobles ^ O'  f généreux,  qutly  a en 
ce  Èsyaume,  vous  asie\jjleu  le  moins  fuffifmt,  qm  ejl 
mey  ,0^  a la  vérité, le  me  fens  tellement  incapable  d'vne 
charge  de Ji grande  impoi'tance, que  le  ne  f^ay  que  faire, 
autre  chofe  que  de fupplier  le  Créateur  des  chefs  créées, 
qu'il  me  fauortfe,  eCT  demande  a tous  qutls  le  fuplient 
^owrwojy.CesparoIesdices  il  recommanda  aere» 
chefà  pleurer. 

\ 

Comment  Moteçuma  of donna  le feruice  d^ 
fa  maifon,  O"  de  la  guerre  quil fit 
pour [on  couronnement, 

C H A P.  X X L 

y 

Ekiyiàquicn  fon  efledion  fit  vnc 
telle  demonftration  d'humilîtc,  Sc 
douceur, fe  voyant  Roy  commença 
incontinent  à defcouiirir  Tes  hautes 
penfees.  La  première  fut  qu’il  com- 
manda qu’il  n’y  euft  aucun  Plebeian  qui  feruift 
en  fa  maifon,  ny  euft  office  Royale, ainfi  que  fes 
predccclfeurs  en  auoient  vféiufques  alors, Icf» 
quels  il  blafma  de  s’eftre  feruis  de  gés  de  balïè  c5 
dition,  & voulut  que  tous  les  feigneurs  de  plus 
illuftresperfonnages  defon  Royaume,  demeu- 
ralfcnt  ai  fon  palais^  & exerçalFent  les  offices 

Jy 


Histoire  natvRelle 
dêfa  cour  & defa  maifon.  A quoy  foppofaviî 
vieiHard  de  grande  authorité  , qui  auoit  cfté 
fon  précepteur,  kiy  diiant  qu’il  regardaftbien 
à ,ce  qu’il  faifoir,  & qu’il  fe  mettoit  en  danger 
dVn  grand  inconuenienc,  d autant  quec^ifoic 
^ feparer  de  foy  & eiloigner  tout  le  vulgaTre,& 
gent  populaire,  tellement  qu’ils  neroferoienc 
regarder  en  la  face,  fe  vqyans  ainfireiettez  de 
luy.  Il  répliqua  que  c erfoit  ce  qu’il entendoic 
faire,  & qu’il  ne  permetttoit  pas  que  les  Plé- 
béiens allaifènt  aipd  mefiez  parmy  les  nobles, 
comme  ils  auoient  fait iufques  alors. difant  que 
le  feruice  qu’ils  faifoient  eftoit  félon  leur  con- 
dition, qui  caufoic  que  les  Roys  ne  gagnoient 
aucune  réputation,  & ainfi  demeura  ferme  en 
fa  refolution.  Audi  toft  il  fie  commander  à ceux 
de  fon  confeil,qu  ils  oftadenr  tous  les  Plebeiens 
des  offices  & charges  , qu’ils  exerçoient,  tant 
en  fa  maifon  qu’en  fa  Cour,  & qu’ils  en  pour- 
ueudent  des  Ciieualiers,ce  quifurfair.  Apres 
iiallaenpcrfonneà  l’entreprife  necelfaire  pour 
fon  couronnerac;ic.Encetempss’ed:oic  reuol- 
té  contre  la  couronne  vneprouince fort  efloi- 
gnée,  vers  la  mer  Oceane  du  Nort,où  il  mena 
auec  luy  la  fleur  de  Ces  hommes,  fort  Ieftes& 
bien  accommode2;.  Il  y firlaguerre,auec  vnc 
telle  valeur  & dextérité  , qu’en  fin  il  fubiuga 
route  la  prouince,&  chaftiarigoureufement  les 
rebelles,  retournant  auec  vn  grand  nombre  de 
captifspourlesfâcrifices,  & beaucoup  d’autres 
defpouilles.  Toutes  les  Citez  luy  firent  de  fo- 
lemnelles  réceptions  à fon  retour  , & les  fei-  ' 
gneurs  d icelles  luy  donnèrent  Peaue  à lauer. 


DES  Indes.  L IV.  VII/  555 
îuy  faifans  offices  de  feruiteurs,  chofe  noft  en- 
cor vfitee  par  aucun  de  fespredecefieurs.  Telle 
cftoit  la  crainte  & le  refpeçT  qu’ils  luy  por- 
toyenr.  L’on  fit  en  Mexique  les  feftes  de  foh 
couronnement aucc  vn  tel  appareil  de  dances, 
commedies,entremcts,luminaires,  & inuenriôs 
parplufieurs  &diuersiours;  Et  y ardua  vne  fi 
grande  richefîè  de  tributs  apportez  de  tous  fes 
Royaumes,  qu’il  y vint  des  cftrangers  inCo- 
gneus  à Mexique  , & leurs  ennemis  mefmes  y 
vindrent  en  grand  nombre,  en  habit  didimulé, 
pour  voir  CCS  feftes,  comme  ceux  de  Tiafcalla, 
(5c  ceux  de  Mechouacan.  Ce  qu’ayant  eftédef- 
couuert  par  Moteçuma,il commanda  qii’onles 
logeaft  ôc  traidtaft  benignement  , & honora- 
blemenr,comme  fa  propre  peiTonnc.  Uieur  fit 
mefme  faire  de  belles  gaîleries  pareille^/  aux 
fiennes,  defquelles  ils  peuftent  voir  &:'Gôntieni- 
pler  les  feftes.  Par  ainfi  ilsentroyent  demüidt 
en  ces  feftes,  comme  le  Roy,,  faifans  leurs deux 
&marcarades.Etpour  ce  que  i’ay  fait  mention 
de  ces  prouinces,  il  ne  fera  mal  à propos  d’en-* 
tendre,  que  iamais  ceux  de  Mechouacan-,  de 
Tlafcalla;  & deTapeaca,nc  fevouliTrènt ren- 
dre aux  Mexiquains,mais  au  contraire  comba- 
tirenc  toufiours  valeureufement  contr’eilx, 
voire  quelquesfois  les  Mechouacans  vainqui- 
rent ceux  de  Mexique,  comme  firent  aufti  ceux 
de  Tapeaca.  Auquel  lieu  le  Marquis  Dom  Fer- 
nand Cortès , apres  que  luy  & les  Efpagnols 
eurent  efté  chaflez  de  Mexique,pretendif  fon- 
der la  première  Cité  d 'Efpagnols,  <^u’il  appèlla 
fi  bien  m enfouuiét,Segura  delà  Frôntieré,rnais 

Y y iij 


1 


Histoire  natyrelie 
ceftepeupladedura  peu  de  temps , par  ce  que 
ayant  depuis  reconquefté  Mexique  , tous  les 
Efpagnols  y allèrent  habiter.  En  fin  ceux  de 
Tapeaca,de  Tlafcalla  , & deMcchouacan  ont 
toufioürsefté  ennemis  des  Mexiquains,  encor 
que  Moteçuma  dift  à Cortès,  qu’il  ne  les  auoit 
pas  fubiuguez  tout  à propos  , afin  d auoir  en 
eux  vn  exercice  de  guerre,  & nombre  de 
captifs. 

Des  mœurs  cr  grmâeur  de  Moteçvtmi, 
Chap.  XXII. 


ERoy  fiadonna  à fe  faire  refpe(fl:er, 
voire  quafi  adorer  cômeDieu.Nul 
plebeien  ne  le  pouuoit  regarder  en 
face, que  fil  le  Iaifoit,il  eftoit  puny 
de  mort.  Il  ne  mettoit  iamais  fes 
pieds  en  tene,mais  eftoit  toufiours  porté  fur  les 
efpauUes  de  quelques  feigneurs,&s’ildefcédoit, 
ilsluymettoicnt de  riches  tapis,  fur  lefquelsil 
marchoit.Quand  il  faifoit  quelque  voyage , luy 
&Ies  feigneurs  de  fa  compagnie,  alloient  com- 
me dans  vn  parc  ou  circuit  qui  eftoit  fait  tout  a 
propos,& le  refte  du  peuple  ailoit  hors  du  parc, 
fenuironnantd’yn  cofté  & d’autre.  Jamais  il  ne 
veftoit  vn  habit  deux  fois,  ny  mangeoii,ny  beu- 
uoit en  vnvafeou  plat  plus  d’vne  fois,  tout  y 
deuoit  eftre  toufiours  neuf,&donnoit  à fes  fer- 
uitcurs  ce  qui  luy  auoit  feruyvne  fois;,  de  façon 
qu’ils  eftoient  ordinairement  riches.&  magnifi- 
ques.Il  eftoit  extrêmement  diligent  à faire  ob- 
feruer  les  loi.x,dc  quand  il  retournoit  victorieux 


DES  Indes.  Liv.  VIL  35^ 
quelque  guerre, il  faignoit  aucunesfois  de 
f’aller  esbattre,  puis  fe  derguiToit  pour  voir  lî 
les  liens, penlâns  qu’il  ne  full  prefenr,laiiroient 
&obmettoienr  à faire  quelque  chofe  de  la  fe- 
ftc  ourcceprionrque  fil  y anoif^-quelquc  exccz 
ou  quelque  dcffauit , ilenfiifoït  la  punition  ri- 
goureufcmenc.  Et  à fin  de  cognoiftre  rnefrae 
comment  fies miniftres  faifoient  leurs  offices, il 
federguifoir  bien  foiiucnt,  & enuoyoit  offrir 
des  dons  STprefcns  aux  luges,  les  prouoquanc 
a faire  quelque  cho'e  de  mal.  Que  fils  tom- 
boient  en  faute  , ils  efloicnc  incontinent  punis 
de  mort  fins  rcmiffion,&  les  faifoit  mourir  fins 
auoir  cfgard  qu’ils  fulfent  feigneurs  oiîfès>pa- 
rcns,  voire  de  les  propres  freres.  llconuerfbît 
&fe  familiarifoit  peu  aüec les  fiens,&peu fou- 
uent  fe  Iaifroitvoir,  eftcint  ordinairement,  reti- 
ré pour  penfer  atrgouuernement  de  fôn  Royau- 
me. Outre  ce  qu'il eftoit grand, iuftidcr  & -fore 
braue,  il  fut  fortbelliquenx  gc  bien  fortubé'àu 
moyeu  de  quoy  il  obtint 'de  grandes ’ viéloiresi 
&paruinr à^ccfce  grandeur,  qui  eff  defèt1te''aux 
fiiftoires  d’Efpagne.  De  laquelle  il  me  f&mbf<& 
que  ccferoit  chofe  inutile  d’çfcrire  d auantagei 
feulement  i’auray  foin  (fê'  réciter  cy  apt^s'^ce 
que  les  liufcs  & hiftoifes'  des  Indiens  racon- 
tent , ôc  dequoy  nos'efcriuaiifs  Efpagnâls  ne 
font  aucune  mention,'  pouï'-n’auoir  {uffifam- 
raent  entendu  les  fccrets  de  cefte  contrée  , qui 
font  chofçs  fort  dignes  d ’eflre  cogneiies , coii>- 
mel’pn verra  cy  apres.  ' ’ ■ - ' 

Yy  iiij  ■ 


Histoire  natvrelle 
De$  préfacés  er  prodtges  eflrmges  qm  adu  'mdrenten 
M.exi.que.  iUtant  que  leuY  Empire prmjljin, 

C H A P.  XXIII. 

OmbiEn  que  l’Efcnturc  Sainde 
ions  deffende  dadioufter  foy  aux 

5 & prognoftications  vainss,  * 
ic  que  S.HierofiTic  nous  aduertilîè 

HkroKio  craindre  point  les  fignes  du 

’ Cielcô'iTiefontlesGeniilsrNeantmoinsIaincr- 

me  Ecriture  cnfcigne,que  les  fignes  môftrnenx 

6 prodigîeux,nc  font  pas  du  tout  à mefprirer,& 
que  bienfoiiuent  ils  ont  accouftumé  de  précé- 
der quelques  châgenients  vniuerlels,  & les  cha- 

Lih  dé  de  > que  lere- 

Jof/i  ' ‘"l'narque  fort  bien  Kufebe  de  Cefaréc,  d’autant 

Euan^,  que  le  mefme  feigneut  du  Ciel  Ôc  de  la  terre 
demonji.i.  enuoye  de  tels  prodiges  de  nouueaiuez  au  Ciel, 
aux  elemens , aùxànjmaux,&  en  Tes  autres  créa- 
tures fiu  qu’en  partie  cela  ferue  daduertiire- 
menf:àMxliommes,(Sc  en  partie  qu’ils  foient  vu 
Gôrafi'nçncemenr deJaipeine  & du.chaftiemenr, 
WpQUiiememen'D qu’ils  appor- 
tent.Il  eft  eferit au  feecyidliurè  des  Machabées, 
qu’auparauant  ce  grand  changement  & perfe- 
- CLitiondu  peuple  d’jlfrael,  qui  fut  cauféeparla 
tyrannie  d’ An tiochu'S  , furnommé  Epiphanes, 
lequel  les  faindes;  lettres  appellent  racine  de 
péché , il  arnua  quçpar  quarante  iours  entiers 

IMacv  grands  efea- 

drons de  Cheualiers  en l air,  lefquels  auec  des 
armes  dorées,  leurs  lances  (5çefcus,  é^  fur  des 


DES  Indes?  Liv.  VII.  '557 
cheuaux  furieux,  ayants  leurs  efpécs  tirces  fe 
frappoient  & ofteufoient,  efcarmouchans  les 
vns  cotre  les  autres, & difent  que  ceux  dcHie- 
rufalem  voyans  cela  , fupplyoient  Dieu  qu’il 
appaifaft  Ton  ire,  &que  ces  prodiges  rournaf- 
fent  en  bien.  Il  eft  eferit  mefme  au  li tire  de  Sa-  ^ ^ 

picnce.  que  quand  Dieu  voulut  tirer  fon  peu- 
pled’Egypte  écchaftier  les  Egyptiens,  quelques 
vifion  terribles  ôc  erpouucntablcs  fapparu- 
rent  à eux, comme  des  feux, qui  furent^veiiz  lior? 
heure  en  formes  horribles.  lofepheau/liuredej 
la  guerre  des  luifs , raconte  plufieurs  & grands 
prodiges  quiprecederentladeftru6HondcHie- 
rufalcm,&ladernierecaptiuiredcfonmalheu-  , " 
i'eux  peuple,  que  Dieu  eut  en  horreur  pour  iu- 
fte  occafion,  duquel  Eufebe  de  Cefarée  &les 
autres  racontent  les  mefmes  paflages , auihori-  g^y^^y,-^ 
fans  fesprognoftics.Les  Hiftoriens  font  pleins  deEcd.htfi. 
de  femblables  obfcruadons  aux  grands  chan-  - 
gemens  d’Eftats  ou  Republiques,  comme  Paul 
Orofeqiii  en  raconte  plufieurs,  & fans  doute 
celle  obleruationnefi:  pas  vaine  ny  inutile  : car 
iaçoitque  cefoit  vanité,voirefuperlUtiondcf- 
fendueparlalpy  de  nollrc  Dieu  , de  croire  lé- 
gèrement à ces  prognollics  de  fignes,  toutes-’ 
fois  es  chofes  fort  grandes,  comme  ,és  change- 
mens  de  nations.  Royaumes  & loix  fdftnota- 
blesrcen  ell  pas  chofe  vaine,  mais  bien  plulloll 
certaine  & bien  alfeiirée  de  croire  que  la  là- 
gefie  du  Très-haut  ordonne  & vueilîe  permet- 
tre ces" chofes , qui  donnent  quelque  nouuelle 
de  prefage  de  ce  qui  doit  arriuer,,pQLuTeruir, 
cpmme  i’ay  dit,d'aduertilîemcnt  aux  vns,  de  de 


.kX, 


tîh.r. 
Lu  «4. 


HiSTO'iRE  NATVRELLE 
chafticment  aux  autres,  & à tons  de  tefmoigna^ 
ge  que  le  Roy  des  Cieux  a foucy  des  affaires 
des  hommes,  lequel  toutainfî  qu'il  aordonné 
de  très-grands  & efpouuentables  prefages,pour 
le  plus  grand  cliangementdu  monde,  qui  fera 
leiour  duingemcnt,  ainfî  luyplaift-il  de  don- 
ner de  merueilleux  prefages  pour  dénoter  d’au- 
tres changemens  moindres  en  diuers  endroits 
du  monde,  qui  ftmt  toutesfois  remarquables, 
kfqnels  il  difpofe  fclon  laloy  de  Ton  éternelle 
Sagelîe.  L’on  doitaufH  entenda-e, que  combien 
que  le  diable  foit  pere  de  rnenfonge , néant- 
moins  le  Roy  de  gloire  luy  faitjbien  fouuent 
confefTcr  la  vérité  contre  fa  volonté  , laquelle 
il  a déclarée  plufieurs  fois  de  pure  crainte,  co- 
rne il  fit  au  defert  par  la  bouche  desdemonia- 
queSjCdantque  I e s v s eftoit  le  S A v v e v r, 
qui  efioit  venu  pour  le  deftruire:  Comme  il  fit 
par  la  Pytlioniffe,  quidifoit  que  Paul  prefehoit 
k vray  Dieu. Comme  quand  il  f apparut  & tour- 
menta la  femme  4e  Pilate , laquelle  il  fit  inter- 
céder pour  I E s V s,  homme  iufte.Et  comme 
plufieurs  autres  hiftoires,outre  les  facrces,rap- 
portentdjuerstefmoignages  des  idoles,  en  ap- 
probation delà  Religion Chrefticnne,  dequoy 
LadtancCj  Profpere,  & autres  fqnt  mention. 
Quel’on'life  Eufebe  aux  liurcsdelaprcparatiô 
Eqangelique,  6c  ceux  dçfa  Demonftration,ou 
il  efi:  traitté  amplement  de  celle  matierç.  l’ay 
dit  cecÿ.  tout  à propos,  à fin  qu’aucun  ne  mef- 
prifece  qye  racontent  les  Hiftoires  6c  Annales" 
des  Indiens  touchant  les  prefigcsdc  prodiges 
cTtrahges  qu'ils  eurent  de  la  prochaine  fia  6c 


Djes  Ind  es.  Liv.  Vn.  358 
ruynç  àe  leur  Royaume, & du  Royaume  du  dia- 
ble qu’ils  adoroient  tout  enfemble.  Lerquels 
me  femblent  dignes  d’eftre  creus , & que  l’on  y 
adipuftefoy,tanrpouceftre  aduenus  y a peu  de 
temps,  & que  la  mémoire  en  eft  encor  toute 
frefehe,  que  pource  que  c’eft  yne  chofe  fort 
vray-femblable,  que  le  diable  fe  lamentaftdVn 
Il  grand  changement,  & que  Dieu  par  vnmef- 
me moyen commenvaH:  àchaftier  des  idolâtres 
lî  cruels  ôc  abominables. Ceft  pourquoy  ,ie  les 
raconteray  icy  comme cliofes  vrayes.  Il aduinc 
donc  que  Moteçuraa  ayant  régné  plufîeurs  an- 
nées en  grande  profperité , & tellement  efleiié 
en  Tes  fantahes , qu’il  fe  faifoit  feruir  & crain- 
dre, voire  adorer  comrne  fil  euftefté  Dieiide 
feigneur  Tout-puilfant  commença  de  le  cha- 
Jftier  ôc  de  l’adnertir  auffi,  permettant  que  les 
mefmes  diables  qu’il  adqroit  luy  annonçalTent 
les  trilles  nouuelles  de  la  perdition  5 de  Ton. 
Royaume  , ôc  le  tourmentairent  par  des  pro-, 
gnoftics  qui  n’auoicntiamais  efté  veuf,dcquoy 
il  demeura  h trifte  «5c  h troablé,quil  endeuint 
tout  hors  de  Ton  fehs. L’idole  de  ceux  de  Chol- 
lola,  qu’ils appelloient  Quetzacoalt,  annonça 
qu’il  venoit  vne  gent  eftrangc  pour  pôlïeder 
,fes  Royaumes. Le  Roy  de  Tezcuco,  qui  efto^c 
grand  Magicien  &aupit  accord  auec  Iç  diables 
vint  vn  iour  viliter  M oteçuma  à heure  extraor- 
dinaire, ôc  l’alTeura  que  Tes  Dieux  luy  auoient 
dit  ,qu’ily  auoirde  grandes  pertes  qui  s’appre- 
floient  pour  luy  Ôc  pour  tout  Ton  Royaume., 
Pluheurs  forciers  «5c  enchanteurs  luy  en  allcienc 
dire  autant , entre  iefquels  il  y en  eut  vn  qui  luy 


Histoire  natvrelle 
annonça  fort  particulièrement  ce  qui  luy  ad-  / 
uint  du  depuis.Et  comme  ileftoit auec  luy,  1 ’ad- 
uertit  que  les  poulces  des  pieds  & des  mains 
luy  deft'ailloienr,  Moreçuma  ennuyé  de  telles 
nouuciles  faifoic  prendre  tous  ces  forciers:  mais 
incontinent  ils  difparoillbientenla  prifon,de- 
quoy  ilprenoit  telle  rage,  que  nelespouuant 
tuer , il  faifoit  mourir  leurs  femmes  & leurs  en- 
fans  , de  deftruire  leurs  maifons  ôc  leurs  moyês. 
Orfe  voyant  importune  ôc  agité  de  ces  aduer- 
iiirements,il  voulut  appaifer  l’ire  de  fes  Dieux, 
ôc  pour  celle  caufe  il  s’efforça  de  faire  appor- 
ter vnegrandc  pierre,  pour  fur  icelle  faire  dé  j 
grands  facrifices.  Pour  en  venir  à bout  il  cn- 
uoya  grand  nombre  de  peuple  pour  l’amener 
auec  des  engins  ôc  inftruments , lefquels  ne  la 
peurent  aucunement  mouuoir  , bien  que  fy 
eftans  obftinez  ils  y eulfent  rompu  piufieiirs 
engins.  Mais  comme  ils  perfeueroient  touf- 
iours  de  la  vouloir  enleuer,  ils  ouyrent  vne 
voix  ioignant  la  pierre,  qui  difoit  qu'ils  ne  tra- 
uaillaffènt  point  en  vain , ôc  qu’ils  ne  la  pour-  j 

roient  point  enleuer,  pource  que  le  Seigneur 
des' chofes  créées  ne  vouloir  plus  queronfifl: 
ces'chofes-là.  Moteçumâ  ayant  entendu  cela, 
Con;j'manda  que  l’on  nft'les  facrifices  en  ce  lieu, 
ôc  difeiît  que  la  voix  parla  derechef  difant.  Ne 
vom  ay  te  pas  dttyque  cen  ejî  point  U voloté  àu>  Çeigneur 
des chofis  crbces,qHe cela fe  fajfey<or  afin  qu,e  vom  croye\ 
quUtfi  ainfiye  melaijferay  porter  quelque peu,puisapres 
vom  ne  ynepourrélfinouuoiT.  Ce  qui  aduint  ainfî, 
car  incontinent  Us  Ta  menèrent-  quelque  peu 
d’efpace,afrez  facilement,  puis  apres  ils  n’y  peu- 


Des  Jnoes.  Liv.  VÎI,  355» 

rent  que  faireiufquesàcequepar  beaucoup  de 
prières,  elle  felaiiîà  porter  iufques  à l’entrée  de 
la  Cité  de  Mexique,  où  fubitement  elle  tomba 
dans  le  lac,  & la  recherchans,ne  la  peurent  re- 
trouuer,  mais  fut  trouuée  depuis  au  raefme  lieu 
d’où  ils  l’aiioient  tirée,  dequoy  ils  demeurcrenc 
tous  confus,  &■  efpouucntcz.Encemefmetêps 
apparut  au  Ciel vne  flambe  de  feu  treflgrande, 
& fort  luyfante  en  façon  de  pyramide  laquelle 
commençoit  à apparoiftre  à la  minuit, &alloit 
toufioiirs  montant,  iufques  au  matin  leuer  du 
Soleil  qu’cliedemeuroitau  Midy,où  elle  difpa- 
roilFoit.  Elle  fe  monftra  de  celle  façon  cliafqne 
nuiél  par  l’elpacc  d vn  an  entier,  & toutes  les 
fois  qu’elle  apparoilEoit  le  peuple  ietroit  de 
grands  cris  , comme  ils  auoienr  accoullumé, 
croyans  que  c'elloit  vn  prqfage  de  grand  mal- 
beur.Il  aduint  mefme  qu^le  feu  fe  prinll  au  T é- 
plc  fans  qu’il  y eull  aucun  au  dedans,ny  hors 
ptochc  d’iccluy  ny  qu’il  y full  tombé  aucun  ef~ 
clairny  tonnerc.  Surquoy  les  gardes  s’eflans 
eferiées  il  y accourut  grand  nombre  de  peuple 
auec  de  l’eaüc,  mais  rien  ny  peutremedicr,tel- 
lement  qu’il  fut  du  tout  confommé,  & difenc 
qu’il  fembloitquele  feu  fortilldes  mefmes  piè- 
ces de  bois,  & quÜ  fenflamboie  d’auanragepar 
l’eaüe  que  l’on  y iettoit.  L’on  vid  fortir  vne 
Cornette  en  plein  iour,qui  couroir  duPonenc 
vers  l’Orient,  iettant  grande  quantité  d’ellin- 
celles,  Sc  difent  que  fa  flgure  elloit  comme  dV-  ■ 
ne  qucüe,forr  longue,ayanr  au  commencement 
trois  telles. Le  grand  lacquieftoiccntreMexi- 
que,&  Tezcuco/ans  qu’il  y eull  aucun  vent,  & 


Histoire  natvrelle 
fuis  tremblement  de  terre  ou  aucune  autre  cau- 
fe  apparantCjCommença  foudainement  à bôuil- 
Hr,  dccreurcnt  tellement  ces  bouillons,  que 
tous  les  édifices  , qui  eftoient  proches  d icelle, 
tombèrent  par  terre*  Ilsdifeurque  l’onouit  en 
ce  temps  pluficurs  voix  comme  d’vnc  femme 
angoiirée,qui  difôit  quelques  fois , o mes  enjmstx 
eji  veiiH  le  temps  de  vûjîre  deJirufiion,Ct^  d'autres fois 
difoitft  mes  enfariSjOUvom port eraji-te^ajîn  que  vous  ne 
vous  achemeK^.e perdre  du  tout  ? Il  apparut  mefiiic 
diuers  monftres  auec  deux  relies, qui  eftans  por- 
tez deuant  le  Roy  dirparoilîoiêt  aulïî  tofr.Toiis 
ces  monllres  furent  furpalTcz  par  deux  autres 
fort  ellranges,  dont l’vn fut,  queles pefeheurs 
du  lac  pi'indrent  vn  oifeau  grand  comme  vnc 
grue, & de  la  couleur  mefme, mais  dvne  effran- 
ge façon  ,&  non  iaraais  veüe.Ils  le  portèrent  à 
MoteçUma,  qui  pour  lors  eltoir  au  Palais  qu’ils, 
appelloient  depieur,  Sc  de  dueil, lequel  eifoic 
rom  tendu  de  noir:  d’autant  que  comme  il  auoic 
plufieurs  Palais  , pour  la  récréation  , il  en  auoit 
auffi  plufieurs  pour  le  temps  d’affii6lion,dont  il 
eftoit alors  aifez chargé  & tourmenté,  à caufe 
- des  menaces  que  fes  dieux  luy  faifoient,  par  de 
Il  trilles  aduertilîéraents.  Les  pefeheurs  arriue- 
rentfur  lepointdemidy  , & mirent  deuant  luy 
cet  oifeau,  qui  auoit  au  fefl  delà  celle  vue  cho- 
fe  comme  luyfante,&  tranfparente,ien  façon  de 
miroir,ou  Monteçuma  veid  les  Cieux , & les  e- 
lloilles,dcquoy  il  demoura  tout  eflonné , puis 
tournant  les  yeux  au  Ciel,  âc  ne  voyant  point 
d’e{loilles,recommença  à regarder  en  ce  miroir, 
oi\  il  veid  qu’il  venoit  vn  peuple  en  guerre  de- 


DÉS  In D E S.  Li  V,  VIL 
tiers  FOrient,  & qu’il  venoitarrné.combaranf, 
& tLianr.ll  fit  appeller  fesdeiiins,  &prono(li- 
qucurs,dont  il  en  auoitvn  grand  nombre  , les- 
quels ayans  veu  toutes  ces  chofcs,  & ne  fca- 
chans  ■ donner  raifon  dé  ce  qui  leur  eftoit  demâ- 
dé  , incontinent  l’oifeau  difparur , tellement 
qu’ils  ne  le  véirenr  onquesdepuiSjdontMôte- 
çuma  demeura  fort  trille  & deconforré.  L’au- 
tre prodige  quiluy  aduint/utqü ’vnlaboureur 
qui  auoitlc  renom  d’homme  de  bien  ^ le  vint 
trouuer,  de  luy  raconta  qu’eîlant  le  lourde  dé- 
liant à faire  iabouragcjvn  grand  Aigle  vint  vo- 
lant Vers  luy,  qui  le  print  en  Tes  grifFes,&  fans 
leblellcr,  le  porta  en  vne  certaine caùerne, où 
il  le  lailïa,  prononçant  cet  Aigle  ces  paroles. 
Très  fmjiat  fag?teur/ay  apporté celuj  que  tu  m'as  corn- 
mandéi  Et  l’Indien  laboureur  regarda  de  tous 
collez  à qui  iIparlok,maisil  ne  veid  perfonne. 
Alors  il  ouit  vne  voix  qui  luy  dit,  cognois-tu  cet 
homme,  que  tu  vois  là  elfendu  en  terre,& re- 
gardant en  icelle  veid  vn  homme  endormy  & 
fort  vaincu  du  fommeilaueclesenfeignesroy-- 
allesjdes  fleurs  en  la  main,  &vn  bafton  de  len- 
teurs & parfum  ardant,  comme  ils  ont  accou- 
flumé  d’vfer  en  ce  pays,  lequel  le  laboureur  re- 
gardant recogneut  que  c’eftoit  le  grand  Pvoy 
Moteçuma:  parquoy  il refpondit incontinent, 
apres  1 auoir  regardé,  grand-Seignmr  cefluy-cy  ref 
femhleànojïre F(py  Mot e^ama. Lüvo'w  recommença 
à dire,  tu  dis  vray^regarde  quel  defl,CT  comme  tu  le 
voii  endormy a^oupy  sas auoirjom^  des  ç-rads  maux 
(yr  des  trauaux  qui  luy Jorit prepare'^.ll  cjl  maint enent 
temps  qu  il  paye  le  grand  nombre  des  ojfenfes  qu'da  fai- 


Histoire  natvrelle 
tes  qtitl  reçoine  U peine  de fes  tyrannies  ■ 

de  fin  grand  orgueil^O"  neatmoms  tu  vois  comme  d a fi  î 
feudefôucy  deceUy^  qu d efi fi aueuglé en fesmifires^  \ 
qi^'dn  adefiaplpts defintimet. Mais  afin  quetu  lepmfi 
fis  mieux  voir, pren  ce  bafion  de  fienteurs  qualifient  ar-- 
dant  en  fa  main, O"  Itsy  contre  le  vifage.O"  lors  tu 

verras  qud ne  le fintirapas.  Le  painu-e  labourent 
ii’ofa  approcher,  ny  faire  ce  que  Ton  luy  difoit, 
pour  ia  grand’  crainte  qu  ils  auoient  tous  de  ce 
Roy,  mais  ia  voix  recommença  à àkç,N'ay es  point 
de  crainte, car  lejuis  fans  comparai  fin  pliu  que  ce  Koy,te 
le  puis  defirmre,  O"  l^  dejfendreiparquoy  fais  ce  que  le  te 
commdde.  Sur  ce  commandement  le  payfan  pied  | 
cebafton  d’odeurs,  dclamain  du  Roy  ,&  luy  j 
mit  ardent  contre  lenez,mais  il  ne  fe  mouua,  | 
ny  monftra  aucun  fentiment.  Cela  fait  la  voix  | 
luy  dill  que  puisqu’il  voyoit,combicnceRoy  | 
cftoit  endormy  , qu’il  l’allaft  refueiller , &luy  | 
racontaft  ce  qu’il  auoitveu.  Alors  1 Aigle  par  le  , 
mefme  commandement  reprint  l’homme  en  fes  | 
griffes, le  remettant  au  propre  lieu,ou  il  l’auoit  , 
prins,  & pour  accompliirement  de  ce  qui  luy  i 
auoit  efeé  dit,  venoit-là  pour  1 en  aduertir.  Ils  j 
difent  qu’alors  Moteçuma  fe  regarda  au  vifage,  | 
& trouua  qu’il  fauoit  bruflé  , ce  qu’il  n’auoit 
iufques  alors  fenty,  dequoy  il  demeura  extre- 
mement  trifte  de  ennuyé.  Il  peut  eftre  que  ce 
que  le  ruftique  raconta  luy  eftoit  arriué  , en 
imaginaire  vifion,  & iVeft  pas  incroyable,que 
Dieu  ordonna  parle  moyen  d’vn  bon  Ange,  ou 
permift  par  le  moyen  du  mauuaisjqu  on  don- 
naft  ceft  aduertiirement  au  ruftique  , pour  le 
ehaftiement  du  Roy,  quoy  qu’infidelle:  veu  que 

nous 


Des  Indes.  Liv.  VIL 
tiousHfons  eiiladiuine  Efcritute,que  deshora- 
mesinfidelles.&pecheursjonteude  femblables  vanieli. 
apparitions,  Ôc  rcuclations,  comme  Nabücho-  jsr«w.iz. 
donofor,  Balaam  & la  PythoniflTcdeSaul. 
quand  quelque  chofc  deccS  apparitiôsheleroit 
arriué  (i  exprdremenr,à  tout  le  moins  il  eft  cer- 
tain que  Moteçuma  eut  beaucoup  de  grandes 
triftelîes  & fafcheries,pourplulicurs&  diuerfes 
reuelarions  qu'il  eut, que  fon  Royaume  ôc  faloy 
fedeuoient  bien  toftâcheucr. 

De  U néuuette  c^jue  Mote^umd  récent  de  l’dhuee  des  Ef- 
gagnais  en pt  terre,C^  de  l’^mhdjjkde 
(jitdlenr  enmyâ. 


Chaj?.  XXIIII. 


V quatorzicfme  an  du  règne  de 
Moteçuma,  qui  fut  l’ân  de  noftre 
i SauucurjTTiil  cinq  cens  dixfeptjap- 
parurétenlamer  duNortdes  na« 
iiires,  & des  homnies  defeédanS, 
dequoy  les.  fubiers  de  Moteçuma  furent  beau.*- 
coup  efraemeilleZj&voulans  (enquérir,  & fe  fa- 
tisfaire  d'auaittage  qui  ils  eftoienr,  ils  furent  aux 
nauires  dâsdcs  canoës, portansplulieurs  rafraif- 
chilîèments  de  viandes^  & d’eftoffes  à faire  des 
habits,  faignans  de  les  leur  aller  vendre.  Les 
Efpagnols  les  recueillirent  en  leurs  nauires,  &C 
en  payemens^de  leurs  viandes , & eftoffeS^  qui' 
leur  furent  aggreables,  ils  leur  donnèrent' des 
chaînes  de  pierres  fau fies,  rouges ^azueees, ver- 
tes, & iaune$,  que  les  Indiens  croyoipntïeftre 
. Zz 


Histoire  natvreile 
pierres  precieufes.Et  les  Efpagnols  finformsns 
qui  eftoit  leur  Roy,  &de  fa  grande  puiffance, 
leur  donnèrent  congé,en  leur difant  qu’ils  por-  ' 
talTent  ces  pierres  à leur  feigneurA  luy  dilfenc  | 
que  pour  le  prefent  iir ne  pouuoient  laller  ! 
voir  , mais  qu’incontinent  ils  retourneroient 
& le  vilîtcroienr.  Ceux  de  la  cofte  allèrent  in- 
continentàMexic^ueauecce  melTage,  porrans 
k reprefentation  de  tout  ce  qu’ils  auoicntveu 
dépeinte  en  des  draps  qu’ils  auoient,  tant  des 
nauires,  des  hommesjquc  despierres  qu’ils  leur 
auoient  données.  Le  Roy  Moteçuma  demeu- 
ra par  ce  malTage  fort  penfif,  & leur  comman- 
da qu’ils  ne  le  diBulgalfent,  & ne  le  dilFent  à 
perfonne.  Le  iour  enfuyuant  il  alTembla  fon  1 
Confeil,| de  leur  ayant  monftrc les' draps,  &lcs  i 
chaînes  , mit  en  deliberation  ce  qu'il  deuoic  i 
faire,  où  il  fut  refolu  de  donner  ordre  à toutes 
les  codes  de  la  mer,  queleshabitans  yfuffènc 
au  guct,&  que  quelque  chofe  qu’ils  veiflènr,iîs 
en  adüifaflcnt  incontinent  le  Roy.  L’annec 
çnfuyuante,  qui  fur  au  commencement  de  fan 
mil  cinq  cens  dixhuiéf,ils  veirent  paroiftre  en 
la  mer  la  flotte  où  eftoit  le  Marquis  dcl  Vallc, 
Dom  Fernande  Cortès,  auco  les  compagnons, 
nouuelle  quitroubla  beaucoup  Moteçuma,  & 
eonfultant  auec  les  flens,ils  dirent  tous  que  fans 
faute  leur  ancien  & grand  feigneur  Quctzal-' 
coalf  eftoit  venu,  lequel  leur  auoit  dit  qu’il  re- 
tourneroit  du  cofté  d Orier,;où  il  fen  eftoit  allé,  | 
Il  y auoit  entre  les  Indiens  vne  opinion,  qu’vn  \ 
grand  Prince  les  auoit  au  temps  palFé  laiflèz,  & | 

promis  qu’il  retourneroit,  de  l’origine  & fon-  j 


DES  Ind  es.  Liv.  VU. 
dcmentde  laquelle  opinion  fera  dit  en  vn  au» 
îrelku.  Ceft  pourquoy  ils  enuoyerenc  cinq 
principaux  AmhalTadeius,  auec  des  p refens  ri- 
ches,pourle  congratuler  de  fa  venue,  leur  di» 
fans  qu’ils  fçauôient  bien  que  leur  grand  fei- 
gneur  Querzalcoalt  venoit  là,  & que  fon  fer- 
uiteur  Moteçuma  Fenuoioit  vifiter  , fe  tenanc 
pour  fon  feruircur.  Les  Efpagnols  en  rendirent 
ce  HielFagc  par  le  moyen  de  Marina  Indienne 
qu’ils  menoient  auec  eux,  & fçauoit  la  langue 
Mexiquaine  , & Fernande  Cortès,  trouuanc 
quec’eftoitvne  bonne  occalîon  pour  leur  eu- 
tree,  commanda  que  l’on  luy  omaft  fort  bien 
fa  chambre, & eftanrafîis  auec  grande  authori» 
te,  & ornement,  fit  entrer  les  ambaflàdeurs, 
îcfquels  n ’obmirent  rien  de  fhumilicr  , fînoii 
de  i’adôrer  pour  leur  Dieai.  Ils  luy  firent  leur 
gmbalfade,  difans  que  fon  feruiteur  Moteçuma 
Fenuoioit  vifirer,(i:  qu’il  tenoit  le’ pays  en  fon 
nom,commcfon  lieutenant,  qu’^  içauoitbieii 
que  c’cftoitleTopiIçin,quileurauoit  efté  pro- 
mis, il,  y auoir  plufieurs  ans,  lequel  les  deuoit 
venir  rcuoir.  Par  ainfi  qu’ils  luy  apportoienc 
les  habits  qu’il  auoir  accoiiftumé  de  porter^ 
quand  il  connerfoit  auec  cux,lefupplians qu’il 
les  receut  pour  aggreables,  en  luy  offrans  plu- 
fieurs prefenrs  de  grande  valeur.Cortes  refpon-i 
dit  reccuant  les  prefents,  & donnant  à enten- 
dre, qu’il  eftoit  celuy  qu’ils  difoient,dequoy  ils 
demeurèrent  fort  eontens,  & fe  voyansreeeus 
& trait  te  Z de  luy  amiablemenr,  -(  car  en  cela', 
aulfi  bien  qu’es'autres  chofes, ce  valeureux' 
pitainc  a efté  digne  de  loüringc,)quefil’eiïcret- 

Zz  ij 


% 


'kmxio 


HistoiliÊ  NA  TV  Relie 
prinfe  eu  H:  palîe  outre  , qui  eftoit  de  gaigner 
par  amitié  ee  peuple,  il  ferable  qu  il f eftoit  of- 
fert la  meilleure  occafion  , que  l'on  pourrok 
imaginer,  pour  alfubiettir  cefte terre  àTEuan- 
gile  par  paix,  & par  amitié;mais  les  péchez  de 
ces  cruels  homicides  & efclaucs  de  Satan, vou- 
loientcftrechafliezdu  Ciel,  comme  aufti  ceux 
de  pluheurs^ErpagnoIs,  qui  neftoient  pas  en 
petit  nombre.  Ainh  les  hauts  iugemems  deDica 
dilpoferenr  le  fà'uc  de  ces  peuples,  ayans  pre- 
mièrement retranché  les.  racines  endomma- 
gées, & comme  dit  rApoftre,la  mauuaiftié  & 
aueuglemept  des  vns,  fur  la  faluation  des  au- 
tres. En  En  leiour  d’apres  l’Ambairaderufdirc, 
tous  les  Capitaines  & principaux  de  la  flore 
vindrent  dânsrAdmnralle,  &entendans  l’afEai- 
fe,  & côbicB;  ce  Royaume  dd  Motccuma  eftoic 
ptiiiîànt  , & riche,  il  leur  fembla  que  c eftoic 
chofeconuenabled  obtenir  réputation  d hom- 
mes braues  3ç  vaillans  enuers  ce  peuple,  & que 
p.ar  ce  moyen  encor  qu  ils  fuflènt  peu,  ils  fe- 
ioient  crainçsj.&  receus  en  Mexique.  A ce- 
fte En  ils  defehargerent  toute  l’artillerie  des 
pA'J.itcs  & comme  c’eftoir  choie  qui  iamâis 
li  auoitefté  ouyçpar  les  Indiens,  ils  demeurc- 
reiiraHfficfpouuanrezque  E le  Ciel  fuft  tom- 
bié  fur  cux.  _A'pres  les  Efpagnols  fc  mirent  àdes 
AeftSer  , afin  , qu  ils  combatrilTent  auecéux,& 
Indiens  ne.Ey. . ofans  hazarder,  ils  les  bafti- 
renî,  (Sc  malvtcaitterenr,  leurmonftrans  leurs 
.efpces  ^ lances,-; pertuifanes  , <5e  autres  arme'Sj 
dont  ils  les  crpouuanterent  ^beaucoupr  Les 
panures  Indiens  furentpourçefeftedt  fi  crain^ 


N 


DIS  Indes.  Liv.  VII.  ' 3^5 

tifs  &erpouuciitez  qu’ils  ckangeient  d opinion^, 
diiàns  que  leur  feigneur  Topilcin  ne  venoit 
point  en  cefte  troupe  Mais  que  c’eftoyent  quel- 
ques Dieux  leurs  ennemis  qui  venoyent  là  pour 
les  delrr iiir e. Quand  les  A m b alîàde u rs  r e ro u r n c- 
renren  Mexique, Motecuma  eftoit  en  la  mai- 
fondé  laucîience.&auant  qu’ils  luy  dônnalTenc 
l araballàde,le  malheureux  commanda  de  facri- 
fier  en  fa  prefence  vn  nombre  d’hommes,  puis 
auccle  fang  des  facrifiez  arroufcr  les  ambaiîa- 
deurs,péfant  par  celle  ceremonie  (qu’ils  auoyêt 
accouftum  é de  faire  en  de  folemnelles  ambalïa- 
des)auoir bonne reiponce.  Mais  ayant enrpndu 
le  rapport  & information  de  la  forme  des  naiii- 
res,  hommes,  & armes,  il  demeura  tout  confus 
& perplexe  puis  ayant  eu  confeil  là  delFus  , ne 
trouua  autre  meilleur  moyen  , que  procurer 
d ’empefeher  l’entree  à ces  e(lrangers,par  les  arts 
magiques, & coniurations.  Ils  auoyent  accou- 
ftume  fouuent  de  fe  feruir  de  ces  moyens,  d’au- 
tant qu’ils  auoyentgrandecommunicatiô  auec 
Î^Diabjejparl’ayde  duquel  ils  obrenoyentquei- 
quesfois  des  cfFedts  eftranges.  Ils  alTerablèrent 
donc  tous  lesforcier-s,magiciens,'S<:  enchàceurs, 
& perfuadez  de  Moteçuraa  prindrent  en  leur 
charge  de  faire  retourner  ces  gens  lààleurs  pays. 
Pour  cereffedl  ils  furent  en  certain  lieu, qui  leur 
fembla  ellre  propre,pour  inuoquer  les  Diables, 
& exercer  leurs  arts  , chofe  digne  de  confi- 
deration.  Ils  firent  tout  ce  qu’ils  peurent, 
ôc  feeurent , mais  voyans  que  nulle  chofe 
ne  pouuoit  empefeher  les  Chrelliens  , ils  fu- 
fcnc  vers  le  Roy , luy  difans  que  ceux-là 

Zz  iij 


H I s T P IRE  Na'tVRELLE 
cftoient  plus  c^u'hommes , pource  que  rien  ne 
les  endommageoit  , pour  toutes  leurs  coniu- 
rations'  & enchantements.  Alors  Moteçu-  ! 
ma  {’aduifa  d’vne  autre  rufe  , qui  fut  que  fei- 
gnant d’eftre  fort  content  de  leurveniie,ilen- 
uoya  commander  à, tous  fes  Royaumes  qu’ils 
feruiirent  ces  Dieux  celeftes  qui  cftoient  ve- 
nus en  leur  terre.Tout  le  peuple  eftoit  en  grand 
iriftefTe  de  furfaut,  & venoient  fouuent  iiou-  . j 
uelles  que  les  Efpagnolsfenqueroicnt  fouuent  j 
où  eftoit  le  Roy,de  fa  façon  de  viure,de  fa  mai-  || 
fon  & de  fes  moyens. Il  eftoit  extrêmement  faf-  î 

ché  de  cela5&  luy  confeilloient  les  fiens,&  d’au-  | 
très  Negromanciens  qu’il C<z  cachaft  luy  oftfans  | 
à cefte  fin  de  le  mettre  en  lieu , où  créature  ne  | 
le  pourroit  iamais  trouuer.  Cela  luy  fcmbla  f 
chefe  ylle,  parquoy  il  fe  détermina  à les  atten- 
dre,encor  que  ce  fuft  en  mourant.  En  fin  Ü for- 
tit  de  fes  maifons  & palais  Royaux  pour  loger  ï 
en  d’autresjles  laiftans  pour  loger  ces  Dieux, co- 
rn cils  difoienr. 


De  l'entree  des  Espagnols  en  Mexique. 
Chap.  XXV. 

,Enepretcns  point  traitter  les  faits  ôc 
geftes  des  Efpagnols  qui  conquefterét 
ÎS?^laneufue  Efpagnc,  nyles  aduentures 
icftrangers  qui  leur  arriuerent,  ny  le 
couragedevaieur  inuincible  deleurCapitaincDô 
Fernande  Cortez,d’autâtqijedecelail  y a beau- 


Des  I n d e s.  L I V.  V 1 1.  394 

coup  d’hiftoires  & relations,  comme  celles  que 
le  mefme  Ferna'ndeCortés  cfcriuit  à l’Empercui? 
Charles  V.bien  qu’elles  foient  dVn  ftile  rond  & 
aflez  efloigné  d’arrogance,lefquels  donnent  fuf- 
fîfante  cognoilTance  de  ce  qui  pafîà , en  quoy  il 
futdigne  de  perpétuelle  mcmoirctmaisfeuleméc 
pour  accomplir  mon  intention, il  refte  de  dire  ce 
que  ^es  Indiens  racontent  de  ceft  affaire , ce  qui 
/n  a efté  iufqucs  auiourd'huy  rédigé  par  eCcriten 
noftre  vulguaire.  Moteçuma  donc  ayant  en- 
tendu les  vidoiresdu  Capitaine,' & qu’il  venoit 
f aduançant  pour  fa  conquefte , qu’il  f’efteit  c5- 
fédéré  ôc  ioint  auec  ceux  de  Tlafcalla  fes  capi- 
taux ennemis  , & auoit  chaftié  rudement  ceux 
de  Choliolafes  amis  , Pimagina  de  le  tromper 
ou  efprouuer  en  luy  enuoyaniTvn  homme  prin- 
cipal, veftu  Raccommodé  desmefmes  orne- 
mens  & enfeignes  Royales,  qui  feignift  eftre 
Moteçuma,  laquelle  fî6Hon ayant eftédefeou- 
uerte  au  Marquis  par  ceux  de  Tlafcalla  quil’ac- 
compagnoientjlerenuoya  apres  i’auoir  douce- 
ment & prudemment  reprins  de  l’aaoir  ainh 
voulu  tromper,  dequoy  Moteçuma  demeura 
tellement  confus , que  pour  la  crainte  de  cela  il 
retourna  à fes  premières  imaginations  de  vou- 
loir faire  retirer  les  Chreftiens  , parle  moyen 
Rinuocationl'des  enchanteurs  Rforders.  Par- 
quoy  ilallembla  vn  plus  grand  nombre  d’iceux 
qu’il  n auoit  faitla  première  fois,  en  les  mena- 
çant que  s’ils  retouriioient  vers  luy  fans  accom- 
plir fon  commanderaenr,  il  n'en  refehapperoie 
vnfeuljà  quoy  ils  promirent  d’obtemperer.  Et 
pour  ceft  effeét  tous  les  officiers  du  diable  s’eu 
Z?;  iii] 


Histoire  natvrelle 
allèrent  au  chemin  de  Chalco,qui  cftoir  par  où 
deaoiencpalTcr  les  Efpagnols,  où  montansau 
feftdVnecofte,  leur  apparut  Tezcalipuca,vn 
de  leurs  principaux  Dieux,  comme  venant  de- 
uerslecamp  des  Efpagnols,  en  l'habit  de  Chal- 
cas,  qui  auoit les  tetins  ceints  auec  huict  tours 
dVne  corde  de  ionc,  il  venoit  comme  hors  de 
foy  & comme  vn  homme  infenfé  & enyuré  de 
' rage  &defurie.Arriué  qu’il  futàl’efcadron  des 
Negromanciens  &forciers,il  s arrefta  <?deur 
dift  en  grand  coXqmq  PourcjHoy  von4  Autres  teutenéX^ 
VQvts  icy,f/eJi--ceqiteM3teçuma  prétend  faire  par  vofre 
fnoyen^ll  s e^  trop  tard  aduife. car  dejîa  il  ef  déterminé^ 
que  l'on  luy  ojie  fon  E^yanme  CT  fin  honneur,  auec  tovtt 
ce  qii  ilpofede,  peur  punition  desgrandes  tyrannies  quil 
a commifes  contre  fies  vajfaux,n  ayant  pas  go  mierné  corne 
feigneur , mais  comme  traifire  ty  ran.  Les  enchan- 

teurs alors  oyans  ces  paroles,  cogneurent  que 
c’eftoit  leur  idole,  & fhumiliansdeuant  luy,luy 
baftirentàl  inftant  au  mefme  lieu  veu  autel  de 
pierre , qulls  cpuurirent  de  fleurs  qu’ils  cueilli- 
rentàlentour,luyaucontraire  nefaifant  point 
d'efliatde  ces  chofes  commença  derechef  à les 
taiicer,di{ant:  Qujfies-voua  venus  faire  icy  traisîres, 
retourne\preteurne%incotinent  <CT  regarde\Mexique^ 
afin  que  vous  entediel^  ce  qui  doit  aduenir  d'elle.  Et 
difent  qu’ils  fe  retournèrent  deuers  Mexique 
pour  la  regarder,(Sc  qu’ils  la  virent  briiflante  & 
toute  enflambée  devines  flames.  Alors  le  dia- 
ble dï(parur,(Sc  eux  n'ofans  pairer  plus  outre , fl- 
rentfçauoircelaà  Moteçuma.  Ce  qu  ayant  en- 
tendu,il  fut  vn  long  temps  fans  parler,  regardât 
penflfen  terre, puis  dift,  que  ferons  nqus4onCj 


DES  Indes.  L I V.  VII. 
fi  les  Dieux  & nos  amis  nous  delaiflent,&  qu’au 
^:ontrairciils  aident  &fauonfent  nos  ennemis» 
le  fuis  défia  refolu,  & nous  deuons  tous  refou- 
dre à ce  point,que  arriue  ce  qui  pourra  arriuer^ 
nous  ne  deuons  point  fuir  nynous  cacher,  ny 
inonftrer  aucun  (igné  de  coiiardile.  l ayieulc- 
ment  pitié  des  vieillards  & des  petits  enfans 
qui  n ont  ny  pieds  ny  mains  pour  fe  defFendre., 
&difantcelâ  fe  teut,pource  qu’il  cotnmençoiE 
à Ce  tranfporter  en  extafe.  Enfin  le  Marquis 
rapprochant  de  Mexique,  Moteçuma  faduifa 
defairedenecelfité  vertu,  ôc  fortit  pour  lere- 
ceuoircôrae  à trois  ou  quatre  lieues  de  la  Cité, 
allant  d vnegrauemajefté,  porté  fur  les  efpaul- 
les  de  quatre  feigneurs , & eftant  couucrtd’vn 
riche  ppelle  d’or  & de  plumcrics.  Lors  qu’ils 

fentrerencQntrerent,Motecumàdefeendit,  & 
tous  deuxfefaluerent  IVn  l'autre  fort  courtoi- 
fement:  Dom  Fernande  Cortès  luy  difl:  qu’il 
nefe  fouciaft  de  rien,  & qu’il  n’eftoit  là  venu 
pour  luy  oftçr  fon  Royaume,  ny  diminuer  fou 
authorité.  Moteçuma  logea  Cortès  &fescon- 
pagnons  en  fon  palais  Royal,qui  cftoit  fort  ma- 
gnifique, 6c  luy  s’en  alla  loger  en  d’autres  mai- 
fons  priuées  qu’il  auoit.  Les  foldards  defehar- 
gerent  celle  nuid-là  rartilleric  par  refiouilFan- 
ce,dequoy  les  Indiens  s’efpouuenterent  beau- 
coup, n’ellanspas  accouftumez  d’ouyrvne  tel- 
le mufique.Leiour  enfuiuant  Cortès  fit  alLem- 
bfer  Moteçuma  & les  feigneurs  de  fa  Cour  en 
yne  grande  fale,où  luy  eftant  aflis  en  vne  haute 
chaire,leurdift  qu’il  eftoit  féruiteur  d’vn  gran4  ^ 
Prince  qui  Icsauoit  enuoyez  encespays  pour 


J 


Histoire  natyrelee 
faire  de  bonnes  œuures,  &qu  ayant  trouuc' en 
iceluy  ceux  de  Tlafcalla  qui  eftoienr  Tes  amis, 
kfquels  fe  plaignoient  fort  des  torts  & griefs 
.que  ceux  de  Mexique  leur  faifoient  continuel- 
iementjà  cefteoCcaiion  il  vouloir  entendre  le- 
quel d’enti’euxauoit  le  tort, à fin  de  les  appoin- 
ter enfemblc,pour  de  là  en  auant  ne  ferratrail- 
1er  & guerroyer  les  vns  les  autres  , & que  ce- 
pendant luy  &fes  freres(  qui  eftoient  IcsEfpa- 
gnols)demeureroient  toufiours  là  fans  les  en- 
dômager,aucorraircles  aideroient  en  ce  qu’ils 
pourroient.  Il  mit  peine  de  faire  bien  entendre 
ce  difeours  à tqus,fe  feruant  de  ces  interprétés 
Sc  truchemenrs.Ce  qu  entendu  par  le  Roy  &les 
autres  feigneurs  Mexiquains,  ils  furent  extrê- 
mement contens,&  monftrerent  grands  fignes 
d amitié  à Cortès  ôc  aux  fiens.  Plufieurs  font 
d’opinion  que  s’ils  eufient  fuiuy  l’afiaire  comme 
ils  rauoientpmmencé  ce  iour  là,ils  eulTentpea 
facilement  ordonner  du  Roy  Ôc  du  Royaume 
pour  leur  donner  la  loy  de  Chrifl:  fans  grande 
effufion  defang.Maislesiugemérsde  Dieu  font 
grands, & les  pechez  des  deux  parties  eftoient 
en  grand  nombre,  par  ainfi  n’ayans  fuyui  leur 
pointe  l’affaire  fut  différé,  combien  qu’en  fin 
Dieu  fit  mifericorde  à cefte  nation,  juy  com- 
muniquant la  lumière  de  fon  faind  Euangile, 
apres  auoir  fait  iugement  & punition  de  ceux 
quilemeritoicnt,  & qiiiauoient  trop  énormé- 
ment offenfé  ladiuine  reucrence.  Tantyaque 
quelques  occafionsÊcrmeurent,  dont  plufieurs 
plaintes,  griefs  & foupçons,  nafquirent  d’vn 
çqfté,  6c  d’autre.  Ce  que  voyant  Cortès,  <5cque 


DIS  Indes.  Liv.  VII.  ^6^ 
les  volontez  des  Indiens  commençoient  à le 
diftraire  d’eux  : il  lüy  fembla  neceiraire  de  far- 
feurer,en  métrant  la  main  fur  le  RoyMoteçu- 
ma, lequel  fut  faiiî,&  mis  les  fers  aux  pieds,  ade 
certes  elpouuentableau  monde,  &quicftc{gal 
à l’autre  fien,d  auoir  bruflé  fcs  nauires,  & f eftrc 
cnclos^au  milieu  de  fes  ennemis, pour  vaincre  ou 
pour  mourir. Le  pire  fut  que  à caufe  de  la  venue 
inopinée  4 vnPamphiloNaruaes  en  X^vem  Cmx 
pour  altérer  «Se  mutiner  le  pays  futdebefoing 
que  Cortès  f abfentaft  de  Mexique,  & qu’il  lail- 
faft  Icpauure  Moteçumaéntrc  les  mains  de  fes 
compaignpns,qui  n’auoient  pas  la  difcretion,ny 
la  modération  telle  que  luy , par  ainil  l’affaire 
vint  à telle  diffenfion  qu’il  n’y  eut  plus  aucun, 
moyen[de  faire  paix. 

Ve  Umort  de  Mote^umA^o^  fortie  des  E^agnoU  de 
Mexique, 

Ch  AP.  XXV. 


quains, 


Ors  que  Cortez  eftoit  abfènt  de 
Mexique,  celuy  qui  eftoit  demeurç 
fon  Lieutenant  fut  d opinion  de  don- 
ner  vn  rude  chaftiement  /aux  Mexi- 
, & fit  tuer  vn  grand  nombre  de  la  no- 
blelTeen  vn  bal  qu’ils  firent  au  palais,  qui  fut  fi 
cxcefiif  que  tout  le  peuple  fe  mutina  , & d’vne 
furieufe  rage  prindrent  les  armes  pour  fc  ven- 
ger & tuer  les  Efpagnols.Par  ainfi  ils  les  aflîc- 
gerent  au  palais  , les  prelfans  de  fi  presque  le 
dommage  que  les  Efpagnols  leur  faifoient  de 
leur  artillerie  & de  leurs  arbaleftes,  ne  les  pqu- 


Histoire  natvrelle 
uoit  diftraire , ny  faire  retirer  de  leur  entre- 
prinfeà  quoy  iis  periîfterent  parplufieurs  iours 
leur  empefehans  les  viures  fans  permettre  qu’il 
y entrait  ou  for tift  aucune  créature.  I Is  fe  bat- 
toienr  auec  des  pierres,  dcsdardsàietter,  à leur 
’ façon,desefpeces  de  lances  qui  font  comme  des 
flefçhes, ouil  y a quatre  ou  iîx  rafoirs  très- ai- 
gus,qui  font  telles,  que  les  hiitoires  racontent, 
qu’en  ces  guerres  vn  Indien  d’vn  coup  de  ces 
rafoirs  emporta  prefque  tout  le  col  dVn  che- 
nal,& comme  ils  combarroientvn  ioiir  en  cefte 
refolution  & furie, les  Efpagnols  pour  les  faire 
celîer,  firent  monter  Motecuma,aiiecvn  autre 
' des  principaux  feigneurs  Mexiquains,  au  haut 
d’vneplatte  forme  de  la  maifon,  couuerts  des 
rondelles  de  deux  foldats  qui  eftoientauee  eux. 
Les  Mexiquains  voyans  leur  Seigneur  Mote- 
çumafarrefterent  & firent  grand  filence.  Alors 
Motecuma  leur  fit  dire, par  ce  Seigneur  princi* 
pal,  qu’ils  fappaifaifent  , & qu’ils  ne  fiflèntia 
guerre  aux  Efpagnols,  puis  qu’ils  voyoienr,que 
iuy  citant  prifonnicr  cela  ncleurpouuoitprof- 
firer.Ge  qu’eitaut  entendu  par  vn.icune  hom- 
me appelle  Quieuxtemoe , lequel  ils  parloient 
défia  d’ellire  pour  leur  Roy,  diit  à haute  voix  à 
Motecuma , qu’il  fe  retirait , comme  vn  villain, 
que  puis  qu'il  auoit  cité  il  couard,  que  de  fe  laif- 
fer  prendre,  ils  ne  luy  debuoient  plus  obeyr, 
mais  pluitoit  luy  donner  le  chaitiement  qu’il 
meritoit,l’appellant  femme  pour  plus  grande 
ignoiliinie,&  commença  alors  à enfoncer  fou 
arc, & à tirer  contre  luy  , & le  peuple  recom- 
piencaàictter  des  pierres,  ^ pouriuyure  leur 


Des  In  dès.  Liv.  Vit.  5^7 

combat.  Pluficurs  difent  qu  alors  Motccoma 
fut  frappé  d’vn  coup  de  pierre^ont  il  mourut, 
les  Indiens  de  Mexique  afferment  le  contraire, 
mais  qu’il  mourut  depuis  de  la  façon  que  iedi- 
ray  incontinent.  Aluaro  &lc  refie  des  ErpagUols 
fe  voyansfi  preffez  ennoycient  donner  adiiis 
au  Capitaine  Correz,.  du  grand  danger,  où  ils 
cfloient , lequel  ayant  auec  vne  merueilleufe 
dextérité  & valeur,donné  ordre  en Taffairc  de 
Naruacs,  & rccueilly  pour  luy  la  plus  grande 
partie  de  Tes  hommes,  vint  à grandes  iournees 
fecourir  les  liens  en  Mexique,^  ouàttendant  le 
temps  que  les  Indiens  fe  repofoient  ( car  ce- 
ftoit  leur  vfage  en  la  guerre,  de  fe  repofer  de 
quatre  iours  en  qiiarre  iours  ) il  faduanca  viî 
iour  par  grande  rnie  ôc  magnânimité  , tel- 
lement que  luy  Ôc  fesgens  entrèrent  au  Palais; 
où  les  Efpagnols  feiloient  fortifiez  , parquof 
ils  monflterent  plülidors  lignes  deréfiouifïan-- 
ce,  en  defehargeant  l’artillèrie:  mais  comme  la 
rage  des  Mexiquains  fangraentoit , qu’il  n’y 
auôitrnùl  moyen  de  les  appàifer,^  mermes  que 
les  vidres  leur  deffailloient  du  toirt^fihs  qu’ils 
eulfeilt Gfpcrance  de  pouuoir  plûsfe.'dcffendrc, 
le  Capitaine  Cortezdelibcratde  rortirpvnc  nute 
fans-bruit!  Parquoy  ayant  fait  diÿS'q?onts  de 
bois,  poimpaffer  deux  grands  courants  d’eaiie 
fort  dangereux,  il  fortit  fur  la  minihél  aûec  tout 
le  plus! ‘grand  lilence  qu’il  peut.  & '.ayant  ià  là 
, plus  part  defes  genf  pafl^  le  pretniér'ponti  ils 
furent  apperceùs  d?vne  Indienne  aùant  que  de 
paifer  le  fécond,  qui- f en  alla  criant' que  leurs 
ennemis  fenfuioient,  à 'laquelle  vbi^  falfem- 


Histo’ire  natvrêllê 
bla,  Sc  accourut  tout  le  peuple  dVne  terrible 
furie,  tellement  que  palîànt  le  fécond  pontjiis 
furent  tellement  chargez  ôc  prefTez,! qu’il  de- 
meura Iplus  de  trois  cens  hommes  morts  ôc 
bleflcz  en  vn  lieu,où  eft  auiourd’huÿ  vn  petit 
hermitage,  que  fort  mai  à propos  l’on  appelle 
auiourd’huy  des  martyrs.  Pluficurs  des  Efpa- 
gnols  pour  conferuer  l’or  & les  ioyaux,qu’ils 
auoient  ne  peurent  efehapper  , ôC  d’autres  re^ 
tardans  pour  le  recueillir,  6c  apporter,  furent 
prinsparles  Mexiquains,  ôc  cruellement  facri- 
fiezdeuant  leurs  idoles.  Les  Mexiquainstrou- 
uercntleRoy  Motecumamort,  6c  blelfécom- 
m e ils  difenr  de  coups  de  poignards, qui  eft  leur 
opinion,  que  cefte  nuit  les  Efpagnols  le  tuèrent 
auec  d’autres  feigneurs.  Le  marquis  en  la  rela- 
tion, qu’il  enuoya  à l’Empereur  ditaucontrai- 
rc,& que  les' Mexiquains  luy  tuçrent  celle  nuit 
vn  fils  de  Motecuma,qu’il  emmenoit  auec  d’au- 
tres reigneurs,difant  que  toute  la  richefie  d’or, 
pierres,  & d’argent,  qu’ils  emportoient  tomba 
auIac,ouiamaisdudepuisne  parut.  Qutfy qu’il 
en  Toit  Motecuraa  finir  miferablement,  ôc  paya 
au  iufteiügemenr  du  Seigneur  desCieux  ce  qu’il 
meritoir, pour  Ton  grand  orgueil,  & tyrannie. 
Car  fon  corps  eftant  venu  en  la  puiifancc  des 
Indiens,  ils  ne  voulurent  luy  faire  les  obfeques 
de  Roy, non  pas  d’homme  commun,  ains  le  iet- 
terent  par  grand  mefpris  ôc  collere.  Vn  fien  fer- 
uitcur  ayant  pitié  du  malheur  de  eeRoy,qfli 
auoit  efté  aiiparauant'craintj&  adoré  comme 
Dieu, luy  fit  là  vn  feu,  ôc  mit  fes  cendres,où  il 
peiitjCnY^  lieu  allez  mefprifé.  Retournant  doc 


Dis  Indes.  Li  V.  VIL  ^6È 
^^ux  Efpagnols  qui  efchapperent,ils  furent  gran- 
dement fatiguez  & trauaillez,  pour  ce  que  les 
Indiens  les  fuyuircnt  obftincmét  deux  ou  trois 
ioufs,  fans  les  laiirerrepofervn  moment,  & al- 
loient  fi  fatiguez  à caufe  dupeu  de  viures,quc 
bien  peu  de  grains  de  mays  eftoient  départis 
entre  euxj  pour  leur  manger.Les  relations  des 
Efpagnolsj  & des  Indiens  faccordent,queno- 
ftre  i^eigneur  les  deliura  eh  cet  endroit  mira- 
culeiilcmcnt  la  mere  de  mifericorde,  ôc  royne 
des  deux, Marie  les  deffendanr  en  vne  mon- 
taignette,  où  à trois  lieties  de  Mexique  eftau- 
iourd’huy  fondée  vne  cglife,en  mémoire  de  cela 
auectiitrede  noftreDamedefecours.  Ils  fe  re- 
tirèrent vers  leurs  anciens  amis  de  Tlnfcalla, 
où  ils  fe  retirèrent  par  leur  ayde,  & par  la  va- 
leuj;#&  riize  de  Fernande  Cortès  , puis  retour- 
nèrent faire  la  guerre  en  Mexique  pareaüc,& 
par  terre,  anecFinuentiondes  brigantins  qu’ils 
mirent  dans  le  lac,  & apres  plufieurs  combats 
ôc  plus  de  foixanre  dangereufes  batailles,  ils  ga- 
gnèrent du  tout  la  Cité  de  Mexique  le  iour  de 
^indb  Hippolyte  treiziefme  du  mois  d’Aonfi: 
mil  cinq  cents  vingt  & vn.  Le  dernier  Roy  des 
Mcxicquains  ayant  obftinement  Touftenu  la 
guerre,  en  fin  fut  prins  en  vne  grande  Canoë, 
où  il  fenfuioir,  lequel  eftant  araené,aiiec  quel- 
ques autres  des  principaux  feigneurs  deuant 
Fernande  Correz  , le  roytellet  d’vne  eftrangc 
magnanimité,  faccant  vne  dague  fapproclia  de 
Correz,  Sc  luy  dift,  mfques Attiourd’ huy  ce 

que  day^^eu  ^our  U deffenfedes  miens ynénteîiant  ie  ne 
fm  ohligéÀfAire  d'aiiantage  que  de  te  donner  cejls 


Histoire  natvrelle 
, dague  pur  me  tuer  â' icelle.  Cortès  luyrefpondif,' 
qu’il  ne  le  vouloitpas  tuer,  & que  ce  n’auoit 
point  efté Ton  intention  de  les  endommager, 
mais  que  leur  obihnation  fi  folle  eftoit  coupa- 
ble de  tant  de  mal,&  de  la  perfecution,  qu’ils  a- 
iioient  foufrerte  : qu’ils  feauoient  bien  combien 
de  fois  il  les  auoit  requis  de  paix,  & d’amitié, 
puis  commanda  qu’on  les  gardaft,  & qu’on  le 
traiélaft  fort  bien  luy &les  autres, qui  eftoient  ef* 
chappezPlufieurschofcsaduindrêt  encefteco- 
quefte  de  Mexique,eftranges  & admirables,  car  | 
ie  ne  tiens  point  pour  mêfongc  ny  pour  additio,  | 
■ ce  que  dilènt  plufieurs,qui  efcriuent  que  Dieu 
ffauorifa  l’affaire  des  Efpagnols  par  plufieurs  mi- 
racles, d’autant  qu’il  leur  eftoit  impoftîble  de. 
vaincre  tât  de  difticultez,fans  la  faneur  du  Ciel,  | 
& de  falfubiedtir  au  commencement  cefte  ter- 
re,auec  fi  peu  d’hommes.  Car  combié  que  nous 
autres  fuffions  p'ecKeurs,&  indignes  de  telle  fa- 
ueur,routesfois  la  caufe  de  noftre  Dieu ,1a  gloire, 
de  noftre  foy,le  bien  de  tant  de  milliers  d ’ameS'y 
cô'mc eftoient  ces. nations,q.uelè  fi&igneuc. auoit 
predeftinées,requeroient  que  pour! paruenir  àicêi 
changement:  que  nous  voyons  à prefentarriué,: 
il  y furuintdes  moyens  fupernaturels,&propreS 
à celuy  qui  appelle  à la  cognoiftance  de  luy  les 
aueugles,&  les  prifonniers,  & leur  donne  la  lu- 
mière & liberté  par  fon  S.Euangile,& afin  que 
l’on  puifte  mieux  entendre  cecy,&  y adioufter 
foy  ie  racôteray  quelques  exemples  qui  me  fem- 
blent  à propos  de  cefte  hiftoirc. 


C H Al*. 

. V 

DES  IKDES,  Lit.  VIL 


3^9 


Be  quelques  miracles  que  Dieu  a monjlreXjés  Indes  e 
faueur  de  U fojjkns  U mérité  de  ceux  qui  les firent 


CflAP.  XXVil. 

Aindte  Croix  de  la  Syerre  eft  vne 
I prouince  fort  grande,  & fort  eflori- 
jgnée,au  Royaume  du  Perujqui  sV 
|uoyfine  auec  diuerfes  nations  d’in- 
fidelesjlcfqucîsn'onrpoint  encor  la 
lumière  de  rEuangile,fi  depuis  le  temps  que  i’eii 
fuis  party,les  peres  de  noftre  côpagnie,  qui  font 
là  pour  cet  effet  ne  leur  ont  enfeigné*  Toutes- 
fois  cefte  prouince  de  fainde  Croix  cft  Chre- 
ftienne  & y a plufieurs  Efpagnols  & Indiens 
baptifez  en  grand  nombre.  La  façon  comment 
le  Chriftianifme  y entra  fut  telle.  Vn  foldat  de 
mauuaife  vie,  refident  en  la  prouince  de  Char- 
cas  craignant  la  iuflice,  qui  pour sfes  délits  lé 
recllerchoit , entra  bien  auant  dans’le  pays , & 
fut  recueilly  gratieufement  des  barbares  de 
cefte  contrée  , & voyant  l’Efpâgnol  qu’ils  en- 
duroient  alors  vile  grande  necefîîté  par  faute 
d’eade , & que  pour  faire  pleuuoir , ils  faifoient 
beaucoup  de  ceremonies  fuperftitieufes,  com- 
me ils  ontaccouftumé , il  leur  dift  que  s’ils  vou- 
ioienr  faire  ce  qu'il  leur  diroit , qu’inc'onrinent- 
ils  auroient  de  l’eauc  , ce  qu’ils  s’offrirent  de 
faire  fort  volontairement.  Alors  le  foldat  fît 
vne  grande  Croix  » qu’il  planta  en  vn  lieu  emi- 
nent  Jeur  difant , qu’ils  fiflent  là  leur  adoration, 

A aa 


Histoire  NATVRELtE, 
èc  qu’ils  demandaffent  de  l’eaüejce  qu’ils  firent 
Çhofe  merueilleiife  , incontinent  tomba  de 
l’eaüe  fi  abondamment  , que  les  Indiens  prin- 
drent telle  déuotion  à la  lainde  Croix,  qu’ils 
anoienrrecoprs  à icelle,  pour  toutes  leurs  ne- 
celfitez,  & obtenoient  tout  cequ’ils  deman- 
doient,  tellement  qu’ils  rompirent  leur  idoles 
& commencèrent  à porter  les  Croix  pouren- 
feignes,  & à demander  des' prédicateurs  qui  les 
enfeignairentjiSc  baptifairent.  Pour  celle  occa- 
fionlaprouincea  ellé  iufques  auiourdhuy  ap- 
p|ilee,lainte  Croix  de  laSyerre.  Mais  afin  que 
l’on  voye par  qui  Dieufaifoit  ces  merueilles,  il 
ne  fera  mal  à propos  de  dire  comment  ce  fol- 
dat , apres  auoir  quelques  années  fait  ces  mira^ 
des  d’Apoftre,  n’ayant  point  toutesfois  amen- 
dé fa  vie,  fortit  de  la  prouince  des  Charcas  , & 
continuant  Tes  mauuailes  façons  de  faire  fut 
mis  publiquement  au  gibet  en  Pottofi.  Polo 
qui  le  cognoilToit,  eferit  tout  cecy  comme  cho- 
fe  notoire , èc  qui  arriuà  de  fon  temps.  Cabeca 
de  Vaça,  qui-  fut  depuis  gouuerncur  au  Para- 
guey  efcriptenla  pérégrination  eftrange  , qui^ 
luyaduint  en  la  Floride,  auec  deux  ou  trois  au- 
tres compagnons,  qui  refterent  feuls  d Vne  ar- 
mée; où  ils  palîerentdix  ans  auecles  barbares 
cheminans  , & penerrans  iufques  à la  mer  du 
Sud,&  eft  aiitheur  digne  de  foy  , que  les  barba- 
res, les  forceans  de  guarir  certaines  maladies, 
les  nienaçans  que  s’ils  ne  le  faifoient  qu’ils  leur 
ofteroientla  vie,  d autre  part  ne  fçacharrs  au- 
cune  partie  de  médecine  , & n’ayans  aucuns 
appareils  pour  l’exercer,  forcez  delà  necelfité,- 


6es  IKdes.  -Lit.  VU.  jjë 
fè  firent  médecins  eiiangeliques,  difans  les  oraU 
fons  de  l’Eglife , & faifans^  le  figne  de  la  Croix, 
àu  moyen  dequoy  ils  guarirent  ces  malades, 
pour  le  bruit,  & renommée  dequoy  ils  furent 
contraints , d’exercer  celle  office  par  toutes  les 
villes  où  iis  pairoienr,  qui  furent  innuraeràbles, 
enquoyie  Seigneur  les  aida  miraculeufementi 
de  forte  qu’ils  cfioient  eux  mefmes  efmcrueil- 
lez  pour  eftre  de  vie  commune , voire  l’vn  deux 
Vn  negre  j Lancero  eftoit  vn  foldat  au  Peru , du- 
quel on  nefeait  d’autres  mérités  , que  d’eftre 
foldat,  ildifoitfur  les  play  es  certaines  bonnes 
parolles , & faifant  le  ngne  de  la  Croix  les  gua- 
rillbit  incontinent',  d’où  Ton  difoit  comme  par 
prouerbe  le  pfalme de  Lancero.  Ellant  exami- 
né par  ceux  qui  tiennent  rang  & ont  authorité 
en  TEglife , fou  office , & fes  œuurcs  furent  ap- 
prouuees.  Qiielques  peffonnes  dignesdefoy 
racontent,&  Tay  ouy  dire  mefmes,qu’en  la  cité 
deCufco  , lors  que  les  Efpagnols  y eftoientaf- 
fiegez  & prelfez  de  fi  près  , que  fans  l’aide  du 
Ciel  il  leur  eftoit  impolfible  d’en  pouuoir  ef. 
éhapper  , les  Indiens  iettoient  du  feu  fur  leè 
toiéls  des  maifons , où  s’eftoient  retirés  les  Es- 
pagnols, qui  éft  l’endroit  où  eft  auiourd’huy 
baftie  la  grande  Eglife  : & bien  que  Iq  toîd  fuft 
de  certaine  paille, qu’ils  appellent  là  chicho , Sc 
que  les  flambeaux  qu’ils  y iettoient  deffus  e- 
ftoientdebois  depin  fort  rameuxdc  fort  gros j 
toutesfois  iamais  aucun  echofe  ne  print  en  feuj, 
ny  ne  fut  bruflée , à caufe  qu’il  y auoit  vne  Da- 
me en  haut  qui  eftaignoie  le  feu  incontinent , Sc 
^dâfiùŸtffbîeiTiém  âppercéu  des  Indiens,qui 

A aa  ij 


Hîstoirewatvîielle 
référèrent  depuis  en  cftans  fort  efmerueilîez. 
L’on  feait  de  certain , par  les  relations  de  plull- 
eurs,&par  les  hilioircsqui  en  font  eferites^qu  en 
diuerfes  batailles,que  lesjEfpagnols  eurent,  tant 
en  la  neiifue  Elpagne  qu'au  Perujes  Indiens  cô- 
trairesveirent  en  Pair  vn  cheualier, monte  furvn 
chenal  blanc, vne  efpéc  en  la  main , combattant 
pour  les  Efpagnois , d’où  eft  venue  la  grande  Vé- 
nération, qu’ils  portent  aux  Indes  au  glorieux 
ApollreS.iacques.  D’autresfois  ils  veirent  ert 
quelques  batailles  l’image  de  noftreDamc,de  la-  . 
quelle  les  Chreftiensont  receu,ences  parties, 
d’incomparablesfaueurs,&beneficcs,que  {H’oii 
racoiitoit  par  le  menu  toutes  les  œuures  du  Ciel  ) 
comme  elles  font  aduenucs,ce  feroit  vn  dis- 
cours fort  long.  UTuffit  d auoir  dit  cecy  à l’oc- 
ca/iondelagracequelaRoyne  de  gloire  Etaux 
noftresjlors  qu’ils  eftoient  prefTez&  pourfuyuis 
des  Mèxiquains , ce  que  i’ay  mis  en  auanr  afin  de 
faircjen tendre, que  noftreSeigneur  a eu  foucy  de 
faiioriler la  foy,&  religion  Chreftienne,  defen- 
dant.ceuxquiia  teaoient,encoreqiiepar  aduan- 
mre  ils  ne  meritalfent pas  parleurs  œuures , de 
telles  faneurs  & benencesdu  Ciel.  C’eftpour- 
quoy  l’on  ne  doit  pas  condemner  fi  abfoluemct 
route'sLCcschofeSjdes  premiers  conquerans  des 
IndeSiainfî  que  quelques  religieux , & hommes 
dodtes  ont  fai6t,parvn  bon  zele  fans  doute, mais 
par  trop  affedlé  ; car  combien  qu  en  la  plus  part 
ils  furent  hommes  auares,afpres,&  fort  ignoras 
de  la  façon  de  procéder  que  l’on  deuoit  obfer- 
uer, entre  les  infidèles , qui  iamais  n auoient  of* 
fençé  les  Chreftiens,  routesfois  l’on  ne  peur  pas 


DES  Indes.  Liv.  VU.  ' 2,71 
nier,  que  de  la  part  des  infidèles , il  n’y  ait  eu  be- 
aucoup de  Æauuaiftié  contre  Dieu,&  contre  les 
noftres,ce  qui  les  contraignit  vzer  de  rigueur,& 
de  chaftimét.Et  ce  qui  eft  d’anâtage,  le  Seigneur 
de  tous  , encor  queles  fideles  fuÜènt  pécheurs, 
voulut  fauorifer  leur  caufe&parry, pour  le  bien 
des  infidèles  mefmes , qui  depuis  fe  debuoient 
conuertir au  fain6t  Euangile  par  cefte  occafion: 
car  les  chemins  deDieu  font  haut^&leurs  traces’ 
merueilleufes. 

Ve  la fa^tn  que  la  dmme promden^e  difpojk  les  Indes ^ 
pour  y donner  entrecyà  U Kehgion 
Chrejhenne. 

Ch  AP.  XXVIII. 

ettrayfin  à cefte  hiftoirc  dcsîn- 
declarantle  moyen  admirable 
lequel  Dieu  difpofaj&prepara 
crée  de  i’Euangile,en  icelles , ce 
^ l’on  doit  bié  côfiderer , afin  de 
louer  & recognoiftre  la  prouidence  & bonté  du 
Createur.Chacun  pourra  entédre  par  la  relatio, 
& difeours  queiay  eferit  en  ces  liures,tant  au 
Perü, comme  en  la  neufue  E fpagne , lors  que  les 
Chreftiens  y mirent  premièrement  le  pied , ces 
Royaumes  & Monarchies  eftoient  paruenues 
aufommet  : & période  de  leur  puiftance  ; veu 
que  les  Inguas  poftedoient  au  Peru  depuis  le 
Royaume  de  Chillé  iufques  plus  outre  que 
Aaa  iij 


Histoire  natvrelle 
Qmtt05qni  font  mil  lieues  de  pays  fuiui.  Eftans 
û à abôdans  en  or&  argenr/ompuieux  fel:uices, 

& autres  chofes  que  rien  plus  .comme  en  Me- 
xique Moreçuma  commandoit  depuis  la  mer  | 
Oceane,du  Nort.iufques  à la  mer  du  Sud,  eftant  ^ 
craint,&  adoré  non  pas  comme  homme  , mais  ' 
pluftoft  comme  Dieu  : Ce  fut  alors  que  le  très- 
haut  Seigneur  iugea , que  celle  pierre  de  Daniel 
c|ui  rompit  les  Royaumes  , & MonarcKies  du 
monde  rompill  aulTi  ceux  de  cet  autre  nouueaii 
monde.  Et  tout  ainh  comme  la  loy  de  Chrill 
vint  quand  la  Monarchie  Romaine  elloit  par- 
uenue  à fon  fommet,  ainh  en  aduint  il  és  Indes 
Occidentales  , & vrayement  appercoit-on  en  ' 
cela  vne  vraye  prpuidcnce  du  Seigneur*  Car  ■ 
n'y  ayant  lors  au  monde , c’efl  à dire  ch  Europe, 
quVnchcf&  feigneur  temporel,  ainh  que  les  [ 
facrez  Doéleurs  le  remarquent , cela  fut  caufe 
que  l’Euangile  fe  peut  facilement  J cômuniquer  | 
à tant  de  peuples  & nations , ce  qui  eft  auhî  ar-  ’ 
hué  és  Indes  ou  ayans  donné  la  cognoilîànce  ‘ 
de  Chrill  aux  chefs  & monarques  de  tant  de 
Royaumes  , cela  fur  caufe  que  par  apres  plus  fa-  j 

cilementfon  communiqua  l’Euangile  à tout  le 
peuple,  voire  y a icy  vne  chofe  particulière  à 
noter, que  comme  les  feigneurs  de  Mexique  j 
(ScdeCufco,  alloient  conquellans  de  noliuel-  | 
les  terres  ils  y alloient  aulfi  introduifans  leur  , 
langue,car  iaçoif  qu’il  y eull  commejil  y a encor 
de  prefçnt  vne  grande  diuerhté  de  langues  par-  | 
ticulicres  & propres  , neantmoins  la  langue  ! 
courtifane  de  Cufco  courut  & court  encor  au-  j 
iourd’huy  plus  de  mil  lieues , & celle  dç  Mexi- 


PES  ÏNDES.  LiV.  Vlï.  ^ 
aue,  ne  Feftendoit  gueres  moins , ce  qui  n a pas 
efté  de  petite  importance,  mais  a beaucoup  pro~ 
fité  pour  faciliter  la  prédication  en  ce  reps  que 

les  prédicateurs  n’ont  pas  le  don  de  p u 

langues,comme  ils  auoient  anciennement. 

voudra  fçauoir  quelle  a>;de  c’a  efté  pour  la 
predi&ation  & conuerfionde  ces  peuples , que 
la  grandeur  de  ces  deux  Empires  que  lay  ci  , 
pour  la  grande  difficulté  que  loua  expcrinieji- 
tée,à  réduire  en  Chrift  les  Indiens , qui  ne  reco- 
gnoiffoient  point  vn  feigneur  , s en  aide  en  a 

Floride,  au  Brefibaux  Andes,  &en  pluiieurs 
autres  endroits , où  par  la  prédication  Ion  na 
pasfaiavnteleffed,en  cinquante  ans  , com- 
me opafaitauPeru  , Sc  en  la  neuue  Elpagnc 
en  moins  de  cinq.  S’ils  veulenr  dire  que  la  ri- 
cheffe  de  cefte  terre  en  a efté  caufe,  ie  ne  le  nie 

pasdutout,touresfoisileftoit  impoffible  qudl 

y euft  tant  de  riebeffe , Sc  qu’ils  1 eulPcnt  peu  cô- 
feruer,s’il  n’y  euft  eu  Monmxhie.  Cela  mefme 
eftvnackeminement  de  Dieu, pour  ce  temp? 
cy, auquel  les  prédicateurs  de  l'Euangile  font  k 
froids  & Il  peu  zelcz, qu’il  y aye  des  marchands 
'lefquels  aucc  la  chaleur  de  1 aiiai  ice , & le  denr  , 
du  commandement , cherchent  & defcoimrent 
de  noiiueaux  peuples  , ou  nous  pallions  auec 

iioftremarchandife.CarcommeditS.Auguftin, 

la  prophétie d’Efaye  eftacccomplie,  en  ce  que^^ 
PEghfede  Chrift  feftdilattée,  non  feulement  ^-5  ' 
en  la  dextre,mais  auffi  en  la  fcneftce,qui  cft  con- 
mc  il  déclaré  s’accroiftre  par  des  moyens  hu- 
mains, & terriens,  que  l’on  cherche  plus  ordi- 
nairement que  lefus  Chrift.  C’a  efté  auffi  gran« 

Aaa  liij 


Hl  STO  I R E N A T V R E LL  E 
de  prouidence  du  Seigneur,  que  quand  les pre- 
miers Eipagnols y arriuerent, ils rrouuerent  de 
l’aide  entre  les  mcfmes  Indiens,àcaufede  leurs 
partialitez&  grandes  diuilîons.  Celaell:  tout 
cogneiiauPeru,queIadiuilîon  d’entre  les  deux  i 

freres  Arahulpa,&  Guafca,eftant  nouuellemenr  { 
décédé  le  grand  Roy  Guanacapa  leur  pere,  fuft 
caulededonnerl'entreeau  Marquis  Dom  Frâ- 
çoisPizarre  & aux  Efpagnols,  d’autant  quVn  I 
chacun  d’eux  defiroit  ion  alliance,  & qu’ils  e- 
lloient  occupez  aie  faire  la  guerre  IVnà  l’au- 
tre, L On  n apasmoinscxperimetéenlaneufue 
Efpagne,  que  l’aide  de  ceux  de  la  prouince  de 
Tlafcalla  , à cauié  de  la  perpétuelle  inimitié 
qu  ils  auoient  contre  les  Mexiquains,  caufaau 
Mai quis  Fernande  Cortès , & aux  liens  la  vi-  j 
Gloire,  & ieigneurie  de  Mexique , & ians  eux  ij 
leur  euft  efté  impoiîîble  de  la  gaigner  , voire 
lèulement  de  fe  maintenir  au  pays.  Ceux  là  fe 
trompent  beaucoup  qui  eftiment  peu  les  In- 
diens,& quiiugcnt  queparl  auantage  , que  les 
Eipagnols  ont  fur  cux,dc  leurs  perfonnes  ,che- 
uaux  & armes  ofFenlîues,&  dcfFeniîues,ils  pour- 
ront conquefter  quelconque  terre,  ôc  nation 
d’indiens,  Chilleefl:  encor  là  , ou  pour  mieux 
direAranco,&  Teucapcl,  qui  font  deux  villes, 
lurlequelles  nos  Eipagnols  n’ont  pas  fçeu  gai- 
gnervn  pied  de  terre,  combien  qu’il  y aye  plus 
de  vingt  cinq  ans , qulls  y font  la  guerre  fans  s’y 
elpargner.  Car  ces  barbares  ayans  vne  fois  per- 
du la  crainte  des  cheuaiix  & des  arquebufes , 6c 
fcachant  que  l’Elpagnol  tombe  aüllî  bien  qu'vn 
autrcjdvncoupde pierre,  pu  aiiec  vne  fléché. 


' DES  Indes.  Liv.  V lî.  37$ 

Ils  fe  hafardent  & entrent  dans  les  piques , fai- 
fans  leurs  entre  prinfcs.  Combien  d’anneesya 
jlque  Fonlcuedes  hommes  eri  la  ncufue  Efpa- 
gne , que  Fon  mene  contre  les  Chychymequos, 
qui  (ont  vn  petit  nombre  d’indiens  tous  nuds^ 
armez  feulement  de  leurs  arcs,  & Eefehes , toU:..,. 
tesfois  iufques  auiourd’huy  ils  n'ont  peu  eftrc 
vaincus,  au  contraire  de  iour  en  iour  ils  deuien- 
nent  plus  hazardeux&  déterminez.  Mais  que 
dirons  nous  des  Chucos , des  Chyraguanas , 6c 
des  Pilcocones , ôc  de  tous  les  autres  peuples 
des  Andes  ? toute  la  fleur  du  Pc  ru  n’y  a elle  pas 
efté,  menant  auec  foy  fl  grand  appareil  d’armes 
& hommes  comme  nous  anons  veu  ? que  firent 
ils  ? auec  quel  profit  retournèrent  ils  ? Ils  en  r e- 
uindrent  certainement  bien  heureux  de  n y a- 
noir  laifle  la yie , y ayans  perdu  leur  bagage  & 
prefque  tous  leurs  cheuaux.  Qu’aucun  n’eltitne 
pas,qu’cn  parlant  des  Indiens,  l’ondoibue  en- 
tendre des  hommes  de  rien,  mais  s’il  lé  penfe 
qu’il  vienne,  & en  face  l’efpreuue.  Il  en  faut 
donc  attril^uerla  gloire  à qui  elle  appartient, 
qui  eft  principalement  à Dieu , & à fon  admira- 
ble difpofltion, -car  fi  Moteçuma  en  Mexique, 
ôc  l’Ingua  au  Peru  fefuflent  employez  à refî- 
fterauxEfpagnols,  & leur  empefeher  l’entrée^s 
Cortès , êc  Pyzarre  y euflènt  peu  profité, encor 
qu’ils  fuflent  excellents  Capitaines , d’auoir  mis 
feulement  pied  en  terre.  C’a  efté  mefmc  vii 
grand  ayde  pour  faire  recepuoir  aux  Indiens  la 
loy  de  Chrift , que  la  grande  fubieéHon  qu'ils  a.- 
uoientàleurs  Rois,&  feigneurs,  & mefmeU 
fubîcdioDo  & feruflude  qu’ils  aupknt  au  Dk- 


Histoire  natvrelie 
èle,à  Tes  tyraiinies , & à (on  iougfi  pezaiit.  Ce 
fur vne excellence  dirpofition  delà  fapiencedi- 
uine,  laqui°Iletiredu  profHt  du  mal  pour  vnc 
bonneiïn,  &i*ecoitfon  bien  du  mal  d’autriiy 
qu’elle  n’a  pas  femé.  Il  eft  certain  qu’il  n’y  a au- 
cun peuple  des  Indes  OccidentaIes,quiaiceflé 
plus  idoine  a fEuangile,  que  ceux  qui  ont  efté 
plus  fubiers  à leurs  leigneurs  , &qui  ontefté 
diargez  déplus  grandes  charges,  ranr  de  tributs 
&reruices,coramedecouftumes,  & vfaacsfan- 
guinolems.  Tout  ce  que  poiïederent  les  Roys 
M exiquains , & ceux  du  Peru , eft  auiourd’huy 
leplusGultiLié  de  la  Chreftienté  , Ôc  où  il  y a 
moins  de  difficulté  au  gouuernement , & police 
EcdefiaftiqueXesIndiens  eftoient  défia  fi  lafiez 
d’endurer  leioug  tres-pefant , & infupporrable 
des  loix  de  Satan , des  facrificcs  6c  ceremonies, 
dont  nous  auons  parlé  cy-defiiis , qu’ils  confiii-, 
toient  entre  eux  de  chercher  vue  autre  loy , ôc^ 
vn  autre  Dieu , à qui  ils  fer  ni  fient.  Ceft  pour- 
quoylalôy  deCbriftleurfembla,  &leur  fem. 
ble encor auiourdhuyiufte, douce, nette,  bon- 
ne,^ route  pleine  de  biens.  Et  ce  qui  eft  diffici- 
le en  noftre  Loy , qui  eft  de  croire  des  niyfteres 
fihauts  ôc  fbuuerâins,  aefté  bien  facile  entre 
cux,d’autant  qucle  Diable  leur  auoitfait  com- 
prendre dTiures  chofes  plus  difficiles.  Et  ces 
mefiiies  chofes  qu’il  auoit  defrobées  de  no- 
ftre loy  euangelique,com>rie  leur  Eicon  de  com- 
muniondc  confclfioiî  , leur  adoration  de  troix 
ürnvn,  & telles  autres  chofes  fèmblabies , ief- 
queiies  contre  la  volonté  de  l’ennemy  ont’aydé 
à faire  plus  faciieraenç  rcceqoiiTa  veriréà  ceux 


pis  Indes.  Lïv.  VIT.  374 
qui  les  auoient  receus  en  la  menterie.  Dieu  en 
routes  Tes  œuures  eft  fagc , & admirable  , lequel 
furmonte laduerfairc  auec  fes  propres  armes, 
l’arrefte  auec  Ton  lacs , & l’efgorge , auec  fa  pro- 
pre efpée.  Finalement  noftre  Dieu,  ( quiauoit 
créé  ces  peuples,  bc  qui  fembloit  (î  long  temps 
lesauoirmisen  oubly  ) quand  leur  heureaefté,, 
venue  a voulu  faire  que  les  melmes  Diables  en- 
pemisdcs  hommes  qu’ils  tenoîent  faulfemene 
pour  dieux, donnallènt  termoignage  contre  leur 
volonté  de  fa  vraye  loy,du  pouuoir  de  Chrift  6c 
du  triomphe  de  fa  Croix , ainh  qu’il  appert  clai- 
rement par  les  prefages , prophéties , fignes , & 
prodiges  çy  deifus  racontez  auec  plufieurs  au- 
tres qui  font  aduenus  en  diuers  endroits,  & 
que  les  mefmes  minières  de  Satan,forcicrs,  ma- 
giciens,&  autres  I ndiens  l’ont  confeifé.  E t ne 
peut-on  pier  ( car  c’eft  cliofe  tres-euidente , & 
notoire  par  tout  le  monde  ) quèle  Diable  n^ole 
hfïler  ,&  que  les  pratiques , oracles , refponces, 
Sc apparitions  vilibles  ,qui  eftoient  Ci  ordinai- 
res en  toute  ccfte  infidélité,  ont  ceffé  és  lieux, 
qù  le  figue  de  la  Croix  aefté  planté  , où  il  y a 
des  Eglifes,6«:  où  l’on  a côFdfé  le  nom  de  Chrift. 
Que  s’il  y à encor  auiourd’huy  quelque  fien  mi- 
niftre  maudit,  qui  participe  encor  de  quelque 
çhofedecela,  çen’eftque  dedans  les  cauernes, 
fomniets  dés  montaignes , & aux  lieux  cachez 
6c  du  tout  efloignés  du  nom  ôc  communion  des 
Chreftiens.  Le  Seigneur  fouuerainfoit  bénir, 
pour  fes  grandes  mifericordes  , ôc  pour  la  gloi- 
re de  fon  fiinét  nom,  & à la  vérité , Ci  l’on  gou- 
pcrnoic  §ç  t'egiffoit  ce  peuple , tant  temporelko 


Histoire  N AT  VREL  LE 
ment  que  {pirituellemenr,  de  la  façon  que  por- 
te la  loy  de  lefus  Chrift.auec  vn  ioug  fi  doux , & 
vne  charge  fîlcgere  5 & qu'on  neleur  donnaft 
point  plus  de  poix  Sc  de  charge  que  ce  qu’ils  ( 
peuuentporterjainlî  qu’il  eftporté,(Sçcomman- 
de,par  les  patentes  du  bon  Empereur  de  bonne 
mémoire , & queauec  cela  ils  prinflTentla  moy^ 
tiedufoucy,  qu’ilsemploiencàfaire  profïîtde 
leurs  pauures  fueurs,  & rrauaux , pour  leur  ay- 
deraleurfàlut  ,ce  feroit  la  Chreftienté  la  plus 
paifîble,&heureufe  de  tout  le  monde.  Mais  noz 
pechez  bienfoiiuent  fontoccafion,  que  Dieu 
ne  départ  pas  Tes  grâces  fi  abondamment  qu’il 
feroit.  Toutefois  ie  dy  vne  chofe  qui  eftvraye, 

& le  tiens  pour  certain  j que  iaçoit  que  la  pre- 
mière entree  de  l’Euangile  5 en  beaucoup  d’en- 
droits n’a  pas  efté  accompagnée  de  fincerité , & 
de  rnoiens  Chrefiiens  defquels  on  fe  deuoit 
feruir,  fi  eft-ce  que  la  bonté  de  Dieu , a tiré  du 
bien  de  ce  mal,  & a fait  que  la  fubieéHon  des 
Indiens, leur  aye  efté  vn  parfait  remede , & fal- 
uation.  Que  Ton  confidere  vnpcu  ce  que  de 
noftre  temps  Ion  a de  nouueau  conuerty  en  la 
Chreftienté,  tant  en  Orient  qu’au  Ponent  , & 
combien  il  y a eu  entre  eux  peu  de  feureré , & 
de  perfeuerance  en  la  foy,&  religion  Ghreftien-  | 
ne , es  lieux , où  les  nouueaux  conuertis  ont  eu 
entière  liberté  de  difpofer  de  foy , félon  leur  li- 
beral arbitre.  La  Chreftieté  fans  doute  va  croif- 
fant(Sc  augmentant , & rapporte  chaque  iour 
plus  de  fruit  entre  les  Indiens  alfiibiea-is,  &au 
contraire,  va  fe  diminuant , & menaçant  ruine, 
és  autres  qui  ont  eu  des  çommencemens  plus 


•s. 


DES  lîtDES.  Lsv.  VÎL  571 

heureux  : 6c  encor  que  les  commancemens 
âyent  efté  laborieux  és  Indes  Occidentales, tou-^ 
tefoisle  Seigneur  n’a  laide  d’enuoyer  inconti- 
nent de  bons  ouuriers  ôc  fîdeles  hiiniftres  liens, 
hommes  lain ts  ÔC apollolîques , 'comme  furent 
frsre  Martin  de  Valence,  de  lordrcde  S.  Fran- 
çois-, frere  Dominique  de  Getançois , de  l’ordrC 
de  S.  Dominique , frere  lean  de  Roa , de  1 ordre 
de  S.  AugülHn,auec  d’antres  feruiteUrs  du  Sei- 
gneur, quiontvefcufain61:ement,&  y ontou- 
urédes  chofcsplus  qu’humaines.  Des  Prélats 
mefmes  fages,  ôc  des  preftres  fort  faindls , ^ di- 
gnes de  mémoire , defqucls  nous  oyons  d^s  mi- 
racles irmarquables& propres  adtes  d’Apoftres 
Voire  en  noftre  temps  en  auons  cognu , ôc  com- 
muniqué de  celle  qualité.  Maispource  quemo 
intentiô  n a efté  plus  outre  que  de  traiter  ce  qui 
touche  l’hiftoirc  propre  des  mefmes  Indkns,  ôc 
devenir iufque au  temps  quelc.Pere  de  noftre 
Seigneur  leius  Chrift  voulût  leur  communi- 
quer la  lumière  de  fa  parole,  ie  ne  palTeray  plus 
'outre, laillaiitpourvn autre  temps,  ou  pour  vn 
meilleur  entendement,  l^difcours  de  l’Euan- 
gile aux  Indes  Occidentales, lûppüant  le  Sou- 
ucrain  Seigneur  de  tous,&  priant  fes  lèruitenrs 
quilsfupplient  humblement  fa  diuine  maiefté 
qu’il  plaife  à là  bonté  vili ter  fouuent,  ôc  angmé- 
rer  ,par  fes  dons  du  Ciel , la  nouuelle  Chreftien- 
té,quc  les  derniers  lieclesonc  plantée  aux  bor- 
nes de  la  terre.  Soit  au  Roy  des  liecles  gloire, 
honneur  & empire  ,pour  toulîouts  &àiamais.- 
Amen. 


FIN* 


table  des  choses 

PLVS  REMARQUABLES  CÔN- 
tenues  en  cefte  hijftoire  naturel- 
le 5c  moralle  des  Indes;  - 


A 

Bondafice  4^aux 
fous  laZone  Tor- 
ride. fi|7. 

Abfurcîirezdcriile 
Atlantique dePlatô'.f.  4(3.3 
Abus  des  Efpagnols  ad 
PciTi,  prenans  l’Efté  pour 
THyuer.  • %j;.b 

Acamapach  i.  Roy  de  Me- 
xique. 507.3 

Accord  fait  entre  le  Roy 
de  Mexique  ôc  Ton  peu- 
ple deuât  qu  entrepren- 
dre V ne  guerre*  £358. 
a. b 

Adlaguagi  efpece  de  mo- 
naftere  de  femmes,  fol. 
233.b.&  254 

A des  généreux  de  Fer- 
nande Codtes.  £5^5.3* 
A(dion  de  grâces  folemnel- 
les  apres  vne  vi(doire. 
£j4î,d 


Adoration  des  morts  com- 
mencée & augmentée,  f. 
218.  b.  & 2 15?. 

Adultefcs  punis  de  mort 
£ apS.b' 

Agilité  des  guenons  & de 
leurs  rtaits  prefqüe  in- 
croiables.  f.aoo.a.  b* 
r Aigle  fus  vnTanaî,armoi^ 
ries  deMexique,&pour- 
quoy  32^.  a.  b 

l’Ail  fort  eftimé  des  Indi-, 
ens.  f.  K^j.â.  b‘ 

l’Air  combien  necçlîàire  à 
la  vie  de  l’homme,  fol, 
71. b 

l’Air  cfm'eu  de  moüuemenf 
celeftcfuffitfousla  ligne 
Equino(dialle  pour  con- 
duire vn  Nairire.  f.8(3.b. 
&88.b 

A } eos  petits  chiensdont  les^ 
Indiens  ont  vn  foin  ih- 
■ cro'iabie.  f.iyf.h 


TABLE. 


Araaro  Ingua  exécuté 
par  les  Efpaghols  dans 
Cufco.  ^06. h 

Ambre  efpecé  de  gom- 
me medicinalle , & odo- 
riférante. _ f.iSi.a.b 
Amendes  GroUfans  dans 
les  Cocos.  f.iyS.a.b' 
Amendes  des  Chacapoyas 
tenuëspourle  plus  raie 
fruitqui  foirau  monde. 
F.  17b.  b 

les  Anciens  n’ont  peu  fai- 
re vn  voyage  de  propos 
deliberéjfaure  d Eguille* 
F. 57. a 

les  Anciens  ne  nauigepyet 
(ju'aucc  rames.  f.37.b 
Anciens  dodeurs  plus  ftu- 
dieux  des  faindes  1er-; 
très  que  des  demo nilra- 
tions de  Philofophie. 

f.2.b 

Animaux  venimeux  con- 
uertis  par  art  dii(  Diable, 
en  bonne  nourriture. 

Animaux  parfaits  ne  peu- 
u'enc  êilre  engendrez 
comme  les  imparfaits 
fdon  l'ordre  de  nature. 
40-,  b . r 

pluiîeurs  efpeGes  d’ Ani- 


maux fe  troimcist  esK 
deSjdontiln’yenapoiîîE 
en  l’Europe. 

Aanona  fruit  appcüé  pr 
les  Efpagnois  blanc  mâ- 
ger  à caufe  de  quelque 
reiTemblancc,  ij6-h 
l’An  des  Indiens  diuiie  en 
dixbiiid  mois.  t75«,b' 
l’An  des  Peruiîens  plus  par 
fait  &c  plus  approchant 
du  noilre  qneceioy  dés 
Mexiquains.  ' 2^7.  a b' 
Apopanaca  c’eftoit  le 
perinrendant  des  mo- 
, nalleres  des  femmes. 

Apacliitas  fommets  de 
montaignes  adorez,  iié 

Arbre  d’en  orme  grandeur, 

TArc  du  ciel  auec  deux: 
coleuufes  .çiloyeîlt  les 
armes  de  Ihigua  Roy' 
du  Peru.  - zi4.a 
Arcades  aux  baftimensiii- 
incogneuës  aux  Indiens. 
2^2.a,b 

, l’Argent  poiirquoy  apres 
, roreil  prifé  far  tous  les 
autres  métaux.  135’.  b' 
i’Argenx  plus  prifé.  en  csi-» 


TAB 

tains  endroits  que  non 
pas  l’or.  i36.b- 

l’Argent  plus  commun  or- 
dinairement que  l’or 

comment  on  affine  l’Ar- 
gentpar  le  feu.  ify,  a.  & 
comment  auecle  vif  ar- 
gent. 137.  b.  154.  &IJ5. 
(diuerfes  fortes  d’Ateent. 

i47.a  ^ 

ciTayde  l’Argent  comment 
fe  fait.  i5^.b 

Ariftore  no  réfuté  par  La- 
drance  touchant  le  lieu 
de  la  terre.  ï5,b 

Armes  des  Mexiquains, 
305?.  & 310 

Armee  en  l’air  prefàges 
d’vne  grande  ruine.  3y6f 

&3)7. 

Art  militaire  fort  honoré 
des  Maxiquains.  309. b 
Art  de  recognoiftre  les 
eftoilles  inuenté  parles 
Phéniciens.  34-a 
chafque  Indien  fçauoit 
tous  les  Arts  needfaires 
à la  vie  humaine , fans 
qu'il  luy  fnft  befoin  de 
fe  feruir  d’autruy . 296.  b 
les  A lires  félon  quelques 
Dodeurs  de  i’Eglife  fe 


meùuentdeux  mefmes.; 

i.b 

Auanrage  que  les  Chre- 
lliens  eurent  aux  Indes 
pour  y planter  la  foy. 
247. a.b. 

S.  Augullin  doute  fi  le  ciel 
circuit  la  terre  de  toutes 
parts.  2 

S.  Augullin  beaucoup  plus 
fubtil  que  Ladance.  15.  b 
Aufteriiez  exer.ceespar  les 
Mexiquainspour  confer- 
uer  leur  pudicité.  238 

cupide  Auaricc  d’vn  certain 
Prellre  penfant  tirer  de 
l’or  d’vn  Volcan.  123. a 

Axi  efpicerie  d’Inde.  167. 

&i68 

l’Aymant  trace  comme  vn  - 
chemin  en  l'eau.  3y.a 

IMymant  cômunique  vne 
vertu  au  fer  de  regarder 
roufiours  vers  le  Nord. 

35.a 

l’vfage  de  la  pierre  d’Ay- 
mantà  nauiger  n’ell  an- 
cien. ' 35,a 

B 

Al  folenncl  en  Mexi- 
que où  le  Roy  mefme 
dançoit 


TABLE. 


danfoit.'  3^?*^ 

Balâce  terrible  où  le  Dia- 
ble faifoic  confelFer  les 
lapponnois.  25?. a.  b 

Balaine  commet  prife par 
lesînciiés,&  aiiec  quel- 
le induftrie.  104.  a.  b 
comme  iis  la  mangent, 
là  mefme. 

Barques  des  IndienSjap- 
pellees  Canoës.  42,.b 
Bataille  fans  efpadre  fang, 
faite  feulemét  pour  ce- 
remonie à la  reddition 
deTcfcndo.  343- a 

Baufme  de  Palcftine&  ct~ 
iuy  des  Indes  fort  diffc- 
rens.  i8j.il  fertde  chref- 
me  és  Indes  aux  Sacre- 
raensdeBaptefme,Con- 
firmation  &:  autres.181 
b.  le  blanc  meilleur  que 
le  rouge.  18  2. a 

Belle  occafion  aux  Efpa- 
gnols  d'affubiedHr  les 
Indiens  par  douceur  li 
leurs  pechez  l’culTenc 
permis.  261.3.  b 
Befaar  pierre  qui  fe  trou- 
ue  en  l’cftomac  de  quel- 
ques animaux,  trelïmi- 
ueraine  contre  le  poi- 


fon.  20J.  b.  d’où  elle 
naift.ao^.b.  côme  elles 
s’appliquent  & quelles 
font  les  plus  excellent 
tes,î07.a.furquoy  elles 
fe  for men  t.  2 o 7 . b 

Bcftail  foigneufemêtcon- 
ferué  par  les  Inguas. 
255:  b. 

Belles  lauuages  adorées 
par  les  Indiêsj&poiir- 
quoy.  2î7.a 

Bctum  didCpppey  en  In- 
dien. loS.a 

BilTexte  incognu  aux  In- 
.diens.  278.  a 

Bochas&  Suches  poifsôs 
lîgnaliez  du  lac  de  Titi- 
caca.  io<j.a 

Boncos  religieux  du  ^Dia- 
ble és  Indes.  235. a.b 
Boiurellet  marque  du 
Roylngua  comme  font 
^ icylc  fceptre&  la  cou- 
ronne. 24i.b.  & iScj.b 
Boys  rares  & odoriferaiis 
quinailTent  és  Indes. 
iSj.a.b 

Brancars  d’or  maffif.  1^4.  a 
les  Brifes  ôc  vents  d’abas 
font  deux  noms  gene- 
raux qui  comprennent 
Bbb 


table. 


les  vents  dVn  cofté  & 
d’autre.  84.a 

Bruine  fort  proffitablc  aux 
aux  Lanes  du  Peru.  117. 
a.  b 

G 

CAcao  fruit  fort  efti- 
)méés  Indes,  & qui 
rcrtdemonnoye.  171»  b 
Cacaui , pain  faitdvne  ra- 
cine. 16  L. h 

Calabalîes  ou - Citrouilles 
d’Inde  5 & de  leur  gran- 
deur. c léj.ab 

Calcul  des  Indiens  fort 
ingénieux  & fort  prôpt. 
289. a.b 

Caméy  fécond  moys  des 
Indiens.  26 1. b 

Canards  en  grande  abon- 
dace  au  lac  de  Titicaca, 
& comme  on  les  cbaiîè. 
lo^.a  ‘ ' 

Cannes  de  fucre  de  grand 
reuéna.  ’ 189. a 

Canopus  dfoille  qui  Ce 
voidaucieldu  nouueau 
monde.  lo.a 

Cap  de  Comorni  autres- 
fois  appelle  le  Promon- 
toire de  Cori.  i3.a 

les  Carthaginois  deffen- 
dirent  de  nauiger  aux 


terres  mcogneucs  , & 
pourquoy.  23.3 

Gaufe  des  inondations  du 

Nil.  54.b 

Caufe  alTcuree  de  l’Hyucr 
& de  l’Efté.  ytî  .a 

Caufe  des  tremblémens  de 
terre.  i24.b 

Caymans  ou  lefards  , ref- 
femblans  aux  Crocodi- 
les dot  Pline  parle.  xo5.a 
Cendre iettee  en  abondant 
ce  par  les  Volcans. 
i2i.a.  b 

Ceremonie  Mexiquaine  de 
fe  tirer  du  fang  en  diuers 
endroits.543.b.&  3 4t.  b 

Ceremonies  desindiens  en 
la  fepulture  des  morts. 
21  i.  b.  & 222^^ 
Ceremonies  quife  faifoyce 
aux  facrifices  des  homes 
243.244. 

Chachalmua  premiers  Sc 
fuprefraesPreftres,&dcs 
habits  dont  ils  vfoient 
aux  facrifices.  244.a.  b 
Charge  des  moutons  d'In- 
de combien  grande , ôc 
quelles  iournecs  ils  font 
ainfi  chargez.  204.  b 
Chafquis  poftes  des  In- 


TABLE. 


dicns  qui  portoient  les 
iiouuclles  par  tour.  187 
b.dc  leur  ellabliiremen  t. 
2^7 

dralTe  des  Lyons  viîtee  en- 
tre les  hidicns.ic)!.  b 
Chemin  des  Efpagnols 
pour  aller  aux  Indes , & 
leur  retour.  8o,a.b 
Cheuaux  beaux  & forts  fe 
trouuent  es  Jndcs.  191.  a 
Ch;;ùeuxdes  preftres  hor- 
nblemêt  longs  & oindts 
de  refine.  2^6.  a.  h ^ 
Chica  boiflbn  fort  bonne 
pour  le  mal  de  reins. 

1^2.  a 

Chichimequas  anciens  ha- 
bitans  de  la  neufue  Ef- 
pagne,&  de  leur  vie  bar  - 
bare. iié'.ab 

Chicocapote  fruit  reirem- 
blantaucotignac.  lyS» 
a b 

Chiens  dangereux  & aufii 
pernicieux  qiieles  loups 
i9i.a.b 

Chiens  dangereux  cnEllle 
de  Cuba  Elpagnolle  & 
autres.  45.  b 

Chille  Royaume  de  mef- 
me  teperature  que  ccluy 
d’Efpagne  ‘ 5 4.  b 


Chinchilles  petis  animaux 
dont  la  peau  eft  exquife. 

199. a,b. 

Chocholateboiflbn  des  In- 
Indiens  dont  ils  font 
grand  eftat.  tyl.b 
le  Ciel  eft  rond&fe  tour- 
ne fur  les  deux  pôles. 

5 a.  prouuc  plus  par  ex- 
periêce  que  par  demon- 
ftration.  là  mefme. 

le  CieLentfure  la  terre  fé- 
lon les  Eferiptures.  é".  a 
leGieldctoüs  coftez  eft  en 
haut.  ij.a 

le  Ciel  n’efloigne  pas  plus 
la  terre  d vn  cofté  que 
d’autre.  u.a 

Cinabre  ou  vermeillon  ap- 
pelle par  les  Indiens  Ly- 
rapi.  iço.b 

Coca  fruid  qui  fèruoit  de 
monnoye  aux  Mexi- 
qùains.  1^1.  b 

Coca  certaine  fueille  donc 
les  P erufics  fe  feruoyent 
pour  monnoye.  ija.b 
Coca  petite  fueille  dont  les 
les  Indiens  font  grand 
traffic.172.  a.il  encoura- 
ge & renforce.  175.  a 
Cocas  Palmes  des  Indes 

6 de  leurs  rares  pro- 

Bbb  ij 


; TABLE 
prietez.  lyy.b.&iyS 
Cochenille  graine  qui 
croifi:  en  l’arbre  de  T ü- 
nal.  ' ■ 174.  b 

Cœur  arraçhe  aux  hom- 
mes facrifiez  , &d’où 
viêt  la  ceremonie.  323. a 
Colleges  de  Mexique  or- 
donnez pour  apprédre 
des  harangues  biendi- 
dbes  aux  ieunes  enfans., 
2o4.a 

Coloipnesrd’.HercuIes  li- 


meiiuent  de  l’Orienr  en 
Occidenr. 

Cornent  les  hommes  ont 
peupa(Ter  aux  Indes.  31 

&32. 

Comment  fc  font  peu 
peupler  les  Indes.  49.  a 
Cornent  les  Indiens  peu- 
uent  defigner  les  noms 
propres  auec  leurs  cha- 
raderes,  281.  a 

Communion  imitee  par 
J les  efclaues  de  Satan. 


mites,  dçTjEmpi  Ro- 
main  & du  monde  an- 
cieiii  L.  ï6.  ôc  17 
Combat  du/  Caymant  ôc 

- d’vn  Tigre.  . 105.3 

Combatd  vn  Indien  con- 
tre vn  Ca  ymant . i o 3 . b 

Combien  de  coiitentemêt 
• Apporte  la  ebntempla- 
- tion  desœiiures  deDieu 
d au  pris  de  celles  du  mô- 

- de.  ' 8 

'Combien  chaque  famedy 

_ fenregiftroit  d argent  à 
Pottozi , du  temps  du 
gouuerneurPollo.i42.a 
Polio.  “ 142.3 

Comédies  fort  frequen- 
tesàla  Chine.  282. a 

les  Cometes  en  l’air  fe 


24^. a. b.  de  2 5 2.  b 
Comparaifoii  familière 
pourprouuer  l’effet  na- 
turel des  pluyes  en  la 
Zone  Torride.  61.  b 
..Gomparaifon  du  Royau- 
medeMexique  auec  ce- 
luyduPeru.  aSS.b 

Concile  de  Lyraa  rompt 
le  mariage  fait  entre  le 
frere&  la  fœur,&pour- 
quoy.  299'b 

Concôbrc  d’Inde.  ^6,  a.  b 
Confeflîon  des  Indiens. 
2J3.&  254.  l'Ingua  ne  fc 
coiifelfoit  point.  254 
pechez  pont  fe  ConfeT 
foy  ent  les  Indiês.  f.  2 J3. 
b.bain  apres  la  Confef- 
• fion  de  ringua.  254.» 


TABLE. 


Cmfiteor^  comment  fe  peut 
efcripre  en  efcriture  de 
Mexique.  , 184.  b ' 
k Conte  des  Indiens  dont 
ils  fe  feruent  pour  let- 
tres ne  peut  aller  plus 
outre  que  quatre  ceiis 
ans.  50 

îe  Cotcon  croift  es  arbres. 

• 174.  & lyj.  ilfertpour 
faire  de  la  toi  lie.  175.  a 
Corps  mort  extrêmement 
bien  conferué.  304. a 
CourônedeMexique  fem- 
blable  à celle  delà  Sei- 
gneurie de  Venife.  325), a 
Couronnement  des  Roys 
de  Mexique  fait  en  gra- 
de folemnité  , & aiiec 
effufion  dVne  infinité 
de  fang  humain.  344.  a 
Courriers  des  Indes  fort 
A'iftesbien  que  fe  fulEent 
piétons.  2 8 7. b 

,Coya,  principalle  femme 
del’lngua,  de  laquelle 
le  fils  fuccedoit  auRoy- 
aume,  mais  apres  l’On- 
cle feulement.  285?.  a.b 
au.mt  la  Création  il  n'y 
auoitny  temps  ny  lieu, 
chofe  difficile  à l’imagi- 
nation. 15. a 


il  n’y  a point  eu  de  Créa- 
tion depuis  la  première. 
40.  b 

Crimes  punis  de  mort  par 
les  Indiens. 

Croifee  eftoille  notable 
du  nouueau  ciel.  10. a 
Cruauté  des  Indiens  en 
leurs  facrifices.  126. a 
Cruaurez  exécrables  en 
la  tuerie  des  hommes. 
244.145^246 
Cruelle  ceremonie  d’ar- 
" roTer  les  ambalFadeurs 
de  fang,  penfaiit  pour 
cela  auoirmeilleure  ref- 
ponce.  265-a 

Cu grand  temple  de  Me: 
xique,  & de  fes  fingula- 
ritez.  25é.a.b 

Cugno  certain  pain  de 
quelques  Indiens  fait 
déracinés.  11 6. a 

Cufchargui  eft  vne  chair 
fechee  dont  vfent  les 
Indiens.  204.a 

Cufco  ancienne  habitatiô 
des  Roys  de  ce  pays  là. 
ii5.b 

D 

DAnfes  & récréations 
publiques  - needbai- 
res  en  routes  repubih 
Bbb  iij 


TABLE. 


ques.  215.&  214 

Dantes  animaux  fauuages, 
prefque  femblabks  /à 
des  mulets,  & de  leurs 
cuirs.  ic)9.a 

Deluge  allégué  par  les  In- 
diens , dont  il  fe  void 
quelque  apparence. 45». 
a.b 

Dent  dcGeant  d’vne  énor- 
me grandeur.  3i9.b 
Departement  des  terres 
d’Azcapuzalco  apres  la 
viétoire  obtenue  pr  If- 
coalr. 

Defcouuertc  des  Indes 
Occidentales  prophe- 
tifee  par  Seneque.  i3.b 
Defcouuertes  de  nouuel- 
les  terres , faides  plus 
par  tempefte  qii’autre- 
ment.  ^î.a. 

DcfiTein  de  l’autheur.  75. b 
Deftroit  de  Magellan  def- 
coLiuert  par  vn  gentil- 
homme Portugays,  qui 
portoit  le  meime  nom 

Deftroitdu  PoleArdique, 
qu’on  Pimagine  en  la 
Floiide,non  encore  re- 
cognii.  ^S.a.b 

Ddlroit  de  Gilbara^  ap- 


pelle anciénement  Co- 
lôncsd’Her cilles.  ^4.a 
babitans  d’autour  le  dc- 
ftroit  de  Magcllâ  quels 
& cornent  veftus.  575?. b 
le  D able  ialoux  contre 
DieUjhayt  les  hommes 
à mort. 210.  & iii.Ido- 
^ latrie  diiiifee  en  plu- 
heurs  chefs,  iii.a.b 
le  Diable  parloir  es  Gua- 
casdes  Indiens,  izj.b. 
229  a 

DifFerêce  de  lettres  pein- 
dures  & charaderes. 
278, b 

Difficulté  de  fçauoir  d’oà 
font  venusles  Indiens,a 
'’caufe  qu’ils  n’ontpoinc 
vfé  de  lettres.  48. 
Difeours  de  la  defcouuertc 
du  Magellan  par  Sar- 
miento.  96.8c  s>7 
Diuifion  du  Peru  és  La- 
nos,  Sierras,  8c  Andes. 

ii4.b 

Diuilion  du  peuple.  291. 
a.b 

Diuifiôde  la  ville  de  Me- 
xique en  4.  quartiers, 
faidepar  le  comman- 
dement de  leur  Dieu. 

3i7.a 


TABLE. 

Comment  fe  diuifoyent 
les  terres  coiiqueftees 
par  les  Inguas.a^q.a.b 
Piuinations  cxercees  par  les 
les  indiens, &,coramér. 


iS7.a.b 

Diuoices  pranquezenrre 
les  Mexiqüa.hîs&  com- 
menr.  2 57.a.b 

Diuorces  pratiquez  en- 
tre les  Mexiquains,  &: 
comment.  i6o.b 
les  fainds  Dodeurs  non 
" à reprendre  pour  eftie 
difterens  en  opinions 
xPhilofophiqiies.  i.b 
Doradd'  grande  terre  in- 
cogneue.  iio.a 

le  Drach  Anglois  de  no- 
ftre  temps  apaflelede- 
ftroit  de  Magellan,  Sc 
d’autres  depuis  luy.  5>5* 

E 

L’Eau  de  mer  reFraiE- 
chit  bien  qu  elle  foi  t 
faliee.  67.3. 

Eaues  de  Cuayaquil  tres- 
fouucraincspourle  mal 
Napolitain.'^  208. b 
EclipFe  de  la  Lune  preiiue 
certaine  de  la  rondeur, 
du  ciel.  4, a 


Effets  naturels  procédez 
de  caufes  toutes  con- 
traires. ; 55>.a.b 

Elemens  participent 
me  Fuie  s du  mouuemér 
du  premier  mobile. 

84.b 

Enfans  facrifîez  au  Soleil 
z25.b  / 

Enfans  de  l’Ingua  dediez 
pour  eftre  chaialiers'i 
262.3 

Entrée  des  Efpagnols  en 
la  neufue  Efpagne  fut 
l'anijiS,.  3)2.a 

Entrée  de  Cortès  en  Me- 
xique. 36y.a.b 

Erreur  des  Antbropomor- 
phites.  5)6 

Erreurs  de  l’imagination. 
14  ^ ^ 

PajOTage  d^Efaye  expliqué, 
pour  ramplification  de 
l’Euangilc.  130. & 131 
Efchellesdecuir  de  ^'ach® 
pour  monter  hors  des 
mines.  , 146.3 

Hiftoired’Efdras  Apocry- 
phe. . 48.3 

les  Electeurs  du  Roy  de 
Mexique  cftoient  ordis 
nairement  fes  parens. 
3oS.b 

Bbb  iiij 


TA 

•Eflediodes  Roysde  Me- 
xique, &des  feftes  qui 
fefairoyêt  à leureftablif- 
feraent.  307. & 508 
Efledion  du  premier  Roy 
de  Mexique.328.  &329 
l’Efcriture  des  . Chinois 
cftoit  du  haiir  en  bas,  & 
celle  des  Mcxiquains  du 
bas  en  haut.  iSé".  & 287 
CS  Efcriptures  faindles 
faur  fuiiire  leiprit  qui 
viuifie,non  la  lettre  qui 
tue.  ^.b 

l’Ermeraude  ancienneméc 
plus  prifé  qu'auiour- 
d’huy.  jj7.ab 

rare  ioyau  dVn  plat  d’Ef- 
meraudc  qu’ils  ont  à 
Gennes.  ijS.a 

les  Mexiquains  fe  per- 
çoyêcl«#narines , pour 
y pendre  des  Efmerau- 
des.  i5S.a 

1 bfpagnol  chafque  an 
l’vn  portant  l’autre  tire 
vn  million  d argent  de 
Pottozi.  i4^.a 

Efpagnols  nays  aux  Indes 
appeliez Crollos.  17(5.  b 
Efpagnols  tenus  pour 
Dieux.  43.a  zé'z.  Ôci6^ 
Elpagnols  appeliez-  des 


BLE 

Indiés  Viracochas  en-  | 
fans  de  Dieu^  & à quel-  ; 
leoccafion,  305-b 
l’Elguillc  feul  guide  du  ' 
Nauire.  55 

trois  fortes  d’Eftoftes  fai- 
lles de  laine.  29.?.  a 
Eftoilles  àdorees  des  In-, 
dienspourdiuerfes  rai- 
fons.  214. a. b 

Eftrange  différence  de 
deux  régions  proches,  , 
d ont  IVne  fait  le  Di- 
manche  quand  l’autre 
fairleSamedy.i20,b.  & 

121. a.b 

1 Euangile  enfeigné  aux 
Indiens  lors  , qu’ils  ont 
efté  plus  puiffans,  com- 
me il  fut  aux  Romains 
leur  empire  eftanr  à font 
plushaut  periode.37i.b 

Euangile  accreu  à dexrre 
& feneflrc,  que  lignifie. 

37  ia. 

Exercices  aufqueîsontap- 
prenoit  la  ieunefle. 

51!.  b 

Explication  d’vn  pafiàgc 
de  S.  Paul  allégué  con- 
tre la  rotondité  du  ciel. 

Explication  du  Pfalme 


TABLE 


ï05.furle  mermefuiet. 

F 

F a miliere  raifon  pour 
prouuer  à vn  Indien 
que  le  Soleil  neft  point 

Dieu.  iiy.b.&iiS. 
Fertilité  infertile  des  Ifles 
de  la  neufue  Efpagne. 
iiS.b 

Fers  de  chenal  d’argent  à . 

faute  de  fer.  i54.a 
Fede  des  marchands  ac- 
compaignee  de  diuerfes 
fortes  de  ieux.  270.  271 
272.  . 

Fefte  dé'H’idole  Tlàfcalla. 
22^.a.  b 

Fefte  pour  demander  de 
l’eau.  265 

Feftes  ordinaires  & extra- 
ordinaires des  Indiens; 
26  Z. a Feftes  de  chafque 
moys.  265.  & 264 
Feuille  du  plane  merueil- 
leuferaentgrande.270.a 
Feuille  de  plane  propre  à 
efcripre.  17**^ 

Feu  tiré  de  deux  baftons 
frottez  Tvn  contre  l’au- 
tre par  les  Indiens.  74.a 
Feu  d’enfér  fort  different 
dunoftre.  Î24.  a 


Feu  du ‘ciel  qui  confuma 
quelques  Geans  pour 
leurs  pochez.  37. a 

Fontaine  merueilleufe,ier- 
tant  l’eaii  chaude  qui  fc 
conucrtit  en  rocher. 
107.  b 

Figuier  admirable  dont  la 
moiétié  porte  fruit  en 
, vne  faifon  , ôi  l’autre 
partyeenl’autre.  i!bS:b 
Fille  du  Roy  deCulhnacâ, 
raadacré  par  les  Indiés, 
qui  fut  occaftô  de  guer- 
re. 324.&32J 

Fleuue  de  la  Magdelaine, 
appellé  grande  riuiere, 
entre  fort  auant  dans  la 
mer  fans  mefler  fon 
eau.  57. a. b 

emboucheure  du  Fleuue 
des  Amazones  large  de 
foixante  & dix  lieues, 
iio.a 

grands  Fleuues  le  moin- 
dre furpaflant  les  plus 
grâds  de  l’Europe. iiG  a 
les  Fleurs  de  l’Europe 
viennent  mieux  aux  In- 
des qu’icy  mefme.179  a 
les  Floridiens  ont  efté  fans 
co^noiftance  del  of, 
ï;9»b 


TABLE. 


le  Flux  5c  reflux  n’eft  pas 
moüueraent  local,  mais 
vne  alteration  ôc  fer- 
iieur  des  eaux.  loi.b 
diuerflté  de  Flux  Ôc  re- 
flux des  mers.  100. b 

Fontaine  de  betum. 
loS.a 

Fontaine  de  fel  en  Cufco. 
loS'b 

Foreft  horriblement  ef- 
paifles  és  Indes.  184. 
a.b 

Forefl:  d’orangers  es  In- 
des.187.  les Cerifcsonc 
peuproffité  aux  Indes^ 
ôc  pourquoy.  iS/.a 
Forme  de  ce  qui  eft  def- 
couuert  en  la  terre  du 
Peru.  iiy.a.b 

François  Hernandes  au- 
teur d Vn  rare  liure,où 
toutes  les  plantes,  raci- 
nes Ôc  liqueurs  medici- 
nallcs  des  Indes  font 
pourtraidies.  185 
Froidure  de  la  Zone  Tor^ 
ride  qui  rend  digne  de 
moquerie  l’opiniô  d’ A- 
riftote.  6 3. a 

Fmits  d’Europe  qui  ont 
tresbieir  multiplié  és 
Indes.  186.4 


G 

GEansarriuez  ancien- 
nement au  Peru. 

35>.a 

Gommes  & huilies  medi- 
cinalles  ôc  odoriféran- 
tes auec  leurs  noms. 
i82.b.&t83. 

Gonzallés  Pizarre  vaincu 
&defFair,  où  fonauari- 
ce  luy  auoit  fait  com- 
mettre tant  de  cruautez 
fur  lés  Indiens,  3024 
Gouuerneurs  des  prouin- 
ces  comment  eftabÜs 
par  les  Inguas.  2510. b 
Guacas  ou  fanétuaircs  fort 
bien  entretenus.  295.4 
Guaca  adoratoire  des  In- 
diens. iij.b 

Guancos  ôc  Occunas 
• Chieures  fauuages.44.a 
Guayac  appellé  lignnmfM- 
Bum:  Il  8.  a 

Guayaquil , chelne  d’In- 
de fort  odoriférant. 
•185.4 

Guayauos  fruit  d’Inde  af- 
fez  bon.  175  b 

Guaynacapa  grand  ôc  va- 
^ leureux  Ingua,^  de  fa 
vie. 304. b.  ôc  505.il  fut 
' adoré  corne  Dieu  eftant 


J 


TABLE. 


encore  en  vie.là  mèfoie 
Guayras  fourneaux  pour 
affiner.  i47.b 

Guerres  des  Mexiquains 
le  plusfouucnt  neftoié  t 
qü’affin  de  prendre  des 
captifs  pour  facrifier,  ^ 
243a.  b.& 24é.b 
H 

HAbit detefte  fortdi- 
uers  en  diuerfes  pro- 
prouinces  des  Indes. 

2 cjy.a. vn  Indien  ne  pou 
uoit  changer  l’habit  de 
faprouinceencore  quil 
f en  allaft  vmre'cnvn’au- 
trc.làmcf. 

Harangue  desMexiquains 
au  Roy  de  Culhuacan, 
dernandans  fon  petit 
jfils  pour  Roy.  32.8.a 

Harangue  d’vn  vieillard 
faide  à Acamapixtii, 
premier  Roy  de  Mexi- 
que. 

Harangue  d’vn  Qheualier 
Mexiquain,  pour  rete- 
nir le  peuple  irrité  du 
cruel  mafiacre  de  leur 
Roy.  334’t> 

Harangue  d’vn  vieillard 
Mexiquain  pour  l'efle- 
dion  dvn  Roy  non- 


Harangue  du  Roy  de  T cz- 
cuco  faide  à Moteçu- 
rna  fur  fon  efledion. 

3î3.a.b 

HardielTe  merueillenfedes 
hommes  au  paflTage  de 
Pongo.  lo^.b 

Hatuncufqui  Aymorey  fi- 
xicfmc  raoys  des  Indifs 
rcfpondant  à May. 
26i.b 

Hiftoirc  Indienne  non  à 
mefprifer,&  pourquoy. 
3i5.a.b 

Hiftoire  de  Mexique  mi- 
fe  pour  fingUlarité  en 
la  Bibliothèque  du  Va- 
tican. 3p-b 

Hiftoirc  de  Mexique  con- 
meiit  compofee.  283-b 

Hommes  & femmes  fa- 
crifîezàlamortdes  In- 
guas  pour  les  aller  fer- 
uir  «raurre  vie.  220. 
a.b 

Hommes  faits  dieux,  puis 
facrifiez.  225. a.b 

Hommes  facrifiez  mangez; 
par  les  Preftres. 

24^.  a 

Humeur  des  Tuifs  con- 
traire à celle  des  In- 


I TABLE 


diens.  4y.b 

Hypocrifie  de  Motcçu- 
ma  dernier  Roy  deM e- 
,152.3  b 

ÎAIouzie  des  Indiens  les 
vus  contre  les  aurpes 
pour  le  renom  de  vail- 
lanrife.  ^ ;oi.a 
lardins  portez  Tur  î eau 
au  milieu d’vnlac.  107.3 
lardins  faits  fut  l’eau  d’vn 
inerueilleux  artifice , & 
qui  fe  peuuent  mou- 
) noir  & mener  où  ou 
veut.  33o.a 

Jdolc  porté  par  quatre 
preftres  3 pour  condui- 
te, lors  que  les  Mexi- 
quains  cerchoient  vne 
meilleure  terre  , com- 
me d’autres  enfans  d’If- 
tael.  310.&51I 

Idoles  des  Roys  Inguas 
reuerces  comme  eux 
mefmes.  127 

leuneirè  fort  foigneufe- 
mentinftrnideen  Me- 
xique. 2H.6C5IZ 

ïeufnes  des  Indiens  de- 
uant  lafefted’Yta.zjS.b 
ïeufnes  des  Indiens  fe 
faifoyent  lans  toucher 


à leurs  femmes.;  2^4. 

Ignorante  dodrine  des 
Philofophcs  anciens 
i-5 

Imagination  vieille  folle. 
14.  b , ; 

Immortalité  de  l’ame 
crue  par  les  Indiens. 
220. a 

Indes , que  fignifie,  Sc  ce 
qu’entendons  par  vn 
tel  mot.  27.  SciS 

l’Inde  Occidentalle  aefté 
pour  la  pluipart  gou- 
uernee  par  le  peuple, 
&n'ya  eu  en  tout  que 
deux  Royaumes.  288. 
a.b 

1^5  Indes  font  terres  lai- 
des richement  dorees 
de  Dieu  , pour  eftre 
mariées  à l’Euaneile. 

c> 

151. a 

Indiens  fort  peu  defireux 
de  l’argent.  47- b 

les  Indiens  ont  vefeu  en 
trouppes  fans  Répu- 
blique , comme  font 
ceux  de  la  Floride,  du 
Brefil  & autres.  50.  b 

Indiens  braues  nageurs. 
105,2 

\cs  Indiens  en  toutes  fe- 


TABLE. 


ftes  portent  des  bou- 
quets. ly^.b 

les  Indiens  n’ont  point  eu 
de  mot  propre  pour  di- 
re Dieu.  211. b 

les  Indiens  font  de  plus 
grâd  entendement qu’ô 
ne  les  eftime.  275.  â 
Jnguas  Roys  du  Peru  a- 
dorez  apres  leur  mort. 
219, b 

les,  Inguas  eftoyent  mer- 
ucilleureiTient  relpc- 
6Iez  du  peuple, & pour- 
qiioy.  2i»8.a 

îe  régné  des  Ingas  a du- 
ré plus  de  trois  cens 
ans.  3oo.b 

Inguas  elpoulbyent 
leurs  fœurs.  2 89.  a.  ils 
îVheritoient  point  des 
meubles  de  leurs  pre- 
deceffeurs  mais  fài- 
foient  vn  mefnage  nou- 
ueau.  la  mefme.  b.  8c 
301. b.  & 302.3. 
Inondation  du  Nil , chofe 
naturelle,  quoy  qu’elle 
fcmblc  contre  nature, 
yy.a  ^ 

Intégrité  des  femmes  fort 
honorée  des  Mexi- 
quains.  26o,a 


Inuentions  fuperftitieil- 
fes  de  Y upangui  Ingua, 
pour  auoir  occalion 
d’ofter  le  Royaume  à 
fon  pere  Ôc  à fon  frere. 
303.3.  b 

loncs  appeliez  Totora  pat 
les  Indiens.  8y.b 

louer  le  Soleil  auant  qu’ii 
naiiPe  , Prouerbe  , & 
d’oùfilefl:  venu.  229.de 
230. 

lours  & nuiébs  efgaux 
toute  i’annee  fous  l’E- 
quinoxe. 5î.a.b 

lours  d’efté  fort  courts  au 
Peru.  (j5 

cinq  lours  de  l’annee  fu- 
perdus,  aufquels  les  In- 
diens ne  faifoient  rien. 
275.  b 

e de  Sumatre,  celebree 
fous  le  nom  de  Tapro- 
bane.  23.3 

e A tlantique  de  Platon, 
où  elle  fe  peut  prendre, 
25.3 

rifle  Atlantique  de  Pla- 
ton n’eft  qu’vnc  purefa- 
ble,  quoy  qu’il  femble 
l’auoirdefcripte  comme 
véritable.  > 4^. h 

Ifle  de  Eifdnes  faite  auec 


TABLE. 


rn  f rauail  exceflîE  pour  paf 
fer  vnc  armee  fur  mer. 
,?fo.a.b 

liles-  fortunées  ponrquoy 
appellees  Canaries, 
lyb 

îufticc  par  qui  cxercec  en 
Mexique.  ^os.a. 

lufticc  fort  cxaâre  de  Mo- 
teçuma  dernier  Roy  de 
Mexique. 

LAc  trefehaud  au  mi- 
lieu dVne  terre  froi- 
lOif.b 

Lac  de  Mexique  ayant  de 
deux  fortes  d’e^.  107. a 
reuenu  du  Lac  de  Mexi- 
' loy.a 

gands  Lacs  au  haut  des 
montaignes,  Sc  d’où  ils 
nailfent.  lo^.a.b 

Laitance  fe  rit  de  l’opi- 
nion des  Peripateti- 
ciens  touchant  le  ciel. 
2. a 

Ladance  réfuté  touchant 
les  Antipodes.  14.&15 
LangueMandarine  cftlEf 
cripturc  des  Indiens  qui 
ifeR  que  par  charade- 
rcs.  zSo.b 

Les  Legiflatcius  les  plu;» 


fameux  ont  erre.  274; 

Liberalitezd’AurzoI:  8.  | 

Roy  de  Mexique.jj.b  i 

Liure  des  Indiens  com- 
ment peuuêt  eftre  faits 
fans  lettres.  igo.b 
Lyons  duPeru  fort  dilfem.- 
blables  à ceux  d’Affri- 
que.  4^.b 

Lyons  gris  6c  fans  crins. 

M 

AÆ  contre 

J.VX  les  Chrelliês.  «ô"?. 

a,b.&3(j4 

Maifon  admirable,  rem- 
plie de  toutes  forres 
d’animaux, comme  vnc 
autre  arche  de  Noc. 
30§.a 

Malaca  autrefois  appelle 
le  doré  Cherfonefus 
25.a 

Mamacomas  eftoient  les 
anciennes  & comme 
meres  des  filles  renfer- 
mées. 233. b 

Mameys  fruit  refièmblant 
auxpefehes.  i75,a 
à quoy  il  fert. 

Monati  monftreux  poif- 
fon  qui  paift  auxchâps 
loi.a.  il  relîèmblc  fore 


TABLE. 


cftre  chair  lors  qiCon  en 
mange.  loz.b 

Mandarins  officiers  In- 
diens,auec  combien  de 
difficulté  fe  peuuent  ré- 
dre  capables  de  tels  e- 
ftatS.  aSo.a 

Mangocapa  premier  1 1 n- 
gu3,&ce  qu  ils  feignent 
deluy.  4p.b.3oi.b 

Manguey  arbre  de  mer- 
ueilies.  lyî.a.combien 
de  chofes  il  fournit. 
I55.b 

Mariage  illicite  des  i Li- 
guas auec  leur  feur. 

Mariages  des  Indiens’,  Sc 
comm'ent  ils  (q.  cele- 
broienr.  i^o.a 

Mariages  entre  les  In- 
diens detfendus  feule- 
ment au  premier  degré. 
ajjS.b 

Marque  certaine  pour 
difeerner  ce  qui  aefté 
porté  aux  Indes  depuis 
qu’elles  font  defeou- 
uertes,  & dont  il  n’y  en 
auoit  point  anparauant. 

Marques^  de  quelques  na- 
âiigatipns  des  anciens. 


58. 

Le^matin  plus  aggrcable 
^ en  Europe  ôc  le  plus 
ennuyeux  au  Peru.  7 c 
Matines  de  minuit  prati- 
quées par  les  miniftres 
du  Diable.  232.  ôc  255 
Mays  bled  d’Inde.  16^0.  a. 
b.  comme  ils  le  man- 
gent. 161. a.  comme  ils 
fen  feruent  à faire  leur 
boilTon.  itJi.b 

leMays  (Sdebeftail  férue t 
de  mille  chofes  aux  In- 
des. i6’i.a 

M echoacanes  ennemis  des 
M^xiquains,  & pour- 
quoy.  322. a 

Médecins  fort  experts  au- 
trefois és  Indes.  i%.a 
la  Mer  aux  anciens  tenue 
pour  non  nauigable  ou- 
tre le  deftroitde  Gibal- 
rar.iô.b 

le  Mal' qu’on  endure  fur 
mer  d’où  caufé.  90. a 
Mer  Occane  PrincelTe  des 
eaux.  54.3 

Mers  chaudes,  ôc  d’autres 
froides.  6^,Ôcyo 

deux  grandes  Mers  pro- 
ches de  fept  lidies.  94. 
b.  p’rcfomptueux  def- 


TABLE 


(èiii  de  les  faire  ioindre, 
là  mefrae,  . 

diaerfirédes  Mers,  ii.a 
iamais  la  Mer  ne  s’efloi- 
gne  de  la  terre  de  plus 
de  mil  le  lieues.  iz.a 

Mefnagedes  Indiens  pour 
la  draperie.  Z03.  & 204^ 
Métal  pauure,  Ôc  métal  rf- 
che  quels.  ijy.  b 

le  Métal  plus  il  eft  pro- 
che de  la  fu  perfide  de  la 
terre^plus  il  ell riche:  & 
plus  profond  il  eft , au 
contraire.  i45.a 

les  Métaux  pourquoy 
creez  125».  b 

les  Métaux  ne  fe  trouuent 
qu’en  terres  fteriles , & 
pourquoy.  131.  i]z 
leaucmpefche  fort  la  trai- 
de  des  Métaux. 

T 4 2. b 

Meuriers  plantez  par  les 
Efpagnols  en  la  neufue 
Efpagne  ont  merueil- 
leufementproftité  pour 
les  versde  foye.  188, b 
Mexi  chef  des  peuples  qui 
vindrent  peupler  laMe- 
xiqucduquel  ils  ont  tiré 
leur  nom.  23r.  b 

Mexique  ville  fondée  fur 


vnlac.  107.3 

Miel  d’Inde  fort  alpre,  & 
comme  il  naift.  142.  b 
les  Minéraux  imitent  les 
plantes  en  leur  façon 
decroiftre.  u8.  a.b 
Mines  elgarees  : d'autres 
fixes.  ' ]37.a 

richelfe  de  quelques  Mi- 
nes anciennes  qui  n’ap- 
proche pourtant  à cd- 
ledePotozi.  141.  & 

142 

trauail  trop  excefiif  des 
Mines.  145.  &i4<j 
Mines  de  vif  argent  en 
Efpagne.  ijo.  b j 

Moquerie  plaifante  des 
Mexiquains  contre  les  ' 
Tlatelulcos  apres  les 
auoir  vaincus.  34^.  b 
Moine  de  Mexique  , de 
leur  veftement , office, 

& difeipline. 

Moys  des  Indiens  de  20, 
iours.  2.75. b ^ 

Molinsà  moudre  les  mé- 
taux. lyt  .!> 

Monde nouLieau  félonies 
anciens  inhabitable  1.  a 
imaginé  d’eux  comme  | 
vue  màifon  couucrtedu 
ciel.  eoclem.  b 

gran- 


TABLE, 


grande  partie  du  Monde 
encor  à dcfcouurir. 

!3,a 

Monnoye  mefurc  de  tou- 
tes chofes.  i^o.a 

la  Mort  eftoit  la  punition 
des  filles  referrees  qui 
failloient.  134.&135. 
Mort  volontaire  de  plu- 
fiffirs  Indiens  pour  aller 
feruir  leurs  Roys  enl  >u- 
trc  monde.  304* 

Mort  de  Chimalpopoca 
ieune  Roy  de  Mexique 
tué  traiftreufement  par 
lesTapanecas.  334. 
ab. 

Mort  de  Moteçuma  der- 
nier Roy  de  Mexique. 

Moutons  au  Peru  feruans 
d’afnes  à porter  des  char- 
ges. 44.b 

Moutons  d’Indes  profita- 
bles fur  tous  autres  ani- 
maux^ 205.ab, 

troupes  de  Moutons  char- 
gez de  diuerfcs  marchai- 
difés  ainfî  que  des  mil- 
lets. 204.a 

Moyenne  rcgiô  de  l’air  plus 
froide, 6^ pourquoy.  ^8.a 


N 

Arineperceeàvn  Mc 
xiquain,  pour  y pen- 
^ dre  vne  efmeraude. 

347.a.352.b  ^ 

la  Nature  inferieure  lert  tou 
fiours  d’entretien  à la  fu- 
pcrieure.  228,  b 

Nauatalcas  peuples  qui  poli 
cerent  la  ncufue  Efpa- 
gne.  . 57-a 

Nauirc  appellée  Viéloire 
fit  toutie^toiir  de  la  ter- 
re. ‘ ^ 5-b 

Nauigatiô  auiourd’huy  fort 
facile.  34*&  îJ* 

Nauigation  de  Salombri 
quelle  peut  eftre.57.a.b 
Nauires"^  Efpagnols  tenus 
des  Indiês  pour  rochers 
à la  première  vcüe. 

■45*^ 

Neuue  Efpagne  quelle; 

Il  7.  b 

le  Nita-e  refroidit  rcau, 

(jy.a  ^ , 

Noblefîè  Mexiquainé  màf^ 

‘ facree  en  vn  bal  par  les 
Efpagnols.,  3^^.^ 

Noix  des  Indes  fort  mal 
plaifantes/ont  appcHèes 
par  les  Indiens,  empoi-, 
ibnnees.  ï77*® 

Ccc 


TAE 

Nort  vent  fec  & froid* 

78.b 

Noftre  Damé  fecours  des 
Efpagnols  pourfuiuis  des 
Indiens.  ^6^. a. 

Nordcfter  que  fignifie  , & 
Nortoeder.  h 

Nouueau  monde  prefque 
tout  iîtué  fur  la  Zone  tor- 
nde. 

au  Nouueau  monde  ne  fen: 
point  defcouLiert  de  mer 
Medirerannee. 

- 9^3. 

Nuits  dEfté  fort  frai fcheff 
, au  P-eru  au  refped  de 
celles  de  l Éurope. 

- 7'Orb  • 

Nui(5t  de  iix  mois  en  lare-' 
gmnPoIiaque.  iS.b 
la  Nuit  comment  caufee. 

4-a  ■ - 

O ; 

OBicdtion  contre  Ari- 
ftûte  iàny  folution.  ■ 

6-8d/  *'  ■;  V 

Oecarioh  de  guerre  entre 
les  Tapanecas  ôc  Mexi- 
quairis.  3j3,a.b 

1 ©cean  aux  Indes  eft  diüifé^  r 
enda  mer  du  Nqrc  &la' 
merdüSud.-*  /.  131^3 

Oignémcîiî  donc*  vfoicftt 


-E. 

les  Indiens  pour  Ce  ren- 
dre capables  de  parler  au 
I)iable.  257.  a.  ce  merme 

Gignemét  armoit  de  cru- 
auté les  Preftres,  &leur 
faifoit  perdre  toute  crairi 
fc.  làmefmc 

Onebion  de  Vitzilouitli  fé- 
cond Roy  de  Mexique. 

% 

viiguét  fait  de  petites  belles, 
dont  les  Preftres  Indiens 
eftoientoiiids. 

• -,  V-  • 

Ophir  cft  en  l’IndeOrienta- 
. ^ -ty.a 

Opinion  d’aucuns  que  le 
_ Paradis  terreftre  eft  fous 
^ l’Equinoxe,non  fans  rai- 
son. tT5).a.b,&7i.a.b 
l Or  fe  trouue  en  trois  fa- 
. çons,  en  paille  , en  pé- 
pins, & enpierrc.i34.& 
d3l.  L 

1 0 r dc  Carauana  leplus  cé- 
lébré du  Peru.  . - . 1 

l’Orf&  l’argent,  cftinié. par  - 
jou  t le  monde. , 13  o.a 

l’Or  Sc  l’argent;, ne  feruoit 
aux  Indiens  que  d^orne- 
menr.  _ iji.ty 

ks  Indiens  n’vfent  point 
d’autre  monnoye  que 


tÀBLE, 


tî’or&  d’argent.  13?. a 

i’Ôr*pourquoy  prifé  fur 
. tous  les  métaux.  135  b 
î’Or  & l’argent  en  nature 
combien  de  degrez  au 
delîbubs  de  l’Kô  me.  u S 
b.&u9.a 

comme  on  raffine  l’Or  cii 
poudre.  î3^.b 

d Orient  aü  Ponent  fur 
mer  on  a rpufioUrs  lé 
vent  en  pouppe,dii  Po- 
* nent  à fOrient  au  con- 
traire & pourquoy.86. 

. a.b 

Ofdres  difFerans  des  Pre- 
ftres  de  Mexique,  &'de 
leur  office  ordinaire.^ 
. 252.a-b 

Ordre  de  h Chcualerié 
Mexiquaioe  , ôc  des 
marques  qu’ils  auoient 

les  O y féaux  endurent  fa- 
cilement de  demeurer 
dans  l’eau,  & pourquoy 

Oyfcaux  merueillcufemét 
petits  & d’autres  mer- 
ueilleufcmêt  gtadsoi^!^. 
s.. 

Ôyfeaux  extrêmement  bic 
Variez  en  côiiléurs. 


b 

images  de  plume  d’Oy-=- 
féaux  faits  d’vn  artifice 
admirable.  \^6.S>Ci97 

Oyfcaux  laids  à merueille 
mais  fort  profitables 
pour  leur  fiente.  197’^* 
&ic>8.a 

Oyfiueté  chalTee  comme 
fort  dângereufe  par  les 
Inguas , pour  contenir 
plus  facilement  le  peu- 
ple- i^o.b 

P 

PAcbacamac  grad  San- 
ctuaire des  jndiens. 
iii.b  _ . ^ 

Paios  animauxopiniaftres, 
8c  comme  on  les  gou- 
uerne.  2.05.  a 

Pain  de  Mays  que  les  Pre- 
ftres  doiinoicnt  folem- 
nellement  aux  eftran- 
- gers,  image  de  la  Corn - 
inïïnion.  . , 

Palais  diuer  s de  teef  earion 
& d’affliCtion.  _ 3 5 9, b 

, Pallifiade  horrible  toute 
de  tefte  de  nîbr  ts'.  231a 
Papas  racines  dont  quel- 
ques Indiens  font  de 
certain  pain  qu’ils  ap- 
pellent Cugno.  né. a 

Ccc  i| 


I 


TABLE. 


Papas  eipcce  de  pain. 

163. b i<j4,a 

Papas  en  Mexique eftoiêt 
les  fonuerâins  Preftres 
des  Idoles.  230. b 
232. b 

Paragney  flenne  de  l’ Amé- 
rique inonde  comme  le 
Nil.  55. a 

Paraguey  fleiiue  grand  à 
^ merueille.  yy.a 

Palîàge  de  Pariacaca  fort 
dangereux  pour  le  mal 
que  le  vent  y fait  endu- 
rer. 90.91, 

Pariacacavn  des  plushauts 
endroits  de  la  terre. 

91.3. 

Paroles  dVn  bomme  qui 
auoir  défia  le  cœur  arra- 
- ché.  248. a 

Pafte  de  Mays  appellée 
par  lés  Indiens  chair 
de  leur  Dieu  Vitzili- 
puztli,25i.b.  cefte pafte 
deuoit  eftrcmangee  au 
pointdu  iour, & eftoit 
deffeiidu  de  ne  manger 
rien  autre  iufques  apres 
midy..  251.  a 

Pafturages  communs  és 
Indes  qui  rendent  rou- 
tes chairs  à bô  marché. 


18^. b 

Palaas  fruit  délicat  & bon 
àl’eftomac.  '^17  6. a 

Peinture  liurc  des  idiots. 

2-79‘3. 

Penicencesenioimftes  par 
lesconfdleurs  Indiens, 

Z54.a.b 

les  Perdrix  ne  fe  voyent 
point  au  Peru.  4^.a 
vn  Pere  perdant  ces  en- 
fans  eftoit  tenu  pour 
grand  pecheur.  254.3.1! 
tuoitfesenfans  pourfe 
fauuerla  vie.  là  raefmc 
Pericoligcro  animal  fort 
pefanr.  ,c,p.b 

la  Perle  an  ciennemét  plus 
prifee  qu ’auiourd’huy. 
JJ9-a-b.combienlabô- 
dancc  rend  Icsichofcs 
viles. 

les  Perles  fengendrentdâs 
Icshuiftres.  15^.3 
diuerfes  fortes  de  Perlés. 

i59.a 

Perroquets  qui  vont  par 
bande.  44.3 

Perroquets  volants  par 
bandesi  corne  pigeons. 
iP3.b 

Peru  abondât  en  vin.iiy.b 
Peru  abondant  en  mines 


TABLE. 

d’or  6c  d’argent  plus  que  grandeur , & de  l’artifice 

toute  autre  terre  des  In-  des  Indiens  aies  ioindrc 

(les.  ' i2i.a  en  leurs  baftimens  fans 


Peru  quelle  partie  du  mon- 
de c’eft.  i(4.a 

le  Peru , nom  deriué  d vn 
flcuuedu pays,  non  pas 
d'Ophir  comme  quel- 
ques vns  eftiment,  i6 
Peruflens  fort  foigneitx  d é - 
tretenir  &conIeruer  leur 
hiftoirepar  traditiô,  fans 
lettres , ny  charaâeres. 
^ a85.a 

le  trauail  cxcefîîf  qu’il  y a à 
Pefcher  les  perles.  155?. 
b.&ié^o.a 

Plaifante  façon  de  pefcher 
des  Indiens.  i04.b 
Pierres  fuperftitieufement 
offertes  aux  paiîages, 
pourauoir  beau  chemin 
aiy.a 

Pierre  qui  fe  taille  6c  coupe 
comme  bois.  io8.a 

Pierres  my-or  6c  my-pier- 
rcs.  15 4. b 

Pierres  fignificatiues  auec 
Icfquellesles  Indiens  ap- 
prennent quelque  chofe 
par  cœur.  • 

Pierres  d’vne  merueilleufe 


ciment. 

a, b 

Pourquoy  auiourd  huy  les 
Pilotes  font  alTiz  fur  la 
pouppe,&  non  pas  (us  la 
proue  comme  ancienne- 
ment. 54*^ 

Fines  ou  pommes  de  pin 
d'Inde.  i6^.6c  i6(Ç  . 

Pinchao  idole  du  Soleil,  6c 
de  l’artifice  dont  ilefioic 
pofé.  2i5>.b 

Plaifant  traiâ:  d’vn  Portu- 
gais par  lequel  il  s’exem- 
pta d’cftrefacrifié. 
iio.h 

le  Plane  produit  fruit  toute 
l’annee.  lyo.b 

rdfemblancc  &di(Temblan- 
ce  des  Planes  des  In- 
des aux  Planes  anciens. 
i(Çf).a.b 

les  Planètes  nefe  mcuuent 
d’eux  mefmes  en  Vîi 
corps  corruptible. 

4&5  - , -r 

Pourquoy  nos  plantespror- 
fitenf^mieuxaux  Indes, 
que  celles  de  delà  en  Eu- 
rope. 

^ Ccç  iij 


^1 

V 

'■I 

I' 

1 


\ 

i 

' 1 
•j 


T A 

Pîcbeiens  exclus  du  feruice 
du  Roy,  & de  tout  office 
jparMoteçuma.354.a.  b. 
iis  u’ofoycnt  regarder 
le  Roy  en  face  fur  peine 
de  mort.  ' 3^'y.b 

Pline  meurt  en  vne  trop  cu- 
rieufe  recherche,  izj.b 
Pluyes  caufees  par  la  cha- 
leur en  la  Torride.  55.b 
il  ne  Pleut,  neige,  tonne, 
ny  ne  grefle  iamais  au 
Peru.  ii^.b 

Plufieurs  chofes  rares  en 
nature  cogniies  plus  par 
hazard  que  par  indurtrie. 

onsvolans.  loj.a 
le  Pôle  du  Sud  n’eft  marqué 
' d’aucune  eftoille  fixe. 

TO.b 

Pôles  Arélique  & Antar- 
élique.j,  a.  ceftuy  cyre- 
uoqué  en  doute  par  S. 
Auguftin.  eod. 

aux  deux  Pôles  il  y a terre 
& mer.  i3,b 

Pongo  pafiTage  des  plusdâ- 
gereux  du  monde  fur  le 
, fieuue  des  Amazones,  ' 
io5>.b 

Pont  de  paille  fort  alTeu- 


B L E.  ' 

répourpafTervn  courant 
d’eau  rapide.  58.^ 

Portugais  fort  experts  cii 
l’art  de  nauiger.  10. b 

Pottozi  montaigne  célébré 
pour  fes  riches  mines.158 
comment  fes  mines  fu- 
rent defcouuerres  & en- 
regiftrees.  ï40.&i4i 
Pouiles  trouuées  aux  Indes 
à la  defcduuerte,  lefqucl- 
lesils  appelloyent  Gual- 
pa,  & leurs  œufs  Ponto, 
194  .a 

Prefages  menacàns  la  rui-. 
ne  des  cftats  ne  font 
point  à raefprifer  com- 
me chofes  vaines.  557. 
a.b 

Preftres  commeaumofniers 
près  de  chaque  Seigneur 
Indien.  121. a 

comment  les  Preftres  des 
idoles  confultoient  leurs 
Dieux.  • 2zf).a 

Pi'erexte  des  Inguas  pour 
aggrandir  leur  feigneu- 
rie,  fut  leur  Religion, 
‘qu’ils  difqient  la  meil- 
leure. 30ï.à 

Principes  des  vents  infi- 
niment cachez  aux  hom- 


T A 

iïics.  7^-^ 

Proccffions  des  Indiens.  - 
i5o.b 

Proceffion  pcnitendelle 
faidc  pour  obtenir  par- 
don des  pechcz.2é7.a.b 

Prodiges  horribles  de  en 
grand  nombre  arciuez 

deuantlaruinc  de  Me- 

que.  559.&5<îo. 

Profits  qui  fc  pcuuent  ti* 
rerde  la  leàure  de  ces 
exécrables  fupcrftitiôs 
Indiennes.  275.a.b 
Propriété  plu«  rare  del’ Ai- 
mant ignorée  des  An- 
ciens. 35*^ 

' prouince  proche  de  Mexi* 

que  laiffec  fans  conque- 
fter , pour  exercer  touf- 
iours  la  icuneffe  à la  ^ue- 
re,&pour  auoir  aufli  où 
prédre  des  captifs  pour 
facrifiei*.  3 45-^» 

Ptolomee&  Auicêne  ont 
' tenu  la  Torride  fort  ha- 
bitable. ^4*^ 

Puîias , defert  du  Peru,  où 

l’air  tue  les  hômes  & les 

animaux  mefme. 
Pyramide  de  feu  apparue 

' au  ciel  l’efpace  d’vnan, 

^euant  la  ruine  de  l’Em- 


BLE.  

pire  Mexiquain.  359.0 

QValitez,  TymbolesSc 
difiyrabales  impreu 
uecs.  6 8. b 

Quantité  d’or  qui»  vient 
tous  les  ans  des  Indes 
cnEfpagne. 

Quatre  principales  veines 
à Potozi,&  leurprofô- 
• difé.  i44-t> 

Quetzaalcoalt  Die  odes 
roarchad,s,&  où  il  eftoit 
adoré. 

Qmppos,  rameaux  feruans 
corne  deregiftres  pour 
mémoire  de  ce  qui  fe 
palîbitau  Peru.  285  à.b 
R 

diueiTes  TJ  Affines  fort 
profitables 

és  lpdes.  é 4.b 

Racines  adorces  par  les  I n 
dienl 

noftre  Raifon  ignorance 
mefme  és  chofes  natu- 
relles. 37-a 

Rayme  premier  mois  des 
Indiens , Si  fe  rapporte 
au  mois  de  Décembre. 
262. a 

Régions  fort  delicieufes 
des  Indes,  yx.b 

Ccc  iiii 


TA 

Regiôiis  fous  TEquinoxc 
fort  temperees.  ^5.b 
la  Religion  feruoir  aux  In- 
diens de  prctexre  pour 
faire  la  guerre.  jo.a 
Remede  contre  le  chan- 
gera ent^que  caufelevêt 
en  Pariacaca.  c^i.b 
Rencontre  de  deux  riuie- 
res  honorées  des  îiidiês 
par  vn  particulier  ref- 
141. a.b 

Richcflè  de  quelques  If. 
les  de  la  neufue  Efpa- 

118. 

Richefîc  incroyable  des 
Periilîens  lors  qu’ils  fu- 
rent prins  par  les  Eipa- 
294,3 

Ris^fort  commun  es  In- 
1Æ4.3 

Rtuicrc  des  Amazones 
nommee  diuerlemenr. 

57*  h di(5le  Monarque 
des  flcuues.  ibic|.  ; 
Fleuucs  admirables  en  la 
Vorride. 

Riuiere  des  Amazones,di- 
’6teMaragnon.  jo6.a 
Riuieres,  collines,  gran- 
despierres  & fora  mets 
den-iôtagnes  adorez  par 
les  Indiens,  ii^.b 


BL,R 

Rochesefleuces  au  milieu 
de  la  mer,  fans  qu’on  y 
puifîc  trouuer  fondau- 

Ror"'* 

Koles  comment  venues  és 
Indes.  175?. a b 

Rotondité  du  ciel  incon- 
gneue  à quelques  Do- 
reurs d&.rEglifc,i.&u- 
de  mefme  le  mouuemér 
cod.  , 

Roue  des'  Indiens  où  c- 
ftoiét  marquées  les  an- 
nées. ^^(j.a.Ieur  opinion 
que  le  monde  deuoit  fi- 
nir à lafîn  de  cefteRoue, 

27<j.b 

Royauté  ourrageuf^ent 
parvnMexiquain,  qui 
aima  mieux  lè  précipi- 
ter cruellement  à la 
^ mort. 

Roys  des  Indiens  tenus 
pour  femblances  des  - 
Dieux.  352.b 

Ruine  efmerueillable  dVn 
gros  bourg  plein  d en- 
chanteurs. n6.b 

S 

SAcrifîces  des  hommes 
comment  fe  faifbienr. 

23i.b.345.<X:244. 

Sacrifices  diuesrs  quefaL 


TABLE, 


foientles  Indiens  pour 
diucrfes  occafions.135). 
140.5C24I* 

Sacrifices  fort  couftu- 
miers  aux  Indiens  en 
leurs  neceffitez.305.  a.b 
Sageflc  de  ce  fiecle  foiblc 
es  chofesdiuines&ïner- 
• me  és  humaines.  20. 
Sa  inos  eftranges  animaux 
dechafle,&  comme  on 
les  peut  tuer.  i^S.a.b 
Saice  pareille  herbe  falu- 
raire  pour  le  mal  de  Na- 
ples. io8.b 

Sang  humain  beu  parl’ef- 
claue  qui  deuoit  eftrcfa- 
crifié. 

Sciêcés  cogneues  des  Chi- 
nois. iSi.a 

laSechereffene  fuit  pas  la 
proximité  du  Soleil,  53-a 
Sainétc  Croix  de  laSicrre 
jprouince  de  Charcas, 
comment  conuertie  à la 
foy.  3<^5?.a.b 

Singeries  du  diable  à l’i- 
mitatiô  de  lefusChrift. 
iiS.a.b 

Socçobonés  dextrement 
inuentees  pour  tirer  le 
tnetailplus  façilefT^ent. 


i45.a.b 
Soingincroiable  des  Mc- 
xiquains  à faire  appren- 
dre à leurs  enfans  leurs 
idolâtres -ceremonies. 

305>.a.b 

Solanus  vent  de  Leuant. 

7^.a 

le  Soleil  plus  il  eft  proche 
de  nous, plus  il  efehauf- 
fe&brufle.  5i.b 

contraires  cfFcârs  du  So- 
leil en  la  Zone  Torride, 
& aux  terres  hors  les 
Tropiques*  54. a.b 

la  grande  force  dü  Soleil 
caufe  l’humidité  foubs 
l’Equinoxe. 

Soleil  adoré  fort  commu- 
nément par  les  Indiens 
,215-b  , 

Sorçicre  foeqr  de  Tidole 
qui  fonda  la  ville  de  Ma- 
linalco,où  n’y  arien  que 
des  Sorciers.  322. b 

cftédts  admirables  d’vn 
Sorcier.  3ji.a 

Sorciers  en  grand  nôbre, 
& de  rempefehement 
qu’ils  ont  donné  à l’am- 
plification de  l’Euangi- 
le, 


table. 


Source  du  Niî  reccrchec 
parCefar.  i^.a 

Source  cômebleüe,  autre 
rouge  comme  fang.io^. 
Sources  chaude  & froide 
Ivne contre  l’autre  aux 
’baings  deringua,  joS.b 
Sujet  du  quatriefme  liurc. 
î25>.a  \ 

Succhiles  bouquets  des 
Indiens.  379.  a.  ils  en 
font  fort  amateurs,  & 
cnofFrcnit  par  honneur 
auxgî:ads&  à leurs  ho- 
ftcs.‘  i7^.a.b 

Superftitions  fàides  à li 
conduite  d’vne  eaüc  au 
trauers  de  i^exiquç. 
3Jï.a.b 

T 

TAbaco  arbrifleau  qui 
porte  vn  contre-poi- 
fon.  i83.b 

Taches  noires  eq  la  voyc 
Jadee  ducofté  du  Sud. 
10. & ir. 

Jharfis  en  quelques  en- 
droits lignifie  îa  pierre 
Chryfoliteou  lacinthe, 
autresfois  la  mer  qui  ell: 
de  celle  couleur  à la  rc- 
uerberation  du  Solpl. 
fS.'b 


Tharfisde  l’Efcriture  n cft 
pasTharfo  ville  de  Ci- 
licie.  ig.a 

Tharfis  Sc  Ophir  , mots 
generaux  en  la  S.  Efcri- 
r«re.  zy.b 

Tharfis  Sc  Ophir  entédus 
pour  vue  roefme  prouin 
ce  en  l Efcriture.  zy.a* 
Tlafcaltecas  lixiefme  ge-' 
neratiô  des  Mauatalcas, 
^ fut  celle  qui  dona  en- 
trée âUjçElpagnols  518, 
b.comment  ils  vainqui- 
rent les  geans  de  la  Sier- 
ra. 3i5).a 

Tlâcaellec  leplus  vaillant 
Capitaine  qu’ayét  eu  les 
Mexiquains,&  de  fa  bel 
lererolution.337,&538. 
fa  valeur  ôc  fa  rufe  guer- 
rière contre  les  Cuyo- 
cans.  340.a.b 

deffi  de  Tlacaellec  fait  au 
Royd’Arcapuzalco537.b 
fafubtilité  pour  remar- 
quer le  nombre  des  pri- 
fonniers  qu’ilauoit  pris. 
34i.a.fa  côquefte  d vue 
ville  auec  des  enfans  feu 
lement.  342. a.b.  com- 
me il  refufa  leCourqn- 
ne,  34(^.a.b 


TABL 

Tembos  félon  l’opinion 
des  Indiens, race  plus  an  - 
ciennc  des  hômes.49.b 
Traflic  des  Indiens  n c- 
ftoit  qu’efchangc  fans 
argenr.  i^2.«b 

Tauaco  herbe  qui  endort 
la  chair.  i57-a 

•Température  toute  con- 
traire en  moins  de  cin- 
quante lieues.  ny.a 
T cmple  de  Cufco  fem- 
blable  au  Panthéon  de 
Rome.  2i9.b 

beux  maritimes  plus  fub- 
ie(5ts  ai)x  trcmblemens, 
& ppurqupy,  11^. a 
Tremblemés,  de  terre  fort 
eftranges.  ii5,a.b 

la  Terre  comment  foufte- 

nue.  <^'b 

ia  Terre  du  Pôle  Antardi- 
que  n’eft  pas  toute  cou-  . 
uerte  d’eaux,  ii.b 

la  Terre  en  fa  longitude  eft 
touf  ours  de  femblable 
tcniperature , mais  en 
fa  latitude  non. 
ig.a 

Terre  d’excellente  tem- 
pérature encores  à def- 
couurir.  lo.b 

4 Terre  auec  l’eau  fait  vu 


globe.  <^5-0 

le  continent  des  Terres  fç 
ioind  en  quelque  en- 
droit , ou  pour  le  moin  s 
s’auoyfine  de  fort  près. 

4<.b 

Terres  encore  à defeou- 
urir.  4-*^ 

illes  fort  eflpignees  de  la 
Terre  ferrne  ne  font 
point  habitées.  42-b 

Terres  du  Preftre-Ianfort 
chaudes.  ' 

Terres  encores  incogne^ 
lies.  119. a.b 

Te  Z callipuca  Dieu  desiu  - 
biles  de  Mexique,  ôcéc 
fesornemens.  2i4.b 
Tiburon  poilfon  merucil- 
leufement  gourmand, 
loi.b 

Tiricacajac  d’ermerueilla- 
ble  grandeur.  88.a.b 
Trinité  imitée  par  le  Dia- 
ble Ôc  adoree  par  les  In- 
diens en  trois  ftatues  du 
Soleil.  i6z.h 

la  Torride  peuplee  &d'a- 
greable demeure,  con^ 
tre  l’opinion  des  Phi- 
iofophes.  5^-b 

la  Torride  pourquoyteni- 
peree.  é4.a.î:)«(><3.a.b^ 


T 

en  la  Torride  lonnauigc 
^ facilement  de  l’Orient 
en  Occident,  non^au- 
conrraire,Ôc  pourquoy. 

qu’en  la  Torride  mefmela 
_ proximité  du  Soleil  ne 
caufepastoulionrs  tant 
d'humidirez.  (îi.a.b 
la  Torride  fort  haSitec, 
20. a 

quelques  endroits  de  la 
■'^Torride  extrêmement 
fecs , bien  que  le  refte 
j[oit  fort  humide,  fé'i.a 
quia  meu  les  Anciens  de 
croire  la  Torride  inha- 
bitable. ' 2i.a 

1^  Torride  eft  plnuieufe 
lorsquele  Soleil  eneft 
plus  proche.  5^. a 
Troisfortes  d’animaux  qui 
fc  trouuent  es  Indes, 
189. b 

Trois  fortes  de  terres  es 
Indes.iii.b. leurs  quali- 
. rez.  ii2.a 

T ozi  principale  Dcefie  des 
Mexiquains.  2z6.a 
Trois  chofes  ordinaire- 
ment mcflees  en  toutes 
' les  ceremonies  des  In- 


L B L E. 

diens.  i^o.ôCK^i 

Trois  genres  de  gouuer- 
nemens  rccognus  ésln- 
des.  299.  & 50a 

T nnal  arbre  d’eftrange  for 
me.  174.3.  de  combien 
de  fortes  il  y en  a.  là 
mefme 

TygftsauPcru  plus  cruels 
criuers  les  Indiens  que 
les  Efpagnols,  45.b 
Tygres  peuuent  palTer  fepe 
' ôchuiél  lieues  de  mer  à 
nage.  44.b 

Tygres  furieux  contre  les 
Indiens,  non  contre  les 
Efpagnols,  , 192. b^ 

V 

VAches  recherchées 
feulement  pour  le 
cuir.  ^3.b 

Vaches  domeftiques*  ôc 
. fauuages.  19©.  a.  b. de 
ces  vaches  fauuages  fe 
tire  vn  grand  reuenuen 
cuirs.  19  O.  b 

troupeaux  de  Vaches  fans 
maiftre  és  Ifles  de  Cu- 
ba,Iamaiquc  ôc  autres. 
43. b 

Valeurs  des  Indiens. 

572.,h 

Vaîlees  plus  chaudes  que 


TABLE.  ' 

les  montagnes,&’ poui'-  foufïlattt  fait  plcunoic 

quoy,  67,h  despulces.  ^ 74-b 

Vallees, meilleures  habita-  le  V eut  du  Sud  rend  la  co- 
tions du  Peru.  iiy.'b  fte  du  Peru  habitable.. 
Variété  de  têperature  des  214. 

terres  Equinoébiales.  Vn  mefrne  vent  f acquiert 
66.h  diuerfes  proprietez  fe- 

Vcncs  d’à  bas  contraires  ion  le  lieu  où  il  court. 

aux  verts  de  foyc.  '^i’.a  “yy.a 
Vent  dangereux  qui  tue  diuers  Vents  en  la  terre  de 
» & conferue  les  corps  laTorride.  88. a 

fans  cocruption.  93.  trente  deux  Vents  pofez 
a.b  par  les  Pilotes.  Sz.a.b 

leVentduponent  nefouf-  trois  principales  caufes 
fie  point  en  la  Torride  deladifterence  &diuer- 

y^.a  fes  proprietez  des  V^ts 

Vents  appelez brifes  en  la  77*^ 

Torride  viennent  d’O-  ' effranges  diuerfitez  deté- 
rient.  ' 7«j.a  pcraturccaufees  parles 

quatre  Vents  principaux.  Vents.  70- 

g,  b Viétoiresdes  Meziquains 

hulRVêts  en  huid  points  furies  Tapanecas.j?9.a 

notables  du  ciel,&leiirs  Vieugnes  efpcce  de  mou- 
noms.  85.a  tonsfauuages.2or.VeE- 

ies  Vents  de  terre  en  la  tude  leuiTaine.  idz.'a. 
Torride  fouillent  plu-  la  chair  eft  fortfouue- 
ftoft  de  nuit  que  de  raine  pour  le  mal  des 
iour,&  ceux  de  mer  au  ^yeux.  là  mefme, 

contrairej&poLirquoyi  le  Vif- argent  fuit  les  au- 
88.a.b  très  métaux  , hormis 

Je  Vent  corrompt  mefme  l’or  & l’argent.  149.  b 
le  fer.  89.&9P  le  Vif  argét  fe  tourne  en 

propriété  d’vn  Vent  qui  fumée,  puis  la  fumee  fe 


T AB 

toufne  en  vif-argent. 
1^0. a 

le  Vif-argcnrS^^leVermcil- 
lonnailîènt  enviiemef 
mepierrci  ■ i^o.a 
îe  Vif-argent  vraÿ  métal, 
& plus  pefant  que  tous 
autres.-  . 148 

propriété  rtîcmeilleufe  du 
Vif-argent  à^fcioindre 
autour  de  l’or.  148. b 
combien  fEfpagnol  tire 
des  mines  du  Vif-argét. 
îyi.a 

vignes'  fins  friiiét  eU  la 
neufuc  Efpagne.  iiy.b 
Vignes  du  Peru&  de  Chil- 
lé  portent  tref-bon  vim 
iSy.b 

• Vignes  de  la  Vallee  d’Yca 
qui  viennent  fanseilfe 
iamais  arroufées  d’aucu 
ncpluyc,&commentil 
■ fe  peur  faire.  188. a 

Vignes  qui  portent  fruidt 
tous  les  mois  del  annee. 
i88.b 

pourquoy  lo  ne  fait  point 
de  Vin  du  raifin  qui 
croift  en  la  neiifiie  Ef- 
pagne.. «Sy.b 

Viracocha,nom  que  les  Iii 
diensdonnoiéc  au  Dieu 


LE. 

fiiprerme,auec  d’aufres 
excelïens  &fignificatifs 
d Vn  grand  pou  uoir. 

Vitzilipuztlj  principale  i- 
dole  de  Mexique,  & de 
to^fes  ornemens.iz4.b 
Viûrespofczi  au  tombeaii 
des  mortspbur  les  nour 
rir  apres  la  mort,  lii.â 

V oix  entendue  prefageant 
la  ruine  de  Moreçuma. 
îjS.b 

Voracité  des  Tibùrons. 
I02.b' 

V olcan  de  Giiatimala  plus 

admirable  que  tout  au- 
trci  1 2i.b 

matière  qui  entretien  t les 
'Volcans.  ^ 124  a.b 

Voyage  d’Hannon  Car- 
thaginois abmirablc  en 
fon  temps.,,,.  21. h 
Voyclad:ec,appellee  che- 
min S,ïaquc$.  y.  a 

Vros  peuples  brutaux  qui 
ne  f eftiment pas  hom- 
mes, yS.b 

Vtilité  de  toute  hiftoire 
naturelle.  , yy 
X 

Amabois  pèlerins  co 
traindtsde dire leurr’ 


TABLE. 


pcciiez  fur  vrie  roche. 

2J4.  &2Î5;. 

Ÿ 

Y Ca&  Anç^,&lcur  fa- 
çon de  nauigcr  en 
des  cuirs.  59*a 

Ytu  grande  fefte  des  In- 
diens qu’ils  faifoient  en 
necçflîté,&  des  prépa- 
ratifs à icelle.  264 

Ÿupanguilngua  a efté  en 
Mexique  comme  vn  au 
tre  Numa  àRonïe,pour 
■ 


l’eftablilfement  desîoix 

i45.b.&i6’i. 

Z . 

ZEphyreventdôüx& 
fairt.  , 79, a 

izione  Torride'  aux  an- 
^ ciens  inhabitabie,&  les 
raifons  pourquoy. 

î7.b  , 

la  ZoneT oriidé  en  des  en- 
endroits  temperec  , en 
d’autres  froide,  en  d’au  - 
très  chaude.  6j.b