A PARIS,
histoire
natvreliæ
ET MORALLE
deslndes,tanc Orientalles
qu'Occidencaücs:
çhfil efl trdiBe des chofes rerndri^uahles du Oe
Elemensy Métaux fFlantès e?" Animaux fi t
propres de ce pays, En[emhledesmœurs:,ccren
loix-y gouuernemms
diens,
Gompofée cïi Caftillan par loteph Acôlta
traduite en François par Robert
Régnault Cauxois.
DEDIE' AV RÔY.
Dernicre cdition,reüeuë corrigée
mueau.
ChezM A R G O R R Y,ruë S.îaqi
au Lyon Rampant. j,
m7d:c;
( \
nmm
D E
AV ROY TRES CHRESTIEN
FRANCE ET DE NAVARRE.
Henry IIII. de ce nom.
, Cet admirMeO' tnmncme guemer
! ydexAndre^idh Koy des Macedomens, qui
^ar f* vdeur CT heureufe fortune, rangea
fiu4 [on fournir tout es les ^rouinces de Grece,au farauat
defvmes en flufeurs Cantons CTK^fMques, fuis
pajfantla mer de ï autre cofté/uhmgua le tref grand
Cr trefofulentl^aumede Perfes aT de la continuât
plus outre Jit retentir [es armes tujques bien auant de^
danstlndeOrientallefornedefesdejfeins, CTfour lors
la flm renommes CT fln^heureufi région delà terrez
Entre mille grandes CT belles affeBtons qm Ugeoient
en f m amegenereufe ay' guerrier e,auoit cette-cy , qu il
defiroit O' de vaincre CT [urmonter tous les autreS,noff
point feulement en valeur CT réputation d'armes-, mais
aup en fauoir CT cognoifance des chofes : (T fur tout
des terres O* régions efranges.P e telle fa^on, qu il fai-^
fostcurieujement rechercher [a^k quelque prix que cé
fut ) tous les liures rares exquis qu on feuueit re-
souurer de fin temps.Etluy encor fortieunei comme les
^mbafadeurs de Perfefufent venus vn iour deuersfin
pere,il les enquifl fi particulièrement de la naturegran^
deur,crfituatio du S^oyaume de Perfides viHesfleuues
0*montagnesd'iceluy:mefmes des mœurs du peuple,0*
1 I . *-7 U/HArUp tnfJ.f' Cf
fitiguliei
Ê PI ST RE
iie ce^dt Untais dej^nlf,iuJqHes.a ce qicdeut cont^uUcé
grand O' florÿant Empire, de forte e^u'on pourrait dire
auec raifon,cpue les proposer aduertifemets de ces ^yCm-
hajfadeursfurent comme la première efimctlle,ot* caufi
des grandes viBoires O' heureux fucce's qui luy amue^
rent depuis. Dequoy me refouuenantyS 1 É, (17" dela>
comparaifon que plujieursfont auiourd’huy ,deja valeur^
clemcncei^honne fortune aU vofre, voire de plufeurs
autres dons,cr' vertm héroïques, dont il e^oit doué, qui
vous font pareillement comunes'.Outre ce que tous deux
puijfans ce redoutefPrmces,e^es ijjus ( quoy qu en dt^
uers fiecles)dvn mefne ejîoc de nohlejfe,0^race de Her-*
cules, luy par CaranusiEt vous,S i R Y., par charlema^
gne,qm juiuant les anciens tefnoignages , en efoit aufi
defeedui &de l a race duquel vo^ efes extraiBpar leKoy
S.Loysce les autres Eoys de Frace vospredeceJJeurs,iJfus
delà race du mefme Charlemagne par fexe féminin:! e me
fuis enhardy de traduire en langueFra^oife V B ifloirena
tutelle et moralle des Jndes Orient ailes, neuuellement
compofeeen Cajiillanpar lofeph ^cofa, homme certaU
nement doBeO'fort curieux, pour laprefenteraux pieds
devofre Majcf e, fous efpoif que celuy feroitchojèagrea-
hle,pour la deleBable variété et nouueauté des ckofes
qui y font contenues: Comme le croy qu*.y€lexandre mef
mel'orroit fort volontiers s’il viuoit en ce prefent Jtecle}
luy qui tant de fois de fin temps defra qud fuiî encor*
vn autre monde, h fin d'auoir vn plus large champ d'ex--
ercer fis prouejfes. Et ce qui plus nia incité de l'entre^
prendre, a efié que les Ejpagnols,ialeux et enuieux de ce
hien,ayantsfait brufier ^ar EdiB puhltc{ comme on nia
aduerty puis quelque temps) tous les exemplaires de ce-
fie Hifioirefifind’enprtuerlesautres nations, et leur
celer U cognoifance des Indes» iay penfé que ieferjü
AV Roy.
faute Jîie Ulfil/ perdre d U France{Jt curlettfe deschojès
rares heUes)vn fi riche loyau^c'J vnefi gentiUe Ht-
fioirefejuel'^uthettr acomfofiéeJ,aflnsg^<^n^^ a
'veued^œilyO' fmles mefmes lietiXy d’vntel ordre <(sr
hrieueté qu'auec home ratfon d peut efîre appelle l’He ^
radote O^le FÜne de ce monde mmellement deJçoMuert,
Bref te peux dire de ce CafidanyS i R ceft vn
prifennier d’entre vos ennemis Jequel tay furpns en fa
terre Juy ayant appris tellement quellemettt nofire Un->
gue Françoifepeurvousleprefenteryàfinqunlvous con-^
duife O' toutes les fingulante\plm exqutfes
de ce nouueau monde fans crainte cr danger de naufra- -
ge.Qu^ fiycomme Alexandre fiuueram d’vnegranae
Megion de l’Europe en la partie d’ Orient yA voulu tourner
fies dejfemsfiur l'Inde Onentale-,^mfi voua S ï . R ^y^jfi^
de Ja mefme race y comme - luy Prince m"popfeur
triumphant d’vn grand O" florijjant Royaume de kEu -
rope en la partie d’ Occident yVeiUefaufii voir-cr’regar-
der de plus près cesJndes OccidentalleSyencerplus riches
^ renornmees dprefent que ne furent oncq les Orient ar
lessCefiuymefmc vous fferuira de guide de tres-fi’^
délie efpionypoùr vous aduerttr desportSyvilles0^ mon-r
tagnesd' iceluy yO' de l’ordre nature dupeupleÿdonf
il vous dira d’auant âge que ne firent sncqles ^mkajfa,
deurs dePèrfé au Poy Mexandre.Jl plaira donc a vop
fire Maiefie'yS i R 'E/ecemirde hone part ce trefor efira-
geryque vous offre l'vn de vos humbles fidelles Jùb-
setSypourtefhmgnage du feruice qu’il vous doit
a voué p^ur toute' fa vie.
pu Haure de Graceyle premier Décembre, 15.9 7. ; -
yoftrctres-humblc,& très obeifTant fuljjjca&feraitcur,
Robert regnavld.
^ iij
UD FBKXISS'EM EN T D E
l'autheur aux Leflturs,
. Lufieurs autheurs ont cfcrit dw li-*
I ares , & des narrations , du nouueau
k monde & des Indes Occidentales,cf-
-A-.- J quels ils defcriuent les chofes nou-
uelles,& eftrangcs , que l'on a dcfcouuertes en
CCS parties la, les a6bes , & les aducntures des EU
pagnols qui les ont côqueftecs&peuplees.Mais
iufques à prefent ie n’ay vcu aucun authcur, qui
trai6fce,& déclaré les caufcs ,&raifons , de tel-
les nouueautés,& merueillcs de nature,ny mcU
mes qui en face aucun difcours & rccerche. le
n’ay point V eu aiiiTi liure qui face mention des
beftesj&hiftoiresdcsmefmes Indiens anciens,
& naturels habitans du nouueau monde. A la
vérité ces deux chofes font aiTez difficiles ,
première d’autât que font œuures de nature,qui
fortent, & font contraires à la philofophic an-
cienne receue & pratiquée,commc de raonftrer
que la région qu'ils appellent Torri<^ > cft fort
1 fort tcoîPcrcc%
aregion quiis appeuem
humide, & en pluficurs endroits fort temperee,
l’il pleut en icelle quand le Soleil en clt plus
& qu’ii pleut en icciie quauu ie w. — i'—
proche,&autres fcmblableschofes.Car ceuxqut
ont efcric des Indes Occidentales,n ont pas fait
profefliondetantde philofophic /voirc la plus
J
part d’iccux efcriuâins ne fe font pas apperceus
de telle choreXà fécondé eftqu^ellc traide des
belles , Ôc hiftoire propre des Indiens , laquelle
chofercqueroit beaucoup de communicatiô &
de progrès dans le pays auec les mermes Indios
ce que la plus part de ceux qtü ont traidé dcsln-
des,n’ont peu faire, ou pour n’entendre Icurl^
guCjOu pour ne vouloir recherche ,leurkantt-
qüitez , tellement qu’ils fe font contentez de
raconter quelque cho(è d eux qui eftoit le plus
commun & fuperficiel. Defirant donc auoir
quelque plus particulière cognoiflance de leurs
chofes , i’ay fait diligence de 'm’informer des
hommes, les plus expérimentés verfez , en
CCS matières, pour tirer, & recuillir, de leurs
difcours& relations, ce qui m’a femblé fuffire
pour donner cognoilTancc des faits & couftu-
înes de ces peuples. Et en ce qui eft du naturel
du pays , & de leurs proprietez , ie l’ay apprins
par l’experience de plulicurs amis , & par la
diligence qu<e i’ây faite de chercher , difeou-
rir i & conférer auec perfonnes fages & expé-
rimentez. Il me femble mcfme qu’en ce fai-
fant , il fe prefente quelques aduertiffèments,
qui pourront feruir & proffiter à d’autres ef-
prits meilleurs, affin de chercher la vérité, ou
de palier plus outre , en trouuant agréable ce
qu’ils trouucront cy dedans. Ainfi combien
que le nouueau môde,n’eftplus nouueaUi mais
vieil,veu le beaucoup que l’on a eferit d’ice-
luy,ce neantmpins celle hiftoire pourra eftre
tenue en quelque façon pour nouuellc, d autant
qu’elleeftçnpatriçhiftpirc, 5c en partie philo-
fophie, êc non {culemcnt , d’autant que ce font
<ruures de nature, mais auffi celles.du liberal ar^
bhre , qui iom les faits , & couftumes des hom-^
jïiês, ce qui m!a dènnéoccafion de luy donner
,n6m d’Hiftoirc Naturelle Sc Moralle des In-
des,, com prenant ces deux chofes.ll eft fait men-
'tmnesdeux premiers liures., de ce qui rouej^
le cie^h, température , ôc habitation de ce mon-
ade, lefquels liarésiiîuois premièrement efcrits
:en Latin , &c maintenant les^ay traduits vfant
plus delà licence dWthcur y 'que de l’obliga-
tion d interprété, pour m’aceômmoder mieux
à ceux pour qui elle eft cfcrite en vulgaire. E,s
deux hures fuyuants eft trai(fté,cc qui touche
cesftlementsôc mixtes naturels , quifontme-
taux pi a n teSi& a n i m au x , . & ce qui fe mble rç-
-niarauableaux Indes , le refted;es liures dilcou-^
• raaif ce que i’ay peu difeourir au certain , , ^ ce
qui m a lemblé digne de mémoire des homnacs
de.leurs belles , ( ie veux dire, des mefmes ln-
diés). de leurs ceremonies, cou ft urnes, go uuer-
nement. guerres & aduen.cures, iHera dit en. la j
mefmehiftoire , comme i’ay peu apprendre^ &
cognoiftre les beftes des anciens Indiens, veu
qu’ils n’anoient aucune crcriture,ny caradere,
comme nous allons , ce qui n’cft pas peu d’ig-
^duftrie d auoir peu conferuer leurs anriquitez
faiis l’vfagedeslettresr, enfin l’intention de ce
trauail eft afin que ayant la cognoilfance des
œuures naturelles, que le fage autheur de toute
la nature a faites , l’on loue de glorifie le hault
Dieu, qui eft merueilleux en tout Ôc par tour,
bt qu’ayant cognoUrance des couftumes &
chofesdcs Indiens, l’on leur aide plus faciîle^
meptà fuyurc,&pcrreuerer en la haute voca-
tion du S.Euangile,àlacpgnoiflanccde laquel-
le le reigneur a voulu amener cefte natiop fia»
ueoglce en ces derniers fiecles. Outke tbuteç
ces chofcsvn chacun pourra mcfme tirér pour
foy quelque fruir,attendu que le fage tire touf-
iours quelque chofe de bon de quelque petit
fubietque cepuifle eftre, comme l’on peut ti-
rer des plus vils & petits animaux vne grande
philofophie.llrcfte feulement d’aduettir le le-
cteur ^ que les deux premiers liures de cefte
hiftoire. ou difeours , ont cfté eferits eftant au
Peru, & les autres cinq depuis en Europe , l’o-
bedience, m’ayant comitiandé de retourner,
par deç3(:ainfi les vns parlent des chofes des
Indes comme de chofes-prefentes, & les autres
corame.de chofes abfentes. C çft, pourquoy il
m'afemblé bon daduçrtic le Lecteur dccecy,
afin que cefte diuerfitéde parler nçluyfoit en-
nuyeufej,_
- _ . /
ÎJ Uîsro JII^M /N 2>/U/f
tvRAlem a Iosepho
^coJlâHt^micofermone cfimpiUram ,mfer à
S^herto I^gmddo GüÜicé reddttam,
K^fd LeBhrem,
I luftrare nouos rctinérc cupidinc
mundos, -
^ Lataq', fl Pela'gi littora noffe ciipist
I Hue curfus difpone tuos, non nau-
J fealædct,
Neé ftomachus ciucm te vetet cfTe maris.
I^il opiis cft veloarimas {àrcire carinis,
Aur Magnetiaca pixide.nil opus eft.
Altcr Tiphysadeft,extfemas ire per oras
Edocet,& populôs',iam breuiorc via:
Sidéra fub terris vetcrl non cognita fcclo,
3rcaq-, in occidno limine fîgna, refera
..périem Zonæ,qùenon habitabilis antè
ludicio' veterum,tunc habita ta' tamen:
Noueris in curfu quo figno vtatur, & aura,
Védicet atque fibi quidquid vterquepolus.
Noiieris & montes.Germaniqi oraTyphœi
Igniuoma, Sepifees, flumina magna,lacus,
Templa/acerdotes, verique imitaminacultus,
Chriftiçolûm ritus vt coluilFe putes.
Annales, faftofqilibros^elemcntâque, régna,
Irapcrium,rcges, prælia, magna,duces.
Terra ferax gcmmis,fulu6qircferta métallo,
Sc percgrinatibiconfpicienda dabit.
Pcniqlquod luftris, & fumptibus haufit iber*,
^ Bis quarto poteris parcus adiré die.
AntonivsBqîidoiu
I^hertum ^gin/ddum tradu^orem^
Te Francifcis alit , quem nobis cdidit vrbs^
' LU'
Vcllerij rnofltisnoiïîine, nomen habct.
BjEtica(demirans gcniiim)mutaie loquelam
Inftitic.vtpptius dicereE cffefuum.
Ipfctamcn patriærcducemtei'eddis’, dCjilla
Qjaæ fecreta cupit , cognitiora facis.
on re pœniteat tanti,Reginalde , laboris.
Hoc tibi nap patriæ pignus amoris erit;
Parua videre paras vidorem praemia regem
Henricum,& facras contcruiire manusJ
Quigrarus patriæ,tum regi,deferit auras,
Re(5iiùs ille fuo munere fundtus abit.
'■ Antonivs Bond o Ro
\. . 'ïfi
^demdemde'mfcnptmelthn,.
ECquid iddn prima promittic frontc libellus
Indos eoos occidubfquc fimul.
Attamenhéfperias tantummodo dctegit oras,
Nulla ferè eoi eft mcntio fada Coli
Hoc,Rcginalde,typisxlcbetur , non mus e^roro
(Error fi fueriE confplçicndusibi. )
Occiduus nobis,alijs orit\irus habetur
Phœbus-.nil prius cft,pbftcriulve globo.
Ant. Bondo^.
M.CHARLES REGNAVLD,
A Robert Regn AV LD son
Frere^fu): la craduftionde FHiftoi-
re Naturelle des Indes Occiden»
taies,
I
I
I
A M. REGNAVLD SVR
laVersionde l h ist Di-
re des Indes de TEfpagnol de Io«
fephe Acofta.
SONRT.
Polyclete irnager hunnoitvn viftge
Sihien apres le vif que nature amitpeur
Qjfelle fimblafî amir fur l'image trompeur
1.11e mefmé imite lestraiBsdefonouurage, - ^
Mais le feul Hyponte entre ceux de fin aage
M efinfa ce fl ouuner deflreux que l honneur
D*vn tâhleauqu il offrait retournafl au denneurl
Non à l'art que l'on eufl admire d'auantage.
^infi tout Eflagnol qui veoirra que tes doigts
Ont d*vn traiBp dtum fait Mofla François,
Qm deuancèpar toy ne fait plus quete fuyurei
Craindra que ton labeur fut du flen le tombeau
T m renom fin oubly/a cendre ton flambeau
Et du riche Féru les fecretsincognus,
Frira que ton pinceau ne nom change fin Hure,
F. l'Ep ARMENTiER.
Ex(mtlitfrmlegeà;l l{oy.
inar grâce &priuilege du Roy il eft permis à
1 Robert Regnauld de faire imprimer par tel .
libraire ou imprimeur que bon luy fembjera, |
fon Hiftoire Naturelle & Moralle des^dndcs, |
tradmtte de Caftillanen François, Ôc ce pour |
l’efpace & terme de dix années , & dcttenfes I
font faites à tous libraires & imprimeurs de j
n’imprimer ou faire imprimer ledit liure fans le
confentementjde O h ÿ fur peine de cinquante
efeus d’am,ende,& de confifeatiô des Exemplai-
res quif en trouueront imprimez : Et ledit Ro-
bert Regnauld a choifi Ôc tranfporté fon priui- j
hoc à MarcOrry marchant libraire àParis.pouc
Ic^empsdedix ans.Donné le i. [Décembre mil
cinq cens quatre vingts dixfept.Èt de noftre ré-
gné le hui6liefme. Signé H EN R Y. Et p^sbas
Potier. Et feellé en dre iaunc fur limple
queue.
ï
LIVRE PREMIER DE
LHlSTOi:^E NATVRELLE
& morale des Indes^tant
Orientales qu’Occi-
dentales.
Del*opmon <jue (Quelques jlutheur s ont cm penjàns que
le Ciel ne s'ejlendoit mjques au nouueau Monde,
Chapitré premier.
Es anciens ont efté Ci eC-
longnezdc penfer , qu’il
y eut peuple ou nation
habitante en ceftui nou»
ueau môde^que plufieurs
mefnie d’entr’eux n’ont
peu s’imaginer que de ce
cofte cy J y eut feulement
terre: & qui plus efl: digne de merueille,f en font
trouué aucuns , qui ont nié tout ouuertcment
que le Ciehquc nous y voyons à prefenr,y peuft
cftrc. Car iaçoit que la plus grand part, voire
les plus renommez entre les Philofophcs,ayent
bien recogneu que le Ciel cftoit tout rond,
(comme en cfFeét il l’eft ) & que par ce moyen
il entouroit ôc ceignoit toute la terre, l’enfer-
rant Sc comprenant dedans foy : Ncantmoins
A
Histoire natvrelle
plufieurs du nombre mefme des Dodeurs fa-
crez , de plus grande authoritc , ont eu fur ce
point difFcrentes opinions : f’imaginans la fa-
bricque de ceft vniucrs,à la façon d ’vne maifon
en laquelle le toi6b qui la couure , circuit & f c-
ftend tant feulement en la partie d’enhaut, &
non pas par toutes les autres parties ; alleguans
pout'leur raiion que la terre autrement de-
meureroit fufpendue , au milieu de l’air. Ce qui
leur fembloitchofe du tout hors d apparence:
& tout ainli que l’on void en tout baftiment , le
fondement & raJTiettc fîtuez d’vne part, &lc
toid & couuerture d’vne autre oppofite & cô-
traire, ainfi qu’en ce grand édifice de l’vniuers,
rn. toutle Ciel deraeuraft en la partie d’enhaut , ôc
la terre en la partie d’embas. Le glorieux Chry-
l.in r/>,H.foftome, comme homme qui feft plus occupe
\d Hebr. en l’eftudc des lettres facrees , que non pas aux
fciences d’humanité , femble cftre de cefte opi-
nion, quand il ferid en fes Commentaires fur
l’epiftre aux Hebrieux , de ceux là qui afferment
la rotondité du Ciel. Et femble que la fainde
Eferiture ne vueille fignifier autre chofe, ap-
pellant le Ciel , tabernacle, ou taudis, faid de la
ffel.s. main de Dieu. Etfurce fubiedil paflcplus ou-
demchryf. trc, difant quc ce qui fe meut & chemine, n elt
7om.6.i^, pas le Ciel, mais que c’eft le Soleil, la Lune , &
cftoilles qui fe meuuent au CielEn la façon
les paflireaux, & autres oyfeauxfe men-
■ uent parray l'air , tout au contraire de ce que les
Philofophes penfent , qu’ils fe tournent auec le
mefme Ciel,comme les bras dVne roüe, auec la
mefme roüc. Theodotet autheur fort grauc
Dès Indes Liv. I. 2
fuit en cefte opinion, Chryfofl:omc,& Théo- *theop.mi.
phileaufîi, félon qu’il ade couftume, prefque
en toutes chofes. Mais Ladtance Firmian, de-
uant tous les deiTusditSjayant la raefme opiniô, Mp.%4.
fc moque des Peripatetidens & Academiques,
qui donnent vne figure ronde au Cieheonfti-
tuans la terre au milieu du monde : pour autant
que ce luy femble chofe ridicule, que la terre
demeure fufjjendue en rair,comme il eft deuant [!
dit. Par laquelle fienne opinion, il fe conforme
à celle d’Epicure,qui tien t,que de l’autre part de
la terre, il n’y a autre chofe qu’vn Chaos, ou
abyfme infiny. Et femble mcfme que faind:
Hierofme f approche aucunement de cefte opi- I
nion , efcriuant fur l’epiftrc aux Ephefiens en
ces termes : Le Phtlojophe naturel pdr Jk centemplâ-
t ion pénétré iufques m hdult du Ciel^O^ de l' autre part
iltrouue vngraÀ vmde^ aux profonds Cf’ ahyjmesde U
terre.Von dit auffi que Procope afferme (ce que
ien’ay veu toutesfois) fur le liuredu Genefc, Sixttu Se-
que l’opinion d’Ariftote touchant la figure , &
mouuement circulaire du Ciel eft contraire & ‘
répugnant à la fainéle Efcriture.Mais quoy que
difent & tiennent là defliis tous les anciens, il
. ne f en faut efmouuoir.Pource qu’il eft tout co-
gncLi & approuuc qu’ils ne fe font pas tant fon-
ciez des fciences &demonftrations dcphilofo-
phierpourautàt qu’ils fe font occupez à d’autres
de bien plus grande impôt tâce. Mais ce qui plus
eft à efmcrueiller , eft queS. Auguftinmefme, /ingj.z.de
tant verfé en toutes les fcienccs naturelles, voi- Genef. ad
re fort dode en l’Aftrologie,& Phyfique,ncât-
moins demeure toufiours en doute, fans fe pou-
Aij
I
>
■I 3J.
i
i
SdpUa»
Histoire 'natyrelie
uoif refoudre, fl le Ciel circuit la terre de rôtî-
tes parts, ou non. [oucie-ie ( difoit-il ) ejue
neJpenpons ^tte le Ciel, comme vne houle enferre enfiy
U ferre de foutes parts ^e^ant icelle au milieu du monde,
comme au peloton de fil le fondreau: ou que nous difions
qu'ilneflpasainfhmaisque leciel couure la terre par
'une part feulement, tout atn fi quvn grand plat, qui cH
par le dejfus. Au mefme lieu que deflus , il lemble
demoftrer, voire dit clairemct qu’il n’y a demo-
ftration certaine, pour affermer la figure ronde j
du Ciel, mais feulement de fîmples coniedures.
Efquels lieux alléguez, & en d’autres endroits
mcfmes ils tiennent pour chofe douteufe le
niouueraent circulaire du ciel. Ncantmoins
on ne fe doit ofFenfer, ny auoir en moindre efti-
me les Dodeurs de la fainde Eglifc, fi en quel-
ques poindts de laPhilofophie & fcicnces na-
turelles ils ont eu differente opinion à ce, qui
cft tenu & receu pour bonne philofophic : veu
que toute leur eftudc a efté de cognoiftre, pref-
cher , & feruir le Créateur de toutes chofes , en
quoy ils ont efté exccllens, & comme ay ans bie
employé leur eftude en chofe plus importante, j
c’eft peu de chofe en eux de n auoir cognu tou- j
tes les particularitez concernantes les creatu-
xcs. Mais bien d’auantage font à reprendre les !
Philofophes vains de ce fieclc , qui attaignans
iufques à la cognoiflànce de 1 eftre, & ordre des
créatures du cours & mouuemçnt des Cieux,
ne font pas paruenus (malheureux qu’ils font)à j
cognoiftre le Créateur de toutes les chofes. Et |
Ecrapefehansdu tout en fes œuurcs, n’ont point |
montepat leurs imaginatiôs iufquesà cognoi- |
Des Indes. L i v. I. 5
ftrc Tautheur fouucrain d’icelles jain fi que nous
cnfeignelafaiiiâieEfcritui'e: oubien s'ils l’onc
cogneu,ne l’ont point ferui & glorifié comme
ils dcuoientjaueuglez de leurs inuentions , de-
quoy 1 es accufe & reprend l’Apoftrc.
Qw le ciel efl rond de toutes farts yfe momant en
fin tourde fi^-mejme,
C H A P. II.
R venans à noftrefiibieéî:, il n’y a
point de doute, que l’opinion qu'ôt
eu Ariftotc & les autres Peripateti-
dés auec les Stoïques ( que la figure
'du Ciel eftoitrondcj&femouuoic
circulairement en fon tour)eft fi parfaitement
véritable que nous, qui fommes &viuons à pre-
fent au Peru, le voions de nos propres yeux. En
quoy l’cxpericncc doit valoir d’auantage , que
toute autre demôftration philofophique , d au-
tât que pour faire cognoiftre que le ciel efl: tout
rond , & qu’il côprend & circuit en foy la terre
de to^ coftez , Sc pour en cfclarcir tout le doute
que l’on en pourroit auoir,il fuffit que i’ay e veu
& contêplé en ceflui noflre hemiiphere la par-
tie & région du ciel , qui tourne autour de cefle
terre, laquelle n’a efle cogneuc des anciens , ou
bien d’auoir veu & remarqué(comme i’ay fait)
les deux pôles, cfquels le Ciel fe tourne,comme
dans fes fiches.Iedy le pôle Artiqueou Septé-
trionalquevoycnt ceux de l’Europe, & l’autre decèJef.ad
Antarticquc oû Méridional (duquel fain t Au» Ut. caÿ. lo,
A iij
HiStOIRE NATVREXIE
guftin eft en doubte ) & lequel nous changeons
%c prenons pour le Nort icy au Peru , ayâs palPé
la ligne equinoftiale. Il fuffit finalement, que
i’aye couru par nauigation plus de fieptante de-
grezduNortau Sud, fçauoir quarante dVn co-
llé de la ligne, & vingttrois de lautre. LailPant
quant à prefent le tefinoignage des autres qui
ont beaucoup plus nauigé que moy , & en plus
grande hauteur,eftâs paruenus prefque iufques
à feptantc degrezau Sud.Qui dira que la nauire
ÆppelleeVidoire,digne certainement de perpé-
tuelle memoire,n’ayc gaigné le prix &c le triom-
phe d’auoir le mieux dercouuert & circuy la
rondeur de la terre , mefme le Chaos vain Ôc le
vuideinfiny , que les anciens Philofophes di-
foyent eftre,au delPoubs de la terre , ayant faidl j
tout le tour du monde, & circuy l’immenfite du I
grand Océan ? Qui eft donc celuy qui ne reco- j
^noiftra par eefte nauigation que toute la gran-
deur de la terre, quoy qu’elle puifle eftreplus
grande,qu’on ne la dépeint pas, ne Toit fubieélc j
aux pieds d’vn homme , puis qu il la peut mefu- j
rer? Ainfi,rans aucun doute le Ciel eft de figure
ronde & parfaire. E t la terre aufli Pembrairant
& ioignant aucc l’caiie fait vn globe , ou boule
ronde compofee de ces deux Eléments , ayans
leurs bornes ôc limites dans leur propre ron-
deur ôc grandeur* Ce qui fe peut fuftifamment
prouuer, ôc demonftrer par raifons de Philolb- |
phie ôc Aftrologie , laiffant arriéré les fubtile-s j
definitiôs qu’on peut alléguer communément.
Que au corps le plus parfaiél (qui eft le Ciel) fe
doit attribuer la plus parfaire figure , qui eft
DES Indes. Liv- I. 4
fans doute la figure ronde. Duquel encore , le
mouuement circulaire ne pourroit eftre ferme,
& efgal en foy , fiil auoit quelque coing , ou de-
ftour en quelque part, ou fiil eftoit tortu ( com-
me il le faudroic dire par ncceffité) fi le Soleil,la
Lunc,& les eftoilles nefaifoyentle tour, ôc cir-^
cuifibyent tout le monde. Mais fans confiderer
toutes ces raifons,il me femble que la Lune feu-
le eft fiiffifantc, en ce cas, comme vn fidelle tef-
raoingdu Ciel mefme: veu que fon Eclipfe ad-
ulent feulement , lors que la rondeur de la terre
fioppofe diamétralement entre elle & le foleil,
& par ce moyen empefehe que les ray os du So-
leil no donnent fur icelle. Ce qui ne pourroit
certainement aduenir , fi la terre 11 eftoit au mi-
lieu du monde , circuitc & entourée de tout le . ^ a p
Ciel. Il y en a eu aucuns qui ont douté iufques 24-
là, fi la refplendeur , qui eft en la lune, luy eftoit c. ^ .
cômuniquecde lalumierc du Soleil. Maisc’eft
par trop douter,puis qu’il ne fe peut trouuer au-
tre caufe raifonnable, des Eclipfes , du plain, &
quartiers de la lune , que la communication de
la refplendeur ôc lumicre,qui procédé duSoleil.
Aufli fi nous voulons diligemment rechercher
cefte matière, nous trouuerons, que l’ofifcuritc
de la nuiét n’eft caufee d’autre chofe que de l’ô-
bre que fait la terr€,cmpefchant la clarté du So-
leil de paflèr de l’autre cofté du Ciel, où il ne ict-
tefesrais. Sidoncileftainfique le Soleil n’ou-
trepafie point,& ne iectc fes raiz fur l’autre par-
tie de la terre, ains feulement fe deftourne à fon
coucher, faifant efehine à la terre , par vn tour-
noyement (ce que par force fera contraint d *ac-
A iiij
Histoire natvrelle
corder celui, qui voudra nier la rotondité du
Ciel , puis qu'à leur dire le Ciel comme vn plat
feulement couure la face de la terre). Il s enfuy t
clairement que l’on ne pourra remarquer la
différence que nous voyons eftre entre les iours
& les nuids , lefquels en quelques régions font
courts 6c longs félon les faifons , 6c en d’autres
Atigitji.l'th. perpétuellement efgaux. Ce que laind Augu-
deGenef.ad ftfn efcrit aux liures de Genef.ad ttteram. l’on
Itt.c. 10. pourra bien comprendre les oppofitions^ con-
uerfîons , cfleuations, defeentes, 6c tous autres
afpeds , 6c difpofîtions des planettes 6c eftoil-
les , quand nous cognoiftrons qu’elles fe meu-
iient,& que neantmoins le Ciel demeure ftable ;
6c immobile. Chofe qui me fcmble bien aifec
à entendre, 6c le fera à tout autre, m’eftant per-
mis de feindre ce qui me vient en la phantafie.
Car fî nous pofons le cas , que chaque eftoille
&plancttefoitvn corps en foy,& quelle foit
demenee 6c conduitte par vn Ange, en la façon
Da».ï4, que fut porté Habacuc en BabylonciQui feraie
vous prie celui tant aueuglé , qui ne voye bien
que tous les afpcdsdiuers qu’on void apparoir
aux planettes 6c eftoilles , peuuent procéder de
ladiuerfîré du mouuement que celuy, quile^
mene & conduit , leur donne volontairement? I
Ce pendant l’on ne peut dire auec raifon , que |
celle cfpacc 6c région, par où l’on feint que j
marchent 6c roulét continuellement les elloil- I
Ics,ne foit élémentaire 6c corruptible, puis qu’il
fe diuife 6c fcpare quand elles palîent , lef-
quclles certainement nepalïèntpasparvn lieu
vuide. lî la région en laquelle les elloil-
DIS Indes. Liv. I. y
les & planettes fc meuucnt , cft corruptible,
par raifon donc les cftoilles & planettes ledoi-
uent cftre elles mcfmes de leur propre natu-
re, ôc par confequcnt fedoiuent changer, al-
térer, & finablement prendre fin. Pource que «
naturellement le contenu n’cft pas plus dura-
ble que le contenant. Or dire que les corps cc-
leftes foyent corruptibles , cela ne s’accorde
point auec ce que TÊfcriture dit au Pfalmc, ^ vfaîm. 14S.
Dieu lesfeit pourteuJîoursiEt encore moins le rap-
porte à Tordre &conferuation de ceft vniucrs.
ledyd’auantage pour confermer cefte vérité,
que ce quife meut, font les mefmes deux, &
en iceux les eftoilles cheminent en tournoyant.
Ghofe que nous pouuons cognoiftre auec les
yeuXjpuis que nous voyons que non feulement
les eftoilles fe meuuent , mais auflî les régions
ôc parties entières du Ciel. le ne parle point
feulement des parties luyfantes & refplendif-
fan tes, comme celle que Ton appelle la voyc
laidtec, que le commun appelle le chemin S.
lacquesj mais ie dy cela d’auantage, pour les
autres parties noires 6c obfcures qui font au
Ciel. Pource que nous y voyons realemcnt
comme des taches & obfcuritez , qui font fort
manifeftes, lefquelles ie n’ay point fouuenance
auoir iamais veu en Europe , mais au Peru, en
ceft autre hemilphereie les ay veües plufieurs
fois fort apparentes. Ces taches font de la cou-
leur ôc forme de la portion de la Lune eclipfoe.
& luy reflèmblent en noirceur & obfcurité. El-
les marchent attachées aux mefmes eftoilles, &
toufîours dVncmcfme teneur & figure, com-
HïSTOI RE N ATVREL LE ^
me nous Tauons cogneu & remarqué par ex-
pericnec tres-clairc. Parauenturc cela femblc-
raà quelques-vns chofenouuelle,& pourroyêc
demander d’où procédé tel genre de taches au
Ciel;ie ne puis certes refpodre autre chofe pour
l’heure, finon que, comme difent les Philofo-
phes , que la voy e ladee eft compofee des par-
ties du Ciel les plus denfes & efpelTes , & qui
pour cefte caufe reçoiuent plus grande lumière:
ainh par contraire raifon il y a d’autres parties
fort rares, déliées , & tranfparcntes, lefquelles
pour receuoir moindre lumière , fe mblcnt plus
noires & obfcures. Que cecy en foitlavrayc
raifon , ou non , ( ic n en peux rien affermer
de certain) fi cft-il pourtant véritable, que fé-
lon la figure que ces taches ont au Ciel, elles
femeuuent auecvnemefme proportion quant
& leurs cftoillcs , fans aucunement fe feparcr
d’elles. Qui eft vne expérience certaine Sc re-
marquée par plufieurs fois tout exprès. Il f en-
fuytde tout ce que nous auons did, que fans
doubte le Ciel contient en foy de toutes parts
la terre,tournoyant continuellement al entour
d’icelle , fans que Ton puilfe plus propofer que-
ftion làdelTus.
Chapitre III*
QjieU fiin^e Efiriture mvA enfeigne fieU terre eU
' mmilietidn monde.
Ombic qu’il femble à Procopc, à Ga-
ze,& à aucuns autres de fon opinion,
que ce foit côtreueniu àlafaindeEf-
DIS Indes' Liv. I. ^
criturc, de figurer la terre au milieu du monde,
ÔC de dire que le ciel eft tout rond : fi eft-ce que
à la vérité cefte dodtrinc, non feulement ne luy
cft point contraire, mais auffi fe trouue du tout
conforme à ce qu’elle nous en enfeigne. Car
lailîàntàpartles termes dont vfe la mcfme Ef-
criture enplufieurs endroits: La rondeur de U ter-
re,{d>c ce qu’en autre endroit elle dit,que tout ce
qui eft corporel, eft circuit & entouré du Ciel,
& comme embralTé de fa rondeur) à tout le
moins ne peut on nier, quelepafiàge de l’Ec-
clefiafte ne foit fort clair, où il cft diét : Le Soleil
nAi^ife couche , retourne en fin mefime heu : va
recommençant à naifire,d prend fin chemin par le mi-
dy fe tournant lufijues au Septentrion, ce fi efprit chemi-
ne circuijfant a l'entour toutes chofes, s en retourne k
finmefine endroit. En ce lieu la paraphrafe & ex-
pofition de Grégoire Neocefarien ou Nazian-
zcnc àiv.Le Soleil ayant couru toute la terre J en reuiet
comme en tournoyant iufcjues a fin mefinepoinB et' ter-
me. Ce que dit Salomon interprété par Grégoi-
re ne pourroit certainement eftre vray , fi quel-
que partie de la terre delaiilbit d’eftre circuite
du Ciel. Et ainfi l’entend fainét Hierofmeef-
criuantfur l’cpiftre aux Ephefiens,de cefte ma-
niere.14 plue commune opinion afferme^ fe conformant
auec l' Ecclefiafie ) e^uele Ciel efirond femouuant*en
circuit alamaniere d'vnehoule. Et eft chofe certai-
ne que aucune figure ronde ne tient ny latitude
ny longitude,ny hauteur ny profondeur, pour-
ce qu’en toutes ces parties elle cft efgale ôc pa-
reille. Par cela il appert félon faind Hierof-
me, que ceux qui tiennent que le Ciel eft rond.
HeUer 13.
Sap.x.z.j
II.I8. £
P faim. ^1.7
z3.39.97-
leb 37.
Ecclef. I.
H'itr.m cap.
yad Ephef
Histoire naturelle
non feulement ne font pas contraires à la fain-
saf. hem*J. dc Efcriturc , ains au contraire fe conforment
I. hexam. ^ icelle’.atteiidu principalement que S.Bafile &
fro^efinm. qui limite ordinairement aux li-
ures appeliez Hexameron , fctrouuentvnpeii
douteux enccpoind. En fin toutesfois ils re-
uiennent à concéder la rondeur de ce monde,
lleft vray que S. Arabroife ne demeure point
iaccorddccefteqainteireiice. qu’Ariftote at-
tribuç au Ciel. Et certainement c eft choie bel-
le de voir auec quelle grâce , & quel ftyle ac-
comply lafainde Eferiture traide de la fitiia-
tion de la terre & de fa fermeté , pour caufer en
nous vne grande admiration , & non moindre
contentement fur l’ineffable puiffance & fa-
geffe du Créateur. D’autant que en vn endroit
Dieu nous référé , que ç’a efte luy qui a eftably
Tfaim. 74. colomnes qui foufticnnent la terre, nous
donnant à entendre , comme bien l’explique S.
r i, Ambroife, que le poids immenfe de toute la
«4^7 é terre eft fouftenu par les mains du diuin pou-
uoir.La fainde Eferiture a de couftume de les
appellerainfi,&vferdeceftephrafe, les nom-
mant colomnes du Ciel & de la terre, non
point celles de l’autre Atlas , qu’ont feint les
Poëtes , mais celles propres de la parolle eter- |
nelle de Dieu , qui par fa vertu louftient les j
id 916. Cieux& la terre. D'auantage la fainde Efcri- |
tiire en autre lieu , nous demonftre comme la j
Hthr. î. terre , ou grande partie d’icelle , eft ioinde ÔC
cnuironneedel’elementde l’eau, difant gene-
rallement que Dieu mit la terre fur les eaux. Et
en autre endroid , qu’il fonda la rondeur de la
DisIndes. Liv. I. 7
terre fur la mer. Et encore que fainâ: Auguftin Augufi,»ù
n'accorde pas que de ce palîage (comme de fen-
tence de foy ) l’on puilfc inférer que la terre ôc
l’eau face vn globe au milieu du monde, pré-
tendant par ce moyen donner autre expofition
à CCS paroles duPfalme. Ce neantmoins il efî:
tout certain , que ce qui eft porte en ces paro-
les du Ffalme, nous veut donner à entendre
qu’il n yad’occalion d’imaginer autre ciment,
ouliaifonà la terre , que l’elcmcnt de l’eau, le-
quel, quoy qu’il foit facile ôc muable, neant-
moins fouftient ôc cnccinr celle grande machi-
ne de la lerre.Ce qui a efté fai6l par la fagelfe du
très grand Architcéle. L’on dit que la terre eft
fondée ôc baftie fur les eaux, ôc fur la mer. Mais
au contraire la terre eftpluftoft audelToubsdc
l’eau , que non pas dcfliis , pource que félon l’i-
magination Ôc iugement commun,ce qui eft de
l’autre cofté de la terre que nous habitons,
lèmbleeftreaudelToubs de la terre, & par meC-
me moyen les eaux ôc la mer, qui ceignent la
terre de l’autre part, font au delfoubs, ôc la ter-
re au delTiis. Neantmoins la vérité eft foule-
ment, que ce qui proprement eft en bas, eft ce
qui eft toufiours plus au milieu de l’vniuers:
maislafainéleEfcriture faccommode à noftrc
façon d’imaginer & parler. Quelqu’vn pourra
demander , puis que la terre eft eftablie fur les
eaux ( comme dit la làindle Eferiture ) for quoy
font eftablies les mefmes eaux, ou quel appuy
les fouftient ? Et lî tant eft que la terre ôc i’eaue '
font vue boule ronde , où fo peut fouftenir tou-
te cefte horrible machine? A cela relpond en au-
•■T’
H I S T O I R E N ATVRE LL Ê ^
trc cndroid la fainae Efcriture , nous donnant
trc cndroiCt la laincie e-iuiiluic , üwuj
bien plus grande admiration de la puilîànce dti
Créateur: Et dit ces propos : La terre ieflend vers
jLfulm fur vn vutde,€r demeure fedue^ur rien, p
P faim.
que certes cfttres-bien did, pource que reale.
met il femble que cefte machine de la terre &
de la mer eft affile fur rien , quand on la dépeint
droit au milieu de l’air , comme en vérité elle y
eft. Mais cefte merueillc que les hommes ad-
mirent tantjDieu ne l’a-il pas luy-mefme efclar- •
cie,demandant au raefme lob en ces termes: T>y
moyfitu fiaûquiatené le flomh ou la ligne four U
fabrique du monde,er auec cfuel ciment ont efléafr^
loinEls fes fondernenscBnzkmcmyâiin de nous fai-
re entendre la trace & modelle de ce merueil-
recncciiuic i<i ^
TUm.iot. leux édifice du monde , le Prophète Dauid ac
couftume de chanter & loüer les œuures diui-
nes. dit fort bien en vn pfalme compofe fur ce-
ftc matière en ces propos , Toy qui m fonde la terre
fur la mefme flMité CT fermeté fans qu'elle chancelle,
m tourne dé vn coftény d'autre , four toufiours <CT au-
Voulât dire la caufe pourquoy la terre eftat
affife au milieu de l’air ne tombe^ni ne chacelle
d’vn cofté ny d’autre, eft , pource que de fa na-
ture elle a des fondemens afteurez , qui luy ont
efté donnez par fon tres-fage Créateur : afin
que de foy- mefme elle fe fouftienne , fans auoir
befoin d’autres appuis, ou fouftenemens. Donc
en cet endroit fc trompe l’imaginatiô humaine,
cherchant d’autres fondemens à la terre , que
les fufdits : & vient leur faute de mefurer les
chofcsdiuines,à lafaçon des humaines. Ainli
ne doit on craindre , que quelque gran de & pe-
Des Indes. Liv. I. S
Tante que fembleccfte machine de la terre fuT>
pendue en l’air, qu’elle puifle tomber , ou con-
rourner f en delTus deffoubs ; nous eftans afleu-
rez fur ce point, parce que le mefme Pfalmc
dit, que pour iamais elle ne fc renuerfera. Ccr- pfaîm
tes auec raifon Dauid apres auoir contemple
&chantél’eftâtde lî merucilleufcs œuures du
Seigneur, ne cciTe de fe-refiouïr auec luy en
icelles, difanc : O cmhien les œuurei du Seigneur font
aggradies accreües^il appert bien cjue tout a Jont Jor~
tmde fin fçauoir. Et en vérité fi ic dois racoi^rer
ce qui fe palîe fur ce propos: iedy que fouuen-
tesfi)is que i’ay voyagé , pafiànt les grands gol-
phes de rOcean,& cheminant par les autres ré-
gions de terres fi cftranges , m’an-eftant à con-
templer êc confiderer la grandeur de ces œu-
ures du Seigneur, ie fentois vn admirable con-
tentement de celle fouueraine fageffe & gran-
deur du Créateur, qui reluy t en ces mefmes œu-
ures, en, comparaifon defquelles, tous le pa-
lais, chafteaux, & baftimens des Roys , enfem-
ble toutes les inuentions humaines femblent
bien peu,voirc chofes baflès & viles, au refpeâ:
d’icelles. O combien de fois me venoit en la
penfee, & en la bouche ce pafiàge du Pfeaume,
quiditainfi: Grande récréation m aueXjLonné S'w-'
gneutyparvos œuures y O* ne cejferaj de merefoujir
en la contemplation des œuures de vos mains. Reale-
ment & de faid, les œuures diuines ontne fçay
quelle grâce & vertu cachee & fecrette, qui
combien qu’elles foyent contemplées plufieurs -
& diuerfes fois , neantmoins caufent toufîours
vn nouueau gouft & contcntement:au contrai-
Histoire KATVRELLf , ]
rc les œuures humaines , encor qu’elles foyenf ;
conftruides auec vn exquis artifice > toutesfois
eftans veuës fouuent, ne font plus cftimees , au
contraire deuiennent ennuyeufes, foitquc ce
foyentiardins tres-plaifans , ou palais , ou tem-
ples magnifiquement baftis , foit Pyramides de
fuperbe édifice, foit peintures, fculptures, ou
pierres d’exquife inuention & labeur , quoy
qu’elles foyent douées de toutes les beautez i
qu'il cft poifiblc : toufiours c’eft chofe certaine !
qu en les contemplant deux ou trois fois auec |
atten tion , les yeux fe diuertiffent toft de cefte i
veuë à vne autre , eftans incontinent foulez d’i-
celles. Mais Cl auec attention vous confiderez
la mer , ou quelque haute montagne , yftàntc
hors la plaine d’vnc eftrange hauteur, ou les
champs reueftus de leur naturelle verdure, ôc
de belles fleurs, ou bien le cours furieux de
quelque fleuue , qui fans ceflèr bat continuelle-
ment les rochers en bruyant , finalement quel-
ques œuures de nature que ce foyent , quoy
qu’elles foyent contemplées piufieurs fois,
toufiours caufent nouuelle récréation , & ia-
mais nefennuycla veuë. Ce qui reflcmblc vn
banquet manifique & abondant de la diuinc
fagelfc , qui fans iamais ennuyer, caufe touf-
iours nouuelle confideration.
OntenàM U reffonfi d ce qui eïi dRegui de U
fmCie^feriture contre U rondeur
de U terre»
Ch AP. lin.
DIS Indis^ Liv. I. P
^Eucnantdonc à la figure du Ciel , ic
, ne fçay de quelle audoritc delà fain-
^dbe Eferiture on ait peu tirer, qu’elle
nefoitpasrondejUy fonmpuueméc
circulaire, pource que ie ne voy point que ce
que S. Paul appelle le Ciel tabernacle,ou taudis,
que Dieu a eftably & non point Tbomme, puifi-
fc eftre appliqué à ce propos. Car quoy qu’il
nous dife qu’il eft faid par Dieu , l’on ne doit
pour cela entendre que le Ciel tout ainfi côme
vn toid, couure la terre , dVne part feulement,
ny mefme que IcCiel foit bafti ians le mouuoir,
comme ilièmble que quelques- vus l ’ont voulu
donner à entendre. L’Apoftre en ce lieu traitoit
de la conformité du tabernacle ancien de la loy,
difânt là defius que le tabernacle de la loy nou-
uelle de grâce, eft le Ciel, auquel eft entré le
grand preftre lefus Chrift vnc fois,par fon fang,
& de là f entend qu’il y a autant de prééminen-
ce , du nouueau tabernacle au vieil , comme il y
a différence d’entre l’authcur du nouueau, qui
eft Dieu, & çil du vieil qui a efté l’homme , en-
cor qu’il foit vray que le vieil tabernacle fut
auflî bien bafty par la fagelfe de Dieu qui l’cn-
feigna àfbn ouurier Befeleel: & ne doit on pen-
ferqueces comparaifons, paraboles & allégo-
ries fepuiflent rapporter en tout & par tourà
ce à quoy elles font accommodées, comme le
bien-heureux Chryfoftome a bien feeu dire à
ce propos. L’autre authorité que rapporte S.>
Auguftin alléguée d’aucuns,pour monftrer que
le Ciel n’eft pas rond,eft telle en difanr , Le Ciel
teJlcnÀ comme vne Dont ris concluent qu il
B
Hthr. %.
Exod.
Chryfojl. iit
xO.ca^.
P faim. 19},
Hijtoirê natvrelie
n’efl: pas rôd, mais plat en la partie d’enhaut. A
quo y refpôd fort biê&fort farnilieremét le me-
me S. Dodeur, mais dônant à entendre que ce
paffage duPfalmiftc,ne parle ny s’étend propre-
met de la figure duCiel,mais dit cela feulemét,a
de Gen.ad fin die noLîs dcmonftrcr aucc quelle facilitéDieu
baftit vn Ciel fi grand,ne luy ayât efté non plus
difficile debaftir vne fi immenfe couucrture,
côme eft le Ciel,qu il feroit à nous de défployer
vne peau double, ou bien prétendant le Pfalmi-
fte nous donnera entendre, la grande maiefte
de D-ieu, anquel le Ciel ferr, qui eft fi beau ÔcCi
grand, de mefme façon que nous feruent les'tê-
tesoucouuertures aux champs. Ce qui a efté |
fort bié déclaré par yn Poê’te,difant: Letmdisdti
lfak.66. Mefme le paftàge d’Ifaie qui dit,Ze Ciel
me fert de chaire,^ U terre d’efiaheattpour mes f ieds.
Que fi nous enfuyuons l’erreur des Anthropo-
morphites,qui attribuoyent des membres cor-
porels à Dieu félon fa diuinité,noiis aurions oc-
cafiô fur le dernier palfage de rechercher com-
ment il feroit poifible, que la terre fuft l’cfca-
beau des pieds de Dieu,& côme le mefme Dieu
pourroit tenir ces pieds, d’vne partie & d’autre,
& plufieurs teftes tout à l’entour, puis qu’il eft |
en tout & par tout le monde, qui feroit chofe |
vaine & totalement ridicule Jl faut donc con- j
dure que aux faindes Eferitures nous ne deuôs |
pas fuiure la lettre qui tue,mais l’efprit qui viui-
ficjCorame dit fainôt Paul.
I
BIS Indes, L IV. I.
lO
De U façon (^figure dn Ciel du muHean
monde.
Chapitre V.
Lufîeurs enEurope demandent qucl-
le eft la façon & figure de ce Ciel, qui
eft en la partie du Sud , pource qu’il
V^'«Wne fien peut trouuer choie certaine
aux liurcs des anciens Jefquels encor qu’ils ac-
cordent y auoirvn Ciel en celle autre part du
monde, ce neantmoins n’ontpeu atteindre iu^
ques à la cognoilîànce de la façon & figuréj
quoy que à la vérité ils facent mention d vriè
belle & grande elloille , qui fe vôid en ces par-
ties cy , laquelle ils appellent Canopus. Ceux
quidenouueauontnauigé en ces parties, ont
accoullumé d eferire & raconter choies gran-
des de ce Ciel, à fçauoir qu’il ell fortrefplen-
dilfant, y ayant grand nombre de belles elloil-
ies. Et en elFed les chofes qui viennêt de loing,
fe deferiuent ordinairement auec augmenta-
tion. Mais il mefembletout au contraire, te-
nant pour certain, que en noftre collé du Nort^
il y a plusgrand nombre d’elloilies, & déplus
illullrc grandeur, ne fe voyant point par deçà
clloilles qui excédent la Pouffiniere, ny le Cha-
riot. Il eÜ bien vray que la Croifee de deçà eft
fort belle & aggreable à voir. Nous appelions
Croilce, quatre eftoilles notables & apparen-
tes, qui font entre elles vne forme de Croix,
B ij
ca^. zi.
Histoire hatvrelli
âfllfes efgalcmcnt Ôc auec propordô. Les igno-'
rans croyent que cefte Croifee eft le Pôle du .
SudjD autant qu ils voyent les mariniers pren- |
dre leur hauteur par icelle , comme nous auons
icyaccouftumé de la prendre par le Nort. Mais j
ils Te trompent. Et la raifon pourquoy les ma-
riniers le font de cefte façon , eft, pfource que
de ce cofté du Sud il n’y a aucune eftoille fixe,
qui marque le Pôle, comme a noftrePole le
faia l’eftoille du Nort. Et ainfi ils prennent
leur hauteur par l’eftoille du pied de la Croiiec,
diftante du vray&fixc Pôle Antardique ,de tre-
tc degrez , comme de là l’eftoille du Nort eft
diftante du pôle Ardique de trois degrez, ou ^
peu d’auantage. Et ainfi il eft plus difficile de I
prendre la hauteur en ces parties , pourcc que i
ladidc efioille du pied de E. Croifte doit eftrc |
droide, ce qui aduient feuicment en vnc heure |
de la nuid, qui eft en diuerfes parties de l’an , en j
differentes heures , ôc bien fouuent en toute la
iiuid,ne fè monftre:qui eft choie fort mal com- ;
mode, pour prendre la hauteur. Par ainfi les i
plus experts pilotes ne fe foucient de la Croi- |
fee , prenans la hauteur du Soleil par 1 Aftrola- |
be» pr lequel ils cognoiflènt la hauteur où ils
fe trouuent.En quoy communément iesPortu- i
gais font plus experts , comme nation , quia ;
grand difeours en l’art de nauiger, fur toutes
les autres nations. Il y a aufli de cefte partie du ;
Sud d’autres eftoilles, qui en quelque façon ref-
ftmblcnt à celles du Nort. Ce qu’ils appellent j
la voycladee, feftend beaucoup, & eft fort
refplandiirant en cc cofté du Sud , fe voyant en
Des Indes. L IV. I, n
icelle J CCS taches noires tant admirables , des-
quelles cy deuant nous auons faidt mention.
Pour les autres particularitez d’autresleS diront
auec plus grande curiofité, &nous Suffit pour
rheure de ce qu’auons did.
4 terre CT* mer fiuhs les âeux Pôles,
Chap. VI.
E ne nous ell point peu de chofe fai^»
de, d’eftre Sortis de cefte matière,
auec cefte cognoiffance & refolutio
qu’il y a vnCiel en ces parties des In-
des, qui les couure, comme à ceux
d’ Europe, d’Afie & A frique.Et no^ Sert ce point
quelqucsfois contre beaucoup d Efpagnols,qui
par deçà foufpirent pour lenrESpagnc, ne Sça-
chans dequoy parler que de leur pays , lefquels
l’cSmcrucillent, voire fe fafchenr contre nous
autres, eftimans que nous auons oublié , & fai-
fons peu de cas de noftrc patrie. Aufquels nous
refpondons , que pour cela le defir de retour-
ner en Efpagnene nous tranaille point. Pource
que nous trounons que nous Sommes auffi pro-
ches duCicleftans au Peru, comme nous en
Sommes eftans enEfpagne:commc dit fort bien
S.HieroSmeeScriuanrà Pauline, Sçauoir qucla
porte duCicl eft auftî proche dé Bretagne,com--
me de HieruSalem. Mais encor que le Ciel du-
cuife le monde de tous coftez, il ne Saur pas
pour cela penSer, que necdlâirément il y ait
terre de touscoftez du monde. Car eftantainfî
B iij
Histoire natvrelle
que les deux Eîemens de la terre ^l’eaue corn-
pofentvn globe ou boule ronde, félon que la
I plus part, & les plus renommez au theurs des
anciens l’ont tenu (à ce que rapportePlutarque)
phun.lJe & comme on le prouue par demonftrations
fUchisphil tres-certaines l’on pourroit coniedurer , que
la mer occupaft toute celle partie qui eftfoubs
le Pôle Antartique ou Sud, de telle façon qu’il
ne reftaft aucune
terrej feionqueS.
ment contre ceux
**^^’^’^‘difant, que encor que l’on face preuue, & que
l’oncroye que le monde foit de fîgureronde,
côme vne boule , il ne faut inferer de cela , que |
en celle autre partie du mond_e, la terre foit def- I
! couuerte & fans eaue. Et fans doubte S. Augu-
flin dit fort bien en ce poindt, ce neantmoins le
contraire de ce ne fe prouue, &c ne f enfuyt non
plus fçauoir qu’il y aye terre defcouuerte au
Pôle Antartique. CequePcxperiencenousaja
monllré à velied’œilellre ainlîcômeen elFe£fc
Ul’ell:. Car iaçoit que la plus grande partie du I
inonde , qui ell foubs le Pôle Antartique , foit ^
occupée de la mer j ce neantmoins elle nerdl j
pas entièrement: Mais y a terre , de forte qu’en ■
toutes les parties du monde, la terre & l’eaüe fe i
vont embrairansl’vn l’autre, qui eft véritable- j
' mentvnechofepournousfaireadmirer&glo-
rilîer l’art du fouuerain créateur. Nous fçauons
Geite .1. Efcriture , que au commen- ^
cernent du monde les eaux furent allèmblces, |
& fe ioignirent en vn endroit, tellement que la i
terre demeura defcouuerte. D’auantage la ;
j
i
I
place en ces parties pour la
Auguftin reprend fort dodle-
qui tiennent les Antipodes;
1
Des Indes. Liv. I. ii
mcfmeErcriturefaindenous enfeigne, que ces
aflemblemcnS d'eaux f’appellerér mer, êc com-
me elles font pliifieurs, ileft deneceiîitéqu’ii
y ait plufieurs mers. Et non feulement eft ccfte
diuerfité des mers en la mer Méditerranée, les
vues f appeHans Euxine , les autres Cafpie , au-
tre Erythree, ou rouge, autre Perfiqiie, autre
d’italie,&ainfi plufieurs autres. Mais auiTi bien
au grand Océan que l’Efcriture fainde a accou-
ftumé d appelle!* abyfme, encore que reale-
raent& en vérité ce ne foit qii’vne mer, mais
en plufieurs Sc differentes manieres-.commeau
refpedderoutlePem&de toute l’Amerique,
ils appellent lync la mer duNort, & l’autre la
mer du Sud. En l’Inde Orientale l’vne s’appelle
la mer d’Inde, & l’autre de la Chine. Et ay re-
marqué tant en ce que i’ay nauigé moy-mefme
que par la relation des autres , queiamais la
mer ne fe feparc de la terre de plus de mil
lieues. Et quoy que fe puiireeftcndre la gran-
deur de l’Océan, fi eft-ce qu’il n’outrepàlfe ia-
mais ccfte mefure. le ne veux pas pour cela di-
re que l’on ne nauige plus de mil lieues de la
mer Oceane : qui feroit contre la vérité , puis
que nous fçauons que les nauires de Portugal
ont nauigé quatre fois autant, voire d’auanta-
ge, que tout le monde en rond fe peut nauiger
par mer,comme en ce temps nous l’auons défia
veu , fans que plus on en puifiè douter. Mais ee
que ie dy & afferme, eft que en ce qui eft au-
iourd'huydefcouuert, aucune terre n’eft diftan-
te&eflongnee par ligne direde de l’autre ter-
re ferme, ou Ifles, qui luy foyent plus proches,
B iiij
Histoire natyrelle
au plus que de mil lieues , ôc que par ainfî entre
deux terres, il n’y a point plus grande efpacc
de mer : le prenant par les parties des terres
plus proches les vnes des autres. Pourcc que de
la lin de l’Europe ou de l’Afrique & de leur co-
llé, les Canaries, les Açores, les Ides du Cap
de vert, ôc les autres qui font en ce pareilles,
ne font diftantes de plus de trois cens lieues,
ou cinq cens de la terre ferme. Defdites Ides
prenantfon cours vers les Indes Occidentales,
à peine y a-il neuf cens lieues, iufques aux Ides
S. Dominique, les Vierges , la bien heureufe &
les autres , & les mefmes Ides vont courant
par leur ordre , iufques aux ides de Barlouente,
qui font, Cuba, Elpaignolla, & Boriquen j D’i-
celles iufqu a la terre ferme à peine y a-il deux
cens ou trois cens lieues , & en l’endroit le plus
proche beaucoup moins. La terre ferme court
vn efpacc infiny , depuis la terre de la Floride,
iufqu a la terre des Patagons , & de l’autre cofte
du Sud, depuis le deftroit de Magellan iufqu’au
Cap de Mendoce, court vne terre très-longue,
mais non beaucouplarge: carleplus largegifl:
le trauers du Peru,qui eft diftante du Brelil,d é-
uiron mil lieues. En celle mefme mer du Sud,
encorqu’on ne Içache rencontrer la fin, en ti-
rant vers le Ponant, neantmoins il y a peu de
temps que l’on dcfcouurit les Ides , qu’ils ont
appellees de Salomon, qui font plufieurs & gra-
des,diftantes du Peru comme huiél cens lieues.
Et pour ce que l’on obferue , & fe trouue ainfi,
que là, où il y a plufieurs & grandes Id es, la ter-
re ferme en eft peu edongnec: de là vient que
i)îs Indes. Lïv. I. Ij
plufîcurs , & moy-mcfmc aucc eux, ayons opi-
nion, qu’il y'a^uelque grande terre fcrnie pro-
che deidites Ifles de Salomô, laquelle rcfpond à
noftre Amérique, du collé du Ponant j 5c feroit
poflîblc qu’elle couruft par la hauteur du Sud,
iufqucs au deftroit de Magellan. On tient que la
neuue Guinee cil vnc terre ferme , 8c quelques
dodes la peignent fort près des Illes de Salo-
mô:Dc forte, que c’cftchofevray-femblablede
dire qu’il y a encorcvne bonne partie du monde
à dcfcouurir , puis qu’auiourd’huy les noftres
nâuigent en cefte mer du Sud, iufques à la Chi-
ne & Philippines, &difons que pour aller du
Peru en ces parties là,qu’ilspaflcnt vneplus lô-
gue mer que non pas allât d’Elpaigne au mefmc
Peru. D’auantageroncognoiftquec’ell par le
tant lignalé deftroit de Magellan ,’ que ces deux
mers feioignent,& continuent l’vneauec l’au-
tre , (ic dy la mer du Sud auec la mer du Norr)
par la partie du Pôle Antardiquequi cft en hau-
teur de cinquante & vn degré. Mais c’eft vnç
belle 5c grande queftion, où plulleurs felont
employez , fçauoir lî ces deux mers fe ioignenr,
& continuent aulîi bien du collé du Nort.Mais
ie n’ay point cognoilîànce , que iufqucs auiour-
d’hiiy aucun aye peu attaindre à ce poind , lî ce
n’eft feulement, par ne fçay quels indices, 5c
coniedures. Quelques-vns afferment qu’il y a
vn autre deftroit, fous le Nortàl’oppolîtede
celuy de Magellan : Toutesfoispour noftre fu-
ied,il fufîît de fçauoir maintenant au vray quil
y air terre de ce collé du Sud,&que c’«ft vne ter-
re aulîî grande comme toute l’Europe, 1’ Alîe,&
Histoire katvrelle
l’Afrique mefrae, que à tous les deux Pôles du
monde, l’on trouuc & rencontre tcrre,& mer,
embraflees l’vne auec l’autre. Enquoy les anciés
ont peu entrer en doubte & le contre-dire par
Chapitre VII.
i
ygS^^Vis doc que c'eft cliofe cogneüe, qu’il
aterreaucoftédu Sud,ou pôle An-
rartique:refte maintenant devoir s’il y I
^ hommes habitans en icelle, qui a |
efté au temps pafféjvne queftion fort debamc.
Laftâce Firmian & S. AnguftinCc mocquent de
ceux qui afferment les Antipodes(qui vautau-
aj. tant à dire comme,hommes qui ont leurs pieds
Aug.lié. au contraire des noftrcs) Mais encor que ces
</e Crfwifrfte ^^ithcurs s’accordciit en cefte moquerie,
ce neanrmoins aux rairons,& motifs de leur o-
pinion,font fort differents 1 vn de 1 autre, com-
me ils eftoient fort diuers defprit,& d enten- ^
dement. La6tance fuit le vulgaire, eftimâtcho- j
fe ridicule de dire, que le ciel eft formé en rond ;
&circLiit:& que la terre foitau milieu enuiron-
née & cnclofe d’iceluy comme vne pelotte. Et ■
pour ce il eferit en ces termes. Quelle raifon y a
tl à ce c^ne qudf^es vus vedeîtt dire,qu tly A des ^n- i
tipodes^qm ont lenrspAS cotr Aires aux noJlresfEft ilpofst- j
ble,qudy Ait homes fi lourds, CT fi gtofsters, qu't croyet, |
quil y Alt vn peuple, ou nAtioncheminAnt les pieds en
hAult, et' Ia tefie en ktSfO^ chofes,qm[onticy
e d expérience.
Pour reprouuer l' opinion de LAElAnce qui tient
quil ny A point d' K^^ntipodes
DES Indes. Liv. 1. 14
arrejlees d'vne fdçon fiyetde ce^e Autre fart
fendanteSjC^ renuerfeesau centrairexquelei arhteSy O*
les grains croijfentlà cotre has,<^ queUpluje^ld neige ^
lagrejle tombent s’efcoulent de terre contremot^
Puis apres quelques autres propos ^ le mefme
Ladance tient ces propos : L‘opinion cr imagina-
tion,que quelques vns ont eue ejîimas le Ciel rond, a ejîé
la caufe le motif d' muent er ces Antipodes fufpendus
en l'air, par ainfie ne puis que dire de tels Philofophes,f-
nen que ayans vnefols erré,ilspourJuyuent,ct' sohjhnet
toujiours en leur opinion, Je dejfendans les vns les autres»
Iniques icyfontles propos de Ladance. Mais
quoy qu'il die , nous autres , qui pour le prefent
cftans au Peru, habitons la partie du monde
contraire à l’Afie, & fommes leurs Antipodes
(ainfi que les Cofmographes l’enfeignent)ne
nous voyons pas cheminans fufpendus en l’air,
la telle en bas, ny les pieds en haulr. Certaine-
ment c’ell: chofe merueilleufe de coniîdererqiie
l’efprit & entendement humain ne peut attain-
dre & paruenir à la vérité, fans vferd imagina-
rion:& d’autre part,qu’il lui ell impoflible,qu’ii
n’erre, & nefaillc, Pii l’en veut totalement ab-
Henir. Nous pepouuons côprendre que le Ciel
fait rond, comme il l’eft, d' que la terre foit au
milieu. Pans l’imagination. Mais ii cehe mefme
imagination n’eftoit corrigée, & réformée par-
la raifon, ôc que nous l’enfuyuiffiôs du tout, en
fin nous nous trouuerions trompez.D’où nous
pouuons conclure vne expérience aifeuree, que
en nos âmes , il y a vne certaine lumière du ciel,
par laquelle nous voyons &iugeons, voire les
mefraes images, & formes intérieures , qui fe
Histoire natvrelle
prcfcntcntà nous, pour les cognoiftre, & par
cefte mcfme lumicre,nous approuuons, & rc- ,
icttons ce, que l’imagination nous reprefcntc. |
Et de là voit- on clairement comme l’ame ra- j
tionellc eft par deflus toute la nature corporel-
le,& comme la fbrcc,& vigueur eternelle de la
vérité prefide au plus éminent lieu de l’homme:
mcfme l’on recognoit facilement,comme cefte
lumière ft pure, eft participante,& procédé de
celle première ôc grande lumière : que qui ne
fçait céladon qui en eft en doubte, nous pouuôs
dire de luy qu’il ignore, ou doubte s’il eft hom-
me, ou non. Ainft ft nous demandons à noftrc
imagination,ce qui luy femble de la rondeur du |
Ciel , à la vérité elle ne nous refpondra autre '
chofç,1(ïnonquecequcditlemefmc Laétance, i
fçauoir que, fi le Ciel eftrond,lcSoleil,& les
cftoilcs deburoient tomber lors qu’ils fe mou- [
uent,& qu’ils changent de place,&s’efleuent en
tirant au midy. T out de m efme que fi la terre c-
ftoit pendue en l’air, les hommes,qui habitent |
en l’autre partie d’icelle,doibucnt cheminer les I
pieds en haut,& la tefte en bas,& que les pluies
ne tomber point d’enhaut,mais coulent de bas ;
en amont: &plufieurs autres monftmofités ri-
dicules. Mais fi l’onconfultela force de la rai-
fon, elle fera peu de cas de toutes ces peintures ,
vaines,&fera qu’on n’efeoutera non plus l’ima-
ginanon,qu’vnc vieille, folle. Mais auec cefte
fienne grauité,& intégrité refpondra la raifon,
que c’eft vue erreur fort grande de fabriquer |
en noftre imagination,tout le monde en la façô ,
d’vnc maifon,en luy donnant pour fondement j
BES ÏNDIS. Liy. î, ÿl
îatcrrej&leCiclpourtoi(^& eouuermre. £c
dira d’auantagc que comme aux animaux, la tc-
fte eft la partie la plus haute, & la plus eileuec
(bien que tous les animaux n’ayent pas la tefte
pofée en mcfme lîtuatiô,les vns l’ayans au plus
haut, comme l’homme^ les autres trauerfanres,
comme les brebisj les autres au milieu comme
les fefehes ôc araignées) : ainfîle Ciel, en quel-
que endroit qu’il loit,eft roufîours en haut,5c la
terre ne plus ne moins , en quelque endroit
qu’elle foit,demeure toufiours en bas. Parquoy
cftant ainfi que nofi,reiraagination,eft fondée.
furletemps,&lclieu,lefquelselle ne peut pas
mcfme comprendre & conçeuoiryniuerfclle-
menr,mais feullement en particulier: Il s’enfuit
que quand on la veut cfleuer, à la confîderation
des chofes,qui excedêt & furpalïènt le temps ôc
lieu, qui luy font cogneus,aufïî toft elle defehet
Ôc ne peut bonnement fubfifter,h la raifonne la
fouftient ôc foufleue, & elle ne peut bonnemêt
fc tenir en pied. De mefmc nous voyôs, que fur
ledifeours de la création dumonde,nofi:rcima-
ginatiô extrauague pour chercher vn téps, auac
la creatiô d'iceluy,& pour £“e bafdr le mode, cl- '
le reraarquevn lieu.Mais elle ne palFe pas outre
à cofiderer, q le monde pouuoit eftre fait d vnc
autrefaçôjCômeainfî foit neantraoins qlarai-
fon nous apprend qu’il n’y a point eu têps,auâc
qu’il y air eu mouuemct, duquel le temps eft la
mcfure,& qu’il n’y a eu aucun lieu,auparauant
1 vniuers, qui côprend ôc contient en foy tout
lieit.Enquoy l’excellent Philofophe Ariftote fa.
tisfait clairement, êc en peu de paroles à l’ar-
'Ar^.x.cîe
C<e/.f.3.
Categoria-
rum f.io.i
x.tomo.
Histoire natvrelle
gumcnt que ron fait contre le lieu de la terre,
s aydant de noftre mefmè vfage de imaginer,
quand il dit(&auccverité)^e^î^ msudcyce mef-
meiieu de U terre,ejl m milïeu>,<C7' en ho4, 0' tanp
flm vne chofe ejl m milmi^tAnt flm efl elle en ho/s. La-
quelle relponfe ayant efté alléguée & mile en
auant par Laéfance Firmian,luy-mefme néant-
moins paiîe fans la debatre & confiner d’aucu-
ne raifon^ fe palTantdedirejqu’ilnes’y peurar-
reftei'jpour trai6terj& auancer d autres chofes,
V e U cAufe,^ourejusy ftinB
A nié les ^nfipodes.
Chapitre. VIII.
A raifon,qui a meu S. Auguftindc
nier les A ntipodes,a efté bien autre,
que celle prealleguée,co mine eftanc
d’vn entédemét plus fublime. Pour-
ce que la raifon, qu auons deduide cy deuant,
(qui cft que les Antipodes chemineroient au
reuers,)eft deftruide par le mefme S. Dodeur
en fon liure des prédications, par ces paroles.
Les anciens tiennent, que la terre de tom coftés,efl en bas
le Ciel par deJfuâ,pour raifon dequoy les Antipodes
quils difent ^cheminer au cotraire de nom, ont de mefme
nom, le Ciel au dejfm de leurs tefes.Vuis donc que S.
Auguftin a recogneu celaainfi,{ivray-fcmbla-
ble «Sc conforme à bonne Philofophie, quelle
fera la raifon dirôs nous,pour laquelle vnpcr-
fonnagefi dode &ftfuffifanr que luy, ait efte
pouffé d’enfuiure l’opinion côtraireî Pour cer-
tain, qu’il en a tiré le motif la caufe, des en-
Des Indes Liv. L
traillés de la facrée Théologie, félon laquelle,
les lettres diuines nous enfeigncnt,que tous les
hommes du monde defeendent dVn premier
homme,qiîifut A^lam.Etdcdirc que les hom-
mes eulfent peu palîèr au nouueau monde , tra-
uerfants le grand Océan, cela fcmblcroit in-
croyable,&vnpur menfonge. Et à la vérité lî
lefuccez,& expérience de ce, quenousauons
veu en nos ficelés, ne nous euft efclarcis fur ce
point, l’on euft tenu iufqucs à maintenant, cefte
raifon pour bonne.Mais encore que nousfça-
chions,que cefte raifon n’eft pertinente, ny vé-
ritable ce néant moinsvoulons nous bien y do-
ner refponce, en déclarât de quelle façon & par
quel chemin, le premier lignage des hommes,
peut palfcr icy:commêt,& par quel endroit, ils
vindrent pour peupler & habiter çcs Indes. Or
pour ce que par cy apres nous traiterons ce fu-
iet fort fuccintcmcnt, il fera bon d’entendre
pour le prefenr,cequelcS.dodeur Auguftin,
difpute fur cefte matiere,aux liures de la cité de
Dieu,difantainfi.Ce»’^j?o#wf (^uel'on doihue Ltl.iS.
croire ce^que quelques vns a^ermmt qudy a. des jînîi-
fodes,ceJl k dire des homes ^qul habit et de l’autre partie
de U terre^en la regid dejquels le Soleil fe leue lorsO^ au
temps qu’il Je couche en la no/ire^ que leurs pas font
au rehourSjO' au cotraire des nojîres,puif qu’ils ne l’af-
ferment point par reuelation certaine quils en ayerynais
feulement par vn d f cours de Vhilofophie quils font ^par
lequel ils concluent,que la terre ejlant au milieu du mo-
de de toutes parts enmronnée^tT ceuuerte efgalemet du
Ciel,necejfairement doiht efre le plus bus lieu celuy^qui
le plus ejl au milieu du mode. Puis apres il connue en ces
HlSTOmE NATVRBLLl
termesy U fam^ieEfcriture nerre.ny fe trope en meme
mdmereyU vérité' de la^iuelle efl Jibien dppreme'e en ce
qu’elle prepofejes chsfes qm fintpajféer.pmr autant que
ce quelle a prohetifé demir aduenir,ejl de point en point
arnué: Corne no^ le voyons. Et ejl chofe hors de toute ap-~
parée e de dire,que les homes ayent peupajfer de ce coti*
nent icy en l’autre nouueau mode,o^trauerjèr cejleim-
menfiéde la mer Oceane, puis que d’ ailleurs A fetrouue
impofsible que les hommes ayent pajfe en ces parties la^e^
fiant chofe certaine^que tous homes defeendent de ce pre-^
tnïer homme.Enquoy l’onrccognoit que toute la
difficulté, que S. Auguftiny trouuen’a point c-
fté autre , que l'incomparable grandeur de ce
large Océan. S. Grégoire Nazianzcne,a eu la
ay adfojU merme opinion, afficurant ( comme chofe fans
miamm. jg deflioic de Gibaltar ,il eft
impoffiblc naidger plus outre: & fur ce fubjcd
eferit en vnc ficnne epiftre. le m'accorde bien auec
le dire de Pindare qui dit que pajfé Cadi^la mer efi tn-
nauigahleaux homes.Etluy mefme en l'oraisô fu-
nèbre, qu’il feit pour S. B aille dit. Qj^tlnaefie
permis d aucun nauigantlameridepajferledefiroitde
Gibaltar. Et eft véritable que ce paffiagc de Pin-
dare,où il dit.Q^il efi défendu auxfages aux fols
de fçauoir ce qui efi plus outre, que le deflroit de Gibalt ar^
a efte prins & reccu pour prouerbe. Auffi voy-
ons nous par l'origine de ce prouerbe , combic
) les anciens fc font fichez & arreftez obftiné-
ment fur cefte opinion, comme auffi par les li-
ures des Poëtes,dcs hiftoriographes & Cofmo-
graphes anciens, que la fin & borne de la terre
aeftémifeen Cadizd’Efpagne, où ils fabriquée
les colomnes d’Hercules, là ils bornent les fins
& limi-
DIS ÏK DIS LlV. I. 17
limites de l’Empire Romain,Ià ils dépeignée
les limites du monde. Et non feulement les let-
tres prophanesenparlentdecefte façon, mais
auflî les lainéles Efcri turcs pour faccommoder
à noftre langage,difans que,lW/f^ â'jiugufte Ce-
Jkr fut publié, afin (^ue tout le monde fut enregiHré: Sc
d’Alexandre le Grand,^«’// efendit jon Empire iuf
ques AUX fins <cr limites de U terre. Et en autre en-
droit ils diienr que fEiiangile (ly cru en
tout le monde vniuerfel. Car lafainéte Efcripture
par vn ftylc qui luy cft commun , appelle tout le
inonde ce , qui cft la plus grande partie d’iccluy,
& qui iufques auiourd’huy a eftë dcfcouucrt &:
cogneu. Et ont ignoré les ancicns,quc la mer de
l’Inde Orientale, ny cefte autre de l’Occidenta-
Ic, peuft eftre nauigec , en quoy ils fe font gene-
rallement accordez. Pour raifon dequoy, Pline ^7”* ^
cicript comme chofe certaine ,.quc les mers qui
font entre deux terres, nous oftent l’enticre
moytié de la terre habitable:pource (dit-il) que
d’icy nous ne pouuons aller là,ny de là non plus
venir icy.Et finalement, Tulle,Macrobc,Pom-
ponie Mele , & les anciens eferiuains ont cefte
mefme opinion.
De l'opinion d'^rifote touchAnt le nouucAu monde ^
CT' ce qui U deceu peur le luy f Aire nier.
Ch A P. IX.
[Vtre toutes les raifons fufdiéles , il y
|cn a eu vnc autre , pour laquelle mef^
^me les anciens furent efmeuz à croi-
re qu’il eftoit impofliblc aux honir.
mes de pafler en ce nouueau monde. Ceft
C
Histoire NAT V RE LIE
qu’ils tenoyent, que outre riramcnficé Sc gran-
deur de rOcéau , la chaleur de la région , que
Ton appelle Torride ou bruflee , eftoit tant cx-
cefliue, qu’elle ne pouuoît permettre aux hom-
mes , quelques hazardenx & laborieux qu’ils
fuirent , de la paffer , ny par mer , ny par terre,
pour trauerler d vn Pôle a l’autre. Cariaçoit
que ces Philofophes ayent eux mefmes affer-
mé,quela terre elïoit ronde ( comme en efFcd
elle Icft j & que fous les deux Pôles y a terre
habitable : ce neantmoins ont ils mefeogneu,
que la région comprenante tout ce qui eft en-
-nre les deux Tropiques ( qui eft la plus grande !
' des cinq Zones ou régions, par lefquellcs les j
Cofmographes , & Aftrologues diuilent le-
monde) peut eftre habitée de I humain lignage.
La raifon qu’ils donnoyent pour fouftenir que
celle Zone torride eftoit inhabitable , eftoit à
cauf: de l’ardeur du Soleil, lequel fait fon cours
droirement par delTus celle région , Ôc f en ap-
• ' proche de fi près qu elle en eft totalement em-
L'afee, & par confequent luy caufe vn defaut,
d’eauës & de pafturages. De celle opinion a
cftéAriftote, lequel encore qif il fut grand Phi- |
k lolbphe,neatmoinsfcft trompé en cet endroit, i
^ pour refclarcilTemcnt dequoy il fera bon de di- !
re & remarquer les poinâs où il a bien difeou- |
Me- autrcs où il a failly.Ce Philofophe doc |
taph.eajK^. met en auaiit vne difputc fur le vent Meridio-
hal,ou du Sud , à fçaiioir fi nous deuons croire,
qu’il prenne fa nailfance du midy , ou bien de
l’autre Pôle contraire au Nort, & efeript en ces
' termcs,i<i raijon nom enfei^ne,<jue U lutitttde
i
■ Des Indes Lrv. I. iS
geur de la terre habitableyeH bornee ix àeterminee^ex
neantmoms toute cejle terre habitable ne peut efire con^
iointe X continuée l’vne a l'autre. Tour autant que U
région du milieu eH trop mteperee. Car il efi certain que
en fa longitude, qui eîi d' Orient au Ponant, il n'y a point
de tropgrdd froid, ny d’excefiue chaleur, mais il efl en fa
latitude X h auteur, qui ef d'vnPolea la ligne Equim-
Biale. Et par ainf pourroit-on cheminer aX trauerfer
toute la terre en fa longitude, f lagradeur de la mer, la-
quelle conioint les terres enfemblément,ne âonoit empef
chement.liiCques ici il n y a rien à côtredire en ce
que dit'Apftote , ôc a fort bonne raifon dédire
que la terre par falongitude,qui cft d’Orient au
Ponant, court plus vniement, «Sceft toufiours
plus commode à la vie ôc habitation humaine,
que non pas par fa latitude, qui eftduNortau
midy.Ce qui eft véritable, non feulement pour
celle raifon fufdice d’Ariftorc , à fçauoir pour ce
qu’il y a vne mefmc ôc toufioursfcmblable tem-
pérance du Cieljdc l’Orient au Ponanr:attendu
qu’elle cllefgalemcntdiftante, &du froid fep-
tentrional , & de la chaleur du midy: Mais auili
pour vne autre raifon, qui eft qu’en allât ôc che-
minant toulîours en longitude l’on trouue ôc
apperçoit-on les iours ôc les nuidsfuccedans
les vns aux autres alternatiuemenr. Ce qui ne
peut eftre en allât par la latitude; d’autât que par
neceflîtéilferoitbefoin d’g,rriuer iiifqucs à ce-
lle région Polacquc,en laquelle il y a nuid con-
tinuelle de lîx mois , chofe grandement incom-
mode pour la vie humaine. Le Philofophe paife
plus outre, reprenant les Géographes ; qui def-
friuoyent la terre en fon temps, ôc dit ainli.
HlStOIRÏ natvrells
l'opeut hecogmtjlre ce (jueiUy diCyf Arles chemins <jue
Vo feutfairepAr terre, CTpar les nauigdtios maritimes.
Car il y a grande dijferece entre la Ungttude er U lat't^
tiide, d'autant que l'eÿace O" interuaüe qui efl depuis
les colones d’ Hercules ou defiroit de Gihaltar , lufques a
/’ Inde Onetale, excede de la proportion de plus de cinq a
mis, celle, qui efi depuis /’ Ethiopie yujques au lacMeotis
Cr derniers confins de Scythie: ce qui efi approuuè par le ,
compte des tournées des chemins, CT de la nauigatio,que
musfiauonsàprefentparlamefme experience. D'autre
part nous amnsaufiicognoijfance de la terre habitable,
lujques aux parties d icelle quifint inhabttablesdE.Z cer-
tes en ce point l’on doibt pardonner à Ariftotç^
puis que de foh temps l’on n’auoit point encore
defeonuert plus outre,que la premiercEthiopic
appellee extérieure , qui eft ioignant l’Arabie,
& r Afrique-, & que 1 autre Ethiopie intérieure a
efté totalement incogneuë defon temps -, Mcf-
me toute cefte grande terre que nous appelions
auiourd huy la terre de Prete-Ian.Comme auflî
n’ont point eu cognoilfance du refte de la terre,
qui gift foubs l’ E quinoxe,& va courant iufqucs
à outrepalTer le T topique de Capricorne , pour
‘farrefter au Cap de bonne efpcrance, fi bien
co<7ueu & renommé par la nauigation des Por-
tugais, que fl l’on mefure la terre depuis ce Cap
iurques à la Scythie & T artarie,il n’y a point de
doubte , que cefte e fpace & latitude fe trouue-
ra aufti grande comme l’efpace & la longitude,
qui eft depuis Gibaltar iufques à l’Inde Orien-
tale. C ’eft chofe certaine, que les anciens n’ont
point cogneu les commencemens& fources du
Nil,ny la fin de l’Ethiopie , & pour cela Lucairi
l
I
lucait.io.
pharJaU
DIS Indes. Liv. I. 19
reprcndlacuriofitc de Iules Cefar, de vouloir
rechercher & enquérir la fourcc du Nil , difant
par CCS vers:
te fert-il B^maln de prendre Unt de peines ^
rechercher du Nil les Jour ces fontaines^
Et le mefrae Poete parlant ajucc le Nil , dit:
Pttû que ta pnme fource ejl Jîcachee encere,
Q^e qm tu fois^o Ntl , tout l'vniuers ignore.
Mais par la fainde Efcritnre rnefme l’on peut
entendre que celle terre cil habitable. Car fî
ellenereftoit , le Prophète Sophonias , ne di-
ront parlant de ces nations appcllecs à l’Eiian-
gile.ifi fis de mes dijJerfeT^ ainfi appclle-il les A-
po(ïr:cs)m’ apporteront des prefens de plus outre. que les
nuages d' Ethiopie. N ç^Lmmoins , comme il aefté
dit, il eft raifonnable de pardonner au Philofo-
plie , d’auoir creu les hiftorieiis, & Cofmogra-
phes de Ton temps. Pourfuyuons donc mainte-
nant,& examinons ce qui f eiiTuit du mefme A- Soph.ca.^.c.
riftotc. F" ne partie du monde (dit-il) qui efî la fepten-
trionale Jîtuee au Nort^outre la Zone tempéree,ejl inha -
hitahlepour l' exce'Jdefroidured* autre partie, qui ejî au
midy , de mejme ne peut ejlre habitée outre le Tropiqu^
pour bexcejsfue chaleur quiy eJl.Mais les parties du mo^
de font cr gifent outre l’Jndefivn cojré, CF les colom-'
nés d^ Hercules de l autre, pour certain ne fepeuuet iom~
dre, CF continuer l'vne a l’autre: de telle faço que toute
la terre habitable fe tienne en vn feulcotinet a caufe de
la merqm les fepare. En ce dernier poin 61 il ditla
vérité, puisilpourfiiyt touchant l’autre partie
du monde, & dit: il ejl necejfaire que la terre aye méf^
me proportion,auecjon Pôle .AntarPHque que cefie nojhe
C iij
Histoire NATVRELLX
fdrtie habitable a amc le Jien, qm ejl le Nortj O' n'y d
Ÿointde doute que en l'autre monde toutes chofes doiuep
ejlre dijpojees comme en cejluy-cy, fpecialement en la
natjfance CT ordre des vents. E t apres auoir m is en
auanr d’autre raifoiis , hors de propos , con-
clud le merme Ariftore difant : Nom debuons
donc cofejferpar necefsite'^que le M endionalejl le mefme
vent qmfouffle'.O' procedede cefle région embrafée de
chdeur daquelle région pour eHrefortproche du Soleil,
defaut manque d’eaux,^^ depafurages Cccy eft
i opinion d’Ariftotc, & à la vérité, riiumaine
coniedure à grâd peine a peupafler plus outre*
D’où fouuctcsfois ie vien à coniîdcrer,( par vue
contemplationChreftienne)combiendcbilc,&
petite a cftc la Philofophie des fages de ce fie-
cle, en la recherche des chofes diuines, puifque
mefme aux chofes humainesjoù ils fcmblent fi
bien ver(èz,ils ont maintefois erré. Ariftote cft
d’opinion & afferme que la terre habitable au
pôle Anrardiqùe en longitude eft tref grande,
qui eff <TOrient au Ponant, ôc qu’en latitude du
Pôle Antardique à la ligne equinodial elle eft
très petite. Ce qui eft fi contraire à la vérité,
^ue toute 1 habitation prefque , qui eft en ce
cofté du Pôle Antardique, afafituation en la
latitude , ( i’entens du Pôle a la ligne , ) & en la
longitude d’Orient au Ponant elt tant petite,
que la latitude l’excede trois parts, voire d a-
nantage. L’autre opinion eft,qu’il afferme que
la région du milieu eft du tout inhabitable,
pour eftre fouz la Zone Torride embtafee de
i’cxceffiue chaleur que luy caufe la prochaineté
Des Indes. -Liv. I. '20
du Soleil, & par cefte raifon n’a point d’eaux,
ny de pafturages. Ce qui eft auflî tout au con-
traire, d’autant que la plus grande part de ce
nouueau monde eft ftruée entre les deux Tro-
piques fouz la mefme Zone Torride: Et néant-
moins fe t rouue fort peuplee, & habitée d’ho-
mes, & d’autres fortes d’animaux,eftant la ré-
gion la plus abondante de tout l’vniuers en
eaues & pafturages: & qui plus eft fort tempé-
rée en la plus grande partie. Ce que la volonté
de Dieu a diïpofé de telle façon, afin de mon-
ftrer comme mefme aux chofes naturelles il a
renuerfé 5c confondu la fagefte de ce fiecle. En
refolution il faut croire que la Zone Torride
eft fort bien peuplée & habitée, quoy que les
anciens l’ayent tenu pour chofcim poffible.
Mais l’autre Zone ou région , qui eft entre la
Torridé'^5c la Zone du Pôle Antardique, en-
core que en fon afliete elle foit fort commo-
de pour la vie humaine, ce neantmoins eft peu
peuplée 5c habitée, puis que l’on necognoift
autre habitation en icelle, que le Royaume de
Chillé, 5c vne petite portion ioignantle Cap
de bonne efperance. Le refte eft occupé de la
mer Oceane, bien que plufteiirs foyent d'opi-
nion ( laquelle ie veux bien enfuyure de ma
part ) qu’il y a beaucoup d’auantage de terre,
non encore defcoimerte , laquelle doit eftre
terre ferme à Popppfite du Royaume de Cbil-
lé, qui va courant plus outre, que le cercle ou
Tropique 4c Capricorne. Que fil y en a fans
doute ce doit elire vne terre d’excellente tem-
pérature, pour eftre au milieu des deux extre-
C iüj
Histoire natvrellï
mitez & fituée en mefmc climat, que la meil-
leure région de l’Europe. Etpourcefteconfi-
deration cft fort bonne la coniedlure d’Arifto-
te : mais parlant de ce qui eft auiourd’huy def-
couucrtjce qui cft en cefte Zone eft peu de cho^
fe, en comparaifon de la grande efpacc de terre
habitée eftendue fouz la Zone T orridc.
Qj^ Pline CT les Anciens ont eu U mejme ej^i^
moncju ^riHste,
Chapitre X.
'Opinion fufdicftc d’Ariftote a cftç
fuyuic& tenue par Pline,qui ditain-
fi:La température delaregiôdu mi-
lieu du monde, par où & à l’endroit
de laquelle continuellement chemine le Soleil,
eft embrafee & bruflee comme ’d’vnfcupro-
chain,ioignant icelle région du milieu. Il y en a
deux autres aux deux coftez^qui pour eftrc en-
tre 1 ardeur de cefte Torride, & le froid cruel
des deux autres cxrrcmcs,font fort temperees,
& ne peuuent auoir communication Icsvnes
auec les autres, à caufe de l’ardeur cxceftiuc du
Ciel. Qm a efte la mcfme opinion des anciens
généralement deferite par le Pocte, ences versî.
Tout le Ciel eji circuit de cinc^ Zones dont l'vne
Qj^e Phehus ard toujiours^d’vne hrAiXe importune
R^nd U terre au dejfous toute rouge d' Ardeur.
Et le mcfme Poëte en autre lieu,
Ojie'^Ji queli^uegent hdlrite en celle ^Art,
7DES ÏNDÉS. LlV. I. iï
^mfiuhs U large Zone a fin cartier a fart
Qt^ VhehtM au milieu des quatre autres allume.
Et vn autre Poctc dit plus clairement.
Jly a fur U terre, autant de régions
Comme au ciel qu on diuife en ces cinq fert 'ienSf
t> ont celle du milteu,far l'ardeur excitée.
Des chauds raids du Soleilyeji toute inhahitie.
Les anciens ont fondé leur opinion commune
fur vne raifon, qui leur a femblécertaines& in-
expugnable. Car voyans que tant plus vne ré-
gion appprochoit du midy, tant plus elleeftoit
chaude, (laquelle preuue eft fi certaine en ces
rcgions,que pour cefte m cfme raifon,cn laPro-
uincc d’Italie la Fouille eft plus chaude, que là
Tofeane, & en Efpaigne, TAndalufic plus que
la Bifcayccchofc fi apparente , que iaçoit qu’il
n’y ait point de différence entre IVne & l’autre
de plus de huiét degrés, & encore moins, on
voit que IVnc eft fort chaudc,& l’autre au con-
traire, bien froide, ) de là ils inferoicntque la
regiori fi proche du midy ayant le Soleil droit
pour Zenith, nccelfairement deuoit eftre con-
tinuellement embrafée de chaleur. Ils voyoient
d’auanragc,que toutes les diuerfitez des faifons
de fannée,du Printemps,de lEfté,del’ Autône,
& de l’H yuer,cftoiêt caufées de l’aprochcmcnr,
&efloignement du Soleil. Voyans auflî que,
combien qu ils fuffènt fort cfloignez du Tro-
piquc,par où chemine le Soleil en cfté,ccncanr-
moins lors qu’il s’approchoit d’eux,en lamcf-
me faifon ils féntoientde terribles chaleurs, &■
de la ils iugeoient que,fi ils euflent eu leSoleil fi
proche d’eux, qu il cheminaft au deflus de leurs
Histoire natvreele
ccftcs,& tout le long de la nuée, la chaleur feroit
tant infupportable, que (ans doute elle confu-
meroit & embraferoit les hommes par fon ex-
ccs.C’a efté la mefme rairon,qui a efmeu les an-
ciens à croire que la région du milieu n’eftoit
^ point habitable, & pour cela l’appellerent ils la
Zone bruflante. Et à la vérité, fi rexpcriencc
oculaire,que nous en auons,ne nous euft efclar-
cis fur ce point,nous dirions auiourd’hujr, que
cefte raifon elloit fort peremptoire & Mathé-
maticienne, d’où nous pouuons voir,combien
foiblc eft noftrc entendement, pour compren-
dre feulement ces chofes natuÆllesi Mais ores
que nous pouuons dire qu’il eft efeheu au grand
heur & félicité de noftrefieclc,d’auoirlacon-
gnoiftànce de ces deux grandes mcrueilles, à
fçauoir que l’on peut fort facilement nauiger la
truande mer Oceane,& que foubz la Zone T or-
ride les hommes iouïffènt d’vn Ciel fort tem-
péré. ( Chofe que les anciens n’ont peu iamais
croire. ) De la derniere de ces deux merueilles,
touchant la qualité & habitation de la Zone
Torride,nous en traiterons auec l’ayde de Dieu
fort amplemêt au liure enfuyuant.Et par ce me
fcmble conucnable de difeourir en ce liure de
l’autre, qui eft de la maniéré de nauiger 1 Oceâ,
d’autant que cela nous importe beaucoup pour
le -fubied de ceftœuure.Maisauant que de ve-
nir à ce point, il fera bon de dire ce que les an-
ciens ont tenu de ces nouueaux hommes, que
nous appelions Indiens.
DÉS Indes. Liv. I. lï
hn trame t^uel^ue cogm 'tffance de ce mmem
mande dedans les Imres des anciens.
Çhap. XL
^#jM^^Lprenantdoncquescç qL7i a efté mis
auant cy deflbs,ilfautnecdïairc-
conclure , ou que les anciens nutan.-^
C^^^pQntcreu,qu’iln’y auoit hommes psir de pladtis
de là leTropiquc de Cancer (comme S. Aiigu-/'^>'^-£‘'*/’*”
ftin, ôc Ladance Tont tenu ) ou que fil y en a-
uoit , àtoutlcmoinsilsn’habiroientpascntre
les deux tropiques (ainlî que lont affermé, Ari-
ftote,& Pline,& deuant eux le Philofophe Par-
menides ) dont le contraire eft a ffez prouuécy
deuant, tant pour Ivn que pour lautre.Mais ce
pendant, plufîeurs par curiofitfé pourroient dc-
inander,files anciens n ont eu aucune cognoif-
fance de cefte vérité, qui nous eft à prefent fî
claire & fî notoire: D autant que à la vérité ce- *
la femble vnc chofe fort eftrange,que ce nou-
ueau monde eftant fî grand, comme nous le
voyons oculairement, ait efténeàntmoins in-
cogneu des anciens, par tant de fiecles paifez.
D’où quelques vns auiourd'huy, pretendans a-
moindrir en ceft endroit la félicité de noftre
fîecle, ôc la gloire de noftre nation, fefforcent
de monftrer que ce nouneau nionde a cfté con-
gncudesanciens.Etdefaitlonne peur pas ni-
cr,qu'il n’y en air quelques apparences. Sainét
Hierofme efcriuantfur l’Epiftreaux Ephefîens
dit. .AH’ecraifonnom recherchas ce que veut dire Hier,fupet
foJhe,ences^araIles,quildtt. Fous aue\chemmévn
Histoire natvreiie
tempi félon le cours de ce tnoftdeyfçauoir jî d'au/inture il
nous veutfMreentedreyijuily Ait vn Autre fiecleyC^ui ne
foityny defpénde point de ce monde ymais d'autres modes
defcjiuels efcript Clement enfonepijirefOceAny O" les
mondes cjui font par delà l Océan. Ce font les tenues
defaind Hierofmc.Mais àlaverité ic ne peux
rrouuer , quelle Epiftre foit celle de S. Clément
que citcfaindHicrormerneantmoins fans dou-
te ic croy, queS. Clement l’a ercripte,puirquc
S. Hierofme l'a mis en auant .Etauec raifon dit
S. Clement, que par delàlamer Oceane,ilya
vn autre mondcjvoire plufieurs mondes, com-
me c’eft laveritéjpuifque il y a fi grande diftancc
d’vnnouucau monde à l’autre nouueau mon-
de. (l’entens dire du Peru & des Indes occiden-
tales, à la Chine & Indes Orientales.)D’auan-
‘ tage Pline, qui a efté fi diligent rechercheur des
chofes eftranges , & admirables , rapporte en
fonhiftoire naturelle, que Hannon capitaine
Carthaginois,nauiga par POccan depuis le de-
ftroitdeGibaltar, coftoyanttoufioursla terre
iufques aux confins d’Arabie, & qu’il laifla par
eferit celle fienne nauigation. Q^e s’il eft ainfi
commePlinefeforit,il s’enfuit que Hannon na-
uiga autant, comme nauigent auiourd’huy les
Portugais , trauerfans deux fois par delloubs
fequinoxe,qui eft vne chofe efpouuan table. Et
qui plus eft le mcfme Pline rapporte de Cor-
nele Nepueu autheur fort graue , & dit que le
mefme chemin a efté nauigé par vn autre hom-
me appellé Eudaxius, toutesfois par chemins
contraires: d’autant que ceft Eudaxius fuyuant
le Roy des Latyres,fortit par la mer rouge d|j^s
DIS Tndis^ Lirty L
fOcean, & en tournoyant pamint iufques au
deftroir deGibaltar ce que le mermc Cornelle
Nepueu afferme eftreadiienu de lontêps. Com
me auflî d autres autheurs graues eferment,
quVne nauirc de Carthaginois pouffée par la
force des vens dans la mer Oceanc, arriüa en
vne rerrci qui iufques à ce temps n’auoit efté
cogneüCj&qiveftant de retour à Carthage^don-
iia vn grand défît* & enuieaux Carthaginois de
defcouurirj& peupler cefte terreice que voyant
le Sénat, par vn rigoureux decret défendit tel-
le nauigation, craignant que auec le defîr de
nouuclles terres,fon delaiffaftà aymer fon pays.
De tout cccy Fon peut tirer que les anciens
ont eu quelque cognoiflànce du nouucau mon-
de encore que parlant de noftre Amérique Ôc
de toute cefte Inde Occidentale, à peine en
trouue Fon chofe certaine es liures des Efcri-
iiains anciens. Maisjle Flnde Orientale, ic dis
qu’il y en a affez ample mention , non feule-
ment de celle de par delà, mais aufll de celle de
par deçà,qui anciennement eftoit la plus efloi-
gnée, pourcc que l’on y alloit par contraire
chemin,que celuy qu’on faid auiourd’huy .
Pourquoyn’eftilpasaifé detrouuer aux liures
anciens Malaeà qu’ils appclloient le doré Cher-
fonefe, le Cap de Comorni , qui fappelloit le
promontoire de Cori, ôc la grande 6c renom-
mée Ifte de Sumatre, tant cele.brée par 1 ancien
nom de Taprobane? Qi^ dirons nous des deux
Ethiopies , des Brachmanes , &de la grande
-terre des Chinois’qui doute que aux liures des
andens,il n’en foit fait mention pltifieurs fois?
Histoire natvrelie
Mais des IndesOccidentales,nous ne tfouuons
lUn.lih. é, point dedans Pline,que en cefte nauigation l’on
caf XI, pailàft les Ifles Canaries qu’il appelle Fortu-
nées , la principale dcfquelles il dit auoir efté
nommee Canarie, pour la multitude des chiens
qui cftoyent en icelle. Mais à peine il y a aucu-
ne apparence aux liures anciens de la nauiga-
tion , que Ion fait auiourd huy plus outre que
les Canaries, par le Golphe qu’auec fort bonne
raifon ils appelloyent grand. Ce neantmoins
beaucoup ont opinion que Seneque le Tragi-
que a prophetifé de ces Indes Occidentales,
parce que nous lifonsen fa tragédie de Medec
en vers Anapeftiques,qui reduids en vers Fran-*
çoisjdifcnt ainli:
^ . il viendra fur le dernier aa^e
Jded.all.i, ynJiecLenouueauybien-heureuXy
in firh OÙ nojlre Océan Jfacieux
^ftcndrafluslomg fonriuage,
yne grand terre fe verra
Nauigeant cejle mer profonde,
£t lors vn autre nouueau monde
,y€ux humains fe decouunra,
/ La Tuüé par tout renommée
Four vn bout du monde ejlongne
Tantofi apres ce poinEl gaigné
Sera pour voifne contrée,
Cecy raconte Seneque en ces vers, &ne pou-
uons bonnement nier que la prenant à la let-
tre, fa predidion ne foit vcritable.Car fi l’on
compte, les longues années quil dit, à com-
mencer dés le temps du T ragique , l’on trouue-
ra plus de mil & quatre cens ans palTez, & ^
15MS ÏNÊIS. Lïv. î. 24
c*eft dés le temps de Mcdec , il y en aura plus de
deux mil : ce que nous voyons auiourd’huy^ à
veuë d’œil tellement accomply , veu qu’il n’y a
point de doute que l’on n’ayetrouué le palïàgc
de rOcean lî long temps caché, & que l’on a
dçfcouuertvne grande terre & nouueau mon-
de habitée , plus grande que tout ce continent
de l’Europe & de l'Alîe. Mais ce que l’on peut
cncelaraifbnnablement difputereft, àfçauoir
ü Seneque a did cela par diuination , ou lî ç’a
cftépocciqucment,&à la volee.Etpour en dire
mon opinion , ie croy qu’il la pronoftique aucc
la façon de deuiner qu’ont les hommes (âges
& aduifez : attendu que en Ton temps Ton en-
treprenoit défia de nouuellcs nauigations ,
voyages par mer. Il cognoiflbit bien aufli com-
me Philofophe, qu’il y auoit vne autre terre
contraire & oppofitcà nous, qui eftoit celle
qu’ils appellent Antichthon. Et par ce fonde-
ment il a peu confidercr que la hardiefic &in-
duftriedes hommes en fin pourroir atteindre
iufques là que de trauerfer la mer Oceane , Ôc
l’ayant trauerfec , pourroyent delcouurir de
nouuelles terres, &vn autre monde: attendu
que du temps de Seneque l’on auoit cognoif-
fance du fuccez de ce naufrage que Pline racon-
te, par lequel on pafia le grand Océan. Ce qui
appert auoir efte le motif de la Prophétie de
Seneque, comme il le donne à entendre par les
vers ci deuant recitezrapres lefquels aiant ache-
uéd’eferire lefoucy ôc la vie peu malicieufe des
anciens, il fuy t ainfi:
HiSTOIEI NATTRlLtS
Z>€uiourd*huy ceîî vn Autre temps, . - /
CArUmer contente ou forcée.
Se votd de l ’hArdj trAuerfee,
Qmny prend<jueduŸAjfetemps*
Et plus bas il dit ainli:
Tout IfAteAu fins crAindrenAujrA^e
Seiette or furU hAutemer,
EtjAlebouillAntpafa^er
Tient pour bref vnjilongvoy Age,
lln’eiïplusrknA defcouunr,
I7y lieux ejui foyent encor a prendre t
CeluylÀqui Jèveutdejfendre,
jyvnmuueAumur fedoibtctuurtr,
' Tout eftrenuersé par le monde.
J{iennefî enfin lieu demeure',
Eîen fecret ny rien d' Ajfeuré
Ny A parmy U terre ronde,
Onvoid que le cJoAud Indien '
Eoit l'^rAxe en froideur extrefine,
Etl^ElbeCT le Kfimtoutdemefme,
lAuent le peuple Perfien.
Etdeccfte tant grande hardicflc des hommes,
Senequea conieduré ce qu’il a clcrit comme
le dernier poind qui doit arriuer difant:// viedrA
fur le dernier âge, ôcc.^inCi qu’il a efté mis cy deff’.
De /’ opinion que PUton A eue des Indes
Occidentales.
Chapitre XII.
Br fi quelqu’vn a rraidé plus partie
culiercment de celle Inde Occi-
dentale , que l’honneur en doit dire
donné à Platon , qui en Ton T imcc
D E S Indes. L i v. I. i;
dit aiiîfi: F» ce temps l'on nepoumit namger ce Colphe
(il entcnddelamer Atlanrique^qui eft l’Océan,
qui fe rencontre au fortir du deftroir de Gibal-
tar )pùHr ce cjue lepaffage ejioit clos a U bouche des ro-
lomnesd' Hercules , (qui cftlemcfmedeftroitdc
Gihaltâï;). Et cejle Ijle ejlost 'mnBe en ce temps k U
bouche juJdiBejCf ejioit de telle grandeur ^quelle excé-
dait toute l*^yfjteey' l'Afrique enfem hle'ment: O' alors
ily amit vnpajfage pour aller de ces JJles k d’autres^ et
de ces autres ijles l'o allait k la ter re ferme ^qui ejloit pro-
che,enutronnee de la vraye mer. Cela eft raconté par
Critias en Platon. Et ceux qui fe pcrfuadenc
que ceftenarration de Platon eft vue vraye hi-
ftoire deduidc & contenue fouz ces termes,
difent que celle grande Ille appellce Atlanti-
que , laquelle excedoit en grandeur l’Afrique
& l’ Alîetoutenfemblc, occupoit alors la plus
grande part delà mer Oceanc appellée Atlan-
tique,queles Efpagnols nauigcntauiourd’huy,
& que les autres Iflcs, qu’il difoit ellre proches
de celle grande, font celles que maintenat nous
appelions Illes de Barlouante, àfçauoir Cube,
Erpagnolle,S.Iean du port-riche, lamaique &
autres Illes de celle contreetmefme que la terre
ferme dont il fait mention, cil celle qu’auiour-
d’huy nous appelions terre ferme, à fçauoir le
Peru,&l’ Ameriquc,&que celle vraye mer,qu’il
dit,ell ioignant icelle terre ferme,fçauoir lamer
du Sud, qu’il appelle vraye mer,pour ce que en
comparailbn de fa gradcur,les autres mei's,Me-
diteranécs,voirela mefme Atlantique, font co-
rne petites mers,Par cela à la vérité ils donnent
vne interprétation fort ingenieufe &artificicu^
Histoire NATVRELLÉ
fe ôc artificieufe à ccs propos de Platon.Mais û
ccfte interprétation doit eftre tenue pour véri-
table, ou non, i’ay délibéré l’cfclaircir en autre
lieu.
cjuelcjues vns ont eu opinion c^ue Aux lieux de l Ep-
cri(urefunBc,oùil efifaiFt mention d'ophir, en le
doit entendre de nojîre P eru»
Chap. XIII.
Veîquesvns ont cefte opiriio qu’il
eft fait mention en la S. Efcritürc
de ceftelnde.Occidentale,prenas
la regiô du Peru, pour ceft Ophir
tant cdcbré en icelle.Roberr Efti^nne, ou pour
mieux dire François Valable, homme fort ver-
fé en la Tangue Hébraïque (comme ray ouy ra-
conter à noftre Précepteur qui wt fon dilci-
, ,, plc)dit aux annotations fur le neufiefme^
tre du troificfme liure desRoys o^uelIfleEf-
*■ pa-^nolle , que trouua Chtiftophle Colomb,
cftoit celle d’Ophir, dont Salomon faifoit ap-
porter quatre cens vingt, ou quatre cens cin-
Wntetalenrsd-or tres-fin&pur.Pour ce que
•BiUUregU l’or de Cibao que les noftres apportent de 1 1-
imfhaks.^. fpacmolle, efl de telle façon & qualité. Etten
rrouuent encore plufieurs aurres , qui after-
raét que celluy noftre Peru eftOphir.deduilans
& tirans vn nom de l’autre.lequels croyent que
de pa„lipomenon fut
to eferit l’onfappelloit Peru(comme auiourd’huy
ils fe fondent en ce quela fainae Efcriture rap-
DES Indes. Liv. I. z6
porte que l’on apportoitd’Ophir deTortrcl^
pur , & des pierres fort precieufes auecdii bois
qui eftoit fort beau &fortrare:lequellescho-
fes font abondantes au Peru,cornme ils difent.
Mais ( à mon opinion) c’eft chofe fort eflognée
de vérité, que le Pcru foit Ophir tant célébré
par les lettres facrées. Car iaçoit qu’en ce Pe-
ru il y aitalTez grande abondance d’or,cen’eft
pas toutesfois de telle façon, que l’on le doiue
efgaler, à la renommée desrichelTcs qu’a eue
anciennement l’Inde Orientale. le ne rrouue
point qu’cn ce Peru,il y ait des pierres Ci pre-
cieufes, ny de bois fi exquis,qu’on n’en ait ia-
inais veu de femblables en Hierufalera.Car en-
core qu’il y ait des efmeraudes exquifes , ôc
quelques arbres d Vn bois dur ôc aromatique:
ce neantmoins ie n’y troiiue point chofe digne
de telle louange, que lafaindeEfcriture don-
ne à Ophir. Mefmcilmefemblequ’il n’eft pas
vray-femblable que Salomon eufi; laiflé l’Inde
Orientale tres-richc ôc opulentc,pour enuoyei:
fes flottes de nauires à cefte derniere terre : que
fi elles y eftoient venues tant de fois, ( comme
ilefl: efcrit)ccrtainemétnous troimcrions plus
de refte ôc de tefmoignage d’icelles, que nous
n’auonspas.D’auautagel Etymologie du nom,
d’Ophir,& le changement ou redudion d’ice-
luy au nom du Peru,me femblc chofe peu con-
fiderable, eftant certain que le nom du Peru
n’eft pas fort ancien,ny commun à toute cefte
contréc.L’onaende çouftume ordinairement
cnccsdefcouuertures du nouueau monde, de
donner nom aux terres & porcs de mer, fdon
D ij
z.Par.S,
^.Reg.zz.
Histoire natyrelle
l’occafion qui fc prefentoit alors de l 'afriuee
Sc cxoy que le nom du Peru aefté ainfi trouucii
ôc mis en vfage. Car nous tenons icy,quclc
nom a eftc donné à toute ceftc terre du Peru,
à canfe dVn flcuus ainfi appeilé parles naturels
du pays, auquel les Elpagnols arriuerent quand
ils firent la première defcouucrtc. Et de la nous
difons que les raermes Indiens naturels du Pe-
ru ignorent,' de ne fc reruent aucunement de ce
nom 6c appdlation,pour lignifier leur terre. Il
femble d auantage que les mefmes autheurs
veulent dire,que Sepher, dénommée en lafain-
de Eferiture, eftceqiEauiourd’huy l’on appel-
le les A ndes,qui font des montaignes tres-hau-
tes du Peru. Et cefte refcmblance des mots &
appellations, n’eft pas choie fuffifante. Carlî
^ , eclà auoit lieu nous pourrions aufii bien dire
que ledan eftlecfan, mentionné en la fainde
Eferiture. AulTi nous ne poiiuons dire que les
lenanfiîiat j^Q^^sdeTitc 6c Paul,defqucls ont vfélcs Roys
Heber.G.n. Peru,foyent prouenus^es Ro-
lecfanfiliui maitis, OU Chtcftiens j d autant quc c cft vna't-
^braha ex eument trop foiblc 6c trop leger , pour tirer
Cetura Ge. ^nclufiou de choles fi grandes. L’on voit c|ai- H
rement que G eft choie contraire à l’intention |
de l’Efcritüre lainde, ce que quelques vns ont |
clcrit que Tharfis 6c Ophir n’eftoient en vnc
raefme route 6c prouince,en conférant Je cha-
pitre vingtdeuxiefme du quatricfmc liure des
Roys, auec le chapitre vingtiefine du fécond
liure du Paralipomenon. D’autant que ce qui
eft dit au liure des Roys, que lofaphat drelïà
vnc flotte de nauircs en Afiongaber pour aller
Des Indes. L IV. î. 17
quérir de Tor à Ophir, eft autîî référé au Para-
lipomenon, quecefte mcfme flotte fut drefTee
pour aller à Tharfis. D’où l’on peur facilement
luger que en ces liures ftifdits , quand TEfcritu-
rcparlede Tharfls & Ophir, elle entend vnc
mefmechofe. Quelqu’vn me pourroit deman-
der fur cecy, quelle région ou prouince eftoit
ceft Ophir, oùalloitla flotte de Salomon, aucc
les mariniers de Hyram Roy de Tyr & de Sidô,
pour rapporter de l’or , & où prétendant aller
la flotte du Roy îofaphât, périr, & fit naufrage
en Afiongaber, comme rapporte l’Efcritufe.En
cecyie dis, que ie m’accorde fort volontaire-
ment à l’opinion delofephc, en fes liures des
Antiquitez, où il dit que c’efl: vue prouince de
l’Inde Orientale , laquelle fut fondée par ceft
Ophir, fils de Ie6tan,duquel il eft faid mention
au Genefc dixiefme , & eftoit celle prouince
abondante d’or tres-fin. De là eft venu que l’on
célébré tant l’or d’Ophir , ou d’Qphas, ou félon
qu’aucuns veulent dire que ce mot d’Obrife,
vaut autant comme qui diroit l’Ophirize. Pôur-
cc que y voyant fept fortes 3c efpeces d’or,
(comme référé faind Hierofme ) ccluy d'O-
phir eftoit tenu pour le plus fin, comme icy
nous louons & eftiraons l’or de Valdiuia ou de
Caranaya. La principale raifon qni me flyr
croire qu’Ophir eft en llndc Orientale, & non
en cefte Occidentale, eft pource que la flotte de
Salomon ne pouLioit venir icy fans palîcr tou-
te l’Inde Orientale , toute la Chine, Ôc autre
grande cfpace de mer; n’cftanr pas vray fem-
b|able qu ils eulfent trauerfé tout le monde*
D iij
II.
Gsnef. to.
Histoire natvrelle
pour venir icy chercher de l’or , principale-
ment eftant cefte terre de telle façon , que l’on
n’en peut auoir eu cognoiirance par aucun
voyage de terre, &monftrerons apres que les
anciens n’auoyent cognoiflance de l’art de na-
uiger, dont nous vfons auiourd huy , fans le-
quel ils n’eulTent peu fengoufFrer ôc auancer fi
allant dans la mer. Finablemcnren ceschofes,
quand iln’apparoit indices certains, mais feu-
lement eonic6tures legeres , l’on n’eft oblige
'd’en croire d’auantage que ce qu’il en fcmblc à
vn chacun.
jtgnijle enU famSle Efenturé Tharfs
. O^hir.
Ch AP. XII II.
I les opinions ôc coniedtures d’vn
chacun doiuéteftre receuës, ie tiens
quant à moy,qu e en la fainxSte Efcri-
i-v^.tureces raotsdcTharfis & Ophir,
le plus fouuent ne fignifient aucun lieudetcr-
miné,mais que c’eft vn mot ôc fignifîcation ge-
nerale aux Hebrieux , comme en noftre vulgai-
re,ce mot des Indes nous cft general , en noftre
vfage, & façon de parler : car nous entendons,
par les Indes, des terres fort riches , ellongnees
&eftranges desnoftres. Ainfi nous autres Ef-
pagnols indifféremment appelions Indes le Pé-
ril , le M'exique, la Chine, Malaque , ôc le Brcfil,
ôc de quelconques parties de celles cy,que vien-
nent lettres^ nous difons que ce font lettres des
Indes , eftaiis néant moins lefdites terres ôc
DES Indes. Liv. I. 28
royaumes de grande diftance & diuerfîté entre
elles 5 iaçoitauffi qu’on ne puilîè nier, que le
nom des Indts fentend proprement de l’Inde
Orientale. Et pour ce que anciennement on
parloir de ces Indes comme dVne terre fort ef-
longnée , de là cft venu , que à la defcouuerturc
de ces autres terres,aiiffi bien efloignecs , a Ion
donne le nom des Indes:pour eftre diftantesdes
autres , ôc tenues comme k bout du monde. Et
de mefme façon il me femblej que Thariis en la
fainde Eferiture le plus fouucnt ne lignifie ny
lieu,ny partie determinee , mais feulement des
régions fort ellongnees , & félon lopinion du
peuple/ort riches, & fort eftranges. Car ce que
lofephe & quelques-vns veulctdire,qneThar-
lis cft T arfo felô l’intenrion de rEferiture, il me Maneii. m
fembleauec bonne raifon auoir efté reprouué ^aorno.
par làind Hierofraemô feulement d’autant que
ces deux vocables f’efcriuent par diuerfes let-
treSjl’vn auec vne alpiration , & l’autre làns af-
piràtionjmais aulîî,pource que l’on eferit beau-
coup de chofes de Tharlîs , qui ne peuucnt pas
bien côuenir ny fe rapporter à Taifo cité de Ci-
licie. Il eft bien vray, que en quelques endroits
del’Efcriturejil eftditqueTharliseften Cili-
cie.Ce qui fe trouiie au liure de ludith, quand il
eft parlé d’Holofernes.duquel il eft dit qu’ayant
pafté les limites d’Affyrie , il paruint iufques
aux grands monts d’Ange, (qui paraduenture
cftTaurus)Iefquelsmonrsrontàlafeneftre dé leTeTlml
Cilicie, & qu’il entra en tous les chafteaux, où
il alTembla toutes fes forces , ayant deftrait cel-
le tant renommee cité de Melothi-, delpouilla,
•P
Histoire NATVREitE
& ruina tous les fils de Tharfîs & d’Ifracljquî
eftoientioignam le defert, & ceux quieftoyent
au Midy , vers la terre de Ccllon ? & de là pàflà
l’Euphrates:mais(comme i’ay dit)ce qui eft ain-
Theed/tn I. fî cfcrit de Tharfis ne fe peut accommoder à la
loan. cité de Tarfo. Theodoret & autres fuyuans
^rtafmot. pinterpretation desfeptante, en quelques en-
*alphatetc^ droits mettent Tharfis en Afrique, voulans di-
apparatHt. te que c’eftoit la ville mcfmc,qui anciennement
Eappelloit Carthage,.& auiourd’huy Royaume
de Thunes, & difent que c’eftoit là oùlonas
vouloit aller, quand l’Efcriture rapporte qu’il
Eenfuyoit du Seigneur en Tharfis. Autres veu-
Hieron. ad lent dire, que Tharfis eft vne certaine région
Aîaneü. des Indes , comme il femble que faind: Hierof-
mefyvueille incliner. le neveux pas à prefenc
debatre ces opinions , mais ie veux bien dire,
que l’Efcriture fur cefte matière ne fignifie pas
toujours vne région ou partie du monde cer-
taine & determinee. Il eft certain que les Ma-
ges ou Rois qui vindrent adorer lefusChrift,
Tfalm. 44. eftoyentd’Orient, &aufti dit l’Efcriture, qu’ils
60. eftoyeiit de Saba,Epha,& Madiem.Et quelques
hommes dodes font d’opinion , qu’ils eftoyent
d’EthiopiCjd,’ Arabie,& de Perfc.Et neantmoins
le Pfalmiftc & l’Eglife chante d’eux j Les B^s de
Tharjïs apporteront âesprefens Nous nous accordés
donc aucc S.Hieroftne, que Tharfis eft vri mot,
qui a plufieurs & diiierfes fignifîcations en l’Ef-
criture , & que quelquefois il fignifie la pierre
Chryfolithe ou lacinthe, tantoft quelque cer-
taine région des Indes , tantoft la mer mefme,
qui eft de couleur de lacinthe à la rcuerberatiô
/ *
Dïs Indes. Liv. Ï.
da Soleil. Mais auccrailbh le mefmclàinâ: Do-
reur nie, que Tharfis foit région des IndesJ où
vouloir fuyr Ionas,piiis que partant de loppéjl
luy eftoit irapoffible de nauigeriufquesés In^
des par icelle mer. Pourcc que loppc ( qu’au-
iourd’huy nous appelions laffe , n’eft pas vii
port de\Ja mer rouge , laquelle eft iointe auec la
■ mer Indjique Orientale, mais de la mer Médi-
terranée, qui n’a point d’iffue par la mer Indi-
que. D où il appert clairement, que la nauiga-
tion.quefaifoitla flore de Salomon,partant de
'Afîongaber ( où reperdirent les nauires du Roy
lofaphat } alloit par la mer rouge" à Tharfis &
Ophir,cequi eft exprefiTémentattefté en TEfcri-
ture. Et a efte cefte nauigation fort differente
de celle que pretendoit faire lonas à Tharfis^
puifque Afiongaber eftleportd Vne citéd Idu-
mçe, aflîfe fur ledeftroit, ou la mer rouge fc
joint auec le grand Océan. De ceft Ophir l’on
^pportoit à Salomon de l’or, de l’argent, du
morphie , des monines , ôc coqs d’Inde, & eftoit
leur voyage de trois ans, tou tes Icfquellescho-
fes fans doubtedoiuétcftre entendues de l’In-
de Orientale, qui eft fécondé & abondante en
tout ce que delfus , ainfi que Pline l’enfeigne, Sc
que nous en auons àprefent certaine cognoil^
fance.De noftre Peru certainement ils n euflént
peu apporter du morphie , d’autant que les Êlc-
phans y font du tout incogncus. Mais ilscuflcnt
bien peu apporter de l’or, de l’argent , ôc de fort
plaifantes ôc gentilles monines.Finablem ent il
me femblc quel’Efcriture fainde ente dcomme
munementpar ce motde Tharfis , ou la grande
Histoire ^rATVRiitE
nier, ou des régions fort eflongnees &cfl:rah^
ges. Par ainfî il fuppofe que les Prophéties qui
parlent de Tharlîs ( puifque i'efprit de prophé-
tie peut tout fçauoir) fc peuucnt bien fouuent
accommoder aux chofes de noftrc nouucau
monde.
VeU Propheùed'^hdias^quequel^Hes-vns inter^re^
tent ejlre des Indes,
Chapitre XV.
Uj^^Iuficurs difent & afferment, que en la
'S^^^faindeEferiture il a efté prédit bien ^
^Jnîlpl cenouueau
adphdffpH. ^ monde deuoit eftre conuerty a ielus
Cathol. re~ Ghi’ift par la nation Efpaignolle , & à ce propos
getn^.Com. mettent en auant & expliquent le texte de la
Tn d' Abdias, qui dit ainfi : ^ U trmfm-
de cefi ex er cite des enfms d’ifiaelfolfedera toutes
Lçs chefes des chAn^neensmpjties en Sare^te, U tras^ j
migrationde HierufAle^cjui eji au Boffhore ^pjfej.era /« j
citel^du tnidy, CT materont les fameurs au mot de Sio !
four mger le mot d ' Efau^ fera le royaume four leSeï-- \
gneur. Cccy a efté mis ainh en vulgaire fuyuat la j
LudotticM lettre.Mais les autheurs que i etés,en l’Hebricu
Zeo Augtt-^ lifent ainfis Et la tranfmigram de cefi exercite des en-
fimian.mcS . cananedns lufques a Zar-
Abdtl. fhafqm eft France) la tranfmigration de leruja-
lern.qui efl en safharad ( entendez pour Efpaignc)
fojfedera pur héritage les cite\du midy^cr' monteront
ceux jui procurent la faluationau mont de Sionspour
mger le mot d’Efau, fer ale roiaume pour le S eigneur.
Toutefois aucuns d’eux n’alleguent fudirant
Des Indes Liv. T. 3®
tefmbignage des anciens , ny raifon pertinente,
pour monftrer que Sapharad,que faindHicrof-
me interprété leBofphore ou deftroir, & les
feptante Interprétés rEirphrate, doiue lignifier
l’f fipagne , que leur feule opinion. Les autres
allèguent laParaphrafe Chaldaique , qiiieft de
celle opinion, & mefmeles anciens Rabis qui
l’expliquent de celle façon,commeauffi ils ex-
pliquent Zarphatellre France ( que nollre vul-
gaire & les feptante difent ellre Sarepte). Et
faiiraiit celle dilputc, qui appartient aux gens
plus de loifir, quelle neceflitcy a-il de croite,
que les citez de TAullrCjOU de Mageb(ainfi qvr-
efcriuentles fcptantc)foycnt les gens de ce nou-
iicau monde? D’auantage,qucl befoing dl-il de
croirc,& de prendre la nation Elpaignollc pour
la tranfinigration de Hierufalem en Sapliarad?
Il ce n’cll que nous vueillions prendre Hierufa-
Icm lpiritucilement,& que pour icelle nous en-
tendions l’ Eglife. De forte que par la tranfmi-
gration/de Hierufalem en Sapharad , le faind
Efprit nous deraonllre les enfans de lafainde
Eglifcf, qui habitent aux fins de la terre , Ôc aux
riuages , pourçe cela en langue Syriaque ell did
Sapharad, & fe rapporte bien à nollre Efpagne,
qui félon les anciens ell la fin &le bout de la
terre , ellant prefquc toute enuironnee de la
mer. Orparlescitezd’ Aullre, oudeSudjlbn
peut entendre ces Indes : attendu que la plus
grande part de ce nouueau monde eil affife au
Midy : & la meilleure partie duquel regarde le
Pôle Antardiquc.Ce qui fenfuiteft facile à in-
terpreter,fçauoir c'enx fit ^murent U
- -t-i
Histoire natvrelie
UYmt dit mont àeSionpourmger le mont
qu’on peut dire que ceux là fe retirent à la Do-
étrine,& au fort de la S. Eglife , qui prétendent
rompre & diffipcr les erreurs profanes des gen-
tils , car cela peut eftrc interprété iuger le mont
* d’Efau. D’où il f’enfuy t bien, que alors le royau-
me ne fera pour les EEpagnols, ny pour c ux
d’Europe, mais pour lefus Chrift noftre fau-
ueur.Qmconque voudra expliquer de celle fa-
çon la Prophétie d’ Abdias, ne doit eftre reprins
puis qu il eft certain que le faind Efprit a feeu
&cogneu tous les fecrcts long temps au pàra-
uanr. Et femble qu’il y a grande apparence de
croire , qu'il ell faid mention en la fainde Ef-
criture, dVnc affaire de telle importance , com-
me eft la defcouuerrure des Indes. & nouueau
monde , & conuerlion d’iceluy en la foy. Ifayc
mefme dit ces termes, les Ailles desnAmres fit
tA-jo. Inter, vont de l’autre part d'Ethiopie, Plufieurs autheurs
tres-dodes déclarent que tout ce chapitre eft
entendu des Indes, & le mefme Prophète en
Jfak 6 6. d*autrc endroit àiZyQj^ceux qui efehaperont d’ijrael
iront fort loing k rharfisCTen des ifies fort eflqgneeSyoJi
ils conttertirot au Seigneur plufieurs O* dmerfes natios^
Entre lefquellcs il nommela Grece,l Italie, ÔC
r Afrique, & beaucoup d’autres.Ce qui sas dou-
te fe peut bien rapporter a la conuerlion de
ces nation? des Indes. Car citant chofe alTeurcc
M4«/j.i4'que l’Euangile doibt dire prelchcc par tout
l’vniuers , ainlî que le Sauueur nous l a promis,
& qu’alors viendra la fin du monde, il f’cnfuit,5f
ainfi le doibt-on entendre , qu^cn toute l’cllen-
due du monde il y a beaucoup^ de nations a
DES Indes. Liv. I. ^
qui Tefus Chrift n’a cfté annoncé. Partant nous
debuons de là recueillir, qu’il eftdetneuré gran-
de partie du monde incogneuc aux anciens , Ôc
qu’auiourd’huy il y en a encore vne bonne par-
tie à defcouurir.
P4r moyen on f peu Arriuer Aux Indes les
premiers hommeSyO'’ ny font Ar-
riue^degrho'felonleurm’’
tention.
Chapitre XV I*
Aintcnant il cft temps de rcfpondrc
à ceux qui difent qu’il n’y a point
pd’ Antipodes, & que cefte région ou
' nous viuons, ne peut eftre habitée.
L’immcnfe grandeur de 1 Océan, erpouuanta
tellement faindt Auguftin, qu’il ne pouuoit pé-
fer comment le lignage humain euftpeu palïci*
à ceftuy noftrc nouueau monde. Mais puis que
d’vne part nous fçauons de certain que palfez
font plufieurs ans,' qu’il y a des hommes habi-
tans en ces parties cy, & d’autre part ne pou-
uons nier ce que la fainde Eferirure nous en-
feigne clairement, que tous les humains font
procédez d’vn premier homme, que fans doute
lerons contrainds de croire & confelîèr que
les hommes ferontpalTez icy deEEurope,deFA-
fic, ou’de f Afrique : toutesfois ce pendant ü
nous faut rechercher & difeourir par quel
chemin ils y ont peu Ycnir.Il n’edpas vrai-fem-
I
Histoire natvrelle
blablc qu’il y ait eu vnc autre arche de No c, en i
laquelle les hommes puiflent cftre arriuez aux |
Indesj&moins encore que J’Ange ait tranfpor- |
té les premiers hommes de ce nouueau monde, |
attachez Ôc furpcndiis par les cheueux, comme
ilfeit le Prophète Habacuc, car nous ne trait -
tons pas de la toute pnillance de Dieu, mais
feulement de ce qui eft conforme à la raifon ôc
àhordre & difpofition des chofes humaines.
Ceft pourquoy ces deux chof s doiuent cftre ;
tenues pour admirables & dignes de merueil-
le, voire d’eftre comptées entre les fecrets de |
Dieu. L’vne que le genre humain ait peu palTer i
vne h grande trauerfe de mer, & de terre. L’au-
tre que y ayant icy fi grand nombre de peuple
ilsayent efté neantmoins incogneus par tant
de fîecles. Pour cefte caufe ie demande par
quelle deliberation, force ôc induftrie , le li-
gnage des Indiens a peu palier vne lî large mer,
& qui pouuoit eftre l’inucntcurd viipalfage li
eftrange. Véritablement ie l’ay plufieurs ibis
recherché & ruminé à moy-mefme, (comme
plufieurs autres ont fait, ) & iamais n’ay peu
trouuer chofequime peuft fatisfaire. Toutes-
fois i’en veux bien dire ce que i’en ay conceu Ôc i
qui me vient à prelent en la fantafie , puis que
les tefmoins me manquét lefquels ie peulTe fui- ,
ure ôc me lailTer aller par le fil de la raifon,
(quoyqü’ilfoit fort délié )iufqnes à ce qu’il fc
difparoilfc du tout de deuant mes yeux. C’eft
vne chofe certaine que les premiers hommes
font venus en la terre du Peru pari vne de ces
deux maniérés, fçauoir ou par terre , ou par
D ëS Indes. Liv. L $ï
îner. Qi^ fils font venus par lamcr,càcftc
ou fortuitement ôc par hazard , ou de gré 6c
propos delibcré.rentens par hazard eftans ict-
tez par quelque orage & force de tourmente,
comme il aduient en têps rude,& tempeftueux.
rentensauflî de propos délibéré qu'ils eulïcnr
drefle leur nauigation , pour chercher & def-
couurirl de nouueiles terres. Outre ces deux
maniérés ic trouuc , qu’il n'ell point poffiblc
d’en trouuer d’autres, (i nous voulons fuyurele
cours des chofes humaines, 6c ne nous arrefter
à fabriquer des fiétions Poétiques 6c fabuleu-
fes. Car il ne faut pas que quclqu’vn fe perfua-
de de trouuer vn autre Aigle, comme celle de
Ganimede, ou quelque cheual volant, comme
celuy de Perfeus , qu’il maintienne auoir ap-
porté les premiers Indiens par l'air, ne que par-
aduciiture ces premiers hommes fefoy entier-,
uis de poiirons,cômc Serenes,ouNicolas,pour
les auoir palFés là. Mais delaiflànt arriéré ces
propos de menfonge, 6c dignes de rifée,exami-
nons vn peu chacune de ces deux maniérés mi-
les enauant:attendu que celle difpute fera plai-
lànte & vtile. Premièrement il me femble que
ce ne feroit pas chofe trop eflongnée de raifon
de dire,que les premiers & anciens peuples de
ces Indes font venus, ont defcouuert, 6c peuplé
parlamefmc façon, que nous autres à prefent
y venons iournellement, à fçauoir pat Part de
nauiger, 6c l’ayde des pilotes,^lcfquelsfecon-
duifenr parla hauteur & cognoiffancc du Ciel,
&auec rinduftric qu’ils ont de changer & ma-
uier les voiles félon le temps qui fe prefente. i
ifcP4f4.9.
5.R«g.io.
Histoire natvrelie
Pourquoy cela ne pourroit-jl pas bien eftrc?
faut-il croire que nous feuls hommes, & en ce-
ftuynoftrerieclc, tant feulement, ayons com-
prins & cogncu fart de nauiger FOcean î Nous
voyons que de ce temps mefme, Fon nauige ôc
trauerfe encore rOcean pour defcouurir nou-
uelles terres,cômc peu de temps y a qu’ Aluaix>
Mcndana ôc fes cornpaignons ont nauige, eftâs
partis du port Lima, Ôc fuiuy la route du Po-
nant pour defcouurir la terre qui gift à 1 Eft, oà
eft le Peru, & au bout de trois mois, defeou-
urirent les Ifles, qu’ils appellerent îlIcsdeSa-
lomon,qui font plufieUrs Ôc fort grandes. Ety
a grande apparence qu’elles gifent,ioignantla |
nouuelle Guynce.'ou pour le moins qu’elles sot
fort proches d’vne autre terre ferme. Et enco-
re auiourd’huy par le commandement du Roy,
ôc de fon confcil l’on délibéré d apprefter vnc
nouuelle armée pour aller à ces Ifles. Puis donc
qu’il eft ainfi,pourqiioy ne dirons nous pas,quc
les anciens aûflibien n’ayent peu auoir le cou-
rage, Ôc refolütion de voyager par mer à mef-
me deliberation de defcouurir la terre, qu’ils
appellent Antidthon, opppflte à la leur, ôc que |
félon le difeours de leur philofophie, deuoit
cftrc auec deflein de ne farrefter iulques à la |
veue des terres qu’ils cherchoient’ Certaine-
ment il iry a aucune répugnance ou contrarie- |
te que ce que nous voyons auiourd’huy arri-
uer , foit ainfl anciennement arriué : attendu
mefme que la fainde Efcriturc tefmoignequc
Salomon priht desmaiftres pilotes de Xyr ÔC
de Sidon , fort adroits ôc expérimentez à la
mer.
DIS ÎNDÊS. LïViJ>
mcr5& <îuc par leur induftiic^l’on feit cefte na-
ùigation de trois ans. A quel propos pelez vous
qu elle remarque Tare des mariniers , 3c leur
fcience, enfemblc Icut nauigation fi longue de
trois ans, finô pour nous doner à entendre que
la flotte de Salomon,nauigcoit le grand Océan?
Il y en a beaucoup qui font de cefte opinion,
aufqucls il fcmble que fain<5t Auguftin , auoic
peu de raifon de' fefpouuenter, 3c ermerueillcr
de la grandeur de l’Océan puifqifil pouuoit cô-
ieâurer qu’il n’eftoit fi difficile à nauiger, veu
ce qui cft rapporté de la nauigation de Salomô.
Mais pour dire la vérité mon opinion cft bien
autre,&nc me puis perfuader que les premiers
Indiens foient arriuez en ce nouueau monde,
{>arvnc nauigation ordonnée,& faite à propos.
Mefmc ie ne veux pas accorder qu e les anciens
ayent cogneu l’art 3c induftrie de nauiger par
le moyen duquel les hommes auiourd’huy tra-
uerfent la mer Oceanc de quelque partie,que
ce foit à quelcôquc autre,qu’il leur prenne fan-
tâfic.Cc quhls font auec vne incroiablc viftef-
fe ôc refolution , attendu que ie ne trouuc en
toute l’antiquité aucjjn refte, ou tefmoignagc
d vne chofe fî notable , & de fi grande impor-
tance. Et ne trouuc qu’aux liures des anciens
foit faite aucune mention, dclVfagedelapier-
re d’ Aymât, ne de 1 Efguille à nauiger, voire,nc
croy-ie point qu’ils en ayent eu aucune con»
gnoiffance. fî l’on ofte la cognoiflancc de
l'Efguillc à nauiger. Tort çognoiftra facilement
qu’il eftimpoffible qu’il^ ayent trauerfé l efté-
diie du grand Oècan.Çcux qui ont quelque co-
HfSTOIRE NAtVRELLE
giioiflànce de la mer, entendent bien ce que ic
dis.Pourcc que ileft aufli facile de croire, que
les mariniers eftans en plaine mer puiflent dret-
fer la proue de la nauire , où ils voudront, fi
l’Elguille de nauiger leur deffaut , comme de
pcnler que Taueugle puilîè monftrcr aucc le
doit Ce, qui eft proche ou ce qui eft eflogne en
quelque endroit. Et eft vnc chofe efmerueilla-
ble que les anciens ayent ignoré par tât de téps
vne fi excellente propriété de la pierre d ay mat^
de qu’elle ait efté defcouuerte & cogneu par
Tlin.Uh.i.cA^s modernes. Il appert bien que les anciens
ont ignoré cefte propriété, en ce que Pline, qui
j(^ curieux hiftorien des choies naturelles, j
hh.y.c.^. parlant de cefte pierre d Aymant,
ne dit aucune chofe de cefte vertu & proprié-
té, qu’elle a de faire toufiours tourner deuers le
Nort lé fe r qu’elle aura touche , qui eft la vertu
la plus admirable qu’elle ait. Ariftote Theo-
•^•■^•phrafte, Diofeoride, Lucrèce ny aucuns hifto-
ZueretJ. 6. fl^ns ny philofophes naturcls,quc i’ay veu,n en
font aucune mcntion,encorc qu ils traiélent de
Aug deCi- lapriered’Aymant. Sainét Auguftin eferiuant
uit.Dei.c.4. d’autre part plufieurs 6c dmerfes proprictez, 6c \
i^erueilleufes excellences de la pierre d’Ay mat ,
Lures de la cité de Dieu, n en parle nulle-
ment. Et eft certain,que toutes les merueilles, ;
que l’on contc,de cefte pierre, ne font rien, au
refped de cefte propriété fi eftrange, qu elle a
de regarder toufiours au Nort, qui eft vn grand
p;. . , miracle de nature.Il y a enepte vn autre argu- . |
.6 ^ ^^ ment,quicftque Pline traitant des premiers
inuenteurs de la nauigation, (5c racontant tous
DES Indes^ Liv, L 34
les inftrumens ôc appareils,ne parle aucuncmêc
der£iguilleànauiger,ny de la pierre d* Aymar:
mais ie dy fe ullement que 1 art de rccognoiftrc
les eftoilles, a efté inuentc des Phéniciens. Et
n’y a point de doute, que ce que les anciens ont
fçcu &cogneu del’artdenauiger,n’eftoit qu'au
regard des eftoilles, & remarquans les riuages,
Caps,& différences des terres.Q^e s’ils le troii-
uoientfî auanren haute mer, que du tout ils
perdiflènrla vcucdela terre, ils ne fçauoiêteii
quelle part dreffer la proue per autre difeours,
finon par les eftoilles, Soleil & la lune, Ôc cela
leurdefFaillant,(côi1ieiladuient entêps nébu-
leux , & couuert , ) ils fe gouuernoyent par la
qualité du vent , & par coniedtures du chemin
qu’ils pouuoientauoir fai d, fînableraétalloiéc
conduits de leur inftind. Comme en ces Indes
les Indiens nauigenr vn lôg chemin de mer co-
duits fculemêt par leur induftrie & inftind na-
turel. Et fert beaucoup à ce fubj ed,ce qu’ef.
critPline,dcsinfulairesdelaTaprobane, ( que
auiourd’huy nous appellonsSumatra) di4nr en
cefte façon,lors qu’il traide de l’art & induftrie
dontils vfoient kmvLigcr.CeuxdcUTaprobmene
voyent point le Non, CT four nAuiger, fuppleet a ce def
faut port ms mec eux certains peut s oyjeauxjefquels ils
laijfent aller fouuent^Cr corne ces petits oyfeauxpar na-
turel inïlinÜ vollet toujiours vers la terre Jes mariniers
dreffet leur proUejà leur JùirteiQm doubtc dôc,quc
s’ils euflent eu cognoiffance de l’Efguille, ils ne
fe fufsêt aidez pour guide,de ces petits oyfeaux,
pour defcouurirla terre?brefil fufïïtpour mô-
llfcr que les anciens n’ont cogneu ce fecret de
E ij
Histoire natvrelie
la pierre d’Aymanr, dcveoirque à choie fi rc- I
m?frquabie,il n’y a aucun mot ny vocableLatin, j
nyGrec,ny Hcbreu,quiluy {bit propre.Car vne |
chofe de telle importance, n’euft point manqué i
de nom en ces langues, fils reulTent cogneu. De
là vient qu’auiourd'huy les Pilotes, pour faire
dreficr la route,à ccluy qui tient legouiiernail,
fereent'auhant dclapouppe,quieft à fin qu’il
puiiTe de ceft endroit regarder l’Erguille, là ou
anciennement, ils feoient en la proüe,pour re-
crarder les ditferenccs des terres ôc des mers, 6c ,
duquel lieu ils commandoient au gouuernail. ;
Comme auiourd huy l’on vfe encore, à l’entrer
ou fortir de quelque port &c haurc, & pour ce-
lle occafion les Grecs appelloicnt les Pilotes
pour ce qu’ils fe tenoient en la Prouë.
Pe U mpriete CT vertu dmlrahlede Uperre
d‘^ymAnt, pur lefaitdcUndmgamn,
^ que le anciens rien ont eu con-
doléance.
Chapitre XVII.
]
Ar ce qui e(l dit cy dclPus il appert, |
que l’on doit tenir la nauiption des |
Indes, fi bricfue,&fi certaine q nous |
Panons de la pierre d’Aymàt. Côme j
auiourd’huy nous voyons pluficurs
hommes, qui ont voyagé, de Lisbonne à Goa
de Seuille à Mexicque, à Panama & en toute
celle autre mer du Sud^iufques à la Chine ôc au
DES Tndis Liy, T.
deftroit de Magellan , &ce aulîî facilement &
certainement , comme le laboureur peut aller
de la métairie en la ville. Nous auons veu aulîî
des hommes qui ont fai6t quinxe voyages aux
Indes, voire dixhniâ: , & auons entendu parler ]
d’aucuns anciens lefquels ont fait plus de vingt
voyvigcs, palïàns ôc repafrans'la largeiu*-de ce
grand Océan, aufquels ils n’ont apperceu au-
cuns relies ny apparences de ceux qui auoyen t
palTe ny rencontré voyagers , à qui demander le ^ ^
chemin. Carf eomme dit le Sage) la nauire cou-
pe 1 eau ôc Tes ondes, làns lailîcr vefïigcs par ou
ellepalTè, ny fairechemindansles ondes. Mais
par la vertu & propriété de la pierre d’aimant,
il fe faicl en cell Océan comme vn chemin
tracé & defcoLiuert, le tres-haulr Créateur de
toutes cliofes luy ayant communiqué telle ver-
tu,que par fon attouchement au fer, il luy com-
munique celle propriété, d’auoir fon mouuc-
nient & regard vers leNorr, fans y faillir , en
quelque partie du monde que ce puilfe dire.
Queiques-vns recherchent qucle dl la caufe
de ceîlc propriété merueiileufe, & veulent di-
re, & fimaginer ie ne fçay quelle fympathie;
mais quant à moy,ie prends plus de plailîr Sc de
contentement conlîderant ces merueilles , à
louer lagradeur & pouuoir du tont-puilîànt, Sc
me refiouyr en la contemplation de Tes œuures
admirables,& à dire auec Salomon, parlant fur 54/?.ï4.
ce propos:^ Pm», duquel U Fromdeîue gouuerne
maintient vn lois, luy donnant vn chemin djfei^re'jur I4
7ner,c^ du milieu^ des hondijfantes ondes, pour montrer
que de mejme ^açon tupourrois fauuer CF deliurcr l'hd~
E iij
Pfallo6.
Histoire natvrelle
me de tout perd nAufrage^encor qt*' dfut fins nAmre
au mdieu de la mer. Mais d'autant ^uetes œuures fine
pleines de fagejfc, les hommes mettet ha'Xardet leurs
vies fur vn peu de hoù, c^pour trauerfer la merjefchap
pentc^fe laijfent aller en vn bafleau.^l fur ce mefm c
propos le Vdzlmi^càii: Ceux qmmontent fur mer
en des nauires^O" e^uifot leurs affaires en trauerfmt les
eaux ^ font ceux qui au profond de la mer ont veu les œu-
ures du Seigneur , <ctfes merueilles. E t à la vérité ce
n’eft pas vue des moindres merueilles de Dieu,
que la force d Vne pierre E petite , commande à
la mer, Sc contraigne l’abyfrne infiny de luy o-
bcïr & fuyurc fon commandement. Mais pour
autant que e’eft chofe qui fe void tous les iours,
Ôc femblefi facile, les hommes ne fenefmer-
ueillent point,& ne fe fouuienncnt pas d y pré-
dre garde : & d’autant que cefte libéralité eft tel-
le, les ignorans pour cela en font moins d’^ftat.
Neantmoinsceux qui le veulent conEderer de
près, font conduits par la raifon à bénir lafa-
gefle de Dieu , & luy rendre grâces d’vn fi
grand bencEce. Eftant donc ordonné du Ciel,
que ces nations des Indes qui tant de temps ont
efté cachées fuifent cogneue's & defcouuertcs,
& que cefte route fut hantee ôc frequentee,afin
que tant d’ames vinffent à la cognoiifance de
lefus Chrift, & gaignaftent le falut éternel , il a
efté pourueu de guide alîeurce pour ceux qui
font ce chemin/çauoir l’Efguille de nauiger,5c
la vertu delà pierre d’Aymant. On ne peut fça-
iioir au certain , depuis quel temps ceft vfage &:
art de nar.iger a efté mis en lumière: mais quant
à moy, ie tiens pour certain , qu’il n’cft pas fort
!
Dis Indes Lïv. I. 3^
ancien , d’autant que outre les raifons dcfduitcs
au chapitre precedent , ic n’ay Icn en aucun
autheur ancien , traittant des horloges, qu’il
(bit faid aucune mention de la pierre d’aymant.
Et neantmoins il eft certain que le principal &
plus neceiîàirc inftruraent des cadrans au foleil,
dont nous vfons auiourd'huy, eft rcfguillede
fer touchée de la pierre d’aymant. Quelques au-
theurs approuuez efcriuent en l’hiftoire des
Indes Orienrales,que le premier qui commen-
ça à defcouurir ce fecret fur mer, fut VaCcode
Gama,lequelà lahauteurde M ozam bique
contra certains mariniers Mores, quivfoyent ^
de l’Éfguille de nauiger,& que par le moyen d’i-
celle Elguille il nauigea ces mers : toutesfois ils eap. yk,
n’efcriuent point de qui ils auoyent apprins ceft Ozj>yitn de
artifice ; & quelqucs-vns d’étreux meîmes font '^^^***
de noftre opinion , qui eft que les anciens ont
ignoré ce fecret. D’auantageie diray Vne autre
& plus grande memcillc de rEfguille de naui-
ger , que l’on pourroit tenir pour incroyable , fi
l’onnel’auoitveu &'COgncu par expérience fi
aifcurce & manifefte. Le fer touché & frotte
de la pierre d’Aymant par la partie d’iccllc
pierre, qui en fànaiflance regarde le Sud ou^
Midy , a cefte vertu de fe tourner & incliner
toufiours ôc en tous lieux vers le contrairc,qui
eft le Nort : toutesfois en tous lieux il ne le re-
garde pas direétemenr, mais y a certains points
& climats, où il regarde droitementle Nort &
f y arrefte : mais paifantou changeant de ce cli-
mat ,il coftoye vnpeu, ou à l’Orient ou Ponant,
tant plus qu’il fe va efloignant de ce climat, c’eft
E iiij
Histoiri katvrelle
ce que les mariniers appellent nordefter , ou
nortoefter. Nordefter, vaut autant à dire corn-.
raecoftoycr, i’inclinant au Leuant, & nortoe-
fter f’inclinant auPonent. Eteftchofedetellc
confequencc, & qui importe tant de fçauoir ce-
fte declinaifon , ôc coftoyement de l Efguille,
que il Ton n’y penfoit ôc regardoit de près,
(quoy quelle foit petite) l’on f’cfgareroit mer-
ueillcufement en la nauigatiô, ôc arriucroit l’on
€11 autre lieu que ccluy où l’on pretendoit aller.
Vniour vn pilote Portugais fort expérimenté
medifoitqu’ily auoit quatre points en) tout le
monde, oùTEiguille fe dreflbitau Nort,’& me
les contoit par leurs noms,quc ie n’ay retenus,
vn d’iceux eft la hauteur de l’Ifle de la corne en
la T icrcy ere, ou Alçores , qui eft chofe fort co-
gneue à tous : mais tirant outre de là à plus de
hauteur, il nortoefte , qui eft à dire décliner au
couchant. Mais tirant au contraire à moins de
hauteur, vers l’Equinoélial , il nordefte , qui eft
incliner à l’Orient. Les maiftres en ceft art I
pourront enfeigner de combien , ôc iufqucs '
où, de ma partie demander ois volontiers aux
bachellicrs qui prefument fçauoir tout ce qui
eft, qu’ils me diifentlacaufe de ceft effeâ:, ôc
pour quelle raifon vn peu de fer frotté à la
pierre d’Aymant reçoit tant de vertu que de re-
garder toufiours au Nort : mais encor auec tel-
le dextérité , qu’il cognait les climats Ôc diuer-
fts fituations du monde , & où il fe doit ficher
ôc dreircr,où fincliner en vn cofté ou en l’autre, |
aufli bien qu’aucun Philofophc Ôc Cofmogra-
phe qui foit. Que fi ne pouuons bonnement |
DIS Indes, Liv. I. 37
defcouurir, la caufe ôc la raifondc ccs chofcs
que nous voyons iourncllcment à l’œil, qui fans
doute feroient fort difficiles à croire, fi nous ne
les voyons ainfîouuertement ; Certes Tonco-
gnoit bien par là noftre folie & vanité , de nous
vouloir faire iuges,& aflubiedir à noftre raifoii
&difcours les chofes diuincs & fouueraines.
C’eft pourquoy il vaut mieux, comme dit Gré-
goire Théologien, que la raifonfalfuiettifté à la
fby, puifque en fa maifon racfme elle ne fe peut
pas bien gouuerner.Mais cccy nous doit fuffirc,
retournons à noftre propos, ôc concluons que
l’vfage de l’Elguille à nauiger n’a point cfté co-
gneuc des anciens , d’où 1 on peut refoudre qu’il
leur a cfté impoffiblc de faire voyage de propos
délibéré, parrans de l’autre pionde pour venir
en ceftuy-cy par 1 Océan.
Chapitre. XVIII.
eff refondu a ceux qui difent qu4»
temp fajfé comme autourd’huj l'on a
nautgé jitr l' Océan.
E que l’on allègue au contraire de ce
quia efté diét, que la flotte de Salo-
mon nauigeoit en trois ans, n’eft pas
preuuc fuffilàntc, puis que les fain-
éte$ Efcrirurcs n’afferment pas expreflement
que ce voyage duraft trois ans, mais bien qu’il
fcfaifoitvne fois en trois ans. Et encore que
nous accordions que la nauigation duraft trois
ans, ilpouuoit eftre , comme il eft plus vray-'
femblablc , que cefte flotte nauigeant vers l’In-
îen.io.
Histoire natvrelle
de Orientale, fut retardée de fa route pour la di-
ueriîté des ports & régions , qu’elle aîloit reco-
gnoilîànt : comme auiourd’huy en toute la mer
du Sud, l’on nauige depuis Chile iufquesàla
iicuucElpagne, laquelle nauigation encor qu’el-
le foit plus certaine, neantmoins elle eftbien
plus longue àcaufede ce tournoyement qu’elle
cft contrainte de faire par les coftes , & le retar-
dement qu’elle peut auoir en diuers ports. Et à
la vérité ie ne trouue point és liurcs des anciens
qu’ils fe foyent beaucoup aduancez & engol-
phez en l’Océan , & ne peux croire , que ce
qu’ils en ont nauigé ait efté autrement que de
la façon qu’on nauige encor auiourd’buy en la
mer Méditerranée. Qm donne occafion aux
hommes doétes de croire , qu’ancicnneraent
l’on ne nauigeoit point fans rames, d’autant
que l’on alloittoufiours coftoyant la terre, &
femblc que l’Efcriture fainde le viieille ainfi
donner à entendre , quand elle parle de cefte fa-
meufe nauigation du Prophète lonas, ouilell
did, que les mariniers eftans forcez du temps,
ramerentàterre.
l'on peut comcHurer tfue les premiers peupleurs
des Indes ji font amueX^ptir tourmente
Cr* contre leur volonté.
Chapitre XIX.
jYâtmôftréqu’iln’y apointd’ap- ^
paréce de croire que les premiers
habicansdes Indes y foient venus
de propos delibcré,ilfcnfuytdôc
que s’ils-y font venus par mer, ç’a
Des Indes. Liv. I. 3S
efté par cas fortuit ôc par force de tourmen-
te, ce qui n’eft pas incroyable, quelque grande
que foit la mer Oceane, puis qu’il en eft au-
tant aduenu de noftre temps: lors que ce ma-
rinier (duquel nous ignorons encore le nom,
afin que vn œuure fi grand & fi important
ne s’attribue point à d’autre autheur qu’à Dieu)
ayant par vn terrible ôc mauuais temps reco-
gneu ce nouueau monde, laifiàpour paye de
fon logis où il l’auoitreceUjàChriftophle Co-
lon, la cognoiflance d’vne fi grand’ chofe. Ain-
fi a-il peu arriuer,jquc quelques hommes de
l’Europe ou Affrique , au temps palfé ayent
efté poufiez par la force du vent., & iettez à
des terres incogneucs par delà la mer Occa-
ne. Qui clt-ce qui ne fçait point que plufieurs,
ou la plus grand’ part des régions que l’on a
defcouuertes en ce nouueau monde, a efté par
ce moyen, dcfquellesrondoibt pluftoft attri-
buer ladefcouuerture à la violence des temps
ôc orages , que non pas à l’efprit ôc indiiftrie de
ceux qui les ont defcouuertes ? Et afin que l’on
rccognoifte que ce n’a pas efté de noftre temps
feulement que l’on a faiét Ôc entreprins de tels
voiages,pour la grandeur de nos nauires, valeur
&hardieficde nos hommes, on peut voir de-
dans Pline, que plufieurs des anciens ont faicl
de femblables voyages.il dit donc de cefte façô:
l'on raconte que CaiM Cefar fiU à'^Hgujle , e^mt en
charge (iir U mer ^ trahie , l'on vetd rccogneut
des pièces rejies de nauires Espagnols , qm y amyent
fery.'Ex. dit z^vesiNepos raconte du circuit Septentri»-
ndj quel’ on apporta a Plmntm \AetclltiS Celer compa-
Histoire natvrelie
gnm 414 conJUUt de C4m ^jfrânm (eflant Urs iceluy
Metellus Proconjùl en GduleyCertxins Indiens qm auoiet
ej}e' preJènte'X^ar leB^Qi de SHeueylefquels Indiens n4ui-t
gems de l’ Inde pour leur commerce ^furet iette'^en Ger-
maniepdr U force des tempefies. Vom certain fl Pline
dit vérité, les Portugais ne nauigent point au-
iourdhiiy d’auantage que firent ceux là en
FU» lîy 6 naufrages. Tvn depuis l’Efpagne iuf-
cap. 11. Rouge , & l’autre depuis l’Inde
Orientale iufques en Allemagne. Le mcfme au-
theur eferit en vn autre liure, qu’vn feruiteur
d’Annius Plocanius , qui tenoit la ferme des
droits de la mer Rouge, nauigeant la route d’A-
rabie, fiiruint des vents du Nort furieux, telle-
ment qu’en quinze iours il paflà la Carmanic,
iufques à recognoiftre Hippures, port de la
Taprobane,qu’auiourd*huy nous appelions S4-
matre. Mefme l’on raconte d’vn nauire de Car-
thaginois , qui de la mer de Mauritanie , fut
poulLé d’vn vent de bize, iufques à la veiie du
nouueau monde. Ce qui n’cftpaschofenou-
uelle à ceux qui ont quelque expérience de la
mer, d’entendre que quelquefois vne tempe-
fic dure fi long temps & obftinémcnt , fans ap-
paifetfafureur. Il m’eft aduenu allant aux In-
des, que partant des Canaries, iay defcouuert
& apperceu en quinze iours la première terre
peuplée des Efpagnols. Et fans doute, ce voya-
ge euft efté plus bref, fi les mariniers eufient
appareillés toutes leurs voiles, à la bize qui cou-
roit. Ain fi me femble-il chofè vray fcmbla-
blc , qu’au temps paffé les hommes^oyent arri-
liez aux Indes, contre leur inteîition , pouifez
Des Indes, liv. L
& vaincus de la fureur des vçnrs.lls font au Pe-
ru grande mention de quelques Geans qui ont
cfté en ces quartiers, les osdefquclsfevoyent
e ncor auiourd’huy en M anra ôc port vieil, d’vne
grandeur cnorme,& à leur proportion, ces ho-
mes deuoient citre trois fois plus grads que les
Indiens d’atiiourd’liuy. ils racontent que ces
Geans vindrent par mcr,& faifoient la guerre à
ceux du pays, qu'ils baftirent de fomptueux edi-
ficeSjdont ils monftrent encor auiourd’huy vn
puits fait de pierres de grand valeur. Ils difent
d’auantage, que ces hommescommettans pé-
chez enormcSj&fpecielcmenr cil contre natu-
rc,furent embrafez &confumcz du feu qui vint
du ciel.Mefme racontent les Indiens d Y ca, ôc
d’ A rica,qu’ils fouloient anciennement nauiger
fort loin à des Ifles du Couchant, & faifoient
leur nauigation en des cuirs de loup marin en-
flez. De façon qu’il n’y a point faute de tcfmoi-
gnages pour mbftrcr que l’on aitnauigé la mer
du Sud deuât que les Efpagnols y vinflèiit. Ainfl
pouuons-noiis penfcr,que le nouueau monde a
commencé d’eftre habité par des hommes qui
yonteftéiettezparlatempeftedesvcnts, ôc la
force du Nort, comme finalement on l’a veue
dcfcouiicrtc en noftre temps. Il eft ainfi( chofe
bien confiderablc ) que les ccuures de nature
de grand ^importance, pour lapins grand part,
ont cfté trouuees fortuitement, fans y penfer,
ôc non pas par rinduftrie ôc diligence humaine
La plus part des herbes mcdicinal/es,des pier-
res, des plantes, des métaux, des perles, de l’or,
aymant,ambrc,diamant,& la plus-parc de cho-^
!Î 1
Histoire natvreilë
fes femblablesj&lcursproprietez&vertus font
pluftoft venues en la cognoilTance des hommes
par accident que par art,& par leur induftric.
Afin que l’on voye que la gloire & louange de
telles merueilles, fe doit pluftoft attribuer à la
prouidence du Createur^que non pas à Fenten-
dementhumainrpour autant que ce qui nous
femble arriuer fortnitement,procede toufiours
de fbrdonnancc & dilpofition de DieUjquifait
toutes chofes auec raifon.
i ; 4
Qm nerntmoms tmt ce qui a ejiê dit cy deffut eji
vray-fernhUhle de penpr,queles ^re~
tniers peuqileurs des Jndesy font
venMpar terre.
Chapitre XX.
jE conclus donc qu’il eft bien vray-
Ifemblablc de penfer que les pre-
jmiers , qui arriuerent aux Indes,
jfuft par naufrage & tempefte de
[mer : mais il fe prefentc fur ce
point vnc difficulté , qui me trauaille beau-
coup, qui eft qu’cncor que nous accordions,
que les premiers hommes foyent venus à des
terres fi cfloignées,que celles cy, & que les na-
tions que nous voyons icy foyent forties d’eux,
&fc foyent tellement multipliez qu’ils font à
prcfènt.Neantmoins ie ne me puis imaginer,
par quel moyen, ny de quelle façon,lesbcftes
& animaux, dont il fetrouiic grande abondan-
i
D Ë s T N DE s. L I V. T, . 40
tcâux Indes,y aycnt peu arriner, n’cftant pas
croyable que l’Oïi les y ait embarquez 6c por-
tez par mer. La raifon pour laquelle nous fom-
mcs contraints de dire,que les premiers hom-
mes des Indes fons venus de TEurope ou'de
l’Afic, cftpour ne contredire à la fainàc Efcri-
ture,qui nous enfeigne clairement que tous les Cenef.y,
hommes font fortis d’Adam: Par ainfi nous ne
pouuons dôner autre origihe aux hommes qui
font es Indesj veu que la mefme Eferiture nous
dit,quc toutes les belles & animaux de la terre
périrent, finon celles qui furent referuces en
l’Arche de Noé pour la multiplication & en-
tre tien de leur e^ece.De façon que nous do-
uons necdïàirement référer la multiplication
de tous les animaux fufdits à ceuxqui fortirenc
de l’Arche de N oé aux monts d’Araraat où elle
s’arrefta, & par ce moyen nous deuons recher-
cher, tant pour les homes que pour les belles, ^
le chemin par lequel ils font palîèz du vieil
mondeau nouueau. Sain6l Augullin traidrant
celle quellion, pour quelle raifon l’on rrouuc
en certaines I lies des loups , des tygres, ôc au- ,1/ ‘
très belles rauilfantes qui n’apportent aucun
profîtauxhomeSjVeuqu’iln’yapoint de don-
teque leselephans, cheuaux, bœufs, chiens &
autres animaux dont ce feruent les hommes, y
ont elle portez tout exprès en des nauires, co-
rne nous voyons anjourd’huy quel on les por-
te depuis l’Orient iufques en l’Europe, 6c de
1 Europe au Peru, encor que les voyages en
foieiit 11 longs.Et par quel moyen ces animaux
qui font de nul profit, au contraire font dom-
Histoire natvr"^i lle
mageables, comme les loups, ôc autres de telle
nature farouche, ayent peu paiîèr aux Indes,
fuppofé ( comme il eft certain ) que le Déluge
noya toute la terre. Sur lequel traidé, ce dode
Ôc faind home eflaye à fc demefier de ces difïi-
cultéz , difant, qu’ils peurent paflTerà nage en
ces ïfles; ou que quelqu’vn les y a portez ex-
près pour Icdefduit de la chalfe. Ou bien que
par la volonté de Dieu , ils eullènt efté créez
tout de nouueau delà terre, enlamefmc forte
Ôc mani ere de la première création, quand Dieu
dift; : U terre prodtttfe tout AmmdviuAnt en fort
Cenef.u genre iAnmAux^re^tiles CX hepsfiuuAges des chAmps
Jelen leur ejpece. Mais li nous voulons appliquer
ceftefolution à noftre propos, la chofe en de-
meurera plus ambarafléej car commençant au
dernier pointjiln’eft pas vray-fcmblable, félon
Fordre de nature, ny n’eft pas chofe conforme
à Fordre du gouuernemeiitqueDieuaeftably,
que les animaux parfaits, comme les lyons, les
tigres ôc les loups,fcngendrent delà terre, fans
leur génération , comme F^n voit que les rats,
les grenouilles , les abeilles ôc tous autres ani-
maux imparfaits fengendrent communément.
D’auantage, à quel propos ell-ce quefEferi-
ëenef.j . turc dit,6c répété tant de fois*, r« prendras de toM
les Animaux CX oifeaux du Ciel fept CT' fept^mafles CX
femelleSyà fin c[tie Itmr generanon s'entretienne fisr U
terre, fi tels animaux apres le Dcluge deuoient
eftre créez derechef par vncnouuelle manière
decreation,fanslaconjondiondu malle &fe-
raelle f Et fur ce pourroit encor fc faire vne
autre queftion : Pourquoy tels animauxnaif-.
©El Indes. Liv. T. 41
fans de la terre(rclonccfl:ç opinion ) il n’y çn a
pas auflî bien en toutes les autres parties de la
terre ferme, & es autres Ifles rpuifque nous ne
dcuons pas confiderer l’ordre naturel deJa gé-
nération, mais feulement la libéralité du Créa-
teur. D’autre-part que l’on ait paifé quelques
vnsde ces animaux, pour ledcfduitdelachaiïè
( qui cft (on autre refolution ) ie ne le veux pas
tenir du tout pour chofe incroyable : d autanc
que nous voyons fouuentesfois que les Prin-
ces & grands Seigneurs tiennent 8c nourrif-
fent en leurs cages, pour leur plaiiir ôc gran-
deur tant feulement, des lyons, des ours V au-
tres beftcs fanuages, principalement quand el-
les font amenées de terres lointaines: mais de
dire cela des loups, renards 8>c autres animaux
qui n’apportent aucun profit, & qui n’ont rien
de rare ny de bon que de faire dommage au be-
ftiafi& de dire aiifli qu’ils ont prins la peine dà,
les apporter par mer pour la chafle : certaine-
ment c’eft chofe qui n’a point de raifon* Qui
cft ce qui pourra penfer qu’en vne nauigation
fi longue & infinie il y ait eu des hommes qui
ayent prins la peine de porter au Peru des re-
nards, principalementde ceux qu'ils appellent
Anas,qui cft vne efpece des plus ords ëc in-
fedls que Paye iamais veu - Qui voudra dire auf».
fi qu’ils y ayent apporté des tigres & des lyons?
certainement c’eft chofe digne de rifée 8c mo-
querie, de le vouloir penfer. Car c’eftoii âlîez
voire beaucoup aux ho nnn es, pouftez malgré,
eux par 1 orage 8c la tempefte en vn fi lointain,
^incogneu voyage, de pouuoir efehapper du,
HlStOlRE NATVHELtÉ
danger dé la mer leurs propres vies /ans fama-
fer à porter des renards & des loups, &les nour-
rir par la mer. Si donc ces animaux font venusf
par raer,il faut croire que ç’a efté à nage: ce qui
fe peut faire en quelques Ifles,peu diftantes Sc
efloignees des autres,ou de la terre ferme:com-
me on ne le peut nier, veu Fcxpcrience certaine
que nous en auons,& que nous voyons que ces
animaux cftans preflez nagent iour &nuid fany
felaiTcrj&enfinilsfefchappcnt de la façon.
Mais cela fentend en de petits golphes & rra
f uerfeSjpource qu’en noftre Océan fon Ce mo-
queroit de tels nageurs;veu que les ailles fail-
lent aux oifeaux, raefmes de grand vol, fur le
paflàge d’vn fi grand abyfmc.Et combien qu'il
fc trouüc bien des petits oifeaux quivolent plus
de cent lieues , corne nous fauons veu plufieur»
fois envo7agcant,toutesfois c*eft chofe impof-
fiblc aux oiîeaux,à tout le moins fort difficile,
de pouuoir paflèr toute la mer Oceane.Or tout
ce que nous auons dit cy defliis eftant véritable
par quelle part ferons-nous le chemin à cesbe-
ftes fauuages Sc aux oyfiilos pour les pafièr aux
lndes,& comment dirons-nous qu’ils fontpaf-
fezd’vn monde àfautreîle côicdurc donc par
le difeours que i’ay fait,quc le nouucau monde,
que nous appelions Indes , n’eft point du tout
diuifé ny feparc defautre monde;& pour en di-
re monopiniô,il y a ja fort long temps, que i’ay
penfé que IVne & l’autre terre le ioignent &
continuent en quelque part, ou à tout le moins
fauoifinent & approchent de bien prcs.Et tou-
tesfois encor iufqucs à prefent n’y a aucune
Des Inoès. Liv* L 4i
certitude du contraire : pour autant que vers le
pôle Arâ:iquc,qnc nous appelles le Nortj tou-
te la longitude de la terre neR pasdercouuer^
te &côgncuë, ôc y en aplufieursquiafFermenc
qu’au delïus dé la Floride, f’eftend au Septen-
trion vnè terre fort large,qu’ils difent fe venir
rertdrciufques àlamer Scytique Ou Germani-
que.D’autresadiouftentquil y a eu vn nauire
quinauigeanten ces parties, raconte auoirveu
la cofte de Bacaleos, qui f’eftênd quafi iufqucs
aux fins de l’Europe. D’auantage l’on ne fçaic
non plus iufques où s’eftend la terre qui court
au defiiis du cap de Mcndoce en \a mer du Sud,
finon que l’on dit que c eft vne terre fort gran-
de & qui court vne longueur infinici 6c retour-
nant à raiitie pôle duSüd,iln yapashomme
quifçacheoùs’arreftelaterrequi eft de l’antre
Cofté du deftroit de Magellan . Vn nauire de l’E*
uefque de Plaifànce qui paflà le deftroit, racon-
te n’auoir perdu la veuë de la terrei le mefmc
dit, Hernande Lamerpilote,qui par tourmen-
te paftà deux ou trois degrez au delîus dudit
deftroit.Ainfin’ya-ilraifon ny expérience qui
contredife mon imagination ou opinion : Sça^
uoir eft que toute la terre fe joint & continue
en quelque endroit, ou à tout le moins qu’elle
s approche fort l’ vne de l’autre.Si cela eft vray,
c5 me en efFcdt il y a de l'apparence, la relponce
eft aifée au doute fi difficile que nousauions
propofé , comment peurent palfer aux Indes
les premiers peupleurs d icelles ; pour ce que
l’on doit croire qu’ils ne peuuent pas tant y
cftre venus nauigeans par la mer, comme che-
Fij
fîlSTOIRl NATVREtLI
minanspar terre,5: auroientpeu faire ce chc-
min/ans y penfsr.cn chaiigeans peu à peuleiirs
terres & habitations. Les vus defqucis peuplas
les terres qu'ils renconcroienr , les autres en
cherchant d autres nouuelles , vindrent en fin
par la longueur du temps à remplir & peupler
les terres des Indes de tantdenations,gcns
langues que nous y voyons.
Ve quelle façon O" maniéré les animaux^
fliaux domeftiques ^ajferent aux Indes.
' C H A P. XXL,
Es fignesScargumensquireprefen-
centàceuxqui font curieux d'exami»
ner la façon & maniéré des Indiens
aident beaucoup à fouftenir l’opiniô
fufdide;pour autant que l’on ne trouue point
d hommes habitans és l£lcs,quifont beaucoup
tüognees delà terre ferme, ou des autres Ifles,
comme la Bermude,dontla raifon eft, pource
que les anciens ne nauigeoicntque auxeoftes
prochaines, & toufiours à veiiedeterre. Sur-
quoy l’on rapporte qu'il ne feft trouué en au-
cune partie des Indes de grands nauires , qui
fuflent capables de palfer tels golphes, mais feu
lement y a l’on troaué desRal{as,Barquettes ou
Canoës, qui toutes font moindres que Chal-
ioppes,defqucllcs fortesde vaifeaux feulement
vrendeslndiens,aueclefquelsils ne pourroiéc
fcngolpher en vne fi grande rrauerfe, fansvn
înanifefte dagerdenaufrage,& ores qu’ils euf»
fient eu des nauires fiuffifans^ils ne fçauoiét l’arc
DES Indes. Liv. I.
dcl E(guillc,Aftrolabc ou cadran. QueOils eul^j
fenteftéhuidoiidixioursransvoir la terre, il
cftoit impoflîble qu’ils ne fe perdilfent , fans
pouuoirrecognoiftreoùilseuflent efté. Nous
recognoifsôs plufieurs Ifles fort peuplees d’in-
diens,& leur nauigatiô fortylitee, m ais c’eftoic
cellequ’ils pouuoiêt faire en Canoës &Barquec
res fans l'E^uilledenauiger. Quand les Indiens
du Péril qui demeuroient en Tombes, veirent la
première fois nos nauires Efpagnols qui naui-
geoient au Pcru,&recogncurent lagrâdeur des
voiles rendus, & du corps des nauires, demeurè-
rent fort eftonnez, Ôc nepouuansfepeiTuader
que ce fuilent nauires,pour n é auoir iamais veu
de telle forme Ôc grandcur,fimaginoient que ce
fulîènt des roches. Mais voiâs qu’ils aduançoiêc
fans fcnfoncer,demeuroy ent tous rauis ôc tiâf-
portez d’elpouuentemêtdufques à ce que regar-
dans déplus pres,ils recogneurent des hommes
barbus , qui chemînoyent en iceux , qu’ils efti-
merent alors deuoir eftre quelques Dieux, ou
gens du Ciel. D’où il appert combien c’eftoit
chofe incogneue aux Indiens, d’auoir de grands
nauires.il y a encor vne aütre raifob^, qui nous
fait croire,&tenir pluftoft l’opinion mfdite,fça-
uoir que ces animaux defquels nous difons qu’il
n’eft pas croyable, qu’ils ayent efté embarquez
par aucuns hommes , pour porter és Indes, ne le
tiennent qu’en la terre ferme, ôc non point aux
Ifles qui font à quatre iournees de terre ferme,
l’ay faid celle recerche pour faire prenne de ce^
cy , d’autant qu’il m’a femblé que c’eftoit vu
poinift de grande importance, pour me refou-
F iij
Histoire iTATyREtj.E
di'C en l’opinion que i’ay di(3:e , que la terre des
Indes, d’Europe, d’Aiie & d’Afrique , ont quel-
que communication enfemble , ou à tout le
moins qu’elles i?approchent fort par quelque
partie. Il y a en l’Amerique ôc Peru beaucoup
de belles fauuages, comme des Lyons (encor
qu’ils nefoycnt femblables en grandcur,ficrtc,
ny en la mefme couleur de roux,aux renommez
Lyons de 1’ Afrique.il y a aulïi grand nombre de
Tigres qui font fort cruels , 8c plus communé-
ment aux Indiens , que non pas aux Efpaignols.
Ilyaauffi des Ours, non pas toutefois en fort
grande abondance. Des Sangliers & des Re-
nards vn nombre infiny. Keantmoins fî nous
voulons chercher de routes ces efpeces d ani-
maux, en rillc de Cuba , Efpagnolle, lamaiquc,
la Marguerite , ou la Dominicque, il ne.f’en
trouucra aucuns. Tellement que efditcs Illes,
quoy qu’elles fulTent fertiles & de grande ellen-
due, il n’y auoir aucune forte d’animaux de fer-
uice , quand les Efpaghols y arriucrent : mais à
prefent y a fi grand nombre de troupeaux de
CheuauX , Bœufs, Vaches , Chiens & Pour-
ccaux,qui ont multiplié de telle façon,que jales
troupeaux de Vaches n’ont plus de maiftre af*
feur^mais appartiennêt au premier qui les tue,
ôc iartiere, foit en la montagn&eu aux champs:
ce que les infulaires font feulement pour auoir
le cuir, dont ils font grand traffic,laiflTans perdre
la chair, fans la manger. Les chiens y ont telle-
ment multiplié, qu’ils marchent en troupes, ÔC
endommagent fort le beftial , ôc font autant de
deigali que des Loups, qui cftvne grande inco-
Dis ÏNDis Liv. X 44
feditc en Gcs Iflcs là. Il n’y a pas feuîetncnc
faute de beftes làuuages en ces Ifles , mais en la
plus grand’ part, d’oyfeaux & oyfîllons. Pouc
les perroquets , il y en a beaucoup qui ontvn
grand yo1,& vont parbandes,mais il y en a peu
comme i’ay dit,& d’autres fortes d’oyfeaux. De
Perdrix il ne me fouuiét point d’y en auoir veu,
ny entendu qu’il y en aye comme au Peru. Audi
peu y a-il de ces beftes qu’ils appellent au Peru,
Guancos & Vicunas,qui font comme Chieures
fâuuagcs, fortyifteSj Cnl’eftomacdefquclles fc
trouuc la pierre Bczaar , que plufieurs eftiment
degrandpris,& fen trouue quelquesfois dàuflî.
grolTesquVn œuf de Poulie , voire la moitié
d’auantage. ils n’ont non plus d’autre forte de
beftial,quc de ceux-là que nous appelions mou-
tons d’Inde , Icfquels outre la laine & la chair,
de laquelle ils fenourrÜfçnt &fc yeftent, leur
feruentd’afnes, «5r de voy turcs à porter charge.
Ils portent la moitié de la charge d’vnc mule,
& font de peu de fraiz à leurs maiftres , pourcc
qu’ils n’ont bcfoin,ny de ferrures, ny de bas, ny
d’auoine, pour leur viure , ny en fin d’autre hatr
nois; d’autant que de tout cela ils en font poiir-
ueus de nature, qui a voulu en ccfauorifçr ces
pauures Indiens. De tous ces animaux, &:dc
plufteurs autres fortes , dont ic feray mention
en fon lieuja terre ferme des Indes cft fort abô-
dante & remplie. Mais il ne fen trouuc aux
Ifles que ceux que les Elpagnols y ont appor-
tez.Il eft bien vray , qu’vn de nos freres veid ,yn ‘
iour vn Tigre en vnc ifle, comme il nous a ra-
conté, fur le propos d’vnc fîenne pérégrination
F
Histoire uatvrelib
& naufrage. Mais interrogé combien ceftc Ifle.
cftoit eflongnee de terre ferme,refpondir com-
me de fix à huidlieuës pour le plustlaquellc tra-
uerfede mer les Tigres peuuent aifemcnt paC-
fer à nage.L on peut inferer par ces argumcns&
autres remblablcs,quc les premiers Indiens ont
palTc pour peupler ces Indes plus par le chemin
de terre, que de la merj ou fil y a eu nauigation,
qu’elle n’a efté ny grande ny difficile : pourcc
que c’efl chofe indubitable, qu’vn monde doit
eftre ioint & continué auecl’aurre , ou à tout le
moins eftre en quelque endroit fort proche Wn
de l’autre.
Qm le des Indiens rieîî point pxfe par l'ijle
renommée Ifle Atlanticque, &c de là palferent
d’ifle en autre , iufqiies à paruenir à la terre fer-
me des Indes: pource que leCrifiasde Platon
en fon Timce , en difeonrt de ccûe façon.
Car fi i’Ille A tlanticque eftoit aulfi grade com-
me toutel’Afie & l’Afrique enfemble, ou bien
encor plus grande, comme veut dire Platon,
elle deuroit par neceflîté comprendre tout
1 Océan Atlanticque , & paruenir prefqueiuf-
L y en a quelques- vns qui fuyuans
l’opinion de Platon, mentionnée
cy deftus, difent que ces gens là par-
tirent de l’Europe ou d’Afrique,
pour aller en cefte tant famenfc&
DE’s lNDis Liir; L 4j
^iies auxiflcs du nouueau mondc.Et dit d auan-
tagc Platon , que par vu grand & cftrange délu-
ge fon Iflc Atlantique fe noya , ôc par ce mo.yen
rendit celle mer innauigab e, pour la grande
abondance des bancs, rochers, &impetuofitc
des vagues qui y eftoyenr encore de fon temps.
Mais qu’en fin les ruines de celle Illc noyee, fc
ralîîrcnt ôc rendirent celle mer nauigable Cecy
a elle fort curieufemenr traidé & difeouru par
aucuns hommes dodes & de bon entende-
ment j &neantmoins ellantdepres conlîderé,
à vray dire fe treuucnr chofes ridicules , qui ref-
Icmblent plus les fables ou contes d Ouide,
qu’vnc hilloire ou Philofophie digne d dire
mifeen auant. La plus part des interprètes ôC
expofiteurs de Platon afferment que c’dl vne
vraye hilloire, tout ce que Crifias raconte, de
l'ellrange origine de P*fle Atlanticquc, de fa
grandeur ôc prolperité, des guerres qu’ils ont
eues contre ceux de 1 Europe,^: plulîeurs autres
chofes. Ce qui fait croire d’auantage que c’eli
hilloire vraye, font les paroles de Crifias, que
Platon introduit cnfonTimcc, difanr,que le
fubied qu’il vcuttraitrcr ell de chofes cllran-
ges, mais qui font neantmoins véritables. Les
autres difciples de Platon confiderans que ce
difeours a plus d’apparence de fable, t^ic non
pas d'hilloire, difenr , que l’on doit entendre ce-
la par allégorie, & que ç’a ellé l’intention de
leur diuin Philolophe. De celle opinion ell
Procle,& Porphyre, voire Origene, lefqucls c-
ftiment tant les eferipts de Platon, que quand
ils en parlent , ü femblc que ce foyent les liures
Histoire natvreli.i
de MoiTc,ou d’Efdra$,& là où il leur femblc que
les eferits de Platô ne font pas vrais femblablcs,
difent qu’on les doit entendre en fens allégorie
&nayftic. Mais pour dire la vérité, ie ne porte
point tant de refped à Tauthorité de Platon,
quoy qu’ils l’appellent diuin, qu’il mefemble
trop difficile de croire qu’il ait peu efcrireccs
cbofesdel’Ifle Atlantique, pour vne vraye hi-
ftoire, lelquellcs pour cela ne laiffient point d’e-
ftre de pures fablcs:vcu qu’il confelTe ne l’aupir
appris que de Critias qui eftoit petit enfant , &
entre autres chanfons chatoit celle de l Ifle At-
lantique.Quoy que c’en Toit, que Platon l’ait et
critpour hiftoireou pour fable, quantàmoy,
ie croy que tout ce qu il a clcrit de cefte Ifje,
commençant au Dialogue du Timee, &pour-
fuyiiant à ccluy de Critias , ne peut eftre tenu
pour chofe vraye J finon entre les enfahs dcle$
vieilles. Qui ne tiendra pour fable, dédire que
Neptune Penamoura de Cly té,& eut d’elle cinq
fois des gemeaux d’vne ventree, & qued’vne
montagne il tira trois pellottes rondes de rner,
& deux de terre , qui fc relTerabloyent fî bien,
que l’on euft difl: quelles culTent cfté faiéfccs
toutes en vn tour ? Qpedironsnousdauanta-
ge de ce Temple de mil pas de long, &de cinq
cens de large, duquel les parois par dehors e-
ftoyent toutes couuertcs d argent , tout le lam-
bris d or , & le dedans d’yuoire cifcllé Ôc entre-
kiré d or,dargcnt,& de perles? En fin parlant de
fa ruine finale , il conclud ainfi au Timee : En vn
tour vne nmfl furmnt vngrxnd, âeluge ^ lequel
tous nos foldats furent engloutis À monceâux dans U ter^
DES ÎNDESi Liy.: î, jfs
àe cejle fdçsn Vljle Atlantique ejlant fùîmergee
dij^amt en la mer. Pour certain ce fut bien à pro-
pos que cefte I/le difparut fi fubircment, veu
qu’elle eftoit plus grande que l’Afic ôc l’Afri-
que cnfcniblc, Ôc qu’elle eftoit fai£te par encha-
tement. C’eft chofe auftî de mefme fort à pro-
pos, de dire que les ruines de cefte Ifle Ci gran-
de fe voyent au fonds de la mer, & que ceux
qui les voyent , qui font les mariniers , ne peu-
uent nauiger par là. Puis il adioufte ; Pourcefîe
caujè tufques ameurd'huy^cefte mer m Je naui^e pmt,
ny ne feut ejlre nauigee four raijoh du banc , qui feu a
feu seCl forme' en cejîe ijle fuhmergee, le demande-
rois volontiers quelle mer a peuenglourir vnc
telle infinité de terre, qui eftoit plus grande
que toute r Afie & l’Afrique enfcmble, &qui
(è confinoit iufques aux Indes , & encore len-
gloutir de telle façon , qu’il n’en foit demeuré à
prefent aucuns reftes ny apparences quelcon-
ques : veu qu’il eft tout cogneu & e^ronué,
que les mariniers ne trouuct aucun fond ( quoy
>que longue foit leur fonde ) en la mer où ils di-
fentauoir efté cefte Ifle. Toutesfois ce pourra
fcmbler chofe indifcrerc & efloignee de rai-
fon,dc vouloir dilputer ferieufement les cho-
fes qui ont efté racontées par paifetemps feule-
ment , ou bien fi l’on doit auoir tant de relpedb
àl'authorité de Platon ( comme il eft bien rai-
fonnable) on les doit pluftoft entendre, pour
fignifier fimplcment , comme en peinture la
profpcrité d’vne ville , & quant &: quant fa jper-
dition. Car l’argument qq’ils font pourprou-
uer que réellement & de faiét cefte Ifle Atlanti-
Histoire NATVR.ELLS
que ait cftc , difans que la mer en ces parties là
retient encor auiourd’huy ce nom d’Atlanti-
que,eft de peu d’importance; veu que nous fça?
uons que le mont Atlas , duquel Pline dit cefte
TUn.l^. c.i. mer auoir prins fon nom , cft aux confins de la
&L6.c.ii. mer de Mauritanie. Et file mefrae Pline racon-
te que ioignant le mont fufdit il y a vne Ifle nô-
mee Atlantique, qu’il dit eftrc fort petite & de
fort peu de valeur.
^ l'opinion de plujteurs cjui afferment que la premier
^ re race des Indiens vint des Imfs^ nejl point
véritable.
Ch A P. XXI II.
SES Indes. Liv. I. . 4^
fhrdtetur alors Dieu monflra ps merueilles en leur m -
droit ^arreflat le cours du fleuue mj^ues a ce qu'ils eufset
pajféj d'autant que le chemnpour aller en cejle région
efioit tres4ong,cr' d'vn an Cr deinj^O" s’appelle cefie
région ^rfarcht.^lors ils y demeurèrent mfques aux
derniers temps.Maintenant quand ils commenceront à
reuenirp tout fuijfant retiedra derechef vne autrefois
le cours du fleuue.afin quils j[mifent^aJ]erjCr'pour cejle
caufe tu as veu cejle multitude auec faix, Q^lqucs
vns veullent accommod^erceftecfcnturc d’Ef-
dras aux Indiens, difans qu’ils furent conduits
de Dieu ou iamais n’habita genre humain, 5c
que la terre où ils demeurèrent eft h efloignéc,
qivil y a vn an & demy de chemin pour y aller,
eftanteefte nation naturcllementpailible , 5c
qu’il y a de grands indices &argumens entre
le vulgaire de ces Indiens , pour faire croire
qu’ils defeendent delà race des luifs, d’autant
que l’on lesvoit communément efchars,rabaif.
fez, cérémonieux, & fubîils en menfonge. Et
difent d’auantage que leurs habits rdfemblent
fort a ceux dont vfoyent les Iuifs,pour ce qu’ils
portent vne tunique ou chemifolle,& vn man-
teau brode tout au tour, vont les pieds nuds,
ou feulement auec des femelles attachées de
eourroyes fur le pied, qu’ils appellét Ojotas. Et
difent qu’il appert par leurs hiftoires,comme
aulîî par les anciennes peintures, qui les repre-
fenrent en celle façon , que ccll habit cftoit
l’ancien vefteraent des Hebrieux, & que ces
deux fortes d habits, dont les Indiens vfent tant
feulement eftoyent ceux dont vfoit Samfon,
que rEfcriturc appelle Tunicam , 5c Smdonem,
HiST OIRÊ NATVREltE
quicftlcmefiticqacles Indiens appellent che-
mifollc 5c manteau. Mais toutes ces conieâu-
res font legeres, 5c pluftoft contr’eux,quepour
eux: : car nous fçauons bien que les Hebrieux
vfbyent de lettres, 5c il n’y en a aucune appa-
rence entre les Indiens . Les autres eftoient
fort amis de largent,& ceux-cy n’en ont point
de cure. Les luifs fils n’eftoient circoncis ne
Veftimeroientpasluifs, &les Indiens au con-
traire ne le font ny peuny point,&iamaisn’ôt
vfc de ceremonie qui en approche , comme
pluheurs des Orientaux. Mais quelle apparen-
ce y a-il de coniedurcr cecy , veu que les luifs
font tant diligens à conferuer leur langue &
kursantiquitez, de forte qu’en toutes les par-
ties du monde , où ils font ils different 5c les
congnoit-on toufiours d’aiiec les autres , 8c
neantmoins qu'aux Indes feulement ils ayent
oublié leur lignage, leur loy leurs ceremonies,
leur MefFic,& finalement tout leur ludaifmc?
En ce qu'ils difent que les Indiens font efehars,
rabaifTcZjfuperfticicux 5c fubtils en menfonge;
pour le premier c’efl: chofe qui n’cft point com-
mune à tous : car il y a des nations entre ces
Barbares , exemptes de ces vices. Il y en a d’au-
tres gcncreux 8c hardis, il y en a aufli de grof-
fiers,& fort lourds d’entendement. Q^ntaux
ceremonies 8c fuperftitions, les Gentils en ont
toufiours fort vfé*De leur façon d’habits,com-
mc il a efte defcritcydcuant,ilsenvfentainfi,
pour ce que c’eft le plusfimplc 8c naturel du
monde, fans artifice, & qui prcfquc a efte com-
mun,non feulement aux Hebricux,maisà tou-
èis Indîs. Liv. I. 48
tes les autres nations. Veu mefme que l’hiftôife
d’E(3ras(fî nous deuons adioufter foy auxEfcri-
tures apocryphes)eftplus contraire, qu’elle! ne
fe rapporte à leur intention. Car il dit en ce |âf-
fage,queles dix tribus s’elloignercnt de la mul-
titude des Gentilsjpour garder leur foy ôc cere-
monies,& Ton voit que les Indiens font addô-
nez à toutes les idolâtries du monde. Et ceux
qui ont cefte opinion mefme voyeht bien fî les
entrées du fleuüe Euphrate vôtiufques aux In-
des,&s’il eft neccflàire aux Indiens , de repafîèr
par là,commeilcftditaulieu prcailegué. Ou-
tre ce ic ne voy point comme ils fe puilfent no-
iner pacifiques, Ÿeu qu ils fe font continuelle-:
ihent guerroyez les vns les autres.En coiiclu'
fion ie nevoy point que l’Euphrate de l’apocry-
phe Efdras,foit vn pafiàge plus propre pour al-
ler au nouucau monde, que renchantée Ôc fa-*
bulcufcllle Atlantique de Platon.
Tour quelle j'AtJôn l'on ne peut hien treuuerl origine
des Indiens,
Chapitre XXIIII.
,L eft plus aife de réfuter ôc contredi-
te les faulfes opinions mifes en auanc
fur l’origine des Indiens, que non pas
d’en dire ôc arrefter vue relblutioii
certaine ôc veritablerpour autant qu’il n y a au-
cune clcriture entre les Indiens, ny mémoires
certaines de leurs fondateurs^ Et que mefme il
n eft fait aucune mention de ce nouticau mon-
de és liurcs de ceux qui ont eu cognoiflànce
Histôire NATVRELLI
des lettres : noé anciens ont tenu qu’en ces
parties là, n y auoitny hommes, ny terre, ny
Ciel. A raifon dequoy celuy là fcmbleroit fort
teiieraire & prefomptueux,quipcnferoitdef-
couurir & monftrer la première origine des
Indicns,& des premiers hommes qui ont peu-
ple les Indes.Mais nous pouuons de loing don-
ner iugement, par ledifcours que nous auons
misenauantcy defTus,que ce peuple des Indes
cft venu, faduançant peu à peu iniques à cc
qu’il foit arriué au nouueau monde, & ce par
l’aide & le moyen de la continuité ou voilina-
ge des terres, ou bien par quelque nauigaiion.
Cequimefembleauoirefté le moyen, par le-
quel ils y font vcnus,& non pas qu ils ayent fait
armée pour y aller de propos délibéré, ny qu il
leur foit arriué aucun naufrage, outempefte,
qui les y ait portez : combien quen quelque
partie des Indes , aucunes de ces chofes puif-
fent eftre arriuees , d’autant que ces régions
cftans fl grandes qu elles comprennent en elles
des nations fans nombre,nous pouuons croire
que les vns y font venus pour peupler d vne
forte,8c les autres d’ vne autre fa . on. Mais en
finie me refouz à ce point, que la vraye & prin-
cipalle caufe & moyen de peupler leslndes,a.
efté pour ce q ie les terres & limites d icelles
fc ioignoient &continuoicnt en quelques ex-
tremitez du monde, ou qu’à tout le moins elles
eftoient fort proches. Et croy qu il n y a pas
pluficurs miliers dannées , que les hommes,
habitent Ce nouueau monde, & Indes Occi-
dentales .mcfmc que les premiers hommes qui
* yen-
ï> E s î N bE s. L I Ÿ. î. 4f
y entrèrent, & eftoient pluftoft hommes fau-
uages,&: chaffcurs,que non pas efleuez&nour-
ris en Republique ciuille& policée , ôc qu’ils
arriuerent au noiiueau monde, pluftoft s’eftans
perclus de leur terre, ou s’y eftans troUuez en
trop grand nombre, & en neceffité d’en cher-
cher vne autre,laquclle ayant trouuée, ils com-
mencèrent peu à peu à la peupler, n’ayans point
d’autre loy, qü’vn peu d’inftind naturel, & en-
cor fort obfcur,&pour le plus quelques couftu-
mes qui leur font demeurées de leur première
patrie. Et bien qu’ils fuftent fortis de terres po-
licées <^biê gouuernces,fi eft-ce qu’il n’eft pas
incroyable de péfer qu’ils euflent oublié le tout
pour la lôgucur du temps,& le peu d’vfage : veu
que l’on l^it’qu’cn Efpagne &en Italie mefme,
1 on trouue des compagnies d'hommes qui n’é
ont rien que la figure ôc gcft:c feulement , d’oà
l’on peut conieéturc que de la façonnes mœurs
barbarefqucs &inciuils,fontvenusence nou-
ueau monde* /
De ce que les Indiens racontent de leur
origine.
Chapitre XX V.
E n’eft paschofe de grande importan-
ce de fçauoir ce q les mefmes Indiens
loiit accouftumé de raconter de leur
^-'ccmmencement &origine,yeu qu’ils
reftcmblct plus leurs fonges quovrayes hiftoi-
res.Ils font entr 'eux grade mérion d’vn delnge
auenu en leurs pays, mais l’ô ne peut pas bié m-
G
Histoire KATyREtts
gef, fî cc déluge eft l’vniücrfcl, dont parle liEf-*
crimre, oufi ç’aefté quelque autre dcliigc, ou
inondation particulière des régions ou ils font.
Aucuns hommes experts, dilent que l’on voit
en ces pays là , plulîeurs notables apparances
de quelque grande inondation, & fuis de l’opi-
nion de ceux qui penfent que les veftiges Sc
marques qu’il y a de cedelugejncfontdcceluy
de Noé,mais de quelqu’autre particulier, com-
me de ccluy que raconte Platon, ou ccluy que
les Poètes chantent de Deucalion. Quoy qu il
en foit les Indiens difent que tous les hommes
furent noyez en ce deluge,& racontent que du
grand lac Titicaca, fortit vn Viracocha qui
farrefta en Tiaguanaco , où l’on voit auiour-
d’huy des ruines & veftiges d anciens édifices
fort cftrangcs, & de là vintaCufco: ainfî re-
commença le genre humain a fe multiplier. Ils
monftrent en ce mefme lac vn petit lilet, ou ils.
feignent que le Soleil fe cacha & fy conferua:
& pour cefteraifon ils luy faifoient de grands
facrifices en ce lieu, non feulement de brebis,
mais d’hommes mcfmes. D autres racontent,
que fix ou ne fçay quel nombre d hommes, Ibr-
lirent d’vne certaine cauerne, par vne feneftre,
qui donnèrent commencement à la multipli-
cation des hommes, ôc a cefte occafion les ap-
pellent Pacaritampo. Ceftpourquoy ils font
d’opinion que les Tambos eft la race la plus
ancienne des hommes. Ils difent que Mango
Capa,lequel ils rccognoiflent pour fondateur
& chef des lngas,eftoit yftu de cefte race là, &
y que de luyfortircnt deux familles ôc lignages.
DES Indes. Liv. I. ÿp
Tvn de Hanan Cufco,& l’autre de Vrni Cufco.
Ilsdifent d’auantage,que quand les Roys In-
gas enrreprenoyent guerre & conqueftoienc
diuerfes prouinccs , ils donnoient couleur ôc
prenoycntpretexredeleur entreprinfe, difans
que tout le monde les deuoit recognoiftre :
pour autant que tout le monde s ’eftoit renou-
ucllé de leur race & de leur patrie. Et merrae
que la vraye Religion leur auoit efté rcuelcc
du Ciel. Mais que îert d’en dire d ’auantage, veu
que tout y eft plein de menfonge & de vanité,
ôc du tout efloigné de raifoii? Qu^clques hom-
mes do éleseferiuent, quetout ce dont les In*
diens font mcntion,&:n’cft plus ancien que de
quatre cens ans,& tout ce qu’ils difent du para-
uant n’eft qu’vneconfufion embrouillée de fl
obfcures tenebres qu’on n’y peut trouuer au-
cune vérité. Ce qui ne doit lembler eftrangc,
d’autant que les liures & eferitures leur def-
faillent, au lieu defquelles ils fe feruent de leur
conte de leurs Quipocamayos,qui leur eft par-
ticulier. Par lequel conte tout ce qu’ils peu-
uent rapporter ne peut eftre plus long que de
quatre cens ans. M’informant diligemment
.d’eux,pourfçauoir de quelle terre, & de quelle
nation ils pafTerent autres fois, là où ils font &
viuent à prefent, ie les ay trouué fî elloigncz de
pouüoir donner raifoii decela,qu’ils tiennent
pour certain qu’ils font creez de leur première
origine en ceiiouucau monde, où ils habitent.
Mais nous leur auons oflé ceft’ erreur par no-
ftrefoy, qui nous enfeigne que tous les hom-
mes procèdent d’vn premier homme. Il y a
G y
il
1
♦
I
’l i
.1 I
■ ( ;
> \
. }
l
!•
i
■\ '
HitOIRl NATVRELtB
grande conicdure&fort apparente, que ccS
homes par longue efpace de temps, n’ont point
eu de Roys,ny de Republiques,mais que ils vi-
noyent par rrouppes comme font aniourd’huy
ceux de la Floride, de Chiriquanas,du Brcfil,&
plufieurs autres nations qui n’ont aucuns Roys
aireurcz,finon félon l’occafiô qui s’offre ou en
paix ou en guerre qu’ils eflifcnt leurs Capitai-
nes,comme il leur plaift. Mais quelques hom-
mes,furpaffans les autres en force & induftrie,
auec le temps commencèrent à feigneurier,&:
commander^ comme fît anciennement Nem-
Gen.io, brof.puiscroiflantpeuàpeufontvenusà fon-
der les Royaumes du Péril & de Mexique, que
nosEfpagnols trouuerét,& combien qu’ils fuf-
fent barbares, furpafToyét neantmoins de beau-
coup les autres Indiens. Voila comment la rai-
fon fufdide nous demonftre,que la race des In-
diens a commencé à multiplier, pour la plus
grand’ part,d’hommesfauuages & fugitifs. Ce
qui doit fuffire touchan t Porigine des gens dot
nous parlons,laifTantlefurplus quandl'on trai-
tera leur hiftoire plus àloinr.
J
Jï
LIVRE SECOND DE
LHlSTOïRE NATVRELLE
& morale des Indes.
Chapitre premier.
Q^ce n'ejl^as hors âe^roj^os,mals necejpure^de trmtter
de U mture de pE^mnoxe,
OvR bien comprendre les cliofes
des Indes , il eft necelEiire de co-
gnoiflre la nature & dilpofition de
cefte-,region , que les anciens appel-
îoyent Zone T orride,& la tenoyent pour inha-
bitable jven que la plus grand’ partdecenou-
ueau monde que l’on a dernièrement defçou-
uert, gift & eft fitué fous cefte région du milieu
du Ciel. Etmefemblechofefortà propos, cc
que quelques vns difent, que la cognoüTancc
des chofes des Indes dépend de bien entendre
la nature de l’Equinoxe: d’autant que la diffé-
rence qu’il y a prefque entre l’vn ôc l’autre mo-
de, procédé des proprierez de ceft Equinoxe,
Et faut noter que tour ceft efpacequi eft en-
tre les deux trop'iques, fe doit tenir & enten-
dre proprement pour cefte ligne du milieu , qui
eft l’Equinoxe, ainfî appellee, pource que le
Soleil faifant fon cours en icelle , rend par tout
le monde les iqurs ôc les nuids efgaux -, mefmes
i'
(, Histoire natvrelle
que ceux qui habitent audeffous d’icelie, iouyf^
fcnt tout le long de l’annce de ccftc mefme ef-
galité des iours Ôc des nuisis. Or en cefte ligne
Equinoxialle, nous trouuons tant d’admirables
proprietcz,que c’eft auec bonne raifon que 1 en-
tendement humain le refucille & trauaille pour
en rechercher les caulcs, n’eftant point tant
cfmcuà ce parla doâ:rine des anciens Philo-
fophes , que par la merme raifon & certaine ex-
périence. /-
Tour quelle rdifin la dnaens ont tenu que U Zone T tr-
ride ^ourcertAin ejleit inhahiuhle.
Chapitre ii.
cherchant à prefent ce fubjeâ: dés
^^^^^fon commencement, aucun ne pour-
nier ce que nous voyons claire-
•^^^^^^ment, que le Soleil en fapprpchant
crchaufc,& refroidift en fefloignant. T efmoins
en font les iours & les nuids, tcfmoins l’Hyucr
êc l’Efté , la variété dcfqucls & le froid & le
chaud eft caufé par rapprochement ôc efloi-
gnement du Soleil. D’autr^art il cftauffi cer-
tain, que plus le Soleil f approche ôc iettefes
rayons direétement , plus la terre en eft arfe ôc
embrafee, ce qu'on void clairement en la cha-
leur du Midy Ôc en la force de l’Eftc. D’où l’on
peut iuger ( à ce qu’il me fcmble ) que tant plus
vne terre eft cfloignec du cours du Soleil, tant
plus cft-ellc froide. Ainfi nous expérimentons
que les terres & régions qui fapprochent d’a-
uantage du Septentrion ou Nort font les plus
Dis Indes Lïv. II.
froides , & au contraire celles qui Papprocîicnc
daZodiaquc, où chemine le Soleil , k trouuent
les plus chaudes. Pour celle caufc l’Ethiopie
furpalïc l’Afrique ôc Barbarie en chaleur , la
Barbarie fiirpafre l’Andalouzie , l’Andalouzic,
Caftille & Arragon, & Caftille & Arragon fur-
paflcnt auflî la Bifcaye & la France. Et d'autant
plus quelles font Scptentrionalles, d’autant
moins font elles chaudes : par confequent cel-
les qui s’approchent le plus du Soleil , ôc font
plus à plomb frappées de Tes rayons , fç relTen-
tcnt d’auantagc delà chaleur du Soleil. Qucl-
ques-vns mettent en auant vne autre raifon à
celle fin , qui ell que le mouuement du Ciel ell
fort foudain ôc leger deuers les Tropiquesj
mais qu a l’endroit des Pôles au contraire il ell
fort lent & pefant: d’où ils concluent que la ré-
gion que le Zodiaque circuit &con tient ell em-
brafee de chaleur, pour trois caufes ôc raifons,
IVnepour le voifinage du Soleil, l’autre pour
receuoir diredemcnt fcs rayons , la troilîef-
me, pource qu’elle participe ôc fe relient aucu-
nement de ce plus ville ôc foudain mounement
du Ciel. Voila ce que la raifon Ôc le difçours
nous enfeignent , touchant la caufe du froid ôc
chaleur des régions de la terre. Mais que dirons
nous des deux autres qualitcz, qui font l’humi-
ditc&lafecherelTcî toutlemefmc. Caria' fe-
chcrelïc femble cllre caulêc par rapproche-
ment du Soleil, & l’humidité de fon clloigne-
ment, d’autant que la nuiél eftaiit plus froide
que le ipur , cil aulîî plus humide , ôc le iour ell
plus fec, comme ellant le plus chaud. L’hyuer
G iiii
• Histoire.natvrilli
pendant que le Soleil cft plus efloigné ,fcvoi<î
plus froid & plus pluuieux, & l’Efté au contrat
re, auquel le Soleil eft plus proche, certaine-
ment eft plus chaud & plus fec. Pourcc que
tout ainfi que le feu a la propriété de cuire & de
brufler , auiîî l’a-il pareillement de dclTechcr
rhumidité.Coiihderâs donc ce que delfus, Ari-
ll:ote& les autres Philofophes attribuent à la
région du Midy , qu’ils appellent Torride , vnc
cxceffiue chaleur, ôc vnc fechereflTc tout enfem-
ble. C’eft pourquoyils difent que ccftc région
eftoitmerueilleufement embrafee & delèchec:
de que par confequent elle n’aueit point d’eaux
ny de pafturages,caufe pour laquelle ellcdeuoit
cftre par neceflité fort contraire & fort incom^
mode à la vie humaine.
U Zûne Ternde efi fort humide , cotttre l
^ mon des Anciens. ^
C H A P. III.
O VT ce que nous auonspropofe
ci deflus fembie certainemet cftre
vray & bien à propos, & néant-
moins la concluhonqu’ils en veu-^
lët tirerfe treuuc apertemet fauU
fe-.d’autant que la région du Midy, qu ils appel-
lentTorride, eft peuplée & habitée d’hommes
realemcnt &defaiâ:i& nous raefmesyauons
demeuré lôg tcmps:auftî eft-elle fort commode
plaifaiite & agreable.Si donc il eft ainfi,comme
on ne le peut nier, que d’vne propofttion vérita-
ble , l’on ne peut tirer vne conclufton faulfc , &
DES Indes Lit, II. 55
que ncantmoins cefte conclufion foit ^iifîc, co-
rne elle reftjil nous eft bcfbin de retourner arriç
re^par les mefmes pas, pour conridcrcr,& regar-
der vn peu de plus près cefte propofitiô, & d où
procédé l’erreur & la faute. Nous dirons donc,
premieremét quelle eft la vérité , félon que l’ex-
perience certaine nous le monftre, puisapres
nousleprouuerons , (combien que foitchofe
fort difticile ) & mettrons peine d’en donner la
raifon, fuy uant les termes de Philofophie. Le
dernier point que nous auons propofécy def-
fus , que la fecherelfe eft plus grande lors que le
Soleil eft plus prochain de la terre , femble cho-
fe certaine & veritable,& ne Teft pas toutefois,
au contraire eft totalement faulfe.Car il n’y a ia-
inais plus grande abondance de pluyes en la
5 que Jors que le Soleil palîc par
deflus5& en eft fort proche. C’eft certainement
chofe admirable, & digne d’eftre remarquée,
quel air eft plus ferain, & (ans pluyes , fous ce-
Ib Zone Torride, lors que le Soleil en cftplus
cflongné,& au côtraire, qu’il y aplus depluyes^
de neiges , & de brouillars au temps que le So-
leil en eft plus proche. Ceux qui n ont point
cfte en ce nouueau monde, parauanture tien-
dront cecy pour chofe incroyable, & femblera
cftrangc mefme à ceux, qui y ont efté , fils n’y
ont prins garde : mais les vns & les antres f y ac-
corderont volontiers, en remarquant Icxpe-
nence certaine de ce qui a efté dit en ce cofté
duPeru , qui regarde le Pôle du Sud ou Antar-
otiquc , le Soleil en eft plus efloigné, lors & au
mefrne temps qu’il eft plus prochain de l’Euro-
Histoire NATVREtis
pc , irçauoir,cnMay,Ium,Iuillct,& Aouft,
qu’il fait fon cours au Tropique de Cancer , du-
rant leCquels moys , au Peru y a vne grande fe-
renité & tranquillité de Pair, & n’y tombent a-
îors aucunes nciges,ny pluycs.Tous les flcuues
&:riuicres y diminuent fort , & quclques-vns
y tarilfent du tour, Mais comme l'annec f auan-
ce,& quclc Soleil Rapproche du Tropique de
Capricorne, alors commcncct les eaux, pluyes,
neiges, & fe font les grandes creuës desriuie-
res, qui eft depuis 0(Tobrc,iufqucs en Décem-
bre, puis apres le Soleil fe retirant du Caprin
corne, lors que fes rais donnchtdroittement fur
les telles de ceux du Peru; c cil alors que la for-
ce ôc fureur des eaucs eft grande , c’eft le temps
des pluyes, neiges, & grands desbordemens des
riuiercs , qui eft en la mcfijic faifon de 1 annee,
qu’il y a plus grande chaleur, fçauoir depuis la-
uier iulques àlaMy-Mars. Et eft chofelivraye
& fl certaine, que perfonne ne le peut contredi-
re. Et tout le contraire alors fe rencontre es re-
oions du Pôle Arélique , outre l’Equinoxe, ce
qui procédé d’vne mefme raifon. Mais voyons
maintenant de la température de Panama, ôc
de toute ccftecoftc, tant de la neuue Efpagnc,
des Ifles de Barloucnt, de CubajEfpaignollc 6c
Iamaique,que dcSainél lehan de port-riche,
nous trouuerons fans faute, que depuis le com-
mencement de Nouembre , iufques en Apuril,
ils y ont Pair & le Ciel fprt clair & fort ferein,
dont la raifon eft , pourautant que le Soleil paf-
fant par l’Equinoxe , pour aller au T ropique de
Capricorne , il feya çfloignapt deecs rcgions^^
CES Indes. Liv. II.
plus qu en autre faifon de l’année : Et au con-
traire, ils y ont de grofïcs pluyes, & de fore
grands rauages d’eaux, quand le Soleil retour-
ne vers elles , & qu’il en eft plus proche , qui cfi:
depuis luin iufques en Septembre : pource que
alors fes rayons donnent plus fort fur eux. On
void aduenir le fcmblable en l’Inde Orientale,
comme nous l’apprenons ionrnellement par
. les lettres qui en viennent. Par ainfî' c’eft vnc
réglé generalle ( bien qu’en aucuns lieux il y ait
exception) qu’en la région du Midy, ou de la
Zone T orride, qui eft vnc mcfme chofe, l’air y
cftplusfercin, & y a plus defecherdfc alors,
que le Soleil en eft plus efloigne : & au contrai-
re, que quand il f en approche , il y a plus de
pluyes ôc de l’humidité , & tout ainfî comme le
Soleil fauancc ou fîsrctire peu ou plus, ainfila
terre abonde ou manque d’eaux ou d’humi-
dité.
Qt£4ux régions qm font hors des Tropiques y il y a plue
d‘ eaux, lors que le Soleil en e fl pl ' '
tout au contraire de ce qui eji ^
Zone Torride,
Ch AP. Il II.
i S régions qui font hors les Tropî-
I ques. Ton void tout le contraire de
ce qui eft dit ci dcfîîisrpourcé que la
' pluye fc mefle aucc le froid, & la fc-
cherefle auec la chaleur , ce qui eft
fort bié conu en toute rEurope&cn tout Icvieil
Histoire natv relie
mondé , comme on le void de racfmc façon en
tout ce nouucau. Dont eft tcfmoing tout le
Royaume de Cliillé , qui pour cftre dehors le
Tropique de Capricorne, & en mefrac hau-
teur que l’Efpagne , eft fubied aux mefmcs loix.
de THyiier, ôc de l’Efté, excepte que l’Hyuer eft ■
là quand TEfté eft en Efpagne, d’autant qu’ils
font en diuers Pôles. Par ainfi quand le froid
eft en ces prouinees, les eaux y font en fort grà-.
de abondance , qui eft quand le foleil fen efloi-
gneleplus, depuis le commencement d’Auriî,
iufques à la fin de Septembre. Finalement la
difpoficion des faifons y eft telle qu’en Europe,
fçauoir que la chaleur & fccherelfe y viennent^
quand le Sole il y retourne. De là vient que ce
Royaume de Chillé approche plus de la tem-
pérature de l’Europe , quîaucun autre des Iiir-
des,tant aux fruids de la tcrre,qu’en la difpofî-
tion du corps ôc de l’efprit des hommes. Ce
qu'ils difent cftre de la mefme façon en cefte
partie de terre, qui eft deuant l'Ethiopie inté-
rieure , laquelle fe va eflargiffant en façon de
pointe , iufques au Cap de bonne Efperancc. Ce
qu’ils tiennent pour vraye caufe des inonda^
dons du Nil, qui font en Efté, defqueHes les an-
ciens ont tantdifputé: d^autantqu’cn cefte ré-
gion là fHyucr ôc les pluyes y commencent
au mois d’ Auril, quand le Soleil pafTe défia le fi-
gue d’ A ries. Et ces eaux qui en partie procè-
dent des neiges , ÔC en partie des pluyes, f affem-
blent ôc font de grands lacs ôc eftangs,defquels
procédé par bonne ôc vraye Geograghic le
fleuueduNil,Et par ce moyen va peu à peiicf-
DSS îNdi^. Liv. II.
largîflànt fon cours,iufqücs àçc qu’apres auoii*
couru vn long chemin J il vient finablémcnt au
temps de l’Efté inonder l’Egypte , qui femblc
choie contre nature, Sc neantmoins eftehofe
qui f y rapporte. Car au mefine temps qu’il eft
Efté en Egypte fîtuce au Tropique de Cancer,
î’Hyuer cft aux Iburces du Nil,qui eft en l’autre
Tropique de Capricorne. Ilyaen l’Amérique
vne autre & femblable inondation que celle
du Nil,auParaguey, ouautremcntriuiercdela
Plâtre ( qui vaut autant à dire comme riuiere
d’argent ) lequel toutlcs ans receuant vne infi-
nité d’eaux qui tombent des montagnes du
Peru , vient à le desborder fi terriblement de
fon cours,& va gagnant tellement cefte région,
que les habitans font contraints , durant ces
mois là, de fe retirer,& fe tenir en des Barques
& Canoës , & de quitter l’habitation de la
terre.
ê^entrelesdeuxTrêprquesen Efté^ ou temps
de chaleur ^eji la fatfon eù ily Aplus^ran-'
de abondance depluyeSyauec vn
dffceursdel’ffyuerO'de
Ch AK V.
O V R rcfolution l’Efté eft touf-
iours fuiuy Sc accompagné de cha-
leur &dc fechcreffe és deux région s
ou Zones téperees, & l’Hyucr aufîi
de froidure Sc d’i\umidiré : Mais en
HiSTOI*.E NATVRELtE
la Zone Torride les fufdites qualitcz ne fc trou-
uent point enremblc de la merme façon, d’autac
que les pluyes y fuiuent la chaleur, & le froid y
eft accompagné de fechcrdlè & dVn air ferain.
T’entends parle froid le defaut de chaleur cxcef-
liue, d’où vient que l’Hyucr fe prend en noftrc
Europe pour le froid,& le temps pluuieux & E-
fté pour le temps de chaleur Ôc ferenité de l’air.
Nos Eipagnols qui font au Peru & en la neuf-
ue EipagnCjVoyans que ces deux qualitez ne £c
trouuoient point cniemblc corne elles font en
Efpaigne,appellentrhyuerlafaifon en laquel-
le il y a beaucoup d’eaux & de pluyes, & l’Eftc,
celle ou il y en a peu,ou point. En quoy ils fc
trompent- cuidemment, quoy qu’ils vueillent
dire par vnereiglecommune,querEfté eft aux
montaignes du Peru, depuis le mois d’ A puril*
iufques en Septembre,pourautat que les pluyes
ceiïènt en ce temps là,& que l’hyuer eft depuis
le mois de Septembre iufques au mois d’Auril,
pource qu’alors elles y reuiennent, & parainfi
il eft hyucr ôc l’Efté au Peru, lors& au mefmc
téps,qu ’il l’eft en Efpagne^ De forte que quand
le Soleil chemine audeiîusdeleur tefte, alors
ilscroycnt que c’cftlefond de l’hyuer, pour-
ce qu’il y a plus grande abondance de pluyes.
Mais c eft chofe digne de rifée, comme venant
de gens ignorans & fans lettres : car tout ainlî
comme la diuerftté qui eft entre le iour ôc h
niiid,procede de la prcfence ou abfencc du fo-
lcil,en noftre hemifphcre,felon le mouuement i
du premier mobile, qui eft lacaufeduiour ôc i
de la nuidl, ainfi la différence que nous voyons |
»ES Inoes. Liv. IL
entre rhyucr& TEfté procédé de rapprôche-
menr ou eflongneinent du Solcil/clonle mou-
uement du mcfnie Soleil, qui en eft la propre
caufe. Donquesi vray dire, il eft Elle lors que
lé foleil eft plus proche,&hy lier quand il eft le
plus ellongné. La chaleur, le froid, & toute au-
tre température, font caufccs par neceflîté de
rapprochement ou efloignement du Soleil:
mais le plcuuoir &non pleiuioir,qui eft l'humi-
dité & la fechereflc,ne s’en enfuiuent pas nccef-
fairement. Ceft pourquoy il eft aifé de iiiger
(outre cefte opinion vulgaire ) que au PerUi
Lhyucr eft ferein, ôc fans pluyes.&quePEftéy
cftpiuuicux, &non pas au contraire, comme
pluficurspenrentquelhyuer foit chaud (ScTE-
fte foit froid.Ils tombet en la mcfme erreur fur
la différence qu’ils font, entre la pleine &lcs
montagnes du Pcru,difans que quand il eft Efté
en la montagne, l’Hy uer eft en la plaine,qui eft
en Auril, May, luin, Iuillct,& Aouftrpourcc
qu alors l’air eft fort clair &ferain en la mon-
tagne, fans aucunes pluies ny bruines,& en ce
temps là neantmoinS on void ordinairement
en la plaine,dcs brouillars qu’ils appellent gua-
riia, qui eft comme vnerofée fort douce,dc la-
quelle eft couuerr le Soleil. Mais l’Hyuer Ôc
l'Efté, comme il eft dit, font caufez de rappro-
chement ôc efloignement du Soleil. Puis donc
qu’il eft ainfi,qu‘en tout le Peru, tant en la m5-
tâgne,comme en la plainc,lc Soleil s’en appro-
che & efloigne en vn mefine, temps : iln ya
donc point de raifon de dire, que quand il eft
Efté en vue partie, l’Hy uer foie en vne autre.
Histoire natvrelli
Toütcsfois c’cft chofe de peu d’importance dé
débattre fur la fignificatiô des mots, qu’ils rap-
pellent comme ils voudront5& difent qu’il foit
Efté quand il neplcutpoint, encore qu’il face
d’auâtage de chaleur.Mais ce où bon doit auoir
plus d’efgard,efl: à laveritédu fubieâ:,qui cft de*
claré, à fçauoirquelafcchcreirej ou deffautdé
pluyes,ne font pas toujours en plus grande a-
bondarîce, quand le Soleil s approche le plus,
ainh que l’o n voit en la Z onc T orride.
Qî^ Ia Zone Tornle Abonde en eâue çZt ^AflurAges,
contre l’opinion d’ ,^riJ}ote^qu A mvs en
Auant le contrAire*
Ghap. VL
I Ar le difeours precedent l’ô peut
îfacilement entédre, que la Z one
IXorride n’eft feche, mais abôda-
ite en eaux, ce qui eft tellement
S vray qu’elle furpafle les autres re
"gions du monde en abondance
d’eaux fi ce n’cft en quelques endroits, ou il y a
des fablôs ou terres defcrres,côme l’on trouue
mefme es autres parties du monde. Quant eft
pour les eaux du Ciel,l’on a défia môftrc qu il y
a grande abondance de pluyes,neiges &grefles,
qui fpecialemêr abôdent en la prouince du Pe^
ru.'mais pour les eaux de la terre, c5me font ri-
iiiercs, fontaines, ruiircaux, puits, torrens&
lacSjie n’en ay rien dit iufqucs icy,toutesfois-
eftant
DES Indês. LiV.il
eftant chofe ordinaire , que les eaux d’embas fe
rapportent à celles d’enhaut, bon doit enten-
dre qu’il ne peut y enauoirfaure.Ec de vray il y
a vue telle &1Î grande abondance de fourccs
& de fontaineSjqu’il ne fe peut trouuer lieu, ré-
gion ou contrée, dans tout le rcfte du monde,
où il y ait tant de lacs,marefcagcs,& fi grandes
riuieres. Car la plus grande partie de T Améri-
que , eft prcfque inhabitable pour cefte trop
grande abondance d eaux, d’autant que lesri-
uicrcs, enflées de grandes pluycs de l’Eité, for-
tent à tous coups de leur iiâ: ,• auec telle furie
quelles rompent routcc qu’elles rencontrenr.
éc ne peut on cheminer en plufieurs endroits,à[
caufè de la boüe & fange des marefcagcs & val-
lons. A cefte occafion cêux qui demeurent ioi- •
griant le Paraguey, duquel nousaùcnscy def-
fus fait mention, preuoyanslacrue dufleuuc
auantqu’elleaduienne, fe mettent en leurs Ca-
noës auec leurs meubles & hardes, & prefque
par lefpace de trois mois, ils guarantilfent leurs
vies & moyens en nagean t. Puis apres le fleuué
retournant en fan liét, ils reuiennent en leurs
raaifons comme deuant, encor toutes moittes
8c dégoûtantes de l inondarion.Et eft ce fleuue
de telle grandeur,que le Nil, le Gange, ôc f Eu-
phrate, s’ils eftoient àmaftèz cnfemble , ne le
pourroient pas elgaller à beaucoup près. Mais
que dirons nous delagranderiureredcla Mag-
dalaine,qüi s'cngolphe en la mer entre fainde
Marthe & Carthagene,&’ eft appelléc auec bô-
nc raifon,grâde riuiere? Nauigeanten ces par-
ties là,ieftüis efmerueillé, comme foneauc, qui
H
HltOlkl NATVRELÎl
eft rrcs-clairc, demeuroit & s’efcouloit dans la
mer plus de dix lieues auanr,ayant en fa largeur
deux lieues ôc d’auanrage, fans qu’elle fe mef-
laft, ny peufi: eftre vaincue des vagues impe-
tueufes de la mer Oceanc. Que s’il faut parler
d’aüantage des fleuues, cé grand fleuue, appelle
par les vns la riuierc des Amazones, par les au-
treSiMaranou,& par les autres, riüicre d Ofcl-
iana,laquellenosEfpagnolsnauigercnt lors de
leurs defcoùuertes,doitefteindte la renommée
de tous les autres. Et à la vérité ic fuis en doute
fl ie le dois appellcr,ou riuierc, ou mer. il fluc
depuis les montagnes du Peru, defquelles il re-
çoit vne abondance infinie d’eaux, de pluyes,&
de riuicres , qu'il va recueillant & attirant à
• foy,puis paflànt les grandes campagnes & plai-
nes de Pautiti , diiborado,& des Amazones,
vient en fin s’emboucher dans l’Océan,preIque
à trauers des Ifles de la Marguerite , & delà
Trinité. 1 1 a fi couche fi large & fi fpacieufe,
principallcmentau dernier tiers de lalongueur
qu’il contient au milieu de foy plufieurs &T
grandes Ifles : Et ce qui femble incroyable,
quand on le nauige par le milieu, l’on ne voit
que du Ciel ôc de l’eaue. On dit bien d’auanta-
ge, que de ce milieu l’on ne peut pas voir, ny
defcouurir à l’œil plufieurs grandes ôc hautes
montagnes, qui font à fon riuage,à caufe de fa
grande largeur. Nous allons apprins de bonne
part la grandeur Ôc largeur efmerueillable de
ce fleuue, ( qui doit bien ce me femble mériter
le nom d’Empereur ôc Monarque des fleuues)
qui fut par le rapport dVn frere de noftre corn-
DES Indes. Liv. IL 58
pagnic,lequcl cftant icunc pour lors, le nauigea
en la compagnie de Pierre d’Orfua, auec lequel
il le trouua à toutes les aduantures de celle
cllrangc entrée &dercouuerte,& aux feditions
& pernicieux adles de ce mefehant Diego d’A-
quirre,d oùDieuluy lit la grâce de forrir ôc en
cllre deliuré, pour le mettre de noftre compa-
gnie. T elles donc font les riuieres qui font en
la region^qu’ils appellent Zone Torride , & k
région feche ôc brullée, en laquelle Arillote 6c
les anciens difent qull n’y a point d eaux ny de
pallurages. Mais d’autant que i’ay fait mention
'■dulleuue Marannon,afin de monftreiT’abon-
dancc des eaux qui font en la Torridci il ne fera
mal à propos de toucher quelque chofedcce
grand lac, qu’ils appellent Tidcaca, qui eft au
milieu dé la prouince de Collao. Il y a plus de
dix fleuues, fort grands, qui fe perdent en en-
trant dans ce lac,& neantmoins mapour fa vui-
de,quVn feul courant d’eaue qui eft petit , bien
qu’on dilè qu’il eft tres.profond, & de telle fa-
çon,qu’il eft impolîible d’y baftir ou faire pour,
pour la profondeur de foneaue, 6c qu’on ne le
peut non plus palier par bateaux, pour la gran-
de roideur & rapidité du coiirantj L’on le pafte
par vn gentil & remarquable artifice , propre
ôc particulier aux Indiens, qui eft auec vn pont
de paille, pofé fur la mefmc eaue, lequel d’au-
tant qu’il eft fait dVne matière fi legere ne s’en-
fonce point, Sc neantmoins eft cepaftàge fort
feur 6c fort aifé. Ce lac contient prefque qua-
tre vingts lieues, trente cinq en fa longueur ÔC
quin2elicuesaupluslarge.il y aplufieurs Ifles
Histoire NAT V R EL LE
qui anciennement eftoient habitées & culd-
uées, mais auioutd’huy elles font dcfcrtes. Il
produit vne grande abondance de ioncs,qufe
les Indiens appellent Tocora,duquel ils fe fer-''
ucnt en mille vfages. Car il fert de mangeaille
aux pourceaux, aux chcuaux, & aux hommes
mefæes.Ils en font des maifons, du feu, & des
barques. Bref les Vros rrouuent en ceftuy leur
Torora,tourcedonrîls oindebcfoing', &font
ces Vrds.vn peuple (i brutal & fi lourd, qu’eux
rcefmes ne s’eftimentpas hommes. On raconte r
d’eux, qu’eftans interrogez de quelle nation ils
eftoient, ils refpondireîlt qu’ils n’eftoient pas
îiommes,mais Vros,comme fî s’eftoir quelque
genre d’animatix.ll s’eft trouué des villages en-
tiers des Vros, habituez en ce lac feulement das
leurs bafteaux de Totora, lefquels font liez cn-
lemble , Sc arreftez à quelque roche, & bien
foLUient changent ainft de lieu àautre, toutlc
village enfemble. Par ainft qui voudroitau-
iôurdhuy les chercher où ils eftoient hier,on i
n’y trouucroit aucun refte ny apparence deux
ny de leur village.Le cours & vuide de ce grâd • i
lac, ayant couru eiTuiron cinquante lieues,fait i
encor vn autre lac, moindre toutcsfois que le |
premier qiTÜs appellent de Parya, & contient"
aufti en foy quelques iftcttes, mais l’on ii’y voit
aucune iftue. Quelques vus penfent qu’il court j
deflbuz terre, & qu’il va donner en la mer du
Sud, mettant en allant àcefte fin qu’il y a vn
bras de fleuue que l’on voit naiftre ôc entrer en
la mer fort proche du riuage, fans en cognoi-
lire l’origine. Au contraire ie croy que les eaux
»Es Indes. Liv. II. 5^
nJcGcIacfc rcfoluenc & diffipcnr dans le mef-
tnclac, par l’ardeur & chaleur du Soleil. Ce
difeours me femble fuflîfant, pour mordlrer
qu’à tort les anciens ont tenu la région du mi-
lieu inhabitable par faute d’eaux, d’autant qu’il
y en a grande abondance , de du Ciel ^dc |a
icrçe.
Chapitre VII.
la raljènpourquoy le Soleil hors des Tropiques
entendre ^Uis grande qi4'antité{L'eau'és quand li
eji plf0 ejloign,é^o^ pour qmy aiu, contraire ’
dedans à' iceux il en engendre
il m efl plusi
Khê. -, : ■
Enfant plufieui s fois à part moy d’ôà
pouuoit procéder quel Equinoxe eii
fi humide, comme i’ay did , pour ré-
futer l’opinion des anciens , ie n’en
frouue point d’autre caufe, que la grande force
du Soleil en ces parties là, par laquelle il efleuc
& attire à foy vne grande abondance de va-
peur de toutrOccan, qui en ceft endroit eft
fort grand &c fort eftendu, & ayant tiré à foy
grande abondance de vapeurs, àulîî toft
les rcfoult & conuertir en phiyes, 6c eft ap-
prouué par plufieurs expériences certaines,que
ces P uyes & torrens çcleftes prouiennent
des plus grandes chaleurs du Soleil. Preinie-
fement, comme nousauonsjadidcy deuanr
Histoire natvrelle
il pleut en ces pays là, au temps que le Soleil
iette Tes yayonsdire<5temenr fur la terre, &quc
encefaifant il a plus de force: mais quand le
Soleil fen edoigne, la chaleur fe tempéré , &
alors il n’y tombe point de pluye. D’où 1 on
peut bien inférer que la force & ardeur du So-
leil eft ce quicaufelespluyes en telles régions:
Audi l’on obferue, tant auPeru, neuue Efpa-
gne, qu’en foute la Torride, que les pluyes y
Viennent ordinairement apres Midy , lorsque
les rayons du Soleil font au poind: de leur plus
grand’ force, Sc que c’eft chofe rare de voir
pleuuoir au matin. C’eft pourquoy les voya-
geurs y preuoyent , ôc commencent leur iour-
iiee de grand matin , afin de l’acheuer , & fe rc-
pofer à Midy , pourcei qu’ils tiennent qu ordi-
nairement il y pleut apres midy. Ceux qui ont
hanté ôc cheminé par ce pays là , en peuuent
parler fuffifamment : car mefmes il y en a au-
cuns,qui y ayans faiét quelque refidcnce, difent
que la plus grande abondance des pluyes, eft ;
quad la Lune eft en fon plein : encore que pour
dire la vérité , ie n’en ay peu faire preuue fuffi-
fànte, bien que i’y aye prins garde quelqucsfois.
D’auanrage lesiours,l an & les mois donnent
à entendre la vérité de ce que delfus , fçauok*
qu’en la Torride l’exccfllue chaleur du Soleil
caufe. les pluyes. L’experience nous enfeigne
Icmefme aux chofes artificielles, comme au}t
alambics , anfquels on diftille les eaues des her-
bes ou des fleurs : car la vehemcnce du feu en-
ferre & contraint , poufle & efleue en haut ,
Viîc abondance de vapeurs , lefquelles cftans j
Des Indes^ Liv. II.
prcflecs, & ncirouuansifîue, font conucrtics
en liqueur & en eaux. Uoi^ void tout le mefmc
en lot & en l’argent que l’on tire & afHne par le
vif argent, d’autant que {î,lefeucftlent& pc-
tit,ron ne tire quafi rien du vif argent , raais fil
cftafpre & Violent, il euapore beaucoup le vif
argent , lequel le rencontrant en haut contre le
chapitcau(qu’ils appellent) le tournent inconti-
nent en liqueur, ôc commence à dégoûter en
bas. Ainfi la grand’ ardeur du Soleil produit ces
deux effets, quand elle trouue matière difpofcc,
qui cft de leucr les vapeurs en haut , & l’auttc de
les refoudre incontinent, ôc les tourner en li-
queur , lors qu’il y a quelque’ pbftacle , pour }es
confumer ôc refoudre. Et bien qu’il fcmbic que
ce foient chofes contraircs,qu Vn mefme Soleil
dans la Zone Torride, eftanc proche caufeles
pluyes, ^ que hors la Torride cftantcfloigné,
il caufç vn rnefme effedt : h eft-ce que tout bien
confédéré, il ne l'efl: pas réellement &de faidt.
Mil effeds es chofes naturelles procèdent de
r:hofe^ contraires par vn moyen diuers. Nous
mettons fecher le linge au feu ôc à l’air, def-
quelsneantmoinsl’vn efehauffe, ôç l’autre re-
froidit. Les paftes font fechees & endurcies
par le Soleil &par la gel ce. L’exercice modé-
ré prouoque le dormir, fil eft trop violent, il
l’cmpefche: h l’on ne met du bois au feu , fina-
lement il fefteint, fi l’on y en mec beaucoup
& trop, il s’efteint aufîî : car la feule proportion
l’entretient & le fait durer. Pourbicn voir vnc
çhofe , elle ne doit edre ny trop proche des
yeux, ny trop loin , mais en diftance raifonna-
■ H iiij
Histoire natvrelle
bîc & proportionnée : eftant trop efloigné dV-
nechofe l’on en perd la veuë, & trop proche
auflî, ne la peut voir. Si les rayons du Soleil
font foibles , ils n'attirent pas les pmincs des
riuieresi fils font violens , auffi toft qif il a attiré
les vapeurs, il les refoult ôc conforome , mais la
chaleur modeiee les attire & conferue.Pour ce-
lle raifon les vapeurs ne felîeuent point com-
munément de nuid , ny à midy, mais au matin,
quand le Soleil commence entrer en fafor-?
ce. Sur ce fubied il y a mil exemples de chôlej
naturelles, que l’on void procéder fouuent de
chofes contraires, qui doit faire que nous ne
nous deuons pas efmerueiller , h le Soleil pour
eftre fort proche , engendre les pluyes ôc qu il
en fait tout autant eftant fort efloigné , mais
qu’eftant fon approchement modéré ôc pro- .
portionné, il n’en produit ny caufe aucune- £
ment. Ce pendant il refte encor vn poind que |
l’on peut demander; pour quelle raifon en la
Zone Torride rapprochement du foleil caufe
les pluyes , ôc hors d’icelle font caufees par fon
efloignement. A ce que ie puis iuger , la raifon j
eft, que hors des Tropiques en Hyuer ,1e foleil
n’a point tant de force , qu il foiî fuflîfant pour i
confumer les vapeurs qui fefleuent de la terre
ôc de la mer. Car ces vapeurs famalfcnt en gra-
de abondance en la région froide de l’air, où
elles font congelees ôc efpaiflies par la grande
froideur, puis apres eftans prelTees, fe refoluent
^ conuertilfent en eau. C’eftpourquoy en ce
temps d’Hy lier , que le foleil eft plus efloigné,
que les iours fontcourts,& les nuiéls plus Ton-
^es Tndis Liy, il
gucs, la chaleur du foleil a peu de force, mais
quand le foleil Rapproche de ceux qui font
hors des Tropiques, qui eft au temps dTfté, la
force du foleil eft défia telle, qu’elle efleue les
vapeurs, & tout cnfembleles confomme, les
dilfipe &■ refoult : caria chaleur & la longueur
des iours font caufèes par l’approchement du
Soleil. Mais au dedans des Tropiques, en la
région Torride, refioignement du foleil atout
autant d’effedtque le plus grand approchement
:1qui (bit aux régions defdits Tropiques. Au
l^noyen dequoy, il ne pleut pas en la Torride,
fàlors que le foleil eft cfloigné, non plus que
hors les Tropiques,quand le foleil eft plus pro-
che, d’autant qu’en ceft approchement & ef-
îoignement , lé foleil demeure roufiours en
■yne mefme diftance , d’où procédé vn mefme
cfFed de fereniré. Mais quand le foleil eft au
période de fa force en la Zone T orride , & qifil
iettefcsrayonsdiredementfurla tefte dés ha-
bitans, il n’y a ny ferenité ny fecherefte, com-
me il femble qu’il deuroit y auoir. Mais pluftoft
de grandes Ôc eftranges pluyes, d’autant que par
la force excefiîue de fa chaleur , il attire & efle-
ue prefque en vn inftant vne grande abondan-
cedevapeursde la terre, ÔC merOccanc, lef-
quelles font fi eljaaüîès & en fi grande abondan-
ce, que le vent ne les pouuant difliper ny re-
foudre facilement, elles viennent à fe fondre
en eau, qui caufeles pluyes fi froides & en fi
pande abondance, car la grande vehemence dç
la chaleur peut attirer en peu de temps beaü-
epup de vapeurs, lefquelles elle nepeut fi toft
HiSTOIRS NATVRELIE
confumcr & refoudre , & cftans attirées & aC-
femblees , par leur grande abondance fc fon-
dent & tournent en eau. Ce que l’on cognoi-
ftra fort bien par ceft exemple domeftique &
familier. Quand l’on met roftir vn morceau de
porCjde mouton, ou de veau, fi le feu eft violent,
& la viande enfoit fort proche, nous voyons
que la graifle fe fond toft & dégoûte en bas,
qui vient dcjce que la grande chrileur attire de
elleue ceft humeur & grailfe de la chair,& pour
eftre en grande abondance ne la peut refoudre,
ôc ainfi diftille & tombe d’auantagc.Mais quad
le feu eft modéré , & ce que l’on roftit eft en di-
ftance proportionnee,nous voyons que la chair
fe roftit proprement , fans que la grailîe diftille
trop à coup, pource que la chaleur rapderce
attire rhumiditc, quelle confommede refout
en vn inftant.C’cft pourquoy les cuiftniers font
le feu modéré , de n’en approchent la viande ny
trop près ny trop loin,dc peur qu elle ne fe fon-
de. On le peut voir par vne autre expérience
aux chandelles de fuif de de cire , car fi la mef*
cheeneftgroiîe, elle fait fondre de découler le
fuif de la cire : pource que la chaleur ne peut
conlbmmer cequi fefleue d’humeur : mais fila
flame eft proportionnée , la cire ne fe fond ny
decoulle, pource que la flame va confommant
peu à peu ce qui fefleue. Ce qui me femblela
vraye raifon pourquoy en l’Equinoxe , de en la
Torride, la grand’ force de la chaleur caufe les
pluyes , Icfquelles en d’autres régions font cau-
fees par la foiblefle Ôc peu de chaleur.
D ES Indes. Liv. II- Ci
Cmment V on dm entendre ce qm d ej}é diB cj dejfm
deUZoneTornde. .
Ch A P. VI U.
’I L cft ainfi qu CS chofes naturelles
'^phylîques l’on ne doit rechercher
[de reigle infaillible & mathémati-
que, mais ce qui eft ordinaire, & ce
qu’on void par expérience, qui eft la pluspar-
faidle reigle , il faut croire , que ce que nous a-
uons dit, qu’il y a plus d’humidité en la T orride
qu’aux autres regions,& qu’en icelle il ne pleut
point lors que le Soleil en eft plus proche, fe
doit prendre & entendre de mefmc : & de vray
c eft bien ce qui eft le plus cpmun & le plus or-
dinaire. Mais ce n’eft pas pour erapefeher les
exceptiôsquc nature a voulu mettre à cefte ré-
glé, rendant quelques régions de la T orride ex^
tremement feches. Ce qu’on raconte de 1 E-
thiopie, & nous l’auons veu en vue grande par-
tie du Peru, oi^ toute la terre ou cofte, qu'ils
appellent Plaines, manquent de pluyes, voire
d’eaux de la terre, excepté quelques vallees où
il y a des eaues de riuiercs qui defeendent des
montagnes , le furplus font fablons & terres
fterileSiOÙ à grand’ peine l’on trouue des fontai-
nes, mais bien quelques puits très-profonds.
Mais nous dirons ( Dieu aidant) enfonlieu,
quelle eft lacaufe pourquoy il ne pleut point
en ces plaines ( chofe que plufieurs demandent)
car à prefent ie prétends de mqnftrer feule-
ment qu’il y a plufieurs exceptions aux réglés
Histoire matvrelle
naturelles, d’ou vient qu’il peut aduenir en
quelque partie de la Torride, qu’il ne pleut pas
lors que le Soleil eft plus proche, mais quand il
cftplus efloignc. Bien que iufques auiourd’huy
ie neTayc veu ny entendu , toutesfois fil y en a,
pn le doit attribuer à la qualité particulière de •
la terre; mais auffi quelquesfois fil aduientlc
contraire , l’on doit auoir cfgard qu’en ces cho-
fes naturelles il arriue plufieurs contrarierez &
empefehemens , par lefquels elles fe changent
& delFont les vnes les autres. Pour exemple , il
peut eftre que le foleil caufera les pluyes, 6c que
le vent les empefehera , ou bien les rendra plus
abondantes qu’elles n’ont accouftumé d’eftre.
Les vents ontleurs proprictez & diuerscora-
mcncemens, par lefquels ils opèrent de diffe-
rens efFeds , qui font le plus fouuenc contraires
à ce que Tordre & la faifon requièrent. Puis
donc qu en chacun endroit Ton voidarriuerdc
grandes varierez en Tannée qui prouiennent de
la diuerfité des mouuemens 6c alpeds despla-
nettcSjCe n’eft point chofe mal a propos,de dire
qu’en la Zone Torride Toh peut voir& remar-
quer quelques chofes contraires à ce que nous
auons expérimenté. Mais pour refolution, ce
quenousauons conclu eft viie vérité bien cerr
raine &experimentee, à fçauoir la grande fe-
cherefte que les anciens ont penfé eftre en la ré-
gion du milieu, que nous appelions Torride,n’y
çftre point du tout , Ôc qu’au contraire il y a
beaucoup d’humidité, &que les pluyes y font
alors que leSoleil en eft plus proche.
D ES Indes. Liv. IL 4:
U T%rrde nefi point excefiaementchaudej mais
plnjioji modérée.
Chapitre IX,
JV fques icy nous au5s traidc de l’Ku^»
de la Zone T orridejmaintenâe
fera bon de parler de deux autres
•qualircz,qui font le chaud & le froid.
Nous auons demonftré fur le commencemenc
de ce difcours,Gomme les anciens ont tenu, que
la Zone Torride eftoit chaude, & feche cxcciïî-
uemcnt,ce qui n’efi: pas ainfi toutesfois; car elle
cft chaude &: humide,&en la plus grand’ partie,
fa chaleur n’eft pas cxceffiue,mais pluftoft rem-
pcréc;Cc que l’on tiendroitpour incroyable, iî
nous ne Tauions aflez expérimente. Quand ic
paiîày auxlndes(iedkay ce quim’arriua) ayanc
leu ce que lès Poëtes& Philofophes difent de la
Zone Torride, iemepcrfnadois, quarriuantà
1 Equinoxe, ie ne pourrois y fupporter cefte ex-
ccffiue chaleur. Mais il m’aduint tout au con-
traire,car au temps que i’y paifay , qui fut alors
que le Soleil y el1:oitpourZenith,eftant entre
aufigned’Arics,àfçauoirau mois de Mars, i’y
fenty fi grand froid que i eftois contraint me
mettre au Soleil pour m efehauffer : que pou--
Dois ie moins fairealors, que de me rire ôc me
mocquer des météores d’Ariftotc , & de ià
Philofophie, voyantquaulieu, &cnlafaifon,
que tout y debuoit eftrc embrafé de chaleur
fuiuant fes règles, moy de tous mes copagnons
^ H IS T O I RE N AT VRI L LE
auions froid?il n’y a à laverité région au monde
plus douce ny tempérée, que fous l’Eqüinoxc,
combien qu elle ne foit pas en tous endroits
d efgale ou femblablé temperaturç,& qu’il y ait
beaucoup de diuerlîtez. La Zone Torride en
quelques endroits cft fort temperéc, comme en
Quitto,& aux plaines du Peru,en quelques en-
droits fort froide,comme en Potozi,& aux au-
tres fort cbaude,commeenFEthiopie, Brefil,&
aux Mollucques.Cefte diueriltédôc nouseftât
certaine, & route cogncüe,nous deuons par for-
ce rechercher vue autre caufe du froid & du
chaud,que les raions du Soleil y font iiaiftrc,vcu
qu’en vne mcfme faifon de l’annee , & en lieux
qui font dVne mefme hauteur&diftâce du Polc^
& de l’Equinoxe, on y retrouue vne E grande di-
ncr Eté,qu e les vns font embrafez de chaleur,les
fUt.rnT'm autres de froidure, & les autres fe trouuent te-
C'wïCriw. perez d Vne chaleur modérée. Platon met fa tat
renomée Ifle A tlâticque foubs la ZoncT orride,
puis did,qu’en certain téps de l’année clleauoit
le Soleil pour Zenith, & ncantmoins qu’elle e-
ftoit fort tempcrée,fort abondâte,& fort riche.
TUt\.Uh.6. ditqueTaprobane, ( qu’ils appellent au-
iourd huy Samatre)eft foubs l’Equinoxe, corn*
me en effed elle y eft,efcriuant, qu’elle n’eft pas
feulement riche,& heureufc,mais auffi peuplée
d’hommes & d’animaux. D’où l'on peut facile-
ment cognoiftre, qu’cncor que les anciens ayét
tenu la chaleur de la Torride infupportablc,
neantmoins ils pouuoient bien entédre qu elle
ne l’cftoir pas tant comme ils difoient. Le très-
excellent A Urologue ôc Cofmographc Ptplo-
©ES Indes. Liv. II. ^4
Sncc, & Tinfignc Philofophc&mcdecin Aui-
ccnnc en ciirét meilleure refolution eftans tous
deux d opinion,que fous l’Equinoxe y auoit de
fort commodes habitations,
lit chdmr deUTorride efl temperée,fùHrlUhon-^
dance des ^luyes^ O* four U hriefueté des ïmrsi
Ch AP. X.
Epuis que le nouueau monde a cfté
j Fon a cogneu & fans
m doubte,cc que les derniers autheurs
ont tenu véritable. Maiscefl: chofe
naturelle^quc quand quelque chofe qui eft hors
de noftrc opinion , nous vient à eftrc cogneüc
parFcxpericncCi nous voulons incontinenten
rechercher la caufe. C*eft pourquoy nous déli-
rons fçauoir pour quelle caufe la region^de la-
quelle le Soleil eft plus proche, n’eft pas feule-
ment tcmpercc,mais eft froide en pluficurs en-
droits.Confideranteefte matière generalemct,
ictrouuedeuxcauiesgcncralles , pour rendre
cefte région tempérée , Fvne eft celle cy deuant
déclarée, d’autant que cefte région eft fort hii-
mide.&fubiecteauxpluyes, & n’y apointdc
doute, que la pluye ne refraichilfe , pource que
Fefleuement de Feaiic eft de fon naturel froid,
& encor que Feaue , par la force du feu fcf-
chaufFe, cencantmoins ne laiftè pas de tempé-
rer l’ardeur, cauféc des rayons du Soleil pure-
ment. Ce qu’on voit par expérience en h Arabie
intérieure , laquelle eft embrafée du Soleil,
HiStOiRE NATVRELLS
pour n’y auoir aucunes pluyes qui tempèrent
la furie. Les nuages & bruines empefehent
que les rayons du Soleil n’oifen cent tant, & fes
pluyes qui procèdent d'icelles mefmes, rafrai-
chiilcnt l’air & la terre , & l’humedent auffi,
quelque chaude qu' elle puilfe eftre. L’on boit
l’eaüe de la pluye, &elieeftanchelafoif,com-
mc les noftres l’ont bien efprouué, ayans faute
d’eaüe pour boire. De forte que la raifon &
rexpcricnce nous enfeigne,quelapluyede foy
appaife la chaleur, &par ce moyen ayant ia mô-
ftre comme la Zone Torride eftfort pluuieu-
le,il appert aufll qu’il y a en icelle, choie qui
peut rend re fa chaleur temperée. A cecy i’en di-
ray encor vne autre raifon qui m cri te bié qu’o n
entende , non feulement pour celle matière,
mais audi pour plufieurs autres, car pour le dire
en peu de parollesjle Soleil qiioy qu il foit fort
chaud &bruflant en lEqainoxe,ceneantmoins
c’eft pour peu de temps, de forte que la chaleur
duiour y eftant plus briefue & de moindre du-
ree, ne fait pas tant d’embrafement. Ce qu’il
conuient déclarer ^ entendre plus particuliè-
rement. Ceux qui font verfez à la cognoilTance
de la Sphère, enfeignent fort bien, que d’autant
plus que le Zodiaque eli oblique & trauerlant
fur nollre hcmifphere, d autant plus les iours
& les nuids font inégaux; & au contraire où la
Sphere eft droitte, ôc les fignes montent droi-
îement.les iours & les nuidsyfont égaux.
C’clïpourquoy en toute la région qui eft entre
les deux tropiques, il y a moins d’inegalite aux
jours 6c aux nuits, que hors d’ieeux,& plus 1 on
approcl^
tiES Indes. Liÿ, ït
tpprochc de la ligne, moins y trotnie on d’inc-
galirc, ce que nous aiions expenmenté en ces
parties. Ceux de Qmrtovpour ce qu’ils font au
deiîotibsdclaligne, n’ont point en toute 1 an-
née les iours ny les nui6ts pl^ courts en vue fai-
{bn qu’en l’autre, mais y font eontiuuellement
efgaux. Ceux de Lyma, pour ce qu*ils font di-
llâs de la ligne prefque de douze degrez, apper-
çoiuertt quelque différence entre les iours &lcs
nui6ts, mais c'eft fort peUjd’autant qu’en Decc-
brc&cn lanuier les iourS y croiflent d vn heure,
ou peu moins. Ceux de Potoziy recognoiflent
beaucoup plus de différence, tant l’Hyuer que
I’Eftc,pour ce qu’ils font prefque foubs le T ro^
pique.Mais ceux qui font du tout hors des T to-
piques remarquent d’autant plus la briefueté
des iours de THyucr, 6c la longueur de ceux de
l’Eftc, qu’iîsfont elloignez de la ligne & fonc
proches duPolciCOmme l’on void qu’en Alle-
magne & en Angleterre les iours font plus legs
ch £ftc qu’en Italie & Efpagne. C’eft chofe c^ui
(c ÿoid, que la Sphère cnfcigiie, & l’expericncc
Icmonftrcclairêment.llfautadiouftcr vne au-
trc prûpo{îtion,quieftauiïi vraye,&bien conf*
lîdcrable, pour tons les effeeffs de lanature,fça-,
uoir la pcrfcuerance & continuation de fa caufe
efficiente à Opérer &agir. Cela fuppofe,fi l’on
me demande , pourquoy en 1 Équinoxe, il n’y a
point de fi violantes chaleurs eii Efté , qu’il y a
en quelques autres régions, (comme en Ande-
îuzie es mois de luillct & Aouft) ie refpondray
pourcc que les iours d’Efté font plus longs en
Andcluzic,5c les nuids y font plus courtes,
ï
Histoire natvrelie
iour comme chaud qu’il cft enflame & caufe la
chaleur,la nuid auiïi comme froide & humide
donne du rafraichiflèment . Suyuant quoy au
Peru il n’y a point tant de chaleur, pour ce que
les iours d’Efte n*y font pas fi lôgs, ny les nuids
fi courtes, qui caufe que la chaleur du iour eft
beaucoup tempérée par la fraifeheur de la nuid
Mais làoù les iours font de quinze ou feize heu-
res, par raifon il doit y auoir plus de chaleur,
que là où ils ne font que de douze ou de treize,
& où il en demeure autantde la nuid pourra-
fraichiflcraent.Et bien que la ZoncT orride foit
plus proche du Solei!,que toutes les autres ré-
gions, fi eft-ce t outesfois,quc la chaleur du So-
leil n’y demeure pas fi long tempsrcar c’eft cho-
fc naturelle qu’vn feu encor qu’il foit petit, fil
perfeuerc efehauife d’auantage quVn plus gràd
qui durera peu,principalement fil y.furuient du
rafraîchifiemenr. voudra mettre donc ces
deux proprietczdela Torride en vue balance,
fçauoir.qu’elleefi: plus pluuicufe au temps de là
plus grande chaleur,& que les iours^y font plus
courts i on pourra bien parauanture trojuucc
quelles feront efgallés à ces deux autres eôtrai-
res, qui font que le Soleil y eflplus proche ÔC
plus droit qu es autres régions, à tout le moins
qne l’pn n’y rccagnoiftra pas beaucoup d’auan-
DIS Indes. Liv* II.
4ét
Qi[ily A d'* autres rAÎfèns outre les âefdmttes cy dejfm,
qui montrent que U T ornde ejl temperée,^rin et paie-
ment en U cojle de U mer Oceme,
Ch A P. XI.
i Stant chofè refoluc que les^deux
Iproprietez fufdides font commu-
incs & vniutrlèlles à toute Ja région
' r orriide,& qu’en icelle neâtmoins
il fc trouue aucus lieux fort chauds,
êc les autres où il y a fort grand froîdcBr éf la té-
peraturen’y èft efgâlle en tous lieux,raàisen vn
mefmc cliftiar,vne partie efl:chaiide,faütre froi
de,&rautré téinperee tpiit envn raefmé temps:
nousfommes eôtraints de trecherchei* d autres
railônSjd’DÙ procédé celle grande,diucrlîté qui
fe trouue ainlî en là Torride. Dilèouf ant donc-
ques fur èefte queftièn, féii trouue trois caulès
apparentes & eertaines,& vue quatriefme plus
oblcüre& cachee.Les caufes apparentes & cer-
taines font- , la première rOccan , la fécondé
lalfiête & fituation de la terre, & la troiliefme
le naturel & propriété de plulîèurs & diuers
- vents. Outre ces trois que le tiens pourmani-i-
feftes, ie croy qu’il y en a vne autre quatriefnàè*,
cachée & moins apparente, qui eft la propriété
de la mefmc terre habitée, Ôc la particulière in-
fluence, de fon Ciel. Qm voudra conlideret dé
pte'z Ics' caüfés & faifons generales,' cyd-blfui
defduités > on troüuera' qu’elles ne font Iti flj»
I ii
HlSfÔIRE KATVRILLÈ
fantcs pour la rcfolution totale de ccftc ma-
tière, vcu ce qui arriuc iournellemcnt cii di-
uers lieux de 1 Equinoxc.Maiiomotapa,&'grari-
de partie du Royaume de Prefte lan, fontlî-
tuées delTous la ligne, ou fort prochcs,efquel-
les régions ils endurent de terribles chaleurs,
& y nailîcnc les hommes tous noirs j Ce qui
n’eft pas feulement en ces parties de terre fer-
me,efl0ignécs dé la mer, mais aufli en eft il de
mefme éslflcsenuironnéesdelamcr. L*Ifle de
faind Thomas eft foubs la ligne, les Ilîes de
Cap de vert en font prochaines, & en l’vnc &
en l’autre y régnent defurieufes chaleurs, & y
font mefipes tous les hommes noirs. Soubs k
.mefme lignc,qubicn proche d’iceUc , gift vnc
partie du Peru , ôc du nouucau Royaume de
Grenade, qui ncantmoins /ont terres fort tem»-
peréeSjdcclinantes pluftoft à froidure, que non
pas à chaleur, & les hommes qui habitent en
icelle, font blancs. La terre du Brefticftenk
mefoie;diftancc de la ligne que le PerUi&neâtr
ipoins le .Brefil & route cefte cofteeft extrê-
mement ehaude , encore qu’elle foken la mer
duNortyèc l’aiurecofte du Peru qui eft en la
mer duSud,eftforaempcrée. le dis donc que
qui voudra confiderer ces /différences; & don-
ner la r^aifon d’icelles , ne fe pourra contenter
des gcnerallesjcy deffus traitrees, pour décla-
rer côme la Torride. peut eftrc vnc terre tto-
pcréc. E litre les caufes ôc rajfons lp.eçialesi*ay
mis pour la première la mer , pour ce que-fonil
doute; fonvoifinageayde à tempérer, & refroi-
dir la chaleur. Car combien que foneaue foie
Des Indes. Liv. IL €7
lâilec, clic eft toufiours eau tôutesfpis, ^rl’Càu
de fa nature eft frpidç , &iî encore eft remar-
quable que poupla profond! te de l’Occan, l’eau
îicn pcutcftrecrçhaufFecj)arlâ chaleur du So-
leil , comme les eaux des riuieres. Finablement
toutaitift congelé Tel nitre(quoy qu’il foi t du
naturel du fcl) a la propriété de refroidir l’caue:
ainfî voyons nous par expérience en quelques
ports & hautes qucTeau delà mery raftaifehir,
ce que nous auons veu en céluydeCallao, où
1 on raettoirrafraifchirl caue ou vin pour boi-
re dedans djes cruches ou flafeons mifes en la
mer. D-où l’on peut (ans doute recognoiftre
que l'Ocean a cefte propriété de remperer &:
rafraifehir l’cxcelîîuc chaleur, Povir cefte occa-
fion l’on relient d’auantage la chaleur en la ter-
re, qu’en la mer, c^^teris fmhns, &communé-
menties terres fttuees fur la marine J fontplus '
fraifehes que celles qui en font efloignecs c£tc^
rifparéw , comme i’ay di(ft. Ainfi la plus grande
partie du nouueau monde eftant fort proche de
la mer Oceane, nous pouuons dire auec raifon,
encor qu’il {bit fpubs la Torride, qu’il reçoit de
la mer vn grand bénéfice, pour tempérer fa
chaleur,
les pim hautes terres fint les pim froides^ ÇT’ '
quelle en ejl la raifon.
Chapitre xir.
I A is fi nous voulôs encor rechercher
.particulièrement , nous trouuerons
Iqu en toute cefte terre il n’y a pas v-
'ne chaleur totalement elgalle, quoy
I lij
Histoire natvrelie
quelle foie én pareille diftance de la mer , & en
mefme degré, veu qu en quelques parties d’icel-
le il y a beaucoup de chaleur, & en d’autres y en
a fort peu. Il n’y a point de doute que la caufe
de cecy ne foit pourautant que rvnc eft plus
balTe , & que Taurre eft plus haute ôc plus efle-
uce , d’où vient que IVne eft chaude & l’autre
froide. Ceftehofe certaine que lerommet des
montagnes eft plus froid que le profond des
vallées , ce qui ne procédé point feulement de
ce que les rayons du Soleil ont plus de reper-
culïion au.Y lieux bas êc profonds , encor qu’il
en foit vnc grande raifon , mais il y en a v ne au-
tre, qui eft que la région de l’air eft plus froide,
d’autant plus qu’elle eft haute & elloignce de
la terre. Les plaines de Collao au Peru , ôc de
Popajan en la neuue Efpagnc , font preuuc fuf-
ffante de cecy. Car fans doute , toutes ces par-
ties font terres hautes, ôc pour cefte raifon àuflî
font-elles froides,combien qu elles foyent tou-
tes enuironnecs de hauts pics de montagnes
fort expofees aux rayons du foleil. Mais ft nous
demandons pourquoy au Peru& en la ncuftic
EfpaignCjles plaines de la cofte font terres chau
des , ôc les plaines de la mefme terre du Peru ôc
de la neufue Efpagne font au contraire terres
froides: A la veritç ienevoy point qu’il fen
puifte donner autre raifon , linon que les vues
font en terre balfe, Sc les autres en terre hau-
te. L’expcriencc nous enfeigne que la moyen- '
ne région de l’air eft plus froide que l’inferieu-
re : ôc pource tant plus les montagnes f appro-
chent d’icelle région moyenne, tant plus clics
©ES Indes. Liv. IL é8
font froides, couucrtes de neiges &: de gciccs.
La raiion mefrae f y accorde , pourcc que fil y a
vnc fphere ou région du feu, comme Ariftote ôc
les autres Philofophcs difent, la région moyen-
ne de l’air doit cftre plus froide par antiperifta-
2C , la froidure eftant repouiree,& fc rdferranc
en icelle, comme en temps d’Efté nous voyons
aux puits qui ont de la profondité. Pour celle
occafion , les Philofophes afferment que les
deux extrêmes régions de l’air, celle d’enhaut,
& celle d’embas font les plus chaudes , &c la
moyenne plus froide. Que fil eft ainli , comme
de fait l’expcrience le ni online, nous en tirerons
encor vn argument (Scraifon remarquable,pour
monftrer quelaXorride eft temperee. Sçauoir
que la plus grande partie des Indes eft vue ter-
re haute, remplie de beaucoup de montagnes,
qui par leur voifinage rafraiclri lient les terres
prochaines. L’on void continuellement es fom-
metsjdes montagnes dont ie parle', de la neige,
delagrellc, & des eaues toutes glacées, & le
froid qu’il y fait eft lî afpre, quel herbe en eft
toute greftllonnee , tellement que les hommes
& chenaux cheminans par là, y font tous en-
gourdis de froid, Cecy, comme i’ay délia di6b,eft ^
en la Zone Torride, & aduicntleplus fouuenc
quand ils ont le Soleil pour Zenith. Ainli eft-
ce chofe notoire & conforme à la raifon , que
les montagnes font plus froides que ne font les
vallees&les plaines, d’autant qu’elles partici-^
peut de la région moyenne de l’air , qui eft tres-
froide. Orlacaufepourquoylarcgion moyen-
ne de l’air eft plus froide, a efté mefme dide çy
1 iiij
HiSTOIHÏ NATVREttl
<3euant, qui cftquela région de Tair prochaine
de l’exhalation ignee , laquelle ( félon Ariftote)
cft fur la Iphcrc de lair , repoulîc & reiette ar-
rière toute la froidure , laquelle fe retire & rc-
ferre en la moyenne région de Tair parantipc-^
riftafcjComme parlent les PhiJofophes.En apres
h quclqu’vn me demande ôc veut interroger de
Ariîf, Ma. cefte façon , fil cft ainiî que lair foit chaud &
humide , comme tient Ariftote, & comme l’on
dit.commiinément,d’où procédé ce froid qui fé
retire en la tnoycnne région de l’air , puis qu’il
ne peut venir de la fphere du feu î Car fil pro-
cède de l’eau ou de la terre , par cefte raifon la
baîfe région de l’air deuroit eftre plus froido
que celle du milieu. Certes à rcfpondrc au
vrayeequei en penfe, ie confefteray que ceft
argument & obiedf ion m’eft tant difficile, que
le fuis prefquc dîipofc 4c fuyure l’opinion de
ceux qui reprouuent les qualitcz, fy mbolcs &
diftymboles que met Ariftote aux clcracncs,
difantquccefont imaginations, lefqucls pour
cefte occafion tiennent que l’air defon naturel
cft froid , de à.cefte fin ils fe feruent de plufieurs
argumens & raifbns , du nombre defquelsnoiis
en propoferons vn aifez vulgaire & cogneu,
laiiîans les autres à part ,fçauoir qu’es iours ca-
niculaires nous auons accouftumé nous don-
ner de l’air auecvnefuentail, &ttouuons qu’il
noiisrafraifchirs de forte que ces Autheurs af-
qu<= la chaleur n'eft vnc propriété par-
x<j. de coel. ticulierç d’aucun autre élément que du fcnl feu
hterar. quieftefpars ^mellé parmy toutes les chofes
(félon que le grand Denis nous eufeigne ) mais
Tn D I S.t V. ïî; ^
qu’il lôit ain fi, ou qu’il en foi t autrement ( car io
neveuxpas contredire à Arifto te, fi ce n’cft en
chofe fort certaine ) en fin ils faccordent tous
que la moyenne région de l air eft plus frpidè
quelaplusbafic prochaine à la terre, comme
mefme l’experiencc le monflxe,puis qu’en celle
région du milieu, |es neiges, les grelles, frimats
& autres indices d’extreme froid fengendrent.
Or donc la région du milieu qu’ils appellent
Torride , ayant dVn code la mer, & de l'autre
les hautes montagnes, l’on doit tenir cela pouç
caufcsfuffilàn tes pour tempérer ^ rafraifehir
fa chaleur.
les vents jrsïâs fintU pr 'mcifuUe c4ufi rendre
ii" ldTorrtdetemferee„
^ Ch AP, XIII.
A température de celle région fedoît
principalcmct attribuer à la projiric-
^7 te du vert t qui court en celle terre là,
lequel ell fort frais & gracieux. La
prouidence du grand Dieu , créateur de toutes
chofes a elle telle, qu’il a ordonné qu il y eull
des vents mcrueilleulement frais en la région
ou le Soleil fait fort cours (qui lemble deuoir
dire du tout embrafee) afin que par leurfraif^
cheur, I excefliue chaleur du Soleil full tempe-
ree. Et ne font pas ceux-là trop efloignez d’ap-
parence de raifon,qui ont eu opinion que le Pa-
rais terrellre clloit fouz l’Equinoxe , fils ne fc
fuirent trompez eux-mefmes fur la caufe de
leur opinion , en ce qu’ils difoyent que l’egaiité
H T s T6 I RE NATVRELLE
dcsioürs & des nuids eftoit feule fuffilànte
çaufe de rendre celle Zone temperee, à laquelle
opinion toutesfois plulîeurs autres ont elle
contraires , du nombre dcfquels a cfté le Poète
renommcjdifant:
celle région
S’emhraXe mceJfAmment aux chaleureux rdy ans
Vu Soleil qui d’iUeciamais ne fe retire,
Donques la fraîcheur de la nuidl n'eft pas telle,
qu’elle foit feule fufïifante pour modérer &
corriger de lî afpres & furieufes ardeurs du So-
leil, mais pluftoll celle Torride reçoit vne lî
douce température par le bénéfice de l’air frais
ôc gracieux , de telle forte, que combien qu’elle
ait elle tenue des ancien s,plus embrafec qu’vnc ‘
fournaife ardente, & ceux qui 1 habitent à prç-
fent , la tiennent pour vn Printemps délicieux:
il appert par argument Sc raifons fort euiden-
tes, que la caufe de cecy gill principalement en
la qualité du vent. Nous voyons en vn mefmç
climat quelques régions & villes mcfmes plus
chaudes les vues que les autres , pource ‘feule-
ment qu’ils fe refléntent moins des vents qui
rafraichilTent. De mefme en ell-il en d’autres
terres, où le vent ne court point, lefquelles font
toutes embrafees comme vn fourneau, & y ell-
on fi fatigué de la chaleur, que d’y ellre, c ell
autant que de fe voir dans vne fournaife. Il y a
beaucoup de ces bourg ides &c de ces terres au
Brcfifcn Ethiopie & au Paraguay, comme cha-
qu’vn fçaic : & ce qui ell plus confiderable, c’ell
que l’on void ces diflerences , non feulement
parmy les terres, mais aulÏÏ en la mer j il y a des
DIS In o ï s . L ivi II. ’ 70
merSjOÙ l’on fent beaucoup de chaIeur,comme
ils racontent de celle de Mozambique &Or-
mus, & en l’Orient, & de la mèr de Panama, en
Occident ( laquelle pour celle occalîpn engen-
dre & produit en foy des Cayamans) cômeaulîî
en la mer du Brelîl. Il y ad’autres mers , voire
en mefme degré de hauteur, fortfroides , corne
cft celle du Peru, en laquelle nouseufmes froid,
comme i’ay raconté ci delTus, quand nous la na-
uigeafmes la première fois , qui elloit en Mars,
&auTemps que le Soleil cheminoît pardelTus.
Alaveritéen ce continent, où la terre & l’eau
font de mefme forte , ronnepeutimaginerau-
tre occahon de il grande différence , linon la
propriété du vent qui les rafraichir. fi l’on
veut depresaduifer àcelleconfîderariôdu vét,
dont nous auôs parlé, l’on pourra refoudre plu-
fieurs doutes qu’aucunsinettêc en auant, de qui
femblent chofes eftranges& merueilleufes,fça-
uoirpourquoi le foleildonnant de fes rais fiir la
région Torride, & particulièrement au Peru,
voire beaucoup plus violemment qu’il ne fait
pas en Efpagnc és iours caniculaires , neant-
moinsl’onrefiftc à fa chaleur auecvne fort lé-
gère couuerture, fi bien qu’au couuert d’vne
natte ou d’vn fimple toict de paille , l’on eff;
mieux contregardé de la chaleur , que Ion n’eft
pas en Elpagnedefibus vji toiétde bois,& mef-
me d’vne voûte de pierre. D’auâtagepourquoy
les nuiéls d’Efté ne font chaudes ny cnnuyeu-
fes au Peru, comme en Efpagne ? Pourquoy aux
plus hauts fommets des montagnes , & mefme
ptre les monceaux de neige, il y fait quel-
Histoire katvrelle
qucs-fois de grandes & infupportâblcs cha^
leurs. Pourquoy en toute la prouinee de Co- |
lao , quand l’on fe trouue à l’ombrage quelque
petit qu'il puiflè eftrcd’on y fentdu froid , mais
quand l’on vient à en fortir aux rayons du So-
leil , incontinent l’on vient à y fentir vne cxcef- i
fîuc chaleur. Pourquoy toute la cofte du Peru
eftant pleine de Tablons , neantmoins Te trouue
fort tcmperce, & pourquoy Potozi diftant dç
la cité d’ Argét tant fculcmét de dixhuiâ: lieiies
& en vn meffiie degré , eft toutesfois de fi diffe-
rente tempcraturejque le pays eftant tres-froid,
il eft fterile &fec à merudllcs: au contraire la ,
ville d’A rgent eft temperee , déclinant à la cha^-
leur , & a vn terroir fort gracieux êc fertile, t
C’eft donc pour certain le vent , qui principale- i
ment caufe toutes ces eftranges diuerfitez : car |
fans le bénéfice du vent frais , l’ardeur du Soleil |
eft telIe,qu’encor que ce foit au milieu des nei- |
ges, elle brufle & cmbrafe , mais aufli quand U ‘
fraicheur de l’air reuient, aufli toft toute la cha-
leur fappaife,quelque grande qu’elle foit: & où
ce vent frais eft ordinaire, & règne fouuent, il
empefehe que les vapeurs terreftres & groflîc-
res qU’exhale la terre, ne le ioignent , & caufent f
vne pefante & ennuyeufe chaleur , dont le con-
traire aduienten Europe j d'autant que parTcx-
halation de ces vapeurs , la terre demeure com-
me bruflee du Soleil du iour , qui eft caufe que
les nuiéls y font fi chaudes & ennuyeufes, telle-
ment qu’il fcmblc plufieurs fois , que l’air forte
comme d’vne fournaife. Pour cefte mefrae rai- ;
fon 5 au Peru cefte fraifeheur du vent caufe que ;
Des Indes. Liv. IL
par le moyé de quelque petit ombragera cou-
cher & déclin du Soieild on y cftaircz frUfehe^
-ment : au contraire en Eûrope le temps le plus
doux & plus agréable cii Efté eft le matins & le
foireftlcpIus froid,&le plus ennuyeux. Mais
au PerUjCn toüt LEquinoxoii n’é eft pas de raefl
me, d’autant qùcrous les matins, que le vcntde
la mer y ceftè , Ôc que le Soleil y commence à
ietter fes rayons, pour cefte raifon l’on y lent k
plus grande'chalcur aux matins, iufques au re-
tour dudit vent qu’ils àppel|cnr autrement, Ma-
rce,oavcntde la mer, qui fait qu’on commen-
ceaÆntir lediroid. ?Nous aüons experîmenté
tout cecy du 'temps;' que nons eftions aùx Elles
qu ikappellenf dc'Barlouânte, où au matin nb*
fuyons det;hatid,&à^midf]nôus féntions vn bo
frais,jpour^ce qüelabi:feî>ï:dihaire, quieft vn
vent frais:dt^gïâtieü^,yefoüftle alors. • '
ctUxi/jïii h^it enf fiuhs l' Equinoxe , vment d'ime
:'o. ’'-nfUfmdk*cè'(^d'dme^ '
tl*?: r* .1. ' vt), ' - ; ' ' . . -
I«eu:^quiOnt-du‘^i^fiiOn/^
; radis terreft re jeftoi t èn l^gt i înn vf»
•^^^fùlfeutconduitspaf^ difeours, ert-
cor ne fémblero|ë tils point eftre du
tour hors düchëmin.Non âuëie vueille refou-
dcc qucle Paradis d€licieùk;<lbt parle rEfcrim-
xc, Toit en ce lien là, d’au tant que ce fèroit tème-
rite de rafermerpourchofecëffainej mais ie
dis,quc Cl lo pêüt dire,qtî’il y ait quelque Para-
dis en la terre ce doit eftre enlien, oùîon iouift-
T
Histoire NATVRELt*
d vnc température fort trâquille & fort douce.
Carila’ya chofe Ci fafeheufe & répugnante à
lavie humaine,quedeviurcfbus vnCicla ouvn
air contraire, ennuyeux ôc maladifjGOmc il n’cft
chofe plus agréable, que de iouyr d*vn Ciel
d’vn air qui foit faih,doux, ûibHl, Ôc gracieux.il
cft certain , que rio^ ne participé^ point d aucun
des elemens, ny nîch aiions Ivf^gè û fouuét en
ljnjtei;ieqr du c6j:ps,que.nQUsauôs del air C'efl:
celuy qui ^niiironhe nos corps dé:tQures parts, .
qui nçu? en tre iufques dans les crttrailles., & à
çhalquc motnentynous vavifîtant.lceoeur , aa-
qu/£jdlÂiT'‘pi^iiï^e les proprieteZio''Sy’aircft tant ,
îoiq . corrompUi,! il caufe larnoif : fileftpur '
&^4*?b^^,il augrpente les fôrcîgsriMnablcmciit |
nous pouuo^s direiq^^l’^irfedlelbjcoutc.la vie |
des hqmmesidc Côjÿie que çombienquel’pn aye |
des biens 5cdes i*i<heiÉ%^Û efl:-çeqMecliîc Ciel |
eft fâcheux & mal fain,l on ne peut viure à fai- ^
fcjnj^auec du cont^i'emehVvyMais;ft:lWr &Je '
Cieleftralubrcÿgtâtieux^plâ:ifanr,cncor quc;^ !
l’on n’ait d’autres richelTcs, ne laiflfe de donner '
du contentemerît ]^|îu pWihrü /Gdnhderant à
part iTVQ)^,l’^güeâblp tei^ plqUcurs
terres, des _,|ndcs,iOh:l’oA ne £^ir que c!eft d^ i
l’h y uer,qui par fon froid gellc & êhraint ,ny.dé |
l’Efté-, quiennuye par Tes chaleursy maïs âuêç
vne.nate, l’on fc guarantir de quelque iniuredu ^
temps que ce foit, & où il eft à peine befoin idé
changer, d'habit en tgute l’année? le dis certes ■
que confiderant cela plufieurs fois,ie trouüe ôc
me femble encor auiôurd’huy , que li les homes ;
fc vquloient vaincre eux mefmcs , & fc defliec |
DSS Î^Dss. Liv. IL -7i
des lacs que la cupidité leur drciTe/c defiftans
de plufieurs iuutilks & pernicieux defTeings;
fans doute qu’ils pourroiét viure aux Indes fore
doucement & heurenfement; car ce que lès au-
tres Poètes cha ntent des champs EIifëes,& de
lafamcufeTempé,ou ce que Platon raconte oii
feint,defon Iflè A rianrique^ccrces lès homme?
les rrouueroiêtcn ccsterrcs/id Vncœur crenc-
reuxils aymoient mieux eftrc feigneurs de kur
argent,& de kur conuoitife,que d’en dêmcurcr
clclaues comme ils font. Ce que nous auôs tfai^
tciufques icy fuffira. touchant les qualircz de
1 Equinoxe, du froid, chaud;fecherdre, pluyesj
& des caufes defa.temperâtUfe*.Ledifcours en
particulier des diuerfitez des venrs^auxideseteri^
rcs,des mettaux,plantes & animaux,qui y font
& dont y a aux Indes grande abondance,reftera
pour d autres liures,car la difficulté de ce qui eft
traitte en ccftuy-cy,quoy qu au bref,k fera pa-
rauanture trouuer plus long qu'il n’effi
AiucrtifTcment au Lcdcuf.
Le LeEleurâoit eflre aduerty^qaetefcnuy les deux
Imtes^refedens en LAtm,lors c^ue lejlois ah Peru,
Cr purce fArlent sis des chofes des Indes, comme de
çhofesfrefentestdef uis efimtvenu enlffaigne,mefem-
Uahondelestrddmre en Ungue vulgaire, cr' ne
changer kfa^on de prler^epiy eftut couchée : mak
duxçtn^Uxres fithi4ns,jfÀr.ce queae les ay faits ep Euro^^
fe,iay ejîé contraint de changefUfacm de prier, de
trakter^en- teettx les chofes desijftdes, comme terres O*
çhofesab fentes, & far ce fse çefie diuerjtté de^ farter i
fourreitamcriufn of enfer le leÜeur,d m^afetn ble bon
V iLp.Xf P: --
J : ; ^ ■
-nn m. jirî - V-' - ■ •'■'
LIVRETROISIESMEDE
L HlSTOlRÈ NÂTVRELLE
Amorale des Indes.
l^hifltire ndtUreÜe des îndes eji
^Utjknte CT” agreaUe,
Chapiîhe pkEMîEik.
O V T E hiftoirc naturelk
de foy efl aggrcablc , 6c
^mcfmeeftvtilc,& degrâd.
proffit à ceux qui veulent
eflcuer.lcur difeours , &c
cotitemplatiÔ en haut, en
' ce qu’elle les excite à glo-
rifierrAutheurde toute k
nature, côitie nous voyons que font les fages &
faints perfonnages, principalement Dauid en
plufîeurs & diuers Pfeaümes,où il célébré 1 ex-
cellence des œunres de Dieu. Et lob aulîi trai-
tant des fecrets du Créateur, où le mcfme Sei-
gneur refpond à lob fi amplement. Celuy qui
fc plaira d’entendre les vrayes œuures de celle
nature fi diuerfe & fi abondante, aura vraye-
ment le plaifir 6c contentement de l'hiftoircj
& plusencorquandil cognoiftra ,que ce ne
font point fimples oeuures des hommes, mai>$
du Créateur mefmc, 6c qu’il pafieraplusoutri
, k
Pfaî. lOjJ
I3y.9!.9»‘
I8.8.
Ioh.iî.^9.
3^.40.41,
Histoire N ATVRÉitÉ
Ôi parnicndra à comprendre les caufes natnrcî-
les de ces œuures , il fera occupé en vn vray ex-
ercice de Philofophie. Mais qui efleuera plus
haut fa confideration,regardât au grand & pre-
mier Architeâe de toutes ces merueillcs, co-
gnoiftra lafapicncc &grandeur infinie d iccluy,
pourrôs dire qu’il traidera vne cxcellétc Théo-
logie, & par ainû la narration des chofes natu-
relles,peut beaucoup teruir pour plufieurs bon-
nes confiderations, combien que lafoiblelTe ôc
débilité de plufieurs appétits ait accouftume j
ordinairement defarreiier au moins profîrablej -
qui eft le defir defçauoir chofes nouuclles, ap-
pelle curiofiré.Lc difeours ô<:hiftoire des chofes
naturelles des îndes^outre le commun conten-
tement qu’il donne,il en a encore vn autre , qui
eft de rrairter de chofes efloignccs, la plus part
defquclles ont efté incogneues aux plus excel-
lensautheurs de telle profeflion quiayentefte
entre les anciés. s’iffailloit eferire ces cho
fes naturelles des Indes, aufiî amplement com-
me elles le requièrent bien, eftans chofes fi rc-
marquablesjie ne doute pasqu on n’é peuft fai-
re des œuurcs,qui ne feroient pas moindres que
celles de Pline,Theophrafte & A riftote. M ais ic
ne me réputé point afièz fiiffifant,& (encor que
ie le fufic ) ce ne feroit mon intention, ne ten-
dât à autre fin que de remarquer quelques cho-
fes naturelles quei’ayveues,&cogneucs eftant
aux Indes,ou bien que i’ay entédues de perfon-
nes dignes de foy,lefquelles me femblent eftrc
rares,& peu cogneues en l’Europe. A raifon de-
quoy ie paficray fuccindement fur beaucoup
DES In DE s. L l V. I I|î*
4’icelles:tant pourcc qu'elles font ia eferites par
d ’autresjou bien qu’elles requièrent d’auanrage
d efclaircilîcment & de difcours,que ce que ic
1 car poiirrois donner.
Des vent s, de leurs différences, fro^rietêXjy' (*^fes en
général.
Ch AP. II.
Yanttraittéaux deux liures pre-
cedens ce qui concerne IcCicl, &c
I habitation des Indes en general,
il nous conuient parler des trois
elemenSjrair, l’eau Ôch terre, 5cde
leurs compofez,qui font les métaux, plantes ôc
aniraaiix^car pour le regard du feu,ie nevoy cho
fe fpeciàlc aux Indes qui ne foit es autres regiôs.
Cl quelqu’vn ne vouloit dire que la faç5 de tirer
du feu en frottant deux baftons iVn contre 1 au-
tre,comme en vfent quelques Indiens, de cuire
quelque chofe en des courgcs,y icttât vnc pier-
re ardente,& d’autres chofes ferablables fulTcnc
àremarquer,auflîenay-ieefcrit,ceque Ton en
pouuoit dire. Mais de ceux qui font aux Vul-
cans ou bouches de feu des Indes, dignes cer-
tainement de remarque, i’en diray àlcur ordre
en traittantde la diuerfité des terres, cfquelles
l'on trouuêccs feuxou Vulcans.Parquoy pour
commencer par les vents, ic diray premiere-
mentjqae c’eft à bonne caiife que Salomon, en-
tre les grandes fciences queDieu luy auoit don-
nées , cftime beaucoup la cognoilïàncc de ia
i
Histoire NATUREL 18
force des vents, & de leurs pioprietez ceTtai-
nemcnt admirables. Pour ce quelcsvns font
pluuicuXjSc les autres fecs, les vns maladifs, &
les autres fains, les vns chauds , ôc les autres
froids, les vus doux & gratieux , & les autres
rudes & tempeftueux, les vns ftcriles & les au-
tres fertiles, aucc vne infinité d'autres différen-
ces,!! y a des vents qui courent en certaines ré-
gions ôc font comme feigneurs d’icelles, fans
fonffrir l’entrée ou communication de leurs
contraires. En d’autres parties ils foufflent de
telle façon que tantoft ils font vainqueurs &
tantoft ïont vaincus, ôc bien fouucntil y ades
vents diuers & contraires,lcfquels courent en» '
fcmble^out en vn mefme téps, diuifans le che-
min entr eux, Ôc quclquesfois les vns foufflent
en haut d vne façon, ôc les autres par le bas
d’vne autrcj quelquesfois fe rencontrent violé-
mentles vns les autrcs,qui fait courir de gran-
des fortunes à ceux qui font lors fur mer. Il y a
des vents qui aydent à la génération des ani-
maux, & d’autres qui l’cmpefchent, & y font
contraires. Il y a vn certain vent de telle pro-
priété que quand il fouffle en quelque contrée,
il y fait pleuuoir des pulces , non point par
maniéré de >dirc , mais en fi grande abondance
qu’ils en troublent acobfcurcifient l’air, Ôc en
couurcnt tout ie riuagcdcla mer, & en d’au-
tres endroits il fait pleuuoir des petits crapaux.
Ces diuerfitez ôc d’autres qui fontafflezeo- ^
gneues,fattribuent communément au lieu par
oùpafTentces vents, pour ce qu’ils difent, que
de ces lieux ils prennenje leurs qualicez d’eftre
Des In DIS. Liv. III. 7f
froids , chauds , fccs ou humides , maladifs ou
fains , Sc ainh de tout le reftc , ce qui cft en par-
tie véritable, & ne le peut on nier, d’autant
quen peu de diilance l’on void en vn mefmc
vent beaucoup de diucrfitez. Pour exemple, en
Efpagne, le Solanus ou vent dcLcuanticft com-
munément chaud &cnnuyeuxjeii Murcia,c’eft
le plus frais & plus fain qui y foit , pource qu’il
paiîè par ces vergers, 5c cefte li large campa-
gne qu’on void âfTcz fraifche. En Carthagenc,
quin’eft gueres efloignec de là, le mefmevent
cil: ennuyeux ôc mal fain. Le Méridional , que
ceuxdelamcrOceane appellent Sud., ôc ceux
-delà mer Méditerranée Meziozorne , commu-
nément eftpluuieux& moleftc, & en la mef-
mc ville que ie dis, cft fain & gracieux. Pline 4.
raconte qu’en AfFrique il pleut du vent de Nort,
&quelcvcntdcMidy yeftferain. Qui voudra ’
doncconftderer de près ce que i’ay diddeccs
vents , il pourra bien comprendre qu’en peu de
diftance & efpace de terre ou de mcr,vn mefmc
vent a plufteurs &c diuerfes proprictez , voire
quclqucsfois toutes contraires. D’où I on peut
inférer qu’il tire ôc acquiert fa propriété & qua-
lité du lieu par où il pafte. Ce quieft vray de ^
telle façon , que l’on ne peut pas toutesfois di-
re infailliblcracnr, que ce foit la feule & princi-
pallc caufe des diuerfîtez 5c proprictez des
vents. Carc’eft chofe que l'on apperçoit & re-
cognoit fort bien, qu en vne région qui con-
tienne cinquante lieues de circuit, ie le mets
ainft pour exemple , le vent quifouftlcd’vn co-
fté çft chaud ôc humide, ôc celuy qui fou|fle
' K iij
Histoire natvrelle
d’vn autre , eft froid êc fcc. Toutesfois cefte di-
ucrnténcfctrouucpcintcslieuxpar où il paf-
fc^qui me fait dire pluftoft, que les vents d’eux-
mcfmes apportent quant 6c eux ces qualitez,
d’où vient que Ton leur approprie les noms de
CCS qualitez. Pour exemple l’on attribue au vent
de Septentrion, autrement appelle Cicrço,ou
Nort, la propriété d’eftre froid & fcc,& de con-
fommer les bruines. A fon contraire, qui eft
le vent de Midy , Leucche ou Sud, eft auffi attri-
bué tout le contraire , qui eft d eftre humide &
chaud,& d’engendrer des brouillats.Cccy donc
cftant general & commun, l’on doit rechercher
vue autre caufe vniuerfelle , pour donner rai-
fon de CCS cftcéts, &ne fufïîtpas de dire que
les lieux par où ils paftent leur donnent ces
proprietez qu’ils ont , puis que paflans par de
mefmes lieux, on void qu’ils ont appertement
effeds tous contraircs.Tellcment que nous de-
uons confefler par force , que la région du Ciel j
où ils foufflent , leur donne ces proprietez 6c '
qualitez. Comme le Septentrional de foy eft i
froid , pourcc qu’il procédé du Nort , qui eft la
région plus efloignee du Soleil. Le Sud qui
fouffle du Midy eft chaud , 6c pourcc que la
chaleur de foy attire les vapeurs , il eft auflî hu- i
mide, &pluuieux: au contraire le Nort eft fcc i
6c fubtil , d’autant qu’il ne lailfe efpaiflir les va- :
peurs , & de cefte façon l’on peut difeourir des
autres vents , leur attribuans les proprietez des |
régions de l’air d’où ils foufflent. Mais confidc- i
rant cela de plus près, cefte raifon encor ne j
mepeutfatisfaire. Parquoy ie veux demande^
Des Tniies. Lîv. III. 7<ç
eue fait la région de l air par où paiTcnt ces vêts,
h elle ne leur attribue point fa qualité. leledy,
pourautant qu’en Allemagne le Méridional eft
chaud & pluuieux, & en Afriqucle Nort eft
froid & fcc. Ncantmoins il eft tres-certain que
de quelconque région d’Allemagne où f engen-
dre le Sud, doit eftie plus froide qu aucune d’ A r-
frique où f engendre le Nort. fil eft ainft
donques , pour quelle raifon eft-cc que le Nort
eft plus froid en A friquc,que n’eft le Sud en Al-
lemagne, yeu qu’il procédé dVne région plus
chaude? Lonme pourra refpondre quec’eft à
caufequ’ilfouFflc du Nort qui eft froid, mais
cela n’eft pas chofefuffifanteny véritable j Car
fil eftoit ainfi, lors que le Septentrional fouffle
en Afrique, il deuroitaufti courir & continuer
Ton mouuemcnt en toute la région iufques au
Nortree qui n’eft pas toutesfois, car en vn mef-
me temps il court des vents de Nort fort froids
CS terres qui font en moins de degrez , &des
vents d’embas, qui font fort chauds és terres
fituces en plus de degrez, ce qui eft tout cer-
tain, couftumier & notoire. D’où l’on peur, à
mon iugement , infererque ce n’eft pas raifon
pertinente de dire , que les lieux par où paftent
les vents leur donnent ces qualitez, nymcfmc
qu’ils font diucrfîfiez,pourcc qu’ils fouffîcnr/de
diuerfes régions de l’air , encor que l’vn & l’au-
tre enfoit quelque raifon, comme i’aydiéfc.Mais
ilcftbcfoin de fenquerir plus auant pourfça-
iioir quelle eft la vraye & originelle caufe de
CCS différences fi eftranges, qu’on void entre les
yci^cs. Îcn’cnpeux*îimagincr d'autre, finon que
K iiij
Histoire katvrelle
la mcfmç caufc efficiente qui produit& fait nai-
ftre les vents , leur donne & imprime quant &
quant cefte première & originelle propriété.
Car à la vérité 5 la matière de laquelle les vents
font formez (:qui n*eft autre chofe félon Arifto-
tc,que rcxhalation des elernens intérieurs) peut
bicncaufercn effed vnc grande partie de cefte
diuerfité, poureftre plus grolTe, plus fubtile,
plus feche ou plus humide. Mais ce n’cft pas
pourtant vneraifon pertinente, veu que nous
voyons en vne mefmc région ou, les vapeurs Ôc
çxhalations font d’vnc mefmc forte 5c qualité
qu’il fy efleuc des vents & effeds tous contrai-
res. Parquoy Ton en doitreferer jacaufeàref*
fîcient fuperieur ôc celefte , qui doiteftre le So-
leil, & au mouueracnt & inffiiencc des Çieux,
lefquelsparleurs mouuemcns contraires don-
nent & caufent de diuerfes influences. Mais les
principes de ces mouucmens & influences font
fl obfcurs êc cachez aux hommes, ôc d’ailleurs
fl puiffians & de fl grande efficace , que le Saind
Prophète Dauid en cfprit prophétique , & le
Prophète Hiereraie celebrans les grandeurs du
^ier^ïo'^’ Seigneur, en parlent ainfi, Qm profert ventos de
fupsyCpài tire les vents de fes threfors. A
la vérité ces principes Ôc commcncemens font
des threfors bien riches ôc bien cachez: car
l’Autheur de toutes chofeslcs ticnrcnfaniain
ôc en fapuilîànce , quand il luy plaift les tire ôc
les met dehors pour le bien ou pour le chafti-
ment des hommes, Ôc enuoye tel vent qu’il
veut , non pas en la façon de ceft Eolus , lequel
les Poètes ont follement feint auoir la chargé
BES ÎNDES. LlV. III, 77
de tenir les vents aiTcftcz & enfermez dansvn
antre , tout ainfi que des belles làuuages. Nous
ne voions point le commencement de ces vêts,
& ne fçauons non plus combien ils doiiient du-
rer,d'où ils procèdent, ny iufques où ils doiuent
aller. Mais nous voyons ôc cognoilTbns fort
’ bien les diuers effeds & operations qu ils fon r,
ainfrqucla fupreme vérité, autheurdc toutes
chofcsnousraapprins,difant .:i’/?/r/r«y vbi vulc
voçem eiVA attdis , nefeis vnde venit mt
^uovadit. L’cfprit ou vent fouffle où bon luy
Icmble, & bien que tu fente Ibn foufflement, tu
ne fçais pas tontesfois d’où il procédé , ny iuf-
ques où il doit arriüer : afin de nous enfeigner,
que comprenans fi peu és chofes qui nous font
prercntcs& communes, nous ne deuons pas
prefuraer d’entendre ce quieft fi haut & fi ca-
ché , que les caufes & motifs du faind Efprit.
Ceft pourquoyilfuffîtque nous cognoiffions
Tes operations Sc cfFeéts,iefquels nous font fuf-
filâmmentdefcouuerts en fa grandeur & perfe-
blion , ôc d aupir en general philofophé ce peu
des vents ôc des caufes de leurs différences, pro-
prictez & operations que nous auons réduites
en trois,qui font le lieu par où ils pafient, les ré-
gions où ils foufflenr, dç la vertu celcfie,prinçi-
pe& motif des vents, .
HiSTOXRI NATV’RiLtl
DUucmes fro^rietc^de vents qui courent M
muueau monde.
Chapitre III.
Arfflot. 1. ’E ST vnc queftion fort difputecpar
foufflc depuis le Pôle Antardiquc,
ou bien tant feulement depuis 1 Equinoxe &
Midy, qui eft proprement demander fi par de-
là l’Fquinoxeila& retient auffi la mefrae qua-
lité de chaud & pluuicux que nous voyons icy.
C’eft vnpoinél fur lequel on peur, non fansrai-
fon,entrer en doute. Car bien qu’il pafle 1 Equi-
noxe,il nclaifle pas toutesfois d’eftrevcntd’Au-
Her ou Sud, puis qu’il vient du mcfme coftedu
monde, comme lèvent de Nort qui court du
cofté contraire , ne laiflè pas auflî d’eftre Nort,
encor qu'il pafle outre la T orride & ligne Equi-
noxiale. Et femblc bien par cela que ces deux
vents doiuent retenir leurs premières propric-
tezdVn d'eftre chaud & humide, & l’autre froid
&fcc,P Aufter de caufer les bruines&dcs pluyes
& leBoreeou Nort de les confommer, & de
rendre le Ciel ferain & tranquille. Toutesfois
Ariftote f encline à la contraire opinion , p.our-
autant qu’en Europe le Nort eft froid , pourcc
qu’il vient du Pôle, région extrêmement froide,
& le Sud au contraire eft chaud, pource qu’il
vient du Midi, qui eft aufli la région que le foleil
efehauffe d’auàtage. Par cefte raifon donc il fau-
droic croire que rAufterferpit froid à ceuxqpi
Met. ca^.y
Ariftote , fçauoir fi le vent Aufter,
que nous appelions Abreguo ou Sud
Bi$ lîïDïs. Liv. ML
habiter l’autre partie delà ligne , & que le Nort
leur feroit chaud:car en ces parties l’Auftcr vict
du Pôle, & le Nort vient du Midy. Et combien
qu’il femble par cefte raifoii, que l’Aufteroii
Sud doiue eftre plus froid par delà que n’cft
pas le Nort par deçà , attendu que Ion rient la
région du pôle du Sud plus froide que celle du
pôle du Nort,à caiife que le foleil demeure fept
iours d’auantage par an au'Tropique de Can-
cer , qu’il ne fait pas au Tropique de Capricor-
ne, comme il appert parles Equinoxes Sc fol-
fticcsqu’ilfaitésdcuxccrclcs.En quoy il fem-
ble que la nature ait voulu monftrer la préémi-
nence & excellence que eefté moitié du mon-
de qui efl: au Nort a fur l’autre moitié qui eft au
Sudid’oùil femble qu’il y ait.raifon de croire,
quccesqualirezdes vents fe changent en pal-
fant laligne : mais à la vérité il n’en eft pas ainh,
à ce que i’ay peu comprendre par l’expericncc
de quelques années que i’ay efté en ces parties
des Indes, quigifent au Sud de l’autre cofté de
la ligne. Il eft bien vray que le vent du Nort
n’eft pas fi communément froid & fercin par
deIa,CQmmeilcfticy. En quelques endroits du
Pcru,comme en Lyma ôc aux plaines , ils expé-
rimentent que le Nort leur eft maladif & en-
nuyeux, & par toute cefte cofte, qüidurcplus
de cinq cens lieues, ils tiennentlc Sud pour vn
ventfain ôc frais, &qui plus eft tres-ferain Ôc
gracicuxjmcfmes que iamais il n’en pleut , tour
au contrairede ce que nous voyons en Euro-
pc,& en cefte partie de la ligne. T outesfois ce
qui eft en la cofte du PerUj, n^eft pas vnc re-
Histoire NATVREttE
glc generale, mais pluftoft vnc exception, 8c
vnemerueillcdc nature, dcnepleuuoiriamais
cnccftccoftclà,&: qu’il y régné toufiours vn
mefmc vent, fans donner lieu à fon contraire,
dequoy nous dirons apres ce qu’il nous en fem-
blera. Maintenant demeurons à ce point,quc le
Nort n’a point de l’autre cofté de la ligne les
proprictez que l’Aufterapar deçà, encor que
tous deux foufflcnt du Midy , à des régions Sc
parties du monde oppofites & contraires. Car
ce n’eft pas reigle generale par delà , que le
Nortfoit chaud ny pluuieux, comme l Aufter
l’eft par deçà: au contraire il pleut là aufli bien
lors que noftrc Aufter y régné, comme l’onvoid
en route la Sierre ou montagne du Peru , en
Chillé , & en la terre de Congo , qui eft de l’au-
tre cofte de la ligne, & bien aduancec en la mer.
Et en Potozi mefrae , le vent qu’ils appellent
Tomahani,(qui eft noftrc Nort,h i’ay bône me-
moirc)eft extrêmement froid, fec , ôc mal plai-
faut, comme il nous eft par deçà. Il eft vray que
cen’eft pas chofe couftumiere par delà, que ce
Nort dillîpe les nuages comme icy : au contrai-
re,(fi ic ne me trompe) il caiife fouucntesfois de
la pluye. Et n’y a point de doute , que les vents
ne tirent & n’empruntent cefte grande diuerfî-
té d’efteds contraires , des lieux par où ils pai-
fent, ôc des prochaines régions d’où ils nailîenr,
comme chafque iour l’on expérimente en mj!
endroits. Mais parlant en general delà qualité
des vents, l’on doit pluftoft regarderaux coftes
ôc parties du monde , d’où ils naifteiit ôc procè-
dent , que non point , pour cftrc du cofté de de-
Des Indis. Liy. IIÎ.
càlaligncou autrement, commcilmcrcmble
que le Philofophe en a eu opinion. Ces vêts ca-
pitaux, qui font le Leuant& le Ponant, nont
pointdcqualitezfivniuerfelles, ne commu-
nes en ce continent , nycnfautre comme les
deux fufdits. Le Solanus, ou Leuateft icy ordi^
nairemen t ennuyeux Se mal fain,& le Ponat ou
Zephyre,cft plus doux &plus fain. A ux IndesAr
en toute la T orridc, le vent d’Oricn r qu’ils ap-
pellentbnre,eft au cotraircd’icy fort fain & dé-
licieux : Du Ponant ie n’en pourray dire chofe
certaine ny generalle, d’autant qu’il ne foufïlc
point du tout, ou bien fort rarement en la Tor-
ride,car en tout ce que fô nauige entre ces deux
tropiquesjevent de la brife y cft ordinaire,mais
pour ce quec’eftvnedesmerucilleufes œuures
de nature, il fera bon d’en entendre la caufe 5c
l’origine.
les hnfes cernent tmjtmrs en U Torride,
Cr Ijors d'icelle les vents d'iihas or les
hrïps y font tonjîours ordinaires»
Ch AP. IIIL
E la mer n’eft pas comme
la terre, pour retourner par
OU l’on a pairé,il y a vnmefmeche-
niin,ditlcPhilo{bphc, d’Athenes à
Thebes quedeThebesà Athcncs,maisiln eit
pasainficnlamer, pour ce que l’on va par vn
ehemin Sc retourne-on par vn autre. Les pre-
Bîiers qui defcouurircn t le« Indes Occidenta-
Histôire KATYRILLÏ
Imn JeGa- |gs yoire Orientales, trauaillcrcnt beaucoup Sc
grandes difficultezàtrouucr larou-
.4. fç^ jufqu«s à J.Ç qycrcxpérienccmaiftreflc de
cesfecrets, leiireuftenfeigné, quedenauiger
par l’Oeean,n’eftpas chofe femblablc, que de
pa{Ter,en Italie, par la mer Mediterranée, ou T5
varecognoilFant au retour les mefines ports ôc
caps, qu’on a veus à rallcr,&nefaîc-ontoaC-
iours qu'attendre la faueur duventjqui s’y chan-
ge en vn inftanr,& encor quad il leur defFaut, ils
ont recours, & fe feruent fort bien de la rame,
Ôc ainlî vont & viennent les galeres toufiours,
en coftoyant la terre. En certains endroits delà
mer Oceancl’on ne doitefpcrer autre vent, que
celuy qui court, par ce que ordinairement il y
dure long temps: en fin celuy quieftbon pour
aller ne l'eft pas pour retourner : car en la mec
outre le Tropique, &dcdâs la Torride,les vents
de Leuant y régnent toufiours,foufïlant conti-
nuellemcnt.fans permettre leurs contraires, en
laquelle région y a deux chofes merueilleufes,
l’vne qu’en icelle, ( qui eft la plus grande des
cinq,enquoy ils diuifent le monde) régnent les
vents d’ Orient qu’ils appellent Brife^, fans que
ceux du Ponant Sc Midy,qu’ils appellent vents
d’à bas,ayent lieu de courir en aucune faifon de
rannee; L’autre meruille eft que ces brifes ne
celLent iamais de fonfïler,&: le plus communé-
ment CS lieux qui font plus proches de la ligne,
cfquels il femble que les calmes dcuirent cftfc
plus ordinaires, d’autant que c’eft la partie du
monde plus fubiette à l’ardeur du Soleil. Mais
c’eft au contraire, car à peine 1 on y voit des cal-
©ES In»is. Lïv. ni S6
mes, & fi labrifc y cft beaucoup plut froide
y dure plus long temps : ce qui a efté recogncu
en toutes les nauigations des Indes. Ceft donc
làToccafion pourquoy la nauigation que l’on
fait allant d’Efpaigne aux Indes Occidentales,
cft plus briefuc& plus facillc, Voire plus afleu-
rce, que celle que l’on fait au retour d’icelles
en Efpaigne. Les flottes fortans de Scüille ont
le plus de peine ôc de diflîculté,àpafler & arri-
ueriufques aux Canaries,d autant que ce Gol-
phedes Vegues, ou des iumenrs., cfl: variable,
cftantbatu de plufleurs & diuers vents , mais
ayant pafle les Canaries, elles vont baiflàns iuf-
ques à entreren la Torride, où ilstrouuentin-
continentla brilè, Ôc y nauigent vent en poupe,
de telle forte,qu’à peine efl: befoing, en tout le
voyage de toucher aux voiles, Pourcefte raifon
ils appcllercnt ce grand Golphe, le Golphedcs
Dames,pour fa douceur ôc ferenité. En apres
fuyuant leur route elles arriuent iufques aux If.
lesde laDominiqnc,Guadelupc, Defiree, Ma-
rigualante ôc les autres, qui font en ceft endroit
comme les fauxbourgs desindesi Là les flottes
fe fcparent,5c fediuflent, dont les vns (qui vont
cnlaneufue Efpaigne,)tirêcàmaindroite pour
rccognoiftrc 1 E(pagnolle,& ayans recogncu le
Cap faind Antoine, donnent iufques à faind
leanDelua, leur feruant toufiours la^ mefme
brife. Celles de terre ferme prennent la main
gauche, ôc vont recognoiftrcla hautemontai-
gne de Tayronc, puis ayant touché en Car-
thagene,paflènt outre à Nombre dedyos, d’où
par terre l’on va à Panama>& de là par la mer du
Histoire. NATvRtttB
Sud au Pcru. Mais lors que les flottes retour-
nent en Efpaigne, elles font leur voyage en cefte
facon.La flotte duPeru varecognoiftrelc Cap
fainaAnthoinc,puisentrcenlaHauane,quicfl:
vn fort beauportjdcFifle de Cubcj& selle de la
neufuc Efpagne vient mefme toucher en la Ha-
uanc-eftant fortiedelavraye Croix, ou de Ofle
defaindlcan Deluattoutefois cen eft fans tra-
iiail, pour ce que là ordinairement ventent les
brifes, qui eft vn vent contraire pour aller a ce
port de la Hanane.Ces flottes eftas lointes pouf
retourner en Efpaigne,vont chercher leur hau-
' tcur hors desTropiques,oùincontinet ils trou-
ucntdes vents d’àbas,qui leur feruent luiques a
laveüedesiflcs des Açores ou Tyerccres,&dc
lààScuille.De fortequils fontlcvoyagede l’al-
lcr en peu de hauteur, ne fefloignans point de la
ligne de plus de vingt degrés, qui eft la dam les
Tropiques. Mais le retour fe fait par le dehors
d’iceux Tropiques, en vingt huid ou trente de-
vrez de hauteur pour le moins, ce qu’ils lont
pour la raifon fufditte,d’autant que das les Tro-
piques continuellement régnent desvents d O-
ncnt,lefquels font propres pour aller d Elpai-
sne aux Indes Occidentales, pour ce que la rou-
te eft d’Oriét au Ponant, & hors les Tropiques,
qui eft en vingt trois degrés de hauteur Ion
nouuedesvems d’àbas,lefque!s font plusce -
tains & ordinaires , plus fon feflongne de U
ligne, qui font propres pour retourner des In-
des, d-autant que cefont ^
r Client, qui feruent pour courir arOiient&^au
DES Ind ES. Liu.IIL gj
Nort. Le mefmc difeours eft aux nauigations
que l’on fait en la mer du Sud allant de la neuf-
ue Efpagne Ôc du Peru,aux Philippines , ou à la
Chine,& retournant des Philippines ou Chine,
à la neufue Efpaignc , car cela leur eft facile"
pour ce qu’ils nauigent toufiours d’Orient au
Ponent,proche de la ligne , où ils trouuent con-
tinuellement le vent de brife , qui leur donne
en poupe. En Tan quatre vingts quatre fortit de
Caliao cnLyma,vn nauire pour aller aux Philip-
pines , lequel courut ôc nauigea deux mil iept
cents helies fans voir terre , Ôc la première qu’il
defcouuritfuftl’IiledeLuiron , oùilalloit&y
pnntport, ayant fait fon voyage en deux mois,
lansauoir eu aucune faute de vent, nyfoufferc
aucune tourmente, ôc fiitfa route prefque touf-
iours fous la ligne: pourcequedcLymaquieft
à douze degrés au Sud il vint arriuer à Menilla
qui eft quaft autres tant au Nort. Le mefrne
heur accompagna Aluaro de Màndana , quand
il fut à la defcouuertedes liles appcllées de Sa-
lomon , pour ce qu’il eut toufiours le vent en
pouppe,iufques à la veuë de ces Ifles jiefquelles
domenteftrediftantes du lieu du Peru doù ils
fortirent comme mil lieües, ayant faitfa route,
toufiours en vncmcfme hauteur au Sud. Le re-
tour eft comme le voyage des Indes en Efpai,
gnCjCar ceux qui retournent des Philippines ou
Chine a Mcxicque,afin de trouuer les vents d’a-
bas montent à beaucoup de hauteur, iurquesà
' mettre au droit des Ifics de lappon, Avenant
a recognoiftre les Calliphornes retournent par
,1a cofte de la neufue Eipaigne ,auportd’Aca-
L
Histoire NATVRELLE
pulcojd’où ils eftoicnt partis. De forte qu’il eft
mefmc prouué par cefte nauigation, que d’O-
ric?nt au Ponentj l’on nauige fort bien , dans les
Tropiques , d’autant qu’il y régnent des vents
Orientaux : mais retournants du Ponent en O-
ricnr , l’on doit chercher les vents d’à bas ou du
Ponentjhors des Tropiques en hauteur , de
vingt fept dcgrcs.Les Portugais expérimentent
le mefme en la nauigation qu’ils font à l’Inde
d’Oricntjbicn que au rebours , pour ce que al-
lant de Portugal, le voyage eft ennuyeux & de
^ traiiail,mais le retour eft plus aife , d'autant qu’à
l’ailer leur route eft du Ponentà l’Orient , tel-
lement qu’il leur çonuient monteriufques àcc ^
qu’ils ay é t trouué les vents generaux , qu’ils di-
fcnt,qui font au deftus de vingt fept degréz. Et
au retour ils recognoiffent les T yerciere s, mais ,
c’eft plus aifement pour ce qu’ils viennent d'O- .
ricntjcnquoy les brifes , ou Norts , leur feruent,
FinaÙement les mariniers tiennent ià pour ré-
glé & obferuation certaine , que dans les Tro- i
piques régnent continuellement les vents de
Leuant,parquoy ily eft tres-facilc de nauiger
au Ponent. Mais hors iceux Tropiques , il y a~
en quelques faifons des brifes , en d’autres ôc
plus ordinairement des vents d àbas: àraifon
dequoy ceux qui nauigent,du Ponent cnOrient
procurent touftours fortir de la Torride , 5c fc
mettre en hauteur de vingt fept degrés , Ôc pour
ccfteraifonles hôtnesfcfont jàhazardez d’en-
treprendre des nauigations cftràgcs, &à des par-
ties efloignees & incogncucs.
DES In DI S. Liv. III,
82
Ve U différence des hrifes CT vents d'àhas , tnfemhlc
des autres vents,
C H A P. V.
jIen queeequiaeftccîitcydicfrusfbit
^vne chofe fî approuuec,& fi vniuerfcl-
^Ie,neantmoins il me reftc tou.fioursvn
Mcfir jd’cnqucrir lacaufc dcce fècrcr,
pourquoy en la T orride , Ton nauige toufiours
d’Orient cnOccidér aiiec telle facilitCj&no pas
au côtraired Oceidêten Orient. Qui cftlc mefi-
mc^que fi l’on dcmâdoit^pourquoydes brifes ré-
gnent la, &npn lesvents d’àbas.puifquelclô bo-
ue PhilofophiejCequi eft pcrpetuel,vniuerfcl &
de par foy (comme dilent les Philofophes ) doit
auoir vue caufc propre & de par Iby.Or auâtquc
de m arreftcr à celle qucftion qui me fcmble re-
marquable, illera beloing de déclarer ce que
nous entendons , par les brifes & vents d a bas,
à caufc que cela leruiüa beaucoup pour ce fub-
jcdi&pourplufieurs autres chofes & matiè-
res des vcnts,ic nauigations. Les pilottcs met-
tent trente deux difFeccnces de vents ,’pour ce
que pour conduire leur proiic au port defiré,
ils ont de befoing , faire leur conte , fort pun-
diuallcmcnt & le plus diftin6lement& au me-
nu qu’ils peuucnt, veuque pour peu qu'ils ti-
ralîèntcn vn colle ou à l’autre , en fin de leur
chemin, fc troüucroient beaucoup elloïgncz
d’où ils penferoient aller: & ne content plus de
trente deux vents , d’autant que ces diuifions
^ y
Histoire natvrelle
fuffifcnt, &nc pourroit-on auoirla mémoire
pour en retenir d’auantage. Mais à la rigueur
comme ils mettent trente deux vents, l’on en
pourroit conter é'4. 128. & 25^» finalement al-
ler multipliant ces parties iufques à l’infiny.
Car le lieu où fie trouuc le nauire eftant comme
le centre , & tout hemifphere en circonfcrance,
qui eft ce qui empefehe, que l’on ne puiffe con-
ter des lignes fans nombre , Icfquellcs fortans
de ce centre, tirent droità ce cercle lineal en
tout autant de parties , qui feront autant de v êts
diuers , piufque ainfi eft , que le vent vient de
toutes les parties de rhcmifphere , & qu’on le
peut diuifer en autant de parties que nous vou-
drons imaginer ? Toutesfois la fagefle des hom-
mes, fe conformant à la fainde Eferiture, re-
marque quatre vents , qui font les principaux
de tous , ôc comme quatre coings de Tvnlucrs,
que l’on ferme , en faifant vne croix aucc deux
ligneSjdont l’vne va d’vn Pôle a l’autre , & 1 au-
tre d’vn cquinoxeà l’autre , & fontd vn cofte
le Norr,ou Aquilon, & l’ Aufter ou vent de Mi-
dy,fon contraire : & de l’autre cofté l’Orienr,
qui procédé d’où fort le S oleil, & le P onêt d ou
il fc couche'. Et combien que l’cfcriture fainde
parle en quelques endroits d'autres diuerfitez
de vcnts,côme del’Eurus,& Aquilon, que ceux
delà mer Océan, appellent Nort d eft, & ceux
de H mer Mediterranée Gregual, duquel il eft.
fait mention en la nauigation de faind Paul : fi
cft-cc que la mefme Eferiture fainde rapporte
ces quatre diftcrêces remarquables , que tout le
monde cognoit, qui font comme il eft dit , Sep-
DES Indes. Liu. III.
fcntrion,Midy50nent,& Ponent. Mais d autae
que l’on trouiie trois différences auleucr , ôc
naiffancc dp Solcil,(d ou vient le nomd’Orient)
à fçauoirlcs deux plus grandes dcciinaifons,
qu’il a accoullumé de faire , & le milieu d’iccl-
les, félon qu’ilnaiften diuers lieux en hyuer,
l’Efté & en celle qui tient le milieu de ces deux
làifonsjPour cefteraifon l’on conte deux autres
vents qui font l’Orient d’Efté , & l’Orient de
l’Hyuerj&par confequentdcux autres Ponants
d'Hyuer 6c d’Efté, contraires aux dcfrufdits. De
forre qu’il y a huitvcnts,cn huitpoints notables
du Ciel, qui font les deux Pôles , les deux Equi-
noxes, les deux folftices ,& leurs oppofîtes au
mefmc cercle, lefquels font appeliez de diuers^
noms 6c appellations en chacun lieu de lamcr 6c
delatcrrc. Ceux qui nauigent l’Océan ont ac-
couftumcles appcllerainfî.llsdôncnt le nom de
Nort,aux vents fouflans de noftre Pôle , qui re-
tient le mcfmenom de Nort, 6c de Nordeft : ce-
luy quiluy eftprochain,& qui vient de l’Orient
cftiual, ils l’appellent Eft: celuy quifortdu vray
Orient, equinoccial , 6c Sueft celuy qui vient de
l’Oriét d’hyucr. Au midy ou Pôle Antardiqüe,
ils donnent le nom de Sud , 6c à. celuy du cou-
chant d’hyuerjc nom de Suroeft, au vray cou-
chant equinoccial,le nom de oeft , ôc au cou-
chant d’efté, celuy de nort-oeft. Ils diuifent en-
tre eux lereftc des vents , 6c leur donnent les
noms , félon qu’ils participent 6c s’approchent
des autres, comme Nort nortoeft,nortnoitdeft,
eft nordeft, eftfucft, fur foroeft , fufucft , oeft
furoeft, oeft norto eft, de forte que par leurs
L iîj
Histoire natvrelie
dénominations l’on eognoit d’où ils procèdent.
En la mer Mediterranée encor qu’ils fuyuent la
merme diuifion,& façon de contcr,neantmoins
ils leur donnent d’autres noms differents , ils
appellent le Nort , Tramontane Ton con-
traire qui cft le Sud,Mezoiorne, ou Midy, l’Eft
ils l’appellent Leuant,& l’Oeft Ponent, & ceux
qui trauerfentees quatre^ilslcs nomment ainfî:
lcSueft,eft,pareuxdit Xirocque, ou Xaloque,
& Ton oppofîte qui eft le Norto eft,Mcftral. Ils
appcllét græCjOU grcgual, le nort-deft , & le fû-
roefl: Ton contraircjcuefche , lybique, ou affri-
quain. En latin les quatre cognus fontjfepten-
trio,Aufter,fubfoianus jfauonius, &lcscnrre-
lalfez font, Aquilo , V ulturnus , Affricus ôc Co-
rus, Selon Pline Vulturnus & Eurus , font vu
mcfmeventjqui eftlcfueft , ou xaloque ^fauo-
niu^ eft le merme que l’oeft ou Ponent , Aquilo
& Ôorcas,lc mcfmcquc norteft, ougregual , 6c
Tramontane, P Africus,& lybique, eft ce furoeft
ou lcucfche,l’Aufter& notus,eftlefud ou midy.
Corus &Zcphyrus,n’cft autre que le nortoeftp
ouMeftral , & à fon prochain qui cft nortdcft
ou gregual , on ne luy donne autre nom que
Phénicien. Qi^lques autres les diuifenrd’vnc
autre manière, mais parce que ce n'eft pas à pre-
fent, noftre intention de raconter les noms la-
tins 6c grecs de tous les vents , difons feulement
qui font ceux d’entre ces vents , que nos mark
niersdcl’OccandTndc, appellent Brifes , 6c
vents d’à bas. rayefté fort long-tempsen diffi-
culté fur ces noms, voyant qu'ils en vfoient fort
différemment iufques à ce que i’ayc recogneu.
Des Indes. Liv. ML §4
que CCS noms font plus generaux ,, que propres
& particuliers. Ils appellent brifes ceux qui fer-
lient pour aller aux Indes , & qui donnent quafî
en poupe, Icfquels par ce moyen, comprennent
tous les vents Orientaux & ceux qui en dépen-
dent, Rappellent vents d’àbas ceux qui font
près pour retourner des Indes, & quifoufïîent
depuis le Sud iufqucs au Ponent eftiual , de ma-
niéré qu ils font comme deux efcoüades des
vents de chafeun codé , les Caporaux dcfqûel-
les font dVne partie nortdcft,ougrcgual , & de
l’autre le Suroeft ou Icuefche.Mais l’on doit en-
tendre, que du nôbre des huit vents & différen-
ces que nous auons cottez,il y en a cinq qui font
propres pour nauigcr,& non point les trois au-
tres. le veux dire que quand vn nauirc nauige
en la mer, il peut aller Ôc faire long voyage, aucc
IVn de ces cinq vcnts,cncor qu’ils ne luyfcruent
pas efgallemcnt , mais il ne fe peut pas feruir
d’aucuns des trois, comme fi le nauire va auSud,
ilnauigeraauecleNort , lcnortdeft,lenorto-
cft,R aucc 1 Eft,& fOeft : Car ceux des codez
feruent efgallemcnt, pour l’aller & pour le ve-
nir. Mais du S ud,il ne s’en pourra feruir .pour
ce qu'illuycft diredement contraire,ny defes'
deux collateraux qui font fueft & furoeft , qui
cft vue chofe fort triuialle Se commune à ceux
qui nauigent. C’efi: pourquoy , il n’eftoit befoin
de le defduirc icy , fînon pour lignifier que les
vents latéraux du vray Orient font ceux, qui
communément foufflent en la Torride , qu’ils
appellent Brifes , R les vents de Midy declinans
au Ponent , qui feruent pour nauiger, d’Occi-
L iiij
Histoire natvrelle
dent à l’Orient, ne font point ordinaires en la
Torride , parquoy l’on les va chercher hors des
Tropicques , ôc les appellent les mariniers des
Indes communément vents d àbas.
Quelle eji U edufe j^ourquoy nauigednt en U Torride^
tony tronue tonjtours des vents d'Onent*
Cahp. VI.
n^j^^^Ifons maintenant ce qui touche k
queftionpropofée , fçauoir , quelle
cftk caufcpourquoyl on nauige bic
en la Torride, d’Oricnr au Ponât,6c
non pas au contraire. Surquoynous
deuons prefupppofèr deux fondemens certains.
‘ LVn eft que le mouuemcnt du premier mobile,
qu’ils appellent rauiifantjOU diurnel, non feule-
ment tire & cfmeut quand & luy les Spheres
celellcs , qui luy font infcricuresj comme nous
le voyons chacun iour,au Solcil,cn la Lune , &
aux Eftoilles,maisauiriles elemens participent
de ce mouuement, entant qails n’en font point
empefehez La terre ne fc meut point à caufe de
fa grande pefanteur qui la rend mobile,& qu el-
le eft aufîi beaucoup efloignée de ce premier
mobile. L’clcmcnt de l’eauc ne le meut nô plus,
de ce mouuement diurnel, d’autât qu’il eft loint
& alfemblé auec la terre ,& font enfemble vnc
Sphère , de façon que la terre l’cmpcfchc de fc
mouuoir circulaireracnt , mais les deux autres
elemens , le feu & Fair , font plus fubtils & plus
proches des régions celeftes,d‘où vient quils
participent dc'lcur mouuement, & font meus
I
V
des Indes, Liu. III. 85
& agitez circulaircmcnr, corne les mermes cor-
ps celdles.Pour le regard du feu,il n’y a point de
doute qu il liait la Sphcrejainlî qu’Ariftote &
les autresPhilolbphes Tont tenu:mais pour Pair
(qui eft le point de noftrc fubiet) ileft trefeer-
tam qudl le meut du mouuement diurnel, qui
eft d Orient à 1 Occident 3 ceque nous voyons
clairement es Cometes qui lè meuuent d’O-
xicntal Occident^montanSjdelcendans 5 ôc fi-
nalement tournoyans en noftrchcmifphere, de
la mefmc façon que les eftdillesfe meuuent au
firmament. Car autrement, ces Cometes eftans
en la région & Sphère de Pair où elles fengen-
drentj apparoilïcnt&fc conlbmment , il leur
leroitimpoffiblcde le mouuoir circulairement
comme iis fc meuuent, fi l’element de Pair du ils
lpnt,nefemouuoitdu mefine mouuement, du
premier mobile. Car eftans ces Cometes d vns
matière enflammee, par raifon deiiroicnt de-
meurer arreftées làns fe mouuoir circulaire-
ment 3 fi la Sphère où elles font demeuroit fins
femouuoir,ficen eftqucnous faignionSj que
quelque Ange ou intelligence chemine auec la
CometCj la menant circulairement. En Tan
1577. apparutceftemerucilleufeComcte( de
figure reifemblant vn plumage ) depuis 1 hori-
fon prefqueiufqucs à la moitié du Ciel , ôc dura
depuis le premier Nouembre iufques au hui-
«ftiefmc de Décembre, ie dis depuis le premier
de Nouembre, car iaçôitqu en Elpaianc onia
vcid&remarqua premièrement au 5.^ de No-
uembre ( fuyuântlc récit des Hiftoriens dçcc
têps)ncantmoins au Peru , où i’eftois pour lors^
Histoire natvrellë
ilmcfouuient bien que nous la vifmes & rc-
marquafmcSjhuiâ: ioursdeuant,&tous les iouis |
cnfuiuans.Pour la caiife de cefte diuerfitc , quel-
ques vns la pourront dire particulièrement, |
mais ie veux dire qii’cn ces quarante iours qu’el-
le dura , nous 'rcmarquafm es tous , tant ceux '
qui eftoient en Europe , que nous autres auffi
qui eftions alors aux Indes , qu’elle fe mouuoit
chaque iour du mouuement vniuerfel, d Orient
auPonanr, comme la Lune & les au très eftoil-
Ics.'D’où il appert, que la Sphere de l’air , eftant
fa région, il faut que le mefme élément fe meu-
uc de cefte faç5. Nous recogneufmes aulïi , que
outre ce mouuement vniuerfel elle en auoit en-
cor vn autre particulier , par lequel elle fe mou- -
iioit auec les planètes d Occident en Orient, ;
car chaque nuiâ: elle deuenoit plus Orientale, |
ainfî que font la Lune,lc Soleil, ôc 1 Eftoille de |
Venus. Nous remarquafmcsd auantage vn troi- |
fiefmc mouuement particulicr,dôt elle fe mou-
noitauZodiacquevcrsleNort , d’autant que
palîées quelques nuiefts , ellefe trouuoit plus
coniointe aux fignes Septentrionaux. Et para-
uanturc cela fut caufepourquoy ceftegrâdcCo-
mette fut pluftoftveuede ceux qui eftoient plus
M eridionaux, comme le font ceux du Peru. Et
d’autre part ceux de l'Europe commencèrent à
la voir plus tard , à caufe que par ce troifiefme
mouuemenr,que i’ay dit, elle s approchoit plus^
des Septêrrionaux. Toutesfois vn chacun apeu
reiuarquer les différences de ce mouuement , de <
façon que l’on peut bien voir , queplufieurs &
diuers corps cclcftes , donnent leur imprellîon i j
DES Indes. Liu. III. 8^
à la Sphere de l’air , ainfi eft il certain que l’air fe
meut du mouuemér circulaire du CieI,d’Orienc
au Ponantjqui e ftle premier fonderaen t mis en
auanr cy ddliis.Le fecôd n^eft pas moins certain
nynotoire,quieftquele mouuemet de l’air aux
parties qui Ibnt fous la ligne , ou proches d’icel-
le,cH: très viftc ôc leger,&d’autât plus qu il s’ap-
proche de l’Equinoxe, par confequent ce mou-
uemcnt eft d’autant plus lent&pefantjqu il s'ef-
loigne de la ligne en s’approchant des Pôles. La
raifon de cccy eft manifefte , par ce que le mou- ^
uement du corps celefte,eftat la caufe efficiente
de ce mouuement de Pair , il doit par neceffité
cftre plus prompt & pluslcgerà l’endroit où le
corps celeftc a Ton mouuement plus vifte. Or de
vouloir cnreigner la raifon pourquoy le Ciel a
vn plus viftc moiiuemét en la Torride, qui eft la
ligne plus qu’en autre partie du Ciel , ce feroit
peueftimerles hommes: puis qu’il eft aiféde
voir envncroüe que Ton mouuement eft plus
tardif & pefant à l’endroit de la plus grande cir-
conférence, qu’à l’endroit de là plus petite , ôc
qu elle acheuefon grand tour, au mefme efpace
detemps, que la moindre acheuefon petit. De
ces deux fondemens procédé la raifon pour la-
quelle ceux qui nauigent grans Golphcs , d O-
rient au Ponant,trouuct toufiours vent en pou-
pejallansen peu de hauteur, &tantplus ils ffint
proches de l’Equinoxe, tant plus leur eft certain
Sc durable le vent.Et au contraire nauigcansxlu
Ponant a 1 -Orient , ils trouuent toufiours vent
en proue & contraire. Pour ce que le mouue-
ment tres-vifte de l’Equinoxe, tire apres foy
Histoire natvrelie
l’elcmcnt de l’air , comme il fait le furplus des
Spheres fupericures.Par ainfi l’air fuit toufîours
le mouuementdu iour allant d’Orient au Po--
nantjfans iamais varier, & le mouuemct de 1 air
vifte , amene mefmc apres foy les vapeurs & ex-
halations qui s’eflenent de la mer, ce qui caufe
en ces parties & régions vn continuel vent de
Brife, qui court de Lcuanr. Le Pere Alonfo
Sanchez ^ qui cft vn religieux de noftre compa-
gnie,qui a voyage en l’Inde Orientale ôc Occi-
dentale, comme homme ingénieux & experi-
mêté,diroit, qu’en nauigeant delTous la ligne, ou
proche d’icelle,auecvn temps continu ôc dura-
ble , illuy fembloit que c’eftoit le mefmc air,
meu du Ciel, qui çonduifoit les nauircs , ôc n’c-
ftoit pas proprement vn vent ny exhalation,,
maisc'eftâirefmeudu cours iournalicr du So-
leil f Pour preuue dequoy il mettoit en auant,
que le temps cft toufiours egal& fcmblable au
Golphe des Dames , &és autres grands Gol-
phes,que l’on nauige en la T orride. Pour raifon
dequoy les voiles des nauircs , y font toufiours
de mcfrac façô/ans aucune impetuofité,& fans
qu’il foitbefoing les changer prefqiie eb routle
chemin. Qi^e fi l’air n’eftoit efmeu du Ciel, il
pourroit quclquesfois deffaillir , quclqucsfois
fc changer au côtrairc,&quelquesfois yauroit
des tourmentes. T outesfois combien que cccy
foit dit dodement, l’on ne peut pas nier , que ces-
nefoitvent,& qu’il n’y en aye , attendu qu’il y a
des vapeurs Ôc exhalations de la mer , & que
nous voyons quelqucsfoisque tantoft la Brife
cft plus forte, & tantoft plus foible, ôc remifè'
©ES Indes. Liu. 1 1 1. 87
de telle façon qu’il aduient quelquesfois que
l’on ne peur porter toutes les voiles. L’ondoie
dond entendre, &eft la vérité que l’air efmeu at-
tire quant & foy les vapeurs qu’il trouue , d’au-
tant que la force cft grande , & qu’il ne' trouue
pointdereiîftence, pourraifondequoy le vcnc
d’Orient&Ponant cft auffi continuel &prcfque
toufiours fcrnblableés parties qui font proche»
delà lignc,&pi‘efque en toute laTorride,qui eft
le chemin que fuit leS oleil entre lesdeux cercles
du Cancer & du Capricorne.
Teurqmy fort ans de U Torride en f lus de hauteur
trouue ^Imjouuent des vents d^nhas.
Chap. VII.
^Vi voudra biejegarder de près ce qui
^a efté dit, pourra auftî bien entendre,
qu’en allant du Ponant à l’Orient , en
hauteur plusoutre que lesTropiques,
l’on trouue des vents d’abas ^ d’autant que le
mouuemcnt de l’ E quinoxe eftant fi vifte , il eft
caufe que l’air fe meut ddfouz luy fuiuant fon
mouuement,qui eft d’Orient au Ponant, atti-
rant quant & foy les vapeurs qui s’efleuent de
la mer , de forte que les vapeurs & exhalations
quifefleuentdes coftes derEquinoxe, ou Tor-
ride, venansà rencontreiTe cours & mouue-
ment de la Zone, font contraintes parla reper-
culîîon de retourner quafi au contraire , d’où
viennent les vents d’abas,& Suroeft , communs
& fi ordinaires en ces parties là. Tout ainfi que
I nous voyons au cours des çaues,lefquellesfiel-
Histoire natv Relie
les font rencontréesd autres qui foient plus for-
tes,rcrournent quafi au cotraire. Et femble qu’il
en Toit ainE des vapeurs & exhalatiôs , d’où viét
que les vents fe tournêt & fe feparenr d Vne part
à 1 autre. Ces vents d’àbas re^nét le plus cômu-
nemét en la moyéne hauteur, qui eftde 27. à 37. t
degrez-.côbien qu’ils ne foy et pas h certains & fi |
regulicrsque lesBrifes le font en peu de hauteur.
La raifon eft pour ce que les vêts d àbas ne font
pas caufcsdecc mouuement propre 6c efgaldu
Ciel, corne les Brifes le fonr,eftans proches de la
liçrne. Mais comme i’ay dit, ils y fontplus ordi-
naires,&: bié foLiuêtplus furicux&plus tépeftu-
eux.Mais en allât en pins grande hauteur, côme
de quarâte degrcz,il y a aulîi peu d’alTcurance es
vêts en la mcr,comme en la terre, car tantoft les
Brifes,ouNorts y foufflent, 5: tantoft les vents
d’àbaSjOü Ponans, d’où vient que les nauigatiôs
y font plus incertaines & plus dangereufes.
Des exceptions qu'dy a en U réglé fuflite.O* desvets
Cr cdmes ftily a en U mer cr en U terre,
C H AP. VIII.
E que nous auons dit des vents qui
courét ordinairement dedans & de-
hors la T ©rridc , fe doit entendre'en
la haute mer & aux grads Golphcs:
car en la terre, c’eft tout autremét, en y
laquelle l’on trouue de toutes fortes de vents à
caulè de l’inégalité qu’il y a entre les môtaignes y
DES Indes. Liu. Ilf. gg
8c les vallées,legrand nombre des riuieres& des
hcs,ôc les diuerfes fitiiatiôs des pays, d’où s’efle-
uet les vapeurs,grofres,&erpaiircs,lerqucllcs sot
efmcues de IVdc ou de l’autre part , félon la di-
iierfitc de leur origine, & commencerîieiit,qui
fait ces vents diuers ; {ans que le mouucmcnt
de 1 air,caufé du Ciel , ait tant de puiffance que
de les attirer, ôc mouuoir,quant& foy. Et celle
diucrfifé de vents,ne fe trouue point feulem enc
en la terre , mais auffi es codes de la mer , qui
font en la Torride , poiirce qu’il y a des vents
forauis.qui viennent de la terre, & marins, qui
loufflcmdc la mtr, lefquels vcntsdela mer
lont ordinairement plus fains , & plus eratieux,
que non pas ceux del* terre , lefquels font au
contraire, ennuyeux, &malfains, bien que ce
loit la différence des coftesqui caufe ‘celle di-
uerfite-Communementles forains , ou terriens
loufilent depuis la minuit, iiifquesau Soleille-
uant,& ceux delà mer,depuis que le Soleil cou-
mence à s’efehauffer iufques apres qu'il ed cou-
che. Dequoylacaufeell parauanture , que la
terre comme matière plus grolfe , fume dîuan-
taç,alorsquelaflamedu Soleil ne donne plus
deHus,toutainfiquele boisvert, oumalfec,
fume d’auantage en efteignant la flarae. Mais la
mer comme elle ell compofée de parties plus
lubtiles n engendrepointde fimiées,finon'quâd
Ion 1 efehauffe; de mefmequela paille, ouïe
foing,ellant humide & en petite quantité , en-
gendre de la fumee , quand on les brude &
lors que la dame edfe , la fumée deffaut mut
auffi tod.Q^oy qu il en foit il ed certain, que le
Histoire natvrille |
vent de la terre (ouffle pluftoft la nui6t j & cc-
) luy de la mer au contraire durant le iour. Telle-
ment que tout ainfî qu’il y a fouuentesfois des
vents contraires , violents , & tempeftueux és
coftcsdela mer , ainfiyvoit on de tresgrands
Calmes. Quelques hommes fort expcrijaientez
racontent qu’ayans nauigé pluiîeurs grandes :
trauerfes de mcr,(ous la ligne, ils n y ont néant-
moins iamais veu de calmes, mais que touuours
peu ou beaucoup , l’on y fait chemin à cau^dc
l'air efmeu du mouuemcnt celeftc , quilumta
conduire la nauire donnant en poüppc, comme
il fait.I’ay défia dit,commevnc nauire de Lyma,; |
allant à Maniila,nauigea&: courut deux mil iept «
cens lieues, toufiours fouz la ligne, à tout le |
moins n’en eftant efloigné que de douze degrez |
&ceaumoisde Feurier,&deMars, quieltio^ j
que le Soleil y eft pour Zenit , & en tout ceft e^ |
pace ne trouucrent aucuns calmes , mais touf- |
iours vn vent fraiz , tellement qu en deux rnois |
ils firent ce grand voyage. Mais en la Torride,
’ &hors d icelle l’on a accouftume de veoir de |
grands calmes, és codes où arriuent les vapeurs |
des Ifles,ou de la terre ferme. Oeft pourquoy ^
les tourbillons 5c tempeftes , 5c les inerpcrecs
crmotions de l’air font plus certaines & ordi- |
naires , aux codes où arriuent les vapeurs de la
tcrre,que non pas en la pleine mer. 1 entens en
la Torride, car hors d’icelle & en la haute mer i
l’on y trouue des calmes ,& des tourbillons de |
vents. Toutcsfoisilnelaificpas d yauoir quel-
quesfbis entre les deux Tropiques , voire cr^a j
mcfmc ligne , des grands vents ôc des pluj
DES Indes. L I V. II f, 8^
bîtes, encor que ce foit bien auant dans la mer,
car pour ce faire les vapeurs & exhalations de la
mer/ônt aiîèz fuffirantcs,IcfqucHcs fcfmouiias
aucunesfois haftiiiemcnt en fair,caufènt des tô-
ncrres & tourbillons, mais cela eft plus ordinai-
re près de la terre, acdcfllis la terre. Quandie n^-
uigeay du Peru en la neufue E{pagne,ie rcma^
quay qu’en tout le temps que nous fufmcs en la
coflcduPcru, noftre voyage fut(commctouf-
iours a accoutumé) fort doux Sc facile, à caufe
du vend de Sud qui y court,&auec lequel l’on va
vent en poupe, retournant d’Efpagne ôc de la
neufue Elpagnc. Comme nous trauerfîons le
GoIplie& allions toufiours auant dans la mer,
prefque toufiours foiibs la ligne,nous trouuaf-
mes vn temps fraiz,paifible & gracieux,vent en
poupe;mais arriuât côme proche de Nicaragua
Sc de toute Celle colle, nous eufmes des vents
contraires auec grande quantité de pluyes âc
brouillais qui quelquesfois bruyent horrible-
ment. T oute celle nauigatîon fut dans la Zone
Torride, car de douze degrez au Sud qu’cll Ly-
ma, nous nauigeafmes à dixfept où gill Guatul-
co,port de la neufue Elpagne, ôc croy que ceux
qui auront prins garde aux nauigatiôs qu’ils ont
faites dans la Torride, trouueronrà peu près ce
que i’en ay dit, qui lulfira pour la raifon des vêts
qui régnent par la mer en la Zone Torride.
ejfe^s memeiUeux âei vents qui font en qneU
ques endhits des Jndes,
Ch a p. I X.
M
H I s T O I R E N AT V R E L LE
E feroic chofe fort difficile de racon- .
ter par le menu les effedfcs admirables I
que caufent aucuns vents en diuerfcs
régions du monde 5 &d*en donner la |
raifon. Il y a des vents qui naturellement trou-
blent l’eaue de la mer , & la rendent vertenoire, ^
d autres quila rendent claire comme vn mi-
Loir 5 \cs vns efgay ent & rcfiouyirenr de foy , ôc
les autres apportent de l’ennuy & de la triftef-
fe. Ceux qui nourrifTcnt des vers à foye ont
grand foin de fermer lés feneftres , lors que les
vents d’abas foufflent , ôc de les ouurir quand
leurs contraires courent , ayans trouué par cer- .
raine expérience que leurs vers fe meurent ôc
^ diminuent par les vns, s’cngraifTcnt &deuien- |
lient meilleurs par le moyen des autres , ôc qui y
voudra prendre garde de près , il pourra remar- |
quer en foy-mefmc , que les diuerfitez des vents ;
caufent de notables imprefîîons ôc changemens
en la difpofîtion des corps , principalement aux I
parties dolentes ôc indifpofees , ôc lors qu’elles '
10. tendres ôc debiles. L’Eferiture appelle
^ .4’; l’vn, vent bruflant, ôc l’autre vent de rofec ÔC
loan. 4. plein de douceur. Et neft pas chofe efmerueil-
ofee IJ. labié, que l’on apperçoiue de fi notables effcéls
Dan.}, des vents es herbes , animaux , ôc es hommes, i
puis que l’ô en cognoift vifiblement au fer mefi-
me, qui cft le plus dur de tous les métaux. l’ay
veu des grilles de fer en quelques endroits des
Indes , de telle façon moulues x confommees,
qu’en les preflànt entre les doigts, elles fe refol-
uoyent en pouldre , comme fi c’euft efte du foin , j
ou de la pailîefeichc. Çe qui procède tant feu
des Indes. Lir. HL «o
Jemcnr du venr,qui le corrompt du tout, Sc fans
qu’on le puifFe cmpcfcher. Mais laiflant à part
plulicurs autres grands & merucilleux cfFeds,
1 en veux feulement raconter deux. Lvn def-
quels , encor qu’il caufedes douleurs plus gran-
des que la mefme mor t , n’apporte point de mal
ly d incommodité d’auantage, l autre deftruit
& oHe la vie fans le fentir. Le mal de la mer
dont ceux là font trauaillez , qui commencent
a nauiger, eft vne chofe fort ordinaire, & neant-
moinsli l’on ignoroitfon naturel, qui eft tant
cogneu a tous les hommes,l’on penferoir que ce
l ufl: le mal de la mort,de la façon qu’il afflige ôc
Tourmente pendant le temps qu’il dure par le
vomilFement d’eftomach, douleurs de tkeôc
autres mil accidens fafclicux. Mais à la vérité ce
mai 11 commun & fi ordinaire vient aux hom^
mes, pour la nouueautédel’airde la mer. Car
combieri qu’il foit vray que le mouuemct du na-
uire y aide beaucoup en ce qu’il s’efmcur plus ou
moins, & mefme l’infecfHon &mauuaife odeur
des chofes des nauires.Neantmoins la propre ÔC
natm ellecaufe eft l'air & les vapeurs de la mer.
^ tellement le corps
e^fcltornach, qui n’yfont point accouftumez,
qu ils en font raerueiileufement efmeus ôc chà-
gez. Car l’air cil: l’element par lequel nous vi-
uons & refpirons , l’attirant dedans nos mcfmes
entrailles , lefquelles nous baignons ôc arrou-
ons diceluy : c’eft pourquoy il n’y a chofe qui
altéré fl toft. &aucc tant de force, que lechan-
gernent de l’air que nous refpirons , comme l’on
Yoid en ceux qui meurent de pefte. Ccfl chofe
M ij
Histoirs natvrelle
appronuees par plufîeurs experiêces,que l’air de
la mer eft principal moteur de celle eftrange in-
difpol] tiô -, l’vne ell que quand il court de la mer
vnair fort, nous voyons que ceux quifontcii
terre fe fenrent du mal de la raer,comme il m’ell
aduenuplufieurs fois. V ne autre que tant plus
auât l’on entre dans la mer,^ que 1 on s efioigne
de terre, plus on efi: atteint & ellourdy de ce
mal; vnc autre qu’allans le long de quelque Ille ,
&venans par apres à emboufeher en la plaine
mer, l’on y trouue en ceft endroit l’air plus fort.
Encor que ie ne vueille pas nier que le mouue-
ment& agitation ne puilEe caufer ce mal, puis
que nous voyons des hommes qui en font épris,
palïans des riuieres en des barques, ôc d’autres
qui en font de mefme en allant dans des cha-
riots ou carolTes , félon les diuerfes comple-
xions d’eforaacs; comme au contraire y en a
d’autres , qui pour grolîe Ôc efmcuë que puilFe
eftre la mer, ne fen fentent iamais. Parquoy
c’eft chofe certaine & experimentee, que l’air
de la mer caufe ordinairement ceft effed en
ceux qui de nouueau entrent fur icelle. l’ay
voulu dire tout cecy , pour déclarer vn effed
eftrange qui aduient en certains endroits des
Indes, où l’air ôc le vent qui y courteftourdit
les hommes, non pas moins, mais d’auantage
qu’en la mer. Q^lques-vns le tiennent pour
fable , d’autres difent que c’eft addition , de irxa
part, le diray ce qui m’eft aduenu: 1 1 y a au Peru
vne montagne haute qu’ils appellent Pariaca-^
ca, & ayant ouy dire &parlcr du changement
qu’elle caufoit, i’allois préparé le mieux que ie
DES Indes. L IV. III. «j
pouuoisfelon l’enfeignemenr que donnent par
deia ceux qu’ils appellent Vaquianos ou ex-
perts: mais neantmoins toute ma préparation
qnand le vins à moi^ter les efcallicrs qu’ils ap-
pellent qui cftle plus haut de celle monraane
lefüslubitcmentatreint&rurprinsd’vn mal fi
mortel & ellrange , que ie fus prefqnc fur le
poinddemelaiflerchoirde la monture en ta-
re, & encor que nous fuffions pluheurs de com- '
pagine, chacun halloit le pas fans attendre fon
compagnon, pour fortir viftement decemau-
uais pallage. Me trouuant donq feul auec vu
Indien , lequel ie priay de m’aider à me tenir fur
lamonture, ie fus épris de telle douleurde fan-
glots &devomiiremens, queiepenfay ietter
rendre lame. D’autant qu’apres auoir vomy la
viande, les phlegmes & la colere, l’vneiaune &
lautreverde, levinsiufques à ietter lefano- de
la violence que ie fentois en lellomach , ie dfs en
hn, que fl cela eut duré, ieulTepenfé certaine-
ment ellrearriué à la mort. Mais cela ne dura
quecommetroisouquatreheures, iufquesà cè .
que nous fulïîons-defcendus bien bas^ eSc que
nous- fullions arriuez en vne température plus
conuenableau naturel, où tous nos com paon ôs
qui efloyent quatorze ou quinze, clloyeiiîforî
tanguez, quelques vns cheminans demandoient
conlciTion, penfansrcallementmourir , les au
yesmettoyentpiedà terre, & elloyenr perdus
de vomilTement, & de force d’aller à la felle,
& me fut did qu autresfois quelquesvns y a-
uoyent perdu la vie de ceft accident, levdsvn
hommequife dcfpitoit contre terre , fefcrianr
- „ M iij
/
Histoire natvrelie
de rage & douleur que luy auoit caufé lepalîà-
'gede Pariacaca. Mais ordinairement il ne fait
point aucun dommage qui importe , autre que
ceft ennuy & fafeheux defgouft qu’il donne
pendant qu’il dure, & n’eft pas feulement le
pas de la montagne Pariacaca , quiacefte pro-
priété , mais auflî route celle cliainc de monta-
gnes qui court plus de cinq cens lieues de long,*
& en quelque endroit que Ton la pa(lè , l’on
fent celle cil range intemperature, combien que
ce foir en quelques endroits plus qu’és autres,
& plus à ceux qui montent du collé de la mer,
qu'à ceux qui viennent du collé des plaines. le
l’ay palTce mcfme outre de Pariacaca par Lu-
canas & Soras, & en autre endroit par Colle-
guas ,& en autre par Cauanas, finalement par
quatre lieux dilFcrens en diuerfes allées & ve-
nues, ôctoufiours en cet endroit ay fenty l’al-
teration &ellourdilïcment quei’ay diél , encor
qu’en nul endroit ce n’a ellé tellement que la
première fois en Pariacaca., ce qui a ellé expé-
rimenté par tous ceux qui y ont palTc. Et n'y a
point de doute que la caufe de celle intempe-
rature & fi ellrange alteration ell le vent,ou l’air
qui y règne, pource que tout le remede ( & le
meilleur qu’ils y trouuent) cil de fe boulcher
tant que l’on peut le nez, les oreilles & la bou-
che, & de fe couurir d’habits, fpecialcmentl’e-
ftomac, d’autant que l’air cil fi fubtil&peiî«-
trant,qu’il va donner iufques aux entrailles : Sc
non feulement les hommes fentent celle alte-
ration, mais aufii les belles, qui quelquesfois
fiarrellenr, de forte qu’il n’y a efperoii qui les.
desIndes. Liu.' HT. ' 91
puifîc faire aduancer. De ma part ie tiens que
celieucft vn des plus hauts endroits de la ter-
re qui Toit au monde: car l’on y monte vne ef-
pacedefmefuree, & me femble que la monta-
gne Neuade d’E]^agnc, les Pyrenees &les Al-
pesd’Italie (ont comme maifons communes à
1 endroit des h'autes tours. Parquoy ic me per-
fuade J que lelernent de l air eft en ce lieu là
iîfubtil & fi délicat, qu’il ne fe proportionne
point à la refpiration humaine, laquelle le re-
quiert plus gros & plus temperé , & croy que
c eft la caufe d’alterer fi fort l’eftomac , 6c trou-
bler toute la dilpofition. Les palîages des mon-
tagnes Neuades & autres de l’Europe queiay
veucs, combien que l’air y foit froid , Ôc qu’il
trauaille & contïaigne ceux qui y palïenrdcfe ^
veftir , neantmoins ce froid n’ofte pas l appetit
de manger , au contraire il le pronoque , ny ne
caufe point de vomifièment en l’eftomac , mais
feulement quelque douleur aux pieds , êc aux
mains. Finalement leur operation eft extérieu-
re , mais cil des Indes que ie dy , (ans trauaillcr
ny les pieds ny les mains, ny auèune partie ex-
térieure, brouille toutes les entrailles au de-
dans, 6c ce qui eft plus admirable, il auiént au
mefine endroit que le Soleil y eft chaud, qui
me fait croire que le mal que l’on en reçoit
vrênt de la qualit é de l’air que Ton y relpire,
d’autant qu’il eft tres-fubtil 6c tres-delicac, 6c
que fon froid n’eft pas tant fcnfible comme il
eft pénétrant. Toute cefte chaine de montagnes
eft communément deferte , iàns aucuns villa-,
ges ny habitations des hommes, Ac'forte qu’à
M iiij
Histoire natvrelle
peine Ton y troiiue des petites maifons ou rc-
traittes pourylogerlcspaiTansde nuid. Il n’y a
non plus d’animaux ^ ou bons ou mauuais , fi ce
n’cft quelques Vicunos, qui font des moutons
du pays , lefquels ont vnc propriété eftrange &
merueilleufe, comme ie diray en fon lieu. Llier-
bc y eftfouucntesfois bruflee& toute noire de
l’air que ie dis , ôc ce defert dure comme vingt
cinq à trente lieues de trauerfe j ôc contient de
lôgueur,côme i ay did , plus de cinq cens lieues.
Il y a d’autres deferts ou lieux inhabitez, qu’ils
appellent au Peru Punas ( pour parler du fécond
poind que nous auons promis ) où la qualité
del’air îrenche les corps & la vie des hommes,
fanslefentir. Au temps palfé les Efpagnols che-
rainoyentdu Peru au Royaume deChillé, par
la montagne : auiourd’huy l’on va ordinaire-
menrparmer, & quelquesfois lelongde la co-
de : & combien que le chemin y foit ennuyeux
&fafcheux, il n’y a pas toutesfoistantdedan-
ger, qu’en l’autre chemin de la montagne , où il
y-a des plaines , au paflage defquelles pluheius
hommes font morts &c péris , & d’autres en font
efehappez par grande^ aduantdre, dont les vns
font dèmeurez eftropiez. ^ll court en exft en-
droit vn petit air, qui n’cft pas trop fort ny vio-
lent,mais il pénétre de telle façon , que 1 es hom-
mes y tombent morts quaf fans fefentir, ou
bien les doigts des pieds & des mains y demeu'*-
rent: ce qui pourra ferabler chofe fabuleufe,
ôc routesfois c’eft chofe ver/table. , l’ay cogneu
Sc long temps fréquenté le general Hierofme
Cofeilla, ancien pcupleur de Cufco , qui aiioit
DES lïÎDES. LlV.^ lîL 5,5
perdu trois ou quatre doigts de pieds , quiluy
romberent en paflànc ies deferts de Chillé , par
ce qu’ils auoienr cfte atteints & pénétrez de ce
petit air , & quand il les vint à regarder , ils
eftoient défia tous morts , ôc tomba-ent d’eux
mefines fans luy faire aucune douleur , tout ain~'
fi quetombedelarbre vneporaegaftcc. Ce Ca-
pitaine racontoit qued’vne bonne armée qu’il
auoit conduite & palfée parce lieu les années
precedentes, depuis ladefcouuertcdece Royau-
me fai dlc par Almagro, vne grande partie des
homme s y demeurèrent morts ^ & qu’il y vid les
corps tftendus parmy le defert , fans aucune
mauuaifc odeur ny'eorruptiô* Adiouftât d’aiian-
rage vne chofe fort eftrange^q u’ils y trouuercnt
vn ieune garçon yioant, lequel eftantenquis co-
rne il auoit vefeu en ce lieu ,;dift qu’il s’eftoit ca-
ché en vne petite cauerne, d’où il fortoit, pour
couperauec vn petit coufteau, de la chair d’vn
chenal mort, & qu’il fedoitainfi fobftànté long
temps, aucc ne fpy combien de compagnons,
qui fe maintenoient de celle façon, 'mais que
défia ils y eftoient tous demeurez. Tvn mourant
auiourd’huy & demain i’autreidifant qu’il ne de-
lîroit autre chofe que de rhourir làaucc les au-
tres, veu qu’il ne fen toit défia plus' en luy aucu-
ne difpofirion pour aller en vn autre endroit,
ny pour prendre gouft en aucune chofe. l’ay
entendu le raefme d’autres ,& particulièrement
d’vn qui eftoit de noftre compagnie , lequel
pour lors ellant feculier auoit palfé par ces ^de-
ferts , Sc cil vne chofe mcrueilleufe que la qua-
lité de cell air froid, qui tue Ôc conferue aufii
Histoire natvrelle
tout cnfemblc les corps morts fans corruption,
le l’ay auffi entendu d Vn venerable Religieux de
l’ordre de Saind Dominicque & Prélat d ’icellc,
qui lauoit veu paffant par ces deferts,& qui plus
cft, rac conta , qu’eftant contraind d’y palfer la
nuidjpourfc dcffendre & remparer contre ce
vent fi mortel que ie dy qui court en ce lieu , ne
trouuantautrechofcà propos aflembla grande
quantité de ces corps morts qui eftoientlà , ôc
fit d’iceux comme vne muraille de cheuct de
lid , de celle façon il dormitjes morts luy don-
nans la vie. Sans doute c’eft vn genre de froid
que ceftuy-là fi pénétrant qu’il cfteint la chaleur
vitale en coupant fon influence: & d’autant qu’il
cft aufi trésfroid il ne corrompt ny donne putre-
fadlion aux corps morts , parce que la putre-
faélion procédé de chaleur Ôc d’humidité.Q^ant
àPautre forte d’air que l’on oit refonner foubs
la terre, & qui caufe des tremblemcns , plus aux
Indes qu’es autres régions , i cnparlcray en trai-
tant des qualitez de la terre des Indes.Maintc-
nantnous nous contenterons de ce qui cftdit
des vents & de l’air , ôc paflerons à ce qui fe pre-
ferjtc du fubiet de l’eaUc
De l'Océan qui circuit les Indes de
la mer du Nort celle
De5 Indes. Liv. III. 5,4
N T R E les eaucsjla mer Ocea-
nc a la principauté, par laquelle
les Indes ont efté defcouuertes,
qui toutes font enuirônécs d’el*
le mefme,car ou ce font Ifles de
r 1' n ~ Occanc , ou bien terre
ferme laquelle mefme en quelque part qu'elle fi-
mlTe Ôc sacheue , cil: toufiours bornée deceif
Océan. lufques auiourd’huy l’on n’a point def-
couucrtau nouueau mondeaucune mer Médi-
terranée comme il y en a en Europe , Afie ôc
Al-nque , efquelles il entre quelque bras de ce-
lte grande mer, &fontdesmers diftinéles pre-
nansles noms des prouinces & terres quelles
vont baignant , & prefque toutes les mers Me-
direiTances fe continuent ôc ioignent entre
eux &auec le mefme Océan , par le deftroitdc
Oilbatar , que les anciens nommèrent Colom-
nesde Hercules. Combien que la mer;Pvouac
e mt eparée dé ces autres Mediterranées,
nitre toute feule en l’Océan Indique, & la mer
Oalpie ne feiointauec aucune autre. Doneques
aux Indes, comme i’ay dit , l’on ne trouue point
d autre mer queceft Océan, lequel ils diuifent
en deux ,1 vn qu’ils appellent mer du Norr, ôc
1 autre mer du Sud 1 pource que la terre des In-
des Occidentales , qui fut premièrement def-
couuertepar l Oceap, quiarriueiufquesà l’E-
Ipagnc, cil: route lîtuée au Norr; &par icelle
terre ion a defcouucrt depuis vne merde l’au-
je colle, laquelle ils ont appcllée mer du Sud,
dautantqu’ils defeendirent, iufques à palfer la
ligne, Ôc ayans perdu le Norc ou pôle Arélique,
HerodolVA
luutisi.
Histoire natv relie
qu’ils appelleient Sud : pour cefte caufe l’on a
appellé la mer du Sud tour ceft Océan, qui eft
de l’autre cofté des Indes Occidentales, encor
qu’vne grand’ partie d’icelle Toit fituée au Nort,
comme l’eft toute la colle delà ncufue Efpagnc
Nuaragna,Guatimala & Panama.L’on dit que le
premier defcouureur de celle mer fut vn Bla-
feonunes de Balboa , & qu'il la defcouurir par
l’endroit que nous appelions auiourd’huy ter-
re ferme, où la terre s^ellrelTir , & les deux mers
s’approchent de lî près l’vne de l’autre qu’il n y
a que fept lieues de dillance Car combien que
l’on en chemine dixhuid , de Nombre de Dios
à Panama , neantmoins c’ell en tournoyant,
pour chercher la commodité du chemin, mais
tirant par la droite ligne , l’vne mer ne fe trouue-
ra dillan te de l’autre de plus que iay dit. Cal-
ques vns ont difeouru & mis enauantdc rom-
pre le chemin de fept lieues , afin de ioindre vnc
merauec l’autre, pour rendre le pafiage duPe-
ru plus commode & plus aifé , parce que ces
dixhuiél lieues de terre, qu’il y a entre Nom-
bre de Dios & Panama, emportent plus de def-
pence & de trauail que deux mil trois cens
qu’il y a de mer. Sur quoy toutesfois quelques
vos ont voulu dire que ce feroit peur noyer
la terre, difans qu’vne mer eil plus baife, que
l’autre. Comme au temps paffé l’on trouue par
les hiftoires , que pour la mefmc confideration,
l’on delaiifa Pentreprinfe , de vouloir ioindre &
continuer la mer Rouge auec le Nil, du temps
du Roy Scroftris,& depuis de 1 Empire d’Otho-
man. Mais de ma partie tiens tel difcours&
DES Indes. Liv. III.
propofition pour chofe vaine , encor que cec
inconucnienc allégué n y deuft point efchoir,
lequel aulîi ic ne veux pas tenir pour certain,
& croy , qu il n y a puillance humaine , qui fuft
lufïirante pour rompre & abbatre ces rres-for-
tes & impénétrables montaignes , que Dieu a
miles entre les deux mers, & lesahiites déro-
ches tres-dures , afin de fouftenir la furie des
deux mers. Et quand bien ce lcroit chofe polîi-
ble aux hommes , il me femblc que londeb-
uroif craindre lechafiiementdu Ciel, en voulant
corriger les œuures que lelCreatcur par fa gran-
de prouidencc a ordonnées?, ^ difpofées"cn la
fabrique^dc cet vniuers. LaifTant donc ce dif-
cours , d’ouurir la terre, &vnir les deux mers
enfembic, il y en a vn autre moins téméraire,
mais bien difficile Sc dangereux de rechercher,
fi ces deux grands abifmes fe ioignenten quel- <
que partie du monde, qui fut lentreprinfe d®
Fernande Magellan, gentil-homme Portugais,
duquel la grande hardieffe & confiance, effi la
lecherche de ce fubjed , de heureux fuccez
qu ileuflen le trouuant, donna le nom d éter-
nelle mémoire , à ce deflroir que iuflement l’on
^pelle,du nom defon defcoimreur, Magellan.
Duquel deflroit nous traitterons quelque peu]
œmme d Vne des grandes merucilles du monde!
Q^lques vns ont creu, que ce deflroit que Ma-
gellan trouua en la mer du Sud, n’eftoir point,
ou bien qu il s efloit referré, comme Dom A-
lonlc d’Arfilla eferit en fon Auracane, &aii-
^lourd huyyenaqui difent, qu’il n’y a point de
teiddtroir, mais que ce font desifles, entre la
Hisi^oire natvrelle
mer Se la terre , pource que la terre ferme prend
fin en cet Endroit, 5c au bout d’icelle font tou-
tes Ifles, outre lefqnelles, fvne mer fe ioint plai-
nement, auec l’autre, ou pour mieux dire eft
route vnemerme mer, Mais a la vérité c eft cho-
fecertaincqu’ily avndeftroit & de là teireforc
longue, &fortcftenduc d’vncofté ôc d’autre:
bien que l’onnayt encore peu cognoiftre, iul-
ques où fepeut eftendre cela qui eft de l’autre
cofté du deftroit au Sud. Apres Magellan palTa le
deftroit, vne nauirede l’Euefque de Plaifance, !
DomGuitieres'jCarnaial, de laquelle ils diferrt
queleMaft eft encor àLyma à l’entrée du Pa-
lais,l’on alla depuis par le cafté du Sud, pour def-
couurir ce deftroit, parle commandement de
DomGuarciadeMendoce, qui pour lorsauoit
le aouuernement de Chillé.Suyuant quoy le Ca-
piuine Ladrillero,le trouua 5c le palîa.Pay leu le
difeours 5c la narration, qu’il en a faide, où il dit
qu’il ne fe bazarda de defembarquer le deftroit
mais qu’ayant defiaÙecogneu la mer du Nort , il
retourna arriéré pour lafpreté du temps , 5c que
THiiier eftoit jà entré, qui caufoit que les vagues
venants du Nort eftoient groftes 5c bondilPan-
tes , 5c les mers toutes efeumantés de furie. De
noftre temps François Drach Anglois,a pafte ce j
mefme deftroit-, Depuis luy le capitaine Sar- j
miento le pafta par le cofté du Sud , 5c tout der- j
niercmcnt,cn l’an de mil cinq ce ts quatre vi^ts
5c fept,d’autres Anglois l’ont pafte , par l’inftru-
dion qu’en donna Drach, lefquels de prefent
i-audent la cofte du Peru, Ôc pource que le rapord
qu’cnafaidlc maiftre Pilote, quile pafta, mc^
r LI .^ndes. Liv. tu. 56
Icmble notablcjic rinfcreray icy.
_ comme l’on le
^djfa dti cojlé du> Sud,
Chapitre XI.
N-l’an dcnoftrc Salut mil cinq cents
foixantc & dixncuf, ayant François
Drach palTé le deftroit de Magellan
couru la code de Chillé,& de tout
lePeru, &prins lenauire defaina Icand’An-
thona, où il y auoitgrandc quantité de barres
d argent, IcViceroy Dom François de Tolfede -
arma&enuoya deux bonnes nauircs, pourre-
cognoiftre le deftroit, allant pour Capitaine
d icelles , Pierre Sarmicnro homme doéte en
ro ogie. Ilsibrtirentdc Callao de Lyma, an
comniencementd’Odobre,&pource qu’cn ce-
lte cafte il court vri vent contraire, qui {buffle
touhours du Sud ,. ils saduaneererrt beaucoup
en la mer, Payants nauigé peu plus de trente
loiirs auecvn temps fauorable.fe trouuerent
en k hauteur du deftroit. Maisd’autant quïleft
fort difficile de le recognoiftre, ils s’approchè-
rent de terre , où ils entrèrent en vnc grande
Anle,enlaqueileilyavn Archipelague d’ffles.
armienra s’obftinoit, que là eftoit le deftroit
& tarda plus d vn mois à le chercher , par diiiers'
en roits, montant ffir de tres-bautes montai-
gnes en terre. Mais-Voyant qu’il neletrouuoit
point, alarequefteque ccuxde l'armee luyft.
rent, retournèrent en fînà rortirenia mer,où
Histoire natvrelle
il fit largue/ Le mcfmeiour furuint vn temps
alTez rude.aucc lequel ils coururent , & au com-
mencement de la nuid veirent ne feu de la Ca-
pitaine, quiaufli toft difparut , tellement que
fautre nauire ne la veidiamais depuis. Lciour
enfuyuant durant toufiours la force du vent,
qui eftoit trauerfain , ceux de la Capitaine re-
coeneurentvnc ouuerture, qiiefaifoit la terre,
de trouuercnt bon de s’y retirer a l abry *, iufques
à ce que la tempelle full appaifec. C e qu il leur
fucceda de telle façon, quayans recogneurou-
iierture ils veirent , qu’elle alloitde plus en plus
entrant dedâs la terre, & foupçonnâs que ce fuft
le deftroit qu ils cherchoient, prindrent hau-
teur au Soleil , ou ils fe trouuerent en cinquante
& vn degré & demy , qui eft la propre hauteur
du deftroit:& pour s alfeurer d auantage, mirent
le briguantin hors , lequel ayant couru plufieurs
lieues dans ce bras de mer fans en voir la nn,
recogneutque ceftoitlà le deftroit. Et pour ce
qu’il? anoient ordre de le pafter, ils laiftcrent
vue haute Croix plantée là & des lettres au bas
afin que fi l’autre nauire arriuoit là , elle euk
nouucllcs de la Capitaine , &lafuyuift. I s pal-
ferent donc le deftroit en temps fauorablc, &
fans difficulté , & fortis en la mer du Nort , arri-
uerentcnienefçay quelles Ifles, cuils recueil-
lirent dd’eaue & fe rafraifchircnt. Çelà pnn-
drcntleur route au Cap de vert. D’oulc P^rc
maicur retourna auPeru , par la voyc de Car-
thagenc , & de Panama , & apporta au Viceroy
le difeours du deftroit, & de tout le fuccez, don*
il fut recompenfé félon le bon feruicc qu il auoi
1:
des Indes. Liu. ITI.
ftit. Maisk Capitaine Pierre Sarmknto, du
CapdevertpalTaenSeuille.enla meftne nani-
re quil auou palTele deftroit, & fut à la cour
ou fa Maiefte le recompenfa, &àfon inftance
fit commandement ledreflèr vne groflè armée’
qu’il enuoya foubs la conduite de Diego Fl o’
rezde Valdez pour peupler & fortifier ce
deftroit. Toutesfois celle armee apres diuers
ticlpencè &aifez peu
deffea. Reuenantdoncàl’autrenauire Viçad-
imrale, quialloitenla compagnie de la Capi-
tame,l ayantperdue, auec le Temporal quei^y
dit , el.e fe mit a prendre la mer , le plus qu’elle
peut; mais comme le vent eftoit trauerfain &
tenipeaueux,ils cuidercnt certainement périr,
defortequilsfeconfeflérent tous, fe prepa-
rans a la mort.ILa tempeile leur continurtrois
loursfans s appaifer, &àchaque heiireils pen-
loient deuoir donner en terre . mais il leur ad-
umt bien au contraire , car ils falloient plus ef-
ioignans delà terre , iufques àla fin du troifief-
meiour.que latempeftefappaifi,. &lors pre-
nants hauteur , ilsfetrouuerenten cinquLte
fix devrez, toutesfois voyant qu’ils n’auoyent
donne au trauers. &aucontrairc ils eftoyent
efioignez de la terre, fe trouuerent tous efmer-
ueillez.Dourls iu«rent( comme Hernande'
Umero pilote de ladite nauire me le conta) que
a terre qui eft de l’autre cofté du deftroif; com-
me nousallonsparlamerduSud , ne couroit
pas mefinerumb que iufques au deftroit, mais
pu ellefetoutnoit vers le Leuant; Car autre-
ment c euft efté chofe impoflible , qu’ils n’euf-
N
'Histoire katvrilli
fcnt aborde la terre , ayans couru tant de temps
pouiïez de ce trauerfain , mais ils ne palîèrent
point plus outre , & ne veirent non plus Ci la
terre s’acheuoitlà, ( ainfi que quelques vns veu- !
lent dire ) que c’eft vne Ifle que la terre de l’au-
tre codé du deftroit, & que là les deux mers de
Nort & Sud fe ioignent enfcmble , ou fi elle al-
loit courant vers TEft , iufques à fe ioindre auec
la terre de Vida , qu’ils appellent , qui refpond
au Cap de bonne Efperance.comme c’ed l’opi-
nion d’autres. La vérité de îcecy n’cd encor au
iourd’huy bien cogneue , & ne fe trouue aucun
qui aye couru cede terre. Le Viceroy Dom
Martin Henricque,me dit , qu il tenoit pour in-
uentionderAnglois,lebruit qui auoit couru,
de ce que ce dedroit hiCoit incontinent vne ^
Ifle & fc ioignoient les deux mers ; Pour ce que
edant Viceroy delà neufue Elpagne,il auoit
diligemment examiné le pilorte Portugays que
FrançoisDrac y laiflà,& neantmoins n’auoit au-
cunement entendu telle chofe de luy. Mais ce-
doic vn vray dedroit, & terre ferme des deux co-
ftez.Rctournant donc ladite Viçadmiralle, ils
reco<yncurent le dedroit, comme ledit Hernan-
àc Lamero me raconta, mais par vne autre bou-
che ou entrée, qui ed en plus de hauteur, à caufe
de certaine grande ifle , qui ed à 1 eraboucheure
du dedroit qu’ils appellct la Cloche,pour la for-
me qu’elle a.Et comme il difoit,il le voulut paf-
fer,mais le Capitaine & les foldatsncle voulu-
rent point confentir, leur fcmbloit que le temps ,
edoit ia bien aduancé,& qu’ils couroient grand |
danger , par ainflils retournèrent à Chillé ik au^
DES Indes. Liu.^ III. o8
Pcru , làns I auoirp^ITé.
Dudejïmt ^ue quelques vm ajfermet ejîre en UFloride,
Ch A P. XII.
■ outainfî comme Magellan trouua.
ce deftroit qui eit au Sud,il y en a eu
d autres qui ont pretêdu defcouurir
vn autre deftroit , qu’ils difen t eftrc
au Norr, & l’imaginent en la Flori-
dCjdont la code court de telle façon,que Ton ne
Içaitla fîn.L’Adelantadc Pierre Mclendcz hom-
me içauant & expérimenté eh la mer , afferme
que c ed choie certaine^qu’il y a là vn dcftroit,&:
que lcRo.yluy auoit corn mandé de le defcouurir
enquoy faircil monftroit vn très-grand defir, il
mettoit en auant ces raifbns , pour prouuer fbia
opiniô , & difoit que l’on auoit veu en la mer du
Nortjdes relies de nauires femblables à ceuxdôc
vfoyent les Chinois , ce qui euft ellé impolTiblc,
S’il n’y eull eu palTage d'vne mer à l’autre. Et
racontoit mefme , qu’en certaine grande baye,
quieilcnla Floride , laquelle entre trois cens
lieues dans la terre , 1 on y void des balaines en
certain temps de l’année, qui viennent de l’au-
tre mer. Apportant outre ce quelques autres
indices , concluoit fïnablement que c’eftpit
^°^^^^ii3,ble àlafagelîè duCrcatcur, &
au bel ordre de la nature, que comme il y auoit
l^communication , 8c palTage entre les deux mers
au Pôle Antarélique, il y en euft aulïî tout de
N ij
Histoire natv^ÏPle
mcfmcauPolc Ardicquc, qui eft le principal |
Pôle. Quelques vns veulent dire , que Drach a
cucognoiffanccdeccdefti-oit, &quïladonné
occzSon de le iuger ainfi, quand il palTa le long
de la cofte de la neufue Efpagne, par la mer du
Sud.Merme l’on a opinion que d’autres Anglois?
quiccfteanncci^S-. prindrent vnc nauirc Ve-
nant des Philippines, auec grande quantité d’or,
& autres richeffes , ay ent auffi pafle ce deftroit.
Laquelle prinfe ils firent , ioignant les Calli-
phornes , que les nauires retournans des Philip-
pines & de la Chine en la neufue blpagnc, ont ^
accouftume de rccognoiftrc. L on s afleure que |
comme auiourd’huy eft grande la hardiefiè des |
hommes , & le defir de trouuer nouueaux |
moyês de s’agrandir tel , qu’auant peu d’annccs 1
l’on aura defcouucrt ce fccret. Et eft certes vnc j
chofe digne d’admiration, que comme les four- ■
mis vont toufioursfuyuant le chemin &la tra- 1
ce des autres , aufti les hommes en la cognoif- |
fance & recherche des chofes nouuclles , ne ,
s’arreftent iamais iufqucs ace quils ayent at-
teint le but defiré pour le contentement &
cloiredes hommes. Et la haute & éternelle fa* •
lelTedu Créateur fefert de cefte naturellecu-
riofitc des hommes , pour communiquer la lu-
mière de Ton faintEuangilc , aux peuples, qui
toufiburs viuentes tenebres obfcures de
erreurs. Mais en fin le deftroit du PoleArcli-
que , s’il y en a , n’a point encor efte defcouuerc
iufques atiiourd’huy. C’eft pourquoy ce ne fer^
point chofe hors de propos de dire ce quel
nous cognoifîbns des particularitcz du deftroin
N DE s. Liu. III.
Antradiqucjiaclefcouucrti&rrccogneuparlera-
porc du ceux qui l’ont VCU & remarqué oculai-
rcmenr.
E deftroic.comme i’aydit,..tt a
quante degrez iuftes au Sud, &
dVne mer en l’autre l’elpacede qua
:rcvingtsdix ou cet lieues. Au plus
eftroic il eftdVne lieue, ou quelque
peu moins, auquel lieu ainfieftroit ils pretedoiêc
q le Royfift bailir vnc forrereire,pQiir deffendre
le palIàge.Le fôd en quelques endroitseftiî pro-
fond,qu’on ne le peut fonder, &c en d'autres bon
trouuc fôds à i8. voire à 15. bralTées.De cét lieiies
qu’il codent de longueur de I vne mer àl’autre,
l ô rccognoifl: claircmétque les vagues delà mer
du Sud courêtiufques à 30. lieues , & les autres
éo.& dix lieiies font, occupées des ondes & des
flots de la mer duNort.Mais il y a cefte diiFerécc
que les tréte lieues du cofté du Sud courit entre
des roches Sc montagnes tres-hautes , les fom-
mets dcfquelles font continuellement couuerts
des neiges , tellement qu’il femblc ( à caufe de
leur grande hauteur ) quelles fc ioignent les
vues auecles autres, ce qui rend l’entrée du de-
ftroit du cofté du Sud fl difficile à recognoiftre.
En ces trente lieiies la meryefi: tref-profonde,
fl bien qu’on n’y peut trouiicr fonds, toutesfois
l’on y peut amarer les nauires en terre, d'autant
N" iij
Histoire natv relie
que le riuage y eft droit & coupé. Mais aux au-
tres foixante& dix lieues qui viennent de la mer
du Nortjl’on y trouue fonds, & y a d vn cofté ôc
d’autre , de grandes campagnes qu’ils appellent
Cauanas ,Plufieurs grandes riuicresdVne eaue
belle & claire,[entrent dans ce deftroit , & y a
es enuirons d’iceluy de grandes & merucilleufes
forefts, oùjlon trouue quelques arbres d’vn
bois exquis &de bonne odeur , lefquels fontin-
cogneus par deçài dont apportèrent pour mon-
ftreccuxquiypairerent duPeru. Il y a de gran-
des prairies auar dedans la terre , & y apludeurs
Iflesquifefontau milieu du deftroit. Les In-
diens qui habitent au cofté du Sud font petis 6c
mefehans : ceux qui habitent du cofté du Nort,
font grands &vaillans , ils en apportèrent en
Efpagne quelques vus , qu’ils prindrent. Ils y
trouuerent des morceaux de drap bleu , ôc au-
tres enfeignes & apparences que quelques
hommes de l’Europe aiioient palTé par là. Les
ludiensfaluerentlesnoftrcs , auecle nom de
lefus.Ibfontbonsarchcrs , ôc vont veftiis de
peaux de beftes de chafle j-dont il y en a là gran-
de abondance; Leseauesdu deftroit croilPent
&decroiirent , comme les marées, & voit on à
l’œil que les marees d’vn cofté viennent de la
mer du Nort,& les autres de la mer du Siid. Au
lieu où elles fe rencontrent , lequel comme i ’ay
dir,eft à trente lieues du Sud, & àfoixante & dix
du Nort, combié qu’il fcmble qu’il deuft y auoit
plus de danger , qu’en tout le refte , néant-
moins quand la nauiredu Capitaine Sarmien-
fo, dont i’ay parlé cy dellus,lapaftà,ilsn’cu-
DES Indes. Lin. îoo
rcnc point de grand’ tourmente , au contraire,
ils y trouuerent beaucoup moins de difficulté
qu ilsne penfoient, parce que alors le temps
cftoitfort doux & gracieux, & d’auantage les i
vagues de la merdu Norr , y venoient défia fort j
rompu és,à caufedu grand efpace de foixante&^
dix lieu es qu ils chcmincnt,>& les flots de la mer t
duSud,n’yfontnon plus furieux à caufe de la
profondeur qui eft en cefl: endroit , dedans la-
quelle profondeur ces mefmes flots fc rompent
ôc fe noyenr.Il eftbié vrayqu’en temps d’Hyuer
le deftroit eft innauigeablc pour les tcmpeftes.&
furies des mers qui y font alors .Ccftpourquoy
quelques nauiresqui fèfbnt ingerez de paflèr ce
deftroit au téps d’Hyuer,fefont perdus. fYn feul
nauirc fapafle du cofté duSud,qui eft laCapitai-
ne,que i’ay ditte, & ay efte bien amplement in-
forme de tout ce que i’ay dit par le pilote d’icc-
luy appelle Hernaridc Alonfe, & ay veu la vraye
defeription ôc cofte du deftroit qu'ils firent ôc
tracèrent en le palïànt,de laquelle ils apporterét
lacopieauRoy d’Efpagnc , & l’original à leur
Viceroy auPeru. ‘ f
"DhJIhx O' rejîux de U mer O cerne es Jndes,
C hap.’ XIIII.
N des admirables fccrcts de nature
eft le flux ôc reflux de la mer , non
feulement pour cefteeftrange pro-
priété , de croiftre ôc deferoiftre,
mais auflî beaucoup d’auantage pour la diffe-
N iiij
Histoire natvrelle
rcncc qu’il y a en cela en Miucr fes mers , voire
en diuerfes colles d’viie mefmc rner. Il y a des
mers qui n’ont ne flux ny reflux iournel , com-
me l'onvoid en laMediterranée iiiterieurequi c II
en lamerThyrrcnc, &toutesfois il y a flux &
reflux par chafquc iour en la mer Mediterra-
née fuperieure,qui ell cellede Venife , qui don-
ne occafion à bon droit de s’en efmerueillcr en
ce que toutes ces deux mers eftans Meditcrra-
nées, & celle de Venife non plus grande que
l’autre, fi cft-ce qu elle a du flux & reflux com-
me l’Océan, & celle autre mer d’Italie n’en a
point. Il fc trouuc quelques mers Mediterra-
ncesqui manifellement croilîcnt & diminuent
chafque mois , & d'autres qui ne croiflènt ny
auiourny aumoys. Il y a d’autres mers comme
l’Occean d’Efpagne qui ont le flux & reflux de
chafque iour , & outre celluy-làils ont auflî
celuy de chafquc mois qui vient deux fois, àfça-
uoir à l’entrée,& au plein de la Lune, & l’appel-
lent grande mer. Or de dire qu’il y ait quelque
mer,qüiaye le flux 6c reflux de chafquc iour , &
n’aye celuy du mois , ie n’en fçachc point. C’ell
ceofeefmerueillable, que la diuerlité que l’on
void és Indes fur ce fubieél : car il y a des en-
droits où la mer chafquc iour monte & dimi-
nue deux lieues, comme l’on void en Panama,
& au haut de Teau elle monte beaucoup d*a-
• uantage , il y en a d’autres où elle monte & s*a-
bailTe fi peu , qu’à peine en cognoilt onja diffé-
rence. Oeil l’ordinaire de la merOceaned’a-
uoir fon flux Ôc reflux iournel , & ce reflux
iournel ell deux fois au iour naturel, Ôc s’aduan-
DES Indes. Liu.III. loi
ce toufiours de trois quarts d’heure en vn iour
pluftoft qu'en l’autre , fuiuant le mouucmcnt de
la Lune. Parainfila mareé n’cft iamais en vne
mefmc heure d’vniour , qu elle cft en celle de
l’autre. Quelques vns ont voulu dire que ce
flux & reflux procedoit du mouuement local
de l’eaue de la mer , de forte que leauc qui vient
croiflànt en vn coftc, va dccroiflànt en l’autre
quiluy efl: contraire, tellement qu il eft plaine
merenvn endroid lorsque la mer eft baflcen
la partie oppofitc , tout ainfi que l’on void en
vne chaudière pleine d’eâiic que l’on remue,
quand elle panche d Vncôfté l’eaue augmente,
& à l’a^utre coftc elle diminue. Il y en a d’autres
qui afferment que la mer en vn mefine temps
croift en tous endroits & en vn mefme temps
elle y diminue tout ainfi que le bouillô d’vn pot,
fortant du centre s’eftendà tous endroits, ôc
quand il cefle il diminue aufîi de toutes parts.
Cefte fécondé opinion eftvraye, & la peut-on
tenir , félon mon iugement, certaine & expéri-
mentée , non pas tant pour les raifons que les
Philofophes en donnent en leurs Mcteores,quc
pourl expcrience certaine que l'on en a peu fai-
re.Car pour mefatisfairedecepoint &queftion
iedemanday fort particulièrement au fufdit pi-
lote, comment cftoient les marées qu’il trouua
au deftroit, 6c s’il eftoir ainfi que les marces delà
mer du Sud deferoiflbient , au temps que celles
de la iT^du Nort montoienr. Etau contraire,
pourquoy cefte demande eftant véritable, ilad-
uenoit que le croiftre de la mer en viî endroit,
cftoit deferoiftre en l’autre, qui eft-ce que la pre-
Histoire natvrelle
miere opinionafFerme.il nîe rcfpondit qu’il n en
eftoitpas ainfi,mais que 1 ô voyoit & recognoif-
foit apertemét que les marées de la mer du Nort
& celles de la mer du Sud croilîoienr en melmc
temps tant que les vagues d vne met, fe rencon-
troicnt auec celles de l’autre & qu’en vn mefmc
temps aufîi elles commençoient à defcroiftrc
chacune en fa mer j difant que le monter & def-
cendre eftoit chofè qu’ils voyoient chafque iour,
6c que le coup ôc le rencontre d’vn flux à l’antre
fefaifoit (comme i'ay dit) aux foixante ôc dix
lieues de la mer du Norr, & aux trente delà mer
du Sud. D’où l’on peut recueillir maiiifeftement
que le flux ôc reflux de l’Océan n’eft pur mouue-
ment local, mais pluftofl: vne alteration &fer-
ucur,par laquelle rcalemê t toutes les eaucs mon-
tent ôc croilFent tout en vn mefme temps , ôc en
autre elles s’abaiflent& diminuent ainfl que le
bouillon du pot, dont i’ay parlé cy ddîus. Ilfe-
roit impoflîblede comprendre ce point par ex-
périence, fl ce n’eftoiten cedeftroit oùfeioint
tout l’Occan d’vne part ôc d’autrc,car il n’y a que
les Anges qui le peulfent voir ôc rccognoiftrc
par les codes oppofites , d’autat que les hommes
n’ont point la veuë allez lointaine , ny le pied af.
fez vide ôc leger qu’il feroit de bcfoin,pour por-
ter les yeux d’vn codé à l’autre en fi peu de temps
qu’vne marée donne de loifir , qui font feule-
ment fix heures.
DES Indes. Lrv. III. joz
J) e dtuers f&ijfons, er de U mmiere de
fefcher des Indiens.
Ch AP. XV,
y a en lOcc.in des Indes, vue innom-
brable muiritude de poifTons, les eC-
*pcces & proprietcz dcfquels , le feul
^Créateur peut déclarer. Il y en a plu-
lieurs, qui font de mefme genre, que ceux que
voyons en la merdebEurope, comme font fain-
tes & allofes, qui montent delà mer, aux riuie-'
res, dorades, fàrdincs ôc pluficurs autres. Il y
en a d autres , dont ie nepenfè point en auoir
veu par deçà de fèmblables , comme ceux qu'ils
appelIentjCabrillas, quirefemblent , de quel-
que ebofe , lestruittes, & les appellent en la
neufue Elpaignc, bobos, Ôc moment de la mer
aux riuicres. le n’ay point veu par delà de befu-
gues, nyde rruittes, encor qu’ils diient qu’on
en trouue en Ghillé. De Tonineil y en a en
quelques endroits de la. cofte du Peni , mais
c efl fort rarement , & font d’opinion , qu’à cer-
tain temps ils vont frayer au deftroit de Ma-
gellan comme ils font en Elpagnc au deftroir dç
Gibaltar. Etpour celle occaiîon , bon en trouue
dauantage, enlacoftedeChillé, combien que
celle quei’ay veuc par delà , n’eft telle que celles
d Elpagne. Aux Illes qu’ils appellent de Barloué-
rc qui font Cube,làind: Dominicque, port riche
& lamaique,! on trouue vn poiiïbn qu’ils appel-
lent Manati , cftrange clpece depoilfon , Ci poif-
fon l’on doit appellcr, vn animal qui engendre
Histoire natvrelle
fcs petits viuants,& a des mammelles & da laiâ:
dont il les nournft,pailTant l’herbe aux champs,
mais en efFe£fc,il habite ordinairement en Icaue,
& pour cefte occalîon ils le mangent comme
poiiîbn , toutefois lors quei’en mangeay,quifut
àS.Dominicque vniour de Vendredy, i*auois
quelque fcrupule, non point tant pource qui eft
dift, comme parce qu’en couleur & faueur, il
cftoit femblable à des morceaux de V eau,& auflî
cft-il grand Ôc de la façon d’vne vache, par la par-
tie de derricre.Des Tiburons , ôc de leur incroy-
able voracité , ic m’en efmerueillay auecraifon,
lors que ic veids que d'vn , qu’ils auoient prins,
(au port que i'ay dit) luy tirèrent du petit ventre
vn grand coufteau de boucher, vn grand haim
de fer, ôc vn morceau de la telle d’vne vache,
auec fa corne entière, encorne fçay li toutes
deux y eftoient point. le veids en vneanfeque
fait la mer où l’on auoit pendu en vn pieu , pour
palletcmpsvn Cartier de cheual, qu’en vn mo-
ment vne compagnie de Tiburons vindrent à
l’odeur , où afin d’auoir plus de plaifir , la chair
du cheual ne touchoic pasenl’eaue, maiselloit
eüeuée en l’air, ie ne fçay combien de palmes, ôc
celle bande de poiffons eftoient à l’entour, qui
fautoient(5c d’vne atteinte en l’air couppoient
chair & os , dvneeftrange viftefte , tellement
qu’ils decoupoient le mefme iarct du roulïîn
comme fi c’euft efté vn tronc de lai6luc,d autant
qu’ils ont les dents trenchantes comme rafoirs.
Il y a des petits poilfons qu’ils appellent, ram- i
bos, qui s’attachent à ces Tiburons , &lcfquels /
ils ne peuuent chalTer,&: fe nourriflent de cc qui V
peuuentchalTer;
DES Indes. Liv. III loj
cfchappe par les coftez à ccs Tiburonsr il y a
d’autres petits poillons qu’ils appellent, poiC-
fons vollans,lefquels l’onrrouuc danslcsTro-
piques, & ne penfe point qu’il y en ait ailleurs,
ils font pourfuyuis par les Dorades , Sc pour
s’efchapper d’icelles fautent de la mer, &vont
aflez loing en l’air , & pour celle caufe les appel-
lent poilibns volans, Ilsontdes ailles comme
de toillc , ou parchemin qui les fouPJenncnt
quelque temps en l’air. Au nauire où i’allois en
voila ou fauta vn , que ie veids , &remarquay la
façon que ic dy des ailles. Il ell fouucntfait men-
tion és hilloiresdes Indes, deslezards,ou cay-
mans,qu ils appellent, & Ibntdc vray ceuxquc
Pline, &les anciens appcücnt crocodiles , on
les trouue CS colles &riuieres chaudes j car aux
colles & riuieres froides,il ne s'en trouue point,
Ceftpourquoyiln’y en a point entoure la co.»
lleduPeru,iufqucsàPayra, mais de là cnauanî
1 on en trouu% ordinairement es riuieres. C’clî
vn animal tres-fier & cruel, combien quùlfol
fortlent& pefant. Il fait fachalfe, &va cher- '
cher fa proyc , hors de l’eauc , & ce qu’il y prend
vif,le va noyer en l’eaue, toutesfoisil ne le man-
ge point que hors de l’eaue, d’autant qu’il a Iç
gofier de telle façon, qiics'ily cntroitdel caue,
ilfcnoveroit facillcmenr. Cellvnechofccf-
merueillable,que le combat dVn caymanr, auec
le tygre , dont il y en a de trcf-cruels aux Indes
Vn religieux des nollrcs me raconta, qu’il auoic
vcii ces bePes combatre crucllement,l’vnc con-
tre l’autre, au nuage de la mer. Lccaymant, a-
uec la queue, donnoitdc fort grands coups au
Histoire natvrelle
rygre, & tafchoit par fa grande force de l’em-
porter en l eauë, &letygre auecfes griffes rc-
ffftoir au caymant, l'attirant à terre. E n fin le ty-
gre vainquit & ouurit le lézard , ce deutcftre
parle ventre qu’il a fort tendre & fort délicat,
car en autre partie il eft fi dur , qu’il n y a lance,
voire à peine arquebufe, qui le puiffe percer. La
victoire qu’eut vn Indien d’vn autre cayrnant,
fut encor plus excellente, lecaymant luyauoit
emporté vn fien petit fils , & quant ôc quant
s cftoit plongé en la mer, dont l’Indien efmeu
& courroucé, fe ietta incontinent apres, auec
vn coufteau en la main, & comme ils font ex-
cellens nageurs & plongeurs, & que le cayrnant
nage toufîours à fleur d’eauë, illebleflaauven-
trc,dc telle façon que le cayrnant fe fentant blef-
fé,fortithorsauriuage, & lafeha le petit enfant
iàmorr. Encor plus efmcrueillable eft le com-
bat, que les Indiens ont auec les balaincs , en
quoy paroift la grandeur & magnificence du
Creatcur,de donner à vne nation fi baffe , com-
me font les Indiens , l’induftrie & la hardieffe
d’attaquer la plus fiere & plus difforme befte
qui foit en r.vniucrs,&: non feulement de la com-
batte, mais aiiffi de la vaincre,& d’en triom-
pher fl gaillardement. Confiderant cela , ic me
fuisfouuenu plufleurs fois, dupaffage dupfal-
mifte, qui dit de la balaine : Draco ifte.quern forma-
padilludcndtim ei. Qi^llc plus grande moquefic
peut-il eftre, que ce qu’vn Indien meme vne ba-
leine auffi grande qu’vne montaigne, vaincue
& attachec,auec vne corde î La façon & manié-
ré dont vfent les Indiens de la Floride, ( félon
DES Indes. Liv. III. 104
que m’ont raconté perfonnes expertes ) pour
/prendre ces balaincs,dcrquelles y a grande quan-
tité, eft qu’ils le mettent en vnc canoë, ou bar-
que, qui eft comme vnc crcorce, & en nageant
S’approchent du cofté delà balaine, puisdVnc
grande dextérité ils luy fautent & montentfur
le col , & là fe tient comme à cheual , en atten-
dant Ion point i puis à fa commodité met vn ba-
fton aifgii & fort, qifil porte auec foy , dans la
feneftre delà narine de la balainc, i appelle na-
rine,le conduit , ou pertuis , par où relpirent les
baleines. Incontinentic pouife allant, auec vu
autre bafton bien fort, & le fait entrer le plus
profondément qu’il peut. Cependant la balei-
ne bat funeufement la mer, &ellcue des mon-
laignesdcauë, s’enfonçant dedans dVne gran-
de violence, puis refforr incontinent, ne Sa-
chant que faire de rage , l’Indien neantmoins
demeure roufiours ferme & aflis, &pour luy
payer l’amende de ce mal, luy fiche encor vn au-
tre pieu femblable en l’autre narine le faifanc
entrer de telle façon qu’il l’eftouppedu tout, &
luy ofte la refpiration , & alors il fe remet en fa
canoë, qiiil dent attachée au cofté delà balei-
ne auec vnc corde, puis (e retire vers terre ayant
premièrement attaché fa corde à labalaine, la-
quelle il va fillant & lafchat fur la balaine,qui ce-
pendant, qu’elle ttouue beaucoup d’caqc, faulrc
dVn cofté & d’autre , comme troublée de dou-
leur, & en fin s 'approche de terre, où elle de-
meure incontinentà fec, pour la grandeenor-
mite.de fon corps , fans quelle puilfe plus fc
mouuoir, ny fe manier lors grand nombre
Histoire natvrelle
d’indiens viennent rrouiier le vainqueur, pour
cueillir fes dcfpouillcs , ils acheuent de la tuer , la
découpant, & faifant des morceaux de fa chair
qui cft allez mauuailèjefqucls ils fcichent & pil-
lent pour en faire delà poudre, dont ils vfent
pour viande, qui leur dure long téps. Enquoy eft
accomply eequieft ditenvn autre pfalinedela
mefme baleine. Veâijh cum efu fo^ults ^thiopum.
L’ Adelentadc Pierre Mendés racôtoit plulicurs
fois celle pefchcrie,dc laquelle mefme fait men-
tion Modardes en fonliure. Il y a vnc autre pef-
cherie , dont vfent ordinairement les Indiens
en la mer , laquelle , quoy qu’elle foit moindre,
ne lailfe d’ellrc digne de raconter. Ils font com-
me des fagots de ionc, ouvarigfcc , bien liez,
qu’ils appellent Balfas , & les ayants portez fur
Icursefpaulcsiufqiiesàlamer, lesyiettent, Sc j
incontinent ils fc mettent delfiis , &ainli alTis j
entrent bien auant en la mer , vogansaucc de |
petites cannes , d’vn colle & d’autre , ils vont j
vnc ôc deux lieiies en l^autc mer pour pefeher, |
portails fur ces fagots leurs cordes ôc leurs rets,
& fe foullenants fur iceux ils iettent leurs rets,&
font la pefehants la plus grande partie de la
nui£l,ou du iour, iufqufes à ce qu’ils ayent emply
leur mcfurc , auec laquelle ils retournent fort
contens. Certes ce m’clloit vnc grande récréa-
tion, de les voir aller pelcher au Callao deLy- |
ma,pourcc qu’ils elloient grandnombre, & ain- |
fi chacun chcualier,ou affis , coupant les ondes |
de la mer, à qui mieux mieux, lelquellesà 1 en. ^
droit oùils pefehent font grandes , & funcu-j
fes, rcfcmbloient les Tritons, ouNcptunesv
qu’on
Des Inoes. Liv. III. loj
qu’on peint ëeflbs rcaüe,& cftâs arriuez en ter-
re tirent leur barque de rcaüc fur leur dos, la-
quelle auiîî roft ils defFont&eftêdcnt fur le riua-
gc à fin que les herbes fc fechet & cfgoutcnt. Il
y auoir d'autres Indiens des vallées de Yca , qui
auoientde couftume d’aller pefeher fur des cuirs
ou peaux de loups marins , enflez & pleins de
vent, ôc de fois à autre les fouffloient comme
pelotes de vent, de peur qu’elles ne s’enfonfaf-
fent. Au val de Ganete, qu’anciennement ils ap-
pelIoicntleGuarco , il y auoit grand nombre
depefeheurs Indiens, mais pource qu’ils refî-
fterentàTlngua, quand il fut conquefter cefte
terre , il feignit faire paix aucc eux : c’efl pour-
quoy à fin de luy faire fcfte,ils ordonnèrent vnc
pefche foIemncUe de plufieurs miliçrs d’in-
diens, qui en leurs vaiflèaux de ionc, entrèrent
en la mer,& au retour de l’Jngua , qui auoir ap-
pareille quelques foldats couuerts, fit d’eux vn
cruel carnage , & dcl à demeura celle terre tant
defteupiec , combien qu’elle foit fi abondante
&l:ertik. le VIS vne autre façon de pefeher où
me mena le Viceroy Dom François de Toile-
de: toutcsfoisce n’dloitpointcn lamer, mais
en vne riuierc qu’ils appellent Grande en la pro-
uince des Charcas.où des Indiens Chiraquanas
le plongeoienten l’eaüe , & nageans auec vne
admirable viftclfc fuiuoien t les poiflbns,& guec
de darts ou harpons qu’ils portoient en la main
droite nageans feulement auec la gauche bief-
^ ’ <S^ainfinaure le droienten
^ , reflcmblans en cela elère plus poiflons
<ia-hommts de terre. Mais grès que nousfpm-
O
Histoire natVrelle
mes forties de la mcr,venons à ces autres fortes
d’eaues qui reftent à dire.
VcsUciCt àeseft^mgsftel'on trome éi Indes.
Ch AP. XVI. '
V lieu de ce que la mer Médite rra^
f née eft au vieil monde, le Créateur
a pourueu ce nouueau de pluficurs
► lacs, dont y en a quelques vns fl
^grands que l’on peut proprement
appellcrraeri; veuque l’Efcriture appelle ainfi
celuy de Paleftine.qui n-eft pas fi grâd que quel-
ques vns de ceiix-cy.Le plus renomme eft celuy
deTiticaca,qui eft auPeru en la prouincedeCol-
lao, lequel comme i'aydit au bure precedent,
contient prefque quatre vingts lieues de tour.
& y entrent dix ou douze grands fleuues. Il y a
quelquetcmps quel'on commença ale naui-
aer auec desbStques & des nauires, & ypro-
cederent fl mal que le premier nauite quiyen-
tra s’ouurit d’vne tempefte qui s’efleua en ce
lac. L’eaue n’cft pas totalement amere ny la-
lée côme celle de la mer , mais elle eft fi efpaifle
qu-on ne la peut boire. Deux efpeces de poil-
fons s-engendrentencelac en fort grande abo-
dance. Ivn defquels ils appellent Suches.qui
eft grand & fauoureux . mais flegmatique oc
mal fain;& l’autre Bogas.qui eft plus fam . com-
bien quilfoit petit & fort efpineux. Il y a très-
grand nombre de canarts fauuages & de cet-
ccreulles. Quand les Indiens veulent faire te-
DES Indes. L IV. III.
ftc ou donner du pafl'etcmps à quelque perfon-
nagequi pafîc le long des deux riuages , qu’ils
appellent Chucuyto & Omaruyo , ils alTem-,
bicntvnc grandV quantité de Canoës, ôc vont
faifant vn rond pourfuiuans & eniërrans les ca-
nards iufques a en prendre aucc les mains tant
qu’ils veulent, & appellent ccfte façon depef-
cher Chacp. En l’vn ôc en l’autre riuage de ce
lac font les meilleues habitations du Peiu. De
fon y (Tue il naift ôc procédé vn autre lac plus
petit , encor qu’il foit bien grand, qu’ils appel-
lent Paria, au riuage duquel y a grand nombre
de beftial , fpecialcmcnt de porcs, qui s’enerraif-
fent extrêmement des herbiers qui croTlfent
en ces riuagcs.il y a beaucoup d’autres lacs aux
lieux hauts de la montagne d’où naillent des
riuicrcs ôc des ruiflèaux , qui vicnent de là en
auantà eftre fort grands fleuucs. Au chemin
d Arequippa a Collao , il y a au haut deux beaux
lacsd’vncofté Ôc d-autre du chemin : de IVn
fort vn rui{reau,qui depuis dénient fleuue , Ôc Ce
perd à la mer du Sud. De l'autre ils difent que
lafamcuferiuierc d’Aporima prend fon origi-
nCjdc laquelle 1 ont dit que la renommée riuie-
JTC des Amazones,autremenr dite deMaragnon,
procédé auec fa grande quantité ôc aflcmbléc
d’eaues qui fc ioignent en ces montagnes. C’eft
vnechofe que l’on peut fouuentcsfois deman-
der, d’où viét qu’il y a tant de lacs au haut de ces
montagnes ,efquels il n’entre aucune riuiere,
mais au contraire plufieurs grands ruiflèaux en
fortent,<?c fi n’apperçoit-on point que ces lacs
diminuent prefque en aucune faifon de lan
O ij
Histoire natvrelle
née. De penfct que ces lacs s’engendren t des
neiges fondues oudespluyes du Ciel, cela ne
fansfaitpointdii tout, car ily enapluricnrs de
ctmx-là düi n ont cefte abondance de neiges
ny tanÊdepluyes,5€ fi l’on ne s^apperçoit point
ou’ils diminuent. Ce qui fait croire que ce ionc
fources qui y naiflent & fourdent naturelle- ^
ment , bien qu’il ne Toit pas mal a^proposde
croire que les neiges & les pluyes y peuuent
aider en quelques faifons. Ces lacs fontli com-
muns aux plus hauts fommets des montagr^s,
qu’à peineya-ilriuierefameure qui nc tire Ion
origine de quelqu vn d'iceux. Leur eauc cft
fort nette & claire, ÔcCi engendre peu de poif-
fons , encor fi peu qu’il y en a , elle fort menu à
caufe du froid qui y ea continuellement : Com-
bien qu’il y ait toutesfois quelques vns de ces
lacs qui font véritablement chauds, qui eUvue
autre mcrueille : Au bout de la vallee de Tara-
autremeruemc.
paya proche de Potozi y a vn lac de forme rond
îel qu’il femble auoir efté fait par compas, heauc
diWKlefttrcs-chaude, combien que la terre ctt
foit extrêmement froide. Ils ont accouftume de
s>y baigner près du riuage , /«tant qu vn peu
auant l'on ne pourroit fouffrir la chaleur. Au
milieu de ce lac y a vn bouillon de plus de vingt
piedsen quarre.quieftfa vrayefourcei&neant-
înoins quoy que cefte fource en foit amfi grau-
de,iamais on ne le void croiftre en aucune faço,
& femble qu’il s’exhale de foy-mcfme , ou qu il ^
ait quelque iffue cachée &incogneue. On ne le |
void non plus diminuer, qui cft vne autre mer- |
ucillc, iaçoit que l’on en ait tiré vn gros ruifteau |
DES Tndis. Liy. IIÎ.
eourant pourfaire moudre certains engins pour
le merai , veu que pour la grande quantité de
reaüe qui en lorr,par raifon il deur oit diminuer
Or laiiTant le Peru ôc pafTant à la neufuc Efpa-
gne, les lacs qui s y trouuent ne font pas moins
remarquables , Ipecialcment ce tant "fameux de
Mexique ^ auquel 1 on trouue de deux fortes d’e-
aucs , 1 Vue fallée & femblable à celledcla mer,
ôc 1 autre claire ôc douce à caufe des riuieres qui
y en trent. Au milieu de ce lac y a vn rocker fort
plailant& délicieux où il a des baings d’caiie
chaude qui y fourdent, lefquels ils eftiment be-
aucoup pour la fancédl y a des iardiiis au milieu
de ce lac, fondez & portez fur Peaue raefoeoù
Tonvoid des parterres pleins de mille fortes
d herbes& de fleurs,&font de telle façon qu on
ne les peut bien comprendre linon en les voy-
ant.LaCité de Mexique eft fondée fur ce lac, en-
cor que les Elpagnols ayêt remply de terre tout
lelieu&affiettedicclle,lai{ransfeulementqiiel-
ques courants deaue, grands & petits qui entrét
& tournoyent dans la ville pour voidurer ce
qu’ils ont de bcfoin.comme bois,herbes^ pier-
res , frui(Sts du pays , & routes autres-chofes.
C^nd Cortès GonqueftaMexique il Hc Faire des
briguamins , ôc depuis luy fembla qu’il dk-ok
plus feur de ne s’en feruir point. Ceft pourqnoy
lis vfcntdes Canoës , dont y a grande abondan-
ce.Il y a en ce lac beaucoup de poilfon & de vi-
uier, combien que ic n’y ay pas vCu de )poilîbn
dcprixjtoutesfois ils difent que le reuenu de ce
lac vaut trois cens mille ducats. Il y a plufieurs
autres lacs non loin delà, d nu l’on porte beau-
O iij
Histoire natvrelle
€OUp de poiflbn à Mcxique.La prouincc dcMc-
chouacan eftainfi appcllée.pourcequec’cftvnc
Eroiiince abondante en poiflbn. Il y a de trcs-
eatix & grands lacs , efqiiels y a beaucoup de
poiffon , ôc eft ccfte terre faine & frefche. Il y a
plufieurs autres lacs 5 dcfquelsil n eft pas pollî-
ole faire mention , ny les {çauoir en particulier,
feulement l’ont peut remarquer parce qui en a
cftédifcouru auliureprccedétque fouzla Tor-
ride il y a plus grande abondance de lacs qu’en
autre partie du monde :& ainfi parce que nous
auons dit cy deflus,& le peu que nous dirons des
riuieres & fontaines , nous mettons fin à cefte
matière d’eaües.
Defîufears ûr* diuerjes Jeunes O* font Aines,
L y a e's Indes comme es autres
[parties du monde grande diuerfi-
' tédcfources , fontaines riuie-
I res 5 & quelques vues de proprie-
tez eftrangcs. En Guancâuelica
duPeruoù font les mines du vif argent,il y a ,
vnc fontaine qui ictte f eaüe chaude , & en cou- |
lant fon caüc fe conuertit en roche , de laquelle |
roche ou pierre,! on ediftie quafi toutes les mai-
fons du bourg. Cefte pierre eft molle , & aifee i
a coupper,car aucc vn fer l’on la couppe, & tail- \
desIndis. L IV. III io8
le auffi facilemcnr,c6me fi c’eftoie du bois,& efi:
Icgerc &de durce.Si quelques ho mmes,:ou ani-
maux boyucnt de cefte eauc , ils meurent d’au-
tant qu’elle fe congellc dedans leur ventre, & s’y
conuertiten pierre , pouil,çefte caufe en font
morts quelques cheuaux: Comme cefte eauc
fc va conuertiiranr en pierre , celle qui decoul-
le bouche le chemin au refte, tellement qu’elle
efteontrainte de changer Ton cours, & pour
çefte raifon elle court en diuers endroits,au pris
que va croiirant la roche. En la pointe ou
Capdefainefte Helene, y a vnefource ou fon-
taine de betum, qu'au Peru. ils appellent Cop-
pcy. Ce doit eftrc vue chofe femblableà ce
que dit 1 Eferiture^de ce val fau nage où fe trou-
uoient des puits de betiira. Les mariniers fc
feruent de cefte fontaine , ou puits de Cop-
pey , pour oindre & poifter leurs cordages
& appareils , pourcc qu’elle leur fert com-
me la poix & le bray en Efpagnc. L ors que ie
nauigeoisen lancufueEfpagnc , par la cofte du
Peru , le pilote me monftra Mlle qu’ils appel-
lent 1 Ille des loups , où il y a vne autre fontaine
& puits de Coppey , ou betum , auec lequel
mefmement ils breent les cordages . Il y a d’au-
tres fontaines Sc fources de goultran , que le
iufilit pilote, homme excellent en fa vacation,
me dit auoir veues , & qu’il luy eftoit adiienu
quenauigeant quelquesfois par cefte cofte là,
ils eftoit trouué fi auanten la mer , qu’il auoit
perdu la veuë de terre , & ncantmoins il auoit
recogneu par l’odeur du Coppey , où il eftoit,
aufli certainement, comme s’il euft recogneula
O iiij
HiSTome katvrelie
terre,téllecft Todeurqui fort continuellement
de celle fourcc. Aux baings , qu’ils appellent les
baingsdcl’Ingua , y a vn canal dVnc caue qui
fort toute chaude & bouillante, &ioignant icel-
le y en a vne autre dont l’eau cft auffi froide que
neige: L’Ingua auoit accouftumé de les mo-
dérer l’vneaucc l’autre, &eft vne chofe remar-
quable,qii’il y ait des fources de qualitez fi con-
traires , qui (ont & viennent fi près 1 vne de
l’autre. Il y a vn nombre infini d’autres fources
chaudes, fpeciallement en la prouincc des Char-
cas , en l’eau defquelles l’on ne peut endurer
& tenir la main l’elpacc d’vn Mmâ^comvat
ie l’ay veu par gageure. En vne maitairie proche.
dcCufcofourd vne fontaine defel , qui ainfi
comme elle va courant, fc va conuertifiant en
fel,qui eft blanc, & bon à mcrueilles : que fi elle
cftoit en autre contrée , ce né (eroit petite ti-
chefic, toutesfoisils enfontpeud’eftat , pour
l’abondance du fel qu’il y a là. Les caues qui
courent en Guayaquif qui eft au Peru , prefque
foubs la ligne Equinoxiallc , font tenues pour
falutaires , pour le mal Ncapolitain , & autres
femblablcs. A raifon dequoy I on y vient de
plufieurs lieux fort efloignez pour y receuoir
guarifon. Et difent que lacaufe de cela cft,
pour ce qu il y a en cefte contrée grande ^hon-
dancc de racines , qu on appelle falcepârcille,
la vertu & operation de laquelle éft fi cogneue,
& qu’elle communique fa propriété aux eaux
où elle cft mife, de guarir cefte maladie. Bilca-
notacftvnc montagne , qui félon bopinion du
commun , cft au plus haut lieu du Peru, le fom-
Dés Indes. Liv. III. iof>
met de laquelle eft tout couucrt de neige, & en
quelques endroits , effc noir comme charbon. îl
fort d’iccluy deux (burces en lieux tour contrai-
res , qui deuiennent incontinent fort grands
ruilîêaux , & peu à peu grands fleuries , IVn def-
qucls va à Collao dans ce grand lac Titicaca,
l’autre va aux Landes, &eft eduy qu’ils appel-
lèntYücay, qui fc ioignant aucc vn autre, fort
à la mer du Nort ^ ayant vn cours furieux & im-
pétueux. Celle fource quand elle fort de la ro-
che Bilcanota que i'ay dit, eftde lamcfme for-
te & couleur que l’eaue de Lexiue , ayant la
couleur cendrée, &iettantvnc fumée, comme
de chofe bruflée, laquelle court ainfi vn long
temps, iufqiiesàcc que la multitude des eaux
qui y entrent, luy cllcigneiit ce feu & fumcc^
qu’elle tire de fon commencement. En la iieuf-
ue Efpaghe i’ay v eu vne fource , comme d’ancre
quelque peu blcüc, Vne autre au Peru de cou-
leur rouge comme fang, d’où ils 1 appellent la ri-
uierc rouge.
Dfs Kjuitres,
Ntre toutes les riuicrcs non feule-
ment des Indes , mais auflî de tour le
mode vniuerfei, le fleuuc Maragnon,
ou des Amazones, tient la principau-
té , duquel nous auons parlé au liure precedent.
Les Elpagnols l’ont pluflcursfoisnauigc, pre-
tendans defcouurir des terres , quifelonle bruit
HiSTOTRÈ NAT V RE lie
commun , font fort riches , rpccialcracnt celles
qu’ils appellent de Dorado , & Paytiti. TAde-
lentadelcandeSallines , fit vnc entrée mémo-
rable , encor qu’elle fut de peu d’effed. Il y a vn
palTagc qu’ils appellent le Poiigo , qui doit eftre
vn des plus dangereux pas de tout le monde:
car la riuiere cftant referrée en cet endroit , &
contrainde entre deux roches tres-hautes en
précipice vient à tomber droidement du haut
en bas , auec vne grande roideur , où l’eaue par
la cheute quelle faid de fi haut,fait vn tel bouil-
lon, quilfcmbleimpoflible delcpafierfans fc
noyer. Neantmoins la hardiefie des hommes a
bien ofé entreprendre de pafler ce paffage,
pourledefirdc ce Dorado tant renommé. Ils
fclaiircrent couler du haut en bas , poulfezdc
la roideur & du courant du fleuue , fe tenans
bien aux Canoës ou barques , ou ils eftoient , &
encor qu’elles fullent renuerfées fens defius
dclfoubs en tombant , & eux & leurs Canoës
s enfonçafient en l’eauej neantmoins par leur
force & par leur induftrie ils fc remettoient &
recournoient tbufioiuscn haut, &dc celle fa-
çon efehappa toute l’armee , excepte quelque
peu qui fe noyèrent. Et ce qui ell plus admira-
ble , iis s'y comportèrent fi dextrement qu’ils ne i
perdirent pas mefme là munition ôc la poudre |
qu’ils portoient. Au retour , (pourcc que apres |
auoir enduré beaucoup de trauaux, & de dan- j
gers, ils furent contrainds en fin de retourner j
parce mefme lieu) ils monterait par l’vne de j
CCS roches tres-hautes auec leurs poigriards |
qu’ils fichoient en la roche. Le Capitaine Pierre (j
DES Indes. Liv. III. no
d’Orfua fit vne autre entrée par le inefincflea-
UC, lequel cftantmort fur ce voyage , ôc les foi-
datss ’eftans mutinez, d’autres Capitaines pourr
fuyuirentl’cntrcprinfe, par le bras qui vient iuf-
ques en la mer du Norr, Vu religieux de no-
ftre compagnie nous difoit, qu cftant feculier, il
fc rrouua quafi en toute cefte entreprinfe , &
que les marées monroient bien près de cent
lieucsa monrle fieuuc, ôc que à l endroit où il
vafe ictterdans la mer, qui eft quafi foubs la
lipc, ou fort proche d’icelle, il a foixante ac
dix lieues d’emboucheure, choie incroyable,
& qui excède la largeur de la mer Mediterra-
née; encor qu’il y ait quelques autres, qui en
leuis deicriptions , ne luy donnent que vino^t
cinq ou trente lieues d’emboucheure. Apres-
ceftcriuicre, tient le iccond lieu en l’vniucrs la
riuieredc Plata, oudargent, qui s’appelle au-
trement le Paraguey , laquelle court des monta-
gnes duPeru, & fc va perdre en la mer, en la
lauteur de trente cinq degrez au Sud. Elle
.roift, comme ils difent, énlamcfmc façon dit
^il, mais beaucoup d’auantage fans comparai-
bn , 6i rend les champs qu’elle baigne comme
me mer , par 1 eij^ace de trois mois , apres re-
ourne à fon cours , où les nauircs montent
îeaucoup de lieues à mont.Il y a plufieurs au-
resfleuucs, qui ne font pas tourcsfois de telle
grandeur , Ôc neantmoins cfgallent, voire fur-
>alTent les plus grands de l’Europe, comme cc-
□y de la Magdaleinc , proche de fainte Marthe,
a riuicre grande , ôc celuy d’Alüarado en la
icufuc Efpagne, &vn nombre infini d’autres.
Histoire natvrelli
Du cofté du Sud aux montagnes du Peru, les
fleuucs communément ne lont pas fi grands,
pource qu ils ont peu d efpacc de courir , & ne
peuLicnt alîèmblcr tant d’eaux, mais ils font fore
roides , à caufe qu’ils tombent de la montagne,
& ont des a uallagcs & des crues 'fiibitcs:à raifon
dequoy ils font fort dangereux, $c ont elle caufe
queplufieurs hommes y font morts. En temps
de chaleur,ils croifiènt & fe desbordent le plus,
l’ay trauerfë vingt fept riuicres en celle cofte,
dont ic ri’en ay pas palïc vnc feule à gué. Les In-
diens vfent de mil artifices pour palTerlesriuie^
rcs. En quelques endroits ils ont vne longue
corde qui trauerfcd’vn cofté àrautre,& en icel-
le pend vn panier ou corbeille, dans laquelle fe
fe met ccluy quiveiit pafler , Sc alors ils le tirenti
du riuage aucc vne autre corde , tellement qu il
paffe dedans cefte çorbeille.En d’autres endroits
Mndien palEc commcàcheualfur vn botcau de
paille, & derrière luy celuy qui veut palier, &
vogantauec vn bout daix pailc de cefte façon.
En d’autres endroits ils ont vn radeau de courges
ou citrouillcsjfur Icfquclles ils mettent les hom-
mes ou hardes qu’ils doluent pafter , & les In-
diens liez auec des cordes vontnageans, & ty-
rans apres eux ce radeau de citrouilles , comme
des chenaux tirent vn coche, ou carofte; d’autres
vont derrière poulfans les citrouilles pour leur
ayder. Paftez qu’ils font, ils prennent fur leurs ,
cfpauUes , leur barque de citrouilles , &c retour-
ner à nage, ce qu’ils font en la riuicre de la Sain-
te, au Pcru.Nouspaftafmes celuy d’Aluarado en,
kn^ufiie Efpaigncjfur vnc table que les Indiens(
Des Indes. Liv. III. ni
portoicnc fur leurs cfpaules, & quand ils per-
doienc terre , ils nageoienr. Ces artifices ôc mil
autres, dont ilsfe lcruent pour paficr ainfi les
riuicres, certainement font auoircrain die en les
regardant ôc contemplant, en ce qu^ils s’aident
de moyens fi dcbiles, & fragiles ^ Mais néant-
moins iis font fort aficurez. Ils n Vfent point
i autres ponts , que de crins ou de paille. Il y a
iefia en quelques riuieres des ponts de Pierre,
3aiHs par la diligence de quelques gouuerneurs,
nais beaucoup moins qu’il ne feroit de befoin
învne terre, ou tant d hommes le noyenr par
àute d’iceux,& laquelle donne tant de deniis,
lefquels non feulement TEfpagne , mais aufli
[autres royaumes eftranges baftilTent de fuper-
>es édifices?! Les Indiens tirent &deriuentdes
leuues qui courent des montaignes aux vallées
CS piaines,plufieurs & grands ruifieaux , pour
tioulcr la terre, ce qu'ils ont accoullumé de
aire d’vne telle induftrie , qu’il n’y en a pas de
leilleurs en Murcya, ny à Milan mefme, ce
uieftauffilaplus grande &totallerichefiedcs
laines du Peru , & de pluficurs autres parties
CS Indes. *
Histoire natvrelte
I
Pela qualité de U terre des Indes en général.
C H A P . X I X.
peut cognoiftrc la qualité delà
terre des Indes, en la plus grand’ part,
(puis que c’efi le dernier des trois Elc-
raensdcfquels nous auôs propofe de
traitter en ce liure ) par le difeours que nous a-
uons fait, auliure precedent, de la Zone Torri-
de , veu que la plus grande partie des Indes le
trouue fituce en icelle. Mais pour ce faire en- ,
tendre plus particuliercmét, i ay remarque trois j
fortes de terres, eneequeiay cheminé par ces
régions, dont il y en a vnc , qui eft balle , y ne au-
tre très haute, & l'autre qui tient le milieu de
ces deux extrémités. La terre balTe eft celle
qui eft en la cofte de la mer, dont il s’en trouue
par toutes les Indes, & eft ordinairement fort
chaude & humide, qui caufe qu’elle n eft pas li |
laine, & qu apreftnt on la voit moins peuplee,|
combien que au temps paffe, elle ait eftcbieiij
peuplée dlndiens , comme il appert , par le^s hi- 1
Lires de la neufue Efpaigne, & du Peru , & s y ,
conferuoient& viuoient, entant que la région]
leur cftoit naturelle , comme ceux qui y auoienC|
efté engendrez. Ils y viuoient delà pcfchedela|
mer & des femences , qu’ils faifoient, tiranS deSj
ruilfeaux ’des riuieres defquels ils xc feruoieiici
faute de pluye,d’autant qu il y pleut fort peu , &|
en quelques endroits n'y pleut point du tout.j
Cefte terre baflè abeaucoupdc lieux mhabita»-j
DÈS Indes. Liv.III. ixi
bics , tant à caufè des Tablons , qui y Tont dange-
reux, car ii s’y trouue des montaignes entières
de CCS {àblons , que a caule des marcicages qui
S’y font des caues defeendants des montaignes,
Icfquclles ne troiuians p oint d’y flTue en ces ter-
res plates & balFcs les noyent du tour, & les ren-
dent inuriles.Etàlavcritc la plus grande partie
de toute cefte coftede la mer, cftde cefte forte
CS Indes , principalement du cofté de la mer , du
Sud. L’habitation defquelles coftes eft â pre-
fent fi diminuée & mefprifée , que des trente
parts du peuple, qui y habitoir, les vingt neuf y
leffàillent,&: à Ton opinion , que le refte des In-
iiens finira auantpeu de temps. Plufieurs félon
curs diuerfes opinions attribuent celaàdiuer-
ès cailles, les vns au trop grand tranail^ que l'on
L donne a ces Indiens , les aurres au changement
k diuerfiré des viandes , Ôc boire dont ils vfcnr,
[epuis qu’ils communiquer auec les Efpagnolsi
:s autres au trop grand excésde boire, Mau-
res vices qu ils ont. Quantàmoy ie croy que
e defordre, eftlaplus grande caulc deleurdi-
iinution, &n’eft pas temps maintenant d’en
ifcourir d’anantage. En cefte terre baffe, (que
: dy gcnerallcment eftre mal faine & peu con-*
diable à l’habitation des hommes) il y a excep -
on en quelques endroits qui font temperez ôc
.rtilcs, comme La plus grand’ partie des plai-
es du Peru, où il y a des valons frais, ôc qui font
>rt fertiles. La plus grande partie de Phabira-
onde la cofte , entretient tout le commerce
’Efpaigncpar mer , duquel deifpcnd tout leftat
:s Indcs^ En cefte cofte il y a quelques villes
Histoire natvrelle
alTez bien peuplées , comme Lyma& Tmxillo,
au peru Panama ôc Carthagcnc , en la terre fer-
me,& es Ifles ûin£l: Dominicque,-port-richc,&
la Hauane, &plufieurs autres villes, qui font
moindres que celle cy , corne eft la vraye Croix,
en la nçufueEfpagne, Yça,Aricgua, &autres
au Peruj&: mefmes,les ports font communcméc
habitez , combien que ce Toit allez petitement.
La fécondé forte de terre, eft au contraire fort
haute,&par confequent froide ôcfeichc, com-
me toutes les montagnes le font ordinairement.
Celle terre n'cft point feriile nyplaifante, mais
elle eft fort faine, qui la rend peuplée Sc habi-
tée.Il y a des pafturages , & en iceux beaucoup
de beftiâl, ce qui fuftante , en la plus grand’ part,
la vie humaine, Scaueclebeftial, ils fupplcent
le deffaut qu’ils ont de bleds & femences par
leurs trocs , & efehanges. Mais ce qui rend en-
cor d’auantage ces terres habitées, & quelques
vncs fort peuplées,eft la richefte des mines , qui
fctreuuent en icelles, pource queroutobeità
l’argent, & à l’or. A caufe des mines il y a quel-
ques habitations d’Elpagnols &: d’indiens, qui
fe fontaccreües, ôc augmentées , comme eft Po-
tofi , & Guancauelicqua au Peru , & Cacatecas
cnlancufueEfpaigne. Il y a auflîpar toutes ces
montagnes , de grandes habitations d’indiens
qui auiourd’huy fc maintiennent , voire veut-on
dire qu’ils vont en augmentant,finon que le'' tra-
uail des mines en confume beaucoup , & quel-
ques maladies generallcs en ont mefme dc-
ftruit vue grande partie, comme le Cocoliftc^
enlaneufue Efpaignc, Toutesfois l’onnes’ap*
perçoitj
DES Indes. Liv. III. ir.
perçoit point qu’ils diminuent beaucoup. En
ccftc extrémité de terre haute , froide âc fei-
chcjil y a deux commodîtez , que i’ay dides des
pafturages, & des mines, qui rccompéicnt bien
les autres deux qui font és terres baffes de la
cofte , à fçauoir le commerce de la mer , & la
fertilité du vin , qui ne croift qu’en ces terres
fort chaudes. Entre Ces deux e3ttre{mcs,yala
rerre de moyenne hauteur , laquelle combien
qu’elle fait en quelques endroits plus baffe ou
plus haute l’vne que l’autre , ce ncantmoins elle
n approche ny delà chaleur de la cofte , ny de
1 intemperaturedes montagnes. Encefte forte#
de terre il croift beaucoup de femcnccs , de fro-
ment, d orge , & de mays , lefquellcs ne fe trou-
ucntaucunementés terres hautes , mais bien
aux balles : il y a mefme abondance de paftu-
rages , debeftiaî,defruids , &dcforcftsaf-
ffz verdoyantes. Celle partie eft la meilleure
habitation des trois , pour la fanté , & pour la
récréation. C'cft pourquoy auffi ce qui eft le
plus peuplées Indes , eft de celle qualité , ce
que i ’ay remarqué fort curieufement en plu-
fieurs chemins & voyages que i’ay faits , & ay
trouuépour vray, ce que les prouinces &: par-
ties mieux peuplées d’indiens , font en celÆ lî-
tuation. Que Ion regarde de près en la neufuc
Efpagne(quieft fans doute la meilleure pro-
uincc que le Soleil enuironne ) par quelque en-
droit de la cofte que l’on y entre , bon y va touf-
lours montant , & encor qff apres auoir monté
beaucoup, l’on commence à defeendre , tou-
testois c’eft fort peu , Sc toiifiours la terre y de-
P
Histoire katvrelle
meure beaucoup plus haute que ^celle^ de la co- ■
ftc. Tout le terroir de Mexique cft de cefte na-
ture ôc fituation , & ce qui cft es enuirons du :
Vulcan , qui eftla meilleure terre des Indes, !
comme auffi le font au Peru, Arcquipa, Gua- :
mangua,&Cufco , combien que ce foq l’vn *
plus que l’autre. Mais en fin tout y eft terre j
haute, encor que l’on y defcendcà des vallees
profondes , &: que l’on monte de hautes mon- i
tagnes , ilsendifent autant de Quito, Sain6te j
Foy,& du meilleur du nouueau Royaume.Pour
refolution , ic croy que la fagefle éc prouiden- |
% ce du Créateur, a pourucu cnceey , & voulu
pour le mieux, & que la plus grande part de ce-
lle terre des Indes fuft haute Sc cfleuce , afin
qu’elle fuftd’vne meilleure température. Car
eftantbaire,clle euft elle fort chaude foubs la
Zone T orride , principalement cftant diftante
ôc efloignée de la mer. Audi toute la terre que
i’ay veue és Indes , eft auoifince de montagnes
d’vn coftéjOU de l’autre, ôc quelquefois de tou-
tes parts. Tellement que i’ay plufieurs fois dit
par delà, que iedefirois me. voir en vn endroit,
d’où l’horifon fe formait & finift par le Ciel , ÔC
vne terre eltendue ôc vnic , comme 1 on voit en
Efpagne en mille campagnes : toutesfois ie n ay
point de fouucnance d’auoir iamais veu telles
veues aux Indes,fult aux Ifles, ou en la terre fer-^
me,encor quei’yaye cheminé plus de feptcenSj
lieues en longueur. Mais comme iaydit, le
voifinage des montagnes eft fort a propos cn|
cefte région, pour tempererla chaleur du So-;
leil. Par ainfi tout le plus habité des Indes , eft!
Dés lNt.ES. Liv. IIÎ. 114
de la façon que i’ay dit , ôc généralement toute
cefte terre eft abondante en herbages , paftura-
TEuropÉ
terre belle, fi verdoyante & pîeinTJe frifcadVsI
A eantmoins cefte réglé a quelques exceptions,
& principalemét en la terre du Peru,qui eft d’vn
naturel eftrangc, entre toutes les autres, de la-
quelle nous dirons maintenant.
J^espra^riete'^deUterredu Fem.
Ch AP. XX.
Ous entendons par le Peru , non '
point toute cefte grande partiedu
monde, qu'ils appellent l’Ameri-
que, puis que en icelle eft comprins
le Brefil, le Royaume de Chille' , &
celuy de Grenade, & toutesfois aucun d’iceux
Royaumes,n’eft lcPeru,mais tant feulement ce-
fte partie qui gift au coft é du Sud , commençant
au Royaume de Qmtto, qui eft foubs la ligne &
quiva courant en longueur iufqucs auRoyaume
deChillc,lcquel eft hors les Tropiques, quife^
royent fix cens lieues en longueur, & en largeur
ne contient point d’auantage que ce que com-
prennent les Indes , ou montagnes , qui ibnt co-
rne cinquante lieues communes, encor que en
quelques endroits,comnie à Chachapoyas , il y
air d’auantage.Cefte partiedu monde que l’on
appelle Peru ^ eft fort remarquable , & con-
P ij
Histoire natvrellb
tient en foy des proprictez fort eftranges, qui |
font quelle fert d’exception à la règle gênera- '
le des Indes. La première eft qu en toute .la co- !
fte il ne foufle continuellement qu Vn feul I
vent, qui eft le Sud & Suroeft , contraire à ce- ^
luy qui a accouftumé de courir foubs la T orri-
dc' La fécondé eft ,/qii’eftant ce vent de fa natu- |
re le plus violent ^ tempeftueux ôc maladif de
tous , neantmoins il eft en cefte région mer-
iicil'eufement gracieux, fain , & aggrcable , de i
telle façon que l’on luy doit attribuer 1 habita-
tion de cefte cofte , laquelle fans doute feroit ,
inhabitable ôc ennuyeufe, à caufede fa cha- |
leur, fi parfon fouftlcmentellen’eftoit addou-
cie. La troifiefme eft que iamais il ne pleut,
tonnc,neige , ny grefle en toute cefte cofte , qui
eft vne chofe digne d’admiration. Quartement
à peu de diftance de la cofte il pleut & nei^e ter-
riblement. Qmntement il y a deux chaines
demontaignes , qui courent l’vnc comme 1 au-
tre , ôc en vne mcfme hauteur du Pôle, néant- •
moinsenl’vneyade tres-grandes forefts, & y |
pleut la plus part de l’année, eftant fort chau- |
de. L’autre tout au contraire eft toute nue ôc \
defcouuerte, & fort froide, de forte que l’Hy- I
uerôd’Eftc font départis en ces deux monta-
gnes , & les pluyes ôc la ferenité mefme. Oc j
afin d’entendre mieux cecy , l’on doit confide- j
rcrqucle Perueft diuifé comme en trois p'ar-
ties , longues Ôc eftroittes , qu’ils appellent
Lanos, Sierras, ôc Andes. LcsLanos,fontla
cofte de la mer, la Sierra , font toutes monta- 1
gnes , Ôc quelques vallées , Ôc les Andes , font |
DES Indes. Liv. UT, jj.
montagnes afpres «rrudes. Les Lanos, ou co-
ite de la mer , ont quelque dix lieues de lame
en quelques endroits moins, &cn autresqu?!-
que peu d’auantage. La Sierra contient com-
me vingt lieues en large , & les Andes autant
tantoft plus , tantoft moins. Ils courent en
leur longueur Nort& Sud. & en leur largeur,
dOrientauPonanr. Ceft donc chofe merueil
leule.qu en fi peu de diftance , comme Ton t cin -
quante heues , efgallement efloignees de la
ligne &PoIc , y-air vne fi grande diuerfiré,
qu envniieuilyplenue prefque roufidurs , &
enlautrciln’ypleuiic quafiiamais. Une ple-it
ïamais en celle cofieou Lanos,cncor3 qn’il y
tombe quelquesfois vne eaue menue , o'i’ih
appellent Giiarua, &en Caftille MoIIina' Li-
quelle quelquesfois s’efpaiffit en certaines
gouttes d’eauc qui tombe , touresfois ce n eft
point choie ennuycurc,ny telle 3 qu'il foit be-'
loing de fccouunr pour cela. Les couuemues
ylonrdenatesauecvnpcude terre par deiruc
&leurell chofe fiiffifante. Aux Andes prerque
durant toute l’année i,ly pleut , combien qu'il
y aitenvntcmpsplusdcferenité qu’eu l'autre.
En la Sierra 3 quigillau milieu des deux extrê-
mes 3 il pleut au mefmc temps qu’en Elpagne,
qui eft depuis Septembre iufques en ASril
mais en l'autre faifon , le temps y dl plus fc-
ram, qui ell quand le Soleil en ell plus elloi-
gne &le contraire quand il en ell plus pro-
che,dequoy nous auons alTcz amplement traît-
re au hure precedent. Ce qu’ils appellent An-
des, 6: ce qu ils appellent Sierra,fom deux
Histoire natvrelle
cliaines de montagnes tres-hautes ^ qui doinent |
courir plus de mil lieues à veue Ivne de l’autre,
&prerquecfgalement. Il y a vn nombre infini ;
de vicugnes , qui naiflcnt & s’engendrent aux
Sierres, qui font proprement comme chieures
fauuages , fort viftes 6c fort agiles. Il y a mefmes
de CCS animaux, qu’ils appellentGuanacos& Pa-
cos,qui font des moutons, qu’on peut aufii bieri
dire les Afnes de ce pays , dequoy il lcra traitte
en fonlieu: & aux Andes fe trouuent des finges
fort gentils Ôc plaifants , ôc des Perroquets en
grande quantité. L’on y trouuc aiilTi îberbc, ,
ou arbre qu’ils appellent Coca, qui eft tant efti- \
me des Indiens , ôc la traite qu’on en fait y vaut i
beaucoup d’argent.Celle qu’ils appellent Sierre, !
fait des vallées es endroits où elle s’ouure , qui i
font les meilleures habitations du Peru,com- !
me eft lavallée de Xanxa,& d’ Andaguaylas,& de
Yucay. En ces vallées il croift du froument du ^
mays , ôc d’autres fortes de fruits, toutesfois és
vnes moins qu’aux autres. Plus outre que la cite
de Cufco(quieftoit anciennement la cour des ■
Seigneurs de ces Royaumes)les deux chaines de
montagnes que i’ay diètes fe retirent ôc s’efloi-
gnent d’auantage les vnes des autres , Ôc laiflent
au milieu vne pleine ôc large campagne, qu ils
appellent la prouince de Collao, où il y a grand
nombre de riuiercs,& beaucoup d’herbages &
pafturages fertiles , & là eft aufti le grand lac de i
Titicaca:mais encor que ce foit terre pleine, ôc à |
la mefme hauteur 6c intempcraturequela Sier- ;
re,6c qu’il n’y ait non plus d’arbres ny de forefts, :
desIn DES. Li V.' HT.
toutefois le defaut qu’ils ont du pain y eft reco-
penféparlesracinesqu’ils fement, lcrquclles
lis appellent Papas , & croisent dedans la terre.
Cefte racine eftle manger des Indiens. Car les fe-
chans & nctroyans ils en font ce qu’ils appellct
Chugno.qui eft le pain& nourriture de ces pro-
uinces. Il y a mefme d’autres racines & petites
herbes qu’ils mangent.C’cft vne terre fainc,& la
plus peuplée des Indes & la plus riche, pour l’a-
bondance des beftiaux qui s’y nourrilîent, tant
del eijaecc mcfnic de ceux qui {ont en Europe,
comme brebis > vaches &cheures, que de celles
du pays qu’ils appellent Guanacos.& Pacos,&
y a des perdrix aiPez abondâment. Apres la pro-
uincc de Collao vient celle de Charcas , où il y a
des vallées chaudes de grande fertilité ôc des ro-
ches tres-afpres, lefquellcs font fort riches de
mines,tellcmcnt qu’en nul endroitdu mondcil
n’y en a point de meilleures ny de plus belles.
Des cAufes ils donnent pomquoj il ne pleut dux U-
nos ou coJlesdeUmer,
Ch AP. XXI.
Autant que c eft choie rare&T ex-
traordinaire qu’il y ait quelque ter-
re où il ne pleuue iamais,ny tonnej
les hommes défirent naturellement
feauoir la caufe de telle nouiieauté.
Laraifon que donnent quelques vns qui ont rcr
cherchéde conlideré cecy de près, eft qu’il ne
P iiij
Histoire NATVRELLE
s’cflcuecnceftc coftc des vapeurs allez grofTes |
^ruffifantcspour engendrer la pluye faurc de |
matière : mais qu’il y a feulement des vapeurs :
petites & legeres , qui ne peuuent engendrer ^
autre chofe que les- broiiillars & rofées : corn- |
me nous voyons en Europe qivil y a bien fou-
uent au matin des vapeurs qui s’efleucnt , lef-
quellcs ne fe conuertilîènt pas en pluyes : mais s
feulement en brouillars. Ce qui prouient de la
matière qui n’eft point allez grolle & fuffilàntc
pour fe tourner en pluye. Et difent que la caufe ^
pourquoy cela , qui n’aduient qu’aucunesfois |
en Europe, arriue continuellement en la coftc |
duPeru.eftpoiir cequeccfte région eft tres-fe- |
chc& ne rendpoint de grofles vapeurs. On re- \
cognoiftfa fccherefle par le grand nombre de |
(àblonsquiyfont, & par ce que l’on n’y trou-
ue ny puits ny fontaines, finon en vne rres-grâ-
de profonditc de quinze ftades, (qui eft la hau- i
teurd’vn homme ou plus) ôc encor eft ce près |
des riuieres , l’eauc defquelles pénétrant la ter- 1
rcjcft caufe que l’on y peut faire des puits. Tel- j
lement que l’on a veu par expérience que le ]
cours des riuieres eftant deftourné , les puits le \
font taris iufqucs à ce qu’elles fulfenr retour- j
nées en leurs cours ordinaires , & donnent ce- s
fte raifon pour caufe materielle de ceft elfcéfci
mais pour la caufe efficiente ils en ont vne au- jj
tre qui n’eft pas moins confiderablc , qui eft: j
que la hauteur excelfiue de la Sierre , qui court
par toute la coftc , porteabry àces lanos , de
forte qu’elle empefehe qu’aucun vent n’yfouf-
fie du coftédelaterrc, fi ce n’eft fi haut qu’il |
Des Indes. Liv. III.
foitpar defftis les croupes de ces montagnes,
au moyen dequoy ilny court qu’vn reul vent
qui eft ccluy delà mer,lequel ne trouuant point
de contraire , nepreffe n y exprime point les
vapeurs quisefleuent pour en engendrer la
pluye , de maniéré que labry de la Sierre em-
pefehe que les vapeurs ne s’efpaiffifrent , &fait
qu elles fe conuertiffent toutes en bruines. Il y
a quelques expériences qui Ce rapportent à ce
difcours, d'autant qu’il pleut en quelques colli-
nés de la cofte qui ont le moins dabry, comme
font les roches d'Atico & d’Arequipa : mefmes
qu’il y a pieu en quelques anne'es que les Nôrts
ou Brifes y fouffloient , voire pendant tout le
tcmpsqu’ilsdurerent,commeil arriua en foi-
Xante &dixhuid: aux lanos de Trugillo, où il
pleutabondamraent j ce qu’ils n’auoient point
veupluficurs ficcles auparauant. D’anantacreil
pleut en la mefme cofte es lieux où les Brifes^ou
Nortsfont ordinaires, comme en Guayaquil
& es lieux où la terre fe haulfe beaucoup & fé
deftourne de l’ombrage & abry des monta-
gnes, comme en ceux qui font plus outre que
Anqua. C^elques vnsen difcourentde cefte
façon, mais que chacun en penfe ce qu’il vou-
dra : c’eft vne chofe certaine que defeendant
de la Sierre en ces lanos bon a accouftumé de
voir comme deux Ciels , IVn clair & ferain par-
le haut, & l’autre obfcur , & comme vn voile
gris tendu au deftbubs , qui couure route la co-
fte ^ mais en cor qu’^ n’y plcuue pas, cefte brui- v
ne y eft merucilleufcment profitable pour pro-
duire de l’herbe, &pourefieuer^& nourrir les
Histoirenatvrelle i
fcmenccs ; car encor qu ils ay cnt l’eaiie au pied |
tant qu’ils veulent qu’ils tirent des eftrangs ou j
lacs", toutesfois cefte humidité du Ciel a vne tel- ;
le vertu, que celfant de tomber fur la terre elle i
caufe vne grande incommodité & diminution |
aux grains & fcmenccs. Et ce qui eft plus digne |
d’admiration, les fablons fecs & ftcriles par cefte |
rofée ou bruine fc reueftent d’hcrbes&dc fleurs i
quieftvnechofe plaifantc& agréable à voir & |
de grande vtilité pour les pafturages du beftial, |
comme l’on void en la montagne, qu’ils appel- \
lent de fablon,proche de la Cité des Roys.
I>e U propriété de U neufueEjpdgnejdes Ijîes des au-
tres terres.
Chap. XXII.
A neufuc Efpagnc fiirpaflè les au-
tres prouinces en pafturagcs,qui cau-
fe qu’il y a vn nombre infiny de trou-
pes de cheuaux,vachcs , brebis & au-
tres beftiaux. Elle eft fort abondante en fruids,
& en toute forte de grain-, en fomme c’eft la ter-
re la mieux pourueue, & la plus accomplie qui
foit és Indes. Toutesfois le Peru la furpafle
en vnechofe , qui eft au vin , pourcc qu’il y en
croift abondamment , &debon , &dciour
en iour les vignes y vont multipliant &
mentant , lefquelles croiflent aux vallees fort
chaudes où il y a arroufement d’eaues. Et
combien qu’il y ait des vignes en la neufue Ef-
pagne , toutesfois le raifin n’y vient point en fa
DBS Indes. Liv. ni. nS
niamrit£pr&pre & eoDoenable pour en faire
du ym. U caufe eft pource qu’il pleut par delà
cil luiUet & qui sit quand leraifm mcu-
m : ^11; pourquoy il ne paruientà Ca maturi-
té. Q^ç (Lpar emiafiré i’on vouloit prendre
a peine d en faire du vin , il feroit cornme ce-
luy duGeu&uoi^r&rde JCombardie, qui eftfort
petit & forta^re , ayant vn gouft comme de
verdjus. Les mes qu’ils appellentde Barlouen-
te, qui font 1 £fpagnole._^Cube, Port-riche, ôc
aut resr en ces enuirons font ornées de beau-
coup de verdure &pafturages. & font abon-
dantes en beftial , fçauoir eft d’e vaches & de
porcs qui y four deuenus làuuages. La richeire
de CCS Ides fournies engins defucre, âc les cuirs
jly a beaucoup de caîTc & degingem-
brc. Et eft chofe incroyable de voir le grand
iiombredeces^marchandifes, que l’on enleue
en vn.eflorte,neftantqualîpas vray femblable
qu en toimc TEiiS^ipe uueupcuft tant gafter. Ils
cnenleuêtmÆfme^dtrbois de qualité 6c de cou-
eur exccllente,cômerEbene& autres qui fer-
uenraux édifices ^menuyEcrie. Il en y a beau-
coup quikappelent, ou Guayac
propre pourguarir la ver olle. Toutes ces Illes
&rcdfesqnifanr en ces enuirons qui font en
tres-graud nombre , ont vn trcs-bcau & rres-
plaila^ regard, pource que durant toute Lan-
nee elles &Qtreueftues d’herbes de d arbres , tel-
lement qu’ils ne peuucnt difçerner , quand il eft
utonne,ou efté,pour la coiirrnuelle humidité
^ î^eft iQintc auec la chaleur de la Torride , &
combien que cefte terre foit de cres-grande
Histoirb NATVRELLE
cftenduCjil yaneaiitmoins peu d habitations,
d’autant que d’elle mefme elle engendre de
grands Arcabutos,qu’ils appellent, qui font des
bois, ou taillis fort efpais , & qu’il y a beaucoup
de marefeages & bourbiers és plaines. Ils don-
nent vnc autre raifon notable , de ce quelles
fon t peu habitées, qui cfl: d autant qu il y cft re-
fté fort peu d’indiens naturels ,par l’inconfide-
ration & defordre des premiers conquefteurs
& peuplcurs‘,parquoy ils fe feruent la plusgrand
part de Nègres , mais ils couftent cher , acaulc
qu’ils font fort propres à cultiiier la terre. îlnc
croiftnypain,ny vinences Ifles, poureeque la
trop grande fertilité &vicc de la terre , ne les
laide grener , mais clleiette le tout en herbe
fort inegallement.il n’y a non plus d’oliuiers,au
moins ils ne portent point? doliues , mais beau-
coup de fucilles vertes ôc plaifaiites a la veüe,
qui toutesfois n’apportent aucun fruiéfc. Le pain
d ont ils vfenteft delà Cacaue , de laquelle nous
dirons en fon lieu.ll y a de l’or és riuieres de ce
Ifles',que quelquesvns tircnt,mais c’eft en petite
quantité ,par faute de naturels, qui lapprolfi-
f gf^X’ay elle peu moins d vn an en ceslfl.es, &ace
qui m’a efté raconté de la terre ferme des Indes,
où ie n ay point efté , comme la Floride , Nica-
ragua,Guatimalla,& autres , i ay entendu & ap-
pnns,qu’ellecftprefqnedecefte qualité , que
i ay ditte. Toutefois ie ne mets les chofes plus
particulières de nature , qui font en ces prouin-
CCS de terre ferme, pour n’en auoir parfaite co-
gnoilfance. La terre qui plus reflemble al El-
paigne,& aux régions de l’Europe, en routes les
DES Indes. Liv. III.
Indes Occidentales, eft le royaume de Chillé
quieft hors delà réglé generallc de ces autres
régions , d autant qu il eft fitué hors la Torride
& le Tropique de Capricorne- Celle terre de foy
cil frefehe & fertile , ôc produit de toutes les d
pccesdefruicasquifont en Efpagne, ^rappor-
te auffipnde abondance de pain &de vin, corn-
mcmefineelle abonde en pafturages ôc beftial.
LcCielyeftfain&ferain, entre le chaud &lc
iroidX’hyuer &1 Eflé y cil parfaitement & sy
trouuegrande quantité d’or, qui ell tres-fîn
Neantmoins celle terre cllpauure&peupcu-
plec,pour la guerre continuelle, que les Auraca-
nos & leurs alliez y font, d'autant que ce font
des Indiens robulles,& amis de leur liberté.
.^^l^terremcogneue.O'deUd'merftU^vnh^^
ttcr^ciuiejimreles Orientaux cr Occidentaux.
Ch AP. XXIII.
L y a de grandes conieélures qu’en
laZoneTcmperée, qui cil au Pôle
Antarrique, il y ait des terres gran-
|des 5c fertiles, mais iulqiies auiour-
d huy elles ne font defcouuertes , ôc
ne congnoit-on d autre terre en celle Zone, que
celle de Chille ôc quelque partie delà terre , qui
court d’Ethiopie au Cap de bonne Efperance,
comme il a elle dit au premier liure. On fçait
au ipeu J s il y a habitation aux deux autres Zo-
Histoire natvrelle
nés des Pôles, & fi la terre continue & paruient
iufques à celle du cofté de l’ Antardiquc ouSud.
L on ne côgnoit pas mcfme la terre qui gift pai-
féledeftroit de Magellan, dautantquelaplus
grande hauteur que l’on a cogneue d’icellc eftde
cinquante fix degréz,ainri qu il eft dit cy-dcuat,
& du cofté du pôle Articque,ou Nort,n’cn Içaic
on non plus iufques où va la terre , qui court
paftéleCapde Mcndoçin & les Calliphornes,
ny les bornes & fin de la Floride , & iufques ou
elle peut s’eftendre vers l’Occident. Il y a peu
de temps que Ion a dcfcouuert vne nouuelle
tcrre,qu’ils appellent le nouucau Mexicqiie, ou
ils difcnt,qu’il y a beaucoup de peuples qui par-
lent la langue des Mcxicquains.Lcs Philippines
& les Ifles fuyuantes, comme racontent aucuns
qui lefçauentpar expérience, courent plus dci
neuf cents lieues: mais de traitter de la Chine, |
Cochinchine, & Syam , & autres régions qui |
font de l’Inde Orientale , ce ftroit contre i^n |
intention ,qui eft feulement de traitter des Oc-i
cidcntalcs. L’on ne cognoit pas mefme la plusi
grand’ part de l’ Amérique qui gift entre le Peru
&leBrcfil, combien que de toutes parts Ion
en cognoifle les bornes. Surquoy il y a diuerlcs
opinions des vns & des autres, qui dilent, que
tout eft vne terre noyce , pleine de lacs & de
lieux aquatiques. D’autres afferment qu’il y a;
de grands & fleuriffans royaumes, s ’imagiUans
que là font le Pay titi , le Dorado , & les Cæfars;
oùilsdifcnt qu’il y a des chofes merueilleufcs,
l’ay ouy dire à vn de noftre compagnie, '
dignedcfoy,quilyauoit veu de grandes habt-|
DES Indes. -Liv UJ
tarions,* des chemins autant rompus &bat
tuscommefontceux de Salamanqueà Vaidla
dollit,ce quoi veid alors que Pierre d’Orfua &
deputsluyceuxquilujr fuccederent firent IW
tree& defcouuerte, parîagrande riuieredes
Amazones lefquels croyans que le Dorado
qu ils cherchoien t eftoi t plus auan t, ne fe fil!
rOorldo m"? *meurerent fans
leDoradoqu-ilsnetrouuerentpoint , & fa„s
ceftegrandeproumcequ-ilslaiiTerenr. De yray
c eft chofe lurques auiourd’huy cachée nul
1 habitation de 1 Amérique , excepté les ex^re-
mitez,qui font le Peru.le Brefil, dc^’cndroit oà
lateirecomracnceàs’eftteflîr, qui eft en la ri
Chille,&auxCharcas.Ily aforrpeu de temnt
quenousauons entendu.par lettredes noftre
qui cheminent en fainéle^ Croix de la 5^1^^
que I on va defcouurant de grandes prouinces’
& habitions, qui tombent en ceftepartie qu
eaentreleBrefil&lePeru. Le temps I sdlf
SukSn? à vouloir
ciicuir le monde d vnepart & d’autre . nous
pouuons croire , que toutaiiifi que l'on a def
couuerttoiitce qui eft cogneu iufques rpre:
fent Ion pourra de mefine defcouurir ce^ii
tefte.afinquele S.Eiiangile foit annoncéàlv'
nl^de^P les deux Couron-
nes de Pormgal , & de Caftille . fe font rencon-
treesparl’Orie„t& parle Posent, iufqS
âlaveritevnechoferemarquable, quelei vus
Histoire natvrblle
foient paruenus iufques en la Chine & lappon
par r Orient, ôdes autres aux Philippines qui
rontvoyfmes&prefquc contiguës à la Chine,
par l’Occident. Cardenac dcLuffon , qui eft
laprincipalle des Philippines, où eftlacitc de
Mammille,iufques àMacan,qui eft 1 illedeCau-
ton,iln’yaquequatre vingtsou cent lieues de
mer entre deux, &trouiie chofe merueilcule,
qu encore qu’il y ait fl peu de diftancede Tvn a
l’autre ilyancanrmoins , felonleur conte , vn
iour entier de diftercnce entre eux , de
iUUl CllLlCl ..
qu’il eft Dimcnche à M acan , lors que a Marail-
Ic il eft Samedy,& ainft du refte. Ceux de M acan
& la Chine ont vn iour aduancé , & ceux des
Philippines enontvn retardé.îladiiintau Pere
lonfe
AllonfeSanchés, duquel il eft fait mentioncy-
deuant, que partant des Philippines il arriua a
Macan,le deuxiefrae iour de May félon fon co-
te, & voulant dire l’office de faind Athanale,
trouua qu’ils celebroiêt la fefte de l’inuention
Sainde Croix, par ce qu’ils contoient là le troi-
fiefme de May. il Iny en aduint tout autant , en
vn autre voyage qu’il fit par delà Caciques vns
ont trouué cefte variation & diuerfitc cftrange, |
& leur femblc, que cela procédé de la faute des ^
vns, ou des autres , ccqui n’cft pas toutesfois,,
mais eft vn conte vray & bien obferuc : car fuy-
uant la différence des chemins par ou ont cite
les vns & les autres , il faut ncceffaircmcnt di- 1
re que.quand 1-on fe rencontre on doit auoir i
vniour de différence. La raifon ett pource que;
nauigeantd-Occidentàl'Orient , Ion va touf.
iour^agnaijtleiour, &ttouuel on
I
DES Indes. Liv. III.
Jeiier du Soleil, & au contraire ceux qui naui-
gentchOrientau Ponant, vont toufiours per-
dant le iour , & s en retirent arrière , pource
que le Soleil déplus en plus leur valeuant plus
tard, & comme plus ils vont approchant du
Lcuantoudu Ponant , plus ils ont le iourtoft
ou tard A u Peru , qui eft Occidental , au re-
Ipedt de 1 Efpagnc, Ton y demeure de plus de ïîx
heures arriéré ; de façon que quand il eft mi-
dy en Efpagne , il eft aube ou poind du iour au
Peru ; & quand l’aube du iour eft par deçà, la
minuKftfetrouue eftre par delà. l’ay faidhpreii-
ne certaine de cela , par la computation des
cclipfes di. Soleil & de la Lune. ^Maintenant
donc que les Portugais ont faid leur naulsa-
tira d Occident à l'Orient , & les Caftillans
d Orient en Occident, quand ils fe font venus
àioindre& rencontrer, qui a elle aux Philip,
pmes & Macan , les vns ont gaigné douze heu-
resdaduancc, & les autres en ont perdu tout
autant. Par ainft en vn mcfmepoinâ: & en vn
iDdme temps ils trouucnt la différence de vins:
heures, qui eft vn iour entier. Au moyen dt
quoyneccfrairementles vns fontau rroi/îefme
de May quand les autres content le dcuxicfme:
&quand les vns ieufnct le Samedy Sain6t,lcs au-
tr^ mangen t c% la chair pour le iour delà Refu r
rcction.Q^ finous voulons feindre qu’ils paf.
lallcnt plus outre, tournoyans encor vnc autre
foislemonde,&qu’ilsvfairentdu mefme cote,
quand ils rc^urneroient à fc ioindre ils fe trou-
ucroicntaiÆ bien par leur mefme côte en deux
urs e iffcrcncc. Car comme i’aydit,ceux qui
0^
Histoire natvrelle
vont au Icuer du Soleil vont contant le iour plu- i
lloftjXorame le Soleil leur va Icuanrpluftoft, &
ceux qui vont au couchât au contraire vont c5-
tant le iour plus tard, d’autant qu’il leur va fortât '
plus tard. Finalement la diuerfité des midis fait ,
le diuers conte des iours.Et d’autât que ceux qui
vont nauigeants du Leuant au Ponent,vont châ- !
géants leurs midis fans le fentir^Sc toujours ne-
antmoinspourfuiuentlemeihiecontooù ils fe
trouuent quant ils partent, ilcftnecclïàirequ’a-
cheuants le circuit du monde ils trouuent faute
à leur conte d’vn iour entier.
Des Volcms ou huches de feu,
i
Chap. xxiiir. I
O MB I E N que l’on trouiic en d’au- |
très endroits des bouches de feu, I
comme le mont Ætna & Vvefuuio,
quauiourd’huy ils appellent le mont
de Soma , neantmoins c’eft chofe remarquable
que ce qui fe trouue es Indes. Ordinairement
ces Volcans font rochers ou pics de montagnes
tres-hautes qui s’efleuent par dclTus lesfommets ‘
de toutes les autres montagnesflis ont en leurs
fommitez vne planurc,&: au milieu vne folTe ou
grande bouche qui defeend iufques au profdnd
ou pied d’icclle^, qui cft chofe efpouuentable à
roir.De ces bouches il fort de la fumée, & quel-
quesfois du feu.Il y en a quelques vus quiiettent
bien peu de fuméç,6cprcfquc n’ont aucune for- >
, „ P Xndis. Lir. nr. lu
me de Volcans.comme ell celuy d’Arequipa.qui
eftd vnehauteurdemefurceAprefque du tout
de fable qui ne fe peut monter en moins de deux
"■/■^«ouuéaucuneap-
parencedefeu mais feulementlesveftiges de
quelques facnfices que faifoient là les Indiens
lorsqu ;lseftoient Ge'tils.Etquelque peudefu-
raee qu il ictte quelquesfois. Le Volcan de Me-
xique.quicftproche du bourg desAnges,eftauf-
fidvnehaureuradmirableoùl’onmo1i« trente
lieuesen tournoyant. Dece Volcà fortmon pas
cominuellementimais de fois à aiitre& prcfque
hafque lour.yne grolTe exhaltation& rourbillô
t^s^^r'd I P" ftitfemblableàvn
re P né ''"«““«noire&obfcu-
le.Plus communément ellefortaumatinaDres
encoTqiti^n"*’ il fe couche,
encoi quel en ay veu forrir en autres heurpç Tî
orraulii quelquesfois apres ceft fomleLu
coupdecendres. Defeul’onn’en a encor-veu'
erres iSc dclairs fi grands que l’onvoid& oir
d^uiairementences parties. Quelques Efpa
QJj
Histoire natvrelle
faire pour dcfi:ouurir ce qu’il y auoit en ce V ol-
can. Les Volcans de Guatimalla font plus renô-
mez tant pour leur grandeur & hauteur, que les
nauigeans en la mer du Sud dcfcouurent de fort
loin, que pour rcfpouuentement & violence des
feux qu’ils iettent de foy. Il arriuaau 2;. de Dé-
cembre de l’an pâlie 158^. que toute la Cite de
Guatimalla prefquc tomba d’vn tremblement
de terre, où demeurèrent mefme quelques per-
foniies. Il y auoit défia fix mois que de iour &
de nuia leVolcan ne cefibit de ietter par le haut
3c comme vomir vn fleuue de feu,la matière du-
quel tombante aux coftéz du Volcan, fe con- I
uertilfoit en cendre comme terre brullee(cho- ,
fe qui furpalTe le iugeraent humain d entendre i
comme il peut tirer de Ibn centre tant de matie- j
re qu’il icttoit hors de foy durant ces fix mois: |
pource qu’il n’auoit accouftumé de ietter que |
de la fumée & non pas roufiours, mais quelques 1
fois de petites flaramefehes. Cela mefuteferit 1
cftant en Mexique par vn Secrétaire de l’Au- :
dience de Guatimalla, home digne defoy,voirc ^
ii’auoit pas encor alors celfc ce Volcan deiet- ,
ter ces feux que ie dy. Ces ans pafiez me trou-
uant en Quitto en la Cité des R oys, le V olcan
qu’ils ont proche iettoittant de cendre, quen
beaucoup de lieux en circuit il pleut tant de
cendre qu’elle obfcurciflbit la lueur du iour 5c ■
en tomba telle abondance en Qmtto qu il ti e - ;
ftoit poffible de cheminer par les rues. L’on a
veu d’autres Volcans qui ne iettent ny flamme
ny fumée, ny cendre mefme, mais l’on les void i
brufier au fonds d’vne viuc flamme fans famor-i
DES Indes. Liv. III. 125
rir: de telle façon eftoir celui qu en noftrc temps
vn preftre cupide «Sc auaricieux fc peifuada que
ce qu’il voyoic bruilant eftoient mafFcs d or , iu-
gcaiit en foy mefme, que ce ne pouuoit cftre au-
tre métal ny mariere,chofe qui depuis tant d’an-
nées ardoit (ans fc cônfbmmer,^ eftant en cefte
perfuafion, il fît de certaines chaudières & chai-
Dcs , aucc ne fçay quel inftrumeiit pour cueillir
& retirer lor de ce puits ou Volcan : mais le feu
fc moqua de luy,pource que k chaine de fer Sc k
chaudière n approchoyent pas pluftoft du feu^
quaulTiroftcllcs nefedesfilfent &fuiTent cou-
pées comme iî c euh: cfté des cftoupcs.Cc néant-
moins on me dih: que ce peribnnage s’obftinoit
tou/îours, &alloit recherchant d’autres inuen-
tionspour tirer &puiferccft orqu’il imaginoit.
eif Uc4uppourquojile feua^lafrmee durent
JUong temps en ces Folcans.
Ch AP IX. XXV.
n cft ja befoin défaire mention des
autres V olcans , puiique par les delTuf-
^^^^^diéts l’on peut entendre ce qui en eh:,
toutesfois c’eft chofe digne d e recher-
cher quelle ch: k caufe qui fait durer le feu & k
lumec en ces V olcans : pource qu’il femblc que
ce foit chofe prodigieufe, voire qui excede le
cours naturel de ictterdc leur cftomac tant de
nammes comme ils en Yomilfent.D’où procède
celle matière qui k leur donne, ou comme ell
elle engendree k dedans ? Quelques- vns ont eu
apinion que ces Volcans vontconfommantk
iDatierc intérieure qu’ilsontde leur nature, ôc
Histoire NATVRELLE
croyentpour ceftecaufe que naturellement ils j
prendront fin , quand ils auront confommc le I
boiSjpar maniéré de dire, qu’ils ont en eux. Suy-
uant ccfte opinion , l’onvoid auioiird huy quel-
ques montagnes ou rochers , d’où l’on tire de la
pierre bruflee.qui eft fort legere: mais fort dure,
& eft excellente à faire édifices & baftimens,
comme celle que l’on apporte en Mexicque
pour baftir.Et en effedt il y a des apparences à ce
qu’on dit , que ces montagnes ou rochers ont eu
autresfois vn feu naturel,qui s’eft cfteint apres la
matière confommee.Et par ainfi ces pierres font
demeurées bruftees & penetrees du feu, com- |
me on les void. Quant eft de moy, ie ne veux j
pas contredire, qu'il n’y air eu autresfois dui
feu, ou qu’en ces lieux, au temps pâlie il n’y;
ait eu des Volcans. Mais ce m’eft chofe difficile |
à croire , qu’il en foit ainfi de tous les V olcans, '
veuque la matière qu’ils mettent hors, eftquafi i
infinie, & qu’elle ne pourroit plus eftant amaf-'
fec enfemble, cftre comprinfc dans ceftecon-
cauité mefm c dont elle fort. Outre cela il y a .
des Volcans, qui en centaines, voire milliers
d’annecs , font toufiours d’vne mefme façon,
icttans côntinucllementdelafumee, du feu, &
' de la cendrc.Pline hiftoriographe naturel (félon
que référé l’autre Pline Ton nepueu ) recher-
chant ce fecrer pour voir comme fe paflbit ce-
ftc affaire, & s’approchant de trop près de l'ex-
halation du feu , de l’vn de ces V olcans mourut,
& penfant en venir à bout par fa diligence , vint
à bout de fa vie. Pour moy fur cefte confidera-!
tion,ie pcnfc,& eft mon opinion,que comme il;
DES Indes. Liv. III. 124
y a des lieux en la terre , qui ont lavertu d’atti-
rer à foy la matière vaporeufe, & de la conuer-
tir en eaue , qui Conx les fontaines îefquelles
tôufiours découlent, & toufîours ont dequoy
decouller , entant qu elles attirent à foy la ma-
tière del’eaue : anjfïi de mefme il y a des lieux
qui ont la propriété d’attirer à eux les exhala-
tions chaudes , & de les conuertir en feu ôc en
fumée, & par leur force ôc violence, iettent
mefme d’autres matières efpaifles qui fe refol-
uent en cendre,cn pierre de ponce, ou autre ma-
tière femblable,& qui eft vn argument fuffifant,
qu’és Volcans cela (oit ainfi, c’eft qu’ils iettent
en certain temps de la fumée, non pas toufiours,
Sc en certain temps du feu,& non toufîours, qui
cft félon qu’ils ont peu' attirer à foy & digérer,
comme les fontaines en temps d’Hyuerabodêt,
& en Efté diminuent, voire quelques-vnes fe-
chent du tout , félon la force & vigueur qu’elles
ont,& félon la matière qui fe prefénte; ainfî eft il
de ce que ces Volcans en diuers temps iettent du
feu, plus ou moins. Les autres difènt que -c efl le
feu d’enfer, & qu’il fort par là , pohr feruit d’ad-
uertifîèment, afin de confiderer par là ce qui efl:
cnl autre vie:mais fi l’Enfer, comme tiennent les
Théologiens, efl: au centre de la terre, laquelle
tient de diamètre plus de deux miHe lieûcs , l’on
ne peut pas iuger, que ce feu foit du centre^ d’au-
tantplus que le feu d’Enfcr, félon que SiBafîle 5c pr^i
autres enfeignent,efl: fort different dc^eftui que
nous voyohs,pource qu’il efHàns lümiere,&ard exam>
& brufle, fans cotnparaifon plus que le noftie.
QJiij..
Histoire N A TVRE LIE
Ainfî ie conclus que cc quci’ay didmefemble
pIusEaifonnablé.
Des tremhlemensâe terre. ) *-
C H A P. X X V r.
Velques-vns ont pcnfé , que de ces
Volcans qui font es Indes procèdent
les tremblements de terre, aflez fre-
qiiens par delàrmais parce qu’ils vié-
nent ordinairement CS lieux qui font cfloignez
de ces Volcans, ce n’en peut paseftre la caitfc
totale. Il eft bien vray qu’ils ont certaine forme
& fympathie les vns aueclcs autres : pource que
les exhalations chaudes qui f engendrent és in-
times concauitez de la terre, fcmblcnt eftrc la
principale matière du feu de ces V olcans,par lef-
quels mefmcs s’allume vne autre matière plus
grofïc, & rend ces apparences de flâme & fumée
qui fortcnt.Et ces mefmcs cxhaladôs ne trouuâs
au dedans de la terre aucune fortic aifce,meuuét
la terre,pour Ibrtir aucQvne grade violencc,d’ou
vient le bruit horrible qu’on entend au deifoubs
delà terre, &:mefmc lemouuementdelaterre,
cftant agitee de cefte bruflante exhalation.Tout
ainfî comme k poudre à canon és mines ôc arti-
fices , ëftant réuchec du feu rompt les roches Sc
les murailles: &commc la chaftaigne mife au feu
faute & fe rompt en faifant bruit , lors quelle
iette dehors l’air qui eft enfermé dedans foii
cfcorce, parla vigueur du.feu; Audi le plus ordi-
nairement ces tremblements de terre ont ac-
couftumé d’aduenir aux endroits maritimes.
DES Indes. Liv.III . 12,
qui font voifins de leaue. Comme l’on voit en
î h urope, Sc aüx Indes, que les bourgs &: villes
pluselloignées delà mer & des eaux, Tentent
moins ce trauail, & au contraire ceux qui font
«ports de mer, es riuieres, és codes , &és
lieux quien font voifins , endurent plus celle
calamite. Ileftaduenuau Peru vne cliofemer-
ueilleufe & digne de noter, fçaubir qu’il y a eu'
des rremblemens de terre qui ont couru de-
puis Chillc .iufquesà Qiiitto , qui font plus de
cinq cens lieues, le dy des plus grandes dont
on au ouy parler, car les autres moindres y
font allez ordinaires. En la colle de Chillé ('il ne
me fouuient quelle année ) fut vn tremblement
de terre fi terrible , qu'il tenuerfa les monta-
gnes entières & par ce moyen empefeha le
courant des Heuues . qu'il conuettit en lacs, il
abbaritdes villes, &tuagrand nombre d hom-
mes, faifantfortirla mer de fon lieu, quelques
lieues bien auant , de façon qu’elle laillUes na-
uiresa fec, bien loing de la rade- ordinaire^ &
P uficurs autres chofes trilles & efpouuenra-
bles. Etfi bien m en fouuient, ilsdifent que le
trouble & efmotion que fit ce tremblement
courut trois cens lieues , le long de la colle. A
peu de temps delà, quifutl'an dequatre vingts
deux , vint le tremblement d’Arequipa , qui ab-
batit & ruina prefque toute celle villelà. Du
depuisen lanquatrevingtsfix, leneufiefmede
iuillct, aduintvn autre tremblement enlacitc
des Koys , lequel félon qu’eferiuit le Viceroy
auoit couru e long de la colle cent foixante&
du lieues, & de trauers dedans la Sierre cin.
c
£cclef.y
Histoire natvrelie
quatîtc lieues. La mifericorde du Seigneur fut
grande en ce tremblement, de preuenir le peu-
ple par vn grand bruit, qu'ils ouyrent quelque
pcudeuantlc tremblement, &: comme aduertis
par les expériences paflees, incontinent fc mi-
rent en rauueté, Ibrtant és rues, places &c iar-
diiis , finalement és lieux defcouuerts , par ainfi
encor qu elle ruina beaucoup ladite ville, & que
les principaux édifices dicelle tombèrent, ou
furent à demy ruinez , neantmoins on dit ^qu’il
n’v demeura que quinze ou vingt perfonnes leu-
Icment de tout le peuple. U fit en la n:^r le
mefrae trouble acmouuement qn auoit faict ce-
luy de Chillé, qui fut incontinent apres le trem-
bleraentde terre, fi que l’on veid la merfortir
fiirieufe & bondilTante de fes nuages , & entrer
au dedans de la terre prefque deux Mes auant:
car elle monta plus de quatorze brafles , & cou-
urit toute cefte plage, tant que les digues &
pièces de bois qui eftoyent la , nageoyent en
, feaue. En apres l’an enfuyuant, il y eut encor
vn autre tremblement de terre au Royaume &
cité de Quitto , & femble que tous ces notables
trembleuTens de terre en celle colle , « fiic-
cedé les vns aux autres par ordre, & de laidl elle
cllfubictteà ces inconueniens. Ceftpourquoy
encor qu’en la colle du Peru ils ne foyenttour-
mentez du Ciel des tonnerres & foudres , ils ne
lailTent pas toutesfois d’auoir de la crainte du
colléde la terre, &ainfi chacun ^aeuantfoy à
veüe d’oeil les hérauts de la diurne luftice , afan
de craindre Dieu. Car, comme ditlEfcrituie,
Retournant donc à nollte
DES Indes. L i v. II I. nS
propos, ie dy que les lieux maritimes font plus
fubi^ts à ces tremblemens dont la caufe eft,
comme il me femble,qucreaue bouche &eftou-
pe les conduits & ouuertures de la terre, par
où fe deburoyent exhaler & fortir les exhala-
tions chaudes, qui Pcngendrcnt en icelle. Et
mefme que l’humidité erpailîîirant la fiipcrfîcie
de la terre, fait que les fumees Sc exhalations
chaudes fe refferrcnt & fe rencontrent plus
violemment la dedans, qui par apres viennent
à rompre en s’enflammant. Q^elques-vns ont
obferuc que tels tremblemens de terre ont ac-
couftumé de s’efmouuoir , lors qu'il vient vn
tcmpspiuuieux, apres quelques fcches années.
D où vient que Ton dit que les tremblemens
de terre font plus rares és lieux où il y a grand
nombre Sc quantité de puits , ce qui eft approu-
iiéparlexperience. Ceux de la cité deMexic-
que ont opinion que le lac , fur lequel elle cft fi-
tuec, caufe les tremblemens de terre qui y fur-
uicnnent , encor qu ils n’y Ibycnt pas beaucoup
violens, &c’eftchofc certaine, queles villes &
prouinces fitiiees auant dedans les terres, &
qui font jplus efloignees de la mer, reçoiuent
quelquesroisdegrandsdommagesde ces trem-
blements, comme la cité de Chachapoyas aux
Indes , & en Italiç celle de Ferraré: encor que
furccfubiedilfemblcque celle cy, pour eftre
voifine d’vne liuicre , Sc n’eftrc pas auflî fort ef-
loignec de la mer Adriatique , doiue pluftofl:
cftre[mife au nombre des villes maritimes. En>
l’an mil cinq cens quatre v ingts & vn , en Chu-,
guiano, cité du Peru , autrement appellee la
Histoire natvrelle
Paix , arriua vn cas fort eftrange fur ce propos,
c'cft qu Vn bourg,appellé A ngoango,auquel ha-
bitoient plufieurs Indiens, enchanteurs & idola- i
très, tomba inopinément en ruine , de forte que
vne grande partie de ce bourg fut enleuée & em-
portée,dont plufieurs de ces Indiés furent eftou-
fez,& ce qui femblc incroyable (neantmoins at-
telle par perfonnages dignes de foy ) la terre qui
fc ruina & qui s’abbarit ainfi, courut & coula fur
Icpays l’elpace d'vne lieue & demie , comme fî
c’euft elle de leaue ou de la cire fondue de façon
qu’elle boucha & remplit vn lac, & demeura
ainfi cftendue parmy toute celle contrée.
i
amme U terreur U mers* emhrajfenf
l'vn l'autre,
Chap. XXVII.
!
’Acheueray par cell élément de la i
latcrre,leioignantauecleprece- ■
dent de l’caue , l’ordre & embraf. |
fement defquels ell de foy certai-*
nement admirable. Ces deux élé-
ments ont vne mcfme Sphere départie entr eux,
&fcvont embralTans & accollans en mille fa- I
çôns & manières. Par quelques endroits l eaue '
combat furieufement la terre , comme fon en- I
nemie, & en autres , elle la vient enceindicd v- j
ne façon fort douce & amiable, il y a des lieux i
où la mer vient entrer dedans la terre bien a- |
uant, comme venant lavifiter , & d autres el-
quels la terre fe recompenfe, iettant en la mer-
BES Ind ES. LîV, III.
fês caps,pointes, & langues auancces, qui vont
pcnctrâr iufqucs aux entrailles. En quelques en-
droits Ivn élément s acheue,&Fauttc Ce cômen-
cc/e donnantplacc peu àpeu iVn à 1 autre. Aux
autres chafeuns d*eux(lors qu’ils fè ioignent) ont
vnc tref.grande profondeur, & clîeuation, com-
me il fe trouue des Ifles en la mer du Sud,&mef-
me en la mer duNort,dcfquelles les nauires fap-
prochent tout contre.Et quoy qu’ils y iettentla
fonde enfoixantc Sc dix & quatre-vingts braf-
lecs, fi eft-ce qu’ils n’y trouucntpoint de fonds.
Qsfaiaiuger, que ce font comme des pics ou
pointes de terre,qui montent du profond,&fcf-
Icucnt en hautjcholc digne de grade admiratiô.
A ceproposmedit vnPilotefort experimentéi
que les Ifies, qu’ils appcllétdcs loups,&d’aurres,
qui lont lur le commencement de la cofte de la
neufue Efpaigne, qu’ils appellent des Cocos c-
Itoient de celle mcfmc façon. D-auantage il fe
trouuevnendroitau milieu du grâd Ocef, hors
de la veuë de terre , & edoigné jd’icelle de plu-
licurs lieues,auquel Pô voit comme deux tours,
ou pics,d’vne roche fort hault cflciicz,quiforrêt
du milieu de la mer,&neantmoins ioignant icel-
les 1 on ne peut trouuer ny fonds ny terre. L’on
lie peut encor certainemen t comprendre,ny re-
cognoiftre,quclle cft la forme entière & parfaite
de la terre des Indes, pour n’auoir efté les extre-
mitez d icelle du tout defcoiiucrtes iufqu’àpre-
lent. Ncantmoins nous pouuons dire comme à
trauers,qu elle peut eftre comme vn cœur, auec
Ui ehl au Pcru,Ia pointe au defiroit deMagellan
Histoire natvrelie
& le haut où il s’acheue eft la terre ferme, & de là
commence le continent à s’cflargir peu à peu,iuf
ques à arriuer à la hauteur de la Floride & terres
fuperieures, qui ne font cncor bien cogncües.
L’on pourra entendre d’autres particularitez de
cefte terre des Indes, par les commentaires que
lesEfpagnols onteferit de leurs fuccés & def-
couuertes,& entre autre de la pérégrination que
i’ay efcripte,qui à la vérité eft eftrange,&en peut
donner beaucoup de cognoilFancc, & eft ce qui
m’afemblé fuftîre à prefent pour donner quel-
que intelligence des chofes des Indes,-quantaux
communs éléments, defquels toutes les parties
du monde font formées & compofées
LIVRE QVATRIESME
de LHISTOIRE NATVREL-
le ôc morale des îndes.
Chapitre premier.
ne trois genres de mixtes.ou compofel(^ , dent ie dois
tramer en cefie hijioire,
Y A N t traitté au liure
precedét de ce qui tou-
che les elcmens, les
/impies dcslndcs^nous
parleros en ce prefent
îiare,dcs mixtes & des
compofez, entant qu’il
nous sêblera conuena-
ble au fubjeâ:, dot no’*
voulons traicter.Efco-
Die qu ily ait beaucoup d’autres gères diuers,nb^
teduiros toutcsfois cefte matière en trois^qui Ce-
rôties mctaux,Ies plantes & les animaux. Or les
métaux font comme des plantes couuertes&ca-
chces dedâs les entraillesde la terre, qui ont quel
qucre/Téblâce entre eux,en la forme & manière
deleurproducîfiomd autant que l’on voic &rc-
congnoift mefme entre eux des rameaux, Sc
commevn tronc, duquel iisnailicnt Ôc procè-
dent, qui font lesgrodes veines de les moindres,
Histoire natvrelle
teüeroenr qu’ils ont entre eux vne liaifbnjtclic
qu’il fcmblc proprement , que ces minéraux
croilTent à la façon des plantes. Non pas qu ils
•ayent vne vraye vie vegetatiue intérieure, car
c’eft chofe qui eft feulement propre aux vrayes
plantes, mais ils fe produifent aux entrailles de
laterre,parlavertu,&laforcc du Soleil, & des
autres planètes , & dans vne longue efpace de
temps fe vont augmentant, & prcfquc multi-
pliant,à la façon des plantes. Et tout ainfi com-
me les métaux, font des plantes cachées en ter-
rc,ainfi pouuons nous dire que les mefmes plan-
tes font des animaux fixes & arreftez en vn lieu,
la vie defquclles s’entretient par l alimcntquc
nature leur va fournilfant, dés leur propre naif-
fance. Mais les animaux furpaifent les plantes,
en ce qu’ils ont vn eftrc plus parfait, & de là
aulTi ont-ils befoin d’vn aliment & nourriture
plus parfaite. Pour lequel chercher nature leur
a donné vn mouuement & vn fentiment , afin
de le defcouurir&cognoiftre. De forte que la
terre rude & ftcrille,cft comme la matière, & a-
liment des métaux , & celle qui eft fertile &
mieuxalfaifonnée, la nourriture des plantes.
Les mefmes plantes feruent d’aliment aux ani-
maux, ôdes plantes &animauxtousenfcmblc
font l’aliment des hommes, feruant toufiours
.lanaturcinfcricureàl’cntrcticn & fuftcntation ,
dclafupericure, ôc la moins parfaiéle le tub-
mcttantàlaplus parfaire. D’ou l’on pcutvoir i
combienils’cnfaut,quel’or,bargent , &lcs au- ;
treschofes que les hommes cftimcnt tant par i
Icurauaricc, foientla fin& Icbut dcl homme ,
auaucl I
DES Indes, Liv. IIII 125?
auquel il doibue tendre,puis qu’ils font tant de
degrez plus bas en qualité que i1iomme,lcquel a
cité crée & ordonné,pour éftrcfubicét de feruir
feulement au Créateur vniucrfel de toutes cho4
fesjcommc àfaproprefin,& fon parfaid repos;
ôc auquel homme^routes les autres chofes de ce
monde n’ont efté propofécs,ou dclaifTees, finon
pour s’en feruir à gaigner celle dcrnicre fin. Qui
voudra confiderer les ebofes créées Ôc en difeou
rir félon celle Pliilolophiej pourra certes tirer
quelque fruit de leur cognoilîance ôc confidera-
tionfe feruantd’icelles,pourcognoillre& glo-
rifier leur Autheur.Mais qui fe voudra aduancer
plus outre à la cognoilîance deleurs proprietez
& vtilireZj&voudraferendrecuricLixde les re-
chercher, celuy là trouiiera finallementen ces
créatures, ce que le làge dit, qn ils fint aux peds des
foUcr tgnorans,Çç^Moh des lacs, ôc des piégés où
i s fe précipitent, &fe perdent iournellemenr. A 5^6.14.
cefteintentiondonc&afinque le Createurfoit
glorifié en fes créatures, ie pretens dire, en ce li-
ure, quelques vnes deschofes,dont il y a beau-,
coupés Indes,dignesd’hilloire,acdellre racon-
tées, touchant les métaux, plantes &: animaux,
qui font propres,& particuliers en ces parties. *
Mais d’autant que ce feroitvneoEUure tres-gfâ-
dc,que de traitter cecy ,exaélemét,& qui reqùeri^
toit plus grand fçauoir ôc cognoilîance, voir#^
beaiKoup plus de loyfir, que ie n’aypas,iedis,
que feulement mon intention ell de traitter fuc-
cintement quelques chofes, que i’ay comprinles,
ôc remarquées tant par cxperiéce,queparlerap-
port de gens dignes de foy, touchant ces trois
Histoire natvrelle
chofes que i’ay propofces,laiflant auxautrcs plus
curieux &diligents,de pouuoir traiderplus am-
plement de ces matières.
l’ahndance grande quantité des métaux qui font
és Indes Ocddentalles.
Ch A P. II.
Ma fagelTe de Dieu a créé les métaux
pour medecine & pour dcffencc,
pour ornement 5 &pourinftrument
des operations defhommc.Dcrquel-
lesquatres chofes, l’on peut facilement donner
exemple, mais la principale fin des métaux, &
la derniere d’icelles, cft pour ce que la vie hu-
maine n’a pas befoin feulement de fe fuftanter,
comme celle des animaux, mais aufli de trauail-
ler,,&ouurer félon la raifon, & capacité , que
luy adonne le Créateur: &ainfi comme l’cnrc-
dement humain s’applique à'diuersarts & fa-
cilitez, ainfi le mefme autheur a donné ordre,
qu’il y euft matière & fubieét à diuers;artifices
pourlaconfcruation,reparation, feureté, orne-
ment,& exaltation de fes œuures. Donques la
diuerfité des métaux, que le Créateur a enfer-
rés és armaires, & concauitez de la tcrre,eft tel-
le & fi grande, que la vie humaine tire profit &
commodité de chafeun d’iceux. Des vns elle fe
fertcnla guarifon des maladies,des autres poul-
ies armcurcs,&’ pour deffenfes contre les cnne-
Des Indes. Liv. IIK. i^o
mis; les vns font pour l’ornement & pareurede
nozperfonnes, & de noz maifons, & les autres
font propres à faire des vaifleaux, &fcrremens,
aueclesdiucrfes façons d’inftrumcns, que l’in-
duftrie humaine a inuenté & mis en vfage. Mais
fur tous les vfages des métaux, qui font Amples
& naturels, la communication des hommes en a
trouuévn,qui ell l’vlàge de la monnoye, laquelle,
comme dit le Philofophe,eft la mefurc de toutes
chofes.Et combien que de foy (^naturellement,
elle ne foitqu’vne feule chofe, neantmoinsen
valeur(?cefHmation,l’on peut dire quelle eft tou-
tes chofcs.La monnoye nous eft comme viande,
vcftemêr, maifon,cheuauchure,&gencrallemét
tout ce que les hommes ont de befoing. Par ce
moyen tout obeift à la monnoye, & comme dit
le Sagejpour faire vnéinuention , qu’vue chofe „ .
fufttouteSjles hommes guidez ou poulfez d’vn
inftineft naturel,clleurêcla chofe plus durable,^
plus maniable, qui eft le métal, & entre ces me^
taux voulurent que ceux la eulîcnt la preeminc-
ce en cefteinuention de monnoye, qui de leur
naturel eftoientplus durables, ^incorruptibles,
à fçauoir l’argent &c l’or. Lefqucls non feule-
ment ont efté en eftime , entre les Hebrieux,
Aftyrie ns, Grecs, Romains, & autres nations de
l’Europe & d’ Allé, mais aufli entre les plus cf.
loignées ôc barbares nations de l’vniuers , com-
me font les Indiens, tant Orientaux , comme
Occidentaux , où l’or ôc l’argent eft tenu en
auin grand prix & cftime,remployansenl’ou-
urage de leurs temples & palais, & aux vefte-
mcnts,& àccouftremens des rois, & des grands
Histoire natvrelle
feigneurs. Mais encor que l’on ait trouué quel-
ques barbares, quinecognoilToicnr, nyl’or, ny
1 argent comme l’on raconte de ceux de Flo-
ride,qui prenoient les poches, & les Tacs, où c-
ftoitl’argenr, lequel ils iettoient & delaiflbient
efpars par-my la terre, comme chofe inufile. Et
Pline mefme recite des Babitacques, qui abhor-
roienr l’or, & pour cela, renfeueliffoienr, afin
que perfonne ne s’en peuft feruir. Toutesfois
il fe trouueauiourd’huy fort peu de cesFlori-
diens ôc Habitâcques, & grand nombre au con-
traire, de ceux qui eftiment, recherchent, ôC
fonteftat del’or& de l’argent, fans qudlsayent
befoing de l’apprendre de ceux, qui y vont de
l’Europe. Il eftvray que leur auaricen’eft point
paruenuesau but de celles des noftres, & n’ont
pas tant idolâtré l’or & l’argent , quoy qu’ils
fulïênt idolâtres , comme quelques mauuais
Chreftiens , qui ont commis plufieurs grands
exceds pour l'or & l’argent. Neantmoins c’eft
vnechofe fort digne de confideration, que la
fageffedu Seigneur eternel aitainfi voulu enri-
chir les terres du monde plus cfloignées , &
qui font peuplées d’hommes , moins ciuils, &
politiques, qu’en ces lieux là il ait mis le plus
grand nombre de mines, ôc en plus grande a-
bondance que iamais ait efté , afin d inuiter
les hommes par tel moyen à rechercher ces
tejres ôc IcspolTedcr, afin aulîî , fur cefte oc-
cafion, de communiquer larcligion,&cultu-
reduvray Dieu à ceux qui ne le cognoiflbient
point J s’accomplilEant en cela la Prophétie
d’ifaye, difant, que TEglifc deuoit eftendre
DES Indes. Liv. III. ~ r;i
fcs bornes , non feuîenient à'ia dextre, mais auT-
fi àlafcncftre, qui s’entend, comme dit faina AugMM
Auguftm,quc l’Euangile fe doit cflargir &eften- z-
I dre, non feulement par ceux qui finceremcnt
& auec vne vraye & parfaiae charité le pref-
chent & annonccnt,mais auffi par ceux qui l’an-
noncent , tendans à fins & intentions •tem-
porelles. D’où nous voyons les terres des In-
des, pour eftreplus abondantes de mines & de
richefles , cftre de noftre temps les mieux culti-
iiees en la Religion Chreftienne , faidant le Sei-
gneur pour fes fins & intentions fouueraines
denosdefirs & inclinations. Là delfus difoit
vn homme fage , que ce que fait vn pere àfafil-
le.pour la bien marier, eft de luy donner beau-
coup de dot & de moyens en mariage, ceque
Dieu a faid à celle terre , tant afpre & laborieu-
fc , luy donnant de grandes richdles en fes mi-
nes, afin que par ce moyen elle trouuafi; mieux
qui la vint rechercher. Il y a donc aux Indes Oc-
cidentales grand nombre & abondance de mi-
nes de toutes fortes de métaux, comme decui-
urc, de fer, de plomb, d’eftain , de vif-argent,
d’argent, & d’or: & entre toutes les régions &
parties des Indes , les Royaumes du Peru , font
ceux qui abondent le plus en ces métaux, (pe-
ciallement én argent, or , & vif-argent, ou mer-
cure, ôc fy en rrouuegrand nombre, pource
quêtons les iours l’on dcfcouure de noiiuelles
mines. Et cft chofe fans doute, que félon la
qualité de la terre, cellesquifontà defcouurir,
font en plus grand nombre, fans comparaifbn,
que celles que l’on void à prefent dcfcouuer-
R iij
PWo
deGeaef.
tnttnd.
f.»feh.Uh.Z
def>r£par.
Euiing. (•'
Histoire natvrelle
tes : voire fcmble que toute la terre eft femee de
ces métaux plus qu'aucune antre terre, qui nous
foit à prefent cogneue au monde , oiT de laquelle
lesautheurs anciens ayent faid mention par le
palTc.
Pela qualité nature de la terre ^ oùfe trcmentles
met aux métaux ne Je mettent
en œuure es IndeSyO' comme les In-
diens fe Jermyent
dheeux,
C H A P. III»
A raifon pourquoy il y a tant
de richeffes de métaux CS Indes,
fpecialement aux Occidentales
du Peru, eft comme i ay did, la
volonté du Créateur, qui a de-
party Ces dons comme il luy a
pieu. Mais venant à la raifon naturelle Sc Philo- ;
fopliique , c’eft chofe bien vraye ce qu'en a efcric ;
Philon homme fage, difant, que Por , l'argent &
■ métaux naiftènt naturellement aux terres plus
fterilcs & infrudueufes. De vray nous voyons
qu’aux terres de bonne température , & qui
font fertiles d'herbes & de ffuids, rarement
ou iamais on n'y treuue des mines , pource !
que la nature fe contente de leur donner yl- |
gueur , pour produire les fruids plus neceflai- !
‘ res à la conferuation & entretien de la vie des j
, animaux Sc des hommes. Au contraire aux ter- j
res qui font fort afpres , feiches , Sc fterilcs, j
DES Indes. Liv. IIII. 1^2
comme en des montagnes tres-hautcs, &en
des roches qui font afpres, ôc dVnc tempéra-
ture fort rude , l’on y rrouue les mines d’ar-
gent, de vif-argent, &: de l’or, & toutes ces ri-
cheiïès (qui font venues en Efpagne, depuis
que les Indes Occidentales ont efté defcouuer-
tes)ont efté tirées de lieux comme cela , qui font
afpres,penibles, defcouuerts &ftcriles. Toutes-
fois le gouft de cefte monnoye rend ces lieux
doux Ôc aggrcables voire habitez de grand nom-
bre dépeuple. Or combien qu’il y ait aux Indes
(comme i’aydiéljplufteurs veines & mines de
toutes fortes de métaux , toutesfois ils n’en ti-
rent ny fe feriient point dautres , que des
naines d or ôc d’argent , ôc mefnie de vif-argen t,
d’autant qu’il eft neceflàirc, pour tirer & affi-
ner l’or 5c l’argent. Ils y portent le fer d’Efpa-
gne, 5c de la Chine. Qiwnt au cuiure, les Indiens
en ont tiré Ôc mis en œuurc quelqucsfois pour
ce que leurs ferremens ôc armes n’eftoyenr
point ordinairement de fer , mais de cuiure.
Depuis que les Efpagnols tiennent les Indes,
l’on en a tiré fort peu, ôc ne prennent point la
peine d’en rechercher les mines, encor qu’il y
en aitplufieurs,pource qu’ils s’arreftent à la re-
cherche des métaux plus riches 5c précieux,
5cy employent leur temps 5c leur tr^uail.Ils fe
feruent des autres métaux de cuyure 5c fer , tant
feulement de ce qu’on leur en enuoye d’Efpa-
gne,oubicn de ce qui refte de l’affinement de
l’or 5c l’argent. L’on ne trouue point que les
Indiens vfaftent cy deuant d’or , ny d'argent , ny
d autre mctail pour monnoye, 5cpour prix des
R iiij
Histoire natv relie
chofcs J mais feulement s’cii feruoy ent pour or-
nement,comme il a efté did,& ainii il y en auoir
grande fomme & quantité aux temples , palais,
& fepulturcs , auec mil genres de vafes d’or &
d’argent qu’ils auoyent. Ils ne fc feruoyent
point d’or ny d’argent pour traficquer & achep-
ter, mais changeoycnt & trocquoyent des cho-
fcs aux autres , comme Homère Ôc Pline racon-
tent des anciens. Ils auoyent quelques autres
chofcs de plus grande eftime, quicouroit entre
eux pour prix 5 au lieu demonnoyc, & iufques
auiourd’huy dure cefte coullume entre les In-
diens, comme auxprouinccs de Mcxicquc,ils
vfentaulieu de monnoye du Cacao (quieftvn
petit fruid } & auec iceluy acheptent ce qu’ils
veulent. Au Peru ils fe feruent du Coca, pour ce-
lle mefmc fin , qui eft vne feuille que les Indiens
eftiment beaucoup, comme au Paragucy ils ont
des coings de fer pour monnoye, & ducofton
tiflii en faindc Croix de la Sierre. Finalement la
maniéré de traficquer des Indiens, & leur achepr
ter ôc vendre , eftoit efehanger Ôc bailler chofcs
pour chofcs : ôc bien qu’il y eut de grands mar-
chez, ôc des foires fort célébrés , fi cft-ce qu’ils
n’ont eu befoing ny neceflîté de monnoye , ny
mefmc de courratiers, pource que tous eftoyent
fort bien apprins,à fçauoir combien il eftoit be-
foing de donner d’vne forte de marchâdiic pour
vne, tant d’vne autre. Depuis que les Efpagnols
y font entrez , les Indiens fe font mefmes feruis
de l’or & de l’argent pour achep ter, &au com-
mencement n’y auoit aucune monnoye j mais
l’argent au poids, eftoit leur prix ôc leur mon-
DES Inde s. iLiv. IIî.
noyc, comme Ton raconte des ancics Romains. ^UnM.
Du depuis pour plus grande commodité , l’on
forgea de la monnoye en Mexicque, & au Peru,
toutesfoisiufqucs àprefent, en ces Indes Occi-
dentales Ton n’a battu aucune monnoye de cuy-
urc ou autre métal , mais feulement d’argent, &
d’or : pource que la richeife d’icelle terre n’a ad-
mis ny receu la monnoye qu’ils épellent de bil-^
Ion, ny autres genres d’alloy , dont ils vfent.en
Italie , & aux autres prouinces de l’Europej bien
qu’il foit vray , qu’en quelques ifles des Indes,
comme faind Dominique, & Port-riche, ils
vfent de monnoyede cuiure,qui font des quarts,
lefquels ont cours feulement en ces iiles,pource
qu’il y a peu d’argent & d’or. le dis peu , encor
qu’il y en ait beaucoup, toutesfoisiln’yaper-
fonne qui le tire ou afïîne.Mais pource que la ri-
chefîè des Indes , & l’vfagc de trauailler aux mi-
nes, conlîfte en or, argent , vif-argent, ie diray
quelque chofe de CCS trois métaux, laiirantpour
l’heure le refte.
Histoire natvrelle
Tîin.lih 33.
eaf. 3.
Apoc.^.&
il.
Can.‘^.
rjalm. 67.
T/jrw. 4.
%.Keg,6.
Ve hr que l’on tire (ÿ* affine e's Indes.
Chap. IIII.
’O R, entre tous les métaux, a efte
toufiours eftimé pour le plus excel-
lent , & auec bonne raifon , d’autant
qu’il eft le plus durable & incorru-
ptible de tous ; car le feu, qui confume ôc dimi-
nue tous les autres, l’amende, ôc le rend en fa
perfedion. L’or qui a paffé plufîeurs fois par le
feu demeure en fa couleur, tres-fin&: très -pur,
lequel proprement s’appelle, (félon que Pline
dit) Obrifo , dequoy fait tant de mention bEf-
criture , ôc l’vfage qui confomme tous les au-
tres métaux (comme dit le mcfme Pline) n’a-
moindrit aucunement l’or , ôc n’y fait aucun
dommage, mefme il ne fe mange, ny nes’en-
uieillit. Et bien que fa matière ôc fon corps
foit fl ferme ôc fi folide qu’il eft , il fe laiftè
ncantmoins tellement doubler ôc tirer , que
c’eft chofe merueilleufe. Les batteurs d’or ôc
tireurs fçauent bien la force qu’il a de fe laifter
fi fort amenufer fans fe rompre iamais. Tou-
tes lefqiielles chofes bien confiderees , auec au-
tres excellentes proprietez qu’il a, donneront ;
à entendre aux hom mes d’entendement , pour- |
quoy enbEferiture fainde la Charité faccom-
pare à l’or. Au refte , il eft peu de befoin 3c
raconter fes excellences , pour le faire efti-
mer ôc rechercher.Car la plus grande excellence
qu’ilait,eftd’eftrcjacogneu, comme il l’eft en-
tre les hommt s , pour la fuprefme puiirancc ôc
Des Indis. Liv. mr. ,,,
grandeur au monde. Venant donc à noflreiûjet
il y a aux Indes grande abondance de ce métal,
ôc Içait-on par les hiftoires certaines que les In-
guas duPcrunefecontcntoyentpas d’auoir de
grands &petits vafes d or,des cruches, des coup-
pcs,dcs laces ôc des Hafeons, voire des tinnes ou
grands vailTeaux : mais auffi en auoyent-ils des
chaires, des brancars ou litières tour d or maffif:
«Sc en leurs temples auoyent mis pluficurs fta-
tucs &imagcs d’or maffif,derquclles l’on en trou
ue encor en Mcxicquc quelques- vnes, mais non
pas en telle quantité que quand les premiers
conquefteurs arriuerem en l’vn & en l’autre
Royaume, qui y trouucrcnr de grandes richeP-
ies,& en fur encor fans comparaifon caché dans
terre beaucoup d’auantagcparles Indiens. Ce
leroit chofequifembleroitfabuleure de racon-
ter qu ils ayent fait des fers à chenaux d aroent
a fautede fer, & qu’ils ayent payé trois cens ef
eus d vue bouteille de vin, & autres chofese-
Itranges : ôc toutesfoisen vérité, elles font ad-
uenues, voire ôc des chofes encor pins gran-
des. L on tire l’or de ces parties en trois façons
manières, ou atoutlemoinsi’ay veuvfer de
ces trois. Car il fe trouue de l’or en paille ou
pcpin , de I or en poudre Ôc de l’or en pierre. Ils
appellent l’or en pépin, de pefîts morceaux d’or
qui letrouucntainfi entiers, & fans meflanae
dau^e métal, lequel n’a befoin d’eftre fondu
ny affine par le feu:& les appellent pépins, pour
ce que ordinairement ce fon t petits morceaux
comme pépins ou femcnce de mêlions & ci-
nouillcs, &celuy dont parle lob, quand il dit.
TUn. lih. 3.
thé^.S.
Histoirï NATVRELLE
Ime illm mmm. Co mbicn qu’il arriue quelques-
fois, qu’il y en a déplus grands & de tels que
i’en ay veü qui pefoy ent plufieurs liures. C eft
rcxccllcncc & la grandeur de ce métal feul( fé-
lon que Pline afferme) de fe trouuer ainfi pur
& parfaid, chofe qui n aduient point à tous au-
tres métaux , lefqucls ont toufiours de l’cfcmnc
& du terreftre , Ôi ont de befoin qu’on les affine
aucc le feu. l’ay veu mefmc de l’argent naturel,
en façon mefmeilycn a
d’autre que les Indiens appellent Papas, & qucl-
quesfois il fen trouue des morceaux de tout
pur & fin, en façon de petites racines rondes,
ce qui eft rare toutesfois en ce métal , mais allez
ordinaire en l’or. Il fe trouue peu de ceft or en
pépin , au rcfpcd des autres efpeces. Ceft or en
pierre eft vnc veine d’orquinaift & s engendre
dans la mefme pierre ou caillou, comme l’ay veu
aux inincs de Caruma au gouuernement de Sal-
lines ,des pierres fort grandes toutes pénétrées
&trauerfees d’or. D’autres quieftoyent la moi-
tié d’or & l’autre moitié de pierre. L’or qui elt
de cefte façon fe trouue en des puits ou des mi-
nes qui ont leurs veines comme d’argent mais
ils font trcs-difficiles à tirer. Agatarchides ef-
ait au liure cinqujerme delà mer Erythree ou
rou2C (aiufi raconte Phocion en fa Bibliothè-
que) la façon & maniéré d’affiner l’or rire des
nier es, de laquelle ont vfé anciennement les
Lys d'Egypte, & cil vne chofe admirable
de voir comme ce qu’il en efcrir cellcmble &
fe rappofte proprement a la façon dont Ion
,,r. ILrmaLtenantàraffinerces metauxdor
DES Indes. L IV. II IL 135
& d’argent. La plus grande quantité d’or que
Ton tire Ôc recueille es Indes eft de celuy qui eft
en poudre, qui fc trouue es riuieres ou es lieux &
torrens où beaucoup d eaucs ont paife, d autant
que les fleuues des Indes iont abondans en cefte
cfpece d’or. Comme les anciés ont célébré pour
cefte occafion le Tage en Efpagneje Paélole en
i^iîe,&leGangecn rinde Orientale, & appeL
loient rament A amï^ ce que nous autres appelions
lor en poudre, & eftoit laplus grande quantité
de 1 or qui le faifbit a prefent que ces raclcures^c
poudres qui Ce trouuoient es riuieres. A prefent
aux nies de BarJouente, Efpagnolle, Cube &
Port-riche, y en a eu^& y en a encor en grand’ a-
bondance es riuieres , mais on en rapporte fort
peu en Efpagne,par faute de naturels du pays, &
pourladifficulré qu’il y a de le tirer. II y en a gra-
de quantité au Royaume de Chillc, de Qm?to,
&aunouueau Royaume de Grenade. L’or le
plus célébré eft celuy de Caranaua au Peru, &
ccluy de Valdinia cnChillé, d’autant qu’il vient
auecPalloy &perfeérion , qui font vingt trois
quiilats & demy, voire quelquefois plus. L’on
fait eftat aufti de l’or de V eragua pour eftre tres-
lîn.Ilsapportentmcfme beaucoup d’or à Mexi-
que des Philippines & de la Chine, mais com-
munémentil eft foible & de bas alloy. L’or fe
trouue mefle ordinairement ou auec l’aro^ent ou
aucclecuiure.Plineditqii’iln’y aaucunor où il
n y ait quelque peu d’argent ou de cuiure. Mais PlmM.
celuy qui eft meflé d’argent eft communément
de moins de quiilats que celuy qui eft meflé de
eulure.S’il y a la cinquiefme partie d’argent. Pli-
HtSTOIRE KATVRELLB
■ ne dit qu’il s’appelle proprement qui a
la propriété de reluire plus a la lumière du feu
que l’argent fin ny l’or fin. Celuy quicftauccle
cuiure eft ordinairement du plus haut alloy. On
raffine l’or en poudre en des lauoirs en le lauant
en beaucoup d’eaüe,iufqiies à ce que le fable tô-
be des plateaux, & l'or comme le plus pefant de-
meure au fond s.L’on l’affine mefmeauec du vif
argent & auec de l’eaue forte,pource que l’allun
dont on fait ceftccaue,alavertu defeparer Tor
d’auec l’ordure oudes autres métaux. Apres qu’il
eft purifié & fondu ils en font des briques ou
petites barres pour l’apporter en Efpagne,pour-
ce que cftant en poudre on nelepourroittirer
des Indes,car on ne le peut quinterj marquer ny
cflayerqu’apr es qu’il eft fondu. Le fufdir hifto-
j;iographe raconte que l’El^agne fur toutes au-
très prouinces du monde cftoit abondante en
des métaux d’or & d’argent, fpeciallement Gal-
lice & Portugal, & fur tout les Aftures, d’où il
raconte qu’on apportoit par chacun an à Ro-
me vingt mil liures d’or, & qu’il ne s’en trou-
uoit en aucun autre lieu vne telle abondance.
M ro CcquifembleeftretcrmoignéauliuredesMa-
i.mtth.z. où il eft dit entre les grandes richef-
fes des Romains, qu’ils curent en leur puifTancc
les métaux d’or & d’argent qui font en Efpa-
gnc. Auiourd’huy ce grand threfor d’Efpa^gnc
fuy vient des Indes, en quoy la diuincproui-
dence a voulu qu’aucuns Royaumes feruent
aux autres,^ leur communiquent leurs richef-
fes à fin de participer] de leur gouucrncmcnt
pour le bien des vns Sc des autres en fc corn-
BïS Indes, Liv. HH.
mumquantreciproquement les biens & grâces
dontils, omirent. On nepeutbien apprécier ny
eftimer le nombre&quantitédorquel'onap!
porte desindes mais 1 onpeut bien alFermer qSe
ceft beaucoup daiiantage que ce que Pline ra
conte qu’on apportoit chafque an d-Efpagneà
Rome. En la flotte ou le vins.qui fut l’an fjS, . h
déclaration de la terre ferme fut de douze Lf!
fons d or.defqiiels chafque calTon pour le moins
^foi t quatre arobes.qui font cen t liures pefant-
&mil cinquante fix marcs de la neufue Efpa.zne
quieftoittantfeuleme'tpourleRoy,fa„sce%uî
vintpour les marchands & paniculiers.eftant
nregiftre,& ce qui vint non enregiftré.comme
Ion en apporte beaucoup. Cela Mc
touche ror des Indes: roi-rr*.».-
^ r oles,£ Vf rar art^m commmem,s&
mds («fendre & seÜniSdLf. — e..:r
V 7 , tien arrê te
'^mretned l <^‘‘^"f>^MferenfeJ,r.
^ congele , qui fontXli fufflitesy^^^^^^^
Histoire natvrelle
profond des montagnes& és entrailles de la ter-
re ou de l’arene des riuiercs,& es lieux par où
les torrens ont paffé, ou bien aux très - hautes
montagncsilefquelles poudres d’or delcendent
& s’efeouient aucc l’eaue qui eft la plus commu-
ne opinion que l’on tient es Indes. D*ou vient ’
que plufieurs du vulgaire croyent que ledelu- ;
ec ayant noyé toute la terre iufques aux plus
hautes montagnes , a efté caufe qu à prefent
l’on trouue ceft or és riuieres, ôc en des lieux ii
elîoignez.Nous dirons maintenant comme 1 on
defcouure les mines d’argent, de
racincs&commencemcns,dont parle lob. ht
diray en premier licu,que la caufe pour laquel-
le l’on donne le fécond lieu à l’argent entre les
métaux, eft pource qu’il approche de l’or plus :
que nul autre d’iceux, en ce qu il eft plus dura- j
blc & fefent moins endommage du feu, le lail-
lant aufli manier & mettre en œiiure plus faci-
lement que les autres, voire il furpailelorenU
clairté & fplendeur, & au Ton qu il a plus clair
& plus agreable.Car fa couleur eft plus confor-
me & relTemblante la lumière, & fon on e
plus penetrant,plus vif & plus délicat. Aufli y a
il certains lieux cfqucls ils eftimcntl argent da-
uantagequenonpaslor.Toutesfoisc eft vu ar-
gumelt Sc figne pour iuger que 1 or eft plus
précieux de tous les metaux,en ce qu il fe trou-
uc plus rarement,& que la nature fc raoftre plus
efcharfcàlcproduircquenon paslcs autresien-
cor qu’il y ait des terres ( comme 1 on dit de la
Chine ) cfquellcs l’on trouue plus facilement
dcror,qucS:rargcnt mcfmc. Toutcsfois c eft
DES Indes Ltv. IHI. j,,
choie plus comune & ordinaire , que l’on trou-
ueplusfaalement& en plus grande abondan-
cedelargem quedelor. Le Creareura pour-
0“«d“tales dVne lîgranderi-
cheffed argent, que tout ce que l’on voidéshi.
lloires anciennes , & tout ce que l’on dit des ar-
genteries & minières d’Efpagne & des autres
promnees, eft beaucoup moins qu« ceque l’on
void en ces parties là. Les mines d’argent fe
trouuent communément es montagnes & ro-
ches très- hautes & du tout defertes : encores
qu autrefois 1 on en ait trouué és pleines & câ-
pagues. Il y en a de deux fortes differentes , les
^les qu ils appellent efgarées , & les autres fixes
&arreflees. Les efgarées font des morceaux
de métal qui fe trouuent amalTez en quelques
endroits,lefquelseftans tirez & leuez , fon n’en
trouue point apres dhuantage. Maisles veines
fixes font celles qui en profondeur & longueur
ontvne fuitte continue en façô degrandef brà-
ches & rameaux d’vn arbre , & quand l’on en a
louue yne d icelles , l'on en trouue ordinai-
remet plufieurs autres au mefme lieu. La façon
de purger & d’affiner l’argent de laquelle '
vfe les Indiens eftoit par fondure, elfondant
&faifant refoudre celle malTe de métal pat le
feu qui lette le terreftre d’vn collé, &parfa
force feparc 1 argent d’auec le plôb , l’eftain dV
ueclecuiurc &Tes autres métaux qulfe trou-
uent mêliez. A celle fin ils faifbient & ballif-
joientdes petits fourneaux en lieux où le vent
louffloitleplus communémentAauec du boi^
du charbon qu’ils y mettoient , faifoient leur
S
Histoire natvrelle
artifice & leur affinement , & appellent au Fera |
ces fourneaux Guayras. Depuis que les Efpa- |
onols y font entrez , outre celle façon de fon- i
dre & d’affiner, dont ils vfent encor à prefenr, j
ils affinent auffi l’argent auec du vif argent, & j
en tirent d’auaiitage par ce moyen, que non pas ;
en le faifant fondre & l’affinant par le feu. Car |
il fe trouue du métal d’argent que Ton ne peut |
affiner ny purger aucunement auec le feu, mais
feulement auec le vif argent. Mais celle fortc'dc :
métal ell cômunémcnr métal pauure & foible, ,
qui elb celuy toutesfois qui le trouue en plus i
grande abondance. Ils appellent pauure celuy |
qui rend & donne peu d’argent, & grande quan- |
rite de métal, & celuy-la riche au contraire , qui
donne & rend plus grande quantité d’argent. .
C’eftvnechofe merueilleufenon feulement de
celle différence & diuerfité qui fe trouue à af- |
finervn métal parle feu , Ôc l’autre fans feu, |
auec du vif argent , mais auffi de ce qu’aucuns }
de ces iffetauxqui s’affinent au feu ne peuuent f
pas bien cllrc fondus quand le feu en ell allu- i
mé auec du vent artificiel comme de foufflets, ;
mais feulement quand il ell fouillé & allumé i
auec l’àir naturel & lè vent qui court. Et d’au-
tres au contraire , qui font plus facilement fon- j
dus auec l’air artificiel des foufflets , que non t
pas auec l'air 5c le vent naturel. Le métal des ii
mines de Porco s’affine facilement auec des ,!
fouffiets, & celuy des mines de Potozi ne peut |i
cftre fondu auec les foufflets , mais feulement ÿ
par le moyen de l’air des Guayras , qui font de
petits fourneaux aux collez des montagnes, ba-
DES Indes. L IV. Il IL 138
ftis exprès du cofte du vent, au dedans defqnéis
ils fondent ce metah&combien que ce Ibit cho-
fedifîîcilc de donner raifon à ccftcdiuerlîtc,tou-
tesfois elle ell toute ccrtaine& approuuée parla
longue expérience. Tellement que l’auaricicux
defir de ce métal tant eftimé des hommes, leur a
fait rechercher mille inuentions &gentils ar-
tifices, d’aucuns dcfquels nous ferons mention
cy apres. Les principaux lieux des Indesoùron
rire 1 argent font la neufue Elpagnc & le Peru,
mais les mines du Peru furpalfentdebeaucoup
les autres, & entre routes les autres du monde
celles de Potozi, defquelles nous trairterons vn
peuàloifir,pourGe que ce font des chofes plus
cclcbres&plus remarquables qui foiêt es Indes.
ka
De U montagne mcoUine de Pote’^; O-' de fadef.
couuerttire.
C H A P. VI
La montagne OU colline de Potozi tant re-
nommée cftfituceen laprouince de Char-
cas au Royaume du Peru , diftant de l’Equinoxe
vers le collé du Sud ou Pôle Antarélique de ai.
degré deux tiers : de forte qu’elle tombe fous le
Tropique aux confins de la Zone T orride , &
toutefois celle région cil extrêmement froide,
voire plus que n ell pasCalHlle la Vieille auRoy-
aumed Elpagnc, &: plus encor que la Flandre
mefinc, combien que par raifon elle deuil cllre
chaude ou temperée, eu elgard à la hauteur à;
S ij
Histoire natvrellb
eflcuation du pôle, où elle eft limée. La raifon |
de ceftc fi froide téperature eft qucccftc mon-
tagne cft fort efleuée , & qu’elle cft agitée &
hantée devents qui font fort froids & intera-
perez, rpccialemenr de celuy qu’ils appellent |
Thomahaui,qui cft impétueux & trcs-froid. Il
régné ordinairement és mois de luin , Juillet,
&Aouft. Le fonds & terre de ceftc montagne
cftfec, froid & fort mal agréable , voire du
tout fterile qui n’engendre ny produit aucun
fruidjiiy herbe ny grain , auflî eft-il naturel-
lement inhabitable pour l’inrcmperaturc du
Ciel&Iaftcrilité dclaterrc. Mais la force de !
l’argent qui attire à foy l’auarice & le delîr des |
autres chofes a peuplé cefte montagne plus |
qu’aucun autre lieu qui foit en tous ces Royau- î
K: mes, la rendant fi abondante de toutes fortes |
de viandes , qu’on ne peut defirer chofe qui ne |
s’y trouue,voite en grande abondance, & cora- i
bien qu’il n’y ait rien que ce que l’on y apporte i
par voiture , neantmoins les places y font fi
pleines de frui6ts,confcrues , vins exquis , foyes
& toutes autres dclices , quilnes’en trouuccn
autre endroit d’auantage. Cefte montagne eft ,
de couleur tirant fur le roux & obfcur , & eft fa
façond’vnealTcz agréable rencontre à lavelic
refterablant parfaitement la forme d’vn pauillo
rondjou bien dVn pain de fucre. Elle s ’eficue de '
furpalTe toutes les autres montagnes & colli- !
nés quifont àl’enuiron. Le chemin par lequel !
' on y monte eft fort afprc& fort roide , en- |
cor qu’on y aille tout à chcual. Elle finit par I
' le haut en pointe de forme ronde, &aen fon |
DES Indes. Liv.IIII.
Died vne lieue de circuit. Elle contient depuis
Je rommet iufques au pied mil fix cens vina:
quatre verges communes ,lefquelJes reduites^à
la mcfure des lieues dEfpagne font vn quart
de lieue. Au pied dccefte montagne l’on void
vneautrepetice colline qui naift d’icelle , en
laquelle anciennement il y a eu quelques mi-
nes de ces métaux efpartis & fans fuitte ^ qui fe
trouuoientlà comme en des bourfes , Sc non
pas en des veines fixes & continues , & néant -
mo ins elles eftoient fort riches , encor qu’elles
furent en petit nombre. Ce petit roc eftoir ap-
pelle des Indiens , Guayna Potozi , qui veult di-
ra je kunePotozi, au pied duquel commence
l’habitation des Efpagnols Ôc Indiens , qui font
vcnusàlarichelîe ôc à l’œiiure de Potozi: la-
quelle habitation peut contenir quelques deux
lieues de circuit 3 & toute la plus grande riMiéte
& commerce, qu’il y ait en aucun lieu du Peru,
le fait en celle habitation. Les mines de celle
montaigne n ont point elle foiiyes ,ny defcoii-
uertesdu temps des Inguas, qui eftoient les fei-
gneursduPeru,auparauantquc les Efpagnols
y cntralTcnt, combien qu'ils ayent fouy , ôc ou-
uert les raines de Porco, aftez proches de Poto-
zi,n en ellantdiftantes que de fix lieues Icule-
inét.La caufe en pouuoit eftre , faute d’en auoir
eu la cognoilfance^combicn que aucuns racon-
tent ic ne fçay quelle fable , que comme on vou-
lut quclquesfois ouurir ces mines , vne voix
rut entendue, qui difoit aux Indiens , qu’ils n'y
touchallènt pas, &que celle mpntaigne eftoic
rclerucc pour d’autres. Devrayi’on n’euftau-
S iij
H"i STOIRE NATVRELLE
cune cognoilîànce de Pocozi , ny de fa richcfle, i
que iufqiies à douze ans apres Tentrée des Efpa- ;
gnols au Peru, duquel la dcfcouiierture s’en fie !
en cefte façon. Vn Indien appelle Gualpa , de la ‘
nation de Chumbibilea, quieft vue prouincc j
dcCurco,allantvniouràlachaiTe &pourfuitte
de quelque! venaifon , & cheminant vers la parc
du Ponant , où la befte fe retiroic , commença
de courir à mont le roc, qui pour lors eftoit
couuert, & planté pour la plus part de certains
arbres qu’ils appellent , Quinua , & de builFons
fort elpais, & comme il s’efleuoit pour monter
en vn palTage,quelque peu afpre & difficile , fut ,
contraint mettre la main en vue branche , qui ,
fortbit de cefte veine d’vne mine d argent { ^ \
laquelle depuis ils ont donné le nom de riche) |
qu’il arracha , & apperceuft en la folle Ôc racine ^
d’icelle le métal , qu’il recongneuft eftre fort j
bon , par l’experience qu’il aiioit de ceux de i
Porco: puis ayant trouué en terre, ioignant ce i
fteveine quelques morceaux de métal, qui s’e-
ftoient rompus & départis d’icelle , fans toutes-
fois qu^on les peut bien cognoiftre , a caufe que
leur couleur eftoit changée, &gaftée du Soleil,
Sc de l’eaue. Il les porta à Poïco elfaycr par
Guayras (quieft efprouucr le métal par le feu)
& ayant rccogneu par là fa grande richeflè , ôC
heureufe fortune, fouyiroic & tiroit fccrette-
ment , cefte veine fins le communiqu er , ou'cn ,
parlera perfonne , iniques ace quvn Indien,
nommé Guanca,natifde la vallée deXaura, qui
cft aux limites delà Cité des Roys , lequel de-
meurant au lieu de Porco, proche voifin de ce j
dïsIndes, Liv. IIII 140
Gualpa , Chumbibilqua s’apperceut vn iour
qu’il faifoit quelque affinement^ & qu’il faifoit
de plus grands fomons &bricques, que celles
qu’on faifoit ordinairement en ces lieux : pour-
ce mefme qu'il augmentoit en delpence d’ha-
bits, ayant iufques alors vcfciialTez pauurcraét.
Poiirccfteoccafion , &que ce métal . que fon
voifinaffinoit&rmettoitenœuure , eftoit dif-
ferent de celuyde Porco , il penfa de defeou-
urir ce fecret , & fît tantque combien que Tau-
tre tint fon affaire fecrette , alitât qu’il luy eftojt
poffible, neanrmoins par importunité fut con-
traint de le mena- au roc de Potozi , ayant défia
pafirédeuxmoisenlaiouiffanccde ce riche tre-
for.Et lors l’Indien Gualpa , dit à Guanca , qu’il
print pour fa part vne veine qu’ilauoit defcoii-
uertc, laquelle eftoit proche delà veine riche,
Sc eft celle que l’on appelle auiourd’huy , la vei-
lle de Diego Centeno , qui n’eftoitpas moins
riche, mais feulement plus dureà foiiir , & plus
difficile à tirer. Par ainfi tout d’vn accord par-
tirent entre eux le roc le plus riche du monde.
Il aduint du depuis, que l’Indien Guanca trdu-
uant quelque difficulté à fouyr ôc cauer fami-
pt, qui eftoit tres-durc, &fautre Gualpa , ne luy
voulant faire part de la fîenne , curent débat en-
femblc,&pourceftecaufelc Guanca de Xau-
ra, irrite de cela, & de quelque autre chofè, al-
la defcouurir cefte affaire à fon maiftre qui s’ap-
pclloit Vuillaroel , Efpagnol , qui lors refîdoit
en Porco. Ce Vuillaroel en voulant cognoiftre
la vérité , alla en Potozi, & trouuantla richeffe
que foiiYanacona, ou fcruiteur,luy aiioit dit,fift
S iiij
Histoire natvrelle
enregiftrcr l’Indien Giiança, s’eftacquant auec :
luy àlafufditteveine,quifutditeCenteno, ils !
appellent cela eftacquer, qui vaut autant, que
llgnallei- & remarquer pour foy la mine , & au- ;
tant d’efpace , que la loy concédé & 'permet à |
ccuxlàquitrouuentvnemincj ou bien à ceux
qui la foüyirent : au moien dequoy apres 1 auoir
monftrée & defconuertc à la iuftice , ils demeu-
rèrent feigneurs de la mine , pour la fouyr &c en
tirer rargent,comme de leur propre , en payant
leulcmentauroy fon droit de cinquiefrae. De
forte que le premier cnregiftrcracnr & décla-
ration que l’on fit des mines de Potozi , fuft le
vingt& vniefmeiourdu moisd’Auril 5 del an
mil cinq cents quarante cinq, au territoire de
Porco', par lefdits V illaroel Efpagnol ôc Guan- ;
ca Indien. Incontinentapres l'on defcouurit
vne autre veine qu’ils appellent veine d’eftain |
quiaefte tres-riche,quoyquerude& laborieu- |
fe à y trauailler , pour eftre fon métal , aufîi dur
que le caillou. Du depuis le trentiefme iour
d’ Aouft au mefme an de quarante cinq, la veine
appelléc’. Mendiera, fur enregiftrec, qui font
les quatre principalles veines de Potozi. Ils di-
fent de la veine riche , la première qui fut def-
couucrtc , que fon métal eftoit hors terre la
hauteur d’vnel’ancc en façon de rochers , fouf-
leuant la fuperficie de la terre, comme vne Cre-
fte de trois cents pieds de longueur , & de treZe >
delarge, & que cela demeura defcouuert , &
defeharné par le deluge , ayant cefte veine com-
me la partie lapins dure, refifté àla force & '
impetuofité des eaucs.Son métal eftoit fi riche i
D^s Indes. Lîv. IIÎL
qu’îl y auoit la moy tic d’argent, & continua ce-
lle veine en fa richellc, iiifques à cinquante &
foixante ftades,àrhauteurd’vn homme depro-
fondeur,oil[ ellevinràdefFaillir. De celle façon
furent defcouuertcs les mines de Poto^i parla
prouidcnce diuine,Iaquelle a voulu, pourla féli-
cite d’Efpagne,que la plus grande richelTe qif on
fçache,& quiiamais ait ellé au monde , full ca-
chée pour vn temps, pour la defeonurir au téps
que l’Empereur Charles le Quint, de glorieufe
mémoire, tenoit rEmpire,lesRoyaumes d’Efpa-
gne,& la feigneuric des Indes. Incontinêt apres
que la defcouucrture dePotozi,fut cogneuë aux
Royaumes du Peru,pluEeursElpagnols & pref-
que la plus part des bourgeois de la citéd’Argér,
qui ell à dixhuiâ: lieues dePotozi, vindrétponr
y prendre des mines , mefmes y vindrent pluE-
eurs Indicns,dediucrfesprouinces,& Ipecialle-
mentles GuayzadoresdcPorco , fi qu&en bref
temps ce fut la meilleure Ôc plus grande habita-
tion de tout le Royaume,
VeUnchefequel^ondtirée ijr tire chacun ionr du
roc ou montagne de Voto-^^.
Chapit. VII.
’ Ay ellé plufieurs fois en doute,
s’ilfe trouuoitaux liilloires des
anciens, vncE grande richeflede
mines, comme celles que nous
vciie de noftre temps au P&-
ru.S il y a eu iamaisau monde des mines riches
Histoire NATVRELLE
& renommées pour cet efFeâ: J ce ont cfté ccl- j
les d’Efpagne , dont les Carthaginois ont iouy, !
& du depuis les Romains , lefquelles, comme
i’aydit 5 ne font pas feulement cftimées & re-
nommées par les liures profanes , mais auffi par
les Eferitures fainétes. Celuy qui plus particu-
... licreraent fait mention de ces mines , au moins
p/w. ; .35. Pliiie,qui efcric ainfi , en fon
hi^oke nztütcWc.llfi trame de l’argent frejqiie en
foutes pretimees , mdis celuy à'EfpAÿte ejî le medleur de
tous, lequel cmfî O” s’engendre en vne terre fterile, aux
montagnes cr' rochers, et' efl chofe certameO' infaRihle .
qdes lieux ou Ion A vne fou dejcouuert aucunes de ces \
veines, il y en a d’autres qui n’en font guer es ejlotgnees, c e ,
quifetrouue aufi prefqueen touo autres métaux ;
four cela les Grecs (à mon aduis) les affeüerent métaux, \
C’efi vne chofe ef range, que les fuit s ou trous de ces mi- |
nés d’Èfpagne , lefquels on commenta k fouir du temps |
deHannibalfe voyent encor k, frefent,0''retiennft encor ;
les mejmes noms de ceux qui les dejcouurirent, Entre ces i
mines,ceîle que defcouunjl Bebello,qui en retient le nom
encor auiourd huy, fut fort renommée , dlt-on qu'elle
donnait O' rapportait fi grande richejfe k fin maifire
Hannihal,que chaque iour l’onreceueilloit trois ces liures^
d’ argent, iufques k maint enat on a toufiours continue
de trauailler k cefie mine, de telle fort e qu’elle eji àpreset '
de mil cinq ces pas de profondeur, cauée en la mont agne.
Vefquelspuits neantmoinscefie grade profondeur, les Ga-^
fions qui y trauaiUet tiret l'eaue qu’ilsy trouuet ^ourles 1
afficher et' y cauer mieux kleur alfe,tout durât le temps 1
Gemlrav- que les chandelles O' l^ lumière leur dur et, en t elle abo'^ j
^ui inChro dance quil fembleque ce quils en icttent fiitvne nuiere. !
Iufques icy font les paroles de Pline , quci’ay |
i
DBS^ Imdis, Liv. un.
• voulu icy reciter de mot à mot , pour conten-
ter d auaiitage ceux qui entendent que c^eft de
mines, voyant quelamcfme chofe qu’ils expé-
rimentent auiourd huy, a eftéexcercée par les
anciens. Et certainement la richeire de celle
mine d Hannibal aux monts Pyrénées , elloit
grande & bien remarquable , laquelleles Ro-
mainspolïederent,y ayans continue Ton ouura-
ge , luiqiies au temps de Pline, qui fut comme
rmis cens ans. La profondité de celle mine
citoitdc mil cinq cens pas , qui eR vn mil &de-
my &-fut fl riche au commencement , qu elle
valloit a fonmaillre par chacun iour trois cens
Juires,dedouze onces la liure. Mais combien
que celle rich elfe ait elle grande , elle n’appro-
.che ncantmofns à celle qui de nollre temps
s eft retrouueeen Potozi. Car comme il apoert
par les regillres de la maifon de la contradà-
tion de celle pouince , & comme plulîeurs
hommes anciens dignes de foylatteftent , au
temps quele Dccntié Polio gouiiernoit celle
prouince , qui fur plulîeurs années apresladcf-
couuertedecellemontagne, l’on enregillroit
& tiroit pour la cinquiefme, chacun Sa^medy,
cent cinquante & deux cens mil pezes , dontie
ciiiquielmc reuenoir à trente & quarante mil
pezes , & pour chacun an vn million & demy
oupeu moins. Tellcmentque fuyuantee con-
te 1 on tiroit chaque iour de celle mine , com-
me trente mil pezes , dontilreuenoit au Roy
pourlacinquicfme/ixmil pezes par iour. Il y a
encor vue chofe à mettre en auant , pour mon-
trerlaricheiredc Potozi , que k conte qui a
cftéfait , neft feulement que de l’argent qui fc
marquoit & quintoit , &eftchofe cogneue au
Peru , que l’on a vfé long temps èn ces Royau-
mes d’argent qu’ils appelioient courant , lequel
n’eftoit marqué ny quinte. Et tiennent pour
certain ceux qui cognoüfent ces mines , qu en
ce temps, la plus grande partie de 1 argent que
l’ontiroitdePotozi, nefe quintoit point , &
eftoit celuy qui auoit cours entre les Indiens,
ôc beaucoup entre les Efpagnols , couime le
Ta y veu continuer iufques à mon temps. Par ce-
la Ion peut bien croire , que le tiers de la ri-
chclTedePotozi , voire la moitié ne fe mani-
feftoit,ny ne fe quintoit poiiit. Il y a encor vnc
autre conlîderation plus remarquable , en ce
que Pline met,que l’on auoit fouy mil cinq cens
pas en celle mine de Babello , & que touhours
l’on trouuoitdel’eaue, quieftee qui donne c
plus grand empefehement qui fort a tirer e
métal des mines. Mais en celle de Potozi , en-
cor que l’on y ait fouy &; caué plus de deux
cens llades ou hauteurs d’vn homme en pro-
fondeur, iamais on n’y a trouuéd’eaiie , quielt
le plus grand heur de celle montaigne. Mais
quoy ? les mines de Porco , dont le meta e
rres-boii ôc tres-richc , font auiourd’huy delail-
fées pour Tincommodite de 1 eau qu ils y ont
rencontrée en y fouylî'ant. Pour ce que ce lont
deuxtrauaux infupportables en recherchant c
met^lde cauer & rompre les roches , & d en ti-
rer Peaue tout cnfemble. Le premier delquels,
à fçauoirde cauer la roche, donne alfez de pei-
ne, voire cil trop dur & trop excelfif. Finalle-
BES Indes. Liv. IîTî. 145
ment auiourd huy ùl Maiefté reçoit pour fou
quint par chacun an iVn portant Tautre^vn mil-
lion de fàrgcntdes mines de Potozi , fansl’au-
rrcncheire.quiluyvientdevif argent , & au-
tres droits Royaux , qui eft vn grand threibr.
Quelques hommes experts ayans fupputé les
contes difenr, que ce que Ton a apporté à quin-
tercnla caifèjoudouanc de Potozi, iufques en
1 an mil cinq cens quatre vingts cinq , fc monre
àcentmillionsdcpczes d’edày , dont chaque
peze vaut treize rcaux &vn quart , fans conter
1 aigenr que I on a peu tirer fans quinter, Sc qui
a efté quinte es autres caiïès Royalles , Sc fans
I argent coiirat que l’on a mis en œuure au pais,
qui n efl: point quinté , qui eft vue chofe innon-
brable , combien que les premiers regiftres
des quints , ne foient pas iî clairement, ou in-
telligiblementefcrits, quefpnt ceux dauiour-
d huyrpour ce qu’aux commencemens , Sc pre-
mières defcouuertes, l’on faifoit larecepte par
Romaines , tant eftoit grande l’abondance qu’il
y en auoit. Mais par les mémoires & recher-
ches que feir le ViçeroyDom Francifquc de Tol-
Icde , en 1 année mil. cinq cens foixante Sc qua-
torze fe trouua qu’il y auoit foixante Sc feize
millions,iufqu'en en ladite année, <Srdepuisie-
dit an iufques a celuy de quatre vingts cinq in-
clufiuemcnt, il appert par les regiftres royaux
qu il s’eft quinté iufques à trente cinq millions.
L’onenuoyaau Viçeroy ce conte de Potozi,
cnl anquci’ay ditjlors que i’eftois au. Peru, Sc
du depuis larichdîè qui eft venue aux flores du
Peru , eft monteea beaucoup d’auantage. En la
Histoire natvrêlie
flore où ie vins , de l an mil cinq cens quatre
vin«7ts fepc,il y anoic onze millions qui vindrent
auxlleux flottes du Peru,& M exicque , dont les
deux tiers eftoient en celle du Peru , ¥
auoirprefque la moitié pour le Roy. Pay voulu
defduire cecy particulièrement , afin de faire
entendre la puilPancc que la diuine Maieftc a
voulu donner aux Roys d’Elpagne , fur les chefs
dcfquels tant de Couronnes & de Royaumes
ont efté amalïez , &lefquels par ipeciaile fa-
ueur du Ciel , ont ioint les Indes Orientallcs
auec les. Occidentales , cnuironnans tout le
monde par leur puilPance. Ce que Ion doit
croire , eftre ainfi arriué , parla prouidence.
de noftre Dieu, pour le bien de ces peuples qui
viuent fi efloignez de leur chef,qui eft lePonrife
Romain, vicaire de Chrift noftreSeigneur,enla ,
foy ôc obeiffancc duquel , -tant feulement Pon
peur eftre fauné, & mefine pour la deffence de la
foy Catholique &de l’Eglife Romaine, en ces
parties, où la vérité eft tant oppugnée,&pour-
fuyuie des heretiques.Et puifque leSeigneur des
Cieux,qui donne &ofte les Royaumes a qui il
veut, & comme illuy plaift l’a ainfi ordoimé,
nous le debuons fupplier qu’il luy plaifc fauori-
fer le zclc pieux du Roy Catholique , luy don- ;
nant heureux fuccés , & profpere viéloire con- ,
trcles ennemis de la fainc^e foy,veu que en celle |
caufe il galle le threfor deslndes,qu’il luy a don- j
néjVoireen’abefoing de beaucoup dauantage.
Cependant il fuffit d’auoir fait celle digrelïïon
pour monftrer les richelTes de Potozi. C ell
pourquoy nous reuiendrons à dire comme Ion
Commt l on tranaille ès minés de
Ghap. vm,
D E S Indes, L i v,
illc és mines, &
taux que Ion en tire,
144
trauaillc es mines, & comme l’on affine les me^
•Oecefe plaignant du premier imen-soetiui
iteur des mines; dit fort bien. confeUo*
Uem pnmtis, quis fmt lUe^
^y€un quipondera tejii.
rr <^ensmdfque^Uterevolenées,
Frectofa. pericuUfidit} '
Aucc raifon,il les appelle précieux danger, pour
legiand trauail & péril , aucc lequel !•«„ tire 3Î-
les metaux.queles hommes eftimcnt tant.Pline
dit qu en Italie il y a pluiîcurs métaux, mais que
lesanciensnevoulurent pas permettred-y tra-
uailler , afin deconferuer le Peuple, Ils appor-
m!llerrp'?"‘*“, & fuifoient tra.
taircs. LElpagne en fait auiourd’huy tout de
mefine aux Indes , en ce que y ayant & reliant
fans doubte en Elpagne, plufieurs mines de mé-
taux, neantmoms ils ne les veulent pas cher-
«faer,nypermettre qu’on y trauàille ,à caufe des
inconucmes.que l'on y voit,chafcun iour : mais
ils les font apporter des Indes, où on les tire
au«beaucoupdetrauail,&rifque. Ccroc de
lotozi contient eufoy.commei’ay dit, quqtte
Histoire natvrelle
veines principalles , qui font la veine riche , cel-
le de Centeno^celle d’Eftain , & celle de Men-
dieta.Toutcs ces veines font en la partie Oricn>
talle de la montagne, comme regardans le leuer
du Soleil : car en l’Occidentalle il ne s’en trou-
uc aucune ^ Lcfdittes veines courent Nort &
Sud,qiiieftdc Pôle en Pôle. Elles ontà hen-
droit le plus large" ihe pieds , & au plus eftroit
vnepaulme. Ily en a d’autres dediuerfe façon
qui fortcntd’iccllcs veines , comme les grands
rameaux des arbres , ont de couftume d’en pro-
duire de petits. Chafquc veine a diuerfes mines
qui font parties ou portions d’elle merme , di-
ftindesj&fcparées, entre diuers maiftres, des
noms dcCqucls elles font ordinairement appel-
lées. Là grande mine contient quatre vingts
vert^es, & ne peut contenir dauâtage par 1 or-
donnance , & la moindre en contient quatre.
Toutes CCS mines font auiourd huy fort pro-
fondes.Uon conte en la veine riche , foixante
& dixhuit mines , qui font profondes de quatre
vingts & cent ftades , ou hauteurs d'hommes,
voire en quelques endroits iufqucs a deux
ccnts.L oncontecnla veine de Centeno vingt
quatre mines, dont quelques vnes s’aduancent
iufquesàfcptante ou quatre vingts ftades , de
profond, &ainfi des autres veines de cefte mon-
tacnc.L on inuenta pour remede à cefte gran-
de profondité, des mines qu’ils appellent focca-
bones,quifontcauesou mines faides au pie
de la montaigne, Icfquelles vont traucriknt ml-
ques à rencontrer les veines. Car l’ondoibt en-
tendre,que cgbien que les veines courent
DIS In DI S. Liv. IIII. 14J
&Sud,commeii aefté dir, ncantmoins ç’eft en
rabai(Tai|t depuis le fommct iufques au pied Ôc
basdclalmon ragne, qui fera félon qu on croit
par coniedureplus de douze cents ftades. Et à
ce conte encor quelcs mines s’eftendent en tel-^
le profondeur, il refte ncahtmoins encor plus
de fix fois autant d’cfoace, iufques àleur fonds
ôc racine, laquelle félon qu’ils difent doit eftrc
frcs-riche & abondante, comme le tronc & la
fburce de routes les veines. Combien que iuf-
qu auiourd’huy nous ayons veu le contraire par
expérience, car tant plus haute &cïleuéc cftla
veine à la fuperfîcie de la rerre,tant plus Ce troii-
ue riche, plus aulîi qu’elle va en profondeur, l’on
trouue fon métal plus pauure, & moindre d’al-
loy. Cependant ils inuenterent les Soccabo-
ns, par Icfqucls on entre & fort aifemenr, pour
trauailler aux mines , auec moins de couft , de
peine & de dangcr.Ils ont huid pieds de largeur
&vneftade de hauteur, ôc les ferment auec des
portes i L’on tire par ieeqx les métaux fort fa-
cilemcnt,en payant au proprietaire du Socca-
bon,le cinquicfmc de tout le métal que l’on ti-
re pariceluy. Il y en a défia neufdefaids. Vau-
tres que l’on a commencé à faire.L’on fut vingt
neuf ans àfairevn Soccabon, qu’ils appellent,
du venin, qui va fc rendre & donner à la veine
riche, ayant elle commence en l’an mil cinq
cents cinquante, l’vnziefme année de la dcf.
couuerte,&’acheuécn l’an mil cinq cens quatre
vintscinq, rvnfiefmc d’Aurilj Ce Soccabon
rencontra la veine riche , à trente cinq ftades
près de fafource ou racine, & y auoit de là où
T
Histoire NAT VR s
il rencontra la veine iufquc au faut & embou-
cheure de la minc,autres cent & trente cinq fta-
des.De façon qu’il falloir defeendre toute cefte
profondité pour trauailler à la mine. Tout ce
Soccabon contient depuis Ton ouuerturc , iuf-
ques à h veine de Crufero,qu"ils appellent, deux
cents cinquante verges , àlaquellc œuurc furent
employezjles vingt neuf ans de temps, qui ont
efté dits, afin que Tonjvoy e le grand rrauail, que
prennent les hommes,pour rechercher l’argent
aux entrailles de la terre. Cependant ils trauail-
lenrences mines en continuelles tenebres, ôc
obfcurité,fansfçauoir aucunement quand il eft
iour ou nuit.Or d’autantquc ce font lieux,que le
Soleil nevifite aucunemcnt,il n’y a pas fculcmét
de perpétuelles tenebres, mais aufli y fait vn ex-
trême froid,&:y court vn air fi groflîcr,& con-
traire à la nature & difpofition humaine, que les
hommes qui y entrent de nouueau s’y eftour-
diffent comme du mal delà mer. Ce quim’ad-
uint à moy-raefmc en vne de ces raines , où ic
fenty douleur de cœur, 5c fanglots d’eftomach.
Ceux qui y trauaillent fe feruent de flambeaux,
5c chandelles pour leur cfclairerjcn départant le
labeur, 5c l’ouurage de telle forte que ceux qui
trauaillent le iour , y repofent la nuit,5c les au-
tres au contraire les viennent efehanger, pour
trauailler la nuit 5c repofer le iour. Le métal y eft
communément dur,5c à cefte caufe,ils le tirent à
coups de martcaux,le rompant 5^ cfclattant par
forcc,comme fi c eftoit vn caillou. Par apres ils
montent ce métal fur leurs elpaules , par des
rt, ' 14e
ephtn CS â trois branches , faites de cuir de va-
che retors, comme pièces de bois, qui font tta-
nerfees d efchel ons de bois : de forte qu’en cha-
cunede ces efchelles , l’on y peut monter &
defeendre tout enfemble. Ces efchelles font
longuesdedixftades, & à la fin dïcelles, en te-
.commence vue autre de la mefme longueur
commenceant, & finilfant chafque efchelle, à -
des cfi:abhcs& plates formes de bois, où il y a
des fieges.& lieux pour fe repofer , comme gal-
eries d autant qu’ilya pluiîeurs de ces efcSel-
les a monter, bout à bout. Vn homme y porte
ordinairement, furfesefpaules, lepoixdedeux
«robes de métal, auec vnetoille attachée, en
feçon dvne hotte, & y montent trois à trois.
Celuy qui va deuantporrevnechandelle,atta-
checafonppulfeicarcommeil ell dit, il ii’y a
"k n T’T > & vont fetenans àfef-
chelle des deuximains pour monter fi grande
efpace de hauteur, qui furpalTe communiment
cent cinquante ftades de hauteur, chofe effroya-
ble, & qui donne l’efpouuente feulement à y
penfet, tant eft grand le defir d’argent, pour la
recherche duquel les hommes efidurent tant
de trauail. Et certes ce n’eft point fans raifon,
que Phne traittant de celle matière s’exclame
Scditainfi. Not^entrmsmPiMSMxmmUeaeUpr ■
tmc, Cf domfmrfuyuam Us nchePs sufi»es.,uxf!lTl.,,
WdtW^nei^.¶pres
llditainfi. C.,.x^s,sr.chenLsUsmsu.xfi„ü»
2T77n desrnxs, crLtSes
’^J^r‘f<’^‘>»‘»U*hkmrdcsch4ndfUes7ùUimr
Tii
Histoire natvrelle
U nuiB font femhlMes,<cren flttfiet^rs tn«is ne voyet
aucun tour, d' eu bien feuuent U adulent, ([ue les farcis des
mines fendent <CT tombent, accaUans dejfow flujteurs
des miniers,<jui y trauaillent. Et en apres il adioude^
ils entament U roche dure,auec des marteaux de fer, fe-
fants cent cinquante liures,0-' tirent les métaux fur leurs
efiaullesytrauaillans de leur CT de nuiH,les vns defqueh .
baillent leur charge aux autres,^' tout cela ef en ebfcu^
rité,fuifque les derniers feulement voyent la lumière.
t4uec des coings defer^er des marteaux ils rompent les
caiUous,tat durs,erforts quils foyent,pource^que la faim
delUrgent elî encorplufafire,Cr’ plus forte. Celacft
dePlme, qui encor qu’il parle comme hiftorio^
graphe d alors, neantmoins femblc prophète
d auiourd’huy.Et n eft moindre ce que Phocion
d’ Agatharchidcs,raconte,du grand trauail,qu’é-
duroient ceux, qu'ils appelloient Chryhos, à ti-
rer l’or,pourcc que comme le fufdit autheur dit,
l’or & l’argent donnent autant de trauail à le ti-
rer &rcchercher,comme il apporte de conten-
tement eftantpoflede.
Comme Ion affine le métal d’argent»
Chapitre IX.
Es veines que i ay dit, où l’on trou- |
UC Targent, courent ordinairement i
entre deux rochers qu’ils appel- i
pîIBs^îlentlachaffc dont l’vnd’iceiuaac-
couftuméd’eftte tres-dur comme caillou , «e
l-autre mol te plus facile atoropte. Tout ce
DES In DEsXiv. III I. 147
nierai ne fctrouue pas toufiours cfgal & dVnc
me/iîie valeur. Car il y en a vne mefine veine,
d Vne forte fort riche, qu’ils appellent Cacilla,*
ouTacana, d’oul’on tire beaucoup d argent, &
l’autre eft pauiirc, duquel l’on tire peu d’ar-
gent.Le métal le plus riche decefîe montagne
cftdc couleur d’ambre , 6c apres celuy qui tire
le plus fur lenoir.Il y enad autre, qui eft corn--
me roux , d’autre femblable à la couleur de
cendre : en fomme de plufieurs & diuers cou-
leurs, &^mble à ceux qui ne les cognoilïènt
point, que ce foient des prières de nulle va-
leur. Maislesminierscognoiftcnt incontinent
fa qualité 6c fa perfeâ:ion,par certains lignes Sc
petites veines, qu ils y voyent. On porte tout
le métal que l’on tire des mines, fur des mou-
tons du Peru, qui feruent d’afnes à porter aux
moulins. Le métal le plus riche s’affine en Je
fondant , dedans ces petits fourneaux queiay
dit, qu’ils appellent Guayras. car ceftuy eft le
plus plombcux, pour raifon dequoy il en eft
plus racile a fondre, auffi pour le mieux fon-
dre, les Indiens y iettent, ce qu’ils appellent
Sorochc,qui eft vn métal fort pldmbeux, & le
métal eftanc en ces fourneaux , Tordure & le
terreftre, par la force dufeu, demeure en bas, 6c
le plomb , & l’argent , fc fondent , de telle
façon que l’argent eft porté nageant fur le
plomb , iiifques à ce qu’il foit purifié, puis
apres ils raffinent encor plufieurs fois ceft
argent , par cefte manière de fondeure. L’on
a ^accouftume de tirer d*vn quintal de mé-
tal , trente , quarante , voire cinquante
T iij
Histoire natvrelle
pczcs d’argent, & toutesfois i en ay veu d’vnc
forte que l’on me monftra par excellence , du^
quel l’on tiroit en le faifant fondre de celle fa-
çon, deux cens , voire deux cens cinquante pe-
zesd’argent du quintal, richelfe vrayement ra-
re &prcfque, incroyable, li par le feu nous n’en
auions veu l’expcricnce, mais tels métaux font
fort rares. Le pauurc métal cft celuy qui d’vn
quintal rend deux ou trois , cinq ou lix pezes
OH peu d’auantage.Ce métal ordinairement n’eft
point plombeux , mais cft fcc; c’eft ^ourquoy
l’on ne le peut affiner par le feu. Et pour celle
raifon ilyauoit en Potozi vne grande quantité
de CCS panures métaux , dcfquels l’on nefaifoit
pas grand eftat , & cftoient deiettez comme la
paille & comme l’efcume des bons metaux,iuf-
ques à cc que l’on mit en allant le moyen d’af-
finer aucc le vif argent, par le moyen duquel
celle efeume qu’ils appelioient Oquiache fut
dcgrandprofit.Car levif argent par vne eftran-
ge & merucillcufe propriété purifie l’argent,
& cft propre pour ces métaux qui font fecs &
panures, efquels toutefois ilfcconfurac moins
de vif argent que non pas es riches , car tant
plus ils font riches , plus ils ont befoin de vif
argent. A uiourd’huy la façon d’affiner , qui cft la
plus commune & plus exercée enPotozi,cft celle
qui fe fait par le vif argent, comme aulfi és mines
de Cacatecas & autres de laneufuc Efpagne. Il
y auoit anciennement aux flancs & aux fommets
de Potozi plus de fix mil Guayras , qui font ces
petits fourneaux où l’on fond le métal, lefqucls
cftoient pofez en façon de luminaires , telle
Des Indes. Liv. IIIT, 14S
ment que c ’eftoit vn plaifant (pcdtacle cJc les voir
dciiuid , éc iettcr la lumière fî loin , qu^ilsfcm-
bloycnt n’cftrc qu vn brafîer ou flamme de feu.
Mais auiourd’huy pour le plusqu’on yentrou-
ue, c’cftdcux mil, d’autant que comme i’aydiét,
ils vient peu de la fonte, mais aflinentaueclc vif
argent qui cfl: de plus grand profit Et pour ce que
les proprietez du vif argent font admirables, Sc
quecefte maniéré d’afîîner l’argent eftfortrc-
marquable:Ic traitteray du vif argent , de fes mi-
nes âc ouurage, & ce qui femblera conucnable à
cefujed,
Despro^nete'X^ meruedleujès du vif argent.
Chap. X.
*
E vif argent ainfî appelle par les
Latins, pource qu’il coule &fc
glifle viftement dVn lieu en autre
entre tous les métaux a de grau -
des 5c merucilleufcs proprietez.
La première, que combien que
ce foitvnvray métal, lî cft ce routes fois qu’il
n’cft pas dur , 5c fi n’a point de forme ar-
reftée ny de confiftance comme les autres mé-
taux, mais il eft liquide 5c coulant , non pas
comme l’or Sc largenr fondu, ains de fa propre
nature , combien qu’il foit vne liqueur , il ell
neantmoins plus pefiint qu’aucun autre métal;
c’cftpourquoy tous les autres nagent deflus &
ne vont point au fond, d’autant qu’ils font plus
legcrs.Fay veu mettre en vn baril de vif argent
deux liurcs de fer, lefquellcs nageoient delfiis
T iiij
eaf.6.
Histoire nAtv^eeie
comtne fait du bois ou du liège fur 1 eaiie. Piina
mctvnc exception à cela, difant que lot tant
feulement s’y enfonce & ne nage pas delïus : ie
n en ay pas veu l’experiencc, mais parauanture
cela procédé de ce que le vif argent naturcUe-
ment circuit l ot & le cache dedans foy , qui eft:
vue des plus importantes proprictez qu’il ait.
Car il s’attache à l’or d’vnc façon raerueilleufe,
le cherche &le va trouuer là où il le fent,& ce
non feulement , mais aulïi il l’enuironnc & le
iointde telle façon , qu'il le dcfpoüille &
re de quelconque métal & autre corps où il ^
foit raeflé. Pour cefte raifon ceux-là prennent I
de l’or qui fe veulent preferuer, du dommage |
& des incommoditez du vif argent. L’on s eft i
feruy pour doiyier remede à ceux, és oreilles j
defquels on auroit nus du vif argent pour les |
faire mourir fccretement , de certaines petites |
platines d’or qu on leur mettoit és oreilles, à |
cauic de la vertu qu’a l’or d’attherle mercure. |
Et par apres ils tiroient les platines routes blâ-
ches du vif argent qui s’y eftoit attache. Eftant
vniour à Madril allé voir les ouurages exquis
que lacomo de Treço, excellent ouuricr Mi-
lannois faiibit pour fainét Laurens le Royal, il
aduint que ie m’y trouuay le iour qu’ils doroient
quelques pièces d’vn contre- table qui eftoient
de bronze , ce qui fe fait auec vif argent.
d’autant que la fumee du vif argent eft mortel-
le,il me difl: que les ouuriers fe preferuoient de
ce venin en prenant vn doublon d’or roullé
qu’ils aualloient, lequel cftant en l’eftomac atti-
roitàfoy tout le vif argent quUcur entroit en |
D ES Indes. L i v. I II 1/
fumée par les yeux, par les oreilles , par les na^
rines Ôc par la bouchc,& parce moyen fc ga-
rantiffoientclu dommage du vif argent qucl or
attiroit ainlî en reftomac,& iettoienten apres
letout auec les cxcremens , ebofe certes digne
d'admiration. Apres que le vif argent a purifié
1 or,& qu’il 1 a nettoyé & purgé des autres mé-
taux, &de tout meflange,ileft fcparc luy-mef-
me d’auecl’or fon arny par la chaleur du feu,le-
quel lelaific du tout purifié & fans vif-argent.
Plincdit quepar certain art & inuentioii l’on
feparoit l'or d’aueclevif argent, toutefois ie ne
voy point qu’auiourd’huy l’onvfe de tel art, Sc
me femble que les anciens n’ont point feeu &
entendu que l’argent fe peuft affiner aueeduvif
argent, qui eft aiiiourd’huy le plus grand vfage
& principal profit du vifargét, pour ce qu’il dit
cxprdrémentquelevifargétnefeiointà aucun
autre métal qu a l’or, & lors qu’il fait mention
d’affiner l’argent il ne parle feulement que delà'
maniéré de fondre , d ou l’on peut infererque
les anciens n’ont point cogneu ce fecret. A la
vérité iaçoit qu’entre l’or & le vif argent, il y
ait vne amitié âc fympathie, neantmcTins là où
le vif argent netrouue point d’or,ilfc va rendre
à l’argent &feiointauecluy, bien que ce ncfoit
pas de telle façon qu’il fait aucc l’or. Mais en fin
il le nettoy e il le fepare d’auec la terre , le cui-
urc & le plomb, parmy lefquels s’engendre l’ar-
gent,fans qivil foit befoin de feu pour le raffiner
par fondure, encor qu’il fc faille feruir du feu
pour le feparer d’auec rargent, comme ie diray
Çy apres. Le vifargenc ne tient conte des autres
/
Histoire natyrilie
métaux, horf-mislor & l’argent : au contraire
il les corrompt, les parforce &lcs confomme,
& les va fuyant tant qu’il peut. Ce qui eft aufli
vnechofe admirable,&pourceftc caufeTon le
met en des vafes de terre ou dans des peaux d’a-
nimaux, d’autant que fi on le met dans des vaif-
féaux de cuiurc , de fer ou d’autre métal , auflî
roft il les perce & corrompt, & pénétré aufii
toute autre matière. Ceft pourquoy Pline l’ap-
pelle le venin de toutes chofes, & dit qu’il con-
fbmme ôc gafte tout.Lontrouue du vif argent
CS fcpultures des hommes morts,qui apres auoir
confommé les corps, en fort former & fore
entier, lls’cn eft mcfmc trouuc dans les os &
mouelle des hommes & des animaux ,lefquels
l’ayant receu en fumee par la bouche te par les
narines il fe congelle au dedans, & leur pénétre
ainfiles os. Etpourcc ccftvne chofe fortdan-
gereufede hanter & fréquenter auec vne créa-
ture fi venimeufe ôc fi mortelle.il a auflî vne au-
tre propriété de courir & faire cen^ milpetites
goures , defquclles pour petites ôc menues que
elles puilTent eftrc, il ne s’en perd pas vne, mais
vont retournant par cy par là fe ioindre auec leur
liqueur.Et eft quafi incorruptible n’y ayant cho-
fe prefque quilepuüFe gafter, d’où vient que le
mefmc Pline l’appelle fueur eternelle. Il a en-,
cor vne autre propriété, c’eft que combien qu il
foit celuyqui feparcl’or d’auecdecuiure, 5e de
tous les autres métaux , neantmoins ceux qui
veulent dorer du cuiurc, du bronze ou de 1 ar-
gent,fe feruent du vifargent,pourcftrc le moyen»
neur de ceft aflcmblcment.car on dore les me-
DES Indes. Liv. III I. i^o
taux par fon aide. Entre taures les merueilles
deccftc cftrangc liqueur, celle qui m’a femblc
plus digne d’eftrc remarquée, cft que combien
qu’il Toit la chofe la plus pefanre du môde,neant-
moins il fe tourne toîalement en la chofe plus lé-
gère du monde, qui eft la fumée par laquelle il
monte en haut ayant efté conuerty en icelle, auffi
toftla mefme fumée,qui cft vue chofe fi legerc/e
retourne datout en vnc chofe fi pefantc, comme
eft la propre liqueur du vif argent:cnquoy il fe re-
font. car cefte fumée venant à rencontrer en haut
le métal qui eft vn corps dur, ou bien venant à vnc
région froidc,auflî toft il s’e^Jaiflit & fe tourne en
vif argent: qirc fil’onluy donne vue autrefois le
fcu,rour de mefme il fe retourne en fumée pour fe
refoudre encor en vifargenr.Trâfmutatiô vraye-
ment cftrangc dVne chofe fi pefanteen chofe fi
lcgerc,& d’vncfilcgercen vnc fipefante, ecque
l’on peut tenir pour chofe rare en nature.Et pour
ccl’autheurdcla nature eft digne deftre glorifié
en toutes ces Sc autres eftranges proprictez de ce
métal, puifque toute chofe engendrée obeicprop-
temcntàfes loix cachées & incogneucs.
Ifeu m l'on trouue le vif argent, CT comme Von àefeou-
urit ces tres-nches mines en Guancmilca,
tout enfemble ce vermcillon que les
Ch A P. XI.
E vif arget fe trouue en vne manière de
pierrc,laquelle donne & apporte aufli
î anciens encor au-
Histoire natvrelle
ioui'd’huy l’on appelle les images de criftal mi-
niades,lefquclsfont peints aucc du vif argent.
Les anciens ont beaucoup fait d’eftatde ce»»/-»
nmm, ou vcrmeillon, le tenant pour vne couleur
X.J3 C.7, facréc, comme Pline raconte , difant que les
' * Romains aiioient accouftumé d’en peindre la
face de lupiter & les corps de ceux qui triora-
phoient en Ethiopie, mefmes les idoles , & les
gouuerncurs aüfli, anoient la face peinte de ce
minium. Et que ce vermeillon eftpit tellement
cftimé à Rome(leqiieron y portoit feulemenc
d’Efpagne , où il y auoit beaucoup de puits &
de mines de vif-argent , qui y font encor au-
iourd’huy ) que les Romains ne permettoient
pas que l’on l’affinaft & accommodaft en Ef-
pagne, de peur qu’ils n’en dcfrobalTent quel--
que choie, mais on le portoit a Rome,feelley
tout ainfi en pierre comme ils le tiroicnrdcla
mine, puis l’afïinoient.L’on yen apportoitpar
chacun an de l’Efpagne, fpecialemtnt del’An-
dalufie,cnuirondixmil liures,quc les Romains
cftimoient vne cxceflTiue richclTe. l’ay rappor--
té tout cecy de cet Autheur , afin que ceux qui
voyent auiourd huy cequilcpafleauPcrii, ayet
le contentement de fçauoir ce qui s^eft pafle an-
ciennement, entre les plus puilïànts feigneurs
del’vniuers. leledy pour les Inguas, Roys du
Peru,& pour les Indiens naturels dûceluy, qui
trauaillercnt & fouyrent long temps es mines
de vif argent, fans fçauoir ce que c’eftoit du vif-
argent, & fans le cognoiftre, ny fans y recher-
cher autre chofe que le Cynabre ou vermeillon,
qu’ils appellent Limpi, lequel ils eftimentbeau-
coup,pour ce mefme effeâ:,que Pline a raconte
dïsIm DES. Li v: iiir. y JJ
des Romains,& des Ethiopiens, qui eft pour Ce
peindre & teindre la face & le corps d’eux &
leurs idoles , ce qui a efté beaucoup pratique
rar les Indiens,fpecialleraent quandils alloienc
la guerre,&en vfentcncor auiourd’hny quad
ils font quelques dances &feftes, Rappellent
cela fc barbouiller, pour ce qu’il leur fembloit
que les faces Rvifages ainfi barbouillez efpou-
uentoient beaucoup, «c auiourd’huy le tiennent
pour vn ornement & mignardife. Pour cefte
caufe il y a eu d’eftranges ouurages de mines,
aux montagnes de Guancauilca , qui font au
Peru, proches de la cité de Guamangua, def-
quelles ils tiroient ce métal, Reftdelafaçon,
que Cl auiourd’huy l’on entre par Icscaues ôc
occabons, que les Indiens firent de ce temps'
là les hommes s’y pcrdent,& ne trouuent point
de chemin pour en fortir : mais ils ne fe fou-
cioient point du vif-argent, qui naturellement
eft en la mcfinc matière, ou mctal,dc vermeil-
lon, ny ne cognoifibient point qu’il y euft au
inonde de telle matière. Les Indicnsn’ontpas
cftcfeuls, qui ayenr efté long temps fans auoir
cognoilfance de cefte richeirc , mais auftî les
Efpagnolsont eftéde mefme, iufques à ce que
en l’an mil cinq cens foixantefix , R foixante
Icpt, que le Licentié Caftro gouucrnoitau Pc-,
rujl’ondcfcouuritles mines de vif-argent ce
qui àduint de cefte façon. Vn homme d'enten-
dement, appellé Hendeque Guarçcs, Portu-
gais de nation, ayant vn morceau de ce métal
coloré, qucâ’ay dit, que les Indiens appellent
umpi^aucc lequel ils le peignent le vifage,com-
Histoire natvrelie
me illcregardoit& contemploir, cognent que
c’cftoit la mermechofe qu’en Caftille, l on ap-
pelloit vermcillon , Ôc d’autant qu il fçauoit
bien que le vermcillon fc tire du mcfme métal
que le vif argent , ilcôniedura que ces mines
deuoienteftredevifargent, & fe tranfporta au
lieu d’où l’on tiroft ce metal,pour en fkire l’eflay
6c rexpericnce.Ce qu’il trouua eftre ainfi,& ayâc
de celle façon efté defcouiiertes les mines dePaU
cas au terroir de Guamangua,il y alla grand nô-
bre d’hommes pour tirer le vif-argent, & de là le
porter à Mexicque, où l’on affine l’argent par le
moyen du vif-argent, dequoy plufieurs fe font
enrichis.Cefte contrée de mines, qu’ils appellent
Guancauilca, dcllors fe peupla d’Efpagnols Sc
d'indiens, qui y arriuerent, & auiourd’huy y ar-
riuent encor pour trauailler à l’ouurage^de ces
mines de vif-argent, lefquelles font en gràd nô-
bre & fort abondantes. Mais fur toutes ces mi-
nes,celle qu’ils appellent d’Amador,dc Cabrera,
autrement des Saints, cil belle ôc remarquable.
C'efl: vn rocher de pierre tres-durc, toute feméc
de vif-argent,& de telle grandeur qu’elle s’elléd
plus de quatre vingts varres en longueur, &
quarante en largcur,en laquelle mine l’on a fait
plufieurs puits & fofles de foixantc & dix ila-
des de profondeur, de forte que plus de trois
cens hommes y peuucnt trauailler tous enfem-
bletantcftgr'andc fa capacité. ^ Cefte mine fut
dcfcouucrte par vn Indien d’Amador de Ca-
brera, appcllé Nauincopa, du bourg d’Acoria,
^lafitenrcgiftrcr Amadot de Cabrera en foï
DBS Indes, tiv, IIII.
nom. Il en fut en procez contre le Procureur
fifcal, mais par arreft rvfufruia luyenfutad-
iugé, comme ayant efté le defcouureur. Du
depuis il vendit.fondroi<5tà vn autre , pour le
prix de deux cens cinquante mil ducats , & par
apres ayant opinion qu’il auoit efté trompe en
ceftevente, mit en adion l’acheteur, pour ce
qu’ils difent qu’elle vaut plus de cinq cens mil
ducats , voire quelques vns tiennent qu elle
vaut bien vn million dor: chofe rare,qu’il y ait
vnc mine de telle valeur &richdîcl Lorsque
Dom Francilque de Tollcde gouuernoit au
Peru, il y eut vn homme qui auoit efté en Me-
xicque, êc remarqué comme l’on afïînoit l’ar-
gent, aucc le Mercure, appellé Pero Fernandes
de Velafco, qui s’offrit & s’ingeradaffiner de
de tirer l’argent de Potozi,auec le Mercure, &
en ayant fait 'preuue en l’an milcinqcensfoi-
xante& onze, en vint à fonhonneur,&lorson
commença en Potozi à affiner l’argent auec le
vif-argent que l’on y portoit de Guancauelic-
qua,quifut vn beau remede pour les minesrcar
parlemoycndccevif.argcnr,l’ontira vn nom-
bre infini d’argent de ces métaux , dont ils ne
laifoientpointd’cftat , lefquels ils appelloyent
racljmres.Car comme il a efté dit le vif-argent
purifie largent encor qu’il foit rec,pauure, ôc
de peu d alloy , ce que l’on ne peut faire en le
Allant fondre par le feu. Le Catholique
tire de 1 ouurage des mines' du vif-argent, fans
couft ny rifque aucune , prcfque quatre cents
ini pezesdemine, qui font de quatorze reaux
Chacun, ou peu moins, outre le droit qui luy re-
Histoire katvrelli
uient en Potozi, où il eft employé , qui cftvne
autre grande richefle. L’on tire chacun an, Ivn
portant l’autre , de ces mines de Guaneauilca,
huiét mil quintaux devif-argcnt,& voire d’auan- !
tage. i
D e Uflçon de tirer le vif-argent, comm c
on en affine l’argent i
Chap. XII.
K lions maintenant comme Ton tire |
le vif-argent, & comme auec luy 1 on
affine l’argent. L'on prend la pierre
ou métal, où fe trouue le vif argent,
laquelle ils mettent au feu dedans
des pots de terre, bien bouchcz,apres qu’ils l’ont
premièrement pillée & moulluc, de forte que ce
métal ou pierre, venant à fe fondre par la cha-
leur du feu le vif-argent s’en fepare,& en fort en
cxhalation,& quelque fois mefme auec la fumee
du mefme feu, iufques à ce qu’il rencontre quel-
que corps,oùils’arreftc &fe congellc : que s il
palTe outre en haut fans rencontrer aucun corps
dur,il va à mont iufques à ce qu’il foit refroidy,
& lors cftant congellé il retombe en bas. Quand
la fondurc eftachcuée , ils detoupent les pots
&: en tirent le métal, attendants toutesrois à
ce faire, qu il foit bien refroidy, car s’il y reftoit
encor quelqu? fumée ou vapeur, qui rencon-
traftlesperfonnesquiles deftoupent, ceferoit
pour les faire mourir ou demeurer perclus , ou
à tout le moins pour en perdre les dents. Lt
d’amant que l’on vfe&dcfpcndvn nombre m-
DES Indes. Liv. nil. 153
fini de bois, pour cntretcnirle fcu àfondreJes
métaux. V n racurnicr nommé Rodrigo de Tor-
res, rrôuua vue inuention tres-v.die, quifut
de cueillir dVne certaine paille qui croift par
toutes ces montagnes du Peru, laquelle ils ap?-
pcllent Ycho,& efteomme vne efpece de ionc
dur aucc quoy ils font du feu. G’eft chofe mer-
ueillcufe que la force que ce'fte paille a rpour
fondre ces metaux,ce qui eft, comme Pline dit,
qu il y a de 1 or que Ton fond plus facilement
auec la flamc de la paille, que* non pas auec: ivn
gros brafier, quoy qu’il foit bien ardanti&en:-
flamc.Ils mettent le vif-argent akifi fondu dans
des pcauxjd’autant qu’il fe garde -fort bien dans
du cuir, & de cefte façon Fon le;m àox màga-
fins du Roysd’c>àl’on,lctirc'pour le porter par
merà Aricqua ,puis à Potozi par terre.fur les
moutons du pays; Il fe confume ordinaire^
ment chaque an en Potozi, pour l’affinement
des métaux enuiron fix ou fept mil quintaux de
Vif-argent, fans ce que l’on tire des lames, (qui
eft le terreftre, bordure des premiers lauoirs des
metaux,qui (c font en des chaudières. ) LeffiucU
les lames ils bruaent & mettent en des four-
neaux pouren tirer le vif-argçnt,qui demeure
en icelles. Ed y a plus de cinquante de ces four-
neaux; en la villle de Porozi,& en Tarpaya. La
quantité des métaux que l’on affine i( comme
quelques hommes expérimentez en ont fait le
conte, ) fe peut monter à plus de trois censmil
quintaux par an,des lames & terreftres: dcrquclà
rciondues & rafinées , l’on peutrifer plus de
deux mil quintaux de vif-argent. Ord’on doit
V
Histoire natvrelle
^çau6ir,qu’il y a>diuerfes fortes de métaux pour |
-ce* qu’il y a quelques métaux qui rendent beau- :
:gÔu|) d’argent Ôc confommentpeu de vif-argét,
_&'d’autrcs au cô’ùtraire qui confomment beau- '
-coup de i^if-argent , de rendent peu d’argent. Il i
iy.en a d’autres qui en confomment beaucoup,
-^rendent beaucoup dargent,&d autres qui cô-
:fomment peudeA'if argent, derendeut peu d’ ar-
.gentr&relonrqucles hommes rencontrent en
cesmetâMx^ainfiils enrichillcnt & appauurif-
fent en leur traitte. Combien que le plus ordi-
nairemét ibafriuc;que tout ainfi comme le fne-
æal riche doni?^ plus d’argent^aufli il confomme >
'beiucoup-pltîs ^ e mercure, dé le paiïîire au con- ,
traire ainfi qaàl donne peu d^argent, il confom-
me auffi peu de vif~argent. L’on pille & meut i
prcmicrcment le métal fort ïïkehu , aiiec des
' -maires deinfiruments, qui frappent de pillent :
:ceftc picrrcjcomme des m.oullins à tan,dc eftant |
le métal bien pillé,ils le fafçent en des facs de i
cuiure, qui font ôc rendent la poudre aulïi def-
liécdcmenue,commc ceux qui font faits, de foyc
<îecheual, & fafçent ces facs ,lors quils font
bien accommodez ôc entretenus , trente quin-
taux en vn ioûr ôc vne nuid , puis l’on met la
poudre de ce met'al,eftantfafçee en des calibns ■
de buitroncs, où ils la mortifient ôc defgrailTenc
auecdelafaulmure,mcttantà chaques cinquâ-
tc quintaux de poudre cinq quintaux de fel , de !
font cela,pourcc que le fel defgrailîe ce métal, i
& le fcpared’aucc la terre de l’ordure qu’il a , à i
finquelcvif argent recueille plus facillement, j
ôc attire largcnt. j^pres ils mettent du vif ar- |
des Indes: Liv. IIH.
genr en vn linge de HolJande cru, & le pref-
lent 5c expriment fur le meral,(brtant Je vif-ar-
gcntcomme vncrorée^cntournant & meflant
toufiours cependant le métal, afin que cefte ro-
lec de vif-argent fc communique à tour. Au pa-
rauant quijseuirent inuenté les buytrones de
reu, l’on amalfoit Arpaiftrifibit plufieurs & di-
uerfesfois Je métal auec le vif argent, dans de
grandes auges, Sc Je lailfoient ainfi pofer quel-
ques iours, puis retournoient à le remefler &
amalfer vne autre fois, iufques à ce qu’ils pen-
loient que tout le vif-argent eftoit ia incorpo-
re auec 1 argent, ce qui tardoit vingt iours &
plus & quand il tardoit peu , c’eftoit comme
neuf iours.Pu depuis l’on defcoiaurit, ( comme
Je defir d’acquérir eft diligent ) que pour ab-
bregerle temps, le feu y aidoir beaucoup pour
cauier que le vif- argent recueiJlift pJuftoll l’ar-
gent, & ainfi ils inuenterent les buytrones où
ion mertoit des calFes pour mettre le métal
auec du fel & du vif- argent, & par delTous met-
toient le feu petit à petit en des fourneaux faits
cxpr^es. par delfous terrc,&enrefpace de cinq
ou fix lours le vif-argent incorpore à foy Par-
gent puis quand ils cognoiffent quelemercu-
realaitfondeuoir/çauoir qu’il a dutoutafse-
a . lailfer rien arriéré, 5c qu’il s en
dt imbu, comme fait l’efponge de l’eaueyl’in-
jorporant auec foy , & le feparant de la terre
U plomb & du cuiure,aucclefquels il s’engen-
ire, puis ils le tirent & feparent du mefinevif-
irgent.Gc qu’ils font en cefte maniéré, ils met-
:nt le métal en des chaudières , Sc vailFcaux
Vij '
Histoire natvrelle
pleins dcaucjou aueedes moullinets ou roues»
vont tournant tout à l’entour le métal, comme
quiferoitdelamouftarde, & lors va fortant la
-terre 6c ordure du metal,auecreauc qui court,
6cfargent & vif-argent , comme plus pefants
demeurent au fond^de la chaudière , & le mé-
tal qui demeure cft comme du fable : de là ils le
tirent & portent lauer vne autre fois auec de
grands plats de bois en des cuues pleines d’eaue,
& là ils acheuent de faire tomber la terre ,laif-
fant l’argcnt-& vif-argent feuls. Touresfois il
ne lailPe pas de couler qnelquel fois vn peu d’ar-
genr& vif-argent, auec la terre & ordure, 6c
cft ce qu’ils appellent relaué,lequcl ils approuf- !
firent parapres,&en tirent ce qu’il refte.
Aptes donc que l’argent & vif argent font nets,
&qu’ils commencent à reluire, à caufe qu’il n’y
refte plus de terre, ils prennent tout ce métal,
lequel eftant mis dans vn linge ils le preftent &
expriment très- fort, & par ce moyen fort tout:
le vif-argent , qui n’eft point incorporé auec
rargent,6c demeure le refte fait comme vn pain
d’argent , ôc vif-argent, ainfi que demeure le
marc des amandes , quand elles font preflees,
pour faire de l’huyle, ôc eftant ainfi bien prelfé,
le marc qui demeure contient en foy feulement
la fixiefmc partie d’argent, & les cinq autres de
mercure. Tellement que s’il refte vn marc de
foixanre liurcs, les dix font d’argent, 6c les cin-
quante de vif-argent. De ces marcs ils font des
piiics,qu’ils appellent, ou pommes de pin,cn la
façon de pains de fucrc , creufes par dedans,;
Icfqucllcs ils font ordinairement de cent liurcs,
t> E s I N D E S.Ll V. 1 1 1 L
pcfântjpuispour fcparer l’argent d’auec le vif-
argent, les iTiettcnt au feu violent, où ils les
couurcnt d’vn vaze de terre, à la façon d’vn
moulle à faire les pains de fucre, qui font com-
me capuchons, & les couiirantde charbon, leur
donnent le feu, par lequel le vif-argent s’exha-
le en fumee,&: rencontrant ce capuchon de ter-
re , la s’elpailîît & diftille,aiiii(x que fait la fumée
du pot au couuercle,& par vn canal en façon
d’allembicq, l'on reçoit tout le vif-argent qui
fcdiftille, demeurant l’argent feul, lequel ne fc
change en la forme ôc figure,mais aux poix il di-
minue de cinq parts moins qu’auparauant, <5c
demeure crefpu & fpongieux, qui eft vne chofe
digne de voir.De d’eux de ces peinesî’on fait vne
barre d argent , du poids de foixante dnqou
foixantefix marcs, & de celle façon ils la por-
tent ellàyer, quintér & marquer. L’argent tiré
auecle mcrcure,cftrrfin,queiamais il n’abaiire
de deux mil trois cens quatre vingts d’alloy, Sc
cil lî excellent que pour le mettre en œuure,les
orfeutires ontbefoinde l’abbailTer d’alloy, en
y mettant delarouldc,Gu meflange, cÔmeaulîi
Ion fait es mailbns delà monnoye, où l’argent
femctenœuurelbus le coing. L’argent endure
tous ces tourments ôc martyrs ( s’il faut dire
ainfi)pour dire affiné: que fi l’on confiderc bic,
c dl vn amas tout formé,où l’on mcut,ron s’af-
çc, 1 on pailltit, l’on fait le leuain , ôc l’on cuit
1 argenttoutre tout ccla,ron le lauc,relaue, cuit,
.& recuit , palTant par les pillons, facs, auges,
buytrones,chcudicres,batoirs, prdToirs , fours,
ôc nnablcmcntpar l’eauc Ôc par le feu. le dis cc-
V iij
Ecclefz,
TJaLii.
Histoire î4ATVRELtE
cy,pour ce que voyant ceft: artifice en Porozi, ic
confideroisce qucditrEfcriturcdesiuftes, que
coUbit ees^C^ quaji ar^entum,ôc ce que el-
le dit en autre ^5îZ,J}04t Argmtum ^urgatum terr&
jjurgAtum feptuphtm.T dkmem que pour purifier
l’argcnr, l’affiner & le nettoyer de k terre ôc
pierre, où il s’engendre , l’on le purge & purifie
fcpt fois, car en cfFcd ils le tourmentent ôc paC-
fcntparles mains fept fois, voire d’auantagc,
iufques à ce qu’il demeure pur ôc fin,cequieft
de mefme,en la dodrine du Seigneur , ôc doi-
uent eftre telles, ôc ainfi purifiées les âmes, qui
doiuent participer ôc ioüii: de fa pureté diuine.
Ves engins à moudre les met aux de
l’ejfaji de l'argent.
Chap. XIII.
Our conclurre cefte matière ôc fu-
iet de l’argent &dcs métaux , il nous
refte deux chofes à dire , l’vne def-
_ quelles, efi: de traitter des engins ôc
moulins,& l’autre des eirais.l’ay défia dit,com-
me l’on meut le métal pour receuoir le vif-ar-
gent, laquelle moulure fe fait auec diuersin-
firumens &cngins,les vns auec des cheuaux co-
rne des moulins à bras, ôc les autres comme
moulins à eaue, defqiielles deux fortes y a vnc
grande quantité.Mais d’autant que l’eaue qu’ils
ont[là communément ,n’cftquede la pluye,il
n’y en a pas fuffifamment en Potozfqu’cn trois
ou quatre mois,qui font en Décembre, îanuier.
DES Indes. Liv. IIII.
Fein‘ier,pour ceftc occafîon ils ont fait de lacs
& eftangs qui contiennent de circuit v coiiame
mil ôc iix cens verges , & de profondeur trois
ftades, il y en a ièpt auec leurs efelufes, telle-
ment que quand üeft befoin d’eaue, l’on leué
vue efciufe d’où fort vn ruillèau d’eaue, lequel
ils relèiTciit aux feftes. Et quand lés lacs ôc
cftangs fe rcmplilîènr,& que lannec eft abonjdâ-
tecnpluyeSjlemoudrey dure fîxou fept mois,
de façon que mefme pour l’argent les homes dé-
firent ôc dcmâdcnt vne bonne année d’eaues en
Potozi,côme l’on fait aux autres endroits pour
le pain. Il y a d’autres engins en Tarapaya^qui
eft vne vallée diftante trois ou quatre lieiics de
Potozijoù il court vue riuiercy comme mefme
en d’autres endroits. Ladiuerfité qui eft entre
CCS engins, eft que les vns font de fix pillons,
les autres^ de douzc,& les autres de quatorze,
L on meut ôc pille le métal en des mortiers où
iour ôc nuiét ils trauaillent , & de là l’on porte
ce qui eft moulu pour fafeer. Il y a au riuage du
ruilfeau de Potozi quarante huiét inftrumenS'^
ôc engins àcaüedehui(51:,dix&douzepillGSj6c
quatre autres de l’autre cofté, qu’ils appellent
’ranacognugno,en la jallée de Tarapaya,y ens à
vint deux tous à eaüe,outre lefqucls y en a trcn.-l
te à chenal en Pordzi, ôc plufieiirs autres; en
d’autres endroits, tant a efte grand & eft encor
le defir ôc induftrie de tirer l’argent. Lequel fîW
nalement eft eftayé ôc elprouué par les mai-
ftres à ce députés par le Roy. Pour dôner l’alloy
a chaque pièce l’on porte les barres d’argent à
l’eftàyeur,qui meta chacune fon numéro , pour
V iiij
Histoire natvrelle
ce que Tonluy en porte pluficurs à la fois,il cou-
pe de chacune vn petit morceau, lequel il poi-
leiuftementj & le met en vn creufet , qui eft
vn petit v^Ce fait de cendres d’os brûliez &
battus, puis il pofe tous ces creufets chacun
en fon ordre au fourneau , leur donnant le feu
violêt,lors le métal fe fond, & ce qui eft plomb
fc refout en fuméc,& le cuiure & eftaing fe dif-
foluent , demeurant l’argent très-fin de cou-
leur de feu : & eft vne chofe merucilleufc, que
quand il eft ainfî raffine , encor qu’il foit liqui-
de 6c fondujil ne s’cfpand point, quoy que Ton
renuerlè le creufet la bouche en bas , mais il
demeure toufîours fixe, & fans en tomber vne
- goutte. L’elïàyeur recognoift en la couleur ôc
autres lignes quand il eft affiné , 6c lors il tire
les creufets du feu & repefe délicatement chaf-
que morceau , regarde ce qu’il eft diminué de
'Ion poids, pource que celuy qui eft de haute
loy diminue peu, 6c celuy qui eUdebalTeloy
beaucoup,& ainfi félon qu’il eft diminué il voit
l’alloy qu’il tient, fuiuant quoy il marque pun-
<ftualcment chafquc barre. Le poids 6c bal-
lance font fi délicats & les grains fi menus,quc
Tonne les peut prendre auec la main,mais feu-
lement auec des pincettes, 6c fait Ton ceft ef-
fayàlalumiere de la chandelle, à fin qu’il n’y
ait aucun air qui face mouuoir les balancesrcar
deccpeudelpend le prix 6c valeur de toute la
barre. Ceft à la vérité vne chofe délicate , 6c
TfaLé^. qui requiert vne grande dextérité , dequoy
Prew.i7.z7 mcfmc s’aide la Sain (fte Efcriturc endiuers en-
droits , partie pour déclarer de quelle façon
DES Indes. L IV, I III.
Dieu cfprouuc les ficns,& pour noter & remar-
quer les difteren ces des mérités & valeur des Hierm.
amesjoùau Prophète Hieremie Dieu donne le
tiltre d’ellayeur, à fin qu'il cognoilTe & déclare
la valeur Tpiritucllc des hommes & de Tes ceu-
uresî, [qui eft vn propre négoce de l’e/prit de
Dieu,eftant celuy qui pefe l’efprir des hommes.
Nous-nous contenterons deccquieft dit fur le
fubjedt de l'argentjmctaux & mines: Se paflèros
aux deux autres mixtes propofez, qui font les
plantes ôc animaux.
l’argent , dont nous auons trai-
ûé , que pource qif ils viennent & prennent
leur origine mefme des mines & des métaux, p/,v,
ainfi que raconte Pline. L efmeraude a efté an- ‘
ciennement en grande eftime, comme le mef-
me autheur efcrit,& luy dônoit-on le troifief-
me lieu entre les ioyaux ôc pierres precieufes,
fçauoir apres le diamant & la perle. AuiourI
d’huy l’on n'eftime plus tant l’cfmeraude ny la
perle,pour la grande abondance que l’on a ap-
portée des Indes de ces deux fortes de pier-
res, & n’y a que le diamant feul qui retienne &
demeure en fa principauté, laquelle on ne luy
DesEjmerauâcs,
Chap. XIIII.
L ne fera pas hors de fubjcd de
[dire quelque chofe des efraerau-
des , tant pource que c’eft vnc
chofe precieufe comme l’or &
Jplin.Uh.^y.
Tlin.Uh. 9‘
rrf/>,35.
Histoire nAtvrelle
peut ofter. Apres viennent en eftime les rubis
fins & les autres pierres,que l’on tient plus pre-
cieufes que les efnicraudes. Les hommes font
tant amis des fingularitez & des chbfes rares
que ce qu ils voyenteftre commun ils ne l’efti-
menrplus. L’on raconte d’viiEfpagnol qui au
commencement de la defcouuerte des Indes fut
en Italie, & monftra à vn lapidaire vne efme-
raude , auquel demandant le prix d’icelle , apres
que le lapidaire l’eut regardée de près & bien
confiderée comme elle cftoit d’vne excellente
qualité & figure, refpondit quelle valloitcent
ducats.Illuyenraonllravne autre plus grande
que le lapidaire eftima trois cens ducats. L’E*
fpagnol eftant enyuré de ces propos le mena
en ?on logis, & luy en monftra vn caftbn tout
plein,lorsritalien voyant vnjfi grand nombre
de ces efmerâiides,dift,Monfieur,cclles-là vou-
dront bien vnefculapiece.il eneftaduenu au-
tant és Indes Sc en Efpagne,quc ces pierres ont
perdu Survaleur , pour la grande richefle &
abondance d’icelles qui s’y en efttrouuée. Pli-
ne raconte plufieurs excellences des efmerau-
des entre lefquelles il dit, qu’il n*y a chofe plus
atrreable ny plus falubre à la veue , enquoy il a
rSfon.Maisfonauthorité importe peu,pendat |
qu’il y en aura telle abondance. Laslia Romai- |
ne,de laquelle il raconte qu’en vn fcoffion.& I
veftementbrodé de perles & efmeraudes , elle |
employa la valeur de quatre cens mil ducats, |
pourroit auiourd’huy aucc ^ moins de quarante
mil en faire deux paires tels que celuy-là. Il s’en
cft trouué en diuerfes parties des Indes , ôc les
Des Indes. Liv. IIIT.
Roys de Mexique les eftimoient beaucoup,voi-
reauoiciitaccoufturaéquelquc vus de fc percer
les narines, d’y mettre vne excellente efme-
raude. Ils les mcttoient aux vifages de leurs
idoles , mais le lieu où Ton en a trouué & s en
rrouue encor auiourd’huy plus grande abon-
dance eft au nouueau Royaume de Grenade,'
Scâu Peru, proche de Manta Sc port vieilli y
a vers ce lieu vn terrouer qu’ils appellent ter-
re des’efmeraudes , pour la cognoilTânce que
l’on a qu’il y en a beaucoup, encor qnciufques
auiourd’huy l’on n’a point conquefté celle ter-
re. Les cfmeraudcsnailîent en des pierres en
forme de Cryllaux,& les ay veuesen lamefme
pierre, qu’ils vont comme y formant vne vei-
ne,& comme il femblcfe vont peu à peuelpaif-
lilfant & affinant. Pource que i’en veids quel-
ques vncs qui elloientmoitiéblanches & moi-
tié vertes,d’autrcs toutes blanches , & d’autres
ja routes vertes & parfaites du tout. I enay
vcuquelques vncs de la grandeur d’vne noix, &
s’en trouue de plus grandesiinais ie n’ay point
fccu qu’en noftre temps Ion en ait trouué de
la grandeur & figure du plat ou ioyau qu’ils ont
à Gennes, qu’ils elliment auec raifon pour ioyau
de grand prix , & non pas pour relique, puis
qivil n’apparoift point que ce foie vne Reli-
que, mais efi: le contraire. Neantmoins, fans
comparaifon, ce que Theophrafte raconte de
rcfmeraude, que le Roy de Babylonc prefen-
ta au Roy d’Egypte , furpalFe celle de Gen-
ncs.Or elle auoit quatre couldées de long, &
troisde large , & dit qu’au Temple de lupi.
"Exod.!^.
39.
ji foc, ti.
Histoire NATVRELLE
y auoic vne efguille,ou pyramide, faittc de
qiiatres pierres d’ermcraudcs, de quarante cou-
dées de long ,& en quelques endroits de quatre
coudées de large,&de deux en d’autres endroits,
& que de fon temps il y auoit à Tyr , au temple
d’Hercules,vn pillier d’efmeraude. Il eftoitpa^
rauanturcjcomme dit Pline,de pierre verte, qui
tiroir fur l’efmcraude: & l’appelloient efmerau-
dc faufe,Commc quelques vns veulent dirc.quc
certains pilliers qui font en l’Eglife cathedrallc
de Cordoüe , font de pierre d'efmcraude , & y
font depuis le temps, qu’elle fut mefquitte des
roys Miramamolins Mores , qui regnerent en
icelle.En la flotte de mil cinq cens quatre vingrs I
fept, en laquelle ievins des Indes, ils apporte- !
rent deux caflbns d’efmeraudes, dôt chacun pc-
zoit pour le moins quatre arrobes,d’où l’ô peut
voir l’abondance qu’il y en a.L’Efcriture fàinâic i
célébré les cfmeraudes,comme ioyaux fort pre- |
deux, on la met entre les pierres precieufes, !
que le grand Pontife portoit en fon ephod,ou
pedoral, comme celles qui ornoient les murs
de lacelefteHicrufalem.
Des Ferles.
Ch AP. XV*
^ Aintcnant que nous traittonsdela
principallc richefleque l’ô apporte
'des Indes,il n’eft pas raisônabled’ou
blicr les perles, que les anciesappel-
, loiét marguaritcs,ôceftoiét aux pre-
SES Ind es. Liv. IIII. 159
micrs temps en fî grande eftimc,qu’il iVappartc-
noit qu’aux perfonncs royallcs à en porter;mais
auiourdhuyilyena telle abondance , que les
NcgrefTes mcfmes en portent des chaines. Elles
s’engendrent es conchesouhuiftrcs de la mer,
aucc leur chair , & m cft arriuc mangeant des
huiftres, d’y trouuer des perles au milieu. Ces
huiftres font par dedans dVne couleur, comme
deCiel,fortviue;&en quelques endroits l’on
en faid des cuillieres,qu’ils appellent de nacre.
Les perles font de tres-difFerentes formes , en la
grandeur, fîgiire,couleur,& polilTeurc, comme
auflî en leur prix elles different beaucoup. Ils
appellent les vnes aue mariasjpour eftre comme
les petits grains du chappellet, les autres patc-
noftres, parce qu’elles fontgroffcs.Peu fouuenc
l’on en rrouue deux qui foient tout d’vne gran-
dcur,forme, & couleur. Pour celle occafion les
Romains ( félon qu’eferit Pline) les appelloient
Vnions. Qu^and il aduienr,que l’On en trouue
deux, qui fe rcffemblent du tout, ilshauffenc
beaucoup de prix, fpcciallement pour des pen-
dants d'oreille.Pen ayveu quelques paires, qu'ils
cftimoient à milliers de ducats , encor qu elles
ne fuffent pas de la valeur des deux perles de
CIeopatra,dcfquelles Pline raconte, qucchacu-j^i^g„,.
ne valoit cent mil ducats, aücc lefquelles celle
folle Roinc,gaigna la gageure, qu’elle auoic fai-
dc contre Marc- Anrhoine,dcgaller,&derpen-
fer,en vnTouper plus de cent mil ducats,d’autat
que fur le deirert,elle mit vnc de ces perles en de
fort vinaigre,puis apres la perle ellant diffoute
aucc le viiiaigre,elle la beut ainii. Ils difenc que
Histoire natvrelle
Faiitre perle fur coupee en deux,& mife au Pa-
theon de Rome, aux pendants d oreille de la fta-
tue de Venus. E(bpe racôte de Clo'uiSsfils du ba-
ftcleur ou comedien^qu’en vn banquet il fitpre-
fenter aux côuiez entre les autres mets,achacuji
vne perle riche, dilToulte en vinaigre afin de rc-
dre la fefte plus magnifique. Ce font efté des fol
lies de ces temps là, mais celles d’auiourd huy ne
font pas moindres, attendu que nous voyons,
1 • non feulement les chapeaux ôc les cordons,
mais auflî les botines,& les patins des femmes,
de bafle condition , eftre touts femez de bro-
derie deperles. L’on pefche des perles en di-
uers endroits des Indes, mais la plus grande a-
bondance eft en la mer du Sud, proche du Pana-
ma,où font les Ifies qu ils appellent, pour celle
occafion,lcsiaes.cles perles. Mais l’on en tire
auiourd liuy en la mer du Nort, en plus grande
quantité Sc de meilleures, qui eft proche de la
riuiere,qu’ils appellent de la liaehe. le veids la
- comme l’on en faifoit la pefche, qui fe fait auec
alfez de couft, &dc trauail des panures efcla-
ues, lefquels fe plongent fix,neuf,voire douze
bralTcs> en la mer ,,à chercher les huiftres,lef-
quelles ordinairement font attachées aux ro-
chers',& grauicr de la mcr.Ils les arrachent de là,
&s’cn chargent pour reuenir fur l’eaue 6c les
mettre en leurs canoës, où ils les ouurent apres
pour en tirer le threfor,qu ils ont dedas. L eaue
de la mer eft en ceft endroit tres-froidc, mais
encor ce leur eft beaucoup plus grand trauail,
de retenir leur haleine, quelquesfois vn grand
quart d’heure voire demie heure, en faifant leur
Des Indes. Liv. IIIT. i^q
pefchc.Er afin que ces pauures cfclaucs puifïènc
mieux retenir leur haleine,ils leur font manger
des viandes j(ccheSj& encor en petite quantité,
tellement que l’auarice leur fait faire ces abfti-
r»ences&: continences contre leurvolontc.L’on
met des perles en œuure,en diuerfes façons , ôc
les perce-dn pour fairedeschaines,6cy enaja
grâd’ abondâce en quelque lieu que ce foit.Enla
mil cinq cens quatre vingts fept ie veids au mé-
moire de ce qui venoit des Indes pour le rov,
qu’il y auoit dixhuid marcs de perles, & encore
trois calions d auantagc.Et pour les particuliers
il y en auoit mil deux cents foixante ,& quatre
marcs,& outre tout cela fept fachets, qui ne-
ftoienrpointpczez,cequeroueulltenu en au-
tre temps pour fable.
D« pain des I ndes: ey-’ in Majs,
Ch A P. XVI,
Aintenant pout traitter des plantes,
r+/»ÿnous commencerons àcelles qui font
optes & particulières es Indes , &
puis apres de celles qui font commu-
nes aux Indes , & à l’Europe.Etpour ce que les
plantes ont efté créées principalkment pour
1 entretien de Tbdmme ^ & que la principalle
d ontil prcn(l nourriture eft le pain, il fera bon
de dircj quel pain il y a aux Indes, aedequoy ils
vient a faute d’iceluy. Ils ont comme nous auôs
icy, vn noiïi propre, par lequel ils defignent &
Histoire natvrelle ^
fienificnt le pain, qu'ils difent au Pcru, Tanta, & j
en d'autres lieux,d’vne autre fkçon.Maûî la qua- |
li té & fub (lance du pain, dont ils vfoicnt aux l
Indes, eft chofe fort differente du noftrc, pour- !
ce qu il ne fe trouue qu'il y cuft aucun genre de {
fromcnt,ny orge,ny mil,ny deces autres grains ,
dont l’on fe fert en Europe , à faire du pain^au ;
lieu de cela ils vfoicnt d’autres fortes de grains
ôc racines,cntre lefquels , le mays tient le pre-
mier lieu,& auec raifon le grain, qu’ils appellet ,
mays, que l’on appelle en Caftille , bledd Inde,
& en Italie, grain de Turquie, Et ainfi comme
le froment eft le plus commun grain , pour IV- [
faee des hommes,és régions de l’ancien monde j
qui font Europe, Afic,& Afrique: Ainfi aux en- j
droits du nouucau monde, le grain de mays, eft j
le plus commun,6c qui prefquc s eft trouue en
tous les royaumes des Indes Occidcntalles,
comme auPern,enlaneufue Efpagnc, au nou-
ucau royaume, en Guatimalla,en Chillc,cn tou-
te la terre fcrmc.Tc ne trouue point, qu'ancien- |
nement és ïües de Barlouentc, qui font -Cuba, i
fainél Dominiquc,Iamaycque & fain6tlcan,ils i
vfalfent diiMays , auiourd’huy ils vfent beau- ^
coup de la Yuca, & Gaçaui , dequoy nous trai-
terons incontinent, le ne penfe point, que le j
orain de mays foit inferieur au froment, en ror- ,
çc,ny en rubftance,mais il eft plus chaud,& plus ,
groflier, & engendre beaucoup de fang, d où j
vient que ceux qui n’y font point accouftu- |
mcz s’ils en mangent trop, ils deuiennent enfkz j
& rogncux.il croift en des cannes, ourofeaux,
chacun defqucls porte vnc ou deux g«PP«>
^ ^ aufqucllcs
DES Indes Li v. IIII. i^i
aurqncllcs le grain eft attaché : & combien que
le grain ch foit afîèz gros , ficft-ce qu’il s’y en
trouue en grande quantité , tellement qu’en
quelques grappes i’ay conté fept cens grains. Il
le faut femer à la main vn à vn , & non pas ef-
pards.Il veut la terre chaude & humide j & en
croift en plufieurs lieux des Indes en fort gran-
de abondance. Etn’ell: point chofe rare èn ces
pays de recueillir trois cens'âncgues ou me-
fùrcs d’vne feule de feraence. Il y a de la diffé-
rence entre le mays , comme il y en a entre le
fromcnrvn eft gros & fort nourriffant, & l’au-
tre petit â-c fec qu’ils appellent Morochc. Les
fueilles & la canne verte du mays eft vn man-
ger, fort propre pour les mulles <Sc pour les
chenaux : âc leur fert auffi de paille quand elle
eft feche ; le grain en eft de plus de fubftance ôc
nourriture pour les cheuaux qucn’eftpas l’or-
ge. C eft pourquoy ils ont accouftumé en ces
pays de faire boire les beftes auant que leur
donner à manger. Car fi elles beuuoient apres
ce feroit pour les faire enfler, comme elles fc-
roientayant mangé du froment. Le mays eftle
pain des Indes , & le mangent communément
boiiilly , ainfî en grain tout chaud , & l’appel-
lent Mote,commcles Chinois & lappons mef-
mc mangent le ris cuit auec fon eaue chaude,
quelquesfois le mangent rofty. Il y a du mays
rond& gros comme celuy de Lucanas , que
les jEfpagnols mangent rofty comme viande
aclicicufe,&amcillenre faueur que les buar„
benfes ou poisroftis. Il y avnc autre façon de
le manger plus delideufc, qui eft de moudrclc
X
Histoire natvrelle
mays,5c en ayant amalfé la fleur, en faire de pe-
tits tourreaux qu’ils mettent au feu , qu’on a ac-
couftumé de prefenter tous chauds à la table.
En quelques endroits ils les appellent Arepas,
ils font mefme de celle pafte des boulles ron-
des, Sc les accouftrent dVne façon qu’ils du-
rent ôc fe côferuentlong temps , les mangeants
comme vn mets délicieux. Ils ont inuentc aux
Indes ( pour friandile ôc delices) vnc certaine
façon de pallez qu’ils font de celle pâlie & fleur
auecdufucre,lefquels ils appellent bifeuits, ôc
mellindues. Le mays ne fert pas feulement aux
Indiens de pain , mais auflî il lert de vin : car ils
en font leurboilTon,dc laquelle ils s’enyurent
plulloftquedcvinde raiflns. Ils font ce vin de
mays en diuerfes façons , l’appellans au Pem
Acua,&pourlcnom le plus communes Indes
Chicha. Le plus fort fe fait en façon de ceruoi-
fe, mettant tremper premièrement legrain de |
maysiufqucsàce qu’ilfecreue , par apres ils le |
cuifent d’vnc telle façon , ôc deuient fi fort qu’il
en faut peu pour abbatre fon homme.Ils appel-
lent celluy-là au Peru Sora,&ell vn breuuage
deffendu par la Loy , à caule des grands incon-
ueniens qui en prouiennenr, cnyurant les hom-
mes.Mais celle loy y cil mal obferuéc, d’autant
qu ilsne lailPentpoint d’en vfer , ainspalPenc
les nuicls Ôc les iours entiers à en boire en dan-
Tlm.Uh. 14 ^ ballans. Pline raconte que celle façon de ’
ZI . breuuage, qui elloit de grain trempé ôc cuit par
apres auec lequel on s’enyuroit , elloit ancien-
nement en vfage en Efpagne , cnFrancc &en ;
d’autres prouinccs , côme auiourd’huy en Flan-
j
i
DBS Indes. L IV. Illf.
dresilsvfentdclaceruoifefaide de grain d’or-
ge.Il y avneautrefaçondefairerAcua du Chi-
cha , qui eft de mafchcr le mays , ôc faire du le«
uaindcccqui aeftéainfi mafdhé, apres le faire
bouilIir,voirccft l’opiniondesindiens , que
pour faire de bon leuain , il doit cftrc mafché
par des vieilles pourries , ce qui fait mal au
cœur à louir feulement, toutesfois ils ne laif-
fentpasdele boire. La façon la plus nette, la
plus faine, & qui fait moins dédommagé cfl: de
roftircemays , qui eft celle dont vfent les In-
diens, les plus ciuilife2,& quelques Efpagnols
mefme pour medecine:car en effed ils trouuenc
que c eft vue fort falubre boilFon pour les reins,
d’où vient qu’es Indes à peine fc trouue-il au^
CLin qui fc plaigne de ce mal de reins, à caufe de
cequ’ilsboiuentdeceChicha. Les Efpagnols
& Indiens mangent pour friandife ce mays
boüilly ou rofty , quand il eft tendre en fà grap*'
pe comme laid,ils le mettent au pot, & en font
des faulfes,qui eft vn bon manger. Les reiettons
du mays font fort gras , Sc feruent au lieu de
beurre & d huillç , tellement que le mays es In-
des ferc aux hommes ôc auxbeftes depain , de
vin & d’huilic. Pour cefte raifon le Viccrov
Dom Francifque de T ollede , difoir que le Peru
auoit deux choies riches ôc de grande nourri-
ture, quieftoientlcmays&lebcftialdupays.
A la vérité il auoit raifon, d’autant que ces deux
chofes y feruent de mil. le demanderay pluftoft
queiene refpondray , d’où a efté porté le pre-
mier rnays aux Indes , ôc pourquoy ils appellent
en Italie ce grain tant profitable , grain de T ur«
X y
Histoïre natvrelle
quie?Caràlavcnté,icnctrouuc point que les
anciens facent mention de ce grain, combien
que le mil ( que Pline efcriteftrevenude l’Inde
en Italie, y auoit dix ans lors qu’il efcriuoit ) ait
quelque relTemblance auccle mays , en ce qu’il
dit que c’eft vn grain qui naift en rofeau , & fe
couuredefa fueille, ayant le coupeau corne des
cheueux , & en ce qu’il eft fertillc. Toutes lef-
quelles chofes nefe rapportent pas au mil.Enfin
le Créateur a departy & donné à chaque région
ce qui luy eftoit necelTaire. A ce continent il a
donné le froment,qui eftle principal entretenez
met des hômes,&au côtinent deslndes il a don-
né le mays, qui tiétlcfecôd lieu apres le froniêr, ,
pour l’entretenemét des hômes& des animaux, j
D« 7acaSjCaçdm,PapASj chunes O' àn pif»
Chapit. XVII.
N quelques endroits des Indes l’on j
vfe d’vn gère de pain qu’ils appellét |
Caçaui , lequel fe fait d’vnc certaine
racine qu’ils appellent Yuca. L’y uca
cftvncgrandc&groITeracine qu’ils
couppent en petits morceaux, la râpent , puis la
mettans corne en vne prdfe ils refpreignét pour
en faire vne tourte,defliée & grade , de la forme
prcfque d’vne targue ou bouclier de More , puis
apres ils la font fecher , & eft le pain qu ils maii-
gét.Ceft vne chofe sas gouft , mais qui eft faine
& de bonne nourriture ; Pour cefteraifon nous
difi5s(eftâs à S.Dominique ) que c’eftoit le pro-
pre manger des gourm^,car l’on en peut magee
beaucoup, fans craindre que l’cxccz en face mal.
DES Indes. Liv.IIII.
ïl efl: bcfoin d’humedcr la Caçaue pour la man-
ger, d'aurant qu’elle eft afpre , & s’humecte faci-
lement,auecdereaueoudupotagc, où elle eft
fort bonne, pource qu’elle Fenfle beaucoup , &
ainfiils en font des capirotades. Mais elle fe
trempe mal-aifément en du laid ny en du miel
deCanes,ny enduvin, parce que ces liqueurs
ne la pcuuentpenetrer, corne ils font le pain de
froment. Il y a de cefte Caçaue IVne plus deli-
cateque l’autre , qui eft celle que fon fait de la
fleur, qu’ils appelle t’xauxau, laquelle ils eftiment
beaucoup en ces parties- là. Q^ntà moyi’efti-
merois d’auàtage vn morceau de pain , quelque
dur ôc noir quil peuft eftre. C’eft chofe mér-
ucillcufequele fucoueaucquifort de cefte ra-
cine lors qu’ils Fefp teignent ainfi, 8c qu’ils font
la Cacaue,eft vn venin mortel , 8c fi l’on en boit
il occit , mais le marc qui en xefte eft vn pain 8c
nourriture fort faine , côme nous auons dit. Il y
avnautr'e genre d’yuca qu’ils appellent doux,
qui n’a pas ce venin enfonfuc,ceftuy-là fe man-
ge en racine,bouilly ou rofty,&eft vn bon man -
ger.La Caçaue fe conferue long temps , auflî la
porte-on furmer,enlieudebiîcuit. Lelieulà
où l’on vfc d’auantage de ce pain eft aux Ifles
qu'ils appellent de Barloucnce ,lefquelles font
(comme nous auons dit) S. Dominique j Cuba,
Port riche,lamaïque, 8c quelques autres de ces
cnuirôsràcaiife que la terre de ces Ifles ne rap-
porte point de froment, nyde mays. Car lors
que l’on y feme du froment , il y vient bien , 8c
naift quant 8c quant en fort belle verdure, mais
c’eft fi inegallement que l’on ne peut le recueit-
r X iij
Histoirï natvrïlle
lir J pourceque d’vncm€fmeremencc& en vu
merme temps iVii eften tuyau , & Fautre en
cfpy , & l’autre qui ne fait que germer , 1 vn eft
grand , & 1 autre petit , IVn n-eft que de l’her-
be,& l’autre eft défia en grain : & combien que
Tony ait mené des laboureurs pourvoir s ils y
pourroientvfer de l’agriculture du bled,fieft-
ce qu’ils n'y ont trouué aucun moyen de ce fai-
re,pour la qualité de la terre. L’on y apporte de
la farine delà neufuc Efpagne ou des Canaries,
laquelle eft fi humide qu à peine en peut-on
faire du pain qui foit proffitable , & de bon
gouft.Les hofties quand nous difions laMefle fe
plioient, comme fi c’euft efté du papier mouillé^
ce qui eft caufé par l’extreme humidité , ôc cha-
leur qu’il y a tout enfemblc en cefte terre, il y
a vn autre extreme, & contraire à ceftuy cy , qui
eft qu’en quelques endroits des Indes , il ny
croift demays, ny de froment, corne eft le haut
de la Sierre du Peru , & les prouinces , qu ils ap-,
pellent de Colao , qui eft la plus grande partie
de ce royaume, où la température eft fi froide
& fi feche qu'elle ne peut endurer qu’il y croif-
fe du froment, ni du Mays , au lieu dequoi les
Indiens vfentd’vn autre genre de racines qu’ils
appellent Papas jlefquellesfont delà façon de |
turmes de terres qui font petites racines , 5c |
iettent bien peu de fueilles. Ils cueillent ces Pa- |
pas,& les laiffent bien fecher , au Soleil , puis les |
pillanSjCn font ce qu’ils appellent Chuno, qui |
fe conferuc ainfi plufieurs iours , & leur fert de |
pain. Il y a en ce royaume fort grande traitte
deceChuno,pour porter aux mines de Poto-
desIndes. Liv. IIII 1(^4
zifl’on mange mefmc ces Papas , ainfi fraifches
bouillies ourofties, & des cfpeces d’icellcs y
cnadeplusâouee&qui croiftés lieux chauds,
dont ils font Certaines fauces & hachis , qu’ils
appellent Locro. En fin ces racines' font tout
le pain de celle terre, tellement q^e quand ràii-
neeenellbônc, ils s’en refiôuilïèntfort, pour-
cequeairczfouuent,elles fe gellent dedans la
terre, tant eft grknd le froid & inrempcrature
de celle région. Ils apportent les maysdes val-
lces,«S«:delacolle,ouriucdelamer , éc les Ef-
pagnols qui font friâds , font apporter des mef-
meslieux,delafarinedcbled, laquelle fe con-
férue bien de s’en fait de bon pain , à càufe que
la terre elHèehe. En d’autres endroitsdes In-
des,comme es nies Philippines -, ils fc feruent
de ris au lieu de pain , dont il y en croill de fort
exquis , & en grande abondance en toute celle
ttrre,& enlaChine, oùilellde bonnenourri-
ture,ils le cuifent en des pourcellaines ^ & apres
le mellent tout chaud , auec Ion eaîie parmy les
autres viadesrils font mefme de ce ris , en beau-
côüp d’endroits leur vin, & breuuage, le faifant
tremper, & puis bouillir ^ corne l’on fait la biè-
re en Flandres,'Oul Àcua au Peru. Le ris ell vnc
viande qui n’^ell^Ueres moins Commune,& vni-
uerfclle,cn tôutlemondejquèle froment, le
mays,¶duânture encorl’ell ildauantagc:
car outre ce qu'ils en vfent en la Chine , au kp-
pon,és Philippines, de en la plus grande partie
de 1 Inde Orientale , c’ell le grain , qui eft le plus
comun en Afrique, &en Ethiopie. Le ris demâ-
de beaucoup d’humidité , de pr efque vnc terre
X iiij
Histoire NATVRELLB
toute replie d’cauc,côme vnc prairie. En Euro-
pe,au Perua& en Mcxicqucjoù ils ont 1 vfage du
bled,l on mange le ris ,pour vn mets & viande,
& non pas pour pain , & le cuifent aucc du laid,
ou du bouillon du pot, ou dvne autre maniéré.
Le ris le plus exquis eft celuy qui vient des Phi-
lippines ôc de la Chine, comme il a efté ja dit, &
cecy fuffiiè pour entendre generallement , ce
que l’on mange és Indes au heu du pain.
D tf d'merfes rAcmes,ejm croijfentés I ndes,
ChA?^ XVIII.
^^^j^Ombien que la terre de deçà foit
plus abondante , & plus fertile en
fruids qui croiffcnt fur la terre , à
j^^OIÈcaufe dcIa grande diuerhté des ar-
bres fruitiers , & des iardinages qüe
nous auons ; neantmoins quant aux racines &
autres chofes croilfans delTbubs la terre,dôt Ion
vfe pour. viande,me femble qu’il y en a plus gra-
de abôdance par delà, Car de ces efpeces de plan-
tes,nous auôs bié icy veritablemét des raues,dcs
naucaux , des paftenades , des chicorées , des d-
boules,des aux , ôc quelques autres racines pro-i
fîtables,mais en cepayslà,ily enade tantdiuer-
fes fortes , que ic ne les pourray conter. Celles
defquelles maintenant il me fouuicnt, outre le
Papas,qui cft le principal, il y aies Ocas, yano.
cocas,camotes,vatas, xiquimas, yuca,^ cochu-
cho,caui , totora,mani , & vnc infinité d’autres
cfpcces, comme de patattres , lefquelles on mâ-
oë comme vne viande deliçatte , & fauourcufe.
L’on a de mefmeapportc aüx Içidèsrdes racines
DES Indes, Liv. IIII. ,gç
depar deçà,lcfquelles ont cela de plus , qu'elles
y profitent & ftuaifient d’auâtage, que ne font
pas les plantes des Indes, quâd elles font appor-
tées en Europe , la caufe en eft comme Se ifoy
d autant que par delà ilya plus de diuerfitezde
température que non paspar deçà , pour raifon
dequoydeftaifedefleuer , & nourrir les plan-
tes en ces regiÔs,& de les acômoder à la tempe-
rature qu’elles requièrent. Et mefme les racines
& les plates, qui y croifsét, làns y auoir efté por-
tee_s,y font meilleures, que par deçà ; car les oyJ
gnos,Ies aulx,&les pallenades,ne font pas telles
cnElpaigne,qu’ellessotauPeru:pourlesnaue-
aux,ils y font en fi grande abondance, qu’ils ont
augmente en quelques endroits , de telle façon,
quel on m a alFetmc,qu'ils ny pouuoiêt efpuy-
fet 1 abondace, & force des naueaux , qui y pul-
luloientainfopoury femer dubled. Nous auôs
veuaflezdefoisdes rauesplus groifes , quele
bras d vn home,fort tedres&de bon gouft & de
ces racmes que lày dites, quelques vncs feruent
pourviade,&magerordinaire, cômeles camo-
tes,lefquelles eftatrofties,ferugtde fruit, ou de
legumes.Ilyenad’aucres, quileurferuer dede-
uces,come,le cochucho , qui eft vnc petite raci-
cofilTent, pour plus
pande dehcatelfe. H y a d’autres racines qui
fontpopresp^^^^
qui eft d’vne qualité fort froide & humide , &
ra temps d’Efte rafraichit, & eftanchela foif,
mais esPapas &les oças font les principalles '
pourianourriture, &fubftàce. Les Indiens efti-
menti ail fm: touresles racines de l’Europe, âc
Histoirenatvrelle
k tiennent pour vn fruit de grande efficace. En-
quoyils n’ont pas faute de raifon,pource qu’il
leur conforte & efchauffe leftomach, àcaufc
qu’ils le mangent d’vn appetitjdc ainfi crud, co-
rne il fort de la terre.
Ve flufeurs firtes de verdures^O' légumes jO' de ceux
qu’ds appellent concombreSypmes ou pommes de pm,
petitsfrmts de chilléjCr des prunes,
Ch AP. XIX.
* Visque nous auons commencé par les
I moindres plantes , ie pourray toucher
^ en peu de paroles , ce qui concerne les
-- lyerduresj&lesporées, & ce que les
Latins appellcntArbufta/ans toucher encor rie
des arbres. Il y a quelques genres de ces arbrffi
féaux, ou verdures aux Indes , qui sot de fort bô
gouft.Lcs premiers Efpagnols nômerent beau-
coup de chofesdes Indes des noms d’Efpagnc
prins des chofes à quoy ils reirerabloiét le plus,
corne les pincs,concôbres & les prunes, côbien
que ce fulTentàlavcritédes fruits diuers & fort
diffierês,fans côparaifon,de ceux d’Efpagne, qui
s’appellêt ainfi. Les pincs ou pômes de Pin, font
de la mefme façon & figure extérieure , que cel-
les de CafHlle: mais au dedans elles differentdu
tout,pourcc qu’elles n’ont point de pignons, ny
d’efcaillcs,raais le tout y eft vne chair , que l’on
peut manger,quâd l’efcorçe en eft dehors, & eft
vn friiir,qui a 1 odeur fort excellente , Sc eft fort
fauoureux,ôc délicieux au gouft. Il eft plein de
)
DES Indes. L IV. IIII.
ruc,& a la faueur d’aigre-doux , ils le mahgen t
rayant couppé en morceaux, & lailTé tremper
quelques temps en de reaüe& du fel. Quel-
ques vnsdifent , qu'il engendre la cholere, &
que 1 vfage n en eft pas trop fain. K4 ais ie n en
ay point veu aucune expérience, qui le puilîè
faire croire. Elles naiircnr vneà vue, comme
vne canne ou tige , qui fort d’entre plufietirs
feuilles, comme le lys, combien quelle foie vu
peu plus grade, & plus gro (Te. Le haut&c'ôup-^
peau de chaque canne cftla pomme, elle croift
en terres chaudes ôc humides , & les meilleures
fon t celles des Ifles de Barlôuente. Il n en croift
pointau Peru, maisl’onyen apporte des An-
dcs,lefquelies routesfois ne font ny bonnes , ny
bien meures. L’on prefenta vne de ces pines à
TEmpereur Charles , quideuoit auoir donné
beaucoup de peine & de foucy à l’apporter des
Indes,ainfiaueclàplante , caronnel’euftpeu
autreiDcnt apporter : routesfois il n’en voulut
pas efprouuer le gouft. l’ay veu en la neufue
Elpape,delaconferuedeccspines, qui eftoit
fort bonne. Ceux qu’ils appellent concombres
ne lont point arbres non plus, mais feulement
desarbriireaux, parce qu’ils iVont qu’vn an de
Quree. Ils luy donnèrent, ce nom , pour ce que
quelques vns de ces fruits, & la plus part , font
en longueur & en rondeur femblables auxeon*
combres d’Efpagne, mais au refteils font beauA,
coup differens, par ce qu’ils n’ont pas la cou-
leur verde , mais violette , ou iaune ou blanche,
&nerontpoint elpineux , ny feabreux , mais
tort vins & polis , ayans le gqufl: tres-different
Histoire natvrelle
^ trop meilleur que le concombre d’Efpa-
gne : car ils ont vn aigre-doux fort fauoureux
quand ils font meurs , combien que ce fruidt
n’ait pas le gouft fi aigre, comme la Fine. Ils
font fort fraiz, pleins de fuc , & de facile dige-
ftion^dc en temps de chaleur font propres pour
rafraifehir. L’on en ofte l’efcorce qui eft blan-
che, &toutcequirefte cft chair. Ils croifTent
en vne terre temperée , & veulent eftre arrou-
fez , & encor que pour la reflcmblance ils les
appellent côcombres , il y en a beaucoup néant-
moins qui fdn ronds du tout , & d’autres de
differente façon , tellement qu’ils n’ont pas
mefmelafigure des concombres. Il ne me fou-
uient point auoir veu de celle forte de plante
en la neufue Efpagne , ny aux Ifles , mais bien
aux Lanosdu Peru. Ce qu’ils appellent petit
fruiél de Chillé eft de mefme , fort plaifant à
manger , & tire prefque au goufl de ccrifes,
niais en tout le refte il efl fort different : d’au-
tant que ce n’efl pas vn arbre , mais vne herbe, :
qui croillpeu, 5c s’cfpand fur la terre , icttant ce
petit fruidl , qui en couleur & grains rcffemble
quafi & approche des meures quand elles font
blanches, encore à meurir, bienquece fruiâ:
foit plus rude,& plusgrand que les meures. Us
difent que ce petit fruid fc trouue naturelle- i
ment aux champs en Chille , ou i y en ay veu. j
L’on la feme de plantes 6c de branches , & croifl :
comme vn autre arbriffeau. Ce qu’ils appellent ,
pruncs/ont véritablement fruids d’arbres , & j
ont plus de reffemblance , que les autres aux :
vrays prunes.llycnade diuerfes fortes, dont: |
)
DES Indes. Liv. Un.
ils appellentlesvpesprunes de nicaragua , qui
fontforcrouges &pecites. & ont fort peu de
chair ail delius du noyau,maisle peu qu^ils tien-
lient eft dVn gouft exquis , & dVn aigret aufli
bon ou meilleur que celuy des cerifes. L'on elK-
mecéfruidteftre fortfain,quicaufeque l’onle
donne aux malades, fpeciallement pourprouo-
querl’appetit. Il y en a d'autres grandes & de
couleuroblfure.quiont beaucoup de chair
maisc’eftvn manger groffier.&depeudegouft’
qui font comme Chauacanas , lefqueis ontcha-
qu vn deux ou trois petits noyaux. Or pour re-
uemr aux verdures & porees , ip ne trouue
pointqueles Indiens euITcnt des iardins de di-
uerfes plantes & por&s , mais qu’ils culti-
uoient la terre, enquelques endroits feulement
pourleslegumes.dont ils vfent. comme ceux
quilsappellentFrifolles& Pallares . qui leur
lertcommeicydeguarbences.febues.oulen-
tilles. &nay point recogneu que ceux-cy ny
autres genresdeleguraes d'Europe, s’y foyent
îèZ“,f les Efpagnols y emraLt
lefqueis y ont porte des plantes & legumes
dEfpagne.qutyctoiirent& multiplient fort
bien.voireeii quelques endroits, ils excédent
beaucouplafetnlit^depardeçà. Cômefi nous
parlions des mêlions, qui croilTent en la vallee
deY^ucaauPeru, defquels la racine fefait tige.
q^» dureplulieursannées.pottant chacunedes
^ 1 accommodent comme 11 c’eftoit
narbre.chofequeienefçache point qui foit
monftruofitequeks callaballes ou citrouilks
Histoire natvrelle •
des Indes , en la grandeur qu’elles ont, comme
elles croiflent rpeciallement celles qui font pro-
pres & particulières du pays , qu’ils appellent
Capallos.Lerquelles ils mangent le plusfouuent
en Carefme, bouyllies ou accommodées en vne
autre faulcc.!! y a mil difFereces de genre de cal-
labalTes’.car quelques vnes font tant difformes
pour leur grandeur 3 qu’ils font de leurefcorce,
eftant coupée par le milieu & nettoyée, comme
des paniers où ils mettent toute la viande pour
vndifner.Des autres petites ils en font des vafes
pour manger,ou boire dedans , ôc les accom-
modent fort proprement , pour plufieiirs & di-
uers vfageSji’ay dit cecydes petites plan tes, nous
dirons maintenant des grandes , où nous parle-
rons de l’Axi,quineantmoins eft encor des pe-
tites.
JDet'^yfxion^omre à'inde.
Ch AP. XX.
’On n’a point trouué CS Indes Occi-
dentales aucune efpicerie , qui leur
fuft: propre , & particulière , comme
, poiure,clou , candie , mufeade , ou .
gingembre : iaçoit qu’vn frère de noftre com-
pagnie 3 qui a voyagé en beaucoup & diuers en-
droits 3 nous ait recitéqu’en desdeferts de l’Iflc
Iaraaycque,il auoit trouué des arbres , où croif-
foitdu poiurc. MaiA’on n’eft pointencor cer-
tain que c’en foit, & n’y a point mefrac de trait-
te de CCS cfpiceries aux Indes, Le gingembre
DES Indes Liv. III I.
fiitporté^derindeà lEfpagnoIie, &yamul-
tiplic detcJIc façon , que l’on ne fçauroit aii-
lourdliiiy que faire du grand nombre qu’il yen
a. En la flotte de Tannée mil cinq cens quatre
vingtsfepc , Ton apporta vingt deux mil cin-
quante trois quintaux de gingembre à Seuillc*
mais Icfpicerie naturelle, que Dieu a donné aux
Indes Occidentales, eft ce que nous appelions
en Caftiile,poiure des Indes , & aux Indes Axi,
par vn mot general , prins de la première terre
des Ifles, qu’ils conquefterent. Il eft dit en lan-
giiedeCufcoVchu, &en celle de Mexicque,
Chili. Cefteplanteeftdefia fortcoffncue,par-
quoy 1 en diray peu de chofe , feulement l’on
doitentendte , quanciennement entre les In-
diens , elle cftoit fort eftimée , & en portoient
aux endroits où elle ne ctoiffoit point , comme
vnemarchandife de confcquence. Elle ne croift
pas es terres froides , comme en la Sierre du
1 eru , mais aux vallées chaudes , où elle eft fou-
uentanoulee llyadecetaxidc diuerfes cou-
eurs,l vn eft vert , Tvn rouge , & Taurre de cou-
leur laulnc, & ycnad’vncfortedc fort caufti-
que, qu ils appellent Caribe , qiûeft extrême-
ment afpre &poingnant,& d autre qui n’a point
ceftearprere, mais au contraire eft fi doux que
Ton le peut manger feul , comme vn autre fruit.
Il y en a qui eft fort menu, & odoriférant en la
ouchc, quafî comme d’odeur de mufe, & eft
& poignant en ccï
Axi, font les veines & la graine feulement; car
* af'onduqu’on lemange
Ycrt ôc fec , entier Ôc broyé , au pot A en des
HiSTGI RE N ATVR E LL E
faulces, carc’cft la piincipale faulce , & toute
I cfpicerie des Indes. Qiwnd cet axi^eft prins
modérément , il aide & conforte rellomach
pour la digeftion : mais fi Ton en prend trop , il
a de mauuais effets , pour ce que de fpy il e ft
fort chaud,fort fumeux,& fort penetratif, d’ou
vient que Ivfage encft preiudiciable à la fanté
des ieunes gens^principalemcnt de l’ame , d’au-
tantquilprouoqueàla fenfualité , &eft vnc
chofe effrange , que combien quele fcu,&la
chaleur qui ell en luy foit affez cogneue , par
l’expericncc que tous en font, veu que chacun
dit qu’il brufle en la bouche , ôc en l’eftomach,
neantmoins quelques vus , voire pluficurs veu-
lent maintenir , que lepoiure d’Inde n ’eft pas
chauld , mais qu’il eft froid &bien temperé.
Mais ie leur pourroisdirc, qu’il en feroît tout
autant du poiure , encor qu’ils m’amenaflent
toutes les expériences qu’ils voudroient de
rvn&del’autre.Toutesfois ceftvne mocque-
riededire, qu’il n’eft point chauld^ veu qu’il
l’cft extrêmement. L’on vfedufel , pour tem-
pérer l’axi, d’autant qu’il a grande force de le
corfi<yer ,&fe modèrent ainfi iVn l’autre, par
la contrariété qui eft entre eux. Ils vfent aiiflî
de Tomates qui font froids & bien fains. C eft
vn genre de grain qui eft gros , ôc plein de fuc
lequel donne bon gouft a la faulce , & font bons
aufli à manger, llfctrouue de ce poiure d’Inde
vniuerfellement en toutes les Indes , & Ifles,
neufueEfpagne ,Peru,& en tout le reftc,qui
eft dcfcouucrt, tellement que comme le mays
eft le grain le plus general pour le pain, ainfi
l’axi
)
DES INI^ES. Lîv. nu:
iuTces commune pour le^
•'"v '
J) H Plane»
Chapit. XXI.
Enant aux grandes plantes , ou aux ar-
bres, le premier des Indes duquel il
cftconucnable parler eft le plane ou
- • plftano , comme levulgaire l’appelle.
I ay elle quelque temps en doute, fi leplafiLue
les anciens ont célébré, & celuy des Indes eftoic
vne mefme efpecei celluy-cy bien confideré , &
ce qu I s efcriuét de rautçe,il n'y a point de dou-
tequilsnelbyentdediuetfes elpeces. La caulè
pourquoylesEfpagnols l’ontappelléplanefcar
les naturels n auoient point de tel nomlaellé
commeesautresarbres, pour autant qu’ils ont
trouue quelque relTemblâce del’vn à l’autre,en
la melme façon qu'ils ont appelle ptuncS, pines.
:amandes,& concombres, des chofes fi differen-
tes à celles qui en Caftille font appellées de ces
|noms. U chofe enquoy il me femblequ’ils trou-
lUerent plus de refemblance entre ces planes des
In^des,& les planes que ont célébré lesanciens.a
Wte en la grandeur des fueilles : pour ce que ces
planes les ont très grandes* tres-fraifches , &
es anciens les ont tant eftimez aulîl pour celle
gr^eui'j&ccftc fraifchcur de leurs fucillcs.Ccft
jUHlivne plate qui a befoing de beaucoup d*eaue,
l^prefque continucIlemét,ce qui s’accorde auec
‘ tienture, qui dit: Comme le flâne auprei deseam.» •
Y
<
Histoire natvrelle
£cl. 14, Maisàlavcrîtéilnyanonplusdecomparaifon
nydereffemblancedcrvne àl’autre,non plus
qu’il y a, came dit le proucrbe, de l’œuf à la cha-
ftaignc. Car premièrement le plane ancien ne
porte point de fruidt,au moins ils n en faifbicnt
point d’eftat, mais la principalle occafion pour- !
quoy ilsreftimoientjcftoitaeaulè de fon om- i
bragCjpar ce qu’il n y auoit non plus de Soleil j
del£us vn plane , qu’il y a delTous vnc couuer- .
. turc. Au contraire, la raifon pourquoy l’on le |
doiteftimer en quelque chofees Indes , voire ;
en faire beaucoup d’eftat , eft à caufe de fon
frui(ft,quieft très- bon, car d’ombrage ils n’en
ont aucunement. I>auantage le plane ancien
auoit le tronc fi grand, & les rameaux fi efpars,
que Pline raconte d’vn Licinius , Capitaine
Romain , lequel accompagné de dixhui(ft de (es
compagnons , print la refeétion fort à l*aifc,
dans le creux d’vn de ces planes. Et de l’Em-
reur Caius Caligula, qui s’affit luy & vnze con-
uiezfur le haut des rameaux d’vn autre plane, j
& là leur fit vn fuperbe banquet. Les planes |
des Indes,n’ont point de tels creux, troncs , ny^ i
r, rameaux. Il dit d ’aiiantage que les anciens 'pla- |
nés croiflbient en Italie, & en Elpagne, com- |
bien qu’ils y euftent efté apportez première- |
ment de GrecCj& auparauant de l’Afic : mais les :
planes des Indes ne croiflent point ny en Ita- j
lie , ny en Efpagnc. le dy qu’ils n y croillent |
point , car encor que l’on en ait veu quelques !j
vns à Seuille au iardin du Roy , ils n y croiflent, ;
& ny vallent rien. Finalement la chofe enquoy
ils crouucnc de la reflemWancc entre l’vn &
I
DES Indes. Liv. IIIÎ.
Tautre cft fort differente. Car iaçoic que la
fueille de ces planes anciens fuft grande , tou-
tesfois elle neftoit pas telle , ny fcmblablc à
ceux qui font és Indes , veu que Pline l’accom. p„„ . , „
parealafueilled vnevigne.oudellguier. Les «/is
fueilles du plane des Indes font dVne merueil-
leufe grandeur , & font prefquc fuffifantes pour
couurir yn homme des pieds iufqucsàla tefte,
tellement qu’aucun ne peut lï^ettreen doute’
qu lin y ait grande différence enfrelVn & Tau’
Maispofélecas , que ce plane des Indes
loitdifterentderancien/pour cela il n’en me-
me pas moindre loiiange, raaispeutcftrc encor
dauantage, àcaufe des proprierez tant vtiles
& profitables qu’il a en luy. C’eft vne plante
quifairvncep dedans la terre, duquel fortent
plufieurs reiettons diuers & feparez , fans cftrc
lonits enfemble. Ces reiettons croilTent &
groliillent , Laifant prefquc chacun vn arbrif-
leau a part , & en croilfantils iettent ces fueil-
les qui font vn vert fin , & liffé , & de la gran-
deur que i’ay ditte. Quand il cft creu, comme
de la hauteur d vne ftade Ôc demie , ou de deux, v
il lette vn feul rameau ou grappe de fruieft , au-
quel il y a quclqucsfois grand nombre de ce
Iruia,&quelquesfois moins. l’cnay conte en
quelquesvns de ces rameaux, trois cens, dont ““ '
chacun auoit vne paulme de long , plus ou
moins, &cftoit gros comme de deux ou trois
doigts , bien qu’il y ait beaucoup de différence
en cela, entré les vns& les autres. L’on en ofte
laeoquc,ouefcorce, tout le refte eft vne
chair , ou noyau ferme , ôc tendre , qui eft bon
y ij
HiSTOI RE N ATVR ELLE
à manger,fain & de bône nourriture. Ce fruicâ
incline vn peu plus à froideur qu à chaleur. Ils
ont accouftumé de cueillir les rameaux , ou
grappes, que i’ay dit , eftants verts , & les mettre
en des vailîeaux où elles fe meurifTcnt , eftans
bien couuertes, fpeciallement quand il y a dV-
ne certaine herbe , qui fert à cet effeâ: : h l’on
les laiflTc meurir en l’arbre , ils en ont meilleur
gouft,&vne odeur tres-bonne, comme de ca-
moifleSjOU pommes douces. Ils durent prefque
routlelongdel’annee, à caule qu’il y a touf-
iours des reiettons , qui naiflènt de ce cep , tel-
lement que quand Fvn acheuc , l’autre com-
mence à donner fruid, l’vn eft àdemy parcreu,
& l’autre commence à iettonner de nouucau,
de façon que les vns fuccedent aux autres , ÔC
ainfi y a toufiours du fruid toute l’annce du-
rant. En cueillant la grappe ils couppent lere-
ietton 5 d’autant qu’il n’en iette point plus d v-
iie,ny plus d’vne fois , mais comme i’ay dit , le
cep demeure & reiette continuellement de
nouueaux reiettons , iufques à ce qu’il fe laiTe,
& vieillÜTe du tout. Ce plane dure quelques
années , & demande beaucoup d’humidité , &
vne terre fort chaude. Ils luy mettent de la cen-
dre au pied,pour le mieux entretenir, & en font
desbocqueteaux fort efpais, qui leur font de
grand profit Ôc reuenu,pour ce que c’eft le fruid
dont l’on vfc le plus és Indes , & yeft prefque
vniiierfellemcnt cômun en tous endroits, iaçoit
qu’ils difent que fon origine foit venue de l’E-
thiopie;Etàla veritéles Nègres en vfent beau-
coup, &cn quelques endroits fen feruent au lieu
BES Indes, Liv. IIIL 171
dcpain,voire en font duvin. L’on mage cefruiâ:
de plane tout cm comme vn autre fruité, l'on le
roitit merrne, & en fait-on plufieurs fortes de
potages voire des conferues , & en toutes, ces
choles,il s’accomode fortbicn.il y a d'vne efpe-
ce de petits planes blan cs&fort délicats, lefqnels
Ils appellent en bEfpagnoIlcDominiques.Il y en
a d autresqui fontplus fonsôc plus gros,&d vne
couleur rouge.Iln en croift point en la terre du
1 cru,mais Ion les y apporte des Indes, comme à
Mexique, deCuernauaca,&des autresvallées En
la terre ferme Ôc en quelques îlles y a de grands
planarcs, qui font corne boqueteaux fort efpais.
01 la plante eftoit propre pour brufer,c’eull edé
la plus vtile de toutes , mais elle n y cft aucune-
ment propre.car fa focille , ny fés rameaux ne
peuuet bruller,&encor moins feruirde mefrain,
àcaufequec’cft vnboismoüelleux, ôc qui ira
point de force. Neantmoins Dom Allonfe Dar-
zillaCcommcildit ) feferuiedes fueillcs feches
de ceft arbre pour efcrirevnc partie de l’Aura-
cane,& a la vérité à faute de papier on fen pour-
roitferuir veuque fa fueille eft de la lareeur
d vne fueille de papier , ou peu moins ôc longue
de quatre fois autant.
'Du CAcao de U Cocd.
Chap. XXII.
Açoit que le plane foit le plus prof
Stable, neantmoins leCacao eft pk
^eflimé en Mexique, dda Coca au Pe
riiefquelsdeux arbres ils ont beau
Y iij
Histoire natvrelle
coup de ruperftition. Le cacao eft vti frui(^
vn peu moindre qu’amandes , & toutesfois
plus gras , lequel eftantrofty napas mauuaife
faneur. Ilefttanteftimé entre les Indiens, voi-
re entre les Elpagnols , que c'eft vn des plus
riches, voire plus grands commerces de la
neufuc Elpagne, Car comme c’eft vn fruidt
fcc & qui fe garde loing temps fans fe cor-
rompre , ilscnamcinent des nauires chargez
de la prouince de Guatimalla. En l’an palTé
vncorfaire Angloisbrufla au port de Guatulco
en la neufue Efpaigne plus de cent mil charges
de cacao. L’on fen fcrc mefme comme de
monnoye , d’autant qu aucc cinq cacaos ils
acheptent vue chofe , aucc trente vnc autre , &
auec cent vnc autre , fans qu’il y aye contra-
didion , & ont accouftumé de les donner pour
aumofnc aux panures qui leur demandent.Lc
principal vfage de ce cacao eft en vn brcuuagc
qu’ils appellent Chocholaté,dont ils font grand
cas en ce pays , follement & fans raifon, & fait
mal au cœur à ceux qui n’y font point accou-
' ftumeZjd’autât qu’il y a vne efeume & vn bouil-
lon au haut qui eft fort mal agréable pour en
vfer , fi l’on n’y a beaucoup d’opinion. T oures-
foisc’eft vnc boiftbn fort eftiméc entre les In-
diens, de laquelle ils traittent, feftoyent les
Seigneurs qui viennet ou palfcnt par leur terre.
Les Efpagnols & les Efpagnolles qui font ja
accouftumez au pays, font extrêmement friands
decechocholaté. Ils difent qu’ils font ce cho-
cholaté en diuerfes façons 6c qualitez , fçauoir
l’vn chaudjl’autre froid,5c l’autre tempéré , 6c y
DES Indes» Lrv. IIII.
mettent des efpiqs beaucoup de ce chili. MeC-
mes ils en font des partes, qu’ils difent eftre pro-
pres pour l’eftomach , & contre le catarrhe.
Quoy qu’il en foit , ceux quiny ont point efte
nourris n’en font pas beaucoup curieux. L’ar-
bre où croift ce fruid: eft d’vne moyenne gran-
deur &d’vne belle façon, ileft.fi délicat que
pour garder que le Soleil ne le brufle ils plan-
tent auprès de luyvn autre grand arbre qui luy
fèrtlculcment d’ombrage, & l’appellent la mc-
re du cacao. Il y a des lieux où ils font ainfi que
les vignes &Ics oliuiers font en Efpagne. La
prouincc qui en a plus grande abondance , pour
le commerce & la marchaiidifc eft celle de Gua-
timalla.il n’en croift point au Peru , mais il y
croiftdclacoca, qui eft vnc autre chofe où iis
ont encor vne autre plus grade fuperftition qui
femble eftre chofe fabulcufe. A la vérité la
traittcdelacocacn Potozi fe monte à plus de
demy million de pezes par chacun an, d’autant
qu’on y en vfe quelques quatre vingts dix ou
quatre vingts quinze mille corbeilles par an.
En l’an mil cinq cens quatre vingts & troison
yen confomma cent mil, Vnc corbeille de co-
cacn Cufco vaut deux pezes & demy , & trois,
& en Potozi elle vaut tout contant quatre pe-
zes & cinq tomincs , & cinq pezes efiayez.
C’eft l’efpece de marchandife à l’occafion de
laquelle prefque fc font tous les marchez &
foire , parce que c’eft vne marchandife dont
il y a grande expédition. La coca donc qu’ils
eftiment tant , eft vne petite fueille verdc qui
naiftendes arbrilfcaux qui font comme d’vnc
Y iiij
Histoire natvrelle
braffe de haut , elle croift en des terres fort
chaudes & humides, &ietteceft arbre de qua-
tre mois en quatre mois cefte fucille qu’ils ap-
pellent la trefmitas ou tremoy : elle requiert
beaucoup de foin à la culriucr , pource qif el-
le eft fort délicate , ôc beaucoup d’auantage à la
conferucr,apres qu elle eft cueillie. Ils les met-
tent par ordre en des corbeillôs longs&eftroits,
& en chargent les moutons du pays , qui vont
aucc cefte marchandife en tronppes chargez de
mil êc deux mil , voire trois mil de ces corbeil-
lons. On l’apporte le plus communément des
Andes & vallées , efquelles il y a vne chaleur in-
fupportable, ôc où il pleut toufiours la plus part
de 1 année. Enquoy les Indiens endurent beau-
coup de trauail & de peine pour l’entretenir, ôc
bienfouuent plufîeurs y perdent la vie , parce
qù ils partent de la Sierre ôc de lieux tres-foids
poui-rallerculduer d: recueillir en ces Andes.
C’eftpourquoy il y a eu de grandes difputcs ôc
diuerfité d’opinions entre quelques hommes
dodes &fages,à fçauoir fil eftoit plus expediet
d*arracher tous ces arbres de coca,ou de les laif-
fer,mais en fin ils y fontdcmeurez. Les Indiens
reftimcntbeaucoup,&: au temps des Rois In-
guas il n’eftoitpas licite ny permis au commun
peuple d’vferdela coca fans la licence du Gou-
uerneur. L’vfage en eft tel qu’ils le portent en la
bouche ôc lemafchcnt , fueçant fans toutes-
fois Faualler. Ils difent qu’elle leur donne vn
grand courage, dcleur-eft vue fingulierc frian-
dife. Plufieurs hommes graues tiennent cela
pout fijperftition ôc chofede pure imagination.
Des Indes. Liv. IIÎT. 175
De ma part , pour dire la vérité, ie me perfuadc
que ce n eft point vne pure imagination, mais
au contraire i en rçns qu elle opéré &donnc for-
ce^ courage aux indieiisrcar Ton en voit des ef-
fcds, qui ne peuuenteftre attribuez à imagina-
tion, comme de cheminer quelques iournécs
fâm manger auec vne poignée de coca,& autres
cfrcéls (emblables. i-afaulfè auec laquelle ils
mangent ce coca luy eft aflcz conuenablc,pour-
ce que i en ay goiifté,& a comme le gouft de Su-
macq. Les îndienslabroyentauecdcla cendre
d’os brûliez & mis en poudre,ou bien auec de la
chaux, comme d autresdilent^ce qui leur remblc
fort appetirTant & de bon gouft , & difent qu'il
leurfairvngrand profit. IlsyemployentÜbre-
racn t leur argent, & fon feruent en mefme vfaee
que de la inonnoye. Encor toutes ces chofes ne
leroicntpointmalàpropos,n’eftoientlehazatd
& rr fque qu’il y a en fon commerce, & à l’appro-
ntcr,en quüy tantees gens font occupez. Les
^ eigneurs Inguas vfoient du coca comme de
choie royalle & friande, &eftoit la chofe qu’ils
ofiroientlepluseri leurs facrifices, lebruflans
tn l’honneur de leurs idoles.
^f*Maguey,duTmdM^Cochemlle,del4mr
dn CO t fon.
Ch A P. XXIÎI.
Emagueycft Larbredes mcrueillés,
duquel les Nouueaux ou Chapeto-
nés ( comme ils les appellent ésln-
des)oiît accoullumc d’eferire des mi-
Histoire natvrelle
racles, en ce qu’il donne dercaüe, du vin, de
l’huillc , du vinaigre,du miel,du firop,du fil , des
cfguilles , &mil autres chofes. Ceft vn ar-
bre que les Indiens cftiment beaucoup en la
neufue Erpagne, & en ont ordinairement en
leurs habitations quelquVn pour entretenir
leur vie. Il croift & le cultiuent aux champs, ôc
a les fueilles larges &groflieres , au bout def-
quclles il y a vnc pointe forte ôc aigue , qui fert
pour attacher comme des efplingues , ou pour
coudre comme vnc efguille,& tirent aufli de ce-
lle fueille comme vn certain fil, dot ils fc feruér.
Ils coupent le troc qui eft grosquâd il eft: encore
tendrc,& demeure vne grande (concauité , par
laquelle monte la fubftance de la racine, & eft
vne liqueur que l’on boit comme de l’eaüe qui
eft frefehe & douce. Cefte mefmc liqueur eftant
cuitte fe tourne comme vin, lequel deuient vin-
aigre en lelaifiànt aigrir, & en le faifant bouil-
lir d’auantage il deuient côme du miel, ÔC le cui- i
Tant à demy il leur fert de firop, qui eft afiez fain
&de bonne faneur , voire me femble meilleur
que le firop de raifins. Voila comme ils font
cuire ôc fc feruent de cefte liqueur en diuerfes
façonSjde laquelle ils tirentbone quantite,d’au-
tant qu’en certaine faifon ils tirent par chaque
ioLir quelques pots de cefte liqueur.il y a melmc
de ces arbres auPeru,mais ils ne les rendét point
fi profitablescômeenlaneufucEfpagne.Le bois
de ceft arbre eft creux ôc mol , Ôc fert pour con-
feruer le feu, pourcc qu’il le retient comme vnc
mefehe d’arquebuze , ôc s’y garde long ^temps,
dont i’ay veu que les Indiens s’cn feruoict à ceft |
;
desIndes. Liv. IIII 174
çfFcd. Le tunalcft vn autre ari>re fameux en la
iicufue Efpagne , fi arbre nous dcbuons appel-^
1er vn raonçeau de fucilles amafièes les vues fur
les autres , lequel efl: de la plus eftrange façon
d’arbra , qui foit. Pource qif il fort de terre pre-
mièrement vnefucille, & d'icelle vue autre, ôc
de cefte-cyvne autre, & ainfiva croilîànt iuf-
ques a fa perfe6Hon,finon que comme fes fucil-
les vont fbrtanten haut & aux coftez, celles,
d embas s'cngrofiilïcnt , Sc viennent prefque à
perdre la figure de fueilles,en failant vn tronc
Sc des rameaux qui font alpres , efpineux & dif-
formes , d où vient qu en quelques endroits ils
1 appellentchardon. Il y a des chardons, on tu-
nauxlaiiuages qui ne portent point de fruit, ou
bien il eft fort elpineux,&lânsaucunproffit. Il
y a mefine des Tunaux doraeftiques , qui don-
nent du fruit fort eftimé entre les lndiens,qu’ils
appellent Timas, & font de beaucoup plus gra-
des que les prunes de frere, êc ainfi longues. Ils
en ouurentla cocque,qui eft graftè,& au dedans
y a de la chair, & des petits grains femblables à
ceux des figucs,qui font fort doux, & ont vn bo
gouft, fpeciallcmcnt les blanches , lefquels ont
vue certaine odeur fort aggreable, mais les rou-
ges ne font pas ordinairement fi bons. Il y a vnc
autre forte de Tunaux , lefquels ih eftiraent
beaucoup dauantage, en cor qu’ils ne donnent
point de fruiâr, & les cultiuent auec vn grand
foing ôc diligence : Ôc iaçoit qu’ils n’en recueil-
lent point de ce fruit , neantmois ils rapportent
vne autre commodité &» profEt qui eft de la
graine, d’autant que certains petits v'ers naif-
(
Histoire natvrelle
fent aux fueillcs, de cct arbre , quand il eft bien
cultiucj éc y font attachez, CO uuerts d vne cer-
taine petite toile deliée,Iefqucls on circuit dé-
licatement, & eft la cochenille des Indes tant
renommée , de laquelle Tonteinten graine.Ils
leslaiircntfccher,. &ainlifecsils les apportent
en Elpagne,qui eft vne groire,& riche marchan-
dife. L’arrobe de cefte cochenille , ou graine,
vaut plufieurs ducats. On en apporta en la flot-
te de l’an mil cinq cens quatre vingts fept , cinq
mil flx cents foixante dixfept arrobes, qui mon-
toient à deux cens quatre vingts trois mil,fept
cents & cinquante pezes, & ordinairement il
envienttous les ans vne femblablc richefle.
CesTunauxeroiflentés terres temperees , qui
déclinent à froideur. Au Pem il n ’y en croift:
point encor iufques à prefent. l’enay veu quel-
ques plantes en Efpagne , qui ne méritent pas
toutesfois d’en faire aucun eftat. le diray auflî
quelque chofe de l’Anir, combien qu'il ne vient
pas dVn arbre, mais d’vue herbe, parce qu’il fert
à la teinture des draps, & que c’cftvne marcha-
dife qui s’accommode auec la graine , & meflne
qu’il croift en grande quantité , en la neufue Ef-
pagne,d’où il en vint cnla flotte que i aydit,cinq
mil deux cents foixante & trois arrobes, ouen-
uiron, qui montent autant de pezez. Lecotton
mefmc croift en des petits arbrifleaux , & en des
grands arbres qui portent comme des pommet-
tes,lefquels s’ouurent & donnent cefte filaire,&
apres l’auoir cueillie la fillent , & la tirent pour
en faire des eftoftes.C^ft vne des chofes qui foit
és Indes de plus grand proftit,&: de plus d’vfage.
DIS Indes. Liv. IIII, ,7.
car il IcHrfertdelin , Ôc de laine pour faire des
habits.ll croift en terre chaudeAy en a vne gra-
quantité es vallces& cofle duPcru,en la neu>
fue Efpagne, es Philippines,&enIaCIiinc.Tou-
tesrois il y en abeaueoiip d’auantage, qu’en au-
cun lieu que ie fachc,en la prouince deTucuma
en celle de fainéte Croix de la Sierre, Ôc au Para-
gucy,&leur eft le cottô le principalre-ucnu.L on
apporte en Efpagne du cottô des Ifles deS.Do,-
minique,& cnvintlannee quei’ay dit foixante
& quatre arrobes. Aux endroits des Indes ou
croift le cotron ils en font de la toiledont les ho-
mes &: les femmes vfciitlcplus communemér,
mcfmes en font leurs feruiettes de tables , voire
des voillcs de nauire.il y en a de gros , & d’autre
qui eft fin & délicat. Ils le teignent en diuerfes
couleurs, comme nous faifons les draps de laine
en Europe. ^
Des Mdme^es^Guajüuos Faites,
c H A P. xxiin.
Es plantcsdont nous auôs parlé font
les plates les plus profitables dcsln-
des, ôc celles qui font les plus nccef-
fairesjpour le viurenoutesfois il yen
a beaucoupd’autres qui font bonnes
à m%cr , entre lefquelles les mameyes font efti-
meés eftans de la façon des grofiespeft;hes, voi-
re plus groffes.Ils ont vn ou deux noyaux dedas,
Sc h chair quelque peu dure. Ils y en a qui font
l
Histoire natv relie
doux & d’autres qui ibnt aucunement aigres, &
on t l’efcorce forte Sc dure. On fait de la confer-
ue de la chair de ce fruit , qui reiremble au coti-
gnac. L’vfage de ce fruit eft allez bon , & encor
meilleure la conferue,que l’on en faiA.lls croif-
fent éslllesj&rn’en ay point vcuau Pcru.C'ell
vn arjjre qui eft grand, & bié faitjdVn allez beau
fueillage.Les Guayauos font d’autres arbres qui
portent cômunement vn mauuais fruidt , plein
de pépins afpres,& font delà façon de petites
pômes.Ceft vn arbre mal eftimé en là terre fer-
me,&auxl 11 cs,car ils difent quûla rodeur,cômc
de punaifes.Le gouft& làueur de ce fruit, eft fort
grolïîer,& fa fubftancc mal faine. Il y a en S.Do-
minique, & és autres Illes des môtagncs toutes
pleines de ces guayauos,&difenr,qu’ils n’yauoit
point de telle forte d’arbres, auantqueles Efpa-
gnols y arriualTcnr, mais que l’ô les y a apportez
de ie ne fçay où. Cet arbre a multiplié innnimér, |
parce qu’il n’y a aucun animal, qui en mange les |
pepinSjOu la graine,d’où vient qu’eftans ainll fe- ;
mez parmi la terrc,comme elle eft chaude &hu-
mide,il y a ainfi multiplie. AuPeru cet arbre dif-
féré des autres guayauos, pourcc que le fruit n’é
. eft point rouge,mais eft blac,&n’à aucune mau-
uaife odeur , mais eft d’vn fort bon gouft : Sc de
quelcôque forte de guayauos, que ce foir,le fruit
en eft aulïî bon comme le meilleur d’Elpaigne,
fpeciallemcnt de ceux qu’ils appellent guayauos
dematos, & d’autres petites guayauiiles blan-
ches.C’eftvn fruit aflèz fain,&conuenable pour
reftomac,pource qu’il eft de forte digeftion , Sc
allez froid : les Pàttas au contraire font chaudes
Des Indes, Liv. IIIî.
&aeIicates.LéPaIto eft vn arbre grâd & de beau
fueillagCjqui ale fruiét^come des grofles poires,
il a dedans vn gros noyau,& tout le rcfte eft vne
chair molle, tellement que quand ils font bien
mcursjils font comme du beurrc,& ontlcgouft
délicat. Les paltas font grâds au Peru, & ont vnc
efcaille fortdure,quc l’on peut ofter toute entiè-
re. Ce frui<5t eft en Mexique , pour la plus part
fort,ayant 1 efcorcedclice,quifc pelle côme des
pomes. Ils les tiennent pour vne viande fainc,&
cômei’ay dit,qui décline quelque peu à chaleur.
Ces mamayesjguayauos, &paltos,fontlcspcll
chesdes pommes, & les poires des Indes , encor
que ic choilîrois pluftoft celles de 1 Europe.
'Mais quelques autres par l’vfagc,ou peuteftre,
par affeiftion^pourront cftimerd auantage ceux-
cy des Indes. le ne doute point , que ceux qui
n ontpointveu,ny goufté, de ces fruits, prendrôt
peudeplaifiràlire cccy , voire fe lalfcront de
1 ouyr,&moy mefîne ie m’en Iaire,qui caufe que
j abregeray en racontant quelques autres fortes
de fruits. Car ce feroit chofe impoftîblc de pou-
uoir traiter de tous. ~
Du Chtcoçàt^otCfdes yyfnnm<u ^ des Capüyes^
Chapit. XXV.
' V elqucs vns qui ont voulu augmen-
ter les choies des Indes, ont mis en
auant qu’il y auoit vn fruit,qui eftoit
ifemblable au cotignac, & l’autre qui
Histoire natvrelle
eftoit comme du blanc manger : pourcc que la
faueur leur fembla digne de ces noms. Lecoti-
gnacoumeiTnelâde((iieneraetrôpe ) eftoic ce
qu’ils appelloient 5 capotes, ou chicoçapores,
quifoncd’vn gouftforc donx,& approchant à
la couleur de cotignac. Q£elques crollos , ( qui
eftle nom dont ils appellent les t f|:^agnols nais
auxïndes) difent que ce fruit furpalTe cncxccl-
lence tous les fruits d'Efpagne. Toutesfois ce
n eft mon opinion, mais ils difent , que au gouft
principalement il furpallc tous les autres fruits,
où ie ne me veux pas arrefter neantm oins, par-
ce que cela ne le mérité pas. Ces chicoçapores
GU çapotes, entre leCquels ily apeude différen-
ce , croifTent es lieux chauds de la neufue Efpa-
gne,&nay point cognoifTance, qu’il y ait de
tel fruit, en la terre ferme du Peru. Pour le blanc
manger, c’eft l’Annone , ou guanauana , qui
croift en terre ferme. L’Annonaeft delà façon
dVnepoire, & ainh quelque peu aigue & ou-
uertc , tout le dedans eft tendre Ôc mol comme
burre,& eft blanc, doux ôc d’vn gouft fort fa-
iioureux. Ce n’eft pas manger blanc encor
qu’il foit blanc manger, mais à la vérité c’eft
beaucoup augmenté de luy donner tel nom,
bien qu’il foit délicat ôc d’vii gouft fauoureux,
ôc quoy que félon le jugement d’aucuns , il foit
tenu pour le meilleur fruit des Indes , il a en foy
vue quantité de pépins noirs , ôc les meilleurs
que i’aye veü a cfté en la neufue Efpagnc, où les
capolies croifTent auffi, qui font comme des cc-
rifes , ôc vn noyau , bien que quelque peu plus
gros.Mais la forme ôc figure , eft comme de ce-
)
DES Indes. Liv.IIÎI. , 17^
rifcSjdc bonne faiieur,ayat vn doux-aigret: mais
ieiî’avpointveudecapollycscn autre contrée-
JDepluJteurs fortes de fruitiers ^des Cocos, des
^mendesydes yindes,^des Amen-
des de Qhacha^oyas,
Chapitre XXVI.
ir paspoflîblc de racon-
les fruits Ôc arbrCs des
:endu que ie nem en re-
pas de plulîeurs, & qu’il
. icor beaucoup d’auanta-
ge dciquels le n’ay pas cognoi{rance,& me fem-
blechofeennuyeufedcparlerde routes, dont
ilmefouLiienr. Il fetrouue donc d’autres gen-
res de fruitiers& de frnits,plus groffiers, com-
me ceux qu’ils appellent lucumes, du fruiét def-
quels ils difcnt,parprouerbe, quec eft vnprix
diliimule, eôme les guauas,pacayes,lcs bobos,
& les noix qu ils appellent emprifonnées. lef.
quels fruits femblentà pluficurs,cftre des noix
deiamefmc efpece que font celles d’Efpagne.
Voire ils di{cnt,quc lî l’on les tranlplâtoitfou-
ucnt.dvnlicu en autre,qu’ils rapportcroienc
des noix toutes fcrablables à celles d’Efpagne
ce qu’ils donnent aiiiEvn fruit fauuagc, & fi
mal plaifant eft à caule qu’ils font lauqages. En
vu ^ confidererla prouidence ôc
iichellcdu Createur,lequel a departy à tant de
luerfes parties du monde, telle variété d’arbres
Z
zw':
Histoire natvrelei
fruitiers , le tout pour leferuice des hommes
qui habitent la terre , & eft vne chofe admira-
ble de voir tant de differentes Formes,goufts, &
effets du tout incogncus, & dont on n auoit ia-
maisouy parler au monde, auparauant la def-
couuertc des Indes. Et defquelles mefmc Pline,
Diofeoride & Theophrafte, voire les plus cu-
rieux,n’ont eu aucune cognoilTance, neâtmoins
toute leur recherche & diligence. Il s’efttrou-
ué des hommes curieux de noflre temps qui ont
efeript quelques traittez de ces plantes des In-
des,des herbes, & riuieres , ôc des operations,
qu’ils ont en fvfage de mcdecine,aulquelsron
pourra recourir, qui en voudra auoir plus am-
ple cognoifraiice,par ce queie prétends traitter
fcullcment en peu de mots & fupcrficiellement
ce qui me viendra en la mémoire , touchant ce
fubied. Neantmoins il ne me fcmble pas bon
paffer foubs filencc les cocos , ou palmes des
Indes , à caufe d’vne propriété qu’ils ont qui eft
fort notable, (Scremarquable.Ie les appelle pal-
mes,non pas proprement,ny qu’il y ait des dat-
tes , mais d’amant que ce font arbres fembla-
blcs aux autres palmes. Ils font hauts & forts,
& plus ils montent en haut plus vont ils iettaus
des rameaux, grands & fort ehendus. Ces pal-
mes ou cocos donnent vn fruit qu’ils appellent
auffi cocos , dequoy ils ont accouftumé faire
des vafes pour boire, &difent qu’il y en a quel-
ques vns qui ont vne vertu,& propriété contre
lepoifon, &pour guérir le mal de codé. Le
iioy au & la chair d’iceux(quand il eft efpoiffi&
icc)cftbonàmangerA3ppi‘‘ochc quelque peu
Des Indes. Liv. IîîÎ. i^g
dugouftdechaftaignesverdes. Qiyndlecoco
f cft en l’arbre encor tendre, tout ce qui eft dedâs
cft comme vn laiâî qu'ils boiuent par délices
& pour rafrailbhir en temps de chaleur. l’ay
veu de CCS arbres en faind Jean de port - riche
Sc autres endroits des Indes, & m’en dircncvne
chofe remarquable que chaque mois ou Lune
cet arbre iette vn nouueau rameaii de ces co-
cos, tellement qu’il donne du fruit douze fois
par an,comme ce qui efl: eferit en l’Apocalypfc^
Sc à la vérité il me femble que cefull de mefmc,
pour ce que tous les rameaux ibnt d’aages fort
differens, les vns commencent, les autres font
défia meurs, & les autres le font à demy. Ces
cocos que'ie dy font ordinairement delà fiau-
re&grolîeurdvnpetitmelon : Il yenad’vnc
autre forte qu’ils appellent coquillos , qui eft
vn fruft meilleur, dont il y en a en Çhillé. Ils
font quelque peu plus petits que noix, mais vn
peu plus ronds; Il yavncautrcelpecedccôco»
qui ne donnent point ce noyau ainfî cfpoilîî,
mais tls^mt dedaiTS-vïrc quantité de petits fruits
comme Amendes,iLlx façon des grains de grc-
nàde.Ces amendes font trois fois auflî grandes
que celles^ de-CalHllc, ^Icurreflcmblentau
• gouftjcncor qu’elles foient vn peu plus aipres
& lonnrafïl ^.^mides Ôc huilleufcs. Cel^ vn af-
fez bon manger , auflî ils s’en lèruent en déli-
ces , faultc d’amendes , pour faire des mafle-
pains,&.autres telles chofes. Us les appellent
amendes des Andes , pour ce que ces cocos
croyflcrit habondamment és Andes du Peru,
Sc font fi forts Sc durs, que pour les ouurir, il cft
Zij
Histoire natvrellè
befoing de les frapper rudement auecvnc grolïc
pierre. Quand ils tombent de Farbrc^s'ils reii-
controient la telle de quelqu’vn, iln'auroitià
befoing d’aller plus loing. Et femble vne chofe
incroy ablejque dedans le creux de ces cocos qui
ne font pas plus grands que les autrcs,ou gucres
d’auantage,ily ancantmoinsvne telle multitu-
de & quantité des ces amandes. Mais en ce qui
concerne les amendes, & tous les autres fruits
femblableSjtous les arbres doibuent céder aux
amendes de Chachapoyas, Icfquellcs ie ne peux
autrementappcller.Celllefruitle plus délicat,
friand,& plus faiii, de tout tant que i aye veu és
Indes. Voirevn dode médecin afFermoit qu’en-,
tre tous les fruits qui font es Irides, ou en Efpa-
gne,nul n’approchoit del’excellence de ces amé-
des. Il y en a de plus grandes & de plus petites
que celles que i ay dit des Andes, mais toutes
font plus graffes que celles de Caftille.Elles Ibnc
fort tendres àmanger,ont beaucoup de fiic, &
de fubftâce,&' comme ondueufes Sc fort agréa-
bles,elles croilTent en des arbres très-hauts , & .
de grand fueillage. Et comme c’eft vne chofe
precieufcjnature auflî leur a donné vne bonne
couuerturc & dc^nfê veu qu’elles font; en vne
cfcorce quelque peu plus grande Sc plus poignâ- .
te , que celle des chaflaignes, r<l%4éifois quand
celle cfcorce cftfechc , l’on en tire facilement
le grain.Ils racontent que les linges, qui'font
fort friands de ce fruit , & defquels il y avn
grand nombre en Chachapoyas du Peru , (qui
cil la contrée de toutes, où ie fcache qu’il y ait
DES Indes. L IV. IIII.
de ccsarbrcs)pour ne fe picquer en 1 efcorce,
& en tirer l’amande , les iettent rudement. du
haut de l’arbre, fur les pierrcs,& les ayants ainfi
rompues, les acheuent douurir pour les man-
ger à leur plailîr.
Deflwftean Muerfis fimrs,(jr âe quelques i^res,
(jui donnent feulement de U fleur comme les
Indiens en vfnt,
Chap. XXVII .
Es Indiens font fort amis des fleurs,
^ & en la neufue Efpagne, plus qu’en.'
1/ autre partie du monde, parquoy ils
'S ont accouflumé de faire plufieurs
fortes de boucquets, qu’ils appellent là fuchil-
les,aucc vne telle variétés gentil artifice, qUe
1 on n y peut riendefirer d’auantagedls ont vn e
couftume entre eux que’les principaux offirent
pai honneur leurs fiichilles, ou boucquets aux
îeigneurs,5c a leurs hoftes, & nous en dônoient
en telle abondance , quand nous cheminions
par celle prouince,quc nous ne fçauions qil’en
faire, bien qu’ils le leruent auiourd’huyià cet
efFet,desprincipalIes fleurs de Caftille, pource
quelles croiflent là mieux qu’icy, comme font
les œillets.rolcs,iafmins,violcttes,fleurs d’oran-
ges, &les autres fortes de fleurs, qu’ils y ont
portées d’Elpagne, y proffitent merueilleufç-
ment.Lesrofiers en quelques endroits y croif-
foient trop, tellement qu’ils ne donnoient point
Z iij
Histoire natvreili'
«3c rofcs.Il arriva viiiour qu’vu roficr fut brû-
lé, & les reiettbns 6c fcyons qui icttcrent in-
continent portèrent dcsrofes en habondance,
&de là ils apprindrcnt à les efmonder,&en oftcr
le bois fuperflu , tellement qu’auiourd’huy ils
donnent des rofes fuffifamment.Mais outre ces
fortes de fteurs, que l’on y a portées d’icy , il y
en abeaucoup d’autres, les noms defquelles ic
ne peux pas dirciqui font rouges, iaunes,bleiies
violettes, & blanchcs,aucc mil différences lef-
quelles les Indiens ont accouftumé de porter
en leurs telles, comme vn plumage pour orne-
ment.Il efl -'«^ay que plufieurs de ces fleurs n’ont
quelayeiie, pource que l’odeur n’en éft point
bonne, ou elle eft groflîerc , ou elle s n’en ont
point du tout, encor qu’il y en ait quelques vnes
d’excellente odeur. Comme celles qui croilîent
en vn arbre qu’ils appellent floripondio,ou por-
te fleur, qui ne donne aucun fruit, mais porte
feulement de ces fleurs, lefquelles font plus gra-
des que fleurs de lys,& font quafl en forme de
clochctres,tqutes blanches,&ont au dedans des
petits Allers comme l’on voit au lys : il ne cefle
toute l’année de produire ces fleurs, l’odeur def- I
quelles efl merueillcufèment douce & agréable -
ipecialemcntcnlafraifcheurdu matin. Le vi-
çcroy Dom Francifeo de Tollede,enuoya de ces
arbres au roy Dom Philippe,comme vne chofe
digne d’eflre plantée aux iardins royaux. En la
neufue Efpagnc les Indiens eftiment beaucoup
la fleur qu’ils appellent yolofuchil , qui fignifie
fleur de cœur, pource qu’elle efl de la mcfme
forme d’vn cœur, 6c n’eft pas gucrcs moindre. Il
DES Indes. Liv. III I. ig©
y a mefme vn autre grand arbre , qui porte de
ccftc forte de fleurs, fans porter d'autre fruit,
elle a vne odcur,qui eft forte, ôc comme il me
femble, trop violente, à d’autres elle leur pour-
ra fembler aggreable.Ceft vne chofe allez co-
gneue,que la fleur qu’ils appellent fleur du So-
leil,a la figure du Soleil, ôc fe tourne félon le
raouuement d’iceluyi il y en a d’autres, qu’ils'
appellent œillets d’înde, lefquels reflcmblent
à vn fin velours orangé & violet, celles là n’ont
aucune fentcur,quifoitd’eftime,mais feulemec
fontbelles àla veüe. Il y a d’autres fleurs, s qui
outre la beauté de la. veüe , combien qu’elles
n’ayent aucune odeur, ont vne faueur comme
celles qui reffemblent à eelle du creflbn alle-
nois,que fi l’on les mangeoit fans les voir , 1 on
ne iugeroit point que et fuft autre chofe. La
fleur de granadillc efl: tenue pour chofe re-
marquable, & difènt qu’elle a en foy les mar-
ques &cnfeignes de la paffion, ôc que l'on y
remarquelcs cloudsjla coulomne, les fouets,
la couronne d’efpincs , & les playes , enquoy
ils ne font pas du tout cflongnefis de raifon,
iaçoit que pour y trouuer & remarquer tou-
tes ces chofes,il foit befoing de quelque pie-
té,qui aydç à enfaire croire vne partie , mais
elle efl: fortcxqnifc, ôc tresbelle à la vcüe,en-
cor qu’elle n’aye point d’odeur. Le fruit
qu’ils appellent auflî granadillc, fe mange,
fe boitjoupour mieux dire fe fucce, pour ra-
fraifehir : ce fruit efl: doux,& félon l’opinion de
quelques vns, il l’eftpar trop.Lcs Indiens ont
accouftumé en leurs fcftes,& dances de porter
Histoire natvrelle
<3es jfleurs en leurs mains, & les Roys & Sei-
gneurs en portent pour la magnificence Pour
celte occafion l’on void des peintures de leurs
anciens ordinairement auec des fleurs en la
main , comme l’on void icy auec desgants.il
melcmbléen auoir allez dit fur ce qui concer-
ne les fleurs. L’on vfeauflî àcell effed dubazi-
lic,encor que ce ne fait point vne fleur, mais
feulement vne herbe, & ont accoultumé d'en
auoir en leurs iaf dins , & de la bien cultiuer,
mais maintenant ils en ont fi peu de foing,qu’il
n’cll plus auiourd’hüy bazilic , mais c’elt vne
herbe qui croilt autour 'des ellangs.
Ch AP. XXVIII. -
81^ E fouuerain Créateur n’a pas feule- I
^ ment formé les plantes pour feruir |
de viande,mais auflî pour la recrca-
don & pour la médecine & giiarifon
de 1 homme. l’ay dit quelque peu^ de celles qui
feruent pour la nonrritùrc,qui ell le principal:
Et mefmc quelque peu de celles qui feruent de
récréation. Ilrefte donc'màintenanr detraittcr
deceles qui font propres à la médecine, dont
ie diray auflî quelque peu de chofe, Er encor
que toutes les plantes foient medecinales quand
elles Ion t bien cogneües & bien appliquées,
toutesfois il y a quelques chofes particulicre-
rncnt,que bon void notoirement auoir eftéor-
dônées du Créateur pour la medeciné; & pour
DES In des.Liv. III L igi
, la làntédeshommes.Comme font les liqueurs,
huillesjgôratncs &rezines qui prouiennentdc
dmerfcs plantes & herbes, ôc qui facillcment
demonftrenr à il’experience à quoy elles ibnt
propres.Sur toutes ces chofes le baufme auec ^
raifon eftrenornmépourfon excellente odeur,
& beaucoup d’auantage pour l’exquis efFe6t
qu’il a de curer les playes , ôc autres diuers rc-
medesque l’on expérimente enluy fur lague-
rifon des maladies. Le baufmequi vient des In-
des Occidentales n’eft pas de la mefme efpece
quelevray baufme,quiron apporte d‘ Alexan-
drie ou du Caire,& qui anciennement eftoit en
ludée, laquelle lLidée( félon que Pline eferit Vp/- , r ^
polFcdoit feule au monde celle grandeur, iüf- cXV-
ques à ce que rEmpereur Vcfpafien l’apoortâ
à Rome ôc en Italie. Ce qui me donne occalîon
de dire que IVne liqueur & l’autre ne font
point d’vnc mefme efpece, c’eft a caufe que les
arbres d’où elles fortênt font entr eux fort dif-
ferentésrear l’arbre du baufme dePaleftineeftoic
petit, & à la façon de vigne, comme raconte
Fifoepour l'auoir veu, & ceux d’auiourd’huy
qui l’ont veu en Orient en difent autant. Com-
me aiiffi la fainde Eferiture appelle le lieu où cit
groITitle baufme, vigne d’Enguaddfpour laref-
femblancequii aauec 'Ies vignes. lay veu 1 ar-
bre d’où fe tire le baufme des Indes,quiellauf-
fi grand comme vn grenadicr,voirc approchant
quelque peu defafaçqn, fi i’ay bonne mémoi-
re,n’ayant rien de commun auec la vigne, corn- SttakUh}
bien que Strabon efcriue, que l’arbre ancien
du baufme eftoitdela grandeur des grenadiers.
Histoire nAtvrelie .
Mais aux accidcns ôc opcratiôs, ce font liqueurs
fort femblablcs , comme elles le font en leur o-
deur admirable , ôc en la cure ôc guarifon des |
playes,en la couleur & en là fubftance,vcu qu’ils
racontent de l’au tre baufraCjqu’il y en a de blâc, i
de vermeil, de verd, & de noir : ce que Ion void
auffi en ceux des Indes. Et tout ainfi qu’ils ti-
royent l’ancien en coupant ôc incifant Icfcorce,
plmMb.ii, diftiller ccfte liqueur, ainfi en font
ilsdemcfmcenceluy des Indes, encor qu’il di- ,
ftille en plus grande quantité. Et comme en ceft ^
' ancien, il y en a d’vnc forte qui cft tout pur , le-
quel ils appellent opobalfamo, qui eft la propre
larme qui diftille , ôc vn autre qui n cft pas fi ex-
quis , lequel on tire du bois de l’efcorcc ôc des ;
fucifles efpraintes ôC cuites au feu , lequel ils
appellent xylobalfami. De mefme aufiî entre le
baufme des Indes , il y en a vn pur qui fort ainfî
dcl’arbre, ôc d’autres que les Indiens tirent en
cuifant ôc clpreignant les fueilles ôc le bois,
racfmes ils le fophiftiquent & augmentent aucc
d’autres liqueurs , afin qu’il y en ait d ’auantage.
Etn’cft pas fans raifon qu’ils l’appellent bauf-
me , car il l’cft véritablement , encor qu’il ne
foit pas de la mefme efpecc de l’ancien , & cft
beaucoup eftimé, ôc le feroit d’auantage, fice
quieftauiourd’huy ésefmcraudcs ôc perles n’y
cftoit,à fçaiioir d’eftre à prefent engrande quan-
tité. Ce qui importe d’auantage , cft iVfage, au-
quel il cft employé de feruir de chrefme , qui eft
fl neceftaire^en la fainéle Eglife, & de telle véné-
ration, ayant déclaré le Siégé Apoftolique , que
l’on face le Chrefme aux Indes auec le baufme.
r
Des Indes. Liv. IIII.
3c que Ton en vfc au Sacrement de Confîrmatiô
& aux autres Sacrcmens,dqnt l Eglifcvre. L’on
apporte le baufrae en E fpagne de la neufue Ef-
pagnedelaprouinccdeGuatimalla, de Chiap-
pa «Sc d’autres lieux où il abonde dauantage,en -
cor que le plus çftimé foit celuy qui vient de
rifle de T ollu, qui eft en la terre ferme , non pas
loin de Gartagene. Ce baufméefl: blanc,& com-
munément ils tiennent pour plus parfait le r
blanc que le rouge, encor que Pline donne le
premier heu au vermeil, le fécond au blanc, le
troificAnc au verd, & le dernier au noir : mais il
fcmble que Srrabon eftimed’auantage lebauf-
mc blanc; comme les noftres reftiment.Monar-
des rraictc amplement du baufme des Indes en
la première 6c fécondé partie, fpecialeraent de
celuy de Gartagene & de Tollu,, qui eft tout vn. hh.
le nay point trouué que les Indiens ancienne^
ment eftimaflènt beaucoup le baufme , ny ràef-
nie 1 employalfent en vfàgc d’imporunce,cncor
queMonardes dife, que les Indiens curoyenc
auec iceluy leurs playcs, que de làl’apprin-
drentles Efpagnols.
Vel^mhrCy ‘^t^treshmlles^gommeSj 0^ dromes
Ion apporte des Indes,
Chap. XXIX.
Près le Bauflne, l’Ambre rient le fé-
cond lieu : c eft vnc autre liqueur qui
eft auflî odoriférante 6c medecinalle,
^ mais pluseipaifredefby,qui fc tour-
ne 6c s efpaiflitcn vne pafte de complexion
Histoire natvrelle
chaude &: de bon parfum, lequel ils appliquent
auxplaycsjblelïèures & autres necelîirez. Sur-
quoy ie me rapporte aux Médecins, rpecialemét
au dodeur Monardes,qui à la première partie a
eferit de cefte liqueur ôc de beaucoup d’autres
ni cdecinallcs,qui viennent des Indes. Cet Am-
bre vient mefmc de la neufue Efpagne, laquel-
le a cet aduantage Eu* les autres prouinces en
ces gommes , liqueurs & lues d'arbres. Qui
caufe qu’ils ont là abondâce de matières , pour
le parfum, & pour iamedecine, comme eftl’A-
nimé,qui y vient en grande quantité, le Copal,
oufuchicopal, quieftvn autre genre , comme
deftorax, & encens,qni a mefme d’excellentes
operations , & eft d Vne tres-bonne odeur,
propre pour les fuffumigations. Mefmc la Ta-
camahaca, & la Caranna qui font aufïî fort me-
decinalles. On apporte de cefte prouince de
l’huille d’afpic, duquel les médecins & pein-
tres fe feruenc aftez, les vns pour leurempla-
ftres, ôc les autres pour vernir leurs peintures.
L’on apporte mefme pour les médecins, la caf-
fe fiftule, laquelle croift abondamment en S.
Dominique. Ceftvn grand arbre, qui porte ces
cannes comme fon fruid. L’on apporta en la
flote où ie vins de S. Dominique quarante huid
quintaux de calLe fiftule. La falcepareille n’cft
pas moins cogneue , pour mille remedes , à
quoy on 1 employé. Il en vint en cefte flotte,’
cinquante quintaux de la mefme Ifle. Il y a
beaucoup de cefte falcepareille au Peru, & de
fort excellente en la prouince de Guayaquil,
qui eft foubs la ligne. Pluficurs fe vont faire
©ES Indes. Li v. IIII. igj
guarir en ccfte pronince,&cfl: l’opinion de quel-
ques vns,que les fculeseaux fimpics qu’ils boi-
uenc leur donnent fanré.à caufe qu’elles palTenc
par racines, comme nous auons dit fy delFus,
d’où elle tire fa vertu, tellement que pour fuer
en cefte terre, il n eft point befoing de beaucoup
decouuerrure, ny d’habits*.Le bois deguayaç,
qu’ils appellent autremet bois faint, ou bois des
Indes , croiÆ en abondance aux mefmes Ifles , ôc
eftaulïipefmt que le fer, tellement qu’il s’cn-
fonfc incôtinentenrcaue. De ceftuy l’on en ap-
porta en cefte flotte trois cens cinquante quin^
taux,<Sc en euft-on peu apporter vingt, voire cet
mil, s il y auoit diftribution de ce bois. Il vint
aulfi en la mefme flotte, & delà mefmc Ifle,cenc
trente quintaux de bois de Brefifqui eft fi roue^c
enflambe ôc fi cogneu,6c dont on vie tant pour
les teintures ôc autres cbofès.Il y a es Indes vne
innnité d autres bois aromatiqucs,gômes, huil-
es,& drognes,de forte qu’il n’eftpaspoffible de
les pouuoir tous raconter , & eftchofeauflîde
pcud’importanccàprefent. le diray feulement
qu’au temps des Roys Inguas de Cufco , & des
Roys Mexiquains, il y eut beaucoup degrans
perfonnages experts à curer Sc medcciner auec
les fimples,& faifoicnt de fort belles cures,d’au-
rant qu’ils auoient cognoifl'ancede plufieurs
vertus Su proprietez des herbes, racines, bois ôc
des plaiitcs,qiii croilfent par delà, &dont les an-
ciens d Europe n’ont eu aucune cognoilîance.îl
y a mil de ces fimples , qui font propres pour
puigcr,comme les racines de Mechoaçan, les
pignons de la Punna,la côferiie de Giianucquo,
Histoire natvrelle
1 huille de fignierj& plufîeurs autres chofès, Icf-
quelleseftans bien appliquées & en temps , ne
font pas(comme ils tiennent) de m oindre effica-
ce que les drogues quiviennent d’Orient.Ce qui
le peut voifsen lifant le difeours qu’en fait Mo-
nardeSjCn la premiere&fecode partie où il ti^ait-
te amplement du Tàbaco,oupetum,duquel l’on
a fait de notaWes expériences contre le venim.
Le TabacoeftvnarbriireaUjOii plante alTez cô-
mune,quia en foy ncantmoins des rares vertus,
comme entre autres de feruir de çontrepoifoii,
aiiffi que-plufieurs &diuerfes plantes, par ce que
r A utheur de toutes chofes a departy fes vertus,
comme il luy a pleu,& n’a point voulu qu’aucu-
ne chofcnacquift au monde ocieufe. Mais c’eft
vn autre don fouuerain à l’homme de les co-
gnoiftre,& en fçauoir vfer comme il conuienr,
ce que le mefme Créateur concédé à qui il luy
plaift.Le Dodeur François Hernandes a fait vn
bel oeuure de celle raatierc,des plâtes)des Indes,
liqueurs, & autres chofes mcdecinalles,par l’ex-
pres commandement & commiffion de fa Ma-
iefté , faifant peindre & pourtraire au naturel
toutes les plantes des Indes, lefquclles, comme
ilsdifent, font en nombre de plus de mil deux
ccs,& difent que cet œuure a coufté plus de foi-
xante mil ducats, duquel œuure leDodeurNar-
dus Anthonius médecin Italien,a fait vn extrait
curieux,&renuoyc aufdits liures,ccluy qui vou-
dra plus cxadementcognoiftre des plantes des
Indes, principalement pour la medecine.
Disgrmieifortfl, des Indes, des Cedres,des Ceims, (y
Autres^ Afîds ârhres ^uiy Jont,
, Chapitre XXX.
que dés le commencement du
^mondejarerrea produit des plantes
des arbres, parle commandement
du Seigneur, ncantmoins elle ma kiffé
d e produire en quelques lieuxplus qu^cs autres,
& outre les plantes & les arbres qui par l’indu-
ftrie des hommes ont efté tranfpkntees & ap-
portées d’vnlieu,en au tre, il y en a encor beau-
coup q nature a produits de foy mefme. le croy
quedeceftcrortcily enad’^^uâtage aunouueau
mode,quenousappellonsIiiles,foir en nôbre,
ou en diucrlitez,que non pas au vieil monde &
terres de l’Europe, del’i^ fie & Afrique.La raifon
chaude &humide,comme nous auons monftré
au lccond liure,contre I opinion des anciés, qui
caufequela terre produit en grande abondance
vncinfinitedc plantes fauuages, & naturelles,
a ouvienrqueprefquciaplus grandepartie des
Indes eftinhabi:able,&qu’on ny peut chemi-
ner.pour les bois &efpaiffesforcfts qui y four,
aufquellesl'on trauaille continuellement pour
les abbatre.il a elle befoing & neceffiire , pour
cheminer par quelques endroits des Indes
principallementauxnouuelles entrées, de fai-’
«ne I arbres, &dTar.
tant les builTons , de forte que comme nous
-Histoire katvrelle
i’efcriuent quelques religieux, qui 1 ont e{proo=
ué, il a cfté telle fois qu ils non: peu cheminer
en vn iour plus dlyne liche. Vndenosfreres
homme digne de foy,nous contoit que s eftant
cfgaré & perdu dans les montagnes, fans fça-
uoir quelle part ny par où il deuoit aller , il Ce
troLiua dedans des buiiTons fi cfpais, quil fut
contraint de cheminer fur iceux fans mettre
les pieds enterre, par 1 efpace de quinze iours
entiers, & que pour y voir le Soleil, & pour re-
marquer quelque chemin en celle foreftfief-
pailfc ôc pleine de bois, il auoit befoing de mon-
ter au coupeau des plus grands arbres , pour
delàdefcouurirle chemin. Qmliraledifcours,
traittant de fon voyage , & combien de fois il
s’eft perdu &efgaré,& les chemins qu’il a che-
minez, les cftrangcs aduentures qui luy font ad-
uenues, eeque i’ay eferit fiiccin(^emenr, pour
me femblcr chofe digne d’ellre fceüe,&qui aura
quelque peu chemine par les montagnes de$
Indes, encor que cenefoycntque les dixhuibl
lieues qu’il y a deNom dcDieuàPaiiama,pourra
bien penfer de quelle grandeur font ces forefts
des Indes, de forte que n’ayant aucun Hyuer en
CCS parties là,qui face fentir le froid,& que 1 hu-
midité du Ciel Ôc de la terre y eft fi grande , que
les môtagnes produifentvne infinité de forefts,
ô{ la campagne qu’ils appellent Sauanas,vnc in-
finité d’herbe : il. n’y a point de faute d’herbe
pour les pafturages,de mefrain pour les édifices,
ny de bois à faire du feu.C’eftvne chofe impof-
fiblc de pouuoir raconter les différences Ôc figu-
res de tant d’arbres fauuages,d autant que de la
DES Indes. Liv. IIII. ig;
plus part l’on n’en fçaic pas les noms. Les cedres
[ il eftimez anciennement font là fort communs,
pour les édifices Ôc pour les nauires, & y en a de
dinerfes façonsjles vns blancs,& d autres roux,
qui font fort odoriferans. Il y a vnc grande
quantité de Lauriers d’vn plailànt regard aux
Andes du Peru. Aux montagnes de la terre
ferme aux Ifies-, en Nicaragua, &enla neufue
Elpagne. Comme aulÏÏ il y a vne infinité de
Palmes, Sc de Ceiuas, dequoy les Indiens font
leurs canoës , quifont des bafteauxfaits tout
d’vne pièce. Lon apporte en Elpagne du mef.
ram de bois fort exquis de la Hauane , en l’Ille
de Cube, où il y a vne infinité de fcmblables ar-
bres comme font l'Ebene, le Caouana, la Gre-
nadille, les Cedres, & autres clpeces,qucicnc
cognmspoint.il y a mefme de grands Pins en
la neufue Efpagne,encor qu’ils ne foient pas fi
forts que font ceux d’Efpâgne. Ils ne portent
point de pignons, mais pommes vuides. Les
Cnefnes qu ils appellent de Guayaquil , eft vn,
bois exquis, & odoriférant, quand on le taille,
racfme il y a des cannes & rofeaux très-hauts
I des rameaux & petites cannes, defquels ils font
i des bouteilles & cruches pour puiferdel’eauc,
I & fen feruent mefmes en leurs baftiments. Il y
aauflîle bois de manlle,dequoy ils font des ar-
i bres & mafts de nauires, & les eftiment aulÏÏ
rorrs comme fi c’eftoit du fer. Le Molle eft vn
I arbre de beaucoup de vertus, lequel iette des
petits rameaux, dont les Indiens font du vin,
j ils 1 appellent en Mexique, arbre du Peru, pour
|cc quil eft venu de là,mais il cncroiftaulîien
i Aa
Histoire katvrelle
ianeufueEfpagnCj&dc meilleur que celuy du |
Peru.Il y a mil autres fortes d’arbres dont ce fe- !
roitvu trauailfupcrflu d’en traitter, quelques ;
vnsde ces arbres font d vne enorme grandeur^ ^
&parleray feulement d’vn qui cft en TlacoCba- .
uoya, trois lieues de Guaxaca, en la neufue Efpa-
gne.Cet arbre cftant mefnré,fc trouua fcullemét
en vn crcux,auoir par dedans neufgraças,& par
dehors ioignant la racine,feize,&plus haut dou-
ze. Cet arbre fut frappé de foudre, depuis le haut
iufques au bas, au droit du cœur, qui fit ce creux,
quiycft.llsdifcntqucauparauarqucie tonner-
re fuft tombé deflus, il eftoit fuffifant pour om- ■
brager mil hommes. Ceft pourquoy ils s’y allé- j
bloiêt pour faire leurs dâccs,bals & fuperftitiôs; i
neâtmoinsilreftcencordeprefentdcs rameaux ;
& de laverdure.mais non pas beaucoup, ils ne î
fçauent quelle cfpecc d arbre c’eft , finon qu’ils I
dilent que c’eft vne efpece de Cedre. Ceux qui [
rrouueront cecy eftrange,lifcnt ce que Pline ra- >
conte du plane de Lydie , le creux duquel con-
renoit quatre virigtsôcvn pied, & relîcmbloit
pluftoft vne cabane ou maifon.que nô pas creux ,
d arbre,fon branchage vn bois cnticr,Fombragc '
duquel couuroit vne grande partie de la campa-
gne. Par ce qui cft eferit de cet arbre, 1 on n aura
point tantd occafion des’efmerueiller duTyfte-
ran,qui auoit la mailon & meftierdans le creux
d vrtChaftaignier.EtdVn autre Chaftaignier, fi
ce n eftoit ccftuv là mefme, dcdtins le creux du-
quel enrroient huidt hommes à cheual,& enre-
fortoyent fans f incommoder les vns les autres.
Les Indiens cxcrçoicnc ordinairement leurs |
3
D is T NDES. Liv. IHL i8^
^ idolâtries en ces arbres, ainfi eftranges , &dif-
' formes, ainfi que faiioient mefmc les anciens
Gentils, comme racontent quelques autheurs
de ce temps.
P es plantes Çr' fruitiers que l'on a ap^9rte‘^de
Efpagne AUX Indes,
Ch AP. XXXI.
E s Indiens ont eu plus de profit, &
ont efté mieux rccompenfés es
plantes que 1 on y a portées d’Efpa-
gne , quen autres marchandifes,
pour ce que le peu qui font venues des Indes
en Erpagne,ycroifi'enrpcu,&yontf mal multi-
plie, & au contraire legrand nombre que l’on
a porté d’Efpagne aux Indes, y vient tref-bicn,
& y font grandement multipliées. le ne fçay fi
nous deuons dire que ce roit,àcaufe de la bon-
té des plantes, pour donner gloire à cequieft
d icy, ou bien fi nous dirons que e’eft la terre,
pour la donner à ce qui cft de delà. Finablement
il y a par delà , de tout ce qui Ce produit de bon
cnElpagnc, & en quelques endroits meilleur,
& en quelques endroits pire , commclefro-
ment, 1 orge, les porees ou verdure, & toutes
fortes de icgumes,aufii les leétues , choux, ra-
ues,oygnons , ail,pcrfil,naueaux,paftenadcs,
berengenes , ou pommes d’Amour fcariolles,
betes, eljpinards, garuenecs ou poids, febucs,
Aa ij
Histoire natVrelle
lentilles, & finablement tout ce qui croift par
deçà de domeftiquc,& de profit : de (brre que I
ceux qui y ont faitvoyagc,ontcftc curieux d’y |
porter des fcmences de toutes fortes, & le tout
y a beaucoup fruidifie encor que ç’ait efte di-
uerfement, fçauoir aux vns mieux, aux autres
moins.Quand aux arbres, ceux qui plus gcneral-
lement, & plus abondamment y ont trudifié,
ont efté les oranges, lymonniers, citronniers,
Sc autre fruids deceftcfortc. Il y a défia en
quelques endroits,cômme des bois, &desfo- i
refis d’orangers. Ce que trouuant cftrangc,ic'
demanday qui auoitremply ces champs de tant
d'orangiers, fon merefpondir, que cela efioit
aduenu fortuitement, d'autant que les oranges
çfians tofiibces à terre,& pourries, leur femen-
cc auoit germé, & de celles que les eaux auoienc
emporté en diuers endroits , venoientànaifirc
ces bois ainfi elpais. Ce qui mcfembla vne
bonne rayfon.ray dit que c’efioit lefruid,qui
gcnerallement fefi plus augmenté és Indes,
pour ce que ie n’ay efié en nul endroit où il n’y
ait des oranges,d’autàt que toutes les Indes font ;
vne terre chauldc & humide, qui cft ce que re- !
quiert cet arbre. Ils ne croilîcnr point en la j
Sierre, mais fon les y apporte des vailees ou |
cofie de la mer. La conferue d’oranges clofcs
qu’ils font és Ifles, efi la meilleure que i*ay vcüc
par deçà,ny par delà mefmc. Les pefehes, les
pre(fes,& abricos, y ont fort multiplié , & en
la neufue Efpagne plus qu’en autre endroit. Il
croift au Perufort peu de ces fortes de fruids,
outre les pefehes, Sc encor moins es Ifics. H y
Dis Indes. Liv. MIL 1S7
croift des pommes & des poires j mais c*eft
fez moyennement, il y a des prunes rarement,
mais des figues en abondance, principalement
au Peru. Ilfe trouuc des coings en toutes les
contrées des Indes,&cnlaneuue Efpagne, en
telle abondance , qu'ils nous en donnoyent cin-
quante à choifir pour demie reaile. Ilyaaflcz
dc^renades auiïî , bien qu’elles foyent toutes
doücesjcar les aigres n’y font point bien venues.
Il y a de tresbons mêlions en quelques endroits
du Peru. Les cerifes & les guignes iufques au-
iourd huy n’ont point encor bien frudifié es
Indes, ôc croy quccè n’eft pas faute de tempe-
rature, pourcc qu’il y en a de toutes fortes, mais
peut eftrefautedefoingjOu parce que l’on n’a
pas bien rencontré fa température. En finie ne
trouuc point que par delà ils ayent faute d’au-
cun fruid délicieux. Q^ant aux fruids groffiers
ils n’ont point de bcillotres , ny de chaftaignes,
Sc nay point de cognoiflancc, que iufques au-
iourd’huy ilyenait creu. Les amendes y croif-
fcnt,mais c’eft fort peu. L’on y porte d’Éfpagne
pour les friands, des amandes, des noix, des
aucllaines, &n’ay point entendu qu’il y ait des
nèfles, ny des cormes, ce qui importe peu. Me
fcmble que cccy doit fuffirc pour faire enten-
dre qu’il n’y manque aucune délice de fruids.
Maintenant difons quelque chofe des plantes
de profit 5 que l’on y a portées d’£{pagnc,&a-
cheucrons ce traitté des plantes, qui cft défia
ennuyeux.
Aa iij
Histoire naturelle
DtsrâifinSyVigneSjoUuei , mtutesy (X des
cannes du fucre, '
Chapitre XXXII.
[’E N T E N s par les plantes profi-
jrablcs celles qui outre ce que l’on
[en mange au logis, apportent de
^l’argent à leur maiftre. La princi-
= pale derquelles eft la vigne , de la-
quelle vient le vin,le vin-aigre,le railin vert &
fcc, le verjus & lefirop. Maisle vin cftceluy
qui vaut le mieux. Il ne croift point de vin ny
raifin es Ifles ny terre ferme, mais en la neufue
Efpagne, il'y a quelques vignes qui portent du !
railiiijtoutcsfois I on n’en fait point de vin. La
caufe en doit eftre pourcc que le raifin nefe
menrit pas bien à caufe des pluyes qui yvien-r
lient aux mois de luillet & Aouft,qui lesem- |
pefchentde mcurir:ils s’en feruent tant feule- |
ment pour manger.L’on y porte le vin d’Efpa- ■
gne & des Canaries , comme en tout lereftc :
des Indes referué au Peru & au Royaume de
Chillé,où il y a des vignes qui rapportent de
tresbon vin, lefquclles vont chaque iour croift
faut en quantité à caufe que c’eft vne grande
richelTeen ce pays,& en bonté, parce que auec
le temps ils deuiennent plus expérimentez vi^ ;
gnerons. Les vignes du Peru font communes :
CS vallées chaudes, où il y a des eaües,& les ar-
roufent aucç la main , parce qu’il n y tombe
point de pluyes du Ciel, & aux Lanos,& en la ;
Sierreclleny vient pointàtcmps.llyadcscn-
DES Indes. Liv. HII. i88
droits où les vignes ne font point arroufées ny
du Ciel ny de latcrre,& toutefois elles ne lai{^
fentdc frudifier en grande abondance, com-
me en la vallée d’Y ca, Ôc aux fofles qu’ils appel-
lent de Villacuri, efquels lieux il fe trouue des
folfezou terre enfoncées parmy les morts la-
blons , lelquels font toute l’année d’vne in-
croyable fraifeheur, fans qu’il y pleuue aucu-
nement en quelque faifon que ce foi t,ny. qu’il y
ait des eaüespour les arroufer artificiellement.
La caufe eft parce que le terroucr eft fpon-
gieux, ôc. qu il fucçc l’eaüc des riuicres qui vien-
nent delà Sierre, qui humedent ces fablons,
ou bien c’efl: l’humidité de la mcr(comme d’au-
tres penfent ) laq lellc palfant aütrauers de ce
fable, caulc quel caüe n’en eft pas fterile ny inu-
tilc,ainfi que le Philofophc rcnfcigne. Les vi-
gnes y ont tant multiplié , qu’à ceftc pccafioii
Icsdifines des Eglifcs y font augmentez de cinq
^fix fois au double depuis vingt ans. Les val-
lées plus fertillcs de vignes font Vidor , pro-
che d’Arequipa, Yca , au terroucr de Lyma ôc
Caraguato,au terroucr de Chuquiauo. Ils por-
tent ce vin à Potozi , Cufco Ôc en dîners m-
droitSjCc qui eft vn grand rcuenu : Car ,auec
toute l’abondance qu’il y en a,vne bouteille pu
arrobe y yaut cinq ou fix ducats , que fi c’eft
vin d’Efpagne, comme on y en porte commu-
nément aux flottes, il en vaut dix ou douze.
L’on fait du vin comme celuy d’Efpagne au
Royaume de Çhillé , pourcc que c’eft le mef*
mc climat, mais il fe gafte quand l’on l’apporte
au Peru. ils mangêtdcs raifins,où l’on ne peut
Aa iiij
Histoire naturelle
boire de vin, & eft chofe admirable, que l’on
trouuc en la Cite de Cufco des raifins frais
tout le long dclannce, qui vient (comme ils
médirent) de ce que les valleesproduifcnt du
fruiAcndiuersmois de l’an, foit qu’ils entent
les vignes en diuerfes faifons, ou que celle va-
riété vienne de la qualité de la terre: quoy qu’il
en foit, c’eft vnc chofe certaine qu’il y a quel-
ques vallees qui portent du friiià tout le long
de l’annce. Si quelqu vn fefmcrueille de cecy, il
fè pourra crmcruciller d’auantage de ce que ie
diray, & peut cftre ne le croira pas. Il y a des
arbres au Peru, d’efquels hvne moitié donne du
fruiél lîx mois durant , & l’autre moitié en don-
ne les autres lix mois. EnMalla, qui eft treize
lieiies diftante de la Cité des Roy s, y a vn fi-
guyer , duquel la moitié , qui eft au collé du
Sud, eft verte, & donnedufruiélvne faifonde
l’annce, fçauoir quand il cil Efté en la Sierre, &
l’autre moitié qui eft vers les Lanos du collé de
la mer, eft verte, & donne fon fruiél en l’autre
faifon contraire, quand il eft Efté aux Lanos.Cc
qui prouient de la variété de la température ôc
dei air qui vient d’vne part ou d’autre. Le rc-
uenuduvin qui y eft n’cft pas petit, mais il ne
fort point de la prouince. Mais la foye qui fc
fait en la neuue Elpagnc Ce tranlporte es au-
tres Royaumes, comme au Peru. Il n’y en auoic
point au temps des Indiens , mais l’on y a porté
des meuriers d’Elpagnc , & y viennent bien,
principalement en la prouince qu’ils appellent
Miftecqua, où il y a des vers à foye,& mettent
en œuurc la foye qu’ils en recueillent, dont ils
I
DES In DEsXlV. lin. 1^9
font de tref*bon tafctas. Toutesfois ilsn’çn
ont point fait iiifqücsà prefentdcdamas,de fa-
tins,ny de velours. Lcfucre eftvn autre reue-^
nu plus grand, veu que non feulement on en
confommc ps Indes , mais anfli Ton en apporte
beaucoup en Efpagne , car les cannes croif-
fent fort bien en diuerles parties des Indes.
Ils ont bafty leurs engins aux Ifles , en Mexi-
que J au Peru & en d’autres endroits qui leur
apportent vn fort grand reuenq. L’on me dift
que l’engin à lucre de Nafca foqloit valoir de
reuenu, plus de trente mil pezÿ , par chacun
an.Celuy deChicamajioignantTiruxillo, eftoit
mcfme d’vn grand reucnii,& ccüx de la neufûc
Eipagne auflî ne le font pas moins : car c’efl:
vncchpfeeftrangcqueccqucron gafte"&con-
fommedefucre es Indes. L’on apporta de Tlf-
le defaind Dominique, en la flotte ou ic vins,
huideens quatre vingts &dixhuid caflbns de
fucre , lefquels eftans comme ie les vid char-
ger en Port-riche, chaque caflèdeuoit cftreà
mon opinion de huid arrobes pefant,qui font
deux cens. Le fucre efl: le principal reuenu de
ces Ifles, tant fe font adonnez les hommes à l 'ap-
pétit des chofes douces. Il y a mefmc des oli-
ues Sc oliuiers aux Indes, iedyen Mexique &
au Peru: toutesfoisiln’y a point eu encor iuf.
ques auiourdhuy aucun moulin à huille,&nc
s’en fait point, parce'qu’ils confomment tou-
tes les oliucs à manger , & les accommodent
fort bien: ils trouuent que pour faire l’huillelc
couft y cftplus grand que le profit. Ceft pour^
quoy l’on y porte tout l’huillc qu’il y a d’EIpa-»
Histoire natvrelle
gne. En cèft endroit i acheueray la matière des
plantcsA venons aux animaux des Indes.
ViiheîîUl portant des vaches.
Ch A P. XXXIII.
SB trouue qu’il y a troislbrtes d ani-
I naux es Indes, dontles vnsy ont
; efté portczd'Efpagne,les autressôt
Je la mcfrae efpecc de ceux que
f nous auons en Europe, & toute-
fois n’y ont point efté portez par les Efpagnols,
& les autres Ton t animaux propres des Indes, &
defquels l’on ne trouue point en Efpagne. De la
première forte font les brebis, vaches , cheures,
porcs,cheuaux,afnes,chiens,Ghats & autres tels
animauxtcar il y en a és Indes de toutes ces efpc-
ccs.Le menu beftial y a beaucoup multiplié, que
fl l’ô y pouuoi t approfiter les laines pour les en-
uoyer en Europe, ce feroit vne des plus grandes
richeifes qu’ils eulEent és Indes : pource que les
troupeaux de brebis ont là vn grand nombre
de pafturages, fans que 1 herbe y diminue en
beaucoup d’endroits., Il y a auPeru vne telle
abondance de ces pafturages Sc herbages, que
perfonnench polfcdeen propre, mais chacun
fait paiftre fes troupeaux où il veut.Pour cefte
raifonil y a communément grande abondance
de chairs, lefquelles font à fort bon marché,
mcfmeles autres chofes qui procèdent des bre-
bis,comme le laid &lc froumage. Ils furent
vn temps qu’ils laifterent perdre toutes les lai-
DES Ind ES. Ll V. ini. ^50
ncs, iufquesà cc que quelques vns Ce mirent à
les mefnager ôc en faire des draps & couucr-
tures, qui a efte vngrandfccours pour le com-
mun peuple de celle terre ; d’autant que le
drap de Callille y cil fort cher.Tl y a plufieurS
drapiers drapans au Pcru,& beaucoup d’auan-
tage en la neufue Efpagnc, encor que les draps
que l’on y porte d’Efpagne foyent beaucoup
meilleurs, foit que lalaineenfoit plus line, ou
que les ouuricrs foyent plus experts. Autres-
fois fe font r routiez des hommes qui polîè-
doient foixante & dix & cent mil telles de bre-
bis,encor qu’àprefcntn’y en ait gueres moins.
Que û c*clloit en Europe ce feroit vne très*
grande richelîe , mais en ce pays-là ce n’cll
quVne moyenne richelTe.En plufieurs endroits
des Indes, & croy que c’ell en la plus grand’
part, le raenubellial ne fructifie & n'y profite
pas bien à caufeque l’herbe ell hau te, & la ter-
re lî vicieufe qu’il n y peut pas bien paillre con-
me le grand bellial. G ell pourquoy il y a vne
innumerable multitude de vachcs,derqucllcs y
a des deuxfortes.Lesvnes rontdomcfliqucs,&
qui vont en troupeaux, comme en la terre de
Charca, & en autres prouinces duPeru, com-
me mcfme en toute la neufue Elpagne. De ces
vaches domelliqucsilss’en feruent&cn tirent
de la commodité , tout ainlî qu’en Elpagne,
fçauoir la chair, le beurre , les veaux, & les
bœufs pour labourer la terre. L'autre forte de
vaches font làuuagesquife tiennent es monta-
gnes & forcllsrc’elt pourquoy on ne les dompte
point,&n’om aucun maiftre à qui cllcsfoicnt en
Histoire natvrelle
propre, tant pour l’afpretc & cfjjcfTcur des fo-
refts , que pour la grande multitude qu’il y en a:
& celuy qui le premier les tue , en eft le maiftre,
comme d vnc belle de chalTc. Ces vaches fauua-
ges ont tellement multiplié en S.Dominique,&
en autres endroits des ènuirons , qu elles vont à
milliers par les campagnes & bois, n’ayans au-
cun maiftre à qui elles appartiennent. L’on fait
lachafleàces belles, pour leur cuir tant feule-
ment, &fortent en la campagne des nègres ou
des blancs à cheual, auec leurs coupe-iarefts,
qui courent les toreaux & vaches , & quand ils i
les ont frappez , êc arreftez , ils leurs appartien-
nent. Ils les cfcorchent, & en portent la peau
en leur maifon , laillant la chair perdue , fans
qu’il y ait perfonne qui la prenne ou empor-
te, à caufe de l’abondance qu’il yen a. Telle-
ment qu’ils m’ont attefté en celle llte , qu’en
quelques endroits l’air s’y cftoit corrompu,
pour l’abondance de ces chairs empuanties. Le
cuir que l’on apporte en Efpagnc eft vn des 1
meilleurs rcuenus des Illes ,&de la neuuc Ef- '
pagne. En la flotte de quatre vingts & fept, il
vint de S. Dominique le nombre de trente cinq ^
mil quatre cents quarante quatre cuirs de va- i
ches , & de la neufuc Efpagne foixante quatre ;
mil trois cents cinquante, qu’ils eftimerent à .
quatre vingts feize mil cinq cens trente deux I
pezes. De forte que quand l’on defeharge vnc
de ces flottes, c’eft choie admirable, devoir la
riuicre dcSeuille & cet arcenatoù fe defehar-
gent tant de cuirs & de marchandife. Il y a auflî
des cheurcs en grand nombre, le principal profit
ixES Indïs, Liv. IÎII. i^r
tdefquelles cft le fuif, outre les cabrits, le
autres commoditez qu’ou!en tire : d’autant que
les riches , &les pauures fe feruentdccefuif
pour leur cfclairer, car comme il y en a gran-
de quantiréjauffi y eft ilàforc bon conte,& plus
que rhuille mefme. Il eft vrayquctoiy: leftiif
dont ils fereruent, n’eft pas feulement de celuy
des maflcs.Ils en accommodent les marroquins
pour lacbaulIeure,tputesfois ien’ay point opi-
nion qif ils foient (i bons comme ceux que l’on
y porte de Caftille.Les cheuaux y ont multiplié,
& y font exquis en beaucoup d’endroits , voire
en la plus partfycn trouue des races d’auffibôs
comme les meilleurs d’Elpagne, tant pour cou-
rir vne carrière & pour parade,que pour le rra-
uail,& pour faire chemin. Ccftpourquoy ils fc
feruent pour beftes de loüagc,& pour voyager,
le plus ordinairement , des cheuaux combien
qu’il n’y ait pas faute de mulles , car il y en a
beaucoupjlpeciallement'és lieux, oùfe font les
voitures par terre, comme en la terre ferme. Il
n’y a pas vn h grand nombre d’afnes, aulli ils ne
s’e feruent gueres àcetvfage, ny pour le trauail
& leruice.Des chameaux il y en a quelque peu,
& en ay veu au Peru qui y auoient eft portez des
Canarics,& qui y auoient multiplié, mais aftèz
pctitement.En S. Dominique les chiens y ont
multiplié en nombre,& en grandeur,d vne telle
façon que c’eftauiourd’huy la playc,&üi’aftlidio
de cefte Ifle.Car iis mangent les brebis, & vont
cntrouppesparleschamps.Ccux qui les tuent
y ont vn tel falairc,que ceux qui tuent les loups
cnEfpagne; de vrays chiens,il n’y en auoit point
HlSXaiRJE natvrelle
premièrement es Indes,,mais quelques animaux
femblables àdes petits, chiens lesquels les Indiés
appellent Alco, c’eftpourquoy ils appellent du
raermenomd’Alco.leschiens,querony a por-
tez d’Efpagnc, à caufe de la rclTemblanee qui eft
entre cux,& font les Indiens fiamis de ces pe-
tits chiens,qu’ils efpargneront leur nî%cr,pour
leur donner: tellement que quand ils vont par
pais, ils les portent auec eux fur leurs efpaulles
ou en leur fein,& quand ils font malades ils tic
nent ces petits chiens aiiec eux, fans fe feruir
d’eux en autre chofe que pour l’amitie Ôi com
pagnie.
JDe quelques animaux de t Europe, que les E^a-
^nolstrouucrent es IndeSyC^ comment tls
peuueutj auoirpajfe'.
Ch AP. XXXIIII.
’Es T vnechofe certaine, que l’on a
porté d’Efpagnc tous ces animaux
donti’ay parlé, & qu’il n y en auoit
point CS Indes , quand elles furent
premièrement defcouucrtcs , il n’y a pas cent
ans : car outre qüe c’eft vnc choie qui peut cftrc
approuuée, par des tcfmoii^s qui viuent cnco-
rcs, ce en eft vnc preuue fuffifantc, de voir que
les Indiens n’ont en leur langue, aucun mot pro-
pre pour fignificr CCS animaux, mais ils fefer-
ucntdcs mefmcs noms Efpagnols,côbicnqu ils
foicm corrompus.Pour autant que ne cognoif-
bE s Indes. Li v. IIII. r<)i
fans point la chofe^ ils prindrenr le mot^com-
mun aux lieux, dont elle auoitefté apportée,
l’ay trouué cefte reiglc bonne pour dircerner,
quelles chofes auoient les Indicns.aupârauanç
que les Efpagnols y vinlfcnt, & celles qu’ils n a-
uoientpoinrrcarilsdonnoicntvn nom à celles
qu’ils auoient , & cognoilToicnt défia, & ont
donné des noms nouueaux à celles qu’ils ont
eu de nouueau,qui font les merrnes noms Ç fpa-
gnols le plus communément , quoy qu’ils les
prononcentà leur mode, comme au cheual,aii
vin & au froment. L’on y trouua des animaux
delamefmc elpecc de ceux quenousauons en
l’Europe fan s qu’ils y euflentefté portez par les
Efpagnols, Il y a des lyons,des tigres,ours/an-
gliers,renards&d’autrcs beftesfietes & fau na-
ges,dequoy nous auonspropofé vn argumétau
premier liure/çauoir que n eftant pas vray-fem-
blable, qu’ils cuirenrpalTé aux Indes par mer,
attendu , que ceft chofe impoffiblc de palier
rOccan ànage, & feroit vne folie, de penfer
que les hommes les euflent embarquez aucc
eux, il fenfiiir que ce monde le continue en
quelque endroit aucc l’autre nouueau, par où
ces animaux peuuent auoirpalfé, & peuplé peu
à peu ce nouueau monde :puifqueruyuant l’Ef-
criture ces animaux fc fauuerent en l’arche de
Noé, & delails ont multiplié au monde. Les
lyons que i’ay veus ne font rouges , & n’ont
point ces crains, auec lefquels on aaccouftumé
de les peindre. Ils font gris,& non pas fi furieux
comme on le voit en peinture. Les Indiens
f amalîent , 6c fallcmbicnt pour prendre 6c
Histoire natvrelle
chafTer les lyons commevn circuir,qu*ils
appellent chaco, dont ils les enukonnenr, puis
les tuent à coups de pierres, de battons , & d au-
tres inttruments', Ces lyons mefmcs ont acebu-
ftumé de grimper aux arbres, où ettans montez
les Indiens les tuent auec des lances , ou arbal-
lettrcs,& plus facilement auec des arquebuzes.
Les tygres y font plus furieux , plus cruels,
ôc ont la rencontre plus dangereufe , a caufe
qu’ils s’eiîancent ôc aifaillent en trahifon. Ils
font tachetez, &delamefmefaçonque leshi-
ftoriographes les peignent. Tay ouy quclques-
fois conter que ces tygres eftoient animez con-
tre les Indiens , & qu’ils n’affailloyent point les
Efpagnols, ou bien peu , & qu’ils alloy ent pren-
dre &choifirvnlndié au milieu desEfpagnols,
ôc qu’ils les emportoyent. Les ours qu’ils appel-
lent en langue de Cufco , otoioncos, font de la
mcfme efpece que ceux d’icy , ôc fe territtenr.
L’on y void peu de ruches, pourccque les ray s
de miel qui font es Indes fc trouuent aux arbres i
& ddfoubs la terre, & non pas aux ruches, côme
en Cattille.Les rays de miel que i’ay veus en la
prouince de Charcas, que là ils appellent le chu
guanas,font d’vn couleur grife , ayant peu de
fuc,&reffemblcntplusàvne paille douce, qu à
des rays de miel. Ils difent que les abeilles font
petites comme mouches, & qu elles iettent leur
ciTaindcflbubslaterre.Le miel en ett afpre, ôc
noir, toutesfois en quelques endroits il y en a
de meilleur,& des rayons mieux formez, com-
me en la prouince de T ucuman en Chille, ôc en
Cartagcac. le n’ay point veu ny ouy parler
DES Indes. Liy. IIII. 1^3
qu’il y ait des fangliers,mais des regnards & au-
tres animaux qui mangent les beftes,& la volail-
le,il y en a plus que les pafteurs ne voudroient.
Outre ces animaux qui font furieux & domraa-
geableSjil y en a d’autres profitables, qui n’y ont
point efté portez par les Êfpagnols,com me font
les cerfs & autres dont y en a grande abondance,
en toutes les forefts.Mais la plus grande partie
cftvnevenaifon fans cornes, à tout le moins ic
n’y en ay point veu d’autrcs,ny ouy parler qu’oa
y en aitveu,&tous font fans cornes comme cor-
cos.Il ne mefemble pas difficile de croirermais
cft prefquc certain,que tous ces animanxparleur
legereté,& pour eftre naturellement fauuages,
ayent palfc d’vn monde à l’autre, par quelque
endroit ou ils fe ioignent,puis que aux grandes
Ifles ôc elloignees de la terre ferme,ie n’ay point
de cognoilfance qu’il fy en trouue , quoy que
i aye fait recherche de le defcouuir,
DesoiJèamdefardefàqmfentésJndes^O^
comment tU pmenty nuoir fajfe»
Chapitre XXXV.-
L*On pourra plus facilement croire qu’il en
foitainfi des oifeaux, & qu’il y en a de la
mefme efpece de ceux de par de çà,commc font
les perdrixjles tourtcs,pigcons,ramiers,cailics&
plufieurs & diuerfes fortes de faucons , lefquels
l’on enuoye de la neufuc Efpagne & du Pcru,aux
feigneurs d’Efpagne,d’autant qu’on en fait gran-
Bb
Histoire kat'vrillb
de cftime.Il y a mcfme des Hérons, &dcs Aigles I
de diuerfes fortes, &n y a point de doute que ces
cfpcces d’oifeaux & autres fcmblablcs,n’y ayent
palTc bien pluftoft que les lyons les tigres , & les
^erfs.Ilfetrouucaufliés Indes vn grand nom-
bre de Perroquets , fpeciallement aux Andes |
du Peru,& es Iflcs de Port-riche,&: S. Doraini- |
que, où ils vont par bandes , comme font les |
pigeons par deçà. En fin les oyfeaux auec leurs |
aiflesjvont où ils veulent, & certainement plu- !
fleurs efpeces d’iceux pourront bien paffèr le J
' Golphc,puis que c’eftehofe certaine , comme
TîinM.io Pline l’afFerme, qu’il y en a beaucoup qui paf-
cap.z}. fentlamcr,&vont en des régions fort eftran-
ges, combien que ie n*aye point leu, qu’aucuns
oifeauxpalîent auvolvn fi grand golphc, com-
me eftceluy de la mer Oceane des Indes. Tou-
tesfois neleticns-ie pas pour du tout impoflî-
ble,puisque l’opinion commune des mariniers
cft , qu’il f en trouue deux cens lieues , voire
beaucoup d’auantageloing de la terre. Et que
mefme,commc Ariftotelenfeigne, les oifcaiix
endurent facilement cftre dans l’caue, d*autant
deVnrt.mi ont peu de refpiration , comme nous
maUap.t. ^^^^s aux oifeauxmaritimes,lefquelsfe pion- J
gcnt,&font vn long temps dedans l’eaüe. Ain fi |
pourra-ondire,quelcs oifeaux qui fe treuuent
à prefenten la terre ferme,& es Ifles des In-
des, ont peu pafler la mcr,fc delalTans en des .
mettes, & en des terres , qu’ils recognoiffent '
par vninftina: naturel, ( comme Pline raconte .
de quelques vns ) ou parauanture , fc laifiTans i
tomber cnrcaüc , quand ils font fatiguez de
©ES I N D E S. L I V. I 1 1 r. 194
voiler, &apres reprenans Ie^vol,quand ils Ce font
repofez quelque pcu.Q^âtaux oifeaux que Ton
voidés Ifles,crquellesil n’y a point d animaux
terreftres ié tics (ans donte,qu’ils y ontpafle par
vnedes façons furdites. Mais pour les autres oi*
féaux qui Ce trouuct en la terre ferme, principa-
lement ceux qui on, tvn petit vol, il eftplusaifé
de croire qu’ils y ayent efté comme les animaux
dcla tGrrc,quifontdela mefme cfpece de ceux
d Europe. Car il y a aux Indes de grands oifeaux
fortpelants,commc les Auftruclies.dont il y en
a fort au Peru, lefquclles ont accouiluméd'ef-
pouuanter quelque fois les moutôs du pays qui
vont chargez.Maislaiflànt ces oifeaux , qui fe
gouuernent d eux mefmes/ans que les hommes
en ayent le foing,fi ce n’eftpour la chailè, parles
dcsoilèauxdomeftiques. Iç mefmerueille des
poulles,artendu qu’il y en auoitaux Indes,auant
queles Efpagnolsyarriuaffenr, ce quiefl: affez
prouue,parcc qu elles ont vn nom propre du
pays,& appellent la poulie Gualpa, & leur œuf
Ponto, ôc ont en vlagcle mefmcproucrbe que
nous auonsicy, d’appellcr poulie vn homme
couard. Ceux qui furent à la defcouuerte des
Ifles de Salomon racontent, qu’ils y ont vcii
des poulies fcmblables aux noftres. L’on peut
entendre que la poulie citant vn oifeau (i do-
meftique, & fi profitable comme elle cil , les
hommes les y ont peu porter auec eux, quand
ils pafièrent d’vn lieu en autre , comme nous
voyons encor auiourd’huy , & que les Indiens
en voyageant portoient leur poulie , ou poul-
let fur la charge qu’ils portent fur leurs elpaul-
Bb ij
Histoire natvrelie
les,& mcfmcs les portent facilement en leurs
poullicrsj&cages de ionc,oude bois. Finalement
il y a es Indes beaucoup d’efpcce d’animaux ôc
d’oifeaux de ceux de l’Europe, que i’ay dittes , ÔC
d’autres fortes que d’autres pourront raconter.
Comme il efl fo^thle es Indes ^ueU
t^ues fortes d' ammauXjdent il ri y atP
f oint ailleurs,
Chap. XXXVI.
l’Eftchofe plus difficile de môfficr
j ôc prouucr, quel commencement
ont eu plufieurs & diuerfes fortes
d’animaux qui fe trouuét es Indes,
. J de fefpece defquels nous n’auons
point en ce conrinét.Car fi le Créateur les a pro-
duits en ces parties, il ne faut point alléguer,
ny auoir recours à l’Arche de Noé , Ôc n’eftoit
point de befoing de {àuuer alors toutes les efpe-
cesd’oifeaux&animaiiXjfi d’au très deuoient c-
ftre créées denouueau:d’autreparton ne pour-
roit pas dire,que le monde euft elle fair&acheiic
CS fix iours de la création, fil y euft eu encor
d’autres nouuellcs eipcees àtormer, & princi-
palement des animaux parfaits , ôc non moins
excellents, que ceuxqui nous font cogneus. Si
nous difons donc que toutes les cipeccs d ani-
maux furent conferuecs en farche de Noé , i I
Des Indes. L IV. II Iî. 19 j
s’enfuit que les aniraaux^dc refpecc defquels il
ne s’en trouue en d’autres endroits, qu’es In-
des , yayent palTé de ce continent, tout ainfî
commcnousauons dit des autres animaux, qui
nous font cogneus. Cela fuppofé, ie demande
comme il cft poffiblc qu’il n’en foit reftc par
deçà aucun de leur cfpece , & comme il s’en
troujie feulement par delà, ou ils font comme
voyagers & eftrangers. .C’cft à la vérité vnc ^
queftion qui m’a long temps tenu en perplexi-
tc.Iedy pour exemple,!! les montons du Peru,
& ceux qu’ils appellent Pacos,& Guanacos, ne
fetrouuent point en d’autres régions du mon-
de,qui les aportezau Peru,ou comment y ont
ilseftc, veu qu’il n’eft demeuré aucune appa-
renccjtiy refted’iceux en tout ce monde? Que
fi ils n y ont point palîc dVne autre région,
comment fe font ils formez ôc produits par
delà? Parauanture Dieu a-il fait vne autre nou-
uelle création d’animaux f Ce que ie dy,deces
Pacos, & Guanacos, ie le dyde mil autres dif-
férentes efpcces d oifeaux & d’animaux de fo-
rcftjquiiamais n’ont efté cogncus,ny de figure,
nyde nom,& defquels il n’eft fait aucune men-
tion,fbit entre les Latins, foit entre les Grecs,
ou quelques autres nations de ce monde.ll ^ut
donc dire, que combien que tous les animaux
foyent fortis de l’Arche , neantmoins par vn
inftind naturel , Ôc prouidcnce du Cicl,diuers
'genres d’iceux s’efpartirent en diuerfes régions,
en aucunes defqueîles ils fe trouuerent fi bien,
qu’ils n’en voulurent pointpartir j ou s’ils en
fortirent,nefeconferuerent, ou bien en fin de
Bb iij
Histoire natvrelle
temps ils périrent totallement , comme î on
voit arriuer en beaucoup de chofes : car fi l on
y veut regarder de près, on trouuera que ce
n’eft pas tant feulement vue chofe propre &
particulière es Indes , mais aufli generalle en
beaucoup d’autres régions & prouinces de
bA fie, d’Europe, & d’AfFrique, efqnelles l’on
dit qu’il y a de certaines cfpeccs d animaux, qui
ne le trouuent point en d autres régions , au
moins s’il s’cn trouue ailleurs 1 on rccognoift
qu’ils y ont cfté portez de là. Puis donc que ces
animaux fontfortis de l’arche , comme! pour
exemple , les Elephans que Ton trouue feule-
ment en l’Inde Oricntalle,& de là fe font com-
muniquez en d’autres régions , nous en pour-
rons dire autant de ces animaux du Peru, & des
autres des Indes qui ne le treuuent en autre
partie dumondc.L’on peur bienaulîi confidc-
rer fiir ce fubiet, fi tels animaux different en
efpece , & cflentiellement de tous les autres,
ou fi cefte leur différence eft accidentalle , la-
quelle peur y auoir cfté cauféepar diuçrsacci-
dens,comme nous voyons au lignage des hom- i
mes , que les vns font blancs, ôc les (autres fon^ ^
noirs, les vns geans,les autres nains, & en j
l’efpece des finges, les vns n ont point de queue, j
6c les autres en ont, entre les moutons , les vns !
font ras , ôc les autres vellus , les vns grands ôc
forts, qui ont le col fort long, comme ceux du
Peru,&lcs autres foibles & petits, ayans le col
court comme ceux de Caftillc. Mais pour en
parler plus fainement , qui voudra par ce du-
cours, en mettant feulement ces différences
DES In DEsXlV. III I.
accidcntalles , confcrucr la propagation des
animaux es IndcSa&lcs reduiréà ceux d’Euro-
pe, prendra vne charge, de laquelle il pourra
raalaifement fortir à fon honneur. Car u nous
deuons iuger les elpeccs d’animaux par leurs
proprictezjceux des Indes font fi differents, que
c’eft appellcr l’œufchaftaignejdc les vouloir ré-
duire aux efpeccs cogneiies de l'Europe.
V es font propres es Indes,
Ch AP. XXXVII.
X y a aux Indes de plufîeurs fortes
jd’oifeaux remarquables, foit qu’ils
|foient de la mefmc efpece de ceux
,*,,,,,,„^j»d’icy, ou autres differents. Ils appor-
tent de la Chine certains oifeaux, qui n’ont
point de pieds aucunement, ôc toutlcur corps
cftquafî plume. Ils ne s’allient point enterre,
mais ils fe pendent aux rameaux par des fillets,
ouplumes qu’ils ont,&ainfi fe repofent conime
des mouches, & chofes aeriennes. AuPeruily
a des oy féaux qu’ils appellent Tomineios, fî pe-
tits que beaucoup de fois i’ay douté,lcs voyant
voler,fi c’eftoient abcillcs,ou papillon: mais à
la vérité, ce font oyfeaux. Au contraire ceux
qu’ils appellent condores,y font d’vnc extrefme
grandeur , & d Vne telle forçe , que non feule-
ment ils ouurcn t & dcfpccent vn mouton, & le
mangent, mais auflî vn veau tout entier. Ceux
qu’ils appellent Auras, & les autres poullazcs,
(îefqucîics ic croy quant à moy eftrc du genre
Bb iiij
HiSTOIItË NATVRELIË
«3cs corbeaux) font d’vne cftrange Icgcrcté , &
ont la vcüc fort aiguë, cftans fort propres pour
nettoyer les Citez, d’autant qu’ils n y lailfcnt
aucunes charongnes, nychofesmortcs.ïlspaf-
fent la nuit fur les arbres,ou liir les rochers, &
au matin viennent aux Citez fe mettans fur le
fommctdcs plus hauts édifices, d’où ils efpient
& attendent leur prife. Leurs petits ont le plu-
mage blanc, comme l’on raconte des corbeaux,
& changent le poil en noir. Les guacamayac,
font oy&aux plus grands, que perroquets, &
leur reflcmblenten quelque chofe,ils Ibntcfti- j
raez pour la diuerfe couleur de leur plumage,
qui eft fort beau, 5c fort aggrcable. En la neufue j
Elpagne,il y abondance d oyfeaux, d’vn excel- !
lent plumage, deforte qu’il ne s'en trouue point |
en Europe, qui en approchent-.comme l’on peut |
voir parles images de plumes, qu’ils apportent i
dclà,Iefquels aucc beaucoup dcraifon,fontpri- |
fez & eftimez , donnans occafion de s’cfmer-
uciller que l’on puifiè faire auec des plumes
d’oifeauxjvne œuure fi délicate, & fi parfaite-
ment e{galle,qu’ils femblent proprement eftrc
de vrayes couleurs de peinture, & ont vnœil,
&vn regard fi gay,fi vif, & fi agréable, que le
peintre n’en peur pas faire de fi beaux, auec fon
pinçeau, ôc fes couleurs. Quelques Indiens,
bons ouuriers & experts en cet art,pourtraycnt
de CCS plumes , âc reprefententparfaidement
ce qu’ils voyent peint auec lepeinçeau, de telle
façon, que les peintres d’Efpagne n’ont en ce
point aucun auantage fur eux. Le précepteur
du Prince d’Elpagnc Dom Philippe, luy donna !
DES Indes. Liv. III I. 1^7
trois cftampes, ou pourtraits faits de plume,
comme pour mettre en vu breuiaire, Icfquellcs
fon AltefTe môftra au roy Dom Philippe noftre
heur, fon perejlcfquels fa majefte contemplant,
& regardant de prés, dift, qu’il n’auoit iamais
veu en œuure fi petite, vne chofe de Ci grande
perfedion &excellence.Cômeon euftvn iour
prcfcntéàlaSaindctéde Sixte cinquicfmc, vn
autre quatre plus grand, où eftoic pourtraitS.
François, & qu’on luy euftdit, que les Indiens
faifoient cela de plurac,il le voulut efprouuer,
touchant des doigts le tableau,pour voir fi c’e-
ftoit plume, d’autât que cela luy fcmbloit cho-
fe merueillcufe,d’eftrc fi proprement agençé,
que laveiic ncpouuoitiugcr,&difccrncr fic’e-
ftoient couleurs naturelles de plume, bu fi elles
cftoient artificielleSidc pinceau . Ceft vne cho-
fe fort belle, que les rays, & regard que iette
vn vert,vn orengé,commcdoré,&: autres cou-
leurs fines, ôc vne chofe digne de remarquer,
que lesregardansd’vneautrefaçoq^ on les voit
comme couleurs mortes.Ils font les meilleures
& plus belles images de plume, en la prouince
de Mcchouacan,& au bourg dePafearo. La fa-
çon eft qu’au ec de petites pinces delicattes, ils
arrachent les plumes des mefmesbifeaux morts,
& auec vne colle defiiée qu’ils ont , les vont at-
tachantlegercment,& poliement. Ils prennent
CCS plumes fi délicates, & petites de ces oy-
fcaux,qu’ils appellent au Peru, Torpineios,ou
d’autres femblables , qui ont de tres^parfaides
couleurs en leurs plumes. Les Indiens outre
CCS images, fe fcruoicnr des plumes en beau-
/ ■
Histoiri natvreile
coup d’autres ouurages fore précieux , fpccial-
lement pour l’ornement des roys & feig^eurs
de leurs templcs,& idoles. Car il y a auili d’au-
tres grands oy féaux , qui ont des plumes excel-
lentes,& tref-fines,dequoy ils faifoient des pan-
naches, & plumages biguarrez , fpcciallement
quand ils alloient en guerre, les enrichiflànt
d’or &d’argent,fort artificieufement,qui eftoit
vne chofe de grand prix. Les mefmes oyfeaux y
font encor auiourd’huy, mais ils n’en font pas
tant curieux, & n’en font plus tant de panna-
ches,nydegentillcires comme ils fouloicnt. Il
y a aux Indes d’autres oyfeaux du tout contrai-
res àceuxcy,dcfîrkhe plumage, lefquels ou-
tre ce qu’ils font laids ne feruent d’autre cho-
fc,que de faire de la fiente, & neantmoins ne
font ils pas peut cftrc, de moindre proffit. lay
confideré cela m’efmerueillant de la prouiden-
cc du Createur,qui a aiiifi ordonné, que les au-
tres créatures feruent aux hommes. En quel-
que Iflcs,ou Phares, qui font ioigtiant la cofte
du Pcru,l’on voit Icloingdes pics, & montai-
gnes toutes blanches , & diroit-on à les voir
que ce feroitdcla neige , ou que toutyeftvnc
terre blanchc,mais ce font des monceaux de la
fiente de ces oyfeaux marins qui vont là conti-
nuellement fienter, & y en a fi grande abondan-
ce qu’elle fe haufTe pluficurs aulnes, voire plu-
fieurs lançes en haut: ce qui femblc chofe fabu-
leufc.lls vont auec des bafteaux à ces Ifles, feu-
lement pour charger cefte fiente, pourcc quil
n’y a autre fruit,grand ny petit en icelles j Et eft
cefte fiente fi comnaode,& fi proffitable, que la
Des Indes. Liv. IIII. 19S
tcrrCjqui en eft fumécji'apporte du fruit en fort
grand abondance.lls appellent celle fiéte guano
d’où a prins le nô la vallcc,qu’ils difent de lima-
guana, es vallées du P^u^où ils fc feruent de ce-
lle fîcntc,& ell la plus fertile de ce terroir. Les
coings, grenades Ôc autres fruiéls y excédent
en grandeur & bonté tous les autres, 6c difent
que c'eftpourcequel’eaüe,auec laquelle ils les
arroufent, palïc par de la terre, fumée de celle
fiente, qui caufcla beauté de ce fruiél. Telle-
ment que ces oifeaux n’ont pas feulement la
chair pour feruir de viandc,le chant pour lare-
creation,la plume pour lorncment 6c gaillar-
dife: mais aulîi leur fiente fert pour engrailïèr
la terre. Ce qui a elléainli ordôné parle Créa-
teur fouuerain pour le feruice de l’homme, à
fin qu’il fe rclTouuienne de recognoillre & cllrc
loyal à ccluy duquel tout fon bien procédé.
Veshejiesdechajfe.
Chap. XXXVIII.
V T R E les animaux de chafle, dont
l^noLis auons parlé , qui font com-
, muns és Indes 6c à l’Europe, il y en
>a d’autres qui fe trouuent par delà,
dontic ne fçache point qd’ify en ait par deçà,
linon que parauanture ils y ayent cllé apportez
de CCS parties là. Ils appellent Sainos , des ani-
maux qui font faits comme petits porcs qui
ont celle chofe ellrange d’auoir le nombril fur
l’efehine du dos. Ceux- là vont par les bois en
Histoire natv relie
trouppes,ils font cruels Tans eftre aucunemenr
craintifs , ru contraire ils alTaillcnt & ont des
crocs comme rafoirs , auec lefquels ils font
de dangereufes bleflTeures & incifionSa fi ceux
qui les chafient ne fe mettent enlieudefauue-
té.Ccuxqui les chafient pour les tuer plus feu-
lement montent en des arbres ou incontinent
les fainos ou porcs accourent & arriuent cti
trouppe à mordre l’arbre quand ils nepeuuent
nuire à l’homme, & alors du haut auec vnc lan-
ce ils blefient ôc tuent ceux qu’ils veulent. Ils
font très-bons à manger, mais il eft befoin auf-
fitoftleurofter & couper ce rond qu’ils ont au
nombril de l’elpine,car autrement dans vn iour
ils fe corromproient. Il y a vue autre race de
petits animaux qui refièmblent à des cochons
de laid, & les appellent Guadatinaias. le doute
s*il y auoitaux Indes auanr que les Efpagnols y
vinffent,des porcs de la mcfme cfpcce de ceux
d’EuropCjd’autant qu’en la defcouuerte des If-
les de Salomon, il eft dit qu’ils y trouucrcnt des
poulies ôc des porcs d’Efpagne.Maisquoy que
ce foit, c’eft vne chofe certaine que ce bcftial
a multiplié prefquc en toutes les parties des
Indes fort abondamment. Ils en mangent la
chair fraifehe, la tiennent aufli faine & bon-
ne comme fic’eftoit du mouton, comme en
Carthagene en quelques endroits ils font de-
uenus {auuages& cruels,&leurfait-onlachaf-
fecommeàdes fangliers,ainfi que l’onvoiden
fainârDominique,& és autres Ifles où le beftial i
s’efi: habitué aux forefts. En quelques endroits i
ils les nourrilîent auec le grain de raays, ôc ils |
DES Indes. Liv. IIIL 195
{•cngraiflcnt mcrueilleufemcnt àfin d en aiioir le
fain,dôr ils vfent à faute d huillc:cn aucuns lieux
Ton en fait des iambons, comme ca Tolluca de
la neufuc Efpagne,& en Paria du Peru, Retour-
nant donc à ces animaux de par delà, tout ain fi
corne les {àinos font femblables aux porcs,quoy
qu’ils foient plus petitsrainfi les dantes reifem-
blent aux petites vaches, combien qu’ils reiîèm-
blent mieux à des mulles, pour 11 auoir point de
cornes.Le cuir de ces animaux eft fort cftimé
pour des collets & autres couucrtures, ôc font (î
durs qu’ils relîftent à quelque coup que cefoir.
Et comme les dantes font deffendus par la force
ôc dureté de leur cuir, ceux qu’ils appellent ar-
madillos le font auffi par la multitude des cfcail-
les qu’ils ont , lefquels f’ouurent ôc fe ferrent
comme ils veullent en façon de cuirafTc.Ce font
des petits animaux qui vont par les bois,lefqueIs
ils appellent armadillos , àcaufcdeladeffence
qu’ils ont femettans dans leurs coquilles, Ôc les
defcouurant quand ils veulcnt.l’en ay mangé, &
ne me fcmble pas chbfe de grand’ valeur: mais la
chair des yquanas eft vn meilleur manger, com-
bien qu’ils foient hy deux ôc horribles à la vcüc;
car ilsreflcmblentaux vrais lézards d’Efpagne,
encor qu’ils foient d’vn genre ambigu ôc dou-
teux, d’autant qu’ils vont à l’eaiie, ôc fortans en
terre montent aux arbres du riuage, ôc comme
ils fe iettentdes arbres en l’eaüe, les batteaux fe
mettêt deifous qui les recueillent. Les chinchii-
les eft vn autre genre de petits animaux comme
efeurieux. Ils ont vn poil merueilleufemct doux
6c lilfé , Ôc porte l’on leurs peaux comme yné .
Histoire NATVRELIE
chore cxquife &: falutairc pour efchaufFcr Fcfto-
mach ôc les parties qui ont belbin de chaleur
modérée. Ils font des couuertures& des caftcl-
longncs du poil de ces chinchilles, 8c fe trouuét .j
en la Sierre du Peru,où il y a merme vn petit ani- i
mal fort commun qu’ils appellent cuyes, que les 1
Indiens eftiment pour vntref-bon manger, ôc ^
ont aceouftume d’offrir fouucnt en leurs facrifi- J,
ces ces cuycs.Ils font comme petits connins, & |i
ont leurs creux & tanières dans la terre , & en J
quelques lieux ont mine toute la tcrredesvns sot 4
gtis,les autres blancs ôc les autres meflez. Il y a j
d’autres petits animaux qu’ils appellent Vifea- i
chas,qui font comme des Heures , combiê qu’ils j
foientplus grandsjaufquels ils font la chafic, ôc
lesjnangent.Des vrais Heures il y en a affez grad j
nombre pour la chaffe en quelques endroits. <
L’ontrouuc auflîdcs connins ai'i Royaume de
Quitte mais les bons y font venus d’Efpagne. ■
C’eft vn autre animal eftrange, que celuy lequel '
pour fon exccfïîue pcfantcur ôc tardiueté à fc :
moiiuoir,ils appellent Perico-ligero , ou petit I
Pierre le Leger.Il y a trois ongles à chaque main
ôc meut fes pieds ôc fes mains comme par com- ^
pas ôc fort pefamment,& relfemble de face à v-
ne gucnon.Il a vn cry hautin,il môte aux arbres,
ôc mange des formis.
DIS Indes. Liv. III I,
D« Mim mguemm des Indes,
Chap/XXXIX.
ioo
R toutes les montagnes de ces Tflcs
'de la reiTC ferme,& des Andes il y a vn
inôbreinfînyde Micos ou guenons qui
^ font de la race des fingesjmais differcns
en ce qu’ils ont vne qiieüe,voirc fort longue. Et
y en a entr eux quelques races qui font trois fois
plus grands,yoire quatre que les ordinaires, les
vns font du tout noirs jes autres bay s, les autres
gns,&lcs autres tachetez, 5anenez.Lcurlceere-
t^e&lcur façÔ de faire eft admirablc,pour ce qu’il
lemble qu’ils ayent de la raifon & du difeours à
cheminer par les arbres,en ce qu’ils veulct pref-
qucimirer les oifeaux. En allant de Nom de
Dieu en Panama ie vids en Capira qu Vne de ces
guenons fauta dVn arbre en l’autre qui cftoit
de l’autre collé de la riuierc, ce qui me fît beau-
coup efmerueiller. Ils fautent où ils veulent
fentortillans la queue, en vne branche pour
l'cshranler & quand ils veulent fauter en vn
lieu efloigne , & qu’ils ne peuuentd’vn fauty
atteindre , ils vfent alors dVne gentille façon
qui efl qu ils f attachent à la queue les vns des
autres, & font par ce moyen comme vn chaî-
ne de plufîeurs , puis apres ilsfcflanccnt&fo
lettentauant , & le premier eftant aidé de la
force des autres atteint où il veut, & fatrache
en vn rameaux, puis il aide & Ibuftient tout le
Histoire natvrelle
rcftc iufqucs à ce qu’ils foient tous parucnus
attachczjcommci’ayditjàla quciie les vus des
autrcs.Ce feroit chofe longue à raconter quel-
les folies, embufehes & trauerfes, & les ieux
&: gaillardifes qu’ils font quand on les drefle:
Icfquelles ne fcmblent pas venir d’animaux bru-
taux, maisd’vn entendement humain.l’envids i
vnen Carthageneenla raaifon du Gouuerneur !
tellement drefle, que les chofes qu il faifoitjCem- ,
bloicnt incroyables. Ils l’enuoyoient ala tauer- >
nepour auoir duvin, ôc luy mettoient en vnc ,
main de l’argent ôc le pot en l’autre , ôc n eftoit
pas polîible de luy tirer Target de la mainiufques
à ce qu’on luy euft donné le pot plein devin. Si
les enfans le rcncontroicnt par la rue ôc qu’ils le
vinlTcnt agafler ou luy ietter des pierres, il met-
toit bas le pot d’vn cofté ôc fur les pierres, ruant
de fa part contre les enfans iufques a ce qu’il euft
alTeurc le chemin: puis retournoit à porter fon
pot;& qui plus cft, encor qu’il fuft bon beuueur
devin ( comme pluficurs fois ic luyenay veu
boire lors que Ion maiftre luyen iettoit d’éhaut) |
neantmoins il n’y euft iamais touché qu’on ne ;
luy en euft donné congé. Ils me dirent mefmc j
que fil voyoit des femmes fardées , il fe iettoit !
fur elles ôc leur tiroir la coiffeure, les dcfaccom- j
modant ôc les voulant mordre. Cccy pourra c- j
ftre additiô pource que ie ne l’ay point veu:mais
ie ne penie point qu’il y ait animal qui plus ap-
proche de la conuerfation humaine que cefte ra-
ce de guenons.Ils en racontent tant de chofes,
que de peur que Ton ne penfe que i’adioufte foy
à des fables, ou que Tô ne les tiéne pour telles, ic
trouuc
DES Indes. Liv. IIII. 2©i
îrouue meilleur de laiiîèr c&fubjeâ: ôc conclure
celle marierc^en benilTantfautcur de toures cré-
atures de ce qu’il a voulu créer vne efpece d’ani-
maux feulement pour la récréation & le plailîr
des hommes. Quelques vns ont eferit que l’on
apporroitcesmicos ou guenons à Salomon de
1 IndeOccidentale,mais ic croy demapart que
ceUoit de l’Orientale.
Des vlmgnes tAru^ues du féru,
C H A P. XL.
kN T R E les cliofes remarquables
Mes Indes du Peru font les vieugnes
& moutons du pais qu’ils appellent,
/qui {ont des animaux trâiâ:able"s &
‘ de beaucoup de profit. Les vieugnes
fontfauuagesj&lesmoutons^eftvnbeftialdo-
meftique.Quelquesvnsont penféqueles vicu-
gnes font cequ’Ariftote,Pline& autres autheurs
traident,quandilsefcriuentdc ce qu’ils appel-
lent Capreas,qui font cheures fauuages, &c\ç.m cap.^%.
portent certainement quelque relfemblance
pour la legereté qu’ils ont à aller par les bois
& montagnes, & pour relfembler aufii en quel- ^
que chbfe auxeheures, mais en efFed elles ne ^
font point d'vnc mefme elpece j car les vieu-
gnes n’ont point décernés , mais celles là en
ont,comme Ariftote raconte. Ce ne font point
non plus les chieures de finde Orientale, de l’ef.
pecedefqucls ils tirent les pierres de bezaar:
car fils font de ce genre, ce feroitvneeipece
Ce
Histoire natvrelle
diucrfe : comme en la race des chiens refpece
du maftin eft autre que celle du Icuricr. Les vi-
eugnes du Peru ne font point auffi les animaux
qui portent la pierre de bczaar en la prouincc
delaneufueEfpagne, lefquels ils appellent là
bezaars, d'autant que ceux-là font de Tcfpecc
des cerfs &venaifon. Neantmoinsicnc fçachc
autre partie du monde où il y aye deccsani- I
maux linon au Peru & en Chillc, qui font pro- i
uinccsioignantesrvncdeTautre. Les vicugncfr
font plus grandes que les chcures,& plus pettics
que les veaux. Ils ont le poil tirant à couleur
derofefeche, quelque peu plus claire; ils n’ont
J oint de cornes comme les cerfs & capreas. Ils
pailfent & fc retirent es endroits les plus hau-
tains des montagnes, qu’ils ^pcllcnt Pugnas.
La neige ny la gelée ne les ofrenfe point,au con-
traire il fcmblc qu’elle les recrée. Ils vont en
troupe & courent tref-lcgerement. Quand ils
rencontrent des voyageans ou quelques be-
lles, ils fenfuyent commebeftes fort timides,
& en fuyant ils chalfcntdeuant eux leurs petits.
L’on ne fapperçoit point qu’ils multiplient
beaucoup. Ceft pourquoy les Roys Inguas
auoient defFendu la chafle des vicugncs,fi ce n’c-
ftoit pour leurs feftes, & par leur comraande-
ment.Qi^lques vns fc plaignent que depuis que
les Efpagnols y font entrez, Fon a donné trop
deliccnceàlachalfedesvicugnes,& qu’ils font
diminuez pour celle occafion. La maniéré de
chafler dont les Indiens vfent ellde ccchaco,
qui eft qu’ils famalFcnt plulicurs hommes cn-
fcmblc,quclquefois iufqucs à mil ou trois mil.
DES Indes. Lrv. IIîî.‘ loz
voire dauantage,& entourant vn grand efpace
debois^vont chafTanclavenaifon ,mfques à ce
qu’ils fc foient ioints de tous coftez , par ce
moyen il fc prennent d’ordinaire de trois àqua-
tre cens ou enuiron7&Iors ilsprcnnent ce qu’ils
veulcnt,laiirans aller le refte , fpecialement les
femelles pour la mnltiplicatiô. Ils ontacconftu-
iné de tondre ces animaux, &de faire de leur lai-
ne des couuertures & caftelognes de grand prix,
pourcc que celle laine ell comme vne foye blan-
che qui dure long temps, &: comme la cou leur,
eft naturelle &nô point de teinture, cilcrcll per-
pétuelle. Les edoffes faites de celle iâinè font
fort fraifchcs&: fort bonnes pouf le temps de
chalcurs,& ticnét qu’elles font profitables pour
l’inflammatiori des rcins,&.autrcs parties tepe-
rans la chaleur excelîîueLa mcfmc vertu à celle
laine quand elle ell luifc en des ma telas, ^ ' C’ell
pourquoy quelques rns en vfent à celle fin,pour
l’experience qu’ils en ont. Ils difent d’auantat^e,
que celle laine ou couuerture faite d’icelle cil
medecinallepour d’autres indirpofitiôs,commc
pour lagoutteitoutefois ie n’ay pas cognoilfance
qu’on en ait fait aucuneexpcrience certaine. La
chair de ces vicugncsn’ellpas bonne encor que
les Indiês la mâgcnt,& qu’ils en fôt de la cccinc
ou chair fcchce,pour les clFeds delà medecine,
lediraycequci'ayveu cheminant par la Sierre
duPeru,i ’arriuay en vn tambo ouhollcllerie vn
foir,ellât affligé d’vnc terrible douleur des yeux,
tellement qu'il me fcmbloit qu’ils vouloient
fortir dehors ( qui dl vn aeddent lequel ordi-
Ce ij
Histoire natvrelle
mircracntaduienren CCS parties-là d’autat que
l’on pafle des lieux couiierts de neige , qui caia-
fent ceft accident en les regardant.) Eftant donc
couché auec telle douleur que ie perdois pref-
que patiêce,arriua vne 1 ndiêne qui me dift,Perc,
mets toy cela aux yeux,& tu feras guary:c’eftoit
vn morceau de chair de vieugne tuée nouuclle-
raenr^ôc encor toute fanglante. iVfay de cefte
medecine,& incontinent cefte douleur fappaifa
& peu de temps apres me quitta du tout. Outre
les chacosquei’ay dit^quieftla façô gencrale<Sc
plus ebmnaune de chaifer éslndesjils ont accou-
ftuméd’eh vfer d’vne^utre particulière pour les
prêdre^qui èft,qu’en aprochant alfez près ils iet-
têt dèîr.dordcaux auec certains plôbs, qui prênét
& fejneflent entre leurs pieds,&les empefehent
qu’ils nepeuucntcourir,par ce moyen ils pren-
nent la vieugne. La principale raifon pourquoy
ceft animal efteftimé, eft à caufe des pierres de
bczaar quife trouuent enluy,dcfquelles no® trai
dtérons cy apres.llyavn autre genre d’animaux,
qu’ils appellent taruguas,lcfquels auflî font fau-
uages, ôc font plus légers que les vieugnes. Ils
font pl® grands de corps,& ont vne chaleur plus
feche.lls ont les oreilles molles Ôc pendantes,&
ne marchent point en trouppes comme les vi-
cugncs,à tout le moins ie n en ay point veu que
de feulles, & communément en des lieux tref-
hauts.L’on tire mefme des pierres de bezaar de
CCS taruguesjlefquelles font plus grandes, & onc
plus d’operation Ôc de vertu.
j
1
»E s In DIS. L IV. II II. 205
Fdcos, Gudttdces ^ montons du Fem,
Ch A P. XLI. /
Ln’yachpfcau Pcrii de plus gran-
de richefTe & profit cjuele beftial
du pays, que les noftres apellcnt
moutons des îndcs, & les Indiens
en langue generale l’appellent
Lama.Car tout bien confideréc’eft l’animal du
plus grand profit, &de la moindre deipenfe de
fous ceux que l’on cognoifie.IIs tirent de ce be-
ftial la viande & le veftement,commeils Tôt des
brebis enEipagne. D’auantage ils en tirent la
cômodirc de la charge ÔC delà voiture, de tout
ce qu’ils ont debefoin, attendu qu’il leur fert à
porter leurs charges , & d’autre cofté il n’eft
point de befoin de dclpendre à les ferrer, ny
cnfellcs ou enbafts,&nonplu$enauoine:mais
il fert fes maiftrcs gratuittement fe contentant
de l’herbe qu’il trouuc parmy les champs: de
manière que Dieu les apourucus de brebis &
de iumens en vn mefme animal.Et comme c eft
vne nation pauiire, il avouluauffi les exempter
en ce poind de couft Sc de defpenfe, pour-
ce qu’il y a beaucoup depafturages & herba-
ges en la Sicrre,& ce beftial n’a point befoin
d’autre couft. Il y a deux elpeces de ces mou-
tons ou Lamas , les vns defquels ilsi appellent
pacos ou moutons porte-laine , & les autres
font ras &de peu de laine, aufii font-ils meil-
leurs pour la charge : ils font plus grands qu e
des grands ^ moutons , ôc moindres que des
Ce iij
'Histoire natvrelie
veaux J ôc ont le col fort long à la lemblan-
ce d’vn chameau , dont ils ont bien befoin : car
cftans hauts & cflcuezde corps, ils ont befoin
d’vn colainfi long, pour ne fembler point dif-
formes. Ils font de diuerfcs couleurs , les vns
tout blancs , les autres noirs , les autres gris , &
les autres mcflez, qu’ils appellent Moromoro.
Les Indiens auoyent de grandes fupcrftitions à
choifir ces animaux, pour les facrifices, de quel-
le couleur» ils deuôyenteftrc , Iclon ladiuerhtc
des faifons & des facrifices. La chair en eft bon-
ne, çncor qu’elle foit dure, mais celle de leurs
aigneaux eft la meilleure , & la plus délicate,
que l’on fçauroit manger, toutesfois l’on n’en
confomme pas beaucoup à manger , pource que
le principal fruid ôc profit quhls rapportent eft
la laine , pour faire des draps, 6c le leruice qu’ils
font à porter charge. Les Indiens mettent la
laine en œuure,& font des eftofes, dont ils fe vc-
ftcnt,l’vne quieftgroffierç &cômune,qu’ils ap^
pellcnt hanafea, ôc l’autre^ne ôc délicate, qu'ils
appellent Cumbi. De ce Cumbi ils font des ta-
pis de tables , des couuerturcs , ôc autres ouura-
ges exquis, qui font de longue duree, &ont vn
aftez beau luftre,approchant comme du mifoyc
&CC qu’ils ont de fingulicr, eft leur façon de
tiftre la laine, d’autant qu ils font a deux faces
tous les ouuragcs qu’ils veulent, fans que l’on
voye aucun finit ny bout, en toute vncpicce.
L’Ingua Roy duPeruauoitde grands maiftres
Ouariers à faire cefte matière de Cumbi , ôc les
principaux refidoyent au carder de Capachica,
ioignant le grand lacdcTiticaca. Us taignenc
DES Indes. Liv. IIII. 204
ccfte laine de diucrfes couleurs très -fines, auec
plufieurs fortes d’herbes , de laquelle ils font
beaucoup de differens ouurages , de grofïîers,
GU communs, & de fins. Tous les Indiens ôc In-
diennes y trauaillcnt en la Sierre , ôc ont leurs
meftiers en leur maifon/ans qu’ils aycnt befoin
d’acheptcr ny faire faire les eftofes qu'ils vfenc
chez eux. Ils font de la chair de ce bcftiah du
Cufchargui, ou chair fechee, qui leur dure long
temps, & en font grand eftime.lls ont accouftu-»
mé de conduire des bandes de ces moutons,
chargez comme voituriers, & vont en vnc ban-
de trois cens ou cinq cens , voire mil moutons,
lefquels portent du vin , du mays, du coca, du
chuno,du vif argent,^: toute autre forte de mar-
chandifc,& qui pins cfl de l’argent la meilleure
de toutes. Car l’on porte les barres d’argent, de-
puis Potozi iufques en Ariqua, où il yafoixan-
te &■ dix lieues , & auoyent autre^^fois accou-
Irumé de les portera Arcquippa,qui font cent
cinquante lieues. I(^me fuis beaucoup de fois
cfmerueillé de voir ces trouppes de moutons
chargez de mil 8c deux mil barres d’argent , &
beaucoup d’auâtage , qui font plus de trois cens
mil ducats, fans autre garde ny efcorte , que
quelques Indiens, quiTeruent feulement pour
guider les moutons , 8c les charger &defchar-
ger , ou pour le plus quelque Efpagnol , 8c dor-
ment àinfî toutes les nuids au milieu des chaps
fans autre garde que cela. Et neantmoins en vn
fi long chemin &aiiec fi peu de garde, l'on ne
trouue iamais qu’il y ait faute , ou perte d’aucu-
ne chofe fur vn fi grand nombre d’argent, tant
, Ce iiij
Histoire NATVREtti
cft grande la leurcté.deflbubs laquelle on che-
mineau Peru. La charge que porte ordinaire-
ment vn de ces moutons.eft comme de quatre i
ou fix arrobes , quand le voyage eft long ils ne j
cheminent par iour, que deux ou trois lieues, !
ou quatre pour le plus. Les moutonniers qu’ils
appellent,qui font ceux qui conduifent les trou-
pes,& bandes, ont leurs giftes , & repaires or-
dinaires, qu’ils cognoiflènt où il y a del’caüc,
&des pafturages, & là ils defehargent & font
leurs tentes y faifarts du feu & accommodans
leur manger, & ne font pas trop mal , encore
que ce foit vne façon de cheminer affez flegma-
tique & tardiue.C^nd il n’y a point plus dV-
iie iournée de chemin à faire, vn de ces moutons
porte bien huit arrobes pezant, &d’auantage,
ôc chemine auec fa charge, vne iournée entière
dchuitoudix lieiies,ainfi qu’en ont vfé^epau-
ures foldats,qui cheminoient par le Peru.T out
ce beftial fe plaift en vn dr froid, & pourcefte
occafion,ilfe trouue bien^ la Sierre,& meurt I
aux Lanos.à caufe dclachaleur.il arriue quel-
ques fois que ce beftial eft tout couuert de gla-
ce, & de gcllée, ôc neantmoins demeure fain, ôc
fe porte fort bien. Les moutons ras font plai-
fans à regarder, pource qu’ils s’arreftent au che-
min, ôc hauflent le col,regardans les perfonnes
fort attentiucment,& demeurent là ainfivnc
longue efpace de temps,fans fe mouuoir,ny fai-
re femblant de crainte,ny de contentement: ce
qui donne occafîon de rire, les voyàt ainfi arre-
ftez', Encor que quelques fois ils s efpouuantent -
fubitement,& s’en courent auec la charge, iuf-
Des Indes. Liv, IIII. 105
qucs aux plus hauts rochers. De façon que ne
lespouuants atteindre, on cft contraint,de les
ruer, & tirer à l’arquebuze, de peur de perdre
les barres d’argent, qu’ils portent quelquefois*
Les Pacos fe fafchent & s’obftinent contre la
charge, fe couchans aucc icelle, fans qu’on les
puiffe faire relcuer , mais pluftoft fe laiflèront
ils coupper en rail pièces que de fe mouuoir,
quand ce defpitleurvient,d oùeft venulepro-
uerbe qu’ils ont au Pcru,de dire que quelquVn
s’eftcmpacqué, pour lignifier, qu’il s’eftobUi-
néid’autant que quand ces animaux fe fafchent,
c’cftauecexcés.Leremedc que les Indiens ont
alors,eft de s'arrefter,& s’alïèoir auprès du Pa-
co,& luy faire beaucoup de carelîes , iiifques à
ce qu’il ofte fa fafcherie,& qu’il fe releue, 6c a-
uient quelques 'fois, qu’ils font contraints d’at-
tendre deux,ou trois heures , iufqucs à ce qu’il
foit deferapacque ôc defennuye. Il leur vient
vn mal comme de la^alle, qu’ils appellent ca-
rache, qui les fait mourir ordinairement. Les
anciens auoient en ce vn rcmede , d’enterrer
toute vifue, celle qui auoit le carache,de peur
qu’elle n’en infedtaft le relie: pource que c’efl:
vn mal fort contagieux,& qui va de l’vn à l’au-
tre. Vn Indien,quiaura vn ou deuxdecesmoii-
tons,n’ell pas réputé pauure,car vn de ces mou-
tons delà terre, vautfix êc fept pezes elïàyez,
& d’aiiantage félon le temps & les lieux.
Histoire natvrelli
Z) es pierres hejâars.
Ch AP. XLII.
■ A pierre befaar fe trouue en tous
ces animaux, que nous auonsdit cy
If defTus , cftrc propres & particuliers
du Péril , de laquelle quelques au-
theurs denoftre temps ont eferit des Hures en-
tières,que pourront voir ceux qui en voudront
auoir plus particulière cognoiHancc. Pour le
fubiet prefcnr,il fuffira de dirc^que cefte pierre
qu’ils appellent bezaar , fc trouue en l’efto-
mach& ventre de ces animaux, quelqucsfois
vne feule , ôc quelques fois deux , ôc trois , &
quatre. Elles font beaucoup differentes entre
dles,cn la forme, en la grandeur, & en la cou-
leur : d’autant que les vues font petites,commc
auelines , & encor moindres, les autres font
comme des noix, les autres comme des œufs
de pigcon,& quelques vues aufïî grandes com-
me vnœufdepoulle,& en ayveu d'aucunes de
la grandeur d’vne orange: en la forme les vnes
font de forme ronde,les autres douallc, les au-
tres de façon de lentille, & de plufieurs autres
formes. Pour leur couleur, il y en a de noires,
de blanches , de grifes , de verd brunes , d’autres
qui font comme dorees. Ce n’eft pas vne règle
certaine, que de regarder la couleur, nyla fi-
gure, pour iuger quelles font les meilleures , ou
les plus fines. Toutes ces pierres font formées
ôc compofees de diuerfes tunicques , ou pelli-
DES Ind ES. Ll V. IIII. 20g
culcs, & les vncs furies autres. En la prouince
de Xaura, & en d’autres prouinccs du Peru,
l’on trouue de ces pierres en diuerfes fortes
d’animaux, fiers & domeftiques , comme es
GuanacoSjés Pacos,é s V icunes,& es Tarugucs,
d’autres y adiouftent vnc autre efpece, qu’ils di-
fent cftre chaires fauuages , Refont celles que
les Indiens appellent Cypris. Ces autres for-
tes d’animaux font fort cogneues au Peru , ôc
enauons défia traitté cyddTus. Les Guanacos
ou moutons du pays, & les Pacos, ont com-
munément les pierres plus petites, &noirct-
tes, ôc ne font pas tan t eftiraees, ny approuuees,
pour IVfagedc la médecine.. On tire les plus
groffes pierres de bezaar,des viennes, &font
grifes, ou blanches, ou de verd obfcur , lef-
quelles font tenues pour les meilleures. L’on
cftime que celles des Tarugucs font les plus
excellentes, dont il y en a quelques-vnes bien
grofles, elles font coramunemenc blanches , ti-
rans fur le gris, & ont leurs tuniques & pellicu-
les, communément plus gtofies Ôc cfpailfes que
les autres. L’on trouue la pierre bezaar efgal-
lement aurant aux malles , qu’aux femelles.
Tous les animaux qui l’engendrent, ruminent,
&: ordinairement pailfentparmy les neiges, &
les roches. Les Indiens racontent detradition
ôc enfeignement de leurs peres ôc anciens , que
en la prouince de Xaura , Ôc en d’autres pro*uin -
ces du Peru , il y a plufieurs herbes ôc animaux
venimeux, Icfquels empoifonnent l’eaue, ôc les
pafturages , où ils boiucnt ôc mangent, ôc où ils
Meurent. Delqueiies herbes venimeiifes il y en
Histoire nat vrille
a vne.qui eft fort cogneüe de la vicugne par vn
inftind naturel , & des autres animaux qui en-
gendrent la pierre bezaar, lefquels mangent
cefte hcrbe,& par le moyen d’icelle ils fc pre-
feruent du poifon des eaux & des paftur3ges,&
ainli difent ils que de cefte herbe le forme en
leur eftomach cefte pierre, d’où elle tire toute
la vertu qu’elle a contre le poifon , fes au-
tres operations merueillcufes. C’eft 1 opinion
ôc tradition des Indiens , defeouuerte par des
perfonnes fort expérimentez au Royaume du
Peru, ce qui s’accorde auec iaraifon,& auecce
que Pline raconte des chieures montagneres,
^^^^•^'^•i°-lefquellesfe nourriftènt, & pailfent de poifon,
fans qu’il leur face mal.Les Indiens interroge»
pourquoy les moutons,les vaches, chieures de
veauxjdel’efpecede ceux deCaftille , n’ont pas
la pierre de bezaar,veu qu’ils paiflent és mefmcs
roches que font les autres, refpondent qu’ils ne
croyent pas que ces fufdits animaux de Caftil-
le, mangent cefte herbe , Ôc qu’ils ont mcfme
■ trouué la pierre bezaar en des Cerfs , ôc des
Daims. Cela femblc s’accorder auec ce que
nous fçauons , qu’en la neufue Efpagne il fe
trouue de pierres de bezaar , combien qu’il
n’y ait point de vieugnes, de Pacos, de Taru-
gues, ny de Guanacos,mais feulement des cerfs ,
en quelques vns dcfqucls l’on trouue cefte pier-
re. Le principal effet de la pierre bezaar,eft co-
tre le venin & maladies venimeufes, encor qu’il
y ait fur ce diuerfes opinions, & quelques vns
tiennent cela pour mocquerie, ôc les autresen
font des miracles. Comment que c en foit,c eft
O
DES Indes. Liv. IIII, 207
Tnc chofè certaine, quelle cft de grade operatiô,
quand elle eft appliquée à téps,dVne façon con-
uenable,ainfi que les herbes, & à des perfonnes
capables & difpofees.Car il n’ell: pas de medeci-
ne,qui guarilfe infalliblement toufiours. En Ef-
pagne,&en Italic,ron' aveu d’admirables elFeéts
decefte pierre, contre leTauerdettc, qui eilvnc
efpece de pefte,mais non pas tant au Perü. L’on
l’applique, pillce & mife en quelque liqueur,qui
fe puilEe accommoder pour laguerifon de la me-
lancholie,mal caduc, fiebures peftilcnticufes, &
pour plufieurs fortes de maladies.Les vns la pré-
nentauecduvin,les autres auec du vin-aigre, a-
uec eaüe dazahac, de langue de bœuf de boiirra-
ches,& d’autres fortes,que diront les médecins
ôc apoticaires.La pierre de bczaar n’a aucune fa-
ueur propre, comme raefraelcditRafis Arabe.
L’on en aveu quelques expériences rcmarqna-
bles,&iVya pointdedoute,qrautheur de tout
ceft vniuers,n’ait donné de grandes vertus à ce-
fte picrre.Lcs pierres de bezaar, qui viennent de
rindeOrientale,ont le premier lieu d ’eftime en-
tre ces pierres, lefqiielles font de couleur oliua-
ftre,le fécond ccllesdu Peru,& le troifîefme cel-
les de la neufue Efpagne. Depuis que bon a com-
mencé de faire eftat de ces pierres,ils difent que
les Indiens en ont fophiftiqué,&fait d’artificiel-
les, ôc plufieurs quand ils voyen t de ces pierres
plus grandes que les ordinaires, croyentque cç
font pierres faufes,& vne tromperiemeatmoins
il y en a de grades fort fines,&dc petites qui font
contrefaites.L’cfpreuue &cxpcriéce,eft le meil-
leur maiftre de les cognoiftre. Vne chofe cft di-
Histoire natvreile
gnc d’admirer, qu'ils naifTçnt &fe former fur des
chofes fort eftranges,comme fur vn fer d’efguil-
lette fur vne efplingue,ou fur vne bûchette, que
i’on trouue au centre de la piciTC,&pour cela ne
tiennent ils pas, quelle foitfaufe, jpour ce qu'il
arriueque lanimal peutauoir aualle cela,&quc
lapierrefecaille, &fepaiflit là delfus , qui va
croiirant,vnc coquille l’vne fur l’autre , & ainfi
f’augméte.Ic veids au Peru,deux pierres fondées
& formées fur des pignôs de Caftille, ce qui no^
fit tous beaucoup elmerueillcr , pour ccqiien
tout le Péril nous n ’auions point veu de pignes,
ny de pignons de Caftille,f ils nettoient appor-
tez d’Efpagne, ce qui me femble chofe fort ex-
traordinaire.Ce peu fuffife,touchant les pierres
bezaars.On apporte des Indes d'autres pierres
medecinalles, comme la pierre d’Hyiada, ou de
Rate, la pierre de fang,dc lai6t,& de mer: Celles
qu’ilsappellentCornerinas, pour le cœur, def-
quelles il n’eft point de befoing de parler, pour
n’auoir rie de commun à la matière des animaux
dont nous auons traittc.Cc qui cft dit, foit pour
faire entendre comme le grand Maittrc & Au- ;
theur tout-puiflànt de l’vniucrs,a departy fes |
d5s,&fecrers merueillcuxà'toutes les parties du |
monde, pour lefquels il doit ettre adoré & j^lori- |
fié par tous les ficelés des ficelés. Amen. |
2S0
Prologuedes Liuresfuyiianfs.
Tant mini ce c^ui concerne l'hipi-
re niitureUe des Indes, ie train eray cy
apres de l’BiJfoire mor aile, c'efi adi-
ré des couJlumes,<arfans des Indiens.
Car apres le Ctcl,la temperature,Ufi-
mation,V' les qualitet^du, nouueau monde,apres les élé-
ments, cr les mixte s, ie veux dire les met aux, plantes CT
anmaux,dequoy notuauens parle' aux hures precedens,ce
quisefiprefentr.VordreO^raifin nous muite a pour fut-
ure,O' entreprendre le miné des hommes, jui habitent
au nouue au monde . C ejl peurquoy lepret ens dire aux U-
ures fuyuds,ce qui mejemblera digne d'ejlrerecitéfur ce
fuieL Et pour ce que l'intetié de cefle hifioire n>efl pas feu-
lemétpour doner cognoifance de ce qui fe pajfe aux Indes
mais aup pour acheminer cefie cognoifsace,au fruiH que
l'on peut tirer d'icelle, qui ejl d’aider a ce peuple , a faire
leurfalut,erglorifor le Créât eureyr redepteur,qui lésa
tire'Xpest entres trefobfcur es deleur infidélité, ^leur
a communiqué l'admirable lumière de fin Euangile.
Fartant pemierementiediray en ces hures fuiuans,^ce
qut touche leur religion, oupperJhtion,leurs coujlumes,
leurs idptries,0' l eurs facrifices,puu apres ce qui ef de
leur police éT gouuernement , de leurs letx , coujîu^es
^delemfaits.EtpeurcequeU mémoire s\fl confr-
uee entreU nation Mexiquaine, de leurs commencemets,
rttcceJsidns,guerres^O" autres chojês dignes de raconter^
outre ce tpui fera traitte au lime fxiemcyi ëferay vn pro-
pre er particulier difcoursau hure feptiefme, mfques 4
montrer la difpoftton & augures (jue ces nations eurent
dumuueauEoyaurhe de Chri^ynofire Seigneur, qmfe
démit eftendre en ces terres, CT les fuhmguer Àfiy,co^
me il a fait en tout le rejîe du mondes Qui a U vente ef
vne chofe digne dégradé confderation dç voir comme U
diurne preuidence a ordonne, ifue la lumière de fa parole,
trouuafentreeauxdernieresfinsiX homes de la terre.
Ce n'ef point chofe (pui fit de mo proiet,d’efcrire mainte-
nant ce que les E^agnols ont fait en ces parties la,car d y
4 affe^de liures efirits fur cefie matière, CT non pim , ce
que lesferuiteurs du Seigneur y ont trauaille O" f^^^~
fé,d’autdi que cela requiert vne autre nouuelle diligece,
le me contenteray feulement de mettre cefte hifloire, ou
relation, aux portes de l'Euangile,puis qu’elle ejî défia
toute acheminée, afaire cognoifire les chofes natureUes
Crmoralles des lndes,afin que leJ}mtuel,a^leChri(iia-
ntfmey fit planté (T augmenté, comme dejl amplemet
expliqué aux hures que nom auons efcrit, de procura-
dalndiorumfalute. Qm f quelqu vn sefmerueilU
d’ aucunes fa^ons,(T couftumes des Indiens, O" les veut
meÿrifer comme idiots,ou les auoiren horreur, comme
gensinhumdmi diaboliques , qud prenne garde
fe fomienne que les mefmes chofes, voire depires,ont ejte
'veues entre les Grecs CT les Eomains,qm ont^ commande
il tout le monde. Comme H on pourra facilemet entendre,
non feulement denos ^utheurs,Eufehe de Cefaree,Cle-
ment Mexandrin,Theodoret ,CT Autres , matf aufsdes
leurs mefmes,comme Pline, Denis Halycarnajfe, cr Plu-
tarque,
tArqHe.CdrleJrinceâestenehresesîm le chef âe toute
infideUte,cen ef pas chofenouueJleydetrouuer entre les
infidèles des cruautel(^des immondices, CT des folies,pro -
presCTconuenahlesÀ vn tel mdifire.Et iaçoit fte les
anciens Gentils ayent de beaucoup Jurpajfé ceux cy du
nouneau monde, en valeur O' fcience natureUe,neant-
moins peut-onremar^uer en eux plufieurs chefes dignes
de mémoire. Mais enfin le plus qu'il y a efi comme de
^ens barbares, lejquéls pnue'Xfie la lumière fispernatu-
relie, ont eu aufii defaut de la Philofiphie ^ doHrine
naturelle.
ïth.itl..
Z/4.I4*
LIVRE CINQVIESME
D E LH ISTOIRE NATVREL-
le & morale des Indes.
Ç H A P I T R E P R E M £ E À.
l 'orgueil O' l'enuie du Dt/éle^A ejlilâ
Uufeâe l' idolâtrie.
’O R G V E I L&Ia prcfbmp
tion du Diable cft fi gran-
de & fi obftinéc, que tou-
fiours il appette & fief-
force, de fie faire honorer
pour Dieu,& tout ce qu’il
peut defrober &fiappro-
prier de ce qui appartient
au tref-haut Dieu, il ne celle de le faire aux na-
tions aueugles du monde, lefquclles la lumière,
& rcfplcndeur du faindt Euangile n’a point en-
cor efclaircies. Nous lifons en Iob_>de cet or-
gueilleux tyran.qu’il met fies yeux au plus haur,
& qu’entre tous les fils de l’orgueil il eft le
Roy. Les diuines eferitures nous enfcigncnc
fort clairement fies mauuaifes intentions , & fia
trahifon fi outrecuidee , par laquelle il a pré-
tendu efgaller fbn throTne à celuy de Dieu,
iccluy difiant en Efaye : Tu difiif en fty ’mejme
DES iNDEÿ. LlV. V. ^ 210
ùmonterÂj/mffies mCid.cr mettray ma ch dre fi^r
toutes les ejloilles du Ciel , CT" m'’djfoirray au fom~
met du firmament, <cr aux cofie^^ df Aquilon, le fajfe-
ray la hauteur des nues, cr" fieray fembUhle au Très-
haut. , Et en Ezechiel : Ton cœur s efi efieué,cr tu
oidit^iejuis Dteu,CT me fuis afiis en la chaire de 'Dieu
au mdieu delà mer. Ainfi ronfioiirs perfifte Satan
à ce mefchanr appétit de fe faire Dieu. Et com-
bien que le iufl, & feuere chaftimcntdutref-
haut l’ait deipouiilé de tonte fa pompe 5 & la
beauté , par laquelle il feftoit.enôrgueilly ,
ayant efté traitré comme meriroit fa felonnie
&indifctetion , ainb qu’il eft eferit auxmcf-
mes Prophètes :neantmoins il n a pas diminué
dVn point fa mefchante& peruerfé intention,
laquelle il demonftre par tous les moyens qui
lüy font polîibles, comme vn chien enragé,
^ mordant l’efpée de laquelle l’on le frappe. Car
comme il eft eferit, l’orgueil de ceux qui haif-
ftnt Dieujcontinue & va tou fours croiftant.
D’où vient le perpétuel & cftrange foucy quep/j'/«j
cet cnnemy de Dieu a toufiours eu , de fe faire
adorer des hommes inuentant tant de (Genres
d’idolâtries,, par lefquelles il a tenu fi loncr
temps fubiet te la plus grande partie du mon-
de , de forte , qu’à peine refte-il a Dieu vn
coing de fon peuple dd firael. Et depuis que le Mmh. n.
fortdel’Euangilleravaincu&defarmé, &que
par la force de la croix , il a brifé & ruiné les
plus importantes Ôc puiftantes places de fon
Royaume par fa mefme tyrannie , il a com-
mencé d’aftaillir les peuples Anations les plus
efloignecs ôc barbares , fefforcant de confer-^
Histoire watvrelle
uer entr’eiix la faufe & mcnfongerc diuinitc,
laquelle le fils de Dieuluy auoit oftee en fon
Eglife, renchaifnant Renfermant comme en
vne cage, ou prifon , ainfi qu’vne befte furieu-
feà fa grande confufion , & rcfiouiirancc des
feruiteurs de Dieu , comme il le fignifie en
Joh.^o, lob. Mais en fin ores quel idolâtrie a efté ex-
tirpée de la meilleure , & plus notable partie
du monde , il f eft retiré au plus efloigné,& a
régné en celle autre partie du monde , laquelle "
combien qq’clle foit beaucoup inferieure en
npblclTe , ne l’eft pas toutesfois en grandeur &
largeur. Il y a deux caufesR motifs principaux
pour lefquels le diable f’eft tant eftudié à
planter Tidolatrie R toute infidélité , de telle
façon qu'à peine l’on trouue aucune nation , ou
il n’y ait quelque idolâtrie .L’vne, eflfagrande
prelomption R orgueil, qui ell telle , que qui
voudra confiderer, comme il a bien ofé fatta-
quer au mefmc Fils de Dieu R vray Dieu, en
luy difant effrontément qu’il feprollernafi: dé-
liant luy, R qu’il l’adoraft, ce qu’il faifoit,com-r
bien qu’il ne fçeull pas alTeurement que c’e-
ftoit le mefmc Dieu, mais pour le moins ayant
quelque opinion qu’il full le Fils de Dieu.
Cruel R efpouuanrable orgueil , d’ofer ainfi
indignement attaquer Ton Dieu 1 certaine-
ment ccluy là ne trouuera pas beaucoup eftran-
gc, qu’il fe face adorer comme Dieu, par des
nations ignorantes, puis qu’il f eft voulu faire
adorer par Dieu mefmc , en Ce difant Dieu,
bien qu’il foit vne fi abominable R deteftablc
créature. L’autre caufe R motif de 1 idolâtrie.
Des In* de s. Liv. V.
cfHahaync mortelle, & inimitié qa’ila con-^
ceüc pour iamais contre les hommes. Car
comme dit le Sauueur, des le commencement
lia efté homicide, & retient cela comme vne
condition & propriété infeparablc de fa mef-
chancelé. Et pour ce qu’il fçait , que le plus
grand malheur de l’homme, eft d’adorer la
créature , comme Dieu, à cefte occafion il ne
edîe d'inuenter toutes fortes d’idolarries,poiir
deftruirc les hommes & les rendre ennemis
de Dieu. Il y a deux maux que le Diable fait
en i’idolatrie,rvn qu’il nye fon Dicu,fuyuant
ce palïàge, Tua>s âelAiJfe le Dieu qm f <i créé. Etl’au-
tre,qu’il s’affubictiftà vnechofe plus balTeque
luy, pour ce que toutes les créatures font in-
ferieures àlaraifonnable, & le Diable, encor
qu iifoit fuperieur de l’homme en nature,
neantmoins en eftat il eft beaucoup inferieur,
puis que l’homme en cefte vie eft capable de la
diuinité de éternité. Par ce moyen Dieu eft
des-honoré, & 1 homme perdu en tous en-
droits parfidolatrie , dequoy le Diable fuper-
be & orgueilleux eft fort content.
De flufieursjortes dùdolatrle defqueilet les
Indiens ont vfé.
&Ta fin de tous maux , pour cefte ocr-
_ cafionl’ennemy des hommes a mul-
tiplie tant de fortes & diuerfitez d idoUtrie,que
C H A P. 1 1.
‘Idolâtrie, dit le fainét Efpritparle Sap.-
fage,cft lacaufe,le commencement.
Dd iij
Histoire NATVREtLE
ce feroit choie infinie de les conter toutes par
le menu j Toutesfois on pourra réduire toute
1 idolâtrie en deux chefsjl’vn qui eft fur les cho-
fes naturelles3& hautre fur celles qui font ima-
ginées, ôc compofees par inuention humaine;
La première d’icelles eft diuifée en deux, car ou
la chofe que l’on adore eft generalle, commelc
SoleiUa Lune,le feu, la terre, & les Elemcnis:
ou elle eft particulierc,comme vne certaine ri-
uiere,vne f©ntaine,vn arbre,& vne foreft,quand
ces chofes ne font point adorées generalicmêc
en l’efpece dont elles font, mais quelles font
tant feulement, ado rees en leur particularité.
De ce premier genre d’idolâtrie , ils ont cxcef-
{iucraentvféau Pcru,& l’appellent proprement
guaca. Le fécond genre d’idolâtrie quidefpend
dVne inuention ou fidion humaine, fe peut
mefme diuifer en deux fortes. L’vnc qui regar-
de le pur art,& inuention humaine,comme d’a-
dorer les idoles, ou les ftatues d’or , de bois , ou
de pierre de Mercure , ou de Pallas , qui ne font,
«y n’ont iamais efté rien autre chofe que la pein-
ture: ôc l’autre qui concerne ce qui realle ment
a efté , ôc eft véritablement quelque chofe, mais
non pas telle, que ce que l’idolâtrie qui l’ado-
re en feint,commeles morts,ou les chofes, qui
leur font propres, que les hommes adorent par
vanité,& flateric.De forte qiic nous les redui-
fons toutes, en quatre fortes d’idolâtrie, dont
vfent les infidelles, de toutes Icfquclles il nous
conuiendra dire quelque chofe.
QmUs Indiens jant quelfie cogmijfunce de Vieu.
Ch AP. III,
N premier lieu , iaçoit que les ténè-
bres de l'infidelité tiennent l enren-
dement de ces natiôs obfcurcyiTou-
tesfüisjcn beaucoup de chofes, lalu-
mieredelavcrité, & de laraifon ne
^iffe pas d’operer quelque peu en eux, Ceft
pourquoy communément ils tiennent, & reco-
gnoiflent vn ruprcfme Seigneur, & Autheur de
toutes choies, lequel ceux du Pcrii appelloienr,
viracocha,& luy donnoient des noms de grande
excellence,l’appellansPachacamac,ouPachaya-
chachic,qui eft Créateur du Ciel & de la terre.
EtVfapu , qui eft admirable, & autres noms
icmblables.C’cft celuy qu’ils adoroiét, &cftoit
le plus grand de tous, lequel ils honoroienten
regardant au .Ciel. On en peut voir autant en-
tre ceux de Mexique, & auiourd’huy entre les
Chinois, & en tous autres infidclles. Ce qui fe
rapporte fort bien à ce que raconte le Hure des
Aétes des Apoftres , que fainét Paul fe trouua
en Athènes, oùilveit vn autel intitulé, Jgnoto
D^’o,au Dieu incongneu , d’où l’Apoftie print
occafîon de les prefeher leur difant, Celuy que
V9HS Autres Adorc'^am le cognoi(lrc^ejl celuy que le pref-
che.jye mefrae ceux qui prefehent auiourdhuy
PEuangile aux Indiens, île trouuent pas beau-
coup de difficulté à leur perfuader, qu’il y a vn
Dieufuprerme, 6c Seigneur de toutes chofes,
Dd iiij
; * Histoire NATVRiLtE
& que ccftuy là cft le Dieu des Chreftiens, & le
vray Dieu,combien que c’eft vue chofe qui m’a
beaucoup fait efmeruciller , queiaçoit qu’ils
enflent bien cefte cognoiflànce, ils n’auoient
point neantmoins de nom propre, pour nômer
Dieu:carfi nous voulons rechercher en langue
des Indiens vnmot, quirefponde à ce nom de
Dieu, côme le latin Deusylt grec,r/;w,l hebreu,
f /.l’ Arabie, Ton n’en trouucra aucun en
langue dcCufco, ny en langue de Mexicque.
D’où vient que ceux qui prefehent ou eferi-
uent aux Indiens , vfent de noftre mefme nom
Efpagnol, Dios , s’accommodans à l’accent Ôc
prononciation propre des langues Indiennes,
qui sot fort differentes. D’où il appert le peu de
cognoiflàncc qu’ils auoient de Dieu , puifqu’ils
nclcpeuuent pas mefmcs nommer, lice n’eft
par noftre mefme mot. Toutesfois à la vérité,:
ils ne lâiflbientpas.d’en auoir vne congnoiflàn-
ce telle quelle. C’eft pourquoy ils luy fîrentau
Peru vn tres-riche temple, qu’ils appelloient
la Pachacamac,qui cftoit le principal Sanéluaire
de ce royaume. Et comme il a efte dit, ce mot
de P achacamacjvaut autant que Créateur, com-
bien qu’en ce temple ils excerccaflcnt auflî
leurs idolatrics,adorantle diable, & les figures.
Ils faifoient mefme des facrifices & offrandes
au viracocha,qui tenoit le ruprefmelieu, entre
les adoratoires,que les Roys Inguas ont eu.
Delà vint qu’ils appelloient les Efpagnols vi-
racochas, parce qu’ilAuoient opinion , qu’ils
cftoient fils du Ci€i,&diuins,dc mefme que les'
autres attribuèrent vnc deité à Paul , ôc à Bar-
BIS In dis.Liv. V; iij
iiabc,appcllans l’vn Iupiter,5<: l’autre Mercure,
ainfl ils vouloient leur offrir des facrifîces,con-
meàdcs Dieux:& tout de mefmc que les Bar-
bares de M dite (qui efl: Malthe) voyans que la
vipere ne faifoit point de mal à rApoftre,lap-t^,=ï.i?.
pclloicnt Dieu.Donques comme ainfifoitjquc
c’eft vne vérité conforme à toute bône raifon,
qu’il y ait vn fouuerain Seigneur & roy du Ciel,
lequel les gentils aucc routes leurs idolâtries
& infidélité, mont pas nyé,ainfi que l’on voit
«n la philofophie du T imee de Platon, en la me-
thaphyfîquc d’ Ariftote,&en l’Æfculape deTrif-
megifte, comme mefme es Poefies d’Homerc,
^ Virgile. Delà vient que les prédicateurs cuà- Trimeg.<
geliques n’ontpas beaucoup de difficulté à plan-
ter , & perfuader cefte vérité d vn fuprefme ^
Dicu,quelques barbares & beftialles que foient
les nations, aufquelles iis prefchcnt.Maisil efl
très difficile de leur defraciner de l’entende-
ment qu’il n’y ait nul autre Dieu,ny autre d'eité
qu’vnc feulle, & que toutes les autres chofes
de foyn’ont point de puiflance ny d’eflre, ny
d operation,qui leur foit propre finon, ce que
le très-grand, feul Dieu , & feul Seigneur leur
donne, & leur communique. En fin il cft ne-,
ceffaire de leur perfuader cela par tous moyens,
en reprouuant leurs erreurs: tant en ce qu’ils
Taillent vniuerfellemcnt , d’adorer plus d’vn
Dieu,qu’en particulier ( qui eft beaucoup d a-
uantage)dc tenir pour dieux, & de demander
aide, & faueur, des autfès chofes qui ne font
point dieux, & n’ont aucun pouuoir, que celuy
, ' Histoire katvrelli
qucle vray Dieu , leur Seigneur, & Créateur
leur concédé.
Du ^remiergenre de l’idolâtrie, fur les chojês naturel^
les, O' 'uniuerfelles.
Ghap. IIII.
Près le Viracocha, oulefupre-
rae Dicu(le plus fouuent& com-
munément,entre tous les infidel-
ies) ce qu’ils ont adoré, &adorcnr,
eft le S61eil,&aprcs les autres cho
fes,qui font les plus remarquables en nature ce-
lefte,ou élémentaire, comme la lune,leseftoilles,
la mer,& la terre.Les guacas,ou adoratoires que
les Inguas feigneurs du Peru , auoient en plus
grande reuerencc, apres le viracocha, & leSoleil,
cftoit le tonnerre, qu’ils appelloicnt par trois di-
iiers nôs,Chuquilla,Gatuilla,&lntiillapa. S’ima
ginansquec’eftvn homme qui eft au Ciel, auec
vne fonde, & vnc maffiie , & qu il eft en fa puif-
fance de faire pleuuoir,grefler, tonner, & tout
le reftc,qui appartient à la région de l’air , où fc
créent les nuages. C’eftoit vnc guaca ( ainft
appelloicnt ils leurs adoratoires ) generalle à
tous les Indiens du Peru, & liiy oftroientdi-
uers facrifices,& en Cufco, qui eftoit la cour &
ville Métropolitaine, ils luy facrifîoient mefmc
des enfans, comme au Soleil, ils adoroient ces
trois, Viracocha, le Soleil, & le tonnerre, d’vne
autre façon que tout le refte, ainft que Polio
efeript l’auoir expérimenté , qui eftoit qu’ils
P ES Indes. L iv. V. îf4
^nettoient , comme vn gantellct , ou bien vn
gant en leurs mains , quand ils les haulîbient
pour les adorer; Ils adoroient mefme la terre
laquelle ils appelloicnr,Pachamama, à la façon
que les anciens celcbroicnt la DeelTe Tellus:
ôc la mer auffi , qu’ils appellent Mamacocha,
comme les anciens adoroient Thetis, ou Nep-
tune. D’auantage ils adoroient Parc du Ciel,
& eftoient les armes & blafons del’Ingua,auec
deux couleuures, eftendues aux collez. Entre
les Elloilles communément tous adoroient
celle qu’ils appellent Colça, que nous appel-
ions par deçà les Cabrilles. Ils attribuoient à
diuerfes elloilles diuers offices , 6c ceux qui
auoient befoing de leur faueur, les adoroient
comme les Pafteurs adoroient, ôc facrifioient
à vue eftoille qu’ils appelloient , Vreuhillay,
qu’ils difent élire vn mouton de plulîeurs,
couleurs , ayant le foing de la conferuation
du beftial , 6c tient l’on que c’ell celle que
les Allrologues appellent Tyra. Ces Pafteurs
mefraes adorent deux autres Elloilles qui
vont Acheminent proches d’icelles, refquel-
îes ils nomment, Catuchillay 6c Vrcuchillay,
ôc feignent que c’eft vne brebis & vn agneau.
D’autres adoroient vne eftoille qu’ils appellent
Machacuay, à laquelle ils attribuent la charge
Apuilfance furies ferpens A couleuures, pour
empefeher qu’ils ne leur filfent mal. Ils attri-
buoient la puilTanced’vne autre eftoille, quïls
appclloient Chuquinchinchay , qui vaut au-
tant que tigre fur les tigres, les ours Aies lyôs,
A ont creu généralement que de tous les ani-
)
Histoire natvrillb
maux qui font en la terre , il y en a vn feul au
Ciel qui leur eft femblable , lequel a la charge
ôc le foin de leur procréation & augmentation*
E t ainfi ils remarquoient ôc adoroient plulicurs
& diuerfes cftoilles, comme celles quils ap-
pclloyentChacana,Topatarca, Mamaha, Mir-
co.Miquiquiray, &pluficurs autres. Tellemenc
qu’il femble qu’ils approchoyent aucunement
des propohtions des Idées de Platon. Les Mc-
xiquains prefquc de la mefmc façon , apres le
fupremc Dieu adoroyent le Soleil. Ceft pour-
quoy ils appelloyent Hernando Cortex ( com-
me il l’efcrit en vne lettre enuoyee à l’Empe-
reur Charles le Qmnt ) fils du Soleil , pour fa di-
ligence & courage à circiiir la terre. Mais ils
faifoyent la plus grande adoration à l’idole ap-
pellec Vitzilipuztli , lequel en toute celle ré-
gion ils appelloyent le Tout puilfant ôc Sei-
gneur de toutes chofes. Pour celle caufe les
Mexiquains luy ballirent vn temple le plus
grand , le plus haut , le plus beau, ôc le plus ma-
gnifique &fomptueux de tous. La fituation&
forterclTe duquel fe peut coniedurcr par les
ruines qui en font demeurées au milieu de la
Cité de Mexique. Mais en ceft endroit l’idola-
rric des Mexiquains a elle plus pernicieufc&
dommageable que celle des Inguas, comme
l’on verra mieux cy apres, d’autant que la plus
grande partie de leur adoration ôc idolâtrie
foccupoit aux idoles , ôc non pas aux mcfmes
chofes naturelles , combien qu’ils attribuoyent
les effeds naturels aux idoles , comme des
pluyes,de la multiplication du bellial,de la guer^
t)is Indes. Liv. V. iif
rede la génération, ainfi que les Grecs & les La-
tins fe font forgez des idoles de Phœbus,de Mer
curcdeIupiter,deMincruc& de Mars. Enfin
qui voudra bien confiderer cecy de près trouue-
ra que la façon & maniéré dont le diable a vfé à
tromper les Indiens,cft la mefmc auec laquelle
il a trompé ôc deccu les Grecs & Romains, &les
autres anciens Gentils,leurfaifantentendrc que
ces créatures remarquables^le Soleil,îa LunÇjles
Eftoilles & les Eléments jauoient d'eux mcfmes
le propre pouuoir& authoritéde faire du bien
ou du mai aux hommes : Et combien que Dieu
ait créé routes ces choies pour le feruice del’hô-
me, neantmoins il fcft tant oublié qu’il fefl:
voulu efleucr contre luy. Et d’autrepart il a rc-
cogneu&fcftâflubjctty aux créatures qui luy
font mefme inferieures, en adorant ôc inuoquat
fes propres œuures,& iailî'ant d’adorer & inuo-
qucle Créateur, comme le propofe fort bien le
Sage par ces pâtolesifem les hommes font vains O' sa^A^.
ahu>je%jp^Hels U cogmijsance de Dieu ne Je trouuejpemtf
veto ifudsn ont pa^pett coj^noijlre celujtqui ejlypar les
chofes mefmes qiu leur fembloient ejlre bonnes. Et üçsit
quds cent empUf sent fes æuureSy ds nontpMtoutesfok
attaint mfques a U cegnoifsAnce de l'autheurO^ oùurier
d’tcellesmak ds ont creu que lefeUyle vent f Air Agité Je
circuit des EfloilleSylesgrAdeseAÜeSy le Soleil CT' U Lune
ejioient Dieux Cf gouuerneurs du monde, s’efîans
rendus amoureux de U beauté de telles chofes, d leursï^
hloitqu'ds les deuoient eflimer comme Vieux.OeftAÏ-
fn qu’ils confderent de combien plus beau ejl leur Crea^
îeur,puis que c’efi celuy qui donne les beaute’fgy' qui 4
fait ces mejmeschofes.ï)' Autre part fds ont eu en
Histoire natvrelle
mm lapmjfmce <CT les effets de ces chofes, pdr icelles
tnejmes ils doiuent entendre de combien doit ejlre pins
putffimt qn' elles îeuteSyCeluy cjui leur à donné cefi efîre
^n’ellesont,pôurce que l'on peut coieBurerpar U beauté
O' grandeur quont les créatures, quel doiteftre le C rea-
teur de toutes ces chofes. lufques icy font les paro-
les du liure de Sapience , defquelles l’on peut
tirer vu bon ôc fort argument, pour coiiuaincre
la grande tromperie des idolâtres infidèles , qui
veulent pluftoft feruir 3c reuerer la créature
que le Créateur : comme iuftement l’Apoftré
les reprend. Mais d’autant que cecy n’eft point
du prefent fubjed,& qu il eft fLiffifamment rap-
porté aux Sermons queTonaeferits contre les
erreurs des Indiens, il fiiffit quant à prefent de
dire qu’ils adoroient le grand Dieu , 3c leurs
Dieux vains 3c menfongers tout d’vne mefme
façon: pour ce que la façon de faire oraifon au
Viracocha,au Soleil, aux Efioilles , 3c au refte
des Guacas ou idoles , cftoit d’oiiurir les mains
3c faire certain fon auec les leures , comme de
perfonnes qui baifent, 3c de demander ce que
chacun defiroit en leur offrant facrifices. Com-
bien qu’il y euft grande différence entre les pa-
roles dont ils vfoient pour parler auec le grand
Ticciuiracocha , auquel ils artribuoient prin-
cipalement le pouuoir 3c commandement fur
toutes chofes, 3c celles dont ils vfoient à par-
ler aux autres,lefquels ils n’adoroient feulement
^ que chacun en fa maifon comme Dieux ou Sei-
gneurs particuliers , 3c difoient qu’ils eftoient
leurs interceffeurs entiers le grand Ticciuira-
cocha. Ceffe façon d’adorer ouurant les mains
i)ES Indes. Lrv. V. 2ïtf
êc comme en baifant , a quelque chofe de fem^
blable à celleque lob auoir en horreur, comme
ehofe propre des idolâtres, difant. tayhaifémes
mains anec ma homhe regardant le Soleil quU drduk
mla Luneijffand elle efi clatreice eft vne tres-gran-.
de m^HitefO' eJ} nier lé Très-grand Die», ^
DeVidslatrie dont les Indiens vferentfiif
les chofes particulières.
Ch AP. V.
Le diable ne fcft pas contenté de faire que les
aueugles Indiens adoralTent le Soleil, la Lu-
ne,les Elldilles, la terre, la mer &plufieurs au-
tres chofes gen erales en la nature; mais il a pâlie
pF outre en leur dônant pour Dicu,^ les aHiib-
leélilTans à des chofes balTes &petites,& la plus
grand part ordes &infames. L’onnefefpouuc-
tera point de ceft aueugicment des barbares, qui
fe voudra fouuenir de ce que FApoftrc dit des
Sages &des Philofophes,qu’ayans cogneu Dieu
ils ne le glorifièrent point ny ne luy rendirent
grâces Goinmc à leur Dieu , mais qu’ils feper-
dirept eh leurs opinions&pcnrées,& leur cœur
a efté endurcy en leur follic , & ont changé la
gloire &dcïüc de fÊterncl Dieu à des femblan-
ces & figures de chofes caduques ôc corrupti-
blés comme d’hommes, d*oifèaux,de beftes 6c
de ferpens. L on fçait allez que les Egyptiens
adoroieutle chien d’Ofiris,la vache d’I fis , & le
moutoü d Ammon;lcs Romains adoroient la
Histoire natvrelle
ficdîc Februa,des Ficures, & l’oye Tarpcicn-
ne, & qu’ Athènes la Sage adoroitleCoq&lc
Corbeau, & femblables autres vanitez & mo-
queries, dont les hiftoires des anciens Gentils
font toutes remplies. Et font tombez les hom-
mes en vn fi grand malheur, pour n auoir voulu
fafiubjettir à la loy de leurvray Dieu & Créa-
teur, comme faind Athanafelc traidedode-
menteferiuant contre les idolâtres. Mais ceft
vnechofe merueillcufemcnt eftrange , que le
desbordement & perdition, qui a efté en cela
entre les Indiens, fpecialcmcnt duPerurcar ils
adoroient les riuieres , les fontaines , les cm-
boucheurcs des riuieres , les entrées des mon-
tagnes,les roches ou grandes pierres , les colli-
n«, les fommets des montagnes qu’ils appel-
lent Apachitas , & les tiennent pour chofede
grande deuotion.En fin ils adoroient toute cho-
fe en nature , qui leur fcmbloit remarquable Sc
différente du refte, cômey rccognoifTant quel-
que particulière deïte. L’on mé monftra en Ca-
xamalca de la Nafca vne colline,ou grand tertre
de fable qui fut le principal adoratoirc , ou
Guaca des anciens. le leur demandois quelle
diuinitc ils y trouuoient , & ils merefpondi-
rent qu ils l’adoroient à caulc de cefte mer-
ucille qu’il auoit d’eftre vn tertre de fable tref-
haut au milieu des montagnes de pierre qui
cftoient tref-efpaillès. Nous eufmes befbin en
la Cité des Roys dVn grand nombre de gros
bois , pour fondre vne cloche, &pourccl’on
coupa vn grand ixhve difforme , ^ qui pour là
grandeur & fon ajjitiquitc auoit cfté long temps
® adoratoirc.
A
DES
--- Indes. Lrv. V. 217
adoratoirc, ôc Guaca des Indiens. Et leur fem-
bloic qu’il y aunit quelque diuinitcen routee
qui auoir quelque chofc d extraordinaire &
d eftrange en fon genre , iufqucs à en attribuer
autant aux petites pierres & métaux, voire aux
racines & aux fruits delà terre, comme aux
racines, qu’ils âppelloient Papas. Il y en a dVne
forte eftrange qu’ils âppelloient Lallahuas , lef-
quellesilsbaifoienc & les adoroient. Ilsado-
rent aufli les ours ,les lyons , les tigres Sc les
couleuures,afin qu’ils ne leur facent aucun mal,
êc tels que font leurs Dieux , telles & aufli plai-
fàntes (ont les choies qu’ils leur offrent en les
adorant. Ils ont accouftunié quand ils vont par
chemin d’yriet£er ou aux carrefours, aux colli-
iies,& principalement aux somets, qu’ils appcl-
îen t Apachittas,des vieux fouliers ,des plumes,
duCoca mafché,qui eft vue herbc,dont ils vEenc
beaucoup. Et quand ils n’ont rien d’auantagei
Jeur lettent vnepierre ,1c tout en offrande, afin
qu ils les laiffentpafrer, & qu’ils leur donnent
bones forces , lefquclles ils difen t leur augmen-
ter par ce moyen , comme il eft rapporté en' viî
Cocileproiiincial du Perii. C’eftpourquoy Pon
trouuecnces chemins de grands monceaux de
CCS pierres offertes, &dcs autrcs-chores fufdi-
tes.De femblable folie vfbientles anciens , def-
quelsileftdit suxProaerbesi
fre des pierres 4^moceau deMercHre^amfiqueeeUyJw
honnorelesfds :.qui eftàdire,que l’on ne tire non
plus de fruid nyid’vtilitc du fécond, que du pre-
mier : pourccque le Merciu*e de pierre nere-
cognoiftpointl:offrandc,nyle fol nepenvte^
VEe
Conciî.h
TroUerll
HisTOIKE NATYREItE
cognoiftrc l’honneur que l’on luy fait. Ils vloicC
d Vnc autre offrande, non moins plaifantc & ri-
dicule, qui eft d’arracher le poil des fourcils , Se
les offrir au Soleil Se aux collines , aux Apachi-
tas,aux vents ou aux chofes qu’ils craignét. Tel
eftle malheur auquel pluheurs Indiens ontvef-
cu & viuent encor auiourd huy, aufquels le dia-
ble fait entendre ce qu’il veut comme à des en-
fans , quelqi^grande folie que ce foit. Ain h S*
Chryfoftome en vne Homelie , accomparc les
Gentils, mais les feruitcurs de Dieu , qui trauail-
lent en leur enfeignement & laluation , ne doi-
uent pas mefprifer ces folies & enfances, puis
qu’elles fuffifent , à enlacer ces panures
abulèz à vne cternelle perdition , ains les
doiuentauec bonnes & claires raifons , tirer
dVne fi grande ignorance : Car à là vérité c'effc
chofeconfiderable, commeilsfaffubiettiffentà
ceux qui leur enfeignent le vray chemin de rai-
fon.Il n’ya chofe entre les créatures plus illuftre
quele Soleil, Se cftxeluy lequel tous les Gentils
comunémentadoroienr.Vn capitaine diferet &
bonChreftien mecontoitj qu’auecvne bonne
raifonilauoitperfuadéaux Indiésque le Soleil
n’eftpit pas Dieu-, mais feulement vne créature
de Djêu i & fut ainfî, Itderaanda au Cacique ôc
feigneur principal qu’il luy donnait vn Indien
leger,pour portervne lettre,il luy en donna vn,
Sc le capitaine demanda au Cacique, dy moyqui
cille Seigneur & le prrhcipàl,où ceft Indien qui
port la lettre fi legeremét,ou royqui l’enuoycS
porter? Le Cacique terpondic , C’eft moy fans
doute , pource que ceftuy-la ne faitautic chofi
DES Indes. Liv. V”. '^jg
que ce que ieluy commande. Ainfi, répliqua le
capitaine, en cft-il du Soleil que nous voyons, &■
duCrearcur de toutes cil ofes, d’au tant que leSo-
leil n’efl: point d'auanrage qu vn valler de cc
Xres-hautSeigneur,qui par foji commandemét
chemine auec telle legereré fans Ce lalTer, portât
la lumière à toutes les nations. Ainfi tu vois co-
rne ceft contre ràifon de rendre au Soleil l’hon-
neur qui eft deu au Créateur & feigneur de tout.
La raifon du Capitaine les contenta tous, & difl:
le Cacique & les Indiens qui eftoient auec luy,
que c’eftoitgrâde vérité, &qu’ilss’eftoiêt beau-
coup refioüis de l’auoir entendue. L’on raconte
d’vn des Roys Inguas,homme de fort fubtil en-
tendement , lequel voyant corne tons fes prede-
celTeurs adoroient le Soleil,dift qu’il ne luyfem-
bloit point que le Soleil fufl: Dieu,ny ne le pou-
uoit cftre,pource que Dieu eft vn grâd Seigneur
qui auec vn grand loifir Sc repos fait fes œuures"
&queleSoleilneceirciamaisde cheminer, di-
fant qu’vnc chofe qui trauaiIIoittât,neluy pou-
uoir fcmblcr eftre Dieu, en quoy il dift vérité.
Ainfi lors que l’on vient à déclarer aux Indiens
leurs erreurs&aucUglemctpar des raifons dou-
ces & aifees a comprendre, ils font incontinent
conuaincus, &ferengcnt admirablement à la
vérité. 4
Ee ij
<j^^ISTOIRE NATVRELLB
V'vn àntre genre d'fdtUtffe fur les dejfin^s,.
Il y a vn autre genre d’idolatric fort
IdifFerent des fufdits, dont les Gentils
^ont vfé à l’occalîô de leurs deffun <^Sj
qu’ils aimoient& eftimoient:&: fem-
blcquele Sage vueille donner à entendre que
le commencement de Tidolatric foit procédé de
là , difant ainfij le commencement de formcaûanfut
f ur U refutAtm des Uoles,0" cefte smtentton efi vneto -
{de cormftion de U vlcyCAr M commencement du mode
il n'y A foint eu d’idoles, ny en U fin ny en auta four teufi-
toursAtAmAÎs. Mais U vAnité (T ofiueté des hommes 4
Af forte ce^îe inuention au rndde , vosre four ceHe occa/io
dur et fi feu leursvies,fource qutl ArnuA (f^e leferefor-
tAntAmerementUmort definfils mifirAble , fit four [a
confoUtion vnfourtrAit du defunB,crcommeçAA l'ho^
norer O* Adorer comme Dieu, lequel feu AufArauatJiuott
Acheuè fies iours comme homme mortel, cy four cefie fin
ordonnA entre fies feruiteurs quen fi mémoire Un fit des
deuetions tT fAcnfices. DudefutsAfres flufieurs tours
fAjfe\cefiemAudttecoufiumeAyAnt efie Authorifee de-
meurA cej} erreur cAnomfee four ley,Cf AinfifAr le corn-
mAdement des S^s O" tyrAns,les fourtrAtts les idoles
efioient Adore\ Delk vmt Aufii que Un commenciA a en
fAtre AutAnt aux AlfenSyCT ceux cjue Un ne fournit Ado -
rer enfrefience,four efire- efioignesyls les Adoroiet de cefie
fAçon y CT'fAifiient Afforter les fourtrAtts des J{^s qutls
vouloient honorer yÇuffleAnt fAr cefie inuention l Ahfence
de ceux qu ils vouloient Adorer» LA curiofitt des excelles
des InÊes, Liv. V. 11^
«rnmen mgmenu cefle muenüon d’tâoUtrieyteUement
^ue parleur art ces fiatues furent jî elegmtes ^ ep4,e ceux
tourne fauoient ce quec'ejioit ^efoient prouoquet^ k les
adorer, d autant que par l excellence de leur art, preten^
dans contenter celuy iput leur haïUoit à faire , ds tiraient
des pourtraits^ peintures beaucoup plus excellentes,c^
le vulgaire conduit de l'apparececr grâce de l'ouurage,
vint J. tenir 0^ ejhmerpour Dicuceluy qui peu aupa-
rauat auott ejle honore corne homme.Et cela fut l’erreur
fniferable des hommes , qui s^accomodans ores a leur af-
feBion0jèntiment ,ores a la fatterie de leurs ^ys,vm^
drent a impojèr aux pierres le nom incommunicable de
Vieu , les ador ans pour Dieux, Tout cccy cfl: au li-
ure de Sapience^ qui cft digne d’eftre notré, &
trouucrontaupieddcla lettre ceux quiièfont
curieux rcchcrcheurs de l’antiquité, que l’ori-
gincdcl idolâtrie onteftéces pourtraits & fta-
tües des defFunârs , ie dy de i’idolatrie , qui ed:
proprement d adorer les idoles & images: car
il n’eft pas certain qucccfte autre idolâtrie d’a-
dorer les créatures, comme le Soleil, & la mili-
ce du Ciel,ou le nombre des pknettes & eftoil-
Ics, dcquoy ileftfait mention aux Prophètes, itteum
ait efte depuis 1 idolâtrie & les ftatuës : combien Sofb.
que làns doute l’on ait fait des ftatücs & idoles
en l’honneur du Soleil, de la Lune & delà ter-
re. i Venant à nos Indiens, ilsvindrent au fom-
inct de l’idolâtrie par les mefmes voyes que
dcmonftrerEfcriture.Prcmiercmct ils auoient
foin de conferuer les corps de leurs Roys &
Seigneurs , & demeuroient entiers fans aucune
mauuailè odeur ,& fe corromprcplus de deux
cens ans. De celle façon elloicnt les Roys In-
Ec iij
Histoire natvreile
guas au Cufco, chacun en fa chappellc & adora-
toirc,dôt le V iccroy Marquis de Canette , pour
extirper Tidola trie fit tirer & porter enla Cite
des Roys trois ou quatre Dieux, qui caufa gran-
de admiration de voir ces corps morts depuis
tât d’années fi beaux & fi entiers qu ils eftoienr.
Chacun de ces Roys Inguas laiiroit tous fes
threfors, moyens Sc reuenu pour entretenir fon
adoratoire où l’on mettoit fon corps, & y auoit
beaucoup de miniftres anec toute fa famille,
quieftoient dediezàfon feruice. Car nul Roy
fuccefiéur n’vfurpoit les threfors & vaifi'elle i
de fon prcdeccfieur , mais il en aficmbloit tour ’
de nouueau pour luy&r pour fon palais. Ils ne i
fe contentèrent point de celle idolâtrie enuers
les corps des deffunds , mais aufli iis faifoient
leurs ftatües Sc rcprcrcntations,& chaque Roy
durantfavie faifoit faire vne idole où il eftoie
reprefenté,laquelle ils appelloieiît Guaoigui,
qui lignifie frère. Pour ce que l’on deuoit faire
à celle llatue durant la vie &la mort de l’In-
gua, autant d’honneur & de vénération qu‘à
luy-mefme.Et portoient celle llatue en la guer-
re ôc en procelîîon , pour auoir de la pluye ôc
du bon temps, Scieur failoientdiuerfes firllcs,
&facrificcs. Il y aeubeaucoup de ces idoles au
Cufco,& en fon terrhoire ; toutesfois l’on dit
à prefent que celle fuperllition d’adorer les
pierresyacelfédu tour , ou en la plus grande
partie. Âpres qu’on les eut defcouuertes , parla
diligence du licencié Polio , & fut la première |
celle d’InguaRocha, chef de la partialité ou !
race principale de Hanam Cufco , de trouus
DES Indes. Liv. V. 210
fon de çeftcfaçon,qu’entrc les autres nations ils
auoient en grande eftime& reueroient les corps
de leurs predecelTeurs, &adoroicnt aulÏÏ leurs
ftatucs.
I>esfaperfiti6ns,dont tk vfiienp mec les msrts, ,
Ch APiT. VII.
E s Indiens du Peru ontereu com>
munement que les am es viuoient
apres celle vie , & que les bôs eftoiéc
en la gloire, &lesmauuais en la pei-
ne: tcllementqu’ily a peu de difficulté, à leur
perfuader tels articles. Mais ils ne Ibnt pas par-
ucnusiufquesaupointdccongnoiftre, que les
corps deuoient refufeiter auee les âmes. C’cli
pourquoy ils employoient vne exceffiue dili-
gence,comme il a ellé dit, à conferuer les corps
lefqucls ils honoroient apres la mort , à cefte
fin leurs fuccelTeurs leur bailloient des robes,
Sc leur failbienr des làcrifices: ipcciallement les
roys Liguas, en leurs enterrements debuoient
cftrc accompagnez de grand nombre de ferui-
teurs & femmes pour ffiii feruice çn l’autre vie.
^arquoyle iour qu’il decedoit , l’on mettoit
à mort les femmes qu’il auoit le plus ay niées, fes
feruiteurs & officiers , afin qu’ils l’allaifent fer-
uir en l’autre vie.QuandGuanacapa mourut,qui
futpercd’Atagualpa,au temps duquel entreiéç
les Efpagnols , l’on mit à mort mil Ôc tant de
perfonnes, detousaages, & conditions pour
fon fcruice, ^ pour l’açcôpagncr en l’autre vie<,
E c iiij
Histoire natvrelle
ils les tuoient apres plufieurs chanfons^&yuro-
gneriesj&ces deftinez à la mort Te tenoient bien
heureux. Ils leurfacrifioient plufieurs chofes,
fpeciallementdesperits enfans , &de leur fang
faifoient viie raye au vifage du defFundt d’vne
oreille en l’autrci Cefte melmefuperftition , &
inhumanité de tuer des hommes5& des femmes
pour accompagner & fcruir k deffunt en l’au-
tre vie, a efté fuy uie d’autres , & cft encor à pre-
fent vfitée parmy d’autres nations barbares;
VoirecommecfcriptPollôjcllea efté prefque
gcneralle en toutes les Indes. Le vénérable Bc-
da mefmc raconte , que les Anglois au parauant
que fc conuertir à l’Euangilc, auoienc cefte mefi-
mecouftumede tuer des hommcs,pouraccom-
pagner & feruir les deffunts. L’on raconte d’vn
Portugays , qu eftant captif entre les barbares,
auoit rcçeu vn coup de flefehe, dont il perdit vn
œil,& comme ils le voulurent facrifier , vn ioiir
pour accompagner vn feigneur defFund , il ref-
pondit que ceux qui demeuroient en Pautre vie,
fcroientpeud’eftatdudefFunét, fi on luy don-
noit pour compagnon,vn home borgne, & qu’il
eftoit meilleur luy en donner vn qui euft fes
deux yeux, & cefte raifon eftant trouiiée bonne
par les barbares , fuft caufe qu’ils le laiflèrenr.
Outre cefte fupcrftition de làcrificr les hommes
aux dcfFumfts dont l’on n’vfequ’à l’endroit des
grands feigncurs,il y en a euvne autre beaucoup
plus commune & gencralle en toutes les Indes,
qui cft de mettre à boire, & à manger fur les ic-
pultures des defFunéFs , croyâs qu’ils fc nourrif-
foient de cela , qui a mefmc efté vn erreur entre
DES Indes. Lîv. V. 221
les andens,côme cfcrip tS. Auguftin. Et pour cet
cfFcâ:,dc leur donner à manger & à boire. Au-
iourd’huy plulîeurs Indiens infîdellcs , tirent de
terre fecretrement leurs defFunds des cimerie-
res,& les enterrét en des collines,ou en des paf^
fages des montaignes , ou bien en leurs propres
maifons.Ilsont mefme accouftumé dcleur met-
tre de 1 argenr;,& de l’or en la bouche^aux mains
&au fein&deles reueftir de robes neufues,&da
rables,doublees,&pliees,pa r deiîbubs le lit mor
tuaire.Ils croyct que les âmes des defFunds vôt
vagabondes,& endurent le froid, la Foifjla faim,
& le trauail j & par celle occalîon , ils font leurs
anniuerfaires, en leur portant des habits à man-
ger âc à boire. A raifon dequoy les Prélats , en
leurs fynodes aduertilïènt fur tout que les pre-
ftres donnent à entendre auxlndiens,qiie les of-
frandes que l’on met aux Eglifesfur les fepulm-
res,nc font pas le manger ny boire des défends
mais pour les pauures & pour les feniftres , &
que Dieu ell feul qui fuftante les amès en l’autre
vie,puifque ils ne mangent ny ne boyiient aucu-
ne chofe corporelle,& importe beaucoup qu’ils
fçaehentbien cela afin qu’ils ne conuertillent
cet vfage rcligicux,en fuperftition gentille, com-
me Icfontplufieurs.
Histoire natvrelle
De U fdçon d'inhumer lesdejfunts,entre lesMexiqudms
(CT* autres nattons.
Ch AP, VIII.
g Y ant raconté ce que plufîeurs nations
f du Peru ont fait aucc les deffunts,ü ne
S fera mal à propos, de faire mention
; particulière desMexiquains en cet en^
droit, les mortuaires defquelseftoientfort fol-
lemnirez<5c pleins de grandes folies.C’eftoit l'of-
fice des prcftres,& religieux en Mexique(car il y
en aiioit qui viuoient en vne cftrange obferuâcc,
cômeilferadircy apres) d’enterrer les morts, ôc
faire leursobfeques.Les liçux où ils les enterroi-
cnr,eftoir en leurs iardins , & aux courts de kur
maifons propres , les autres les portoiét çs lieux
des facrifices,qui fe faifoient es montagnes. Les
autres les brufloient,& apres enterroient les cè-
dres en leurs têples,& les enterroient tous, aucc
tout ce qu’ils auoient d’h^^bits , de pierres , & de
ioyaux. Ilsmettoientles cendres de ceux qu’ils
brufloiét en des pots , Sc auec icelles les ioyaux,
pierres, & afficquets des defFunts , quelques ri-
ches, & précieux qu’ils fulTent. Ils chantoient
les offices funebres , comme refponfes , & le-
noient les corps des defFunts beaucoup de fois,
faifans plufîeurs ceremonies. En ces mortuai-
rcs ils mangeoient , de beuuoient , & ficeftoit
perfonnes de qualité, l’on y donnoit des habits
^tousçeux qui efloient venusa 1 enterrement.
Des Indes. Liv. V. 221 î
<^and quelqu’vn mouroir, ils le mettoieDt, ¥ î T
cftenducnviiechâbre^iufqucsàcequedetODS i ^ ‘
coftezlcsparens&amisfuircntvenusjcfquels V > I
apportoienrdespre(entsaumort,&Iefalüoiêt j ' :; i,
commcs^leuftcfté envic. Etli c eftoit vnroy, ^ !'
oufeigncurdeqaelque ville,ils luyofH-oien^ j } "
deseclaucspourcftremisàmonaiiecb^ II. I
de 1 aller feruir en laurre monde i Ils faifoienc t' '
mourir auffi le preftre ou chappelkin qu’il auoic ’
(car tous les feigneurs auoient vn preftre, qui | i ,
aansleurs maifons leur adminiftroit les cere- ■ '
monks ) & le tuoient alors , afin qu’il allaft ad-
miniftrer fon office au mort. Ils tuoienr le cuy- ,
limer Je fommeliier,les nains,&les bollus, def-
qucls ils le feruoient beaucoup , & ne pardon-
noienr pas mefmes aux freres du deffund, qui
i auoientkfplus Tcruy. Car c’eftoitvnc grandeur
entre les kigneurs, de fc feruir de leurs freres,
&desdeffiifdits. Finalement ils tuoient tous
ceux de fon train, pour aller entretenir fa mai-
on en 1 autre monde : & de peur que la pau-
urcte ne les vint acueillir , ils enterroient Lee
eux plufîeursricheires,d or,d’argent, depierre-
iics,de courtines d Vnouurage exquis, de bra-
celets d’or, & d’autres riches pièces. Que s’ils
brufloientledeffundkils en faifoient auSntde
tous fes fcruitcurs,^ ornements qu’ilsluy bail-
loient pour l’autre monde: Puis ils prenoient
toute celle cendre laquelle ils enterroient auec
vne grande follemiiité. Les obfcques duroient
dixiours, auec des chants de pleurs Ôc de la-
memation, (Sdespreflres emportoient les def-
lunds auec tant de ceremonies , ( Cdqn qu’on
(
Histoire N AT VR EL LE
les ch requcroit)&en fi grand nombrcjqù on ne
les pourroitprefque conter. Ils mettoient aux
Cappitaincs,& Seigneurs leurs marques d’hon-
neur,&lcurs Trophées/elon leurs entreprinfes
& la valeur, qu’ils auoict employée aux guerres,
& es gouuerncméts.Car pour cet efFcd ils auoi-
ent des blafons , de armes particulières. Ils por-
toient ces marques & blafons,au lieu ou il defi-
roit eftre enterré, ou bruflé , marchant deuant le
corps, & l’acompaignant comme en proceflion,
où les preftr es , & dignitez du T cmple alloient
auec diuers ornements, & appareils. Les vns eji- .
cenfans,les autres chantans,&les autresfonnats
de fluftes triftes,& de tambours,ce qui augmen- |
toit beaucoup les pleurs des vaflàux& parens.
Le preftre qui faifoit l’office eftoitorne des mar ;
ques de Rdole,que le Seigneur auoit repreffin te: ;
car tous les Seigneurs reprclentoient les idoles, ;
ôc en prenoient le nom de quelqu’vn , & à cefte ,
occafioneftoient eftimez & honorez. L’ordre '
de Cheuallerie portoir ordinairement ces mar- ;
ques deffijfdiaes.Ccluy qu’ils debuoiêt brufler, i
eftant apporté au lieu a ce deftine, ils 1 enuiron- i
noient de bois de pin,& tout ce qui eftoit de fon
baguaîye , puis y mettoient le feu comme iay |
^ ditci-dcffiis, l’augmentant toufiours auec du :
bois gommeux,iuîqucs à çc que le tout fuft con- .
uerty en cendre. Incontinent fortoitvnprcftrc ^
en habité ornement de diable, ayant des bon- ;
ches à toutes les iointurcs , & pluficurs yeux de |
miroirs,&: tenoit vn grand bafton,auec lequel il |
mefloit toutes les cendres fort audacieufement j
&auecvngefte, &vnc reprefentation fi terri- !
i
DES In DES. Liv. V. 225
blc,qü’ücfpouuentoic touslcs afîîftans. Qiicl-
qucsfois ce miniftrc auoit d’autres habits difFe-
rcns, félon qu’cftoit la qualité du mort. lay fait
telle digreffion des obfcques 6c funérailles fur
1 idolâtrie & luperllition qu’ils âuoientauxdef-
funds, maintcnantilell raifonnablcde retour-
ner à l’intention principale, &d’acheuer celle
matière.
Vu tfmtriefme Cr' dernier ^enre d’idolâtrie^ dont les
Jndiens ont ’^J^JpeaddementlesMexfqHains^enuers
les ma^es cr flmtues.
Ghap. IX.
Ombien que véritablement Dieu
foit grandement ofFenfé en ces ido-
lâtries fufdites, où. l’onadoroit les
créatures, fiell-ceque leS. Efprit
reprouue 6c condamne encor d’a-
uahtâgevn autre genre d’idolatrie, qui ell de
ceux qui adorent feulement les images &figiires
faites de la main des hommes , Icfquellcs n’ont
autre chofe en elles, que d’cllre vn bois, ou pier-
rc,ou métal, &la ligure que Dieu leur a vouludo
ncr.C'cllpourquoyle Sage parle ainfi de telles
gens: Malheureux font ^ entre les morts fe peut con-
ter l'efperace de' ceu^i ont appelle les æuures des mams
des hommes Dieux, hr, l’argent , cr l'muenùon de U
xp.44-
Hter.io.
IBaruc.6.
Pfal. 115.
ÔJee.
Histoire N AT VRE LIE
femhUnce dUnimaux, ou vne pierre inutiUe qui ri A rié»
^ (tuant Age que d'ejlre vne ^ntiquatUe. Et pour fuie
diuinement ces propos à l’encontre de cet er-
reui-j & folie des Gentils . Comme aufli le Pro-
phète Efaie, le Prophète Hieremie , le Prophè-
te BaruCj& le S. RoyDauid, en traittenc am-
plementi Et eft neceifaire & conuenable que le
miniftre de Chrift , qui reproitucles erreurs de
l’idolâtrie i aye bonne veüè, .& qu’il confidcrc
bien ces paiTages, & les raifons que le Erprit
touche fi viuemcnt en iceux,& comme toutes
fe reduifent en vne brefue fcntence , que met |
en auant le Prophète Ofée : Celuy qm l’afait a efté
vn ouurier,pArqucy d nejl point Dteu.Le veau donc de
S Am Ane, fer mr A AUX miles d' Araignées. Reuenant :
donc,ànofire propos , ily â eu aux Indes vne |
grande curiofité de faire des idoles & peintu- î
resdediiierfes formes , Ôc de diuerfes matie- ;
res , lerqucllês ils adoroient pour dieux , & les |
appelloient au Peru Guacas , eftans ordinaire-
ment des beftes laides & difformes, au moins
celles que fay veue, eftoient toutes ainfi. le :
cro y certainement que le diable, en 1 honneur
duquel fon faifoit ces idoles , prenoit plaifir
de fe faire adorer en fesdiffbrmitez. Et à la vé-
rité il fe trouuoit aufli , que le diable parloit
&refpondoiten beaucoup de ces Guacas , ou
idoles , & fes preftres & miniftres venoient à
ces oracles du pere de menfonge , ôc quel il eft, ;
tels eftoient fes confeils , aduis ôc prophéties.
C’aeftcésprouinces dclaneufue Efpagne , en |
Mexiquc,TeIcuco,Tlafcalla, Cholula, ôc aux j
parties voifincs de ce Royaume , ou ce genre j
DES Indes. Liv. V. ^ 12.
d’idoIatrie a efté le plus pratiqué, qu’en R oyaù-
_ medu monde. Et eft vne chofe prodigieufe,
d ouïr conter les fuperftitions qu'ils ont eues
en ce point; toutesfôisil ne fera pas mal plai-
fantd'cn raconter quelque chofe. Le principal
idolede Mexique eftoit, comme i’aydit , Vie
zilipuztli. Ceftoirvncftatuede bois tailleé en
lemblanced vn homme aiïrs en vn efeabeau de
couleur d azur, pofé fur vn branquard, de cha-
que coing duquel fortoitvn bois, ayant la fof.
me dVne. telle de ferpenr. L’efeabeau denot-
toir qu’il eftoit affis au Ciel , cet idole auoit
tout le front azuré , & eftoit lié par delTus le
nez dvne bande de couleur d’âzur , qui pre.,
noitd vne oreille à l’autre, Il auoit fur la telle
vn riche plumage , en façon d'vn bec de petit
oileau, qm eftoit couuert parle haut d’vA or
bien bruny II auoit en la main gauche vne ron-
delle blanche, auec cinqfofmesde pommesde
pm faites déplumés blanches, qui y elloient
pofœs en croix , & du haut fottoit vn guaillar-
det d or ayant aux collez quatre fagettes , Icf-
quelles(aud,re des Mexiquains) aLyent efté
cmioyeesdu Ciel, pour faire les aéles & prou-
ellcs, qui fedirontenCon lieu. Il auoit en la
mamdextrevn ballon azuré , qui eftoit taillé
en façon d vaecouleuure ondoyante. Tout cet
ornement :& le telle qu’il auoit , pottoit fon
léns.amfi queledêclaroyteut les Mexiquains.
l;, gauche de p^
reluifante. lediraycyapres du Templefuper-
be deÿcrifices , feftes . & ceremonies de ce
g and idole , qm font cho/cs remarquables.
Histoire natvrelli
Mais à prcfent il fera feulement dit, qucceft
idole vcftu 5c orné richement , eftoit mis en vu
autel fort haut, en vne petite piece, ou encaftil-
Icment, fortcouucrtedelinceux , de ioyaux,
de plumes & d’ornements d’or , aucc beaucoup
de rondelcs déplumés , les plus belles & plus
gentilles qu ils pouuoient recouurcr , & auoit
loufiours deuant foy vne courtine, pour plus
arande vénération. loignant la chambre, ou
chapelle de cet idole , il y auoit vne pièce qui
eftoit de moindre ouurage,& non pas fi bien
ornée, où il y auoit vn autre idole , qu’ils ap- ,
pelloient Tlaloc. Ces deux idoles cftoient '
toufiours enfemble , pour ce qu’ils les repu- '
toient compagnons, 5c d’vneclgalle puiflànce.
Jly auoit vn autre idole en Mexique, fort cfti- |
mé, qui eftoit le Dieu de pœnitence & desiu- :
bilez Sc pardons des pçchez. Ils appelloiem
ceft idole Tezcallipuca , & eftoit fait d vne
pierre fort reluifante & noire, comme layel,
eftant veftu de quelques gentils affiquets a
leur mode.ll auoit des pendans d orciileS d oc
& d’àrgcnt , & en la Icure d'embas vn petit ca-
non de cryftal, de la longueur d’vn xeme ou
demy pied, Dans lequel ils mettoient quelque
fois vne plume verte , & quelquesfois vne azu-
tée,quilefaifoit telTembler,tantoft vne clrac-
raude tantoft vne turquoife il auoit les che-
ueux ceints & bandez aiiec vn lifet d’or , brur
ny , au bout duquel pendoit vne oreille d or,
auec deuxbrandons de fumées peintes en iceb;
lc,quiftgnifioicntlcs prières des affligez & pc- ,
chez qu’il oy oit , quand ils fe rccommando^icnt i
UES Indes. Liv. V. zij
a luy.Eiître les deux oreilles pendoient vn nom-
bre deperitsherons.Ilauoicvn ioyau pendu au
col,lî grand qu’il luy couüroit l'eftomach. Aux
deux bras des bracellets d’or, au nombril vne ri-
che pierre-vcrre,& en la main gauche vn efilan-
tail de plumes prccieufes vertes, azurées, & iauL
nes,qui Ibrroicnt dVn chafton d’or rcluifant, ôc
fort bruny,tellement qu’il fembloit que ce fuit
vn miroir, qui iîgnifîoit que dedans ce miroir il
voyoit tout ce qui Te faifoit au moqde.îls appel-
loientcc miroir ou chafton d’oii’,Itlacheaya, qui
vcurdircfonrcgardoir.ll tenoitcn la main de-
xtre quatre fagettes, qui fignifioientle chafti-
ment qu'il dônoir aux mauuais,pour les péchez.
Ccftpourquoyc’cftoit l’idole qu’ils çraignoicc
le plus, de peurquilncdcfcouiirift leurs fautes
&delits.Ilyauoitpardondepechez en fafcfte,
qui fe faifoit de quatre ans enqüatre ans,commc
ilferaditcyaprcs.ïls renoient ce mefme idolb
Tezcatlipuca pour le Dieu de la fecherefle, de
la famine , ôc fteriliré,& de la péftiicnce. Pat-'
quoy ils le peignoyent auiîî en vne autre for-
me, a fçauoireftant affis auec beaucoup de ma-
iefte , Ihr vn clcabeau entouré d’vne Courtine
rouge, peinte &: elabourée de teftès & os de
morrs.En la main gauche il aiioit vne rondelle
auec cinq pines , ou formes de pommes dêpiii
raittes de cottoii , ôc cnladroitte vncdardille,
comme d’vn gefte mcnaïîànt, & ayant le bras
eftendu, comme qui la voudroir ietter,&dela
rondelle fortoyent quatre fagettes. Il auoitle
vifage âc apparence de courroucé, Ôc de cole*
Histoire natyrilee
rc,Ic corps oint tout de noir , & la tefte plei-
ne de plumes de cailles. Ils vfoyent de gran-
des ruperftitions enuers cet idole, pour la grand
crainte qu’ils auoient de luy.En Cnolula, qui c-
ftoit vnc republique de Mexique, ils adoroient
vn fameux idole,quieftoit le Dieu des marcha-
difeSj pour ce qu’ils eftoient grands marchands,
& encor auiourd’huy font ils fort addonnez au
commerce, ils l’appelloicnt Quetzaalcôalt Ceft
idole eftoit en vne grande place, en vn temple
fort haut , & auoit autour de luy de l’or,de lar-
gent,desioyaiix,des plumes fort riches, & des
habits de diuerfcs couleurs.il auoit le corps en
forme d homme, mais le vifage d’vn petit oy-
fe^u auec vn bec rouge , ôc au dclTus vne ,crefte,
pleine de verrucs,ayant des rangs de dents, & la
langue qui luy fortoit dehors.il portoit fur la te-
lle vnc mittre pointue de papier peinr,vne faulx
en la main, ôc beaucoup d’affiquets d’or aux
iambes , & ( mil autre folle inuentions , qui ^
toutes auoient leur lignification , & l’ado-
royent par^ice qu’il faifoit riche ceux qu’il
vouloir, comme Mcmnon&Plutus. Etàla
vérité ce nom que les Choluanos donnoient
àleur Dieu eftoit bien à propos, encor qu’ils
ne l’cntendilfent pas. Ils l’appelloient Qîfet-
zaalcoalt, qui lignifie coulcuure de plume ri-
che,car;tçl ell le diable de l anarice. Ces bar-
bares ne fe contentoyent point d'auoir des
Dieux , mais aullî ils auoyent des Déclics
comme les fables des Poètes les introdui-
sent, Sc faueugle Gentilité des Grecs ^ des
Des Inües. Liv. V. ikî
Roitiains, les ont vénérées. La principale des
Deeircs quils adoroient , eftoir appelléeTo-
zi, qui veut dire noftre ayculle, laquelle com-
me racontent les hiftoires de Mexique , fut Fi-
le du Roy de Culguacan , qui fut la première
quils cicorchcrcnt par le commandement de
Vitzilipuztli, laquelle ils confàcrcrentdeceftc
façon , pour eftre fà fœur, ôc des lors ils com-
mencèrent a efcorchcr les hommes en leurs fà-
ci'ifices , & de veftir les viiians des peaux des
facrifîcz , ayans appris que leur Dieu feplai-
foitenccla , comme merme d'arracher le cœur
de ceux qu'ils (àcrifîoient , ce qu’ils apprin-
drent de leur Dieu , lequel tira & arracha le
cœur de ceux qu’il chaftia en T ulla , comme
il fera dit en fon lieu. L'vne de ces Deeflès
qu’ilsadoroycntcutvnfîlsgrand chalTcur, que
ceux de Tlafcalla depuis prindrent pour Dieu,
& ceux làjeftoient le party contraire des Mc-
xiquains , auec l’aide defqucls les^Eipagnols
gagnèrent le Mexique. La prouinccdçTlaf-
eallacftfortproprepourlachairc, 6c le peuple
fort addonné à icelle. C’eftpourquoy ilsfai-
foyent vne grand fefte à cet idole , lequel ils
pcignoyenrd’vnc telle forme, qu'il n’eft ia be--
foing de perdrc lc temps àladcfcrite. Mais la
fefte qu'ils luyfaifoycnteftoit plaifante , 6c en
celle façon. Ils fonnoyent vne trompe fur
l’aube du iour, au fon de laquelle ils falîem-^
bloyent tous aucc leurs arcs,flefches , fîllets,
6c autres inftrumcnts de chalTc , 6c alloycnt
auec leur idole en proccllîon , fuyuis d’vn
grand nombre de peuple à vue Sierre haute,
Histoire NATyR-HLii
au fommct de laquelle ils auoient drcffc Rac-
commode vnc fucillce, &au milieu vn autet
trel^richement aorné, où ils metroyent l’ido-
le. Ils alloyent cheminans auec vn grand bruit
de trompettes, de cornets, de Autres 3 Rdc
tambours, 6c paruehus au licu,ils circuiAbient
RenuironnoycnttouslescoAczdc ccAc Sicr-
re ou montagne , où ils mettoyent le feu par
tous les endroits, au moyen dcquoyfortoicnt
plufieurs & diuers animaux., comme cerfs,
connils. Heures , regnards & loups , Iciqucls
alloyent vers le fommct fuyants le feu. Ces
chaAcurs couroycnr apres auec de grands cris
& bruits de diuers inAruments , les chaffans
iufqucsaurommct deuant l’idole, où arriuoit
vn tel nombre de beftes de chalîe, en A grand
prcAc, qu’elles fautoyent les vnes fur les au-
tres, fur le peuple, 6c fur l’autel mefme , cn-
quoy ils prenoient vn grand plaiAr, & reAouif-
fance. Alors ils prenoyent vn grand nombre !
de ces beftes, 6c facriAoient deuant l’idole les
cerfs, R.grands animaux , leur arrachant le
cœur , auec la mefme ceremonie dont ils
vfoyent an facriAce des hommes , ce qu’eftant J
achcué , ils prenoyent toute cefte chafFe fur i
leurs efpaules , & fe retiroyent auec leur ido-
le de la mefme façon qu’ils y cftoyent venus,
Rentroyenten la cité chargez de toutes ces
chofes , fort reAouys auec grand nombre de |
muAquCjdebuccines , R de tambours , iuf- j
ques à arriucr au temple où ils mettoyent leur
idole, auec grande reuercnce,R follemnitc.
Ils alloyent tous incontinent accommoder les
DS S In d IS. Lx v. y. 11-7
diairsdcccftc chalTc, dcguoy ils faifoicnt vu
banquet à tout le peuple , Se apres difner fai-
foyent leurs farces, reprefen tâtions, & dan-
ces deuant Tidolc. Ils auoyent vn autre grand
nombre d’idoles, de Dieux & Dedfes, mais les
principales cftoyent en la nation Mexiquai-
ne , ôc aux peuples voifins , ainfi qu’il a efté
dit.
P’z/«e efitAnge f4con d*tdoUtrte frati^uée entre lei
Mexiquains,
Chapitre X.
Omme nous auos dit que les Roys
înguas du Peru , firent faire à leur
fcmblance,de certaines ftatues que
ils appclloyét leurs Guaoiquies,ou
freres, &leurfai(bient porter au-
tant d’honneur qu’à eux mefinesrainfî en ontfait
les Mexiquains dclcurs Dieux, maisils onrpaf-
fcpIusoutrc,pourcequc des hommes vifs, ils
fairoyentdesDicux,quieftoiren celle maniéré,
llsprcnoyentvn captif, tel qu’ils aiîiroient bon
cftre,&auparauant que de le lacrifier à leurs ido-
Ies,Iuydonnoyent le mefinc nom de l’idole , au-
quel il deuoit eftre facrifié, & le veftoient &
ornoyent des mefmes ornemens que leur ido-
le,difans qu’il reprefen toit fc mefme idole. Et
pendant toutlc temps que duroit celle reprefen-
tation ( qui eftoit d Vn an en certaines felles,
end autres de fix mois, Sc en d’autres moins)
«s ladoroient & yeneroient de la mefme fa-*
Histoire NATVRELiB
çon que le propre idole , ce pendant il matî-
geoit 3 beuuoic & fc refiouilîoit. Quand il alloit
par les rues, le peuple for toit pour l’adorer, ôc
tous luy ofFroyent beaucoup d’auraofnes,&
luy portoyencles enfans, &les malades, afin
qu il les guarift & benift , ôc luy laiflbient en
tout faire fa volonté, fauf qu’il eftoittoufiours
accompagné de dix ou douze bommes, de peur
qu’il ncs’enfuift.Et luy afin que l’on luy fift rer^
uercnceparoùilpalfoir, fonnoit de fois à au-
tre, dVne petite flufte, afin que le peuple s’ap-
preftaft pour l’adorer. La fefte eftant venué, Ôc
luy eftant bien gras, ils le tuoient, l’ouuroicnt,
& le mangeoienr, faifans vn folcmnel facrificc
de luy- A la vérité c’eft vne cliofe pitoyable de
confidercr la façon de laquelle Satan tenoit
ces gens en fa puiftance,& tient encor auiour-
d’huy plufîeurs qui font de femblables cruau-
tez ôc abominations , aux dcfpcns des triftes
ames,& des miferables corps de ceux qu’ils luy
offrent, ôc luy fe moque Ôc rit de la bourde &
moquerie qu’il fait aux panures malheureux,
lefquels mentent bien par leurs pcchez, que
le très haut Dieu les delaiflc en la puiflancc
de leur cnnemy , qu’ils ont choifi pour Dicu,&
pourfoufticn.Mais puis que i’aydit eequifuf-
fit de l’idolâtrie des Indicns,il s’enfuit que nous
traitrionsde leur religion , ou pour mieux dire
fupcrftition , de laquelle ils vfent en leurs fa-
crifices, temples ôc ceremonies, ôc ccq'ui tou-
che le refte.
IBIS Indes^ Liv. V. 218
Chapitre XI.
J V A N T que de venir à ee point,! o
doitconfidercr vne ehofe, quieft
fort digne de regarder de prés, qui
eft que comme le diable, par fon
orgucil,aprins party & s’eft rendu
contraire à Dieu, ce que noftre Dieu par fa fagef-
fe,ordonne pour fon honneur & fcruice,& pour
le bien & faliit de rhommé,le diable s csforce de
rîmirer.& le periicrtir,pour cftre honoré& faire
que rhôme en foit condamné.Car comme nous
voyons que le grad Dieu a des facrifices,des pre-
ftresjdes Sacrements,dcs religieux, desProphe-
tcs,& des gerts dédiez à fon fcruice diuin,& fain-
tes ceremonies , ainh le diable a fes facrifices,
preftreSjfos façons de Sacrements , fa gent dé-
diée,fes reclus,&£àintetez faintes , auec mille
fortes de faux Prophètes, tout ce qui fera plai-
fant d’entendre, cftanr déclaré en particulier,
& non point de petit fruit, pour celuy qui fe
fouuicndra,comrae le diable eft Icpere demen-
fonge, ainfi que la vérité le dift en 1 Euangilc,
parquoy il procure vfurper, pour foy la gloire
de Dieu & contrefaire la lumière , par fes tene-
bres. Les enchanteurs d’Egypte, enfeignez de '
leur maiftre Satanas,s csforçoient de faire d’au-
tres iqerucilles fcmbkblcs à celles de Mpyfe
Ff iiij
îùhî»
Hl S TOI RI NATVRELII
& d*Aaron, pour s’crgallcr à eux. Nous lifons
auliurc des luges, de ce Micas preftre du vain
idole qui fe Teruoit mefmc des onicments dont
on vfoit au Tabernacle du vray Dieu,comme de
Tephod du Seraphin,& des autres chofes. Soit
que ce foit , à peine y a il chofe inftituéepar le-
fus^Chrift noftrc Seigneur,cn faloy Euangeli.
que,qucle diable ne layc fophiftiquee en quel-
que façon,& portée afagenrilité, comme l'on
pourra voir en lifantee que nous tenons pour
certain J par le rapport de gens dignes de foy,
des couftumcs,& ceremonies des IndienSjdef-
quellçs nous traiterons en ce liurc.
Destemfksqm fifint trottue^
és Indes. ■
Chap. XIL
I Ommençant donc par les Temples,
\ tout ainfi que le grand Dieu a voulu
qucronliiy dediafl: vnc maifon, oà
Ibn S.Nôfafthonorc,(5c qu’elle fuil
particulièrement voüee àfonferui-
cc,ainfi le diable par Tes mefehantes intentions,
perfuada aux infidcllcs qu’ils luy filFent de fuper-
bcs temples, & des particuliers adoratoires , &
lânétuaires^En chaque prouince du Peru,il y a-
uoitvn principal guaca,ou maifon d’adoratiô,&
outre icelle y en auoitvne yniuerfelle par tous
les royaumes des Inguas , entre Icfquelles il y
en a eu deux fignallees , & remarquées , 1 vne
qu’ils appclloient de Pachacama> qui eftà qua-
DES Indes. Li'V’. V.
jtrç liciics dcLy ma, où l’on voit cncor airioür-
d’hiiy les ruines d’yn trcs-ancien, & grandedi-
, fice,dnquel François Pizarre & les Sens tirè-
rent ceftericheire infinie des vafes, &dcs cru-
ches d’or,& d argent, qu’ils apporterent,quand
ilsprindrentl’Ingua Altagualpa.Ily a certains
mempircs & difeours <jui difent , que le diable
en ceTemple,parloitvifiblement, & donnoit
rcfponccs parfon oracle , &que quelques fois
ils voyoient vnc coulemire tachetée , & cfl:
vne diofe fort commune & approüuee es In-
des,quc le diable parloit , ôc relpondoit en ces
faux fanduaires , en trpmpant les mifcrables.
Mais là où l’Euangile eft entré, & là où Ion a
clleué le fîgncdela Croix, Icperede menfon-
ge y eft deuenumuet, ainfi que Plutarque ef- ^
crit de fon temps. Cur cefduent fjthynsfondere ou r^eirl *
€uU. Etfaind luftin martyr traiébe amplement /»/?.*« 4/c/.
de ce filence que Chrift impola aux àtmons\f^o chnfik.
qui parloient par les idoles , comme il auoit
efté beaucoup au parauant prophetizé en la
d.iuine Efcripturc. La façon quauoient les mi-
niftres infidelles & enchanteurs , de confiilter
leurs dieux , eftoit comme le diable les enfei-
gnoit. C’eftoit ordinairement de nui (5tj &pour
le faire entrpient , les cfpaules tournées vers
l’idole , marchans en arrière , & plians les corps
en inclinants la tefte, 8c fe mertoient en vnc
laide pofture , &a]infi ils les confultoient ^ La
relponce qu’ils faifoient ordinairement eftoit
en manière dVn fifflement efpouuentable , ou
comme vn grinflement, qui leur faifoit hor-
reur, 8c tour-ce dont il les aducrtiiroir, & iepr
Histoire katvrelle
commandoit, eftoit vn acheminement à leur
déception 5c perdition. Maintenant l’on trou-
iie peu de ees oracles , par la mifcricorde de
Dieu, & grande puilTance de lefus-Chrift.Il y
a eu au Peruvn autre temple, & oratoire plus
cfl:imé,qui fut en la Cité de Cufco, où eft au-
iourdhuy le monaftere de fainétDominicque.
Et I on peut voir que ç’a cfté vnc œuurc fort
belle & magnifique, par le pané , & pierres de
redificc,qui relient encpr auiourd’huy. Ce
temple eftoit corne le Panthéon des Romains,
en ce qu’il eftoit la maifon & demeure de tous
les Dieux: Car les roys Inguas mirent en icc-
luy les Dieux de toutes les nations, ôc prouin-
ces qu’ils conqueftoient, ayant chafquc idole
fon lieu particulier, ou ceux de leur prouincc
les venoient adorer , aucc vnc defpencc excef-
fiuc de chofes,que l’on apportoit pour fon
minifterê.Etpar cela ils auoient opinion,de re-
tenir feurement ôc en debuoir , les prouinccs
qu’ils auoient^ conqueftées, tenants leurs dieux
comme en oftage.En cefte mefmc maifon eftoit
lePinchao, qui eftoit vne idole du Soleil , de
tres-fin or ouuré d’vne grande richclïe de pier-
reries, lequel eftoit pofe vers l’Orient, aucc
vn tel artifice, que le Soleil à fon Icuer iettoit
fes rayons fur luy, & comme il eftoit de tresfin
métal, les rayons reucrberoicnt,auec telle clar-
té,qu’ilreftembloitvn autre Soleil. Les Inguas
adoroient ccftuy-la pour leur Dieu, ôc IcPa-
chayacha,qni fignifie le Créateur du Ciel ; Ils
difentqueaux dcfpouilles de cctèinple fi riche
ynfoldat eiupourfa parteefte 4es-bçlle plan-
»ES Incês.Liv. V. 250
die d’or du SoleiL Et comme le ieu eftoit lors
de faifon, ilia perdit vne nuit eniouant, dbù
vint le prouerbe qui e/l au Peru,pour les grands
loueurs, difant qu’ils iouent le Soleil auanf
qu’il naiflc.
V es fu^trles temples âeMexicfie^
Chap. XÎII.
A fiiperftition desMexicquainS-aefté
fans côparaifon plus grande que celle
de ceux cy : tant en leurs ceremonies
corne en la grandeur de leurs téples,
Icfquelsanciennemcntles Efpagnols appelloiét
decçmot Cu, lequel mot peut auoir efté prins
des infulaires de S. Dominique ou de Cuba , çô-
mc beaucoup d’autres mots,quifonten vlge,le^-
qucls ne font ny d’Elpagne , ny d’autre langue
dont l’on vreauiourd’huy es Indes,commefont
Mays,Chico, Vaquiano, Chaperon, & autres
femblables.il y auoir donc en Mexique le Cu,
fi fameux temple de Vitzilipuzili , qui auoit vn
tour & circuit fort grand, &faifoit au dedans
de foy vne belle cour. Il eftoit tout bafty de
grandes pierres en façon de couleuures, atta-
chées les vnes aux autres, &pour cela le cir-
cuit eftoit appelle Coatcpantli, qui veut dire
circuit de couleuures. Sur chacun des coupeaux
des chambres & oratoires où eftoient les idoles
y auoit vn perron fort ioIy,ouuragé des petites
pierres menues , noires comme du geais arran-
geesd vn bel ordre, auecle champ tout rclcué
HiSTOIRI NATyREIII
de blanc & de rouge , qui rendoie à le voir
d’embasjvnc grande clarrc. Et au defTus du
perron il yauoitdes carneaux fort mignonne-
ment faits, ouuragez comme en limaçons, ôc
auoit pour picd& appuy deux Indiens de pier-
re affis tenans des chandeliers en leurs mains
&d’iceux fortoient comme des croifons rc-
ueftus auec les bouts enrichis de plumes iaunes
ôc vertes , & des franges longues de mefme.
Au dedans du circuit de cefte Cour,ilpuoie
plafieurs chambres de Religieux , & d autres
qui cftoient audelhis pour les Preftres ôc Pa-
pes,car ainh ils appelloient les fouuerains Pre-
ftres qui {eruoient à l’idole. Cefte Cour eft ft
grande,&ri fpaticufe,quchuid:oudix rail per-
ibnnes y dançoient en rond fort à 1 ’aife, s ’entre-
tenans les mains les vns des autres, qui eftoit
vue couftume dont ils vfoient en ce Royaume:
ce qui femble chofe incroyable.il y auoit qua-
tre portes ou entrées à l Orient,au Ponent, au
Nort ôc au Midy. De chacune de ces portes
fortoit ôc commençoit vne chauftee fort belle
de deux à trois lieues de long. Parquoy il y auoit
au milieu du lac où eftoit fondée la Cité de
Mexique quatre chauflées en croix fort larges,,
qui rcbelliiroient beaucoup. Sur chacun portail
ou entrée il y auoit vn Dieu ou idole, ayant le
vifage tourné du cofté des chaulfées vis à vis
de la porte de ce temple de Vitzilipuztli. Il y
auoit trente degrezdc trente braftes de long,
& cftoient feparez de ce circuit de la Cour paç
vne rue qui eftoit entr’eux, Au haut de ces de-
Indes. Lit. Ÿ. i^r
gircz il y anoit vn pourmciioir de trente pieds
de large tout enduit de chaux , au milieu du-
quel pourmenoirfe voyoit vne palliiTade tref-
bicn faite d’arbres fort hauts plantez de rang à
vnebralîc IVn de l’autre. Ces arbres eftoient
fort gros, & tous percez de petits trous, depuis
lepicdiufqucsaucoupcau, ôc y auoit des ver-
ges trauerfans d’vn arbre à l’autre , aufquelles
eftoient ttauerfees &enchairnccsplufieurste-
ftes de morts parles templcs.En chafque ver-
ge il y auoit vingt teftes , ôc ces rangs de teftes
continuoientdcpuislcbas iufqucs au haut des
arbres. Cefte palilîadc eftoit li pleine de ces
teftes de morts depuis vn bout iufqucs à l’au-
tre, que c’eftoit vne chofemcrucilleufement
trifte ôc pleine d’horreur.Lcs teftes eftoient de
ceux qu’ils auoient lacrifiez , car 'apres qu’ils
eftoient morts , ôc que Ton en auoit mangé la
chair, la tefte en eftoit apportée ôc baillée aux
miniftres du temple,qui les cnchaiftioient ain-
fi, iuiques à ce qu’elles tombaftent par mor-
ceaux Ôc auoient le foin de remplacer celles
quitomboient par d’autres qu’ils mettoient en
leurs places. Au fbmmct du temple il y auoit
deux pierres ou chappelles,& en icelles eftoient
les deux idoles que i’ay dites de Vitzilipuztli,
& IbncôpagnonTIalot.Ces chappelles cftoict
taillées ôc cifellées fort artificieufement, ôc ft
hautes efleuées, que pour y monter il y auoit
vn clcallicr de pierre de ftx vngts degrez. Au
deuant de ces chambres ou chapelles il y anoit
vne court de quarante pieds en quarré,au mi-
lieu de laquelle il y auoit vne pierre haute de
Histoire natvreile
cinq paumes,qui cftoit verte & pointue en fa-
çon de pyramidej&eftoit là pofée pour les facri-
£ces des hommes que l’on y faifoit: Car vn ho-
me cftant couché deflus à la rcnuerre^elle luy fai
foit ployer le corps, & ainfi ils l’ouuroycnt &
luy tiroient le cœur,comme ic diray cy apres .Il
y auoit en la Cité de Mexique huid ou neuf au-
tres temples comme celuy que iay dit,lefquels
eftoient attàchcz&: continuez les vns aux autres
dans vn grand circuit, & auoient leurs degrez
particuliers, leur cour, leurs chambres & leurs
dortoirs. Les entrées des vns eftoientau Ponar,
des autres au Leuant,des autres au Sud, Sc celles
des autres au Nort. Tous ces temples eftoient
ingenieufementelaborcz,&enceints de diuer-
fes façons de créneaux & peintures, aucc beau-
coup de figures de pierres, eftans accompagnez
& fortifiez de grands & larges efperons. Ils e-
ftoientdediez à diuers Dieux, mais apres le té-
ple de Viczilipuztlijfuiuoit celuy de Tezcalipu-
ca,quieftoit le Dieu de Pœnitcnce & dc^s cha-
ftiemenSjfort eflcué haut ôc fort bien bafty. Il y
auoit quatre vingts degrez pour y monter , au
haut dcfquels fe faifoitvneplanureoutabledc
fix vingts pieds de large, & ioignant icelle vne
falle ’tapilTée de courtines de diuerfes couleurs
& tjuurages: La porte d’icèlle cftant bafte ôc
large, toufiours cbUuerte dVn voile , & n’y
auoit que les preftres feulement qui y pouuoict
cntrer.Tout ce temple eftoit elabouré de di-
uerfes tailles & effigies aucc vne grande curio-
fité , d’autant que ces deux temples eftoient
comme les Eglifes Cathédrales, &lçrcftçà
ms Imdes. tiv. V. 2,^
îcuf rcfpe<a comme paroi(rcs5fh-ermita2^ &
cftoientfifpacieux&dcranr de chambres q^il
y auoit en iceux les minifteresjes colleeesdes ef
choies & les maifons des preftrcs^dont ie parle
raycyapres.Ccquicftdicpeut fuffire pour en^
tendre l’orgueil du diable,& le malheur de celle
milcrable nation, qui auec fi grande dcfpenfe de
leurs biens de leur trauail, & de leurs vies fer-
uoientainfi lcurpropreenncmy,qiiincpretcn-
doit d eux autre chofe que de deftruire leurs a-
mes, &conlommer les corps. Ncantmoins ils
1 en contentoientfort,ayans opinion en leur fi
grande erreur,quecefioicnt de grands & puif-
lans Dieux, que ceux aulqiiels ils faifoient ces
9 N trouüe entre toutes les na
tions du monde des hommes part
culierement dédiez au feruice d
vrayDieu, oudeceluyquieftfam
lelquels feruent aux facrifices, & pour déclare
au peuple , ce que leurs Dieux leur comman
dent. Il y a eu au Mexique fur ce poina vn
eftrange curiofite. Et le diable voulant contre
fore 1 vfage de l’Eglife de Dieu, a n,is en l'or
Jcdecespreftresdeplusgrandsoufupcrieurs
&dcmomdres,lesvnscomme Acolytes, & le
autres comme Leuites. Et ce qui m'a plus fai
Histoire natv relie
cimcrueillcr^'cftquc lc diable a voulu vfîirpcf
pour foy le femice de Chrift, iufques à fe fcruir
du mefrae nonv.Car les M exiquains appclloicnt
leurs grands preftres en leur ancienne langue
Papas;commc pour fignifierSouucrains Ponti-
fes,ainfi qu il appert à prefent par Icurshiftoires.
Les preftres de Virzilipuztli fueccdoient par li-
gnages de certains quartiers de la ville députez à
ceft efFed, &ccux des autres idoles y venoient
par eftedion, ou pour aüoir efte offerts au tem-
ple dés leur enfancc.Le continuel exercice des
preftres eftoit d’cncenfcr les idoles, ce qu’ils fai-
foient quatre fois durant le iour narurel.La pre-
mière à l’aube du iour,la fécondé à midy, la troi-
fiefme au Soleil couchant, &la qnatricfnic à mi-
nuid.Aceftehcurcdc minuidfeleuoient tou-
tes les dignitez du templc,&aulieudc cloches
ils fbnnoient des buccines 3c de grands cornets,
&les autres des fleuftcs,& fonnoientlong téps
vnfontrifte,& apres auoir celTé le fon fortoit
Icfemainier , veftu d’vnc robe blanche en fa-
çon de Dalraatique,auecrcnccnfoir enlamain
plein de brafier qu’il prenoit au foyer, bruflani
continuellerhentdeuantrautel, en l’autre main
vnebourfe pleine d’encens, lequel il iertoit en
renccnfoir,& comme il entroit au lieu où eftoit
l’idole il cncenfbit auec beaucoup de reuerecea-
presil prenoit vn lige, duquel il nettoioitl autel
& les courtines.Cela acheué ils f’en alloient to*
cnfcmblc en vnc chapelle & là faifoient certain
genre de pénitence fort rigoureufe & aufter e, fe
frappans & tirans du fang, de la façon que ie di-
ray cy apres auTraitté delà Pénitence, que le
diable
©ES Tnûës. Liv. V.
diable à enfcighcc aux liens & ne failloient ia,
mais a ces matines de mihuift. Aucuns autres
que les preftres ne pouuoient fe méfier de leurs
facrificcs 5c chacun d’eux fyemployoit félon
leur dignité & degré. Ils prefehoient mcfme le
peuple en certaines feftesj comme nous dirons,
quand ie tràitteray d icelles. ils auoient du reuc-
nu, Scieur failbic-on des offrandes abôndam-
menr. Icdiray cy apres de fonction dont ils v-
foientà confacrerlesprcftres.Au Peru les pre-
ftres eftoient fubftantez&entrctenus du reUenU
& des h|ritages de leur Dieu, qu’ils appelloient
Chacarasjlefquels eftoient eh grand nombre,^
bien riches.
. Des monafteres des vierges que le dUhle imentâ
fourfonjeirmee.
O M M E la vie rcligieufefdelaquel
le plufieurs feruiteurs & feruantes
de Dieu ont fait profefïion enda
faindc Eglife^aFimitatibn de lefus
Chrift, & de fes fainéts Apoftres)
eftvncchofe fi agteable aüx yeux de la diuinc
Majefté,par laquelle fon faindNom eft tantho-
uoré,5cfon Eglife embellie: Ainlî le Pere de mé-
fongefeft efforcé de l’imiter & contrefaire cri
ccla,voiré corne débattre auec Dieu de lobfer-
üaee 5c aufterité de vie de fes miniftres.il y auoit
au Perü plufieurs thonafterês de vierges ( car
Gg
Histoire natvrelib
d’autre qualité belles n’y cftoient point rccciies)-
& pour le moins y en auoit vn en chaque pro-
uince. Il y auoit en ces monafteres deux for- |
tes de femmes, les vnes anciennes qu’ils appcl-
loient Mamacomas,pour l’inftrudion Sc enfei*-
gnement des ieunes. Et les autres cftoient de
icunes filles deftinées là pour vn certain temps,
puis aptes l’on les droit de là pour leurs Dieux
ou pour l’Ingua. Ils appelloicnt ccûe maifoii
ou monaftere Acllaguagi, qui eftàdire maifon !
de choifies. Chaque monaftere auoit fon Vi-
caire ou gouucrneur nommé Appopain^ca, le-
quel auoit la puiftancc & liberté de choifir
toutes celles qu’il vouloir de quelque qualité ,
qu’elles fuftent,eftans au ddfoubs de huid ans,
fiellesleur fembloient de bonne taille & dif-
pofition. Ces filles.ainfi enferrées dans ces mo-
nafteres cftoient endoétrinées par les Mama-
comas en diuerfes chofes nccelfaires pour la
vie humaine , ôc aux couftumes & ceremonies
de leurs Dieux, & par apres ils les tiroient de
là eftahs au deifus de quatorze ans , ôc les en-
iioy oient en la cour auec bonne garde, vne
paTtie defqnelles cftoient députées, pour feruir
aux G uacas & fan duaires côferuans perpétuel-
lement leur virginité, vncpartiepourlesfacri-
fices ordinaires qu’ils faifoient de pucelles, &
autres l3crificcs extraordinaires quifefaifoient
pour le falut , la mort, ou les guerres de l’ingua,
ôc vne parue mefme pour feruir de femmes
ôc de concubines à l’Ingiia , & à d’autres fiens
parens ôc Capitaines aufquels il les donnoit,
qui leur çftoit vne grande ôc honorable rc- |
DES ÎND ES. LiV. V. 2j4
compenfe : & cc departement fe faifoit par
chacun an. Ces monaftercs auoient & polîè-
doient en propre des héritages , rentes & rc-
uenus pour rentretien, nourriture ôc fuilenta-
tion de ces vierges qui fy eftoient en grand
nombre. Il n’eftoit point licite à vn pere de
faire refus de bailler les filles lors que TAppo-
panaca les demandoit pour les enferrer & met-
tre en CCS monafteres, voire plufieurs ofFroient
leurs filles de leur bonne volonté, leurfeni-
blant que c’eftoit vn grand mérité pour elles
d cftre'facrifiées pour l’Ingua. Si l’on trou-
uoit que quelques vns de ces Mamacomasou
Acllascuftfailly contre fon honneur , c’eftoit
vnineuitable chaftiment de les enterrer toutes
viues, cm de les faire mourir par vn autre genre
de cruel fiipplice. Le diable a eu mefrae en Me-
xique fa façon & maniéré de religieufcs 9 encor
que leur profefîîon ne fuft de plus d’vn an entiet
& eftoit en cefte forte. Au dedans de cc grad cir-
cuitquenous auons<^it cy deftus , qui eftoit au
temple principal,ily.auoit deux maifbns côme
clauftrales visa vis 1 vnedel autrc,l’vned’hom- '
mes ôc l’autre de femmes. En celle des fem-
mes il y auoit feulement des pucelles de dou-
ze a treize ans 5 lefquelles ils appelloicnt les
ülles de penitence. Elles eftoient autant corn-
melcs hommes, viuoient en chafteté & règle
comme pucelles , dediées'au feruicc de leur
Dieu.L exercice quelles auoient eftoit de net-
toyer Sc ballier le temple , Ôc apprefter cha-
que matin à manger à Hdole & à fès miniftres
delaumofne querecueilloientles religieux.
Gg ij
Danitl I4j
Histoire NATVREtiB
La viande qu’ils appreftoienc à Tidolc eftoic
des petits pains en figure demains & depieds^
comme du maire- pain, & appreftoient aucccC
paiiide certaines fiaiilccs qu’ils mettoient cha-
que iour au deuant de l’idole, & fies prcftreslc
mangeoient comme ceux de Baal , que conte
Daniel. Ces filles auoient les cheueux coupez,
' 6c les laifibicnt crdiftre par apres iufqu’à quel-
que temps:elles feleuoient à minuiét aux mati-
nes de l’idole, qu’ils celebroient tous les iours,
faifans les mermes exercices que les religieux.
Ils auoient leurs Abbailtes qui les occupoientà
faire des toiles de diuerfes façons pour l’orne-
ment de leurs idoles & des temples. Leur habit
ordinaire eftoit tout blanc fans aucun ouuragc
nycouleur.Elles faifoient auffi leurs péniten-
ces à minuidl:, fe facrifians en fc blelfans ellcs-
mcrmes,5:re perçans le bout d’enhaut des orcil-
les,& mettans en leurs ioües le fang qu’elles en
tiroient, & par apres fclauoient pour ofter ce
fang en vn petit cftang qui eftoit dedans leur
monaflere.Eiles viuoient en grande honnefte-
té & diferetion : & fil fê trouuoit que quclquV-
ne eutfailly , quoyque ce fuftlegercment, in-
continent elle efioit mife à mort fans remif-
fion, difams qu’elle auoit violé la maifon de leur
Dieu. Ils tenoient pourvu augure & aducrtilfc-
mêt que quelqu Vn de ces religieux ou religieu-
fes auoient fait faute quand ils voyorent palier I
quelque rat ou fouris, ou chauuc fourisenla ;
chappclledeleur idole,ou qu’ils auoient rongé j
quelques voiles : pour ce qu’ils difoient que le j
rat ou chauue- fouris ne fefufi: point hazardé à I
Des Indes. L IV. V. 235
faircvncrcIJc indignité, fl quelque délia: n’euft
précédé, ôc deflors commençoientà faire inqui-
fîtion & recherche du fait, «puis ayant defeou-
uert le délinquant ou délinquante, de quelque
qualité quil fuft,incontinentle faifoientmou-
rir. En ce monallere n’eftoientreceües que les
filles de Ivn des fix quartiers qui eftoient nom-
mez pour ccft eftca,&duroit celle piofeffion,
comme ilaellédit,! elpaced^vn an entier, pen-
dant lequel leurs peres ou elles auoient fait
vœudeferuir l’idole en celle façon, & de là el-
les fortoient pour fe marier. Ces pucelles de
Mexique, & encor plus celles du Peru, auoient
quelque rclfcmblance aucc les vierges Vella-
de Rome, comme racontent les hilloires,
afin que l’on entende comme le diable a eu le
defir dellreferuyde gens qui gardent virgini-
tejnonpas que la nettéluy agrée, car de foy
il ellcfprit immiinde,raais pour le defir qu’il a
d ofter au grand Dieu félon Ibn pouuoir, celle
gloire de feferuir de netteté & intégrité-
P es monajleres de lieli^ieux que ledUhle à mnente\
pour Ufiiperflitien.
Ch AP. XV I.
«’On cognoill alTez par les lettres des
peres de nollre compagnie clcrites
du lappon , le nombre &la multi-
tude des Religieux qu’il y a en ces
proLiinces, lefquels ils Rappellent Boncos , 6c
nicfmc leurs coullumes, fuperftition , & men-
langes. Qi^clques peres qui ont ellé en ces pays
Histoire natv relie
racontent de ces boncos5& religieux delà Chi-
ne,difans^qu’il y en a deplafieurs ordres, & de
diuerfes fortes, que lesvns les vindrent voir ve-
ftus d Vn habit blanc, portails des bonnets, Ôc
les autreSjdVn habit noir, fanscheueux &c fans
^ boniier,&que ces religieux ordinairement font
peu eftiraez, & les Mandarins,ou miniftresde
iufticclcsfouettent comme ils font lcrefte du
pcuple.Ils font profeiîîonde nepoint manger
de chair ,ny depoiflbn , nyde chofe aucune a-
yant vie , ains iculement du ris, 5c des herbes,
mais en fecret ils mangent de tout, 5cfontpi-
res que le commun peuple. Ils difentque les
religieux qui font en la cour , qui eft en Paquin,
font fort cftimez. Les Mandarins vont ordi*^
nairement fc recreerauxNarelles,oumonafte-
res de ces moines , & en ritournent prefquc
toufiours yures.Ces raonafteres font ordinai-
rement hors des villes, 5c ont dedans leur en- |
clos des Temples: Toutesfois ils font pcujeu- |
rieux en la Chine des idoles , ou des temples,
car les Mandarins font peu d’eftat des idoles, ,
&les tiennent pour vue chofe vainc, 5c digne
de rifécjvoire ne croyent pas qu’il y ait autre
vie ny autre Paradis, que d’eftre en office de
Mandarin, ny d’autre enfer, que les prifons
qu’ils donnent aux delinquans. Quant au vul-
guairc, ils difent qu’il eft ncccfrairc de l’entre-
tenir par l’idolatric,comme mefmc lePhilofo- ;
phe l’cnfeigne à fes gouuerneurs. Etaeftécii
l’Efctiture vne exeufe, que donna Aaron, de lido- j
ledu veau qu’il auoitfaiâ: faire. Neantmoins les j
Æfcüd.iï. Chinois ont accouftumé de porter aux pqup- |
DES Indes. Liv.V.
p€sdcleurs nauircs,ende petites chappelcsvne
pucellc en bofTc affife en fa chaire aucc deux
Chinois au dcuant d'elle agenouillez en façon
d’Anges, &y adelalumiereardentedc iour &
de nuic.Et quand ilsdoiuenc faire voile, ils luy
font plufîcurs facrifices, & ceremonieSjauec vn
grand bruit de tambours, & de cloches, ietrans
des papiers bruflans par la pouppe. Venansdôc
^uxReligieuxde ne fçache point que au Pcruil
y ait eu mairon ,proprcd hommes retirez optre
leurs prcftres , Sc forciers,dont y en a vne infini-
lé.Maisç’acftécnMexicquc où ilfemble, que
le Diable ait mis vne propre obferuance: Car
il y aiioit au circuit du grand temple dcuxMo-
naftêres, comme iaydit cy-dcflus, l’vn de pu-
celles,dcquoy i’ay traidé, âc l’autre de ieuncs
hommes reclus de dix-huid à vingt ans , les-
quels ils appelloientReligieuxJls portoient vne
couronne en la tefte comme les frcres de par
deçà, lescheucux vn peu plus longs, qui leujt
tomboientj iniques à moytié de l’oreille, excep-
té que au derrière de la telle , ils les iailfoient
croiftre quatre doigt de large qui leurdefcen-
doient fur les elpaulles,& les troulToient &ac-
commodoient partrclTes. Ces ieunes gens qui
feruoient au Temple de Vitzilipuztli, viwoient
çnpauurctc,5c chafteté, & faifoient l’office de
Leuitcs,adminiftrans aux preftres, Sc dignitez
du Temple, l’encenfoir,le luminaire, & lesye-
ftemens. Ils ballioyent , Sc nettoyoient les
lieux facrez apportans du bois afin qu’il bruf-
laft rouliours, au bralîcr, ou fouyer du Dieu,
qui eftoit corpmevne lampe qui ardoit conti?
H
Histoire ^fATv relie
nullement deuant l’aurel de l’idolç. Outre ces
icunes hommes , il y auoir d autres petits gar-
çons,qui eftoient comme nouices,qui feruoient
auxehofes manuelles, comme eftoie d'accom-
moder le Temple de rameaux, rofes , & ioncs,
donner l’caue à lauer aux preftres, bailler les
rafoirs pour facrifier , & aller aacc ceux qui
demandoient raufmone pour la porter. Tous
ceux cy auoient leurs fupericurs, qui auoient
la charge & le commandement fur eux j & vi-
uoient auec vne telle honnefteté, que quand
ils forroient en public, où il y auoit des femmes,
ils alloient touhours les teftes fort baiirécs, les
yeux en tcrrc,lans les ofer haulTer pour les re-
garderais auoient pour veftement des linceux
de red,5f leur eftoit permis de fortyr par la Ci-
té quatre à quatre,&hx à hx pour aller deman-
der raurnolneaux quartiers. Et quand bonne
leur la donnoit, ils auoient licence daller aux
grains des champs,& cueillir les elpicsdc pain,
ou grapetrcsdeMays,qinls auoient de befoin,
fans que le maiftre en ofaft parler, nylesempe-
feher. Ils auoient cefte licence pour ce qu’ils vi-
uoient pauuremcnt, ôc n’auoicnt autre rcuenu
que l’aufinone. Ils ne pouuoient eftre plus de
cinquantei& s'exerçoient en penitence, ic leuas
à minuit à Tonner des cornets ôc buccines, pour
çfueillcr le peuple. Ils faifoient chacun leur
quart à veiller lidolc, de peur que le feudede-
uât Tautd ne s’eftaignir. Ils adminiftroit en Tcn-
cenfoir,auec lequel les preftres cnccnfoicnt l’i-
dole à minuit, au matin,à midy, &au foir. Ils.c-
ftoient fort fubiets ôc obeiflans à IcuK fupç-
SES INDIS. L I V. V.
rieurs, ôc n outrepalToient pas dVn point ce
qu’ils leur commandoient. E t apres qu à minuit
les preftres auoient acheué d’encenfer, cenxcy
s’en alloient en vn lieu fecret ôc efearté, & facri-
fioient fe tirans du fang des mollets auec des
pointes dures 5c aigues.Et de ce fang qu'ils ti-
roientainJfî ils s’en frottoyent les temples, iuf*
quesaudclTous dclorille, & ayans acheué ces
facrifices ils s’en alloient incontinent fe lauer
en vn petit eftang,deftiné à cet effet. Cçs icuncs
gens ne fe oignoient point d’aucun betum, parla
telle ny par le corps, comme faifoient les pre?
lires , & leurs vellemens eftoient d’vne toile,
qu’ils font là fort rude,& blanche. Cet exerci-
se & afpretc des penitpuces leursduroit vnaii
entier, auquel ils viuoient auec beaucoup d’au-
lleriréj&defolitude. C’efi: à la vérité vne cho-
feefirange,quelafaulfe opinion de religion, a
tant de force à l’endroit de ces ieunes hommes
^filles de Mexique, qu’ils vont feruans le dia-
ble auec tant de rigueur ôc d’aullerité : ce que
plufieurs de nous autres ne faifons pas au ferui-
cc du Très-haut Dieu , quieftvnc grand’hontc
&confulioqpour ceux d’entre les noftres qui
fe glorifient: d’auoir fait vn bien peu de péni-
tence , combien que l’exercice de ces McxiC'^
quains n’cR pas perpétuel, mais d'vn an feule-
ment,ce qui leur eftoit plus tolcrable.
Histoire natvriii.e
Vespnkences^O^âe lUufierité dont les Indiens ont vJ?,
À laperjhajion du Diahle* ^
/ Chap.XVII.
iVifquc nous fommes venus à ce
point il fera bonjtant pour dcfcou-
I urir le maudit orgueil de Satan,c5-
confondre , & rcfucillcr
quelque peu noftrc lafcheté& froi-
deur au feruicc du grand Dieu, que nous difions
quelque chofe des rigueurs^ pénitences eftran-
ges,que celle mifcrable gent failbit parla perfua-
^ non du diablc:comme les fauxProphetes de Ba-
aljquifc bleiroient,& frappoient , auec des lan-
cettes,& fe tiroient du fang, & comme ceux qui
facrifioient leurs fils & filles au fale Belphegor,
P/rf/.i®;. ^ palToientpar le feu, félon que tefmoignct
4.Rc^.2i.^ les diuincslettres. Car Satan a toufiours délire
délire feruy, au grand dommage, &delpcns des
Jiommes.il a elle délia dit, comme les prcllrcs
êc religieux de Mexicqucjfeleuoicnt à minuit,
& ayans encenfe deuant ridolc,commcdigni-
tez du tcmple,ils s’en alloient en vn lieu alfez
large où il y auoit beaucoup de cierges, & là
s’aireoient, Sc prenans chacun vnc pointe de
manguey,qui ell comme vnc alcfne,ou poinçon
aigu, auec lefquellcs , ou auec autres fortes de
lancettes, ou rafoirs, ils fcpeignoient &per-
coient le mollet des iambes,ioignant ros,fe tiras
beaucoup de fang auec lequel ils sbignoientpar
les temples, demettoient tremper ces pointeSjOU
DES Indes. Liv. V. 23g
lancettes, dedans le rcfte du fang, puis apres les
mettoient aux créneaux de la cour fichez en
des globes, ou boulles de paille,! fin que tous
veiflent & cogneudènt la penitence qu’ils fai-
foientpour le peuple. Ils Te laucnt,&ncttoyent
ceiàng, en vn lac député pour cet effet, qu'ils
appellent Ezapangué, qui efl: à dire eaüe de fangi
Et yauoit au Temple vn grand nombre de ces
pointes & lancettes,par- ce qu’ils nepouuoient
faire fèruir vne deux fois. Outre cela ces pre-
ftres religieux faifoient de grands ieufnes,
comme de ieufner cinq ôc dixiours fLiyuants,
deuant quelqu’vne de leurs grandes feftes, Ôc
leur eftoiet ces iours comme noz quatre temps:
il gardoient il eftroiéteraent la continence, que
quelques vns d’eux pour ne tomber en quelque
fcnrualité , fèfendoient les membres virilz par
le milieu, & faifoient mil chofes, pour fc rendre
impuilîàns,afin de n’offenfer point leurs Dieux,
îls ne beuuoicnt point de vin, ôc dormoiént
fort peu, poureeque la plus part de leurs exer-
cices eftoient de nuiét , & com mettoient fur
eux mefines, de grandes cniautcz, femartyn.»
ians pour le Diable, le tout afin qu’ils fuD
fent reputez grands ieufneurs ôc penitens.
Ils auoient accouftumé de fe difeipliner auce
des cordes , pleines de nœuds,& non pas eux
feulement, mais encore le peuple faifoit cefte
macération & fuftigation , en la proceilîon &
fefte, qu’ils faifoient à l’idole Tezcalipuea,
que i’ay dit cy deffus eftre le Dieu de peni-
fence. Car ,alors ils portoient tous à leurs
mains des cordes neufues de fil de mangney.
Histoire natv relie
dVncbrairedelong,auec vn nœud au bout, 8c
d’icclles ils fc fu&gèoyciit s’en donnans dé
^ grands coups par les efpaulles. Les preftrcs
ieiifnoycnt cinq iours fuyuans , anant cefte fc-
ftc , mangeans vue feule fois le iour , & fe tc-
noyent feparez de leurs femmes, fans fortirdu
temple, pendant ces cinq iours fe foüettans ri-
goureufemcnt auec les ordres fufditres. Les
lettres des peres de la compagnie de lefus,
qu'ils ont efcrites des Indes, rraittcnt ample-
ment des pénitences , & excelïiues rigueurs^,
dont vfcnt les Boncos, encor que le tout y ait
cfté fophiftiqué , & qu’il y ait plus d’apparan-
ceque de vérité. AuPeru pour folemnifer la
fefte de l’Yta, qui eftoit grande, tout le peuple
icufnoitdeux iours, durant lefquels ils ne tou-
choyent point à leurs femmes, ny ne man-
gcoient aucune viande auec du fel, & d’ail, ny
ne bcuuoient point de Ghica.Ils vfoient beau-
coup de cefte façon de ieufner, pour certains
pechez, & faifoyent penitence en fe foüettans
aUeedes orties fort afpres. Et tantoft s’entre-
frappansplufieurs coups par les efpaulesd’vne
certaine pierre en quelques endroits. Cefte
gentaueuglée par laperfuafton du Diable, le
rranfportoiteiides Sierres ou montagnes fort
afpres, où quelques fois ils fe fatrifioienreux
mefmesjfcprecipiians du haut en bas de quel-
que haut rocher,qui font toutes embufehes &
tromperies deceluyqui nedeftrericn tant, que
le dommage 8c perdition des hommes.
I
1
î) 1 s I NDES. Lit. V.
1^0
i^esjkcrtjices qi^e les Jndiensfaîfoient A» duUe^ dé
truelles chofes.
Ch AP. XVIII.
•gteM^^’Acftécn l’abondance & diucrfiré
d’offrandes & facrifices, enfeignez
infidelles pour leur idolâtrie,
que Tcnnemy de Dieu & des bora«
mes apliisdcmonffré Ton aftucc &
{àmerchancerc.Etcomme c‘cft vnechofecon-
uenablc,& propre de la religion,de confommer
la iubftance des créatures, au feruicc & à 1 lion-
lieur, du Créateur, qui cft le facrifice: ainfi le pè-
re de menfonge a inuenté de fe faire offrir & fà-
crifier,les créatures de Dieu, comme à rautheur
& feigneur d’iccllcs.Le premier genre dcfàcrifi-
ccs,duquel les hommes ont vfé, a eftéfort^ fim-
ple.Car Cain offrit des fruits delà tejrre, & Abel
du meilleur de fon beftail,ce que firent auffî de-
puis Noe, Abrahpam , & les autres Patriarches,
iufques à ce que cefl: ample cérémonial dû Lcui-
tique,ait cfté donné par Moyfe, auquel il y a tant
de fortes & différences de facrifices, pour diuers
aftaireSjdediueiTes chofcSj&auec diuerfes ccrc-
raonies.Dc la mefme façon il feff contenté, en^
tre quelques nations de leur cnfeigner,qu’ils luy
facrifialîent de cequ’ils auoiét:mais enuers d’au-
tres il a paffe fi outre,en leur donnant vne mul-
titude de couftumeSj&de ceremonies,fur les fà-
Grifîces,& tantd’obferuanccs, quelles fontef-
merudllables. Et femble clairement, que par là ü
Histoire natvrelli
vucille débattre, & s’efgallcràlaloy ancienne,
6c en beaucoup de chofes vfurper Tes propres
ceremonies.Nous pouuons réduire en trois gé-
rés de facrifices tous ceux dont vfent les infidel-
Ics , les vnes des chofes infenfibles, les autres
d’animaux , & les autres d’hommes.lls auoycnt
accouftume au Peru de facrifier du Coca, qui
eft vne herbe qu’ils cftiment beaucoup, & du
mays,quieft leur blcd,des plumes de couleurs,
& du Chaquira , qu’ils appellent autrement
Mollo,des couches ou huiftres de mer,& quel-
ques fois de l’or & de l’argentj qui eftoit aucu-
nes fois en figures de petits animaux. Mefme de
la fine eftophe de Cumbi , du bois taillé,& o-
doriferanc, ôc le plus' ordinairement du fuif
bruflé.Ils faifoient ces offrandes ou facrifices,
pour obtenir des vents propices, 6c vn bon
temps.ou pour lafanté 6c deliurance de quel-
ques dangers, ou malheurs. Au fécond genre,
leur ordinaire facrifice eftoit de Cuyes , qui
font de petits animaux, comme petits connils,
que les Indiens mangent ordinairement. Et en
chofes d’importance , ou quand c’eftoyent
quelques pcrfoimes riches , ils ofFroyent des
Pacos, ou moutons du pays, ras ouvellus, &
prenoyent garde fort curieufement , au nom-
bre,aux couleurs,5< au temps. La façon de tuer
quelconque vidtime , grande ou petite, dont
vfoient les Indiens félon leurs ceremonies an-
ciennes.ellla mefme de laquelle vfent auiour-
d’huy les Mores,qu ils appellent Alquiblé,qui
eft de prendre la befte fur le bras droit, & luy
purner les yeux vers le Soleil, difant certaines
-1
Dis Ind'is^Liv. V, 240
paroles, félon la qualité de la vidime que f on
tue. Car fi elkcftoitdc couleur, les paroles
faddrciroienrauCliuquilla,& Tonnerre, afin
qu’ilny euftdifcrte d’eaux;fi elle cftoit blan-
che & raie, ils 1 ofïroient au Soleil auec ecrtai-
nesparoles, fi elle eftoit velue, ils l’ofFroycnt
auflî auec d’autres, afin qu’il donnaft fa luinic-
re,&fuft propice à la génération :Jïc eftoitvii
Guanaco, qui eft de couleur grife , ilsaddref-
foy cnr le facrifice au V iracocha. Au Cufco Ion
tuoic &lacrifioit chacun an , auec ccfte cerc-
monie,vn mouton ras au Soleil, & le brufioyent
vcftu dVne chcmifolle rouge , & lors' qu’il
brufloit,ilsiettoycn taufeu certains petits pan-
niersdcCoca , quilsappelloient Vilcaronca,
pour lequel facrifice ils auoient^es hommes
députez ôc du beftail , qui ne feruoit à autre
chole.Ils lacrifioyent mefinc des petits oifeaux,
encor que cela ne fuft pas fi frequent au Peru,
comme en Mexique, où le facrifice des cailles
cftoit fort ordinaire. Ceux du Peru facrifioient
des oifeauxdela Puna, ( ainfi appellent ils le
defert ) quand ils déuoyent aller à la guerre
pourfairediminuer les forces des Guacas de
leurs contraires. Ils appelloyent ces. laerificês
Cuzcouicça , ou Conteuieça, ou Huallaiiicça,
ouSopauieça, ôc le faifoyent en ccfte forme.
Ilsprenoient pliifieurs fortes de petits oifeaux
du defert, & afiembloient beaucoup d’vn bois
efpincux,qu’ils appellent Yanlli, Icqpel eftanc
allumé,aflèmbloyenr ces petits oifeaux. Cetaf-
fcmblemcnteftoitappellé Quico, puis les ier-
tmentau feu, autour duquel alloycm les oÿ-
Histoire NÂTVREitE
ciers du (acnficc , àuec certaines pierres ron-
des & cottellces , ou eftoient peintes plufîeurâ
couleuureSjlionSjCrapaux, & tigres, proferans
GemotVfachiim, qui fignifiekvidoire nous
foitdonnée,& autres paroles. Enquoÿ ils di-
(oyent que les forces de Guacas de leurs enne-
mis fc perdoienc , & tiroyent certains mou-
tons noirs , qui eftoyent en prifon quelques
iours fans manger , lefquels ils appelloient
Vrca,& en les tuans,difoyent ces paroles, com-
me les cœurs de ces animaux lontafFoiblis,
ainfi foyent affoiblis nos contraires : que fils
Voyoienrt en ces moutons, quVne certaine chair ■
qui eftoit derrierre le coeur,ne fe fuft point con- i
iommée par les ieufnes & prifons palTees, ils les
tenoyent pour vn mauuais augure, ils ame- i
noyent certains chiens noirs , qu’ils appel- |
loient Appuro$,5destuoient , les iettans en |
Vnc pleine auec certaines ceremonies, faifans
manger celle chair à quelques fortes d hom- |
mes, lefquels facrifices ils faifoyent , de peur
queflngua nefuftofFenféauecdu poifon , &
pour cet effet ils icufnoycnt depuis le matin
iufques au leuer des eftoilles . Sc lors ils fe
faoulloyent ôc fe honnilToyent à la façon des ^
Mores. Ce facrifice leur eftoit le plus conue-
nable, pour foppofer aux Dieux de leurs con-
traires, & combien quepourlciourd’huy vnc
grand’ partie de ces couftumes ayent cclféjlcs j
guerres ayans prins fin, toutesfois il en cft de- !
meuré encor quelques reftes, pour l’occafiort
des difputcs particulières ou communes des
Indiens, ou des Caciques, ou d’entre les villes,
/ llî
DES Indes. Lit. V. 241
Ils fàcrîfîoycnt Ôc ofFroyent auffi des conches
de la mcr,qu’ils appellent Mollo , &les ofFroict
aux fontaines ôc fources , dilàns que les cou-
ches eftôiéc filles delà mer, mere de toutes les
eaux. Ils donnent à CCS conches des noms dif-
fercnsj félon la couleur , &fenferuent aufîîà
diuerfes fins. Ils en vfent prefque en toutes
fortes de facrifices , ôc encor auiourd huy quel-
ques vns mettent des conches pillees dedans’
leur Chica , par fuperftition. Finalement il
leur fembloit conuenable d offrir facrifices de
tout ce qu’ils feraoyent& efleuoient.il y auoit
des Indiens députez pour faire ces facrifices,
aux fontaines, fources ôc ruiffeaux , quipafîôiêt
par les villes , ou par leurs Chacras , qui font
leurs meftairies , ôc les faifoyent , apres auoir
acheuc leurs femailles , afin qu’ils ne ceflaffent
de courir, ôc qu’ils arroufaflent toufiours' leurs
héritages. Les forciers ietroyent leur fort pour
cognoiftrele temps auquel les facrifices fe de-
uoyent faire, lefqnelseftanîf achetiez, l’on af-
fembloit de la contribution du peuple , ce que
l’ondeiioicfacrifier, Ôc les bailloit^oi/à ceux
qui auoyent la charge de faire ces facrifices. Ils
les faifoyent au commencement de fHyucr,
qui eftlors que les fontaines, fources, ôc riuic-
res croiffentpour fhumidité du temps, Sc eux
Fattribuoyent à leurs facrifices. Ils ne facri-
fioyent point aux fontaines Ôc fources des de-
ferts.Auiourd’huy demeure encor entre eux le
refpedt qu’ils auoyent aux fontaines, fources,
cftangs,ruiflèaux,ouriuieres, quipaffentpar les
villes, & Chacras, mefuesaufli aux fontaines ôc
Hh
HtSTOIr’ê N ATVRELLE
rinieres des defers. Ils font particulière reuc-
rence & vénération à la rencontre de deux ri-
uieres,&làfe lauent pour lafanré , f'oignanç
premièrement aucc de la farine de mays , ou
auec autres chofes, en y adiouftant diuerfes ce-
remonies,ce qu’ils font mefmc en leurs baings.
Dei ficrijîcei d'hommes qtitlsfaifèjient.
Ch AP. XIX.
A plus pitoyable mefauanture de ce
pauurc peuple , cft le valfcllage qu’ils
payoient au diable, luy facrifiant des i
hommcs,qui font les images deDieu,
& ont efté creez pour iouyr de Dieu. En beau- i
coup de nations ' ils auoyent accouftumé de
tuer, pour accompagner les deffundts, comme
aeftédit cy delTus , les perfonnes qui 'leur c-
Ifoycnt les plus aggreablcs , & de qui ils imagi-
noyent qu’ils fe pourroyent mieux fernir en
l’autre monde. Outre cefte occafion , ils a-
uoyent accouftumé au Peru , de facrifier des
enfans de quatre ou fix ans , iufques à dix , & la
plus part de ces facrificcs , eftoient pour les af-
faires qui importoyent àringua,commc en Tes
maladies , pour luy enuoyer fanté , raefme
quand il alloit en guerre, pour la vi(ftoire , &
quand ils donnoyent au nouueau Ingua , le
bourrellet,quieftl’en(eigne du Roy , comme
font icy le feeptre &la couronne. En cefte fo- I
Icnmité , ils facrifioyent le nombre de deux |
cens enfans de quatre à dix ans , qui cftoit vn |
DES Indes. V. Liv. 242
cruel Sc inhuma^in fpedacle. La façon de les fa-
crifier eftoitdeles noyer & enterrer auec cer-
taines reprefentations & ceremonies , tantoil
ils leur couppoyent la telle , & f'oignoyenc
auec leur fang , d’vnc oreille en l’autre. Ils fa-
crifioyentmefmedcsfîlles,du nombre de cel-
les qu’on amenoit à l’fngua , des monafteres
donti’ay traitté cy deffüs. Il y auoiten ce cas
vn abus fort grand ôc fort general , qui eftoit
que fi quelque Indien qualifié , ou du vulgaire,
eftoit malade , &le deuin luy diloit que pour
certain il deuoit mourir , ils facrifioyent au So-
leil, ou au Viracocha, Ion fils, le prians de le
contenter d’iccluy , ^ & qu’il ne vouluft ofter
la vie au pere. Oeft vne femblable cruauté à
celle que rapporte l’Efcriture , dont via le
Roy de Moab , en facrifiant Ibn fils premier ne '
fur la muraille, àla veue de ceux d’Ifrael, auf-
quels cet aéle lèmbla fi trille, qu’ils ne voulu-
rent pas le preflerd’auantage , & ainfi ftèn re-
tournèrent en leurs maifons. L’Eferiture ra- -r
conte aufti le mefme genre de facrifice auoir ]
elle en vlàge , entre les nations barbares des
Cananeans & lebufeans , les autres dont
cCcmle\mi:e de Sapience. Ils appellent paix de vi^ ^
ure en jî grands rnnux^ ♦ comme de facrifier
leurs propres fils , ou défaire dUutresfitcnfices cache7y
ou de veiller toute U nmflfaifans aBesdefiols, ^ ainfi
ils ne gardent point netteté en leur vie , ny en leurs ma-
riages^ais Ivnpar enuie ofie la vie à l’autre , l'autre
luy oHe fa femme CT fin contentement, CT tout y efi en
confrfionde fang J' homicide, le larcin, la tromperie
U çorruptmfi infidélité des feditms, les panure mets Us
Hh ij
JP fa!. 10 5.
Histoire natvreliê
mutujenesJ, oubliace de JDieuJa cotammation desdmes^
le changement defexe^i^ denatjfance/mconjlancedes
mariages, le defordre de l’ adultéré, çy- ordure. Carbide-
latrie cjl vn ahifme de tom maux. Le {a^e dit cela de
ces peuples, defqiiels Dauidfeplainr, que ceux
d’Ifraelapprindrent telles couftumes , iufques
à facrifier leurs fils &: filles au diable. Ce queia-
mais Dieu n’a voulu, & neluy a point efté ag-
greable.Car comme il a efté aurheur de la vic,&
qu’il a fait toutes ces autres chofes pour la com-
modité de l’homme, il ne fcplaift point que les
hommes Foftent la vie les vns aux autres. Bien
que le Seigneur ait approuué acceptéla vo-
lonté du fidelle Patriarche Abraham, il ne con-
fentit pas pourtant au fait, qniefioitde couper
la telle à Ton fils. Enqiioy l’onvoitla malice &
tyrannie du diable, qui a voulu en cela furpalîèr
Dieu,prenant plaifir d’eftre adoré auec efFufion
de fang humain , &procurantpar ce moyen la
perdition des aines & des corps enfemblc, pour
la haine enragée qu’il porte à l’homme,comme
fon cruel aduerfaire.
Des horrih^es facrijices d'hommes, dont vfyent les
MexiquamSé
Chap. XX.
AçoitqueceuxduPcru ayentfur-
palïe ceux de Mexique en l’occifio
ôc facrifice de leurs enfans , ( car ic
n’ay point leu ny entendu , que les
Mexiquains vralPent de tels facrifi-
DES Indes. L IV. V, 243
ccs)coutesfoisceiix de Mexique les ont furpaf-
fez, voire routes les nations du mondcjau grand
nombre d’hommes qu’ils racrifioient , en la
façon horrible qu’ils le faifoient.Er afin que l’on
voyele grand malheur enquoy le diable tenoic
ce peuple aucuglé,ic raconteray par le menu IV-
fage & façon inhumaine qufils auoient en cela.
Prctnieremenc les hommes qu’ils facrifioyent,
eftoyentprinsen guerre. Et ne faifoienc point
ces folemnels faetifices, fi ce n’ciloit de cap-
tifs, de forte qiiil fi:mble qu’en cela ils ont
fuyuile ftile des anciens. Car félon que veu-
lent dire certains Autheurs , pour celle occa-
fion ils appelioyent le facrifîce viEiimA, d au-
tant que c’cfioit de chofe vaincue : comme
mefme ils happelioyent hofim cjmfi hofic , pour
ce que c’eftoit vne offrande faite de leurs en-
nemis , côbien que l’on ait accommodé ce mot
à toutes fortes de facrifices. A la vérité les Me-
xiquains ne facrifioyent point à leurs idoles
queleurs captifs , & n’eftoyent les ordinaires
guerres qu’ils faifoyent , que pour auoir des
captifs pour les facrifices. C’eft pourquoy
quand Ip vns & les autres fe battoyent , ils
tafchoycntdc prendre vifs leurs contraires, &
de ne les tuer point, pourioliyr de leurs facri-
fices. Etceftefurlaraifon que donna Motccu-
ma au Marquis du V al , quand il luy demanda,
pourquoy eftant fi puifianr , & ayanr conquefié
tant de Royaumes ,il n’auoit pas fubiugué la
prouincedeTla{calla,quiefi:oitfiproche,Mo-
tçcumarefponditàcela, que pour deux cauRs,
Hh jij
Histoire natvrelle
iln’auoitpas conqucfté ccftcprouincc, com-
bien qu’il luyeuft eftc fi facile fil l’euft voulu
entreprendre : l’vne pour auoir enquoy exer-
cer laieuncfie Mexiquaine, depeur qu’elle ne
fè nourrift en oifiuetc ôc delicatefie : l’autre
& principale, qu’il auoit referué celle prouin-
ce, pour auoir d’où tirer des captifs pourfacri-
fier à leurs Dieux. La façon dont ils vfoient en
ces facrificcs cftoit qu’ils alTembloient en celle
pallilïàde de telles de morts, quia cllé ditte cy
deffus, ceux qui deuoientellrefacrifiez, ôc fai-
foitronaueceuxaupiedde celle pallilîade vne i
ceremonie, qui elloit qu’ils les mettoienttous
arrangez au pied de celle pallilTàdc auec beau- * ^
coup d’hommes de garde qui les entouroient.
Incontinent fortoitvn prellre vellu dVne au-
be courte /pleine de flocquons ou houpettes
par le bas , ôc defeendoit du haut du temple
auec vne idole faide de pâlie de bled ôc mays
amalTé auec du miel , qui auoit les yeux de
grains de voirre vert , ôc les dens de grains de
maysi, 6c defeendoit auec toute la viftelTc qu’il
poLiupit les degrez du temple en bas : demon-
toit par delîiîs vne grande pierre qui elloit fi-
chée en vne fort haute terralfe au milieu de la
cour. Celle pierre fappelloit Quauxicalli, qui
veut dire la pierre de l’Aigle , ôc y montoit le
prellre par vn petit efcallicr qui elloit au dé-
liant de la terralfe, 6c defeendoit par vn autre |
qui elloit en fautre collé, toufiours embralïànt 1
fon idole. Puis môtoit au lieu où elloicnt ceux
quel'ondeuoit facrifier , 6c depuis vn bout
iufqiics à l’aqtre alloit monllrant celle idole à
DES Indes. Lîv. V. 144
vn chacun d’eux en particulicrjeur difant , Ce-
ftuyeft vofti-e Dieu. Et en acheuant de mon-
ftrer defeendoie par l’autie cofté des degrez,
& tous ceux qui deuoient mourir fen alloienc
en procdïïon iufques au lieu où ils deuoient
cftre facrifiez , & là trouuoient appreftez les
miniftres qui les deuoient facrifier. La façon
ordinaire de facrifier eftoit d’ouurir leftomac
à celuy qu’ils facrifioient, apres luy auoir tiré
le cœur encor à demy vif, ils iéttoienc Ihom-
me & le faifoient rouler par les degrez du tem-
ple , lefqiicls eftoient tous baignez & fouillez
de ce fang.Et à fin de le faire entendre plus par-
ticulièrement, fix Sacrificateurs conftituez en
cefte dignité/ortoient au lieu du facrifice , qua-
tre pour tenir les mains & les pieds de celuy
qued’on deqoit facrifier : l’autre pour tenir la
tefie,&l’autfeponrouurir l’eftomach , ôc tirer
le cœur du facrifié. Ils appelloient ceux-là Clia-
chalmua, qui en noftrc langage vaut autant que
miniftrede chofcfacréc. C'eftoit vue dignité
fuprefme & beaucoup cftirace entr’eux , où foii
heritoit Ôc fuccedoit comme en vne chofe de
mayorafqueoufief. Leminiftrequi auoit l’of-
fice de tuer , qui eftoit le fixiefme d’icciix , eftoit
cftimé& honoré comme fouiicrain preftre Sc
Pontife, le nom duquel eftoit different, félon
la différence des temps & fqlcmnitez. Toutde
mefme eftoient leurs habits differens quand
iisfortoientà excercer leur office , félon la di-
uerfité de temps. Le nom de leur dignité eftoit
Papa ôc Topilzin , leur habit & robe eftoit vne
courtine rouge en façon de Dalmatique auec
H h iiij
H I ST O I RE N A TV R E IL E
des hoüpes au bas , vue couronne de riches
plumes verdes , blanches ôc iaulnes fur la te-
Ite, & aux oreilles comme des pcndans d or,
aufquels y auoit des pierres vertes cnchalTées,
êc au deiïbubs de la leure ioignanc le milieu
de la barbe auoit vne picce comme vn petit
canon dVnc pierre azurée. Ces (ix facrifica-
teurs venoient les vifages ôc les mains ointes
d'vn noir fort luifant. Les cinq autres auoienc
vne cheuelure fort crefpuc ôc entortillée auec
des liiets de cuir , deiquels ils font ceints par
le milieu de la telle 5 &portansau front de pe-
tites rondelles de papier peintes de diuerfcs
couleurs, ôc elloientvellusd vneDalmatique
blanche ouuree de noir. Ils reprelèntoicnt
aueccell ornement , la mefme figure du dia-
ble: de forte que cela donnoit crainte & tre-r
meur a tout le peuple de les voir fortir auec
vne fi horrible reprelèntation. Le louuerain
preftre portoit en la main vn grand coufteau
d vn caillou fort large ôc aigu , vn autre prcltre
portoit vn collier de bois, ouuré en façon d’v-
necouleuure, Tousfixfe mettoienten ordre
joignant celle pierre pyramidalle, de laquelle
i ay parlé cy deuant , ellant vis à vis de la por-
te de la chappelle de Fidole. Celle pierre elloit
fi pointue, quebhomme qui deuoitellre facri-
fié, ellant couckédelTusàiarenuerfe,feplyoit
de telle façon qu’en luy laifiant feulement tom-
ber le coufleau fur l’efiomach , fort facilement
il fouuroit par le milieu. Apres que ces facrifi-
cateurs elloient mis en ordre. Ion droit tous
ceux qui auoient cllé prins és guerres, lelqueis
desInd ES. Liy. V. ±At
dcuoicntcftrefacrifiez encèftefeftc. Eteftans
fort accompagnez d'hommes pour la garde ôc
tousnudsj Ion les faifoic monter de ran^ ces
larges degrez au lieu où choient appareillez
les mmiftres : & comme chacun d'yeux venoit
en Ton ordre, les fix Sacrificateurs le prenoient
1 vn par vn pied, l'autre par vn autre : IVn par
vnemain, & l’autrepar l'autre, & le iettoient
à la renucrle fur celle pierre pointue , où le
cmquiermcdeces miniftres luy mettoitlc col-
lier de bois au col, & le grand prehre luy ou-
uroitl'eltomachauec le coufteaud'vne efiran
ge promptitude & Icgercté , luy arrachant le
cœur auec les mains , 3c le monftroit ainli fu-
mant au Soleil, à qui il ofFroit celle chaleur &
fumce de cœur , & incontinent fe tournoit
verslidole.&luytettoitau vilage, puis ils iet.
toient le corps du facrilîé , le roulant par les
degrezdu temple fortfacilement, pour ceque
la pierre eftoit mifefi proche des dearez qu’il
n’y auoit pas deux pieds d’efpace entrfla pierre
& le premier degré : de forte que d’vu feul coup
de pied ils iettoient les corps du haut en bas.
De celle façon ils facrifioient vn à vn tons
ceux qui y clloicnt deftinez , & apres qu’ils
elloient morts , & que l’on auoit ietté les corps
en bas, leurs maillres ou ceux quiles auoient
prinsles alloicnt relcuer, &lcs emportoient,
puis apres les ayans départis entre eux ils les
mangeoient celebrans leur fcfte& folemnité.
Il yauoittoufiourspourlemoinsqiiarante où
cinquante de ces facrificz,pource qu’il y auoit
deshommes tore adroitsàles.prendre.Les na-
Histoire natvrelle
dons circonuoifines en faifoient autat , imitans
les Mexiejuains en leurs couftumes & ceremo-
nies fur le feruice des Dieux,
Dvne antre Jèrte de facr^ces d'hommes ^d^ntvjôient la
Mexn^iutrss.
Ch AP. XXL
L y auoit vue autre forte de fàcrificcs
P qu ils faifoient en diuerfes fcftes,lef-
^^‘‘quelsilsappelloiêt Racaxipe V eliz- ^
W: tli,qui eft autant qu'efcorchemêt de |
perfonnes.L’on 1 appelle ainfi,pourcequ en cer- ^
taines feftes ils prenoient vn pu plufieurs efcla- i
ues, félon le nombre qu ils vouloiêt, & apres l’a- |
uoir elcorché en reueftoient de la peau vn |
homme qui cftoit député à ccft eflfe6t. Ceftuy- i
là f en alloit par toutes les maifons & marchez I
de la Cité , dançant & ballant , & luy deuoienc- i
tous offi-ir quelque chofe , & fi quelqu vn ne
luy ofFroit rien j il le frappoit d’vn coing de la
peau au vifage , le fouillant de ce fang fige qui
y eftoic. Celle inuention duroit iufqucs à ce
que le cuir fecorrompift, pendant lequel temps
ceux qui alloicnt ainfi allembloient beaucoup j
d’aumolnes qu’ils employent aux chofes nc-
celTaires pour le feruice de leurs Dieux. En
beaucoup de ces feftes ils faifoient yn deffy
entre ccluy qui facrifioit, & ccluy qui deuoic
eftre facrifié , en celle forme. Ils attachoient
l’efclaiie par vn pied à vne grande roue de pier^
DES Indes. Liv. V. 24^
rc , & luy bailloien t vne efpée & vue rondel-
le aux mains afin qii il fe defFendift : Sc fortoit
incontinent celuy qui le deuoit faenfier armé
d vne autre efpée & rondelle : que fi. celuy qui
deuoit eftre facrifie fe defFendoit vaillamment
contre 1 autre J & l’empefehoit , il demeuroit
exempt Sc deliuré du facrifice , acquérant le
nom de Capitaine fameux, & comme tel eftoit
du depuis entendu : mais fil eftoit vaincu ils le
facrifioient en la mefme pierre où il eftoit at-
tache. C eftoit vn autre genre de facrifice
quand ils dedioient quelque efclaue pour eftre
lareprelentationdcridole, &dilbient quec’e-
ftoit fa relîemblance.Ils donnoient aux preftres
par chacun an vn efclaue, à fin qu’il n'y euft
iamais fau-tedb la femblance vifue de l’idole. E t
incontinent qu il entroiten 1 office apres qu'il
eftoit bien laué ils Icveftoicntde tous les habits
Sc ornemens de l’idole, luy donnans fou mefme
nom. il eftoit toute l’année reueré& honoré
comme le mefme idole , Sc auoit toufiours auec
luy douze hommes de garde, de peur qu'il ne
s’enfuift, auec laquelle garde l’on lelaiftbit aller
librement,où il vouloir; Sc fid'auanturcils’en-'
fuioit,le chefde la garde eftoit mis enfon lieu,
pour reprefenter l’idole,& apres eftre facrifié.
Cet Indié auoit le plus honorable logis de tout
le temple, où il mangeoit Sc beuuoit , Sc où tous
les principaux le venoient feruir & honorer;
luy appor tans à manger, auec l’ordre Sc appareil
que Ton fait aux grands. Quand il fortoit parmy
les rues de la Cité, il alloit fort accompagné
defeigneurs,&portoit vne petite flufte enU
Histoire N AT VREL LE
main, qu’il touchoit de fois à autre , pour faire
entendre qu’il palïbit. Et incontinent les fem-
mes fortoientauec leurs petits enfansen leurs
bras , & les luy prefentoient , le falüans comme
Dieu. T out le relie du peuple en faifoit autan tj
llslemettoientdenuiten vne forte prifon,ou
cagCjde peur qu’il ne fen allait , iufques à ce que
arriuantlafelle,ilslc lacrifioient , comme iay
dit cy delfus. Par ces façons , & beaucoup d’au-
tres le Diable abufoit , ôc entretenoit ces pan-
ures raifcrables , & elloir telle la multitude de
ceux , qui eftoient facrifiez par celle infernallç
cruauté , qu’il femble que ce foit chofe incroya-
ble: Car ils afferment, qu’il y en auoit quelques j
fois plus de cinq mil, & que tcliour s’ell palfe,
qu’ils en ont facrifié plus de vingt mil, en diuers
endroits. Le diable vfoit , pour entretenir celle
tuerie d hommes , d’ vne plaifante & cllrange
inucntion,quielloit,que quand il plaifoit aux
prellres de Satan , ils alloient aux Roy s, & leur
declaroient comme leurs dieux fe mouroient
de faim,& qu’ils eulTent mémoire d’eux. Incon'*
tinent les Roys fappareilloient, & aduertif-
foicntlesvnslcsautres, que les dieux deman-
doieiiE à manger, partant qu’ils commandalicnt
au peuple, de fe tenir prcll à venir à la guerre , &
ainlî le peuple alTemblé , 8c les compagnies or-
données ils fortoient aux champs , où ils alTem-
bloiét leur armée,& route leur difpute Sc com-
bat,elloit de fe prendre les vus les autres pour
facrifier, tafehans de fe faire paroillrcrant d’vn .
collé que d’autre, en amenant le plus de captifs ;
pour le facrifice , tellement qu’en çcs batailles, ;
Des Indes. Liv. V.
ils tafchoient plus à fentre-prédre, qu a f’entrc-^
tuer , pource que tout leur but eftoit d’amener
des hômésvifs,pour dôner à manger à leurs îdo-
leSjqui eftoit la façon^par laquelle ils apportoi-
ent les vidimes à leurs Dieux;E t doit on fçauoir
que iamais Roy n eftoit couronné , qu’au preal-
lableiln cuftfubiugue quelque prouince de la-
quelle il amenaft vn grand nombre de captifs,
pourjes {àcrifices de leurs dieux^&ainfi par tous
moyes,c eftoit chofc infinie,que le fang humain
que l’on efpandoit en l’honneur de Satan.
Comme défia les Jndtens efioient ne pon~
mient fins fioHjfrtr U cruauté de leurs dieux.
Chap. xxir.
;
tSj^^Lufteurs de ces barbares eftoient déf-
Ulîez & ennuyez d’vne Ci exceffiuc
^^^^cruauté,à efpâdre tant de fang d hom-»
mes, & du tribut fi ennuyeux d’eftre
toufioursenpeinedegaignerdes captifs, pour
la nourriture de leurs Dieux , leur femblant vne
chofeinfupportable. Etneantmoinsils nelaif-
foient de fuyure & exécuter leurs rigoureufes
loix,pour la grand crainte qucles miniftres des
idoles leur donnoient deleurcofté, & par les
rufes auec Icfquelles ils tenoientee peuple en
erreur j Mais enl’interieur ils defîroient allez,
defe voir libres d vne fi pezante charge. Etfuft
vnegrandeprouidêccde Dicu,que les premiers.
Histoire nàtvreile
qui leur donnèrent la cognoilïàncc de la loÿ
de Chrifl: , les trouua(Tcnt en celle difpolîtion:
pourcc que fans doute, ce leur fembla vne bon-
ne loy , & vn bon Dieu , qui vouloir cftre feruy i
deceftefaçon.Sur ce propos me con toit vn re- 1
ligieuxgraue en la neufue Elpagne , que quand :
il fut en ce royaume il auoir demandé à vn an-
cien Indien,hommc de qualité , comment les
Indiens auoient li toft receu la loy de lefus-
Chriftj&laiirélaleur , lans faire d’auanrage de
preiluejd’eflTayjny de dilpnte furicelle J car il
lémbloit qu’ils felloienr changez fans y auoir :
ellé crmeuspasraironfufîîranre, L’Indien ref-
pondit,ne croy point pere , que nous prenions '
fünconfderement laloy de Chrift, comme tu :
dis,pourccqueierapprens , que nous cftions |
defalaifez, & mefcontens des chofes que les |
idoles nous commandoient , & que nous auios |
défia parlé d*ç les lailfer , & de prendre vne au- |
trc.loy. Et comme nous trouuafmes que celle
que vous nous prefchiez , n’auoit point de cru -
aurez, & qu’elle nous eftoit fort conuenable,
iufte,& bonne,nous entendifmes , & creufmes,
que c eftoit la vraye loy , & ainfi nous la re-
ceufmes fort volontairement. La rcfponce de |
ceft Indien s’accorde bien auec ce que l’on lift ,
aux premiers difeours que Hernand Cortès j
enuoyaà l’Empereur Charles le quint, où il ra-
conte, que apres auoir conqueftéla Cité de j
Mexicque, eftant en Cuyoacan , luy vindrent ,
des ambalfadeurs de la rcpublicquc Sc prouincc j
ce de Mechoacan , demandas qu’il leur enuoiaft !
/a loy,Ôc qu’il la leur apprift & fift entedre, pour |
DïSiKDISi LiV. V. 24g
mirant qa’ils prctcndoienr de lailTer la leur , ’
ne leur fcmbloit pas bonne , ce que leur accor-
da Cortès , & auiourd’huy font les meilleurs
Indiens,& plus vrais Chreftiens qui foienr en la
neufueEfpagne. LesErpagnols qui virent ces
cruels facrifices d hommes , fe déterminèrent
d employer toute leur puilTance, àdeftruirevn
Il deteftabe,& maudit carnage d’hommes, ôc
dautanrplusqu ils veirentvnfoir deuant leurs
yeux faCrifier,roixante,ou foixante& dix foldats
Elpagnols , qui auoient cftéprins en vne batail-
le , qui fe donna fur la conquefte de Mexicque,
&vncautrefôis trouucrent eferit de charbon,
en vne ehambre en T czcufco , ces mots , Icyfufi
fn[onnier,vntelmdheMrem,auecfes cempaamns.me
ceuxdeTeXmfcofacr'tJîerem. Iladuint mefmeàcc
propos, vn cas fort eftrange , & neantmoins vé-
ritable, ayant efte rapporté par perfonnes di-
gnesdefoy, &futqucles Efpagnols regardans
vnlpeébaclede ces facrifices, & comme ils
uoient ouiicrt & tiré le cœur à vn ieune homme
^ort dilpos, l’ayant ietté , & fai t rouleur du haut
en bas de degréz comme eftoit leur couftume
quand il vint en bas dit aux Efpagnolsen fa
angue,Cheualliersils m’ont tué, cequiefmeut
grandement les noftres d’horreur, & de pitié.
Et n’cft point chofe incroyable, que ceftuy là,
ayantlecœur arrache, air peu parler , attendu
que Galien raconte qu’il efl: arriué . plufieurs
fois aux facrifices des animaux , apres leur auoir
tire le cœur & ietté furl’autel , que les animaux ^ ^
rclpiroient, voire bramoient Sc cryoient hau-
tement, mefme couroieiit quelque temps. -Laif.
Histoire natvrelle ^ ,
fans maintenant cefte queftion , comme il foit |
poflible que cela puilFe eftrc par nature ,ie pour i
fuiuraymon intention, qui eft de fairevoir,com- i
bien ces barbares abhorroient défia cefte infup-
portable feruitude , qu’ils auoient à l’homicide
infernalj&combiengrandeacfté la mifericor-
de que le Seigneur leur a faidte, en leur commu-
nicquant fa loy, douce, & du tout aggreabif .
Comme le dUUes'efiejfor^é d'enfùyure ^ de contre^ ^
crements,que lefus Chrift,noftre Seigneur a in- j
ftitucz,&dcfquels vfe la fainaeEglire,ayant fpc- ,
ciaîlement prétendu imiter,en quelque façon le
facrement de communion, ( qui eft le plus haut, j
&lcplusdiuindetous)pour le grand erreur des i
infidellesquiy procedoiêtdecefte maniéré. Au |
premier moys qu’au Peru ils appellent Ray mcôc
refpond à noftre Décembre , fe faifoit vnc tres-
follemnelle fefte,appcllée Capacrayme, &en
icelle fe taifoient beaucoup de facrifices , & ce-
remonie, qui duroient plufieurs iours , pendant
lefqiiels nul forain, ou eftranger nefc pouuoic
Ch A P. XX V.
E qui eft lé plus efmerueillable de
benuie&prefomptiondeSatâjCft j
/i qu'il ait contrefait non feulement j
^en ridolatrie&facrificcs,maisauf- !
encertainesceremonies,nozSa- ^
crouuer
DES Indes. Liv. V. 14^
trouüer en la cour, qui eftoiten Cufco. Ces
îours eftams pallèz,ils donnoient congé&licen-
ce aux eftrangers d’entrcr,afîn qu'ils participâf-
fent à la fefte,& auxfacriËceSjIeur communiant
en cefte formc.Les Mamacomas du Soleil, qui
eftoienr comme reîigieufes du Solcil/aifoiêt dé
petits pains de farine de Mays, teinte ôc paiftrie
auec le fang des moutons Macs qu’ils facrifioiêt
cciourlà, incontinent ils commandoientque
tous les forains des prouinces entraflet, lefquels
fe metroient en ordre, ôc les preftres qui cftoict
de certain lignage, defeendans de Liuquiyupan-
gui,donnoientà chacun vn morceau de ces pe-
tits pains,leurdilanrs qu’ils leur donnoient ces
morceaux,afîn qu’ils fuflènt confederez, & vnis
auec l'Ingua, & qu’ils les aduilbient, qu’ils ne
difibnt ny penfàlTent, mal contre Fingua , mais
qu’ils luy portaiîcnt toüfiours bonne affeétion^
pourcc que ce morceau feroit tefmoing de leur
intention, 3c volonté , que fils ne faifoient ce
quils dcbüoient, il les dclconuriroit, &fèroic
con tre eux. L’on portoit ces petits pains en de
grands plats d’or, &d ’argent,quieftoitdcftinez
pour cet efîer,& tous rcceuoicnt,& mangoient
CCS morceaux rcmerciâns infiniment le Soleil
d’vne fi grande grâce qu’il leur faifoir, difans des
paroilcs, Sc faifans des fignes d’vn grand conte-
tement&dcUotionrProtcftans qu’en leur vic,ils
ne feroient, ny penferoient chofe contre le So-
leil, ny contre l’Ingua, & qu’auec cefte côditioii
ils rcceuoient ce manger du Soleil , & que ce
manger demeüreroit en leurs corps, pour tef-
Hîoignagc de la fidelité qu’ils gardoient au So-
li
Histoire natvrelle
Icilj&àl’lngüaleurRoy. Ccfte façon de com- |
munier diaboliquement fc faifoit mefmc au di- |
xiefmc mois appelle Coyarayme,qui cftoit Sep-
tembre, eu la feftefollemnelle,qu’ils appellent
Cy tua/aifant la mefme ceremonic,& outre ce- ‘
fte communion, ( f il eft permis d vfer de ce mot,
en chofe diabolique' qu ils failoienr à tous ceux
qui venoient de dehorsdls enuoioiét aufli de ces
pains, en to^ les guacas,fan61:uaires ou idoles de r
toutleroiaume,& tout en vn mefme temps f’y
trouuoient des perfonnes de tous coftcz,qui^-
noient exprès pour les rcccuoir, aufquels ilsdi-
foient en leur baillât,que le Soleil leur enuoioit
cela en ligne qu’il vouloir que to^ le vcnerallcnt
&honora(Tent,& en enuoioiét mefme par hon-
neur aux Caciques. QuelquVn parauanture,tié-
dra cecy pour fable inuention,mais pourtant
c'eft vue chofe ttef- véritable, que depuis Ingua
Yupangi(quieftceluy qui afaitplus de lorx, de
couftumes,& ceremonies. comme Numaà Ro-
me) dura celle maniéré de communion, iufques
à ce que l’Euangile de noftre icigneur lefus
Chrift, mit hors toutes ces fuperftirions, leur j
dohnantlcvray manger de vie qui conferuc & I
vnit les âmes auec Dieu. Qui voudra f en fatif-
fairc plus amplement, life la relation que le li-
centiéPoloefcriuitàl Archeuefque des Roys,
Dom leronimode Loayfa,oùil trouucra cecy,
& beaucoup d’autres chofes qu’il a defcouucr-
tes & approuuceS;par fa grande diligence.
Ve lafaçon.que le âUhle s^ejî efforcé âe contrefaire en
Mexique,la fejie dn S. Sacrement C7" com-
mmionfdont vje U fainHe Egtife,
Chap. xxiiir.
E fera chofe encor plus cfmerueiîia-
ble, d ’ouir parler de la fefte ôc fol-
lemnité de la communion , que le
mefme diable prince d’orgueil , or-
donna en Mexique , laquelle ( bien
qu elle foit vn peu lôgue) il ne fera mal à propos
de raconter, félon qu’elle eft elcriptc par perfon
nés dignes de foy.Lcs Mexiquains faifoient au
mois de May,leur principalle fefte de leur Dieu
Vitzilipuzrlij&deuxioursauparauant cefte fe-
fte,ces nlles dont i’ay parlé cy deftlis, quieftoiéc
rcclufès au mefme T emple, & cftoient comme
religieufes, moulloient vne quantité de femen-
ce de blettcs,auec du Mayslrofty , & apres qu’il
cftoit moulu le paiftriftbicnt & amalîbient aucc
du miel, de faifoient de cefte pafte vn idole, de
la mefme grandeur qu’eftoit celuy d e bois , luy
mettans au lieu des yeux, des grainsde voirres
verts azurez ou blancs , & au lieu de den ts,des
grains de Mays, aftîs auec tout rornement,&
appareil que i’ay dit cy dclïus. Apres qu’il eftoic
du^out acheué,toas les Seigneurs venoient, &
luy apportoient vn veftement exquis, A: riche,
toutfcmblableacelaydé l’idole, duquel ils le
veftoient. Et apres l’auoir ainft veftu de or-
ne, ils 1 afteoient en vn elcabeau azuré , de fur
li ij
HîSfOiRE NATVRELtE
vn brancard jpour le porter fur les cfpàulcs. Le
matin de larcfte venu, vne heure auam le iouf
forcoient toutes ces filles veftues de blanc ,.auec
des ornements tous neufs,lcfquelles eftoiétap-
pcllce^ ce iour làSœursduDieu VitzilipnztH.
Elles venoienr couronnées de guirlandes de
mays rofty & creualfé , relîèmblanr azahar ou
fleurd’orcnge,&portoientenlcurcol de grof-
fes chai fines de mcfme, quileur palîoient en efi-
charpe,par delîbubs le bras gauche.Ellcs cftoiêc
colorées deYermeilîon,par les ioiieSj&auoient
les bras depuis les couldcs iufiques aux poings !
CGuuerrs de plumes rouges de perroquets, ôc
ainfi ornees elles prenoient l’idole fiir leurs
cfipaulles, le tirans, ôc portans en la cour où e-
ftoient défia tous les ieunes hommes , veftus |
d’habits faits d’vn red artificieux eftans couron- I
nez de la mefime façon que les femmes. Lors I
que CCS filles fiortoient auec l’idole les ieunes
hommes fiapprochoient, auec beaucoup de re-
uerence, & prenoient la litiere, ou brancard,
où eftoit l’idole fur leurs cipaules, la portans
au pied des degrez du Templc,où tour le peu-
ple fihumilioit, & prenant de la terre de l’aire,
fie la mettoit fur la telle, qui eftoit vne ceremo-
nie ordinaire, qu’ils obfieruoienr entre eux, aux
principalles feftes de leurs dieux. Cefte cere-
monie faite, tout le peuple fiortoit en procefi-
fion,aucG toute la diligence 6c Icgercté. qui leur i
eftoit poftible, 6c alloient à vne montagne, qui |
eftoit à vne lieiie de la Cite de Mexique, ap-
pellée Chapultepec , 6c là faifioient vne fta*
non 6c des fiacrifices. Incontinent ils partoicnc
DES Indes. Lîv. V. 251
delàaucciamcfmc diligence , pour aller en yn
lieu proche de là, qu’ils appelloient Atlacuya-
uayajoùilsfaifoiencla fécondé ftarion, & de là
alloicnc en vn autre bourg vne lieue plus outre
quilc ditCiiyoaquan,d'où ils parroientjretour-
nansenlaCité de Mexique, fans faire aucune
autre ftation.Ilsfailbientce chemin de plus* de
quatre lieiies, en trois ou quatre heures, & ap-
pelloient ceftcproceirion,Ypayna VirzilipuL
tli,qui veut dire, levifte, & diligent chemin, de
Vitzilipuztli. Arriuez au pied des degrez ils
mettoient bas le brancard de fidole , ôe pre-
noientdegrolïès cordes qu’ils attachoientaux
bras du brancard , puis aiiec beaucoup de dif-
cretion &dereuerence,ils montoient lalitiere
auecl idole, au {bmmetduTemple,lcs vns tirans
d’enhaut,& les autres leuraydansd’embas,ce-
pendant l’on n’entendoit retentir que le fon
des fluftes, des bucçines,des cornets, & des tan-
boursqui fonnoient. Ils le montoient de celle
façon, d’autant que les degréz du Temple
cftoient fort roides &eftroits,&:l’efcallier fort
large, tellement qu’ils n’y pouuoient monter
çefte litiere fir leurs elpaulles. Pendant qu ils
montoient celle idole, tout le peuple elloit en la
cour , auec beaucoup de reuerence , Sc de
crainte. Apres qu’il elloic monte iulques au
hault , & qu’on^I auoit mis en vne petite
loge de rofes , qu’ils luy tenoient appreftée,
incontinent venoient les ieuncs hommes,
lefqucls femoient, &rclpandoicnt beaucoup
^e fleurs de diuerlçs couleurs , dont ils retn--
li flj
J
Histoip.e natvre-lli
pîifToient tout le temple dedans & dehors. Ce-
la fait toutes les filles fortoient auec lorncr-
ment fufdit,ôc apportoienc de leur contient des
tronçons ou morceaux de pafte cempofée de
blettes, &de mays rofty, qui eftoit deiamef-
me pafte dequoy Hdolecftoit fait& compofe,
&cftoienten forme de grands os. Ils Icsbail-
loicnt aux ieunes hommes , lefquels les por-
toient en haut, les mettans aux pieds de [ido-
le , dont ils rempliflbient tout le lieu, iufques
ace qu’il n’ycnpeuft entrer d’auantage. ils ap-
pelioicnt les tronçons de pafte, les os & chair
de Vitzilipuztli. Et ayans ainfi eftendu ces os,
auffi toft venoient tous les anciens du temple,
preftres, Leuites,&: tout le refte des miniftrcs,
félon' leurs dignitez & antiquitez ( car il y
auoit entr’eux fur ce poind vnc belle réglé &
ordonnance, ôc venoient les vns apres les au-
tres auec leurs voiles de red , de diuerfès cou-
leurs Ôc ouurages , félon la dignité & office
dvn chacun, ayans des guirlandes en leurs te -
ftes , & des chain^s de fleurs pendües au col.
Apres eux venoient les Dieux & Deeftesquils
ador oient en diuerfes figures, veftusdelamcf-
me liurée,puisfe mettans en ordre autour de
ces tronçons & morceaux’ de pafte faifqient
certaine ceremonie en chantant Sc ballant fur
iceux. Au moyen dequoy ils demeuroient bénits
& confacrez pour la chair & os de cefte idole;.
La ceremonie ôc benedidion de ces tronçons
de pafte , par laquelle ils eftoient tenus &cfti-
mezpouros ôc chair de ridole,cftant acheuéC;,
»is Indes. L I V. V. 15^
ilshoôoroicnt ces morceaux de lamefmc ma-
niéré que leur Dieu. Puis fortoient lesSaciift-
catcursqui commençoient le facrifice d’hom-
mes, en la façon qu’il a efté ditcyddîus,&en
facrifîojt on ce iour-là plus grand nombre
qu en nul autre , pour autant qiiç c’eftoit la fe-
ftela plus folcmnclle qu ils euiîcnt. Les facri-
ficcs eftans acheuez , fortoient tout auiïî roffc
tous les ieunes hommes & filles du temples , or- ^
nés comme il a efté dit ; & apres f eftrc mis en
ordre &fcftrc rangez les vnsvisà vis des au-
tres, ils balloient & dançoient au fondu tam-
bour qu’on leur {bnnoit en louange de la fo-
lemnitc & de l’idole qu’ils cclebr oient. Auquel
chant tous les Seigneurs anciens , ôt les plus
notables leur refpondoient balians à l’entour
d’iceux, & faifans vngtand cercle comme ils
ont decouftume, demeurans toufîours les ieu-
nes hommes Sc filles au milieu. A ce beau Ipe-
€tacle venoit toute la Cité , Ôc auoit vn com-
mandement fort diligemment obferué en celle
terre, que le iour de l’idole Vitzilipuztli, Ion
ne deuoie manger autre viande que celle pafte
emmiellée dequoy l’idole eftoit fait. Et celle
viande fe deuoit manger incontinentaupoinél
du iour , &nedcuoit~on boire d’eaiieny aucu-
ne autre chofe apres iufques apres midy, & tc-
noient que c’elloit vu mauuais augure, voire
facrilcgc que de faire le contraire ? mais apres
îcs ceremonies acheuées il leur çlloit permis
de mangpr toute autre chofe. Pendant le temps
de celle ceremonie ils cachoient l’calie aux
petits enfans, aduçrtiirans cous ceux qui auoient
li iiij ^
Histoire natyreiie
î’vfage de raifon de ne boire point d’eaiic , que
fils le failbienrjl’irede Dieu viendroit fur eux,
& monrroientj ce qu'ils obferuoicnt fort dili-
gemment & rigoureufement. Les ceremonies,
bal & facrifices acheuez , ils f en alloicnt tous
delpouiller, 5c les preftres & dignitez du tem-
ple prenoient l’idole de parte , lequel ils def-
pouilloient de ces ornements qu’il auoit , 5c
fâiCoicnt plurteurs morceaux, tant de cert ido-
le mcfme , que de ces tronçons qui crtoient
confacrez , puis apres ils les deparroient au
peuple en forme de Communion, commen-
çans aux plus grands , 5c continuans au refte,
tant hommes, femmes , que petits enfap$,lef-
quels les receuoiét auec tant de pleurs, de crain-
te ôc de reuerence , que c^ertoit vne ehofè ad-
mirable, difans qu’ils mangeoient la chair 5c
les os de Dieu , dequoy ils fe tenoient indi-
gnes. Ceux qui auoient des malades en de-
mandoient pour eux , 5c leur portoient auec
beaucoup de reuerence 5c vénération. Tous
ceux qui communioient demeuroient obligez
de donner le difme de certe femence ou grain,
dequoy eftoir fait l’idole. La folcmnitc de la
Communion crtantacheuée , vn vieillard de
beaucoup d’authoritémontoit fur vn lieucmi-
nent , & dVne voix haute prcfchoitlcurloy
& leurs ceremonies. Qd ne fefmerueillera
donc que le diable ait erté rt curieux de le fai-
re adorer 5c rcceuoir en la façon que I e s v s
Christ noftre Dieu a ordonné 8c enfei-
gne, 5c comme lafainéleEglifcaaccourtumé?
Par çela certes ’, l’on voit clairement vérifié ce
: D I S Inde s. L i v. " V. 155
a cftc propofé au commencement , que Sa-
tan tafehe & Peftorce tant qu* il peut dVfutr
per & de defrober pour foy 1 honneur & feruice
qui eft deu à Dieu fcul , encor qu'il y mefle tou-
noursfescruautez& ordures, poureeque c’eft
vnefpritd homicide &d’immondicité, & pere
de menfonge.
Confejfetin de U ConfeJ^ien dont vfoient lei
Indiens, ,
Chapitre XXV.
E pere demenfonge a voulu mclme;
contre-fâire le facrement de Con-
feffion , & en fes idolâtries fe faire
honorer auec des ceremonies fort
Icmblables à l’viàge des fidèles. Au Peru ils
auoient opinion, que toutes les maladies &
aduerfitez leur venoient pour les pechez qu’ils
auoient faits, & pour remedeils vfqientdcfa-
crifices , & outre cela fe cbufelfoient mefmc
verbalement prefque en toutes les prouinccs,
& auoient des confeficurs députez pour ceft
effed ,. des fuperieurs , & d’autres qui leur c-
ftoient inferieurs : & y auoit des pechez refetr
uez aufupericurdls receuoientdes pénitences,
voire quelques fois tres-rigourcufes : & prin-
cipalement quand le pecheur cftoit quelque '
pauure homme,qui n’auoit que donner au Con-
rcflèur, & eftoit cefl: office de Confeflèur mef-
me exercé par les femmes. L’vfagc de ces Con-
feflcurs.forçiers 5 qu’ils appellent Ychuiri ou
Histoire natv relie
Ychuri , a cftc le plus vniuerfel es prouinces
de Collafuio. Ils ont vne opinion que ceftvn
cnorme péché d’en celer en la Confefîionquel-
quVn qu ils ay ent commis. Et les Y churis ou
Confefleurs defcouuroient , fi l’on leur en ce-
loirpardes forts , ou par le regard de la cour-
roye de quelque animal, & les chaftioient en
leur donnant vn nombre de coups dVne pier-
re fur les erpaiiles iufques à ce qu’ils euflent ^
tout defcouuert, puis apres luy donnoient vne
penitence , & faifoient le facrifice. Ils fe fer-
uent mefmc de celle Confelîïon, quand leurs
enfans , leurs femmes , leurs maris ou leurs Ca-
ciques font malades, ou qu’ils font en quel-
ques grands trauaux. Et quand l’Ingna efioit
malade toutes les prouinces fe confefloient,
principalement ceux de la prouince de Col-
lao. Les Confefieurs eftoient obligez de tenir
fecrertes les confeflions qu'ils receuoient, fi-
nonen certains cas limitez. Les pechez def-
quels principalement ils fe confelfoient, eftoit
le premier de tuer l vn l'autre hors la guer-
re: en apres dè defrober, de prendre la femme
d’autrny , de donner du poifôn ou forcellcric
pour faire mal, ôc tenoient pour vn grief pc-.
ché, de f oublier à la reuerence de leurs Gua-
cas ou chapelles , de ne garder point les fc-
ftes, de dire mal de l’Ingua, de ne luy obeyr
point. Ils ne faceufoient point d’ades ôc pechez
intérieurs, mais félonie rapport de quelques
preftres, depuis que les Chreftiens vindrenten,
ce pays , ils faceuferent aulfi à leurs Ychuris,
^confelfeurs de leurs penfccs. L’Iguane con-
DIS Indes.' Liv. V. 254
fc/Toit fcs pcchez à nul homme, mais feulement
au Soleil , afin qu’il les dift au Viracocha, Ôc
qu’il les luy pardohnaft. Apres que l’Ingua fe-
ftoit confelfé , il faifoit vn certain bam pour
acheuer defe nettoyer en vne riuicre couran-
te , dilànt ces paroles : Tay dit mes pechez au
Soleil , tôy riuierc recoy les , & les porte à la
mer, où iamais iis ne puifiènt paroiftre Les au-
tres qui fe confelTbyent vfoyent mcfmemcnt
de ces bains , anec certaines ceremonies fort
femblables à celles dont les Mores vfent au-
iourd’huy,qu ils appellent Guadpy, & les In-
diens les appellent Opacuna. Et quand il arri-
uoit à quelque home que lès enfans luy mou-
royent,il eftoit tenu pour vn grand pecheur,&
luy difbyent que c’eftoir pour fes pcchez que
le fils efioit mort premier que le pere. C’ell
pourquoy ceux à qui cela arriuoit, apres qu’ils
feftoyent confelTez, ils cftoyent baignez en ce
bain appcllé Opacuna, comme il a eftè dit cy
defiiis : puis quelque Indien monftrucux, com-
me boiru Ô€ contrefait de nature , les venoit
foetter auec certaines orties. Si les Sorciers
ôu enchanteurs parleurs forts ou augures, af-
fermoyent que quelque malade deuoit mou-
rir , le malade ne taifoit point de difficulté de
tuer fon propre fils,encpr qu’il n’en euft point
d’autres, efperant par ce mpyen fe fauper delà
mort , ôc difant qu’au lieu de luy il offroit fon
fils en facrifice. Et depuis qu’il y a des Chr«-
ftiens en cefte terre, cefte cruauté a cfté encor
exerceeen quelques endroits. Ceftàlaveritc
ynechoieeftran^c, que celle couftamedccoîi-
Histoire natvrellï
fcfTcrlcs pcchcz (ccrcts, foit demeurée fi long
tempSj& de faire de fi rigoureufes pœnitenccs
qu’ils faifoyent, comme deieuner, de donner 1
des habits, de l’or, de l’argent , de demeurer aux ;
montagnes, & dereceuoir de grands coups fur !
les clpaulles. Les noftres difent, qu’en la pro- î
uince de Chiquito , ils rencontrent encor au- i
iourd’huy cefte pefte de confeficurs, ou Ychu-
ris , & que beaucoup de malades fe retirent |
vers eux : mais défia par la grâce de Dieu , ce ;
peuple va du tout s’efclaircilfant,&recognoif- ;
îènti’effed & le grand bénéfice denoftre con- j
feffion iacramcntale , à laquelle ils viennent
auec vne grande deuotion. Et en partie cet vfa-
ge pafic leur a efté permis par la prouidence du
Seigneur, afin que la confeflion ne leur fem-
blaft difficile. Par ce moyen k Seigneur eft en
tout glorifié, & le Diable mocqueur,demeur«
mocqué. Or d’autant que c eft vnechofequi
touche à ce propos , ie raconteray icy 1 Vfage 1
dVne eftrange confcftion que le Diable auoit j
introduite au lappon, comme il appert par vnc j
lettre venue de là, quidit ainfi.Il yaenOcac^
des roches tres-grandes, & fi hautes, qu’il y *a
des pics enicelles, de plus de deux cens bralFcs
de haut. Entre ces grands rochers, il y avndc
ces pics, ou pointes qui s’efleue fi terriblement
haut, que quand les Xamabuzis ( qui font les
pèlerins ) le regardent feulemcnt,les membres
leur en tremblent , & les cheueux s’en herilTon-
nent , tant eft ce lieu terrible ôc erpouucnta?
blc.Ilya au fommet de cefte pointe vne gran-
de verge de fer de trois hrafies-dc long , qui y
ï>is iNBEt. Lit. V. 255
cft pofcc par vn cftraïige artifice. Au bout de ce-
fte verge eft attachéevne balancc,dont les cfcail-
les font fi grandes^ ^u’en vne d'icelles Te peut af-
fooirvii h5me,&JiesGbq^uis, (qui font des dia-
ble^ en figure huinaine) commandêrquc vndc
ces pèlerins y entrét les vns apres les autres/ans
qu’il en refte vn feul,puis aucc vn cngin&m-
ftrument qui fe remeiie,moyennantvne roüe^ils
font que cefte verge de fer,ea laquelle la balan-
ce eftpenduc/orte dehors, & demeure toute
fuipendue cnrair,efi:ant afiislVn des Xamabu-j
jiisen IVn des plateaux descelle ballancc. Etcôr
me l’efcaillc où eftaflîs l’homme, n’a point de
contrepois de l’autre cofté,incontinent ellepcd
en bas,& l’autre f efleue iufques à ce qu’elle ren^
contre & touche à la verge. Alors les Goquis
leur difent du rocher, qu’ils fe confeflent,& diêr
tous les pechez qu'ils auront commis, dont ils fc
fouuicndront, & ce à haute voix, afin que touÿ
les autres qui font là le puificntouyr. . Inconti-
nent il commence à feconfefler, pendant quoy
quelques vns des affiftans fe rient des pechez
qu’ils oyenr,& les autres engemiiîent Etàeha-
quepeché qu’ils difentjEautre efcaillc de la bal-
lance baille vn peu, iufques à ce que finablemêt
ayant dit tous CCS pcchez, la vuide demeure cf-
galle à 1 autrCjOÙ eft le trille pœnicenr , puis les
Goquis refont tourner la roue, & retirent vers
eux la verge & ballance d’où fort le pèlerin, & *
apresyen entrcvnaucre,iufquesà ce que tous
y ayentpaïTé.Vn lapponnois contoitcela aprcs>
qu’il fuft ChrelHen,dilàntqu’ilauoit efté en ce.
pèlerinage, & entré en la ballance fept^ fois, où
Histoïri natvrelie
piibliquementilfeftoit confdré.Il difoit mcf-
mc,qae fi dauanture quclqu vn de ceux qui font
mis en ce lieu, ne raconte le peché,commc il cft
paflcjOU qu'il en celle qiielquVn , fefcaillc de U
ballance vuidc,ne fabbaifle poinr,&f il f obftinc
apres qu’on luy a fait inftance de fc confelTer, &
ne vueille defcouurir tous ces pechezJesBoquis
le iettent & font choir du haut en bas, où en vn
moment il eft rompu & brife en mille pièces.
Neantmoins ce Chrefticn nommé lean nous
difoir,qn ordinairement la crainte &trcmeur de
ce lieu, eft fi grande à tous ceux qui f y mettent, ,
& le danger que chacun voit à fœil, de tomber
de la ballance, ôc eftre defrompu ôc brifé en bas,
qu’il aduient fort peu fouuent qu’il y en aye, qui
ne defcoLiùrent tous leurs pechez.Ce lieu cft ap-
pelle d’vn autre nom Sangenotocoro,qui veut
dire lieu de confcflîon. L’on voit bien claircmct
par ce difcours,comme le diable a prétendu vfiir
per pour foylc fcruice diuin,en faifant de la con-
feflîon des pechez( laquelle le Sauueur a infti-
tueepour le remede des hommes ) vne fuperfti-
tion diaboIique,pour leur grand dommage &
pcrdition.EtneJ’a pas fait moins à Tendroit de
la Gentilitc du lâppon, qu’à rédroit de celle des
prouinccs de Collao au Perur'
V
©ES liîOES. Liv. V.
Be lUhominAUe onBion, dont vjoyent les
frejîres Mexiftâins cr AîttresnaümSÿ
de leur fortUeges,
C H A P. XXVI.
Bleu ordonna en la loy ancienne , ia
façon comme Tondeuoit confacrer
la perfonnne d'Aaron &c les autres
preftres , & en la loy Euangelique
tiouSauons mefmeleS.Chrefme,&
on6lion,dequoy 1 on vfe quand l’on nous làcrc
preftres de Chrift.ll y auoit mefme en la loy an-
cienne, vnc certaine compoftrion odoriférante,
. que Dieu deffendoit d’employer en autre choie
qu au ferüice diuin. Le diable a voulu contre-
faire toutes ces choies à là façon, comme il a
accouftumé , ayant inuentc à celle lin des cho-
fes hordes, Scfifalles, qu’elles monUrentaf-
fczquelcn eft l’Autheur.Les preftres des ido-
les en Mcxique,foignoyentcn celle manière.
Ils 1 oignoient le corps depuis les pieds iulques
à la telle, & tous les cheueux aulli, lelquels leur
demeuroient en forme de trelTes rcircmblans
a des crins de cheual , à caufe qu’ils y appli-
quoyent celle ondlion humide & mouillée.
Les cheueux leur croilToient tellement auec le
temps , qu’ils leur tomboient iufques aux ia-
rets, lipefants qu’ils leur donnoient beaucoup
de peine à les porter, car ils ne les coupoyenr,
ny tondoient point, iufques , à ce qu’ils mou-
rullent , ou qu on les en dilpenfall pour leur
) '
Histoire natv^rilli
grande vieillcire, ou bien qu’on les employai
aux gouuernements & autres offices honora-
bles en la république. Ils porroien t leurs che-
nellurcstreirecSjdcfix doigts de large , & ft
' noirciiîoient & teignoyent auec de la fumee
de bois de pin, ou raifine,pour ce que de toute
antiquité entre eux, ç’a efté roufiours vnc of-
frande qu’ils faifoient à leurs idoles* Et pour
cefte occafion elle eftoit fort eftitnec & reue-
ree. Ils eftoient toufiours noircis de cefte
teinture,depuis les pieds iufques à la telle , tel-
lement qu’ils refTembloyent àdes Negresfort
rcluifants , & celle la eftoit leur ordinaire on-
dlion. Toutesfois quand ils alloyent facrifief
& ençcnfer dedans les montaignes , ou aux
fommets d’icelles, ôc auxcauernes obfcures Sc
rencbreufcs,où eftoyent leurs idoles, ils vfoient
d’vne autre onélion fort differente, faifant de
certaines ceremonies pour leur ofter la crain-
te, & augmenter le courage. Cefte oélionfe
faifoitauec diuerfes bcftiolles vcnimcufes,com-
me d araignées, defeorpions, de cloportes, de
fallcmandrcs & de viperes , Icfquelles les gar-
çons des Colleges prenoyent & amalToycnt, à
quoy ils eftoyent fi adroits , qu’ils en eftoient
toufiours garnis , quand les preftres leur en
demandoyent. Le principal foii^ & foucy de
cesgarçons,eftoitd’allcr à la chaflc de ces be-
ftioîlestque fils alloient autre part, & que da*
uanturc ils rencontraflent quelqu’vne de ces
beftiolles, ils farreftoyent à la prendre , auec
autant de peinc,commé fi leur propre vie euft
defpendii de cela* A raifon dequoy les Indiens
Dits T N® ES. Liv. V.
Me Craign6yent point ordinairement ces be-
ftiollcs vcnimeufcs ^ n’enfaifans non plus d’c-
ftat que fi elles ne l’eulîènt point efté, d’autant
qu’ils auoient tous efté nourris en cét exerci-
ce. Pour faire cet vnguent de ces bcftiollcs, ils
les prenoyent toutes enfcmble , & les brufi.
loientaufouyerdu templc/j qui eftoit deuanc
lauteljiufquesàce qu’elles fulFcnt rcdüittes en
ccndrcjpuislesmcttoienten des mortiers auec
beaucoup de Tauaeo,ou betunij (qui cft vn hcr-
bcjdont celle nation vfe pour endormir la chair,
& pour ne fentir point le rrauail)aucc lequel ils
mefloient ces cendres, qui leur faifoit perdre la
force. Ils mettoient mefme auec celle cendre,
quelques fcorpions,araignes & cloportes viues,
mcflans &amafiànsle toutenfemble, puis ils y
mctfoycntdVncremence toute moullüe, qu'ils
appclloyent01oluchqui,dcquoy les Indiens foc
Viibreuuagc,pourvoirlcsvifions, d’autant que
l’cffcdl de celle herbe,ell d’oller&priuer l ’hom-
me du lèns. Ils moulloycntraefineaûec ces cen-
dres,des vers noirs & velus,defquelslepoiireu-
lemen t ell venimeux , & amalîbyent tout cela
cnlcmble auec du noir, ou fumée de rezine, le
mettans en des petits pots,lefquels ilspofoycnt
deuant leur Dieu , difans que c’elloit là leur
viande. C’ell pourquoy ils appclloycnt cela
manger diuin. Par le moyen de cet oignement
ils deuenoyent ibreiers, & voy oient , & par-
loyent au diable. Les prellres cllans barbouil-
lez de celle pafte perdoient routecrainte,pre-
nanscneuxvnelprit de cruauté.' A raifon de
Kk
f
Histoiri katvrelle
cjuoy ils tuoient les hommes aux facrificcs
fort hardiment , & alloyent de nuidl tous feuls
aux montaignes & dedans les cauernes ob^
feures J mefprifans les beftes fiercs, tenans
pour certain & approuuc, que les lions, tigres,
ferpens,& autres beftes furieufes, qui fengen-
drent aux montagnes & forefts, fenfuyroient
d cux,par la vertu de ce betum de leur Dieu . Et
àkveritéjficcbetumne les pouuoit faire fuir,
c’eftoitchofe fuffifante pour ce faire , que le
pourtrait du diable enquoy ils cftoient tranf-
formez. Ce betum feruoit mcfmc pour guarir
les malades & les enfans , parquoy tous lap-
pelloient la médecine diuine, & ainh de toutes
parts venoient ils par deuers les dignitez &
preftres,comme vers leurs Sauueurs, afin qu’ils
îcur applicaltent la mcdecine diuine, ôdesoi-
gnoyent d’icelle, par les parties denllantes. Ils
afferment qu’ils fentoient par ce moyen vn
notable allégement, ce qui deuoit eftre à caufe
queleXauaco, & Ololuchqui, ont d’eux mef-
mes cefte propriété d’endormir la chair, cftans
appliquez en façon d emplaftre , ce qu’ils doi-r
lient operer , à plus forte raifon,eftans mcflea;
auectelspoifons.Et pourcc qu’il leur araortif-
foit, & appaifoit la douleur , il leur fembloi t
que ce fuft vn effeâ: de fanté, & de vertu diui-
ne. Ceft pourquoy ils accouroient à ces
preftreSjComme à des houjimes, faints , Icfqucis
entretenoient en cet erreur , & csblouyfle-
ment les ignorans , leur perfuadans ce qu’ils
vouloicnt, & les faifans venir à leurs médeci-
nes , & ceremonies diaboliques , par cc qu’ils
Des In ü e s. L i V. V. ifî
iuoieht telle aüthorité, qu’il (liffifoit qu’ils lé
diircnt pour le faire tenir comme article de
foy. Et àinfi ils faifoient parmy le vulgaire
mille ruperftitions, en la façon d’offrir l’cn*
ccnSjCn la façon de leur couper les cheueux, ca
attachant de petites bûchettes au col , & des
fillets auec des petis os de couleuures,leur com-^
mandant qu’ils fc baignaircnt à certaine heure*
quils veillafîènt de nui(5t au fouyer , de peur
que le feu ne feftaignift, quilsncmangeafTent
point d’autre pain que celuy qui aüoit cfté of-^
îert à leurs dieux, qu’ils, fc rctiralîènt en leur
befoing incontinent par deuers les forciers, lef-
quels auec certains grains iettoyent les forts
ôedeuinoient, regardans endescuucs,& poel-
les pleines dcaue. Les forciers &miniftresdu
Diable * àuoient accouftumé mefrne de em-
badurnbfer,bcaucoup. Et efl: vue chofe infinie
de la grand’ multitude, qu’il y a ciie décès de-
uins, fortilleges, enchanteurs, dcuinctirS & au-
tres fortes de faux prophètes. Au iourd’huy il
i-efte encor de ccfte peftilence , quoy qu’ils fè
tiennent fccrets counerfs, ri ofàns oüuerte-
ment exercer leurs facrilegês , & diaboliques
ceremonies,& fuperftitions, mais leurs abus &
maléfices font defcouuerts plus ail long , &
particuliefement aux confeflîorinaires faits
parles Prélats du Peru. Il y a vn genre de Cor-
ciers, entre les Indiens permis par les Roys
Inguas, qui font comme deuins, Icfquels pren -
nent vnc telle forme ôc figure qu’ils veulent,
allans & faifans par l’^ir beaucoup decherairt
en fort peu de temps , de voyoient ce qui fc
Histoire natvrelie
palïbit. Ils parlent auec le Diable , lequel
leur refpond en de certaines picrrcs,ou autres
chofes qu’ils vencrent beaucoup. Ils feruent
de deuins , ôc pour dire ce qui fcpairecndes
lieux les plus efloignez, aüantquclanouuellc
en vienne, ou puilFe venir. Comme merme il
cft encor arriué depuis que les Erpagnols y
font qu en diftance de plus de deux ou trois
cens lieues , l’oH a fçeu les mutineries , les ba-
tailles, les rebellions, les morts, tant des ty-
rans, comme de ceux qui eftoient du cofte du
Roy, & des perfonnes particulières, ce que
Ton a fçeii du meflneiour, que les chofes arri-
uerenr, ou bien le ioiir enfuyuant , qui eftoit
chofe impolîible , félon le cours de nature.
Pour faire celle diuination, ils fe mettent en
vne m^ifon fermee par dedans , & fenyurent
iurques à perdre le iugemcnr, puis vn iour apres
ils refpondcnt à ce que l’on leur demande.
Quelques vns aflerment quils vfent de cer-
taines ondions. Les Indiens difent , que les
vieilles exercent ordinairement cet office de
fortilleges , Ôc particulièrement celles d’vne
prouincc, quils appellent Coaillo, dVne autre
ville, appcllée Manchey, & delaprouince de
Guarochiri. Ils enfeignent mefme oùfontles
chofes perdues & defrobees. De toutes ces
fortes de lorciers, il y en a eu en tous endroits,
vers lefquels viennent ordinairement les Ana-
conas , ôc Cyuas , qui feruent aux Lfpagnols
quand ils ont perdu quelque chofe de leur
maillre , ou qu’ils défirent fçauoir quelque
fuceex des chofes palïècs,ou aduenir, Commç
BIS Indes. Liv. V.' 25^
quand ils dcfccndcnt & vont aux citez des Ef-
pagnols pour leurs affaires particulières, ou
pour les publiques , ils leur demandent fî leur
voyage fc portera bien , fils feront malades,
fils mourront ou retourneront fains , fils ob-
tiendront ce qu’ils prétendent, Scies forciers,
ou deuineurs reipondent, ouy , ou non , ayans
premièrement parlé auec le Diable, en vn lieu
obfcur , de manière que ces Anaconas oyent
bicnlcfbn delà voix , mais ils ne voyent paH
qurles diuins partent , ny n’entendent pas ce
qu ils difenr. Ils font mille ceremonies Ôc la*
crifices pour cet effeéf , auec Icfquels ils inuo-
quent le Diable , & fenyurent brauement. Et
Eour ce faire ils vfent particulièrement dVnc
erbe, appellce Villea, le fuc de laquelle iis
mettent dedans le Chica,ou le prennent d’au-
tre façon.L on peut voir par cecy, combien eff
grand le malheur de ceux qui ont pour mai^.
ftres, les minillrcs de ccluy la, duquel l’office
cil: de tromper. Et eft vne choie approuuée
qu’il n’y a rien qui empefehetant les indiens,
de rcccuoir la foy. du S. Euangile,&dcperfc-
ucrer en icelle , que la communication de ces
Ibrcicrs qui ont efte , ôc y font encor en très-»
grand nombre , bien que par làgracedu Sei-
gneur ôc diligence des Prelats,& des preftres,
ils vont diminuant, & ne font plus ffpreiudi.cia-
bles. Quelques vns d’iccnxfe font conuertis &
ont prefehé publiquement , defcouurans ôc
blifmans eux- mefmes leurs erreurs ôc trompe-
ries , ôc dcclarans leurs finedes ôc mcnieries,
dequoy on aveu fqrtir de grands fruids,CQn:!(.-
iij
»)-
Histoire natvriiie
mertefmc nousfçaiions par lettres du lappon,
qu il en eft arriué de mefmeen ces parties, le
tout à la gloire & honneur de noftrc Dieu âc
Seigneur.
JPes antres ceremonies ^ coujlumes des Indiens
font femhUhles attx nojîres,
Chap. XXVII.
Es Indiens ont eu vn nombre infîny
d’autres ceremonies & couftumes,
pluficurs delquellcs refembloyent à
la loy ancienne de Moyfe^ les autresà
celles dont vfent les Mores , & les autres ap-
prochoienr dclaloy Euangelique, comme les
baingSjOU Opacuna, qu’ils appellent, qui eftoit
qu’ils fe lauoyent en reaüe,pourk nettoyer de
leurs pechez^ Les Mexiquains auoycnt auffi
entf eux quelque forte de bapterme , qu’ils
faifoyent aucc ceremonie , qui cftoit quilsin:*
cifoyent les oreilles le membre viril aux pe-
tits enfansnouuéaux nez , contrefailàns aucu-
nement la Circôcifion des luifs.Ceftc ceremo-
nie fe faifoit principalement à l’endroit des fils
des Roys,& des Seigneurs. Incontinent apres
leur naiirance les preftres les lauoient, de leur
mettoyentvne petite efpée à la main droitre, ôc
àla gauchevnerondelle,&âux enfans ducôrau
& vulgaire, ils leur mettoyenr les marques de
leurs offices,& aux filles des infiruraens à fillcr à
tiltre , & à rrauailler Et duroit cefte ceremonie
quatre iours,qui fe faifoit deuant quelque idole
Ils côtradtoyent leurs mariages à leur modc,dôç
1> E s I N D E S. Ll V.' V. 2^0
îe liccnti Polo a efcrit vn Traitté tout en-
tier, & cn diray cy apres quelque chofe.Én au-
tres chofes , mefmes leurs ceremonies & cou-
ftumcs auoienc quelqué apparence deraifon.
Les Mexiquains fe marioicnr par la main de
leurs preftres en celle façon. L’efponx & ef-
pouze Ce mettoient enfemble deuant le pre-
ftre , lequel les prenoit par les mains , de leur
demandoit füs fcvouloient marier, puis ayant
entendu la volonté de tous deux, il prenoit vn
coing du voile, dont la femme auôit la telle
couuerte,&vn autre coing de la robe d.e I kom-
mc, lefquels il attachoit enfemble , faifant vn
nœud, & les menoit ain lî attachez à la maifon ^
de l’elpouze, où il y auoic vn foyer allumé, &
lors il faifoit faire à la femme fept tours à l ’en-
tour de ce foyer , puis lés mariez fe feoy en t en-
femble, ôc parce moyen elloit conrradé leur
mariage. Les Mexiquains elloicnt trcf-ialoux
de l’intregrité de leurs femmes & elpouzes,tcl-
lement que fils fapperceuoient quelles ne
fuirent telles qu elles deuoienr ellre (ce qu’ils rc
CognoilToicnc par lignes ou par paroles cfhoii-
tées ) ils le faifoient incontinent entendre aux
peres & parens de ces femmes, à leur grand hô-
te &deshonncur;parce qu’ils n’auoienrpasbié
prins garde fur elles. Mais ils honoroient &
ellimoient beaucoup celles qui conferuoient
leur honnelleté, leur failansde grandes fellcs,
&c donnoient pluliçurs prefents à elle & à fes
parens. Ils faifoient pour celle occafioii de
grandes offrandes à leurs Dieux , & vn ban-
quet folemnel en la maifon de la femme, & vn
Kk üij
Histoire NATVRELtE
autre en la maifon de l’homnic. Qiund on les
menoie en leur maifon ils mettoient par mé-
moire tout ce que rhomme & la femme appor-
roient enfcmblc de prouifîons de maifon , de
terre , de loyaux ôc d’ornejnents , lequel mé-
moire chafquepered’iccux gardoit par deuers
luy,pource que fi d*aucnture ils venoient à fai-
re diuorcc (comme il eftoit ordinaire entr’eux)
ne fe trouuans bien iVn aucc l’autre , ils par-
toient leurs biens , félon que chacun d’eux en
auoit apporté, ayant chacun d’eux liberté, en
tels cas , de fe remarier auec quibonluyfem-
blcroit , & bailloient les filles à là femme, &
à d’homme les fils. Ils leur defFendoientexpref-
fément fur peine de mort de fe remarier en-
femb/e, ce qu’ils obferuoicnt fort rigoureufe-
menr. Etiaçoic qu’il fcmble que plufieursde
leurs ceremonies,faccordent auec les noftres,
ncanrmoins elles font fort differentes,pourlc
grand meflange d’abomination qui y efttouf-
ioiirs. C’efi: vne chofe commune & generale
en icelle, qu’il y a ordinairement vne de ceS’
trois chofes, ou de la cruauté, ou dcl’ordurci
ou de la pareffe : car toutes leurs ceremonies
eftoient cruelles ôc dommageables, comme de
tuer les hommes, & de refpandre le fangrou el-
les eftoient ordres & falles,comme de boire &
de manger a4 nom de leurs idoles , ôc d’vriner
mefme en leur honneur, les portans fur leurs
cfpaulles , df foindre ôc barbouiller fi laide-
ment, ôc de faire mille autres fortes de vile-
nies qui eftoient pour le moins vaincs ou ridi-
cules ôc oifeufes, &■ qui reirembloicntplus œu-
- BBS ImdBS. LïvIV. 2^i
urcs d’enfans , que d’hommes. La caufe de ce-
la cft la propre co ndition de l’cfprit malin , du-
quel Imtention cft toufîours drelfcc à faire
mal, prouoquantles hommes à des homicides
& ordures, ou pour le moins à des vanitezSc
occupations inutiles. Ce qu’vn chacun peut af-
fez bien cognoiftre ^ en cônftderanc attendue/
ment les adioiis & comportemens du diable,
à l’endroit dexeux quhl va dcceuant. Car en
toutes fesillufîons l’on y trouue toujours méf-
iées toutes, ouquelquVnc de ces trois chofes.
Les Indiens mcfme depuis qu’ils ont laJumie-
rc denoftre Foy le rient, & fe moquent des
folies & inepties , cfquclles fleurs Dieux les
tenaient occupez , Ôc aufquels ils fciHoienr
beaucoup plus de crainte qu'ils auoient d’eux,
qu’ils ne leur fiilent du mal , en ne leur obeyf-
fànt point en toutes chofes , que non pas pour
bamour qu’ils leur portoient. Combien que
quelques vns , voire en grand nombre, vef.
quiflent trompez & deçcus de vaines efperan-
çes de biens temporels : car d’eterncJs ils n’en
auoient point cognoiftànce. Et certainement
là'oùla puilfance temporelle feft plus agran-
die , là feft plus accrcue& augmentée la hiper-
ftition. Comme l’oh void aux Royaumes de
Mexique & de Cufco , où e’eft vnexhofe in-
croyable que le nombre des ado ratoires qu’il
y auoit : veu que dans l’enclos de la Ci té de Me-
xique il y en aupitplus de trois cents, Mango-
Ingua Yupangui , entreles Roys de Cufco, a
efté celuyqui ale plus augmenté le ièruice de
leurs idoles ^ inuentant mille diuerfjtczde f^-
HiST01«.E NATVRlttB
erificcs, fcftcs & ceremonies. Autant en fit ca
Mexique le Roy Ifcoalt , qui fut le quatrief-
me Roy. Il yauoit aufli grand nombre de fii-
perftitions & facrifices en ces autres nations
d’indiens, comme enlaprouincedeGuatimal-
la,aux Ifles, au nouucau Royaume, en lapro-
uincc de Chillé,& aux autres qui eftoient com-
me Republiques & Gomunautez* Mais ce
n’eftoit rien auTefpedl de Mexique, & de Cu^
feo, où Satan eftoit comme enfaRome,&en
fa Hierufalcm , iufqucs à ce qu’il ait efteietté
. dehors contre fa volonté, &ait efte pofee ôc
colloquée en ion lieu la faiçiéle Croix, ôc que
le Royaume de C h r i s t noftre Dieu ait occu-
pé celuy que le tyran auoit vfurpé.
Ve (Quelques fejles celehrées par ceux de Cupo, ^ cmiy
ment le dfahle a voulu mefme imiter lemyjiere
de U tres-famHe Trinité, ^
Chapitre XXV fti.
O V R conclure ce qui touche la
■Religion, il refte de dire quelque
:hofe des feftes &£blennitcz que
:elebroientlcs Indiens, lefquelles
f pour ce qu’elles font diuerfes,& en
grand nôbre,ne pourront pas eftre toutes raeôr
tées.Les Ingiiasfcigneurs du Peru auoientdcux
fortes de feftes, les vues qui eftoient ordinaires,
& qui efeheoient en certains mois de l’année, &
d’autres extraordinaires,qui fe faifoiétpour çau-
Des lïTpEs. Liv. V. z6z
fcs occurrcntcs&d’uîîportanee,commc quand
l’on couroniioir quelque nouucau Roy , quand
l’on commençoie quelque guerre d’importan-
ce, quand il y auoit quelque grande neceffité
d"caue,ou defecherdre,ou d’autres dîofesfem-
blables. Pour les feftes ordinaires . Ton doiten-
tendre/que chafque mois de l’an, ils faifoîcnt
des feftes & làcrificcs differents , & encor que
tous cuftcntcela defemblable quel'on y oftroic
cent moutons, toutesfois en la couleur, 6c en
la forme les moutons deuoienteftre fort diffe-
rents. Au premier mois qu’ils appellent Rayme,
qui eft le mois de Décembre , ils faifoient la
première fefte qui eftoit la principale de tou-
tes,&pour cefte^occafîon ils l’appelloient Ca-
pacrayme, qui eft à dire, fefte riche ou princi-
pale.En celle fefte fon offroit vn grand nouir
bre de moutons & d’aigneaux en facrifice, Ôc
les brüfloit-on auec du bois taille & odorifé-
rant, puis ils faifoient apporter de l’or & de l’ar-
gcnr,delTus certains moutons, &mcttoient les
trois ftatues du Soleil ,6cks ^rois du tonnerre,
le pere , le fils èc lefrere.En ces feftes l’on de-
dioit les enfans Inguas,cn leur mettant les Gua-
ras ou enfeignes , 6c leur perçoient les oreilles,
puis quelque vieillard les^ fouetoit auec des
fondes , 6c leur oignoit le vilàge auec du fang,
le tout en ligne qu’ils deuoienteftre Chcualiers
loyaux de l ’bigua.Nul eftrâger ne pouuoit eftre
enCufcOjdurantcemois 6c celte fefte, mais fur
la fin ils y entroient,& leur donnoit-on alors de
CCS morceaux de maySj^auec du fang du facrifi-
cc,quils mangeojent en ligne de côfederatiç>ii
Histoire N ATVREL LE ,
aucc ringua,commc il a cfté dit cy dcfliis.C cil I
rnc chofc cftrangcquc le Diable fclonfa mode
ait mefmc introduit , en ridolatrie,vnc Trinité: I
car les trois ftatucs du Soleil, cftoicntappcllces
Apomti,Churiintî, ôc Intiquaoqui , qui ngnifie
lepere ôc feigneur Soleil, le fils Soleil, ôc le
frere Soleil , de la merme façon ils nommoient
les trois ftatues de Chuquilla, qui eft le Dieu
qui prelide en la région de Tair ,où il tonnc,pleuc i
Ôc ncige.ll me fouuient ,qu cftant en Chuquifa-
ca, vn preftre honorable me monftra vne in-
formation , que i’cuz allez long temps entre !
mes mains, où il cftoir prouué qu’il y auoit vu
certain Guaca, ou oratoire, où les Indiens ado- !
roient vneidolc,nommé Tangatartga, laquelle
ils difoient eftrc vne en trois, ôc trois en vne.
Bt comme ce preftre eftoit cfmerueillc de cela
ie luy dy que l,e diable, par Ton infernal ôc obfti-
né orgueil, par lequel il prétend toufîours le
faire Dieu, delroboit tout ce qu’il pouuoit de !
la vérité, pour l’employer à fes menfonges, 6c !
tromperies. Reuenans donc aux feftes du fe- |
cond mois, qu’ils appellent Caraey, outre les i
facrifîces qu’ils faifoicntjils iettoient les cendres ’
aualvnruilïèau,allanscinq,ou lîx lieiies apres, i
aucç des bourdons, ou ballons, le priant qu’il i
les portail iufques à la mer, pour autant que le
Viracocha y debuoit rcceuoir ceprefenr. Au ,
troi(ielme,quatriefme, & cinquiefme mois, ils |
offroient cent moutons noirs mcllez, Ôc gris, |
auec beaucoup d’autres çhofes , que ie lailTc , de j
peur d'eftre ennuyeux. Le fixiefme mois fap- j
pelle Haruneuzqui Aymorey , qui rçfpond ^ [
BES Indes. Liv. V,
May, auquel l’on facrifîoit cent autres moutons
de toutes couleurs,cnceftc Lune , & mois, qui
eft quand Ton apporte le May des champs en
la maifon, l’on failoit la feftc qui cft encor au-
iourd’huy fort en vfage entre les Indiens ôc
rappellent Aymorey. Ceftc feftc fe fait en ve-
nant depuis la Chacra, ou métairie iufqucs à la
maiiôn, difàns certaines chanfons,où ils prient
que le Mays puifle durer long temps, & l’appel-
lcnt,Mamacora. Ils prennent certaine portion
^ du plus fécond Mays , du creu de leurs metai-
rics,Icquel ils mettent en vn petit grenier qu’ils
appellent Pirua , auec certaines ceremonies,^
veillants trois nuits, & mettent çe Mays dans
les plus riches habits qu’ils ayenr, &dcs qu’il
cft ainfî cnueloppc & accommodé, ils adorent
eefte Pirua, & l’ont en grande vénération, di-
fantsqueceft lamcrcdu Mays deleurs hcrita-
ges,& que par ce moyen le Mays augmente, ôc
fecohferue.Encemoisilsfontvn facrificc par-
ticulier, ôc Ics fbrciers demandent àkPirua,iî
elle a de la force aflez poUfc durer iufques à
I an à venir, Ôc fi elle reipond,quenon,ils por-
tent le mais brufler à lamctairic,d’oùils l’ont
apporte, félon la puilfance d’vn chacun, apres
ils font vne autre Pirua, auec les mefines cere-
monies, difans qu’ils la renouuellent, afin que
la femcncc du Mays ne periflè, ôc fi elle refpond
qu’elle a de la force aflèz, pour durer d’auanta-
gc,ils la laifient iufqucs à Tautre année. Ceftc
fotre vanité dure iufqucs aiiiourd huy , &eft
fort commune entre les Indiens , d auoir ces
Piruas, ôc fiürc la fefte d’ Aymorey . Le feptiefmc
HiSTOIrI NA TV relie
mois rcfpond à luin, & Rappelle Aucaycuzqüî
întiraymijcniccluy ils faifoientlafcftc , appel-
iéelntiraymijOÙ l’on facrifioit cent moutons,
guanacoSj& difoient que c’eftoit la fefte du So-
leil:cn ce mois ils faifoient vn grand nombre
de ftarues de bois de qninua taille toutes vc-
ftueâ de précieux habits , & fe faifoit le bal
qu’ils appclloientCayo. En celle fcllc Fonef-
pandoit beaucoup de fleurs par le chemin, & y
vcnoientles Indiens, fort barbouillez , & les
feigneurs y eftoient ornez aüec de petites pla-
tines d^or à la barbe, & y chantoienttous, &*
doit-onfçaiioir que celle fellc tombe quafl au
n^efmc temps, que nous autresGhreftienSfai-
fonslafollemnitéaufaind Sactement, qui luy
f eiremble en quelque chofe, comme aux dan-
ses, chants & reprefentations. Et pour celle
raifon, il y a eu, ôc a encor entre les Indiens
(kfquels celebroient vne fcllc aucunement
femblable à celle que nous célébrons du faindfc
Sacrement ) beaucoup de fuperllitionsàcelc-
brer celle fclle ancienne, de Tlntiraymi* Le
huitiefme mois ell appelle, Chahua, Huarqui,
auquel ils brulloient cent autres moutons,-tous
grisjdc couleur de Vizcacha,felon l’ordre fuf-
dit, lequel mois refpond à nollre luillet. Le
neufîefmc moisfappclloit Yapaguis , auquel
l’onbrulloit cent autres mourons, de couleur
dcchallaigne,&:couppoit-on la gorgc,&bruf-
loit-on auflî mil Cuyes, afin que la gcllée , ny
rcaüe,ny l’air, ny le Soleilne filfcntaucun mal
aux metairies,& refpond ce mois à l’ Aoull. Le
dixicfmc mois, fappeUoit Coyaraymi, auquel
I
1
I
i
DE Indes. Liv. V. 2^4
rori brufloit cent autres moutons blancs, qüi
eftoient vellus.En ce mois qui refpond à Sep-
tembre l’on faifoit la feftcL appclléc Situa, en
celle forme.îlsr«alTembloient le premier iour
de la Lune,auantqu elle leuall. Et en la voyant
ilsl^efcrioient hautcment,portas en leurs mains
. des flambeaux de feu, & difans,que le mal f en
aille dehors, en s'entre-frappans les vns les au-
tres, auec ces flambeaux. Ceux qui faifoienr ce-
la s’appelloicnt Panconcos. E t apres auoir achc^
ué, s’en alloient en baing general, aux ruilTcaux
& aux fontaines, chacun en fon propre èllang.
&rcmcttoient à boire quatre iours durans. En
ce mois les Mamaepmas du Soleil faifoient gra-
de quantité de petits pains„faits auec le fang des
fàcrihces, & en donnoient vn morceau àcha-
eüii des eftrangers &forains,mefmeils en cn-
uoyoient aux Guacas,ellrangers,de toiitle roy-
aume,&à plufieursCuracas, en ligne de confé-
dération, & loyauté au Soleil ôc à Tlngua , com-
me il a elle ià dît.Les baings, yurogneries, Sc
quelque relies de celle fcllc Situa , demeurent
encor auiourd’huy en quelques endroits , auec
des ceremonies quelque peu differentes, ce qui
ellfccretcmenttoutcsfois,parce que ces feiles
principalles, & publicques ont celfé. L’vnfief-
mc mois,Homarayrai Punchaiquis, auquel ils
facrifiQientccntautrcsmoutons.Etfilsauoicnt
faute d’eaue pour vnremede , ôc afin de faire
plcuuoir, ils mettoient vn mouton tout noir, ^
attaché au milieu d’vne plaine elpandant beau+
coup de Chica tout autour de luy , & ne luy
donnoient point à manger , iufqucs à ce qu’ü
Histoire natvrellb
pleuft, ce qui cft encor praticquc auiourd’huy
en pluiîeurs endroits, en ce mefme temps qui
cft Odobre. Le douzicfme , & dernier mois
(’appelloit Aymara, auquel l'on facrifioitcenc
autres moutons , & failbient la fefte appellcc
Raymicaiitara Rayquis.Enccmois quirefpond
àNouembre, l’on appareilloit ce qui eftoit ne- .
ceilaire pour les enfans qui fè debuoient faire
nouiccs,le mois enfuiuant, & les enfans auec les
vieillards faifoient vne certaine monftre auec
quelques tours , & cefte fefte eftoit appellcc
Iturâymijlaqueilefc fait ordinairement quand
il pleut trop , ou trop peu,ou qu’il y a de la pe-
ftilence. Entre les feftes cxtraordinaircs,qui y
cftoientaulE en grand nombre, la plus fameu-
fe eftoit celle qu’ils appelloient Y tu. Cefte fe-
fte Ytu n’auoit point de temps ny de faifon ar-
reftée, autrement, que en temps dcneceflité. |
Pour fe préparer à icelle tout le peuple ieuf» ;
noitdenxiours durants , aufquels ils ne tou-
choient point à leurs femmes ny ne mangeoient
point de viande auec le fel,ny ail, 6c ne bcuuoiét
point de Chica. Tous ftaircmbloicnt en vne
place,où il n’y auoit aucun eftrangcr, ny aucun
animal, -& auoient de ccrtainshabits 5c orne-
ments , qui feulement feruoient pour cefte fe-
fte. Ils marchoient en proceflion fort douce-
ment, les teftes couuertcs de leurs voiles, bat- ^
tans des tambours fans parler 1 vn à 1 autre.Cela
duroit vn iour ôc vne nuid.puis le iour enfuy- |
uant,ils danfoicnt,& faifoient bonne cherc, par j
' deux iours ôc deux nuits continuellement, di-
(àns que leur oraifon auoir efté acceptée. Et.
encor
ôES Indes, Lit. V.
encor que cefte fcfte ne fe face auiourd huy aucc
toute cefte ceremonie ancienne. Ci cft-ce que
communément ils en font vne autre^qiii eft fort
femblable,laquelle ils appellent Ayma, auec des
vefteraens,qui feruent feulement à ceft effed,&
font cefte maniéré de proceflîon aüec leurs tâ-
bours, ayans auparauant ieufnc,puis apres fe
mettent à faire bône chere: ce qu’ils ont de cou-
fturae de faire en leurs vrgentes neceftîtez. Et
combien que les Indiens ayêt delailTé en public
de facrifier des beftes , & autres chofes qui ne le
peuuent cacher desEfpagnols,neantmoins ils fe
feruent toufiours de plufieurs ceremonies qui
ont leur origine de ces feftes & fupcrftitionsan-
ciennes.Car ils font encor auiourd’huy couucr-
temêt cefte fefte de iTtu aux dances de la fefte
du Sacrement, en faifaits les dances de Lyamal-
lama,& dé Guacon , & d’autres félon lenr ccred
monie ancienne : à quoy Ton doit bien regarder
de près. L’onafaitdes Traittezplus amples de
ce qui concerne cefte matière , pour les lieux oà
ileftneedraire remarquer les abus & fuperfti-
tions qu’auoient les Indiens lors de leur gcntil-
litéjà fin que les Preftres &Curez y prennet gar-
de.Suftifedoncàprefent d’auoir traitté de l’e-
xercice, auquel le diable occupoit fes deuots , à
fin que contre fa volonté l’on voyc la différence
qu’il y a del a lumière aux tenebres,& de la véri-
té Chreftienne au mefonge Gétil,quoy que l’en-
nemyde Dieu& des hommes ait tafehé auec
tous fes artifices de contrefaire les chofes de
Dieu
HiSÎOIRE NAT^^R.ELLE
Pe U fcjle dtf lukléqfte cdehroient les
Mexiqmms,
CüAF. XXIX.
'Es Mexiquains n’ont cftc moins cu-
' rieux en leurs feftes&fc
biens , mais d Vn grand coüft de lang.
humain. Nousauons cy delTus parlé delà fefte
principale de Virzilipuzeli ^ apres laquelle la fe-
fte de Tezcalipuca,eftoitla plus folemnifce.Cc-^
fte fefte tomboit en May,& en IcurKalêdrier ils
l’appelloiencT oxcoltjelle efeheoit de quatre ans
en 4. ans auec la fefte de pénitence, où il y auoic
planrere indulgence & pardon des pechez.En ce
iourilsfacrifioicnt vn captif, qiüauoit la fem-
blanee de ridole Tezcalipuca,qui eftbit le 157.
deMay.Enlaveillede cefte fefte, les fêigneurs
venoient au temple , & apportoient vn verte-
ment neuf femblable à celuy de l’idole, lequel
lespreftresluy veftoient, luy ayans première-
ment ofté les autres habits , lefquels ils gardoiéc
auec autant ou plus de reuerencç , .que nous fai-
fonslesornemens. Il y auoir aux coffres de l’i-
dole plufîeursornemens, ioyaux , affiquets, &
autres richeftes , de bracelets , de plumes pre-
cieufes, qui ne feruoient d’autre chofeque d’e-
ftrelà, &adoroient tout cela comme le mef-
mc Dieu. Outre le vertement , auec lequel ils
adoroient l’idole ccioar-là , ils luy mettoient
DES Indes. Lïv. V. 2^^
dè certaines enfeignes 'de plume , des garde-
foleils , des ombrages , Ôc autres chofes ; l’ayans
ainiî reueftu & orné , ils oftoient la courtine ou (
voile de la porte,à fin qu’il fuft veu de tous , Sc
alors fortoit vne des dignitez du temple, ve-
ftudelamdrac façon que l’idole, portant des
fleurs efi la main, & vne petite fleute de terre,
ayan tvn Ton fort aigu, & fc tournant du cofté
derOrient ilia touchoit , puis retourne vers
rOccident, le Norc & le Sud , il faifoit le fem-
blablc. Et apres auoir ainfi fonné vers les qua-
tre parties du monde ( dénotant que les pre-
fens & abferts royoient)ilmettoitledoigt en '
l’aire, accueillant de la terre d’icelle, la mettoit
en fa bouche , & la mangeoit en figne d adora-
tion. Autant en faifoient tous ceux qui y cftoict
prefens , & en plcurans fe profternoient inuo-
quansrobfcuritc de la nuiét & les vents , les
prians qu’ils ne les dclailTaflcnt ny oublialTenc
pointjou bien qu’ils leuroftaflènt la vie, pour
^donner fin à tant de trauaux qu’ils enduroient
en icelle. Les larrons , les fornicatcurs , les
homicides, actous les autres delinquans auoient
grande crainte ôc triftdlecneux pendant que
cefte fleute fonnoit : tellement que quelques
vns ne pouuoient diflîmuler ny cacher leurs
délits. Par ce moyen tous ceux-là ne deman-
doient autre chofe à leur Dieu , fmon que leurs
délits ne fuflent point manifeftez , efpandans
beaucoup de larmes, & aucc vne grande re-
pcntance Ôc regret , offroient quantité d'en-
cens pour appaifer leur Dieux. Les hommes
courageux ôc vaillans , ôc tous les vieux fol-
Histoire natvrbeie
dats qui fuiuoicnt l’art militaire , en oyant cc-
ftefleute demandoient auec vne grande deuo-
tionàDieule Créateur, au Seigneur pour le-
quel nous viuons, au Soleil, & à d’autres leurs
Dieux, qu’ils leur donnalTent vidoirc contre
leurs ennemis , & des forces pour prendre
beaucoup de captifs , à fin d’Honorer leurs fa-
crifices. La ceremonie fufdiâ:e fc faifoit dix
ioursauparauantlafefte, pendan%lefqucls dix
iours Icpreftrc fonnoit celle fleure , à fin que
tous fifl'ent celle adoration de manger de la
terre , Ôc de demander à leur idole ce qu’ils
voudroientr & faifoient chafque iour oraifoa
les yeux hauflez au Ciel auec des foufpirs &
gemiflemens , comme perfonnes quife contri-
lloicnt de leurs fautes &pechez. laçoit que
celle contrition ne full que par crainte de la
peine corporelle que l’on leur donnoit,& non
pas pour crainte de l’eternelle , parce qu’ils
croyoient pour certain qu’il n’y auoit point
de peine fi ellroitte en l’autre vie. C eft pour-
quoy ils foffroient à la mort volontairement,
ayans opinion que c’elloità tous vn repos af-
feuré. Le premier iour delà fefte de cefl ido-
le Tczcalipiica ellant venu , tous ceux de la
Cités’aircmbloienten Vne cour pour célébrer
auflîla fcllc du Kalendrier , dont nous auons
parlé, qui s’appelloit Toxcoalth, quifignifie
chofefeche: laquelle fefte nefe faifoit à autre
fin, que pour demander de l’caiie en la façon
que nous autres folemnifons les Rogations;
ôc ainfi celle fefte cftoit toufîours en May,
qui eft le temps que l’on a plus faute d’caües
t)Es Indes. Liv^/V. xSy
en ce pays-là. L’on commençoit à la Cclebrci:
le ncufiefme de May , finiirant le dixneufiefmc.
Le dernier iour de la fefte au matin les preftres
tiroient vn brahquart ou litiere fort bien or-
née de courtines, &dc fandos de diuerfes fa-
çons. Ce branquart auoit autant de bras (5c te-
nons, qu’il y auoit de miniftresquile dcuoienc
porter. Tous lefquels fortoient barbouillés
denoir, leseheueux longs. trefTes par la moi-
tic auecdeslizctsblancs, ôcveftus de la liiirce
ded’idolç. DelFus ce branquart ils mettoient
le perfohnàge de l’idole , député pour celle fe-
fte , qu’ils appelloicnt femblance du Dieu Tes.
calipiica , & le prenans fuiTeurs efpaules le ri-
roient en public au pied des degrez , & incour
tirtent fortoient les ieuncs hommes , & les fil-
lesreclufes de ce temple , portans vne grofié
Corde torfe de chaifnes de mays rofty , auec
laquelle ils enuironnoient le branquart , &
mettoient au col de l’idole vue chaifnc de mel-
me, &enlateftevnc guirlande. Ils appellent
la corde Toxcalt, dénotant la fechcrclTe , & fte-
rilité du temps. Les ieunes hommes fortoient
entourez auec des courtines de red, des guir- *
landes, & des chaifnes de mays rofty. Les filles
cftoient veftues d’habits & ornements tous
neufs , portans au col des chaifnes de mays ro-
fty, & en leurs teftes des T yares faiéles de ver-
getres toutes couucrtes de ce mays. Ils auoient
les pieds couuerts de plumes , & les bras &
ioucs colorées de fard. Ils apportoient aufti
beaucoup de ce mays rofty , & les principaux
fc les mettoient à U tefte ôc m col , prenans
L 1 iij
HiSTÔI RE N ATVR E tt E
des fleurs en leurs mains. Apres que l’idole
cftoitmis enfon branquart & litière , ils fe-
moientpar tout au tour grande quantité de ra-
meaux de raanguey,lcs fucilles duquel font lar-
ges ôc efpineufcs. Ce branquart mis fur les ef-
paules des deirufdits religieux, ils le portoient
en proccflîon par dedans le circuit de la cour,
& deux preftres marchoient deuant aucc des
brafiersou encenfoirs, encenfans fortfouueut
l’idole , 6c chafqiie fois qu’ils mettoient l'en-
cens ils hauflbient le bras le plus haut qu’ils
pouuoicnt vers l’idole 6c vers le Soleil , leur di-
îans, qu’ils efleuaflènt leurs oraifons au Ciel,
comme cefte fumée fefleuoit en haut. Alors
tout le peuple quieftoit en la cour alloit & ic
tournoit en rond vers le lieu où alloit l’idole,
portans tous en leurs mains des cordes neufues
de fil de manguey,d’vne braffe dclong, ayans vn
nœud au bout , 6c auec icelles fe deiciplinoient
ftndonnans de grands coups fur les clpaulles, |
de la façon que l'on fe difeipline icy le Içudy
Saindt. Toute la muraille delà cour 6c les cré-
neaux cftoient pleins de rameaux 6c de fleurs,
fl bien ornez , 6c auec telle fraifeheur qu’ils
donnoientvn grand contentement. Celle pro-
ceflîon eftant acheuce, ils rapportaient l’ido-
le au lien où il auoit accoullumé d’ellrc : puis
apres venoit vne grande multitude de peuple
auec des fleurs accômodéesdediuerfes façons, |
dont ils rempliflbient le temple 6c toute la cour,
de forte qu’il fcmbloit ornement d’oratoire.
Tout cela elloit accommodé 6c mis en ordre
parles mains des preftres , les ieuues hommes
DES Indes. I,iv. V. 2^S
idu Temple leur baillant , & feruant ces chofes
de dehors. La chapelle ou chambre de l’idole
demeuroit ce iour là defcouuerte fans y mettre
le voile. Cela fait chacuij venoit offrir des cour-
tines, des fandaux , des pierres precieufes , des
ioyaux,de l’encens, du bois gommeux , des gra-
pcs,ou eipics de Mays 3 des cailles, ôc finable-
mentjtout ce qu’ils auoient accouftume d’offrir
en telles follemnitez. Qi^ndils offroient ces
cailles,(qui eftoit l’oflrande des panures ) ils faî-
foient cefte ceremonie , qu’ils les bailloientaux
preftres, Icfqiiels les prenants , leur arrachpient
latefte , &aufli toftlcs iettoient aux pieds de
l’autel , où ils perdoient leur fang , ôc autant en
faifoicntils des autres qu’ils offroient. Chacun
offr oit félon fon pouuoir , d’autres viandes , &:
fruits lefquels eftoient aux pieds de l’autel des
miniftresduTemple, & eftoient ceux, qui les
rébueilloieiit , & les portoient en leurs cham-
bres, Cefte follemnelle offrande faite, lé peu-
ple s’en alloit difiier, chacun en fon bourg & en
famaifbn/laiffansainfila fefte fufpendue, iuf-
ques apres difncr. Pendant ce temps les ieiines
hommes & filles duTemple , auec les ornemêts
fufdits s occupoientàferuir fidoie, de tout ce
qui luy eftoit dédié, pour fon manger. Laquelle
viande eftoit appreftée par d autres femmes qui
auoient fait vœu de s’occuper ce iour la, à faire
le manger de l’idole , ôc d’y feruir tout le iour,
C’eftpourquoy toutes celles qui auoient fait le
vœujvenoient au point du iour, s’offrans aux dé-
putez du Temple, afin qu’ils leur cômandafTent
ce qu’elles deuoient faire , ôç racçpmpliffoienr
Ll iiij
Histoire natvrelle
fort diligemment. Elles faifoient & appreftoiéc
tant de diuerfitez & inuentions de viandes , que
c’eftoit vne chofe admirable.Ceftc viande eftanc
accommodée,& l’heure du difner venue, heures
CCS filles fortoient du Temple , en proceffion
' chacune vn petit pannier de pain,en la main, Sc
en l’autre vn plat de ces viandes, & marchôic
deuant elles vn vieillard , qui feruoit de maiftre
d’hoftel,auccvn habit afTezplaifant •, il eftoie
•vcftudVnfurplis blanc, qui luy venoit iufqucs
au mollet des iambcs,fur vn pourpoint fans mâ-
ches de cuir rouge, à la façon dVne tunicque. Il
portoit des ailles, au lieu de manches, d’où for-
toient des lifets larges , aufquels pendoit , fur le
milieu des clpaulles, vne moyenne callabalîe,
ou citrouille, qui eftoit toute remplie, & cou-
uerte de fleurs, par des petits trous qui y eftoiér,
écau dedans y auoit plufieurs chofes de fuÿr-
ftition. Ce vieillard marchoitainfi accommo-
dé deuant l’appareil , fort humble , & trille , a-
yant la telle baiiréc ,& en approchant du lieu,
qui eftoit au pied des degrés, il faifoit vne gran-
de humiliation , &reuerence, puis fe retirant
d’vn collé les filles s’approchoient auec la vian-
de, & lalloient prefenter de rang , & par ordre
les vues apres les autres , auec beaucoup de re-
uerence. Puis ayants prefenté toutes cesvian-
des, le vicllard s’en retournoit comme deuant,
&remenoit les filles en leur Conuent. Cela
fait , les ieunes homes , & miniftres de ce T em-
ple fortoient, &recueilloicnt celle viande , la-
quelle ils portoient aux chambres des dignitez
& preftres du Temple , lefquels auoient ieufnc
Des Indes. Liv. V.
pari’erpace de dnq iours , mangeaiis feulement
vnc fois le iour j & s’eftoient abftenus de leurs
femmcSjfans fortir du Temple , duranttes cinq
iours, pendant lefquels ils fe fouettoient rigou-
rcufemenc , auec des cordes , & mangeoient de
cefteviandediuine (ainfil’appelloientils) tout
ce qu’ils ponuoient, & n’eftoit licite à aucun
d’en manger,linon à eux. T out le peuple ayant
acheué dcdifner, fe ralfcmbloitàlacour pour
célébrer & voir la fin de la fefic , ou ils faifoient
venir vn captif qui par l'efpacc d’vnan, auoit
TepreCenté 1 idol;;, eftant veftii , orné & honoré
comme le raefme idole , & luy faifans tous ré-
férencé, le mettoient entre lés mains des facri-
ficateurs , lefquels fe prefenr oient au raefme
temps, & l’alloient faifir par les pieds, & mains»,
Le Papa luy fendoit Ôc ouuroit l’cftomac , luy
arrachant le- cœui\,'>puis hauflfoit la main tant
qu’il pouuoit, le monftrant au Soleil , & à Pido-^
le^commeilaeftéditcy deuant. Ayans ainfi fa-
crifié celuy qui reprefentoit 1 idole , ils s’en al-
loienten vn licuconfacré , &: député pour cet
cfFet,où arriuoieht les ieunes hommes , & filles
du Tcmplc,aucc les ornements fufdits, lefquels
cftans mis en ordre, dançoient & chantoient à
l'entour des tambours , & autres inftrumcnts,
dont les digihcez du T emple iouoyen t , & (bn-
noient.Puis venoient tous les Seigneurs , ayans
les mefmes enfeignes , & ornements , que les
ieunes hommes, lefquels d ançoient en rond,
autour d’iceux. L’on ne tuoit point ordinaire-
ment en ce iour d’autres hommes , que le facri-
fiéjtoutesfois de quatre ans , en quatre ans feu-
Histoire N ATVRELLE
Iciment,ron en auoit d’autres auecluy,qui eftoit
en Tan du lubilé&indulgence planicrç. Apres fc
Soleil couché, chacun cftât côtenF de fonner de ,
manger & de boire, les filles s’en alloiêt toutes à
leur Côuentj&prcnoient de grâds plats de terre, |
pleins de pain paiftry de miel , qui eftoient cou-
uerts de petits panniers ouurez & façonnez de '
teftes,&: os de mort,ôc portoient la Collation, à
ridolc,montans iufques à la cour , qui eftoit de-
uant la porte de TOratoire , Ôc l’ayants poféc en
ce lieu elles defeendoient auec le mefme ordre,
qu’elles y auoient môté,lc maiftre d’hoftel allant
toufiours deuant. Incontinent fortoiét tous les
jeunes hommes en ordrc,auec des cannes ou ro-
feaux,és mains , qui commençoient à courir au
hault les degrez du T épie , à l’enuie iVn de l’au-
tre,pour arriuer les premiers aux plats de la col-
lation. Cependant lesdignitez rcmarquoient cc-
luyqui auriuoit le premier,recond,troifiefme,5c
quatriefine, fans faire eftat du refte. Cefte colla-
tion eftoit auflî toft cnleuee par ces ieunes hom-
mcSjlaquelle ils emportoient , comme grandes '
reliques. Cela faid les 4. qui premiers eftoient
arrinez, eftoient mis au milieu des dignitez Ôc
anciens du Temple, & auec beaucoup d’hon- .
neur les mettoient en leurs chambres , les loiias '
leur donnans de bons ornemens , & de là en
auant eftoient reuerez Sc honorez comme hô- *
mes fignalez. La prinfe de cefte collation eftant
acheucc , Ôc la fefte célébrée auec beaucoup de
refiouiiïànce,&dc crieric,ils donnét côgé,à tous
ces ieunes hommes, & filles qui auoient feruy !
l’idole,aû moyen dequoy il s’en alloient les vus
[
DES Indes. Lïv. V. 27®
apres les autres , au temps qu’elles fortoient.
Tous les petits enfans des colleges, & cfcholes
cftoient à la porte de la cour,auec des pellotcsdç
ionc &: d’herbes , aux mains , Icfquelles ils leur
icttoicntrcmocquans,&rians d’dlcs, comme
de perfonnes , qui fc retiroient du fermice de H-
dolciils fortoient auec liberté de dirpofer de foy
à leur volonté, & auec cekprenoit fin la fefte.
- Ve U fef^e des MArehàinds celehrolent ceux de ■
Cholutecas,
Chap. XXX.
Ombien que i’aye alTez cy dcflüs
parlé du feruice que les Mexiquains
faifoient à leurs dieux , fi effc-ce que
ie diray encor quelque chofe de la
fefte de celuy qu’ils appclloicnt
Quctzacoaalt,quieftoitleDieu des riches , la-
quelle fe follcmnifoit en cefte forme. Quarante
iours auparauant les Marchands acheptoientyn
cfclaue,bienfair>fansaucunviceny tache, tant
de maladie , comme de blcfteure , lequel i)s ve-
ftoient des ornements de l’idole afin qu’il le re-
prefentaft quarante iours. Auantquc de le ver
ftirilslc purifioient le làuant deux fois en vu
lac qu’ils appclloicnt lac des dieux , ôc apres
qu’il eftoit purifié, ils le veftoient, demefme
que l’idole çftoit vcftu. Il eftoit fort reueré,du-
Histoire katyreii-e .
tant quarante iours , à caufc de ce qu’il rcpré-
fentoit. Ils rcmprifonnoicnt de nuit( comme
ilaefté ditcy-delTus,) de peur qu’il ne s’enfuift
& le matin le tiroient de la prifon, Icmettans
en vn licucminent,oùilsle teruoicnr , en liiy
donnant à manger des viandes exquifes. Apres
qa’ilauoit mangé ils luy mettoient des chaînes
de fleurs 'au col, & beaucoup de boucquets aux
mains. Ilauoitfa garde fort accomplie , auec
beaucoup de peuple qui l’accompagnoit & al-
îoitauccluy parla Cité. Il alloit chantant Sc
danfant par toutes les rues ,afin d’eftre cogneu
pour la femblance de leur Dieu , & lors qu il
commençoit à chanter , les femmes petits
enfansfortoiehtde leurs maifons , pour le (a-
lucr , & luy faire leurs offrandes comme a leur
Dieu. Deux vieillards d’entre les dignitez du
Temple, venoientpardeuers luy, neuf iours
auparauant la fefte , Icfqucls fhumilians deuant
ÎLiy,luy difoi'cnt d vne voix fort humlDle, & baf-
fe , Seigneur ru dois fçauoir , que d icy a neuf
iôurSjS'acheüele trauail de danfer , & de chan-
ter, car alors tu dois mourir , & il deuoit ret-
pondre qué ce fuft à la bonne heure. Ils appcl-
loiét cefte ceremonie Neyolo Maxiltleztli,qui
veut dire l’àduerrifremét,& quand ils l’aduertif-
foient, ils prenoiêt garde fort ententiuemét , fil
fé contriftoir point , &fil dançoit auffi ioyeu-
fement, qiiedecouftume, ques’ilne le faifoit
auec vne telle gayeté qu’ils defîroycnt, ils fai-
foycntvnefotte fupcrftition en cefte manière,
lis s’en alloyenf incontinent prendre les ra-
foirs des facrifices , lefqucls ils iauoyent j ôc
:bEâ ÏNDtS. liv. V. -lyi
mettoycnt du fang humain , qui y rcftoit des fa-
crifîces paflèz. E t de ces laueiires luy faifoy ent
vn breuuage mefle auec vne autre liqueur fai-
te de Cacao, &luy dpnnoientàboirc , & dû
foyent que ce breüuage auoit^ telle operation
en luy, qu’il luy feroit perdre la mémoire de
tout ce que l’on luy auoic dit , ôc que cela le
rendroit prcfqueinfenlîblc’, & retourneroit à
Ion chant , & gayeté ordinaire. Ils diTcntd’a-
uantage, qu’il foffroit allègrement à mourir,
fftant enchanté de ce breuuage. La caufe pour-
quoy ils tafehoyent de luy ofter cefte triftelTc,
cftroit pour autant qu’ils tenoyent cela pour
vnmauuais augure, 6c pour vn pronofticq de
quelque grand mal. Le iour delà fefte cftant
venu, apres luy auoir fait beaucoup d’honneur*
chanté la mulique, &luy auoir prefenté l’en-
cens , les facrificateurs fur la minuid le pre-
iioycnt & le facrifioyent à la façon fufditte,
faifans offrande de Ton cœur à la Lune, lequel
ilsiettoyent apres contre fidolc, laifTant tom-
ber le corps au bas des degrez du temple , où
ceux qui fauoycnt offert le releuoyent , qui
cftoyentics marchands , defquels eftoitla fc-
fte. Puis fayant porté en la maifon du plus no-
table d’entre eux , lefaifoyent apprefter en di-
uerfes faulces, pour célébrer à faube du iour
le banquet ôc difhé delafeflc, ayans premiè-
rement donné le bon iour à l’idole , auec vn
petit bal qivils faifoyent pendant que l’aube
lortoit, éc que l’on accommodoitle facrifié.
En apres tous les marchands s’afTembloyent à
ce banquet , Ipecialcmcnt ceux qui faifoyent le
A
Histoire natvreilê
èommcrccdcvcnducj & acheter des efclaucs,’
quiauoyent en charge d’offrir par chacun an I
vnefclaue , pour la femblahce de leur Dieu. j
Celle idole cftoit vn des plus honorez de ce-
lle rerrejComme f ay dit , c’efl pourquoy le tem-^ ^
pie où il eftoit , elloit de beaucoup d’auihor ité.
Il y auoit fùixa:nte degrez pour y monter , 6c au
deffus d’iceux y auoit vne cour de moyenne
largeur, fort proprement accommodée 6c pla-
llrée au milieu de laquelle il y auoit vne gran-
de piece ronde , en la façon de four , ayant fort
entrée bafrc,& eftroittc , tellement que pour y ,
entrer , il falloir fcbaiffcr bien fort. Ce temple . |
auoit fes chambres, ouchappelles , comme les |
autres, où il y auoit des conuents de preflres, !
dcieufnes hommes, de filles , 6c d’enfans , com- |
meilaeflédit, & toütesfois il n’y auoit qu’vu I
feul preflre qui refidoit continuellement là , 6c |
cfloit comme femainier. Car combien qu’il y j
eufl en chacun de ces temples trois ou quatre j
Curez &dignitez, chacun y feruoit fà feraai- î
ne,fans en forrir L’office du femainier du tem- j
pic c apres auoir cndoélriné les enfans ) efloic |
de battre vn grand tombour tous les iours à j
l’heure que fc couchoit le Soleil pour la raef- |
me fin que nous auons accouflumé de fonner |
l’oraifon.Cc tambour cftoit, tel , que l’on en en- 1
rendoit le fon enroue de toutes les parts de la !
Cité , alors vn chacun ferroit fa marchandife,
6c fe rctiroit en fa maifon-, 6c y auoit vn fî
grand filcncc, qu’il fcmbloit qu’il n’y euft hom-
me viuant dans la ville. Au matin , lors que l’au-
be du iour commcnçoitàfortir, ilrecommc»-
Des îïîdês. Lty. V.
çoità battre ce tambour , qui cftoit le fîgne
que le iour commençoir , au moyen dequoy les
Voyagers & forains s’arreftoyent à ce lignai
pour commencer leurs voyages , pource qu jl
n’eftoit point permis iufqucs à ce temps ^ de
forrir de la cité. Il y auoit en ce temple vnc
cour de moyenne grandeur , en laquelle l’on
faifoît de grandes dances , ôc rcliouilTances,
aucc des farces, ou entremets , le iour delà fe-
ftedel idole. Pour lequel elFedî: il y auoit au mi-
lieu de celle cour vu petit theatre de trente
pieds en quarre, fort proprement agence , le-
quel ils accommodoyent de fueillagcspourcc
iour, auec tour Fartifice Sc gentillelTe qu’il elloit
polîîble,ellanttoutenuironnc d’arcades de di-
ueiTcs fleurs , ôc plumages , ôc y tenoy ent atta-
chez en quelques endroits beaucoup de petis
oifeaux, connils, & autres animaux pailîbles.
Apres difnertoutlc peuple falfembloir en ce
lieu , ôc les baftellcurs fe prefentoyent , ôc
iouoyent des farces , les vns contrefaifoyent
les fourds , Ôc les enrumez , les autres les boi-
teux, les aueuglcs, ôc les manchots, lefquels
venoyent demander guarifon à l’idole. Les
fourds refpondoyent du coq à l’afne , les cn-
ruhumez toulfoientjlesboiteux clochoyent,ra-
Gontans leurs miferes Ôc ennuis, dequoy ils
faifoyent beaucoup rire le peuple , les autres
fortoyent en forme de bcftiolcs , les vus eftans {.
veftus comme efeargots , les autres comme cra-
paux , ôc d autres comme lézards ^uis fehtre-
rencontrans racontoyent leurs offices , Ôc Ce
rctirans chacun de fon colle , ils touchoyent de
Histoire natyreile
petites flu ftes , qui cft oit chofe plai fante à ouy r |
Us contrefaifoyent meCme des papillons , & des !
petits oifeaux, de diuerles couleurs , & cftoyent ;
les enfans du temple, qui reprefentoyét ces for- j
mes, puis ils montoyent en vne petite forcft,qui j
eftoirlà plantée exprès, où les preftres du tépie, {
les tiroyenr aucc des farbacanes.. Et ce pendant
ils fc difoyent plufieurs plaifans propos , les vns ]
en attaquant, & les autres en deffendâr, dequoy j
les aififtans eftoiét ioyeufement entretenus. Ce- |
la acheué ils failoiét vn balou mommerie, auec |
tous ces perfonnages , Ôc par ce moyen s ache- i
uoitlafeftc. Ce qu’ils auoient accouilumé de j
faire aux plus principallcs feftes. |
Qmlj^rojît l'onfeut tirer du traitté des fu^erjîitions
des Jndes.
Ch A P. XXXI.
; Equi a efté dit fuffife pour eiitêdre
le foin , & la peine que les Indiens
employoientà feruir & honorer
leurs idoles, & pour mieux dire le
diablercar ce feroit vne chofe infi-
nie , & de peu de profit , de vouloir raconter cn-
ticrcmét ce qui s"y palTe,veu mefme qu’il pour-
ra femblcr à quelques vns qu’il n cftoit point de
befoing d’en dire tant,côme i’ay faitjEt que c^’eft
perdre le téps,comme l'on fait en iifant les côtes
que feignent les Romans de Chcualerie. Mais
h ceux qui ont cefte opinion y veulent regar-
der de près , ils troqueront qu’il y a grande dif-
bES Indes. Liv. V. 175
ferenee entre l Vil & l’antre , & recognoiftrone
que ce peur eftre vne chofe vtile, pour pluficürs
confiderations d’auoir la cognoilïàncc des c«u-
ftumes & ceremonies, dont vfoienc les Indiens.
Premièrement ccftecognoifîàncen’eft pas feu^
leraent vtile mais aulïîneceiraire aux terres oà
ils ont vfé de ces (üperftitions,afitl que IcsChre-
ftiens^& maiftres de la loy de Chrift, fçachêt les
erreurs &rupcrftitions des anciens, pour voir lî
les Indiens en vfent point encor auiourd huy
ouuertement.ou couucrtemenr. Pour celle oc-
calîon plufieurs doutes & lîgnallez perlbnnagcs
onteferit desdifcoursaircz amples,de ccquifé
cil trouué, voire les Conciles proinciaux, onc
commandé que l’on les efcriue,& imprime, co-
rne on a fait en Lima, oùvn difeonrs a elle fait
pP ample, que ce qui en eft icy traitte. C’efl pour
quoy c’ell chofe importâte pour le bien des In-
diens,que les Efpagnols eftans en ces parties des
Indes,ayêt la cognoillànçe de toutes efes chofes.
Celle narratiô mefme peut feruir aux Efpagnols
dedelà,& à to® autres en quelque endroit qu’ils
foyent pour remercier Dieu nollrc Seigneur, &
luy rendre grâces infinies d’vn fi grand bien que
celuy que nous a departy,&: va donnant fa fain-
élc Loy,laqnelle ell toute iulle, toute nette, ôc
toute profitable.Ce que l’on peut cognoillrc en
la comparant auec lesloix de Satan, outâtde
malheureux ont vefeu fi miferables. Elle peut
mefme feruir pour defcouurir l’orgueil, Icnuie,
les tromperies, & les embufehes du diable, qu’il
exerce contre ceux qu’il tient captifs, veu que
d’vn collé il veut imiter Dicu,&:fairc côparaifon
Mm
Histoire natvreiie
âucc luy,& fa faindc Loy, & d’autre cofte il
tremefle en fes adcs,tantdevanitez, d’ordures,
& de cruantez, comme celuy qui n’a point d’au-*
treexcrcice,quederophiftiquer, & corrompre
toutcequicftbon.Finablemét qui verra leste-
nebres acTaueuglemenc auquel tant de grandes
prouinces,&Royaumes,ontvefcu Ci long temps
& que beaucoup de peuples, voire vne grande
partie du môde,viuent encor deçeus de fembla-
bles tromperies, ne pourra, (fil ale cœur Chre-
ftien ) qu’il ne rende grâces au tref-haut Dieu,
pour ceux qu’il appelle de fi grandes tenebresà
l’admirable lumière de fon Euangile, fuppliant
Êimmcnfe charité du Créateur qu’il les côferue,
si augmente en fa cognoilTance,& en fon obeif*
fancé,& que de mefme aufli il fe contrifte, pour
ceuxquitoufîoursfuyuentle chemin de perdi-
tion Æt qu’en fin il fupplie le Pere de mifericor-
de, qu’il’ leur defcouure les threfors,&richeire$
de lehis Chrift, lequel auec le Pere, & le S. Ef-
prit, régné par tous les ficelés Amen,
•?£»
m
livre sixiesme
de LHISTOIRE NATVREL-
Ic & morale des Indes.
' Chapitre premier.
l opnion de ceux là ejl faufe tiennent qj4.e les In-
• diens ont faute d* entendement.
Y A N T traitté cy
uant de la religion dot
vfoientles Indiens, ic
prétends eferire en ce
liure de leurs couftu-
mes,police,& gouuer-
nemêt.poiir deuxfîns,
IVneafind’ofterlafau
fe opinion, que l’on a
communément d’eux,
qu’ils font homes grolîîers & brutaux, ou qu’ils
ont 11 peu d entendement, qu’à peine meritenc
ils qu’on die qu ils en ayent.D’où vient que l’on
leur fait plufieurs excez & outrages en fe feruàs
d’eux prefque en la mefme façon,que fi c’eftoiet
belles brutes, Sc les reputans indignes d’aucun
refpea:, qui eft vnfi vulgaire , & fi pernicieux
erreur ( ainlî que le fçauent fort bien ceux qui
auec quelque zele, & confideration , ontehe-
miné parmy eux, & qui ont.veu & cogneu
Min ij
Histoire NAivRELiE
leurs fecrcts , & confciis) & d’autre part le peu
de cas que font de ces Indiens, plufieurs qui j
penfentfçauoir beaucoup , & neantmoins qui !
font ordinairemenL les plus ignorans, & plus j
prefomptueux , que ic ne voy point de plus >
beau moyen pour confondre celle pernicicu- ;
fe opinion, qu’en leur deduifant l’ordre & fa- j
cou de faire qu’ils auoient au temps qu’ils vi- i
noient encor fonbs leur loy, en laquelle com^ ;
bien qu’ils eulfent beaucoup dechofes barba-
res,& fans fondement, neantmoins ils en auoiét
beaucoup d’autres dignes de grande admira- |
tion , par lerquellcs l’on peut entendre qu’ils :
ont le naturel capable de rcceuoir toute bon- ^
ne indrudion , & de fait ils furpalîent en quel- |
ques chofes plufieurs de nos Republiques. Et \
n’cft point chofe de merucillc, qu’il y ait eu en- (
tr’eux de Û grandes & fi lourdes fautes , veu j
qu’il y en a eu aulfi entre les plus fameux legif- J
lateurs , & Philofophes,( voire fans excepter j
Lycurgue ny Platon.)Et entre les plus fages Re- i
publiqueSjComme ont ellé la Romaine, & l’A- 1
thenicnne, où l’on peut recognoillredcs cho- |
fes fl pleines d’ignôrance, Ôc fi dignes de rifee,
qu’à la vérité fi les Republiques des Mexi- i
quains & Inguas eulfent efté cogneues en ce
temps des Romains, & des Grecs, leurs loix 8c
gouuernemens, eulfent |fté beaucoup eftimez ;
d’eux. Mais nous autres à prefent ne confide- |
rans rien de cela, y, entrons par l’efpéc,fans les j
oLiyr, ny entendre , nous perfuadans que les
chofes des Indiens ne méritent point qu’on en
face ellimc autre, que comme l’on fait dvnc
Di« Indes. Liv. VI. 275
vcnaifon prinfe en la foreft,qui ait efte amenée
pour noftre feruiec & palTetemps. Les hom-
mes plus profonds , & plus diligents , qui ont
pénétré & atteint iufqùes à la cognoiflanec de
leurs fecrets, couftumes &gouuernemcnt an-
cien , en ont bien autre opinion. & f cfinemeil-
lenr de Tordre , ôc du dilcours quia efté entre
eux. Du nombre dcfqnels eft, Polo Onde^
guardio , lequel ie fuis communément au dif-
coiirs des chofes du Peru,& pour celles de Me-
xique IcandeToüar ,quiauoiteu vnepieben-
dc en 1 Eglife de Mexique , &auiourd’buy efi:
religieux de noftre compagnie de leftis , lequel
parle commandement du Viçeroy Dom Mar-
tin Enrriques , a fait vn diligent(& ample re-
cueil des hiftbires decefte nation, & pluiîeurs
autres graues & notables perfonnages, lef-
quels tant par parole , que par eferit, m’ont
fuffifamment informé de toutes ces chofes,
queie raconte icy. L’autre fin ôc intention, &
Je bien qui fe peut enfuiure par la cognoifTan-
ce de ces loix , couftumes , & police des In-
diens , eft afin de leur aider,& les régir par les
mefmes loix & couftumes, attendu qu’ils doi-
uent eftrc gouuernez félon leurs couftumes
Ï>riuileges , entant qu’ils ne contreuiennent à
aloy de Chrift , & de fa fainde Eglife,qu’on
leur doit conferucr & entretenir, comme leurs
loix principales. Car Tignorance des loix ôc
couftumes a efté caufe , que Ton y a commis
plufieurs fautes de grande importance: parce
que les iuges, Ôc Gouuerneurs ne fçauent pas
bien comment ils doiiient donner iugeraent,6ç
iij
Histoire natvrelle
y régir leurs fuiets. Et que outre ce que c’efl:
leur faire vn grand tort , & aller contre raifon,
ce nous eft choie preiudciable & dommagea- |
ble , par ce que de là ils prennent occafion de
nous abhorrer , comme gens qui en tout foit i
au bien ou au mal, leur auonsefté, Ôc fommes
toufiours contraires.
Ve U JiiffutAtîon des temps , du lÇaîe»dner du-
ipuel vfoyent les Mexiquams.
Chapitre I î.
Our commécer donqitcs par la di^
uifion &fupputation des temps, ;
que les Indiens faifoycnt(enquoy *
certes lo peut recognoiftre vn des ;
plus grands lignes de leur viuacirc, ;
& bon entendement) iediray premièrement de
quelle maniéré les Mexiquains côtoyent & di-
uifoyent leur année, de leurs mois,de leur Ka-
lendrier , de leurs contes , des lîeçles & des
aages . Ils diuifoyent l’an en dixhuit mois, à cha-
cun defquels ils attribuoyent vingt iours, en-
quoy les trois cens foixante iours font accom- I
pliSjfans comprendre en aucun de ces mois les ,
cinq iours,qui relient du fyrplus, faifant 1 accô-
plürementdel’an entier.Mais ils les contoyent ;
à part,& les appelloyent les iours de rien,duraiit ^
lefquels le peuple ne faifoit aucune chofe , 6c j
n’alloycnt pas mcfmes en leurs temples, mais ils ;
foccupoyent feulement à fe viliter lesvns les j
autres,perdansainlile téps, &lesfacrilicatcurs i
du temple celToient aulïi defacriher. Aptes ces !
DES Indes. L IV. VI.
cinci iours paiTcz , ils rccômcnçoient leur côte
de Tan , duquel le premier mois,& le cômcnce-
menteftoit enMars,quandles fueilles cômen-
çoient à reuerdir, encor qu ils prinlTcnt trois
iours du mois deFeurier.car leur premier iour
de l’an citoit corne le vingt fixiefmede Feurier,
ainfî qu’il appert par leur calendrier, dedans
lequel mefme le noftre eft comprins, de em-
ploie d’vn fort ingénieux artifice,& fut fait par
lesanciens Indiens, qui cogneurent les premiers
Efpagnols. l’ay veu ce Kalendricr, & l’ay encor
en ma puiffance, qui mérité bien d’eftre veu,
pour entendre ledifcours, de l’indufttie(, qua-
lioient les Indiens Mexiquains. Chacun de ces
dixhuid mois auoitfon propre nom,& fa pro-
pre peinture, qu’il prenoit communément, de
la principalle fefte qui fe faifoit en ce mois , ou
de la diuerfité du temps, que l’an caufe en iceux.
Ils aupient en ce Kalendrier , certains iours
marquez ôc deftinez pour leurs feftes, & con-
toient les fepmaines,de treize iours,en y remar-
quâts les iours, par vn zéro, qu’ils multiplioient
iufques à treize, & incontinent recômençoient
à conter , vii deux ôcc. Ilsremarquoicnt aufli
les années' de ces roues , par quatre lignes., ou
figures,attribuans à ^haain an vn ligne , donc
IVneftoit d’vne maifon,l’autrc d'vnconnin, le
troifîefme d’vn rofeau, & le quatriefme dvn
caillou. Ils les peignoient,de celle façon,deno-
tans par icelles figures l’an quicouroit, difants
à tant demaifons,ouà tantde caillous , de telle
roiie,fucceda telle chofe. Car l’on doit fcaiioir,
que leur roiie, qui efloit coiume vn fiecle , con^
Mm iiij
\
/À
Histoire natvreilb
tenoit quatre fepmaînes d’annees, eftant cha-
cune fepmaine de treize ans^qui accompliflbicc
en tout cinquante deux ans. Ils pcignoient au
milieu de cefte roue, vn Soleil, d’oùfortoient
en croix, quatre bras ou lignes iufques à la cir-
conférence de la roüe, dcfaifoienrlcur tour en
telle façon que la circonférence cftoit diniféc
en quatre parties cfgalles , chacune dcrqucllcs
auec Ton bras, on ligne , auoit vne couleur par-
ticulière, & differente des autres , & eftoient
les quatre couleurs, vert,azuré;rougc &iaunc.
Chaque portion de ces quatre , auoit treize fe-
paradons,qui auoient toutes leurs fîgnes,ou fi-
gures particulieres,dcmaifon,oudeconnin, ou
derozeau ou de caillous, fignifiant parchafquc
ligne vne année,&en tefte de cefigne, ilspei-
gnoient ce quieftoit arriuéceftanlà.Ceftpour
quoyie veids auCalendrierVquei’ay dit, l’an-
née, en laquelle les Efpagnols entrèrent en Me-
xique , marquée par vne peinture dVn homme
veftu de rougCjànoftre mode,car tel eftoit l’ha-
bit du premier Efpagnol, qu’enuoya Fernand
Cortès, au bout de cinquante deux ans, que fe
fermoir, & accomplilFoit la roüe. Ils vfoient
d’vne plaifante ceremonie,qui cftoit que la der-
nière nuit, ils rompoient tous les vafes,&vten-
files qu’ils auoient, &eftaignoient tout le feu,
6c toutes les lumieres,difans, que le monde de-
uoic prendre fin, à raccomplilïèraentd Vne de
ces roues, & qued’auanture , ce pourroiteftre
celle où ils fe trounoient.Car (difoient ils) puif-
que le monde doit alors finir, qu’eft-il plus dé
befoing d’ajpprefter de viande, ny de manger?
I
i
DIS ÎNDESÎ LiV. VL '277
Ccft poiirquoy ils n’auoiejit plus que faire de
vafes, ny de feu. Sur çefte opinion ils paflbient
jtoutc la nuid , en grande crainte, diians, quç
peult cftre il ne viendroit plus dciour,&veil-
foient tous fort attentiuement pour voir quand
ieiour viendroit : maisvoyans quel’aubeconn-
rnençoit à poindre, incontinent ils battoienc
plufieurs tambours fonnoient des buccines,
des fleutes, & autres inftrumens de refiouiiran-
ce 6c allegreflè , difans que défia Dieu leural-
longeoit le temps d’vn autre fiecle,quieftoient
cinquante deuxans.EtaJorsils recommençoiéc
vneautre roue. Ils prenoieht , eh ce premier
ipur, 6c commencement duriecle,dufeunou-
ueau, & achetoient des vafes,&:vtenj[iles neufs
pour apprefterla viande,&alloient tous quérir
ce feu nouueau, chez le grand Preftre, ayants
fait auparauantvncfollemnelle proceffion,d’a-
diondegraccs pour la venue du iour, & pro-
longation dVn autre fiecle. Telle eftoitleur fa-
çon,&maniere de conter les années, les mois les
ftpmaines,&les fiecles.
Comment lesE^is îngunu contoientles
Çr lei mots,
Chap. III.
Ombien que cefte fuppuration dcf
temps, praticquee entre les Mexic-
quains foit allez ingenieufe 6c cer^
taine,pour des hommes , qui n’a-
toutesfofs.
Histoire natvrelie
il me femble qu’ils ont eu faute de difeours , &
de confidetationiii’ayants point fondé leur con-
te fur le cours de la Lune ny diftribué leurs mois
félon icelle, enqiVoy certainement ceux du Peru
les ont furpaflczjpource qu’ils partoient leür an
en autant de iours, parfaidlemét accomplis,cô-
me nous faifonsicy, &lc diuifoient en douze
mois, ou Lunes, efquels ils employoient, & con-
foramoient les vnze iours, quireftentdela Lu-
ne, ainiî que l’efeript Polo. Pour faire leur con-
te de 1 an feur 6ccertain,ils vfoient de cefte indu-
ftrie*, que aux montagnes, qui eftoient au tour
de la Cité de Cufco ( où fe tenoit la cour des
Rois î nguas,& le plus grand fanduaire des roi-
aumes, Comme fi nous difions vue autre Rome)
il y auoit douze coulomnes, affifes par ordre,
en telle diftance,lVne de l’autre, que chafquç
mois, vne de ces coulomnes remarquoit le le-
uer, & coucher du Soleil. Ils les appelloienp
Succanga,& par le moieii d’icelles, ils enfei-
gnoient, &annonçoient les feftes, (Scies faifons
propres à femer, à recueillir , & à faire autres
chofes, Ilsfaifoientde certains facrifi.ces à ces
pilliers du Soleil, fuiuant leur fuperftition. Cha-
que mois auoit fon nom propre, & fes feftes
particulières. Ils comraençoientran parlan-
iiier, comme nous autres, mais depuis vnRoy
Ingua, appellé Pachacuto,qui fignifie reforina-
teurdu Temple, fit commencer leur an par Dé-
cembre,à caufe(comme ieconiedure) qu’alors
le Soleil commence à retourner, du dernier
point de Capricorne, quicftle Tropique, plus
proche d’eux. le ne fçay point,queles vus ny
DES Indes, Liv. VL 27S
les autres, ayent remarqué aucun Bifexte, con-
bien que quelques vns dient le contraire. Les
fepmainesque contoient les Mexicqiiains n’c-
ftoientpas proprement fcpmaines, puisqu’el-
les n'eftoient pas defeptiours, auflî les Inguas
n’en firent aucune mention, ce qui n’eftpas de
mcrueilie, attendu quelecontedclafepmaine,
n’eftpas fondé fur le cours du Soleil , comme
celuy delan,ny fur le cours delà Lune,commc
celuy des mois, mais bien entre les HeLrieux
eft fondé fur la création du monde, que rappor-
te Moyfe,& entre les Grccs,& les Latins, furie
nombre des fept Planètes , du nom defquelles
mcfme, lesioursde la fcpmainc ont prins leur
nom. Ncantmoins c’eftoit beaucoup à ces In-
diens,eftans hommes fans Hures, & fans lettres
comme ils font , qu’ils eulPcnt vnan,des faifons
&desfeftes, fi bien ordonnées, comme il eft
ditcy delîus.
Qml'onr^A ^oïnt trouué Aucune nAÙm d'indiens t^ui
vfajl de lettres.
Ch A P. IIII.
Es lettres furent inuentées pour
reprefenter & fignifier proprement
les paroles que nous prononçons,
ainfi que les paroles raefmes ( félon
le Philofophe) font les fignes & marques pro-
pres des conceptions & penfées des hommes.
Et l’vn & l’autre ( ie.dy les lettres & les mots)
ont efté ordonnez pour faire entendre les cho-
fes.La voix pour ceux qui font prefents, (Scie?
Histôire NATVRELLE
lettres pour lesabfcns,& pour ceux qui font à
venir. Lcs'fîgncs Ôc marques qui ne font pas
propres pour fignifierles paroleSjmaislcscho-
feSjne peuucnt eftrc appeliez, ny nefoint point
à la vérité des lettres , encor qu’ils foent; ef-
crits. Car I on ne peut dire quvne image du
Soleil peint , foit vne efcriturc du Soleil,
mais feulement vne peinture : autant en eft-
il des autres lignes & charaderes qui n’ont au-
cune reflèmblance à la chofe, mais qui feruent
tant feulement de mémoire. Car celuy qui les
inuenta ne les ordonna point pour fignifier des
paroles:mais feulement pour dénoter vne cho-
fe. On n’appelle point aulïices charaderes let-
tres n y eferitures , comme de fait ils ne le font
pas . mais pluftoft des chiffres ou mémoires,
ainfi que font ceux dont vfent les Spheriftes 6c
Aftrologues.pour fignifier diuers fignes oùpla-
nettes de Mars, de Venus, de Iupiter,&c.TcIs
charadercs font chiffres 6c non -pas lettres,
pourautantque quelque nom que Marspuiffe
auoir en Italien , François,cnEfpagnol, touf-
iours ce charaderelc fignifierce qui ne fe trou-
ue point es lettres : car iaçoit qu’elles déno-
tent les chofes, c’eft par le moyen des paroles:
D’où vient que ceux qui n’en fçauent la lan-
gue, ne les en tendent pas, comme pour exem-
ple, le Grec ny l’Hebrieu ne pourra pas com-
prendre ce que fignifie ce mot Sol, iaçoit qu’ils
levoyent efcrit,pour ce qu’ils ignorent le mot
Latin. Tellement que l’efcriture & les lettres
font feulement pratiquées par ceux, qui auec
icelles fignifient des mots ; car fi irntriediate-
DES Iî4DES. tiV. V t
mctit elles fignifîcnt les chofes , elles ne font
plus lettres ny efcritureSjtnais des chiffres ôc des
pcintureSjdecjuoy l’on tire deux chofes bien no-
tablcs.L’vne ,que la mémoire des hiftoîres&an-
tiquitez peut demeurer aux hommes par Ivné
de ces trois maniérés, ou par les lettres&efcritu-
res,commcil a efté pratiqué entre les Latins les
Grecs; les Hebrieux & beaucoup d’autres na-
tions,ou par pcinturc,comme l’on a vfc prefque
en tout le monde-.car il eft dit au Concile de Ni-
ce fécond. Lafe'mmreefivn Hure four les idiots qui
neJçAuent ItreyOn par chiffres& charaâ:ereSjCom'-
me le chiffre fignifie le nombre de cent, de mil
& autres fans fignifier cefte parole de cent,ou de
mil. L’autre chofe notable que l’on en peut tirer
eft celle qui f eft propofée enccchapitre,àfça-
uoir que nulle nation des Indes defcouuertes de
noftre téps,n’a vlé de lettres ny deferiture, mais
de deux autres manieres,qui en fontimages&fi-
gures. Ce que i’entens dire non feulement des
Indes,du Pei u&: de la neufue Efpagne,mais auf-
fi du lappon &de la Chine.Et bien que ce que ic
dis parauanture pourra fembler à quelques vus
cftrc fauxjveu qu’il eft rapporté par les difeours
qui en font eferits, qu’il y a de fi grandes Librai-
ries & vninerfîtez en la Chine & au lappon , &
qu’il eft fait mention de leurs Chapas, lettres &
expéditions, toutesfois ce que ie dy eft chofe vé-
ritable, ainft qu’on pourra entendre par le dif-
eours fuiuant.
Histoire natvrelié
Ve U façon des lettres 0* des Hures
dont vfoientles chinois.
Ch a p. V.
Ly enaplufieursqnipenrenr, &eft
bien la plus commune opinion, que
les efcritures dont vfent les Chinois
font lettres, comme celles dontno**
vfons en Europe, & que par icelles
i on puilTe cfcrire les paroles Ôc difcoucs, & que
feulement ils different de nos lettres & efcritu^ j
resenladiuerfitédes charadtercs , comme les î
GrccsdifterentdesLatins, & les Hcbreux des
Chaldeâs.Mais il n’en eft pas ainfi,pource qu’ils
n’ont point d’ Alphabet, ny n’efcriuent point de
letrres,mais toute leur efcriture n’efl: autre cho-
fc que peindre & chiffrcr,& leurs lettres ne fi- ■
gnifîent point des parties de didUons, comme
font les noftres, mais font des figures & repre-
fentations des chofes, comme du Soleil, du feu,
d’vn homme de la mer, & des autres chofes. Ce
qui appert euidemment, parce que leurs efcri-_
türcs ôc Chapas font entendues d’eux tous, co-
bien que les langues, dont parlent les Chinois,
foienten grand nombre, 5efort differentes entre '
elles, en la mcfme façon que nos nombres de
chiffre font entendus cfgallement en François,
en Efpagnol,& en Arabie. Car celle figure 8. ou • ,
quecefoitfignifiehui6b,encorque le François
appelle ce nombre d’vne façon, 6c l’ElpagnoI
DES Indes. Liv. VI. . 2S0
dVneautre.D’où vient que les chofes eftans de
foy innumerablesjes lettres aiiffi ou figures dot
vfent les Chinois jpour les dénoter fon t; prefque
infiniesitellementque celuy qui doit lire ouef-
crire à la Chine(commc fôtles Mandarins) doit
fçauoir & retenir pour le moins quatre vingts
cinq mil charaderes ou lertrcs,& ceux qui font
parfaits en cefte ledure en fçauentplusde fix
vingts milChofe prodigieufc ôc cftrange, voire
qui feroit incroyablejfi elle n’eftoit atceftée par
des pcrfonnes dignes de foy, comme les peres
de noftre compaguie , quifontlàcontinuellc-
menrjapprenans leur langue &efcriture, & y a
plusdedixans,quedenuid&de iour ils feftu-
dientàcecy,auecvn perpétuel trauail. Car la
charité de Chrift,& le defir de la faluation des
ames/urmonteeneux tout ce trauail & diffi-
culté, qui eft la raifon,pour laquelle les hom-
mes lettres font tant eflimez enla Chine, à
caufe de la difficulté qu’il yaàles comprendre,
^ ceux la feulement ont les offices de Manda-
rins,Gouuerneiirs , luges & Capitaines. Pour
cefte occafioii les peres prennent beaucoup
depeine de faire apprendre à leurs enfans à li-
re &efcrire.ll y a grand nombre de ces efchol-
les où les enfans font inftruits,& où les mai-
ftres les font eftudier de iour, & le pere de nuit
en la maifon . T ellement qu’ils leur endomma-
gent beaucoup les yeux, ôc les fouettent fort
fouuent auec des rofeaux , bien que ce ne foit
pas de ces rigoureux, defquels ils fouettent les
mal-faideursj Ils appellent cela la langue Ma-
darine,quiabefoinderaagc dVn homme pour
Histoire natvrelle
eftrc comprinfe : & doit-on fçaiioir qu’cncor
que la langue,de laquelle parlent les Mandarins
foie particuliere,& differente des vulguairesjcf^
quelles font en grand nombre,& qu’on y eftudic
comme Ton fait par deçà en Latin ôc en Grec,&
que les Ictrrcz qui font par toute la Chine lafça-
uenr,& entendent tant feulement: fi eft- ce tou-
tesfois que tout ce qui cft eferit en icelle,eft en-
tendu en toutes les languc?,&iaçoit que les pro-
uinccs ne fentr’entendent point de parole les
vnes les autres, toutesfois par cfcritilsfentr’-
cntendentfvnfautre,carilnyaqu Vneforte de
figures ou carad:eres pour toutes, qui fignifie v-
ne mefmc chofe, mais non pas vn mefmc mot |
ny prolation , veu que comme i ay dit, ils font 1
feulement pour dénoter les chofes, & non pas j
les paroles, comme l’on peut facilement enten- j
dre par Tcxcraple des nombres de chiffre. C’eft i
pourquoy ceux du lappon ôc les Chinois li- i
fent ôc entendent fort bien les eferitures les î
vns des autres : combien que ce foient des na-
tions,& des langues fort differentes. Que s'ils
parloicntce qu’ils iifent, ou eferipuent, ils ne
le pourroient pas entendre. Telles font donc
les lettres, & les liures dont ^tfent les Chinois
fi renommez au monde. Pour faire leurs im-
prefïîons , ils grauent vne planche, des figures
qu’ils veulent imprimer.Puis en eftampent au- ;
tant defueillcs de papier qu’ils veullent, de la I
mefmc façon que l’on fait icy les peintures, qui |
font grauées en du cuiure, ou dubois. Mais
quelque homme d’entendement pourra deman-
der , comment ils pcuuent fignifier leurs con-
) ceptions
Dis Indes. Liv. VI. 281
ceptîons par des figures qui approchent, ou refi-
femblent à la chofe qu’ils veulent reprefentcr,
CGpïîme de dire que le Soleil efchauffe, Ou qu’il
a regarde le Soleil, ou que leiour eft du Soleil.
FinalementjCommentillcur eft pofîible de^'dc-
noter par de mefines figurcs,les cas, les conion-
âions,& les articles qui font en plufîeurs lan-
gues Sc efcritures.Ie rcfponds à cela,qudlsdi-
ftinguenr,&fignifientccftevarieré par certains
poinds rayez & difpofitions delà figure.Mais il
eft difficile d entendre cotnment ils peuuent ef-
< crire en leur langue des nomspropres, fpcciale-
mentd’eftrangers,veu que ce font chofes que ia-
mais ils n’ont vcues,& qu’ils ne peuuent inuen-
ter des figures qui leur foient propres, l’en ay
Voulu faire l’cxpericnce me trouiumt en Mexi-
que auec des Chinois, ôc leur dy qu’ils eferiuif-
fent en leur langue cefte propofition. lofcph
d’Acofta eft venu du Peru,&: autres femblables,
furqUoy le Chinois fur vn long temps penfif^
mais en fin il fefcriuit.Ce que d’autres Chinoisi
leurentapres,bicnqLi’ilsvariairentvn peu en la
prononciation du nom propre. Car ils vfertt de
ceft artifice pour eferire le nom propre,qu’ils
cherchent quelque chofe en leur langue qui aye
relfemblanceàcenom, & mettent la figure de
cefte chofe. Et comme il eft difficile entre tant
de noms propres, de leur trooüer deschofès qui
leur portent reircmblance en laprolation : auffi
leur eft-ce chofe fort difficile & fort laborieufe
d’eferire tels noms.Sur ce propos le pere Allon.,
fe Sanchez nous contoit que lors qu’il eftoir en
ia Chine,6c que i on le raenoit en diuers Tribu-
' ' Nn
Histoire natvrelie
naiix, de Mandarin en Mandarin ,ils eftoieni
fort long temps à mettre Ton nom par efcrit en
leurs Chapas,toutesfois ils rcfcriuoient en fin le
nommans en leur façon, & tellement ridicule,
<ju’à peine approchoicnt-ils le nom,qui eftla fa-
çon des lettres & efcritures, dont vfoientles
Chinois. Celle des lapponnoisenapprochoit
beaucoup, encor qu ils afferment que les feig-
iieurs îapponnois qui vindrent en Europe efcri-
uoient facilement toutes chofes en leur langue,
quoy que ce fulfêt des noms propres d’icy,mef-
me l’on m’a monftré quelques efcritures d’eux:
parquoy il femble qu’ils doiuent auoir quelque
forte de lettres, encor que la plus parc de leurs
efcritures foient par charadcrcs & figures, co-
rne il a efte dit des Canots.
Ves efchdes vniuerJîteX^e U chme.
C H A P. V I.
E s peres de la Compagnie difeiic
qu’ils n’ont point veu en la Chine
de grandes efcholcs & Vniuerfitez
de Philofophie & autres fciences
naturelles,& croyent qu’il n’y en a point, mais
que toute leurcftudceft en la langue Mandari-
ne,qui eft trcf-ample, & rref-dimcile,commc
i’ay dit, & que ce qu’ils eft udient font chofes
qui font eferites en cefte langue, qui font des
hiftoûxs des fedes & opinions dcsloix ciuiks.
BES Indes. Liv. VI. ^ 282.
«Scs prouerbcs moraux , des fables, 5c plufîcurs
autres telles compofitions,& ce qui cil defpcnd.
Desfcicces diuines ils n’en ont aucune cognoif-
fance, ny n’ont autre chofe des naturellesique
quelques petits reftesqu’ilsontendespropôfi-
tionsefgüaréeSj fans art & fans méthode, félon
rentendement Ôc èftude d’vn chacun. Pour les
Mathematiqüesils ont expérience des mouue-
mensceleftes& des éftoiles,& pour la Médeci-
ne ils ont cognoilTance des herbes, parlcmoyé
defquellcs ils guarilîcnt plufieurs maladies, &en
vfent beaucoup. Ils eferiuent aucc des pinceaux,
& ont plufieurs Hures efcritsà la main, & d’au
très imprimezqui font to^d’afiez mauuaîsordre.
Ils fontgrâds ioiicurs de Comédies: ce qu’ils fôt
auec vn grand appareil de theatrcs,vcftemens,
- cloches,tambours,&devoix,felon qu il eft con-^
ucnable. Quelques peres racontent ÿauôirveit
des Comédies qui duroient dix & douze iourS
auec leurs nuidts,fâs qu’il y euft faute de ioüeurs
fur le theatre , ny de ^edbateurs pour les regar-
der. I Is font plufieurs Scenes ditferentes,& pen^
danr que les vns reprefentent, les antres dorméc
où repaifiènt.Ils rraitrent ordinairement en ces
Comédies des chofes morales & de bon exem-
ple, qui fontneantmoins entrcmefléesdechoJ
fes gayes & plaifantes. Voila en fomme ce que
les noftres- racontent des lettres & exercices
, de ceux dé la Chine, où l’on ne peut nier qu’il
n’y ait beaucoup d’entendement, & d’induftrie.
Mais tout cela cil de peu de fubftancc, pour ce
qu’en effed toute la fcience des Chinois tend
feulement à fçauoir eferire & lire, & non point
Nn ij
Histoire NAT vRELtE
d’auantage:car ils ne pamicnnent point es feiê-
ces plus hautes,& leur eferire & lire n’eft point
proprement eferire ôc lire,puifque leurs lettres
nefontpointlectres, qui puitfe reprefenter les
paroles, mais font figuresclechofesinnumera-
bleSjlelqiielles ne fepeuuent apprendre que par
vn bien long temps, & auec vn trauailinfiny.
Mais en fin auec toute leur (çience,vn Indien du
Peru ou Mexique qui a apprins à lire & eferire, ,
fçait plus que le plus fage Mandarin d entr’eux,
veu que 1 Indien auec vingt quatre lettres qu’il
fçait, eferira ôc lira tous les mots ôc paroles qui
font au monde, & le Mandarin auec les cent mil
» lettres,aura beaucoup de peine pour eferire quel
que nom propre de Martin,ou Allonfc,& à plus
forte raifon nepoatra-il pas eferire les noms des
chofes qu il ne cognoift point.Car en fin l’efcri-
re de la Chine n’eft au trechofe quvi>c façon de
peindre ou chiffrer.
Ve U façon des lettres O' eferitures dmÿ
.Chap. vil
’On trouuequ’il y a entre les nations
de la neufucE^agnevne grand’ co-
gnoiffance, & mémoire defantiqui-
té. C’eftpourquoy, recherchant de
quelle façon les Indiens auoient conferué leurs
hiftoircs, ôc tant de particularitez,i’apprisque
encor qu’ils ne fuffent point fi fubtilsny fi4:u-
ont vfe les MexK^mms,
DES Indes. Liv. VI. lîi
deux comcfotît les Chinois & les lapponnois,
fl cft-ce qu’ils auoient entr eux quelque forte
de lettres & de liures, par lefquels ils confer-
uoient à leur mode les chofes de leurs prede-
celTeurs En la prouincede Yu-latan,oùcftl’E-
uefehé, qu’ils appellent de Honduras il y auoit
des liures de fueillcs d’arbres à leur mode
ployez & efquarris , efquels les fages Indiens
tenoiçnt comprinfes & defduittes la diftributio
de leurs temps, la cognoilfancedes Planettes,
des animaux ôc des autres chofes naturelles,
auec leurs antiquitez: chofe pleine de grade eu-
riolitc &diligence.ll femblaà quelque Pédant
que tout cela eftoicvn enchantement & art d,c'
Magie,&fouftint obftinémenc que l’on Icsde-
uoit brufler, de forte qü’ils furent mis au feu.
Ce que du depuis non feulement les Indiens
recogneurent auoir efté mal fait, mais aulli les
Efpagnols curieux qui defiroient cognoiftre
lesfccrets du pays. lien eftarriuc autant es au-
tres chofes , car les noftrcs penfans que le tout
fufl: fuperftition,ont perdu plufeurs mémoires
des chofes anciennes & ficrées, qui pounoient
beaucoup profiter* Cela procédé d’vn zelefoi
& ignorant, qui fans fçauoir ny vouloir enten-
dre les chofes des Indiens , difenc ( comme à
charge clofc ) que ce font toutes forcelleries,
& que tous les Indiens ne font que des yuron-
gnes , qui font incapables de fçauoir ny d’ap-
prendre aucune chofe. Car ceux quife font
voulus diligemment informer d’eux, y ont trou-
ué beaucoup de chofes dignes de confidera-
tipu. Vu de noftrc conupagnie de l £ s v s, hom-
Nn iij
Histoire natvrelle
me fort accort & expérimenté, aflcmblacnk
prouince de Mexique les anciens de Tefcuco,
de Tulla,&de Mexique,& conféra fort ample-
ment aiicc eux, lefquels luy monftrerent leurs
liurcsjhiftoires, & Calédriers, qui eftoient cho-
fes fort dignes de voir, pource qu'ils auoient
leurs figures, & Hieroglyficqucs, par Icfquelles
ils reprefentoient les chofes en celle maniéré.
Celles qui auoient forme, ou figure eftoient re-
prefentees par leurs propres images, & celles
qui n’en auoient point, eftoient reprefentees
par des charaéleres qui les fignifioient,& par ce
moyen ilsfiguroient, & eferipuoient eequiis
vouloienr.Etpour remarquer le temps auquel
quelque choie arriuoit, ils auoient ces roiies
peintes, car chacune d’icelles contenoit vn fic-
cle,qui eftoit cinquante deux ans,comme a efte
dit cy-ddîus,& au cofté de ces roiies, ils pei-
gnoient,auec ces figures & chara6leres,àl’en*
droit de lanncCjles chofes mémorables qui ad-
ueiioient en icelle. Comme ils remarquèrent
hannee , que les Efpagnols entrèrent en leur
pays,en peignant vn homme aucc vn chapeau,
ôc vne iuppe rouge, au figne du rorcau,qui cou-
roit alors. Et ainfi des autres accidens. Mais
pource que leurs Eferitures & charaderes n’e-
ftoientpas fi ruffifans, comme nos lettres &ef-
cricurcs, ils ne pouuoicnt exprimer défi prés
les parolles , ains feulement la fubftance des
conceptions.Et d’autant qu’ils auoient accou-
ftumé de raconter par cœur des difcours,& dia-
logues compofez par leurs Orateurs, & Rheto-
riciens ancicns,& beauco^up de Chapas drdîcz;.
isis Indes. Lfv. VI. 284
jparlcurs Poetes ( ce qui cftoitimpofîîblc d’ap-
prendre par les Hiéroglyphiques , ôc charade-
res) les Mexiquains cftoient fort curieux, que
leurs enfans apprinflent par mémoire ces Dia^
logucs âc comportions. Araifon deqiioy ilsa-
uoient des efcholes & comme des colleges,
ou reminaires,où les anciens enfeignoient aux*
enfans,ccsoraifons,& beaucoup d’autres cho-
fes, quife conferuoient entr’eux, par la tradi-
tion dcsvns aux autres, aulli entièrement com-
me fi elles euffent efté coüchées par eferit. Spe-
ciallemenr les nations plus renommées auoient
foing,que leurs enfims ( qui auoient inclination
pour eftre rhctoricicns & exercer l’office d’o-
rateurs J apprinfiènt de mot à moi ces haran-
gues. Tellemewt que quand les Efpagnols vin-
drent en leur pays,& qu’il? leur eurent enfeigné
à lire ôc eferire noftre lèttre , plufienrs de ces
Indiens efcriuirent alors cef harangues , ainfi ^
que le refmoignent quelques hommes graues
qui les leurent. Ce qui eft dit poiirce que ceux
qui liront cnlhiftoire Mexiquaine, detelsdif-
cours longs ôc elegans , croiront facillement
qu’ils font inuentez des Efp3gnols,& non pas
reallement prins , ôc rapportez des Indiens.
Mais en ayant cogneula vérité certaine, ils ne
laifieront pas d’adioufter foy , comme c eft I.1
raifon,à leurs hiftoircs.lls eftriuoient auffi ces
mefmes difeours, àleurmodc, par des images,
& charadlcres , ôc ay veu pour me faisFaireen
cet endroit, l«s oraifons du Pater nofter^ ôc
Aue Maria, Symbole , &confeffion generalle,
efcriptes en cefte façon d’indiens. Et à la vérité
Nn iiij
Histoire natvreiie
quiconque les verra, s’en ermerueillera. car
, pour fîgnifîer ces paroles, M<ry pecheitr me confejfe,
ils peignoient vnlndien à genoux aux pieds d’vn
Religieux, comme qui fe confelTe, & puis pour
celle cy, a DterttmtpwJJant^ ils peignoient trois
vifages, auec leurs couronnes, en façon de la
Trinite,C7" à U gloneu^fe vierge Marie^\\s peignoiét
vn vifage de noftre Dame, & vn demy corps de
petit kfamH Vierrecr fimti Paul.dcs te-
Hes,auec des couronnes, &vne clef, &vnccf-
pée,& où les images leur deffailloient, ils ract-
toientdes charaâ:cres,comme,e«^«oj lay peche,
etc. D’où l'on peut cognoiftre laviuacité de
rentendement de ces Indiens , puifque celle
façon d’eferire noz oraifons, & chofes de la
foy, ncleurapas elle enfeignécparlesEfpai-
gnols, ny ne reuflent peu faire, fils n’euflent eu
particulière conception,de ce qu’on leur enfei-
gnoit.rayveuauTerulaconfeirion de tousfes
pechezqu’vn Indien apportoit pour le confef-
fer, eferite delà mefmc forte de peintures, &
de charaéleres, en peignant ^hafeun des dix
commandemcnts,d’vne certaine façon, oùily
auoit certaines marques comme cKifFres,qui e-
lloient les pcchez, qu’il auoit faits contre ce
commandement, le ne doute point quclî beau-
coup des plus habiles Efpagnols elloient em-
ployez à faire des mémoires de chofes fembla-
bles par leurs images & marques, qu’en vn an
•ils n’y pourroientparucnir,.nQn pas en dix.
Des Indes. L IV. Y ï»
Vesregijîres , O" conter, dont vfoient les
Indiens du Féru,
Chapitre VIII.
; V parauant que les Efpagnols vinlTcnt
^és Indes, ccüxduPeru nauoient au-
baine forte d’efcripture, fuft par let-
tres,par charaéteres , chiffres , ou fi-
gures,comme ceux de la Chine ôc de Mexique:
touresfois ils nelaiflerent pas de conferuer la
mémoire de leurs antiquitez,ny de retenir l’or-
dre de toutes leurs affaires de paix , de guerre,
ôc de police , pource qu’ils ont eflé fort diligens
en la tradition, des vus aux autres, & les ieunes
gents/apprcnoient & gardoient comme cho-
fefacrée, ce que leurs fuperieurs leur racon-
toicnt, Sdenfcignoientauecle mefmc foingà
leurs fucceflèurs.Outre cefte diligence, ilsfup^
pleoient la faute defcriturcs ^ des lettres, eri
partie par la peinture, comme ceux de Mcxic-
que ( combien que ceux du Peru y fuffent fort
grofficrs & lourds) & en partie, & le plus com-
munément pardesquippos. Ces quippos font
des Memoriaux, ouregiftres,quifo*htfaidsde
rameaux, efquels il y adiucrs nœuds &: diuer-
fes couleurs, qui fignificntdiucrfes chofes : ôc
eft yne chofe eftrange , que ce qu’ils ont expri-
mé (Screprefenté par ce moyen.Car les quippos
leur vallent autant, que des liure s d hiftoires,
de loiXjde ceremonies, & des contes de leurs af-
faires.ll y auoit des officiers députez pour gar-
der ces Quippos ( qu’auiourd’huy ils appellent
Histoire natv relie
Qmpocamayos ) lesquels eftoient obligez de
tenir Sc rendre conte de chafque chofe comme
les Tabellions par deçà.Ceft pourquoycntout
l’on leur adiouftoit entière foy,& creance, car
félon diuerles fortes d’affaires, comme de guer-
re, de police , de tributs , deceremonies,&dc
terres, il y auoitdiuersjQuippos,ourameaux,
en chacun defquels il y auoit tant de nœ,uds pe-
tits & grands Sc de fillets attachez , les vns rou-
ges, les autres verts, les autres azurez,& les au-
tres blancs. Et finalement , tant de diuerfitez,
que tout ainfi que nous autres , tirons vne infi-
nité de mors de vingt quatre lettres, en les ac-
commodans en diuerfes façons, ainfi ils tiroien c
des fignifications innumerables,de leurs nœuds
âc diuerfes couleurs. Ce qu'ils font d Vne telle
façon,qu’il arriue auiourd’huy auPeru,quc quad
au bout de deux ou trois ans, vn commifl'aire
.va informer de la vie de quelque officier, que
les Indiens viennent auec leurs menus contes ôç
approuuez difans’, qu’en tel bourg ils luy ont
baillé tant d’œufs lefquels ils n’a point payez,en
vnerellemaifon vne poulie, en vne autre deux
faix d'herbes pour fescheuaux,& qu’il n’a payé
que tant diargent,& demeure en refte de tant.
Lapreuue eflant faire fur le champ, auecceflc
quantité de.nœuds & de poignées de cordes,
cela demeure, pour tefmoignage, & efcriptiirç
certaine. le vy vne poignée de ces fillets auf-
quels vne Indienne portoit eferite la confeffion
gcncrallc de rourefa vie,&par iceux fe confef-
foit comme i’eulfepcu faire en du papier eferit,
^ }uy demanday , ce que c çftoit, que quelques
I>ÏS ÎND.Es' Liv. VL
filez qui me femble^rcnc quelque peu «îifferens,
clic me dijft que c’eftoient certaines circon-
ftanccs,quc le péché rcqueroit pour eftre cn-
rieremeiit confeffé. Outre ces qiiipposdefil,
ils ont vne autre comme maniéré d’eferire auec
de petites pierres, par le moyen derquelles ils
apprennent punduallement les paroles qu ilç
veulent fçauoir par cœur.£teft vne chofe plai-
fante de voir les vieillards & caducs, auec vns
rôtie faite de petites pierres, apprendre le Pater^
nofler^ auec vne autre Maria, Ôc auec vne
autre le Creds^Sc de retenir quelle pierre eft qui
futconçeuduS. Efprityôc hqueWe, J9u0itfiu{>s Ponce
eftaulïl vne chofe plaifante,deles voir
corriger quand ils faillent, car toute la corre-
dion ne gift , qu’à contempler leurs petites
pierres , & feroit vne de ces rodes fumfante
pour me faire oublier tout ce que ie fçay par
cœur. Il y a vn grand nombre de ces rodes
aux cimetières des Eglifes , pour cet effed.
Mais c’eft chofe quifemble enchantement , de
voir vne autre forte de Quipos, qu’ils font de
grains de mays.Carpour faire vn conte diffici-
le , auquel vn bon Arithméticien feroit bien
empefehé auec la plume, & pour faire vne par-
tition , afin de voir combien vn chacun doit
contribuer , ils tirent tant de grains d’vn co-
fté , & en adiouftent tant de l'autre, auec mil
autres inuentions Cesindiçns prendront leurs
grains , ôc en mettront cinq d’vn cofté, trois
d’vn autrCj&huiden vn autre, & changeront
vn grain d’vn cofté, & trois d’vn autre. Tellc-
luent qu’ils fqrtept auec" leur conte çcruin^
Histoirï NAT?RELLE
fans faillir dVn point* Et fè mettent pluftoft à
laraifon par ces Quippos^ur ce quvn chacun
doit payer, que nous ne pourrions faire nous
autres aueclaplun:;ie. Par cela l’on peut iager
filsontderentendemcnt,& fi ces hommes font
beftes. De ma part ie tiens pour certain qu’ils
nous furpaflenc és chofes où ils fappliquenc.
Del* ordre ([u>e les Indiens temj/ent en leurs efentures.
Ch AP. IX.
L fera bon d’adioufter icy, ce que
jnous auons remarqué, touchant! les
Icfcriturcs des Indiens: car leur façon
[n’eftoit pas d ’eferire auec vne ligne
-fuyuie, mais du haut en bas , ou cii
rond. Les Latins & Grecs efcriuoyent du cofté
gauche au droit, qui eft la commune, & vulgaire
façon dont nous vfons. Les Hebrieux au con-
traire commençoyent de ladroite à la gauche,
c’eftpourquoy leurs liures commencent où les
noftres finiïLent.Lcs Chinois n’efcriuent pas,ny
comme les Grecs , ny comme les Hebrieux,
mais de haut en bas, car comme ce ne font pas
des lettres, mais des diétions entières, & que
chaque figure, ou charaétere fignifie vne cho-
fe, ils n’ont point de befoing d afièmbler les
parties des vnes auec les autres , & ainfi peu-
uent ils bien eferire du haut en bas. Ceux de
Mexique pour la raefme raifon n’efcriuoient
pas en ligne, d’vn cofté àTautre, mais au re-
bours des Chinois commcncans en bas mon-
BES IndÎs., Liv. VL i§7
toieftt toujours cil haür.lls fe fcruoient de cefte
façon d'efcrircjaucontc des iours,& du refte des
chofes qu'ils rcmarquoyent.Côbien que quand
ils efenuoient en leurs roues, ou lignes, ils com-
mençoient du milieu où ils peignoient le Soleil, '
&dclàalloient montans parleurs années, iujP-
ques au tour, & circonférence de la roiie. Fina-
blement il Ce trouue quatre differentes fbrteS
d ’eferire, les vns efcriuans de la droite à la gau-
che,les autres de la gauche à la droitte, les vns
de haut en bas,& les autres du bas en haur,cn-
quoy l’on voit la diuerfîté des entendemens hu-
mains.
Comment les Indiens enmjoient leurs
ntejsagers,
G H A P. X.
Our. acheuer la façon qu’ils auoient
d’eferire , quelqu'vn pourra douter
auec raifon , comment les Roys de
Mexique, & du Peru, auoient cognoif-
farice de tous leurs Royaumes qui eftoient fi
grands, ou de quelle façon ils pouudient defper-
cher les affiiires qui fe prefenroiét en leur Cour,
veü qu’ils n’auoiéntl’vfage d’aucunes lettres, ny
d’eferire mifliucs.Sur quoy l’on peut eftrc fatif-
fait dece doute,quâd on fçaura que par paroles,
par peinturesjoupar ces mcmoriaux,ils eftoienc
•fort fouuent aduertis de tout eequifepaffoir.
Pour cet effeâ: il y auoit des hommes fort viftes,
&difpos, qui feruoient de courriers,pour aller
&venir,ldquclsilsnourriffoienten cet cxerci-
Histoire natyreIlb
Êe de courir dés leur enfance, & prcnoient peine
qu’ils fulféc de lôguc halcine,afîn qu’ils peiilTent
monter en courant vne montagne fort haute,
fans fe lafiTer. C’eft pourquoy en Mexique ils
donnoient le prix aux trois & quatriefmes pre-
miers,qui montoient ces grands degrez du tem-
ple,comme il a efté dit au liure precedent. Et eij
Cufco,lors que fe faifoit leur foleranellc fefte de
Capacrayme,lesnouices montoiét à qui mieux
mieuxlerocde Yanacauri, &generalement l’e-
xercice de la coLirfe a efté& eft encor fort en vla-
ge.entre les Indiens. Q^nd il fe prefentoit vne
affaire d’importance, iis enuoyoient dépeinte
aux feigneurs de Mexique la chofe dont ils les
vouloientinformer,ainfi qu’ils firent, alors que
les premiers nauires Efp’agnols parurent à leur
veüe,& lors qu’ils prindrent T oponchan. Ils e-
ftoientau Perufort curieuxdes coutriers,&l’IiT
gua en auoitpar tout Ton Royaume, comme des
portes ordinaires, appeliez Chafquis , defquels
fera traitté en fon lieu.
De U façon degomernementyO^ des E^ys
qu'ont eu les Indiens.
C H A P. XI.
\L ert affez expérimente que la chofe
’enquoy les Barbares monrtrent plus
|lcur barbarifme ,eft en leur gouuer-
^lemenr , & façon de commander,
pour ce que tant plus les hommes approchent
»1S In D ÉS. Liv. Vî. zU
âé la raifon, tant, plus leur gouuerncment cft
humain,& moins infolent, &-lcs Roys &fei-
gncursfontplustraittables, & faccommodenc
mieux auec leur valTaux , en recognoilFants
qu’ils leur font cfgaux en nature, 6c toutesfois
inferieurs , en 1 obligation d’auoir foingdela
Republique.Mais cntreles Barbares, tout y elt
contraire, d’autant que Icurgouuernement elt
tyrannique, & traittent leurs fubiets comme
beftes , & de leur part veulent eftre iraittez
comme Dieux. Pour celle occallon plulîeurs
peuples & nations des Indes, n’ont point fouf-
fert de Rop, ny de feigneurs abfolus, &fou-
uerains,mais viuenten communauté, 6c créent
& ordonnent cîes Capitaines, & Princes pour
certaines occalions 'feulement , aufquels ils
obeilTent durant le temps de leur charge , 6c
apres ilÿ retournent à leurs premiers offices.
La plus grande partie de ce nouiieau monde,
où il n’y a point de Royaumes fondez , ny de
Republiques ellablies , ny Princes, ou Roys
perpétuels, fe gouucrncnt de celle façon jiaçoit
qu’il y ait quelques feigneurs 6c principaux
hommes, qui font elleuez entre le vulgaire.
Ain£ ell gouucrnée toute la tcrredcChil!e,en
laquelle les Auracancs,ceuxdcTcucapel, 6c an-
rres,ontpar tant d’années refillé contre les Efo
pagnols.Er de mefmcauffi toutlcnouucau Pvoy
aume de Grenade, celuy de Guatimalla , les
Ifles,toüte Ja Floride, le Brefij,Luiron, 6c d’au-
tres terres de grande ellendüc, excepté qu’en
plulîeurs de ces lieux , ils y font encore plus
barbares, vai qu’à pcincy rccognpilîènriis de
Histoire natvreile
chef, mais tous commandent , & gouuerncnt
en commun, n’y ayant autre chofe, que de la
volonté , de la violence , de finduftrie , & du
defordre, tellement que ccluy qui peut d’a-
uanrage, commande & y a ledellus. il y a en
Miide Orientale de grands Royaumes , bien
fondez, & bien ordonnez, comme cftceluy de
Sian,celuy deBifnaga, & autres, qui peuueut
aifembler ôc mettre en campagne quand ils
veulent, iufques à cent & deux cens mil hom-
mes. Comme auffi le Royaume de la Chine,le-
quel en grandeur &pui(ranccfurpafrc tous les
aiitres,& dont les Roys, félon qu’ils racontent,
ont duré plus de deux milans, pour le bel or-
dre&gouuernementqu’ils ont. Mais en 1 Inde
Occidentale, Ton y a feulement trouué deux
Royaumes, ou Empires fondez, qui cftoient
celuy des Mexiquains enlaneufue Efpagne,&
ccluy des înguas au Peru. Et ne pourroispas
dire facilement lequel des deux a efté le plus
puÜÏânt Royaume , d’autant que Motecuraa
fiirpaflToit ceux du Peru en édifices, & en la
grandeur de fa cour. Mais les Inguas auffi fur-
pafToient les Mexiquains en threfors , richef-
fes,&en grandeur de prouinccs. Pour le re-
gard de l’antiquité, le Royaume des Inguas
l’eft d’auanrage , bien que ce ne foit pas de
beaucoup, & me fcmble qu’ils ont efté efgau)^
en faits d’armes, & en viétoires. C’eft vne cho-
fe certaine , que ces deux Royaumes ont de
beaucoup excedé tout le refte des feigneuries
des Indiens , defcouuertes en ce nouue au mon-
de, tant en bon ordre ôc police,qu’cn pouuoir
DÉS ÏN&ESl LtV. Vr.
& richclîe,& beaucoup dauantagccn fùperfti-
tion & feruice de leurs idoles , ayans plufîcurs
chofes fcmblables les vues aux autres. Mais en
vne chorc ils eftoyent bien différés, car entre les
Mexiquains la fucceffion duRoyaume efloit par
cfleâion, comme l’Empire Romain, & entre
ceux du Peru^le cftoit héréditaire, Ôc fuyuoic
fordre du fang , comme les Royaumes de Fran^
ce,& d’Efpagne. le traitteray donc cy apres de
CCS deux gouuerncments , ( comme de la chofe
principale, &■ plus CôgneUe d’entre les Indiens,)
en tant qu’il me femblcra eftre propre à ce fub-
ied,laifrantplufieurs chofes menues & proli-
xes,qui ne font pas d’importance.
c.
VugoHuernement des ^s.O'Jngmsdi^
Pem,
Chapït. XII.
Ingua qui regnoit au Pera , cftant
fils légitimé luyfuccedoir,
& tenoyent pour tel , celuy qui
eftoitnédcla principale femme de
ringua , laquelle ils appelloyent Goya. Ce
qu ilsonttoufiours obferué, depuis le temps
d’vn Ingua , appelle Y upangui , qui efpoufa Ta
foeur. CafcéSjRoys reputoyent pour hon-
neur,d’cfpoufer leurs fœurs. Et bien qu’ils euT
lent d autres feinmes, ou concubines, routes-
fois la fijcccfiion du Royaume appartenbit au
fils delà Goya. Il eft vray que quand le Roy
Oo
Histoire natvrelië |
auoit vn frcre légitimé, il fuceedoit au deuant da
£îls , & apres luy Ton nepueu , & fils du premier.
Les Curacas & Seigneurs gardoyent le mefmc
ordre de fucceflion, eu leurs biens ôc offices. Et
faifoy ét à leur mode desceremomesj&obfeques |
exceffiuesaudeffimd.Ils obferuoyentvnecou- !
ftumc,veritablemétgrande,& magnifique, qu’vit
Roy,qui entroit auRoyaumc de nouueau,n'hc- i
ritoit point d’aucune chofe des meubles , vten- ^
fi les, & tbrefors de Ton predecelTeur , mais il de-
uoit eftablir fia maifon de nouueau,& afièmbler j
de bor,de l’argent , ôc les autres chofes qui luy |
cftoyent neceflaires , fans toucher à celuy du
deffund , qui eftoit totalement dédié pour
fon adoratoire , ou G uaca , & pour l’entretien
de la famille qu’il laifibit , laquelle auec fa fuc-
ceffioii s foccupoit continuellement aux fa-
crifices , ceremonies , ôc feruice du Roy mort.
Carauffi tofl: qu’il eftoit mort, ils le tenoyenc ^
pour Dieu,& auoit fes facrifices, ftatues , ôc au-
tres chofes femblables. Pourcefte occafionil
yauoitauPcru vnthrefor infiny, car vn cha-
cun des Inguas , f’eftoit efforcé de faire que
fon oratoire ôc threfor furpaffàft celuy de fes
predeceffeurs, La marque , oU enfeigne , par
laquelle il prenoit la poffeffion du Royaume,
eftoit vn bourrelet rouge , d’vnc laine plus
fine que foye , lequel luy pendoirau milieu du
front 3 n’y ayant que Flngua feul , qui le pou-
uoit porter, pour autant que c’eftoit comme
la couronne , ôc diademe Royal. Toutesfois
l’on poLiuoit bien porter vn bourrelet pendu
au cofté, proche de l’oreille , comme quelques
Î)es Indes. Lit. VL l'^o
âigneurs en portoyent , mais Mngua feul le
poimoicpoftei*au milieu du front. Au temps
qu’ils prenoyent ce bourrelet / ils faifoyent
desfeftesfort foîemnelles, &plufîeurs facrifi-
ces , auec grande quantité de yafes d’or , &
d’argentjgrand nombre de petites formes , ou
images de brebis , faites d’or & d’argent , grand
abondance d’eftophes de Cumby , bien efla-
bourees, de fine ôc de moyenne , plufieurs
conches de mer de toutes fortes , beaucoup de
plumes riches ,& mil moutons, qui deuoyent
eftre de diuerfes couleurs. Puis le grand pre-
ftre prenoit vn enfant entre fes mains , del’aage
defixàhuiétans , & prononçoit ces paroles,
auec les autres miriiftrcs, parlant à la dame du
Ymcoch^ySei^neurnétff t'ejfrens cela, afn.qudm
nous tiennes en rtpos , er nous aides en nos guerres , «»-
ferue mjîrefeigneur l’ingua, en fagrandeur , ejîat
quil Aille toufiours augmentant, CT luy donne hauem^
de j^amir afin qu'il nous gouuerne.tlfc trouuoitdes
hommes de tout le Royaume , &de tous les
Guacas , & fanduaires à cefte ceremonie , ôc
ferment. Et fans doute l’affedion & reueren-
ce que ce peuple portoit aux Roy s Inguas^
cftoit for t grande, car il ne fc trouue point que
iamais aucun des fiens luy ayé fait trahifon:
pour autant qu’ils procedoyent en leur gou-
uérnement, non feulement auec vnepuifiàncc
abfolüe , mais aulTi auec vn bon ordre & iufti-
ce, ne permettant pas qu’aucun y fuft foulé.
L’Ingua pofoit fes gouuerncurs en diuerfes
prouinces , entre Icfquels les vns eftoyent fu-
pciicurs^ ôc qui ne recognoifibyent autre que
O O ij
O HiSTO 1 Rt NAT'y^REL LE
îiijr, d’autres qui êftoyent moindres , & d’autres
plus particuliers,aucc vn (i bel ordre, & vnc tel-
le grauité qu’ils ne Fcnhardilïbycnt pas de fen-
yurer,ny de prendre vn clpy de mays deleurvoi-
lîn. Ces Inguas tenoyent pour maxime qu’il
conuenoit touiiours entretenir les Indiens en
occupation , de là vient que nous voyons encor
auiourd’huy des chauflees des chemins , & des
œuuresd’vn fort grand rrauail,lefquels ils difent
auoir efté fai tes, pour exercer les Indiens,de peur
qu’ils ne demeurafïènt oyfifs.Quand il conque-
ftoitvne prouincede nouueau > il auoit ac->
eouftume d’enuoyer incontinent la plus grande
parr,& les principaux des naturels de ce pays,en
d’autres prouinces,ou bien en fa cour, & les ap-
pellent auiourd’huy au^eru, Mitimas. Puis au
lieud’iceux,ilenuoyoit d’autres de la nation de
Cufco/pecialemcnt les Orciones , qui eftoyent
c6me les Cheuallicrs d anciéne maifon. Ils cha-
ftidyét rigoureufement les crimes, & délits, c’ell
pourquoy ceux qui ont cogneu quelque chofe
de cela font bien d’opinion qu’il n’y peut auoir
de meilleur gouucrncmcntpour les Indiens^ ny
plu? affeiiré que celuy des Inguas.
I
I
I
B ES Ind es* Liv. VL’
2fl
VeîéàifirHutionfieîes Ingu/i^fAifoienPde lenrs
VAjfAUX,
Chap, xiir.
L '
. O V R p^rticularifer d’auantagc ce que
[ i ay dit cy deflüs,ron doit fçauoir que
; la diftributiôn quefairoient les haguas
Ide leurs valTaux, elloitü exaéte dc.pai!-
ticulierc , qu’illes pouuoic tous gouuerner fort
facilement , combien qüe fon Roypme fud: de
mil lieues d’eftendiie : car ayant conqnefté^vne
prouince , il rediiifoit incontinent les liadiés en
villes &commuiiaùtez^, lefquelsil diuiroit.cm
bandes. Sur ehaciinc dixaine d’Jndiens il en
commettoit vn pour en auoir laicbarge^fur cha-
que centainevn autre, fur phaque millier vn au-
trCj & fur dix mil hommes ÿn autre , -lequel ils
appelloient Hump , qui eftoit yme des grandes
charges , & par delTus tous ceux-là encor ^ en
chaque prouince il y auoit vn Gouuernedr de
•la maifon des Inguas , auquel tous les autres
obeiflê)ient,&luyrendoienrcontc tous les ans
par le menu,dc tout ce qui elloit arriué , à fça-^
uoir , de ceux qui eftoient nez , de ceux qui
eftoicntmorts,des troupeaux &.des femcnces. ,
Les Gouuerneurs forroient par chacun an de
CufcQjOÙ eftoit la cour , & y rctournoient pour
la grande fefte du Rayme , en laquelle ils ap-
portoienttoutletributdu Royaume à la cour,
&nypouuoient rentrer qua çefte condition.
Tout le Royaume eftoit diuifé en quatre par-
O O iij
' ■ Histoi re N A TVR B Lt E
tics, qu’ils appelloientTahuantinfuyo, rçauoir
GhinchafüyOjCollaruyo , Andcfuyo & Condc-
fuyo,fuiuant les quatre chemins qui fortoiét de
Cufco où refidoitla cour, & fe faifoient les af-
femblées generâles du Royaume. Ces chemins
& prouinces correlpondantes à iceux cftoient
vers les quatre coings dti monde , Collafiiyo au
Sud>Chinchafiiyo au Nort , Condefuyo au Po-
îient,^ Andefuyo au Lcuanu En toutes les vil-
les & bourgades il y auoit deux fortes de peu-
ple qui el^ient de 'Hananfaya & V rinlàya , qui
cfteomme dire , ceux d’enhaut ôc ceux d’embas.
Quand Ipn coinmandoit de faire quelque œu-
ure, ou dcibtirnir quelque chofè à ringua,les
officiers fçauoieht auffi roft de combien cha-
que prouince, ville & partialité y deuoit con-
tribuer, dont ledepartemenr ne fe faifoit point
par partsdgalles , mais par cottifation félon la
qualité & moyens du pays. Tellement que fil
falloir cueillir, par maniéré de dire , cent mil fa-
negues de mays, l’on fçauoir auffi toft combien
il falloit que chaque prouince en baillaft , fuft la
dixiefme partie, la feptiefmeou la cinquiefme,
A utant en eftoitdes villes ôc bohrgades, & Ail-
les ou lignages.LesQuipoeamayos,qui eftoient
les officiers & ,intendans, tenoient le conte de
tout auec leurs filez & neuds , fans y faillir au-
cunement ,rapportans ce que l’on auoit payé,
iufquesà vncpoulle & vne charge de bois, &
envn moment voyoit-on parleurs regiftres ce
que chacun deuoit payer.
Daitimensqiie Icsln-
guas ont faits en temples & fottëref-
feSjCliemins i'màifons des cîiàitlps &
autres femblables: qui ont efte en
grand nombre &d’vn exceffi# 'trauaib/dôramte
l’on peut voir encor auiourd buy pàr ]es-ruy-
nes & veftiges qui en reftènt , tant en Güfco
qu’en Tyaguanaco , Tambo & en autres 'en-:
droits , où il ya des pierres -d^vn gr'andèur dc-
mefurée :de forte que l’on ne peut penfèp c^m-
me elles furent couppées , -amenées affifés au
lieu où elles eftoient. Il Vendit vn gr^i'd 'nom-
bre de peuplé de toutes- lés prouinces pôliî tra-
uailler à ces édifices & fortèrelfes que Tlngua
faifoit faire en Cufco ,-ou en d’autres parties de
fon Royaume:d’autât quétèls ouuragéS élîbienc
eftranges , 8c pour efpoüuen ter ceux qui les
contcmploient, iis n vfoient point de mortier
ou cyraent , & n auoient point de fet nÿ d’acier
pour couper & mettre en ϟuire les pieliffcs. Ils
n auoient non plus de ihaGbincs, ny d’autres îwd
ftruments pour les apporter toutesfois cl-
ics eftoient fi propremét mifes enœuurc , qu’en
beaucoup d’endroits à peine voyoit-'on la ioin-
ture des vnés aucc les autres : &y a plufieurs de
ces pierres fi grandes, comme il eft dit, que ce fc-
roit vue chofe incroyable fi on ne les voyoir.
le niefuray à Tyaguanaco vne pierre de trente
Oo iiij
Histoire natvrelle
il uid pieds de long, de dixhuid de large , &
fixd’efpais. Et en la muraille de la forrereirc de
Cufco , qui eft de Moallon , il y a beaucoup de
pierres qui font çncor d Vnc plus eftrange gran-
deur , 6c ce qui eft plus cfmerueiliable eft que i
ces pierres n’eftans point taillées ny efquarries
pour les accommoder > mais au contraire fort
inegallcs les vnes aux autres , en la forme 6c
grandeur, neantmoins ils les ioignoient &en- |
chaflbient les vues aucc les autres , fans ciment '
dVnc façon incroyable. Tout cela fe faifoità. |
force dcrpeuple, , ^ aüec vne grande patience
à y rrauailler, Car^pour enchaiîèr vne pierre
auec l’autre , félon qu’elles eftoient adiuftées,
ileftoit .befoin de les eflayer , 6c manier plu-
lîeurs fois la plus-part d’icelles , n’eftans pas ef-
galles ny ynies. L’Ingua ordônnoit par chacun
an le nombre du peuple qui dcuoiç ivenir pour
trauailler aux pierres & édifices , 6c en faifoient
les Indiens le departement entre eux comme
des autres chofes, fans qu’aucun Tuft foulé.
Neantmoins encor que ces édifices fuirent
grands, ils eftoient communément mal ordon-
nez 6c incommodes j 6c prefque ^cpmme les
Mofquittes ou édifices des barbares. Ils n’ont
(çeu faire d’arcades en leurs édifices ny de ci-
ment pour les baftir. - Quand ils.yirent drçlTer
des arcs de bois en la riuicrede Xaura, ^ apres
que le pont fut acheué qu’ils virent- rompre le
bois, tous commencèrent à fuir, penfans que
leponf,quieftoitdepierrcde caille deuft tom-
ber à l’inftanc: & comme ils curent veu qu’il
demeuroit ferme , 6c que les Elpagnols mar-
DES Indes, Liy. VI. 295
choient deiïti s , le Çacicque dit à fes compa-*
gnons : llejl bi.en rAifinque nom fermons 4 ceuxey
qmfimblent bienefre aU vérité fils àu> Soleil, Les
ponts qu'ils faiioient eftoient de ioncs tilTus,
qu'ils atcachpient au riuage auec de forts pieux,
d’autant qu’ils ne poüu'oiêt faire aucuns pots de
pierresny de bois. Le pont quieft auiourd’huy
au cours de l’eaüe du grand lac de Chiqiiit-
toen Collao eft admirable : car ce bras d’eaüe
eft il profond que Fpn n’y peut alïèoir ^ucuii
fondement ,& ü large , qu'il n’eft pas poffiblc
d’y faire vue arche qui le rrauerfe : tellement
qu’il cftoit du tout impoffible d’y faire aucun
pont,, fuft de pierre ou de bois. Mais Fenten-
dement & induftriex des Indiens inuenta le
moyen d y faire vn-pobt alTez ferme & afleuré,
çftant.fak feulement de paille : chofe gui fetxi-
ble fabûleüfe 5 & toutesfois qui eft véritable.
Car comme nous auons ditcy deflus , ils amaf-
fent ôc attachent enfcmble certaines bottes
de.jonces ôc d’herbiers qui fengendrent au lac
qu’ils appellent Torora ; & Comme c’eft vne
matière fort legere , &qui rie fenfonce point
enl eaiie jilsicttent deftiis vne grande quanti-
té de ioncs, puis ayans arrefté ôc attaché ces
bottes d’herbiers d’vncofté êc d’autre de là ri-
uiere, les hommes & les; beftes chargés paf-
fent par deftiis fort à l’aife. le me fuis quelques-
fois efmcrueillé en paftant ce pont de Faftifîce
des Indiens , veu que dVne chofe fi facile Ôc ft
commune ils font vn pont meilleur ôc plus af-
feuré quen’eft pas le pont de batteaux de Se-
uillea Triane. l’ay mefuréla longueur de ce
Histoire N AT VRÉ LIE
j5ont, & fi bien m’en fijuuient,il cftoitdeplüs
de trois cens pieds , &direntque la profonditc
de ce courant eft tres-grandc, & femble par def-
fiis que l’eaue n*a aucun mouuement: toutesfois
ils difent qu’au fonds il avn coursfuricux&vio-
Icnt.Cecy ruffifepourlesedifices.- -v
reuenu de l‘ln^uA^0* de l'ordre des tributs H
imj^ofôtt itùxjndiensi
Chap. XV.
A ricbêlîe des Inguas eftôit incom-
parablCjCar bien qu’aucun Roy n’he- ’
rkaft point des moyens & threfors
^ defon pre^eceiTeur ,neântmoins ils
auoicntà leiir volonté toutes les fiebeflés qui
eftoient en leurs Royaumes , tant d’argent &
d’orjComraed’eftofFe J de Cumbi & be-ftianx,-
enquoy ils eftoient rres-abondans , & la plu$>
grande nchcire de routes eftoif rinnumerablo
mulrirudede vafianx qui eftoiêt fbüs occupez
& attentifs à ce qui plaifbit au Roy* Ils appor-
toient de chaque prôuinceceqifil auoit choifi
pour fon tribut. Les Chichas luy enuoyoient
du bois odoriferant'& riche j les Lucanas des
brancarspour porter fa litiere ; les Chumbil-
bicasdes danceurs, & ainfi tour le refte des
prouinces luy enuoyoit de ce qu’ils auoient
en abondance, & ce outre le tribut general au-
quel tous côtribuoient.Lcs Indiens qui eftoient
nommez pour cet effet, tranailloient aux mines
DES Indes. L IV. VI.
d’argent, & d’or, qui cftoienc auPeruen grande
abondance, lefquelsl Ingua entretenoic de ce
qu’ils auoienc de befoing, pour leurs defpcns, ôc
tout ce qu'ils tiroicht d’or , & d’argent , eftoit
pour luy.Par ce moyen il y a eu en ce Royaume
de fi grands threfors,qucc’eftropinion de plu-
fieurs,que ce qui tomba entre les mains des Ef-
pagnols , combien que ç’ait cfté vn grand nom-
bre,côme nous rçauoiis,n’eftoit pas la dixiefme
partie,de ce que les Indiens enfoüyrent , Sc ca-
cherct/ans que l’on l’aye peu dercouurir,neant-
moins toutes les diligences , que lauarice y a
cnreignécs,pourcefaire. Mais la plus grande
richefiede ces barbares, eftoit que leurs vafi-
faüx eftoient tous leurs-efclaues , du trauail def-
qucls ils iouilloicnt à leur contentement : Ôc ce
qui eft admirable, ilsfè (cruoient deux d’vnc
telle façon que cela ne leur eftoit pas feruitu-
de, mais pluftoft vne vie fort delicicufe. Or
pour entendre l’ordre des tributs que les In-
diens paypient à leurs Seigneurs , l’on doit fça-
uoir,quc lors que l’Inglia conqueftoir quelques
villes , il en diuifoit toutes les terres en trois
parties , la première d’icelles eftoit pour la reli-
gion,& ceremonies , de telle forte, que le Pa-
chayachaqui,qui eft le Créateur , &■ le Soleil , le
Chuquilla, qui eft le T onnerre , le Pachamaraa,
&lcs morts, & autres Guacas & fanduaires
enflent chafeun leurs propres terres , ôc le fruid
defquellesfegaftoit, & confommoit en facrifi-
Gcs , & en la nourriture des rainiftres ôc pre-
lires. Caril yauoit des Indiens députez pour
ehafquc Guaca , Ôc fanduaivc , ôc lapins grande
iu i
Histoire natvrelli
partie de ce reuenu, fe dcfpendoit en Cufco , oà
cfl:Gitrvniuerfel& general fanéluaire, Sc l’au-
tre en la mefme ville, où il fe cueilloir : pource
que à 1 imitation de Cufco , il y auoit en chaque
' villçdes Guacas , & oratoires du mefme ordre
&auccles.mefmes fiinâ:ions,quieftoicnt fer-
«is delà mefme façon , & ceremonies que celuy
de Cufco, qui eftvnechofe admirable, & dont
l’on eft bien informé,comme l’on l’a trouué, en
plus de cent villes , Ôc quelques vnes diftantes
deux cents lieues de Cufco j Ce que l’on femoit
&recueilloit en ces terres, eftoit mis en des
maifons , comme depofîtaires , bafties pour cet
effet; & eftoit cela vnc grande partie du tribut,
que les Indiens payoient. le ne peux dire com-
bien femontoiteefte partie, pource qu’elle c-
ftoitplus graadc en des endroits qu’en autres,
& en quelques lieux eftoit prefque le tout , &
ceftepartioçftpitla première que l’on mettoit
à proftît.La fécondé partie des terres , & héri-
tages, eftoit pour l’Ingua, de laquelle luy ôc fa
maifbn eftoient fubftahtez , mefmes fes parens,
les SeigheurSj-les garnifons , ôc foldats, C eft
pourquoy ç’eftoit laplusgrande portion de ces
tributs, ainfiqu il appert par la quantité de for,
de l’argent,& autres tributs qui eftoient és mai-
fons,àce députées ,Iefquelles font plus lôgues,
ôc plus larges , que celles où l’on garde les reue-
nusdes Guacas. L’on portoitCe tribut fort foi-
gneufement en Cufco, on bien és lieux , où il en
eftoit de befoing pour les foldats, &quandily
enanoit qu.antité,l’on legardoitdix, & douze
anssiufqiîésau temps de neceffué. Les Indiens
Ï5ES Indes. LiV'. VI.
cultiuoicnt & approffîtoienc ces terres de Tin-
gua a ajpres celles des Guacas, pendant lequel
tcmpsjils viüoient J & eftoient nourris aux défi
pens dcl’Ingua, du Soleil , ou des Giiacas , félon
les terres qu’ils labouroient. Mais les viellards,
les femmes ôc les malades eftoient referuez êc
exempts de ce tribut , & combien que ce que
lonrecueilloitences terres, fuftpour l'Ingua,
ou pour le Soleil, ouGuacas,neantmoins la pro^
prictc en appartenoit aux Indiens , 6c leurs prç^
decdreurs.Latroifîcnnc partie des terres, eftoit
donnée par ringua, pour la communauté, 6c
n’a on point defcouuert,lîccfte portion eftoit
plus grande , ou moindre que celle de l’In-
gua,ou Guacas: toutesfois il eft certain que l’on
auoitefgard àce quellcfuft fuffifante, pour la
fuftentation & nourriture du peuple. Aucun
particulier ne poftèdoit chofe propre decefte
troifiefme portion, ny iamaisles Indiens n’en
polfederent, ficen’cftoitpar grâce fpecialledc
Iln^ua, & toutesfois cela ne pouuoit eftre en-
gagé, ny diuifé entre les heritiers. L’on depar-
toit par chafeun an ces terres de communauté
en baillant-à vn chafeun , ce qui luy eftoit de
befoing pour la nourriture de fa perfonne , &
famillc.Par ainiî félon qu’augmentoit, ou dimi-
nuoit la famille, l’on haulîbitou retranchoit la
part: car il y auoitdcs mefures , dcterminces
pour chaque per Ibnne. Les Indiens nepay oient
pointdc tribut, de ce qui leur eftoit departy.
Car tout leur tribut eftoit de cultiuer, &main-
^nirenboncftatles terres de l’îngua , ôc des
& de mettre les fruiéts d’icelles aux de-
MiStOIRE NATrREIIE
|)ofîfaires.Quand l’annee cftoit ftcrile l’on doiî-
noit de ces mefmes fruicls airifî referuez aux
iieceffiteux J d’autant qu’il y en auoit toufiours
defuperabondanr.UIngua faifoirla diftributiô
diîdîelHàlainfi que des terres , qui cftoit de le
conter,& diuifer, puis ordonner les pafturages
& limites, pour le beftial des Guacas , de l’In-
gua,& de chaque ville. C’eft pourquoy vne par-
tie du reuenu , eftoit pour lareligion , vne autre
pour le Roy,& lautre pour les mefmeslndiens.
Le mefrae ordre eftoit gardé entre les chaG
Leurs, neftant permis d'enleuer ny de tuer des
femelles. Les troupeaux des Inguas & Guacas
eftoient en grand nombre,& fort féconds, pour
cefte caufe ils les appclloient,Capaëllama, mais
ceux du commun &public , eftoient en petit
nombre, Sc de peu de valeur , parquoy ils les ap-
pelloient Bacchallama. L’Ingua prenoit vn
grand foing, pour la conferuation du beftial,
d'autant que c’eftoit,& eft encor toute la richef-
fe de ce Royaume, & commeil a efté dit , ils ne
facrifioientpointde femelles, & ne les tuoient
point ny ne les prenoient àlachafle. Sila cla-
uelléc ou rongne, qu’ils appellent carachc , ve-
noit à quelque befte , elle debuoit eftre à l’in-
ftant enterrée toute vifue , de peur qu’elle ne
baillaftle mal à d’autres. Ils tondoientle beftial
enleurfaifon,&en diftribuoientà vn chafeun
pourfiller , &tiltredela matière & eftophe,
pour le feruice de fa famille,y ayant desvifiteurs
pour fenquerir fils l’accompliftbient, lefqucls
chaftioient les negligens. L’on tiftToit & faifoit
des eftophes de la laine du beftial de l’Ingua, '
iss Indes, Liv. ŸL 29^
pourluy&pourîesficnsjl'vne fort fine, & à
deux faces,qii ilsappelloient èumbi ,& l’autre
groffiere Sc moyenne, qu’ils appelloict Abafca.
Il n’y auoit aucun nombre de ces eftofFes,oufaa-
bits arreftéjfinon ce que l’on departoit à vu cha-
cun. Lalaine quiL*cfi:oit,eftoit mifeaux maga-
fins, dequoy les Erpagnols les trouuerent encor
tous pleins,& de toutes les autres chofes neçef-
(aires à la vie humaine. Il y aura peu d’hommes
d ’entendcmerir, qui ne foienr cfnierueillez d’vn
fi notable & bien ordonné gounernement, puis-
que les Indiens, ( fans eftre religieux, ny Chre-
(tiens; gardoient en leur façon, celte perfection,
de ne tenir aucune chofe en propre , & de pour-
uoir à toutes leurs necelîitcz, entretenas fi abô-
damment les ciiofes de la religion , & celles de
icur roy & (eigneur.
JPfs arts^<cr offices quexer^oientles Indiens,
Ch apit. - XVI.
L Es Indiens du Peru auoient vne perfedi-
on,quieftoit d’enfeigner à vn chacun des
petits enfans, tous les arts& meltiers, qui e-
(loient nccelîàires pour la vie humaine , pour-
cc qu il n y auoit point entre eux d’artifans
particuliers, comme le font encre nous autres
les couiluriers, cordonniers, tilTerans , &
autres, mais tous apprenoient tout ce qu’ils a-
uoient de bcfoing,pour leurs perfonnes,& mai-
tons , & fe pouruoyoient à eux mefmes. Tous
Histoike NATVRELLE
fçauoient riftre , & faire leurs habits , c’cft pouf
quoy ringua les fournilîànt de laine , leur don-
noitdcs habits. Tous fçauoient labourer la ter-
re,& lapproffiter, fans louer d autres ouuriers.
Tous baftilFoient leurs maifons , & les femmes
cftoient celles qui en fçauoient le plus , lef-
quelles n eftoient point nourries en delices, !
mais feruoicnt leurs maris fort foigneufemenr. ^
Les autres arts & mefticrs qui n eftoient point
pour les chofes communes Ôc ordinaires de la
vie humaine, auoientleurs proprescompagnons
& manufadeurs , comme eftoient les orfeures,
les peintres jles potiers, les barquetiers, les con-
teurs , 5c les ioLieurs d’inftruments. Il y auoit
aufli des mefnics tiftèrans,& architcdesfpour
les œuiires exquifes , defquels fc feruoicnt les
Seigneurstmais le commun peuple , comme il à
efté dit , auoit chez luy tout ce qui luy eftoit de
befoing j pour fa maifon , fans qu’il luy conuint
rien achepter. Ce qui dure encor auiourd’huy,
de forte que nul n’a befoing d'autruy, pour les
chofes neceffaires, pourfaperfonne & pour fa
maifon,comme eft de chaufteure, veftement, 5c
de maifon jde femer , de recueillir, 5c de faire les
ferremens, 5c inftruments à ce neceflàires. Les
Indiens imitent prefque en cela les inftitutions
des moines anciens-, defquels il eft traidlé en la
vie des Peres. A la vérité c’eft vn peuple peu a-
uare,& peu delicieux,à raifon dequby ils fc con-
tentent de paflèr le temps aftez doucement, &
certes fils choiftlîoient cefte façon de viure,
par cfledion , 5c non pas par couftume , ny par
nature, nous dirions que ce feroitvne vie de
Des Tndes. Liv. Vî. 257
grand’ perfêdion, veu qu’elle eft alfez idoine
pour receuoirla dodrine du faind Euangile, fi
contraire & fi ennemie deforgueil, de l’auaricc,
de la volupté. Mais les prédicateurs ne donnent
pas toufiours bon cxêplejfclon lu dodrinequ ils
prefehent aux Indiens. Cefi: vnechofercmar-
quablejquccôbien que les Indiens foient fifim-
plcs en leur mode & habits, routesfois Ion y
voit vnc grande diuerfiré entre les prouinces,
Ipecialemcnten leur habit de telle: car en quel-
ques endroits ilspjortét vn long tifiu, duquel ils
fontpiuficurs rours,cn d’autres vn autre tilfu lar
ge,qui ne fait qu Vn tour, en d’autres comme de
petits mortiers ou chapeaux; en quelques en-
droits comme des bonnets hauts &ronds,& en
d autres comme des fôds dé facsjauec mil autres
différences. Ils auoient vne loy eftroire & inuio-
lable,qu’aucunnepeuftchagerla mode &façon
d'habits de fa prouince, encor qu’il fien allafl: vi-
ure en vnc autre,ce que Flngua eftimoit eftre de
grande importance pour l’ordre & bon gbuucr-
nement defonRoyaume,’& î’obferucnt encor
auiourd huy,bienquecene foit pasauée vn tel
foin qu’ils auoient accouftiimc.
Despjies CT’ Chappis dont les
Incuas (è femoient
Chap. XVII.
jLyauoit vn grand nombre dépolies
*& courriers, dont 1 Inguafèicruoiten
^ toutfon Royaume, lelqucls ils appel-
■^«Joient Chafquis, & choient ceux qui
portoientles mandements aux Gouuerneurs,6c
Histoire natvrelie
tapportoientleursaduis & aducrtifTcmcns à la
Cour. Ces Chafquis eftoient mis & pofez à cha-
qu’vne Gourfe qui cftok à licuc 6c demie IVnc de '
l’autre en deux petites maifonS où ils eftoient
quatre Indiensdeiquels on y cômcttoitdecha- ;
que contrée, & eftoient efehangez de mois en
mois. Ayans reccu le paquet ou meftàge,ils cou-*
roiét de toute leur force iufques à ce qu'ils Teuf-
fent baillé à l’autre Chafqui,eftans toufiours ap-
pareillez &au guet ceux qui deuoient courir. Ils
couroient en vn iour & vne nuiét cinquante
lieues , combien que la”plus-part de ce pays-là
foit fort afprç.lls leruoîentauftîpour apporter
les chofes que l’Ingua voiiloitauoîr prompte- |
ment. C’eft pourquoy ilyauoit toufiours eh |
Cufco dupoillon demerjfrais de deux iours ou i
peu d auantag.e,bien qu’il en fuft efloigne de pP |
de cent lieues. Depuis que les Efpagnols y font '
entrez, l’on a encor vfé de ces Chafquis aux têps I
des fcditions,& en eftoit grand befoin. Le Vice- !
roy Dom Martin les mit ordinaires à quatre
lieues l’vn de l’autre, pour porter & rapporter ■
les defpeches,qui cftvne chofe fort neceftTaire en î
ce Royaume, encor qu’ils ne courent pas auec la !
legereté que faifoient les anciens , ôc qu’ils ne |
foientpasen fi grand nombre, neantmoins ils !
font bien paycz,&feruent comme les ordinaire^ I
d’Efpagne, où l’on donne les IçttBcs qu’ils por-
f eiic à quatre ou cinqliciies»
DES Indes. L i y. VI. " i^É
I>elit mJHce^L6iX(Hÿ^ peines que les Inguas ont ordonne'^
de leurs marïagesi,
Ch AP. XVIIL
O V T ainli comme ceux qui fai-'
foienr quelque bon ferufce en guer-
re,ou à î’adminiftration de la Repu-
bliqueieftoienthonorcz' & recom-
penfez de charges pübliques,de ter-
tes qui leur eftoienr don nées en proprc,d’arnîes
ëc marques d’honneur, de mariages auec fem-
mes du lignage de l’ingûa ; Ainli donnoicnt-ils
de leueres chaftimens à ceux qui eftoicntdefo-
bcilîàns&couîpables.Ils.puni'iroient dé mort les
homicideSjles larcinSjles adultères, & ceux qui
commetroientincefte auec les afeendâs ou def-
cendansendroitte ligne cftoienc aulîî punis de
iV-OVt. Mais ils ne tenoierit point pour adultère
d auoir plufieurs femmes oii conci^ines, êc el-
les néncourôicnt point la peine de mort pour
dire trouucçs auec d’aiitres,ains iculcmcnt celle
qui eftoit la vraye & légitimé £fpoufe,auec la-
quelle proprement ils contraétoient mariage.
Car ils n’en auoient point plus dVnc,laquelle
ils cfpoufoicnt & receuoienr aüec vne parti-
culière rplemnité & ceremonie, qui éftoit que
l’eCpoux fe tranfportoit à la maifon d 'elle, & de
ia la menoit auec iuy,luy ayant premièrement
m^is au pied vncoitoya.ils appellent ottoya la
cnauireurr dont ils vfent par delà, quieft vu
Chauiîôn ôa fàuîjcr ouücrt comme ccuxdes fre-
h 5
Histoi re N-A tvre lie |
rcs de S. François. Si l’efpoufe cftoit pucelle^fon |
ottoya eftoit de lainc,mais fi elle ne l'cftoitpoint j
ilcftoirfairdeionc. Toutes les autres femmes i
ou concubines du mary honoroicnt & feruoict
celle là comme femme légitimé, qui feule aufli
apres le decez du mary portoitledueildenoir
l’efpaced’vnan,&nefe marioit point qu'apres
ce temps paifé & cftoit communcmét plus icu
ne que le mary.Llnguadonnoitdefa main cc-
fte femmeà.fes gouuerneurs ôc capitaines,^ les
gouuérncurs 3c Caciques afiebloiêt en leurs vil- i
lesjto^lesieuneshômcs&ieuncsfillcs envncpla j
ce,& leur donnoiêt à chacun,fa féme aucc la cc-^
remonie fufdite,de luy chauffer ceft ottoy a,& de
celle façon contradoient leurs mariages.Si ce-
lle femme eftoit trouuce aucc vn autre que le
raary,elle eflok punie de mort,& l’adulterc auf-
fi:& bien que le mary leur pardonnafl,clles ne
laifToient pas d'eflre punies,mais elles efloient
difj3eiifécs delamortftlsdonnoientvne femblà-
blepcincàceluy quicommcttoirinceflc auec la
iï>ere,ayeulle,fille,ou,petitc fille. Car iln’clloic
point defFendu cntr’eux de fe marier, ny de con-
cubiner auec les autres parentes, mais le pre-
mier degré feulement eftoit deflendu. Ils ne
permertoient point aulïî que le frère eull co-
gnoilTance auec fa fœur,enquoyceuxdu Pcm
le trompoiencfort, c oyans que les Inguas &
feigneurs pouuoienc légitimement contraéler
mariage auec leurs fœurs , voire de perc & de
mere : car à la vérité il a toufiours efté tenu
pour illicite entre les Indiens, &’'dcfFepdu de
contrader au premier degré: ce qui dura iuf-
©ES Indes. Liv. VL / 2^9
qiies au temps de Topa Ingua Yupanguij perc
de Guaynacapa & ayculd’Atahualpa,au temps
duquel les Efpagnols entrèrent au Perii , pour-
cc que ce Topa Ingua Yupangui fut le premier
qui rompit cefte coufturae,& fc maria auec Ma-
maoeliofalœurdu coftè paternel, & ordonna
que les Seigneurs Inguas fe peuiTent marier
auecieurs fœurs de perc,&non point d’autres.
Cequilfitdelà part: ôc de ce mariage eut pour
fils Guaynacapa, 6c vne fille appellée Goya Cufi-
fillim^j fe fentant proche delà mort il com-
manda que lès enfans de^cre &de metefema-
riallènt enfemble & donna permifiion aurefte
des principaux deion Rôyaume de fe pouiioir
marier auec leurs fœurs de pere.Et d’autant que
ce mariage fut illicite ôc contre la loy naturel-
le, Dieu voulut mettre fin au Royaume des In-
guas , pendant le régné de Guafear Ingua , ôc
Atahualpa Ingua, qui cftoit le fruiét procréé de
ce mariage. Qui voudra plus exaélemcnt en-
tendre la façon des mariages entre les Indiens
du P cru 3 qu’il lile le Traittéque Polo en a cC-
crit a linftancc de Dom Hierofme de Lôaifa
Archeucfque des Roys, lequel Polo enfitvnc
fort curicuferechcrchejcomme il a fait deplu-
fieurs autres chofes des Indiens.Ce qui impor-
te bien d eftre cogneu pour cuiter l’erreur ôc
inconuenient oùplufièurs tombent,quine fça^
chans quelle femme entre les Indiens, eftl’ef-
.. poule légitimé ou la concubine, font marier
1 Indien baptizé auec fa concubine, enlailPant
la la légitimé efpoufe. Par là voit-on auffi lepcu
deraifon qu ont eu quelques vns qui ont pre-
Pp iij
Histoire natvrelle
tendu dire, que l’on deiioit ratifier le mariagiç
de ceux quifebaptifoienc, encor qu'ils fufienç
frere &fœur. Le çontraire a efté déterminé par
,1c Synode prouincialde Lyma,auec beaucoup
.de raifon: puis qu’il eft ainfi qu’entre les Indiens
mefme ce mariage n’eftoit pas légitimé.
P el' Online dçs Inguoi/eignenrs di4 Pem^ (Tdeleun
conquejîes c^viBoires.
ChapitreXIX. ^
A R le confmandement de la maie-
Catholique du RoyDom Philip-
l’on a faitla plus diligence &exa-
recherche , qu’il a efié poflible
de l’origine, couftume,& priuileges des Inguas,
ce que 1 on n’a peu faire, fi bien comme l’on eufi:
defiré.àcaufe que ces Indiens n’auoient point
d eferiptures : toutesfois l’on en a recouuré ce
que i’endirayicy,par leurs quippos & regiftres,
lefquels comme i’ay dit, leur feruent deliures.
En premier lieu, il n’y auoir poin t anciennetnêt
au Pera,aucjjn royaume ny leigneur à qui tous
obeiirenr,mais eftoient comrnunautez^comme
il y a encor auioiird'hiiy au royaume dé Chillé,
& prefque en Toutes les prouinccs,qncles Ef-
pagnols ontconquifcs,en ces Indes Occiden-
tales,excepté le royaume de Mexique. Parquoy
I on doit fçauoir qu’il s'eft trouué aux Indes,
trois genres de gouuernemenr, & façon devi-
urc.Le premier, & meilleur a efté de royaume
ou monarchie, comme fur ccluy deslnguas,^
DES ÏNDÎS. LlV. VI. 3©o
ccîuy dcMorcciima, corabicn qu’ils jFiiflent cit
la plus part tyranniques. Le fécond eftoit de
cominunautcz, où ilslc gouucrnoienr par l’ad-
uis & authorité de pluneurs qui font comme
Confeillcrs.Ccux la en temps de guerre eilifoiét
vn cappitaine, à qui toute vne nation ou pro-
uince obeilToit,& en tempsdepaix chaque vil-
le ou congrégation fe regiiToit , ôc fe gouuer-
noit Coy mefmey ayant quelques hommes prin-
cipaux, que le vulgaire refpecle, & quelques
fois, mais peu fouuent, aucuns d’euxfaffemblcnt
pour les afîaires,qui font dnnportance, afin d’a-
uiier ce qui leur eftconiienable. Le troifiefmc
genre de gouuerneméteft du tout barbare, qui
cft compofé d’indiens fans loy,fansroyj, Sc fans
lieu arrefté,qui vonfpar rrouppes, comme be-
lles fauuages.A cequei’aypcu comprendre, les
premiers habitans des Indes eftoient de ce
genre,Gomrae le font encor auiourd’hny, vne
grande partie des Brefilliens, Chyraguanas,
Chunchos, Yfcaycingas, Pilcoçones, & la plus
grande partie des Floridiens, & tous les Chi-
chimaquas en laneuftie Efpagne. Pe ce genre
fe forma l’autre forte de gouuernemêt en com-
munaurez , par l’indu llrie , & fçauoir , de quel-
ques principaux d’entr’eux, efquels iljya quel-
que peu plus d’ordre , 5c qui tiennent vn lieu
plusarrefté , comme le font auiourd'huy ceux
d’Auracano,& de Tcucapel en Chillé, ôc c’e-
lloient,au nouueau royaume de Grenade, les
Mofcas,&les Ottomittes, en la neufue Elpa-
gne:&cntousccux-cyilya moins de fierté , &
beaucoup plus de raifon qu’és autrcs.De cegen-
Pp mj
Histoire natvrelii
re par la vaillanrife, & fçauoir de quciqnes ex-
cellens hommes {ortie l’autre goiiucrnement
plus puiflant,qui inftituale Royaume, & la mo-
narchie,quenous trounarmes en Mexique &
au PcrUjpource que les Inguas mirent toute ce-
fte terre en leur fubieâ:ion,& y eftablircnt leurs
loix & gouLiernement.il le trouue par leurs mc-^
moires que leur règne a duré plus de trois cents
aiis,mais ma pas atteint iufquesà quatre cents,
combien que leur feigneurie ait efté vn long
temps , fans s’eil:endre plus auanr,quc cinq pu
liz lieues, au tour deCufco.Leur commence-
ment & origine a efté en la vallée de Cufco, .
doù peu à peu ils conquefterent la terre que
nous appelions Peru, 5c pafterent plus outre:
queQmctOjiufqucs à la rîuiere de Pafto, vers
le Nort,& pamindrent iufquesà Chilléversle
Sud, qui feroientprefque millieüès delong. Il
s’eftendoit en largeur iiifqucs à la mer du Sud
qui leur eftauPonent, & iulques aux grandes
campaignes qui font de l’autre part delà chaî-
ne des Andes,où l’on voit encor auiourd huy le
chafteaii,qLhfe nomme, le Pucara de l’Ingua,
quieft vnefoi'terefte, qu’il fit baftir pour def-
feacc,&- frontiereversTOricnr. Les Inguas ne
s aduencerenr point plus outre de cefte part,
pour l’abondance des eaux, marercages,lacs,<So
riuicrcs, qui courent en ces liciies, de forte que
lalaigeur de ce Royaume ne (croit pas droidbe-
mcnc , de cent lieues. Ces Inguas furpalTerent
toutes les autres nations de l’Amérique, en po-
lice & gouuernerficnt,& beaucoup d’auantage
en valeur, (5c en armes, combien que les Cana-^
DES Indes. Liv. VI. joï
ris, qui cftoient leurs mortels ennemis, Sc qui
fàuoriferent les Efpagnols,n’ayent iamais voulu
recongnoiftre ny confefler cet auanrage fur
eux, de telle façon que fi encor auionrd nuy ils
viennent à tomber fur ce difeours, & compa-
raifons, & qu’ils foientvn peu inftiguez,& ani-
mez, ils s entretueront à milliers furcefte dif.
pute, qui font les plus vaillans,ainfî qu’il eft ar-
due en Cufco.L’artifice & couleur, de laquelle
les Inguasfcferuoienc , pour conquefter & fc
• faire Seigneurs de toute ccfle terre, fut en fai-
gnant que depuis le Deluge vniuerfcl, duquel
tous les Indiens ont congnoifTancc, le monde
auoitefté reftauré & repeuplé par ces Inguas,
Sc quefept d'iceux fortirent de la cauerne de
Pacaricambojià-raifon dequoy tout le refte des
hommes leur debuoient tribut ôc valTcllage,
comme à leurs progeniteurs : outre cclails di-
foienr,5c affermoient, que cuxfculstcnoicnt la
vraye rcligion,& fçauoient comment Dieu de-
uoit eftre feruy 8c honoré , 8c que pour cefte
occafîon ils y debuoient inftruire tous les ho-
mes. G’eft vne chofe infinie, que le fondement
qu’ils donnent à leurs couftumes, 8c eeremo-
nies,& y auoiten Cufco,plus de quatre cents
oratoires, comme en vne terre fainétc, 8c tous
les lieux y eftoient remplis de leurs myfteres.
Comme ils alioient conqueftans les prouin-
ccs,aufîî alioient ils introduifans leursmcfmes
Guacas,& couftumes. En tout ce Royaume le
principl idole , qu’ils adoroient,cftoientlc Vi-
racocha, Pachayachachic, qui lignifie Créa-
teur du monde, 8c apres hiy le Soleil. Ceft
Histoire natvrelle
-pourquoy ils difoicnt que le Soleil rcccpuoit
là vertu & Ton cftre du Créateur, ainfi que les
autres Guacas, ôc quils eftoienc intercefleurs
cnuersluy.
Dpi fremler InguA^Cy fes fuccefenrs,
C H AP. X X.
E premier homme que les îndiens ra-
content cftre le commencement, 6c
le premier des Inguas,futMangoca-
pa,duqucl ils feignent, qu’apres le dé-
luge il fortit de lacauerne,oü fencftredeXaiii-
b6,qiîicft eftoignéede Cufco, eniiironde cinq
(ouftx lieues.lls difent que ceftuy la dôna com-
mencement à deux principaux lignages, & fa-
milles d’Inguas, les vns defquels furent appel-
iez Hananeufeo, &les autres Vrineufeo. Du
premier lignage vindrent les Seigneurs , qui
conquefterent, & gouuernerent cefteprouin-
ce, éc le premier qu’ils fontchef,6cfouchcda
lignage de ces Seigneurs que ie dys, s’appclloit
Ingaroca, lequel fonda vnefamille, ou Aillo,
quils appellent, nommee Viçaquiquirao. Ce-
ftuy là encor qu’il ne fuftpas grand feigneur, fe
feruoit ncantraoins aiiec de la vaiiîèlle d or,6c
d’argenr,& ordonna en mourant, que tout foa
trefor fuftdeftinépour leferuice de fou corps,.
& pour la nourriture de fa famille: Ton fuccef-
feur enfitdemefme, 6c fe tourna cefte façon
4.Ç faire , en couftume generale, comme i’ay dit.
Des Inde s. L i v. V I. 3©a
quenul Ingua nepciit heriter des biens & mai^
fon de fon predeceireiir. , mais qu’il fondaft vne
nouucllc maiibn. Au temps de cet Inguaroça
les Indiens auoyent desidolesd’or, &luyfuc-
céda Yaguarguaque , homme défia vieil, &di-
fent qu il eftoit appelle de ce nom là, qui figni-
fie larme defang, pour ce que ayant efté vne
fois vaincu, & prinspar Tes enhémis, de dueil
& ennuy il en pleura du fang. Il fut enterré en
vn bourg appelle Paullo , qui eft au chemin
d’Omaftiyo, & fonda la famille appelléé Ao-
caillipanaca. A ceftuy fucceda vn ficn fils Vira-
cocha,Ingua,qui fut fort riche, & fit faire beau-
coup de vaifreilcd’orj&d’argenttil fonda leii-
gnage, ou famille de Coccop'anaca. Gonfdles
Pizarre chercha le corps de ceftuy cy , pour la
renomméedu grand threfor;quV eftoit enterré
auec luy, & apres auoir donné de cruels tour-
ments à plufieurs Indiens, en fin il le rrouua en
Xaquixaquanamù le mefme Pizarre fur apres
vaincu en bataille, prins , & fait exécuter par le
prefident Guafea. Gonfalles Pizarre fit brufler
le corps deceViracocha Ingua, &les Indiens
prindrent depuis ces cendres, lerqucllesils mi-
renten vnpetitvaze,& lesconferuerent, y fai-
fans de grands facrificcs , iufqu a ce que Polo y
remedia , & aux autres idolâtries qu ils faifoien t
fur les corps des autres Inguas, Icfquels auec
vne admirable addreirc & diligence, il tira des
mains des Indiens, les trouuans fort entiers, 6c
fort embaufmez, enquoy ilefteignit vn grand
nombre d'idolâtries, qu'ilsy faifoyent.Les In-
diens trouucrentmauuais,quc cet Ingua fimi-
HlStOlRÊ natvreile
tuîaft V iracocha, qui eft le nom de leur dieu, &
luypour fen cxcufer, il leur fit entendre, que
le mcrmeViracGcha luy cftoit apparu en fon-
ge , qui luy auoit commandé de prendre fon
nom. A ccftuy fucceda Pachacuti Ingua Yupan-
gui,\qui fut fort valeureux cohquerant,& grand
politique,inucnteur de la plus grande partie des
couftumes, êc fupcrftitions de leur idolâtrie,
comme iediray incontinant.
J?e Pachdcuû Ingud Tupangui, O' de ce (put dàtilnt
depms fin temps mfiptes a Guaynacapd.
Chap. XXI.
^chacuti Ingua Yupangui régna
kfoixante & dix ans , & conquefta
I beaucoup de pays. 'Le commcnce-
»ment de fes conqueftes fut par le
'moyen d’vn ficn frère aifné, qui
ayant du viuant de fon pere, tenu la feigneuric,
Ôc de fon confentement faifoit la guerre,fut def-
confir en vnê bataille qu’il eufi: contre les Chan-
guas,qiii eftla natiô qui po ifedoit la vallee d’ A n-
dagitayllas diftante de trente ou quarante lieiies
de Ciifco/ar le chemin de Liraa.Ceft aifné ,ayât
ainfi eftédefcôfit/e retira auec peu d’homes, ce
que voyant fon frere puifné, Ingua Yupangui,
pour fe faire feigneur , inuenta ôc mit en auant,
qu’vn iour luy eftât fcul ôc ennuyéje V iracocha
creatcur,auoit parlé à luy,fe plaignant que con-
bicn qu’il fuft le feigneur vniuerfel , ôc créateur
B ES In DÉ S. Liy. VL 50^
âe toutes chofes,&^u’il ciift: fait leCiel,Ie SoîcÜ,
îc monde & les hommes, & que le tout fuft fou»
fapuiiîànce,routcsfoisils ne luy rendoiént io-
bciflàncc qu’ils deuoient, au contraire, ils hono-
roient Sc adoroient ergallemcnt le Soleifle T ô-
nerre,laTerre,& les autres chofcsjqui n’auoict
aucune autre vertu,que celle qu’il leur departoic
Sc qu’il luy failbit fçauoir, qu’au Ciel où il eftoit,
fohi’appelloit Viracocha Pachayachachic, qui
lignifie Créateur vniucrfel,& afin que les Indiés
creuflent que c’eftoit choie vrayc,qu’il ne dou-
tait, bien qu’il fiift tout feufdelcuer des hom-
mes foubs ce tiltre, qu’il luy donneroit la vidoi-
re contre les Changuas,quoy qu’ils fufient pour
lors vidorieux, & en fi grand nombrc5& le fe^
roit Seigneur de cesRoyaumcs,pour ce qu’il luy
chuoycroit des hommes qui luy aider oient fans
cftrc veus,& fit tant que fur cefte couleur &fàn-
tafie, il commença d’aflemblervn grand nom-
bre dcpcuplc,dont il drefla vne puilfante armé^
Æucc laquelle il obtint la vidoire/efaifaritfei-
gneur du Royaume, oftant à fonpere,& à Ton
frere la feign curie. Puis apres il côquefta, & def-
confit les Changuas,&dés lors ilordonna que le
Viracocha feroit tenu pour feign eut vniiierfel,
& que les ftatues dü Soleil & du Tonnerre, luy
feroicntreuercnee,& honneur. Des ce temps
aulïiron commença de mettre la ftatue du V ira-
cochaplus haut que celle dti Soleil, du Tonner-
re,& du refie des Guacas.Et iaçoit quocOt Ingua
Y upangui eùft donné des metairies,terrcs,&be-
ftiaux au Soieifau Tonnerre, & autres Giiacas,
ilnededià'Coutcsfois aucune chofe auViraco-
Histoire natv relie
cha, donnant pour raifon,qu’iln enauoirpoîrîX
de befoingjpar ce qu'il eftoit feigneur vniucrfcl,
& créateur de toutes ciiofes. Il déclara à fcs fol-
datsapresrcnticrevidoire des Changuas , que
ce n’auoient point efté eux, qui auoient vaincu^
mais certains hommes barbus,quc Iç Viracocha
luyauoit enuôyez,&quc perfone ne lesauoit pal
voir que luÿ, Icfquels du depuis f eftoiét conuer-
tisen pierres.parquoy ilcôuenoitles chercher,
& qu il les recognoiftroit bicn,&: par ce moyen
âircmbla&ramalîàaux montagnes vne grande
multirnde de pierres, qu’il choifît,&lcs mit pour
Guacas Icfqiicls ils adoroient,& leur facrifioiét,
ils les appellcrcnt les Pururaucas,& les portoiêt
en la guerre auec grande deuotion, tenans pour
certain qu’ils auoient obtenu la victoire par leur
aide. L’imagination ôc fidion de cet Ingua,eut
tantde puilî'ance,que parce moyen il obtint de
fort belles vidoires.Ceftuy fonda la famille ap-
pellée Y nacapanaca,&fit vne grade ftatue d or,
qu ilappella Indiillapa,iaquelle iimir en vn brâ-
card d’or, fort riche, ôc de grand prix^ duquel or
les Indiens prindrent beaucoup pour porter à
Xaxainalca,pour la liberté ôc rançon d’Atahul-
pa, quand le Marquis François Pizarre , le tint
prifonnicr. Le Liceiitic Polo trouua en Cufco
dans fa maifon, Tes feruiteurs ôc Mamacomas,
quiferuoict à (à memoire,& trouua qucle corps
auoitefté tranfportéde Patallada,àTotocache,
où depuis lesEfpagnqls ont fondée la paroilTe S.
Blas.Ce corps eftoit ft entier, & bien accommo-
Jé,auec certain betum,qu il femblpic eftretoüc
vif/ll âuoit les yeux faits d vue petite toiile d’or/
©ES Indes. Liv. VI, joà
lîproprement agencée , quils fembloienr des
propres yeux naturels. Il auoir en la telle vn
coup de pierre qu'il euil en vnc guerre, & eftoic
gris,& çhenu,ians auoir perdu vnreul cheueu,
• non pins que fil ne fuftmortqiiedeceiourlà
mcfmcjcombicnquilyeuftplus de foixanre &
dfxhuia ans qu’il efloit décédé. Le furdit Polo
enuoya ce corps auec ceux de quelques autres
Inguas,cn la ciee de Lima,par le comniandemêc
du Viceroy, le Marquis de Canette, qui efloit
chofè fôrtnecelîàire, pour delracineri idolâtrie
de- Cufco , & plufieurs Efpagnols ont.veu ce
corps, auec les autres en rhofpitd S. Andr.é,quc
fonda ce Marquis, ctobicn qu’ils fuffent defu
bien gaftcz.Dom Philippe Caritopa, qui fut ar-
rierc-fils/ou bifarricre^Els de cet Ingua,alxa-
moit que les richelîes que celuy lailFa à fa faœii-
le,eft^cntgrandes,& qu’elles deuoient eftrecti
lapuiüancc des Yanaconas, Amaro & Toto, Sc
autres. A cctlnguafucceda Topaingua Yupau-
gui, auquel vn fien fils appellédemefmcnQnv
lucceda, qui fonda la famille appellee Capaç
Histoire natvrelle
Du flpia grand iüuflre Ingua,
appelle' Guaynacapa
Chapitre XXI I.
V Ce dernier Ingua/ucceda Guay-
iiacapa, qui vaut autant à direquc
ieune homme,riche & valeureux,
& fut tel à la vérité plus que nul
de fcs predcceircurs,ny de fes fuc-
ceffeurs. Il fut fort prudent,& mit vn fort bon
ordre, par tous les endroits de fon Royaume, fut
homme hardy & determinejvaillant&fort heu-
reux en guerre. Parquoy il obtint de grandes vi-
doires , il eftendit fon royaume beaucoup plus
que tous fes predecelTeürs enfemble n’auoieiit
fait, & mourut au royaume de Quitte , qu^il
auoit eonquefté, cftant efloigné de fa Cour d«
quatre cens li»ües.Les Indiens l’onurirent apres
fon decez,& en laiffarent le cœur&lcs entrailles
cnQmtto,& le corps fut apporté en Cufco,lc-
quelîut mis au renommé temple du Soleil.
L’on voit encor auiourd’huy plufieurs édifi-
ces, chaulTces, forterclfes, & œuures notables
de ce Roy, & fonda la famille de Terne Bam-
ba. Ce Guaynacapa fut adoré des fiens pour
Dieu, eftant encor envie,chofe que les vieil-
lards afferment, &: qui ne feftoit point faidc
à l’endroit d’aucun de fes predccelfeurs. Quand
il mourut, ils tuerent mil perfonnes de fa maî-
fon,.pour l’aller feruir en l’autre vie , lefquels
mouroient ainfi fort volontiers, pour aller à'
fon feruice. Tellement que plufieurs fof-
froyenç
Des Indes. Liv. VI.
froicnt à la mort, pour le mefme cffcd,ouire'
ceux qui y cftoicnc deftinez. Et cftoit vue
chofe admirable, que fa richeiTe Ôc Ton thre-
for. Et d' autant que peu de temps apres la
mort, les Eipagnols y entrèrent , les Indiens
prirent beaucoup de peine pour faire difparoi-
llrc le tout, combien qu’il y en euftvne gran-
de partie qui fut portée à Xaxam.dca, poUrla
rançon de Atahulpa Ton fils. Quelques hom-
mes dignes de foy , afferment qu’il auoit en
Cufco plus de trois cens fils, ôc arriéré fils. Sa
merc appellée Mamaoello fut entré eux fore
eftimee. Polo enuoya en Lyma les corps d’i-
ccllc, ôc de Guaynacapa, fort bien embauf.
mez, Ôc dcfracirta vne infinité d’idolatric , que
l’on faifbit en cet enMroit, A Guaynacapa fuc-
ceda en Culco vn fîen fils nommé Titoeuflî-
gualpa , qui depuis fappella Guafpar Ingua,
fon corps fut bruflé parles Capitaines de Ata-
hulpa, qui fut auflî fils de’ Guaynacapa, &le-
qucl fc rebella en Quitto contre fon frère, &
jnarcha contre luy auec vne puilfantc armée.
Il arriua que Quifquits ôc Chilicuchi, Capi-
taines de Atahulpa prindrent Guafpar Ingua,
en la cité de Cufco, apres qu’il eut efte reccu
pour feigneur ôc Roy ( car il eftoi tic légitime
fuccefîèur ) ce qui caufâen toutfbn Royaume
vn grand dueil,fpeciallement ên fa Cour. Et
comme toufiours en leurs nccclîircz ils auoy-
enr recours aux facrifices, nefe rrouuans alors
allez puiflàns pour mettre leur feigneur en li-
berté, tant pour les forces des Capitaines qui
Icprindrent, comme pour lagrofie armee qui
Histoire wATVRittB
Vcnoitauec Atahulpa. Ils dclibcrcrcnt ( roire
quelques vns dilenr que ce fut par le comman-
dement de cet Ingua)dc faire vn grand & fb-
lemnel facrificc au Viracocha, Pachayacha-
chic, qui fîgnifie créateur vniuerfel, luy de-
mandant que puis qu’ils ne pouuoient deli-
urcr leur feigneur , il cnuoyaft du Ciel , des
liommesquiledeliuralTent de prifon. Et com-
me ils eftoient en grande efperance fur ce fa*
crifice , il leur vint nouucllc, comme vn cer-
tain peuple qui eftoit venu par mer, auoit mis
pied à terre , Sc prins prifonnier Atahulpa,
pour cefte occafîon ils appellcrent les Efpa-
gnols Viracochas , croyans qu’ils eftoient
hommes enuoyez de Dieu, tant pour le petit
nombre qu’ils eftoyent à prendre Atahulpa
en Xaxamalca , comme pour ce que cela ad-
uint incontinent apres leur facrifîce fufdit
fait au Viracocha. Et de là vint qu'ils com-
mencèrent d’appellcr les Efpagnols Viraco-
chas, comme ils le font auiourd huy. Et à la !
vérité , fi nous leur euflions donné vn bon ]
exemple, & tel que nous deuions, ces Indiens !
auoient bien rencontré , difans que c’eftoienc i
hommes enuoyéfe de Dieu. Et eft.vnechofc |
fort confidcrable , que la grandeur ôc proui- j
dence diuine , comme il difpofa Fentree des |
noftres au Peru , laquelle euft cfté impoftîble, j
n’cuft efté la dilfenfion des deux freres , &dc
leurs partifans,& l’opinion fi grande qu’ils cu-
rent des Chreftiens , comme d’hommes du
Ciel, obligez certes en gagnant la terre des Indes
Des derniers fùccejfeurs des Im
Chap. XXIII.
des Indes. L i y. VI,
à prendre peine de faire eaener beaucoup d'a~
mes au Ciel. && a
Le refte de ce fiibier eft allez amplem et traît-
re par les autheurs Efpagnols auxhiftoires
des Indes, & d’autant que celaeft outrclapre-
fenceintention,iediray feulement de la fuccef.
lion qu’il y eut des Inguas. Atahulpa eftant mort
en Xaxamalca,& Guafear en Cufco,& François
Pizarre auec les fiens,feftan t emparé du Royau-
me, Mangocapa, fils de Guaynacapa,lcs'aiîiegca
en Cufco, & les teint fort prcirez,mais en fin il
quitta tout le pays, & fe retira en iVilca-bam-
ba, aux montagnes cfquelles il fe maintint à
caufe de fafprcté & difficilleaccez d'icelles, &
la demeurèrent les fucccelîèurs Inguas, iufques
à Amaro,qui fut prins & exécuté en la place
de Cufco, auec vne incroyable douleur, &
regret des Indiens, voyans publiquement fai-
re iuftice de celuy qu’ils tenoient pour fei-
gneur. Apres cela l’on en emprifonna d’au-
tres du lignage de ces Inguas iay cogneu
Dom Charles, petit fils de Guaynacapa, & fils
de Polô, qui fe fit bapdfer, & fauorifà touf-
iours les Eipagnols contre Mangocapa fon
freire. Lors que le Marquis de Canette gou-
uernoit en ce pays , Sarritopaingua fortit de
Vilcabamba, & vint foubsalïeurancéà ia cité
des Roys, où luy fut donnée la valleeYucay,
0^ H
H I s T O I R E N A T V R E 1 1 1
& d’autres chofes, à quoy fucceda vnc {îcnne
fille. Voila la fucceflion qui cft auiourd’huy co-
gneiie de eefte fi grande 8c riche famille des In-
guasjdefquels le régné dura plus de trois cens
ans, où l’on conte onze fiiccefièurs en ce Roy-
aume, iufques à ce qu’il celfa du tout,en l’autre
partiallité & VrincufcOjqui comme a efte dit cy
dcflus,eut fon origine mcfmc du premier Man-
gocapa,ron conre huiâ: fucceireurs en eefte ma-
nière. A Mangocapa fucceda Gin choroca,à cc-
ftuy Capac Y upangui,à ccftuy Lluqui Y upagui, i
à ceftuy Maycacapaeftc Tarcogumam, auquel
fucceda vn fien fils, qu’ils ne nomment point,à • |
ce fils fucceda Dom Ican Tambo Maytapanaca. |
Celafuftifc pour l’origine & fucceflion des In- I
guas, qui gouuerncrent la terre du Peru,auec ce
qui a efte dir dé leurs loix,gouuernement,&ma-
nicredeviure
Z>e U manière de R^puhU^ue qtittutient \
les Mexft^uasns. |
Chapitre XXIII I.
Ombien que l’on pourra voir par
l’hiftoire qui fera eferite duRoyau
me,fucceiîîô,& origine des Mexi-
quainSjlcur manière de Rcpubli-
quc&gouuernemenr,fi cft-ce tou-
tesfois q ic diray icy sômaircmét ce qui me fem-
blera plus remarquable en general, dôtil fera cy
apres plus amplement difeouru en l’hiftoirc.
La première cnofe par laquelle on peut iuger
DIS • Indes. Liv. VI, *507
que le gouucrnciticnt des Mexiquains a cfté
fortpolitic, eft i’ordre qu’ils auoyent J &gar-
doyent inuiolablement d eflire vn Roy, Pour
ce que depuis le premier qu’ils eurent, appelle
Acamapach, iufques au dernier qui fut Mote-
çuma , fécond de ce nom , il n’y en eut aucun
qui vint au Royaume par droit de fuccclîîon,
ains feulement y venoyent par vue légitimé
nomination , & efledion. Cefte alledionau
commencement eftoit aux voix du commun,
combien que les principaux fulfent ceux qui
conduifoyent l’affaire. Du depuis au temps
d'YfcoaltquatriefmeRoy,par le çonfeil tor-
dre dVn fage & valeureux homme , qu’ils a-
uoyent appelle Tlacael , il y eut quatre efle-
âcurs certains & arreftez , lefquels auec deux
feigneurs, ouRoySjfubiets au Mexiquain, qui
cftoyent ccluy de Tefcaco, ôc celuÿ deXacu-
ba, auoycnt droit de faire cefte efledtion. Ils
eflifoyent ordinairement pour Roys, des ieu-
ncs hommes, pour ce que les Roys alloycnt
touliours à la guerre, & eftoit prefque la prin-
cipalle occafion pourquoy ils les vouloyent,
C’eftpourquoy ils prenoyent garde qu’ils fuf-
fent propres Ôc idoines à la guerre, 5c qu’ils
prinfent pUiftr, & fe glorifiaffent en icelle.
Apres l’efledion ils faifoyent deux maniérés
de feftes , l’vnc en prenant pofleflîon del’cftat
Royal,pour laquelle ils alloyent ^u temple, 5c
faifoyent de grandes ceremonies, ôc facrifices
fur le bralîer appelle diuin , où il y auoit touf-
iours dufeudeuant l’autel de l’idole, & apres
quelques rhetoriçiens qui f eftudioyent en cela.
" Histoire NATVRELLi
faifoicnt plufieurs oraifons & karangucs. L’au-
tre fefte & la plus folemnelle, eftoic de fou
' coLironnemcnr , pour laquelle il deuoic pre-
mièrement vaincre en bataille , & amener vu
certain nombre de captifs , que l’on deuoit fa-
crifier à leurs dieux, ôc entroit en triomphe
auecvne grande pompe, luy faifansvncfolem-
nclle réception , tant ceux du temple, lefquels
alloyent tous enprocelTion,touchans &iouans
deplulîeurs fortes d’inftrumens, ôc encenfans
Ôc chantans comme les fcculiers , ôc les Gour-
tifans, qui fortoient aucc leurs inuentions à re- j
ceuoir le Roy vidorieux. La couronne & en- ■
feigne Royalle eftoiten façon de mitre parde- |
uant, &eftoit par derrière coupée , de forte
qu’elle n’eftoit pas tout ronde , car le deuant
eftoit plus haut,& alloit fefleuant comme en |
pointe. LèRoy dcTefcuco auoit le priuilege
de couronner de fa main le Roy de Mexique* |
Les Mexiquains ontefté fort loyaux ôc obeif- j
lansà leurs Roys, &ne fe trouue point qu’ils ;
leur ayent fait de trahifon. Les hiftoires racon- j
tent feulement , qu’ils tafeherent de faire mou- ,
rir par poifon, leur Roy appelle Ticocic,pour |
auoir efté couard &de peu d’effeâr.Maisil ne j
fetrouucpointqu’il yaiteu entr’eux de diflenf- {
lîons,& partialitez par ambition, combien que ;
ce foie chofe alTez ordinaire es communautez: i
au contraire elles racontent, comme l’on verra j
en fon lieu,qu vn homme le meilleur des Mexi-s i
quains,refufa le Royaume , luy femblant qu’il
eftoit expédient à la Republique d'auoir vn au-
tre Roy.Aucômcncementqucles Mexiquains
DIS Ind 1$. Ll \r* VT. 50S
cftoient encor pauurcs, & afTêz petits compa-
gnorts^ky^oys eftoient fort modérez à leur en-
tretien,& en leur cour, mais comme ils augmé-
terent en pouuoir,ils augmentèrent auffi en ap-
pareils & en magnificence, iufques à paruenir à
ia grandeur de Moreçu majequd quand il n’euft
€U autre chofe que la maifon des animaux , c e-
ftoitvnechofeafTezfuperbc, & telle qu’on neii
aiamais veu dVutre femblable.Car il y auoit en
cefte ficnne maifon de toutes fortes de poiflbns,
d’oifcauxdeXacamamas,& de beftes, comme
en vne autre arche de Noé. I^ur les poifîbns
de mer il y auoit des eftangs d eaüe fallcc, &c
pour ceux des riuieres, des cftangsd'eaüc dou-
ce. Les oifeaux de proye y auoient leurs vian-
des,& les beftes fieres aulïi en fort grande abon-
dance, & grand nombre d’indiens eftoient oc-
cupez à entretenir ces animaux.Quand il voyoit
qu’il n'eftoit pas poflible d’entretenir ou nour-
rir quelque forte de poilîbn, d’oifeau, ou de
befte fauuage , il en faifoit faire l’image & la
femblance richement taillée en des pierres pre-
cieufes, en argent, en or, en marbre ou en pier-
re: &poiir toutes fortes d’entretiens, il auoit
des maifons & palais diiiers , les vns deplaifir*
les autres de deuil & trifteire,5(: les autres pour
y trairter les affaires du Royaume.il y auoit en
ces palais plufîeurs chambres, félon la qualité
des feigneursquileferuoient auccvnc cftrangc
ordre & diftinélion,
Qj iiij
Des titres CT dignite’\^(^m ejioient entre
les Mextqmtns.
E s Mexiquains ont cfté fort c«-
départir les grades & di-
gnjtez entre les nobles & les fei-
gneurs , afin que l’on recogneuft
ceux d .inr'eux, aufquels l’on deuoit faire
plus d’honnciÿ La dignité des quatre efle-
deurs , eftoit celle qui eftoit la plus grande
Sc la plus honorable , apres le Roy, & leselli-
foit- on inconnnent apres l’efledion du Roy.
Ils choient ordinairement freres ou fort pro-
ches parens du Roy, & lesappelloientTlaco-
hccalcalt, qui fignifie Prince de laces que l’on
iette ou darde, qui eft vnc forte d’armes, dont
ils vfoienr fouucnt. La dignité d’apres eftoit
celle de ceux qu'ils appelloicntTlacatecati,qui
eftàdire,circoncifeursou coupeurs d’hommes.
La troifiefme dignité eftoit de ceux qu’ils ap-
pelloient Ezuahuacalt , qui fignifie efpandeut
de fangpar efgratignebent. Tous lefquels til-
très &dignitez eftoient exercez par des hom-
mes de guerre.Il y auoit vn autre quatriefrae
intituléTlilancalqui,qui vaut autant à dire, que
feigneurdela maifon noire, ou de la noirceur,
àcaufed’vn certain encre, duquel les preftres
foignoient, ôc quiferuoit en leurs idolâtries.
Toutes ces quatre dignitez eftoient du grand
Cionfeil, fans Taduis defquels le Roy ne faifpi ç
?
MS Indes' Liv. VI. 509
ny pouuoit faire aucune chofe d’importance,
& le Roy eftant mort l’on en deuoit cllire en
fa place vn qui fuft en quclquVne de ces qua-
tre dignitez.ll yauoit auflî ou|re ceux-là d’au-
tres confcils, & audience, (^difent quelque-s
viis qu’il y ei^auoit autant comme en Efpagfle,
& qu’il y auoit diuers fieges ôc iurifdidions
auec leurs Co’nfeillers & alcades de cour, &
d’autres qui leureftoient foubmis,commecor-
rigidors, alcades maieurs,Licutcnans & Algua-
fits maieùrs, & d’autres, qui eftoient encor in-
ferieurs &foubfmis àceux-cy.auecvnfort bel
ordre. Tous lefquels dcfpandoient des quatre
premiers Princes qui aififtoient au Roy. Ces
quatre tant feulement auoient la iurifdidion 6c
puiflànce de condamner à la mort,&les autres
leur enuoyoient des mémoires des fentcnces
qu'ils donnoient: Au moyen de quoy en certain
temps l’on faifoit entendre au Roy tout ce qui
fe palToit en Ton Royau me. Il y auoit mefme vn
bon ordre 6c police eftablie fur le reuenu du
Royaume : c^r il y auoit des officiers départis
par toutes les prouinces,cômedes Rcceucurs,
6c T reforiers, qui recucilloient les tributs & rc-
tes Royales. L’on portoit le tribut en la cour
pour le moins de ipois en mois, lequel tribuç
eftoitde tout ce qui croift & f’engendre en la
terre , & en la mer tant de ioyaux 6c d’habits,
que de viandes. Ils eftoient fort foigneux de
mettre vn bon ordre eW ce qui touche leur rc-
ligion,fuperftitioii 6c idolâtries : 6c pour cefte
occafion y auoit vn grand nombre de miniftres
qui aupient la charge d’enfeigner au peuple les
Histoire NATVREiti
couftumes & ceremonies de leur L07, C*cft
pourquoy fur ce qu Vn preftteChreftien vn iour
fe plaignoit que les Indiens n’eftoient pas bons
Chreftiens, & ne proficoient point à la loy de
Dieu; Vn vieillard Indien luy rcfponditfortà
propos en ces termes: QueUs^refires ( dift-il ) em~
fUjent mtmt de foin CT de diligence à fatre les Indiens
Chrejhens^que lesminijiresdes idoles emploient à enfii-
gner leurs ceremonies. cAr auecUmoinédufom^uilsy
prendront yils mm rendront les meilleurs Chrefhens du
mode^fourcequeUloydelefmChrifi ejl heÀuçoup rneil-
leureimAis les Indiens ne l'apprenenf point àftute deges
qui U leur enfagnent. E nqiioy certainement il dift
veritéjà noftrc grand’honte & confufion.
Comment les Mexiquainsf^ti (oient U guerre, cy’de leurs
ordres de Cheudlerie.
Ckjlv, XXVI. .
Es Mexiquains donnoient le pre-
rnier lieu d'honneur à 1 art &profcf-
fion militaire : c'eft pourquoy les
S nobles efioient les principaux fol-
dats, & les autres qui n'eftoient point nobles
par la valeur 6c réputation qu’ils acqueroient
cil guerre, paruenoient en des dignitez& hon-
neurs : de forte qu’ils eftoient tenus pour no-
bles. Ils donnoient de belles rccompêfes à ceux
qui auoient fait valcureufcmcnt, lefquels iouif-
foientdc priuileges que nul autre ne pouuoic
auoir : ce qui les encourageoit beaucoup. Leurs
armes eftoient des rafoirs de caillons aigus ôc
rrcnchans, qu’ils mcttoicnc des deux coftczdVn
DES Inde?. Lit. VI. 310
feaftôn, qui cftoit yne arme fi furieufè, qu’iîs af-
ferment qucdVn feul coup iis cncoupoient le
cola vnclicual. lls auoient de fortes &pcfan-
tes maflucSj des lances en façon de piques, 6c
d autres façons de dards à ietter,à quoy ils
cftoienr fort adroits, 6c faifoiçnt la plus-part
de leur combat auec des pierres. Il auoienc
pour armes defFenfiucs de petites rondelles ou
efeus , 6c quelque façon de fallades ôc morions
enuironnez de plumes. Ils fc veftoient de peaux
de tigres ou lyons, 6c d'autres animaux fauua-
ges. Ils venoient incontinent aux mains auec
renncmy,5«: eftoient fort exercez à courir & à
lutter. Car leur principale façon de vainpre
n’eftoit pas tant en tuant comme en prenant
des captifs, dcfquels ils fe feruoient en leurs fa-
crifices, comme il a efté dit. Motcçumamitla
cheuallerie à fon plus haut poin6I, en inftituan t
certains ordres militairs, comme de Comman-
deurs , auec certaines marques 6c enfeignes.
Les plus honorables d’entre les Cheualicrs
eftoient ceux qui portoient la couronne de leurs
cheueux attachée auec vn petit lizet rouge, &
auec vn riche plumache, d’où pendoientfur
leurs cipaullcs des rameaux de plumes, 6c des
bourlets demelmc. Ils portoient autant deces
bourlets comme ils auoient fait d’aétes fignalez
en guerre. Le Roy mefmeeftoit de ceft ordre
de Cheuallerie, comme l’on peütvoiren Cha-
pultcpecjoù eftoient Moteçuma &fon fils ac-
couftrez de ces façons de plumaches, taillez en
^ne roche, qui eft vnc chofe dignedevoir.il y
auoitvn autre ordre de Cheuallerie, qu’ils ap-
Histoire nat vrille
pelloient les lyons & les tigres, lejfqucls cHoiet
communément les plus valleureux,& qu’on rc-
marquoit le plus en guerre, où ils alloientpor-
tans toujours leurs marques & armoiries. Il y
auoit d’autres Cheualiers , côme les Cheualiers
Gris, qui n’eftoient en telle eftime côme ceux-
cy,lefqucls auoientles cheueux coupez en rond
par delfus loreille.lls alloientà la guerrc,por-
tans de mefraes marques que les autres chcual-
licrs, toutesfois ils n’eftoient point armez, que
iufques à la ceinture , mais les plus honorables
larmoient entièrement. Tous les cheualiers ,
pouuoient porter de Tor & del’argentj& fe vc- !
ftir de riche cotton , fe feruir de vafes peints Ôc j
dorez, & porter des foiiliers à leur modcimais !
le commun peuple ne pouuoitfe reruir,quedc
vafes de terrc,ncleur eftantpas permis dépor-
ter des fouliers , & ne pouuoient fe veftir que
deNequen,quieftvne matière groflîere. Cha-
cun ordre de ces cheualiers auoit fon logis au
Palais , marqué de leurs marques , le premier |
cftoit appelé,le logis des princes , le fécond des ■
Aigles,le troificfme,des lyons, & tygrcs,& le 4.
des gris.Les autres officiers communs , eftoient 1
en bas,logez en de moindres logis : & fi quel- !
qu Vnfc logeoit hors defon lieu,il enepuroit |
peine de mort..
I
Des Indes. Liv.^ Vt. ^îï
leurs enfans.Car ils recognoiflbient biê,que tou
te la bonne cfpcrance dVnc Republique, con li-
fte en la nourriture & inftitution de la icunclTè,
ce que Platon iraidc alfez amplcment,en fes li-
urcs delegihus.Et pour celle occaliô ils Peftüdie-
renr & prindrent peine d;clloigner leurs enfans^
dcsdelices,& delaliberté,qui font les dcujf pe-
ftes de cet aàge,cn les occupans en des exercices
honneftes, &c profitables. Pour cet clFe(5l,il y
auoit aux Temples , vue maifoii particulière
d enfans , comme des cfchollcs , ou collegesy
quieftoit feparce de celle des icunes hommes,
& des filles du Temple, dont nous auons am-
plement rraidc cy-dcuant. Il y auoit en ces el^
cholles, vn grand nombre d’enfans , que leurs
pères y raenoient volontairement , lefquels a-
uoient des pédagogues & maillres, qui les cn-
feignoient en tous louables exercices, à élire
bien nourris* porter refped aux fupericurs,à
feruir ôc à obéir, leur donnans à celle fin cer-
tains préceptes & cnfcigncments.Et afin qu’ils
Chap. XXVII.
jLn’yachofe,quim’aye donne plus
Jd’occalîoq d’admirer, ny que iaye
icrouécplus digne de loiiange & de
^mcmoirc,que l’ordre & le foing,quc
Ues Mexiquains auoient à nourrir
Histoire natvrelle
fuflent aggrcablcs aux Scigncurs,ils leur appre-
noicnc à chanter, & à dançer,& les dreiroicnc
aux cxerciçcs de la guerre, qui à tirer vneflcf^
che, vn dard, oubafton bruflépar lebout,&à
bien manier vne rondelle & vnc cfpce. Ils ne
les laiiïbient gueres dormir, afin qu’ils faccou-
ftumafiTent au trauail dés fcnfancc, 5c qu’ils ne
fufiènt point hommes de dclices.Outre le nom-
bre commun de ces enfans, il y auoit aux- mefi-
mes colleges, d’autres enfans des Seigneurs, &
nobles,lefquels eftoient plus particulièrement
traiébez.On leurportoit leur manger ôc ordi-
naire de leurs maifons,& eftoient recomman-
dez à 'des vieillards & anciens, pour auoir cf-
gard fur eux, lefquels continuellement les ad-
monneftoientd’eftre vcrtueux,de viure chafte-.
ment.d’eftre fobres au manger, de icufner,& de
marcherporémenr,&auecmerurc. Ils auoicnr
accouftumede les exercer au trauail, 5c en des
exercices laborieux : 5c quant ils lesvoyoient
inftruitsentousces exercices,ils confideroienr
attentifueraent leur inclination, 5c fils en voi-
oient quelques vns auoir rinclination à la guer-
re, apres qu’ils auoient atteint l’aage fuffifanr,
ils rcchcrchoient l’occafion de les ciprouuer,
en les enuoyant à la guerre, foubs couleur de
porter des viurcs,5c des munitions aux foldats,
afin qu’ils veiirent là ce qui C'y paffoif, 5c le tra-
uail que l’on y enduroic.Et afin qu’ils perdiirent
la crainte, ils les chargeoient aulîî de pezants
fardeaux, afin que monftrans leur courage eft
cela ilsfuffcntplusfacillementreccuscn la cô-
pagnie des foldats. Par ce moyen il auenoità
x> ES Indes. Liv. VI.
plulîeurs, daller chargez à l’armce , 6c retour-
ner Capitaincs,aüce mar<^uc$ d’honneur. Quel-
ques V ns d'iceux Te vouloicnt teUement faire
paroiftre, qu’ils demeuroient prins ou morts,
& tenoient pour moins honorable de demeu-
rer prifonniers.C ’elbpourquoy ils le fîifoienc
pluftofl: mettre par pièces, que de tomber cap-
tifs entre les mainsde leurs ennemis. Voilà co-
rnent les enfans de Nobles qui auoicnt rincli-
nation àla guerre y eftoient cmpIoyez.Les au-
tres qui auoient leur inclination aux ehofes du
Tcmple,(Sc pour le dire, ànoftremode ,à eftre
Ecclefiaftiques, apres qu’ils auoient atteint l’aa-
ge fuffifant,efl:oient tirez du coilege,& lesmet-
toit-on au logis du Temple, qui eftoit pour les
Religieux, & leur donnoit-on alors leurs or-
dres & marques d’Ecclelîaftiqucs.Làils auoient
leurs prekts & maiftres, qui leur enfeignoient
ccquicftoit de la profeffion , où ils debuoienc
demeurer, y ayants elle dédiés. Ces Mexic-
quains prenoient vn grand foing à nourrir les
enfansiquefi auiourd’huy ils fuyuoient encor
ceq ordre, en fondant des maifons & colleges,
pour linftruélion de la ieunelTe, fans doubte
que la Chreftienté floriroit beaucoup entre les
Indiens. Quelques perlônnes pieufes l ontcô-
mence, &lc Roy & fon Confeil l’ont fauorifé,
mais d’autant que c’eft vne ehofe , où il n y a
point deproffir, il s’aduance bien peu, de y Va
l’on alTezfroidemét, Dieu nous vueille cfclar-
cirlesycux,afinqueiious voyons, que cela cft
ànoftreconfufion, veu que nous autres Chre-
ftiens ne faifons point ce que les enfans des te-
Histoire natvrelle
ftcbrcs faifoicnc à leur perdition, enquoy nous
nous oublions de noftrc deuoir.
VesfeJieSjCr danses des Indiens
Chap. XXVIII.
^'Autant que c’eft vne chofe quideC-
topend en partie du bon gouuernemér,
a“^^Wd auoir en la Republique quelques
^^ieux, & récréations , quand il en eft
temps, il ne fera mal à propos,que nous racon-
tions fur celle matière, ce que faifoient les In-
diens,principallement les Mexiquains. L’on n a
' point defcouuert es Indes, aucune nation qui
viue en communantez , qui n’ayt fon entre-
tien,& fa récréation, en ieuXjdançcs, & exerci-
ces de plaifir. l’ay veu au Perudesieux quils
faifoient,en façon de combat, aulquels les hom-
mes des deux collez fenflamboient quelques
fois d’vne telle façon, que bien fouuent leur
Paella ( qui cftoit le nom de cet exercice) ve-
noic à ellre dangereufe. l’ay veu aullî plufieurs
fortes de danfes, efquelles ils conrrc-raifoienr,
& reprelêntoient certains melliers, & offices,
comme de bergers, laboureurs, pefeheurs, &
chaircurs,&faifoientordinairement toutes ces
danfes,auecvnfon ôc vn pas fort pefant, ôc fort
graue.îl y auoit d’autres danfes &Snafcarades,
qu’ils appclloicnt guaconcs, dont les mafques,
& les gcllcs cftoienr pures reprefentationsdu
Diable.Il y auoit mefme deshommes,quidan-
foient fur les efpaulles les vns des autres en la
façon
DES Indes. Liv. VI.
façon qu’ils portent en Portugal, ce qu’ils ap-
pellentles Paellas.. La plus grande partie de ces
danfes eftoient fuperftitions êc cfpeces d’ido-
latrie, pour ce qu’ils honoroient leurs idoles
&Guacas en cefte façon. Ponreefte occafioii
les Prélats fe font efforcez de leur ofter , le plus
qu'ils ont peu de ces danfes , combien qu’ils les
lailfenràcaufe qu’vne partie ne font que ieux
de récréation, car toufiours ils danfent, Ôc bal-
lent à leur mode.Ils vfent en ces danfes , de plu-
licurs fortes d’inftruments , dont les vns font
comme fleutes ou petits canons, les autres coii-
me tambours, 5cles autres comme cornets en-
tortilles j^-mais communément ils y chantent
tous à la voix,& y en a vn ou deux qui chantent
premièrement la chanfon , puis tous les ^autres
luy refpondent. C^elques vues de ces' chan-
fons eftoient fort ingenieufement compofées,
& contenants des hiftoires : d’autres eftoient
pleinesdcfuperftitions,&lesautres n’eftoient
que pures folies. Les noftres qui conuerfent
entr'eux , ont eflaye de mettre les chofes de no-
ftrefainde Foy en leur façon de chant. Ce qui
a allez bien profité, d’autant qu’ils employent
les tours entiers aies chanter & reciter , pour
le grand plaifir & contentement qu’ils pren-
nent a ce chant. Ils ont mis mefinesà leur lan-
gue de nos compofitions de raufique , comme
des Hui61ains,Chanfbns ôc Rondeaux, lefquels
ils ont fort proprement tournez, qui eft à la vé-
rité vn beau ôc fort necelfaire moyen pour in-
ftruire le peupie.lls appelioient communément
auPerudes dances Tagui,és autres prouinces
Rr
HisTOÎRE KATVREttl
Areittos , & en Mexique Mittotrcs. Et n*y%
point eu en aucun autre lieu vne telle curiofi-
té de ces ieux & dances , comme en la neufue
E(pagne,oùion voit encore auiourd'huy des
Indiens fi braues fauteurs , que c eft vne chofc
admirable. Les vnsdancentfur vnccorde,les
autres fur vn pieu haut & droit en mille façons.
Les autres aucclaTpianre des pieds & les iarets,
manient, iettent en haut & reçoiuentvn tronc
fort pefant: ce qui femblc incroyable , fi ccn’cft
en le voyant. Us font plufieurs autres démon-
(Irations de leur grande agilité, en fautant, vol-
tigeant, faifantdesfouples-fauts , tantoft por- |
tans vn grand & pefant faix , tantoft endurans
des coups qui feroient fuffifants pour rompre
du fer. M ais l’exercice de récréation le plus
vfité entre les Mexiquains , eft le folcmncl
Mittotté , qui eft vne forte de bal qu’ils efti-
moient fi brauc &fi honorable, que le Roy
rnefmcydançoit quelques fois , non pas tour
tesfois par force comme le Roy Dom Pedro;
d’Arragon,auecleBarbier de Valence. Ce bal !
ou Mittotté fc faifoit ordinairement es cours
du temple, &en celles des maifons Royallcs ;
qui eftoient les plus fpacieufes. Ils polbientau
milieu de la cour deuxdiuersinftruments , vn j
quieftoit en façon de tambour, & l’autre en |
façon d vn baril fait tout ’d’vne pièce , & creu- j
fé par dedans , Icfquels ils mçttoient fur vne fi-
gure d’homme , ou d'animal, ou deftus vne cou-
lomne. Ces deux inftruraents eftoient fi bien
accordez enfemblc , qu’ils rendoient en leur
fon vne aflez bonne harmonie, & faifoient aucç.
©BS Indes, ri V. VI. 514
keit înftrumcns plufîcurs & diucrfcs fortes
d’airs &dc chanfons. Ils chantoient & bal-
loient tous au fon & à la cadençe de ces in-
ftrumens, dVn fi bel ordre & d’vn fi bel ac-
cord , tant aux voix qu’au mouuement des
pieds , que c’eftoit vne chofe plaifantc à
voir. Ils faifoient en ces danfes deux cercles
ou roues , 1 vn dcfquels eftoit aulnilieu , proche
des inftrumens , auquel les anciens & leigneurs
chantoient & danpient fansprcfque fc raou-
uoir : l’autre eftoit du refte du peuple à l’cn-
rour,alIez efloigne du premier, auquel ils dan-
çoient deux à deux plus legerement,&: faifoient
diuerles façons de pas , auec certains lauts à la
cadence. Touslelquels enlemble faifoient vu
fort grand cercle. Ils feveftoient pour ces dan-
ses de leurs plus précieux habits & loyaux , fé-
lon le moyen &pouuoird’vn chacun, eftimans
cela vne chofe fort honorable : & pour cefte
occafion ils apprenoient ces dances dés leur
enfance. Et combien que la plus grande part
d icelles Ce faifoient à I honneur de leurs ido-
les, ncantmoins cela n’eftoit pas d’inftitution,
mais comme il a efté dit, c’eftoit vne récréa-
tion & pafîe-temps pour le peuple. C cft pour-
quoy il n’eft pas propre de les ofter du tout
aux Indiens, mais on doit bien prendre garde
<^uils n’y méfient parmy quelques fupcrfli-
tions. l ay yen faire ce bal ou Mittotté en la
cour defEglife de Topetzotlan , qui eft vn
bourgafeptiieüesde Mexique, Ôc me fcmbla
des lorsque c’eftoit chofe bonne d’y occuper
Sc entretenirles Indiens es iouirs dcfcftesjpuis
Histoire nATvRELti
qu’lis ont befoin de quelque récréation: & d’au-
tât plus que celle-là eft publicque,& fans le pre-
iudice d’autruy,il y a moins dlnconueniétqu’cn
d’autres qu’ils pourroient faire eux feuls-, (i l’on
leur oftoit celles-là. Ceft pourquoy il faut con-
clure,fuiuaiitleconfeil du Pape Grégoire, que
c’eft vue chofe fort propre de lailfer aux Indiens
ce qu’ils ont de couftume & vfages, pourueu
, qu’ils ne foient point meflczde leurs erreurs an-
eiens,& de faire en forte que leurs feftes & paf-
fe-téps facheminent à Fhonneur de Dieu, & des ;
fainds defquels ils celebrent les feftes. Cecy |
pourra fuffire en general des mœurs & couftu- '
mes politiques des Mexiquains. Et quant à leur |
origine , accroilîement & Empire , d’autant que I
c'eft vne matière plus ample , & qui fera belle ôC |
plaifantc d’entendre dés fon comracncemcnti
nous en traitterons au liure fuiuant.
3i;
LIVRE SEPTIESME
DE LHISTOÎRE NATVREL-
Ic & morale des Indes.
c ejî vne chofe vtile d entendre les aBes
des Indes ^frinapdetnent ceux des
Mexicjutuns,
.f»„C
hapitre premier.
O V T E hiftoire véritable bien
eferite eft toufiours profitable
au Ledeur. Car comme ditle
S âge ; Ce qui a ejlé eJl ce qui Jèra,
e^î ce qui a ejle. Les chofes humai-
nes ont entr’clles beaucoup de
reflfemblaiice, &lcsvnsrefontfages,parce qui
arriue aux autres. Il n’y peuple fi barbare qui
n ait en foy quelque chofe de bon , & digne de
loliange,ny Republique fi bien ordonnée, où il
n’y ait quelque chofeà reprédrc.C’efl pourqiioy
quand il n’y auroit autre fruid en Lhiftoirc &
narration des faits des Indiens , que celle com-
mune vtilitcd’eflrc vne hiftoire & relation des
chofes , lefquelles cnefFedde vérité font aduc-
nues,clle mérité afTezd’cflre rcceùe comme cho-
fe vtile, ^ ne I^ doit-on pas rciettetj pourtant fi
îlr iij
Histoire UATVREtLE
cc font chofcs des Indiens. Comme nous voyos
^ue les aiithcurs qui traittêt des choies naturel-
leSjefcriuent non feulement des animaux géné-
reux, des plantes fignallees & des pierres prcci-
eufes,mais auffi des animaux vils,des herbes co-
munesjdes pierres & chofes vulguaires, d’autant
qu'il y a toufiours en icellesquelques proprictez
dignes d'eftre remarquées. Ainfi quandil.n’y au-
roit autre chofe en cecyquç ie traittc,que d’eftre
vnehi{loire& non point des fables &: fixions,
c’efl: touhonrs viifubied; qui n’eftpas indigne
d’eftrecfcrit.nyd’eftrcleu.llyaencorvne autre
raifon plus particulière rc’eft que Ton doit d’a-
uantage eftimeren cecy ce quieftdignede mé-
moire, d’autant que c’eft vne natiô peu cftimée,
& d’autant mefiTie que c’eft vne matière difFeré-
te de celle de noftreEurope, comme aufli le font
ces nations : enquoy nous deuons prendre plus |
de plai(îr& de contentement d’entendre le fond
de leur origine, leur faconde viure , leurs heu-
reufcs&nialheurcufcs aduatures.Et n’eftpas ce-
lle matière feulement plaifantc& agréable, mais
auffi eft vtile ôc profitable, principalemét à ceux
qui ont la charge de les regir& gouuerner :car la
-cognoiftancc de leurs aéles inuite à donner cré-
dit aux noftres,&cnfeigne en partie comment
ils doiuêteftre traittez, voire elle o.fte beaucoup
du commun, & fol mefpris,auquel ceux de l’Eu-
rope les ont, ne iugeans pas que ces peuples ayet
aucune chofe de raifon.Car certainement on ne
peut mieux trouuer l’efclarciftement de cefte
opinion, que par la vraye narration des faits :
geftes de ce peuple, le traiélcray donc aueç i
»is Indes. Liv. VIT. 3i'f
l’aydc du Seigneur , le plus brefuement que ie
pourrayjdel’origiije,progres , & faits notable?,
des Mexicquains, par où Ton pourra cognoiftrç
le temps, & ladifpofition quelehaiir Dieu vou-
lut choilîr,pûur enuoyer à ces nationsja lumiè-
re de rEuangilc de lefus Chrift Ton fils vnique
noftrc Seigncur,lcquelie fiipplie acheminer no-
ftre petit trauail , de forte qu’il puilfe reufiir à la
gloire de (à diuincgrandcur,& à quelque vtilité
de CCS peuples, aulquclsila cômuniqiié fa faill-
ie loy Euangelique.
Des Amiens hAhltAns de U neufm EjpAgne^c^ comment
les NdHAtUcAij vindrent.
Ch AP. IL
Es anciens, & premiers habiransdes
prouinces,qucnous appelles neufue
Efpagne, furent des homes fort bar-
barcs,& fauuages,qm viuoiet & fen-
tretenoient feulement de la chalTc. A celle oc-
cafionelloient appeliez ChichiraccquaS. Ils ne
(emoientjiiy ne cultiuoicnt point la terre , ôc ne
viuoient point enlcmble , d’autant que tout
leur exercice , eftoit de chafier , enqiioy ils e-
ftoient fort adroits. Ils habitoient aux plus af-
pres lieux des montagnes viuants belliailemenc
fans nulle police, & alloient tous nuds. Ils fai-
foienc la chafîè aux belles rondes, aux heures,
■ Rr iiij
Histoire N AT VREL LE
connins,bclletccs,raiipes,charsrauuagcs J &
aux oifeauxjvoire aux beftcs immondes , com-
me aux coulcuures , lézards, locuftcs , & vers
dont ils fenourri{Toient,auec quelques herbes
& racines. Ils dormoientauxmôragnes,endcs
cauernes,& en des builFons: Sc les femmes mef-
mesa!loientàlachaire,auccleurs maris , laif-
fans leurs petits enfans attachez aux rameaux
d vn arbre , dans quelque petit pannier de ionc,
qui fe paflbient d’eftre allaittez iufques à ce
qu’elles retçurnafTent de la chalTe. Us n’àuoienc i
aucuns fupericurs, ôc ne recognoilToient, ny
n’adoroient aucuns dieux, & n’auoient point de
couftumes ny de religion. Il y a encor auiour-
dliuy en laneufuc Efpagne , de cefte forte de
gens, qui viuent de leur arc ôc flefchesylefquels
font fort dommageables : pour-autant qu'ils
faiîemblcnt par compagnies, pour faire quel-
que mal-ou vollerie,& n'ont peu les Efpagnols
parforce,ny findrcs,lcs réduire à quelque po-
lice ôc obeiiîance. Car comme ils n'ont point
villes,ny de refîdences , combatte auec eux , cft i
proprement, chalîèr aux belles fauuages, qui
fefeartent , & fe cachent aux lieux les plus af- 1
près, & couuerts delà Syerre. Telle eft la façon |
de viure encor auiourd’huy en beaucoup de j
prouinces des Indes, &ell traitté principallc- |
ment de cefte forte d’indiens , auxliures de fro-
curanda indiorum fdute.hn lieu où il eft dit, qu’ils
ontdcbefoing d’eftre contraints ôc alfubicdis
par quelque force honnefte, ôc qu'il eft nccef-
faire de les enfeigner premièrement à eftre ho-
mes, puis apres à eftre Chreftiens. L’on veut di^
d£s Indes. L IV. VIL 317
rc,qne ceux qu’ils appellent enlaneufueElpa-
gne,Ottomics, eftoieiit de Gcftc forte, lefquels
communément font de panures Indiens habi-
tans en vne terre afpre & rude , & neantmoins
font enalîëz grand nombre, &viucnt enfem-
ble ayants entre eux quelque police , ôc ceux
quilescognoilfent,neles trouiient pas moins
idoines , ôc capables es chofes de la Chreftien-
té,que les autres, qui font plus opulcns , ôc que
l’on tient pour mieux policéz. Venans donc à
noftre fubied, les Ghichimccas , ôc O ttomics,
qui eftoient les premiers habitans delà neufue
Elpagnc,d autantqu’ils nefemoient, ny labou-
roient la terre, larlîcrent le meilleur & le plus
fertile de celle contrée, làns le peupler , ce que
les nations^ qui vindrent de dehors occupèrent,
lefquels ils appelaient Nauatalcas , d’autant
que c eftoit vne nation plus ciuile , Ôc plus poU-.
tiquc,&fignifieceraot, peuple qui parle bien,
au relped des autres nations barbares , ôc fans
raifon.Ces féconds pcupleurs Nauatalcas, vin-
drent des autres terres cfloignces , qui gifenc
vers le Nort , où l’on a maintenant defcouuerc
yn Royaume , qu’ils appellent le nouueau M e-
xique. Il y a en celle contrée deux prouinc.es,
l’vneappelléeAztlan, qui veut dire lieu de hé-
rons,l’autre Tuculhuacan , quifignifie terré de
ceux qui ont les ayculs diuins. Les habitans de
ces prouinces ont leurs maifons , leius terres
labourables, dieux , couftumes , & ceremonies,
auec le mefme ordre , ôc police , que les Naua-
ftalcas , &font diiiifèzcn fept lignages ou na~
tionS; ôc pour ce qu’il y a vn vfàge, en celle pro-
Histoire natvrelir
Bince,quc chafcun de ccs lignages a (on lieu , ÔC
fon temtoire (èparc , les Nauatlacas peignent
leur origine , ôc premier territoire en figure de
cauerne, ôc difent qu ils fortirent de fepr caucr-
nes.pourvenirpeuplcrla terrede Mexique, de
quoy ils font mention en leur hiftoirc , oùil*
peignent fepteauernes, &lcs hommes qui en
lortcnr. Par la fupputation de leurs liurcs , il y a
plus de huit cents ans, que ces Nauatlacasfor-
lirét de leur pais , qui feroit le reduifant à noftre
conte j’annee de noftre Seigneur , hui cents
vingt. Q^nd ils partirent delcurpays,pour i
venir en Mexique, ils tarderét quatre vingts ans '
en chemin, & lacaufe qu’ils demeurèrent fi log
temps en leur voyage , fut que leurs dieux, ( Ict
quels (ans doubteeftoient diables, quiparloient
vifiblementàcux) îcurauoient perfuadé qu’ils
àllaflent recherchants de nouueiles terres, qui
cufientdc certains fign es. Ceft pourquoy ils
venoientrecognoifians toute la terre, pour rc- i
chercher les figues , que leurs idollcs leur a- |
uoient donne, &és lieux qu'ils trouuoient de j
bonne habitation. ils peiiploient ôc labouroienc
la terre , & comme ils defcouuroient toufionrs '
de meilleures contrées , ils dclaiiroicnt celles |
qu’ils auoientainfi premicremen.t peuplées, y !
laifiàns neantmoins roufiours quelques vns, ,
principalement les vieillards malades, ôc fati- ^
guezjmcfmes y plantoient,& baftifibienr, dont I
l’on voit encor auiotird’huy des reftes par le !
chemin qu’ils tindrent, Remployèrent quatre
vingts ans en celle façon de cheminer fi à loifir,
•e qu’ils eufient peu faire en vn mois, par ce
des^-Jndes. Liv. VIL'
moyen ris entrèrent en la terre de Mexique, ca
l’année de neuf cents deux félon noftrc conte.
^tmment les jtx lignages de N AuatlMcas peuplèrent U
terre de-Mexupte,
Ch AP. III.
Es fept lignages que i'aydir,nc forti-r
rent pas tous enfcmble, les premiers
furent les Siichiinilcos,quifignifîe
gent de femenccs deflcurs.Ccux-là
peuplèrent le riuage du grand lac de
Mexique,verslc Midy,&: fondèrent vneCitc de
leur nom & plufîeur s-bourgades. Long temps
apres arriucrentceuxdii fécond lignage appeliez
Ghalcas, qui fignific gent des bouches , Iciquels
fonderêt auffi vne autre Ci\é de leur nô,depar-
tans leurs limites, & territoire , auec les Suchi-
mücos. Les troihefmes furent les Tcpanecas
qiiifignifie, gent du pont, lefquels peuplèrent
le riuage du lac, vers 1 Occident, & Faccreurent
tellement qu’ils appellerent le chcf& métropo-
litaine de leur prouincc Azcapuzalco , qui vaut
autantà dire, que fourmilliere,&furent vn long
temps fprtpuilîants. Apres ceux-là vindrent
ceux qui peuplèrent T ezcuco , qui font ceux de
Cuihua , qui veut dire gent courbée, pource
qu’en leur pays il y auoit vne montagne fort re-
courbée. Et de cefte façon fut ce lac enuironné
de ces quatre nations , pcuplans ceux cy TO-
ticntjSc les Tcpanecas le Norr. Ceux de Tez«
Histoire natvrelle
cuco furent eftimez fort courtifans. Car leur
îangue,& prononciation eft fort douce, & mi-
gnardc. Apresarriuerentles Tlalluicas,quifî-
gnifiegentdela S verre. Ceuxlàcftoiét les plus
rudes , & groffiers de tous , ôc comme ils trou-
uerent toutes les plaines occupées , autour du
laciufqucs aux Syerres , ils palTerent de lautrc
coftédelaSyerre, où ils trouuerent vnc terre
fort fertile, fpacieufe , & chaude , en laquelle ils
fonderêt & peupiereilt plulieursgrâds bourgs,
appellans la Métropolitaine de leur prouincc
Quahtmachua , qui vaut autant à dire que lieu,
où fonne la voix de l’aigle,^ que noftre vulgaire
appelle, & par corruption , Quernauaca , & eft
cefte prouincc celle que l’on appelle auiour^
d’huy lè Marquizat. Ceux de la lîxiefme géné-
ration, qui font les Tlafcaltecas, qui vaut au-
tant à dire que gent de pain , paflerent la Syer-
^ revers 1 Oriwnt traueiTans toute la Syerre Mc-
nade, où cft le fameux Vulcan , entre Mexique
ôc la Cite des Anges , où ils trouuerent de bori
pays,& fi eftendirent bien auant plufieurs édi-
fices. Ils y fondèrent pluheurs ville% ôc Citez,
dont la Métropolitaine s’appella de leur nom
Tlafcala. Cefte-cy efi: la nation qui fauorifa les
Efpaignols, à leur entrée, & par Tayde defquels
ilsgaignerent ce pays , parquoy iufques auiour-
d huy ils nepayent point de tribut , ôc iouifïçnt
d vne exemption generale. Lors que toutes
ces nations peuplèrent ces pays, Jes Chinchi-
mecas, anciens habirans neleur firent aucune
iefiftance,raais ils fenfiiyoient , ôc comme tous
e^ouiientez ils fc cachoyent au plus couuert
DÉS Indes. Liv. VII. 51^
des rochers. Mais ceux qui habitoyentdei au-
tre cofic delà Sierre,où les Tlafcaltecas fha-
bituerent, nepermirent point ce que le refic
des Chichimecas auoycnt permis : au contrai-
re ils fe mirent en deffènce,pour côferucr leur
pays, & comme ils cftoyentgeans, félon que
raconte leur hiftoire, ils voulurent ietter par
force les derniers venus , mais ils furent vain-
cusparla rufe& finelfe des Tlafcakecas , lef-
quelsfaignirentdefaire ^aix auec eux , puis les
conuierenten vn grand banquet, & lors qu’ils
eftoyent occupez à leurs yurongnerics , il y
eut des hommes qui auoyent elle mis en cm-
buichea celle fin , qui leur delroberent fine-
ment leurs armes , qui elloicnt de grandes maf-
fuesjdeslrondellesjdesclpeesdebois, & autres
telles fortes d’armes. Cela fait ils le ietterent à
l’impourucii fur eux , & les Chichimecas fc
voulans mettre en delFenfe , & ne trouuans
pointleurs armes, fenfuirent aux montaf^nes
&forells prochaines, où mettanslamain^aux
arbres, les rompoyent & arrachoyent , comme
fi c’eulTcnt ellé fueilles de laidues. Mais en fin
comme les TlafCaltecas alloyent armez, & en
ordre ils deffirent tous les geans , fans en lailfer
vnfeul en vie. Ce qu’on ne doit trouucr ellran-
ge , ny pour fable de ces geans , car on y trouuc
encor auiourd’huy des os d’hommes morts,
d’vnc incroyable grandeur. Lors quei ’clloisen
Mexique, en Lannec de quatre vingts ôc lix,l’on
trouua vn de ces geans enterré en vne de nos
métairies), que nous appelions lefiisdu Mont*
duquel l’on nous apporta vnedentà veoir , la-
Histoire natvreili
quelle fans y adiouftcr jcftoic aulîî grande que
le poignet dVn homme, & felonccftcproportio
tout le refte, lequel ie vey, 8c m’efmcrueillay de
eefte difforme grandeur. Les Tlafcaltecas donc
par ccftcviâ:oire,demeurcrcntpaifiblcs,& tous
les autres lignages aufïî. Ces lix lignages que
i ay ditjconleruerent toufiours amitié entr’eux,
marians leurs enfans les vns aueeles autres , 8c
deparrans leurs limites paifîblement,puisfeftu'
dioyenr parvnchôneftc émulation d^accroiflrc
8c d’illuftrcr leur republique. Les barbares Chi-
chimecas voyans ce qui paifoit , eômencerêt de
prendre quelque police,& à fe vcfl;ir,ayans hôte
de ce qu’auparauat, 8c iufques alors ils n’auoyét i
efté hôteux, 8c ayans perdu la crainte par la cô- i
munication de ces autres peuples , côraencerét i
d apprendre d’eux plufieurs chofes , & faifoient |
deha leurs maifonnettes , ayaus’quelqiie police i
&gouiiernemét. Ilsefleurêtaulîi des feigneurs, ' |
qu’ils recognoifToient pour chefs, 8c fupericurs: |
au moyen dequoy ils fortirent pref^e entierc-
mctde cefte vie beftiaIlc,toutesfois ils refîdoyéc ■
toufiours aux montagnes,&en la Sierre feparez
des autres. Neâtmoins ie tiens pour certain que
cefte crainte eft prouenuc des autres nations, 8c
prouinces desIndcs,dont les premiers furet ho-
mes fauuagcs,lcfquels ne viuasque de chafle en-
trèrent, penetrans les terres 8c pays fort afpres,
dcfcouurans vn nouueau monde, & habitans en
iceluyprefque corne beftes fauuages,fans toids, i
& fans maifons,fans terres labourables,fàns be- j
ftialjfans Roy,loy ,ny Dieu,ny raifon.Du depuis |
quelques autres cherchas de meilleures de non- |
B^ES Indes. Lî y. VÎL 510
oelles terreSjpeuplerent le pays fertile, inrrodui-
fans vn ordee poliric,& quelque façon deRepu«
bliquCjCncor qu elle fuft fort barbare. Par apres
CCS mcfnle homes, ou d’autres nations, qui euréc
plus d’entendemét & d induftriç que les autres,
rcmploycrct à alîîïbiettir&opprimerles moins
puiirans,iufqucs à fonder des Royaumes,&dcs
grands Empires. Ainfi'en aduinten Mexique, au
Peru, & en quelque endroit où le trouucnc des
citcz,&dcsRepubliques fondées parmy cesBar-
bares.Ce qui me confirme en mon opinion,Ia-
qucllci ayamplemêtdefduittcau idiurc,que les
premiers habitans des Indes Occidentales vin-'
drent par terre, & que par confequent , route la
terre des Indes fc continue, aucc celle d’Afic,
d Europe, & d Afrique, Sc le nouucau monde
auec lcvicil,(côbicn quefon n’ait encor defeou-
uer t à prefent aucun pays qui touche& fe ioigne
auec les autres mondes jou que fil y a mer entre
deux, elle eft eftroittc,que les beftes fiercs&fau-
uages la peuücnt facillcmenr pafTer à nage,&lcs
hommes en de mefehans bafteaux. MaislaifTans
celle philofophie retournons à nohre hiftoirç.
Hîstoirenatvrelle
VeU [ortie des Mexiquai?is,de leur chemin^ dU
feu^lement de ceux de Mecheuacan,
Chàp. IIII.
^ Rois cens deux ans apres que les
i^fix lignages furdits furent fortis
jde leur payspôur peupler là neu-
fuc Efpagne, le pays eftani défia
fortpeujné & réduit à quelque
forme dè police, ceux de la 7. cà-
uerne,ou Iignceayarriuerét,qui eft la narionMc-
xiquâine, laquelle comme les autres fortit de la
prouincc de Aztlan ôc Teuculhuacan , nation
politique, courtifane,&fort belliqucufe.Ils ado-
royêt f idole VitziliputzU, duquel a efié fait am-
ple mention cy deuanr, & le diable qui cftoit en
cet idole parloit & regiflbit alfez facilement ce-
lle nation. Cefte idole donc leur commanda de
fortir de leur paySjIeur promettant qu’il les fe-
roit Princes &feignenrs de toutes les prouinceSj
qu’auoient peuplé les autres fix natiôs^qu’il leur
donncroitvne terre fort abondante beaucoup
d’or,d’argcnt,depicrresprccieufes,depluraes;&
de riches mantes,fuyuantquoy ils fortirent por-
tails auec eux leur idole dansvn coffre de ionc,
qui eftoit porté par quatre des principaux
preftres,aufquelsilfecommuniquoit , & leur
rcueloit en fecret le fuccez de leur chemin &
voyage , les aduifant de ce qui leur deuoit ad-
uenir. Il leur donnoit mefmes des loix , ôc leur
enfeignoit les couflumes, ceremonies, & facri-
fices
Des Înd’es. Liv. VîL 521
èccs qu’ils deUoicnt obfcrucr. ils n’aJuan-
çoient ny ne fe mouuoient aucuneraent, fans
l’aduis & commandement de cct icfole. Il leur
dilbit quand ils deuoient cheminer, & quand
en quelque lieu ils deuoient farrefter, enquoy
ils luy obciiroient du tout. La première chofe
qu'ils faifoient, où que ce fud qu’ils arriualîènt,
cftoit d ’edifîer Vnc maifon.ou tabcrnaclc,pour
leur faux Dieu, qu’ils dreiïbient toujours au mi-
lieu du cattïp,& y mettoienrl arche fur vn autel,
dcla mefmefaçonquiOn en vfe en la faindle E-
glifcChreftiennc.Celafairilsfaifoicnt leurs fe-
mences de pain, & des legumes dont ils vfoient
& cftoient li addonnez à 1 obeilîance de leur
Dieu, que fil leur commandoit de recueillir
ils recueilloicnt , mais fil leur commadoitde
îcUerleeamp,toutdemeuroitlà, pour femence
& nourriture des vieillards,malades & fatiguez,
qu’ils àlloientlaiiïans à tout propos de lieu en.
autre, afin qu’ils peuplaircnt.Pretendanspar cc
moyé que toute la terre dcmeurcroir peuplée de
leur nation. Celle fortie & pérégrination des
. Mcxiquâins, fèmblcra parânancure femblable à
la fortie d’Egypte,&au chemin que firent les en-
fans d Ifrael, veu que ceux-là, comme ceux cy,
furent admonnellcz dè fortir,& chercher la ter-
re de promilîion,& lesryns,& les autres porroiéc
pour guide leur Dieu, çonfolrok‘nti’arche,&:luy
faifoieni tabernacle, déifiés udUifoitjleur don-
nant des Ibix de des cepctâ'Oftîer:delcs;vns, de les
autres ConfammerenG^viii ^ând nombre d’an-
uecs fur"c£voyagcdè'lëU5i*üeErc'promife,oU l’on
recognoiii de la relfcmbllàHèié'de plufi^ très
HîStOIRE NATVRIILI
chofes, en ce que les hiftoires des Mexiquains
racontent, & ce que la diuine Eferiture rapporte
des Ifraelites.Et fans doute c'eft vnc choie veri-
table,quc le Diable prince d’orgueil, Eeft efforce
par les ruperftitions de cefte nation, de contre-
faire &enfuyurc ce que le trcf-haur,&vray Dieu
fit aueefon peuple. Carcommeila eftétraitté
cy deffiis, Satan a, vne eftrange enuie de fe com-
parer ôc f egallcr a Dieu, d où cet ennemy mor-
tel a prétendu faulfementvfurper la commun!-
cation, & familiarité qu’il Uiy a pfeu auoir auec
les hommes. S ’eftiliamais veudiablejquîcon-
ucrfaft ainfi auec les hommes,commc ce diable
Vitzilipuztli? L’on peut bien voir quel il eftoit, !
par ce que I on n a iamais vcu,rty ouy parler, de j
eouftumes plus fiipciftitieufes, ny defacrificcs i
plus cruels & inhumains, que ceux que ceftuy j
enfeigna aux fiens.En fin elles furent inuentees '
par 1 ennemy du genre humain. Le chef & Capi- I
taine que ceux cy ruyuoient,auoitnom Mexi, j
d’où vint par apres le nom de Mexique, & celuy
,de fa nationMcxiquainc.Cc peuplcdoncchcrai-
nant ainfi à loifirjcommeauoient fait lesfix au- .
très nations, peuplans & ciiltiuans la terre en di-
uers endroitSjdont ya encor auiourd’huy desap-
parenccs, & ruines, & apres auoirenduré beau-
coup de trauaux 3c de dangers , vindrenr en fin
arriuer eh la prouince de Mechoacan,qui vaut i
autant à dire què rerredepoi(ron,pour ce qu’il j
y en a grand’ abondance en de beaux ôc grands |
lacsioù fe contetans de la fituatipn,& frailcheue
de la terre, ils fy voulurent repofer (Srarrefter,
Toutesfois ayans côfulté leur idole fur cepoinr^
i)ÉS Indes. Liv. VII. 5U
& voyans qu’il n’en eftoir pas contentais luy de-
mandèrent qu’il leur permift à tout le moins d y
laiflcr de leurs hommes, qui peuplalTent vne il
. bonne terre,cc qu’il leur accorda, leur enfcignat
le moyen comment ils le feroient.Qui fut com-
me les hommes Ôc les femmes lcroient entrez
pour ce baigner en vn lac fort beau,qui l’appel-
îoit Pafcuaro,çeux ci^ui refteroicnt en terre leur
defrobaiTcnr tous leérs habics,&:incontinentlè-
ùalïcnt le camp, &,f en allaient fans faire aucuîi
briiiif. Ce qui fut ainlî fait, & les autres qui ne
pcnloicnt en la tromperie, pour le contentemêt
qu’ilsprenoientàlèbaigner,quand ils foitirehc
&fe trouucrentdelpouillezde leurs habits, Ôc
ainfi moquez & delailîè'z dé leurs compagnons,
ils demeurèrent fort mal contensy&indignez die'
cela,de forte que pour fai re demonftration dé, la
haine qu’ils conçeurét contr’eux,ils difent qu’ils
changeren t de façon de viure, voire de langa-’
ge.A tout le moins c’eft vne chofe certaine, que
toulîours lesMechpaçanes ont efté ennemis des
Mexiquains, e’eft pourquoy ils vindrent con-
gratuler le Marquis de Valley apres lavidoire
obtcnue,qiiand il gagna Mexique.
Histoire natvrelle
De ce c^m arnua. en Malmdco^en Tula,
CT' en Chd^dtepec,
. C H AP. V.
!t y a de. Mexouacquan en Mexique,
fvlus-de cinquante lieiies,& furie che-
toin cft MaiinalcOjOÙ il Icuraduinti
^ue fe plaignans à leur idole d"vne
femrne rref-grande forciere, qui venoken leur
compagnie , >pôrrant le nom de fœur de leur
Dieu pour ce que auec fes maüüais arrs,elle leur
faïfoit de grâïïds dommages,pretendânc par.cer-
wins rnoyeus^ fc faire adorer d eux,copime leiir
Deefl^;fidole'pariaenfonge à l’vndc ces viéil«
>ards qui portoient l’arche, 6e iuy eornanda que
de'fa part ihcQnfôlaft le peuplejlcur'fairànil dd
Mpuueau de^grundes promelfes,& qu’ils lâiffaf-
feut cefte fîennle fœur; auec fa famille, commè
criiellc Ôc maàoâife,en leuât le camp de nuid en
grand lilenceifans lailfer aucune apparêce par ou
ikalloiér.ikdeiireiîr ain fij&la forcierc fe trou-
uantfeule auecî^ famille, delaillèe de la façon
peupla là vue ville qui fut appellee Malinalco,
ôc les habitans de laquelle font tenus pour de
grands forcici^jeftans ylTus d’vnc telle mcre.Lcs
Mexiquains , d’autant qu'ils feftoient beau-
coup diminuez par ces diuifions , ôc pourlc
nombre des malades, 6c gens fatiguez qu’ils al-
loycntlaiirans, fe voulurent reffaire,farreftans
en vn lieu, appellé Tula , qui fignifie lieu de
ioncies. Là leur idole leur commanda qu’ils
■e\‘
Des Ikdes. Ltv. VII. 32;
arrcftaflcntvne grande riuicrc , afin qu’elle fe
rclpandift dedans vne grande plaine, &auec le
moyen qu’il leur enfeigna , ils enuironnerent
d’caüevnecqlline appellée Coatepec, & en fi-
rent vn grand- lac , lequel ils planrercnc tout à
l’entour de faux, d’ormes, fapins, & autres a^
bres.Il commençaàfy engendrer beaucoup de
poiiîbn, & y venir plufi'eurs oifeaux, de forte
qu’il f y fit vn lieu delicieu|. C’eftpourquoy
raflîett^ de ce lieu, leur femblant alTcz agréable,
ôc eftans laflèz de tant cheipiincr,pli]fieiirs par-
lèrent de peupler là , ôc ne palfer pins outre,
dequoy le diable fe fafcha fort , ôc menaffant
les preftres de mort, leur commanda qu ils re-
miflent lariuiere àfon cours. Et leur dit qu’il ~
donneroit celle nuid le chaftiement à ceux
qui auoient cfté defobciflàns, td qu’ils le me^'
litoyent. Orcommelc mal faire eft fi propre
au diable, & que la iuftice diuine permet bien
fouuent queceux là foyent mis entre les mains
dVn tel bourreau, qui lechoififlent pour leur
Dieu : ilarriua que fur la minuid ils ouyrent
en certain endroit du canâp, vn grand bruit, &
au matin allans celle part, ils trouuerent morts
ceux qui auoyent parlé de demeurer là. La fa-
çon comme ils auoyent cfté occis , fut qu’on
leur auoit ouuert l’eftomach, ôc en auoiton ti-
ré le cœur.Etdc là ce bon Dieu enfeigna à ces
pauures malheureux, les façons des faciificcs
qui luy plaifoyenr,quieftoitenouurant l’efto-
mach, dcleur tirer le cœur, ainfi qu’ils l’ont de-
puis pratiqué en leurs horribles facrifices-Ayâs,
vçiice chaftiment ainfi fait, &que la çampa-
Histoire natvreile
gnc f’eiloit dcfcchcc > à caufc queiclacPcftoit
vuidé, ils confukcrent leur Dieu de fa volonté,
lequel leur commanda de palferourrejCe qu’ils
firent, & peu à peu aduanccrcntjiufqucs àarri-
ucr à Chapulrepec , à. vne lieue de Mexique,
lieu célébré pour fa récréation , & fraifehenr.
Ils fc fortifièrent en ces montagnes, pour crain-*
te des nations qui habitoyent cefte contrée,
Icfquelles leur,eftoient toutes contraires, prin-»
, cipalcmcnt d’autant quVn nommé Copil, fils
de cefte forciere laiflee en Malinalco , auoit
blafmé, & mal parlé des Mexiquaiiis. Car ce
Copifpar le commandement de famcre,quel-
quetêps apres vint à la fuitie des Mexiquains,
& feftorça d’inciter contre eux les Tapanecas,
& les autres circonuoifins,iufques aux Chalcâs>
de forte qu’ils vindrent en main armée pour de-
fiiruire les Mexiquains. Le Copil cependant £ç
mit en vne Colline qui cft au milieu du lac,ap-
peilée Acopilco, attendant la deftruétion de
fes ennemis, & eux par l’aduis de leur idole zU
lercnt contre luy,& le prenants au defpourueq
le tuerent, 6c en apportèrent le cœur à leur
Dieu, lequel commanda qu’on le iettaft au lac.
Et feignent que de là f eft engendree vne plan-
te , appellée T unal , ou du depuis fut fondée
Mexique. Us vindrent aux mains , auec les
Chalcas, ôc autres nations , Sc aiioyent les Me-
xiquains efleu pour leur capitaine ,vn vaillant
homme, appellé Vitzilonilti,qui en vne char-
ge fut prins &tué par les ennemis, mais pour
celales Mexiquains ne perdirent pas courage,
ains combattans valeureufement, malgré leurs
lit.
»if Indes. Liv. VÎI. ^24
ennemis rompirent leursefcadrons,&menahs
au milieu, Si corps de la bataille les veiilards,
femmes & petits cnfans,pafïèrcnt outre iufqucs
'à Atlacuyauaya, ville des Cuîhuas, lefquels ils
trouucrent (olcmnifans vne.fefte, auquel lieu
ils fc fortifièrent. LcsChalcasny les autres na-
tions,nc les fîiyuircnt plus, mais ellans dcfpitez ,
de fc voir derfaits par vn fi petit nôbrede gens,
eux qui eftoient en fi grande multitude, fe retir
rerenten leurs villes.
De U guerre <jue les MexiqHims eurent contre ceux de
Culhuacm.
Chap. VI.
^exiqûains, par Ic’conreil de l’I-
enuoierenr leurs meiragers, au
leur de Cuihuacan, luydeman-
rn lieu pour habiter, lequel a-
pres en auoircommunicqué auecles fiens leur
accorda le lieu de Tiçaapan , quifignific eaües
blanches, en intention qu’ils fe perdiirent, & y
mouruflènttous,pour autant qu’il yauoitcnce
lieu vn grand nombre de viperes, de couleu-
urcs, & d’autres animaux venimeux , qui s’en
gendroient envne Colline proche de là. Mais
eux pei-fiiadez, ôc enfeignezde leur diable, re-
ceiuent de bonne volonté, ce qui leur fut o&-
fert, & adoucirent par art diabolique, tous ces
animaux, fans qu 'ils leur fiilent aucun domma-
ge, vodrçles conuertircnten viande, & en m.an-
geoient à leur contentement 5c appétit. Ce
que voyant le Seigneur de Culhuacan,5c qu ik
Sf iiij
Histoire natvrelle
anoientfcmc ôc culriué la terre, il fcrefolut de
les receuoir en fa Cité , & de contraaer amitié
aucc eux. Mais le Dieu que les Mexiquains ado-
roient, (comme il a accouftumé de ne faire au-
cun bien finonpour en tirer dumal) diftàlcs .
preftres, que ce n’eftoit là le lieu où il ^vouloir
qu’ils demeuralTent , & qu’ils en deuoient for-
tir en faifant la guerre. C’eft pourquoy ils de-
uoient chercher vne femme, qu’ils nomme-
roient la Déclic de difeorde, & pourtant ilsad-
uiferent d’enuoier demander au Roy de Cul-
huacan fa fille , pour eftre Royne des Mexic- :
quains , & mere de leur Dieu , lequel receut vo-
lontiers cefte amballîide, & incontinent leur '
enuoya la fille bien ornée ik bien accompagnée,
La mefme nuit qu’elle arriua , par l’ordonnance |
de l’homicide qu’ils adoroient, ils la tuerent |
cruellement. Et apres l’auoir efcorchéc fort |
proprement comme ils Içauent faire, ils en vc- I
llirentde la peau, vnieune homme ,quilscou- !
urirentpardclFus des habillemens d’elle, &dc
celle façon le pofeyent auprès de l’idole , le de-
dians pour deelfe & mere de leur Dieu , Ôc rouf-
iours depuis l’adorerent, en faifans vne idole, '
qu’ils appelloyentToccy , qui veut direnollre !
ayeulle. Noncontens de celle cruauté ils inui-
terent malicieufement le Roy de Culhuacan,
perc de la ieune fille , de venir adorer fa fille,
qui elloit défia confacrée Deelfe, lequel venant,
auec de grands prefens &bien accompagné
des liens, fur mené en vne chappelle fort obfcu- ;
re , où elloit leur idole , afin qu’il offrit facrificc j
à fa fille , qui elloit en ce lien. Mais il arriua quç i
D3SS Indes. Liv. VU. 525
renccns,qui cftoit en vn brafier,&: fouyer,fèlï)n
leur couftume, falluma de forte que par cefte
clartéjilrccongneuticpoil de fa fille, & ayant
par ce moyen defcouucrt la cruauté,&Iatrom-
perie,fortit de là s’eferiant hautement, puis auec
toiisfesgensfrappafuricuremcnt furies Mexi-
quainsjiufqucs à les faire retirer au lac, tellement
que peu s’en fallut qu’ils ne fy noyalîènt. Les
Mexiquainsfe defFendoient, iettans certaines
dardillcs, dont ils feferuoient àla guerre, def-
quelsils ofFençoicnc beaucoup leurs ennemis.
Mais en fin ils gaUgnerent terre, ôc delailTans ce
liculafcn allèrent coftoyans le lac, fortharaf-
fez & mouillez, les femmes & petits enfans
pleurans deiettans de gfans cris contre eux 8c
contre leur Dieu , qui les àuoir rnis en telles
deftrclTes. Ils furent contrains de palfer vne
riuierc, qui ne fepouuoir gueyer, c eft pour-
qüoy ils faduiferent de faire de leurs rondel-
les,&deioncs certains petits bateaux, cfquels
ils palTerent. Puis apres en tournoyant, cftans 1
partis deCulhuaçan, arriuercntà Iztacalco, 8c
finalement au liêu, où eft auioürd’huy l'Hcr-
mire Saind Anthoinc à l’entrée de Mexique,
8c au quartier qu ils appellêt auiourd’huy faindt
Paul, pendant lequel temps leur idole les con-
foloit en leurs trauaux, Sc les animoit, leur fa|-
fant prom elles de grandes chofes.
Histoire katvrexie
Ve U ftndaüon de Mexique,
Cha pitrxVII
E temps çftant defiavenu, que le pe-
ledemenfonge deuoit accomplir la-
promeflTc qu’il auoit faite à fon pc^-
pic, lequel ne pouuoit plusfuppor-
tertantde tournoyemenr,de trauaux,& de dan-^
gers , aduint que quelques vieillards preftres,
pufprciers, eftans entrez dans vn lieu plein de
glaieuls efpais rencontrèrent vn cours d ’eaüe
tort claire & belle, qui fembloit argentée, ôc
regardans à l’entour, veirent que le arbres , le
pré, lespoilfons , & tour ce qu’ils regardoient
eftoitfortblanc.Eftans ermerucillcz dccela, il
leur fouuint d’vnc prophétie de leur Dieu, par
laquelle il leur auoit donné cela pour lignai, du
lieu où ilsfe dcbuoicntreporer,& fc faire Sei-
gneurs des autres nations. Alors pleurans de
ioyc, retouréerent vers lepculc auec ces bon-
nes nouuelles. La nuit enfuyuantc Vitzilipuzrli
fapparut en fonge à vn preftre ancien, & luy
dift,qu’ils cherchaffen t en ce lac , vn Tunal,qui
n.aidoit dVne pierre ( qui eftoit à ce qu'il luy
diO:,lc lieu mefme, ou par fon commandenaenc,
ils auoient ieçtéle cœur deCopil fils dclafqr-.
cicre,leur cnnemy) Et que lur ce T unal,ils ver-
roientvn aigle fort beau, qui fe paiflToitlà, dç
certains beaux petits oifeaux, &que quand ils
veiToient cela, qu ils creulTcnt quec’eftoit le
lieu, où leur^iïédebuoit eftrebaftie, laquelle-
DI S I NpE$r LlV. y j. 5itf
(îcuoitfurmonter les autres, &eftrc remarqua-
ble au monde.Lc matin venu le vieillard aflem-
bla tout le peuple , depuis le plus grand,iufques
au plus petit, & leur fît vite longue harangue,
Tur le fiibiet de la grande obligation qu’ils auoiét
à leur pieuj&dclareuelatîon,que luy indigne,
en auoit eue celle nuit, concluant que tous de-
uoient fe mettre à rechercher ce lieu bien heu-
reux qui leur cftoit promis. Ce qui caufa telle
deuotion,&allcgrelïcà tous, que fans dilayer
ils fe mirent incontinent à l’entrcprinfe, & fç
diuifàns en blandes commencèrent à recher-
cher ,fuyuant les fignes de la reuclation Id lieu
defîré. Parmy refpailTeur des ioncs & glaieuls de
ce lac, ils rencontreretceioürlàlc coursd’caüç
duiour de deuanr,forr different toiiresfois,d au-
tantqu’iln’cftoitpas blanc, mais vermeil com-
me fang, lequel fe feparoit en deux ’rüiflèaux,
dont il y en auoitvnqui eftoitde couleur azu-
rée , fort obfcure , ce qui les fît beaucoup efmer-
ueiller,& dénota vn grand myflerc à ce qu’ils di-
foient. En fin apres au oir beaucoup cherché çà
& là, apparut le Tunahnaifïan t d’vne pierre, fur
içquelil y auoit vn Aigle Royal, ayant les ailles
Guuertes ôc eflendiies , tourné deuers le So-
leil, en recepuant fa chaleur. Alentour de cet
Aigle, il yaucit beaucoup de plumes riches
blanches,rougcs,iaulnes,bieües, & vertes , dé
la mefme forte de celles, dont ils font des ima-
ges, lequel Aigle tenoit en fes griffes vn fort
bel oyfeau. Lefquels le vdrentj, & recon-
gneqrent que c’eftoit le lieu , qui leur auoit
elle prédit par roracle : ils fagcnouillerenç
Histoire natvrilie
tous faifâhs grande vénération à l’aigle,laqucl-
leleur inclina la tefte,ên regardant de tous co-
ftez. Il y eût alors de grands cris & demonftra-
tions>& adions de grâces au Créateur, & à leur
grand Dieu Vitzilipuztli, qui en toi^t leur eftoit
perc,& leur auoit toujours dit vérité. Ils ap^
pellerént pour celle occafion la Cité qu’ils fon-
dèrent là Tenoxtiltan, qui lignifie Tunal en
pierre, & iufqucs auiourd’huy ils portent en
leurs armes vue aigle fur vn Tunal,aucc vnoi-
feau en vne griffe, &aflisderautrefurvnTu-
nal.Leiourfuiuantparla commune opinion ils ,
firent vn Hermitage ioignant le Tunal de lai-
gle, à fin que l’Arche de leur Dieu y repofall, |
iufques à ce qu’ils euflènt le moyen de luy fai- 1
re vn fomptucux Temple, & ainfi firent ceft
Hermitage de guazons Sc de mottes qu ils cou-
iirirent de paille , puis apres ayans confulté
leur Dieu, ils delibererent d’acheter de leurs
voifins’de la pierre, du bois ôc de lachaux,en |
troc de poifTons , de grenouilles & de chc- j
urettes, raefme aulïi de canards, poulies d'eaiie, j
courlieux Ôc autres diuers genres d’oifeaux ma-
rins. Toutes lefquelles chofes ils pefcHoient !
&c chalToient auec grande diligence en ce lac, j
auquel il y en a en grande abondance. Usai- j
loient auec ces chofes és marchez desvilles^^ ;
Citez des Tapanequas, &C de ceux dcTezcuco i
leurs circonuoifins, & auec beaucoup d’artifi- I
ceaircmblcrentpeuà peu ce qu’ils auoient de j
befoing pour l’edifice de leur Cité : de forte !
qu’ils baftirent de pierre & de chaux vne meil-
îcurç chappclle pour leur idolc^, ôc f employé-
Des Ikbes. Lit. VII. 327
rent à f emplit auec desplanches &: dabloc,vnc
grandepartic decelac.Cela fait l’idole parla vnc
Muid à vn de fcs prêtes en ees termes:
IdexlejUAins (^uelesfetgneUrsfeâimfint chamn auecjes
parens CT” tfiidsp fepdrent en quatre quartiers
principatix a l'entour de la maifin que m'auet^pute pour
mon repos^ que chaque quartier édifié en^fon quartier
félon fa volant é.Qt qui fut mis en executiô,& ceux
là fonties quatre quartiers principaux deMexi-
que>'que l’on appelle auiourd’huy Sain d lean,
Sainde Marie la Ronde, Saind Paul, & Saind
Scbafticn. Apres cela les Mexiquains cftans ainfî
dioifez e-n ces quatre quartiers, leur Dieu com-
mâda qu’ils repartirent entr’eux les Dieux qu’il
leur dcclàrcroir, 5c quils nommalicnt à chaque
quartier principal des quatre d’autres quartiers
particuliers où leurs Dieux fuflTent adorez. Par
àînii fous- chacun de ces qnatrc,quartiers princi-
paux il yen auoitplufiéurs petits qui y eftoienc
couaprins félon le nombre des idoles, que leur
Dieù)éin*eommàda'd’adorer,Icfquels ils appel-
lererit^Gâlpultetco, qui vaut autant â dire que
Dieii dés quartiers.En ceie maniéré la Ciré de
M çxtqùéjTenoxtiltan-fut fondée, 5cv.int à gran-
de augmcntationi ' ■
il/, O
Delàfie'd'fion de ceux d'é Tlatelulco, premier
Ciÿ/À P. VI I I.
c'a
E siT^É dinifioiicdCs quartieys eftant faidc
^ éil Pordre ddîtifdk^ qiielquesi vieillards
Histoire NATVRiLtE
âtjcicns eurciit opinion qu’au departement des
lieux , l’on ne leur auoitpas porté le ref-
pcâr qu’ils meritoient , pour cefte occalîon
eux ôc leurs parens Te mutincrent & allèrent
rechercher vnc nouucllc refidence : & com-
me ils alloicnt parlclacilstrouucrent vnc pe-
tit terre ou tcrralTc qu’ils appellent Tlotelo-
li , ou ils peuplèrent , luy donnans le nom de
Tlatellulco, qui cft à dire lieu de terrafle. Cela
fut là troifiefmc diuifion dçs Mexiquains, de-
puis qu’ils partirent de leur pays; celle de Me-
chouacaii ayant efte la première , 5e Celle de |
Malmalco la fécondé. Ceux-là qui fe feparc- |
rent & fen allèrent en Tlatellulco eftoient des
hommes renommez & d’vn màuuais naturel:
par ainli ils exerçoient enuers les MexiquainS
leurs voilinSjle pire voi finage qu’ils pouuoicnt
Ils ont eu toufiours des débats contr’eux,& iuf-
ques auiourd’huy durer encor leurs inimitiez &
ligues anciennes. Voyâs doc ccux de Tcnoxtilta, j
que ceux de Tlatellulco leur eftoient fort con- j
traircs , & qu’ils alloient mulciplians , curent |
crainte qU’auce le temps ils ne vinflent à les j
furmonter, & fur ceft affaire faftemblerent en |
confeil, ou ils aduiferent qu’il eftoit bon d’ef- j
lire vn Roy , auquel ils obeiftent, & qui fuft |
craint de leurs enncmis,d’aUtât que par ce moyc |
ils feroient plus vnis & plus forts entr’eu x, &
les ennemis ne fe hazarderoient tant en leur
endroit. Eftansjadcliberezd’cflirevn Roy,ils
prindrent vn autre aduis fort vtile&afleurc, de
nel’eflire point d’entr’eux, pour cuiter lesdif-
fendons, & pour gagner auec le nouucau Roy
quclquVnc des autres nations voifincs , def-
DIS IpiDis. Li r. VIT. 51Î
quelles' ils fc voypicnt drçuis, cuxdeftituei
de roue fecours. Tout confidcré,ranr pour ap.
paifer le Roy de Culhuacan,qu ils auoient gran*
deraent ofFence, ayansTué & efcorchc la fille
de fon prcdeceflèur , & luy ayans fait vne iî
lourde moquerie , comme mefnie pour auoir
vn Roy qui fuft de IcurfaiigMexiquain, de la
génération defquels il y en aiioit beaucoup en
Culhuacan^quiy reftoient encor du temps qu’ils
vefeurent en paix auec cüx,ilsarreftcrcntd’cr-
Jire pour Roy vn içunc homme appellé Aca-
mapixtli, fils d vn grand Prince Mexiquain, Ôc
d Vne Dame fille du RoydcCulhuacan. Incon-
tinent ils luy enuoyerent Ambafîàdeurs auec
vn grand prefenr pour demander ceft hom-
me, Icfquels firent leur ambafiàde en cester-
mesiGrand Seigneur^Nom Autres vos vafaux cr fir^
uiteurs,les 2\dexiquAmsmû cr refere\dedansUs hef-
bters (T rofeaux du Uc ,feuls CT déUijfe\de te^es les
nations du monde, mAÛ feulement conduits CT achemi^
nel(^pAr nojire Dieu au heu ou fimmes, qui tombe en U
fun/diBion de vos limites d‘ ^Jiapufalco CT de Tejeu-.
feiores que vous nowaue^ermisd'ejlre o^de demeu^
rer en iceluy,notu ne voulons feint ny nefifos raifinna-
He de vmre fans chef cr fans Seigneur qui nom corn,
mande, mm corrige €T gouuerne, nom infruifanf en
m^e façon de vture,^ Gr mm deffende de nos ennemis,
Fartant mm vemnsàvem,fçachansquen vofire Cour
Cr maifon il y a des enfansde nopregeneration,affaren^
teXer allieX^auec U vofire, qmfontfortisdenosen^.
traïUes CT des voftres fie nofire fang gt du vofire,entre[
lefquels nom auons cognoijfance d*vn petit fils vofire GT
mfire, appelle ^camapmli, Nm vom fupphom
Histoire natyreilb
’ doncé^ae vom mVÂ le donme^X^our S eigneur JecjuelnMf
eJhmerons,comme d mente,fuii (^u'd e(i de U lignee des
Seigneurs MextcjUfAîtis ^ des de CulhuActin. Lc
Roy ayant mis l’afFairé en deliberation, & trou-
uant que ce ne luy eftoit point chofe mal a pro-
pos de l’allier auec les Mexiquains qui cftoient
vaillans, leur refpondit qu’ils menaffent Ton pe-
tit fils à la bonne heure, combien qu’il adiou-
fta, que fi c’euft efté vnc femme qu’il ne leur
euft pas baillée, lignifiant l’aétc Ci énorme ra- ,
conte cy deffus, & aclieua fon difcours endi- i
lant:^’^» dille mjn petit Jiis,(ju djèrue vofîre Diea^CT*
foit fin Liei4tenAnt,(^tdd Tegijfe gmuerne les crea.tu -
rèsde céluy pour (jui now vtuonsfii^eur de Id nuiClydu
tour des vents, (^u'd àille CT fiit fetgneur de l eaue
0^ de Id terre, quil pofiede Id ndtion Mexiqudme,
emmene'X^le k U bonne heureyty dye^Jefiin de le trait-
îer comme fils 0" petit fils mien. Les Mexiquains
luy rendirent grâces, & tout enfemble luy de-
mandèrent qu’il le mariait de la main,arailon j
deq^îoy il luy donna pour femme vne Dame
des plus nobles d’entr’cux.Ils menèrent knoii-
ueau ïloy & la Royne aucc tout l’honneur qui |
leur eftoit poffible, & leur firent vne foleranel- |
le réception, fortaris tous iiifques aux pluspe- j
ris,aà voir le Roy, lequel ils menèrent en des |
Pala^qui pour lors eftoient aflez panures. Et <
les âyàns aflis enleursthrofnes Royaux incon- <
tin en tfe leua vn de fes vieillards Sc Rhetoii-
ciens qu’ils eftimoient beaucoup, qui leur par-
la en celte manicre;Mo» filsjei^neur cr Boy nofire, .
tu fiû le bien venu k cefie pauure mdifion 0" Cite, entre ■>
ces herbiers CT fanges ou tes pmures peres , ayeulx CT* •
parent
Des Indes. Liv. VIL 32^
pArens endurent ce qmfçait leSei^neur des chops créées,
i^egardeps^neur^que tu viens icy psure^re la defft nce,
l’ombrage l’abry de cefie nation Mextquaine, O" pour
(flre U rejfembldce denoffre Dieu ritlpiptiXtli^À l’oC'
capon dequoy Le commandement Ct' uirifdiBion i do-
ne, T Hpau que notts ne fommes point en m^re pays^
puis que Ut erre que nom pojfedons autourd'huy efl d'au -
truy^ nefçamns ce quijera de nom demain ou vn au-
tre lour.'par amp cenpdere que tu ne viens peint pour te
refiopr nj/ recreer, mais plupo fi pour endurer vnnou-
ueau trauaiL en vne charge p pesate^qui te doitteupours
faire tr auMller^ef at efclaue de toute cefe multitude qui
t ef tombée en fort j O" de tout ce peuple circonmipn^
lequel tu doibs mettre peine de le gratifier , Ct' les rendre
contens , pwfquetupais que nom vimns en leurs terres,
Cr dedans leurs limites. Et achcua répétant CCS
mots : T U fois le bien venuyoy Cf la goyne nofre mal-
jirejfeacefuy vosîre l^oyaume. Telle futia Haraii-
gLie du vieillard, laquelle, & les autres Haran-
gues que celcbrent les hiftoires Mexiquaines,
les enfans auoientaccouflumé d apprendre par
cœur , & ainfi fè conierucrenr par tradition,
& y en a quelques vnes d’icellesqui méritent
bien d'eftre rapportées en leur propres ter-,
mes. Le Roy leur refponditen les remerciant
& leur offrant fa diligence, &foucyàlcs def-
fendre, & Ibn aide en tout ce qu'il pourroir.
En apres ils luy firent le ferment, &luy mirent
félon leur mode la Couronne Royale fur la te-
lle , qui efl femblable à la Couronne de la fei-
gneurie de Venife. Le nom d'Acamixtli pre-
mier Roy , lignifie poignée de rofeaux : c’efl
Te
Histoire natvrellé
pourquoy ils portent enleurs armes Tnemairr
tenant plufieurs fagettes de rofeau.
Ve l'e(ltiinge tribut que les Mexiijiiams^aj'oienf à ceux
Ch AP. IX.
LEs Mcxiquains rencontrèrent E bien en Tcf
lediondcleurnouueauRoy, qu’en peu de
temps ils commencèrent à prendre forme de
République, & à fe faire renommer parray les
e ftrangerSjà caufe dequoy leurs voifins meuzd'é
nie &de crainte traitrerent de les fubiuguer/pe-
cialement les Tapanecas,quiauoient pour Ciré.
Métropolitaine Azcapuzalco, aulquels les Me-
xiquains paioient tribut comme hommes ve-
nus de dehors, & demeurans en leur terre. Car
le Roy d’Azcapuzalco craignant leur puiflàn-
ee qui alloit croilîanr,voulur opprimer les Me-
xiquains, & en ayant délibéré auec les liens en-
noya dire au Roy Acamixtli que c eftoit trop
peu de chofe que le tribut ordinaire qu’ils luy
payoientj&qucdclàenauant ils luy deuoienc
aiiifi apporter des fapins &c des faulx , pour les
édifices' de fa Cité, & outre cela qu’ils luy de-
uoieiit faire vniardin en l’eaüe, femé de diuer-
fes herbes ôc de Icgumes, & luy deuoienr ame-
ner pair eaiie, ainli accommodé par chacun an,
fans y manquer : que fils y failloient,illesde-
cla^ero^^ fes ennemis, &: les raleroit du tour.
Les Mexiquains reccurent beaucoup d’cnniiy
DES Indes, Lîv. VIL ‘ 15®
&de fafchene de ce commandementjteDar pour
ç.ho{è impoffibîe ce qu’il leur deinandoic , &
que ce n’eftoit autre choie qiiedeccrcher vne
bccafion pour les ruiner ; mais leur Dieu Vir-
^ilipuztli les confola, fapparoiiranr celle nuiéh
àvn vieillardjauquelilcômanda qu’il dift de fa
part au Roy Ion fils, qu’il ne lift point de diffi-
culté d accepter le tribut, & qu’il leuraideroit
ôc rendroit le tout facile : ce qui aduint de-
puis.^ Car eftant venu le temps du tributjes
Mexîquains portèrent les arbres que l’on leur
auoit commande, & quipluscll, ieiardin fait
en 1 eaüe , ôc porté en icelle , auquel y auoit
beaucoup de mays, qui ell leur bled délia grc-
nq auec les clpics. Il y auoit aulliduchilliou
axi, des blettes, tomates, frilblles, chias, cour-
ges ôc beaucoup d’autres, chofes toutes par^
çrcues ôc en leur faifon. C’eüx qui n’ont point
veu les inrdins qui fefont au lac en Mexique au
milieu de i’eaiie,ne croiront,& tiendront pour
contes ce que l’efcris, ou fils le croient, ils di-
ront que c ell vu enchantement du diable qu’ils
adoroient. Maisreallement & de fait ceft cho-
fe fortfaifable, ôc à l’on veu plulieurs fois faire
de cesiardinsmouuans en l’eaüe.Carilsiettent
de la terre delîus du ione ôc du glayeul,d’vne
telle façon, qu’elle ne fe deffait point en l’eaüe,
ôc fement ôc cultiucnt celle terre : de forte que
legrainycroift&meuritfoft bien. Luis apres
ils l’enleucnt d’vn lieu en autr,c. Mais il eft bien
vjay qué de faire fadleraent ce iardin grand,
& que les fruids y croiirent bien, ell choie qui
fait juger quii y aÜGit du faitdc \dtzilipuzdi|
Histoire natvrelle
lequel ils appellent autrement Patillas , prin» |
cipalement n en ayant iamais- fait ny veu de
femblables. Le Roy d’Azcapuzalco fefmcr- |
ueilla beaucoup quand iividaccomply cequ’il
auoit tenu pour iinpoffible ^ ik dift aux liens
que ce peuple auoit vn grand Dieu qui leur
rendoit tout facile , difant aux Mexiquains,
que puifque leur Dieu leur donnoit routes cho-
fes parfaites , qu’il vouloir quefannée enfui-
uant au temps du tribut, ils iuy apportalfent
dans le iardin vue cane &vn heronauec leurs
œufs coLuicz, qui deuoient eftre de telle forte,
qu elles efclouilfen rieurs petits en arriuant. fans
y faillir aucunement , fur peine d’encourir fon
indignation. Les Mexiquains furent fort trou-
blez ëc trilles dVn fi fuperbe & difficile corn- ;
mandement qu’il leur faifoit : mais leur Dieu,
comme il auoit accouftuméjes côforta de nuid
par vn des liens, & leur dill qu'il prenoit roue
cela en fa charge , qu’ils ne perdilfent point
courage, mais qu ils crculîenr pour certain qu’il
viendroit vn temps que les AzcapuzalcoS paye-
1 oient de leurs vies cesdefirs denouueaux tri-
buts. Le temps du tribut cftantvcnu,comme
les Mexiquains portoient tout ce que fon leur
auoit demandé de leurs iardinages, l’on rrouua
parmy les ioncs ôc glayeuls du iardin, fans fça-
uoir comment ils y eiloient demeurez, vne cane
& vn héron couuans leurs œufs, Ôc cheminans,
arriuerent à A zcapuzalco,où incontinent leurs
œufs furent efclos. Dequoy le Roy d’Azcapu-
zalco ellanr efmerueillé ourre-mefure, dill de-
rechef, aux liens, que ces chofes elloient plus
©ES Indes. Lrv. VIL 531
qu'hamaines,& que les Mexiquains commen-
çoient. comme pour fe faire Seigneurs de tou-
tes cesprouinces. Neantmoins il ne diminua
aucunement l’ordre de ce tribut, & les Mexi-
quains, pour nefetrouuer allez pnillans,endu-
rerenc ôc dt:meurerent en celle fubiedion &
fcruitudciefpace de cinquante ans.Ence temps
le Roy Acamapixtii mourut, ayant augmenté
fâ Ciré de Mexique de pluHeurs édifices, riies,
conduits deaües , & de grande abondancede
munitions. Il régna en paix ôc repos quarante
ans , ayant toufiours eilé zélateur du bien &
augmentation de fa République. Comme il
elloit proche de fa fin , il fit vne chofe mémo-
rable, qui fut qu'ayant des enfans légitimés,
aufquels il euft peu laiircr la fucedfion du
Royaume, neantmoins ne le voulut pas faire
mais au contraire, il dift librement à la Répu-
blique, que comme ils l’auoient librement ef-
leu, ainfî qu’ils efleufient celuy qui leur fem-
bleroit^llrelcplus propre pour leur bongou-
uernement, les admonn^ant qu’en ce faifant
ils eulïèntclgardau bieh^ la République, ôc
fe monftraiît fafehé de né les lailTer libres du
tribut (Scfubicélion trefpalla, ieurayaaH recom-
mandé fa femme & Tes enfans, ôc lailTaloAit Ton
peuple defeonforté pour fa mort. ^ ' 'r
Tt iij
Histoire ’natv relie
Du fécond de ce qui Aduïnt enfin régné.
Ch A P, X.
H s obfeques du Roy defFundt aclie ^
nées, les anciens, les principaux du
Royaume,& quelque partie du peu-
ple f’alTembierent pour eilireWn
Roy, ou le plus ancien propofa la necdlite en
laquelle ils eftoienr, & qu;il conuenoit efliré
pour chef de leur Cité vne perfonne qui euft
pitié des vieillards , des femmes veufues & des
orphelins , & qui fuft pcre de la RepubliquCj
pource qu'ils deuoient eftre les plumes de Tes
aillesjles fourcils de Tes yeux , Sc la barbe de Ton
yifage : qu’il eftoit necelïàire qudl fu fl: valeu-
reux, pource qu’ils auoient befoin debien tofl:
fe preualoir de leurs bras, fclonqueleur auoit
prophetifé leur Dieu.Leur refolution en fin fut
d’eflirepoLir Roy vn fils du predeceircur,vl‘ans
enuers luy d vn aufii bon office, en luy donnant
fon fils pour fuccefléur, comrneil fit enuers fa
RepubliquCjfe confiant en icelle. Ce ieune ho-
me fappelloit Vitzilouitli , qui fignifie plume
riche ,ils luy mirent la Couronne royale & l’oi-
gnirent, comme ils ont accQuftumé de faire à
tous leurs Roys, aucc vne onéfipn qu’ils ap-
pelloient diuine , d'autant que c’eftoit la mefme
onélion, de laquelle ils oignoient leur jdolé. !
Incontinent vn Rhetoricien fit vne elegante |
haranguejl’exhortantd’auoir bon courage pour |
les tirer des trauaux/eruitude & mifere,efquél-
|es ils viuoienr, eftans opprimez desAzcapuzal-
€OS,&: icelle acheuée tous luy firent l'hommage
BEs Indes. Liy. VIL '53 £
& îarecognoifTancc.Ccroy n’feftoit point ma-
rie,& fon Confeil fut d’opinion qu’il fcroic bon
de le marier ancc la fille du Roy de Azcapuzal-
co,afin del auoir pour amy,& d’obtenir parce-
fee alliance quelque diminution de la pefantc
charge des tributs, qu il ieurimpofoit,combien
quils curent quelque crainte, qu’il ne defdai-
gnaft de leur donner fa fille, à caufe qu’ils eftoiet
fes valîàux : touresfois le Roy d’Azcapuzalco
f’y accorda, apres qu’ils luy eurent demandé
fort humblement, &auec des parolleshonne-
ites, lequel leur donna vnefienne fille appeliéc
A y anchigual, laquelle ils menèrent auec gran-
de fefte écrefiouilTance en Mexique, de "firent
la ceremonie, & folemniré du mariage ,- qui e-
ftoif d attacher & nouer vn coing du manteau,
de rhpmme,auec yn autre du voile de la femme
en figne de lien de mariage. Cefiie Royne en-
gendra vn fils, le nom duquel ils furentdemanr-
dèr à fon ayeul,le Roy d’Azcapuzalco, &ict-
tans les forts comme ils auoient accoufiume,
( pource qu’ils obferuoient fort les Augures,
principalement fur le nom de leurs enfaris }il
voulut que fon petit fils fappcllaft Ghimalpo.
poca ,qui fignifie rondelle qui iettefumee. La
Royne fa fille voyant le contentement que le
Roy d’Azcapuzalco monftra de ce petit fils,
printdelà occafionde luy demander, qu’il luy
pleuft de foulager les Mexiquains, de la charge
Il pelante des tributs, puifqu’il auoit défia vn pe-
tit fils Mexiquain,ceque le Roy fit de bonne
volonté, parle Confeil des liens, leur lailfant
au lieu du tribut qu’ils payoicnc vnefubieéUoiî
Tt iiij
Histoire NATVREitB
de luy porter chacun an vnc couple de canards
&des poiironsen recognoiirancc quils eftoient
Tes fabiecls & qu ils habitoicntcnlarerrc.Par
ce moyen les Mexiquains demeurèrent fort
foulagez& contens, mais le contentement leur
dura bien peu, pour ce que laRoyne, leurpro-
tedrice mourut peu de temps apres, & l’année
enfuyuante mourut aulîî leR.oyde Mexicque,
Vitziloiiitli , lailfant fon fils Chitaalpopoca,
aagédedixans. Il régna treize ans, & mourut
aagé de trente ans,ou peu plus 11 fat tenu pour
vn bon Roy & diligent au feruice de fes dieux,
defqucls ilsauoient opiniô que les roys eftoiee
les re'remblances,& que l’honneur que l’on
faifoirà leur Dieu, fefaifoic au Roy, qui eftoit
fa femblancc. Cefl pourquoy lesroys ontefté
fi afFedionnez au feruice de leurs Dieux. Ce
Roy fut curieux de gâigner les volontcz de fes
voifius, & de trafficquer auec eux, enquoy il
augmenta fa Cité, fai fanr quelesficnss’exerçaf- !
fcnt en chofes de guerre, parmy le lac, preparats,
&difpofins les hommes pour ce qu’ils preten-
doient obtenir ,comme bien tofl: l’on verra.
Pütreijtejme Chimdpopocaydeja cmeHemort, ^
de l’occajîon de U guerre que firent les Mexiqmins.
Chap. XI.
Le s Mexiquains pour fuccelTeur du Roy ' j
mort, cfleurent fon fils Chimalpopoca,
par vn ment aduis Ôc deliberation çommünc| i
Des Ikdes.Liv. Vïl.“
encor qu’il ne fur qu’vn enfant de dix ans^
ayans opinion qu'il clloir toufiours necelîai-
rc, de conferiicr la grâce du Roy de Azeapu-
zalco, enfaifant fon petit fils Roy. Par ainfiils
le mirent en fon throfne,Iuy donnant des cn-
feignesde guerre auec vn arc , & des flefehes
en vne main,& vne efpcc de rafoirsfdont ils ont
accouftumé d'vfcr)cnla droidc, fignifianspar
cck,commeilsdirent,queparlesarmesilspre-
tendoientfe mettre en liberté. Ceux de Mexi-
que auoient grande difetted’caiie, pour ce que
celle du lac eftoitbourbeufe &fangeufe,& par
confcquentmauuaifeà boire, pour à qiioy re-
médier, ib firent que le Roy enfant enuoyaft
demander à fon aycul, leRoyd’Azcapuzalco,
l’caucdela montagne de Chapultepec, qui eft
à vne lieue de Mexique, comme ila efté did cy
dclTus, ce qu’ils obtindrent facilement, &par
leur diligence firent vn aqueduc, de fafeines.
glaieul,& gafon, par lequel ils firent venir l'cauc
en leur Cité. Mais d’autant que laCitéeftoic
fondée fur le lac, ôc que l’aqueduc le trauerfoir,
il fe rompoit en beaucoup d’endroits, & ne
pouuoienrs efiouir del’eaue, comme ils defi-
roient & auoient de beroing,Surceftcoccafion
foit qu’ils la recherchaflent tout exprès, pour
quereller les Tapanecas , ou fiift qu’ils f’eÂ
meulfent fur peu d’occafionjcnfin ils enuoye-
rent vne cmbalTade au Roy d Azcapuzalco,
fort refoIue,difansqu’iIs nepouuoicntfaccom-
moderdereaue,dontilleur auoit fait grâce , à
caufe que le canal fieftoit rompu en beaucoup
é’endroits ,partantluy demandoiept , qu’il
Histoire natv relie
pourueuft de bois, de chaux Sc de pierre, 8c qu’il
leur cnuoyaft fes ouuriers , afin que par leur
moyen ils filîent vn canal de pierre5& de chaux
qui ne fc peuft rompre* Ce mefiTage ne pleur
gucres au Roy,& encore moins aux fiens, leur
femblant que c’eftoit vn melTage outrecuidc,
&des propos fort infolens, pourdcs valfauxà
Tendrciâ: de leur Seigneur. Les principaux du
Confeil doneques cftants indignez de cela, di-
foientque ceftoie délia beaucoup dehardielPe,
puis que ne fe contenrans de ce que l’on leur ;
aiioit permis de demeurer en terre d’autruy & :
qu on leur auoit donné de l'eaüe , ils vouloient '
d’aiiantage, que l’on les allall feruir.Q^lIe cho- i
feeftoitcela, ôc dequoy prcfumoitvnc nation |
fugitiue & enferrée entre les bourbiers, qu’ils 1
leurfcroicnt bien entendre, fils eftoient pro*
près pour cftre ouuriers, & que leur orgueil
f abbailTeroit , en leur oftant la terre & la vie.
Sur CCS termes & colère ils fortirent laiflans |
le Roy, lequel ils auoientvnpeu pour fufpeét
à caufe du petit fils Etcuxfeparement conful- |
terent de nouueau ce qu’ils debuoient faire , ou
ils delibererent de faire crier publicq^iemenr,
que nul Tapanecqua euft à traiéter, ny faire
commerce aucc aucun Mexiquain, qu’ils n’al- ‘
laffentenleur Cité , & ne les rcceuircnt en la
leur, fur peine de la vie.Par où l’on peut enten-
dre , que le Roy ne commandoit pasabfolue- j
ment fur ce peuple , & qu'il gouuernoitplus en !
façon de Conful, ou de Duc.que de Roy,com-
bien que depuis auec la puÜîance, faugmenta
aiîffi le commandement des Roisjufques à de-.
DES Indes. Lïv. VIL 334
uenir Tyrans parfaidls, comme l’on verra aux
derniers Roys. Carçaefté toujours vne cho~
fc ordinaire entre les barbares, que telle qu’a
efté la puiiïàncc , tel a eflé le commandement,
voire en noz hiftoires d’Efpagne fe troime en
quelques Roys anciens , la façon de regner,
dont CCS Tapanecas vferenr. Et les premiers
Roys des Romains furent de mefme,faufqi.ie
Rome, des Roys déclina aux confuls &rvnfe-
nat, iufques .à ce que du depuis ’elle vint à la
puiRance des Empereurs. Mais ces barbares,
de Roys modérez déclinèrent à Tyrans. Et e-
ftantlVn & lautrc gouùernement, le meilleur
ôc plus feur, eftle regne modéré. Or retour-
nansà noftrehiftoire , le Roy d’Azcapuzalco,
voyant la deliberation des liens , qui eftoit de
tuer les Mexiquains,lespria quepreinicrement
ils defrobâlTent fon petit fils le ieune Roy, Sç
apres qu’ils fiffent au Mexiquains ce qu’ils
voudroient. Prefque tous faccorderent en ce-
la pour donner côtentement au Roy,& pour la
pitié qu’ils auoientderenfanr,mais deux prin-
cipaux y contredirent bien fort, affermans que
ceftoit vn mauuais confcil,pQurceqüeChimal-
popoca,bié qu’il fuft de fon fang,eftoit du cofté
delà mere , & que le cofté du pere deuoit eftre
préféré. Parquoy ils conclurent que le pteniier
qu’il conuenoit tuer , eftoit Chimalpopoca,
Roy de Mcxiqne,& protégèrent d’ainfile fai-
re. Le Roy d’Azcapuzalco fut fi fafehéde celle
refillancequ’ilUuy firent, & du confeil &re-
folution qu’ils prindrenr, que de là à peu de
temps , de douleur & de defpit il tomba iiaaia-
Histoire natvrellh
de,dont il mourut. Par la mort duquel les Ta-
panecas f’achcuans de refondre , commirent
vne grande trahilon. Car vne nuiét le ieune
Roy de Mexique dormant fans garde, &fans
fe douter de rien , ceux d’Azcapuzalco entre-
gent en fon Palais, & le tuèrent foudainement,
Peu retournans fans eftfe apperceus. Le matin
venu que les nobles de Mexique furent falüer
le Roy, comme ils auoyent accouftumé, ils le
trouuerent mortauec de cruelles bldrcures, &
lors ils feferierent, efleuans vn pleur qui rem-
plift toute la cité, & tous aueuglezde colerefe
mirent incontinent en armes, pour venger là
mort de leur Roy. Comme ils raarchoyenc
défia pleins de fureur, & fans ordre, leur fortit
au deuant vn des principaux Chcualiers des
leurs, tafehant de les appaifer, parvnefagcre-
monftrance. Oh Æe7^vms[ dit-il) o MexiqnAms^
rep0pl(jv9S cæHrSyregArde'Xjlu-e les chofes qm font faites
fans csnjUeraitony ne font pas bien conduittes, ny n'ont
point de bon fsccéT^ pe^rimel^vojire doHleHr^conJtde-
rans qii encor que vofre I\oy fait mortyl^dlufre fang des
MexiqHams n'ejî pas finy en luy. Nous amns des enfans
des Koys deffnntls^ par laconimtte defqHelsfHCcedans
dH poyamie , vous fere^nieux ce qne pretendél^ayans
ynchefqmvoHSgmde a vojlre entrepnfe. N' aHelf pas .
amf aueugleX^^ deporte^^ vous, CT cjlife'?^ première-
ment vn poyyCP" feignenrqm voHSgmdc,cr' encourage
contre vos ennemis. Ce pendant difimuley^ difcrette-
mentfaifanslesobfeques de voJlrej{oy mort, dont vous
•voye-^le corps prefent. Car par cy apres il fe treuueravne
meilleure occafion d'en faire la vangeance. Par ce
moyen les Mexiquains ne palTerent point plus
Des Indes. Liv. VÎT. ^55
outrc,5c Farrefterent pour faire les obfeques de
leur Roy. Aqiioy ils conuicrent les feigneursde
Tefcuco,& ceux de Culhuacan, Si leur racontè-
rent 1 ade 11 enorrae & fi cruel, que les T apane-
cas auoient commis, lesinuirans à auoir pitié
d’eux,&à Findigner cotre leurs ennemjs.à quoy
ils adioufterent que c’eftoit leur intention de
niourir,ou de venger vne fi grande mefchâceté,
leur demandans qu'ils ne fauorifalïcnt le parry fi
iniufte de leurs contraires,& que de leur part ils
ne les requeroient point qu’ils leur aydaffent de
lenrsarmes, &hommes, mais feulement qu’ils
fu fient attentifs à regarder ce qui fe paircroit,&
qu’ils defireroient pour leur entretien, qu’ils ne
leur bouchaircnt ny empefchafientle commer-
ce,comme auoient fait les Tapanecas. A ces rai-
fons ceux de Tefcuco, & Culhuacan,leurde^
monftrerent beaucoup de bonne volonté , 6c
qu’ils en eftoient fort fatisfaitSjleurofFrantleurS'
Gitcz:&tout le commerce qu’ils en defi reroiér,
afin qu’à leur volonté ils fepourueulîent depro-
uifions, 6c de munitionspar terre, & par eaüe.
Apres cela ceux de Mexique les prièrent qu’ils
demeurafi'çnt auec eux, & alliftairenr àl’cfiediô
du Roy qu'ils voiiloient faire ce qu ils accordè-
rent aufiî pour leur donner contentement. ,
I^lSfO'lRE KATVRELLÉ
Î)h cjUAtnejmeKoy nommé TXaalty O' là^erre con~
tre les TA^AnecaSo
Ch AP. Xïî. , .
I Eux qui fê deubient rrouuer en l’et
Icdion, eftastoiisairemblez/ele-^
uavn vieillard, tenu pourvn^rand
orateur dcquel félon que raconter
les hiftoires, parla en celle manié-
ré Lwmers de vosyc’j^x vom mdnqne o MexiquAins^
mdx celle du cœur, car poféle cAi,que vous Aue’t^
perdu celuy qui ejioit U lumière, le guide de cejle J{e-,
publique Mexiquaine,celle du.cœur neAtmoins 'vous e^
demeurée, pour cofiderer que s'ils ont tué vn home, d' Au-
tres font demetiréjjipres luy qui pourront fuppleer fort
Aduantdgeufement U faute que nous auons dc luy.Lq no-
Uejfe de Mexiquenejipas finie pour cela,ny le sag I{oyal
efiemt.TourneTfesyeux (CT^Ÿegardefautour de vous,^ _
'VOUS voirct^ la Noblejfe Mexiquame mife enordre,non
point vn deux, mais plufîeurs cyr exccliens princes, fils du
^cAmapAxtli,nofire vray CT légitimé feigneur.îcy ;
'VOUS pourreT^choifir A vofire volonté ,difimt le veux ce- '
fiuy cy,Ct' non cet autre. Que fi vous auefperdu vn \
pere, icy voi^s trouueréXfcre iÿ^mere. Faites efiat,»
MexiquatnsJ que leSoleiis’efi eclipfé^ obfcurcyfurU
terre pour vnpeu de temps, qu incontinent retourn e-
va U lumière fur icelle.Si Mexique a eFlé obfcurciepar U
mort de vofire Pfy , forte bien tofi le Soleil, efiife'?^ vn au- \
tre Roy. Fegarde'^bien a qui, fur qui vous letteref
lesyeux CT enuers qui s'incline vofire cœur, car cefiuy- là
ejî celuy que vofire Dieu Fit^ilipuKgli a esleu. E t di-
làraîic encor ce difeours, cec orareur achêua au
DES In D ES. Lï V. VIT,
contentement dVn chacun. En fin pat la refoU
lution de ce confeil, fut efleuRoy Ifcoalt, qui
fignifie couleimre de rafoirs, lequel eftoic fils
du premier Roy Acamapixdi,quilauoiteu dV-
ne ficnne cfclaue : &bien qullnefutpaslegh-
dme, ils le choifitcntjpour ce qu’il dioit plus
auantagcux que les autres, en meurs, valeur,&
magnanimité de courage. Tous monftrerent
quils en eftoienr foncontens, & fur tous ceuj^
deTefcuco : pour autant que leur Roy eftoic
marié auec vne fœur d’ifcoalr. Apres que ce
Roy fut couronné, & mis en fon fiege Royal,
fe IcLia vn autre orateur qui traitta de l’obliga-
tion que le Roy auoit à fa République , & dii
courage qu’il deudit raonftrer aux trauaux.di-
fant entre autres chofes: Kegarde<fuamourd'htty
nous fommes dependans de toy, paraudnture UiJ^eras-ta
tomber U charge cjui ejl fur tes efpaulles,iafera^s tu périr
le vieillard CT' U vieilleforphelitigy U veufue^f^yes
ptié des enfans qui vont grapinant parmy l’aire^ lefquels
périront fi ms ennemù nous furrnontent. or fus donc fei--
gneur commence k def loyer CT" ejlendre ton manteau^
pour prendre fur tes efpaulles tes enfans yqm font les pan-
ures CT' le commun populaire, lefquels font afeure"^ de
l 'ombrage de ton manteau, 'CT' en lafraifcheur de ta bé-
nignité. Continuant fur ce fubiet beaucoup
d’autres paroles, lefquelîcs ( comme en fon lieu
a eftédit)ils apprennoien.t par cœur, pour l’exer-
cice de leurs enfans, & apres les enfeignoienc
comme vne leçon, à ceux qui commençoient
d’apprendre cefte faculté d orateurs. Ce pen-
dant les Tapanecas cftoienc refolusdedeftrui-
re h nation Mexiquaine, ôc pour GCtefrcd,ilâ
Histoire natvrelle
auoicntdreiTé beaucoup d’appareils. Parquoÿ
le nouucau Roy traicta de déclarer la guerre, |
& venir aux mains, auec ceux qui les auoyent |
tellement ofFenccz. Mais le commun peuple ^
voyant que leurs contraires les furpailbicnt
beaucoup en nombre d’horames,& en machi- {
nés de guerre , cftans elpouuentcz vindrenr
vers le Roy, & luy demandèrent par importu-
niré.qu’iln’entreprinft point vne guerre ü dan- |
gereiife , qui feroit deftruire leur pauurcCiie
5^ nation. Surquoy eftans interrogez quel ad-
uis il conuenoit prendre, refpondirentquele «
Roy d’Azcapuzalco eftoit fort pitoyable, que ^
ils luy demandaient paix, & foftrÜentlefer- i
iiir, en les tirant hors de ces glaieuls , ôc qu il j
leur donnaft des maiibns & des terres parmy j
les Tiennes , afin que par ce moyen ils defpen- j
diflent tous d vn feigneur. Et pour obtenir i
cecy ils portajîènt leur Dieuenfalitiere, pour i
inrercefTeur. La clameur du peuple eut tel i
pouuoir, principalement y ayans quelques no-
bles, qui approuuoient leur opinion, que Ton
fit incontinent appeller les preftres ôc appre- ,
fier la litiere, & leur Dieu, pour faire ce voya-
ge. Comme cela Tappreftoir,& que tous con-
ièntoient à cet accord de paix, & de T’aiTubiet-
rir aux Tapanecas, vn ieune homme gaillard,
Sc de bonne façon, fefieua parmy le peuple, le-
quel auec vne fort bonne grâce , parla ainfi: i
Q^efl-ce cy , o Mexiqtt4ms,efies vom foUyCemment telle
comrdife cfl-elle entree parwy nomfnoHS demns nous j
aller rendre ainJtMsx .yfT^apuXalcos? Puis le tour-
nant vers le Roy, luy dit; Comment fet^neur, per
met
DES IndesT L IV. vil 357
tnetteXjvom telle choJe'ifarle'Xji, ce peuple, Ct* Itty dites
laijfe rechercher vn moyen, pour nojire honneur,
pournojlredejfenjè, O' que mus ne nous mettions point
Ç follement Ct' fihonteufemcnt entre les muins de nos
ennemis. Ce ieunc homme f’appelloit Tlacacl-
leCj nepueu du mefme Roy,& fut le plus valeu-
reux capitaine ,& du plus grand conieil que ia-
mais les Mexiquains ont eu, comme cy apres
Ton verra. Animé donc Ifcoalt,par ce quefon
nepueu luy auoit diét , fî prudemment, retint le
peuple , en difant qu’ils liiy lailîalTent première-
ment elprouuer vn autre meilleur moyen. Et
puis fe tournant vers la nobleifc des liens , leur
dit: Vous ejlesicy tous qm ejles mes parens , Ct' le meil-
leur de Mexique , celuy qui Aura le courage déporter vn
mejfage aux Tapanecas, quil p leue. Eux fe regardans
les vns les autres, ne fe remuoyent point , & n’y
eut aucun qui vouluft s’offrir au coufteau. Alors
ce ieune homme Tlacaellec fe leuant f offrit à
y aller, difant que puis qu’il deuoit mourir, qu’il
importoit peu, que ce fuft auiourd’huy ou de-
main,. Car pour quelle occalîonfe deuoit il tant
conferuer? qu’il eftoit tout preft, 6c qu’il luy
commandai!: ce qu’il luy plairoit. Etiaçoitquc
tous iugealTent cet ade pour vne témérité,
neantmoins le Roy fe refolut de l’enuoyer,
afin qu’il cogneuft la volonté ôc dilpolition du
Roy de Azcapuzalco, 6c de fes hommes, efti-
mant qu’il eftoit meilleur d’aduanturer la vie
de Ibn nepueu , que l’honneur de fa Républi-
que. Tlacaellec eftant apprefté, print fon che-
min, &paruenu aux gardes qui auoyent com-
mandement de tuer quelconque Mcxiquaiii
Histoire natvrelle
qui vinft vers eux , par artifice ou autrement,
leur perfuada qu’ils le laiiraflcnt entrer vers le j
Roy, lequelfiefraerueillade le voir,& ouyt fon I
ambaflàde , qui eftoit de luy demander paix ^
foiibs honeftes conditions , lequel relpondit
qu’il le comrauniqueroit auec les fiens,& qu’il
rctournaft l’autre iour pour la refponfe : lors
Tlacaellec demanda feuretc, mais il n’en peut
obtenir d’autre, finon qu’il vfaft de fa bonne
diligence. Auec cela il retourna en Mexique,
donnant parole aux gardes de retourner. Le
Roy de Mexique le remerciant de fon bô cou- / i
rage, le r’enuoya, pour auoir la refponfe, &luy
commanda, que li elle eftoit de guerre, qu’il
donnaft au Roy d’Afcapuzalco certaines ar-
mes pour fe deffendre , Sc luy oignift & emplu-
maft la tefte, comme ilsfaifoyentaux hommes
morts,luy difant que puis qu’il ne vouloit point
la paix, qu’ils luy ofteroyentla vie &aux nens.
Et encor que le Roy d’Azcapuzalco eut déli-
ré la paix, pour cftre de bonne condition, les
liens neantmoins refguilloniicrent de forte,
que la refponfe fut de guerre declaree. Ce qu’e-
ftant ouy par le melTager , il fift tout ce que fon |
Roi luy auoit commandé, déclarant par celle
ceremonie, de donner armes, & oindre le Roy |
auec l’onélion des morts , que de la part de fon |
Roy illedelfioit. Parquoy ayant tout acheué,
celuy d’Azcapuzalco fe lailîant oindre, & em-
plumer , donna au melfager en payement de
bonnes armes , & ce pendant l’aduifa de ne re-
tourner point parla porte du palais, pource
que plulieurs ratteiidoycnt là pour le mettre
Des I N D E s. L I V. VII. 338
par pièces, mais quil fortift enfecret par vne
petite faulfe porte qui eftoit ouiierte, en vne
des cours de Ton palais.Ceieune homme le fit
ainfi , & tournoyant par des chemins cachez
vint à fe mettre en fauueté, à lavcuë des gar-
des , 6c de là les deffia,difant: Tafmecoi^ O*
capu^lcos , voM faites mal vejlre office de garder, fça-
chelÇfionc que vous deue’Xjous mourir, qttd ne de-
meurera vn Tapaneca en vie.fft pendant les gardes
feietterent furluy, & fe porta fi valeureufe-
ment en leur endroit, qu’il en tua quelques-
vns, & voyant qu’il y accourroit beaucoup de
peuple, fe retira gaillardement à fa cité , où il
porta nouuelles que la guerre eftoit declaree
auec les Tapanecas, & qu'il auoit desfié leur
Roy.
De la hataille que les Mexiquams donnèrent aux
Tapanecas , ty'de lagrande^ vifloire
quils ohtmdrent.
Chapitre XIII.
E deffi entendu par le vulgaire de
Mexique, ilsvindrent vers le Roy,
auec leur couardife accouftumee,
luy demander congé defortirdefa
Cité , tenans pour certain leur perdition. Le
Roy les confola & anima , leur promettant que
il leur donneroit liberté, en furmontant leurs
ennemis , 6c qu’ils ne doutaflent point d’eftre
vaincus. Le peuple répliqua ; Et fi nom femmes
vaincus, que feras nornïSt nous femmes vaincus (refp o-
r
Histoire natvrelle
dit le Roy) dés tnam^mant nom mm obligeons de nom
mettre en vos mams^ djin ejne vom nom metttel^ mort,
Cr* mungiei^ nos ch Air s en des pUtSj O" tftte vom vom
vengieTjle nom Autres.îl fer A donc Amjî ( dirent ils)
(î vo^ perdelQA viélotre^cjue ji vom l'ohteneK^és mAin~
tenAnt mm nom offrons a ejîrevos tribut Air es, trAuAiller
en vos mAifonsffAire vos femences^ porter vos Armes
O"" bagAge quAnd vous iretfi Ia guerre , pour toufours,
Cr À lamAÛ nom Autres O" tios defeendAns. Ces ac-
cords faids entre le peuple & les nobles ( lef-
quels ils accomplirent depuis de gré ou par for-
ce éntiercmenr,cômme ils le promirent) le Roy
nomma pour Ton Capitaine general Tlacaellec,
& tout le camp eftant mis en ordre, & par efea-
drons , donna les charges de Capitaines aiix
plus valeureux de fes parens& amis: puis leur
fît vne belle harangue, par laquelle il les anima
& leur accreut de beaucoup le courage , qu’ils
auoyentdefîa bien préparé, & ordonna qu’ils
obeyirentrousau commandement du general,
qu’il auoit eftably. Lequel fepara fes gens en
deux, & commanda aux plus valeureux & har-
dis, que en fa compagnie ils aiTaillilïènt les pre-
miers , & que tout le refte demeuraft arrefté
■âuec le Roy Ifcoalt , iufques à ce qu’ils veifTent
les premiers donner fur leurs ennemis. Mar-
chans donc en ordre , ils furent defcouuerts de
ceux d’Azcapuzalco, Icfqucls incontinent for-
tirent furieufement de leur cité , portans de
grandes richelTes d’or, dargent, & d’armes de
beaucoup de valeur, comme ceux qui auoycnt
l’Empire de toute cefte contrée. Ifcoalt donna
lefignal de la bataille , auec vn petit tambour
DIS Indes. L IV. VII. 359
qu’il portoic fur fes efpaulcs, & incontinent '
efleuercnt vn grand cry, f^efcrians, Mexique,
Mexique , donnèrent fur les Tapanecas : ôc
bien que les Tapanecas fuflent en bien plus
grand nombre qu’eux fans comparaifon, tou-
tesfois ils ne lailferentde les rompre, & les fi-
rent retirer en leur cité. Puis venans ceux qui
eftoyent demeurez derrière , ctians Tlacael-
lec, viétoirc , victoire, tous d’vn coup entrè-
rent en la cite, où par le commandement du
Roy , ne pardonnèrent à homme , ny vieiU
lards, femmes , ny enfans. Car ils les mirent
tous au rrenchant de lelpec , pillèrent & facca-
gerent la cité, qui eftoit très riche. Et non
contens de cela, ilsfortirent àJapouiTuittedc
ceux qui s’en eftoyent fuys ôc retirez en l’afpre-
té desSierres ou montagnes qui eftoyent pro-
ches de là , frapans fur iceux , dont ils firent vnc
cruelle boucherie. Les Tapanecas d’vne mon-
tagne où ils s’eftoyent retirez , ietterent les ar-
mes , & demandèrent les vies , s’oftrans à feruir
les Mexiquains, leur donner des terres ôc des
iardins , de la pierre , de la chaux & du mefrain,
& de les tenir toufiours pour leurs feigneurs. A
cefte occafion Tlacaellec fit retirer fes gens,
& ceftèr la bataille , leur donnant les vies
foubs les conditions deflùfdites , Icfquelles
ils iurerent folemncllement. Puis apres ils
retournèrent à Azcapuzalco ,&auecleursdef-
pouilles fort riches & viétorieufes à la cité de
Mexique. Le iour enfuyuant deRoy fit aflem-
bler les principaux, & le peuple, aufquels il re-
Vu iij
Histoire natvrelle
mit en auant l’accord qu’auoit fait le commun,
leur demanda s’ils eftoient contens d’y pcrli-
fter, le commun dit qu’ils l’auoyent promis, ôc
que les nobles l’auoyent bien mérité, parquoy
ils eftoyent contents de les feruir perpétuel-
lement .* dequoy ils firent vn ferment qu’ils
ont depuis gardé làns y contrcuenir.Celafaid,
Ifcoalt retourna à A zcapuzalco, &parlecon-
feil des fîens départit toutes les terres des vain-
cus,& leurs biens entre les vainqueursda prin-
cipalle partie tomba au Roy , puis à Tlacacllec,
& apres au relie des nobles/elon qu’ils s’eftoy-
cnt fignallez en la guerre. Ils donnèrent raef-
^ me des terres à quelques plébéiens , pour s’eftre
portez vaillamment, aux autres diftribuerent
du pillage , ôc en firent peu d’eftat, comme de
gens couards. Ilsdellinerentmefme des terres
en commun pour les quartiers de Mexique,& à
chacun les fîennes , afin qu’auec icelles ils aidaf-
fent au feruice & làcrifices de leurs dieux. Ce
fut l’ordre qu’ils gardèrent toufiours de là en
auant , au departement des terres ôc delpouilles
de ceux qu’ils auoyent vaincus & airubieélis.
Par ce moyen ceux d’Azcapuzalco demeurè-
rent fi panures , qu’il ne leur relloit aucunes
ferres pour labourer, & le pire fut que l’on leur
olla leur Roy , & le pouuoir d’en eflire d’autres
•que celuy de Mexique.
Des Indues El VII. 340
De U guerre vi^oire que lesMexiqmins
eurent contre U cité de
Cuyoâcan.
Chapitre XIII I.
O M B I E N que la principale cité
des Tapanelcoas fur celle de Az-
capuzalcojtoutefois ils en auoyent
d’autres qui auoiét leurs Seigneurs
particuliers , comme Tacuba, &
Cuy oacan. Ceux là ayans veu l’efchec pa{Té,euf-
fent bien voulu que ceux d’Az capuzalco eufsct
renouuellé la guerre contre les Mexiqtiains , àc
voyans qu’ils ne f y prcparoiêr point, corne vne
nation du tout rôpue & desfaite,ceux de Cuyo-
acan delibererent de faire à partfoy la guerre,
pour laquelle ils fefforcerêt d’inciter les autres
iiatio^is circonuoifînes,lerquelles ne voulurent
point fe mouuoir,ny quereller les Mexiquains.
Ce pendant croillant la hay ne & enuie de leur
profperité , ceux de Cuioacan commencèrent à
mal traiéber les femmes , qui alloyent à leurs
marchez, le mocquans d’elles, & en faifans au-
tant aux hommes fur lefquels ils auoyent la'do-
minatio.Pour laquelle occafion le Roy de Me-
xique defFendit qu’aucun des fiens n’allaft en
Cuyoacan, & qu’ils ne receuiïcnt en Mexique
aucuns d’eux. Ce qui donna occafion à ceux de
i^uyoacan de fe refoudre du tout à la guerre.
Mais premièrement ils les voulurent prouoc-
quer par quelque honteufe mocquerie, qui fuft
Vu iiij
(
Histoire natvrelle.
Je les conuier en vne de leurs feftes {ôllcm-
neJleSjOÙ apres leur auoir fait vn beau banquet,
& les auoir feftoyez auec vne grande dance à
leur mode, ils leur enuoyercnt pour le deflcrt
des habits de femmes, & les contraignirent de
lesveflir,& retourner ainfî veftusen femmes
en leur cité, leurreprochans qnils n’cftoy ent
que des couards, & des efféminez, den’auoir
ofé prendre les armes, y ayans eftéaffez pro-
iiocquez. Ceux de Mexique difent, qu’en re-
compenfe ils leur firent vne autre lourde moc-
querie , en leur mettant aux portes de leur Cité
de Cuyoacan, certaines chofes quifumoyent,
par le moien dcfquelles plufieurs femmes auor-
terenr, &plufîeurstomberent malades. Enfin
le tout vint iufques au poinét de guerre décla-
rée, de forte qu’ils fe donnèrent vne bataille,
oiT ils employèrent toute leur puifîànce de part
& d’aurre,& en icelle Tlecaellec,par fa magna-
nimité &rufe de guerre, obtint la vidoire. Car
ayant laiffé le Roy Ifcoalt combatant auec ceux
de Cuyoacan , s’alla mettre en embufeade auec
quelque peu de vaillans foldats,& en tournoiac
leur vint donner en queue, où chargeant fur
eux , illes fit retirer en leur cité. Mais voyant
qu’ils pretendoyent fe retirer au Temple , qui
eftoit bien fort, fe ietta fur eux accompagné de
trois valeureux foldats,& leur gaigna le deuanr,
fe faififfant du Temple où il mit le feu, &les
força de s’en fuyr parmy les champs , où faifàiit
grand efchec fur les vaincus , les fuyuirent deux
lieues dans le pays, iufques à vne colline , où les
vaincus iettans les armes, & croifans les bras
iDEs In^ès". Liv. VII. 54Î
fc rendirent aux Mexiquains, ôc auec beaucoup
de larmes, leur demandèrent pardon de lou-
treeuidance qu’ils auoyent eue en les traidtant
comme femmes , & s’offroyent à eftre leurs ef-
claues, II bien qu’en fin les Mexicquains leur'
pardonnerenr.De cefte vidoire les Mexiquains
remportèrent de tres-riches defpouïllles d’ha-
bits , d’armes, de l’or, de l’argent, des ioyaux &
des plumaches riches, auec vn grand nombre
de captifs. En cefte bataille il y eut trois des
principaux de Culhuacan qui vindrent ayder
aux Mexiquains, pour gaigner honneur, lef-
quels furent remarquables lur tons. Et du de-
puis eftansrecogneuz par Tlacaellec , & ayant
fait prenne de leur fidelité, leur donna les deui-
fes Mexiquaines^& les eut toufîours à fon cofté
ou ils combatirent en tous lieux valeurcufc-
ment. L’on recogneu t bien que toute la vidoi-
re debuoit eftre attribuée an general ôc à ces
trois. Car entre tant de captifs qu’il y auoit , il y
eii auoit les deux tiers qui furent gaignez par
ces quatre, ce qui fe prcuua facilement par la
rufedont ils vferent: car en prenant vn captif,
incontinent ils luy coupoyentvn peu de che-,
ueux,& les bailloyêt aux autres. Ainfi il fe trou-
ua que ceux qui auoient les cheueux coupez re-
uenoyent à ce nombre, d’où ils acquirent vue
grande réputation & renommeede valeureux,
■ Ils furent honorez comme vainqueurs , en leur
donnant de bonnes portions de defpouillcs ,&
des terres, ainfi que les Mexiquains ont de tout
temps accouftume de faire , qui donnoitocca-
fion à ceux qui combattoyent , de fc faire
Histoire na'tvreile
renommer, &gaignerdc la réputation aux ar-
mes.
De U guerre O* vi^oire que les Mexiquams eurent
contre les Suchimilcos,
Chapitre XV.
A nation des Tapanecas e-
ftant fubiuguee , les Mexi-
quains eurent occafiô d’en
faire autant aux Suchimil-
cos, Icfquels côme il a elle
dit, furent les premiers de
ces fept cauernes ou ligna-
ges qui peuplèrent cefte
terre.Les Mexiquains toutesfois ne recherchè-
rent pas roccafion, combien qu’ils pouuoyent
prefuraer comme vainqueurs de paiTcr plus ou-
tre, mais lesSuchimilcoslesefmeurent, pour-
leur malheur, comme ilarriueaux hommes de
peu de fçauoir, &qui regardent de trop près,
lefquels pour ne preuoir le dommage qu’ils
imaginoyent, tombèrent en iceluy. Les Suchi-
milcos furent d’opinion que pour les vidoi-
res pailees, les Mexiquains entreprendroyent
de les aflubiettir, & delibererent entr’euxeefl:
affaire. Il y en eutquelques-vns qui dirent qu’il
eufteftébondés lors de les rccognoiftrc pour
fuperieurs,&d ’approLiuerleur bon hcur,neant-
moins le contraire fucrefolu , & faduancerent
pour leur donner bataille. Ce qu’entendu par
Ifcoalt Roy de Mexique, il enuoya contre
eux fon general T lacaéllec , aucc fon arraee , &
vindrent à donner bataille au raefme champ,
qui feparoyent leurs limites,lefquelles deux ar-
DES Indes. LiVi VIL 342.
mecs eftoycnt afièz efgales en hommcs& en ar-
mesjinais elles furent bien diuerfes en rordré&
maniéré de côbattre. Pource que les Suchimil-
cos chargerêt tous enfemble envn moeeau fans
ordre, ôc Tlacaellcc diuifa les liens par efcadrôs
auec vn bel ordrerpar ainli ils rôpirent inconti-
nent leurs contraires , les faifans retirer en leur
cité,en laquelle ils entrèrent alors, &les fuiuirêt
iufques à les enfermer au T épie , où ils mirét le
feu,& les firent fuyr aux môtagnes, & en fin les
rednifirent à ce point, qu’ils ferendirêtles bras
croilèz. Le capitaine Tlacaellcc retournant en
grand triomphe , les preftres allèrent au deuant
le receuoir , auec leur mufique de fluftes, en en-
cenfant deuant luy , les Capitaines principaux
faifans d’autres ceremonies ôc monftres d’al-
legrelTe], qu’ils auoient accouftumé de faire, ôc
le Roy auec eux , s’en allèrent tous au Temple,
rendre grâces à leur faux dieu. Car le diable a
toufiours efté fortdcfireuxde cela^ôc de s attri-
buer 1 honneur de ce qu il n’a point mérité, at-
tendu que c’eft le vray Dieu, qui donne la vidoi-
re,& qui fait regner ceux qu’il luy plaift, ôc
non pas luy. Le iour enfumant le Roylfcoalt
fut en la cité de Suchimilco,& là fe fift iurer roy
des Suchimilcos,& pour les confoler,leur pro-
mit faire du bien, en figue dequoy il leur cômâ-
da qu’ils fiffent vnegrande chaufïèe,qui trauer-
faft de Mexique à Suchimilco , qui font quatre
lieues , afin qu’il y eut plus de commerce Ôc co-
munication entr’eux.Cc que hrêt les Suchimil-
cos,& en peu de téps le gouucrnemênt des Me-
xiquains leur fembla fi bon , qu’ils f eftimerent
Histoire îïAtvrelle
heureux d’auoir changé de Roy & de Républi-
que, ôc quelques circonuoihns pouffez d’en-
uie, ou de crainte à leur perdition, ne fyrenc
pas faiéts fages du malheur de ces autres , com- j
me ils deuoyent. Cuitlauaca eftoit vne cité dans '
le lac , laquelle ( encor que le nomade habita-
tion Toit changée} dure encor. Ils eftoyent fort
adroits à nauiger par le lac, & pourtant il leur
fembla qu’ils pourroyent endommager beau-
coup les Mexiquains par eau. Ce que le Ri:>y
ayant entendu, il euft voulu y enuoyerincon- i
tinent fon armee pour combattre contr’eux:
mais Tlacaellec eftimant peu cefte guerre, ôc
reputantchofehonteufe de mener vne armee
contre ceux-là , il s’offrit de les vaincre auecles
cnfansreuls,& le mita effed.Il s’en alla au tem-
ple , & tira du conuent ceux d’entre les enfans,
qu’il trouua propres à ceft affaire , aagez depuis
dix ans iufques à dixliuiét , lefquels fçauoyent |
guider & mener des batteaux ou canoës, & |
leur enfeigna certaines ruffs. L’ordre qu’ils tin- i
drent à cefte guerre fut qu’il s’en alla en Guida- s
uaca auec fes enfans , où par Ces rufes il prefla j
fes ennemis en telle façon qu’il les fit fuyr, &
comme il les pourfuiuoit, le feigneur de Cuitla-
iiaca luy vint au deuanr,& fc rendit, luy, fa cité,
&fon peuplerpar ce moyen ceffa la pourfuit-
te. Les enfans retournèrent auec beaucoup de j
defpouilles & plufieurs captifs pour leurs fa- |
crifices,qui furent receuz folemnellement auec j
vne grande proceflîon, mufique Sc parfums, ôc |
allèrent adorer leurs dieux en prenant de la
terre qu’ils mangeoyent, 6c fe tirant du fang du
Des Indes. Liv. VII. 345
deuant des iambes auec les lancettes des pre-
llres , & faifans d’autres fuperftitions qu’ils a-
uoycntaccouftimié de faire en telles folemni-
tez. Les enfans furent fort honorez & encou-
ragez, & le Roy les embralTa & baifa, & fes pa-
rens & alliez les accompagnèrent. Le bruit de
celle vidoire courut par tout le pays, comme
Tlacacllcc auoitfubiugué la cité de Cuitalua-
ca, auec des enfans, dont la nouuelle&conlî-
deratio^ des chofes palfces ouurit les yeux à
ceux de Tezcuco , nation principale & fort ac-
corte,poUr leur façon de viure. T ellement que
le Roy de Tezcuco fut le premier qui fut d’o-
pinion qu’ils fedcuoyentaîîubiettir auRoyde
I^exique,& l’y conuier auec fa cité. Parqiioy
de l’aduis de fon confeil, ils enuoyerent des
Ambafladeurs bons orateurs aqec des prelèns
honorables pour s’offrir aux Mexiquains com-
me fubieds, leur demandans paix ôc amitiexe-
la fut accepté grarieufement , combien que par
le côfeil de Tlacaellec, pour effeduer cela, il fît
vnc ceremonie que ceux de T ezcuco fortiroiêc
en armes auec ceux de Mexique, ôc qu’ils fc co-
battroyent &rendroyent incontinent qui fur
vn ade & ceremonie de guerre, fans qu’il y eut
aucun fang refpandu d’vne part ny d’autre. Par-
quoy le Roy de Mexique demeura fouuerain
feigneur de T ezcuco , & ne leur ofta point leur
Roy , mais le fit de fon confeil priué , tellement
qu’ils fe font toufiours conferuez de celle fa-
çon iufques au temps de Meteçuma fécond, du-
rant le règne duquel les Efpagnolsy entrèrent,
Ayans affubietty la terre ôc la cité de T ezcuco.
Histoire natvrelle
M exique demeura dame de toute la terre & des
villes qui font à l’entour du lac où elle eft fon- |
dee.îfcoalt ayant donc iouy de celle profperité, |
& régné douze ans 5 mourut laülànt le Royau- i
me que l’on luy auoit donné , bien augmenté
par la valeur & confeil de fon nepueu Tlacael-
lec ( comme a efté raconté ) qui fut d’aduis &
trouua. meilleur que l’on elleut vn autre Roy
que luy , comme nous dirons cy apres.
Dtiancjuiejme de Mexique appelle Mote^umd
cuco & au Roy de T acuba,par fpecial priuilege,
Tlacaellec alfembla ces fix perfonnagcs, com-
me celuy qui auoit la fouueraine authoritc,
aufqucls ayans propofé l’affaire, fut clleu Mo-
teçuma premier de ce nom , nepueu du mcfmc
Tlacaellec. Son elleélion fut fort agréable à
tous , à l’occalîon dequoy ils firent des feftes
trcs-folemnelles & plus magnifiques que les
precedentes. Incontinent qu’ils l’eurent elleu,
ils le menèrent auec grande compagnie au tem-
ple,ou deuant le foyer diuin qu’ils appelloyent,
(où il y auoit toufiours du feu iour& nuiél)lc
mirent en vn throfne royal , le reueftans d’or-
nemens royaux. Etcftantlà,le Roy fetirad('
fang des oreilles Ôc des iambes , aueedes ongles
premier de ce mm.
Ch AP. XVI.
’Av TANT que l’efleélion du nou-
ueau Roy appartenoit aux quatre
Efleéleurs principaux ( comme il a
efté dit)& auec eux au Roi de T ez-
DES Indes. Liv. VIL 344
ou griffes de tigres, qui eftoit le fàcrifîce, au-
quel le diable fe plaifoic d’eftre honore. Les
preftres, les anciens & les Capitaines luy firent
leurs harangues , le congratulans tous de Ton
cfledion. Ils auoyentaccouftumé en telles efi-
ledions de faire de grands banquets & des dan-
ces, où ils confommoyent beaucoup de lumi-
naires. Du temps de ce Roy fut introduite la
couftunac qu’ils auoient que le Roy deuoit aller
en perfonne faire la guerre à quelque prouince,
d’où il amenaft des captifs pour folemnifcr
lafeftedefon Couronnement, & pour lesfo-
Icmnels facrificcs de ce iour là. Pour celle cau-
fc le Roy Moteçuma alla en la prouince de
Chalco, les habitans de laquelle felloycntd'e-
clarez fes ennemis, où ayant combaru valcureu-
j fement,' il amena vn grand nombre de captifs,
defquels il offrit ôc célébra vn notablefacrifi-
celeiourdefon couronnement, combien que
pourlorsilnc fubiugua pas toute la prouince
de Chalco , d’autant que c’elloit vne nation
fort belliqucufe.Plufieursvenoient à ce Cou-
ronnement de diuerfes proninces , tant pro-
ches qu’elloigneespour voircelle fefte,en la-
quelle tous ceux qui y venoyent elloient abon-
damment & magnifiquement nourris & reue-
Ilus, principalement les panures , aufquels l’on
donnoit des habits neufs. Pour celle caufe l’on
apporroit ce iour là en la Cité les ti'ibuts du
Royauecvnbcl ordre & appareil, qui confi-
lloiten des elloffes àfaire des habits de toutes
fortes, du Cacao, de l’or, de l’argent , de riches
pliimaches , de grands fardeaux de cotton , de
Histoire natvrelie
îaci , cîes concombres , de plufieurs fortes de le-,
gumes, de plufieurs fortes de poiflbns de mer,
& de riuiere , d vne quantité de fruiéts , & delà
venaifon fans nombre, fans faire compte dVii
nombre infiny de prefents, que les autres Roys
êc feigneurs enuoyoiêt au nouueau Roy Tout
ce tribut marchoit de rang félonies prouinces,
&au dquant les maiftres d’hoftcl, &les rece-
ueursauecdiucrfes marques & enfeignes dvn
fort bel ordre, tellement que c’eftoit vne des
plus belles choies de la fefte , que de voir Tcn-
treedes tributs. Le Roy eftant couronné, il
s’employa à conquefter plufieurs prouinces,
& d’autant qu’il eftoit vaillant & vertueux, il
alla toufiours augmentant déplus en plus, &
fe feruoic en toutes fes affaires du confeil & de
l’induftriedc fon general Tlacaellec, lequel il
aima & eftima toufiours beaucoup , c5me il en
auoitaufii bien occafion. La guerre où il s’oc-
cupa le plus , & qui luy fut plus difficile fut cel-
le de la prouincc de Chalco , en laquelle luy ad-
uint de grandes chofes , dont il y en a vne entre
autres fort remarquable , qui fut que les Chal-
chas ayans prins en guerre vn frère de Mote-
cuma, ilss’aduiferent de lecreer &eflircpour
leur Roy , parquoy ils luy firent demander fort
courtoifements’il vouloit accepter cefte char-
ge. Il leur refpondit apres qu’ils l’en eurent
fort importuné, & qu’ils y perfiftoyent tbuf-
iours, que fi à bon efeient ils le vouloyent efli-
repour Roy, qu’ils plantaflcnt en la place vn
arbre ou pieu fort hault, auquel ils nfient ac-
commoder ôc drefler comme vn petit théâtre
au
, DES IWd'es. Liv. vil 34J
au coupcau où l’on peuft monter. Les Chalcas-
penfans que ce fuft quelque ceremonie pour
le fa ire d'auantage valoir, le mirent incontinenc
àeffed, & luy alfemblant tous fes Mexiquains
au tour du pieu, monta au coupcau , auec vti
chappeau de fleurs en la main:& de là il parla
aux Sens en celle façon. O vdeurenx Mexiqmms^
tetix-cy me veulent ejltre four leur J{py,mais les Dieux
ne veulent fus Permettre que four ejîre I{oy te commette
aucune trahifon cotitremonfays, au contraire te veux
que vom affrcmc\Âe moy^quil conuient fluflofi enàu^^
rer U mort, que d'aider a [es ennemis. Difanr cela fe
iettaduhaut enbasfe brifant en mille pièces,
duquel fpedacle les Cbalcas eurent telle hor-
reur & defpit, qu’incontinent ils feietterent fiip
les Mexiquains , qu’ils mirent tous à mort à
coups de lances, comme hommes qu’ils efti-
merent trop hautains , fuperbes & inexorables,
difans qu’ils auoient les cœurs cndiablcz. Ilad-
uintque la nuidt enfuiuante ils ouyrent deux
chathuants qui cryoient de trilles cris : ce qu ils
interprétèrent pour figne malheureux , & pour
vn prefage de leur prochaine deHrudion , com-
me il aduintî car le Roy Moteçuma alla en per-
fonne contr’eux auec toute fa puiflàncc ,où il
les vainquit, &ruyna tout leur Royaume :
pàlTant outre la Sierre Mcnade, il allatouliours
conqueftant iufques à la mer du Nort. Puis rc-
tournantverscclleduSudil gagna & afluiettit
plufieursprouinccs , tel lera en t qu’il fe fit tres-
puiflant Roy, le tout auec l’aide & confcil de
Tlacaellcc^, quiaprcfque conquis toutfEmpi-
rc Mexiquain. T oiitcsfois il fut d’opinion ( ce
Xx
Histoire nÀ^vrelle
qui fut accomply ) que l’on ne conqueftaft point
laptouince de Tlaîcalla, à fin que les Mexi-
quains cuirent vne frontière d’ennemis où ils
exercafient & tinflent toufiours en allarmc h
ieunelTe Mexiquaine , & à fin mefme qu’ils euf-
fent quantité de captifs pour faire les facrifi-
ccsàleurs idoles , efqüels comme il a efté dit,
ils confonuïioientvn grand nombre d hommes
qui deuoient cftrejprins en guerre, & par force.
L'honneur fe doit attribuer à ce Moteçuma,ou
pour mieux dire à ce Tlacacllec fon general , du
bel ordre & police qui eftoit en ce Royaume
Mexiquain , comme aufli des confeils 6c belles
enrreprinfes qui fyfont exécutées, mefimes du
grand nombre des luges ôc magiftrats qui y
cftoient autant bien ordonnez qu’en aucune
République, voire qui fuft des plus florilTantes
deFEurope. Ce mefme Roy augmenta beau-
coup la maifon Royale , & luy donna beau-
coup d’authorité, ordonnant plufieurs Sc di-
uers officiers , defquels il fe kruoit auec vu
grand appareil & ceremonie. Il ne fut pas
moins remarquable, touchant la deuotion âc
feruiceMefes idoles , d’autant qu’il accreut le
nombre des miniftres , leur inftituant de nou-
uclles ceremonies , aufquelles il portoit vn
grand rcfped. Il édifia ce grand temple dédié
à leur Dieu Vitzilipuztli, duquel il a efté fait
mention en l’autre liùrc. Il facrifia en la dedi-
cation de ce temple vn grand nombre d’hom-
mes qu’il auoit prins en diuerfes victoires. Fi-
nablementiouUrant de fon Empire en grande
profperitc il tomba malade Sc mourut, ayant
DES Indes. Liv. VII. ^4^
rcgné vingt huid ans, bien autre que ne fut fon
fuccctTeiir Ticoçic , qui nelüy reîfembla ny en
valeur ny en bon* heur.
Comme TUcaellec refufi d'effre de l'eJle^ionO*
gejlesde Tico^ic.
Chapit. XVII.
E s quatre députez FalTemblercnr en
confeîl auec les feigneursdeTezcuco
&de Tacuba , ou prefidoitTlacacl-
lec,& procédèrent à lefledion dVn
Roy , en laquelle Tlacaellec fut efleii par toutes
les voix, côme méritant mieux celle charge que
nul autre.Il la refufa fourrât , leur perfuadât par
jtaifons pertinente s, qu’ils en deuoient ellire vn
autre pource qu’il difoit qu'il elloit meilleur &
plus çxpediét quVn autre fuHRoy,&que luy fut
s5 cxecutcur&coadiuteur,come il auoit ellé iuf-
ques alors,que nô pas de le charger de tout,puif
que fans eftre Roy , il ne fc tenoit pas moins ob-
ligé de trauailler pour faRepublique,que s’il l’c-
ftoif. C’ell vne chofe fort rare de refufer la prin-
cipauté & le commandement, & de vouloir bic
porter la pleine & le foucy , fans en auoir Thon -
ncnrÔdapuilTanCe. Et y en a bien peu qui veu-
lent quitter à vn autre la puilTancc & l’authori^
té qu’ils peuuent feulemét retenir en leur main,
encor que ce full chofe profitable à la Républi-
que. Ce barbare furpalîà en cela les plus fages
d’entre les Grecs & les Romains , & ell vne le-
Xx ij
Histoire natvrellï
çon cju’on peut faire à Alexandre & à Iules Cc«
iar, dcrquelsl’vn eftimoit peu dechofede con-
mander à tout vn monde, & fît cruellement per-
dre la vie à Tes plus chers & plus fidelles ferui-
teurs , pour quelques légers foupçons , qu’ils
vouloient regner : Ôc l’autre fe déclara ennemy
de fa patrie, difantjC^ue fil eftoit permis à Thom-
me de faire quelque chofe contre le droit 5rla
raifon,cedeuoiteftre pour regner : telle cft la
foif & le defir que les hommes ont de comman-
der. Bien que ceft ade de Tlacaeliec pouuoic
auflî procéder d’vne trop grande confiance
de foy , luy fembknt que fans eftre Roy il Ic-
ftoit allez , veu qu'il commandoir prefque aux
Rois eux luy permettoient porter certaines
enfeigneSjCÔmevn tiare, qu’il leur appartenoit
de porter feulement. Neantmoinscctadc mé-
rité beaucoup de loliange , ÔC d eftre bien con-
fideré en ce qu’il auoit opinion de pouuoir d’a-
uantage aider à fa République , eftant fiibied
qu’eftant fouuerain Seigneur. Et tout ainfi
qu’en vnc comedie , celuy-la mérité plus de
gloire , qui reprefente le perfonnage qui im-
porte le plus, encor qu’il foit dVn pafteur ou
dVn payfàn, &lailTc celuy du Roy Ôc du Ca-
pitaine à celuy qui le fçait faire. Ainfi en bon-
ne Philofophie, les hommes doiuent auoir ef-
gard fur tout au bien public , ôç fappliquer en
fefïicc ôc eftat qu’ils entendent le mieux. Mais
celle philofophie eft la plus efioignéede ce qui
fe pratique auiourd’huy. Cependant venons à
noftrcdifcours , ÔC difons qu’en rccompenfc
dckmodeftie: & pour le refpcd que luy por-
©ES Indes. Liv. VIL 347
foicnt les cflcâ:eui;« Mexiquains^ils demandè-
rent à Tlacaellec , que puis qu’il ne \rouloit
regnerj qu’il dift celuy qui luy fembloit pro-
pre, & il doua fa voix à vn fils du Roy defFumS',
qui pour lors efioic encor fort kune, appelle .
Ticoçic, furquoy ils. répliquèrent que fes cf-
paullcs efioient bien foiblcs pour vn fi grand
fardeau. Tlacaellec refpondit que les fiennes
eftoient là pour luy aider à porter la charge,
comme il auoit fait aux defFunds. Au moyé dc-
quoy ils prindrent leur refolution , &c fut eflcu
Ticoçic, auquel furent faites toutes les cere-
monies accouftumées. Ils luy percerent la na-
rine , & pour ornement ils y mirent vnc cfme-
raude,quieftlacaufepourqupy aux linres Me-'
xiquains , ce Roy eft denotté par la narine per-
cée. Il fut fort difFerent de fon pere & predecef-
feur, ayant cfté remarqué pour borne couard &
peu belliqueux. Il alla faire la guerre pour fon
Couronnement en vne prouince quï fcfioit re-
bellée, où il perdit beaucoup plus des fiens, qu'il
ne prînr de captifs. Neantmoins il retourna , di-
faut qu’il amenoit le nombre des captifs qu’il
cftoit requis pour les faciifices de leur Couron-
nemçnty & ainfi il fut couronné auec vne gran-
de folemnité.Mais les Mexiquains , mal contes
d’auoir vn Roy fi peu guerrier, traitterent de
îuy auancer la mort par poifoii. Pour cefte oc-
cafiô il ne dura point au Royaume plus, de qua-
tre ans,d’où Fon voit bien que les enfans ne fuy-
uent pas roufiours le fang&la valeur de leurs
peres,& que tant plus grande a cfté la gloire des
predecclTeurs, plus abominable eft la lafchcté de
^ . Xx iij
Histoire natvrelle
pufillanimitédcceuxquilear fuccedcnt au co-
mandement 5 & non pas au mérité. Mais ccftc
perte fut bien reftaurée,par vn frère du deffunt^
qui cftoir auffi fils du grand Moteçuma, appelle
Axayaca,& lequel fut efleu parfopinion de Tla-
caellcc , où il rencontra mieux qu’au precedent.
VeUmm àeTUueüec, des aBes d’ ^XÀydca 7,
J{py desMexic^udim,
Chap. xviir.
N ce temps Tlacacllec efioit défia
fortvieil,&à caufe de (à vieilleflTe,! ô
le portoit en vne chaire , fur les ef-
paullesjpour fc trouuer an confeil&:
aux affairesqui Ce prefentoiêt.En fin
[il tôba maladejOÙ le nouueau Roy , qui n'eftoit
pas encor couronné, le vifitoit fouuent , &ref-
pandoit beaucoup de larmes , d’autant qu’il luy
lémbloit qu’il perdoit en luy fon pere, ôc le pere
de la parrie.Tlacaellec luy recommanda affeélu-
eufement fes enfans,principalemenc l’ailni, qui .
s’eftoit montré valeureux aux guerres pafièes,
le Roy luy promit de l’auoir pour recomman-
dé, & pour confoler d’auantage le vieillard j il
luy donna en fa prtfence la charge & les enfei-
gnes de fon Capitaine general ,auec toutes les
prééminences defon pere,dequoy le vieillard
demeura tellement content, que fur ce conten-
tement il achcua fes iours. s’ils ne fulïcnt
DES Indes. Liv. VII. 54^
paflfez de ccfte vie en l’autre , ils eiilTent peu fc
tenir bien heureux, attendu que d’vne fi petite,
& fi pauure Cité , en laquelle il nafquit , il fit Sc
cftablit par fa valeur , Sc inagnaniraité vivfi
grandyfi riche,& fi puilîant royaume. Les Me-
xiquains îuyfircnt des obfeques,comme au fon-
dateur de cet Empire, plus fomptueufes , & plus
magnifiques qu’ils n’auoient fait à aucuq des
Royspredecefiéiirs ,& incontinent apres Axa-
yaca, pourappaiferlc dueil,que tout le peuple
Mexiquain portoit de la mort de fon capitaine,
délibéra de faire le voyage, comme il eftoit de
befoingpour fon couronnement. C’eft pour^
quoyilmcna fon armée auec grande diligence
en la prouince de T equantepec diftantc de Me-
xique de deux cent lieues , Ôc là il donna la ba-
taille à vnpuilTant exercite, & nombre infiny
d’hommes,qui s’eftoient afièmblez , tant de ce-
fte prouince, comme des circonuoifincs pour
s’oppofer aux Mexiquains. Le premier de Ion
camp qui s’aduança,pour (e méfier au côbat,fur
le mefrac Roy défilant fes ennemis , defquels il
faignit fuir , lors qu’ils le chargèrent , iufques à
les attirer, en vnc embnfche , où il y auoit plu-
ficurs foldats cachez foubs de la paille , lefquels
fortirentà l’impourucu , & ceux qui alloient
fuyants tournèrent tefte , tellement qu’ils arre-
fterentau milieu d’eux ceux de Tequantepec,
Sc les chargèrent fort viuement, en faifant d’eux
vue cruelle boucherie. Et pourfuyuant leur vi-
ctoire ils raferent leur Cité , &leur Temple,
chaftierentrigoureufement tous les cirçonuoi-
fins,puis ils tirèrent outre, Sc fans s’arrefter au-
X X iiij
Histoire NATVREtLE
cuncmenc, allèrent conqueftans iufques à Gua-
tulco , qui eft vn port aiiiourd’huy fort cognea
en la mer du Sud. Axayaca retourna dccevoya-
ge à Mexique auec de grandes delpouilles, & ri-
cheires.ou il fut honorablement couronné auec
defomptueux,& magnifiques appareils de fa-
crifices,detribitts,& autres chofes,oùplufieurs
vindrentvoir Ton couronnement. Les Roysde
Mexique recepuoient la couronne de la main
des Roysde Tezcuco ,qui auoient cefte préé-
minence. îl fit beaucoup d'autres en ircprinies,
où il obtint de grandes vidoires , ellant touf-
iours le premier , qui conduifoit fon armée , ôc
alîàilloit fes ennemis, d’où il acquit le nom de
très valeureux Capitaine , & non content de
fubiuguerles étrangers, il reprima, & mift le
frem aux fiens qui s eftoient rebellez , ceque
iamais aucun de fes predeceirenrs n’auoit peu,
ny ofé faire. Nous auons défia dit cy deuant co-
rne quelques feditieux s’eftoient feparez de la
république Mexiquaine, qui fondèrent vnc Ci-
té,proche de Mexique, laquelle ils appellcrent
Tlateluico, & fut à l’endroit , où eft auiour-
d hny faind Jacques. Ceux la feftans reuoltez
tindrent vnparty àpart ôc faccreurent, ôc mul-
tiplièrent beaucoup, ne voulans iamais recon-
gi oidre les Seigneurs de Mexique ny leur pre-
fter obeifiance. Le Roy Axayaca les enuoya
donc requérir qu’ils ne fuirent diuifez, mais que
puis qu’ils eftoient d’vn mcfme fang,& vn peu-
ple, qu ils fe ioignilîent ôc recongneulfent 1«
Roy de Mexique. Surquoy le Seigneur de Tla-
relulco,fitvne rclponcc pleine de grand mef-
H
‘
DES Indes. Xiv. VIL 54^
pris &: orgueil , deffiant le Roy de Mexique à
combattre en duel , & incontincUt alïembla
fes hommes, commandant à vnc partie d’ieeux
qu’ils allaient Ce cacher dans les herbiers du
iac , afin d’eftre mieux couuerts. Où pour fe
mocquer d’auantage des Mcxiqiiains , il leur
commanda prendre des figures de corbeaux,
d’oyes , & d'autres animaux, comme des gre-
nouilles , & autres femblablcs , penfans par ce
moyen furprendre les Mexiquains, lors qu’ils
pafleroientparles chemins&chauirees du lac.
Ayant entendu lcdefïi & la ruze de fon con-
traire, il partit fon armée , donnant vne partie
à fon general fils de Tlacacllec,^& luy comman-»
da de rompre, & décharger fur cefte embufea-
dc du lac , luy d’autre cofté , auec Ir refte de fes
gens par vn chemin qui n’ertoit point hanté,
s’alla camper dcuantTlatelulco Incotntincnt il
fitappellci^ç^eluy qui l’auoit défié , afin qu’il ac-
complift fa parole , & côme les deux Seigneurs
dcMexique &de Tlatclulco ,faduancerent ,ils
cbramandierent chacun aux liens , qu'ils ne fe
remuafrent iufques apres auoir ven lequel des
deux feroit le vainqueur, ce qui fut fait , ôc toiit
au flîtoft ces deux Seigneurs vindrent Fvn con-
tre l’autre valeiireufement , où ayans longue-
ment combattu , en fin celuy de Tlatelulco fuft
contraint tourner les efpatilles , d’autant que
celuy de Mexique le chargeoit plus furieüfe-
ment qu'il nepouûoitfupporter. Ceux de Tla-
telulco voyansTuir leur Capitaine, perdirent
courage,& tournèrent aufiî le dos: mais les Me-
pciquains lesSuyuants de prés les chargèrent
Histoire natvrelie
furieufcmcnt. Ncantmoins le Seigneur de TIa-
telulcOjn’efchappa"pasdcs mainsd’Axayaca.Car
fè penfant fauuçr , il fe retira au haut du temple
où Axayaca le (uyuit de prés, qui l’attaignit & le
faifîtd vne grande force, puis le ietta du haut
du téple en bas, & fit mettre le feu puis apres au
teraple,& à la Cité.Cependat que cela fe palToic
àTlatclulcOjlegencralMexiquain eftoitfort ef-
chauffé à la vengence de ceux qui l’auoient pré-
tendu deffaire parruze,&partrôpcric, & apres
les auoir forcez par armes de fe rendre, & de luy
demander mifericordc , le general leur difl qu’il
ne leur pardonneroit point, que premièrement
ils n'eulTent fait les offices des figures qu’ils re-
prefentoient , parquoy il vouloir qu’ils criaffent
corne les grenouilles,& les corbcaux,&chafcun
félon les figures qu’ils auoient prinfes d’autant
qu’ils n’auroiétpoint de côpofition qu’en ce fai-
fant.Ce qu’il fift pour les afFrôter,6rmocquer de
leur ruze.La crainte & neceffité enfeigne toutes
chofcsjtellemét qu’ils chaterenr, &crierétauec
toutes les différences de voix que l’on leur com-
manda,pourauoir leurs vies fauues, côbien que
ils fuffent fort defpitez du pafletemps que
leurs ennemis prenoyent d’eux. Ilsdifent que
iufqnes auiourd’huy durent encor les brocards
desMexiqnains enuers IcsTlatelulcos , qui le
portent impatiemment, lorsque l’on leurra^
mentoit ces chants & cris d animaux. Le Roy
Axayaca prit plaifir à cefte rifée , & incontinent
apres s’en retournèrent en Mexique, en gran-
de uefiouilîânce. Ce Roy fut eflimé pourvu
4es meilleurs qui ayent commadéen Mexique.
' BES Indes. Liv. VII. iso
Il régna onze ans , & luy rucceda vn qui fat be-
aucoup moindre que luy en yalcur& vertus.
Des faifis ^Bes Z.Bjy de
^ . Mexsi^tte.
Chap. XIX.
|Ntrc les quatre cflcâ:eiirs de Mexi-
|que,qui comme il a efté dit, auoycnt
'le droit d’eflire au Royaume celuy
I qu’ils votîloyent , il y en aüoit vn
doué deplufieurs perfc(5Hons, nom-
mé A utzol. Ceftuy ftjt efleu des au tres,& fut cc-
fteelcdion fort aggreableàtoutlc peuple, car
outre ce qu’il eftoit fort vaillar, tous l’eftimoyét
courtois, Sc officieux enuers vn chacun , qui eft
vnc dcsprincipalles conditions requifes à ceux
qui gouuernent, pourfe faire aimer & obeïr,
Or pour célébrer la fefte de Ton couronne-
ment, ils’aduifadc faire le voyage , ôc aller
chaftier loutrecuidatice de ceux de Quaxulat-
lan,prouince fort riche & abondante , qui eft
auiourd’huy la principale de la neufue Efpa-
gne. Ceux-là auoyent voilé les officiers & mai-
ftres d'hoftel qui apportoient le tribut à Mct
xique’, &auec cela feftoyent rebellez. Il ent
de grandes difficultez à réduire cefte nation,
pource qu’ils s'eftoyent mis envn lieu, où vn
grand bras de mer empefehoit le palîàge aux
Mexiquains. Pour lequel trauerfer Autzolhc
auec vn eftrange trauail ôc induftrie fonder en
H I s T O I R E N AT V R E L I E
Teauc^comme vneiflcttedefafcincs,de tcrrc/&
autres mareriaux , parle moyen duquel œuure
ilpcutluy &fes gens pafler vers fes ennemis,
^leur donner bataille, où il les vainquit , &
cbiiftia à fa volonté, puis fen retourna à Mexi-
que en triomphe , & auec grandes richelTes,
poureftre couronné Roy , felonlcur couftu-
ine. Autzol cftendit Ton Royaume, par plu-
lieurs conqueftes qu’il fit , iufques à paruenir à
Guatimallajquieftàtrois cens lieues de Mexi-
que. Il ne fut pas moins liberal, que vaillant,
car lots que les.tributs arriuoyent,( lefquels
comme il a efté dit , venoycnr avtec vn grand
appareil, & abondance) il fortoit de fon palais,
& faifoit afTembler en quelque lieu tout le
peupIe,puiscommandoitque l’on apportaft là
tous les tributs , Icrquels il departoit à ceux qui
auoyent necelîitç. Il donnoit aux pauures des
cftoffesàfaire deshabits, des viandes, & de
tout ce qu’ils auoycnr de befoing en grande
quantité, & les chofes de prix, comme l’or , l'ar-
gent,les ioyaux , ^les plumaches eftoient dé-
partis entre les Capitaines ,foldats, & ferui-
teui-sdefamaifon , félon le mérité d’vn cha-
cun.Cet Autzol fut raefmc grand politic ,&fit
abbairc les édifices mal ordonnez , & en ree-
dificr de nouueau d’autres fort fomptueux. Il
luy femblaque la Cité de Mexique auoit trop
peiid-caùe , & que le lac eftoitfort bourbeux,
parquoy il fe délibéra d’y faire venir vn gros
cours d-’eaüe, dont feferuoient ceux de Guyoa-
can. A celle fin il fit venir vers luy le principal
decçftecité,quieftoiç yn fameux forcier , &
DES Ikdes, Lir. vn. Ï5X
luy ayant propoféfon intention, leforcicrluy
dift qu’il regardai!: bien ce qu’il faifoit ,^our cc
que celle afeirc eftoit de grande difficulté, Sc
qu’îlentendift, que s’il tiroitee ruilleau de fort
coLfts ordinaire, & le faifoit aller en Mexique,
iinoyeroit la cire. Il fembla au Roy que ces
cxcules n eftoyent que pour euiter feffed de
fon delfein , parquoy en cftant irrité le renuoya,
ôc quelques iours apres enuoya à Cuyoacan
vn preuoft pour prendre le forcicr, lequel ayant
entendu pour quelle occafion venoyent les
miniftres du Roy, les fit entrer en fa maifôn,
puis fe transforma 5c fe prefentaà eux en for-
me dVn aigle terrible , dequoy le preuoll: Sc fes
gens efpouuentez , s’en retournèrent fans le
prendre. Autzol irrité en renuoya d’autres, auf-
quels il fe prefenta en figure d’vn tigre rres-
furieux , &ne luy oferent non plus toucher.
Les troiûefmes y furent, Sc le trouuerent en
forme dVn ferpent horrible , dont ils curent
grande frayeur. Le Roy efmeu d’auantage de
ces façons défaire , eniioya dire à ceux de
Cuyoacan , que s’ils ne luy ainenoyent le for-
cierliéjilferoitrafer leur cité; pour crainte de-
quoy, oufoit quc luy de fa volonté , ou foit
qu’ilyeuftefté forcé des fiens, en fin fe lailfa
emmener au ^oy,qui le fit incontinent eftran-
glcr , puis apres il accomplir fon dcifcinjfai-
fànt carier vn canal , par où celle eaüc peut cou-
ler à Mexique , parle moyen duquel il fit venir
vn gros cours d’eaüe au lac, lequel ils condui-
rent auec de grandes ceremonies Sc fuperftr-
Eioiis,où il y auoic des prefttes qUialloycnt en-
Histoire natv relie
çcnfansle long du riuagejes autres facrifians
des caillas du fang dcfqucllcs ils oignoycnt les
bordsduc^nal, & les autres fonnans des cor-
nets accompagnoycnt l’caüc de leur mufiquc.
Vn des principaux alloic v^cftli dvn habindc
la i^açon qu’ils attribuoy cnt à kDcede de l’eaiie,
& tous la ralubient,luydi(ans qu*elle fuft la bien
venue. Toutes Icfquelles chofes font peintes 6c
figurées és annales de Mexiquc,Ieliuredefquel-
les cft auioLird’huy à Rome , qui a efté mis en la
(acrée Bibîiotheque,ou librairie Vaticanc,où vn
pere de noftre compagnie qui eftoit venu de
Mexique le vid , ôc les autres hiftoires lefquel-
les il expliquoit , & faifoit entendre au Bibli-
othécaire de fa Saindeté, qui le plaifoit infini-
ment d’entendre ce liure lequel il ii auoit iamais
peu côprendre. Finalemêt l’caûe fut amenée en
Mcxique,mais elle yfourdit en telle abondance,
que peu s’en falluft que elle ne noyaft la cité co-
rne l’autre auoit predit^deen effed elle ruina vne
grande partie d’icelle, à quoy incontinent ils rc-
mcdierêt,par rinduftried’Aurzol. D’autSt qu’il .
fit faire vn canal ôc iirue,pour en faireîcoulcr les
eaux , au moyen dequoy il repara les baftimens |
qui eftoycnttôbezd’vnouurage exquis, eftans |
au parauant de raefchâs édifices. Par ainfi il laif- i
fa fa cite enuironnéed’eaüc, comme vne autre
V enife, ôc fort bien baftie. Son tegne dura onze
ans,qui s’acheua au dernier&plus grand fuccef-
feur de tous les Mexiquains.
D«s Indes. Liv. VII. 35^
Vc r ejle^ion du^rdnd MoteçttmA dernier de
Mexique,
Chap. XX.
|V temps que les Efpagnoîsenrrcfcnt
' en la ncufueElpagne,qui fut en l’andu
[Seigneur mil cinq cens dixhuid, Mo-
'tcçtiraa fécond de ce nom , Ôc dernier
R oydesM exiquainSjie dy dernier,car iaçoit que
ceux de Mexique , apres fa mort en elîeurenc vn
autre,^voire duviuât raeli-ne dcMotcçuma, qu’ils
déclarèrent ennemy de la patrie,c5me l’on ver-
ra cy apres. Mais celuy qui luy fucceda Ôc
celuy qui vint captif entre les mains du Mar-
quis de Vallé , n’eurent que le nom&: tiltre
de Roys , d’autant que le Royaume eftoit ia
prefque tout rendu aux Efpagnols. Tellement
qu’auec raifonnous cotons Moteçuma, pour le
dernier Roy ,& corne tel il vint au période de la
puilFance Ôc grandeur des McxiquainSjCe qui cft
admirable pour eftre arriué entre b’arbares. A ce-
lle caufe,& que celle là eftoit la faifon,que Dieu
auoit choifie , pour enuoyer la cognoilFance de
fpn Euangilc, ôc règne de lefus Chrift , en cefte
côtree,ieraconterayplus diftindemél lesades
de Moreçuma,que des autres. Auparauant qu’il
fuft Roy, il eftoit de Ton naturel tort graue , ôç
fort pofé , ôc parloir peu , tellement que quand
il opinoitau priué confeil, où il affiftoit, Tes
propos ôc difeours faifoyent admirer vn cha-
cun , ft bien que deflois il eftoit craint , ôc ref-
HiSTOI RE N ATVRItlB j
pcAc. Il fe rctir oit ordinairement en vnc cha-
pelle, qui luy eftoitdellinéeau temple de Vic-
zilipuztli , où ils difoyent que leur idole par-
loir auecluy, & à cefte occahon eftoiteftiraé |
fortreligieux , ôc deuot. Pour fes perfedions
donc, &■ pour cftrc trcr-noble,& de grand cou- |
rage,(bh efledion futbriefue, & facile, comme
d’vme perfonne fur laquelle tous auoyentles |
yeux fichez , pour eftre digne dVne telle char- ^
ge. Ayant entendu Ton efledion , il fe cacha au i
temple,en cefte Chapelle , fiift qu il fift par |
difeours ^ & qu’il apprehendaft vne charge fi
ardue , & difficile, comme efioit de régir vn tel
peuple: ou fuft comme ic croy par hypocrifie,
&pour môftrcr qu’il ne defiroit eiirien l’Em-
pire. En finilsletrouuerentlà, & le prindrent
& menèrent à Ton confilloire, l’accompagnant
aucc toute la refiouiirance qui leur fut poflî-
ble. Il marchoit aucc vne telle grauicc , qu’ils
difoyent tous, que le nom de Moteçumaluy
conuenoit fort bien, qui vaut autant à dire que |
feigneur courroucé. Les Efledeurs luy firent
vne grande reuercnce, luy faifans entendre qu’il i
auoit efté cfleu. De là il fut mené deuant le
foyer des Dieux, pour cnçcnfer , où il leur offrit
facrificcs^en fe tirant du fang des oreilles , & ,
des mollets des iambes , félon leur couftume
Ils le reueftirent de fes ornements Royaux , & ^
luy ayans perce les narines par le cartilage , ils ;
y perdirent vne efmeraude très riche, couftu- j
me certes barbare & fafeheufe , mais le defir d« |
çoramandcr,empefche de fentir telles chofes. j
Apres qu’il fut afiis en fon throfnc , il ouy t les |
orai- I
Des Indes. LiVi VIL 35I
braifons & harangues que l’oii luy hrjefquel-
Jes auffijfèlon qu’ils aboient accouftumé, eftoiéc
cleganreSj&arEificieures. La première futpro^
Jioneeeparlc Roj? de Tffcuco , laquelle ayant
efté conferueejpour la fraifehe memoirej& eftâc
bien digne d’eftre ouyetiela refereray icy de mot
^moi,Ôcàii2im(\\Laconcordance cr vmté âes voix<
Jkr ton ejleBion , donne ajfe'^a entendre{tres-7iolUadolej^
cent)le grandheur que tout le Koyaume en don recemir,
tatitpour dusir mente'yC^ ejîe' di^ne que tu luy comma,-^
dâjfes que pour Id rejîeuijimce Jî gener aile que tom de^
monfirçnt^a cAufe d’ icelie.En quoy kU vente' ils ont ke
de U raijon: car dejia l'Empire de Mexique Je va tellemet
dilatant, que pour gouuerner vn monde ^comme il ejl,
porter vne charge jipejante^il ifefl pas de hejomg d'vne
moindre dextérité, CE magnanimité, que de celle qui re~
Jide en ton ferme CE valeureux cœur, ny d'vn entende-
ment moins repofé CE de moindre prudence que de la tie-
ne.le voy CErecognoy clairement, que le Dieutout-pmjk
faut aime cejle Cité, puis qui il luy a donné la clarté, de
choijir ce qui luy ejloit conucnable. Car qui ef ce luy qui
ne croira qu'vn Prince, qui auat que dè regner, auoit pé-
nétré les neuf voûtes du Ciel ,ne doiue aujli bien obtenié
amourd'huy les chofs qui font terriénes^pour fecounrfon
peuple, en s'aidant à cejle fin de fon entendement f bo CE
fi fubtilyVeu qu'ily eïl obligé, par le deuoir CE la char-
ge de Poy? Qui ne croira aufique le grand cour age,que
tu as tou four s valeur eufement monfré en affaires d'im-
portanceme te manquera point auiourd’huy és\chofes ou
tu en as tant de befoingtQmpenfera qu'en vne telle va-
leur puiffe deffaiütr l'aide CE lefecoim a la veufue CE
Àl'orphelin? Qm ne fe perfuadera que l' Empire Mexi-
' ' Yy
HlSTOfllÉ NATVRÉLtE
qudm ne joit ^Aruenu au fommet de jon authomé,pûU
que le Seigneur dés chofes créées/ a departy vne telle ey*
Jî grande grâce, que par ton feul regard, tu fats ejmer-
ueiller ceux qui te contemplent?B,elieuy toy donc, o terre
heureufe/ qui lé créateur a donne vn Prince, qui te fera
vne coulonrie ferme fur laquelle tu feras appuyee,qui fera
ton pere, y' ta deffence, duquel tu feras (ecourue au be^
foi?ig,quifera plus que frereenuers les fens, par pieté (y*
facumence. Tu au vn Roy,quiacaufedefon ejlatnefe
donnera point aux delices, y qui ne demeurera point
eftendu en vnlicl occupéynvices, y enpajfetemps'.au
contraire, au milieu de fonplm doux y plus prof od fem-
me,fine œùr trefaïdira, y fi refueillera,pourlefeucy
qu il doit auoir de toy,yne fient ira point legoufe du plus
fauoureux mets de fin difné, ayant l efpnt feufpedu en Ih-
magmation de ton bien.Dy moy donc Royaume bien heu-
reux,fi ïe n'ay pas raifen de dire que tu te refeowJfes,yte
recreée k prefent ,d\iuoir trouue vn tel ]\oy: Et toy gene- .
reux adolefeentyy trefpuijfant feigneur noJlre,ayes co^
fiance y bon cour âge, que puifquele Seigneur des chofes
créées t adonné ce(h charge/ te danera aufei U prouefe
la magnanimitérequfe pour l’ exercer, y peux bien efe
per er, que celuy qui au temps pafsé a vféde ji grandes li-
béralité fenuers toy, ne te déniera point fis plus grands
dons, puis qu il t'a mu en vne charge fi grande, de laqud
lepufsetu louyr plufeeurs années. Le RoyMotecuma
fut fort ententif à ce difcoi^rs, lequel eftlnt a-
chciié,ils difent qu’il fe troubla dVnc telle forte,
que voulant par trois fois refpondre il ne peuc
parler, eftant vaincu des larmes quel’aile&lc co-
rciitement à bien fouuér accouftumé de caufer,
cndemonftrarion de grande humilité. En fin,c-
ftant rciienuafoy,il dilt brefuemenr ,7e ferais tro^
DES Indes. Liv. VIL " ' 554
meublé Jfm E^oy de TeX^HCoJiie ne cognoifsoii, en-
tendéi^jqHe les chofeS' que v6u6 m aue^'^dittesjont vne
^ure faueur qu'il vous qtUîJl me greffer, q>uù qu'entre
tant d'hommes fi nobles ^ O' f généreux, qutly a en
ce Èsyaume, vous asie\jjleu le moins fuffifmt, qm ejl
mey ,0^ a la vérité, le me fens tellement incapable d'vne
charge de Ji grande impoi'tance, que le ne f^ay que faire,
autre chofe que de fupplier le Créateur des chefs créées,
qu'il me fauortfe, eCT demande a tous qutls le fuplient
^owrwojy.CesparoIesdices il recommanda aere»
chefà pleurer.
\
Comment Moteçuma of donna le feruice d^
fa maifon, O" de la guerre quil fit
pour [on couronnement,
C H A P. X X L
y
Ekiyiàquicn fon efledion fit vnc
telle demonftration d'humilîtc, Sc
douceur, fe voyant Roy commença
incontinent à defcouiirir Tes hautes
penfees. La première fut qu’il com-
manda qu’il n’y euft aucun Plebeian qui feruift
en fa maifon, ny euft office Royale, ainfi que fes
predccclfeurs en auoient vféiufques alors, Icf»
quels il blafma de s’eftre feruis de gés de balïè c5
dition, & voulut que tous les feigneurs de plus
illuftresperfonnages defon Royaume, demeu-
ralfcnt ai fon palais^ & exerçalFent les offices
Jy
Histoire natvRelle
dêfa cour & defa maifon. A quoy foppofaviî
vieiHard de grande authorité , qui auoit cfté
fon précepteur, kiy diiant qu’il regardaftbien
à ,ce qu’il faifoir, & qu’il fe mettoit en danger
dVn grand inconuenienc, d autant quec^ifoic
^ feparer de foy & eiloigner tout le vulgaTre,&
gent populaire, tellement qu’ils neroferoienc
regarder en la face, fe vqyans ainfireiettez de
luy. Il répliqua que c erfoit ce qu’il entendoic
faire, & qu’il ne permetttoit pas que les Plé-
béiens allaifènt aipd mefiez parmy les nobles,
comme ils auoient fait iufques alors. difant que
le feruice qu’ils faifoient eftoit félon leur con-
dition, qui caufoic que les Roys ne gagnoient
aucune réputation, & ainfi demeura ferme en
fa refolution. Audi toft il fie commander à ceux
de fon confeil,qu ils oftadenr tous les Plebeiens
des offices & charges , qu’ils exerçoient, tant
en fa maifon qu’en fa Cour, & qu’ils en pour-
ueudent des Ciieualiers,ce quifurfair. Apres
iiallaenpcrfonneà l’entreprife necelfaire pour
fon couronnerac;ic.Encetempss’ed:oic reuol-
té contre la couronne vneprouince fort efloi-
gnée, vers la mer Oceane du Nort,où il mena
auec luy la fleur de Ces hommes, fort Ieftes&
bien accommode2;. Il y firlaguerre,auec vnc
telle valeur & dextérité , qu’en fin il fubiuga
route la prouince,& chaftiarigoureufement les
rebelles, retournant auec vn grand nombre de
captifspourlesfâcrifices, & beaucoup d’autres
defpouilles. Toutes les Citez luy firent de fo-
lemnelles réceptions à fon retour , & les fei- '
gneurs d icelles luy donnèrent Peaue à lauer.
DES Indes. L IV. VII/ 555
îuy faifans offices de feruiteurs, chofe noft en-
cor vfitee par aucun de fespredecefieurs. Telle
cftoit la crainte & le refpeçT qu’ils luy por-
toyenr. L’on fit en Mexique les feftes de foh
couronnement aucc vn tel appareil de dances,
commedies,entremcts,luminaires, & inuenriôs
parplufieurs &diuersiours; Et y ardua vne fi
grande richefîè de tributs apportez de tous fes
Royaumes, qu’il y vint des cftrangers inCo-
gneus à Mexique , & leurs ennemis mefmes y
vindrent en grand nombre, en habit didimulé,
pour voir CCS feftes, comme ceux de Tiafcalla,
(5c ceux de Mechouacan. Ce qu’ayant eftédef-
couuert par Moteçuma,il commanda qii’onles
logeaft ôc traidtaft benignement , & honora-
blemenr,comme fa propre peiTonnc. Uieur fit
mefme faire de belles gaîleries pareille^/ aux
fiennes, defquelles ils peuftent voir &:'Gôntieni-
pler les feftes. Par ainfi ilsentroyent demüidt
en ces feftes, comme le Roy,, faifans leurs deux
&marcarades.Etpour ce que i’ay fait mention
de ces prouinces, il ne fera mal à propos d’en-*
tendre, que iamais ceux de Mechouacan-, de
Tlafcalla; & deTapeaca,nc fevouliTrènt ren-
dre aux Mexiquains,mais au contraire comba-
tirenc toufiours valeureufement contr’eilx,
voire quelquesfois les Mechouacans vainqui-
rent ceux de Mexique, comme firent aufti ceux
de Tapeaca. Auquel lieu le Marquis Dom Fer-
nand Cortès , apres que luy & les Efpagnols
eurent efté chaflez de Mexique,pretendif fon-
der la première Cité d 'Efpagnols, <^u’il appèlla
fi bien m enfouuiét,Segura delà Frôntieré,rnais
Y y iij
1
Histoire natyrelie
ceftepeupladedura peu de temps , par ce que
ayant depuis reconquefté Mexique , tous les
Efpagnols y allèrent habiter. En fin ceux de
Tapeaca,de Tlafcalla , & deMcchouacan ont
toufioürsefté ennemis des Mexiquains, encor
que Moteçuma dift à Cortès, qu’il ne les auoit
pas fubiuguez tout à propos , afin d auoir en
eux vn exercice de guerre, & nombre de
captifs.
Des mœurs cr grmâeur de Moteçvtmi,
Chap. XXII.
ERoy fiadonna à fe faire refpe(fl:er,
voire quafi adorer cômeDieu.Nul
plebeien ne le pouuoit regarder en
face, que fil le Iaifoit,il eftoit puny
de mort. Il ne mettoit iamais fes
pieds en tene,mais eftoit toufiours porté fur les
efpauUes de quelques feigneurs,&s’ildefcédoit,
ilsluymettoicnt de riches tapis, fur lefquelsil
marchoit.Quand il faifoit quelque voyage , luy
&Ies feigneurs de fa compagnie, alloient com-
me dans vn parc ou circuit qui eftoit fait tout a
propos,& le refte du peuple ailoit hors du parc,
fenuironnantd’yn cofté & d’autre. Jamais il ne
veftoit vn habit deux fois, ny mangeoii,ny beu-
uoit en vnvafeou plat plus d’vne fois, tout y
deuoit eftre toufiours neuf,&donnoit à fes fer-
uitcurs ce qui luy auoit feruyvne fois;, de façon
qu’ils eftoient ordinairement riches.& magnifi-
ques.Il eftoit extrêmement diligent à faire ob-
feruer les loi.x,dc quand il retournoit victorieux
DES Indes. Liv. VIL 35^
quelque guerre, il faignoit aucunesfois de
f’aller esbattre, puis fe derguiToit pour voir lî
les liens, penlâns qu’il ne full prefenr,laiiroient
&obmettoienr à faire quelque chofe de la fe-
ftc ourcceprionrque fil y anoif^-quelquc exccz
ou quelque dcffauit , ilenfiifoït la punition ri-
goureufcmenc. Et à fin de cognoiftre rnefrae
comment fies miniftres faifoient leurs offices, il
federguifoir bien foiiucnt, & enuoyoit offrir
des dons STprefcns aux luges, les prouoquanc
a faire quelque cho'e de mal. Que fils tom-
boient en faute , ils efloicnc incontinent punis
de mort fins rcmiffion,& les faifoit mourir fins
auoir cfgard qu’ils fulfent feigneurs oiîfès>pa-
rcns, voire de les propres freres. llconuerfbît
&fe familiarifoit peu aüec les fiens,&peu fou-
uent fe Iaifroitvoir, eftcint ordinairement, reti-
ré pour penfer atrgouuernement de fôn Royau-
me. Outre ce qu'il eftoit grand, iuftidcr & -fore
braue, il fut fortbelliquenx gc bien fortubé'àu
moyeu de quoy il obtint 'de grandes ’ viéloiresi
&paruinr à^ccfce grandeur, qui eff defèt1te''aux
fiiftoires d’Efpagne. De laquelle il me f&mbf<&
que ccferoit chofe inutile d’çfcrire d auantagei
feulement i’auray foin (fê' réciter cy apt^s'^ce
que les liufcs & hiftoifes' des Indiens racon-
tent , ôc dequoy nos'efcriuaiifs Efpagnâls ne
font aucune mention,' pouï'-n’auoir {uffifam-
raent entendu les fccrets de cefte contrée , qui
font chofçs fort dignes d ’eflre cogneiies , coii>-
mel’pn verra cy apres. ' ’ ■ - '
Yy iiij ■
Histoire natvrelle
De$ préfacés er prodtges eflrmges qm adu 'mdrenten
M.exi.que. iUtant que leuY Empire prmjljin,
C H A P. XXIII.
OmbiEn que l’Efcnturc Sainde
ions deffende dadioufter foy aux
5 & prognoftications vainss, *
ic que S.HierofiTic nous aduertilîè
HkroKio craindre point les fignes du
’ Cielcô'iTiefontlesGeniilsrNeantmoinsIaincr-
me Ecriture cnfcigne,que les fignes môftrnenx
6 prodigîeux,nc font pas du tout à mefprirer,&
que bienfoiiuent ils ont accouftumé de précé-
der quelques châgenients vniuerlels, & les cha-
Lih dé de > que lere-
Jof/i ' ‘"l'narque fort bien Kufebe de Cefaréc, d’autant
Euan^, que le mefme feigneut du Ciel Ôc de la terre
demonji.i. enuoye de tels prodiges de nouueaiuez au Ciel,
aux elemens , aùxànjmaux,& en Tes autres créa-
tures fiu qu’en partie cela ferue daduertiire-
menf:àMxliommes,(Sc en partie qu’ils foient vu
Gôrafi'nçncemenr deJaipeine & du.chaftiemenr,
WpQUiiememen'D qu’ils appor-
tent.Il eft eferit au feecyidliurè des Machabées,
qu’auparauant ce grand changement & perfe-
- CLitiondu peuple d’jlfrael, qui fut cauféeparla
tyrannie d’ An tiochu'S , furnommé Epiphanes,
lequel les faindes; lettres appellent racine de
péché , il arnua quçpar quarante iours entiers
IMacv grands efea-
drons de Cheualiers en l air, lefquels auec des
armes dorées, leurs lances (5çefcus, é^ fur des
DES Indes? Liv. VII. '557
cheuaux furieux, ayants leurs efpécs tirces fe
frappoient & ofteufoient, efcarmouchans les
vns cotre les autres, & difent que ceux dcHie-
rufalem voyans cela , fupplyoient Dieu qu’il
appaifaft Ton ire, &que ces prodiges rournaf-
fent en bien. Il eft eferit mefme au li tire de Sa- ^ ^
picnce. que quand Dieu voulut tirer fon peu-
pled’Egypte écchaftier les Egyptiens, quelques
vifion terribles ôc erpouucntablcs fapparu-
rent à eux, comme des feux, qui furent^veiiz lior?
heure en formes horribles. lofepheau/liuredej
la guerre des luifs , raconte plufieurs & grands
prodiges quiprecederentladeftru6HondcHie-
rufalcm,&ladernierecaptiuiredcfonmalheu- , "
i'eux peuple, que Dieu eut en horreur pour iu-
fte occafion, duquel Eufebe de Cefarée &les
autres racontent les mefmes paflages , auihori- g^y^^y,-^
fans fesprognoftics.Les Hiftoriens font pleins deEcd.htfi.
de femblables obfcruadons aux grands chan- -
gemens d’Eftats ou Republiques, comme Paul
Orofeqiii en raconte plufieurs, & fans doute
celle obleruationnefi: pas vaine ny inutile : car
iaçoitque cefoit vanité,voirefuperlUtiondcf-
fendueparlalpy de nollrc Dieu , de croire lé-
gèrement à ces prognollics de fignes, toutes-’
fois es chofes fort grandes, comme ,és change-
mens de nations. Royaumes & loix fdftnota-
blesrcen ell pas chofe vaine, mais bien plulloll
certaine & bien alfeiirée de croire que la là-
gefie du Très-haut ordonne & vueilîe permet-
tre ces" chofes , qui donnent quelque nouuelle
de prefage de ce qui doit arriuer,,pQLuTeruir,
cpmme i’ay dit,d'aduertilîemcnt aux vns, de de
.kX,
tîh.r.
Lu «4.
HiSTO'iRE NATVRELLE
chafticment aux autres, & à tons de tefmoigna^
ge que le Roy des Cieux a foucy des affaires
des hommes, lequel toutainfî qu'il aordonné
de très-grands & efpouuentables prefages,pour
le plus grand cliangementdu monde, qui fera
leiour duingemcnt, ainfî luyplaift-il de don-
ner de merueilleux prefages pour dénoter d’au-
tres changemens moindres en diuers endroits
du monde, qui ftmt toutesfois remarquables,
kfqnels il difpofe fclon laloy de Ton éternelle
Sagelîe. L’on doitaufH entenda-e, que combien
que le diable foit pere de rnenfonge , néant-
moins le Roy de gloire luy faitjbien fouuent
confefTcr la vérité contre fa volonté , laquelle
il a déclarée plufieurs fois de pure crainte, co-
rne il fit au defert par la bouche desdemonia-
queSjCdantque I e s v s eftoit le S A v v e v r,
qui efioit venu pour le deftruire: Comme il fit
par la Pytlioniffe, quidifoit que Paul prefehoit
k vray Dieu. Comme quand il f apparut & tour-
menta la femme 4e Pilate , laquelle il fit inter-
céder pour I E s V s, homme iufte.Et comme
plufieurs autres hiftoires,outre les facrces,rap-
portentdjuerstefmoignages des idoles, en ap-
probation delà Religion Chrefticnne, dequoy
LadtancCj Profpere, & autres fqnt mention.
Quel’on'life Eufebe aux liurcsdelaprcparatiô
Eqangelique, 6c ceux dçfa Demonftration,ou
il efi: traitté amplement de celle matierç. l’ay
dit cecÿ. tout à propos, à fin qu’aucun ne mef-
prifece qye racontent les Hiftoires 6c Annales"
des Indiens touchant les prefigcsdc prodiges
cTtrahges qu'ils eurent de la prochaine fia 6c
Djes Ind es. Liv. Vn. 358
ruynç àe leur Royaume, & du Royaume du dia-
ble qu’ils adoroient tout enfemble. Lerquels
me femblent dignes d’eftre creus , & que l’on y
adipuftefoy,tanrpouceftre aduenus y a peu de
temps, & que la mémoire en eft encor toute
frefehe, que pource que c’eft yne chofe fort
vray-femblable, que le diable fe lamentaftdVn
Il grand changement, & que Dieu par vnmef-
me moyen commenvaH: àchaftier des idolâtres
lî cruels ôc abominables. Ceft pourquoy ,ie les
raconteray icy comme cliofes vrayes. Il aduinc
donc que Moteçuraa ayant régné plufîeurs an-
nées en grande profperité , & tellement efleiié
en Tes fantahes , qu’il fe faifoit feruir & crain-
dre, voire adorer comrne fil euftefté Dieiide
feigneur Tout-puilfant commença de le cha-
Jftier ôc de l’adnertir auffi, permettant que les
mefmes diables qu’il adqroit luy annonçalTent
les trilles nouuelles de la perdition 5 de Ton.
Royaume , ôc le tourmentairent par des pro-,
gnoftics qui n’auoicntiamais efté veuf,dcquoy
il demeura h trifte «5c h troablé,quil endeuint
tout hors de Ton fehs. L’idole de ceux de Chol-
lola, qu’ils appelloient Quetzacoalt, annonça
qu’il venoit vne gent eftrangc pour pôlïeder
,fes Royaumes. Le Roy de Tezcuco, qui efto^c
grand Magicien &aupit accord auec Iç diables
vint vn iour viliter M oteçuma à heure extraor-
dinaire, ôc l’alTeura que Tes Dieux luy auoient
dit ,qu’ily auoirde grandes pertes qui s’appre-
floient pour luy Ôc pour tout Ton Royaume.,
Pluheurs forciers «5c enchanteurs luy en allcienc
dire autant , entre iefquels il y en eut vn qui luy
Histoire natvrelle
annonça fort particulièrement ce qui luy ad- /
uint du depuis.Et comme ileftoit auec luy, 1 ’ad-
uertit que les poulces des pieds & des mains
luy deft'ailloienr, Moreçuma ennuyé de telles
nouuciles faifoic prendre tous ces forciers: mais
incontinent ils difparoillbientenla prifon,de-
quoy ilprenoit telle rage, que nelespouuant
tuer , il faifoit mourir leurs femmes & leurs en-
fans , de deftruire leurs maifons ôc leurs moyês.
Orfe voyant importune ôc agité de ces aduer-
iiirements,il voulut appaifer l’ire de fes Dieux,
ôc pour celle caufe il s’efforça de faire appor-
ter vnegrandc pierre, pour fur icelle faire dé j
grands facrifices. Pour en venir à bout il cn-
uoya grand nombre de peuple pour l’amener
auec des engins ôc inftruments , lefquels ne la
peurent aucunement mouuoir , bien que fy
eftans obftinez ils y eulfent rompu piufieiirs
engins. Mais comme ils perfeueroient touf-
iours de la vouloir enleuer, ils ouyrent vne
voix ioignant la pierre, qui difoit qu'ils ne tra-
uaillaffènt point en vain , ôc qu’ils ne la pour- j
roient point enleuer, pource que le Seigneur
des' chofes créées ne vouloir plus queronfifl:
ces'chofes-là. Moteçumâ ayant entendu cela,
Con;j'manda que l’on nft'les facrifices en ce lieu,
ôc difeiît que la voix parla derechef difant. Ne
vom ay te pas dttyque cen ejî point U voloté àu> Çeigneur
des chofis crbces,qHe cela fe fajfey<or afin qu,e vom croye\
quUtfi ainfiye melaijferay porter quelque peu,puisapres
vom ne ynepourrélfinouuoiT. Ce qui aduint ainfî,
car incontinent Us Ta menèrent- quelque peu
d’efpace,afrez facilement, puis apres ils n’y peu-
Des Jnoes. Liv. VÎI, 355»
rent que faireiufquesàcequepar beaucoup de
prières, elle felaiiîà porter iufques à l’entrée de
la Cité de Mexique, où fubitement elle tomba
dans le lac, & la recherchans,ne la peurent re-
trouuer, mais fut trouuée depuis au raefme lieu
d’où ils l’aiioient tirée, dequoy ils demeurcrenc
tous confus, &■ efpouucntcz.Encemefmetêps
apparut au Ciel vne flambe de feu treflgrande,
& fort luyfante en façon de pyramide laquelle
commençoit à apparoiftre à la minuit, &alloit
toufioiirs montant, iufques au matin leuer du
Soleil qu’cliedemeuroitau Midy,où elle difpa-
roilFoit. Elle fe monftra de celle façon cliafqne
nuiél par l’elpacc d vn an entier, & toutes les
fois qu’elle apparoilEoit le peuple ietroit de
grands cris , comme ils auoienr accoullumé,
croyans que c'elloit vn prqfage de grand mal-
beur.Il aduint mefme qu^le feu fe prinll au T é-
plc fans qu’il y eull aucun au dedans,ny hors
ptochc d’iccluy ny qu’il y full tombé aucun ef~
clairny tonnerc. Surquoy les gardes s’eflans
eferiées il y accourut grand nombre de peuple
auec de l’eaüc, mais rien ny peutremedicr,tel-
lement qu’il fut du tout confommé, & difenc
qu’il fembloitquele feu fortilldes mefmes piè-
ces de bois, & quÜ fenflamboie d’auanragepar
l’eaüe que l’on y iettoit. L’on vid fortir vne
Cornette en plein iour,qui couroir duPonenc
vers l’Orient, iettant grande quantité d’ellin-
celles, Sc difent que fa flgure elloit comme dV- ■
ne qucüe,forr longue,ayanr au commencement
trois telles. Le grand lacquieftoiccntreMexi-
que,& Tezcuco/ans qu’il y eull aucun vent, &
Histoire natvrelle
fuis tremblement de terre ou aucune autre cau-
fe apparantCjCommença foudainement à bôuil-
Hr, dccreurcnt tellement ces bouillons, que
tous les édifices , qui eftoient proches d icelle,
tombèrent par terre* Ilsdifeurque l’onouit en
ce temps pluficurs voix comme d’vnc femme
angoiirée,qui difôit quelques fois , o mes enjmstx
eji veiiH le temps de vûjîre deJirufiion,Ct^ d'autres fois
difoitft mes enfariSjOUvom port eraji-te^ajîn que vous ne
vous achemeK^.e perdre du tout ? Il apparut mefiiic
diuers monftres auec deux relies, qui eftans por-
tez deuant le Roy dirparoilîoiêt aulïî tofr.Toiis
ces monllres furent furpalTcz par deux autres
fort ellranges, dont l’vn fut, queles pefeheurs
du lac pi'indrent vn oifeau grand comme vnc
grue, & de la couleur mefme, mais dvne effran-
ge façon ,& non iaraais veüe.Ils le portèrent à
MoteçUma, qui pour lors eltoir au Palais qu’ils,
appelloient depieur, Sc de dueil, lequel eifoic
rom tendu de noir: d’autant que comme il auoic
plufieurs Palais , pour la récréation , il en auoit
auffi plufieurs pour le temps d’affii6lion,dont il
eftoit alors aifez chargé & tourmenté, à caufe
- des menaces que fes dieux luy faifoient, par de
Il trilles aduertilîéraents. Les pefeheurs arriue-
rentfur lepointdemidy , & mirent deuant luy
cet oifeau, qui auoit au fefl delà celle vue cho-
fe comme luyfante,& tranfparente,ien façon de
miroir,ou Monteçuma veid les Cieux , & les e-
lloilles,dcquoy il demoura tout eflonné , puis
tournant les yeux au Ciel, âc ne voyant point
d’e{loilles,recommença à regarder en ce miroir,
oi\ il veid qu’il venoit vn peuple en guerre de-
DÉS In D E S. Li V, VIL
tiers FOrient, & qu’il venoitarrné.combaranf,
& tLianr.ll fit appeller fesdeiiins, &prono(li-
qucurs,dont il en auoitvn grand nombre , les-
quels ayans veu toutes ces chofcs, & ne fca-
chans ■ donner raifon dé ce qui leur eftoit demâ-
dé , incontinent l’oifeau difparur , tellement
qu’ils ne le véirenr onquesdepuiSjdontMôte-
çuma demeura fort trille & deconforré. L’au-
tre prodige quiluy aduint/utqü ’vnlaboureur
qui auoitlc renom d’homme de bien ^ le vint
trouuer, de luy raconta qu’eîlant le lourde dé-
liant à faire iabouragcjvn grand Aigle vint vo-
lant Vers luy, qui le print en Tes grifFes,& fans
leblellcr, le porta en vne certaine caùerne, où
il le lailïa, prononçant cet Aigle ces paroles.
Très fmjiat fag?teur/ay apporté celuj que tu m'as corn-
mandéi Et l’Indien laboureur regarda de tous
collez à qui iIparlok,maisil ne veid perfonne.
Alors il ouit vne voix qui luy dit, cognois-tu cet
homme, que tu vois là elfendu en terre,& re-
gardant en icelle veid vn homme endormy &
fort vaincu du fommeilaueclesenfeignesroy--
allesjdes fleurs en la main, &vn bafton de len-
teurs & parfum ardant, comme ils ont accou-
flumé d’vfer en ce pays, lequel le laboureur re-
gardant recogneut que c’eftoit le grand Pvoy
Moteçuma: parquoy il refpondit incontinent,
apres 1 auoir regardé, grand-Seignmr cefluy-cy ref
femhleànojïre F(py Mot e^ama. Lüvo'w recommença
à dire, tu dis vray^regarde quel defl,CT comme tu le
voii endormy a^oupy sas auoirjom^ des ç-rads maux
(yr des trauaux qui luy Jorit prepare'^.ll cjl maint enent
temps qu il paye le grand nombre des ojfenfes qu'da fai-
Histoire natvrelle
tes qtitl reçoine U peine de fes tyrannies ■
de fin grand orgueil^O" neatmoms tu vois comme d a fi î
feudefôucy deceUy^ qu d efi fi aueuglé en fesmifires^ \
qi^'dn adefiaplpts defintimet. Mais afin quetu lepmfi
fis mieux voir, pren ce bafion de fienteurs qualifient ar--
dant en fa main, O" Itsy contre le vifage.O" lors tu
verras qud ne le fintirapas. Le painu-e labourent
ii’ofa approcher, ny faire ce que Ton luy difoit,
pour ia grand’ crainte qu ils auoient tous de ce
Roy, mais ia voix recommença à àkç,N'ay es point
de crainte, car lejuis fans comparai fin pliu que ce Koy,te
le puis defirmre, O" l^ dejfendreiparquoy fais ce que le te
commdde. Sur ce commandement le payfan pied |
cebafton d’odeurs, dclamain du Roy ,& luy j
mit ardent contre lenez,mais il ne fe mouua, |
ny monftra aucun fentiment. Cela fait la voix |
luy dill que puisqu’il voyoit,combicnceRoy |
cftoit endormy , qu’il l’allaft refueiller , &luy |
racontaft ce qu’il auoitveu. Alors 1 Aigle par le ,
mefme commandement reprint l’homme en fes |
griffes, le remettant au propre lieu,ou il l’auoit ,
prins, & pour accompliirement de ce qui luy i
auoit efeé dit, venoit-là pour 1 en aduertir. Ils j
difent qu’alors Moteçuma fe regarda au vifage, |
& trouua qu’il fauoit bruflé , ce qu’il n’auoit
iufques alors fenty, dequoy il demeura extre-
mement trifte de ennuyé. Il peut eftre que ce
que le ruftique raconta luy eftoit arriué , en
imaginaire vifion, & iVeft pas incroyable,que
Dieu ordonna parle moyen d’vn bon Ange, ou
permift par le moyen du mauuaisjqu on don-
naft ceft aduertiirement au ruftique , pour le
ehaftiement du Roy, quoy qu’infidelle: veu que
nous
Des Indes. Liv. VIL
tiousHfons eiiladiuine Efcritute,que deshora-
mesinfidelles.&pecheursjonteude femblables vanieli.
apparitions, Ôc rcuclations, comme Nabücho- jsr«w.iz.
donofor, Balaam & la PythoniflTcdeSaul.
quand quelque chofc deccS apparitiôsheleroit
arriué (i exprdremenr,à tout le moins il eft cer-
tain que Moteçuma eut beaucoup de grandes
triftelîes & fafcheries,pourplulicurs& diuerfes
reuelarions qu'il eut, que fon Royaume ôc faloy
fedeuoient bien toftâcheucr.
De U néuuette c^jue Mote^umd récent de l’dhuee des Ef-
gagnais en pt terre,C^ de l’^mhdjjkde
(jitdlenr enmyâ.
Chaj?. XXIIII.
V quatorzicfme an du règne de
Moteçuma, qui fut l’ân de noftre
i SauucurjTTiil cinq cens dixfeptjap-
parurétenlamer duNortdes na«
iiires, & des homnies defeédanS,
dequoy les. fubiers de Moteçuma furent beau.*-
coup efraemeilleZj&voulans (enquérir, & fe fa-
tisfaire d'auaittage qui ils eftoienr, ils furent aux
nauires dâsdcs canoës, portansplulieurs rafraif-
chilîèments de viandes^ & d’eftoffes à faire des
habits, faignans de les leur aller vendre. Les
Efpagnols les recueillirent en leurs nauires, &C
en payemens^de leurs viandes , & eftoffeS^ qui'
leur furent aggreables, ils leur donnèrent' des
chaînes de pierres fau fies, rouges ^azueees, ver-
tes, & iaune$, que les Indiens croyoipntïeftre
. Zz
Histoire natvreile
pierres precieufes.Et les Efpagnols finformsns
qui eftoit leur Roy, &de fa grande puiffance,
leur donnèrent congé,en leur difant qu’ils por- '
talTent ces pierres à leur feigneurA luy dilfenc |
que pour le prefent iir ne pouuoient laller !
voir , mais qu’incontinent ils retourneroient
& le vilîtcroienr. Ceux de la cofte allèrent in-
continentàMexic^ueauecce melTage, porrans
k reprefentation de tout ce qu’ils auoicntveu
dépeinte en des draps qu’ils auoient, tant des
nauires, des hommesjquc despierres qu’ils leur
auoient données. Le Roy Moteçuma demeu-
ra par ce malTage fort penfif, & leur comman-
da qu’ils ne le diBulgalfent, & ne le dilFent à
perfonne. Le iour enfuyuant il alTembla fon 1
Confeil,| de leur ayant monftrc les' draps, &lcs i
chaînes , mit en deliberation ce qu'il deuoic i
faire, où il fut refolu de donner ordre à toutes
les codes de la mer, queleshabitans yfuffènc
au guct,& que quelque chofe qu’ils veiflènr,iîs
en adüifaflcnt incontinent le Roy. L’annec
çnfuyuante, qui fur au commencement de fan
mil cinq cens dixhuiéf,ils veirent paroiftre en
la mer la flotte où eftoit le Marquis dcl Vallc,
Dom Fernande Cortès, auco les compagnons,
nouuelle quitroubla beaucoup Moteçuma, &
eonfultant auec les flens,ils dirent tous que fans
faute leur ancien & grand feigneur Quctzal-'
coalf eftoit venu, lequel leur auoit dit qu’il re-
tourneroit du cofté d Orier,;où il fen eftoit allé, |
Il y auoit entre les Indiens vne opinion, qu’vn \
grand Prince les auoit au temps palFé laiflèz, & |
promis qu’il retourneroit, de l’origine & fon- j
DES Ind es. Liv. VU.
dcmentde laquelle opinion fera dit en vn au»
îrelku. Ceft pourquoy ils enuoyerenc cinq
principaux AmhalTadeius, auec des p refens ri-
ches,pourle congratuler de fa venue, leur di»
fans qu’ils fçauôient bien que leur grand fei-
gneur Querzalcoalt venoit là, & que fon fer-
uiteur Moteçuma Fenuoioit vifiter , fe tenanc
pour fon feruircur. Les Efpagnols en rendirent
ce HielFagc par le moyen de Marina Indienne
qu’ils menoient auec eux, & fçauoit la langue
Mexiquaine , & Fernande Cortès, trouuanc
quec’eftoitvne bonne occalîon pour leur eu-
tree, commanda que l’on luy omaft fort bien
fa chambre, & eftanrafîis auec grande authori»
te, & ornement, fit entrer les ambaflàdeurs,
îcfquels n ’obmirent rien de fhumilicr , fînoii
de i’adôrer pour leur Dieai. Ils luy firent leur
gmbalfade, difans que fon feruiteur Moteçuma
Fenuoioit vifirer,(i: qu’il tenoit le’ pays en fon
nom,commcfon lieutenant, qu’^ içauoitbieii
que c’cftoitleTopiIçin,quileurauoit efté pro-
mis, il, y auoir plufieurs ans, lequel les deuoit
venir rcuoir. Par ainfi qu’ils luy apportoienc
les habits qu’il auoir accoiiftumé de porter^
quand il connerfoit auec cux,lefupplians qu’il
les receut pour aggreables, en luy offrans plu-
fieurs prefenrs de grande valeur.Cortes refpon-i
dit reccuant les prefents, & donnant à enten-
dre, qu’il eftoit celuy qu’ils difoient,dequoy ils
demeurèrent fort eontens, & fe voyansreeeus
& trait te Z de luy amiablemenr, -( car en cela',
aulfi bien qu’es'autres chofes, ce valeureux'
pitainc a efté digne de loüringc,)quefil’eiïcret-
Zz ij
%
'kmxio
HistoiliÊ NA TV Relie
prinfe eu H: palîe outre , qui eftoit de gaigner
par amitié ee peuple, il ferable qu il f eftoit of-
fert la meilleure occafion , que l'on pourrok
imaginer, pour alfubiettir cefte terre àTEuan-
gile par paix, & par amitié;mais les péchez de
ces cruels homicides & efclaucs de Satan, vou-
loientcftrechafliezdu Ciel, comme aufti ceux
de pluheurs^ErpagnoIs, qui neftoient pas en
petit nombre. Ainh les hauts iugemems deDica
dilpoferenr le fà'uc de ces peuples, ayans pre-
mièrement retranché les. racines endomma-
gées, & comme dit rApoftre,la mauuaiftié &
aueuglemept des vns, fur la faluation des au-
tres. En En leiour d’apres l’Ambairaderufdirc,
tous les Capitaines & principaux de la flore
vindrent dânsrAdmnralle, &entendans l’afEai-
fe, & côbicB; ce Royaume dd Motccuma eftoic
ptiiiîànt , & riche, il leur fembla que c eftoic
chofeconuenabled obtenir réputation d hom-
mes braues 3ç vaillans enuers ce peuple, & que
p.ar ce moyen encor qu ils fuflènt peu, ils fe-
ioient crainçsj.& receus en Mexique. A ce-
fte En ils defehargerent toute l’artillerie des
pA'J.itcs & comme c’eftoir choie qui iamâis
li auoitefté ouyçpar les Indiens, ils demeurc-
reiiraHfficfpouuanrezque E le Ciel fuft tom-
bié fur cux. _A'pres les Efpagnols fc mirent àdes
AeftSer , afin , qu ils combatrilTent auecéux,&
Indiens ne.Ey. . ofans hazarder, ils les bafti-
renî, (Sc malvtcaitterenr, leurmonftrans leurs
.efpces ^ lances,-; pertuifanes , <5e autres arme'Sj
dont ils les crpouuanterent ^beaucoupr Les
panures Indiens furentpourçefeftedt fi crain^
N
DIS Indes. Liv. VII. ' 3^5
tifs &erpouuciitez qu’ils ckangeient d opinion^,
diiàns que leur feigneur Topilcin ne venoit
point en cefte troupe Mais que c’eftoyent quel-
ques Dieux leurs ennemis qui venoyent là pour
les delrr iiir e. Quand les A m b alîàde u rs r e ro u r n c-
renren Mexique, Motecuma eftoit en la mai-
fondé laucîience.&auant qu’ils luy dônnalTenc
l araballàde,le malheureux commanda de facri-
fier en fa prefence vn nombre d’hommes, puis
auccle fang des facrifiez arroufcr les ambaiîa-
deurs,péfant par celle ceremonie (qu’ils auoyêt
accouftum é de faire en de folemnelles ambalïa-
des)auoir bonne reiponce. Mais ayant enrpndu
le rapport & information de la forme des naiii-
res, hommes, & armes, il demeura tout confus
& perplexe puis ayant eu confeil là delFus , ne
trouua autre meilleur moyen , que procurer
d ’empefeher l’entree à ces e(lrangers,par les arts
magiques, & coniurations. Ils auoyent accou-
ftume fouuent de fe feruir de ces moyens, d’au-
tant qu’ils auoyentgrandecommunicatiô auec
Î^Diabjejparl’ayde duquel ils obrenoyentquei-
quesfois des cfFedts eftranges. Ils alTerablèrent
donc tous lesforcier-s,magiciens,'S<: enchàceurs,
& perfuadez de Moteçuraa prindrent en leur
charge de faire retourner ces gens lààleurs pays.
Pour cereffedl ils furent en certain lieu, qui leur
fembla ellre propre,pour inuoquer les Diables,
& exercer leurs arts , chofe digne de confi-
deration. Ils firent tout ce qu’ils peurent,
ôc feeurent , mais voyans que nulle chofe
ne pouuoit empefeher les Chrelliens , ils fu-
fcnc vers le Roy , luy difans que ceux-là
Zz iij
H I s T P IRE Na'tVRELLE
cftoient plus c^u'hommes , pource que rien ne
les endommageoit , pour toutes leurs coniu-
rations' & enchantements. Alors Moteçu- !
ma {’aduifa d’vne autre rufe , qui fut que fei-
gnant d’eftre fort content de leurveniie,ilen-
uoya commander à, tous fes Royaumes qu’ils
feruiirent ces Dieux celeftes qui cftoient ve-
nus en leur terre.Tout le peuple eftoit en grand
iriftefTe de furfaut, & venoient fouuent iiou- . j
uelles que les Efpagnolsfenqueroicnt fouuent j
où eftoit le Roy,de fa façon de viure,de fa mai- ||
fon & de fes moyens. Il eftoit extrêmement faf- î
ché de cela5& luy confeilloient les fiens,& d’au- |
très Negromanciens qu’il C<z cachaft luy oftfans |
à cefte fin de le mettre en lieu , où créature ne |
le pourroit iamais trouuer. Cela luy fcmbla f
chefe ylle, parquoy il fe détermina à les atten-
dre,encor que ce fuft en mourant. En fin Ü for-
tit de fes maifons & palais Royaux pour loger ï
en d’autresjles laiftans pour loger ces Dieux, co-
rn cils difoienr.
De l'entree des Espagnols en Mexique.
Chap. XXV.
,Enepretcns point traitter les faits ôc
geftes des Efpagnols qui conquefterét
ÎS?^laneufue Efpagnc, nyles aduentures
icftrangers qui leur arriuerent, ny le
couragedevaieur inuincible deleurCapitaincDô
Fernande Cortez,d’autâtqijedecelail y a beau-
Des I n d e s. L I V. V 1 1. 394
coup d’hiftoires & relations, comme celles que
le mefme Ferna'ndeCortés cfcriuit à l’Empercui?
Charles V.bien qu’elles foient dVn ftile rond &
aflez efloigné d’arrogance,lefquels donnent fuf-
fîfante cognoilTance de ce qui pafîà , en quoy il
futdigne de perpétuelle mcmoirctmaisfeuleméc
pour accomplir mon intention, il refte de dire ce
que ^es Indiens racontent de ceft affaire , ce qui
/n a efté iufqucs auiourd'huy rédigé par eCcriten
noftre vulguaire. Moteçuma donc ayant en-
tendu les vidoiresdu Capitaine,' & qu’il venoit
f aduançant pour fa conquefte , qu’il f’efteit c5-
fédéré ôc ioint auec ceux de Tlafcalla fes capi-
taux ennemis , & auoit chaftié rudement ceux
de Choliolafes amis , Pimagina de le tromper
ou efprouuer en luy enuoyaniTvn homme prin-
cipal, veftu Raccommodé desmefmes orne-
mens & enfeignes Royales, qui feignift eftre
Moteçuma, laquelle fî6Hon ayant eftédefeou-
uerte au Marquis par ceux de Tlafcalla quil’ac-
compagnoientjlerenuoya apres i’auoir douce-
ment & prudemment reprins de l’aaoir ainh
voulu tromper, dequoy Moteçuma demeura
tellement confus , que pour la crainte de cela il
retourna à fes premières imaginations de vou-
loir faire retirer les Chreftiens , parle moyen
Rinuocationl'des enchanteurs Rforders. Par-
quoy ilallembla vn plus grand nombre d’iceux
qu’il n auoit faitla première fois, en les mena-
çant que s’ils retouriioient vers luy fans accom-
plir fon commanderaenr, il n'en refehapperoie
vnfeuljà quoy ils promirent d’obtemperer. Et
pour ceft effeét tous les officiers du diable s’eu
Z?; iii]
Histoire natvrelle
allèrent au chemin de Chalco,qui cftoir par où
deaoiencpalTcr les Efpagnols, où montansau
feftdVnecofte, leur apparut Tezcalipuca,vn
de leurs principaux Dieux, comme venant de-
uerslecamp des Efpagnols, en l'habit de Chal-
cas, qui auoit les tetins ceints auec huict tours
dVne corde de ionc, il venoit comme hors de
foy & comme vn homme infenfé & enyuré de
' rage &defurie.Arriué qu’il futàl’efcadron des
Negromanciens &forciers,il s arrefta <?deur
dift en grand coXqmq PourcjHoy von4 Autres teutenéX^
VQvts icy,f/eJi--ceqiteM3teçuma prétend faire par vofre
fnoyen^ll s e^ trop tard aduife. car dejîa il ef déterminé^
que l'on luy ojie fon E^yanme CT fin honneur, auec tovtt
ce qii ilpofede, peur punition desgrandes tyrannies quil
a commifes contre fies vajfaux,n ayant pas go mierné corne
feigneur , mais comme traifire ty ran. Les enchan-
teurs alors oyans ces paroles, cogneurent que
c’eftoit leur idole, & fhumiliansdeuant luy,luy
baftirentàl inftant au mefme lieu veu autel de
pierre , qulls cpuurirent de fleurs qu’ils cueilli-
rentàlentour,luyaucontraire nefaifant point
d'efliatde ces chofes commença derechef à les
taiicer,di{ant: Qujfies-voua venus faire icy traisîres,
retourne\preteurne%incotinent <CT regarde\Mexique^
afin que vous entediel^ ce qui doit aduenir d'elle. Et
difent qu’ils fe retournèrent deuers Mexique
pour la regarder,(Sc qu’ils la virent briiflante &
toute enflambée devines flames. Alors le dia-
ble dï(parur,(Sc eux n'ofans pairer plus outre , fl-
rentfçauoircelaà Moteçuma. Ce qu ayant en-
tendu,il fut vn long temps fans parler, regardât
penflfen terre, puis dift, que ferons nqus4onCj
DES Indes. L I V. VII.
fi les Dieux & nos amis nous delaiflent,& qu’au
^:ontrairciils aident &fauonfent nos ennemis»
le fuis défia refolu, & nous deuons tous refou-
dre à ce point,que arriue ce qui pourra arriuer^
nous ne deuons point fuir nynous cacher, ny
inonftrer aucun (igné de coiiardile. l ayieulc-
ment pitié des vieillards & des petits enfans
qui n ont ny pieds ny mains pour fe defFendre.,
&difantcelâ fe teut,pource qu’il cotnmençoiE
à Ce tranfporter en extafe. Enfin le Marquis
rapprochant de Mexique, Moteçuma faduifa
defairedenecelfité vertu, ôc fortit pour lere-
ceuoircôrae à trois ou quatre lieues de la Cité,
allant d vnegrauemajefté, porté fur les efpaul-
les de quatre feigneurs , & eftant couucrtd’vn
riche ppelle d’or & de plumcrics. Lors qu’ils
fentrerencQntrerent,Motecumàdefeendit, &
tous deuxfefaluerent IVn l'autre fort courtoi-
fement: Dom Fernande Cortès luy difl: qu’il
nefe fouciaft de rien, & qu’il n’eftoit là venu
pour luy oftçr fon Royaume, ny diminuer fou
authorité. Moteçuma logea Cortès &fescon-
pagnons en fon palais Royal,qui cftoit fort ma-
gnifique, 6c luy s’en alla loger en d’autres mai-
fons priuées qu’il auoit. Les foldards defehar-
gerent celle nuid-là rartilleric par refiouilFan-
ce,dequoy les Indiens s’efpouuenterent beau-
coup, n’ellanspas accouftumez d’ouyrvne tel-
le mufique.Leiour enfuiuant Cortès fit alLem-
bfer Moteçuma & les feigneurs de fa Cour en
yne grande fale,où luy eftant aflis en vne haute
chaire,leurdift qu’il eftoit féruiteur d’vn gran4 ^
Prince qui Icsauoit enuoyez encespays pour
J
Histoire natyrelee
faire de bonnes œuures, &qu ayant trouuc' en
iceluy ceux de Tlafcalla qui eftoienr Tes amis,
kfquels fe plaignoient fort des torts & griefs
.que ceux de Mexique leur faifoient continuel-
iementjà cefteoCcaiion il vouloir entendre le-
quel d’enti’euxauoit le tort, à fin de les appoin-
ter enfemblc,pour de là en auant ne ferratrail-
1er & guerroyer les vns les autres , & que ce-
pendant luy &fes freres( qui eftoient IcsEfpa-
gnols)demeureroient toufiours là fans les en-
dômager,aucorraircles aideroient en ce qu’ils
pourroient. Il mit peine de faire bien entendre
ce difeours à tqus,fe feruant de ces interprétés
Sc truchemenrs.Ce qu entendu par le Roy &les
autres feigneurs Mexiquains, ils furent extrê-
mement contens,& monftrerent grands fignes
d amitié à Cortès ôc aux fiens. Plufieurs font
d’opinion que s’ils eufient fuiuy l’afiaire comme
ils rauoientpmmencé ce iour là,ils eulTentpea
facilement ordonner du Roy Ôc du Royaume
pour leur donner la loy de Chrifl: fans grande
effufion defang.Maislesiugemérsde Dieu font
grands, & les pechez des deux parties eftoient
en grand nombre, par ainfi n’ayans fuyui leur
pointe l’affaire fut différé, combien qu’en fin
Dieu fit mifericorde à cefte nation, juy com-
muniquant la lumière de fon faind Euangile,
apres auoir fait iugement & punition de ceux
quilemeritoicnt, & qiiiauoient trop énormé-
ment offenfé ladiuine reucrence. Tantyaque
quelques occafionsÊcrmeurent, dont plufieurs
plaintes, griefs & foupçons, nafquirent d’vn
çqfté, 6c d’autre. Ce que voyant Cortès, <5cque
DIS Indes. Liv. VII. ^6^
les volontez des Indiens commençoient à le
diftraire d’eux : il lüy fembla neceiraire de far-
feurer,en métrant la main fur le RoyMoteçu-
ma, lequel fut faiiî,& mis les fers aux pieds, ade
certes elpouuentableau monde, &quicftc{gal
à l’autre fien,d auoir bruflé fcs nauires, & f eftrc
cnclos^au milieu de fes ennemis, pour vaincre ou
pour mourir. Le pire fut que à caufe de la venue
inopinée 4 vnPamphiloNaruaes en X^vem Cmx
pour altérer «Se mutiner le pays futdebefoing
que Cortès f abfentaft de Mexique, & qu’il lail-
faft Icpauure Moteçumaéntrc les mains de fes
compaignpns,qui n’auoient pas la difcretion,ny
la modération telle que luy , par ainil l’affaire
vint à telle diffenfion qu’il n’y eut plus aucun,
moyen[de faire paix.
Ve Umort de Mote^umA^o^ fortie des E^agnoU de
Mexique,
Ch AP. XXV.
quains,
Ors que Cortez eftoit abfènt de
Mexique, celuy qui eftoit demeurç
fon Lieutenant fut d opinion de don-
ner vn rude chaftiement /aux Mexi-
, & fit tuer vn grand nombre de la no-
blelTeen vn bal qu’ils firent au palais, qui fut fi
cxcefiif que tout le peuple fe mutina , & d’vne
furieufe rage prindrent les armes pour fc ven-
ger & tuer les Efpagnols.Par ainfi ils les aflîc-
gerent au palais , les prelfans de fi presque le
dommage que les Efpagnols leur faifoient de
leur artillerie & de leurs arbaleftes, ne les pqu-
Histoire natvrelle
uoit diftraire , ny faire retirer de leur entre-
prinfeà quoy iis periîfterent parplufieurs iours
leur empefehans les viures fans permettre qu’il
y entrait ou for tift aucune créature. I Is fe bat-
toienr auec des pierres, dcsdardsàietter, à leur
’ façon,desefpeces de lances qui font comme des
flefçhes, ouil y a quatre ou iîx rafoirs très- ai-
gus,qui font telles, que les hiitoires racontent,
qu’en ces guerres vn Indien d’vn coup de ces
rafoirs emporta prefque tout le col dVn che-
nal,& comme ils combarroientvn ioiir en cefte
refolution & furie, les Efpagnols pour les faire
celîer, firent monter Motecuma,aiiecvn autre
' des principaux feigneurs Mexiquains, au haut
d’vneplatte forme de la maifon, couuerts des
rondelles de deux foldats qui eftoientauee eux.
Les Mexiquains voyans leur Seigneur Mote-
çumafarrefterent & firent grand filence. Alors
Motecuma leur fit dire, par ce Seigneur princi*
pal, qu’ils fappaifaifent , & qu’ils ne fiflèntia
guerre aux Efpagnols, puis qu’ils voyoienr,que
iuy citant prifonnicr cela ncleurpouuoitprof-
firer.Ge qu’eitaut entendu par vn.icune hom-
me appelle Quieuxtemoe , lequel ils parloient
défia d’ellire pour leur Roy, diit à haute voix à
Motecuma , qu’il fe retirait , comme vn villain,
que puis qu'il auoit cité il couard, que de fe laif-
fer prendre, ils ne luy debuoient plus obeyr,
mais pluitoit luy donner le chaitiement qu’il
meritoit,l’appellant femme pour plus grande
ignoiliinie,& commença alors à enfoncer fou
arc, & à tirer contre luy , & le peuple recom-
piencaàictter des pierres, ^ pouriuyure leur
Des In dès. Liv. Vit. 5^7
combat. Pluficurs difent qu alors Motccoma
fut frappé d’vn coup de pierre^ont il mourut,
les Indiens de Mexique afferment le contraire,
mais qu’il mourut depuis de la façon que iedi-
ray incontinent. Aluaro &lc refie des ErpagUols
fe voyansfi preffez ennoycient donner adiiis
au Capitaine Correz,. du grand danger, où ils
cfloient , lequel ayant auec vne merueilleufe
dextérité & valeur,donné ordre en Taffairc de
Naruacs, & rccueilly pour luy la plus grande
partie de Tes hommes, vint à grandes iournees
fecourir les liens en Mexique,^ ouàttendant le
temps que les Indiens fe repofoient ( car ce-
ftoit leur vfage en la guerre, de fe repofer de
quatre iours en qiiarre iours ) il faduanca viî
iour par grande rnie ôc magnânimité , tel-
lement que luy Ôc fesgens entrèrent au Palais;
où les Efpagnols feiloient fortifiez , parquof
ils monflterent plülidors lignes deréfiouifïan--
ce, en defehargeant l’artillèrie: mais comme la
rage des Mexiquains fangraentoit , qu’il n’y
auôitrnùl moyen de les appàifer,^ mermes que
les vidres leur deffailloient du toirt^fihs qu’ils
eulfeilt Gfpcrance de pouuoir plûsfe.'dcffendrc,
le Capitaine Cortezdelibcratde rortirpvnc nute
fans-bruit! Parquoy ayant fait diÿS'q?onts de
bois, poimpaffer deux grands courants d’eaiie
fort dangereux, il fortit fur la minihél aûec tout
le plus! ‘grand lilence qu’il peut. & '.ayant ià là
, plus part defes genf pafl^ le pretniér'ponti ils
furent apperceùs d?vne Indienne aùant que de
paifer le fécond, qui- f en alla criant' que leurs
ennemis fenfuioient, à 'laquelle vbi^ falfem-
Histo’ire natvrêllê
bla, Sc accourut tout le peuple dVne terrible
furie, tellement que palîànt le fécond pontjiis
furent tellement chargez ôc prefTez,! qu’il de-
meura Iplus de trois cens hommes morts ôc
bleflcz en vn lieu,où eft auiourd’huÿ vn petit
hermitage, que fort mai à propos l’on appelle
auiourd’huy des martyrs. Pluficurs des Efpa-
gnols pour conferuer l’or & les ioyaux,qu’ils
auoient ne peurent efehapper , ôC d’autres re^
tardans pour le recueillir, 6c apporter, furent
prinsparles Mexiquains, ôc cruellement facri-
fiezdeuant leurs idoles. Les Mexiquainstrou-
uercntleRoy Motecumamort, 6c blelfécom-
m e ils difenr de coups de poignards, qui eft leur
opinion, que cefte nuit les Efpagnols le tuèrent
auec d’autres feigneurs. Le marquis en la rela-
tion, qu’il enuoya à l’Empereur ditaucontrai-
rc,& que les' Mexiquains luy tuçrent celle nuit
vn fils de Motecuma,qu’il emmenoit auec d’au-
tres reigneurs,difant que toute la richefie d’or,
pierres, & d’argent, qu’ils emportoient tomba
auIac,ouiamaisdudepuisne parut. Qutfy qu’il
en Toit Motecuraa finir miferablement, ôc paya
au iufteiügemenr du Seigneur desCieux ce qu’il
meritoir, pour Ton grand orgueil, & tyrannie.
Car fon corps eftant venu en la puiifancc des
Indiens, ils ne voulurent luy faire les obfeques
de Roy, non pas d’homme commun, ains le iet-
terent par grand mefpris ôc collere. Vn fien fer-
uitcur ayant pitié du malheur de eeRoy,qfli
auoit efté aiiparauant'craintj& adoré comme
Dieu, luy fit là vn feu, ôc mit fes cendres,où il
peiitjCnY^ lieu allez mefprifé. Retournant doc
Dis Indes. Li V. VIL ^6È
^^ux Efpagnols qui efchapperent,ils furent gran-
dement fatiguez & trauaillez, pour ce que les
Indiens les fuyuircnt obftincmét deux ou trois
ioufs, fans les laiirerrepofervn moment, & al-
loient fi fatiguez à caufe dupeu de viures,quc
bien peu de grains de mays eftoient départis
entre euxj pour leur manger.Les relations des
Efpagnolsj & des Indiens faccordent,queno-
ftre i^eigneur les deliura eh cet endroit mira-
culeiilcmcnt la mere de mifericorde, ôc royne
des deux, Marie les deffendanr en vne mon-
taignette, où à trois lieties de Mexique eftau-
iourd’huy fondée vne cglife,en mémoire de cela
auectiitrede noftreDamedefecours. Ils fe re-
tirèrent vers leurs anciens amis de Tlnfcalla,
où ils fe retirèrent par leur ayde, & par la va-
leuj;#& riize de Fernande Cortès , puis retour-
nèrent faire la guerre en Mexique pareaüc,&
par terre, anecFinuentiondes brigantins qu’ils
mirent dans le lac, & apres plufieurs combats
ôc plus de foixanre dangereufes batailles, ils ga-
gnèrent du tout la Cité de Mexique le iour de
^indb Hippolyte treiziefme du mois d’Aonfi:
mil cinq cents vingt & vn. Le dernier Roy des
Mcxicquains ayant obftinement Touftenu la
guerre, en fin fut prins en vne grande Canoë,
où il fenfuioir, lequel eftant araené,aiiec quel-
ques autres des principaux feigneurs deuant
Fernande Correz , le roytellet d’vne eftrangc
magnanimité, faccant vne dague fapproclia de
Correz, Sc luy dift, mfques Attiourd’ huy ce
que day^^eu ^our U deffenfedes miens ynénteîiant ie ne
fm ohligéÀfAire d'aiiantage que de te donner cejls
Histoire natvrelle
, dague pur me tuer â' icelle. Cortès luyrefpondif,'
qu’il ne le vouloitpas tuer, & que ce n’auoit
point efté Ton intention de les endommager,
mais que leur obihnation fi folle eftoit coupa-
ble de tant de mal,& de la perfecution, qu’ils a-
iioient foufrerte : qu’ils feauoient bien combien
de fois il les auoit requis de paix, & d’amitié,
puis commanda qu’on les gardaft, & qu’on le
traiélaft fort bien luy &les autres, qui eftoient ef*
chappezPlufieurschofcsaduindrêt encefteco-
quefte de Mexique,eftranges & admirables, car |
ie ne tiens point pour mêfongc ny pour additio, |
■ ce que dilènt plufieurs,qui efcriuent que Dieu
ffauorifa l’affaire des Efpagnols par plufieurs mi-
racles, d’autant qu’il leur eftoit impoftîble de.
vaincre tât de difticultez,fans la faneur du Ciel, |
& de falfubiedtir au commencement cefte ter-
re,auec fi peu d’hommes. Car combié que nous
autres fuffions p'ecKeurs,& indignes de telle fa-
ueur,routesfois la caufe de noftre Dieu ,1a gloire,
de noftre foy,le bien de tant de milliers d ’ameS'y
cô'mc eftoient ces. nations,q.uelè fi&igneuc. auoit
predeftinées,requeroient que pour! paruenir àicêi
changement: que nous voyons à prefentarriué,:
il y furuintdes moyens fupernaturels,&propreS
à celuy qui appelle à la cognoiftance de luy les
aueugles,& les prifonniers, & leur donne la lu-
mière & liberté par fon S.Euangile,& afin que
l’on puifte mieux entendre cecy,& y adioufter
foy ie racôteray quelques exemples qui me fem-
blent à propos de cefte hiftoirc.
C H Al*.
. V
DES IKDES, Lit. VIL
3^9
Be quelques miracles que Dieu a monjlreXjés Indes e
faueur de U fojjkns U mérité de ceux qui les firent
CflAP. XXVil.
Aindte Croix de la Syerre eft vne
I prouince fort grande, & fort eflori-
jgnée,au Royaume du Perujqui sV
|uoyfine auec diuerfes nations d’in-
fidelesjlcfqucîsn'onrpoint encor la
lumière de rEuangile,fi depuis le temps que i’eii
fuis party,les peres de noftre côpagnie, qui font
là pour cet effet ne leur ont enfeigné* Toutes-
fois cefte prouince de fainde Croix cft Chre-
ftienne & y a plufieurs Efpagnols & Indiens
baptifez en grand nombre. La façon comment
le Chriftianifme y entra fut telle. Vn foldat de
mauuaife vie, refident en la prouince de Char-
cas craignant la iuflice, qui pour sfes délits lé
recllerchoit , entra bien auant dans’le pays , &
fut recueilly gratieufement des barbares de
cefte contrée , & voyant l’Efpâgnol qu’ils en-
duroient alors vile grande necefîîté par faute
d’eade , & que pour faire pleuuoir , ils faifoient
beaucoup de ceremonies fuperftitieufes, com-
me ils ontaccouftumé , il leur dift que s’ils vou-
ioienr faire ce qu'il leur diroit , qu’inc'onrinent-
ils auroient de l’eauc , ce qu’ils s’offrirent de
faire fort volontairement. Alors le foldat fît
vne grande Croix » qu’il planta en vn lieu emi-
nent Jeur difant , qu’ils fiflent là leur adoration,
A aa
Histoire NATVRELtE,
èc qu’ils demandaffent de l’eaüejce qu’ils firent
Çhofe merueilleiife , incontinent tomba de
l’eaüe fi abondamment , que les Indiens prin-
drent telle déuotion à la lainde Croix, qu’ils
anoienrrecoprs à icelle, pour toutes leurs ne-
celfitez, & obtenoient tout cequ’ils deman-
doient, tellement qu’ils rompirent leur idoles
& commencèrent à porter les Croix pouren-
feignes, & à demander des' prédicateurs qui les
enfeignairentjiSc baptifairent. Pour celle occa-
fionlaprouincea ellé iufques auiourdhuy ap-
p|ilee,lainte Croix de laSyerre. Mais afin que
l’on voye par qui Dieufaifoit ces merueilles, il
ne fera mal à propos de dire comment ce fol-
dat , apres auoir quelques années fait ces mira^
des d’Apoftre, n’ayant point toutesfois amen-
dé fa vie, fortit de la prouince des Charcas , &
continuant Tes mauuailes façons de faire fut
mis publiquement au gibet en Pottofi. Polo
qui le cognoilToit, eferit tout cecy comme cho-
fe notoire , èc qui arriuà de fon temps. Cabeca
de Vaça, qui- fut depuis gouuerncur au Para-
guey efcriptenla pérégrination eftrange , qui^
luyaduint en la Floride, auec deux ou trois au-
tres compagnons, qui refterent feuls d Vne ar-
mée; où ils palîerentdix ans auecles barbares
cheminans , & penerrans iufques à la mer du
Sud,& eft aiitheur digne de foy , que les barba-
res, les forceans de guarir certaines maladies,
les nienaçans que s’ils ne le faifoient qu’ils leur
ofteroientla vie, d autre part ne fçacharrs au-
cune partie de médecine , & n’ayans aucuns
appareils pour l’exercer, forcez delà necelfité,-
6es IKdes. -Lit. VU. jjë
fè firent médecins eiiangeliques, difans les oraU
fons de l’Eglife , & faifans^ le figne de la Croix,
àu moyen dequoy ils guarirent ces malades,
pour le bruit, & renommée dequoy ils furent
contraints , d’exercer celle office par toutes les
villes où iis pairoienr, qui furent innuraeràbles,
enquoyie Seigneur les aida miraculeufementi
de forte qu’ils cfioient eux mefmes efmcrueil-
lez pour eftre de vie commune , voire l’vn deux
Vn negre j Lancero eftoit vn foldat au Peru , du-
quel on nefeait d’autres mérités , que d’eftre
foldat, ildifoitfur les play es certaines bonnes
parolles , & faifant le ngne de la Croix les gua-
rillbit incontinent', d’où Ton difoit comme par
prouerbe le pfalme de Lancero. Ellant exami-
né par ceux qui tiennent rang & ont authorité
en TEglife , fou office , & fes œuurcs furent ap-
prouuees. Qiielques peffonnes dignesdefoy
racontent,& Tay ouy dire mefmes,qu’en la cité
deCufco , lors que les Efpagnols y eftoientaf-
fiegez & prelfez de fi près , que fans l’aide du
Ciel il leur eftoit impolfible d’en pouuoir ef.
éhapper , les Indiens iettoient du feu fur leè
toiéls des maifons , où s’eftoient retirés les Es-
pagnols, qui éft l’endroit où eft auiourd’huy
baftie la grande Eglife : & bien que Iq toîd fuft
de certaine paille, qu’ils appellent là chicho , Sc
que les flambeaux qu’ils y iettoient deffus e-
ftoientdebois depin fort rameuxdc fort gros j
toutesfois iamais aucun echofe ne print en feuj,
ny ne fut bruflée , à caufe qu’il y auoit vne Da-
me en haut qui eftaignoie le feu incontinent , Sc
^dâfiùŸtffbîeiTiém âppercéu des Indiens,qui
A aa ij
Hîstoirewatvîielle
référèrent depuis en cftans fort efmerueilîez.
L’on feait de certain , par les relations de plull-
eurs,&par les hilioircsqui en font eferites^qu en
diuerfes batailles,que lesjEfpagnols eurent, tant
en la neiifue Elpagne qu'au Perujes Indiens cô-
trairesveirent en Pair vn cheualier, monte furvn
chenal blanc, vne efpéc en la main , combattant
pour les Efpagnois , d’où eft venue la grande Vé-
nération, qu’ils portent aux Indes au glorieux
ApollreS.iacques. D’autresfois ils veirent ert
quelques batailles l’image de noftreDamc,de la- .
quelle les Chreftiensont receu,ences parties,
d’incomparablesfaueurs,&beneficcs,que {H’oii
racoiitoit par le menu toutes les œuures du Ciel )
comme elles font aduenucs,ce feroit vn dis-
cours fort long. UTuffit d auoir dit cecy à l’oc-
ca/iondelagracequelaRoyne de gloire Etaux
noftresjlors qu’ils eftoient prefTez& pourfuyuis
des Mèxiquains , ce que i’ay mis en auanr afin de
faircjen tendre, que noftreSeigneur a eu foucy de
faiioriler la foy,& religion Chreftienne, defen-
dant.ceuxquiia teaoient,encoreqiiepar aduan-
mre ils ne meritalfent pas parleurs œuures , de
telles faneurs & benencesdu Ciel. C’eftpour-
quoy l’on ne doit pas condemner fi abfoluemct
route'sLCcschofeSjdes premiers conquerans des
IndeSiainfî que quelques religieux , & hommes
dodtes ont fai6t,parvn bon zele fans doute, mais
par trop affedlé ; car combien qu en la plus part
ils furent hommes auares,afpres,& fort ignoras
de la façon de procéder que l’on deuoit obfer-
uer, entre les infidèles , qui iamais n auoient of*
fençé les Chreftiens, routesfois l’on ne peur pas
DES Indes. Liv. VU. ' 2,71
nier, que de la part des infidèles , il n’y ait eu be-
aucoup de Æauuaiftié contre Dieu,& contre les
noftres,ce qui les contraignit vzer de rigueur,&
de chaftimét.Et ce qui eft d’anâtage, le Seigneur
de tous , encor queles fideles fuÜènt pécheurs,
voulut fauorifer leur caufe&parry, pour le bien
des infidèles mefmes , qui depuis fe debuoient
conuertir au fain6t Euangile par cefte occafion:
car les chemins deDieu font haut^&leurs traces’
merueilleufes.
Ve la fa^tn que la dmme promden^e difpojk les Indes ^
pour y donner entrecyà U Kehgion
Chrejhenne.
Ch AP. XXVIII.
ettrayfin à cefte hiftoirc dcsîn-
declarantle moyen admirable
lequel Dieu difpofaj&prepara
crée de i’Euangile,en icelles , ce
^ l’on doit bié côfiderer , afin de
louer & recognoiftre la prouidence & bonté du
Createur.Chacun pourra entédre par la relatio,
& difeours queiay eferit en ces liures,tant au
Perü, comme en la neufue E fpagne , lors que les
Chreftiens y mirent premièrement le pied , ces
Royaumes & Monarchies eftoient paruenues
aufommet : & période de leur puiftance ; veu
que les Inguas poftedoient au Peru depuis le
Royaume de Chillé iufques plus outre que
Aaa iij
Histoire natvrelle
Qmtt05qni font mil lieues de pays fuiui. Eftans
û à abôdans en or& argenr/ompuieux fel:uices,
& autres chofes que rien plus .comme en Me-
xique Moreçuma commandoit depuis la mer |
Oceane,du Nort.iufques à la mer du Sud, eftant ^
craint,& adoré non pas comme homme , mais '
pluftoft comme Dieu : Ce fut alors que le très-
haut Seigneur iugea , que celle pierre de Daniel
c|ui rompit les Royaumes , & MonarcKies du
monde rompill aulTi ceux de cet autre nouueaii
monde. Et tout ainh comme la loy de Chrill
vint quand la Monarchie Romaine elloit par-
uenue à fon fommet, ainh en aduint il és Indes
Occidentales , & vrayement appercoit-on en '
cela vne vraye prpuidcnce du Seigneur* Car ■
n'y ayant lors au monde , c’efl à dire ch Europe,
quVnchcf& feigneur temporel, ainh que les [
facrez Doéleurs le remarquent , cela fut caufe
que l’Euangile fe peut facilement J cômuniquer |
à tant de peuples & nations , ce qui eft auhî ar- ’
hué és Indes ou ayans donné la cognoilîànce ‘
de Chrill aux chefs & monarques de tant de
Royaumes , cela fur caufe que par apres plus fa- j
cilementfon communiqua l’Euangile à tout le
peuple, voire y a icy vne chofe particulière à
noter, que comme les feigneurs de Mexique j
(ScdeCufco, alloient conquellans de noliuel- |
les terres ils y alloient aulfi introduifans leur ,
langue,car iaçoif qu’il y eull commejil y a encor
de prefçnt vne grande diuerhté de langues par- |
ticulicres & propres , neantmoins la langue !
courtifane de Cufco courut & court encor au- j
iourd’huy plus de mil lieues , & celle dç Mexi-
PES ÏNDES. LiV. Vlï. ^
aue, ne Feftendoit gueres moins , ce qui n a pas
efté de petite importance, mais a beaucoup pro~
fité pour faciliter la prédication en ce reps que
les prédicateurs n’ont pas le don de p u
langues,comme ils auoient anciennement.
voudra fçauoir quelle a>;de c’a efté pour la
predi&ation & conuerfionde ces peuples , que
la grandeur de ces deux Empires que lay ci ,
pour la grande difficulté que loua expcrinieji-
tée,à réduire en Chrift les Indiens , qui ne reco-
gnoiffoient point vn feigneur , s en aide en a
Floride, au Brefibaux Andes, &en pluiieurs
autres endroits , où par la prédication Ion na
pasfaiavnteleffed,en cinquante ans , com-
me opafaitauPeru , Sc en la neuue Elpagnc
en moins de cinq. S’ils veulenr dire que la ri-
cheffe de cefte terre en a efté caufe, ie ne le nie
pasdutout,touresfoisileftoit impoffible qudl
y euft tant de riebeffe , Sc qu’ils 1 eulPcnt peu cô-
feruer,s’il n’y euft eu Monmxhie. Cela mefme
eftvnackeminement de Dieu, pour ce temp?
cy, auquel les prédicateurs de l'Euangile font k
froids & Il peu zelcz, qu’il y aye des marchands
'lefquels aucc la chaleur de 1 aiiai ice , & le denr ,
du commandement , cherchent & defcoimrent
de noiiueaux peuples , ou nous pallions auec
iioftremarchandife.CarcommeditS.Auguftin,
la prophétie d’Efaye eftacccomplie, en ce que^^
PEghfede Chrift feftdilattée, non feulement ^-5 '
en la dextre,mais auffi en la fcneftce,qui cft con-
mc il déclaré s’accroiftre par des moyens hu-
mains, & terriens, que l’on cherche plus ordi-
nairement que lefus Chrift. C’a efté auffi gran«
Aaa liij
Hl STO I R E N A T V R E LL E
de prouidence du Seigneur, que quand les pre-
miers Eipagnols y arriuerent, ils rrouuerent de
l’aide entre les mcfmes Indiens,àcaufede leurs
partialitez& grandes diuilîons. Celaell: tout
cogneiiauPeru,queIadiuilîon d’entre les deux i
freres Arahulpa,& Guafca,eftant nouuellemenr {
décédé le grand Roy Guanacapa leur pere, fuft
caulededonnerl'entreeau Marquis Dom Frâ-
çoisPizarre & aux Efpagnols, d’autant quVn I
chacun d’eux defiroit ion alliance, & qu’ils e-
lloient occupez aie faire la guerre IVnà l’au-
tre, L On n apasmoinscxperimetéenlaneufue
Efpagne, que l’aide de ceux de la prouince de
Tlafcalla , à cauié de la perpétuelle inimitié
qu ils auoient contre les Mexiquains, caufaau
Mai quis Fernande Cortès , & aux liens la vi- j
Gloire, & ieigneurie de Mexique , & ians eux ij
leur euft efté impoiîîble de la gaigner , voire
lèulement de fe maintenir au pays. Ceux là fe
trompent beaucoup qui eftiment peu les In-
diens,& quiiugcnt queparl auantage , que les
Eipagnols ont fur cux,dc leurs perfonnes ,che-
uaux & armes ofFenlîues,& dcfFeniîues,ils pour-
ront conquefter quelconque terre, ôc nation
d’indiens, Chilleefl: encor là , ou pour mieux
direAranco,& Teucapcl, qui font deux villes,
lurlequelles nos Eipagnols n’ont pas fçeu gai-
gnervn pied de terre, combien qu’il y aye plus
de vingt cinq ans , qulls y font la guerre fans s’y
elpargner. Car ces barbares ayans vne fois per-
du la crainte des cheuaiix & des arquebufes , 6c
fcachant que l’Elpagnol tombe aüllî bien qu'vn
autrcjdvncoupde pierre, pu aiiec vne fléché.
' DES Indes. Liv. V lî. 37$
Ils fe hafardent & entrent dans les piques , fai-
fans leurs entre prinfcs. Combien d’anneesya
jlque Fonlcuedes hommes eri la ncufue Efpa-
gne , que Fon mene contre les Chychymequos,
qui (ont vn petit nombre d’indiens tous nuds^
armez feulement de leurs arcs, & Eefehes , toU:..,.
tesfois iufques auiourd’huy ils n'ont peu eftrc
vaincus, au contraire de iour en iour ils deuien-
nent plus hazardeux& déterminez. Mais que
dirons nous des Chucos , des Chyraguanas , 6c
des Pilcocones , ôc de tous les autres peuples
des Andes ? toute la fleur du Pc ru n’y a elle pas
efté, menant auec foy fl grand appareil d’armes
& hommes comme nous anons veu ? que firent
ils ? auec quel profit retournèrent ils ? Ils en r e-
uindrent certainement bien heureux de n y a-
noir laifle la yie , y ayans perdu leur bagage &
prefque tous leurs cheuaux. Qu’aucun n’eltitne
pas,qu’cn parlant des Indiens, l’ondoibue en-
tendre des hommes de rien, mais s’il lé penfe
qu’il vienne, & en face l’efpreuue. Il en faut
donc attril^uerla gloire à qui elle appartient,
qui eft principalement à Dieu , & à fon admira-
ble difpofltion, -car fi Moteçuma en Mexique,
ôc l’Ingua au Peru fefuflent employez à refî-
fterauxEfpagnols, & leur empefeher l’entrée^s
Cortès , êc Pyzarre y euflènt peu profité, encor
qu’ils fuflent excellents Capitaines , d’auoir mis
feulement pied en terre. C’a efté mefmc vii
grand ayde pour faire recepuoir aux Indiens la
loy de Chrift , que la grande fubieéHon qu'ils a.-
uoientàleurs Rois,& feigneurs, & mefmeU
fubîcdioDo & feruflude qu’ils aupknt au Dk-
Histoire natvrelie
èle,à Tes tyraiinies , & à (on iougfi pezaiit. Ce
fur vne excellence dirpofition delà fapiencedi-
uine, laqui°Iletiredu profHt du mal pour vnc
bonneiïn, &i*ecoitfon bien du mal d’autriiy
qu’elle n’a pas femé. Il eft certain qu’il n’y a au-
cun peuple des Indes OccidentaIes,quiaiceflé
plus idoine a fEuangile, que ceux qui ont efté
plus fubiers à leurs leigneurs , &qui ontefté
diargez déplus grandes charges, ranr de tributs
&reruices,coramedecouftumes, & vfaacsfan-
guinolems. Tout ce que poiïederent les Roys
M exiquains , & ceux du Peru , eft auiourd’huy
leplusGultiLié de la Chreftienté , Ôc où il y a
moins de difficulté au gouuernement , & police
EcdefiaftiqueXesIndiens eftoient défia fi lafiez
d’endurer leioug tres-pefant , & infupporrable
des loix de Satan , des facrificcs 6c ceremonies,
dont nous auons parlé cy-defiiis , qu’ils confiii-,
toient entre eux de chercher vue autre loy , ôc^
vn autre Dieu , à qui ils fer ni fient. Ceft pour-
quoylalôy deCbriftleurfembla, &leur fem.
ble encor auiourdhuyiufte, douce, nette, bon-
ne,^ route pleine de biens. Et ce qui eft diffici-
le en noftre Loy , qui eft de croire des niyfteres
fihauts ôc fbuuerâins, aefté bien facile entre
cux,d’autant qucle Diable leur auoitfait com-
prendre dTiures chofes plus difficiles. Et ces
mefiiies chofes qu’il auoit defrobées de no-
ftre loy euangelique,com>rie leur Eicon de com-
muniondc confclfioiî , leur adoration de troix
ürnvn, & telles autres chofes fèmblabies , ief-
queiies contre la volonté de l’ennemy ont’aydé
à faire plus faciieraenç rcceqoiiTa veriréà ceux
pis Indes. Lïv. VIT. 374
qui les auoient receus en la menterie. Dieu en
routes Tes œuures eft fagc , & admirable , lequel
furmonte laduerfairc auec fes propres armes,
l’arrefte auec Ton lacs , & l’efgorge , auec fa pro-
pre efpée. Finalement noftre Dieu, ( quiauoit
créé ces peuples, bc qui fembloit (î long temps
lesauoirmisen oubly ) quand leur heureaefté,,
venue a voulu faire que les melmes Diables en-
pemisdcs hommes qu’ils tenoîent faulfemene
pour dieux, donnallènt termoignage contre leur
volonté de fa vraye loy,du pouuoir de Chrift 6c
du triomphe de fa Croix , ainh qu’il appert clai-
rement par les prefages , prophéties , fignes , &
prodiges çy deifus racontez auec plufieurs au-
tres qui font aduenus en diuers endroits, &
que les mefmes minières de Satan,forcicrs, ma-
giciens,& autres I ndiens l’ont confeifé. E t ne
peut-on pier ( car c’eft cliofe tres-euidente , &
notoire par tout le monde ) quèle Diable n^ole
hfïler ,& que les pratiques , oracles , refponces,
Sc apparitions vilibles ,qui eftoient Ci ordinai-
res en toute ccfte infidélité, ont ceffé és lieux,
qù le figue de la Croix aefté planté , où il y a
des Eglifes,6«: où l’on a côFdfé le nom de Chrift.
Que s’il y à encor auiourd’huy quelque fien mi-
niftre maudit, qui participe encor de quelque
çhofedecela, çen’eftque dedans les cauernes,
fomniets dés montaignes , & aux lieux cachez
6c du tout efloignés du nom ôc communion des
Chreftiens. Le Seigneur fouuerainfoit bénir,
pour fes grandes mifericordes , ôc pour la gloi-
re de fon fiinét nom, & à la vérité , Ci l’on gou-
pcrnoic §ç t'egiffoit ce peuple , tant temporelko
Histoire N AT VREL LE
ment que {pirituellemenr, de la façon que por-
te la loy de lefus Chrift.auec vn ioug fi doux , &
vne charge fîlcgere 5 & qu'on neleur donnaft
point plus de poix Sc de charge que ce qu’ils (
peuuentporterjainlî qu’il eftporté,(Sçcomman-
de,par les patentes du bon Empereur de bonne
mémoire , & queauec cela ils prinflTentla moy^
tiedufoucy, qu’ilsemploiencàfaire profïîtde
leurs pauures fueurs, & rrauaux , pour leur ay-
deraleurfàlut ,ce feroit la Chreftienté la plus
paifîble,&heureufe de tout le monde. Mais noz
pechez bienfoiiuent fontoccafion, que Dieu
ne départ pas Tes grâces fi abondamment qu’il
feroit. Toutefois ie dy vne chofe qui eftvraye,
& le tiens pour certain j que iaçoit que la pre-
mière entree de l’Euangile 5 en beaucoup d’en-
droits n’a pas efté accompagnée de fincerité , &
de rnoiens Chrefiiens defquels on fe deuoit
feruir, fi eft-ce que la bonté de Dieu , a tiré du
bien de ce mal, & a fait que la fubieéHon des
Indiens, leur aye efté vn parfait remede , & fal-
uation. Que Ton confidere vnpcu ce que de
noftre temps Ion a de nouueau conuerty en la
Chreftienté, tant en Orient qu’au Ponent , &
combien il y a eu entre eux peu de feureré , &
de perfeuerance en la foy,& religion Ghreftien- |
ne , es lieux , où les nouueaux conuertis ont eu
entière liberté de difpofer de foy , félon leur li-
beral arbitre. La Chreftieté fans doute va croif-
fant(Sc augmentant , & rapporte chaque iour
plus de fruit entre les Indiens alfiibiea-is, &au
contraire, va fe diminuant , & menaçant ruine,
és autres qui ont eu des çommencemens plus
•s.
DES lîtDES. Lsv. VÎL 571
heureux : 6c encor que les commancemens
âyent efté laborieux és Indes Occidentales, tou-^
tefoisle Seigneur n’a laide d’enuoyer inconti-
nent de bons ouuriers ôc fîdeles hiiniftres liens,
hommes lain ts ÔC apollolîques , 'comme furent
frsre Martin de Valence, de lordrcde S. Fran-
çois-, frere Dominique de Getançois , de l’ordrC
de S. Dominique , frere lean de Roa , de 1 ordre
de S. AugülHn,auec d’antres feruiteUrs du Sei-
gneur, quiontvefcufain61:ement,& y ontou-
urédes chofcsplus qu’humaines. Des Prélats
mefmes fages, ôc des preftres fort faindls , ^ di-
gnes de mémoire , defqucls nous oyons d^s mi-
racles irmarquables& propres adtes d’Apoftres
Voire en noftre temps en auons cognu , ôc com-
muniqué de celle qualité. Maispource quemo
intentiô n a efté plus outre que de traiter ce qui
touche l’hiftoirc propre des mefmes Indkns, ôc
devenir iufque au temps quelc.Pere de noftre
Seigneur leius Chrift voulût leur communi-
quer la lumière de fa parole, ie ne palTeray plus
'outre, laillaiitpourvn autre temps, ou pour vn
meilleur entendement, l^difcours de l’Euan-
gile aux Indes Occidentales, lûppüant le Sou-
ucrain Seigneur de tous,& priant fes lèruitenrs
quilsfupplient humblement fa diuine maiefté
qu’il plaife à là bonté vili ter fouuent, ôc angmé-
rer ,par fes dons du Ciel , la nouuelle Chreftien-
té,quc les derniers lieclesonc plantée aux bor-
nes de la terre. Soit au Roy des liecles gloire,
honneur & empire ,pour toulîouts &àiamais.-
Amen.
FIN*
table des choses
PLVS REMARQUABLES CÔN-
tenues en cefte hijftoire naturel-
le 5c moralle des Indes; -
A
Bondafice 4^aux
fous laZone Tor-
ride. fi|7.
Abfurcîirezdcriile
Atlantique dePlatô'.f. 4(3.3
Abus des Efpagnols ad
PciTi, prenans l’Efté pour
THyuer. • %j;.b
Acamapach i. Roy de Me-
xique. 507.3
Accord fait entre le Roy
de Mexique ôc Ton peu-
ple deuât qu entrepren-
dre V ne guerre* £358.
a. b
Adlaguagi efpece de mo-
naftere de femmes, fol.
233.b.& 254
A des généreux de Fer-
nande Codtes. £5^5.3*
A(dion de grâces folemnel-
les apres vne vi(doire.
£j4î,d
Adoration des morts com-
mencée & augmentée, f.
218. b. & 2 15?.
Adultefcs punis de mort
£ apS.b'
Agilité des guenons & de
leurs rtaits prefqüe in-
croiables. f.aoo.a. b*
r Aigle fus vnTanaî,armoi^
ries deMexique,&pour-
quoy 32^. a. b
l’Ail fort eftimé des Indi-,
ens. f. K^j.â. b‘
l’Air combien necçlîàire à
la vie de l’homme, fol,
71. b
l’Air cfm'eu de moüuemenf
celeftcfuffitfousla ligne
Equino(dialle pour con-
duire vn Nairire. f.8(3.b.
&88.b
A } eos petits chiensdont les^
Indiens ont vn foin ih-
■ cro'iabie. f.iyf.h
TABLE.
Araaro Ingua exécuté
par les Efpaghols dans
Cufco. ^06. h
Ambre efpecé de gom-
me medicinalle , & odo-
riférante. _ f.iSi.a.b
Amendes GroUfans dans
les Cocos. f.iyS.a.b'
Amendes des Chacapoyas
tenuëspourle plus raie
fruitqui foirau monde.
F. 17b. b
les Anciens n’ont peu fai-
re vn voyage de propos
deliberéjfaure d Eguille*
F. 57. a
les Anciens ne nauigepyet
(ju'aucc rames. f.37.b
Anciens dodeurs plus ftu-
dieux des faindes 1er-;
très que des demo nilra-
tions de Philofophie.
f.2.b
Animaux venimeux con-
uertis par art dii( Diable,
en bonne nourriture.
Animaux parfaits ne peu-
u'enc êilre engendrez
comme les imparfaits
fdon l'ordre de nature.
40-, b . r
pluiîeurs efpeGes d’ Ani-
maux fe troimcist esK
deSjdontiln’yenapoiîîE
en l’Europe.
Aanona fruit appcüé pr
les Efpagnois blanc mâ-
ger à caufe de quelque
reiTemblancc, ij6-h
l’An des Indiens diuiie en
dixbiiid mois. t75«,b'
l’An des Peruiîens plus par
fait &c plus approchant
du noilre qneceioy dés
Mexiquains. ' 2^7. a b'
Apopanaca c’eftoit le
perinrendant des mo-
, nalleres des femmes.
Apacliitas fommets de
montaignes adorez, iié
Arbre d’en orme grandeur,
TArc du ciel auec deux:
coleuufes .çiloyeîlt les
armes de Ihigua Roy'
du Peru. - zi4.a
Arcades aux baftimensiii-
incogneuës aux Indiens.
2^2.a,b
, l’Argent poiirquoy apres
, roreil prifé far tous les
autres métaux. 135’. b'
i’Argenx plus prifé. en csi-»
TAB
tains endroits que non
pas l’or. i36.b-
l’Argent plus commun or-
dinairement que l’or
comment on affine l’Ar-
gentpar le feu. ify, a. &
comment auecle vif ar-
gent. 137. b. 154. &IJ5.
(diuerfes fortes d’Ateent.
i47.a ^
ciTayde l’Argent comment
fe fait. i5^.b
Ariftore no réfuté par La-
drance touchant le lieu
de la terre. ï5,b
Armes des Mexiquains,
305?. & 310
Armee en l’air prefàges
d’vne grande ruine. 3y6f
&3)7.
Art militaire fort honoré
des Maxiquains. 309. b
Art de recognoiftre les
eftoilles inuenté parles
Phéniciens. 34-a
chafque Indien fçauoit
tous les Arts needfaires
à la vie humaine , fans
qu'il luy fnft befoin de
fe feruir d’autruy . 296. b
les A lires félon quelques
Dodeurs de i’Eglife fe
meùuentdeux mefmes.;
i.b
Auanrage que les Chre-
lliens eurent aux Indes
pour y planter la foy.
247. a.b.
S. Augullin doute fi le ciel
circuit la terre de toutes
parts. 2
S. Augullin beaucoup plus
fubtil que Ladance. 15. b
Aufteriiez exer.ceespar les
Mexiquainspour confer-
uer leur pudicité. 238
cupide Auaricc d’vn certain
Prellre penfant tirer de
l’or d’vn Volcan. 123. a
Axi efpicerie d’Inde. 167.
&i68
l’Aymant trace comme vn -
chemin en l'eau. 3y.a
IMymant cômunique vne
vertu au fer de regarder
roufiours vers le Nord.
35.a
l’vfage de la pierre d’Ay-
mantà nauiger n’ell an-
cien. ' 35,a
B
Al folenncl en Mexi-
que où le Roy mefme
dançoit
TABLE.
danfoit.' 3^?*^
Balâce terrible où le Dia-
ble faifoic confelFer les
lapponnois. 25?. a. b
Balaine commet prife par
lesînciiés,& aiiec quel-
le induftrie. 104. a. b
comme iis la mangent,
là mefme.
Barques des IndienSjap-
pellees Canoës. 42,.b
Bataille fans efpadre fang,
faite feulemét pour ce-
remonie à la reddition
deTcfcndo. 343- a
Baufme de Palcftine& ct~
iuy des Indes fort diffc-
rens. i8j.il fertde chref-
me és Indes aux Sacre-
raensdeBaptefme,Con-
firmation &: autres.181
b. le blanc meilleur que
le rouge. 18 2. a
Belle occafion aux Efpa-
gnols d'affubiedHr les
Indiens par douceur li
leurs pechez l’culTenc
permis. 261.3. b
Befaar pierre qui fe trou-
ue en l’cftomac de quel-
ques animaux, trelïmi-
ueraine contre le poi-
fon. 20J. b. d’où elle
naift.ao^.b. côme elles
s’appliquent & quelles
font les plus excellent
tes,î07.a.furquoy elles
fe for men t. 2 o 7 . b
Bcftail foigneufemêtcon-
ferué par les Inguas.
255: b.
Belles lauuages adorées
par les Indiêsj&poiir-
quoy. 2î7.a
Bctum didCpppey en In-
dien. loS.a
BilTexte incognu aux In-
.diens. 278. a
Bochas& Suches poifsôs
lîgnaliez du lac de Titi-
caca. io<j.a
Boncos religieux du ^Dia-
ble és Indes. 235. a.b
Boiurellet marque du
Roylngua comme font
^ icylc fceptre& la cou-
ronne. 24i.b. & iScj.b
Boys rares & odoriferaiis
quinailTent és Indes.
iSj.a.b
Brancars d’or maffif. 1^4. a
les Brifes ôc vents d’abas
font deux noms gene-
raux qui comprennent
Bbb
table.
les vents dVn cofté &
d’autre. 84.a
Bruine fort proffitablc aux
aux Lanes du Peru. 117.
a. b
G
CAcao fruit fort efti-
)méés Indes, & qui
rcrtdemonnoye. 171» b
Cacaui , pain faitdvne ra-
cine. 16 L. h
Calabalîes ou - Citrouilles
d’Inde 5 & de leur gran-
deur. c léj.ab
Calcul des Indiens fort
ingénieux & fort prôpt.
289. a.b
Caméy fécond moys des
Indiens. 26 1. b
Canards en grande abon-
dace au lac de Titicaca,
& comme on les cbaiîè.
lo^.a ‘ '
Cannes de fucre de grand
reuéna. ’ 189. a
Canopus dfoille qui Ce
voidaucieldu nouueau
monde. lo.a
Cap de Comorni autres-
fois appelle le Promon-
toire de Cori. i3.a
les Carthaginois deffen-
dirent de nauiger aux
terres mcogneucs , &
pourquoy. 23.3
Gaufe des inondations du
Nil. 54.b
Caufe alTcuree de l’Hyucr
& de l’Efté. ytî .a
Caufe des tremblémens de
terre. i24.b
Caymans ou lefards , ref-
femblans aux Crocodi-
les dot Pline parle. xo5.a
Cendre iettee en abondant
ce par les Volcans.
i2i.a. b
Ceremonie Mexiquaine de
fe tirer du fang en diuers
endroits.543.b.& 3 4t. b
Ceremonies desindiens en
la fepulture des morts.
21 i. b. & 222^^
Ceremonies quife faifoyce
aux facrifices des homes
243.244.
Chachalmua premiers Sc
fuprefraesPreftres,&dcs
habits dont ils vfoient
aux facrifices. 244.a. b
Charge des moutons d'In-
de combien grande , ôc
quelles iournecs ils font
ainfi chargez. 204. b
Chafquis poftes des In-
TABLE.
dicns qui portoient les
iiouuclles par tour. 187
b.dc leur ellabliiremen t.
2^7
dralTe des Lyons viîtee en-
tre les hidicns.ic)!. b
Chemin des Efpagnols
pour aller aux Indes , &
leur retour. 8o,a.b
Cheuaux beaux & forts fe
trouuent es Jndcs. 191. a
Ch;;ùeuxdes preftres hor-
nblemêt longs & oindts
de refine. 2^6. a. h ^
Chica boiflbn fort bonne
pour le mal de reins.
1^2. a
Chichimequas anciens ha-
bitans de la neufue Ef-
pagne,& de leur vie bar -
bare. iié'.ab
Chicocapote fruit reirem-
blantaucotignac. lyS»
a b
Chiens dangereux & aufii
pernicieux qiieles loups
i9i.a.b
Chiens dangereux cnEllle
de Cuba Elpagnolle &
autres. 45. b
Chille Royaume de mef-
me teperature que ccluy
d’Efpagne ‘ 5 4. b
Chinchilles petis animaux
dont la peau eft exquife.
199. a,b.
Chocholateboiflbn des In-
Indiens dont ils font
grand eftat. tyl.b
le Ciel eft rond&fe tour-
ne fur les deux pôles.
5 a. prouuc plus par ex-
periêce que par demon-
ftration. là mefme.
le CieLentfure la terre fé-
lon les Eferiptures. é". a
leGieldctoüs coftez eft en
haut. ij.a
le Ciel n’efloigne pas plus
la terre d vn cofté que
d’autre. u.a
Cinabre ou vermeillon ap-
pelle par les Indiens Ly-
rapi. iço.b
Coca fruid qui fèruoit de
monnoye aux Mexi-
qùains. 1^1. b
Coca certaine fueille donc
les P erufics fe feruoyent
pour monnoye. ija.b
Coca petite fueille dont les
les Indiens font grand
traffic.172. a.il encoura-
ge & renforce. 175. a
Cocas Palmes des Indes
6 de leurs rares pro-
Bbb ij
; TABLE
prietez. lyy.b.&iyS
Cochenille graine qui
croifi: en l’arbre de T ü-
nal. ' ■ 174. b
Cœur arraçhe aux hom-
mes facrifiez , &d’où
viêt la ceremonie. 323. a
Colleges de Mexique or-
donnez pour apprédre
des harangues biendi-
dbes aux ieunes enfans.,
2o4.a
Coloipnesrd’.HercuIes li-
meiiuent de l’Orienr en
Occidenr.
Cornent les hommes ont
peupa(Ter aux Indes. 31
&32.
Comment fc font peu
peupler les Indes. 49. a
Cornent les Indiens peu-
uent defigner les noms
propres auec leurs cha-
raderes, 281. a
Communion imitee par
J les efclaues de Satan.
mites, dçTjEmpi Ro-
main & du monde an-
cieiii L. ï6. ôc 17
Combat du/ Caymant ôc
- d’vn Tigre. . 105.3
Combatd vn Indien con-
tre vn Ca ymant . i o 3 . b
Combien de coiitentemêt
• Apporte la ebntempla-
- tion desœiiures deDieu
d au pris de celles du mô-
- de. ' 8
'Combien chaque famedy
_ fenregiftroit d argent à
Pottozi , du temps du
gouuerneurPollo.i42.a
Polio. “ 142.3
Comédies fort frequen-
tesàla Chine. 282. a
les Cometes en l’air fe
24^. a. b. de 2 5 2. b
Comparaifoii familière
pourprouuer l’effet na-
turel des pluyes en la
Zone Torride. 61. b
..Gomparaifon du Royau-
medeMexique auec ce-
luyduPeru. aSS.b
Concile de Lyraa rompt
le mariage fait entre le
frere& la fœur,&pour-
quoy. 299'b
Concôbrc d’Inde. ^6, a. b
Confeflîon des Indiens.
2J3.& 254. l'Ingua ne fc
coiifelfoit point. 254
pechez pont fe ConfeT
foy ent les Indiês. f. 2 J3.
b.bain apres la Confef-
• fion de ringua. 254.»
TABLE.
Cmfiteor^ comment fe peut
efcripre en efcriture de
Mexique. , 184. b '
k Conte des Indiens dont
ils fe feruent pour let-
tres ne peut aller plus
outre que quatre ceiis
ans. 50
îe Cotcon croift es arbres.
• 174. & lyj. ilfertpour
faire de la toi lie. 175. a
Corps mort extrêmement
bien conferué. 304. a
CourônedeMexique fem-
blable à celle delà Sei-
gneurie de Venife. 325), a
Couronnement des Roys
de Mexique fait en gra-
de folemnité , & aiiec
effufion dVne infinité
de fang humain. 344. a
Courriers des Indes fort
A'iftesbien que fe fulEent
piétons. 2 8 7. b
,Coya, principalle femme
del’lngua, de laquelle
le fils fuccedoit auRoy-
aume, mais apres l’On-
cle feulement. 285?. a.b
au.mt la Création il n'y
auoitny temps ny lieu,
chofe difficile à l’imagi-
nation. 15. a
il n’y a point eu de Créa-
tion depuis la première.
40. b
Crimes punis de mort par
les Indiens.
Croifee eftoille notable
du nouueau ciel. 10. a
Cruauté des Indiens en
leurs facrifices. 126. a
Cruaurez exécrables en
la tuerie des hommes.
244.145^246
Cruelle ceremonie d’ar-
" roTer les ambalFadeurs
de fang, penfaiit pour
cela auoirmeilleure ref-
ponce. 265-a
Cu grand temple de Me:
xique, & de fes fingula-
ritez. 25é.a.b
Cugno certain pain de
quelques Indiens fait
déracinés. 11 6. a
Cufchargui eft vne chair
fechee dont vfent les
Indiens. 204.a
Cufco ancienne habitatiô
des Roys de ce pays là.
ii5.b
D
DAnfes & récréations
publiques - needbai-
res en routes repubih
Bbb iij
TABLE.
ques. 215.& 214
Dantes animaux fauuages,
prefque femblabks /à
des mulets, & de leurs
cuirs. ic)9.a
Deluge allégué par les In-
diens , dont il fe void
quelque apparence. 45».
a.b
Dent dcGeant d’vne énor-
me grandeur. 3i9.b
Departement des terres
d’Azcapuzalco apres la
viétoire obtenue pr If-
coalr.
Defcouuertc des Indes
Occidentales prophe-
tifee par Seneque. i3.b
Defcouuertes de nouuel-
les terres , faides plus
par tempefte qii’autre-
ment. ^î.a.
DcfiTein de l’autheur. 75. b
Deftroit de Magellan def-
coLiuert par vn gentil-
homme Portugays, qui
portoit le meime nom
Deftroitdu PoleArdique,
qu’on Pimagine en la
Floiide,non encore re-
cognii. ^S.a.b
Ddlroit de Gilbara^ ap-
pelle anciénement Co-
lôncsd’Her cilles. ^4.a
babitans d’autour le dc-
ftroit de Magcllâ quels
& cornent veftus. 575?. b
le D able ialoux contre
DieUjhayt les hommes
à mort. 210. & iii.Ido-
^ latrie diiiifee en plu-
heurs chefs, iii.a.b
le Diable parloir es Gua-
casdes Indiens, izj.b.
229 a
DifFerêce de lettres pein-
dures & charaderes.
278, b
Difficulté de fçauoir d’oà
font venusles Indiens,a
'’caufe qu’ils n’ontpoinc
vfé de lettres. 48.
Difeours de la defcouuertc
du Magellan par Sar-
miento. 96.8c s>7
Diuifion du Peru és La-
nos, Sierras, 8c Andes.
ii4.b
Diuilion du peuple. 291.
a.b
Diuifiôde la ville de Me-
xique en 4. quartiers,
faidepar le comman-
dement de leur Dieu.
3i7.a
TABLE.
Comment fe diuifoyent
les terres coiiqueftees
par les Inguas.a^q.a.b
Piuinations cxercees par les
les indiens, &,coramér.
iS7.a.b
Diuoices pranquezenrre
les Mexiqüa.hîs& com-
menr. 2 57.a.b
Diuorces pratiquez en-
tre les Mexiquains, &:
comment. i6o.b
les fainds Dodeurs non
" à reprendre pour eftie
difterens en opinions
xPhilofophiqiies. i.b
Doradd' grande terre in-
cogneue. iio.a
le Drach Anglois de no-
ftre temps apaflelede-
ftroit de Magellan, Sc
d’autres depuis luy. 5>5*
E
L’Eau de mer reFraiE-
chit bien qu elle foi t
faliee. 67.3.
Eaues de Cuayaquil tres-
fouucraincspourle mal
Napolitain.'^ 208. b
EclipFe de la Lune preiiue
certaine de la rondeur,
du ciel. 4, a
Effets naturels procédez
de caufes toutes con-
traires. ; 55>.a.b
Elemens participent
me Fuie s du mouuemér
du premier mobile.
84.b
Enfans facrifîez au Soleil
z25.b /
Enfans de l’Ingua dediez
pour eftre chaialiers'i
262.3
Entrée des Efpagnols en
la neufue Efpagne fut
l'anijiS,. 3)2.a
Entrée de Cortès en Me-
xique. 36y.a.b
Erreur des Antbropomor-
phites. 5)6
Erreurs de l’imagination.
14 ^ ^
PajOTage d^Efaye expliqué,
pour ramplification de
l’Euangilc. 130. & 131
Efchellesdecuir de ^'ach®
pour monter hors des
mines. , 146.3
Hiftoired’Efdras Apocry-
phe. . 48.3
les Electeurs du Roy de
Mexique cftoient ordis
nairement fes parens.
3oS.b
Bbb iiij
TA
•Eflediodes Roysde Me-
xique, &des feftes qui
fefairoyêt à leureftablif-
feraent. 307. & 508
Efledion du premier Roy
de Mexique.328. &329
l’Efcriture des . Chinois
cftoit du haiir en bas, &
celle des Mcxiquains du
bas en haut. iSé". & 287
CS Efcriptures faindles
faur fuiiire leiprit qui
viuifie,non la lettre qui
tue. ^.b
l’Ermeraude ancienneméc
plus prifé qu'auiour-
d’huy. jj7.ab
rare ioyau dVn plat d’Ef-
meraudc qu’ils ont à
Gennes. ijS.a
les Mexiquains fe per-
çoyêcl«#narines , pour
y pendre des Efmerau-
des. i5S.a
1 bfpagnol chafque an
l’vn portant l’autre tire
vn million d argent de
Pottozi. i4^.a
Efpagnols nays aux Indes
appeliez Crollos. 17(5. b
Efpagnols tenus pour
Dieux. 43.a zé'z. Ôci6^
Elpagnols appeliez- des
BLE
Indiés Viracochas en- |
fans de Dieu^ & à quel- ;
leoccafion, 305-b
l’Elguillc feul guide du '
Nauire. 55
trois fortes d’Eftoftes fai-
lles de laine. 29.?. a
Eftoilles àdorees des In-,
dienspourdiuerfes rai-
fons. 214. a. b
Eftrange différence de
deux régions proches, ,
d ont IVne fait le Di-
manche quand l’autre
fairleSamedy.i20,b. &
121. a.b
1 Euangile enfeigné aux
Indiens lors , qu’ils ont
efté plus puiffans, com-
me il fut aux Romains
leur empire eftanr à font
plushaut periode.37i.b
Euangile accreu à dexrre
& feneflrc, que lignifie.
37 ia.
Exercices aufqueîsontap-
prenoit la ieunefle.
51!. b
Explication d’vn pafiàgc
de S. Paul allégué con-
tre la rotondité du ciel.
Explication du Pfalme
TABLE
ï05.furle mermefuiet.
F
F a miliere raifon pour
prouuer à vn Indien
que le Soleil neft point
Dieu. iiy.b.&iiS.
Fertilité infertile des Ifles
de la neufue Efpagne.
iiS.b
Fers de chenal d’argent à .
faute de fer. i54.a
Fede des marchands ac-
compaignee de diuerfes
fortes de ieux. 270. 271
272. .
Fefte dé'H’idole Tlàfcalla.
22^.a. b
Fefte pour demander de
l’eau. 265
Feftes ordinaires & extra-
ordinaires des Indiens;
26 Z. a Feftes de chafque
moys. 265. & 264
Feuille du plane merueil-
leuferaentgrande.270.a
Feuille de plane propre à
efcripre. 17**^
Feu tiré de deux baftons
frottez Tvn contre l’au-
tre par les Indiens. 74.a
Feu d’enfér fort different
dunoftre. Î24. a
Feu du ‘ciel qui confuma
quelques Geans pour
leurs pochez. 37. a
Fontaine merueilleufe,ier-
tant l’eaii chaude qui fc
conucrtit en rocher.
107. b
Figuier admirable dont la
moiétié porte fruit en
, vne faifon , ôi l’autre
partyeenl’autre. i!bS:b
Fille du Roy deCulhnacâ,
raadacré par les Indiés,
qui fut occaftô de guer-
re. 324.&32J
Fleuue de la Magdelaine,
appellé grande riuiere,
entre fort auant dans la
mer fans mefler fon
eau. 57. a. b
emboucheure du Fleuue
des Amazones large de
foixante & dix lieues,
iio.a
grands Fleuues le moin-
dre furpaflant les plus
grâds de l’Europe. iiG a
les Fleurs de l’Europe
viennent mieux aux In-
des qu’icy mefme.179 a
les Floridiens ont efté fans
co^noiftance del of,
ï;9»b
TABLE.
le Flux 5c reflux n’eft pas
moüueraent local, mais
vne alteration ôc fer-
iieur des eaux. loi.b
diuerflté de Flux Ôc re-
flux des mers. 100. b
Fontaine de betum.
loS.a
Fontaine de fel en Cufco.
loS'b
Foreft horriblement ef-
paifles és Indes. 184.
a.b
Forefl: d’orangers es In-
des.187. les Cerifcsonc
peuproffité aux Indes^
ôc pourquoy. iS/.a
Forme de ce qui eft def-
couuert en la terre du
Peru. iiy.a.b
François Hernandes au-
teur d Vn rare liure,où
toutes les plantes, raci-
nes Ôc liqueurs medici-
nallcs des Indes font
pourtraidies. 185
Froidure de la Zone Tor^
ride qui rend digne de
moquerie l’opiniô d’ A-
riftote. 6 3. a
Fmits d’Europe qui ont
tresbieir multiplié és
Indes. 186.4
G
GEansarriuez ancien-
nement au Peru.
35>.a
Gommes & huilies medi-
cinalles ôc odoriféran-
tes auec leurs noms.
i82.b.&t83.
Gonzallés Pizarre vaincu
&defFair, où fonauari-
ce luy auoit fait com-
mettre tant de cruautez
fur lés Indiens, 3024
Gouuerneurs des prouin-
ces comment eftabÜs
par les Inguas. 2510. b
Guacas ou fanétuaircs fort
bien entretenus. 295.4
Guaca adoratoire des In-
diens. iij.b
Guancos ôc Occunas
• Chieures fauuages.44.a
Guayac appellé lignnmfM-
Bum: Il 8. a
Guayaquil , chelne d’In-
de fort odoriférant.
•185.4
Guayauos fruit d’Inde af-
fez bon. 175 b
Guaynacapa grand ôc va-
^ leureux Ingua,^ de fa
vie. 304. b. ôc 505.il fut
' adoré corne Dieu eftant
J
TABLE.
encore en vie.là mèfoie
Guayras fourneaux pour
affiner. i47.b
Guerres des Mexiquains
le plusfouucnt neftoié t
qü’affin de prendre des
captifs pour facrifier, ^
243a. b.& 24é.b
H
HAbit detefte fortdi-
uers en diuerfes pro-
prouinces des Indes.
2 cjy.a. vn Indien ne pou
uoit changer l’habit de
faprouinceencore quil
f en allaft vmre'cnvn’au-
trc.làmcf.
Harangue desMexiquains
au Roy de Culhuacan,
dernandans fon petit
jfils pour Roy. 32.8.a
Harangue d’vn vieillard
faide à Acamapixtii,
premier Roy de Mexi-
que.
Harangue d’vn Qheualier
Mexiquain, pour rete-
nir le peuple irrité du
cruel mafiacre de leur
Roy. 334’t>
Harangue d’vn vieillard
Mexiquain pour l'efle-
dion dvn Roy non-
Harangue du Roy de T cz-
cuco faide à Moteçu-
rna fur fon efledion.
3î3.a.b
HardielTe merueillenfedes
hommes au paflTage de
Pongo. lo^.b
Hatuncufqui Aymorey fi-
xicfmc raoys des Indifs
rcfpondant à May.
26i.b
Hiftoirc Indienne non à
mefprifer,& pourquoy.
3i5.a.b
Hiftoire de Mexique mi-
fe pour fingUlarité en
la Bibliothèque du Va-
tican. 3p-b
Hiftoirc de Mexique con-
meiit compofee. 283-b
Hommes & femmes fa-
crifîezàlamortdes In-
guas pour les aller fer-
uir «raurre vie. 220.
a.b
Hommes faits dieux, puis
facrifiez. 225. a.b
Hommes facrifiez mangez;
par les Preftres.
24^. a
Humeur des Tuifs con-
traire à celle des In-
I TABLE
diens. 4y.b
Hypocrifie de Motcçu-
ma dernier Roy deM e-
,152.3 b
ÎAIouzie des Indiens les
vus contre les aurpes
pour le renom de vail-
lanrife. ^ ;oi.a
lardins portez Tur î eau
au milieu d’vnlac. 107.3
lardins faits fut l’eau d’vn
inerueilleux artifice , &
qui fe peuuent mou-
) noir & mener où ou
veut. 33o.a
Jdolc porté par quatre
preftres 3 pour condui-
te, lors que les Mexi-
quains cerchoient vne
meilleure terre , com-
me d’autres enfans d’If-
tael. 310.&51I
Idoles des Roys Inguas
reuerces comme eux
mefmes. 127
leuneirè fort foigneufe-
mentinftrnideen Me-
xique. 2H.6C5IZ
ïeufnes des Indiens de-
uant lafefted’Yta.zjS.b
ïeufnes des Indiens fe
faifoyent lans toucher
à leurs femmes.; 2^4.
Ignorante dodrine des
Philofophcs anciens
i-5
Imagination vieille folle.
14. b , ;
Immortalité de l’ame
crue par les Indiens.
220. a
Indes , que fignifie, Sc ce
qu’entendons par vn
tel mot. 27. SciS
l’Inde Occidentalle aefté
pour la pluipart gou-
uernee par le peuple,
&n'ya eu en tout que
deux Royaumes. 288.
a.b
1^5 Indes font terres lai-
des richement dorees
de Dieu , pour eftre
mariées à l’Euaneile.
c>
151. a
Indiens fort peu defireux
de l’argent. 47- b
les Indiens ont vefeu en
trouppes fans Répu-
blique , comme font
ceux de la Floride, du
Brefil & autres. 50. b
Indiens braues nageurs.
105,2
\cs Indiens en toutes fe-
TABLE.
ftes portent des bou-
quets. ly^.b
les Indiens n’ont point eu
de mot propre pour di-
re Dieu. 211. b
les Indiens font de plus
grâd entendement qu’ô
ne les eftime. 275. â
Jnguas Roys du Peru a-
dorez apres leur mort.
219, b
les, Inguas eftoyent mer-
ucilleureiTient relpc-
6Iez du peuple, & pour-
qiioy. 2i»8.a
îe régné des Ingas a du-
ré plus de trois cens
ans. 3oo.b
Inguas elpoulbyent
leurs fœurs. 2 89. a. ils
îVheritoient point des
meubles de leurs pre-
deceffeurs mais fài-
foient vn mefnage nou-
ueau. la mefme. b. 8c
301. b. & 302.3.
Inondation du Nil , chofe
naturelle, quoy qu’elle
fcmblc contre nature,
yy.a ^
Intégrité des femmes fort
honorée des Mexi-
quains. 26o,a
Inuentions fuperftitieil-
fes de Y upangui Ingua,
pour auoir occalion
d’ofter le Royaume à
fon pere Ôc à fon frere.
303.3. b
loncs appeliez Totora pat
les Indiens. 8y.b
louer le Soleil auant qu’ii
naiiPe , Prouerbe , &
d’oùfilefl: venu. 229.de
230.
lours & nuiébs efgaux
toute i’annee fous l’E-
quinoxe. 5î.a.b
lours d’efté fort courts au
Peru. (j5
cinq lours de l’annee fu-
perdus, aufquels les In-
diens ne faifoient rien.
275. b
e de Sumatre, celebree
fous le nom de Tapro-
bane. 23.3
e A tlantique de Platon,
où elle fe peut prendre,
25.3
rifle Atlantique de Pla-
ton n’eft qu’vnc purefa-
ble, quoy qu’il femble
l’auoirdefcripte comme
véritable. > 4^. h
Ifle de Eifdnes faite auec
TABLE.
rn f rauail exceflîE pour paf
fer vnc armee fur mer.
,?fo.a.b
liles- fortunées ponrquoy
appellees Canaries,
lyb
îufticc par qui cxercec en
Mexique. ^os.a.
lufticc fort cxaâre de Mo-
teçuma dernier Roy de
Mexique.
LAc trefehaud au mi-
lieu dVne terre froi-
lOif.b
Lac de Mexique ayant de
deux fortes d’e^. 107. a
reuenu du Lac de Mexi-
' loy.a
gands Lacs au haut des
montaignes, Sc d’où ils
nailfent. lo^.a.b
Laitance fe rit de l’opi-
nion des Peripateti-
ciens touchant le ciel.
2. a
Ladance réfuté touchant
les Antipodes. 14.&15
LangueMandarine cftlEf
cripturc des Indiens qui
ifeR que par charade-
rcs. zSo.b
Les Legiflatcius les plu;»
fameux ont erre. 274;
Liberalitezd’AurzoI: 8. |
Roy de Mexique.jj.b i
Liure des Indiens com-
ment peuuêt eftre faits
fans lettres. igo.b
Lyons duPeru fort dilfem.-
blables à ceux d’Affri-
que. 4^.b
Lyons gris 6c fans crins.
M
AÆ contre
J.VX les Chrelliês. «ô"?.
a,b.&3(j4
Maifon admirable, rem-
plie de toutes forres
d’animaux, comme vnc
autre arche de Noc.
30§.a
Malaca autrefois appelle
le doré Cherfonefus
25.a
Mamacomas eftoient les
anciennes & comme
meres des filles renfer-
mées. 233. b
Mameys fruit refièmblant
auxpefehes. i75,a
à quoy il fert.
Monati monftreux poif-
fon qui paift auxchâps
loi.a. il relîèmblc fore
TABLE.
cftre chair lors qiCon en
mange. loz.b
Mandarins officiers In-
diens,auec combien de
difficulté fe peuuent ré-
dre capables de tels e-
ftatS. aSo.a
Mangocapa premier 1 1 n-
gu3,&ce qu ils feignent
deluy. 4p.b.3oi.b
Manguey arbre de mer-
ueilies. lyî.a.combien
de chofes il fournit.
I55.b
Mariage illicite des i Li-
guas auec leur feur.
Mariages des Indiens’, Sc
comm'ent ils (q. cele-
broienr. i^o.a
Mariages entre les In-
diens detfendus feule-
ment au premier degré.
ajjS.b
Marque certaine pour
difeerner ce qui aefté
porté aux Indes depuis
qu’elles font defeou-
uertes, & dont il n’y en
auoit point anparauant.
Marques^ de quelques na-
âiigatipns des anciens.
58.
Le^matin plus aggrcable
^ en Europe ôc le plus
ennuyeux au Peru. 7 c
Matines de minuit prati-
quées par les miniftres
du Diable. 232. ôc 255
Mays bled d’Inde. 16^0. a.
b. comme ils le man-
gent. 161. a. comme ils
fen feruent à faire leur
boilTon. itJi.b
leMays (Sdebeftail férue t
de mille chofes aux In-
des. i6’i.a
M echoacanes ennemis des
M^xiquains, & pour-
quoy. 322. a
Médecins fort experts au-
trefois és Indes. i%.a
la Mer aux anciens tenue
pour non nauigable ou-
tre le deftroitde Gibal-
rar.iô.b
le Mal' qu’on endure fur
mer d’où caufé. 90. a
Mer Occane PrincelTe des
eaux. 54.3
Mers chaudes, ôc d’autres
froides. 6^,Ôcyo
deux grandes Mers pro-
ches de fept lidies. 94.
b. p’rcfomptueux def-
TABLE
(èiii de les faire ioindre,
là mefrae, .
diaerfirédes Mers, ii.a
iamais la Mer ne s’efloi-
gne de la terre de plus
de mil le lieues. iz.a
Mefnagedes Indiens pour
la draperie. Z03. & 204^
Métal pauure, Ôc métal rf-
che quels. ijy. b
le Métal plus il eft pro-
che de la fu perfide de la
terre^plus il ell riche: &
plus profond il eft , au
contraire. i45.a
les Métaux pourquoy
creez 125». b
les Métaux ne fe trouuent
qu’en terres fteriles , &
pourquoy. 131. i]z
leaucmpefche fort la trai-
de des Métaux.
T 4 2. b
Meuriers plantez par les
Efpagnols en la neufue
Efpagne ont merueil-
leufementproftité pour
les versde foye. 188, b
Mexi chef des peuples qui
vindrent peupler laMe-
xiqucduquel ils ont tiré
leur nom. 23r. b
Mexique ville fondée fur
vnlac. 107.3
Miel d’Inde fort alpre, &
comme il naift. 142. b
les Minéraux imitent les
plantes en leur façon
decroiftre. u8. a.b
Mines elgarees : d'autres
fixes. ' ]37.a
richelfe de quelques Mi-
nes anciennes qui n’ap-
proche pourtant à cd-
ledePotozi. 141. &
142
trauail trop excefiif des
Mines. 145. &i4<j
Mines de vif argent en
Efpagne. ijo. b j
Moquerie plaifante des
Mexiquains contre les '
Tlatelulcos apres les
auoir vaincus. 34^. b
Moine de Mexique , de
leur veftement , office,
& difeipline.
Moys des Indiens de 20,
iours. 2.75. b ^
Molinsà moudre les mé-
taux. lyt .!>
Monde nouLieau félonies
anciens inhabitable 1. a
imaginé d’eux comme |
vue màifon couucrtedu
ciel. eoclem. b
gran-
TABLE,
grande partie du Monde
encor à dcfcouurir.
!3,a
Monnoye mefurc de tou-
tes chofes. i^o.a
la Mort eftoit la punition
des filles referrees qui
failloient. 134.&135.
Mort volontaire de plu-
fiffirs Indiens pour aller
feruir leurs Roys enl >u-
trc monde. 304*
Mort de Chimalpopoca
ieune Roy de Mexique
tué traiftreufement par
lesTapanecas. 334.
ab.
Mort de Moteçuma der-
nier Roy de Mexique.
Moutons au Peru feruans
d’afnes à porter des char-
ges. 44.b
Moutons d’Indes profita-
bles fur tous autres ani-
maux^ 205.ab,
troupes de Moutons char-
gez de diuerfcs marchai-
difés ainfî que des mil-
lets. 204.a
Moyenne rcgiô de l’air plus
froide, 6^ pourquoy. ^8.a
N
Arineperceeàvn Mc
xiquain, pour y pen-
^ dre vne efmeraude.
347.a.352.b ^
la Nature inferieure lert tou
fiours d’entretien à la fu-
pcrieure. 228, b
Nauatalcas peuples qui poli
cerent la ncufue Efpa-
gne. . 57-a
Nauirc appellée Viéloire
fit toutie^toiir de la ter-
re. ‘ ^ 5-b
Nauigatiô auiourd’huy fort
facile. 34*& îJ*
Nauigation de Salombri
quelle peut eftre.57.a.b
Nauires"^ Efpagnols tenus
des Indiês pour rochers
à la première vcüe.
■45*^
Neuue Efpagne quelle;
Il 7. b
le Nita-e refroidit rcau,
(jy.a ^ ,
Noblefîè Mexiquainé màf^
‘ facree en vn bal par les
Efpagnols., 3^^.^
Noix des Indes fort mal
plaifantes/ont appcHèes
par les Indiens, empoi-,
ibnnees. ï77*®
Ccc
TAE
Nort vent fec & froid*
78.b
Noftre Damé fecours des
Efpagnols pourfuiuis des
Indiens. ^6^. a.
Nordcfter que fignifie , &
Nortoeder. h
Nouueau monde prefque
tout iîtué fur la Zone tor-
nde.
au Nouueau monde ne fen:
point defcouLiert de mer
Medirerannee.
- 9^3.
Nuits dEfté fort frai fcheff
, au P-eru au refped de
celles de l Éurope.
- 7'Orb •
Nui(5t de iix mois en lare-'
gmnPoIiaque. iS.b
la Nuit comment caufee.
4-a ■ -
O ;
OBicdtion contre Ari-
ftûte iàny folution. ■
6-8d/ *' ■; V
Oecarioh de guerre entre
les Tapanecas ôc Mexi-
quairis. 3j3,a.b
1 ©cean aux Indes eft diüifé^ r
enda mer du Nqrc &la'
merdüSud.-* /. 131^3
Oignémcîiî donc* vfoicftt
-E.
les Indiens pour Ce ren-
dre capables de parler au
I)iable. 257. a. ce merme
Gignemét armoit de cru-
auté les Preftres, &leur
faifoit perdre toute crairi
fc. làmefmc
Onebion de Vitzilouitli fé-
cond Roy de Mexique.
%
viiguét fait de petites belles,
dont les Preftres Indiens
eftoientoiiids.
• -, V- •
Ophir cft en l’IndeOrienta-
. ^ -ty.a
Opinion d’aucuns que le
_ Paradis terreftre eft fous
^ l’Equinoxe,non fans rai-
son. tT5).a.b,&7i.a.b
l Or fe trouue en trois fa-
. çons, en paille , en pé-
pins, & enpierrc.i34.&
d3l. L
1 0 r dc Carauana leplus cé-
lébré du Peru. . - . 1
l’Orf& l’argent, cftinié. par -
jou t le monde. , 13 o.a
l’Or Sc l’argent;, ne feruoit
aux Indiens que d^orne-
menr. _ iji.ty
ks Indiens n’vfent point
d’autre monnoye que
tÀBLE,
tî’or& d’argent. 13?. a
i’Ôr*pourquoy prifé fur
. tous les métaux. 135 b
î’Or & l’argent en nature
combien de degrez au
delîbubs de l’Kô me. u S
b.&u9.a
comme on raffine l’Or cii
poudre. î3^.b
d Orient aü Ponent fur
mer on a rpufioUrs lé
vent en pouppe,dii Po-
* nent à fOrient au con-
traire & pourquoy.86.
. a.b
Ofdres difFerans des Pre-
ftres de Mexique, &'de
leur office ordinaire.^
. 252.a-b
Ordre de h Chcualerié
Mexiquaioe , ôc des
marques qu’ils auoient
les O y féaux endurent fa-
cilement de demeurer
dans l’eau, & pourquoy
Oyfcaux merueillcufemét
petits & d’autres mer-
ueilleufcmêt gtadsoi^!^.
s..
Ôyfeaux extrêmement bic
Variez en côiiléurs.
b
images de plume d’Oy-=-
féaux faits d’vn artifice
admirable. \^6.S>Ci97
Oyfcaux laids à merueille
mais fort profitables
pour leur fiente. 197’^*
&ic>8.a
Oyfiueté chalTee comme
fort dângereufe par les
Inguas , pour contenir
plus facilement le peu-
ple- i^o.b
P
PAcbacamac grad San-
ctuaire des jndiens.
iii.b _ . ^
Paios animauxopiniaftres,
8c comme on les gou-
uerne. 2.05. a
Pain de Mays que les Pre-
ftres doiinoicnt folem-
nellement aux eftran-
- gers, image de la Corn -
inïïnion. . ,
Palais diuer s de teef earion
& d’affliCtion. _ 3 5 9, b
, Pallifiade horrible toute
de tefte de nîbr ts'. 231a
Papas racines dont quel-
ques Indiens font de
certain pain qu’ils ap-
pellent Cugno. né. a
Ccc i|
I
TABLE.
Papas eipcce de pain.
163. b i<j4,a
Papas en Mexique eftoiêt
les fonuerâins Preftres
des Idoles. 230. b
232. b
Paragney flenne de l’ Amé-
rique inonde comme le
Nil. 55. a
Paraguey fleiiue grand à
^ merueille. yy.a
Palîàge de Pariacaca fort
dangereux pour le mal
que le vent y fait endu-
rer. 90.91,
Pariacacavn des plushauts
endroits de la terre.
91.3.
Paroles dVn bomme qui
auoir défia le cœur arra-
- ché. 248. a
Pafte de Mays appellée
par lés Indiens chair
de leur Dieu Vitzili-
puztli,25i.b. cefte pafte
deuoit eftrcmangee au
pointdu iour, & eftoit
deffeiidu de ne manger
rien autre iufques apres
midy.. 251. a
Pafturages communs és
Indes qui rendent rou-
tes chairs à bô marché.
18^. b
Palaas fruit délicat & bon
àl’eftomac. '^17 6. a
Peinture liurc des idiots.
2-79‘3.
Penicencesenioimftes par
lesconfdleurs Indiens,
Z54.a.b
les Perdrix ne fe voyent
point au Peru. 4^.a
vn Pere perdant ces en-
fans eftoit tenu pour
grand pecheur. 254.3.1!
tuoitfesenfans pourfe
fauuerla vie. là raefmc
Pericoligcro animal fort
pefanr. ,c,p.b
la Perle an ciennemét plus
prifee qu ’auiourd’huy.
JJ9-a-b.combienlabô-
dancc rend Icsichofcs
viles.
les Perles fengendrentdâs
Icshuiftres. 15^.3
diuerfes fortes de Perlés.
i59.a
Perroquets qui vont par
bande. 44.3
Perroquets volants par
bandesi corne pigeons.
iP3.b
Peru abondât en vin.iiy.b
Peru abondant en mines
TABLE.
d’or 6c d’argent plus que grandeur , & de l’artifice
toute autre terre des In- des Indiens aies ioindrc
(les. ' i2i.a en leurs baftimens fans
Peru quelle partie du mon-
de c’eft. i(4.a
le Peru , nom deriué d vn
flcuuedu pays, non pas
d'Ophir comme quel-
ques vns eftiment, i6
Peruflens fort foigneitx d é -
tretenir &conIeruer leur
hiftoirepar traditiô, fans
lettres , ny charaâeres.
^ a85.a
le trauail cxcefîîf qu’il y a à
Pefcher les perles. 155?.
b.&ié^o.a
Plaifante façon de pefcher
des Indiens. i04.b
Pierres fuperftitieufement
offertes aux paiîages,
pourauoir beau chemin
aiy.a
Pierre qui fe taille 6c coupe
comme bois. io8.a
Pierres my-or 6c my-pier-
rcs. 15 4. b
Pierres fignificatiues auec
Icfquellesles Indiens ap-
prennent quelque chofe
par cœur. •
Pierres d’vne merueilleufe
ciment.
a, b
Pourquoy auiourd huy les
Pilotes font alTiz fur la
pouppe,& non pas (us la
proue comme ancienne-
ment. 54*^
Fines ou pommes de pin
d'Inde. i6^.6c i6(Ç .
Pinchao idole du Soleil, 6c
de l’artifice dont ilefioic
pofé. 2i5>.b
Plaifant traiâ: d’vn Portu-
gais par lequel il s’exem-
pta d’cftrefacrifié.
iio.h
le Plane produit fruit toute
l’annee. lyo.b
rdfemblancc &di(Temblan-
ce des Planes des In-
des aux Planes anciens.
i(Çf).a.b
les Planètes nefe mcuuent
d’eux mefmes en Vîi
corps corruptible.
4&5 - , -r
Pourquoy nos plantespror-
fitenf^mieuxaux Indes,
que celles de delà en Eu-
rope.
^ Ccç iij
^1
V
'■I
I'
1
\
i
' 1
•j
T A
Pîcbeiens exclus du feruice
du Roy, & de tout office
jparMoteçuma.354.a. b.
iis u’ofoycnt regarder
le Roy en face fur peine
de mort. ' 3^'y.b
Pline meurt en vne trop cu-
rieufe recherche, izj.b
Pluyes caufees par la cha-
leur en la Torride. 55.b
il ne Pleut, neige, tonne,
ny ne grefle iamais au
Peru. ii^.b
Plufieurs chofes rares en
nature cogniies plus par
hazard que par indurtrie.
onsvolans. loj.a
le Pôle du Sud n’eft marqué
' d’aucune eftoille fixe.
TO.b
Pôles Arélique & Antar-
élique.j, a. ceftuy cyre-
uoqué en doute par S.
Auguftin. eod.
aux deux Pôles il y a terre
& mer. i3,b
Pongo pafiTage des plusdâ-
gereux du monde fur le
, fieuue des Amazones, '
io5>.b
Pont de paille fort alTeu-
B L E. '
répourpafTervn courant
d’eau rapide. 58.^
Portugais fort experts cii
l’art de nauiger. 10. b
Pottozi montaigne célébré
pour fes riches mines.158
comment fes mines fu-
rent defcouuerres & en-
regiftrees. ï40.&i4i
Pouiles trouuées aux Indes
à la defcduuerte, lefqucl-
lesils appelloyent Gual-
pa, & leurs œufs Ponto,
194 .a
Prefages menacàns la rui-.
ne des cftats ne font
point à raefprifer com-
me chofes vaines. 557.
a.b
Preftres commeaumofniers
près de chaque Seigneur
Indien. 121. a
comment les Preftres des
idoles confultoient leurs
Dieux. • 2zf).a
Pi'erexte des Inguas pour
aggrandir leur feigneu-
rie, fut leur Religion,
‘qu’ils difqient la meil-
leure. 30ï.à
Principes des vents infi-
niment cachez aux hom-
T A
iïics. 7^-^
Proccffions des Indiens. -
i5o.b
Proceffion pcnitendelle
faidc pour obtenir par-
don des pechcz.2é7.a.b
Prodiges horribles de en
grand nombre arciuez
deuantlaruinc de Me-
que. 559.&5<îo.
Profits qui fc pcuuent ti*
rerde la leàure de ces
exécrables fupcrftitiôs
Indiennes. 275.a.b
Propriété plu« rare del’ Ai-
mant ignorée des An-
ciens. 35*^
' prouince proche de Mexi*
que laiffec fans conque-
fter , pour exercer touf-
iours la icuneffe à la ^ue-
re,&pour auoir aufli où
prédre des captifs pour
facrifiei*. 3 45-^»
Ptolomee& Auicêne ont
' tenu la Torride fort ha-
bitable. ^4*^
Puîias , defert du Peru, où
l’air tue les hômes & les
animaux mefme.
Pyramide de feu apparue
' au ciel l’efpace d’vnan,
^euant la ruine de l’Em-
BLE.
pire Mexiquain. 359.0
QValitez, TymbolesSc
difiyrabales impreu
uecs. 6 8. b
Quantité d’or qui» vient
tous les ans des Indes
cnEfpagne.
Quatre principales veines
à Potozi,& leurprofô-
• difé. i44-t>
Quetzaalcoalt Die odes
roarchad,s,& où il eftoit
adoré.
Qmppos, rameaux feruans
corne deregiftres pour
mémoire de ce qui fe
palîbitau Peru. 285 à.b
R
diueiTes TJ Affines fort
profitables
és lpdes. é 4.b
Racines adorces par les I n
dienl
noftre Raifon ignorance
mefme és chofes natu-
relles. 37-a
Rayme premier mois des
Indiens , Si fe rapporte
au mois de Décembre.
262. a
Régions fort delicieufes
des Indes, yx.b
Ccc iiii
TA
Regiôiis fous TEquinoxc
fort temperees. ^5.b
la Religion feruoir aux In-
diens de prctexre pour
faire la guerre. jo.a
Remede contre le chan-
gera ent^que caufelevêt
en Pariacaca. c^i.b
Rencontre de deux riuie-
res honorées des îiidiês
par vn particulier ref-
141. a.b
Richcflè de quelques If.
les de la neufue Efpa-
118.
Richefîc incroyable des
Periilîens lors qu’ils fu-
rent prins par les Eipa-
294,3
Ris^fort commun es In-
1Æ4.3
Rtuicrc des Amazones
nommee diuerlemenr.
57* h di(5le Monarque
des flcuues. ibic|. ;
Fleuucs admirables en la
Vorride.
Riuiere des Amazones,di-
’6teMaragnon. jo6.a
Riuieres, collines, gran-
despierres & fora mets
den-iôtagnes adorez par
les Indiens, ii^.b
BL,R
Rochesefleuces au milieu
de la mer, fans qu’on y
puifîc trouuer fondau-
Ror"'*
Koles comment venues és
Indes. 175?. a b
Rotondité du ciel incon-
gneue à quelques Do-
reurs d&.rEglifc,i.&u-
de mefme le mouuemér
cod. ,
Roue des' Indiens où c-
ftoiét marquées les an-
nées. ^^(j.a.Ieur opinion
que le monde deuoit fi-
nir à lafîn de cefteRoue,
27<j.b
Royauté ourrageuf^ent
parvnMexiquain, qui
aima mieux lè précipi-
ter cruellement à la
^ mort.
Roys des Indiens tenus
pour femblances des -
Dieux. 352.b
Ruine efmerueillable dVn
gros bourg plein d en-
chanteurs. n6.b
S
SAcrifîces des hommes
comment fe faifbienr.
23i.b.345.<X:244.
Sacrifices diuesrs quefaL
TABLE,
foientles Indiens pour
diucrfes occafions.135).
140.5C24I*
Sacrifices fort couftu-
miers aux Indiens en
leurs neceffitez.305. a.b
Sageflc de ce fiecle foiblc
es chofesdiuines&ïner-
• me és humaines. 20.
Sa inos eftranges animaux
dechafle,& comme on
les peut tuer. i^S.a.b
Saice pareille herbe falu-
raire pour le mal de Na-
ples. io8.b
Sang humain beu parl’ef-
claue qui deuoit eftrcfa-
crifié.
Sciêcés cogneues des Chi-
nois. iSi.a
laSechereffene fuit pas la
proximité du Soleil, 53-a
Sainétc Croix de laSicrre
jprouince de Charcas,
comment conuertie à la
foy. 3<^5?.a.b
Singeries du diable à l’i-
mitatiô de lefusChrift.
iiS.a.b
Socçobonés dextrement
inuentees pour tirer le
tnetailplus façilefT^ent.
i45.a.b
Soingincroiable des Mc-
xiquains à faire appren-
dre à leurs enfans leurs
idolâtres -ceremonies.
305>.a.b
Solanus vent de Leuant.
7^.a
le Soleil plus il eft proche
de nous, plus il efehauf-
fe&brufle. 5i.b
contraires cfFcârs du So-
leil en la Zone Torride,
& aux terres hors les
Tropiques* 54. a.b
la grande force dü Soleil
caufe l’humidité foubs
l’Equinoxe.
Soleil adoré fort commu-
nément par les Indiens
,215-b ,
Sorçicre foeqr de Tidole
qui fonda la ville de Ma-
linalco,où n’y arien que
des Sorciers. 322. b
cftédts admirables d’vn
Sorcier. 3ji.a
Sorciers en grand nôbre,
& de rempefehement
qu’ils ont donné à l’am-
plification de l’Euangi-
le,
table.
Source du Niî reccrchec
parCefar. i^.a
Source cômebleüe, autre
rouge comme fang.io^.
Sources chaude & froide
Ivne contre l’autre aux
’baings deringua, joS.b
Sujet du quatriefme liurc.
î25>.a \
Succhiles bouquets des
Indiens. 379. a. ils en
font fort amateurs, &
cnofFrcnit par honneur
auxgî:ads& à leurs ho-
ftcs.‘ i7^.a.b
Superftitions fàides à li
conduite d’vne eaüc au
trauers de i^exiquç.
3Jï.a.b
T
TAbaco arbrifleau qui
porte vn contre-poi-
fon. i83.b
Taches noires eq la voyc
Jadee ducofté du Sud.
10. & ir.
Jharfis en quelques en-
droits lignifie îa pierre
Chryfoliteou lacinthe,
autresfois la mer qui ell:
de celle couleur à la rc-
uerberation du Solpl.
fS.'b
Tharfisde l’Efcriture n cft
pasTharfo ville de Ci-
licie. ig.a
Tharfis Sc Ophir , mots
generaux en la S. Efcri-
r«re. zy.b
Tharfis Sc Ophir entédus
pour vue roefme prouin
ce en l Efcriture. zy.a*
Tlafcaltecas lixiefme ge-'
neratiô des Mauatalcas,
^ fut celle qui dona en-
trée âUjçElpagnols 518,
b.comment ils vainqui-
rent les geans de la Sier-
ra. 3i5).a
Tlâcaellec leplus vaillant
Capitaine qu’ayét eu les
Mexiquains,& de fa bel
lererolution.337,&538.
fa valeur ôc fa rufe guer-
rière contre les Cuyo-
cans. 340.a.b
deffi de Tlacaellec fait au
Royd’Arcapuzalco537.b
fafubtilité pour remar-
quer le nombre des pri-
fonniers qu’ilauoit pris.
34i.a.fa côquefte d vue
ville auec des enfans feu
lement. 342. a.b. com-
me il refufa leCourqn-
ne, 34(^.a.b
TABL
Tembos félon l’opinion
des Indiens, race plus an -
ciennc des hômes.49.b
Traflic des Indiens n c-
ftoit qu’efchangc fans
argenr. i^2.«b
Tauaco herbe qui endort
la chair. i57-a
•Température toute con-
traire en moins de cin-
quante lieues. ny.a
T cmple de Cufco fem-
blable au Panthéon de
Rome. 2i9.b
beux maritimes plus fub-
ie(5ts ai)x trcmblemens,
& ppurqupy, 11^. a
Tremblemés, de terre fort
eftranges. ii5,a.b
la Terre comment foufte-
nue. <^'b
ia Terre du Pôle Antardi-
que n’eft pas toute cou- .
uerte d’eaux, ii.b
la Terre en fa longitude eft
touf ours de femblable
tcniperature , mais en
fa latitude non.
ig.a
Terre d’excellente tem-
pérature encores à def-
couurir. lo.b
4 Terre auec l’eau fait vu
globe. <^5-0
le continent des Terres fç
ioind en quelque en-
droit , ou pour le moin s
s’auoyfine de fort près.
4<.b
Terres encore à defeou-
urir. 4-*^
illes fort eflpignees de la
Terre ferrne ne font
point habitées. 42-b
Terres du Preftre-Ianfort
chaudes. '
Terres encores incogne^
lies. 119. a.b
Te Z callipuca Dieu desiu -
biles de Mexique, ôcéc
fesornemens. 2i4.b
Tiburon poilfon merucil-
leufement gourmand,
loi.b
Tiricacajac d’ermerueilla-
ble grandeur. 88.a.b
Trinité imitée par le Dia-
ble Ôc adoree par les In-
diens en trois ftatues du
Soleil. i6z.h
la Torride peuplee &d'a-
greable demeure, con^
tre l’opinion des Phi-
iofophes. 5^-b
la Torride pourquoyteni-
peree. é4.a.î:)«(><3.a.b^
T
en la Torride lonnauigc
^ facilement de l’Orient
en Occident, non^au-
conrraire,Ôc pourquoy.
qu’en la Torride mefmela
_ proximité du Soleil ne
caufepastoulionrs tant
d'humidirez. (îi.a.b
la Torride fort haSitec,
20. a
quelques endroits de la
■'^Torride extrêmement
fecs , bien que le refte
j[oit fort humide, fé'i.a
quia meu les Anciens de
croire la Torride inha-
bitable. ' 2i.a
1^ Torride eft plnuieufe
lorsquele Soleil eneft
plus proche. 5^. a
Troisfortes d’animaux qui
fc trouuent es Indes,
189. b
Trois fortes de terres es
Indes.iii.b. leurs quali-
. rez. ii2.a
T ozi principale Dcefie des
Mexiquains. 2z6.a
Trois chofes ordinaire-
ment mcflees en toutes
' les ceremonies des In-
L B L E.
diens. i^o.ôCK^i
Trois genres de gouuer-
nemens rccognus ésln-
des. 299. & 50a
T nnal arbre d’eftrange for
me. 174.3. de combien
de fortes il y en a. là
mefme
TygftsauPcru plus cruels
criuers les Indiens que
les Efpagnols, 45.b
Tygres peuuent palTer fepe
' ôchuiél lieues de mer à
nage. 44.b
Tygres furieux contre les
Indiens, non contre les
Efpagnols, , 192. b^
V
VAches recherchées
feulement pour le
cuir. ^3.b
Vaches domeftiques* ôc
. fauuages. 19©. a. b. de
ces vaches fauuages fe
tire vn grand reuenuen
cuirs. 19 O. b
troupeaux de Vaches fans
maiftre és Ifles de Cu-
ba,Iamaiquc ôc autres.
43. b
Valeurs des Indiens.
572.,h
Vaîlees plus chaudes que
TABLE. '
les montagnes,&’ poui'- foufïlattt fait plcunoic
quoy, 67,h despulces. ^ 74-b
Vallees, meilleures habita- le V eut du Sud rend la co-
tions du Peru. iiy.'b fte du Peru habitable..
Variété de têperature des 214.
terres Equinoébiales. Vn mefrne vent f acquiert
66.h diuerfes proprietez fe-
Vcncs d’à bas contraires ion le lieu où il court.
aux verts de foyc. '^i’.a “yy.a
Vent dangereux qui tue diuers Vents en la terre de
» & conferue les corps laTorride. 88. a
fans cocruption. 93. trente deux Vents pofez
a.b par les Pilotes. Sz.a.b
leVentduponent nefouf- trois principales caufes
fie point en la Torride deladifterence &diuer-
y^.a fes proprietez des V^ts
Vents appelez brifes en la 77*^
Torride viennent d’O- ' effranges diuerfitez deté-
rient. ' 7«j.a pcraturccaufees parles
quatre Vents principaux. Vents. 70-
g, b Viétoiresdes Meziquains
hulRVêts en huid points furies Tapanecas.j?9.a
notables du ciel,&leiirs Vieugnes efpcce de mou-
noms. 85.a tonsfauuages.2or.VeE-
ies Vents de terre en la tude leuiTaine. idz.'a.
Torride fouillent plu- la chair eft fortfouue-
ftoft de nuit que de raine pour le mal des
iour,& ceux de mer au ^yeux. là mefme,
contrairej&poLirquoyi le Vif- argent fuit les au-
88.a.b très métaux , hormis
Je Vent corrompt mefme l’or & l’argent. 149. b
le fer. 89.&9P le Vif argét fe tourne en
propriété d’vn Vent qui fumée, puis la fumee fe
T AB
toufne en vif-argent.
1^0. a
le Vif-argcnrS^^leVermcil-
lonnailîènt enviiemef
mepierrci ■ i^o.a
îe Vif-argent vraÿ métal,
& plus pefant que tous
autres.- . 148
propriété rtîcmeilleufe du
Vif-argent à^fcioindre
autour de l’or. 148. b
combien fEfpagnol tire
des mines du Vif-argét.
îyi.a
vignes' fins friiiét eU la
neufuc Efpagne. iiy.b
Vignes du Peru& de Chil-
lé portent tref-bon vim
iSy.b
• Vignes de la Vallee d’Yca
qui viennent fanseilfe
iamais arroufées d’aucu
ncpluyc,&commentil
■ fe peur faire. 188. a
Vignes qui portent fruidt
tous les mois del annee.
i88.b
pourquoy lo ne fait point
de Vin du raifin qui
croift en la neiifiie Ef-
pagne.. «Sy.b
Viracocha,nom que les Iii
diensdonnoiéc au Dieu
LE.
fiiprerme,auec d’aufres
excelïens &fignificatifs
d Vn grand pou uoir.
Vitzilipuztlj principale i-
dole de Mexique, & de
to^fes ornemens.iz4.b
Viûrespofczi au tombeaii
des mortspbur les nour
rir apres la mort, lii.â
V oix entendue prefageant
la ruine de Moreçuma.
îjS.b
Voracité des Tibùrons.
I02.b'
V olcan de Giiatimala plus
admirable que tout au-
trci 1 2i.b
matière qui entretien t les
'Volcans. ^ 124 a.b
Voyage d’Hannon Car-
thaginois abmirablc en
fon temps.,,,. 21. h
Voyclad:ec,appellee che-
min S,ïaquc$. y. a
Vros peuples brutaux qui
ne f eftiment pas hom-
mes, yS.b
Vtilité de toute hiftoire
naturelle. , yy
X
Amabois pèlerins co
traindtsde dire leurr’
TABLE.
pcciiez fur vrie roche.
2J4. &2Î5;.
Ÿ
Y Ca& Anç^,&lcur fa-
çon de nauigcr en
des cuirs. 59*a
Ytu grande fefte des In-
diens qu’ils faifoient en
necçflîté,& des prépa-
ratifs à icelle. 264
Ÿupanguilngua a efté en
Mexique comme vn au
tre Numa àRonïe,pour
■
l’eftablilfement desîoix
i45.b.&i6’i.
Z .
ZEphyreventdôüx&
fairt. , 79, a
izione Torride' aux an-
^ ciens inhabitabie,& les
raifons pourquoy.
î7.b ,
la ZoneT oriidé en des en-
endroits temperec , en
d’autres froide, en d’au -
très chaude. 6j.b