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Full text of "Histoire naturelle des insectes. Hyménoptères"

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SUITES A BUFFON 


; “FORMANT 


AVEC LES ŒUVRES. DE CET AUTEUR 


UN 


se in COMPERT D'HISTOIRE NATURELLE 


PUBLIÉES AVEC LA COLLABORATION 


de Membres d l’Institut de France, 
de Professeurs du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, 
et de diverses Facultés, 


de Membres de la Société Entomologique de France, etc. 


INSECTES HYMÉNOPTÈRES 


PARIS: 
RORET, LIBRAIRE-ÉDITEUR 


RUE HAUTEFEUILLE, 12. 


HISTOIRE NATURELLE 


DES 


INSECTES. 


HYMÉNOPTÈRES. 
à 


PARIS.—IMPRIMÉRIE ET FONDERIE DE FAIN, 
Rue Racine, n. 4, place de l'Odéon, 
nes. D VUE De 2 OU ORNE PORN JU QU GE QU CSS CU CO CSSS JON: © vom) 


HISTOIRE NATURELLE 


DES 


INSECTES. 


HYMÉNOPTÈRES. 


Par M. LE CoMTE 


AMÉDÉE LEPELETIER DE SAINT-FARGEAU, 


MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MOSCOU, DE CELLE DE DION, DES SOCIETES 
D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS ET DE VERSAILLES, ET DE 
LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE. 


TOME PREMIER. 


OUVRAGE ACCOMPAGNÉ DE PLANCHES. 


PARIS. 


LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE RORET, 
RUE HAUTEFEUILLE, N° 10 BIS. 


1836. 


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HISTOIRE NATURELLE 
DES 


; INSECTES HYMÉNOPTÈRES. 


INTRODUCTION. 


Iz est connu de tous les naturalistes qu’à chaque 
= édition que le savant Latreille a donnée de son ou- 
vrage sur les Crustacés, Arachnides et Insectes , il 
a introduit chaque fois des changemens avantageux à 
sa méthode, tâchant constamment de la rapprocher 
le plus possible de l'ordre naturel : on sait qu’en outre 
il y introduisait les nouvelles découvertes. Personne 
_plus que lui ne sentait ce désir de progression dans 
les connaissances, qui , toutes les fois qu'il ne s'ésare 
pas hors des routes naturelles, caractérise si noble- 
ment notre siècle. 

I m'a donc paru hors de doute que si M. Latreille 
eùt vécu plus long-temps, s'il ne nous eüt pas été 
ravi dans un âge où il pouvait encore, ayant toutes 

ses facultés saines, revoir en paix ses anciens travaux 

dans ce vaste dépôt des produits de la nature, où il 

; n'avait pu parvenir d'une manière stable que depuis 

peu de temps, et si ce peu de temps n'avait pas été 

agité par des événemens que ses souvenirs lui ren- 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. t 


_ siemens 2 


2 HISTOIRE NATURELLE 
daient funestes ; il m'a paru, dis-je, hors de doute 
qu'il nous eût donné une nouvelle édition de sa mé- 
thode, et beaucoup plus complète et beaucoup plus 
naturelle. Pour cela , il eüt porté lui-méme l’investi- 
gation sur les moindres détails de ses précédens ou- 
vrâges ; il n’eût pas marqué d’en noter les défauts et 
de les réformer ; mais il n’eüt pas eu besoin de nous 
les montrer, maître, comme auteur et comme le pre- 
mier des savans dans cette partie des sciences natu- 
relles, de faire et de défaire, de créer et de détruire. 

D’après la manière dont j'ai vécu avec ce savant, 
dont je fus l’un des premiers amis, lorsqu'il vint à 
Paris dans un temps désastreux, et celle dont j'ai 
parlé de lui et dé ses ouvrages dans le petit nombre 
d’opuscules que j'ai publiés, je me crois tout-à-fait à 
l'abri de l'accusation d'envie contre un savant dont j'ai 
toujours fait gloire d’être le disciple. 

Appelé donc à donner une histoire générale des 
Hyménoptères, j'ai cru devoir changer beaucoup à la 
méthode de M. Latreille. J’ai eu cette idée aprèsavoir 
porté sur cette partie du travail de ce savant , autant 
que mes faibles connaissances me l’ont permis, l'œil 
investigateur qu'il y eùt porté lui-même ; j'ai noté les 
défauts qu'il y eüt trouvés; mais, moins heureux en 
cela qu'il n’eût été, je me crois forcé de les exposer 
ici pour justifier les innovations que je fais. J'espère 
qu’il me sera accordé, et c'est là ma seule ambition, 
que je n’ai pas détruit la méthode latreillienne , mais 
que j'ai réussi à y introduire au moins une partie de 
ces considérations naturelles et de ces perfectionne- 
mens auxquels il travaillait sans relâche. 

Nous placerons ici l'analyse de cette méthode extraite 
du dernier ouvrage de notre célèbre maître. 


DES HYMÉNOPRTÈRES. 


e 


EXTRAIT 


DE M. LATREILLE, 


INTITULÉ : 


CRUSTACÉS, ARACHNIDES ET INSECTES 


(pages 268 et suivantes). 


M. Latreille divise les Hyménoptères en deux 
sections : 


1° Les T'ÉRÉBRANS ; 
2° Les PorTe-ArcutrsLon. 


1 Secrion. LES TÉRÉBRANS (1). 


Caractères. Une tarière dans les femelles. 


(1) Cette expression, les T'érébrans, n'exprime pas suflisamment 
l'emploi principal de l'organe désigné sous le nom dé tarière , 
terebra. On sait que c'est au moyen de cette partie que les Hymé- 
noptères de cette section introduisent leurs œufs, soit dans les 
végétaux, soit dans les Insectes, où les larves qui doivent en éclore, 
trouveront leür nourriture. La seconde section des Hyménoptères, 
que l'auteur appelle /es Porte-Aiguillon, est aussi pourvue d’une 
tariére à laquelle il donne le nom d’aiguillon; mais il ue sert 
qu'a déposer dans la plaie qu’il fait un acide plus ou moins actif, 


I, 


4 HISTOIRE NATURELLE 


1e Fame. LES PORTE-SCIE (1). 


Caractères. Abdomen sessile. Tarière le plus sou- 
vent en forme de scie, servant à déposer les œufs et à 
préparer la place qui doit les recevoir. Larves ayant 
toujours six pattes écailleuses et souvent d'autres, 
mais qui sont membraneuses. 


1e Trist. TENTHRÉDINES. 


Caractères. Mandibules alongées, comprimées. 
Languette divisée en trois, comme digitée. Tarière 
composée de deux lames dentelées en scie, pointues, 
réunies et logées dans une coulisse sous l'anus. Pal- 
pes maxillaires de six articles , les labiaux de quatre, 
ceux-ci toujours plus courts. 


Genres : Cimbex (2), Hylotoma (3), Tenthredo , Cladius, 


et n'a aucun rapport avec les parties de la génération; tandis que 
la tariére de la première section est la prolongation extérieure de 
l'oviductus. Il paraît donc utile de substituer au nom de Z'érébrans 
une dénomination qui exprime l'usage où sont les Insectes de 
cette section de cacher leurs œufs en les déposant avec cet ins- 
trument. 

(1) Dans la note du bas de la page 268 ut suprä, qui a rapport 
au caractère qui distingue cette famille des suivantes, l'auteur dit: 
« Le segment portant les ailes inférieures est distingué du suivant 
ou du premier de l'abdomen par une incision ou articulation trans- 
verse.» Ceci n'est pas exact : en effet, l'incision dont il est ques- 
tion, est de fait placée sur le milieu du premier segment abdomi- 
nal. On s'en assurera facilement en faisant tomber l'abdomen d'une 
Tenthrédine morte ou desséchée, pourvue de cette incision qui 
existe dans la plupart des genres de cette tribu, et manque seule- 
ment aux genres Abia et Amasis. 

(2) Sous-genres admis dans le genre Cimbex par Latreille : Cim- 
bex, Perga Leach, Syzygonia Klug., Pachylosticta Klug. 

(3) Sous-genres Latr. : Schizocera Latr., Hylotoma, Ptilia St.- 
Farg. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 5 
Athalia, Pterygophorus, Lophyrus, Megalodontes, Pam- 
philius, Xyela, Cephus, Xyphydria (1). 

2e TRiBu. UROCÈRES. 


Caractères. Mandibules courtes, épaisses. Lan- 
guette entière. Tarière des femelles tantôt très-sail- 
lante et composée de trois filets, tantôt roulée en 
spirale dans l’intérieur de l'abdomen et sous une forme 
capillaire. 


Genres : Oryssus (2), Sirex (3). 


(1) Latreille croyait que les larves des Xyphydria vivaient de 
végétaux ; et, dans notre Monographie des Tenthrédines, nous 
avons suivi son opinion. Mais depuis ayant surpris une femelle 
de ce genre qui avait sa tarière enfoncée dans du bois mort, nous 
avons pu nous convaincre qu'elle déposait son œuf dans le corps 
d'une larve que nous mîmes à découvert, et dans laquelle l'extré- 
mité de cette tariére avait pénétré, aprés avoir traversé une 
couche peu épaisse de bois. V’oy. la note (2) de la tribu suivante. 

(2) On a dû remarquer dans le caractère de cette tribu l'im- 
mense différence des deux tarières qui y sont décrites. La tarière 
capillaire, roulée en spirale dans l'intérieur de l'abäomen, appar- 
tient au genre Oryssus ; elle nous paraît établir un rapprochement 
nécessaire avec le genre Cynips. La larve de ceux-ci vit de sucs vé- 
gétaux ou de parties ligneuses dans l’intérieur des galles : celle des 
Oryssus vit de parties ligneuses également La tarière des derniers, 
très-longue ( de deux pouces au moins, dans l'Oryssus coronatus), 
leur permet de faire parvenir leurs œufs à une profondeur où sa 
qualité convient apparemment mieux à la nourriture de leurs lar- 
ves, mais qui ne permet pas la naissance d'une galle. 

(3) Sous-genres Latr. : Sirex, Tremex Jur. 

Ces deux sous-genres ont la tarière composée de trois portions 
bien distinctes , dont les deux extérieures servent d'enveloppe à la 
véritable tarière, qui n'est pas composée comme celle des Ten- 
thrédines de deux lamesaplaties, mais qui est tubulaire; organi- 
sation absolument la même que celle des Ichneumonides. Or, les 
larves de ceux-ci sont zoophages. On m'a apporté de Bagnères de 
Luchon, dans les Pyrénées, un Tremex trouvé mort dans une 
poutre équarrie qui servait de banc; dans la même loge où il était, 
et qu'indiquait la flexibilité sous le doigt de la faible couche de bois 


6 HISTOIRE NATURELLE 


2° Fame. LES PUPIVORES. 


Caractères. Abdomen attaché au corselet par une 
simple portion de son diamètre transversal , et même 
le plus souvent par un très-petit filet ou pédicule. 
Tarière servant d’oviducte. Larves apodes, pour la 
plupart parasites et carnassières (1). 


qui le couvrait encore, il fut trouvé en même temps des débris 
cornés ressemblant aux plaques cornées des parties antérieures des 
larves de Coléoptères longicornes, qui, d'après leur nature, ne 
pouvaient appartenir à la dépouille de la larve du Tremex. De ce 
fait, et de l'anatomie de la tarière concordant entre eux, je me 
crois en droit de conclure que le genre Sirex de Latreille est plus 
voisin des Pupivores, et particulièrement des Pimpla, que des 
Tenthrédines, ses larves étant zoophages. 

(1) Des six tribus qui composent cette famille, il en est cinq 
dont les larves sont carnassières ; ce sont la première, la seconde, 
la quatrième , la cinquième et la sixième. Les larves de la troisième 
sont phytiphages: ce sont celles qui vivent de matière ligneuse 
dans les galles. Observez de plus que le mot parasite ne peut être 
employé comme présentant le même sens que carnassier : celui-ci 
s'applique à un animal zoophage; celui-là à un animal qui con- 
somme les vivres destinés à un autre, qui mange le pain d'un autre 
chez lui. L'on peut croire que M. Latreille a eu tort de créer ( dans 
la tribu des Apiaires ) le nom de Cucullines pour exprimer une idée 
que le mot parasite exprimait si parfaitement et par son étymologie 
et par son emploi immémorial. Ce mot parasite ne peut pas, d'après 
ces différentes considérations, s'appliquer à la troisième tribu , qui 
n'a pour nourriture que le végétal, à elle destiné par la position 
où ses larves éclosent et par le choix de leur mère, et non pas 
unenourriture destinée ou ramassée pour d'autres Insectes. Par ces 
mœurs, cette troisième tribu des Pupivores de Latreille n'est pas” 
pupivore, mais zoophage, et se rapproche des Tenthrédines qui 
le sont aussi. Le nom de la famille est donc impropre, en ce qu'il 
ne convient pas à toutes les tribus; on peut même ajouter qu'il 
convient à peu d'espèces, sa signification étant : « vivant de nym- 
phes » , tandis que la plupart des Ichneumonides vivent dans les 
larves , et quelques-uns dans les œufs des Insectes, et qu'un petit 


nombre d'entre eux seulement est destiné à vivre daus les 
nymphes. 


DES HYMÉNOPTÈRES. ; 


xt Trisu. LES ÉVANIALES. 


Caractères. Ailes veinées ; les supérieures au moins 
aréolées. Antennes filiformes ou sétacées, de treize 
à quatorze articles. Les mandibules dentées au côté 
interne. Palpes maxillaires de six articles ; les labiaux 
de quatre. Abdomen implanté sur le thorax, et dans 
plusieurs au-dessous de l’écusson. Une tarière ordi- 
nairement saillante, de trois filets (1). 


Genres : Evania, Pelecinus, Fœnus, Aulacus, Paxy- 
lomma. 
2e Trisu. LES ICHNEUMONIDES, 


Caractères. Ailes veinées; les supérieures offrant 
toujours dans leur disque des cellules complètes ou 


(1) Les caractères de cette première tribu se réduisent à bien 
peu de chose. Malgré la différence des mots que l'on remarque 
dans les caractères de cette tribu et de la suivante : ailes veinées , les 
supérieures au moins aréolées , est la même chose que : ailes veinees , 
les supérieures offrant toujours dans leur disque des aréoles complètes ; 
car, dans les deux tribus, les cellules des ailes supérieures sont les 
mêmes. Le caractère tiré des antennes (treize à quatorze articles 
dans les Evaniales, seize au moins dans les Ichneumonides ) est 
faible ; car le nombre’des articles n’est pas constant dans les espèces 
d'un même genre de l'une de ces tribus, et, vu leur ténuité dans 
certaines espèces, on ne peut le constater. Le caractère des mandi- 
bules dans les Evaniales se retrouve dans des Ichneumonides, celles 
de quelques-uns de ceux-ci ayant des dentelures au côté interne. 
J'en dis autant du caractère tiré des palpes , les maxillaires ayant 
aussi quelquefois six articles dans les Ichneumonides Latr., et les 
labiaux , quoique de nombre encore plus variable, en ayant aussi 
assez souyent quatre comme dans les Evaniales. Dans ces deux tri- 
bus les mœurs sont absolument les mêmes; la tarière est la même, 
composée d'un ovidépositoire tubulé et de deux enveloppes latérales 
canaliculées, dont les Sirex Latr. nous ont offert le premier 
exemple. 


Fe) HISTOIRE NATURELLE 


fermées. Abdomen prenant naissance entre les deux 
pattes postérieures. Antennes généralement filiformes 
ou sétacées , très-rarement en massue, vibratiles, et 
composées d’un très-grand nombre d'articles ( seize 
au moins ). Mandibules , dans la plupart, sans dent 
au côté interne, et terminées par une pointe bifide. 
Palpes maxillaires saillans , n'ayant le plus souvent 
que cinq articles. Tarière composée de trois filets (1). 


Genres : Stephanus, Xorides , Pimpla, Cryptus, Gphion, 
Banchus, Hellwigia, Joppa, Ichneumon (Trogus Panz.), 
Alomya (Hypsicera Latr.), Peltastes, Acænitus, Agathis, 
Bracon , Microgaster, Helcon, Sigalphus, Chelonus, Aly- 
sia (2). 


3° Trisu. LES GALLICOLES. 


Caractères. Ailes inférieures n'ayant qu'une ner- 
vure; les supérieures offrant quelques cellules, savoir : 


(1) A l'article Chélone , de l'Encyclopédie, tome X, nous avons 
proposé de diviser en deux sous-tribus les Ichneumonides de La- 
treille, savoir : les Ichneumonides vrais et les Braconides. Nous 
ayons indiqué des différences dans les parties de la bouche, et 
notamment dans les palpes, ce qui, joint à la présence d’une pre- 
mière cellule discoïdale fermée et non confondue avec la première 
cubitale dans tous les Braconides, ne permet pas de les confondre 
avec les Ichneumonides, Les auteurs allemands, et surtout Gra- 
venhorst et Nées d'Esembeck, séparent à peu près comme nous 
les Ichneumons en Zchneumones proprie dicti et Ichueumones adsciti. 
Nous croyons devoir faire remarquer ici que les seules espèces eu- 
ropéennes décrites dans l'Ichneumonologia europæa du premier des 
savans auteurs que nous venons de citer, se montent à plus de dix- 
sept cents, et que nous trouvons ici, dans nos collections, beau- 
coup d'espèces françaises qui ne sont pas dans l'auteur gllemand. 

(2) Dans cette énumération des genres, ceux qui appartiennent 
à nos deux sous-tribus sont placés pêle-mêle; mais il n'en est pas 
de même des espèces que chaque genre contient ;, parce que, sous 
le rapport générique, Latreille consultait les ailes sans s'astreindre 
à en développer les caractères, que du reste on trouve toujours 
soncordans avec ceux de la bouche. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 9 
deux à la base, les brachiales, l’interne incomplète 
et peu prononcée, une radiale triangulaire, deux ou 
trois cubitales, dont la deuxième, dans ceux où il y 
en a trois, est toujours très-pelite, et la troisième 
très-srande, triangulaire et fermée par le bord posté- 
rieur de l’aile. Antennes de même épaisseur, ouallant 
en grossissant, mais sans former de massue, compo- 
sées de treize à quinze articles. Palpes fort longs. Ta- 
rière roulée en spirale dans l’intérieur de l'abdomen, 
son extrémité postérieure logée dans une coulisse du 
ventre (1). 


Genres : Ibalia, Figites, Cynips (2). 
4 Trisu. LES CHALCIDITES. 


Caractères. Antennes coudées (excepté dans les 
Eucharis), formant, à partir du coude, une massue 
alongée ou en fuseau ; le premier article logé souvent 
dans un sillon. Palpes très-courts. Cellule radiale 


(1) Comme je l'ai dit plus haut, la tarière roulée en spirale dans 
le genre Oryssus doit le faire rapprocher des Cynips. 

La nourriture végétale des larves doit chasser cette tribu de la 
famille des Pupivores Latr., ne contenant du reste que des z00- 
phages, et la rappeler près des Tenthrédines, tribu dont les larves 
sont toutes phytiphages, et même quelques-unes habitantes de 
galles. La dénomination de famille Pupivores ne peut donc pas leur 
être appliquée. La tarière, logée en partie dans une coulisse du 
ventre, est un caractère anatomique commun aux Tenthrédines et 
aux Cynips. 

(2) Il est bien constant que les Cynips sont, par leurs piqüres 
sur diverses parties des végétaux et l'introduction de leurs œufs, 
la cause de la production de beaucoup de galles où ces œufs éclo- 
sent , et où leurs larves vivent de la substance intérieure de ces 
productions extraordinaires. Je n’ai pas la même certitude pour 
les Ibalies et les Figites. Mais telle paraît être l'opinion de M. La- 
treille, qui doit être respectée, tant que des faits positifs n° CAES 
cheront pas de l'admettre. 


’ 


10 HISTOIRE NATURELLE 


manquant ordinairement ; toujours une seule cellule 
cubitale, point fermée. Antennes n'ayant pas au delà 
de douze articles (1). 


Genres : Chirocera, Chalcis (2), Leucospis, Eucharis, 
Thoracantha, Agaon, Eurytoma, Misocampus, Perilam- 
pus, Pteromalus, Cleonymus, Eupelmus, Encyrtus, Spa- 
langia , Eulophus. 


5e Trisu. LES OXYURES. 


Caractères. Point de nervures aux ailes inférieures. 
Abdomen des femelles terminé par une tarière tubu- 
laire conique, tantôt interne, exsertile et sortant par 
l'anus , comme un aiguillon; tantôt extérieure et for- 
mant une sorte de queue ou de pointe terminale (3). 


(1) M. Latreille paraît regarder comme vivant de larves tous les 
genres qu'il admet dans cette famille. Cette opinion nous paraît 
donc probable, mais il sera bon de faire de nouvelles observations 
a ce sujet, et aussi d'étudier l'anatomie de la tarière qui joue un 
si grand rôle dans le placement des œufs. Si l'on trouvait dans cette 
tribu quelques genres dont les larves fussent phytiphages, il fau- 
drait les rapprocher des Tenthrédines , comme nous l'avons dit des 
Cynips. Telle est la seule marche qui puisse nous paraître natu- 
relle: un défaut que ne peut éviter la méthode contraire étant de 
réunir en une même famille les victimes et les destructeurs. 
Linné s'est servi des Znstrumenta cibaria pour classer les Mammi- 
fères. Il se serait servi de toute autre partie, si la bouche eût dû 
rapprocher le loup et la brebis. C'est dans l'étude anatomique des 
parties qui servent aux Hyménoptères à placer convenablement 
leurs œufs, à construire et approvisionner leurs nids, qu'on trou- 
vera les bases d’une classification naturelle. 

(2) Sous-genres Latr. : Dirrhinus Dalm., Palmon Dalm. 

(3) Les Céropales et les Dolichurus, genres parasites, ont comme 
ces derniers une tarière en partie exserte dans le repos, qui les 
aide à faire pénétrer leurs œufs dans des nids faits et approvision- 
nés par d'autres; ils sont mis parmi les Fouisseurs Latr., parce 
qu'ils sont munis d'un aiguillon et que leurs larves se nourrissent 
de proie vivante. Les genres dont se compose la tribu des Oxyures, 


DES HYMEÉNOPTÈRES, il 


Antennes composées de dix à quinze articles, soit 
filiformes, soit un peu plus grosses vers le bout, soit 
en massue dans les femelles. Palpes maxillaires de 
plusieurs longs et pendans. 


Genres : Dryinus, Anteon, Bethylus, Proctotrupes, 
Helorus, Belyta, Diapria, Ceraphron, Sparasion, Teleas, 
Scelion, Platygaster. 


6e Trisu. LES CHRYSIDES. 


Caractères. Point de nervures aux ailes inférieures. 
Tarière formée par les derniers segmens de l'abdomen, 
à la manière des tubes d’une lunette d'approche (1), 
et terminée par un petit aiguillon (2). Abdomen des 


dont en général les mœurs sont peu connues, devront être obser- 
vés quant à la nourriture animale ou végétale des larves. Pon- 
dent-ils leurs œufs dans l’intérieur des larves ou sur des larves, ce 
qui revient au même, ou construisent-ils des nids et les approvi- 
sionnent-ils de larves vivantes, ou bien encore leur tarière leur 
sert-elle à introduire dans le nid d'autrui un œuf d’où sortira une 
larve dévoratrice de l'habitant naturel, ou seulement parasite, et 
par conséquent se nourrissant uniquement de la proie préparée 
pour une autre? La tarière est-elle, comme dans les Chrysides où 
elle n’est de même que d'une seule pièce tubulaire , accompagnée 
dans son développement complet par un véritable aiguillon piquant 
et déposant dans la plaie un acide irritant? Les réponses à ces 
questions ne peuvent pas encore être appuyées par des faits posi- 
tifs, aû moins pour la plupart des genres réunis dans cette tribu. 

(1) La construction de cette tarière n’est pas tout-à-fait telle que 
nous la représente M. Latreille, c'est un tube membraneux sus- 
ceptible d'un alongement au moins quadruple de sa longueur et 
très-flexible ; il est recouvert d’écailles placées comme les tuiles 
d'un toit; mais, dans l'alongement, à peinesi le bout des écailles 
supérieures atteint la base des inférieures ; ces écailles sont étroi- 
tes, et plusieurs, distinctes entre elles, forment un rang comme 
les tuiles auxquelles nous les comparons. 

(2) L'aiguillon est placé avant le bout de la tarière ; il n'est pas 
terminal , il agit latéralement à celle-ci, On peut vérifier les faits 


12 HISTOIRE NATURELLE 


femelles (1) ne paraissant composé que de trois ou 
quatre segmens, voùté ou plat en dessous, pouvant se 
replier contre la poitrine : Insecte prenant alors la 
forme d’une boule. / 


Genres : Parnopes, Chrysis (2), Cleptes. 

2° SEcTION. LES PORTE-AIGUILLON. 

Caractères. Point de tarière. Un aiguillon de trois 
pièces , caché et rétractile, ou au moins des glandes 


éjaculant une liqueur acide. Antennes de douze arti- 
cles dans les femelles, de treize dans les mâles. 


1e Fame. LES HÉTÉROGYNES. 


Deux ou trois sortes d'individus : mâles toujours 
ailés, les neutres aptères; et, dans le cas où cette 


mentionnés dans ces deux notes en tenant entre le pouce et l'in: 
dex, par la tête et le corselet, une Chryside femelle renversée, 
de manière qu'elle ait la liberté, voulant se mettre en boule, de 
replier son abdomen sur l’ongle du pouce; elle montrera bien vite 
sa tarière développée; on distinguera les écailles et l'aiguillon 
formant , dans son action de chercher à piquer, un angle aigu aver 
l'extrémité de la tarière. 

(1) Il serait difficile de croire, comme M. Latreille semble le 
faire dans ce caractère en disant la tarière formée des derniers seg- 
mens , que ce soit aux dépens du nombre des segmens de l'abdo- 
men que les Chrysides ont une tarière, tandis que la tarière beau- 
coup plus longue des Ichneumonides et autres familles précédentes 
n'ôte rien au nombre des segmens abdominaux. Cela est surtout 
avéré par l'examen des mâles Chrysides qui n'ont pas de tariére, 
et n'ont cependant pas plus de segmens. Les mâles Parnopes en 
ont même moins que leurs femelles. Les meilleurs observateurs se 
négligent quelquefois. 

(2) Sous-genres Latr. : Stilbum Spin., Euchræus Latr,, Hedy- 
chrum Latr., Elampus Spin., Chrysis Spin. 


gg ot dt 


DES HYMÉNOPTÈRES. 13 


modification existe, femelles également ailées; dans 
le cas contraire, femelles aptères. Antennes cou- 
dées (1). Languette petite, arrondie et votée. 


1e Drvison. HÉTÉROGYNES SOCIALES 
ou FORMICAIRES. 


Caractères. Vivant en société; offrant trois sortes 
d'individus : des mâles et des femelles ailés, et des 
neutres sans ailes (2). Antennes des femelles et des 
neutres allant en grossissant ; la longueur de leur pre- 
mier article égalant au moins le tiers de leur longueur 
totale; le second presque aussi long que le troisième, 
ayant la forme d’un cône renversé. Labre des neutres 
‘grand, corné, tombant perpendiculairement sous les 
mandibules. 


Genres : Formica, Polyergus , Ponera, Odontomachus ! 
Myrmica, Eciton, Atta. 


(1) Les antennes ne sont réellement coudées que dans les Hété- 
rogynes sociales. Cet attribut les rapproche des autres Hyménop- 
tères Porte-Aiguillon sociaux, tandis que les antennes non coudées 
en éloignent les Hétérogynes solitaires. La manière de vivre de 
ces deux divisions à l’état de larves, la sociabilité des uns et l'in- 
sociabilité des autres s'opposent, comme la forme des antennes, à 
la réunion des deux divisions formées par Latreille en une seule 
famille, et les écartent bien loin l'une de l’autre dans une mé- 
thode naturelle. 

(2) Tous les Hyménoptères sociaux ont ces trois sortes d'indi- 
vidus : des mâles, des femelles fécondes et des femelles ordinai- 
rement infécondes. Il est inexact d'appeler les femelles infécondes, 
neutres, ce qui signifie privées de sexe. En effet, l'expérience a 
prouvé que, dans certaines circonstances , ces femelles pondaient 
quelquefois des œufs mâles. Il paraît constant que c'est la différence 
de nourriture à l'état de larve qui décide de la fécondité dans les 
individus du sexe féminin des Hyménoptères sociaux. Ce fait avéré 
par les expériences des meilleurs observateurs , pour l'Apis mellifica, 
nous paraît devoir être admis par analogie pour tous les genres où 
l'on trouve les mêmes modifications individuelles, 


HISTOIRE NATURELLE 


> Duvision. HÉTÉROGYNES SOLITAIRES. 


Vivant solitairement; n’offrant que deux sortes 
d'individus : des mâles ailés et des femelles fécondes, 
aptères, armées d’un fort aiguillon. Antennes filifor- 
mes ou sétacées, vibratiles ; le premier et le troisième 
article alongés; la longueur du premier n'égalant 
jamais le tiers de la longueur totale de l'antenne (1). 


Genres : Dorylus, Labidus(2), Mutilla (3), Myrmosa, 
Myrmecoda , Scleroderma , Methoca. 


(1) Les antennes , dans les genres qui appartiennent réellement 
à cette division (Voyez plus bas la note sur les genres Labidus et 
Dorylus), ne sont pas dites coudées par Latreille, et ne le sont 
réellement pas. On ne trouve chez eux ni instinct de société , ni 
les mêmes modifications de sexes qui sont le résultat de cet instinct. 
Il ne reste de commun aux deux divisions que le caractère tiré de 
la forme de la languette, caractère bien faible pour unir des êtres 
dont les facultés sont si différentes, surtout si l'on fait attention 
que tous les Hyménoptères à l’état parfait se nourrissent de miel, 
et que d’un autre côté les larves des Hétérogynes sociaux sont nour- 
ries de miel et autres sucs végétaux comme celles des autres Hymé- 
noptères sociaux, tandis que les larves des Hétérogynes solitaires 
vivent de larves auprès desquelles elles sont déposées sous la forme 
d'œufs. Remarquez encore que les vrais Hétérogynes solitaires 
femelles ont les pattes antérieures armées de cils raides qui les ren- 
dent propres à fouir, comme dans beaucoup de genres de la fa- 
mille des Fouisseurs Latr. (/’oy. plus bas), tandis qu'il n'y a point 
de semblables cils aux pattes des Hétérogynes sociaux. 

(2) On ne connaît encore, comme du vivant de M. Latreille, 
ainsi qu'il le dit lui-même, que des mâles des genres Dorylus et 
Labidus. Le caractère alaire des premiers les rapproche évidemment 
des Hétérogynes sociaux. Les Labidus en seront peut-être un jour 
disjoints; mais l’état des connaissances actuelles ne permet pas de 
les en séparer l’un de l'autre contre l'avis de l’auteur que nous ana- 
lysons, mais bien de les réunir tous deux provisoirement aux 
sociaux. 

(3) Sous-genres Latr. : Apterogyna Latr., Psammotherma Latr., 
Mutilla Latr. 


G- 


DES HYMÉNOPTÈRES, i 
2° Fame. LES FOUISSEURS. 


Caractères, Femelles à aiguillon. Mäles et femelles 
ailés ; vivant solitairement. Pattes exclusivement pro- 
pres à marcher (1), et dans plusieurs à fouir. Lan- 
guette toujours plus ou moins évasée à son extré- 
mité (2), jamais filiforme ni sétacée. Ailes toujours 
étendues (point reployées sur elles-mêmes dans leur 
longueur ). Larves apodes vivant de larves ou d’A- 
rachnides, se filant une coque, et y subissant ses 
deux dernières métamorphoses. Femelles pour la plu- 
part préparant leur nid, le creusant dans la terre ou 
dans le bois, et l’approvisionnant avant d’y déposer un 
œuf (3). Insectes parfaits vivant de miel. Mâchoire et 
lèvres alongées, en forme de trompe dans plusieurs. 


Genres : Sphex Linn. 
me Couvre ou Suspivision. LES SEOLIÈTES,, Latr. 


Caractères. Premier segment du thorax tantôt en 
forme d'arc, prolongé latéralement jusqu'aux ailes ; 


(1) J'avoue que je ne concois pas ce caractère placé ici; il ne 
peut signifier autre chose, sinon que les Fouisseurs n’ont pas de 
pattes ravisseuses (propres à saisir la proie), et ce caractère est 
commun à tous les Hyménoptères. 

(2) La languette sera toujours à peu près conformée comme ici, 
lorsqu'elle ne sera employée qu’à la nourriture de l'individu et non 
à l’approvisionnement du nid. 

(3) Les Fouisseurs Latr. ne préparent pas tous des nids à leur 
postérité. Ceux quine le font pas, sont parasites, c’est-à-dire qu'ils 
pondent dans des nids préparés et approvisionnés par d’autres. Les 
larves des parasites éclosant les premières, consomment la nourri- 
ture préparée par la femelle vraiment fouisseuse à sa postérité. 


16 HISTOIRE NATURELLE 


tantôt en carré transversal ou en forme de nœud ou 
d'article. Pattes courtes, grosses, très-épineuses ou 
fort ciliées; cuisses arquées près du gehou. Antennes 
sensiblement plus courtes que la tête et le thorax dans 
les femelles. Yeux souvent échrancrés. Corps des 
mäles ordinairement étroit , alongé , 8e terminant pos- 
térieurement, dans un grand nombre , par trois poin- 
tes en forme d’épines ou de dentelures. 


Genres : Tiphia, Tengyra, Myzine, Meria, Scolia. 
2e Couvre ou Suspivision. LES SAPYGITES, Lat. 


Caractères. Premier segment du thorax comme 
dans les Scoliètes. Pattes courtes, grêles, point épi- 
neuses ni fortement ciliées (1). Antennes, dans les 
deux sexes, aussi longues au moins que la tête et le 
corselet. Yeux comme dans les Scoliètes. Corps des 
mâles comme dans celles-ci. 


Genres : Thynnus, Polochrum , Sapyga. 


(1) Cette conformation appartient nécessairement dans cette fa- 
mille à tous les genres ne renfermant que des espèces parasites ; 
mais seule-lle ne dénote pas l'habitude parasite. Les épines des 
pattes postérieures , ou les forts cils dont elles sont pourvues, dé- 
montrent la faculté de construire un nid; mais les mandibules, 
par leur longueur, suppléent quelquefois pour porter la proie. Les 
mœurs de la famille dont nous nous occupons ne sont pas encore 
assez connues pour plusieurs genres, non plus que leur organisa- 
tion dans ses rapportsavec les mœurs, pour qu'on puisse prononcer 
sur tous, s'ils sont constructeurs de nids ou parasites. Nous don- 
perons cependant notre manière de voir sur tous ceux que nous 
croyons dans cette catégorie, afin d'engager nos successeurs dans 
cette partie à des observations plus précises. Les mœurs des Thyn- 
nus et Polochrum sont inconnues. Les Sapyga paraissent être pa- 
rasites, d'après des observations récentes. 


DES HYMÉNOPTÈRES. {7 


3°. Coure ou Suspivision. LES SPHÉGIDES, Latr. 


Caractères. Pattes postérieures une fois au moins 
aussi longues que la tête et le tronc. Antennes le plus 
souvent grèles, formées d'articles alongés, peu serrés 
ou lâches , et très-arquées ou contournées , du moins 
dans les femelles. Premier segment du corselet à l’é- 
gard de l’étendue et de la forme, avoisinant celui des 
coupes précédentes, tantôt carré, soit transversal, 


soit longitudinal; tantôt rétréci en avant, en forme 
d'article ou de nœud. 


Genres : Pepsis, Céropales (1), Pompilus (2), Planiceps , 
Aporus (3), Ammophila, Pronæus, Sphex, Chlorion , Do- 
lichurus (4), Ampulex, Podium, Pelopæus. 


(1) Ce genre paraît être parasite. Les femelles ont, ainsi que 
celles des Dolichurus , une tarière toujours extérieure, ce qui paraît 
les rapprocher de la famille des Oxyures. 

(2) Sous-genres Latr. : Pompilus Fab., Salius Fab. Les espèces 
nombreuses dont se compose ce genre, dans l'état même où le 
laisse son adoption par Latreille, diffèrent beaucoup entre elles 
par les mœurs. Les unes ont les tarses antérieurs fortement épineux 
et s'en servent pour creuser leur nid en terre; d'autres ont ces 
mêmes parties assez faiblement ciliées, et creusent leur nid 
dans le bois par le moyen de leurs mandibules. Ces deux catégo- 
ries ont les quatre jambes postérieures plus ou moins, mais tou- 
jours épineuses, conformation qui leur sert à charrier leur proie 
et à la tirer après eux dans leur nid. Mais j'ai cru m'apercevoir 
que quelques espèces qui n'enlèvent que de petites proies, ne les 
portent qu'avec les mandibules, et les font entrer dans le nid 
en les poussant devant elles avec le front. Aureste, les carac- 
tères qui résultent des diverses habitudes que nous venons d'ex- 
pliquer, sont propres à diviser ce genre. Nous croyons aussi 


qu'une partie des espèces est parasite, et doit en être retran- 
chée. 


(3) Probablement parasite. 
(4) Probablement parasite. 


HYMÉNOPTÈRES , TOME 1. 2 


15 HISTOIRE NATURELLE 


4e Cours où Susorvisios. LES BEMBÉCIDES , Latr. 


‘ Caractères. Premier segment du thorax ne formant 
qu’un simple rebord linéaire et transversal ; ses deux 
extrémités latérales éloignées de l'origine des ailes 
supérieures. Pattes courtes ou de longueur moyenne. 
Tête, vue en dessus, paraissant transverse, yeux s'é- 
tendant jusqu'au bord postérieur. Abdomen formant 
un demi-cône alongé, arrondi sur les côtés près de 
sa base. Labre entièrement à nu ou très-saillant (1). 


Genres : Bembex, Monedula, Stizus. 
5e Coure ou Suspivision. LES LARRATES, Latr. 


Caractères. Presque le port des Bembécides. Labre 
caché en totalité ou en grande partie. Mandibules 
ayant au côté inférieur, près de leur base, une pro- 
fonde échancrure. 


Genres : Palarus, Lyrops , Larra, Dinetus, Miscophus. 
6° Couvre ou Susnivisios. LES NYSSONIENS, Latr, 


Caractères. Labre caché intégralement ou en grande 
partie. Mâchoires et lèvre ne formant pas de trompe. 
Mandibules n'ayant pas d’échancrure à leur côté infé- 
rieur. Tête de grandeur ordinaire. Abdomen triangu- 


4) Ici Latreille note le caractère des Fouisseurs qui font leur 
vid dans la terre, en ces termes : « Jambes et turses garnis de petites 
épines ou de cils remarquables, surtout aux tar$es antérieurs des fe- 
melles. » Ce caractère se trouve dans beaucoup de genres des cou- 
pes antérieures , ou dans une partie des espèces de ces genres. 


DES HYMENOPTÈRES. 19 


laire ou ovoïdo-conique, se rétrécissant graduellement 
de la base à son extrémité, jamais porté sur un long 
pédicule. Antennes filiformes ; le premier article peu 
alongé. 


Genres : Astata, Nysson, Oxybelus, Nitela, Pison. 
7° Couvre ou Suspivision. LES CRABRONITES, Latr. 


Caractères. Peu différent de celui des précédens. 
Tête ordinairement très-forte, presque carrée quand 
on la regarde d'en dessus. Antennes souvent plus 
s rosses vers le bout ou en massue. Abdomen soit ova- 
laire ou elliptique, plus large vers son milieu, soit 
rétréci à sa base en un pédicule alongé et comme 
terminé en massue. 


Genres : Trypoxylon , Gorytes (1), Crabro (2), Stigmus, 
Pemphredon , Mellinus, Alyson, Psen, Philanthus, Cer- 
ceris. 


(1) Nous avons donné, dans une Monographie des espèces à 
nous connues de ce geure, des caractères en analogie avec le mode 
de nidification des espèces, qui nous ont porté a diviser en plusieurs 
le geure Gorytes; nous nous contenterons de dire ici que celui au- 
quel nous avous conservé le nom générique est peut-être parasite, 
et que d'autres forment un id et l'approvisionnent. 

(2) De même que le précédent, ce genre demañde a être divisé 
Quelques mâles de Crabro, dans l'état du genre Latreillien, n'ont 
que douze articles apparens aux antennes, ce qui forme, dans la 
deuxième section des Hyménoptères, une exception fort remar- 
quable ; les autres mâles en général, à peu d'exceptions près, et 
même ceux de plusieurs Crabro Latr. en ayant toujours treize. Il 
est vrai de dire que dans quelques mâles de la famille suivante (les 
Diploptères) ce même treizième article est réduit à n'être qu'un 
petit crochet spiuiforme, 


20 HISTOIRE NATURELLE 


3 Fame. LES DIPLOPTÈRES. 


Caractères. Ailes supérieures doublées longitudi- 
nalement, excepté dans le genre Ceramius (1). An- 
tennes ordinairement coudées, et en mussue ou plus 
grosses vers le bout (2). Yeux échancrés. Prothorax 
prolongé en arrière, de chaque côté, jusqu’à l’origine 
des ailes; trois ou deux cubitales fermées aux ailes 
supérieures, la seconde recevant les deux nervures 
récurrentes. Corps glabre ou presque glabre, noir, 
plus ou moins tacheté de jaune ou de fauve. Beaucoup 
vivant en sociétés temporaires, composées de trois 
sortes d'individus , de mâles, de femelles et de neu- 
tres ou mulets (3). 


(1) Ce caractere est, je l'avoue, particulier aux Diplopteres, à 
l'exception d'un seul genre; il pouvait donc, comme très-appa- 
rent (j'en dis autant des yeux échancrés), être mis en premiére 
ligne dans la méthode le plus souvent artificielle de M. Latreille : 
mais, pour fonder une méthode naturelle, il faut que l'auteur 
n'emploie de caractères comme principaux que ceux qui, en modi- 
fiant la forme ou la position des parties, modifient simultanément 
les mœurs des Insectes, c'est-à-dire au moins l'une des habitudes 
suivantes : la nourriture de l'Insecte parfait, ses amours, la pos- 
sibilité de construire un nid, sa localité et les matériaux employés, 
son approvisionnement ou la nourriture des larves. Avec une mé- 
thode fondée sur de semblables caractères , on conçoit qu'en recon- 
naissant tels caractères , on peut décider de suite des habitudes et 
par conséquent de la famille et de la tribu à laquelle appartien- 
drait une espèce d'Insecte qu'on verrait pour la première fois. D'un 
autre côté, on concoit qu'il pourra se trouver un geure d'Hymé. 
noptères Diploptères qui ne puisse être mis dans la famille dont 
nous nous occupons , et le genre Ceramius nous prouve que pour 
être Diploptère, suivant Latreille, il n'est pas nécessaire d'avoir 
les ailes doublées longitudinalement. 

(2) Les antennes coudées n'appartiennent ici, comme dans l'or- 
dre entier, qu'aux espèces vivant en société. 

(3) Neutres, Voy. la note sur ce mot aux Hétérogynes, Latr.— 


DES HYMÉNOPTÈRES. 21 
are Traisu. LES MASARBIDES, Latr. 


Caractères. Antennes semblant, au premier coup 
d'œil , n'être composées que de huit articles; le hui- 
tième formant avec les suivans une massue presque 
solide, à articulations peu distinctes, et arrondie 
ou très-obtuse au bout (1). Languette terminée par 
deux filets qui peuvent se retirer dans un tube formé 
par sa base. Ailes supérieures n’ayant que deux cellu- 
les cubitales complètes. Milieu du bord antérieur du 
chaperon échancré, recevant le labre dans cette échan- 
crure. 


Genres : Masaris, Célonites (2). 


2e. Trisu. LES GUÉPIAIRES, Latr. 


Caractères. Antennes offrant toujours distincte- 
ment douze articles dans les femelles, et treize dans 
les mâles , se terminant en massue alongée, pointue, 
et quelquefois crochue (dans les mâles) au bout, 


Mulets, mot impropre ici. Ce mot exprime l'idée d'un être 
provenu du mélange par l'acte de génération de deux espèces 
distinctes. 

(1) Ce caractère antennaire est à peu près le même que dans le 
genre Cimbex et les sous-genres qu'il renferme, dans la tribu des 
Tenthrédines ; cependant il ne produit aucun rapprochement mé- 
thodique du genre Cimbex avec les Masarides, parce que l'obser- 
vation prouve qu'il ne produit entre eux aucune similitude dans 
les habitudes morales. 

(2) Les mœurs des Masaris et des Célonites, surtout des derniers, 
ne sont pas suffisamment observées; mais ils ne vivent pas en 
société, et les parties qui chez eux ont rapport à la nidification 
les rapprochent comme tribu particulière des Fouisseurs. Nous de- 
velopperons ces caractères dans l’expose de notre méthode. 


22 HISTOIRE NATURELLE 


toujours coudées, du moins dans les femelles et les 
mulets (1). Languette tantôt divisée en quatre filets 
plumeux , tantôt en trois lobes, ayant quatre points 
glanduleux au bout, un à chaque lobe latéral, les 
deux autres sur le lobe intermédiaire, qui est plus 
grand , évasé , et bifide à son extrémité. Mandibules 
fortes et dentées. Chaperon grand. Un épipharynx, 
pièce de la forme d’une lanyuctte , placée au-dessous 
du labre. Ailes supérieures ayant trois cellules cubi- 
tales fermées, excepté dans le genre Ceramius où 
el'es n’en ont que deux. Femelles et neutres armés 
d'un aiguillon très-fort et venimeux. Plusieurs vivant 
en sociétés composées de trois sortes d'individus, Lar- 
ves vermiformes, sans pattes, renfermées chacune dans 
une cellule, se nourrissant tantôt de larves d’'Insectes 
ou d'Aranéides apportées d'avance parla mère dans la 
cellule qui doit recevoir l'œuf; tantôt du miel desfleurs, 
du suc des fruits et de matières animales élaborés 
dans l'estomac de la mère ou dans celui des mulets, 
nourriture qui leur est fournie au jour le jour (2). 


(1) Malgré ce que dit ici notre célébre auteur, les antennes de 
ses Diploptères solitaires ne sont pas coudées, tandis qu'elles le 
sont fortement dans les Diploptères sociaux. Ceux-ci, comme on le 
sent bien, d'après ce qui a plusieurs fois été répété dans nos 
notes , et surtout dans une de celles sur les Hétérogynes, sont 
les seuls qui aient des mulets Latr., femelles infécondes, ouvrières 
pour nous. 

(2) Si l'on désire, comme on paraît le faire aujourd'hui générale: 
ment, rapprocher les méthodes de la nature , est-il possible de lais- 
ser ensemble des êtres de mœurs si disparates : lesuus purement zoo- 
phages à leur sortie de l'œuf, et n'ayant aucune babitude sociale ; 
les autres se nourrissant, à la même époque de leur vie, de miel, 
de sucs végétaux , et aussi, il est vrai, quelquefois de sues ani- 
maux, en cas de disette des premiers, mais assimilés au miel par 
une digestion commencée (remarquez que c'est un fait connu que 
la séve des végétaux et de toutes leurs parties devient mielleuse 


DES HYMÉNOPTÈRES, 23 


ire Cour£. 


Caractères. Aïles supérieures étendues ; leurs cel- 
lules cubitales fermées, au nombre de deux seule- 
ment. Palpes labiaux plus longs que les maxillaires. 


Genre : Ceramius (x). 
5e Covÿe. LES DIPLOPTÈRES SOLITAIRÉS, Latr. 


Caractères. Ailes supérieures doublées , ayant trois 
cellules cubitales complètes. Mandibules beaucoup 
plus longues que larges, rapprockhées en devant, en 
forme de bec (2). Lansuette étroite et alongée. Cha- 


par l'effet de sa digestion dans les pucerons). Le peu de matières 
animales employées par les Vespa pour la nourriture de leurs lar- 
ves, par la digestion qu’elles en font avant de les distribuer aux 
larves ( quant à cette digestion préliminaire, il est clair que M. Ea- 
treille l'a observée de même qué moi ), sont mêlées ét assimilées aù 
miel et au jus sucré végétaux qu'elles ont déjà dans l'estomac, ôu 
qu'elles récoltent le momént d'aprés. Joignez à cela que ces Di- 
ploptères , dont la nourriture première, sous la forme de larves, 
est beaucoup plutôt végétale qu'animale, différent des Diploptéres 
zoophages par l'instinct de société qui les rapproche de l'animal 
pensant êt doué d'une âme, ét les porte à être continuellement 
utiles à leurs semblables , et à exécuter de grands travaux conjoin- 
tement et de concert avec eux. On peut conclure de ceci que les 
caractères pris ici en première ligne pour former une tribu, ne sont, 
naturellement parlant, que génériques, et l'on peut croire que 
pour constituer une famille ou tribu, il faut des caractéres signifi- 
catifs des habitudes morales de toutes les espèces que lof ÿ fait 
entrer. 

(1) Ce genre nous paraît oct 1 rentrer  * y même division 
que les Fouisseurs Latr. 

(2) L'observation prouve que hé Colééptères qui ont de lüngués 
mandibules , ou au moins une grande partie de ceux-ci, à l'excep- 
tion de ceux qui les ont disproportionnées ; comme les Luïanüs et 
quelques Longicornes, s'en servent pouf attaquer d'autres Insectes 
et les dévorer : tels sont la plupart des genres que l'on place dans 


24 HISTOIRE NATURELLE 


peron presque en forme de cœur ou ovale, la pointe 
en avant plus ou moins tronquée. Vivant solitaire- 
ment ; des mâles et des femelles seulement : ces der- 
nières (toutes fécondes) approvisionnant leurs petits 
avant leur naissance et pour tout le temps qu'ils seront 
en état de larves. Ces nids tantôt formés de terre, et 
tantôt cachés dans les trous de murs , dans la terre ou 
dans le vieux bois, tantôt extérieurs et situés sur 
des plantes. La mère approvisionnant ces nids de 
larves ou d’Aranéides qui servent de nourriture à la 
larve (1). 


Genres : Synagris, Ptérochile, Odynerus, Eumenes (2). 
3e Courx. LES DIPLOPTÈRES SOCIAUX. 


Caractères. Mandibules guère plus longues que 


les Carabiques qui sont à l'état parfait de vrais zoophages. Ceux 
qui les ont d'une longueur démesurée, comme nous, le disions des 
Lucanus et de quelques Longicornes , les emploient ou à saisir par 
le cou leur femelle pour parvenir à l'accouplement, ou, quand 
elles sont en même temps fortes, a scier des branches et former une 
troncature où ils puissent introduire un œuf. Dans les Hyménop- 
tères Fouisseurs Latr. et Diplopteres solitaires Latr., elles sont 
souvent longues sans être démesurées , excepté dans les mâles 
Synagris, à qui elles paraissent n'être utiles que pour l'accouple- 
ment. Mais dans les femelles de ces nombreuses tribus, elles servent 
à porter les proies qui doivent approvisionner les nids. Elles de- 
viennent un caractère important, significatif des mœurs, et par 
conséquent du premier ordre. Nous verrons bientôt ces mandi- 
bules avoir des fonctions différentes, mais également fort im- 
portantes. 

(1) M. Latreilie, dans son texte, traite ses corps enfouis de ca- 
davres. Il faut cependant remarquer que ces proies, d'après les 
meilleurs observateurs et mes propres expériences, ne sont qu'à 
l'état d'une espèce de paralysie, et vivent encore long-temps sans 
pouvoir, par conséquent, se corrompre. 

s (2) Sous genres Latr.: Eumenes Latr., Zethus Fab., Discælius 
atr, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 25 


larges, ayant une troncature large et oblique à leur 
extrémité (1). Languette courte et peu alongée (2). 
Chaperon presque carré.Vivant en sociétés com posées 
de mâles, de femelles et de mulets. Nid formé de 
cellules hexagones composées de fibres de bois ou d’é- 
corce réduites en pâte de la nature de celle dont on 
fait le papier et le carton; toutes ces cellules ayant leur 
ouverture tournée du même côté. 


Genre : Vespa (3). 
4° Famuze. LES MELLIFÈRES, Latr. 


Caractères. Les deux pattes postérieures ayant le 
premier article de leurs tarses très-grand, fort com- 
primé, en palette carrée ou en forme de triangle ren- 


(1) Il n’était pas nécessaire ici que les mandibules fussent alon- 
gées, puisqu'elles n'avaient pas de proie à porter. Leur forme les 
rend propres à détacher du bois et de l'écorce, les petites fibrilles 
qui servent a la fabrication du papier ou carton dont sont construi- 
tes les cellules où seront élevées les jeunes larves, et à construire 
ces mêmes cellules, ainsi que nous l’expliquerons plus amplement 
en décrivant les mœurs des genres qui doivent se ranger ici. 

(2) Cette forme de languette est impropre à ramasser le miel 
dans les fleurs tubulées, ne pouvant parvenir aux nectaires où il 
est déposé, mais elle est excellente pour le récolter sur les fleurs 
planes, où vont peu les Apiaires , et pour ramasser le jus des fruits 
et autres sucs végétaux. Nous voyons ici pour la première fois la 
languette devenir significative d'une portion des mœurs; elle y 
sert aussi comme de truelle pour lisser les cellules en dedans eten 
dehors , et nous ne manquerons pas de la voir reprendre une forme 
à peu près semblable à celle que nous venons de décrire, lors. 
qu'elle aura à remplir une fonction à peu près semblable. Ainsi, en 
observant les mœurs, on parvient à distinguer les parties caracté- 
ristiques Celles-ci, une fois connues, servent ensuite à constater par 
analogie les mœurs qu'on ne peut pas observer. Tel est l'avantage 
d'une méthode naturelle. 

(3) Sous-genres Latr, : Vespa Latr., Polistes Latr., Epipone Latr. 


26 HISTOIRE NATURELLE 


versé , caractère unique qui distingue (1) cette famille 
de toutes les äutres familles d'Insectés. Mâchoires et 
lèvre ordinairement fort longues et composant une sorte 
de trompe(5). Languetteaÿyantle plus souvent la figure 
d'un fér de lance ou d'un filet très-long et dont l’extré- 
inité est soyeuse ou velue (3). Larves vivant exclusive- 
ment de miel et du pollen des étamines des fleurs. 
Insecte parfait ne se nourrissant que de miel (4). 


Genre : Apis, Linn. (5). 


ire Cours. LES ANDRÉNÈTES, Latr. 


Caractères. Division intermédiaire de la languette 
en forme de cœur ou de fer de lance ; plus courte que 
la gaîne et pliée en dessus dans les unes, presque 
droite dans les autres. Des mâles et des femelles seule- 
ment, point de neutres, creusant leur nid dans la 


(1) Cette assertion sérait vraie si ce caractère était propre a tous 
les genres de cêtte famille. La note du bas de li page nous avertit 
que des genres parasites sont admis parmi les Mellifères, et n'ont 
pas une conformätion identique ( Foy. Latr”: loëo citato, page 341). 
Nous trouverons encore d'autres exceptions. 

(2) Cé caractère subit aussi des exceptions. Les mächoires et la 
lèvre sont quelquefois très courtes. 

(3) La languette, en filet trés-long, est destinée à aller cher- 
cher le miel dans des fleurs à long tube , comme däns les Euglossa. 
Ainsi, dans les Lépidoptères Sphingides, le genre Acherontià, 
qui ne vä pas chércher de miel dans les fleurs , a seulément un 
court tronçon dé trompé, tandis que le Sphinx Convolvuli êt ses 
corigénères l'ont plus longué que le corps, pour puiser le miel au 
fond des entonnoirs des Convolyulus et des longs tübes des Nyc- 
taigo et des Nicotiana. 

(4) Ce caractère est commun à tous les Hyménoptères à l'état 
parfait : les temps de disette produisent seuls des apparences d'ex- 
ception. 

(5) Sauf le Bembex rostrata, un des caractères de la lingüétte 
avait porté Linné à le mettre dans lé genre Apis 


DES HYMÉNOPTÈRES. 27 


terre, et après lavoir approvisionné et y avoir pondu, 
le refermant avec de la terre. Mandibules simples ou 
terminées au plus par deux dentelures (1). Palpes 
labiaux ressemblant aux maxillaires:; ceux-ci ayant 
toujours six articles. Languette divisée en trois 
pièces ; les deux latérales très courtes, en forme d'o- 
reillettes. La plupart des femelles ramassent avec les 
poils de leurs pattes postérieures la poussière des éta- 
mines et en composent, avec un peu de miel, une pà- 
tée pour nourrir leurs larves. 


Genres : Hyleus (2), Colletes (3), Andrena (4), Dasypo- 
da (5), Sphecodes (6), Haïictus (7), Nomia (8). 


2e Coupe. LES APIAIRES, Latr. 


Caractères. Division moyenne de la languette aussi 
longue au moins que le menton ou sa gaine tubulaire, 
et en forme de filet ou de soie. Mächoires et lëvre très- 
alongées, formant une sorte de trompe coudée etrepliée 
en dessous dans l’inaction. Les deux premiers articles 
des palpes labiaux ayant le plus souvent la forme 
d'une soie écailleuse, comprimée, embrassant les 
deux côtés de la languette; les deux autres très- 
petits; le troisième communément inséré près de 
l'extrémité extérieure du précédent, qui se termine 
en pointe. 


(1) Les mandibules, terminées par deux dentelures ; servent à 
soulever de petites pierres qui se trouvent dans la fouille du nid, 
et a les transporter dehors, quand les pattes n'y peuvent réussir 
seules. 

(2) et (6) Genres parasites. 

(3) (4) (5) et (5) Genres nidifians, récoltans 

‘8) Geñre probablemént parasite. 


28 HISTOIRE NATURELLE 


1r2. PHALANGE. LES SOLITAIRES, Latr. 


Caractères. Deux sortes d'individus, mâles et fe- 
melles , point de neutres ; chaque femelle pourvoyant 
seule à la conservation de sa postérité. Pattes posté- 
rieures des femelles n’ayant ni duvet soyeux à la face 
interne du premier article de leur tarse (la brosse), ni 
enfoncement particulier au côté extérieur de leurs 
jambes (la corbeille ); ce côté, ainsi que le même du 
premier article des tarses, le plus souvent garni de 
poils nombreux et serrés (1). 


1re Division. 


Caractères. Second article des tarses postérieurs 
des femelles inséré au milieu de l'extrémité du précé- 
dent ; angle extérieur et terminal de celui-ci ne pa- 
raissant pas dilaté ni plus avancé que l’intérieur 


1e Subdivision. Les Anprénoïpes , Latr. 


Caractères. Palpes labiaux composés d’artieles 
grêles , linéaires, placés bout à bout, presque sem- 
blables en tout à ceux des palpes maxillaires : ces 
articles au nombre de six. Labre court. Femelles sans 
brosse au ventre; leurs pattes postérieures velues, 
garnies de houpes de poils qui servent à recueillir le 
pollen des fleurs. Mandibules tantôt étroites, rétré- 
cies vers le bout, terminées en pointe et unies (2), 


(1) Lorsque dans cette phalange ce côté est garai de poils, le 
genre est nidifiaut , récoltant. 


(2) Ces mandibules servent à fouir la terre , à la rendre meuble, 


DES HYMEPNOPTÈRES. 29 


ainsi que le labre; tantôt en forme de cuilleron (1), 
très-obtuses, carénées ou sillonnées et bidentées au 
bout. Labre très-dur, cilié en dessus. 


Genres : Systropha (2), Panurgus (3), Xylocopa (4). 


2°. Subdivision. 


Caractères. Palpes labiaux en forme de soie écail- 
leuse; les deux premiers articles fort grands, fort 
alongés comparativement aux deux derniers, compri- 
més , écailleux ; leurs bords membraneux, transpa- 
rens. Palpes maxillaires toujours courts, ayant sou- 
vent moins de six articles. Labre, dans un grand 
nombre, alongé, incliné sur les mandibules, tantôt 
en carré long, tantôt en triangle alonsé. 


1er Groupe. LES DASYGASTRES, Latr. 


Caractères. Ventre des femelles presque toujours 
garni de poils nombreux, serrés, courts, formant une 
brosse soyeuse (5). Labre aussi long ou plus long que 


afin que les pattes puissent la rejeter hors du trou où doit être 
placé le nid. Les genres nidifians, qui les ont ainsi conformées, 
font leur nid dans la terre. 

(1) Ces mandibules faites en cuiller de sabotier ( on appelle 
ainsi l'outil avec lequel on creuse le bois à l'intérieur), servent à 
creuser le nid ; elles enlévent de petits copeaux de bois à chaque 
effort qu'elles font. La preuve en est dans la trace que laissent, 
sur les parois intérieures du nid, les carènes dorsales des man- 
dibules. 

(2) Genre probablement parasite. Mœurs non encore observées. 

(3) Genre récoltant, nidiñiant en terre. 

(4) Geure récoltant, nidifiant dans le bois avarié. 

(5) Dans ce groupe, qui contient cependant plusieurs genres ré- 
coltans, le premier article des tarses postérieurs n’a pas la forme 


30 HISTOIRE NATURELLE 


large et carré. Mandibules des femelles fortes, incisi- 
ves, triangulaires et dentées (1). Paraglosses toujours 
fort courtes , en forme d'écailles, pointues au bout. 


Genres : Cevatina (2), Chelostoma (3), Heriades (4), 
Megachile (5), Lithurgus (6), Osmia (7), Anthidium (8), 
Stelis (9), Cælioxys (10). 


2e Groups. LES CUCULINES (11), Latr. 


Caractères. Tarses postérieurs semblables à ceux 
des précédens (12). Palpes labiaux, comme dans les 
derniers sous-genres, en forme de soies écailleuses; 


ne 


indiquée pour les Mellifères récoltans par M. Latreille dans le ca- 
ractère de famille. Ces fonctions sont passées au ventre qui est 
chargé de la récolte du pollen. Ceci forme l'exception indiquée à 
la fin de la note première du caractère de la famille des Mel- 
liféres. 

(1) Ces mandibules varient de forme comme de fonctions dans 
les divers genres. 

(2) M. Latreille s'est trompé, ou plutôt il a eu tort de se confier 
a une experience abusive de M. Maximilien Spinola. Ce genre est 
sans aucun doute parasite des Dasygastres. (foyez à notre genre 
Ceratina. ) 

(3) (4) (6) (6) (7) (8) Genres nidifians, récoltans. 

(9) (10) Genres parasites. On voit combien M. Latreille a de peine 
à placer ses parasites ; il en fourre toujours quelques-uns dans 
chaque groupe, tout en convenant qu'ils n'en ont pas les princi- 
paux caractères indicatifs des habitudes morales, qu'il attribue aux 
autres genres de ces groupes. 

(11) La comparaison qu'institue ce mot entre les mœurs du Cou- 
cou et celles des genres contenus dans ce groupe nest pas infini- 
ment juste Pourquoi créer un mot nouvesu, puisqu'il en existait 
déjà un, rendant exactement l'idée à exprimer ? le mot parasite em- 
ployé plusieurs fois par M. Latreille. Tous les genres de ce groupe 
sans exception sont parasites. 

(12) M. Latreille n'ayant pas jugé à propos de distinguer, comme 
il se peut , et de caractériser les tarses des parasites , il a voulu les 
considérer comme semblables à ceux décrits par lui dans le carac- 
tère qu'il donne en général à ses Apiaires solitaires. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 31 
point de brosses ventrales. Genres parasites, tantôt 
presque glabres et semblables par leur couleur à des 
Vespa, tantôt velus par place. Labre en forme de 
triangle alongé et tronqué, ou court et presque demi- 
circulaire. Mandibules étroites , allant en pointe, uni- 
dentées au plus au côté interne. Paraglosses souvent 
longues, étroites, en forme de scies. Ecusson de plu- 
sieurs, échancré ou bidenté, tuberculeux dans 
d’autres. ° 


Genres : Ammobates, Phileremus, Epeolus, Nomada, 
Pasites, Melecta, Crocisa, Oxæa. 


> Drvision. LES SCOPULIPÉDES, Latr, 


Caractères. Premier article des tarses postérieurs 
dilaté inférieurement au côte extérieur, de sorte que 
l’article suivant est inséré plus près de l’angle interne 
de l'extrémité du précédent que de l'angle opposé ; 
côté extérieur de ce premier article, ainsi que celui 
des jambes chargé de poils épais et serrés (1). Dessous 
de l'abdomen nu ou au moins dépourvu de brosse 
soyeuse (2). Cellules cubitales fermées ordinairement 


(1) Dans les Dasygastres récoltans, les seuls pourvus de poils 
serrés formant brosse, le ventre qui les porte, est chargé de la ré- 
colte du pollen. Dans les Cuculines Latr., point de brosse . ni aux 
pattes ni au ventre. Dans les Scopulipèdes Latr., les pattes posté- 
rieures des genres nidifians ont des brosses et se chargent de la 
récolte du pollen. 


(2) Celle-ci devenait inutile, les pattes postérieures se trouvant 
chargées des fonctions que la brosse ventrale remplissait dans les 
Dasygastres ; en un mot, des organes de mécolte dans tous les ni- 
difians ; absence totale de ces organes dans les Parasites. 


» 
32 HISTOIRE NATURELLE 


au nombre de trois, dont les deux dernières reçoivent 
chacune une nervure récurrente. 


Genres : Eucera (1), Meliturga (2), Anthophora (3), 
Saropoda (4), Ancyloscelis (5), Centris (6), Epicharis (7) , 
Acanthopus (8). 


2e PnaLance. LES SOCIALES, Lat. 


Caractères. Vivant en sociétés composées de mâles, 
de femelles et de mulets ou d’ouvrières. Pattes posté- 
rieures de ces derniers individus ayant à la face externe 
de leurs jambes (/a palette) un enfoncement lisse 
(la corbeille), où ils placent une pelote de pollen 
qu'ils ont recueilli avec le duvet soyeux ou /a brosse, 
dont la face interne du premier article des tarses (La 
pièce carrée) des mêmes pieds est garnie. Palpes 
maxillaires très-petits et formés d’un seul article. 
Antennes coudées. 


ie Division. LES SOCIALES ANNUELLES (9). 


Caractères. Jambes postérieures terminées par 
deux épines (10). 


Genres : Euglossa (11), Bombus (12). 


(11 Sous-genres Latr. : Eucera Latr., Macrocera Latr. (ces deux 
genres récoltans), Melissoda Latr. ( genre Parasite). 

(2) (3) (4) (5) (6) (7) Genres récoltans. 

(8) Genre probablement parasite. 

(9) M. Latreille n'établit pas nominativement ces deux divisions 
dans l'ouvrage que nous venons d'analyser, mais elles existent 
dans son Genera Crust. et Ins., Parisiis et Argenutorati Am. Kœnig. 
180y , tom. LV, p. 159 et 181. 

(10) Ce caractère a beaucoup plus de valeur qu'il ne paraît en 
avoir au premier coup d'œil. 

(11) Genre récoltant. 

(12) La plupart des Bombus des auteurs sont nidifians et récol- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 33 


2° Division. LES SOCIALES , pONT LA sOcIÉTÉ DURE 
PLUSIEURS ANNÉES. 


Caractères. Jambes postérieures n’ayant pas d’épi- 
nes à leur extrémité. 


Genres : Apis, Melipona. 


tans ; mais tous les auteurs ont confoudu avec eux des espèces pa- 
rasites que nous en avons détachées et caractérisées comme genre 
sous le nom de Psithyrus. 


HYMÉNOPTÈRES, TOME L, 3 


34 HISTOIRE NATURELLE 


CARACTÈRES 


QUI DISTINGUENT LA CLASSE DES INSECTES 


DES AUTRES ANIMAUX 


ET SUBSIDIAIREMENT 


LES HYMÉNOPTÈRES. 


DES AUTRES ORDRES D’INSECTES, 


Les animaux semblent tous doués de cinq sens, 
généralement parlant; il peut y avoir à cela des ex- 
ceptions, mais peut-être ne sont-elles qu'apparentes ; 
car les sens étant les organes donnés à l’être vivant en 
état d’animalité, pour distinguer les objets utiles à la 
conservation de l'individu et de l'espèce, il paraît 
difficile d'admettre d'une manière absolue la privation 
de l’un ou de plusieurs d’entre eux dans une classe ou 
même dans un ordre d'animaux , puisque les classes 
et les ordres subsistent et ne se détruisent pas, ce qui 
prouve avec surabondance qu’ils sont tous munis de 
tous les moyens de conservation. 

Il nous est permis de dire que, dans telle classe ou 
dans tel ordre, nous n’observons pas l'organe de tel ou 
tel sens; nous pouvons, nous devons même nous ser- 
vir de cette apparence de nullité d’un sens pour carac- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 35 


tériser les classes ou les ordres; mais il nous est permis 
de penser en même temps que cette absence n’est 
qu'apparente. 

Les sens sont : le toucher, la vue, l’ouie, l’odorat 
et le goût. 

L'imperfection de notre propre vue , qui nous force 
de nous aider d’instrumens propres à nous rendre sen- 
sibles, par le grossissement, les petits objets, nous dit 
continuellement que les organes que nous avons cher- 
chés inutilement, peuvent exister, etla perfection pro- 
gressive des instrumens dont nous sommes obligés 
d'aider pour notre usage l'exercice de ce sens, nous 
en fait assez souvent découvrir dont l'existence avait 
été niée ou au moins mise en problème. Nous ne pré- 
tendons, au reste, ici traiter des sens que sous le 
rapport des caractères qu’ils nous paraissent offrir par 
leur présence apparente sous une forme organique 
connue, et par la localité qu'occupent ces organes, 
pour distinguer les Insectes des autres animaux. 

Le toucher, cette sensation voluptueuse si néces- 
saire à la reproduction de l'espèce, a son siége prin- 
cipal aux parties génitales de tous les animaux; mais, 
dans tous également , il est répandu sur toute la su- 
perficie du corps, en observant que, lorsque des 
parties osseuses ou crustacées se rencontrent à cette 
superficie, elles participent beaucoup moins à la sen- 
sation que les parties molles et cutanées ou presque 
cutanées. C’est dans ce dernier sens que, dans les 
Insectes, le sens du toucher réside dans les parties 
de la génération et dans toute la superficie extérieure 
du corps. Ceci semble prouvé par les caresses, pré- 
lude de l’acte d'amour, et par la forte adhérence, le 


rapprochement intime des parties extérieures qui 
3: 


36 HISTOIRE NATURELLE 


peuvent se toucher pendant l'acte de la génération. 
Quoique nous jugions bien mieux de nos sensations 
que de celles des autres animaux, nous pouvons ici 
indiquer la même cause pour expliquer les mêmes 
effets. Le toucher n’établit donc pas de caractères qui 
distinguent les Insectes des autres animaux. 

La vue est ce sens qüi fait distinguer la forme exté- 
rieure des objets, leurs mouvemens ou leur immobi- 
lité, et qui, en unissant son rapport aux souvenirs 
des autres sens , fait juger de la qualité utile, dange- 
reuse ou nuisible de ces mêmes objets, sans qu'ils 
soient à la portée immédiate des autres sens, ni qu'ils 
puissent être jugés par eux, pris isolément. L'organe 
connu de la vue est l'œil. Lorsque nous n’apercevons 
pas d'œil , nous sommes fondés à dire que l’animal est 
privé du sens de la vue : telles sont les classes des 
Mollusques , des Annélides, des Vers, des Radiaires 
et des Zoophytes. Toutes les classes d'animaux verté- 
brés, ainsi que les Crustacés et les Insectes, sont 
évidemment pourvus d'yeux , ce qui les distingue des 
précédens. 

L’ouïe est le sens qui recueille et qui juge les sons. 
L’organe de l’ouïe est l'oreille. Si, lorsque nous ne 
voyons pas d'oreilles, nous sommes fondés à dire que 
l'animal n’entend pas, nous n’accorderions ce sens 
qu'aux classes des mammifères et des oiseaux dans 
lesquels l'oreille est distincte. Cependant il est bien 
diflcile d'admettre l’absence de l’ouïe dans les Insec- 
tes, plusieurs d’entre eux produisant des sons dans 
le but évident de rendre possible le rapprochement 
vers eux d'un individu difiérent de sexe. L'effet étant 
certain , doit-on croire que le son est entendu ? ce son 
étant toujours produit par le mouvement de certaines 


DES HYMÉNOPTÈRES. 37 
parties du corps, faut-il penser que le contact de l'air, 
mis en vibration, parvient, par le seul toucher, à l’in- 
dividu qui doit être averti, sans que le son ait frappé 
un organe fait pour l'interpréter ? l'expérience con- 
state que la sauterelle et la cigale appellent ainsi leurs 
femelles , et la distance est souvent de quelques ving- 
taines de toises qu'elles ont à parcourir pour venir 
répondre au désir du nouveau Tircis dont la voix al- 
lume en elles l'amour. 11 ne paraît guère naturel de 
supposer que la cigale, ni la sauterelle, ni aucun In- 
secte (car dans tous les ordres d’Insectes on en trou- 
vera qui produisent des sons analogues), soit privé 
du sens de l’ouïe, puisqu'il faudrait supposer, dans 
ce cas, que cette distance et des corps interposés n’em- 
péchent pas la vibration de l’air de se propager d’une 
manière sensible au sens du toucher. Cependant, un 
des caractères qui distinguent Îes Insectes et les autres 
classes d'animaux, des mammifères et des oiseaux, sera 
de ne pas avoir à nos yeux d’organe distinct de l'ouïe. 

L'odorat et le goût sent deux sens, bien analogues 
entre eux dans les animaux où le siége de ces deux 
sens est apparent , comme dans les mammifères : il est 
même remarquable qu’une même membrane sans dis- 
continuité tapisse la bouche et le nez, et ne laisse pas 
apercevoir de différence saillante de contexture dans 
les différentes parties, organes de ces deux sens. La 
bouche des Insectes ne paraît nullement propre à re- 
cevoir la sensation du goût, et toute autre partie lui 
étant naturellement étransère, on peut croire que le 
sens du goût est entièrement étranger aux Insectes. 
L'odorat paraît être fixé dans les antennes, qui, portées 
en avant, agitées continuellement et posées même sur 
les objets, en déterminent le choix. | 


38 HISTOIRE NATURELLE 


Ici nous nous demanderons quel est le sens qui di- 
rige le papillon, l'Hyménoptère et autres Insectes, 
vers la fleur qui contient le miel propre à la nourrir. Ce 
n'est pas la vue ; il vient de très-loin et passe souvent 
pour arriver presque en droite ligne par-dessus un 
mur. L'ouïe et le toucher ne peuvent ici manifeste- 
ment servir de rien, par les mêmes raisons. Le goût 
ne juge que joint au toucher. L'odorat est donc le 
seul sens qui guide l’Insecte dans la recherche de la 
nourriture. Il est, dans les mœurs des Lépidoptères 
nocturnes, où au moins de quelques-uns d’entre eux, 
une circonstance qui semble prouver que l’odorat est 
extrêmement perfectionné dans les Insectes. L’ayant 
observée avecle plus grand soin et un nombre de fois, 
je crois utile de rapporter ici les faits qui s’y ratta- 
chent: Les femelles de certaines espèces du genre 
Bombyx sont, dès leur sortie dela coque, trop chargées 
d'œufs pour pouvoir voler; ce qui serait un obstacle 
à la réunion des deux sexes, si la nature n'avait com- 
pensé leur presque immobilité forcée par un don 
particulier, par une émanation qui n'a lieu que jus- 
qu’à la consommation de l’accouplement. 

Il est encore bon de remarquer que , dans ces es- 
pèces , dont les œufs sont extrêmement nombreux et 
les femelles en petit nombre, les mâles sont très-mul- 
tipliés, et que les Bombyx des deux sexes ne voient 
point pendant le jour. Or l'accouplement des Bom- 
byx Tau et versicolora a toujours lieu de dix heures 
de la matinée jusqu’à deux de l’après-midi. Un espace 
de plusieurs arpens de bois sépare souvent de la fe- 
melle vierge qui vient d’éclore , les mâles avides d’une 
jouissance qu’ils n'obtiendront pas tous. Quelle est la 
raison qui les force à voler tous dans un mêmesens, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 39 


quelquefois différent de celui du courant d'air? Ils 
heurtent tous les troncs d'arbre et les branches qu'ils 
rencontrent, privés qu'ils sont de la vue par la clarté 
du jour. Mais rien ne les arrête, et ce torrent de mäles 
n’est pas plus interrompu par les obstacles que le cou- 
rant du ruisseau par le piquet planté dans son milieu : 
suivez-les, vous parviendrez à une femelle; ét, si 
elle n’est pas accouplée , vous la verrez le centre d’au- 
tant de courans de mâles divergens entre eux que la 
circonférence d’un cercle a de points qui peuvent 
fournir des rayons aboutissant au centre. Au milieu 
de Paris, dans mon cabinet, rue du Bac , une femelle 
vierge du Bombyx quercüs attira plusieurs mâles en 
méms temps. Une autre femelle de cette espèce étant 
mise en expérience en même temps qu'une femelle 
aptère du Bombyx antiqua, toutes deux vierges, un 
grand nombre de mâles des deux espèces entrèrent 
dans la chambre par plusieurs croisées, et les mâles 
de chacune se dirigèrent successivement vers la fe- 
melle de leur espèce, sans se tromper sur le choix, au- 
quel la vue, à deux heures de l’après-dinée, ne pouvait 
contribuer en rien. Ces mêmes mâles restént immo- 
biles pendant le jour, lorsqu'on les met dans lim- 
possibilité de sentir aucune émanation femelle. 
Ayant vu souvent ces faits se passer sous mes yeux, 
j'ai remarqué que le mâle, à son arrivée, parcourt de 
l’attouchement de ses antennes toute sa femelle, et il 
me semble que ce né peut être que pour s'assurer que, 
du corps qu'il sent, vient l’'émanation qui l’a averti 
de loin. Je dois donc accorder aux antennes lé sens de 
lPodorat. Maïs sa situation, dans un membre très-dif- 
férent par sa position et son organisation, de ceux où 
je le reconnais dans les autres classes d'animaux , me 


40 HISTOIRE NATURELLE 


fournit un caractère qui paraît exclure tout rappro- 
chement sous ce rapport avec les autres classes d’a- 
nimaux , à l'exception des Crustacés et des Arach- 
nides. 

Ce caractère je l’exprime ainsi : sens de l'odorat 
ayant son siége dans les antennes (1). 

Les Crustacés ont dix pattes terminées par un seul 
crochet ; quelques-uns même, pourvus de pieds-mä- 
choires (Latr.), mâchoires auxiliaires ( Savign.), 
paraissent en avoir davantage. Leur respiration a lieu 
au moyen de branchies; ils ne subissent point de vé- 
ritables métamorphoses, c’est-à-dire que leurs mues 
successives ne produisent pas à leur forme extérieure 
des changemens remarquables, ne faisant guère que 
modifier la forme des organes locomoteurs ou en aug- 
menter le nombre. Ils sont toujours aptères, et ont 
ordinairement quatre antennes. 

Les Arachnides ont huit pattes. Leur respiration a 
lieu au moyen de branchies. Ils ne subissent pas de 
métamorphoses, et leurs changemens de peau n’en- 
traînent pas de changemens de forme extérieure. Leur 
tête est confondue avec le corcelet , leur corps n'of- 
frant qu'un seul étranglement qui sépare l'abdomen 
des deux autres parties étroitement unies ; ils sont tou- 
jours aptères et n’ont pas d'antennes, mais seulement 
quatre palpes ou antennules. 


(1) Les organes que l'on nomme habituellement palpes, et que 
nous regardons comme de véritabies petites antennes (ou anten- 
aules), ayant manifestement le même emploi que les antennes, et 
l'exerçant pour toute différence sur des objets plus rapprochés, sont 
compris par nous sous le nom général d'antennes ; on doit cepen- 
dant observer qu'elles servent encore à contenir la nourriture près 
de la bouche. Ce sont, en quelque sorte, des antennes - mains, 
comme les Crastacés ont des pieds-mâchoires. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 41 
Les Insectes ont, les uns vingt-quatre pattes ou plus, 
les autres six pattes seulement. La respiration se fait 
par deux trachées principales, placées parallèlement 
l'une à l’autre dans toute la longueur du corps, et re- 
cevant et rendant l'air par des stigmates ou ouvertures 
extérieures diversement placées. La tête est toujours 
distincte. Les antennes sont constamment au nombre 
de deux. 


Ainsi distinguée des autres classes d'animaux, celle 
des Insectes se divise en douze ordres (suivant M. La- 
treille, dont j’admets ici la manière de voir, sans blä- 
mer ceux qui en caractérisent un plus grand nombre). 
Je vais indiquer en quoi ils diffèrent chacun des Hy- 
ménoptères , seul ordre dont j'ai à traiter. 

Le premier , les Myriapodes , a vingt-quatre pattes 
et au delà ; chaque segment du corps en porte quel- 
quefois deux paires. Ils sont aptères. 


Le deuxième, les 7'hysanoures, outreses six pattes, 
qui lui sont communes avec tous les ordres suivans, a 
des pièces pédiformes mobiles sur les côtés des segmens 
de l'abdomen, ou bien celui-ci terminé par des appen- 
dices propres à sauter. Ils sont aptères. 


Le troisième, les Parasites , n’a que des ocelles et 
point d'yeux proprement dits. Il est aptère. La bou- 
che est un sucoir rétractile, caché dans un museau, 
ou fente située entre deux lèvres, avec deux mandi- 
bules en crochet. 


Le quatrième , les Suceurs, est aptère : la bouche 
est un suçoir contenu dans une gaine cylindrique de 
deux pièces articulées. 

Les huit autres ordres sont, généralement parlant, 
pourvus d'ailes, quoique dans plusieurs on trouve des 


4a HISTOIRE NATURELLE 
exceptions plutôt spécifiques où méme dépendantes 
du sexe, que génériques. 

Le cinquième , les Coléoptères, ont deux ailes mem- 
braneuses , pliées simplement en travers dans le repos 
et recouvertes dans ce cas par deux étuis cornés. La 
position des ailes et des étuis est alors horizontale : 
celles-là n'ont qu'un petit nombre de nervares, la 
plupart longitudinales , les autres plutôt obliques que 
transversales. Ils ont des mandibules et dés mächoires, 
et subissent une métamorphose complète, c’est-à-dire 
que la forme de la larve, celle de la nymphe et celle 
de l’Insecte parfait sont fort différentes l’une de l’au- 
tre, et que la nymphe reste en repos sans avoir be- 
soin de nourriture. 

Le sixième, les Orthoptères , ont quatre ailes, les 
deux supérieures droites , jamais pliées, un peu co- 
riaces ; les inférieures membraneuses, pliées longitu- 
dinalement , et quelquefois en outre transversalement, 
dans le repos; pendant lequel les supérieures leur 
servent d’étuis et se placent longitudinalement en toit 
sur le corps, en se croisant ordinairement un peu à 
leur bord interne. Les nervures principales parcourent 
l'aile longitudinalement en se ramifiant un peu, et la 
membrane intermédiaire est coupée en petites cellules 
presque toutes carrées, par des nervures transversales. 
La bouche a des mandibules et des mâchoires. La 
métamorphose est incomplète, les formes de la larve 
et dela nymphe qui mange et qui marche, étant, aux 
ailes près, semblables à celles de l’Insecte parfait. 

Le septième, les Hérniptères, ont quatre ailes : les 
supérieures, crustacées ordinairement de la base jusque 
vers le milieu, membraneuses de là jusqu'au bout, 
comme le sont en totalité les inférieures ; les nervures 


DES HYMÉNOPTÈRES. 43 


sont longitudinales et se ramifient peu ; les ailes ne se 
ploient dans aucun sens; les inférieures sont recou- 
vertes par les supérieures dans le repos, et toutes les 
quatre se couchent horizontalement sur le corps. La 
bouche est un sucoir formé de soies, qui remplacent 
les mandibules et les mâchoires, et renfermé dans une 
gaine d’une pièce articulée. Les métamorphoses sont 
ordinairement incomplètes dans cet ordre. 

Le huitième, les Névroptères, ont quatre ailes 
membraneuses, les inférieures jamais plus petites 
que les supérieures ; les nervures, tant longitudinales 
que transversales, se rencontrant ordinairement à 
angle droit, de manière à figurer à peu près le réseau 
d’un filet : leur position dans le repos est très-varia- 
ble. La bouche a des mandibules et des mâchoires. 
Les métamorphoses ne sont pas à beaucoup près tou- 
jours complètes. 

Le neuvième, les //yménoptères, ont quatre ailes 
membraneuses, nues, sans écailles colorées, de con- 
sistance égale, sans aucune partie crustacée; les 
inférieures toujours moins longues que les supérieures ; 
nervures, les unes longitudinales, d’autres transver- 
sales, d’autres obliques , formant un petit nombre de 
cellules de forme variable selon les genres. Les ailes, 
dans le repos, se couchent longitudinalement sur 
Fabdomen sans se reployer d'aucune façon dans le 
grand nombre, et dans quelques-uns en se reployant 
dans toute la longneur. La bouche a des mandibules 
et des mâchoires. Les métamorphoses sont complètes 
et la nymphe reste sans nourriture dans un repos 
complet. 

Le dixième, les Lépidoptères, ont quatre ailes 
membraneuses, toujours en partie et ordinairement 


44 HISTOIRE NATURELLE 


en totalité recouvertes d’écailles colorées en forme de 
poussière. La bouche à deux filets, remplaçant les 
mächoires, qui forment, par leur réunion, un tube plus 
ou moins long et roulé en spirale. Les mandibules 
ne sont pas visibles. Métamorphose complète; Ja 
nymphe restant en repos complet sans nourriture. 

Le onzième, les Æhipiptères, out deux ailes mem- 
braneuses, plissées en éventail; deux corps crustacés 
mobiles en avant du corselet, placés presque comme 
des élytres. La bouche a des soies qui semblent rem- 
placer les mâchoires. 

Le douzième, les Diptères , ont deux ailes membra- 
neuses , et souvent, postérieurement à ces deux ailes, 
deux corps mobiles qu'on nomme balanciers. La bou- 
che a des soies en nombre variable, renfermées dans 
une gaine , souvent terminée par deux lèvres. 

Les Æyménoptères diflèrent donc des autres ordres 
d'Insectes, savoir : 

1° Des Wyriapodes , parce que ceux-ci sont aptères 
et qu'ils ont au moins vingt-quatre palles. 

2° Des Thysanoures, parce que ces derniers sont 
aptères et qu'ils ont aussi un plus grand nombre de 
membres servant à la locomotion ; ceux de surcroît 
appartenant à l'abdomen. 

3° Des Parasites, parce que ce troisième ordre est 
aptère, qu'il manque d’yeux proprement dits et a la 
bouche différemment conformée. 

4 Des Suceurs , parce que ce quatrième ordre est 
aptère, et par la composition de la bouche, 

5° Des Coléoptères, parce que ceux-ci ont des étuis 
crustacés et deux ailes seulement, et non pas quatre 
ailes entièrement membraneuses. 

6° Des Orthoptères, parce que, dans ce sixième 


DES HYMÉNOPTÈRES. 45 
ordre, les ailes supérieures sont plus ou moins coria- 
ces , et que les métamorphoses sont incomplètes. 

7° Des Hémiptères , parce que ceux-ci ont la base 
des ailes supérieures plus ou moins crustacée, et par 
la composition de la bouche. 

8° Des Vévroptères, par la réticulation fine, ser- 
rée et presque régulière des ailes de ceux-ci, et par 
l'étendue respective des ailes inférieures et supérieu- 
res, toujours moins grande dans les supérieures. 

9° Des Lépidoptères , parce que ce dixième ordre 
a les ailes couvertes d’écailles, que leurs nervures 
ont une autre disposition, et que la bouche est diflé- 
remment conformée, en sorte qu’on n'y distingue rien 
qui puisse porter le nom de mandibules. 

10° Des Ahipiptères, parce que les ailes ne sont 
qu’au nombre de deux dans ce onzième ordre, qu’elles 
sont plissées, que les mandibules ne sont pas dis- 
tinctes, et que les mâchoires ont la forme de soies. 

11° Des Diptères, par le nombre des ailes borné à 
deux dans ceux-ci, par leurs nervures autrement dis- 
posées , et par la forme de la bouche, où les mandi- 
bules ne sont pas distinctes. 


Fr 


0 HISTOIRE NATURELLE 


DU SYSTÈME ALAIRE. 


Le système alaire , dans la plus ample signification 
de ce mot, aurait pour but de ranger les Insectes, 
d’après la différente division des membranes qui com- 
posent l'organe du vol, c’est-à-dire les ailes, et d’après 
leur forme et celle de leurs parties. On peut dire que 
la classification entomologique , pour le caractère des 
ordres, s’étaie beaucoup du système alaire. Ainsi les 
Hyménoptères se distinguent suffisamment, pour être 
reconnus de tout le monde, par leurs ailes (1), au 
nombre de quatre , entièrement membraneuses , nues 
et simplement veinées. 

Divers auteurs ont essayé de caractériser les gen- 
res de divers ordres, par les différences secondaires 
que des ailes du même ordre ont entre elles ; je veux 
dire par le nombre et la direction des veines ou ner- 
vures, et par le nombre et la forme des cellules ou 
aréoles (espaces transparens) que ces nervures for- 
ment et limitent. 

Le premier, autant que je puis le croire, un An- 
glais, Moses Harris, dans un ouvrageintitulé: Expo- 
sition of englich Insects, etc., by Moses Harris, 
London, sold by M. White Bookseller, in speet street, 
et M. Robson in new bond street, 1782, entreprit de 
diviser sous ce point de vue, c’est-à-dire par les dif- 
férences qu’il trouvait dans les ailes, certains genres 
d’Insectes de Linnée en divers ordres et sections. Il 


(1) Il n'y a jusqu'a présent dans cet ordre que des sexes et point 
d'espèces aptères. 


’. ' 
DES HYMÉNOPTÈRES. 47 


a figuré aussi les ailes de plusieurs autres sans les 
diviser , donnant pour chaque genre une aile grossie, 
ainsi que pour les divisions ou ordres, et les sections 
qu'il a formées dans les autres; et ces figures d’ailes 
grossies sont généralement remarquables par une exac- 
titude qu’on était alors bien éloigné de donner aux 
dessins d’entomologie. Il y a des Hyménoptères parmi 
les Insectes ainsi figurés par Moses Harris : mais con- 
tent de figurer l'aile exactement , il n'explique pas les 
caractères qu'on peut y reconnaître, et me donne de 
nom, ni à leurs nervures, ni aux cellules qu’elles for- 
ment. Cependant je crois devoir rapporter ici dans 
les propres termes de l’auteur (quoiqu'ils contien- 
nent quelques fautes de français), les motifs qui lui 
firent envisager les nervures des ailes comme un cça- 
racière utile ou même nécessaire à la connaissance 
de genres et des espèces. 

« J'ai rangé, dit cet auteur ( préface de l’ouvrage 
» indiqué plus haut), les Insectes dans leurs ordres 
» respectifs, par des distinctions si marquées et cir- 
» conspectes , selon la manière de Linnæus, en sépa- 
» rant les classes d’une manière si distinguée qu'un 
» observateur au premier coup d'œil d’un Insecte (sl 
» est un Diptera ou un Hyménoptera) sera capable 
» non-seulement de savoir de quelle classe elle est, 
» mais aussi de quel ordre et de quelle section de 
cette classe, et le tout par le moyen des ailes. 
» Je dois la découverte de ce grand nombre d'espèces 
d’Insectes (et particulièrement celles de Musca) con- 
» tenues dans cet ouvrage, aux tendons (nervures) 
des ailes, car ayant fait dans une certaine saison la 
» collection d’un grand nombre, j’eus besoin de sé- 
parer Les espèces et d'ôter les doubles, mais, manque 


4 


C2 


Ê2 


4 HISTOIRE NATURELLE 


» de plan ou de méthode propre à suivre, je ne sa- 
» vais pas où commencer; et il m'en fallait un qui 
» püt effectivement m'empêcher de prendre un mâle et 
» une femelle d’une même espèce , pour deux espèces 
» diflérentes, et afin que les femelles ne fussent pas 
» séparées des mâles de leurs mêmes espèces , en les 
» plaçant dans deux ordres différens. Je m'apercus à 
» la fin par la différente disposition des tendons, qu'il 
» y avail un certain nombre d'ordres ou sortes d'ailes : 
» je commençai aussitôt à les diviser séparément. De 
» cette facon je surmontai la difficulté, car ce n’était 
» qu'une tâche fort agréable de choisir les espèces 
» différentes de chaque ordre ; mâles et femelles , et de 
» les placer ensemble. C’est pourquoi ce me fut un 
» motif eflicace pour insérer les figures des ailes selon 
» leurs différens ordres, afin que quiconque puisse 
» être dans le dessein de faire la collection de Diptera 
»,et Hymenoptera, ait l'occasion du même profit et 
» de la même assistance que j'ai expérimentée moi- 
» même. » 

L. Jurine, en 1807 (je ne crois pas que dans le laps 
de temps qui s'était passé depuis l’année 1782 et l’ou- 
vrage de Moses Harris, il eût paru d'ouvrage ayant 
rapport au système alaire), publia à Genève, chez le 
libraire Paschoud , une /Vouvelle Méthode de classer 
les Hyménoptères, etc. Dans l'introduction de cet ou- 
vrage il établit les principes d'un système alaire du- 
quel il se proposait de tirer les principaux carac- 
tères des genres. 

» Avant que de faire connaître, dit-il, quelles sont 
» les cellules de la grande aile (c'est-à-dire l'aile supé- 
» rieure) que j'ai choisies pour signaler les genres chez 
» les Hyménoptères, il est indispensable de donner 


» 


ÿ 


» 


Y » Y M'S 


2 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 49 


quelques explications préalables. L'aile supérieure 
présente dans son bord externe ( ou antérieur si 
elle est censée étendue) deux grosses nervures pa- 
rallèles qui sortent du corcelet, qui se terminent 
au point de l'aile (le point épais), et qui sont for- 
tement unies l’une à l’autre par une expansion de la 
membrane qui constitue l’aile. Ces deux nervures 
n'ayant pas encore reçu de nom, j'ai jugé qu'il était 
nécessaire de leur en donner un, soit pour les faire 
connaître plus exactement, soit pour pouvoir ca- 
ractériser par un seul mot les cellules formées par 
les nervures secondaires qui naissent de ces deux 
nervures principales; en conséquence, j'ai donné 
celui de radius à la nervure externe, et celui de cubi- 
tus à l’interne ( PI. TI, fig. 2, a, b (x). 

» On voit sortir du point de l'aile une nervure qui, 
en se dirigeant vers le bout de l'aile, laisse, entre 
elle etle bord externe de l'aile, un intervalle mem- 
braneux ou une cellule, dont la figure variera suivant 
l’inflexion de la nervure, et que je nommerai cellule 
radiale , cellula radials (P1.T, fig. 4,5, a). 

» Il arrive quelquefois qu’une seconde nervure, 
partant aussi du point, mais plus postérieurement 
que la précédente et descendant presque perpendi- 
culairement sur elle, coupe en deux parties la cel- 
lule radiale primitive ; alors il y a deux cellules ra- 
diales (PI. T, fig. 2 d). 


» Dans quelques individus, on voit la cellule radiale 


(1) Les planches de notre propre ouvrage, étant bien loin d'être 


terminées et devant avoir une explication particulière , nous décla- 
rons que la plupart des planches et figures que nous citons dans 
ce système alaire sont celles de l'ouvrage de Jurine, qui est ou doit 
être dans les mains de tous les hyménoptéristes. 


HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 4 


50 HISTOIRE NATURELLE 


» 


» 


ÿ 


» 


2 


LA 


primitive terminée par une autre très-petite cellule : 
dans ce cas, èt lorsque la nervure d'intersection ne 
sort pas du point , je nomme la cellule radiale, ce/- 
lule appendicée, cellula appendicea (PI. 1, fig. 3, a). 
» Lors donc que l'aile n’a qu'une cellule radiale, 
la nervure qui la forme, naît ordinairement du mi- 
lieu du point (PI. 1’, fig. 4, 5). Lorsqu'elle en a 
deux , là première nervure part de derrière le point, 
tandis que la seconde, celle d'intersection , sort du 
point même (PI. : fig. 2);.et lorsque la cellule ra- 
diale est appendicée, on remarque à son extrémité 
une petite cellule qui semble lui avoir élé ajoutée 
(Plr,fig. 3,4). 

» De l'extrémité du cubitus et près du point, on 
voit sortir une autre nervure qui se dirige aussi vers 


» le bont de l’aile : l'intervalle membraneux compris 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


entre cette nervure ét la nervure radiale forme une 
grande cellule , que j'appellerai cellule cubitale, cel- 
lula cubitalis (PL. 1, fig. 4, b). Cette grande cellule 
est souvent divisée en deux, trois ou quatre par des 
nervures transversales (P1. 1, fig. 2,3,5). 

» Il y a des ailes dans lesquelles la nervure qui 
forme la cellulé cubitale n’atteint pas le bout de 
l'aile, comme on l’observe dans la PI. 1, fig. 4,6 ; 
de sorte que la cellule n’est pas terminée. Je nom- 
merai cette cellule incomplète, cellula incompleta. 
» Dans quelques genres on remarque que Îles ner- 
vures d'intersection, qui descendent de la nérvure 
radiale, sont disposées de manière qu’une des cel- 
lules cubitales, ordinairement la seconde, paraît 
être supportée par une tige en forme de pétiole; 
de telles cellules porteront le nom de cellules pétio- 
lées , cellulæ petiolatæ (PI. x, fig. 3,8). 


DES HYMÉNOPTÈRES. 54 

» On trouve enfin des ailes qui n’ont que la cellule 
» radiale , d’autres où l’on ne peut découvrir que de 
» légères nervures sans formation de cellules, et quel- 
» ques-unes qui sont entièrement dépourvues de ner- 
» vures et de cellules. C’est sur la présence ou l’ab- 
» sence, le nombre et la figure de ces cellules radiales 
» et cubitales , que sera fondé le premier de mes carac- 
» tères génériques chez les Hÿménoptères. 

» Les cellules cubitales recoivent fréquemment du 
» réseau de la partie postérieure de l'aile , que je sup- 
» pose ouverte, une ou deux nervures ascendantes qui 
» sortent des nervures brachiales (PI. 1, fig. 2,g); 
» et qui s’insèrent tantôt à la première et à la EURE 
» des cellules cubitales , tantôt à la seconde et à la troi- 
» sième, d’autres fois à une seule cellule. Ces nervures, 
» que je désignerai par l’épithète de nervures récur- 
» rentes, nervi recurrentes (PI. 1, fig. 2,$f, etfis. 5, 
5 b), St fourni un très-bon caractère pour l établis- 
» sement des familles dans un genre dont les espèces 
» avaient toutes le même nombre de cellules radiales 
» ou cubitales; par exemple, le premier de mes gen- 
res, celui des 7enthrèdes , dont l'aile a deux cell ules 
» radiales et trois HT pM est divisé en deux fa- 
» milles, parce que dans l’une la première cellule 
» cubitale recoit les deux nervures récurrentes , tandis 
» que dans l’autre ces deux nervures se rendent cha- 
» cune dans une cellule différente. 

» Ce que je n’ai pu expliquer qu'imparfaitement, 
» sera facilement compris en jetant les yeux sur la 
» première Planche, où les nervures consacrées à 
caractériser les genres n’ont été que ponctuées. » 
M. Latreille admet comme auxiliaires, pour distin- 
güer les genres, les caractères alaires ; il me paraît 


â. 


LA 


ÿ. 


52 HISTOIRE NATURELLE 


même, dans certains cas peu nombreux, les avoir 
employés seuls pour caractériser certaines coupes gé- 
nériques. Aux caractères indiqués par Jurine dans 
l'exposé que nous venons de rapporter de la méthode 
de cet auteur, tous tirés des cellules radiales et cubi- 
tales , et des nervures récurrentes, Latreille en joint 
qu'il tire des cellules discoïdales, c'est-à-dire de celles 
qui occupent le disque ou milieu de l'aile. 

Dans notre manière propre d'envisager le système 
alaire par rapport aux seuls Hyménoptères, nous ne 
considérons comme pouvant fournir des caractères 
que l'aile supérieure. Cette aile nous paraît pouvoir 
être toujours considérée idéalement comme composée 
de quatre parties ( Voy. la fig. 2 de la PI. 1°° du 
1°" vol. de cet ouvrage, et l'explication de cette plan- 
che). Notre fig. 2, PI. 1"°, représente une aile ainsi 
divisée. La première de ces parties, qui s'attache au 
côté supérieur, ou, comme il nous semble qu'on peut 
le dire, à l'épaule du corselet (1), contient plusieurs 
cellules (2) longitudinales , et toujours les plus longues 


(1) Comme cette explication de notre système alaire doit prin- 
cipalement être utile aux commencans, nous défivirons ici le mot 
cellule comme exprimant un espace membraneux, ordinairement 
entouré de nervures. 

(2) J'abandonne volontiers à la critique ces termes: épaules, 
brach al, eubitus, radius, cubitale, radiale, etc., que je n'ai pas 
inventés , et je ne prétendes pas que les organes que je nomme 
ainsi avec ceux qui mont précédé, remplissent des fonctions ana- 
logues à celles des parties dénommées ainsi dans l'homme Je dé- 
sirerais, au contraire, que la critique qui peut en être fuite, fût 
assez raisonnée pour substituer à ces dénominations des noms fon- 
dés sur une véritable analogie et l'anatomie comparée, qui ne fus- 
sent pas trop longuement composés , et équivalussent à une idée et 
non pas à une phrase. Je sens inêine que cette note peut être cri- 
tiquée ; mais que le critique se donne la peine , je ne dirai pas de 
faire mieux, cela est facile, mais de faire bien, ce qui est difficile. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 53 
de toutes, séparées entre elles par des nervures longi- 
tudinales que j'appelle nervures brachiales ; je nomme 
aussi les cellules dont elles font la limite, cellules 
brachiales, et la partie de l'aile qui contient ces cel- 
lules et ces nervures est pour moi la partie brachiale 
de l'aile. Cette partie s’étend sur le bord extérieur de 
l'aile jusqu’au point épais, et sur le bord intérieur 
elle finit au sinus rentrant que ce bord forme ordinai- 
rement un peu passé son milieu. Le plus souvent 
cette partie contient quatre cellules : la première très- 
étroite et ordinairement linéaire, bornée à l’extérieur 
par la nervure que Jurine appelle ratius, et à l’inté- 
rieur par celle qu'il appelle cubitus. Quelquefois une 
nervure transversale, allant du radius au cubitus, 
sépare en deux cette cellule. La seconde, ordinaire- 
ment de forme presque triangulaire, séparée de la 
première par le cubitus, l’est de la troisième cellule 
brachiale par la première nervure intermédiaire, qui 
est la troisième des nervures brachiales. La troisième 
cellule brachiale est comprise entre la première ner- 
vure intermédiaire et la seconde intermédiaire, qui est 
la quatrième nervure brachiale. Enfin, la quatrième 
cellule brachiale s'étend de la quatrième nervure bra- 
chiale jusqu’au bord intérieur de l’aile, et est souvent 
divisée par des nervures dont la direction n’est ordi- 
nairement ni vraiment longitudinale, ni exactement 
transversale. 

Les caractères que l’on peut tirer de cette partie de 
l'aile, ont rapport à la présence ou à l’absence des ner- 
vures brachiales. I! suffit d'ajouter que l'aile, que nous 
considérons comme complète souscerapport, a toujours 
les quatre nervures brachiales et les quatre cellules. Les 
figures d'ailes grossies, de Jurine , PL. 2, 3, 4 et plu- 


! 


54 HISTOIRE NATURELLE 
sieurs de la P]. cinquième, savoir , les n°* 35 bis, 38,309, 
41, 42, 43, etles 1°", 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° du Sup- 
plément , sont complètes sous l'aspect de la partie bra- 
chiale. Dans les fi :ures de la PI. cinquième, les n°‘ 40 
45.46 et la dernière du Supplément sont privées de 4 
deuxième nervure intermédiaire ou quatrième bra- 
chiale. Les n°* 44 et 47 n’ont que les deux premières 
brachiales, c’est-à-dire le radius et le cubitus, et la 
première brachiale ou radius se trouve seule dans les 
n° 47 et 48. 
La seconde des parties de l'aile supérieure des Hy- 
ménoptères, telle que nous la représentons dans la 
fs. 2 de notre Planche première, contient le point 
épais, c'est-à-dire une portion épaisse du bord exté- 
rieur de l'aile placée à l'endroit où finit la partie droite 
du radius de Jurine. De ce point épais , ordinairement 
opaque, part une nervure habituellement arquée qui 
va presque toujours rejoindre le boid extérieur de 
l'aile au-dessous du point épais, à une plusou moins 
grande distance de ce point, ou à une plus ou moins 
grande proximité du bout de l'aile. Cette nervure nous 
l'appelons radius inférieur ou simplement radius, 
parce que nous aurons peu à parler du radius de la 
partie brachiale. L'espace que comprend cette nervure 
entre elle et le bord extérieur de l’aile est l’espace ra- 
dial. Cet espace contient une, deux ou trois cellules 
dites cellules radiales ou seulement radiales , séparées 
par des nervures plus ou moins transversales ou obli- 
ues. On ne trouve trois radiales que dans le genre 
. ela (For. dans mes Planches la figure de l'aile de 
ce genre inconnu à Jurine). Il ya Fi radiales dans 
les ailes représentées, Genres 1, 3, 4, 7, 9,10 et 15 de 
la PL deuxième de Jurine : dans ces cas, les deux ra- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 55 


diales sont à peu près égales, ou au moins la seconde, 
qui est la plus rapprochée du bout de l'aile, est la plus 
grande. Il n’y a qu'une radiale dans les fisures désailes 
représentées , Genres 2, 5, 6, 8,9, PI. deuxième, ordre 
premier, Jurine, et dans celles des genres 1, 2, 3, 4 du 
second ordre, même Planche, ainsi que dans toutes les 
figures de genres des 3°, 4° et 5° Planches. Cette cellule 
est complète lorsqu'elle est fermée par la nervure 1a- 
dius qui rejoint le bord extérieur de l'aile : je l'appelle 
incomplète, lorsque le radius la laisse ouverte vers le 
bout de l'aile, parce qu'il se termine sans atteindre le 
bord extérieur de celle-ci. Tel est le cas des radiales 
des ailes représentées dans Jurine, PI. 2, genre 11, et 
P1.5, genres 43, 44, 43 et 48, et genre Tachus du 
Supplément. J’appelle la radiale, radiale appendicée, 
lorsqu'elle porte à son bout une petite cellule com- 
plète, c'est-à-dire fermée, ou incomplète, c’est-à-dire 
ouverte. Ainsi, la radiale est appendicée dans les figu- 
res de Jurine, PI. deuxième, genre 2 ; PL. troisième, 
genre 10; PI. quatrième, genres 24, 26, 27, 29, 33. 
Cette petite cellule s'appelle appendice : l’appendice 
est complet dans les figures PI. deuxième, genre 2; 
PI. quatrième, genres 24, 26, 20, et 33; il est incom- 
plet, c'est-à-dire qu'il reste ouvert, parce que la ner- 
vure qui le forme n'atteint pasle bord de l'aile dans les 
figures de Jurine, PI. troisième, fig. 10, et PI. qua- 
trième , fig. 27. l 


La seconde partie de l’aile supérieure contient en: 


core un autre ordre de cellules, qui est borné à sa. 


partie la plus intérieure de l'aile par la nervure qui 
naît au-dessus du radius, et que nous appéllerons 
cubitus inférieur ou simplement cubitus. Le cubitus 
commence ordinairement vers la. partie inférieure du 


56 HISTOIRE NATURELLE 


cubitus supérieur au-dessus du point épais. Il en est 
ainsi dans toutes les figures de Jurine de son ordre pre- 
mier (Pl.2),et dans tous les genres de l’ordre second 
(même Planche ). L'insertion de sa base est la même 
dans l’ordre troisième de cet auteur pour les genres 
premier, deuxième famille, et pour ceux à partir du 
troisième jusqu’au vingt- huitième inclusivement ; il 
en est de même du trentième au quarante-deuxième 
compris. Mais, dans le genre premier, première fa- 
mille du troisième ordre, la partie supérieure du cu- 
bitus inférieur est oblitérée; il ne commence que 
plus bas, et cette conformalion se retrouve dans les 
deuxième et vingt-neuvième genres (ordre 3, PI. 3 
et 4, Jur.). Nous verrons les suites de cette oblitéra- 
tion en parlant de la troisième partie de l’aile, et j'ap- 
pelle l'attention sur les conséquences que j'en tire, 
ma méthode diflérant en cela de celle de Jurine. Le 
cubitus se dirige en se portant vers le bout de l'aile, 
de manière qu'il ne l’atteint pas toujours. Il est repré- 
senté comme l'atleignant, par exemple, dans le pre- 
mier genre da premier ordre, et dans le second genre 
du second ordre (PI. 2). Il est figuré comme ne l’attei- 
gnant pas, par exemple, dans le huitième genre du pre- 
mier ordre , et dans le premier genre du second or !re 
de la PI. deuxième de Jurine. Que le cubitus atteigne ou 
n’atteigne pas le bout de l’aile, l’espace entre lui et le 
radius est l’espace cubital. Il renferme une ou plu- 
sieurs cellules, dont la forme aide souvent à distin- 
guer un genre d’un autre : ainsi, la seconde cellule 
cubitale, triangulaire dans les Xylocopa (Jurine, 
genre 37, PI. 4, sub Bremo), sert parfaitement à 
distinguer ce genre , et ceux que nous formons à ses 
dépens, des Bombus (Jurine, genre 37, PI. 5, sub 


DES HYMÉNOPTÈRES. 97 
PBremo ). La comparaison de la capacité et de la lon- 
gueur respective des cellules renfermées dans l’espace 
cubital, qui portent le nom de cellules cubitales, ou 
simplement cubitales, peut aussi fournir une note 
caractéristique utile : ainsi, dans la première famille 
du genre Dolerus Jur. (PI. 2, ordre 1‘*), la première 
cellule cubilale est beaucoup moins longue que la 
même première cubitale dans la deuxième famille du 
même genre (même Planche, même ordre, même n°, 
Jurine). Quoique renfermées toutes entre le radius 
et le cubitus, il y a des cellules cubitales qui n'ont 
pas de côté (ou , en d’autres termes, de nervure d’in- 
tersection) qui leur appartienne en communaulé avec 
la radiale ou les radiales. Ces cubitales semblent por- 
tées par une nervure partant du radius ; cette nervure 
se bifurque avant d'atteindre le cubitus, et c’est entre 
les rameaux de cette bifurcation qu'existe la cellule, 
ou espacé membraneux, dont nous parlons. Celles 
ainsi formées paraissent portées par une espèce de 
tige ou pétiole, et se nomment cellules cubitales pé- 
tiolées, ou simplement cellules pétiolées. La seconde 
cubitale est pétiolée dans les genres 12 bis et ter, 
21, 22, 23, 24 et 25 du 3° ordre de Jurine ( PI. 3 
et 4). Il arrive que la dernière cubitale est com- 
plète ou qu’elle est incomplète : elle est complète, 
si le cubitus , dans son prolongement vers le bout de 
V’aile , atteint ce bout. Elle est incomplète dans le cas 
contraire: mais, dans ce dernier cas, elle peut être 
commencée si le cubitus dépasse par son prolonge- 
ment l’avant-dernière cubitale fermée (par une ner- 
vure oblique ou transversale). Nous allons tâcher de 
rendre ces principes utiles, qui dérivent des divisions 
idéales que nous figurons dans l'aile, plus sensibles 


58 HISTOIRE NATURELLE 


par des exemples. L’aile des genres Cruptus, Allan- 
tus, Nematus, Trachelus et Urocerus Jur. (PI. 2, 
ordre 1°), a quatre cubitales, et la quatrième et der- 
nière est complète, parce que le cubitus est repré- 
senté atteignant le bord de l'aile vers son bout. L’aile 
des genres Tenthredo, Dolerus et Pieronus Jur. 
(PI. 2, ordre 1°" ) a trois cubitales, et la troisième et 
dernière est complète par la même raison que les pré- 
cédentes. L’aile du genre Sirex dur. (PI.2, ordre 1°°) 
a quatre cubitales, et la quatrième est incomplète, 
parce que le cubitus n’est pas représenté atteignant le 
bord de l'aile ; elle est seulement commencée, parce 
que le cubitus dépasse par son prolongement la troi- 
sième où avant-dernière cubitale. Dans le genre 
Oryssus Jur. (PI.2, ordre 1°), il y a deux eubitales, 
et la seconde est incomplète et seulement commencée, 
parce que le cubitus dépasse par son prolongement 
la première cubitale, et cependant n’atteint pas le 
bout de l'aile. Dans le genre Stephanus Jur (PL 2, 
ordre 2), la deuxième ou dernière cubitale est com- 
plète, parce que le cubitus est représenté atteignant 
le bord de l'aile. Il en est de même du genre Fœnus, 
du même ordre, même Planche, et autres genres. La 
troisième ou dernière cubitale est représentée incom- 
plète dans la figure du genre 12 bis, PI. 3, Jur., 
parce que le cubitus dépasse la cubitale précédente, 
c'est-à-dire la seconde, et qu'il n’atteint pas le bord 
de l’aile. Dans les figures des genres 11 et 12 primo, 
même Planche, la troisième celluie ou la dernière 
n’est même pas commencée, parce que le cubitus ne 
dépasse pas la seconde cuhitale. Cependant je compte 
systématiquement trois cubitales dans ces deux der- 
nières ailes, dont la troisième est dite 20n commencée ; 


DES HYMÉNOPTÈRES, 59 


car la partie troisième de ces ailes ou }’ espace cubital 
se continue sans intervalle au delà de la seconde cu- 
bitale, et doit avoir un nom de cellule comme tout 
autre espace membraneux. Dans le genre 9, Larra, de 
la même Planche, nous comptons de même quatre 
cubitales , et la quatrième est zon commencée. Enfin, 
dans les genres 43, 47 et 48, Jur., PI.5, la pre- 
mière cubitale est 07 commencée par l'absence totale 
du cubitus. J’espère que ces exemples, et la figure 
dans laquelle je représente une aile divisée, suffiront 
pour que l’on puisse apprécier le nombre des cubita- 
les dans une aile d'Hyménoptère, quel qu'il soit ; 
et l’on conçoit bien que si leurs modifications , que 
nous venons d'expliquer, peuvent être utilement em- 
ployées dans la distinction des genres, leur nombre 
est un caractère plus important. 

La deuxième partie de l'aile, à cause du grand 
nombre des caractères qu'elle fournit , s’appellera 
partie caractéristique. Les cellules PTE. et cubi- 
tales, d'après leur nombre, s'appellent première, 
deuxième, troisième et quatrième, selon qu’elles 
s’éloignent plus du point épais et qu’elles se rappro- 
chent davantage du hout de l'aile. La première dans 
ces deux ordres de cellules est la plus près du point 
épais et la plus éloignée du bout de l'aile. 

La troisième partie que nous distinguons dans l'aile 
de l’'Hyménoptère, en occupe à peu près le milieu ou 
le disque , d’où elle prend le nom de disque; et les” 
trois cellules qui la composent ordinairement, le nom 
de cellules discoidules ou simplement diseoidales. La 
première cellule discoïdale est celle qui confine en 
même temps avec la partie brachiale et la partie carac- 
téristique de l'aile. La forme et la capacité de cette 


6o HISTOIRE NATURELLE 


cellule varient beaucoup et peuvent fournir des carac- 
tères. La seconde discoïdale confine en même temps 
avec la partie brachiale et la première discoïdale, et 
elle s'approche, ordinairement par un angle, du sinus 
du bord postérieur de l'aile. La troisième discoïdale 
confine avec les première et seconde, avec la partie 
caractéristique et avec la quatrième partie de l'aile 
dont nous parlons plus bas. La nervure qui sépare le 
disque de la partie caractéristique, comme on le voit 
dans les figures, est le cubitus dont nous avons déjà 
parlé. Quelquefois la partie supérieure du cubitus 
est oblitérée; alors l’espace membraneux de la pre- 
mière cubitale se trouve augmenté de tout l’espace 
membraneux de la première discoïdale. Ce caractère 
s'exprime par ces mots : première discoidale confon- 
due avec la première cubitale, cette dernière étant, 
dans ce cas, considérée seule comme existante, tandis 
que la première discoïdale n’est plus censée existante. 
Il faut donc dire que la première discoïdale est con- 
fondue avec la première cubitale dans les genres 1°° 
(1° famille), 2° et 29° de l’ordre 3 de Jurine (PI. 3 
et 4). Les autres nervures qui bornent les cellules 
discoïdales , obliques ou trarsversales, n'ont pas de 
noms particuliers et ne fournissent pas de caractères, 
à l'exception de deux qui prennent le nom de nervures 
récurrentes où simplement récurrentes. La première 
récurrente est la nervure d’intersection , qui sépare la 
troisième discoïdale de la première, quand celle-ci 
existe. On doit conclure de cette définition que la 
première récurrente n’exisle pas et ne peut être men- 
tionnée que pour son absence dans les caractères, quand 
la première discoïdale, confondue avec la première 
cubitale, n'existe pas. Il en est ainsi dans les genres 1° 


DES HYMÉNOPTÈRES. 6: 
(1re famille), 2° et 29° de l’ordre 3° de Jurine ( PI. 3 
et 4). La deuxième récurrente est la nervure d’inter- 
section qui sépare la troisième discoïdale de la qua- 
trième partie de l'aile. On tire des caractères des ner- 
vures récurrentes, en désignant à laquelle des cellules 
cubitales elles viennent aboutir. Ainsi, la première 
cubitale recoit les deux nervures récurrentes dans le 
1 genre (1'° famille }, ordre 1°", Pl. 2; dans le 
28° genre (2° famille), ordre 3°, PI. 4; et dans le 
genre Pteronus, Suppl., PI. 5, de Jurine. La pre- 
mière cubitale recoit la première récurrente, tandis 
que la deuvième cubitale recoit la deuxième récur- 
rente dans les ailes des genres 1° (2° famille), or- 
dre 1, PI. 2, Jur.; 4° (2° famille), ordre 1°", PI. 2, 
Jur.; 6° (1° famille }, ordre 1°, Pl. 3, Jur.; 3, 
ordre 2°, PI. 2, Jur.; 8° bis, ordre 3°, PI. 3, Jur.; 
115 ordre 3. Pl: 3, Jur.#25°, ordre 3; PF 4, Jur.: 
26%, ordre 3°. PI. 4, Jur.: et 30°, ordre:3°, PI. 4, 
Jar. 

La première cubitale recoit encore la première ner- 
vure récurrente dans la figure du genre 19, Jur., 
ordre, 3, PI. 4; mais c’est la troisième cubitale qui 
recoit la seconde récurrente. 

La seconde cubitale recoit la première récurrente, 
et la troisième cubitale recoit la deuxième récurrente, 
dans lesfisures de Jurine, dont la liste suit: 1°. Ordre 
1°, Pl. 2, genres 2,3, 7,9,10et11;2°. Ordre 3, PI. 5, 
4et 5, genres 4,5, 13, 14,18, 21,23, 31, 32, 33, 
34, 35, 37 et 38, et dans les figures des genres 
Epeolus et Ceratina du Supplément. La seconde cu- 
bitale recoit les deux nervures dans les figures de Ju- 
rine dont la liste suit: 1°. Ordre 1°", PI. 2, genres #4, 


Bet 6; 2°. Ordre 3, PI.3, 4 et 5, genres 9, 10, 12 


62 HISTOIRE NATURELLE 

(1'* section), 15, 16, 17, 20, 22, 24, 36, et dans 
les figures des genres Tachus et Stizus du. Supplé- 
ment. 

Lorsqu'une des nervures récurrentes aboutit au 
même point du eubitus qu'une des nervures d'inter- 
section des cellules cubitales, ce caractère s'exprime 
ainôi : l'on dit, quoique Jurine ne se soit pas servi de 
cës éxpressions, que dans les fizures qu'il a données, 
PI. 3, des genres Sphex (1'*° section) et Psen, la se- 
conde récurrente aboutit à la nervure d'intersection 
des deuxième et troisième cubitales. 

La seconde nervure récurrente est celle qui sépare 
la troisième discoïdale de la quatrième partie de l'aile, 
et peut manquer quelquefois. Nous verrons plus bas 
comment ce caractère s’exprime. 

La quatrième partie de l'aile, que nous nommons 
le limbe, ést bornée par le disque, par les cellules 
cubitales qui sont une portion de la partie caractéris- 
tique et par le bord postérieur de l'aile. Le limbe 
s'étend le long de ce bord depuis la dernière cubitale 
jusqu’au sinus rentrant du bord postérieur. Il contient 
deux cellules quand il est complet. La première cel- 
lule du limbe est celle qui touche aux cubitales; la 
deuxième, séparée de la première par une nervure ou 
un commencement de nervure qui part de la troisième 
discoïdale, s'étend jusqu'au sinus rentrant du bord 
postérieur de l’aile. 

Lorsque la deuxième nervure récurrente manque , 
là première cellule du limbe est confondue avec la 
troisième discoïdale ; tels sont les termes dont nous 
nous servons pour exprimer l'absence de la deuxième 
nérvure récurrente; caraclère que nous trouvons nO- 
tamment dans les figures de Jurine, PI. 2, ordre 1, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 63 
genre 8 ; ordre 2, genre 4; et PI. 3, ordre 3, genres 1, 
3et 7. 

Lorsque la nervure d'intersection qui descend de la 
troisième discoïdale vers le bord de l'aile n’atteint pas 
ce bord, les deux cellules du limbe sont incomplètes. 
Si cette nervure manque totalement , la deuxième cel- 
lule du himbe se caractérise comme confondue avec la 
première. 

Nous appelons aile complète (PI. 1, fig. 3), celle 
dont la partie brachiale contient quatre cellules, dont 
la partie caractéristique a ce que nous avons nommé 
le point épais, une radiale appendicée ou non appen- 
dicée, complète où incomplète (c’est-à-dire fermée ou 
non fermée par le bout), et trois ou quatre cellules 
cubitales ; la dernière complète ou incomplète ( c’est- 
à-dire séparée où non séparée du limbe par le prolon: 
gement du cubitus jusqu'au bout de l’aile) : dont le 
disque contient trois cellules dont aucune ne se con- 
fonile avec les cellules des autres portions de l'aile, et 
dans lesquelles aucune de celles-ci ne vienne se con- 
fondre (il faut, en un mot, que chacune des trois 
discoïdales soit isolée par des nervures): et dont le 
limbe existe sans confusion avec le disque. 

L’aile est donc complète dans les figures de Jurine 
dont l’'énumération suit, savoir : PI. 2, ordre 1, 
genres 2, 5et6; mème PI., ordré 2, genre 3; PI. 3; 
ordre 3, genres 4, 5, 6,8, 9,10, ii, 12 (1°° famille), 
13, 14; et PI. 4, ordre 3 , les genres de 15 à 28 inclu- 
sivement , et de 30 à 37 inclusivement ; aussi bien que 
les genres Ampulex , Pteronus, Stizus, Epeolus et 
Ceratina du Supplément. On voit par cette énuméra- 
tion que la plupart des Hyménoptères ont ce que nous 
appelons l’ailé complète. Mais, malgré cette simili- 


64 HISTOIRE NATURELLE 


tude de conformation, le nombre des cubitales, la 
forme de diverses cellules et l'incidence des nervures 
récurrentes sûr telle ou telle cubitale, fournissent des 
caractères constans et qui facilitent la distinction des 
genres. Ainsi (nous continuons à nous servir des figu- 
res de Jurine), la seconde récurrente, tombant dans 
la troisième cubitale presqu'au milieu, dans la figure 
de son genre Pompilus, fait distinguer ce genre de la 
première famille du genre Sphex , où cette même ré- 
currente aboutit à la nervure d’interse tion des se- 
conde et troisième cubitales. La forme de la troisième 
cellule cubitale, qui est étroite et arquée, aide à 
distinguer le genre Larra du genre Astata (Dimorphus 
Jurine), qui a cette cellule presque carrée. La deuxième 
cubitale triangulaire distingue le genre Xylocopa 
(Bremus Jur. n° 37, PI. 4) du genre Bombus (Bre- 
mus bis, Jur., PI. 5), qui l’a rhomboïdale. 

La deuxième cubitale pétiolée, c’est-à-dire n'ayant 
pas de côté commun avec la radiale, fera séparer les 
Nyssons des Arpactus, dans l'aile desquels cettecubi- 
tale a un c'té commun avec la radiale. Ces exemples 
me paraissent suflire pour me faire bien comprendre 
sur ce point." 

L’aile est surcomplète dans une de ses parties (nous 
renvoyons ici à notre figure d'aile décomposée en 
quatre parties ,PI. ;, fig. 2), lorsque l'une d'elles con- 
tient plus decellules que nous n’en assignons à l'aile 
complète. Dans les genres que nous connaissons, cette 
surabondance, qui ne paraît point avantageuse pour le 
vol, n'existe que dans la partie caractéristique. Ainsi, 
le genre Xyela, que Jurine n’a pas connu, à trois ra- 
diales. On en trouve deux (y. notre PI. 1, fig. 1 
et 2 ) dans les genres Tenthredo, Allantus, Dolerus , 


DES HYMÉNOPTÈRES. G5 
Cephaleia, Trachelus, Urocerus et Sirex de Jurine 
(Voy. PI. 2, ordre 1°", Jur.), en sorte que la partie 
caractéristique des ailes est surcomplète dans ces huit 
derniers genres. 

L’aile est incomplète dans une de ses parties , lors- 
que l’une d'elles, ou plusieurs d’entre elles, ou même 
toutes celles qui occupent cette partie, viennent à 
manquer. 

Procédant ici du plus incomplet à ce qui approche 
le plus du complet, nous nous servirons encore des 
planches de Jurine. Le caractère donné par la figure 
à l'aile du genre Psilus ( ’oy. aussi notre PI. 1, fig. 5), 
doit s'exprimer ainsi : aile très-incomplète, n'ayant 
que le point épais, et ne portant aucune cellule, tou- 
tes étant confondues avec la première brachiale. 


Caractère du genre Chalcis, selon la fig. de Jurine. 
Deux cellules brachiales , la première et la deuxième ; 
la troisième et la quatrième confondues avec la 
deuxième. Point épais, pédiculé. Une radiale com- 
mencée : les autres cellules de la partie caractéristi- 
que confondues avec cette radiale, ainsi que les cel- 
lules du disque et celles du limbe. Elles sont dites 


confondues avec la radiale, parce que celle-ci n’est 
pas fermée. 


Caractère du genre Belyta, Jur. Suppl. Trois 
cellules brachiales ; la quatrième confondue avec la 
troisième. Un point épais : une radiale complète. Une 
cubitale incomplète; les autres cubitales confondues 
avec la première, ainsi que les cellules du disque et 


du limbe. 


Caractère du genre Leucospis, Jur. Pour la partie 
brachiale, comme au genre Belyta. Un point épais. 
HYMÉNOPTÈRES, TOME 1, 5 


66 HISTOIRE NATURELLE 


Une radiale complète fort longue et fort étroite. 
Deux cubitales, distinctes, incomplètes; cellules du 
disque et la première du limbe confondues avec la 
première cubitale; dernières cubitales confondues 
avéc la deuxième. 


Caractère du genre Chrysis, Jur. Quatre cellules 
brachiales distinctes. Un point épais. Une radiale 
fort grande; large et complète. Une cubitale, les autres 
cubitales étant confondues avec elle. Trois cellules 
discoïdales; la troisièmé incomplète. Première cellule 
du limbe se confondant avec la troisième discoïtale. 
Une seule nervure récurrente, à savoir, la première 
aboutissant près du milieu de la cellule cubitale. 


Caractère du genre Cynips, Jur. Trois cellules 
brachiäles; la troisième incomplète; la quatrième 
confondue avec la troisième. Un point épais, un peu 
pédiculé. Une radiale complète, presque triangulaire. 
Trois cubitales complètes ; la deuxième presque car- 
rée, fort petite; la troisième très-srande. Deux cel- 
Jules discoïdales distinctes, incomplètes; troisième 
discoïdale confondue avec la première, ainsi que la 
première cellule du limbe; seconde cellule du limbe 
confondue avec la deuxième discoïdale. 


Caractère du genre Oxybelus , Jur. Partie brachiale 
complète. Un point épais. Une radiale appendicée. 
Deux cubitales distinctes; la deuxième simplement 
commencée (le cubitus ne se continuant pas beaucoup 
au delà de la première cubitale, et n'attergnant pas 
par conséquent le bout de l’aile). Deux discaïdales 
distinctes, savoir, la seconde et la troisième; la pre- 
mière étant confondue avec la première cubitale; 


DES HYMÉNOPTÈRES, 6- 

F4 

seconde discoïdale complète ; la troisième incomplète. 
Cellules du limbe confondues avec la troisième dis- 


coïdale. Point de nervures récurrentes. 


Caractère du genré Crabro, Jur. Partie brachiale 
complète. Un point épais. Une radiale appendicée. 
Appendice incomplet, n'étant pas fermé. Deux cubi- 
tales distinctes; la première complète, la deuxième 
simplement commencée. Trois discoïdales ; la pre- 
mière et la deuxième complètes, la troisième incom- 
plète. Cellules du limbe confondues avec la troisième 
discoïdale. Une seule nervure récurrente, à savoir la 
première aboutissant presque à l'extrémité de la pre- 
mière cubitale. 


Caractère du genre Ichneumon, 1'° famiile, Jur. 
Partie brachiale complète. Un point épais. Une ra- 
diale complète. T'rois cubitales complètes ; la seconde 
très-petite, pentagone. Deux discoïdales distinctes et 
complètes, savoir, la deuxième et la troisième; la 
première confondue avec la première cubitale. [Une 
seule nervure récurrente, savoir, la seconde, abou- 
tissant à l’un des angles de la seconde cubitale. Limbe 
complet. 


Caractère du genre Fænus , Jur. Partie brachiale 
complète. Un point épais. Deux cubitales complètes 
et distinctes. Trois discoïdales distinctes; la première 
complète, linéaire, très-étroite ; la seconde complète, 
triangulaire; la troisième distincte , incomplète. Limbe 
à deux cellules distinctes ; la première confondue avec 
Ja troisième discoïlale. Une seule nervure récurrente, 
savoir, la première très-courte aboutissant à la pre- 
mière cubitale. 


H. 


68 HISTOIRE NATURELLE 


À ces exemples de caractères alaires Lirés d'ailes 
incomplètes pour en faciliter l'usage, il sera bon d'en 
joindre quelques-uns pris sur des ailes complètes. 


Caractère du genre Nematus, Jur. Partie bra- 
chiale complète; première et quatrième brachiale 
souvent divisées par des nervures surnuméraires , 
transversales ou obliques. Partie caractéristique com- 
plète. Radiale grande, s'approchant par son bout 
près de celui de l'aile. Quatre cubitales; la première 
fort petite; la seconde , la plus longue de toutes, re- 
cevant les deux nervures récurrentes; Ja troisième 
presque carrée; la quatrième grande et évasée vers le 
bout de l'aile. Trois discoïdales distinctes et complètes. 
Limbe complet. 


Caractère du genre Pteronus, 1° famille. Jur. 
Partie brachiale comme dans le genre précédent. 
Partie caractéristique complète. Radiale grande. 
Trois cubitales ; la première recevant la première ner- 
vure récurrente, la seconde recevant la seconde récur- 
rente; ces deux cubitales à peu près égales. Disque 
complet, ainsi que le limbe. Première discoïdale pen- 
taygone. Première cellule du limbe fort large. 


Caractère alaire du genre Aulacus , Jur., PI. 2, 
ordre 3. Il est à peu près le même que le précédent. 
Il n’y a d’un peu remarquable comparativement que 
la figure quadrilatère de la première discoïdale et le 
rétrécissement de la première cellule du limbe. 


Caractère du genre Psen, Jur., PI. 3. Partie bra- 
chiale complète. Partie caractéristique complète. 
Quatre cubitales; la quatrième point commencée ( ce 
qui veut dire que le cubitus ne dépasse pas la troi- 


DES HYMENOPTÈRES, 69 


sième cubitale). Cellules du limbe confondues en- 
semble (ce qui veut dire que la nervure qui descend 
ordinairement de la troisième discoïdale vers le bord 
de l'aile manque dans l'aile dont il est question) et 
avec la quatrième cubitale ; deuxième cubitale rece- 
vant la première récurrente ; la deuxième récurrente 
aboutissant sur le cubitus en face de la nervure d’in- 
tersection des seconde et troisième cubitales. 


Caractère du genre Vespa, Jur. Partie brachiale 
complète. Partie caractéristique complète. Deuxième 
cubitale très-rétrécie vers la radiale (le côté commun 
à ces deux cellules étant fort court); la quatrième 
sensiblement commencée (Voyez par opposition le 
genre Psen); la deuxième recevant les deux nervures 
récurrentes. Disque complet fort long. Première dis- 
coïdale très-longue. Limbe complet. La première cel- 
lule confondue avec la quatrième cubitale ; la deuxième 


distincte (1). 


Quoique je croie avoir prouvé que les ailes four- 
nissent nombre de caractères qui peuvent aider à dis- 
tinguer les genres d'Hyménoptères, et qui doivent 
par conséquent être toujours exprimés dans la dia- 
gnose des genres pour en faciliter la distinction, je ne 
crois pas qu'un système alaire pur puisse suffire comme 
base unique, je ne dis pas à une méthode naturelle, 
mais même à un système supportable.Sans me conten- 


(1) Si je me suis souvent servi, dans cette explication, du sys- 
tème alaire des figures de Jurine, ce n'est pas que je n'y découvre 
quelques incorrections, de même que dans le texte qui les ex- 
prime. Il me suflisait de pouvoir donner de nombreux exemples 
des caractères que j'avais à expliquer et qui y sont représentés. 


70 HISTOIRE NATURELLE 


ter de citer ici l'opinion absolument conforme à celle 
que je viens d'énoncer, de M. Latreille (quoiqu'il y 
ail dérogé une fois ou deux), qu'un genre n’est pas 
suffisamment distingué par ses caractères alaires, s'ils 
ne sont soulenus par d’autres caractères de mœurs et 
de conformation , j'espère faire voir la nécessité de ce 
secours par des exemples qui m'ont toujours paru 
frappans. Je prie seulement ceux qui prendront la 
peine de me lire, de ne pas regarder ce que je vais 
dire comme une critique de ce qui a été fait avant moi 
par M. Jurine et par M. Latreille, mais bien comme 
le fruit d’un examen long et exact de ce qui peut rap- 
procher la méthode de la nature et la perfectionner. 

Jurine ayant , avec assez de raison, pensé que les 
ailes ont les mêmes caractères dans les genres Vespa 
et Odynerus (1); que les mandibules et les antennes, 
dans ces mêmes genres, ont des rapports, les a réunis 
dans un même genre sous le premier de ces noms. 
C'était une conséquence de son système purement 
artificiel de ne pas considérer les habitudes morales 
des Insectes comme un indice de leurs caractères ana- 
tomiques, et comme donnant aux modifications de 
ceux-ci une importance prépondérante. Voici le ca- 
ractère tel qu'il lexprime au genre Vespa : 

Cellule radiale, une grande. 

Cellules cubitales, trois : la première grande; la 
deuxième plus petite, resserrée dans sa partie anté- 
rieure, reçoit les deux nervures récurrentes; la troi- 


(1) Jurine a aussi confondu d’autres genres avec les Vespa, tels 
que les Polistes, Synagris et Eumenes de Latreille. Nous avons 
craint d'ermbrouiller le sujet que nous traitons en les mentionnant 
tons dans la discussion. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 71 


sième est presque carrée; on voit le commencement 
d'une quatrième cellule. 

Mandibules, larges ou 2longées, lisses où sillon- 
nées, et dentées différemment, selon la forme du 
ventre. 

Antennes, brisées , filiformes, grossissant un peu 
vers l'extrémité; le premier article très-long. 

Observations : 1°, Femelles et neutres armés d’un 
aiguillon piquant et caché, 2°. Yeux (:) profondé- 
ment échancrés; 3°. Ailes antérieures pliées. 

Sans objecter ici à Jurine que beaucoup de mâles 
Odynerus ont le dernier article des antennes aminci 
en épine recourbée contre l’avant-dernier, ce qui 
semble opposé à la définition qu’il donne de la forme 
des antennes, nous ferons remarquer que le plus ou 
moins de largeur, de longueur et de dentelures des 
mandibules sont ici d’un bien autre poids que le 
nombre et la forme des radiale et cubitales et le 
ployement longitudinal de l'aile, qui paraissent l'avoir 
déterminé à la réunion, puisque les premiers de ces 
caractères déterminent un instinct et des habitudes 
morales toutes différentes (2). En eflet, les Vespa 
vivent en société ; les Odynerus vivent solitaires. Les 
Vespa bâtissent des nids avec des matériaux (fibres 
ligneux ) rapportés d’ailleurs ; les Odynerus les creu- 
sent dans la terre ou dans le bois. Les Vespa nour- 
rissent au jour le jour leurs larves, et cette nourri- 


(1) Ce caractère se retrouve dans les Apius on ( Trypoxylon 
Latr.). 

(2) De plus je ne vois pas clairement, même par les termes dont 
il s'est servi dans ses caractères, ce qni a pu l'engager à séparer le 
genre Stizus du genre Vespa, dont au fond il lui attribue tous les 
caractères alaires, mandibulaires et antennaires. 


72 RISTOIRE NATURELLE 


ture consiste principalement en sucs végétaux plus 
ou moins sucrés; les Odynerus ne voient jamais leurs 
petits éclos, et leur préparent seulement à l'avance 
une provision de larves d'Insectes qu'ils dévoreront 
à leur sortie de l'œuf. Aussi la bouche des Vespa est 
propre, quant aux mandibules fortes et courtes, à 
détacher des fibres de bois, et, quant à la langue 
large et en cœur, à recueillir des sucs liquides ; tan- 
dis que les mandibules alongées des Odynerus fouil- 
lent la terre et portent des larves, et que la langue 
étroite et longue des mêmes ne peut que suflire à 
sucer le miel qui soutient leur propre vie. Les Vespa 
dégorgent incessamment la nourriture à leurs petits ; 
les Odynerus sont incapables de le faire. 

Il est étonnant que M. Latreille lui-même se soit 
laissé séduire par les conformités d'ailes , et que, sous 
le nom de Diploptères, il réunisse des genres de 
mœurs si différentes. Il est vrai qu'il subsiste encore 
un préjugé qui a bien pu agir sur ces auteurs célè- 
bres, qui attribue une vie presque entièrement de 
proie aux Vespa, comme il est certain qu'est celle 
des larves O lynerus. Nos expériences nous ayant 
prouvé le contraire, nous en appelons à l’observa- 
tion qui vérifiera ce que nous avancons ici. On a 
pris l’exception pour la règle, l'effet de la disette 
pour l'appétit habituel, et l'abus du mot proie a fait 
confondre le vol des sucs des fruits avec l'enlèvement 
d’un Insecte vivant. 

Le système fondé sur les parties de la bouche 
( {nstrumenta cibaria) n'a pas même réussi, employé 
seul, comme il l’a été par Fabricius, à rapprocher la 
méthode de la nature et à rendre les caractères géné- 
riques faciles à saisir. Il n’a pas rendu l'étude plus 


DES HYMÉNOPTÈRES. 73 
facile, au moins pour les Hyménoptères, quoique ce 
fût une idée séduisante de croire que leur nourriture 
devait avoir, comme dans certains Coléoptères, des 
rapports avec leur instinct. Ona puse persuader , à la 
première vue, que des Hyménoptères fouisseurs, qui 
enlèvent des larves et Insectes vivans, se préparaient 
à en faire leur proie personnelle; leurs longues et 
fortes mandibules à dents acérées prétant encore à 
leur assimilation comparative avec les Carabiques. 
Idée, parallèle chimérique ; puisque, le cas rare de di- 
sette excepté, tous les Hyménoptères à l’état parfait 
vivent de miel, et, dans le besoin , d’autres sucs végé- 
taux; que si la faim les force à attaquer d’autres In- 
sectes et à les déchirer, ce sont les sucs végétaux dont 
ceux-ci se sont nourris quils poursuivent (1) jusque 
dans leur abdomen. Si la bouche des Hyménoptères est 
variée dans la forme de ses parties, c’est parce qu’elle 
est dans l’Insecte parfait l'expression de la bouche de la 
larve ou de l'emploi que certaines de ses parties doi- 
vent avoir pour construire et approvisionner le nid 
de la postérité. Au reste, la meilleure preuve de la 
défectuosité du système employé par Fabricius, est 
l'examen des genres du Systema Piezatorum, dont 
près du tiers contient des espèces appartenant à des 
genres caractérisés dans ce système, différens de ceux 
où l’auteur les à placées. Fabricius a quelquefois 
mis le mâle dans un genre et la femelle dans un autre. 
Ces fautes sont graves et peuvent s'éviter par la 


(1) Ainsi nous avons vu les Coryna scrophulariæ et vespiformis 
et la Tenthredo viridis attaquer et sucer des Diptères ou même 
des Téléphores Oliv., par une chaleur trés-vive et une sécheresse 
prolongée depuis quelques jours, qui rendait le miel rare. 


74 _ HISTOIRE NATURELLE 


considération des autres parties, et surtout de celles 
qui dénotent l’industrie des espèces pour leur conser- 
vation spécifique, dans quelque portion du corps 
qu'elles soient situées , et les caractères alaires peuvent 
y contribuer aussi beaucoup. 

Il nous semble donc qu'on doit prendre les carac- 
tères des genres partout où il se trouve des diffé- 
rences , en n'oubliant surtout point celles qui déno- 
tent l'instinct conservateur des espèces, et que tel 
est le moyen de rapprocher la marche de la science 
de celle de la nature. J'ai vu avec grand plaisir 
qu'ainsi réformée, la méthode s’éloignait peu de celle 
de M. Latreille, que je reconnaîtrai toujours pour 
mon guide. ? 


DES HYMÉNOPTÈRES, 75 


DE L’HEYMENOPTÈRE 


EN GÉNÉRAL. 


L'HymévoprÈre en général est un Insecte qui, dans 
son état parfait, a la soucHE composée de deux Man- 
DIBULES , de deux MacHoiREs, d'un LABRE et d’une LÈVRE. 
Le corrs est, comme celui des Insectes des autres 
ordres, composé d'une TÊTE, d’un corsezer et d'un 
ABDOMEN. Les membres sont deux ANTENNES attachées 
à la tête, quatre ailes attachées au corselet, et six 
pattes également dépendantes de celui-ci. 

La TÊTE se compose, à sa partie antérieure, de la 
BOUCHE, qui en occupe la partie inférieure. Aux côtés 
du labre , entre celui-ci et les yeux, est, de chaque 
côlé, une petite portion qu'on appelle sove. Au- 
dessus immédiatement du labre et des joues se trouve 
la race ( dont la partie inférieure est le cHAPEROoN), 
que les yeux bordent latéralement et qui se termine 
supérieurement à l'insertion des antennes. Encore au- 
dessus est le FronT, bordé latéralement par les yeux, 
et à sa partie supérieure par les ocelles. Les veux 
occupent les côtés de la tête, et le verrex est la partie 
au-dessus des yeux , du front et des ocelles. La partie 
postérieure de la tête est, vers son milieu , attachée 
au cou, qui est la partie antérieure du PROTHORAX. 
Les oceczes, situés entre le front et le vertex, sont 


76 HISTOIRE NATURELLE 


placés en triangle , en ligne courbe ou en ligne droite; 
ils sont ordinairement au nombre de trois, quelquefois 
on n’en aperçoit qu'un, le plus souvent ils sont tous 
distincts. Mon savant ami Léon Dufour a observé un 
Pompilus qui n’en a pas de visibles. 

Les antennes, insérées sur la limite respective de 
la face et du front, sont composées d'articles dont le 
nombre est variable et souvent considérable ( dépas- 
sant le nombre vingt) dans le deuxième sous-ordre 
que nous établirons. Dans le premier, ces articles 
sont régulièrement au nombre de douze dans le sexe 
féminin, et de treize dans les mâles , sauf quelques 
exceptions existant quelquefois en même temps dans 
les deux sexes, quelquefois dans les mâles seulement ; 
mais ces exceptions sont plutôt des apparences que 
des réalités, comme nous espérons le démontrer, lors- 
que nous traiterons des genres qui les offrent. 

La nourriture de tous les Hyménoptères à l’état 
parfait, est le miel, et d’autres sucs végétaux sucrés ; 
rarement, dans les sécheresses, lorsque les vivres de 
prédilection leur manquent, quelques-uns se jettent 
sur d’autres Insectes, les éventrent et sucent leurs 
parties molles (1). L'orsane chargé de recueillir cette 
nourriture liquide est la LANGUETTE , extrémité anté- 
rieure de la lèvre. La lèvre, insérée à la partie posté- 
rieure du gosier, ou pharynx, est au moins, à son 
extrémité, membraneuse et accompagnée latéralement 


(1) Cette dernière manière d'agir est tout-a-fait exceptionnelle ; 
j'en donnerai pour preuve que j'ai toujours observé que les mâles 
n'ont jamais cet appétit, qui ne se trouve que dans les femelles 
dont les besoins sont en rapport avec leur postérité et le devoir de 
la nourrir. loy. dans le cours de cet ouvrage les articles Formica, 
Vespa et Tenthredo. 


DES HYMÉNOPTÈRES, 7% 
de deux mächoires, qui prennent naissance sur les 
côtés du pharynx ; celles-ci sont chargées, par _leur 
pression latérale ondulatoire, de faire parvenir au 
gosier les sucs ramassés par la languette : la lèvre 
porte deux palpes, et les mâchoires en ont aussi cha- 
cune un. Les palpes sont des espèces de petites an- 
tennes dont les articles varient de nombre et de 
formes; leur fonction paraît être, comme dans les 
autres Insectes, d'odorer les corps pour reconnaitre 
leurs qualités, et surtout s'ils sont propres à la nour- 
riture. De chaque côté au-dessus des mâchoires, entre 
leur base et la partie inférieure des yeux, prennent 
naissance les Mannisuces , qui, dans le repos, se croi- 
sent en devant sur la base de la lèvre et le bord infé- 
rieur du Lagre : elles sont plus ou moins arquées, 
larges ou longues, épaisses ou minces, entières ou 
dentées, suivant l’emploi auquel elles sont destinées 
dans chaque genre. 

Le Laser, placé à peu près à la position occupée 
dans d’autres animaux par la lèvre supérieure, recou- 
vre la partie supérieure de la lèvre : il est inséré 
à la partie inférieure du chaperon entre les mandi- 
bules. Dans l’action de recueillir la nourriture, la lèvre 
et les mâchoires se meuvent ensemble, et forment par 
leur réunion une espèce de fausse trompe, au mouve- 
ment de laquelle participe la pièce qui se trouve sous 
l'insertion de la lèvre, nommée le menron par M. La- 
treille. 

Le coRsELET est composé de trois segmens, mais, 
vu en dessus, il fait voir quatre parties distinctes : 
1° le PROrHoRAx , sa partie antérieure, ordinairement 
fort étroite, s’'amincissant en devant en un cône plus 
ou moins long, qui est le cou et qui porte la tête ; 


78 HISTOIRE NATURELLE 


2° le raorax proprement dit, ou mésothorax, partie 
moyenne et ordinairement la plus étendue du corselet ; 
3° le MÉTATHORAx (1), partie postérieure du corselet 
ordinairement un peu plus petit, rarement plus long 
que le mésothorax ; 4° entre le mésothorax et le méta- 
thorax se trouve, sur le dos du corselet, une pièce 
ordinairement scutelliforme , rarement carrée, que 
de sa forme la plus ordinaire on appelle écusson ; a la 
partie inférieure de cette pièce, que son élévation fait 
distinguer, il en existe souvent une autre linéaire et 
transversale, presque toujours aussi élevée, que l’on 
peut nommer le post-écusson. Les membres qui dé- 
pendent du corselet sont importans ; ce sont ceux qui 
servent à la locomotion : celle-ci s’opère par fe vol et 
par la marche. 

Les membres qui servent au vol sont les aires ; elles 
sont au nombre de quatre, membraneuses , c’est-à- 
dire qu’elles n’admettent de parties qui puissent pa- 
raître cornées que les nervures et le point épais; 
nues , c'est-à-dire qu'elles ne sont pas revêtues, même 
en partie, d’écailles ; veinées, c'est-à-dire que leurs 
nervures ne forment pas un réseau; inégales entre 
elles | les supérieures étant toujours plus grandes que 


(1) « Le métathorax proprement dit, selon M. Latreilie, est or- 
dinairement intimement uniavec le premier segment abdominal. » 
Je ne conçois pas cette phrase, et je crois qu'on ne doit appeler ab- 
domen que cette portion du corps qui paraît dans la plupart des 
Hyménoptères distincte du corselet parce qu'elle en est séparée par 
un étranglement et presque pédiculée. Je ne nie pas la présence 
d'un stigmate sur le métathorax, je ne nie pas les fouctions qu'on 
attribue à ce segment, mais il me piraît plus simple de parler 
comme voient mes yeux. Au reste, voyez la note ajoutée au titre 
de la famille des Porte - Scie dans l'extrait que nous avons fait de 
la méthode de M. Latreille. Cet auteur attribue au corcelet une 
pattie du premier segment äbdominal. 


DES HYMENOPTERES, 79 


les inférieures. Elles sont insérées à la partie élevée 
des côtés du corselet, savoir, les supérieures entre le 
prothorax et le mésothorax, et les inférieures sur les 
confins de celui-ci et du métathorax. 

Les membres dépéndans du corselet qui servent à 
la marche sont les PArTEs, au nombre de six ; elles 
sont insérées en dessous du corselet, et composées de 
diverses parties qui contribuent la plupart à ses mou- 
vemens: 1° la HANCHE, qui pourrait être regardée 
comme appartenant au corselet, y étant adhérente 
sans arliculation ; le TROocHANTER, séparé de la hanche 
par une articulation; la cuisse ésalement articulée; la 
JAMBE l’étant aussi, ainsi que le rarse toujours com- 
posé de cinq articles également articulés entre eux; 
le cinquième ordinairement conique , implanté sur le 
quatrième par le sommet du cône, et portant à son 
extrémité deux ongles ou crocurrs, entre lesquels on 
aperçoit d'ordinaire des recores. Plusieurs des parties 
des pattes fournissent par leur forme différencielle 
des caractères analogues aux mœurs. 

L'abdomen , composé d’un nombre de segmens va- 
riable selon les genres dans l’un des sous-ordres des 
Hyménoptères , n’est plus variable que par rapportau 
sexe dans l’autre. 11 est inséré à l'extrémité du méta- 
thorax, sessile, c’est-à-dire adhérent presque par 
toute sa largeur, dans une partie des genres du premier 
sous-ordre, ou, dans les autres, simplement implanté 
sur cette portion postérieure du corselet par la pointe 
antérieure de son premier segment, qui est conique 
ou même amincie en pédicule. De l'abdomen dépend, 
comme membre, dans l'un des sous-ordres, l’oviscapre, 
que jusque-là les auteurs ont qualifié de tarière. 
L'oviscapte est une prolongation de l’ovinucre : celui- 


50 HISTOIRE NATURELLEF 

ci, absolument intérieur , amène de l'ovaire l'œuf à la 
partie extérieure, c'est-à-dire a la base de l'oviscapte 
entièrement extérieur, qui est chargé de la recevoir 
et de l'introduire dans le corps aux dépens duquel de- 
vra vivre la larve qui en éclora. Pour exécuter ce 
dépôt, l’oviscapte perce réellement le corps dans le- 
quel l’œuf doit être déposé. L'aiauiLLox se trouve dans 
l’autre sous-ordre et dans une tribu douée d'oviscapte ; 
entièrement intérieur dans le repos, et par conséquent 
pouvant à peine être qualifié de membre, il n'a ni 
communication avec l'oviducte, ni aucune fonction à 
remplir dans la ponte; il sert aussi à percer, et est 
employé par les Hyménoptères à déposer dans la plaie 
qu'il fait, non pas un œuf, mais une liqueur acide qui 
excite une douleur assez forte à l’être vivant quiena 
été blessé. 

À près avoir défini assez brièvement l’'Hyménoptère 
en général , il nous reste à indiquer ce que cette défi- 
pition ajoute aux caractères par lesquels nous avons 
vu qu'il se distingue des autres ordres de la classe des 
Insectes. 

Dans ce sens caractéristique de l’ordre des Hymé- 
noptères; nous croyons pouvoir dire que les mächoires 
en méme temps ne pouvant pas servir à la mastica- 
tion , distinctes de la lungue, et formant, en lui ser- 
vant de gaine, avec elle une fausse trompe qui re- 
cueille la nourriture et l'amène au gosier (pharynæx), 
semblent former un caractère qui n'appartient qu'a 
l’ordre des Hyménoptères et le distingue de tous les 
autres ordres d’Inséctes. 


DES. HYMÉNOPTÈRES. 81 


CARACTÈRES DONT ON PEUT SE SERVIR POUR SÉPARER 
EN SOUS-ORDRES, DIVISIONS, FAMILLES , TRIBUS ET 
GENRES, 


La méthode Latreillienne étant la première et la 
seule où les habitudes morales des Hyménoptères 
aient influé sur la classification, on peut se dispenser 
d'examiner dans quel ordre Linné, Degéer et Fabri- 
cius ont classé les genres qu’ils ont admis, ordre plu- 
tôt systématique que naturel, si l’on doit supposer 
que ces auteurs eussent un système en mettant un 
genre après ou avant un autre, et en plaçant en même 
temps dans un même genre, ce qui est souvent arrivé, 
des espèces destructrices l’une de l’autre. 

Quant à la méthode de notre iliustre compatriote, 
nous avous fait voir qu'elle est en plusieurs points im- 
parfaite , qu'elle admet des rapprochemens peu na- 
turels, et éloigne, en d’autres cas, des êtres de mœurs 
fort rapprochées et même identiques. 

Mais où doit-on prendre les caractères qui nous 
feront approcher de l'ordre naturel dans le classement 
des familles, des tribus et des genres? Sera-ce dans la 
nourriture de l’Insecte à l’état parfait et dans la con- 
formation des parties de la bouche, qui semble au 
premier coup d'œil devoir être l'expression écrite de 
cette partie des habitudes essentielles ? Il n’en est 
malheureusement pas de l'appétit des Iyménoptères 
adultes, comme de celui des Coléoptères parvenus à 
ce dernier période de leur vie. Les Carabiques et les 
Cicindelètes vivent de proie, c’est-à-dire d’autres 
Insectes qu'ils tuent; les Nécrophores et les Staphy- 
lins de corps morts, les Lamellicornes de matières 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 6 


32 HISTOIRE NATURELLE 


végétales, tantôt mélées à des sucs animaux ( les ex- 
crémens des mammifères), tantôt pures et vivantes 
encore (les feuilles et les fleurs des végétaux). On 
n’essaiera pas ici hors de propos une énumération de 
la manière de vivre des Coléoptères à l’état parfait, 
qui de’ plus ne pourrait être complète dans l'état 
actuel de la science. 11 semble cependant possible 
qu'un jour ces diflérentes manières de vivre influassent 
davantage que le nombre des articles des tarses dans 
la formation des divisions de l’ordre des Coléoptères. 

Quant au classement des Hyménoptères , la nourri- 
ture des Insectes parfaits n’y peut influer, parce 
_qu’elle ne varie pas. + fréquentent les fleurs et se 
nourrissent de miel, et, faute de celui-ci, de sucs 
végétaux, tels que la séve des arbres et le jus des 
fruits. Si quelques Tenthrédines, par exemple la 
Coryna scrophulariæ, attaquent quelquefois et éven- 
trent d’autres Insectes, ce n’est qu'une exception à la 
règle, que cette espèce et un petit nombre d’autres 
n’enfreignent même que rarement, et, d'après ce que 
j'ai vu; alors seulement que la chaleur momentanée à 
séché le miel des fleurs. 

Les Fourmis et les Guêpes paraissent aussi faire 
une exception à la règle, mais elle n’est que spécieuse. 
‘Comme l’on trouve souvent ces Hyménoptères sur les 
fleurs, et qu'on les y voit sucer le miel, on doit 
croire qu'il est une partie essentielle de leur nour- 
riture, et l’on peut penser qu'ils vont l'enlever 
jusque dans les entrailles des Insectes qui se sont £or- 
gés de cette liqueur sucrée. Nous avons trouvé sou- 
vent, dans les nids des Polistes, des cellules pleines 
de miel, et M. Auguste de Saint-Hilaire en a trouvé 
de même dans les nids du Polistes Lecheguana qu’il 


Ne 


DES HYMÉNOPTÈRES. 83 


observa au Brésil. Ce voyageur même en mangea une 
assez grande quantité pour s’en trouver incommodé, 
et soupconner une qualité vénéneuse dans ce miel. 
J'ai goûté celui du Polistes gallica sans éprouver le 
même inconvénient. 

Les grosses espèces de Guëêpes se jettent aussi quel- 
quefois sur des morceaux de viande dans les bouche- 
ries; mais ce fait rare ne peut être attribué qu'à la 
disette momentanée de la nourriture ordinaire, et 
beaucoup de nids sont trop éloignés des boucheries 
pour que leurs habitans puissent ÿ avoir recours. 

Ge que nous venons de dire des Guëpes en parti- 
culier, s'applique presque en entier aux Fourmis ; 
mais nous verrons de plus que plusieurs espèces de 
celles-ci établissent chez elles des colonies de Coc- 
cus et d'Aphis, et savent même les aller trouver au 
dehors. Ge leur est une nécessité, dans les temps de 
disette, de se servir pour leur nourritureet celle de leurs 
larves, des liqueurs sucrées que ces Insectes rendent, 
qui ne sont que des sucs végétaux à peine modifiés 
par le très-court séjour qu'ils ont fait dans le corps de 
l'Insecte, sans y suivre en entier, dans plusieurs, les 
voies digestives. 

Tous les autres Hyménoptères qu'on trouvera 
tuant, blessant ou transportant des larves, des In- 
sectes parfaits , ou même des Arachnides, l’expérience 
prouve que ce n’est pas pour leur nourriture, mais 
pour celle de leurs larves. Il pourrait se trouver des 
entomologistes qui, regardant avec quelque raison, 
dans les Coléoptères, le prolongement des parties de la 
bouche comme un caractère significatif d'un appétit 
carnassier, voudraient appliquer la même idée aux 
Hyménoptères dont les parties de la bouche, et sur- 

6. 


84 HISTOIRE NATURELLE 


tout les mandibules sont prolongées ; mais l'observa- 
tion, s'ils veulent s’y livrer, leur prouvera que ces 
Hyménoptères ont à porter des fardeaux plus lourds, 
des proies plus pesantes, pour approvisionner leurs 
nids, et ont en conséquence besoin de leviers plus 
longs et plus forts. Il n’en est pas de même des Co- 
léoptères, qui n’ont aucun travail analogue à exécuter. 

L'expérience prouve qu'il n’est pas un seul genre 
d'Hyménoptères dont les espèces, à l’état parfait , ne 
se trouvent sur les fleurs, occupées à en sucer le 
miel. Il est vrai qu'une partie fait, de cette récolte, 
une occupation beaucoup plus sérieuse que d’autres, 
parce que, outre leur nourriture propre qui est ex- 
trêmement peu considérable (1), ils y trouvent, tant 
dans le pollen des étamines que dans le miel, les pro- 
visions qu'ils sont chargés de fournir journellement 
ou une fois pour toutes, à leur postérité souvent très- 
nombreuse ; mais toutes y trouvent leur nourriture 
ordinaire. 

Quoique la nourriture soit la même pour tous les 
Hyménoptères à l’état parfait, il s’en faut de beaucoup 
que la bouche de tous soit uniforme; bien qu'elle soit 
ordinairement compôsée des mêmes parties, et que 
le nombre de la plupart de ces parties ne varie point 
pour la plupart d’entre elles, il s'en faut de beaucoup 
qu’elles soient faites chacune sur un même modèle 
pour tous les genres. La raison en est simple et se 
trouve dans les différens emplois que prennent ces 
parties pour la construction des nids et la prépara- 


(1) Ainsi plusieurs mâles s'accouplent et meurent sans avoir pris 
de nourriture à l'état parfait. Il en est de même dans d'autres or- 
dres: les Bombyx mori, et autres, les Ephémères des deux sexes, 
exemples incontestables d'une diète absolue pendant l'état parfaits 


DES HYMÉNOPTÈRES. 89 


tion des matériaux qui y sontemployés , ainsi que pour 
leur transport. Qutre cette raison, la forme de la fleur 
où telle espèce doit chercher sa nourriture, peut mo- 
difier la forme des parties de sa bouche. C’est ce que 
nous expliquerons, autant que possible, dans l’histoire 
de chaque genre. Il paraît touteïois utile de dévelop- 
per ici quelques généralités sur ce sujet. 

La langue (ou languette, Latr.) est courteet étroite, 
en général, dans les Hyménoptères qui n’ont pas à 
récolter des sucs végétaux pour d’autres usages que 
leur propre vie (la plupart des Hyménoptères, et no- 
tamment les Tenthrédines, les Ichneumonides, les 
Chrysidites et les Fouisseurs ). | 

La langue s’allonge, ou au moins s’élargit, quand 
elle est destinée à la récolte des sucs végétaux miel- 
leux , non plus seulement pour la nourriture de l’in- 
dividu, mais bien plus encore pour l’approvisionne- 
ment du nid, et lorsque par conséquent elle doit 
récolter la nourriture d'un grand nombre d'individus. 

La langue est longue, lorsque cette longueur lui est 
nécessaire pour atteindre le miel ans le fond des 
fleurs tubulées et concaves, telles que celles des 
plantes labiées ou didynames, où le récoltent sou- 
vent les Apis, les Bombus, les Anthophora et autres. 

Il est plus que probable que la langue des Euglossa 
ne se rétrécit, en atteignant ou même surpassant la 
longueur du corps, que parce qu’elle doit principale- 
ment aller chercher le miel au fond des tubes longs et 
étroits des fleurs tubulées , et notamment des plantes 
rubiacées de l'Amérique méridionale (1). 


(1) Ainsi, dans un autre ordre, les Lépidoptères, la longueur de 
la trompe, qui remplit les mêmes fonctions pour la nourriture que 


86 HISTOIRE NATURELLE 


La langue est élargie dans les Formica , les Diplop- 
tères sociaux, les Collètes, parce qu’elle récolte les 
sucs mielleux sur des surfaces à peu près planes, 
telles que les petites fleurs qui composent les parasols 
des plantes ombellifères , l'écorce des arbres des fentes 
de laquelle ils s’échappent ; ou les fruits qu'ont enta- 
més leurs mandibules. Cette forme a encore , dans la 
plupart des Hyménoptères que nous venons deciter, 
un autre usage extrêmement important, c'est de per- 
mettre à l'Insecte de seservir de sa langue comme d’une 
truelle, pour étendre et lisser la matière plus ou moins 
liquide, dont il forme les cellules, qui doivent servir 
de berceau à sa postérité. 

Les mâchoires subissent dans ces diflérens cas des 
modifications analogues. 

Les palpes sont longs dans la plupart des Ichneu- 
monides et des Fouisseurs, qui ont d'assez difficiles 
investigations à faire pour trouver la proie destinée à 
la nourriture de leur postérité. On sait que ces orga- 
nes sont le siége d’un sens analogue à l’odorat et au 
toucher : ils sont aussi des moyens auxiliaires de 
préhension. 

Les palpes deviennent courts, peu apparens, ou 


la langue des Hyménoptères, varie de même et par les mêmes rai- 
sons. Celle de l'Acherontia Atropos atteint à peine trois lignes de 
longueur. Ce Sphingide s'accouple probablement sans manger, et 
si quelquefois il vit long-temps à l'état parfait, c'est en hiver, épo- 
que où presque tous les Insectes parfaits s'engourdissent et ne 
mangent plus. Tandis que placés près de lui dans l'ordre naturel, 
mais vivaut pendant les chaleurs, les Sphinx convolvuli, Carolina 
et autres ont la trompe beaucoup plus longue que le corps, pour_ 
pouvoir atteindre le miel au fond des corolles creuses des Convol- 
vulus et du long tube de celles des Nicotiana, Nictago, etc. Il serait 
néanmoins ridicule de dire aujourd'hui avec Fabricius (Syst. Piez, 
pag. 7), bouche ayant des mächoires et des palpes sans langue. 


DÉS HYMÉNOPTÈRES. 87 


méme en partie nuls, pour les nombreux Hyménop- 
tères dont les larves sont nourries de miel, facile à 
trouver, puisque les fleurs annoncent de loin sa pré- 
sence, et que les antennes, souvent vibratiles, suffi- 
sent pour le trouver. 

La forme des articles des palpes est aussi varia- 
ble, surtout celle de l’article apical, sans qu'il nous 
soit facile d'apprécier les motifs de ces différences. 

Les mandibules sont variables quant à leur forme, 
leur épaisseur, leurs dentelures et leurs dimensions 
respectives de longueur et de largeur : 

1° Quelquefois selon le sexe. Il n’est pas rare de 
trouver que les mâles, dans certains genres, les ont 
plus longues et plus menues que leurs femelles; celles- 
ci les ayant destinées à des travaux, tandis que celles 
des mâles ne sont utiles qu'à embrasser le cou de la 
femelle dans l’accouplement. 

2° Les femelles, qui ont à bâtir ou à couper des ma- 
tériaux pour leurs nids, les ont proportionnellement 
plus épaisses et plus tranchantes. 

3° Celles qui ont des fardeaux lourds à porter, les 
ont proportionnellement plus longues, ainsi qu'il a 
été expliqué plus haut. 

4 Une modification bien remarquable, on peut 
dire étonnante, a lieu dans la forme et l'emploi des 
mandibules des ouvrières Hétérogynides d'une même 
espèce. Plusieurs observateurs ont remarqué dans les 
fourmilières, des individus de cette modification fémi- 
nine à mandibules plus ou moins larges et fortes: celles 
qui les ont les plus faibles ainsi, occupées à la 
chasse de la récolte seulement ; celles à fortes mandi- 
bules, restant à la fournulière, et ne sortant que pour 
attaquer,mettre à mort et dépecer les ennemis qui me- 


88 HISTOIRE NATURELLE 


nacent l'établissement. Ce fait et cette conformation 
ontété vérifiés par M. Huber fils, célèbre observateur 
des Abeilles et des Fourmis. Ils ont été revus par feu 
M. Carcel en [talie ; celui-ci a vu mettre à mort, au 
moyen de la décollation, opérée par ces individus 
extraordinaires, un scorpion qui menaçait de passer 
sur unefourmilière d'une assez petite espèce. Un voya- 
geur très-croyable, M. le Prieur, a, dit-on, remarqué 
que les colonnes d’une des espèces de Fourmis connues 
en Amérique sous le nom de fourmis de visite ( Atta 
Latr.), colonnes composées d’ouvrières à mandibules 
courtes, qui vont au pillase, sont côtoyées de fort 
près par d’autres ouvrières à mandibules très-longues, 
dont l’emploi est d'arrêter les individus qui s’écartent 
de la colonne et pourraient se perdre, et de les re- 
mettre dans le droit chemin. (M. Latreille lui-même, 
trompé par cette conformation, aurait à tort formé, 
sous le nom de Eciton Latr., un genre de ces individus 
si extraordinairement conformés.) Au moyen de leurs 
longues mandibules, elles saisissent et remettent dansle 
droit chemin les individus qui s'égareraient probable- 
ment sans elles, ou en entraîneraient d’autres et dimi- 
nueraient la force de la colonne allant en expédition. 
Ce dernier fait, au reste, a besoin de confirmation. 
D'après ce que nous venons de dire en peu de mots 
des parties de la bouche des Hyménoptères adultes, 
des raisons qui modifient leur forme, sujet sur lequel 
nous aurons à nous étendre davantage à chaque genre, 
et de leur manière de vivre pendant cette phase de 
leur existence, il serait, généralement parlant, im- 
possible de tirer de ces considérations isolées, des ca- 
ractères suflisans pour la fondation de divisions, 
familles ou tribus. Cela est d'autant plus évident , 


DES HYMÉNOPTÈRES,. 89 


que les modifications de ces parties ont souvent des 
motifs tirés d’habitudes morales qui n’ont aucune 
relation avec la nourriture de l'Hyménoptère parfait. 

Mais appeler à caractériser les divisions ; familles et 
tribus , toutes les parties du corps de l’'Hyménoptére 
adulte dont la forme est l'expression de ses habitudes 
morales et même de sa vie sous la forme de larve, pa- 
raît être un pas fait vers la méthode naturelle, et tel 
est le but de cet ouvrage. 

Nous croyons devoir à l'hyménoptériste un détail 
court, mais exact, de ces parties, ainsi que de leur 
usage, indicatif des habitudes morales et de la vie des 
larves, et nous la donnerons en caractérisant les divi- 
sions, les familles et les tribus. Il nous suflira ici du 
petit nombre de généralités que nous venons de dé- 
velopper. 

Il semble que l’Auteur de la création, en formant 
les êtres les a faits dans le but de faire exécuter tels ou 
tels travaux, remarquables ou non, mais toujours 
utiles à l’ordre général ou à la beauté de la totalité 
créée , et la variété de ces travaux, qui ajoute à la 
beauté de l’ensemble, a motivé une grande diversité 
dans les outils faits pour leur exécution. C'est donc en 
suivant l’'Hyménoptère dans les différentes positions 
où il se trouve, et dans les travaux qu'il exécute, 
que nous reconnaïitrons les parties caractéristiques sur 
lesquelles peuvent se fonder les divisions naturelles 
de l’ordre. 

L'Hyménoptère subissant une métamorphose com- 
plète vient au monde sous la forme d'œuf, prend celle 
de larve, et croît sous cette forme où il prend beau- 
coup de nourriture : cette croissance est accompagnée 
de changemens de peau, qui permettent aux parties 


90 HISTOIRE NATURELLE 


intérieures d'occuper plus d'espace, et sont occasionés 
par la pression des parties internes développées par 
l’intussusception des parties de la nourriture anima- 
lisées par la digestion. Un nouveau changement de 
peau, lorsque la croissance est parfaite, fait paraître 
l’'Hyménoptère sous une nouvelle forme qu'on appelle 
nymphe : 1l ne prend sous cette forme aucune nour- 
riture, n'a point d'organe disponible de locomotion, 
et reste dans un parfait repos; c’est pendant ce repos 
que les parties, molles dans la larve, se solidifient en 
partie, et surtout à l'extérieur. Au bout d'un temps 
plus ou moins long, un dernier changement de peau 
permet à l'Insecte parfait de se montrer, et dès le pre- 
mier moment, il sera tel qu'il restera toujours pour la 
taille; seulement l’abdomen pourra croître en gros- 
seur et longueur dans les femelles, les œufs venant à 
occuper plus d'espace après leur fécondation ; car c’est 
sous cette dernière forme que l'Hyménoptère devient 
adulte, c’est-à-dire qu'il s’accouple et produit des 
êtres semblables à lui, qui subiront les mêmes 
phases de forme et d'existence. 

Pour réussir, l'œuf ne peut être abandonné au ha- 
sard ; il doit être placé dans des circonstances conve- 
nables par la mère. 

Tantôt il doit être déposé simplement près de la 
nourriture préparée à la larve. Alors la ponte n'a 
point d’organe extérieur et visible ; l'anus de la femelle 
est susceptible de s'ouvrir largement; lors de cette 
ouverture, il laisse apercevoir une large cavité au 
fond de laquelle est un orifice, qui est celui de l'ovi- 
ducte. L’œuf sorti de l’oviducte par cet orifice tombe 
dans la cavité anale, et celle-ci, s’ouvrant, le laisse 
glisser le plus souvent à la place où il doit être sur ou 


DES HYMÉNOPTÈRES. 91 


à côté de la nourriture préparée d'avance , que la larve 
consommera. Mais, parmi les espèces qui nourrissent 
leur postérité de vivres fournis chaque jour, lesunes 
(les Apiaires et les Diploptères sociaux) les fixent 
sur la place qu'ils doivent occuper, les autres les lais- 
sent libres, obligées qu’elles sont de les transporter 
dans différentes parties de l'habitation. 

Tantôt l'œuf doit être placé dans l'intérieur de 
corps plus ou moins solides. Il fallait à la mère un 
moyen de l’y déposer, un outil conformé de manière à 
pouvoir pénétrer à une profondeur plus ou moins 
grande dans le corps qui doit receler son œuf. Cet or- 
gane, qui sert à introduire et à cacher l’œuf, est 
toujours extérieur, et nous le nommons en général 
oviscapte. 

Cette considération, partageant en deux divisions à 
peu près égales l’ordre des Hyménoptères, servira à 
les séparer en deux sous-ordres, sous les noms 
d'Ovitithers et d'Oviscapters. 


1° Sous-ORDRE. 
HYMÉNOPTÈRES OVITITHERS. 


Caractères. Anus s’ouvrant largement horizontale- 
ment, contenant une cavité (1) dans laquelle est 
l'ouverture de l’Oviducte, et qui recoit momentané- 
ment l'œuf, qui est posé à découvert, lorsque l'anus 
s'ouvre pour le laisser sortir. 

Point de prolongement extérieur de l’oviducte. 


(1) Cette cavité, qui contient aussi l'aiguillon dans le repos, est 
représentée par Réaumur , Mèm. tom. V, PL 29, fig. 1. 


92 HISTOIRE NATURELLE 

Abdomen toujours composé de cinq segmens et de 
l'anus dans les femelles , en ayant un de plus dans 
les mâles. 


Antennes de douze articles dans les femelles, de 
treize dans les mâles. ( Ce dernier caractère admet 
quelques exceptions , plutôt apparentes que réelles, 
ce que nous espérons démontrer, aux senres qui pa- 
raissent sous ce rapport différer des autres. ) 


Un aiguillon dans les femelles, ou au moins des 
glandes anales qui éjaculent la même liqueur acide 
que l’aiguillon. (Ce caractère, toujours constant dans 
les Hyménoptères Ovitithers, se retrouve par excep- 
tion dans toute une famille des Hyménoptères Ovi- 
scapters, les Chrysidites.) Point d’oviscapte. 


Les Hyménoptères Oritithers vivent en état de 
larve, les uns de miel et de liqueurs végétales sucrées; 
les autres de larves, d’Insectes parfaits où même 
d’Arachnides. Cette considération nous porte àles sé- 
parer en deux divisions, savoir, les Phytiphages et les 
Zoophages. 


1 Drvisron. 


LES OVITITHERS PHYTIPHAGES. : 


Caractères. Antennes coudées. 

Langue courte, presque en cuiller, un peu voûtée 
ou longue, et se réunissant avec les mâchoires pour 
former une sorte de trompe, propre sous ces deux 
formes à ramasser les liqueurs végétales sucrées. 


DES HYMÉNOPTÈRES. O3 


r 


Nourriture des larves : les mêmes liqueurs végé- 
tales sucrées qui servent à l'Insecte parfait. 


Les Ovitithers Phytiphages, tantôt construisent 
des nids pour y loger ieur postérité, tantôt pondent 
dans des nids préparés pour d’autres. Cette considé- 
ration fournit deux subdivisions que nous nommerons 
les Nidifians et les Parasites. 


1e Subdivision, Les PayTIPHAGES NIDIFIANS. 


Caractères. Ils sont tous fournis d’un appareil 
interne pour pouvoir dégorger et mettre à portée de 
leurs petits, les liqueurs sucrées qu'ils avalent d’abord 
et qui subissent une modification qui commence à les 
animaliser, dans leur estomac et dans la vésicule ven- 
trale où elles sont recues en dépôt. Ils sont tous pour- 
vus à l'extérieur d'organes, au moyen desquels ils 
exécutent la construction de leurs nids et apportent 
les matériaux et les vivres nécessaires. Mais cette 
construction étant très-variable de forme, de solidité 
et de situation, on concevra facilement que les orga- 
nes employés changent également de forme, de soli- 
dité et de situation. Ceux qui servent à l'apport des 
vivres, subissent aussi des changemens de situation 
et de forme. Ces deux considérations deviendront 
par conséquent des caractères génériques par leurs 
modifications, tandis qu’en général la présence des 
organes de construction et d'approvisionnement carac- 
térise parfaitement cette subdivision. 


94 HISTOIRE NATURELLE 


Les Phytiphages nidifians vivent en société ou iso- 
Jément. De là ils se divisent en Nidifians sociaux et 
en Nidifans solitaires. 


1e SEecrion. LES NIDIFIANS SOCIAUX. 


Un grand pas vers la civilisation pour l’animal doué 
de raison est la société ; mais , avant d’être en société 
nombreuse (1), l'homme avait une âme que le don 
divin de raison rendait susceptible de progrès vers la 
perfection physique et même morale, et surtout de 
perfectibilité industrielle. La faculté de comparer 
l'utilité des choses , de leurs formes, de leurs attributs 
innombrables et deleurs combinaisons, est chez lui le 
résultat de la raison qui produit lé raisonnement. 

Quant aux animaux, et particulièrement aux In- 
sectes qui nous occupent spécialement , nous ne leur 
pouvons attribuer, dans leurs méthodes d'agir, aucun 
perfectionnement appréciable par nous, quoique nous 
connaissions les principaux traits d'industrie de plu- 
sieurs, depuis bien des siècles. Nous pouvons trou- 
ver chez eux certaines variations dans les procédés 
des individus d'une même espèce pour opérer le 
même résultat, ce qui suppose une sorte de compa- 
raison entre ces procédés ; mais les circonstances qui 
les font varier, sont peu nombreuses, et les mêmes 
ont toujours les mêmes suites. Cet esprit de compa- 
raison , que nous démontrerons chaque fois que nous 
en trouverons l’occasion , n’a jamais mené les Insectes 
à l'abandon total de leur méthode ordinaire, pour en 


(1) Par société nombreuse, j'entends toutes celles qui ont admis 
plus qu'un homme, la femme et par suite les enfans. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 0 
adopter une plus parfaite, et ne suppose pas par 
conséquent la raison. 

L'homme n’a jamais vécu dans la nature en état 
d'isolement total, et la famille fut certainement la 
première société. L'homme créé avec la raison imma- 
térielle, avec une âme , aida d’abord ses enfans, parce 
qu'il sentit qu'ils avaient besoin de lui; mais ils l’ai- 
dèrent dès que l’âge et la force le leur permirent. Il 
ne les éloigna pas de lui quand ils purent sufire à 
leurs besoins, et, s’il l’eût fait, la vieillesse l’eût forcé 
à les rappeler pour aider sa débilité, comme il avait 
soigné Jeur enfance dans sa faiblesse. L’aigle apprend 
à voler et à chasser à ses petits; mais sa famille est 
imparfaite, parce qu'il les force ensuite à s'éloigner 
de lui. Il n’en résulte pas de société, parce que les 
services rendus sont tous d’un côté sans réciprocité, 
et que par conséquent aucun raisonnement, apanage 
de la raison, ou même seulement de l'esprit de com- 
paraison , ne la démontre utile. Dans l’homme, au 
contraire, la raison démontra, par le moyen de la 
famille, la nécessité et les agrémens de la société. 
Aussi subsiste-t-elle , et l'isolement n’existe nulle part 
pour l’homme. Je pense qu'aujourd'hui on ne fera au- 
cune objection à cette assertion, les récits multipliés 
des voyageurs modernes ayant prouvé la fausseté des 
assertions des sophistes du siècle dernier , qui rabais- 
saient l’homme à l'isolement , à cet état de néant des 
idées raisonnables. 

Les Insectes, et par conséquent les Hyménoptères 
même sociaux, Comme tous les animaux privés de 
raison, sont cependant doués d’un certain esprit de 
comparaison dont nous sommes forcés, par les faits, 
d'admettre l’existence, sans en bien connaître toute la 


96 HISTOIRE NATURELLE 


“ 


portée, vu le peu de rapport de leurs sens avec les 
nôtres. L'état de société, où vivent quelques Hymé- 
noptères , est-il une amélioration produite par cet 
esprit de comparaison ? Il paraît qu’on doit nier cela 
et les supposer créés dans un état de société aussi par- 
fait à son commencement qu'il l’est aujourd’hui; ce 
que semble démontrer, d’après ce que nous avons dit, 
l'histoire ancienne de plusieurs d’entre eux, compa- 
rée à leur état actuel. 

Mais, par sa nature même, cet état social exigeant 
non-seulement des vues communes, mais aussi des 
services réciproques, et produisant des ouvrages très- 
remarquables , suppose des facultés et une organisa- 
tion physique bien au-dessus de celle des êtres du 
même ordre qui vivent isolés, et parmi lesquels les 
auteurs précédens les avaient confondus. Il les place, 
comme les Hyménoptères les plus parfaits, à la tête 
de l’ordre. Cela nous paraît plus naturel que de les 
réunir dans une même section , famille ou tribu , ou, 
comme cela est arrivé plusieurs fois, dans le même 
genre ; avec ceux qui aflament et détruisent leur pos- 
térité, et notre marche nous semble plus conforme 
aux progrès que les sciences naturelles font en ce 
moment. 


Caractères. Espèce consistant en mâles et femelles ; 
celles-ci toujours placées dans chaque espèce dans 
deux conditions différentes , les unes ayant leurs ovai- 
res développés et étant fécondes, les autres les ayant 
oblitérés et infécondes (1). 


(1) Je sais bien que ce caractère ne suflit pas seul pour distin- 
guer, dans l'individu mort, sec et apporté de loin, l'espèce 


DES HYMÉNOPTÈRES. 97 

Les Nidifians sociaux vivent, les uns en sociétés per- 

manenies, c’est-à-dire durant plusieurs années; les 

autres n’y restent que pendant la belle saison, et 

leur société se dissout, lorsque l'hiver approche. 

D'où ils sont Sociaux pérennes, ou Sociaux an- 
nuels. 


1° LES SOCIAUX PÉRENNES, 
ie Fame. HÉTÉROGYNIDES. 


Caractères. Langue arrondie , voutée, presque en 
cuiller, plus courte que la tête. 
Miles ailés. 


Femelles fécondes , ailées depuis fleur sortie de la 
nymphe jusqu’après l’accouplement , perdant ensuite 
leurs ailes. 

Femelles infécondes n’ayant jamais d'ailes. 

Antennes très-vibratiles ; celles des femelles sur- 
tout allant un peu en grossissant vers le bout; pre- 
mier article égalant à lui seul à peu près le tiers de 


appartenant à cette section des flyménoptères Ovitithers Phyti- 
phages sociaux ; mais les caractères génériques ramèneront facile- 
ment au classement régulier. Qui peut se flatter de bien classer 
dans son cabinet tel ou tel animal, même quadrupède et bien 
plus gros, et par conséquent ayant toutes ses parties bien plus dé- 
veloppées que nos Insectes? On en citerait dont le genre est ca- 
ractérisé et bien différent de tous les autres quadrupèdes, tandis 
que l'ordre auquel ils appartiennent est encore contesté. On ne 
connaît bien une espèce que lorsqu'on l'a étudiée dans ses mo- 
difications sexuelles et même dans celles de l’un des sexes, sil’'un 
des sexes en admet. Ce n'est pas dans le cabinet, mais dans la 
nature, qu'il faut étudier les grandes divisions que celle-ci nous 


permet de faire, et là on vérifiera facilement le caractère que 
nous donnons à cette section. 


HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 7 


98 HISTOIRE NATURELLE 


l'antenne; le deuxième presque aussi long que le 
troisième, de la forme à peu près d’un cône ren- 
versé, ‘ 
Labre des femelles infécondes, grand, corné, tom- 


bant perpendiculairement sous les mandibules. 


Histoire des Hétérogynides, 


Si l’instinet social met les Hyménoptères sociaux à 
la tête de leur ordre, une plus grande perfection de 
cet instinct paraît devoir mettre les Hétérogynides à 
la tête des familles qui partagent cet avantage avec 
eux. En vain, leur prévoyance, qui avait inspiré à 
un sage roi, savant à observer les œuvres admirables 
de Dieu, l’idée de renvoyer le paresseux à l’exemple 
de la Fourmi (nom commun à tous les Hétérogyni- 
des),a-t-elle été calomniée par le vulgaire et traitée 
de pillage, et niée par des naturalistes qui ont voulu 
croire que les provisions qu’elle fait pour l'hiver, sont 
rendues inutiles par le froid. Observant qu’elles s’en- 
gourdissaient lors des gelées un peu fortes, ils ont 
prononcé de suite qu’on avait eu tort de louer leur 
industrieuse prévoyance (1), sans réfléchir que cer- 
tains hivers presque entiers (tel que celui de 1833- 
1834, où nous avons observé à Saint-Germain-en- 
Laye ce que nous rapportons ici ), et une partie de 
tous , sont assez tempérés pour que l’engourdissement 


(à) On lit dans l'Histoire naturelle des Insectes (Suite à Buffon), 
Déterville, an x, tom. III , P- 41 et 42 : « On croit communément 
» que les matériaux entassés par les Fourmis sont destinés à leur 
» servir de nourriture pendant l'hiver; en conséquence , on a beau- 
» coup loué leur industrieuse prévoyance. Cependant c’est un fait 


DES HYMÉNOPTÈRES. 99 
ne soit pas absolument continu ; mais qu’ordinaire- 
ment, dans ce cas, la pluie et la boue empêche- 
raient les Fourmis de pouvoir se procurer des vi- 
vres, si leur éminente prévoyance ne leur en avait 
fait un magasin, où elles trouvent le nécessaire sans 
sortir de la maison. 


Dans tous les mois de l'hiver mentionné plus haut 
j'ai vu des Fourmis se promener dans les environs 
de leurs fourmilières , et, comme à cette époque elles 
ne pouvaient trouver de vivres, il est plus que pro- 


bable que leurs forces étaient entretenues par leurs 
provisions domestiques. 


Quant au reproche de pillage, pour sensé 
doit croire que la terre et ses productions sont à 
chaque espèce d'animaux, selon ses besoins, comme 
à lui. 

Si après avoir vengé la Fourmi de ces deux repro- 
ches peu fondés nous parlons de ses qualités sociales, 
nous les trouverons plus secourables les unes pour les 
autres , chacune dans leur espèce, qu'aucun autre 
Hyménoptére social. Jamais une Fourmi n’en ren- 
contre une de son espèce, blessée, sans l’enlever et 
la transporter à la fourmilière. L’y soigne-t-elle? 
Je ne sais, mais je vois dans ce fait une bienveil- 


lance que je ne retrouve dans aucun autre Insecte, 
même social. 


_ 


connu aujourd'hui et confirmé par les meilleurs observateurs , 
que le froid engourdit les Fourmis de manière à ne point leur 
laisser la faculté d'user de ces provisions. C’est donc à tort qu’en 


leur attribuant nos vertus, on les a comparées au père de fa- 
» mille. » 


» 


7: 


109 HISTOIRE NATURELLE 


Si j'examine l'Hétérogynide sous le rapport de 
l'esprit de comparaison, celte partie si remarquable 
de l'instinct dont j'ai déjà parlé, ne dois-je pas en 
voir la perfection, autant qu'elle est possible, dans 
un Insecte qui sait construire et nettoyer sa maison, 
élever ses petits, approvisionner la famille, qui fait 
d’abord tout cela lui-même et le plus minutieusement ; 
mais qui, sentant la volupté qu’il yaura dans lerepos, 
vient à bout de se procurer des serviteurs affectionnés 
qui font toute la besogne du service domestique et 
lui en épargnent les fatigues. Ces serviteurs sont des 
prisonniers de guerre cependant ; mais il ne se trou- 
vera pas parmi eux un seul Spartacus, parce qu'ils 
ont été enlevés si jeunes, que devenus Insectes par- 
faits seulement depuis leur esclavage et par les soins 
assidus de leurs maîtres, ils ne connaissent de patrie 
que celle où ils font le service, lequel est au reste le 
même dans celle de circonstance qu'il eût été dans 
la véritable (1). 

Les peuples anciens, qui étaient dans l’usage d’avoir 
des esclaves, ont souvent donné des armes à ceux-ci et 
les ont mélés dans leurs troupes. Il n’est personne qui 
ne sente l’inconvénient de cette conduite. Nos Hétéro- 
gynides vont en guerre quand ils ont besoin de ser- 
viteurs, mais ils n'emmènent pas ceux qu'ils ont déjà. 
L'esprit de comparaison neleur dirait-il pas qu'ils au- 
raient à craindre la désertion ? 

Ce n’est que dans la famille des Hétérogynides que 


(1) Voy : 1° Recherches sur les mœurs des Fourmis indigènes 
par P. Huber à Paris et à Genève, Paschoud , 1810, chapitres 7 
et 8; 20 les ouvrages de Latreille qui a yu les mêmes faits et les 
a fait voir à plusieurs illustres sayans. 


DES HYMÉNOPTÈRES. IOI 


se trouve un instinct aussi élevé, et c'est ce qui la 
met à la tête de toutes les autres. 

Leur architecture paraît au premier coup d'œil au- 
dessous de celle des autres Hyménoptères sociaux 
pérennes ; mais, examinée de près , elle mérite autant 
d'admiration : ce que l’on va voir dans la description 
de leurs habitations. 

Toute habitation d’une société d'Hétérogynides re- 
coit communément le nom de fourmilières , et ses 
habitans celui de Fourmis. Les fourmiliéres diffèrent 
beaucoup par les matériaux et la forme de leurs con- 
structions, et l’on peut même dire qu'elles sont aussi 
variées que les espèces qui les habitent et qui y mon- 
trent chacune leurs vues particulières. On peut pour- 
tant, ne voulant en traiter ici qu’en général, réduire 
à deux modèles la généralité de ces constructions, et 
dire simplement que les Hétérogynides bâtissent les 
unes en terre et les autres en bois. 

C’est d’abord en creusant que ces nouveaux Tro- 
glodites commencent leurs maisons. Sans altérer la 
solidité des matières qu’elles minent , elles en enlèvent 
des portions, de manière à y former des salles, des 
chambres, des corridors disposés les uns au-dessus 
des autres, et se communiquant entre eux par des 
passages souvent verticaux. La particule de maté- 
riaux enlevée est portée dehors par l’individu qui l’a 
détachée de la masse, non pas comme chose inutile, 
mais comme pouvant servir ailleurs. Celles qui tra- 
vaillent en terre mettent la terre retirée au-dessus 
des'étages souterrains. L'instinct de quelques-unes de 
celles-ci les portant à abriter leur fourmilière au moyen 
d’un grand amas de différens matériaux, tels que des 
brins de paille, des fragmens ligneux, des graines , 


102 HISTOIRE NATURELLE 


de petites pierres, des feuilles et même des débris 
desséchés d’Insectes, tous objets qui ne peuvent pas 
servir à leur nourriture; la terre retirée sert à former, 
au milieu de ces objets si peu solides d'eux-mêmes et 
que sans cela le moindre vent pourrait enlever, des 
couches dont le poids les maintient. Ces couches ont 
souvent assez d'épaisseur pour que nos Hétérogynides 
y pratiquent des chambres et des galeries , comme 
dans les étages souterrains. Toujours l’amas de ces 
débris et les couches de terre qui le partagent forment 
des voûtes qui protégent le nid. 

Les autres mineuses en terre, qui ne font pas au- 
dessus de leur fourmilière un amas tel que celui que 
nous venons de décrire, composé de toutes sortes de 
matières de diverse origine, placent seulement au- 
dessus de leur nid et de la surface du sol, la terre re- 
tirée de leurs fouilles souterraines, avec laquelle elles 
fabriquent des chambres , des magasins et des étages 
supérieurs. Quelques-unes n’aimant point à s’exposer 
sans nécessité au soleil, dans leurs courses pour aller 
chercher des vivres, construisent avec cette terre des 
galeries ascendantes le long des tiges des arbustes et 
des plantes, qui les conduisent à leur abri jusqu'aux 
fleurs, aux fruits, ou aux familles de Pucerons qui 
fournissent pour leurs larves une nourriture abon- 
dante. 

Les Hétérogynides qui travaillent en bois, s’établis- 
sent dans des arbres déjà attaqués par les larves 
d’autres Insectes, tels que les Cossus parmi les Lé- 
pidoptères, les Lucanus, les Cetonia , les Céramby- 
cins et nombre de Longicornes, et même d'autres 
Coléoptères qui percent le bois en s'en nourrissant. 
Les trous pratiqués par ceux-ci, toujours plus larges à 


DES HYMÉNOPTÈRES. 103 


leur embouchure, qui a fourni passage à l’Insecte 
parfait ou à sa larve lorsqu'elle à eu pris son accrois- 
sement, ont introduit dans l’intérieur de l'arbre l’eau 
des pluies qui en a pourri le bois. Nos travailleuses 
détachent les parties de bois qui ont le moins de co- 
hérence en les réduisant, au moyen de leurs mandi- 
bules, en une espèce desciure, et, transportant celle-ci 
dehors, elles forment en dedans différens étages de 
chambres, de galeries, de corridors, séparés entre 
eux par des planchers et des murs, et soutenus par 
des piliers qu’elles ont laissés en profitant des parties 
les plus solides du bois, ou qu’elles élèvent elles- 
mêmes avec la sciure qu’elles avaient précédemment 
ôtée, et à laquelle elles rendent de la solidité et de la 
cohésion en la pétrissant entre leurs mandibules avec 
des sucs glutineux qu'elles tirent de leur estomac. 
Nous ne nous étendrons pas davantage dans ces gé- 
néralités sur l’architecture des Hétérogynides , devant 
quelquefois y revenir, pour montrer la différence 
des espèces, non-seulement dans leurs caractères 
physiques, mais aussi dans les procédés moraux. 

Les chambres, les galeries, les corridors si mul- 
tipliés , les passages dont nous venons de parler, sont 
d’une nécessité absolue dans toute fourmilière, pour 
le service public. 

Les premières contiennent, les unes des amas 
d'œufs ; les autres des larves ou des nymphes , d’au- 
tres enfin des femelles fécondes. Comme chacun de 
ces états exige, de la part des ouvrières ou femelles 
infécondes ; des soins différens, ils sont séparés de 
logemens, et même les larves de femelles fécondes 
sont séparées de celles qui seront infécondes, parce 
qu'elles doivent recevoir une nourriture différente. 


4 


104 HISTOIRE NATURELLE 


On connaît , dans d’autres Hyménoptères sociaux , la 
liqueur nourricière qui donne la fécondité ; elle n’est 
pas encore connue dans les Hétérogynides, parce 
que celles-ci ne font point d’amas de la nourriture 
destinée aux larves, mais la récoltent au jour le jour 
dans leur estomac et la leur dégorgent immédiatement. 
IL n’en est pas moins d’une apparente vérité que la 
fécondité et l’infécondité des individus d’un même 
sexe, condition commune à toutes les femelles des 
Hyménoptères sociaux pérennes , doit dépendre d’une 
seule et même cause. Or, cette cause étant dans les 
Abeilles une nourriture particulière et bien connue, 
nous ne pouvons pas soupçonner que l'effet de l’édu- 
cation étant le même dans toutes les espèces qui vivent 
en société durable, la cause ne soit pas uniforme 
dans tous. 

Quoique, ainsi que nous l'avons dit en général 
pour tous les Hyménoptères Ovitithers, les larves des 
Hétérogynides soient privées d'organes de locomotion, 
si les larves, qui doivent être élevées différemment, 
étaient placées pêle-mêle, ou seulement dans la même 
chambre, il pourrait se faire des méprises qui dé- 
truiraient la distinction qui existe et qui par conséquent 
doit exister entre ces différentes conditions, confon- 
draient les devoirs de chacun , et mettraient le trouble 
dans la société. 

Les femelles fécondes ont aussi des demeures d’où 
elles ne sortent guère, si ce n’est à l’époque voisine de 
celle où elles sont devenues Insectes parfaits, où elles 
ont encore leurs ailes, et où elles vont chercher dans les 
airs leurs mâles et la fécondité. Privées ensuite deleurs 
ailes par les ouvrières ou femelles infécondes, et rame- 
nées par elles, dans les demeures qui leur sont affectées, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 105 
chaque fois qu'elles veulent s'en écarter ; elles y sont 
nourries par celles-ci , qui leur présentent , au bout de 
leurs trompes, les liqueurs nourrissantes qu’elles ont 
en dépôt dans leur estomac. 

Quand il y a des mâles dans les fourmilières, ils sont 
libres d'entrer dans les appartemens des femelles, 
mais il ne parait pas qu'il en résulte à l'intérieur des 
accouplemens. Lorsque le moment est venu auquel les 
mâles et les femelles, destinés à donner progéniture, 
doivent s’accoupler, ces deux sexes sortent simulta- 
nément de la fourmilière et s'élèvent à l’aide de leurs 
ailes dans les airs. Les mâles étant beaucoup plus 
nombreux que les femelles fécondes , peu d’entre eux 
ont les honneurs d’une postérité. Cependant Huber, 
cité plus haut, a cru voir rarement entre quelques- 
uns de ceux-ci et des ouvrières un simulacre d’accou- 
plement qui n’a pas dû amener de fécondité, puisque 
la dissection ne fait distinguer aucun ovaire dans 
celles-ci. Les mäles meurent souvent dans l’accouple- 
ment, comme je m'en suis assuré, en prenant et gar- 
dant sous mes yeux des mâles et femelles accouplés. 
Les autres mâles une fois sortis de la fourmilière n’y 
rentrent plus, et meurent bien vite , ne sachant ni la 
retrouver ni chercher de la nourriture. Les femelles 
fécondées le sont pour toute la durée de leur vie, et 
deviennent successivement mères d’une postérité pres- 
que innombrable. 

Les femelles infécondes, que j'appellerai doréna- 
vant ouvrières, ont bien des travaux à exécuter, 
comme l'indique cette dernière qualification. 

Le premier est la construction de la fourmilière , et 
nous pensons que ce que nous avons dit de son archi- 
tecture indique assez les fatigues sans nombre qu'ont 


106 HISTOIRE NATURELLE 


à essuyer pour cette partie de leurs occupations nos 
infatisables et actives célibataires. Mais, outre la 
construction primitive, souvent un accident renverse 
ou comprime une partie de l'édifice : il faut prompte- 
ment réparer le dégât qui entraînerait ordinairement 
la perte d'une portion de la population et de la 
postérité. À force de travaux, celles qui n’ont pas 
péri par le désastreux événement, sont bientôt reti- 
rées des décombres par celles qui sont restées libres ; 
les œufs , les larves, les nymphes, sont découverts et 
replacés dans d’autres chambres en attendant la re- 
construction de celles qui ont été détruites, à laquelle, 
après ces premiers soins de bienveillance, on procède 
sans perdre de temps, en faisant autant que possible 
concorder les nouvelles bâtisses avec les anciennes. 
Lorsque la population de la fourmilière augmente ; il 
devient aussi nécessaire d'augmenter les logemens , et 
le courage de nos ouvrières augmente avec leur nom- 
bre. Dans les fourmilières dont les étages inférieurs 
ont été exécutés dans la terre , les ouvrières trouvent, 
dans une mine qu'elles fouillent au-dessous de celles 
qui existent, des matériaux pour un étage supérieur 
qu’elles élèvent en même temps. 

Dès que la fourmilière est construite, les femelles 
sont placées dans les chambres inférieures les plus 
éloignées du danger. C’est sur leur existence qu'est 
fondé l'espoir entier de la durée de la société. On 
veille près d’elles pour fournir à tous leurs besoins. 
Des ouvrières entretiennent leur propreté en léchant 
avec leur langue toutes les parties de leur corps ; d’au- 
tres, en rentrant de la picorée , leur présentent au bout 
de la trompe les sucs qu’elles ont été chercher si loin, 
et qu'elles n'ont amassés souvent qu'après un bien 


DES HYMÉNOPTÈRES. 107 


grand nombre d’allées et de venues. Combien a-t-il 
fallu parcourir de terrain, escalader de plantes ou 
même d'arbres , visiter de fleurs ou de Pucerons, pour 
amasser cette goutte de liqueur sucrée que l’ouvrière 
donne à la femelle féconde qui souvent n’est pas sa 
mère, mais seulement celle de ses camarades ? Celle- 
ci paraît la recevoir comme un hommage dû, et l’on 
pourrait dire que les travaux de l’ouvrière n’ont 
d'autre récompense que la vue de la prospérité géné- 
rale, et qu’elle jouit seulement ainsi du bien qu’elle 
fait. 

Dès qu’une des femelles fécondes a pondu un œuf, 
celui-ci est transporté par une ouvrière dans la partie 
du logement destiné aux œufs de son espèce et de son 
sexe. Ces œufs reçoivent ici des soins multipliés, qui 
sont nécessaires pour qu'ils réussissent. Il ne s’agit 
point de les couver, mais de leur faire éprouver, selon 
le besoin, les variations de la chaleur et de l'humidité, 
plus ou moins fortes d’après les variations de tem- 
pérature intérieure et extérieure : ce qui force les 
ouvrières de transporter plusieurs fois, dans le jour, 
ces œufs d’un étage à un autre. On a remarqué que les 
œufs des Hétérogynides augmentent de volume d’une 
manière assez remarquable ; on a vu aussi les ouvrières 
faire passer les œufs entre leurs mandibules et les en- 
duire en même temps d’une liqueur. Il est à croire 
que cette liqueur est absorbée par l’œuf et profite à 
l'embryon qu'il renferme. 

La larve n’est pas plutôt sortie de l’œuf qu’elle est 
portée par l’ouvrière dans la salle qui convient à son 
sexe et à la modification de sexe de l’Insecte parfait ; 
celle-ci, pour les femelles, paraissant dépendre de la 
nourriture que recevra la larve. Là elle est nourrie, 


108 HISTOIRE NATURELLE 
léchée , choyée, nettoyée et aidée dans ses changemens 
de peau. 

L'Insecte devenu nymphe est encore changé de 
domicile. 

Il paraît à propos de compléter ici ce que j'ai à 
dire des Hétérogynides sous l’état de larve et de 
nymphe; je ne crois pas pouvoir mieux faire que 
d'emprunter quelques passages à leur excellent obser- 
vateur, M. Huber, que j'ai déjà cité plus haut ( Hub. 
ut suprà , p. 73 et suivantes), d'autant que nous con- 
tinuerons en même temps l’'énumération des travaux 
des ouvrières, dont les soins pour ces êtres faibles 
sont nombreux et empressés. 

« Au bout d’une quinzaine de jours, , dit cet auteur, 
» le ver (la larve) sort de la coque de l’œuf. Son corps 
» est d’une transparence parfaite, et ne présente 
» qu’une tête et des anneaux, sans aucun rudiment de 
» pattes ou d'antennes. L'Insecte , à cet âge, est dans 
» une dépendance absolue des ouvrières. 

» J'ai pu suivre, au travers des vitrages de la four- 
» milière artificielle tous les soins qu'elles prennent 
» de,ces petits vers qui portent aussi le nom de larves. 
» Ils étaient gardés à l'ordinaire par une troupe de 
» Fourmis, qui, dressées sur leurs pattes et le ventre 
» en avant, étaient prêtes à lancer leur venin, tandis 
» qu’on voyait çà et là d’autres ouvrières occupées à 
» déblayer les conduits embarrassés par des matériaux 
» hors de place, et qu’une partie de leurs compagnes 
» demeuraient dans un repos complet et paraissaient 
» endormies. 

» Mais la scène s’animait à l'heure du transport des 
» petits au soleil. Au momént où ses rayons venaient 
» éclairer la partie extérieure du nid, les Fourmis 


» 


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DES HYMÉNOPTÈRES. 109 
qui se trouvaient à la surface, partaient aussitôt et 
descendaient avec précipitation dans le fond de la 
fourmilière , frappaient de leurs antennes les autres 
Fourmis, couraient de l’une à l’autre, pressaient, 
heurtaient leurs compagnes, qui montaient à l’in- 
stant sous la cloche, redescendaient avec rapidité, 
et mettaient à leur tour tout en mouvement, jus- 
qu'à ce quon vit un essaim d’ouvrières remplir 
tous les passages. Mais, ce qui prouvait encore 
mieux le but qu’elles se proposaient, c’est la vio- 
lence avec laquelle ces ouvrières saisissaient quel- 
quefois, par leurs mandibules, celles qui parais- 
saient ne pas les comprendre, et les entrainaient 
au sommet de la fourmilière, où elles les abandon- 
naient aussitôt pour aller chercher celles qui res- 
taient auprès des petits. 

» Dès que les Fourmis étaient averties de l’appari- 
tion du soleil, elles s’occupaient des larves et des 
nymphes; elles les portaient en toute hâte au-dessus 
de la fourmilière, où elles les laissaient quelque 
temps exposées à l'influence de la chaleur. Leur 
ardeur ne se ralentissait pas : les larves de femelles, 
beaucoup plus grandes et plus pesantes que celles 
des autres castes, étaient transportées avec assez 
de difficultés au travers des passages étroits qui 
conduisaient de l’intérieur à l'extérieur de la four- 
milière, et placées au soleil à côté de celles des 
ouvrières et des mâles : quand elles y avaient passé 
un quart d'heure, les Fourmis les retiraient et les 
mettaient à l’abri de ses rayons directs, dans des 
loges destinées à les recevoir, sous une couche de 


chaume, qui n'interceptait pas entièrement la 
chaleur. 


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» 


10 HISTOIRE NATURELLE 


» Les ouvrières, après avoir satisfait aux devoirs 
qui leur sont imposés à l'égard des larves, ne pa- 
raissaient pas s’oublier elles-mêmes; elles cher- 
chaient à leur tour à s'étendre au soleil ; elles s’en- 
tassaient les unes sur les autres, et semblaient 
jouir. de quelque repos , mais il n’était pas de 
longue durée. On en voyait toujours un grand 
nombre travailler au-dessus de la fourmilière ; d’au- 
tres rapportaient les larves dans l'intérieur, à me- 
sure que le soleil s’abaissait; enfin, le moment de 
les nourrir étant arrivé , chaque Fourmi s’appro- 
chait d’une larve et lui donnait à manger. 

» Les larves des Fourmis, dit M. Latreille (cette 
citation est dans le texte de M. Huber), ressemblent, 
lorsqu'elles sortent de l’œuf, à de petits vers blancs 
sans pattes, gros, courts et d’une forme presque 
conique ; leur corps est composé de douze anneaux ; 
sa partie antérieure est plus menue et courbée. On 
remarque à sa tête, 1°. deux petites pièces écail- 
leuses, qui sont deux espèces de crochets trop écar- 
tés l’un de l’autre pour pouvoir étre considérés 
comme de véritables dents ; 2°. au-dessous de ces 
crochets , quatre petites pointes, ou cils, deux de 
chaque côté, et un mammelon presque cylindrique, 
mou, rétractile, par lequel la larve reçoit la bec- 
quée. » (Latr.) 

« Les Fourmis ne préparent point aux larves des 
provisions de bouche, comme le font plusieurs 
espèces d’Abeilles et tant d’autres Insectes qui pour- 
voient d'avance aux besoins de leurs petits; elles 
leur donnent chaque jour la nourriture qui leur 
convient. L'instinct des larves est assez développé 
pour qu'elles sachent demander et recevoir directe- 


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CA 


DES HYMÉNOPTÈRES,. 111 


ment leur repas, comme les petits des oiseaux le 
recoivent de leur mère. Quand elles ont faim , elles 
redressent leur corps et cherchent avec leur bouche 
celle des ouvrières qui sont chargées de les nourrir ; 
la Fourmi écarte alors ses mandibules, et laisse pren- 
dre aux larves, dans sa bouche même, les fluides 
qu’elles y cherchent. J'ignore s'ils subissent quelque 
préparation dans le corps des ouvrières... Je pré- 
sume cependant qu'elles proportionnent leur régime 
à l’âge et au sexe de chaque individu; qu’elles leur 
dégorgent aussi des sucs substantiels, lorsqu'ils 
sont plus prêts de leur métamorphose, et qu'elles 
en donnent davantage aux larves des femelles qu'a 
celles des mâles..... Suivons encore les ouvrières 
dans les derniers soins qu’elles rendent aux larves ; 
il ne sufhisait pas de les porter au soleil et de les 
nourrir , il fallait encore les entretenir dans une 
extrème propreté : aussi ces Insectes, qui ne le 
cèdent en tendresse pour les petits, dont la direc- 
tion leur est confiée, à aucune des femelles des 
grands animaux, ont-ils encore l'attention de pas- 
ser leur langue et leurs mandibules à chaque instant 
sur leur corps, et les rendent-ils, par ce moyen, 
d’une blancheur parfaite : on voit encore les Four- 
mis occupées à tirailler leur peau, à l’étendre et à 
la ramollir, près de l’époque de leur transformation. 
» Avant de se dépouiller de cette peau, les larves 
de plusieurs Fourmis se filent une coque de soie, 
comme beaucoup d’autres Insectes : c’est là qu’elles 
doivent, sous la forme de nymphe, se préparer à 
leur dernière métamorphose. Cette coque est cylin- 
drique, alongée, d’un jaune pâle , très-lisse et d’un 
tissu fort serré. 


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12 HISTOIRE NATURELLE 


» Une singularité remarquable, dont on n’a pas 
encore découvert la cause, c’est qu'il y a des Four- 
mis dont les larves ne filent pas; mais cette excep- 
tion n’a lieu qu’à l'égard des espèces qui ont un 
aiguillon et deux nœuds au pédicule de l'abdomen : 
ainsi , il y a des larves qui se transforment dans une 
coque de soie, et d’autres qui deviennent nymphes 
sans être obligées de filer. . .… 

» L’Insecte dans l’état de nymphe a acquis la forme 
qu'il aura toujours ; il ne lui manque que des forces 
et un peu plus de consistance; il est aussi grand 
qu'il doit être. Tous ses membres sont distincts; 
une seule pellicule les enveloppe. 

» La Fourmi, sous cette forme, continue à se mou- 
voir quelques instans après être sortie de l’état de 
larve ; mais bientôt elle devient d’une immobilité 
complète; elle change graduellement de couleur, 
passe du plus beau blanc au jaune pâle, puis au 
roux, et, dans plusieurs espèces , devient brune et 
presque noire : on voit déjà les rudimens des ailes 
dans celles qui sont destinées à voler. Ces nymphes 
ont encore bien des soins à attendre des ouvrières; 
la plupart sont renfermées dans un tissu qu’elles 
ont filé avant de se métamorphoser; mais elles ne 
savent pas, comme celles de beaucoup d'autres 
Insectes, sortir de leur coque d’elles-mêmes, en y 
faisant une ouverture avec leurs dents : elles ont à 
peine la force de se mouvoir; leur coque est d’un 
tissu trop serré et d’une soie trop forte pour qu'il 
leur soit possible de la déchirer sans le se- 
cours des ouvrières. Mais comment ces infatiga- 
bles nourrices découvrent-elles le moment conve- 
nable pour les en tirer ? Si elles étaient pourvues de 


DES HYMÉNOPTÈRES. 113 
l’ouïe (r), on pourrait croire qu’elles reconnaissent, 
qu'il en est temps, à quelque bruit produit dans 
l'intérieur de la prison par l’Irsecte dont le déve- 
loppement a commencé; mais rien n'indique qu’elles 
aient la faculté d'entendre; peut-être s’apercoivent- 
elles, à l’aide de leurs antennes, de légers mouve- 
mens, qui leur annoncent l’époque où elles doivent 
libérer leur prisonnier; car ces organes sont d’une 
sensibilité dont il serait difhcile de se former une 
juste idée. Quoi qu'il en soit, elles ne s’y trompent 
jamais. Suivons-les encore dans ce travail, où elles 
déploient, à l'égard de leurs élèves, un zèle et une 
constance qui seraient déjà dignes de notre atten- 
tion, si elles étaient les propres mères de ces In- 
sectes, et qui sont bien plus étonnans quand on 
pense qu’elles n’ont quelquefois d’autre rapport 
avec eux que celui d’être nées sous le même toit. Il 
y avait, dans une des cases les plus spacieuses de 
ma fourmilière vitrée, plusieurs grandes coques de 
femelles et de mâles. Les ouvrières rassemblées 
en ce lieu paraissaient s’agiter autour d'elles ; j'en 
vis trois ou quatre, montées sur une de ces coques, 
s’efforcer de l’ouvrir avec leurs dents à l’extrémité 
qui répondait à la tête de la nymphe. Elles com- 
mencèrent par amincir l’étofle, en arrachant quel- 
ques soies à la place qu'elles voulaient percer, et 
bientôt, à force de pincer et de tordre ce tissu si 


(1) Sans aucune preuve directe, M. Huber prive les Hétéro- 


gynides du sens de l'ouïe, probablement par la seule raison qu'il 
n'en connaît pas le siége. (V’oy. ce que nous avons dit plus haut 
sur les sens des Insectes en général.) Il aurait pu conclure d'une 
manière diamétralement opposée du fait qu'il vient de rapporter, 
sans donner plus aux conjectures. 


HYMENOPTÈRES, TOME 1. ) 


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» 


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14 HISTOIRE NATURELLE 


difficile à rompre, elles parvinrent à le trouer en 
plusieurs endroits très-rapprochés les uns des au- 
tres, elles essayèrent ensuite d'agrandir ces ouver- 
tures, en tirant la soie comme pour la déchirer; 
mais cette méthode ne leur ayant pas réussi, elles 
firent passer une de leurs dents au travers de la 
coque, dans les trous qu'elles avaient pratiqués, 
coupèrent chaque fil l’un après l’autre avec une 
patience admirable, et parvinrent enfin à faire un 
passage d’une ligne de diamètre dans la partie su- 
périeure de la coque : on commencait déjà à dé- 
couvrir la tête et les pattes de l’Insecte qu'elles 
cherchaient à mettre en liberté; mais, avant de le 
tirer de sa cellule , il fallait en agrandir l'ouverture. 
Pour cet effet, ces gardiennes coupèrent une bande 
dans le sens longitudival de cette coque , en se ser- 
vant toujours de leurs dents , comme nous employons 
une paire de ciseaux. 

» Une sorte de fermentation régnait dans cette 
partie de la fourmilière. Nombre de Fourmis, occu- 
pées à dégager l'individu aïlé de ses entraves, se 
relevaient ou se reposaient tour à tour, et reve- 
naient avec empressement seconder leurs compa- 
gnes dans cette entreprise, de manière qu'elles 
furent bientôt en état de le faire sortir de sa prison ; 
l’une relevait la bandelette coupée dans la longueur 
de la coque, tandis que d’autres le tiraient douce- 
ment de sa loge natale. Il en sortit enfin sous mes 
yeux, mais non comme un Insecte prêt à jouir de 
toutes ses facultés, et libre de prendre son essor; la 
nature n'avait pas voulu qu'il fût sitôt indépendant 
des ouvrières : il ne pouvait ni voler, ni marcher, à 
peine se tenir sur ses pattes, car il était emmailloté 


DES HYMÉNOPTÈRES. 115 


dans une dernière membrane , et ne savait pas la 
rejeter de lui-même. Les ouvrières ne l’abandon- 
nèrent pas dans ce nouvel embarras ; elles le dépouil- 
lèrent de la pellicule satinée dont toutes les parties 
de son corps étaient revêtues, tirèrent délicatement 
les antennes et les antennules de leur fourreau, dé- 
liérent ensuite les pattes et les ailes, et désagèrent 
de leur enveloppe le corps , l'abdomen et son pédi- 
cule. L’Insecte fut alors en état de marcher, et sur- 
tout de prendre de la nourriture, dont il paraissait 
avoir un besoin urgent. Aussi la première atten- 
tion de ses gardiennes fut-elle de lui en donner 
» Les ouvrières, que nous avons vues chargées du 
soin des larves et des nymphes, montrent la même 
sollicitude à l'égard des Fourmis nouvellement trans- 
formées ; elles sont soumises encore quelques jours à 
l'obligation de lés surveiller et de les suivre : elles les 
accompagnent en tous lieux, leur font connaître les 
sentiers et les labyrinthes dont leur habitation est 
composée, et les nourrissent avec le plus grand soin : 
elles rendent aux mâles et aux femelles le service 
difficile d'étendre leurs ailes, qui resteraient frois- 
sées sans leur secours, et s’én acquittent toujours 
avec assez d'adresse pour ne pas déchirer cés mem- 
bres frêles et délicats. Elles rassemblent dans les 
mêmes cases les mâles qui se dispersent et quelque- 
fois les conduisent hors de la fourmilière. Les ou- 
vriéres paraissent, en un mot, avoir la direction 
complète de leur conduite aussi long-temps qu'ils y 
restent , et ne cessent de remplir leurs fonctions au- 
près de ces Insectes, dont les forces ne sont pas 
encore développées, que lorsqu'ils s'échappent 
enfin pour vaquer au soin de la reproduction. » 


8. 


116 HISTOIRE NATURELLE 


Les ouvrières, comme on doit le conclure des faits 
que nous venons de rapporter d’après un observa- 
teur estimé à qui l’usage de fourmilières environnées 
de verre permettait de faire pénétrer ses regards assi- 
dus dans l’intérieur, le mettant à même de voir se ré- 
péter sous ses yeux les preuves de ce qu'il avance, 
sont les seules qui peuvent parcourir toutes les parties 
de la fourmilière, et elles y entretiennent l'ordre, la 
propreté et l'abondance. 

Ce sont, en ellet, les ouvrières qui déterminent 
dans quelles parties se tiendront les femelles et les 
mâles , et, lorsque ceux-ci ou celles-làa veulent s’en 
écarter, elles les y ramènent, jusqu’au moment où il 
devient utile que ces individus sortent de la fourmi- 
lière; ce sont aussi elles qui classent, comme nous 
l'avons vu, les produits de la ponte. 

Elles décident seules s’il faut augmenter les bâti- 
mens de la demeure commune, en ouvrir ou en fer- 
mer les issues. Dans les différentes parties du jour, 
et en outre selon la température du moment, ces 
issues sont tantôt élargies par les ouvrières, pour que 
l'air extérieur puisse y pénétrer ou pour rendre mo- 
mentanément plus commode le service de l'extérieur 
à l'intérieur, tantôt rétrécies, lorsque le froid ou 
même une trop grande chaleur extérieure l'exige. Sou- 
vent aussi la pluie pénétrerait dans l'intérieur, si des 
travaux prompts n’abritaient pas les entrées du dehors. 
Tous ces travaux sont exécutés à temps et à heure 
par la partie de la population ouvrière qui se trouve 
à la maison à l'heure où il convient de s’y livrer. 

Pendant ce temps, les autres parcourent la campa- 
gnce et récollent les vivres nécessaires à l’approvision- 
nement général. Nous avons déjà dit que la nourriture 


DES HYMÉNOPTÈRES. LOT? 


essentielle des Fourmis, surtout à l’état delarves, con- 
siste dans les liqueurs végétales sucrées. Aussi voit-on 
les Fourmis souvent en très-grand nombre surlesfleurs. 
Elles ne paraissent pas cependant chercher cesliqueurs 
indifféremment sur toutes , et c’est principalement sur 
les ombellifères que les Hétérogynides vont chercher 
cette liqueur précieuse. Ces plantes, dont les fleurs 
prises isolément ou collectivement présentent une sur- 
face unie, leur paraissent peut-être présenter moins 
de périls à courir, parce que, pendant le séjour 
qu'elles y font, elles peuvent voir tout ce qui se passe 
autour d'elles et reconnaître les dangers : elles évitent 
peut-être à cause de cela les fleurs infundibuliformes 
et campaniformes, par la crainte de sy trouver 
bloquées. 

Mais ce n’est pas sur les fleurs que se fait la plus 
grande récolte de liqueurs sucrées par les Hétérogy- 
nides. Le véritable miel est destiné par l’auteur de la 
nature à une autre famille. Les Fourmis ont aussi à 
leur portée les moyens de faire une récolte. Quelques 
genres d'Insèctes sont chargés de leur procurer des 
vivres : ce sont les Pucerons et les Gallinsectes. 

On sait que ces deux familles vivent de la séve des 
végétaux , et que celle-ci sort de leur corps après un 
court séjour, pendant lequel elle a contracté un goût 
sucré. Lorsque cette liqueur tombe à sa sortie de leur 
corps sur Îles parties quelconques des vésétaux, et 
surtout sur les feuilles, celles-ci deviennent luisantes 
et poissées, comme si l’on avait étendu sur leur sur- 
face une dissolution de sucre par l’eau, et, ces parties 
étant appliquées sur la langue, le goût sucré de cet 
enduit confirme le rapport de la vueet du toucher. 
C'est de cette liqueur que les Hétérogynides tirent 


118 HISTOIRE NATURELLE 


principalement les vivres dont elles se nourrissent, 
elles et leurs larves. Partout où l’on voit cette liqueur 
répandue, et dans tous les endroits habités par les 
Pucerons et les Gallinsectes, on trouve aussi nombre 
de Fourmis occupées à la récolter. 

Il est bien vrai de dire que cette séve des plantes 
sucée par les Gallinsectes et les Chermés a subi déjà, 
avant d’être récoltée par nos Fourmis , une opération 
qui l’a modifiée, puisque la séve de la plupart des 
plantes n’est pas naturellement sucrée, et qu'elle sort 
cependant du Puceron avec cette saveur toujours plus 
ou moins prononcée. Néanmoins le peu de séjour 
qu'elle a fait dans le corps de l’Insecte suceur ne lui 
permettant pas de changer beaucoup sa nature végé- 
tale, nous la fait regarder comme étant encore.telle. 
Il faut de plus faire attention que Ja partie liquide de 
la nourriture donnée à toutes les larves des Ovitithers 
phytiphages, ou préparée pour leur usage, a toujours 
fait auparavant quelque séjour dans l’estomac des 
mères ou des ouvrières qui l'ont récoltée. Celles des 
larves de nos Hétérogynides a de plus passé primor- 


dialement dans celui des Pucerons et des Gallin- 
sectes (1). 


(1) Réaumur avait observé que cette liqueur, distillée en quelque 
sorte par les Pucerons , est recherchée par les Fourmis. « Nos jardi- 
» niers, dit-il (tom. III, mém. IX, p. 313), croient encore aujour- 
» d'hui que les Fourmis produisent des Pucerons sur les arbres. Tout 
» ce qu'il y a de vrai, c'est que les Fourmis cherchent les Pucerons 
» et paraissent les caresser ; mais leurs caresses sont intéressées. Le 
» motif n'en est pas équivoque , dès qu'on sait que les Fourmis ai- 
» ment le sucre et tout ce qui est sucré : car lorsque les feuilles où 
» sont les Pucerons sont contrefaites , qu'elles ont des cavités, on 
» trouve dans ces cavités des gouttes d'une eau grasse médiocre- 

ment coulante et sucrée. Lorsque les vessies des ormes sont peu- 
» plées de beaucoup de Pucerons, on y trouve une assez grande 


DES HYMÉNOPTÈRES. 119 


Quant à la manière dont se fait cette récolte par 
les ouvrières Fourmis, je crois ne pouvoir mieux faire 
que d'emprunter encore ici quelques pages au savant 
M. Huber que j'ai déjà cité, et dont j'ai vérifié les 
observations. 

« On sait, dit cet auteur (p.180 et suivantes), 
» qu'un grand nombre de végétaux nourrissent des 
» Pucerons. Ces Insectes, attroupés sur les nervures 
» des feuilles ou sur les branches les plus jeunes, 
» insinuent leur trompe entre les fibres de l’écorce, 
» dont ils pompent les sucs les plus substantiels : une 
» partie de ses alimens ressort bientôt de leur corps 
» sous la forme de gouttelettes limpides , par les voies 
» naturelles ou par deux cornes qu'on remarque ordi- 
» nairement à leur partie postérieure : c’est cette 
» liqueur dont les Fourmis font leur principale nour- 
» riture. On avait déjà observé qu’elles attendaient 
» le moment où les Pucerons faisaient sortir de leur 
» ventre cette manne précieuse, et qu’elles savaient 
» la saisir aussitôt; mais j'ai découvert que c'était là 
» le moindre de leurs talens....…. 

» Une branche de chardon était couverte de Four- 
» mis... et de Pucerons : j'observai quelque temps 
» ces derniers pour saisir, s’il était possible, l'instant 
» où ils faisaient sortir de leur corps cette sécrétion; 
» mais je remarquai qu'elle sortait très-rarement 


» quantité de cette eau. Dans les vessies de peupliers où logent les 
» Pucerons, on trouve aussi de l’eau renfermée, qui est bien plus 
» douce, plus sucrée que celle des vessies de l'orme, On trouve de 
» l'eau sucrée dans les tubérosités des feuilles de pommiers , on en 
» trouve même sur des feuilles plates peuplées de Pucerons, il y a 
» de ces gouttes d’eau qui sont extrêmement sucrées. Il n'est donc 
» plus surprenant que les Fourmis fassent fêté à des Insectes qui 
» ont autour d'eux une eau sucrée, » 


120 HISTOIRE NATURELLE 


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5» Y »% 


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d'elle-même, et que les Pucerons éloignés des 
Fourmis la lançaient au loin, au moyen d'un mou- 
vement qui ressemble à une espèce de ruade. Com- 
ment se faisait-il donc que les Fourmis errantes 
sur les rameaux eussent presque toutes des ventres 
remarquables par leur volume et remplis évidem- 
ment d’une liqueur? C’est ce que j'appris en suivant 
de près une seule Fourmi dont je vais décrire exac- 
tement les procédés. Je la vois d’abord passer sans 
s'arrêter sur quelques Pucerons, que cela ne dé- 
range pas; mais elle se fixe bientôt auprès d'un des 
plus petits : elle semble le flatter avec ses antennes, 
en touchant l’extrémité de son ventre alternative- 
ment de l’une et de l’autre, avec un mouvement 
très-vif : je vois avec surprise la liqueur paraître 
hors du corps du Puceron, et la Fourmi saisir aussi- 
tôt la gouttelette qu’elle fait passer dans sa bouche. 
Ses antennes se portént ensuite sur un autre Puce- 
ron beaucoup plus gros que le premier; celui-ci, 
caressé de la même manière, fait sortir le fluide 
nourricier en plus grande dose; la Fourmi s’avance 
pour s’en emparer; elle passe à un troisième, qu’elle 
amadoue comme les précédens , en lui donnant plu- 
sieurs petits coups d'antennes auprès de l'extré- 
mité postérieure de son corps : la liqueur sort à 
l'instant et la Fourmi la recueille... 

» Il ne faut qu'un petit nombre de ces repas pour 
rassasier une Fourmi : celle-ci satisfaite reprit le 
chemin de sa demeure....... Dès lors j'ai toujours 
remarqué que l’arrivée des Fourmis et le battement 
de leurs antennes précédaient le don de cette li- 
queur..... J'ai revu mille et mille fois ces procédés 
singuliers, employés avec le même succès par les 


DES HYMÉNOPTÈRES. 121 
» Fourmis , quand elles voulaient obtenir des Puce- 
» rons cette nourriture : si elles pégligent trop long- 
» temps de les visiter, ils rejettent la miellée sur les 
» feuilles, où les Fourmis la trouvent à leur retour et 
» la recueillent. . ... 

» J'ai répété ces observations sur la plupart des 
» Fourmis de notre pays : les plus grosses s'adressent 
» auSsi aux Pucerons. On serait étonné de voir com- 
» bien elles les ménagent, et avec quelle délicatesse 
» leurs anteunes..... savent les inviter à leur livrer 
» la miellée. Je ne connais pas de Fourmis qui n'aient 
» l’art d'obtenir des Pucerons le soutien de leur vie : 
» on dirait qu'ils sont créés pour elles. » 

Quant aux Gallinsectes , on sait, dit le même obser- 
vateur que nous suivons toujours, « qu'ils s’attachent 
» aux feuilles et aux branches des arbres, pour en 
» pomper le suc. Ils ont la bouche et les parties 
» sexuelles appliquées contre l'arbre ; l’orifice destiné 
» à rejeter l’excédant de leur nourriture est placé sur 
» le dos (1)... 

» Les Fourmis sont attirées par les Gallinsectes 
» comme par les Pucerons..... Ces Insectes, qui nous 
» avaient échappés pendant tant de siècles, étaient 
» de tout temps connus des Fourmis pour des êtres 
» doués de vie et de sensation. Je fus très-étonné lors- 
» que je vis pour la première fois une Fourmi s'ap- 
» procher d’un Gallinsecte et faire avec ses antennes, 


(1) Réaumur vit aussi les Fourmis rechercher les lieux où se 
tiennent les Gallinsectes. « Nous avons dit ailleurs», rapporte ce 
célèbre auteur (t. IV, mém. 1, p. 19), « que pour découvrir les 
» Pucerons.., il n’y avait qu’à se laisser guider par les Fourmis..…. 
+ Ce furent aussi elles qui m'apprirent où se tenaient les jeunes 
» Gallinsectes du pêcher.» 


122 HISTOIRE NATURELLE 


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2 


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près de son extrémité inférieure, les mêmes manœu- 
vres qu elles exécutent à l'égard des Pucerons. Lors- 
qu'elle l'eut frappé pendant quelques instans, je 
vis sortir du dos de la galle une grosse goutte de 
liqueur , que la Fourmi se hâta de sucer. J'ai répété 
cette observation sur d’autres Gallinsectes du même 
arbre pendant des saisons entières. Elles étaient en 
grand nombre sur un bourrelet du tronc;les Fofftmis 
y venaient continuellement chercher des provisions. 
Je confirmai ces observations sur celles de l’oranger , 
et je vis toujours les Fourmis leur demander et en 
obtenir leur pâture de la même manière... 

» Que les Pucerons et les Gallinsectes éprouvent du 
plaisir à se sentir caresser par les Fourmis; que ce 
soit un avantage pour eux d'être plus tôt débarrassés 
de leurs sécrétions, où qu’il existe réellement entre 
eux et les Fourmis une espèce de langage, c'est une 
de ces questions sur lesquelles il ne nous appartient 
pas de prononcer ; nous n’en admirerons pas moins 
le secret des Fourmis pour se procurer leur subsis- 
tance : cette liqueur est une ressource inépuisable 
pour elles; il suffit, pour s’en convaincre, de se 
placer près d’un chêne ayant des Pucerons et des 
Gallinsectes ; on verra monter et descendre des mil- 
liers de Fourmis le long du tronc. Toutes celles qui 
montent ont de petits ventres et marchent leste- 
ment; celles qui redescendent, au contraire, ont 
leur abdomen renflé, transparent, plein dela liqueur 
de ces animaux, et ne se traînent qu'avec dificulté. 
» Il ya des Fourmis qui ne sortent presque jamais 
de leur demeure , on ne les voit aller ni sur les arbres 
ni sur les fruits : elles ne vont pas même à la chasse 
d’autres Insectes... Je savais où toutes les autres 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 129 
Fourmis therchaient et trouvaient leur nourriture ; 
mais je me demandais comment celles-ci faisaient 
pour subsister, et de quels alimens elles pouvaient 
se fournir sans s’écarter de leur habitation, lorsqu'un 
jour, ayant détourné la terre dont elle était compo- 
sée, pour découvrir si elles avaient quelques provi- 
sions, je trouvai des Pucerons dans leur nid : j'en 
vis sur toutes les racines de graminées, dont la 
fourmilière était ombragée : ils y étaient rassemblés 
en familles assez nombreuses et de différentes es- 
pèces; les plus communs étaient couleur de chair... 
La plupart étaient fixés aux racines; on en voyait a 
une plus grande profondeur attachés à leurs dernières 
ramifications..….,.… Les Fourmis semblaient épier le 
moment favorable pour obtenir leur pâture : elles 
sy prenaient comme à l’ordinaire et toujours avec 
le même succès... Je me hâtai de vérifier cette dé- 
couverte en fouillant dans un grand nombre de nids, 
et j'y trouvai toujours des Pucerons..….. Je ne tardai 
pas à voir que les Fourmis sont très-jalouses de leurs 
Pucerons; elles les prenaient souvent à leur bouche 
et les emportaient au fond du nid ; d’autres fois elles 
les réunissaient au milieu d’elles ou les suivaient 
avee sollicitude. 
» Je profitai des notions que j'avais acquises sur 
leur genre de vie, pour nourrir chez moi une de 
leurs peuplades ; je les mis dans une boîte vitrée avec 
leurs Pucerons, en laissant dans la terre les racines 
de quelques plantes dont les branches végétaient au 
dehors ; j'arrosais de temps en temps la fourmilière, 
et par ce moyen les plantes, les Pucerons et les 
Fourmis trouvaient dans cet appareil une nourri- 
ture abondante... Lorsque les Fourmis voulaient 


124 HISTOIRE NATURELLE 


» déplacer les Pucerons, elles commencaient par les 
» caresser avec leurs antennes , comme pour les enga- 
» ger à abandonner leurs racines ou à retirer leur 
» trompe de la cavité dans laquelle elle était insérée. 
» Ensuite elles les prenaient doucement par-dessus ou 
» par-dessous le ventre, et les emportaient avec le 
» même soin qu’elles donnent aux larves de leur 
» espèce... Cependant elles n’emploient pas toujours 
» les voies de la douceur avec eux; quand elles crai- 
» gnent qu'ils ne leur soient enlevés par une autre 
» espèce vivant près de leur habitation, ou lorsqu'on 
» découvre trep brusquement le gazon sous lequel ils 
» sont cachés, elles les prennent à la hâte etles em- 
» portent au fond des souterrains; j'ai vu les Fourmis 
» de deux nids voisins se disputer leurs Pucerons..……. 
» c’est leur trésor. Une fourmilière est plus ou moins 
» riche, selon qu'elle a plus ou moins de Pucerons ; 
» c’est leur bétail , ce sont leurs vaches et leurs chèvres: 
» on n’eüt pas deviné que les Fourmis fussent des 
» peuples pasteurs. 

» Mais ici se présente une question vraiment inté- 
» ressante. Les Pucerons trouvés dans les fourmilières 
» viennent-ils s'y loger d'eux-mêmes ou sont-ils ap- 
» portés dans ces lieux par les Fourmis? Il me 
» semble plus probable que ce sont elles qui les réu- 
» nissent, puisqu'elles sont dans l'usage de les porter 
» sans cesse d’une place à une autre, et puisque ce 
sont elles qui retirent tous les avantages de cette 
» position. » 

Nous ajouterons encore en faveur de l'opinion de 
M. Huber, lorsqu'il pense que les Pucerons sont ap- 
portés dans les fourmilières par les Fourmis , et ne s'y 
trouvent ni par hasard ni par leur choix, que cela 


2 


DES HYMÉNOPTÈRES. 125 
semble démontré par les invasions que font souvent, 
pour s'emparer de ces Pucerons, d’autres Fourmis 
voisines. En effet, si l'invasion réussit, celles-ci em- 
portent chez elles ces animaux si convoités ; elles le 
font avec précaution sans les blesser, et les installent 
dans leur propre domicile. 

« Si ces Fourmis déploient en cela une industrie 
digne de l’homme, dit M. Huber, il en est d’autres 
» dont les procédés ne sont pas moins admirables..…… 
» Je découvris un jour un Tithymale qui supportait au 
» milieu de sa tige une petite sphère à laquelle il ser- 
» vait d'arc; c'était une case que des Fourmis avaient 
» bâtie avec dela terre (1). Elles en sortaient par une 
» ouverture fort étroite, pratiquée dans le bas, des- 
» cendaient le long de la branche et entraient dans 
» une fourmilière voisine... Cette retraite renfer- 
» mait une nombreuse famille de Pucerons. J’admirai 
» ce trait d'industrie, et je ne tardai pas à le retrouver 
»-avec un caractère plus intéressant encore chez des 
» Fourmis de diflérentes espèces. 


ÿ 


» Des Fourmis avaient construit autour du pied 
» d’un chardon un tuyau de terre de deux pouces et 
» demi de long sur un et demi de large. La fourmi- 
» lière était au bas et communiquait sans intervalle 
» avec le cylindre; je pris la branche avec son entou- 
» rage et tout ce qu'il renfermait : la portion de la 
» tige comprise dans le tuyau était garnie de Pucerons; 
» je vis bientôt sortir, par l’ouverture que j'avais faite 


(1) J'ai souvent examiné de semblables cases : elles renfermaient 
plusieurs Pucerons; les Fourmis y entraient et sortaient à volonté : 
en ayant détruit une, je la vis reconstruire par les Fourmis, mon 
expérience confirme donc celles de M. Huber. 


126 HISTOIRE NATURELLE 


» 


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> 


à la base, les Fourmis fort étonnées de voir le jour 
en cet endroit, et je m’'aperçus qu’elles y vivaient 
avec leurs larves : elles les transportèrent en hâte 
dans la partie la plus élevée du cylindre qui n'avait 
pas été altérée. C'est dans ce réduit qu’elles se 
tenaient à portée de leurs Pucerons rassemblés et 
qu’elles nourrissaient leurs petits. | 

» Ailleurs; plusieurs tiges de Tithymale chargées 
de Pucerons s’élevaient au centre même d’une four- 
milière. Les Fourmis, profitant de la ‘isposition 
particulière des feuilles de cette plante, avaient 
construit autour de chaque branche autant de pe- 
tites cases alongées, et c'est là qu’elles venaient 
chercher leur nourriture. Ayant détruit une de ces 
loges , les Fourmis emportèrent aussitôt dans le nid 
leurs précieux animaux. Peu de jours après, elle 
fut réparée sous mes yeux par ces Insectes et les 
troupeaux furent ramenés dans leur parc. Ces cases 
ne sont pas toujours à quelques pouces de terre; j'en 
ai vu une à cinq pieds au-dessus du sol ; et celle-ci 
mérite encore d’être décrite : elle consistait en un 
tuyau noirâtre, assez court, qui environnait une 
petite branche de peuplier à sa sortie du tronc. Les 
Fourmss y arrivaient depuis Fintérieur de l'arbre, 
qui était excavé, et, sans se montrer, elles pou- 
vaient parvenir vers leurs Pucerons par une ouver- 
ture qu'elles avaient pratiquée à la naissance de 
cette branche : ce tuyau était formé de boïs pourri, 
du terreau même de cet arbre, et je vis plusieurs 
fois les Fourmis en apporter des brins à leur bou- 
che, pour réparer les brèches que je faisais à leur 
pavillon. Ces traits ne sont ni fort communs, ni du 


DES HYMÉNOPTÈRES. 127 


» nombre de ceux qu’on pourrait attribuer À une rou- 
» tine habituelle. 

» Il est encore des Fourmis qui trouvent leur nour- 
» riture auprès des Pucerons du plantain : ils sont 
» fixés ordinairement au-dessous de sa fleur; mais, 
» lorsqu'elle vient à passer et que sa tige se dessèche, 
» ce qui arrive à la fin d’août , les Pucerons se retirent 
» sous les feuilles radicales; les Fourmis les y suivent, 
» et s'enferment alors avec eux , en murant avec de la 
» terre humide tous les vides qui se trouvent entre le 
» sol et le bord des feuilles; elles creusent ensuite le 
» terrain au-dessous, afin de se donner plus d'espace 
» pour aller à leurs Pucerons , et peuvent aller de là 
» Jusqu'à la fourmilière par des galeries couvertes. » 

Les vivres que les ouvrières récoltent pour nourrir 
les individus qui ne quittent pas Fhabitation com- 
mune et les larves, et se substanter elles-mêmes, ne 
consistent pas seulement en miel et en liqueur fournie 
par les Pucerons. Les Fourmis attaquent encore les 
fruits murs ou approchant de leur maturité qui leur 
fournissent aussi une abondante nourriture. On les 
voit également charrier à la fourmilière des portions 
de ces fruits desséchées, et contenant souvent encore 
des sucs concrets qu’elles retrouveront dans l'hiver. 
Les Fourmis voisines de nos maisons viennent aussi 
les visiter, et attaquent nos provisions, surtout le 
sucre et les choses sucrées. Lorsqu’elles ont pris Fha- 
bitude d'y veuir, il n’est guère qu'un moyen de se 
préserver du pillage, c’est de suivre celles qui sortent 
de l'endroit où il se passe jusqu'à la fourmilière, et 
d’en détruire les habitans avec de l'eau bouillante. Au 
reste, ces visites des Fourmis dans les moisons sont 
bien plus remarquables dans l'Amérique que chez 


‘ 


129 HISTOIRE NATURELLE 


nous, en ce qu'elles se font méthodiquement, qu’elles 
sont ordinairement prévues , et qu’alors elles tournent 
au profit des habitans, en purgeant l'habitation des 
animaux et des Insectes nuisibles qui l'infestaient 
avant. Les espèces du G. Atta Latr., assez fortes de 
corps et formant des sociétés nombreuses, ont reçu 
dans cette vaste partie du monde le nom de Fourmis 
de visite, en raison de cette habitude de parcourir les 
maisons, ce qu'elles font ordinairement tous les ans. 
Parties en colonnes serrées de leur fourmilière , dès 
qu’elles rencontrent une habitation, elles y entrent , et 
si les habitans n’ont pas soin d'enlever toutes les provi- 
sions , et la portion des meubles dont la dureté ne serait 
pas assez grande pour résister à leurs mandibules, et 
surtout toutes les étofles , la totalité, en peu de temps, 
serait coupée par morceaux ; car chaque Fourmi char- 
gée de butin reprend aussitôt le chemin de la maison 
souterraine , qui est sa patrie, pour l'y déposer ; mais, 
comme elle en repart de suite, le nombre de celles 
qui pillent ne diminue point , tant qu'il reste quelque 
chose à enlever. On pourrait poétiquement comparer 
ces Fourmis aux Grecs pillant la ville de Troie, por- 
tant à leur vaisseau les prémices du butin, et revenant 
en chercher un autre après avoir mis le premier en 
sûreté. Le bien que ces visites procurent , est la des- 
truction des rats, des blattes dites kakerlaques et de 
tous les animaux ou Insectes qui habitaient la maison. 
Ces Fourmis, quoique beaucoup plus petites que plu- 
sieurs d’entre eux, se jettent sur eux en tel nombre, 
que les plus forts, entraînés hors de leurs retraites 
souvent souterraines, succombent sous le nombre des 
blessures qu'ils reçoivent dès le premier moment de 
l'attaque, et sont immédiatement disséqués en peu 


DES HYMENOPTÈRES. 129 
de temps, en sorte qu'il ne reste que les squelettes inat- 
taquables aux mandibules des terribles visiteuses. Les 
colons eux-mêmes sont persuadés qu'ils succombe- 
raient , s'ils se laissaient personnellement surprendre 
par leurs agressions. La visite d’une chambre étant 
faite , elles passent à une autre, et d'une maison à la 
voisine. 

D’autres espèces de Fourmis, même indigènes, 
attaquent , éventrent et dépècent des Insectes, après 
avoir sucé les parties molles internes, et cela surtout 
dans le temps où la sécheresse ou bien le froid rend 
le miel des fleurs et la miellée des Pucerons rares ou 
concrets. Elles ont aussi recours à l’humeur ou séve 
qui coule des ulcères et autres plaies des arbres. 

Les mêmes Fourmis de visite dont nous venons de 
parler, ou espèces du G+ Atta Latr., mais peut-être 
spécifiquement différentes entre elles, exercent de 
très-grands ravages dans les plantations de cannes à 
sucre, dit le voyageur Martius ( Agrost. 567), cité 
par M. Auguste de Saint-Hilaire dans la deuxième 
partie de son Voyage au Brésil, t. Il, p. 180 et suiv. 
« Au contraire , d'après ce dernier, dans la province 
» d'Espirito Santo, des Fourmis de ce genre n’atta- 
» quent pas ou peu le maïs, la canne à sucre et les 
» haricots ; mais elles sont très-friandes du coton et 
» encore plus du manioc. Une seule nuit leur suffit 
» pour détruire entièrement de vastes champs de cette 
» dernière plante ou pour dépouiller des orangers de 
» leurs feuilles. » 

Ici notre savant voyageur français ajoute : « Voici 
» comment s'exprime M. Lund dans sa Lettre sur les 
» Fourmis du Brésil (Ann. Sc. Nat. XXIII, 118 ) : 
» J'avais toujours regardé comme exagérés les récits 

HYMÉNOPTÈRES, TOME 4, 9 


130 HISTOIRE NATURELLE 


» que font les voyageurs du tort que certaines Four- 
» mis causent aux arbres, en les dépouillant en peu 
» d'instans de leurs feuilles; mais voici un fait dont 
» j'ai été moi-même témoin, et qui est relatif à l’es- 
» pèce connue depuis long-temps sous le nom d’A#ta 
» cephalotes..….... Passant un jour près d’un arbre 
» presque isolé, je fus surpris d'entendre, par un 
» temps calme ; des feuilles qui tombaient comme de 
» Ja pluie, Ge qui augmenta mon étonnement, c’est 
» que les feuilles détachées avaient leur couleur natu- 
» relle, et que l'arbre semblait jouir de toute sa 
» vigueur. Je m'approchai pour trouver l'explication 
» de ce phénomène , et je vis qu'à peu près sur cha- 
» que pétiole était postée une Fourmi qui travaillait 
» de toute sa force ; le pétiole était bientôt coupé et 
» la feuille tombait par terre. Une autre scène se pas- 
» sait au pied de l'arbre : la terre était couverte de 
» Fourmis occupées à découper les feuilles à mesure 
» qu'ellés tombaient, et les morceaux étaient sur-le- 
champ transportés dans le nid. En moins d’une 
heure, le grand œuvre s’accomplit sous mes yeux, 
» el l'arbre resta entièrement dépouillé. » 

Le prince Maximilien de Wied-Neuwied ( Voyage 
au Brésil, t. [° p. 77-78) parle aussi des Fourmis 
du Brésil et des ravages de certaines espèces. « Les 
» Fourmis, dit-il, et les autres Insectes semblables, 
» sont extrêmement nuisibles aux plantations du 
» Brésil. Ces animaux très-voraces se trouvent par- 
» tout en si grand nombre, et offrent tant d'espèces 
» différentes, qu’ils fourniraient seuls aux entomolo- 
» gistes une matière sufhsante pour un ouvrage consi- 
» dérable. Ils diffèrent de grandeur; une des espèces 
les plus grosses à presque un pouce de long, et le 


y 
> 


È 


> 


DES HYMÉNOPTÈRES. 131 


» corps d’une épaisseur disproportionnée. Une autre 
» espèce, très-petite et de couleur rouge, est extréme- 
» ment incommode et malfaisante. Ces Fourmis font 
» aussi beaucoup de tort aux collections d’histoire 
» naturelle : elles nous dévorèrent en peu de temps 
» une quantité d’Insectes, surtout de Papillons. Sou- 
» vent elles pénètrent en troupes nombreuses dans 
» les maisons , où elles dévastent rapidement toutes 
» les provisions, notamment les choses sucrées. .... 
» Quelques espèces construisent en terre, sur les pa- 
» rois d’une chambre, de longues galeries couvertes 
» avec de nombreux embranchemens qui leur servent 
» à monter et à descendre (1). Dans les chemins au 
» milieu des forêts, on apercoit des troupes de grosses 
» Fourmis qui portent à leurs retraites des morceaux 
» de feuilles vertes.» 

Parmi les diverses matières récoltées, comme nous 
venons de le voir, par les ouvrières Hétérogynides de 
diverses es pèces , on ne peut regarder comme servant 
à la nourriture des larves que les liquides, à cause de 
la nature de la bouche de celles-ci, qui ne pourrait re- 
cevoir ni avaler rien de solide, n'étant, ainsi que nous 
l'avons vu, composée que d’un mammelon mou et de 
deux crochets qui paraissent bien des embryons de man- 
dibules , mais qui sont trop écartés pour agir ensemble 
et broyer un corps quelconque tant soit peu dur. Quant 
aux Insectes parfaits, ils sont bien armés de fortes 
mandibules, mais celles-ci agissent seulement à la 
manière des ciseaux; elles coupent, ainsi que le 
prouve tout ce que nous venons de rapporter de leurs 


(x) Ces galeries paraissent plutôt l'ouvrage des Termès que des 
Fourmis, 


9. 


132 HISTOIRE NATURELLE 


actions , et aucun observateur n’a jusqu’à présent dit 
les avoir vues employées à broyer. 

Ilest malheureux que ceux qui ont observé, en plu- 
sieurs choses, les mœurs des Fourmis, par exemple 
ceux qui leur ont vu transporter dans leur demeure 
une si énorme quantité de morceaux de feuilles d’oran- 
ger, n'aient pas ouvert cette demeure pour voir à quoi 
ils sont employés. Du grand nombre de matières soli- 
des, débris végétaux , animaux ou pierreux qu'appor- 
tent à leurs nids certaines espèces de Fourmis d'Eu- 
rope, on ne peut en conclure que rien de cela serve 
à leur nourriture, puisqu'on voit, au contraire, que 
ces choses sont employées par elles à former au-dessus 
de leurs véritables demeures un dôme protecteur 
contre les vicissitudes du temps. Faute d'observations 
directes, je crois que l’on peut attribuer une utilité 
semblable aux feuilles vertes récoltées par des espèces 
exotiques. Mais on doit engager les voyageurs ento- 
mologistes à observer dans leurs nids ce que devien- 
nent ces matériaux achetés au prix de courses loin- 
taines et de rudes travaux. 

Les liquides végétaux sucrés , récoltés par les ou- 
vrières Hétérogynides , sont d’abord avalés par elles, 
et, à leur retour, elles en font part aux larves et aux 
individus parfaits, qui, étant forcés de rester à la 
maison, ne peuvent se procurer eux-mêmes la nour- 
riture. Ainsi elles en présentent des gouttes aux 
femelles fécondes à qui il n’est pas permis de sortir 
de la fourmilière, aux mâles forcés aussi de rester 
dans l’intérieur avant le moment de l'accouplement et 
à celles des ouvrières queleur travail , en les retenant à 
la maison, a empéchées de se procurer elles-mêmes 
leur nourriture. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 133 


Les Fourmis ne font pas de dépôt des liqueurs 


sucrées , elles n'ont pas ce talent, et par conséquent 
on pourrait être porté à croire qu'elles éprouveront la 
disette pendant les mauvais temps et le froid qui les 
empêchent de sortir. « Les Fourmis, dit M. Huber 


» 


» 


» 


(p. 202), sont engourdies dans les grands froids ; 
mais, lorsque la saison n’est pas très-rigoureuse, la 
profondeur de leur nid les met à l’abri de la gelée ; 
elles ne s’engourdissent qu’au 2° degré de Réaumur 
au-dessous du terme de la congélation : jen ai vu 
marcher sur la neige et suivre leurs habitudes 
à cette température. Elles seraient donc exposées 
aux horreurs de la famine, si elles n'avaient pas de 
ressources pour le cas où elles ne s’engourdiraient 
pas ; et ces ressources ne sont autres que les Puce- 
rons qui, par un admirable concours de circonstan- 
ces qu'on ne saurait attribuer au hasard, tombent 
en léthargie exactement au même degré de froid 
que les Fourmis, en se réveillant en même temps 
qu’elles ; ainsi elles les retrouvent toujours lors- 
qu’elles en ont besoin. Les Fourmis, qui ne savent 
pas réunir ces Insectes dans leur habitation, con- 
naisseht du moins leurs retraites, elles les suivent 
au pied des arbres et sur les racines des arbustes 
qu'ils fréquentaient auparavant ; se glissent au pre- 
mier dégel le long des haies, en suivant les sentiers 
qui les conduisent près de leurs nourriciers, et rap- 
portent à la république un peu de miellée; car il 
en faut très-peu pour les nourrir en hiver (1). 


(1) Réaumur assure positivement qu'il existe quelques Pucerons 


pendant l'hiver. « Dans les premiers jours du mois de mars, » dit-il, 
(tom. III, memoire IX, p. 338), « apres avoir fait enlever des mottes 


134 HISTOIRE NATURELLE 


» Dès qu’elles cessent d’être engourdies , on les voit 
» se demander et se donner à manger; ainsi, les ali- 
» mens contenus dans leur estomac se partagent entre 
» toutes : ces sucs ne s’évaporent presque pas dans 
» cette saison... J'ai vu des Fourmis conserver pen- 
» dant un temps considérable leur provision inté- 
ÿ rieure , lorsqu'elles ne pouvaient pas en faire part 
» à leurs compagnes. » 

On voit, par ce que nous venons de rapporter, que 
les travaux des ouvrières suflisent pour subvenir dans 
tous les cas à la nourriture de la population entière, 
ét que ce sont les savantes observations de M. Huber 
qui nous ont mis à même de développer aux yeux du 
lecteur cette industrie si parfaite; mais il est une 
question à faire dont il est bien regrettable que ce sa- 
vant ne se soit pas occupé. 

Nous avons déjà dit que chaque fourmilière conte- 
nait un certain nombre de femelles fécondes et d’une 
taille bien au-dessus de celles des ouvrières, qui sont 
cependant visiblement aussi des femelles. Les pre- 
mières sont les mères de toute la population : ce sont 
elles qui sont quelquefois bien improprement appe- 
lées reines, comme on à , sans plus de raison, appelé 
du même nom la seule femelle féconde que contient 
chaque ruche d’Abeilles , hors le moment des essaims. - 


» de gazon pour chercher différentes espèces de vers qui se tiennent 
» sous terre, je trouvai sous une de ces mottes un bon nombre de 
» tres-petites Fourmis rouges qui y étaient rassemblées : je tronvai 
» de plus au milieu d'elles divers Pucerons gris non ailés d'une 
» grosseur médiocre... Vers la fin de décembre et vers le com- 
* mencement de janvier, j'ai vu quelques Pucerons appliqués contre 
» les yeux de jeunes pousses de pêchers ; ils avaient eu à soutenir 
» des jours de forte gelée; cependant c'étaient des femelles non 
» ailées, trés-dodues et qui avaient le ventre bien plein de petits. 


DES HYMÉNOPTÈRES., 135 


Deux causes ont été données à la fécondité de celle- 
ci : 1° la grandeur de la cellule où elle est nourrie, 
qui permet le développement des ovaires , tandis que 
la petitesse de celles où sont élevées les Abeilles ou- 
yrières empêcherait chez elles ces parties de prendre 
de la nourriture. Nous ne rappelons ceci que pour 
faire observer que cette cause, si elle est réelle, ne 
peut influer sur la fécondité ou l’infécondité des fe- 
melles de nos Hétérogynides, puisqu'elles sont toutes 
élevées dans des chambres spacieuses. 2° La diffé- 
rence de nourriture : lorsque les Abeilles élèvent des 
femelles pour être fécondes, elles fabriquent une 
liqueur à laquelle on a donné le nom de gelée royale. 
Quelles que soient les matières dont cette gelée est 
composée, elle n’est donnée volontairement qu'aux 
individus qui doivent devenir féconds, et , sile hasard 
en fait tomber quelques gouttes dans les cellules d’ou- 
vrières qui n'étaient pas destinées à l'être, celles-ci 
obtiennent aussi une portion de fécondité. 

Il semble que des faits exposés plus haut, et de 
l’'autopsie des méres et des ouvrières, tant Fourmis 
qu'Abeilles (et même ceci doit s'étendre à tous les 
Hyménoptères Ovitithers sociaux ); il semble, dis-je, 
qu'il faut conclure : 1° que la grandeur de la cellule 
d'éducation n'influe pas sur la fécondité de l'individu 
femelle ; 2° que des Fourmis ont aussi une nourriture 
particulière à récolter pour leurs femelles fécondes, 
et à leur distribuer. On voit dans les ruches d’Abeilles 
la gelée royale, parce que les Abeilles ont des dépôts 
pour chacune de leurs provisions. Les Fourmis n’en 
ayant point, on ne peut jager ni de leur goût ni de 
la nature de la nourriture prolifique qu'elles doivent 
employer; mais il est difficile de ne pas croire à son 


136 HISTOIRE NATURELLE 


existence (1). On ne saurait donc trop recommander 
les observations qui tendraient à la prouver et qui 
donneraient la composition de cette liqueur si utile à 
la propagation des espèces. 

Je viens de dire plus haut que c'était improprement 
que les femelles fécondes sont appelées reines dans la 
plupart des auteurs qui ont traité des Hyménoptères 
Ovitithers sociaux : j'insiste encore ici sur l’impro- 
priété de cette dénomination. Veiller sur les intérêts 
et les besoins des autres membres de la société, don- 
ner des ordres utiles, voilà les devoirs de la royauté ; 
être obéie, voilà son droit. Tout ce que nous avons 
vu jusqu'ici se passer dans les fourmilières , éloigne 
l’idée d'ordres donnés, et si tout se fait d'accord et 
avec ponctualité, ce n’est pas parce qu'une seule tête 
a müri le projet à exécuter. De plus, dans les four- 
milières, si l'impulsion était donnée par les réines, 
comme il y en a plusieurs, les ordres pourraient être 
contradictoires. Nous verrons plus bas quels moyens le 
Créateur a pris pour qu'un grand nombre d'individus 
s’accordassent simultanément à accomplir une même 
entreprise. Suivons en ce moment les femelles fécon- 
des pendant toutes les périodes de leur vie, pour con- 
naître exactement leurs fonctions. 

Il est clair que dans les premières époques de leur 
vie, comme œufs, comme larves, comme nymphes, 
elles ne peuvent rien exécuter par une volonté pro- 
pre, pas même marcher, puisqu'elles n’ont pas d'or- 


A — 


(1) Nous avons dit que les Polistès européens amassent à l'époque 
où ils élèvent leurs femelles qui doivent être fécondes , et seule- 
ment alors, une liqueur gélatineuse où il entre du miel. M. Auguste 
de Saint-Hilaire en a trouvé de même dans les nids de Polistès du 
Brésil, probablement dans les mêmes circonstances. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 137 


ganes de locomotion; et même, comme œuf, leur 
future fécondité ne vient que du choix fait par les 
ouvrières de cet œuf entièrement semblable aux 
autres, pour lui donner dès lors, et surtout comme 
larve, des soins et des alimens particuliers. 

Devenues Insectes parfaits, elles sont obligées 
d'attendre dans l’intérieur le moment où les ouvrières 
qui les gardent, leur permettront de sortir pour jouir 
des douceurs de l’amour : ce qui ne leur est accordé 
que lorsque les mâles peuvent s'envoler en même 
temps qu'elles, et que le moment de la journée et sa 
température particulière sont convenables au juge- 
ment de leurs surveillantes inexorables, qui rendent 
jusque-là inutiles tous leurs efforts pour sortir. 

L'accouplement se fait en volant au-dessus ou aux 
environs de la fourmilière ; un petit nombre de fe- 
melles, et quelques centaines de mâles, se trouvant 
ensemble, volant dans un petit espace aérien, les 
rencontres sont toujours faciles. 

Une fois accouplées elles se posent à terre et sont 
bientôt privées d'ailes, soit que les ouvrières fassent 
tomber celles-ci enles tiraillant avec leurs mandibules, 
soit qu’elles-mêmes s’en dépouillent. Car ces membres 
tenant très-peu, cette mutilation n'est ni difficile ni 
dangereuse. M. Huber a vu une femelle se dépouiller 
de la faculté de voler : nous emprunterons sa narra- 
tion (p.108): « Je fis entrer, dit-il, une femelle fé- 
» condée sous une cloche; je versai un peu d’eau sur 
» la terre sèche dont la table de l’appareiïl était garnie, 
» afin de permettre à cet Insecte d'entreprendre quel- 
» ques travaux, si son instinct l'y portait. Lorsqu'elle 
» sentit qu'elle était sur la terre humide, elle fit 
» quelques pas, s'arrêta pour tâter le Lerrain avec ses 


138 HISTOIRE NATURELLE 


» antennes ; cela fait, elle se mit à se dépouiller de 
» ses ailes; elles les ouvrit en désordre, les écarta 
» dans tous les sens, en se couchant à plat ventre; 
» fit passer ses jambes par derrière ses ailes, et les 
» pressa contre terre comme avec un levier. Lors- 
» qu’elle eut réussi à s’en débarrasser, je la vis se 
» promener tranquillement et s'occuper du soin de 
» pratiquer une grotte dans la terre. » J'ai vu souvent 
moi-même les femelles fécondées perdre leurs ailes 
de l’une ou de l’autre manière que je viens d'indiquer. 
Jamais elles ne les conservent dans la fourmilière 
après la fécondation, et celles qu'on y trouve ailées 
sont certainement vierges. 

Au moment où les femelles et les mâles sortent 
pour s’accoupler, toute ou presque toute la popula- 
tion ouvrière se répand dans les environs. Elles sont 
attentives à la descente des femelles qui se sont ac- 
couplées, elles en ramènent au moins une partie dans 
la fourmilière et les placent dans l’intérieur, où ces 
femelles seront désormais gardées par elles, sans qu'il 
leur soit permis de sortir de ces appartemens qui leur 
sont destinés. « L’une de ces femelles fécondées , dit 
» M. Huber (p. 116), allait prendre son vol , lorsque 
» les ouvrières la retinrent par les pattes, s’y cram- 
» ponnèrent avec force, lui arrachèrent les ailes et la 
» conduisirent dans leurs souterrains, où elles la gar- 
» dèrent obstinément. Plusieurs autres furent saisies 
» par les ouvrières pendant l’accouplement même et 
» entrainées au fond du cadre (on voit que cette expé- 
» rience a été faite dans un appareil vitré), où je les 
» vis mutilées et retenues en captivité. » 

On sent combien peu ces prétendues reines font 
leurs volontés, bien loin d'imposer les leurs à leurs 


DES HYMÉNOPTÈRES. 139 


prétendus sujets. Il en est de même le reste de leur 
vie. Cependant elles reçoivent des ouvrières des soins 
empressés , et celles-ci semblent savoir que la pros- 
périté de l'établissement dépend de la fécondité et 
par conséquent de la santé de ces mères ; elles sont 
nourries , choyées , nettoyées avec soin, et il y a tou- 
jours près d’elles un certain nombre d’ouvrières prêtes 
à subvenir à leurs besoins. Tous ces faits éloignent 
toute idée d’une autorité de reines qui commandent ; 
mais les derniers admettent celle de mères de famille 
qui sont soignées et aimées, et c'est seulement cette 
belle fonction que nous leur attribuons. 

Il est fort probable que les femelles fécondes nou- 
velles écloses commencent par pondre des œufs d’ou- 
vrières, c'est-à-dire de femelles qui sont nourries de 
manière à ne pas donner de progéniture. Ce n’est pro- 
bablement qu'après l'hiver qui suit leur naissance , et 
vers le commencement de la belle saison qui lui suc- 
cède , que des œufs de femelles pondus par ces mères 
commencent à recevoir la nourriture qui leur don- 
nera la faculté d’engendrer, et que ces mêmes mères 
pondront des œufs de mâles. C’est à cette fécondité 
que sont subordonnés tous les travaux des ouvrières : 
c'est elle qui les exige, soit qu'il s'agisse de créer ou 
d'augmenter les lozemens et leurs abris, ou d'aller 
chercher les vivres nécessaires : mais nous ne voyons 
nulle part ni ordres donnés , ni dessein conçu par un 
individu qui ne soit pas fait en même temps pour 
l’exécuter. 

Les mères, nous devons actuellement les appeler 
ainsi, vivent dans une parfaite tranquillité, et l'on ne 
doit pas croire que cet état leur déplaise, puisque 
nous verrons bientôt ce même état recherché par des 


140 HISTOIRE NATURELLE 


ouvrières auparavant et ordinairement si actives, 
mais qui trouvent aussi qu'il est commode de se faire 
servir et de vivre dans un parfait repos. 

Une partie des femelles fécondées descend après 
l'accouplement aérien , trop loin de la patrie où elle 
a pris le jour, pour y être ramenée par les ouvrières. 
Elles ne sont pas suivies , comme celle qui sort de la 
ruche d’Abeille, par une nombreuse suite d’ouvrières 
disposées à leur épargner même les premiers travaux 
de l'établissement de la colonie. « Nos Fourmis ailées, 
» remarque l’auteur que nous avons coutume de citer 
» (p. 100), s’écartent de leur nid en lui tournant le 
» dos, et vont en ligne droite à une distance d’où il 
ne leur serait pas même facile de l’apercevoir. On 
pouvait déjà soupçonner, d’après cela, qu’elles ne 
devaient pas y revenir; mais je ne m'en {ins pas à 
» cette simple observation : après leur départ, je res- 
» tai en sentinelle jusqu’à la nuit, et pendant plu- 
sieurs jours de suite je les observai avec le même 
» soin, pour m'assurer qu'elles ne rentraient pas dans 
» Ja fourmilière. J'ai obtenu, par ce moyen, la con- 
» viction que leur retour est une de ces fables dont 
» on nous a si long-temps amusés. Que deviennent 
» donc ces Insectes habitués à vivre dans une demeure 
» commode , spacieuse et à l'abri de toutes les intem- 
» péries de l'air, accoutumés au soin des ouvrières, 
» et tout à coup livrés à eux-mêmes et privés de tous 
» ces avantages ? 

» Dès qu’elles ont perdu leurs ailes (p. 111), 0n les 
» voit courir sur le terrain et chercher un gîte. Il 
» serait bien difficile de les suivre dans les tours et 
» détours qu’elles font alors au milieu des champs et 
» des gazons. Je n'ai pas réussi à les voir s'établir, 


» 


ÿ 


» 


4 


ÿ 


> 


ÿ 


y 


DES HYMÉNOPTÈRES. 141 


mais je Me suis assuré, par quelques essais , que 
ces femelles, qui n'étaient appelées à aucuns tra- 
vaux dans les fourmilières natales, et qui parais- 
saient incapables d'agir par elles-mêmes, animées 
par l'amour maternel et le besoin de faire usage de 
toutes leurs facultés , devenaient laborieuses , et soi- 
gnaient leurs petits aussi bien que les ouvrières les 
soignent. J’enfermai plusieurs femelles fécondées 
dans un bocal plein de terre légère et humide; elles 
surent s’y pratiquer des loges , dans lesquelles elles se 
retirèrent , les unes isolément, d’autres en commun; 
elles pondirent , soignèrent leurs œufs, et, malgré 
l'inconvénient de ne pouvoir varier la température 
de leur habitation, elles en élevèrent quelques-uns 
qui devinrent d'assez grosses larves, mais qui pé- 
rirent enfin par ma négligence. 

» Je réunis ensuite d’autres femelles dans un appa- 
reil semblable, et je leur livrai quelques nymphes 
d’ouvrières pour savoir si leur instinct leur ensei- 
gnerait à ouvrir la coque dans laquelle elles étaient 
renfermées ; et, quoique ces femelles fussent vier- 
ges et pourvues d'ailes, elles travaillèrent si bien 
que je trouvai le lendemain trois ouvrières au mi- 
lieu d'elles ; quelques jours après je les surpris oc- 
cupées à délivrer d’autres ouvrières de leur dernière 
enveloppe : elles s’y prenaient comme les ouvrières 
ordinaires, et ne paraissaient pas embarrassées du 
rôle qu’elles remplissaient pour la première fois... 
Après de longues recherches, j'ai trouvé la retraite 
de ces femelles , et les fourmilières naissantes qu'’el- 
les avaient établies. Elles étaient situées à peu de 
profondeur dans la terre; on y voyait un petit 
nombre d’ouvrières auprès de leur mère, et quel- 


142 HISTOIRE NATURELLE 


» ques larves qu’elles nourrissaient. J'ai vu deux 
» exemples de ces peuplades nouvellement établies; 
» enfin un de mes amis , dont les observations ont des 
» droits à la plus entière confiance , découvrit un jour 
» dans une petite cavité souterraine une Fourmi fe- 
» melle vivant solitairement avec quatre nymphes, 
» dont elle paraissait prendre soin. » 

Quoiqu'il ne paraisse pas, d'après les récits de 
M. Huber, que des ouvrières se joignent aux Four- 
mis fécondées pour la fondation d'une fourmilière, ce 
fait me paraît résulter, comme probable, d’une obser- 
vation isolée , il est vrai, et que je n'ai pu continuer 
autant que je l'eusse désiré, parce que le terrain où 
j'observais, fut bouleversé par le passage d’un régi- 
ment de cavalerie. C’est au bois du Vésinet, près 
Saint - Germain - en - Laye, où j'avais remarqué les 
jours précédens plusieurs fourmilières , d’où les mâles 
et les femelles ailées sortaient en foule pour s’accou- 
pler ; ce qui me permit de vérifier la plupart des faits 
allégués à cette occasion par le savant que je viens de 
citer. M'étant assis sur une pente découverte et sa- 
blonneuse, ne portant encore ni buisson ni herbe, et 
bordant un chemin nouvellement creusé, j'aperçus cinq 
ou six ouvrières Fourmis exécutant des mouvemens 
qui ne leur sont pas ordinaires. Le centre de ces mou- 
vemens était une cavité qui aurait pu contenir une 
petite noix, mais dont l'ouverture très-rétrécie n'avait 
que deux à trois lignes de diamètre. Les Fourmis, en 
courant fort vite, sortaient alternativement de ce 
trou ; à les voir en ce moment on les eût dites pressées 
d'aller loin , tandis qu’au contraire, à peine parvenues 
à cinq ou six pouces de la cavité, elles retournaient 
sur leurs pas aussi vite qu’elles étaient venues, et 


DES HYMÉNOPTÈRES. 143 


rentraient dans la cavité pour en ressortir le moment 
d’après. Je vis ces marches se continuer tout le temps 
que je mis à observer, je vis aussi arriver une autre 
ouvrière dont le ventre était gros, comme l’est celui 
de celles qui reviennent de la récolte : elle portait en 
outre dans ses mandibules un débris de bois. Elle entra 
à la suite d’une des Fourmis que j'avais vues manœu- 
vrer autour de l'entrée ; elle parut plutôt tomber in- 
volontairement dans le trou qu'y entrer à dessein. La 
cavité étant peu profonde et l'ouverture assez grande 
pour que la lumière y pénétrât, mes yeux purent 
l'y suivre. Je découvris alors à l’intérieur une femelle 
féconde : je ne devais pas hésiter à la croire telle, 
puisqu'elle était de la taille voulue , avait le ventre 
gros , et était privée d'ailes. La Fourmi rouvellement 
arrivée s'était d’abord arrêtée près d'elle. Mais bientôt 
je la vis avec plaisir lui présenter sa langue chargée 
d’une goutte de liqueur, qui fut absorbée par la fe- 
melle. Je n’aperçus dans cette cavité ni œuf, ni Jarves, 
ni nymphes, et je les eusse nécessairement vues, parce 
que , effrayées par mon rapprochement , les ouvrières 
dont j'avais observé les mouvemens s'étaient écartées 
au dehors, discontinuant l'exercice que je leur avais 
vu faire, qu’elles reprirent ensuite, et auquel se joi- 
gnit la nouvelle venue. Pendant quelques heures que 
je mis à les observer, je vis arriver un très-petit nom- 
bre d’ouvrières chargées comme la première. Elles y 
restèrent aussi, quoique paraissant y être arrivées par 
hasard ; et ce fait me parut expliquer la manœuvre qui 
m'avait frappé d’abord , comme servant à attirer dans 
le trou les Fourmis de leur espèce passant là par ha- 
sard. Il paraîtrait que dès lors elles se déterminent à 
rester près de la jeune femelle et à élever sa postérité, 


144 » HISTOIRE NATURELLE 


malgré tous les travaux que leur impose cette nouvelle 
tâche. Comme il n’y avait encore, dans cette fourmi- 
lière naïssante, rien qui indiquât que la ponte de la 
femelle féconde füt commencée, je ne pus m’empé- 
cher de regarder les ouvrières qui y travaillaient , 
comme s'étant jointes à la femelle fécondée pour en- 
treprendre une nouvelle colonie , dont la réussite ne 
semblait pas douteuse, quoique leur réunion me pa- 
rût en même temps fortuite. Le lendemain je revis cet 
établissement ; la manœuvre observée la veille avait 
cessé, je vis que des fouilles inférieures et latérales 
avaient été faites ; je n’apercus plus la femelle féconde, 
qui probablement était passée dans un étage inférieur 
pour être plus à l'abri des dangers. Mais les ouvrières, 
sans me paraître en beaucoup plus grand nombre que 
la veille, travaillaient. Les unes apportaient du dedans 
au dehors des grains de terre , ce qui indiquait qu’elles 
creusaient des chambres , et que par conséquent elles 
voulaient s'établir là : les autres revenaient de la pi- 
corée manifestement chargées. Au bout de quelques 
jours je revins, désirant savoir si la population aug- 
mentait, et voulant m'assurer en fouillant si la ponte 
de la femelle était commencée. Mais les pieds des 
chevaux avaient tout culbuté, et la fouille du terrain 
me prouva seulement que mes Fourmis, tant mères 
qu'ouvrières , avaient décampé par suite du boule- 
versement de leur établissement. 

On voit que les particularités qui accompagnent 
la formation première d’une fourmilière sont encore 
incertaines et qu'elles mériteraient d’être observées 
avec soin. M. Huber croit que la femelle féconde 
la fonde seule, et c’est ce que nous observons dans 
plusieurs familles d'Hyménoptères Ovitithers sociaux. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 149 
Nous avons cru observer que des ouvrières l’aident 
dès le commencement , non qu’elles sortent à sa suite 
de la fourmilière, comme les Abeilles à la suite de 
leur mère, mais bien que , rencontrant une femelle 
isolée dans leurs courses ordinaires, elles se vouent, 
en se joignant à elle et ne retournant plus à leur an- 
cienne patrie, à la fondation d’une nouvelle colonie. 
Il serait au reste possible que les deux modes réus- 
sissent également. 

La durée de la vie, ni celle de la fécondité des femelles, 
ne sont pas encore connues. Que de faits intéressans res- 
tent encore à découvrir malgré de savantes observations, 
et doivent engager à l’étude des œuvres du Créateur ? 

Les mâles, soignés et nourris dans leurs premiers 
états par les ouvrières, retenus par elles dans l’inté- 
rieur de la fourmilière pendant quelques jours après 
le dernier changement qui les rend Insectes parfaits, 
recoivent enfin la permission de sortir en même temps 
que les femelles propres à être fécondées ; ils s’envo- 
lent à la suite de celles-ci, et se réunissent à elles dans 
les airs. Comme ils sont très-nombreux, ils forment 
une espèce de nuage qui tourbillonne autour de la 
fourmilière, à moins que le vent survenant n’em- 
porte cette multitude plus loin, ce qui arrive assez 
souvent. Gette même multitude de mâles , bien supé- 
rieure au nombre de femelles à féconder, assure un 
mari à chacune de celles-ci, et laisse beaucoup de 
mâles sans accouplement. On sent qu'il était bien 
plus important de rendre infaillible la fécondation 
des mères qui perpétueront l’existence d’une espèce à 
qui le Créateur a dit, comme à toutes : Croissez et 
multipliez , que de donner une femelle à chaque mâle ; 
on sent encore que le nombre de ces femelles si fé- 

HYMENOPTÈRES, TOME I. 10 


146 HISTOIRE NATURELLE 


condes devait être borné pour que le monde ne füt pas 
envahi par leur postérité, tandis que, sans la multi- 
plicité des mâles, l’inconstance de l'élément où se 
passent leurs amours, eût rendu la fécondation 
souvent impossible. d 

La saison et l'heure du jour où les mâles et les 
jeunes femelles s’envolent pour se connaître et se re- 
chercher, varient selon les espèces. Je n’en connais 
pas qui sortent vers le milieu du jour. C’est le plus 
souvent vers le soir où le soir même que se passe ce 
grand événement : pour quelques espèces, c'est même 
la nuit. Il se répète plusieurs fois et est toujours su- 
bordonné à l’état de l'atmosphère à l’époque où il pour- 
rait avoir lieu. L'air doit être chaud et calme ; et si ces 
dispositions changent pendant l'émotion , les ouvriè- . 
res interdisent de suite la sortie aux individus restés 
encore dans l’intérieur. 

Les mâles qui se sont accouplés meurent immé- 
diatement après l’accouplement ou même dans l’ac- 
couplement , après l'émission de la semence. Ceux 
qui ne sont pas accouplés meurent bientôt aussi; ne 
rentrant pas dans la fourmilière et ne sachant pas 
récolter , ils meurent dans un dénüment complet. 
Mais comme il en naît d’autres à mesure de lappari- 
tion des jeunes femelles à féconder, jamais celles-ci ne 
peuvent en manquer. 

On voit par tout ce que nous venons de dire, que 
la seule fonction des femelles fécondes est de pondre 
un grand nombre d'œufs , que celle des mâles est uni- 
quement de féconder ces femelles, et que toute la be- 
sogne , tous les travaux, tant intérieurs qu'extérieurs, 


tombent sur les femelles infécondes, que de là on ap- 
pelle ouvrières, . 


DES HYMÉNOPTÈRES, 147 


Mais nous avons dit au commencement de cette 
histoire des Hétérogynides que, dans quelques espè- 
ces, ces mêmes ouvrières savaient s'exempter de toute 
besogne et se faire servir par des ouvrières d’une au- 
tre espèce. Il nous reste à développer la manière dont 
elles s’y prennent pour cela. Quant au motif, il ne 
peut être que l'amour du repos, de l’oisiveté, puisque 
ces mêmes ouvrières ont fait elles-mêmes les travaux 
qu'elles vont faire faire à d’autres, et qu’elles les ont 
parfaitement exécutés pendant plusieurs mois. En ef- 
fet, ce n’est pas au commencement de la formation 
d'une fourmilière que l’on trouve des ouvrières étran- 
gères dans une famille de Fourmis. Cette conquête 
de serviteurs exige des combats : pour oser les tenter, 
il faut que la population des conquérantes soit forte. 
Jusque-là donc elles ont travaillé: à présent elles ne 
veulent plus le faire, ne se réservent que le droit 
d'aller en guerre, et se font servir pour tout le reste 
par des étrangères qui bâtissent à leur place, soi- 
gnent les petits et leur apportent à elles-mêmes la 
nourriture dans l’intérieur de l'habitation qu'elles ne 
quittent plus que pour des expéditions nouvelles. 
Les faits que nous avons à rapporter ici, ayant d’a- 
bord été vus par M. Huber, nous le laisserons les 
raconter lui-même, et voici d'abord comment il re- 
connut l'existence de ces fourmilières, où il y a 
des ouvrières des deux espèces , dont les unes n’y ont 
pas de femelles fécondes de leur espèce et font toute 
la besosne , et les autres ne font rien , ne commandent 
même pas, et sont ponctuellement servies ; fourmi- 
lières qu'il appelle d’après cela mixtes avec raison. 

« Je vis à la droite d’un chemin une grande four- 
» milière couverte de Fourmis Rousses; elles se dis- 

10. 


140 HISTOIRE NATURELLE 


» 


» 


> 


posèrent en colonne, partirent toutes ensemble et 
tombérent sur.une fourmilière Noir -cendrée, où 
elles s’introduirent presque sans opposition : une 
partie d’entre elles ressortirent de là, tenant entre 
leurs pinces des larves qu’elles avaient dérobées ; les 
autres, moins fortunées, ne rapportèrent aucun fruit 
de leur expédition : elles se divisèrent en deux 
troupes : celles qui étaient chargées, reprirent le 
chemin de leur demeure; celles qui n'avaient rien 
trouvé, se réunirent et marchèrent en corps sur 
une seconde fourmilière Noir-cendrée, dans laquelle 
elles firent un ample butin d'œufs , de larves et de 
nymphes. L'armée entière , formant deux divisions, 
se dirigeait du côté d’où je l'avais vu partir. 

» J'arrivai avant les Fourmis Rousses auprès de leur 
habitation ; mais quelle fut ma surprise en voyant à 
la surface un grand nombre deFourmis Noir-cendrées? 
Je soulevai la couche extérieure de l'édifice : il en sor- 
tit encore davantage , et je commençai à croire que 
c'était aussi une de ces fourmilières pillées par les 
Rousses, lorsque je vis arriver à la porte du nid la 
lésion de celles-ci, chargée des trophées dela vic- 
toire. Son retour ne causa aucune alarme aux Noir- 
cendrées : les Fourmis Rousses descendirent avec 
leur proie dans les souterrains, les Noir-cendrées ne 
parurent pas s’y opposer; j'en vis même quelques- 
unes s'approcher sans crainte de ces Fourmis guer- 
rières , les toucher avec leurs antennes , leur donner 
à manger, comme celles d’une même espèce le font 
entre elles, et prendre quelques-uns de leurs fardeaux 
et les emporter dans le nid. Les Fourmis Rousses 
n'en ressortirent plus de la journée : les Noir-cen- 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 149 
drées restèrent encore quelque temps dehors : mais 
elles se retirèrent avant la nuit. 

» Jamais énigme ne piqua plus vivement ma cu- 
riosité que cette singulière découverte. Je trouvai 
bientôt , près de chez moi, plusieurs fourmilières 
du même genre, et je m'étonnai d’être le premier à 
reconnaître leur existence... J'étais impatient de 
connaître les relations de ces deux espèces de Four- 
mis : pour y parvenir, j'ouvris une de leurs four- 


22 


milières; j'y trouvai un très - grand nombre de 


. Fourmis Rousses au milieu de Noir-cendrées, et je 


commençai déja à acquérir quelques notions sur 
leurs rapports mutuels. 

» Les Noir-cendrées s’occupèrent de suite à rétablir 
les avenues de la fourmilière mixte; elles creusè- 
rent des galeries et emportèrent dans les souter- 
rains les larves et les nymphes que j'avais mises à 
découvert. Les Rousses, au contraire, passèrent in- 
différemment sur ces larves sans les relever, ne se 
mélèrent pas aux travaux des Noir-cendrées, errè- 
rent quelque temps à la surface du nid, et se reti- 
rèrent enfin, pour la plupart , dans le fond de leur 
citadelle. 

» Mais à cinq heures de l’après-midi la scène 
change tout à coup : je les vois sortir de leur re- 
traite; elles s’agitent, s’avancent au dehors de la 
fourmilière ; aucune ne s’écarte qu’en ligne courbe, de 
manière qu’elles reviennent bientôt au bord de leur 
nid ; leur nombre augmente de momens en momens; 
elles parcourent de plus grands cercles : un geste 
se répète constamment entre elles; toutes ces Four- 
mis vont de l’une à l’autre, en touchant de leurs 
antennes et de leurs fronts le corselet de leurs com- 


150 HISTOIRE NATURELLE 


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pagnes ; celles-ci à leur tour s’approchent de celles 
qu’elles voient venir, et leur communiquent le même 
signal, c’est celui du départ; l'effet n’en est pas 
équivoque : on voit aussitôt celles qui l'ont recu, se 
mettre en marche et se joindre à la troupe. La co- 
lonne s'organise ; elle s’ayvance en ligne droite; se 
dirige dans le gazon; toute l’armée s'éloigne et tra- 
verse la prairie ; on ne voit plus aucune Fourmi 
Rousse sur la fourmilière, La tête de la légion semble 
quelquefois attendre que l’arrière-garde l'ait re- 
jointe; elle se répand à droite et à gauche sans 
avancer ; l’armée se rassemble de nouveau en un 
seul corps, et repart avec rapidité. On n’y remar- 
que aucun chef : toutes les Fourmis se trouvent 
tour à tour les premières ; elles semblent chercher à 
se devancer. Cependant quelques-unes vont dans 
un sens opposé; elles redescendent de la tête à la 
queue, puis reviennent sur leurs pas et suivent le 
mouvement général; il y en a toujours un pelit 
nombre qui retournent en arrière, et c’est proba- 
blement par ce moven qu’elles se dirigent. 

» Arrivées à plus de trente pieds de leur habita- 
tion , elles s'arrêtent, se dispersent et tâtent le ter- 
rain avec leurs antennes, comme les chiens flairent 
les traces du gibier; elles découvrent bientôt une 
fourmilière souterraine : les Noir-cendrées sont reti- 
rées au fond de leur demeure ; lesFourmis Rousses 
ne trouvant aucune opposition pénètrent dans une 
galerie ouverte : toute l’armée entre successivement 
dans le nid, s'empare des nymphes, et ressort par 
plusieurs issues : je la vois aussitôt reprendre la 
route de la fourmilière mixte. Ce n’est plus une ar- 
mée disposée en colonne, c'est une horde indisci- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 191 


plinée : ces Fourmis courent à la file avec rapidité; 
les dernières qui sortent de la fourmilière assiégée 
sont poursuivies par quelques-uns des habitans, qui 
cherchent à leur dérober leur proie; mais il est 
rare qu'ils y parviennent. 

» Je retourne vers la fourmilière mixte pour être 
témoin de l'accueil fait à ces spoliatrices par les 
Noir-cendrées avec lesquelles elles habitent, et je 
vois une quantité considérable de nymphes amon- 
celées devant la porte : chaque Fourmi Rousse y 
dépose son fardeau en arrivant , et reprend la route 
de la fourmilière envahie. Les Noir-cendrées, quit- 
tant leurs travaux en maçonnerie, viennent relever 
ces nymphes les unes après les autres et les des- 
cendent dans les souterrains : je les vois même 
souyent décharger les Fourmis Rousses, après les 
avoir touchées amicalement avec leurs antennes , et 
celles-ci leur céder sans opposition les nymphes 
qu’elles ont dérobées. 

» Suivons encore la troupe pillarde : elle retourne 
à l'assaut de la fourmilière qu’elle a déjà dévastée ; 
mais ses habitans ont eu le temps de se rassurer et 
de placer de fortes gardes à chaque porte. Les Rous- 
ses, en trop petit nombre d'abord, fuient lorsqu'elles 
voient les Noir-cendrées en défense ; elles retournent 
vers leur troupe, s’'avancent et reculent à plusieurs 
reprises, jusqu’à ce qu'elles se sentent en force; alors 
elles se jettent en masse sur une des galeries, chas- 
sent, mettent en déroute les Noir-cendrées ; toute 
l’armée s’introduit dans la cité souterraine et en- 
lève une grande quantité de larves qu’elle emporte 
à la hâte; mais on ne voit jamais les Rousses em- 
mener d'Insectes parfaits ; ce n’est pas aux Fourmis 


152 HISTOIRE NATURELLE 


» qu’elles en veulent, c'est à leurs élèves. A leur re- 
» tour à la fourmilière mixte, les Rousses reçoivent 
» encore le meilleur accueil : les Noir-cendrées ont 
» serré la première récolte ; chacune des Rousses pose 
» de rechef sa nymphe à l'entrée de l'habitation, on 
» la remet immédiatement à quelque Noir-cendrée, et 
» celle-ci s’empresse de la porter dans l’intérieur 
» du nid. » 

Une troisième attaque eut encore lieu le même 
jour : quoique plus difficile, parce que les Noir-cen- 
drées avaient fortifié les entrées en y rassemblant 
tous les morceaux de bois et de terre dont elles avaient 
pu disposer , et qu'elles se tenaient sur le qui-vive, 
elle réussit encore. Les Rousses pénétrèrent, après 
avoir écarté les obstacles et emportant un nouveau 
butin , revinrent à leur habitation ; « mais cette fois, 
» au lieu de remettre à leurs associées le fruit de leurs 
» rapines, elles l’introduisent elles-mêmes dans les 
» souterrains, et n’en ressortent plus de tout le jour. » 
Le lendemain eurent lieu de nouvelles expéditions 
à d’autres fourmilières, qui eurent toutes le même 
succès. 

On a pu remarquer que, dans toute cette histoire des 
Hétérogynides, nous avons donné à toutes les espèces 
le nom de Fourmis , nous conformant en cela à l’usage 
vulgaire, ainsi que nous en avions prévenu au com- 
mencement ; cependant nous devons avertir 1ci que 
les Rousses et les Noir-cendrées sont des Fourmis 
(en terme vulgaire), ou (scientifiquement) des Hé- 
térogynides d'espèces et même de genres entièrement 
différens. On trouve des fourmilières de Rousses, 
composées seulement de Rousses mâles et femelles ; 
celles-ci, tant fécondes qu'ouvrières, sans mélange 


DES HYMÉNOPTÈRES. 159 
d'autre espèce. Voilà le type de toutes les fourmi- 
lières, même de celles qui deviendront mixtes par la 
suite, et beaucoup d'espèces se suffisent à elles-mêmes 
et ne s’adjoignent pas d’ouvrières étrangères : de ce 
nombre sont les Noir-cendrées. On trouve des four- 
milières de Rousses mixtes, et l’ouverture de ces 
habitations prouvent qu'elles sont composées de 
Rousses mâles et femelles, tant fécondes qu'ouvrières, 
et, de plus, d’ouvrières d’une autre espèce faisant 
tout le service, tant intérieur qu'extérieur de la four- 
milière. 

M. Huber ayant ouvert des fourmilières mixtes vit, 
« par l'exposé du contenu de la fourmilière mixte, 
» qu'elle appartient à l'espèce Rousse; qu’elle est 
» composée des trois sortes d'individus de cette espèce 
» et des ouvrières Noir-cendrées ; car, avec quelque 
» soin qu'il cherchät à découvrir des mâles et des 
» femelles de cette dernière espèce, il n’y en a jamais 
» trouvé aucun. Il ÿ vit cependant beaucoup de jeunes 
» ouvrières Noir-cendrées reconnaissables à leur cou- 
» leur... Elles donnent tous leurs soins aux larves 
» des Fourmis rousses, à leurs nymphes, à leurs 
» femelles, à leurs mâles, à elles-mêmes enfin; elles 
» vont pour elles aux provisions, les nourrissent et 
leur bâtissent des habitations. » 
En eflet, ce furent ces ouvrières Noir-cendrées qui 
reconstruisirent la fourmilière mixte ouverte par 
M. Huber et remirent chaque chose à sa place. Ce 
savant observateur, ayant aussi établi une fourmilière 
mixte dans un appareil vitré, vit une harmonie con- 
stante régner entre les deux espèces; les Rousses 
vivant sans travailler, s’y multipliant, elles et leur 
postérité, nourries par les Noir-cendrées ; celles-ci 


C3 


154 HISTOIRE NATURELLE 


seules chargées de toute espèce de besogne. Quelque 
étonnant que cela paraisse, il faut observer que ces 
ouvrières ne sont devenues Insectes parfaits, et par 
conséquent n’ont développé leurs facultés instinctives 
que dans la fourmilière mixte, et que, par suite, elles 
ne connaissent pas d'autre patrie. 

Les Noir-cendrées ne sont pas les seules qui soient 
enlevées par les Rousses pour devenir leurs servantes : 
M. Huber a aussi trouvé des Rousses ayant des ou- 
vrières de l'espèce qu'il appelle la Fourmi Mineuse. 
Il a anssi observé que l'espèce qu'il nomme la Fourmi 
Sanguine se procure également des serviteurs parmi 
les Noir-cendrées, et emploie pour cela les mêmes 
moyens que la Fourmi Rousse. 

Certaines espèces de Fourmis attaquent aussi d’au- 
tres fourmilières pour s'emparer des Pucerons que 
celles-ci contiennent et qui y ont été amenés pour 
fournir par leurs excrétions sucrées un fonds de provi- 
sions placé à portée des consommatrices et à l’abri des 
injures de l'air. Les incursions que ces guerres néces- 
sitent se passent à peu près comme celles dont nous 
venons de donner le récit ; mais les deux parties y font 
un usage plus meurtrier de leurs armes, c’est-à-dire 
les unes de leur aiguillon, les autres de l’éjaculation 
du venin de leurs glandes anales , et il reste souvent 
un assez grand nombre de morts sur le champ de 
bataille. 

Nous avons vu nos Hétérogynides exécuter avec un 
accord parfait des travaux de plus d’un genre, et cet 
accord suppose entre elles des moyens de se compren- 
dre qu'il nous reste à expliquer. Nous laisserons en- 
core ici parler le savant observateur Huber. 

« Nous avons déjà, dit-il, fait connaître plusieurs 


DES HYMÉNOPTÈRES. 155 
traits de la sociabilité des Fourmis, en parlant de 
l'éducation qu’elles donnent aux petits d’une autre 
mère, de leur conduite à l’égard des mâles et des 
femelles, et des travaux qu’elles entreprennent en 
commun pour la construction de leur demeure; mais 
ce n’était encore là que des faits isolés qui ne mon- 
trent pas en quoi consiste le véritable secret de 
l’harmonie qui règne chez elles... » 
Pour étudier les rapports des Fourmis les unes avec 


les autres, choisissons les circonstances les plus sim- 
ples de leur vie : « On pourrait sans doute irriter les 


» 


» 


Fourmis qui se trouvent à la surface du nid, sans 
alarmer celles de l’intérieur , si elles agissaient iso- 
lément, et n'avaient aucun moyen de se communi- 
quer leurs impressions mutuelles. Gelles qui sont 
occupées au fond de leurs souterrains, éloignées du 
danger, ignorant celui dont leurs compagnes sont 
menacées, ne viendraient pas à leur secours ; mais 
il paraît qu’elles sont, au contraire, très-bien et 
très-promptement informées de ce qui se passe à 
l'extérieur. Quand on attaque celles du dehors, la 
plupart se défendent avec courage ; mais il en est 
toujours quelques-unes qui se précipitent au fond 
de leurs galeries et jettent l’alarme dans la cité sou- 
terraine. L’'agitation se communique aussitôt de 
quartier en quartier; les ouvrières accourent en 
foule, avec toutes les démonstrations de l'inquiétude 
et de la colère. Ce qui paraît surtout digne de re- 
marque, c'est que les Fourmis préposées à la garde 
des petits, et qui se tiennent dans les étages supé- 
rieurs où la température est la plus chaude, averties 
du danger qui menace leurs élèves, et toujours diri- 
gées par cette sollicitude que nous avons souvent 


156 HISTOIRE NATURELLE 


> 


admirée, se hâtent de les emporter dans les caveaux 
les plus profonds de leur habitation et de les mettre 
ainsi à l’abri de toute atteinte. Pour pouvoir étudier 
en détail la manière dont l'alarme se répand dans la 
fourmilière, il fallait faire ces observations sur la 
plus grande espèce : les Fourmis Hercules (1)... 
m'ont oflert à cet égard beaucoup de facilité. 

» Les ouvrières ont cinq à six lignes de long; les 
individus ailés sont aussi grands à DUBAI on les 
uns et les autres se promènent ordinairement, dans 
les jours où ils doivent s’accoupler, sur le tronc d’un 
chéne à l'entrée de leur habitation. Lorsque j'in- 
quiétais les Fourmis les plus éloignées de leurs com- 
pagnes , en les observant de trop près ou en soufllant 
dessus légèrement, je les voyais accourir vers d’au- 
tres Fourmis, leur donner de petits coups de tête 
contre le corselet, et leur communiquer, par ce 
moyen , leur crainte ou leur colère; elles allaient de 
l’une à l'autre en parcourant un demi-cercle, et 
heurtaient à plusieurs reprises celles qui ne se met- 
taient pas à l’instant en mouvement. Celles-ci , aver- 
ties du danger, partaient aussitôt en décrivant à 
leur tour différentes courbes, et s’arrêtaient pour 
frapper de leur tête toutes celles qui se trouvaient 
sur leur passage. En un instant les signes se répé- 
taient de toutes parts ; toutes les ouvrières parcou- 
raient avec agitation la surface de l'arbre ; et celles 
de l'intérieur, averties probablement par le même 
moyen, sortaient en foule et se joignaient à ce 
tourbillon. 


(1) C'est notre Formica ronge-bois. 


DES HYMÉNOPYÈRES, 157 
» Les mèmes signes qui produisaient sur les ou- 
vrières l'effet dont nous avons parlé, causaient une 
impression différente sur les mâles et les femelles : 
dès que l’ouvrière leur avait communiqué la nou- 
velle du danger, ils cherchaient un asile et rentraient 
précipitamment dans l'intérieur du tronc; mais 
aucun d'eux ne songeait à se retirer, jusqu'à ce 
qu’une ouvrière ne s’en fût approchée et ne lui eût 
donné le signal de la fuite : la sollicitude des ou- 
vrières à leur égard se manifestait par l’activité 
avec laquelle elles leur donnaient l'avis de s’éloi- 
gner , elles redoublaient alors les signes que nous 
avons indiqués , comme si elles eussent jugé qu'ils 
dussent les comprendre moins facilement que les 
compagnes de leurs travaux. Celles-ci les entendent, 
pour ainsi dire, à demi-mot; cependant il est des 
cas où elles ont besoin d'avis réitérés ; l'observation 
suivante en est un exemple; elle paraîtra peut-être 
minutieuse; mais, comme il s'agit de démontrer 
que les Fourmis ont une espèce delangage, on vou- 
dra bien me permettre d’entrer dans quelques détails 
en faveur de l’importance du sujet. 
» Les pieds de ma fourmilière artificielle plongeaient 
dans des baquets qu’on avait soin de tenir toujours 
pleins d’eau : cet expédient , inventé d’abord pour 
fermer le passage aux Fourmis, devint pour elles 
une source de jouissances ; car elles boivent, comme 
les Papillons, les Abeilles et d’autres Insectes, 
pendant les chaleurs de l'été. Un jour qu’elles 
étaient occupées à lécher lesgouttelettes qui filtraient 
entre les fibres du bois, et qu’elles paraissaient pré- 
férer à boire dans le bassin, je m’amusai à les in- 
quiéter : cette expérience donna lieu à une scène 


158 HISTOIRE NATURELLE 


» 


= 


qui me parut concluante. La plupart des Fourmis 
remontèrent aussitôt le long de la ruche; il en resta 
cependant un petit nombre que ma présence ne pa- 
rut pas avoir alarmées, et qui continuèrent à boire ; 
mais une des premières redescendit et s’approcha 
d’une de ses compagnés qui paraissait absorbée par 
le plaisir de se désaltérer; elle la poussa avec ses 
mandibules, à plusieurs reprises, en baissant et 
relevant sa tête par saccades , et réussit bientôt à la 
faire partir. L'oflicieuse Fourmi s’adressa ensuite à 
une autre ouvrière qui buvait encore , chercha à la 
stimuler par derrière en frappant son abdomen ; mais 
voyant qu'elle ne paraissait pas la comprendre, elle 
s’approcha de son corselet, et lui donna deux ou 
trois coups avec le bout de ses mâchoires : la 
Fourmi, prévenue enfin de la nécessité de s’éloi- 
gner, remonta précipitamment sous la cloche; une 
troisième, avertie de la même manière et par la 
même Fourmi, regagna promptement le logis; 
mais la quatrième, qui restait seule au bord de 
l'eau, ne se retirait pas, malgré les preuves de sol- 
licitude dont elle était l’objet; elle ne paraissait 
faire aucune attention aux secousses réitérées de la 
donneuse d’avis ; celle-ci la prit enfin par une des 
jambes de derrière et la tira brusquement. La 
Fourmi , qui se désaltérait encore , se retourna, en 
ouvrant ses mandibules avec toutes les apparences 
de la colère , puis se remit tranquillement à boire; 
mais sa compagne ne lui en laissa pas le temps, 
elle passa devant elle , la saisit par ses mandibules 
et l’entraïna rapidement dans la fourmilière. 

» Ces observations font voir de quelle manière les 
Fourmis se font entendre quand elles veulent s’avér- 
tir mutuellement du danger dont elles se croient 


DES HYMÉNOPTÈRES. 159 


» menacées. Passons aux moyens qu'elles emploient 
» pour se diriger dans leurs voyages. 

» Je me suis amusé quelquefois, dit M. Huber, à 
» disperser au milieu d’une chambre les débris d’une 
» petite fourmilière de terre; je m'attendais à voir les 
» Fourmis se suivre à la piste pour chercher un 
» abri; mais ce n’est pas ainsi qu’elles se dirigeaient ; 
» elles se répandaient de tous côtés et prenaient mille 
» routes différentes ; chacune d'elles cheminait à part, 
» elles se rencontraient, se croisaient dans tous les 
» sens; je les voyais long-temps errer à l'aventure 
» avant de trouver une place où elles pussent se réu- 
» nir. Quand l’une d’elles découvrait dans le plancher 
» quelque fente au travers de laquelle elle püt se glis- 
» ser dans l’espace inférieur, elle revenait au milieu 
» de ses compagnes, et, au moyen de gestes faits avec 
» ses antennes, elle leur indiquait la route qu’elles 
» devaient prendre ; elle en dirigeait même quelques- 
» unes en les accompagnant jusqu'à l'entrée du sou- 
» terrain, et celles-ci à leur tour servaient de guides 
» à d’autres. Toutes les fois qu’elles se rencontraient, 
» elles s’arrétaient , se frappaient avec leurs antennes 
» d’une manière très-marquée , et paraissaient mieux 
» instruites de la route qu’elles devaient suivre; par 
» ce moyen toute la fourmilière se rendait successi- 
» vement dans le même lieu. » 

On voit, par ce que nous venons de rapporter, 
que les Fourmis s'entendent pour exécuter Îles pro- 
jets qu’elles forment, au moyen d’attouchemens des 
mandibules et des antennes ; la manière dont elles 
exécutent leurs migrations, va nous servir encore à le 
prouver , en nous montrant en Ooutré ün nouveau trait 
de la complaisance qu’elles ont pour les individus de 
leur espèce , et même des services rendus par les maf- 


160 HISTOIRE NATURELLE 
tresses à leurs ouvrières étrangères qui les servent, 
ou par celles-ci à leurs maîtresses. 

Telle habitation, qui a long-temps convenu à une 
société de Fourmis , peut cesser de leur être agréable. 
Cela arrive souvent , lorsqu'une horde ennemie , éla- 
blie dans les environs, a attaqué plusieurs fois la 
fourmilière pour enlever, soit les larves , les nymphes 
et les œufs, soit les Pucerons. Dans ces deux cas, 
menacées ou de dépopulation ou de famine , il est or- 
divaire que les Fourmis cherchent un nouveau domi- 
cile , effet que produisent aussi tous les dégâts habi- 
tuels et répétés de leurs constructions. « Je mis, dit 
» M. Huber, à l'épreuve plusieurs fourmilières : j'a- 
» battis si souvent le toit de leur ville souterraine que 
» je réussis à les détacher de leurs foyers : la pre- 
» mière et la seconde fois elles réparèrent les dégâts 
» que javais commis; à la troisième, elles com- 
» mencèrent à chercher un asile moins exposé à de 
» tels accidens. Je voyais alors partir du nid quelque 
» ouvrière chargée d’une autre Fourmi suspendue à 
» ses mandibules, et je la suivais attentivement jus- 
» qu’au bord d’une cavité souterraine où elle déposait 
» sa protégée. 

» Le nombre des Fourmis porteuses, d’abord fort 
» petit, s’'augmentait à chaque instant ; je n'en voyais 
» au commencement que deux ou trofs dans le sen- 
» tier, et probablement les mêmes ; mais quand elles 
» en avaient amené assez d'autres pour subvenir aux 
» travaux de la nouvelle fourmilière, une partie des 
» colons allait à leur tour dans l’ancien nid, dont ils 
» liraient, comme d’une pépinière, des habitans pour 
celui qu'ils voulaient peupler. I fallait voir arriver 
» les recruteuses sur la fourmilière natale pour ju- 


CA 


DES HYMÉNOPTÈRES. 161 


» ser avec quelle ardeur elles s’occupaient de leur 
» colonie. » 

Remarquons donc ici un dessein formé par un pe- 
tit nombre d'individus , qui cependant finit par obte- 
nir l’assentiment général. Ce sont des ouvrières qui 
le concoivent, parce que c'étaient également elles que 
les dégâts souvent répétés menaçaient d’un surcroît 
de travail. Mais quel est le moyen qu’elles emploient 
pour le faire adopter aux autres? Jusqu'ici l’on pour- 
rait croire que la force y est pour quelque chose, et ces 
Fourmis , emportées dans les mandibules des autres, 
pourraient passer pour être transportées contre leur 
gré. Mais cependant elles ne se débattent pas ! Con- 
sidérez de plus les recruteuses. « Elles s’approchent 
» à la hâte de plusieurs Fourmis, les flattent tour à 
» tour de leurs antennes, les tirent par les mandibules, 
» et semblent en vérité leur proposer le voyage. Cel- 
» les-ci se trouvent - elles disposées à partir, je les 
» vois se saisir par leurs mandibules, et, tandis que 
» la porteuse se retourne pour enlever celle qu’elle a 
» gagnée, celle-ci se suspend et se roule au-dessous 
» de son cou : tout cela se passe ordinairement de la 
» manière la plus amicale, après un battement mu- 
» tuel de leurs antennes sur la tête l’une de l’autre, et 
» avec des mouvemens peu différens de ceux qu’elles 
» font, lorsqu'elles se donnent à manger. 

» Mes appareils vitrés m'ont souvent permis de 
» voir ce qui se passait au dedans des fourmilières 
» pendant l’émigration ; car dès que les ouvrières 
» apercevaient quelque issue échappée à ma vigilance, 
» elles en profitaient pour chercher un autre asile ; 
» elles se répandaient d’abord séparément sur le 
» plancher, et paraissaient observer tous les recoins 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. IT 


162 HISTOIRE NATURELLE 


» du cabinet, jusqu'à ce qu’elles eussent découvert 
» un gite où elles pussent s'établir. C'était alors seu- 
» lement qu’elles commençaient à recruter : celle qui 
» la première avait trouvé un refuge assuré, allait 
» aussitôt chercher ses compagnes une à une sur le 
» parquet, puis dans la fourmilière même; mais il 
» suflisait d'enlever à temps la première recruteuse 
» pour arrêter l'émigration, jusqu'à ce qu’une autre 
» eût découvert quelqu'autre retraite convenable. 

» Le recrutement durait plusieurs jours : mais, 
» lorsque toutes les ouvrières connaissaient la route 
» de la nouvelle habitation , elles cessaient de se por- 
» ter : elles avaient pratiqué des routes, des avenues, 
» des cases ; elles ÿ apportaient leurs nymphes et leurs 
» larves, puis les mâles et les femelles; à cette 
» époque tout leur déménagement était fini : elles 
» abandonnaient pour toujours la fourmilière arti- 
» ficielle. » 

Il est d'autres Fourmis qui portent leurs compa- 
gnes d’une manière différente de celle que nous avons 
décrite plus haut : elles les prennent aussi par leurs 
mandibules , mais au lieu de les porter roulées et sus- 
pendues au-dessous de leur cou, elles les tiennent 
renversées dans le sens contraire, la tête en bas et le 
corps en l’air. D’autres ne portent jamais, même dans 
les migrations , leurs compagnes ouvrières adultes, 
mais seulement les mâles et les femelles, et les ou- 
vrières nouvellement transformées : ce qui prouve- 
rait que celles-ci ne connaissent pas encore leur 
langage. 

Dans les fourmilières mixtes, ce sont tantôt les 
ouvrières primitives, tantôt les ouvrières transplan- 
tées qui conçoivent l’idée du déménagement et qui 


DES HYMÉNOPTÈRES. 163 


l’exécutent. Au moyen des mêmes signes , elles s’en- 
tendent , quoique d'espèces différentes , et se laissent 
transporter par celles qui ont concu les premières le 
plan de l’émigration ; ce qui prouverait que cette 
espèce de langage est uniforme pour tous les Hétéro- 
gynides. Nous pensons même, d’après ce que nous 
avons vu, qu'il est le même dans tous les Hyménop- 
tères Ovitithers Phytiphages Nidifians Sociaux. 

On ne doit pas croire avec M. Bonnet, de Genève, 
que des Fourmis se fassent porter de force par d’au- 
tres, lorsqu'elles souffrent ou qu’elles sont irritées, et 
que l’ouvrière, qui veut se faire porter, saisisse au cou 
lune de ses compagnes et s’obstine à ne pas lâcher 
prise. Nous avons vu souvent des Fourmis s'arrêter 
près de leurs compagnes blessées, les toucher avecleurs 
antennes, les saisir ensuite avec leurs mandibuies 
et les rapporter à leur fourmilière. M. Latreille dit 
avoir vu les compagnes d’une Fourmi à laquelle il 
avait coupé les antennes, faire sortir de leur bouche 
une goutte d’une liqueur transparente, dont elles con- 
naissaient apparemment la vertu, et la verser sur la 
partie blessée. 

M. Huber a vu des Fourmis d’une même fourmi- 
lière se reconnaître au bout de quatre mois de sépa- 
ration, et se réunir aussitôt que l'obstacle qu'il y avait 
mis , se trouva levé fortuitement. Ce fut par l’attou- 
chement des antennes qu’elles avérèrent l'identité 
de leur origine. Dans les cas ordinaires, une Fourmi 
étrangère, c'est-à-dire d’une autre fourmilière, 
quoique de même espèce, serait repoussée et mal- 
traitée. 

Après avoir donné ces détails sur les habitudes et 
l'instinct admirable des Hétérogynides, nous pou- 

11. 


164 HISTOIRE NATURELLE 


vons encore dire quelque chose de leur utilité dans 
la rature. Nous avons vu déjà celle dont l’Atta cé- 
phalotes, l’une d'elles, est aux habitans des parties 
chaudes de l'Amérique, en détruisant, dans leurs mai- 
sons, des Insectes qui, par leur multiplication, leurs 
ravages journaliers, imprévus et ordinairement pra- 
tiqués dans l'obscurité (je parle des Blattes), au- 
raient pu les forcer à déserter ces mêmes maisons. Il 
est certain que les Hétérogynides détruisent partout 
beaucoup d’Insectes et d’autres animaux nuisibles. 
Mais la petitesse des espèces de notre pays nous em- 
pêche de remarquer l'utilité dont elles sont sous ce 
rapport. En ramassant la liqueur sucrée que rejet- 
tent les Pucerons et les Gallinsectes, elles rendent 
un éminent service aux végétaux ; car lorsque la miel- 
lée, nom qu’on donne assez généralement à cette li- 
queur , tombe sur les feuilles , elle en bouche les po- 
res, et alors, à moins qu'une pluie bienfaisante ne 
vienne les laver, ces feuilles dépérissent et tombent 
bientôt. Il arrive encore que, moyennant cet enduit 
collant, la poussière se fixe sur les feuilles, voile leur 
verdure et bouche leurs pores, ce qui produit un 
effet désagréable à nos yeux et empêche les feuilles 
de recevoir de l’atmosphère les principes qui con- 
stituent l'espèce de séve qui sert particulièrement à 
la nourriture des fruits, ainsi que l'ont prouvé les 
belles expériences de MM. Thouin , que l'amitié et la 
science regretteront long-temps. 

La chimie retire des Fourmis un acide (1), qu’elle 


(1) « Le procédé le plus simple pour se procurer l'acide formi- 
» que à l'état de pureté, dit M. Th. Thomson (Syst. de Chim., 
» trad. de J. Riffaut, tom. IL. Paris, Méquignon, Marvis, 1818), est 
»* celui de Margraff, perfectionné par Rithter. C'est en conséquence 


DES HYMÉNOPTÈRES. 165 


emploie à divers usages. On l’appelle acide formique. 
Sa présence dans les Hétérogynides se décèle par l’o- 


1 


» à cette méthode que Suensen eut recours ; elle consiste à distiller 
» dans un alambic d'argent ou de cuivre étamé une infusion d’une 
» quantité quelconque de Fourmis dans environ trois fois leur 
» poids d’eau. On continue la distillation tant que l’eau qu'elle en 
» sépare n'a pas l'odeur de brûlé, et on l'arrête dès que cette odeur 
» commence à se faire sentir. On sature alors par le carbonate de 
» potasse la liqueur passée par le récipient , et on l’évapore à siccité. 
» On mêle la masse blanche qu'on obtient avec autant d'acide sul- 
» furique, étendu d'un poids égal d'eau, qu'il en faut pour satu- 
» rer la potasse, et on distille lentement à siccité ce mélange dans 
une cornue. On rectifie de nouveau à une trés-douce chaleur le 
liquide passé dans le répicient, pour en chasser le peu d'acide sul- 
» furique qu'il aurait pu retenir. 

» Gekhlen, pour être encore plus certain de la pureté de son acide 
» formique, saturait l'acide, obtenu par le mode de préparation que 
» nous venons d'indiquer, avec du carbonate de cuivre ; et, par une 
» évaporation convenable , il séparait le formiate de cuivre en cris- 
» taux. Il distillait ensuite dans une cornue un mélange d'environ 
» {ao grammes de ces cristaux avec 260 grammes d'acide sulfu- 
» rique de 1,864 de pesanteur spécifique, il avait pour produit 
» 212 grammes d'acide formique pur. 

» Fourcroy et Vauquelin conclurent de leurs expériences sur les 
» Fourmis dont ils rendirent compte en 1802, que l'acide formi- 
» que n’est autre chose qu'un mélange des acides acétique et mali- 
» que. Ces assertions de chimistes aussi célèbres, ayant déterminé 
» Suensen à s'occuper aussi de cet objet, il fit voir, dans une sa- 
» vante dissertation sur l'acide formique, publiée en 1805, que la 
» plupart des faits annoncés par Fourcroy et Vauquelin avaient 
» déjà été observés par les chimistes qui les avaient précédés dans 
» l'objet de leur travail; que les expériences dont ils avaient pré- 
» senté le détail étaient insuflisantes pour établir les conclusions 
» qu'ils en avaient tirées; que l'acide formique convenablement 
» préparé ne contient pas d'acide malique, et qu'il a des propriétés 
» différentes de celles de l'acide acétique. 

» Berzélius a fait dernièrement avec beaucoup de précision l'a- 
» nalyse de l'acide formique. Il l'a trouvé composé de : 


A -Hydrogéne 90 RSA LUE 2, 84 

l'Garbone: 22 arepnve étang ie RTS EE 

MARPMPERE. , . à eAeeO ge TT OT 70 
100 


Je dois cet extrait à M. Blondeau, l’un des pharmaciens les plus 
instruits de la capitale. 


166 HISTOIRE NATURELLE 


deur acide qu'elles répandent autour d'elles. Je ne 
pense pas que la liqueur qu'elles jettent dans les 
plaies faites par leur aiguillon ou dans d’autres es- 
pèces, lancée par leurs glandes anales , soit autrec hose 
que cet acide. Un de ses eflets est de rougir les cou- 
leurs bleu ou violet tendre dans les corolles des fleurs 
qu'elles parcourent ; ce qui prouve que l’émanation 
suffit pour cela. 

Les acides ayant la propriété de crisper (1), et les 
parties des végétaux où se rendent, pour leur récolte, 
nos Hétérogynides étant souvent crispées, on a ac- 
cusé de ces déformations l'acide formique et par con- 
séquent nos Insectes. De là nos jardiniers, qui voient 
les feuilles et les jeunes branches de leurs arbres frui- 
tiers, ou même d'agrément, rabougries et contour- 
nées , cherchent à détruire leurs retraites. Nous pou- 
vons cependant assurer que ces accidens ne sont causés 
que par les piqüres réitérées des Gallinsectes et des 
Pucerons. Ce fait paraîtra clair à tous ceux qui , n’exa- 
minant pas superficiellement, trouveront beaucoup de 
branches contournées , de feuilles rabougries , plissées 
ou cloquetées, sans que les Fourmis y soient parve- 
nues. La seule inspection des branches où se tiennent 
les Pucerons etles Gallinsectes prouve suflisamment, 
ainsi que nous l'avons observé souvent nous-mêmes, 
ce que dit Réaumur à propos des fisures 2 et 3 
de la 23° Planche, 9° mémoire, p. 294 et 205 , t. IIT : 
« Comme la tige, en croissant, tend à s'élever , et que 
» les Pucerons qui la suivent jusque dans sa plus ten- 
» dre extrémité font perdre au côté contre lequel ils 
» sont appliqués beaucoup de suc nourricier, les cour- 


(x) Is me semblent n'agir ainsi que sur des parties awimales. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 167 


» bures que prend successivement cette tige doivent 
» faire, par la suite, diflérens tours arrangés à peu 
» près comme ceux d'un tire-bourre. » On voit que cet 
observateur n’attribue la déformation des vésétaux 
dont il s’agit qu'aux Insectes qui en sucent la séve. Si 
l'acide formique, et par conséquent la présence des 
Fourmis qui l’exhalent continuellement, pouvaient 
la causer, combien de parties de même nature des 
mêmes végétaux sont-elles parcourues par un nombre 
considérable de Fourmis, sans être déformées, lors- 
qu'elles vont visiter les Pucerons! On voit même, 
dans le sol des fourmilières, des végétaux qui sont 
certainement là dans une atmosphère saturée d'acide 
formique, et qui cependant n'éprouvent aucune dé- 
formation. C’est donc à tort que les Hétérogynides 
sont accusés de nuire par leur acide aux végétaux. 

Je serais aussi salisfait s'il m'était possible de dis- 
culper de tout reproche, ces Insectes si remarquables 
par leur industrie, par leur union sociale la plus per- 
fectionnée qui se trouve dans les Insectes, et par leur 
esprit de comparaison, cette partie de l'instinct qui 
les rapproche, ce me semble, quoique ‘'e bien loin, 
des animaux doués par le Créateur de l’émanation 
divine que nous nommons raison. Je veux parler des 
dégâts que les Fourmis font aux fruits dans les champs 
et dansles jardins, et du vol qu’elles nous font, chaque 
fois quelles le peuvent et jusque dans nos maisons, 
des provisions sucrées et du sucre lui-même. 

Il faut dire cependant à leur décharge que, placées 
sur la terre, souslerapport du droit d'usage, aux mêmes 
conditions que nous, elles ont la même part à sesfruits, 
qu'elles en ont même plus que nous, condamnés au 


travail pps aire naître ces mêmes fruits ; que si nous 


168 HISTOIRE NATURELLE 

les laissons pénétrer jusque dans nos garde-mangers, 
où nous serrons des choses analogues à celles que leur 
fournit la nature sans leur en demander compte, si 
notre négligence à fermer les issues leur permet de 
croire qu'elles sont encore là dans le domaine qui est 
également celui de l’homme et des animaux, c’est à 
nous que nous devrions raisonnablement nous en 
prendre de la perte qu’elles nous occasionnent. 

Ces dégâts, quoiqu'ils se bornent à bien peu de 
choses, ont fait employer contre les Fourmis des 
moyens de répression et de destruction. Les moyens 
de répression consistent à placer sur leur passage des 
corps sur lesquels elles répugnent à marcher ou qui 
les font tomber. Ainsi, lorsqu'elles ont à monter, une 
ligne tracée avec la craie empêche quelque temps leur 
passage , parce qu'une partie des atomes de craie qui 
la composent est prêt à s’écrouler et entraîne avec elle 
la chute de l’Insecte qui s’y appuyait. Un cordon de 
laine oppose également à leur marche ascendantel’en- 
trelacement des fils qui le composent et leur mobilité. 
Une ligne d'huile tracée par le pinceau est aussi un 
obstacle qu’elles redoutent de franchir. Mais il est 
nécessaire pour les Fourmis d'aller où elles vont : les 
atomes mobiles de la craie tombent avec les premières 
Fourmis qui veulent franchir la ligne; les autres sont 
solides et n’empêchent plus la marche. Les fils de 
laine se compriment sous les eflorts de la multitude ; le 
chemin devient praticable. L'huile se sèche et n'op- 
pose plus d’obstacle: si, pendant qu'il y en a de liquide, 
les Fourmis n’osent passer dessus , c’est parce qu'elles 
craignent que l'huile, s'étendant sur leur corps, ne 
bouche les stigmates de la respiration; elle devient 
bientôt concrète et ne leur oflre plus le même dan- 


{3 


DES HYMÉNOPTÈRES. 169 
ger. Un filet d'eau, ou même d'huile, répandu sur le 
travers de leur chemin, en y formant une espèce de 
rivière à traverser, fera périr les premières qui vou- 
dront y passer, et leurs corps serviront de pont à 
celles qui viendront après. L'expérience prouve donc 
qu'il faut recourir à des moyens de destruction, puis- 
que l’homme a le droit et la force de se défendre de 
leur pillage; alors il faut chercher le domicile de ces 
nombreuses et courageuses ouvrières, y répandre des 
flots d'huile ou de l’eau bouillante en quantité sufi- 
sante pour pénétrer tous les étages qui la composent : 
c'est ainsi seulement qu’on parviendra à se préserver 
des ravages incommodes de nos Hétérogynides (1). 

La famille des Hétérogynides peut se diviser en 
trois tribus. 


ire Trisu, LES MYBMICITES. 


Caractères. Femelles armées d’aiguillon. 

Premier segment del’abdomen formé de deux nœuds. 
_ L'histoire des Myrmicites n’a rien de particulier, 
si ce n’est l’usage qu’elles font de leur aiguillon qui 
pique etintroduit, dans la plaie qu'il a faite, une 
liqueur acide : il en résulte pour la partie piquée une 
sensation de brülure et de l’enflure locale. La partie 
ainsi enflée devient d’abord rouge et ensuite jaune, 
et souvent elle perd son épiderme au bout de quelques 
jours : ce qui est surtout remarquable lorsque les 
piqüres sont nombreuses et rapprochées. 


(G) M. Brullé ayant un travail commencé sur les Hétérogynides, 
j'ai cru devoir lui laisser l'initiative des vues nouvelles à introduire 
dans cette famille. Je me suis borné à suivre les idées émises par 
M. Latreille, et sa classification presque entièrement. 


170 HISTOIRE NATURELLE 


1°". GENRE. CRYPTOCERUS. — CRFPTOCERUS. 


SynonyME. Æormica Linn., Degéer, Oliv. — Crypto- 
cerus Latr. — Cryptoceri species Fab., Piez. Forsan 
non omnes. 


Caractères. Antennes en partie cachées dans une raïnure 
placée de chaque côté de la tête. 

Tête, au moins celle des femelles, tant fécondes qu’ou- 
vrières , très-grande et aplatie. 

Corselet épineux. 

Les ailes de ce genre ne nous sont pas connues, 


Espèces connues de ce genre. 
1. CRYPTOCERUS NOrRGI. — Cryplocerus atratus. 


Formica atrata Linn. Syst. Ed. 12, n° 16; Latr. Hist. 
nat, Fourm. p. 272, Pl. 13, 68,174, À, 8h. 

Formica quadridens Degéer, t. III, p. 609, n° 7, 
PL. 31, fig. 17-20. 

Cryptocerus atratus Fab. , Piez, n° 1. 

Totus niger, glaber , capite posticè utrinque bispinoso, 
thorace quadrispinoso et ad marginem anticum bituber- 
culato. 


Noir, presque entièrement glabre. Partie supérieure de la 
tête formant un plan presque carré, grand, déprimé, ponctué ; 
son bord antérieur concave à angles arrondis ; bords latéraux 
élevés et tranchans ; une épine conique terminant chacun des 
angles postérieurs ; l'intervalle entre ceux-ci portant aussi deux 
autres épines plus larges et plus courtes ; chacune de celles-ci 
placée près des angles. De chaque côté de la tête, sous les 
bords latéraux , une grande rainure longitudinale et profonde, 
qui permet aux antennes de s’y cacher. Celles-ci courtes et 
grossissant un peu en massue vers le bout. Mandibules pa- 
raissant bidentées à leur extrémité, Trois ocelles placés en ligne 


DES HYMÉNOPTÈRES. 171 


courbe ; les deux extérieurs touchant au bord postérieur , qui 
porte au milieu deux petites dents peu saillantes, dont les 
angles ont aussi chacun deux pointes courtes. Veux presque 
cachés sous la base des épines des angles latéraux. Corselet 
ovoïde; son premier segment presque droit, sinué, avec une 
forte pointe à chaque angle, et deux plus petites en forme de 
tubercules au milieu, Deux pointes fortes, coniques et diver- 
gentes sur l’écusson. Nœuds formant le pédicule de l'abdomen 
un peu concaves ; le second armé d’une épine où avancement 
conique , bifide, Aïles jaunâtres , dépassant un peu l'abdomen ; 
nervures et stigmate plus foncés. Abdomen ovalaire ; second 
segment grand, paraissant recouvrir les trois autres, au moins 
dans le sec. Pattes courtes, grosses ; jambes anguleuses, les 
antérieures seules munies d’un éperon. Tarses courts et gros , 
presque cylindriques. 

Plus grande qu'aucune des Fourmis d'Europe. Long. 9 lis. 

Ouvrière. Point d’ocelles visibles. Corps fort ponctué, 
ayant comme de petites écailles. Mandibules triangulaires , 
striées , ne paraissant point dentées. Premier segment de l’ab- 
domen composé de deux nœuds presque cubiques , irréguliers ; 
les angles antérieurs en dessus un peu saillans ; le nœud posté- 
rieur porte une épine bifide en dessous. Long. 6 lig. 

Amérique méridonale ; Surinam. 


2, Ceyrrocerus GRANULÉ. — Cryptocerus granulatus. 


Formica granulata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 275. 
Granulatus; totus niger ; capite ad angulos posticos 
spinoso. Latr. ut supra, p. 279, PL 12, fig. 95. 


Entièrement d’un noir mat et recouvert de petites aspérités 
qui le font paraître granulé et comme denticulé sur les côtés 
du corselet, Angles postérieurs de la tête terminés en pointes ; 
ceux du corselet en ayant deux plus fortes. Abdomen légère- 
ment chagriné et ayant quelques poils. Long. 1 2 lig. 

Indes orientales. 


172 HISTOIRE NATURELLE 


3. CRYPTOCERUS HÉMORRHOÏDALE, — Cryptocerus hæmor- 
rhoidalis. 


Formica hæmorrhoidalis, Latr. Hist. nat. Fourm, 
p- 276. 

Rugosiusculus ; capite mutico; lateribus anoque rubes- 
centibus ; thorace spinis quatuor : nodo singulo; primi 
abdominis segmenti spinis duabus. 


Forme du Cryptocerus atratus. Gorps d’un noir mat, cha- 
griné finement , avec quelques poils couchés d’un gris jaunâtre. 
Antennes d’un rougeâtre obscur. Tête grande , presque carrée, 
sans épines ni pointes, rougeâtre aux bords latéraux de la 
pièce sous laquelle les antennes se logent. Corselet plane en 
dessus, comprimé sur les côtés, partagé en deux , sur le dos, 
par une ligne imprimée , transversale ; les quatre angles ayant 
chacun une épine; celles des antérieurs plus courtes, dirigées 
obliquement en avant et en dehors ; les postérieures dans un 
sens opposé. Côtés du corselet aigus, inégaux, ayant quelques 
crénelures. Nœuds du premier segment de l'abdomen forte- 
ment chagrinés , ayant chacun une petite épine de chaque côté ; 
le nœud postérieur plus large, à épines plus fortes que celles de 
l’antérieur, Abdomen moins chagriné que le reste du corps, 
ovalaire , avec les côtés aigus, au moins dans le sec. Anus ayant 
une grande tache rougeâtre , séparée au milieu par un trait lon- 
gitudinal noir, Pattes grosses et fortes. Long. 2 : lig. 

Saint-Domingue. 


2° Genre. ATTA.— ATTA. 


SYNONYMIE. Formica Fab., Piez. — Atta Latr. 


Caractères. Antennes entièrement découvertes. 

Tête n’atteignant pas ordinairement une grandeur remar- 
quable. 

Corselet sans épines. 

Palpes très-courts ; les maxillaires de moins de six articles. 


DES HYMÉNOFTÈRES. 173 

Trois cubitales aux ailes supérieures ; la troisième incom- 
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. 

Première cellule discoïdale fermée ; la deuxième du limbe 

confondue avec la deuxième cellule discoïdale, et la première 


du limbe avec la troisième discoïdale. 
Espèces connues de ce genre. 
1. ÂTTA GROSSE TÊTE. — ÆA{ta capitata. 


Formica capitata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 234, PI. 10, 
fig. A,B, C. 

Atra, nitidissima ; capite maximo ; antennarum apice, 
geniculis tarsisque brunneis. 


Très-noire , fort luisante, pubescente, Tête de la largeur 
du corselet , triangulaire , arrondie aux angles. Front sillonné. 
Antennes assez courtes, insérées près de la bouche, brunes ; 
le premier article noir à sa base. Mandibules fortes , rougeâtres, 
striées , dentées , ayant une dent plus forte à l’extrémité. Cor- 
selet convexe , un peu chagriné en dessous et à sa partie posté- 
rieure qui a deux tubercules. Premier segment de l’abdomen 
ayant son premier nœud cunéiforme, lisse en dessus, ridé 
postérieurement; le second rond ; les autres segmens en tota- 
lité globuleux, lisses et pubescens. Pattes ayant les cuisses 
noires ; les genoux d’un brun pâle , les jambes d'un brun foncé, 
et les tarses plus clairs. Ailes longues, un peu brunes. Long. 
environ 5 lis. 


Ouvrière. Tête prodigieusement grosse (il ne me paraît 


$ 
pas certain qu'il en soit de même pour tous les individus de 
cette modification du sexe féminin ), arrondie postérieurement 
et convexe. Mandibules un peu brunes, striées, courtes et 
fortes. Yeux petits. Corselet court, étroit, sillonné surtout à 
sa partie postérieure ; l’antérieure beaucoup plus grande, bos- 
sue , arrondie. Un enfoncement sur le dos. Le reste comme 
dans la femelle féconde. Long. 3 : lig. 


France méridionale , sous les pierres. 


174 HISTOIRE NATURELLE 


2. ATTA MAÇONNE. — Atta structor. 


Formica structor Latr. Hist. nat, Fourm. p. 236. 

Capite fusco, infrà oreque rufescentibus ; thorace 
pedibusque obscurè ferrugineis ; abdomine brunneo- 
nigro. 


D'un noir luisant, très-pubescente. Tête un peu plus large 
que le corselet, striée. Antennes d’un rouge marron. Man- 
dibules et côtés de la tête rougeâtres. Corselet strié dans son 
contour. Abdomen lisse, très-pubescent. Pattes d’un brun 
rougeâtre. Ailes obscures ; stigmate plus foncé. 

Ouvrière. Antennes d’un brun foncé; extrémité du premier 
article rougeâtre. Tête grande, d’un noirâtre un peu fauve ; 
bouche et son contour rougeâtres. Mandibules fortes, très- 
striées. Corselet d’un fauve brun, strié, surtout postérieure- 
ment, bossu en devant, terminé ensuite en cylindre court. 
Pattes d’un fauve foncé. Long. 1 : lig, 

Mâle. Tête et corselet très-noirs. Abdomen moins foncé. 
Antennes et articulations des pattes brunes. Aïles obscures ; 
point épais jaunâtre. 

Cette Atta fait son nid dans le sable, et forme, avec les 
parcelles de terre , qw’elle retire en creusant ses souterrains , 
une espèce de couvercle au dessus de l'entrée. 


Midi de la France. 
3. ATTA BAIE, — Atta badia. 


Formica badia Latr. Hist. nat. Fourm. p. 238. 
Badia; capite thoraceque striatis ; ore obscuriori. 


Tête proportionnellement plus courte que dans l’ouvrière , et 
plus large. Trois ocelles apparens. Corselet moins comprimé 
et plus arrondi. Ailes noirâtres, nervures roussâtres.Long. 
4 x Lg. 

Ouvrière. D'un rouge marron, un peu velu. Tête plus 


DES HYMÉNOPTÈRES. 175 


large que le corselet, presque triangulaire, un peu concave 
au bord postérieur , finement striée : bord antérieur cilié, brun 
ainsi que les mandibules. Celles-ci fortes, triangulaires , den- 
tées au côté interne ; la dent de la pointe plus forte, Antennes 
insérées près du bord antérieur de la tête. Yeux petits. Corselet 
comprimé sur les côtés. Premier segment de l'abdomen ayant 
son premier nœud alongé en pédicule antérieurement; les au- 
tres segmens formant une masse ovale, luisante et velue. Pattes 
de la couleur du corps. Long. 3 lig. 

_ Mâle. Corps d’un brun marron, ayant peu de poils. An- 
tennes , mandibules et pattes jaunâtres. Ocelles saillans. 
Corselet plus clair que le reste du corps, surtout les jointures : 
ce corcelet très-convexe. Ailes blanches , côte et quelques ner- 
vures jaunâtres. Ï1 n’est pas certain que ce mâle appartienne à 
l’Atta badia ; mais il a la même patrie. 

Caroline, Amérique septentrionale. 


4. ATTA BITUBERCULÉE. — Atta bituberculata. 


Formica bituberculata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 239, 
Fab., Piez. n° 54. 

Elongata, angusta, badia ; capite ovato; nodis 
longis. 


Corps marron , fort luisant ; forme étroite, alongée. Antennes 
longues, pubescentes ,insérées chacune sur les côtés d’une pe- 
tite élévation comprimée , en forme de carëène : derniers articles 
très-distinctement plus alongés que les précédens, surtout le 
deuxième. Tête un peu plus large que le corselet, presque 
ovale, convexe, fort lisse, un peu rétrécie et bordée posté- 
rieurement. Mandibules fortement dentées. Yeux petits, glo- 
buleux, noirs, saillans. Corselet alongé, bossu, arrondi en 
devant, lisse ; son extrémité postérieure concave en dessus, 
avec une carène ou petite ligne élevée , arrondie des côtés. Les 
deux nœuds du premier segment abdominal presque pyrami- 
daux , en demi-cône comprimé sur les côtés ; le premier un 


176 HISTOIRE NATURELLE 


peu plus grand, longuement pédonculé en devant, Les autres 
segmens formant une masse ovale, courte : second segment 
fort grand. Pattes longues, velues. 

Le sexe de cette Atta n’est pas connu. 

Cayenne, Amérique méridionale, 


3° Genre. OECODOMA. — ŒCODOMA. 


SYNONYMIE. Formica Latr., Degéer , Oliv. — Atta Latr. 
Crust. et Ins., Fabr., Piez. 


Caractères. Antennes entièrement découvertes. 

Tête de grandeur variable : celle-ci et le corselet, ou 
au moins l’un des deux, armés d’épines. 

Palpes très - courts : les maxillaires de moins de six ar- 
ticles. 

Deux cubitales aux ailes supérieures. La deuxième incom- 
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. 

Aucune cellule discoïdale fermée : par conséquent les 
deuxième et troisième discoïdales et les cellules du limbe con- 
fondues avec la première cellule discoïdale. 


Espèces connues de ce genre. 


1. OEconomA cÉPHALOTE. — 0Ecodoma cephalotes Latr. 
Nouv. Dict. d’hist. nat. 2° édit, — Atta cephalotes Fab., 
Piez. n° 1. 


Formica cephalotes Linn. Syst. Nat. ed. 12, p. 964, 
n° 15.— Latr. Hist. nat. Fourm. p. 222, tab. 9, fig. 57, A, 
D, E.— Oliv. Enc. tom, VI, p. 499. 

Formica grossa Oliv. Enc. tom. VI, p. 407. 

Formica migratoria Degéer, tom. IX, n° 5, PI 3r, 
fig. 11-13. | 

Castaneo-brunea, pubescens ; capite maximo nitido, 
postice didymo bispinosoque ; thorace anticè tubercudis 
quatuor acutis, posticè bispinoso. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 177 


D'un brun marron très - foncé, soyeux et roussâtre spécia- 
lement sur la tête et le corselet , qui sont, ainsi que les pattes, 
hérissés de petites aspérités. Tête bien plus petite en propor- 
tion que celle de l’ouvrière , à peu près de la longueur du cor= 
selet, basse, déprimée, presque en cœur ; son bord postérieur 
légèrement concave; ses bords postérieurs ayant chacun une 
petite épine. Mandibules très-fortes. Trois ocelles sur le som- 
met de la tête. Corselet fort gros, très-convexe , terminé assez 
brusquement. Ecusson proéminent. Une petite épine de cha- 
que côté aux endroits du corselet répondant aux angles pos- 
térieurs de celui de l’ouvrière. Les deux nœuds du premier 
segment de l’abdomen courts, mais larges, en plan incliné, ar- 
rondis sur les côtés : le premier très-bas ; le second plus élevé, 
velu, semblant se confondre avec le second segment: celui-ci et 
les autres formant une masse globuleuse fort grosse. Aïles dé- 
passant beaucoup l’abdomen, obscures; les nervures d’un brun 
foncé Q. Long. 10 lig. 

Ouvrière. D'an brun marron assez clair , couvert, princi- 
palement sur la tête, d’un duvet brun jaunâtre. Antennes lon- 
gues, grossissant un peu à leur extrémité, insérées près de 
la bouche, chacune sous une petite proéminence. Tête sou- 
vent extrêmement grande, luisante, cordiforme, sa partie 
postérieure étant divisée par un sillon en deux portions arron- 
dies, dont chacune porte à son extrémité une petite pointe. 
Mandibules fortes, plates, larges, en faux, crochues à la 
peinte , à dentelures noirâtres , front plan. Yeux petits, noirs. 
Ocelles point apparens. Partie antérieure du corselet élevée, 
large, portant quatre éminences pointues ou épines courtes 
disposées transversalement deux par deux; les postérieures 
plus petites dirigées un peu en arrière sur le dos. Une petite 
épine de chaque côté au-dessus des hanches des deux pattes an- 
térieures. Partie postérieure du corselet séparée de la première 
par un enfoncement : ses angles ayant chacun une forte épine 
conique. Premier segment de l’abdomen ayant ses deux nœuds 
raboteux, munis chacun de chaque cêté d’un petit tubercule ; 
le second nœud plus grand que le premier. Les autres seg- 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I: 12 


178 HISTOIRE NATURELLE 


mens abdominaux formant une masse ovale presque ronde, 
petit. Pattes longues. Long. » lig. 

Mäle. Un peu plus petit que la femelle, surtout pour les 
proportions de la tête , des mandibules et de l'abdomen. Pres- 
que noirâtre. Antennes roussâtres , leur premier article obscur. 
Corselet n'ayant pas d’épines sensibles à ses angles postérieurs. 
Les stigmates, qui sont à cet endroit , font une petite saillie, 
comme un eommencement de tuyau. Les organes sexuels 
étaient très - apparens dans l'individu décrit par M. Latreille. 

Cette espèce , d’après les voyageurs, est celle qui dépouille 
en peu de temps certains arbres, et notammen tles orangers, 
de leurs feuilles , et qui visite les maisons. Nous en avons parlé 
dans notre Histoire des Hétérogynides. 

Cayenne , Brésil ; Amérique méridionale. 


2. OEconoma Porc-ÉPic. — OEcodoma hystrix. 


Formica hystrix Latr. Hist, nat. Fourm. p. 230. 

Formica hystrix Fab. , Piez. n° 95.— An ejusdem spe- 
ciei modificatio fœcunda, feminea ? 

Obscurè ferruginea, spinosissima. 


D'un fauve très-foncé, obscur. Antennes presque de la lon- 
gueur du corps, velues, insérées près du milieu de la bouche 
sous le bord d’une saillie triangulaire ayant quelques dents ou 
au moins l’angle terminal pointu. Tête grande, presque carrée, 
élargie et échanerée postérieurement , portant beaucoup de pe- 
tites épines , dont quelques-unes surmontées d’un poil ; les an- 
gles postérieurs ont plusieurs pointes dont une plus forte. 
Mandibules grandes, triangulaires, finement striées et den- 
tées, se croisant : leur pointe forte , et au-dessus d’elle une 
dent plus remarquable, Yeux petits, noirâtres , placés près des 
mandibules. Partie antérieure du corselet grosse, arrondie, 
ayant sur le dos trois paires d'épines un peu velues, disposées 
transversalement, presque perpendiculaires ; les antérieures 
plus fortes , les postérieures plus petites , et de chaque côté 
inférieurement une petite épine très-menue, aiguë, perpeu- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 179 


diculaire au corps ; la partie postérieure du corselet terminée 
au bout par deux épines très - fortes, un peu arquées, as- 
cendantes. Premier segment de l'abdomen ayant son premier 
nœud en demi-cône , étroit , avec quatre tubercules en dessus : 
le second presque carré, ayant aussi plusieurs tubercules ; les 
autres segmens formant une masse très-petile et ronde : second 
segment grand , hérissé de plusieurs pointes. Eperon des jam- 
bes antérieur très-apparent : ceux des autres Pétant peu. 

M. Latreille donne l'individu qu’il décrit pour une ouvrière. 

Cayenne, Amérique méridionale. 


4 Genre. ECITON. — ÆZCITON. 


Synonyme. Æciton Latr. Crust. et Ins. t. II, p. 313. — 


Formiça Linn. , Oliv., Degéer. — Myrmeciæ spec. Fab., 
Piez. 


Caractères. Antennes entièrement découvertes. 
Tête alongée : celle-ci et le corselet sans épines. 
Palpes maxillaires longs, de six articles. 
Mandibules linéaires. 

Je ne connais pas les ailes de ce genre. 


Espèce de ce genre. 


1. EciTON DENTS-cOURBÉES. — Æciton curvidentatum. 


Formica curvidentata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 269, 
PL 8, fig. 55. 

Pallidè rufum : capite utrinque posticè mucronato ; 
ocellis minimis; mandibulis brevibus, 


Corps d’un fauve tirant sur le jaunâtre , presque dépourvu 
de poils et alongé. Antennes d’un brun foncé, insérées près de 
la bouche , chacune à côté d’une petite ride. Tête un peu plus 
large que le corselet, presque carrée , un peu rétrécie vers le 
cou , convexe et arrondie en dessus, ses angles postérieurs 
prolongés en épines. Mandibules triangulaires, brunes, un 
peu striées et velues, légèrement dentées au côté interne, 


K2s 


180 HISTOIRE NATURELLE 


courbées à la pointe. Yeux très-petits , luisans, Corselet un peu 
conique ; son extrémité postérieure un peu plane , portant deux 
pointes obtuses. Nœud antérieur du premier segment de l’ab- 


domen presque cubique : le deuxième arrondi. Pattes longues : 
tarses obscurs, 


Cayenne , Amérique méridionale. 
5° Genre. MYRMICA. — MYRMICA. 


Synonyme. Myrmica Latr. Crust. et Ins. t. II, p. 313. 


—Formica Linn., Degéer, Oliv.— Formicæ et Lasii spec. 
Fab. , Pier. 


Caractères. Antennes assez découvertes. 

Tête triangulaire sans épines. 

Palpes maxillaires longs , de six articles. 

Mandibules triangulaires. 

Trois cubitales aux ailes supérieures. La troisième incom- 
plète. 

Première cellule discoïdale , seule fermée : par conséquent 
le première cellule du limbe confondue avec la troisième 
discoïdale ; et la seconde cellule du limbe également confon- 
due avec la seconde discoïdale. 


Espèces connues de ce genre. 


* Corselet bi-épineux postérieurement. 
1. MyrMica SOUTERRAINE. — Myrmica subterranea. 


Formica subterranea Latr. Hist. nat. Fourm. p. 219, 
P1. 10, fig. 64, A,B,D, et PI. 11,fig.70,A,D,F,G. 
Ferrugineo-brunnea, ore antennisque dilutioribus ; 


thorace elongato, bispinoso ; abdomine fusco; pedibus 
dilutè fulyis. 


Tête de la largeur du corselet, d’un fauve foncé, le dessus 
d’un brun noirâtre et strié. Antennes d’un fauve clair. Yeux 
noirs. Ocelles distincts. Corselet fort bossu, brun, très-lui- 


DES HYMEÉNOPTÈRES. 181 


sant; les jointures plus claires, tirant sur le fauve : dos lisse 
avec le contour et surtout l’extrémité postérieure striés : cette 
dernière partie fourchue et portant deux épines. Premier seg- 
ment de l’abdomen ayant ses deux nœuds bruns : reste de 
l'abdomen d’un brun noirâtre foncé , très-poli et luisant, avec 
quelques poils : bords postérieurs des segmens un peu plus 
clairs. Pattes d’un brun tirant au fauve. Ailes hyalines ; ner- 
vures et point épais jaunâtres , très-pâles ©. Long. 5 lig. 

Ouvrière. Corps alongé, d’un fauve brun, luisant, un peu 
velu. Antennes plus claires ; le premier article plus foncé. Tête 
grande , triangulaire, finement striée ; le ventre plus foncé. 
Mandibules assez fortes , triangulaires. Corselet fort alongé, 
très-renflé, lisse et arrondi en devant , strié ensuite; il des- 
cend brusquement vers la jointure de sa partie postérieure : 
celle - ci cubique, striée, portant deux petites épines. Nœuds 
du premier segment de l'abdomen lisses, l’antérieur longue- 
ment pédonculé; les autres segmens lisses , très-luisans , noi- 
râtres. Pattes d’un fauve clair. Long. 2 : lig. 

Mäle. Corps d’un brun noïrâtre, très-luisant. Tête plus 
foncée : mandibules et antennes jaunätres. Corselet très-renflé, 
lisse, terminé brusquement en biais; les jointures plus claires ; 
l'extrémité postérieure fourchue , les angles saillans. Abdo- 
men d’un brun noirâtre , luisant ; le bout plus clair, d’un brun 
jaunâtre. Pattes d’un jaunâtre trés-pâle. 


France, au pied des arbres. Elle s’accouple en juillet et 
août. 


2. Myrmica ROUGE. — Myrmica rubra. 


Formica rubra Latr. Hist. n. Fourm. p. 246, PI. X , fig. 
62,A,B, D, E; —Fab., Piez. n° 17 ; — Degéer, t. II, 
no 6, PI. 43, 1-14; — Oliv. Enc. t. VI, p. 493; — Linn. 
ont ed. 12,4 F0 7. 

Rubescens rugosula ; nodo primo infrà unispinoso , ab- 
domine nitido, lævi, segmento antico subbrunneo. 


Semblable à l’ouvrière pour la forme et la couleur. Tête de 


182 HISTOIRE NATURELLE 


la longueur du corselet : celui-ci presque rond : ces deux par- 
ties rugueuses et chagrinées. Front noirâtre. Ocelles peu appa- 
rens. Une petite ligne noirâtre de chaque côté du corselet près 
de l'insertion des ailes. Ecusson assez saillant , obtus ; au-dessous 
de lui un petit éspace noirâtre. Epines de la partie postérieure 
moins fortes que dans l’ouvrière , d'un jaune obscur, excepté 
la pointe, Point épais de l'aile d’un brun jaunâtre. @ Long. 3 lig. 

Ouvrière. Corps d’un rougeâtre fauve, mat, pubescent. 
Antennes de la longueur des deux tiers du corps, grossissant 
insensiblement vers l'extrémité ; les trois derniers articles no- 
tablement plus grands que les précédens ; le dernier ovalaire : 
ces antennes insérées sous une petite pièce saillante , à peu de 
distance de la bouche. Tête un peu plus large que le corselet, 
presque carrée, convexe , arrondie postérieurement , finement 
chagrinée. Mandibules courtes, triangulaires, striées, dente- 
lées au côté interne, de couleur fauve. Front un peu renflé, 
noirâtre en son milieu; une impression à la partie postérieure 
entre les antennes. Yeux petits, voisins des mandibules. Ocelles 
point apparens. Corselet presque conique , tronqué , comprimé, 
chagriné; milieu du dos légèrement enfoncé ; sa partie posté- 
rieure fortement concave, armée de deux épines fortes , coni- 
ques. Premier segment de l’abdomen ayant son nœud an- 
térieur cunéiforme, chagriné, attaché au corselet par sa partie 
mince prolongée en pédicule ; une petite dent à la naissance de 
ce pédicule ; le second segment d’un fauve un peu brun, et les 
suivans formant une masse ovalaire, lisse , luisante et pubes- 
cente. Pattes assez fortes; jambes antérieures armées d’une 
forte épine. Long. 2 : lig. 

Mäle. Plus étroit que la femelle, D’un brun noïrâtre , pres- 
que mat, excepté le bout du corselet et l'abdomen qui sont 
très-luisans. Antennes d’un brun jaunâtre ; le premier article 
né faisant guère que le tiers de la longueur totale; le second et 
le troisième plus longs que les suivans , égaux, un peu coniques. 
Tête petite, presque ovale, basse, striée finement. Yeux gros, 
saillans. Ocelles brillans, apparens. Mandibules petites, d’un 
brun jaunâtre. Corselet finement strié, excepté la partie posté- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 183 


rieure qui paraît lisse : elle est concave et porte deux tubercules 
saillans à la place des épines. Nœuds du premier segment de 
l'abdomen, luisans , assez lisses ; pédicule de l’antérieur court, 
sans dent ; le second et les suivans très-luisans , pubescens; les 
derniers d’une couleur plus claire. Pattes pubescentes, d’un 
brun jaunâtre ; cuisses plus foncées. Ailes et nervures obscu- 
res , excepté le bout de l’aile. Long. 3 lg: 

France, sous les pierres et la mousse. Selon Latreille, elle 


ne s’accouple qu’en septembre. La piqûre de cétte espèce est 
très-douloureuse. 


3. Myrmica TURÉREUSE. — Myrmica tuberum. 


Formica tuberum Fab., Piez. n° 47; — Oliv. Encyc. 
t. VI, p. 497; — Vill. Entom, t. III, p. 339, n° 15. 

Formica tuberosa Latr. Hist. nat. Fourm. p. 259. 

Dilute ferruginea ; capite lato ; fusco, margine postice 
concavo; thorace bidentato; abdomine fascid nigrd. 


D'un noirâtre mat. Antennes, mandibules, bout de l’abdo- 
men €t pattes fauves. Tête déprimée, striée, fortement échan- 
crée postérieurement , de la largeur du corselet ; celui-ci ar- 
rondi, strié ; les épines postérieures ne consistant que dans la 
saillie des deux angles latéraux, et par conséquent moins fortes 
et moins distinctes que dans l’ouvrière. Nœuds du premier 
segment de l'abdomen velus et chagrinés ; l’antérieur pédiculé. 
Abdomen lisse, velu, Ailes blanches, un peu opaques; ner- 
vures peu distinctes ; point épais d’un jaunâtre clair. Femelle : 
Long. 1 1 lig. 

Ouvrière. Ressemblant pour la forme à la Myrmica nigra. 
D'un fauve clair, pubescente. Tête d’un brun noirâtre , très- 
large, presque carrée, déprimée , fortement concave posté- 
rieurement, et striée, Antennes et mandibules fauves. Corselet 
court, conique, tronqué, comprimé insensiblement sur les 
côtés; dos continu; une petite épine courte à chaque angle de 
l'extrémité postérieure. Nœuds du premier segment abdominal 
un peu chagrinés en dessus et plus foncés ; l’antérieur pédiculé, 


184 HISTOIRE NATURELLE 
sans dent en dessous, Le reste de l'abdomen, à partir de la base 
du second segment , rond, lisse, pubescent et luisant ; bord de 
ce second segment portant unc ligne transversale noirâtre. 
Pattes de la couleur du corps. Long. 1 2 lig. 

France, sous les écorces d'arbres et dans les murailles. 


Corselet sans épines. 
&. Myrmica ruGacE. — Myrmica fugax. 


Formica fugax Latr. Hist. nat. Fourm. p. 265. 
Luteo rufescens; thorace mutico; abdominis medio 
brunneo. 


D'un noir brun, pubescente, finement striée. Antennes et 
mandibules d’un fauve jaunâtre clair. Ofelles très-distincts. 
Corselet noir, presque lisse. Métathorax tronqué et portant 
seulement deux faibles dents. Nœud antérieur du premier ses- 
ment abdominal un peu échancré dans son milieu dorsal, pé- 
diculé ; le reste du premier segment après les nœuds d’un brun 
roussâtre, luisant surtout en dessous; les segmens ayant leur 
base plus foncée. Pattes d’un fauve jaunâtre. Ailes blanches; 
nervures et point épais d'un brun très-clair. © Long. 1 3 lig. 

Ouvrière. Corps de couleur fauve jaunâtre, pubescent , à 
peu près lisse, Yeux noirs. Corselet mutique. Abdomen lisse , 
luisant, brun dans son milieu. Longueur, presque 1 lig. 


Mäle. Plus étroit que la femelle ; d’un noir luisant, pubes- 
cent. Antennes d’un brun clair ; les deux articles de la base 
plus épais, de même grosseur entre eux ; le premier étant deux 
fois plus long que le second. Extrémité postérieure du méta- 
thorax obtus , sans tubercules apparens. Pattes d’un brun jau- 
nâtre ; cuisses plus foncées. Ailes blanches ; nervures et point 
épais d’un brun jaunâtre. 


France. Elle fait son nid en terre et s’accouple en 
septembre, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 185 


5, MyrMICA MÉLANOGÉPHALE, — Myrmica melanocephala. 


Lasius melanocephalus Fab., Piez. n° 5. 

Formica melanocephala Latr. Hist. nat. Fourm. p. 269. 
— Coqueb. Illustr. Icon. Dec. 1 , tab. 6, fig. 8. 

Pallida; capite thoracisque dorso nigris. 


Petite. Tête brune; bouche et antennes pâles. Corselet brun, 
pâle en dessous. Abdomen pâle ; anus noirâtre. Pattes pâles. 

Cayenne. Connue sous le nom de T'acocra ; elle fait beau- 
coup de dégât et habite sous terre. 


2e Trisu. LES PONÉRITES, 


Caractères. Femelles armées d’aiguillon. 
Premier segment de l'abdomen formé d’un seul 
nœud. 


1e Genre. ODONTOMACHUS.—ODONTOMACHUS. 


SyNonyMiIE. Formica Linn., Degéer, Oliv., Latr. Hist. 
nat. Fourm. — Odontomachus Latr. Crust. et Ins. — 
Myrmeciæ spec.Fab., Piez. 


Caractères. Mandibules des femelles longues, étroites, 
parallèles , terminées par trois dents. 

Antennes des ouvrières très-menues, filiformes. 

Tête des ouvrières en carré long, très-échancrée posté- 
rieurement. 

Trois cubitales aux ailes supérieures; la troisième in- 
complète, le cubitus n’atteignant pas le bout de laile. 

Première et seconde discoïdale complètes, fermées ; la 
première du limbe confondue avec la troisième dis- 
coïdale, 


186 HISTOIRE NATURELLE 


Espèces connues de ce genre. 
1. Opoxromacnus CRÉLIFÈRE. — Odontomachus chelifer. 


Formica chelifera Latr. Hist. nat. Fourm. p. 188, PI. 8, 
fig. 51. 

Valdè elongatus, angustissimus , brunneus ; ‘ capite 
magno; mandibulis longis, linearibus, apice valdè 
dentatis. 


Corps très-étroit, fort alongé, d’un brun marron foncé, 
presque noirâtre , assez luisant, un peu plus clair aux antennes 
et au corselet, et encore plus aux pattes, qui sont d’un brun 
pôle ; finement strié universellement. Antennes très-menues, 
filiformes , de la longueur des deux tiers du corps , très-brisées, 
rapprochées, insérées près de la bouche, chacune sur le bord 
latéral extérieur d’une proéminence : cette proéminence ayant 
une petite cavité qui la fait paraître comme fourchue, Tête 
grande, en carré long, plus large que le corselet, un peu con- 
cave au milieu du bord postérieur, dont les angles sont con- 
vexes. Deux profonds sillons passant à peu de distance du côté 
interne des yeux, se réunissant vers le milieu de la tête : de 
cette réunion naît un autre sillon qui aboutit au bord postérieur 
de la tête. Yeux petits, ovales, noirs. Point d'ocelles appa- 
rens. Mandibules de la longueur des deuxitiers du corps, 
étroites , alongées, très-serrées l’une contre l’autre au côté in- 
terne; le bout élargi, tridenté; les deux dents de la pointe 
plus étroites ; la plus éloignée de cette pointe plus courte, plus 
large, obtuse; celle de la pointe longue et crochue. Corselet 
d'un brun clair, fort étroit , resserré en avant, presque cylin- 
drique, rétréci insensiblement et obtus à l'extrémité posté- 
rieure; dos presque droit et continu. Ecaille du premier seg- 
ment de l’abdomen d’un brun clair, demi-conique , comprimée 
latéralement, finement striée; son sommet en pointe très- 
aiguë et fine, dirigée obliquement. Les autres segmens formant 


DES HYMÉNOPTÈRES. 187 


une masse petite, ovoïdo-conique; anus un peu pubescent. 
Pattes très-longues , fort déliées, d’un brun pâle, presque 
sans poils. Hanches grosses, d’un brun jaunâtre. Jambes an 
térieures armées d’une épine. Tarses longs. Long. 8 lg. 
Ouvrière ou femelle privée d’ailes ? 

Cayenne , Amérique méridionale. 


2. ODoNTOMACHUS sANGUIN. — Odontomachus hæmatodes. 


Formica hæmatoda Linn. Syst, Nat. ed. 12, n° 19. 

Formica mazxillosa Degéer, t. IL, p. 6or, n° 2, PI. 37, 
fig. 3-5. 

Myrmecia hæmatoda Fab., Piez. n° 5. 

Nigro-fusca, pedibus mandibulisque porrectis rufis, 


squamé& conicé. 


Tête alongée, aplatie en dessus, ayant üne échancrure à la 
partie postérieure, et une sinuosité de chaque côté qui la fait 
paraître comprimée. Point d’ocelles visibles. Yeux alongés, 
placés tout près de la base des antennes : celles-ci longues, 
déliées, de grosseur égale partout. Mandibules de la longueur 
de la moitié de la tête , déliées et aplaties, s’avançant au devant 
de la tête en ligne droite et parallèlement; deux dents pointues 
à leur extrémité ; cette extrémité courbée en dedans de manière 
à faire un angle droit avec la dent. Corselet lisse , égal. Ecaille 
du premier segment de l’abdomen rousse, grande, élevée, de 
figure conique, se terminant en pointe. Les autres segmens 
formant une masse grosse, ovale, conique à l’extrémité, Tête 
et corps d’un brun noirâtre. Pattes rousses. Ailes jaunâtres ; 
point épais brun. Femelle. Longueur, environ 4 lig. 

Surinam , Cayenne , Amérique méridionale. 


3. OponToMAcHUus UNI- ÉPINEUX. — Odontomachus 
uruspinosus. 


Formica unispinosa Latr. Hist, nat. Fourm. p. 193, PI. 8, 
(Se E 2 


188 HISTOIRE NATURELLE 


Myrmecia unispinosa Fab., Piez, n° 1. 

Ælongatus, angustus, niger, mandibulis capite bre- 
vioribus, porrectis , apice subedentulis ; antennarum 
apice, pedibusque magnä ex parte, ferrugineo brunneis. 


Assez semblable à l'Odontomachus chélifère pour la forme 
générale du corps ; mais un peu moins étroit, et noir. Mandi- 
bules de moitié plus courtes que la tête, proportionnellement 
plus larges, s’avançant ensemble parallèlement, et appli- 
quées l’une à l’autre par le bord interne; leur extrémité élar- 
gie offrant quelques légères crénelures, et se terminant en 
crochet. Tête courte, plus large que dans l’Odontomachus 
chélifère, mais sillonnée de même. Corselet plus court, rétréci 
vers le cou. Ecaille du premier segment de l'abdomen demi- 
conique , comprimée latéralement, terminée en pointe fine, 
dirigée obliquement. Les autres segmens formant une masse 
ovale, plus grande à proportion que dans l’Odontomachus 
chélifère. Pattes noires ; base des cuisses, genoux et tarses 
d’un brun rougeâtre. Ouvrière : longueur, 4 lig. 

Saint-Domingue, la Guadeloupe. 


2e GENRE. PONERA. — PONERA. 


Syxonymie. Formica Latr., Oliv., Fab. 


Caractères. Mandibules des femelles triangulaires. 

Antennes de ce sexe plus grosses vers le bout. 

Tête presque triangulaire, sans échancrure remarquable 
à sa partie postérieure. 

Caractère alaire le même que celui des Odontomachus. 


Espèces connues de ce genre. 


1. PONERA ARMÉE. — Ponera clavata. 


Formica clavata Fab. , Piez. n° 61. 

Formica aculeata Olv. Enc. t. VE, p. 498, n° 42. 

Formica spininoda Latr. Hist, nat, Fourm. p. 207, PI. 7, 
fig. 45, A-D. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 


189 


Brunneo nigra; thorace anticè bidentaio; nodo infrà 
unispinoso. 


Ocelles distincts. Corselet n’ayant qu’un tubercule court et 
obtus, et pas de pointes. Nœud ou premier segment de l’ab- 
domen armé d’une forte épine. Nervures des ailes brunes ; 
point épais d’un brun foncé. Forme du corps et couleurs comme 
dans l’ouvrière que nous allons décrire, Femelle : longueur, 
un peu plus grande que l’ouvrière. 


Ouvrière. Corps d’un noir brun; quelques poils d’un gris 
roussâtre, particulièrement à l'abdomen. Antennes un peu 
plus longues que le corselet, assez grosses, filiformes , plus 
brunes à leur extrémité, insérées au devant des yeux près 
des mandibules, Tête grande, carrée, abstraction faite des 
mandibules , convexe, très-striée ; une forte carène aiguë, par- 
tant de la base des antennes , se prolongeant au delà des yeux 
le long de leur côté interne. Yeux saillans , placés vers le mi- 
lieu des côtés de la tête : au-dessous des yeux an sillon assez 
large dont le bord inférieur est relevé en ligne tranchante. 
Ocelles point apparens. Mandibules grandes, d’un noir brun, 
larges , triangulaires, ponctuées, velues , un peu courbées à la 
pointe , ciliées et dentelées au côté interne : ces dentelures sé- 
parées par de petites stries: Corselet presque cylindrique, 
comprimé latéralement, arrondi en dessus, ridé transversa- 
lement ; le dos continu, se courbant d’une manière assez in- 
sensible à sa partie postérieure. Sur chaque partie humérale 
un gros tubercule conique dirigé un peu obliquement et se 
rapprochant du côté extérieur. Premier segment de l’abdomen 
en forme de nœud, présentant , vu latéralement , une espèce 
de carré, dont la ligne inférieure se prolonge antérieurement 
en un pédicule assez long, cylindrique, armé en dessous 
à sa base d’une épine forte, perpendiculaire. Dessus de ce 
segment offrant une coupe presque ovale dont le bout anté- 
rieur fait un peu saillie, et dont la surface arrondie est traver- 
sée d’un grand nombre de rides qui se prolongent sur les cô- 
tés. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse 


190 HISTOIRE NATURELLE 


courte , ovale, conique : le second , qui est le premier de ceux- 
ci, en demi-sphère , séparé, par un étranglement sensible, du 
troisième qui est grand et convexe : les autres courts et velus. 
Pattes assez longues , de la couleur du corps, velues , portant 
chacune un éperon d’un jaunêtre obscur. Dessous de l'extré- 
mité des jambes antérieures et du premier article de leurs 
tarses, garnis de poils courts, épais, d’un jaune roussâtre. 
Long. 10 lig. 


Cayenne, Amérique méridionale. 
2. PoNERA FLAVICORNE. — Ponera flavicornis. 


Formica flavicornis Fab., Piez. n° 52; — Latr. Hist. 
nat. Fourm. p. 202, PL. 7, fig. 42,B, et 43. 

Obscurè nigra ; antennarum apice flavescente ; abdo- 
mine elongato; segmentis duobus anticis mullo majo- 
ribus. 


Semblable à l’ouvrière que nous allons décrire. Ocelles ap- 
parens. Ailes un peu plus courtes que l'abdomen, obscures ; 
nervures et point épais bruns. Femelle. Longueur, 7 à 
8 lig. 

Ouvrière. Corps étroit, alongé, d’un noir mat ; ventre et 
pattes un peu velues, Tête un peu plus large que le corselet, 
presque triangulaire. Antennes assez longues , insérées près de 
la bouche, chacune sous une petite ligne élevée ; articles du 
deuxième au septième inclusivement très-petits ; extrémité du 
deuxième brune : les autres un peu plus gros et d’un fauve 
jaunâtre. Mandibules brunes , luisantes , fortes , triangulaires, 
dentelées au côté interne , crochues et croisées à la pointe. Une 
petite ligne élevée entre les antennes. Yeux petits , assez sail- 
lans et bruns. Point d’ocelles apparens, Gorselet étroit, alongé, 
comprimé sur les côtés, qui portent des poils ferrugineux , 
un peu rétréci antérieurement, ensuite plus fortement com- 
primé , figuré en dos d'âne et tronqué postérieurement. Ecalle 
du premier segment de l'abdomen grande, assez haute, en 
plan iucliné et arrondi antérieurement, comprimée sur les côtés 


DES HYMÉNOPTÈRES, 191 


et perpendiculaire à sa partie postérieure ; les autres segmens 
formant une masse alongée ; les deuxième et troisième beau- 
coup plus grands , séparés l’un de l’autre par un étranglement. 
Pattes longues et noires. Long, 5 à 6 lg. 

Cayenne, Amérique méridionale. 


3. POoNERA CRASSINODE. — Ponera crassinoda. 


4 


Formica crassinoda Latr. Hist. nat. Fourm. p. 198; 
— (Fab, Piez:in° îr: 
Elongata, compressa, subobscurè nigra. 


Corps étroit, alongé, comprimé, d’un noir presque mat, un 
peu luisant , avec quelques poils très-courts, d’un brun noirâtre, 
Antennes filiformes , assez rapprochées , fortement brisées, in- 
sérées sous les bords latéraux d’une petite proéminence , sur la- 
quelle on remarque deux lignes imprimées , écartées d’abord en 
avant, et convergentes ensuite. Les derniers articles des anten- 
nes un peu longs et un peu plus gros que le second, le troisième 
et les suivans : le dernier ayant son extrémité brune. Tête trian- 
gulaire, peu concave au bord postérieur , triangulaire, assez 
lisse, plus large que le corselet dans l’ouvrière , l’étant un peu 
moins dans la femelle féconde. Mandibules grandes, triangulai- 
res, ponctuées , fortement dentées (huit dents égales au côté 
interne), pubescentes, courbées, croisées à leur extrémité. Yeux 
petits, ronds, peu élevés. Point d’ocelles visibles dans l’ouvrière ; 
un seul distinct dans la femelle. Corselet cylindrique , comprimé 
latéralement ; plus étroit et plus alongé dans l’ouvrière ; son dos 
moins convexe dans celle-ci, mais toujours courbé insensible- 
ment en talus. Premier segment de l'abdomen en forme de nœud, 
très-épais, cubique, s’appliquant exactement contre le second 
segment. Celui-ci et les suivans formant une masse alongée, 
presque conique, et plus sensiblement pubescente que les autres 
parties du corps ; les segmens qui la composent un peu arron- 
dis à leur bord et séparés par de légers étranglemens; les 
deux premiers, ou second et troisième de l’abdomen, plus longs 
que les autres. Pattes longues : extrémité des jambes anté- 


192 HISTOIRE NATURELLE 


rieures et premier article de leurs tarses garnis de petits cils 
serrés et roussâtres. Jambes garnies d’un petit éperon ; tarses 
alongés. Ailes d’un brun jaunâtre , n’allant que jusqu’au bout 
de l’abdomen : point épais d’un brun foncé. Femelle et ou- 
vrière , selon Latreille, qui pourrait bien s’être trompé de sexe 
quant à la première, puisqu'il parle d’antennes de treize 
articles. Long. , femelle ? 9 lignes ; ouvrière , 8 lig. 


Cayenne, Amérique méridionale. 
4. PonERA vELUE, — Ponera villosa. 


Formica villosa Fab., Piez. n° 55. 
Cinereo villosa, mandibulis fornicatis atris, squamä 
primi abdominis segmenti crass&, posticè retusä. 


Corps chargé de poils courts, cendrés, Antennes noires. 
Mandibules avancées, noires, dentées. Ecaille du premier seg- 
ment de l'abdomen bossue, épaisse, élevée, assez obtuse à sa 
partie postérieure. Pattes tirant au testacé, De grande taille, 


5. PoNERA TUBERCULÉE- — Ponera tuberculata. 


Formica tuberculata Olv. Enc. t. VI, p. 498, n° 41; 
— Latr. Hist. nat. Fourm. p. 210. 

Formica tridentata Fab, , Piez. n° 60. 

Brunea , valdè striata , thoracis anticè tuberculis 


tribus. 


Corps d’un rouge bai terne , très-rugueux. Antennes insérées 
chacune sur les côtés extérieurs d’une ligne élevée et tran- 
chante, qui se perd insensiblement sur l'extrémité postérieure 
de la tête : un commencement d’une troisième carène au milieu 
de la tête. Yeux petits, ronds et bruns. Ocelles à peine dis- 
tincts. Tubercules ou épines du corselet peu saillans. Ailes 
dépassant à peine l'abdomen, un peu obscures , nervures et 
point épais bruns. Premier segment de l'abdomen portant , au 
milieu de son bord supérieur, un très-petit sinus qui tient heu 
d’écaille, et une petite dent en dessous de son pédicule , près 


DES MYMÉNOPTÈRES. Log 
de sa naissance. Second et troisième segment de l’abdomen fort 
grands et séparés par une espèce d'étranglement profond , et 
une espèce de bourrelet : les segmens suivans moins ridés et 
moins ternes ; anus velu. Pattes grandes , plus velues que le 
reste du corps. Femelle : longueur, 8 lg. 

Ouvrière. Corps d’un brun marron luisant, un peu velu, 
étroit, alongé, très-strié. Antennes filiformes , ‘de la longueur 
du corselet, insérées près de la bouche , sous le rebord latéral 
extérieur d’une portion de la tête un peu plus élevée. Tête un 
peu plus large que le corselet , carrée , très-chagrinée , ses an- 
gles postérieurs prolongés en une petite pointe. Mandibules 
grandes , triangulaires , striées , de couleur plus claire que le 
corps, courbées à la pointe, appliquées l’une contre l’autre 
au côté interne , qui est finement dentelé. Yeux saillans , glo- 
buleux , situés vers le milieu des côtés. Ocelles point distincts. 
Corselet cylindrique , divisé au milieu par un enfoncement très- 
ridé : milieu de son bord antérieur élevé : un petit tubercule on 
une petite épine à chacun de ses angles latéraux. Extrémité du 
corselet très-obtuse , chacun de ses angles ayant aussi un petit 
tubercule. Ecaille du premier segment abdominal en forme de 
nœud , très-striée , presque cubique , comprimée , arrondie au 
bout, prolongée en pédicule antérieurement à sa partie infé- 
rieure. Second segment et les suivans formant une masse petite, 

5 
rés par une profonde incision. Pattes longues, un peu velues ; 
un éperon aux jambes antérieures ; de petites épines aux autres 
jambes. Long. près de 5 lig. 

Cayenne, Amérique méridionale. 


ovale, striée et velue ; le second et le troisième grands, sépa- 


* 6. PonERA QUATRE-DENTS. — Ponera quadridens. 


Formica quadridens Fab., Piez. n° 54; — Latr. Hist. 
nat. Fourm. p.213, PL.8, fig. 47. 

Fusca ; capite tricarinato ; thorace TUTO , quadritu- 
berculato. 


Assez voisine de la Ponera tuberculée, Corps brun, très-fine- 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 19 


194 HISTOIRE NATURELLE 
ment strié , pubescent. Antennes d’un brun noirâtre , filiformes, 
insérées près de la bouche, chacune sur le côté extérieur d’une 
carène très-mince et courbe : une. petite ligne élevée dans le 
milieu de l'intervalle qui est entre ces carènes. Tête d’un brun 
très-foncé, un peu plus large que le corselet, carréé. Mandi- 
bulestriangulaires ; plates, striées, grandes, velues , de la cou- 
leur de la tête, ‘très-peu dentées et courbées à leur pointe. 
Corselet noir; une pointe ou tubercule aigu à chacun de ses 
. angles huméraux : le milieu de la partie antérieure un peu 
proéminent; stries de cette partie du corselet formant des 
courbes concentriques : un enfoncement entre cette partie an- 
térieure et la postérieure qui a de côté un petit tubercule peu 
aigu. Premier segment de l’abdomen ayant son nœud épais, 
presque cubique, très strié, un peu convexe en devant et fi- 
guré à peu près comme celui de la Ponera tuberculée. Abdo- 
men noirâtre ; second et troisième segment fort grands , sépa- 
rés l’un de l’autre par un intervalle : leur bord plus clair et 
plus luisant comme l’est aussi celui des segmens suivans. Pattes . 
d’un brun noirâtre. Long. 4 lig. 
Cayenne , Amérique méridionale, 


7. PONERA TARSIÈRE. — Ponera tarsata. 


Formica tarsata. Fab., Piez. n°53; — Latr. Hist. nat. 
Fourm. p. 200, PI. 7, fig. 44, A, B. 

Atra, nitida, capite thoracisque lateribus striatis ; . 
tarsis anticis rufescentè-bruneo hirtis. 


Corps étroit, d’un très-beau noir , fort luisant , légèrement 
pubescent. Antennes très-brisées, assez grosses, un peu ren- 
flées vers la pointe, qui est d’un noir mat et paraït un peu 
brune , insérées chacune sous une pièce triangulaire. Tête assez 
grande, carrée, guère plus large que le corselet, finement 
striée, excepté à sa partie postérieure. Mandibules triangu- 
laires , grandes , dentelées et velues au côté interne , crochues 

au bout, Yeux bruns. Ocelles point distincts. Corselet alongé , 
un peu comprimé sur les côtés , arrondi et rétréci antérieure- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 195 


ment, lisse sur le dos , strié latéralement; son extrémité pos- 
térieure concave et lisse. Ecaille du premier segment de l’ab- 
domen recue dans la concavité du métathorax, de la hauteur 
de l'abdomen , étroite, en talus arrondi en devant, comprimé 
sur les côtés : le plan postérieur droit, arrondi à son extrémité. 
Les autres segmens de l'abdomen, y compris le deuxième for- 
mant une masse oblongue , presque cylindrique ; arrondie à sa 
base et terminée en pointe : bord postérieur des anneaux d’un 
brun scarieux et luisant ; les second et troisième plus grands, 
séparés entre eux par un étranglement. Anus roussâtre. Pattes 
longues. Jambes terminées par une épine d’un brun roussâtre. 
Extrémité des antérieures et dessous des tarses revêtus d’un 
duvet brun roussâtre. Ouvrière : Long. 9 lig. 

Ile de Gorée , Sénégal ; Afrique occidentale. 


8. PoNERA RESSERRÉE. — Ponera contracta. À 


Formica contracta. Fab., Piez. n° 58 ; — Latr. Hist. 
nat. Fourm. p. 105, PI. 7, fig. 40. 

Formica coarctata. Latr. Bulletin Soc. Philomath. no 57. 

ÆElongata, subeylindrica, fusco brunnea ; oculis obso- 
letis ; antennis pedibusque lutescente brunneis. 


Semblable à l’ouvrière que nous allons décrire. Mandibules 
assez grandes. Yeux point saillans, mais très-distincts , assez 
grands et noirs , situés derrière les antennes. Partie antérieure 
du corselet beaucoup plus grande que dans les autres espèces. 
Ailes transparentes , assez courtes; nervures jaunâtres , point 
épais d’un brun clair. Femelle : Long. un peu plus de 2 lig. 

Ouvriére. Alongée, presque cylindrique , d’un brun foncé, 
glabre , luisante, Antennes courbes , grossissant d’une manière 
sensible vers leur extrémité, d’un brun jaunâtre , msérées sous 
un petit rebord, près du bord intérieur de la tête, et rappro- 
chées entre elles. Tête un peu plus large que le corselet, en 
carré alongé, assez déprimée , d’un brun pâle de chaque côté 
auprès des mandibules. Yeux nullement distincts. Mandibules 
fortes , triangulaires, à dents peu sensibles. Corselet presque 


13. 


190 HISTOIRE NATURELLE 


cylindrique , un peu plus gros en devant , continu et tronqué 
postérieurement. Premier segment de l'abdomen portant une 
écaille en forme de nœud épais, comprimé transversalement : 
les autres segmens ayant, pris ensemble, une forme alongée , 
cylindrique ; le premier de ceux ci ou second segment de l’ab- 
domen, long , cylindrique , séparé du troisième par un étrangle- 
ment. Anus roussâtre, Paites d’un brun jaunûtre, courtes , 
assez grosses. Un éperon bien prononcé aux jambes antérieu- 
res. Long. près de 2 lig. 

Cette Ponera vit sous terre en sociétés peu nombreuses. 
M. Latreille n’y a jamais trouvé plus de sept à dix individus. 
Elle ne quitte pas ordinairement sa retraite pendant le jour. 
Elle s’accouple au mois de septembre. d 
© Environs de Paris. 


9. PoxERA NOUEUSE. — Ponera nodosa. 


Formica nodosa Latr. Hist. nat. Fourm. p. 217, PI. 9, 
fig. 48. 

Badio-ferruginea, pubescens , striata ; mandibülis ca- 
pite vix brevioribus, ferè edentulis ; thorace subcubico. 


Ouvrière. Corps d’un fauve marron, étroit, finement strié, 
pubescent. Tête un peu plus foncée en dessus, guère plus 
large que le corselet, carrée ; le front concave ; la partie an- 
térieure marquée d’une impression en forme de V renversé, 
Antennes insérées près de la bouche sous nne légère proémi- 
nence : premier article alongé , conique; les autres grenus ; le 
dernier grand, presque conique. Mandibules presque aussi 
longues que la tête, étroites, écartées, contiguës seulement 
à leur pointe ; leur côté interne ayant quelques dentelures peu 
marquées. Yeux petits. Point d'ocelies apparens. Corselet en 
cube alongé, amunci en cou à sa partie antérieure. Premier 
segment de l’abdomen à peu près de même forme que les seg- 
mens ordinaires , séparé des autres par un étranglement pro- 
fond, paraissant carré vu en dessus, mais antérieurement 
arrondi, coupé en biais, comprimé sur les côtés, et strié ; 


DES HYMÉNOPTÈRES. 197 
second segment très grand, fortement strié ; le troisième aussi 
très-grand , simplement-ponctué , luisant. Abdomen plus velu 
que le reste du corps; poils jaunâtres. Pattes assez fortes. 
Long. 3 lig. 


Cayenne, Amérique méridionale. 
3e Trisu. LES FORMICITES, 


Caractères. Femelles dépourvues d’aiguillon. 


Premier segment de l'abdomen formé d'un seul 
nœud. | 


Ce sont les espèces renfermées dans cette tribu qui. 
exécutent généralement de plus grands travaux, dont 
les sociétés sont les plus nombreuses, et qui ont été 
mieux observées. Ce sont elles aussi qui s’adjoignent 
desouvrières enlevées à des populations étrangères. Je 
crois pouvoir cependant ajouter que ces auxiliaires 
sont toujours de la tribu des Formicites, comme 
celles qui se les ont adjointes, et ont par conséquent 
une assez grande affinité avec elles. Ces ouvrières 
étrangères sont les seules que l’on rencontre journel- 
lement dessus et autour de la fourmilière , excepté le 
petit nombre de cas où les habitantes naturelles qui 
restent d'ordinaire à l’intérieur, vont chercher de nou- 
velles auxiliaires, ou bien ceux où les mâles et les 
femelles sortent pour s’accoupler. Pour savoir à quelle 
espèce appartient une fourmilière, et l'étudier à 
fond , il est nécessaire, hors les cas que nous venons 
de citer, de fouiller assez avant pour trouver les 
femelles fécondes , qui se feront distinguer par leur 
taille, et détermineront l'espèce à laquelle le nid 
appartient. On trouvera aussi d'autres ouvrières de 
les pèce de ces femelles fécondes. 


198 HISTOIRE NATURELLE 


1e Grwre. POLYERGUS. —: POLFERGUS. 


Synonyme. Polyergus Latr. — Fourmi Hub. à 


Caractères. Antennes insérées près de la bouche. 
Mandibules étroites, arquées, très-crochues , terminées en 
pointe. 

Deux cubitales aux ailes supérieures ; la deuxième incom- 
. plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. | 

Première cellule discoïdale fermée; la deuxième du 
limbe confondue avec la deuxième discoïdale , et la première 
du limbe avec la troisième discoïdale. 


Espèce connue de ce genre. 
1. PoLyERGUS ROUSSATRE. — Polyerous rufescens. 


Formica rufescens Latr. Hist. nat. Fourm. p. 186, PI. 7, 
fig. 38. 

Fourmi roussätre Huber, Recherches sur les mœurs des 
Fourmis indigènes , p. 226, PI. 2, fig. 1,2, 3. (Il n’est pas 
certain que la figure 4 lui appartienne. ) 

Pallidè rufa; mandibulis angustis , arcuatis, subeden- 
tatis ; stemmalibus tribus ; thorace posticè elevato. 


Femelle féconde. Ayant les plus grands rapports avec 
l’ouvrière que nous décrivons ; cependant elle en diffère par 
ce qui suit : corselet presque cylindrique, renflé et arrondi 
postérieurement : cette partie séparée du reste du dos par un 
enfoncement transversal. Abdomen plus grand que dans l’ou- 
vrière. Jurine, d’après Huber (/oco citato), aurait remarqué 
que ces femelles sont d’une couleur plus foncée, et les ailes 
légèrement enfamées. Long. 3 : lig. 


Ouvrière. Corps alongé, d’un roux pâle, presque glabre, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 199 


n'ayant que quelques poils sur la tête , l’écaille et l’abdomen. 
Tête assez grande , presque carrée , arrondie postérieurement. 
Antennes insérées près de la bouche ; leur entre-deux sans 
élévation. Mandibules arquées, étroites, presque sans dents , 
terminées en pointes. Une petite ligne imprimée sur le milieu 
du front. Yeux petits, noirs, Trois ocelles très distincts. Cor- 
selet étroit, bossu, arrondi antérieurement, enfoncé vers le 
milieu du dos, terminé ensuite par une élévation ou bosse 
arrondie. Premier segment de l’abdomen ou écaille grande, 
très-épaisse , arrondie au bord supérieur , figurée en segment 
de cercle dont la pointe serait tronquée et sert de base. Les 
autres segmens formant une masse peu conique, presque glo- 
buleuse. Tarses un peu velus. Long. 3 lig. 


Mäle. De la grandeur de l’ouvrière, Noir. Ventre ovale 
alongé. Quisses noires; jambes et tarses pâles. Ecaille assez 
épaisse et échancrée. Ailes très-transparentes. 


C’est dans les nids des Formica cunicularia et fusca que 
cette espèce va enlever les nymphes et les larves qui devien- 
dront pour elle des auxiliaires. 


2° Genre. FORMICA. — FORMICA. 


Synonyme. Formica Linn., Latr., Jur. — ZLasic et 
Formicæ spec. Fab. 


Caractères. Antennes insérées près du front. 
Mandibules triangulaires dentelées et incisives. 


Espèces connues de ce genre. 


* Deux cubitales aux ailes supérieures ; la deuxième incom- 
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. 

A. Première discoïdale fermée; la deuxième du 

limbe confondue avec la deuxième discoï- 


dale , et la première du limbe avec la troisième 
discoïdale. 


200 HISTOIRE NATURELLE 


“È Formwica Javer. — Formica gagates Latr. Hist. nat. 
Fourm. p. 138, PI. 5, fig. A, B. 


Nigra, nitida, elongata; antennis castaneis, squam& 
magné, ovalä ; margine supero medio elevato , truncato, 
subbidentato. 


Facies de la Formica fauve. Corps noir, luisant. Antennes 
d’un rougeâtre pâle inférieurement , noires ensuite. Mandibules 
tirant sur le noir marron. Ecaille du premier segment abdominal 
ovée; son bord supérieur offrant trois côtés, dont celui du milieu 
un peu échancré et comme bidenté. Abdomen d’un noir bronzé 
très-luisant. Pattes en totalité d'un brun rougeâtre. Ailes 
enfumées ; nervures et point épais noirâtres. Femelle. 
Long. 3 : lig. É 

Ouvrière. Corps noir, luisant , alongé, très-peu pubescent ; 
excepté sur l’abdomen. Tête triangulaire, plus large que le 
corselet, un peu concave à son bord postérieur, le devant un 
peu relevé en carène , le front marqué d’un sillon. Antennes 
presque entièrement d’un rouge bai, avec les derniers articles 
noirâtres. Mandibules brunes. Deux ocelles au moins, appa- 
rens au moyen de la loupe Corselet cylindrique, tronqué pos- 
térieurement ; la partie antérieure élevée, plus bombée , arron - 
die. Ecaiile du premier segment grande , ovée ; le bord supé- 
rieur tronqué au milieu ; cette partie plus élevée et un peu 
bidentée. Les autres segmens formant une masse globuleuse , 
d’un now très-luisant , le bord des segmens pubescent. 
Pattes d’un noirâtre brun; les articulations plus claires, un 
peu rougeâtres ; les jambes moins foncées, et les tarses d’un 
roussâtre obscur. Longueur, environ 2 + lig. 

France, dé 


2. Formica FULIGINEUSE. — Formica fuliginosa Latr. Hist. 
nat. Fourm. p.140, PI. 5, fig. 27, A—I. 


Atra , nitidissima, brevis ; capite incrassalo, cordato ; 


DES HYMEÉNOPTÈRES. 201 


antennis, excepto primo articulo, tarsisque brunneis ; 
squamé parvd , ovaté. 


Presque semblable à l’ouvrière que nous décrirons ensuite. 
Corselet rond. Antennes et pattes entièrement d'un brun rou- 
geâtre, assez clair, les tarses surtout. Ailes supérieures noi- 
râtres, surtout dans leur moitié inférieure; nervures et point 
épais d'un jaunätre clair ; les premières près du bord extérieur 
plus foncées. Femelle. Longueur, environ 2 lig. 

Ouvrière. Corps trés-court, très-noir, fort lisse et très- 
luisant. Antennes brunes ; leur premier article noirâtre. Tête 
fort grosse, en cœur, fort échancrée postérieurement. Mandi- 
bules courtes, un peu brunes. Yeux petits. Corselet tronqué 
au bout postérieur. Ecaille du premier segment abdominal 
petite, ovale ; les autres segmens formant une masse globu- 
leuse. Cuisses et jambes d’un noir brun; les genoux un peu 
plus pâles ; tarses d’un brun roussâtre. Long. 1 = lig. 

Mäle. Un peu plus petit que l’ouvrière. Tête à peine de la 
largeur du corselet. Antennes plus claires après le premier arti- 
cle. Les tarses également de couleur moins foncée, 

Cette espèce vit en société nombreuse dans les arbres vieux et 
pourris , où elle forme des logemens tels que ceux que nous 
avons fait représenter, PI. 3, fig. 2 et 3, d’après Huber. 
Elle répand une odeur très-forte, différente de celle de la 
Formica fauve. Irritée, elle mord vivement et éjacule une 
grande quantité de liqueur acide. 

France , et notamment environs de Paris. Angleterre. 


3. Formica FAUVE.— Formica rufa Linn. Syst. nat. édit. XII, 
962, 35 — Fab., Piez. no 11; — Latr. Hist. nat. Fourm. 
p- 143, PL. 5, fig. 28, AJ. 


Femelle. Ne diffère de l’ouvrière que par ce qui suit - 
Tête ayant du noir, mais seulement au milieu de la partie 
antérieure près de la bouche. Trois ocelles très-distincts. Cor- 
selet renflé , ovalaire , d'un fauve vif, avec Le dos noir. Ecaille 


202 HISTOIRE NATURELLE 


du premier segment abdominal, grande, ovée, arrondie au 
bout du sommet, dont le milieu est quelquefois un peu échan- 
cré. Abdomeri court, presque globuleux, d’un noir un peu 
bronzé, très-luisant, obtus et fauve en devant. Pattes noires 
ou noirâtres ; cuisses rouges. Ailes enfumées , nervures et point 
épais noirâtres. Long. 4 lig. 


Ouvrière. Corps presque glabre. Antennes noires, Tête 
plus large que le corselet , triangulaire, d’un rouge fauve assez 
vif; front noir, portant une petite ligne enfoncée dans son mi- 
lieu. Mandibules triangulaires, fortes, ponctuées, dentées, 
crochues à la pointe. Trois ocelles distincts à la loupe. Corse- 
let épais, relevé, arrondi antérieurement, enfoncé vers le 
milieu du dos, comprimé ensuite et presque cylindrique, tron- 
qué obliquement à l'extrémité, d’un fauve vif, le dos souvent 
noir. Ecaille du premier segment de l'abdomen fauve, grande, 
très-comprimée , ovale et arrondie au sommet , ou souvent 
presqu’en cœur et un peu échancrée ; le bord supérieur ordi- 
nairement noirâtre. Les autres segmens formant une “masse 
presque globuleuse, d’un noir brun ou un peu cendré, un 
peu velu et à poils très-courts. Pattes d’un brun noirâtre , base 
des cuisses et genoux rougeâtres. Long. 3 lig. 


Male, Corps et antennes noirs, Tête petite , triangulaire. 
Mandibules faibles, n’ayant guère que deux dents. Corselet 
grand , pubescent, comprimé. Ecaille du premier segment ab- 
dominal épaisse , presque carrée, son bord supérieur presque 
droit. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse 
d'un noir luisant, presque conique , plane en dessus, courbée 
à l'anus, qui est roussâtre et alongé. Pattes d’un rouge livide. 
Cuisses inférieurement d’un brun noirâtre, Ailes obscures ; 
nervures et point épais , d’un jaunâtre foncé. Long. 4 lig. 


Cette espèce est la plus commune de celles qui habitent 
nos bois, nos friches et nos bruyères. C’est elle qui entasse 
au-dessus de son nid toute sorte de débris, et nous en avons 


parlé dans l’histoire générale des Hétérogynides. C’est égale-. 


ment à cette espèce qu’appartient la petite colonie représentée 


ot étonne ne 


DES HYMÉNOPTÈRES. 203 


sous un appareil vitré dans notre planche 3, fig. 1. Ces Four- 
mis n’ont pas d’aiguillon , mais elles éjaculent, comme toutes 
celles qui n’en ont pas, un acide qui a une odeur pénétrante et 
fait élever des pustules sur la peau. La Fourmi rousse s’ac- 
couple une des premières en fin de mai et juin. J’ai vu sortir de 


leur fourmilière plusieurs Cistela FAORAES La larve de 
celle-ci y vivrait-elle ? 


4. FormicA sANGUINE. — Formica sanguinea Latr. Hist. 


nat. Fourm. p. 150, PI. 5, fig. 29 ; —Huber, Rech. Fourm. 
indig. p.275, PL 2 , fig. 5, Get 7. 


Sanguinea ; abdomine cinereo-nigro. 


D’un rouge sanguin’; yeux et abdomen noirs. Dessus de la 
tête légèrement teint en noir. Écaille du premier segment de 
l'abdomen ovée, moins échancrée que dans l’ouvrière. Ailes 
très-enfumées, surtout vers la base. Femelle :' Long. 4 lig. 


Ouvrière. Semblable à la femelle féconde. Tête d’un rouge 
plus prononcé. Trois ocelles distincts. Corselet plus com- 
primé que dans la femelle. Abdomen d’un noir cendré, un 
peu brun à sa base. Pattes fauves. Long, 3 : lis. 


Mäle. Noir ; pattes rougeâtres : ailes enfumées vers leur 
base : écaille du premier segment de l’abdomen échancrée. Le 
reste comme dans la femelle féconde. Long. 3 : lig. 


Cette espèce va enlever des larves et des nymphes de la For- 
mica cuniculariaæ, que nous décrirons bientôt. Elle les 


élève et se fait aider dans ses travaux par ces auxiliaires, 
France et Suisse, 


5. Formica MINEUSE. — Formica cunicularia Lat. Hist. 
nat. Fourm. p. 1513-— Huber, Recherch. Fourm. tel 
pr 4, PL 2, fe 1, Ne 


Capite abdomineque nigris ; illo antice et infra, an- 


204 HISTOIRE NATURELLE 


tennarum articulo primo, thorace pedibusque pallidè 
Julvis. 


Corps long, ressemblant à celui de la Formica fauve. An- 
tennes et tête, pour la forme et la couleur , comme dans l’ou- 
vrière que nous allons décrire. Corselet fauve avec trois taches 
noires sur le dos. Ecusson et une tache de chaque côté , sous 
les ailes, noirs. Ecaille du premier segment de l’abdomen 
fauve , en cœur, fortement échancrée. Abdomen noir. Pattes 
fauves. Ailes transparentes, nervures d'un brun jaunâtre ; 
stigmate plus foncé. Femelle : Long. 3 à 4 : lig. 


Ouvrière. Semblable à l’ouvrière de la Formica fauve, An- 
tennes d’un rouge noirâtre, le premier article jaune. Tête 
noire, environs de la bouche et partie inférieure rougeûtres : 
front ayant une ligne imprimée. Trois ocelles apparens. Cor- 
selet d’un jaune pâle; un point noir sur le dos. Ecaille du pre- 
mier segment de l’abdomen fauve, presque ovée, le milieu du 
bord supérieur obtus, comme tronqué. Les autres segmens 
formant une masse d’un noir cendré , pubescente. Pattes fau- 
ves. Long. 2 : lig. 


Mâle. Corps noir, plus luisant que celui de la femelle, Ab- 
domen un peu soyeux. Ecaille de son premier segment forte- 
ment échancrée : anus d’un brun rougeâtre obscur. Pattes noi- 
râtres. Ailes un peu obscures , nervures d'un brun jaunâtre, 
point épais noir. Long. 5 lig. 


Cette espèce est une de celles dontle Polyersus roussätre 
enlève les larves et les nymphes d’ouvrières pour les élever et 
se faire servir par elles. Elle est très -commune et fait ordi- 
nairement son habitation sous les parties élevées, couvertes de 
gazons, le long des chemins dans les champs, les vergers et les 
prairies sèches. Elles déchirent les coques filées par leurs larves 
dès que celles-ci ont subi leur, transformation, pour donner 
aux nymphes les soins convenables. 


* Environs de Paris et de Genève. 


tant 
RE NRE ER E P  PT 


DES HYMÉNOPTÈRES. + 20 


[#1 


6. Formica NOIR-CENDRÉE. — #ormica fusca Linn. Syst. 
nat. édit. 12,t. , p. 963, n° 4; — Fab., Piez. n° 13; — 
Degéer, t. Il, p. 1052, PL 42, fig. 12-15 ; — Huber, 
Recherch. Fourm. indig. p. 322, PI. 2, fig. 8-10 ; — Latr. 
Hist. nat. Fourm. p. 159, PI. 6, fig. A-H. 


Cinereo-nigra, nitida ; antennarum primis articulis pe- 
dibusque rubescentibus ; squamä magn& subtriangulari ; 
stemmatibus tribus. + 


Forme de la Formica fauve; corps d’un noir très -luisant, 
avec un reflet un peu bronzé. Premier article des antennes 
brun, les autres noirs. Ecaille du premier segment de l’ab- 
domen grande, presque carrée; son bord supérieur droit ou 
légèrement concave. Ailes un peu obscures ; nervures et point 
épais noirâtres. Le reste comme dans l’ouvrière que nous allons 
décrire. Femelle. Long. un peu plus de 2 : lig. 


Ouvrière. Corps d’un noir un peu cendré, luisant, presque 
glabre ou alongé. Les trois ou quatre premiers articles des an- 
tennes d’un rougeâtre foncé. Devant de la tête élevé en carène. 
Trois ocelles distincts. Ecaille du premier segment de l’ab- 
domen grande , de forme intermédiaire entre l’ovée et la trian- 
gulaire ; le milieu du bord supérieur un peu élevé et un peu 
concave. Les autres segmens faisant une masse presque globu- 
leuse, un peu velue à son extrémité. Pattes d'un rougeûtre foncé ; 
bas des cuisses d’un brun obscur. Long. un peu plus de 2 lig. 


Mäle. Corps noir , très-luisant , presque glabre. Antennes 
ordinairement noires, ayant quelquefois du fauve obscur. 
Ecaille du premier segment de l'abdomen épaisse, presque car- 
rée ; son bord supérieur plus large, presque droit, un peu 
concave. Anus et pattes d’un rouge pâle : hanches noires. Ailes 
un peu obscures ; nervures d'un jaunâtre foncé : point épais 
noirâtre Longueur, comme dans la femelle féconde. 


Cette espèce est, comme la précédente , sujette à voir en- 


206 HISTOIRE NATURELLE 


lever ses œufs, ses larves et sesnymphes par le Polyergusrous- 
sätre. Trop inquiétées , elles déplacent leur habitation qu’elles 
établissent d'ordinaire sous les pierres ou au pied des arbres. 
Elles dépouillent aussi de la coque leurs nymphes peu après 
la transformation. Latreille dit avoir rencontré quelquefois 
dans leur fourmilière la larve d’un Coléoptère, probablement, 
dit-l, une Cétoine ou un Hanneton. 

Toute l’Europe; particulièrement les environs de Paris et 
de Genève, 


7. Formica NOIRE. — Formica nigra Linn. Syst. natur. 
édit, 12,t.1, p. 963, n° 5; — Latr. Hist. nat. Fourm. 
p. 156; — Degéer , t. Il, p. 1085, n° 4, PI. 42, fig. 
16-23. — Lasius niger Fab., Piez. p. 415, n° 1. 


Brunneo-fusca : mandibulis antennarumque articulo pri- 
._ mo dilutioribus ; squam& emarginaté ; femoribus tibiisque 
brunneis, geniculis dilutioribus ; tarsis pallidè rufescen- 
tibus. 


Corps noirâtre. Ecaille du premier segment abdominal ayant 
une échancrure profonde et aiguë. Ailes blanches ; nervures et 
point épais d’un jaunâtre clair : celles qui avoisinent la côte plus 
foncées. Femelle. Long. 3:lg. 

Ouvrière. Corps d’un brun noirâtre, un peu pubescent. 
Premier article des antennes et mandibules d’une couleur plus 
claire, tirant un peu au rougeâtre. Ecaille du premier segment 
de l'abdomen échancrée. Cuisses et jambes d’un brun marron 
foncé, les articulations plus claires : tarses d’un brun roussâtre 
pâle. Long. 2 + lig. 

Mäle. D'un brun presque noir. Antennes , excepté le pre- 
mier article, plus pâles ainsi que les pattes. Anus et tarses 
d’un brun rougeâtre. Ecaille du premier segment abdominal 
échancrée. Long. 2 + lig. 

Elle habite les jardins où elle fait beaucoup de dégâts en en- 
dommageant les fruits. La fourmilière est souterraine , souvent 
sous une pierre. Elle pratique des galeries de communication 


tint nine ft 


DES HYMÉNOPTÈRES. 207 


avec les endroits où elle veut aller à la picorée , par exemple, 
pour joindre des familles de Pucerons ou des arbres ayant des 
fruits. Elle s’accouple vers la fin d'août. 

France, environs de Paris. 


8. Foruica ÉcHaANcRÉE. — Formica emarginata Latr. Hist. 


nat. Fourm. p. 163 , PL. 6, fig. 35, A, B, C. 


Castaneo-brunnea; antennarum basi, ore pedibusque 
dilutioribus ; thorace ferrugineo, squamd ovatd subemar- 
ginatd. 


Couleur du corps et forme de la tête à peu près comme dans 
l’ouvrière que nous allons décrire. Trois ocelles distincts et 
jaunâtres. Corselet rond , luisant, d’un brun marron sur le dos, 
plus rougeâtre et plus clair aux côtés et en dessous. Ecaille du 
premier segment de l’abdomen grande , presque carrée, rou- 
geâtre ; son bord supérieur échancré au milieu. Les autres seg- 
mens de l'abdomen formant une masse large, grande, d’un 
brun marron. Pattes et côtés du corselet, ainsi que son des- 
sous, d’un rougeâtre clair. Ailes blanches, nervures pour la 
plupart et point épais jaunâtres ; celles qui avoisinent la base 
et la côte , noirâtres. Femelle. Long. 3 : lig. 

Ouvrière. Corps légèrement pubescent. Antennes d’un 
brun marron ; le premier article plus rougeâtre. Tête grande, 
triangulaire , un peu concave postérieurement, lisse, d’un brun 
marron, plus clair autour de la bouche. Mandibules triangu- 
laires, striées, dentées. Yeux noirs. Corselet d’un rouge de 
brique. Kcaille du premier segment abdominal ovée , rougeä- 
tre, son bord supérieur un peu échancré au milieu , du reste 
presque droit, Les antres segmens de l'abdomen formant une 
masse globuleuse, d’un brun marron foncé. Pattes d’un brun 
rougeâtre , les articulations plus claires; tarses d’une couleur 
plus vive. Long. 2 + lig. | 

* Mäle. Corps d’un brun rougeâtre. Tête plus foncée : man- 
dibules plus rougeâtres. Antennes et pattes d’un brun clair. 
Ecaille du premier segment abdominal petite, carrée, échan- 


205 HISTOIRE NATURELLE 


crée. Anus roussâtre. Ailes blanches ; nervures et point épais 
d'un jaunâtre pâle, Long. 2 : lig. 

Cette espèce aime à s’établir dans les fentes des arbres et des 
vieux murs, Elle a une odeur qui tient un peu du musc. Comme 
elle est souvent voisine de la demeure de l’homme, elle pénètre 
dans l’occasion dans les armoires et attaque les fruits, les conf 
tures , les sirops et le sucre , etc. ,'sans toucher aux viandes ou 
autres provisions non sucrées. Elle s’accouple vers la fin 
d'août. . 

Commune en Europe, notamment aux environs de Paris et 


de Londres. 


9. Formrca sAUNE. — Formica flava Fab., Piez. p- 406, 
n° 44 ; —Latr. Hist. nat. Fourm. p. 166, PI. 6, fig. A-G. 


Rufo-flavescens, nitida ; squamé subquadratd, integrd. 


Corps d’un brun roussâtre foncé. Antennes et pattes d’un 
roux jaunâtre clair. Devant de la tête, sa partie inférieure et 
côtés du corselet d’un brun roussâtre clair. Ecaille du premier 
segment abdominal de cette dernière couleur, presque carrée , 
vélue , plus ou moins échancrée ; cette échancrure souvent assez 
forte et aiguë. Ailes d’un jaunâtre obscur , surtout à leur base ; 
nervures et point épais jaunâtres. Femelle : Long. 2 :lhig. 

Ouvrière. Port de la Formica noire. Corps d’un roux jau- 
nâtre luisant, un peu pubescent. Abdomen de quelques indi- 
vidus un peu plus foncé , tirant sur le brun. Ecaille du premier 
segment de l’abdomen presque carrée et entière.Long. 1 + lig. 

Male. Corps d’un brun un peu clair, Antennes et pattes 

plus pâles, un peu jaunâtres. Ecaille du premier segment de 
l'abdomen carrée , un peu échancrée. Ailes blanches ; nervures 
jaunâtres. Long. 1 + lig. 
. Commune dans les prés secs et sur les bords des chemins ; 
elle établit son nid sous les plantes, et amène des colonies de 
Pucerons sur leurs racines. Elle s’accouple vers le mois de 
septembre. 

France et Angleterre, 


DES HYMÉNOPIÈRES. 209 


10. Formica PYGMÉE. — Formica pygmæa Latr. Hist, nat. 
Fourm. p. 153. 


Fusco-brunnea, nitida, mandibulis, capile anticè 
corporeque in multis , etinfrà , dilutè brunneis. 


Corselet arrondi, ovoïde. Semblable du reste à l’ouvrière 
que nous allons décrire , mais un peu plus grande. Femelle. 

Ouvrière. Corps d’un brun noirâtre luisant. Mandibules, 
dessous de la tête en devant et plusieurs endroits de la partie 
inférieure du corps d’un brun clair. Antennes et pattes d’un 
brun jaunâtre très-pâle. Extrémité des antennes quelquefois 
noirâtre. Cuisses quelquefois plus foncées. Longueur, envi- 
ron : lig. 


Sous les pierres; environs de Brives. 


B. Aucune discoïdale fermée ; par conséquent les deuxième 
et troisième discoïdales confondues avec la première, 
ainsi que les cellules du limbe. 


a. Corselet mutique ( c’est-à-dire sans épines ). 


11. ForMicA RONGE-Bo01S. — ÂÆormica Herculeana lLann. 
Syst. Nat. édit. 12, p. 962, n° 1 ; Fab. Syst. Piez. p. 395, 


9.1. 


Formica ligniperda Latr. Hist. nat. Fourm. p. 88. 
Nigra ; thorace femoribusque obscurè sanguines. 


Tête proportionnellement moins forte que dans l’ouvrière , 
de la longueur du corselet. Trois ocelles distincts. Corselet 
ovalaire, noir en dessus, du reste d’un rouge sanguin foncé. 
Ecaille du premier segment de l’abdomen un peu grande; son 
extrémité obtuse , paraissant même avoir un léger sinus. Ab- 
domen beaucoup moins alongé que celui de l’ouvrière, moins 
velu. Ailes très-grandes, obscures , excepté à leur bord pos- 
térieur ; nervures et point épais d’un brun jaunâtre. Femelle : 
Long. 8 lg. | 


HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 14 


210 HISTOIRE NATURELLE 


Ouvrière. Antennes noirâtres; leur premier article d'un 
noir luisant , et l'extrémité du douzième ou dernier d’un brun 
rougeûtre : ces antennes insérées un peu au-dessous du milieu 
du front, dans une fossette , sous les bords d’une partie de la 
tête un peu plus élevée que le reste. Celle-ci généralement 
plane, marquée au milieu d’un léger sillon, et rebordée sur 
les côtés, grande , beaucoup plus large que le corselet dans la 
plupart des individus, presque triangulaire quand on la consi- 
dère avec les mandibules fermées, convexe en dessus , un peu 
concave postérieurement , d’un noir luisant , glabre ou très-peu 
velue. Mandibules courtes, épaisses, larges, triangulaires , 
striées en dessus , dentelées intérieurement. Face un peu ren- 
flée au milieu. Yeux petits, ronds , peu saïllans. Corselet assez 
court , plus large antérieurement , insensiblement et fortement 
comprimé vers son extrémité postérieure, d’un rouge sanguin 
plus ou moins foncé, luisant, portant quelques poils ; son dos 
arqué , sans sillon qui interrompe sa régularité. Ecaille du pre- 
mier segment abdominal étroite , presque ovale, plane à sa face 
postérieure , un peu convexe en devant, de la hauteur du 
bout du corselet et de sa couleur. Les autres segmens formant 
une masse grosse, courte, ovée-globuleuse, noire luisante ; 
face antérieure du second segment d’un rouge sanguin. Cet ab- 
domen portant plusieurs rangs transversaux de poils jaunâtres, 
écartés et parallèles, Hanches et cuisses de la couleur du corse- 
let ; jambes et tarses tirant sur le brun marron fonce ; les pre- 
mières ayant près de leur extrémité en dessous un fort éperon ; 
tarses garnis em dessous de quelqnes poils rougeîtres , eourts 
et serrés; leurs derniers articles rougeâtres. Long. 6 à 7 hig. 

Mäle. Corps d’un noir luisant, Antennes plus menues que 
dans l’autre sexe ; le premier article noir. Tête petite, ovalaire, 
arrondie postérieurement. Trois ocelles distincts, brillans. 
Mandibules moins fortes que dans l’autre sexe, d’un brun rou- 
geâtre foncé. Corselet plus convexe. Ecaille du premier seg- 
ment de l’abdomen courte, beaucoup plus épaisse que dans la 
femelle , surtout à sa base, presque carrée, un peu velue; son 
bord supérieur un peu aminci, échancré au milieu. Les autres 


DES HYMÉNOPTÈRES. 211 


segmens formant une masse, petite, ovée, assez plane sur le 
dos, luisante , un peu velue au bout. Pattes noires ou noirâtres ; 
genoux , extrémité des jambes et tarses d’un brun rougeâtre. 
Ailes d’un jaunâtre obscur. Long. 4 lig. 

Cette espèce s'établit dans les arbres pourris, mais pleins 
à l’intérieur, et y forme, en rongeant et enlevant des parties 
carriées , des nids ressemblant à ceux figurés PI. 3, fig. 2 et 3 
de cet ouvrage. 

France. Pas des plus communes. Notamment à Fontaine- 
bleau. Cette espèce s’accouple vers la fin de juillet. 


12. Formica PUBESCENTE. — Formica pubescens Fab. , Piez, 


p. 399 , n° 12; — Latr. Hist. nat. Fourm. p. 99, PL. 1, 
fig. A-N. 


Nigra tota ; abdomine obscuriore, pubescente. 


Entièrement noïre, un peu luisante et légèrement pubes- 
cente. Largeur postérieure de la tête excédant celle du cor- 
selet. Trois ocelles très-petits. Corselet ovalaire , comprimé 
latéralement , tronqué et un peu concave à sa partie posté- 
rieure. Ecaille du premier segment de labdomen presque 
carrée , s’élargissant un peu et s’amincissant vers le haut, dont 
les angles sont arrondis ; le milieu du bord supérieur un peu 
concave, Abdomen ovalaire , alongé. Ailes grandes, d’un brun 
noirâtre de la base jusque passé le milieu , le reste blanc : ner 
vures et point épais d’un brun noirâtre ; celui-ci grand. Long. 
5àa6lg. . 

Ouvrière. Forme , habitudes et taille de la Formica ronge 
bois. Corps entièrement d’un noir peu luisant. Fête et corselet 
légèrement pubescens : abdomen l’étant davantage : les poils 
de celui-ci gris et couchés ; ceux de la partie postérieure plus 
longs. Ecaille du premier segment de l’abdomen un peu plus 
petite, ovale, plane du côté postérieur , assez convexe en de- 
vant. Dessus de l'abdomen n'étant pas d’un aussi beau noir 
que le reste du corps ; le dessous aussi plus obscur. Pattes 
assez luisantes , tarses bruns. Long. 4 à 5 lg. 


14. 


212 UISTOIRE NATURELLE 


Mäle. Ressemblant à celui de la Formica ronge-bois. Pattes 
entièrement noires. Ailes blanches, transparentes; nervures, 
point épais et un espace autour de ce point jaunâtres, Long. 4 
à 5 lig. 

Cette espèce fait son nid comme la précédente. Elle s'ac- 
couple vers le mois d’août. 

France : surtout la partie méridionale. 


13. FonRMicA NOIRE LissEe. — Formica æthiops. Latr. Hist. 
nat. p. 101, PI. 2, fig. 4, A—J. 


Micra nitidissima, lævis ; mandibulis antennisque,'ar- 
ticulo primo excepto, obscurè brunneïs ; pedibus elonga- 
tis concoloribus, tibiarum apice tarsisque rubescente- 
brunnetis. 

Fort semblable à l’ouvrière que nous allons décrire. Tête 
proportionnellement plus courte. Corselet arrondi. Ecaille du 
premier segment abdominal moins épaisse , un peu plus large 
que dans l’ouvrière; le milieu du bord supérieur formant un 
peu la pointe. Mandibules , antennes et pattes de même couleur 
que dans celle-là. Ailes blanches ; nervures brunes, point 
épais petit, noirâtre, Femelle : Long. près de 5 lig. 

Ouvrière. Corps d’un noir très-luisant , lisse, un peu poilu, 
Tête plus large que le corselet, triangulaire, Antennes d’un 
brun foncé ; le premier article noir ; les derniers d’un brun un 
peu plus clair. Mandibules triangulaires , d’un brun foncé, 
ponctuées. Devant de la tête aussi ponctué, paraissant avoir 
une petite carène dans son milieu. Yeux petits. Corselet arqué, 
comprimé postérieurement. Ecaille du premier segment de 
l'abdomen petite, épaisse, ovée. Les autres segmens de l’ab- 
domen formant une masse ovalaire, poilue. Pattes longues , 
d’un brun foncé ; leurs articulations , bout des jambes et tarses 
d’un brun rougeâtre foncé. Long. 4 lig. 

Mäle. Noir, luisant. Antennes, à l'exception du premier 
article, d’un brun noirâtre. Ecaille du premier segment de 
l'abdomen petite, triangulaire, comprimée, un peu échancrée. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 213 
Pattes presque aussi noires que le corps; articulations brunes. 
Ailes blanches ; point épais noirâtre. Long. 4 : lis. 
France. 


14. ForMicA PENSYLVANIQUE. — Formica pensylvanica 
Degéer, t. III, p. 603, PL. 31, fig. get 10. 


Corps entièrement noir et luisant. Pattes d’un brun un peu 
roussâtre. Trois ocelles distincts. Ecaille du premier segment 
de l’abdomen ovale. Aïles transparentes un peu jaunâtres ; ner- 
vures jaunes. Femelle. 

Ouvrière. Corps entièrement noir. Dessous du ventre tirant 
un peu sur le brun; des poils gris couchés à plat sur l’abdo- 
men. Tarses et une partie des jambes d’un brun marron. Tête 
grande, ovale, convexe en devant. Point d’ocelles visibles, 
Ecaille du premier sezment de l’abdomen ovale, aplatie par 
devant et par derrière comme une lentilie très-plate. Les autres 
segmens abdominaux formant une masse de la grandeur de la 
tête, ovale et un peu aplatie en dessus. 

Amérique septentrionale, notamment la Caroline et la Pen- 
sylvanie. M. Latreille la regarde comme une simple variété de 
la Formica pubescente. 


15. Formica RoUGEs-cuisses. — Formica femorata Fab. 
Pie p.5971n99; 


Antennes de couleur cendrée ; le premier article noir. Cor- 
selet brun sans tache , ainsi que l'abdomen qui est ovale. Pattes 
noires; cuisses rousses. Ailes brunes. Femelle : taille un peu 
plus petite que celle de la Formica ronge-bois. 

Amérique méridionale , notamment le Brésil. 


16. Formica poris-FAUvEs.— /'ormica fulvo-pilosa Degéer, 


t. NII ; p. 612,,n°\10, Pl..45, fs Jralet at 


Formica pilosa Oliv. Encycl. t. VI, PI. 498, n° 30. 
Formica rufiveniris Fab. Piez. p. 409, n° 55. 


214 HISTOIRE NATURELLE 


Nigra opaca, abdomine pilis fulvis ; primi abdominis 
segmenti squamd erect&. 


Corps entièrement noir, nullement luisant ( comme le char- 
bon). Une écaille sur le premier segment de l’abdomen; les 
autres segmens formant une masse ovale, conique au bont , et 
couverts de poils courts, couchés, assez gros pour ressembler 
à des crins ; ces poils nombreux sous le ventre. Point d’ocelles. 
Antennes atteignant le bout du corselet. Probablement ou- 
vrière. Longueur de la Formica ronge-bois. 


Afrique : cap de Bonne-Espérance. 


172. EEE COMPRIMÉE, — Æormica compressa Oliv. 
Encyc.t. VI, p. 491, n°4; —Fab. Piez. p. 396, n° 2; 
— Latr. Hist, nat. Fourm. p. 111. 


Nigra : thoracé compresso , antennis apice femoribus- 
que rufis , Capite maximo. 


Tête très-grande, d’un noir très-foncé. Antennes d’un 
rouge brun; le premier article fort grand, noir. Mandibules 
avancées , bifides à l'extrémité, Corselet comprimé , noir, sans 
taches. Ecaille du premier segment de l'abdomen ovale , entière ; 
les autres segmens formant une masse ovée, noire. Pattes 
noires ; cuisses d’un rouge brun. Probablement ouvrière. Lon- 
gueur, à peu près de la Formica ronge-bois. 


Inde : Tranquebar, 


18. FormicA cENDRÉE. — Formica cinerascens Fab. Pies. 
p- or, n° 19; — Oliv. Encyc. t: VI, p. 494, n° 15; — 
Latr. Hist. nat. Fourm, p- 280. 


Nigra ; capite rufo, abdomine cinerascente. 


Tête fauve. Mandibules et antennes noires. Corselet noir 
sans taches. Abdomen ovale, d’un vert cendré, portant une 
tache très-noire, triangulaire, vers son milieu. Pattes noires. 
Ailes obscures. Probablement femelle. Taille grande. 

Inde : Tranquebar. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 21 


10. ForRMICA TACHETÉE. — Formica maculata Fab. Piez. 
p. 403, n° 29; — Oliv. Encyc. t. VI, p. 495, n° 52; — 
Latr. Hist, nat. Fourm. pr201. 


Nigra ; thorace posticè femoribusque ferrugineis ; abdo- 
mine pallido maculato. 


Tête grande, très-noire. Mandibules courtes, multidentées. 
Antennes d’un brun foncé à leur extrémité. Corselet com- 
primé, noir en devant, ferrugineux à sa partie postérieure 
Une écaille sur le premier segment de l’abdomen; les autres 
segmens formant une masse ovale, poilue, noire, tachetée de 


pâle sur les côtés. Pattes noires ; cuisses ferrugineuses. Proba- 
> £ 
blement ouvrière. Grande taille, 


Afrique équinoxiale. 


20. Formica RUFIPÈDE. — Formica rufipes Fab. Piez. 
p. 398, n° 7; — Oliv. Encyc. t. VI, p. 491, n' 6; — 
Latr. Hist. nat. Fourm. p. 110. 


Atra; pedibus rufis. 


Tête grande, ovale, presque échancrée postérieurement , 
très-noire , hérissée de poils ferrugineux. Antennes noires, 
leur extrémité seulement noirâtre. Corselet comprimé posté- 
rieurement , hérissé de poils noirs. Ecaille du premier segment 
de l'abdomen ovale, obtuse. Pattes noires; tarses fauves. 
Ouvrière. Taille grande. 

Amérique méridionale : Brésil. 


21. FORMICA MARRON. — formica castanea Latr. Hist. nat. 
Fourm. p. 118, PI. 3, fig. 12, A-D. 


Castanea; mandibulis fuscis : squaméä integrä. 


Corps d’un marron clair , luisant , un peu velu. Tête un peu 
plus large que le corselet : celui-ci de forme ovoïde , comprimé 
sur les côtés, tronqué postérieurement. Ecaille du premier 


216 HISTOIRE NATURELLE 


segment de l’abdomen basse, presque carrée , s’amincissant, 
s’élargissant un peu d'une manière insensible vers le bord 
supérieur ; celui-ci droit ou peu concave au milieu. Les autres 
sesmens de l'abdomen en partie plus foncés, d’un brun noi- 
râtre ; leur bord postérieur plus clair et plus luisant, Hanches 
et cuisses ayant une teinte plus claire que les jambes et 
les tarses. Ailes légèrement lavées de jaunâtre à leur base ; 
nervures et point épais d’un brun roussâtre. Femelle. 
Long. 6 lig. 

Ouvrière. Port de la Formica ronge-bois. Corps d’une 
couleur marron terne. Tête et corselet plus foncés : la pre- 
mière grosse, beaucoup plus large que le corselet, un peu 
concave postérieurement. Mandibules courtes, larges, d’un 
brun noirâtre, ponctuées, triangulaires, ayant quatre ou 
cinq dents au côté interne. Bord antérieur de la tête cilié ; un 
sillon dans le milieu de l’espace qui est entre les antennes, et 
au-dessous une faible carène. Yeux ronds, petits, très-peu 
saillans. Ecaille du premier segment de l'abdomen assez épaisse, 
ovale, arrondie sur ses bords. Les autres segmens formant 
une masse courte, presque ovée , un peu scarieuse et un peu 
jaunâtre sur le bord postérieur des segmens. Pattes de la cou- 
leur du corps; les cuisses plus päles, un peu jaunâtres ; 
jambes munies d'une épine assez forte à leur extrémité. 
Long. 4 : lig. 

Mâle. Tête fort petite, convexe. Yeux gros, bruns. Man- 
dibules petites, en spatule tronquée, peu dentées. Devant de 
la tête relevé au milieu dans sa longueur; un sillon entre les 
antennes. Ecaille du premier segment de l’abdomen courte, 
épaisse , surtout à sa naissance; ses faces antérieure et posté- 
rieure formées chacune d’un plan triangulaire ayant sa base en 
haut. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse 
ovée, de couleur plus foncée que le reste du corps. Pattes 
assez longues. Ailes blanches; nervures ferrugineuses. Lon- 
gueur, près de 4 lig. 


Caroline et Pensylvanie : Amérique septentrionale. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 217 


22. FORMICA LATÉRALE. — Formica lateralis Oliv. Encyc. 


t. VI, p. 497, n° 34. 


Nigra, capite thoracisque maculä laterali rufis ; 
squamé primi abdominis segmenti ovat& simplici. 


Tête d’un rouge brun; sa partie supérieure noirâtre. An- 
tennes fauves; le premier article plus obscur. Corselet noir ; 
une tache d’un rouge brun, de chaque côté sous l’insertion des 
ailes. Ecaille du premier segment de l’abdomen élevée, com- 
primée , droite, arrondie, Les autres segmens formant une 
masse ovale, noire. Pattes d’un fauve brun ; cuisses noirâtres. 
Ailes transparentes ; nervures obscures. Femelle. Longueur, 
environ 4 lig. 


France méridionale ; en Provence, dans les bois. 


23. Formica SAUNATRE. — Formica flavescens Fab. Pier. 


p. 399, n° 15; —Latr. Hist. nat. Fourm. p. 111, PL. 3, 
fig. 15, À, B, C. 


Flavescens ; abdomine obscuriore; line“ dorsali nigré. 


Corps étroit, d’un jaunâtre pâle. Tête un peu plus large que 
le corselet. Ecaille du premier segment de l’abdomen épaisse, 
ovée, terminée en pointe obtuse. Les autres segmens formant 
une masse ovée, courte, portant une ligne noirâtre au milieu 
en dessus, et du brun noirâtre de chaque côté en dessous. 
Tarses un peu bruns. Ouvrière. Long. 3 Lg. 

Amérique méridionale , notamment Cayenne. 


24. Formica soyeuse. — Formica sericea Latr. Hist, nat. 
Fourm. p. 117, P1.3, fon, AB; 0: 


Lasius sericeus Fab. Piez. p. 416, n° 4. 


Atre , 0paca : antennis rubro-fuscis ; capite punclis in 
vertice tribus impressis : abdomine cinereo sericeoque. 


Forme approchant de la Formica ronge-bois, Corps noir , 


218 HISTOIRE NATURELLE 


un peu velu. Antennes d’un brun rougeâtre, insérées un peu 
au-dessous du milieu du front. Mandibules de grandeur 
moyenne, presque triangulaires, un peu velues, garnies de 
cinq à six dentelures au côté interne. Tête grande, épaisse, 
presque triangulaire , convexe. Trois points enfoncés sur le 
vertex. Yeux oblongs. Corselet comprimé sur les côtés; son 
dos marqué de deux lignes profondes, transversales ; l’extré- 
mité postérieure , après la seconde ligne, taillée en cube. Ecaille 
du premier segment de l’abdomen épaisse , eonvexe en devant, 
arrondie, entière, poilue au bord supérieur, un peu moins 
haute que la base de l'abdomen. Les autres segmens faisant 
une masse assez grosse, presque ronde, d’un noir un peu 
brun , vêtue d’un duvet soyeux, cendré. Pattes assez fortes, 
un peu velues ; tarses un peu bruns. Ouvrière. Long. 5 lig. 


Afrique occidentale , notamment le Sénégal. 


25. Formica ÉMERAUDINE. — Formica smaragdina Fab. 
Piez. p. 397, n° 4 ; — Oliv. Encyc. t. VE, p. 491, n° 5; — 
Latr. Hist. nat. Fourm. p. 176, PI. 3, fig. :8, A, B, C. 


Port de la Formica noir-cendrée. De couleur très-variable ; 
tantôt presque entièrement d’un roussâtre pâle, tantôt d’un 
vert jaunâtre , avec le dos du corselet et deux lignes à son bord 
antérieur plus verts ; les antennes roussâtres, ainsi que les 
pattes : tantôt d’un vert glauque pâle; le dessus de la tête et 
du corselet d’un vert noirâtre, Antennes obscures ; bords des 
articles et les quatre derniers en entier, roussâtres. Tête trian- 
gulaire, un peu plus étroite que le corselet. Mandibules petites, 
triangulaires, roussâtres, finement striées et dentées au côté 
interne. Yeux petits, saillans , roussâtres. Trois ocelles saillans, 
aussi roussâtres. Dos du corselet plan , offrant en devant deux 
lignes plus obscures. Ecaille du premier segment de l'abdomen 
basse , épaisse , échancrée au milieu du bord supérieur. Abdo- 


men grand, d’un vert glauque, un peu transparent. Pattes 


DES HYMÉNOPTÈRES. 210 


vérdâtres. Ailes grandes, un peu obscures, luisantes ; ner- 
vures brunes. 

Inde. 

Fabricius dit qu’elle fait un nid fort grand en réunissant des 
feuilles d'arbres , aux branches desquels ce nid est suspendu. 
Un pareil nid mériterait bien un bon observateur. 


b. Corselet épineux. 


26. Formica six-ÉPines. — Formica sexspinosa Latr. Hist. 
nat. Fourm. p. 126, PI. 4, fig. 21, A-D,. 


Formica argentata Fab. Piez. p. 413, n° 72. 
Nigra , lutescente-cinereo sericea : capite postice at- 
tenuato ; thoracis spinis quatuor, squamæ duabus. 


Corps noir, tout couvert d’un duvet fin, soyeux, d’un cen- 
dré jaunâtre, même un peu doré , surtout à l’abdomen, et 
luisant. Tête oblongue, un peu plus étroite que le corselet, 
d’abord carrée en devant, puis alongée, et rétrécie postérieu- 
rement. Antennes longues, d’un noir cendré , un peu brun , 
excepté sur le premier article; le second et le troisième article 
presque égaux. Angles postérieurs de la tête saillans en forme 
d’épines. Mandibules courtes , larges , triangulaires, avec trois 
ou quatre dents; celle du bout plus grosse, obtuse. Yeux glo- 
buleux, saillans, pétits. Trois ocelles distincts. Corselet 
oblong , convexe, portant quatre fortes épines ; deux en devant, 
droites, coniques, ne à chaque angle huméral ; les deux 
autres à l'extrémité postérieure, dirigées vers l’abdomen. Ecaille 
du premier segment de l’abdomen assez épaisse, arrondie en 
devant , en talus postérieurement, et armée en dessus de deux 
épines presque aussi fortes que les deux précédentes, et tour- 
nées dans le même sens. Les autres segmens de l'abdomen 
formant une masse courte , ovée-conique ; le second ( premier 
de ceux-c1) plus grand, ayant des nuances plus foncées qui le 
font paraître mélangé. Pattes longues, d’un noir cendré ; cuisses 
un peu brunes; jambes armées de petites épines à leur ex- 


220 HISTOIRE NATURELLE 

trémité ; éperon des antérieures roussâtre; premier article du 

tarse des deux pattes antérieures doré en dessous. Ouvrière, 

selon Latreille. La présence des ocelles semblerait indiquer 

une femelle féconde, ayant perdu ses ailes. Long. 7 2 lis. 
Asie australe, Nouvelle-Calédonie. 


27. FonMicA RELUISANTE. — Formica relucens Latr. Hist. 
nat. Fourm. p. 131, P1. 4, fig. 24, A-D. 


Nigra , lutescente sericea; thorace anticè bispinoso ; 
squamä quadrispinosd. 


Semblable en beaucoup de points à la Formica porte-pique , 
que nous décrivons plus bas, en différant par les caractères 
suivans. Corps couvert d’un duvet soyeux, jaunâtre, un peu 
doré, luisant, et portant quelques poils plus longs. Corselet 
ayant deux épines à sa partie antérieure, n’en ayant aucune à 
son extrémité opposée. Ecaille du premier segment de l’abdo- 
men portant quatre épines, les supérieures presque droites. 
Ouvrière. Longueur, près de 4 lig. 

Asie australe. 


28. ForMica cARÉNÉE. — Formica carinata Fab. Piez, 
p. 413, n° nr. 


Tête assez arrondie , noire, portant entre les antennes une 
double carène courte, élevée et aiguë. Corselet noir, partagé 
en trois par deux lignes transversales assez enfoncées : la partie 
antérieure portant de chaque côté une épine dirigée en devant, 
forte , aiguë, couchée ; la seconde partie mutique ; la troisième 
ou métathorax ayant deux petites épines droites , aiguës, Ecaille 
du premier segment de l’abdomen grande, droite, carrée, 
portant à sa partie supérieure deux épines élevées, aiguës et 
arquées. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse 
presque sphérique noire. Pattes noires. Ouvrière ? Longueur 
moyenne. 


Asie australe, Nouvelle-Calédonie. 


c® 


DES HYMÉNOPTÈRES. 291 


1 


29. FormicA PORTE-PIQUE. — Formica hastata Latr. Hist. 
nat. Fourm. p. 129, PI. 4, fig. 23, A-D,. 


Atra; thorace cubico, quadrispinoso; squamæ spinis 
duabus validis ad apicem, et utrinque dente parvo 
infero. 


Corps très-noir, obscur, très-finement chagrimé, un peu 
velu. Tête de la largeur du corselet, courte, presque ovale. 
Antennes longues , insérées au milieu du front ; les articles, 
à partir du second ou du troisième, d’un noir plus mat. Man- 
dibules courtes , triangulaires, armées de petites dents au côté 
interne; celle du sommet plus forte et crochue. Entre-deux 
des antennes élevé, avec un rebord latéral très-prononcé et 
arqué. Yeux petits, globuleux. Corselet comme cubique; ses 
côtés comprimés, le dos plane et l’arête de chaque côté fort 
aiguë; la partie antérieure grande , carrée, avec une pointe de 
chaque côté aux angles huméraux, forte, aiguë , droite, atteï- 
gnant la tête. Une petite échancrure à chaque arête de la partie 
moyenne du corselet. La partie postérieure tronquée , munie à 
chaque angle supérieur d’une épine conique assez forte et s’éle- 
vant obliquement. Ecaille du premier segment de l’abdomen 
très-grande, triangulaire ; son bord supérieur concave , ayant 
dans son milieu une petite dent; ses angles supérieurs laté- 
raux , prolongés chacun en une épine forte , conique, arquée , 
rejetée en arrière, au-dessous de laquelle est une petite dent. 
Les autres segmens de l’ahdomen formant une masse ovée- 
conique ; le second segment est grand. Eperon des jambes 
petit. Ouvrière, Longueur, près de 4 lig. 

Inde. 


30. Formica AMMON. — Formica Ammon Latr. Hist. nat. 
Fourm, p: 132. 


Migra ; thoracis cubici spinis quatuor ; squamæ duabus. 


Très-voisine des Formica reluisante et porte-pique. Corps 


222 HISTOIRE NATURELLE 


noir, finement strié, ayant quelques poils. Corselet cubique ; 
un peu cendré; son segment antérieur ayant de chaque côté, 
en devant, un avancement formé par l’angle ; au second seg- 
ment, les deux arêtes des bords latéraux ont chacune deux 
petites échancrures, dont une est au delà des angles latéraux : 
ces angles prolongés en une épine grande , aiguë, dirigée en 
arrière un peu en dehors. Ecaille du premier segment de 
l'abdomen grande, triangulaire ; les angles du bord supé- 
rieur prolongés en une épine fort longue, arquée, rejetée 
en arrière, Les autres segmens formant une masse presque 
globuleuse , petite, couverte d’un duvet soyeux doré. Pattes 
noires ; éperons des jambes petits, Ouyrière. Long. 2 + lig. 
Asie australe, Nouvelle-Hollande, 


** Trois cubitales aux ailes supérieures; la troisième incom- 
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. Pre- 
mière discoïdale fermée ; la deuxième du limbe confondue 
avec la seconde discoïdale , et la première du limbe avec 
la troisième discoïdale. Corselet épineux. 


31. FormicA ATTELABOÏDE. — Æormica attelaboides Fab. 
Piez. p. 410, n° 62 ; —Oliv. Encyc. t. VI, p. 498, n° 40; 
— Latr. Hist. nat. Fourm. p. 288. 


Nigra; capite postice attenuato, thorace bispinoso, 
pedibus ferrugineis. 


Tête rugueuse, noire, sans taches, rétrécie postérieure- 
ment. Corselet mince, noir, fauve postérieurement , portant 
deux épines fortes , courbées , rapprochées. Ecaille du premier 
segment de l’abdomen ovale, Abdomen noirâtre , pubescent. 
Pattes fauves. Femelle? Taille grande. 

Amérique méridionale : Brésil. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 223 


GENRES PROVISOIREMENT RAPPROCHÉS DE LA FAMILLE DES 
HÈTÉROGYNIDES. 


Dans une méthode naturelle, c’est-à-dire établie 
d’après les mœurs des êtres dont elle traite, les genres 
se placent facilement. Ils se rapprochent d’autant plus 
que, pendant leur vie, les espèces qui les composent 
présentent à l'observateur un plus grand nombre 
d'actes communs, et ils s’éloignent d’autant plus qu'il 
les voit moins se conduire de la même manière. En 
effet, ces actes supposent des outils pour les exécu- 
ter, comme les outils qui servent à la bâtisse indi- 
quent, dans celui qui s’en sert, les facultés néces- 
saires pour coopérer à la construction d’une maison. 
La présence d’une béche , d’une houe ou d’une char- 
rue dans les mains de l’homme des champs indique 
l'intention de fertiliser la terre par la culture; elle ca- 
ractérise l’agriculteur. Mais , dans l’homme, les outils 
qu’il emploie ne font point partie de sa personne ; 
dans l’Insecte, ce sont ses propres membres qui lui 
en servent. Si donc il a une maison à construire, il 
lui faut en lui-même des outils pour trouver, enlever, 
apporter les matériaux et les mettre en œuvre. L’In- 
secte constructeur aura donc levier, truelle, etc., ou 
ce qui les remplace pour lui : il aura tout cela en lui- 
même. Voilà pourquoi l’observation des mœurs indi- 
que à l’anatomiste les parties que la dissection pourra 
lui présenter, et pourquoi l’anatomie indique à l’ob- 
servateur les mœurs qu’il peut observer dans un In- 
secte conformé de telle ou telle manière. 

Il est donc généralement facile, comme nous l’avons 
dit, de classer les genres naturellement ; car si tel 


224 MISTOIRE NATURELLE 


Insecte a telle partie conformée de la même manière 
que tel autre, et que ce soit une partie indicative des 
mœurs de ce dernier, j'en conclus naturellement que 
je dois les rapprocher. C'est ce qui distingue la mé- 
thode naturelle de toute espèce de système. Il me 
semble que je devais faire cette remarque au moment 
même où deux genres se présentent à placer, dont 
les mœurs ne sont pas connues, et dont en outre il 
n'existe dans nos collections que des mâles, sexe où 
les caractères qui expriment les mœurs sont en quel- 
que sorte oblitérés. Le mâle de l’'Hyménoptère n’a 
qu'une fonction dans la nature, celle de féconder la 
femelle. 11 n’a donc point d’organe qui indique où 
l'œuf sera déposé, rien qui m’annonce la récolte à 
faire pour la nourriture de la postérité ; à peine a-t-il 
une bouche faite pour manger, et beaucoup meurent 
sans avoir ni mangé ni fait autre chose que chercher 
leur femelle et s’accoupler. Ses mandibules mêmes 
sont souvent employées à tenir celle-ci et l'empêcher 
de s'échapper. Ge sont des organes d'amour, et non de 
travail et de nourriture, comme elles deviennent dans 
la plupart des femelles. 

Il reste donc difficile de classer des mâles d'Hymé- 
noptères dont nous ne connaissons ni les femelles, ni 
les mœurs. Tel est le cas des genres Dorylus et 
Labidus. 

M. Latreille les met dans la deuxième division de 
sa famille des Hétérogynes, c’est-à-dire dans nos 
Hétérogynides solitaires, et ilen forme une première 
section qu'il caractérise ainsi : « Antennes insérées 
près de la bouche, téte petite ; abdomen long, pres- 
que cylindrique ; » tandis que la seconde s’en distin- 
gue par « l'insertion des antennes près du milieu de la 


DES HYMÉNOPTÈRES, 2965 


face , la tête plus forte et l'abdomen tantét conique , 
tantôt ovoide ou elliptique. » 

Ayant à exprimer une opinion différente de celle 
de mon célèbre maître, puisque provisoirement je 
crois devoir rapporter à mes Hétérogynides , qui sont 
ses Hétérogynes sociaux, les genres Dorylus et Labi- 
dus , il faut discuter les caractères par lesquels il les 
en a séparés. D'abord il leur refuse des ouvrières (1), 
et ajoute que leurs femelles sont aptères. Il suffit d’ob- 
server que l’on ne connaît à présent, comme de son 
vivant , aucune femelle, ni feconde ni ouvrière, dans 
les espèces connues des deux genres en question. Ce 
premier caractère devient donc entièrement conjectu- 
ral et même nul, en ce qui les regarde. Le second 
caractère qu'il emploie est : « Antennes filiformes ou 
» sétacées, vibratiles, avec le premier article et le 
» troisième alongés : la longueur du premier n’égale 
» jamais le tiers de la longueur totale de ces orga- 
» 7165. » 

Dans les Dorylus et Labidus que j'ai sous les yeux 
en ce moment, les antennes sont eflectivement fili- 
formes , et doivent avoir été vibratiles dans le vivant; 
mais elles sont conformées de même dans beaucoup de 
mâles des Hétérogynides, quoique différentes dans 
les femelles. Le premier article est alongé dans les 
Dorylus et les Labidus, comme il l’est daus les Hété- 
rogynes sociales Latr. Il égale, quoi qu'il dise, plus 
que le tiers de l'antenne. Autant ces caractères con- 
viennent peu aux genres Dorylus et Labidus, autant 
ils conviennent aux Mutilla. Quant aux caractères 
qui les distinguent de ceux-ci dans l'ouvrage de 


(@) Voy. Latr. Crust. et Ins. t. IL, p. 314; Deterv. 1829. 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 19 


226 HISTOIRE NATURELLE 


M. Latreille, et que nous avons cités plus haut, il 
est également certain qu'ils rapprochent des Hétéro- 
eynes sociales Latr., les Dorylus et les Labidus. Plu- 
sieurs espèces décrites dans nos Hétérogynides ont 
les antennes insérées près de la bouche : plusieurs 
mâles ont la tête très-petite pour leur stature, tandis 
que quelques-unes de leurs femelles l’ont grande, 
et l'abdomen long et cylindrique. De plus, rien ne 
tend à prouver que ces caractères de tête et d’abdo- 
men se retrouveraient dans des individus du sexe 
féminin : ils ne peuvent donc pas être considérés 
comme génériques. La forme del’abdomen de ces deux 
genres ne répugne point à un rapprochement avec 
nos Hétérogynides sociales. L'état alaire des Dorylus 
est à peu près celui d’une portion de cette famille, de 
la tribu des Formicites , où la cellule radiale se pro- 
longe presque jusqu’au bout de l’aile. Les mandibules 
des Dorylus sont fortes, et, si elles le sont dans des 
mâles, elles en supposent de plus fortes encore dans 
l’autre sexe, que l’on ne connaît point , et propres en 
conséquence à ces grands travaux qu'ont à exécuter 
nos femelles Formicites. Il nous paraît donc probable 
que les Dorylus pourraient dès ce moment être réunis 
à notre famille des Hétérogynides et à notre tribu des 
Formicites. 

Quant aux Labidus, leur système alaire n’a rien 
ni de commun avec celui d'aucun genre de nos Hété- 
rogynides , ni d'identique avec nos Mutillaires ; leurs 
mandibules sont faibles, longues et étroites à la base 
et à l'extrémité (1). Je ne présume pas, en l’absence 


(1) Ce ne peut être que par erreur typographique qu'on lit dans 
l'ouvrage de M. Latreille : « Mandibules des Labidus plus courtes 


DES HYMÉNOPTÈRES. a2# 


du sexe féminin, quelle peut être leur place défini- 
tive, et, du reste, l’analogie apparente me porte à 
les laisser avec les Dorylus, et à les placer ici hors 
de rang, en attendant des éclaircissemens sur leurs 
mœurs , et surtout la réponse à cette question : Les 
Dorylus et les Labidus vivent-ils en société? 


1 GENRE. DORYLUS. — DORFLUS. 


SYNONYME. Formica Linn. — Dorylus Fab., Lat. 


On ne connaît rien de l’histoire des Dorylus, si ce n’est 
qu’on les rencontre soit courant dans les sables, soit cachés 
sous les pierres. On n’a trouvé jusqu'ici, au moins à notre 
connaissance , que des individus du sexe masculin. Le carac- 
tère sera à réformer lorsqu'on connaîtra les mœurs. Ils sont 
de l’ancien continent. 


Caractères. Antennes insérées près de la bouche. Pre- 
mier article fort grand, faisant à lui seul plus du tiers de 
l’antenne ; le troisième et le quatrième beaucoup plus petits, 
égaux entre eux. 

Palpes maxillaires aussi longs que les labiaux, de quatre 
articles. 

Mandibules assez longues, mais moins que celles des La - 
bidus , assez larges vers la base dans les deux tiers de leur 
longueur , arquées , et se rétrécissant vers l'extrémité. 

Premier segment de l'abdomen séparé des autres par un 
étranglement ,; convexe en dessus et arrondi sur les côtés. 

Cellule radiale, allant en se rétrécissant depuis la base 
de la seconde cubitale, et s’'alongeant presque jusqu’au bout 
de Paile. 


et moins étroites que celles des Dorylus.» D'après la nature que 
J'ai sous les yeux, lisez : moins courtes et plus étroites. Voyez Latr. 


Crust. et Ins. t. II, p. 315. 
1 


228 HISTOIRE NATURELLE 


: Deux cubitales; la deuxième presque complète, ayant 
avec la première une nervure d’intersection commune, 
mais courte. 
Trois discoïdales : la première et la seconde à peu près 
d’égale longueur; la troisième incomplète. 
Première cellule du limbe confondue avec la troisième 
discoïdale. La deuxième du limbe très-étroite. 


Première nervure récurrente aboutissant dans la première 
cellule cubitale vers le milieu. 


Espèce connue de ce genre. 


1. DoryLus PAILLET. — Dorylus helvolus Fab. Piez. 
p. 427, n°1. 


Mutilla helvola Linn. Syst, Nat. ed. 12, p. 967, n°8. 

Rufo-helvolus, capite fusco, mandibulis pedibusque 
rufo ferrugineis, nitidis; illis, apice nigricantibus : cor- 
pore, præsertim thorace et primo abdominis segmento , 
pallidè rufo-hirto. 


Corps roux , tirant au paillet. Tête brune. Antennes d’un 
roux brun. Mandibules d’un roux ferrugineux , lisse et brillant ; 
leur extrémité noirâtre. Corps ayant des poils d’un roux pâle, 
beaucoup plus nombreux sur le corselet et sur le premier 
segment de l'abdomen que sur le reste. Pattes de la couleur de 
la base des mandibules. Ailes transparentes, un peu jaunâtres ; 
nervures d’un jaune roussâtre. Mäle. Longueur, environ 


13 lig. 
Afrique, cap de Bonne-Espérance, 


Nota. Il est probable que le Dorylus nigricans Fab. 
Piez, p. 427, n° 2, appartient à ce genre. 


DES HYMÉNOPTÈRES, 229 


2° Genre. LABIDUS. — ZABIDUS. 


Synonyme. Labidus Latr., Jur. — Dorylus ? Fab. 


Caractères. Antennes insérées près de la bouche. Pre- 
mier article fort grand , faisant à lui seul au moins le tiers 
de l'antenne ; le troisième et le quatrième plus petits, à peu 
près égaux entre eux. Palpes maxillaires de la longueur des 
labiaux, n’ayant que deux articles. 

Mandibules longues, étroites à la base et à l’extrémité, le 
milieu dilaté en une dent assez large, tres-arquées. 

Premier segment de l'abdomen séparé des autres par un 
étranglement, déprimé , caréné et anguleux latéralement, 
quelquefois creusé en gouttière en dessus. 

Cellule radiale , finissant bien avant le bout de l'aile. 

Trois cubitales ; la troisième presque complète. 

Trois discoïdales ; la première beaucoup plus longue que 
la seconde , s’alongeant dans la partie brachiale ; la troisième 
incomplète. 

Première cellule du limbe confondue avec la troisième 
discoïdale. 


Première nervure récurrente aboutissant dans la seconde 
cubitale. 


On ne connaît rien de l’histoire des Labidus. Ils sont 
d'Amérique. 


Espèce connue de ce genre. 


1 Lasius DE LATReILLE. — Labidus Latreillit Jur. Méth. 
Hymén. p. 283. 


Rufo: fusco-hirtus, capile thoraceque et femoribus 
nigris, cœtera rufo-fuscus , abdomine suprà rufo-sericeo. 


Tête et antennes noires. Mandibules brunes noirâtres. Cor- 


selet noir ; métathorax prolongé sur les côtés, dans leur milieu 


230 HISTOIRE NATURELLE 


en une pointe mousse. Abdomen, jambes et tarses d’un brun 
roussâtre. Premier segment de l’abdomen creusé en dessus en 
gouttière ; ses côtés élevés en une carène qui se prolonge posté- 
rieurement en pointe. Tout l'Insecte chargé de grands poils 
roux hérissés, à l'exception du dessus des second, troisième, 
quatrième et cinquième segmens de l'abdomen , et de la base 
du sixième , qui n’ont pas de poils hérissés , mais qui sont cou- 
verts d’un duvet roux soyeux, très-court et couché, qui ne 
paraît guère que par son reflet saliné. Cuisses noirâtres. Ailes 
d’un transparent jaunâtre ; nervures d’un jaune roussâtre. 
Mäle. Longueur, environ 14 lig. 

Amérique : Brésil, province de Sainte Catherine, aux bords 
de la mer. 


Nota. Il est probable que le Dorylus mediatus Fab. Piez. 
p. 428, n° 3, appartient au genre Labidus. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 231 


2e Fame. APIARIDES. 


Caractères. Langue presque cylindrique, plus 
longue que la tête, plus courte que le corps. 

Femelles fécondes et infécondes, et mâles pourvus 
d'ailes, pendant toute leur vie à l’état parfait. 

Antennes vibratiles, filiformes ; le deuxième article 
plus court que le troisième, presque globuleux; le 
troisième un peu conique. 

Jambes postérieures dépourvues d’épines à leur 
extrémité. À 

Premier article des tarses postérieurs dilaté à 
l'angle extérieur de sa base, en forme d’oreillette 
pointue ou mutique. 


Histoire des Apiarides. 


Si nous avons admiré les Hétérogynides sous le 
rapport de l'instinct social, nous avons vu avec plai- 
sir en même temps l’aisance et les avantages multi- 
pliés, fruits heureux de la bienveillance réciproque 
de tous les habitans d’une même cité les uns pour les 
autres. Nous allons retrouver dans les A piarides ce 
même esprit de société, mais un peu modifié, et 
comme ces modifications des facultés instinctives 
nous paraissent un caractère distinctif des familles, 
plus important même que les différences physiques 
qui n'en sont que l'expression, nous commencerons 
notre histoire des Apiarides par signaler ces modifi- 
cations ; il nous semble, en eflet, que l’Auteur de la 
création a mis dans les animaux l'instinct comme la 
raison au-dessus de la matière; que par conséquent il 


232 HISTOIRE NATURELLE 


nous fait une loi de regarder la partie intelligente 
comme servant de moule aux corps; et qu'il a en 
quelque sorte, pour nous servir d'expressions humai- 
nes, comme il l’a fait quelquefois lui-même, d’abord 
décidé, par le don d'un instinct particulier, les fonc- 
tions de chaque espèce dans la nature, et ensuite fait 
le corps pour cette destination. 

L’A piaride nous est utile, au lieu que l’Hétéro- 
gynide nous est inutile, ou même nuisible. Celle-ci 
est au moins une voisine incommode , puisque, regar- 
dant comme de son domaine tous les lieux où elle 
peut pénétrer, elle vient quelquefois jusque dans les 
endroits les plus secrets de nos maisons chercher, 
pour les besoins de sa société, les provisions que 
nous réservions pour les nôtres. Ce n’est donc pas 
par notre choix que l’Hétérogynide habite près de 
nous, et nous l'y harcelons assez, lorsqu'elle s’en est 
rapprochée, pour l’obliger le plus souvent à trans- 
porter ailleurs son domicile, quand nous n’en exter- 
minons pas de suite tous les habitans. De plus, les 
expériences de M. Huber prouvent que l'Hétéro:y- 
nide n’accepte jamais pour long-temps le domicile 
que nous voulons lui donner : celles qu'il voulait 
loger sous ses yeux, dans des appareils vitrés ou 
autres', n’y restaient pas long-temps et allaient s’éta- 
blir ailleurs aussitôt que possible , ou retournaient 
même à leurs anciens foyers ( Huber, Recher- 
ches sur les mœurs des Fourmis, p. 150 et sui- 
vantes). L’Apiaride n’a pas, je crois, cherché d’elle- 
même l'espèce de domesticité où nous tenons plusieurs 
espèces; mais, comme les lieux que nous cultivons 
lui fournissent des vivres plus abondamment que les 
déserts, elle s’est habituée à vivre près de nous, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 233 


quoique pouvant absolument se suflire à elle-même ; 
et de plus elle accepte de nous des domiciles qui sont 
l'ouvrage de nos mains, et ne s’effraie pas trop de 
nos visites, si nous ne troublons pas brusquement 
ses occupations par des mouvemens irréguliers. 

L’A piaride a plus d’attachement pour la mère, de 
la fécondité de laquelle dépend la durée de la société, 
que n'en témoigne l’Hétérogynide pour les femelles 
fécondes qui existent dans la fourmiliè e. Comme il y 
er a chezcette dernière plusieurs à la fois, l'attachement 
perd peut-être à se partager dans les Insectes , comme 
dans notre espèce. Quoi qu'il en soit, lorsque la Mère- 
Abeille se déplait dans son habitation (et ce dégoût peut 
venir de plusieurs causes que nous indiquerons par la 
suile), elle sort et est suivie par toute la partie de la 
population alors présente à la ruche, à qui les forces 
individuelles le permettent. Cette population ne la 
quitte pas, et se fixe à l'endroit que la mère a choisi 
pour se reposer. L’Hétérogynide, au contraire, laisse 
aller, dans certains cas, une très-grande partie des 
mères fécondes, sans s'inquiéter de leur sort, et si 
quelques ouvrières se joignent à elles ensuite, ce qui 
n’est pas entièrement prouvé, ce fait annoncerait bien 
un certain attachement pourles femelles fécondes, mais 
moindre que celui des Apiarides, qui n’abandonnent 
celles-ci dans aucun cas. De mêmedes femelles A pia- 
rides, qui sortent seules pour s’accoupler, reviennent 
d’elles-mêmes à l'habitation commune, tandis que, 
dans le même cas, les femelles Hétérogynides s’en 
éloisnent toutes les fois qu’elles le peuvent et qu’elles 
ne sont pas forcées par les ouvrières d’y rentrer. 

Dans les Abpiarides, la mère connaît le sexe des 
œufs qu'elle va pondre; elle les place elle-même dan 


234 HISTOIRE NATURELLE 


le domicile fait exprès pour ce sexe. Dans les Hété- 
rogynides ils y sont placés par les ouvrières. 

Les cases du domicile des Hétérogynides sont irré- 
gulières, et aucune d'elles n’a exactement la même 
forme que les autres. Dans les Apiarides, l'immense 
majorité des cases est exactement de même forme, et 
la petite différence qui existe seulement dans un petit 
nombre, dépend ordinairement de l'insuffisance de 
l'espace qui reste entre des cellules régulières et les 
parois de l’habitation que nous leur avons fournie. 

Dans les deux familles que nous comparons, une 
partie de la provision à récolter pour la nourriture des 
larves et des mères étant liquide, ces liqueurs sont 
d’abord avalées par celles qui les récoltent, et, dans 
toutes deux, elles peuvent être dégorgées par la 
trompe, en les faisant revenir de l’estomac par l’æso- 
phage. Mais les Apiarides ont encore à rapporter 
d’autres alimens plus solides. Si les Hétérogynides 
ont des fardeaux à porter, elles se servent pour cela 
uniquement de leurs mandibules ; les Apiarides ne 
se servent pour cet effet que de leurs pattes, et leurs 
mandibules ne leur servent que pour donner à leurs 
bâtimens la forme nécessaire, et pour détacher des 
parcelles plus où moins solides des corps auxquels ils 
adhèrent , mais jamais pour les transporter : ce sont , 
comme nous le vétrons , les pattes qui s’en chargent 
et ont une conformation appropriée à cette fonction. 

De ce que nous venons de dire , on a dù conclure 
que la population d'une ruche (ce mot est pris ici et 
le sera souvent pour la société des Abeilles qui habi- 
tent ensemble ; quoique la ruche ne soit à proprement 
parler que l'habitation où elles vivent , nous ne faisons 
en cela que nous conformer à l'usage ), est composée 


DES HYMÉNOPTÈRES. 235 


d’une seule femelle féconde , d’ouvrières et de mâles ; 
mais il faut ajouter que ces derniers n’y existent 
qu'une partie de l’année. L’ouvrière, ainsi qu’on l’a 
pressenti également , n’est autre chose qu'une femelle 
inféconde et chargée des travaux , tandis que la mère 
ou femelle féconde n’a presque d’autres fonctions que 
de pondre. Nous commencerons par donner une idée 
del’anatomie de ces diverses modifications de l'espèce, 
de manière qu’elle puisse convenir à toutes celles qui 
composent la famille des A piarides. 

L'ouvrière, qui forme la plus srande partie de la 
population, est d’une taille plus petite que les fe- 
melles fécondes et que les mâles. La tête est de la 
largeur du corselet : sa face est presque triangulaire. 
Les yeux à réseau sont ovales, placés sur les côtés. 
Les ocelles sont placés sur le vertex ; les deux posté- 
rieurs faisant avec l’inférieur un triangle obtus. Les 
antennes sont plus courtes que la tête et le corselet 
pris ensemble. Les mandibules, seul outil qui serve 
à de merveilleuses constructions, sont un peu plus 
étroites à leur base, et leur bout va en s’évasant et est 
coupé obliquement en ligne droite. La surface exté- 
rieure de chacune est convexe , et l’intérieure concave 
à peu près comme la tarière du charpentier. Les bouts 
de ces mandibules pouvant s'appliquer l’an contre 
l’autre, il suit de cette conformation qu'il reste entre 
elles une cavité dont une moitié appartient à chacune. 
Cette cavité reçoit les parcelles de matières pressées 
ou broyées entre les deux côtés extérieurs des mandi- 
bules. Celles-ci sont aussi susceptibles de se croiser. 
Elles servent, outre la bâtisse, à saisir sur les vé 
taux le Pollen et la Propolis. 

La bouche est une ouverture assez grande à la par- 


He 


(>) 


236 HISTOIRE NATURELLE 


tie inférieure de la tête, fermée en dessus par un labre 
corné, latéralement par les mandibules que nous ve- 
nous de décrire, et inférieurement par une petite 
pièce membraneuse susceptible de mouvemens et de 
changemens de forme, que Réaumur appelait langue, 
qui est l’'épipharynx ou épiglosse de M. Savigny, et 
qui fait la fonction d’une lèvre inférieure dont nous 
lui donnerons le nom. Cette pièce sert de conduit aux 
alimens pour parvenir à un œsophage délié qui con- 
duit à l’intérieur du corselet. Entre les pièces dont 
nous venons de faire mention, sont insérées Ja trompe 
et les mâchoires sur deux petits corps longs, droits, 
déliés, solides, qui forment entre eux un angle ren- 
trant dans le repos, c’est-à-dire lorsque la trompe 
n'agit point. Mais, lorsque la trompe doit agir, ces 
corps se portent vers l'extérieur de la bouche et for- 
ment alors un angle sortant sur lequel est portée la 
base de la trompe. Les mâchoires qui sont insérées 
sur la base des mêmes pièces participent peu au 
mouvement qui porte la trompe en avant : elles sont 
composées de deux pièces; celle de la base étant 
une tige assez massive, et la seconde une lame plus 
grande, concave à son intérieur, terminée en pointe, 
et de nature cornée. Ces deux pièces sont jointes par 
une articulation qui permet à la seconde de suivre les 
mouvemens de la langue lorsqu'elle agit. Dans le 
repos, les mâchoires recouvrent la partie supérieure 
de la trompe. La trompe se reployant en deux dans le 
repos, nous la considérerons comme composée de 
deux parties, l’une antérieure et l’autre postérieure, 
et, pour fixer positivement les limites de ces parties, 
nous dirons que c’est entre ellesqu'’elle se ploie dans le 
repos. Quand la partie antérieure ;, que l’on peut ap- 


DÉS HYMÉNOPTÈRES. 3379 


peler la langue (puisqu'elle porte les palpes labiaux , 
et que son usase ne répugne pas à cette dénomina- 
tion), « ne suce pas le miel des fleurs , » dit le célèbre 


Réaumur (Mém. Ins.t. V, p. 309), « quand elle est 


» 


ÿ 


ÿ 


> 


ÿ 


» 


dans une parfaite inaction , elle est aplatie; elle est 
peut-être au moins trois fois plus large qu’épaisse, 
mais ses bords sont arrondis : elle devient insensi- 
blement de plus en plus étroite, depuis son origine 
jusque tout près de son extrémité. Elle se termine 
par un petit mamelon presque cylindrique, au 
bout duquel est un bourrelet, une espèce de bou- 
ton dont le centre semble percé. La circonférence 
de ce bourrelet jette des poils assez longs et disposés 
en rayons. Le dessus de la langue est aussi tout cou- 
vert de poils. La première et la plus large partie 
du dessus semble cannelée transversalement par de 
petits sillons très-rapprochés les uns des autres... 
» Le dessus de la partie antérieure de la trompe 
(langue) semble tout cartilagineux , mais le dessous 
de la même partie ne paraît cartilagineux que dans 
une partie de sa largeur Le milieu de celui-ci est 
tout du long marqué par un trait plus transparent 
que le reste, qui parait membraneux et plissé. .…. 
On n'a quà presser la partie postérieure de la 
trompe, pendant qu'on tient la partie antérieure 
tout près d’une bougie vers laquelle la face supé- 
rieure de cette partie est tournée, et qu’on examine 
la face inférieure au travers d’une loupe à très-court 
foyer, bientôt on voit arriver une goutte de liqueur 
dans la partie antérieure de la trompe : en conti- 
nuant de presser, on fait avancer cette goutte; tous 
les endroits où elle parvient se gonflent considéra- 
blement ; les deux bords s’écartent l’un de l’autre : 


238 HISTOIRE NATURELLE 


LA 


alors ce dessous de la trompe, qui était plat, se 
relève et se renfle très-considérablement , et tout ce 
qui se relève est évidemment membraneux . On croit 
voir paraître une longue vessie faite en boyau et 
de la matière la plus transparente. Mais, pendant 
qu'il se fait une si grande augmentation de volume 
du côté de la surface inférieure , la surface supé- 
rieure s’arrondit seulement un peu...... Ce qui 
prouve que l’enveloppe immédiate de celle-ci n’est 
pas capable d'extension notable... . Si l’on observe 
une Abeille occupée à sucer une liqueur miellée, 
on verra quelquefois la partie antérieure de sa 
trompe plus gonflée que dans les temps d’inaction, 
et l’on verra dans cette trompe des alternatives de 
plus grands et de moindres gonflemens..…... 

» La partie postérieure de la trompe est beaucoup 
plus grosse que l’antérieure , et ce n’est que dans 
l’inaction que l’autre lui est presque égale en lon- 
gueur….. Gette partie postérieure est jointe à l’an- 
térieure par une partie très-courte, entièrement 
charnue et très-flexible, qui permet à la trompe de 
se plier, ensuite son dessous est tout écailleux, 
très-luisant et arrondi. On juge qu'elle a beaucoup 
plus de solidité que tout le reste. Son diamètre 
augmente à mesure qu’elle s'éloigne de la partie 
moyenne, jusqu'à plus des deux tiers de sa lon- 
gueur : là elle se rétrécit un peu, et il semble que 
la premiére des deux pièces, dont elle est composée, 
y finisse. La première pièce s’arrondit comme pour 
se poser sur une autre qui lui sert de base et de 
pivot. Celle qui lui en sert , est conique , écailleuse 
et se termine en pointe assez aiguë.» C'est cette 


pointe qui s'articule à la réunion de ces deux petits 


DES HYMÉNOPTÈRES. 239 


corps longs dont nous avons d’abord parlé, et qui 
portent la trompe en avant. 

Dans le repos, la partie postérieure de la trompe 
est appliquée contre la partie inférieure de la bouche, 
et l’antérieure est reployée sur elle; elle est alors 
recouverte par les mâchoires, qui semblent faire 
corps avec elle. Elle a de plus une autre enveloppe 
intérieure; ce sont les deux premiers articles des 
palpes labiaux, qui sont membraneux. Le premier 
est inséré vers la base de la partie antérieure de la 
trompe que nous avons nommé la langue ; le second 
l’est exactement au bout de celui-là : ils sont tous deux 
dilatéset s'appliquent assez parfaitement sur la langue. 
Vers l'extrémité du second, et un peu avant cette 
extrémité, sur le côté, est inséré un troisième article 
globuleux , suivi d’un quatrième et dernier. 

Pour récolter le miel sur les fleurs , la trompe se 
développe en entier ; le bout de cette trompe lèche la 
liqueur qui en parcourt toute l’étendue , aidée dans 
ce mouvement par la pression ondulatoire des enve- 
loppes extérieures dont nous avons parlé, c'est-à-dire 
des mâchoires et des palpes : le miel descend ainsi 
sur la pièce mobile que nous appellerons lèvre infé- 
rieure, et dont nous avons parlé plus haut, qui le 
transmet à l’œsophage. 

Swammerdam avait considéré la trompe comme 
un corps de pompe, percé à son extrémité d’un trou 
par lequel la liqueur pouvait être aspirée. Réaumur, 
en observant des Abeilles à la portée desquelles il 
avait mis des gouttes de miel sur du verre, s’aperçut 
bientôt qu'il n’en était pas ainsi: « Car, dit-il, l’A- 
» beille ne semble pas devoir s’y prendre autrement 
» pour tirer le miel d’une fleur que d’un tube de verre, 


ÿ 


> 


> 


= 


> 


y 


40 HISTOIRE NATURELLE 


et, dans cette dernière circonstance, il ne m'a jamais 
paru que le miel füt pris par succion. L’Abeille ne 
m'a jamais paru chercher à poser le bout de la 
trompe dans la jetite couche de liqueur, comme 
cela devrait être si la liqueur devait être aspirée et 
introduite par le trou qu'on y suppose. Dès que 
l’'Abeille se trouve auprès de l'endroit enduit de 
miel, elle allonge sa trompe, c'est-à-dire qu’elle en 
porte le bout à une ligne ou plus, par delà le bout 
des étuis (les palpes), qui ne cessent pas de la 
couvrir dans le reste de son étendue. Si le miel ne 
fait qu'enduire la surface du verre, la portion de la 
partie antérieure de la trompe qui est à découvert, 
se contourne el se courbe au point nécessaire pour 
que sa surface supérieure s'applique contre le verre. 
Là cette partie fait précisément tout ce que ferait 
la langue d’un animal occupé à lécher quelque 
liqueur. Elle frotte le verre à diverses reprises, et 
se donne avec une vitesse merveilleuse cent et cent 
inflexions diflérentes. 

» Si la couche de liqueur offerte à l’Abeille est plus 
épaisse , si elle rencontre une goutte de miel, alors 
elle fait entrer la partie antérieure de sa trompe 
dans la liqueur; mais il semble encore que ce soit 
pour l’y faire agir, comme un chien, qui lappe du 
lait ou du bouillon, fait agir sa langue. Dans la 
goutte de miel même, l’Abeille plie le bout de sa 
trompe , l’allonge et le raccourcit alternativement ; 
enfin elle le retire d'instant en instant : alors on lui 
voit non-seulement alonger et raccourcir ce bout 
alternativement; on voit aussi qu’elle lui fart faire 
des sinuosités, et surtout qu'elle rend de temps en 
temps sa surface supérieure concave, comme pour 


DES HYMÉNOPTÈRES. 241 
donner une pente vers la tête à la liqueur dont elle 
est chargée. En un mot, la trompe paraît agir 
comme une langue et non comme une pompe. Le 
bout de la trompe, l'endroit où l’on veut que soit 
l'ouverture, est souvent au-dessus de la surface 
de la liqueur dans laquelle l’Abeille puise... 

» Par ses différens mouvemens, cette langue exté- 
rieure tend à se charger de la liqueur miellée et à la 
conduire à la bouche. C’est sur le dessus de la langue 
velu que passe la liqueur; l’Abeille cherche sur- 
tout à l’en mouiller, à l’en couvrir : en raccourcis- 
sant cette partie, et quelquefois au point de la faire 
toute rentrer sous les étuis, elle porte et dépose la 
liqueur dont elle est chargée dans une espèce de 
conduit qui se trouve entre le dessus de la trom pe 
et les étuis qui les couvrent. Ainsi, ces étuis ne 
sont peut-être pas autant faits pour couvrir la 
trompe, qu'ils le sont pour former et couvrir le che- 
min par où passe la liqueur qui est conduite à la 
bouche... Nous avons dit ailleurs que la trompe 
peut se sonfler et se contracter ; on y observe aussi 
des gonflemens et des contractions qui se succèdent 
et qui peuvent opérer eflicacement sur la liqueur 
qui est en chemin sous les étuis, pour la faire par- 
venir à la véritable bouche... De plus, j'ai écarté 
les étuis de dessus la trompe d’une Abeille que je 
tenais entre mes doigts, et je suis parvenu à placer 
avec la pointe d'une épingle une goutte de miel 
extrêmement petite sur la trompe, dans un endroit 
où elle pouvait par la suile être couverte par les 
bouts de l’étui extérieur. J'ai ensuite laissé les étuis 
en liberté; queiqueïois 1ls se sont d'eux-mêmes re- 
mis en place, et quelquefois j'ai aidé à les y remet- 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 16 


242 HISTOIRE NATURELLE 


» tre. La goutte de miel qu'ils ont recouverte, n’est 
» jamais revenue vers le bout de la trompe; elle à 
» toujours été poussée vers la bouche, et sans doute 
» dans la bouche même... Il est donc trés-certain 
» que lorsque l’Abeille a du miel à sa disposition, 
elle le lèche, elle lappe, s’il est permis de se servir 
de ce terme, ét que ce n’est pas du tout par le trou 
» qu'on à cru voir au bout de la trompe qu’elle le fait 
» passer. Si ce trou existait, il serait d’une petitesse 
» extrême... Il ne me päraissait pas possible qu’une 
» grosse goutte de miel, qui était souvent bue sous 
» mes yeux en peu d'instans, eût pu en si peu de 
» temps passer par une aussi petite ouverture. Une 
» preuve encore plus forte que ce trou n'existe pas 
» m'a été fournie lorsque je pressais une trompe vers 
» son origine pour l’obliger de se gonfler : j'y voyais 
» arriver la liqueur qui lui faisait prendre plus de 
» volume; mais j'eus beau presser la trompe, jamais 
» je ne suis parveïu à forcer la liqueur à sortir par 
» son bout, quoique la pression ait souvent mis la 
» liqueur en état de produire un déchirement dans 
» les membranes, qui lui donnait uñe ouverture par 
» laquelle elle s’'échappait. » 

L'œsophage qui recoit le miel de la lèvre inférieure, 
qui l'a elle-même recu de la trompe, le transmet à 
l'estomac, dont nous expliquerons la conformation 
lorsque nous passerons à l'anatomie intérieure des 
À piarides. Il nous sufhira ici de dire que l’Apiaride, 
ayant besoin de faire des provisions, peut rappeler ce 
miel de l’estomac, et le dégorge dans des cellules où 
il reste déposé. Nous citerons ici les circonstances de 
ce dépôt, parce qu’elles nous feront connaître dis- 
tinctement l'utilité particulière à certaines parties de 


ÿ 


4 


DES HYMÉNOPTÈRES. 243 
la bouche. «C’est, » dit notre inimitable observateur 
Réaumur, « sur le bord d’une des cellules dont le tour 
» est d’être remplie, que l’Abeille qui arrive de la 
» campagne s'arrête ; elle fait entrer sa tête dedans, 
» etelle y verse bientôt tout ce qu'elle a apporté de 
» liqueur. M. Maraldi a très-bien remarqué que l’en- 
» droit par où elle fait sortir le miel de son corps est 
» au-dessus de la trompe et tout près des dents, c’est- 
» à-dire que le miel sort par cette ouverture que nous 
» appelons /a bouche. Swammerdam, qui n’a pas connu 
» cette ouverture, a pensé que les Abeilles le reje- 
» taient parle petit trou qu’il croyait au bout de leur 
» trompe; mais l’opération de se vider de miel serait 
alors, pour les Abeilles, aussi longue et peut-être 
» plus longue que ne l’a été celle de s’en remplir. 
Car il y a lieu de croire qu'il est digéré, qu'il a 
» recu une coction. Il est donc trés-vraisemblable 
» que, quand l’Abeille le rend, il est plus épais que 
» quand elle l’a pris, et qu'il ne serait plus aisé à la 
» Mouche de le faire passer par une ouverture aussi 
» étroite. » Le miel sorti par la bouche est porté par 
les mouvemens de la trompe à l'extrémité de celle-ci, 
qui la dépose dans une des cellules destinées à ren- 
fermer ce genre de provisions. 

Les parties que nous venons de décrire dans les 
ouvrières femelles infécondes se retrouvent absolu- 
ment les mêmes dans les femelles fécondes , parce que 
la nourriture étant la même pour toutes les modifica- 
tions de l'espèce, les moyens de la prendre devaient 
être pareils. Cependant, dans les mâles, les par- 
ties de la trompe et les mandibules sont proportion- 
nellement une fois plus petites. Ceux-ci ne récoltent 
jamais de miel : je suis certain de n'avoir jamais 

16. 


LA 


ÿ 


24.1 HISTOIRE NATURELLE 


trouvé d'individus de ce sexe sur les fleurs, non pas 
même pour y satisfaire leur appétit, et les ruches 
vitrées démontrent que c’est dans la ruche et aux dé- 
pens des provisions que ce sexe prend ses repas. Les 
femelles fécondes recoivent leur nourriture des ou- 
vrières, qui, à leur retour de la campagne, s’em- 
pressent souvent de leur en pré-enter de fraîchement 
récoltée, en gouttelettes transparentes au bout de 
leur trompe. 

Mais les ouvrières diffèrent particulièrement des 
femelles fécondes par l'organe destiné à la récolte du 
pollen des fleurs , c’est-à-dire par la forme de certai- 
nes portions des pattes. 

« La première partie des pattes (1) » (Réaum. Mém. 
Ins. vol. cilé), « la hanche, qui est attachée au cor- 
» selet, est la plus courte de toutes : c'est une espèce 
» de bouton conique, à un des bouts duquel la se- 
» conde pièce est articulée. » Cette pièce est le tro- 
chanter, oublié par Réaumur; presque aussi long 
que la hanche, il s'étend sur la base de la cuisse, qui 
est articulée à presque toute sa portion inférieure. 
« Cette troisième partie est longuette, peu aplatie, 
» un peu contournée, un peu moins grosse à l’un et 
» à l'autre de ses bouts que vers son milieu. La qua- 
» trième pièce, ou la jambe, est plus considérable 
» par rapport aux autres dans chaque patte de la troi- 


(1) On s'apercevra facilement que, dans mes citations de Réau- 
mur, j'ai souvent substitué les termes techniques usités présente- 
ment à ceux qui l'étaient de son temps. Tel m'a paru le meilleur 
moyen de faire jouir mes lecteurs des inappréciables observations 
anatomiques de ce célèbre auteur, beaucoup trop négligé aujour- 
d'hui, où l'on nous donne souvent pour du neuf ce qu'il avait vu 
et parfaitement décrit. 


DES HYMÉNOPTÈRES, 245 


» sième paire, et faite autrement que les jambes 
» des deux autres paires, et surtout celles de la 
» première... Son bout est aigu à sa jonction avec la 
» cuisse, et sa partie la plus large est à son autre 
bout , où elle s'articule avec la cinquième pièce, ou 
» le tarse. La jambe de chaque patte de la seconde 


ÿ 


» paire est plus courte, plus étroite et moins triangu- 
» laire que ne l’est la pièce correspondante de chaque 
» patte de la troisième paire. Enfin, dans chaque 


ÿY 


patte de la première paire, la jambe n’est ni aplatie 
» ni triangulaire. Après la jambe vient le tarse, dont 
» le premier article est encore aplati dans les troi- 
» sième et deuxième paires de pattes. » 

« Cette première pièce du tarse, » dit Huber (Nouv. 
Observ. sur les Abeilles, t. IT, p. 90 et suiv.) (r), 
s'appelle /a brosse... Dans les pattes de la pre- 
mière paire elle est alongée, arrondie et entière- 
» ment velue; tous ses poils sont tournés vers l’extré- 
» mité du tarse. Dans les pattes de la seconde paire 
» la brosse est oblongue, d’une forme irrégulière, 
» aplatie, lisse extérieurement, garnie de poils du 
côté opposé, et ceux-ci dirigés en bas : elle à son 


S 


ÿ 


ÿ 


(1) En citant ici les ouvrages de cet exact observateur, on doit 
rappeler que lui-même était aveugle dès sa première jeunesse, 
mais il aimait les sciences et n’en perdit pas le goût. Il se fit lire 
les meilleurs ouvrages sur la physique et l’histoire naturelle. II 
avait pour lecteur et pour aide dans ses expériences François Bur- 
nens. Les réflexions de Francois Huber guidaient les observations 
et les expériences : plusieurs lui furent suggérées par le célèbre 
Bonnet, auteur des Coutemplations de la nature. Burnens exécutait 
et voyait; Huber rédigeait Ces observations ainsi faites ont été 
vérifiées par d'autres observateurs et trouvées exactes. Elles ont 
eu, entre autres, la confiance de l'auteur que noas venons de 
citer et du célébre Latreille. J'en ai moi-même revu une grande 
partie, et on me verra presque toujours d'accord avec lui. 


246 HISTOIRE NATURELLE 

» insertion exactement au milieu de la pièce à la- 
» quelle elle est articulée. 

» La brosse de la troisième paire de pattes... est 
d’une figure aplatie, lisse sur la face extérieure et 
très-velue sur la face opposée : elle est plus grande 
que celle de la seconde et d’une forme particulière. 
» Elle paraît au premier coup d'œil présenter celle 
» d’un parallélogramme rectangle : on l’a d’abord dé- 
» 
» 


> 


signée sous le nom de pièce carrée , pour la distin- 

guer ;..... mais, en la regardant avec attention , on 
» reconnaît qu’elle s'éloigne de la figure qu'on lui 
» avait prêtée. Les deux côtés ascendans cessent de 
» paraître parallèles, dès qu'on s'aperçoit qu'ils ne 
» sont pas exactement en ligne droite, et qu'ils ten- 
» dent à se rapprocher par l’une de leurs extrémités ; 
» le côté inférieur est légèrement échancré, le côté 
» supérieur l’est davantage, il se prolonge en dehors 
» sous la forme d’une dent très-aiguë et très-saillante, 
» tandis que par l’autre extrémité il s'élève en are 
» pour fournir, en se prolongeant, une articulation 
» avec la jambe ; mais ce premier article du tarse n’est 
» pas implanté au milieu du bord de celle-ci, comme 
dans les autres paires ; c’est à l’angle antérieur de la 
» jambe que se trouve la jointure qui les unit , et le 
» côté inférieur de la jambe étant une ligne à peu 
» près droite, il compose avec le côté supérieur du 
» premier article du tarse une véritable pince, dont 
» nous verrons l’u$age dans la suite, Le côté inférieur 
» de ce premier aile du tarse est garni de poils 
» roides et durs, comme des dents de peigne, mais 
rangés sur plusieurs séries irrégulières. » 
Les quatre autres articles du tarse sont générale- 
ment parlant coniques ; mais cependant les deuxième , 


ÿ 


DES HYMÉNOPTÈRES. 247 


troisiéme et quatrième sont un peu dilatés à leur côté 
externe : à l'exception du cinquième, l'insertion de 
chacun d'eux n’est pas non plus dans le milieu, mais 
vers le côté interne du précédent. Le cinquième est un 
peu courbé , terminé par deux crochets , entre lesquels 
est une petite pelote d'apparence charnue et chargée 
de poils courts. Ces crochets sont comme refendus, 
ayant à leur base une dent qui, dans les pattes inter- 
médiaires et postérieures , s’allonge plus que dans les 
deux antérieures, et dépasse en longueur la moitié du 
crochet à qui elle appartient. 

La jambe et le premier article du tarse postérieur, 
toujours dans l’Apiaride ouvrière, ont à leur partie 
externe une dépression longitudinale de forme trian- 
gulaire. Le côté le plus étroit de ces deux triangles 
sont opposés l’un à l’autre, et tous deux voisins de 
l'articulation du tarse à la jambe. L’angle aigu de 
l’enfoncement de la jambe dirige sa pointe vers la 
cuisse : il en est donc la partie la plus élevée, tandis 
que celui du premier article du tarse est dirigé en bas 
vers le deuxième article du même tarse, et a sa som- 
mité un peu émoussée. La jambe est bordée des deux 
côtés, de poils fort longs et courbés en berceau, qui 
ombragent l’enfoncement triangulaire. Ces parties 
déprimées s'appellent palettes. 

Telles sont les parties destinées à la récolte du pol- 
len, c'est-à-dire de la poussière fécondante portée 
par les étamines des plantes exogènes ou phanéroga- 
mes. Nous allons, avec Réaumur, détailler l'emploi 
particulier de chacune d'elles. 

« L’Abeille, dit ce célèbre auteur, qui entre dans 
» une fleur bien épanouie, et dont les étamines sont 
» chargées de poussières qui y tiennent peu ,ne sau- 


248 HISTOIRE NATURELLE 


ÿ 


ÿ 


L 


rait manquer de faire frotter diverses parties de son 
corps contre ces poussières, et, loin de l’éviter, elle 
le cherche apparemment : c’est alors que les poils 
dont elle est hérissée lui sont d’un grand usage. 
Ces poils sont branchus, et, vus à bon microscope , 
ils ressemblent à de petites mousses chargées de 
feuilles. Les poussières, qui glisseraient si elles ne 
touchaient que des parties aussi lisses qu’une écaille 
luisante, sont arrêtées dans les forêts de poils. 
L’Abeille devient toute poudrée.... J'en ai vu qui, 
lorsqu'elles retournaient à leur ruche, avaient leurs 
poils si chargés d’une poudre colorée qu’elles en 
étaient méconnaissables..... Quoiqu'il y ait quantité 
d’Abeilles qui, quand elles arrivent à leur ruche, 
ont les poils pleins de pollen , il y en a bien davan- 
tage qui , avant de songer à y retourner, ont eu soin 
de se nettoyer, de se brosser. Elles ont, comme 
nous l'avons vu, des brosses plates à leurs quatre 
tarses postérieurs; elles en ont surtout de très- 
grandes aux dernières de celles-ci. Les premières 
pattes, à leur premier article du tarse, ont aussi 
une brosse ronde. 1l est donc aisé d'imaginer com- 
ment l’Apiaride, en passant et repassant ses diffé- 
rentes brosses sur le dessus, le dessous et les côtés 
de son corps, peut en ôter la poussière qui y est 
arrêtée; mais elle n’a garde de chercher à la faire 
tomber à terre..... Cette poussière est précieuse 
pour elle, elle en veut faire un amas : aussi par- 
vient-elle à faire deux petites pelotes, de figure plus 
ou moins arrondie, et assez souvent lenticulaire, de 
tous les petits grains qui se trouvaient dispersés sur 
les différentes parties de son corps. 

» Nous avons déjà ‘écrit les deux places que la na- 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 249 


ture a préparées pour recevoir ces deux pelotes , et 
que nous avons nommées les palettes... C’est dans 
chacune de ces cavités que l’Abeille porte tour à 
tour les petits grains, Où plus exactement de pe- 
tites masses de ces grains ; elle les ÿ réunit pour en 
composer une plus grosse masse..... Quand elle 
trouve de quoi faire une bonne récolte, elle rend 
ces masses, que l’on appelle pelotes , aussi grosses 
que des grains de poivre un peu aplatis. Pendant 
qu’elle est occupée à brosser les poussières qui sont 
attachées à ses poils; pendant qu'elle les fait passer 
d'une patte de ja première paire à celle de la se- 
conde , et enfin, quand elle les empile sur la palette 
d'une patte postérieure, ses mouvemens sont si 
prompts qu’il n'est pas aisé de les suivre... On voit 
bien que l’Apiaride fait agir les instrumens propres 
à ramasser ces poufsières ; mais on ne voit pas assez 
comment elle emploie chacun de ces instrumens..……. 
» Tout ce que j'ai cru pouvoir faire de mieux pour 
parvenir à voir leur manése, ça été de les étudier 
sur des fleurs près de la fin de l'hiver, quand, fai- 
bles encore et peu animées par un soleil sans ardeur, 
elles ne pouvaient se donner des mouvemens aussi 
vifs que ceux qu'elles se donnent en d’autres temps. 
Dans les jours du printemps, où la force du soleil 
suffisait à peine pour en déterminer quelques-unes 
à aller sur la fleur des poiriers ou des pommiers qui 
ne commençait qu'à s'épanouir, j'ai vu ce que j'ai 
inutilement cherché à voir dans des jours plus 
chauds. Alors j'ai été en état d'observer que l’ou- 
vrière ne se contente pas de ramasser avec ses poils 
les poussières qui sont prêtes à tomber de dessus 
les étamines. Plusieurs plantes ont chacune de ieurs 
élamines terminée par une espèce de tête, par un 


250 HISTOIRE NATURELLE 


> 


ÿ 


> 


> 


y 


C4 


petit corps souvent oblong que les botanistes ont 
appelé anthère. Cette anthère est une capsule dans 
laquelle les poussières sont renfermées, et dont elles 
ne sortent que quand le temps est venu où l’anthère 
s'ouvre pour les laisser paraître au jour. Les éta- 
mines du pommier ont chacune leur anthère. Notre 
ouvrière, qui arrivait sur un de ces arbres dont les 
fleurs, encore peu développées, ne fournissaient pas 
à une récolte aisée et abondante, tâtait avec ses 
mandibules la première anthère qui se présentait. 
Quand elle ne lui paraissait pas convenable, elle la 
quittait pour en prendre une autre. Si celle-ci lui 
paraissait mieux conditionnée, elle la pressait avec 
ses deux mandibules comme avec une pince. On 
juge assez qu'elle tendait par cette pression à obli- 
ger la capsule à s’ouvrir, à lui donner les poussières 
qui n'en étaient pas encore sorges. Bientôt on voyait 
l’une et l’autre brosse de la première paire de 
pattes s'approcher successivement des mandibules 
et s’y charger de quelques grains. Bientôt la brosse 
qui avait touché les mandibules retournait en arrière 
et rencontrait une de celles de la seconde paire qui 
était du même côté. Cette seconde brosse portait à 
la palette de la troisième jambe du même côté ce 
qu'elle avait pris à la palette de la première patte, 
Les mouvemens successifs des trois pattes étaient 
très-visibles et paraissaient uniquement tendre à 
cela : on en avait une preuve peu équivoque, lors- 
que la même ouvrière, après avoir répété le même 
manése sur quatre à cinq fleurs différentes , avait un 
petit amas de pollen sur chaque palette d'une jambe 
de la troisième paire. 

» Ce que j'avais vu faire à des ouvrières occupées à 
ramasser des poussières sur les fleurs du pommier, 


ÿ 


ca 


y 


= 


ÿ 


ÿ 


ÿ 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 251 


je l'ai vu faire bien distinctement à d’autres occu- 
pées à la récolte d’une autre matière dont nous par- 
lerons dans la suite, qui est beaucoup plus tenace 
que le pollen; qui a la viscosité d’une résine 
qui, n'étant pas encore desséchée, peut s'attacher 
aux doigts. Pendant que je considérais à la loupe 
une ouvrière , je l’ai vue charger chacune de ses pa- 
lettes d’une grosse pelote de cette matière résineuse. 
Ce fut pour elle un ouvrage d’une grande demi- 
heure. La matière était difficile à manier et à déta- 
cher... Tous ces mouvemens étaient lents en com- 
paraison de ceux d’une ouvrière ramassant le pollen 
même dans un jour froid. Les mandibules ne parve- 
naient à détacher une parcelle résineuse qu'après 
des coups et des tiraillemens redoublés. Elles don- 
naient ensuite une forme plus arrondie à la parcelle ; 
après quoi la première paire de pattes venait la 
saisir. Le tarse, la dernière partie de chaque patte, 
celle qu'on peut appeler le pied , est, comme nous 
l'avons dit, composée de cinq articulations qui la 
mettent en état de faire la fonction de main. Cette 
partie de la première patte, en se recourbant, tient 
bien saisie la petite parcelle que les mandibules 
lui ont laissée, Cette espèce de main donne cette 
parcelle à la pareille main de la seconde patte, qui 
va la poser sur la palette de la troisième patte. 
Mais ce n’est pas assez de l'y avoir posée, il faut 
que la nouvelle parcelle fasse corps avec les autres 
parcelles qui y sont déjà déposées et qui commen- 
cent une pelote ; c’est à quoi la patte de la seconie 
paire travaille encore. Dès que son tarse a mis en 
place la petite parcelle, il s'avance davantage en 
dessus de la pelote commencée; il la tape trois ou 


252 HISTOIRE NATURELLE 


» quatre fois de suite avec le premier article que nous 
» avons dit être fait en brosse, comme on tape avec 
» une palette de bois de la terre molle que l’on veut 
» façonner. » 
Tel est l'emploi que dans l’ouvrière Apiaride rem- 
plissent les différentes parties des pattes, et pour le- 
quel elles ont reçu des formes particulières. L’A piaride 
féconde , n'ayant pas de récolte de pollen à faire, n’a- 
vait pas besoin d’une conformation parfaitement pa- 
reille. Cependant les deux paires de pattes antérieures 
sont assez exactement pareilles dans ces deux modifi- 
calions du sexe féminin, et les brosses de la pre- 
mière articulation du tarse s’y retrouvent. Dans la 
troisième paire de pattes qui est la postérieure, rien 
n’est changé pour la hanche, le trochanter et la cuisse : 
ces pièces sont proportionnellement faites sur le 
même modèle dans l'A piaride ouvrière et dans l’Apia- 
ride féconde. | 
Mais dans celle-ci la jambe est proportionnellement 
plus courte que dans la première, elle n'est pas 
triangulaire , et sa base vers la cuisse est seulement un 
peu moins large que le bout qui avoisine le tarse ; 
elle est en dessus convexe sans aucune dépression 
longitudinale triangulaire et entièrement velue, tan- 
dis que dans l’ouvrière ce dessus est aplati et porte 
une dépression triangulaire. Le premier article du 
tarse diffère aussi essentiellement, étant proportion- 
nellement à sa larseur beaucoup plus long dans la 
femelle féconde que dans l’ouvrière : les deux grands 
côtés ascendans restent parallèles pendant la plus 
grande partie de leur longueur, et ne se rapprochent 
que faiblement vers le tarse : le côté supérieur n'est 
pas échancré et n'émet aucune dent , tandis que nous 


LR 


DES HYMÉNOPTÈRES. 253 


en avons indiqué à cette place une très-saillante dans 
l'ouvrière. La partie externe de cet article n’a point 
non plus cette dépression longitudinale triangulaire 
que nous avons décrite dans l’ouvrière. La brosse du 
dessous du premier article du tarse existe moins carac- 
térisée. On voit donc que la femelle féconde est en- 
tièrement privée de palette, et que par conséquent 
elle ne peut récolter de pollen. Get aliment étant né- 
cessaire à la vie des larves, il s'ensuit , et nous prions 
nos lecteurs de faire attention à cette remarque, que 
l’'Abelle féconde, lorsqu'elle sort pour fonder une 
nouvelle colonie, doit être nécessairement suivie par 
des ouvrières, puisque celles-ci peuvent seules four- 
nir la nourriture obligée à sa postérité. | 

Dans l’Apiaride mâle, la jambe postérieure trian- 
gulaire, comme dans l’ouvrière, est proportionnelle- 
ment un peu plus longue , et surtout plus épaisse que 
dans les femelles même ouvrières : elle est convexe, 
et partout couverte de poils en dessus, sans aucun 
enfoncement triangulaire ou palette sur cette partie. 
Le dessous ou intérieur de cette jambe est d’abord 
plat jusque vers les deux tiers de sa longueur, mais 
sous le tarse il se gonfle et devient convexe, confor- 
mation qui peut présenter des avantages dans l'ac- 
couplement pour retenir le ventre de la femelle en 
position. Quant au premier article du tarse , sa partie 
extérieure est convexe, entièrement velue, sans en- 
foncement , et il est plus gros proportionneilement et 
un peu plus court que dans l’ouvrière : la dent sail- 
lante que celle-ci porte au côté supérieur de ce même 
article manque dans les mâles comme dans les fe- 
melles fécondes. L’extrémité de l'abdomen est aussi 
beaucoup plus obtuse dans le sexe masculin que dans 


254 HISTOIRE NATURELLE 


les deux modifications de l’autre sexe (1). Le mâle est 
plus grand et plus gros que l’ouvrière, plus court et 
plus corsé que la femelle féconde ; du reste il est con- 
formé à l'extérieur comme la première. 

L’abdomen des deux sexes a extérieurement les dif- 
férences qui caractérisent ces deux modifications de 
l'espèce dans les Hyménoptères Ovitithers; à l’inté- 
rieur il contient les parties de la génération que nous 
décrirons en parlant de. l’accouplement. Le dernier 
seoment ou anus des femelles peut s'ouvrir en entier 
par les côtés : ouvert, il laisse voir une cavité. A la 
partie inférieure de l'anus, sous la membrane qui 
tapisse cette cavité , aboutit le canal intestinal. Dans 
le fond de la cavité est l’embouchure de l'oviductus, 
qui est par conséquent intérieure, en sorte que l’œuf 
sorti de celui-ci est encore dans le corps de la mère. 
Pourl’en faire sortir et le déposer, la mère ouvre forte- 
ment son anus, en sorte qu'on peut en voir l'intérieur ; 
l'œuf, revêtu au sortir de l’oviductus d’une matière 
liquide et lésèrement gluante, glisse sur la partie 
inférieure et tombe dehors sur l’un de ses bouts, et 
est fixé dans cette position par la matière gluante. La 
cavité de l’anus contient encore l’aiguillon dont nous 
expliquerons la structure et l’usage en parlant des 
combats des Abeilles. 


(1) Il est presque inutile de dire ici qu'il y a d'autres diflé- 
rences extérieures entre les deux sexes, puisque celles-ci sont 
communes à tous les Hyménoptères Ovitithers , savoir : treize ar- 
ticles aux antennes dans les mâles, douze dans les femelles : six 
segmens, outre l'anus, à l'abdomen de ceux la; cinq seulement 
et l'anus dans celles.ci, qui ont aussi un aiguillon ou des glandes 
acidifères (vénénifères ), dont les mâles sont absolument privés. 
Il n'y a point d'exception , même apparente , à ces caractères dans 
les Ovitithers sociaux. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 255 


Les mâles et les femelles fécondes n’ont aucuns tra- 
vaux à exécuter : ce sont les ouvrières qui en sont 
chargées , et dans les Apiarides , ces travaux , surtout 
ceux de construction, sont admirables par leur réeu- 
larité, leur solidité et leur utilité. 

Avant de décrire ces travaux, je dois rappeler ici 
que l’homme, ce maître des animaux par institution 
divine, a rendu dans les deux mondes l’Apiaride ani- 
mal domestique. Il l’a habituée à travailler près de lui 
et pour lui, en lui fournissant des habitations faites à 
sa commodité et qu’elle agrée, pourvu qu'elles ne lui 
répugnent point par l’odeur, par des imperfections de 
clôture ou par leur transparence. Les habitations sont 
de la forme qu'il convient au propriétaire de leur don- 
ner. La plupart, en France, ont la forme d’une 
grande cloche construite eu osier, tressé, comme celui 
des paniers dont on se sert pour porter les fruits, ou 
de paille tortillée, comme celle dont on fait les pail- 
lassons. Mais avec ces ruches (Foy. PI. 4, fig. r et 2), 
nom sénéralement donné aux habitations des Abeilles, 
il n’est possible à l’observateur d’apercevoir que peu 
de chose de l’économie admirable des espèces de 
cette famille. Aussi les observateurs les ont logées 
dans dés habitations où il est permis aux yeux de 
suivre leurs opérations. Réaumur, ayant déjà trouvé 
les ruches vitrées connues de quelques curieux, les a 
perfectionnées ( Voy. PI. 4, fig. 3 et 4), au point qu'il 
lui a été possible d'observer un grand nombre de faits 
ignorés jusqu'à lui. Nous devons observer que les 
verres dont ces ruches sont garnies doivent pouvoir 
être recouverts de volets, parce que l’Apiaride n'aime 
pas que le jour pénètre dans sa demeure. Ces volets 
servent à intercepter la lumière lorsqu'on a fini d'ob- 
server. Sans cette précaution, oules Abeilles déser- 


256 HISTOIRE NATURELLE 


teraient leur ruche, ou elles couvriraient le verre d’une 
malière opaque qui lui ôterait sa transparence et par 
conséquent son utilité pour l'observateur. Réaumur 
fit construire des ruches qui avaient plus ou moins 
de capacité, soit en hauteur, soit en épaisseur. Huber, 
plus hardi que Réaumur, ne voulut rien soulfrir d’in- 
terposé entre les yeux de l'observateur et l'objet à 
observer, il inventa les ruches à feuillets( Foy. PI. 5, 
fig. 2 et 3), susceptibles de s'ouvrir comme un livre. 
Par ce que nous venons de dire, il nous semble que le 
lecteur concevra comment ont été observés les faits que 
nous allons rapporter. 

Lorsque les yeux pénètrent dans une ruche habitée 
depuis quelque temps, ils y découvrent comme des 
murs parallèles attachés à la partie haute du panier, 
séparés par des intervalles égaux. Mais ces murs ne 
sont pas comme les nôtres des massifs de maçonnerie. 
Si l’on en déiache un morceau, et qu'on l’observe de 
l’un ou de l’autre de ses côtés plats, on le trouve com- 
posé de cellules hexagones généralement régulières, 
posées à côté l’une de l’autre, de manière que les six 
côtés de ces cellules forment en même temps chacun 
l’un des six côtés de chacune des six cellules sembla- 
bles qui l'entourent. Et, comme chacure de ces cel- 
lules n’occupe par sa longueur que la moitié de 
l'épaisseur de ce que nous avons appelé un mur, on 
voit, en le retournant, l’autre côté composé de sem- 
blables cellules. Ce que nous venons d'appeler murs 
est ordinairement appelé géteaux ; ils sont formés de 
cire. La malière à cire, ou cire brute, est le produit 
de la transpiration des À piarides. Les anciens auteurs, 
et Réaumur lui-même, ont regardé la cire comme dé- 
gorgée sous forme liquide par l’Apiaride : ils la 


DES HYMÉNOPTÈRES. 257 


croyaient un résultat immédiat de la digestion du 
pollen des fleurs, comme le miel paraît être celui de 
la digestion des liqueurs végétales mielleuses récol- 
tées sur les végétaux. Or l’Apiaride dégorge le miel, 
c’est-à-dire qu'elle le fait revenir de l'estomac dans la 
bouche, d’où la lèvre inférieure le transmet à la trompe 
qui en dispose; mais, pour comprendre le mécanisme 
de ce dégorgement, il faut nous mettre un peu au fait 
de l’anatomie intérieure de l’Apiaride. 

« On peut, dit Réaumur, laisser le nom d’œsophage 
» à toute la portion du canal des alimens, qui, du 
» fond de la bouche, se rend dans l'abdomen après 
» avoir traversé le corselet. Mais la première portion 
» du canal qu’on peut observer dans le corps, la plus 
» proche du corselet, doit être regardée comme l’es- 
» tomac, ou, pour parler plus exactement , comme le 
» premier estomac... Celui-ci est plus ou moins 
renflé, selon qu'il contient une plus grande ou une 
plus petite quantité de miel. Quand il sé vide, il 
» à dans toute son étendue un diamètre égal, et sem- 
» ble n'être qu’un fil blanc et délié; mais, lorsqu'il 
est bien rempli de miel, il a la figure d’une vessie 
» oblongue...... Après l’étranglement où ce premier 
» estomac finit, commence le second estomac, qui 
» est un tuyau cylindrique en grande partie et con- 
» tourné; il est entouré par des cordons charnus po- 
» sés les uns auprès des autres comme les cerceaux d’un 
» tonneau ; il ressemble à un tonneau couvert de cer- 
» ceaux d’un bout à l’autre. Ce sont autant de muscles 
» circulaires (1). Un étranglement fait encore la sépa- 


ÿ 


2 


ÿ 


(1) Il me semble que cet estomac ressemble parfaitement à la vue 
a cette machine, espèce de soufllet élastique , par le moyen duquel 


HYMÉNOPTÈRE, TOME I. 17 


258 HISTOIRE NATURELLE 


» 


» 


» 


» 


ration du second estomac et des intestins. Ceux-ci 
sont tantôt flasques , tantôt renflés , selon qu'ils sont 
pleins ou vides. On trouve le pollen dans le second 
estomac et dans les intestins, mais on ne trouve 


» jamais que du miel dans le premier estomac. » 


C’est donc celui qui par sa contractibilité fait re- 


monter le miel dans la bouche par le canal de l’œso- 
phage. « Pour qu'il puisse faire sortir le miel qu'il 


D 


LA 


» 


2 


» 


= 


> 


ŸY 


ÿ 


contient, dit Réaumur, et s’en vider entièrement, 
il doit être capable de se contracter comme le pre- 
mier estomac des ruminans : il l’est aussi, et de se 
contracter successivement et alternativement dans 
différentes de ses portions. On ne devrait avoir 
aucune peine à lui supposer cette force; mais je n’ai 
pas besoin de la lui supposer, car j'ai vu qu'il l'a. 
» Je trouvai un matin deux Abeilles languissantes 
dans une boîte où je leur avais laissé passer la nuit, 
etoù je n'avais pas oublié de leur donner du miel... 
Pour examiner leur intérieur, je leur ouvris le ven- 
tre; leur premier estomac était bien rempli de miel; 
il était très-distendu en forme de vessie. Mais ce 
que j'observai dans celui de chacun de ces individus 
de plus remarquable, très-distinctement et pendant 
long-temps, ce furent des mouvemens de contrac- 
tion et de dilatation, Une portion des parois de 
l'estomac s’approchait du centre et s'en éloignait 
ensuite, et ce n'était pas toujours la même portion 
qui me faisait voir ces mouvemens. Celle que j'avais 
vue d’abord s’agiter, cessait de se mouvoir. Une 
autre, quelquefois postérieure, quelquefois anté- 


les perruquiers lançaient , dans le siècle dernier, la poudre de toi- 
lette sur une tête bien frisée. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 259 


» rieure, se mettait en jeu à son tour. La liqueur qui 
» remplit un canal et qui y est pressée, sortira par 
» celui des bouts qui sera ouvert. Aïnsi, quand la 
» bouche permet au miel de sortir, il sort; et, quand 
» cette ouverture est fermée, le miel est poussé vers 
» la partie postérieure. » 

Réaumur, qui avait vu ces faits pour le désorge- 
ment du miel d’une manière qui ne prêtait à aucun 
doute, et qui n’avait commencé à apercevoir la cire 
qu’au moment où l’ouvrière la pétrit avec ses mandi- 
bules, avait cru qu’elle était fournie à celle-ci par la 
bouche, qui l’avait, pensait-il, reçue de l’æsophage 
par un désorgement semblable à celui que nous avons 
vu avoir lieu pour le miel. Mais un observateur de 
Lusace, où il s'était formé une société qui s’occupait 
des soins à donner aux Abeilles et de leur histoire, 
écrivit à M. Bonnet, le 22 août 1568, « qu’on avait 
» observé, en Lusace, que les Abeilles effluent la cire 
» par les anneaux dont la partie postérieure de leur 
» corps (l'abdomen) est formée; que pour s’en con- 
» vaincre, il faut, avec la pointe d’une aiguille, tirer 
» l'Abeille de l’alvéole, ou cellule où elle travaille en 
» cire, et l’on s’apercevra, pour peu que l’on allonge 
» son corps, que la cire dont elle est chargée se trouve 
» sous ses anneaux en forme d’écailles...... Cette opi- 
» nion ne parut pas assez fondée pour faire renoncer 
» aux idées recues. Mais, dit Auber, plusieurs années 
» après, en 1793, nous fümes très-étonnés de trouver 
» sous les anneaux des Abeilles des lames qui parais- 
» saient d’une matière analogue à la cire; et, les 
» ayant exposées à la flamme d'une bougie, elles présen- 
» tèrentles caractères dela vraiecire. Un Anglais, John 
» Hunter, qui observait les Abeilles en même temps 


17: 


260 HISTOIRE NATURELLE 


» que moi , découvrit de son côtéle véritable réservoir 
» de la cire sous le ventre des ouvrières ;... mais il ne 
» put se rendre le témoin de l’emploi des lames de 
» cire, qu'il supposait transsudée du corps même des 
» Abeilles. Nous poussämes plus loin nos observa- 
tions, et nous pümes, non-seulement confirmer ses 
résultats, mais leur donner plus de dévelop- 
» pement. 

» Ce fut sous les anneaux inférieurs du ventre des 
» Abeilles que nous trouvâmes les plaques de cire; 
» elles étaient rangées par paire, sous chaque sement, 
» dans de petites poches, d’une forme particulière, 
» situées à droite et à gauche de l’arête angulaire de 
» l'abdomen; on n’en trouva point sous les anneaux 
» des mâles et des femelles fécondes, la conformation 
» de ces parties étant très- différente dans ces deux 
» modifications sexuelles : les ouvrières seules pos- 
» sèdent donc la faculté de sécréter la cire. La forme 
» de ces poches... mérite la plus grande attention, 
» puisqu'elle appartient à un organe nouveau. 

» Le dessous du ventre de l’Apiaride ouvrière ne 
» présente rien à l'extérieur dans sa composition, qui 
» ne lui soit commun avec l'abdomen des Guépes et 
» de plusieurs autres Hyménoptères : ce sont des 
» demi-anneaux qui se recouvrent en partie les uns 
» les autres ; mais ils ne sont pas planes, ils sont voü- 
» tés, car le dessous de l'abdomen est remarquable 
» par une saillie anguleuse qui règne depuis son ori- 
gine jusqu'au bout opposé. Le bord de ces segmens 
» est écailleux; mais si on les soulève, ou si l’on 
» allonge le ventre de l’Abeille, en le tirant doucement 
» par l’une de ces extrémités, on découvre la partie 
» de ces pièces qui était masquée, dans l’état ordi- 


> 


> 


> 


DES HYMEÉNOPTÈRES. o61 


naire, par le bord postérieur des autres segmens. 
» Cette partie ordinairement cachée, que l’on doit 
considérer comme la base de chaque sexment, puis- 
qu’elle est adhérente au corps même de l’Insecte, est 
d’une substance membraneuse, molle, transparente 
et d’un blanc jaunâtre ; elle occupeau moins les deux 
tiers de chaque segment; elle est partagée en deux 
par une petite arête cornée qui répond précisément 
à la saillie angulaire de l’abdomen. Cette arête part 
du milieu du bord écailleux en se dirigeant du côté 
de la tête; elle traverse la partie membraneuse, se 
bifurque à son extrémité, se contourne en arc à 
droite et à gauche, et fournit un bord solide à l’une 
et à l’autre portion de la membrane : c’est sur les 
deux petites aires qui résultent de cette division, 
que les lames de cire se trouvent en nature. Leurs 
contours, formés de lignes courbes et de lignes 
droites jointes ensemble, présentent au premier 
abord l'aspect de deux ovales; mais, en analysant 
leur composition , on reconnaît que ce sont des pen- 
tagones irréguliers. Les aires membraneuses sont 
inclinées comme les côtés du corps même ; elles sont 
entièrement recouvertes par le bord du segment 
précédent, et forment avec lui de petites poches 
ouvertes seulement par le bas. Les sezmens ou les 
deux plans qui forment l’ensemble des cavités à 
cire, sont réunis par une espèce de membrane, 
ainsi que les deux pièces d’un portefeuille. 

» Les lames de cire ont absolument la forme des 
aires membraneuses sur lesquelles elles sont placées. 
Il n’y en a que huit sur chaque individu; car le pre- 
mier segment et l’anal , conformés différemment des 
autres, n'en fournissent point. La grandeur des 


262 HISTOIRE NATURELLE 


» 


LA 


LA 


» 


» 


» 


lames va en décroissant comme le diamètre des an- 
neaux qui leur servent de moules : les plus grandes 
sont sous Je troisième anneau, les plus petites sous 
le cinquième. Les lames n'étaient pas dans le même 
état sur toutes les Abeilles... Sur quelques-unes 
elles étaient si minces, et d’une transparence si par- 
faite , quela loupe seule pouvait les faire apercevoir; 
sur d’autres on ne découvrait que des aiguilles sem- 
blables à celles qu'on voit dans l’eau au premier 
moment où elle gèle. Ces aiguilles, ainsi que ces 
plaques, n'étaient pas posées immédiatement sur la 
membrane; elles en étaient séparées par une lévère 
couche d’une substance liquide qui servait peut-être 
à lubréfier les jointures des anneaux, ou à rendre 

lus facile l'extraction des plaques. Il y avait d’au- 
tres Abeilles sur lesquelles elles étaient si grandes 
qu'elles débordaient les anneaux; la forme en était 
plus irrégulière que celle des précédentes ; leur épais- 
seur, en altérant la transparence de la cire, les fai- 
sait paraître d’un blanc jaunâtre : on les voyait sans 
être obligé de soulever les écailles qui les recou- 
vrent ordinairement en entier. Ces nuances entre 
les plaques de différens individus d’une même espèce 
d’Abeilles, ces progrès dans leur forme et leur 
épaisseur, le liquide interposé entre elles et les pa- 
rois de leur loge, le rapport de chaque plaque avec 
la grandeur ét la forme de celle-ci; toutes ces circon- 
stances semblaient annoncer la transsudation de 
cette matière au travers de la membrane qui lui sert 
de moule. Un autre fait confirma cette opinion : en 
perçant la membrane dont la surface paraissait ap- 
pliquée sur les parties molles du ventre, on fit jaillir 
une liqueur transparente qui se coagula par le re- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 263 


» froidissement ; dans cet état elle ressemblait à de la 
» cire. Cette matière , soumise à l'influence de la cha- 
» leur, se liquéfia de nouveau. La même épreuve, 
» tentée sur les plaques, eut un résultat semblable : 
» elles se liquéfièrent et se figérent en raison de la 
» température comme la cire elle-même. » 

En poussant plus loin ses recherches sur les rap- 
ports des plaques avec la cire travaillée, M. Huber 
trouva entre elles de légères diflérences. Il prit sur 
des gâteaux neufs les fragmens de cire les plus blancs 
qu'il put trouver pour les soumettre aux mêmes 
épreuves que les plaques de cire. Voici ces épreuves: 
«1° Il jeta dans l'esprit de térébenthine quelques 
» lames prises sous les anneaux des ouvrières ; elles 
» disparurent et furent dissoutes avant d'atteindre le 
» fond du vase; elles ne troublèrent pas la liqueur; 
» mais une dose égale de là même essence ne put dis- 
» soudre; ni aussi vite, ni aussi complétement, les 
» fragmens de cire blanche travaillée , il resta beau- 
» coup de particules suspendues dans la liqueur. 
» 2° Il remplit d’éther sulfurique deux flacons ésaux; 
» le premier destiné aux lames des anneaux, le 
» deuxième a des fragmens de cire équivalant en 
» poids à la cire des lames. À peine les fragmens de 
» cire des gâteaux furent-ils mouillés par l’éther, qu'il 
» les vit se diviser et tomber en poudre au fond du 
» vase; mais les plaques, prisessur les Abeilles mêmes, 
» ne se divisèrent point ; elles conservèrent leur forme 
» en perdant seulement leur transparence ; elles de- 
» vinrent d’un blanc mat. Dans l’espace de plusieurs 
» jours il ne se fit aucun changement dans les deux 
» flacons. On fit évaporer séparément l’éther qu'ils 
» contenaient , et l’on trouva sur le verre une légère 


264 HISTOIRE NATURELLE 


» couche de cire; on répéta souvent cette épreuve; 
» les fragmens d’alvéoles furent toujours réduits en 
» poudre ; les lames, au contraire, ne furent jamais 
» divisées par cette liqueur : au bout de plusieurs 
» mois l'éther n'en avait dissous qu'une très - petite 
» partie. D'après cette expérience , il parut que la cire 
» des plaques des anneaux était moins composée que 
» celle des alvéoles, puisque celle-ci se divisait dans 
» l’éther, tandis que celle-là y demeurait entière, et 
» puisque l’une n’était dissoute qu’en partie dans l’es- 
» prit de térébenthine, dans laquelle l'autre se dis- 
» solvait complétement. » 

La matière des lames a bien la fusibilité de la cire, 
et l'on ne peut douter qu'elle n'entre dans sa compo- 
sition, mais elle n’en a ni la flexibilité, ni la blancheur. 
Il faut donc qu'elle recoive quelque préparation au 
sortir des loges, et que les Abeilles sachent l’impré- 
gner d’une substance capable de lui donner ces quali- 
tés, on ne peut donc la regarder que comme une ma- 
tière à cire, produite par une transsudation dans les 
loges des demi-segmens inférieurs intermédiaires de 
l’abdomen. 

Ce fait paraît encore prouvé par d’autres expé- 
riences de M. Huber, dont nous rapporterons le pré- 
cis. « Je logeai , dit-il, le 24 mai, un essaim dans une 
» ruche de paille vide, avec ce qu'il fallait de miel et 
» d’eau pour la consommation des Abeilles ; je fermai 
les portes avec soin, afin de leur interdire toute 
» possibilité d’en sortir. Je laïssai cependant un libre 
passage à l’air, dont le renouvellement pouvait être 
» nécessaire à mes captives. 

» Au bout de cinq jours la ruche, qui ne contenait 
pas un atome de cire lorsque j'y établis les Abeilles , 


S 


ÿ 


A 


DES HYMÉNOPTÈRES. 265 
avait acquis cinq gâteaux de la plus belle cire ; ils 
étaient suspendus à la voüte du panier ; la matière en 
était d’un blanc parfait et d’une grande fragilité... 
Mais les ouvrières que je tenais captives, avaient pu 
recueillir du pollen des fleurs, lorsqu'elles étaient en 
liberté ; elles avaient pu faire des provisions la veille 
et le jour même de leur emprisonnement, et en 
avoir assez dans leur estomac ou sur leur palette, 
pour en extraire toute la cire que nous avons trouvée 
dans leur ruche. Mais, s’il était vrai qu’elle vint 
du pollen récolté précédemment, cette source n’é- 
tait pas intarissable, et les Abeilles, ne pouvant 
plus s'en procurer, cesseraient bientôt de construire 
des rayons: on les verrait tomber dans l’inaction la 
plus complète; il fallait donc prolonger encore la 
même épreuve pour la rendre décisive. 

» On eut, en conséquence, soin d’enlever tous les 
gâteaux que les Abeilles avaient construits pendant 
leur captivité, et, comme elles avaient été lâchées 
pour cela dans une chambre fermée, on les fit ren- 
trer dans leur ruche, sans qu’elles eussent pu récolter 
de nouveau pollen, en leur donnant une nouvelle 
ration de miel... Le troisième jour on trouva cinq 
nouveaux gâteaux...... On enleva jusqu'à cinq 
reprises les gâteaux, en ayant toujours la précau- 
tion de ne pas laisser échapper les Abeilles au de- 
hors. Ce furent les mêmes mouches; elles furent 
nourries uniquement avec du miel pendant cette 
longue réclusion... À chaque fois qu’on leur donna 
du miel, elles produisirent de nouveaux gâteaux ; il 
était donc hors de doute que cette nourriture n’ex- 
citât en elles la sécrétion de la cire sans le concours 


du pollen. 


266 HISTOIRE NATURELLE 


» Mais il n'était pas impossible que le pollen eût la 

» même propriété; …,. au lieu donc de donner du 
» miel aux Abeilles, on ne leur donna, pour toute 
» nourriture, que du fruit et du pollen : leur capti- 
» vité dura huit jours , pendant lesquels elles ne firent 
point de cire, on ne vit point de plaques sous leurs 
anneaux. » 
Il est donc nécessaire de conclure avec M. Huber, 
contre la conjecture de Réaumur (car telle est seule- 
ment l'expression dubitative du sage observateur 
français), que la cire n’est point due à l’élaboration 
du pollen dans le corps des Abeilles, et qu’elle ne sort 
point de celui-ci par leur bouche, mais que la ma- 
tière à cire se forme par une sécrétion entreles segmens 
du dessous de leur abdomen. 

Nous appelons matière à cire les plaques qui s'y 
forment , et nous ne leur donnons pas avec M. Huber 
le nom de cire , parce que, d’après ses propres expé- 
riences rapportées plus haut , ces lames ont quelques 
propriétés particulières différentes de celles de la cire 
des gâteaux , lesquelles prouvent que les plaques ne 
deviennent véritable cire, que par l'addition de par- 
ties qui achèvent de la constituer. De plus , la matière 
des plaques est plus fragile. 

Nous avons déjà montré la manière dont les ou- 
vrières récoltent le miel , le pollen et une résine dont 
l'emploi est encore l'objet des travaux de nos infatiga- 
bles travailleuses. Nous avons démontré la formation 
de la matière à cire; il convient actuellement d’expli- 
quer l'emploi de ces récoltes, ce qui nous conduit à 
l'architecture des Abeilles. 

Lorsqu'une colonie d’Abeilles occupe une ruche 
vide, ou par son choix, ou parce que l’homme l'y à 


DES HYMÉNOPTÈRES. 267 


placée, jamais cette habitation n’est assez close pour 
convenir parfaitement à ses habitantes. Il reste tou- 
jours de petites fentes , de petits interstices qui pour- 
raient être nuisibles , en donnant passage à la lumière 
et à la pluie , que les Abeilles craignent également dans 
leur irtérieur , ou offrir une entrée à des ennemis qui 
ne sont que trop à craindre pour leur tranquillité et 
dont nous aurons à parler dans la suite. Une seule 
ouverture est sufisante pour la sortie et la rentrée des 
individus qui vont faire les récoltes ; encore cette ou- 
verture est ordinairement surveillée par un certain 
nombre d'ouvrières, et si les ouvertures étaient plus 
nombreuses on conçoit que les autres travaux en souf- 
friraient. 

Le premier travail d’un essaim d’Abeilles (c’est 
ainsi qu'on appelle ce quenous nommions tout à l'heure 
colonie), qui s'établit dans une ruche, est d’en boucher 
les fentes. Cette opération se fait par le moyen de la 
résine dont nous avons décrit plus haut la récolte. 
Réaumur rapporte que l’on pensait de son temps 
qu'elle était prise sur les bourgeons des bouleaux, des 
saules et des peupliers, et les observations d'Huber 
confirment cette opinion pour les derniers. Cette ma- 
tière a été nommée propolis, et c'est sous ce nom que 
nous la mentionnerons dans l’occasion. Nous devons 
aussi faire remarquer que les Abeilles ne manquent 
pas de propolis , dans les pays où il n’existe ni bou- 
leaux , ni saules, ni peupliers, et que par conséquent 
d’autres végétaux peuvent aussi fournir cette matière 
résineuse. 

Lorsqu'une Abeille rentre à la ruche, les palettes 
chargées de propolis , d’autres ouvrières viennent suc- 
cessivement enlever des parcelles de ces pelotes, et 


268 HISTOIRE NATURELLE 


les emploient à boucher en dedans les trous de l’habi- 
tation extérieure, Pour cela, elles ramollissent ce 
qu'elles ont enlevé de la pelote attachée à la palette 
de l’ouvrière arrivante, en pressant pendant quelque 
temps la résine entre leurs mandibules; puis elles 
l’emploient en l’étendant sur la superficie. La propo- 
lis leur sert encore à fortifier les bords des alvéoles. 
Elle n’entre en rien dans la nourriture des Apiarides, 
ni de leurs larves. 

Lorsque les trous et les fentes sont bouchés dans la 
partie de la ruche ou du panier sur laquelle les A pia- 
rides veulent fonder un gâteau ( nous avons expliqué 
plus haut ce qu’on appelle un gâteau, et nous avons 
dit qu'il est composé de cellules hexagones à pans 
égaux posées horizontalement sur deux rangs opposés 
réunis par leur fond ), l’ouvrière y pose les fondemens 
d’une cellule, qui sera, ainsi qu’on le concoit , atta- 
chée par l’un de ses côtés à la ruche. Ces cellules 
étant construites de cire, nous devons ici rappeler 
que la matière à cire, formée dans les poches de la base 
des segmens du ventre par la transsudation ou trans- 
piration , y est sous la forme de lames irrégulièrement 
pentagones, qui finissent par déborder les segmens qui 
recouvrent la place où elles se forment , et que cette 
matière, quoique susceptible de fusion, est à son ex- 
traction plutôt cassante que ductile. Il faut donc pour 
l’employer que l’ouvrière la retire d’entre ses anneaux, 
puis qu’elle lui fasse subir les préparations qui doi- 
vent lui donner la ductilité , qui est une des qualités 
reconnues dans la cire employée à la fabrique des 
cellules. 

« L'ouvrière, dit Huber, dont les lames de matière 
» àcire sont bonnes à être employées, fend la presse 


» 


= 


ÿ 


ÿ 


DES HYMÉNOPTÈRES. 269 


de ses camarades, les force à se retirer, et forme 


: en tournant un espace vide à la place où elle doit 


bâtir, dans lequel elle puisse se mouvoir librement. 
Elle se suspend alors par les pattes antérieures au 
centre de l'endroit qu’elle a déblayé. Nous la vimes, 
ajoute-t-il, aussitôt saisir une des plaques qui dé- 
bordaient ses anneaux; dans ce but elle approcha 
une des jambes de la troisième paire, elle l’appliqua 
immédiatement contre son ventre , ouvrit la pince 
que nous avons décrite, insinua adroitement la dent 
du premier article du tarse sous la lame qu’elle vou- 
lait enlever, referma l'instrument, fit sortir la pla- 
que de cire de la loge où elle était engagée, et la prit 
enfin avec les crochets des tarses antérieurs pour la 
porter à la bouche entre ses mandibules. L’Abeille 
tenait alors cette lame dans une position verticale; 
nous nous aperçümes qu'elle la faisait tourner entre 
ses dents, à l’aide des crochets de ses premières 


» jambes, qui, étant fixés à son bord opposé, pou- 


vaient lui imprimer une direction convenable. La 
trompe repliée sur elle-même, comme nous avons 
décrit son attitude dans le repos, lui servait de 
point d'appui; elle contribuait, en s’élevant et 
s’abaissant tour à tour, à faire passer toutes les 
portions de la circonférence sous le tranchant des 
mandibules , et le bord de cette lame fut ainsi brisé 
et concassé en peu d’instans. Les particules qui 
s’en détachaient, tombaient aussitôt dans la double 
‘cavité des mandibules dont nous avons parlé en 
décrivant ces parties de la bouche, cavité qui est 
bordée de poils. Ces fragmens, pressés par d’autres 
nouvellement hachés, reculèrent du côté de la bou- 


270 HISTOIRE NATURELLE 


LA 


= 


> 


che, et sortirent de cétte espèce de filière sous la 
forme d’un ruban fort étroit. ; 

» Ils se présentèrent ensuite à la lèvre inférieure; 
celle-ci les imprégna d’une liqueur écumeuse sem- 
blable à une bouillie ; elle faisait dans cette opéra- 
tion les manœuvres les plus variées ; elle prenait 
toutes sortes de formes, tantôt elle s’aplatissait 
comme une spatule, tantôt c'était une truelle qui 
s’appliquait sur le ruban de cire, d’autres fois elle 
s’offrait sous l’aspect d'un pinceau terminé en 
pointe. Après avoir enduit toute la matière du ru- 
ban avec la liqueur dont elle était chargée , la lèvre 
inférieure poussa en avant cette cire, et la forca à 
repasser une seconde fois dans la même filière, mais 
en sens opposé; le mouvement qu’elle communi- 
quait à la cire la fit avancer vers la pointe acérée 
des mandibules, et à mesure qu’elle passait elle 
était hachée de nouveau. L’Abeille appliqua enfin 
ces parcelles de cire contre la voûte de la ruche. Le 
gluten dont elle les avait imprégnées, facilitait leur 
adhésion; elle les sépara alors, d’un coup de ses 
mandibules, de celles qui n'étaient pas encore mises 
en œuvre; puis, avec la pointe des mêmes instru- 
mens, elle les disposa dans la direction qu’elle vou- 
lait leur faire prendre. 

» La liqueur que l’ouvrière mélait à la matière à cire, 


» lui communiquai tune blancheur et une opacité qu'elle 


» 


n'avait pas à sa sortie des anneaux ; le but de ce mé- 


»lange était, sans contredit, de faire acquérir àla cire 


» 


» 


» 


cette ductilité et cette ténacité qu'elle possède quand 
elle est parfaite. L’Abeille continua sa manœuvre 
jusqu'à ce que tous les fragmens qu'elle avait hachés 


» et imprégnés de bouillie blanchâtre, fussent attachés 


y 


Lt 


DES HYMÉNOPTÈRES. 271 


à la voute. Elle commenca alors à faire tourner entre 
ses dents le reste de la lame qu'elle avait tenue écar- 
tée pendant l’imprégnation du ruban. Toute la par- 
tie qui était demeurée intacte dans la première 
opération, fut employée dans celle-ci, et de la même 
manière. L’ouvrière appliqua au-dessous du plafond 
les particules qu’elle venait de préparer; elle en 
plaça d’autres au-dessous et à côté des premières, 
et ne s'arrêta que lorsqu'elle eut épuisé la matière 
que cette plaque pouvait fournir. Une seconde, une 
troisième plaque, furent mises en œuvre par la même 
Abeille; mais l'ouvrage w’était qu'ébauché, il ne 
présentait encore que des matériaux prêts à rece- 
voir toute espèce de forme. L'ouvrière ne se donnait 
pas la peine de comprimer les molécules de cire 
qu'elle rassemblait; il lui suffisait qu'elles adhé- 
rassent ensemble, et il ne fallait aucun effort pour 
cela. 

» Cependant l’Abeille fondatrice quitta la place 
après avoir employé ce qu'elle avait de matière à 
cire; elle se perdit au milieu de ses compagnes, et 
une autre lui succéda. Celle-ci avait de la matière à 
cire sous ses anneaux; elle se suspendit au même: 
endroit où venait de travailler celle qui l'avait pré- 
cédée; elle saisit une de ses plaques à l’aide de la 
pince de ses jambes postérieures, la fit passer entre 
ses mandibules, et se mit en devoir de continuer 
l’ouvrage commencé. Elle ne déposait point au ha- 
sard les fragmens de cire qu’elle avait mâchés : le 
petit tas qu'avait fait sa compagne la dirigeait, car 
elle fit le sien dans le même alignement, et les unit 
l’un à l’autre par les extrémités. Une troisième ou- 
vrière se détacha de l'intérieur du groupe des 


272 HISTOIRE NATURELLE 


» Abeilles; elle se suspendit au plafond, réduisit en 
» pâte molle quelques-unes de ses lames, et plaça les 
» matériaux qu'elle avait à sa disposition auprès de 
» ceux que ses compagnes venaient d'accumuler ; mais 
» ils n'étaient pas rangés dans le même ordre, ils fai- 
» saient angle avec les premiers. Une autre ouvrière 
» parut s’en apercevoir, et, sous nos yeux, enleva 
» cette cire mal placée pour la porter auprès du pre- 
» mier tas; elle la disposa dans le même ordre et sui- 
» vit exactement la même direction qui lui était indi- 
» quée. Il résultait de toutes ces opérations un bloc 
» dont les surfaces étaient raboteuses, et qui descen- 
» dait perpendiculairement au-dessous de la voüte. 
» On n’apercevait aucun angle, aucune trace de la 
» figure des cellules ou alvéoles dans ce premier tra- 
» vail des Abeilles ; c'était une simple cloison en ligne 
» droite et sans la moindre inflexion ; sa longueur était 
» de six à huit lignes; elle était élevée des deux tiers 
» du diamètre d’une cellule, mais elle se rabaissait 
» vers ses extrémités. Nous avons vu d’autres blocs 
» de douze et jusqu’à dix-huit lignes de longueur ; la 
» forme en était toujours la même, mais ils n'avaient 
» pas plus d’élévation. L'espace vide qui s'était formé 
» par le mouvement de la première ouvrière fonda- 
» trice d'un gâleau , nous avait permis de voir les pre- 
» mières manœuvres des Abeilles, et de découvrir 
l’art avec lequel elles posent les fondemens de leur 
édifice; mais ce vide fut rempli trop promptement 
à notre gré, trop d’ouvrières s’accumulèrent sur les 
» deux faces du bloc, et le voile s’épaissit au point 
» qu'il ne fut plus possible de suivre leur travail. » 

Il est à remarquer ici que notre célèbre Réaumur 
n'ayant pas observé les plaques de matière à cire, ni 


© 


L2 


ÿ 


DES HYMÉNOPTÈRES. 273 


surpris l’ouvrière les amenant toutes formées entre 
ses mandibules, a cru que la cire était en entier dé- 
sorgée, sous la forme de cette bouillie dont nous avons 
parlé, par l’œsophage, et transmise aux mandibules 
par la lèvre inférieure, tandis que l'observation prouve 
que cette bouillie n’est qu'un des principes constitu- 
tifs de la cire, et que l’autre principe est la plaque de 
matière, fusible par la chaleur, qui se forme entre les 
seomens de la face ventrale de l’abdomen. 

La ruche, habitée depuis quelque temps par un 
essaim d’Apiarides , renferme un assez grand nombre 
de gâteaux parallèles les uns aux autres, suspendus à 
la voûte de la ruche, et en même temps adhérens par 
leurs bords aux parois latérales de cette ruche. « Il est 
» aisé d’apercevoir, dit Réaumur, que les gâteaux ne 
» se touchent point, qu'entre deux gâteaux, il reste 
» un espace au moins assez large, pour que deux 
» Abeilles puissent y passer à la fois. Ce sont les rues, 
» ou, si l’on veut , les places publiques que les archi- 
» tectes ont réservées pour pouvoir faire usage de 
» toutes les cellules de chaque gâteau. Outre ces 
» grandes rues, on en remarque beaucoup de plus pe- 
» tites, qu'on appellera peut-être plus volontiers des 
» portes ou des passages ; ce sont des ouvertures mé- 
» nagées dans chaque gâteau et qui les traversent. 
» Ces portes abrégent beaucoup le chemin que les 
» Abeilles ont à faire, lorsqu'étant entre deux gâ- 
» teaux, elles veulent passer sur d’autres, ou se 
» rendre dans des endroits de la ruche où elles n’ont 
» pas encore travaillé. » 

La distribution des rues ou des places, ou, ce qui 
revient au même, l'arrangement des rayons de cire n’est 
pas toujours un ensemblerégulier , et, si l’on regarde 

HYMÉNOPTÈRES , TOME I, 18 


274 HISTOIRE NATURELLE 


l'intérieur de plusieurs ruches, on observera « que la 
» disposition des rues varie dans différentes ruches , 
» comme elle varie dans nos diflérentes villes. Les 
» Abeilles ne sont pas astreintes à une trop grande 
» régularité ; elles s’accommodent aux circonstances. 
» On trouvera des ruches remplies par des gâteaux 
» tous parallèles les uns aux autres. On en trouvera 
d’autres dont les gâteaux qui occupent du haut en 
» bas une partie de la capacité de la ruche, sont encore 
» parallèles entre eux , pendant que ceux qui oceupent 
» le reste de la capacité, sont obliques aux premiers, 
» et le sont plus ou moins. » Les cellules ou alvéoles 
qui composent ces gâteaux , ont, généralement par- 
lant, la forme d’un prisme à six pans égaux, terminé 
par une pyramide qui lui sert de fond , composée de 
trois losanges égaux. L'ouverture de chaque alvéole 
est à la superficie du gâteau; elle est coupée droit, 
en sorte quele bord entier de cette ouverture touche- 
rait au plan de position sur lequel elle serait posée. 
Mais les pans, à leur autre bout, ne sont pas taillés 
droit; ils le sont tous obliquement, en sorte que 
chaque pan d’une même cellule forme d’un côté un 
angle rentrant avec son voisin, et de l’autre un angle 
sortant avec son autre voisin. Quant aux trois losan- 
ges qui composent la pyramide terminale sortante du 
fond, deux des côtés de l’un s'adaptent par un angle 
et par toute sa longueur à un côté de chacun des 
deux autres losanges, et les deux côtés restans s'a- 
daptent chacun au bord de l’un des plans du prisme, 
de manière que chaque losange bouche l’un des angles 
rentrans formés par deux de ces pans. 

Chaque gâteau est composé d’un nombre considé- 
rable de cellules posées à côté l’une de l’autre, et, 


Ë 


DES* HYMÉNOPTÈRES. 275 
d’après leur forme que nous venons de décrire, si 
nous ajoutons qu'il n’y a point de vide entre les pans 
de l’une et ceux de ses voisines, il sera aisé de se 
figurer que chaque pan est commun à deux cellules , 
et que, par conséquent, dans une cellule considérée 
entourée de ses voisines , les six pans qui forment sa 
partie prismatique, sont en même temps chacun l’un 
des pans de chacune des six cellules, ses voisines immé- 
diates. Mais, en outre, chaque gâteau est composé 
de deux rangs de cellules, dont les ouvertures sont 
opposées et forment les deux superficies extérieures 
de chacun de ces gâteaux , tandis qu’elles se touchent 
trois à trois par leurs fonds pyramidaux. Ces cellules 
des deux rangs ne sont donc pas précisément opposées 
l’une à l’autre , mais chacune d’elles a pour fond trois 
pièces en losange, dont chacune appartient à une cel- 
lule différente du rang opposé. Ildoit être facile de con- 
cevoir que les fonds pyramidaux sortans de trois cel- 
lules d’une même face du gâteau, laissent entre eux un 
fond pyramidal rentrant égal en capacité à chacun 
des sommets pyramidaux des trois cellules qui lui 
prêtent chacun un de leurs trois losanges. L’inspec- 
tion prouve que le bord de cette cavité, composée 
comme nous venons de le dire, est formé, au moyen 
des fonds des cellules voisines, de six carènes formant 
entre elles alternativement un angle rentrant et un 
angle sortant. Sur chacune de ces carènes, l’Abeille 
élève un plan; elle forme par-là même une cellule de 
la seconde face du gâteau. On à vu plus haut qu’elle a 
la cire à sa disposition, qu'elle la porte elle-même 
jusqu'au moment où elle l’'emploie, et qu'elle com- 
mence par la poser en masse sans lui donner une 
forme bien régulière. Il nous reste à voir comment 

18. 


276 HISTOIRE NATURELLE 


son ouvrage atteint à cette régularité, et ce qu'elle 
doit faire pour cela. 

« On suppose peut-être, dit Huber, que les Abeilles 
» sont pourvues d'instrumens analogues aux angles 
» des cellules ; car il faut bien expliquer leur géomé- 
» trie de quelque manière: mais ces instrumens ne 
» peuvent être que leurs dents, leurs pattes ou leur : 
» tête. Or, il n'y a pas plus de rapport entre la forme 
» des dents des Abeilles et les angles de leurs cellules, 
» qu'entre le ciseau du sculpteur et l’ouvrage qui sort 
» de ses mains. Leurs dents sont effectivement des 
» espèces de ciseaux creux , coupés obliquement en 
» forme de gouge, portés sur un pédicule court et 
» divisé en deux rainures longitudinales par une arête 
» écailleuse ; leur tranchant se rencontre en dessus et 
» s'applique immédiatement l’un contre l’autre : le 
» dessus offre une espèce de gorge divisée par l’arête 
» Saillante et bordée de poils longs et forts, qui sont 
» probablement destinés à retenir les molécules de 
» cire dans le travail des gâteaux. Lorsque les dents 
» sont réunies, elles forment un angle curviligne aigu, 
» et l'angle rentrant qu’elles présentent, lorsqu'elles 
» s'écartent l’une de l’autre, est encore moins ouvert. 
» On ne reconnaît point là les angles des rhombes et 
» des trapèzes de leurs cellules. 

» La forme triangulaire de ieur tête, qui ne pré- 
» sente que trois angles aigus, n’explique pas mieux 
» le choix de ces figures; car, en supposant que l’un 
» d'eux fût analogue à l'angle aigu des losanges, où 
» serait la mesure de leurs angles obtus? » 

Chercherons-nous aux pattes des Apiarides des rap- 
ports avec les ouvrages réguliers que ces Insectes 
savent exécuter? Mais nous avons énuméré les parties 


DES HYMÉNOPTÈRES. 277 


qui les composent, et décrit chacune d'elles, et nous 
n’en avons trouvé aucune, qui nous offrit le moule d’un 
alvéole, ni des parties qui le composent. 

Il était donc intéressant de savoir et curieux de voir 
comment la cire, que nous avons vue déposée en cor- 
dons gros et irréguliers, était amenée à former une 
cellule régulière hexagone, ayant pour fond une py- 
ramide également régulière, et l’on a vu plus haut 
qu'après ce premier dépôt, le nombre d'ouvrières qui 
se mettent à poursuivre l'ouvrage dans les données 
naturelles , empêcha Huber de voirla suite du travail. 
Cherchant donc un moyen qui prévint un pareil en- 
combrement , il inventa l'appareil suivant, et parvint 
par son moyen au but de son investigation : 

« Comme les Abeilles posent toujours les fonde- 
» mens de leurs gâteaux dans le haut des ruches, à 
» l'endroit même où est suspendue la grappe formée 
» par la réunion de tout l’essaim, il me parut que le 
» seul moyen d'isoler les travailleuses, était de les 
» amener à changer la direction de leur maçonnerie; 
» mais je ne prévoyais pas de quelle manière je pour- 
» rais y contraindre des êtres qui ont aussi leurs vo- 
» lontés et ne les soumettent pas à nos caprices. Je me 
» décidai donc enfin à hasarder une tentative qui ne 
» devait rien forcer, puisqu'elle permettait aux Abeilles 
» de suivre leur routine ordinaire pour tout le reste, 
» et de se dispenser même de bâtir des cellules, si le 
» travail , auquel je voulais les astreindre , était trop 
» contraire à leurs usages. Je me flattais de pouvoir 
» obliger ces travailleuses à construire leurs gâteaux 
» en montant, c'est-à-dire à faire l'inverse de ce 
» qu'elles font tous les jours, ce qui, au reste, n’est 
» pas sans exemple chez elles. Voici l'appareil que j'ai 


278 HISTOIRE NATURELLE 


> 


ÿY 


inventé pour cet effet (1) : jefis construire une boîte 
carrée , de huit à neuf pouces de haut sur douze de 
large, au bas de laquelle on pratiqua une porte : le 
fond supérieur pouvait s’enlever à volonté ; je le fis 
faire d’une seule glace, montée sur un châssis mo- 
bile. Je choisis, dans une de mes ruches en feuillets, 
des gâteaux remplis de couvain, de miel et de pol- 
len, afin qu'ils renfermassent tout ce qui pouvait 
intéresser les Abeilles. Je les coupai en bandes d’un 
pied de long sur quatre pouces de haut; je les ajus- 
tai verticalement, dans le sens de la longueur, au 
fond de la caisse, et j’eus soin de laisser entre cha- 
cun d’eux autant d'intervalle qu'il y en a à lordi- 
paire entre ceux que ces Insectes arrangent eux- 
mêmes. Je recouvris enfin le bord supérieur de 
chacun des rayons d’une petite tringle ou baguette 
de bois, qui ne la débordait pas, et laissait une 
libre communication entre toutes les parties de la 
ruche. Ces baguettes reposant sur des rayons de 
quatre pouces de hauteur, il restait aux ouvrières 
la possibilité de bâtir au-dessus d’elles dans un es- 
pace de cinq pouces de haut sur douze de long. Il 
n'était pas probable que ces Abeilles posassent les 
fondemens de nouveaux gâteaux contre la glace ho- 
rizontale qui servait de toit à la ruche, puisqu'elles 
ne peuvent pas se tenir en grappe contre la surface 
slissante du verre; il fallait donc nécessairement, 
si elles étaient disposées à construire des gâteaux 
neufs, qu'elles les élevassent au-dessus des tringles, 
et je me flattai d'obtenir, par ce nouveau procédé, 


(1) Pour rendre plus incontestables les résultats des observations 


de M. Huber , je crois nécessaire de décrire l'appareil à l'aide du- 
quel il les a faites. On pourra lés répéter. On est porté toujours à 
craindre que ce que les anciéns ont vu, n'ait été mal vu. 


» 


» 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 270 


plus de succès que je n’en avais eu précédemment. 
» Lorsque cette ruche fut peuplée, l’essaim s’établit 
de lui-même, et, comme nous l’avions prévu , entre 
les gâteaux dont le fond de la caisse était garni ; on 
vit alors les Abeilles à petit ventre (celles qui n’ont 
pas actuellement de lames de cire entre les sezmens 
de l’abdomen) déployer leur activité naturelle : elles 
se répandirent dans toutes les parties de la ruche 
pour nourrir les jeunes larves, nettoyer leur loge- 
ment et l’approprier à leurs convenances. Les g4- 
teaux qu'on leur avait donnés, équarris grossière- 
ment pour être assujettis au fond de la caisse, et 
endommagés en plusieurs endroits, leur parurent 
sans doute diflormes et mal conditionnés ; car elles 
s’occupèrent aussitôt à les réparer : ün les vit hacher 
la vieille cire, la pétrir entre leurs dents et en for- 
mer des liens pour consolider les rayons... Une 
moitié de cette nombreuse population ne prit aucune 
part aux travaux et résta immobile, pendant que 
d’autres remplissaient toutes les fonctions que la 
prévoyance semblait exiger d'elles. Celles qui res: 
taient immobiles, s'étaient gorgées du miel que nous 
avions mis à leur portée, et au bout de vinst-quatre 
heures d’une immobilité presque complète, la 
cire formée sous leurs anneaux était déjà prête à 
être mise en œuvre, et nous vimes, à notre grande 
satisfaction , un petit bloc s'élever sur une des ba- 
guettes que nous avions préparées pour servir de 
base à leurs nouvelles constructions. En cela ces 
Insectes remplirent pleinement nos vues, et comme 
la grappe était établie entreles gâteaux et au-dessous 
des baguettes , ellene mit plus obstacle, par sa masse 
et son opacité, aux progrès de nos observations. 


280 HISTOIRE NATURELLE 


» 


» À cette occasion, nous passâmes en revue pour la 
seconde fois, et l’entreprise de l’Abeille fondatrice 
d’un nouveau gâteau, et les travaux successifs de 
plusieurs, pour former ce bloc dont nous avions 
concu de justes espérances... Ce fut dans ce bloc, 
d'abord très-petit, mais agrandi successivement à 
mesure que la progression du travail des Abeilles 
l'exigeait, que furent creusés les fonds des pre- 
mières cellules. Nous comprimes dès le commence- 
ment pourquoi ils étaient entrelacés; les Abeilles 
firent devant nous ce premier rang qui donne la clef 
de toute l'architecture. » 

Elles ne les construisent pas, elles les creusent 


dans le bloc, en retranchant avec leurs mandibules, 
et principalement avec l’angle apical de celles-ci, les 
parties inutiles de ce bloc. Ces fonds sont donc, à 
proprement parler , sculptés par nos habiles ouvrières. 
« Elles creusèrent grossièrement d’un côté du ! loc, 


» 


» 


» 


une petite cavité de la largeur d’une cellule ordi- 
naire; c'était une espèce de cannelure , dont elles 
rendirent les bords saillans par l’accumulatior. de la 


» cire. Au revers de cet enfoncement, sur la face 


opposée, elles en pratiquèrent deux autres égaux 
et contigus entre eux, à peu près semblables au pre- 
mier, mais un peu moins alongés. Ces trois creux, 
de même diamètre, étaient partiellement adossés , 
parce que le milieu de celui qui était isolé, répon- 
dait exactement au rebord qui séparait les deux au- 
tres. Le premier de ces creux étant plus alongé , sa 
partie supérieure ne pouvait correspondre sur l’au- 
tre face qu’à une portion du bloc encore brute qui 
régnait au-dessus des cavités du premier rang, et 
cest sur cette portion que l’ébauche du premier 


ÿ 


DES HYMÉNOPTÈRES. 281 


fond pyramidal fut commencée. Ainsi l’on voyait 
une seule cannelure, située sur la face antérieure, 
répondre partiellement à trois cavités, dont deux 
appartenaient au premier rang et une au second. 

» Le rebord arqué de ces cannelures ayant été con- 
verti par les Abeilles en deux saillies rectilignes, 
qui faisaient ensemble un angle obtus, chacune des 
cavités du premier rang eut un contour pentagone, 
en comptant la tringle même pour un de ses côtés. 
Mais la cannelure du second rang, dont la base 


» était située entre les côtés obliques des deux fonds 


du premier, eut six côtés : deux pris de sa base, 
deux latéraux parallèles, et deux autres obliques, 
formés sur son bord arqué. Quant à la configuration 
intérieure que recurent ces cavités, elle nous parut 
dériver aussi naturellement de la position respec- 
tive de leurs ébauches. Il semblait que les Abeilles, 
douées d’une délicatesse de tact admirable, diri- 
geassent , toujours en sculptant, leurs mandibules 
principalement là où la cire était la plus épaisse, 
c'est-à-dire dans les parties où d’autres ouvrières 
avaient accumulé cette matière en travaillant sur le 
revers ; ce qui explique pourquoi les fonds des cel- 
lules sont creusés angulairement derrière les saïllies 
sur lesquelles doivent être élevés les pans des cel- 
lules correspondantes. Les fonds des cavités étaient 
donc divisés en plusieurs pièces qui faisaient angle 
ensemble, et le nombre, comme la forme de ces 
pièces, dépendait de la manière dont les fonds 
ébauchés sur la face opposée du bloc, partageaient 
l'espace qui leur était adossé ; ainsi la plus grande 
des cannelures , qui était opposée à trois autres, fut 
divisée en trois parties, tandis que, sur l’autre face, 


282 HISTOIRE NATURELLE 


» celles du premier rang , qui n'étaient adossées qu’à 
celles-ci , ne furent composées que de deux pièces 
seulement. Par une conséquence de la manière dont 
» les cannelures étaient opposées les unes aux autres , 
» celles du second rang et toutes celles qui vinrent 
» après, adossées partiellement à trois cavités, furent 
composées de trois pièces égales , dont la forme était 
celle de rhombe. » 
Voilà donc la manière dont les Apiarides construi- 
sent les cellules dont l’aggrégation forme les gâteaux 
qui remplissent leurs ruches; cependant, comme 
celles-ci ont été travaillées de bas en haut, tandis 
qu’il est notoire qu'elles opèrent ordinairement de 
baut en bas, « nous obligeämes, dit Huber, les 
» Abeilles à commencer dans ce sens un grand nom- 
» bre de petits gâteaux, dont les ébauches, plus ou 
» moins avancées, nous apprirent qu’ils étaient con- 
» struits sur les mêmes principes et avec les mêmes gra- 
» dations que ceux qui avaient été faits en montant.» 
Mais il est des circonstances qui altèrent un peu la 
forme régulière des cellules ou alvéoles : de ce nombre 
est le voisinage des parois de la ruche; dans ce cas ce 
n'est qu'au second, ou même au troisième rang, que 
la forme hexagone du tube et la pyramide des fonds 
se montrent parfaitement pures. Tous ces alvéoles ne 
sont pas non plus égaux en diamètre. Dans les tra- 
vaux de la variété de l’Æpis mellifica, multipliée aux 
environs de Paris, les uns ont environ deux lignes et 
deux cinquièmes de ligne, tandis que d’autres ont sur 
un sens environ trois lignes et un tiers, et sur le sens 
opposé un neuvième de plus. Il est aussi quelques 
autres alvéoles bien plus grands, dont la forme est 
tout-à-fait diflérente, ainsi que la position. On con- 


ÿ 


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CA 


DES HYMÉNOPTÈRES. 283 
çoit que l’interposition de l’un de ces derniers, ou 
d’une portion de gâteau formé de ceux de la seconde 
espèce, doit nécessairement altérer la forme de ceux 
de la première , qui en sont voisins et qui sont de 
beaucoup les plus nombreux dañs une ruche à son 
état naturel. 

La profondeur des alvéoles est de cinq lignes et 
demie pour ceux à petit diamètre ; ce qui donne au gâ- 
teau , composé de cellules opposées , environ dix lignes 
d'épaisseur. Les alvéoles à grand diamètre ont quel- 
quefois jusqu’à huit lignes, mais souvent moins. Ces 
mesures, prises par Réaumur sur lApis domestica , 
ne peuvent convenir, on le sent bien, qu’à la variété 
qu'il a observée, et doivent en outre varier selon les 
espèces d’Apiarides. Aussi, à la description des autres 
espèces connues de cette famille et de celles que l’on 
pourra décrire par la suite, il sera trés-utile de join- 
dre ces mêmes mesures, lorsqu'on pourrales vérifier. 

Les alvéoles servent à deux fins aux Apiarides : à 
l'éducation des larves et à serrer les provisions. Celles- 
ci consistent en pollen et en miel. « Dans les ruches 
» bien fournies de gâteaux de cire, que les Abeilles 
ne sont pas pressées d'agrandir, dit Réaumur, et 
» lorsque la récolte de pollen est si facile et si abon- 
dante qu'il en vient plus à la ruche qu’il n’en peut 
être consommé, l’Abeille qui arrive avec deux pe- 
» lotes de cette matière, attendrait long-temps avant 
» de trouver des compagnes qui vinssent les lui ôter. 
» Toutes en sont gorgées ; celle qui en rapporte, s’en 
» est probablement aussi rassasiée, mais elle n’a garde 
» de laisser perdre le fruit de son travail. Il vient des 
temps où il y a disette de poussières d’étamines, 
» et même, dans la saison la plus favorable, il y a 


L2 


3 


3 


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284 HISTOIRE NATURELLE 


» 


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» 


des jours fâcheux où les Abeilles ne peuvent aller 
ramasser celles dont les fleurs sont chargées. Il leur 
convient d’avoir, pour de pareils temps, du pollen 
en provision... L'Abeille qui arrive chargée de 
deux pelotes de cette matière dont |ses compagnes 
n'ont pas besoin, s'accroche avec ses deux jambes 
antérieures contre le bord d’une cellule vide, ou 
plus exactement d’une cellule dans laquelle il n’y a 
ni ver ni miel. Elle y fait entrer ses deux jambes 
postérieures, celles qui sont chargées de pelotes, 
et alors, avec le bout de chacune de ses jambes du 
milieu, elle pousse vers le dedans de l’alvéole la 
lentille de pollen de chacune des jambes posté- 
rieures. Les deux lentilles détachées tombent dans 
l’alvéole. Souvent , dès que l’Abeille s’est défait de 
ses fardeaux , elle part, soit pour aller sur-le-champ 
s'occuper d’un nouveau travail , soit pour se reposer. 
Mais à peine les deux lentilles sont-elles tombées 
dans une cellule, qu’une autre Abeille entre dans 
celte même cellule la tête la première; elle y reste 
quelquefois un temps assez considérable, et, quand 
elle est sortie, il est aisé de juger ce qu’elle y a fait. 
Les deux lentilles sont alors réunies en une même 
masse qui a été poussée au fond de la cellule, qui y 
a été pressée, et dont la surface a été aplanie de 
manière à être rendue parallèle à l'ouverture de 
l'alvéole. 

» Dès qu'il y a une fois deux pelotes de pollen dans 
une cellule, il est décidé qu'elle doit être un petit 
magasin destiné à être rempli de pareille matière. 
Jusqu'à ce qu'elle le soit, des Abeilles viennent 


» l’une après l’autre s’y décharger de leur récolte de 
» pollen, que d’autres pétrissent , pressent et arran- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 285 


» gent. Quelquefois celle qui a apporté les deux pe- 
» lotes, prend elle-même tous ces soins... L’Abeille 
» ne se contente pas de les placer comme elles doivent 
» l'être; avec ses dents elle les pétrit et les humecte 
» en même temps, elle les imbibe d’une liqueur qui 
» ne paraît être autre chose que du miel. Si on tire 
» d’une cellule du pollen qui vient d'y être mis, il est 
» visiblement plus humide, plus lié; il a plus de 
» corps que n’en a celui qu’on a ôté à une des jambes 
» postérieures d’une Abeille, et, si on le goûte, on 
» lui trouve un goût de miel qui fait assez connaître 
» la nature de la liqueur employée à lui donner de la 
» liaison. » 

Le pollen est un aliment nécessaire aux ouvrières 
Apiarides, et il est probable que sa digestion, jointe 
à celle du miel, donne lieu à la sécrétion de la cire 
sous les segmens abdominaux : aussi leur second esto- 
mac en est-il ordinairement rempli, et leurs excré- 
mens montrent en tout temps des vestiges de cette 
matière. 1l est à remarquer que les mâles qui ne font 
pas de cire, ne mangent pas de pollen : Réaumur n’en 
a jamais trouvé la moindre parcelle dans leurs voies 
digestives. Il entre dans la bouillie qui sert de nour- 
riture aux larves, et des expériences multipliées de 
Huber prouvent que les ouvrières, privées de pollen, 
refusent péremptoirement d'élever les larves qui éclo- 
sent dans la ruche, quoique ayant du miel en abon- 
dance, tandis qu’elles se mettent de suite à leur 
fournir la nourriture, même étant renfermées dans 
leur ruche et privées de liberté, dès qu'on leur fournit 
conjointement du pollen et du miel. 

Quant à la récolte du miel et à son emmagasine- 
ment, nous en avons vu le mode : en décrivant la 


286 HISTOIRE NATURELLE 


trompe et le premier estomac del’Apiaride, nous avons 
décrit l’ouvrière dégorgeant cette matière sucrée. 
Quoique nous nous permettions de le leur enlever, 
« on sait assez, dit Réaumur, que ce n’est pas pour 
» nous qu'elles en font des provisions ; qu'il y a des 
» jours, même des saisons qui ne leur permettent 
» pas d'aller en chercher dans la campagne, où elles 
» iraient inutilement, Si leur récolte a été trop petite, 
» ou la consommation trop grande et trop prompte, 
» elles sont réduites à mourir de faim. » 

C'est pour éviter cette famine, qui pourrait finir 
par détruire l'espèce, que le Créateur et le conserva- 
teur de tous les êtres a donné à nos Apiarides l'in- 
stinct remarquable de déposer dans des cellules de 
cire, matière presqu'à l'abri de la corruption, le miel 
des fleurs, après qu’une digestion, seulement com- 
mencée , l’a rendu lui-même susceptible d’une longue 
conservation. ( On sait que beaucoup de peuples ont 
employé la cire et le miel dans les embaumemens 
pour préserver de la putréfaction les corps qu'ils 
voulaient conserver, et que ces moyens ont sufli pour 
parvenir à ce but.) Les Apiarides ne se bornent pas 
à déposer le miel dans ces vases incorruptibles, elles 
savent encore adapter à ces vases des couvercles de 
même matière. En eflet, « entre les cellules qui ont 
» été remplies de miel, les unes sont destinées à four- 
» nir celui qui est nécessaire à la consommation jour- 
» nalière des Apiarides , et les autres doivent conser- 
» ver celui qui servira à les nourrir, dans les temps où 
» elles iraient inutilement en chercher sur les plan- 
» tes. » Ge n’est que dans les temps de grande néces- 
sité, qu elles touchent au miel contenu dans les cellules 
fermées. Quant à la construction des couvercles, 


DES HYMÉNOPTÈRES, 207 


» dès qu'on a vu les ouvrières bâtir des alvéoles, on 
» ne doit pas être embarrassé de savoir comment elles 
» peuvent faire un tel couvercle, qui n’est qu’une 
» lame plate, dont la figure est déterminée par le 
» contour de l’ouverture. Elles commencent par met- 
» tre une ceinture de cire sur le bord d’un des côtés, 
» et ensuite sur tous. L'ouverture est rendue plus 
» étroite. Une seconde ceinture, appliquée contre la 
» première, réduit l’ouverture à un trou si petit qu'il 
» peut être bouché par un seul grain de cire. On voit 
» pourtant que ce couvercle ne saurait être fait et 
» appliqué sans beaucoup d’adresse de la part de l’ou- 
» vrière; car il faut non-seulement appliquer, mais 
» construire le couvercle sur la surface de ce miel sans 
» toucher au miel etsans qu’il touche la cire qui est 
» mise en œuvre. » 

Mais ce n’est pas seulement à contenir les provi- 
sions de pollen et de miel , que sont destinés les 
alvéoles ou cellules; ces espèces de cases reçoivent 
aussi les œufs, et chacune de celles qui sont em- 
ployées à les loger, n’en reçoit qu’un seul. De cet œuf, 
première phase de l'existence isolée de l’individu, 
éclot une larve qui prend tout son accroissement 
dans la cellule où il a été pondu , sans en sortir. 
C'est encore dans l’intérieur de ce même alvéole 
que la larve devient nymphe par un second change- 
ment de forme, et enfin Insecte parfait, susceptible 
seulement alors de remplir les fonctions, auxquelles 
est appelé lindividu par les modifications sexuelles 
qui lui sont propres. Pour connaître dans sa vie en- 
tière l’Apiaride, il faut que nous la décrivions dans 
ces états successifs, et que nous y suivionsiles événe- 
mens de son histoire, observés par lesavant Réaumur. 


285 HISTOIRE NATURELLE 


L’œuf laissé, ou pour ainsi dire planté par la mère 


Apiaride (appelée reine par les anciens auteurs, seule 
femelle féconde qui existe dans la ruche), « a cinq à 


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ÿ 


> 


ÿ 


y 


six fois plus de longueur que de diamètre; il n’a 
d'appui que par un de ses bouts; il est en l'air, il 
s’en faut même de peu qu'il ne soit parallèle à l’ho- 
rizon. C’est une position où il ne resterait pas , s’il 
n’y était retenu par quelque espèce de colle... Ses 
deux bouts sont arrondis; l’un des deux est plus 
gros que l’autre ; c’est le supérieur, le plus éloigné 
du fond de la cellule , qui est constamment le plus 
gros... Sa figure n'est pas droite, il a un peu de 
courbure. Ces œufs sont d’un blanc un peu bleuâtre. 
Ils n’ont, comme ceux de tant d’autres espèces d’In- 
sectes, qu’une membrane flexible ; l’œuf lui-même 
est flexible; on peut le plier presqu’en deux et lui 
faire reprendre ensuite sa première figure. À la vue 
simple, et, avec une loupe de trois à quatre lignes 
de foyer, il paraît extrêmement lisse; mais, si on le 
considère avec un microscope qui grossisse considé- 
rablement , on aperçoit un travail qu’on croit sur sa 
surface, et qui est peut-être dans son intérieur. 
Swammerdam a dit qu’il paraît alors, comme s’il était 
couvert d'écailles. Ce que j'ai vu, c'est que, près de 
ses bouts, il y a des traits qui forment des espèces 
de losanges très-alongés. 

» La mère ne laisse, généralement parlant, qu’un 
œuf dans chaque cellule. C’est pourtant une règle 
qui souffre exception. Si la mère, pressée par le 
besoin de pondre, ne trouve pas autant de cellules 
vides qu’elle a d'œufs dans le corps qu’elle n’y peut 
plus retenir, il ne lui reste d'autre parti à prendre 
que d'en déposer plusieurs dans chaque cellule. 


» 


C2 


DES HYMÉNOPTÈRES. 289 


« 


Dans une ruche qu’un accident avait mise dans ce 
cas, Réaumur vit plusieurs cellules qui avaient deux 
œufs, et quelques-unes qui en avaient jusqu’à trois. 
Mais une cellule ne peut servir qu’à élever une larve: 
deux, et à plus forte raison trois larves y seraient 
mal à l’aise. Il vient un temps où l’Insecte, sous la 
forme de larve ou sous celle de nymphe, remplit la 
cellule en entier. Les ouvrières, qui savent cela, 
comme elles savent tout ce qu’elles ont besoin de 
savoir, et qui prennent un grand intérêt à la vie des 
larves, remarquèrent apparemment les cellules où 
trop d'œufs avaient été déposés ; elles n’en laissèrent 
qu'un dans chacune. Au bout de vingt-quatre heu- 
res, je ne vis plus qu'un œuf dans plusieurs des 
cellules où j'en avais vu deux et même trois; et au 
bout de deux jours, toutes n’en avaient qu’un seul. 
Dans ces deux jours, beaucoup de cellules nouvelles 
avaient été construites; mais je ne sais si les ou- 
vrières avaient porté, dans quelques-unes des nou- 
velles, les œufs qu’elles avaient ôtés aux anciennes. 
Se fussent-elles contentées de tirer les œufs surnu- 
méraires de chaque cellule, les eussent-elles aban- 
donnés à leur mauvais sort, elles eussent toujours 
fait une action utile... 

» La plupart des auteurs anciens qui ont écrit sur 
les Abeilles, sans les avoir examinées avec des yeux 
assez éclairés, ont prétendu qu’elles couvaient les 
œufs déposés dans les cellules, comme les oiseaux 
couvent les leurs. Plusieurs chargent les mâles de 
cette fonction ; quelques-uns même ne les désignent 
que par le nom de Mouches couveuses..….. D'autres 
qui ont fait attention qu'on trouve pendant presque 
tous les mois de l’année, soit des œufs, soit des larves 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 19 


290 HISTOIRE NATURELLE 


ÿY 


> 


naissantes , dans la plupart des ruches, quoiqueces 
rucbes soient dépourvues de mâles pendant huit ou 
neuf mois entiers, ont chargé les ouvrières du soin 
de couver. M. Maraldi n’a pas cru que les Abeilles 
couvassent les œufs à la manière des oiseaux. Il 
savait très-bien que l’on ne voit point une Abeille 
se tenir constamment dans une cellule où il y a un 
œuf. Mais il a cru qu’elles avaient une façon de 
couver particulière; que des Abeilles allaient se 
poser sur les bords des ouvertures des cellules à 
œufs, et qu’en agitant leurs ailes avec vitesse, elles 
produisaient une chaleur propre à faire éclore les 
larves. Quoiqu'il soit certain que les mouvemens 
que se donnent à la fois les Abeilles d’une ruche, 
peuvent faire naître assez subitement un grand degré 
dechaleur, on ne doit pas croire que celle d’une ruche 
soit sensiblement augmentée par l'agitation des ailes 
d’un petit nombre d’Abeilles..….. Mais ce qui doit 
parfaitement désabuser de l’idée qu’on a eue de 
faire couver les Abeilles, c’est qu’on peut observer 
que les cellules à œufs sont souvent les plus aban- 
données ; elles sont souvent plus à découvert queles 
autres ; les Abeilles ne passent dessus que quand 
la route qu’elles ont prise, l’exige. Les œufs ne de- 
mandent pour éclore que la chaleur répandue dans 
la ruche, qui approche fort et souvent de celle 
qu’une Poule donne aux œufs, sur lesquels elle reste 
constamment posée, et qui la surpasse quelquefois. 
» Le moment où la larve sort de l'œuf, n'est pas aisé 
à saisir, il a échappé à Réaumur. Ce qu'il y a de 
cerlain, c’est qu'au bout de deux ou trois jours 
après sa ponte, selon qu'il fait plus ou moins chaud, 
on peut trouver la larve au fond de la cellule. Sion 


DES HYMÉNOPTÈRES. 291 


» attend à l’y chercher quatre ou cinq jours après que 
» l'œuf a été pondu, on l'y trouve plus grand qu’on 
» aurait cru qu'il devait être. Son accroissement ét 
» toutes ses métamorphoses se font assez vite dans 
» les saisons favorables.» Huber nous explique ainsi 
cette première métamorphose : pour parvenir à en dis- 
tinguerles circonstances, il retira les œufs des alvéoles, 
où ils avaient été déposés ; il ne les ôta qu'une heure ou 
deux avant l'expiration de trois jours révolus, les plaça 
sur une lame de verre, au foyer d’un microscope, et 
leur conserva la chaleur nécessaire pour éclore, sans 
laquelle ils se dessécheraient et périraient. « J'enle- 
» vai, dit-il, au mois d'août, quelques cellules dans 
» lesquelles étaient des œufs pondus le troisième jour 
» auparavant; je retranchai les pans de tous ces al- 
» véoles, et fixai sur une lame de verre le fond pyra- 
» midal où les œufs étaient implantés. Bientôt eurent 
» lieu de légers mouvemens d’inclinaison et de redres- 
» sement dans l’un de ces œufs. Au premier moment, 
» la loupe ne nous faisait rien apercevoir d'organisé 
» sur la surface de l’œuf. La larve était pour nous en- 
» tièrement cachée sous sa pellicule ; nous la plaçimes 
» alors au foyer d’une lentille très-forte; mais, pen- 
» dant que nous préparions cet appareil, la jeune 
» larve rompit la membrane qui l'emprisonnait, et se 
» dépouilla d’une partie de son enveloppe : nous la 
» vimes déchirée et chiffonnée sur quelques parties 
» de son corps, et plus particulièrement sur ses 
» derniers anneaux. La larve, par des mauvemens 
» assez vifs, se courbait et se redressait alternative- 
» ment; il lui fallut vingt minutes de travail pour 
» achever de jeter sa dépouille. Cette larve provenait 
» d’un œuf pondu dans une cellule d’ouvrière , et 


19. 


2092 HISTOIRE NATURELLE 


» 


» 


4 


» 


C4 


serait devenue une ouvrière elle-même... En 
observant semblablement un œuf de mâle, au soleil, 
sur une lame de verre, et le regardant avec une 
bonne lentille, l'observateur découvrit neuf des an- 
neaux de la larve sous la pellicule transparente de 
l'œuf. Cette rsembrane était encore eñtière; la larve 
élait complétement immobile; nous distinguions 
sur sa surface les deux lignes longitudinales des tra- 
chées et un grand nombre de leurs ramifications. 
Pour cette fois nous saisimes les premiers mouve- 
mens de la larve : le gros bout se courbait, se re- 
dressait alternativement, et touchait presque le 
plan où la pointe était fixée. Ces eflorts opérèrent 
d'abord le déchirement de la membrane dans la par- 
tie supérieure près de la tête, puis sur le dos, et 
enfin successivement dans toutes les parties. La 
pellicule chiffonnée restait en paquet sur divers 
endroits du corps de la larve, elle tomba ensuite.» 
Les œufs des Abeilles n’ont pas besoin, tant qu’ils 


restent sous cette forme, du soin des ouvrières. « De- 


» 


puis que la larve est née, dit Réaumur, jusqu’à ce 
que le temps de sa première métamorphose appro- 
che , elle est toujours dans une même attitude ; elle 
est longue, et elle se tient roulée en anneau, de ma- 
nière que sa tête touche son derrière. L’anneau qu’elle 
forme est plein ou presque plein ; le milieu en est 
rempli parles parties charnues du ventre. On dis- 
tingue différentes lignes blanches, qui , des côtés , se 
dirigent à peu près vers un centre commun. La larve 
est ainsi appliquée presque contre le fond de la cel- 
lule.... Si on en retire une, et qu'on examine le fond 
de la cellule, on verra que la larve y est posée plus 
mollement qu'on ne l'aurait pensé; on y apercevra 


DES HYMÉNOPTÈRES. 203 
une couche assez epaisse d’une espèce de gelée ou 
de bouillie , qui a une couleur blanchâtre ; elle fait, 
pour ainsi dire, le lit sur lequel la larve est couchée : 
c’est aussi celle dont elle se nourrit. Elle serait inca- 
pable de l'aller chercher ; il ne serait pas même en 
son pouvoir de se traîner hors de sa loge. 

» Les larves d’Abeilles, dit Huber, sont apodes; 
cependant elles ne sont pas condamnées à une immo- 
bilité complète dans leurs cellules; elles s’y avancent 
en tournant en spirale; ce mouvement, si lent dans 
les trois premiers jours, qu'il est à peine reconnais- 
sable, devient ensuite plus facile à distinguer : on 
voit alors ces larves faire deux révolutions entières 
en une heure trois quarts. Lorsqu’elles approchent 
du terme de leur métamorphose, elles ne sont plus 
qu’à deux lignes de l’orifice de la cellule. Ces larves, 
dit Réaumur, sont de celles qui sont dépourvues de 
pattes. Outre la différence que la grandeur met 
entre les plus jeunes et celles qui sont à terme pour 
leur changement de forme, il n’y en a guère d’au- 
tres, si ce n’est que les premiers segmens sont mieux 
marqués, et que, regardés de quelque distance, ils 
paraissent d’un blanc bleuâtre , presque ardoisés ; … 
mais, en croissant , ils deviennent presque partout 
d’un blanc de lait... Leur tête demande qu'on les 
place dans la classe des larves qui en ont une de 


figure constante..... Leur bouche a de la ressem- 


blance avec celle des chenilles (larves des Lépi- 
doptères); elle a une lèvre supérieure, et on lui 
trouve en dessous une lèvre inférieure composée de 
trois parties ;..... et, si l’on considère le dessus de 
la tête sous un jour favorable, on trouve deux cro- 
chets ou mandibules qui suivent le contour du bord 


20 { HISTOIRE NATURELLE 


» 


» 


supérieur de la tête. Elles y sont si exactement appli- 
quées qu'on éprouve de l'embarras à les distinguer 
et à les écarter l’une de l’autre. Elles sont écail- 
leuses, mais très-faibles. En dessous de Ja tête, 
comme on vient de dire, on trouve la lèvre infé- 
rieure; la partie qui en fait le milieu, s'élève jusqu’à 
la lèvre supérieure et même par-dessus ….. Le bout 
de cette partie est comme taillé carrément; il a 
quelquefois lui-même l'air d’une bouche; on y voit 
une ca:ité oblongue formée par des chairs plissées; 
quelquefois il sort de cette cavité une petite lame 
charnue taillée carrément. Nous prouverons bientôt 
que ces larves savent filer, et c'est dans cette lame 
charnue que la filière est placée. Les deux autres 


> parties de la lèvre inférieure, celles qui en font les 


côtés, diminuent insensiblement de grosseur en 
s'éloignant de leur base, et se terminent par des 
pointes fines, dures et comme écailleuses. Une ca- 
vilé se trouve entre les lèvres inférieure et supé- 
rieure..... Avant de quitter cette tête, nous devons 
y faire observer deux petits globes, dont il y en a 
un de chaque côté, environ à distance égale du bout 
antérieur et du bout postérieur. Ils sont aussi blancs 
que le reste, mais plus luisans. » ( Réaumur croit 


qu'on doit les prendre pour des yeux, ce qui ne nous 
paraît pas certain); «ils sont l’un et l'autre dans un 


» 


2 


» 


» 


enfoncement qui leur fait une espèce d'orbite. 

» Les larves les plus grosses et les plus blanches 
ont, tout du long du dos, depuis la tête jusqu'a 
anus, une raie jaunâtre;...... parce que la peau, 
par sa transparence, laisse voir le canal des alimens 
qui est étendu en ligne droite et rempli d'une ma- 
ère d'un jaune fauve... Sous le ventre on croit 


DES HYMÉNOPTÈRES. 299 

» voir, de distance en distance, des plis plus blancs 
» que le reste, disposés parallèlement les uns aux 
» autres et transversalement ;.... ce sont des trachées 
» qui, pour être d'un blanc argenté, ont plus d'éclat 
» que le blanc du reste du corps, et que celui de la 
» peau au travers de laquelle ils paraissent... Ces 
» trachées, qui sont à l’intérieur, sont faites d’un fil 
» cartilagineux, d'une prodigieuse finesse, roulé en 
» spirale. 

» Les stigmates de ces larves, quoique très-petits 
» et quoique dépourvus du rebord qui aide à faire : 
» distinguer ceux de divers Insectes, nesont pas dif- 
» ficiles à trouver; on n’a qu'a suivre une trachée 
» transversale ; elle aboutit de chaque côté tout auprès 
» d’un stigmate. On trouve de la sorte la suite des 
» stigmates de chaque côté. La ligne sur laquelle ils 
» sont rangés, est marquée par une trachée qui va de 
» Ja tête à la partie postérieure. C’est sur ces deux 
» longues trachées que sont posés immédiatement les 
» stigmates. D’auprès de chacun de ceux-ci, part un 
» tronc de trachée très-court, mais aussi gros que les 
» trachées transversales du ventre; il s'élève vers le 
» doset jette deux branches déliées, qui elles-mêmes 
» fournissent des ramifications. En dessous de la 
» larve, près de sa tête, on voit des irachées qui for- 
» ment diverses ondes : on distingue de plus d'autres 
» ondes blanchâtres, formées par des parties inté- 
» rieures vues à travers la peau. L’anus de la larve est 
» à son dernier anneau, et n’est destiné qu'à rendre 
» peu d’excrémens. » 

Ce sont les ouvrières qui se chargent d'apporter 
aux larves cette espèce de bouillie sur laquelle Réau- 
mur l’a représentée couchée mollement et prenant 


206 HISTOIRE NATURELLE 


son repas, et il faut encore ajouter ce soin à leurs tra- 
vaux déjà si nombreux que nous avons décrits, ceux 
de constructions , de récoltes et de dépôts en magasin. 
«ll ya, dit Réaumur, assez de cette bouillie dans 
» chaque cellule qui contient une larve, pour en pouvoir 
» prendre avec la tête d’une épingle, à trois ou quatre 
» reprises, de petites masses de la grosseur de la tête 
» de l’épingle, sans ce qui reste trop étendu sur le 
» fond de la cellule pour pouvoir être enlevé d’une 
» facon si grossière. On peut donc goûter cette ma- 
» tière. Prise dans la cellule d’une jeune larve, on la 
» trouve absolument insipide, telle qu’une espèce de 
» colle de farine » On a été autrefois embarrassé de 
savoir où les Abeilles prenaient cette bouillie, Réau- 
mur paraît disposé à croire, et les expériences de 
Huber ont prouvé, « quele miel et le pollen que les 
» Abeilles ont fait passer dans leur corps, y reçoivent 
» une préparation , qui les fait devenir l’espèce de 
» bouillie qui est l'aliment des larves. » Il faut ajou- 
ter que le miel n’y paraît admis en quantité notable, 
que lorsque les larves ont déjà quelques jours. « Quand 
» j'ai goûté, dit notre auteur français, de la bouillie 
» qui était dans les cellules des larves, dont la grandeur 
» était au-dessus de la moyenne, je ne l’ai plus trou- 
.» vée si insipide que celle des cellules des plus jeunes; 
» je lui ai trouvé une légère pointe de sucre ou de 
» miel. La matière, tirée de cellules de larves plus 
» âgées, avait un goût de miel plus marqué et très- 
» sensible. Enfin, dans les cellules des larves presque 
» à terme, la gelée avait un goût très-sucré. Je dis 
» sucré, car sa douceur n'avait pas le fade du miel, 
» une petite acidité y était jointe. Les différences que 
» le goût fait apercevoir, ne sont pas les seules qui se 


= 


DES HYMÉNOPTÈRES. 207 
trouvent entre la gelée du fond des cellules des jeu- 
nes larves et celles des cellules des plus âgées : des 
yeux attentifs peuvent en voir d’autres. Celle des 
premières ressemble plus à de la bouillie, elle est 
plus blanchâtre; et celle des dernières ressemble 
plus à de la gelée; le blanc en a disparu, elle est 
transparente, et elle tire tantôt sur le jaunâtre et 
tantôt sur le verdâtre. Enfin, la matière des cellules 
des larves d’un âge moyen, est d’une couleur moyenne 
entre les couleurs de celles des autres. Il semble 
que ce soit par degrés que les ouvrières conduisent 
les larves à être en état dese nourrir de miel. » 
Nous avons vu jusqu'ici la larve roulée en anneau. 
Il vient un temps, dit le même auteur, où elle doit 
se trouver mal à son aise dans cette position, où 
elle doit chercher à s’alonger. Ce temps arrive quand 
sa métamorphose en nymphe est proche. C'est aussi 
alors que les ouvrières, qui jusque-là lui avaient 
apporté des alimens convenables, cessent de lui en 
donner qui lui seraient inutiles. Elles connaissent 
qu'elle n'a plus besoin de manger, et elles songent 
à la mettre hors du risque d’être inquiétée dans son 
alvéole, où elle ne doit plus même avoir de com- 
munication avec l'air extérieur. Le dernier des soins 
qu’elles prennent d'elle, est de la renfermer dans sa 
petite loge, d’en murer l’ouverture avec de la cire. 
Plusieurs Abeilles travaillent à la fois, ou les unes 
après les autres, à faire un couvercle‘de cire à la 
cellule, et à l'appliquer exactement sur les bords, 
ceux-ci lui servant d'appui. Ainsi la larve se trouve 
renfermée dans une espèce deboîte de ciré scelléeher- 
métiquement. La façon de ces couvercles est la même 
qu’elles ont employée pour ceux des cellules à miel. 


298 HISTOIRE NATURELLE 


» 


» 


» 


> 


» C’est après que la larve a été ainsi renfermée dans 
sa cellule, qu’elle se déroule, se redresse et s’allonge. 
Jusque-là elle n'avait eu d’autres soins que de man:- 
ger : les besoins de son état futur demandent qu’elle 
commence à travailler. La peau, qui la couvrira 
comme nymphe , est apparemment plus délicate 
que celle qui la couvre pendant qu'elle est larve : 
elle ne doit pas être exposée, lorsqu'elle est nou- 
velle et excessivement tendre, à toucher immédia- 
tement les parois de la cellule. La larve les tapisse 
de soie : elle sait filer, comme le savent certaines che- 
nilles....,. La toile de soie, filée par elle , est extré- 
mement fine et serrée; elle suit exactement toutes 
les faces et les angles de la cellule, à laquelle elle 
sert, pour ainsi dire, de chemise. On pourrait très- 
bien ne pas s’apercevoir qu’une cellule est tapissée 
de cette toile, si or se contentait de lui ôter son 
couvercle et d'en considérer le dedans sans le se- 
cours d'aucune loupe. Mais si l’on vient à briser un 
gâteau rempli de cellules , dont chacune a une nym- 
phe, et fermées de leurs couvercles de cire, les cas- 
sures du gâteau font voir plusieurs cellules ouvertes 
longitudinalement , et on remarque que la nymphée 
de chacune d’elles ne paraît qu'au travers d’urie pel- 
licule roussâtre , qui n’a rien de commun avec les 
parois de cire qui ont été rompues : plus flexible, 
et d’ailleurs forte, elle s’est décoilée de dessus la 
portion de la cellule qui a été emportée par le dé- 
chirement. » 

Chaque larve, qui va devenir nymphe dans une cel- 


lule, la tapisse ainsi d’une nouvelle tenture , et comme 
dans une année, et à plus forte raison dans l'espace 
de plusieurs, bien des larves subissent cette métamor- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 209 
phose dans une même cellule, ces alvéoles reçoivent 
successivement bien des toiles de soie. « Mais elles 
» sont si minces qu'il en faut un grand nombre, avant 
» que le logement en soit rendu sensiblement plus 
» étroit... M. Muraldi à cru que chaque pellicule 
» était la dépouille que la larve y avait laissée, lors- 
» qu’elle s'était transformée. I] n'avait pas assez réflé- 
» chi combien il eût été difficile que cette peau se füt 
» moulée exactement sur les angles que forment les 
» pans del’hexagone : car il n’y aque le fond de la cel- 
» lule qui prenne un peu de rondeur , et où les arêtes 
» des angles soient eflacées par les toiles. Au reste, 
» sil eüt ouvert plusieurs cellules houchées récem- 
» ment, il devait parvenir à en observer dont linté- 
» rieur eût été tapissé, quoique la larve eût encore 
» sa première forme : il aurait même pu surprendre 
» la larve à filer. Enfin, si l’on examine au micros- 
» cope, ou seulement avec une forte loupe, cette pel- 
» licule, malgré son tissu serré, on reconnaît qu'elle 
» est faite de fils très-déliés, appliqués les uns contre 
» les autres, et que sa structure est toute autre que 
» celle d’une peau. » 1 

Mais les cellules, dont nous avons jusqu'à présent 
décrit la construction, ne servent qu'à l'éducation des 
mâles et des ouvrières ou femelles infécondes, ou 
comme magasins de provisions. Cependant il en est 
d’autres dont ni la situation, ni les dimensions ne sont 
les mêmes. Elles sont aussi infiniment moins nom- 
breuses, et servent uniquement à l’éducation des fe- 
melles fécondes. Or il n’y a ordinairement qu’une 
femelle féconde dans une ruche, et lorsqu'il y en a 
plusieurs, ou elles sont, excepté une, encore renfer- 
mées dans les cellules qui les ont vues éclore, ou si elles 


300 HISTOIRE NATURELLE 


sont libres, cet état de choses durera à peine quel- 
ques heures, et des combats à mort entre elles ramè- 
neront bientôt l’état normal , qui ne veut qu’une seule 
femelle actuellement pondante ou susceptible de pon- 
dre, pour une société d'Abeilles. C’est cette femelle 
remarquable qui entretient par sa fécondité la popu- 
lation de la ruche, et même fournit celle des colonies 
que celle-ci doit produire , et qu’elle produit de fait, 
ordinairement tous les ans , au nombre de une à trois, 
et quelquefois de quatre, cinq, six et sept. On voit 
par-là combien cette mère est précieuse à sa ruche. 
Aussi est-elle extrêmement chère aux ouvrières, dès 
que sa fécondité leur est prouvée. Les preuves de cet 
attachement se trouvent dans les faits suivans : 1° si 
l’Abeille féconde sort de la ruche, elle est suivie par 
toute la population présente alors dans la ruche, et 
susceptible de voler : là où s'arrête cette femelle, 
toutes les Abeilles sorties avec elle s’y fixent. Cela est 
au point, qu'en saisissant cette femelle et donnant aux 
Abeilles le temps de s’apercevoir (probablement par 
l'odorat ; il est de fait qu’elles n’ont besoin pour cela 
ni de la voir, ni de la toucher) qu'on la porte, on peut 
se faire suivre par la colonie entière. Le père Labban 
rapporte un fait qui le prouve, dans sa Relation de 
l'Afrique occidentale , 3° volume, p. 316, et j'ai ré- 
pété moi-même cette expérience, en me faisant suivre 
dans un jardin par un essaim, dont je tenais la fe- 
melle féconde prisonniere dans une pince de gaze 
opaque, après m'en être emparé à sa sortie de la ru- 
che. 2° Les ouvrières qui arrivent de la récolte, et qui 
passent près de l’Abeille féconde, s'empressent de lui 
offrir, au bout de leur trompe, une ou plusieurs gout- 
tes de miel frais , qu’elles dégorgent à cet eflet, comme 


DES HYMÉNOPTÈRES. JO 
nous avons vu plus haut qu’elles en ont la faculté. 
3° Elles accompagnent , dans ses promenades à l’inté- 
rieur, cette femelle féconde. Il se fait autour d'elle, 
lorsqu'elle marche dans la ruche , une espèce de cercle, 
composé souvent de plus de trente Abeilles. Celles 
vers lesquelies elle se dirige, s'ouvrent à mesure qu'il 
en est besoin pour lui laisser le passage libre. Quel- 
ques-unes s’approchent davantage et la lèchent avec 
leur trompe. Il est rare , lorsqu'on aperçoit cette mère 
dans la ruche, qu’on ne la trouve pas accompagnée 
d'un pareil cortége, ce qui ne laisse aucun doute sur 
la bienveillance, en quelque sorte respectueuse, que 
toutes les ouvrières éprouvent pour elle. 

Nous avons déjà dit que la mère ou femelle féconde 
est plus longue et plus grosse que les autres Abeilles, 
et nous verrons que cela était nécessaire pour qu’elle 
pût concevoir tous les êtres auxquels elle doit donner 
la vie. L’alvéole étant le berceau dans lequel l'individu 
devient Insecte parfait, et où par conséquent il doit 
prendre toute sa taille, nous nous rendons parfaite- 
ment compte de la raison pour laquelle les alvéoles , où 
seront élevées des femelles destinées à être fécondes, 
seront plus longs et plus grands que ceux construits 
pour les ouvrières. Mais nous ne découvrons nullement 
pourquoi ils sont d’une autre forme , ni pourquoi leur 
direction est opposée à celle des cellules ordinaires. 
Celles-ci sont étendues horizontalement ; leur coupe 
horizontale parcourt toute leur longueur, tandis que 
celles, destinées aux mères, sont perpendiculaires dans 
le sens de leur longueur. Elles ne sont hexagones, ni à 
l'extérieur ni à l’intérieur, comme doivent l'être toutes 
les autres : leur intérieur est une espèce de dé arrondi, 
et l'extérieur représente une espèce de tube qui va un 


302 HISTOIRE NATURELLE 


peu en s’amincissant en s'éloignant de sa base. « La 


» 


» 


LA 


» 


» 


» 


cire, dit Réaumur , qui est employée avec une éco- 
nomie géométrique dans la construction des cellules 
bexagones, est employée avec profusion dans celle 
des logemens où les mères doivent être élevées; j'ai 
pesé une de ces cellules contre des cellules hexa- 
gones, et j'ai vu qu'il en fallait environ cent de ces 
dernières pour égaler le poids de l’autre. Cepen- 
dant celle-ci n’était pas encore finie, elle n'avait 
pas toute sa longueur , et je crois qu’il y en a telle 
qui pèse autant que cent cinquante cellules ordi- 


» naires..... Les Abeilles ne paraissent pas non plus 


» 


» 


» 


chercher à ménager le terrain, quand il s’agit de 
placer le berceau d’une mère. C’est quelquefois sur 
le milieu même d’un gâteau qu'elles le posent ; plu- 
sieurs cellules communes sont sacrifiées à lui servir 
de base et de support. 

» Le plus souvent les cellules des mères pendent du 
bord inférieur d’un gâteau, comme les stalactites 
à la voûte des cavernes. D’autres pendent le long 
d'un des côtés d’un gâteau qui ne touche pas à la 
ruche : ce qui paraît très-constant , c’est que leur 
gros bout est en haut, et que leur longueur, leur axe 
est dans un plan vertical, de sorte que leur lon- 
gueur est presque perpendiculaire à celle des cel- 
lules ordinaires. Il s'ensuit de cette position une 
singularité : c’est que la nymphe qui doit se trans- 
former en femelle féconde, est tout autrement posée 
que la nymphe qui doit devenir une femelle ou- 
vrière et que celle qui deviendra un mâle. La nym- 
phe de la femelle a précisément la tête en bas, pen- 
dant que les autres l’ont posée horizontalement et 
même un peu en haut. Quand une cellule de mère 


DES HYMÉNOPTÈRES. 303 


» n’est encore que commencée , elle a assez la figure 
d’un gobelet, ou plus précisément celle d’un de ces 
calices destinés à contenir un gland , et d’où le gland 
est sorti : quelquefois ce calice a un pédicule. Mais 
» à mesure que les ouvrières prolongent la cellule, 
» elles lui font perdre cette figure. Loin de la tenir 
» évasée, elles la rétrécissent de plus en plus, de 


A 


ÿ 


x 


» sorte que le bout inférieur est plus mince que le 
» supérieur. Elles laissent ce bout inférieur ouvert, 
» jusqu'a ce que la larve, qui est dedans , soit prête à 
» se métamorphoser. Elles donnent à plusieurs de 
» ces cellules jusqu'à quinze à seize lignes de longe. 
» La surface de celle qui n’est qu'ébauchée, est assez 
» souvent lisse : par la suite elle devient raboteuse : 
» il semble que les ouvrières l’aient sculptée en espèce 
» de guillochis. Les cordons qui forment ce guillochis, 
» sont les fondations grossières des cellules ordinaires.» 

C’est donc dans ces cellules, plus longues et plus 
solides que les autres et d’une autre forme, que la Mère- 
Abeille pond un œuf, dont l'embryon étant du sexe 
féminin, produira une larve à laquelle sa nourriture, 
fournie journellement par les ouvrières, donnera la 
fécondité, c’est-à-dire qui sera elle-même féconde à 
l’état parfait, après sa jonction avec un mâle. Réaumur 
paraît croire que les œufs d’où proviennent des mères 
sont autres que ceux qui produisent des ouvrières ; 
cependant il n'indique entre eux aucune espèce de 
différence. Des expériences, que nous rapporterons 
plus tard, prouveront suffisamment que les œufs, qui 
produisent les deux modifications féconde et infé- 
conde du sexe féminin, sont les mêmes, et que 
les individus qui en proviennent, ne doivent qu’à 
la nourriture, pendant l’état de larves, les diffé- 


304 HISTOIRE NATURELLE 


rences de forme et de facultés qui les distinguent. 

Cette nourriture particulière est une espèce de ge- 
lée , qu'on ne trouve dans les ruches, que lorsque des 
cellules de la forme que nous venons de décrire en 
dernier, y ont été construites, et qu'elles contiennent 
des œufs prêts à éclore ou des larves qui n’ont pas 
encore atteint entièrement la taille à laquelle elles 
doivent parvenir. Cette gelée est déposée dans des 
cellules particulières. On sait que les ouvrières la 
préparent, ou qu’elles la récoltent ; on ignore jusqu'à 
présent lequel des deux , et sa composition est incon- 
nue. À l’époque où l’on donnait aux Mères-A beilles le 
nom de reines, la gelée qui ne sert d’alimens qu'aux 
larves de celles-ci, était appelée gelée royale. Nous 
l’appellerons seulement gelée prolifique, à cause de 
l'effet incontestable qu'elle produit. Dès que l'œuf, 
pondu dans une des grandes cellules, est éclos, les 
ouvrières entourent la larve nouvelle d’une ample 
provision de cette gelée, qu’elles continuent de lui 
fournir tout le temps qu’elle peut en avoir besoin, et 
pendant lequel elle prend sa croissance. Lorsque la 
larve est parvenue à ee terme, les ouvrières ferment 
la cellule d’un couvercle de cire, et les larves filent 
ensuite leur coque dans cette cellule fermée. Mais, au 
lieu de revêtir de soie toutes les parois, comme nous 
avons vu que le font les larves des ouvrières et des 
mâles , elles ne font que des coques incomplètes, c’est- 
à-dire qu’elles n’en garnissent que les parties qui en- 
veloppent la tête, le corselet et le premier segment de 
l'abdomen. Ge fait est remarquable, et nous aurons 
occasion d'en donner l'explication, d’après les expé- 
riences de M. Huber, en parlant des circonstances 
qui accompagnent et suivent l'émission des essaims. 


DES HYMÉNOPTÈRES, 305 


Il peut être utile aux naturalistes observateurs, et 


même aux économistes qui voudraient faire de nou- 
velles expériences sur les mœurs des Abeilles, de 
savoir combien chaque sorte dé larves reste de temps 
dans chacun de ses premiers états. M. Huber ayant 
fait sur ce sujet des observations exactes , nous allons 
en rapporter ici le résultat. 


» 


> 


» 


» 


« Larve d'ouvrière. Trois jours dans l’état d'œuf; 
cinq jours dans l’état de larve, au bout desquels 
les ouvrières ferment sa cellule d’un couvercle de 
cire. La larve commence alors à filer sa coque de 
soie; elle emploie trente-six heures à cet ouvrage 
Trois jours après elle se métamorphose en nymphe, 
et passe sept jours et demi sous cette forme : elle 
n'arrive donc à son dernier état d'Abeille parfaite 
que le vingtième jour de sa vie, à dater de l'instant 
où l'œuf dont elle sort a été pondu. 

» Larve de l’ Abeille qui doit devenir féconde. Elle 
passe également trois jours sous la forme d'œuf, et 
cinq sous celle de larve. Après ces huit jours, les 
Abeilles ferment sa cellule, et elle commence de 
suite à filer sa coque, opération qui l’occupe vingt- 
quatre heures. Elle reste dans uu parfait repos le 
dixième et le onzième jour, et même les seize pre- 
mières heures du douzième : à cette époque elle 
se transforme en nymphe, et passe quatre jours et 
un tiers sous cette forme. C’est donc dans le seizième 
jour de sa vie qu’elle arrive à l’état parfait. 

» Larve méle. Trois jours dans l’état d'œuf, six et 
demi sous la forme de larve. Elle ne se métamor- 
phose en Insecte parfait que le vingt-quatrième jour 
après sa naissance, en datant également du jour où 
l'œuf dont elle sort, a été pondu. » 


HYMÉNOPTÈRES , TOME I. 20 


306 HISTOIRE NATURELLE 


Les fonctions de l’Abeille femelle féconde, ou 
mère, élant de pondre une immense quantité d'œufs, 
pour maintenir toujours en nombre suffisant la popu- 
lation de la ruche, et même de fournir un excédant à 
cette population, lequel excédant en sort pour former 
de nouvelles colonies, nous devons ici décrire les or- 
ganes intérieurs qui fournissent à cette surprenante 
fécondité, et nous emprunterons à l’exact Réaumur la 
description qu'il en a faite d’après une figure emprun- 
tée à Swammerdam , et dont il avait revu avec soin les 
détails surlanature.On sent que, pour vérifierles objets 
que nous allons détailler, il faut avoir recours à la dis- 
section et d’abord à l'ouverture del’abdomen ; maisil est 
aussi bon de faire tremper cet abdomen pendant quel- 
que Lemps dans l’esprit-de-vin, pour donner un peu 
plus de solidité aux parties intérieures. On sentira 
parfaitement encore que, pour parvenir à distinguer 
d'aussi petits objets , l’œil doit être armé d’une forte 
lentille. On ouvre les tégumens du ventre, on les 
développe sur le côté, l’on écarte doucement le corps 
graisseux qui ne présente pas d'organisation particu- 
lière, et alors on découvre l'appareil de la géné- 
ration. 

« Les œufs de la Mère-Abeille, dit notre auteur, 
» comme ceux de tant d’autres [nsectes, sont distri- 
» hués en deux ovaires, dont l’un est à droite et l’au- 
» tre à gauche... Chaque ovaire est un assemblage 
» de vaisseaux qui tirent tous leur origine d’un même 
» endroit, qui vont tous aboutir à un canal commun, 
» et qui tous sont remplis d'œufs dans le temps de la 
» ponte. J'ai cru observer une espèce de réservoir 
» charnu, un vaisseau extrêmement gros en compa- 
» raison de ceux qui composent l'ovaire, d'où tous 


LA 


LES HYMÉNOPTÈRES. 307 


ceux-ci partent. Quand on ouvre une mère dans des 
temps éloignés de sa ponte, comme j'en ai ouvert, alors 
les vaisseaux de chaque ovaire ne forment qu'une 
espèce d’écheveau , ou plutôt de paquets de fil posés 


les uns contre les autres... Au moyen d'une loupe 


très-forte, on y aperçoit pourtant de petites inéga- 
lités, on voit à chaque fil de petits nœuds. Mais 
quand l’Abeille est en pleine ponte, son corps semble 
être rempli d’un nombre prodigieux de différentes 
files d'œufs, qui de l’antérieur du corps se rendent 
à la partie postérieure. Les œufs, les plus proches 
de celle-ci, sont longs, et tels que ceux qu’on ob- 
serve dans les alvéoles ; mais ceux qui sont plus près 
de la partie antérieure, sont plus courts. Ceux qui 
sont à la base de chaque file, sont très-petits , et on 
a besoin de la loupe pour les voir... Enfin, toutes 
les files d'œufs , tous les vaisseaux d’un même ovaire 
aboutissent par le bout où les œufs sont les plus 
longs et les mieux formés, et s’abouchent à un vais- 
seau beaucoup plus grand, dans lequel ils se dé- 
chargent de leurs œufs. Comme il y a deux ovaires, 
il y a donc deux grands canaux ou conduits qui se 
rendent à un grand canal commun. À cette cavité, 
dans laquelle tous les œufs de la Mère- Abeille se 
rendent , tient un petit corps sphérique dont l’usage 
n’est pas encore déterminé... 

» Ce que chaque ovaire des Mères - Abeilles à de 
plus remarquable , c’est le nombre des vaisseaux à 
œufs dont il est composé. Swammerdam ayant tenté 
inutilement de les compter tous, à cause dela quan- 
tilé prodigieuse de trachées qui les tiennent liés, 
n'a pas cru courir le risque de se tromper en assu- 
rant que chaque ovaire avait plus de cent cinquante 


20. 


308 HISTOIRE NATURELLE 


» vaisseaux destinés à contenir des œufs. Si le nom- 

» bre de ces vaisseaux est ici considérablement plus 

» grand qu'il ne l'est dans les ovaires de beaucoup 

» d’autres Insectes, les vaisseaux sont plus courts. 

» Swammerdam a pourtant compté dans chacun de 

» ceux d’une Abeille dix-sept œufs. Chaque ovaire 
» avait donc cent cinquante fois dix-sept œufs, ou 

» deux mille cinq cent cinquante œufs, et les deux 

» ovaires en renferment bien cinq mille cent. On ne 
» doit plus avoir de peine à accorder qu'une Mère- 

» Abeille puisse mettre au jour, en sept à huit se- 
» maines, dix à douze mille Abeilles ou davantage, 

» lorsqu'on peut lui compter cinq mille cent œufs à 
» la fois; car on imagine aisément que le nombre de 
» ceux qui ne sont pas visibles, qui grossiront pen- 

» dant que les autres seront pondus, et prendront 
» leur place dans les vaisseaux de l'ovaire, que le 
» nombre de ces œufs, dis-je, qui échappent à nos 
» yeux par leur petitesse, surpasse plusieurs fois le 
nombre des autres. » 

Nous avons suivi l’œuf descendu des filamens de 
l'ovaire, jusqu’au grand canal commun, qui les recoit 
des conduits particuliers à chaque ovaire; mais là il 
n'est pas encore dehors du corps, et Swammerdam 
ni Réaumur n'avaient pu découvrir l'issue de la vulve. 

Le premier seulement avait remarqué que ce canal 
excrétoire des œufs forme un renflement musculeux à 
l'endroit où il approche du dernier segment ou anus ; 

qu'ensuite il se rétrécit et se dilate de nouveau en de- 
venant membraneux. Il ne put le suivre plus loin, 
mais il lui sembla que la vulve s'ouvre dans le der- 

nier segment sous l’aiguillon. Ce qui avait échappé 

à Swammerdam, Huber, mis sur la voie par cet au- 


D 


A4 


DES HYMÉNOPTÈRES, 309 


teur, l’a observé, et il en donne ainsi les détails : 
« Nous primes dans une ruche une mère très-féconde ; 
» la tenant délicatement par les ailes, et renversée, 
» tout le ventre était à découvert; elle en saisit l’ex- 
» trémité avec les jambes de la seconde paire, et, l’a- 
» menant par ce moyen du côté de la tête, elle le 
» courba autant qu’elle put et prit la forme d’un arc. 
» Cette attitude nous paraissant contraire à la ponte, 
» nous la forcâämes, par le moyen d’une paille, à en 
» prendre une plus naturelle et à redresser son abdo- 
» men. Cette mère, pressée de pondre, ne put rete- 
» nir ses œufs plus long-temps; nous lui vimes faire 
» un dernier effort et alonger son abdomen. La partie 
» inférieure de l’anus s’écartait assez de la supérieure 
» pour laisser une ouverture, qui mît à découvert une 
» partie de la capacité interne du ventre. Nous vimes 
» l’aiguillon dans son étui dans la partie supérieure 
» de cette cavité. La mère fit alors de nouveaux efforts, 
» et nous vimes un œuf sortir du bout du canal de 
» l'ovaire, et s’élancer dans la cavité dont nous avons 
» parlé; puis les lèvres se refermèrent, et ce ne fut 
» qu'après quelques instans qu’elles se rouvrirent bien 
» moins que la première fois, et suffisamment pour 
» laisser sortir l'œuf que nous avions vu tomber dans 
» cette cavité. » Dans l’action naturelle de pondre, 
l'œuf arrive dans la cavité de l’anus, revêtu d’une li- 
queur visqueuse, il glisse sur la partie interne de la 
lèvre inférieure de l'anus faite en gouttière, et son bout 
le moins gros, le moins obtus, sortant le premier, il 
reste droit sur ce bout , et fixé par la liqueur gluante. 

Mais, pour que les œufs, ainsi pondus, soient fé- 
conds, il faut que la mère qui les pond, ait été accou- 
plée, et cet accouplement n’est chose si simple qu'il 


310 HISTOIRE NATURELLE 


n'ait donné matière à plusieurs systèmes sur la fécon- 
dation des œufs. Quoiqu'il y ait dans les ruches, au 
moment où cet événement doit avoir lieu, plusieurs 
milliers de mâles, aucun observateur n’a vu l’accouple- 
ment, non pas même Huber, qui cependant a prouvé 
d’une manière incontestable qu’il avait lieu, et en a dé- 
terminé le lieu et diverses circonstances intéressantes. 
« Swammerdam ; qui avait observéles Abeilles avec 
une assiduité constante, et qui n'était jamais par- 
» venu à voir un accouplement entre un mâle et une 
» femelle; se persuada que celui-ci n’était pas né- 
» cessaire à la fécondation des œufs; mais, comme 
» il remarqua que les mâles exhalent en certains 
» temps une odeur très-forte, il s’imagina que cette 
» odeur était une émanation de l’aura seminalis, ou 
» l'aura seminalis elle-même, qui, en pénétrant le 
» corps de la femelle, y opérait la fécondation. 1] se 
» confirma dans sa conjecture lorsqu'il vint à disséquer 
» les organes de la fécondation dans les mâles ; il fut si 
» frappé de la disproportion qu'ils présentent , com- 
» parés aux organes de la femelle, qu'il ne crut pas 
» la copulation possible. Il y a souvent quinze cents 
» ou deux mille mâles dans une ruche; et, suivant 
» Swammerdam, il fallait bien qu'ils y fussent en aussi 
» grand nombre , pour que l’'émanation qu'ils répan- 
» dent, eût une intensité suffisante à la fécondation. 
» Pour vérifier ou détruire cette opinion d'une ma- 
nière décisive, il fallait enfermer tous les mâles d’une 
ruche dans une boite percée de trous très-fins, qui 
» donnassent passage à l’émanation de l'odeur, sans 
» laisser passer les organes mêmes de la génération ; 
» placer cette boite dans une ruche bien peuplée , mais 
»“ exactement privée de mâles, et ayant une des 


DES HYMÉNOPTÈRES. 311 


» Abeilles destinées à pondre nouvellement née, et 
» n'ayant pu communiquer avec les mâles. Si celle-ci 
» devenait mère et pondait des œufs féconds, l’hypo- 
» thèse de Swammerdam acquérait beaucoup de vrai- 
» semblance. Huber fit l'expérience telle qu’elle vient 
» d’être indiquée, avec toutes les précautions possi- 
bles, et la jeune mère resta inféconde. Il est donc 
certain que l’émanation de l’odeur des mâles ne suffit 
» pas à la féconder. 

» Réaumur avait une autre opinion: il croyait que 
la fécondité de la mère était la suite d’un accouple- 
ment réel ; il enferma quelques mâles avec une mère 


L2 


= 


= 


» vierge; il vit cette femelle faire beaucoup d’agace- 
» ries aux mâles ; cependant, commeil n’aperçut point 
» de jonction assez intime, pour qu'il pût l’appeler 
» un véritable accouplement, il ne prononça point et 
» laissa la question indécise. Huber répéta cette ob- 
» servation à diverses fois ;.. 1l crut même voir entre 
» la femelle et un dés mâles une espèce de jonction, 
» mais si courte et siimparfaite, qu'il n'était pas vrai- 
» semblable qu’elle pût opérer la fécondation. Cepen- 
» dant , comme il ne voulait rien négliger, il prit le 
» parti d'enfermer dans sa ruche la jeune mère qui 
» avait souflert les approches du mâle, et de l’ob- 
» server quelques jours, pour voir si elle serait deve- 
» nue féconde. Sa prison dura plus d’un mois, et dans 
» tout cet espace detemps, elle ne pon{it pas un seul 
» œuf : elle était donc stérile. Ces jonctions instanta- 
» nées n'opérent pas la fécondation. 

» M. de Braw, naturaliste, qui a consigné ses expé- 
» riences dans le 67° volume des Transactions philo- 
sophiques, favorisé par le hasard, aperçut un jour, 
au fond de quelques cellules où il y avait des œufs, 


L2 


312 HISTOIRE NATURELLE 


» une liqueur blanchâtre, en apparence spermatique, 
fort distincte, au moins, de la gelée que les ou- 
vrières rassemblent ordinairement autour des larves 
» nouvellement écloses. Il fut curieux d’en connaître 
» l’origine, et, comme il conjectura que c'étaient des 
» gouttes de la liqueur prolifique des mâles, il entre- 
» prit de veiller, dans une de ses ruches, tous les 
» mouvemens de ceux-ci, pour les surprendre au mo- 
» ment où ils arroseraient les œufs. Il assure qu'il ne 
» tarda pas à en voir plusieurs qui insinuaient la par- 
» tie postérieure de leur corps dans les cellules, et 
» qui y déposaient leur liqueur. Il renferma aussi un 
» certain nombre d’ouvrières, dans des cloches de 
» verre, avec une mère et quelques mâles; il leur 
» donna des parcelles de gâteaux, où il n’y avait 
» que du miel et point de couvain, et il vit cette 
» mère pondre des œufs, que les mâles arrosèrent , et 
» dont il sortit des larves. Lorsqu’au contraire il ne 
» renferma point de mâles dans la prison où il tenait 
» la mère, cette femelle ne pondit point, ou ne dé- 
» posa que des œufs stériles. Il n’hésita plus à donner 
» comme unfait démontré , que les mâles des Abeilles 
» fécondent les œufs de la mère à la manière des pois- 
» sons et des grenouilles, c’est-à-dire extérieurement, 
» et après qu'ils sont pondus..... Il restait une objec- 
» tion bien forte, à laquelle l’auteur avait négligé de 
» répondre. Il naît des larves dans les ruches, lors- 
» qu’il n’y a point de mâles. Depuis le mois de sep- 
» tembre, jusqu’en avril, les ruches sont pour l'ordi- 
» naire privées de mâles, et, malgré leur absence, 
» les œufs que la mère pond dans cet intervalle, ne 
sont passtériles : ils n’ont donc pas besoin, pour être 
» fécondés , d’être arrosés de liqueur prolifique. Pour 


= 


LA 


LA 


> 


DES HYMÉNOPTÈRES. 313 
découvrir la vérité au milieu de ces faits, en appa- 
rence si contradictoires, Huber résolut de répéter les 
expériences de M. de Braw, et d’y apporter plus de 
précautions qu'il ne paraissait y en avoir mis lui- 
même. Il chercha, dans les cellules qui contenaient 
des œufs, cette liqueur dont il parle, et qu'il pre- 
nait pour des gouttes de sperme. Il trouva plusieurs 
cellules dans lesquelles effectivement il y avait une 
apparence de liqueur, et, les premiers jours où il fit 
cette expérience, il n'eut aucun doute sur la réalitéde 
la découverte de M. de Braw ; mais ensuite il reconnut 
qu'il y avait ici illusion, causée par la réflexion des 
rayons de lumière ; car il ne pouvait apercevoir de 
ces traces de liqueur, lorsque le soleil dardait ses 
rayons au fond des cellules. Ce fond est ordinaire- 
ment tapissé des débris de différentes coques des 
larves qui y sont écloses successivement : ces coques 
sont assez brillantes, et l’on conçoit que, lorsqu'elles 
sont fortement éclairées, il en résulte un effet de 
lumière, sur lequel il est facile de se tromper. Il dé- 
tacha les cellules qui présentaient ce phénomène, 
les coupa en tous sens, et vit alors très-clairement 
qu'il n’y avait pas la plus petite trace de liqueur. 
Poursuivant la répétition des expériences de M. de 
Braw, il baigna une ruche (1); il examina, avec la plus 


(1) Dans cette opération, on plonge sous l’eau d’un baquet, une 


ruche entière et toute sa population; on l'y retient quelque temps. 
Lorsqu'on les en retire, les Abeilles ont toutes l'apparence d'être 
mortes. On peut les toucher, les manier à volonté: toutes les fe- 
melles ont leur aiguillon sorti, en sorte que l’on distingue facile- 
ment ieur sexe. Exposées au soleil et à la chaleur, ces mêmes 
Abeilles reprennent la vie et toutes leurs facultés. Cette opération, 
employée par Huber, donne beaucoup plus de poids aux résultats 
de ces expériences. 


314 HISTOIRE NATURELLE 


scrupuleuse attention, toutes les Abeilles péndant 
qu'elles étaient dans le bain, vérifia qu'il n'yavait 
aucun mâle, visita tous les gâteaux, et s’assura qu’il 
n'y avait aucune nymphe, ni larve de mâles. Lors- 
que les Abeilles furent séchées , il les replaça toutes 
avec leur mère dans leur habitation; puis transporta 
cette ruche dans son cabinet. Désirant que ces 
Abeilles pussent jouir de la liberté, il ne les en- 
ferma point : elles allèrent donc dans la campagne; 
mais, attendu qu'il fallait s'assurer que, pendant 
tout le temps de l’expérience , il ne s’introduirait 
aucun mâle dans la ruche, il adapta à son entrée un 
canal vitré, tel que deux Abeilles seulement pou- 
vaient y passer à la fois; il veilla attentivement sur 
ce canal pendant les quatre ou cinq jours que l’ex- 
périence devait durer. Il ne se présenta pas un seul 
mâle, et cependant la mère pondit, dès le premier 
jour, quatorze œufs dans des cellules d'ouvrières, 
et toutes ces larves furent écloses quatre jours 
après... Puisque ces œufs furent féconds, il est 
très-sûr que, pour éclore , ils n’ont pas besoin d’être 
arrosés de la liqueur des mâles. Mais on pouvait 
objecter que les Abeilles privées de leurs mâles 
savent peut-être chercher ceux qui habitent d'au- 
tres ruches, leur enlever la liqueur fécondante, et 
la rapporter dans leur propre domicile, pour la dé- 
poser sur les œufs. Il répéta donc l'expérience pré- 
cédente, en prenant la précaution d’enfermer les 
Abeilles dans leur ruche si exactement, qu'aucune 
d'elles ne put sortir. Il s'était assuré par le bain 
qu'il n’y avait aucun mâle. Elles furent prisonnières 
penlant quatre jours, et au bout de ce temps, il 
trouva , sur léur lit dé gelée , quarante petites larves 


DES HYMENOPTÈRES. 315 


écloses. Il baigna alors une seconde fois cette ruche, 
et s’assura qu'aucun mâle n'y était resté, en exa- 
minant une à une toutes les Abeilles. Il n’y en eut 
pas une seule qui ne montrât son aiguillon. Ce ré: 
sultat, si conforme à celui de la première expé- 
rience, démontrait que les œufs de la Mère-Abeille 
ne sont pas fécondés extérieurement. M. de Braw 
s’est probablement servi de femelles dont il ne con- 
naissait pas l’histoire, sans s'assurer si elles s'étaient 
ou non accouplées auparavant. Sans le savoir, il 
s'était servi de mères qui avaient eu commerce avec 
un mâle. 

» Les observateurs de Lusace, et en particulier 
M. Hattorf, ont cru que la Mère-Abeille est féconde 
par elle-même sans le concours des mâles. Voici le 
précis de l’expérience sur laquelle ils se fondent : 
M. Hattorf prit une jeune mère, sur la virginité de 
laquelle il ne pouvait avoir de doute; il lenferma 
dans une ruche, dont il exclut tous les mâles de la 
grande et de la petite taille (1), et, quelques jours 
après , il y trouva des œufs et des larves. Il prétend 
que, dans le cours de cette expérience, ilne s’intro- 
duisit aucun mâle, et comme, malgré leur absence, 
la mère pondit des œufs féconds, il en conclut 
qu’elle est féconde par elle-même. Huber répéta, 
pour la vérifier, l'expérience de M. Hattorf, en lais- 
sant aux Abeilles une entière liberté. Quelques jours 
après il visita la ruche et y trouva des larves écloses. 


(1) 1] naît des mâles d’une taille plus petite que l’erdinaire dans 


les ruches qui ne sont pas pourvues, au moment de la ponte de 
ceux-ci, d’an nombre suflisant de cellules à males. A lors la femeile 
dépose des œufs de mâles dans des cellules d'ouvrières, où les larves 
prennent une moindre taille 


316 HISTOIRE NATURELLE 


>: 


3 


> 


LA 


Mais, pour tirer la même conclusion que cet obser- 
vateur, il fallait s'assurer qu'il ne s’y était introduit 
aucun mâle. Il baigna la ruche, et examina les 
Abeilles une à une, et, après une recherche atten- 
tive , il trouva quatre petits mâles. Il ne suffit donc 
pas, en disposant l'appareil, d'enlever tous les 
mâles , il faut empêcher leur introduction par un 
moyen sûr, ce qu'il avait négligé de faire. Voulant 
réparer cette omission, Huber prit une jeune mère 
vierge, la plaçca dans une ruche, enleva soigneuse- 
ment tous les mâles, et, pour être physiquement 
sûr qu'il n’en viendrait aucun, il adapta à l’ouver- 
ture de la ruche un canal vitré, dont les dimensions 
étaient telles que les ouvrières y passaient librement, 
mais trop petit pour qu’un mâle de la plus petite 
taille püt sy glisser. Les choses restèrent ainsi 
disposées pendant trente jours. Les ouvrières, 
allant et venant librement, firent tous leurs travaux 
ordinaires : mais la jeune mère resta stérile. Au bout 
de trente jours, son ventre était aussi effilé qu’au 
moment de sa naissance. Il répéta plusieurs fois 
cette expérience, et le résultat fut toujours le même. 
Ainsi donc, puisqu'une mère qu’on sépare rigou- 
reusement de tout commerce avec les mâles, reste 
stérile, il est évident qu'elle n’est pas féconde par 
elle-même. L'opinion de Hattorf est donc mal 
fondée. 

» Ainsi, en cherchant à vérifier ou à détruire par 
de nouvelles expériences, les conjectures de tous les 
observateurs qui l'avaient précédé, Huber avait 
acquis la connaissance de nouveaux faits ; mais ces 
faits étaient en apparence si contradictoires entre 
eux , qu'ils rendaient la solution du problème plus 


DES HYMÉNOPTÈRES. 317 
difficile encore. Lorsqu’en travaillant sur l'hypothèse 
de M. de Braw, il enferma une mère dans une ruche 
dont il prit soin d’écarter tous les mâles, cette mère 
ne laissa pas d’être féconde. Lorsqu’au contraire, 
examinant l’opinion de M. Hattorf, il plaça dans 
les mêmes circonstances une jeune femelle, de la 
virginité de laquelle il était parfaitement sûr , cette 
femelle resta stérile. En y réfléchissant plus atten- 
tivement, il crut que ces contradictions apparentes 
provenaient du rapprochement qu'il se permettait 
de faire entre des expériences, exécutées les unes 
sur des femelles vierges, et d’autres sur des femelles 
qu’il n'avait pas observées dès leur naïssance, et qui 
avaient peut-être été fécondées à son insu. Plein de 
cette idée, il entreprit de suivre un nouveau plan 
d'observations, non sur des mères prises au hasard 
dans ses ruches, mais sur des femelles décidément 
vierges, et dont il connaissait l’histoire depuis le 
moment de leur sortie de la cellule. Huber avait un 
très-grand nombre de ruches; il enleva toutes les 
femelles qui y régnaient, et substitua à chacune 
d'elles une reine prise au moment de sa naissance; 
il partagea ensuite ces ruches en deux classes , enle- 
vant dans celles de la première tous les mâles de la 
grande et de la petite taille, et leur adaptant un ca- 
nal vitré, assez étroit pour qu'aucun mâle ne püt 
s’y introduire, mais assez large pour queles ouvrières 
pussent entrer et sortir librement. Dans les ruches 
de la seconde classe, il laissa tous les mâles, et 
même il y en introduisit d’autres , et, ne voulant pas 
qu'ils pussent s'échapper, il donna à ces ruches, 
ainsi qu'aux premières , un canal vitré, trop étroit 
pour le passage des mâles. Ayant suivi cette expé- 


318 HISTOIRE NATURELLE 


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rience, faite en grand, pendant plus d’un mois, et 
avec beaucoup de soins, il fut fort surpris de voir, 
au bout de ce terme, toutes ses jeunes mères égale- 
ment stériles. 1l est donc parfaitement sûr que les 
Mères-Abeilles restent infécondes, même au milieu 
d’un sérail de mâles, lorsqu'on prend la précaution 
de les tenir prisonnières dans leur ruche. 

» Ce résultat le conduisit à soupconner que les fe- 
melles ne peuvent être fécondées dans l'intérieur de 
leurs habitations, et qu’il faut qu’elles sortent pour 
cela, Il était facile de s’en assurer par une expérience 
directe. Il savait que, pendant la belle saison, les 
mâles sortent ordinairement de leurs ruches à l'heure 
la plus chaude du jour. Or il était naturel de croire 
que, si les mères étaient obligées d'en sortir aussi 
pour être fécondées, elles seraient instruites à choi- 
sir le temps même de la sortie des mâles. Il se plaça 
donc avec Burnens, son secrétaire, vis-à-vis d’une 
ruche dont la jeune mère inféconde était âgée de 
cinq jours. Il était onze heures du matin; le soleil 
avait brillé depuis son lever, et l'air était très- 
chaud; les mâles commençaient à sortir de quelques 
ruches. Ils agrandirent alors l'ouverture de la porte 
de celle qu'ils voulaient observer , et fixèrent toute 
leur attention sur celte porte et sur les Abeilles qui 
en sortiraient. Ils virent d’abord paraître les mâles, 
qui prirent leur essor, dès qu'ils en eurent la liberté. 
Bientôt après, la jeune mère parut à la porte de sa 
ruche; elle ne prit pas le vol en sortant, Ils la virent 
se promener sur l'appui de cette ruche pendant 
quelques instans; elle brossait son abdomen avec 
ses jambes postérieures : les ouvrières et les mâles, 
qui sortaient de la ruche, ne lui rendaient aucun 


> 


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2 


ES HYMÉNOPTÈRES. 319 


soin, et paraissaient ne lui donner aucune atten- 
tion. La jeune mère prit enfin son vol. Quand elle 
fut à quelques pieds de sa ruche, elle se retourna, 
et s’en approcha, comme pour examiner le point 
dont elle était partie : on eût dit qu'elle jugeait 
cette précaution nécessaire pour le reconnaître à son 
retour. Elle s’en éloigna ensuite, et décrivit en vo- 
lant des cercles horizontaux à douze ou quinze pieds 
au-dessus de terre. Nos observateurs diminuèrent 
alors l'ouverture de sa ruche, pour qu’elle ne pût y 
rentrer à leur insu, et allèrent se placer au centre 
des cercles qu’elle décrivait en volant, pour être 
plus à portée de la suivre et de voir toutes ses ac- 
tions. Mais bientôt elle prit un vol rapide, et s’é- 
leva à perte de vue : aussitôt ils regagnèrent leur 
poste devant la ruche, et, au bout de sept minutes, 
ils virent la jeune mère revenir au vol et se poser à 
la porte d’une habitation dont elle n'était sortie 
qu’une fois. Ils la prirent alors dans leurs mains 
pour l’examiner , et ne lui ayant trouvé aucun signe 
de fécondation, ils la laissèrent rentrer dans sa de- 
meure. Elle y resta près d’un quart d'heure, au 
bout duquel elle reparut. Après s'être brossée 
comme la première fois, elle partit au vol, se re- 
tourna pour examiner sa ruche, et s’éleva de suite 
à une telle hauteur, qu’ils la perdirent bientôt de 
vue. Cette seconde absence fut bien plus longue 
que la première; ce ne fut qu'au bout de vingt- 
sept minutes, qu'ils la virent revenir au vol et se 
poser sur l'appui de la ruche. Ils la trouvèrent alors 
dans un état bien différent de celui où ils l'avaient 
vue au retour de sa première excursion : la partie 
postérieure de son corps était remplie d’une ma- 


320 HISTOIRE NATURELLE 


» tière blanche, épaisse et dure; les bords intérieurs 
» de sa vulve en étaient couverts ; la vulve elle-même 
» était entr'ouverte, et ils purent aisément voir que 
» sa capacité intérieure était remplie de la même ma- 
» tière. Cette substance ressemblait assez à la liqueur 
» dont sont remplies les vésicules séminales des 
» mâles; ils les trouvèrent parfaitement semblables 
entre elles , quant à la couleur et à la consistance ; 
mais il fallait, pour être sûr qu’elle fût la liqueur 
» fécondante, qu’elle opérât la fécondation. Ils lais- 
» sèrent donc rentrer cette reine dans sa demeure et 
» l'y enfermèrent. Deux jours après, ils ouvrirent la 
» ruche et eurent la preuve que la jeune mère était 
» devenue féconde. Son ventre élait sensiblement 
» grossi, et elle avait déjà pondu près de cent œufs 
» dans les cellules d’ouvrières. » Huber répéta plu- 
sieurs fois de semblables expériences, et elles eurent le 
même succès, même lorsque la jeune mère à qui il 
donnait la liberté, appartenait à une ruche où il n’y 
avait point de mâles. On conçoit qu’il n’était pas difi- 
cile à cette femelle de rejoindre en l'air ceux des autres 
ruches , lorsqu'on aura remarqué, comme nous l'avons 
fait souvent, que les mâles, à l’époque de la chaleur 
du jour, sortent tous des ruches, s'élèvent dans l'air 
à une hauteur, d’où, sans les distinguer, on entend 
distinctement leur fort bourdonnement. C’est dans la 
région où ils se jouent, pour ainsi dire, en excitant 
ce bruissement, que les jeunes femelles s'élèvent au 
moment où Huber perdait les siennes de vue; c’est 
à cette hauteur, et dans le vague de l'air, qu’elles 
trouvent la fécondité, qu’il ne leur est pas donné d’ac- 
quérir, ni sur la terre, ni sur les fleurs, ni même 
dans le secret de leur demeure. Nous avons dit plus 


> 


Y 


DES HYMÉNOPTÈRES. 321 


haut, que chaque ruche renferme au moins quinze 
cents mâles. On en voit la raison et le but de l’Auteur 
de la nature. Il n’eût pas été certain, sans cette mul- 
tiplicité , que la jeune mère püt, au temps nécessaire 
(et nous verrons que ce temps est borné), trouver un 
mâle prêt à la féconder, dans le vaste espace de l’air, 
qui peut seul être le théâtre de ses amours. 

Jusque-là Huber avait pris pour du sperme coagulé 
cette masse que la jeune femelle, qui revient à sa 
ruche, rapporte dans sa vulve entr'ouverte. Bientôt 
cependant la répétition de ces expériences et la dis- 
section des mâles lui fit reconnaître que cette masse, 
qu'il croyait inorganisée , était une partie des organes 
générateurs des mâles, dont Réaumur avait donné une 
description exacte, mais imparfaite, parce qu'ayant 
employé la pression de l'abdomen, pour en obtenirla 
sortie du corps, cet auteur ne les a vus que retournés. 
Lorsqu'on ouvre l'abdomen, voici, d'après Huber, ce 
que l’on voit de ce système générateur. Après l’ouver- 
ture, on aperçoit d’abord un corps lenticulaire, recou- 
vert à son bord postérieur par quatre lames écailleuses 
convexes , qui semblent devoir faire, dans l’accouple- 
ment , l'office de pinces ou de crochets. Ces lames sont 
de consistance. écailleuse, et disposées par paire sur 
chaque côté du corps lenticulaire. À la partie posté- 
rieure de celui-ci s'adapte un canal tortueux : si, sai- 
sissant avec une pince la lentille, on la tire faiblement 
à soi, les plis du canal s’effacent , le cordon s’allonge 
considérablement; mais, si l’on continue à tirer, le 
canal se rompt tout auprès de la lentille. Le canal 
prend origine à la jonction de deux corps oblongs 
assez gros, à qui Swammerdam donne les fonctions 
et le nom de vésicules séminales : à chacun de ces 

ZIYMÉNOPTÈRES, TOME I. 21 


322 HISTOIRE NATURELLE 


deux corps est attaché un autre corps plus mince, 
appelé par le même , vaisseau déférent , du bout du- 
quel part un vaisseau assez délié, qui, après quelques 
plis et replis, aboutit à un corps plus gros , mais dif- 
ficile à dégager des trachées qui l’environnent. 
Connaissant donc par l'anatomie les parties sexuel- 
les du mäle, Huber ayant saisi par les quatre ailes 
une jeune femelle , qui rentrait avec sa vulve entr’ou- 
verte, contenant visiblement les mêmes corps qu'en 
semblable cas il avait vus à d’autres dans ses précéden- 
tes expériences, celle-ci arracha , avec les crochets de 
ses pieds, la masse engagée dans sa vulve, qui fut 
recue par l’autre main de l'observateur. Observé atten- 
tivement, ce corps fut reconnu pour être le corps 
lenticulaire qui termine l'appareil générateur du mâle 
décrit plus haut. Cette expérience fut répétée par 
Huber nombre de fois. Il reconnut (1), pendant le sé- 
jour du corps lenticulaire dans la vulve , « que les pin- 
» ces, dont nous avons parlé dans la description de 
» ce corps , étaient implantées en dessous du canal ex- 
» crétoire des œufs de la femelle : elles pressaient 
» entre elles des parties qu'il ne put distinguer à 
» raison de leur extrême petitesse : la résistance qu'il 
» éprouva , en essayant de les détacher, ne lui permit 
» pas de douter que ces pinces ne servissent à rap- 
» procher l'extrémité de la lentille de lorifice du va- 
» gin, et à l'y tenir appliquée... Avant de déranger 
» ces parties , il les plaça au foyer d’un microscope ; 
» il vit alors une particularité qui lui avait échappé 
» jusque-là : en tirant en arrière le corps lenticulaire, 
» il sortit du vagin de la femelle une petite partie 


(1) Pour cette obseryation, l'auteur cité tua, sans leur donner le 
temps de se débarrasser de leur fardeau , des femelles qui rentraient 
chargées des preuves de la fécondité qu'elles venaient d'acquérir. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 323 


» adhérente au bout de la lentille, et placée au-dessous 
» des pinces écailleuses. Elle rentre d'elle-même dans 
» la lentille comme les cornes d’un limacon : cette 
» partie est courte, blanche et paraît cylindrique , et 
» est la seule partie, ayant de la consistance, que le 
» mâle eût introduite dans le vagin de la femelle. » 

Il est donc certain que la Mère-Abeille s’accouple 
avec un mâle, puisque, dans les débris de l’appareil 
génital du mâle, elle rapporte à la ruche les preuves 
de cet accouplement ; il est constant que ce n’est pas 
inutilement qu’il existe des mâles dans la ruche, qu'il 
était même nécessaire qu'il y en eût un grand nom- 
bre ; que cet accouplement ne peut avoir lieu que 
hors de la ruche et dans les airs (nous avons déjà vu 
qu'il s'opérait ainsi dans les Fourmis); et qu'à la fin 
de cette jonction des deux sexes , l'appareil génital du 
mâle est rompu à peu près à la base du corps lenticu- 
laire , vers l’endroit où le canal tortueux, dont nous 
avons parlé, s'abouche avec lui. 1l n’est pas douteux 
que cette mutilation ne fasse perdre la vie au mâle. 
( Poy. l'histoire du genre Anthophora. ) 

Jusqu'à l'époque de cet accouplement, la jeune 
mère n'avait pas droit et ne participait pas aux pré- 
venances des ouvrières , auxquelles sa fécondité seule 
lui donne part. De ce moment elle les obtient, et ils 
lui sont assurés pour toute sa vie. 

La jeune mère commence sa ponte quarante-six 
heures après l’accouplement. Ce sont des œufs d’ou- 
vrières qu'elle pond en premier et pendantles premiers 
onze mois de sa vie : d’abord, jusqu’à l'hiver, cette 
ponte n'est pas très-nombreuse ; elle cesse pendant 
l'hiver. Mais, dès que la douceur de l’air annonce le 
retour du printemps, la ponte de la Mère-Abeille de- 
vient plus active, et donne un surcroît de population 

21. 


324 HISTOIRE NATURELLE 


qui fournit à celle de l’essaim, qui peut sortir de la 
ruche, dans nos climats, du 20 au 25 mai. Pour y suf- 
fire, il faut que la mère ponde , depuis les premiers 
beaux jours jusqu’au premier mai, douze mille œufs , 
parce qu'un essaim de force ordinaire doit êtrecomposé 
de ce nombre d'individus , et que les individus, pondus 
après le premier mai, ne seront pas en état de suivrel’es- 
saim , d’après ce que nous avons dit de leurs premiers 
états, et puisque, d’un autre côté, lorsque l’essaim 
est sorti, il existe encore dans la ruche une popula- 
tion un peu plus forte que celle que l’on y voyait, avant 
cette ponte si nombreuse. En supposant que la durée 
de celle-ci soit de deux mois, il s'ensuivra en terme 
moyen que la mère pond chaque jour deux cents 
œufs : ce qui donne une idée complète de sa fécon- 
dité; mais qui reste cependant plutôt au-dessous 
qu'elle ne s'élève au-dessus de la réalité , et dont on 
ne doit point s'étonner en se rappelant que nous avons 
compté avec Réaumur vingt mille œufs dans ces 
ovaires. 

Vers le onzième mois de son existence , la mère 
commence à pondre des œufs de mâles. Le nombre de 
ceux-ci peut se monter de quinze cents à trois mille ; 
mais elle ne cesse pas pour cela de pondre en même 
temps quelques œufs d'ouvrières. 

Tel est l'ordre régulier de la ponte, chaque année de 
la vie d’une mère féconde. Mais cet ordre peut être 
dérangé. En effet , lorsque l’accouplement de la jeune 
mère a été retardé au delà du vingt et unième jour de 
son existence, elle commence sa ponte par des œufs 
de mâles, et pendant la durée de sa vie elle ne pondra 
que des œufs de ce sexe. Ce fait, prouvé par nombre 
d'expériences de Huber, quelqu'étonnant qu'il soit, 
ne trouvera pas cependant d’incrédules , si l’on a re- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 325 
marqué toutes les précautions que mettait cet obser- 
vateur dans toutes ses observations, avant d’en tirer 
une conclusion. Lorsque cet accident n’a point lieu, 
l’ordre régulier de la ponte se reproduit chaque année 
de la vie de cette mère si féconde, sans qu’elle ait be- 
soin d’un nouvel accouplement. 

Nous avons dit plus haut que c'était la mère qui 
déterminait la sortie de l’essaim. C'est à présent des 
circonstances qui précèdent, accompagnent et suivent 
immédiatement son émission que nous avons à nous 
occuper. On comprendra facilement que, si chaque 
ruchene donnait annuellement qu'un essaim, les ruches 
d’Abeilles seraient d'autant moins multipliées, que 
l'usage ancien, qui n'est encore que trop suivi, était 
de détruire la population de la ruche pour pro- 
fiter du miel et de la cire, fruits des travaux de ces 
industrieux Hyménoptères. Mais une ruche donne sou- 
vent deux essaims et même trois ; quelquefois elle en 
donne quatre ou cinq, et il est encore plus rare qu’elle 
n’en donne aucun. Les circonstances qui accompagnent 
l'émission du premier de chaque année, différant un 
peu de celles qui interviennent aux autres, nous les 
traiterons séparément. 

L'hiver diminue toujours la population des ruches, 
soit parce que telle estl’'époqueoùles Abeilles périssent 
naturellement de vieillesse, soit que sa force ou sa du- 
rée (une température de quatre à cinq degrés au-dessus 
de zéro , au thermomètre de Réaumur, d’après ses expé- 
riences, suflit pour engourdir les Abeilles ; la durée de 
cet état, ou un degré de froid plus considérable que 
l'ordinaire , peut occasioner leur mort), leur aient été 
fatales, soit qu'invitées par les premiers beaux jours à 
sortir, un changement de temps subit les ait surprises 
hors dela ruche et leur ait été nuisible, ce qui arrive 


326 - HISTQOIRE NATURELLE 


toujours plus ou moins. Après que la ruche s’est re- 
peuplée d’Abeilles ouvrières, la mère pond des œufs 
de mâles. Lorsque l'éducation de ceux-ci commence, 
les ouvrières se mettent à ébaucher les grandes cel- 
lules, et la mère y pond des œufs de femelles, avant 
même qu'elles soient terminées. Nous avons vu com- 
ment les larves, qui en naissent, reçoivent une nourri- 
ture particulière, la gelée prolifique. Nous avons dit 
que, lorsque la larve à pris toute sa croissance, les où- 
vrières couvrent d'un couvercle de cire l’entrée de la 
cellule, comme elles le font pour les ouvrières et les 
mâles : la larvealors se file une coque imparfaite, qui 
n’enveloppe que les parties supérieures de son corps, 
sans protéger les inférieures. 

Il semblerait naturel de croire que, dès que les mères 
élevées dans ces cellules seront écloses , elles sortiront 
dans la ruche. Il n’en est pas ainsi : lorsque ces jeunes 
femelles , cherchant à sortir, veulent ôter le couvercle, 
ét pour cela en rongent les bords, les ouvrières, qui à 
cette époque font la garde autour de ces mêmes cellules, 
remettent par dehors autant de parcelles de cire pour 
les rattacher, que les prisonnières en Ôôtent pour le 
détacher. 1] en résulte une grande irritation, une 
espèce de colère de celles-ci : leur impatience s’ex- 
prime par un bruissement äsez fort, que l’on peut 
supposer produit par le frémissement de leurs ailes. 

La conduite des ouvrières, dans cette occasion, 
peut, au premier coup d'œil, paraître extraordinaire ; 
cependant l'expérience prouve qu'il ne peut y avoir, 
même pendant le temps assez court de quelques 
heures, deux ou plusieurs mères fécondes , ou suscep- 
tibles de le devenir par l’accouplement, existant 
simultanément en liberté dans la rnche. On conçoit 
que la fécondité d'une seule donne déjà assez de tra- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 327 
vaux à exécuter aux ouvrières : elles ne pourraient 
suffire à ceux que deux exigeraient. De plus, il existe 
une jalousie entre les Abeilles-Méres, qui les porte à 
un combat à mort l’une contre l’autre, dès le premier 
moment où elles peuvent sé joindre. La garde qui 
veille autour des cellules de ces jeunes femelles a donc 
pour second objet d'empêcher la mère, qui existe en 
pleine liberté dans la ruclie qui va donner un essaim, 
de se jeter sur ces cellules, où le bruissement dont 
nous avons parlé, et qui est propre et particulier aux 
femelles fécondes ; l’avertit qu'il existe des concur- 
rentes : si elle y parvenait, elle percerait ävec ses 
mandibules la partie supérieure de la cellulé, que nous 
avons dit n'être point garnie de là coque qui protége 
dans le bas les parties antérieures de la jeuñe femelle ; 
puis, amenant à cette ouverture l'extrémité de son 
abdomen , elle percerait la prisonnière, qui, n'ayant 
pas la liberté des mouvemens, périrait infailliblement. 
Si, d’un autre côté , les ouvrières laissaient softir de sa 
cellule natale la jeune mère, la mêmeantipathie se trou- 
vant en toutes deux , il y aurait nécessairement un com- 
bat, et la mort de l’une des deux étant infaillible, ou il 
n'y aurait plus d’essaim ; la condition de célui-ci étant 
d'être conduit par une mère, seul garant d’un établis- 
sement durable, où la rucle s’en trouverait dépouillée. 
Les ouvrières doivent donc empêcher, etla sortie des 
jeunes mères de leurs cellules natales , et l’approché de 
la vieille mère de ces mêmes cellules, jusqu'après la 
sortie de l’essaim. Celle-ci se trouvant emjiéchée de 
faire sa volonté, s’irriteà son tour ; à la démarche assez 
lente, et qu'on pourrait dire grave, qu’on lui avait 
connue jusque-là, succèdent des mouvemens brusques ; 
elle veut parcourir toute la ruche, et détruire, dans 
leurs berceaux, ces jeunes mères dont la liberté met- 


328 HISTOIRE NATURELLE 


trait sa vie en péril dans un combat plus ésal. Les ou- 
vrières partagent cette agilation , et l’augmentent en 
formant des phalanges serrées sur le chemin de la 
vieille mère. Letumulte devient à son comble , la mère, 
dans sa colère , sort de la ruche et prend son vol avec 
la plus grande partie de la population. Voilà le pre- 
mier essaim, et l'on voit par-là qu'il est toujours 
conduit par la vieille mère. 

Ilest probable qu'une circonstance qui accompagne 
toujours le tumulte dont nous avons parlé, je veux 
dire la grande chaleur qu’il occasionne dans la ruche, 
est encore une des causes qui force la plus grande 
partie de la population d’en sortir. On pourrait croire, 
à la première vue, que la multiplicité des individus, 
l'accroissement outre mesure de la population est une 
des causes de l’émigration de cet excédant. Ceux qui 
ont observé, pendant quelques années, des ruches 
d’Abeilles, ne partageront pas cette opinion ; ils ont 
souvent vu le trop de population d’une ruche, équi- 
valant à l’essaim le plus peuplé, se réfugier sous le 
plancher de cette ruche ou sous sa couverture ex- 
térieure, et cet état se prolonger pendant une grande 
partie de la saison chaude, sans qu'il y eût produc- 
tion d’essaim. L'expérience prouve que l'irritation de 
la vieille mère est toujours la cause de la sortie du pre- 
mier essaim. 

Il est encore nécessaire, pour la sortie de cette co- 
lonie, que le temps soit beau et l’air assez calme. Un 
temps chaud, quoique le ciel soit couvert, si les 
nuages, qui peuvent même imtercepter les rayons 
directs du soleil, ne menacent pas de pluie, n'em- 
pêche pas la sortie de l’essaim. Les signes précurseurs 
de cet événement, sont le bruissement des jeunes 


DES HYMÉNOPTÈRES. 329 
mères, qu'on peut entendre du dehors, et celui du 
tumulte, qui se renouvellent souvent plusieurs fois 
avant la sortie. On à remarqué aussi que quelque 
temps avant, une heure, ou plus ou moins, les ouvrières 
cessent d'aller aux champs, la surveillance intérieure 
étant alors leur principale occupation. 

L’essaim se compose d’un très-grand nombre d’ou- 
vrières et de mâles; il est conduit, ou du moins ac- 
compagné par une mère, et cette mère, pour le pre- 
mier essaim , est toujours celle qui existait en liberté 
dans la ruche qui a fourni la colonie. Maïs on peut 
être inquiet du sort de cette dernière ruche et la croire 
dépeuplée ; cependant nous avons dit plus haut que 
cette même ruche fournit souvent un second essaim , 
et même quelquefois plusieurs. Celles qui sont sorties 
en essaim, n’y reviendront pas; elles seront fidèles à 
la mère qu’elles ont suivie. La population cependant 
sera assez nombreuse, et les travaux s’y exécuteront 
comme avant la désertion ; elle se composera des ou- 
vrières et des mâles qui seront sortis de la ruche, avant 
l'heure oùila été possible de prévoir l’éruption de l’es- 
saim. Dès le matin, beaucoup, surtout des premières, 
sont allées à la provision et ne reviennent que lorsque 
le mouvement de l’essaim est terminé. Sans s’inquié- 
ter de ce qui s’est passé, elles déposent les provisions 
qu’elles apportent, et la nourriture est fournie aux 
larves comme par le passé. Les individus, nés peu 
d'heures avant le mouvement de sortie, étaient encore 
trop faibles pour le suivre; ils sont restés dans la 
ruche. Les œufs pondus par la mère, qui vient de 
quitter son ancienne patrie, depuis vingt jours, ne sont 
pas encore Insectes parfaits, mais à chaque instant 
ils le deviennent. Une ou plusieurs des jeunes mères 


330 HISTOIRE NATURELLE 


que nous avons laissées à cette époque enfermées et 
gardées dans leurs cellules, sont sorties pendant le 
tumulte ; s’il n’y en a qu'une d’éclose, elle sort de la 
ruché pour s’accoupler, dès que les forces le lui per- 
mettent ; ce qui arrive ordinairement au bout de vingt- 
quatre heures après sa sortie de la cellule où elle est 
née; s’il y en a plusieurs , elles se battent entre elles ; 
la plus heureuse ou la plus adroite reste et devient le 
gage d’un rapide accroissement de population, en 
commençant à pondre environ quarante-six heures 
après son accouplement. La population decette ruche, 
qui paraissait presque détruite dans les instans qui 
suivirent la sortie de l’essaim , s’'augmente si prompte- 
ment que souvetit, de trois à huit jours après, elle 
en donne un second. Si cette seconde émigration a 
lieu , il est clair, d'après ce que nous venons de dire, 
qu’elle sera conduite par la jeune mère, qui seule est 
restée libre dans la ruche ; la cause d'irritation, et par 
conséquent de sortie, se renouvellera pour élle; mais 
il arrive souvent, surtout pour les derniers essaims, 
lorsque la sortie des premiers a diminué la popula- 
tion de la ruche, d’où ils sont sortis, que pendant 
le tumulte qui se fait au moment du départ, plusieurs 
jeunes mères, moins bien gardées, sortent de leurs 
êellules et suivent le mouvement imprimé à la masse. 
On conçoit que celles qui sont écloses depuis quelques 
jours; se trouvent aptes à voler, dès qu’elles ont enlévé 
le couverele qui les retenait prisonnières. Alors les: 
saim se trouvera mené par plusieurs jeunes mères. 
Nous avons laissé l’essaim sorti de la ruche, sans 
expliquer ce qu'il devenait : il s'élève en tourbillon 
au-dessus de la ruche ; il ne s’en écarte pas, tant que 
la population, qui doit le composer; n’a pas pris sa 


DES HYMÉNOPTÈRES. 331 


volée. Les individus qui le composent, n’ont pas envie 
de se disperser ; ils étaient unis en société, ils se pro- 
posent seulement d'en former une nouvelle. Par les 
cercles entrelacés que figure leur vol, il est aussi 
probable qu’elles s’assurent de la présence de la mère. 
Bientôt celle-ci, accompagnée de celles qui tentent 
fortune avec elle, va se poser sur une branche d’ar- 
bre : et si ce lieu paraît convenable, elles s’y rassemblent 
bientôt toutes, et se posent les unes sur les autres, en 
formant une grappe pendante. Dans cette position, les 
prémiéres posées ne s’accrochent à la branche ou à ses 
feuilles que par les pattes antérieures , les postérieu- 
res sont libres et pendantes, et c’est aux crochets des 
tarses de celles-ci (qui terminent, comme nous l'avons 
dit dans la description des pattes, le cinquième arti- 
cle), que les suivantes s’attachent au moyen de leurs 
crochets de la paire antérieure : toutes se tiennent 
ainsi, et ce mode n’a point les inconvéniens que tout 
autre pourrait avoir. En effet, ces crochets, durs et 
cornés, sont terminés par une pointe acérée qui pour- 
rait pénétrer quelques-unes des membranes, qui 
unissent les parties solides composant l'enveloppe du . 
corps des Abeilles; ils pourraient aussi déchirer celle 
qui compose les ailes. Dans le premier cas, ils feraient 
une véritable blessure vraisemblablement mortelle, et 
dans le second , ils altéreraient l'organe du vol, si né- 
cessaire aux pourvoyeuses. 

Nous l'avons déjà dit, nous le rappellerons ici, 
l’homme amis l’Abeille sous sa dépendance, il l’a ré- 
duite en domesticité. Dans nos propriétés dont elles 
font partie, l’essaim arrivé à son premier lieu de ras- 
semblement et de repos, ne s'appartient plus à lui- 
même. Il est certain que ce n'est pas là qu'il peut 


332 HISTOIRE NATURELLE 


s'établir, dépourvu qu'il est de tout abri, et exposé 
à toutes les variations de l'atmosphère. L'homme denc 
lui offre alors un abri qu'il a lui-même fabriqué, et 
voici la manière ordinaire de le lui faire adopter : un 
homme présente une ruche renversée au-dessous de la 
grappe pendante que forme l’essaim ; il tâche d’enga- 
ger le plus possible, dans sa cavité, l'extrémité de 
cette grape ; ensuite 1l secoue assez fortement la bran- 
che, de manière à en détacher les Abeilles ; puis, re- 
dressant la ruche dans son sens naturel, il la pose à 
terre, sous l’endroit où il vient d'opérer. Il arrive ordi- 
pairement que des flots d’Abeilles sont tombés dans 
cet endroit hors de la ruche; c’est au centre des tas 
qu'elles forment sur la terre qu'il pose la ruche. Bien- 
tôt elles viennent rejoindre le gros de la colonie par 
les ouvertures qu'on a soin de laisser entre les bords 
de la ruche et la terre. L’effort de la secousse en a fait 
aussi envoler une partie, qui, en peu de temps, rejoi- 
gnent leurs compagnes avec empressement , si la mère 
se trouve du nombre de celles qui sont déja dans la 
ruche , ou si elle s’y introduit promptement. Dans le 
cas contraire où la mère volerait à l’entour sans vouloir 
entrer, les Abeilles sortiraient bientôt de la ruche 
pour la rejoindre et se poser là ou ailleurs avec elle ; 
tant elles lui sont attachées, tant elles sentent la 
nécessité de la présence de celle qui assure la force et 
la durée de leur population. S'il arrivait que la mère 
n’eût pas pu sortir avec l’essaim par une cause telle 
qu'elle püt être, tout l’essaim, après avoir volé un petit 
nombre d’instans en cercle autour de la ruche, pour 
s'assurer de sa présence ou de son absence , rentrerait 
dans la ruche sans tenter aucun établissement nouveau. 

Nous venons de décrire comment se fait cet établis- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 333 
sement dans notre intérêt; mais il est possible que 
l’homme n'ait pas de suite reconnu l'utilité dont les 
fruits du travail de ces Insectes pouvaient être pour 
lui, qu'il ne les ait pas d’abord réduites à la domesticité, 
même, quand il a connu leurs produits (ce que l’on 
verra dans l’article des A piarides du nouveau monde); 
il est de plus certain que dans certains pays, certai- 
nes forêts , certaines montagnes, il existe des Abeilles 
qui ne sont pas sous notre main. Il s'échappe même 
des essaims de nos ruchers , et ils trouvent à s'établir 
sans notre intervention dans des cavités de rochers, 
dans les intervalles des pierres d’un vieux mur, ou 
dansle trou de quelque arbre excavé par la carie, ou par 
des oiseaux, ou par quelques autres Insectes. On doit 
donc supposer que, del'endroit de leur premier repos, 
où nous les avons vues suspendues en grappe, elles 
envoient dans ce cas quelques explorateurs, qui re- 
viennent au rassemblement donner la nouvelle de la 
découverte et servir de guides à la colonie. 

En décrivant l’architecture des Apiarides et les tra- 
vaux des ouvrières, notamment la fondation des gà- 
teaux , nous avons dit ce qui se passe dans une ruche 
après le premier établissement. Nous avons vu ces 
femelles infécondes bâtir et travailler à fournir la ruche 
de vivres, et à nourrir la postérité de la seule femelle 
féconde. Nous avons vu celle-ci soignée, nourrie, es- 
cortée et suivie par elles ; mais, comme nous ne l’avons 
jamais vue présider aux travaux, ni donneraucunordre, 
nous lui avons refusé le titre de Reine qu'on lui don- 
nait avant nous , pour lui laisser celui de Mère, bien 
préférable au premier, et que la fécondité, qu'elle pos- 
sède seule et éminemment , lui donne d’une manière 
incontestable. Mais l'attachement filial que les ou- 


334 HISTOIRE NATURELLE 


vrières ont pour elle, ne les empêche point dene pas 
pouvoir tolérer deux mères libres dans une même 
ruche. On dirait qu’elles sentent ne pouvoir pas, en 
ce cas, suflire aux travaux qu'exigerait cette double 
fécondité. ( Nous ne prétendons pas certainement ex- 
pliquer les idées des Apiarides, ni même soutenir 
qu'elles en aient ; nous voulons seulement dire qu'elles 
agissent dans certaines occasions, comme si elles 
avaient telle ou telle idée.) Ainsi, si l’on introduit 
une femelle féconde dans une ruche qui en est déjà 
pourvue, les ouvrières l'empêchent de pénétrer dans 
l'intérieur, elles la serrent de tous côtés et même s’en- 
tassent sur elle ; elles la tiennent en quelque sorte en 
charte privée, et ordinairement elle devient victime 
et périt, sans pouvoir s’en tirer, par la longueur de 
cette détention. Au contraire, si une ruche est privée 
de sa femelle féconde , et que le temps écoulé depuis 
cette perte permette qu’elle soit connue de toutes les 
ouvrières, une mère étrangère est accueillie par celles- 
ci, et obtient promptement d'elles tous les égards 
et les caresses ordinaires. 

Nous avons dit que, dans le tumulte de la sortie d’un 
essaim , il arrive assez souvent que deux ou plusieurs 
jeunes femelles, de celles qui occupent les grands 
alvéoles, et ont été élevées pour devenir fécondes par 
l’accouplement, sortent en même temps de ces alvéoles 
et quittent la ruche avec l’essaim. De là il arrive quel- 
quefois qu’au lieu de se poser en un seul groupe, la po- 
pulation sortie se divise en deux ou en plusieurs, selon 
le nombre de ces jeunes femelles, qui se sont posées en 
divers endroits. Souvent cependant , malgré cette plu- 
ralité, elles se réunissent toutes, et dans tous les cas, 
lorsqu'elles sont recueillies, deux ou plusieurs mères se 


DES HYMÉNOPTÈRES. 235 


trouvent libres dans une même ruche. Dans ce cas, ou 
dans tout autre où il y a pluralité de mères, loin de s’op- 
poser à la jalousie qui porte ces mères À se détruire 
lune l’autre, les ouvrières tendent, par leurs mouve- 
menus autour d'elles, à les rapprocher l’une de l’autre : 
rapprochement toujours suivi d’un combat auquel, 
bien loin de mettre obstacle, elles les forcent en quel- 
que sorte , en obligeant de revenir sur ses pas celle qui 
se serait enfuie. Voici le récit d’un de ces combats 
dont M. Huber fut témoin dans une de ses ruches les 
plus minces : « Deux mères sortirent de leurs cellules 
» presqu'au même moment. Dès qu'elles furent à por- 
» tée de se voir, elles s’élancèrent l’une contre l’autre 
» avec l'apparence d’une grande colère, et se mirent 
» dans une situation, telle que chacune avait ses an- 
» tennes prises dans les mandibules de sa rivale; la 
» tête, le corselet et le ventre de l’une étaient opposés 
» à la tête, au corselet et au ventre de l’autre; elles 
» n'avaient qu'à replier l'extrémité postérieure de ce 
» ventre, elles se seraient percées réciproquement de 
» leur aiguillon, et seraient mortes toutes deux dans 
» le combat. Mais il semble que l’Auteur de la nature 
» n’a pas voulu que leur duel fit périr les deux com- 
» battantes; on ‘dirait qu'il a ordonné aux mères, qui 
» se trouvent dans cette position, de se fuir à l'instant 
» même. Cette même circonstance se rencontra dans 
» plusieurs combats dont Huber fut témoin, et eut 
» toujours la même issue. Quelques minutes après 
» que nos deux mères se furent séparées , leur crainte 
» cessa et elles recommencèrent à se chercher; bien- 
» tôt elles s’aperçurent , et nous les vimes courir l’une 
» contre l’autre : elles se saisirent encore comme la 
» première fois ; le résultat en fut le même : dès que 


336 HISTOIRE NATURELLE 


» leurs ventres s’approchèrent, elles ne songérent 
» plus qu'à se dégager l’une de l’autre, et elles s'en- 
» fuirent. Les Abeilles ouvrières étaient fort agitées 
» pendant tout ce temps, et leur tumulte paraissait 
» s’accroître , lorsque les deux adversaires se sépa- 
» raient. Nous les vimes, à deux diflérentes fois, arrêter 
» les mères dans leur fuite, les saisir par les jambes 
» et les retenir prisonnières plus d’une minute. Enfin, 
» dans une troisième attaque, celle des deux mères 
» qui était la plus acharnée ou la plus forte, courut sur 
» sa rivale au moment où celle-ci ne la voyait pas ve- 
» nir: elle la saisit avec ses mandibules à la naissance 
» de l'aile, puis monta sur son corps, et amena l'ex- 
» trémité de son ventre sur les derniers anneaux de 
» celui de son ennemie, qu’elle parvint facilement à per- 
» cer de son aiguillon : elle lächa alors l'aile et retira 
» son aiguillon. La mère vaincue tomba, se traïna lan- 
» guissamment perdit ses forces très-vite, et expira 
» bientôt après. Ces femelles étaient jeunes et vierges. 
» Lamêmeanimosité existe entre des mères fécondes.» 

Lorsque la saison des essaims est passée, les ou- 
vrières, qui avaient jusque-là gardé les grandes cel- 
lules, et empêché la mère féconde d'en approcher, 
lui permettent alors de les détruire. « Elle se jeta, » 
dit Huber d’une mère qu'il observa dans cette circon- 
stance, « avec fureur sur la première qu'elle rencontra : 
» à force de travail , elle parvint à en ouvrir la pointe. 
» Nous la vimes tirailler avec ses mandibules la soie 
» de la coque qui y était renfermée ; mais probable- 
» ment ses eflorts ne réussissaient pas à son gré, car 
» elle abandonna ce bout de la grande cellule , et alla 
» travailler à l'extrémité opposée, où elle parvint à 
» faire une plus large ouverture; quand elle l'eat 


ÿ 


ÿ 


> 


ÿ 


> 


DES HYMÉNOPTÈRES. 337 
assez agrandie , elle se retourna pour y introduire 
son ventre; elle fit différens mouvemens en tous 
sens, jusqu'à ce qu'enfin elle réussit à frapper sa 
rivale d’un coup d’aiguillon mortel. Alors elle s’éloi- 
gna de cette cellule, et les ouvrières, qui étaient 
jusqu'à ce moment spectatrices de son travail, se 
mirent, après son départ, à agrandir la brèche qu’elle 
y avait faite, et en tirèrent le cadavre d’une mère 
à peine sortie de son enveloppe de nymphe. Pen- 
dant ce temps, la mère se jeta sur une autre grande 
cellule, et y fit également une large ouverture, mais 
elle ne chercha point à y introduire l'extrémité de‘ 
son ventre : cette seconde cellule ne contenait pas, 
comme la première, une mère déjà développée et à 
laquelle il ne restât plus qu'à sortir de sa coque; 
elle ne renfermait qu'une nymphe de mère: il y a 
donc apparence que, sous cette forme , les nymphes 
de mères inspirent moins de fureur à leurs rivales ; 
mais elles n’en échappent pas mieux à la mort qui 
les attend : car, dès qu'une grande cellule a été ou- 
verte avant le temps, les ouvrières en tirent ce 
qu'elle contenait, sous quelque forme quil s’y 
trouve, de larve, de nymphe ou de mère, et la mère 
libre ne manque pas de les entamer toutes successi- 
vement. Il ne pouvait être permis aux ouvrières de 
détruire les mères superflues , parce que, dans une 
société composée d'autant d'individus, entrelesquels 
on ne peut supposer un concert toujours égal , il 
serait fréquemment arrivé qu'un groupe d’Abeilles 
se serait jeté sur l’une des mères, tandis qu'un 
second groupe aurait massacré l’autre, et la ruche 
eût été privée de mère. Il fallait donc que les mères 

HYMÉNOPTÈRES , TOME I. 29 


338 HISTOIRE NATURELLE 


» seules fussent chargées du soin de se défaire de leurs 
» rivales.» 

Les jours qui suivent la sortie du dernier essaim, 
sont, dans les ruches d’Apiarides, des temps de 
meurtre et de carnage. Lorsque toutes les jeunes 
mères sont accouplées, les mâles deviennent inu- 
tiles. Comme nous l'avons dit, ils ne travaillent 
point, ils ne récoltent point, et leur anatomie exté- 
rieure prouve qu'ils ne le peuvent pas. N’allant pas 
même chercher au jour le jour sur les fleurs ce qu'il 
leur faut de nourriture, ils prennent celle-ci aux dé- 
pens des provisions rassemblées dans la ruche. Dès le 
moment qu’ils ne peuvent plus être nécessaires à la fé- 
condation des femelles, ils deviennent des êtres inutiles 
et même nuisibles par la consommation qu'ils feraient. 
Aussi bientôt les ouvrières s’en débarrassent par un 
massacre général. Elles les poursuivent sur les gà- 
teaux et les en chassent : ceux-ci se réfugient sur la table 
où la ruche est posée. Huber ayant mis six ruches bien 
peuplées sur une table vitrée, et s'étant placé des- 
sous, rend compte des circonstances qui accompagnent 
cette extermination. « Cette invention, dit-il, nous 
réussit à merveille. Nous vimes les ouvrières faire 
» un vrai massacre des mâles, dans les six ruches à la 
fois, et avec les mêmes particularités. La table 
» vitrée était couverte d’Abeilles qui paraissaient très- 
» animées , et qui s’élancçaient sur les mâles, à mesure 
» qu'ils arrivaient au fond de la ruche ; elles les saisis- 
» saient par les antennes, les jambes ou les ailes, et 
» après les avoir tiraillés , ou pour ainsi dire écartelés, 
» elles les tuaient à grands coups d’aiguillon, quelles 
» dirigeaient ordinairement entre les segmens du ven- 
tre: l'instant , où cette arme redoutable les atteignait, 


2 


Ë 


: 


DES HYMÉNOPTÈRES. 339 


» était toujours celui de leur mort ; ils étendaient leurs 
» ailes et expiraient. Cependant, comme si les ou- 
» vrières ne les eussent pas trouvés aussi morts qu'ils 
» nous le paraissaient, elles les frappaient encore de 
» leurs aiguillons , et si profondément qu'elles avaient 
» beaucoup de peine à les retirer : il fallait qu’elles 
» tournassent sur elles-mêmes pour réussir à les dé. a- 
ger. » Le même carnage se renouvelle les jours sui- 
vans; car, pendant ce massacre, il s'échappe tou- 
jours quelques proscrits de la ruche où ils sont 
poursuivis : Ceux-ci cherchent à s’introduire dans 
d’autres ruches, où ils ne sont pas mieux accueillis 
que dans leur ruche natale. Cependant il est une 
exception à la règle, qui veut que les mâles soient 
détruits peu de temps après la sortie des essaims, 
dans toutes les ruches. 

Nous avons dit plus haut que, lorsque l’accouple- 
ment d’une jeune mère est retardé au delà du vingt 
et unième jour de son existence, elle ne pondra toute 
sa vie que des œufs de mâles. Dans les ruches où il 
en est ainsi, les mâles ne sont pas poursuivis, ni tués 
par les ouvrières; et cette exception à la règle, qui 
veut leur destruction, profite non-seulement aux mâles 
de la ruche dont la mère a les ovaires ainsi viciés, 
mais à ceux qui, poursuixis dans d’autresruches , s’in- 
troduisent dans celle-ci sans résistance de la part des 
ouvrières. Ils sont reçus, et on les y retrouve même 
en nombre jusque dans l'hiver, si la ruche subsiste 
encore à cette époque. Mais plus ordinairement le dé- 
couragement prend les ouvrières de la ruche qui se 
trouvent dans ce cas; elles se dispersent et quittent 
un établissement dont la population active et travail- 
lante ne peut plus se renouveler et se maintenir en 

22. 


340 HISTOIRE NATURELLE 


nombre suffisant, ni à plus forte raison s’augmenter. 
Si le massacre, que nous venons de décrire, peut 
paraître cruel, il semble qu'il soit justifié par l'inutilité 
dont les mâles seraient pendant les dix moisenviron qui 
se passent depuis la sortie des essaims d’une année, 
jusqu’à la saison suivante où il s’en prépare d’autres, 
par leur incapacité de travailler et de récolter même 
leur propre nourriture ; enfin par la dépense qu'un si 
grand nombre d'êtres , si long-temps inutiles , feraient 
des provisions de la ruche, qui coûtent tant de tra- 
vaux aux ouvrières. Mais il est d’autres combats entre 
les ouvrières Abeilles de ruches différentes, aussi 
meurtriers que ceux que nous venons de décrire, et 
qui ne présentent que peu ou point d'excuses. Les 
Abeilles ne sont ni hospitalières, ni prêteuses; elles 
sont quelquefois pillardes : c’est là, en peu de mots, 
la cause des combats dont nous allons parler. 
Différens événemens peuvent porter le décourage- 
ment dans la population travailleuse d’une ruche ; 
nous en avons déjà spécifié un, en parlant des mères 
qui ne pondent que des œufs de mâles. Mais il existe 
aussi des mères peu fécondes , quoique leurs ovaires ne 
soient pas viciés : les mères sont mortelles , et, à leur 
mort, iln’est pas toujours possible aux ouvrières de ré- 
parer l'immense perte qu’elles ont faite. Des ennemis, 
tels queceux quisont connus des cultivateurs d’Abeilles 
sous le nom vulgaire de Z'eignes de la cire , et que Fa- 
bricius et Latreille décrivent sous le nom de Galleria 
cereana et alvearia, peuvent s'être emparés d’une 
grande partie des gâteaux, et les braver à l'abri de 
leurs longues galeries de soie, qui ne laissent, par 
leur tissu serré, aucun passage à l’aiguillon, et dont 
la solidité est à l'abri de leurs mandibules. Ces acci- 


DES HYMÉNOPTÈRES, 341 


dens déterminent, ou l’émigration en masse, ou la dis- 
persion de la ruche qui l’éprouve. Alors ces malheu- 
reuses abandonnent leurs pénates pour chercher un 
asile dans une ruche plus fortunée qu’elles. De gré ou 
deforce, elles cherchent à s'établir dans quelque société 
voisine dela leur. Repoussées à coups d’aiguillon par 
les Abeilles propriétaires , elles se défendent à armes 
égales, et succombent toutes, mais non pas sans ven- 
geance : elles ont elles-mêmes détruit une partie de la 
population dont elles voulaient partager la propriété et 
la demeure. Aucune Abeille étrangère, même isolée, 
n’est reçue dans une ruche peuplée où elle n’est point 
née; elle y est de suite reconnue pour étrangère, et 
perd immanquablement la vie, si elle vient à°y pé- 
nétrer. 

A l’automne ou au printemps, des ruches mal ap- 
provisionnées manquent de vivres, et il n’est plus, ouil 
n’est pas encore temps des’en procurer, faute de fleurs. 
Alors ilarrive qu'une ruche, qui se trouve dans ce cas, 
se détermine à en attaquer une autre pour la piller ; 
elles se jettent en masse sur celle qu’elles ont choisie 
pour victime; le combat commence, et l’on conçoit que 
le succès dépend du nombre des combattantes de part 
et d'autre ; et de la facilité que donnent les ouvertures 
de la ruche pour y pénétrer. Si l'attaque est repoussée 
une première fois, il est à craindre qu’elle ne recom- 
mence le lendemain. Si elle réussit , elle a pour suite 
la destruction de la population attaquée et une perte 
notable parmi les vainqueurs ; mais ceux-ci enlèvent 
tout le miel de leurs victimes, et vont le déposer dans 
leur ruche. 

Tels sont les combats des Abeilles entre elles et 
les motifs apparens qui y donnent lieu. I nous paraît 


342 HISTOIRE NATURELLE 


à propos de décrire ici l’aiguillon, cette arme redou- 
table dont une seule piqüre donne la mort aux êtres 
faibles, et cause même généralement une douleur 
poignanté aux animaux les plus sros. L’aiguillon de 
tous les Hyménoptères qui sont pourvus de cette arme, 
étant essentiellement le même que celui des Apiarides, 
après en avoir donné ici la description détaillée, nous 
n’aurons dans d’autres genres que de légères différen- 
ces à faire remarquer. Nous emprunterons cette des- 
cription au célèbre et exact Réaumur. 

« Dans lès temps ordinaires , l’aiguillon des Abeilles 
» ést caché dans leur corps, dans cette cavité de l’anus 
ÿ où nôus avons vu qu'aboutit l'oviducte ; mais, dès 
» qu'on en tient une par le corselet entre deux doigts, 
» elle ne tarde pas à faire sortir le sien, comme un trait, 
» d’un peu au-dessus de l'anus. Bientôt elle le fait 
» rentrer pour le darder de nouveau et à bien des re- 
» prises. Elle recourbe son corps dans tous les sens et 
» cherche à piquer les doigts qui la gênent. Mais, 
» pour voir plus long-temps cet aiguillon ; et le mieux 
» observer, il faut saisir le corps de l’Abeille et le 
» presser près du derrière : on oblige alors l’aiguillon 
» à se montrer, et la pression continuée ne permet 
» pas aux parties destinées à le ramener en arrière, de 
» faire leur fonction. Quand il commence à paraître, 
» il est accompagné de deux corps blancs, oblon:s, 
» arrondis par le bout, et dans chacun desquels une 
» goutlière est creusée. On juge aisément que ces 
» deux pièces composent ensemble une espèce de boîte 
» dans laquelle l'instrument délicat est logé, lorsqu'il 
» est dans le corps de l’Abeille. Aïnsi renfermé; au- 
» cune partie de l’intérieur ne peut lui nuire, et, ce 
» qui était aussi nécessaire , il ne peut blesser aucune 


DES HYMÉNOPTÈRES. 343 
partie. À mesure qu'il avance davantage hors du 
corps ; les deux pièces qui lui servaient de fourreau 
s’eh écartent, et, quand il est entièrement sorti, 
elles se trouvent, l’une à droite, l’autre à gauche, 
hors de son alignement. Quoique cet aiguillon soit 
extrémement délié, on l’aperçcoit néanmoins à la 


‘vue simple; elle suffit même pour faire juger que, 


quelque fin qu'il soit, et surtout auprès de son ex- 
trémité , il est creux, et qu'il l’est jusqu’au bout de 
sa pointe; car bientôt une gouttelette d’une liqueur 
extrêmement transparente, paraît posée sur le bout 
même de cette pointe... On prévoit déjà le fatal 
usage auquel une liqueur si claire est destinée. On 
soupçonne, malgré sa limpidité, qu’elle est le poi- 
son qui doit être porté dans la plaie, et c’est ce que 
nous prouverons dans la suite par les expériences 
les plus décisives. 

» Si l’on donne aux yeux le secours d’une forte 
loupe, ils nous apprennent que l’aiguillon n’est pas 
un instrument aussi simple qu'il le paraissait. Sa 
base est solide et grosse, comparée à la tige qu'elle 
porte. À mesure que cette base s'élève, elle devient 
plus menue; elle est un peu aplatie, elle a moins 
de diamètre d’un côté à l’autre , que de devant en 
ariière. Dans l’endroit que l’on peut prendre pour son 
bout , il y a une espèce de talon du côté du dos de 
l’'Abeille ; c’est de là que part cette tige droite des- 
tinée à faire des piqüres si douloureuses... À me- 
sure qu’elle approche de son extrémité, elle devient 
de plus en plus déliée, et enfin se termine par une 
pointe fine. Malgré la finesse dont cette pointe avait 
paru, il y a pourtant des circonstances où elle sem- 
ble mousse. Nous venons de remarquer que son 


344 HISTOIRE NATURELLE 


» 


CA 


bout est percé, qu'il laisse sortir de la liqueur. De 
cette même pointe, qui avait semblé très-fine, on 
voit quelquefois s'élever une autre pointe qui l’est 
beaucoup davantage, et qui s'élève tantôt plus, 
tantôt moins, et tantôt rentre en entier dans celle 
d’où elle était sortie. C’est surtout alors que la pre- 
mière pointe paraît mousse... 

» Dès lors on juge que ce corps si délié, qu’on avait 
pris pour un aiguillon, n’est que la gaine, le tuyau 
d’un autre aiguillon incomparablement plus fin. On 
n’a pas cependant encore d'idée juste de la finesse 
de ce dernier, quand on en juge par celle de l’étui 
dans lequel il est contenu ; car cet étui ne renferme 
pas un seul aiguillon , il en renferme deux égaux et 
semblables... Si l’on examine mieux que nous ne 
l'avons fait jusqu'ici ce corps que nous prenions d’a- 
bord pour l’aiguillon, et que nous savons n'être 
qu’un étui, on remarquera que sa circonférence est 
arrondie et unie vers le dos et sur les côtés, mais 
qu’en dessous il y a une espèce de fente, ou du moins 
une cannelure , qui va en ligne droite de sa base à 
sa pointe. Une observation simple, et qu'on aura 
souvent occasion de faire, lorsqu'on étudiera les ai- 
guillons, démontre que ce tuyau conique est réelle- 
ment fendu dans toute sa longueur. Cette observa- 
tion est semblable à celle qui a prouvé ci-dessus que 
le bout de ce tuyau est percé. Pendant qu’on le ma- 
nie , il arrive souvent qu'on voit suinter de la liqueur 
en différens endroits de la rainure, tantôt plus ou 
moins éloignés de la pointe, et quelquefois dans des 
endroits assez proches de la base; qu'on voit des 
souttes s’y former. Quand on examine la base, 
on y remarque aisément deux filets écailleux , dont 


» 


ÿ 


ÿ 


ÿ 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 345 
l'un vient de la gauche et l’autre de la droite, en se 
courbant, et qui, arrivés à la base de l’étui , et après 
y être devenus parallèles l’un à l’autre, paraissent 
s’introduire dans son intérieur. On n’en reste pas au 
simple soupçon, si l’on tente de faire passer une 
pointe métallique très-fine, sous un de ces filets 
écailleux, dans l’endroit où il paraît entrer dans 
l'étui ; on y parvient, et, avec quelque patience, 
on réussit à soulever et à dégager le filet qu’on atta- 
que. Dès qu'on est parvenu à faire passer la pointe 
entre le filet et l’étui, si on la conduit vers le bout 
de celui-ci, l'aiguillon sort de plus en plus, et il 
sort tout entier et achève de se dégager, avant que la 
pointe métallique soit arrivée aux deux tiers de la 
longueur de l’étui : c’est par la coulisse ou fente de 
la face inférieure qu'il sort. On peut de même, et 
avec encore plus de facilité, parvenir à retirer le 
second filet. Enfin, on ne peut les méconnaître pour 
des aiguillons , dès qu’on voit que, depuis leur base 
jusqu’à leur extrémité, ils diminuent de grosseur 
pour finir par une pointe très-fine, et qu'ils sont de 
nature de corne ou d’écaille..….. Il est une époque 
de la vie de nos Abeilles où l’on distingue nettement 
les deux aiguillons. Lorsqu'elle n’est encore que 
nymphe, l’êtui des aiguillons est ouvert, il n’est 
presque alors qu'une lame plate dont chaque côté a 
un rebord, ou, si l’on veut, une lame cannelée 
dans toute sa longueur... Alors les deux aiguillons 
sont couchés, l’un à côté de l’autre, dans une cou- 
lisse... | 
» Près de leur pointe, ces aiguillons ont, chacun 
sur un de leurs côtés, des dentelures fines et dont la 
partie la plus large est tournée vers la base. Ges 


346 HISTOIRE NATURELLE 


] 


» 


» 


» 


» 


dentelures , qui ne permettent pas aux aiguillons de 
sortir des chairs où ils ont été introduits, sans souf- 
frir beaucoup de frottement, sont cause sans doute 
que les Abeilles les laissent souvent, ainsi que leur 
étui, dans les piqüres qu’elles ont faites, quand on 
les oblige de s'éloigner plus vite qu'il ne leur con- 
viendrait... Lorsque nous avons cherché à nous 
assurer de l'existence des deux aiguillons, nous 
avons vu d'avance qu'ils ont chacun leur base parti- 
culière en dehors de l’étui, et qu'elle est courbe. 
Celle de l’un se contourne vers la droite , et celle de 
l’autre vers la gauche. L'endroit, où chacune d’elles 
va s’insérer, n'est pas diflicile à découvrir. Quand on 
ouvre le ventre d’une Abeille, on trouve de chaque 
côté, près de l'origine de l’étui, une plaque dont la 
surface est assez considérable : elle a de la solidité, 
on ne peut la manier sans la briser. Elle est compo- 
sée de trois pièces cartilagineuses , réunies ensemble 
par une membrane flexible , mais qui a beaucoup de 
consistance. De ces trois pièces, dont il est bien 
inutile de décrire les contours, celle du milieu est 
la. plus alongée et la plus étroite. C'est à celle-ci et 
à la première, que se réunit la base d’un des aiguil- 
lons qui tient à l’une et à l’autre de ces pièces par 
deux petits pédicules. De là il est aisé de juger que 
chaque aiguillon a des appuis solides contre la pla- 
que à laquelle il est attaché, et que la plaque est 
faite pour le faire jouer; qu’elle est pourvue de 
tous les muscles nécessaires pour le pousser en de- 
hors du corps et le retirer en dedans. 

» Ce n’est pas assez pour l’Abeille de pouvoir faire 
pénétrer dans les chairs ses aiguillons et leur étui : 
elle ne manque jamais d’empoisonner la blessure 


> 


DES HYMÉNOPTÈRES. 347 
qu’elle fait ;..... il nous reste donc à faire connaître 
le réservoir qui fournit la liqueur vénéneuse. Quand 
on a ouvert le ventre de l’Abeille, on parvient aisé- 
ment à le trouver en place... Un peu par delà de 
la base de l’étui, vis-à-vis le milieu de l’espace 
que laissent dans l'abdomen les deux aiguillons en 
s’écartant l’un de l’autre ; est une vessie remarqua- 
ble par sa transparence qui la fait juger pleine 
d’une liqueur très-claire. Elle est encore remarqua- 
ble par sa solidité ; car, si on la détache, on peut la 
manier, lui faire changer de figure jusqu’à un cer- 
tain point en la pressant doucement entre deux 
doigts, et cela sans la crever. Dans son état naturel, 
elle est oblongue comme une olive; son plus grand 
diamètre est dans le sens de la longueur du corps; 
On ne saurait la méconnaître pour ce qu’elle est, 
dès qu’on est assuré qu'elle est pleine de liqueur , et 
qu'on observe qu’elle se termine par une espèce de 
vaisseau , qui se dirige entre les deux aiguillons et 
qui entre dans leur étui. Swammerdam croit avoir 
vu que le bout de ce vaisseau se réunit à l’étui un 
peu par delà son plus grand renflement; mais, ce 
qui est incontestable , c’est que ce vaisseau est le 
canal qui conduit la liqueur vénéneuse du réservoir 
dans l’étui des aiguillons. De l’autre bout de ce ré- 
servoir part un autre vaisseau ; Swammerdam assure 
qu'à une certaine distance ce vaisseau se divise en 
deux. Il n’est pas aisé de l'avoir dans toute sa lon- 
eueur; mais j'en ai eu de beaucoup plus longs que 
ceux que ce célèbre auteur a fait représenter. Il 
croit que les deux branches formées par la division 
de la tige principale sont des vaisseaux aveugles. 
Je serais plus disposé à penser qu’elles s’insèrent 


3 


» 


n» 


48 HISTOIRE NATURELLE 


quelque part dans le canal des alimens, ou dans 
quelque partie où se fait la sécrétion de la liqueur 
qui est apportée au grand réservoir... » 

Malgré ce que l’examen nous a appris de la multi- 


plicité des pièces qui composent l’arme donnée aux 
Abeilles, nous en parlerons toujours au singulier, 
d'après l’usage ordinaire, et nous l’appellerons aiguil- 
lon. « Nous dirons donc que, quand une Abeille 


T 


irritée a piqué son aiguillon dans notre chair ou 
dans quelque corps qui lui a été présenté , si on la 
presse de partir, elle l’y laisse, mais elle ne l’y laisse 
pas seul, la plupart de ses dépendances y restent 
attachées, comme les plaques cartilagineuses, la 
vessie à venin et beaucoup de parties musculeuses. 
La blessure qu’elle a voulu faire, lui coûte cher... 
La blessure qu'elle s’est faite à elle-même, est une 
terrible et mortelle blessure à laquelle elle ne sau- 
rait survivre long-temps..... Une des meilleures 
manières de bien voir la longueur des vaisseaux qui 
portent le venin à la vessie, c'est d'offrir un mor- 
ceau de peau qu'elle puisse piquer, à une Abeille 
qu'on tient de manière à n’avoir rien à en craindre 
pour soi-même. Elle croit se venger en enfonçant 
son aiguillon dans le cuir. Quand elle l’a bien en- 
gagé , si on le retire brusquement , en ne l’éloignant 
que de quelques lignes, l’aiguillon et ses dépendan- 
ces resteront après la peau, et l’on pourra voir, au 
bout postérieur de l’Abeille, un filet blanc qui va 
aboutir à la vessie à venin. Qu'on éloigne cette 
Abeille de plus en plus, mais doucement, de l’en- 
droit où l’aisguillon est demeuré, le filet dont nous 
venons de parler continuera de sortir du corps, et 
on parviendra aisément à l’avoir long de deux à trois 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 349 
pouces. D'où il suit que ce vaisseau fait plusieurs 
contours dans le corps de l’Abeille, qu'il y est replié 
bien des fois ; mais, étant aussi délié qu’il l’est , il est 
très-dificile de voir où il se termine, et je n’y suis 
pas parvenu. Une observation qu'on doit faire à ce 
moment, c'est que les deux plaques cartilagineuses 
sont alors parallèles l’une à l’autre , qu'elles semblent 
tendre à s'appliquer l’une sur l’autre, et qu’elles ne 
sont séparées que par la vessie à venin qui est pres- 
que vide. De là il est naturel de soupçonner que 
l'unique usage de ces deux plaques n’est pas de ser- 
vir d'appui aux deux aïguillons et de les faire jouer ; 
mais qu’elles servent en outre, en s’approchant l’une 
de l’autre, à presser la vessie, à obliger son venin 
à couler dans le canal, qui le porte dans l’étui, et 
que les deux aiguillons en mouvement conduisent 
cette liqueur jusqu'au bout de l’étui, et la font sor- 
tir par cette ouverture qui leur permet à eux-mêmes 
de paraître en dehors. La liqueur est, dans certains 
cas , lancée en jet au delà de l'aiguillon..... Nous 
avons supposé que cette liqueur si limpide rend 
douloureuses des blessures, qui, sans elle, seraient à 
peine senties : il est temps de le démontrer par une 
expérience très-simple. Je l'ai faite d’abord sur moi- 
même, et ensuite sur d’autres amateurs de physi- 
que. Avec une aiguille très-fine, je me suis fait deux 
piqüres à un doigt proches l’un de l’autre. J'avais eu 
soin de me munir d’une Abeille : dès que je me fus 
piqué, je lui pressai le ventre, j'obligeai l’aiguillon 
de se montrer, et je pris une petite goutte de la 
liqueur qui s'était rassemblée à son bout , avec la 
pointe de mon aiguille. Alors je la fis entrer de nou- 
veau dans une des blessures qu’elle m'avait faite, 


350 HISTOIRE NATURELLE 


> 


» 


» 


> 


où je ne la tins qu'un instant : c'en fut assez pour 
qu'elle y laissât du venin. I] n’y fut pas plutôt intro- 
duit, que je sentis une douleur semblable à celle 
qu'on sent, après avoir été piqué par l’Abeille elle- 
même. Au reste , la douleur de la plaie, où l’épingle 
a porté de l'irritation , est comme celle des piqüres 
d’Abeilles, plus aiguë ou plus modérée, selon la 
quantité de liqueur vénéneuse dont la plaie a été 
mouillée, et peut-être encore selon la grandeur des 
vaisseaux ouverts et selon le plus ou moins de sen- 
sibilité des filets nerveux attaqués... Le reste 
d’ailleurs égal, il y a des temps où les piqüres des 
Abeilles sont plus sensibles que dans d’autres. Celles 
faites en hiver, par des individus presque engourdis 
de froid, ne sont pas, à beaucoup près, aussi dou- 
loureuses, ni douloureuses pendant aussi long-temps, 
que celles qui sont faites dans des jours chauds de 
l'été, et elles ne sont pas suivies d'autant d’acci- 
dens..... La quantité de liqueur venimeuse qu'on 
peut prendre avec la pointe d’une épingle, au bout 
de l’aiguillon d’une Abeille, est si peu considérable, 
qu'on se doit point croire qu'il y ait du risque à 
l'appliquer sur la langue : je l'ai fait plusieurs fois. 
Sur l'endroit de la langue qui est touché par ce peu 
de liqueur, on sent d’abord un goût douceâtre qui 
semble tenir un peu de celui du miel; mais bientôt 
ce doux devient âcre et brülant. L'endroit de ma 
langue, où la petite gouttelette avait été appliquée, 
est quelquefois resté pendant plusieurs heures , 
comme s'il avait été brûlé : quelquefois ma langue 
a été simplement un peu échauflée..…. Quelquefois 
j'ai essuyé le bout d’un aiguillon avec du papier 
bleu; l'endroit mouillé n’a point rougi.» Réaumur 


DES HYMÉNOPTÈRES. 351 


conclut de cette expérience que cette liqueur n’est 
point acide, ou qu’elle n'a pas un acide actuelle- 
ment développé. Nous pensons cependant que son 
analyse, s'il était possible de s'en procurer. une 
quantité suflisante de pure , ne s'éloignerait pas beau- 
coup de celle de l'acide formique , ces effets sur l’éco- 
nomie animale étant les mêmes que ceux produits par 
la piqüre ou l’éjaculation des Hétérogynides. 

La piqüre des Abeilles et celle de tous les Hymé- 
noptères Ovitithers , outre la douleur vive dont nous 
avons parlé, produit souvent une forte enflure. J’ai vu, 
dans une personne à la vérité très-nerveuse, trois ou 
quatre piqüres produire l’enflure de presque tout le 
bras et un gonflement sous-axillaire assez fort. Ces 
accidens nese dissipèrent qu'après vingt-quatre jours, 
mais sans l'emploi d'aucun remède. Jai ouï-dire qu’un 
âne avait succombé aux suites des piqüres de plusieurs 
milliers d’Abeillesdontil avait renverséles ruches.L’al- 
cali volatil , appliqué de suite sur la piqûre, empêche 
l’enflure, quoiqu'il produise lui-même , au moment de 
son application , une douleur vive, mais peu durable. 
Employé en frictions répétées plusieurs fois après 
l'enfiure, il la diminue promptement. C'est vérita- 
blement le seul remède dont le succès soit constaté, 
quoiqu'on ait employé, pour produire le même effet, 
bien des sortes d'huiles et diverses espèces de 
plantes. 

Lorsque la ruche se trouve privée de sa mère fé- 
conde , il n'arrive pas toujours que la société se décou- 
rage et finisse par se dissoudre. Lorsqu'il existe dans 
la ruche des œufs ou des larves âgées de trois jours 
au moins, et du sexe féminin, quoique ces individus 
fussent originairement destinés à être des ouvrières 


352 WISTOIRE NATURELLE 

privées de fécondité, il est au pouvoir des ouvrières 
d’en élever une ou plusieurs, de manière à en faire 
des mères fécondes, et, dans ce cas, elles ne man- 
quent jamais de le faire. « Lorsque les Abeilles ont 


» 


» 


v 0 y 


> 


ÿ 


perdu leur mère, dit Huber, elles s’en apercoivent 
très-vite, et au bout de quelques heures , elles entre- 
prennent les travaux nécessaires pour réparer leur 
perte. D'abord elles choisissent les jeunes larves 
d’ouvrières, auxquelles elles doivent donner les soins 
propres à les convertir en mères , et, dès ce pre- 
mier moment, elles commencent à agrandir les 
cellules où elles sont logées. Le procédé qu'elles 
emploient est curieux. Pour le faire mieux com- 
prendre, je décrirai leur travail sur une seule de 
ces cellules : ce que j'en dirai, doit s’appliquer à 
toutes celles qui contiennent les larves qu’elles ap- 
pellent à la fécondité. Après avoir choisi une larve 
d’ouvrière , elles sacrifient trois des alvéoles conti- 
guës à celle où il est placé; elles emportent de celles- 
ci les larves et la bouillie, et élévent autour d'elles 
une cloison cylindrique : sa cellule devient donc un 
vrai tube à fond rhomboïdal ; car elles ne touchent 
pasaux pièces de ce fond ; si elles l’'endommageaient, 
il faudrait qu'elles missent à jour les trois cellules 
correspondantes de la face opposée du gâteau, et 
que, par cons équent , elles sacrifiassent leslarves qui 
les habitent, sacrifice qui n’était pas nécessaire et 
que la nature n’a pas permis. Elles laissent donc le 
fond rhomboïdal , et se contentent d'élever au- 
tour de la larve un vrai tube cylindrique qui 
se trouve, ainsi que les autres cellules du gâteau, 
placé horizontalement. Mais cette habitation ne 
peut convenir à la larve, appelée à l’état de mère, 


ÿ 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 453 


que pendant les trois premiers jours de sa vie; 
il faut qu’elle vive les deux autres jours, pendant 
lesquels elle conserve sa forme de larve dans une 
autre situation : pour ces deux jours, portion si 
courte de la durée de son existence, elle doit habi- 
ter une cellule de forme à peu près pyramidale, dont 
la base soit en haut et la pointe en bas. On dirait 
que les ouvrières le savent; car, dès que la larve a 
achevé son troisième jour, elles préparent le local 
que doit occuper son nouveau logement ; elles ron- 
gent quelques-unes des cellules placées au-dessous du 
tube cylindrique , sacrifient , sans pitié, les larves 
qui y sont contenues, et se servent de la cire qu’elles 
viennent de ronger, pour construire un nouveau tube 
de forme pyramidale, qu’elles soudent à angle droit 
sur le premier, et qu'elles dirigent en bas : le dia- 
mètre de cette pyramide diminue insensiblement 
depuis sa base, qui est assez évasée, jusqu’à la 
pointe. Pendant les deux jours que la larve l’habite, 
il y a toujours une Abeille qui tient sa tête plus ou 
moins avancée dans la cellule : quand une ouvrière 
la quitte, il en vient une autre prendre sa place. 
Elles y travaillent à prolonger la cellule à mesure 
que la larve grandit, et elles lui apportent sa nour- 
riture, qu'elles placent devant sa bouche et autour 
de son corps : elles en font une espèce de cordon 
autour d'elle. La larve, qui ne peut se meuvoir 
qu'en spirale, tourne sans cesse pour saisir la bouil- 
lie placée devant sa tête : elle descend insensible- 
ment et arrive tout près de l’orifice de sa cellule : 
c'est à cette époque qu'elle doit se transformer en 
nymphe. Les soins que les ouvrières en ont pris 


jusque-là, ne lui sont plus nécessaires ; elles ferment 
HYMÉNOPTÈRES, TOME 1. 23 


354 HISTOIRE NATURELLE 


» son berceau d'une clôture qui lui est appropriée , et 
» elle subit, au temps marqué, ses deux métamor= 
» phoses. » 

Ce fut M. Schirach qui vit le premier ce fait sur les 
Abeilles qu'il observait en Lusace ; mais il prétendit, 
en publiant cette intéressante découverte, que les 
Abeilles ne choisissent jamais que des larves âgées de 
trois jours, pour leur donner l'éducation qui en fait 
des femelles fécondes. M, Huber, en répétant l’expé- 
rience, s’assura qu'elles pouvaient en choisir, dans 
cette vue, de plus jeunes, et il réussit également 
avec des larves âgées de deux jours, ou même de 


quelques heures $eulement, puisque des Abeilles, : 


à qui il avait Ôté leur mère et tout le couvain, et 
fourni exclusivement d’abord des larves nées sous 
ses yeux depuis deux jours seulement, et ensuite 
d'âgées de quelques heures, travaillèrent de suite, 
sans attendre les trois jours expirés, à la conversion 
des cellules d’ouvrières en cellules faites pour l’éduca- 
tion des mères. Il résulte cependant comme incontes- 
table, des expériences de ces deux observateurs, que, 
pour pouvoir devenir féconde, il faut qu'une larve 
du sexe féminin recoive dans une grande alvéole faite 
exprès, pendant l’espace au moins des deux derniers 
jours de sa vie comme larve, la nourriture qui déve- 
loppe les ovaires, et que les ouvrières n'entreprennent 
jamais sur des larves plus âgées cette étonnante con- 
version , qui est sans contredit le fait le plus curieux 
de leur histoire, et qui démontre parfaitement com- 
bien l’Auteur de toutes choses, des hommes et des 
Abeilles, a pris de soins pour conserver les œuvres 
de sa création. Les mères, ainsi élevées, éprouvent les 
mêmes passions que les autres ; elles sortent de même 


nd 


DES HYMÉNOPTÈRES. . 355 


de la ruche pour s’accoupler, rapportent à la ruche la 
preuve de leur fécondité, y reçoivent, dès ce moment, 
les mêmes hommages que les autres mères, et jouissent 
d’une aussi grande fécondité. Elles ont la même aver- 
sion pour toute autre femelle féconde : s’il en naissait 
deux à la fois dans la ruche, elles se battraient avec 
les circonstances que nous avons décrites, et dès 
qu'elles rencontrent des cellules qui renferment des 
individus destinés à jouir des mêmes facultés qu’elles, 
elles les attaquent et les détruisent de la même ma- 
nière dont nous avons donné le détail. 

Telle est la force de développement des parties in- 
térieures sexuelles, produite par cette nourriture, que, 
sous la forme de gelée, fabriquent les ouvrières, et 
qu'elles ne se donnent la peine de composer, que lors- 
qu'elles ont à élever des larves destinées à être des 
femelles fécondes. Telle est, dis-je, cette force, qu’une 
très- petite portion de cette nourriture, tombée par 
mégarde dans une cellule, quoique petite et habitée 
par une larve qui ne deviendra qu’une ouvrière, suffit 
pour communiquer à celle-ci une portion de fécondité. 
C'est M. Riem qui découvrit le premier que certaines 
Abeilles, de taille ordinaire, pondaient, dans cer- 
tains cas, des œufs féconds. Cet observateur attri- 
buait la ponte de ces œufs à des ouvrières fécondes. 
Qu'il les eût appelées de petites mères, cela eût été 
absolument égal, puisque les expériences, que nous 
venons de rapporter, prouvent, d’une manière incon- 
testable, la parfaite identité de l’œuf et de la jeune 
larve, de laquelle telle éducation fera une mère de la 
grande taille et féconde , ou une ouvrière, Abeille pe- 
tite, à ovaires insusceptibles de fécondité. Huber fut 
conduit à observer les mêmes faits que M. Riem, et 


23. 


356 HISTOIRE NATURELLE 


à en développer les circonstances par un événement 
singulier, qu'il remarqua dans deux de ses ruches, 
privées de femelles fécondes depuis quelque temps. 
« 1] y trouva des œufs nouvellement pondus, et des 


» 


» 


» 


larves de mâles nouvellement écloses. Il y vit en même 
temps les premiers commencemens de quelques cel- 
lules, de la forme et de la taille de celles où les mères 
sont élevées , appendues, en manière destalactites, 
sur les bords des gâteaux. Dans ces cellules, il y 
avait des œufs de mâles. Comme il était parfaite- 
ment sûr qu'il n’y avait pas de mères de la grande 
taille parmi les Abeilles de ces deux ruches, il était 
clair que les œufs qui s’y trouvaient, et dont le 
nombre augmentait tous les jours, avaient été pon- 
dus, ou par des mères de petite taille, ou pardes 
ouvrières fécondes. Il avait lieu de croire que c’é- 
taient effectivement des Abeilles communes qui 
pondaient ; car il avait apercu souvent des individus 
de cette dernière sorte, qui introduisaient leur partie 
postérieure dans des cellules, et qui y prenaient la 
même attitude que prend la mère féconde quand elle 
va pondre. Mais il n’en avait pu saisir aucune, dans 
cette circonstance, pour l’examiner de plus près , et 
ne voulait rien affirmer ; sans avoir tenu entre ses 
doigts les Abeilles qui avaient pondu.... Mon aide, 
ajoute M. Huber, m'offrit alors de faire, sur ses deux 
ruches, une opération qui exigeait tant de courage et 
de patience, que je n’avais pas osé lui en parler, quoi- 
que j'en eusse concu le plan moi-même. Il me proposa 
d'examiner vivantes séparément toutes les Abeilles 
qui peuplaient ces ruches, pour savoir s’il ne s'était 
point olissé, parmi elles, quelque petite mére qui 
eût échappé à nos regards... Il employa onze jours à 


DES HYMÉNOPTÈRES, 397 


cette opération, et, pendant tout le temps qu'elle 
dura , il se permit à peine d'autre distraction que 
celle qu’exigeait lerepos deses yeux. Il tint vivantes 
entre ses doigts chacune des Abeilles qui compo- 
saient ces deux ruches ; il examina attentivement leur 
trompe, leurs jambes postérieures, leur aiguillon ; 
il n’en trouva pas une seule qui n’eût les caractères 
d’Abeille ouvrière commune ; c’est-à-dire l’enfonce- 
ment triangulaire ou petite corbeille sur les jambes 
postérieures , la trompe longue et l’aiguillon droit. 
Il avait préparé d'avance des boîtes vitrées , où 
étaient placés quelques gâteaux ; c’est dans ces 
boîtes qu'il mettait chaque Abeille, après l'avoir 
examinée : je n'ai pas besoin de dire qu'illes y re- 
tint prisonnières; cette dernière précaution était 
indispensable, car l’expérience n'était pas finie 
encore. Il ne suflisait pas d’avoir constaté que toutes 
ces Abeilles étaient de la sorte des Abeilles ou- 
vrières, il fallait voir si quelques-unes d’elles pon- 
draient des œufs. Nous examinâmes donc, pendant 
plusieurs jours, les cellules des gâteaux quenous leur 
avions donnés , et nous ne tardâmes pas à y aperce- 
voir des œufs nouvellement pondus , d’où sortirent, 
au temps ordinaire, des larves de mâles. Mon aide 
était sûr de n'avoir tenu dans ses doigts que des 
Abeilles ouvrières : il était donc démontré qu'il y 
a quelquefois , dans les ruches d’Abeiïlles, des ou- 
vrières fécondes....., Nous replaçcimes toutes les 
Abeilles examinées dans des ruches vitrées, fort 
minces, qui n'avaient que dix-huit lignes d'épais- 
seur, et ne pouvaient contenir qu'un seul rang de 
gâteaux : elles étaient ainsi très-favorables à l’ob- 
servation...... Nous apercümes bientôt, dans une 


358 HISTOIRE NATURELLE 


SL 
= 


cellule, une Abeille qui avait pris l'attitude d’une 
femelle qui pond ; nous ne lui laissâmes pas le temps 
d'en sortir; nous ouvrimes promptement la ruche, 
et saisimes cette Abeille : elle avait tous les carac- 
tères d’une ouvrière; la seule différence que nous 
pûmes reconnaître, et elle était bien légère, c’est 
que son ventre nous parut moins gros et plus efflé 
que celui des ouvrières. Nous la disséquâmes en- 
suite, et nous trouvâmes ses ovaires plus petits, 
plus fragiles, composés d’un moindre nombre d'ovi- 
ductes , que les ovaires des mères de grande taille. 
Les filets, qui contenaient les œufs, étaient extré- 
mement fins, et présentaient de légers renflemens 
placés à égales distances. Nous comptâmes onze 
œufs, de grosseur sensible , dont quelques-uns nous 
parurent prêts à être pondus Cet ovaire était dou- 
ble, comme celui des mères de grande taille. » I] fut 


fait plusieurs autres dissections d'ouvrières, de ces 
ruches, prises dans l’opération de la ponte : elles con- 
firmèrent les faits découverts par la première ; aucune 
d'elles n’en altéra les résultats. 


« Les ouvrières fécondes ne pondent jamais des 
œufs d'ouvrières ; elles ne pondent que des œufs de 


_mâles. M. Riem avait déjà observé ce fait singulier, 


et, à cet égard, toutes mes observations confirment 
les siennes. Elles ne sont pas indillérentes sur le 
choix des cellules où elles déposent leurs œufs. Elles 
préfèrent toujours de les pondre dans les grandes 
cellules construites pour les mâles, et ne les placent 
dans les petitsalvéoles, que lorsqu'elles n’en trouvent 
pas d’un plus grand diamètre ; mais elles ont , avec 
les mères dont la fécondation à été retardée, ce 
rapport qu'elles pondent aussi quelquefois leurs 


» 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 359 


œufs dans les grandes alvéoles construits pour l’édu- 
cation des mères... Un fait singulier, dans le dou- 
ble cas que nous venons d'exposer, vu par Huber, 
est que les ouvrières traitent cependant bien diffé- 
remment , les nymphes mâles qui proviennent des 
mères de grande taille dont la fécondité est incom- 
plète , et celles de même sexe venues de la ponte des 
ouvrières fécondes. Les cellules des premières sont 
par elles guillochées et couvées jusqu’à la parfaite 
transformation des mâles qu’elles contiennent. Elles 
traitent bien différemment les secondes : elles com- 
mencent, à la vérité, par donner tous leurs soins à 
ces œufs et aux larves qui en proviennent ; elles fer- 
ment ces cellules d’un couvercle : mais, jamais elles 
ne manquent à les détruire, trois jours après les avoir 
fermées. 

» Après avoir heureusement achevé ces premières 
expériences, il restait à découvrir la cause du déve- 
leppement partiel des organes sexuels des ouvrières 
fécondes. M. Riem ne s'était pas occupé de cet in- 
téressant problème... Depuis les belles découvertes 
de M. Schirach , que nous avons rapportées et que 
nos expériences confirment , il est hors de doute que 
toutes les ouvrières, ou Abeilles communes, sont 
originairement du sexe féminin. L’Auteur de la na- 
ture leur a donné les sermes d’un ovaire; mais il à 
voulu qu’il ne se développât que dans le cas parti: 
culier où ces Abeilles recevraient, sous la forme de 
Jarves, une nourriture particulière. Il faut donc 
examiner, avant tout, si nos ouvrières fécondes ont 
eu, dans l’état de larves, cette même nourriture. 
Toutes mes expériences m'ont convaincu qu'il ne 
nait des ouvrières capables de pondre que dans les 


l 


360 ! HISTOIRE NATURELLE 


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ruches qui ont perdu leur mère. Or, dans ce cas, les 
Abeilles préparent une grande quantité de gelée 
prolifique, pour nourrir plusieurs larves destinées 
à la remplacer. Si donc les ouvrières fécondes ne 
naissent que dans ce seul cas , il est évident qu’elles 
pe naissent que dans les ruches dont les ouvrières 
préparent de la gelée prolifique. .... Cela me fit 
soupconner que, lorsque les Abeilles donnent à 
quelques larves l'éducation qui en fait des mères, 
elles laissent tomber, ou par accident , ou par une 
sorte d'instinct dont le principe est ignoré, de pe- 
tites portions de gelée prolifique, dans les alvéoles 
voisines des cellules, où sont leslarves destinées à 
l'état de mères. Les larves d’ouvrières , qui ont recu 
accidentellement, ces petites doses d’un aliment aussi 
actif, doivent en ressentir plus ou moins l'influence : 
leurs ovaires doivent acquérir une sorte de dévelop- 
pement; mais ce développement sera imparfait, 
parce que la nourriture prolifique n’a été adminis- 
trée qu'en petites doses ; et que d’ailleurs les larves 
dont je parle, ayant vécu dans des cellules du plus 
petit diamètre, leurs parties n’ont pas pu s'étendre 
au delà des proportions ordinaires. Les Abeilles qui 
naîtront de ces larves, auront donc la taille et tous 
les caractères extérieurs des simples ouvrières ; mais 
elles auront de plus la faculté de pondre quelques 
œufs, par le seul effet de la petite portion de gelée 
prolifique, qui aura été mêlée à leurs autres alimens. 
Pour juger de la justesse de cette explication, il 
fallait suivre, dès leur naissance , les ouvrières fé- 
condes , chercher si les alvéoles, dans lesquelles elles 
sont élevées, se trouvent constamment dans le voisi- 
nage des cellules des mères, et si la bouillie, dont 


» 


» 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 361 


ces larves se nourrissent , est mêlée de quelque por- 
tion de gelée prolifique. Malheureusement , cette 
dernière partie de l'expérience est fort difficile à 
exécuter. Quand cette gelée est pure, on la recon- 
naît à son goût aigrelet et relevé ; mais, lorsqu'elle 
est mêlée de quelque substance, on ne distingue 
plus sa saveur que très-imparfaitement. Je crus 
donc devoir me borner à l’examen de l’emplacement 
des cellules, où naissent les ouvrières fécondes. » 


Voici les détails d’une des expériences que M. Huber 
fit à ce sujet : 


« En juin 1700, dit-il, je m'aperçus queles Abeilles 
d'une de mes ruches les plus minces, avaient perdu 
leur reine depuis plusieurs jours, et qu'il ne leur 
restait aucun moyen de la remplacer, parce qu’elles 
n'avaient pas de larves d’ouvrières. Je leur fis don- 
ner alors une petite portion de gâteau , dont toutes 
les cellules contenaient une jeune larve de cette 
sorte. Dès le lendemain, les Abeilles prolongèrent 
plusieurs de ces alvéoles autour des larves qu'elles 
destinaient à devenir mères. Elles donnèrent aussi 
des soins aux larves placées dans les cellules voisines 
de celles-là. Quatre jours après, toutes les grandes 
cellules de mères étaient fermées , et nous comptä- 
mes,avec plaisir, dix-neuf petites alvéoles qui avaient 
également recu toute leur perfection, et qui étaient 
fermées d’un couvercle presque plat. Dans ces der- 
nières étaient les larves qui n'avaient pas reçu l’édu- 
cation de mères ; mais, comme elles avaient prisleur 
accroissement dans le voisinage des larves destinées 
à remplacer la mère, il était intéressant d’observer 
ce qu’elles deviendraient ; il fallait saisir le moment 
où elles prendraient leur dernière forme. Pour ne 


362 HISTOIRE NATURELLE 


» 


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= 


pas le manquer, j'enlevai ces dix-neuf cellules; je 
les plaçai dans une boîte grillée que j'introduisis au 
milieu de mes Abeilles; j'enlevai également les 
grandes cellules de mères ; car il importait beaucoup 
que les mères, qui devaient en sortir, ne vinssent 
pas compliquer ou déranger les résultats de mon 
expérience. I] y avait bien ici une autre précaution 
à prendre; je devais craindre qu'en privant mes 
Abeilles du fruit de leurs peines, et de l’objet de 
leurs espérances , elles ne tombassent dans le décou- 
ragement : je leur donnai donc une autre portion 
de gâteau , contenant du couvain d’ouvrières, en me 
réservant de la leur ôter impitoyablement , quand le 
temps serait venu. Ce moyen réussit; les Abeilles, en 
donnant leurs soins à ces dernières larves, oublièrent 
celles que je leur avais enlevées. Quand le moment 
où les larves de mes dix-neuf cellules devaient subir 
leur dernière transformation, approcha, je fis visiter 
plusieurs fois, chaque jour, la boîte grillée où je les 
avais renfermées, et j'y trouvai enfin six Abeilles 
exactement semblables aux ouvrières communes, 
Les larves des treize autres cellules périrent sans 


se métamorphoser en Insectes parfaits. J'ôtai alors 


de ma ruche la dernière portion de couvain que j'y 
avais placée pour prévenir le découragement des 
ouvrières; je mis à part les mères nées dans les 
grandes cellules, et après avoir peint d’une couleur 
rouge le corselet de mes six Abeilles, et leur avoir 
amputé l’antenne droite, je les fis entrer toutes les 
six dans la ruche, et elles y furent bien accueillies. 
Voici quel était mon projet dans cette suite d'opé- 
ralions ; je savais qu'il n'y avait aucune mère, de 
la grande ou de la petite taille, parmi mes Abeilles ; 


DES HYMÉNOPTÈRES. 363 


si donc, en continuant de les observer, je trouvais, 
dans les gâteaux, des œufs nouvellement pondus, 
combien ne devenait-il pas vraisemblable qu'ils 
lauraient été par l’une ou l’autre de mes six 
Abeilles ! Mais, pour en acquérir la parfaite certi- 
tude, il fallait les surprendre au moment de la 
ponte, et par conséquent, afin de les reconnaître, 
il fallait les marquer de quelque tache ineffacable. 
» Cette marche eut un plein succès. Nous ne tar- 
dâmes pas à apercevoir des œufs dans la ruche; le 
nombre augmentait même tous les jours : les larves 
qui en provenaient étaient toutes des mâles; mais il 
se passa bien du temps, avant que nous pussions 
saisir les Abeilles qui les pondaient. Enfin, à force 
d’assiduité et de persévérance , nous apercûmes une 
Abeille qui introduisait sa partie postérieure dans 
une cellule; nous ouvrimes la ruche et saisimes 
l’'Abeille; nous vimes l’œuf qu’elle venait de dépo- 
ser ; et, en l’examinant elle-même, nous reconnûmes 
à l'instant, aux restes de la couleur rouge qu’elle 
avait sur son corselet, et à la privation de son an- 
tenne droite, qu'elle était une des six Abeilles éle- 
vées sous la forme de larves dans le voisinage des 
cellules royales. Je n’eus plus de doute alors sur la 
vérité de ma conjecture; je ne sais cependant si la 
démonstration, que je viens d'en donner, paraîtra 
aussi rigoureuse qu'elle me le paraît à moi-même (1); 


(1) Quelques personnes trouveront peut-être qu'il était suflisant 


d'analyser cette expérience, et quelques autres rapportées ici dans 
tous leurs détails: mais, outre l'intérêt général qui s'attache aux 
faits dont elles sont la preuve, et qui ne seraient pas admis, si ces 
mêmes détails ne déposaient pas de l'exactitude des conclusions qui 
en sont tirées , il serait possible que quelques-uns de mes lecteurs 


364 HISTOIRE NATURELLE 


» mais voici comme je raisonne : s’il est certain que 
» les ouvrières fécondes naissent toujours dans les 
» alvéoles voisines des grandes cellules de femelles fé- 
» condes , il n’est pas moins sûr que ce voisinage en 
» lui-même n'est qu'une circonstance assez indiffé- 
» rente; car la grandeur et la forme de ces cellules ne 
» peuvent produire aucun eflet sur des larves qui 
» naissent dans les petites alvéoles qui les entourent. 
» Il y a donc ici quelque chose de plus : or, nous sa- 
» vons que les Abeilles portent dans les grandes cellu- 
» les de mères une nourriture particulière ; NOUS savons 
» encore que l'influence de cette gelée, sur le germe des 
» ovaires, est très-puissante, qu’elle peut seule dé- 
» velopper ce germe ; il faut donc nécessairement sup- 
» poser que les larves, placées dans les alvéoles voi- 
» sines , ont eu part à cette nourriture. Voilà donc ce 


voulussent les répéter ou en tenter d'autres, et je les mets, par-là 
même, sur la voie de les faire avec succès. J'espère donc qu'on ne 
m'accusera pas de prolixité. On pourrait essayer de voir si les ou- 
vrières fécondes rapportent à la ruche les mêmes preuves d'accou- 
plement que les jeunes mères de grande taille. Il paraît que 
M. Huber avait laissé toute liberté à ses Abeilles, puisque l'ana- 
logie porte à croire que ces ouvrières, susceptibles de fécondité, 
out dû sortir pour s'accoupler en l'air. Cette liberté n'a-t-elle pas 
fourni à quelque mère , étrangère à la ruche, l'occasion de s'y in- 
troduire? Cette mère n'avait-elle pas pondu l'œuf attribué à l'ou- 
vrière dite féconde ? M. Huber ne dit pas avoir vérifié l'état de la 
cellule, avant que cette ouvrière y introduisit sa partie postérieure, 
pour s'assurer que l'œuf n'y était pas d'avance. Huber, ni aucun 
observateur après lui (je n'en connais aucun de postérieur ), ne 
distingue pourquoi tous leurs œufs sont mâles. Il ne devine pas 
mieux de quelle utilité elles peuvent être dans les ruches. Il n'a 
fait aucune recherche sur la manière dont s'opère leur fécondation 
par le mâle. Il serait possible que l'accouplement de celles, qu'il a 
observées, eût été retardé, et que ce retard eût produit, sur leurs 
ovaires, les mêmes effets qu'il produit sur celui des grandes fe- 


melles. Je pense que des expériences, dans ces divers buts , seraient 
utiles à l'histoire des Abeilles. 


,. 

DES HYMÉNOPTÈRES. 365 
» qu’elles gagnent au voisinage des cellules de mères ; 
» c'est que les Abeilles qui se portent en foule vers 
» ces dernières, passent sur elles, s’y arrêtent et lais- 
» sent tomber quelque portion de la gelée, qu’elles 
» destinaient aux larves des mères. Je crois ce raison- 
» nement conforme aux règles d’une saine logique. » 

Pour faire naître, dans une ruche, des ouvrières 
fécondes , il sufit d'enlever la mère de cette ruche. Si 
cette ruche contient des œufs ou des larves de l’âge 
voulu , ou si on l’en fournit, aussitôt les Abeilles tra- 
vaillent à la remplacer, en exécutant les travaux que 
nous avons décrits. Il naît toujours alors des ouvrières 
fécondes; mais il est fort rare qu’on les y trouve, 
parce que la jeune mère, qui sort toujours la pre- 
mière, après avoir détruit les autres cellules de mères 
et tué ses rivales, se jette aussi sur les petites alyvéoles 
qui,les entourent, et massacre tout ce qu'elles con- 
tiennent. Il semblerait donc qu'elles savent que les 
ouvrières contenues dans ces cellules, participeraient 
en quelque chose à cette fécondité, qui doit, dans 
l'ordre, être leur attribut, à l'exclusion de tout autre 
individu. 

On doit avoir remarqué, dans ce que nous avons 
dit des travaux des Abeilles, qu’elles agissent avec un 
grand accord; ce qui suppose un moyen de s'entendre, 
à la portée de toutes sans exception. Nous avons déjà, 
à l'occasion des Fourmis, parlé des moyens, employés 
par celles-ci, pour se communiquer entre elles leurs 
sensations et leurs projets; nous avons désigné les 
coups d'antennes et de tête, comme produisant cet 
effet. Ces mêmes signes sont ésalement employés par 
les Abeilles. Lorsqu'il y a abondance, dans une place 
même éloignée de plusieurs lieues, de quelque fleur 


366 HISTOIRE NATURELLE 


qui leur promet une abondante récolte, on les voit 
toutes, dès le matin, se diriger vers le point de l’ho- 
rizon où est située cette localité féconde, et il semble 
que cet accord soit le fruit du rapport de celles qui 
l'ont d’abord découvert. Il en est de même dans leurs 
travaux intérieurs ; ils manifestent toujours unité d’in- 
tention, sans cependant exclure quelques variétés 
dans l’exécution, selon les localités de la ruche et au- 
tres circonstances. 

Quant aux sens des Abeilles, nous n’en connaissons 
pas le siége, plus que celui des sens des autres Ir - 
sectes. Le toucher paraît situé sur toute la superficie 
du corps, mais il paraît plus perfectionné dans e 
bout des antennes : c’est le toucher, exercé par l’ex- 
trémité de ces appendices de la tête, qui semble los 
diriger, pour leurs travaux de construction, dans 
l'obscurité de leur ruche. Il est d'abord certain qu’elles, 
tâtent, avec ce bout, l’endroit où elles vont travailler. 
Ensuite, celui qui pourrait croire que ce sont leurs 
yeux quiles dirigent, dans toutes les opérations qu'’eiles 
ont à exécuter, dans des ténèbres presque absolues , 
aura à nous expliquer le phénomène d’yeux égale- 
ment propres à distinguer les objets à la clarté du 
soleil et dans la nuit, sans être doués d’une membrane 
clignotante, et sans rétrécissement de la pupille dans 
le premier de ces cas. 

« Le goût, dans les Abeilles, dit Huber, paraît être 
» le moins parfait de tous les sens ; car, ajoute-t-il, ce 
» sens semble, en général, admettre du choix dans 
» son objet, et, contre l'opinion reçue, il est certain 
» que l’Abrille en met peu dans celui du miel qu'elle 
» récolte. Les plantes dont l’odeur et la saveur nous 
» paraissent le plus désagréables, ne les rebutent 


DES HYMÉNOPTÈRES. 367 


» point. Les fleurs vénéneuses ne sont pas exclues de 
» leur choix, et l’on dit que le miel récolté dans cer- 
» taines provinces d'Amérique est un poison assez 
» violent; outre cela, les Abeilles ne dédaignent 
» point le suc rejeté par les Pucerons sous la forme 
» de miellée , malgré limpureté de son origine ; on les 
» voit même peu dificiles sur la qualité de l’eau 
» qu'elles boivent : celle des mares et des fumiers les 
» plus infects leur paraît préférable à l’eau de la source 
» Ja plus limpide et à celle de la rosée même. » Il me 
semble que les faits cités par Huber, ne prouvent nul- 
lement l’imperfection du goût des Abeilles, mais seu- 
lement une différence marquée entre leurs goûts et les 
nôtres. Il est vrai , en général, de dire que les répu- 
gnances de goût dans l’homme, portent sur des choses 
qui altéreraient son tempérament ou sa santé. Si ces 
mêmes choses n’altèrent pas la santé de l’Abeille, 
pourquoi lui inspireraient-elles de la répugnance? Or, 
il est certain qu’il en est ainsi du suc des fleurs fourni 
par quelques plantes nuisibles à l’homme, que les 
Abeilles des lieux , où elles se trouvent en abondance, 
recueillent exclusivement dans certaines saisons : ce 
miel, recueilli par elles, ne les incommode pas. Il est, 
comme le suc de toute autre fleur, récolté par la trom- 
pe , formé comme miel dans le premier estomac, dé- 
gorgé ensuite dans les alvéoles ; et, dans la saison de 
pénurie,consommé comme provision, il parcourt toutes 
les voies digestives sans inconvénient pour leur santé. 
Ce même miel peut être très-nuisible à l'homme. Un 
trait d'histoire le prouve : celle-ci rapporte que les dix 
mille Grecs qui avaient secouru Cyrus, contre son frère 
roi de Perse, faisant leur retraite à travers l'Asie mi- 
neure, rencontrèrent, dans les environs de Trébizonde, 


3658 HISTOIRE NATURELLE 


des Abeilles dont ils mangèrent le miel ; que ce miel 
leur causa des vertiges et des évacuations violentes 
pendant quelques jours , et désorganisa leur armée, au 
point que la défense eût été impossible, siles Perses les 
eussent attaqués dans cette circonstance. 

Xénophon, l’un de leurs principaux chefs et leur 
historien, raconte ainsi ce fait remarquable : « Comme 
» il y avait plusieurs ruches d’'Abeilles, dit cet auteur, 
» les soldats n’en épargnèrent pas le miel : il leur prit 
» des évacuations par haut et par bas, suivis de rêve- 
ries, en sorte que les moins malades ressemblaient 
» à des ivrognes, et les autres à des personnes furieuses 
» ou moribondes. On voyait la terre jonchée de corps 
» comme après une bataille : personne néanmoins 


CA 


» n’en mourut, et le mal cessa le lendemain, environ 
» à la même heure qu'il avait commencé, de sorte 
» que les soldats se levèrent le troisième et le qua- 
» trième jour, mais en l’état où l’on est après l'effet 
» d’une forte médecine. » Diodore de Sicile, parmi les 
anciens, rapporte le même fait. Dioscoride et Aristote 
parlent de ce miei, de ses eflets pernicieux, et de la 
localité qui le produit. Pline mentionne ce même 
miel, lui donne la même patrie et les mêmes elflets ; 
mais, de plus, il désigne, sous le nom d’Ægolethron 
et de ÆRhododendros, les deux arbrisseaux sur les 
fleurs desquels les Abeilles recueillent ce miel si 
dangereux. Tournefort , dont le voyage du Levant a 
fait faire tant de progrès à la botanique, et même à la 
géographie, passant dans les environs de Trébizonde, 
à la suite du pacha Numan Cuperli, béglierbey 
d'Erzéroux, reconnut que ces deux arbrisseaux étaient 
l'Azalea pontica et le Rhododendron ponticum. Dé- 
sirant plaire au pacha, son patron, il voulait placer 


DES HYMÉNOPTÈRES. 369 


dans la tente de celui-ci de gros bouquets de leurs 
belles fleurs : « Cependant, ajoute-t-il, je fus averti, 
» par son chiaia, que cette fleur excitait des vapeurs 
» et des vertiges. Il m'assura qu’il venait d'apprendre, 
» des gens du pays, que cette fleur était nuisible au 
» cerveau. Ces bonnes gens, par une tradition fort an- 
» cienne, fondée apparemment sur plusieurs obser- 
» vations, assurent aussi que le miel que les Abeilles 
» font , après avoir sucé ces fleurs, étourdit ceux qui 
» en mangent et leur cause des nausées. » 

Le suc des fleurs de l’Æzalea pontica et du RAodo. 
dendron ponticum est donc nuisible à l’homme, et 
en même temps du goût des Abeilles, pour lesquelles 
il ne renferme aucune mauvaise qualité, puisqu'elles 
en fabriquent du miel et qu’elles s’en nourrissent. En 
tout cas, l’on ne peut pas dire qu'il y ait chez elles 
dépravation de goût , parce qu’elles usent d’un aliment 
nuisible à l'homme, et, par conséquent , c’est à tort 
que Huber leur reproche l’imperfection de ce sens. 

L'odorat est un sens qui paraît très-perfectionné 
dans les Abeilles. M. Huber, (je citerai seulement son 
expérience la plus concluante), « prit des boîtes de 
» grandeur, de couleur et de forme différentes; on y 
» ajusta de petites soupapes de cartes, qui répon- 
» daïent à quelques trous percés dans leurs couvercles ; 
» on mit du miel au fond de ces boîtes, et on les dé- 
» posa à deux cents pas de son rucher. Au bout d'une 
» demi-heure, on vit arriver des Abeilles près de ces 
» boîtes. Elles les parcoururent soigneusement , et 
» eurent bientôt découvert l'endroit par où elles pou- 
» vaient s’y introduire; on les vit pousser les soupapes 
» et pénétrer jusqu’au miel. On peut juger, d’après 
» cette épreuve, de l'extrême finesse de l’odorat de 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 24 


370 HISTOIRE NATURELLE 


» ces Insectes ; non-seulement le miel était bien caché 
» à leur vue, mais il ne pouvait répandre beaucoup 
» d’émanations , puisqu'il était recouvert et masqué 
» dans cette expérience, » Voulant découvrir le siége 
de l’odorat, notre observateur fit plusieurs expé- 
riences que nous ne rapporterons pas, parce qu'il 
en tire une conclusion qui ne nous paraît rien moins 
que prouvée. « Elles lui paraissent indiquer, dit-il, 
» quel’organe de l’odorat réside dans la bouche même 
» ou dans les parties de la bouche. » 

Cette présomption nous paraît tout-à-fait anomale. 
En eflet, l’air est le véhicule qui porte les odeurs au 
siége du sens, fait pour les apprécier dans tous les au- 
tres animaux chez lesquels nous le reconnaissons. 
L'air, ce fait est constant, n’est attiré par les Insectes 
qu’au moyen de leurs stigmates ; la bouche, par elle- 
même, n’est pas chez eux un organe de respiration, 
et tous les stigmates qui en font l'office, en sont fort 
éloignés. Ne pourrait-on pas dire que M. Huber a 
pris ici l'effet du goût, qui réside indubitablement 
dans la bouche, pour celui de l’odorat. Les odeurs , en 
effet, sont une émanation de particules du corps odo- 
rant ; et l’on peut croire que ces particules, s'étant 
arrêtées sur l’organe du goût, ont été cause de la 
fuite des Abeilles ou autres signes de répugnance 
donnés par elles, lorsqu'on a approché de leur bouche 
certaines odeurs. Au reste, les essais de M. Huber 
l’out amené à voir que, sans bouger de place , l’Abeille, 
assaillie d’'émanations odorantes qui la génent , peut 
s'en délivrer par la ventilation , c'est-à-dire en agitant 
fortement, et plusou moins de temps, ses ailes, pen- 
dant qu’elle se cramponne sur le sol où elle reste, avec 
les crochets de ses tarses. Toute Abeille que des éma- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 371 


nations quelconques gênent , a recours à ce moyen, et 
quelquefois, dans l’intérieur d’une ruche, une grande 
partie de la population agite ainsi ses ailes en même 
temps. 

On n’a d’autres preuves que les Abeilles jouissent 
du sens de l’ouïe, que leur retraite précipitée de la 
campagne dans la ruche, lorsque le tonnerre gronde 
au loin. C’est ce bruit que les villageois prétendent 
imiter en frappant sur des poêles et des pelles, pour 
faire poser les essaims et les empêcher de s’écarter 
trop de la ruche. On n'a aucune donnée, à ma con- 
naissance , sur le siége de ce sens. 

Les Abeilles jouissent de la vue, puisque, dans le 
vol le plus actif, elles savent se détourner des obsta- 
cles qui s’opposent à leur passage. Les organes de la 
vue sont les yeux à réseau et les ocelles. 

Les Abeilles ne cherchent querelle à aucune espèce 
d'animaux ; attaquées, elles se défendent cependant 
vaillamment , et l’on n’en voit fuir aucune, lorsqu'il y 
a attaque contre l'existence de la société, quelle que 
soit la force ou le nombre des assaillans. Ces Insectes, 
si paisibles d'eux-mêmes, ont des ennemis parmi les 
Oiseaux, les Quadrupèdes, les Reptiles et les Insectes. 

Tous les Oiseaux à bec fin, tels que les Hirondelles, 
les Fauvettes , les Gobe-mouches ,les Guêpiers, les 
Mésanges , et beaucoup d’autres, se nourrissant d'In- 
sectes en grande partie, n’épargnent pasles Abeilles. 
Les Mésanges mêmes viennent quelquefois dans l’hi- 
ver les manger dans la ruche pendant leur engourdis- 
ment. Il est même un oiseau du genre Faucon, que 
son nom spécifique nous désigne comme un mangeur 
d’Abeilles, et la Bondrée ( Falco apivorus) est accusée 
de ne point négliger une si petite proie. 


24. 


L 


372 HISTOIRE NATURELLE 


Diverses espèces de Souris s’introduisent dans les 
ruches les moins peuplées, ou bien elles y entrent 
pendant l'hiver, lorsque le froid a forcé les habitantes 
à se réfugier dans la partie la plus élevée de leur ha- 
bitation. Elles rongent les gâteaux , et font souvent 
un grand dégât dans les provisions ; en sorte que, 
lorsque des jours moins froids amènent le réveil de 
la population, celle-ci se trouve privée des vivres 
amassés par son labeur, sans que la nature lui donne 
encore les moyens de réparer ses pertes, en lui offrant 
des fleurs nouvelles. Les Lézards, parmi les Reptiles, 
au moyen de leur langue gluante, s'emparent de tous 
les petits Insectes, pour en faire leur nourriture, et, 
dans l’occasion , ils prennent aussi les Abeilles. J'en 
ai vu un qui habitait dans un trou de mur près d’une 
de mes ruches, et qui , s’étant élancé sur la couverture 
de paille, seglissa en dessous jusqu’auprès de la porte, 
et enleva plusieurs Abeilles de cette manière, se réfu- 
giant chaque fois sous l'enveloppe de la ruche. 

Les ennemis les plus dangereux de l’Abeille se ren- 
contrent dans la classe naturelle d'êtres dont elle fait 
elle-même partie, parmi les Insectes. Nous parlerons 
d’abord de deux Lépidoptères qui aiment à se nourrir 
de cire. Nous les avons déjà nommés, ( Gralleria ce- 
reana et Alvearia Latr.), en signalant leurs dégâts 
comme une des causes qui forcent les Abeilles à aban- 
donner leur ruche. Réaumur les a décrites , ainsi que 
leurs travaux , sous le nom de Fausses-T'eignes de la 
cire. Get auteur entendait, par fausses Teignes, les 
larves de Lépidoptères , qui allongent en galeriele lo- 
gement de soie qu’elles filent pour s’y tenir à couvert ; 
tandis qu'il appelait simplement Teignes , celles de 
ces larves qui se fabriquent seulement un habit de 


DES HYMÉNOPTÈRES. 373 
soie qui suit leurs mouvemens, et qu’elles transpor- 
tent de place en place à mesure qu’elles en changent 
pour chercher leur nourriture. Cette dénomination 
de fausses T'eignes de la cire , de Réaumur, qui donne 
une première idée des travaux de ces ennemis des 
Abeilles, et assez juste et assez claire, a cependant 
le défaut d’être une périphrase, et nous le remplace- 
rons, avec Latreille, par celui de Galleria cereana 
et Galleria alvearia. Toutes deux ne volent que la 
nuit, et c'est à cette époque qu’elles s’y introduisent ; 
leur petitesse, quoique inégale, (la Cereana,est à 
peu près moitié plus grande quel’ Ælvearia), les fa- 
vorise encore pour pénétrer jusqu à la cire, ainsi que 
la vivacité de leur marche. Réaumur en vit une pour- 
suivie par une Abeille qui ne put l’atteindre à la 
course, et abandonna la poursuite au bout d’un cer- 
tain temps. Une femelle d’une de ces espèces, étant 
entrée dans une ruche, dépose ses œufs, qui sont 
nombreux, au fond d’une alvéole : les petites larves, 
qui sortent de chacun, s'occupent aussitôt de se filer 
un logement de soie, qu’elles recouvrent de srains de 
cire, détachés à cet eflet de la partie la plus voi- 
sine; en même temps elles se nourrissent de cette 
cire. Lorsqu'elle a consommé ce qui est à sa portée, 
chacune d'elles prolonge son logement pour atteindre 
de nouvelle cire. À mesure qu'elle grossit, elle donne 
à sa galerie un plus grand diamètre : elle avance ainsi 
en perçant les murs des cellules, et assez souvent 
aussi leur fond, et, parce moyen, elle passe de l’une 
des faces du gâteau à l’autre. La galerie, ainsi conti- 
nuée, finit par atteindre quelques pouces de longueur, 
et elle est attachée à la cire, sur laquelle elle pose, 
dans toute sonétendue. Tout l'intérieur est un tissu de 


Le | 


374 HISTOIRE NATURELLE 


soie blanche assez serré et poli : la grande espèce lui 
donne plus d'épaisseur et ne le recouvre pas en entier 
de grains de cire; la petite, le faisant moins fort, le 
recouvre soigneusement partout de ces grains de cire, 
ou même de ses excrémens disposés en plusieurs cou- 
ches : chaque grain étant attaché par des fils, les 
tuyaux acquièrent une assez grande solidité. Lorsque 
ces larves ont atteint leur grandeur, Réaumur dit 
qu’elles se construisent une coque dans la galerie 
qu'elles ont habitée. J'ai cependant trouvé quelque- 
fois lescoques dela grande espèce, la Cereana, placées 
à côté les unes des autres à l’extérieur de la ruche, et 
attachées au panier, ce qui prouverait qu’elles sortent 
au moins quelquefois pour cela de leurs habitations. 
Plusieurs de ces Galleria, qui sont nées dans une 
ruche , y déposent leurs œufs, après être devenues 
Lépidoptères parfaits et s'être accouplées ; en sorte 
que le dégât s'accroît très-promptement dans la ruche 
quienestune fois attaquée. Latreille range ces Insectes 
nuisibles , que l’on sera bien aise de pouvoir reconnai- 
tre, ne füt-ce que pour en préserver les Abeilles, dans 
les Pyralites, neuvième famille de l’ordre des Lépi- 
doptères. Les caractères particuliers du genre Galleria 
sont : « Chenilles à seize pates. Ailes de l’Insecte 
» parfait étroites, beaucoup plus longues que larges, 
appliquées dans le repos sur le dos du corps, ra- 
» battues en toit sur ses côtés à l'extérieur. Quatre 
» palpes ; les inférieurs les plus grands, appliqués 
» l’un contre l’autre, et revêtus d’écailles ; les supérieurs 
» peu distincts, cachés par les écailles du chaperon, 
» qui sont très - nombreuses et forment une espèce de 
» voûte. Les deux espèces de Galleria dont nous par- 
» Jons ici ont encore pour caractère commun : les 


ÿ 


DES HYMÉNOPTÈRES, 375 
» palpes inférieurs plus courts ou à peine aussi longs 
» que la tête, se courbant en se relevant. Dans la Gal- 
» leria cereana, le toit que lesailes forment est écrasé, 
» en sorte que la partie rabattue forme un angle avec la 
» partie supérieure , et, de plus, le bord postérieur de 
» ses ailes est un peu échancré. La Galleria alvearia 
» a, au contraire, le dos des ailes régulièrement ar- 
» qué, et leur bout ou bord postérieur arrondi. » La 
couleur de ces Lépidoptères est le gris, avec un peu 
de jaunâtre vers la tête, dans la grande espèce. 


Il est étonnant que des Insectes qui semblent mon- . 


trer autant de génie dans leurs travaux que les 
Abeilles, qui sont si bien armés, et qui sont si har- 
dis dans la défense de leurs propriétés, ne viennent 
point à bout de se défaire des ennemis que nous ve- 
nons de décrire, et qu’au lieu d’avoir, dès le commen- 
cement , arrêté le dégât par leur expulsion ou par leur 
mort, ils laissent successivement occuper la majo- 
rité de leurs gâteaux , au point de n’en avoir plus assez 
pour placer le couvain et les provisions, et de se trou- 
ver forcés d'abandonner ce qui leur en reste. Il faut 
considérer que les tuyaux sont épais, et dérobent aux 
Abeilles leurs ennemis, qu’elles ne savent où prendre 
pour les attaquer ; que pour prolonger son tuyau , ou 
pour manger , la chenille ne sort jamais que sa tête, 
revêtue d’une cuirasse cornée, comme celle de toutes 
les larves de cet ordre. De plus, les tuyaux de soie des 
Galleria sont cuirassés de grains de cire ou des excré- 
mens des chenilles , et adhèrent fortement à la cire par 
les soies qui les composent. L’Abeille ne sait pas dans 
quelle partie du tube est son ennemi , elle craint peut- 
être aussi d'embarrasser ses pattes ou son aiguillon dans 
les fils croisés qui le couvrent, quoiqu’elle n’hésitât pas 


376 HISTOIRE NATURELLE 


à se servir de ses armes, si elle y était excitée par la 
vue de ce même ennemi. 

Les deux Lépidoptères dont nous venons de parler 
n’en veulent qu'à la cire des alvéoles, et, par-là, à la 
solidité de la ruche et à la disponibilité des cellu- 
les. Huber en signale un autre qui, selon lui, vien- 
drait piller le miel des ruches , précisément à l'époque 
où il devient impossible aux Abeilles de réparer la 
perte des vivres qu'elles avaient amassés pour la mau- 
vaise saison. C’est l’Æcherontia Atropos, connue sous 
nom de Sphinx téte-de-mort, qui est accusé de ce 
vol à domicile. J'avoue qu'il m'est impossible de 
croire cette accusation comme aussi fondée que paraît 
le croire notre observateur. Déjà ce beau Sphinx fut 
accusé, en Bretagne, sur l'étiquette du sac, comme 
l’on dit, c’est-à-dire, à cause de la figure ressemblant 
à une tête de mort que porte le dos de son corselet, 
d’être l’avant-coureur , la cause même de maladies 
épidémiques et de mortalité. Réaumur défendit alors 
l'innocence de l’Æcherontia Atropos , et j'espère dé- 
montrer que les faits allégués cette fois-ci contre elle, 
non-seulement ne sont pas prouvés , mais même pré- 
sentent un caractère d’invraisemblance, qui suffit pour 
faire rejeter cette accusation de pillage. 

D'abord, dans le chapitre intitulé : Sur un nouvel 
ennemi des Abeilles, qui la renferme, je dois faire 
remarquer que, contre l'ordinaire, on ne lit nulle 
part ces mots : j'ai vu, j'ai observé, j'ai fait, que 
M. Huber fils emploie avec raison toutes les fois qu'il 
a vu lui-même, observé lui-même, fait lui-même une 
experience. « Vers la fin de l'été, dit-il, lorsque les 
» Abeilles ont emmagasiné une partie de leur récolte, 
» on entend quelquefois, auprès de leur habitation , 


DES HYMÉNOPTÈRES. 377 
» un bruit étonnant ; une multitude d’ouvrières sor- 
» tent pendant la nuit, et s’échappent dans les airs. 
» Le tumulte dure souvent pendant plusieurs heures, 
» et le lendemain, lorsqu'on observe l’eflet de cette 
» grande agitation, on voit beaucoup d’Abeilles mor- 
» tes au-devant de la ruche; le plus souvent celle-ci ne 
» renferme plus de miel, et quelquefois elle est en- 
» tièrement déserte. En 1804, mes voisins, cultiva- 
» teurs pour la plupart, vinrent me consulter sur un 
» événement de cette nature; mais je n'avais encore 
» rien à leur répondre : malgré ma longue pratique 
» de ce qui concerne les Abeilles, je n'avais jamais 
» rien aperçu de semblable. Je me transportai sur le 
» lieu de la scène; le phénomène se présenta encore, 
» et je trouvai qu'on me l'avait dépeint très-exacte- 
» ment.» 

Ce que M. Huber a trouvé, n’est point ici expliqué. 
Est-ce une Æcherontia Atropos dévorant en une seule 
nuit les deux ou trois livres de miel que contient une 
ruche vers la fin de l'été, époque indiquée par lui ? 
Avant que nous puissions trouver, avec lui, de l’exac- 
titude dans la peinture du phénomène, il faudrait 
admettre qu'une Æcherontia Atropos pût contenir 
deux ou trois livres de miel. Autre difficulté : tout le 
miel n’est point posé dans les cellules qui bordent la 
partie inférieure des gâteaux; ces alvéoles en con- 
tiennent même rarement : c’est dans les parties supé- 
rieures des gâteaux que sont placées les provisions. 
Il faut donc, pour dévorer tout le miel de la ruche, 
que l’Æcherontia pénètre entre les gâteaux : or, l’in- 
tervalle entre deux gâteaux n’est ordinairement que de 
deux lignes et demie, et le corps de l_Æcherontia à de 
cinq à six lignes d'épaisseur. Qui décrira les travaux 


378 HISTOIRE NATURELLE 


d’Hercule de l’Æcherontia une fois engagée entre deux 
gâteaux, si l’on suppose qu'au moyen de leur flexibi- 
lité, elle ait pu y parvenir? Qui décrira, dis-je, ses 
travaux pour parvenir à chaque alvéole, en enlever la 
couverture, et avaler le miel? L'opération faite sur 
une face du premier gâteau , elle sort avec la même 
peine, pénètre apparemment entre ce premier, qu’elle 
finit de dévaster sur cette seconde face , et le second, 
qu'elle ne peut attaquer à son tour qu’en se retournant 
sens dessus dessous , opération tout-à-fait impossible 
dans un local si étroit. Si l’on veut qu'elle le puisse, 
que l’on se figure ce que deviendront ces ailes si fra- 
giles dans tous les frottemens qu’elles doivent subir. 
De plus , ce frottement aura froissé les cellules à miel 
et en aura fait sortir une partie. Ainsi, notre Æche- 
rontia sortira de la ruche à peu près aussi propre à 
des mouvemens et au vol, qu'une Fauvette tombée 
dans un pot de glu en sortirait après s’y être agitée 
sur tous les sens. 

Mais peut-être dira-t-on que c’est avec sa trompe 
qu'elle pénètre jusqu'aux alvéolespleines de miel, sans 
s’introduire entre les gâteaux. On sait que quelques 
S phingides ont une trompe beaucoup plus longue que 
leur corps, et s’il en était ainsi de lAcherontia Atro- 
pos, nous aurions vainement parlé des difficultés in- 
surmontables qui lui en défendent l'approche. Mais 
notre Lépidoptère n’a qu'un moignon de trompe, long 
seulement de deux à trois lignes, qui même a paru, 
aux observateurs, impropre à pomper le suc des 
fleurs. Certes, il n’est plus possible d'admettre la dé- 
vastation indiquée par M. Huber fils. 

Il est clair, par la suite du chapitre, que M. Huber 
fils n'a point observé lui-même, qu'il s’en est rap- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 379 


porté à des yeux qui ne valaient pas ceux de Burnens 
employé à voir par son père. « Je mis donc, dit-il, 
» mes gens en campagne, et bientôt ils m'apportèrent 
» des Acherontia Atropos , plus connues sous le nom 
» de Téte-de-mort. Ces Lépidoptères voltigeaient en 
» grand nombre autour des ruches : on en saisit un 
» au moment où £/ allait entrer dans l’une des moins 
» peuplées ; son intention était évidemment de péné- 
» trer dans la demeure des Abeilles, et d'y vivre à leurs 
» dépens. De toutes parts on m'apprenait que de sem- 
» blables dégâts avaient été commis. Les cultivateurs, 
» qui s'attendaient à une récolte abondante, trou- 
» vaient leurs ruches aussi légères qu’elles le sont aux 
» premiers jours du printemps ; elles étaient réduites 
» au poids de la cire, quoiqu’on eût observé, peu de 
» temps auparavant, qu’elles fussent très-bien ap pro- 
» visionnées ; on surprit enfin , dans plusieurs ruches, 
» le gigantesque Lépidoptère, qui avait causé la dé- 
» sertion des Abeilles. » 

On voit, par les expressions que nous distinguons 
dans cette période, que M. Huber n’a rien vu par 
lui-même. L’absurdité des faits rapportés , démontrée 
par nos objections précédentes, force à rejeter l'accusa- 
tion portée contre l’Æcherontia de dépouiller , en une 
nuit, une ruche de toute sa provision de miel. Ils 
prouvent aussi que l’auteur n’a eu d'autre tort que 
d’avoir adopté ces récits un peu légèrement. Du reste, 
si nous n’admettons pas la possibilité du pillage , nous 
ne nions pas qu'il soit possible que quelques 4che- 
rontia Atropos, (ce Sphinx éclot souvent aux appro- 
ches de l'hiver, du 20 septembre à la fin d'octobre), 
aient cherché un refuge, par hasard, dans quelque 
ruche, contre les froids précoces qui peuvent déjà se 


390 WISTOIRE NATURELLE 


faire sentir. Il faut nécessairement un asile pour l’hi- 
ver aux individus de cette espèce éclos avant cette 
saison, car ils ne doivent pondre qu'au printemps. 
Lorsque le hasard aura présenté à l’un d’eux une ruche 
ouverte, il s’y sera retiré, comme il eût fait ailleurs. 
Souvent, presque toujours même , l'asile qu'ilchoisira, 
ne sera pas approvisionné : ce sera une cavité entre 
des pierres, ou un arbre creux; et cependant l’Æche- 
rontia y passera son hiver, en grande partie, dans 
l’engourdissement que le froid cause à tous les Insectes 
parfaits qui ont à le supporter. D'un autre côté, l'in- 
troduction d’un être vivant étranger, cause toujours du 
tumulte dans une ruche , même dans le jour, et le bruit 
entendu la nuit aux environs des ruches , ainsi quela 
sortie de quelques Abeilles, ont pu avoir lieu dans ce 
cas, probablement très-rare , et voilà à quoi ont dû se 
borner les dégâts réels. 

Lorsque, vivant ou mort, un corps susceptible de 
corruption est introduit, ou s'introduit dans une 
ruche, les Abeilles le recouvrent de cire. Il arrive 
quelquefois que des Limacons s’y introduisent : j'en 
vis un, dans une matinée de printemps fort fraiche, 
entrer par la porte d’une de mes ruches, dont le froid 
du matin avait écarté les gardiennes. Cependant, 
quand il arriva plus avant sur le plancher de cette 
ruche , quelques Abeilles se jetèrent sur lui et le pi- 
quèrent de leurs aiguillons. La ruche où cela se passa 
étant vitrée, je vis ce qui arrivait en ouvrant le 
contre-vent. Le pauvre Limacon aussitôt de rentrer 
dans sa coquille, en jetant une grande quantité de 
celte mousse visqueuse qu'ils emploient toujours pour 
éloigner leurs ennemis, quand ils se sentent atta- 
qués. Cette mousse se fondit bientôt, ou plutôt se 


DES HYMÉNOPTÈRES. 381 
coagula. Le Limaçon, qui peut-être était mort des 
piqûres, ne bougea point, et le lendemain je le vis 
entièrement couvert d’une couche de cire qui, s’éten- 
dant en cordon autour de ja base sur laquelle il s'était 
posé, l'y fixa d’une manière irrévocable. Je citerai 
encore un fait semblable : un de mes amis, entomo- 
logiste distingué, vit un Rat, poursuivi à coups de 
bâton et déjà blessé, se jeter, en plein jour, dans une 
ruche bien peuplée. Aussitôt grande rumeur, et une 
foule d'Abeilles, effrayées et irritées, sortant de la 
ruche, en écartèrent bientôt les assaillans du Rat. 
Celui-ci y mourut : probablement sa mort fut prompte, 
et cependant il est probable que les nombreuses pi- 
qüres des Abeilles y contribuèrent, autant que ses pré- 
cédentes blessures. La ruche ayant été détruite quel- 
ques semaines après, mon ami vit que le corps du 
Rat resté sur le sol de la ruche avait été recouvert 
d’une couche de cire qui s’étendait un peu autour de 
lui sur le sol, et était assez épaisse. Ce corps, l’enve- 
loppe écartée, paraissait bien conservé et n'était pas 
tombé en putréfaction. 

Les Guëpes, ( J’espa crabro, Vespa vulgaris, etc.), 
attaquent aussi les Abeilles, dans des temps de disette 
où d’autres vivres leur manquent ; elles se jettent sur 
elles, les piquent de leur aiguillon, et ordinairement 
leur coupent la tête avec leurs mandibules, avant de 
les transporter dans leur nid. Le Philanthus apivorus 
Latr. approvisionne les nids, qu'il creuse en terre 
pour y déposer chacun de ses œufs, d’Abeilles do- 
mestiques ouvrières, ou de femelles d'Halictus qu'il a 
percées de son aiguillon. Il m'a semblé qu'il appor- 
tait successivement ; dans chaque trou , trois corps. 
Cet Insecte ayant une quinzaine d'œufs à pondre, on 


382 HISTOIRE NATURELLE 


voit combien la proximité de ses nids serait perni- 
cieuse pour les ruches. 

La cire et le miel que fournissent les Apiarides, 
étant utiles à l’homme , il a trouvé le moyen de rendre 
celles-ci domestiques, pour se procurer la facilité 
d'en retirer le produit. En ellet, avant que la canne à 
sucre fût connue, et par conséquent, probablement 
dès l’origine du monde, le miel seul pouvait adoucir 
certains fruits, agréables du reste, mais trop acides, 
ou trop âpres, ou trop amers pour être mangés avec 
plaisir, purs et sans être édulcorés. De plus, la ména- 
gère s’aperçut bientôt que beaucoup de fruits, qu’on 
ne récolte que pendant une saison très-courte, mélés 
convenablement avec le principe sucré, conservaient 
long-temps et leur parfum délicat et leur goñt succu- 
lent, sans subir la décomposition ni la pourriture : 
elle s’empressa donc de prolonger les jouissances de 
ceux, aux besoins desquels sa position l’obligeait de 
pourvoir ; et d'assurer la subsistance de ses enfans pour 
la saison rigoureuse, et même pour un état de santé 
qui rendrait dangereux des alimens plus solides. La 
cire fut également mise en usage pour éclairer, et les 
riches l’apprécièrent bientôt, comme ménageant l'éclat 
de leurs lambris dorés , que ternissait la fumée du suif. 
Quelques auteurs dérivent le nom de bougie de Bugie, 
ville de l'Afrique septentrionale. Il est certain que les 
Romains tiraient des chandelles de cire de cette partie 
de leur empire. Le mot bougie exprime cette idée dans 
toutes les langues de l'Europe méridionale. Pline l'an- 
cien ou le naturaliste dit, que les habitans des envi- 
rons de Trébizonde payaient leur tribut aux Romains 
en masse de cire. La cire et le miel étaient aussi em- 
ployés pour embaumer les corps. La première , que la 


DES HYMÉNOPTÈRES. 383 


chaleur amollit, se prête à recevoir toute sorte d’'em- 
preinte , et, mise en fusion par cette même chaleur à 
un plus haut degré, elle prend, dans des moules, 
toutes les formes que l'artiste veut lui donner : sous 
la main de Curtius et de ses successeurs, elle nous 
conserve les traits des grands hommes et des personnes 
que nous avons admirées ou chéries. Le miel et la cire 
sont aussi employés dans différentes préparations phar- 
maceutiques , et la découverte du sucre n’a pas détruit 
l'usage de la première de ces substances, parce que, 
malgré les rapports de leur goût , les propriétés du 
miel et du sucre ne sont pas entièrement identiques, 
De même, dans les préparations qui servent à la nour- 
riture , le peu de cherté du miel le rend utile au pau- 
vre , qui l’emploie encore, quand l’homme aisé se sert 
de sucre. 

La fable poétique, en nous attendrissant avec le 
berger, fils d'Apollon et de Climène, sur la perte de 
ses Abeilles, nous fait assez connaître combien la cul- 
ture des Abeilles est ancienne parmi les hommes, et 
quel prix on y mettait dans l'antiquité. Ce soin a tou- 
jours été regardé comme une source de richesses, de- 
mandant peu de travaux, et pouvant accompagner toute 
espèce de culture végétale. Le jardinier fleuriste ou po- 
tager peuvent également s’y livrer, leurs jardins étant 
également fournis de fleurs où les Abeilles récoltent le 
pollen et le miel. Le laboureur le peut, à plus forte 
raison , surtout aujourd'hui qu'il sait varier ses cultu- 
res presqu’à l'infini , et qu’il a beaucoup de prés artifi- 
ciels. Toutes les plantes phanérogames offrent des 
récoltes à l’active Abeille, si ce n’est peut-être les 
graminées , dont les fleurs ne m'ont jamais paru con- 
tenir de miel, et dont je ne les ai méme jamais vues 


384 HISTOIRE NATURELLE 


récolter le pollen, peut-être à cause de la trop grande 
mobilité des anthères. Il faut cependant remarquer 
que le miel de certaines fleurs, placé au fond d’un long 
tube , ne peut être recueilli par les Apiarides Sociales 
Pérennes ; nous verrons qu’il a été réservé pour d’au- 
tres dont la trompe est plus longue, ou dont les man- 
dibules peuvent entamer la corolle pour parvenir au 
dépôt de la liqueur sucrée. Souvent, dans sa récolte, 
l'Abeille passe continuellement d’une fleur d’un genre 
à une fleur d’un autre genre ; mais, quañd un canton 
lui présente une même plante , abondante en miel, en 
grande quantité, ce lieu devient le rendez-vous com- 
mun de toutes les Abeilles du canton, pendant tout le 
temps de la floraison. Ainsi, la foule est grande sur un 
pré fleuri de luzerne, de trèfle ou de sainfoin, sur un 
champ de sarrasin , sur une allée de tilleuls, sur un 
coteau garni de vigne ou paré de bruyère, et, du matin 
au soir, le bruissement témoigne , en ces endroits, du 
concours d’une innombrable quantité d’ouvrières mois- 
sonneuses ; tandis que la porte de la ruche est à peine 
assez grande pour celles qui reviennent, faiblissant 
sous le poids d’une double charge de pollen et de miel, 
et de celles qui, après l'avoir déposée , ressortent pour 
utiliser de nouveau le temps où Dieu leur prodigue 
ses dons. 

Il est donc essentiel, pour qu'un propriétaire retire 
de ses ruches tous les produits qu’il en peut obtenir, 
que ses ruches soient à la portée de plusieurs de ces 
localités ou de ces cultures , que nous avons spécifiées 
plus haut. L'endroit précis, où sera placé le rucher, 
n'est pas non plus indifférent. En général , l'exposition 
où il sera garanti des vents violens, (ils varient suivans 
les localités) , qui peuvent renverser les ruches, ou 


DES HYMÉNOPTÈRES. 385 


précipiter par terre les Abeilles qui rentrent chargées, 
sera préférable. Il doit être aussi abrité du nord, dont 
le souffle engourdirait trop vite les Abeilles, et pour- 
rait occasioner leur mort, en apportant un trop grand 
degré de froid. L'ouverture de chaque ruche devra 
toujours être tournée dans la bonne saison vers l’ex- 
position méridionale, c’est-à-dire vers ce quart de 
l'horizon qui est entre le sud-est et le sud-ouest. Ce- 
pendant, vers la fin de l’hiver, et dans les jours de 
giboulées , il serait utile de tourner cette ouverture 
vers le nord, de peur que l'apparence momentanée 
du beau temps n’engageit les Abeilles à sortir, en fai- 
sant pénétrer par cette porte les rayons du soleil : 
apparence trompeuse à laquelle succédera bientôt un 
vent froid et violent, souvent accompagné de grêle ou 
de neige. Alors toutes , ou la plupart des Abeilles qui 
auront volé au travail, impatientes de trouver des 
fleurs nouvelles, seront gelées par le froid , et périront 
loin de la ruche qui les avait garanties pendant l'hiver. 
On remarque habituellement que la population des 
ruches décroît sensiblement à cette époque, et nous 
avons éprouvé que le moyen proposé réussit ordi- 
nairement à diminuer ces pertes, en Ôtant aux Abeilles 
. l'envie prématurée de sortir. 

La forme de la ruche, en elle-même, est très-variable 
selon les usages des différens pays. La plus usitée est 
en cloche profonde : cette cloche peut étre construite 
avec un cordon de paille tordue, dont les tours suc- 
cessifs seront unis par des osiers flexibles passant, tan- 
tôt en dessus, tantôt en dessous; alors les bouts supé- 
rieurs de ces osiers se réuniront à la sommité de la 
cloche, et formeront une poignée, au moyen de la- 


quelle il sera facile de manier et de transporter la ruche 
HYMÉNOPTÈRES, TOME !. 25 


386 HISTOIRE NATURELLE 


où besoin sera, Une autre ruche de la même forme est 
composée de montans de bois, liés ensemble par un 
bout, et écartés l’un de l’autre dans le reste de leur 
étendne, de manière à figurer la voûte de la cloche, 
que remplissent des osiers flexibles, entrelacés avec de 
l’osier refendu qui les réunit. Cette dernière manière, 
laissant beaucoup d’intervalles et de trous vides, on 
enduit cette carcasse d'un mélange de terre grasse et de 
bouze de vache fraiche. Un tronçon d'arbre creux, ou 
un petit tonneau, peuvent aussi servir d'habitation aux 
Abeilles. T'outes ces formes deruches sont indiflérentes 
aux Abeilles, qui s'en accommodent également. La plu- 
partexigent, en outre , une coiffe extérieure, qui se 
fait avec une poignée de longue paille liée par les 
sommités où sont les épis, et se place de manière 
que la ruche se trouve entourée par cette paille, pour 
écarter du corps de cette ruche la pluie, qui suit natu- 
rellement la direction des brins extérieurs. La capacité 
de la ruche doit être proportionnée à la force de l’es- 
saim, et je crois pouvoir assurer que, pour qu'elle 
soit tout-à-fait convenable , il faut que l’essaim, au 
moment où l'on vient de l'y placer, et où les Abeïiles 
sy sont réunies , en occupe près du tiers de capacité, 
ou moins de moitié. Dans ce cas, la population aura 
bientôt rempli cette ruche de gâteaux : si elle était en 
moindre proportion , il resterait long-temps un espace 
vide, difficile à garder pour les Abeilles, par où le 
froid ou les Teignes pourraient s'introduire. Si la 
ruche avait une moindre capacité, par rapport à sa 
population , les Abeilles feraient moins de cire qu’elles 
ne le pourraient, et les profits du propriétaire en 
seraient amoindris sensiblement. La ruche ne doit pas 
être immédiatement posée sur le sol, dont l'humidité, 


DES HYMÉNOPTÈRES,. 387 


dans bien des temps de pluie, introduirait la moisis- 
sure, qui altérerait et la cire et le miel. Ordinaire- 
ment, sur trois montans égaux, de bois ou de pierre, 
en partie fixés en terre, et s’élevant à peu près d'un 
pied, on place, pour chaque ruche, un plateau de la 
forme de son ouverture. Ce plateau peut être en bois 
ou en pierre ; mais il est utile qu'il ne dépasse pas trop 
les bords inférieurs de la ruche, en sorte que la coiffe 
de paille, dont nous avons parlé pour recouvrir celle-ci, 
conduise l’eau au delà de la circonférence de ce pla- 
teau, qui sert de sol à toute l'habitation. Celle ci ne doit 
avoir ordinairement qu'une ouverture, assez large pour 
le passage simultané d'une demi-douzaine d’ouvrières : 
elle doit être pratiquée au bas de la ruche sur le sol. 
Mais, il est utile, dans les très-grandes chaleurs et dans 
le temps des essaims, d'élargir cette entrée. Dans ce 
dernier cas, cet élargissement favorise la sortie de 
ceux-ci, et quant à la chaleur, qui peut devenir in- 
supportable et nuisible aux Abeilles, il facilite le 
renouveilement de l'air. Quelques auteurs même con- 
seillent , avec raison, de pratiquer une ouverture à la 
partie postérieure de la ruche, qui établisse un cou- 
rant d'air. Mais on devra songer à la fermer, lorsque la 
chaleur sera diminuée , pour ne pas forcer les Abeilles à 
une surveillance à laquelle elles ne sont pas habituées. 

Les ruches ont besoin, de la part du propriétaire, 
d’une certaine attenticn, qui, sans être de tous les 
momens, peut cependant prévenir des pertes qui mé- 
ritent considération. Ainsi, à l’époque des essaims, 
qui commence quelquefois avec la fin d'avril, pour les 
environs de Paris , et qui varie selon les climats, il 
faut surveiller leur sortie, et tenir des ruches prêtes 
pour les recueillir et nettoyer ces habitations à l’inté- 

25. 


388 HISTOIRE NATURELLE 


rieur, avant de les employer. Nous avons déjà détaillé, 
avec les faits qui accompagnent leur sortie , les moyens 
de recueillir les essaims : nous y renvoyons les proprié- 
taires d’Abeilles. In'arrive pas toujours que les essaims 
se fixent sur des branches voisines de la ruche dont ils 
sont sortis : quelquefois ils s’éloignent. C’est une cou- 
, tume de frapper sur des pelles ou des poëles, au mo- 
ment de la sortie d’un essaim. Quelques personnes 
croient ainsi intimider les Abeilles, pour ainsi dire, 
et les empêcher de s’écarter par un bruit qui parai- 
trait à celles-ci les menacer d’un orage prochain. Au 
moins ce bruit avertit les voisins de la sortie de cet 
essaim : moyennant cet avertissement , on peut suivre 
son vol sur le terrain du voisin, et l’y recueillir, sans 
répondre d’autre chose que des dégâts qu'on pourrait 
occasioner à sa récolte et à ses clôtures. Ceci est un 
usage immémorial. La surveillance à donner à la sor- 
tie des essaims, doit se continuer depuis neuf heures 
du matin jusqu’à quatre heures de l'après-midi. La 
présence du soleil sur la partie antérieure de la ruche, 
un temps assez calme , ou au moins l’absence d’un vent 
violent, sont certainement des circonstances qui favo- 
risent les sorties des essaims. Mais, comme les véri- 
tables causes déterminantes, que nous avons détaillées 
plus haut, se passent dans l’intérieur de la ruche, j'ai 
vu plusieurs fois des essaims sortir par un temps cou- 
vert, et même lorsque, par un temps chaud et lourd, il 
tombait des gouttes de pluie, rares, il est vrai, et peu 
sensibles. On doit donc encore surveiller les ruches dans 
de semblables jours, tant que dure la saison des essaims. 
Celle-ci se termine, dans tous les climats , lorsque les 
ouvrières détruisent les mâles. Les ruches , où ils sont 
détruits, ne donneront plus d’essaims pendant le reste de 


DES HUYMÉNOPTÈRES. 389 


l’année, quelles que soient la chaleur et la beauté du 
temps. Effectivement , comme chaque essaim est l'effet 
de la sortie de la mère féconde qui était libre dans la 
ruche que l’essaim abandonne , et qu’il est accompagné 
de la naissance d’une jeune reine, encore vierge, qui 
a besoin de s’accoupler , il n'y a jamais d’essaim, 
lorsque les mâles n'existent plus pour féconder celle-ci. 

Lorsque la saison des essaims est passée, et que, soit 
chez lui, soit chez ses voisins, les mâles ont disparu 
de la plupart des ruches, le propriétaire doit exami- 
ner s'il n’en a pas quelqu'une , où les mâles soient en- 
core soufferts : ce qui serait un indice certain que la 
mère est inhabile à pondre des œufs du sexe féminin ; 
défaut physique que nous avons vu être la suite iné- 
vitable d’un accouplement trop tardif. Ceci sera d’au- 
tant plus facile à constater, que, dans ce cas, les ou- 
vrières, dans cette ruche, non-seulement auront laissé 
la vie aux mâles nés parmi elles, mais même accueilli 
tous ceux qui, chassés d’ailleurs , auront cherché re- 
fuge chez elles. Cette ruche ne pouvant plus subsis- 
ter, faute du renouvellement de la population femelle, 
ilest de l'intérêt du propriétaire de la détruire le plus 
-tôt possible, cetteaffluence de mâles devant , en peu de 
temps , consommer les provisions. 

C'est aussi à cette époque que l'on retire le produit 
des ruches, qui consiste dans le miel et la cire. {1 y a 
deux manières de le faire. La plus ordinaire est de 
détruire les vieilles ruches, c’est-à-dire d'en faire 
mourir la population, en introduisant dessous une 
mèche soufrée, allumée, et bouchant toutes les issues 
extérieures pour y concentrer la vapeur délétère. On 
s'empare ensuite, sans danger, de tous les gâteaux. 
L'autre méthode, moins suivie, mais beaucoup plus 


390 HISTOIRE NATURELLE 


humaine, et même plus profitable , consiste à ne pren- 
dre aux Abeilles que le superflu de leurs provisions, 
et à leur laisser le nécessaire pour la saison où elles ne 
récoltent pas. Je dis que cette méthode , visiblement 
plus humaine, est en méme temps plus profitable, 
parce qu’on ne détruit point de ruches, et que les 
mêmes pourront, l'année suivante, donner encore 
des essaims et une nouvelle récolte ; tandis que, dans 
l'autre, le fond de ruches ne peut s’augmenter que si 
la ruche détruite a produit deux ou plusieurs essaims 
avant sa destruction. On peut objecter que, en con- 
servant toutes ses Abeïllles, le propriétaire peut avoir 
à craindre de les multiplier au delà de ce que le pays 
peut fournir de provisions. Nous répondrons à cela 
que, si l'on s’apercoit de cet inconvénient, il est 
certain qu'on doit se défaire d’une portion de ses 
ruches, et que le propriétaire qui n'aura pas perdu 
les siennes pendant l'hiver, parce qu'il leur aura laissé 
des vivres sufhisans pour ce temps de disette, pourra 
se défaire avantageusement de la partie superflue , lors 
du retour du printemps; car beaucoup de propriétai- 
res, choisissant les ruches les plus pourvues de miel 
pour les détruire entièrement à l'automne, en perdent 
souvent beaucoup de celles qu'ils réservent, et cher- 
chent à les remplacer à la nouvelle saison. 

Mais, pour juger de ce qu'on peut ôter et de ce 
qu'on doit laisser aux Abeilles, il faudrait que les 
yeux pussent facilement pénétrer dans l'intérieur de 
la ruche, et la forme ordinaire, que nous avons dé- 
crite, s'y prête peu. D'abord il est difficile d'opérer, 
dans une ruche, sans irriter les Abeilles, qui sont 
toujours disposées à défendre leur propriété, et quien 
vengent l'enlèvement par des piqûres, dent une seule 


DES HYMÉNOPTÈRES. 39: 


fait souffrir, et dont le nombre peut devenir dange- 
reux. Lors donc qu'on aura quelque chose de sem- 
blable à faire, couvert d'habits assez épais, et les 
mains protégées par de bons gants, il faudra surtout 
défendre sa tête à l’aide d’un ballon de fil d’archal 
assujetti autour du cou d'une manière invamiable. La 
fumée est aussi un moyen de les écarter; mais, si ce 
moyen était poussé à l'excès , il tuerait les Abeilles. Il' 
est donc bon de tenir d’une main , pendant l’opératien, 
de l'herbe allumée et demi-sèche, de manière à ce 
qu’elle donne de la fumée sans flamme, qu'on puisse 
diriger sur la partie qu'on veut examiner. Le proprié- 
taire, à l’aide de ce procédé, obtiendra bientôt assez 
d’habileté, pour retirer de la ruche les parties de gâteau 
dont il veut s'emparer, et de plus il servira à modérer 
l'irritation des Abeilles, 

Il est une forme de ruche qui donnerait beaucoup 
plus de facilité : c'est celle inventée par l'observateur 
François Huber, que nous avons cité tant de fois. 
C'est la ruche en livre ou en feuillets, que représen- 
tent les figures 2 et 3 de notre Planche 5. Nous en 
donnerons la description en expliquant cette planche. 

« Elle est composée de la réunion de douze châssis, 
» placés verticalement et paralièlement les uns aux 
» autres. La figure 1 représente un de ces châssis : les 
» montans f, g doivent avoir douze pouces , et les tra- 
» verses ff, gg, neuf ou dix. L’épaisseur des mon- 
» tanset des traverses sera d’un pouce, et leur largeur 
» de quinze lignes. Il est important que cette dernière 
» mesure soit exacte. aa, parcelle de gâteau qui sert 
» à diriger les Abeilles dans leurs travaux. On fixera 
» une semblable parcelle à chaque châssis, ou au 
» moins à un sur deux alternativement : sans cela, les 


392 HISTOIRE NATURELLE 


» Abeilles pourraient suivre une direction opposée à 
» celle des châssis, qui ne permettrait pas de les ou- 
» vrir. d, liteau mobile qui sert à supporter la par- 
tie inférieure de la parcelle de gâteau ; b,b, che- 
» villes qui maintiennent le gâteau dans le plan du 
» châssisgIl y en a quatre de chaque côté. On ne peut 
» voir, dans la figure, que celles du côté antérieur. 
»e,e, chevilles plantées dans les traverses au-dessous 
» du liteau mobile, et dans les montans, pour soutenir 
» ce liteau. 

» La figure 2 représente une ruche en feuillets, 
» composée de douze cadres tous numérotés. On voit, 
» entre les sixième et septième châssis , deux planches 
» avec leurs recouvremens, qui divisent cette ruche 
» en deux parties égales , et qui n’y doivent être pla- 
» cées que lorsqu'on veut la séparer en deux parties 
» (on verra plus bas l'utilité que l'on peut reti- 
rer de ce partage). Elles sont désignées par a, a. 
» b, b, planches qui ferment les deux côtés de la 
» ruche, et qui ont des recouvremens. On voit des 
» portes au bas de chacun des cadres de cette ruche. 
» On ne doit habituellement tenir ouvertes que deux 
» ou trois de ces portes vers le milieu. Mais il faut 
» que toutes puissent s'ouvrir et se fermer à volonté. 

» La figure 3 fait voir la ruche en feuillets, ou- 
» verte en partie, pour faire sentir que les châssis 
» dont elle est composée, peuvent être unis par une 
» charnière quelconque, et s'ouvrir comme les feuillets 
» d’un livre. a, a, sont les recouvremens qui la fer- 
» ment par les côtés. » 

La simple vue de la Planche, et l'explication que 
nous venons d'en donner d’après Huber, à qui nous 
l'empruntons ; démontre que , par le moyen de la ruche 


DES HYMÉNOPTÈRES. 393 
en feuillets, on peut, en tout temps, visiter l’intérieur 
d’une sentblable ruche, et connaître son état dans 
toutes ses parties. Outre l'avantage qu’on peut en tirer 
pour la récolte du miel et de la cire, il est possible en- 
core, par son moyen, d'obtenir artificiellement la mul- 
tiplication de ses ruches, sans attendre la saison na- 
turelle des essaims, et l’on a quelquefois intérêt de le 
faire. Il arrive en effet, assez souvent, que des accidens 
intérieurs ou extérieurs retardent la sortie d’un essaim 
au delà de l’époque où elle serait désirable, pour qu'il 
püt ensuite se procurer les provisions d'hiver néces- 
saires. J'ai observé de ces accidens par le moyen de 
mes ruches vitrées. J'en citerai ici les circonstances. 

Une de mes ruches vitrées et à feuillets manqua son 
premier essaim , qui devait être très-fort : une grande 
partie de sa population, dans les premiers jours de juin, 
sortit; et, sans avoir eu le temps de se fixer, une pluie 
subite la fit rentrer dans sa ruche. Peu d'heures après 
la rentrée, j'ouvris tous les cadres. Je trouvai plusieurs 
jeunes femelles écloses et libres (1), et je vis toutes 
les cellules, destinées à l'éducation des mères, vides et 
ouvertes. 

Une seule de ces femelles survécut , d’après la règle 
générale; mais elle ne put sortir pour s’accoupler de 
manière à obtenir une fécondité entière, parce que les 
pluies, qui prennent quelquefois à cette époque dans 
notre climat , durèrent jusqu’à la fin du mois. Dans les 


(1) Ce que je vis me fit croire que la mère, sortie avec l'essaim 
et qui le conduisait, ne rentra point dans la ruche, ayant été 
atteinte par la pluie; qu’elle périt dehors par suite de cetaccident', 
et que, d'un autre côté, toutes les jeunes mères trouvèrent moyen 
dans le tumulte de la sortie et de la rentrée, d'échapper à la sur 
veillance des ouvrières, et de sortir de leurs cellules. 


394 HISTOIRE NATURELLE 


derniers jours de ce mois, je m’assurai qu’ellene pondait 
que des œufs de mâles. Alors je résolus deséparer en 
deux cette ruche, dont la population était suffisante. Je 
commençai par enlever la mère imparfaite, qui seule 
y existait, et, lorsque toutes les Abeilles qui étaient 
en campagne furent rentrées le soir, je bouchai toutes 
les portes. 

Sur le matin du lendemain, dès la pointe du jour, 
entre les sixième et septième cadres de ma ruche, j'in- 
troduisis deux planches minces. Cette ruche se trouva 
‘done coupée en deux par une double cloison, dont cha- 
cune suffisait à fermer parfaitement le côté qu'elle tou- 
chait, et sur laquelle on la fixa, au moyen d'un cordon 
serré autour de cette cloison et de la moitié de la ru- 
che. Par ce moyen, on put disposer de chacune de ces 
moitiés, sans risquer d'être piqué par les Abeilles, ni 
de voir celles-ci s'échapper de l'une dans l’autre. L'une 
fut emportée assez loin, où je voulais l’établir, A celle 
qui resta en place, on ajusta six cadres vides pareils à 
ceux enlevés , et de suile on ôta la cloison qui fermait 
la moitié, restée en place, de l’ancienne ruche : ainsi, 
cette ruche fut recomplétée d’une portion pleine et 
d’une vide; ce qui fut également fait pour l’autre 
moitié. Il faut ajouter que l'une des parcelles de gà- 
teau, ajustées à l'ordinaire (comme nous l'avons dit 
en décrivant la ruche à feuillets), dans les cadres 
vides, pour diriger, dans le sens des feuillets, le tra- 
vail des Abeilles, avait été choisie , et doit toujours, 
en pareils cas , être choisie garnie d'œufs du sexe fémi- 
nin, ou de vers de ce même sexe ayant moins de trois 
jours d’existenee sous cette forme. Ce choix met les 
Abeilles à même de donner, à plusieurs individus, 
l'éducation qu les rend propres à devenir fécondes 


DES HYMÉNOPTÈRES. 395 


par l’accouplement. Au bout de trois jours, j'ouvris 
les portes et les feuillets de mes ruches , et trouvai que 
les ouvrières avaient discerné le cadeau que je leur 
avais fait, et commencé à isoler et prolonger des cel- 
lules, dans chacune desquelles une larve était couchée 
sur un lit de cette gelée qui prépare la fécondité. Mes 
essaims prospérèrent et passèrent l'hiver. Ils essai- 
mèrent bien l'année suivante. Je remarquerai encore 
que cette opération ne peut se faire que pendant la 
durée de la vie des mâles, à cause de l’accouplement 
nécessaire aux jeunes femelles. 

Si je ne me fusse proposé, dans une pareille opéra- 
tion, que de m'emparer d'une partie de la récolte 
d'une ruche à feuillets, ce que j'ai fait souvent , après 
avoir séparé, par le moyen des planchettes, les ca- 
dres à enlever et ceux laissés aux Abeilles, et ôté les 
premiers, j aurais simplement recomplété la ruche par 
l'addition de feuillets vides. Puis on rouvre les portes. 
Ensuite onemporte, à quelque distance, l’autre portion, 
et après avoir Ôté la planchette, on dirige, sur les g4- 
teaux enlevés, de la fumée qui en chasse les Abeilles. 
Celles-ci retournent à leur ruche, et l’on dispose ainsi 
de ces gâteaux comme l’on veut. Dans une ruche à feuil- 
lets , l’on peut tout voir, et par conséquent ne prendre 
que le superflu des Abeilles. Si la mère se trouvait 
accidentellement sur les gâteaux qu’on veutenlever,rien 
de plus facile que de la faire passer dans l’autre partie. 

C'est en exprimant les portions des gâteaux qui le 
contiennent, que l’on recueille le miel : cependant les 
propriétaires, dont la récolte sera assez considérable 
pour cela , devront d’abord broyer légèrement ces gà- 
teaux, les placer dans une chausse de toile claire, 
fermée du bout, ou sur un tamis de crin, à travers 


396 HISTOIRE NATURELLE 


lequel le miel tombera dans les pots destinés à le con- 
server pour l'usage. Si le temps était froid , il serait 
bon d'aider l'écoulement du miel par la chaleur artifi- 
cielle de l'appartement où se fera cette opération. 
Lorsqu'il aura cessé, on réunira les débris des g4- 
teaux à miel dans un sac de toile claire, qui sera 
fermé et placé sous une presse, dont l’action compres- 
sive sera employée à faire écouler le reste du miel. Le 
premier miel est consacré aux usages de la bouche , et 
même celui de certaines localités devient une frian- 
dise. Tel était, pour les anciens , le miel des monts 
Hymette, dans l’Attique, et Hybla, en Sicile ; et tel 
est encore, pour nous, le miel de Narbonne , en Lan- 
guedoc. Le second, moins pur, s'emploie à des usa- 
ges moins relevés. Il est bon d’en réserver pour donner 
aux ruches, si à l’entrée de l'hiver onles a reconnues mal 
approvisionnées ; mais je conseille fortement de n’en 
donner que lorsque le besoin est actuel, c’est-à-dire 
lorsque la provision est consommée, ayant remarqué 
que, sans cela, cette facilité de trouver abondance 
de vivres si près d’elles , engageât les Abeilles au pil- 
lage des ruches voisines. 

Pour faire fondre la cire, après l'extraction du 
miel, on jette les gâteaux dans une chaudière d’eau 
chaude , et actuellement posée sur le feu, et l'on re- 
mue fortement le mélange : ce qui commence à sépa- 
rer la cire des ordures qu'elle contient. Lorsque toute 
la cire sera fondue, et devenue très-chaude, on ver- 
sera tout ce que contient la chaudière sur une toile 
assez claire, placée au-dessus d’un récipient, dans 
lequel l’eau et la cire (celle-ci seulement en partie} 
couleront ensemble ; et la dernière se figera bientôt à 
la superficie de l’autre. Comme les ordures, restées sur 


DES HYMÉNOPTÈRES. 397 


la toile, contiennent encore une partie notable de cire, 
on les réunira dans un sac de toile claire, qui sera 
fermé et jeté dans de l’eau actuellement bouillante sur 
le feu, jusqu’à ce que l’on doive supposer que la cire, 
qui est restée unie aux ordures, est bien fondue. Alors, 
sans perdre de temps, pour que la cire ne conserve 
toute sa fusibilité ,on transporte ce sac sous la presse, 
et on le soumet à la compression, qui en fait sortir avec 
l’eau le reste de cire qui s'était attachée ou figée, pen- 
dant la première opération, sur les ordures. Celles-ci se 
composent principalement des coques filées par diffé- 
rentes larves qui ont subi leurs métamorphoses dans les 
cases des gâteaux de cire. Gomme nous avons expliqué 
plus haut que, soit par l’odorat , soit par le goût, les 
Abeilles sentent le miel de fort loin, on doit penser 
que les issues de la chambre où se fera l'extraction du 
miel et de la cire, ainsi que les vases où le premier 
sera serré, doivent être bien fermés aux Abeilles, 
qui attaqueraient sans cela infailliblement les tra- 
vailleurs et le produit de leurs travaux. 

Le miel n’a besoin d'aucune autre préparation, que 
de celle qui vient d’être indiquée, pour être livré au 
commerce. La cire , enlevée de la superficie de l’eau où 
nous l’avons laissée , est réunie en pain par une nou- 
velle fusion. Sous cette forme, elle est jaune et em- 
ployée à donner du lustre au parquet, qui garantit du 
froid les pieds du riche, et aux meubles du pauvre le 
seul éclat que nos bois indigènes puissent acquérir à 
force de soins. La cire entre aussi dans des prépara- 
tions pharmaceutiques , telles que les différentes es- 
pèces de cérats et quelques onguens. Mais son principal 
usage est de servir à la fabrique des bougies et des 
cierges, chandelles de cire dont la lumière est bien 


398 HISTOIRES NATURELLE 


plus pure que celle fournie par les autres corps combus- 
tibles gras employés au raême usage. Pour qu'elle serve 
à celui-ci, on fait blanchir la cire : à cet effet, on la 
réduit en lames assez minces , par une nouvelle fusion 
ou par la compression (ce dernier moyen est le meil- 
leur), et ces lames, exposées sur un pré à la rosée et 
même à la pluie, finissent par blanchir. Il est d’au- 
tres moyens chimiques de donner à la cire un blanc 
encore plus pur; mais ceux-ci sont plus du ressort du 
manufacturier que du cultivateur d’Abeilles. 

Les visites que celui-ci fera à ses ruches, doivent 
avoir encore pour but de les préserver de leurs divers 
ennemis que nous avons signalés , de voir si les Guêpes 
et les Philantus, les Hirondelles et les Fauvettes ou les 
Mésanges, ne s’habituent pas à venir les enlever de- 
vant leurs habitations , pour en faire la nourriture de 
leur postérité. Il doit surtout s'assurer que les Galleria 
n'ont pas attaqué et minéles gâteaux de cire; dans ce 
cas , il doit retrancher toutes les parties qui sont dé- 
tériorées , et Ôter cependant le moins possible, aux 
Abeilles , le fruit de leurs travaux. 

Il serait possible que les traits étonnans du haut 
instinct des Abeilles, que j'ai cités en rapportant les 
expériences de Réaumur et des deux Huber, engageas- 
sent quelques personnes à en faire de nouvelles. Les 
ruches à feuillets sont encore les meilleures pour cela. 
Mais, si l’on n'avait besoin, pourremplir le but que se 
proposerait l'observateur, que d’une faible société 
d’Abeilles, de deux mille à peu près, par exemple, on 
pourrait les établir, avec encore beaucoup plus d'avan- 
tage pour l'observation , dans une ruche vitrée, com- 
posée d'un feuillet de quinze lignes d'épaisseur et de 
vingt pouces de hauteur et de largeur, fermée de 


DES MYMÉNOPTÈRES. 309 


chaque côté par un double contre-vent, l’intérieur 
vitré en totalité, l'autre entièrement plein ; tous deux 
susceptibles de s'ouvrir et de se fermer. Ainsi, il suf- 
fira d'ouvrir le contre-vent plein, pour observer à travers 
le carreau; et, si quelque opération est à exécuter 
dans l’intérieur, l'ouverture de l’un des contre-vens 
vitrés en donnera la facilité. C'est avec de semblables 
ruches que j'ai revu les expériences de Huber. 

En achevant cette histoire de l’Apiaride, je dois 
avertir que tous les faits cités appartiennent à l’'Abeille 
des ruches ou domestique, Æpis melhfica. Les autres 
espèces de ce genre, qui sont exotiques, n’ont pas été 
observées; mais leur conformation prouve que leurs 
mœurs et leur industrie sont les mêmes que celles de 
notre Abeille. Quoique toute espèce d'analogie le pro- 
nonce aussi, nous pensons qu'il serait nécessaire que 
les voyageurs naturalistes voulussent bien observer les 
espèces exotiques des pays où ils passeront. 

La famille des À piarides se divise en deux tribus, 
les Apiarites et les Méliponites. 


ire Trisu. APIARITES, 


Caractères. Femelles pourvues d’un aiguillon. 

Ailes : toutes leurs nervures fortes et distinctes. 

Une radiale resserrée, fort alongée ; son bout posté- 
rieur un peu écarté de la côte de l'aile et presquearrondi. 

Quatre cubitales ; la deuxième très-rétrécie vers la 
radiale , très-élargie vers le disque, recevant la pre- 
mière nervure récurrente ; la troisième étroite, obli- 
que, recevant la deuxième nervure récurrente; la 
quatrième commencée, n'atteignant pas tout-à-fait le 
bord inférieur de l'aile. | } 

Trois cellules discoïdales complètes. 


400 HISTOIRE NATURELLE 


Ocelles disposés en triangle , placés sur le front dans 
la femelle , et sur le vertex dans les mâles. 

Crochets des tarses bifides. Une dent à la base du 
premier article du tarse postérieur. 

Espèces appartenant à l'ancien continent. 


Genre APIS.— APIS. 
SYNONYMIE. Apis de tous les auteurs. 


Nota. Pourl'histoire du genre, voyez celle de la famille ,et 
pour le caractère, celui de la tribu , qui ne renferme que ce 
genre. 

Le genre Apis de Linné comprenait des espèces bien 
différentes entre elles par les formes et par leurs mœurs. 
Cependant il y avait entre toutes, à une exception près, 
cette espèce d’affinité, que leurs larves sont nourries du 
pollen des fleurs et du miel, récoltés et mélés par leurs 
mères, ou par les ouvrières qui les remplacent. L’exception 
à faire, porte sur la vingt-cinquième espèce du Species 
(édition douzième), Apis rostrata, qui est le Bembex 
rostrata Latr., Fab., dont les larves sont nourries de 
Diptères Athéricères Latr. à l’état parfait. 

Réaumur et Degéer, ayant reconnu deux organisations fort 
différentes de la bouche des Apis de Linné , partagèrent ces 
espèces en deux genres : Abeille et Proabeille. 

Latreille ayant particulièrement étudié les mœurs des 
Hyménoptères confondus dans ces genres, et examiné leurs 
bouches et autres parties, proposa un grand nombre de 
coupes génériques. M. Kirby indiqua et figura , dans sa Mo- 
nographie des Abeilles d'Angleterre, les caractères de la 
plupart des groupes qu'il était utile de faire dans les espèces 
qu’il connaissait. Illiger, Jurine , Spinola et Panzer en indi- 
quèrent quelques nouvelles , formées sur des espèces pour la 
plupart récemment découvertes par eux-mêmes. 

Dans le Xe volume de l'Encyclopédie méthodique nous 


avons donné , M. Serville et moi, les caractères de plusieurs 
genres nouveaux, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 4oi 
Espèces connues de ce genre. 
Ire DIVISION. Ecusson de la couleur du corselet. 


1. ÂPIS DOMESTIQUE. — Apis mellifica. Tous les auteurs. 
F (à). 


Nigro-fusca; cinereo-rufo pubescens, pilis in thorace 
densioribus , abdominis segmentorum tertii, quarti quin- 
tique basi cinereo villosd : alis hyalinis, nervuris piceis. 


D'un brun noirâtre, à poils d’un cendré roussâtre, assez 
clair-semés , plus nombreux sur le corselet ; base des troisième, 
quatrième et cinquième segmens portant une bande étroite de 
poils cendrés. Aiïles transparentes ; nervures brunes. 

Femelle feconde Dessous des antennes d’un brun rous- 
sâtre. Poils du vertex de la tête longs, noirs. Abdomen alongé, 
conique, noir, d’un roux brun et assez velu en dessous, ayant 
en dessus quelques poils cendrés, plus nombreux à la base des 
deuxième , troisième et quatrième segmens. Pattes antérieures 
noires, à poils cendrés ; leurs tarses d’un, roux brun; les inter- 
médiaires noires, avec le bout des jambes et les tarses roux ; 
les postérieures rousses, avec les cuisses noires et les jambes 
brunes. Ailes plus courtes que l'abdomen. 

Ouvrière, femelle stérile. Bout du dernier article des an- 
tennes seul brun roussâtre. Pattes noires ; poils des jambes et 
des tarses roux. Ailes dépassant l’abdomen. 

Male. Antennes entièrement noires. Cinquième et sixième 
segmens de l'abdomen bien garnis de poils noirs. Pattes noires. 
Abdomen très-obtus. Aïles plus longues que celui-ci. 

Originaire d'Europe , probablement de la Grèce, et peut-être 
aussi de la Natolie , elle a été transportée dans toute l’Europe, 
l'Afrique septentrionale et même dans l'Amérique du Nord. 
C’est l'espèce à qui l’homme donne principalement des soins 
pour en retirer de la cire et du miel. 


(1) Cette lettre exprime que l'espèce est décrite ex visu. 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 26 


402 HISTOIRE NATURELLE 


2. ÂPIS CAFFRE. —Apis caffra. * (1) F. 


Antennæ nigræ. Caput et thorax nigra, cinereo vil- 
lüsa. Abdomèn nigrum vinereo UE Segmenti se- 
cundi basi ferrugined. Pedes higri cinereo villosi. Alæ 
hyalinæ, nervuris j'uscis. Operaria. 


Antennes noirés: Tête et corselet noirs, à poils cendrés. 
Abdomen noir, à poils cendrés ; base du second sement fer- 
rugineuse, Pattes BE» à poils cendrés., Ailes transparentes ; 
nervures brunes. Je n’ai vu que l’ouyrière. 

Afrique ; apportée de Caffrerie au Musée royal de F rance. 


3. APIs LIGURIENNE. — Apis ligustica. Spin. Ins. Lig. 
Latreille , Gen. Crust. et Ins, vol. IV, p. 182. F. 


Nigro-fusca. Abdominis segmentis primo, secundo, 
tertioque rufo-ferrugineis, margine inferiori nigro. 


D'un brun noirâtre. Premier, second et troisième segmens 
de l'abdomen d’un roux ferrugineux, avecle bord inférieur noir. 


Femelle féconde. Antennes brunes; devant du premier 
article testacé. Tête noire, à poils cendrés. Abdomen à poils 
cendrés ; les quatre premiers segmens d’un roux ferrugineux, 
avec le bord inférieur noir ; le cinquième et Panus noirs. Pattes 
d’un testacé brun, à poils cendrés. Ailes transparentes , à ner- 
vures testacées, plus courtes que l’abdomen. 


Ouvrière. Antennes noires, avec le premier article roux à 
ses deux bouts, le boùt du dernier brun. Poils du vertex noi- 
râtres. Abdomen plus court que dans l’autre modification 
femelle ; les trois premiers segmens colorés de même, mais le 
quatrième et suivans noirs. Ailes de Ja longueur de l'abdomen, 


(1) Ce signe désigne toute espèce décrite ici pour la première 
fois. 


UN © NS CE ES 


DES HYMÉNOPTÈRES. 403 
Mäle. Antennes et pattes entiérement noires. Le reste 
omme dans la femelle féconde. 
Italie : Piémont. Cabinet de M. Serville. 


[. APIS UNICOLOR. — Apis uricolor. Latr. Mém. Ann. du 
Musée, 27° cahier, p. 168. F7. 


Nigra, abdomine nitido , tarsis-rufo villosis ; alæ hya- 
inæ; nervuris lestaceis. 


Presque noire , pubescente, Poils d’un gris jaunâtre. Dos du 
orselet presque nu. Abdomen ; à partir du second segment, 
labre luisant, sans bande d’une autre couleur. Ouvyrière. 

Cette espèce est domestique à Madagascar. Apportée de l'ile 
le Bourbon, où elle a été introduite, au Musée royal de France. 


5. APis INDIENNE. — Apis indica. Fab. Piez. p. 370, 
n°4; —Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. p. 169, et Mém. 
Ann. du Mus, t. IV, 1804, p. 590, n° 1, PI. 69, fig. r, 
2et3, 7. 


Nigra, cinereo pubescens. Abdomine subglabro, seg- 
mentis primo, secundoque rufo-ferrugineis. 


Antennes noires; tubercule radical ferrugineux; bout du 
derniér article brun. Tête et corselet noirs, à poils cendrés. 
Abdomen noir ; premier et deuxième segmens d’un roux ferru- 
gineux; une bande de poils noirâtres à la base des troisième, 
quatrième et cinquième segmens. Ouvrière. 

Var. Troisième segment de l’abdomen d’un roux ferrugi- 
neux à sa base, ou même en totalité, Ouvrière. 

Deux fois plus petite que l’Abeille domestique. 

Dans l'Inde : Pondichéri. Musée royal. 


6. Aprs NIGRIPENNE. — Apis nigripennis. Latr. Mém. Ann. 
du Mus. 27° cah. p. 170. F. 


Antennæ nigræ. Caput nigrum. Thorax niger. Abdo- 
mien nigrum, suprà pilis Stratis pallide rufis densis villo- 
26. 


404 HISTOIRE NATURELLE 


sum, segmento quinto et ano pilis fuscioribus villosis ; 
subtüs subnudum , piceo nigrum. Pedes picei. Alæ præ- 
sertim in medio fuscæ , violaceo nitentes. 


D'un noir un peu brun , pubescente. Poils du vertex de la 
tête noirâtres, ainsi que ceux du devant du corselet; ceux du 
reste du corps d’un gris roussâtre. Ailes supéricures noirâtres, 
avec un reflet violet ; les bords postérieurs moins foncés. Des 
sus de l'abdomen couvert d'un duvet roussätre, exzepté 1e 
cinquième segment et l’anus qui ont des poils bruns. Ouvrière. 

À peu près deux fois plus grande que l'Abeille domestique, 

Du Bengale. Musée royal. 


Ile DIVISION. Ecusson d'une autre couleur que le eorselet. 


7. Apis SCUTELLÉE. — Apis'scutellata. %, F. 


Antennæ nigræ. Caput et thorax nigra cinereo vil- 
losa , mandibulis testaceis. Abdomen piceum , segmento- 
rum basi cinereo villosä. Pedes picei, postici apice pal- 
lidi. Alæ hyalinæ, nervuris testaceis. 


Antennes noires. Tête noire ; mandibules testacées , les poils 
cendrés. Corselet noir, à poils cendrés. Abdomen brun; base 
des segmens garnie de poils cendrés. Pattes brunes; bout des 
postérieures moins foncé. Ailes transparentes ; nervures testa- 
cées, Ouvrière. 


Afrique méridionale : de la Caffrerie, Musée royal. 


8. Apis socIALE. — Apis socialis. Latr. Mém. Ann. du 
Mus. 27° cah. p. 172; Mém. Ann. du Mus. t. IV, 1804, 
p- 590, ne 2, PI. Go, fig. 4. 


Antennæ nigræ. Caput nigrum, mandibulis labroque 
rufo-fuscis. Thorax niger, scutello testaceo. Abdomen 
suprà nigrum; segmentis primo, secundo, tertioque pal- 
lidè ferrugineis, margine infere solo nigro ; quarto nigro 


DES HYMÉNOPTÈRES. 40 


basi tenui pallidè ferrugined; subtùs ferrugineum , nigro 
marginatum. Pedes nigri cinereo villosi. Alæ hyalinæ. 


D'un brun noïrâtre , pubescente. Poils d’un gris obscur ; du- 
vet de la face cendré. Levre supérieure, mandibules et écus- 
son d’un brun roussâtre. Abdomen presque glabre ; premier, 
deuxième et troisième segmens , la base du quatrième et quel- 
quefois du cinquième, d’un brun rougeätre ; une petite bande 
d’un duvet grisâtre à la base des segmens, Ailes transparentes ; 
nervures noirâtres. Ouvrière. 

Inde : Bengale, Musée royal. 


9. Apis DORSALE. — Apis dorsata. Fab, Piez. n° 7, F. 


Antennæ nigræ, articuli primi basi apiceque testaceis. 
Caput nigrum. Thorax niger, scutello testaceo. Abdomi- 
nis segmentis primo, secundo, tertioque testaceo J'errugi- 
neis, maculis laterum triangularibis fuscis, quarto tes- 

L 
taceo-ferrugineo , lateribus margineque postico fuscis , 
quinto et ano fusco nigris. Pedes nigri. Ale hyalineæ. 


Antennes noires ; le premier article testacé à ses deux extré- 
mités. Corselet noir ; écusson testacé. Tête noire. Les trois 
premiers segmens de l’abdomen d’un testacé ferrugineux, por- 
tant sur les côtés des taches triangulaires brunes ; le quatrième 
d’un testacé ferrugineux , avec les côtés et le bord postérieur 
bruns ; le cinquième et l’anus d’un brun noirâtre. Pattes noires. 
Ailes transparentes ; nervures pâles. Ouvrière. 

Inde : Bengale. Musée royal. 


10. Aris DE PÉrow. — Apis Peroni. Latr. Mém. Ann, du 
Mus. 27° cah. p. 193, 7. 


Antennæ nigræ. Caput nigrum. Thorax niger, scutello 
testaceo. Abdomen segmentis primo, secundoque pallidè 
testaceis, margine postico nigro; tertio nigro, basi tenui 
pallide testaceä ; quarto, quintoque margine lenuisstno 


406 HISTOIRE NATURELLE 


subdecolori : ano nigro- Pedes picei. Ale hyalinæ, sub- 
nebulosæ , ner vuris LATIS. 


D'un brun nôirâtre, avec un duvet gris jaunâtre, mélé de > quel- 
ques poils noirs. Abdomen presque glabré ; premier et deuxième 
ségmens, et le bas du troisième, excepté leur bord postérieur, 
celui du second surtout, d’un roux jauntre ; dessous de Y ab- 
domen d’un roux jaunâtre pâle : anus noir, Ailes transparentes : 
avec une légèré teinte noire ; nervures noires. Ouvrière. 

Inde : île de Timor. Péron dit que son miel est jaune et plus 
liquide que celui de V’Abeille domestique. Il ajoute qu'il est 
excellent, et porte, dans le pays, le nom de goülar Fani, 
sucre d’Abeille. Musée royal. 


11. Aris FasciéE. — Apis fasciata. Latr. Mém. Ann. du 
‘ Mus. 27° cah. p. 171, F.. ’ 


Antennæ nigræ, in tuberculo testaceo insertæ. Caput et 
thorax nigra ; griseo pubescentia, scutello testaceo. Ab- 
domen piceo-nigrum ; segmentis primo testaceo , margine 
tenui piceo-nigro ; secundi , tertiique basi testace&, omni- 
bus, præsertim ad basim, griseo villosis. Pedes picei, 
griseo pillosi. Alæ hyalinæ, nerpuris testaceïs. 


D'un brun noirâtre. Duvet d’un gris jaunâtre sur le sommet 
de la tête, le corselet et la base des segmens de l’abdomen ; 
écusson, les deux premiers segmens de l'abdomen et la base du 
troisième rougeâtres; celui-ci, du reste, et les suivans d’un 
gris cendré ; bord postérieur de tous d'un brun foncé. Ailes 
transparentes ; nervures roussâtres. Ouvrière. 

M. Savigny a trouvé cette Abeille soignée par les habitans, 
en Egypte, comme l’est ici Abeille domestique. Musée royal 
et celui de M. le comte Dejean. 


12. Apis pes NÈGRES. — Apis Nigritarum. %, W. 


Antenncæ ge 4 tuberculo testaceo insertæ. Caput et 
thorax nigra ; griseo villosa , scutello testaceo. Abdomen 


Lés À 


DES HYMÉNOPTÈRES. 407 

nigrum , segrnenti primi testacet margine tenui nigro , se- 

cundi bas testaced ; omnibus, præsertim ad basim, griseo 
villosis. Pedes nigri, griseo villosi. Alæ hyalineæ. 


Antennes noires, insérées sur un tubercule testacé. Tête et 
corselet noirs, à poils grisâätres; écusson testacé. Abdomen 
noir; premier segment testacé, avec le petit bord inférieur 
noir; le deuxième à base testacée ; tous ayant des poils gris , 
surtout sur leur base. Pattes noires, à poils gris. Ailes trans- 
parentes. Ouvrière. 


Afrique : Congo. Musée du général comte Dejean. 
2 Tant. MÉLIPONITES. 


Caractères. Femelles dépourvues d’aiguillon. 


Ailes : les nervures de la partie inférieure peu dis- 
tinctes ou nulles. 

Une radiale fort large, s’alongeant en pointe pour 
THPRATE la côte (ou nervure extérieure) de l'aile, 
près du bout de celle-ci. 

Trois cubitales mal tracées, les nervures qui les 
séparent étant peu distinctes , la deuxième recevant la 
première nervure récurrente ; la troisième n atteignant 
pas le bout de l'aile. 

Deux cellules discoïdales complètes ; les cellules du 
limbe confondues avec la troisième discoïdale qui 
est incomplète. 

_ Ocelles disposés sur une ligne transversale presque 
droite. | ; 

| Crochets des tarses simples. Point de dent à la base 
du premier article du tarse postérieur. 

Espèces appartenant a l'Amérique méridionale e et 
aux Îles de la Sonde. 


408 HISTOIRE NATURELLE 


Histoire des Méliponites. 


Aucun des peuples anciens, que l’histoire nous a 
fait connaître , n'avait essayé d'amener, par la cuisson, 
le principe sucré à l’état de cristallisation. Nul d’entre 
eux n’en avait entrepris l'extraction. Cependant, quoi- 
que les vastes régions qui entourent la Méditerranée, 
et s'étendent à une distance assez considérable de ces 
bords, et qui ont été les premiers le séjour de la 
civilisation, ne produisent pas la canne à sucre; elles 
produisaient néanmoins plusieurs plantes, desquelles, 
comme par exemple de la betterave, le sucre pouvait 
s’extraire et être amené à la cristallisation. L'Inde et la 
Chine n'étaient pas plus avancées sur ce point que les, 
pays dont je viens de parler. Il serait plus étonnant que 
les peuples de l'Amérique , qui avaient la canne à sucre , 
n’en aient pas été les inventeurs, si la civilisation eût 
été plus développée chez eux, qu’elle ne fût trouvée 
lors de la conquête. Ceux de ces peuples qui avaient 
la canne à sucre, se contentaient d’en sucer le jus 
comme chose agréable, et quelquefois de lé mêler à 
leurs alimens. Mais tous les peuples paraissent avoir 
fait attention au miel, et l'avoir récolté avec soin. 
Nous avons vu que les Apiarites ( Genre Æpis) sont 
cantonnés dans l’ancien continent , et que leurs espèces 
sont assez dispersées dans les parties chaudes et dans 
les tempérées pour qu’un grand nombre de peuples 
puissent, sans peine, se procurer l'usage de cette 
substance sucrée. Je pense que c’est à cette facilité 
qu'il faut attribuer le peu d'attention long -temps 
apportée aux végétaux saccharifères. Sous ce point de 
vue, les Américains de la partie chaude de ce conti- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 409 


nent, surtout de la méridionale, avaient recu le 
même bienfait de la Providence, et les Méliponites 
(genre Mélipona) remplacent les Apiarites, qui ne 
s'y trouvent pas, et même par la multiplicité bien 
supérieure des espèces , elles donnent beaucoup plus 
de facilité pour la récolte du principe sucré. 

Les Méliponites n'ayant point d'aiguillon , il est aussi 
plus facile de leur enlever leurs provisions. Cependant 
on pourrait induire, de divers récits, que, de même 
que certains genres de la tribu des Formicites, les 
femelles sont pourvues de glandes vénénifères ; mais 
l’on concoit que l’éjaculation de la liqueur, sur la peau 
des sauvages, produit bien peu d'effet , et protége mal 
leurs provisions contrée ceux-c1, qui savent , au reste, 
employer la fumée pour chasser ces industrieuses 
Hyménoptères du nid qui leur avait coûté tant de 
peines à construire el à approvisionner, 

Les Méliponites n'ont point été observées régulière- 
ment par des entomologistes. Quelques naturalistes 
seulement, plus occupés d’autres parties des sciences 
naturelles que de l’'Entomologie, en ont dit quelques 
mots, plutôt sur des rapports que d’après leur propre 
observation. 

Ge qui paraît certain, c’est que la société des Mélipo- 
nites est composée, comme celle des Abeilles , de deux 
modifications du sexe féminin, savoir une ou plusieurs 
femelles fécondes, (je penche à croire à l'unité), d’un 
grand nombre de femelles infécondes, et de mâles. 
Leurs gâteaux sont composés de deux rangs de cellules 
opposés : ceux-là sont placés, comme dans les Apis, 
perpendiculairement à l'horizon, et par conséquent la’ 
longueur de chaque cellule s'étend parallèlement à 
l'horizon : ces cellules sont hexagones , et leur fond 


410 HISTOIRE NATURELLE 


pyramidal. Nous allons rapporter ici ce qu’en disent 
quelques naturalistes, plus croyables que les autres, 
qui ont parcouru le Brésil, pays où les Mélipones 
sont extrémement communes , et connues sous le nom 
commun d'Abelhas. 

Le prince de Wied Neuwied (1) rapporte les faits 
suivans (t.1°*, p. 217) : « Les Pourys, peuple sau- 
» vage, habitant entre la mer et [a rive septentrionale 
» du Paraïba , et s'étendant jusqu'au Rio Pomba , dans 
» le gouvernement de Minas Geraës, apportent fré- 
» quemment, pour échange, de grosses boules de cire. 
» qu'ils recueillent dans le creux des arbres qui ser- 
» vent de ruches aux Abeilles. Ils emploient cette 
» cire, de couleur brune noire, à la fabrication de 
» ES flèches et de leurs arcs, et en font aussi des 
bougies qu ils vendent aux Portugais : elles brülent 
» fort bien. » (Même tome, p. 380. ) « On récolte, à 
» Ponte de Gentio, beaucoup de miel ; que fournissent 
» dés Abeilles ; jaunes dépourvues PURES Pour se 
» les procurer, on suspend , sous les toits, des tron- 
» cons de branches d'arbres creusées, dont on bouche 
» l'extrémité avec de l'argile , et on laisse au milieu 
» un petit trou rond. Ce miel est très- aromatique , 
» mais il n’a pas autant de douceur que celui d'Eu- 
» rope. On prépare ici une boisson agréable et ra- 
» fraîchissante , en mélant ensemble de leur miel 
» et de l’eau.» (t. IT, p. 49.) « Un sauvage, Boto- 
coudy de nation, ARS nommé Sinam, guérit 
» M. Feldner d’une fièvre AATR e avec une écuelle 


> 


2 


(1) hd au Brésil. dans les années aBu5, 1816, Bu : ; par 


S. A.S. Maximilien, prince de Wied Neuwied. Traduction 
d'Eyriès, ‘ a) 


DES HYMÉNOPTÈRES. 4ii 


» de miel qu'il alla lui chercher. M. Feldner, après 
» l'avoir prise, eut une sueur très-abondante, et fut 
» débarrassé de son mal, » (Même tome, p. 5o et 51.) 
« Les sauvages Patachos apportaient à vendre, à la 
» Villa do Prado, de grosses boules de cire noire. » 
(Même tome, p. ere « Le miel sauvage est, aussi 
» fréquemment que les fruits , l'objet pour lequel les 
» sauvages Botocoudis montent aux arbres les plus 
» hauts. Au reste, ils recherchent , dans cette occa- 
» sion, non-seulement cette production si abondante 
» cr ces forêts, mais surtout la cire, qui leur est 
indispensable pour plusieurs de leurs ouyrages. Les 
» espèces d’Abeilles sauvages, dont quelques-unes 
» n’ont pas d'aiguillon, sont extrêmement nombreuses 
» dans les immenses forêts de l'Amérique méridio- 
» nale, et donneraient beaucoup d'occupation à un en- 
» tomologiste. Le miel n’est pas si doux que celui 
» Se , mais le goût en est très-aromatique. Il 
» faut des instrumens aigus pour le tirer des branches 
» creuses des arbres élevés. » (t. LIT, p. 166.) « Aux 
» environs d’ Arragal da Conquesta , de sauvages Ca- 
macans véndent du miel, qu'ils recueillent en quan- 
tité dans les forêts. Cette substance est un des mets 
» qu ‘ils aiment le plus. » 

M. Auguste de Saint-Hilaire, à qui la botanique 
du Brésil a de si nombreuses obligations ; dans la rela- 
tion de son voyage (1), rapporte aussi des faits relatifs 
aux Mélipones. 

« On prétend (t. IT, p. 370) que les habitans du 


» Sertao, qui mangent habituellement du poisson 


ÿ 


ÿ 


CA 


G) Voyage dans l'intérieur du Brésil, première partie ; Voyage 
dans les proyinces de Rio- Janeiro et Minoës | Géraës. 
| 


412 HISTOIRE NATURELLE 


> 


LA 


» 


LA 


» 


» 


assaisonné avec du mielsauvage, sont très-sujets à la 
lèpre. Il ne faut pas s'étonner s'ils emploient le miel 
comme aliment. Il existe dans cette contrée, dans la 
province des Mines en général, et probablement dans 
toutes les parties chaudes du Brésil, un grand nombre 
d'espèces différentes d’Abeilles , qui fournissent un 
miel très-limpide et exempt de cet arrière-goùt 
désagréable qu'a celui d'Europe. On considère ce 
miel comme très-médicinal, et il se vend quatre pa- 
taques (18 francs) les trois bouteilles. Plusieurs des 
Abeilles de la province des Mines font leur nid 
dans ja terre : un plus grand nombre le construisent 
dans les arbres. Aucune d'elles n’a d’aiguillon; ce- 
pendant une espèce qu'on nomme Z'ataira laisse, 
à ce qu'on assure, échapper par l'anus une liqueur 
brülante, et c’est ordinairement la nuit qu'on lui 
enlève son miel. Les espèces appelées Urucu bot, 
Sanharo, Bura bravo, Chupé, Arapua et Tuti, 
se défendent quand on les attaque ; mais il paraît 
qu'elles n'ont pas plus d’aiguillon que les autres, et 
qu’elles se contentent de mordre. Ceux qui cher- 
chent le miel des Abeilles, abattent ordinairement 
les arbres où elles se logent , et détruisent sans pitié 
les œufs et les nymphes. Quelques-uns scient la par- 
tie de l’arbre où ces Insectes ont fait leur nid, et la 
suspendent horizontalement au-dessous du toit de 
leur maison. On a imaginé, du côté de Sabara, un 
moyen de multiplier ces Abeilles qui a parfaitement 
réussi. Pendant qu’elles sont aux champs, on tire de 
la ruche quelques-uns des gâteaux qui contiennent 
les nymphes et les œufs, et on les met dans une 


» ruche nouvelle, qu'on a soin de parfumer avec de 
* l'encens. Une partie des Abeilles adopte la nouvelle 


= 


» 


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» 


> 


S 
4 


DES HYMÉNOPTÈRES. 413 


ruche, et celle-ci se remplit bientôt de miel et de 
cire. Au reste, toutes les espèces d'Abeilles ne peu- 
vent pas s'enlever pour être placées près des maisons : 
la plupart abandonnent leur demeure , lorsqu'on les 
transporte, et il n’en est, m'a-t-on assuré, que trois 
espèces qui s'accoutument à cette sorte de domesti- 
cité. Les Abeilles de Minas Géraës , et probablement 
d'une grande partie du Brésil, sont extrêmement 
familières ; elles viennent se poser sur les mains, 
sur le visage, et se laissent prendre sans peine. On 
verra, dans ma troisième relation, combien je fus 
incommodé, sur la route de Goyaz à Saint-Paul, par 
une petite espèce d'Abeille, qui était sans cesse sur 
mon visage et entrait dans mon oreille. La plupart 
d’entre elles ont une odeur agréable qu'elles emprun- 
tent des fleurs, sur lesquelles elles vont chercher leur 
nourriture. Le plus grand ennemi de ces Insectes , si 
innocens et si utiles , est sans doute l’homme ; mais 
ils en ont un grand nombre d’autres, principalement 
plusieurs sortes d'oiseaux et de petits lézards. Les 
Tatous, en particulier, détruisent les espèces qui font 
leur nid dans la terre. Les Abeilles connues dans le 
Sertao sont les Mandacaia, Jataï, Monduri, Urucu, 
Ürucu boi, Bura manso, Bura bravo, Sanharà, 
Iraté, Sete-Portas, Mumbuca, Marmelada , Chupé, 
Arapua, Tataira, Tubi. MM. Spix et Martius, 
qui ont donné quelques détails sur les Abeilles du 
Sertao, ne font pas mention de l'espèce appelée 
Tubi; mais, en revanche, ils en nomment plu- 
sieurs autres dont je n’ai pas entendu parler, savoir : 
Mamdubicha, Mondaguira, Cabeca de latao, 
Caga fogo, Vamos ombora , Cabiguara, Abelha 
de capim, Preguicoso grosso, fino et mosquito. Les 


41 4 HISTOIRE NATURELLE 


» mêmes $aväns distinguent en outre l'Urucu, en 
» Uruçu dc Chäo, de Pao, boi et pequeno ; l’'Abeille 
» Jataï, en bunde et pequeno ; Marmelada , en preta 
» et branca ; Monduri, én preto, vérmelho, legttimo 
» mirim et papaterra. Quant au Pora dés mêmes sa- 
» Vans} cé h’est certainement que le Bura, dont la 
» prenait allemande aura fait changer l'ortho- 
» graphe. Les môts sete portas (sept portes), marme- 
» lada (marmelade), cabeca de latao (tête de cuivre 
» rouge), caga Jogo (excrément de feu), vamos em- 
» bora (allons-nous-en);, preguicoso grosso, fino et 
» mosquito (paresseux gros, menu et moustique), 
» sont portugais. Les autres sont indiens : Sanharo, 
» écrit Canar6 dans le Tesoro de la lingua Garani, 
» veut dire Abeille rouge, T'ataira vient évidemment 
» de tatard, mot qui désigne aussi une Abeille rouge ; 

» Urucu signifie vermillon ; Mondori est simplement 
» une Abeille ; ; Träity signifie cire; Mombuca, faire 
» sortir une chose; Z'obi, aigu; enfin, Mundubina 
» vient peut-être de monbu, percer. » (Je ne rapporte 
ici cette liste fastidieuse de noms que pour engager les 
entomologistes, observateurs et collecteurs en même 
temps , à rapporter ces noms vulgaires aux espèces , en 
étudiant leurs mœurs.) « Les Abeilles qui font le 
» meilleur miel sont lés Jatäï, Mondura, Mandacaia, 
» Marmelada et Urucu; les espèces qui en donnent là 
» plus grande quantité sont les Uruçu et Mumbuca. 
» La cire des Abeilles du Brésil est noirâtre, et, jus- 
» qu'àprésent, on à inutilement essayé de la rendre 
» blanche; cependant on l’emploie pour faire de ces 
» petites bougies menues qui se plient et se mettent 
» dans la poche. On verra néanmoins, dans mon 
» Voyage à Goyaz, qu'un homme de Villa Boà a ob- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 415 
» teriu des succès par des blañehMe ns réitérés. 
» MM. Spix et Martius disent encore que les divers 
» miels du Sertao présentert entre eux de grandes dif- 
» férences, et que quelques-uns sont un véritable pai- 
» son, tel que celui de l’Abeiïlle Mundubinba , dont la 
» couleur est verte, et qui purge violemment. Les 
» habitans du Sertao, ajoutent les mêmes savans, ont 
» observé que le miel de la même sorte d’Abeille est 
» nuisible ou utile dans différentes saisons de l’année, 
selon qu’il a été recueilli sur telle ou telle espèce de 
plante. » 
D'après ce qu’on vient de lire, il est aisé de voir 
que les plus savans voyageurs ne nous mettent point 
à même de juger, en quoi les habitudes morales des 
Mélipones diffèrent de celles des véritables Abeilles. 
Aucun d'eux, même M. de Saint-Hilaire, à qui l’on 
verra que nous devons la connaissance de plusieurs 
espèces qu'il a rapportées du Brésil, ne nous dit si les 
sociétés de ces Hyménoptères sont durables ou an- 
nuelles ; si cette société ne possède qu'une seule femelle 
féconde ou plusieurs ; on ne nousindique pas la forme 
ni la situation des gâteaux, ni celle des alvéoles; on 
ne nous dit point si les Mélipones multiplient leurs 
colonies par essaims. Bien plus, ceux qui nous ont 
rapporté des Mélipones, n’ont point rapporté d'espèces 
complètes. Nous ne possédons guère que des femelles 
infécondes de ce genre ; toutes les femelles fécondes et 
la plupart des mâles nous sont inconnus. Puisse un 
jour cet oubli être réparé par un observateur attentif ! 
C’est un fait remarquable, que les Mélipones n’ont 
pas, au premier article du tarse postérieur, la dent 
à l’aide de laquelle les espèces du genre Abeille reti- 
rent les plaques de cire brute des cavités ou loges 


> 


416 HISTOIRE NATUKELLE 


ventrales où elle se forme. Cela suppose de grandes 
dissemblances dans les mœurs, quoique, d’après l'ac- 
cord des voyageurs, il soit impossible de douter qu’elles 
fassent de la cire. 


Gewre MÉLIPONA. — MELIPONA. 


SYNoNYMIE. Melipona Latr. Reg. Anim. Illig. Klug.—Tri- 
gona Latr. Jur.— Apis Oliv. Encyc. Fab.— Centris ? Fab. 


Pour l'histoire du genre, voyez celle de la tribu , et pour 
le caractère, celui de cette même tribu, qui ne renferme 
que ce genre. 


Espèces connues du genre Mélipona. 


Ire DIVISION. Abdomen convexe en dessus; ventre à peine 
. caréné. Melipona Latr. 


1. MÉLIPONA À QUATRE BANDES. — Melipona quadrifas- 
ciata. X, F.. 


Antennæ piceæ , anticè subluteæ. Caput nigrum , ni- 
gro villosum , mandibulis apice piceis. Thorax niger, 
nigro villosus. Abdomen suprà , segmentis primo rufo- 
piceo, macul& laterali parvé lute& ; secundo rufo, fasciä 
lute& interrupté ; tertio, quarlo, quintoque rufis fasciä 
luted; ano rufo: subtus albido villosum. Pedes piceo- 
ruft, plis minûs ve nigro-fusci, villosi; tarsis dilutioribus. 
Alæ basi præsertim rufo-fuscescentes. 


Antennes brunes , un peu jaunâtres à la face antérieure. 
Tête noire; ses poils, peu nombreux , noirs ; bout des mandi- 
bules brun. Corselet noir ; ses poils noirs. Dessus de l’abdo- 
men : premier segment d'un roux brun , avec une petite tache 
jaune sur les côtés; le deuxième roux, portant une bande 
jaune interrompue ; les troisième, quatrième et cinquième 


DES HYMÉNOPTÈRES. 417 


roux, portant une bande jaune ; anus roux ; dessous de l’ab- 
domen d’un roux brun ; ses poils blanchätres. Pattes d’un roux 
brun, plus ou moins mêlé de nuances noires; tarses plus 
clairs. Ailes roussâtres , plus foncées vers la base. Ouvrière. 

Du Brésil : contrée des Missions. Apportée par M. de Saint- 
Hilaire, que nous avons cité plus haut. Musée royal de 
France. 


2. Mériroxa voisine, — Melipona vicina. %, F. 


Antennæ nigro-piceæ, anticè ab articulo tertio testa- 
ceæ. Caput et thorax nigra, nigro villosa. Abdomen 
nigrum , segmentorum supra , primi maculé parvé late- 
rali luted , secundi lineol& utrinque ad dorsum emargi- 
natä, subattenuat&, lute& ; tertit, quarti, quintique fus- 
cid marginali interrupté luteä; ano testaceo , nigro mar- 
ginato. Pedes nigri, nigro villosi, Alæ testaceo-fuscæ. 


Antennes d’un roux brun; leur face antérieure testacée, à 
partir du troisième article jusqu'au bout. Tête et corselet noirs; 
leurs poils noirs. Abdomen noir ; dessus du premier segment 
portant de chaque côté une petite tache jaune; celui du 
deuxième portant de chaque côté une petite ligne jaune , dont 
le bout , vers le dos de l'abdomen, est rétréci et paraît comme 
échancré ; dessus des troisième, quatrième et cinquième seg- 
mens portant, sur son bord postérieur, une bande jaune inter- 
rompue ; anus testacé bordé de noir. Pattes noires; leurs poils 
noirs. Ailes d’un testacé brun, Ouvrière. 


Du Brésil : contrée de Rio-Grande. De Saint-Hilaire, Musée 
de France. 


3. MéLipona AxTuImioinE. —/elipona anthidioides. X, F.. 


Antennæ nigro-piceæ , anticè dilutiores. Caput et tho- 
rax niora, nigro villosa. Abdomen supra segmento 
primo piceo, maculé utrinque lute&; secundo, tertio, 
quarto , quintoque nigris fascid mullum interrupté luted; 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 2 


418 HISTOIRE NATURELLE 


ano nigro; subtüs piceo-rufum. Pedes piceo-nigri. Alæ 
præsertim basi rufo-fuscescenies. 


Antennes d'un brun noirätre, plus claires à leur face anté- 
rieure, Tête et corselet noirs; leurs poils noirs. Dessus de l’ab- 
domen : premier segment brun, avec une tache jaune sur 
chaque côté ; les deuxième , troisième , quatrième et cinquième 
noirs, portant chacun une bande jaune très-interrompue dans 
son milieu}; anus noir; dessous de l'abdomen d’un roux brun. 
Pattes d’un brun noirâtre. Ailes roussâtres, plus foncées à 
leur base. Ouvrière et mâle. Celui-ci a le sixième segment 
de l'abdomen conforme aux précédens, 


Du Brésil : capitainerie des Mines. De Saint-Hilaire. Musée 
de France. 


4. Mércipona À GINQ BANDES. — MWelipona quinque-fas- 
Ciata. *, PF. 


Antennæ nigro-fuscæ , anticè apiceque testaceæ. Ca- 
put piceum, rufo villosum , clypei margine infero lineä- 
que perpendiculari et mandibulis testaceis. Thorax suprà 
niger, subis piceus, rufo-villosus. Abdomen nigrum ; 
segmentorum omnium margine infero luteo, in lateribus 
extenso ; ano nigro : subtùs nigrumn, rufo subvillosum. Pe- 
des quatuor antici testacei, genubus nigris ; postici duo 
similes, Larsorum articulo primo extüs piceo-nigro. Alæ 
rufo-subhyalinæ. 


Var. Pauld major, F. 


Antennes d’un brun noirâtre ; leur partie antérieure testa- 
cée , ainsi que le bout. Tête brune, ses poils roux ; chaperon 
ayant son bord inférieur et une ligne, perpendiculaire au milieu, 
testacés ; mandibules de cette dernière couleur. Corselet noir en 
dessus , brun en dessous ; ses poils roux. Abdomen noir, bord 
inférieur de chacun des segmens jaune, cette couleur s'éten- 
dant sur les côtés ; anus noir : dessous de l’abdomen portant 


REC UP ES US US 


DES HYMÉNOPTÈRES. : 149 


quelques poils roux, Pattes : les quatre dernières téstacées, 
avec les genoux noirs ; les deux postérieures semblables aux 
précédentes , si ce n’est que la partie externe du premier article 
du tarse est d’un brun noirâtre. Aïles assez transparentes, 
mais roussâtres. Ouvrière. 

Variété. Un peu plus grande. Ouvrière. 


Du Brésil : contrée des Missions, — Far. Capitamerie de 
Saint-Paul. Musée de France. 


5. Mézrpona cuanxcée. — Melipona mutata, . 


Melipona favosa ? 1lig. 

Antennœ testaceæ , articulo primo supra nigro. Caput 
nigrum , rufo villosum , ore pallidè rufo; mandibularum 
apice et clypei maculis duabus piceis, line& ad oculos pal- 
lidè rufä. Thorax niger, suprà et lateribus rufo villosus. 
Abdomen suprà ferè glabrum , nigrum , segmentorum 
margine infero albido; ano nigro : subtüs albido subvil- 


losum. Pedes nigri, rufo villosi. Alæ hyalinæ, nervuris 
testacets. 


Antennes testacées ; le premier article noir en dessus. Tête 
noire , à poils roux ; bouche d’un roux pâle; bout des mandi- 
bules brun ; deux taches de cette couleur sur le chaperon ; une 
ligne rousse près des yeux. Corselet noir ; le dos et les côtés 
ayant des poils roux ; ceux du dessous blanchâtres ; : anus noir. 
Pattes noires, à poils roux. Aüles transparentes ; nervures tes- 
tacées. Ouvrière. 

Cayenne. Musée de M. Serville, 


6. MÉLiIPONA RUCHAIRE. — Melipona favosa. Latr. Gen. 
Crust. et Ins. vol. IV, p. 182, 7. 


Apis favosa Lat. Mém. Ann du Mus. 27° cah. p. 175, 


n° 9; Mém. Ann. du Mus. t. EV, 1804, PI. 69, fig. 6 et 8. 
— Fab. Piez, ne 15. 


27. 


420 HISTOIRE NATURELLE 


Trigona favosa Jur. Hymén, p. 246, Encyc. t. X, 
p-710,n°1. 

Antennæ fuscæ, subtus et apice testaceæ. Caput nt- 
grum, rufo villosum ; labro et mandibulis Jerrugineis , 
apice nigris ; clypeo pallido, lineis duabus fuscis, orbit& 
oculorum albidä. Thorax niger, rufo villosus. Abdomen 
niorum; suprà segmentorum fasci& submarginali albidä 
in qué linea utrinque nigra ; subtüs albido villosum ; ano_ 
albido villoso. Pedes picei, albido subvillosi, tarsis rufo 
villosis. Alæ hyalinæ ; nervuris testaceis. 


Antennes brunes ; le dessous et le bout testacés, Tête noire, 
ses poils roux ; labre et mandibules ferrugineuses, leur bout 
noir ; chaperon pâle, portant deux lignes brunes; orbite des 
yeux blanchâtre. Corselet noir, ses poils roux. Abdomen noir ; 
dessus de chaque segment portant , près du bord inférieur, une 
bande blanchätre , de laquelle chaque extrémité contient une 
ligne noire, Anus et dessous de l’abdomen ayant quelques poils 
blanchâtres. Pattes brunes , ayant des poils blanchâtres ; ceux 
des tarses roux. Aïles transparentes ; nervures testacées, Ou- 
priere. 

Cayenne. Musée de M. le général Dejean. 


7. Mécipoxa DE SamwT-Hinaime. — Melipona Sant- 
Hilarü. F, %. 


Antennæ nigræ, articulo primo baseos testaceo. Caput 
nigrum , rufo villosum ; oculorum orbit& anticè clypeique 
line perpendiculari luteis. Thorax niger, rufo villosus. 
Abdomen subtüs nigrum ; suprä primi segmenti margine 
infero tenui luteo ; secundo nigro, parte posticä usque ad 
medium luted; tertio, quarto, quintoque luteis, basi 
tenui nigrä ; ano nigro. Pedes testacei; antici duo tibia- 
rum apice tarsisque externè nigris; poslici quatuor ge- 
nubus insupèr nigris. Alæ rufo subhyalinæ. 


Antennes noires ; leur premier article testacé, Tête noire, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 421 


à poils roux ; orbite antérieure des yeux jaune ; une ligne per- 
pendiculaire de cette dernière couleur sur le chaperon. Corselet 
noir, ses poils roux. Abdomen noir en dessous ; en dessus, 
premier sesment terminé postérieurement par une ligne étroite 
jaune; le deuxième noir dans sa moitié antérieure , la posté- 
rieure jaune ; les troisième , quatrième et cinquième jaunes, 
leur base occupée par une ligne noire étroite ; anus noir. Pattes 
testacées ; les deux antérieures ayant le bout des jambes et la 
face externe des tarses noirs ; les quatre postérieures ayant de 
plus les genoux noirs. Ailes assez transparentes, roussâtres, 
Ouvrière. 

Du Brésil : province de Rio-Janeiro. Rapportée, comme la 


plupart de ces espèces, par le savant botaniste M. Auguste de 
Saint-Hilaire, Musée royal de France. 


8. MéLrpona rOUx-vVENTRE. — Melipona rufiventris, V,%. 


Antennæ testaceæ, posticè fuscæ. Caput piceum , rufo 
villosum , oculorum orbit& anticä, clypei margine infero 
limäque perpendiculari medi& testaceis. Thorax niger, 
rufo villosus. Abdomen testaceum , supra subtüsque rufo 
subvillosum ; ano nigro villoso. Pedes testaceo-fusci, ni- 
gro subvillosi. Alæ rufo subhyalincæe. 


Antennes testacées; leur partie postérieure brune. Tête 
brune; ses poils roux: orbite antérieure des yeux testacée ; 
chaperon ayant son bord inférieur de cette dernière couleur, 
qui est aussi celle d’une bande perpendiculaire dans son milieu. 
Corselet noir ; ses poils roux. Abdomen entièrement testacé , 
avec quelques poils roux ; ceux de l’anus noirs. Pattes d’un 


testacé brun , avec quelques poils roux. Ailes transparentes , 
roussâtres. Ouvrière. 


Du Brésil. Musée de France, 


9. Mézipoxa FAUvE.— MWelipona fulva, F,%. 


Antennæ testaceæ suprà fuscæ. Caput testaceum , rufo 


42% HISTOIRE NATURELLE 


villosum, mandibulis apice nigris. Thorax testaceus , 
suprà et lateribus fulvo villosus, subtus albido villosus. 
Abdomen fulvo-testaceum, supra subglabrum , subtüs 
rufo subvillosum. Pedes testacei, rufo villosi. Alæ sub- 
testaceo-hyalinæ, nervuris testaceis. 


Antennes testacées, brunes en dessus. Tête testacée , ses 
poils roux ; bout des mandibules noir. Corselet testacé ; les poils 
du dos et des côtés fauves; ceux du dessous blanchâtres. Abdo- 
men d’un testacé tirant au fauve, presque sans poils en dessus , 
en ayant quelques roux en dessous. Pattes testacées à poils 
roux. Ailes transparentes , un peu testacées; nervures testa- 
cées. Ouvrière. 


Amérique méridionale. Rapportée par le célèbre botaniste 


M. Richard. Musée de M. Serville. 


10. MÉLIPONA PANACRÉE, — WMelipona mixta, V, %. 


Antennæ nigræ, intus testaceæ. Caput nigrum , nigro 
villosum , clypeo in medio subpiceo. Thorax niger, nigro 
villosus. Abdomen suprà sezmento primo piceo-nigro , 
margine infero testaceo ; secundi testacei basi piced, 
cæteris testaceis luteo submixtis ; ano fusciore : subtüs 


piceum. Pedes nigri, nigro villosi. Alæ testaceæ sub- 
hyalinæ. 


Antennes noires , lenr partie intérieure testacée. Tête noire, 
ses poils noirs; milieu du chaperon brun. Corselet noir, ses 
poils noirs. Dessus de l’abdomen : premier segment d’un brun 
noirâtre , avec le bord postérieur testacé ; le deuxième testacé , 
sa base brune ; les autres testacés, un peu mêlés de teintes 
jaunes ; anus plus brun : dessous de l’abdomen brun. Pattes 


noires ; leurs poils noirs. Ailes transparentes , testacées. 
Ouvrière. 


Du Brésil : capitainerie de Rio-Janeiro. Musée de France. 


tn + état ie dr tdi 


DES HYMÉNOPTÈRES. 423 


11. MÉcipona sicoLorEe. — Welipona bicolor, F, *%. 


Antennæ nigræ, apice præsertim subtus testaceæ. Ca- 
put nigrum, rufo villosum , orbitd oculorum clypeique 
line& perpendiculari testaceis. Thorax niger, rufo villo- 
sus. Abdomen nigrum , pallido subvillosum. Pedes nigri , 
pallido rufoque subvillosi. Alcæ rufo-subfusceæ. 


Antennes noires ; leur bout, surtout en dessous, testacé. 
Tête noire, ses poils roux; orbite des yeux testacée, ainsi 
qu’une ligne perpendiculaire sur le chaperon. Corselet noir, ses 
poils roux. Abdomen noir, ayant quelques poils d'un roux 
pâle. Pattes noires , leurs poils roux ou blanchâtres. Ailes d’un 
roux brun. Ouyrière. 


Du Brésil : capitainerie de Rio-Janeiro, Musée de France. 


12. Mézrrona noire. — Melipona nigra, V, %. 


Antennæ nigræ, apice subpicece. Caput nigrum, oculo- 

. ro (4 . ; h 
rum orbité clypeique line& perpendiculari testaceis. Tho - 
rax niger, rufo villosus. Abdomen nigrum, pallido ru- 


ove subvillosum. Pedes nigri, pallido villosi. Alæ 
| (=) P 
hyalinæ. 


Antennes noires, leur bout moins foncé. Tête noire; orbite 
des yeux testacée, ainsi qu'une ligne perpendiculaire sur le 
milieu du chaperon. Corselet noir , ses poils roux. Abdomen 
noir, ses poils, en petit nombre, roux ou pâles. Pattes noires, 


leurs poils pâles. Ailes transparentes. Ouvrière. 
Du Brésil. Musée de France. 


13. Mécirona ENFUMÉE. — Welipona fuliginosa, V, %. 


Antennæ pallideæ , fusco posticè lineatæ. Nigra, nioro 
villosa; ore pallide testaceo. Abdomen subelongatum. 


424 HISTOIRE NATURELLE 


Femora duo postica , et tibiæ ejusdem paris nigro-testa- 
cea. Alæ hyalinæ, nervuris pallidis, 


Antennes pâles, portant une ligne brune sur leur partie pos- 
térieure. Noire, ses poils noirs. Bouche d’un testacé pâle. 
Abdomen un peu alongé, Les deux cuisses postérieures et les 
jambes de la même paire de pattes, d'un testacé brun. Aïles 
transparentes ; nervures pâles. Mäle. 

De Cayenne. Apportée par M. le docteur Doumerc. Musée 
de M. Serville. 


14. Méripona BRUNE. — Melipona fuscata , V, %. 


Antennæ nigræ , subtùs piceæ. Caput thoraxque nigra, 
nigro villosa. Abdomen piceo-nigrum , nigro subvillosum , 
sezmentorum margine inferiort fusco-testaceo. Pedes 
piceo-testacei. Alæ subtestaceo-hyalinæ, nervuris tes- 
taceis. 


Antennes noires , brunes seulement en dessous. Tête et cor- 
selet noirs; leurs poils noirs. Abdomen d’un brun noirûtre, 
ses poils noirs ; bord inférieur de chacun des segmens d’un 
testacé brunâtre. Pattes d’un testacé brunâtre. Ailes transpa- 
rentes, un peu festacées ; nervures testacées. Ouvrière. 


Du Pérou, Musée de M. Serville. 


15. MécipoxaA BORDÉE. — Melipona marginaia, F, *. 


Antennœæ nigræ , apice subpiceæ. Caput nigrum, or- 
bit& oculorum clypeique line. perpendiculari luteis. 
Thorax niger, cinereo villosus, margine laterali scutello- 
que luteis. Abdomen testaceum, segmentorum margine 
sublutescente. Pedes nigri, tibiis omnibus et femoribus 
duobus posticis in medio testaceis. Alæ hyalinæ, nervuris 
lestaceis. 


Antennes noires , leur bout un peu moins foncé. Tête noire ; 


DES HYMÉNOPTÈRES. 425 
orbité des yeux jaune ; chaperon portant une ligne perpendi- 
culaire, en son milieu, de cette dernière couleur. Corselet noir, 
ses poils cendrés ; ses bords latéraux jaunes, ainsi que l’écus- 
son. Abdomen testacé; le bord postérieur de chacun des 
segmens tirant au jaune, Pattes noires ; toutes les jambes et le 
milieu des deux cuisses postérieures testacés. Ailes transpa- 
rentes ; nervures testacées, Ouvrière. 

Moins velue et deux fois plus petite que la Mélipona roux- 
ventre. 


Du Brésil. Musée de France. 


Ile DIVISION. Abdomen triangulaire, court, caréné en dessous. 
Trigona Latr. 


16. MÉLiPoNA AMALTRÉE. — Welipona amalthea Latr. Res. 
Anim. Crust. et Ins. t. IL, 1829, p. 366, F. 


Trigona amalthea Serv. et St.-Farg. Encyc. t. X, p.710, 


n° 1, — Jur. Hymén. p. 246.— Latr. Gen. Crust. et Ins. 
t. LV :p:193. 


Apis amalthea Fab. Piez. n° 8. — Oliv. Encyc. n° 102. 
— Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. p. 174, n° 10. 

Antennæ basi nigræ, apice testaceæ. Caput, thorax 
abdomenque nigra, nigro villosa. Pedes nigri, tarsorum 


articulo ultimo piceo. Alæ violaceo-fuscæ, apice dilu- 
liores. 


Antennes noires à leur base, leur bout testacé. Tête, cor- 
selet et ahdomen noirs ; leurs poils noirs. Pattes noires, leurs 
poils noirs; le dernier article de tous les tarses bruns. Ailes 
enfumées à reflet violacé , leur bout moins foncé. Ouvrière. 

Deux fois plus grande que la Mélipona rousses-pattes, 

Du Brésil. Musée de France. 

D’après des observations du docteur Renaud, communi - 
quées à M. Olivier, ces Mélipones vivent en société très- 
nombreuses. Leur nid, dont la grandeur varie à raison de la 
population, a à peu près la figure d’une cornemuse, et dix- 


426 HISTOIRE NATURELLE 


huit à vingt pouces de long, sur huit à dix de diamètre : ils 
sont appliqués contre les arbres. Les alvéoles sont très-grands, 
vu la petitesse de l’Insecte. Le miel est très-doux , fort agréa- 
ble et très-fluide ; sa couleur est d’un roussâtre obscur. 11 est si 
aqueux qu'il fermente peu de temps après avoir été retiré des 
alvéoles , et il fournit alors une liqueur spiritueuse que les 
Indiens aiment beaucoup, et qui, lorsqu'elle n’est pas vieille , 
est assez agréable au goût, Pour conserver le miel , il faut le 
faire cuire à la consistance de nos sirops.' 


17. Méripona ROUSSES-PATTES, — Melipona ruficrus, F. 


Trigona ruficrus Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. 
p: 176, n° 11. — Jur. Hym. p. 246. — Serv. et Saint-Farg. 
Encyc. t. X, p.710: 

Nigra, nigro subvillosa : mandibularum basi pedibus- 
que posticis testaceo-ferrugineis. Alæ violaceo-nigreæ , 
apice dilutiores. 


Noire, avec quelques poils épars noirs. Base des mandi- 
bules d’un testacé ferrugineux. Les-pattes postérieures de cette 
dernière couleur. Ailes noires , à reflet violet, moins foncées 
vers le bout. Ouvriere. 


Du Brésil. Musée de M. Serville. 


18. Mérirowa PORTE-ÉCUSSON.—/Melipona scutellata, F, >%. 


Antennæ nigræ , subtüs et apice piceæ. Caput nigrum, 
rufo villosum; clypeo pallido, maculis duabus fuscis. 
Thorax niger, rufo villosus, scutello testaceo densè vil- 
loso. Abdomen nigrum, segmentorum margine infero 
piceo. Pedes nigri, tibiis apice tarsisque testaceis. Alæ 
hyalinæ , nervuris piceis. 


Antennes noires , seulement brunes en dessous et au bout. 
Tête noire, ses poils noirs ; chaperon pâle , portant deux taches 
brunes. Corselet noir , ses poils roux ; écusson testacé , très- 
chargé de poils. Abdomen noir, bord inférieur des segmens 


DES HYMÉNOPTÈRES. 427 


seulement brun. Pattes noires. Bout des jambes et tarses tes- 
tacés. Ailes transparentes ; nervures brunes. Ouvprière. 
Patrie inconnue. Musée de M. Serville. 


19. Méripowa MENUE. — Melipona minuta, V, *%. 


Nigra, antennis anticè, mandibularumque basi et tar- 
sis testaceis; abdominis segmentorum margine infero 
pallido. Alæ subhyalinæ , in parte caracteristicé fuscæ. 


Noire : face antérieure des antennes testacée, ainsi que la 
base des mandibules. Tarses testacés. Bord inférieur des seg- 
mens de l’abdomen pâle. Ailes assez transparentes ; une assez 


grande tache brune sur une partie des cellules cubitales et dis- 
coïdales. Ouvrière. 


Plus petite que toutes les précédentes. 
Patrie inconnue. Musée de M. Serville. 


20. MéLiPonNa BIPONCTUÉE.— Melipona bipunctata, V, %. 


Antennæ piceæ , anticè pallidæ ; articulo primo nigro, 
anticè testaceo. Caput nigrum, maculé utrinque lute& 
ad clypei marginem exteriorem. Thorax niger, nigro 
subvillosus. Abdomen nigrum , nigro subvillosum, segmnen.- 
tis quarto quintoque maculé è pilis stralis cinereis vil- 


losä. Pedes nigri, nigro villosi. Alæ præsertim ad mar- 
ginem extleriorem fuscæ. 


Antennes brunes , leur face antérieure pâle; le premier arti- 
cle noir, sa face antérieure testacée. Tête noire ; une tache jaune 
de chaque côté du chaperon , sur son bord extérieur. Corselet 
noir, avec quelques poils noirs. Abdomen noir , avec quelques 
poils noirs; les quatrième et cinquième segmens portant cha- 
cun sur les deux côtés une tache formée par des poils couchés 
de couleur cendrée. Pattes noires ; leurs poils noirs. Ailes un 
peu brunes , l’étant un peu plus au bord extérieur. Ouvrière. 

Taille de la Mélipona rousses-pattes. 


Du Brésil : capitainerie des Mines. Musée de France. 


428 HISTOIRE NATURELLE 


21. MÉLIPONA? AILES TRANSPARENTES. — Melipona? hya- 
linata, V, *%. 


Antennæ piceæ, apice anticè subdilutiores. Caput ni- 
grum, anticè pilis albis raris stratis villosum. Thorax, 
abdomen pedesque nigra, cinereo subvillosa. Alæ hyalinæ, 
nervuris Leslaceis. 


Antennes brunes; la partie antérieure de leur bout un peu 
moins foncée. Tête noire ; la face portant quelques poils cou- 
chés de couleur blanche. Corselet, abdomen et pattes noirs, 
avec quelques poils cendrés. Aïles transparentes ; nervures tes- 
tacées. Ouvrière. 

Nota. Ayant décrit cette espèce , il y a bien des années, je 
doute aujourd’hui qu’elle appartienne à ce genre. Les cellules 
cubitales sont plus distinctes que dans les autres espèces. Elle 
est un peu plus petite que la Mélipona rousses-pattes. 

Du Brésil : capitainerie de Saint-Paul. 


22. MÉLIPONA ARGENTÉE. — Melipona argentata, V, %. 


Nigra, nigro subvillosa ; capitis inter oculos pube ar- 
gented ; mandibularum basi pedibusque duobus posticis 
testaceo-nigris Albæ hyalinæ, nervuris testaceis. 


Noire, ayant quelques poils noirs ; la face, entre les yeux, 
portant un duvet argenté; base des mandibules d’un testacé 
noirâtre , ainsi que les deux, pattes postérieures. Aiïles transpa- 
rentes ; nervures testacées, Ouvrière. 

Patrie inconnue, Musée de M. Serville. 


23. MéLrpona FERRUGINEUSE.—MWelipona ferruginea, P,x. 


Antennœæ piceo-nigræ, anticè testaceo-pallidæ. Caput 
etthorax nigra, pilis brevissimis albidis argenteo submi- 
cantibus villosa. Abdomen ferrugineo-nigrunr. Pedes sub- 
Jerrugineo-nigri. Ale hyalinæ , nervuris pallidè testaceis. 


ae ti À 


DES HYMÉNOPTÈRES. 429 


Antennes d’un brun noirâtre ; leur face antérieure d’un tes- 
tacé pâle. Tête et corselet noirs ; leurs poils courts, blanchätres, 
avant un reflet argenté. Abdomen ferrugineux noirâtre. Pattes 
noires, tirant un peu au ferrugineux. Ailes transparentes ; 
nervures d’un testacé pâle. Ouvrière. 

Un peu plus petite que la Mélipona ailes-transparentes. 

Patrie inconnue. Musée de France. 


24. Mézipona VEUVE. — Melipona vidua, F, %. 


Antennæ piceo-nigræ. Caput, thorax, abdomen pe- 
desque nigra, nigro villosa. Alæ fuscæ, apice lacteo 
vix hyalino. 


Antennes d’un brun noirâtre. Tête, corselet, abdomen et 
pattes noirs; leurs poils noirs. Ailes rembrunies ; leur bout 
d’un blanc de lait, peu transparent, Ouvrière, 

Taille de la Mélipona ferrugineuse. 

Ile de Timor. Musée de France. 


25. MéLiPonA ANTENNES-TESTACÉES. — Melipona testaceti- 
cornis, V, *. ) 


Antennæ testaceæ. Caput ‘nigrum , mandibulis testa- 
ceis. Thorax niger, alarum squamdä et scutelli emargi- 
nati punctis apicis testaceis. Abdomen nigrum , nigro 
subvillosum. Pedes nigri, tarsis (ut videtur) testacers. 
Alæ hyalinæ, apice latè fusco. 


Antennes testacées. Tête noire ; mandibules testacées. Cor- 
selet noir : écaille des ailes testacée ; écusson échancré, sa 
pointe postérieure marquée de points testacés. Abdomen noir, 
ses poils noirs. Pattes noires ; tarses paraissant testacés, (ils sont 
barbouillés d’arsenic dans l'individu que j'ai sous les yeux). 
Ailes transparentes; leur bout brun, presque jusqu'a moitié. 
Ouvrière. 

Deux fois plus petite que la Mélipona veuve. 

{Du Brésil : capitainerie de Goyan, Musée de France. 


430 HISTOIRE NATURELLE 
26. MéLiPona RayÉE. — Melipona lineatæ, V, *%. 


Antennæ nigræ, articulo primo anticè luteo. Caput 
nigrum , oculorum orbitä antice clypeique lineä perpen- 
diculari luteis. Thorax niger, marginibus antico et late- 
rali luteis ; scutello infrà luteo marginatis. Abdomen ni- 
grum. Pedes nigri. Alæ hyalinæ, nervuris piceis. 


Antennes noires ; face antérieure du premier article jaune. 
Tête noire ; orbite antérieure des yeux jaune; chaperon por- 
tant dans son milieu une ligne perpendiculaire jaune, Corselet 
noir ; ses bords antérieur et latéraux jaunes ; écusson bordé in- 
férieurement par une ligne de cette même couleur.Abdomen noir. 
Pattes noires. Ailes transparentes ; nervures brunes. Ouvrière. 

Taille de la Mélipona antennes-testacées. 


Du Brésil : capitanerie de Goyan. Musée de France. 


27. MÉciIPONA QUATRE-POINTs. — Melipona quadripunc- 
tata, V, %. 


Antennæ nigræ. Caput nigrum ; clypei maculé subtri 
cuspidat& , parte à clypeo ad oculos accedente et lineolà 
sub antennarum basi, luteis. Thorax niger, maculà 
utrinque ad scutellum et scutelli lineolis duabus luteis. 


Abdomen nigrum, subtüs albido villosum. Pedes nigri. 
Alæ subhyalinæ, nervuris testaceis. 


Antennes noires. Tête noire ; chaperon portant une tache 
jaune terminée par trois pointes courtes ; les parties de la face 
entre le chaperon et les yeux également jaunes , ainsi qu’une 
ligne qui borde l'insertion des antennes. Corselet noir, por- 
tant de chaque côté, près de l’écusson, une tache jaune; 
l’écusson lui-même chargé de deux lignes jaunes. Abdomen 
noir ; les poils du ventre blanchâtres. Pattes noires. Ailes assez 
transparentes ; nervures testacées, Ouvrière. 

Taille de la Mélipona veuve, 

Du Brésil : capitainerie de Goyan. Musée de France. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 431 


28. Mézrpona Iris. — Melipona Iris, V, %. 


Antennæ nigræ, Caput nigrum , clypeo luteo. Thorax 
abdomenque nigra. Pedes nigri, cinereo villost ; tarsis 
intis rufo villosulis. Alæ hyalinæ, nervuris fuscis, mar- 
gine postico æneo subnitente, trisanti. 


Antennes noires. Tête noire; chaperon jaune. Corselet et 
abdomen noirs. Pattes noires, leurs poils cendrés ; dessous 
des tarses velouté de roux. Ailes transparentes , nervures 
brunes; bords inférieurs ayant un reflet métallique irisé. 
Ouvrikre. 

Taille de la Mélipona rousses-pattes. 

Du Brésil. Musée royal. 


29. Mézipoxa six-points.—Melipona sexpunctata, V, %. 


Antennæ nigræ , apice piceæ. Caput nigrum , orbitd 
oculorum, clypei lineä perpendiculari punctoque utrin- 
que laterali luteis. T'horax niger, scutelli lutei apice 
pilis fasciculatis fuscis villoso. Abdomen nigrum ; seg- 
menti primi lateribus subius testaceis; secundi, tertii 
quartique lineolé utrinque laterali luteä. Pedes nigri, 
cinereo subvillosi. Alæ subhyalinæ , nervuris testuceis. 


Antennes noires ; leur bout brun. Tête noire; orbite des 
yeux jaune ; une ligne perpendiculaire sur le milieu du chape- 
ron de cette même couleur, ainsi qu'un point sur ses côtés. 
Corselet noir; écusson jaune, son extrémité portant des poils 
bruns en faisceau, Abdomen noir ; côtés du premier segment 
en dessous testacés ; les côtés des second , troisième et qua- 
trième segmens portant de chaque côté une ligne jaune. Pattes 
noires ; leurs poils cendrés. Ailes presque transparentes ; leurs 
nervures testacées. Mäle. 

Taille de la Mélipone rousses-pattes, 

Patrie inconnue. Musée de France. 


432 HISTOIRE NATURELLE 


30. MéziponA PALE. — Melipona pailida. 


Apis pallida Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. p. 177, 
n° 12. Otez le synonyme de Fabricius, par les raisons que 
nous expliquons plus bas. 

Antennæ testaceæ. Caput, thorax, abdomen pedesque 
testacea, rufo subvillosa. Alæ subhyalinæ , nervuris tes- 
taceis. | 


Antennes testacées. Tête, corselet , abdomen et pattes testa- 
tacés ; quelques poils roux. Ailes assez transparentes ; nervures 
testacées. Ouvrière. 

Taille de la Mélipona veuve. 


Nota. Dans le mémoire cité, M. Latreille rapporte son 
Apis pallida à une espèce du même nom , de Fabricius. Dans 
les ouvrages de Fabricius, je ne trouve pas d’Apis pallida ; 
mais dans le Supplément de l’Entomologie systématique , se 
trouve une Apis pallens (Ent. Syst. Suppl. 276, 110"), 
dont la description ne répugne pas absolument à notre Weli- 
pona pallida. Mais ,dans son Système des Piézates, Fabricius 
fait de cette espèce une ÆZuglossa pallens ( Fab. Piez. n° 4). 
Doit-on rapporter, malgré la dissemblance des caractères géné- 
riques , l'Æuglossa pallens Fab. comme synonyme du }e- 
lipona pallida Latr.? Fabricius a bien transposé des espèces 
d’un genre à un autre ; mais ceux-ci sont trop disparates, pour 
qu'on puisse lui attribuer pareille erreur. 

Du Brésil et de Cayenne. Musée de France. . 


31. Méctroxa mi-parTie. — Melipona bipartita , P, *%. 


Antennæ teslaceæ ; articulo primo nigro, sequentibus 
posticè fuscis, Caput nigrum , clypeo et lateribus luteis. 
Thorax niger, cinereo subvillosus. Abdomen testaceum. 
Pedes nigri. 


Antennes testacées ; leur premier article noir; les suivans 
bruns à leur partie postérieure. Tête noire ; le chaperon jaune, 
ainsi que les côtés extérieurs de la tête. Corselet noir, avec 


| DES HYMÉNOPTÈRES. 433 
quelques poils cendrés. Abdomen testacé. Pattes noires. 
Ouvrière. 


Taille de la Mélipona rousses-pattes. 
Du Brésil, Musée de France. 


32. Mézipona variée. — Melipona varia, P, *%. 


Antennœæ anticè testaceæ, posticè fuscæ. Caputpiceum, 
clypeo et oculorum orbit& luteis. Thorax piceus, rufo 
villosus. Abdomen testaceum , segmentorum, primi fasciis 
duabus vel tribus luteis, secundi basi et margine infero 
luteis, terti, quarti quintique margine infero luteo ; ano 
luteo. Pedes testacei, femoribus et tibiis posticis elongatis. 
Alæ subhyalinæ, nervuris pallidè testaceis. 


Côté antérieur des antennes testacé ; le derrière brun. Tête 
brune ; le chaperon jaune , ainsi que l'orbite des yeux. Gorselet 
brun, ses poils roux. Abdomen testacé ; son premier segment 
portant deux ou trois bandes jaunes; le second ayant sa base 
et son bord postérieur jaunes ; les troisième, quatrième et 
cinquième n’ayant que le bord postérieur de cette couleur : 
anus jaune, Pattes testacées ; les cuisses et les jambes plus lon- 
gues que dans les autres espèces. Ailes assez transparentes ; 
nervures d’un teslacé pâle. Ouvrière, 

Taille de la Mélipona pâle. 

Du Brésil. Musée de France. 


IIIe DIVISION. Abdomen alongé, presque quadrangulaire, 
l'angle dorsal seul étant un peu arrondi. Zrigona Latr. — T'e- 
tragona Serv. et Saint-Farg. Encyc. t. X, p. 710. 


33. MéLironA ALONGÉE. — Melipona elongata, V, %. 


Trigona (Tetragona) elongata Serv. et Sant-Farg. 
Encyc. t. X, p. 710. 

Antennæ anticè luteo-testaceæ , posticè nigræ. Caput 
nigrum ; clypeo, maculé& sub antennis oculorumque or- 
bité anticé luteis. Thorax niger, rufo villosus, Abdomen 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 28 


434 MISTOIRE NATURELLE 


elongatum, piceum, segmèntorum omnium margine infero 
luteo ; ano testaceo, rufo villoso. Pedes quatuor antici 
testacei, tarsis nigris ; postici duo nigri, tibiarum elon- 
gatarum basi testaced. Alæ hyalinæ, nervuris pal- 
lidis. 

Antennes noires ; leur partie antérieure d’un jaune testacé. 
Tête noire ;, chaperon jaune , ainsi que lorbite intérieur des 
yeux et une tache sous les antenmes, Corselet noir, à poils 
roux. Abdomen alongé, brun ; bord inférieur de chacun des 
segmens jaune ; anus testacé ; ses poils roux. Les quatre pattes 
antérieures lestacées , leurs tarses noirs ; les postérieures noires, 
à jambes alongées, celles-ci testacées à la base. Ailes transpa- 
reutes ; nervures pâles. Oubrière. 

Du Brésil. Musée de France. 


34 Méuwona Lonewrrre. — Melipona longula, F, %. 


Antennæ nigræ, articulo primo baseos antice luteo. 
Caput nigrum. Thorax niger, cinereo subvillosus. Abdo- 
men elongatum piceum. Pedes nigri. Alæ hyalin®æ , ner- 
vuris pallide piceis. 


Antennes noires ; premier article de la base, jaune à sa par- 
tie antérieure. Tête noire, avec quelques poils cendrés. Abdo- 
men alongé, brun. Pattes noires. Ailes transparentes ;, ner- 
vures un peu brunes. Ouvrière. 

Du Brésil. Musée de France. 


35. Méripona Quarrée. — WMelipona quadrangula, PF, *. 


Antennæ anticè luteo-testaceæ , posticè nigræ. Caput 
nigrun ; clypeo, maculé sub antennis, oculorumque orbitä 
anticé, luteis, Thorax niger, rufo villosus. Abdomen sub- 
elongatum , nigrum; segmentorum omnium basi piceé, 
Primi latä, cæterorum tenui. Pedes testacei, femoribus 
tibiisque posticis nigro maculatis. Alæ hyalinæ, nervuris 
pallidè testaceis. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 435 
Antennes noires ; leur partié antérieure d’un testacé jaunâtre. 
Tête noire; chaperon jaune , ainsi que l'orbite antérieur des 
yeux et une tache sous les antennes. Corselet noir; ses poils 
roux. Abdomen un peu alongé, noir; la base de tous les seg- 
mens seulement brune ; cette couleur s'étendant notablement 
sur le premier, ne formant sur les autres qu'une ligne fort 
étroite. Pattes testacées ; les cuisses et les jambes postérieures 
tachées de noir. Ailes transparentes ; nervures d’un tesiacé 
pâle. Ouvrière. 


Du Brésil. Musée de France. 


2° LES SOCIAUX ANNUELS, 


Les sociétés d’Hyménoptères, dont nous avons 
donné jusqu'ici l'histoire, nous ont étonné, soit par 
la perfection des procédés employés dans la construc- 
tion de leurs demeures, soit par l'attachement durable 
que les individus , qui les composent , ont entre eux, 
ét surtout par celui qu’elles montrent à chaque instant 
pour la mère qui leur a donné la vie. Là point de ré- 
volutions , point de dispersions qui en sont toujours 
la suite. L'esprit public a, dans ces sociétés, un 
fondement solide, qui les rend susceptibles d'une 
longue durée ; la volonté de l’homme, ce maître 
impérieux de tous les animaux, peut seule les dis- 
soudre. Quel est ce lien si fort qui assure la durée de 
l'union? On peut croire que ce sont l’amour filial et 
l'amour fraternel ; car le but de tous les travaux des 
ouvrières est de fournir aux besoins de leur mère et 
dés frères et sœurs qu’elle leur donnera. 

Pourquoi donc les sociétés ne sont-elles point dura- 
bles dans les familles qui vont suivre? Comméncées 
par les seuls travaux d’une mère féconde , les premiers 
habitans de ces villes lui doivent leur éducation, et 


28 


436 HISTOIHE NATURELLE 


la reconnaissance semblerait devoir les lui attacher 
invariablement. L'homme ne peut point encore s’ex- 
pliquer tout cela. Peut-être cependant pénétrera-t-ilici 
encore quelques-uns des moyens que le Créateur em- 
ploie pour assurer la perpétuité des espèces , à quiila 
donné cet attribut, et du moins ce ne sera point sans 
admiration qu’il envisagera la variété des moyens em- 
ployés pour remplir le même but. Cette variété, qua- 
lité que l’homme recherche si avidement dans ses 
goûts, ne pourrait-elle point, avec justice, lui pa- 
raître une attention du Créateur, qui a voulu lui 
rendre agréable l'étude de son ouvrage ? 


3° Famixr. LES BOMBIDES. 


Caractères. Langue presque cylindrique, pas beau- 
coup plus longue que la tête, lorsqu'elle est dans le 
repos, c'est-à-dire reployée ; ayant au moins la longueur 
du corps dans l’action. 

Des femelles fécondes , des femelles infécondes et des 
mâles , tous également pourvus d'ailes à l’état parfait. 

Antennes vibratiles , filiformes ; le deuxième article 
plus court que le troisième, presque globuleux; le 
troisième un peu conique. 

Jambes postérieures pourvues de deux épines à leur 
extrémité. 

Premier article des tarses postérieurs dilaté à l’an- 
gle extérieur de sa base, en forme d’oreillette pointue. 

Radiale assez alongée : son bout intérieur détaché 
de la côte ou nervure extérieure de l'aile. 

Quatre cubitales : la première presque entièrement 
séparée en deux par une nervure, qui descend de la 
côte ; la deuxième un peu rétrécie vers la radiale, rece- 


nn RS ec 


| 


DES HYMÉNOPTÈRES. 437 
vant la première nervure récurrente ; le troisième ré- 


trécie de plus de moitié vers la radiale, recevant la 
deuxième nervure récurrente près de la quatrième cu- 
bitale : celle-ci n'étant point commencée; les cellules 
du limbe confondues avec la quatrième cubitale. 

Les trois cellules discoïdales complètes. 

Ocelles disposés en ligne droite. 

Corps velu. 


Nota. M. Latreille, dans tous ses ouvrages, 
considéré les espèces de son genre Euglossa (fondé par 
lui, et adopté, mais restreint en quelque sorte, par 
Fabricius , qui a reporté les espèces velues à son genre 
Centris); il les a considérées, dis-je, comme vivant en 
sociétés annuelles, aux mêmes conditions que les Bom- 
bus. Cela supposerait , dans ces espèces , des individus 
de trois sortes, savoir des mâles et deux modifications 
du sexe féminin, dont les unes femelles fécondes et 
les autres femelles ouvrières. Toutes ces femelles de- 
vraient avoir des organes de récolte pour ramasser le 
pollen des fleurs, nécessaire à l'éducation des larves. 
Il faudrait encore que toutes également pussent a 
duire de la cire et pussent PR ne füt-ce qu'à 
construire les alvéoles, qui doivent recevoir la provision 
de miel et la postérité des femelles fécondes. 

Telles sont, en effet, les conditions sociales des 
Bombus , dont toutes les femelles ont reçu des palettes 
et des corbicules , des loges à cire placées entre les par- 
ties inférieures des segmens de l'abdomen, et la pince 
nécessaire pour saisir et retirer les lames de cette cire. 

L'observation dans les Musées, (elles sont toutes exo- 
tiques), des espèces, citées comme appartenant au genre 
Euglossa par notre célèbre auteur, et celle de quel- 


PER 


438 HISTOIRE NATURELLE 


ques autres, nous à prouvé que plusieurs d’entre elles 
n'ont ni palettes, ni corbicules, n1 pinces pour retirer 
la cire des loges du ventre, et que les autres ont seule- 
ment des palettes et des corbicules , et point de pinces. 

L'observation des espèces , conservées dans les mu- 
sées, ne nous a fait jamais rencontrer, dans une même 
espèce , deux modifications du sexe féminin. 

Quoiqu'il parûüt absolument possible de supposer 
que, comme dans les Apiarides, il y eût, dans le 
genre Euglossa, des femelles fécondes sans organes 
de récolte pour le pollen , il faudrait que celles, qu'on 
supposerait les ouvrières, eussent des pinces à cire, et 
aucune Euglossa n’en est pourvue : ce qui prouve suf- 
fisamment que les individus femelles sans palettes ni 
corbicules, observées par nous, ne peuvent être ces 
femelles fécondes. Ajoutez à cela qu’elles ont les ca- 
ractères des Ovitithers Phytiphages parasites, et que, 
dans les collections, nous trouvons des mâles conve- 
nant aux deux modifications de femelles observées 
par nous. 

En rejetant de Ja famille des Bombides, les Eu- 
glossa de Latreille, nous ferons remarquer que, dans 
un système, la langue très-longue a pu porter'à rap- 
procher les deux genres Bombus et Euglossa. Mais, 
dans uné méthode naturelle, cette longueur indique 
seulement qu'ils sont destinés à puiser tous deux le 
miel dans des fleurs profondes et assez étroites ; tandis 
que leurs mœurs sont du reste tout-à-fait différentes, ce 
qu'indique l’organisation des pattes postérieures. 

D'après ces observations , les Euglossa Latr. doivent 
être renvoyées en partie dans nos Ovitithers Phyti- 
phages parasites, et les autres dans les Ovitithers 
Phytiphages Nidifians solitaires. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 43 


de) 


Histoire des Bombides. 


Cette famille se compose d'un seul genre, celui de 
Bombus, Bourdon. 

Les sociétés des Bourdons se dispersent vers le mi- 
lieu de l'automne. A cette époque, où la gelée com- 
mence à se faire sentir et les fleurs à disparaître, les 
femelles fécondées se cachent dans des trous de murs, 
dans ceux des arbres, où même dans la terre. Les ou- 
vrières et les mâles, ainsi que les vieilles femelles , 
ne paraissent pas avoir cet instinct, (peut-être les der- 
nières meurent-elles alors de vieillesse ), et périssent 
par l’effet du froid, et peut-être aussi par le manque 
de nourriture. Les retraites, qui protégent les femelles 
fécondes, rendent, pour elles, les effets du froid moins 
funestes ; elles tombent seulement dans un sommeil 
léthargique, qui, en empèchant le mouvement; la 
déperdition de substance et le besoin de nourriture, 
maintient la vie pendant la saison qui ne produit mi 
miel , ni pollen, alimens nécessaires aux Bourdons et 
à leurs larves. 

Lorsque le printemps nous ramène la chaleur et les 
fleurs , la première pénètre dans les retraites de mos 
femelles Bourdons, les rappelle à la vie active, et les 
secondes leur fournissent des alimens abondans. En 
même temps qu'elles , les germes fécondés enelles, à 
l'automne précédent , prennent nourriture ; ils grossis- 
segf, et chaque femelle éprouve le besoinde pondre. 
Mais , avant de le faire, il faut préparer un domicile à 
cette chère progéniture, qui la mette à l'abri de l'incon- 
stance de la saison. Les ouyrières, qui existaient l’année 
précédente, étant mortes , la besogne regarde entière- 


440 . HISTOIRE NATURELLE 


ment la mére. Le choix du domicile, l'établissement de 
ses abris, les premières récoltes à faire , et le soin des 
* premiers nés de sa postérité, sont des travaux qu'elle 
ne partage avec personne. Il n'arrive même jamais à 
ma connaissance que deux ou plusieurs femelles fécon- 
des , se réunissent pour la fondation d’un seul et même 
nid. Le choix de l'emplacement, où celui-ci doit être con- 
struit, dépend de l'espèce : les unes le placent en terre, 
d’autres dans des tas de pierres ou dans des murs, les 
autres à la superficie de la terre. Dans le premier et 
le second cas, il faut qu’un chemin étroit conduise à 
un espace vide assez large, de forme ovale ou arrondie. 
La demeure d’une Souris des champs pendant l’année 
précédente, si l'hiver ne l'a point dégradée, convient 
parfaitement à nos femelles. Les premiers travaux de 
celles-ci sont de nettoyer l'espèce de chambre à la- 
quelle aboutit le chemin étroit, et d’en rendre les pa- 
rois et surtout le plancher aussi unis,ou même lisses , 
que possible. Les espèces, qui établissent leur nid à la 
superficie du sol , choisissent un endroit où des herbes 
touffues , ou même des buissons, puissent les garantir 
des intempéries de la saison ; mais elles ne se bornent 
pas , emfait d'abri , au choix d'un lieu ombragé. Lors- 
que la femelle a nettoyé et déblayé l’espace qu'elle des- 
tine à son nid, elle établit au-dessus une voûte assez 
épaisse de mousse, et le chemin, qui conduit à cette 
chambre, est également voüté de la même manière. 
Nous avons jusqu'ici expliqué en quoi diffèrent 
principalement les mœurs des diverses espèces de 
Bourdons ; le reste de leurs procédés, pour approvi- 
sionner leurs nids et élever les jeunes , sont les mêmes 
pour toutes les espèces que nous connaissons. 
Lorsque le printemps réveille nos femelles, nées l'au- 
tomne précédent , elles trouvent des fleurs ouvertes, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 441 
et recouvrent alors, à l’aide du pollen et du miel qui 
font leur nourriture, toute l’activité et la force dont 
elles ont besoin. Chacune d'elles cherche un local con- 
venable et fonde un nid particulier. Ce local apprêté, 
elle y apporte les vivres nécessaires à la nourriture de sa 
postérité. C’est du pollen des fleurs qu’elle pétrit avec 
du miel, et dont elle forme une boule; dans cette 
boule elle dépose des œufs , et par conséquent les larves 
qui sortiront de ces œufs trouveront des vivres à leur 
portée et disposés tout autour d'eux, de manière à 
leur donner en même temps un abri. 

Pour la récolte du pollen, les Bourdons du sexe 
féminin s’y prennent de même que les Abeilles du 
même sexe. Les ouvrières, et même la femelle féconde, 
ont leurs pattes postérieures pourvues de palettes et de 
brosses, dont nous ne répéterons pas ici la description, 
puisque ces parties si utiles, sont, dans ces deux genres, 
situées semblablement , et conformées entièrement de 
la même manière que dans les ouvrières Abeilles (1). En 
outre , la villosité du corps des Bourdons fait que, lors- 
qu'ils s’introduisent dans des fleurs, portant un grand 
nombre d’étamines alors développées, leurs poils se 
chargent d’une quantité de pollen, qui est employée 
également à la formation des boules, dans lesquelles 
les larves sont nourries. Ils recueillent autour d'eux 
ce pollen avec les brosses de leurs pattes. 

Pour la récolte du miel , la langue des Bourdons est 
organisée comme celle des ouvrières Abeilles , avec 
cette différence que celle des premiers est, un peu au- 
dessous de son extrémité, garnie d’un grand nombre 
de poils assez longs pour former un faisceau, ou, si 


(1) Nous avons vu que les femelles fécondes des Abeilles n’ont 
pas recu du Créateur, de palettes : en effet, celles-ci leur seraient 
inutiles , puisqu'elles n'ont point de récoltes à faire. 


442 HISTOIRE NATURELLE 


l'on veut, un pinceau, avec lequel elle peut enlever en 
même temps une quantité de miel, bien plus considé- 
rable que celle que peut amener à la bouche la trompe 
presque nue de l'Abeille (1). 

L’estomac des femelles Bourdons est double et con- 
formé comme celui des femelles ouvrières Abeilles. 
Notre femelle Bourdon, fondatrice du nid , peut donc 
récolter, apporter au nid et apprêter convenablement 
le pollen nécessaire, en dégorgeant le miel, qui en 
fait un aliment approprié aux besoins des larves. Les 
premiers œufs, qu'elle pond , produisent des femelles 
infécondes , ouvrières de petite taille, Nous ne savons 
pas exactement combien il faut de temps, pour qu'un 
œuf passe à l’état de larve, puis à celui de nymphe, et 
devienne enfin Insecte parfait. Mais l’analogie porte à 
croire que ces développemens successifs n'exigent pas um 
temps plus considérable que dans l'Abeille domestique. 
Il arrive donc bientôt que la mère est aidée dans ses 
travaux par les premiers nés de sa postérité, qui lui 
doivent la vie et l'éducation, c'est-à-dire beaucoup 
plus que les ouvrières Hétérogynides et Apiarides ne 
doivent à la leur. 

Lorsque la larve est éclose, elle se trouve, comme 


(1) Lorsque les fleurs ont un long tube, l'Abeille ne peut pas 
s'emparer du miel ; qui est toujours placé au fond de ce tube; il 
semble que la trompe des Bombides , et de quelques autres Hymé- 
noptères, ait été faite sur un autre modèle, pour que ce miel 
ne fût pas perdu. Cependant il est encore des fleurs dont le tube 
est trop long (les Nyctago, par exemple, transplantées ici de l Amé- 
rique), pour que la trompe d'Hyménoptère,mème la plus longue, pt 
y parvenir. Les Bourdons cependant parviennent à le récolter. J'a- 
vais observé un grand nombre de corolles tabaleuses, portant à leur 
base une incisiou transversale, Une suite d'observatious me montra 

es Bourdons se posant, non sur le limbe de ces corolles, mais sur Ja 

base de leur tube, etÆæmployant leurs mandibules pour faire l'in- 
cision dont je parle, par laquelle je leur yis introduire leur 
trompe et récolter le miel, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 443 


nous l'avons dit , au milieu d’une nourriture convena- 
ble, c’est-à-dire dans une masse globuleuse de pollen, 
pétri en quelque sorte avec du miel. Ordinairement 
une de ces boules contient plusieurs œufs , et par suite 
plusieurs larves. Réaumur y en a trouvé de trois à 
trente, Quel que soit leur nombre, chacune d'elles 
attaque la nourriture la plus voisine, et rend bientôt 
les parois de la masse primitive peu épaisses. Alors la 
mère ou les ouvrières ont soin de surajouter de nou- 
velle pâte alimentaire à tous les endroits faibles. Ces 
additions , comme on le pense bien, changent la forme 
de la boule qui contenait primitivement les œufs. Elle 
prend la forme d'une truflé, augmentant en même 
temps de volume , et se chargeant irrégulièrement de 
tubercules arrondis à leur sommet. Les larves conti- 
nuant de ronger la pâte à l'intérieur, la cavité s’aug- 
mente , et, lorsque le moment est venu où l’une d'elles 
a pris tout son accroissement , elle s’y fabrique une 
coque complète de soie ; celle qui parvient ensuite à 
cette même période de vie, appuie sa coque sur la pre- 
mière construite, et ainsi de suite ; mais sans s’as- 
treindre à les poser régulièrement ; si ce n’est que le 
plus grand diamètre de ces coques ; qui sont ovalaires, 
est toujours perpendiculaire à l'horizon. 

Lorsqu'un certain mombre d'ouvrières sont nées 
dans ce nid, qui ne contenait primitivement qu’une 
seule femelle , les espèces, qui couvrent leur nid d’une 
voñte de mousse, agrandissent leur enclos. On peut 
croire que ce n'était pas imprévoyance de la mère, s'il 
se trouve alors trop petit. Pressée de pondre, elle n’a 
dü d’abord que protéger ses premiérs nés, et ‘elle l’a 
fait d’une manière convenable. Actuellement celles-ci 
se mettent plus à l'aise, et quelquefois même plus à 


444 HISTOIRE NATURELLE 
l'abri des grandes pluies. Réaumur à compté de cin- 
quante à soixante ouvrières dans certains nids, et 
j'ai lieu de croire qu’il est resté au-dessous de la vé- 
rité, ayant observé que beaucoup de Bourdons passent, 
en diverses occasions, même au printemps et enété, 
la nuit sur les fleurs, et aussi une partie de la jour- 
née, lorsqu'ils ont été surpris par une forte ondée; 
leur vol lourd les exposant plus que l’agile Abeille à 
être culbutés en chemin. Je suis loin de croire que ces 
individus, les uns femelles fécondes, les autres ou- 
vrières , aient déserté leur nid, pour n’y plus revenir. 
Le même observateur a compté cent cinquante coques 
vides dans un nid de la population apparente que 
nous venons d'indiquer plus haut d’après lui : ce qui 
vient à l'appui de mon opinion, que la population 
des nids est plus forte qu’elle ne le paraît, et que, 
dans aucun instant, cette population entière n'y est 
réunie. Ceci est encore prouvé par des expériences 
positives : plusieurs fois j'enlevai de nuit, avec une 
boîte propre à cet usage, des nids entiers de Bour- 
dons , avec leur population présente. Sans qu'aucun 
de mes prisonniers se füt évadé, j'ai vu, dans la ma- 
tinée du lendemain , à l'endroit où l'enlèvement s'était 
fait, un nombre égal à la population dont je m'étais 
emparé, ou même la surpassant, d'individus de même 
espèce , volant, (quelques-uns chargés de pollen), sur 
l'endroit où avait été leur nid, s'y posant, et cher- 
chant aux environs à en retrouver les traces. Ces 
individus ne pouvaient être que des ouvrières, parties 
en récolte le jour précédent. 

Outre que les Bourdons, qui couvrent leur nid d'une 
enveloppe de mousse, en agrandissent l'enceinte , lors- 
que la population est angmentée , ils forment souvent 


DES HYMÉNOPTÈRES. 415 


une seconde voûte à parois de cire, sous la mousse et 
le long des côtés. Quoique la cire, qu'ils y emploient, 
soit le résultat d’une opération de la nature, semblable à 
celle qui la produit dans les ouvrières Abeilles (1), elle 
n'a point toutes les propriétes de celle-ci. La couleur 
est un gris jaunâtre , elle se laisse pétrir dans les doigts 
sans s’y attacher; son odeur est celle de la cire des 
Abeilles. « Mais la chaleur ne peut la rendre liquide, 
» même l’amollir sensiblement, nous dit Réaumur 
» (Mém. 1, t. VI). Après avoir fait une petite boule 
» de cette matière, que j'avais roulée entre mes doigts, 
» je l'ai mise dans une cuiller à café, que j'ai posée 
sur des charbons ardens; la boule a eu beau chauffer, 
» elle n’a point coulé, comme eût fait, en pareil cas, 
» la cire des Abeilles. Quand elle se fut échauffée à un 
» certain point, elle s’est enflammée , elle a brülé pen- 
» dant quelque temps; après que la flamme a été 
» éteinte, ilest resté une petite masse de charbon noir : 
» ce charbon était pourtant fort différent du charbon 
» ordinaire; au bout de deux heures, je l'ai trouvé 
» réduit en une poudre humide. » 

La voûte de cire est attachée par place à celle de 
mousse , plusieurs brins de celle-ci se trouvant enga- 
gés dans certains endroits de celle-là, en sorte qu'on 
ne pourrait enlever la voùte extérieure de mousse, 
sans détruire en grande partie l’intérieure, et que 


> 


(1) Si l'on se reporte a ce que nous avons dit de la formation de 
la cire dans les Abeilles, on se rappellera qu'elle se produit sur 
deux aires membraneuses latérales, placées à la base de chacun des 
segmens intermédiaires du ventre. Dans les Bourdons, la membrane 
n'est pas séparée en deux aires ; mais la cire se forme de même sur 
cette membrane. Les Bourdons out à leurs pattes postérieures la 
même pince que les ouvrières Abeilles, pour saisir les plaques de 
cire. Voyez la description de cette pince dans l'histoire des Apiarides. 


cl 


446 HISTOIRE NATURELLE 


toutes deux, par leurs points de réunion, se prétent 
mutuellement de la solidité. 

La cire sert encoré aux ouvrières Bourdons à con- 
struire de petits godets, où elles déposent du miel. 
« Ces petits vases, ( Réaumur, Mém. cité ), sont des 
» espèces de gobelets presque cylindriques, qui ne se 
» trouvent pas placés constamment dans les mêmes 
» endroits... Ils sont toujours ouverts et formés 
» d’une cire pareille à celle dont le nid est plafonné. 
» Elle n’y est pas employée avec grande économie : les 
» parois de chaque pot à miel sont assez épaisses. » 
Les Bourdons, comme le soupconnait Réaumur, se 
servent du miel de ces pots pour humecter la pâtée 
qu'ils mettent à la portée de leurs larves pour les 
nourrir. k 

Lorsque les larves des Bourdons ont filé leurs coques 
dans l’intérieur de la masse de pâtée où elles ont vécu, 
les ouvrières enlèvent à l’entour ce qui reste de cette 
pâtée, qui recouvre les coques, pour l'employÿer ailleurs 
à former de nouvelles masses de cette matière, où de 
nouveaux œufs puissent être déposés. 

Si l'on découvre un nid assez bien peuplé (1), en 
enlevant la mousse qui le recouvre, ôn y voit un ou 
plasieurs gâteaux irréguliers ; superposés les uns aux 
autres. Quelquefois , ( car souvent les nids que j'ai ou- 
verts en manquäient ou n'en avaient qu'un faible 


(1) Les Bourdons se prétent bien moins que les Abeilles et les 
Fourmis à l'observation ; ils refasent de s'établir dans un appareil 
où l'on puisse suivre les détails dé leur vie Sociale, et retournent 
à l'endroit d'où on les a enlevés. J'ai donc été obligé, pour suivre 
un peu mes observations , de découvrir, à des époques rapprochées 
dans la saison, pendarit laquelle ils restent en société, une multitude 


de nids, dont j'ai pu seulement apprécier l'état actuel au moment 
de l'ouverture. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 447 


commencement), en enlevant la mousse, on entraine 
aussi des portions de la voüte de cire. Quant aux gà- 
teaux, « leur surface supérieure , comme le dit Réau- 


» 


ÿ 


» 


mur, ( Mém. cité), est convexe, linférieure est 
concave. La fisure de l’une et celle de l’autre sur- 
face sont pleines d’inégalités, et celles de linfé- 
rieure sont plus considérables que celles de la su- 
périeure. La masse de chaque gâteau est faite de 
corps oblongs comme des œufs, appliqués les uns 
contre les autres, suivant leur longueur; celle-ci 
donne la mesure de l'épaisseur du gâteau. Ces corps 
oblongs sont d’un jaune pâle ou blanchâtre; il y en 
a de trois grandeurs différentes : le grand diamètre 
des uns a plus de sept lignes, et leur petit diamètre 
en a environ quatre et demie ; il y en a dont le grand 
diamètre n’a pas trois lignes, et dont l’autre est plus 
petit à proportion; enfin, il y a de ces corps d’une 
grandeur moyenne entre les précédentes. Il est aisé 
de juger des inégalités, qui peuvent se trouver dans 
l'épaisseur d’un gâteau, fait de ces trois sortes de 
corps, posés d’ailleurs les uns contre les autres assez 
irrégulièrement. Dans certains temps, ceux qui 
composent un gâteau, sont tous fermés par les deux 
bouts, et, dans d’autres temps, ils sont ouverts, 
pour la plupart, par leur bout inférieur. C’est alors 
surtout qu'on est tenté de les regarder comme ana- 
logues aux cellules de cire construites par les 
Abeilles; mais il est aisé de reconnaître qu'ils ne 
sont faits, ni de vraie cire, ni même de cire brute. 
Tous ceux qui sont ouverts, sont vidés. Chacun 
d'eux est une solide coque de soie filée par une 
larve, et dans laquelle elle s’est enfermée, lorsqu'elle 
a été prête à subir sa métamorphose en nymphe. 


448 HISTOIRE NATURELLE 


» Ceux qui sont ouverts par le bout inférieur, sont 
» des coques qui ont été percées par le Bourdon, lors- 
» qu'après s'être tiré de toutes ses enveloppes, il a 
» été en état de paraître avec des ailes. » Chacun de 
ces Bourdons, pour sortir, a détaché, avec ses mandi- 
bules, la calotte inférieure qui fermait sa coque, dans 
laquelle la nymphe est placée la tête en bas. 

« Outre les coques, qui font le corps de chaque gâ- 
» teau, on ne saurait manquer de remarquer des 
» masses de la figure la plus irrégulière, de couleur 
» brune, dont plusieurs sont posées en dessus, et 
» remplissent non-seulement des vides que les coques 
» laissent entre elles, mais s'élèvent assez pour ca- 
» cher quelques-unes de celles qui leur servent de 
» base. Les plus considérables de ces masses se trou- 
» vent sur les bords des gâteaux. » Il y en a quelque- 
fois d’aussi grosses que de petites noix. Chacune de 
ces masses renferme des œufs ou des larves, et est 
composée de pollen, mélé de miel. On voit aussi 
quelques pots à miel, tels que nous les avons décrits 
plus haut, et qui sont ordinairement les parties les 
plus saillantes du gâteau supérieur. 

Lorsque la naissance d'un certain nombre d'ou- 
vrières a rendu le travail plus facile et l'arrivage des 
provisions plus actif, vient l’époque où la Mère- 
Bourdon pond des œufs de mâles, et en même temps 
des œufs de femelles. Celles-ci, du moins quelques- 
unes d’entre elles, acquièrent une taille bien au- 
dessus de celles des ouvrières, quoique moindre que 
celle de la mère fondatrice du nid. Elles sont, sous 
ce rapport, un milieu entre celle-ci et les petites ou- 
vrières infécondes, venues au monde les premières. 
Comme les ouvrières, elles participent aux travaux 


DES MYMENOPTÈRES. 449 


communs, et, comme leur mère, elles deviennent fé- 
condes par accouplement avec les mâles nés à la même 
époque qu'elles. Ces mâles sont aussi plus petits que 
les mâles qui naïîtront à la fin de l'été. On pourrait 
demander si la fécondité de ces femelles est due à une 
nourriture particulière, qui équivaudrait à la gelée 
royale des Abeilles. L’analogie répond pour l’affirma- 
tive; mais, vu les difficultés qu'opposent les Bour- 
dons à l’observation , malgré des recherches assidues, 
jen’ai rien pu voir qui répondit péremptairement à 
cette question , à moins que ce que le goût nous a fait 
prendre pour du miel dans les petits godets dont nous 
avons parlé plus haut, ne soit cette même nourriture. 

Alors la population augmente en proportion du 
nombre de ces jeunes femelles , de taille moyenne, qui 
viennent d’éclore; surtout le nombre des mâles paraît 
s’'augmenter rapidement , ce qui me porterait à croire 
qu’elles ne donnent naissance qu'a des mâles. La 
femelle fondatrice continue cependant sa ponte, et, 
vers la fin d'août, il s'élève, dans chaque nid, plusieurs 
femelles de la plus grande taille (de trois à huit, au- 
tant que j'ai pu le voir). Ce sont celles qui passeront 
l'hiver, engourdies par le froid , et sont destinées à la 
propagation subséquente de l’espèce pour l’année sui- 
vante. À vant de gagnerles retraites, où elles doivent hi- 
verner, elles s'accouplent, ce qui assure leur fécondité, 
avec des mâles de grande taille,nés à peu près à la même 
époque qu'elles. J'ai souvent observé cet accouple- 
ment. La femelle, qui veut recevoir les approches du 
mâle, se pose au soleil, sur le tronc d’un arbre ou le 
long d'un mur, les ailes moyennement ouvertes, de 
manière cependant à découvrir tout ie dessus du mi- 
lieu de l'abdomen. Elle tient celui-ci assez relevé , et 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 29 


450 HISTOIRE NATURELLE 
le dernier segment, semblable , à l’intérieur et pour 
les parties qu'il contient , à celui des femelles Abeilles 
que nous avons décrit , est un peu entr'ouvert. Si un 
mâle aperçoit en volant une femelle de son espèce 
dans cette position , il se jette sur elle avec une cer- 
taine impétuosité, et se pose sur son dos; puis, ap- 
pliquant l'extrémité de son abdomen sur la même par- 
tie de celui de la femelle , il fait sortir des parties, qui 
jusque-là étaient restées intérieures, et les introduit 
dans la vulve de la femelle. Ensuite, on voit les deux 
sexes produire, à plusieurs reprises, un trémousse- 
ment -d’ailes, pendant la durée de l’accouplement. 
Cbaque reprise de ce trémoussement n'a de durée que 
quelques secondes ; mais celle de l’accouplement lui- 
même est d’un quart d'heure au moins, Sur la fin de ce 
laps de temps, le mouvement des ailes s’affaiblit dans le 
mâle, quoiqu'il reste aussi fort dans la femelle ; et lors- 
que celui-ci reste tranquille, tandis que la femelle agite 
ses ailes, celle-ci le saisit avec ses pattes de derrière 
et le repousse fortement. Le mâle tombe à terre pres- 
que incapable de mouvement. Il meurt immédiatement 
en sortant de l'orgasme du plaisir. 

Réaumur a décrit les parties sexuelles des mäles 
Bourdons , et nous croyons devoir répéter ici sa des- 
cription. « La pression des doigts, dit cet auteur 
» (Mém. cité ), fait sortir du derrière de ceux qui sont 
» privés d'aiguillon (les mâles }, des parties analo- 
» gues à celles des mâles de divers Insectes : elle force 
» d’abord à paraître au jour, et séparées l’une de 
» l’autre, deux pièces semblables, écailleuses , brunes, 
» solides, et propres à saisir le derrière de la femelle. 
» Leur base est massive ; en s’en éloignant , elles dimi- 
» nuent de diamètre; elles jettent, l’une et l'autre, 
» vers les deux tiers de leur longueur, une branche 


DES HYMÉNOPTÈRES. 45: 


» chargée de poils, et elles se terminent par un bout 
» mousse et courbe, qui forme une gouttière : celle 
» d’une pièce est tournée vers celle de l’autre. Entre 
» ces deux pièces écailleuses, 1l y en a deux autres: 
» Ja tige de celles-ci est déliée, à peu près ronde, et 
» porte une lame dont la Bale a une sorte de ressem- 
» blance avec celle d’un fer de pique. Enfin, la pres- 
» sion continuée fait sortir une cinquième partie 
» d’entre les quatre précédentes. Cette dernière est 
» membraneuse, mais toute couverte de poils roux ; 
» sa figure approche de la cylindrique ; elle est pour- 
» tant un peu courbe, et n'est pas aussi grosse à son 
» bout que près de son origine; elle paraît plus ou 
» moins gonflée, plus ou moins longue et plus ou 
» moins grosse, selon quela pression, qui l’a obligée de 
» se montrer, a été plus ou moins forte, et d’une plus 
» longue ou plus courte durée. La dernière des parties, 
» que nous venons de faire connaître , est celle qui est 
» destinée à féconder les œufs de la femelle... Jai 
» appliqué le doigt contre son bout : lorsque je l’en 
» ai retiré, il a été suivi d'un filet d’une liqueur vis- 
queuse, qui est probablement la liqueur sémina- 
le(1).» C'est du 15 septembre au 15 octobre qu'on peut 
observer l’accouplement des Bourdons; mais, comme 
cen est pas autour des nids qu'il a lieu, on ne peut l’ob- 


L2 


ÿ 


(1) Il m'a paru que la forme des parties génitales des mäles , 
ou au moins de quelques-unes d’entre elles, varie selon les espèces 
dans les Bembus, (ainsi que dans les Anthophora et les Osmia), 
et je suis porté à croire qu il en est de même dans tous les genres 
d'Hyménoptères. Si, comme je dois le penser, cette observation 
est confirmée par les anatomistes, l'inspection des parties génitales 
pourrait servir trés-utilement à distinguer les variétés des espèces. 
Il est donc regrettable que Réaumur n'ait pas désigné l'espèce 


qu'il avait sous les yeux , comme il est certain qu'il n’en a observé 
qu'une. 


29: 


452 HISTOIRE NATURELLS 


server qu’accidentellement , et , si l’on s’en rapproche 
trop, le couple s'envole. Je ne l'ai vu en entier qu'un 
petlitnombre de fois, et plusieurs fois je n’en ai point 
vu la catastrophe finale. 

Nous pensons, comme on le remarquera d’après ce 
que nous venons de rapporter, après avoir fait les ob- 
servations nécessaires plusieurs fois, que c’est à tort 
que M. Dablbom, dans son ouvrage intitulé : Bombi 
Scandinaviæ monographicè tractati, p.16, prétend 
que des femelles Bourdons sont fécondes en vertu de 
l’accouplement de leur mère ; ce qu'il applique aux 
ouvrières de grande taille, (opinion qu'il donne 
comme étant celle de M. Huber), qui, dit-il, pondent 
au printemps, avant la naissance des mäles; ce que 
nous n'avons jamais observé. Au contraire, il nous a 
paru constant que ces sortes d'ouvrières fécondes 
étaient contemporaines des premiers mâles qui éclo- 
sent. Ces mâles sont de petite taille. 

Les Bourdons ont des ennemis qui les attaquent à 
l'état parfait, d’autres qui attaquent leurs larves et leurs 
nymphes , d’autres enfin qui les dévorent eux-mêmes 
et leurs gâteaux en même temps. Ces derniers sont 
des quadrupèdes , tels que les Souris (‘es champs, les 
Belettes, les Fouines, les Renards et les Blaireaux. Ces 
animaux dédaignent ordinairement les coques vides. 
Ils mangent les Bourdons eux-mêmes, leurs larves et 
leurs nymphes , ainsi que la pâtée et les pots de miel. 
Ceux qui attaquent les gâteaux pour dévorer la pâtée 
seulement, ont été observés par Réaumur. « Dans les 
» nids de Bourdons, dit-il (Mém. cité), j'ai trouvé 
» plus d’une espèce de chenilles qui ont beaucoup de 
» rapportavec celles que j'ainommées Fausses-T'eignes 
» de la cire ( Voy. notre histoire des Apiarides), au 
+ goût desquelles est la pâtée des nids de Bourdons ; 


DES HYMÉNOPTÈRES. 453 


» elles se métamorphosent en des papillons plus petits 
» que les moins grands de ceux qui viennent des 
» Fausses-Teignes des ruches de Mouches à miel. » 
Réaumur n'ayant donné ni description, ni figure de 
ces Lépidoptères, il nous est impossible de décider 
s'ils appartiennent au genre Galleria Latr., comme 
ceux à qui il les compare; d'autant que nous n'avons 
nous-mêmes jamais rencontré , dans les nids de Bour- 
dons, ces Insectes dans aucun de leurs états de lar- 
ves, de nymphes, ni de Lépidoptères parfaits. Parmi 
les ennemis les plus redoutables des Bourdons, sont 
quelques espèces de Volucella, dont les larves se 
nourrissent de celles de nos Hyménoptères. Ces Dip- 
tères, à la faveur de leur costume, si je puis m’expri- 
mer ainsi, s’introduisent dans les nids de Bourdons, 
et y déposent leurs œufs. Il ya, en effet, une grande 
ressemblance entre les espèces dont nous parlons et 
les babitans de nos nids, par leur taille, leur villo- 
sité et la distribution des couleurs. La Volucella 
bombylaus paraît une copie des individus de taille 
moyenne de l’'Hyméroptère Bombus lapidarius, 
transportée dans la classe des Diptères; et les yeux 
mêmes de l’homme, (non sciencé), s'y trompent ha- 
bituellement. Il en est de même de la Volucella plu 

mata et du Bombus hortorum Linn., ainsi que de la 
Volucella tricolor et du Bombus interruptus Kirb. 
Ces espèces de Volucella, d’après ce que nous avons 
vu nous-mêmes , ne sont pas inquiétées par les Bour- 
dons, quand elles entrent dans leur nid. Leurs œufs y 
sont déposés et y éclosent. Réaumur trouva leurs larves 
dans des nids de Bourdons, etles ayant comparées , de 
souvenir, à des larves, écloses chezlui précédemment, 
d’une autre espèce de Volucella, ( Folucella inanis 


454 HISTOIRE NATURELLE 
Auct.), «qui (1), dit-il (Mém. 11, t. IV), ne le 
s cède pas en grandeur aux Frélons, ( Vespa crabro 
» Auct.), et qu'on ne peut guère manquer de croire 
» un Frélon, la première fois qu'on la voit posée sur 
» une plante. » Il resarda les larves trouvées dans les 
nids de Bourdons , comine étant de même espèce que 
celles qu'il avait eues des œufs de la F’olucella inanis : 
en cela ce célèbreauteur tomba dans l’erreur ; mais il a 
donné une description exacte des larves d’une des 
éspèces de Volucella, ennemies des Bourdons , qu'il 
në vit point devenir Insectes parfaits. 

« Ces larves sont apodes, blanches; leur bout an- 
» térieur est assez pointu, mais leur corps devient de 
» plus en plus gros, jusqu’auprès du derrière, où il 
s à plus de diamètre que partout ailleurs..... Le 
» bout postérieur est orné d'espèces de rayons char- 
nus , disposés à peu près sur la circonférence d’un 
demi-cercle, dont le diamètre est à la partie supé- 
» rieure du corps. À peu près au centre de ce demi- 
» cercle, sont placés deux tuyaux adossés l’un contre 
l'autre, plus courts que les rayons, et dont l'usage 
» doit nous paraître plus nécessaire, ou au moins 
nous est mieux connu, ce sont deux organes 
de Ja respiration, les deux stigmates postérieurs. 
» Quoique les) deux stismates antérieurs soient 
» moins sensibles, on peut les trouver : il y en a 
s un de chaque côté, au second anneau, près de sa 
» jonction avec le troisième. Le corps semble composé 
» d'un nombre prodigieux d’anneaux, si l'on veut 


> 


= 


3 


(1) Nous. verrons, dans l'histoire des Polistides, que cette espèce 


vit aux dépens de la Vespa crabro, dans le nid de laquelle je l'ai 
trouvée. 


tt nm 


DES HYMÉNOPTÈRES. 455 


» prendre pour autant d’anneaux tous les cordons qui 
» l'entourent et qui le font paraître tout silloniné. La 
» séparation du dessus et du dessous du corps est 
» marquée par deux rangs d'espèces de courts piquans. 
» Quand cette larve marche, elle montre deux cornes 
» charnues assez courtes, quise touchent toutes deux à 
» leur origine, et qui, en s’éloignant , s’écartent l’une 
» del’autre. Elles sont fourchues à leur bout. Lorsqu'on 
» l’oblige à montrer tous les accompagnemens de sa 
tête, et qu'on la considère par-dessous, on voit de 
» chaque côté trois parties charnues en forme d’é- 
» pines , dont les supérieures sont égales entre elles, 
» et la moitié moins longues que l'inférieure, qui est 
» du même côté... La bouche est une fente, d’où sor- 
tent deux parties analogues aux mandibules qu'ont 
» d’autres larves : le bout de chacune est large et re= 
» fendu , et forme deux dents brunes et dures .... Ces 
» larves percent les masses de pâtée qui enveloppent 
» les larves de Bourdons , pour parvenir aux Insectes 
qu’elles couvrent ; elles les hachent, les mangent et 
» n’en laissent que la peau. Je n'ai point vu que nos 
larves voraces soient venues à bout de s'ouvrir une 
» entrée dans les coques solides des nymphes. On 
» trouve ces larves dans les nids de Bourdons, dans 
» le courant du mois d’août. » 

En rappelant , dans le Mémoire cité du tome VI, 
les dégâts de ces larves, Réaumur ajoute : « Dans les 
ÿ mêmes nids, j'ai observé, en assez grand nombre, 
» d’autres larves qui se transforment en de plus petites 
» Mouches à deux ailes. » 

Un fait m'a été cité par M. Garcel, voyageut 
éntomologiste, que la mort a enlevé jeune encore à la 
science ét à ses amis en Anatolie, bien digne des 


CA 


ÿ 


ÿ 


456 HISTOIRE NATURELLE 


regrets, ét par son amabilitéet par ses connaissan- 
ces, (M. Latreille appréciait bien ce jeune savant, 
et l'avait indiqué pour coopérer à la rédaction de cet 
ouvrage en donnant l'histoire des Coléoptères). Ce 
ait mérite d'étre ici rapporté. On devrait en conclure 
que des espèces du genre Conops, sous la forme de 
larves, vivraient dans le corps des Bourdons, comme 
d’autres larves de Diptères Muscides, et celles des 
Ichneumonides dans celui des larves des Lépidoptères 
et d’autres Insectes. Voici ce qu'il me communiqua : 
dans une excursion qu'il fit en Dauphiné, il collecta 
un grand nombre de Bombus, et les ayant tous ras- 
semblés dans une même boîte, il la calfeutra avec du 
papier collé. Arrivé à Paris, au printemps suivant, en 
ouvrant sa boîte, dont la fermeture était intacte, et 
où il était bien sûr de n'avoir renfermé que des 
Bombus piqués , et de n’avoir laissé aucun corps étran- 
ger , il trouva vivans et libres quelques Conops qui 
voulurent s'envoler. 11 chercha inutilement dans la 
boîte les coques où ces Diptères devaient avoir subi leur 
métamorphose. En visitant tous ces Bourdons , il ne 
vit rien qui annoncçät desquels d’entre eux ces Conops 
pouvaient être sorlis; il ne vit point de coques atta- 
chées à ces Bourdons, et il en concluait, je crois 
avec raison, que ces Conops avaient parcouru leur vie 
de larves et de nymphes, dans l’intérieur du corps de 
quelques-uns de ces gros Hyménoptères. J'ai vu des 
espèces de Conops s’introduire dans les nids de la 
Guëêpe ordinaire ( Vespa vulgaris Auct.). Les Myopa 
s’introduisent aussi dans le nid des Bombus et des 
Vespa, et probablement avec les mêmes intentions 
d'y déposer leur postérité, qui y vivra aux dépens 
de ces différens Hyménoptères. Ces faits, dont j'ai 


DIS HYMÉNOPTÈRES. 457 


été témoin, me semblent confirmer les conséquences, 
tirées par M. Carcel, du fait qu'il m'a commnniqué. 

La nuée d’ennemis qu'ont les Bourdons, ne se borne 
pas à ceux que nous venons de citer : ils sont sujets, 
étant Insectes parfaits, à nourrir une espèce d’Aca- 
roïde que Réaumur a nommée Poux des Bourdons. 
« Ils se tiennent, dit-il, sur leur extérieur : ce sont 
» de petits Poux très-vifs et très-actifs, qui sont quel- 
» quelois placés à centaines sous le corselet , quelque- 


fois autour du cou et quelquefois en d’autres en- 
» droits : souvent onles voit marcher avec vitesse sur 
» le corps. Je ne sais pourtant si ces Poux tirent 
» leur nourriture du corps des Bourdons.» J'ai vu 
souvent aussi l’Acaroïde dont parle Réaurmur. Il m'a 
paru avoir sa trompe plongée dans le corps de l'A y- 
ménoptère , aux endroits où des membranes unissent 
les parties crustacées de son tégument. 

Le même auteur fait en outre mention d’un ver 
intestinal qui vit dans les ovaires des Bourdons. 
Ce fut en cherchant à reconnaître l’organisation de 
ces parties, « qu'au milieu de leur abdomen il recon- 
» nut une masse, qui semble charnue, dont la gros- 
» seur égale quelquefois celle d'une petite cerise. 
» Quand on a déchiré ses premières enveloppes, pour 
» examiner ce que son intérieur renferme, on voit que 
» ce n'est qu'un amas d’une infinité de filets courts et 
» extrêmement déliés. Quelques mouvemens, qu'il crut 
» apercevoir, le déterminèrent à les observer à la 
» loupe et ensuite à un microscope. Il reconnut alors 
» que chaque filet était plein de vie, qu'il était un 
» petit ver blanc de la figure d'une arguille. La masse 
» dont il s’agit contient plusieurs millions de ces pe- 
» tits vers , etellea un long appendice qui en est éga- 


458 HISTOIRE NATURELLE 


» lement rempli. Tout le canal des alimens ést la par- 
» tiequ’ils occupent. En y croissant, ils en augmentent 
» les dimensions au point dele rendre méconnaissable.» 

Il est encore un genre d'Hyménoptères qui nuit aux 
familles de Bombus , en venant partager les vivres que 
ceux-ci ont apportés et préparés pour leur postérité : 
c'est celui de Psithyrus. Les Psithyrus sont les Mé- 
nechmes des Bombus. Mais, en donnant à ceux-ci des 
instrumens pour récolter du pollen, le Créateur en 
a refusé aux Psithyres, quoiqu'il voulüt en même 
temps que leurs larves eussent les mêmes besoins, 
et ne pussent se passer de la même nourriture: Pour 
qu'ils eussent la facilité de réussir, ils ont recu la 
même taille, li même forme, généralement parlant 
les mêmes couleurs et le même habit que les Bombus. 
Au moyen decet extérieur trompeur, ils s’introduisent, 
quand ils le veulent, dans le nid de ceux-ci. Ce sont, 
en nn mot, des parasites : ils vivent dü pain d'autrui. 
Les poëtes pourraient leur comparer bien des gens ; 
qui vivent aux dépens des autres, et ne s’introdui- 
sent dans telle ou telle société que pour la ruiner. 
Il me semble qu’en les créant ; la Providence à eu en 
vue d'employer un moyen infaillible, qui soppost 
à la trop grande multiplication des Bombus. Nous 
verrons au genre Psithyrus les étonnantes différences 
qui le séparent du genre Bombus , auquel il a si long- 
temps été réuni. 


GExre BOMBUS. — BOMBUS. 


SyNonyMIE. Bombus Fab. , Latr. — Bremus Jur.— Apis 
Linn. 


Pour le caractère ét l’histoire du genre, voyez ceux des 
Bombides. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 459 


Espèces du genre Bombus. 


Ire DIVISION. Dernier segment de l'abdomen fauve ou roux 
( cinquième dans les femelles, sixième dans les mâles) . 


1. Bomsus pe LaromEe: — Bombus Laponicus Fab: Piez. 
no 11, — Dahlb. Bomb. Scand. Monogr. p. 4i, 
n°16, 77: 


Hirsutus ater, thoracis fascid anticä scutellique 
margine postico flavis ; abdormine fulvo; alis subhyali- 
nis, apice præsertim infuscalis. 

Var. Scutello et lateribus primi abdominis segmenti 
plus minüsve luteis, aut etiam omnind nigris. 


Noir ; dessus du corselet ayant à sa partie antérieure une 
bande jaune. Ecusson ayant quelquefois des poils de cette cou- 
leur le long du bord postérieur. Dessus de l'abdomen roux ; le 
dessous noirâtre. Pattes noires ; jambes et tarses postérieurs 
mêlés de poils roux. Ailes un peu enfumées , surtout vers le 
bout. Femelle. Long. 14 lig. 

Ouvrière. Souvent un faisceau de poils jaunes des deux cô- 
tés du premier segment de l’abdomen. Long. 8-4 lig. 

Mäle. Ecusson presque entièrement jaune. Face de la tête 
jaune. Le faisceau de poils jaunes des côtés du premier seg- 
ment de l’abdomen, beaucoup plus distinct. Long. 5 à 6 lig. 

Laponie, Pyrénées, environs de Paris, dans les forêts. 


Nota. 1° Les couleurs, indiquées dans la description des 
Bombus, sont celles des poils qui recouvrent les parties du corps 
dénommées : le tégument écailleux , qui est sous ces poils , dis= 
paraît ordinairement sous leur nombre , et est le plus souvent 
noir. Quand la couleur de ce tégument sera autre que le noir, 
alors seulement nous la désignerons sous le nom de couléur 
foncière. 2° Il paraît qu'il y a une omission dans la description 
de M. Dahlbom, qui ferait attribuer la taille du mâle à la fe- 
melle, 3° Nous rappellerons ici, en général, ce qué nous avons 


460 (HISTOIRE NATURELLE 

dit des ouvrières de grande taille , qu’elles sont fécondes , tandis 
que les petites sont stériles. 4° Le dessous du premier article 
des tarses postérieurs a toujours ses poils roux. 


2. Bomsus Roux. — Bombus rufescens , V, %. 


Hirsutus ater, abdominis segmento primo nigro, late- 
ribus fulvis; cœteris fulvis. 


Noir. Abdomen roux en dessus, si ce n’est le milieu du 
premier segment qui est noir ; dessous de l’abdomen noir. Ailes 
un peu enfumées, Femelle. Long. 1 pouce. 

Les autres modifications sexuelles inconnues. 

Rare, Forêt de Saint-Germain-en-Laye. Ma collection. Trou- 
vée une seule fois. Musée de M. le général Dejean; un seul 
individu. 


Ne serait-ce pas une simple variété du Bourdon de Laponie? 


3. Bomsus pes pierres. — Bombus lapidarius Fab. Piez. 
n° 25. — Dahlb. Bomb. Scandin. Monogr. p. 30, n° 1, 
fie. r1,2,3, F. 


D 


Hirsutus ater, abdominis segmentis quarto quintoque 
et ano fulvis ; alis subhyalinis. 


Noir. Quatrième et cinquième segment de l'abdomen roux, 
ainsi que l’anus. Femelle. Long. 1 pouce. 

Ouvrière. Tout-à fait semblable. Long. 7-4 lig. 

Var. 1. Un commencement de bande jaune sur le milieu 
de la partie antérieure du corselet. Long 7 lig. 

Doit-on rapporter ici le Bombus ephippium Dalhb., 
Bomb. Scand. Monogr. p. 37, n° 10, fig. 6, conforme 
pour la taille. Le quatrième segment est cependant entière- 
ment roux dans nos individus de cette taille , tandis que, selon 
la description de l’auteur suédois , il ne serait de cette couleur 
que dans sa partie inférieure. Quoi qu’il en soit de l'identité du 
nôtre et de celui de M. Dahlbom, le Bombus ephippium 
n'est probablement qu'une variété du Bombus lapidarius. 


DES HYMÉNOPTÈRES. {61 


Var. 2. Une bande jaune bien prononcée sur la partie an- 
térieure du corselet. Long. 4 lig. 

J'ai en outre, des environs de Paris , deux petites ouvrières 
(long. 4 lig.), beaucoup plus petites par conséquent que l'individu 
figuré par M. Dahlbom, que nous venons de citer, parfaitement 
conformes de couleur avec la description de cet auteur. Ce sont 
certainement des sous-variétés du Bombus lapidarius. 

Méäles. Partie antérieure de la tête et bande à la partie an- 
tériéure du corselet de couleur jaune citron. Long. 6 lig. 
Bombus arbustorum Fab. Piez. n° 23 ; Apis arbustorum 
Panz. Faun. Germ. fig. 21. 

Var. Quelquefois un petit nombre de poils jaunes à la par- 
tie postérieure du corselet. 

Commun en France ; fait son nid en terre et dans les murs. 


4. Bousus De Leresvre. — Bombus Lefebvrei, F, %. 


Hirsutus ater, thoracis lateribus anticis subluteis, ab- 
dominis segmentis tertio, quarto quintoque et ano fulvis : 
alis subhyalinis. 


Noir; quelques poils jaunes sur les épaulettes du corselet. 
Troisième, quatrième et cinquième segmens de l’abdomen en- 
tièrement roux. Ailes assez transparentes. Femelle. Long. 
10 lig. 

Un seul individu venant de Gray. Ne serait-ce pas encore 
une variété du Bombus lapidarius ? 


5. Bomgus INTERROMPU. — Bombus subinterruptus Dahlb. 


Bomb. Scand. Monosr. p. 45, n° 7, 


Sxx. Apis subinterrupta Kirb. Monogr. Ap. Angel. t. Il, 
p- 356, n° 99, tab. 16, fig. GE 

Hirsutus ater ; fascid thoracis latä anticd, aliäque, in 
segmento abdominis sccundo, medio subinterrupt&, citri- 
nis : abdominis segmentis quarto quintoque et ano fulvis; 
alis subhyalinis. 


462 HISTOIRE NATURELLE 


Noir. Une bande assez large de couleur jaune citron sur 
la partie antérieure du corselet, Second segment de l’abdomen 
portant sur son milieu une bande interrompue de la même cou- 
leur ; quatrième et cinquième segmens de l'abdomen roux, 
ainsi que l'anus, Ailes assez transparentes. Femelle ? Long. 6 
a 7 lig, 

Ouvrière. Tout-à-fait semblable. Long, 4 lig. ou un peu 
moins. 

Var. Peu de poils jaunes sur les côtés du second segment 
de l’abdomen. Long. 6 lig, 


Nota. Les deux auteurs, que j'ai cités, regardent ces indivi- 
dus comme une espèce distincte, et ceux de grande taille 
comme des femelles fécondes. Je ne serais pas surpris que ceux- 
ci ne fussent que des ouvrières de la grande taille , et qu’ils ne 
fussent tous des variétés du Bombus lapidarius. 


6. Bomeus ne Buerezz. — Bombus Burrellanus Dahlb. 
— Bomb. Scandin. Monogr. p. 43, n° 22, F. 


Syn. Bombus sylvarum Fab. Piez. n° 27. — Apis syla- 
rum Panz. Faun. Germ. fig. 19. — Apis Burrellana Kixb. 
Ap. Angl. Monogr, t. II, p. 358 ; n° 1or. 

Hirsutus , capite luteo citrino , fronte superd nigré : 
thoracis nigri fasci& anticé latiori lute& : abdominis 
seymentis primo secundoque luteis, tertio quartique basi 


nigris, quarti parte posteriori, quinto sextoque Julvis. 
Pedes fulvi. 


Poils de la tête jaunes; une bande de poils noirs sous les 
ocelles ; ceux de la bouche roux. Gorselet noir, avec une bande 
large, jaune, qui en occupe plus de la moitié antérieure en des- 
sus. Premier et deuxième segmens de l’abdomen jaunes ; le 
troisième et la base du quatrième noirs ; la partie restante de 
celui-ci, le cinquième, le sixième et l’anus roux. Poils des 
pattes roux, Wäle. Long, 5 lig. 


Environs de Paris. 


PR 


DES HYMÉNOPTÈRES. 463 


Nota. On ne trouve que des mâles. Nous sommes tentés 
de les prendre pour des variétés du Bombus lapidarius. 


7. Bomsus MoNTAGNARD. — Bombus montanus, V, x, 


Hirsutus, niger; thorace luteo , fascid inter alas nigr. 
Abdominis segmentis primo secundoque luteis, tertio ni- 
gro, quarto quintoque et ano fulvis; alis præcipuè ad 
apicem subfuscis. 


Noir. Corselet jaune en dessus et des côtés ; une bande 
dorsale noire entre les bases des ailes. Les deux premiers seg- 
mens de l’abdomen jaunes , le troisième noir, les deux derniers 
et l'anus roux. Ailes assez transparentes , un peu enfumées vers 
le bout. Femelle. Long. 10 lig. 

Mäle. Des poils jaunes sur le bas de la face et sur le sommet 
de la tête au-dessus des ocelles. Sixième segment de l’abdo- 
men roux. Le reste comme dans la femelle. Long. 5 à 6 lig. 

Apporté par mon fils des Pyrénées. 


8. Bomgus pes Bois, — Bombus sylvarum. Dahlb. Bomb. 
Scand. Monoer. p. 44, n, 24, F. 


Syx. Apis sylvarum Linn. — Kirb. Ap. Angl. Monopgr. 
Cul 30. n°892. 

. Hirsutus, griseo-luteus ; thoracis inter alas fascid ni- 
grd. Abdominis seomentis primo griseo luteo, secundo 
griseo luteo fasciä niedid tenui nigré, tertio nigro, quarto 
quintoque fulvis; horum trium margine infero griseo- 
luteo ; ano fulvo. Pedes griseo-lutei, fulvo mixti : alis 
subhyalinis apice subinfuscatis. 


D'un jaune tirant au gris. Dessus du corselet portant une 
bande noire entre la base des ailes. Premier et second segmens 
de l'abdomen d’un jaune tirant au gris ; celui-ci portant dans son 
milieu une bande étroite de poils. noirs; le troisième noir , les 
quatrième et cinquième roux : ces trois derniers portant, sur 


+ 


464 HISTOIRE NATUR£LLE 


leur bord inférieur, une bande d’un jaune grisâtre : anus roux. 
Pattes d’un jaune tirant au gris, mêlé de roux. Ailes presque 
transparentes , plus enfumées vers le bout. Femelle. Long. 
11 lig. 

Ouvrière. Tout-à-fait semblable. Long. 4 à 5 lig. 


Male. Sixième segment roux. Le reste comme dans la fe- 
melle. Long. 4 à 5 : lig. 

Var. Souvent la bande noire du deuxième segment de l’ab- 
domen n’existe pas, ou n’est pas bien distincte, surtout dans 
les ouvrières, les mâles et les individus femelles âgés. 


9. Boueus oporanT. — Bombus fragrans Dahlb. Bomb. 
Scandin. Monogr. p. 6, n° 26, fig. 16. Male colo- 
rala. 


Syn. Bombus pratorum. Fab. Piez. n° 36. — Apis fra- 
grans Kirb. Ap. Angl. Monogr. t. II, p. 329, n° 33. 


Îlirsutus niger ; thorace supra et lateribus luteo, fasciä 
inter alas nigr& ; abdomine supr& luteo- fulvo. Pedes 
nigri rufo mixti. Alæ subhyalinæ ; apice præsertim in- 
Juscatæ. | 


Noir. Dessus et côtés du corselet jaunes , quelquefois un peu 
grisâtres, portant une bande noire assez large entre les ailes. 
Dessus de l'abdomen jaune roussâtre, surtout vers la base, 
Pattes noires, mélées de poils roux. Ailes presque transparen- 
tes, plus enfumées vers le bout. Femelle. Long. 10 lig. 


- Ouvrière. Semblable. Long. 4 à 5 lig. 


Nota. Je ne connais pas le mâle. M. Dahlbom le décrit 
ainsi : Jaune brillant, front et côtés de la tête noirs. Pattes et 
anus noirs. Le reste comme dans la femelle, Il y rapporte le 
Bombus equestris Fab. Piez. n° 22. 


£Environs de Paris, Forêts. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 465 


Ile DIVISION. Dernier segment de l'abdomen blanc. 


Bowaus PRiNTANIER. — Bombus apricus Fab. Pier. 
n° 29, Ÿ-. 


Syn. Bombus hypnorum. — Dahlb. Bomb.. Scandin. 
Monosr. p. 5o, n° 31, fig. 19.— (Fab. Piez. 33, ex Dahlb. 
at dubium synonymum aut mala Descriptio ). — Apis 
meridiana Panz. Faun. Germ. 80, 10. 

{irsutus, niger ; thorace suprà flavo , abdominis seg- 
mentis , quarti parte infer&, quinto et ano albis. Pedes 
nigri, rufo mixti. Alæ fuscæ , apice Jüustiores , piolaceo 
submicantes. 


Noir. Quelques poils roussâtres sur le:vertex de la tête ; 
barbe des mandibules de cette couleur. Dessus du côrselet d’un 
jaune roussâtre. Moitié inférieure du quatrième segment de 
l'abdomen blanche , ainsi que le cinquième segment et l'anus. 
Pattes noires ; tarses roux. Ailes brunâtres ; le bout plus foncé, 
avec un reflet violet. Femelle. Long. 10 lig. 

Ouvrière. Semblable. Long. 5 

Mäle. Semblable. Sixième segment blanc.} Dessus des tarses 
noir. Face d’un roux pâle. Long. 6 lig, 

Forêts des environs de Paris, 


11. Bomeus DEs BRUYÈRES. — ( Bombus hypnorum? Linn. 
Fab. Piez. n° 33.) — Bombus ericetorum Fab. Piez. n° 12. 
— Apis ericetorum Panz. Faun. Germ. 95, 19, #2 


Hirsutus, niger, thorace supra et lateribus flaro ; ab- 
dorninis segmentis, primo secundoque flavis,tertio quarti- 
que basi nigris, quarti margine infero, quinlo sextoque 
et ano albis. Pedes nigro albidoque mixti; tarsis supra 
nigris, sublüs rufis. Alæ subhyalinæ, subfuscæ. 


Noir. Face et vertex d’un roux pâle, Dessus et côtés du cor- 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I, 30 


466 HISTOIRE NATURELLE 


selet d’un jaune roussâtre. Les deux premiers segmens de l’ab- 
domen d’un roux jaunâtre ; le (roisième et la base du quatrième 
noirs ; le bord inférieur du quatrième, le cinquièmeet le sixième 
blancs , ainsi que l'anus. Poils des pattes noirs, mêlés de blanc ; 
tarses noirs en dessus , roux en dessous. Ailes assez transparen- 
tes, un peu enfumées. Mäle. Long. 8 lig. 


Nota. 1° Ce mâle est notablement plus grand que celui que 
nous trouvons communément avec le Bombus apricus. M. Dabi- 
borh paraît lavoir pris pour le mâle de celui-ci. Si cet auteur a 
raison , il est étonnant qu il ne cite pas Panzer comme nous, ni 
F abricius. Il faut conveñir que les espèces de Bombus sont, 
depuis F abricius , rs ne concevait pas l’espèce dans ce genre, 
dans une confusion à laquelle M. Dahlbom ne remédiera que 
par de nouvelles études, 2° Ce mâle, par sa taille, suppose 
une femelle plus grande que celle du Bombus apricus. 

Rare. Forêt de Saint-Germain. Trouvé une seule fois. 


12. Bomsus DES JARDINS. — Bombus hortorum Linn., F. 


Syn. Bombus hortorum. — Dahlb. Bomb. Scandin. Mo- 
nogr. p. 38, n° 12, fig. 7, 8, 9.—Fab. Piez. n° 21 (operaria 
et mas). — Bombus ruderatus Fab. n° 6 ( fæmina ). — 
Bombus schrimshiranus.—Dahlb. n° 13 ut suprà. — Apis 
schrimshirana Kirb. Monogr. Ap. Angl. t. II, p. 372, 
n° 98. Forsan mera ejusdem varietas. — Æpis hortorum Kirb. 
Monogr. Ap. Angl. t. 1E, p. 330, n° o1. 

Hirsutus, ater ; thorace anticè , scutello abdominisque 
basi flavo fasciatis ; ano albo : alis, præsertim apice, in- 
Juscatis. 


Noir. Devant du corselet portant une bande jaune ; écusson 
de cette couleur. Premier segment de l’abdomen de cette même 
couleur ; les second et troisième noirs ; les quatrième et cin- 
quième , ainsi que les côtés de l’anus, blancs; le dessus de 
celui-ci roux noirâtre. Pattes noires : tarses roux. Ailes enfu- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 467 
mées , surtout vers le bout. Femelle plus étroite que celle du 
Bombus terrestris. Long. 1 pouce au moins. 

Ouvrière. Semblable. Long. 7 à 5 lig. PE 
Mäle. Cinquième segment abdominal entièrement blanc ; le 
sixième noir en dessus, blane des côtés comme l'anus. 


Nota. L’Apis schrimshirana Kixb. n’est qu’une modifi- 
éation, et pas même une variété. On trouve la forme de la tête 
plus ou moins alongée ou cerrée , et plus ou moins variable en 
cela. Les ailes en vieillissant perdent leur couleur. 

Très-commun par toute la France. 


13. Bomsus TERRESTRE. — Bombus terrestris, V. 


Sxn. Bombus terrestris Fab. Piez. n°4. Dahlb. Bomb: 
Scandin. Monogr. p. 34; n° 5, fig. 5, — Apis terrestris 
Kirb. Monogr. Ap. Angl. t. IE, p. 350, n° 97. 

Hirsutus, niger ; thorace anticè fascié abdomünisque 
segmento secundo flavis , quarto quintoque et ano albis : 
pedibus nigris ; tarsis subtüs rufis. 


Noir. Tête noire ; barbe des mandibules rousse. Corselet 
noir, portant vers sa partie antérieure une bande jaune. Pre- 
mier et troisième segmens de l'abdomen noirs , le second jaune, 
les quatrième et cinquième, ainsi que l'anus, blancs. Pattes 
noires ; bout des jambes en dessus, et dessous des tarses roux. 
Ailes assez colorées de brun, mais transparentes. Femelle. Plus 
large, en proportion, que celle du Bombus hortorum. Long. 
11 big. 

Ouvrière. Semblable. Long. 6 à 4 lig. 

Mâle. Sixième segment blanc. Long. 6 à 4 lig. 

Var. Bande jaune du corselet étroite , presque imterrompue 
quelquefois. M. Dahlbom parle d’une variété dans laquelle la 
bande jaune du deuxième segment de l'abdomen, est inter- 
rompue, Il lui rapporte, comme synonyme, le Bombus dissec- 
tus Gyllenhall. Ne serait-ce pas vieillesse et frottement des 


30. 


468 HISTOIRE NATUKELLE 

poils sur le dessus de l’abdomen ? On trouve des individus dans 

ce dernier cas. Une semblable défectuosité n de. cause e de 

la variété que je décris. : 
Très-commune dans toute la France, Se trouve à Oran. En- 

voyée par:;môn: fils ;\oflicier re au déuxième thässeurs 

d'Afrique. 4 rss GO Ul 


14. hits DANOIS. — Bombus sorœensts Fab. Hi 
n° ‘10, 7. 


Svx. Apis soræensis event “Fan Pi LA er sut 
Schæff. Icon, Ratisb. tab, 25:, fig. 6. 


Nota.  Bombus . sorϑnsis Dablb..: Bomb: Scandin. 
Monogr. p. 38, n°11, certè diversus; quamvis Fabriciü 
sxnony TH afferat, truncatum tamen synonymni& Pan- 
cerian& Schæfferianäque. Nec et:am;possumus cum illo 
Bombum neutrum:Fab. sorœensi àadjungere, ni utrique 
sint, ut credirnis, Bombi terrestris meræ varietates. - 

Hirsutus ,.ater ; abdomine apice latè albo. 


Noir. Barbe des “lie rousse. Quatriéme ét cinquième 
segmens de l’abdomen blanes ; ainsi que l'anus. Pattes noires ; 
bout des jambes en dessus, et dessons des tarses roux. Ailes 
assez enfumées, mais transparentes. Femelle. Long. 11 lig. 


MNota.Ce Bombus, dont cette modification sexuelle est seule 
mentionnée par les auteurs, n’est probablement qu’une des 
variétés du Bombus terrestris. L'individu décrit sous ce nom 
par M. Dahlbom est bien différent. Il ne convient ni à la des- 
cription de Fabricius, premier auteur de l’espèce , ni aux figures 


citées par cet auteur, que nous rapportôns , comme identiques ba 


au nôtre, et que M: Dahlbom à eu raison de retrancher de la sy- 
nonymie du sien. C'est aussi à tort qu'il cite le Bombus neuter 
Fab., que nous allons décriré, comme synonyme du Soræen- 
sis, à moins qu'il ne consenté à les regarder tous deux comme 
variétés du Bombus térrestris on de l’Aortortum. 

Rare. Musée de M. le conte Déjean. , 


DES -HYMÉNORTÈRES. 469 


15, Bownus nEumRE. — Bombus neuter Fab. Piez. n024, F. 


Vas. \ t. 91 > «0 de $ 
Syn. Apis neutra Panz. Faun. Germ. 56, tab. 7. 
‘Hirsutus , dter, quinto segmento et ano albo. 


Entièrement noir, à l'exception du cinquième segment de 
Pabdomen qui est blanc, ainsi que l'anus, et du dessous des 
farses qui est roux. Ailes enfumées, mais transparentes. 
Ouvrière. Long. 4 lig. 


-Wota. Le, Bombus soræensis Dahlb., celui de Fabricius, 
son Bombus neuter, et par conséquent les nôtres , et plusieurs 
autres espèces. des .différens auteurs ne sont que des variétés, 
autant que nous pouvons le soupçonner , du Bombus hortorum 
ou du zerrestris. Reste à savoir duquel. 

Rare. Deux individus de la forêt de Saint-Germain , dans ma 
collection. 


- Ille DIVISION. Dernier segment de l'abdomen noir. 


16. BomBus QUEUE-NoIRE. — Bombus melanurus, %, V. 


Hirsutus, ater, thorace supra et lateribus, abdominis- 
que;segmentis duobus primis flavis ; pedibus nigris; tar- 
sorum, articulis quatuor extremis intrinsechs rufis. 


Noir. Dessus et côtés du corselet jaunes, ainsi que les deux 
premiers segmens de l'abdomen. Pattes noires ; poils du des- 
sous du premier article des tarses roux ; les quatre derniers arti- 
cles de ceux-ci foncièrement roux. Ailes fort enfumées, violä- 
tres. Femelle. Long. 1 pouce. 

Ouvrière. Semblable. Long. 5 lig. 


Syrie. Musée de M::le comte Dejean , ci-devant de M. La- 
treille , de la main duquel est écrit sous la femelle le nom spéci- 
fique que nous conservons, quoiqu'il ne lait pas décrit; il a 
mis aussi sous l'ouvrière l'indication de la patrie. 


470 HISTOIRE NATURELLE 


17. Bomsus DE Vire. — Bombus Virginicus Fab. Piez. 


» Drury Ins. t. I, tab. 43, fig. 1, W. 


Hirsutus , ater, thorax supra et lateribus, abdominis- 
que primo segmento, sordidè luteis. 


Noir. Dessus et côtés du corselet d’un jaune grisâtre, ainsi 
que le premier segment de labdomen; quelques poils d’un 
jaune grisâtre sur le vertex de la tête. Poils du dessous du 
premier article des tarses roussâtres. Ailes un peu enfumées , 
l’étant plus vers le bout , où elles sont un peu violâtres. Fe- 
melle. Long. 13 lig. 

Amérique septentrionale. Musée de M. le comte Dejean. 


8. Bomsus AcTir. — Bombus fervidus Fab. Riu 48, F. 


Hirsutus, capite, thorace subtüs et fascià inter alas, 
abdominisque segmento quinto et ano RESTES ÿ thorace 
antico latè et lateribus , scutello et quatuor primis abdo- 
minis segmentis, sordidè flavis ; ; pedibus nigris; alis vio- 
laceis. 


Tête noire. Côtés du corselet etson dos d’un fauve sale ; 
celui-ci portant entreles ailesune bande noire étroite ; dessous du 
corselet noir. L'écusson et les quatre premiers segmens de l’ab- 
domen d’un fauve sale, ( peut-être jaune sale dans le vivant), 
le cinquième et l’anus noirs. Pattes noires. Ailes enfumées!|, 
violâtres. Femelle. Long. 13 lig. 

Amérique méridionale : Philadelphie. Musée de M. le comte 
Dejean. Localité écrite de la main de Latreille. 


19. Bomsus RRÉsILIEN. — Bombus brasiliensis, F, %. 


Hirsutus ;, ater, thorace anticè, scutello, abdominis- 
que sesmentis primo tertioque lutes. 


Tête noire. Corselet noir en dessous, en dessus et sur les 
côtés jaune, avec une large bande noire entre les ailes. Ecusson 


DES HYMÉNOPTÈRES. 471 


jaune. Abdomen noir, à l'exception du premier et du troisième 
segmens qui sont jaunes. Pattes noires. Aïles enfumées, violä- 
tres. Femelle. Long. 1 pouce : large en proportion de sa 
taille. 

Mäle. Semblable à la femelle. Sixième segment de l’abdo- 
men noir. Long. 6 lig. 

Brésil. Musée de M. le comte Dejean. Localité de la main 
de Latreille. | 


20. Bomsus DE CAYENNE.— Bombus Cayennensis F ab. Piez. 
n°13, Æ. 


Hirsutus, ater ; thorace suprà flavescente, fasciä atré ; 
abdomine atro, fascid flavescente ; alis fuscis violaceis; 
pedibus nigris, tarsis subtüs rufris. 


Tête noire. Corselet noir; en dessus, sa partie antérieure 
occupée par une bande jaune. Ecusson de cette même couleur, 
ainsi que le troisième segment de l’abdomen. Pattes noires ; 
dessous des tarses roussâtre. Ailes très-enfumées, violâtres. 
Femelle. Long. 13 lig. 

Ouvrière. Semblable. Long. 6 lig. 

Mäle. Semblable. Sixième segment de l’abdomen noir. Les 
antennes sont plus longues dans tous les mâles Bombus quo 
dans les femelles ; mais celui-ciles a plus longues en proportion 
que bien d’autres. Long. 7 lig. 

Cayenne , Brésil. Musées de MM. Serville et comte Dejean. 


21. Bomsus De LiGurtE. — Bombus Ligusticus Spmol. Ins. 
Ligur. fascic. 1. p. 29, F. 


Syx. Bremus scutellatus Jurime, tab. 12, G° 37. 

Hirsutus, ater ; thorace antice scutelloque luteis; tibiis 
tarsisque fuscè rufis, suprà nigro villosis , subtùs rufo 
hirtis. Alis fuscis , violaceo nitentibus. 


Noir. Une large bande jaune, en devant surle dessus du cor- 
selet. Ecusson de cetté même couleur. Jambes et tarses fon- : 


472 HISTOIRE NATURELLE 


cièrement d'un rouge noirâtre; leurs poils en dessus noirs, 
ceux du dessous roux; Ailes rembrunies , avec un reflet violet, 
Femelle. Long. 10 à 11ig, 

Ouvrière. Semblable. Long. 4 lig. 

Environs de Gênes, Musées de MM. Serville et Dejcan re] 
le mien. Envoyé par M. Spinola. 


22. BomBus AMÉnicais. — Bombus Americanorum Fab. 
Piez, n° 16, 7. 


Hirsutus, ater ; thorace anticè luteo ; abdomine suprà 
luteo , segmentis, primi basi, quarto quintoque et ano ni- 
gris; tibiis tarsisque fuscè rufis, suprà nigro villosis , sub- 
ts rufo hirtis; alis fuscis, violaceo nitentibus. 


Noir. Une assez large bande jaune sur le devant du cor- 
selet. Abdomen jaune en dessus ; la base du premier segment, 
le quatrième ; le cinquième et l’anus noirs. Jambes et tarses 
foncièrement d’un rouge noirâtre : leurs poils en dessus noirs ; 
ceux du dessous roux. Ailes rembrunies , avec un reflet violet. 
Femelle. Long. 10 lig. 

Amérique septentrionale. Musées de MM. Serville et comte 
pie | 


pe FER T ROUGE-VENTRE. — Bombus rubriventris, *X , F. 


Hirsutus, ater ; thorace undique griseo hirto, pilis brevi- 
bus. Abdominis suprà segmento primo nigro, secundo , 
tertio quartoque rubris, quinto anoque nigris ; tibiis tar- 
sisque fuscè rufis, suprà nigro villosis, subtüus rufo hir- 
tis. Alis fuscis, violaceo nitentibus. 

Nigra si-fuisset hirsuties thoracis ; pro Bombo Carolino 
habuissem. 

Noir. Corselet éntièrement couvert de poils courts d’un blanc 
grisâtre, mêlés de quelques poils noirs. Dessus de l'abdomenayant 
son premier segment noir ; les second , troisième et quatrième 
rouges; le cinquième et l’anus noirs, Jambes et tarses foncière- 


ce 


DES HYMÉNOPTÈRES, 473 
ment d’un rouge noirâtre; leurs poils en dessus noirs, ceux 


du dessous roux. Ailes rembrunies, avec un reflet violet. 


Femelle. Long. 11 hig. 


. Nota. Si les poils du corselet eussent été noirs, je l'aurais 
pris pour le Bombus Carolinus des auteurs. 
Brésil. Musée de M. le comte Dejean. 


24. Bomsus viozer. — Bombus violaceus, PF, %. 


Hirsutus, niger; pedibus nigris, tibiis tarsisque subtus 
rufo hirtis : alis fuscis, violaceo nitentibus. 


Noir. Pattes noires; poils du dessous des jambes et des 
tarses roux. Ailes rembrunies, avec un reflet violet, Femelle. 
Long. 13 lig. 

Ouvrière. Semblable. Long. de 7 à 5 lig. 

Amérique septentrionale, Musée de M. Serville. 


25. Bomeus RurIPÈDE. — Bombus rufipes, V, %. 


Hirsutus, niger, tarsis omnibus tibiisque duobus pos- 
licis rufis , rufoque hirtis ; alis violaceis. 

Noir. Tous les tarses fonciérement roux, ainsi que les deux 
jambes postérieures ; les poils de ces parties roux en dessus et 
en dessous, Ailes rembrunies , avec un reflet violet. 

Ouvrière probablement. Long. 6 lig. 


Ile de Java, d’après M. Latreille. Musée de M. le comte 
Dejean, 


4° Fame. LES POLISTIDES. 


Caractères. Langue courte, presque en cœur. 

Mandibules guère plus longues que larges, tron- 
quées obliquement à leur extrémité. Leur bord supé- 
rieur plus long que l’inférieur. Quatre dents. 

Des femelles fécondes, des femelles infécondes et 


474 HISTOIRE NATURELLE 


des mâles, tous également pourvus d'ailes à l'état 
parfait. 

Yeux échancrés. 

Antennes vibratiles, légèrement en massue : pre- 
mier article long, cylindrique; le second très-petit , 
presque rond; le troisième alongé, conique. 

Ailes ployées longitudinalement (1). 

Jambes postérieures pourvues de deux épines à 
leur extrémité. 

Premier article des tarses postérieurs sans dilata- 
tion ni oreillette. 

Radiale une, ayant son bout postérieur à peu près 
aussi rapproché du bout de l’aile que celui de la troi- 
sième cubitale, 

Quatre cubitales : la première la plus grande de 


(1) Ce caractère, qui se retrouve également dans les gevres 
Synagiis , Pterochilus , Odynerus et Æumenes , et qui sen: ble aussi 
appartenir aux Masaris et aux Célonites, paraît avoir déterminé 
M. Latreille à réunir dans une même famille tous ces genres, avec 
ceux qui composent pour nous la famille des Polistides ; (il y joignait 
même le genre Ceramius , qui a toujours les ailes sans pli longitudi- 
nal). Cet attribut ne se retrouve, en effet, que dans les genres que 
nous venons de citer et dans les dde Mais quelque commode 
qu il soit pour caractériser une famille artificiellement, il ue répond 
à aucune modification quelconque des mœurs ou habitudes d'agir de 
plusieurs de ces Hyménoptères, puisque leurs différences en cela sont 
énormes. 1° Nos Polistides vivent en société et ont deux modifica- 
tions du sexe féminin , ce qui entraîne un grand développement des 
facultés instinctives, entre autres le talent de l'architecture ; tandis 
que ceux des Diploptères Latr., que nous n'y admettons pas, vivent 
isolés, ne soignent ni leurs mères, ni leurs sœurs, n’agissent 
jamais d'accord , et n'édifient rien. 2° La nourriture des larves des 
Sociaux est presque entièrement végétale, et leur est fournie 
jouruellement; tandis que celles des autres est entièrement de 
proie, c'est-à-dire de larves ou d'Insectes apportés par la mère 
dans un trou creusé en terre par elle, ayant la ponte de l'œuf. 
Un second caractère, allégué par M. Latreille, est l | ai 
des yeux ; mais il n'est pas exclusivement propre aux seuls Diplop- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 475 


toutes ; la deuxième toujours rétrécie vers la radiale, 
recevant les deux nervures récurrentes ; la troisième 
de forme variable, rétrécie, tantôt vers la radiale et 
tantôt vers le limbe; la quatrième souvent commen- 
cée, toujours incomplète, c'est-à-dire que le cubitus 
n’atteint pas le bout de l'aile. 

Trois discoïdales complètes ; la première fort lon- 
gue et remontant beaucoup, conjointement avec la 
deuxième, dans la partie brachiale. 


Histoire des Polistides. 


Les Hyménoptères dont nous avons à parler ici, 
ont de tout temps partagé, avec les Hétérogynides, 
la défaveur qu'attirent aux Fourmis les pillages 


tères, et il se retrouve dans des genres de Fouisseurs, dont quel- 
ques-uns ont aussi les antennes en massue et le prothorax pro- 
longé en arrière, de chaque côté, jusqu'a l’origine des ailes. Cette 
modification de quelques parties, signalée par notre célèbre maître, 
n'est donc pas propre à caractériser une famille , dans une méthode 
rapprochée de la nature, parce qu'elle n'influe pas sur les mœurs 
et parce que, ou bien ces caractères n’appartiennent pas à tous les 
genres que celle-ci renferme dans ses ouvrages , ou ils les partagent 
avec d'autres genres placés à juste titre loin d'eux. Il est, au con- 
traire, certain que les caractères pris des mandibules et de la 
langue par Latreille, pour séparer ses Diplopteres sociaux de ses 
Diploptères solitaires, doivent caractériser deux familles par leur 
influence sur les mœurs : ces parties, courtes et fortes dans les es- 
pèces sociales , les rendent propres à bâtir, { voir plus bas notre his- 
toire des Polistides, où nous en expliquons l’usage ); tandis que la 
longueur des mêmes parties, dans les Solitaires, les rend propres a 
saisir et à déplacer des proies entières et grosses, en même temps 
qu'impropres à une bâtisse réguliére. Les mœurs de ces dernières 
me forcent à les reporter aux Fouisseurs Latr., puisque, comme 
ceux-ci, elles fouissent la terre, on creusent le bois pour la plupart, 
afin de placer leur postérité dans les trous qu'elles ÿ pratiquent, 
tandis que les premières formeront une famille dans nos Hymé- 
noptères Ovitithers, socianx. 


L 14 


436 HISTOIRE: NATURE L LE 

qu'on leur reproche-.ayec amertume ; tandis que nous 
croyons, avoir,démontiré que ces Insectes sont dans 
leurs droits naturels, .en s’attribuant le libre usage 
des productions, qui, propres à la nourriture de leur 
espèce, se trouvent à leur portée. L'homme, généra- 
lement parlant , détruirait les Fourmis et les Guëêpes, 
s’il était en son pouvoir de le faire. Sans prétendre 
l'empécher d'user de son droit de maître de la terre, 
nous lui rappellerons ici, sinon au profit des Guépes 
(c'est le nom vulgaire qu’on donne en général aux Po- 
listides, et le nom particulier à l’un des genres de 
cette famille), au moins au profit des hommes, que 
la loi de Moïse, en.cela plus sage que nos lois civiles, 
permettait au voyageur, pressé de la faim ou de la 
soif, de cueillir, poûr satisfaire à son besoin, quel- 
ques fruits ou ps grappes de raisin dans le 
champ d'autrui, sans être obligé, pour cela, de dé- 
dommager le propriétaire. Nos Polistides ont à four- 
nir aux besoins de leur postérité. 

La nourriture obligée des Guëêpes et de leurs larves 
est, comme dans lés genres dont nous avons déja 
donné l'histoire, le suc doux et souvent sucré que 
renferment et même que distillent certaines parties 
des vésétaüx. Le miel est certainement de leur soût , 
et nous verrons, même plus tard qu'il leur devient né- 
cessaiïre à l’ époque où elles ont à élever les individus de 
leur éspèce, qui sont destinés à là propager. La confor- 
mation, de leur langue ne leur donne pas autant de 
facilité Pour cette récolté qu'aux Apiaridés. Aussi 


est-ce surtout des fruits qu elles retirent les sucs dont, 


elles se nourrissent ; et qu'elles dégorgent à l4 progé- 
niture qu elles sont chargées d'élever. Comme es 
fruits n'existent pas encore au printemps, elles vont 
attaquer des Insectes à qui il est plus facile qu 


LÉ) 


DES HYMÉNOPTÈRES, 497 
elles-mêmes de récolter les sucs mielleux : éllés s’en 
emparent et les portent à leurs petits, comme une 
proie, après les avoir réduits en une espèce de bouil- 
lie avec leurs mandibules. Ce sont principalement les 
Diptères dont elles se rendent maîtresses à cet éflet, 
et, comme ceux-ci se nourrissent ordinairement de 
sucs végétaux, ce sont encore ces SuCs qu elles ARE 
suivent dans le corps de leurs victimes: 

Lès sociétés des Polistides sont basées sur les 
mêmes lois naturelles que celles : des Bombides : 
elles sont annuelles, et se dissolvent peu ‘après le 
commencement des froids. Péu dé temps avant cette 
époque, les jeunes femelles fécondes ‘s’aécouplent, 
et, lorsque le froid vient, elles se -dispersent et se 
retirent dans des trous, soit en terre, soit dans Îles 
murs, soit dans les arbres : j'en ai vu chercher un 
äsile dans des appartemens, derrière des boiseries ou 
des papiers décollés. Lorsque la chaleur du printemps 
vient les rappeler à l’activité, elles se répandent sur 
les fleurs nouvelles, et commencent à y chercher des 
alimens qui réparent leur vigueur. Il n’est pas rare 
de les rencontrer à cetle époque, encore assez peu 
susceptibles de travaux, sur les fleurs des arbres frui- 
tiers précoces dans nos jardins et sur les fleurs encore 
plus hâtives du prunier sauvage, ( Prunus spinosus), 
dans les haies et les forèts. 

Lorsqu’elles ont repris un peu de vigueur ; cha- 
cune de ces femelles cherche un local propre à la 
construction de son nid. La localité et la forme de ce 
nid est variable, selon le genre, et même selon les- 
pèce de la constructrice. Quant à la matière première, 
qui y est employée, ( je ne puis parler ici avec certi- 
tude que des espèces européennes), ce sont des fibres 


478 HISTOIRE NATURELLE 


de bois mort; et déjà entrant en décomposition, qui 
sont employées par la plupart des espèces. Une seule 
espèce emploie les fibres d’une écorce vivante, et 
principalement cellés de l’aune , des peupliers et des 
saules. La plupart de nos Guépes (Vespa) et nos 
Polistès (Polistes), sont dans le premier cas; la seule 
Guëêpe frélon ( ’espa crabro) est dans le second. 

Pour employer ces matériaux à la construction de 
leurs cellules, es Guêpes ont recu de l’Auteur de la 
nature des instrumens appropriés à leurs différentes 
fonctions dans la récolte et le transport pour l'usage 
de la bâtisse. Tous font partie de la bouche. 

Si l’on considère en avant la tête d’une Guépe à sa 
partie inférieure, on aperçoit d'abord deux mandibu- 
les dentées à leur extrémité, qui ferment l'entrée de 
la bouche : les dents des deux mandibules ne sont pas 
opposées parleur pointe ; mais celles d’une mandibule 
s’engrènent entre celles de l’autre. Les dents aiguës du 
bout sont ordinairement au nombre de trois, et en 
outre, sur chaque mandibule, on apercoit, un peu 
plus bas, à la partie interne, un tubercule assez ob- 
tus. Ces mandibules vont s’articuler avec la tête tout 
près des deux côtés de la lèvre inférieure ( ou épipha- 
rynx, Savigny ). Au-dessus de ces mandibules, est le 
labre, (ou lèvre supérieure), que les premières recou- 
vrent en entier, lorsqu'elles sont dans le repos et fer- 
mées, et qui est fort étroit. Au-dessus est le chaperon, 
grand et un peu convexe. 

Pour bien voir les autres parties de la bouche, il 
faut écarter, autant que possible, les deux mandibu- 
les, ou même détacher la tête de la Guépe et la re- 
tourner. Alors on aperçoit, couché entre les parties 
inférieures des mandibules, un corps assez alongé, 


TO ONE NS PET EE 


DES HYMENOPTÈRES. 479 
reployé sur lui-même, et cylindrico-comprimé. Si l’on 
développe ce corps, la langue se montre à son extré- 
mité antérieure. Elle est à peu près en forme de cœur, 
sa partie avancée se dilatant en deux lobes, terminés 
chacun par une callosité, et la partie inférieure se 
rétrécissant en rejoignant un tronc tubuleux, dont 
l'ouverture est à la base de la partie que nous venons 
de décrire. Vers cette base, et sur ses côtés, parais- 
sent insérées deux parties assez aplaties, assez étroites 
et se terminant en pointe, que M. Latreille paraît 
avoir prises pour des lobes latéraux de la langue; 
mais que l'analogie nous force, malgré l’autorité d’un 
si grand maître, à considérer comme des mâchoires : 
l'extrémité de ces mâchoires est garnie d’une callosité. 
J'ai dit que ces parties paraissaient insérées à la base 
de la partie cordiforme de la langue ; mais ceci n’est 
pas exactement vrai, ce n'est que la seconde articu- 
lation des mâchoires, qui commence en cet endroit. 
Elle est précédée d’une première, qui, s'appliquant 
sur le tronc tubuleux dont nous avons parlé plus 
haut , lui sert de fourreau. Près de l'endroit où com- 
mence la deuxième articulation, sont insérés les pal- 
pes maxillaires, qui paraissent être composés de 
quatre articles. À la base postérieure du tronc tubu- 
leux , est l'entrée de l’œsophage, protégée par une 
lèvre inférieure très-petite, (épipharynx, Savigny), 
mais apparemment suflisante pour empêcher les ali- 
mens liquides, qui y parviennent, de se repandre 
aux environs, et pour les conduire à l’œsophage. La 
longueur commune , du tronc tubuleux et de la lan- 
gue dans son plus grand développement , ne surpasse 
pas, ou peu, la longueur de la tête prise du vertex à 
l'extrémité des mandibules fermées. Comme ce tronc 


480 HISTOIRE NATURELLE 


est inséré vers le milieu postérieur de la tête, la 
langue dépasse de près de moitié les mandibules, 
lorsqu'elle est en action et celles-ci en repos. Les 
parties que nous venons de décrire dans ce dernier 
alinéa , sont la trompe de la Guëpe. 

Après avoir décrit les parties de la bouche, pas- 
sons à leurs usages. 

Les mandibules servent aux Guêpes à détacher les 
fibriles de bois mort, déjà corrompues, ou celles de 
l'écorce vivante. J’ai vu souvent et des Guépes et des 
Polistès , posées sur des planchés ou sur desappuis dé 
fenêtres qui n'avaient pas été peints, ou bien dont la 
peinture, depuis long-temps usée , laïssait à nu des 
fibres déjà ramollies par un #rand' “ohBle de pluies 
successives, qui les avaient en quelque sorte rouies. 
Ces travailleuses ouvrant leurs mandibules, et appe- 
santissant en même temps leur tête, pour énfoncer 
dans le bois les dents apicales, détaéhaient, en cher- 
chant à fermer ces mandibules ; des fibres à peu près 
d’une ligne de longueur. Ensuite, en comprimant 
ces fibres à plusieurs fois , elles eu diminuaient la 
longueur et les divisaient même en plusieurs fi- 
briiles, selon leur longueur, comme le fait pour le 
chanvre le seranceur. Ensuite, le dégorsement d’une 
liqueur gluante donnait une liaison à toute la masse 
travaillée, et les mandibules la transportaient au 
nid, à l'accroissement duquel elle devait être em- 
ployée. Là, pressée de nouveau par les mandibu es, 
elle est réduite en une lame, à peu près comme une 
masse de métal l’est par les cylindres du Jlaminoir. 
Lorsque cette opération première est finie, la langue 
achève l'ouvrage, et lui donne une éspèce d'éclat et 
de poli, en l’enduisant de la liqueur egluante qui a 
déjà été employée pour sa composition. 


DES HYMÉNOPTÈRES, 48: 


Les mandibules servent donc à détacher la matière 
première des nids , à la préparer , à la transporter et 
à l’employer à la bâtisse : elles sont en outre utiles à 
tous les autres transports. Leur force leur permet de 
saisir et d'emporter d’assez gros objets, que leurs 
dents assujettissent suffisamment. 

Les mandibules des Guëpes leur servent encore à 
entamer les fruits dont elles veulent sucer le jus et 
couper des morceaux de pulpe, ou à déchirer les In- 
sectes dont les parties internes sont succulentes et peu- 
vent suppléer les liqueurs sucrées entièrement végéta- 
les, qu’elles préfèrent ordinairement pour la nourriture 
de leurs larves. C’est surtout lorsque la sécheresse 
amène la rareté du miel et de ces liqueurs, que les 
Guëpes se jettent sur les Insectes : les Abeilies et les 
Diptères qui se trouvent sur les fleurs , ou qui ont été 
nourris de la séve extravasée des végétaux , leur offrent 
alors un équivalent utile et même nécessaire. Dans 
des cas de disette encore plus absolue, j'ai vu des 
Polisiès couper en pièces des Locusta piquées sur 
une planche de liége et les dépecer encore vivantes. 
Des auteurs, et entmg autres Réaumur, affirment 
les avoir vues se jeter sur les viandes de boucherie, 
et particulièrement sur le foie des animaux, suspendu 
à la porte des bouchers. 

Lorsqu'une Guêpe s'empare d’un Insecte un peu 
gros, ce nest pas en le piquant de son aiguillon 
qu’elle le met hors d'état de s'enfuir. Si la proie est 
grosse , si, parexemple, c'est une Abeille domestique, 
elle la saisit posée , et, l'assujettissant avec ses pattes, 
elle lui coupe la têle avec ses mandibules. Il en est de 
même des gros Diptères, autant quesj'ai pu l’obser- 
ver. Quant aux petits Diptères, elle les mâche, en 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 51 


432 HISTOIRE NATURELLE 


quelque sorte, avec ces mêmes mandibules; et sans 
en rien retrancher, ni en exprimer le jus, ni le sucer, 
elle en forme une espèce de boulette qu’elle emporte 
au guépier. J'ai souvent vu ce fait sur la Musca do- 
mestica, que des Guëpes venaient chercher jusque 
sur l’intérieur des vitraux de ma chambre. 


Quant aux liquides, tels que le jus des fruits, le 
miel des fleurs , la miellée , la séve des arbres et mémé 
l'eau ; ils sont ramassés par la langue et avalés, pour 
être ensuite dégorgés , par le même mécanisme qué 
nous avons admiré dans les Abeïlles. Les Guëpes ne 
forment pasordinairement de magasins de provisions ; 
cependant il est une époque, celle où elles élèvent les 
individus mâles et femelles, qui doivent perpétuer 
l'espèce, où l’on trouve, dans un certain nombre d’al- 
véoles, une provision de miel. Du moins j'ai souvent 
observé que les nids de Polistès, qui avaient des cel- 
lules plus larges et plus longues que les autres, les- 
quelles, par conséquent , contenaïent les larves les 
plus grandes et les plus grosses, (ne pouvant être que 
celles des mâles et des femelles fécondes) , conténaient 
aussi des cellules pleines de ngel, que j'ai goûté et 
trouvé très-agréable. M. Auguste de Saint-Hilaire, 
que nous avons déjà cité avec estime et reconnais- 
sance, (sentimens motivés par des mœurs irrépro- 
chables, par sa communicative bienveillance et par 
les progrès que ses voyages et ses ouvrages ont fait 
faire à la Botanique et à l’'Entomologie), rapporte un 
fait semblable observé sur un Polistide que les Brési- 
Liens connaissent sous le nom de Léchéguana. I dit 
avoir trouvé, dans le nid de cette espèce, une assez 
grande quantité*de miel, dont il mangea, le trouvant 
agréable , et dont cependant ik fut incommodé au point 
de se croire empoisonné : ce qu’on doit. attribuer aux 


DES HYMÉNOPTÈRES. 483 
végétaux sur lesquels ce miel avait été recueilli. L’hu- 
meur querelleuse et guerrière des Guêpes se prête peu 
à observation : cequi m'a empêchéile m'assurer direc- 
tement, si les espèces du genre Y’espa en font autant; 
cependant l’analogie porte à lecroire, et la conclusion, 
que je tire des faits cités, ne pourrait, ce me semble, 
être attaquée que par d’autres faits. L'époque à laquelle 
j'âi trouvé du miel dans les nils des Polisiès, prouve 
que cé miel est un ingrédient nécessaire à la nourri- 
ture des larves des individus élevés pour la fécondité 
et la propagation. 

Ayant actuellement décrit les organes qui servent 
aux Polistides, ou vulgairement Guëpes, à construire 
leurs nids et à nourrir leur postérité, nous allons en- 
trer dans les détails de leurs mœurs et de leur archi- 
tecture , qui paraît être variée selon les espèces. Quoi- 
qué la Guëpe, en général, passe pour querelieuse et 
pottée à attaquer même celui qui ne lui dit rien et 
s’arrête près de sa demeure sans intentions hostiles, 
elle vit en société ; elle a l’esprit de société, comme 
lés familles dont nous avons parlé précédemment. Ses 
sociétés sont souvent fort nombreuses, et l'intelligence 
et l'accord y rèsnent, de mêmé que parmi les Abeilles, 
tant que la viecommune doit durer,cest-à-dire depuis 
le printemps jusqu'aux gelées de l'automne. Lorsque 
le zéphir a ranimé les jeunes femelles, qui avaient été 
fécondées avant les froids de l'hiver précédent, e a- 
eune d'elles commence seule à bâtir les fon lemens 
d'un établissement, qui deviendra dans quelques mois 
une ville très-grande et très-peuplée; elle se met à 
l’ouvrage, sans s’effrayer de sa solitude, à laquelle sa 
fécondité va bientôt remédier. 

Plusieurs espèces de Guëpes construisent sous terre 

3r. 


484 HISTOIRE NATURELLE 

leur nid, et choisissent, pour le placer, une cavité 
dont la voûte soit à deux ou trois pouces de la super- 
ficie du sol. Cette cavité doit être assez grande pour 
contenir une masse à peu près ronde, de huit à dix pou- 
ces au moins de diamètre. Mais souvent , lorsque la 
jeune mère commence son nid , cette cavité est loin d’a- 
voir cette dimension, à laquelle elle ne parviendra que 
par les efforts de sa population toujours croissante. Il est 
utile à la mère que la voûte supérieure contienne une 
racine assez solide, pour servir de base invariable à 
ses premiers travaux : car c'est par le haut, par le 
toit, à proprement parler , que l'édifice doit être com- 
mencé. Quand il sera terminé, il sera composé de 
deux parties bien distinctes, savoir, à l'extérieur 
d’une enveloppe épaisse de huit à dix lignes, et à 
l’intérieur de gâteaux placés horizontalement , com- 
posés d’un rang de cellules hexagones, dont l’ouver- 
ture est dirigée vers le bas. Le plus élevé de ces gâteaux 
est attaché à la vote supérieure de l'édifice, par des 
espèces de poteaux ou de colonnes : le second est sem- 
blablement suspendu au premier, le troisième au se- 
cond , et ainsi de suite. Le nid contient souvent, à 
l’arrière-saison , huit gâteaux ainsi disposés , ou même 
plus. Aucun d'eux ne tient par ses côtés aux parois de 
l'enveloppe; il reste, entre leurs bords extérieurs et 
celle-ci, un espace qui permet aux habitantes de pas- 
ser d’un gâteau à un autre, et chacun de ces gâteaux 
est cloigné des autres, de manière à permettre le 
passage simultané de deux Guëpes, l’une parcourant 
la face inférieure d’un gâteau, l’autre la face supé- 
rieure du gâteau qui est immédiatement au-dessous 
du premier mentionné. L'écartement , qui permet ces 
mouvemens, est maintenu partout le même par les 
piliers dont nous avons parlé. L'enveloppe, Îles 


\ 


DES HYMÉNOPTÈRES. 485 
cellules et les piliers sont composés de ces portion- 
cules de fibrilles de bois que nous avons vues déta- 
chées par les mandihules des Guëêpes. Elles sont 
mélées d’une liqueur gluante, et par une nouvelle pré- 
paration, elles deviennent une espèce de pâte, et 
prennent, sous la pression des mandibules , la forme 
d’une sorte de papier. Dans l’état de mollesse, on 
conçoit facilement que cette matière adhère aux en- 
droits sur lesquels elle est posée, et qu'ensuite elle 
s’étende sous la pression des mandibules pour pren- 
dre la forme que désire lui donner l’industrieuse 
Guëpe. Elle s’y prend pour cela comme l’Abeille, dont 
nous avons décrit les procédés, agit pourétendre la cire. 
Cependant la première n’a pas de fonds pyramidaux à 
construire pour chaque cellule, puisque ses gâteaux 
ne contiennent qu'un rang d’alvéoles : elle les fait donc 
très-légèrement convexes. Ces fonds sont commede pe- 
tites soucoupes ; leur bord a six côtés, dont chacun sert 
de base à un côté de la cellule qui s'élève sur ce fond. 

Les piliers ou colonnes, dont nous avons parlé 
comme altachant les gâteaux supérieurs aux infé- 
rieurs, et maintenant entre eux l’écartement néces- 
saire à la circulation, ces piliers, dis-je, sont com- 
posés de la même matière que les cellules ; mais leur 
forme est cylindrique, et ils sont terminés à chaque 
bout par un empâtement, qui les rattache fortement 
aux gâteaux supérieur ét inférieur. Ces piliers sont 


assez nombreux dans l'intervalle de chacun des 
gâteaux. 


Pour construire l’enveloppe, la même matière, ou 
pâte de tibrilles de bois , est formée par la Guëpe en 
membranes étendues, minces, à peu près de la forme 
de la moitié d’une coquille bivalve, et par conséquent 
un peu convexe d’un sens, et concave de l’autre. On 


486 HISTOIRE NATURELLE 


a comparé avec raison cette préparation des fibres du 
bois par les Guêpes, au papier, que tout le monile sait 
être composé de fbrilles de linge, et par conséquent 
orisinairement vézétales. Ce papier est d'un gris noi- 
râtre, et l'enduit gommeux , que lui donne la langue 
en le polissant , lui donne, dans la nouveauté, un re- 
flet argentin. Il s'ensuit que les Guépes fabriquaient 
avant l’homme une espèce de papier. C’est avec ces 
membranes superposées les unes aux autres, la con- 
vexilé placée en dehors, que la Guêpe forme la eou- 
verture de son nid, en les assujettissant entièrement 
les unes aux autres par leurs bords, de manière à 
laisser entre elles un léger intervalle, que cause la con- 
cavité intérieure de chacune d'elles. On doit remar- 
quer que la convexité, étant à l'extérieur , cette dispo- 
silion tend à écarter l'eau et toute humidité du nd 
qu'elle protése. Quatre, cinq ou six membranes, ainsi 
superposées et bien jointes par les bords, distinctes 
entre elles par leur concavité, forment les parois de 
l'enveloppe générale. Chacune de ces membranes peut 
avoir, dans ses dimensions de largeur et longueur, de 
six lignes à un pouce ou un pouce et demi, et c’est or- 
dinairement sur la convexité des intérieures que sont 
soudées les bords des extérieures : disposition qui tend 
encore à empêcher l'infiltration des eaux. 

Lorsque la jeune Guépe qui veut fonder un nid en 
terre, et c'est le cas de toutes celles de quelques 
espèces qui ont été fécondées à l'automne, a trouvé la 
cavité convenable, elle construit un pilier qu’elle 
attache à une racire d'arbre de la voûte de cette 
cavité. Elle fait ce pilier plus long que ceux qui sépa- 
reront un jour les gâleaux, et à son bout inférieur 
elle construit une cellule hexayone et d’autres sembla- 
bles tout autour de cette première; et même elle 


DES HYMÉNOPTÈRES. 487 


commence l’enveloppe entre la voûte de terre et la 
cellule. Cependant elle pond des œufs dans les cellules 
de sa construction , et de nouveaux devoirs lui sont im- 
posés par la naissance des larves , ses premières nées. 
Elle doit aller chercher de la nourriture, non plus 
seulement pour sa propre subsistance, mais pour celle 
de ses enfans chéris qui, bientôt devenns Insectes 
parfaits, Ja soulageront des travaux qui l'ont d’abord 
surchargée. Nous ne savons pas combien de temps 
l'œuf met à éclore, ni la durée de la vie de la larve et 
de la nymphe. L'insociabilité des Guëpes a éloigné 
jusqu'ici l'observation. 

Les larves de Guêpes , ayant souvent à manger des 
alimens plus solides que celles des Abeilles qui ne 
sont nourries que de pâtée fort liquide, c’est-à-dire 
devant recevoir de leur mère ou de l’ouvrière des 
morceaux de fruits ou même des portions d’Insectes, 
sont mieux fournies que celles-ci d'instrumens pour la 
manducation, (instrumenta cibaria ). En examinant la 
tête en devant avec une bonne loupe, on aperçoit en 
haut une espèce de crâne, vers la partie antérieure 
duquel sont deux points brillans, qui paraissent être 
des yeux ou au moins des ocelles: au-dessous est un 
labre, échancré dans son milieu , qui cache en partie 
la cavité buccale. De chaque côté de la bouche sont 
placées deux mandibules, ou au moins deux corps 
assez durs , arqués , bidentés au bout, qui font l’usage 
des mandibules en attaquant les corps solides, et les 
mettant en état de pénétrer dans la cavité qui est au 
milieu d'elles. Plus bas est une espèce &e lèvre infé- 
rieure, trilobée, dont le lobe du milieu est un peu 
concave et amène les liquides ä la bouche. La mère 
elle-même, ou le plus souvent l’ouvrière qui donne 
la becquée aux larves, broie un peu avec ses mandi- 


488 HISTOIRE NATURELLE 


bules, les parties solides de ces alimens , et les avale 
même souvent avant de les leur dégorger. 

Les premiers œufs, pondus par notre femelle fonda- 
trice, produisent des ouvrières, qui, de même que 
dans les genres précédens, sont des femelles bien ca- 
ractérisées par les parties extérieures de leur sexe, 
et même intérieurement par la présence des ovaires ; 
mais ceux-ci sont dansun état visible dedétérioration, 
qui ne permet à aucun des germes de s’y développer : 
aussi ne s’accouplent-elles pas. Aussitôt que leurs 
forces le leur permettent, elles s'occupent des tra- 
vaux de la ruche. La femelle féconde, dont la ponte 
devient de plus en plus nombreuse, n’a plus à se mé- 
ler, ni de la bâtisse, ni de la nourriture de sa posté- 
rité. Elle-même ne s’absente plus ; car, de l’époque où 
l’on commence à voir des ouvrières Polistides allant 
aux provisions, on n'apercçoit plus, sur les fleurs, de 
femelles fécondes , lesquelles seraient très-reconnais- 
sables par leur taille à peu près d’un tiers plus forte 
que celle des ouvrières, et il ne s’en rencontre désor- 
mais que lorsque les jeunes femelles sont écloses à 
l’arrière-saison pour l’année suivante. La mère, restant 
au guépier, est nourrie par les ouvrières ses enfans. 

À mesure que la ponte augmente, les gâteaux s’a- 
grandissent et se multiplient par les travaux assidus 
des jeunes ouvrières, qui arrivent à l’élat parfait. La 
couverture, qui les enveloppe, se continue, en sorte 
que le nid entier prend la forme et le volume que 
nous avons indiqués plus haut. Mais, pour lui donner 
ces dimensions, les ouvrières sont souvent obligées 
de déblayer la terre qui se trouve au-dessous des pre- 
miers travaux, et leurs mandibules sont les seuls outils 
qui puissent les aider à détacher et à enlever cette terre 
superflue : travaux dont j'ai été quelquefois témoin 


DES HYMÉNOPTÈRES. 489 
pour les transports extérieurs, et qui sont longs et 
pénibles, les mandibules ne pouvant quelquefois sai- 
sir que quelques grains de terre, et ayant d’autres 
fois à porter.de petites pierres assez lourdes pour 
des Insectes. Ces matériaux sont toujours portés 
à quelques toises du nid , et dispersés. 

C’est ordinairement vers le commencement d’août 
que l'enveloppe est entièrement terminée. L’ouver- 
ture, par laquelle les Guêpes sortent de cette enceinte 
et y rentrent, est située vers le bas, et d’un diamètre 
seulement à laisser passer le doigt. Alors les gà- 
teaux sont bien avancés, et les derniers contiennent 
des cellules de deux dimensions différentes. Les plus 
grandes vont recevoir des œufs du sexe féminin desti- 
nés à recevoir la nourriture et l'éducation, qui les ren- 
dront susceptibles d’être fécondées par l’accouple- 
ment : les moyennes recevront des œufs de mâles, 
dont la taille, el surtout la grosseur, est moyenne entre 
celles des deux modifications du sexe féminin ; et les 
plus petites enfin, composent à elles seules les sâteaux 
précédens. Elles n’ont contenu et ne contiendront 
presque toutes que des œufs et des larves de femelles 
infécondes, c’est-à-dire d’ouvrières. À cette époque, 
la population est beaucoup augmentée, et elle sera à 
son maximum du 20 septembre au 10 octobre. C’est 
pendant ce dernier laps de temps que l’on trouve sou- 
vent, en dehors du guépier, de jeunes mâles et de jeunes 
femelles. Ils se recherchent bientôt pour l’accouple- 
ment, à la fin duquei nous pensons que le mâle périt, 
comme ceux des familles précédentes. Au moment de 
l'apparition des œufs de ces individus , qui doivent 
engendrer, l’analogie me porte à croire que les Guëpes 
souterraines, dont nous parlons, ramassent du miel 
dans quelques alvéoles, comme nous l'avons vu nous- 


490 HISTOIRE NATURELLE 
mêmes dans le genre Polistès, plus facile à observer, 
et dont nous parlerons bientôt. 

On n'a point encore observé, à notre connaissance, 
combien de temps durent les états d'œufs , de larves 
et de nymphes, pour les Guêpes; mais on sait que 
lorsque la larve a pris toute sa croissance, elle bou- 
che l'ouverture de sa celluie et lui fait un couvercle 
de soie , et que, lorsqu'elle est parvenue à l’état par-” 
fait, elle détache elle-même le couvercle en en cou- 
pant les bords avec ses mandibules. Je crois que la 
population d’un guépier, à l'époque que nous avons 
indiquée pour son maximum, peut atteindre, dans 
les espèces qui le font en terre, le nombre de deux à 
trois mille individus , dont trois à quatre cents seront 
des mâles et des femelles susceptibles de fécondation : 
le nombre : es premiers surpasse, mais faiblement , 
celui des femelles, selon qu'il m'a paru. 

Il est des Guêpes, certainement du même genre, 
mais d’une autre espèce que les précédentes, qui for- 
ment un nid semblab'e à celui que nous venons de 
décrire, mais qui le placent altaché à une ou plu- 
sieurs branches dans la plus épaisse feuillée d'arbres 
élevés. Nous ne connaissons pas à quelle espèce ap- 
parlient ce nid. Réaumur l'a figuré tom. VI, PL r9, 
fig. 1 et 2, sans désigner l'habitante, Peut-être est-ce 
la Vespa rufa, Auct. 

La plus grosse espèce de nos Guépes , qu'on nomme 
vulgairement Frélon, ( Fespa erabro des auteurs), 
fait son nid dans les trous d'arbres creux, tels que 
sont souvent les saules, les peupliers et les vieux 
chënes, dans les trous des murs, ou même dans les 
recoins des greniers qui ne sont pas fréquentés. Les 
- Frélons ne sont pas plus portés à laisser inspecter 
leurs travaux , que les Guépes dont nous avons parlé 


DES HYMÉNOPTÈRES. 4or 


jusqu'ici , et, lorsque l’entrée du trou, oùilsont établi 
leur nid, est trop grange, ils la rétrécissent en la bou- 
chant en partie par une cloison, construite de la même 
malière que les alvéoles ou cellules de leurs gâteaux, 
que nous avons dit plus haut être faite d’écorce d’ar- 
bres vivante ,: broyée par les mandibules de nos tra- 
vailleuses. Ils en fabriquent, par ce broiement et le 
mélange d'une liqueur visqueuse qu'ils désorgent, une 
espèce de carton fragile, c'est-à-dire quelque chosede 
plus épais que le papier auquel nous avons comparé 
les travaux des Guêpes souterraines. Ce dernier est 
susreptible de se froisser, et même de se friper, sans 
se briser ; au lieu que le carton des Frélons est cas- 
sant et se broie facilement sous les doigts. Sa couleur 
est fauve, et sa superficie n'a rien de brillant. Si le 
nid de nos Frélons ne peut remplir la cavité dans le- 
quel il a été commencé, il sera protégé par une enve- 
loppe commune , mais celle-ci ne sera pas composée 
de plusieurs membranes superposées les unes aux au- 
tres, comme dans les nids que nous avons déjà décrits. 
Ils la construisent simple , mais plus épaisse que cha- 
cune des membranes de l'enveloppe des guépiers sou- 
terrains : celle-ci n’a pas plus d’un huitième de ligne 
d'épaisseur, la leur peut'avoir près d’une demi-lisne. 
Réaumur, (t. VI de ses Mémoires , PI. 18 ), figure un 
nid ainsi protégé , qu'il trouva dans une cavité, entre 
les pierres d’un mur de terrasse, et j’en ai vu un sem- 
blable établi dans un recoin, sous le toit intérieur d'une 
grange. Ces deux nids élaient portés sur un pédicule 
assez long, et entourés, vers Ja base, par l'enveloppe dont 
j'ai parlé, qui s’évasait autour en cornet ; elleétait visi- 
blement composée de plusieurs zones concentriques de 
ce carton dont nous avons parlé. Le pédicule traver- 
sant l'enveloppe, s'évasait en un empätement, sur 


492 HISTOIRE NATURELLE 


lequel était fondé le premier gâteau. Les gâteaux sui- 
vans sont attachés à celui-ci par des piliers analogues 
à ceux des nids souterrains ; les cellules sont aussi 
construites , leur grandeur et l'épaisseur des cloisons 
exceptées, sur le même modèle et les mêmes princi- 
pes d'architecture. 

L'Amérique méridionale a So de Polistides 
qui construisent leurs nids, en les attachant à des 
branches d'arbres. Quant à l’enveloppe et à la dispo- 
sition à peu près horizontale des gâteaux , leur archi- 
tecture suit les mêmes principes que celle des guépiers 
de la Guépe frélon : seulement on peut remarquer que 
les gâteaux, (au moins dons plusieurs que j'ai vusen 
nature ou figurés ), sont soudés par leurs bords avec 
l'enveloppe, qu'il n’y a point de piliers pour mainte- 
nir l’écartement entre eux, et que la communication 
entre tous ces gâteaux est établie par un trou pratiqué 
au milieu de chacun d’eux. Un trou de l'enveloppe 
correspond à celui des gâteaux, et sert d'entrée gé- 
nérale. | 

Le genre Polistès, qui emploie à la construction de 
son nid les mêmes matériaux que les Guépes souter- 
raines, c'est-à dire les fibres de bois mort, mélées à une 
matière gommeuse, l’établit à une demi-ombre , mais 
toujours dans un lieu très-chaud et fort abrité du 
vent, soit sur un arbuste à une branche assez forte, 
ou sur une pierre d'un mur exposé au midi. On en 
trouve souvent sur les espaliers. Au lieu de construire, 
comme le font toutes celles dont nous avons parlé jus- 
qu'ici , leurs gâteaux horizontalement, de manière que 
toutes les ouvertures des alvéoles occupent la face 
inférieure , les Polistés construisent les leurs perpen- 
diculairement , et en sorte que les ouvertures des 
alvéoles en occupent la face antérieure, c'est-à-dire 


DES HYMÉNOPTÈRES. 493 


celle qui est opposée au mur ou à la branche, auxquels 
le pédicule ou pilier attache le gâteau. 


» 


» 


» 


» 


« Ces guépiers, dit Réaumur, (Mém.6, t. VI), 
sont bien plus faciles à suivre, dès leur origine, que 
ceux qui sont toujours cachés sous terre : ils ne 
sont composés quelquefois que d’un gâteau qui n’a 
point d'enveloppe, et qui est arrêté contre la tige 
de quelque plante, ou contre une branche de quel- 
que arbuste. Dans un très-grand nombre de ces nids, 
qui se sont offerts à mes yeux en divers temps, j'en 
trouvai un, il y a bien des années, qui n’avait en- 
core que cinq à six cellules : il était attaché à une 
tige de gramen. Lorsque je le trouvai à la campa- 
gne, la Guêpe, qui avait construit ce qu'il yavait 
de fait, était dessus, et je réussis de l'emporter dans 
mon jardin , à Charenton, sur son nid même. J'atta- 
chai la tige à laquelle il tenait contre celle d’une 
autre plante de même espèce. Il était aussi peu 
avancé que je pouvais le désirer : aucune des cinq 
à six cellules n'avait encore son œuf. Je pris plaisir, 
pendant plus de six semaines, à observer ce petit 
gâteau, dont le nombre des cellules augmentait peu 
à peu. Dans les premiers temps, toutes les fois que 
je l'observai , je n’y vis qu’une seule et même Guépe: 
elle ne l’abandonnait que pendant quelques quarts 
d'heure, de fois à autre , pour aller chercher des 
matériaux propres à l’étendre, et, par suite, de la 
nourriture pour ses larves. Les premiers œufs ne 
parurent que quinze jours après que j eus commencé 
à suivre le vâteau ; enfin je vis grossirles larves sor- 
leis des œufs, et je vis fermer leurs cellules. La 
Guépe n'eut de compagne que quand la première 
larve se fut transformée en Insecte parfait. À me- 


494 HISTOIRE NATURELLE 


‘sure que croissait le nombre dés cellules débouchées, 


» je voyais augménter le nombre des Guëpes, ét lé 


» 
» 
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» 


M OS % EE %  v C2 


sm = ww ÿ 


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gâteau acquérait plus vité des atgmentations d’é- 
tendué, là quantité d'ouvrières sé multipliant; à la 
fin de l'été cette petite république avait plus de 
soixante Guüê pes. 

» Dans les guépiers attachés à des lantes! dont les 
gâteaux né sont pas cächés sous une enveloppe, 
(Réaum. même Mém. ), la larve m’à paru en état dé 
clore sa cellule vingt à vingt-un jours après que l'œuf 
ÿ avait été déposé, et je sais que les lirves des mêmes 
Guépes ne restent au plus que neuf jours dans les 
leurs, après les avôir bouchées. Peu après cette clô- 
turé, elles se transforment en nymphes, eñ qui l’on 
trouve aisément toutes les parties de la Guëjie (1). 
Enfin, vers le huitième où neuvième jour, cette 
nymphese dépouille de l’enveloppé mince qui tenait 
ses pattes ertimäillottées , ét paraît sous la formé 
d'Insecte parfait. La Guëpe, dont tous les metn- 
brés sont devenus libres, commencé par faie usagé 
de ses maändibules : élle s’en sert pour rongéer tout 
autour d’elle, le couvercle de soie qui la renfermait. 
Quand il à été ainsi détaché, elle le pousse sans 
péiné au dehors et sort. Les Frélons au contrairé 
rongent d'abord leur couvercle par le milieu, et 
agrandisseut le sie jusqu’à ce qu'il puisse les 
laisser passer. | 
» La Guépe, qui vient de sortir dé sa cellule, n’est 
diflérénte de celles de son espèce, qu’en ce quellé 


est d’un jaune plus pâle, plus citron. Elle n’est pas 


(1) Je dois observer que, dans ces citations de Réaumur, le nom 


fulgaire de Guëpe remplace Le nom de Polistès. 


DES HYMÉNOPTÈRKES. 495 


Li 


long-temps sans profiter de la nourriture que les 
autres apportent au guépier; et j'en ai vu, dès lé 
même jour qu'elles étaient transformées, aller à la 
» campagne et en rapporter de la nourriture, qu’elles 
» distribuaient aux larves dans les cellules. La cellule, 
» d’où est sortie une jeune Güuêpe, ne reste pas long- 
» temps vacante ; d’abord qu'elle est abandonnée, une 
5 Guêpe plus âgée travaille à la nettoyer, à la rendre 
» propre à recevoir ün nouvel œuf, ét la mère, par 
» Suile, né manqué pas de venir ÿ ponüre. » 

La larve devient àssez grosse pour remplir presque 
entièrement sa cellule. Alors, parvenue à tout son 
aceroissement ; et prêle à $e métamorphosér en nym- 
phe, elle tapisse entièrement de soie cette cellule, etla 
ferme d’un couvercle de cetté même soie, couvercle dont 
nous avons parlé plus haut. Il arrive qu'au bout de 
Fannée, on peut reconnaître , sur les parois des cel- 
lules destinées à l’édacation des ouvrières, trois ou 
quatre de ces coques de soié, qui prouvent qu'elles 
ont servi au logement d’un nombre égal d'individus 
de cette modification féminine, qui y ont subi leurs 
différentes métamorphoses. 

Lorsque la femelle Polistès fondatrice a élevé elle- 
même quelques ouvrières, ce sont ces filles, qui doivent 
tout à ses soins , qui se mettent à tous les ouvrages du 
nid. Elle reste tranquillé elle-même , et $’'abseute peu. 
Gelles-ci lui apportent des vivres et les lui présentent 
au bout de leur langue, ou entre lés mandibules. 
Celles, qui naissent successivément, augmentent le nid 
selon les besoins de la ponte de la femelle féconde, 
c'est-à-dire qu'à mesure que la mère a pondu des 
œufs dans les cellules existantes, elles augmentent le 
diamètre du gâteau, en construisant dé nouvelles 


x 


ÿ 


496 HISTOIRE NATURELLE 


alvéoles a son pourtour. Lorsque le diamètre du 
premier gâteau leur paraît assez grand , elles en com- 
mencent un autre sur le milieu de la partie antérieure 
du premier. Pour cela elles construisent en premier un 
pédicule , au bout duquel elles forment de nouvelles 
cellules. Ce pédicule est toujours assez long pour main- 
tenir entre les deux gâteaux un écartement sufhisant, 
qui permet la circulation. Quand ce second gâteau 
augmente notablement de diamètre, plusieurs pédi- 
cules ou piliers sont employés pour maintenir l'é- 
cartement respectif des deux gâteaux. 

J'ai déjà dit que les Polistès des environs de Paris, 
dont les nids sont sans enveloppe et les gâteaux per- 
pendiculairement posés, se prétaient facilement aux 
observations; j'ai pu moi-mêmesuivre les travaux dans 
plusieurs nids, posés sur des arbustes ou des espaliers 
dans les potagers, ce qui me met à même de garantir 
les faits que je rapporte sur ces espèces, soit nou- 
veaux, soit déjà cités par les auteurs. C'est ainsi que 
je puis aflirmer qu'à l’époque où le gâteau en con- 
struction contient des cellules propres à l'éducation 
des mâles et des femelles fécondes, les ouvrières Po- 
listès commencent à faire des provisions de miel , 
apparemment nécessaires dans la préparation alimen- 
taire qui développe dans ces individus la faculté 
d’engendrer. J'ai souvent moi-méme goûté ce miel, 
dont une douzaine de cellules, vers le bord du gä- 
teau, sont remplies, et je l'ai trouvé fort bon. J'ai 
aussi souvent vu, dans tous les temps de l'année, 
(mais surtout à cette époque), des Polistès et des 
Guêépes proprement dites, recucillant , sur les fleurs, 
du miel, qui est certainement pour elles-mêmes l’ali- 
ment de préférence. L'empoisonnement de M. Auguste 


he in tn tte dem Se en. dd 


DES HYMÉNOPTÈRES. 497 


de Saint-Hilaire au Brésil, que nous avons rapporté 
plus haut, occasioné par du miel du Polistide Lé- 
chéguana , prouve que nos Polistès ne sont pas les 
seuls qui en rapportent à leur nid. Cette récolte ne 
pouvant être soupconnée avoir pour but des provisions 
d'hiver, au moins dans nos espèces qui certainement 
passent cette saison dans la dispersion et l’engourdis- 
sement , la circonstance de l'apparition de ce magasin, 
accompagnant celle des larves qui doivent donner des 
individus féconds, rend ma conjecture d'autant plus 
probable , que jai souvent vu les ouvrières aller lécher 
un peu de ce miel, et l’avaler, pour aller immédiate- 
ment dégorger cette noutriture à ces larves, ce qu'elles 
ne pratiquent pas pour les larves d’ouvrières. 

Les cellules, destinées aux mâles, sont plus longues 
que celles qui ont été construites pour des ouvrières, 
et celles qui sont construites pour des femelles fécon- 
des, diflèrent en outre de ces mêmes alvéoles par un 
diamètre beaucoup plus grand. Ges deux modifica- 
tions de grandes cellules composent à elles seules un 
ou plusieurs gâteaux, sans mélange de cellules propres 
à la nourriture des ouvrières. C’est vers le milieu de 
l'été que les Polistès commencent à bâtir de ces gran- 
des cellules, et la femelle y pond immédiatement, 
quoiqu'elle fasse encore de temps à autre, dans les 
petites cellules, des œufs qui ne formeront que des 
ouvrières. En cela, elle a le même instinct que la Mères 
Abeille, ne confondant pas les sexes, et ne mettant 
jamais un œuf de mäle dans une cellule de femelle, 
quoique je n'aie pu distinguer de différence entre ces 
différens œufs. J'ai aussi observé qu'il n’y en a pas 
entre l'œuf d'ouvrière et celui de femelle féconde, et 


que la larve de l’une naît aussi petite que celle de 
HYMÉNOPTÈRES , TOME I. 32 


498 HISTOIRE NATURELLE 


l'autre : faits analogues à ce qui a été observé sur les 
Abeilles. Les premiers mâles éclosent dix à quinze 
jours avant les premières femelles qu'ils auront à 
féconder. La population d'un nid de Polistès des en- 
virons de Paris peut être portée, en septembre , d’une 
soixantaine d'individus, au double, qui m'a paru 
n'être jamais outrepassé comme maximum, et même 
rarement égalé. Il naît dans un pareil nid de vingt à 
trente femelles propres à la fécondation, et peut- 
être quelques mâles de plus. | 

&. La population des nids de la plus grosse espèce de 
Guépe de notre pays, du Frélon, peut s'élever à deux 
on trois cents à son maximum, Nous avons dit que celle 
des guépiers souterrains s'élève à quelques milles. Elle 
n'est donc pas en proportion de la grosseur de l'espèce, 
ni même en raison inverse, puisque celle du Frélon, 
la plus forte espèce, est intermédiaire sous le rapport 
du nombre entre celles des Guêpes souterraines et dés 
Polistès, dont la taille est à peu près égale entre 
elles et de beaucoup plus de moitié inférieure à 
celle des premicrs. 

Dans les beaux jours des mois de septembre et d'oc- 
tobre, ont lieu les accouplemens entre les jeunes mâles 
etles jeunes femelles aux momens les plus chauds 
de la journée. J'ai souvent observé de ces femelles 
Polistès, posées sur le nid , les ailes un peu écartées 
entr'ouvrant de temps en temps les parties supérieure 
et inférieure de l'anus, en laissant découvrir la cavité 
au fond de laquelle est située l'ouverture de Ja partie 
qui caractérise le sexe féminin. « Les mâles qui sont 
» en amour, { Réaumur loco citato), marchent avec 
» vitesse sur l’extérieur du guépier, et, pour ainsi 
» dire, ave: un air inquiet , allant en avant et retour- 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 499 


nant ensuite brusquement sur leurs pas: la partie 
propre à féconderlafemelle, qui est ordinairement ca- 
chée dans le corps, est alors presque toute dehors. 
Lorsque l’un d’eux en apercevait une, il courait vers 
elle, et même quelquefois il volait dessus avec agi- 
lité : il se plaçait sur son dos, de manière quele bout 
de son corps allait un peu au delà du corps de la 
femelle , et tentait tout ce qui était en lui pour con- 
sommer l'œuvre. 

» Les mâles des Guêpes ont de commun avec ceux 
des Abeilles de n'être pas armés d’aiguillon. Dans 
ceux de nos Guëpes soulerraines , la partie qui en 
occupe la place est d’une figure singulière. Si on 
presse le ventre de l’Insecte (1), on fait sortir cette 
partie, comme on ferait sortir l’aiguillon ; elle est 
brune et écailleuse comme lui : on ne saurait la 
comparer à rien de plus ressemblant qu’à une petite 
cuiller à cuilleron rond, tel que celui des cuillers à 
pot. Le manche de cette petite cuiller est rond; dans 
toute sa longueur, règne un canal, qui s’élargit où 
commence la convexité du cuilleron : là ce canal 
forme une plus grinde cavité, une espèce de réser- 
voir. Si on le presse près de son origine, ou vers le 
commencement du manche, on voit une petite par- 


tie blanche qui sort de cette cavité. Près de la racine, 


près du bout de ce manche, il y a deux pelits cors 

lonss et tortueux, que l’on prendra; si l’on veut, 
La 

pour les vaisseaux spermaliques ou pour les tesLi- 


(1) Je crains que, par cette pression, Réaumur n'ait opéré le ren- 


versement de quelques-unes des parties. Je rapporte cependant ici 


sa description , pour qu'elle soit vérifiée ou infirmée par de nou: 
veaux observateurs. 


32 


500 HISTOIRE NATURELLE 


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cules. On ne peut, au plus, avoir que des conjec- 
tures sur l’usage de si petites parties; mais il est 
plus sûr que la cuiller, avec son manche, est celle 
qui caractérise le mâle. 

» Outre la partie qui a la forme de cuiller, le mâle 
en a encore deux qui lui sont particulières ; elles sont 
aussi de matière écailleuse, brunes et neu sensibles 
dans les actions ordinaires de l’Insecte, quoiqu'’elles 
soient assez grosses : elles ont plus de longueur cha- 
cune qu’un des segmens de l'abdomen ; elles sont au 
bout du dernier, ou, si l’on veut, elles composent 
ensemble le dernier segment , qui est écailleux. Ces 
deux parties semblent unies; elles s'écartent cepen- 
dant l’une de l’autre comme les deux branches d’une 
pince. Dans le tendre accès, le mâle les entr'ouvre 
et saisit entre elles le bout du derrière de la femelle, 
le prenant alternativement à diverses reprises d’un 
côté et d'autre : ce sont là les premiers préludes 
amoureux. C’est entre les deux branches de cette 
pince qu'est précisément placée la partie faite en 
cuiller. Après cela, le mâle tâche d'insérer sa cuiller 
dans un trou qui est au-dessous de la base de l’ai- 
guillon de la femelle. Je ne sais si j'ai vu l’accouple- 
ment complet, mais toutes les fois que j'ai observé 
ce pelit manése, le cuilleron est entréseul , et il est 
peu resté; la femelle semblait faire quelque résis- 
tance; elle marchait même, quoique lentement. Je 
ne sais aussi s'il y a de plus longs accouplemens; il 
suffit qu'il y ait accouplement. 

» Si l'on ouvre le corps des femelles, on le trouve 
presque toujours plein de petits corps oblongs, 
qu'on ne saurait prendre que pour leurs œufs : ils 
ont la figure de ceux qu’elles déposent dans leurs 


RÉ ÉTEND 


DES HYMÉNOPTÈRES. bot 


» cellules ; ils n’en différent que par la grosseur : on 
» peut même les reconnaître dans celles qui viennent 
» de devenir Insectes parfaits, qui ne sont, pour 
» ainsi dire, Guëpes, que depuis un instant; mais ils 
» sont beaucoup plus petits et moins oblonss : alors 
» ce ne sont presque que des points ronds. Les femelles 
» fécondes ont, comme les infécondes ouvrières, un 
» aiguillon : les mâles seuls en sont dépourvus... 
» L’aiguillon des mères est semblable à celui des ou- 
» vrières, mais bien plus long et plus gros... La 
» piqüre des Guëêpes est plus douloureuse que celle 
» des Abeilles, et porte avec elle dans la plaie une 
» liqueur vénéneuse, analogue à celle des Apiarites. 

» Vers le commencement d'octobre, il se fait, dans 
» les quépiers, un singulier et cruel changement de 
» scène. Les Guêpes alors cessent de songer à nourrir 
» leurs petites larves : elles font pire, de mères ou 
» nourrices si tendres, elles deviennent des marâtres 
» impitoyables ; elles arrachent des cellules les larves 
qui ne les ont pas encore fermées; elles les portent 
hors du guépier : c'est alors la grande occupation 
» des ouvrières. Le massacre est général. » En eflet, 
le froid les privant subitement de nourriture, elles 
savent bien ne pouvoir les élever. Les premiers jours 
de gelée, elles ne sortent que quand le soleil a échaufté 
l'air. Les femelles, nouvellement écloses, se dispersent 
et se cachent, comme nous l'avons dit des Bourdons, 
après l’accouplement. Les mâles et les ouvrières pé- 
rissent , et les nids sont tout-à-fait abandonnés. 

Les personnes qui connaissent l'irritabilité des 
Polistides, et qui ont éprouvé les effets de leur 
colère pour s'être approchées inconsidérément de 
leurs nids exprès ou par hasard, seront probablement 


ÿ 


5o2 HISTOIRE NATURELLE 


étonnées d'apprendre que ces Insectes belliqueux et 
bien armés ont des ennemis qui ne sont ni l’un ni 
l'autre, et qui cependant peuvent causer un crand 
ravage dans leur économie domestique , en attaquant 
leurs larves et les dévorant. D'autres s'attaquent, à ce 
qu'il paraît, à la personne même de J'Insecte parfait. 
Ceux-ci, qui appartiennent à la onzième classe des 
Insectes , les Rhipiptères de Latreille , ne tuent point 
l'individu aux dépens duquelils vivent. On connaît 
au moins deux espèces du genre Xénos, établi par 
Rossi dans sa Faune Etrusque, qui prennent leur 
accroissement dans l’abdomen des Polistides. Pour se 
mélamorphoser en nymphe, la larve des Xénos sort 
en partie entre les segmens de l'abdomen, et y de- 
meure jusqu'à sa dernière transformation, ayant en- 
core une portion de son corps enzagée dans l'intérieur. 

J'ai vu des individus, Polistès Françaises, porter 
jusqu’à trois de ces nymphes, dont la présence défor- 
mait beaucoup leur abdomen, sans que leurs mouve- 
mens ui leur vol en parussent beaucoup génés. Ces 
nymphes étaient, selon toutes les apparences, celles 
du Xénos vesparum Rossi, (Faun. Etrusc. Append. 
Mant. p.114, tab. 7, fig. B, b), qui est le Xénos 
Rossi, mentionné par Latreille, ( Crust. Arach, et 
Ins. t. Il, p. 427, Déterv. 1820 ). 

Quelques Diptères vont pondre leurs œufs dans les 
guépiers. De ce nombre sont les F’olucella inanis et 
zonata, que j'ai vues nombre de fois s'introduire 
dansles nids des Frélons. Cesnids, très-communs dans 
la forêt de Saint-Germain-en-Laye, et placés souvent 
dans les arbres creux vers la base, sont cependant ordi- 
nairement fermés par une cloison du papier dont leurs 
cellules sont aussi construites, cloison qui ne laisse 


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DES HYMÉNOPTÈRES. 5o3 


qu'un ou deux passages du diamètre du doigt. La Volu- 
cellan’hésite pas à venir hardiment se poser à l’ouver- 
ture de l’un ou l’autre de ces passages, et à entrer dans 
lenid. J'ai trouvé souvent dans ces nids des larves qui 
dévoraient celles des Frélons. Elles étaient presque 
entièrement conformes à celles que Réaumur a dé- 
crites, comme faisant de grands ravages parmi les 
larves et les nymphes de Bourdons. Nous avons 
vu, dans l’histoire de ceux-ci, que ces larves ap- 
partiennent à des Volucella, (Bombylans, Plumata 
ou Zricolor ). Ayant de plus arrêté une Folu- 
cella zonata à son entrée dans un nid de Frélons, 
je l’enfermai, sans la piquer, dans une boîte où 
elle se mit presque immédiatement à pondre une 
quinzaine d'œufs. Ceux-ci , éclos quelques jours après 
la ponte, me firent voir de jeunes larves semblables, 
à la grosseur et à la grandeur près , à celles que j'avais 
précédemment trouvées dévorant les larves des Fré- 
lons. Qui peut donner à ces Diptères l'audace d'aller 
déposer leur postérité dans le nid de ces féroces Hy- 
ménoptères, qui s'emparent, comme proie, d’un grand 
nombre d’autres Diptères, même des plus grosses 
espèces? Ici je ne puis m'empêcher de m’écrier : 
« Celui qui met un frein à la fureur des flots , » et qui 
a soigné également jusqu'aux plus petits détails de sa 
création, sait aussi arrêter et contenir dans de justes 
bornes la population des espèces dont la trop grande 
multiplication serait un véritable fléau, J'ai vu des 
Conops chercher et parvenir à s’introluire dans le nid 
des Guêpes souterraines, et y réussir sans obstacle de 
la part des habitantes qui sortaient en même temps 
qu'elles entraient , sans les repousser, Elles paraissent 
remplir les mêmes fonctions , au détriment des Guêpes 


504 HISTOIRE NATUREZLE 


souterraines, que les Volucella à l'égard dés Frélons. Je 
soupçonne que les Myopa ont la même destination. 
Il est à remarquer que celui qui a donné à tous ces 
Diptères désarmés et sans moyens d'attaque ni de 
défense , l'impérieux instinct de vivre comme larves 
aux dépens des Polistides, leur a donné à l’état par- 
fait, pour livrée, le jaune, le noir et le roux, qui 
couvrent ésalement les Polistides, et qui leur facilitent 
probablement l'entrée dans ces redoutables guépiers , 
dont l’homme lui-même ne saurait s'approcher sans 
crainte et sans précaution. 


se Genre. VESPA. — WESPA. 


SYNONYMIE. Guépe, Réaum. Degéer, 7espa Linn., Fab., 


Oliv. , Latr. , etc. 


Caractères. Première dent des mandibules très-courte , 
fort éloignée des autres, obtuse ; leur seconde dent beau- 
coup plus large que les deux inférieures , qui sont portées 
sur une seule base. 

Prolongement du milieu du bord antérieur du chaperon 
largement tronqué et presque échancré , avec une dent de 
chaque côté. 

Abdomen sessile, le premier de ses segmens n'étant pas 
aminci en pédicule, ni tuberculé sur les côtés, coupé droit 
à sa partie antérieure, et ayant un diamètre presque égal à 
celui du second segment, à sa jonction avec celui-ci. 

Radiale ne s’avançant pas beaucoup plus près du bout de 
l'aile que la troisième cubitale ; seconde cubitale rétrécie 
vers la radiale, sans s’y terminer en pointe ; troisième cubi- 
tale en carré long, moins large en proportion que dans les 
Polistès 

Voy. l'histoire des Polistides. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 50 


Espèces du genre Vespa. 


1. VEsPA CEINTURE-JAUNE. — fespa cincta @Œab. Pier. 
p.253, n° 1. — Oliv. Encyc, tom. VI, p. 676, n° 37,7. 


Capite rufo-fusco; antennis fuscis. Thorace nigro, 
humeris scutelloque luteo-rufis. Abtdomine nigro; seg- 
mento secundo suprà subtüsque luteo, margine anteriori 
sinuato nigro. Pedibus nigris. Alis rufescentibus, à basi 
ad medium nigro-fuscis. 


Tête d'un roux noirâtré ; antennes presque noires. Gorselet 
noir; les épaulettes et l’écusson roux, probablement jaunes 
dans le vivant. Abdomen noir, le second segment jaune en 
dessus et en dessous ; son bord antérieur d’un brun noir; cette 
boräure sinuée, beaucoup plus large dans le milieu du dessous 
de l’abdomen. Pattes noires. Aïles noirâtres de la base jusque 
vers le milieu , devenant alors roussâtres , et s’éclaircissant vers 


le bout. Ouvrière. Donnée par M, Léon Dufour, Long. 15 lig. 
Chine. 


Nota. La collection de mon excellent ami M. Serville, 
contient deux femelles fécondes et une ouvrière qui portent le 
nom de Vespa cincta Fab. Elles différent de la précédente 
en ce que la tête, les antennes, le corselet et l’écusson sont 
entièrement noirs. La bordure noire antérieure du premier 
segment abdominal , est plus large, moins irrégulière ; le mi- 
lieu dorsal de cette bordure émet une ligne dorsale brune, qui 
n’atteint pas le bord postérieur du segment, dont les côtés 
jaunes roussâtres portent chacun, tant en dessus qu'en des- 
sous, un point noir assez distinct. Je les regarde comme une 
simple variété de la Vespa cincta Fab. (1). Femelle. Long, 
1 pouce 3 lig. Ouvrière. 1 pouce. 

Inde : Coromandel, Java, 


(4) Dans les Vespa et dans beaucoup d'autres Hyménopteres à 
livrée noire, jaune et rousse, le jaune, par l'effet de la dessiccation 


506 HISTOIRE NATURELLE 


2. VESPA SEMBLABLE. — Vespa affinis Fab. Piez. p. 253, 
n° 1; Oliv: Encyc. tom. VI, p. 677, n°58, 7. 


Capite fi antennis riufis : thorace nigro, humeris Late 
scutellique disco rufis : abdomine nigro, segmentis primo 
secundoque supra luteis , subtüs et primi basi fuscescenti- 
. bus : pedes nigricantes, genubus anticis rufescentibus ; 
alis rufescentibus, à basi ad medium fuscis. 


Tête et antennes rousses : corselet noir, épaulettes rousses, 
cette couleur s'étendant jusque sous l'insertion des ailes ; écus- 
son ayant deux grandes taches rousses sur son disque, Abdomen 
noir, dessus des premier et second segmens jaune; leur des- 
sous et la base du premier obscurs , peut-être seulement après 
la mort. Pattes noirâtres ; genoux des deux antérieures rous- 
sâtres. Ailes roussâtres, plus brunes du milieu jusqu'à la 
base. Ouvrière probablement. Long. 10 lig. 

Indes. Donnée par M. Léon Dufour. 

Var. Tache des épaulettes ne s'étendant pas sous les ailes. 
Ecusson entièrement noir. L'un des deux individus de la col- 
lection de M. Serviile. Long. 11 lig. 


Inde. 


3. Vespa BRULÉE. — Vespa deusta, V, *. 


Atro-carbonaria, velutina : segmenti abdominis se- 
cundi suprä maroine lineari infero , in dorso interrupto , 
luteo : alis fusco-rufis, basi fuscioribus. 


Entièrement noire , excepté une ligne jaune sur le dessus du 
bord inférieur du second segment , laquelle est interrompue sur 
le dos. Entièrement vêtue d'un duvet noir extrêmement court, 
ayant un léger reflet satiné : ce duvet mêlé, dans certaines 


intérieure , se change après la mort souvent en roux, et même, 
dans le vivant, les parties rousses et noires s'accroissent aux dé- 
pens des parties moins foncées. En général les couleurs sont très- 
variables dans les Polistides, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 507 
places, de poils noirs plus longs. Antennes et pattes noires. 
Ailes roussâtres, plus brunes vers leur base. Femnelle. Long, 
13 lis. 

Patrie inconnue. Collection Serville, Donnée par M. Pierret. 


4. Vespa vELOoUTÉE. — Vespa velutina De Haan, F 


Atro-carbonaria, velutina : capitis ferruginei vertice 
atro-carbonario : prothorace, humeris in dorso et abdo- 
minis posticè segmentis quatuor prümis ferrugineo margi- 
natis : pedum nigrorum tibiis duobus anticis tarsisque 
omnibus albidis. Alis rufo hyalinis, cost& fuscd. 


Tête ferrugineuse ; vertex et dessus des antennes noirs : cor- 
selet noir; prothorax ayant son bord supérieur d’un jaune fer- 
rugineux : une ligne de cette même couleur séparant les épau- 
lettes de la plaque dorsale du mésothorax. Abdomen noir ; bord 
inférieur des quatre premiers segmens avec une ligne étroite 
ferrugineuse; cette ligne s’élargissant sur les côtés des troi- 
sième et quatrième segmens : dessous du second et des suivans 
pâle et comme décoloré ; cinquième segment n'ayant à son bord 
postérieur qu'une ligne ferrugineuse à peine percepüble : anus 
ferrugineux noirâtre. Pattes noires ; genoux, tarses et les deux 
jambes antérieures d’un jaune blanchâtre. Ailes transparentes, 
quoique roussäâtres, la côte plus foncée. Toutes les parties 
noires vêtues d’un duvet noir, comme dans la précédente, 
Femelle? Long 11 Lg, 

Inde : Java, Donnée par M. De Haan. Cabinet de M. Ser- 


ville. 


5. Vespa OntENTALE. — Wespa orientalis Fab. Piez. p. 254, 
n° 4.—Oliv. Encye. tom. VI, p. 637, n° 41.— Linn. Syst. 
Nat. Mant.p. 540.—Réaum. tom. VI, PI. 17, fig. 2 et 3, 7. 
— Vespa turcica Drury, Ins. tom. IE, PI. 39, fig. r. 


Ferruginea, segmentorum tertii quartique luteorum 
basi valdè sinuatä nigro-ferrugined; alis ferrugineis , 
clypeo maculäque inter antennas triangulari luteis. 


508 HISTOIRE NATURELLE 


Antennes et tête ferrugineuses; chaperon jaune, et une 
tache triangulaire de cette même couleur entre les antennes. 
Corselet entièrement ferrugineux. Premier segment de l’abdo - 
men ferrugineux , portant à son bord postérieur une ligne jaune 
très-étroite et interrompue; le second ferrugineux, avec un 
léger reflet glauque; le troisième d’un ferrugineux noirâtre à 
sa base, la partie colorée émettant des dents, une de chaque 
côté et une dorsale, la partie inférieure jaune, plus ou moins 
étendue selon les variétés individuelles ; le quatrième jaune, 
ayant quelquefois sa base colorée comme celle du troisième; le 
cinquième et l’anus ferrugineux. Pattes ferrugineuses. Ailes 
d’un roux ferrugineux, avec un léger reflet violacé sur le bord 
postérieur. Femelle. Long. 12 lig. 

Ouvrière. Tête entièrement ferrugineuse. Plus de jaune 
aux troisième et quatrième segmens , dont la base n’est que fer- 
rugineuse. Le reste comme dans la femelle. Long. 9 lig. 

Mäle. Plus de jaune sur les troisième et quatrième segmens 
de l'abdomen, en sorte qu'on ne voit que trois taches d’un 
brun ferrugineux sur ces segmens, et ces taches sont les ex- 
trémités des dents que nous avons signalées en décrivant la 
femelle. Le reste comme dans celle-ci. Long. 10 lig. 


Nota. Les individus décrits par les auteurs, quoique diffé- 
rens un peu, he peuvent être que des variétés individuelles de 
la même espèce. 

Archipel de Grèce, Natolie et Mésopotamie. Musée de 
M. Serville. 


6. Vespa ANALE. — Vespa analis Fab. Piez, p. 254, n° 6, 
— Oliv. Encyc. tom. VI, p. 677, n° 43, 7. 


Ferrugineo-nigricans, abdominis primo secundoque 
segmentis basi luteo-ferrugineis, ano toto flavo. 


Antennes noirâtres ; leur dessous , passé le premier article, 
ferrugineux : tête ferrugineuse , sa face un peu plus brune. Cor- 
selet d’un brun noirâtre : écusson et épaulettes d’un ferrugineux 


DES HYMÉNOPTÈRES. 509 


assez clair ; la couleur de celles-ci s'étendant jusque sous les 
ailes. Abdomen d’un brun ferrugineux ; base et bord inférieur 
des premier et deuxième segmens d’un. jaune ferrugineux ; 
celui-ci étroit : une tache jaune de chaque côté du dos sur Îles 
second, troisième, quatrième et cinquième segmens ; celle du 
second s’unissant à la bande de la base. Anus jaune. Pattes 
d'un brun ferrugineux. Ailes ferrugineuses , plus foncées vers 
la côte. Femelle. Long. 13 lig. 
Île de Java. Donnée par M, De Haan. Musée Serville. 


7. Vespa FRÉLON, — Vespa crabro Fab. Piez. p. 255, n° 8. 
—Linn Faun. Suec. 1670.—Oliv. Encyc. tom. VI, p. 678, 
n° 47.—Geoff. Ins. tom. IT, p. 368, n° 1.— Degéer, tom. II, 
2e part. p. 801, PL. 27, fig. 9 Q®, 10 ot. — Réaum. Ins. 
tom. VI, p.215, PL. 18, fig. 1, 4, 5, 6, 7,8, 9, 10. — 
— Schæff. Icon. Ratis. tab. 53, fig. 5, et tab. 136, fig. 3, 7. 


Capite ferrugineo, clypeo, maculé& inter antennas 
triangulari mandibularumque basi lat& luteis; thorace 
Juscè ferrugineo , humeris, scutello, maculd sub alis, 
alarum squamä, dorsique antict lined geminé, dilu- 
tius rufis. Abdomen suprà, primi segmenti basi ruf, 
medio fusco, margineque tenui postico luteo ; secundi 
Jusci margine postico sinuato luteo; tertii lutei basi valdè 
sinuaté fuscé ; quarti quintique et ani punclo utrinque 
Jusco : subtüs, primo segmento toto, et secundi, tertii 
quartique et quinti basi fuscä. Pedes fusco-ferruginei ; 
alis rufis. 


Tête ferrugineuse ; chaperon, échancrure des yeux, tache 
triangulaire entre l'insertion des antennes et base des mandi- 
bules jusqu'aux deux tiers de leur longueur, de couleur jaune. 
Antennes brunes ; leurs trois premiers articles d’un roux clair. 
Corselet d’un brun ferrugineux, quelquefois noirâtre; épau- 
lettes, écusson , écaille des ailes et une tache sous leur insertion, 
d’un roux clair, ainsi que deux lignes sur la partie antérieure du 
dos. Abdomen en dessus : base du premier segment roux clair, le 


510 HISTOIRE NATURELLE 


milieu brun , et une ligne étroite jaune sur le bord postérieur; 
le second brun à sa base , jaune dans sa partie postérieure ; ces 
couleurs étant séparées par une ligne extrêmement sinuée, en 
sorte que la couleur brune avance en trois pointes sur la jaune; 
le troisième jaune, n'ayant que sa base brune, mais aussi 
sinuée que dans le précédent ; les deux suivans et l'anus jaunes, 
portant de chaque côté un point brun. En dessous, le pre- 
mier segment est brun, et les quatre suivans ont leur base de 
cette couleur. Pattes d’un brun ferrugineux. Ailes rousses. 
Corps assez velu ; poils roux. Femelle. Long. 14 lig. 

Var. Quelquefois la couleur rousse des premiers articles 
des antennes s'étend sous le dessous des autres, et le dessous 
des segmens intermédiaires de l'abdomen n’a de brun qu'un 
point de chaque côté. 

Ouvrière. Antennes plus claires. Le reste comme dans la 
femelle. Long. 11 lig. 

Mäle. Couleurs en général un peu moins foncées. Long. 
11 big. 

Commune en France ; dans les forêts, où elle fait son nid 
dans les arbres creux. 


8. Vespa DE DecéEr. — Vespa Geerii, F. 


Vespa crabro medius Retz. p. 63, n° 230. 

Vespa media Oliv. Encyc. tom. VI, p. 679, n° 48. — 
Degéer, tom. IE, part. 2°, p. 590, fig. 1-10. 

Capite luteo-rufo, vertice ad stemmata fusco. Anten- 
nis nigris, subiüs et tertio articulo luteis. Thorace ni- 
gricante, humeris, scutello, postscutello, fasciä latà 
dorsali ante scutellum anticè fissä, macul& par-& sub 
alis alarumque squamd, luteo-rufis. Abdomine suprà , 
tribus primis segmentis basi fusco-nigricantibus, postice 
luteo-rufis, cæteris anoque luteis , secundi, tertit quarti- 
que utrinque puneto laterali fusco; sublüs luteo rufo, 
segments primo omnino , cæteris margine postico fuscis. 
Pedibus dilutè rufis. Alis rufescentibus. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 5r1 


Tête d’un jaune roussâtre ; région des ocelles brune. An- 
tennes brunes en dessus; le troisième article entier et le dessous 
des autres jaunes. Corselet noirâtre; épaulettes , écusson, post- 
écusson , une large bande sur le dos attenant à l’écusson, se 
bifurquant antérieurement, et une petite tache sous les ailes, 
d’un jaune roussâtre, ainsi que l’écaille des ailes, Base des 
trois premiers segmens de l'abdomen noirâtre , leur partie pos- 
térieure d’un jaune roussâtre; les autres et l'anus jaunes; les 
second , troisième et quatrième portant de chaque côté un point 
brun : dessous de l'abdomen d'un jaune roussâtre, excepté le 
premier et le bord postérieur des suivans, qui sont bruns. 
Pattes d’un roux clair. Aïles roussâtres. Corps assez velu ; poils 
roux clairs. Femelle. Long. 1 lig. 

Var. Quelquefois la base du troisième segment de l’abdo- 
men est noirâtre, et les points bruns se réunissent à cette base. 

Ouvrière. Les parties rousses dans la femelle, sont ici 
jaunes , et les parties brunes décidément noires. Les épaulettes 
ne sont que bordées de jaune. Le reste à peu prés comme dans 
la femelle. Base des cuisses et un point sur le chaperon noirs. 
Antennes entièrement noires en dessus. Long. 9 lig. 

Mäle. Antennes noires, le premier article seul jaune en 
dessous. Chaperon jaune, taché de noir. Ecusson noir, por- 
tant deux taches jaunes ; corselet du reste comme celui de l'ou- 
vrière. Abdomen en dessus ayant la base de tous les segmens 
et de l'anus noire, et le bord postérieur de ces mêmes segmens 
jaune ; ces deux couleurs se joignant par une ligne sinuée, 
excepté celle du premier qui est droite : en dessous comme en 
dessus, si ce n’est que le premier segment est entièrement 
noir. 

La Suède et les environs de Paris. Cette espèce peu com- 
mune, que Degéer avait décrite, ( Olivier ne fit que le copier), 
a été trouvée à Versalles par M. Blondel, qui en a eu un 
nid. J’en ai trouvé aussi un individu dans la forêt de Saint- 
Germain-en-Laye. Le nid trouvé à Versailles était pyriforme, 
comme celui figuré par Degéer, et attaché par le gros bout sous 
l’entablement d’un bâtiment. 


51a HISTOIRE NATURELLE 


9. VESPA MACULÉE. — Vespa maculata Fab. Piez. p. 257, 
n° 17. — Oliv. Encyc. tom. VI, p.681, n° 54. — Degéer, 
tom. IT, p. 584, PL. 20, fig. 13, 7. 


Nigra , capite, thorace abdominisque segmentis quarto 
quintoque et ano albido maculatis. 


Antennes noires, jaunes en dessous. Tête jaune pâle; le 
vertex , la partie postérieure, une ligne perpendiculaire sur le 
chaperon et une tache au-dessous des yeux, de couleur noire. 
Corselet noir ; épaulettes bordées de jaune pâle; une tache 
sous les ailes, et quatre demi-lignes de cette même couleur ; 
celles-ci placées transversalement , deux sur l’écusson et deux 
sur le post-écusson. Abdomen noir ; les quatrième et cinquième 
segmens ayant de chaque côté une grande tache bilobée jaune 
pâle ; et l’anus ayant aussi de chaque côté, une tache simple de 
cette même couleur. Pattes variées de noir et de jaune pâle ; 
cette dernière couleur dominant sur les antérieures, et le noir 
sur les postérieures. Ailes transparentes, quoique d’un roux 
brun surtout vers la côte. Femelle ou ouvrière. Long. 10 lig. 

Philadelphie, Amérique septentrionale. Musée de M. Ser- 
ville, 


10. Vespa picoLorE, — Vespa bicolor Fab. Piez. p. 257, 
n° 15.— Oliv. Encyc. tom. VI, p. 680, n° 53, F7. 


Lutea, rufo mixta, capitis vertice thoracisque dorso 
nigris. 


Corps entièrement jaune, mêlé et comme nuancé de fauve, 
avec l'extrémité des mandibules, le dessus des antennes, le 
vertex de la tête et le dos du corselet, noirâtres. Ailes transpa- 
rentes, un peu roussâtres. Femelle ou ouvrière. Long. 8 lig. 


Nota. Fabricius et Olivier donnent aux individus qu'ils 
décrivent, l’anus de la même couleur que le dos du corse- 
let; dans deux que nous avons sous les yeux, il est jaune 


DES HYMÉNOPTÈRES. 513 


nuancé de roux. Ces auteurs auraient-ils vu le mâle des fe- 
melles, assez probablement ouvrières , que nous avons sous 
les yeux. 


Chine. Musée de M. Serville, 


11. Vespa caroLinoise.—f’espa carolina Fab. Piez. p. 255, 
n° 7.— Oliv. Encyc. tom. VI, p. 658, n° 4{. 


Antennis nioris, arliculo primo subiüs late, apice ex- 
ceplo , luteo-ferrugineo ; Capite thoraceque luteo-ferrugi- 
neis, nigro maculatis: abdomine ferrugineo, segmenti 
secundi basi nigr&, hujus et cwterorum punclo utrinque 
Jusco; pedibus omnind luteo-ferrugineis ; alis nigrican- 
tibus. 


Antennes noires ; dessous du premicr article, sur une assez 
grande largeur et presque jusqu’au bout, d’un jaune un peu 
ferrugineux. Tete d’un jaune ferrugineux , avec une large 
bande sous les ocelles ; une plus étroite, entre l'insertion des 
antennes et le bout des mandibules , de couleur noire. Corselet 
d’un jauve ferrugineux , avec trois lignes sur le dos, dont 
l'intermédiaire s'étend sur l’écusson en s’amincissant; et des 
taches sur les côtés et en dessous, de couleur noire. Abdomen 
roux ferrugineux , avec la base du deuxième segment noire, et 
quelquefois aussi celle des suivans; les segmens deuxième, 
troisième , quatrième el cinquième, ayant chacun , et de chaque 
côté, un point noirâtre ou brun, ou d'un ferrugineux plus 
foncé. Pattes entièrement d'un jaune ferrugineux. Ailes trans- 
parentes, d'un roux noirâtre. Femelle ou ouvrière. Long. 11 lig, 

Philadelphie : Amérique septentrionale. Musée de M. Ser- 
ville, 


12. Vespa PORTE-cRoIx. — Vespa cuneata Fab. Piez. p. 258, 
n° 21. 


Antennis nigris, articulo primo subius luteo; capite 
luteo, faciei cruce verticeque nigris : thorace nigro, 
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 33 


514 HISTOIRE NATURELLE 

lineis luteo-flavis : abdominis nigri segmentorum primi 
secundique fasciis duabus, tentii, quarti quintique fas- 
cid marginis postici undulatä , [crrugineis : ano nigro, 
apice ferrugineo : pedibus luteo-ferruginvis, femoribus 
nigro submaculatis : alis hyalinis, vix subfuscis. 


Antennes noires, dessous du premier article jaune. Tête de 
cette couleur ; chaperon coupé en deux par une ligne perpen- 
diculaire noire, qui en atteint une transversaie de même cou- 
leur, placée entre les antennes, et forme avec elle une espèce 
de croix; vertex noir. Corselet noir, avec des lignes jaunes, 
dont deux dorsales, deux latérales sur l’écusson et une trans 
versale sur le post-écusson ; une tache sous l'insertion des 
ailes, une de chaque côté de l’écusson , et une grande , égale 
ment de chaque côté du métathorax. Abdomen noir ; les deux 
premiers segmens ayant chacun deux bandes ferrugineuses, 
la première du deuxième interrompue ; les troisième , quatrième 
et cinquième n’en ayant qu'une sur le bord postérieur, celles-ci 
ayant leur bord interne ondulé et sinué: Anus noir , son extré- 
mité ferrugineuse. Pattes d’un jaune ferrugineux. Ailes trans- 
parentes, peu brunes. Ouvriere. Long. 6 lig. | 


Male. Point de ligne noire au chaperon. Les bandes de 
l’abdomen jaunes et non pas ferrugineuses. Le sixième segment 
semblable aux: précédens. Pattes jaunes ; dessus des cuisses 
portant une ligne noire vers la base. 


Philadelphie : Amérique septentrionale, Musée de M. Ser- 
ville. Male. Musée de France. 


Cette espèce est-elle la Vespa cuneata de Fabricius ? Ce 
nom cuneala me paraît, au reste, une faute de copiste. Le 
mot cuneus (coin) ne se trouvant pas dans la description , je 
crois qu'il devrait y avoir cruciata, à cause de la croix faciale 
mentionnée par Labricius. C'est la troisième Lande'jaune de 
l'abdomen , à partir de la base, êt non la bande du troisième 
segment, qui est interrompue. 


DES HYMÉNOPTÈRES, 515 


13. VESPA GERMANIQUE. — Vespa germanica Fab. Piez. 
p. 256, n° 10. —Panz Faun. Germ. 49, fig. 20. 


Antennis nigris, articulo primo in mare subtüs luteo ; 
capitis lutei vertice latè, mandibularum apice, lined 
inter antennas irregulari, clypei maculä unicä aut tri- 
plici nigris :thoracis nigri utrinque line& humerali, ala- 
rum squamd, maculd sub alis, scutelli et postscutelli lr- 
neold, luteis : abdominis segmentis basi nigris,parteposticä 
luted in medio emarginaté, utriique nigro punctaté, punc- 
tés nunc solitariis, nunc ad marginem basis nigræ con- 
fluentibus ; ano utrinque, aut ferè toto, luteo : pedibus 
luteis, femorum basi nigrä : alis subhyalinis, nervuris 
rufo-fuscis. 


Antennes noires. Tête jaune ; tout le vertex et le derrière 
de la tête, une ligne fort irrégulière à la hauteur de l’inser- 
tion des antennes ct bout des mandibules noirs : un ou trois 
points de cette couleur sur le chaperon, ou quelquefois une 
ligne courte perpendiculaire sur sa base noire. Corselet noir ; 
une ligne bordant l’épaulette, une tache sous l’insertion des 
ailes et l’écaille de celle-ci de couleur jaune, ainsi que deux 
petites lignes de chaque côté , l’une sur l’écusson , l’autre sur le 
post-écusson. Segmens de l'abdomen ayant leur base noire et 
la partie postérieure jaune ; celle-ci échancrée dans son milieu 
et portant un point noir de chaque côté; ces points tantôt iso- 
lés, tantôt confluens avec la base noire; anus jaune des deux 
côtés. Pattes jaunes; base des cuisses noire. Ailes transpa- 
rentes un peu roussâtres ; nervures roussâtres. Femelle. Long. 
12 big. 

Ouvrière. Une tache jaune de chaque côté du métathorax. 
Anus presque entièrement de cette couleur. Le reste à peu 
près comme dans la femelle. Long. 8 lig. 

Mäle. Dessous du premier article de Vantenne jaune 
Sixième segment et anus presque entièrement jaunes. Long. 
10 lig. 

33. 


516 HISTOIRE NATURELLE 


Cette espèce paraît être commune dans toute l’Europe. Elle 
n’est pas plus rare ici que la Vespa vulgaire. 


14. Vespa VULGAIRE. — Vespa vulgaris Fab. Piez. p.255, 
D° 9.— Panz. l'aun. Germ. 49, tab. 10. 


Nota. Les auteurs , que nous ne citons ni à la Vespa ger- 
manique , ni à la Vespa vulgaire , paraissent avoir confondu ces 
deux espèces. 


Antennis nigris, articulo primo in mare subtüs luteo : 
capitis lutei vertice latè, mandibularum apice tenui, 
maculé inter antennas irregulari, clypeique lined per- 
pendiculariinfrà subtricuspidatà , nigris : thoracis nigri 
humeris et collo luteo marginatis, macula sub alis , ali&- 
que in alarum squamdä, luieis : scutello postscutelloque 
utrinque luteo lincolutis : abdominis segmentis basi ni- 
gris , parle posiicä luted in medio emarginalé, utrinque 
misro punciatä, punclis nunc solitariis, nunc ad margi- 
ner basis nigræ confluentibus, ano ferè toto luteo. Pedes 
lutei, femoribus magnä ex parte nisris. Alæ hyaline, 
nervuris rufo-fuscis. 


Añûtennes noires, Tête jaune; tout le vertex et le derrière 
de la tête, le petit bord des mandibules, et une tache irrégu- 
lière entre les antennes, de couleur noire, ainsi qu'une ligne 
perpendiculaire du chaperon , dont le bout inférieur porte trois 
pointes en manière de hallebarde. Corselet noir, borde de jaune 
en devant et le long des éjaulettes : use tache sous les ailes de 
celte même couleur, ainsi que la partie antérieure de l'écaille 
des ailes : écusson et post-écusson portant chacun, sur leurs 
côtés, une pelite Jigne jaune. Seginens de l'abdomen ayant 
leur base noire , et la partie postérieure jaune ; celle-ci échan- 
crée dans son milieu, et portant un point noir de chaque côté ; 
‘ces points Lantôt isolés et tantôt conflnens avec la base noire : 
anus presque entièrement jaune. Pattes Jaunes ; cuisses en 
grande partie noires. Ailes assez transparentes; nervures d’un 


RÉ 


DES HYMENOPTÈRES,. 517 


brun roussâtre. Femelle. Long. un peu plus petite que la 
Vespa germanique. 

Ouvrière. Une tache jaune de chaque côté du métathorax. 
Le reste comme dans la femelle féconde. 

Male. Dessous du premier article de l'antenne jaune. Sixième 
segment de l'abdomen de même que les précédens, Le reste 
comme dans la femelle. 


Mota. La Fespa saxonica Fab. Piez. p. 256, n°11, ne 
paraît être qu’une variété de la Vespa vulgaire, dans laquelle 
la partie jaune des segmens abdominaux est plus étroite. Je ne 
connais que des ouvrières à qui la description de l’auteur puisse 
s'appliquer. 

Cette espèce paraît être commune dans toute l’Europe; 
plus commune dans les champs, tandis quela Vespa ger- 
manique se tronvé plutôt dans les forêts. Elles font toutes 
deux leurs nids en terre, el la matière dont ils sont construits, 
est exactement la même. 


15. Vesra Rousse. — Vespa rufa Linn. Faun. Succ. 1672. 
Syst. Nat.tom. 11 ,p. 015, n° 5.—Tab. Piez. p.256, n° 13. 


Antennæ nigræ. Caput nigrum, mandibulis luters, 
margine apicali tenui nigro; clypeilutei margine et lincä 
perperdiculari infernè hastiformi, nigris ; orbü& oculo- 
rum, in parle inferä emarginaturæ et in vertice luted. 
Thorax niger, humcris et collo luteo marginatis, maculé 
sub alis et ali& utrinque in scutello luteis. Abdominis 
segmenta suprà : primum rufum fascid tenut medi& et 
margine infero luteis, cϾterorum lutcorum basi parum 
laté nigrd, puncto utrinque in parte luted rufo aut sub- 
nigricante : subiùus luteo-rufu, puncto utrinque rufo. Pe- 
des luteo-rufi, femoribus magn& ex parte nigris. Alæ 
rufo-hyalinæ, ad costam rufescentes , nervuris rufrs. 


Antennes noires. Tête noire : mandibules jaunes , les den- 
telures noirâtres ; chaperon jaune, bordé de noir , et portant 


\ 


518 HISTOIRE NATURELLE 


une ligne perpendiculaire de cette couleur, en forme de halle- 
barde par son bout inférieur : une partie de l'orbite des yeux, 
dans leur échapcrure , ainsi qu’une autre portion sur le vertex, 
jaunes. Corselet noir, avec les épaulettes et le col bordés 
de jaune : une tache sous les ailes, de cette même couleur, / 
quiest aussi celle de l'écaille des ailes, et d’une tache ovale 
de chaque côté sur l’écusson. L’abdomen , en dessus , a le pre- 
mier segment roux, avec deux bandes jaunes, l’une étroite 
vers le milieu, l’autre sur le bord inférieur ; les autres seg- 
mens jaunes , avec une base assez étroite noire ; la partie jaune 
de chaque segment échancrée à sa partie dorsale, et portant de 
chaque côté un point roux ou noirâtre; en dessous , l'abdomen 
est d’un jaune roussâtre , avec des points comme en dessus sur 
chaque segment. Pattes d’un jaune un peu roussâtre ; cuisses 
en grande parte noires. Ailes transparentes , un peu roussâtres, 
surtout le long de lacôte; nervures rousses. Femelle. Plus 
petite d’un quart que la Vespa vulgaire. 

Ouvrière. Semblable à la femelle féconde ; mais plus pe- 
tite , et les cuisses ayant plus de jaune. 

Dans les forêts. Trouvée à Villers-Cotterets et à Saint- 
Germain-en-Laye. Je pense que cette espèce est celle dont 
Réaumur a représenté le nid, tom. VI, Mém. 7,P1. 19, fig. 1 
et 2. J'ai vu un nid, trouvé à Saint-Germain-en-Laye , exacte- 
ment pareil à celui représenté par notre auteur; mais il était 
dépourvu d’habitans, n'ayant été remarqué qu'au milieu de 
l'hiver, sur les branches d’un taillis touffu assez élevé. C'était 
un enfant qui l'avait recueilli. Il me sembla que l'ouverture 
était la partie inférieure , tandis que Réaumur l'a représentée 
comme la supérieure. Du reste les figures sont extrêmement 


exactes. 


2° Gevre. POLISTES. — POLISTES. 


Svnoxvmie. Guépe Réaum., Degéer. — Vespa Linn., 
Oliv.— Polistes Latr., Fab., Serv. et Saint-Farg. Encyc. 


Caractères, Première dent des mandibules fort rappro- 


DES HYMÉNOPTÈRES. 519 


chée des autres , courte , obtuse : les trois autres égales entre 
elles et également espacées. 

Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire 4 
l'angle portant une petite dent. 

Abdomen sans pédicule distinct; son premier segment se 
dilatant en cloche dès sa base, uu peu rétréci à sa jonction 
avec le second. 

Pattes assez fortes; jambes courtes ; tarses beaucoup plus 
longs que les jambes. 

Radiale ne s’avancant pas beaucoup plus près du bout de 
l'aile que la troisième cubitale. 

Deuxième cubitale rétrécie vers la radiale, sans s’y termi- 
ner en pointe, assez dilatée vers le disque. 

Troisième cubitale presque carrée. 

Voyez l'histoire des Polistides. 


Espèces du genre Polistès. 
1. PoLisTÈs ORIENTALE. — Polistes orientalis , PV, %. 


Tota fusco-ferruginea. Caput , thoraxque suprà sub- 
tusque punctata ; hujus humeris punctato-substrialis , 
metathorace transverse striato. Abdomen læve, glauco 
submicans. Alæ violaceo-nigræ. 


Entièrement d’un brun ferrugineux. Tête fortement ponc- 
tuée , ainsi que le dos et le dessous du corselet ; les épaulettes 
de celui-ci portant des stries ponctuées ; métathorax garni de 
stries transversales sans points. Abdomen lisse, assez luisant , 
avec un léger reflet glauque. Ailes noires, surtout. les supé- 
rieures , à reflet violet. Femelle féconde (1). Long. 17 lg. 
Corps gros. 


De la Chine. Musée de M. Serville. 


(1) Cen'est que d'après la taille que j'indique ici les modifications 
des sexes, les femelles fécondes étant presque toujours plus grandes 
que les ouvrières. On doit dons ne regarder cette désignation que 
comme probable, puisque, même quand les individus me parais sen 


520 HISTOIRE NATURELLE 


2. PouisTès REMBaUNIE. — Polistes infuscata, V, %. 


Fusco-ferruginea : antennæ fusco.ferrugineæ , articu- 
lis primo, secundo terticque et extremis testaceïs : capitis 
posticä parte verticeque circa stemmata luteo-testaceis : 
thorax opacus, metalthorace transverse striato. Abdomen 
læve, glauco submicans , pcdesque ferruginea , atminus 

Jusca. Al«æ rufo-nigricantes, anticis à basi ultrà medium 
Juscioribus, violaceo sub nitentes. 


D'un brun ferrngineux : antennes de cette même couleur ; 
leurs premier, sccond ct troisième articles de la base, et le 
bout, plus clairs, d’un jaune testacé. Derrière de la tête d'un 
janne testacé, ainsi que la partie du vertex sur les côtés des 
ocell-s. Corselet opaque ; métathorax strié transversalement. 
Abdomen lisse, assez [uisant, avec un léger reflet glauque, 
d’un ferrugineux moivs brun que le corselet. Pattes de la cou- 
leur de l'abdomen. Ailes d’un roux noirâtre ; les antérieures 
plus foncées à partir de la base jusque passé le milieu, ayant 
un faible reflet violet. Ouvrière. Long. 14 lig. 

De Cayenne; Amérique méridionale, Musée de M. Ser- 
ville. 


3. PouisTÈs uxicoLore. — Polistes unicolor, F, %. 


Tota subfusco-ferruginea, antennarum medio nigro : 
thorace tmpunctato, metathorace transverse substriato. 
Alæ ferrugineo fuscæ. 


Entièrement d’un brun ferrugineux et partout d’une teinte 
uniforme. Corselet sans ponctuation distincte ; métathorax 


grands, il peut y en avoir de plus grands. Qnand il plaira aux 
entomologistes voyageurs de nous apporter des espèces entières, ce 
qui, jen conviens, n’est pas toujours facile, la science fera de 
grands progrès. 


DYS HYMÉNOPTERES. bar 


à stries tranversales fines. Ailes d’un brun ferrugineux , plus 
foncé vers la base. Milieu des antennes noir. Ouvrière. Long. 
12 à 13 lig. 
Un des individus que j'ai sous les yeux, porte sous son cin- 
quième segment la dépouille de la nymphe d'un Rhipiptére. 
Cayenne. Musée de M. Serville. Rapporté par le docteur 


Doumerc, 


4° PouisrÈs 8IcOLORE. — Polistes bicolor, F7, %. 
Nigra , metathorace tenuè striato, abdomine ferrugi- 
neo. Alcæ subliyulinæ , rufo-subfuscescentes, ad costam 


fuscæ. # 


Tête , .antennes, corselet et pattes noirs ; tête ct corselet 
sans ponclualion distincte ; mélathorax très - finement et peu 
distinctement strié. Abdomen entièrement ferrugineux. Ailes 
d'un roux brun et peu transparentes, entièrement brunes le 
long de la côte. Ouvrière Long. ir{lig. 


Cayenne. Musée de M. Scrville. 


bo PoLisTÈs FAGE-JAUXE. — Polistes chlorosioma, V, %. 


Caput luteum, mandibulis verticeque ferrugineis ; 
antennis ferrugincis, à medio terti articuli ad ultimum 
pallescentibus. Thorax ferrugineus, macul& sub alis 
utrinque luted, prothoracis et humerorum margine pal- 
lido : metathorace transverse striato. Abdomen ferrugi- 
neum, segmentorurm margine poslico pallidiore. Peudes 
Jferruginei, tarsis posticis palliuioribus. Alæ rufo-fuscæ. 


Tête janne , les mandibules et toute la partie au-dessus des 
yeux et des ocelles , ferrugmeuses. Antennes ferrugineuses , 
cette couleur allant en diminuant d'intensité à partir du mulieu 
du troisième article jusqu’au dernier. Corselet ferrugineux , 
une tache jaune de chaque côté sous l'insertion des ailes; bord 
postérieur du prothorax et des épaulettes d’un jaune ferrugi- 


522 HISTOIRE NATURELLE 


neux : métathorax strié transversalement. Abdomen ferrugi- 
neux ; bord postérieur des segmens d’un jaune ferrugineux ; ce 
bord beaucoup plus large dans les derniers segmens que dans 
les deux premiers. Pattes ferrugineuses , les trois derniers ar- 
ticles des tarses des deux paires de pattes postérieures, Jaunes. 
Ailes d’un brun roussâtre. Ouvrière. Long. 15 lig. 

Cayenne. Musée de M. Serville. 


6. PouistTÈs À cEINTURE. — Polistes cincta, VF, %. 


Ferruginea; metathorace leviter transverse striato : 
primi abdominis segmenti parte inferd tarsisque luteis ; 
antennarum medio nigro. “ 


Ferrugineuse : métathorax légèrement strié transversale- 
ment : milieu des antennes noir, Partie postérieure du premier 
segment de l’abdomen et tarses jaunes. Ouvrière Long. 12 lig. 


Ile de la Martinique. Musée de M. Serville. 


7. PouisTès anNULAIRE. — Polistes annularis Fab. Piez. 
p. 270, n° 3. 


Sy. Vespa annularis Linn. Syst. Nat. 2, 050, n° 9. De- 
géer. Ins. tom. III , p. 583, n° 7, tab. 29, fig. 11. 

Caput ferrugineum , fronte nigricante : antennæ fer- 
ruginecæ, tn medio nioræ. Thorax ferrugineus , dorso 
subfusco. Abdomen nigricans , primi segmenti ferruginei 
margine postico luteo, secundi nigricantis macul& utrin- 
que ferrugined. Pedes ferruginei, posteriorum quatuor 
Jemorum apice, tibiarum basi tarsisque luteis. Alæ ni- 
gricantes. 


Tête ferrugineuse , front noirâtre surtout vers les ocelles. 
Antennes ferrugineuses , quelques articles de leur milieu noirs. 
Abdomen : le premier segment ferrugineux , son bord posté- 
rieur, assez étroit , jauue ; les autres segmens noirâtres ; les 
côtés du deuxième portant une tache irrégulière ferrugineuse. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 523 


Pattes de cette dernière couleur ; extrémité des cuisses des deux 
paires postérieures, base de leurs jambes et leurs tarses, de cou- 
leur jaune. Ouvrière. Long. 14 Lg. 

Amérique septentrionale , Pensylvanie, selon Fabricius et 
Degéer. Musée de M. Serville. 

Nota. Je pense que l’on peut aussi rapporter à cette même 
espèce la Polisiès fuscata Fab. Piez. p. 270, n°4. 


«+ 8. PoxisTÈs ROUGEATRE. Polistes rubida, VF, %. 


Tota fusco-ferruginea , antennarum medio nigro : alis 
nigricantibus. 


Entiérement d’un brun ferrugmeux uniforme , l’abdomen 
seul un peu luisant, soyeux ; milieu des antennes noir. Ailes 
d’un noirâtre foncé. A/dle. Long. 13 lig. 

Cap de Bonne-Espérance; Afrique méridionale. Musée de 


M. Serville. 


9+ Pouisrès variée. — Polistes variegata, VF, %. 


Caput luteo-subferrugineum , stemmatum regione fer- 
rugined : antennu: ferrugineæ, apice subnigricantes. T'ho- 
rax luteo- ferrugineus, lineis tribus dorsalibus suibobso- 
letis ferrugineis. Abdominis segmentum primum ferrugi- 
neum, margine poslico late luteo ; secundum luteum 
macul& dorsali repandd ferrugined; cæteris nigris, 
margine poslico tenuiore luteo. Pedes ferruginei. Alæ 


J'erruginecæ. 
LE 


Tête d’un jaune tirant un peu au ferrugineux : région des 
ocelles de cette dernière couleur. Antennes ferrugineuses , un 
peu brunes vers le bout. Corselet d’un jaune ferrugineux , por- 
tant sur le dos trois bandes ferrugineuses peu distinctes. Pre- 
mier segment de l'abdomen ferrugineux ; son bord postérieur 
assez large, de couleur jaune : le deuxième jaune , avec une 
tache dorsale ferrugineuse mal terminée ; les autres noirs avec 


52.4 HISTOIRE NATURELLE 


le bord postérieur extrêmement mince de couleur jaune. Pattes 
ferrugineuses. Aïles de cette même couleur. Male. Long. 
13 lig. 

Cayenne. Musée de M. Serville. 


10. PoLisTÈs ROUILLÉE. — Poelistes rubiginosa, F, %. 


Caput rubiginosum , stemmatum regione nigré : an- 
o D o 
tennæ subtüus et apice rubizinosæ , suprà nigro lineateæ. 
o 
Thorax rubivinosus, metuthorace transv rsè striato, striis 
tenuibus. Abdomen ferrugineum, r:f0o sublomentosum. 
« Oo « 
Pedes ferruginei. Alæ nigricantes, violaceo sub-nitentes. 


Tête d’un ferrugineux rougeâtre : région des ocelles nox4- 
tre, dessous des antennes et leur petit hont d'un ferragineux 
rougeâtre , une ligne noire sur le dessus depuis la base, presque 
jusqu’au bout. Corselet d’un ferrugineux rougeâtre : métatho- 
rax strié transversalement ; ses stries très fines. Abdomen fer- 
rugineux, couvert d’un duvet irès -court de couleur rousse, 
Pattes ferrugineuses. Ailes unifcrmément d'un brun noirâtre 
avec un reflet violacé. A/ale. Long. 12 lig. 

Amérique septentrionale, Philadelphie, Musée de M. Ser- 
ville. 


11, PoLisTÈs cHARGÉE. — Polistes onerata, VF, %. 


Caput luteum , vertice nigro , mandibulis rubiginosis : 
antennæ rubiginosæ, à basi fere usque ad medium, nigro 
supra lineatæ. Thorax luteo-ferrugineus , dorso sterno- 
que nigricanti - ferrugineis : melathcracis line& medid 
perpendiculari nigricanie. Abdomen luteo-ferrugineum , 
primi secundique segmentorum basi fuscè ferrugined. 
Pedes luteo-ferruginei. Alæ ferrugineo-subhyaline. 


Tête jaunâtre ; verlex noirâtre; mandibules couleur de 
rouille : antennes de cette dernière couleur , portant en dessus 
une ligne noire à partir de la base presque jusqu’au milieu. 


LES HYMÉNOPBTÈRES, 525 


Corselet d’un jaune ferrugineux, le dos et la poitrine d'un 

ferrugineux noirâtre : métathorax portant dans son milieu une 

ligne perpendiculaire de cette même couleur. Abdomen d’un 

jaune ferrugineux , base des deux premiers segmens d’un brun 

ferrugineux. Pattes d’un jaune ferrugincux. Ailes ferrugi- 

neuses, mais un peu transparentes, A/ale. Long. 13 Lg. 
Patrie inconnue. Musée de M. Serville. 


12, PoxisrÈs négraïque. — Polistes hebræa Fab. Piez, 
D 2706 n° 21. 


Flavo ferrugineoque varia : thorace ferrugineo obsoletè 
trilineato : abdominis segmenltis, primo rectà transver,eè 
Jerrugineo in medio fuscialo, cæterorum fasciis ferrugt- 
neis supra infraque flrxuosis: his fasciis abdominalibus 
tenuibus, linearibus : pedibus luteo - ferruginets. Alæ 


Jusco-ferruginecæ. 


Corps d'un jaune ferrugineux , mélé de nuances purement 
ferrugineuses : dessus du premier article des antennes portant 
souvent vers son extrémité une petite ligne d'un brun ferragi- 
neux : dos du corselet portant quelquefois trois lignes longitudi- 
nales ferrugincuses . celle du milieu la plus distincte : épaulettes 
quelquefois bordées de jaune plus clair : métathorax strié trans- 
versalement, portant trois lignes perpendiculaires ferrugineusces. 
Segmens de l'abdomen portant chacun une bande étroite, 
linéaire, ferrugineuse; celle du premier transversale , droite; 
celles des autres segmens fortement contournées vers le haut 
et vers le bas : quelquefois la base de chaque segment jusqu'à 
la fascie d’un brun ferrugineux. Pattes d'un jaune ferrugineux, 
Ailes brunes, ferrugineuses. Ouvrière. Long. 12 à 13 lig. 


Nota, Fabricius Ent. Syst. tom I], p. 274, no 74, décrit les 
antennes sans lache, et donne la couleur noire comme celle des 
bandes abdominales. Il est possible qu'il soit ainsi dans quel- 
ques individus. Ce sont ces bandes fortement contournées vers 
le haut et le bas qui sont le véritable caractère de cette espèce, 


526 HISTOIRE KATURELLE 


dont les parties du corps varient singulièrement pour Jers cou- 
leurs locales. r'i4 


Inde, selon Fabricius :.île de France. Musée de M. Serville. 


13. PozistÈs nE Cusa. — Polistes Cuberses + AE 4 


Antennæ articulis duobus primis nigricantibus, cæ- 
teris fulvis, mediis suprà nigris. Caput flavum , vertice 
latè ad stemmata lincäéque irregulari subantennis ni- 
gricantibus. Thorax fusco-ferrugineus, dorsi lined ge- 
mind, humerorum margine lato anticè cocunte, macu- 
läque sub alis, fulvis : scutelli postscutellique fascid et 
metathoracis maculé utrinque bilobä , ejusdem coloris. 
Abdomen fusco-ferrugineum , segmentorum margine in- 
Jfero flavo, ad latera aucto. Pedes lutei, femorum basi 
tibiarumque duarum posticarum apice, nigris. Alæ J'usco- 
Jerrugineæ, violaceo nitentes. 


Antennes d’un jaune ferrugineux , les deux premiers articles 
d’un noirâtre ferrugineux , ainsi que le dessus de quelques-uns 
dans le milieu. Tête d’un jaune ferrugineux, la région des 

J 5 > 8 

ocelles et une ligne irrégulière sous les antennes d'un noirâtre 
ferrngineux. Corselet d’un brun ferrugineux ; deux lignes lon- 
gitudinales sur le dos, les bords des épaulettes et du prothorax, 
et une tache sous les ailes, d’un jaune ferrugineux ; ainsi qu’une 
Ligne sur l’écusson, une sur le post -écusson, et de chaque côté 
Ce) ? P ’ 
du métathorax une tache échancrée et comme bilobée dans le 
haut. Abdomen d’un brun ferrugineux , avec le bord inférieur 
tel 2 
des seomens d’un jaune ferrusineux ; ce bord se prolongeant 
J s ; 
en remontant sur les côtés. Pattes jaunes, la base des cuisses 
noire , ainsi que le dessus du bout des deux jambes postérieures. 
Ailes d un brun ferrugineux avec un reflet violet. Ouvrikre. 
Long. 10 lig. 


Amérique Nil île de Cuba. Musée de M. Serville, 


DES HYMÉNOPTÈRES. 527 


14. Porisrès Française. —Polistes gallica Fab. Piez. p.271, 
n° 8. — Panz. Faun. Germ. 49, fig. 22, — Serv. et Saint- 
Farg. Encycl. tom, X, p. 192, n° 6. 


Caput nigrum , clypeo, macul& sub oculis, ali& utrin- 
que in facie ponè oculos,oculorum orbitcæ posterioris parte 
et suprà antennas lined undulat& luteis : antennis luteis, 
articulis primo , secundo tertioque suprà nigro lineatis. 
Thorax niger, luteo lineatus maculatusque. Abdomen ni- 
grum , segmentis margine luteis, secundo in parte nigré 
luteo maculato. Pedes luter, coxis et femorum basi lat& 
nigris. Alæ subhyalinæ , subfusco-ferrugineæ. 


Tête noire ; chaperon , une tache sous les yeux, une autre 
sur la face de chaque côté près des yeux , une partie de l'orbite 
postérieure des yeux, et'une ligne ondulée sur le front au-des- 
sus des antennes, de couleur jaune. Antennes jaunes, les trois 
articles de la base portant en dessus une ligne noire. Corselet 
noir , taché et rayé de jaune. Abdomen noir , le bord inférieur 
de tous les segmens jaune, séparé de la partie noire par une 
ligne ondulée, Pattes jaunes ; les hanches et les deux tiers 
des cuisses noirs. Ailes d’un brun ferrugineux , cependant assez 
transparentes. Femelle. Long. 10 lis. 

Ouvrière , entièrement pareille. Taille un peu plus petite, 

le. Pattes jaunes : hanches et cuisses noires en dessus. 
Le reste comme dans la femelle, le sixième segment abdominal 
comme les précédens. Long, 10 lig. 

Commune en France. 


15. Pouistès ne Grorrroy, — Polisies Geoffroyi Sérv. et 
Sant-Farg. Encycl. tom. X,p. 173, n° 9. — Geoffr: Ins. 
Par. tom. IL, p. 374, n° 5. La femelle seule décrite. 


Caput nigrum , clypeo luteo, nigro maculato ; maculé 
sub oculis, alid utrinque in facie ponè oculos, oculorum 
orbitæ posterioris parte et suprà antennas line4 undu- 


528 HISTOIKE NATURELLE 


latä, luteis : antennis luteis rufisve, articulis omnibus in 
utroque sexu suprà nigro lineatis. Thorax niger, luteo 
lineatus maculatusque. Abdomen nigrum , segmentis mar- 
gtne tenut luteis, secundo in parte nigrä luteo maculato. 
Pedes lutei; coxis et femorum basi lat& nigris. Alæ hya- 
linæ, subferrugineo-fuscæ. ; 


Tête noire : chaperon jaune avec une tache noire ; une ligné 
frontale , base des mandibules, une tache avant cette base , une 
autre au bord interne des yeux et une troisième derrière eux, de 
couleur jaune. Antennes d’un jaune fauve, noires en dessus 
dans les deux sexes. Corselet noir ; son bord antérieur , le bord 
supérieur des épaulettes, écailles des ailes, une tache sous 
chaque écaille, deux autres sur l’écusson, deux sur le pust- 
écusson et deux lignes longitudinales ainsi que deux points laté- 
raux sur le métathorax , de couleur jaune. Abdomen noir , tous 
ses segmens bordés d'une ligne jauue transversale, ondulée anté- 
rieurement ; le second senleinent portant en outre un point jaune 
latéral sur la partie noise. Pattes jaunes : hanches noires ; 
cuisses aussi noires , avec le bout jaune. Ailes un peu fauves. 
Femelle. Long. 11 lg. . 
| Ouvrière. Semblable à la femelle féccnde. 

Le mäle a tout le front et les mandibules , à l'exception de 
l'extrémité, jaunes. Sun corselet a la poitrine el plusieurs taches 
latérales de cette couleur. Le premier segment de l'abdomen a 
un point jaune latéral. Les palies sont jauues, avec les hanches 
et les cuisses rayées de noir en dessus. 

Assez commune en {'rance, Musée de M. Serville et le 
mien. 


16. PorisTÈs DIADÈME. — Polistes d'adema Tatr. Dict. 
d'Hist. Nat. Serv. et Saint-Farg. Encycl. tom, X, p. 173, 
n°7, F. 


Caput nigrum ; clypeo nigro, luteo bilineato; line su- 
perä subiüs crenatd, lined aliä in fronte et maculis 
tribus, luteis. Antenñæ luteo-rufcæ, suprà nigro lineatæ. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 520 


ce 


T'horax niver, luteo lineatus maculatusque. Abdomen 
nigrum , seginentis MArotre luteis , primo secundoque in 
parte nigré luteo maculutis. Pedes lutei, coxis femorum- 
que basi nigris. Alæ hyalinæ, subferrugineo-fusceæ. 


Tête noire : chaperon ayant deux lignes jaunes, la supé- 
rieure crenelée en dessous ; une autre ligne jaune sur le front, 
trois taches de même couleur , l’une avant la base des man- 
dibules , une autre au bord interne des yeux et la troisième 
derrière eux. Antennes fauves, noires en dessus ; le premier 
artiele jaune en dessous. Corselet noir ; son bord antérieur , le 
bord supérieur des épaulettes , celui de l’écaille des ailes , une 
tache sous cette écalle , deux autres sur l’écusson , deux sur le 
post-écusson , deux lignes longitudinales, ainsi que deux points 
latéraux sur le métathorax , de couleur jaune. Abdomen noir : 
tous les segmens bordés d’une ligne jaune transversale , ondulée 
antérieurement ; les deux premiers portant en outre sur la partie 
noire, de chaque côté, un petit point jaune. Pattes jaunes ; han- 
ches noires , cuisses noires, celles ci jaunes à l'extrémité. Fe- 
melle. Long. 11 lig. 

Ouvrière. Semblable à la femelle féconde. Un peu plus 
petite et surtout plus mince de l’abdonen. 

Blale. Derniers articles des antennes entièrement jaunes. 
Paites jaunes ; hanches et cuisses noires, seulement en dessus. 
Sixième segment abdominal semblable aux précédens. Le reste 
comme dans la femelle. 


Commune aux environs de Paris. Musée de M. Serville et 


. le mien. 


17. PoLisTÈs TÉNÉBREUSE, — Polistes tenebricosa De Haan, 


F, %. 


Caput nigrum; clypeo, oculorumque orbit& et emar- 
ginaturé ferrugineis; antennis supra nigris, subtùs fer- 
ruginers. Thorax niger ; humeris, alurum squamd u 
scutello, postscutello, metathoracisque profundè trans- 
verse striali dorso, ferrugineis. Abdomen ferrugineum . 


WYMÉNOPTÈRES, TOME I. 34 


530 HISTOIRE NATURELLE 


segmentis terlio quartoque nigris. Pedes ferruginei. Alæ, 
præsertim ad basim, rufo-fusciores. 


Tête noire ; chaperon, orbite des yeux et leur échancrure 
ferrugineux : antennes noires en dessus , ferruginense en des- 
sous. Corselet noir; épaulette, écaille de l’aile et les environs, 
écusson et post-écusson ferrugineux , ainsi que le dos du mé- 
tathorax , qui est profondément strié transversalement. Abdo- 
men ferrugineux ; les bords du dos à la partie postérieure du 
premier segment et ceux de la partie antérieure du deuxième 
un peu bruns; les troisième et quatrième segmens noirs. Pattes 
ferrugineuses. Ailes d’un brun roussâtre, plus brunes vers la 
base. Ouvrière. Long. 9 lig. 

Ile de Java, Asie méridionale. Musée de M. Serville. 
Donnée sous le nom d'Æpipona tenebricosa par M. De Haan. 


18. PoListÈs PALLIPÈDE. — Polistes pallipes, F, *%. 


Caput nigrum ; mandibulis, clypei apice et basi latä, 
oculorum orbit& anticä et Jasciä post-oculos, ferruginvis : 
antennæ supra nigræ, subis J errugineæ. Thorax niger, 
p'othoruce humerisque luteo malginalis , alarium squamd 
Jerrugined. Abdomen fuscè ferrugineum, subnigricans, 
rufo submicans, segment primi marzine postico toto, 
secundi strigä marginuli in dorso brevi tenuique , lutets. 
Pedes ferruginet, Jemoribus nigro maculatis, genubus 
tarsisque pallide luteis. Alæ Jusciores, violuceo - ni- 
tentes, 


Tête noire : mandibules, bout antérieur du chaperon et 
une large purtion de sa base, orbte antérieure des yeux et 
leur échancrure ; et derrière les yeux, sur les côtés de la tête, 
une bande longitudiuale, de couleur ferrugineuse. Antennes 
noires en dessus , lerrugineuses en dessous. Corselet noir : 
bord postérieur du prothorax et des épaulettes jaune päle : 
écaille des ailes ferrugiueuse. Abdoruen noirätre, uno peu ler 
rugineux , avec uu reflet un peu roux, occasioné par un duvet 
très-court de cette couleur : bord postérieur entier du premier 


DES HYMÉNOPTÈRES. 53: 


segment jaune pâle , une petite ligne courte très-mince de cette 
couleur sur le bord dorsal postérieur du second. Pattes d’un fer- 
rugineux assez clair ; les cuisses portant une tache noire irré- 
gulière ; genoux et tarses d’un jaune pâle. Ailes fort brunes, 
avec un reflet violet. Ouvrière. Long. 10 lig. 

Amérique septentrionale. Musée de M. Serville. 


19. PoLisTÈs oRNÉE. — Polisites ornata, F. 


Polisies marginalis ? Fab. Piez. p. 270, n° 17. 

Caput ferrugineum, vertice ad stemmata lat nigra : 
antennæ ferrugineæ. Thorax, prothorace ferrugineo , 
dorso et subis nigro, metathoracis fuscè ferruginei li- 
neis duabus longitudinalibus luteo-allidis. Abdomen 
ferrugineum , segmenti primi nigrt, secundique et terlit 
margine postico luteo-albido. Pedes Jerruginet. Alc fer- 
rugineo-hyalinæ. 


Tête ferrugineuse, une large tache noire au vertex autour 
des ocelles. Antennes ferrugineuses. Corselet : prothorax fer- 
rugineux ; dessous et dos noir; métathorax d’un brun ferrugi= 
neux, portant deux lignes longitudinales d’un blanc jaunûtre- 
Abdomen ; son premier segment noir , avec le bord postérieur 
d’un blanc jaunâtre ; les autres seymens tous ferrugineux : les 
second et troisième bordés postérieurement de blanc jaunâtre. 
Pattes ferrugineuses. Ailes transparentes , d’un roux ferru- 
gineux. Ouvrivre. Long 3 lis. 

Cap de Bonne-Espérance, Afrique méridionale. Musée de 
M. Serville. 

Cette Polistès a tant de ressemblance avec la Polistes mar- 
ginalis Fab. ut supra , que je serais tenté de la prendre pour 
elle. Dans la description, ( Ent. Syst. t. 2, p. 264 , n° 42),on 
trouve des fautes évidentes : le premier segment y est dit ferru- 
giveux, tandis qu'il est noir dans la phrase spécifique : dans 
celle-ci le troisième est dit être noir, pourquoi ne serait-il pas 
ferrugineux dans la nature ? L’écusson est noir dans la nôtre. 


34. 


Lu 


532 HISTOIRE NATURELLE 


x 


20. PorisTÈs pe Poe. — Polistes Poeyi, F, *%. 


Caput rufo-ferrugineum, orbitis oculorum posticis 
mandibulisque subluteolis, facie omni pilis brevissimis 
albo-argenteis subsericed : antennœ ferrugineæ , articulis 
intermediis supra nigricantibus. Thorax rufo- ferrugi- 
neus, prothorace humerisque luteolo marginatis; maculé 
sub alis, alarum squamd , scutelli margine antico , post- 
scutello , metathorarisque maculis duabus magnis, luteo- 
lis. Abdomen ferrugineum, sesmenti primi margine in- 
J'ero et lateribus late luteolis, secundi, tertii quartique 
margine infero intùs sinualo luteolo. Pedes ferrugineo 
luteoque mixti. Alæ hyalinæ, subrufescentes, nervuris 


rufis. 4 


Tête d’un ferrugineux pâle , orbite postérieure des yeux et 
mandibules d'un jaune pâle , face entièrement couverte de poils 
soyeux très-courts , d'un blanc argentin. Antennes ferrugineu- 
ses, les articles intermédiaires noirâtres en dessus. Corselet 
d’un roux ferrugineux ; prothorax et épaulettes bordés de jaune 
pâle : une lache sous les ailes, l’écaille de celles ci, bord au- 
térieur du corselet et post-écusson entier, de couleur jaune 
pâle , ainsi que deux grandes taches sur le métathorax Abdo- 
men ferrugineux ; le bord postérieur et les côtés du premier 
segment de couleur jaune, ainsi que le bord postérieur des 
deuxième, troisième et quatrième; le bord inférieur de la 
partie jaune de ces trois derniers est ondulé. Pattes mélées et 
nuancées de jaune et de ferrugineux. Ailes transparentes, un 
peu rousses , nervures rousses. 


lle de Cuba, Amérique méridionale. Musée de M. Ser- 
ville. Envoyée par M. Poey. 


4 .: 


DES. HYMÉNOPTÈRES. 533 


3° Genre. POLYBIA. — POLFBIA (à). 


Syn. Polistes Fab., Latr. , Serv. et Saint-larg. Encycl.— 
Vespa Oliv. Degéer. 


Caractères. Première dent des mandibules fort rappro- 
chée des autres, courte , obtuse ; les trois autres égales entre 
elles et également espacées. 

Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire ; 
l'angle portant une petite dent. 

Abdomen pédiculé : ce pédicule court, à peine composé 
du tiers du premier segment, lequel est en massue, à peine 
tuberculé latéralement; deuxième segment un peu rétréci à 
sa base et s'élargissant ensuite en cloche. 

Pattes assez fortes et courtes. 

Radiale s’avançant plus près du bout de laile que la troi- 
sième cubitale. 

Deuxième cubitale rétrécie vers la radiale, mais ayant 
encore un pelit côté commun avec elle; étroite et peu dila- 
tée vers le disque. 

Troisième cubitale carrée. 

Ce genre étant entièrement exotique, nous n’avons à ajou- 
ter aucune particularité à son histoire. 


Espèces du genre Polybia. 


1. PoLysiA LILIACÉE. — Polybia liliacea, V. 


Polisies liliacea Fab. Piez. p. 271, n° 10. : 

Caput et antennæ nigræ, facie subsericeo-argented. 
Thorax niger, dorsi limbo exteriori toto, lineisque dua- 
bus anticè abbreviatis, post'cè coeuntihus, scutello post- 
scutelloque luteolis : metathoracis linets duabus longitu- 


Se 


* 


(1) Vivant plusieurs ensemble. 


534 HISTOIRE NATURELLE 


dinalibus luteolis ; pleuris sericeo - argenteis. Abdomen 
nigrum , segmentorum margine infero luteolo. Pedes 
nigri, tarsis subis ferrusineis. Alæ subhyalinæ, ad 
costam fuscæ. 


Tête et antennes noires ; face garnie d’un duvet soyeux ar- 
genté, surtout sur les côtés. Corselet noir ; bord du prothorax 
d’&n jaune pâle, et une ligne latérale le long de l’insertion des 
ailes, encadrant le dos, qui porte deux lignes d’un jaune pâle ; ces 
lignes n’aboutissent pas tout-à-fait au prothorax, et se réunissent 
avant d'arriver à l'écusson qu’élles attéignent. Celui-ci d'un 
jauné pâle , ainsi qué le post-écusson. Cette couleur est encore 
ééllé di bord inférienr dés cinq scgmens de l’abdomen. Le 
bord inférieur de cette bordure droit, sans sinuosité : elle 
se prolonge en dessous de chacun d'eux , excepté pour le pre- 
mier segment Pattes noires; dessous des tarses garni de poils 
férrugineux. Ailes asséz transparentes , fort brunes le long de 
la côte. Ouvrière. Long. 8 lig. 


Amérique méridionale , Cayenne. Musée de M. Serville. 
2. Porygra FAsCIÉE. — Polybia fasciata, F. 


Polistes fasciata, Serv. et Saint-Farg. Encycl. tom X, 
p: 172, n° 4° 

Polistes fulvo fasciata Latr. Gen. Crust. et Ins. tom. IV, 
p. 142. 

Vespa fasciata Oliv. Encyc. tom. VI, p. 676, n° 35. 

Vespa fulvo fasciata Vegéer, Mém. Ins. tom. IIT, 
p. 581,n04, PLl.29,fig. 8. 

: Réaum. Mém. Ins, tom. VI, PL 14, fig. 8? 

Caput luteo-ferrugineum , vertice latè nigro : antennæ 
ferrugineæ, articulo primo suprà nigro sublineato. Tho- 
rax luteus, humerorum utrinque macul& parvä nigré, 
dorsi lineis tribus nigris; metathoracis lined longitudi- 
nali medid et maculé utrinque laterali fuscè ferrugt- 
meis. Abdomen ferrugineum, segmentorum omnium , 


.. cdftite nn. one dcr ddr hd 


DES HYMÉNOPTÈRES. 535 


margine infero, secundique basi luteolis. Pedes ferru- 
ginei. Alæ rufo-hyalinæ, nervuris rufo-fer rugineis. 


Tête d’un jaune ferrugineux ; vertex noir, cette couleur s’é- 
tendant assez loin derrière les yeux. Antennes ferrugineuses , 
le premier article ayant un peu de noir en dessus Corselet 
jaune ; prothorax quelquefois un peu taché de noir en devant : 
une tache noire de chaque côié sur les épauleites : trois lignes 
de cette couleur sur le dos : milieu de l'écusson ferrugiueux : 
métathorax portant dans son milieu une ligne, et de chaque 
côté une tache d’un brun ferrugineux. Abdomen ferrugineux ; 
bord postérieur de tous les segmens et base du second d’un 
jaune päle. Pattes ferrugineuses. Ailes transparentes, un peu 
rousses ; les nervures d’un roux ferrugineux. Ouvriere. Long. 
7 lig. 

Amérique méridionale, Cayenne, Musée de M. Serville. 


Apportée par M. Richard. 


4 Genre. AGELAIA. — AGELAIA (1). 


Caractères. Première dent des mandibules fort rappro- 
chée des autres, très-courte, obtuse; les trois autres égales 
entre elles et également éspacées. 


Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire, 
obtus. 

Abdomen pédiculé : ce pédicule composé du premier seg- 
ment entier, lequel est presque conique, unituberculé laté- 


ralement; deuxième ségment faiblement rétréci à sa base, 
s'élargissant ensuite en cloche. 


Pattes moyennes; tarses assez longs. 
Radiale s’avançant considérablement plus près du bout de 
l'aile que la troisième cubitale. 


Seconde cubitale à peine rétrécie vers la radiale, peu dila- 
tée vers le disque. 


(1) Vivant en societe. 


536 HISTOIRE NATURELLE 
Troisième cubitale presque carrée. 
Les voyageurs ne nous ont rien fait connaître de l’histoire 
’ L U * 1 21 = s. * 
de l'espèce que nous rapportons à ce genre. 


» 


Espèce du genre Agelaia. 
1. AGELAïÏA FUSCICORNE. — Agelaia fuscicornis, F, *%. 


Caput luteolo-ferrugineum. Antenn® ftrrugineæ , su- 
Prà, tribus primis articulis exceptis, nigr'cantes. Thorax 


ferrugineus, luteolo mixtus, lined  dorsali fusco:ferru- 


gincd. Abdomen nigricans, segmento primo secundique 
basi latä, ferrugined. Pedes ferruginei. Alæ subhyalinæ, 
Jerrigineeæ. 


Tête ferrugineuse , un peu nuancée de jaune pâle. Antennes 
ferrugineuses, dessus des articles noirâtre, excepté celui des 
trois premiers. Corselet ferrugineux, muancé de jaune pâle, 
portant une ligne dorsale d’un brun ferrugineux. Abdomen 
noirâtre , excepté le premier segment et la base du second jus- 
qu'aux deux tiers, qui sont ferrugineux. Pattes ferrugineuses. 
Ailes demi-transparentes, ferrugineuses. Ouvrière. Long. 10 lig. 

Patrie inconnue. Musée de M. Serville. 


5e Gexre. APOICA, — APOICA (à). 


Caractères. Première dent des mandibules indistincte ; 
les trois autres éga'es entre elles, également espacées. 

Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire, 
obtus. 

Abdomen pédiculé, long , un peu déprimé : ce pédicule 
composé de pius de la moitié du premier segment, lequel 
la forme d'une massue, et est unituberculé latéralement ; 
deuxième segment commencant dès sa base à s’élargir. 


2 Te 


(1) Colonie, peuplade. 


DES HYMÉNOPTÈRES. 537 

Pattes grêles ; tarses longs. 

Radiale ne s'avançant pas beaucoup plus près du bout de 
l'aile que la troisième cubitale. 

Deuxième cubitale rétrécie vers la radiale, maïs ayant un 
côté commun avec elle, assez dilatée vers le disque. 

Troisième cubitale carr e. 

Ce genre exotique n’a point été observé dans ses habitudes. 


Espèces du genre Apoica. 
1. APoïcA LINÉOLÉE. — Apoica lineolata, V. >%. 


Caput ferrugineum, mandibularum bas et orbitä ocu- 
lorum posticä pallidis : antennæ, basi fusco-ferrugineæ, 
in medio, suprà præseriim, nigricantes, apice luteolæ. 
Thorax jusco-ferrugineus ; humerorum maculé, alid 
sub alis, dorsi lineolä duplici brevi, scutello, postscutello, 
ec melathoracis maculd duplici, pallidis. Abdomen fer- 
rugineum, primi segmenti margine postico suprà pallido. 
Pedes ferruginei. Alæ hyalinæ, cellulé primé brachiali 
omnino fusco-ferrugined. 


Tête ferrugineuse; base des mandibules pâle, ( peut-être 
jaune dans l’Insecte vivant), l'autre portion garnie d'un duvet 
court d'un blanc argentin : orbite postérieure des yeux bordée 
d’une ligne pâle qui se continue derrière les ocelles. Antennes 
d’un brun ferrugineux à leur base; leur bout d’un jaune pâle ; 
les articles intermédiaires noirâtres , surtout en dessus. Corse- 
let d'un brun ferrugineux : une tache aux épaulettes, une 
autre sous les ailes, une double ligne courte sur la partie in- 
férieure du dos, écusson, post écusson et deux grandes taches 
sur le métathorax, de couleur pâle Abdomen ferrusineux , dos 
du premier segment, vers le bord postérieur, de couleur pâle. 
Pattes lerrugineuses. Ailes transparentes ; première cellule bra- 
chiale seule entièrement d’un brun ferrugineux. Ouvrière? 
Long 13 lig. 


Buenos-A vres, Amérique méridionale. Musée de M.Serville. 


538 HISTOIRE NATURELLE 


2. Aroïca PÂLE, — Apoica pallida, F, %—. 


Caput ferrugineum , mandibularum basi et orbité ocu- 
lorum posticä pallidis : antennæ basi fusco ferrugineæ ; 
in medio , suprà præsertim, nigrican'es , apice luteolæ. 
Thorax ferrugineus, humerorum margine ; maculé sub 
alis , scutello, postscutello , et metathoracis maculd du- 
plici, pallidis Abdomen pall:dum, primi segmenti basi, 
ceu pediculo, ferrugineo. Pedes ferruginei. Alæ hyalineæ , 
cellul& primé brachiuli omninod fusco- ferrugined. 


Tête ferrugineuse; base des mandibules et orbite postérieure 
des yeux pâles ; cette couleur se continuant derrière les ocelles. 
Antennesd'un brun ferrugineux à leur base ; leur bout d’un jaune 
pâle; les articles intermédiaires noirâtres, surtout en dessus. 
Corselet ferrugineux ; bord des épaulettes ; une tache sous les 
ailes , écusson , post-écusson et une tache double sur le méta- 
thorax, de couleur pâle. Abdomen pâle; base du premier 
segment , c’est-à-dire le pédicule , ferrugineux. Pattes ferrugi- 
neuses. Ailes transparentes ; première cellule brachiale seule 
entièrement d’un brun ferrugineux. Ouvrière? Long. 13 : lg. 

Sérait-ce une simple variété de la première espèce? 

Cayenne , Amérique méridionale, Musée de M. Serville. 


6° Gevrr. RHOPALIDIA. — RAOPALIDIA (1). 


Caracières. Première dent des mandibules indistincte; 
les trois autres très-courtes, égales entre elles , et également 
espacées. 

Prolongément du bord antérieur du chaperon angulaire , 
l'angle portant une petite dent. | 

Abdomen pédiculé : ce pédicule composé du premier 
segment qui est en forme de massue, à peine tuberculé laté- 


CN PP RRQ PREND ES en En due RP né os ee 


(1) Petite massue. 


DES HYMENOPTÈRES. 539 


ralement ; second segment commencant dès sa base à s’élargir 
en cloche, 

Pattes moyennes. 

Radiale s’avançant plus près du bout de l'aile que la troi: 
sième cubitale. 

Deuxième cubitale très rétrécie vers la radiale, sans sy 
terminer en pointe, moyennement dilatée vers le disque: 

Troisième cubitale presque carrée. 

Genre exotique. Mœurs inconnues. 


Espèces du genre Ahopalidia. 


1. RHoPALIDIA CORSELET-ROUX. — RAopalidia rufithorax, 
AE 


Caput cum antennis nigrum. Thorax ferrugineo-ru- 
Jus, sublomentosus. Abdomen nigrum , segmento primo 
secundique basi tenui ferrugineis. Pedes ferruginei. Alæ 
Jusciores, violaceo subnitentes. 


Tête entiérement noire, ainsi que les antennes. Corselet 
d’un rouge ferrugineux , garni d’un duvet court, serré. Ab: 
domen noir , premier segment et la base du second d’un rouge 
ferrugineux ; cette dernière très-étroite. Pattes ferrugincuses. 
Ailes très-brunes, surtout vers la base, ayant un reflet violet, 
Ousrière ? Long. 6 : lig: 

Cayenne, Amérique méridionale. Musée de M: Serville. 


2. RHOPALIDIA PÂLE:— Rhopalidia pallens. 


Caput pallidum , vertice rufo-fusco. Antennæ nigræ, 
articulis primo secundoque pallidis. Thorax pallidus, 
Jerrugineo varius; dorso ferrugineo, albido cincto ; scu- 
tello, postscutelloque pallidèe ferrugineis. Abdominis 
segmenta prünum secundumque pallida, margine infero 
tenui allido ; tertium , quartum quintumque et anus ni- 


gro. Pedes pallidi. Alæ hyalinæ, nervuris rufis. 


4 


540 HISTOIRE NATURELLE 


Tête pâle, vertex d’un brun ferrugineux. Antennes noires, 
leur premier et second articles pâles. Corselet pâle , nuancé de 
ferrugineux : le dos ferrugineux , entouré par le bord du pro- 
thorax et des épaulettes qui est blauchâtre : écusson et post- 
écusson d’un ferrugineux pâle. Premier et deuxième segmens 
de l'abdomen pâles, leur petit bord inférieur blanchâtre, les 
autres et l’anus noirs. Pattes pâles. Aïles transparentes, nervures 
rousses. Ouvrière. Long. 5 lig. 

Var. Milieu du dos du corselet plus clair. 

Cayenne, Amérique méridionale. Musée de M. Serville. 


7° Genre. EPIPONA. — EPIPONA. 
SYNONYME. Æpipona Lat. — Polistes Fab. 


Caractères. Première dent des mandibules très-distincte, 
très obtuse , rapprochée des trois autres; celles-ci pointues, 
égales entre elles, également espacées. 

Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire, 
paraissant un peu bifide. 

Abdomen pédiculé : pédicule à peu près de la longueur 
du reste de l'abdomen , composé du premier segment, le- 


quel est en forme de massue; second segment s 'évasant;, dès 
sa base, fortement en cloche. où 7194 


v1:9 

Pattes moyennes. 

Radiale s’avançant beaucoup plus près du bout de l'aile 
que la troisième cubitale. 

Deuxième cubitale rétrécie assez fortement vers la radiale. 

Troisième cubitale fort dilatée vers le limbe. 

Ce genre exotique doit se rapprocher en quelques parties 
de ses mœurs, des Guëpes cartonnières dont nous allons par- 
ler au genre Chartergus. 


Espèces du genre Epipona. 
1. EPIPONA TATUA,  — £pipona tatua, F. 


Syx. Polistes morio Fab. Pier. p. 279, n° 45. — Latr, 


ES UYMÉNOPTÈRES. 5j 


Gen. Urust. et Ins. tom. IV, p. 142.— Serv. et Saint-Farg. 
Encyel. tom. X, p.172, n° 2. 

Nigra tota, nilens, punctulata : alarum basi costd- 
que nigris. 

Corps entièrement d’un noir luisant et finement pointillé. 
Antennes noires. Ailes en partie transparentes , brunes vers le 
bord antérieur, surtout du côté de la base. Ouvrière. Long. 
6 lig. 

Aläle. Semblable. 

Cayenne, où elle est connue sous le nom de Tatua. Amé- 
rique méridionale. Musée de M. Serviile. 


2. EpiPonA À cEINTURE. — Æpipona cinctu, V, %. 


Nigra, punctulata, griseo subiomentosa , prothorace 
humerisque pallido marginatis ; abdominis segmenti se- 
cundi margine postico luteo. Alæ hyalinæ, costé et ma- 
culd in cellulæ radialis apice magnd , nigro fuscis. 


Noire , très-ponctuée , chaque point émettant un poil couché 
gris. Bord du prothorax et une partie de celui des épaulettes 
päles : bord postérieur du second segment de l'abdomen jaune. 
Pualtes noires, ponctuées. Ailes transparentes, côte brune, 
ainsi qu’une assez grande tache sur le ‘bout de la cellule radiale. 
Ouvrière. Long. 6 lig. 

Sénégal, Afrique équinoxiale. Musée de M. Serville. 


3. EriPoNA BORDÉE. — Epipona marginata , V, %. 


Ferruginea, punctulata, albido-rufo subtomentosa ; 
antennarum apice , scutello, postscutelloque et abdomi- 
nis seginentorum margine infero, pallidis. Pedes pallidè 
Jerruginei. Alæ rufo-hyalinæ , maculä in cellulæ radia- 
lis apice magnd fusca. 


Fcrrugineuse, très - ponctuée, chaque point émettant un 
poil couché d’un roux blanchâtre. Bout des antennes, écusson 


et post-écusson päles , ainsi que le bord inférieur des segmens 


542 HISTOIRE NATURELLE 
de l'abdomen, Pattes d’un ferrugineux pâle. Ailes un peu rous- 
sâtres , mais transparentes ; une assez grande tache brune sur 
le bout de la cellule radiale, Ouvrière. Long. 6 lig. 

Male. Tarses plus pâles, tirant au jaune : le reste comme 
dans l’ouvrière. 


. Inde. Musée de M. Serville. 


8e Genre. CHARTERGUS. — CHARTERGUS (1). 


Syxonvmie. Vespa Fab.— Polistes Lat. — EpiponaLatr. 


Caractères. Première dent des mandibules très-courte, 
rapprochée des autres ; celles-ci pointues, égales entre elles, 
également espacées, 

Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire. 

Abdomen sans pédicule. 

Paties moyennes. 

Radiale s'avançant plus près du bout de l'aile que la troi- 
sième cubitale. 

Deuxième cubitale pas beaucoup rétrécie vers la radiale. 

Troisième cubitale un peu dilatée vers le limbe. 


Histoire du genre Chartergus. 


Nous avons déjà, dans l'Histoire générale des Po- 
listides, dit un mot des travaux des Chartergus par 
comparaison avec ceux des Polistides européens. Mais 
leur architecture, bien différentede celle de ceux-ci, 
mérite bien qu'à la suite de Réaumur, nous y rame- 
nions le naturaliste. 

« Les différens guépiers de nos Guêpes d'Europe, 
» dit notre auteur, tom. VI, Mém., 7 (pour Réaumur 
» et les auteurs de son siècle , tous nos Polistides sont 


(1) Qui fait du carton. 


2 


> 


» 


DES HYMÉNOPTÈRES. 543 


des Guëpes), que nous avons trouvés si industrieu- 
sement construits , soutiendront mal la comparaison 
avec ceux d’une espèce de Guêpes d'Amérique : ils 
ne nous paraîtront plus que des ouvrages grossiers. 
L’enveloppe de ceux dont nous nous occupons est 
une espèce de vase solide qui soutient une forte 
pression. Il est d’un carton qui ne le cède en rien 
au plus beau, au plus blanc, au plus fort que nous 
sachions faire. Qu'on remette ce vase entre les mains 
d'un de nos ouvriers ex carton , sans lui dire par qui 
celui-ci a été fabriqué, il aura beau le tourner et le 
retourner , l’examiner en tout sens et le déchirer, il 
ne lui viendra jamais dans l'esprit de soupconner 
qu'il puisse avoir été fait par quelqu'un qui n'est pas 
de sa profession. 

» Les environs de Cayenne sont un des pays de 
l'Amérique où on les trouve : ils restent exposés à 
toutes les injures de l'air : ils sont suspendus par 


» leur partie supérieure, et la plus menue, à une branche 


3 


ÿ 


d'arbre. Au bout de cette partie est une espèce de 


long anneau , ou plus exactement un tuyau long de 
deux ou trois pouces , dans lequel passe une branche 
plus grosse que le doigt ; la branche a été le noyau 
sur lequel le tuyau a été construit et fixé. Depuis le 
bout supérieur jusqu’à l'inférieur, le diamètre du 
nid va en augmentant... Cette espèce de boîte de 
carton est de figure conique et fermée par en bas; 
elle a un fond de même matière que le reste des 
parois, convexe en dehors, et qui s’allonge plus 
qu'ailleurs à son milieu. Le trou qui est à sa partie 
la plus basse à environ cinq lignes de diamètre. C'est 
la seule et unique porte qui donne entrée et sortie 
aux Guëépes. 


544 HISTOIRE NATURELLE 


» Ce nid est occupé en partie, comme celui d’autres 
» Guépes, par des gâteaux disposés par étages. J'en ai 
» compté onze dans un guépier : il peut s’en trouver 
quelques-uns de plus dans d’autres. Comme les gà- 
» teaux des autres Guêpes, ils sont remplis de cellules 
» hexagones , et seulement sur leur face inférieure ; le 
» reste de l'architecture de nos faiseuses de carton est 
» d’ailleurs différent de l'architecture de celles qui ne 
» font que du simple papier. Les gâteaux des pre- 
» mières ne sont point presqûe plats, comme le sont 
» ceux des zutres ; ils sont convexes en dessous, comme 
» la pièce que nous avons déjà décrite et qui sert à 
». fermer la boîte : le dessus est concave et lisse. Ces 
» gâteaux ne tiennent pas les uns aux autres ; il n'y a 
» point de piliers placés dans les intervalles qui res- 
» tent entre eux : ces espaces sont entièrement libres : 
» chaque gàteau est fixé dans tout son contour contre 


ÿ 


» les parois de la boîte. L'union de chaque gâteau avec 

» la boîle est si parfaite, qu'il semble que le guépier 
. . ’ L ” ? A » . # 

entier ait été fait d’une pâte fluide jetée en moule, et 


> 


» que la boîte et les gâteaux sont venus du même jet. 
» 11 suit de la description, queles Guêpes ne trou- 
» vent pas de passage pour aller d'un gâteau à l'autre, 
» entre ceux-ci et les parois de la boîte : il est dans 
» l'endroit où le gâteau a le plus de convexité, dans la 
» partie la plus basse. 
» Les gâteaux des Frélons, ceux des Guépes sou- 
terraines et ceux des Polistes, ne sont précisément 


» que des plaques faites de cellules également pro- 
» fondes , mises les unes auprès des autres. 11 n'en est 


> 


pas de même des cartonnières ; elles font d’abord une 
» feuille de carton épaisse d'environ une ligne, et de fi- 
» gure convenable , c’est ensuite sur cette feuille, qui 


DES HYMÉNOPTÈRES. 545 
était une table rase, qu’elles bâtissent des cellules les 
unes auprès des autres. Elle met à l'abri les larves du 
gâteau qui la précède. Cette pièce de fond deviendra 
une pièce intermédiaire quand les cartonnières vou- 
dront augmenter le nombre des gâteaux de leur 
guépier. Pour cela, elles prolongeront la boîte de 
carton et la feront descendre par-delà la pièce qui en 
fait le fond. Quand la nouvelle pièce sera finie, l’'an- 
cien fond se trouvera renfermé dans le guépier , 
comme les premiers gâteaux, et en deviendra un 
nouveau, lorsque des cellules auront été bâties sur 
sa surface inférieure. C’est ainsi que le nombre des 
gâteaux est multiplié, sans que les cellules se trou- 
vent jamais à découvert. 

» Quand j'aurais été à portée de voir travailler nos 
Guëpes , je ne pourrais établir, que l’ordre, dans le- 
quel elles font leur ouvrage, est celui que je viens 
d'expliquer , par une meilleure preuve que celle que 
m'ont fournie plusieurs deleurs guépiers que j'ai ou- 
verts. Le dernier gâteau de quelques-uns était tout 
couvert de cellules en dessous ; dans quelques autres 
il n'avait que la moitié des cellules qu'il devait avoir : 
enfin, dans d’autres, ce gâteau n'avait encore que 
quelques petites plaques de cellules: ce sont ordinai- 
rement les plus proches de la circonférence du gäà- 
teau, que les Guêpes bâtissent les premières. 

» Ces cellules sont plus petites que celles des Guëêpes 
souterraines. Sept de ces dernières occupent une 
longueur d’un pouce et demi. La même longueur ne 
peut être remplie que par plus de neuf des autres : 
ainsi , un pouce et demi carré, qui ne contient que 
quarante - neuf des grandes cellules, en contiendra 
au moins quatre-vingt-dix de celles de nos carton- 

HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 35 


546 HISTOIRE NATUKELLE 
» nières. De là il est aisé de juger que les guépiers de 
» celles-ci ne le cèdent pas en population à ceux des 
» Guêpes d'Europe. » 

Les voyageurs, qui nous rapportent ces Polistides et 
leurs nids, ne nous disent rien de particulier de leurs 
mœurs ni de leur récolte. La Polistès Léchéguana des 
voyageurs au Brésil, qui fait aussi son nid attaché aux 
branches d'arbres, doit appartenir aux genres voisins de 
celui-ci. Mais personne n'a pris la peine dele décrire, 
et je ne l’ai pas vu sous son nom brésilien dans les mu- 
sées que j'ai pu visiter, quoiqu'il puisse être l’un des 
Polistides que j'ai décrits. 


Espèces du genre Chartergus. 
1. CHARTERGUS NOIR. — Chartergus ater, V, *%. 


Ater, punctulatus, nigro subhirtus ; alis nigris, apice 
subhyalinis. 


D'un noir mat, pointillé ; de chaque point sort un petit poil 
noirâtre , droit. Ailes noires et opaques jusqu'aux trois quarts 
de leur longueur : le bout assez transparent. Ouvrière? Long. 
6lig. | 

Ce Chartergus est sans indication de patrie, dans le Musée de 


M. Serville. 


2. CHARTERGUS CARTONNIER. — Chartergus nidulans. 


Syn. Vespa nidulans Fab. Piez. p. 266, n° 68. — 
Coqueb. Illustr. Icon. tab. 6, fig. 5. 

Polistes nidulans Latr. Gen. Crust. et Ins. tom. IV, 
p- 141. — Serv. et Saint-Farg. Encycl. tom. X, p. 172; 
n°5. 

Réaum. Mém. Ins. tom. VI, PI. 20 ( excepté la fig. 2), 
21 (excepté les fig. 2 et 3), 22, 23 et 24. 


DES HYMÉNOPTERES. 547 
Nigra, punctulata ; prothoracis line&, post-scutello- 


que et abdominis segmentorum margine infero luteolo- 
albidis. Pedes nigri. Alæ hyalinæ , nervuris nigris. 


Noir, pointillé ; une ligne transversale sur le prothorax , une 
sur le post-écusson d’un jaune pâle , ainsi que le bord postérieur 
des segmens de l'abdomen. Pattes noires. Ailes transparentes, 
nervures noires. Ouvrière. Long. 5 lig. 

Amérique méridionale, Cayenne, Musée de M. Serville. 


FIN DU PREMIER VOLUME. 


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4 Nov 


DIVISION DE L'OUVRAGE 
et Noms des Collaborateurs. << 


2 — 


Zoologie générale (Supplément à 
Buffon), par M. H. GEOFFROY ST-HILAIRE, 
2 ge de l’Institut, professeur au Mu- 

um, 


Cétacés, par M.F. Cover, membre 
de l'Institut, professeur au Muséum, 


meptiles, par M. C. DumÉRriL, mem- 
bèe de l'Institut, professeur à Ja Faculté 


de Médecine et au Muséum, et M. Bt- : 


BRON, aide-natnraliste au Muséum, Pro- 
fesseur d'histoire naturelle. 

poissons, par M. Aug. DumÉrir, 

rofesseur à la Faculté de médecine etau 

uséum. ; 

Entomologie (Introduction à :l'E- 
tude de 1’), par M. Th. LACORDAIRE, pro- 
fesseur à l'Université de Liége. 
_ insectes Coléoptères,-par M. Th. 
LAConDAIRE, professeur à l'Université de 
Liège et M. CHapuis, membre de l’Acadé- 
mie royale de Belgique. 

nsectes @rthoptères, par M. At- 
DINET-SERVILLE, membre de la Société 
Entomologique. 

ansectes Hémiptères, par MM. 
Auyor et SERVILLE, membres de la So- 
ciété Entomologique. 5 . 

. Insectes Lépidoptères, par MM. 
BorspuvaL et GUÉNÉE, membres de la S0- 
ciété Entomologique. 

Ensectes Névroptères, par M. 
Ramsur, membre de la Société Entomo- 
logique. 

insectes Hyménoptières, ar 


‘M. LEPELLETIER DE ST-FARGEAU, membre . 


de la Société Entomologique, et M. A. 
BruLLé, doyen de la Faculté des Sciences 
de Dijon. 

nsectes Diptères, par M Mac- 
QuaRT, recteur dn Muséum de Lille. 


Prix du texte (Chaque volume d'environ 500 pages) : 

Pour les souscripteurs à toute la collection : 
Pour les acquérêurs par parties séparées : Tire 

Le prix des, volumes imprimés sur papier grand-raisin (format des 

planches) est double de celui des volumes imprimés sur papier carré vergé. 
Prix des planches : 

Chaque livraison d'environ 10 planches noires : 


Les personnes qui veulent souscrire pour toute la Collection peuvent 
prendre par partie séparée jusqu'à ce q 


qui a paru. 


Imprimerie D. BarniN, À Saint-Germain. 


Aptères (Arachnides, Scorpions, " 
etc.), par M. WALKENAER, membre de 
l'Institnt, et M. P. GERVAIS, professen 
à la Faculté des Sciences de Paris. 


Crustacés, par M. MiLNE-EDWARDS, D 
membre de l’Institut, professeur au Mu- 
séum, E 


Mollusques (Æn préparation). 


Helminthes, ne ee | doyen # Î| 
de Ja Faculté des Séences de Rennes. ‘0 
Annelés marins et d’eau douce, | 
par M. DE QuATREFAGES, membre de l’'Ins 
tifut, professeur au Muséum, et M. LEON 
VAILLANT, professeur d'histoire naturelle. M 
Zoophytes Acalèphes, par M.LEs. … 
son, correspondant de l’Institut, phar- 
macien en chef de la marine, à Rochefort. 
Zoophytes Échinodermes, que 
M. DusaRDiN, doyen de la Faculté des 
Sciences de Rennes, et M. Hupé,aïde-na- 
turaliste au Muséum. + #2 
Zoophytes Corailliaires, par . 
M. Miine-Epwarps, membre de l’Insti- 
tut, professeur au Muséum, et M. J. 
HAIME, aide-naturaliste an Muséum. #4 
Zoophytes infusoires, par M. Di- 
\ JARDIN, doyen de la Faculté des Sciences 
de Rennes. {00 
Botanique (Introduction à l'Etude 
de la), par M. DE CANDOLLE, professeur M 
d'histoire naturelle à Genève. * 2 
Végétaux Phanérogames "25/0 
M. Sracu, aide-naturaliste au r En à © ; 
Végétaux Cryptogames (Æ£n pré- 
paralion). SR el 
Géologie, par M. Huor, membre de 
plusieurs Sociétés savantes. 
Minéralogie, par M. DELAFOSSE, 
membre de l'institut, professeur au Mu- 
séum et à la Faculté des Sciences de Paris. 


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