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AVEC LES ŒUVRES. DE CET AUTEUR
UN
se in COMPERT D'HISTOIRE NATURELLE
PUBLIÉES AVEC LA COLLABORATION
de Membres d l’Institut de France,
de Professeurs du Muséum d'Histoire naturelle de Paris,
et de diverses Facultés,
de Membres de la Société Entomologique de France, etc.
INSECTES HYMÉNOPTÈRES
PARIS:
RORET, LIBRAIRE-ÉDITEUR
RUE HAUTEFEUILLE, 12.
HISTOIRE NATURELLE
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PARIS.—IMPRIMÉRIE ET FONDERIE DE FAIN,
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HISTOIRE NATURELLE
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HYMÉNOPTÈRES.
Par M. LE CoMTE
AMÉDÉE LEPELETIER DE SAINT-FARGEAU,
MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MOSCOU, DE CELLE DE DION, DES SOCIETES
D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS ET DE VERSAILLES, ET DE
LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE.
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HISTOIRE NATURELLE
DES
; INSECTES HYMÉNOPTÈRES.
INTRODUCTION.
Iz est connu de tous les naturalistes qu’à chaque
= édition que le savant Latreille a donnée de son ou-
vrage sur les Crustacés, Arachnides et Insectes , il
a introduit chaque fois des changemens avantageux à
sa méthode, tâchant constamment de la rapprocher
le plus possible de l'ordre naturel : on sait qu’en outre
il y introduisait les nouvelles découvertes. Personne
_plus que lui ne sentait ce désir de progression dans
les connaissances, qui , toutes les fois qu'il ne s'ésare
pas hors des routes naturelles, caractérise si noble-
ment notre siècle.
I m'a donc paru hors de doute que si M. Latreille
eùt vécu plus long-temps, s'il ne nous eüt pas été
ravi dans un âge où il pouvait encore, ayant toutes
ses facultés saines, revoir en paix ses anciens travaux
dans ce vaste dépôt des produits de la nature, où il
; n'avait pu parvenir d'une manière stable que depuis
peu de temps, et si ce peu de temps n'avait pas été
agité par des événemens que ses souvenirs lui ren-
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. t
_ siemens 2
2 HISTOIRE NATURELLE
daient funestes ; il m'a paru, dis-je, hors de doute
qu'il nous eût donné une nouvelle édition de sa mé-
thode, et beaucoup plus complète et beaucoup plus
naturelle. Pour cela , il eüt porté lui-méme l’investi-
gation sur les moindres détails de ses précédens ou-
vrâges ; il n’eût pas marqué d’en noter les défauts et
de les réformer ; mais il n’eüt pas eu besoin de nous
les montrer, maître, comme auteur et comme le pre-
mier des savans dans cette partie des sciences natu-
relles, de faire et de défaire, de créer et de détruire.
D’après la manière dont j'ai vécu avec ce savant,
dont je fus l’un des premiers amis, lorsqu'il vint à
Paris dans un temps désastreux, et celle dont j'ai
parlé de lui et dé ses ouvrages dans le petit nombre
d’opuscules que j'ai publiés, je me crois tout-à-fait à
l'abri de l'accusation d'envie contre un savant dont j'ai
toujours fait gloire d’être le disciple.
Appelé donc à donner une histoire générale des
Hyménoptères, j'ai cru devoir changer beaucoup à la
méthode de M. Latreille. J’ai eu cette idée aprèsavoir
porté sur cette partie du travail de ce savant , autant
que mes faibles connaissances me l’ont permis, l'œil
investigateur qu'il y eùt porté lui-même ; j'ai noté les
défauts qu'il y eüt trouvés; mais, moins heureux en
cela qu'il n’eût été, je me crois forcé de les exposer
ici pour justifier les innovations que je fais. J'espère
qu’il me sera accordé, et c'est là ma seule ambition,
que je n’ai pas détruit la méthode latreillienne , mais
que j'ai réussi à y introduire au moins une partie de
ces considérations naturelles et de ces perfectionne-
mens auxquels il travaillait sans relâche.
Nous placerons ici l'analyse de cette méthode extraite
du dernier ouvrage de notre célèbre maître.
DES HYMÉNOPRTÈRES.
e
EXTRAIT
DE M. LATREILLE,
INTITULÉ :
CRUSTACÉS, ARACHNIDES ET INSECTES
(pages 268 et suivantes).
M. Latreille divise les Hyménoptères en deux
sections :
1° Les T'ÉRÉBRANS ;
2° Les PorTe-ArcutrsLon.
1 Secrion. LES TÉRÉBRANS (1).
Caractères. Une tarière dans les femelles.
(1) Cette expression, les T'érébrans, n'exprime pas suflisamment
l'emploi principal de l'organe désigné sous le nom dé tarière ,
terebra. On sait que c'est au moyen de cette partie que les Hymé-
noptères de cette section introduisent leurs œufs, soit dans les
végétaux, soit dans les Insectes, où les larves qui doivent en éclore,
trouveront leür nourriture. La seconde section des Hyménoptères,
que l'auteur appelle /es Porte-Aiguillon, est aussi pourvue d’une
tariére à laquelle il donne le nom d’aiguillon; mais il ue sert
qu'a déposer dans la plaie qu’il fait un acide plus ou moins actif,
I,
4 HISTOIRE NATURELLE
1e Fame. LES PORTE-SCIE (1).
Caractères. Abdomen sessile. Tarière le plus sou-
vent en forme de scie, servant à déposer les œufs et à
préparer la place qui doit les recevoir. Larves ayant
toujours six pattes écailleuses et souvent d'autres,
mais qui sont membraneuses.
1e Trist. TENTHRÉDINES.
Caractères. Mandibules alongées, comprimées.
Languette divisée en trois, comme digitée. Tarière
composée de deux lames dentelées en scie, pointues,
réunies et logées dans une coulisse sous l'anus. Pal-
pes maxillaires de six articles , les labiaux de quatre,
ceux-ci toujours plus courts.
Genres : Cimbex (2), Hylotoma (3), Tenthredo , Cladius,
et n'a aucun rapport avec les parties de la génération; tandis que
la tariére de la première section est la prolongation extérieure de
l'oviductus. Il paraît donc utile de substituer au nom de Z'érébrans
une dénomination qui exprime l'usage où sont les Insectes de
cette section de cacher leurs œufs en les déposant avec cet ins-
trument.
(1) Dans la note du bas de la page 268 ut suprä, qui a rapport
au caractère qui distingue cette famille des suivantes, l'auteur dit:
« Le segment portant les ailes inférieures est distingué du suivant
ou du premier de l'abdomen par une incision ou articulation trans-
verse.» Ceci n'est pas exact : en effet, l'incision dont il est ques-
tion, est de fait placée sur le milieu du premier segment abdomi-
nal. On s'en assurera facilement en faisant tomber l'abdomen d'une
Tenthrédine morte ou desséchée, pourvue de cette incision qui
existe dans la plupart des genres de cette tribu, et manque seule-
ment aux genres Abia et Amasis.
(2) Sous-genres admis dans le genre Cimbex par Latreille : Cim-
bex, Perga Leach, Syzygonia Klug., Pachylosticta Klug.
(3) Sous-genres Latr. : Schizocera Latr., Hylotoma, Ptilia St.-
Farg.
DES HYMÉNOPTÈRES. 5
Athalia, Pterygophorus, Lophyrus, Megalodontes, Pam-
philius, Xyela, Cephus, Xyphydria (1).
2e TRiBu. UROCÈRES.
Caractères. Mandibules courtes, épaisses. Lan-
guette entière. Tarière des femelles tantôt très-sail-
lante et composée de trois filets, tantôt roulée en
spirale dans l’intérieur de l'abdomen et sous une forme
capillaire.
Genres : Oryssus (2), Sirex (3).
(1) Latreille croyait que les larves des Xyphydria vivaient de
végétaux ; et, dans notre Monographie des Tenthrédines, nous
avons suivi son opinion. Mais depuis ayant surpris une femelle
de ce genre qui avait sa tarière enfoncée dans du bois mort, nous
avons pu nous convaincre qu'elle déposait son œuf dans le corps
d'une larve que nous mîmes à découvert, et dans laquelle l'extré-
mité de cette tariére avait pénétré, aprés avoir traversé une
couche peu épaisse de bois. V’oy. la note (2) de la tribu suivante.
(2) On a dû remarquer dans le caractère de cette tribu l'im-
mense différence des deux tarières qui y sont décrites. La tarière
capillaire, roulée en spirale dans l'intérieur de l'abäomen, appar-
tient au genre Oryssus ; elle nous paraît établir un rapprochement
nécessaire avec le genre Cynips. La larve de ceux-ci vit de sucs vé-
gétaux ou de parties ligneuses dans l’intérieur des galles : celle des
Oryssus vit de parties ligneuses également La tarière des derniers,
très-longue ( de deux pouces au moins, dans l'Oryssus coronatus),
leur permet de faire parvenir leurs œufs à une profondeur où sa
qualité convient apparemment mieux à la nourriture de leurs lar-
ves, mais qui ne permet pas la naissance d'une galle.
(3) Sous-genres Latr. : Sirex, Tremex Jur.
Ces deux sous-genres ont la tarière composée de trois portions
bien distinctes , dont les deux extérieures servent d'enveloppe à la
véritable tarière, qui n'est pas composée comme celle des Ten-
thrédines de deux lamesaplaties, mais qui est tubulaire; organi-
sation absolument la même que celle des Ichneumonides. Or, les
larves de ceux-ci sont zoophages. On m'a apporté de Bagnères de
Luchon, dans les Pyrénées, un Tremex trouvé mort dans une
poutre équarrie qui servait de banc; dans la même loge où il était,
et qu'indiquait la flexibilité sous le doigt de la faible couche de bois
6 HISTOIRE NATURELLE
2° Fame. LES PUPIVORES.
Caractères. Abdomen attaché au corselet par une
simple portion de son diamètre transversal , et même
le plus souvent par un très-petit filet ou pédicule.
Tarière servant d’oviducte. Larves apodes, pour la
plupart parasites et carnassières (1).
qui le couvrait encore, il fut trouvé en même temps des débris
cornés ressemblant aux plaques cornées des parties antérieures des
larves de Coléoptères longicornes, qui, d'après leur nature, ne
pouvaient appartenir à la dépouille de la larve du Tremex. De ce
fait, et de l'anatomie de la tarière concordant entre eux, je me
crois en droit de conclure que le genre Sirex de Latreille est plus
voisin des Pupivores, et particulièrement des Pimpla, que des
Tenthrédines, ses larves étant zoophages.
(1) Des six tribus qui composent cette famille, il en est cinq
dont les larves sont carnassières ; ce sont la première, la seconde,
la quatrième , la cinquième et la sixième. Les larves de la troisième
sont phytiphages: ce sont celles qui vivent de matière ligneuse
dans les galles. Observez de plus que le mot parasite ne peut être
employé comme présentant le même sens que carnassier : celui-ci
s'applique à un animal zoophage; celui-là à un animal qui con-
somme les vivres destinés à un autre, qui mange le pain d'un autre
chez lui. L'on peut croire que M. Latreille a eu tort de créer ( dans
la tribu des Apiaires ) le nom de Cucullines pour exprimer une idée
que le mot parasite exprimait si parfaitement et par son étymologie
et par son emploi immémorial. Ce mot parasite ne peut pas, d'après
ces différentes considérations, s'appliquer à la troisième tribu , qui
n'a pour nourriture que le végétal, à elle destiné par la position
où ses larves éclosent et par le choix de leur mère, et non pas
unenourriture destinée ou ramassée pour d'autres Insectes. Par ces
mœurs, cette troisième tribu des Pupivores de Latreille n'est pas”
pupivore, mais zoophage, et se rapproche des Tenthrédines qui
le sont aussi. Le nom de la famille est donc impropre, en ce qu'il
ne convient pas à toutes les tribus; on peut même ajouter qu'il
convient à peu d'espèces, sa signification étant : « vivant de nym-
phes » , tandis que la plupart des Ichneumonides vivent dans les
larves , et quelques-uns dans les œufs des Insectes, et qu'un petit
nombre d'entre eux seulement est destiné à vivre daus les
nymphes.
DES HYMÉNOPTÈRES. ;
xt Trisu. LES ÉVANIALES.
Caractères. Ailes veinées ; les supérieures au moins
aréolées. Antennes filiformes ou sétacées, de treize
à quatorze articles. Les mandibules dentées au côté
interne. Palpes maxillaires de six articles ; les labiaux
de quatre. Abdomen implanté sur le thorax, et dans
plusieurs au-dessous de l’écusson. Une tarière ordi-
nairement saillante, de trois filets (1).
Genres : Evania, Pelecinus, Fœnus, Aulacus, Paxy-
lomma.
2e Trisu. LES ICHNEUMONIDES,
Caractères. Ailes veinées; les supérieures offrant
toujours dans leur disque des cellules complètes ou
(1) Les caractères de cette première tribu se réduisent à bien
peu de chose. Malgré la différence des mots que l'on remarque
dans les caractères de cette tribu et de la suivante : ailes veinées , les
supérieures au moins aréolées , est la même chose que : ailes veinees ,
les supérieures offrant toujours dans leur disque des aréoles complètes ;
car, dans les deux tribus, les cellules des ailes supérieures sont les
mêmes. Le caractère tiré des antennes (treize à quatorze articles
dans les Evaniales, seize au moins dans les Ichneumonides ) est
faible ; car le nombre’des articles n’est pas constant dans les espèces
d'un même genre de l'une de ces tribus, et, vu leur ténuité dans
certaines espèces, on ne peut le constater. Le caractère des mandi-
bules dans les Evaniales se retrouve dans des Ichneumonides, celles
de quelques-uns de ceux-ci ayant des dentelures au côté interne.
J'en dis autant du caractère tiré des palpes , les maxillaires ayant
aussi quelquefois six articles dans les Ichneumonides Latr., et les
labiaux , quoique de nombre encore plus variable, en ayant aussi
assez souyent quatre comme dans les Evaniales. Dans ces deux tri-
bus les mœurs sont absolument les mêmes; la tarière est la même,
composée d'un ovidépositoire tubulé et de deux enveloppes latérales
canaliculées, dont les Sirex Latr. nous ont offert le premier
exemple.
Fe) HISTOIRE NATURELLE
fermées. Abdomen prenant naissance entre les deux
pattes postérieures. Antennes généralement filiformes
ou sétacées , très-rarement en massue, vibratiles, et
composées d’un très-grand nombre d'articles ( seize
au moins ). Mandibules , dans la plupart, sans dent
au côté interne, et terminées par une pointe bifide.
Palpes maxillaires saillans , n'ayant le plus souvent
que cinq articles. Tarière composée de trois filets (1).
Genres : Stephanus, Xorides , Pimpla, Cryptus, Gphion,
Banchus, Hellwigia, Joppa, Ichneumon (Trogus Panz.),
Alomya (Hypsicera Latr.), Peltastes, Acænitus, Agathis,
Bracon , Microgaster, Helcon, Sigalphus, Chelonus, Aly-
sia (2).
3° Trisu. LES GALLICOLES.
Caractères. Ailes inférieures n'ayant qu'une ner-
vure; les supérieures offrant quelques cellules, savoir :
(1) A l'article Chélone , de l'Encyclopédie, tome X, nous avons
proposé de diviser en deux sous-tribus les Ichneumonides de La-
treille, savoir : les Ichneumonides vrais et les Braconides. Nous
ayons indiqué des différences dans les parties de la bouche, et
notamment dans les palpes, ce qui, joint à la présence d’une pre-
mière cellule discoïdale fermée et non confondue avec la première
cubitale dans tous les Braconides, ne permet pas de les confondre
avec les Ichneumonides, Les auteurs allemands, et surtout Gra-
venhorst et Nées d'Esembeck, séparent à peu près comme nous
les Ichneumons en Zchneumones proprie dicti et Ichueumones adsciti.
Nous croyons devoir faire remarquer ici que les seules espèces eu-
ropéennes décrites dans l'Ichneumonologia europæa du premier des
savans auteurs que nous venons de citer, se montent à plus de dix-
sept cents, et que nous trouvons ici, dans nos collections, beau-
coup d'espèces françaises qui ne sont pas dans l'auteur gllemand.
(2) Dans cette énumération des genres, ceux qui appartiennent
à nos deux sous-tribus sont placés pêle-mêle; mais il n'en est pas
de même des espèces que chaque genre contient ;, parce que, sous
le rapport générique, Latreille consultait les ailes sans s'astreindre
à en développer les caractères, que du reste on trouve toujours
soncordans avec ceux de la bouche.
DES HYMÉNOPTÈRES. 9
deux à la base, les brachiales, l’interne incomplète
et peu prononcée, une radiale triangulaire, deux ou
trois cubitales, dont la deuxième, dans ceux où il y
en a trois, est toujours très-pelite, et la troisième
très-srande, triangulaire et fermée par le bord posté-
rieur de l’aile. Antennes de même épaisseur, ouallant
en grossissant, mais sans former de massue, compo-
sées de treize à quinze articles. Palpes fort longs. Ta-
rière roulée en spirale dans l’intérieur de l'abdomen,
son extrémité postérieure logée dans une coulisse du
ventre (1).
Genres : Ibalia, Figites, Cynips (2).
4 Trisu. LES CHALCIDITES.
Caractères. Antennes coudées (excepté dans les
Eucharis), formant, à partir du coude, une massue
alongée ou en fuseau ; le premier article logé souvent
dans un sillon. Palpes très-courts. Cellule radiale
(1) Comme je l'ai dit plus haut, la tarière roulée en spirale dans
le genre Oryssus doit le faire rapprocher des Cynips.
La nourriture végétale des larves doit chasser cette tribu de la
famille des Pupivores Latr., ne contenant du reste que des z00-
phages, et la rappeler près des Tenthrédines, tribu dont les larves
sont toutes phytiphages, et même quelques-unes habitantes de
galles. La dénomination de famille Pupivores ne peut donc pas leur
être appliquée. La tarière, logée en partie dans une coulisse du
ventre, est un caractère anatomique commun aux Tenthrédines et
aux Cynips.
(2) Il est bien constant que les Cynips sont, par leurs piqüres
sur diverses parties des végétaux et l'introduction de leurs œufs,
la cause de la production de beaucoup de galles où ces œufs éclo-
sent , et où leurs larves vivent de la substance intérieure de ces
productions extraordinaires. Je n’ai pas la même certitude pour
les Ibalies et les Figites. Mais telle paraît être l'opinion de M. La-
treille, qui doit être respectée, tant que des faits positifs n° CAES
cheront pas de l'admettre.
’
10 HISTOIRE NATURELLE
manquant ordinairement ; toujours une seule cellule
cubitale, point fermée. Antennes n'ayant pas au delà
de douze articles (1).
Genres : Chirocera, Chalcis (2), Leucospis, Eucharis,
Thoracantha, Agaon, Eurytoma, Misocampus, Perilam-
pus, Pteromalus, Cleonymus, Eupelmus, Encyrtus, Spa-
langia , Eulophus.
5e Trisu. LES OXYURES.
Caractères. Point de nervures aux ailes inférieures.
Abdomen des femelles terminé par une tarière tubu-
laire conique, tantôt interne, exsertile et sortant par
l'anus , comme un aiguillon; tantôt extérieure et for-
mant une sorte de queue ou de pointe terminale (3).
(1) M. Latreille paraît regarder comme vivant de larves tous les
genres qu'il admet dans cette famille. Cette opinion nous paraît
donc probable, mais il sera bon de faire de nouvelles observations
a ce sujet, et aussi d'étudier l'anatomie de la tarière qui joue un
si grand rôle dans le placement des œufs. Si l'on trouvait dans cette
tribu quelques genres dont les larves fussent phytiphages, il fau-
drait les rapprocher des Tenthrédines , comme nous l'avons dit des
Cynips. Telle est la seule marche qui puisse nous paraître natu-
relle: un défaut que ne peut éviter la méthode contraire étant de
réunir en une même famille les victimes et les destructeurs.
Linné s'est servi des Znstrumenta cibaria pour classer les Mammi-
fères. Il se serait servi de toute autre partie, si la bouche eût dû
rapprocher le loup et la brebis. C'est dans l'étude anatomique des
parties qui servent aux Hyménoptères à placer convenablement
leurs œufs, à construire et approvisionner leurs nids, qu'on trou-
vera les bases d’une classification naturelle.
(2) Sous-genres Latr. : Dirrhinus Dalm., Palmon Dalm.
(3) Les Céropales et les Dolichurus, genres parasites, ont comme
ces derniers une tarière en partie exserte dans le repos, qui les
aide à faire pénétrer leurs œufs dans des nids faits et approvision-
nés par d'autres; ils sont mis parmi les Fouisseurs Latr., parce
qu'ils sont munis d'un aiguillon et que leurs larves se nourrissent
de proie vivante. Les genres dont se compose la tribu des Oxyures,
DES HYMEÉNOPTÈRES, il
Antennes composées de dix à quinze articles, soit
filiformes, soit un peu plus grosses vers le bout, soit
en massue dans les femelles. Palpes maxillaires de
plusieurs longs et pendans.
Genres : Dryinus, Anteon, Bethylus, Proctotrupes,
Helorus, Belyta, Diapria, Ceraphron, Sparasion, Teleas,
Scelion, Platygaster.
6e Trisu. LES CHRYSIDES.
Caractères. Point de nervures aux ailes inférieures.
Tarière formée par les derniers segmens de l'abdomen,
à la manière des tubes d’une lunette d'approche (1),
et terminée par un petit aiguillon (2). Abdomen des
dont en général les mœurs sont peu connues, devront être obser-
vés quant à la nourriture animale ou végétale des larves. Pon-
dent-ils leurs œufs dans l’intérieur des larves ou sur des larves, ce
qui revient au même, ou construisent-ils des nids et les approvi-
sionnent-ils de larves vivantes, ou bien encore leur tarière leur
sert-elle à introduire dans le nid d'autrui un œuf d’où sortira une
larve dévoratrice de l'habitant naturel, ou seulement parasite, et
par conséquent se nourrissant uniquement de la proie préparée
pour une autre? La tarière est-elle, comme dans les Chrysides où
elle n’est de même que d'une seule pièce tubulaire , accompagnée
dans son développement complet par un véritable aiguillon piquant
et déposant dans la plaie un acide irritant? Les réponses à ces
questions ne peuvent pas encore être appuyées par des faits posi-
tifs, aû moins pour la plupart des genres réunis dans cette tribu.
(1) La construction de cette tarière n’est pas tout-à-fait telle que
nous la représente M. Latreille, c'est un tube membraneux sus-
ceptible d'un alongement au moins quadruple de sa longueur et
très-flexible ; il est recouvert d’écailles placées comme les tuiles
d'un toit; mais, dans l'alongement, à peinesi le bout des écailles
supérieures atteint la base des inférieures ; ces écailles sont étroi-
tes, et plusieurs, distinctes entre elles, forment un rang comme
les tuiles auxquelles nous les comparons.
(2) L'aiguillon est placé avant le bout de la tarière ; il n'est pas
terminal , il agit latéralement à celle-ci, On peut vérifier les faits
12 HISTOIRE NATURELLE
femelles (1) ne paraissant composé que de trois ou
quatre segmens, voùté ou plat en dessous, pouvant se
replier contre la poitrine : Insecte prenant alors la
forme d’une boule. /
Genres : Parnopes, Chrysis (2), Cleptes.
2° SEcTION. LES PORTE-AIGUILLON.
Caractères. Point de tarière. Un aiguillon de trois
pièces , caché et rétractile, ou au moins des glandes
éjaculant une liqueur acide. Antennes de douze arti-
cles dans les femelles, de treize dans les mâles.
1e Fame. LES HÉTÉROGYNES.
Deux ou trois sortes d'individus : mâles toujours
ailés, les neutres aptères; et, dans le cas où cette
mentionnés dans ces deux notes en tenant entre le pouce et l'in:
dex, par la tête et le corselet, une Chryside femelle renversée,
de manière qu'elle ait la liberté, voulant se mettre en boule, de
replier son abdomen sur l’ongle du pouce; elle montrera bien vite
sa tarière développée; on distinguera les écailles et l'aiguillon
formant , dans son action de chercher à piquer, un angle aigu aver
l'extrémité de la tarière.
(1) Il serait difficile de croire, comme M. Latreille semble le
faire dans ce caractère en disant la tarière formée des derniers seg-
mens , que ce soit aux dépens du nombre des segmens de l'abdo-
men que les Chrysides ont une tarière, tandis que la tarière beau-
coup plus longue des Ichneumonides et autres familles précédentes
n'ôte rien au nombre des segmens abdominaux. Cela est surtout
avéré par l'examen des mâles Chrysides qui n'ont pas de tariére,
et n'ont cependant pas plus de segmens. Les mâles Parnopes en
ont même moins que leurs femelles. Les meilleurs observateurs se
négligent quelquefois.
(2) Sous-genres Latr. : Stilbum Spin., Euchræus Latr,, Hedy-
chrum Latr., Elampus Spin., Chrysis Spin.
gg ot dt
DES HYMÉNOPTÈRES. 13
modification existe, femelles également ailées; dans
le cas contraire, femelles aptères. Antennes cou-
dées (1). Languette petite, arrondie et votée.
1e Drvison. HÉTÉROGYNES SOCIALES
ou FORMICAIRES.
Caractères. Vivant en société; offrant trois sortes
d'individus : des mâles et des femelles ailés, et des
neutres sans ailes (2). Antennes des femelles et des
neutres allant en grossissant ; la longueur de leur pre-
mier article égalant au moins le tiers de leur longueur
totale; le second presque aussi long que le troisième,
ayant la forme d’un cône renversé. Labre des neutres
‘grand, corné, tombant perpendiculairement sous les
mandibules.
Genres : Formica, Polyergus , Ponera, Odontomachus !
Myrmica, Eciton, Atta.
(1) Les antennes ne sont réellement coudées que dans les Hété-
rogynes sociales. Cet attribut les rapproche des autres Hyménop-
tères Porte-Aiguillon sociaux, tandis que les antennes non coudées
en éloignent les Hétérogynes solitaires. La manière de vivre de
ces deux divisions à l’état de larves, la sociabilité des uns et l'in-
sociabilité des autres s'opposent, comme la forme des antennes, à
la réunion des deux divisions formées par Latreille en une seule
famille, et les écartent bien loin l'une de l’autre dans une mé-
thode naturelle.
(2) Tous les Hyménoptères sociaux ont ces trois sortes d'indi-
vidus : des mâles, des femelles fécondes et des femelles ordinai-
rement infécondes. Il est inexact d'appeler les femelles infécondes,
neutres, ce qui signifie privées de sexe. En effet, l'expérience a
prouvé que, dans certaines circonstances , ces femelles pondaient
quelquefois des œufs mâles. Il paraît constant que c'est la différence
de nourriture à l'état de larve qui décide de la fécondité dans les
individus du sexe féminin des Hyménoptères sociaux. Ce fait avéré
par les expériences des meilleurs observateurs , pour l'Apis mellifica,
nous paraît devoir être admis par analogie pour tous les genres où
l'on trouve les mêmes modifications individuelles,
HISTOIRE NATURELLE
> Duvision. HÉTÉROGYNES SOLITAIRES.
Vivant solitairement; n’offrant que deux sortes
d'individus : des mâles ailés et des femelles fécondes,
aptères, armées d’un fort aiguillon. Antennes filifor-
mes ou sétacées, vibratiles ; le premier et le troisième
article alongés; la longueur du premier n'égalant
jamais le tiers de la longueur totale de l'antenne (1).
Genres : Dorylus, Labidus(2), Mutilla (3), Myrmosa,
Myrmecoda , Scleroderma , Methoca.
(1) Les antennes , dans les genres qui appartiennent réellement
à cette division (Voyez plus bas la note sur les genres Labidus et
Dorylus), ne sont pas dites coudées par Latreille, et ne le sont
réellement pas. On ne trouve chez eux ni instinct de société , ni
les mêmes modifications de sexes qui sont le résultat de cet instinct.
Il ne reste de commun aux deux divisions que le caractère tiré de
la forme de la languette, caractère bien faible pour unir des êtres
dont les facultés sont si différentes, surtout si l'on fait attention
que tous les Hyménoptères à l’état parfait se nourrissent de miel,
et que d’un autre côté les larves des Hétérogynes sociaux sont nour-
ries de miel et autres sucs végétaux comme celles des autres Hymé-
noptères sociaux, tandis que les larves des Hétérogynes solitaires
vivent de larves auprès desquelles elles sont déposées sous la forme
d'œufs. Remarquez encore que les vrais Hétérogynes solitaires
femelles ont les pattes antérieures armées de cils raides qui les ren-
dent propres à fouir, comme dans beaucoup de genres de la fa-
mille des Fouisseurs Latr. (/’oy. plus bas), tandis qu'il n'y a point
de semblables cils aux pattes des Hétérogynes sociaux.
(2) On ne connaît encore, comme du vivant de M. Latreille,
ainsi qu'il le dit lui-même, que des mâles des genres Dorylus et
Labidus. Le caractère alaire des premiers les rapproche évidemment
des Hétérogynes sociaux. Les Labidus en seront peut-être un jour
disjoints; mais l’état des connaissances actuelles ne permet pas de
les en séparer l’un de l'autre contre l'avis de l’auteur que nous ana-
lysons, mais bien de les réunir tous deux provisoirement aux
sociaux.
(3) Sous-genres Latr. : Apterogyna Latr., Psammotherma Latr.,
Mutilla Latr.
G-
DES HYMÉNOPTÈRES, i
2° Fame. LES FOUISSEURS.
Caractères, Femelles à aiguillon. Mäles et femelles
ailés ; vivant solitairement. Pattes exclusivement pro-
pres à marcher (1), et dans plusieurs à fouir. Lan-
guette toujours plus ou moins évasée à son extré-
mité (2), jamais filiforme ni sétacée. Ailes toujours
étendues (point reployées sur elles-mêmes dans leur
longueur ). Larves apodes vivant de larves ou d’A-
rachnides, se filant une coque, et y subissant ses
deux dernières métamorphoses. Femelles pour la plu-
part préparant leur nid, le creusant dans la terre ou
dans le bois, et l’approvisionnant avant d’y déposer un
œuf (3). Insectes parfaits vivant de miel. Mâchoire et
lèvres alongées, en forme de trompe dans plusieurs.
Genres : Sphex Linn.
me Couvre ou Suspivision. LES SEOLIÈTES,, Latr.
Caractères. Premier segment du thorax tantôt en
forme d'arc, prolongé latéralement jusqu'aux ailes ;
(1) J'avoue que je ne concois pas ce caractère placé ici; il ne
peut signifier autre chose, sinon que les Fouisseurs n’ont pas de
pattes ravisseuses (propres à saisir la proie), et ce caractère est
commun à tous les Hyménoptères.
(2) La languette sera toujours à peu près conformée comme ici,
lorsqu'elle ne sera employée qu’à la nourriture de l'individu et non
à l’approvisionnement du nid.
(3) Les Fouisseurs Latr. ne préparent pas tous des nids à leur
postérité. Ceux quine le font pas, sont parasites, c’est-à-dire qu'ils
pondent dans des nids préparés et approvisionnés par d’autres. Les
larves des parasites éclosant les premières, consomment la nourri-
ture préparée par la femelle vraiment fouisseuse à sa postérité.
16 HISTOIRE NATURELLE
tantôt en carré transversal ou en forme de nœud ou
d'article. Pattes courtes, grosses, très-épineuses ou
fort ciliées; cuisses arquées près du gehou. Antennes
sensiblement plus courtes que la tête et le thorax dans
les femelles. Yeux souvent échrancrés. Corps des
mäles ordinairement étroit , alongé , 8e terminant pos-
térieurement, dans un grand nombre , par trois poin-
tes en forme d’épines ou de dentelures.
Genres : Tiphia, Tengyra, Myzine, Meria, Scolia.
2e Couvre ou Suspivision. LES SAPYGITES, Lat.
Caractères. Premier segment du thorax comme
dans les Scoliètes. Pattes courtes, grêles, point épi-
neuses ni fortement ciliées (1). Antennes, dans les
deux sexes, aussi longues au moins que la tête et le
corselet. Yeux comme dans les Scoliètes. Corps des
mâles comme dans celles-ci.
Genres : Thynnus, Polochrum , Sapyga.
(1) Cette conformation appartient nécessairement dans cette fa-
mille à tous les genres ne renfermant que des espèces parasites ;
mais seule-lle ne dénote pas l'habitude parasite. Les épines des
pattes postérieures , ou les forts cils dont elles sont pourvues, dé-
montrent la faculté de construire un nid; mais les mandibules,
par leur longueur, suppléent quelquefois pour porter la proie. Les
mœurs de la famille dont nous nous occupons ne sont pas encore
assez connues pour plusieurs genres, non plus que leur organisa-
tion dans ses rapportsavec les mœurs, pour qu'on puisse prononcer
sur tous, s'ils sont constructeurs de nids ou parasites. Nous don-
perons cependant notre manière de voir sur tous ceux que nous
croyons dans cette catégorie, afin d'engager nos successeurs dans
cette partie à des observations plus précises. Les mœurs des Thyn-
nus et Polochrum sont inconnues. Les Sapyga paraissent être pa-
rasites, d'après des observations récentes.
DES HYMÉNOPTÈRES. {7
3°. Coure ou Suspivision. LES SPHÉGIDES, Latr.
Caractères. Pattes postérieures une fois au moins
aussi longues que la tête et le tronc. Antennes le plus
souvent grèles, formées d'articles alongés, peu serrés
ou lâches , et très-arquées ou contournées , du moins
dans les femelles. Premier segment du corselet à l’é-
gard de l’étendue et de la forme, avoisinant celui des
coupes précédentes, tantôt carré, soit transversal,
soit longitudinal; tantôt rétréci en avant, en forme
d'article ou de nœud.
Genres : Pepsis, Céropales (1), Pompilus (2), Planiceps ,
Aporus (3), Ammophila, Pronæus, Sphex, Chlorion , Do-
lichurus (4), Ampulex, Podium, Pelopæus.
(1) Ce genre paraît être parasite. Les femelles ont, ainsi que
celles des Dolichurus , une tarière toujours extérieure, ce qui paraît
les rapprocher de la famille des Oxyures.
(2) Sous-genres Latr. : Pompilus Fab., Salius Fab. Les espèces
nombreuses dont se compose ce genre, dans l'état même où le
laisse son adoption par Latreille, diffèrent beaucoup entre elles
par les mœurs. Les unes ont les tarses antérieurs fortement épineux
et s'en servent pour creuser leur nid en terre; d'autres ont ces
mêmes parties assez faiblement ciliées, et creusent leur nid
dans le bois par le moyen de leurs mandibules. Ces deux catégo-
ries ont les quatre jambes postérieures plus ou moins, mais tou-
jours épineuses, conformation qui leur sert à charrier leur proie
et à la tirer après eux dans leur nid. Mais j'ai cru m'apercevoir
que quelques espèces qui n'enlèvent que de petites proies, ne les
portent qu'avec les mandibules, et les font entrer dans le nid
en les poussant devant elles avec le front. Aureste, les carac-
tères qui résultent des diverses habitudes que nous venons d'ex-
pliquer, sont propres à diviser ce genre. Nous croyons aussi
qu'une partie des espèces est parasite, et doit en être retran-
chée.
(3) Probablement parasite.
(4) Probablement parasite.
HYMÉNOPTÈRES , TOME 1. 2
15 HISTOIRE NATURELLE
4e Cours où Susorvisios. LES BEMBÉCIDES , Latr.
‘ Caractères. Premier segment du thorax ne formant
qu’un simple rebord linéaire et transversal ; ses deux
extrémités latérales éloignées de l'origine des ailes
supérieures. Pattes courtes ou de longueur moyenne.
Tête, vue en dessus, paraissant transverse, yeux s'é-
tendant jusqu'au bord postérieur. Abdomen formant
un demi-cône alongé, arrondi sur les côtés près de
sa base. Labre entièrement à nu ou très-saillant (1).
Genres : Bembex, Monedula, Stizus.
5e Coure ou Suspivision. LES LARRATES, Latr.
Caractères. Presque le port des Bembécides. Labre
caché en totalité ou en grande partie. Mandibules
ayant au côté inférieur, près de leur base, une pro-
fonde échancrure.
Genres : Palarus, Lyrops , Larra, Dinetus, Miscophus.
6° Couvre ou Susnivisios. LES NYSSONIENS, Latr,
Caractères. Labre caché intégralement ou en grande
partie. Mâchoires et lèvre ne formant pas de trompe.
Mandibules n'ayant pas d’échancrure à leur côté infé-
rieur. Tête de grandeur ordinaire. Abdomen triangu-
4) Ici Latreille note le caractère des Fouisseurs qui font leur
vid dans la terre, en ces termes : « Jambes et turses garnis de petites
épines ou de cils remarquables, surtout aux tar$es antérieurs des fe-
melles. » Ce caractère se trouve dans beaucoup de genres des cou-
pes antérieures , ou dans une partie des espèces de ces genres.
DES HYMENOPTÈRES. 19
laire ou ovoïdo-conique, se rétrécissant graduellement
de la base à son extrémité, jamais porté sur un long
pédicule. Antennes filiformes ; le premier article peu
alongé.
Genres : Astata, Nysson, Oxybelus, Nitela, Pison.
7° Couvre ou Suspivision. LES CRABRONITES, Latr.
Caractères. Peu différent de celui des précédens.
Tête ordinairement très-forte, presque carrée quand
on la regarde d'en dessus. Antennes souvent plus
s rosses vers le bout ou en massue. Abdomen soit ova-
laire ou elliptique, plus large vers son milieu, soit
rétréci à sa base en un pédicule alongé et comme
terminé en massue.
Genres : Trypoxylon , Gorytes (1), Crabro (2), Stigmus,
Pemphredon , Mellinus, Alyson, Psen, Philanthus, Cer-
ceris.
(1) Nous avons donné, dans une Monographie des espèces à
nous connues de ce geure, des caractères en analogie avec le mode
de nidification des espèces, qui nous ont porté a diviser en plusieurs
le geure Gorytes; nous nous contenterons de dire ici que celui au-
quel nous avous conservé le nom générique est peut-être parasite,
et que d'autres forment un id et l'approvisionnent.
(2) De même que le précédent, ce genre demañde a être divisé
Quelques mâles de Crabro, dans l'état du genre Latreillien, n'ont
que douze articles apparens aux antennes, ce qui forme, dans la
deuxième section des Hyménoptères, une exception fort remar-
quable ; les autres mâles en général, à peu d'exceptions près, et
même ceux de plusieurs Crabro Latr. en ayant toujours treize. Il
est vrai de dire que dans quelques mâles de la famille suivante (les
Diploptères) ce même treizième article est réduit à n'être qu'un
petit crochet spiuiforme,
20 HISTOIRE NATURELLE
3 Fame. LES DIPLOPTÈRES.
Caractères. Ailes supérieures doublées longitudi-
nalement, excepté dans le genre Ceramius (1). An-
tennes ordinairement coudées, et en mussue ou plus
grosses vers le bout (2). Yeux échancrés. Prothorax
prolongé en arrière, de chaque côté, jusqu’à l’origine
des ailes; trois ou deux cubitales fermées aux ailes
supérieures, la seconde recevant les deux nervures
récurrentes. Corps glabre ou presque glabre, noir,
plus ou moins tacheté de jaune ou de fauve. Beaucoup
vivant en sociétés temporaires, composées de trois
sortes d'individus , de mâles, de femelles et de neu-
tres ou mulets (3).
(1) Ce caractere est, je l'avoue, particulier aux Diplopteres, à
l'exception d'un seul genre; il pouvait donc, comme très-appa-
rent (j'en dis autant des yeux échancrés), être mis en premiére
ligne dans la méthode le plus souvent artificielle de M. Latreille :
mais, pour fonder une méthode naturelle, il faut que l'auteur
n'emploie de caractères comme principaux que ceux qui, en modi-
fiant la forme ou la position des parties, modifient simultanément
les mœurs des Insectes, c'est-à-dire au moins l'une des habitudes
suivantes : la nourriture de l'Insecte parfait, ses amours, la pos-
sibilité de construire un nid, sa localité et les matériaux employés,
son approvisionnement ou la nourriture des larves. Avec une mé-
thode fondée sur de semblables caractères , on conçoit qu'en recon-
naissant tels caractères , on peut décider de suite des habitudes et
par conséquent de la famille et de la tribu à laquelle appartien-
drait une espèce d'Insecte qu'on verrait pour la première fois. D'un
autre côté, on concoit qu'il pourra se trouver un geure d'Hymé.
noptères Diploptères qui ne puisse être mis dans la famille dont
nous nous occupons , et le genre Ceramius nous prouve que pour
être Diploptère, suivant Latreille, il n'est pas nécessaire d'avoir
les ailes doublées longitudinalement.
(2) Les antennes coudées n'appartiennent ici, comme dans l'or-
dre entier, qu'aux espèces vivant en société.
(3) Neutres, Voy. la note sur ce mot aux Hétérogynes, Latr.—
DES HYMÉNOPTÈRES. 21
are Traisu. LES MASARBIDES, Latr.
Caractères. Antennes semblant, au premier coup
d'œil , n'être composées que de huit articles; le hui-
tième formant avec les suivans une massue presque
solide, à articulations peu distinctes, et arrondie
ou très-obtuse au bout (1). Languette terminée par
deux filets qui peuvent se retirer dans un tube formé
par sa base. Ailes supérieures n’ayant que deux cellu-
les cubitales complètes. Milieu du bord antérieur du
chaperon échancré, recevant le labre dans cette échan-
crure.
Genres : Masaris, Célonites (2).
2e. Trisu. LES GUÉPIAIRES, Latr.
Caractères. Antennes offrant toujours distincte-
ment douze articles dans les femelles, et treize dans
les mâles , se terminant en massue alongée, pointue,
et quelquefois crochue (dans les mâles) au bout,
Mulets, mot impropre ici. Ce mot exprime l'idée d'un être
provenu du mélange par l'acte de génération de deux espèces
distinctes.
(1) Ce caractère antennaire est à peu près le même que dans le
genre Cimbex et les sous-genres qu'il renferme, dans la tribu des
Tenthrédines ; cependant il ne produit aucun rapprochement mé-
thodique du genre Cimbex avec les Masarides, parce que l'obser-
vation prouve qu'il ne produit entre eux aucune similitude dans
les habitudes morales.
(2) Les mœurs des Masaris et des Célonites, surtout des derniers,
ne sont pas suffisamment observées; mais ils ne vivent pas en
société, et les parties qui chez eux ont rapport à la nidification
les rapprochent comme tribu particulière des Fouisseurs. Nous de-
velopperons ces caractères dans l’expose de notre méthode.
22 HISTOIRE NATURELLE
toujours coudées, du moins dans les femelles et les
mulets (1). Languette tantôt divisée en quatre filets
plumeux , tantôt en trois lobes, ayant quatre points
glanduleux au bout, un à chaque lobe latéral, les
deux autres sur le lobe intermédiaire, qui est plus
grand , évasé , et bifide à son extrémité. Mandibules
fortes et dentées. Chaperon grand. Un épipharynx,
pièce de la forme d’une lanyuctte , placée au-dessous
du labre. Ailes supérieures ayant trois cellules cubi-
tales fermées, excepté dans le genre Ceramius où
el'es n’en ont que deux. Femelles et neutres armés
d'un aiguillon très-fort et venimeux. Plusieurs vivant
en sociétés composées de trois sortes d'individus, Lar-
ves vermiformes, sans pattes, renfermées chacune dans
une cellule, se nourrissant tantôt de larves d’'Insectes
ou d'Aranéides apportées d'avance parla mère dans la
cellule qui doit recevoir l'œuf; tantôt du miel desfleurs,
du suc des fruits et de matières animales élaborés
dans l'estomac de la mère ou dans celui des mulets,
nourriture qui leur est fournie au jour le jour (2).
(1) Malgré ce que dit ici notre célébre auteur, les antennes de
ses Diploptères solitaires ne sont pas coudées, tandis qu'elles le
sont fortement dans les Diploptères sociaux. Ceux-ci, comme on le
sent bien, d'après ce qui a plusieurs fois été répété dans nos
notes , et surtout dans une de celles sur les Hétérogynes, sont
les seuls qui aient des mulets Latr., femelles infécondes, ouvrières
pour nous.
(2) Si l'on désire, comme on paraît le faire aujourd'hui générale:
ment, rapprocher les méthodes de la nature , est-il possible de lais-
ser ensemble des êtres de mœurs si disparates : lesuus purement zoo-
phages à leur sortie de l'œuf, et n'ayant aucune babitude sociale ;
les autres se nourrissant, à la même époque de leur vie, de miel,
de sucs végétaux , et aussi, il est vrai, quelquefois de sues ani-
maux, en cas de disette des premiers, mais assimilés au miel par
une digestion commencée (remarquez que c'est un fait connu que
la séve des végétaux et de toutes leurs parties devient mielleuse
DES HYMÉNOPTÈRES, 23
ire Cour£.
Caractères. Aïles supérieures étendues ; leurs cel-
lules cubitales fermées, au nombre de deux seule-
ment. Palpes labiaux plus longs que les maxillaires.
Genre : Ceramius (x).
5e Covÿe. LES DIPLOPTÈRES SOLITAIRÉS, Latr.
Caractères. Ailes supérieures doublées , ayant trois
cellules cubitales complètes. Mandibules beaucoup
plus longues que larges, rapprockhées en devant, en
forme de bec (2). Lansuette étroite et alongée. Cha-
par l'effet de sa digestion dans les pucerons). Le peu de matières
animales employées par les Vespa pour la nourriture de leurs lar-
ves, par la digestion qu’elles en font avant de les distribuer aux
larves ( quant à cette digestion préliminaire, il est clair que M. Ea-
treille l'a observée de même qué moi ), sont mêlées ét assimilées aù
miel et au jus sucré végétaux qu'elles ont déjà dans l'estomac, ôu
qu'elles récoltent le momént d'aprés. Joignez à cela que ces Di-
ploptères , dont la nourriture première, sous la forme de larves,
est beaucoup plutôt végétale qu'animale, différent des Diploptéres
zoophages par l'instinct de société qui les rapproche de l'animal
pensant êt doué d'une âme, ét les porte à être continuellement
utiles à leurs semblables , et à exécuter de grands travaux conjoin-
tement et de concert avec eux. On peut conclure de ceci que les
caractères pris ici en première ligne pour former une tribu, ne sont,
naturellement parlant, que génériques, et l'on peut croire que
pour constituer une famille ou tribu, il faut des caractéres signifi-
catifs des habitudes morales de toutes les espèces que lof ÿ fait
entrer.
(1) Ce genre nous paraît oct 1 rentrer * y même division
que les Fouisseurs Latr.
(2) L'observation prouve que hé Colééptères qui ont de lüngués
mandibules , ou au moins une grande partie de ceux-ci, à l'excep-
tion de ceux qui les ont disproportionnées ; comme les Luïanüs et
quelques Longicornes, s'en servent pouf attaquer d'autres Insectes
et les dévorer : tels sont la plupart des genres que l'on place dans
24 HISTOIRE NATURELLE
peron presque en forme de cœur ou ovale, la pointe
en avant plus ou moins tronquée. Vivant solitaire-
ment ; des mâles et des femelles seulement : ces der-
nières (toutes fécondes) approvisionnant leurs petits
avant leur naissance et pour tout le temps qu'ils seront
en état de larves. Ces nids tantôt formés de terre, et
tantôt cachés dans les trous de murs , dans la terre ou
dans le vieux bois, tantôt extérieurs et situés sur
des plantes. La mère approvisionnant ces nids de
larves ou d’Aranéides qui servent de nourriture à la
larve (1).
Genres : Synagris, Ptérochile, Odynerus, Eumenes (2).
3e Courx. LES DIPLOPTÈRES SOCIAUX.
Caractères. Mandibules guère plus longues que
les Carabiques qui sont à l'état parfait de vrais zoophages. Ceux
qui les ont d'une longueur démesurée, comme nous, le disions des
Lucanus et de quelques Longicornes , les emploient ou à saisir par
le cou leur femelle pour parvenir à l'accouplement, ou, quand
elles sont en même temps fortes, a scier des branches et former une
troncature où ils puissent introduire un œuf. Dans les Hyménop-
tères Fouisseurs Latr. et Diplopteres solitaires Latr., elles sont
souvent longues sans être démesurées , excepté dans les mâles
Synagris, à qui elles paraissent n'être utiles que pour l'accouple-
ment. Mais dans les femelles de ces nombreuses tribus, elles servent
à porter les proies qui doivent approvisionner les nids. Elles de-
viennent un caractère important, significatif des mœurs, et par
conséquent du premier ordre. Nous verrons bientôt ces mandi-
bules avoir des fonctions différentes, mais également fort im-
portantes.
(1) M. Latreilie, dans son texte, traite ses corps enfouis de ca-
davres. Il faut cependant remarquer que ces proies, d'après les
meilleurs observateurs et mes propres expériences, ne sont qu'à
l'état d'une espèce de paralysie, et vivent encore long-temps sans
pouvoir, par conséquent, se corrompre.
s (2) Sous genres Latr.: Eumenes Latr., Zethus Fab., Discælius
atr,
DES HYMÉNOPTÈRES. 25
larges, ayant une troncature large et oblique à leur
extrémité (1). Languette courte et peu alongée (2).
Chaperon presque carré.Vivant en sociétés com posées
de mâles, de femelles et de mulets. Nid formé de
cellules hexagones composées de fibres de bois ou d’é-
corce réduites en pâte de la nature de celle dont on
fait le papier et le carton; toutes ces cellules ayant leur
ouverture tournée du même côté.
Genre : Vespa (3).
4° Famuze. LES MELLIFÈRES, Latr.
Caractères. Les deux pattes postérieures ayant le
premier article de leurs tarses très-grand, fort com-
primé, en palette carrée ou en forme de triangle ren-
(1) Il n’était pas nécessaire ici que les mandibules fussent alon-
gées, puisqu'elles n'avaient pas de proie à porter. Leur forme les
rend propres à détacher du bois et de l'écorce, les petites fibrilles
qui servent a la fabrication du papier ou carton dont sont construi-
tes les cellules où seront élevées les jeunes larves, et à construire
ces mêmes cellules, ainsi que nous l’expliquerons plus amplement
en décrivant les mœurs des genres qui doivent se ranger ici.
(2) Cette forme de languette est impropre à ramasser le miel
dans les fleurs tubulées, ne pouvant parvenir aux nectaires où il
est déposé, mais elle est excellente pour le récolter sur les fleurs
planes, où vont peu les Apiaires , et pour ramasser le jus des fruits
et autres sucs végétaux. Nous voyons ici pour la première fois la
languette devenir significative d'une portion des mœurs; elle y
sert aussi comme de truelle pour lisser les cellules en dedans eten
dehors , et nous ne manquerons pas de la voir reprendre une forme
à peu près semblable à celle que nous venons de décrire, lors.
qu'elle aura à remplir une fonction à peu près semblable. Ainsi, en
observant les mœurs, on parvient à distinguer les parties caracté-
ristiques Celles-ci, une fois connues, servent ensuite à constater par
analogie les mœurs qu'on ne peut pas observer. Tel est l'avantage
d'une méthode naturelle.
(3) Sous-genres Latr, : Vespa Latr., Polistes Latr., Epipone Latr.
26 HISTOIRE NATURELLE
versé , caractère unique qui distingue (1) cette famille
de toutes les äutres familles d'Insectés. Mâchoires et
lèvre ordinairement fort longues et composant une sorte
de trompe(5). Languetteaÿyantle plus souvent la figure
d'un fér de lance ou d'un filet très-long et dont l’extré-
inité est soyeuse ou velue (3). Larves vivant exclusive-
ment de miel et du pollen des étamines des fleurs.
Insecte parfait ne se nourrissant que de miel (4).
Genre : Apis, Linn. (5).
ire Cours. LES ANDRÉNÈTES, Latr.
Caractères. Division intermédiaire de la languette
en forme de cœur ou de fer de lance ; plus courte que
la gaîne et pliée en dessus dans les unes, presque
droite dans les autres. Des mâles et des femelles seule-
ment, point de neutres, creusant leur nid dans la
(1) Cette assertion sérait vraie si ce caractère était propre a tous
les genres de cêtte famille. La note du bas de li page nous avertit
que des genres parasites sont admis parmi les Mellifères, et n'ont
pas une conformätion identique ( Foy. Latr”: loëo citato, page 341).
Nous trouverons encore d'autres exceptions.
(2) Cé caractère subit aussi des exceptions. Les mächoires et la
lèvre sont quelquefois très courtes.
(3) La languette, en filet trés-long, est destinée à aller cher-
cher le miel dans des fleurs à long tube , comme däns les Euglossa.
Ainsi, dans les Lépidoptères Sphingides, le genre Acherontià,
qui ne vä pas chércher de miel dans les fleurs , a seulément un
court tronçon dé trompé, tandis que le Sphinx Convolvuli êt ses
corigénères l'ont plus longué que le corps, pour puiser le miel au
fond des entonnoirs des Convolyulus et des longs tübes des Nyc-
taigo et des Nicotiana.
(4) Ce caractère est commun à tous les Hyménoptères à l'état
parfait : les temps de disette produisent seuls des apparences d'ex-
ception.
(5) Sauf le Bembex rostrata, un des caractères de la lingüétte
avait porté Linné à le mettre dans lé genre Apis
DES HYMÉNOPTÈRES. 27
terre, et après lavoir approvisionné et y avoir pondu,
le refermant avec de la terre. Mandibules simples ou
terminées au plus par deux dentelures (1). Palpes
labiaux ressemblant aux maxillaires:; ceux-ci ayant
toujours six articles. Languette divisée en trois
pièces ; les deux latérales très courtes, en forme d'o-
reillettes. La plupart des femelles ramassent avec les
poils de leurs pattes postérieures la poussière des éta-
mines et en composent, avec un peu de miel, une pà-
tée pour nourrir leurs larves.
Genres : Hyleus (2), Colletes (3), Andrena (4), Dasypo-
da (5), Sphecodes (6), Haïictus (7), Nomia (8).
2e Coupe. LES APIAIRES, Latr.
Caractères. Division moyenne de la languette aussi
longue au moins que le menton ou sa gaine tubulaire,
et en forme de filet ou de soie. Mächoires et lëvre très-
alongées, formant une sorte de trompe coudée etrepliée
en dessous dans l’inaction. Les deux premiers articles
des palpes labiaux ayant le plus souvent la forme
d'une soie écailleuse, comprimée, embrassant les
deux côtés de la languette; les deux autres très-
petits; le troisième communément inséré près de
l'extrémité extérieure du précédent, qui se termine
en pointe.
(1) Les mandibules, terminées par deux dentelures ; servent à
soulever de petites pierres qui se trouvent dans la fouille du nid,
et a les transporter dehors, quand les pattes n'y peuvent réussir
seules.
(2) et (6) Genres parasites.
(3) (4) (5) et (5) Genres nidifians, récoltans
‘8) Geñre probablemént parasite.
28 HISTOIRE NATURELLE
1r2. PHALANGE. LES SOLITAIRES, Latr.
Caractères. Deux sortes d'individus, mâles et fe-
melles , point de neutres ; chaque femelle pourvoyant
seule à la conservation de sa postérité. Pattes posté-
rieures des femelles n’ayant ni duvet soyeux à la face
interne du premier article de leur tarse (la brosse), ni
enfoncement particulier au côté extérieur de leurs
jambes (la corbeille ); ce côté, ainsi que le même du
premier article des tarses, le plus souvent garni de
poils nombreux et serrés (1).
1re Division.
Caractères. Second article des tarses postérieurs
des femelles inséré au milieu de l'extrémité du précé-
dent ; angle extérieur et terminal de celui-ci ne pa-
raissant pas dilaté ni plus avancé que l’intérieur
1e Subdivision. Les Anprénoïpes , Latr.
Caractères. Palpes labiaux composés d’artieles
grêles , linéaires, placés bout à bout, presque sem-
blables en tout à ceux des palpes maxillaires : ces
articles au nombre de six. Labre court. Femelles sans
brosse au ventre; leurs pattes postérieures velues,
garnies de houpes de poils qui servent à recueillir le
pollen des fleurs. Mandibules tantôt étroites, rétré-
cies vers le bout, terminées en pointe et unies (2),
(1) Lorsque dans cette phalange ce côté est garai de poils, le
genre est nidifiaut , récoltant.
(2) Ces mandibules servent à fouir la terre , à la rendre meuble,
DES HYMEPNOPTÈRES. 29
ainsi que le labre; tantôt en forme de cuilleron (1),
très-obtuses, carénées ou sillonnées et bidentées au
bout. Labre très-dur, cilié en dessus.
Genres : Systropha (2), Panurgus (3), Xylocopa (4).
2°. Subdivision.
Caractères. Palpes labiaux en forme de soie écail-
leuse; les deux premiers articles fort grands, fort
alongés comparativement aux deux derniers, compri-
més , écailleux ; leurs bords membraneux, transpa-
rens. Palpes maxillaires toujours courts, ayant sou-
vent moins de six articles. Labre, dans un grand
nombre, alongé, incliné sur les mandibules, tantôt
en carré long, tantôt en triangle alonsé.
1er Groupe. LES DASYGASTRES, Latr.
Caractères. Ventre des femelles presque toujours
garni de poils nombreux, serrés, courts, formant une
brosse soyeuse (5). Labre aussi long ou plus long que
afin que les pattes puissent la rejeter hors du trou où doit être
placé le nid. Les genres nidifians, qui les ont ainsi conformées,
font leur nid dans la terre.
(1) Ces mandibules faites en cuiller de sabotier ( on appelle
ainsi l'outil avec lequel on creuse le bois à l'intérieur), servent à
creuser le nid ; elles enlévent de petits copeaux de bois à chaque
effort qu'elles font. La preuve en est dans la trace que laissent,
sur les parois intérieures du nid, les carènes dorsales des man-
dibules.
(2) Genre probablement parasite. Mœurs non encore observées.
(3) Genre récoltant, nidiñiant en terre.
(4) Geure récoltant, nidifiant dans le bois avarié.
(5) Dans ce groupe, qui contient cependant plusieurs genres ré-
coltans, le premier article des tarses postérieurs n’a pas la forme
30 HISTOIRE NATURELLE
large et carré. Mandibules des femelles fortes, incisi-
ves, triangulaires et dentées (1). Paraglosses toujours
fort courtes , en forme d'écailles, pointues au bout.
Genres : Cevatina (2), Chelostoma (3), Heriades (4),
Megachile (5), Lithurgus (6), Osmia (7), Anthidium (8),
Stelis (9), Cælioxys (10).
2e Groups. LES CUCULINES (11), Latr.
Caractères. Tarses postérieurs semblables à ceux
des précédens (12). Palpes labiaux, comme dans les
derniers sous-genres, en forme de soies écailleuses;
ne
indiquée pour les Mellifères récoltans par M. Latreille dans le ca-
ractère de famille. Ces fonctions sont passées au ventre qui est
chargé de la récolte du pollen. Ceci forme l'exception indiquée à
la fin de la note première du caractère de la famille des Mel-
liféres.
(1) Ces mandibules varient de forme comme de fonctions dans
les divers genres.
(2) M. Latreille s'est trompé, ou plutôt il a eu tort de se confier
a une experience abusive de M. Maximilien Spinola. Ce genre est
sans aucun doute parasite des Dasygastres. (foyez à notre genre
Ceratina. )
(3) (4) (6) (6) (7) (8) Genres nidifians, récoltans.
(9) (10) Genres parasites. On voit combien M. Latreille a de peine
à placer ses parasites ; il en fourre toujours quelques-uns dans
chaque groupe, tout en convenant qu'ils n'en ont pas les princi-
paux caractères indicatifs des habitudes morales, qu'il attribue aux
autres genres de ces groupes.
(11) La comparaison qu'institue ce mot entre les mœurs du Cou-
cou et celles des genres contenus dans ce groupe nest pas infini-
ment juste Pourquoi créer un mot nouvesu, puisqu'il en existait
déjà un, rendant exactement l'idée à exprimer ? le mot parasite em-
ployé plusieurs fois par M. Latreille. Tous les genres de ce groupe
sans exception sont parasites.
(12) M. Latreille n'ayant pas jugé à propos de distinguer, comme
il se peut , et de caractériser les tarses des parasites , il a voulu les
considérer comme semblables à ceux décrits par lui dans le carac-
tère qu'il donne en général à ses Apiaires solitaires.
DES HYMÉNOPTÈRES. 31
point de brosses ventrales. Genres parasites, tantôt
presque glabres et semblables par leur couleur à des
Vespa, tantôt velus par place. Labre en forme de
triangle alongé et tronqué, ou court et presque demi-
circulaire. Mandibules étroites , allant en pointe, uni-
dentées au plus au côté interne. Paraglosses souvent
longues, étroites, en forme de scies. Ecusson de plu-
sieurs, échancré ou bidenté, tuberculeux dans
d’autres. °
Genres : Ammobates, Phileremus, Epeolus, Nomada,
Pasites, Melecta, Crocisa, Oxæa.
> Drvision. LES SCOPULIPÉDES, Latr,
Caractères. Premier article des tarses postérieurs
dilaté inférieurement au côte extérieur, de sorte que
l’article suivant est inséré plus près de l’angle interne
de l'extrémité du précédent que de l'angle opposé ;
côté extérieur de ce premier article, ainsi que celui
des jambes chargé de poils épais et serrés (1). Dessous
de l'abdomen nu ou au moins dépourvu de brosse
soyeuse (2). Cellules cubitales fermées ordinairement
(1) Dans les Dasygastres récoltans, les seuls pourvus de poils
serrés formant brosse, le ventre qui les porte, est chargé de la ré-
colte du pollen. Dans les Cuculines Latr., point de brosse . ni aux
pattes ni au ventre. Dans les Scopulipèdes Latr., les pattes posté-
rieures des genres nidifians ont des brosses et se chargent de la
récolte du pollen.
(2) Celle-ci devenait inutile, les pattes postérieures se trouvant
chargées des fonctions que la brosse ventrale remplissait dans les
Dasygastres ; en un mot, des organes de mécolte dans tous les ni-
difians ; absence totale de ces organes dans les Parasites.
»
32 HISTOIRE NATURELLE
au nombre de trois, dont les deux dernières reçoivent
chacune une nervure récurrente.
Genres : Eucera (1), Meliturga (2), Anthophora (3),
Saropoda (4), Ancyloscelis (5), Centris (6), Epicharis (7) ,
Acanthopus (8).
2e PnaLance. LES SOCIALES, Lat.
Caractères. Vivant en sociétés composées de mâles,
de femelles et de mulets ou d’ouvrières. Pattes posté-
rieures de ces derniers individus ayant à la face externe
de leurs jambes (/a palette) un enfoncement lisse
(la corbeille), où ils placent une pelote de pollen
qu'ils ont recueilli avec le duvet soyeux ou /a brosse,
dont la face interne du premier article des tarses (La
pièce carrée) des mêmes pieds est garnie. Palpes
maxillaires très-petits et formés d’un seul article.
Antennes coudées.
ie Division. LES SOCIALES ANNUELLES (9).
Caractères. Jambes postérieures terminées par
deux épines (10).
Genres : Euglossa (11), Bombus (12).
(11 Sous-genres Latr. : Eucera Latr., Macrocera Latr. (ces deux
genres récoltans), Melissoda Latr. ( genre Parasite).
(2) (3) (4) (5) (6) (7) Genres récoltans.
(8) Genre probablement parasite.
(9) M. Latreille n'établit pas nominativement ces deux divisions
dans l'ouvrage que nous venons d'analyser, mais elles existent
dans son Genera Crust. et Ins., Parisiis et Argenutorati Am. Kœnig.
180y , tom. LV, p. 159 et 181.
(10) Ce caractère a beaucoup plus de valeur qu'il ne paraît en
avoir au premier coup d'œil.
(11) Genre récoltant.
(12) La plupart des Bombus des auteurs sont nidifians et récol-
DES HYMÉNOPTÈRES. 33
2° Division. LES SOCIALES , pONT LA sOcIÉTÉ DURE
PLUSIEURS ANNÉES.
Caractères. Jambes postérieures n’ayant pas d’épi-
nes à leur extrémité.
Genres : Apis, Melipona.
tans ; mais tous les auteurs ont confoudu avec eux des espèces pa-
rasites que nous en avons détachées et caractérisées comme genre
sous le nom de Psithyrus.
HYMÉNOPTÈRES, TOME L, 3
34 HISTOIRE NATURELLE
CARACTÈRES
QUI DISTINGUENT LA CLASSE DES INSECTES
DES AUTRES ANIMAUX
ET SUBSIDIAIREMENT
LES HYMÉNOPTÈRES.
DES AUTRES ORDRES D’INSECTES,
Les animaux semblent tous doués de cinq sens,
généralement parlant; il peut y avoir à cela des ex-
ceptions, mais peut-être ne sont-elles qu'apparentes ;
car les sens étant les organes donnés à l’être vivant en
état d’animalité, pour distinguer les objets utiles à la
conservation de l'individu et de l'espèce, il paraît
difficile d'admettre d'une manière absolue la privation
de l’un ou de plusieurs d’entre eux dans une classe ou
même dans un ordre d'animaux , puisque les classes
et les ordres subsistent et ne se détruisent pas, ce qui
prouve avec surabondance qu’ils sont tous munis de
tous les moyens de conservation.
Il nous est permis de dire que, dans telle classe ou
dans tel ordre, nous n’observons pas l'organe de tel ou
tel sens; nous pouvons, nous devons même nous ser-
vir de cette apparence de nullité d’un sens pour carac-
DES HYMÉNOPTÈRES. 35
tériser les classes ou les ordres; mais il nous est permis
de penser en même temps que cette absence n’est
qu'apparente.
Les sens sont : le toucher, la vue, l’ouie, l’odorat
et le goût.
L'imperfection de notre propre vue , qui nous force
de nous aider d’instrumens propres à nous rendre sen-
sibles, par le grossissement, les petits objets, nous dit
continuellement que les organes que nous avons cher-
chés inutilement, peuvent exister, etla perfection pro-
gressive des instrumens dont nous sommes obligés
d'aider pour notre usage l'exercice de ce sens, nous
en fait assez souvent découvrir dont l'existence avait
été niée ou au moins mise en problème. Nous ne pré-
tendons, au reste, ici traiter des sens que sous le
rapport des caractères qu’ils nous paraissent offrir par
leur présence apparente sous une forme organique
connue, et par la localité qu'occupent ces organes,
pour distinguer les Insectes des autres animaux.
Le toucher, cette sensation voluptueuse si néces-
saire à la reproduction de l'espèce, a son siége prin-
cipal aux parties génitales de tous les animaux; mais,
dans tous également , il est répandu sur toute la su-
perficie du corps, en observant que, lorsque des
parties osseuses ou crustacées se rencontrent à cette
superficie, elles participent beaucoup moins à la sen-
sation que les parties molles et cutanées ou presque
cutanées. C’est dans ce dernier sens que, dans les
Insectes, le sens du toucher réside dans les parties
de la génération et dans toute la superficie extérieure
du corps. Ceci semble prouvé par les caresses, pré-
lude de l’acte d'amour, et par la forte adhérence, le
rapprochement intime des parties extérieures qui
3:
36 HISTOIRE NATURELLE
peuvent se toucher pendant l'acte de la génération.
Quoique nous jugions bien mieux de nos sensations
que de celles des autres animaux, nous pouvons ici
indiquer la même cause pour expliquer les mêmes
effets. Le toucher n’établit donc pas de caractères qui
distinguent les Insectes des autres animaux.
La vue est ce sens qüi fait distinguer la forme exté-
rieure des objets, leurs mouvemens ou leur immobi-
lité, et qui, en unissant son rapport aux souvenirs
des autres sens , fait juger de la qualité utile, dange-
reuse ou nuisible de ces mêmes objets, sans qu'ils
soient à la portée immédiate des autres sens, ni qu'ils
puissent être jugés par eux, pris isolément. L'organe
connu de la vue est l'œil. Lorsque nous n’apercevons
pas d'œil , nous sommes fondés à dire que l’animal est
privé du sens de la vue : telles sont les classes des
Mollusques , des Annélides, des Vers, des Radiaires
et des Zoophytes. Toutes les classes d'animaux verté-
brés, ainsi que les Crustacés et les Insectes, sont
évidemment pourvus d'yeux , ce qui les distingue des
précédens.
L’ouïe est le sens qui recueille et qui juge les sons.
L’organe de l’ouïe est l'oreille. Si, lorsque nous ne
voyons pas d'oreilles, nous sommes fondés à dire que
l'animal n’entend pas, nous n’accorderions ce sens
qu'aux classes des mammifères et des oiseaux dans
lesquels l'oreille est distincte. Cependant il est bien
diflcile d'admettre l’absence de l’ouïe dans les Insec-
tes, plusieurs d’entre eux produisant des sons dans
le but évident de rendre possible le rapprochement
vers eux d'un individu difiérent de sexe. L'effet étant
certain , doit-on croire que le son est entendu ? ce son
étant toujours produit par le mouvement de certaines
DES HYMÉNOPTÈRES. 37
parties du corps, faut-il penser que le contact de l'air,
mis en vibration, parvient, par le seul toucher, à l’in-
dividu qui doit être averti, sans que le son ait frappé
un organe fait pour l'interpréter ? l'expérience con-
state que la sauterelle et la cigale appellent ainsi leurs
femelles , et la distance est souvent de quelques ving-
taines de toises qu'elles ont à parcourir pour venir
répondre au désir du nouveau Tircis dont la voix al-
lume en elles l'amour. 11 ne paraît guère naturel de
supposer que la cigale, ni la sauterelle, ni aucun In-
secte (car dans tous les ordres d’Insectes on en trou-
vera qui produisent des sons analogues), soit privé
du sens de l’ouïe, puisqu'il faudrait supposer, dans
ce cas, que cette distance et des corps interposés n’em-
péchent pas la vibration de l’air de se propager d’une
manière sensible au sens du toucher. Cependant, un
des caractères qui distinguent Îes Insectes et les autres
classes d'animaux, des mammifères et des oiseaux, sera
de ne pas avoir à nos yeux d’organe distinct de l'ouïe.
L'odorat et le goût sent deux sens, bien analogues
entre eux dans les animaux où le siége de ces deux
sens est apparent , comme dans les mammifères : il est
même remarquable qu’une même membrane sans dis-
continuité tapisse la bouche et le nez, et ne laisse pas
apercevoir de différence saillante de contexture dans
les différentes parties, organes de ces deux sens. La
bouche des Insectes ne paraît nullement propre à re-
cevoir la sensation du goût, et toute autre partie lui
étant naturellement étransère, on peut croire que le
sens du goût est entièrement étranger aux Insectes.
L'odorat paraît être fixé dans les antennes, qui, portées
en avant, agitées continuellement et posées même sur
les objets, en déterminent le choix. |
38 HISTOIRE NATURELLE
Ici nous nous demanderons quel est le sens qui di-
rige le papillon, l'Hyménoptère et autres Insectes,
vers la fleur qui contient le miel propre à la nourrir. Ce
n'est pas la vue ; il vient de très-loin et passe souvent
pour arriver presque en droite ligne par-dessus un
mur. L'ouïe et le toucher ne peuvent ici manifeste-
ment servir de rien, par les mêmes raisons. Le goût
ne juge que joint au toucher. L'odorat est donc le
seul sens qui guide l’Insecte dans la recherche de la
nourriture. Il est, dans les mœurs des Lépidoptères
nocturnes, où au moins de quelques-uns d’entre eux,
une circonstance qui semble prouver que l’odorat est
extrêmement perfectionné dans les Insectes. L’ayant
observée avecle plus grand soin et un nombre de fois,
je crois utile de rapporter ici les faits qui s’y ratta-
chent: Les femelles de certaines espèces du genre
Bombyx sont, dès leur sortie dela coque, trop chargées
d'œufs pour pouvoir voler; ce qui serait un obstacle
à la réunion des deux sexes, si la nature n'avait com-
pensé leur presque immobilité forcée par un don
particulier, par une émanation qui n'a lieu que jus-
qu’à la consommation de l’accouplement.
Il est encore bon de remarquer que , dans ces es-
pèces , dont les œufs sont extrêmement nombreux et
les femelles en petit nombre, les mâles sont très-mul-
tipliés, et que les Bombyx des deux sexes ne voient
point pendant le jour. Or l'accouplement des Bom-
byx Tau et versicolora a toujours lieu de dix heures
de la matinée jusqu’à deux de l’après-midi. Un espace
de plusieurs arpens de bois sépare souvent de la fe-
melle vierge qui vient d’éclore , les mâles avides d’une
jouissance qu’ils n'obtiendront pas tous. Quelle est la
raison qui les force à voler tous dans un mêmesens,
DES HYMÉNOPTÈRES. 39
quelquefois différent de celui du courant d'air? Ils
heurtent tous les troncs d'arbre et les branches qu'ils
rencontrent, privés qu'ils sont de la vue par la clarté
du jour. Mais rien ne les arrête, et ce torrent de mäles
n’est pas plus interrompu par les obstacles que le cou-
rant du ruisseau par le piquet planté dans son milieu :
suivez-les, vous parviendrez à une femelle; ét, si
elle n’est pas accouplée , vous la verrez le centre d’au-
tant de courans de mâles divergens entre eux que la
circonférence d’un cercle a de points qui peuvent
fournir des rayons aboutissant au centre. Au milieu
de Paris, dans mon cabinet, rue du Bac , une femelle
vierge du Bombyx quercüs attira plusieurs mâles en
méms temps. Une autre femelle de cette espèce étant
mise en expérience en même temps qu'une femelle
aptère du Bombyx antiqua, toutes deux vierges, un
grand nombre de mâles des deux espèces entrèrent
dans la chambre par plusieurs croisées, et les mâles
de chacune se dirigèrent successivement vers la fe-
melle de leur espèce, sans se tromper sur le choix, au-
quel la vue, à deux heures de l’après-dinée, ne pouvait
contribuer en rien. Ces mêmes mâles restént immo-
biles pendant le jour, lorsqu'on les met dans lim-
possibilité de sentir aucune émanation femelle.
Ayant vu souvent ces faits se passer sous mes yeux,
j'ai remarqué que le mâle, à son arrivée, parcourt de
l’attouchement de ses antennes toute sa femelle, et il
me semble que ce né peut être que pour s'assurer que,
du corps qu'il sent, vient l’'émanation qui l’a averti
de loin. Je dois donc accorder aux antennes lé sens de
lPodorat. Maïs sa situation, dans un membre très-dif-
férent par sa position et son organisation, de ceux où
je le reconnais dans les autres classes d'animaux , me
40 HISTOIRE NATURELLE
fournit un caractère qui paraît exclure tout rappro-
chement sous ce rapport avec les autres classes d’a-
nimaux , à l'exception des Crustacés et des Arach-
nides.
Ce caractère je l’exprime ainsi : sens de l'odorat
ayant son siége dans les antennes (1).
Les Crustacés ont dix pattes terminées par un seul
crochet ; quelques-uns même, pourvus de pieds-mä-
choires (Latr.), mâchoires auxiliaires ( Savign.),
paraissent en avoir davantage. Leur respiration a lieu
au moyen de branchies; ils ne subissent point de vé-
ritables métamorphoses, c’est-à-dire que leurs mues
successives ne produisent pas à leur forme extérieure
des changemens remarquables, ne faisant guère que
modifier la forme des organes locomoteurs ou en aug-
menter le nombre. Ils sont toujours aptères, et ont
ordinairement quatre antennes.
Les Arachnides ont huit pattes. Leur respiration a
lieu au moyen de branchies. Ils ne subissent pas de
métamorphoses, et leurs changemens de peau n’en-
traînent pas de changemens de forme extérieure. Leur
tête est confondue avec le corcelet , leur corps n'of-
frant qu'un seul étranglement qui sépare l'abdomen
des deux autres parties étroitement unies ; ils sont tou-
jours aptères et n’ont pas d'antennes, mais seulement
quatre palpes ou antennules.
(1) Les organes que l'on nomme habituellement palpes, et que
nous regardons comme de véritabies petites antennes (ou anten-
aules), ayant manifestement le même emploi que les antennes, et
l'exerçant pour toute différence sur des objets plus rapprochés, sont
compris par nous sous le nom général d'antennes ; on doit cepen-
dant observer qu'elles servent encore à contenir la nourriture près
de la bouche. Ce sont, en quelque sorte, des antennes - mains,
comme les Crastacés ont des pieds-mâchoires.
DES HYMÉNOPTÈRES. 41
Les Insectes ont, les uns vingt-quatre pattes ou plus,
les autres six pattes seulement. La respiration se fait
par deux trachées principales, placées parallèlement
l'une à l’autre dans toute la longueur du corps, et re-
cevant et rendant l'air par des stigmates ou ouvertures
extérieures diversement placées. La tête est toujours
distincte. Les antennes sont constamment au nombre
de deux.
Ainsi distinguée des autres classes d'animaux, celle
des Insectes se divise en douze ordres (suivant M. La-
treille, dont j’admets ici la manière de voir, sans blä-
mer ceux qui en caractérisent un plus grand nombre).
Je vais indiquer en quoi ils diffèrent chacun des Hy-
ménoptères , seul ordre dont j'ai à traiter.
Le premier , les Myriapodes , a vingt-quatre pattes
et au delà ; chaque segment du corps en porte quel-
quefois deux paires. Ils sont aptères.
Le deuxième, les 7'hysanoures, outreses six pattes,
qui lui sont communes avec tous les ordres suivans, a
des pièces pédiformes mobiles sur les côtés des segmens
de l'abdomen, ou bien celui-ci terminé par des appen-
dices propres à sauter. Ils sont aptères.
Le troisième, les Parasites , n’a que des ocelles et
point d'yeux proprement dits. Il est aptère. La bou-
che est un sucoir rétractile, caché dans un museau,
ou fente située entre deux lèvres, avec deux mandi-
bules en crochet.
Le quatrième , les Suceurs, est aptère : la bouche
est un suçoir contenu dans une gaine cylindrique de
deux pièces articulées.
Les huit autres ordres sont, généralement parlant,
pourvus d'ailes, quoique dans plusieurs on trouve des
4a HISTOIRE NATURELLE
exceptions plutôt spécifiques où méme dépendantes
du sexe, que génériques.
Le cinquième , les Coléoptères, ont deux ailes mem-
braneuses , pliées simplement en travers dans le repos
et recouvertes dans ce cas par deux étuis cornés. La
position des ailes et des étuis est alors horizontale :
celles-là n'ont qu'un petit nombre de nervares, la
plupart longitudinales , les autres plutôt obliques que
transversales. Ils ont des mandibules et dés mächoires,
et subissent une métamorphose complète, c’est-à-dire
que la forme de la larve, celle de la nymphe et celle
de l’Insecte parfait sont fort différentes l’une de l’au-
tre, et que la nymphe reste en repos sans avoir be-
soin de nourriture.
Le sixième, les Orthoptères , ont quatre ailes, les
deux supérieures droites , jamais pliées, un peu co-
riaces ; les inférieures membraneuses, pliées longitu-
dinalement , et quelquefois en outre transversalement,
dans le repos; pendant lequel les supérieures leur
servent d’étuis et se placent longitudinalement en toit
sur le corps, en se croisant ordinairement un peu à
leur bord interne. Les nervures principales parcourent
l'aile longitudinalement en se ramifiant un peu, et la
membrane intermédiaire est coupée en petites cellules
presque toutes carrées, par des nervures transversales.
La bouche a des mandibules et des mâchoires. La
métamorphose est incomplète, les formes de la larve
et dela nymphe qui mange et qui marche, étant, aux
ailes près, semblables à celles de l’Insecte parfait.
Le septième, les Hérniptères, ont quatre ailes : les
supérieures, crustacées ordinairement de la base jusque
vers le milieu, membraneuses de là jusqu'au bout,
comme le sont en totalité les inférieures ; les nervures
DES HYMÉNOPTÈRES. 43
sont longitudinales et se ramifient peu ; les ailes ne se
ploient dans aucun sens; les inférieures sont recou-
vertes par les supérieures dans le repos, et toutes les
quatre se couchent horizontalement sur le corps. La
bouche est un sucoir formé de soies, qui remplacent
les mandibules et les mâchoires, et renfermé dans une
gaine d’une pièce articulée. Les métamorphoses sont
ordinairement incomplètes dans cet ordre.
Le huitième, les Névroptères, ont quatre ailes
membraneuses, les inférieures jamais plus petites
que les supérieures ; les nervures, tant longitudinales
que transversales, se rencontrant ordinairement à
angle droit, de manière à figurer à peu près le réseau
d’un filet : leur position dans le repos est très-varia-
ble. La bouche a des mandibules et des mâchoires.
Les métamorphoses ne sont pas à beaucoup près tou-
jours complètes.
Le neuvième, les //yménoptères, ont quatre ailes
membraneuses, nues, sans écailles colorées, de con-
sistance égale, sans aucune partie crustacée; les
inférieures toujours moins longues que les supérieures ;
nervures, les unes longitudinales, d’autres transver-
sales, d’autres obliques , formant un petit nombre de
cellules de forme variable selon les genres. Les ailes,
dans le repos, se couchent longitudinalement sur
Fabdomen sans se reployer d'aucune façon dans le
grand nombre, et dans quelques-uns en se reployant
dans toute la longneur. La bouche a des mandibules
et des mâchoires. Les métamorphoses sont complètes
et la nymphe reste sans nourriture dans un repos
complet.
Le dixième, les Lépidoptères, ont quatre ailes
membraneuses, toujours en partie et ordinairement
44 HISTOIRE NATURELLE
en totalité recouvertes d’écailles colorées en forme de
poussière. La bouche à deux filets, remplaçant les
mächoires, qui forment, par leur réunion, un tube plus
ou moins long et roulé en spirale. Les mandibules
ne sont pas visibles. Métamorphose complète; Ja
nymphe restant en repos complet sans nourriture.
Le onzième, les Æhipiptères, out deux ailes mem-
braneuses, plissées en éventail; deux corps crustacés
mobiles en avant du corselet, placés presque comme
des élytres. La bouche a des soies qui semblent rem-
placer les mâchoires.
Le douzième, les Diptères , ont deux ailes membra-
neuses , et souvent, postérieurement à ces deux ailes,
deux corps mobiles qu'on nomme balanciers. La bou-
che a des soies en nombre variable, renfermées dans
une gaine , souvent terminée par deux lèvres.
Les Æyménoptères diflèrent donc des autres ordres
d'Insectes, savoir :
1° Des Wyriapodes , parce que ceux-ci sont aptères
et qu'ils ont au moins vingt-quatre palles.
2° Des Thysanoures, parce que ces derniers sont
aptères et qu'ils ont aussi un plus grand nombre de
membres servant à la locomotion ; ceux de surcroît
appartenant à l'abdomen.
3° Des Parasites, parce que ce troisième ordre est
aptère, qu'il manque d’yeux proprement dits et a la
bouche différemment conformée.
4 Des Suceurs , parce que ce quatrième ordre est
aptère, et par la composition de la bouche,
5° Des Coléoptères, parce que ceux-ci ont des étuis
crustacés et deux ailes seulement, et non pas quatre
ailes entièrement membraneuses.
6° Des Orthoptères, parce que, dans ce sixième
DES HYMÉNOPTÈRES. 45
ordre, les ailes supérieures sont plus ou moins coria-
ces , et que les métamorphoses sont incomplètes.
7° Des Hémiptères , parce que ceux-ci ont la base
des ailes supérieures plus ou moins crustacée, et par
la composition de la bouche.
8° Des Vévroptères, par la réticulation fine, ser-
rée et presque régulière des ailes de ceux-ci, et par
l'étendue respective des ailes inférieures et supérieu-
res, toujours moins grande dans les supérieures.
9° Des Lépidoptères , parce que ce dixième ordre
a les ailes couvertes d’écailles, que leurs nervures
ont une autre disposition, et que la bouche est diflé-
remment conformée, en sorte qu’on n'y distingue rien
qui puisse porter le nom de mandibules.
10° Des Ahipiptères, parce que les ailes ne sont
qu’au nombre de deux dans ce onzième ordre, qu’elles
sont plissées, que les mandibules ne sont pas dis-
tinctes, et que les mâchoires ont la forme de soies.
11° Des Diptères, par le nombre des ailes borné à
deux dans ceux-ci, par leurs nervures autrement dis-
posées , et par la forme de la bouche, où les mandi-
bules ne sont pas distinctes.
Fr
0 HISTOIRE NATURELLE
DU SYSTÈME ALAIRE.
Le système alaire , dans la plus ample signification
de ce mot, aurait pour but de ranger les Insectes,
d’après la différente division des membranes qui com-
posent l'organe du vol, c’est-à-dire les ailes, et d’après
leur forme et celle de leurs parties. On peut dire que
la classification entomologique , pour le caractère des
ordres, s’étaie beaucoup du système alaire. Ainsi les
Hyménoptères se distinguent suffisamment, pour être
reconnus de tout le monde, par leurs ailes (1), au
nombre de quatre , entièrement membraneuses , nues
et simplement veinées.
Divers auteurs ont essayé de caractériser les gen-
res de divers ordres, par les différences secondaires
que des ailes du même ordre ont entre elles ; je veux
dire par le nombre et la direction des veines ou ner-
vures, et par le nombre et la forme des cellules ou
aréoles (espaces transparens) que ces nervures for-
ment et limitent.
Le premier, autant que je puis le croire, un An-
glais, Moses Harris, dans un ouvrageintitulé: Expo-
sition of englich Insects, etc., by Moses Harris,
London, sold by M. White Bookseller, in speet street,
et M. Robson in new bond street, 1782, entreprit de
diviser sous ce point de vue, c’est-à-dire par les dif-
férences qu’il trouvait dans les ailes, certains genres
d’Insectes de Linnée en divers ordres et sections. Il
(1) Il n'y a jusqu'a présent dans cet ordre que des sexes et point
d'espèces aptères.
’. '
DES HYMÉNOPTÈRES. 47
a figuré aussi les ailes de plusieurs autres sans les
diviser , donnant pour chaque genre une aile grossie,
ainsi que pour les divisions ou ordres, et les sections
qu'il a formées dans les autres; et ces figures d’ailes
grossies sont généralement remarquables par une exac-
titude qu’on était alors bien éloigné de donner aux
dessins d’entomologie. Il y a des Hyménoptères parmi
les Insectes ainsi figurés par Moses Harris : mais con-
tent de figurer l'aile exactement , il n'explique pas les
caractères qu'on peut y reconnaître, et me donne de
nom, ni à leurs nervures, ni aux cellules qu’elles for-
ment. Cependant je crois devoir rapporter ici dans
les propres termes de l’auteur (quoiqu'ils contien-
nent quelques fautes de français), les motifs qui lui
firent envisager les nervures des ailes comme un cça-
racière utile ou même nécessaire à la connaissance
de genres et des espèces.
« J'ai rangé, dit cet auteur ( préface de l’ouvrage
» indiqué plus haut), les Insectes dans leurs ordres
» respectifs, par des distinctions si marquées et cir-
» conspectes , selon la manière de Linnæus, en sépa-
» rant les classes d’une manière si distinguée qu'un
» observateur au premier coup d'œil d’un Insecte (sl
» est un Diptera ou un Hyménoptera) sera capable
» non-seulement de savoir de quelle classe elle est,
» mais aussi de quel ordre et de quelle section de
cette classe, et le tout par le moyen des ailes.
» Je dois la découverte de ce grand nombre d'espèces
d’Insectes (et particulièrement celles de Musca) con-
» tenues dans cet ouvrage, aux tendons (nervures)
des ailes, car ayant fait dans une certaine saison la
» collection d’un grand nombre, j’eus besoin de sé-
parer Les espèces et d'ôter les doubles, mais, manque
4
C2
Ê2
4 HISTOIRE NATURELLE
» de plan ou de méthode propre à suivre, je ne sa-
» vais pas où commencer; et il m'en fallait un qui
» püt effectivement m'empêcher de prendre un mâle et
» une femelle d’une même espèce , pour deux espèces
» diflérentes, et afin que les femelles ne fussent pas
» séparées des mâles de leurs mêmes espèces , en les
» plaçant dans deux ordres différens. Je m'apercus à
» la fin par la différente disposition des tendons, qu'il
» y avail un certain nombre d'ordres ou sortes d'ailes :
» je commençai aussitôt à les diviser séparément. De
» cette facon je surmontai la difficulté, car ce n’était
» qu'une tâche fort agréable de choisir les espèces
» différentes de chaque ordre ; mâles et femelles , et de
» les placer ensemble. C’est pourquoi ce me fut un
» motif eflicace pour insérer les figures des ailes selon
» leurs différens ordres, afin que quiconque puisse
» être dans le dessein de faire la collection de Diptera
»,et Hymenoptera, ait l'occasion du même profit et
» de la même assistance que j'ai expérimentée moi-
» même. »
L. Jurine, en 1807 (je ne crois pas que dans le laps
de temps qui s'était passé depuis l’année 1782 et l’ou-
vrage de Moses Harris, il eût paru d'ouvrage ayant
rapport au système alaire), publia à Genève, chez le
libraire Paschoud , une /Vouvelle Méthode de classer
les Hyménoptères, etc. Dans l'introduction de cet ou-
vrage il établit les principes d'un système alaire du-
quel il se proposait de tirer les principaux carac-
tères des genres.
» Avant que de faire connaître, dit-il, quelles sont
» les cellules de la grande aile (c'est-à-dire l'aile supé-
» rieure) que j'ai choisies pour signaler les genres chez
» les Hyménoptères, il est indispensable de donner
»
ÿ
»
Y » Y M'S
2
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 49
quelques explications préalables. L'aile supérieure
présente dans son bord externe ( ou antérieur si
elle est censée étendue) deux grosses nervures pa-
rallèles qui sortent du corcelet, qui se terminent
au point de l'aile (le point épais), et qui sont for-
tement unies l’une à l’autre par une expansion de la
membrane qui constitue l’aile. Ces deux nervures
n'ayant pas encore reçu de nom, j'ai jugé qu'il était
nécessaire de leur en donner un, soit pour les faire
connaître plus exactement, soit pour pouvoir ca-
ractériser par un seul mot les cellules formées par
les nervures secondaires qui naissent de ces deux
nervures principales; en conséquence, j'ai donné
celui de radius à la nervure externe, et celui de cubi-
tus à l’interne ( PI. TI, fig. 2, a, b (x).
» On voit sortir du point de l'aile une nervure qui,
en se dirigeant vers le bout de l'aile, laisse, entre
elle etle bord externe de l'aile, un intervalle mem-
braneux ou une cellule, dont la figure variera suivant
l’inflexion de la nervure, et que je nommerai cellule
radiale , cellula radials (P1.T, fig. 4,5, a).
» Il arrive quelquefois qu’une seconde nervure,
partant aussi du point, mais plus postérieurement
que la précédente et descendant presque perpendi-
culairement sur elle, coupe en deux parties la cel-
lule radiale primitive ; alors il y a deux cellules ra-
diales (PI. T, fig. 2 d).
» Dans quelques individus, on voit la cellule radiale
(1) Les planches de notre propre ouvrage, étant bien loin d'être
terminées et devant avoir une explication particulière , nous décla-
rons que la plupart des planches et figures que nous citons dans
ce système alaire sont celles de l'ouvrage de Jurine, qui est ou doit
être dans les mains de tous les hyménoptéristes.
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 4
50 HISTOIRE NATURELLE
»
»
ÿ
»
2
LA
primitive terminée par une autre très-petite cellule :
dans ce cas, èt lorsque la nervure d'intersection ne
sort pas du point , je nomme la cellule radiale, ce/-
lule appendicée, cellula appendicea (PI. 1, fig. 3, a).
» Lors donc que l'aile n’a qu'une cellule radiale,
la nervure qui la forme, naît ordinairement du mi-
lieu du point (PI. 1’, fig. 4, 5). Lorsqu'elle en a
deux , là première nervure part de derrière le point,
tandis que la seconde, celle d'intersection , sort du
point même (PI. : fig. 2);.et lorsque la cellule ra-
diale est appendicée, on remarque à son extrémité
une petite cellule qui semble lui avoir élé ajoutée
(Plr,fig. 3,4).
» De l'extrémité du cubitus et près du point, on
voit sortir une autre nervure qui se dirige aussi vers
» le bont de l’aile : l'intervalle membraneux compris
»
»
»
»
»
»
entre cette nervure ét la nervure radiale forme une
grande cellule , que j'appellerai cellule cubitale, cel-
lula cubitalis (PL. 1, fig. 4, b). Cette grande cellule
est souvent divisée en deux, trois ou quatre par des
nervures transversales (P1. 1, fig. 2,3,5).
» Il y a des ailes dans lesquelles la nervure qui
forme la cellulé cubitale n’atteint pas le bout de
l'aile, comme on l’observe dans la PI. 1, fig. 4,6 ;
de sorte que la cellule n’est pas terminée. Je nom-
merai cette cellule incomplète, cellula incompleta.
» Dans quelques genres on remarque que Îles ner-
vures d'intersection, qui descendent de la nérvure
radiale, sont disposées de manière qu’une des cel-
lules cubitales, ordinairement la seconde, paraît
être supportée par une tige en forme de pétiole;
de telles cellules porteront le nom de cellules pétio-
lées , cellulæ petiolatæ (PI. x, fig. 3,8).
DES HYMÉNOPTÈRES. 54
» On trouve enfin des ailes qui n’ont que la cellule
» radiale , d’autres où l’on ne peut découvrir que de
» légères nervures sans formation de cellules, et quel-
» ques-unes qui sont entièrement dépourvues de ner-
» vures et de cellules. C’est sur la présence ou l’ab-
» sence, le nombre et la figure de ces cellules radiales
» et cubitales , que sera fondé le premier de mes carac-
» tères génériques chez les Hÿménoptères.
» Les cellules cubitales recoivent fréquemment du
» réseau de la partie postérieure de l'aile , que je sup-
» pose ouverte, une ou deux nervures ascendantes qui
» sortent des nervures brachiales (PI. 1, fig. 2,g);
» et qui s’insèrent tantôt à la première et à la EURE
» des cellules cubitales , tantôt à la seconde et à la troi-
» sième, d’autres fois à une seule cellule. Ces nervures,
» que je désignerai par l’épithète de nervures récur-
» rentes, nervi recurrentes (PI. 1, fig. 2,$f, etfis. 5,
5 b), St fourni un très-bon caractère pour l établis-
» sement des familles dans un genre dont les espèces
» avaient toutes le même nombre de cellules radiales
» ou cubitales; par exemple, le premier de mes gen-
res, celui des 7enthrèdes , dont l'aile a deux cell ules
» radiales et trois HT pM est divisé en deux fa-
» milles, parce que dans l’une la première cellule
» cubitale recoit les deux nervures récurrentes , tandis
» que dans l’autre ces deux nervures se rendent cha-
» cune dans une cellule différente.
» Ce que je n’ai pu expliquer qu'imparfaitement,
» sera facilement compris en jetant les yeux sur la
» première Planche, où les nervures consacrées à
caractériser les genres n’ont été que ponctuées. »
M. Latreille admet comme auxiliaires, pour distin-
güer les genres, les caractères alaires ; il me paraît
â.
LA
ÿ.
52 HISTOIRE NATURELLE
même, dans certains cas peu nombreux, les avoir
employés seuls pour caractériser certaines coupes gé-
nériques. Aux caractères indiqués par Jurine dans
l'exposé que nous venons de rapporter de la méthode
de cet auteur, tous tirés des cellules radiales et cubi-
tales , et des nervures récurrentes, Latreille en joint
qu'il tire des cellules discoïdales, c'est-à-dire de celles
qui occupent le disque ou milieu de l'aile.
Dans notre manière propre d'envisager le système
alaire par rapport aux seuls Hyménoptères, nous ne
considérons comme pouvant fournir des caractères
que l'aile supérieure. Cette aile nous paraît pouvoir
être toujours considérée idéalement comme composée
de quatre parties ( Voy. la fig. 2 de la PI. 1°° du
1°" vol. de cet ouvrage, et l'explication de cette plan-
che). Notre fig. 2, PI. 1"°, représente une aile ainsi
divisée. La première de ces parties, qui s'attache au
côté supérieur, ou, comme il nous semble qu'on peut
le dire, à l'épaule du corselet (1), contient plusieurs
cellules (2) longitudinales , et toujours les plus longues
(1) Comme cette explication de notre système alaire doit prin-
cipalement être utile aux commencans, nous défivirons ici le mot
cellule comme exprimant un espace membraneux, ordinairement
entouré de nervures.
(2) J'abandonne volontiers à la critique ces termes: épaules,
brach al, eubitus, radius, cubitale, radiale, etc., que je n'ai pas
inventés , et je ne prétendes pas que les organes que je nomme
ainsi avec ceux qui mont précédé, remplissent des fonctions ana-
logues à celles des parties dénommées ainsi dans l'homme Je dé-
sirerais, au contraire, que la critique qui peut en être fuite, fût
assez raisonnée pour substituer à ces dénominations des noms fon-
dés sur une véritable analogie et l'anatomie comparée, qui ne fus-
sent pas trop longuement composés , et équivalussent à une idée et
non pas à une phrase. Je sens inêine que cette note peut être cri-
tiquée ; mais que le critique se donne la peine , je ne dirai pas de
faire mieux, cela est facile, mais de faire bien, ce qui est difficile.
DES HYMÉNOPTÈRES. 53
de toutes, séparées entre elles par des nervures longi-
tudinales que j'appelle nervures brachiales ; je nomme
aussi les cellules dont elles font la limite, cellules
brachiales, et la partie de l'aile qui contient ces cel-
lules et ces nervures est pour moi la partie brachiale
de l'aile. Cette partie s’étend sur le bord extérieur de
l'aile jusqu’au point épais, et sur le bord intérieur
elle finit au sinus rentrant que ce bord forme ordinai-
rement un peu passé son milieu. Le plus souvent
cette partie contient quatre cellules : la première très-
étroite et ordinairement linéaire, bornée à l’extérieur
par la nervure que Jurine appelle ratius, et à l’inté-
rieur par celle qu'il appelle cubitus. Quelquefois une
nervure transversale, allant du radius au cubitus,
sépare en deux cette cellule. La seconde, ordinaire-
ment de forme presque triangulaire, séparée de la
première par le cubitus, l’est de la troisième cellule
brachiale par la première nervure intermédiaire, qui
est la troisième des nervures brachiales. La troisième
cellule brachiale est comprise entre la première ner-
vure intermédiaire et la seconde intermédiaire, qui est
la quatrième nervure brachiale. Enfin, la quatrième
cellule brachiale s'étend de la quatrième nervure bra-
chiale jusqu’au bord intérieur de l’aile, et est souvent
divisée par des nervures dont la direction n’est ordi-
nairement ni vraiment longitudinale, ni exactement
transversale.
Les caractères que l’on peut tirer de cette partie de
l'aile, ont rapport à la présence ou à l’absence des ner-
vures brachiales. I! suffit d'ajouter que l'aile, que nous
considérons comme complète souscerapport, a toujours
les quatre nervures brachiales et les quatre cellules. Les
figures d'ailes grossies, de Jurine , PL. 2, 3, 4 et plu-
!
54 HISTOIRE NATURELLE
sieurs de la P]. cinquième, savoir , les n°* 35 bis, 38,309,
41, 42, 43, etles 1°", 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° du Sup-
plément , sont complètes sous l'aspect de la partie bra-
chiale. Dans les fi :ures de la PI. cinquième, les n°‘ 40
45.46 et la dernière du Supplément sont privées de 4
deuxième nervure intermédiaire ou quatrième bra-
chiale. Les n°* 44 et 47 n’ont que les deux premières
brachiales, c’est-à-dire le radius et le cubitus, et la
première brachiale ou radius se trouve seule dans les
n° 47 et 48.
La seconde des parties de l'aile supérieure des Hy-
ménoptères, telle que nous la représentons dans la
fs. 2 de notre Planche première, contient le point
épais, c'est-à-dire une portion épaisse du bord exté-
rieur de l'aile placée à l'endroit où finit la partie droite
du radius de Jurine. De ce point épais , ordinairement
opaque, part une nervure habituellement arquée qui
va presque toujours rejoindre le boid extérieur de
l'aile au-dessous du point épais, à une plusou moins
grande distance de ce point, ou à une plus ou moins
grande proximité du bout de l'aile. Cette nervure nous
l'appelons radius inférieur ou simplement radius,
parce que nous aurons peu à parler du radius de la
partie brachiale. L'espace que comprend cette nervure
entre elle et le bord extérieur de l’aile est l’espace ra-
dial. Cet espace contient une, deux ou trois cellules
dites cellules radiales ou seulement radiales , séparées
par des nervures plus ou moins transversales ou obli-
ues. On ne trouve trois radiales que dans le genre
. ela (For. dans mes Planches la figure de l'aile de
ce genre inconnu à Jurine). Il ya Fi radiales dans
les ailes représentées, Genres 1, 3, 4, 7, 9,10 et 15 de
la PL deuxième de Jurine : dans ces cas, les deux ra-
DES HYMÉNOPTÈRES. 55
diales sont à peu près égales, ou au moins la seconde,
qui est la plus rapprochée du bout de l'aile, est la plus
grande. Il n’y a qu'une radiale dans les fisures désailes
représentées , Genres 2, 5, 6, 8,9, PI. deuxième, ordre
premier, Jurine, et dans celles des genres 1, 2, 3, 4 du
second ordre, même Planche, ainsi que dans toutes les
figures de genres des 3°, 4° et 5° Planches. Cette cellule
est complète lorsqu'elle est fermée par la nervure 1a-
dius qui rejoint le bord extérieur de l'aile : je l'appelle
incomplète, lorsque le radius la laisse ouverte vers le
bout de l'aile, parce qu'il se termine sans atteindre le
bord extérieur de celle-ci. Tel est le cas des radiales
des ailes représentées dans Jurine, PI. 2, genre 11, et
P1.5, genres 43, 44, 43 et 48, et genre Tachus du
Supplément. J’appelle la radiale, radiale appendicée,
lorsqu'elle porte à son bout une petite cellule com-
plète, c'est-à-dire fermée, ou incomplète, c’est-à-dire
ouverte. Ainsi, la radiale est appendicée dans les figu-
res de Jurine, PI. deuxième, genre 2 ; PL. troisième,
genre 10; PI. quatrième, genres 24, 26, 27, 29, 33.
Cette petite cellule s'appelle appendice : l’appendice
est complet dans les figures PI. deuxième, genre 2;
PI. quatrième, genres 24, 26, 20, et 33; il est incom-
plet, c'est-à-dire qu'il reste ouvert, parce que la ner-
vure qui le forme n'atteint pasle bord de l'aile dans les
figures de Jurine, PI. troisième, fig. 10, et PI. qua-
trième , fig. 27. l
La seconde partie de l’aile supérieure contient en:
core un autre ordre de cellules, qui est borné à sa.
partie la plus intérieure de l'aile par la nervure qui
naît au-dessus du radius, et que nous appéllerons
cubitus inférieur ou simplement cubitus. Le cubitus
commence ordinairement vers la. partie inférieure du
56 HISTOIRE NATURELLE
cubitus supérieur au-dessus du point épais. Il en est
ainsi dans toutes les figures de Jurine de son ordre pre-
mier (Pl.2),et dans tous les genres de l’ordre second
(même Planche ). L'insertion de sa base est la même
dans l’ordre troisième de cet auteur pour les genres
premier, deuxième famille, et pour ceux à partir du
troisième jusqu’au vingt- huitième inclusivement ; il
en est de même du trentième au quarante-deuxième
compris. Mais, dans le genre premier, première fa-
mille du troisième ordre, la partie supérieure du cu-
bitus inférieur est oblitérée; il ne commence que
plus bas, et cette conformalion se retrouve dans les
deuxième et vingt-neuvième genres (ordre 3, PI. 3
et 4, Jur.). Nous verrons les suites de cette oblitéra-
tion en parlant de la troisième partie de l’aile, et j'ap-
pelle l'attention sur les conséquences que j'en tire,
ma méthode diflérant en cela de celle de Jurine. Le
cubitus se dirige en se portant vers le bout de l'aile,
de manière qu'il ne l’atteint pas toujours. Il est repré-
senté comme l'atleignant, par exemple, dans le pre-
mier genre da premier ordre, et dans le second genre
du second ordre (PI. 2). Il est figuré comme ne l’attei-
gnant pas, par exemple, dans le huitième genre du pre-
mier ordre , et dans le premier genre du second or !re
de la PI. deuxième de Jurine. Que le cubitus atteigne ou
n’atteigne pas le bout de l’aile, l’espace entre lui et le
radius est l’espace cubital. Il renferme une ou plu-
sieurs cellules, dont la forme aide souvent à distin-
guer un genre d’un autre : ainsi, la seconde cellule
cubitale, triangulaire dans les Xylocopa (Jurine,
genre 37, PI. 4, sub Bremo), sert parfaitement à
distinguer ce genre , et ceux que nous formons à ses
dépens, des Bombus (Jurine, genre 37, PI. 5, sub
DES HYMÉNOPTÈRES. 97
PBremo ). La comparaison de la capacité et de la lon-
gueur respective des cellules renfermées dans l’espace
cubital, qui portent le nom de cellules cubitales, ou
simplement cubitales, peut aussi fournir une note
caractéristique utile : ainsi, dans la première famille
du genre Dolerus Jur. (PI. 2, ordre 1‘*), la première
cellule cubilale est beaucoup moins longue que la
même première cubitale dans la deuxième famille du
même genre (même Planche, même ordre, même n°,
Jurine). Quoique renfermées toutes entre le radius
et le cubitus, il y a des cellules cubitales qui n'ont
pas de côté (ou , en d’autres termes, de nervure d’in-
tersection) qui leur appartienne en communaulé avec
la radiale ou les radiales. Ces cubitales semblent por-
tées par une nervure partant du radius ; cette nervure
se bifurque avant d'atteindre le cubitus, et c’est entre
les rameaux de cette bifurcation qu'existe la cellule,
ou espacé membraneux, dont nous parlons. Celles
ainsi formées paraissent portées par une espèce de
tige ou pétiole, et se nomment cellules cubitales pé-
tiolées, ou simplement cellules pétiolées. La seconde
cubitale est pétiolée dans les genres 12 bis et ter,
21, 22, 23, 24 et 25 du 3° ordre de Jurine ( PI. 3
et 4). Il arrive que la dernière cubitale est com-
plète ou qu’elle est incomplète : elle est complète,
si le cubitus , dans son prolongement vers le bout de
V’aile , atteint ce bout. Elle est incomplète dans le cas
contraire: mais, dans ce dernier cas, elle peut être
commencée si le cubitus dépasse par son prolonge-
ment l’avant-dernière cubitale fermée (par une ner-
vure oblique ou transversale). Nous allons tâcher de
rendre ces principes utiles, qui dérivent des divisions
idéales que nous figurons dans l'aile, plus sensibles
58 HISTOIRE NATURELLE
par des exemples. L’aile des genres Cruptus, Allan-
tus, Nematus, Trachelus et Urocerus Jur. (PI. 2,
ordre 1°), a quatre cubitales, et la quatrième et der-
nière est complète, parce que le cubitus est repré-
senté atteignant le bord de l'aile vers son bout. L’aile
des genres Tenthredo, Dolerus et Pieronus Jur.
(PI. 2, ordre 1°" ) a trois cubitales, et la troisième et
dernière est complète par la même raison que les pré-
cédentes. L’aile du genre Sirex dur. (PI.2, ordre 1°°)
a quatre cubitales, et la quatrième est incomplète,
parce que le cubitus n’est pas représenté atteignant le
bord de l'aile ; elle est seulement commencée, parce
que le cubitus dépasse par son prolongement la troi-
sième où avant-dernière cubitale. Dans le genre
Oryssus Jur. (PI.2, ordre 1°), il y a deux eubitales,
et la seconde est incomplète et seulement commencée,
parce que le cubitus dépasse par son prolongement
la première cubitale, et cependant n’atteint pas le
bout de l'aile. Dans le genre Stephanus Jur (PL 2,
ordre 2), la deuxième ou dernière cubitale est com-
plète, parce que le cubitus est représenté atteignant
le bord de l'aile. Il en est de même du genre Fœnus,
du même ordre, même Planche, et autres genres. La
troisième ou dernière cubitale est représentée incom-
plète dans la figure du genre 12 bis, PI. 3, Jur.,
parce que le cubitus dépasse la cubitale précédente,
c'est-à-dire la seconde, et qu'il n’atteint pas le bord
de l’aile. Dans les figures des genres 11 et 12 primo,
même Planche, la troisième celluie ou la dernière
n’est même pas commencée, parce que le cubitus ne
dépasse pas la seconde cuhitale. Cependant je compte
systématiquement trois cubitales dans ces deux der-
nières ailes, dont la troisième est dite 20n commencée ;
DES HYMÉNOPTÈRES, 59
car la partie troisième de ces ailes ou }’ espace cubital
se continue sans intervalle au delà de la seconde cu-
bitale, et doit avoir un nom de cellule comme tout
autre espace membraneux. Dans le genre 9, Larra, de
la même Planche, nous comptons de même quatre
cubitales , et la quatrième est zon commencée. Enfin,
dans les genres 43, 47 et 48, Jur., PI.5, la pre-
mière cubitale est 07 commencée par l'absence totale
du cubitus. J’espère que ces exemples, et la figure
dans laquelle je représente une aile divisée, suffiront
pour que l’on puisse apprécier le nombre des cubita-
les dans une aile d'Hyménoptère, quel qu'il soit ;
et l’on conçoit bien que si leurs modifications , que
nous venons d'expliquer, peuvent être utilement em-
ployées dans la distinction des genres, leur nombre
est un caractère plus important.
La deuxième partie de l'aile, à cause du grand
nombre des caractères qu'elle fournit , s’appellera
partie caractéristique. Les cellules PTE. et cubi-
tales, d'après leur nombre, s'appellent première,
deuxième, troisième et quatrième, selon qu’elles
s’éloignent plus du point épais et qu’elles se rappro-
chent davantage du hout de l'aile. La première dans
ces deux ordres de cellules est la plus près du point
épais et la plus éloignée du bout de l'aile.
La troisième partie que nous distinguons dans l'aile
de l’'Hyménoptère, en occupe à peu près le milieu ou
le disque , d’où elle prend le nom de disque; et les”
trois cellules qui la composent ordinairement, le nom
de cellules discoidules ou simplement diseoidales. La
première cellule discoïdale est celle qui confine en
même temps avec la partie brachiale et la partie carac-
téristique de l'aile. La forme et la capacité de cette
6o HISTOIRE NATURELLE
cellule varient beaucoup et peuvent fournir des carac-
tères. La seconde discoïdale confine en même temps
avec la partie brachiale et la première discoïdale, et
elle s'approche, ordinairement par un angle, du sinus
du bord postérieur de l'aile. La troisième discoïdale
confine avec les première et seconde, avec la partie
caractéristique et avec la quatrième partie de l'aile
dont nous parlons plus bas. La nervure qui sépare le
disque de la partie caractéristique, comme on le voit
dans les figures, est le cubitus dont nous avons déjà
parlé. Quelquefois la partie supérieure du cubitus
est oblitérée; alors l’espace membraneux de la pre-
mière cubitale se trouve augmenté de tout l’espace
membraneux de la première discoïdale. Ce caractère
s'exprime par ces mots : première discoidale confon-
due avec la première cubitale, cette dernière étant,
dans ce cas, considérée seule comme existante, tandis
que la première discoïdale n’est plus censée existante.
Il faut donc dire que la première discoïdale est con-
fondue avec la première cubitale dans les genres 1°°
(1° famille), 2° et 29° de l’ordre 3 de Jurine (PI. 3
et 4). Les autres nervures qui bornent les cellules
discoïdales , obliques ou trarsversales, n'ont pas de
noms particuliers et ne fournissent pas de caractères,
à l'exception de deux qui prennent le nom de nervures
récurrentes où simplement récurrentes. La première
récurrente est la nervure d’intersection , qui sépare la
troisième discoïdale de la première, quand celle-ci
existe. On doit conclure de cette définition que la
première récurrente n’exisle pas et ne peut être men-
tionnée que pour son absence dans les caractères, quand
la première discoïdale, confondue avec la première
cubitale, n'existe pas. Il en est ainsi dans les genres 1°
DES HYMÉNOPTÈRES. 6:
(1re famille), 2° et 29° de l’ordre 3° de Jurine ( PI. 3
et 4). La deuxième récurrente est la nervure d’inter-
section qui sépare la troisième discoïdale de la qua-
trième partie de l'aile. On tire des caractères des ner-
vures récurrentes, en désignant à laquelle des cellules
cubitales elles viennent aboutir. Ainsi, la première
cubitale recoit les deux nervures récurrentes dans le
1 genre (1'° famille }, ordre 1°", Pl. 2; dans le
28° genre (2° famille), ordre 3°, PI. 4; et dans le
genre Pteronus, Suppl., PI. 5, de Jurine. La pre-
mière cubitale recoit la première récurrente, tandis
que la deuvième cubitale recoit la deuxième récur-
rente dans les ailes des genres 1° (2° famille), or-
dre 1, PI. 2, Jur.; 4° (2° famille), ordre 1°", PI. 2,
Jur.; 6° (1° famille }, ordre 1°, Pl. 3, Jur.; 3,
ordre 2°, PI. 2, Jur.; 8° bis, ordre 3°, PI. 3, Jur.;
115 ordre 3. Pl: 3, Jur.#25°, ordre 3; PF 4, Jur.:
26%, ordre 3°. PI. 4, Jur.: et 30°, ordre:3°, PI. 4,
Jar.
La première cubitale recoit encore la première ner-
vure récurrente dans la figure du genre 19, Jur.,
ordre, 3, PI. 4; mais c’est la troisième cubitale qui
recoit la seconde récurrente.
La seconde cubitale recoit la première récurrente,
et la troisième cubitale recoit la deuxième récurrente,
dans lesfisures de Jurine, dont la liste suit: 1°. Ordre
1°, Pl. 2, genres 2,3, 7,9,10et11;2°. Ordre 3, PI. 5,
4et 5, genres 4,5, 13, 14,18, 21,23, 31, 32, 33,
34, 35, 37 et 38, et dans les figures des genres
Epeolus et Ceratina du Supplément. La seconde cu-
bitale recoit les deux nervures dans les figures de Ju-
rine dont la liste suit: 1°. Ordre 1°", PI. 2, genres #4,
Bet 6; 2°. Ordre 3, PI.3, 4 et 5, genres 9, 10, 12
62 HISTOIRE NATURELLE
(1'* section), 15, 16, 17, 20, 22, 24, 36, et dans
les figures des genres Tachus et Stizus du. Supplé-
ment.
Lorsqu'une des nervures récurrentes aboutit au
même point du eubitus qu'une des nervures d'inter-
section des cellules cubitales, ce caractère s'exprime
ainôi : l'on dit, quoique Jurine ne se soit pas servi de
cës éxpressions, que dans les fizures qu'il a données,
PI. 3, des genres Sphex (1'*° section) et Psen, la se-
conde récurrente aboutit à la nervure d'intersection
des deuxième et troisième cubitales.
La seconde nervure récurrente est celle qui sépare
la troisième discoïdale de la quatrième partie de l'aile,
et peut manquer quelquefois. Nous verrons plus bas
comment ce caractère s’exprime.
La quatrième partie de l'aile, que nous nommons
le limbe, ést bornée par le disque, par les cellules
cubitales qui sont une portion de la partie caractéris-
tique et par le bord postérieur de l'aile. Le limbe
s'étend le long de ce bord depuis la dernière cubitale
jusqu’au sinus rentrant du bord postérieur. Il contient
deux cellules quand il est complet. La première cel-
lule du limbe est celle qui touche aux cubitales; la
deuxième, séparée de la première par une nervure ou
un commencement de nervure qui part de la troisième
discoïdale, s'étend jusqu'au sinus rentrant du bord
postérieur de l’aile.
Lorsque la deuxième nervure récurrente manque ,
là première cellule du limbe est confondue avec la
troisième discoïdale ; tels sont les termes dont nous
nous servons pour exprimer l'absence de la deuxième
nérvure récurrente; caraclère que nous trouvons nO-
tamment dans les figures de Jurine, PI. 2, ordre 1,
DES HYMÉNOPTÈRES. 63
genre 8 ; ordre 2, genre 4; et PI. 3, ordre 3, genres 1,
3et 7.
Lorsque la nervure d'intersection qui descend de la
troisième discoïdale vers le bord de l'aile n’atteint pas
ce bord, les deux cellules du limbe sont incomplètes.
Si cette nervure manque totalement , la deuxième cel-
lule du himbe se caractérise comme confondue avec la
première.
Nous appelons aile complète (PI. 1, fig. 3), celle
dont la partie brachiale contient quatre cellules, dont
la partie caractéristique a ce que nous avons nommé
le point épais, une radiale appendicée ou non appen-
dicée, complète où incomplète (c’est-à-dire fermée ou
non fermée par le bout), et trois ou quatre cellules
cubitales ; la dernière complète ou incomplète ( c’est-
à-dire séparée où non séparée du limbe par le prolon:
gement du cubitus jusqu'au bout de l’aile) : dont le
disque contient trois cellules dont aucune ne se con-
fonile avec les cellules des autres portions de l'aile, et
dans lesquelles aucune de celles-ci ne vienne se con-
fondre (il faut, en un mot, que chacune des trois
discoïdales soit isolée par des nervures): et dont le
limbe existe sans confusion avec le disque.
L’aile est donc complète dans les figures de Jurine
dont l’'énumération suit, savoir : PI. 2, ordre 1,
genres 2, 5et6; mème PI., ordré 2, genre 3; PI. 3;
ordre 3, genres 4, 5, 6,8, 9,10, ii, 12 (1°° famille),
13, 14; et PI. 4, ordre 3 , les genres de 15 à 28 inclu-
sivement , et de 30 à 37 inclusivement ; aussi bien que
les genres Ampulex , Pteronus, Stizus, Epeolus et
Ceratina du Supplément. On voit par cette énuméra-
tion que la plupart des Hyménoptères ont ce que nous
appelons l’ailé complète. Mais, malgré cette simili-
64 HISTOIRE NATURELLE
tude de conformation, le nombre des cubitales, la
forme de diverses cellules et l'incidence des nervures
récurrentes sûr telle ou telle cubitale, fournissent des
caractères constans et qui facilitent la distinction des
genres. Ainsi (nous continuons à nous servir des figu-
res de Jurine), la seconde récurrente, tombant dans
la troisième cubitale presqu'au milieu, dans la figure
de son genre Pompilus, fait distinguer ce genre de la
première famille du genre Sphex , où cette même ré-
currente aboutit à la nervure d’interse tion des se-
conde et troisième cubitales. La forme de la troisième
cellule cubitale, qui est étroite et arquée, aide à
distinguer le genre Larra du genre Astata (Dimorphus
Jurine), qui a cette cellule presque carrée. La deuxième
cubitale triangulaire distingue le genre Xylocopa
(Bremus Jur. n° 37, PI. 4) du genre Bombus (Bre-
mus bis, Jur., PI. 5), qui l’a rhomboïdale.
La deuxième cubitale pétiolée, c’est-à-dire n'ayant
pas de côté commun avec la radiale, fera séparer les
Nyssons des Arpactus, dans l'aile desquels cettecubi-
tale a un c'té commun avec la radiale. Ces exemples
me paraissent suflire pour me faire bien comprendre
sur ce point."
L’aile est surcomplète dans une de ses parties (nous
renvoyons ici à notre figure d'aile décomposée en
quatre parties ,PI. ;, fig. 2), lorsque l'une d'elles con-
tient plus decellules que nous n’en assignons à l'aile
complète. Dans les genres que nous connaissons, cette
surabondance, qui ne paraît point avantageuse pour le
vol, n'existe que dans la partie caractéristique. Ainsi,
le genre Xyela, que Jurine n’a pas connu, à trois ra-
diales. On en trouve deux (y. notre PI. 1, fig. 1
et 2 ) dans les genres Tenthredo, Allantus, Dolerus ,
DES HYMÉNOPTÈRES. G5
Cephaleia, Trachelus, Urocerus et Sirex de Jurine
(Voy. PI. 2, ordre 1°", Jur.), en sorte que la partie
caractéristique des ailes est surcomplète dans ces huit
derniers genres.
L’aile est incomplète dans une de ses parties , lors-
que l’une d'elles, ou plusieurs d’entre elles, ou même
toutes celles qui occupent cette partie, viennent à
manquer.
Procédant ici du plus incomplet à ce qui approche
le plus du complet, nous nous servirons encore des
planches de Jurine. Le caractère donné par la figure
à l'aile du genre Psilus ( ’oy. aussi notre PI. 1, fig. 5),
doit s'exprimer ainsi : aile très-incomplète, n'ayant
que le point épais, et ne portant aucune cellule, tou-
tes étant confondues avec la première brachiale.
Caractère du genre Chalcis, selon la fig. de Jurine.
Deux cellules brachiales , la première et la deuxième ;
la troisième et la quatrième confondues avec la
deuxième. Point épais, pédiculé. Une radiale com-
mencée : les autres cellules de la partie caractéristi-
que confondues avec cette radiale, ainsi que les cel-
lules du disque et celles du limbe. Elles sont dites
confondues avec la radiale, parce que celle-ci n’est
pas fermée.
Caractère du genre Belyta, Jur. Suppl. Trois
cellules brachiales ; la quatrième confondue avec la
troisième. Un point épais : une radiale complète. Une
cubitale incomplète; les autres cubitales confondues
avec la première, ainsi que les cellules du disque et
du limbe.
Caractère du genre Leucospis, Jur. Pour la partie
brachiale, comme au genre Belyta. Un point épais.
HYMÉNOPTÈRES, TOME 1, 5
66 HISTOIRE NATURELLE
Une radiale complète fort longue et fort étroite.
Deux cubitales, distinctes, incomplètes; cellules du
disque et la première du limbe confondues avec la
première cubitale; dernières cubitales confondues
avéc la deuxième.
Caractère du genre Chrysis, Jur. Quatre cellules
brachiales distinctes. Un point épais. Une radiale
fort grande; large et complète. Une cubitale, les autres
cubitales étant confondues avec elle. Trois cellules
discoïdales; la troisièmé incomplète. Première cellule
du limbe se confondant avec la troisième discoïtale.
Une seule nervure récurrente, à savoir, la première
aboutissant près du milieu de la cellule cubitale.
Caractère du genre Cynips, Jur. Trois cellules
brachiäles; la troisième incomplète; la quatrième
confondue avec la troisième. Un point épais, un peu
pédiculé. Une radiale complète, presque triangulaire.
Trois cubitales complètes ; la deuxième presque car-
rée, fort petite; la troisième très-srande. Deux cel-
Jules discoïdales distinctes, incomplètes; troisième
discoïdale confondue avec la première, ainsi que la
première cellule du limbe; seconde cellule du limbe
confondue avec la deuxième discoïdale.
Caractère du genre Oxybelus , Jur. Partie brachiale
complète. Un point épais. Une radiale appendicée.
Deux cubitales distinctes; la deuxième simplement
commencée (le cubitus ne se continuant pas beaucoup
au delà de la première cubitale, et n'attergnant pas
par conséquent le bout de l’aile). Deux discaïdales
distinctes, savoir, la seconde et la troisième; la pre-
mière étant confondue avec la première cubitale;
DES HYMÉNOPTÈRES, 6-
F4
seconde discoïdale complète ; la troisième incomplète.
Cellules du limbe confondues avec la troisième dis-
coïdale. Point de nervures récurrentes.
Caractère du genré Crabro, Jur. Partie brachiale
complète. Un point épais. Une radiale appendicée.
Appendice incomplet, n'étant pas fermé. Deux cubi-
tales distinctes; la première complète, la deuxième
simplement commencée. Trois discoïdales ; la pre-
mière et la deuxième complètes, la troisième incom-
plète. Cellules du limbe confondues avec la troisième
discoïdale. Une seule nervure récurrente, à savoir la
première aboutissant presque à l'extrémité de la pre-
mière cubitale.
Caractère du genre Ichneumon, 1'° famiile, Jur.
Partie brachiale complète. Un point épais. Une ra-
diale complète. T'rois cubitales complètes ; la seconde
très-petite, pentagone. Deux discoïdales distinctes et
complètes, savoir, la deuxième et la troisième; la
première confondue avec la première cubitale. [Une
seule nervure récurrente, savoir, la seconde, abou-
tissant à l’un des angles de la seconde cubitale. Limbe
complet.
Caractère du genre Fænus , Jur. Partie brachiale
complète. Un point épais. Deux cubitales complètes
et distinctes. Trois discoïdales distinctes; la première
complète, linéaire, très-étroite ; la seconde complète,
triangulaire; la troisième distincte , incomplète. Limbe
à deux cellules distinctes ; la première confondue avec
Ja troisième discoïlale. Une seule nervure récurrente,
savoir, la première très-courte aboutissant à la pre-
mière cubitale.
H.
68 HISTOIRE NATURELLE
À ces exemples de caractères alaires Lirés d'ailes
incomplètes pour en faciliter l'usage, il sera bon d'en
joindre quelques-uns pris sur des ailes complètes.
Caractère du genre Nematus, Jur. Partie bra-
chiale complète; première et quatrième brachiale
souvent divisées par des nervures surnuméraires ,
transversales ou obliques. Partie caractéristique com-
plète. Radiale grande, s'approchant par son bout
près de celui de l'aile. Quatre cubitales; la première
fort petite; la seconde , la plus longue de toutes, re-
cevant les deux nervures récurrentes; Ja troisième
presque carrée; la quatrième grande et évasée vers le
bout de l'aile. Trois discoïdales distinctes et complètes.
Limbe complet.
Caractère du genre Pteronus, 1° famille. Jur.
Partie brachiale comme dans le genre précédent.
Partie caractéristique complète. Radiale grande.
Trois cubitales ; la première recevant la première ner-
vure récurrente, la seconde recevant la seconde récur-
rente; ces deux cubitales à peu près égales. Disque
complet, ainsi que le limbe. Première discoïdale pen-
taygone. Première cellule du limbe fort large.
Caractère alaire du genre Aulacus , Jur., PI. 2,
ordre 3. Il est à peu près le même que le précédent.
Il n’y a d’un peu remarquable comparativement que
la figure quadrilatère de la première discoïdale et le
rétrécissement de la première cellule du limbe.
Caractère du genre Psen, Jur., PI. 3. Partie bra-
chiale complète. Partie caractéristique complète.
Quatre cubitales; la quatrième point commencée ( ce
qui veut dire que le cubitus ne dépasse pas la troi-
DES HYMENOPTÈRES, 69
sième cubitale). Cellules du limbe confondues en-
semble (ce qui veut dire que la nervure qui descend
ordinairement de la troisième discoïdale vers le bord
de l'aile manque dans l'aile dont il est question) et
avec la quatrième cubitale ; deuxième cubitale rece-
vant la première récurrente ; la deuxième récurrente
aboutissant sur le cubitus en face de la nervure d’in-
tersection des seconde et troisième cubitales.
Caractère du genre Vespa, Jur. Partie brachiale
complète. Partie caractéristique complète. Deuxième
cubitale très-rétrécie vers la radiale (le côté commun
à ces deux cellules étant fort court); la quatrième
sensiblement commencée (Voyez par opposition le
genre Psen); la deuxième recevant les deux nervures
récurrentes. Disque complet fort long. Première dis-
coïdale très-longue. Limbe complet. La première cel-
lule confondue avec la quatrième cubitale ; la deuxième
distincte (1).
Quoique je croie avoir prouvé que les ailes four-
nissent nombre de caractères qui peuvent aider à dis-
tinguer les genres d'Hyménoptères, et qui doivent
par conséquent être toujours exprimés dans la dia-
gnose des genres pour en faciliter la distinction, je ne
crois pas qu'un système alaire pur puisse suffire comme
base unique, je ne dis pas à une méthode naturelle,
mais même à un système supportable.Sans me conten-
(1) Si je me suis souvent servi, dans cette explication, du sys-
tème alaire des figures de Jurine, ce n'est pas que je n'y découvre
quelques incorrections, de même que dans le texte qui les ex-
prime. Il me suflisait de pouvoir donner de nombreux exemples
des caractères que j'avais à expliquer et qui y sont représentés.
70 HISTOIRE NATURELLE
ter de citer ici l'opinion absolument conforme à celle
que je viens d'énoncer, de M. Latreille (quoiqu'il y
ail dérogé une fois ou deux), qu'un genre n’est pas
suffisamment distingué par ses caractères alaires, s'ils
ne sont soulenus par d’autres caractères de mœurs et
de conformation , j'espère faire voir la nécessité de ce
secours par des exemples qui m'ont toujours paru
frappans. Je prie seulement ceux qui prendront la
peine de me lire, de ne pas regarder ce que je vais
dire comme une critique de ce qui a été fait avant moi
par M. Jurine et par M. Latreille, mais bien comme
le fruit d’un examen long et exact de ce qui peut rap-
procher la méthode de la nature et la perfectionner.
Jurine ayant , avec assez de raison, pensé que les
ailes ont les mêmes caractères dans les genres Vespa
et Odynerus (1); que les mandibules et les antennes,
dans ces mêmes genres, ont des rapports, les a réunis
dans un même genre sous le premier de ces noms.
C'était une conséquence de son système purement
artificiel de ne pas considérer les habitudes morales
des Insectes comme un indice de leurs caractères ana-
tomiques, et comme donnant aux modifications de
ceux-ci une importance prépondérante. Voici le ca-
ractère tel qu'il lexprime au genre Vespa :
Cellule radiale, une grande.
Cellules cubitales, trois : la première grande; la
deuxième plus petite, resserrée dans sa partie anté-
rieure, reçoit les deux nervures récurrentes; la troi-
(1) Jurine a aussi confondu d’autres genres avec les Vespa, tels
que les Polistes, Synagris et Eumenes de Latreille. Nous avons
craint d'ermbrouiller le sujet que nous traitons en les mentionnant
tons dans la discussion.
DES HYMÉNOPTÈRES. 71
sième est presque carrée; on voit le commencement
d'une quatrième cellule.
Mandibules, larges ou 2longées, lisses où sillon-
nées, et dentées différemment, selon la forme du
ventre.
Antennes, brisées , filiformes, grossissant un peu
vers l'extrémité; le premier article très-long.
Observations : 1°, Femelles et neutres armés d’un
aiguillon piquant et caché, 2°. Yeux (:) profondé-
ment échancrés; 3°. Ailes antérieures pliées.
Sans objecter ici à Jurine que beaucoup de mâles
Odynerus ont le dernier article des antennes aminci
en épine recourbée contre l’avant-dernier, ce qui
semble opposé à la définition qu’il donne de la forme
des antennes, nous ferons remarquer que le plus ou
moins de largeur, de longueur et de dentelures des
mandibules sont ici d’un bien autre poids que le
nombre et la forme des radiale et cubitales et le
ployement longitudinal de l'aile, qui paraissent l'avoir
déterminé à la réunion, puisque les premiers de ces
caractères déterminent un instinct et des habitudes
morales toutes différentes (2). En eflet, les Vespa
vivent en société ; les Odynerus vivent solitaires. Les
Vespa bâtissent des nids avec des matériaux (fibres
ligneux ) rapportés d’ailleurs ; les Odynerus les creu-
sent dans la terre ou dans le bois. Les Vespa nour-
rissent au jour le jour leurs larves, et cette nourri-
(1) Ce caractère se retrouve dans les Apius on ( Trypoxylon
Latr.).
(2) De plus je ne vois pas clairement, même par les termes dont
il s'est servi dans ses caractères, ce qni a pu l'engager à séparer le
genre Stizus du genre Vespa, dont au fond il lui attribue tous les
caractères alaires, mandibulaires et antennaires.
72 RISTOIRE NATURELLE
ture consiste principalement en sucs végétaux plus
ou moins sucrés; les Odynerus ne voient jamais leurs
petits éclos, et leur préparent seulement à l'avance
une provision de larves d'Insectes qu'ils dévoreront
à leur sortie de l'œuf. Aussi la bouche des Vespa est
propre, quant aux mandibules fortes et courtes, à
détacher des fibres de bois, et, quant à la langue
large et en cœur, à recueillir des sucs liquides ; tan-
dis que les mandibules alongées des Odynerus fouil-
lent la terre et portent des larves, et que la langue
étroite et longue des mêmes ne peut que suflire à
sucer le miel qui soutient leur propre vie. Les Vespa
dégorgent incessamment la nourriture à leurs petits ;
les Odynerus sont incapables de le faire.
Il est étonnant que M. Latreille lui-même se soit
laissé séduire par les conformités d'ailes , et que, sous
le nom de Diploptères, il réunisse des genres de
mœurs si différentes. Il est vrai qu'il subsiste encore
un préjugé qui a bien pu agir sur ces auteurs célè-
bres, qui attribue une vie presque entièrement de
proie aux Vespa, comme il est certain qu'est celle
des larves O lynerus. Nos expériences nous ayant
prouvé le contraire, nous en appelons à l’observa-
tion qui vérifiera ce que nous avancons ici. On a
pris l’exception pour la règle, l'effet de la disette
pour l'appétit habituel, et l'abus du mot proie a fait
confondre le vol des sucs des fruits avec l'enlèvement
d’un Insecte vivant.
Le système fondé sur les parties de la bouche
( {nstrumenta cibaria) n'a pas même réussi, employé
seul, comme il l’a été par Fabricius, à rapprocher la
méthode de la nature et à rendre les caractères géné-
riques faciles à saisir. Il n’a pas rendu l'étude plus
DES HYMÉNOPTÈRES. 73
facile, au moins pour les Hyménoptères, quoique ce
fût une idée séduisante de croire que leur nourriture
devait avoir, comme dans certains Coléoptères, des
rapports avec leur instinct. Ona puse persuader , à la
première vue, que des Hyménoptères fouisseurs, qui
enlèvent des larves et Insectes vivans, se préparaient
à en faire leur proie personnelle; leurs longues et
fortes mandibules à dents acérées prétant encore à
leur assimilation comparative avec les Carabiques.
Idée, parallèle chimérique ; puisque, le cas rare de di-
sette excepté, tous les Hyménoptères à l’état parfait
vivent de miel, et, dans le besoin , d’autres sucs végé-
taux; que si la faim les force à attaquer d’autres In-
sectes et à les déchirer, ce sont les sucs végétaux dont
ceux-ci se sont nourris quils poursuivent (1) jusque
dans leur abdomen. Si la bouche des Hyménoptères est
variée dans la forme de ses parties, c’est parce qu’elle
est dans l’Insecte parfait l'expression de la bouche de la
larve ou de l'emploi que certaines de ses parties doi-
vent avoir pour construire et approvisionner le nid
de la postérité. Au reste, la meilleure preuve de la
défectuosité du système employé par Fabricius, est
l'examen des genres du Systema Piezatorum, dont
près du tiers contient des espèces appartenant à des
genres caractérisés dans ce système, différens de ceux
où l’auteur les à placées. Fabricius a quelquefois
mis le mâle dans un genre et la femelle dans un autre.
Ces fautes sont graves et peuvent s'éviter par la
(1) Ainsi nous avons vu les Coryna scrophulariæ et vespiformis
et la Tenthredo viridis attaquer et sucer des Diptères ou même
des Téléphores Oliv., par une chaleur trés-vive et une sécheresse
prolongée depuis quelques jours, qui rendait le miel rare.
74 _ HISTOIRE NATURELLE
considération des autres parties, et surtout de celles
qui dénotent l’industrie des espèces pour leur conser-
vation spécifique, dans quelque portion du corps
qu'elles soient situées , et les caractères alaires peuvent
y contribuer aussi beaucoup.
Il nous semble donc qu'on doit prendre les carac-
tères des genres partout où il se trouve des diffé-
rences , en n'oubliant surtout point celles qui déno-
tent l'instinct conservateur des espèces, et que tel
est le moyen de rapprocher la marche de la science
de celle de la nature. J'ai vu avec grand plaisir
qu'ainsi réformée, la méthode s’éloignait peu de celle
de M. Latreille, que je reconnaîtrai toujours pour
mon guide. ?
DES HYMÉNOPTÈRES, 75
DE L’HEYMENOPTÈRE
EN GÉNÉRAL.
L'HymévoprÈre en général est un Insecte qui, dans
son état parfait, a la soucHE composée de deux Man-
DIBULES , de deux MacHoiREs, d'un LABRE et d’une LÈVRE.
Le corrs est, comme celui des Insectes des autres
ordres, composé d'une TÊTE, d’un corsezer et d'un
ABDOMEN. Les membres sont deux ANTENNES attachées
à la tête, quatre ailes attachées au corselet, et six
pattes également dépendantes de celui-ci.
La TÊTE se compose, à sa partie antérieure, de la
BOUCHE, qui en occupe la partie inférieure. Aux côtés
du labre , entre celui-ci et les yeux, est, de chaque
côlé, une petite portion qu'on appelle sove. Au-
dessus immédiatement du labre et des joues se trouve
la race ( dont la partie inférieure est le cHAPEROoN),
que les yeux bordent latéralement et qui se termine
supérieurement à l'insertion des antennes. Encore au-
dessus est le FronT, bordé latéralement par les yeux,
et à sa partie supérieure par les ocelles. Les veux
occupent les côtés de la tête, et le verrex est la partie
au-dessus des yeux , du front et des ocelles. La partie
postérieure de la tête est, vers son milieu , attachée
au cou, qui est la partie antérieure du PROTHORAX.
Les oceczes, situés entre le front et le vertex, sont
76 HISTOIRE NATURELLE
placés en triangle , en ligne courbe ou en ligne droite;
ils sont ordinairement au nombre de trois, quelquefois
on n’en aperçoit qu'un, le plus souvent ils sont tous
distincts. Mon savant ami Léon Dufour a observé un
Pompilus qui n’en a pas de visibles.
Les antennes, insérées sur la limite respective de
la face et du front, sont composées d'articles dont le
nombre est variable et souvent considérable ( dépas-
sant le nombre vingt) dans le deuxième sous-ordre
que nous établirons. Dans le premier, ces articles
sont régulièrement au nombre de douze dans le sexe
féminin, et de treize dans les mâles , sauf quelques
exceptions existant quelquefois en même temps dans
les deux sexes, quelquefois dans les mâles seulement ;
mais ces exceptions sont plutôt des apparences que
des réalités, comme nous espérons le démontrer, lors-
que nous traiterons des genres qui les offrent.
La nourriture de tous les Hyménoptères à l’état
parfait, est le miel, et d’autres sucs végétaux sucrés ;
rarement, dans les sécheresses, lorsque les vivres de
prédilection leur manquent, quelques-uns se jettent
sur d’autres Insectes, les éventrent et sucent leurs
parties molles (1). L'orsane chargé de recueillir cette
nourriture liquide est la LANGUETTE , extrémité anté-
rieure de la lèvre. La lèvre, insérée à la partie posté-
rieure du gosier, ou pharynx, est au moins, à son
extrémité, membraneuse et accompagnée latéralement
(1) Cette dernière manière d'agir est tout-a-fait exceptionnelle ;
j'en donnerai pour preuve que j'ai toujours observé que les mâles
n'ont jamais cet appétit, qui ne se trouve que dans les femelles
dont les besoins sont en rapport avec leur postérité et le devoir de
la nourrir. loy. dans le cours de cet ouvrage les articles Formica,
Vespa et Tenthredo.
DES HYMÉNOPTÈRES, 7%
de deux mächoires, qui prennent naissance sur les
côtés du pharynx ; celles-ci sont chargées, par _leur
pression latérale ondulatoire, de faire parvenir au
gosier les sucs ramassés par la languette : la lèvre
porte deux palpes, et les mâchoires en ont aussi cha-
cune un. Les palpes sont des espèces de petites an-
tennes dont les articles varient de nombre et de
formes; leur fonction paraît être, comme dans les
autres Insectes, d'odorer les corps pour reconnaitre
leurs qualités, et surtout s'ils sont propres à la nour-
riture. De chaque côté au-dessus des mâchoires, entre
leur base et la partie inférieure des yeux, prennent
naissance les Mannisuces , qui, dans le repos, se croi-
sent en devant sur la base de la lèvre et le bord infé-
rieur du Lagre : elles sont plus ou moins arquées,
larges ou longues, épaisses ou minces, entières ou
dentées, suivant l’emploi auquel elles sont destinées
dans chaque genre.
Le Laser, placé à peu près à la position occupée
dans d’autres animaux par la lèvre supérieure, recou-
vre la partie supérieure de la lèvre : il est inséré
à la partie inférieure du chaperon entre les mandi-
bules. Dans l’action de recueillir la nourriture, la lèvre
et les mâchoires se meuvent ensemble, et forment par
leur réunion une espèce de fausse trompe, au mouve-
ment de laquelle participe la pièce qui se trouve sous
l'insertion de la lèvre, nommée le menron par M. La-
treille.
Le coRsELET est composé de trois segmens, mais,
vu en dessus, il fait voir quatre parties distinctes :
1° le PROrHoRAx , sa partie antérieure, ordinairement
fort étroite, s’'amincissant en devant en un cône plus
ou moins long, qui est le cou et qui porte la tête ;
78 HISTOIRE NATURELLE
2° le raorax proprement dit, ou mésothorax, partie
moyenne et ordinairement la plus étendue du corselet ;
3° le MÉTATHORAx (1), partie postérieure du corselet
ordinairement un peu plus petit, rarement plus long
que le mésothorax ; 4° entre le mésothorax et le méta-
thorax se trouve, sur le dos du corselet, une pièce
ordinairement scutelliforme , rarement carrée, que
de sa forme la plus ordinaire on appelle écusson ; a la
partie inférieure de cette pièce, que son élévation fait
distinguer, il en existe souvent une autre linéaire et
transversale, presque toujours aussi élevée, que l’on
peut nommer le post-écusson. Les membres qui dé-
pendent du corselet sont importans ; ce sont ceux qui
servent à la locomotion : celle-ci s’opère par fe vol et
par la marche.
Les membres qui servent au vol sont les aires ; elles
sont au nombre de quatre, membraneuses , c’est-à-
dire qu’elles n’admettent de parties qui puissent pa-
raître cornées que les nervures et le point épais;
nues , c'est-à-dire qu'elles ne sont pas revêtues, même
en partie, d’écailles ; veinées, c'est-à-dire que leurs
nervures ne forment pas un réseau; inégales entre
elles | les supérieures étant toujours plus grandes que
(1) « Le métathorax proprement dit, selon M. Latreilie, est or-
dinairement intimement uniavec le premier segment abdominal. »
Je ne conçois pas cette phrase, et je crois qu'on ne doit appeler ab-
domen que cette portion du corps qui paraît dans la plupart des
Hyménoptères distincte du corselet parce qu'elle en est séparée par
un étranglement et presque pédiculée. Je ne nie pas la présence
d'un stigmate sur le métathorax, je ne nie pas les fouctions qu'on
attribue à ce segment, mais il me piraît plus simple de parler
comme voient mes yeux. Au reste, voyez la note ajoutée au titre
de la famille des Porte - Scie dans l'extrait que nous avons fait de
la méthode de M. Latreille. Cet auteur attribue au corcelet une
pattie du premier segment äbdominal.
DES HYMENOPTERES, 79
les inférieures. Elles sont insérées à la partie élevée
des côtés du corselet, savoir, les supérieures entre le
prothorax et le mésothorax, et les inférieures sur les
confins de celui-ci et du métathorax.
Les membres dépéndans du corselet qui servent à
la marche sont les PArTEs, au nombre de six ; elles
sont insérées en dessous du corselet, et composées de
diverses parties qui contribuent la plupart à ses mou-
vemens: 1° la HANCHE, qui pourrait être regardée
comme appartenant au corselet, y étant adhérente
sans arliculation ; le TROocHANTER, séparé de la hanche
par une articulation; la cuisse ésalement articulée; la
JAMBE l’étant aussi, ainsi que le rarse toujours com-
posé de cinq articles également articulés entre eux;
le cinquième ordinairement conique , implanté sur le
quatrième par le sommet du cône, et portant à son
extrémité deux ongles ou crocurrs, entre lesquels on
aperçoit d'ordinaire des recores. Plusieurs des parties
des pattes fournissent par leur forme différencielle
des caractères analogues aux mœurs.
L'abdomen , composé d’un nombre de segmens va-
riable selon les genres dans l’un des sous-ordres des
Hyménoptères , n’est plus variable que par rapportau
sexe dans l’autre. 11 est inséré à l'extrémité du méta-
thorax, sessile, c’est-à-dire adhérent presque par
toute sa largeur, dans une partie des genres du premier
sous-ordre, ou, dans les autres, simplement implanté
sur cette portion postérieure du corselet par la pointe
antérieure de son premier segment, qui est conique
ou même amincie en pédicule. De l'abdomen dépend,
comme membre, dans l'un des sous-ordres, l’oviscapre,
que jusque-là les auteurs ont qualifié de tarière.
L'oviscapte est une prolongation de l’ovinucre : celui-
50 HISTOIRE NATURELLEF
ci, absolument intérieur , amène de l'ovaire l'œuf à la
partie extérieure, c'est-à-dire a la base de l'oviscapte
entièrement extérieur, qui est chargé de la recevoir
et de l'introduire dans le corps aux dépens duquel de-
vra vivre la larve qui en éclora. Pour exécuter ce
dépôt, l’oviscapte perce réellement le corps dans le-
quel l’œuf doit être déposé. L'aiauiLLox se trouve dans
l’autre sous-ordre et dans une tribu douée d'oviscapte ;
entièrement intérieur dans le repos, et par conséquent
pouvant à peine être qualifié de membre, il n'a ni
communication avec l'oviducte, ni aucune fonction à
remplir dans la ponte; il sert aussi à percer, et est
employé par les Hyménoptères à déposer dans la plaie
qu'il fait, non pas un œuf, mais une liqueur acide qui
excite une douleur assez forte à l’être vivant quiena
été blessé.
À près avoir défini assez brièvement l’'Hyménoptère
en général , il nous reste à indiquer ce que cette défi-
pition ajoute aux caractères par lesquels nous avons
vu qu'il se distingue des autres ordres de la classe des
Insectes.
Dans ce sens caractéristique de l’ordre des Hymé-
noptères; nous croyons pouvoir dire que les mächoires
en méme temps ne pouvant pas servir à la mastica-
tion , distinctes de la lungue, et formant, en lui ser-
vant de gaine, avec elle une fausse trompe qui re-
cueille la nourriture et l'amène au gosier (pharynæx),
semblent former un caractère qui n'appartient qu'a
l’ordre des Hyménoptères et le distingue de tous les
autres ordres d’Inséctes.
DES. HYMÉNOPTÈRES. 81
CARACTÈRES DONT ON PEUT SE SERVIR POUR SÉPARER
EN SOUS-ORDRES, DIVISIONS, FAMILLES , TRIBUS ET
GENRES,
La méthode Latreillienne étant la première et la
seule où les habitudes morales des Hyménoptères
aient influé sur la classification, on peut se dispenser
d'examiner dans quel ordre Linné, Degéer et Fabri-
cius ont classé les genres qu’ils ont admis, ordre plu-
tôt systématique que naturel, si l’on doit supposer
que ces auteurs eussent un système en mettant un
genre après ou avant un autre, et en plaçant en même
temps dans un même genre, ce qui est souvent arrivé,
des espèces destructrices l’une de l’autre.
Quant à la méthode de notre iliustre compatriote,
nous avous fait voir qu'elle est en plusieurs points im-
parfaite , qu'elle admet des rapprochemens peu na-
turels, et éloigne, en d’autres cas, des êtres de mœurs
fort rapprochées et même identiques.
Mais où doit-on prendre les caractères qui nous
feront approcher de l'ordre naturel dans le classement
des familles, des tribus et des genres? Sera-ce dans la
nourriture de l’Insecte à l’état parfait et dans la con-
formation des parties de la bouche, qui semble au
premier coup d'œil devoir être l'expression écrite de
cette partie des habitudes essentielles ? Il n’en est
malheureusement pas de l'appétit des Iyménoptères
adultes, comme de celui des Coléoptères parvenus à
ce dernier période de leur vie. Les Carabiques et les
Cicindelètes vivent de proie, c’est-à-dire d’autres
Insectes qu'ils tuent; les Nécrophores et les Staphy-
lins de corps morts, les Lamellicornes de matières
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 6
32 HISTOIRE NATURELLE
végétales, tantôt mélées à des sucs animaux ( les ex-
crémens des mammifères), tantôt pures et vivantes
encore (les feuilles et les fleurs des végétaux). On
n’essaiera pas ici hors de propos une énumération de
la manière de vivre des Coléoptères à l’état parfait,
qui de’ plus ne pourrait être complète dans l'état
actuel de la science. 11 semble cependant possible
qu'un jour ces diflérentes manières de vivre influassent
davantage que le nombre des articles des tarses dans
la formation des divisions de l’ordre des Coléoptères.
Quant au classement des Hyménoptères , la nourri-
ture des Insectes parfaits n’y peut influer, parce
_qu’elle ne varie pas. + fréquentent les fleurs et se
nourrissent de miel, et, faute de celui-ci, de sucs
végétaux, tels que la séve des arbres et le jus des
fruits. Si quelques Tenthrédines, par exemple la
Coryna scrophulariæ, attaquent quelquefois et éven-
trent d’autres Insectes, ce n’est qu'une exception à la
règle, que cette espèce et un petit nombre d’autres
n’enfreignent même que rarement, et, d'après ce que
j'ai vu; alors seulement que la chaleur momentanée à
séché le miel des fleurs.
Les Fourmis et les Guêpes paraissent aussi faire
une exception à la règle, mais elle n’est que spécieuse.
‘Comme l’on trouve souvent ces Hyménoptères sur les
fleurs, et qu'on les y voit sucer le miel, on doit
croire qu'il est une partie essentielle de leur nour-
riture, et l’on peut penser qu'ils vont l'enlever
jusque dans les entrailles des Insectes qui se sont £or-
gés de cette liqueur sucrée. Nous avons trouvé sou-
vent, dans les nids des Polistes, des cellules pleines
de miel, et M. Auguste de Saint-Hilaire en a trouvé
de même dans les nids du Polistes Lecheguana qu’il
Ne
DES HYMÉNOPTÈRES. 83
observa au Brésil. Ce voyageur même en mangea une
assez grande quantité pour s’en trouver incommodé,
et soupconner une qualité vénéneuse dans ce miel.
J'ai goûté celui du Polistes gallica sans éprouver le
même inconvénient.
Les grosses espèces de Guëêpes se jettent aussi quel-
quefois sur des morceaux de viande dans les bouche-
ries; mais ce fait rare ne peut être attribué qu'à la
disette momentanée de la nourriture ordinaire, et
beaucoup de nids sont trop éloignés des boucheries
pour que leurs habitans puissent ÿ avoir recours.
Ge que nous venons de dire des Guëpes en parti-
culier, s'applique presque en entier aux Fourmis ;
mais nous verrons de plus que plusieurs espèces de
celles-ci établissent chez elles des colonies de Coc-
cus et d'Aphis, et savent même les aller trouver au
dehors. Ge leur est une nécessité, dans les temps de
disette, de se servir pour leur nourritureet celle de leurs
larves, des liqueurs sucrées que ces Insectes rendent,
qui ne sont que des sucs végétaux à peine modifiés
par le très-court séjour qu'ils ont fait dans le corps de
l'Insecte, sans y suivre en entier, dans plusieurs, les
voies digestives.
Tous les autres Hyménoptères qu'on trouvera
tuant, blessant ou transportant des larves, des In-
sectes parfaits , ou même des Arachnides, l’expérience
prouve que ce n’est pas pour leur nourriture, mais
pour celle de leurs larves. Il pourrait se trouver des
entomologistes qui, regardant avec quelque raison,
dans les Coléoptères, le prolongement des parties de la
bouche comme un caractère significatif d'un appétit
carnassier, voudraient appliquer la même idée aux
Hyménoptères dont les parties de la bouche, et sur-
6.
84 HISTOIRE NATURELLE
tout les mandibules sont prolongées ; mais l'observa-
tion, s'ils veulent s’y livrer, leur prouvera que ces
Hyménoptères ont à porter des fardeaux plus lourds,
des proies plus pesantes, pour approvisionner leurs
nids, et ont en conséquence besoin de leviers plus
longs et plus forts. Il n’en est pas de même des Co-
léoptères, qui n’ont aucun travail analogue à exécuter.
L'expérience prouve qu'il n’est pas un seul genre
d'Hyménoptères dont les espèces, à l’état parfait , ne
se trouvent sur les fleurs, occupées à en sucer le
miel. Il est vrai qu'une partie fait, de cette récolte,
une occupation beaucoup plus sérieuse que d’autres,
parce que, outre leur nourriture propre qui est ex-
trêmement peu considérable (1), ils y trouvent, tant
dans le pollen des étamines que dans le miel, les pro-
visions qu'ils sont chargés de fournir journellement
ou une fois pour toutes, à leur postérité souvent très-
nombreuse ; mais toutes y trouvent leur nourriture
ordinaire.
Quoique la nourriture soit la même pour tous les
Hyménoptères à l’état parfait, il s’en faut de beaucoup
que la bouche de tous soit uniforme; bien qu'elle soit
ordinairement compôsée des mêmes parties, et que
le nombre de la plupart de ces parties ne varie point
pour la plupart d’entre elles, il s'en faut de beaucoup
qu’elles soient faites chacune sur un même modèle
pour tous les genres. La raison en est simple et se
trouve dans les différens emplois que prennent ces
parties pour la construction des nids et la prépara-
(1) Ainsi plusieurs mâles s'accouplent et meurent sans avoir pris
de nourriture à l'état parfait. Il en est de même dans d'autres or-
dres: les Bombyx mori, et autres, les Ephémères des deux sexes,
exemples incontestables d'une diète absolue pendant l'état parfaits
DES HYMÉNOPTÈRES. 89
tion des matériaux qui y sontemployés , ainsi que pour
leur transport. Qutre cette raison, la forme de la fleur
où telle espèce doit chercher sa nourriture, peut mo-
difier la forme des parties de sa bouche. C’est ce que
nous expliquerons, autant que possible, dans l’histoire
de chaque genre. Il paraît touteïois utile de dévelop-
per ici quelques généralités sur ce sujet.
La langue (ou languette, Latr.) est courteet étroite,
en général, dans les Hyménoptères qui n’ont pas à
récolter des sucs végétaux pour d’autres usages que
leur propre vie (la plupart des Hyménoptères, et no-
tamment les Tenthrédines, les Ichneumonides, les
Chrysidites et les Fouisseurs ). |
La langue s’allonge, ou au moins s’élargit, quand
elle est destinée à la récolte des sucs végétaux miel-
leux , non plus seulement pour la nourriture de l’in-
dividu, mais bien plus encore pour l’approvisionne-
ment du nid, et lorsque par conséquent elle doit
récolter la nourriture d'un grand nombre d'individus.
La langue est longue, lorsque cette longueur lui est
nécessaire pour atteindre le miel ans le fond des
fleurs tubulées et concaves, telles que celles des
plantes labiées ou didynames, où le récoltent sou-
vent les Apis, les Bombus, les Anthophora et autres.
Il est plus que probable que la langue des Euglossa
ne se rétrécit, en atteignant ou même surpassant la
longueur du corps, que parce qu’elle doit principale-
ment aller chercher le miel au fond des tubes longs et
étroits des fleurs tubulées , et notamment des plantes
rubiacées de l'Amérique méridionale (1).
(1) Ainsi, dans un autre ordre, les Lépidoptères, la longueur de
la trompe, qui remplit les mêmes fonctions pour la nourriture que
86 HISTOIRE NATURELLE
La langue est élargie dans les Formica , les Diplop-
tères sociaux, les Collètes, parce qu’elle récolte les
sucs mielleux sur des surfaces à peu près planes,
telles que les petites fleurs qui composent les parasols
des plantes ombellifères , l'écorce des arbres des fentes
de laquelle ils s’échappent ; ou les fruits qu'ont enta-
més leurs mandibules. Cette forme a encore , dans la
plupart des Hyménoptères que nous venons deciter,
un autre usage extrêmement important, c'est de per-
mettre à l'Insecte de seservir de sa langue comme d’une
truelle, pour étendre et lisser la matière plus ou moins
liquide, dont il forme les cellules, qui doivent servir
de berceau à sa postérité.
Les mâchoires subissent dans ces diflérens cas des
modifications analogues.
Les palpes sont longs dans la plupart des Ichneu-
monides et des Fouisseurs, qui ont d'assez difficiles
investigations à faire pour trouver la proie destinée à
la nourriture de leur postérité. On sait que ces orga-
nes sont le siége d’un sens analogue à l’odorat et au
toucher : ils sont aussi des moyens auxiliaires de
préhension.
Les palpes deviennent courts, peu apparens, ou
la langue des Hyménoptères, varie de même et par les mêmes rai-
sons. Celle de l'Acherontia Atropos atteint à peine trois lignes de
longueur. Ce Sphingide s'accouple probablement sans manger, et
si quelquefois il vit long-temps à l'état parfait, c'est en hiver, épo-
que où presque tous les Insectes parfaits s'engourdissent et ne
mangent plus. Tandis que placés près de lui dans l'ordre naturel,
mais vivaut pendant les chaleurs, les Sphinx convolvuli, Carolina
et autres ont la trompe beaucoup plus longue que le corps, pour_
pouvoir atteindre le miel au fond des corolles creuses des Convol-
vulus et du long tube de celles des Nicotiana, Nictago, etc. Il serait
néanmoins ridicule de dire aujourd'hui avec Fabricius (Syst. Piez,
pag. 7), bouche ayant des mächoires et des palpes sans langue.
DÉS HYMÉNOPTÈRES. 87
méme en partie nuls, pour les nombreux Hyménop-
tères dont les larves sont nourries de miel, facile à
trouver, puisque les fleurs annoncent de loin sa pré-
sence, et que les antennes, souvent vibratiles, suffi-
sent pour le trouver.
La forme des articles des palpes est aussi varia-
ble, surtout celle de l’article apical, sans qu'il nous
soit facile d'apprécier les motifs de ces différences.
Les mandibules sont variables quant à leur forme,
leur épaisseur, leurs dentelures et leurs dimensions
respectives de longueur et de largeur :
1° Quelquefois selon le sexe. Il n’est pas rare de
trouver que les mâles, dans certains genres, les ont
plus longues et plus menues que leurs femelles; celles-
ci les ayant destinées à des travaux, tandis que celles
des mâles ne sont utiles qu'à embrasser le cou de la
femelle dans l’accouplement.
2° Les femelles, qui ont à bâtir ou à couper des ma-
tériaux pour leurs nids, les ont proportionnellement
plus épaisses et plus tranchantes.
3° Celles qui ont des fardeaux lourds à porter, les
ont proportionnellement plus longues, ainsi qu'il a
été expliqué plus haut.
4 Une modification bien remarquable, on peut
dire étonnante, a lieu dans la forme et l'emploi des
mandibules des ouvrières Hétérogynides d'une même
espèce. Plusieurs observateurs ont remarqué dans les
fourmilières, des individus de cette modification fémi-
nine à mandibules plus ou moins larges et fortes: celles
qui les ont les plus faibles ainsi, occupées à la
chasse de la récolte seulement ; celles à fortes mandi-
bules, restant à la fournulière, et ne sortant que pour
attaquer,mettre à mort et dépecer les ennemis qui me-
88 HISTOIRE NATURELLE
nacent l'établissement. Ce fait et cette conformation
ontété vérifiés par M. Huber fils, célèbre observateur
des Abeilles et des Fourmis. Ils ont été revus par feu
M. Carcel en [talie ; celui-ci a vu mettre à mort, au
moyen de la décollation, opérée par ces individus
extraordinaires, un scorpion qui menaçait de passer
sur unefourmilière d'une assez petite espèce. Un voya-
geur très-croyable, M. le Prieur, a, dit-on, remarqué
que les colonnes d’une des espèces de Fourmis connues
en Amérique sous le nom de fourmis de visite ( Atta
Latr.), colonnes composées d’ouvrières à mandibules
courtes, qui vont au pillase, sont côtoyées de fort
près par d’autres ouvrières à mandibules très-longues,
dont l’emploi est d'arrêter les individus qui s’écartent
de la colonne et pourraient se perdre, et de les re-
mettre dans le droit chemin. (M. Latreille lui-même,
trompé par cette conformation, aurait à tort formé,
sous le nom de Eciton Latr., un genre de ces individus
si extraordinairement conformés.) Au moyen de leurs
longues mandibules, elles saisissent et remettent dansle
droit chemin les individus qui s'égareraient probable-
ment sans elles, ou en entraîneraient d’autres et dimi-
nueraient la force de la colonne allant en expédition.
Ce dernier fait, au reste, a besoin de confirmation.
D'après ce que nous venons de dire en peu de mots
des parties de la bouche des Hyménoptères adultes,
des raisons qui modifient leur forme, sujet sur lequel
nous aurons à nous étendre davantage à chaque genre,
et de leur manière de vivre pendant cette phase de
leur existence, il serait, généralement parlant, im-
possible de tirer de ces considérations isolées, des ca-
ractères suflisans pour la fondation de divisions,
familles ou tribus. Cela est d'autant plus évident ,
DES HYMÉNOPTÈRES,. 89
que les modifications de ces parties ont souvent des
motifs tirés d’habitudes morales qui n’ont aucune
relation avec la nourriture de l'Hyménoptère parfait.
Mais appeler à caractériser les divisions ; familles et
tribus , toutes les parties du corps de l’'Hyménoptére
adulte dont la forme est l'expression de ses habitudes
morales et même de sa vie sous la forme de larve, pa-
raît être un pas fait vers la méthode naturelle, et tel
est le but de cet ouvrage.
Nous croyons devoir à l'hyménoptériste un détail
court, mais exact, de ces parties, ainsi que de leur
usage, indicatif des habitudes morales et de la vie des
larves, et nous la donnerons en caractérisant les divi-
sions, les familles et les tribus. Il nous suflira ici du
petit nombre de généralités que nous venons de dé-
velopper.
Il semble que l’Auteur de la création, en formant
les êtres les a faits dans le but de faire exécuter tels ou
tels travaux, remarquables ou non, mais toujours
utiles à l’ordre général ou à la beauté de la totalité
créée , et la variété de ces travaux, qui ajoute à la
beauté de l’ensemble, a motivé une grande diversité
dans les outils faits pour leur exécution. C'est donc en
suivant l’'Hyménoptère dans les différentes positions
où il se trouve, et dans les travaux qu'il exécute,
que nous reconnaïitrons les parties caractéristiques sur
lesquelles peuvent se fonder les divisions naturelles
de l’ordre.
L'Hyménoptère subissant une métamorphose com-
plète vient au monde sous la forme d'œuf, prend celle
de larve, et croît sous cette forme où il prend beau-
coup de nourriture : cette croissance est accompagnée
de changemens de peau, qui permettent aux parties
90 HISTOIRE NATURELLE
intérieures d'occuper plus d'espace, et sont occasionés
par la pression des parties internes développées par
l’intussusception des parties de la nourriture anima-
lisées par la digestion. Un nouveau changement de
peau, lorsque la croissance est parfaite, fait paraître
l’'Hyménoptère sous une nouvelle forme qu'on appelle
nymphe : 1l ne prend sous cette forme aucune nour-
riture, n'a point d'organe disponible de locomotion,
et reste dans un parfait repos; c’est pendant ce repos
que les parties, molles dans la larve, se solidifient en
partie, et surtout à l'extérieur. Au bout d'un temps
plus ou moins long, un dernier changement de peau
permet à l'Insecte parfait de se montrer, et dès le pre-
mier moment, il sera tel qu'il restera toujours pour la
taille; seulement l’abdomen pourra croître en gros-
seur et longueur dans les femelles, les œufs venant à
occuper plus d'espace après leur fécondation ; car c’est
sous cette dernière forme que l'Hyménoptère devient
adulte, c’est-à-dire qu'il s’accouple et produit des
êtres semblables à lui, qui subiront les mêmes
phases de forme et d'existence.
Pour réussir, l'œuf ne peut être abandonné au ha-
sard ; il doit être placé dans des circonstances conve-
nables par la mère.
Tantôt il doit être déposé simplement près de la
nourriture préparée à la larve. Alors la ponte n'a
point d’organe extérieur et visible ; l'anus de la femelle
est susceptible de s'ouvrir largement; lors de cette
ouverture, il laisse apercevoir une large cavité au
fond de laquelle est un orifice, qui est celui de l'ovi-
ducte. L’œuf sorti de l’oviducte par cet orifice tombe
dans la cavité anale, et celle-ci, s’ouvrant, le laisse
glisser le plus souvent à la place où il doit être sur ou
DES HYMÉNOPTÈRES. 91
à côté de la nourriture préparée d'avance , que la larve
consommera. Mais, parmi les espèces qui nourrissent
leur postérité de vivres fournis chaque jour, lesunes
(les Apiaires et les Diploptères sociaux) les fixent
sur la place qu'ils doivent occuper, les autres les lais-
sent libres, obligées qu’elles sont de les transporter
dans différentes parties de l'habitation.
Tantôt l'œuf doit être placé dans l'intérieur de
corps plus ou moins solides. Il fallait à la mère un
moyen de l’y déposer, un outil conformé de manière à
pouvoir pénétrer à une profondeur plus ou moins
grande dans le corps qui doit receler son œuf. Cet or-
gane, qui sert à introduire et à cacher l’œuf, est
toujours extérieur, et nous le nommons en général
oviscapte.
Cette considération, partageant en deux divisions à
peu près égales l’ordre des Hyménoptères, servira à
les séparer en deux sous-ordres, sous les noms
d'Ovitithers et d'Oviscapters.
1° Sous-ORDRE.
HYMÉNOPTÈRES OVITITHERS.
Caractères. Anus s’ouvrant largement horizontale-
ment, contenant une cavité (1) dans laquelle est
l'ouverture de l’Oviducte, et qui recoit momentané-
ment l'œuf, qui est posé à découvert, lorsque l'anus
s'ouvre pour le laisser sortir.
Point de prolongement extérieur de l’oviducte.
(1) Cette cavité, qui contient aussi l'aiguillon dans le repos, est
représentée par Réaumur , Mèm. tom. V, PL 29, fig. 1.
92 HISTOIRE NATURELLE
Abdomen toujours composé de cinq segmens et de
l'anus dans les femelles , en ayant un de plus dans
les mâles.
Antennes de douze articles dans les femelles, de
treize dans les mâles. ( Ce dernier caractère admet
quelques exceptions , plutôt apparentes que réelles,
ce que nous espérons démontrer, aux senres qui pa-
raissent sous ce rapport différer des autres. )
Un aiguillon dans les femelles, ou au moins des
glandes anales qui éjaculent la même liqueur acide
que l’aiguillon. (Ce caractère, toujours constant dans
les Hyménoptères Ovitithers, se retrouve par excep-
tion dans toute une famille des Hyménoptères Ovi-
scapters, les Chrysidites.) Point d’oviscapte.
Les Hyménoptères Oritithers vivent en état de
larve, les uns de miel et de liqueurs végétales sucrées;
les autres de larves, d’Insectes parfaits où même
d’Arachnides. Cette considération nous porte àles sé-
parer en deux divisions, savoir, les Phytiphages et les
Zoophages.
1 Drvisron.
LES OVITITHERS PHYTIPHAGES. :
Caractères. Antennes coudées.
Langue courte, presque en cuiller, un peu voûtée
ou longue, et se réunissant avec les mâchoires pour
former une sorte de trompe, propre sous ces deux
formes à ramasser les liqueurs végétales sucrées.
DES HYMÉNOPTÈRES. O3
r
Nourriture des larves : les mêmes liqueurs végé-
tales sucrées qui servent à l'Insecte parfait.
Les Ovitithers Phytiphages, tantôt construisent
des nids pour y loger ieur postérité, tantôt pondent
dans des nids préparés pour d’autres. Cette considé-
ration fournit deux subdivisions que nous nommerons
les Nidifians et les Parasites.
1e Subdivision, Les PayTIPHAGES NIDIFIANS.
Caractères. Ils sont tous fournis d’un appareil
interne pour pouvoir dégorger et mettre à portée de
leurs petits, les liqueurs sucrées qu'ils avalent d’abord
et qui subissent une modification qui commence à les
animaliser, dans leur estomac et dans la vésicule ven-
trale où elles sont recues en dépôt. Ils sont tous pour-
vus à l'extérieur d'organes, au moyen desquels ils
exécutent la construction de leurs nids et apportent
les matériaux et les vivres nécessaires. Mais cette
construction étant très-variable de forme, de solidité
et de situation, on concevra facilement que les orga-
nes employés changent également de forme, de soli-
dité et de situation. Ceux qui servent à l'apport des
vivres, subissent aussi des changemens de situation
et de forme. Ces deux considérations deviendront
par conséquent des caractères génériques par leurs
modifications, tandis qu’en général la présence des
organes de construction et d'approvisionnement carac-
térise parfaitement cette subdivision.
94 HISTOIRE NATURELLE
Les Phytiphages nidifians vivent en société ou iso-
Jément. De là ils se divisent en Nidifians sociaux et
en Nidifans solitaires.
1e SEecrion. LES NIDIFIANS SOCIAUX.
Un grand pas vers la civilisation pour l’animal doué
de raison est la société ; mais , avant d’être en société
nombreuse (1), l'homme avait une âme que le don
divin de raison rendait susceptible de progrès vers la
perfection physique et même morale, et surtout de
perfectibilité industrielle. La faculté de comparer
l'utilité des choses , de leurs formes, de leurs attributs
innombrables et deleurs combinaisons, est chez lui le
résultat de la raison qui produit lé raisonnement.
Quant aux animaux, et particulièrement aux In-
sectes qui nous occupent spécialement , nous ne leur
pouvons attribuer, dans leurs méthodes d'agir, aucun
perfectionnement appréciable par nous, quoique nous
connaissions les principaux traits d'industrie de plu-
sieurs, depuis bien des siècles. Nous pouvons trou-
ver chez eux certaines variations dans les procédés
des individus d'une même espèce pour opérer le
même résultat, ce qui suppose une sorte de compa-
raison entre ces procédés ; mais les circonstances qui
les font varier, sont peu nombreuses, et les mêmes
ont toujours les mêmes suites. Cet esprit de compa-
raison , que nous démontrerons chaque fois que nous
en trouverons l’occasion , n’a jamais mené les Insectes
à l'abandon total de leur méthode ordinaire, pour en
(1) Par société nombreuse, j'entends toutes celles qui ont admis
plus qu'un homme, la femme et par suite les enfans.
DES HYMÉNOPTÈRES. 0
adopter une plus parfaite, et ne suppose pas par
conséquent la raison.
L'homme n’a jamais vécu dans la nature en état
d'isolement total, et la famille fut certainement la
première société. L'homme créé avec la raison imma-
térielle, avec une âme , aida d’abord ses enfans, parce
qu'il sentit qu'ils avaient besoin de lui; mais ils l’ai-
dèrent dès que l’âge et la force le leur permirent. Il
ne les éloigna pas de lui quand ils purent sufire à
leurs besoins, et, s’il l’eût fait, la vieillesse l’eût forcé
à les rappeler pour aider sa débilité, comme il avait
soigné Jeur enfance dans sa faiblesse. L’aigle apprend
à voler et à chasser à ses petits; mais sa famille est
imparfaite, parce qu'il les force ensuite à s'éloigner
de lui. Il n’en résulte pas de société, parce que les
services rendus sont tous d’un côté sans réciprocité,
et que par conséquent aucun raisonnement, apanage
de la raison, ou même seulement de l'esprit de com-
paraison , ne la démontre utile. Dans l’homme, au
contraire, la raison démontra, par le moyen de la
famille, la nécessité et les agrémens de la société.
Aussi subsiste-t-elle , et l'isolement n’existe nulle part
pour l’homme. Je pense qu'aujourd'hui on ne fera au-
cune objection à cette assertion, les récits multipliés
des voyageurs modernes ayant prouvé la fausseté des
assertions des sophistes du siècle dernier , qui rabais-
saient l’homme à l'isolement , à cet état de néant des
idées raisonnables.
Les Insectes, et par conséquent les Hyménoptères
même sociaux, Comme tous les animaux privés de
raison, sont cependant doués d’un certain esprit de
comparaison dont nous sommes forcés, par les faits,
d'admettre l’existence, sans en bien connaître toute la
96 HISTOIRE NATURELLE
“
portée, vu le peu de rapport de leurs sens avec les
nôtres. L'état de société, où vivent quelques Hymé-
noptères , est-il une amélioration produite par cet
esprit de comparaison ? Il paraît qu’on doit nier cela
et les supposer créés dans un état de société aussi par-
fait à son commencement qu'il l’est aujourd’hui; ce
que semble démontrer, d’après ce que nous avons dit,
l'histoire ancienne de plusieurs d’entre eux, compa-
rée à leur état actuel.
Mais, par sa nature même, cet état social exigeant
non-seulement des vues communes, mais aussi des
services réciproques, et produisant des ouvrages très-
remarquables , suppose des facultés et une organisa-
tion physique bien au-dessus de celle des êtres du
même ordre qui vivent isolés, et parmi lesquels les
auteurs précédens les avaient confondus. Il les place,
comme les Hyménoptères les plus parfaits, à la tête
de l’ordre. Cela nous paraît plus naturel que de les
réunir dans une même section , famille ou tribu , ou,
comme cela est arrivé plusieurs fois, dans le même
genre ; avec ceux qui aflament et détruisent leur pos-
térité, et notre marche nous semble plus conforme
aux progrès que les sciences naturelles font en ce
moment.
Caractères. Espèce consistant en mâles et femelles ;
celles-ci toujours placées dans chaque espèce dans
deux conditions différentes , les unes ayant leurs ovai-
res développés et étant fécondes, les autres les ayant
oblitérés et infécondes (1).
(1) Je sais bien que ce caractère ne suflit pas seul pour distin-
guer, dans l'individu mort, sec et apporté de loin, l'espèce
DES HYMÉNOPTÈRES. 97
Les Nidifians sociaux vivent, les uns en sociétés per-
manenies, c’est-à-dire durant plusieurs années; les
autres n’y restent que pendant la belle saison, et
leur société se dissout, lorsque l'hiver approche.
D'où ils sont Sociaux pérennes, ou Sociaux an-
nuels.
1° LES SOCIAUX PÉRENNES,
ie Fame. HÉTÉROGYNIDES.
Caractères. Langue arrondie , voutée, presque en
cuiller, plus courte que la tête.
Miles ailés.
Femelles fécondes , ailées depuis fleur sortie de la
nymphe jusqu’après l’accouplement , perdant ensuite
leurs ailes.
Femelles infécondes n’ayant jamais d'ailes.
Antennes très-vibratiles ; celles des femelles sur-
tout allant un peu en grossissant vers le bout; pre-
mier article égalant à lui seul à peu près le tiers de
appartenant à cette section des flyménoptères Ovitithers Phyti-
phages sociaux ; mais les caractères génériques ramèneront facile-
ment au classement régulier. Qui peut se flatter de bien classer
dans son cabinet tel ou tel animal, même quadrupède et bien
plus gros, et par conséquent ayant toutes ses parties bien plus dé-
veloppées que nos Insectes? On en citerait dont le genre est ca-
ractérisé et bien différent de tous les autres quadrupèdes, tandis
que l'ordre auquel ils appartiennent est encore contesté. On ne
connaît bien une espèce que lorsqu'on l'a étudiée dans ses mo-
difications sexuelles et même dans celles de l’un des sexes, sil’'un
des sexes en admet. Ce n'est pas dans le cabinet, mais dans la
nature, qu'il faut étudier les grandes divisions que celle-ci nous
permet de faire, et là on vérifiera facilement le caractère que
nous donnons à cette section.
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 7
98 HISTOIRE NATURELLE
l'antenne; le deuxième presque aussi long que le
troisième, de la forme à peu près d’un cône ren-
versé, ‘
Labre des femelles infécondes, grand, corné, tom-
bant perpendiculairement sous les mandibules.
Histoire des Hétérogynides,
Si l’instinet social met les Hyménoptères sociaux à
la tête de leur ordre, une plus grande perfection de
cet instinct paraît devoir mettre les Hétérogynides à
la tête des familles qui partagent cet avantage avec
eux. En vain, leur prévoyance, qui avait inspiré à
un sage roi, savant à observer les œuvres admirables
de Dieu, l’idée de renvoyer le paresseux à l’exemple
de la Fourmi (nom commun à tous les Hétérogyni-
des),a-t-elle été calomniée par le vulgaire et traitée
de pillage, et niée par des naturalistes qui ont voulu
croire que les provisions qu’elle fait pour l'hiver, sont
rendues inutiles par le froid. Observant qu’elles s’en-
gourdissaient lors des gelées un peu fortes, ils ont
prononcé de suite qu’on avait eu tort de louer leur
industrieuse prévoyance (1), sans réfléchir que cer-
tains hivers presque entiers (tel que celui de 1833-
1834, où nous avons observé à Saint-Germain-en-
Laye ce que nous rapportons ici ), et une partie de
tous , sont assez tempérés pour que l’engourdissement
(à) On lit dans l'Histoire naturelle des Insectes (Suite à Buffon),
Déterville, an x, tom. III , P- 41 et 42 : « On croit communément
» que les matériaux entassés par les Fourmis sont destinés à leur
» servir de nourriture pendant l'hiver; en conséquence , on a beau-
» coup loué leur industrieuse prévoyance. Cependant c’est un fait
DES HYMÉNOPTÈRES. 99
ne soit pas absolument continu ; mais qu’ordinaire-
ment, dans ce cas, la pluie et la boue empêche-
raient les Fourmis de pouvoir se procurer des vi-
vres, si leur éminente prévoyance ne leur en avait
fait un magasin, où elles trouvent le nécessaire sans
sortir de la maison.
Dans tous les mois de l'hiver mentionné plus haut
j'ai vu des Fourmis se promener dans les environs
de leurs fourmilières , et, comme à cette époque elles
ne pouvaient trouver de vivres, il est plus que pro-
bable que leurs forces étaient entretenues par leurs
provisions domestiques.
Quant au reproche de pillage, pour sensé
doit croire que la terre et ses productions sont à
chaque espèce d'animaux, selon ses besoins, comme
à lui.
Si après avoir vengé la Fourmi de ces deux repro-
ches peu fondés nous parlons de ses qualités sociales,
nous les trouverons plus secourables les unes pour les
autres , chacune dans leur espèce, qu'aucun autre
Hyménoptére social. Jamais une Fourmi n’en ren-
contre une de son espèce, blessée, sans l’enlever et
la transporter à la fourmilière. L’y soigne-t-elle?
Je ne sais, mais je vois dans ce fait une bienveil-
lance que je ne retrouve dans aucun autre Insecte,
même social.
_
connu aujourd'hui et confirmé par les meilleurs observateurs ,
que le froid engourdit les Fourmis de manière à ne point leur
laisser la faculté d'user de ces provisions. C’est donc à tort qu’en
leur attribuant nos vertus, on les a comparées au père de fa-
» mille. »
»
7:
109 HISTOIRE NATURELLE
Si j'examine l'Hétérogynide sous le rapport de
l'esprit de comparaison, celte partie si remarquable
de l'instinct dont j'ai déjà parlé, ne dois-je pas en
voir la perfection, autant qu'elle est possible, dans
un Insecte qui sait construire et nettoyer sa maison,
élever ses petits, approvisionner la famille, qui fait
d’abord tout cela lui-même et le plus minutieusement ;
mais qui, sentant la volupté qu’il yaura dans lerepos,
vient à bout de se procurer des serviteurs affectionnés
qui font toute la besogne du service domestique et
lui en épargnent les fatigues. Ces serviteurs sont des
prisonniers de guerre cependant ; mais il ne se trou-
vera pas parmi eux un seul Spartacus, parce qu'ils
ont été enlevés si jeunes, que devenus Insectes par-
faits seulement depuis leur esclavage et par les soins
assidus de leurs maîtres, ils ne connaissent de patrie
que celle où ils font le service, lequel est au reste le
même dans celle de circonstance qu'il eût été dans
la véritable (1).
Les peuples anciens, qui étaient dans l’usage d’avoir
des esclaves, ont souvent donné des armes à ceux-ci et
les ont mélés dans leurs troupes. Il n’est personne qui
ne sente l’inconvénient de cette conduite. Nos Hétéro-
gynides vont en guerre quand ils ont besoin de ser-
viteurs, mais ils n'emmènent pas ceux qu'ils ont déjà.
L'esprit de comparaison neleur dirait-il pas qu'ils au-
raient à craindre la désertion ?
Ce n’est que dans la famille des Hétérogynides que
(1) Voy : 1° Recherches sur les mœurs des Fourmis indigènes
par P. Huber à Paris et à Genève, Paschoud , 1810, chapitres 7
et 8; 20 les ouvrages de Latreille qui a yu les mêmes faits et les
a fait voir à plusieurs illustres sayans.
DES HYMÉNOPTÈRES. IOI
se trouve un instinct aussi élevé, et c'est ce qui la
met à la tête de toutes les autres.
Leur architecture paraît au premier coup d'œil au-
dessous de celle des autres Hyménoptères sociaux
pérennes ; mais, examinée de près , elle mérite autant
d'admiration : ce que l’on va voir dans la description
de leurs habitations.
Toute habitation d’une société d'Hétérogynides re-
coit communément le nom de fourmilières , et ses
habitans celui de Fourmis. Les fourmiliéres diffèrent
beaucoup par les matériaux et la forme de leurs con-
structions, et l’on peut même dire qu'elles sont aussi
variées que les espèces qui les habitent et qui y mon-
trent chacune leurs vues particulières. On peut pour-
tant, ne voulant en traiter ici qu’en général, réduire
à deux modèles la généralité de ces constructions, et
dire simplement que les Hétérogynides bâtissent les
unes en terre et les autres en bois.
C’est d’abord en creusant que ces nouveaux Tro-
glodites commencent leurs maisons. Sans altérer la
solidité des matières qu’elles minent , elles en enlèvent
des portions, de manière à y former des salles, des
chambres, des corridors disposés les uns au-dessus
des autres, et se communiquant entre eux par des
passages souvent verticaux. La particule de maté-
riaux enlevée est portée dehors par l’individu qui l’a
détachée de la masse, non pas comme chose inutile,
mais comme pouvant servir ailleurs. Celles qui tra-
vaillent en terre mettent la terre retirée au-dessus
des'étages souterrains. L'instinct de quelques-unes de
celles-ci les portant à abriter leur fourmilière au moyen
d’un grand amas de différens matériaux, tels que des
brins de paille, des fragmens ligneux, des graines ,
102 HISTOIRE NATURELLE
de petites pierres, des feuilles et même des débris
desséchés d’Insectes, tous objets qui ne peuvent pas
servir à leur nourriture; la terre retirée sert à former,
au milieu de ces objets si peu solides d'eux-mêmes et
que sans cela le moindre vent pourrait enlever, des
couches dont le poids les maintient. Ces couches ont
souvent assez d'épaisseur pour que nos Hétérogynides
y pratiquent des chambres et des galeries , comme
dans les étages souterrains. Toujours l’amas de ces
débris et les couches de terre qui le partagent forment
des voûtes qui protégent le nid.
Les autres mineuses en terre, qui ne font pas au-
dessus de leur fourmilière un amas tel que celui que
nous venons de décrire, composé de toutes sortes de
matières de diverse origine, placent seulement au-
dessus de leur nid et de la surface du sol, la terre re-
tirée de leurs fouilles souterraines, avec laquelle elles
fabriquent des chambres , des magasins et des étages
supérieurs. Quelques-unes n’aimant point à s’exposer
sans nécessité au soleil, dans leurs courses pour aller
chercher des vivres, construisent avec cette terre des
galeries ascendantes le long des tiges des arbustes et
des plantes, qui les conduisent à leur abri jusqu'aux
fleurs, aux fruits, ou aux familles de Pucerons qui
fournissent pour leurs larves une nourriture abon-
dante.
Les Hétérogynides qui travaillent en bois, s’établis-
sent dans des arbres déjà attaqués par les larves
d’autres Insectes, tels que les Cossus parmi les Lé-
pidoptères, les Lucanus, les Cetonia , les Céramby-
cins et nombre de Longicornes, et même d'autres
Coléoptères qui percent le bois en s'en nourrissant.
Les trous pratiqués par ceux-ci, toujours plus larges à
DES HYMÉNOPTÈRES. 103
leur embouchure, qui a fourni passage à l’Insecte
parfait ou à sa larve lorsqu'elle à eu pris son accrois-
sement, ont introduit dans l’intérieur de l'arbre l’eau
des pluies qui en a pourri le bois. Nos travailleuses
détachent les parties de bois qui ont le moins de co-
hérence en les réduisant, au moyen de leurs mandi-
bules, en une espèce desciure, et, transportant celle-ci
dehors, elles forment en dedans différens étages de
chambres, de galeries, de corridors, séparés entre
eux par des planchers et des murs, et soutenus par
des piliers qu’elles ont laissés en profitant des parties
les plus solides du bois, ou qu’elles élèvent elles-
mêmes avec la sciure qu’elles avaient précédemment
ôtée, et à laquelle elles rendent de la solidité et de la
cohésion en la pétrissant entre leurs mandibules avec
des sucs glutineux qu'elles tirent de leur estomac.
Nous ne nous étendrons pas davantage dans ces gé-
néralités sur l’architecture des Hétérogynides , devant
quelquefois y revenir, pour montrer la différence
des espèces, non-seulement dans leurs caractères
physiques, mais aussi dans les procédés moraux.
Les chambres, les galeries, les corridors si mul-
tipliés , les passages dont nous venons de parler, sont
d’une nécessité absolue dans toute fourmilière, pour
le service public.
Les premières contiennent, les unes des amas
d'œufs ; les autres des larves ou des nymphes , d’au-
tres enfin des femelles fécondes. Comme chacun de
ces états exige, de la part des ouvrières ou femelles
infécondes ; des soins différens, ils sont séparés de
logemens, et même les larves de femelles fécondes
sont séparées de celles qui seront infécondes, parce
qu'elles doivent recevoir une nourriture différente.
4
104 HISTOIRE NATURELLE
On connaît , dans d’autres Hyménoptères sociaux , la
liqueur nourricière qui donne la fécondité ; elle n’est
pas encore connue dans les Hétérogynides, parce
que celles-ci ne font point d’amas de la nourriture
destinée aux larves, mais la récoltent au jour le jour
dans leur estomac et la leur dégorgent immédiatement.
IL n’en est pas moins d’une apparente vérité que la
fécondité et l’infécondité des individus d’un même
sexe, condition commune à toutes les femelles des
Hyménoptères sociaux pérennes , doit dépendre d’une
seule et même cause. Or, cette cause étant dans les
Abeilles une nourriture particulière et bien connue,
nous ne pouvons pas soupçonner que l'effet de l’édu-
cation étant le même dans toutes les espèces qui vivent
en société durable, la cause ne soit pas uniforme
dans tous.
Quoique, ainsi que nous l'avons dit en général
pour tous les Hyménoptères Ovitithers, les larves des
Hétérogynides soient privées d'organes de locomotion,
si les larves, qui doivent être élevées différemment,
étaient placées pêle-mêle, ou seulement dans la même
chambre, il pourrait se faire des méprises qui dé-
truiraient la distinction qui existe et qui par conséquent
doit exister entre ces différentes conditions, confon-
draient les devoirs de chacun , et mettraient le trouble
dans la société.
Les femelles fécondes ont aussi des demeures d’où
elles ne sortent guère, si ce n’est à l’époque voisine de
celle où elles sont devenues Insectes parfaits, où elles
ont encore leurs ailes, et où elles vont chercher dans les
airs leurs mâles et la fécondité. Privées ensuite deleurs
ailes par les ouvrières ou femelles infécondes, et rame-
nées par elles, dans les demeures qui leur sont affectées,
DES HYMÉNOPTÈRES. 105
chaque fois qu'elles veulent s'en écarter ; elles y sont
nourries par celles-ci , qui leur présentent , au bout de
leurs trompes, les liqueurs nourrissantes qu’elles ont
en dépôt dans leur estomac.
Quand il y a des mâles dans les fourmilières, ils sont
libres d'entrer dans les appartemens des femelles,
mais il ne parait pas qu'il en résulte à l'intérieur des
accouplemens. Lorsque le moment est venu auquel les
mâles et les femelles, destinés à donner progéniture,
doivent s’accoupler, ces deux sexes sortent simulta-
nément de la fourmilière et s'élèvent à l’aide de leurs
ailes dans les airs. Les mâles étant beaucoup plus
nombreux que les femelles fécondes , peu d’entre eux
ont les honneurs d’une postérité. Cependant Huber,
cité plus haut, a cru voir rarement entre quelques-
uns de ceux-ci et des ouvrières un simulacre d’accou-
plement qui n’a pas dû amener de fécondité, puisque
la dissection ne fait distinguer aucun ovaire dans
celles-ci. Les mäles meurent souvent dans l’accouple-
ment, comme je m'en suis assuré, en prenant et gar-
dant sous mes yeux des mâles et femelles accouplés.
Les autres mâles une fois sortis de la fourmilière n’y
rentrent plus, et meurent bien vite , ne sachant ni la
retrouver ni chercher de la nourriture. Les femelles
fécondées le sont pour toute la durée de leur vie, et
deviennent successivement mères d’une postérité pres-
que innombrable.
Les femelles infécondes, que j'appellerai doréna-
vant ouvrières, ont bien des travaux à exécuter,
comme l'indique cette dernière qualification.
Le premier est la construction de la fourmilière , et
nous pensons que ce que nous avons dit de son archi-
tecture indique assez les fatigues sans nombre qu'ont
106 HISTOIRE NATURELLE
à essuyer pour cette partie de leurs occupations nos
infatisables et actives célibataires. Mais, outre la
construction primitive, souvent un accident renverse
ou comprime une partie de l'édifice : il faut prompte-
ment réparer le dégât qui entraînerait ordinairement
la perte d'une portion de la population et de la
postérité. À force de travaux, celles qui n’ont pas
péri par le désastreux événement, sont bientôt reti-
rées des décombres par celles qui sont restées libres ;
les œufs , les larves, les nymphes, sont découverts et
replacés dans d’autres chambres en attendant la re-
construction de celles qui ont été détruites, à laquelle,
après ces premiers soins de bienveillance, on procède
sans perdre de temps, en faisant autant que possible
concorder les nouvelles bâtisses avec les anciennes.
Lorsque la population de la fourmilière augmente ; il
devient aussi nécessaire d'augmenter les logemens , et
le courage de nos ouvrières augmente avec leur nom-
bre. Dans les fourmilières dont les étages inférieurs
ont été exécutés dans la terre , les ouvrières trouvent,
dans une mine qu'elles fouillent au-dessous de celles
qui existent, des matériaux pour un étage supérieur
qu’elles élèvent en même temps.
Dès que la fourmilière est construite, les femelles
sont placées dans les chambres inférieures les plus
éloignées du danger. C’est sur leur existence qu'est
fondé l'espoir entier de la durée de la société. On
veille près d’elles pour fournir à tous leurs besoins.
Des ouvrières entretiennent leur propreté en léchant
avec leur langue toutes les parties de leur corps ; d’au-
tres, en rentrant de la picorée , leur présentent au bout
de la trompe les sucs qu’elles ont été chercher si loin,
et qu'elles n'ont amassés souvent qu'après un bien
DES HYMÉNOPTÈRES. 107
grand nombre d’allées et de venues. Combien a-t-il
fallu parcourir de terrain, escalader de plantes ou
même d'arbres , visiter de fleurs ou de Pucerons, pour
amasser cette goutte de liqueur sucrée que l’ouvrière
donne à la femelle féconde qui souvent n’est pas sa
mère, mais seulement celle de ses camarades ? Celle-
ci paraît la recevoir comme un hommage dû, et l’on
pourrait dire que les travaux de l’ouvrière n’ont
d'autre récompense que la vue de la prospérité géné-
rale, et qu’elle jouit seulement ainsi du bien qu’elle
fait.
Dès qu’une des femelles fécondes a pondu un œuf,
celui-ci est transporté par une ouvrière dans la partie
du logement destiné aux œufs de son espèce et de son
sexe. Ces œufs reçoivent ici des soins multipliés, qui
sont nécessaires pour qu'ils réussissent. Il ne s’agit
point de les couver, mais de leur faire éprouver, selon
le besoin, les variations de la chaleur et de l'humidité,
plus ou moins fortes d’après les variations de tem-
pérature intérieure et extérieure : ce qui force les
ouvrières de transporter plusieurs fois, dans le jour,
ces œufs d’un étage à un autre. On a remarqué que les
œufs des Hétérogynides augmentent de volume d’une
manière assez remarquable ; on a vu aussi les ouvrières
faire passer les œufs entre leurs mandibules et les en-
duire en même temps d’une liqueur. Il est à croire
que cette liqueur est absorbée par l’œuf et profite à
l'embryon qu'il renferme.
La larve n’est pas plutôt sortie de l’œuf qu’elle est
portée par l’ouvrière dans la salle qui convient à son
sexe et à la modification de sexe de l’Insecte parfait ;
celle-ci, pour les femelles, paraissant dépendre de la
nourriture que recevra la larve. Là elle est nourrie,
108 HISTOIRE NATURELLE
léchée , choyée, nettoyée et aidée dans ses changemens
de peau.
L'Insecte devenu nymphe est encore changé de
domicile.
Il paraît à propos de compléter ici ce que j'ai à
dire des Hétérogynides sous l’état de larve et de
nymphe; je ne crois pas pouvoir mieux faire que
d'emprunter quelques passages à leur excellent obser-
vateur, M. Huber, que j'ai déjà cité plus haut ( Hub.
ut suprà , p. 73 et suivantes), d'autant que nous con-
tinuerons en même temps l’'énumération des travaux
des ouvrières, dont les soins pour ces êtres faibles
sont nombreux et empressés.
« Au bout d’une quinzaine de jours, , dit cet auteur,
» le ver (la larve) sort de la coque de l’œuf. Son corps
» est d’une transparence parfaite, et ne présente
» qu’une tête et des anneaux, sans aucun rudiment de
» pattes ou d'antennes. L'Insecte , à cet âge, est dans
» une dépendance absolue des ouvrières.
» J'ai pu suivre, au travers des vitrages de la four-
» milière artificielle tous les soins qu'elles prennent
» de,ces petits vers qui portent aussi le nom de larves.
» Ils étaient gardés à l'ordinaire par une troupe de
» Fourmis, qui, dressées sur leurs pattes et le ventre
» en avant, étaient prêtes à lancer leur venin, tandis
» qu’on voyait çà et là d’autres ouvrières occupées à
» déblayer les conduits embarrassés par des matériaux
» hors de place, et qu’une partie de leurs compagnes
» demeuraient dans un repos complet et paraissaient
» endormies.
» Mais la scène s’animait à l'heure du transport des
» petits au soleil. Au momént où ses rayons venaient
» éclairer la partie extérieure du nid, les Fourmis
»
»
»
>
ÿ
»
LA
DES HYMÉNOPTÈRES. 109
qui se trouvaient à la surface, partaient aussitôt et
descendaient avec précipitation dans le fond de la
fourmilière , frappaient de leurs antennes les autres
Fourmis, couraient de l’une à l’autre, pressaient,
heurtaient leurs compagnes, qui montaient à l’in-
stant sous la cloche, redescendaient avec rapidité,
et mettaient à leur tour tout en mouvement, jus-
qu'à ce quon vit un essaim d’ouvrières remplir
tous les passages. Mais, ce qui prouvait encore
mieux le but qu’elles se proposaient, c’est la vio-
lence avec laquelle ces ouvrières saisissaient quel-
quefois, par leurs mandibules, celles qui parais-
saient ne pas les comprendre, et les entrainaient
au sommet de la fourmilière, où elles les abandon-
naient aussitôt pour aller chercher celles qui res-
taient auprès des petits.
» Dès que les Fourmis étaient averties de l’appari-
tion du soleil, elles s’occupaient des larves et des
nymphes; elles les portaient en toute hâte au-dessus
de la fourmilière, où elles les laissaient quelque
temps exposées à l'influence de la chaleur. Leur
ardeur ne se ralentissait pas : les larves de femelles,
beaucoup plus grandes et plus pesantes que celles
des autres castes, étaient transportées avec assez
de difficultés au travers des passages étroits qui
conduisaient de l’intérieur à l'extérieur de la four-
milière, et placées au soleil à côté de celles des
ouvrières et des mâles : quand elles y avaient passé
un quart d'heure, les Fourmis les retiraient et les
mettaient à l’abri de ses rayons directs, dans des
loges destinées à les recevoir, sous une couche de
chaume, qui n'interceptait pas entièrement la
chaleur.
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»
10 HISTOIRE NATURELLE
» Les ouvrières, après avoir satisfait aux devoirs
qui leur sont imposés à l'égard des larves, ne pa-
raissaient pas s’oublier elles-mêmes; elles cher-
chaient à leur tour à s'étendre au soleil ; elles s’en-
tassaient les unes sur les autres, et semblaient
jouir. de quelque repos , mais il n’était pas de
longue durée. On en voyait toujours un grand
nombre travailler au-dessus de la fourmilière ; d’au-
tres rapportaient les larves dans l'intérieur, à me-
sure que le soleil s’abaissait; enfin, le moment de
les nourrir étant arrivé , chaque Fourmi s’appro-
chait d’une larve et lui donnait à manger.
» Les larves des Fourmis, dit M. Latreille (cette
citation est dans le texte de M. Huber), ressemblent,
lorsqu'elles sortent de l’œuf, à de petits vers blancs
sans pattes, gros, courts et d’une forme presque
conique ; leur corps est composé de douze anneaux ;
sa partie antérieure est plus menue et courbée. On
remarque à sa tête, 1°. deux petites pièces écail-
leuses, qui sont deux espèces de crochets trop écar-
tés l’un de l’autre pour pouvoir étre considérés
comme de véritables dents ; 2°. au-dessous de ces
crochets , quatre petites pointes, ou cils, deux de
chaque côté, et un mammelon presque cylindrique,
mou, rétractile, par lequel la larve reçoit la bec-
quée. » (Latr.)
« Les Fourmis ne préparent point aux larves des
provisions de bouche, comme le font plusieurs
espèces d’Abeilles et tant d’autres Insectes qui pour-
voient d'avance aux besoins de leurs petits; elles
leur donnent chaque jour la nourriture qui leur
convient. L'instinct des larves est assez développé
pour qu'elles sachent demander et recevoir directe-
ÿ
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CA
DES HYMÉNOPTÈRES,. 111
ment leur repas, comme les petits des oiseaux le
recoivent de leur mère. Quand elles ont faim , elles
redressent leur corps et cherchent avec leur bouche
celle des ouvrières qui sont chargées de les nourrir ;
la Fourmi écarte alors ses mandibules, et laisse pren-
dre aux larves, dans sa bouche même, les fluides
qu’elles y cherchent. J'ignore s'ils subissent quelque
préparation dans le corps des ouvrières... Je pré-
sume cependant qu'elles proportionnent leur régime
à l’âge et au sexe de chaque individu; qu’elles leur
dégorgent aussi des sucs substantiels, lorsqu'ils
sont plus prêts de leur métamorphose, et qu'elles
en donnent davantage aux larves des femelles qu'a
celles des mâles..... Suivons encore les ouvrières
dans les derniers soins qu’elles rendent aux larves ;
il ne sufhisait pas de les porter au soleil et de les
nourrir , il fallait encore les entretenir dans une
extrème propreté : aussi ces Insectes, qui ne le
cèdent en tendresse pour les petits, dont la direc-
tion leur est confiée, à aucune des femelles des
grands animaux, ont-ils encore l'attention de pas-
ser leur langue et leurs mandibules à chaque instant
sur leur corps, et les rendent-ils, par ce moyen,
d’une blancheur parfaite : on voit encore les Four-
mis occupées à tirailler leur peau, à l’étendre et à
la ramollir, près de l’époque de leur transformation.
» Avant de se dépouiller de cette peau, les larves
de plusieurs Fourmis se filent une coque de soie,
comme beaucoup d’autres Insectes : c’est là qu’elles
doivent, sous la forme de nymphe, se préparer à
leur dernière métamorphose. Cette coque est cylin-
drique, alongée, d’un jaune pâle , très-lisse et d’un
tissu fort serré.
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12 HISTOIRE NATURELLE
» Une singularité remarquable, dont on n’a pas
encore découvert la cause, c’est qu'il y a des Four-
mis dont les larves ne filent pas; mais cette excep-
tion n’a lieu qu’à l'égard des espèces qui ont un
aiguillon et deux nœuds au pédicule de l'abdomen :
ainsi , il y a des larves qui se transforment dans une
coque de soie, et d’autres qui deviennent nymphes
sans être obligées de filer. . .…
» L’Insecte dans l’état de nymphe a acquis la forme
qu'il aura toujours ; il ne lui manque que des forces
et un peu plus de consistance; il est aussi grand
qu'il doit être. Tous ses membres sont distincts;
une seule pellicule les enveloppe.
» La Fourmi, sous cette forme, continue à se mou-
voir quelques instans après être sortie de l’état de
larve ; mais bientôt elle devient d’une immobilité
complète; elle change graduellement de couleur,
passe du plus beau blanc au jaune pâle, puis au
roux, et, dans plusieurs espèces , devient brune et
presque noire : on voit déjà les rudimens des ailes
dans celles qui sont destinées à voler. Ces nymphes
ont encore bien des soins à attendre des ouvrières;
la plupart sont renfermées dans un tissu qu’elles
ont filé avant de se métamorphoser; mais elles ne
savent pas, comme celles de beaucoup d'autres
Insectes, sortir de leur coque d’elles-mêmes, en y
faisant une ouverture avec leurs dents : elles ont à
peine la force de se mouvoir; leur coque est d’un
tissu trop serré et d’une soie trop forte pour qu'il
leur soit possible de la déchirer sans le se-
cours des ouvrières. Mais comment ces infatiga-
bles nourrices découvrent-elles le moment conve-
nable pour les en tirer ? Si elles étaient pourvues de
DES HYMÉNOPTÈRES. 113
l’ouïe (r), on pourrait croire qu’elles reconnaissent,
qu'il en est temps, à quelque bruit produit dans
l'intérieur de la prison par l’Irsecte dont le déve-
loppement a commencé; mais rien n'indique qu’elles
aient la faculté d'entendre; peut-être s’apercoivent-
elles, à l’aide de leurs antennes, de légers mouve-
mens, qui leur annoncent l’époque où elles doivent
libérer leur prisonnier; car ces organes sont d’une
sensibilité dont il serait difhcile de se former une
juste idée. Quoi qu'il en soit, elles ne s’y trompent
jamais. Suivons-les encore dans ce travail, où elles
déploient, à l'égard de leurs élèves, un zèle et une
constance qui seraient déjà dignes de notre atten-
tion, si elles étaient les propres mères de ces In-
sectes, et qui sont bien plus étonnans quand on
pense qu’elles n’ont quelquefois d’autre rapport
avec eux que celui d’être nées sous le même toit. Il
y avait, dans une des cases les plus spacieuses de
ma fourmilière vitrée, plusieurs grandes coques de
femelles et de mâles. Les ouvrières rassemblées
en ce lieu paraissaient s’agiter autour d'elles ; j'en
vis trois ou quatre, montées sur une de ces coques,
s’efforcer de l’ouvrir avec leurs dents à l’extrémité
qui répondait à la tête de la nymphe. Elles com-
mencèrent par amincir l’étofle, en arrachant quel-
ques soies à la place qu'elles voulaient percer, et
bientôt, à force de pincer et de tordre ce tissu si
(1) Sans aucune preuve directe, M. Huber prive les Hétéro-
gynides du sens de l'ouïe, probablement par la seule raison qu'il
n'en connaît pas le siége. (V’oy. ce que nous avons dit plus haut
sur les sens des Insectes en général.) Il aurait pu conclure d'une
manière diamétralement opposée du fait qu'il vient de rapporter,
sans donner plus aux conjectures.
HYMENOPTÈRES, TOME 1. )
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»
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14 HISTOIRE NATURELLE
difficile à rompre, elles parvinrent à le trouer en
plusieurs endroits très-rapprochés les uns des au-
tres, elles essayèrent ensuite d'agrandir ces ouver-
tures, en tirant la soie comme pour la déchirer;
mais cette méthode ne leur ayant pas réussi, elles
firent passer une de leurs dents au travers de la
coque, dans les trous qu'elles avaient pratiqués,
coupèrent chaque fil l’un après l’autre avec une
patience admirable, et parvinrent enfin à faire un
passage d’une ligne de diamètre dans la partie su-
périeure de la coque : on commencait déjà à dé-
couvrir la tête et les pattes de l’Insecte qu'elles
cherchaient à mettre en liberté; mais, avant de le
tirer de sa cellule , il fallait en agrandir l'ouverture.
Pour cet effet, ces gardiennes coupèrent une bande
dans le sens longitudival de cette coque , en se ser-
vant toujours de leurs dents , comme nous employons
une paire de ciseaux.
» Une sorte de fermentation régnait dans cette
partie de la fourmilière. Nombre de Fourmis, occu-
pées à dégager l'individu aïlé de ses entraves, se
relevaient ou se reposaient tour à tour, et reve-
naient avec empressement seconder leurs compa-
gnes dans cette entreprise, de manière qu'elles
furent bientôt en état de le faire sortir de sa prison ;
l’une relevait la bandelette coupée dans la longueur
de la coque, tandis que d’autres le tiraient douce-
ment de sa loge natale. Il en sortit enfin sous mes
yeux, mais non comme un Insecte prêt à jouir de
toutes ses facultés, et libre de prendre son essor; la
nature n'avait pas voulu qu'il fût sitôt indépendant
des ouvrières : il ne pouvait ni voler, ni marcher, à
peine se tenir sur ses pattes, car il était emmailloté
DES HYMÉNOPTÈRES. 115
dans une dernière membrane , et ne savait pas la
rejeter de lui-même. Les ouvrières ne l’abandon-
nèrent pas dans ce nouvel embarras ; elles le dépouil-
lèrent de la pellicule satinée dont toutes les parties
de son corps étaient revêtues, tirèrent délicatement
les antennes et les antennules de leur fourreau, dé-
liérent ensuite les pattes et les ailes, et désagèrent
de leur enveloppe le corps , l'abdomen et son pédi-
cule. L’Insecte fut alors en état de marcher, et sur-
tout de prendre de la nourriture, dont il paraissait
avoir un besoin urgent. Aussi la première atten-
tion de ses gardiennes fut-elle de lui en donner
» Les ouvrières, que nous avons vues chargées du
soin des larves et des nymphes, montrent la même
sollicitude à l'égard des Fourmis nouvellement trans-
formées ; elles sont soumises encore quelques jours à
l'obligation de lés surveiller et de les suivre : elles les
accompagnent en tous lieux, leur font connaître les
sentiers et les labyrinthes dont leur habitation est
composée, et les nourrissent avec le plus grand soin :
elles rendent aux mâles et aux femelles le service
difficile d'étendre leurs ailes, qui resteraient frois-
sées sans leur secours, et s’én acquittent toujours
avec assez d'adresse pour ne pas déchirer cés mem-
bres frêles et délicats. Elles rassemblent dans les
mêmes cases les mâles qui se dispersent et quelque-
fois les conduisent hors de la fourmilière. Les ou-
vriéres paraissent, en un mot, avoir la direction
complète de leur conduite aussi long-temps qu'ils y
restent , et ne cessent de remplir leurs fonctions au-
près de ces Insectes, dont les forces ne sont pas
encore développées, que lorsqu'ils s'échappent
enfin pour vaquer au soin de la reproduction. »
8.
116 HISTOIRE NATURELLE
Les ouvrières, comme on doit le conclure des faits
que nous venons de rapporter d’après un observa-
teur estimé à qui l’usage de fourmilières environnées
de verre permettait de faire pénétrer ses regards assi-
dus dans l’intérieur, le mettant à même de voir se ré-
péter sous ses yeux les preuves de ce qu'il avance,
sont les seules qui peuvent parcourir toutes les parties
de la fourmilière, et elles y entretiennent l'ordre, la
propreté et l'abondance.
Ce sont, en ellet, les ouvrières qui déterminent
dans quelles parties se tiendront les femelles et les
mâles , et, lorsque ceux-ci ou celles-làa veulent s’en
écarter, elles les y ramènent, jusqu’au moment où il
devient utile que ces individus sortent de la fourmi-
lière; ce sont aussi elles qui classent, comme nous
l'avons vu, les produits de la ponte.
Elles décident seules s’il faut augmenter les bâti-
mens de la demeure commune, en ouvrir ou en fer-
mer les issues. Dans les différentes parties du jour,
et en outre selon la température du moment, ces
issues sont tantôt élargies par les ouvrières, pour que
l'air extérieur puisse y pénétrer ou pour rendre mo-
mentanément plus commode le service de l'extérieur
à l'intérieur, tantôt rétrécies, lorsque le froid ou
même une trop grande chaleur extérieure l'exige. Sou-
vent aussi la pluie pénétrerait dans l'intérieur, si des
travaux prompts n’abritaient pas les entrées du dehors.
Tous ces travaux sont exécutés à temps et à heure
par la partie de la population ouvrière qui se trouve
à la maison à l'heure où il convient de s’y livrer.
Pendant ce temps, les autres parcourent la campa-
gnce et récollent les vivres nécessaires à l’approvision-
nement général. Nous avons déjà dit que la nourriture
DES HYMÉNOPTÈRES. LOT?
essentielle des Fourmis, surtout à l’état delarves, con-
siste dans les liqueurs végétales sucrées. Aussi voit-on
les Fourmis souvent en très-grand nombre surlesfleurs.
Elles ne paraissent pas cependant chercher cesliqueurs
indifféremment sur toutes , et c’est principalement sur
les ombellifères que les Hétérogynides vont chercher
cette liqueur précieuse. Ces plantes, dont les fleurs
prises isolément ou collectivement présentent une sur-
face unie, leur paraissent peut-être présenter moins
de périls à courir, parce que, pendant le séjour
qu'elles y font, elles peuvent voir tout ce qui se passe
autour d'elles et reconnaître les dangers : elles évitent
peut-être à cause de cela les fleurs infundibuliformes
et campaniformes, par la crainte de sy trouver
bloquées.
Mais ce n’est pas sur les fleurs que se fait la plus
grande récolte de liqueurs sucrées par les Hétérogy-
nides. Le véritable miel est destiné par l’auteur de la
nature à une autre famille. Les Fourmis ont aussi à
leur portée les moyens de faire une récolte. Quelques
genres d'Insèctes sont chargés de leur procurer des
vivres : ce sont les Pucerons et les Gallinsectes.
On sait que ces deux familles vivent de la séve des
végétaux , et que celle-ci sort de leur corps après un
court séjour, pendant lequel elle a contracté un goût
sucré. Lorsque cette liqueur tombe à sa sortie de leur
corps sur Îles parties quelconques des vésétaux, et
surtout sur les feuilles, celles-ci deviennent luisantes
et poissées, comme si l’on avait étendu sur leur sur-
face une dissolution de sucre par l’eau, et, ces parties
étant appliquées sur la langue, le goût sucré de cet
enduit confirme le rapport de la vueet du toucher.
C'est de cette liqueur que les Hétérogynides tirent
118 HISTOIRE NATURELLE
principalement les vivres dont elles se nourrissent,
elles et leurs larves. Partout où l’on voit cette liqueur
répandue, et dans tous les endroits habités par les
Pucerons et les Gallinsectes, on trouve aussi nombre
de Fourmis occupées à la récolter.
Il est bien vrai de dire que cette séve des plantes
sucée par les Gallinsectes et les Chermés a subi déjà,
avant d’être récoltée par nos Fourmis , une opération
qui l’a modifiée, puisque la séve de la plupart des
plantes n’est pas naturellement sucrée, et qu'elle sort
cependant du Puceron avec cette saveur toujours plus
ou moins prononcée. Néanmoins le peu de séjour
qu'elle a fait dans le corps de l’Insecte suceur ne lui
permettant pas de changer beaucoup sa nature végé-
tale, nous la fait regarder comme étant encore.telle.
Il faut de plus faire attention que Ja partie liquide de
la nourriture donnée à toutes les larves des Ovitithers
phytiphages, ou préparée pour leur usage, a toujours
fait auparavant quelque séjour dans l’estomac des
mères ou des ouvrières qui l'ont récoltée. Celles des
larves de nos Hétérogynides a de plus passé primor-
dialement dans celui des Pucerons et des Gallin-
sectes (1).
(1) Réaumur avait observé que cette liqueur, distillée en quelque
sorte par les Pucerons , est recherchée par les Fourmis. « Nos jardi-
» niers, dit-il (tom. III, mém. IX, p. 313), croient encore aujour-
» d'hui que les Fourmis produisent des Pucerons sur les arbres. Tout
» ce qu'il y a de vrai, c'est que les Fourmis cherchent les Pucerons
» et paraissent les caresser ; mais leurs caresses sont intéressées. Le
» motif n'en est pas équivoque , dès qu'on sait que les Fourmis ai-
» ment le sucre et tout ce qui est sucré : car lorsque les feuilles où
» sont les Pucerons sont contrefaites , qu'elles ont des cavités, on
» trouve dans ces cavités des gouttes d'une eau grasse médiocre-
ment coulante et sucrée. Lorsque les vessies des ormes sont peu-
» plées de beaucoup de Pucerons, on y trouve une assez grande
DES HYMÉNOPTÈRES. 119
Quant à la manière dont se fait cette récolte par
les ouvrières Fourmis, je crois ne pouvoir mieux faire
que d'emprunter encore ici quelques pages au savant
M. Huber que j'ai déjà cité, et dont j'ai vérifié les
observations.
« On sait, dit cet auteur (p.180 et suivantes),
» qu'un grand nombre de végétaux nourrissent des
» Pucerons. Ces Insectes, attroupés sur les nervures
» des feuilles ou sur les branches les plus jeunes,
» insinuent leur trompe entre les fibres de l’écorce,
» dont ils pompent les sucs les plus substantiels : une
» partie de ses alimens ressort bientôt de leur corps
» sous la forme de gouttelettes limpides , par les voies
» naturelles ou par deux cornes qu'on remarque ordi-
» nairement à leur partie postérieure : c’est cette
» liqueur dont les Fourmis font leur principale nour-
» riture. On avait déjà observé qu’elles attendaient
» le moment où les Pucerons faisaient sortir de leur
» ventre cette manne précieuse, et qu’elles savaient
» la saisir aussitôt; mais j'ai découvert que c'était là
» le moindre de leurs talens....….
» Une branche de chardon était couverte de Four-
» mis... et de Pucerons : j'observai quelque temps
» ces derniers pour saisir, s’il était possible, l'instant
» où ils faisaient sortir de leur corps cette sécrétion;
» mais je remarquai qu'elle sortait très-rarement
» quantité de cette eau. Dans les vessies de peupliers où logent les
» Pucerons, on trouve aussi de l’eau renfermée, qui est bien plus
» douce, plus sucrée que celle des vessies de l'orme, On trouve de
» l'eau sucrée dans les tubérosités des feuilles de pommiers , on en
» trouve même sur des feuilles plates peuplées de Pucerons, il y a
» de ces gouttes d’eau qui sont extrêmement sucrées. Il n'est donc
» plus surprenant que les Fourmis fassent fêté à des Insectes qui
» ont autour d'eux une eau sucrée, »
120 HISTOIRE NATURELLE
»
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d'elle-même, et que les Pucerons éloignés des
Fourmis la lançaient au loin, au moyen d'un mou-
vement qui ressemble à une espèce de ruade. Com-
ment se faisait-il donc que les Fourmis errantes
sur les rameaux eussent presque toutes des ventres
remarquables par leur volume et remplis évidem-
ment d’une liqueur? C’est ce que j'appris en suivant
de près une seule Fourmi dont je vais décrire exac-
tement les procédés. Je la vois d’abord passer sans
s'arrêter sur quelques Pucerons, que cela ne dé-
range pas; mais elle se fixe bientôt auprès d'un des
plus petits : elle semble le flatter avec ses antennes,
en touchant l’extrémité de son ventre alternative-
ment de l’une et de l’autre, avec un mouvement
très-vif : je vois avec surprise la liqueur paraître
hors du corps du Puceron, et la Fourmi saisir aussi-
tôt la gouttelette qu’elle fait passer dans sa bouche.
Ses antennes se portént ensuite sur un autre Puce-
ron beaucoup plus gros que le premier; celui-ci,
caressé de la même manière, fait sortir le fluide
nourricier en plus grande dose; la Fourmi s’avance
pour s’en emparer; elle passe à un troisième, qu’elle
amadoue comme les précédens , en lui donnant plu-
sieurs petits coups d'antennes auprès de l'extré-
mité postérieure de son corps : la liqueur sort à
l'instant et la Fourmi la recueille...
» Il ne faut qu'un petit nombre de ces repas pour
rassasier une Fourmi : celle-ci satisfaite reprit le
chemin de sa demeure....... Dès lors j'ai toujours
remarqué que l’arrivée des Fourmis et le battement
de leurs antennes précédaient le don de cette li-
queur..... J'ai revu mille et mille fois ces procédés
singuliers, employés avec le même succès par les
DES HYMÉNOPTÈRES. 121
» Fourmis , quand elles voulaient obtenir des Puce-
» rons cette nourriture : si elles pégligent trop long-
» temps de les visiter, ils rejettent la miellée sur les
» feuilles, où les Fourmis la trouvent à leur retour et
» la recueillent. . ...
» J'ai répété ces observations sur la plupart des
» Fourmis de notre pays : les plus grosses s'adressent
» auSsi aux Pucerons. On serait étonné de voir com-
» bien elles les ménagent, et avec quelle délicatesse
» leurs anteunes..... savent les inviter à leur livrer
» la miellée. Je ne connais pas de Fourmis qui n'aient
» l’art d'obtenir des Pucerons le soutien de leur vie :
» on dirait qu'ils sont créés pour elles. »
Quant aux Gallinsectes , on sait, dit le même obser-
vateur que nous suivons toujours, « qu'ils s’attachent
» aux feuilles et aux branches des arbres, pour en
» pomper le suc. Ils ont la bouche et les parties
» sexuelles appliquées contre l'arbre ; l’orifice destiné
» à rejeter l’excédant de leur nourriture est placé sur
» le dos (1)...
» Les Fourmis sont attirées par les Gallinsectes
» comme par les Pucerons..... Ces Insectes, qui nous
» avaient échappés pendant tant de siècles, étaient
» de tout temps connus des Fourmis pour des êtres
» doués de vie et de sensation. Je fus très-étonné lors-
» que je vis pour la première fois une Fourmi s'ap-
» procher d’un Gallinsecte et faire avec ses antennes,
(1) Réaumur vit aussi les Fourmis rechercher les lieux où se
tiennent les Gallinsectes. « Nous avons dit ailleurs», rapporte ce
célèbre auteur (t. IV, mém. 1, p. 19), « que pour découvrir les
» Pucerons.., il n’y avait qu’à se laisser guider par les Fourmis..….
+ Ce furent aussi elles qui m'apprirent où se tenaient les jeunes
» Gallinsectes du pêcher.»
122 HISTOIRE NATURELLE
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près de son extrémité inférieure, les mêmes manœu-
vres qu elles exécutent à l'égard des Pucerons. Lors-
qu'elle l'eut frappé pendant quelques instans, je
vis sortir du dos de la galle une grosse goutte de
liqueur , que la Fourmi se hâta de sucer. J'ai répété
cette observation sur d’autres Gallinsectes du même
arbre pendant des saisons entières. Elles étaient en
grand nombre sur un bourrelet du tronc;les Fofftmis
y venaient continuellement chercher des provisions.
Je confirmai ces observations sur celles de l’oranger ,
et je vis toujours les Fourmis leur demander et en
obtenir leur pâture de la même manière...
» Que les Pucerons et les Gallinsectes éprouvent du
plaisir à se sentir caresser par les Fourmis; que ce
soit un avantage pour eux d'être plus tôt débarrassés
de leurs sécrétions, où qu’il existe réellement entre
eux et les Fourmis une espèce de langage, c'est une
de ces questions sur lesquelles il ne nous appartient
pas de prononcer ; nous n’en admirerons pas moins
le secret des Fourmis pour se procurer leur subsis-
tance : cette liqueur est une ressource inépuisable
pour elles; il suffit, pour s’en convaincre, de se
placer près d’un chêne ayant des Pucerons et des
Gallinsectes ; on verra monter et descendre des mil-
liers de Fourmis le long du tronc. Toutes celles qui
montent ont de petits ventres et marchent leste-
ment; celles qui redescendent, au contraire, ont
leur abdomen renflé, transparent, plein dela liqueur
de ces animaux, et ne se traînent qu'avec dificulté.
» Il ya des Fourmis qui ne sortent presque jamais
de leur demeure , on ne les voit aller ni sur les arbres
ni sur les fruits : elles ne vont pas même à la chasse
d’autres Insectes... Je savais où toutes les autres
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 129
Fourmis therchaient et trouvaient leur nourriture ;
mais je me demandais comment celles-ci faisaient
pour subsister, et de quels alimens elles pouvaient
se fournir sans s’écarter de leur habitation, lorsqu'un
jour, ayant détourné la terre dont elle était compo-
sée, pour découvrir si elles avaient quelques provi-
sions, je trouvai des Pucerons dans leur nid : j'en
vis sur toutes les racines de graminées, dont la
fourmilière était ombragée : ils y étaient rassemblés
en familles assez nombreuses et de différentes es-
pèces; les plus communs étaient couleur de chair...
La plupart étaient fixés aux racines; on en voyait a
une plus grande profondeur attachés à leurs dernières
ramifications..….,.… Les Fourmis semblaient épier le
moment favorable pour obtenir leur pâture : elles
sy prenaient comme à l’ordinaire et toujours avec
le même succès... Je me hâtai de vérifier cette dé-
couverte en fouillant dans un grand nombre de nids,
et j'y trouvai toujours des Pucerons..….. Je ne tardai
pas à voir que les Fourmis sont très-jalouses de leurs
Pucerons; elles les prenaient souvent à leur bouche
et les emportaient au fond du nid ; d’autres fois elles
les réunissaient au milieu d’elles ou les suivaient
avee sollicitude.
» Je profitai des notions que j'avais acquises sur
leur genre de vie, pour nourrir chez moi une de
leurs peuplades ; je les mis dans une boîte vitrée avec
leurs Pucerons, en laissant dans la terre les racines
de quelques plantes dont les branches végétaient au
dehors ; j'arrosais de temps en temps la fourmilière,
et par ce moyen les plantes, les Pucerons et les
Fourmis trouvaient dans cet appareil une nourri-
ture abondante... Lorsque les Fourmis voulaient
124 HISTOIRE NATURELLE
» déplacer les Pucerons, elles commencaient par les
» caresser avec leurs antennes , comme pour les enga-
» ger à abandonner leurs racines ou à retirer leur
» trompe de la cavité dans laquelle elle était insérée.
» Ensuite elles les prenaient doucement par-dessus ou
» par-dessous le ventre, et les emportaient avec le
» même soin qu’elles donnent aux larves de leur
» espèce... Cependant elles n’emploient pas toujours
» les voies de la douceur avec eux; quand elles crai-
» gnent qu'ils ne leur soient enlevés par une autre
» espèce vivant près de leur habitation, ou lorsqu'on
» découvre trep brusquement le gazon sous lequel ils
» sont cachés, elles les prennent à la hâte etles em-
» portent au fond des souterrains; j'ai vu les Fourmis
» de deux nids voisins se disputer leurs Pucerons..…….
» c’est leur trésor. Une fourmilière est plus ou moins
» riche, selon qu'elle a plus ou moins de Pucerons ;
» c’est leur bétail , ce sont leurs vaches et leurs chèvres:
» on n’eüt pas deviné que les Fourmis fussent des
» peuples pasteurs.
» Mais ici se présente une question vraiment inté-
» ressante. Les Pucerons trouvés dans les fourmilières
» viennent-ils s'y loger d'eux-mêmes ou sont-ils ap-
» portés dans ces lieux par les Fourmis? Il me
» semble plus probable que ce sont elles qui les réu-
» nissent, puisqu'elles sont dans l'usage de les porter
» sans cesse d’une place à une autre, et puisque ce
sont elles qui retirent tous les avantages de cette
» position. »
Nous ajouterons encore en faveur de l'opinion de
M. Huber, lorsqu'il pense que les Pucerons sont ap-
portés dans les fourmilières par les Fourmis , et ne s'y
trouvent ni par hasard ni par leur choix, que cela
2
DES HYMÉNOPTÈRES. 125
semble démontré par les invasions que font souvent,
pour s'emparer de ces Pucerons, d’autres Fourmis
voisines. En effet, si l'invasion réussit, celles-ci em-
portent chez elles ces animaux si convoités ; elles le
font avec précaution sans les blesser, et les installent
dans leur propre domicile.
« Si ces Fourmis déploient en cela une industrie
digne de l’homme, dit M. Huber, il en est d’autres
» dont les procédés ne sont pas moins admirables..……
» Je découvris un jour un Tithymale qui supportait au
» milieu de sa tige une petite sphère à laquelle il ser-
» vait d'arc; c'était une case que des Fourmis avaient
» bâtie avec dela terre (1). Elles en sortaient par une
» ouverture fort étroite, pratiquée dans le bas, des-
» cendaient le long de la branche et entraient dans
» une fourmilière voisine... Cette retraite renfer-
» mait une nombreuse famille de Pucerons. J’admirai
» ce trait d'industrie, et je ne tardai pas à le retrouver
»-avec un caractère plus intéressant encore chez des
» Fourmis de diflérentes espèces.
ÿ
» Des Fourmis avaient construit autour du pied
» d’un chardon un tuyau de terre de deux pouces et
» demi de long sur un et demi de large. La fourmi-
» lière était au bas et communiquait sans intervalle
» avec le cylindre; je pris la branche avec son entou-
» rage et tout ce qu'il renfermait : la portion de la
» tige comprise dans le tuyau était garnie de Pucerons;
» je vis bientôt sortir, par l’ouverture que j'avais faite
(1) J'ai souvent examiné de semblables cases : elles renfermaient
plusieurs Pucerons; les Fourmis y entraient et sortaient à volonté :
en ayant détruit une, je la vis reconstruire par les Fourmis, mon
expérience confirme donc celles de M. Huber.
126 HISTOIRE NATURELLE
»
»
»
A
C2
>
à la base, les Fourmis fort étonnées de voir le jour
en cet endroit, et je m’'aperçus qu’elles y vivaient
avec leurs larves : elles les transportèrent en hâte
dans la partie la plus élevée du cylindre qui n'avait
pas été altérée. C'est dans ce réduit qu’elles se
tenaient à portée de leurs Pucerons rassemblés et
qu’elles nourrissaient leurs petits. |
» Ailleurs; plusieurs tiges de Tithymale chargées
de Pucerons s’élevaient au centre même d’une four-
milière. Les Fourmis, profitant de la ‘isposition
particulière des feuilles de cette plante, avaient
construit autour de chaque branche autant de pe-
tites cases alongées, et c'est là qu’elles venaient
chercher leur nourriture. Ayant détruit une de ces
loges , les Fourmis emportèrent aussitôt dans le nid
leurs précieux animaux. Peu de jours après, elle
fut réparée sous mes yeux par ces Insectes et les
troupeaux furent ramenés dans leur parc. Ces cases
ne sont pas toujours à quelques pouces de terre; j'en
ai vu une à cinq pieds au-dessus du sol ; et celle-ci
mérite encore d’être décrite : elle consistait en un
tuyau noirâtre, assez court, qui environnait une
petite branche de peuplier à sa sortie du tronc. Les
Fourmss y arrivaient depuis Fintérieur de l'arbre,
qui était excavé, et, sans se montrer, elles pou-
vaient parvenir vers leurs Pucerons par une ouver-
ture qu'elles avaient pratiquée à la naissance de
cette branche : ce tuyau était formé de boïs pourri,
du terreau même de cet arbre, et je vis plusieurs
fois les Fourmis en apporter des brins à leur bou-
che, pour réparer les brèches que je faisais à leur
pavillon. Ces traits ne sont ni fort communs, ni du
DES HYMÉNOPTÈRES. 127
» nombre de ceux qu’on pourrait attribuer À une rou-
» tine habituelle.
» Il est encore des Fourmis qui trouvent leur nour-
» riture auprès des Pucerons du plantain : ils sont
» fixés ordinairement au-dessous de sa fleur; mais,
» lorsqu'elle vient à passer et que sa tige se dessèche,
» ce qui arrive à la fin d’août , les Pucerons se retirent
» sous les feuilles radicales; les Fourmis les y suivent,
» et s'enferment alors avec eux , en murant avec de la
» terre humide tous les vides qui se trouvent entre le
» sol et le bord des feuilles; elles creusent ensuite le
» terrain au-dessous, afin de se donner plus d'espace
» pour aller à leurs Pucerons , et peuvent aller de là
» Jusqu'à la fourmilière par des galeries couvertes. »
Les vivres que les ouvrières récoltent pour nourrir
les individus qui ne quittent pas Fhabitation com-
mune et les larves, et se substanter elles-mêmes, ne
consistent pas seulement en miel et en liqueur fournie
par les Pucerons. Les Fourmis attaquent encore les
fruits murs ou approchant de leur maturité qui leur
fournissent aussi une abondante nourriture. On les
voit également charrier à la fourmilière des portions
de ces fruits desséchées, et contenant souvent encore
des sucs concrets qu’elles retrouveront dans l'hiver.
Les Fourmis voisines de nos maisons viennent aussi
les visiter, et attaquent nos provisions, surtout le
sucre et les choses sucrées. Lorsqu’elles ont pris Fha-
bitude d'y veuir, il n’est guère qu'un moyen de se
préserver du pillage, c’est de suivre celles qui sortent
de l'endroit où il se passe jusqu'à la fourmilière, et
d’en détruire les habitans avec de l'eau bouillante. Au
reste, ces visites des Fourmis dans les moisons sont
bien plus remarquables dans l'Amérique que chez
‘
129 HISTOIRE NATURELLE
nous, en ce qu'elles se font méthodiquement, qu’elles
sont ordinairement prévues , et qu’alors elles tournent
au profit des habitans, en purgeant l'habitation des
animaux et des Insectes nuisibles qui l'infestaient
avant. Les espèces du G. Atta Latr., assez fortes de
corps et formant des sociétés nombreuses, ont reçu
dans cette vaste partie du monde le nom de Fourmis
de visite, en raison de cette habitude de parcourir les
maisons, ce qu'elles font ordinairement tous les ans.
Parties en colonnes serrées de leur fourmilière , dès
qu’elles rencontrent une habitation, elles y entrent , et
si les habitans n’ont pas soin d'enlever toutes les provi-
sions , et la portion des meubles dont la dureté ne serait
pas assez grande pour résister à leurs mandibules, et
surtout toutes les étofles , la totalité, en peu de temps,
serait coupée par morceaux ; car chaque Fourmi char-
gée de butin reprend aussitôt le chemin de la maison
souterraine , qui est sa patrie, pour l'y déposer ; mais,
comme elle en repart de suite, le nombre de celles
qui pillent ne diminue point , tant qu'il reste quelque
chose à enlever. On pourrait poétiquement comparer
ces Fourmis aux Grecs pillant la ville de Troie, por-
tant à leur vaisseau les prémices du butin, et revenant
en chercher un autre après avoir mis le premier en
sûreté. Le bien que ces visites procurent , est la des-
truction des rats, des blattes dites kakerlaques et de
tous les animaux ou Insectes qui habitaient la maison.
Ces Fourmis, quoique beaucoup plus petites que plu-
sieurs d’entre eux, se jettent sur eux en tel nombre,
que les plus forts, entraînés hors de leurs retraites
souvent souterraines, succombent sous le nombre des
blessures qu'ils reçoivent dès le premier moment de
l'attaque, et sont immédiatement disséqués en peu
DES HYMENOPTÈRES. 129
de temps, en sorte qu'il ne reste que les squelettes inat-
taquables aux mandibules des terribles visiteuses. Les
colons eux-mêmes sont persuadés qu'ils succombe-
raient , s'ils se laissaient personnellement surprendre
par leurs agressions. La visite d’une chambre étant
faite , elles passent à une autre, et d'une maison à la
voisine.
D’autres espèces de Fourmis, même indigènes,
attaquent , éventrent et dépècent des Insectes, après
avoir sucé les parties molles internes, et cela surtout
dans le temps où la sécheresse ou bien le froid rend
le miel des fleurs et la miellée des Pucerons rares ou
concrets. Elles ont aussi recours à l’humeur ou séve
qui coule des ulcères et autres plaies des arbres.
Les mêmes Fourmis de visite dont nous venons de
parler, ou espèces du G+ Atta Latr., mais peut-être
spécifiquement différentes entre elles, exercent de
très-grands ravages dans les plantations de cannes à
sucre, dit le voyageur Martius ( Agrost. 567), cité
par M. Auguste de Saint-Hilaire dans la deuxième
partie de son Voyage au Brésil, t. Il, p. 180 et suiv.
« Au contraire , d'après ce dernier, dans la province
» d'Espirito Santo, des Fourmis de ce genre n’atta-
» quent pas ou peu le maïs, la canne à sucre et les
» haricots ; mais elles sont très-friandes du coton et
» encore plus du manioc. Une seule nuit leur suffit
» pour détruire entièrement de vastes champs de cette
» dernière plante ou pour dépouiller des orangers de
» leurs feuilles. »
Ici notre savant voyageur français ajoute : « Voici
» comment s'exprime M. Lund dans sa Lettre sur les
» Fourmis du Brésil (Ann. Sc. Nat. XXIII, 118 ) :
» J'avais toujours regardé comme exagérés les récits
HYMÉNOPTÈRES, TOME 4, 9
130 HISTOIRE NATURELLE
» que font les voyageurs du tort que certaines Four-
» mis causent aux arbres, en les dépouillant en peu
» d'instans de leurs feuilles; mais voici un fait dont
» j'ai été moi-même témoin, et qui est relatif à l’es-
» pèce connue depuis long-temps sous le nom d’A#ta
» cephalotes..….... Passant un jour près d’un arbre
» presque isolé, je fus surpris d'entendre, par un
» temps calme ; des feuilles qui tombaient comme de
» Ja pluie, Ge qui augmenta mon étonnement, c’est
» que les feuilles détachées avaient leur couleur natu-
» relle, et que l'arbre semblait jouir de toute sa
» vigueur. Je m'approchai pour trouver l'explication
» de ce phénomène , et je vis qu'à peu près sur cha-
» que pétiole était postée une Fourmi qui travaillait
» de toute sa force ; le pétiole était bientôt coupé et
» la feuille tombait par terre. Une autre scène se pas-
» sait au pied de l'arbre : la terre était couverte de
» Fourmis occupées à découper les feuilles à mesure
» qu'ellés tombaient, et les morceaux étaient sur-le-
champ transportés dans le nid. En moins d’une
heure, le grand œuvre s’accomplit sous mes yeux,
» el l'arbre resta entièrement dépouillé. »
Le prince Maximilien de Wied-Neuwied ( Voyage
au Brésil, t. [° p. 77-78) parle aussi des Fourmis
du Brésil et des ravages de certaines espèces. « Les
» Fourmis, dit-il, et les autres Insectes semblables,
» sont extrêmement nuisibles aux plantations du
» Brésil. Ces animaux très-voraces se trouvent par-
» tout en si grand nombre, et offrent tant d'espèces
» différentes, qu’ils fourniraient seuls aux entomolo-
» gistes une matière sufhsante pour un ouvrage consi-
» dérable. Ils diffèrent de grandeur; une des espèces
les plus grosses à presque un pouce de long, et le
y
>
È
>
DES HYMÉNOPTÈRES. 131
» corps d’une épaisseur disproportionnée. Une autre
» espèce, très-petite et de couleur rouge, est extréme-
» ment incommode et malfaisante. Ces Fourmis font
» aussi beaucoup de tort aux collections d’histoire
» naturelle : elles nous dévorèrent en peu de temps
» une quantité d’Insectes, surtout de Papillons. Sou-
» vent elles pénètrent en troupes nombreuses dans
» les maisons , où elles dévastent rapidement toutes
» les provisions, notamment les choses sucrées. ....
» Quelques espèces construisent en terre, sur les pa-
» rois d’une chambre, de longues galeries couvertes
» avec de nombreux embranchemens qui leur servent
» à monter et à descendre (1). Dans les chemins au
» milieu des forêts, on apercoit des troupes de grosses
» Fourmis qui portent à leurs retraites des morceaux
» de feuilles vertes.»
Parmi les diverses matières récoltées, comme nous
venons de le voir, par les ouvrières Hétérogynides de
diverses es pèces , on ne peut regarder comme servant
à la nourriture des larves que les liquides, à cause de
la nature de la bouche de celles-ci, qui ne pourrait re-
cevoir ni avaler rien de solide, n'étant, ainsi que nous
l'avons vu, composée que d’un mammelon mou et de
deux crochets qui paraissent bien des embryons de man-
dibules , mais qui sont trop écartés pour agir ensemble
et broyer un corps quelconque tant soit peu dur. Quant
aux Insectes parfaits, ils sont bien armés de fortes
mandibules, mais celles-ci agissent seulement à la
manière des ciseaux; elles coupent, ainsi que le
prouve tout ce que nous venons de rapporter de leurs
(x) Ces galeries paraissent plutôt l'ouvrage des Termès que des
Fourmis,
9.
132 HISTOIRE NATURELLE
actions , et aucun observateur n’a jusqu’à présent dit
les avoir vues employées à broyer.
Ilest malheureux que ceux qui ont observé, en plu-
sieurs choses, les mœurs des Fourmis, par exemple
ceux qui leur ont vu transporter dans leur demeure
une si énorme quantité de morceaux de feuilles d’oran-
ger, n'aient pas ouvert cette demeure pour voir à quoi
ils sont employés. Du grand nombre de matières soli-
des, débris végétaux , animaux ou pierreux qu'appor-
tent à leurs nids certaines espèces de Fourmis d'Eu-
rope, on ne peut en conclure que rien de cela serve
à leur nourriture, puisqu'on voit, au contraire, que
ces choses sont employées par elles à former au-dessus
de leurs véritables demeures un dôme protecteur
contre les vicissitudes du temps. Faute d'observations
directes, je crois que l’on peut attribuer une utilité
semblable aux feuilles vertes récoltées par des espèces
exotiques. Mais on doit engager les voyageurs ento-
mologistes à observer dans leurs nids ce que devien-
nent ces matériaux achetés au prix de courses loin-
taines et de rudes travaux.
Les liquides végétaux sucrés , récoltés par les ou-
vrières Hétérogynides , sont d’abord avalés par elles,
et, à leur retour, elles en font part aux larves et aux
individus parfaits, qui, étant forcés de rester à la
maison, ne peuvent se procurer eux-mêmes la nour-
riture. Ainsi elles en présentent des gouttes aux
femelles fécondes à qui il n’est pas permis de sortir
de la fourmilière, aux mâles forcés aussi de rester
dans l’intérieur avant le moment de l'accouplement et
à celles des ouvrières queleur travail , en les retenant à
la maison, a empéchées de se procurer elles-mêmes
leur nourriture.
DES HYMÉNOPTÈRES. 133
Les Fourmis ne font pas de dépôt des liqueurs
sucrées , elles n'ont pas ce talent, et par conséquent
on pourrait être porté à croire qu'elles éprouveront la
disette pendant les mauvais temps et le froid qui les
empêchent de sortir. « Les Fourmis, dit M. Huber
»
»
»
(p. 202), sont engourdies dans les grands froids ;
mais, lorsque la saison n’est pas très-rigoureuse, la
profondeur de leur nid les met à l’abri de la gelée ;
elles ne s’engourdissent qu’au 2° degré de Réaumur
au-dessous du terme de la congélation : jen ai vu
marcher sur la neige et suivre leurs habitudes
à cette température. Elles seraient donc exposées
aux horreurs de la famine, si elles n'avaient pas de
ressources pour le cas où elles ne s’engourdiraient
pas ; et ces ressources ne sont autres que les Puce-
rons qui, par un admirable concours de circonstan-
ces qu'on ne saurait attribuer au hasard, tombent
en léthargie exactement au même degré de froid
que les Fourmis, en se réveillant en même temps
qu’elles ; ainsi elles les retrouvent toujours lors-
qu’elles en ont besoin. Les Fourmis, qui ne savent
pas réunir ces Insectes dans leur habitation, con-
naisseht du moins leurs retraites, elles les suivent
au pied des arbres et sur les racines des arbustes
qu'ils fréquentaient auparavant ; se glissent au pre-
mier dégel le long des haies, en suivant les sentiers
qui les conduisent près de leurs nourriciers, et rap-
portent à la république un peu de miellée; car il
en faut très-peu pour les nourrir en hiver (1).
(1) Réaumur assure positivement qu'il existe quelques Pucerons
pendant l'hiver. « Dans les premiers jours du mois de mars, » dit-il,
(tom. III, memoire IX, p. 338), « apres avoir fait enlever des mottes
134 HISTOIRE NATURELLE
» Dès qu’elles cessent d’être engourdies , on les voit
» se demander et se donner à manger; ainsi, les ali-
» mens contenus dans leur estomac se partagent entre
» toutes : ces sucs ne s’évaporent presque pas dans
» cette saison... J'ai vu des Fourmis conserver pen-
» dant un temps considérable leur provision inté-
ÿ rieure , lorsqu'elles ne pouvaient pas en faire part
» à leurs compagnes. »
On voit, par ce que nous venons de rapporter, que
les travaux des ouvrières suflisent pour subvenir dans
tous les cas à la nourriture de la population entière,
ét que ce sont les savantes observations de M. Huber
qui nous ont mis à même de développer aux yeux du
lecteur cette industrie si parfaite; mais il est une
question à faire dont il est bien regrettable que ce sa-
vant ne se soit pas occupé.
Nous avons déjà dit que chaque fourmilière conte-
nait un certain nombre de femelles fécondes et d’une
taille bien au-dessus de celles des ouvrières, qui sont
cependant visiblement aussi des femelles. Les pre-
mières sont les mères de toute la population : ce sont
elles qui sont quelquefois bien improprement appe-
lées reines, comme on à , sans plus de raison, appelé
du même nom la seule femelle féconde que contient
chaque ruche d’Abeilles , hors le moment des essaims. -
» de gazon pour chercher différentes espèces de vers qui se tiennent
» sous terre, je trouvai sous une de ces mottes un bon nombre de
» tres-petites Fourmis rouges qui y étaient rassemblées : je tronvai
» de plus au milieu d'elles divers Pucerons gris non ailés d'une
» grosseur médiocre... Vers la fin de décembre et vers le com-
* mencement de janvier, j'ai vu quelques Pucerons appliqués contre
» les yeux de jeunes pousses de pêchers ; ils avaient eu à soutenir
» des jours de forte gelée; cependant c'étaient des femelles non
» ailées, trés-dodues et qui avaient le ventre bien plein de petits.
DES HYMÉNOPTÈRES., 135
Deux causes ont été données à la fécondité de celle-
ci : 1° la grandeur de la cellule où elle est nourrie,
qui permet le développement des ovaires , tandis que
la petitesse de celles où sont élevées les Abeilles ou-
yrières empêcherait chez elles ces parties de prendre
de la nourriture. Nous ne rappelons ceci que pour
faire observer que cette cause, si elle est réelle, ne
peut influer sur la fécondité ou l’infécondité des fe-
melles de nos Hétérogynides, puisqu'elles sont toutes
élevées dans des chambres spacieuses. 2° La diffé-
rence de nourriture : lorsque les Abeilles élèvent des
femelles pour être fécondes, elles fabriquent une
liqueur à laquelle on a donné le nom de gelée royale.
Quelles que soient les matières dont cette gelée est
composée, elle n’est donnée volontairement qu'aux
individus qui doivent devenir féconds, et , sile hasard
en fait tomber quelques gouttes dans les cellules d’ou-
vrières qui n'étaient pas destinées à l'être, celles-ci
obtiennent aussi une portion de fécondité.
Il semble que des faits exposés plus haut, et de
l’'autopsie des méres et des ouvrières, tant Fourmis
qu'Abeilles (et même ceci doit s'étendre à tous les
Hyménoptères Ovitithers sociaux ); il semble, dis-je,
qu'il faut conclure : 1° que la grandeur de la cellule
d'éducation n'influe pas sur la fécondité de l'individu
femelle ; 2° que des Fourmis ont aussi une nourriture
particulière à récolter pour leurs femelles fécondes,
et à leur distribuer. On voit dans les ruches d’Abeilles
la gelée royale, parce que les Abeilles ont des dépôts
pour chacune de leurs provisions. Les Fourmis n’en
ayant point, on ne peut jager ni de leur goût ni de
la nature de la nourriture prolifique qu'elles doivent
employer; mais il est difficile de ne pas croire à son
136 HISTOIRE NATURELLE
existence (1). On ne saurait donc trop recommander
les observations qui tendraient à la prouver et qui
donneraient la composition de cette liqueur si utile à
la propagation des espèces.
Je viens de dire plus haut que c'était improprement
que les femelles fécondes sont appelées reines dans la
plupart des auteurs qui ont traité des Hyménoptères
Ovitithers sociaux : j'insiste encore ici sur l’impro-
priété de cette dénomination. Veiller sur les intérêts
et les besoins des autres membres de la société, don-
ner des ordres utiles, voilà les devoirs de la royauté ;
être obéie, voilà son droit. Tout ce que nous avons
vu jusqu'ici se passer dans les fourmilières , éloigne
l’idée d'ordres donnés, et si tout se fait d'accord et
avec ponctualité, ce n’est pas parce qu'une seule tête
a müri le projet à exécuter. De plus, dans les four-
milières, si l'impulsion était donnée par les réines,
comme il y en a plusieurs, les ordres pourraient être
contradictoires. Nous verrons plus bas quels moyens le
Créateur a pris pour qu'un grand nombre d'individus
s’accordassent simultanément à accomplir une même
entreprise. Suivons en ce moment les femelles fécon-
des pendant toutes les périodes de leur vie, pour con-
naître exactement leurs fonctions.
Il est clair que dans les premières époques de leur
vie, comme œufs, comme larves, comme nymphes,
elles ne peuvent rien exécuter par une volonté pro-
pre, pas même marcher, puisqu'elles n’ont pas d'or-
A —
(1) Nous avons dit que les Polistès européens amassent à l'époque
où ils élèvent leurs femelles qui doivent être fécondes , et seule-
ment alors, une liqueur gélatineuse où il entre du miel. M. Auguste
de Saint-Hilaire en a trouvé de même dans les nids de Polistès du
Brésil, probablement dans les mêmes circonstances.
DES HYMÉNOPTÈRES. 137
ganes de locomotion; et même, comme œuf, leur
future fécondité ne vient que du choix fait par les
ouvrières de cet œuf entièrement semblable aux
autres, pour lui donner dès lors, et surtout comme
larve, des soins et des alimens particuliers.
Devenues Insectes parfaits, elles sont obligées
d'attendre dans l’intérieur le moment où les ouvrières
qui les gardent, leur permettront de sortir pour jouir
des douceurs de l’amour : ce qui ne leur est accordé
que lorsque les mâles peuvent s'envoler en même
temps qu'elles, et que le moment de la journée et sa
température particulière sont convenables au juge-
ment de leurs surveillantes inexorables, qui rendent
jusque-là inutiles tous leurs efforts pour sortir.
L'accouplement se fait en volant au-dessus ou aux
environs de la fourmilière ; un petit nombre de fe-
melles, et quelques centaines de mâles, se trouvant
ensemble, volant dans un petit espace aérien, les
rencontres sont toujours faciles.
Une fois accouplées elles se posent à terre et sont
bientôt privées d'ailes, soit que les ouvrières fassent
tomber celles-ci enles tiraillant avec leurs mandibules,
soit qu’elles-mêmes s’en dépouillent. Car ces membres
tenant très-peu, cette mutilation n'est ni difficile ni
dangereuse. M. Huber a vu une femelle se dépouiller
de la faculté de voler : nous emprunterons sa narra-
tion (p.108): « Je fis entrer, dit-il, une femelle fé-
» condée sous une cloche; je versai un peu d’eau sur
» la terre sèche dont la table de l’appareiïl était garnie,
» afin de permettre à cet Insecte d'entreprendre quel-
» ques travaux, si son instinct l'y portait. Lorsqu'elle
» sentit qu'elle était sur la terre humide, elle fit
» quelques pas, s'arrêta pour tâter le Lerrain avec ses
138 HISTOIRE NATURELLE
» antennes ; cela fait, elle se mit à se dépouiller de
» ses ailes; elles les ouvrit en désordre, les écarta
» dans tous les sens, en se couchant à plat ventre;
» fit passer ses jambes par derrière ses ailes, et les
» pressa contre terre comme avec un levier. Lors-
» qu’elle eut réussi à s’en débarrasser, je la vis se
» promener tranquillement et s'occuper du soin de
» pratiquer une grotte dans la terre. » J'ai vu souvent
moi-même les femelles fécondées perdre leurs ailes
de l’une ou de l’autre manière que je viens d'indiquer.
Jamais elles ne les conservent dans la fourmilière
après la fécondation, et celles qu'on y trouve ailées
sont certainement vierges.
Au moment où les femelles et les mâles sortent
pour s’accoupler, toute ou presque toute la popula-
tion ouvrière se répand dans les environs. Elles sont
attentives à la descente des femelles qui se sont ac-
couplées, elles en ramènent au moins une partie dans
la fourmilière et les placent dans l’intérieur, où ces
femelles seront désormais gardées par elles, sans qu'il
leur soit permis de sortir de ces appartemens qui leur
sont destinés. « L’une de ces femelles fécondées , dit
» M. Huber (p. 116), allait prendre son vol , lorsque
» les ouvrières la retinrent par les pattes, s’y cram-
» ponnèrent avec force, lui arrachèrent les ailes et la
» conduisirent dans leurs souterrains, où elles la gar-
» dèrent obstinément. Plusieurs autres furent saisies
» par les ouvrières pendant l’accouplement même et
» entrainées au fond du cadre (on voit que cette expé-
» rience a été faite dans un appareil vitré), où je les
» vis mutilées et retenues en captivité. »
On sent combien peu ces prétendues reines font
leurs volontés, bien loin d'imposer les leurs à leurs
DES HYMÉNOPTÈRES. 139
prétendus sujets. Il en est de même le reste de leur
vie. Cependant elles reçoivent des ouvrières des soins
empressés , et celles-ci semblent savoir que la pros-
périté de l'établissement dépend de la fécondité et
par conséquent de la santé de ces mères ; elles sont
nourries , choyées , nettoyées avec soin, et il y a tou-
jours près d’elles un certain nombre d’ouvrières prêtes
à subvenir à leurs besoins. Tous ces faits éloignent
toute idée d’une autorité de reines qui commandent ;
mais les derniers admettent celle de mères de famille
qui sont soignées et aimées, et c'est seulement cette
belle fonction que nous leur attribuons.
Il est fort probable que les femelles fécondes nou-
velles écloses commencent par pondre des œufs d’ou-
vrières, c'est-à-dire de femelles qui sont nourries de
manière à ne pas donner de progéniture. Ce n’est pro-
bablement qu'après l'hiver qui suit leur naissance , et
vers le commencement de la belle saison qui lui suc-
cède , que des œufs de femelles pondus par ces mères
commencent à recevoir la nourriture qui leur don-
nera la faculté d’engendrer, et que ces mêmes mères
pondront des œufs de mâles. C’est à cette fécondité
que sont subordonnés tous les travaux des ouvrières :
c'est elle qui les exige, soit qu'il s'agisse de créer ou
d'augmenter les lozemens et leurs abris, ou d'aller
chercher les vivres nécessaires : mais nous ne voyons
nulle part ni ordres donnés , ni dessein conçu par un
individu qui ne soit pas fait en même temps pour
l’exécuter.
Les mères, nous devons actuellement les appeler
ainsi, vivent dans une parfaite tranquillité, et l'on ne
doit pas croire que cet état leur déplaise, puisque
nous verrons bientôt ce même état recherché par des
140 HISTOIRE NATURELLE
ouvrières auparavant et ordinairement si actives,
mais qui trouvent aussi qu'il est commode de se faire
servir et de vivre dans un parfait repos.
Une partie des femelles fécondées descend après
l'accouplement aérien , trop loin de la patrie où elle
a pris le jour, pour y être ramenée par les ouvrières.
Elles ne sont pas suivies , comme celle qui sort de la
ruche d’Abeille, par une nombreuse suite d’ouvrières
disposées à leur épargner même les premiers travaux
de l'établissement de la colonie. « Nos Fourmis ailées,
» remarque l’auteur que nous avons coutume de citer
» (p. 100), s’écartent de leur nid en lui tournant le
» dos, et vont en ligne droite à une distance d’où il
ne leur serait pas même facile de l’apercevoir. On
pouvait déjà soupçonner, d’après cela, qu’elles ne
devaient pas y revenir; mais je ne m'en {ins pas à
» cette simple observation : après leur départ, je res-
» tai en sentinelle jusqu’à la nuit, et pendant plu-
sieurs jours de suite je les observai avec le même
» soin, pour m'assurer qu'elles ne rentraient pas dans
» Ja fourmilière. J'ai obtenu, par ce moyen, la con-
» viction que leur retour est une de ces fables dont
» on nous a si long-temps amusés. Que deviennent
» donc ces Insectes habitués à vivre dans une demeure
» commode , spacieuse et à l'abri de toutes les intem-
» péries de l'air, accoutumés au soin des ouvrières,
» et tout à coup livrés à eux-mêmes et privés de tous
» ces avantages ?
» Dès qu’elles ont perdu leurs ailes (p. 111), 0n les
» voit courir sur le terrain et chercher un gîte. Il
» serait bien difficile de les suivre dans les tours et
» détours qu’elles font alors au milieu des champs et
» des gazons. Je n'ai pas réussi à les voir s'établir,
»
ÿ
»
4
ÿ
>
ÿ
y
DES HYMÉNOPTÈRES. 141
mais je Me suis assuré, par quelques essais , que
ces femelles, qui n'étaient appelées à aucuns tra-
vaux dans les fourmilières natales, et qui parais-
saient incapables d'agir par elles-mêmes, animées
par l'amour maternel et le besoin de faire usage de
toutes leurs facultés , devenaient laborieuses , et soi-
gnaient leurs petits aussi bien que les ouvrières les
soignent. J’enfermai plusieurs femelles fécondées
dans un bocal plein de terre légère et humide; elles
surent s’y pratiquer des loges , dans lesquelles elles se
retirèrent , les unes isolément, d’autres en commun;
elles pondirent , soignèrent leurs œufs, et, malgré
l'inconvénient de ne pouvoir varier la température
de leur habitation, elles en élevèrent quelques-uns
qui devinrent d'assez grosses larves, mais qui pé-
rirent enfin par ma négligence.
» Je réunis ensuite d’autres femelles dans un appa-
reil semblable, et je leur livrai quelques nymphes
d’ouvrières pour savoir si leur instinct leur ensei-
gnerait à ouvrir la coque dans laquelle elles étaient
renfermées ; et, quoique ces femelles fussent vier-
ges et pourvues d'ailes, elles travaillèrent si bien
que je trouvai le lendemain trois ouvrières au mi-
lieu d'elles ; quelques jours après je les surpris oc-
cupées à délivrer d’autres ouvrières de leur dernière
enveloppe : elles s’y prenaient comme les ouvrières
ordinaires, et ne paraissaient pas embarrassées du
rôle qu’elles remplissaient pour la première fois...
Après de longues recherches, j'ai trouvé la retraite
de ces femelles , et les fourmilières naissantes qu'’el-
les avaient établies. Elles étaient situées à peu de
profondeur dans la terre; on y voyait un petit
nombre d’ouvrières auprès de leur mère, et quel-
142 HISTOIRE NATURELLE
» ques larves qu’elles nourrissaient. J'ai vu deux
» exemples de ces peuplades nouvellement établies;
» enfin un de mes amis , dont les observations ont des
» droits à la plus entière confiance , découvrit un jour
» dans une petite cavité souterraine une Fourmi fe-
» melle vivant solitairement avec quatre nymphes,
» dont elle paraissait prendre soin. »
Quoiqu'il ne paraisse pas, d'après les récits de
M. Huber, que des ouvrières se joignent aux Four-
mis fécondées pour la fondation d'une fourmilière, ce
fait me paraît résulter, comme probable, d’une obser-
vation isolée , il est vrai, et que je n'ai pu continuer
autant que je l'eusse désiré, parce que le terrain où
j'observais, fut bouleversé par le passage d’un régi-
ment de cavalerie. C’est au bois du Vésinet, près
Saint - Germain - en - Laye, où j'avais remarqué les
jours précédens plusieurs fourmilières , d’où les mâles
et les femelles ailées sortaient en foule pour s’accou-
pler ; ce qui me permit de vérifier la plupart des faits
allégués à cette occasion par le savant que je viens de
citer. M'étant assis sur une pente découverte et sa-
blonneuse, ne portant encore ni buisson ni herbe, et
bordant un chemin nouvellement creusé, j'aperçus cinq
ou six ouvrières Fourmis exécutant des mouvemens
qui ne leur sont pas ordinaires. Le centre de ces mou-
vemens était une cavité qui aurait pu contenir une
petite noix, mais dont l'ouverture très-rétrécie n'avait
que deux à trois lignes de diamètre. Les Fourmis, en
courant fort vite, sortaient alternativement de ce
trou ; à les voir en ce moment on les eût dites pressées
d'aller loin , tandis qu’au contraire, à peine parvenues
à cinq ou six pouces de la cavité, elles retournaient
sur leurs pas aussi vite qu’elles étaient venues, et
DES HYMÉNOPTÈRES. 143
rentraient dans la cavité pour en ressortir le moment
d’après. Je vis ces marches se continuer tout le temps
que je mis à observer, je vis aussi arriver une autre
ouvrière dont le ventre était gros, comme l’est celui
de celles qui reviennent de la récolte : elle portait en
outre dans ses mandibules un débris de bois. Elle entra
à la suite d’une des Fourmis que j'avais vues manœu-
vrer autour de l'entrée ; elle parut plutôt tomber in-
volontairement dans le trou qu'y entrer à dessein. La
cavité étant peu profonde et l'ouverture assez grande
pour que la lumière y pénétrât, mes yeux purent
l'y suivre. Je découvris alors à l’intérieur une femelle
féconde : je ne devais pas hésiter à la croire telle,
puisqu'elle était de la taille voulue , avait le ventre
gros , et était privée d'ailes. La Fourmi rouvellement
arrivée s'était d’abord arrêtée près d'elle. Mais bientôt
je la vis avec plaisir lui présenter sa langue chargée
d’une goutte de liqueur, qui fut absorbée par la fe-
melle. Je n’aperçus dans cette cavité ni œuf, ni Jarves,
ni nymphes, et je les eusse nécessairement vues, parce
que , effrayées par mon rapprochement , les ouvrières
dont j'avais observé les mouvemens s'étaient écartées
au dehors, discontinuant l'exercice que je leur avais
vu faire, qu’elles reprirent ensuite, et auquel se joi-
gnit la nouvelle venue. Pendant quelques heures que
je mis à les observer, je vis arriver un très-petit nom-
bre d’ouvrières chargées comme la première. Elles y
restèrent aussi, quoique paraissant y être arrivées par
hasard ; et ce fait me parut expliquer la manœuvre qui
m'avait frappé d’abord , comme servant à attirer dans
le trou les Fourmis de leur espèce passant là par ha-
sard. Il paraîtrait que dès lors elles se déterminent à
rester près de la jeune femelle et à élever sa postérité,
144 » HISTOIRE NATURELLE
malgré tous les travaux que leur impose cette nouvelle
tâche. Comme il n’y avait encore, dans cette fourmi-
lière naïssante, rien qui indiquât que la ponte de la
femelle féconde füt commencée, je ne pus m’empé-
cher de regarder les ouvrières qui y travaillaient ,
comme s'étant jointes à la femelle fécondée pour en-
treprendre une nouvelle colonie , dont la réussite ne
semblait pas douteuse, quoique leur réunion me pa-
rût en même temps fortuite. Le lendemain je revis cet
établissement ; la manœuvre observée la veille avait
cessé, je vis que des fouilles inférieures et latérales
avaient été faites ; je n’apercus plus la femelle féconde,
qui probablement était passée dans un étage inférieur
pour être plus à l'abri des dangers. Mais les ouvrières,
sans me paraître en beaucoup plus grand nombre que
la veille, travaillaient. Les unes apportaient du dedans
au dehors des grains de terre , ce qui indiquait qu’elles
creusaient des chambres , et que par conséquent elles
voulaient s'établir là : les autres revenaient de la pi-
corée manifestement chargées. Au bout de quelques
jours je revins, désirant savoir si la population aug-
mentait, et voulant m'assurer en fouillant si la ponte
de la femelle était commencée. Mais les pieds des
chevaux avaient tout culbuté, et la fouille du terrain
me prouva seulement que mes Fourmis, tant mères
qu'ouvrières , avaient décampé par suite du boule-
versement de leur établissement.
On voit que les particularités qui accompagnent
la formation première d’une fourmilière sont encore
incertaines et qu'elles mériteraient d’être observées
avec soin. M. Huber croit que la femelle féconde
la fonde seule, et c’est ce que nous observons dans
plusieurs familles d'Hyménoptères Ovitithers sociaux.
DES HYMÉNOPTÈRES. 149
Nous avons cru observer que des ouvrières l’aident
dès le commencement , non qu’elles sortent à sa suite
de la fourmilière, comme les Abeilles à la suite de
leur mère, mais bien que , rencontrant une femelle
isolée dans leurs courses ordinaires, elles se vouent,
en se joignant à elle et ne retournant plus à leur an-
cienne patrie, à la fondation d’une nouvelle colonie.
Il serait au reste possible que les deux modes réus-
sissent également.
La durée de la vie, ni celle de la fécondité des femelles,
ne sont pas encore connues. Que de faits intéressans res-
tent encore à découvrir malgré de savantes observations,
et doivent engager à l’étude des œuvres du Créateur ?
Les mâles, soignés et nourris dans leurs premiers
états par les ouvrières, retenus par elles dans l’inté-
rieur de la fourmilière pendant quelques jours après
le dernier changement qui les rend Insectes parfaits,
recoivent enfin la permission de sortir en même temps
que les femelles propres à être fécondées ; ils s’envo-
lent à la suite de celles-ci, et se réunissent à elles dans
les airs. Comme ils sont très-nombreux, ils forment
une espèce de nuage qui tourbillonne autour de la
fourmilière, à moins que le vent survenant n’em-
porte cette multitude plus loin, ce qui arrive assez
souvent. Gette même multitude de mâles , bien supé-
rieure au nombre de femelles à féconder, assure un
mari à chacune de celles-ci, et laisse beaucoup de
mâles sans accouplement. On sent qu'il était bien
plus important de rendre infaillible la fécondation
des mères qui perpétueront l’existence d’une espèce à
qui le Créateur a dit, comme à toutes : Croissez et
multipliez , que de donner une femelle à chaque mâle ;
on sent encore que le nombre de ces femelles si fé-
HYMENOPTÈRES, TOME I. 10
146 HISTOIRE NATURELLE
condes devait être borné pour que le monde ne füt pas
envahi par leur postérité, tandis que, sans la multi-
plicité des mâles, l’inconstance de l'élément où se
passent leurs amours, eût rendu la fécondation
souvent impossible. d
La saison et l'heure du jour où les mâles et les
jeunes femelles s’envolent pour se connaître et se re-
chercher, varient selon les espèces. Je n’en connais
pas qui sortent vers le milieu du jour. C’est le plus
souvent vers le soir où le soir même que se passe ce
grand événement : pour quelques espèces, c'est même
la nuit. Il se répète plusieurs fois et est toujours su-
bordonné à l’état de l'atmosphère à l’époque où il pour-
rait avoir lieu. L'air doit être chaud et calme ; et si ces
dispositions changent pendant l'émotion , les ouvriè- .
res interdisent de suite la sortie aux individus restés
encore dans l’intérieur.
Les mâles qui se sont accouplés meurent immé-
diatement après l’accouplement ou même dans l’ac-
couplement , après l'émission de la semence. Ceux
qui ne sont pas accouplés meurent bientôt aussi; ne
rentrant pas dans la fourmilière et ne sachant pas
récolter , ils meurent dans un dénüment complet.
Mais comme il en naît d’autres à mesure de lappari-
tion des jeunes femelles à féconder, jamais celles-ci ne
peuvent en manquer.
On voit par tout ce que nous venons de dire, que
la seule fonction des femelles fécondes est de pondre
un grand nombre d'œufs , que celle des mâles est uni-
quement de féconder ces femelles, et que toute la be-
sogne , tous les travaux, tant intérieurs qu'extérieurs,
tombent sur les femelles infécondes, que de là on ap-
pelle ouvrières, .
DES HYMÉNOPTÈRES, 147
Mais nous avons dit au commencement de cette
histoire des Hétérogynides que, dans quelques espè-
ces, ces mêmes ouvrières savaient s'exempter de toute
besogne et se faire servir par des ouvrières d’une au-
tre espèce. Il nous reste à développer la manière dont
elles s’y prennent pour cela. Quant au motif, il ne
peut être que l'amour du repos, de l’oisiveté, puisque
ces mêmes ouvrières ont fait elles-mêmes les travaux
qu'elles vont faire faire à d’autres, et qu’elles les ont
parfaitement exécutés pendant plusieurs mois. En ef-
fet, ce n’est pas au commencement de la formation
d'une fourmilière que l’on trouve des ouvrières étran-
gères dans une famille de Fourmis. Cette conquête
de serviteurs exige des combats : pour oser les tenter,
il faut que la population des conquérantes soit forte.
Jusque-là donc elles ont travaillé: à présent elles ne
veulent plus le faire, ne se réservent que le droit
d'aller en guerre, et se font servir pour tout le reste
par des étrangères qui bâtissent à leur place, soi-
gnent les petits et leur apportent à elles-mêmes la
nourriture dans l’intérieur de l'habitation qu'elles ne
quittent plus que pour des expéditions nouvelles.
Les faits que nous avons à rapporter ici, ayant d’a-
bord été vus par M. Huber, nous le laisserons les
raconter lui-même, et voici d'abord comment il re-
connut l'existence de ces fourmilières, où il y a
des ouvrières des deux espèces , dont les unes n’y ont
pas de femelles fécondes de leur espèce et font toute
la besosne , et les autres ne font rien , ne commandent
même pas, et sont ponctuellement servies ; fourmi-
lières qu'il appelle d’après cela mixtes avec raison.
« Je vis à la droite d’un chemin une grande four-
» milière couverte de Fourmis Rousses; elles se dis-
10.
140 HISTOIRE NATURELLE
»
»
>
posèrent en colonne, partirent toutes ensemble et
tombérent sur.une fourmilière Noir -cendrée, où
elles s’introduirent presque sans opposition : une
partie d’entre elles ressortirent de là, tenant entre
leurs pinces des larves qu’elles avaient dérobées ; les
autres, moins fortunées, ne rapportèrent aucun fruit
de leur expédition : elles se divisèrent en deux
troupes : celles qui étaient chargées, reprirent le
chemin de leur demeure; celles qui n'avaient rien
trouvé, se réunirent et marchèrent en corps sur
une seconde fourmilière Noir-cendrée, dans laquelle
elles firent un ample butin d'œufs , de larves et de
nymphes. L'armée entière , formant deux divisions,
se dirigeait du côté d’où je l'avais vu partir.
» J'arrivai avant les Fourmis Rousses auprès de leur
habitation ; mais quelle fut ma surprise en voyant à
la surface un grand nombre deFourmis Noir-cendrées?
Je soulevai la couche extérieure de l'édifice : il en sor-
tit encore davantage , et je commençai à croire que
c'était aussi une de ces fourmilières pillées par les
Rousses, lorsque je vis arriver à la porte du nid la
lésion de celles-ci, chargée des trophées dela vic-
toire. Son retour ne causa aucune alarme aux Noir-
cendrées : les Fourmis Rousses descendirent avec
leur proie dans les souterrains, les Noir-cendrées ne
parurent pas s’y opposer; j'en vis même quelques-
unes s'approcher sans crainte de ces Fourmis guer-
rières , les toucher avec leurs antennes , leur donner
à manger, comme celles d’une même espèce le font
entre elles, et prendre quelques-uns de leurs fardeaux
et les emporter dans le nid. Les Fourmis Rousses
n'en ressortirent plus de la journée : les Noir-cen-
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 149
drées restèrent encore quelque temps dehors : mais
elles se retirèrent avant la nuit.
» Jamais énigme ne piqua plus vivement ma cu-
riosité que cette singulière découverte. Je trouvai
bientôt , près de chez moi, plusieurs fourmilières
du même genre, et je m'étonnai d’être le premier à
reconnaître leur existence... J'étais impatient de
connaître les relations de ces deux espèces de Four-
mis : pour y parvenir, j'ouvris une de leurs four-
22
milières; j'y trouvai un très - grand nombre de
. Fourmis Rousses au milieu de Noir-cendrées, et je
commençai déja à acquérir quelques notions sur
leurs rapports mutuels.
» Les Noir-cendrées s’occupèrent de suite à rétablir
les avenues de la fourmilière mixte; elles creusè-
rent des galeries et emportèrent dans les souter-
rains les larves et les nymphes que j'avais mises à
découvert. Les Rousses, au contraire, passèrent in-
différemment sur ces larves sans les relever, ne se
mélèrent pas aux travaux des Noir-cendrées, errè-
rent quelque temps à la surface du nid, et se reti-
rèrent enfin, pour la plupart , dans le fond de leur
citadelle.
» Mais à cinq heures de l’après-midi la scène
change tout à coup : je les vois sortir de leur re-
traite; elles s’agitent, s’avancent au dehors de la
fourmilière ; aucune ne s’écarte qu’en ligne courbe, de
manière qu’elles reviennent bientôt au bord de leur
nid ; leur nombre augmente de momens en momens;
elles parcourent de plus grands cercles : un geste
se répète constamment entre elles; toutes ces Four-
mis vont de l’une à l’autre, en touchant de leurs
antennes et de leurs fronts le corselet de leurs com-
150 HISTOIRE NATURELLE
>
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cA4
pagnes ; celles-ci à leur tour s’approchent de celles
qu’elles voient venir, et leur communiquent le même
signal, c’est celui du départ; l'effet n’en est pas
équivoque : on voit aussitôt celles qui l'ont recu, se
mettre en marche et se joindre à la troupe. La co-
lonne s'organise ; elle s’ayvance en ligne droite; se
dirige dans le gazon; toute l’armée s'éloigne et tra-
verse la prairie ; on ne voit plus aucune Fourmi
Rousse sur la fourmilière, La tête de la légion semble
quelquefois attendre que l’arrière-garde l'ait re-
jointe; elle se répand à droite et à gauche sans
avancer ; l’armée se rassemble de nouveau en un
seul corps, et repart avec rapidité. On n’y remar-
que aucun chef : toutes les Fourmis se trouvent
tour à tour les premières ; elles semblent chercher à
se devancer. Cependant quelques-unes vont dans
un sens opposé; elles redescendent de la tête à la
queue, puis reviennent sur leurs pas et suivent le
mouvement général; il y en a toujours un pelit
nombre qui retournent en arrière, et c’est proba-
blement par ce moven qu’elles se dirigent.
» Arrivées à plus de trente pieds de leur habita-
tion , elles s'arrêtent, se dispersent et tâtent le ter-
rain avec leurs antennes, comme les chiens flairent
les traces du gibier; elles découvrent bientôt une
fourmilière souterraine : les Noir-cendrées sont reti-
rées au fond de leur demeure ; lesFourmis Rousses
ne trouvant aucune opposition pénètrent dans une
galerie ouverte : toute l’armée entre successivement
dans le nid, s'empare des nymphes, et ressort par
plusieurs issues : je la vois aussitôt reprendre la
route de la fourmilière mixte. Ce n’est plus une ar-
mée disposée en colonne, c'est une horde indisci-
DES HYMÉNOPTÈRES. 191
plinée : ces Fourmis courent à la file avec rapidité;
les dernières qui sortent de la fourmilière assiégée
sont poursuivies par quelques-uns des habitans, qui
cherchent à leur dérober leur proie; mais il est
rare qu'ils y parviennent.
» Je retourne vers la fourmilière mixte pour être
témoin de l'accueil fait à ces spoliatrices par les
Noir-cendrées avec lesquelles elles habitent, et je
vois une quantité considérable de nymphes amon-
celées devant la porte : chaque Fourmi Rousse y
dépose son fardeau en arrivant , et reprend la route
de la fourmilière envahie. Les Noir-cendrées, quit-
tant leurs travaux en maçonnerie, viennent relever
ces nymphes les unes après les autres et les des-
cendent dans les souterrains : je les vois même
souyent décharger les Fourmis Rousses, après les
avoir touchées amicalement avec leurs antennes , et
celles-ci leur céder sans opposition les nymphes
qu’elles ont dérobées.
» Suivons encore la troupe pillarde : elle retourne
à l'assaut de la fourmilière qu’elle a déjà dévastée ;
mais ses habitans ont eu le temps de se rassurer et
de placer de fortes gardes à chaque porte. Les Rous-
ses, en trop petit nombre d'abord, fuient lorsqu'elles
voient les Noir-cendrées en défense ; elles retournent
vers leur troupe, s’'avancent et reculent à plusieurs
reprises, jusqu’à ce qu'elles se sentent en force; alors
elles se jettent en masse sur une des galeries, chas-
sent, mettent en déroute les Noir-cendrées ; toute
l’armée s’introduit dans la cité souterraine et en-
lève une grande quantité de larves qu’elle emporte
à la hâte; mais on ne voit jamais les Rousses em-
mener d'Insectes parfaits ; ce n’est pas aux Fourmis
152 HISTOIRE NATURELLE
» qu’elles en veulent, c'est à leurs élèves. A leur re-
» tour à la fourmilière mixte, les Rousses reçoivent
» encore le meilleur accueil : les Noir-cendrées ont
» serré la première récolte ; chacune des Rousses pose
» de rechef sa nymphe à l'entrée de l'habitation, on
» la remet immédiatement à quelque Noir-cendrée, et
» celle-ci s’empresse de la porter dans l’intérieur
» du nid. »
Une troisième attaque eut encore lieu le même
jour : quoique plus difficile, parce que les Noir-cen-
drées avaient fortifié les entrées en y rassemblant
tous les morceaux de bois et de terre dont elles avaient
pu disposer , et qu'elles se tenaient sur le qui-vive,
elle réussit encore. Les Rousses pénétrèrent, après
avoir écarté les obstacles et emportant un nouveau
butin , revinrent à leur habitation ; « mais cette fois,
» au lieu de remettre à leurs associées le fruit de leurs
» rapines, elles l’introduisent elles-mêmes dans les
» souterrains, et n’en ressortent plus de tout le jour. »
Le lendemain eurent lieu de nouvelles expéditions
à d’autres fourmilières, qui eurent toutes le même
succès.
On a pu remarquer que, dans toute cette histoire des
Hétérogynides, nous avons donné à toutes les espèces
le nom de Fourmis , nous conformant en cela à l’usage
vulgaire, ainsi que nous en avions prévenu au com-
mencement ; cependant nous devons avertir 1ci que
les Rousses et les Noir-cendrées sont des Fourmis
(en terme vulgaire), ou (scientifiquement) des Hé-
térogynides d'espèces et même de genres entièrement
différens. On trouve des fourmilières de Rousses,
composées seulement de Rousses mâles et femelles ;
celles-ci, tant fécondes qu'ouvrières, sans mélange
DES HYMÉNOPTÈRES. 159
d'autre espèce. Voilà le type de toutes les fourmi-
lières, même de celles qui deviendront mixtes par la
suite, et beaucoup d'espèces se suffisent à elles-mêmes
et ne s’adjoignent pas d’ouvrières étrangères : de ce
nombre sont les Noir-cendrées. On trouve des four-
milières de Rousses mixtes, et l’ouverture de ces
habitations prouvent qu'elles sont composées de
Rousses mâles et femelles, tant fécondes qu'ouvrières,
et, de plus, d’ouvrières d’une autre espèce faisant
tout le service, tant intérieur qu'extérieur de la four-
milière.
M. Huber ayant ouvert des fourmilières mixtes vit,
« par l'exposé du contenu de la fourmilière mixte,
» qu'elle appartient à l'espèce Rousse; qu’elle est
» composée des trois sortes d'individus de cette espèce
» et des ouvrières Noir-cendrées ; car, avec quelque
» soin qu'il cherchät à découvrir des mâles et des
» femelles de cette dernière espèce, il n’y en a jamais
» trouvé aucun. Il ÿ vit cependant beaucoup de jeunes
» ouvrières Noir-cendrées reconnaissables à leur cou-
» leur... Elles donnent tous leurs soins aux larves
» des Fourmis rousses, à leurs nymphes, à leurs
» femelles, à leurs mâles, à elles-mêmes enfin; elles
» vont pour elles aux provisions, les nourrissent et
leur bâtissent des habitations. »
En eflet, ce furent ces ouvrières Noir-cendrées qui
reconstruisirent la fourmilière mixte ouverte par
M. Huber et remirent chaque chose à sa place. Ce
savant observateur, ayant aussi établi une fourmilière
mixte dans un appareil vitré, vit une harmonie con-
stante régner entre les deux espèces; les Rousses
vivant sans travailler, s’y multipliant, elles et leur
postérité, nourries par les Noir-cendrées ; celles-ci
C3
154 HISTOIRE NATURELLE
seules chargées de toute espèce de besogne. Quelque
étonnant que cela paraisse, il faut observer que ces
ouvrières ne sont devenues Insectes parfaits, et par
conséquent n’ont développé leurs facultés instinctives
que dans la fourmilière mixte, et que, par suite, elles
ne connaissent pas d'autre patrie.
Les Noir-cendrées ne sont pas les seules qui soient
enlevées par les Rousses pour devenir leurs servantes :
M. Huber a aussi trouvé des Rousses ayant des ou-
vrières de l'espèce qu'il appelle la Fourmi Mineuse.
Il a anssi observé que l'espèce qu'il nomme la Fourmi
Sanguine se procure également des serviteurs parmi
les Noir-cendrées, et emploie pour cela les mêmes
moyens que la Fourmi Rousse.
Certaines espèces de Fourmis attaquent aussi d’au-
tres fourmilières pour s'emparer des Pucerons que
celles-ci contiennent et qui y ont été amenés pour
fournir par leurs excrétions sucrées un fonds de provi-
sions placé à portée des consommatrices et à l’abri des
injures de l'air. Les incursions que ces guerres néces-
sitent se passent à peu près comme celles dont nous
venons de donner le récit ; mais les deux parties y font
un usage plus meurtrier de leurs armes, c’est-à-dire
les unes de leur aiguillon, les autres de l’éjaculation
du venin de leurs glandes anales , et il reste souvent
un assez grand nombre de morts sur le champ de
bataille.
Nous avons vu nos Hétérogynides exécuter avec un
accord parfait des travaux de plus d’un genre, et cet
accord suppose entre elles des moyens de se compren-
dre qu'il nous reste à expliquer. Nous laisserons en-
core ici parler le savant observateur Huber.
« Nous avons déjà, dit-il, fait connaître plusieurs
DES HYMÉNOPTÈRES. 155
traits de la sociabilité des Fourmis, en parlant de
l'éducation qu’elles donnent aux petits d’une autre
mère, de leur conduite à l’égard des mâles et des
femelles, et des travaux qu’elles entreprennent en
commun pour la construction de leur demeure; mais
ce n’était encore là que des faits isolés qui ne mon-
trent pas en quoi consiste le véritable secret de
l’harmonie qui règne chez elles... »
Pour étudier les rapports des Fourmis les unes avec
les autres, choisissons les circonstances les plus sim-
ples de leur vie : « On pourrait sans doute irriter les
»
»
Fourmis qui se trouvent à la surface du nid, sans
alarmer celles de l’intérieur , si elles agissaient iso-
lément, et n'avaient aucun moyen de se communi-
quer leurs impressions mutuelles. Gelles qui sont
occupées au fond de leurs souterrains, éloignées du
danger, ignorant celui dont leurs compagnes sont
menacées, ne viendraient pas à leur secours ; mais
il paraît qu’elles sont, au contraire, très-bien et
très-promptement informées de ce qui se passe à
l'extérieur. Quand on attaque celles du dehors, la
plupart se défendent avec courage ; mais il en est
toujours quelques-unes qui se précipitent au fond
de leurs galeries et jettent l’alarme dans la cité sou-
terraine. L’'agitation se communique aussitôt de
quartier en quartier; les ouvrières accourent en
foule, avec toutes les démonstrations de l'inquiétude
et de la colère. Ce qui paraît surtout digne de re-
marque, c'est que les Fourmis préposées à la garde
des petits, et qui se tiennent dans les étages supé-
rieurs où la température est la plus chaude, averties
du danger qui menace leurs élèves, et toujours diri-
gées par cette sollicitude que nous avons souvent
156 HISTOIRE NATURELLE
>
admirée, se hâtent de les emporter dans les caveaux
les plus profonds de leur habitation et de les mettre
ainsi à l’abri de toute atteinte. Pour pouvoir étudier
en détail la manière dont l'alarme se répand dans la
fourmilière, il fallait faire ces observations sur la
plus grande espèce : les Fourmis Hercules (1)...
m'ont oflert à cet égard beaucoup de facilité.
» Les ouvrières ont cinq à six lignes de long; les
individus ailés sont aussi grands à DUBAI on les
uns et les autres se promènent ordinairement, dans
les jours où ils doivent s’accoupler, sur le tronc d’un
chéne à l'entrée de leur habitation. Lorsque j'in-
quiétais les Fourmis les plus éloignées de leurs com-
pagnes , en les observant de trop près ou en soufllant
dessus légèrement, je les voyais accourir vers d’au-
tres Fourmis, leur donner de petits coups de tête
contre le corselet, et leur communiquer, par ce
moyen , leur crainte ou leur colère; elles allaient de
l’une à l'autre en parcourant un demi-cercle, et
heurtaient à plusieurs reprises celles qui ne se met-
taient pas à l’instant en mouvement. Celles-ci , aver-
ties du danger, partaient aussitôt en décrivant à
leur tour différentes courbes, et s’arrêtaient pour
frapper de leur tête toutes celles qui se trouvaient
sur leur passage. En un instant les signes se répé-
taient de toutes parts ; toutes les ouvrières parcou-
raient avec agitation la surface de l'arbre ; et celles
de l'intérieur, averties probablement par le même
moyen, sortaient en foule et se joignaient à ce
tourbillon.
(1) C'est notre Formica ronge-bois.
DES HYMÉNOPYÈRES, 157
» Les mèmes signes qui produisaient sur les ou-
vrières l'effet dont nous avons parlé, causaient une
impression différente sur les mâles et les femelles :
dès que l’ouvrière leur avait communiqué la nou-
velle du danger, ils cherchaient un asile et rentraient
précipitamment dans l'intérieur du tronc; mais
aucun d'eux ne songeait à se retirer, jusqu'à ce
qu’une ouvrière ne s’en fût approchée et ne lui eût
donné le signal de la fuite : la sollicitude des ou-
vrières à leur égard se manifestait par l’activité
avec laquelle elles leur donnaient l'avis de s’éloi-
gner , elles redoublaient alors les signes que nous
avons indiqués , comme si elles eussent jugé qu'ils
dussent les comprendre moins facilement que les
compagnes de leurs travaux. Celles-ci les entendent,
pour ainsi dire, à demi-mot; cependant il est des
cas où elles ont besoin d'avis réitérés ; l'observation
suivante en est un exemple; elle paraîtra peut-être
minutieuse; mais, comme il s'agit de démontrer
que les Fourmis ont une espèce delangage, on vou-
dra bien me permettre d’entrer dans quelques détails
en faveur de l’importance du sujet.
» Les pieds de ma fourmilière artificielle plongeaient
dans des baquets qu’on avait soin de tenir toujours
pleins d’eau : cet expédient , inventé d’abord pour
fermer le passage aux Fourmis, devint pour elles
une source de jouissances ; car elles boivent, comme
les Papillons, les Abeilles et d’autres Insectes,
pendant les chaleurs de l'été. Un jour qu’elles
étaient occupées à lécher lesgouttelettes qui filtraient
entre les fibres du bois, et qu’elles paraissaient pré-
férer à boire dans le bassin, je m’amusai à les in-
quiéter : cette expérience donna lieu à une scène
158 HISTOIRE NATURELLE
»
=
qui me parut concluante. La plupart des Fourmis
remontèrent aussitôt le long de la ruche; il en resta
cependant un petit nombre que ma présence ne pa-
rut pas avoir alarmées, et qui continuèrent à boire ;
mais une des premières redescendit et s’approcha
d’une de ses compagnés qui paraissait absorbée par
le plaisir de se désaltérer; elle la poussa avec ses
mandibules, à plusieurs reprises, en baissant et
relevant sa tête par saccades , et réussit bientôt à la
faire partir. L'oflicieuse Fourmi s’adressa ensuite à
une autre ouvrière qui buvait encore , chercha à la
stimuler par derrière en frappant son abdomen ; mais
voyant qu'elle ne paraissait pas la comprendre, elle
s’approcha de son corselet, et lui donna deux ou
trois coups avec le bout de ses mâchoires : la
Fourmi, prévenue enfin de la nécessité de s’éloi-
gner, remonta précipitamment sous la cloche; une
troisième, avertie de la même manière et par la
même Fourmi, regagna promptement le logis;
mais la quatrième, qui restait seule au bord de
l'eau, ne se retirait pas, malgré les preuves de sol-
licitude dont elle était l’objet; elle ne paraissait
faire aucune attention aux secousses réitérées de la
donneuse d’avis ; celle-ci la prit enfin par une des
jambes de derrière et la tira brusquement. La
Fourmi , qui se désaltérait encore , se retourna, en
ouvrant ses mandibules avec toutes les apparences
de la colère , puis se remit tranquillement à boire;
mais sa compagne ne lui en laissa pas le temps,
elle passa devant elle , la saisit par ses mandibules
et l’entraïna rapidement dans la fourmilière.
» Ces observations font voir de quelle manière les
Fourmis se font entendre quand elles veulent s’avér-
tir mutuellement du danger dont elles se croient
DES HYMÉNOPTÈRES. 159
» menacées. Passons aux moyens qu'elles emploient
» pour se diriger dans leurs voyages.
» Je me suis amusé quelquefois, dit M. Huber, à
» disperser au milieu d’une chambre les débris d’une
» petite fourmilière de terre; je m'attendais à voir les
» Fourmis se suivre à la piste pour chercher un
» abri; mais ce n’est pas ainsi qu’elles se dirigeaient ;
» elles se répandaient de tous côtés et prenaient mille
» routes différentes ; chacune d'elles cheminait à part,
» elles se rencontraient, se croisaient dans tous les
» sens; je les voyais long-temps errer à l'aventure
» avant de trouver une place où elles pussent se réu-
» nir. Quand l’une d’elles découvrait dans le plancher
» quelque fente au travers de laquelle elle püt se glis-
» ser dans l’espace inférieur, elle revenait au milieu
» de ses compagnes, et, au moyen de gestes faits avec
» ses antennes, elle leur indiquait la route qu’elles
» devaient prendre ; elle en dirigeait même quelques-
» unes en les accompagnant jusqu'à l'entrée du sou-
» terrain, et celles-ci à leur tour servaient de guides
» à d’autres. Toutes les fois qu’elles se rencontraient,
» elles s’arrétaient , se frappaient avec leurs antennes
» d’une manière très-marquée , et paraissaient mieux
» instruites de la route qu’elles devaient suivre; par
» ce moyen toute la fourmilière se rendait successi-
» vement dans le même lieu. »
On voit, par ce que nous venons de rapporter,
que les Fourmis s'entendent pour exécuter Îles pro-
jets qu’elles forment, au moyen d’attouchemens des
mandibules et des antennes ; la manière dont elles
exécutent leurs migrations, va nous servir encore à le
prouver , en nous montrant en Ooutré ün nouveau trait
de la complaisance qu’elles ont pour les individus de
leur espèce , et même des services rendus par les maf-
160 HISTOIRE NATURELLE
tresses à leurs ouvrières étrangères qui les servent,
ou par celles-ci à leurs maîtresses.
Telle habitation, qui a long-temps convenu à une
société de Fourmis , peut cesser de leur être agréable.
Cela arrive souvent , lorsqu'une horde ennemie , éla-
blie dans les environs, a attaqué plusieurs fois la
fourmilière pour enlever, soit les larves , les nymphes
et les œufs, soit les Pucerons. Dans ces deux cas,
menacées ou de dépopulation ou de famine , il est or-
divaire que les Fourmis cherchent un nouveau domi-
cile , effet que produisent aussi tous les dégâts habi-
tuels et répétés de leurs constructions. « Je mis, dit
» M. Huber, à l'épreuve plusieurs fourmilières : j'a-
» battis si souvent le toit de leur ville souterraine que
» je réussis à les détacher de leurs foyers : la pre-
» mière et la seconde fois elles réparèrent les dégâts
» que javais commis; à la troisième, elles com-
» mencèrent à chercher un asile moins exposé à de
» tels accidens. Je voyais alors partir du nid quelque
» ouvrière chargée d’une autre Fourmi suspendue à
» ses mandibules, et je la suivais attentivement jus-
» qu’au bord d’une cavité souterraine où elle déposait
» sa protégée.
» Le nombre des Fourmis porteuses, d’abord fort
» petit, s’'augmentait à chaque instant ; je n'en voyais
» au commencement que deux ou trofs dans le sen-
» tier, et probablement les mêmes ; mais quand elles
» en avaient amené assez d'autres pour subvenir aux
» travaux de la nouvelle fourmilière, une partie des
» colons allait à leur tour dans l’ancien nid, dont ils
» liraient, comme d’une pépinière, des habitans pour
celui qu'ils voulaient peupler. I fallait voir arriver
» les recruteuses sur la fourmilière natale pour ju-
CA
DES HYMÉNOPTÈRES. 161
» ser avec quelle ardeur elles s’occupaient de leur
» colonie. »
Remarquons donc ici un dessein formé par un pe-
tit nombre d'individus , qui cependant finit par obte-
nir l’assentiment général. Ce sont des ouvrières qui
le concoivent, parce que c'étaient également elles que
les dégâts souvent répétés menaçaient d’un surcroît
de travail. Mais quel est le moyen qu’elles emploient
pour le faire adopter aux autres? Jusqu'ici l’on pour-
rait croire que la force y est pour quelque chose, et ces
Fourmis , emportées dans les mandibules des autres,
pourraient passer pour être transportées contre leur
gré. Mais cependant elles ne se débattent pas ! Con-
sidérez de plus les recruteuses. « Elles s’approchent
» à la hâte de plusieurs Fourmis, les flattent tour à
» tour de leurs antennes, les tirent par les mandibules,
» et semblent en vérité leur proposer le voyage. Cel-
» les-ci se trouvent - elles disposées à partir, je les
» vois se saisir par leurs mandibules, et, tandis que
» la porteuse se retourne pour enlever celle qu’elle a
» gagnée, celle-ci se suspend et se roule au-dessous
» de son cou : tout cela se passe ordinairement de la
» manière la plus amicale, après un battement mu-
» tuel de leurs antennes sur la tête l’une de l’autre, et
» avec des mouvemens peu différens de ceux qu’elles
» font, lorsqu'elles se donnent à manger.
» Mes appareils vitrés m'ont souvent permis de
» voir ce qui se passait au dedans des fourmilières
» pendant l’émigration ; car dès que les ouvrières
» apercevaient quelque issue échappée à ma vigilance,
» elles en profitaient pour chercher un autre asile ;
» elles se répandaient d’abord séparément sur le
» plancher, et paraissaient observer tous les recoins
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. IT
162 HISTOIRE NATURELLE
» du cabinet, jusqu'à ce qu’elles eussent découvert
» un gite où elles pussent s'établir. C'était alors seu-
» lement qu’elles commençaient à recruter : celle qui
» la première avait trouvé un refuge assuré, allait
» aussitôt chercher ses compagnes une à une sur le
» parquet, puis dans la fourmilière même; mais il
» suflisait d'enlever à temps la première recruteuse
» pour arrêter l'émigration, jusqu'à ce qu’une autre
» eût découvert quelqu'autre retraite convenable.
» Le recrutement durait plusieurs jours : mais,
» lorsque toutes les ouvrières connaissaient la route
» de la nouvelle habitation , elles cessaient de se por-
» ter : elles avaient pratiqué des routes, des avenues,
» des cases ; elles ÿ apportaient leurs nymphes et leurs
» larves, puis les mâles et les femelles; à cette
» époque tout leur déménagement était fini : elles
» abandonnaient pour toujours la fourmilière arti-
» ficielle. »
Il est d'autres Fourmis qui portent leurs compa-
gnes d’une manière différente de celle que nous avons
décrite plus haut : elles les prennent aussi par leurs
mandibules , mais au lieu de les porter roulées et sus-
pendues au-dessous de leur cou, elles les tiennent
renversées dans le sens contraire, la tête en bas et le
corps en l’air. D’autres ne portent jamais, même dans
les migrations , leurs compagnes ouvrières adultes,
mais seulement les mâles et les femelles, et les ou-
vrières nouvellement transformées : ce qui prouve-
rait que celles-ci ne connaissent pas encore leur
langage.
Dans les fourmilières mixtes, ce sont tantôt les
ouvrières primitives, tantôt les ouvrières transplan-
tées qui conçoivent l’idée du déménagement et qui
DES HYMÉNOPTÈRES. 163
l’exécutent. Au moyen des mêmes signes , elles s’en-
tendent , quoique d'espèces différentes , et se laissent
transporter par celles qui ont concu les premières le
plan de l’émigration ; ce qui prouverait que cette
espèce de langage est uniforme pour tous les Hétéro-
gynides. Nous pensons même, d’après ce que nous
avons vu, qu'il est le même dans tous les Hyménop-
tères Ovitithers Phytiphages Nidifians Sociaux.
On ne doit pas croire avec M. Bonnet, de Genève,
que des Fourmis se fassent porter de force par d’au-
tres, lorsqu'elles souffrent ou qu’elles sont irritées, et
que l’ouvrière, qui veut se faire porter, saisisse au cou
lune de ses compagnes et s’obstine à ne pas lâcher
prise. Nous avons vu souvent des Fourmis s'arrêter
près de leurs compagnes blessées, les toucher avecleurs
antennes, les saisir ensuite avec leurs mandibuies
et les rapporter à leur fourmilière. M. Latreille dit
avoir vu les compagnes d’une Fourmi à laquelle il
avait coupé les antennes, faire sortir de leur bouche
une goutte d’une liqueur transparente, dont elles con-
naissaient apparemment la vertu, et la verser sur la
partie blessée.
M. Huber a vu des Fourmis d’une même fourmi-
lière se reconnaître au bout de quatre mois de sépa-
ration, et se réunir aussitôt que l'obstacle qu'il y avait
mis , se trouva levé fortuitement. Ce fut par l’attou-
chement des antennes qu’elles avérèrent l'identité
de leur origine. Dans les cas ordinaires, une Fourmi
étrangère, c'est-à-dire d’une autre fourmilière,
quoique de même espèce, serait repoussée et mal-
traitée.
Après avoir donné ces détails sur les habitudes et
l'instinct admirable des Hétérogynides, nous pou-
11.
164 HISTOIRE NATURELLE
vons encore dire quelque chose de leur utilité dans
la rature. Nous avons vu déjà celle dont l’Atta cé-
phalotes, l’une d'elles, est aux habitans des parties
chaudes de l'Amérique, en détruisant, dans leurs mai-
sons, des Insectes qui, par leur multiplication, leurs
ravages journaliers, imprévus et ordinairement pra-
tiqués dans l'obscurité (je parle des Blattes), au-
raient pu les forcer à déserter ces mêmes maisons. Il
est certain que les Hétérogynides détruisent partout
beaucoup d’Insectes et d’autres animaux nuisibles.
Mais la petitesse des espèces de notre pays nous em-
pêche de remarquer l'utilité dont elles sont sous ce
rapport. En ramassant la liqueur sucrée que rejet-
tent les Pucerons et les Gallinsectes, elles rendent
un éminent service aux végétaux ; car lorsque la miel-
lée, nom qu’on donne assez généralement à cette li-
queur , tombe sur les feuilles , elle en bouche les po-
res, et alors, à moins qu'une pluie bienfaisante ne
vienne les laver, ces feuilles dépérissent et tombent
bientôt. Il arrive encore que, moyennant cet enduit
collant, la poussière se fixe sur les feuilles, voile leur
verdure et bouche leurs pores, ce qui produit un
effet désagréable à nos yeux et empêche les feuilles
de recevoir de l’atmosphère les principes qui con-
stituent l'espèce de séve qui sert particulièrement à
la nourriture des fruits, ainsi que l'ont prouvé les
belles expériences de MM. Thouin , que l'amitié et la
science regretteront long-temps.
La chimie retire des Fourmis un acide (1), qu’elle
(1) « Le procédé le plus simple pour se procurer l'acide formi-
» que à l'état de pureté, dit M. Th. Thomson (Syst. de Chim.,
» trad. de J. Riffaut, tom. IL. Paris, Méquignon, Marvis, 1818), est
»* celui de Margraff, perfectionné par Rithter. C'est en conséquence
DES HYMÉNOPTÈRES. 165
emploie à divers usages. On l’appelle acide formique.
Sa présence dans les Hétérogynides se décèle par l’o-
1
» à cette méthode que Suensen eut recours ; elle consiste à distiller
» dans un alambic d'argent ou de cuivre étamé une infusion d’une
» quantité quelconque de Fourmis dans environ trois fois leur
» poids d’eau. On continue la distillation tant que l’eau qu'elle en
» sépare n'a pas l'odeur de brûlé, et on l'arrête dès que cette odeur
» commence à se faire sentir. On sature alors par le carbonate de
» potasse la liqueur passée par le récipient , et on l’évapore à siccité.
» On mêle la masse blanche qu'on obtient avec autant d'acide sul-
» furique, étendu d'un poids égal d'eau, qu'il en faut pour satu-
» rer la potasse, et on distille lentement à siccité ce mélange dans
une cornue. On rectifie de nouveau à une trés-douce chaleur le
liquide passé dans le répicient, pour en chasser le peu d'acide sul-
» furique qu'il aurait pu retenir.
» Gekhlen, pour être encore plus certain de la pureté de son acide
» formique, saturait l'acide, obtenu par le mode de préparation que
» nous venons d'indiquer, avec du carbonate de cuivre ; et, par une
» évaporation convenable , il séparait le formiate de cuivre en cris-
» taux. Il distillait ensuite dans une cornue un mélange d'environ
» {ao grammes de ces cristaux avec 260 grammes d'acide sulfu-
» rique de 1,864 de pesanteur spécifique, il avait pour produit
» 212 grammes d'acide formique pur.
» Fourcroy et Vauquelin conclurent de leurs expériences sur les
» Fourmis dont ils rendirent compte en 1802, que l'acide formi-
» que n’est autre chose qu'un mélange des acides acétique et mali-
» que. Ces assertions de chimistes aussi célèbres, ayant déterminé
» Suensen à s'occuper aussi de cet objet, il fit voir, dans une sa-
» vante dissertation sur l'acide formique, publiée en 1805, que la
» plupart des faits annoncés par Fourcroy et Vauquelin avaient
» déjà été observés par les chimistes qui les avaient précédés dans
» l'objet de leur travail; que les expériences dont ils avaient pré-
» senté le détail étaient insuflisantes pour établir les conclusions
» qu'ils en avaient tirées; que l'acide formique convenablement
» préparé ne contient pas d'acide malique, et qu'il a des propriétés
» différentes de celles de l'acide acétique.
» Berzélius a fait dernièrement avec beaucoup de précision l'a-
» nalyse de l'acide formique. Il l'a trouvé composé de :
A -Hydrogéne 90 RSA LUE 2, 84
l'Garbone: 22 arepnve étang ie RTS EE
MARPMPERE. , . à eAeeO ge TT OT 70
100
Je dois cet extrait à M. Blondeau, l’un des pharmaciens les plus
instruits de la capitale.
166 HISTOIRE NATURELLE
deur acide qu'elles répandent autour d'elles. Je ne
pense pas que la liqueur qu'elles jettent dans les
plaies faites par leur aiguillon ou dans d’autres es-
pèces, lancée par leurs glandes anales , soit autrec hose
que cet acide. Un de ses eflets est de rougir les cou-
leurs bleu ou violet tendre dans les corolles des fleurs
qu'elles parcourent ; ce qui prouve que l’émanation
suffit pour cela.
Les acides ayant la propriété de crisper (1), et les
parties des végétaux où se rendent, pour leur récolte,
nos Hétérogynides étant souvent crispées, on a ac-
cusé de ces déformations l'acide formique et par con-
séquent nos Insectes. De là nos jardiniers, qui voient
les feuilles et les jeunes branches de leurs arbres frui-
tiers, ou même d'agrément, rabougries et contour-
nées , cherchent à détruire leurs retraites. Nous pou-
vons cependant assurer que ces accidens ne sont causés
que par les piqüres réitérées des Gallinsectes et des
Pucerons. Ce fait paraîtra clair à tous ceux qui , n’exa-
minant pas superficiellement, trouveront beaucoup de
branches contournées , de feuilles rabougries , plissées
ou cloquetées, sans que les Fourmis y soient parve-
nues. La seule inspection des branches où se tiennent
les Pucerons etles Gallinsectes prouve suflisamment,
ainsi que nous l'avons observé souvent nous-mêmes,
ce que dit Réaumur à propos des fisures 2 et 3
de la 23° Planche, 9° mémoire, p. 294 et 205 , t. IIT :
« Comme la tige, en croissant, tend à s'élever , et que
» les Pucerons qui la suivent jusque dans sa plus ten-
» dre extrémité font perdre au côté contre lequel ils
» sont appliqués beaucoup de suc nourricier, les cour-
(x) Is me semblent n'agir ainsi que sur des parties awimales.
DES HYMÉNOPTÈRES. 167
» bures que prend successivement cette tige doivent
» faire, par la suite, diflérens tours arrangés à peu
» près comme ceux d'un tire-bourre. » On voit que cet
observateur n’attribue la déformation des vésétaux
dont il s’agit qu'aux Insectes qui en sucent la séve. Si
l'acide formique, et par conséquent la présence des
Fourmis qui l’exhalent continuellement, pouvaient
la causer, combien de parties de même nature des
mêmes végétaux sont-elles parcourues par un nombre
considérable de Fourmis, sans être déformées, lors-
qu'elles vont visiter les Pucerons! On voit même,
dans le sol des fourmilières, des végétaux qui sont
certainement là dans une atmosphère saturée d'acide
formique, et qui cependant n'éprouvent aucune dé-
formation. C’est donc à tort que les Hétérogynides
sont accusés de nuire par leur acide aux végétaux.
Je serais aussi salisfait s'il m'était possible de dis-
culper de tout reproche, ces Insectes si remarquables
par leur industrie, par leur union sociale la plus per-
fectionnée qui se trouve dans les Insectes, et par leur
esprit de comparaison, cette partie de l'instinct qui
les rapproche, ce me semble, quoique ‘'e bien loin,
des animaux doués par le Créateur de l’émanation
divine que nous nommons raison. Je veux parler des
dégâts que les Fourmis font aux fruits dans les champs
et dansles jardins, et du vol qu’elles nous font, chaque
fois quelles le peuvent et jusque dans nos maisons,
des provisions sucrées et du sucre lui-même.
Il faut dire cependant à leur décharge que, placées
sur la terre, souslerapport du droit d'usage, aux mêmes
conditions que nous, elles ont la même part à sesfruits,
qu'elles en ont même plus que nous, condamnés au
travail pps aire naître ces mêmes fruits ; que si nous
168 HISTOIRE NATURELLE
les laissons pénétrer jusque dans nos garde-mangers,
où nous serrons des choses analogues à celles que leur
fournit la nature sans leur en demander compte, si
notre négligence à fermer les issues leur permet de
croire qu'elles sont encore là dans le domaine qui est
également celui de l’homme et des animaux, c’est à
nous que nous devrions raisonnablement nous en
prendre de la perte qu’elles nous occasionnent.
Ces dégâts, quoiqu'ils se bornent à bien peu de
choses, ont fait employer contre les Fourmis des
moyens de répression et de destruction. Les moyens
de répression consistent à placer sur leur passage des
corps sur lesquels elles répugnent à marcher ou qui
les font tomber. Ainsi, lorsqu'elles ont à monter, une
ligne tracée avec la craie empêche quelque temps leur
passage , parce qu'une partie des atomes de craie qui
la composent est prêt à s’écrouler et entraîne avec elle
la chute de l’Insecte qui s’y appuyait. Un cordon de
laine oppose également à leur marche ascendantel’en-
trelacement des fils qui le composent et leur mobilité.
Une ligne d'huile tracée par le pinceau est aussi un
obstacle qu’elles redoutent de franchir. Mais il est
nécessaire pour les Fourmis d'aller où elles vont : les
atomes mobiles de la craie tombent avec les premières
Fourmis qui veulent franchir la ligne; les autres sont
solides et n’empêchent plus la marche. Les fils de
laine se compriment sous les eflorts de la multitude ; le
chemin devient praticable. L'huile se sèche et n'op-
pose plus d’obstacle: si, pendant qu'il y en a de liquide,
les Fourmis n’osent passer dessus , c’est parce qu'elles
craignent que l'huile, s'étendant sur leur corps, ne
bouche les stigmates de la respiration; elle devient
bientôt concrète et ne leur oflre plus le même dan-
{3
DES HYMÉNOPTÈRES. 169
ger. Un filet d'eau, ou même d'huile, répandu sur le
travers de leur chemin, en y formant une espèce de
rivière à traverser, fera périr les premières qui vou-
dront y passer, et leurs corps serviront de pont à
celles qui viendront après. L'expérience prouve donc
qu'il faut recourir à des moyens de destruction, puis-
que l’homme a le droit et la force de se défendre de
leur pillage; alors il faut chercher le domicile de ces
nombreuses et courageuses ouvrières, y répandre des
flots d'huile ou de l’eau bouillante en quantité sufi-
sante pour pénétrer tous les étages qui la composent :
c'est ainsi seulement qu’on parviendra à se préserver
des ravages incommodes de nos Hétérogynides (1).
La famille des Hétérogynides peut se diviser en
trois tribus.
ire Trisu, LES MYBMICITES.
Caractères. Femelles armées d’aiguillon.
Premier segment del’abdomen formé de deux nœuds.
_ L'histoire des Myrmicites n’a rien de particulier,
si ce n’est l’usage qu’elles font de leur aiguillon qui
pique etintroduit, dans la plaie qu'il a faite, une
liqueur acide : il en résulte pour la partie piquée une
sensation de brülure et de l’enflure locale. La partie
ainsi enflée devient d’abord rouge et ensuite jaune,
et souvent elle perd son épiderme au bout de quelques
jours : ce qui est surtout remarquable lorsque les
piqüres sont nombreuses et rapprochées.
(G) M. Brullé ayant un travail commencé sur les Hétérogynides,
j'ai cru devoir lui laisser l'initiative des vues nouvelles à introduire
dans cette famille. Je me suis borné à suivre les idées émises par
M. Latreille, et sa classification presque entièrement.
170 HISTOIRE NATURELLE
1°". GENRE. CRYPTOCERUS. — CRFPTOCERUS.
SynonyME. Æormica Linn., Degéer, Oliv. — Crypto-
cerus Latr. — Cryptoceri species Fab., Piez. Forsan
non omnes.
Caractères. Antennes en partie cachées dans une raïnure
placée de chaque côté de la tête.
Tête, au moins celle des femelles, tant fécondes qu’ou-
vrières , très-grande et aplatie.
Corselet épineux.
Les ailes de ce genre ne nous sont pas connues,
Espèces connues de ce genre.
1. CRYPTOCERUS NOrRGI. — Cryplocerus atratus.
Formica atrata Linn. Syst. Ed. 12, n° 16; Latr. Hist.
nat, Fourm. p. 272, Pl. 13, 68,174, À, 8h.
Formica quadridens Degéer, t. III, p. 609, n° 7,
PL. 31, fig. 17-20.
Cryptocerus atratus Fab. , Piez, n° 1.
Totus niger, glaber , capite posticè utrinque bispinoso,
thorace quadrispinoso et ad marginem anticum bituber-
culato.
Noir, presque entièrement glabre. Partie supérieure de la
tête formant un plan presque carré, grand, déprimé, ponctué ;
son bord antérieur concave à angles arrondis ; bords latéraux
élevés et tranchans ; une épine conique terminant chacun des
angles postérieurs ; l'intervalle entre ceux-ci portant aussi deux
autres épines plus larges et plus courtes ; chacune de celles-ci
placée près des angles. De chaque côté de la tête, sous les
bords latéraux , une grande rainure longitudinale et profonde,
qui permet aux antennes de s’y cacher. Celles-ci courtes et
grossissant un peu en massue vers le bout. Mandibules pa-
raissant bidentées à leur extrémité, Trois ocelles placés en ligne
DES HYMÉNOPTÈRES. 171
courbe ; les deux extérieurs touchant au bord postérieur , qui
porte au milieu deux petites dents peu saillantes, dont les
angles ont aussi chacun deux pointes courtes. Veux presque
cachés sous la base des épines des angles latéraux. Corselet
ovoïde; son premier segment presque droit, sinué, avec une
forte pointe à chaque angle, et deux plus petites en forme de
tubercules au milieu, Deux pointes fortes, coniques et diver-
gentes sur l’écusson. Nœuds formant le pédicule de l'abdomen
un peu concaves ; le second armé d’une épine où avancement
conique , bifide, Aïles jaunâtres , dépassant un peu l'abdomen ;
nervures et stigmate plus foncés. Abdomen ovalaire ; second
segment grand, paraissant recouvrir les trois autres, au moins
dans le sec. Pattes courtes, grosses ; jambes anguleuses, les
antérieures seules munies d’un éperon. Tarses courts et gros ,
presque cylindriques.
Plus grande qu'aucune des Fourmis d'Europe. Long. 9 lis.
Ouvrière. Point d’ocelles visibles. Corps fort ponctué,
ayant comme de petites écailles. Mandibules triangulaires ,
striées , ne paraissant point dentées. Premier segment de l’ab-
domen composé de deux nœuds presque cubiques , irréguliers ;
les angles antérieurs en dessus un peu saillans ; le nœud posté-
rieur porte une épine bifide en dessous. Long. 6 lig.
Amérique méridonale ; Surinam.
2, Ceyrrocerus GRANULÉ. — Cryptocerus granulatus.
Formica granulata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 275.
Granulatus; totus niger ; capite ad angulos posticos
spinoso. Latr. ut supra, p. 279, PL 12, fig. 95.
Entièrement d’un noir mat et recouvert de petites aspérités
qui le font paraître granulé et comme denticulé sur les côtés
du corselet, Angles postérieurs de la tête terminés en pointes ;
ceux du corselet en ayant deux plus fortes. Abdomen légère-
ment chagriné et ayant quelques poils. Long. 1 2 lig.
Indes orientales.
172 HISTOIRE NATURELLE
3. CRYPTOCERUS HÉMORRHOÏDALE, — Cryptocerus hæmor-
rhoidalis.
Formica hæmorrhoidalis, Latr. Hist. nat. Fourm,
p- 276.
Rugosiusculus ; capite mutico; lateribus anoque rubes-
centibus ; thorace spinis quatuor : nodo singulo; primi
abdominis segmenti spinis duabus.
Forme du Cryptocerus atratus. Gorps d’un noir mat, cha-
griné finement , avec quelques poils couchés d’un gris jaunâtre.
Antennes d’un rougeâtre obscur. Tête grande , presque carrée,
sans épines ni pointes, rougeâtre aux bords latéraux de la
pièce sous laquelle les antennes se logent. Corselet plane en
dessus, comprimé sur les côtés, partagé en deux , sur le dos,
par une ligne imprimée , transversale ; les quatre angles ayant
chacun une épine; celles des antérieurs plus courtes, dirigées
obliquement en avant et en dehors ; les postérieures dans un
sens opposé. Côtés du corselet aigus, inégaux, ayant quelques
crénelures. Nœuds du premier segment de l'abdomen forte-
ment chagrinés , ayant chacun une petite épine de chaque côté ;
le nœud postérieur plus large, à épines plus fortes que celles de
l’antérieur, Abdomen moins chagriné que le reste du corps,
ovalaire , avec les côtés aigus, au moins dans le sec. Anus ayant
une grande tache rougeâtre , séparée au milieu par un trait lon-
gitudinal noir, Pattes grosses et fortes. Long. 2 : lig.
Saint-Domingue.
2° Genre. ATTA.— ATTA.
SYNONYMIE. Formica Fab., Piez. — Atta Latr.
Caractères. Antennes entièrement découvertes.
Tête n’atteignant pas ordinairement une grandeur remar-
quable.
Corselet sans épines.
Palpes très-courts ; les maxillaires de moins de six articles.
DES HYMÉNOFTÈRES. 173
Trois cubitales aux ailes supérieures ; la troisième incom-
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile.
Première cellule discoïdale fermée ; la deuxième du limbe
confondue avec la deuxième cellule discoïdale, et la première
du limbe avec la troisième discoïdale.
Espèces connues de ce genre.
1. ÂTTA GROSSE TÊTE. — ÆA{ta capitata.
Formica capitata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 234, PI. 10,
fig. A,B, C.
Atra, nitidissima ; capite maximo ; antennarum apice,
geniculis tarsisque brunneis.
Très-noire , fort luisante, pubescente, Tête de la largeur
du corselet , triangulaire , arrondie aux angles. Front sillonné.
Antennes assez courtes, insérées près de la bouche, brunes ;
le premier article noir à sa base. Mandibules fortes , rougeâtres,
striées , dentées , ayant une dent plus forte à l’extrémité. Cor-
selet convexe , un peu chagriné en dessous et à sa partie posté-
rieure qui a deux tubercules. Premier segment de l’abdomen
ayant son premier nœud cunéiforme, lisse en dessus, ridé
postérieurement; le second rond ; les autres segmens en tota-
lité globuleux, lisses et pubescens. Pattes ayant les cuisses
noires ; les genoux d’un brun pâle , les jambes d'un brun foncé,
et les tarses plus clairs. Ailes longues, un peu brunes. Long.
environ 5 lis.
Ouvrière. Tête prodigieusement grosse (il ne me paraît
$
pas certain qu'il en soit de même pour tous les individus de
cette modification du sexe féminin ), arrondie postérieurement
et convexe. Mandibules un peu brunes, striées, courtes et
fortes. Yeux petits. Corselet court, étroit, sillonné surtout à
sa partie postérieure ; l’antérieure beaucoup plus grande, bos-
sue , arrondie. Un enfoncement sur le dos. Le reste comme
dans la femelle féconde. Long. 3 : lig.
France méridionale , sous les pierres.
174 HISTOIRE NATURELLE
2. ATTA MAÇONNE. — Atta structor.
Formica structor Latr. Hist. nat, Fourm. p. 236.
Capite fusco, infrà oreque rufescentibus ; thorace
pedibusque obscurè ferrugineis ; abdomine brunneo-
nigro.
D'un noir luisant, très-pubescente. Tête un peu plus large
que le corselet, striée. Antennes d’un rouge marron. Man-
dibules et côtés de la tête rougeâtres. Corselet strié dans son
contour. Abdomen lisse, très-pubescent. Pattes d’un brun
rougeâtre. Ailes obscures ; stigmate plus foncé.
Ouvrière. Antennes d’un brun foncé; extrémité du premier
article rougeâtre. Tête grande, d’un noirâtre un peu fauve ;
bouche et son contour rougeâtres. Mandibules fortes, très-
striées. Corselet d’un fauve brun, strié, surtout postérieure-
ment, bossu en devant, terminé ensuite en cylindre court.
Pattes d’un fauve foncé. Long. 1 : lig,
Mâle. Tête et corselet très-noirs. Abdomen moins foncé.
Antennes et articulations des pattes brunes. Aïles obscures ;
point épais jaunâtre.
Cette Atta fait son nid dans le sable, et forme, avec les
parcelles de terre , qw’elle retire en creusant ses souterrains ,
une espèce de couvercle au dessus de l'entrée.
Midi de la France.
3. ATTA BAIE, — Atta badia.
Formica badia Latr. Hist. nat. Fourm. p. 238.
Badia; capite thoraceque striatis ; ore obscuriori.
Tête proportionnellement plus courte que dans l’ouvrière , et
plus large. Trois ocelles apparens. Corselet moins comprimé
et plus arrondi. Ailes noirâtres, nervures roussâtres.Long.
4 x Lg.
Ouvrière. D'un rouge marron, un peu velu. Tête plus
DES HYMÉNOPTÈRES. 175
large que le corselet, presque triangulaire, un peu concave
au bord postérieur , finement striée : bord antérieur cilié, brun
ainsi que les mandibules. Celles-ci fortes, triangulaires , den-
tées au côté interne ; la dent de la pointe plus forte, Antennes
insérées près du bord antérieur de la tête. Yeux petits. Corselet
comprimé sur les côtés. Premier segment de l'abdomen ayant
son premier nœud alongé en pédicule antérieurement; les au-
tres segmens formant une masse ovale, luisante et velue. Pattes
de la couleur du corps. Long. 3 lig.
_ Mâle. Corps d’un brun marron, ayant peu de poils. An-
tennes , mandibules et pattes jaunâtres. Ocelles saillans.
Corselet plus clair que le reste du corps, surtout les jointures :
ce corcelet très-convexe. Ailes blanches , côte et quelques ner-
vures jaunâtres. Ï1 n’est pas certain que ce mâle appartienne à
l’Atta badia ; mais il a la même patrie.
Caroline, Amérique septentrionale.
4. ATTA BITUBERCULÉE. — Atta bituberculata.
Formica bituberculata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 239,
Fab., Piez. n° 54.
Elongata, angusta, badia ; capite ovato; nodis
longis.
Corps marron , fort luisant ; forme étroite, alongée. Antennes
longues, pubescentes ,insérées chacune sur les côtés d’une pe-
tite élévation comprimée , en forme de carëène : derniers articles
très-distinctement plus alongés que les précédens, surtout le
deuxième. Tête un peu plus large que le corselet, presque
ovale, convexe, fort lisse, un peu rétrécie et bordée posté-
rieurement. Mandibules fortement dentées. Yeux petits, glo-
buleux, noirs, saillans. Corselet alongé, bossu, arrondi en
devant, lisse ; son extrémité postérieure concave en dessus,
avec une carène ou petite ligne élevée , arrondie des côtés. Les
deux nœuds du premier segment abdominal presque pyrami-
daux , en demi-cône comprimé sur les côtés ; le premier un
176 HISTOIRE NATURELLE
peu plus grand, longuement pédonculé en devant, Les autres
segmens formant une masse ovale, courte : second segment
fort grand. Pattes longues, velues.
Le sexe de cette Atta n’est pas connu.
Cayenne, Amérique méridionale,
3° Genre. OECODOMA. — ŒCODOMA.
SYNONYMIE. Formica Latr., Degéer , Oliv. — Atta Latr.
Crust. et Ins., Fabr., Piez.
Caractères. Antennes entièrement découvertes.
Tête de grandeur variable : celle-ci et le corselet, ou
au moins l’un des deux, armés d’épines.
Palpes très - courts : les maxillaires de moins de six ar-
ticles.
Deux cubitales aux ailes supérieures. La deuxième incom-
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile.
Aucune cellule discoïdale fermée : par conséquent les
deuxième et troisième discoïdales et les cellules du limbe con-
fondues avec la première cellule discoïdale.
Espèces connues de ce genre.
1. OEconomA cÉPHALOTE. — 0Ecodoma cephalotes Latr.
Nouv. Dict. d’hist. nat. 2° édit, — Atta cephalotes Fab.,
Piez. n° 1.
Formica cephalotes Linn. Syst. Nat. ed. 12, p. 964,
n° 15.— Latr. Hist. nat. Fourm. p. 222, tab. 9, fig. 57, A,
D, E.— Oliv. Enc. tom, VI, p. 499.
Formica grossa Oliv. Enc. tom. VI, p. 407.
Formica migratoria Degéer, tom. IX, n° 5, PI 3r,
fig. 11-13. |
Castaneo-brunea, pubescens ; capite maximo nitido,
postice didymo bispinosoque ; thorace anticè tubercudis
quatuor acutis, posticè bispinoso.
DES HYMÉNOPTÈRES. 177
D'un brun marron très - foncé, soyeux et roussâtre spécia-
lement sur la tête et le corselet , qui sont, ainsi que les pattes,
hérissés de petites aspérités. Tête bien plus petite en propor-
tion que celle de l’ouvrière , à peu près de la longueur du cor=
selet, basse, déprimée, presque en cœur ; son bord postérieur
légèrement concave; ses bords postérieurs ayant chacun une
petite épine. Mandibules très-fortes. Trois ocelles sur le som-
met de la tête. Corselet fort gros, très-convexe , terminé assez
brusquement. Ecusson proéminent. Une petite épine de cha-
que côté aux endroits du corselet répondant aux angles pos-
térieurs de celui de l’ouvrière. Les deux nœuds du premier
segment de l’abdomen courts, mais larges, en plan incliné, ar-
rondis sur les côtés : le premier très-bas ; le second plus élevé,
velu, semblant se confondre avec le second segment: celui-ci et
les autres formant une masse globuleuse fort grosse. Aïles dé-
passant beaucoup l’abdomen, obscures; les nervures d’un brun
foncé Q. Long. 10 lig.
Ouvrière. D'an brun marron assez clair , couvert, princi-
palement sur la tête, d’un duvet brun jaunâtre. Antennes lon-
gues, grossissant un peu à leur extrémité, insérées près de
la bouche, chacune sous une petite proéminence. Tête sou-
vent extrêmement grande, luisante, cordiforme, sa partie
postérieure étant divisée par un sillon en deux portions arron-
dies, dont chacune porte à son extrémité une petite pointe.
Mandibules fortes, plates, larges, en faux, crochues à la
peinte , à dentelures noirâtres , front plan. Yeux petits, noirs.
Ocelles point apparens. Partie antérieure du corselet élevée,
large, portant quatre éminences pointues ou épines courtes
disposées transversalement deux par deux; les postérieures
plus petites dirigées un peu en arrière sur le dos. Une petite
épine de chaque côté au-dessus des hanches des deux pattes an-
térieures. Partie postérieure du corselet séparée de la première
par un enfoncement : ses angles ayant chacun une forte épine
conique. Premier segment de l’abdomen ayant ses deux nœuds
raboteux, munis chacun de chaque cêté d’un petit tubercule ;
le second nœud plus grand que le premier. Les autres seg-
HYMÉNOPTÈRES, TOME I: 12
178 HISTOIRE NATURELLE
mens abdominaux formant une masse ovale presque ronde,
petit. Pattes longues. Long. » lig.
Mäle. Un peu plus petit que la femelle, surtout pour les
proportions de la tête , des mandibules et de l'abdomen. Pres-
que noirâtre. Antennes roussâtres , leur premier article obscur.
Corselet n'ayant pas d’épines sensibles à ses angles postérieurs.
Les stigmates, qui sont à cet endroit , font une petite saillie,
comme un eommencement de tuyau. Les organes sexuels
étaient très - apparens dans l'individu décrit par M. Latreille.
Cette espèce , d’après les voyageurs, est celle qui dépouille
en peu de temps certains arbres, et notammen tles orangers,
de leurs feuilles , et qui visite les maisons. Nous en avons parlé
dans notre Histoire des Hétérogynides.
Cayenne , Brésil ; Amérique méridionale.
2. OEconoma Porc-ÉPic. — OEcodoma hystrix.
Formica hystrix Latr. Hist, nat. Fourm. p. 230.
Formica hystrix Fab. , Piez. n° 95.— An ejusdem spe-
ciei modificatio fœcunda, feminea ?
Obscurè ferruginea, spinosissima.
D'un fauve très-foncé, obscur. Antennes presque de la lon-
gueur du corps, velues, insérées près du milieu de la bouche
sous le bord d’une saillie triangulaire ayant quelques dents ou
au moins l’angle terminal pointu. Tête grande, presque carrée,
élargie et échanerée postérieurement , portant beaucoup de pe-
tites épines , dont quelques-unes surmontées d’un poil ; les an-
gles postérieurs ont plusieurs pointes dont une plus forte.
Mandibules grandes, triangulaires, finement striées et den-
tées, se croisant : leur pointe forte , et au-dessus d’elle une
dent plus remarquable, Yeux petits, noirâtres , placés près des
mandibules. Partie antérieure du corselet grosse, arrondie,
ayant sur le dos trois paires d'épines un peu velues, disposées
transversalement, presque perpendiculaires ; les antérieures
plus fortes , les postérieures plus petites , et de chaque côté
inférieurement une petite épine très-menue, aiguë, perpeu-
DES HYMÉNOPTÈRES. 179
diculaire au corps ; la partie postérieure du corselet terminée
au bout par deux épines très - fortes, un peu arquées, as-
cendantes. Premier segment de l'abdomen ayant son premier
nœud en demi-cône , étroit , avec quatre tubercules en dessus :
le second presque carré, ayant aussi plusieurs tubercules ; les
autres segmens formant une masse très-petile et ronde : second
segment grand , hérissé de plusieurs pointes. Eperon des jam-
bes antérieur très-apparent : ceux des autres Pétant peu.
M. Latreille donne l'individu qu’il décrit pour une ouvrière.
Cayenne, Amérique méridionale.
4 Genre. ECITON. — ÆZCITON.
Synonyme. Æciton Latr. Crust. et Ins. t. II, p. 313. —
Formiça Linn. , Oliv., Degéer. — Myrmeciæ spec. Fab.,
Piez.
Caractères. Antennes entièrement découvertes.
Tête alongée : celle-ci et le corselet sans épines.
Palpes maxillaires longs, de six articles.
Mandibules linéaires.
Je ne connais pas les ailes de ce genre.
Espèce de ce genre.
1. EciTON DENTS-cOURBÉES. — Æciton curvidentatum.
Formica curvidentata Latr. Hist. nat. Fourm. p. 269,
PL 8, fig. 55.
Pallidè rufum : capite utrinque posticè mucronato ;
ocellis minimis; mandibulis brevibus,
Corps d’un fauve tirant sur le jaunâtre , presque dépourvu
de poils et alongé. Antennes d’un brun foncé, insérées près de
la bouche , chacune à côté d’une petite ride. Tête un peu plus
large que le corselet, presque carrée , un peu rétrécie vers le
cou , convexe et arrondie en dessus, ses angles postérieurs
prolongés en épines. Mandibules triangulaires, brunes, un
peu striées et velues, légèrement dentées au côté interne,
K2s
180 HISTOIRE NATURELLE
courbées à la pointe. Yeux très-petits , luisans, Corselet un peu
conique ; son extrémité postérieure un peu plane , portant deux
pointes obtuses. Nœud antérieur du premier segment de l’ab-
domen presque cubique : le deuxième arrondi. Pattes longues :
tarses obscurs,
Cayenne , Amérique méridionale.
5° Genre. MYRMICA. — MYRMICA.
Synonyme. Myrmica Latr. Crust. et Ins. t. II, p. 313.
—Formica Linn., Degéer, Oliv.— Formicæ et Lasii spec.
Fab. , Pier.
Caractères. Antennes assez découvertes.
Tête triangulaire sans épines.
Palpes maxillaires longs , de six articles.
Mandibules triangulaires.
Trois cubitales aux ailes supérieures. La troisième incom-
plète.
Première cellule discoïdale , seule fermée : par conséquent
le première cellule du limbe confondue avec la troisième
discoïdale ; et la seconde cellule du limbe également confon-
due avec la seconde discoïdale.
Espèces connues de ce genre.
* Corselet bi-épineux postérieurement.
1. MyrMica SOUTERRAINE. — Myrmica subterranea.
Formica subterranea Latr. Hist. nat. Fourm. p. 219,
P1. 10, fig. 64, A,B,D, et PI. 11,fig.70,A,D,F,G.
Ferrugineo-brunnea, ore antennisque dilutioribus ;
thorace elongato, bispinoso ; abdomine fusco; pedibus
dilutè fulyis.
Tête de la largeur du corselet, d’un fauve foncé, le dessus
d’un brun noirâtre et strié. Antennes d’un fauve clair. Yeux
noirs. Ocelles distincts. Corselet fort bossu, brun, très-lui-
DES HYMEÉNOPTÈRES. 181
sant; les jointures plus claires, tirant sur le fauve : dos lisse
avec le contour et surtout l’extrémité postérieure striés : cette
dernière partie fourchue et portant deux épines. Premier seg-
ment de l’abdomen ayant ses deux nœuds bruns : reste de
l'abdomen d’un brun noirâtre foncé , très-poli et luisant, avec
quelques poils : bords postérieurs des segmens un peu plus
clairs. Pattes d’un brun tirant au fauve. Ailes hyalines ; ner-
vures et point épais jaunâtres , très-pâles ©. Long. 5 lig.
Ouvrière. Corps alongé, d’un fauve brun, luisant, un peu
velu. Antennes plus claires ; le premier article plus foncé. Tête
grande , triangulaire, finement striée ; le ventre plus foncé.
Mandibules assez fortes , triangulaires. Corselet fort alongé,
très-renflé, lisse et arrondi en devant , strié ensuite; il des-
cend brusquement vers la jointure de sa partie postérieure :
celle - ci cubique, striée, portant deux petites épines. Nœuds
du premier segment de l'abdomen lisses, l’antérieur longue-
ment pédonculé; les autres segmens lisses , très-luisans , noi-
râtres. Pattes d’un fauve clair. Long. 2 : lig.
Mäle. Corps d’un brun noïrâtre, très-luisant. Tête plus
foncée : mandibules et antennes jaunätres. Corselet très-renflé,
lisse, terminé brusquement en biais; les jointures plus claires ;
l'extrémité postérieure fourchue , les angles saillans. Abdo-
men d’un brun noirâtre , luisant ; le bout plus clair, d’un brun
jaunâtre. Pattes d’un jaunâtre trés-pâle.
France, au pied des arbres. Elle s’accouple en juillet et
août.
2. Myrmica ROUGE. — Myrmica rubra.
Formica rubra Latr. Hist. n. Fourm. p. 246, PI. X , fig.
62,A,B, D, E; —Fab., Piez. n° 17 ; — Degéer, t. II,
no 6, PI. 43, 1-14; — Oliv. Enc. t. VI, p. 493; — Linn.
ont ed. 12,4 F0 7.
Rubescens rugosula ; nodo primo infrà unispinoso , ab-
domine nitido, lævi, segmento antico subbrunneo.
Semblable à l’ouvrière pour la forme et la couleur. Tête de
182 HISTOIRE NATURELLE
la longueur du corselet : celui-ci presque rond : ces deux par-
ties rugueuses et chagrinées. Front noirâtre. Ocelles peu appa-
rens. Une petite ligne noirâtre de chaque côté du corselet près
de l'insertion des ailes. Ecusson assez saillant , obtus ; au-dessous
de lui un petit éspace noirâtre. Epines de la partie postérieure
moins fortes que dans l’ouvrière , d'un jaune obscur, excepté
la pointe, Point épais de l'aile d’un brun jaunâtre. @ Long. 3 lig.
Ouvrière. Corps d’un rougeâtre fauve, mat, pubescent.
Antennes de la longueur des deux tiers du corps, grossissant
insensiblement vers l'extrémité ; les trois derniers articles no-
tablement plus grands que les précédens ; le dernier ovalaire :
ces antennes insérées sous une petite pièce saillante , à peu de
distance de la bouche. Tête un peu plus large que le corselet,
presque carrée, convexe , arrondie postérieurement , finement
chagrinée. Mandibules courtes, triangulaires, striées, dente-
lées au côté interne, de couleur fauve. Front un peu renflé,
noirâtre en son milieu; une impression à la partie postérieure
entre les antennes. Yeux petits, voisins des mandibules. Ocelles
point apparens. Corselet presque conique , tronqué , comprimé,
chagriné; milieu du dos légèrement enfoncé ; sa partie posté-
rieure fortement concave, armée de deux épines fortes , coni-
ques. Premier segment de l’abdomen ayant son nœud an-
térieur cunéiforme, chagriné, attaché au corselet par sa partie
mince prolongée en pédicule ; une petite dent à la naissance de
ce pédicule ; le second segment d’un fauve un peu brun, et les
suivans formant une masse ovalaire, lisse , luisante et pubes-
cente. Pattes assez fortes; jambes antérieures armées d’une
forte épine. Long. 2 : lig.
Mäle. Plus étroit que la femelle, D’un brun noïrâtre , pres-
que mat, excepté le bout du corselet et l'abdomen qui sont
très-luisans. Antennes d’un brun jaunâtre ; le premier article
né faisant guère que le tiers de la longueur totale; le second et
le troisième plus longs que les suivans , égaux, un peu coniques.
Tête petite, presque ovale, basse, striée finement. Yeux gros,
saillans. Ocelles brillans, apparens. Mandibules petites, d’un
brun jaunâtre. Corselet finement strié, excepté la partie posté-
DES HYMÉNOPTÈRES. 183
rieure qui paraît lisse : elle est concave et porte deux tubercules
saillans à la place des épines. Nœuds du premier segment de
l'abdomen, luisans , assez lisses ; pédicule de l’antérieur court,
sans dent ; le second et les suivans très-luisans , pubescens; les
derniers d’une couleur plus claire. Pattes pubescentes, d’un
brun jaunâtre ; cuisses plus foncées. Ailes et nervures obscu-
res , excepté le bout de l’aile. Long. 3 lg:
France, sous les pierres et la mousse. Selon Latreille, elle
ne s’accouple qu’en septembre. La piqûre de cétte espèce est
très-douloureuse.
3. Myrmica TURÉREUSE. — Myrmica tuberum.
Formica tuberum Fab., Piez. n° 47; — Oliv. Encyc.
t. VI, p. 497; — Vill. Entom, t. III, p. 339, n° 15.
Formica tuberosa Latr. Hist. nat. Fourm. p. 259.
Dilute ferruginea ; capite lato ; fusco, margine postice
concavo; thorace bidentato; abdomine fascid nigrd.
D'un noirâtre mat. Antennes, mandibules, bout de l’abdo-
men €t pattes fauves. Tête déprimée, striée, fortement échan-
crée postérieurement , de la largeur du corselet ; celui-ci ar-
rondi, strié ; les épines postérieures ne consistant que dans la
saillie des deux angles latéraux, et par conséquent moins fortes
et moins distinctes que dans l’ouvrière. Nœuds du premier
segment de l'abdomen velus et chagrinés ; l’antérieur pédiculé.
Abdomen lisse, velu, Ailes blanches, un peu opaques; ner-
vures peu distinctes ; point épais d’un jaunâtre clair. Femelle :
Long. 1 1 lig.
Ouvrière. Ressemblant pour la forme à la Myrmica nigra.
D'un fauve clair, pubescente. Tête d’un brun noirâtre , très-
large, presque carrée, déprimée , fortement concave posté-
rieurement, et striée, Antennes et mandibules fauves. Corselet
court, conique, tronqué, comprimé insensiblement sur les
côtés; dos continu; une petite épine courte à chaque angle de
l'extrémité postérieure. Nœuds du premier segment abdominal
un peu chagrinés en dessus et plus foncés ; l’antérieur pédiculé,
184 HISTOIRE NATURELLE
sans dent en dessous, Le reste de l'abdomen, à partir de la base
du second segment , rond, lisse, pubescent et luisant ; bord de
ce second segment portant unc ligne transversale noirâtre.
Pattes de la couleur du corps. Long. 1 2 lig.
France, sous les écorces d'arbres et dans les murailles.
Corselet sans épines.
&. Myrmica ruGacE. — Myrmica fugax.
Formica fugax Latr. Hist. nat. Fourm. p. 265.
Luteo rufescens; thorace mutico; abdominis medio
brunneo.
D'un noir brun, pubescente, finement striée. Antennes et
mandibules d’un fauve jaunâtre clair. Ofelles très-distincts.
Corselet noir, presque lisse. Métathorax tronqué et portant
seulement deux faibles dents. Nœud antérieur du premier ses-
ment abdominal un peu échancré dans son milieu dorsal, pé-
diculé ; le reste du premier segment après les nœuds d’un brun
roussâtre, luisant surtout en dessous; les segmens ayant leur
base plus foncée. Pattes d’un fauve jaunâtre. Ailes blanches;
nervures et point épais d'un brun très-clair. © Long. 1 3 lig.
Ouvrière. Corps de couleur fauve jaunâtre, pubescent , à
peu près lisse, Yeux noirs. Corselet mutique. Abdomen lisse ,
luisant, brun dans son milieu. Longueur, presque 1 lig.
Mäle. Plus étroit que la femelle ; d’un noir luisant, pubes-
cent. Antennes d’un brun clair ; les deux articles de la base
plus épais, de même grosseur entre eux ; le premier étant deux
fois plus long que le second. Extrémité postérieure du méta-
thorax obtus , sans tubercules apparens. Pattes d’un brun jau-
nâtre ; cuisses plus foncées. Ailes blanches ; nervures et point
épais d’un brun jaunâtre.
France. Elle fait son nid en terre et s’accouple en
septembre,
DES HYMÉNOPTÈRES. 185
5, MyrMICA MÉLANOGÉPHALE, — Myrmica melanocephala.
Lasius melanocephalus Fab., Piez. n° 5.
Formica melanocephala Latr. Hist. nat. Fourm. p. 269.
— Coqueb. Illustr. Icon. Dec. 1 , tab. 6, fig. 8.
Pallida; capite thoracisque dorso nigris.
Petite. Tête brune; bouche et antennes pâles. Corselet brun,
pâle en dessous. Abdomen pâle ; anus noirâtre. Pattes pâles.
Cayenne. Connue sous le nom de T'acocra ; elle fait beau-
coup de dégât et habite sous terre.
2e Trisu. LES PONÉRITES,
Caractères. Femelles armées d’aiguillon.
Premier segment de l'abdomen formé d’un seul
nœud.
1e Genre. ODONTOMACHUS.—ODONTOMACHUS.
SyNonyMiIE. Formica Linn., Degéer, Oliv., Latr. Hist.
nat. Fourm. — Odontomachus Latr. Crust. et Ins. —
Myrmeciæ spec.Fab., Piez.
Caractères. Mandibules des femelles longues, étroites,
parallèles , terminées par trois dents.
Antennes des ouvrières très-menues, filiformes.
Tête des ouvrières en carré long, très-échancrée posté-
rieurement.
Trois cubitales aux ailes supérieures; la troisième in-
complète, le cubitus n’atteignant pas le bout de laile.
Première et seconde discoïdale complètes, fermées ; la
première du limbe confondue avec la troisième dis-
coïdale,
186 HISTOIRE NATURELLE
Espèces connues de ce genre.
1. Opoxromacnus CRÉLIFÈRE. — Odontomachus chelifer.
Formica chelifera Latr. Hist. nat. Fourm. p. 188, PI. 8,
fig. 51.
Valdè elongatus, angustissimus , brunneus ; ‘ capite
magno; mandibulis longis, linearibus, apice valdè
dentatis.
Corps très-étroit, fort alongé, d’un brun marron foncé,
presque noirâtre , assez luisant, un peu plus clair aux antennes
et au corselet, et encore plus aux pattes, qui sont d’un brun
pôle ; finement strié universellement. Antennes très-menues,
filiformes , de la longueur des deux tiers du corps , très-brisées,
rapprochées, insérées près de la bouche, chacune sur le bord
latéral extérieur d’une proéminence : cette proéminence ayant
une petite cavité qui la fait paraître comme fourchue, Tête
grande, en carré long, plus large que le corselet, un peu con-
cave au milieu du bord postérieur, dont les angles sont con-
vexes. Deux profonds sillons passant à peu de distance du côté
interne des yeux, se réunissant vers le milieu de la tête : de
cette réunion naît un autre sillon qui aboutit au bord postérieur
de la tête. Yeux petits, ovales, noirs. Point d'ocelles appa-
rens. Mandibules de la longueur des deuxitiers du corps,
étroites , alongées, très-serrées l’une contre l’autre au côté in-
terne; le bout élargi, tridenté; les deux dents de la pointe
plus étroites ; la plus éloignée de cette pointe plus courte, plus
large, obtuse; celle de la pointe longue et crochue. Corselet
d'un brun clair, fort étroit , resserré en avant, presque cylin-
drique, rétréci insensiblement et obtus à l'extrémité posté-
rieure; dos presque droit et continu. Ecaille du premier seg-
ment de l’abdomen d’un brun clair, demi-conique , comprimée
latéralement, finement striée; son sommet en pointe très-
aiguë et fine, dirigée obliquement. Les autres segmens formant
DES HYMÉNOPTÈRES. 187
une masse petite, ovoïdo-conique; anus un peu pubescent.
Pattes très-longues , fort déliées, d’un brun pâle, presque
sans poils. Hanches grosses, d’un brun jaunâtre. Jambes an
térieures armées d’une épine. Tarses longs. Long. 8 lg.
Ouvrière ou femelle privée d’ailes ?
Cayenne , Amérique méridionale.
2. ODoNTOMACHUS sANGUIN. — Odontomachus hæmatodes.
Formica hæmatoda Linn. Syst, Nat. ed. 12, n° 19.
Formica mazxillosa Degéer, t. IL, p. 6or, n° 2, PI. 37,
fig. 3-5.
Myrmecia hæmatoda Fab., Piez. n° 5.
Nigro-fusca, pedibus mandibulisque porrectis rufis,
squamé& conicé.
Tête alongée, aplatie en dessus, ayant üne échancrure à la
partie postérieure, et une sinuosité de chaque côté qui la fait
paraître comprimée. Point d’ocelles visibles. Yeux alongés,
placés tout près de la base des antennes : celles-ci longues,
déliées, de grosseur égale partout. Mandibules de la longueur
de la moitié de la tête , déliées et aplaties, s’avançant au devant
de la tête en ligne droite et parallèlement; deux dents pointues
à leur extrémité ; cette extrémité courbée en dedans de manière
à faire un angle droit avec la dent. Corselet lisse , égal. Ecaille
du premier segment de l’abdomen rousse, grande, élevée, de
figure conique, se terminant en pointe. Les autres segmens
formant une masse grosse, ovale, conique à l’extrémité, Tête
et corps d’un brun noirâtre. Pattes rousses. Ailes jaunâtres ;
point épais brun. Femelle. Longueur, environ 4 lig.
Surinam , Cayenne , Amérique méridionale.
3. OponToMAcHUus UNI- ÉPINEUX. — Odontomachus
uruspinosus.
Formica unispinosa Latr. Hist, nat. Fourm. p. 193, PI. 8,
(Se E 2
188 HISTOIRE NATURELLE
Myrmecia unispinosa Fab., Piez, n° 1.
Ælongatus, angustus, niger, mandibulis capite bre-
vioribus, porrectis , apice subedentulis ; antennarum
apice, pedibusque magnä ex parte, ferrugineo brunneis.
Assez semblable à l'Odontomachus chélifère pour la forme
générale du corps ; mais un peu moins étroit, et noir. Mandi-
bules de moitié plus courtes que la tête, proportionnellement
plus larges, s’avançant ensemble parallèlement, et appli-
quées l’une à l’autre par le bord interne; leur extrémité élar-
gie offrant quelques légères crénelures, et se terminant en
crochet. Tête courte, plus large que dans l’Odontomachus
chélifère, mais sillonnée de même. Corselet plus court, rétréci
vers le cou. Ecaille du premier segment de l'abdomen demi-
conique , comprimée latéralement, terminée en pointe fine,
dirigée obliquement. Les autres segmens formant une masse
ovale, plus grande à proportion que dans l’Odontomachus
chélifère. Pattes noires ; base des cuisses, genoux et tarses
d’un brun rougeâtre. Ouvrière : longueur, 4 lig.
Saint-Domingue, la Guadeloupe.
2e GENRE. PONERA. — PONERA.
Syxonymie. Formica Latr., Oliv., Fab.
Caractères. Mandibules des femelles triangulaires.
Antennes de ce sexe plus grosses vers le bout.
Tête presque triangulaire, sans échancrure remarquable
à sa partie postérieure.
Caractère alaire le même que celui des Odontomachus.
Espèces connues de ce genre.
1. PONERA ARMÉE. — Ponera clavata.
Formica clavata Fab. , Piez. n° 61.
Formica aculeata Olv. Enc. t. VE, p. 498, n° 42.
Formica spininoda Latr. Hist, nat, Fourm. p. 207, PI. 7,
fig. 45, A-D.
DES HYMÉNOPTÈRES.
189
Brunneo nigra; thorace anticè bidentaio; nodo infrà
unispinoso.
Ocelles distincts. Corselet n’ayant qu’un tubercule court et
obtus, et pas de pointes. Nœud ou premier segment de l’ab-
domen armé d’une forte épine. Nervures des ailes brunes ;
point épais d’un brun foncé. Forme du corps et couleurs comme
dans l’ouvrière que nous allons décrire, Femelle : longueur,
un peu plus grande que l’ouvrière.
Ouvrière. Corps d’un noir brun; quelques poils d’un gris
roussâtre, particulièrement à l'abdomen. Antennes un peu
plus longues que le corselet, assez grosses, filiformes , plus
brunes à leur extrémité, insérées au devant des yeux près
des mandibules, Tête grande, carrée, abstraction faite des
mandibules , convexe, très-striée ; une forte carène aiguë, par-
tant de la base des antennes , se prolongeant au delà des yeux
le long de leur côté interne. Yeux saillans , placés vers le mi-
lieu des côtés de la tête : au-dessous des yeux an sillon assez
large dont le bord inférieur est relevé en ligne tranchante.
Ocelles point apparens. Mandibules grandes, d’un noir brun,
larges , triangulaires, ponctuées, velues , un peu courbées à la
pointe , ciliées et dentelées au côté interne : ces dentelures sé-
parées par de petites stries: Corselet presque cylindrique,
comprimé latéralement, arrondi en dessus, ridé transversa-
lement ; le dos continu, se courbant d’une manière assez in-
sensible à sa partie postérieure. Sur chaque partie humérale
un gros tubercule conique dirigé un peu obliquement et se
rapprochant du côté extérieur. Premier segment de l’abdomen
en forme de nœud, présentant , vu latéralement , une espèce
de carré, dont la ligne inférieure se prolonge antérieurement
en un pédicule assez long, cylindrique, armé en dessous
à sa base d’une épine forte, perpendiculaire. Dessus de ce
segment offrant une coupe presque ovale dont le bout anté-
rieur fait un peu saillie, et dont la surface arrondie est traver-
sée d’un grand nombre de rides qui se prolongent sur les cô-
tés. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse
190 HISTOIRE NATURELLE
courte , ovale, conique : le second , qui est le premier de ceux-
ci, en demi-sphère , séparé, par un étranglement sensible, du
troisième qui est grand et convexe : les autres courts et velus.
Pattes assez longues , de la couleur du corps, velues , portant
chacune un éperon d’un jaunêtre obscur. Dessous de l'extré-
mité des jambes antérieures et du premier article de leurs
tarses, garnis de poils courts, épais, d’un jaune roussâtre.
Long. 10 lig.
Cayenne, Amérique méridionale.
2. PoNERA FLAVICORNE. — Ponera flavicornis.
Formica flavicornis Fab., Piez. n° 52; — Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 202, PL. 7, fig. 42,B, et 43.
Obscurè nigra ; antennarum apice flavescente ; abdo-
mine elongato; segmentis duobus anticis mullo majo-
ribus.
Semblable à l’ouvrière que nous allons décrire. Ocelles ap-
parens. Ailes un peu plus courtes que l'abdomen, obscures ;
nervures et point épais bruns. Femelle. Longueur, 7 à
8 lig.
Ouvrière. Corps étroit, alongé, d’un noir mat ; ventre et
pattes un peu velues, Tête un peu plus large que le corselet,
presque triangulaire. Antennes assez longues , insérées près de
la bouche, chacune sous une petite ligne élevée ; articles du
deuxième au septième inclusivement très-petits ; extrémité du
deuxième brune : les autres un peu plus gros et d’un fauve
jaunâtre. Mandibules brunes , luisantes , fortes , triangulaires,
dentelées au côté interne , crochues et croisées à la pointe. Une
petite ligne élevée entre les antennes. Yeux petits , assez sail-
lans et bruns. Point d’ocelles apparens, Gorselet étroit, alongé,
comprimé sur les côtés, qui portent des poils ferrugineux ,
un peu rétréci antérieurement, ensuite plus fortement com-
primé , figuré en dos d'âne et tronqué postérieurement. Ecalle
du premier segment de l'abdomen grande, assez haute, en
plan iucliné et arrondi antérieurement, comprimée sur les côtés
DES HYMÉNOPTÈRES, 191
et perpendiculaire à sa partie postérieure ; les autres segmens
formant une masse alongée ; les deuxième et troisième beau-
coup plus grands , séparés l’un de l’autre par un étranglement.
Pattes longues et noires. Long, 5 à 6 lg.
Cayenne, Amérique méridionale.
3. POoNERA CRASSINODE. — Ponera crassinoda.
4
Formica crassinoda Latr. Hist. nat. Fourm. p. 198;
— (Fab, Piez:in° îr:
Elongata, compressa, subobscurè nigra.
Corps étroit, alongé, comprimé, d’un noir presque mat, un
peu luisant , avec quelques poils très-courts, d’un brun noirâtre,
Antennes filiformes , assez rapprochées , fortement brisées, in-
sérées sous les bords latéraux d’une petite proéminence , sur la-
quelle on remarque deux lignes imprimées , écartées d’abord en
avant, et convergentes ensuite. Les derniers articles des anten-
nes un peu longs et un peu plus gros que le second, le troisième
et les suivans : le dernier ayant son extrémité brune. Tête trian-
gulaire, peu concave au bord postérieur , triangulaire, assez
lisse, plus large que le corselet dans l’ouvrière , l’étant un peu
moins dans la femelle féconde. Mandibules grandes, triangulai-
res, ponctuées , fortement dentées (huit dents égales au côté
interne), pubescentes, courbées, croisées à leur extrémité. Yeux
petits, ronds, peu élevés. Point d’ocelles visibles dans l’ouvrière ;
un seul distinct dans la femelle. Corselet cylindrique , comprimé
latéralement ; plus étroit et plus alongé dans l’ouvrière ; son dos
moins convexe dans celle-ci, mais toujours courbé insensible-
ment en talus. Premier segment de l'abdomen en forme de nœud,
très-épais, cubique, s’appliquant exactement contre le second
segment. Celui-ci et les suivans formant une masse alongée,
presque conique, et plus sensiblement pubescente que les autres
parties du corps ; les segmens qui la composent un peu arron-
dis à leur bord et séparés par de légers étranglemens; les
deux premiers, ou second et troisième de l’abdomen, plus longs
que les autres. Pattes longues : extrémité des jambes anté-
192 HISTOIRE NATURELLE
rieures et premier article de leurs tarses garnis de petits cils
serrés et roussâtres. Jambes garnies d’un petit éperon ; tarses
alongés. Ailes d’un brun jaunâtre , n’allant que jusqu’au bout
de l’abdomen : point épais d’un brun foncé. Femelle et ou-
vrière , selon Latreille, qui pourrait bien s’être trompé de sexe
quant à la première, puisqu'il parle d’antennes de treize
articles. Long. , femelle ? 9 lignes ; ouvrière , 8 lig.
Cayenne, Amérique méridionale.
4. PonERA vELUE, — Ponera villosa.
Formica villosa Fab., Piez. n° 55.
Cinereo villosa, mandibulis fornicatis atris, squamä
primi abdominis segmenti crass&, posticè retusä.
Corps chargé de poils courts, cendrés, Antennes noires.
Mandibules avancées, noires, dentées. Ecaille du premier seg-
ment de l'abdomen bossue, épaisse, élevée, assez obtuse à sa
partie postérieure. Pattes tirant au testacé, De grande taille,
5. PoNERA TUBERCULÉE- — Ponera tuberculata.
Formica tuberculata Olv. Enc. t. VI, p. 498, n° 41;
— Latr. Hist. nat. Fourm. p. 210.
Formica tridentata Fab, , Piez. n° 60.
Brunea , valdè striata , thoracis anticè tuberculis
tribus.
Corps d’un rouge bai terne , très-rugueux. Antennes insérées
chacune sur les côtés extérieurs d’une ligne élevée et tran-
chante, qui se perd insensiblement sur l'extrémité postérieure
de la tête : un commencement d’une troisième carène au milieu
de la tête. Yeux petits, ronds et bruns. Ocelles à peine dis-
tincts. Tubercules ou épines du corselet peu saillans. Ailes
dépassant à peine l'abdomen, un peu obscures , nervures et
point épais bruns. Premier segment de l'abdomen portant , au
milieu de son bord supérieur, un très-petit sinus qui tient heu
d’écaille, et une petite dent en dessous de son pédicule , près
DES MYMÉNOPTÈRES. Log
de sa naissance. Second et troisième segment de l’abdomen fort
grands et séparés par une espèce d'étranglement profond , et
une espèce de bourrelet : les segmens suivans moins ridés et
moins ternes ; anus velu. Pattes grandes , plus velues que le
reste du corps. Femelle : longueur, 8 lg.
Ouvrière. Corps d’un brun marron luisant, un peu velu,
étroit, alongé, très-strié. Antennes filiformes , ‘de la longueur
du corselet, insérées près de la bouche , sous le rebord latéral
extérieur d’une portion de la tête un peu plus élevée. Tête un
peu plus large que le corselet , carrée , très-chagrinée , ses an-
gles postérieurs prolongés en une petite pointe. Mandibules
grandes , triangulaires , striées , de couleur plus claire que le
corps, courbées à la pointe, appliquées l’une contre l’autre
au côté interne , qui est finement dentelé. Yeux saillans , glo-
buleux , situés vers le milieu des côtés. Ocelles point distincts.
Corselet cylindrique , divisé au milieu par un enfoncement très-
ridé : milieu de son bord antérieur élevé : un petit tubercule on
une petite épine à chacun de ses angles latéraux. Extrémité du
corselet très-obtuse , chacun de ses angles ayant aussi un petit
tubercule. Ecaille du premier segment abdominal en forme de
nœud , très-striée , presque cubique , comprimée , arrondie au
bout, prolongée en pédicule antérieurement à sa partie infé-
rieure. Second segment et les suivans formant une masse petite,
5
rés par une profonde incision. Pattes longues, un peu velues ;
un éperon aux jambes antérieures ; de petites épines aux autres
jambes. Long. près de 5 lig.
Cayenne, Amérique méridionale.
ovale, striée et velue ; le second et le troisième grands, sépa-
* 6. PonERA QUATRE-DENTS. — Ponera quadridens.
Formica quadridens Fab., Piez. n° 54; — Latr. Hist.
nat. Fourm. p.213, PL.8, fig. 47.
Fusca ; capite tricarinato ; thorace TUTO , quadritu-
berculato.
Assez voisine de la Ponera tuberculée, Corps brun, très-fine-
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 19
194 HISTOIRE NATURELLE
ment strié , pubescent. Antennes d’un brun noirâtre , filiformes,
insérées près de la bouche, chacune sur le côté extérieur d’une
carène très-mince et courbe : une. petite ligne élevée dans le
milieu de l'intervalle qui est entre ces carènes. Tête d’un brun
très-foncé, un peu plus large que le corselet, carréé. Mandi-
bulestriangulaires ; plates, striées, grandes, velues , de la cou-
leur de la tête, ‘très-peu dentées et courbées à leur pointe.
Corselet noir; une pointe ou tubercule aigu à chacun de ses
. angles huméraux : le milieu de la partie antérieure un peu
proéminent; stries de cette partie du corselet formant des
courbes concentriques : un enfoncement entre cette partie an-
térieure et la postérieure qui a de côté un petit tubercule peu
aigu. Premier segment de l’abdomen ayant son nœud épais,
presque cubique, très strié, un peu convexe en devant et fi-
guré à peu près comme celui de la Ponera tuberculée. Abdo-
men noirâtre ; second et troisième segment fort grands , sépa-
rés l’un de l’autre par un intervalle : leur bord plus clair et
plus luisant comme l’est aussi celui des segmens suivans. Pattes .
d’un brun noirâtre. Long. 4 lig.
Cayenne , Amérique méridionale,
7. PONERA TARSIÈRE. — Ponera tarsata.
Formica tarsata. Fab., Piez. n°53; — Latr. Hist. nat.
Fourm. p. 200, PI. 7, fig. 44, A, B.
Atra, nitida, capite thoracisque lateribus striatis ; .
tarsis anticis rufescentè-bruneo hirtis.
Corps étroit, d’un très-beau noir , fort luisant , légèrement
pubescent. Antennes très-brisées, assez grosses, un peu ren-
flées vers la pointe, qui est d’un noir mat et paraït un peu
brune , insérées chacune sous une pièce triangulaire. Tête assez
grande, carrée, guère plus large que le corselet, finement
striée, excepté à sa partie postérieure. Mandibules triangu-
laires , grandes , dentelées et velues au côté interne , crochues
au bout, Yeux bruns. Ocelles point distincts. Corselet alongé ,
un peu comprimé sur les côtés , arrondi et rétréci antérieure-
DES HYMÉNOPTÈRES. 195
ment, lisse sur le dos , strié latéralement; son extrémité pos-
térieure concave et lisse. Ecaille du premier segment de l’ab-
domen recue dans la concavité du métathorax, de la hauteur
de l'abdomen , étroite, en talus arrondi en devant, comprimé
sur les côtés : le plan postérieur droit, arrondi à son extrémité.
Les autres segmens de l'abdomen, y compris le deuxième for-
mant une masse oblongue , presque cylindrique ; arrondie à sa
base et terminée en pointe : bord postérieur des anneaux d’un
brun scarieux et luisant ; les second et troisième plus grands,
séparés entre eux par un étranglement. Anus roussâtre. Pattes
longues. Jambes terminées par une épine d’un brun roussâtre.
Extrémité des antérieures et dessous des tarses revêtus d’un
duvet brun roussâtre. Ouvrière : Long. 9 lig.
Ile de Gorée , Sénégal ; Afrique occidentale.
8. PoNERA RESSERRÉE. — Ponera contracta. À
Formica contracta. Fab., Piez. n° 58 ; — Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 105, PI. 7, fig. 40.
Formica coarctata. Latr. Bulletin Soc. Philomath. no 57.
ÆElongata, subeylindrica, fusco brunnea ; oculis obso-
letis ; antennis pedibusque lutescente brunneis.
Semblable à l’ouvrière que nous allons décrire. Mandibules
assez grandes. Yeux point saillans, mais très-distincts , assez
grands et noirs , situés derrière les antennes. Partie antérieure
du corselet beaucoup plus grande que dans les autres espèces.
Ailes transparentes , assez courtes; nervures jaunâtres , point
épais d’un brun clair. Femelle : Long. un peu plus de 2 lig.
Ouvriére. Alongée, presque cylindrique , d’un brun foncé,
glabre , luisante, Antennes courbes , grossissant d’une manière
sensible vers leur extrémité, d’un brun jaunâtre , msérées sous
un petit rebord, près du bord intérieur de la tête, et rappro-
chées entre elles. Tête un peu plus large que le corselet, en
carré alongé, assez déprimée , d’un brun pâle de chaque côté
auprès des mandibules. Yeux nullement distincts. Mandibules
fortes , triangulaires, à dents peu sensibles. Corselet presque
13.
190 HISTOIRE NATURELLE
cylindrique , un peu plus gros en devant , continu et tronqué
postérieurement. Premier segment de l'abdomen portant une
écaille en forme de nœud épais, comprimé transversalement :
les autres segmens ayant, pris ensemble, une forme alongée ,
cylindrique ; le premier de ceux ci ou second segment de l’ab-
domen, long , cylindrique , séparé du troisième par un étrangle-
ment. Anus roussâtre, Paites d’un brun jaunûtre, courtes ,
assez grosses. Un éperon bien prononcé aux jambes antérieu-
res. Long. près de 2 lig.
Cette Ponera vit sous terre en sociétés peu nombreuses.
M. Latreille n’y a jamais trouvé plus de sept à dix individus.
Elle ne quitte pas ordinairement sa retraite pendant le jour.
Elle s’accouple au mois de septembre. d
© Environs de Paris.
9. PoxERA NOUEUSE. — Ponera nodosa.
Formica nodosa Latr. Hist. nat. Fourm. p. 217, PI. 9,
fig. 48.
Badio-ferruginea, pubescens , striata ; mandibülis ca-
pite vix brevioribus, ferè edentulis ; thorace subcubico.
Ouvrière. Corps d’un fauve marron, étroit, finement strié,
pubescent. Tête un peu plus foncée en dessus, guère plus
large que le corselet, carrée ; le front concave ; la partie an-
térieure marquée d’une impression en forme de V renversé,
Antennes insérées près de la bouche sous nne légère proémi-
nence : premier article alongé , conique; les autres grenus ; le
dernier grand, presque conique. Mandibules presque aussi
longues que la tête, étroites, écartées, contiguës seulement
à leur pointe ; leur côté interne ayant quelques dentelures peu
marquées. Yeux petits. Point d'ocelies apparens. Corselet en
cube alongé, amunci en cou à sa partie antérieure. Premier
segment de l’abdomen à peu près de même forme que les seg-
mens ordinaires , séparé des autres par un étranglement pro-
fond, paraissant carré vu en dessus, mais antérieurement
arrondi, coupé en biais, comprimé sur les côtés, et strié ;
DES HYMÉNOPTÈRES. 197
second segment très grand, fortement strié ; le troisième aussi
très-grand , simplement-ponctué , luisant. Abdomen plus velu
que le reste du corps; poils jaunâtres. Pattes assez fortes.
Long. 3 lig.
Cayenne, Amérique méridionale.
3e Trisu. LES FORMICITES,
Caractères. Femelles dépourvues d’aiguillon.
Premier segment de l'abdomen formé d'un seul
nœud. |
Ce sont les espèces renfermées dans cette tribu qui.
exécutent généralement de plus grands travaux, dont
les sociétés sont les plus nombreuses, et qui ont été
mieux observées. Ce sont elles aussi qui s’adjoignent
desouvrières enlevées à des populations étrangères. Je
crois pouvoir cependant ajouter que ces auxiliaires
sont toujours de la tribu des Formicites, comme
celles qui se les ont adjointes, et ont par conséquent
une assez grande affinité avec elles. Ces ouvrières
étrangères sont les seules que l’on rencontre journel-
lement dessus et autour de la fourmilière , excepté le
petit nombre de cas où les habitantes naturelles qui
restent d'ordinaire à l’intérieur, vont chercher de nou-
velles auxiliaires, ou bien ceux où les mâles et les
femelles sortent pour s’accoupler. Pour savoir à quelle
espèce appartient une fourmilière, et l'étudier à
fond , il est nécessaire, hors les cas que nous venons
de citer, de fouiller assez avant pour trouver les
femelles fécondes , qui se feront distinguer par leur
taille, et détermineront l'espèce à laquelle le nid
appartient. On trouvera aussi d'autres ouvrières de
les pèce de ces femelles fécondes.
198 HISTOIRE NATURELLE
1e Grwre. POLYERGUS. —: POLFERGUS.
Synonyme. Polyergus Latr. — Fourmi Hub. à
Caractères. Antennes insérées près de la bouche.
Mandibules étroites, arquées, très-crochues , terminées en
pointe.
Deux cubitales aux ailes supérieures ; la deuxième incom-
. plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. |
Première cellule discoïdale fermée; la deuxième du
limbe confondue avec la deuxième discoïdale , et la première
du limbe avec la troisième discoïdale.
Espèce connue de ce genre.
1. PoLyERGUS ROUSSATRE. — Polyerous rufescens.
Formica rufescens Latr. Hist. nat. Fourm. p. 186, PI. 7,
fig. 38.
Fourmi roussätre Huber, Recherches sur les mœurs des
Fourmis indigènes , p. 226, PI. 2, fig. 1,2, 3. (Il n’est pas
certain que la figure 4 lui appartienne. )
Pallidè rufa; mandibulis angustis , arcuatis, subeden-
tatis ; stemmalibus tribus ; thorace posticè elevato.
Femelle féconde. Ayant les plus grands rapports avec
l’ouvrière que nous décrivons ; cependant elle en diffère par
ce qui suit : corselet presque cylindrique, renflé et arrondi
postérieurement : cette partie séparée du reste du dos par un
enfoncement transversal. Abdomen plus grand que dans l’ou-
vrière. Jurine, d’après Huber (/oco citato), aurait remarqué
que ces femelles sont d’une couleur plus foncée, et les ailes
légèrement enfamées. Long. 3 : lig.
Ouvrière. Corps alongé, d’un roux pâle, presque glabre,
DES HYMÉNOPTÈRES. 199
n'ayant que quelques poils sur la tête , l’écaille et l’abdomen.
Tête assez grande , presque carrée , arrondie postérieurement.
Antennes insérées près de la bouche ; leur entre-deux sans
élévation. Mandibules arquées, étroites, presque sans dents ,
terminées en pointes. Une petite ligne imprimée sur le milieu
du front. Yeux petits, noirs, Trois ocelles très distincts. Cor-
selet étroit, bossu, arrondi antérieurement, enfoncé vers le
milieu du dos, terminé ensuite par une élévation ou bosse
arrondie. Premier segment de l’abdomen ou écaille grande,
très-épaisse , arrondie au bord supérieur , figurée en segment
de cercle dont la pointe serait tronquée et sert de base. Les
autres segmens formant une masse peu conique, presque glo-
buleuse. Tarses un peu velus. Long. 3 lig.
Mäle. De la grandeur de l’ouvrière, Noir. Ventre ovale
alongé. Quisses noires; jambes et tarses pâles. Ecaille assez
épaisse et échancrée. Ailes très-transparentes.
C’est dans les nids des Formica cunicularia et fusca que
cette espèce va enlever les nymphes et les larves qui devien-
dront pour elle des auxiliaires.
2° Genre. FORMICA. — FORMICA.
Synonyme. Formica Linn., Latr., Jur. — ZLasic et
Formicæ spec. Fab.
Caractères. Antennes insérées près du front.
Mandibules triangulaires dentelées et incisives.
Espèces connues de ce genre.
* Deux cubitales aux ailes supérieures ; la deuxième incom-
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile.
A. Première discoïdale fermée; la deuxième du
limbe confondue avec la deuxième discoï-
dale , et la première du limbe avec la troisième
discoïdale.
200 HISTOIRE NATURELLE
“È Formwica Javer. — Formica gagates Latr. Hist. nat.
Fourm. p. 138, PI. 5, fig. A, B.
Nigra, nitida, elongata; antennis castaneis, squam&
magné, ovalä ; margine supero medio elevato , truncato,
subbidentato.
Facies de la Formica fauve. Corps noir, luisant. Antennes
d’un rougeâtre pâle inférieurement , noires ensuite. Mandibules
tirant sur le noir marron. Ecaille du premier segment abdominal
ovée; son bord supérieur offrant trois côtés, dont celui du milieu
un peu échancré et comme bidenté. Abdomen d’un noir bronzé
très-luisant. Pattes en totalité d'un brun rougeâtre. Ailes
enfumées ; nervures et point épais noirâtres. Femelle.
Long. 3 : lig. É
Ouvrière. Corps noir, luisant , alongé, très-peu pubescent ;
excepté sur l’abdomen. Tête triangulaire, plus large que le
corselet, un peu concave à son bord postérieur, le devant un
peu relevé en carène , le front marqué d’un sillon. Antennes
presque entièrement d’un rouge bai, avec les derniers articles
noirâtres. Mandibules brunes. Deux ocelles au moins, appa-
rens au moyen de la loupe Corselet cylindrique, tronqué pos-
térieurement ; la partie antérieure élevée, plus bombée , arron -
die. Ecaiile du premier segment grande , ovée ; le bord supé-
rieur tronqué au milieu ; cette partie plus élevée et un peu
bidentée. Les autres segmens formant une masse globuleuse ,
d’un now très-luisant , le bord des segmens pubescent.
Pattes d’un noirâtre brun; les articulations plus claires, un
peu rougeâtres ; les jambes moins foncées, et les tarses d’un
roussâtre obscur. Longueur, environ 2 + lig.
France, dé
2. Formica FULIGINEUSE. — Formica fuliginosa Latr. Hist.
nat. Fourm. p.140, PI. 5, fig. 27, A—I.
Atra , nitidissima, brevis ; capite incrassalo, cordato ;
DES HYMEÉNOPTÈRES. 201
antennis, excepto primo articulo, tarsisque brunneis ;
squamé parvd , ovaté.
Presque semblable à l’ouvrière que nous décrirons ensuite.
Corselet rond. Antennes et pattes entièrement d'un brun rou-
geâtre, assez clair, les tarses surtout. Ailes supérieures noi-
râtres, surtout dans leur moitié inférieure; nervures et point
épais d'un jaunätre clair ; les premières près du bord extérieur
plus foncées. Femelle. Longueur, environ 2 lig.
Ouvrière. Corps trés-court, très-noir, fort lisse et très-
luisant. Antennes brunes ; leur premier article noirâtre. Tête
fort grosse, en cœur, fort échancrée postérieurement. Mandi-
bules courtes, un peu brunes. Yeux petits. Corselet tronqué
au bout postérieur. Ecaille du premier segment abdominal
petite, ovale ; les autres segmens formant une masse globu-
leuse. Cuisses et jambes d’un noir brun; les genoux un peu
plus pâles ; tarses d’un brun roussâtre. Long. 1 = lig.
Mäle. Un peu plus petit que l’ouvrière. Tête à peine de la
largeur du corselet. Antennes plus claires après le premier arti-
cle. Les tarses également de couleur moins foncée,
Cette espèce vit en société nombreuse dans les arbres vieux et
pourris , où elle forme des logemens tels que ceux que nous
avons fait représenter, PI. 3, fig. 2 et 3, d’après Huber.
Elle répand une odeur très-forte, différente de celle de la
Formica fauve. Irritée, elle mord vivement et éjacule une
grande quantité de liqueur acide.
France , et notamment environs de Paris. Angleterre.
3. Formica FAUVE.— Formica rufa Linn. Syst. nat. édit. XII,
962, 35 — Fab., Piez. no 11; — Latr. Hist. nat. Fourm.
p- 143, PL. 5, fig. 28, AJ.
Femelle. Ne diffère de l’ouvrière que par ce qui suit -
Tête ayant du noir, mais seulement au milieu de la partie
antérieure près de la bouche. Trois ocelles très-distincts. Cor-
selet renflé , ovalaire , d'un fauve vif, avec Le dos noir. Ecaille
202 HISTOIRE NATURELLE
du premier segment abdominal, grande, ovée, arrondie au
bout du sommet, dont le milieu est quelquefois un peu échan-
cré. Abdomeri court, presque globuleux, d’un noir un peu
bronzé, très-luisant, obtus et fauve en devant. Pattes noires
ou noirâtres ; cuisses rouges. Ailes enfumées , nervures et point
épais noirâtres. Long. 4 lig.
Ouvrière. Corps presque glabre. Antennes noires, Tête
plus large que le corselet , triangulaire, d’un rouge fauve assez
vif; front noir, portant une petite ligne enfoncée dans son mi-
lieu. Mandibules triangulaires, fortes, ponctuées, dentées,
crochues à la pointe. Trois ocelles distincts à la loupe. Corse-
let épais, relevé, arrondi antérieurement, enfoncé vers le
milieu du dos, comprimé ensuite et presque cylindrique, tron-
qué obliquement à l'extrémité, d’un fauve vif, le dos souvent
noir. Ecaille du premier segment de l'abdomen fauve, grande,
très-comprimée , ovale et arrondie au sommet , ou souvent
presqu’en cœur et un peu échancrée ; le bord supérieur ordi-
nairement noirâtre. Les autres segmens formant une “masse
presque globuleuse, d’un noir brun ou un peu cendré, un
peu velu et à poils très-courts. Pattes d’un brun noirâtre , base
des cuisses et genoux rougeâtres. Long. 3 lig.
Male, Corps et antennes noirs, Tête petite , triangulaire.
Mandibules faibles, n’ayant guère que deux dents. Corselet
grand , pubescent, comprimé. Ecaille du premier segment ab-
dominal épaisse , presque carrée, son bord supérieur presque
droit. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse
d'un noir luisant, presque conique , plane en dessus, courbée
à l'anus, qui est roussâtre et alongé. Pattes d’un rouge livide.
Cuisses inférieurement d’un brun noirâtre, Ailes obscures ;
nervures et point épais , d’un jaunâtre foncé. Long. 4 lig.
Cette espèce est la plus commune de celles qui habitent
nos bois, nos friches et nos bruyères. C’est elle qui entasse
au-dessus de son nid toute sorte de débris, et nous en avons
parlé dans l’histoire générale des Hétérogynides. C’est égale-.
ment à cette espèce qu’appartient la petite colonie représentée
ot étonne ne
DES HYMÉNOPTÈRES. 203
sous un appareil vitré dans notre planche 3, fig. 1. Ces Four-
mis n’ont pas d’aiguillon , mais elles éjaculent, comme toutes
celles qui n’en ont pas, un acide qui a une odeur pénétrante et
fait élever des pustules sur la peau. La Fourmi rousse s’ac-
couple une des premières en fin de mai et juin. J’ai vu sortir de
leur fourmilière plusieurs Cistela FAORAES La larve de
celle-ci y vivrait-elle ?
4. FormicA sANGUINE. — Formica sanguinea Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 150, PI. 5, fig. 29 ; —Huber, Rech. Fourm.
indig. p.275, PL 2 , fig. 5, Get 7.
Sanguinea ; abdomine cinereo-nigro.
D’un rouge sanguin’; yeux et abdomen noirs. Dessus de la
tête légèrement teint en noir. Écaille du premier segment de
l'abdomen ovée, moins échancrée que dans l’ouvrière. Ailes
très-enfumées, surtout vers la base. Femelle :' Long. 4 lig.
Ouvrière. Semblable à la femelle féconde. Tête d’un rouge
plus prononcé. Trois ocelles distincts. Corselet plus com-
primé que dans la femelle. Abdomen d’un noir cendré, un
peu brun à sa base. Pattes fauves. Long, 3 : lis.
Mäle. Noir ; pattes rougeâtres : ailes enfumées vers leur
base : écaille du premier segment de l’abdomen échancrée. Le
reste comme dans la femelle féconde. Long. 3 : lig.
Cette espèce va enlever des larves et des nymphes de la For-
mica cuniculariaæ, que nous décrirons bientôt. Elle les
élève et se fait aider dans ses travaux par ces auxiliaires,
France et Suisse,
5. Formica MINEUSE. — Formica cunicularia Lat. Hist.
nat. Fourm. p. 1513-— Huber, Recherch. Fourm. tel
pr 4, PL 2, fe 1, Ne
Capite abdomineque nigris ; illo antice et infra, an-
204 HISTOIRE NATURELLE
tennarum articulo primo, thorace pedibusque pallidè
Julvis.
Corps long, ressemblant à celui de la Formica fauve. An-
tennes et tête, pour la forme et la couleur , comme dans l’ou-
vrière que nous allons décrire. Corselet fauve avec trois taches
noires sur le dos. Ecusson et une tache de chaque côté , sous
les ailes, noirs. Ecaille du premier segment de l’abdomen
fauve , en cœur, fortement échancrée. Abdomen noir. Pattes
fauves. Ailes transparentes, nervures d'un brun jaunâtre ;
stigmate plus foncé. Femelle : Long. 3 à 4 : lig.
Ouvrière. Semblable à l’ouvrière de la Formica fauve, An-
tennes d’un rouge noirâtre, le premier article jaune. Tête
noire, environs de la bouche et partie inférieure rougeûtres :
front ayant une ligne imprimée. Trois ocelles apparens. Cor-
selet d’un jaune pâle; un point noir sur le dos. Ecaille du pre-
mier segment de l’abdomen fauve, presque ovée, le milieu du
bord supérieur obtus, comme tronqué. Les autres segmens
formant une masse d’un noir cendré , pubescente. Pattes fau-
ves. Long. 2 : lig.
Mâle. Corps noir, plus luisant que celui de la femelle, Ab-
domen un peu soyeux. Ecaille de son premier segment forte-
ment échancrée : anus d’un brun rougeâtre obscur. Pattes noi-
râtres. Ailes un peu obscures , nervures d'un brun jaunâtre,
point épais noir. Long. 5 lig.
Cette espèce est une de celles dontle Polyersus roussätre
enlève les larves et les nymphes d’ouvrières pour les élever et
se faire servir par elles. Elle est très -commune et fait ordi-
nairement son habitation sous les parties élevées, couvertes de
gazons, le long des chemins dans les champs, les vergers et les
prairies sèches. Elles déchirent les coques filées par leurs larves
dès que celles-ci ont subi leur, transformation, pour donner
aux nymphes les soins convenables.
* Environs de Paris et de Genève.
tant
RE NRE ER E P PT
DES HYMÉNOPTÈRES. + 20
[#1
6. Formica NOIR-CENDRÉE. — #ormica fusca Linn. Syst.
nat. édit. 12,t. , p. 963, n° 4; — Fab., Piez. n° 13; —
Degéer, t. Il, p. 1052, PL 42, fig. 12-15 ; — Huber,
Recherch. Fourm. indig. p. 322, PI. 2, fig. 8-10 ; — Latr.
Hist. nat. Fourm. p. 159, PI. 6, fig. A-H.
Cinereo-nigra, nitida ; antennarum primis articulis pe-
dibusque rubescentibus ; squamä magn& subtriangulari ;
stemmatibus tribus. +
Forme de la Formica fauve; corps d’un noir très -luisant,
avec un reflet un peu bronzé. Premier article des antennes
brun, les autres noirs. Ecaille du premier segment de l’ab-
domen grande, presque carrée; son bord supérieur droit ou
légèrement concave. Ailes un peu obscures ; nervures et point
épais noirâtres. Le reste comme dans l’ouvrière que nous allons
décrire. Femelle. Long. un peu plus de 2 : lig.
Ouvrière. Corps d’un noir un peu cendré, luisant, presque
glabre ou alongé. Les trois ou quatre premiers articles des an-
tennes d’un rougeâtre foncé. Devant de la tête élevé en carène.
Trois ocelles distincts. Ecaille du premier segment de l’ab-
domen grande , de forme intermédiaire entre l’ovée et la trian-
gulaire ; le milieu du bord supérieur un peu élevé et un peu
concave. Les autres segmens faisant une masse presque globu-
leuse, un peu velue à son extrémité. Pattes d'un rougeûtre foncé ;
bas des cuisses d’un brun obscur. Long. un peu plus de 2 lig.
Mäle. Corps noir , très-luisant , presque glabre. Antennes
ordinairement noires, ayant quelquefois du fauve obscur.
Ecaille du premier segment de l'abdomen épaisse, presque car-
rée ; son bord supérieur plus large, presque droit, un peu
concave. Anus et pattes d’un rouge pâle : hanches noires. Ailes
un peu obscures ; nervures d'un jaunâtre foncé : point épais
noirâtre Longueur, comme dans la femelle féconde.
Cette espèce est, comme la précédente , sujette à voir en-
206 HISTOIRE NATURELLE
lever ses œufs, ses larves et sesnymphes par le Polyergusrous-
sätre. Trop inquiétées , elles déplacent leur habitation qu’elles
établissent d'ordinaire sous les pierres ou au pied des arbres.
Elles dépouillent aussi de la coque leurs nymphes peu après
la transformation. Latreille dit avoir rencontré quelquefois
dans leur fourmilière la larve d’un Coléoptère, probablement,
dit-l, une Cétoine ou un Hanneton.
Toute l’Europe; particulièrement les environs de Paris et
de Genève,
7. Formica NOIRE. — Formica nigra Linn. Syst. natur.
édit, 12,t.1, p. 963, n° 5; — Latr. Hist. nat. Fourm.
p. 156; — Degéer , t. Il, p. 1085, n° 4, PI. 42, fig.
16-23. — Lasius niger Fab., Piez. p. 415, n° 1.
Brunneo-fusca : mandibulis antennarumque articulo pri-
._ mo dilutioribus ; squam& emarginaté ; femoribus tibiisque
brunneis, geniculis dilutioribus ; tarsis pallidè rufescen-
tibus.
Corps noirâtre. Ecaille du premier segment abdominal ayant
une échancrure profonde et aiguë. Ailes blanches ; nervures et
point épais d’un jaunâtre clair : celles qui avoisinent la côte plus
foncées. Femelle. Long. 3:lg.
Ouvrière. Corps d’un brun noirâtre, un peu pubescent.
Premier article des antennes et mandibules d’une couleur plus
claire, tirant un peu au rougeâtre. Ecaille du premier segment
de l'abdomen échancrée. Cuisses et jambes d’un brun marron
foncé, les articulations plus claires : tarses d’un brun roussâtre
pâle. Long. 2 + lig.
Mäle. D'un brun presque noir. Antennes , excepté le pre-
mier article, plus pâles ainsi que les pattes. Anus et tarses
d’un brun rougeâtre. Ecaille du premier segment abdominal
échancrée. Long. 2 + lig.
Elle habite les jardins où elle fait beaucoup de dégâts en en-
dommageant les fruits. La fourmilière est souterraine , souvent
sous une pierre. Elle pratique des galeries de communication
tint nine ft
DES HYMÉNOPTÈRES. 207
avec les endroits où elle veut aller à la picorée , par exemple,
pour joindre des familles de Pucerons ou des arbres ayant des
fruits. Elle s’accouple vers la fin d'août.
France, environs de Paris.
8. Foruica ÉcHaANcRÉE. — Formica emarginata Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 163 , PL. 6, fig. 35, A, B, C.
Castaneo-brunnea; antennarum basi, ore pedibusque
dilutioribus ; thorace ferrugineo, squamd ovatd subemar-
ginatd.
Couleur du corps et forme de la tête à peu près comme dans
l’ouvrière que nous allons décrire. Trois ocelles distincts et
jaunâtres. Corselet rond , luisant, d’un brun marron sur le dos,
plus rougeâtre et plus clair aux côtés et en dessous. Ecaille du
premier segment de l’abdomen grande , presque carrée, rou-
geâtre ; son bord supérieur échancré au milieu. Les autres seg-
mens de l'abdomen formant une masse large, grande, d’un
brun marron. Pattes et côtés du corselet, ainsi que son des-
sous, d’un rougeâtre clair. Ailes blanches, nervures pour la
plupart et point épais jaunâtres ; celles qui avoisinent la base
et la côte , noirâtres. Femelle. Long. 3 : lig.
Ouvrière. Corps légèrement pubescent. Antennes d’un
brun marron ; le premier article plus rougeâtre. Tête grande,
triangulaire , un peu concave postérieurement, lisse, d’un brun
marron, plus clair autour de la bouche. Mandibules triangu-
laires, striées, dentées. Yeux noirs. Corselet d’un rouge de
brique. Kcaille du premier segment abdominal ovée , rougeä-
tre, son bord supérieur un peu échancré au milieu , du reste
presque droit, Les antres segmens de l'abdomen formant une
masse globuleuse, d’un brun marron foncé. Pattes d’un brun
rougeâtre , les articulations plus claires; tarses d’une couleur
plus vive. Long. 2 + lig. |
* Mäle. Corps d’un brun rougeâtre. Tête plus foncée : man-
dibules plus rougeâtres. Antennes et pattes d’un brun clair.
Ecaille du premier segment abdominal petite, carrée, échan-
205 HISTOIRE NATURELLE
crée. Anus roussâtre. Ailes blanches ; nervures et point épais
d'un jaunâtre pâle, Long. 2 : lig.
Cette espèce aime à s’établir dans les fentes des arbres et des
vieux murs, Elle a une odeur qui tient un peu du musc. Comme
elle est souvent voisine de la demeure de l’homme, elle pénètre
dans l’occasion dans les armoires et attaque les fruits, les conf
tures , les sirops et le sucre , etc. ,'sans toucher aux viandes ou
autres provisions non sucrées. Elle s’accouple vers la fin
d'août. .
Commune en Europe, notamment aux environs de Paris et
de Londres.
9. Formrca sAUNE. — Formica flava Fab., Piez. p- 406,
n° 44 ; —Latr. Hist. nat. Fourm. p. 166, PI. 6, fig. A-G.
Rufo-flavescens, nitida ; squamé subquadratd, integrd.
Corps d’un brun roussâtre foncé. Antennes et pattes d’un
roux jaunâtre clair. Devant de la tête, sa partie inférieure et
côtés du corselet d’un brun roussâtre clair. Ecaille du premier
segment abdominal de cette dernière couleur, presque carrée ,
vélue , plus ou moins échancrée ; cette échancrure souvent assez
forte et aiguë. Ailes d’un jaunâtre obscur , surtout à leur base ;
nervures et point épais jaunâtres. Femelle : Long. 2 :lhig.
Ouvrière. Port de la Formica noire. Corps d’un roux jau-
nâtre luisant, un peu pubescent. Abdomen de quelques indi-
vidus un peu plus foncé , tirant sur le brun. Ecaille du premier
segment de l’abdomen presque carrée et entière.Long. 1 + lig.
Male. Corps d’un brun un peu clair, Antennes et pattes
plus pâles, un peu jaunâtres. Ecaille du premier segment de
l'abdomen carrée , un peu échancrée. Ailes blanches ; nervures
jaunâtres. Long. 1 + lig.
. Commune dans les prés secs et sur les bords des chemins ;
elle établit son nid sous les plantes, et amène des colonies de
Pucerons sur leurs racines. Elle s’accouple vers le mois de
septembre.
France et Angleterre,
DES HYMÉNOPIÈRES. 209
10. Formica PYGMÉE. — Formica pygmæa Latr. Hist, nat.
Fourm. p. 153.
Fusco-brunnea, nitida, mandibulis, capile anticè
corporeque in multis , etinfrà , dilutè brunneis.
Corselet arrondi, ovoïde. Semblable du reste à l’ouvrière
que nous allons décrire , mais un peu plus grande. Femelle.
Ouvrière. Corps d’un brun noirâtre luisant. Mandibules,
dessous de la tête en devant et plusieurs endroits de la partie
inférieure du corps d’un brun clair. Antennes et pattes d’un
brun jaunâtre très-pâle. Extrémité des antennes quelquefois
noirâtre. Cuisses quelquefois plus foncées. Longueur, envi-
ron : lig.
Sous les pierres; environs de Brives.
B. Aucune discoïdale fermée ; par conséquent les deuxième
et troisième discoïdales confondues avec la première,
ainsi que les cellules du limbe.
a. Corselet mutique ( c’est-à-dire sans épines ).
11. ForMicA RONGE-Bo01S. — ÂÆormica Herculeana lLann.
Syst. Nat. édit. 12, p. 962, n° 1 ; Fab. Syst. Piez. p. 395,
9.1.
Formica ligniperda Latr. Hist. nat. Fourm. p. 88.
Nigra ; thorace femoribusque obscurè sanguines.
Tête proportionnellement moins forte que dans l’ouvrière ,
de la longueur du corselet. Trois ocelles distincts. Corselet
ovalaire, noir en dessus, du reste d’un rouge sanguin foncé.
Ecaille du premier segment de l’abdomen un peu grande; son
extrémité obtuse , paraissant même avoir un léger sinus. Ab-
domen beaucoup moins alongé que celui de l’ouvrière, moins
velu. Ailes très-grandes, obscures , excepté à leur bord pos-
térieur ; nervures et point épais d’un brun jaunâtre. Femelle :
Long. 8 lg. |
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 14
210 HISTOIRE NATURELLE
Ouvrière. Antennes noirâtres; leur premier article d'un
noir luisant , et l'extrémité du douzième ou dernier d’un brun
rougeûtre : ces antennes insérées un peu au-dessous du milieu
du front, dans une fossette , sous les bords d’une partie de la
tête un peu plus élevée que le reste. Celle-ci généralement
plane, marquée au milieu d’un léger sillon, et rebordée sur
les côtés, grande , beaucoup plus large que le corselet dans la
plupart des individus, presque triangulaire quand on la consi-
dère avec les mandibules fermées, convexe en dessus , un peu
concave postérieurement , d’un noir luisant , glabre ou très-peu
velue. Mandibules courtes, épaisses, larges, triangulaires ,
striées en dessus , dentelées intérieurement. Face un peu ren-
flée au milieu. Yeux petits, ronds , peu saïllans. Corselet assez
court , plus large antérieurement , insensiblement et fortement
comprimé vers son extrémité postérieure, d’un rouge sanguin
plus ou moins foncé, luisant, portant quelques poils ; son dos
arqué , sans sillon qui interrompe sa régularité. Ecaille du pre-
mier segment abdominal étroite , presque ovale, plane à sa face
postérieure , un peu convexe en devant, de la hauteur du
bout du corselet et de sa couleur. Les autres segmens formant
une masse grosse, courte, ovée-globuleuse, noire luisante ;
face antérieure du second segment d’un rouge sanguin. Cet ab-
domen portant plusieurs rangs transversaux de poils jaunâtres,
écartés et parallèles, Hanches et cuisses de la couleur du corse-
let ; jambes et tarses tirant sur le brun marron fonce ; les pre-
mières ayant près de leur extrémité en dessous un fort éperon ;
tarses garnis em dessous de quelqnes poils rougeîtres , eourts
et serrés; leurs derniers articles rougeâtres. Long. 6 à 7 hig.
Mäle. Corps d’un noir luisant, Antennes plus menues que
dans l’autre sexe ; le premier article noir. Tête petite, ovalaire,
arrondie postérieurement. Trois ocelles distincts, brillans.
Mandibules moins fortes que dans l’autre sexe, d’un brun rou-
geâtre foncé. Corselet plus convexe. Ecaille du premier seg-
ment de l’abdomen courte, beaucoup plus épaisse que dans la
femelle , surtout à sa base, presque carrée, un peu velue; son
bord supérieur un peu aminci, échancré au milieu. Les autres
DES HYMÉNOPTÈRES. 211
segmens formant une masse, petite, ovée, assez plane sur le
dos, luisante , un peu velue au bout. Pattes noires ou noirâtres ;
genoux , extrémité des jambes et tarses d’un brun rougeâtre.
Ailes d’un jaunâtre obscur. Long. 4 lig.
Cette espèce s'établit dans les arbres pourris, mais pleins
à l’intérieur, et y forme, en rongeant et enlevant des parties
carriées , des nids ressemblant à ceux figurés PI. 3, fig. 2 et 3
de cet ouvrage.
France. Pas des plus communes. Notamment à Fontaine-
bleau. Cette espèce s’accouple vers la fin de juillet.
12. Formica PUBESCENTE. — Formica pubescens Fab. , Piez,
p. 399 , n° 12; — Latr. Hist. nat. Fourm. p. 99, PL. 1,
fig. A-N.
Nigra tota ; abdomine obscuriore, pubescente.
Entièrement noïre, un peu luisante et légèrement pubes-
cente. Largeur postérieure de la tête excédant celle du cor-
selet. Trois ocelles très-petits. Corselet ovalaire , comprimé
latéralement , tronqué et un peu concave à sa partie posté-
rieure. Ecaille du premier segment de labdomen presque
carrée , s’élargissant un peu et s’amincissant vers le haut, dont
les angles sont arrondis ; le milieu du bord supérieur un peu
concave, Abdomen ovalaire , alongé. Ailes grandes, d’un brun
noirâtre de la base jusque passé le milieu , le reste blanc : ner
vures et point épais d’un brun noirâtre ; celui-ci grand. Long.
5àa6lg. .
Ouvrière. Forme , habitudes et taille de la Formica ronge
bois. Corps entièrement d’un noir peu luisant. Fête et corselet
légèrement pubescens : abdomen l’étant davantage : les poils
de celui-ci gris et couchés ; ceux de la partie postérieure plus
longs. Ecaille du premier segment de l’abdomen un peu plus
petite, ovale, plane du côté postérieur , assez convexe en de-
vant. Dessus de l'abdomen n'étant pas d’un aussi beau noir
que le reste du corps ; le dessous aussi plus obscur. Pattes
assez luisantes , tarses bruns. Long. 4 à 5 lg.
14.
212 UISTOIRE NATURELLE
Mäle. Ressemblant à celui de la Formica ronge-bois. Pattes
entièrement noires. Ailes blanches, transparentes; nervures,
point épais et un espace autour de ce point jaunâtres, Long. 4
à 5 lig.
Cette espèce fait son nid comme la précédente. Elle s'ac-
couple vers le mois d’août.
France : surtout la partie méridionale.
13. FonRMicA NOIRE LissEe. — Formica æthiops. Latr. Hist.
nat. p. 101, PI. 2, fig. 4, A—J.
Micra nitidissima, lævis ; mandibulis antennisque,'ar-
ticulo primo excepto, obscurè brunneïs ; pedibus elonga-
tis concoloribus, tibiarum apice tarsisque rubescente-
brunnetis.
Fort semblable à l’ouvrière que nous allons décrire. Tête
proportionnellement plus courte. Corselet arrondi. Ecaille du
premier segment abdominal moins épaisse , un peu plus large
que dans l’ouvrière; le milieu du bord supérieur formant un
peu la pointe. Mandibules , antennes et pattes de même couleur
que dans celle-là. Ailes blanches ; nervures brunes, point
épais petit, noirâtre, Femelle : Long. près de 5 lig.
Ouvrière. Corps d’un noir très-luisant , lisse, un peu poilu,
Tête plus large que le corselet, triangulaire, Antennes d’un
brun foncé ; le premier article noir ; les derniers d’un brun un
peu plus clair. Mandibules triangulaires , d’un brun foncé,
ponctuées. Devant de la tête aussi ponctué, paraissant avoir
une petite carène dans son milieu. Yeux petits. Corselet arqué,
comprimé postérieurement. Ecaille du premier segment de
l'abdomen petite, épaisse, ovée. Les autres segmens de l’ab-
domen formant une masse ovalaire, poilue. Pattes longues ,
d’un brun foncé ; leurs articulations , bout des jambes et tarses
d’un brun rougeâtre foncé. Long. 4 lig.
Mäle. Noir, luisant. Antennes, à l'exception du premier
article, d’un brun noirâtre. Ecaille du premier segment de
l'abdomen petite, triangulaire, comprimée, un peu échancrée.
DES HYMÉNOPTÈRES. 213
Pattes presque aussi noires que le corps; articulations brunes.
Ailes blanches ; point épais noirâtre. Long. 4 : lis.
France.
14. ForMicA PENSYLVANIQUE. — Formica pensylvanica
Degéer, t. III, p. 603, PL. 31, fig. get 10.
Corps entièrement noir et luisant. Pattes d’un brun un peu
roussâtre. Trois ocelles distincts. Ecaille du premier segment
de l’abdomen ovale. Aïles transparentes un peu jaunâtres ; ner-
vures jaunes. Femelle.
Ouvrière. Corps entièrement noir. Dessous du ventre tirant
un peu sur le brun; des poils gris couchés à plat sur l’abdo-
men. Tarses et une partie des jambes d’un brun marron. Tête
grande, ovale, convexe en devant. Point d’ocelles visibles,
Ecaille du premier sezment de l’abdomen ovale, aplatie par
devant et par derrière comme une lentilie très-plate. Les autres
segmens abdominaux formant une masse de la grandeur de la
tête, ovale et un peu aplatie en dessus.
Amérique septentrionale, notamment la Caroline et la Pen-
sylvanie. M. Latreille la regarde comme une simple variété de
la Formica pubescente.
15. Formica RoUGEs-cuisses. — Formica femorata Fab.
Pie p.5971n99;
Antennes de couleur cendrée ; le premier article noir. Cor-
selet brun sans tache , ainsi que l'abdomen qui est ovale. Pattes
noires; cuisses rousses. Ailes brunes. Femelle : taille un peu
plus petite que celle de la Formica ronge-bois.
Amérique méridionale , notamment le Brésil.
16. Formica poris-FAUvEs.— /'ormica fulvo-pilosa Degéer,
t. NII ; p. 612,,n°\10, Pl..45, fs Jralet at
Formica pilosa Oliv. Encycl. t. VI, PI. 498, n° 30.
Formica rufiveniris Fab. Piez. p. 409, n° 55.
214 HISTOIRE NATURELLE
Nigra opaca, abdomine pilis fulvis ; primi abdominis
segmenti squamd erect&.
Corps entièrement noir, nullement luisant ( comme le char-
bon). Une écaille sur le premier segment de l’abdomen; les
autres segmens formant une masse ovale, conique au bont , et
couverts de poils courts, couchés, assez gros pour ressembler
à des crins ; ces poils nombreux sous le ventre. Point d’ocelles.
Antennes atteignant le bout du corselet. Probablement ou-
vrière. Longueur de la Formica ronge-bois.
Afrique : cap de Bonne-Espérance.
172. EEE COMPRIMÉE, — Æormica compressa Oliv.
Encyc.t. VI, p. 491, n°4; —Fab. Piez. p. 396, n° 2;
— Latr. Hist, nat. Fourm. p. 111.
Nigra : thoracé compresso , antennis apice femoribus-
que rufis , Capite maximo.
Tête très-grande, d’un noir très-foncé. Antennes d’un
rouge brun; le premier article fort grand, noir. Mandibules
avancées , bifides à l'extrémité, Corselet comprimé , noir, sans
taches. Ecaille du premier segment de l'abdomen ovale , entière ;
les autres segmens formant une masse ovée, noire. Pattes
noires ; cuisses d’un rouge brun. Probablement ouvrière. Lon-
gueur, à peu près de la Formica ronge-bois.
Inde : Tranquebar,
18. FormicA cENDRÉE. — Formica cinerascens Fab. Pies.
p- or, n° 19; — Oliv. Encyc. t: VI, p. 494, n° 15; —
Latr. Hist. nat. Fourm, p- 280.
Nigra ; capite rufo, abdomine cinerascente.
Tête fauve. Mandibules et antennes noires. Corselet noir
sans taches. Abdomen ovale, d’un vert cendré, portant une
tache très-noire, triangulaire, vers son milieu. Pattes noires.
Ailes obscures. Probablement femelle. Taille grande.
Inde : Tranquebar.
DES HYMÉNOPTÈRES. 21
10. ForRMICA TACHETÉE. — Formica maculata Fab. Piez.
p. 403, n° 29; — Oliv. Encyc. t. VI, p. 495, n° 52; —
Latr. Hist, nat. Fourm. pr201.
Nigra ; thorace posticè femoribusque ferrugineis ; abdo-
mine pallido maculato.
Tête grande, très-noire. Mandibules courtes, multidentées.
Antennes d’un brun foncé à leur extrémité. Corselet com-
primé, noir en devant, ferrugineux à sa partie postérieure
Une écaille sur le premier segment de l’abdomen; les autres
segmens formant une masse ovale, poilue, noire, tachetée de
pâle sur les côtés. Pattes noires ; cuisses ferrugineuses. Proba-
> £
blement ouvrière. Grande taille,
Afrique équinoxiale.
20. Formica RUFIPÈDE. — Formica rufipes Fab. Piez.
p. 398, n° 7; — Oliv. Encyc. t. VI, p. 491, n' 6; —
Latr. Hist. nat. Fourm. p. 110.
Atra; pedibus rufis.
Tête grande, ovale, presque échancrée postérieurement ,
très-noire , hérissée de poils ferrugineux. Antennes noires,
leur extrémité seulement noirâtre. Corselet comprimé posté-
rieurement , hérissé de poils noirs. Ecaille du premier segment
de l'abdomen ovale, obtuse. Pattes noires; tarses fauves.
Ouvrière. Taille grande.
Amérique méridionale : Brésil.
21. FORMICA MARRON. — formica castanea Latr. Hist. nat.
Fourm. p. 118, PI. 3, fig. 12, A-D.
Castanea; mandibulis fuscis : squaméä integrä.
Corps d’un marron clair , luisant , un peu velu. Tête un peu
plus large que le corselet : celui-ci de forme ovoïde , comprimé
sur les côtés, tronqué postérieurement. Ecaille du premier
216 HISTOIRE NATURELLE
segment de l’abdomen basse, presque carrée , s’amincissant,
s’élargissant un peu d'une manière insensible vers le bord
supérieur ; celui-ci droit ou peu concave au milieu. Les autres
sesmens de l'abdomen en partie plus foncés, d’un brun noi-
râtre ; leur bord postérieur plus clair et plus luisant, Hanches
et cuisses ayant une teinte plus claire que les jambes et
les tarses. Ailes légèrement lavées de jaunâtre à leur base ;
nervures et point épais d’un brun roussâtre. Femelle.
Long. 6 lig.
Ouvrière. Port de la Formica ronge-bois. Corps d’une
couleur marron terne. Tête et corselet plus foncés : la pre-
mière grosse, beaucoup plus large que le corselet, un peu
concave postérieurement. Mandibules courtes, larges, d’un
brun noirâtre, ponctuées, triangulaires, ayant quatre ou
cinq dents au côté interne. Bord antérieur de la tête cilié ; un
sillon dans le milieu de l’espace qui est entre les antennes, et
au-dessous une faible carène. Yeux ronds, petits, très-peu
saillans. Ecaille du premier segment de l'abdomen assez épaisse,
ovale, arrondie sur ses bords. Les autres segmens formant
une masse courte, presque ovée , un peu scarieuse et un peu
jaunâtre sur le bord postérieur des segmens. Pattes de la cou-
leur du corps; les cuisses plus päles, un peu jaunâtres ;
jambes munies d'une épine assez forte à leur extrémité.
Long. 4 : lig.
Mâle. Tête fort petite, convexe. Yeux gros, bruns. Man-
dibules petites, en spatule tronquée, peu dentées. Devant de
la tête relevé au milieu dans sa longueur; un sillon entre les
antennes. Ecaille du premier segment de l’abdomen courte,
épaisse , surtout à sa naissance; ses faces antérieure et posté-
rieure formées chacune d’un plan triangulaire ayant sa base en
haut. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse
ovée, de couleur plus foncée que le reste du corps. Pattes
assez longues. Ailes blanches; nervures ferrugineuses. Lon-
gueur, près de 4 lig.
Caroline et Pensylvanie : Amérique septentrionale.
DES HYMÉNOPTÈRES. 217
22. FORMICA LATÉRALE. — Formica lateralis Oliv. Encyc.
t. VI, p. 497, n° 34.
Nigra, capite thoracisque maculä laterali rufis ;
squamé primi abdominis segmenti ovat& simplici.
Tête d’un rouge brun; sa partie supérieure noirâtre. An-
tennes fauves; le premier article plus obscur. Corselet noir ;
une tache d’un rouge brun, de chaque côté sous l’insertion des
ailes. Ecaille du premier segment de l’abdomen élevée, com-
primée , droite, arrondie, Les autres segmens formant une
masse ovale, noire. Pattes d’un fauve brun ; cuisses noirâtres.
Ailes transparentes ; nervures obscures. Femelle. Longueur,
environ 4 lig.
France méridionale ; en Provence, dans les bois.
23. Formica SAUNATRE. — Formica flavescens Fab. Pier.
p. 399, n° 15; —Latr. Hist. nat. Fourm. p. 111, PL. 3,
fig. 15, À, B, C.
Flavescens ; abdomine obscuriore; line“ dorsali nigré.
Corps étroit, d’un jaunâtre pâle. Tête un peu plus large que
le corselet. Ecaille du premier segment de l’abdomen épaisse,
ovée, terminée en pointe obtuse. Les autres segmens formant
une masse ovée, courte, portant une ligne noirâtre au milieu
en dessus, et du brun noirâtre de chaque côté en dessous.
Tarses un peu bruns. Ouvrière. Long. 3 Lg.
Amérique méridionale , notamment Cayenne.
24. Formica soyeuse. — Formica sericea Latr. Hist, nat.
Fourm. p. 117, P1.3, fon, AB; 0:
Lasius sericeus Fab. Piez. p. 416, n° 4.
Atre , 0paca : antennis rubro-fuscis ; capite punclis in
vertice tribus impressis : abdomine cinereo sericeoque.
Forme approchant de la Formica ronge-bois, Corps noir ,
218 HISTOIRE NATURELLE
un peu velu. Antennes d’un brun rougeâtre, insérées un peu
au-dessous du milieu du front. Mandibules de grandeur
moyenne, presque triangulaires, un peu velues, garnies de
cinq à six dentelures au côté interne. Tête grande, épaisse,
presque triangulaire , convexe. Trois points enfoncés sur le
vertex. Yeux oblongs. Corselet comprimé sur les côtés; son
dos marqué de deux lignes profondes, transversales ; l’extré-
mité postérieure , après la seconde ligne, taillée en cube. Ecaille
du premier segment de l’abdomen épaisse , eonvexe en devant,
arrondie, entière, poilue au bord supérieur, un peu moins
haute que la base de l'abdomen. Les autres segmens faisant
une masse assez grosse, presque ronde, d’un noir un peu
brun , vêtue d’un duvet soyeux, cendré. Pattes assez fortes,
un peu velues ; tarses un peu bruns. Ouvrière. Long. 5 lig.
Afrique occidentale , notamment le Sénégal.
25. Formica ÉMERAUDINE. — Formica smaragdina Fab.
Piez. p. 397, n° 4 ; — Oliv. Encyc. t. VE, p. 491, n° 5; —
Latr. Hist. nat. Fourm. p. 176, PI. 3, fig. :8, A, B, C.
Port de la Formica noir-cendrée. De couleur très-variable ;
tantôt presque entièrement d’un roussâtre pâle, tantôt d’un
vert jaunâtre , avec le dos du corselet et deux lignes à son bord
antérieur plus verts ; les antennes roussâtres, ainsi que les
pattes : tantôt d’un vert glauque pâle; le dessus de la tête et
du corselet d’un vert noirâtre, Antennes obscures ; bords des
articles et les quatre derniers en entier, roussâtres. Tête trian-
gulaire, un peu plus étroite que le corselet. Mandibules petites,
triangulaires, roussâtres, finement striées et dentées au côté
interne. Yeux petits, saillans , roussâtres. Trois ocelles saillans,
aussi roussâtres. Dos du corselet plan , offrant en devant deux
lignes plus obscures. Ecaille du premier segment de l'abdomen
basse , épaisse , échancrée au milieu du bord supérieur. Abdo-
men grand, d’un vert glauque, un peu transparent. Pattes
DES HYMÉNOPTÈRES. 210
vérdâtres. Ailes grandes, un peu obscures, luisantes ; ner-
vures brunes.
Inde.
Fabricius dit qu’elle fait un nid fort grand en réunissant des
feuilles d'arbres , aux branches desquels ce nid est suspendu.
Un pareil nid mériterait bien un bon observateur.
b. Corselet épineux.
26. Formica six-ÉPines. — Formica sexspinosa Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 126, PI. 4, fig. 21, A-D,.
Formica argentata Fab. Piez. p. 413, n° 72.
Nigra , lutescente-cinereo sericea : capite postice at-
tenuato ; thoracis spinis quatuor, squamæ duabus.
Corps noir, tout couvert d’un duvet fin, soyeux, d’un cen-
dré jaunâtre, même un peu doré , surtout à l’abdomen, et
luisant. Tête oblongue, un peu plus étroite que le corselet,
d’abord carrée en devant, puis alongée, et rétrécie postérieu-
rement. Antennes longues, d’un noir cendré , un peu brun ,
excepté sur le premier article; le second et le troisième article
presque égaux. Angles postérieurs de la tête saillans en forme
d’épines. Mandibules courtes , larges , triangulaires, avec trois
ou quatre dents; celle du bout plus grosse, obtuse. Yeux glo-
buleux, saillans, pétits. Trois ocelles distincts. Corselet
oblong , convexe, portant quatre fortes épines ; deux en devant,
droites, coniques, ne à chaque angle huméral ; les deux
autres à l'extrémité postérieure, dirigées vers l’abdomen. Ecaille
du premier segment de l’abdomen assez épaisse, arrondie en
devant , en talus postérieurement, et armée en dessus de deux
épines presque aussi fortes que les deux précédentes, et tour-
nées dans le même sens. Les autres segmens de l'abdomen
formant une masse courte , ovée-conique ; le second ( premier
de ceux-c1) plus grand, ayant des nuances plus foncées qui le
font paraître mélangé. Pattes longues, d’un noir cendré ; cuisses
un peu brunes; jambes armées de petites épines à leur ex-
220 HISTOIRE NATURELLE
trémité ; éperon des antérieures roussâtre; premier article du
tarse des deux pattes antérieures doré en dessous. Ouvrière,
selon Latreille. La présence des ocelles semblerait indiquer
une femelle féconde, ayant perdu ses ailes. Long. 7 2 lis.
Asie australe, Nouvelle-Calédonie.
27. FonMicA RELUISANTE. — Formica relucens Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 131, P1. 4, fig. 24, A-D.
Nigra , lutescente sericea; thorace anticè bispinoso ;
squamä quadrispinosd.
Semblable en beaucoup de points à la Formica porte-pique ,
que nous décrivons plus bas, en différant par les caractères
suivans. Corps couvert d’un duvet soyeux, jaunâtre, un peu
doré, luisant, et portant quelques poils plus longs. Corselet
ayant deux épines à sa partie antérieure, n’en ayant aucune à
son extrémité opposée. Ecaille du premier segment de l’abdo-
men portant quatre épines, les supérieures presque droites.
Ouvrière. Longueur, près de 4 lig.
Asie australe.
28. ForMica cARÉNÉE. — Formica carinata Fab. Piez,
p. 413, n° nr.
Tête assez arrondie , noire, portant entre les antennes une
double carène courte, élevée et aiguë. Corselet noir, partagé
en trois par deux lignes transversales assez enfoncées : la partie
antérieure portant de chaque côté une épine dirigée en devant,
forte , aiguë, couchée ; la seconde partie mutique ; la troisième
ou métathorax ayant deux petites épines droites , aiguës, Ecaille
du premier segment de l’abdomen grande, droite, carrée,
portant à sa partie supérieure deux épines élevées, aiguës et
arquées. Les autres segmens de l’abdomen formant une masse
presque sphérique noire. Pattes noires. Ouvrière ? Longueur
moyenne.
Asie australe, Nouvelle-Calédonie.
c®
DES HYMÉNOPTÈRES. 291
1
29. FormicA PORTE-PIQUE. — Formica hastata Latr. Hist.
nat. Fourm. p. 129, PI. 4, fig. 23, A-D,.
Atra; thorace cubico, quadrispinoso; squamæ spinis
duabus validis ad apicem, et utrinque dente parvo
infero.
Corps très-noir, obscur, très-finement chagrimé, un peu
velu. Tête de la largeur du corselet, courte, presque ovale.
Antennes longues , insérées au milieu du front ; les articles,
à partir du second ou du troisième, d’un noir plus mat. Man-
dibules courtes , triangulaires, armées de petites dents au côté
interne; celle du sommet plus forte et crochue. Entre-deux
des antennes élevé, avec un rebord latéral très-prononcé et
arqué. Yeux petits, globuleux. Corselet comme cubique; ses
côtés comprimés, le dos plane et l’arête de chaque côté fort
aiguë; la partie antérieure grande , carrée, avec une pointe de
chaque côté aux angles huméraux, forte, aiguë , droite, atteï-
gnant la tête. Une petite échancrure à chaque arête de la partie
moyenne du corselet. La partie postérieure tronquée , munie à
chaque angle supérieur d’une épine conique assez forte et s’éle-
vant obliquement. Ecaille du premier segment de l’abdomen
très-grande, triangulaire ; son bord supérieur concave , ayant
dans son milieu une petite dent; ses angles supérieurs laté-
raux , prolongés chacun en une épine forte , conique, arquée ,
rejetée en arrière, au-dessous de laquelle est une petite dent.
Les autres segmens de l’ahdomen formant une masse ovée-
conique ; le second segment est grand. Eperon des jambes
petit. Ouvrière, Longueur, près de 4 lig.
Inde.
30. Formica AMMON. — Formica Ammon Latr. Hist. nat.
Fourm, p: 132.
Migra ; thoracis cubici spinis quatuor ; squamæ duabus.
Très-voisine des Formica reluisante et porte-pique. Corps
222 HISTOIRE NATURELLE
noir, finement strié, ayant quelques poils. Corselet cubique ;
un peu cendré; son segment antérieur ayant de chaque côté,
en devant, un avancement formé par l’angle ; au second seg-
ment, les deux arêtes des bords latéraux ont chacune deux
petites échancrures, dont une est au delà des angles latéraux :
ces angles prolongés en une épine grande , aiguë, dirigée en
arrière un peu en dehors. Ecaille du premier segment de
l'abdomen grande, triangulaire ; les angles du bord supé-
rieur prolongés en une épine fort longue, arquée, rejetée
en arrière, Les autres segmens formant une masse presque
globuleuse , petite, couverte d’un duvet soyeux doré. Pattes
noires ; éperons des jambes petits, Ouyrière. Long. 2 + lig.
Asie australe, Nouvelle-Hollande,
** Trois cubitales aux ailes supérieures; la troisième incom-
plète, le cubitus n’atteignant pas le bout de l'aile. Pre-
mière discoïdale fermée ; la deuxième du limbe confondue
avec la seconde discoïdale , et la première du limbe avec
la troisième discoïdale. Corselet épineux.
31. FormicA ATTELABOÏDE. — Æormica attelaboides Fab.
Piez. p. 410, n° 62 ; —Oliv. Encyc. t. VI, p. 498, n° 40;
— Latr. Hist. nat. Fourm. p. 288.
Nigra; capite postice attenuato, thorace bispinoso,
pedibus ferrugineis.
Tête rugueuse, noire, sans taches, rétrécie postérieure-
ment. Corselet mince, noir, fauve postérieurement , portant
deux épines fortes , courbées , rapprochées. Ecaille du premier
segment de l’abdomen ovale, Abdomen noirâtre , pubescent.
Pattes fauves. Femelle? Taille grande.
Amérique méridionale : Brésil.
DES HYMÉNOPTÈRES. 223
GENRES PROVISOIREMENT RAPPROCHÉS DE LA FAMILLE DES
HÈTÉROGYNIDES.
Dans une méthode naturelle, c’est-à-dire établie
d’après les mœurs des êtres dont elle traite, les genres
se placent facilement. Ils se rapprochent d’autant plus
que, pendant leur vie, les espèces qui les composent
présentent à l'observateur un plus grand nombre
d'actes communs, et ils s’éloignent d’autant plus qu'il
les voit moins se conduire de la même manière. En
effet, ces actes supposent des outils pour les exécu-
ter, comme les outils qui servent à la bâtisse indi-
quent, dans celui qui s’en sert, les facultés néces-
saires pour coopérer à la construction d’une maison.
La présence d’une béche , d’une houe ou d’une char-
rue dans les mains de l’homme des champs indique
l'intention de fertiliser la terre par la culture; elle ca-
ractérise l’agriculteur. Mais , dans l’homme, les outils
qu’il emploie ne font point partie de sa personne ;
dans l’Insecte, ce sont ses propres membres qui lui
en servent. Si donc il a une maison à construire, il
lui faut en lui-même des outils pour trouver, enlever,
apporter les matériaux et les mettre en œuvre. L’In-
secte constructeur aura donc levier, truelle, etc., ou
ce qui les remplace pour lui : il aura tout cela en lui-
même. Voilà pourquoi l’observation des mœurs indi-
que à l’anatomiste les parties que la dissection pourra
lui présenter, et pourquoi l’anatomie indique à l’ob-
servateur les mœurs qu’il peut observer dans un In-
secte conformé de telle ou telle manière.
Il est donc généralement facile, comme nous l’avons
dit, de classer les genres naturellement ; car si tel
224 MISTOIRE NATURELLE
Insecte a telle partie conformée de la même manière
que tel autre, et que ce soit une partie indicative des
mœurs de ce dernier, j'en conclus naturellement que
je dois les rapprocher. C'est ce qui distingue la mé-
thode naturelle de toute espèce de système. Il me
semble que je devais faire cette remarque au moment
même où deux genres se présentent à placer, dont
les mœurs ne sont pas connues, et dont en outre il
n'existe dans nos collections que des mâles, sexe où
les caractères qui expriment les mœurs sont en quel-
que sorte oblitérés. Le mâle de l’'Hyménoptère n’a
qu'une fonction dans la nature, celle de féconder la
femelle. 11 n’a donc point d’organe qui indique où
l'œuf sera déposé, rien qui m’annonce la récolte à
faire pour la nourriture de la postérité ; à peine a-t-il
une bouche faite pour manger, et beaucoup meurent
sans avoir ni mangé ni fait autre chose que chercher
leur femelle et s’accoupler. Ses mandibules mêmes
sont souvent employées à tenir celle-ci et l'empêcher
de s'échapper. Ge sont des organes d'amour, et non de
travail et de nourriture, comme elles deviennent dans
la plupart des femelles.
Il reste donc difficile de classer des mâles d'Hymé-
noptères dont nous ne connaissons ni les femelles, ni
les mœurs. Tel est le cas des genres Dorylus et
Labidus.
M. Latreille les met dans la deuxième division de
sa famille des Hétérogynes, c’est-à-dire dans nos
Hétérogynides solitaires, et ilen forme une première
section qu'il caractérise ainsi : « Antennes insérées
près de la bouche, téte petite ; abdomen long, pres-
que cylindrique ; » tandis que la seconde s’en distin-
gue par « l'insertion des antennes près du milieu de la
DES HYMÉNOPTÈRES, 2965
face , la tête plus forte et l'abdomen tantét conique ,
tantôt ovoide ou elliptique. »
Ayant à exprimer une opinion différente de celle
de mon célèbre maître, puisque provisoirement je
crois devoir rapporter à mes Hétérogynides , qui sont
ses Hétérogynes sociaux, les genres Dorylus et Labi-
dus , il faut discuter les caractères par lesquels il les
en a séparés. D'abord il leur refuse des ouvrières (1),
et ajoute que leurs femelles sont aptères. Il suffit d’ob-
server que l’on ne connaît à présent, comme de son
vivant , aucune femelle, ni feconde ni ouvrière, dans
les espèces connues des deux genres en question. Ce
premier caractère devient donc entièrement conjectu-
ral et même nul, en ce qui les regarde. Le second
caractère qu'il emploie est : « Antennes filiformes ou
» sétacées, vibratiles, avec le premier article et le
» troisième alongés : la longueur du premier n’égale
» jamais le tiers de la longueur totale de ces orga-
» 7165. »
Dans les Dorylus et Labidus que j'ai sous les yeux
en ce moment, les antennes sont eflectivement fili-
formes , et doivent avoir été vibratiles dans le vivant;
mais elles sont conformées de même dans beaucoup de
mâles des Hétérogynides, quoique différentes dans
les femelles. Le premier article est alongé dans les
Dorylus et les Labidus, comme il l’est daus les Hété-
rogynes sociales Latr. Il égale, quoi qu'il dise, plus
que le tiers de l'antenne. Autant ces caractères con-
viennent peu aux genres Dorylus et Labidus, autant
ils conviennent aux Mutilla. Quant aux caractères
qui les distinguent de ceux-ci dans l'ouvrage de
(@) Voy. Latr. Crust. et Ins. t. IL, p. 314; Deterv. 1829.
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 19
226 HISTOIRE NATURELLE
M. Latreille, et que nous avons cités plus haut, il
est également certain qu'ils rapprochent des Hétéro-
eynes sociales Latr., les Dorylus et les Labidus. Plu-
sieurs espèces décrites dans nos Hétérogynides ont
les antennes insérées près de la bouche : plusieurs
mâles ont la tête très-petite pour leur stature, tandis
que quelques-unes de leurs femelles l’ont grande,
et l'abdomen long et cylindrique. De plus, rien ne
tend à prouver que ces caractères de tête et d’abdo-
men se retrouveraient dans des individus du sexe
féminin : ils ne peuvent donc pas être considérés
comme génériques. La forme del’abdomen de ces deux
genres ne répugne point à un rapprochement avec
nos Hétérogynides sociales. L'état alaire des Dorylus
est à peu près celui d’une portion de cette famille, de
la tribu des Formicites , où la cellule radiale se pro-
longe presque jusqu’au bout de l’aile. Les mandibules
des Dorylus sont fortes, et, si elles le sont dans des
mâles, elles en supposent de plus fortes encore dans
l’autre sexe, que l’on ne connaît point , et propres en
conséquence à ces grands travaux qu'ont à exécuter
nos femelles Formicites. Il nous paraît donc probable
que les Dorylus pourraient dès ce moment être réunis
à notre famille des Hétérogynides et à notre tribu des
Formicites.
Quant aux Labidus, leur système alaire n’a rien
ni de commun avec celui d'aucun genre de nos Hété-
rogynides , ni d'identique avec nos Mutillaires ; leurs
mandibules sont faibles, longues et étroites à la base
et à l'extrémité (1). Je ne présume pas, en l’absence
(1) Ce ne peut être que par erreur typographique qu'on lit dans
l'ouvrage de M. Latreille : « Mandibules des Labidus plus courtes
DES HYMÉNOPTÈRES. a2#
du sexe féminin, quelle peut être leur place défini-
tive, et, du reste, l’analogie apparente me porte à
les laisser avec les Dorylus, et à les placer ici hors
de rang, en attendant des éclaircissemens sur leurs
mœurs , et surtout la réponse à cette question : Les
Dorylus et les Labidus vivent-ils en société?
1 GENRE. DORYLUS. — DORFLUS.
SYNONYME. Formica Linn. — Dorylus Fab., Lat.
On ne connaît rien de l’histoire des Dorylus, si ce n’est
qu’on les rencontre soit courant dans les sables, soit cachés
sous les pierres. On n’a trouvé jusqu'ici, au moins à notre
connaissance , que des individus du sexe masculin. Le carac-
tère sera à réformer lorsqu'on connaîtra les mœurs. Ils sont
de l’ancien continent.
Caractères. Antennes insérées près de la bouche. Pre-
mier article fort grand, faisant à lui seul plus du tiers de
l’antenne ; le troisième et le quatrième beaucoup plus petits,
égaux entre eux.
Palpes maxillaires aussi longs que les labiaux, de quatre
articles.
Mandibules assez longues, mais moins que celles des La -
bidus , assez larges vers la base dans les deux tiers de leur
longueur , arquées , et se rétrécissant vers l'extrémité.
Premier segment de l'abdomen séparé des autres par un
étranglement ,; convexe en dessus et arrondi sur les côtés.
Cellule radiale, allant en se rétrécissant depuis la base
de la seconde cubitale, et s’'alongeant presque jusqu’au bout
de Paile.
et moins étroites que celles des Dorylus.» D'après la nature que
J'ai sous les yeux, lisez : moins courtes et plus étroites. Voyez Latr.
Crust. et Ins. t. II, p. 315.
1
228 HISTOIRE NATURELLE
: Deux cubitales; la deuxième presque complète, ayant
avec la première une nervure d’intersection commune,
mais courte.
Trois discoïdales : la première et la seconde à peu près
d’égale longueur; la troisième incomplète.
Première cellule du limbe confondue avec la troisième
discoïdale. La deuxième du limbe très-étroite.
Première nervure récurrente aboutissant dans la première
cellule cubitale vers le milieu.
Espèce connue de ce genre.
1. DoryLus PAILLET. — Dorylus helvolus Fab. Piez.
p. 427, n°1.
Mutilla helvola Linn. Syst, Nat. ed. 12, p. 967, n°8.
Rufo-helvolus, capite fusco, mandibulis pedibusque
rufo ferrugineis, nitidis; illis, apice nigricantibus : cor-
pore, præsertim thorace et primo abdominis segmento ,
pallidè rufo-hirto.
Corps roux , tirant au paillet. Tête brune. Antennes d’un
roux brun. Mandibules d’un roux ferrugineux , lisse et brillant ;
leur extrémité noirâtre. Corps ayant des poils d’un roux pâle,
beaucoup plus nombreux sur le corselet et sur le premier
segment de l'abdomen que sur le reste. Pattes de la couleur de
la base des mandibules. Ailes transparentes, un peu jaunâtres ;
nervures d’un jaune roussâtre. Mäle. Longueur, environ
13 lig.
Afrique, cap de Bonne-Espérance,
Nota. Il est probable que le Dorylus nigricans Fab.
Piez, p. 427, n° 2, appartient à ce genre.
DES HYMÉNOPTÈRES, 229
2° Genre. LABIDUS. — ZABIDUS.
Synonyme. Labidus Latr., Jur. — Dorylus ? Fab.
Caractères. Antennes insérées près de la bouche. Pre-
mier article fort grand , faisant à lui seul au moins le tiers
de l'antenne ; le troisième et le quatrième plus petits, à peu
près égaux entre eux. Palpes maxillaires de la longueur des
labiaux, n’ayant que deux articles.
Mandibules longues, étroites à la base et à l’extrémité, le
milieu dilaté en une dent assez large, tres-arquées.
Premier segment de l'abdomen séparé des autres par un
étranglement, déprimé , caréné et anguleux latéralement,
quelquefois creusé en gouttière en dessus.
Cellule radiale , finissant bien avant le bout de l'aile.
Trois cubitales ; la troisième presque complète.
Trois discoïdales ; la première beaucoup plus longue que
la seconde , s’alongeant dans la partie brachiale ; la troisième
incomplète.
Première cellule du limbe confondue avec la troisième
discoïdale.
Première nervure récurrente aboutissant dans la seconde
cubitale.
On ne connaît rien de l’histoire des Labidus. Ils sont
d'Amérique.
Espèce connue de ce genre.
1 Lasius DE LATReILLE. — Labidus Latreillit Jur. Méth.
Hymén. p. 283.
Rufo: fusco-hirtus, capile thoraceque et femoribus
nigris, cœtera rufo-fuscus , abdomine suprà rufo-sericeo.
Tête et antennes noires. Mandibules brunes noirâtres. Cor-
selet noir ; métathorax prolongé sur les côtés, dans leur milieu
230 HISTOIRE NATURELLE
en une pointe mousse. Abdomen, jambes et tarses d’un brun
roussâtre. Premier segment de l’abdomen creusé en dessus en
gouttière ; ses côtés élevés en une carène qui se prolonge posté-
rieurement en pointe. Tout l'Insecte chargé de grands poils
roux hérissés, à l'exception du dessus des second, troisième,
quatrième et cinquième segmens de l'abdomen , et de la base
du sixième , qui n’ont pas de poils hérissés , mais qui sont cou-
verts d’un duvet roux soyeux, très-court et couché, qui ne
paraît guère que par son reflet saliné. Cuisses noirâtres. Ailes
d’un transparent jaunâtre ; nervures d’un jaune roussâtre.
Mäle. Longueur, environ 14 lig.
Amérique : Brésil, province de Sainte Catherine, aux bords
de la mer.
Nota. Il est probable que le Dorylus mediatus Fab. Piez.
p. 428, n° 3, appartient au genre Labidus.
DES HYMÉNOPTÈRES. 231
2e Fame. APIARIDES.
Caractères. Langue presque cylindrique, plus
longue que la tête, plus courte que le corps.
Femelles fécondes et infécondes, et mâles pourvus
d'ailes, pendant toute leur vie à l’état parfait.
Antennes vibratiles, filiformes ; le deuxième article
plus court que le troisième, presque globuleux; le
troisième un peu conique.
Jambes postérieures dépourvues d’épines à leur
extrémité. À
Premier article des tarses postérieurs dilaté à
l'angle extérieur de sa base, en forme d’oreillette
pointue ou mutique.
Histoire des Apiarides.
Si nous avons admiré les Hétérogynides sous le
rapport de l'instinct social, nous avons vu avec plai-
sir en même temps l’aisance et les avantages multi-
pliés, fruits heureux de la bienveillance réciproque
de tous les habitans d’une même cité les uns pour les
autres. Nous allons retrouver dans les A piarides ce
même esprit de société, mais un peu modifié, et
comme ces modifications des facultés instinctives
nous paraissent un caractère distinctif des familles,
plus important même que les différences physiques
qui n'en sont que l'expression, nous commencerons
notre histoire des Apiarides par signaler ces modifi-
cations ; il nous semble, en eflet, que l’Auteur de la
création a mis dans les animaux l'instinct comme la
raison au-dessus de la matière; que par conséquent il
232 HISTOIRE NATURELLE
nous fait une loi de regarder la partie intelligente
comme servant de moule aux corps; et qu'il a en
quelque sorte, pour nous servir d'expressions humai-
nes, comme il l’a fait quelquefois lui-même, d’abord
décidé, par le don d'un instinct particulier, les fonc-
tions de chaque espèce dans la nature, et ensuite fait
le corps pour cette destination.
L’A piaride nous est utile, au lieu que l’Hétéro-
gynide nous est inutile, ou même nuisible. Celle-ci
est au moins une voisine incommode , puisque, regar-
dant comme de son domaine tous les lieux où elle
peut pénétrer, elle vient quelquefois jusque dans les
endroits les plus secrets de nos maisons chercher,
pour les besoins de sa société, les provisions que
nous réservions pour les nôtres. Ce n’est donc pas
par notre choix que l’Hétérogynide habite près de
nous, et nous l'y harcelons assez, lorsqu'elle s’en est
rapprochée, pour l’obliger le plus souvent à trans-
porter ailleurs son domicile, quand nous n’en exter-
minons pas de suite tous les habitans. De plus, les
expériences de M. Huber prouvent que l'Hétéro:y-
nide n’accepte jamais pour long-temps le domicile
que nous voulons lui donner : celles qu'il voulait
loger sous ses yeux, dans des appareils vitrés ou
autres', n’y restaient pas long-temps et allaient s’éta-
blir ailleurs aussitôt que possible , ou retournaient
même à leurs anciens foyers ( Huber, Recher-
ches sur les mœurs des Fourmis, p. 150 et sui-
vantes). L’Apiaride n’a pas, je crois, cherché d’elle-
même l'espèce de domesticité où nous tenons plusieurs
espèces; mais, comme les lieux que nous cultivons
lui fournissent des vivres plus abondamment que les
déserts, elle s’est habituée à vivre près de nous,
DES HYMÉNOPTÈRES. 233
quoique pouvant absolument se suflire à elle-même ;
et de plus elle accepte de nous des domiciles qui sont
l'ouvrage de nos mains, et ne s’effraie pas trop de
nos visites, si nous ne troublons pas brusquement
ses occupations par des mouvemens irréguliers.
L’A piaride a plus d’attachement pour la mère, de
la fécondité de laquelle dépend la durée de la société,
que n'en témoigne l’Hétérogynide pour les femelles
fécondes qui existent dans la fourmiliè e. Comme il y
er a chezcette dernière plusieurs à la fois, l'attachement
perd peut-être à se partager dans les Insectes , comme
dans notre espèce. Quoi qu'il en soit, lorsque la Mère-
Abeille se déplait dans son habitation (et ce dégoût peut
venir de plusieurs causes que nous indiquerons par la
suile), elle sort et est suivie par toute la partie de la
population alors présente à la ruche, à qui les forces
individuelles le permettent. Cette population ne la
quitte pas, et se fixe à l'endroit que la mère a choisi
pour se reposer. L’Hétérogynide, au contraire, laisse
aller, dans certains cas, une très-grande partie des
mères fécondes, sans s'inquiéter de leur sort, et si
quelques ouvrières se joignent à elles ensuite, ce qui
n’est pas entièrement prouvé, ce fait annoncerait bien
un certain attachement pourles femelles fécondes, mais
moindre que celui des Apiarides, qui n’abandonnent
celles-ci dans aucun cas. De mêmedes femelles A pia-
rides, qui sortent seules pour s’accoupler, reviennent
d’elles-mêmes à l'habitation commune, tandis que,
dans le même cas, les femelles Hétérogynides s’en
éloisnent toutes les fois qu’elles le peuvent et qu’elles
ne sont pas forcées par les ouvrières d’y rentrer.
Dans les Abpiarides, la mère connaît le sexe des
œufs qu'elle va pondre; elle les place elle-même dan
234 HISTOIRE NATURELLE
le domicile fait exprès pour ce sexe. Dans les Hété-
rogynides ils y sont placés par les ouvrières.
Les cases du domicile des Hétérogynides sont irré-
gulières, et aucune d'elles n’a exactement la même
forme que les autres. Dans les Apiarides, l'immense
majorité des cases est exactement de même forme, et
la petite différence qui existe seulement dans un petit
nombre, dépend ordinairement de l'insuffisance de
l'espace qui reste entre des cellules régulières et les
parois de l’habitation que nous leur avons fournie.
Dans les deux familles que nous comparons, une
partie de la provision à récolter pour la nourriture des
larves et des mères étant liquide, ces liqueurs sont
d’abord avalées par celles qui les récoltent, et, dans
toutes deux, elles peuvent être dégorgées par la
trompe, en les faisant revenir de l’estomac par l’æso-
phage. Mais les Apiarides ont encore à rapporter
d’autres alimens plus solides. Si les Hétérogynides
ont des fardeaux à porter, elles se servent pour cela
uniquement de leurs mandibules ; les Apiarides ne
se servent pour cet effet que de leurs pattes, et leurs
mandibules ne leur servent que pour donner à leurs
bâtimens la forme nécessaire, et pour détacher des
parcelles plus où moins solides des corps auxquels ils
adhèrent , mais jamais pour les transporter : ce sont ,
comme nous le vétrons , les pattes qui s’en chargent
et ont une conformation appropriée à cette fonction.
De ce que nous venons de dire , on a dù conclure
que la population d'une ruche (ce mot est pris ici et
le sera souvent pour la société des Abeilles qui habi-
tent ensemble ; quoique la ruche ne soit à proprement
parler que l'habitation où elles vivent , nous ne faisons
en cela que nous conformer à l'usage ), est composée
DES HYMÉNOPTÈRES. 235
d’une seule femelle féconde , d’ouvrières et de mâles ;
mais il faut ajouter que ces derniers n’y existent
qu'une partie de l’année. L’ouvrière, ainsi qu’on l’a
pressenti également , n’est autre chose qu'une femelle
inféconde et chargée des travaux , tandis que la mère
ou femelle féconde n’a presque d’autres fonctions que
de pondre. Nous commencerons par donner une idée
del’anatomie de ces diverses modifications de l'espèce,
de manière qu’elle puisse convenir à toutes celles qui
composent la famille des A piarides.
L'ouvrière, qui forme la plus srande partie de la
population, est d’une taille plus petite que les fe-
melles fécondes et que les mâles. La tête est de la
largeur du corselet : sa face est presque triangulaire.
Les yeux à réseau sont ovales, placés sur les côtés.
Les ocelles sont placés sur le vertex ; les deux posté-
rieurs faisant avec l’inférieur un triangle obtus. Les
antennes sont plus courtes que la tête et le corselet
pris ensemble. Les mandibules, seul outil qui serve
à de merveilleuses constructions, sont un peu plus
étroites à leur base, et leur bout va en s’évasant et est
coupé obliquement en ligne droite. La surface exté-
rieure de chacune est convexe , et l’intérieure concave
à peu près comme la tarière du charpentier. Les bouts
de ces mandibules pouvant s'appliquer l’an contre
l’autre, il suit de cette conformation qu'il reste entre
elles une cavité dont une moitié appartient à chacune.
Cette cavité reçoit les parcelles de matières pressées
ou broyées entre les deux côtés extérieurs des mandi-
bules. Celles-ci sont aussi susceptibles de se croiser.
Elles servent, outre la bâtisse, à saisir sur les vé
taux le Pollen et la Propolis.
La bouche est une ouverture assez grande à la par-
He
(>)
236 HISTOIRE NATURELLE
tie inférieure de la tête, fermée en dessus par un labre
corné, latéralement par les mandibules que nous ve-
nous de décrire, et inférieurement par une petite
pièce membraneuse susceptible de mouvemens et de
changemens de forme, que Réaumur appelait langue,
qui est l’'épipharynx ou épiglosse de M. Savigny, et
qui fait la fonction d’une lèvre inférieure dont nous
lui donnerons le nom. Cette pièce sert de conduit aux
alimens pour parvenir à un œsophage délié qui con-
duit à l’intérieur du corselet. Entre les pièces dont
nous venons de faire mention, sont insérées Ja trompe
et les mâchoires sur deux petits corps longs, droits,
déliés, solides, qui forment entre eux un angle ren-
trant dans le repos, c’est-à-dire lorsque la trompe
n'agit point. Mais, lorsque la trompe doit agir, ces
corps se portent vers l'extérieur de la bouche et for-
ment alors un angle sortant sur lequel est portée la
base de la trompe. Les mâchoires qui sont insérées
sur la base des mêmes pièces participent peu au
mouvement qui porte la trompe en avant : elles sont
composées de deux pièces; celle de la base étant
une tige assez massive, et la seconde une lame plus
grande, concave à son intérieur, terminée en pointe,
et de nature cornée. Ces deux pièces sont jointes par
une articulation qui permet à la seconde de suivre les
mouvemens de la langue lorsqu'elle agit. Dans le
repos, les mâchoires recouvrent la partie supérieure
de la trompe. La trompe se reployant en deux dans le
repos, nous la considérerons comme composée de
deux parties, l’une antérieure et l’autre postérieure,
et, pour fixer positivement les limites de ces parties,
nous dirons que c’est entre ellesqu'’elle se ploie dans le
repos. Quand la partie antérieure ;, que l’on peut ap-
DÉS HYMÉNOPTÈRES. 3379
peler la langue (puisqu'elle porte les palpes labiaux ,
et que son usase ne répugne pas à cette dénomina-
tion), « ne suce pas le miel des fleurs , » dit le célèbre
Réaumur (Mém. Ins.t. V, p. 309), « quand elle est
»
ÿ
ÿ
>
ÿ
»
dans une parfaite inaction , elle est aplatie; elle est
peut-être au moins trois fois plus large qu’épaisse,
mais ses bords sont arrondis : elle devient insensi-
blement de plus en plus étroite, depuis son origine
jusque tout près de son extrémité. Elle se termine
par un petit mamelon presque cylindrique, au
bout duquel est un bourrelet, une espèce de bou-
ton dont le centre semble percé. La circonférence
de ce bourrelet jette des poils assez longs et disposés
en rayons. Le dessus de la langue est aussi tout cou-
vert de poils. La première et la plus large partie
du dessus semble cannelée transversalement par de
petits sillons très-rapprochés les uns des autres...
» Le dessus de la partie antérieure de la trompe
(langue) semble tout cartilagineux , mais le dessous
de la même partie ne paraît cartilagineux que dans
une partie de sa largeur Le milieu de celui-ci est
tout du long marqué par un trait plus transparent
que le reste, qui parait membraneux et plissé. .….
On n'a quà presser la partie postérieure de la
trompe, pendant qu'on tient la partie antérieure
tout près d’une bougie vers laquelle la face supé-
rieure de cette partie est tournée, et qu’on examine
la face inférieure au travers d’une loupe à très-court
foyer, bientôt on voit arriver une goutte de liqueur
dans la partie antérieure de la trompe : en conti-
nuant de presser, on fait avancer cette goutte; tous
les endroits où elle parvient se gonflent considéra-
blement ; les deux bords s’écartent l’un de l’autre :
238 HISTOIRE NATURELLE
LA
alors ce dessous de la trompe, qui était plat, se
relève et se renfle très-considérablement , et tout ce
qui se relève est évidemment membraneux . On croit
voir paraître une longue vessie faite en boyau et
de la matière la plus transparente. Mais, pendant
qu'il se fait une si grande augmentation de volume
du côté de la surface inférieure , la surface supé-
rieure s’arrondit seulement un peu...... Ce qui
prouve que l’enveloppe immédiate de celle-ci n’est
pas capable d'extension notable... . Si l’on observe
une Abeille occupée à sucer une liqueur miellée,
on verra quelquefois la partie antérieure de sa
trompe plus gonflée que dans les temps d’inaction,
et l’on verra dans cette trompe des alternatives de
plus grands et de moindres gonflemens..…...
» La partie postérieure de la trompe est beaucoup
plus grosse que l’antérieure , et ce n’est que dans
l’inaction que l’autre lui est presque égale en lon-
gueur….. Gette partie postérieure est jointe à l’an-
térieure par une partie très-courte, entièrement
charnue et très-flexible, qui permet à la trompe de
se plier, ensuite son dessous est tout écailleux,
très-luisant et arrondi. On juge qu'elle a beaucoup
plus de solidité que tout le reste. Son diamètre
augmente à mesure qu’elle s'éloigne de la partie
moyenne, jusqu'à plus des deux tiers de sa lon-
gueur : là elle se rétrécit un peu, et il semble que
la premiére des deux pièces, dont elle est composée,
y finisse. La première pièce s’arrondit comme pour
se poser sur une autre qui lui sert de base et de
pivot. Celle qui lui en sert , est conique , écailleuse
et se termine en pointe assez aiguë.» C'est cette
pointe qui s'articule à la réunion de ces deux petits
DES HYMÉNOPTÈRES. 239
corps longs dont nous avons d’abord parlé, et qui
portent la trompe en avant.
Dans le repos, la partie postérieure de la trompe
est appliquée contre la partie inférieure de la bouche,
et l’antérieure est reployée sur elle; elle est alors
recouverte par les mâchoires, qui semblent faire
corps avec elle. Elle a de plus une autre enveloppe
intérieure; ce sont les deux premiers articles des
palpes labiaux, qui sont membraneux. Le premier
est inséré vers la base de la partie antérieure de la
trompe que nous avons nommé la langue ; le second
l’est exactement au bout de celui-là : ils sont tous deux
dilatéset s'appliquent assez parfaitement sur la langue.
Vers l'extrémité du second, et un peu avant cette
extrémité, sur le côté, est inséré un troisième article
globuleux , suivi d’un quatrième et dernier.
Pour récolter le miel sur les fleurs , la trompe se
développe en entier ; le bout de cette trompe lèche la
liqueur qui en parcourt toute l’étendue , aidée dans
ce mouvement par la pression ondulatoire des enve-
loppes extérieures dont nous avons parlé, c'est-à-dire
des mâchoires et des palpes : le miel descend ainsi
sur la pièce mobile que nous appellerons lèvre infé-
rieure, et dont nous avons parlé plus haut, qui le
transmet à l’œsophage.
Swammerdam avait considéré la trompe comme
un corps de pompe, percé à son extrémité d’un trou
par lequel la liqueur pouvait être aspirée. Réaumur,
en observant des Abeilles à la portée desquelles il
avait mis des gouttes de miel sur du verre, s’aperçut
bientôt qu'il n’en était pas ainsi: « Car, dit-il, l’A-
» beille ne semble pas devoir s’y prendre autrement
» pour tirer le miel d’une fleur que d’un tube de verre,
ÿ
>
>
=
>
y
40 HISTOIRE NATURELLE
et, dans cette dernière circonstance, il ne m'a jamais
paru que le miel füt pris par succion. L’Abeille ne
m'a jamais paru chercher à poser le bout de la
trompe dans la jetite couche de liqueur, comme
cela devrait être si la liqueur devait être aspirée et
introduite par le trou qu'on y suppose. Dès que
l’'Abeille se trouve auprès de l'endroit enduit de
miel, elle allonge sa trompe, c'est-à-dire qu’elle en
porte le bout à une ligne ou plus, par delà le bout
des étuis (les palpes), qui ne cessent pas de la
couvrir dans le reste de son étendue. Si le miel ne
fait qu'enduire la surface du verre, la portion de la
partie antérieure de la trompe qui est à découvert,
se contourne el se courbe au point nécessaire pour
que sa surface supérieure s'applique contre le verre.
Là cette partie fait précisément tout ce que ferait
la langue d’un animal occupé à lécher quelque
liqueur. Elle frotte le verre à diverses reprises, et
se donne avec une vitesse merveilleuse cent et cent
inflexions diflérentes.
» Si la couche de liqueur offerte à l’Abeille est plus
épaisse , si elle rencontre une goutte de miel, alors
elle fait entrer la partie antérieure de sa trompe
dans la liqueur; mais il semble encore que ce soit
pour l’y faire agir, comme un chien, qui lappe du
lait ou du bouillon, fait agir sa langue. Dans la
goutte de miel même, l’Abeille plie le bout de sa
trompe , l’allonge et le raccourcit alternativement ;
enfin elle le retire d'instant en instant : alors on lui
voit non-seulement alonger et raccourcir ce bout
alternativement; on voit aussi qu’elle lui fart faire
des sinuosités, et surtout qu'elle rend de temps en
temps sa surface supérieure concave, comme pour
DES HYMÉNOPTÈRES. 241
donner une pente vers la tête à la liqueur dont elle
est chargée. En un mot, la trompe paraît agir
comme une langue et non comme une pompe. Le
bout de la trompe, l'endroit où l’on veut que soit
l'ouverture, est souvent au-dessus de la surface
de la liqueur dans laquelle l’Abeille puise...
» Par ses différens mouvemens, cette langue exté-
rieure tend à se charger de la liqueur miellée et à la
conduire à la bouche. C’est sur le dessus de la langue
velu que passe la liqueur; l’Abeille cherche sur-
tout à l’en mouiller, à l’en couvrir : en raccourcis-
sant cette partie, et quelquefois au point de la faire
toute rentrer sous les étuis, elle porte et dépose la
liqueur dont elle est chargée dans une espèce de
conduit qui se trouve entre le dessus de la trom pe
et les étuis qui les couvrent. Ainsi, ces étuis ne
sont peut-être pas autant faits pour couvrir la
trompe, qu'ils le sont pour former et couvrir le che-
min par où passe la liqueur qui est conduite à la
bouche... Nous avons dit ailleurs que la trompe
peut se sonfler et se contracter ; on y observe aussi
des gonflemens et des contractions qui se succèdent
et qui peuvent opérer eflicacement sur la liqueur
qui est en chemin sous les étuis, pour la faire par-
venir à la véritable bouche... De plus, j'ai écarté
les étuis de dessus la trompe d’une Abeille que je
tenais entre mes doigts, et je suis parvenu à placer
avec la pointe d'une épingle une goutte de miel
extrêmement petite sur la trompe, dans un endroit
où elle pouvait par la suile être couverte par les
bouts de l’étui extérieur. J'ai ensuite laissé les étuis
en liberté; queiqueïois 1ls se sont d'eux-mêmes re-
mis en place, et quelquefois j'ai aidé à les y remet-
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 16
242 HISTOIRE NATURELLE
» tre. La goutte de miel qu'ils ont recouverte, n’est
» jamais revenue vers le bout de la trompe; elle à
» toujours été poussée vers la bouche, et sans doute
» dans la bouche même... Il est donc trés-certain
» que lorsque l’Abeille a du miel à sa disposition,
elle le lèche, elle lappe, s’il est permis de se servir
de ce terme, ét que ce n’est pas du tout par le trou
» qu'on à cru voir au bout de la trompe qu’elle le fait
» passer. Si ce trou existait, il serait d’une petitesse
» extrême... Il ne me päraissait pas possible qu’une
» grosse goutte de miel, qui était souvent bue sous
» mes yeux en peu d'instans, eût pu en si peu de
» temps passer par une aussi petite ouverture. Une
» preuve encore plus forte que ce trou n'existe pas
» m'a été fournie lorsque je pressais une trompe vers
» son origine pour l’obliger de se gonfler : j'y voyais
» arriver la liqueur qui lui faisait prendre plus de
» volume; mais j'eus beau presser la trompe, jamais
» je ne suis parveïu à forcer la liqueur à sortir par
» son bout, quoique la pression ait souvent mis la
» liqueur en état de produire un déchirement dans
» les membranes, qui lui donnait uñe ouverture par
» laquelle elle s’'échappait. »
L'œsophage qui recoit le miel de la lèvre inférieure,
qui l'a elle-même recu de la trompe, le transmet à
l'estomac, dont nous expliquerons la conformation
lorsque nous passerons à l'anatomie intérieure des
À piarides. Il nous sufhira ici de dire que l’Apiaride,
ayant besoin de faire des provisions, peut rappeler ce
miel de l’estomac, et le dégorge dans des cellules où
il reste déposé. Nous citerons ici les circonstances de
ce dépôt, parce qu’elles nous feront connaître dis-
tinctement l'utilité particulière à certaines parties de
ÿ
4
DES HYMÉNOPTÈRES. 243
la bouche. «C’est, » dit notre inimitable observateur
Réaumur, « sur le bord d’une des cellules dont le tour
» est d’être remplie, que l’Abeille qui arrive de la
» campagne s'arrête ; elle fait entrer sa tête dedans,
» etelle y verse bientôt tout ce qu'elle a apporté de
» liqueur. M. Maraldi a très-bien remarqué que l’en-
» droit par où elle fait sortir le miel de son corps est
» au-dessus de la trompe et tout près des dents, c’est-
» à-dire que le miel sort par cette ouverture que nous
» appelons /a bouche. Swammerdam, qui n’a pas connu
» cette ouverture, a pensé que les Abeilles le reje-
» taient parle petit trou qu’il croyait au bout de leur
» trompe; mais l’opération de se vider de miel serait
alors, pour les Abeilles, aussi longue et peut-être
» plus longue que ne l’a été celle de s’en remplir.
Car il y a lieu de croire qu'il est digéré, qu'il a
» recu une coction. Il est donc trés-vraisemblable
» que, quand l’Abeille le rend, il est plus épais que
» quand elle l’a pris, et qu'il ne serait plus aisé à la
» Mouche de le faire passer par une ouverture aussi
» étroite. » Le miel sorti par la bouche est porté par
les mouvemens de la trompe à l'extrémité de celle-ci,
qui la dépose dans une des cellules destinées à ren-
fermer ce genre de provisions.
Les parties que nous venons de décrire dans les
ouvrières femelles infécondes se retrouvent absolu-
ment les mêmes dans les femelles fécondes , parce que
la nourriture étant la même pour toutes les modifica-
tions de l'espèce, les moyens de la prendre devaient
être pareils. Cependant, dans les mâles, les par-
ties de la trompe et les mandibules sont proportion-
nellement une fois plus petites. Ceux-ci ne récoltent
jamais de miel : je suis certain de n'avoir jamais
16.
LA
ÿ
24.1 HISTOIRE NATURELLE
trouvé d'individus de ce sexe sur les fleurs, non pas
même pour y satisfaire leur appétit, et les ruches
vitrées démontrent que c’est dans la ruche et aux dé-
pens des provisions que ce sexe prend ses repas. Les
femelles fécondes recoivent leur nourriture des ou-
vrières, qui, à leur retour de la campagne, s’em-
pressent souvent de leur en pré-enter de fraîchement
récoltée, en gouttelettes transparentes au bout de
leur trompe.
Mais les ouvrières diffèrent particulièrement des
femelles fécondes par l'organe destiné à la récolte du
pollen des fleurs , c’est-à-dire par la forme de certai-
nes portions des pattes.
« La première partie des pattes (1) » (Réaum. Mém.
Ins. vol. cilé), « la hanche, qui est attachée au cor-
» selet, est la plus courte de toutes : c'est une espèce
» de bouton conique, à un des bouts duquel la se-
» conde pièce est articulée. » Cette pièce est le tro-
chanter, oublié par Réaumur; presque aussi long
que la hanche, il s'étend sur la base de la cuisse, qui
est articulée à presque toute sa portion inférieure.
« Cette troisième partie est longuette, peu aplatie,
» un peu contournée, un peu moins grosse à l’un et
» à l'autre de ses bouts que vers son milieu. La qua-
» trième pièce, ou la jambe, est plus considérable
» par rapport aux autres dans chaque patte de la troi-
(1) On s'apercevra facilement que, dans mes citations de Réau-
mur, j'ai souvent substitué les termes techniques usités présente-
ment à ceux qui l'étaient de son temps. Tel m'a paru le meilleur
moyen de faire jouir mes lecteurs des inappréciables observations
anatomiques de ce célèbre auteur, beaucoup trop négligé aujour-
d'hui, où l'on nous donne souvent pour du neuf ce qu'il avait vu
et parfaitement décrit.
DES HYMÉNOPTÈRES, 245
» sième paire, et faite autrement que les jambes
» des deux autres paires, et surtout celles de la
» première... Son bout est aigu à sa jonction avec la
» cuisse, et sa partie la plus large est à son autre
bout , où elle s'articule avec la cinquième pièce, ou
» le tarse. La jambe de chaque patte de la seconde
ÿ
» paire est plus courte, plus étroite et moins triangu-
» laire que ne l’est la pièce correspondante de chaque
» patte de la troisième paire. Enfin, dans chaque
ÿY
patte de la première paire, la jambe n’est ni aplatie
» ni triangulaire. Après la jambe vient le tarse, dont
» le premier article est encore aplati dans les troi-
» sième et deuxième paires de pattes. »
« Cette première pièce du tarse, » dit Huber (Nouv.
Observ. sur les Abeilles, t. IT, p. 90 et suiv.) (r),
s'appelle /a brosse... Dans les pattes de la pre-
mière paire elle est alongée, arrondie et entière-
» ment velue; tous ses poils sont tournés vers l’extré-
» mité du tarse. Dans les pattes de la seconde paire
» la brosse est oblongue, d’une forme irrégulière,
» aplatie, lisse extérieurement, garnie de poils du
côté opposé, et ceux-ci dirigés en bas : elle à son
S
ÿ
ÿ
(1) En citant ici les ouvrages de cet exact observateur, on doit
rappeler que lui-même était aveugle dès sa première jeunesse,
mais il aimait les sciences et n’en perdit pas le goût. Il se fit lire
les meilleurs ouvrages sur la physique et l’histoire naturelle. II
avait pour lecteur et pour aide dans ses expériences François Bur-
nens. Les réflexions de Francois Huber guidaient les observations
et les expériences : plusieurs lui furent suggérées par le célèbre
Bonnet, auteur des Coutemplations de la nature. Burnens exécutait
et voyait; Huber rédigeait Ces observations ainsi faites ont été
vérifiées par d'autres observateurs et trouvées exactes. Elles ont
eu, entre autres, la confiance de l'auteur que noas venons de
citer et du célébre Latreille. J'en ai moi-même revu une grande
partie, et on me verra presque toujours d'accord avec lui.
246 HISTOIRE NATURELLE
» insertion exactement au milieu de la pièce à la-
» quelle elle est articulée.
» La brosse de la troisième paire de pattes... est
d’une figure aplatie, lisse sur la face extérieure et
très-velue sur la face opposée : elle est plus grande
que celle de la seconde et d’une forme particulière.
» Elle paraît au premier coup d'œil présenter celle
» d’un parallélogramme rectangle : on l’a d’abord dé-
»
»
>
signée sous le nom de pièce carrée , pour la distin-
guer ;..... mais, en la regardant avec attention , on
» reconnaît qu’elle s'éloigne de la figure qu'on lui
» avait prêtée. Les deux côtés ascendans cessent de
» paraître parallèles, dès qu'on s'aperçoit qu'ils ne
» sont pas exactement en ligne droite, et qu'ils ten-
» dent à se rapprocher par l’une de leurs extrémités ;
» le côté inférieur est légèrement échancré, le côté
» supérieur l’est davantage, il se prolonge en dehors
» sous la forme d’une dent très-aiguë et très-saillante,
» tandis que par l’autre extrémité il s'élève en are
» pour fournir, en se prolongeant, une articulation
» avec la jambe ; mais ce premier article du tarse n’est
» pas implanté au milieu du bord de celle-ci, comme
dans les autres paires ; c’est à l’angle antérieur de la
» jambe que se trouve la jointure qui les unit , et le
» côté inférieur de la jambe étant une ligne à peu
» près droite, il compose avec le côté supérieur du
» premier article du tarse une véritable pince, dont
» nous verrons l’u$age dans la suite, Le côté inférieur
» de ce premier aile du tarse est garni de poils
» roides et durs, comme des dents de peigne, mais
rangés sur plusieurs séries irrégulières. »
Les quatre autres articles du tarse sont générale-
ment parlant coniques ; mais cependant les deuxième ,
ÿ
DES HYMÉNOPTÈRES. 247
troisiéme et quatrième sont un peu dilatés à leur côté
externe : à l'exception du cinquième, l'insertion de
chacun d'eux n’est pas non plus dans le milieu, mais
vers le côté interne du précédent. Le cinquième est un
peu courbé , terminé par deux crochets , entre lesquels
est une petite pelote d'apparence charnue et chargée
de poils courts. Ces crochets sont comme refendus,
ayant à leur base une dent qui, dans les pattes inter-
médiaires et postérieures , s’allonge plus que dans les
deux antérieures, et dépasse en longueur la moitié du
crochet à qui elle appartient.
La jambe et le premier article du tarse postérieur,
toujours dans l’Apiaride ouvrière, ont à leur partie
externe une dépression longitudinale de forme trian-
gulaire. Le côté le plus étroit de ces deux triangles
sont opposés l’un à l’autre, et tous deux voisins de
l'articulation du tarse à la jambe. L’angle aigu de
l’enfoncement de la jambe dirige sa pointe vers la
cuisse : il en est donc la partie la plus élevée, tandis
que celui du premier article du tarse est dirigé en bas
vers le deuxième article du même tarse, et a sa som-
mité un peu émoussée. La jambe est bordée des deux
côtés, de poils fort longs et courbés en berceau, qui
ombragent l’enfoncement triangulaire. Ces parties
déprimées s'appellent palettes.
Telles sont les parties destinées à la récolte du pol-
len, c'est-à-dire de la poussière fécondante portée
par les étamines des plantes exogènes ou phanéroga-
mes. Nous allons, avec Réaumur, détailler l'emploi
particulier de chacune d'elles.
« L’Abeille, dit ce célèbre auteur, qui entre dans
» une fleur bien épanouie, et dont les étamines sont
» chargées de poussières qui y tiennent peu ,ne sau-
248 HISTOIRE NATURELLE
ÿ
ÿ
L
rait manquer de faire frotter diverses parties de son
corps contre ces poussières, et, loin de l’éviter, elle
le cherche apparemment : c’est alors que les poils
dont elle est hérissée lui sont d’un grand usage.
Ces poils sont branchus, et, vus à bon microscope ,
ils ressemblent à de petites mousses chargées de
feuilles. Les poussières, qui glisseraient si elles ne
touchaient que des parties aussi lisses qu’une écaille
luisante, sont arrêtées dans les forêts de poils.
L’Abeille devient toute poudrée.... J'en ai vu qui,
lorsqu'elles retournaient à leur ruche, avaient leurs
poils si chargés d’une poudre colorée qu’elles en
étaient méconnaissables..... Quoiqu'il y ait quantité
d’Abeilles qui, quand elles arrivent à leur ruche,
ont les poils pleins de pollen , il y en a bien davan-
tage qui , avant de songer à y retourner, ont eu soin
de se nettoyer, de se brosser. Elles ont, comme
nous l'avons vu, des brosses plates à leurs quatre
tarses postérieurs; elles en ont surtout de très-
grandes aux dernières de celles-ci. Les premières
pattes, à leur premier article du tarse, ont aussi
une brosse ronde. 1l est donc aisé d'imaginer com-
ment l’Apiaride, en passant et repassant ses diffé-
rentes brosses sur le dessus, le dessous et les côtés
de son corps, peut en ôter la poussière qui y est
arrêtée; mais elle n’a garde de chercher à la faire
tomber à terre..... Cette poussière est précieuse
pour elle, elle en veut faire un amas : aussi par-
vient-elle à faire deux petites pelotes, de figure plus
ou moins arrondie, et assez souvent lenticulaire, de
tous les petits grains qui se trouvaient dispersés sur
les différentes parties de son corps.
» Nous avons déjà ‘écrit les deux places que la na-
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 249
ture a préparées pour recevoir ces deux pelotes , et
que nous avons nommées les palettes... C’est dans
chacune de ces cavités que l’Abeille porte tour à
tour les petits grains, Où plus exactement de pe-
tites masses de ces grains ; elle les ÿ réunit pour en
composer une plus grosse masse..... Quand elle
trouve de quoi faire une bonne récolte, elle rend
ces masses, que l’on appelle pelotes , aussi grosses
que des grains de poivre un peu aplatis. Pendant
qu’elle est occupée à brosser les poussières qui sont
attachées à ses poils; pendant qu'elle les fait passer
d'une patte de ja première paire à celle de la se-
conde , et enfin, quand elle les empile sur la palette
d'une patte postérieure, ses mouvemens sont si
prompts qu’il n'est pas aisé de les suivre... On voit
bien que l’Apiaride fait agir les instrumens propres
à ramasser ces poufsières ; mais on ne voit pas assez
comment elle emploie chacun de ces instrumens..…….
» Tout ce que j'ai cru pouvoir faire de mieux pour
parvenir à voir leur manése, ça été de les étudier
sur des fleurs près de la fin de l'hiver, quand, fai-
bles encore et peu animées par un soleil sans ardeur,
elles ne pouvaient se donner des mouvemens aussi
vifs que ceux qu'elles se donnent en d’autres temps.
Dans les jours du printemps, où la force du soleil
suffisait à peine pour en déterminer quelques-unes
à aller sur la fleur des poiriers ou des pommiers qui
ne commençait qu'à s'épanouir, j'ai vu ce que j'ai
inutilement cherché à voir dans des jours plus
chauds. Alors j'ai été en état d'observer que l’ou-
vrière ne se contente pas de ramasser avec ses poils
les poussières qui sont prêtes à tomber de dessus
les étamines. Plusieurs plantes ont chacune de ieurs
élamines terminée par une espèce de tête, par un
250 HISTOIRE NATURELLE
>
ÿ
>
>
y
C4
petit corps souvent oblong que les botanistes ont
appelé anthère. Cette anthère est une capsule dans
laquelle les poussières sont renfermées, et dont elles
ne sortent que quand le temps est venu où l’anthère
s'ouvre pour les laisser paraître au jour. Les éta-
mines du pommier ont chacune leur anthère. Notre
ouvrière, qui arrivait sur un de ces arbres dont les
fleurs, encore peu développées, ne fournissaient pas
à une récolte aisée et abondante, tâtait avec ses
mandibules la première anthère qui se présentait.
Quand elle ne lui paraissait pas convenable, elle la
quittait pour en prendre une autre. Si celle-ci lui
paraissait mieux conditionnée, elle la pressait avec
ses deux mandibules comme avec une pince. On
juge assez qu'elle tendait par cette pression à obli-
ger la capsule à s’ouvrir, à lui donner les poussières
qui n'en étaient pas encore sorges. Bientôt on voyait
l’une et l’autre brosse de la première paire de
pattes s'approcher successivement des mandibules
et s’y charger de quelques grains. Bientôt la brosse
qui avait touché les mandibules retournait en arrière
et rencontrait une de celles de la seconde paire qui
était du même côté. Cette seconde brosse portait à
la palette de la troisième jambe du même côté ce
qu'elle avait pris à la palette de la première patte,
Les mouvemens successifs des trois pattes étaient
très-visibles et paraissaient uniquement tendre à
cela : on en avait une preuve peu équivoque, lors-
que la même ouvrière, après avoir répété le même
manése sur quatre à cinq fleurs différentes , avait un
petit amas de pollen sur chaque palette d'une jambe
de la troisième paire.
» Ce que j'avais vu faire à des ouvrières occupées à
ramasser des poussières sur les fleurs du pommier,
ÿ
ca
y
=
ÿ
ÿ
ÿ
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 251
je l'ai vu faire bien distinctement à d’autres occu-
pées à la récolte d’une autre matière dont nous par-
lerons dans la suite, qui est beaucoup plus tenace
que le pollen; qui a la viscosité d’une résine
qui, n'étant pas encore desséchée, peut s'attacher
aux doigts. Pendant que je considérais à la loupe
une ouvrière , je l’ai vue charger chacune de ses pa-
lettes d’une grosse pelote de cette matière résineuse.
Ce fut pour elle un ouvrage d’une grande demi-
heure. La matière était difficile à manier et à déta-
cher... Tous ces mouvemens étaient lents en com-
paraison de ceux d’une ouvrière ramassant le pollen
même dans un jour froid. Les mandibules ne parve-
naient à détacher une parcelle résineuse qu'après
des coups et des tiraillemens redoublés. Elles don-
naient ensuite une forme plus arrondie à la parcelle ;
après quoi la première paire de pattes venait la
saisir. Le tarse, la dernière partie de chaque patte,
celle qu'on peut appeler le pied , est, comme nous
l'avons dit, composée de cinq articulations qui la
mettent en état de faire la fonction de main. Cette
partie de la première patte, en se recourbant, tient
bien saisie la petite parcelle que les mandibules
lui ont laissée, Cette espèce de main donne cette
parcelle à la pareille main de la seconde patte, qui
va la poser sur la palette de la troisième patte.
Mais ce n’est pas assez de l'y avoir posée, il faut
que la nouvelle parcelle fasse corps avec les autres
parcelles qui y sont déjà déposées et qui commen-
cent une pelote ; c’est à quoi la patte de la seconie
paire travaille encore. Dès que son tarse a mis en
place la petite parcelle, il s'avance davantage en
dessus de la pelote commencée; il la tape trois ou
252 HISTOIRE NATURELLE
» quatre fois de suite avec le premier article que nous
» avons dit être fait en brosse, comme on tape avec
» une palette de bois de la terre molle que l’on veut
» façonner. »
Tel est l'emploi que dans l’ouvrière Apiaride rem-
plissent les différentes parties des pattes, et pour le-
quel elles ont reçu des formes particulières. L’A piaride
féconde , n'ayant pas de récolte de pollen à faire, n’a-
vait pas besoin d’une conformation parfaitement pa-
reille. Cependant les deux paires de pattes antérieures
sont assez exactement pareilles dans ces deux modifi-
calions du sexe féminin, et les brosses de la pre-
mière articulation du tarse s’y retrouvent. Dans la
troisième paire de pattes qui est la postérieure, rien
n’est changé pour la hanche, le trochanter et la cuisse :
ces pièces sont proportionnellement faites sur le
même modèle dans l'A piaride ouvrière et dans l’Apia-
ride féconde. |
Mais dans celle-ci la jambe est proportionnellement
plus courte que dans la première, elle n'est pas
triangulaire , et sa base vers la cuisse est seulement un
peu moins large que le bout qui avoisine le tarse ;
elle est en dessus convexe sans aucune dépression
longitudinale triangulaire et entièrement velue, tan-
dis que dans l’ouvrière ce dessus est aplati et porte
une dépression triangulaire. Le premier article du
tarse diffère aussi essentiellement, étant proportion-
nellement à sa larseur beaucoup plus long dans la
femelle féconde que dans l’ouvrière : les deux grands
côtés ascendans restent parallèles pendant la plus
grande partie de leur longueur, et ne se rapprochent
que faiblement vers le tarse : le côté supérieur n'est
pas échancré et n'émet aucune dent , tandis que nous
LR
DES HYMÉNOPTÈRES. 253
en avons indiqué à cette place une très-saillante dans
l'ouvrière. La partie externe de cet article n’a point
non plus cette dépression longitudinale triangulaire
que nous avons décrite dans l’ouvrière. La brosse du
dessous du premier article du tarse existe moins carac-
térisée. On voit donc que la femelle féconde est en-
tièrement privée de palette, et que par conséquent
elle ne peut récolter de pollen. Get aliment étant né-
cessaire à la vie des larves, il s'ensuit , et nous prions
nos lecteurs de faire attention à cette remarque, que
l’'Abelle féconde, lorsqu'elle sort pour fonder une
nouvelle colonie, doit être nécessairement suivie par
des ouvrières, puisque celles-ci peuvent seules four-
nir la nourriture obligée à sa postérité. |
Dans l’Apiaride mâle, la jambe postérieure trian-
gulaire, comme dans l’ouvrière, est proportionnelle-
ment un peu plus longue , et surtout plus épaisse que
dans les femelles même ouvrières : elle est convexe,
et partout couverte de poils en dessus, sans aucun
enfoncement triangulaire ou palette sur cette partie.
Le dessous ou intérieur de cette jambe est d’abord
plat jusque vers les deux tiers de sa longueur, mais
sous le tarse il se gonfle et devient convexe, confor-
mation qui peut présenter des avantages dans l'ac-
couplement pour retenir le ventre de la femelle en
position. Quant au premier article du tarse , sa partie
extérieure est convexe, entièrement velue, sans en-
foncement , et il est plus gros proportionneilement et
un peu plus court que dans l’ouvrière : la dent sail-
lante que celle-ci porte au côté supérieur de ce même
article manque dans les mâles comme dans les fe-
melles fécondes. L’extrémité de l'abdomen est aussi
beaucoup plus obtuse dans le sexe masculin que dans
254 HISTOIRE NATURELLE
les deux modifications de l’autre sexe (1). Le mâle est
plus grand et plus gros que l’ouvrière, plus court et
plus corsé que la femelle féconde ; du reste il est con-
formé à l'extérieur comme la première.
L’abdomen des deux sexes a extérieurement les dif-
férences qui caractérisent ces deux modifications de
l'espèce dans les Hyménoptères Ovitithers; à l’inté-
rieur il contient les parties de la génération que nous
décrirons en parlant de. l’accouplement. Le dernier
seoment ou anus des femelles peut s'ouvrir en entier
par les côtés : ouvert, il laisse voir une cavité. A la
partie inférieure de l'anus, sous la membrane qui
tapisse cette cavité , aboutit le canal intestinal. Dans
le fond de la cavité est l’embouchure de l'oviductus,
qui est par conséquent intérieure, en sorte que l’œuf
sorti de celui-ci est encore dans le corps de la mère.
Pourl’en faire sortir et le déposer, la mère ouvre forte-
ment son anus, en sorte qu'on peut en voir l'intérieur ;
l'œuf, revêtu au sortir de l’oviductus d’une matière
liquide et lésèrement gluante, glisse sur la partie
inférieure et tombe dehors sur l’un de ses bouts, et
est fixé dans cette position par la matière gluante. La
cavité de l’anus contient encore l’aiguillon dont nous
expliquerons la structure et l’usage en parlant des
combats des Abeilles.
(1) Il est presque inutile de dire ici qu'il y a d'autres diflé-
rences extérieures entre les deux sexes, puisque celles-ci sont
communes à tous les Hyménoptères Ovitithers , savoir : treize ar-
ticles aux antennes dans les mâles, douze dans les femelles : six
segmens, outre l'anus, à l'abdomen de ceux la; cinq seulement
et l'anus dans celles.ci, qui ont aussi un aiguillon ou des glandes
acidifères (vénénifères ), dont les mâles sont absolument privés.
Il n'y a point d'exception , même apparente , à ces caractères dans
les Ovitithers sociaux.
DES HYMÉNOPTÈRES. 255
Les mâles et les femelles fécondes n’ont aucuns tra-
vaux à exécuter : ce sont les ouvrières qui en sont
chargées , et dans les Apiarides , ces travaux , surtout
ceux de construction, sont admirables par leur réeu-
larité, leur solidité et leur utilité.
Avant de décrire ces travaux, je dois rappeler ici
que l’homme, ce maître des animaux par institution
divine, a rendu dans les deux mondes l’Apiaride ani-
mal domestique. Il l’a habituée à travailler près de lui
et pour lui, en lui fournissant des habitations faites à
sa commodité et qu’elle agrée, pourvu qu'elles ne lui
répugnent point par l’odeur, par des imperfections de
clôture ou par leur transparence. Les habitations sont
de la forme qu'il convient au propriétaire de leur don-
ner. La plupart, en France, ont la forme d’une
grande cloche construite eu osier, tressé, comme celui
des paniers dont on se sert pour porter les fruits, ou
de paille tortillée, comme celle dont on fait les pail-
lassons. Mais avec ces ruches (Foy. PI. 4, fig. r et 2),
nom sénéralement donné aux habitations des Abeilles,
il n’est possible à l’observateur d’apercevoir que peu
de chose de l’économie admirable des espèces de
cette famille. Aussi les observateurs les ont logées
dans dés habitations où il est permis aux yeux de
suivre leurs opérations. Réaumur, ayant déjà trouvé
les ruches vitrées connues de quelques curieux, les a
perfectionnées ( Voy. PI. 4, fig. 3 et 4), au point qu'il
lui a été possible d'observer un grand nombre de faits
ignorés jusqu'à lui. Nous devons observer que les
verres dont ces ruches sont garnies doivent pouvoir
être recouverts de volets, parce que l’Apiaride n'aime
pas que le jour pénètre dans sa demeure. Ces volets
servent à intercepter la lumière lorsqu'on a fini d'ob-
server. Sans cette précaution, oules Abeilles déser-
256 HISTOIRE NATURELLE
teraient leur ruche, ou elles couvriraient le verre d’une
malière opaque qui lui ôterait sa transparence et par
conséquent son utilité pour l'observateur. Réaumur
fit construire des ruches qui avaient plus ou moins
de capacité, soit en hauteur, soit en épaisseur. Huber,
plus hardi que Réaumur, ne voulut rien soulfrir d’in-
terposé entre les yeux de l'observateur et l'objet à
observer, il inventa les ruches à feuillets( Foy. PI. 5,
fig. 2 et 3), susceptibles de s'ouvrir comme un livre.
Par ce que nous venons de dire, il nous semble que le
lecteur concevra comment ont été observés les faits que
nous allons rapporter.
Lorsque les yeux pénètrent dans une ruche habitée
depuis quelque temps, ils y découvrent comme des
murs parallèles attachés à la partie haute du panier,
séparés par des intervalles égaux. Mais ces murs ne
sont pas comme les nôtres des massifs de maçonnerie.
Si l’on en déiache un morceau, et qu'on l’observe de
l’un ou de l’autre de ses côtés plats, on le trouve com-
posé de cellules hexagones généralement régulières,
posées à côté l’une de l’autre, de manière que les six
côtés de ces cellules forment en même temps chacun
l’un des six côtés de chacune des six cellules sembla-
bles qui l'entourent. Et, comme chacure de ces cel-
lules n’occupe par sa longueur que la moitié de
l'épaisseur de ce que nous avons appelé un mur, on
voit, en le retournant, l’autre côté composé de sem-
blables cellules. Ce que nous venons d'appeler murs
est ordinairement appelé géteaux ; ils sont formés de
cire. La malière à cire, ou cire brute, est le produit
de la transpiration des À piarides. Les anciens auteurs,
et Réaumur lui-même, ont regardé la cire comme dé-
gorgée sous forme liquide par l’Apiaride : ils la
DES HYMÉNOPTÈRES. 257
croyaient un résultat immédiat de la digestion du
pollen des fleurs, comme le miel paraît être celui de
la digestion des liqueurs végétales mielleuses récol-
tées sur les végétaux. Or l’Apiaride dégorge le miel,
c’est-à-dire qu'elle le fait revenir de l'estomac dans la
bouche, d’où la lèvre inférieure le transmet à la trompe
qui en dispose; mais, pour comprendre le mécanisme
de ce dégorgement, il faut nous mettre un peu au fait
de l’anatomie intérieure de l’Apiaride.
« On peut, dit Réaumur, laisser le nom d’œsophage
» à toute la portion du canal des alimens, qui, du
» fond de la bouche, se rend dans l'abdomen après
» avoir traversé le corselet. Mais la première portion
» du canal qu’on peut observer dans le corps, la plus
» proche du corselet, doit être regardée comme l’es-
» tomac, ou, pour parler plus exactement , comme le
» premier estomac... Celui-ci est plus ou moins
renflé, selon qu'il contient une plus grande ou une
plus petite quantité de miel. Quand il sé vide, il
» à dans toute son étendue un diamètre égal, et sem-
» ble n'être qu’un fil blanc et délié; mais, lorsqu'il
est bien rempli de miel, il a la figure d’une vessie
» oblongue...... Après l’étranglement où ce premier
» estomac finit, commence le second estomac, qui
» est un tuyau cylindrique en grande partie et con-
» tourné; il est entouré par des cordons charnus po-
» sés les uns auprès des autres comme les cerceaux d’un
» tonneau ; il ressemble à un tonneau couvert de cer-
» ceaux d’un bout à l’autre. Ce sont autant de muscles
» circulaires (1). Un étranglement fait encore la sépa-
ÿ
2
ÿ
(1) Il me semble que cet estomac ressemble parfaitement à la vue
a cette machine, espèce de soufllet élastique , par le moyen duquel
HYMÉNOPTÈRE, TOME I. 17
258 HISTOIRE NATURELLE
»
»
»
»
ration du second estomac et des intestins. Ceux-ci
sont tantôt flasques , tantôt renflés , selon qu'ils sont
pleins ou vides. On trouve le pollen dans le second
estomac et dans les intestins, mais on ne trouve
» jamais que du miel dans le premier estomac. »
C’est donc celui qui par sa contractibilité fait re-
monter le miel dans la bouche par le canal de l’œso-
phage. « Pour qu'il puisse faire sortir le miel qu'il
D
LA
»
2
»
=
>
ŸY
ÿ
contient, dit Réaumur, et s’en vider entièrement,
il doit être capable de se contracter comme le pre-
mier estomac des ruminans : il l’est aussi, et de se
contracter successivement et alternativement dans
différentes de ses portions. On ne devrait avoir
aucune peine à lui supposer cette force; mais je n’ai
pas besoin de la lui supposer, car j'ai vu qu'il l'a.
» Je trouvai un matin deux Abeilles languissantes
dans une boîte où je leur avais laissé passer la nuit,
etoù je n'avais pas oublié de leur donner du miel...
Pour examiner leur intérieur, je leur ouvris le ven-
tre; leur premier estomac était bien rempli de miel;
il était très-distendu en forme de vessie. Mais ce
que j'observai dans celui de chacun de ces individus
de plus remarquable, très-distinctement et pendant
long-temps, ce furent des mouvemens de contrac-
tion et de dilatation, Une portion des parois de
l'estomac s’approchait du centre et s'en éloignait
ensuite, et ce n'était pas toujours la même portion
qui me faisait voir ces mouvemens. Celle que j'avais
vue d’abord s’agiter, cessait de se mouvoir. Une
autre, quelquefois postérieure, quelquefois anté-
les perruquiers lançaient , dans le siècle dernier, la poudre de toi-
lette sur une tête bien frisée.
DES HYMÉNOPTÈRES. 259
» rieure, se mettait en jeu à son tour. La liqueur qui
» remplit un canal et qui y est pressée, sortira par
» celui des bouts qui sera ouvert. Aïnsi, quand la
» bouche permet au miel de sortir, il sort; et, quand
» cette ouverture est fermée, le miel est poussé vers
» la partie postérieure. »
Réaumur, qui avait vu ces faits pour le désorge-
ment du miel d’une manière qui ne prêtait à aucun
doute, et qui n’avait commencé à apercevoir la cire
qu’au moment où l’ouvrière la pétrit avec ses mandi-
bules, avait cru qu’elle était fournie à celle-ci par la
bouche, qui l’avait, pensait-il, reçue de l’æsophage
par un désorgement semblable à celui que nous avons
vu avoir lieu pour le miel. Mais un observateur de
Lusace, où il s'était formé une société qui s’occupait
des soins à donner aux Abeilles et de leur histoire,
écrivit à M. Bonnet, le 22 août 1568, « qu’on avait
» observé, en Lusace, que les Abeilles effluent la cire
» par les anneaux dont la partie postérieure de leur
» corps (l'abdomen) est formée; que pour s’en con-
» vaincre, il faut, avec la pointe d’une aiguille, tirer
» l'Abeille de l’alvéole, ou cellule où elle travaille en
» cire, et l’on s’apercevra, pour peu que l’on allonge
» son corps, que la cire dont elle est chargée se trouve
» sous ses anneaux en forme d’écailles...... Cette opi-
» nion ne parut pas assez fondée pour faire renoncer
» aux idées recues. Mais, dit Auber, plusieurs années
» après, en 1793, nous fümes très-étonnés de trouver
» sous les anneaux des Abeilles des lames qui parais-
» saient d’une matière analogue à la cire; et, les
» ayant exposées à la flamme d'une bougie, elles présen-
» tèrentles caractères dela vraiecire. Un Anglais, John
» Hunter, qui observait les Abeilles en même temps
17:
260 HISTOIRE NATURELLE
» que moi , découvrit de son côtéle véritable réservoir
» de la cire sous le ventre des ouvrières ;... mais il ne
» put se rendre le témoin de l’emploi des lames de
» cire, qu'il supposait transsudée du corps même des
» Abeilles. Nous poussämes plus loin nos observa-
tions, et nous pümes, non-seulement confirmer ses
résultats, mais leur donner plus de dévelop-
» pement.
» Ce fut sous les anneaux inférieurs du ventre des
» Abeilles que nous trouvâmes les plaques de cire;
» elles étaient rangées par paire, sous chaque sement,
» dans de petites poches, d’une forme particulière,
» situées à droite et à gauche de l’arête angulaire de
» l'abdomen; on n’en trouva point sous les anneaux
» des mâles et des femelles fécondes, la conformation
» de ces parties étant très- différente dans ces deux
» modifications sexuelles : les ouvrières seules pos-
» sèdent donc la faculté de sécréter la cire. La forme
» de ces poches... mérite la plus grande attention,
» puisqu'elle appartient à un organe nouveau.
» Le dessous du ventre de l’Apiaride ouvrière ne
» présente rien à l'extérieur dans sa composition, qui
» ne lui soit commun avec l'abdomen des Guépes et
» de plusieurs autres Hyménoptères : ce sont des
» demi-anneaux qui se recouvrent en partie les uns
» les autres ; mais ils ne sont pas planes, ils sont voü-
» tés, car le dessous de l'abdomen est remarquable
» par une saillie anguleuse qui règne depuis son ori-
gine jusqu'au bout opposé. Le bord de ces segmens
» est écailleux; mais si on les soulève, ou si l’on
» allonge le ventre de l’Abeille, en le tirant doucement
» par l’une de ces extrémités, on découvre la partie
» de ces pièces qui était masquée, dans l’état ordi-
>
>
>
DES HYMEÉNOPTÈRES. o61
naire, par le bord postérieur des autres segmens.
» Cette partie ordinairement cachée, que l’on doit
considérer comme la base de chaque sexment, puis-
qu’elle est adhérente au corps même de l’Insecte, est
d’une substance membraneuse, molle, transparente
et d’un blanc jaunâtre ; elle occupeau moins les deux
tiers de chaque segment; elle est partagée en deux
par une petite arête cornée qui répond précisément
à la saillie angulaire de l’abdomen. Cette arête part
du milieu du bord écailleux en se dirigeant du côté
de la tête; elle traverse la partie membraneuse, se
bifurque à son extrémité, se contourne en arc à
droite et à gauche, et fournit un bord solide à l’une
et à l’autre portion de la membrane : c’est sur les
deux petites aires qui résultent de cette division,
que les lames de cire se trouvent en nature. Leurs
contours, formés de lignes courbes et de lignes
droites jointes ensemble, présentent au premier
abord l'aspect de deux ovales; mais, en analysant
leur composition , on reconnaît que ce sont des pen-
tagones irréguliers. Les aires membraneuses sont
inclinées comme les côtés du corps même ; elles sont
entièrement recouvertes par le bord du segment
précédent, et forment avec lui de petites poches
ouvertes seulement par le bas. Les sezmens ou les
deux plans qui forment l’ensemble des cavités à
cire, sont réunis par une espèce de membrane,
ainsi que les deux pièces d’un portefeuille.
» Les lames de cire ont absolument la forme des
aires membraneuses sur lesquelles elles sont placées.
Il n’y en a que huit sur chaque individu; car le pre-
mier segment et l’anal , conformés différemment des
autres, n'en fournissent point. La grandeur des
262 HISTOIRE NATURELLE
»
LA
LA
»
»
»
lames va en décroissant comme le diamètre des an-
neaux qui leur servent de moules : les plus grandes
sont sous Je troisième anneau, les plus petites sous
le cinquième. Les lames n'étaient pas dans le même
état sur toutes les Abeilles... Sur quelques-unes
elles étaient si minces, et d’une transparence si par-
faite , quela loupe seule pouvait les faire apercevoir;
sur d’autres on ne découvrait que des aiguilles sem-
blables à celles qu'on voit dans l’eau au premier
moment où elle gèle. Ces aiguilles, ainsi que ces
plaques, n'étaient pas posées immédiatement sur la
membrane; elles en étaient séparées par une lévère
couche d’une substance liquide qui servait peut-être
à lubréfier les jointures des anneaux, ou à rendre
lus facile l'extraction des plaques. Il y avait d’au-
tres Abeilles sur lesquelles elles étaient si grandes
qu'elles débordaient les anneaux; la forme en était
plus irrégulière que celle des précédentes ; leur épais-
seur, en altérant la transparence de la cire, les fai-
sait paraître d’un blanc jaunâtre : on les voyait sans
être obligé de soulever les écailles qui les recou-
vrent ordinairement en entier. Ces nuances entre
les plaques de différens individus d’une même espèce
d’Abeilles, ces progrès dans leur forme et leur
épaisseur, le liquide interposé entre elles et les pa-
rois de leur loge, le rapport de chaque plaque avec
la grandeur ét la forme de celle-ci; toutes ces circon-
stances semblaient annoncer la transsudation de
cette matière au travers de la membrane qui lui sert
de moule. Un autre fait confirma cette opinion : en
perçant la membrane dont la surface paraissait ap-
pliquée sur les parties molles du ventre, on fit jaillir
une liqueur transparente qui se coagula par le re-
DES HYMÉNOPTÈRES. 263
» froidissement ; dans cet état elle ressemblait à de la
» cire. Cette matière , soumise à l'influence de la cha-
» leur, se liquéfia de nouveau. La même épreuve,
» tentée sur les plaques, eut un résultat semblable :
» elles se liquéfièrent et se figérent en raison de la
» température comme la cire elle-même. »
En poussant plus loin ses recherches sur les rap-
ports des plaques avec la cire travaillée, M. Huber
trouva entre elles de légères diflérences. Il prit sur
des gâteaux neufs les fragmens de cire les plus blancs
qu'il put trouver pour les soumettre aux mêmes
épreuves que les plaques de cire. Voici ces épreuves:
«1° Il jeta dans l'esprit de térébenthine quelques
» lames prises sous les anneaux des ouvrières ; elles
» disparurent et furent dissoutes avant d'atteindre le
» fond du vase; elles ne troublèrent pas la liqueur;
» mais une dose égale de là même essence ne put dis-
» soudre; ni aussi vite, ni aussi complétement, les
» fragmens de cire blanche travaillée , il resta beau-
» coup de particules suspendues dans la liqueur.
» 2° Il remplit d’éther sulfurique deux flacons ésaux;
» le premier destiné aux lames des anneaux, le
» deuxième a des fragmens de cire équivalant en
» poids à la cire des lames. À peine les fragmens de
» cire des gâteaux furent-ils mouillés par l’éther, qu'il
» les vit se diviser et tomber en poudre au fond du
» vase; mais les plaques, prisessur les Abeilles mêmes,
» ne se divisèrent point ; elles conservèrent leur forme
» en perdant seulement leur transparence ; elles de-
» vinrent d’un blanc mat. Dans l’espace de plusieurs
» jours il ne se fit aucun changement dans les deux
» flacons. On fit évaporer séparément l’éther qu'ils
» contenaient , et l’on trouva sur le verre une légère
264 HISTOIRE NATURELLE
» couche de cire; on répéta souvent cette épreuve;
» les fragmens d’alvéoles furent toujours réduits en
» poudre ; les lames, au contraire, ne furent jamais
» divisées par cette liqueur : au bout de plusieurs
» mois l'éther n'en avait dissous qu'une très - petite
» partie. D'après cette expérience , il parut que la cire
» des plaques des anneaux était moins composée que
» celle des alvéoles, puisque celle-ci se divisait dans
» l’éther, tandis que celle-là y demeurait entière, et
» puisque l’une n’était dissoute qu’en partie dans l’es-
» prit de térébenthine, dans laquelle l'autre se dis-
» solvait complétement. »
La matière des lames a bien la fusibilité de la cire,
et l'on ne peut douter qu'elle n'entre dans sa compo-
sition, mais elle n’en a ni la flexibilité, ni la blancheur.
Il faut donc qu'elle recoive quelque préparation au
sortir des loges, et que les Abeilles sachent l’impré-
gner d’une substance capable de lui donner ces quali-
tés, on ne peut donc la regarder que comme une ma-
tière à cire, produite par une transsudation dans les
loges des demi-segmens inférieurs intermédiaires de
l’abdomen.
Ce fait paraît encore prouvé par d’autres expé-
riences de M. Huber, dont nous rapporterons le pré-
cis. « Je logeai , dit-il, le 24 mai, un essaim dans une
» ruche de paille vide, avec ce qu'il fallait de miel et
» d’eau pour la consommation des Abeilles ; je fermai
les portes avec soin, afin de leur interdire toute
» possibilité d’en sortir. Je laïssai cependant un libre
passage à l’air, dont le renouvellement pouvait être
» nécessaire à mes captives.
» Au bout de cinq jours la ruche, qui ne contenait
pas un atome de cire lorsque j'y établis les Abeilles ,
S
ÿ
A
DES HYMÉNOPTÈRES. 265
avait acquis cinq gâteaux de la plus belle cire ; ils
étaient suspendus à la voüte du panier ; la matière en
était d’un blanc parfait et d’une grande fragilité...
Mais les ouvrières que je tenais captives, avaient pu
recueillir du pollen des fleurs, lorsqu'elles étaient en
liberté ; elles avaient pu faire des provisions la veille
et le jour même de leur emprisonnement, et en
avoir assez dans leur estomac ou sur leur palette,
pour en extraire toute la cire que nous avons trouvée
dans leur ruche. Mais, s’il était vrai qu’elle vint
du pollen récolté précédemment, cette source n’é-
tait pas intarissable, et les Abeilles, ne pouvant
plus s'en procurer, cesseraient bientôt de construire
des rayons: on les verrait tomber dans l’inaction la
plus complète; il fallait donc prolonger encore la
même épreuve pour la rendre décisive.
» On eut, en conséquence, soin d’enlever tous les
gâteaux que les Abeilles avaient construits pendant
leur captivité, et, comme elles avaient été lâchées
pour cela dans une chambre fermée, on les fit ren-
trer dans leur ruche, sans qu’elles eussent pu récolter
de nouveau pollen, en leur donnant une nouvelle
ration de miel... Le troisième jour on trouva cinq
nouveaux gâteaux...... On enleva jusqu'à cinq
reprises les gâteaux, en ayant toujours la précau-
tion de ne pas laisser échapper les Abeilles au de-
hors. Ce furent les mêmes mouches; elles furent
nourries uniquement avec du miel pendant cette
longue réclusion... À chaque fois qu’on leur donna
du miel, elles produisirent de nouveaux gâteaux ; il
était donc hors de doute que cette nourriture n’ex-
citât en elles la sécrétion de la cire sans le concours
du pollen.
266 HISTOIRE NATURELLE
» Mais il n'était pas impossible que le pollen eût la
» même propriété; …,. au lieu donc de donner du
» miel aux Abeilles, on ne leur donna, pour toute
» nourriture, que du fruit et du pollen : leur capti-
» vité dura huit jours , pendant lesquels elles ne firent
point de cire, on ne vit point de plaques sous leurs
anneaux. »
Il est donc nécessaire de conclure avec M. Huber,
contre la conjecture de Réaumur (car telle est seule-
ment l'expression dubitative du sage observateur
français), que la cire n’est point due à l’élaboration
du pollen dans le corps des Abeilles, et qu’elle ne sort
point de celui-ci par leur bouche, mais que la ma-
tière à cire se forme par une sécrétion entreles segmens
du dessous de leur abdomen.
Nous appelons matière à cire les plaques qui s'y
forment , et nous ne leur donnons pas avec M. Huber
le nom de cire , parce que, d’après ses propres expé-
riences rapportées plus haut , ces lames ont quelques
propriétés particulières différentes de celles de la cire
des gâteaux , lesquelles prouvent que les plaques ne
deviennent véritable cire, que par l'addition de par-
ties qui achèvent de la constituer. De plus , la matière
des plaques est plus fragile.
Nous avons déjà montré la manière dont les ou-
vrières récoltent le miel , le pollen et une résine dont
l'emploi est encore l'objet des travaux de nos infatiga-
bles travailleuses. Nous avons démontré la formation
de la matière à cire; il convient actuellement d’expli-
quer l'emploi de ces récoltes, ce qui nous conduit à
l'architecture des Abeilles.
Lorsqu'une colonie d’Abeilles occupe une ruche
vide, ou par son choix, ou parce que l’homme l'y à
DES HYMÉNOPTÈRES. 267
placée, jamais cette habitation n’est assez close pour
convenir parfaitement à ses habitantes. Il reste tou-
jours de petites fentes , de petits interstices qui pour-
raient être nuisibles , en donnant passage à la lumière
et à la pluie , que les Abeilles craignent également dans
leur irtérieur , ou offrir une entrée à des ennemis qui
ne sont que trop à craindre pour leur tranquillité et
dont nous aurons à parler dans la suite. Une seule
ouverture est sufisante pour la sortie et la rentrée des
individus qui vont faire les récoltes ; encore cette ou-
verture est ordinairement surveillée par un certain
nombre d'ouvrières, et si les ouvertures étaient plus
nombreuses on conçoit que les autres travaux en souf-
friraient.
Le premier travail d’un essaim d’Abeilles (c’est
ainsi qu'on appelle ce quenous nommions tout à l'heure
colonie), qui s'établit dans une ruche, est d’en boucher
les fentes. Cette opération se fait par le moyen de la
résine dont nous avons décrit plus haut la récolte.
Réaumur rapporte que l’on pensait de son temps
qu'elle était prise sur les bourgeons des bouleaux, des
saules et des peupliers, et les observations d'Huber
confirment cette opinion pour les derniers. Cette ma-
tière a été nommée propolis, et c'est sous ce nom que
nous la mentionnerons dans l’occasion. Nous devons
aussi faire remarquer que les Abeilles ne manquent
pas de propolis , dans les pays où il n’existe ni bou-
leaux , ni saules, ni peupliers, et que par conséquent
d’autres végétaux peuvent aussi fournir cette matière
résineuse.
Lorsqu'une Abeille rentre à la ruche, les palettes
chargées de propolis , d’autres ouvrières viennent suc-
cessivement enlever des parcelles de ces pelotes, et
268 HISTOIRE NATURELLE
les emploient à boucher en dedans les trous de l’habi-
tation extérieure, Pour cela, elles ramollissent ce
qu'elles ont enlevé de la pelote attachée à la palette
de l’ouvrière arrivante, en pressant pendant quelque
temps la résine entre leurs mandibules; puis elles
l’emploient en l’étendant sur la superficie. La propo-
lis leur sert encore à fortifier les bords des alvéoles.
Elle n’entre en rien dans la nourriture des Apiarides,
ni de leurs larves.
Lorsque les trous et les fentes sont bouchés dans la
partie de la ruche ou du panier sur laquelle les A pia-
rides veulent fonder un gâteau ( nous avons expliqué
plus haut ce qu’on appelle un gâteau, et nous avons
dit qu'il est composé de cellules hexagones à pans
égaux posées horizontalement sur deux rangs opposés
réunis par leur fond ), l’ouvrière y pose les fondemens
d’une cellule, qui sera, ainsi qu’on le concoit , atta-
chée par l’un de ses côtés à la ruche. Ces cellules
étant construites de cire, nous devons ici rappeler
que la matière à cire, formée dans les poches de la base
des segmens du ventre par la transsudation ou trans-
piration , y est sous la forme de lames irrégulièrement
pentagones, qui finissent par déborder les segmens qui
recouvrent la place où elles se forment , et que cette
matière, quoique susceptible de fusion, est à son ex-
traction plutôt cassante que ductile. Il faut donc pour
l’employer que l’ouvrière la retire d’entre ses anneaux,
puis qu’elle lui fasse subir les préparations qui doi-
vent lui donner la ductilité , qui est une des qualités
reconnues dans la cire employée à la fabrique des
cellules.
« L'ouvrière, dit Huber, dont les lames de matière
» àcire sont bonnes à être employées, fend la presse
»
=
ÿ
ÿ
DES HYMÉNOPTÈRES. 269
de ses camarades, les force à se retirer, et forme
: en tournant un espace vide à la place où elle doit
bâtir, dans lequel elle puisse se mouvoir librement.
Elle se suspend alors par les pattes antérieures au
centre de l'endroit qu’elle a déblayé. Nous la vimes,
ajoute-t-il, aussitôt saisir une des plaques qui dé-
bordaient ses anneaux; dans ce but elle approcha
une des jambes de la troisième paire, elle l’appliqua
immédiatement contre son ventre , ouvrit la pince
que nous avons décrite, insinua adroitement la dent
du premier article du tarse sous la lame qu’elle vou-
lait enlever, referma l'instrument, fit sortir la pla-
que de cire de la loge où elle était engagée, et la prit
enfin avec les crochets des tarses antérieurs pour la
porter à la bouche entre ses mandibules. L’Abeille
tenait alors cette lame dans une position verticale;
nous nous aperçümes qu'elle la faisait tourner entre
ses dents, à l’aide des crochets de ses premières
» jambes, qui, étant fixés à son bord opposé, pou-
vaient lui imprimer une direction convenable. La
trompe repliée sur elle-même, comme nous avons
décrit son attitude dans le repos, lui servait de
point d'appui; elle contribuait, en s’élevant et
s’abaissant tour à tour, à faire passer toutes les
portions de la circonférence sous le tranchant des
mandibules , et le bord de cette lame fut ainsi brisé
et concassé en peu d’instans. Les particules qui
s’en détachaient, tombaient aussitôt dans la double
‘cavité des mandibules dont nous avons parlé en
décrivant ces parties de la bouche, cavité qui est
bordée de poils. Ces fragmens, pressés par d’autres
nouvellement hachés, reculèrent du côté de la bou-
270 HISTOIRE NATURELLE
LA
=
>
che, et sortirent de cétte espèce de filière sous la
forme d’un ruban fort étroit. ;
» Ils se présentèrent ensuite à la lèvre inférieure;
celle-ci les imprégna d’une liqueur écumeuse sem-
blable à une bouillie ; elle faisait dans cette opéra-
tion les manœuvres les plus variées ; elle prenait
toutes sortes de formes, tantôt elle s’aplatissait
comme une spatule, tantôt c'était une truelle qui
s’appliquait sur le ruban de cire, d’autres fois elle
s’offrait sous l’aspect d'un pinceau terminé en
pointe. Après avoir enduit toute la matière du ru-
ban avec la liqueur dont elle était chargée , la lèvre
inférieure poussa en avant cette cire, et la forca à
repasser une seconde fois dans la même filière, mais
en sens opposé; le mouvement qu’elle communi-
quait à la cire la fit avancer vers la pointe acérée
des mandibules, et à mesure qu’elle passait elle
était hachée de nouveau. L’Abeille appliqua enfin
ces parcelles de cire contre la voûte de la ruche. Le
gluten dont elle les avait imprégnées, facilitait leur
adhésion; elle les sépara alors, d’un coup de ses
mandibules, de celles qui n'étaient pas encore mises
en œuvre; puis, avec la pointe des mêmes instru-
mens, elle les disposa dans la direction qu’elle vou-
lait leur faire prendre.
» La liqueur que l’ouvrière mélait à la matière à cire,
» lui communiquai tune blancheur et une opacité qu'elle
»
n'avait pas à sa sortie des anneaux ; le but de ce mé-
»lange était, sans contredit, de faire acquérir àla cire
»
»
»
cette ductilité et cette ténacité qu'elle possède quand
elle est parfaite. L’Abeille continua sa manœuvre
jusqu'à ce que tous les fragmens qu'elle avait hachés
» et imprégnés de bouillie blanchâtre, fussent attachés
y
Lt
DES HYMÉNOPTÈRES. 271
à la voute. Elle commenca alors à faire tourner entre
ses dents le reste de la lame qu'elle avait tenue écar-
tée pendant l’imprégnation du ruban. Toute la par-
tie qui était demeurée intacte dans la première
opération, fut employée dans celle-ci, et de la même
manière. L’ouvrière appliqua au-dessous du plafond
les particules qu’elle venait de préparer; elle en
plaça d’autres au-dessous et à côté des premières,
et ne s'arrêta que lorsqu'elle eut épuisé la matière
que cette plaque pouvait fournir. Une seconde, une
troisième plaque, furent mises en œuvre par la même
Abeille; mais l'ouvrage w’était qu'ébauché, il ne
présentait encore que des matériaux prêts à rece-
voir toute espèce de forme. L'ouvrière ne se donnait
pas la peine de comprimer les molécules de cire
qu'elle rassemblait; il lui suffisait qu'elles adhé-
rassent ensemble, et il ne fallait aucun effort pour
cela.
» Cependant l’Abeille fondatrice quitta la place
après avoir employé ce qu'elle avait de matière à
cire; elle se perdit au milieu de ses compagnes, et
une autre lui succéda. Celle-ci avait de la matière à
cire sous ses anneaux; elle se suspendit au même:
endroit où venait de travailler celle qui l'avait pré-
cédée; elle saisit une de ses plaques à l’aide de la
pince de ses jambes postérieures, la fit passer entre
ses mandibules, et se mit en devoir de continuer
l’ouvrage commencé. Elle ne déposait point au ha-
sard les fragmens de cire qu’elle avait mâchés : le
petit tas qu'avait fait sa compagne la dirigeait, car
elle fit le sien dans le même alignement, et les unit
l’un à l’autre par les extrémités. Une troisième ou-
vrière se détacha de l'intérieur du groupe des
272 HISTOIRE NATURELLE
» Abeilles; elle se suspendit au plafond, réduisit en
» pâte molle quelques-unes de ses lames, et plaça les
» matériaux qu'elle avait à sa disposition auprès de
» ceux que ses compagnes venaient d'accumuler ; mais
» ils n'étaient pas rangés dans le même ordre, ils fai-
» saient angle avec les premiers. Une autre ouvrière
» parut s’en apercevoir, et, sous nos yeux, enleva
» cette cire mal placée pour la porter auprès du pre-
» mier tas; elle la disposa dans le même ordre et sui-
» vit exactement la même direction qui lui était indi-
» quée. Il résultait de toutes ces opérations un bloc
» dont les surfaces étaient raboteuses, et qui descen-
» dait perpendiculairement au-dessous de la voüte.
» On n’apercevait aucun angle, aucune trace de la
» figure des cellules ou alvéoles dans ce premier tra-
» vail des Abeilles ; c'était une simple cloison en ligne
» droite et sans la moindre inflexion ; sa longueur était
» de six à huit lignes; elle était élevée des deux tiers
» du diamètre d’une cellule, mais elle se rabaissait
» vers ses extrémités. Nous avons vu d’autres blocs
» de douze et jusqu’à dix-huit lignes de longueur ; la
» forme en était toujours la même, mais ils n'avaient
» pas plus d’élévation. L'espace vide qui s'était formé
» par le mouvement de la première ouvrière fonda-
» trice d'un gâleau , nous avait permis de voir les pre-
» mières manœuvres des Abeilles, et de découvrir
l’art avec lequel elles posent les fondemens de leur
édifice; mais ce vide fut rempli trop promptement
à notre gré, trop d’ouvrières s’accumulèrent sur les
» deux faces du bloc, et le voile s’épaissit au point
» qu'il ne fut plus possible de suivre leur travail. »
Il est à remarquer ici que notre célèbre Réaumur
n'ayant pas observé les plaques de matière à cire, ni
©
L2
ÿ
DES HYMÉNOPTÈRES. 273
surpris l’ouvrière les amenant toutes formées entre
ses mandibules, a cru que la cire était en entier dé-
sorgée, sous la forme de cette bouillie dont nous avons
parlé, par l’œsophage, et transmise aux mandibules
par la lèvre inférieure, tandis que l'observation prouve
que cette bouillie n’est qu'un des principes constitu-
tifs de la cire, et que l’autre principe est la plaque de
matière, fusible par la chaleur, qui se forme entre les
seomens de la face ventrale de l’abdomen.
La ruche, habitée depuis quelque temps par un
essaim d’Apiarides , renferme un assez grand nombre
de gâteaux parallèles les uns aux autres, suspendus à
la voûte de la ruche, et en même temps adhérens par
leurs bords aux parois latérales de cette ruche. « Il est
» aisé d’apercevoir, dit Réaumur, que les gâteaux ne
» se touchent point, qu'entre deux gâteaux, il reste
» un espace au moins assez large, pour que deux
» Abeilles puissent y passer à la fois. Ce sont les rues,
» ou, si l’on veut , les places publiques que les archi-
» tectes ont réservées pour pouvoir faire usage de
» toutes les cellules de chaque gâteau. Outre ces
» grandes rues, on en remarque beaucoup de plus pe-
» tites, qu'on appellera peut-être plus volontiers des
» portes ou des passages ; ce sont des ouvertures mé-
» nagées dans chaque gâteau et qui les traversent.
» Ces portes abrégent beaucoup le chemin que les
» Abeilles ont à faire, lorsqu'étant entre deux gâ-
» teaux, elles veulent passer sur d’autres, ou se
» rendre dans des endroits de la ruche où elles n’ont
» pas encore travaillé. »
La distribution des rues ou des places, ou, ce qui
revient au même, l'arrangement des rayons de cire n’est
pas toujours un ensemblerégulier , et, si l’on regarde
HYMÉNOPTÈRES , TOME I, 18
274 HISTOIRE NATURELLE
l'intérieur de plusieurs ruches, on observera « que la
» disposition des rues varie dans différentes ruches ,
» comme elle varie dans nos diflérentes villes. Les
» Abeilles ne sont pas astreintes à une trop grande
» régularité ; elles s’accommodent aux circonstances.
» On trouvera des ruches remplies par des gâteaux
» tous parallèles les uns aux autres. On en trouvera
d’autres dont les gâteaux qui occupent du haut en
» bas une partie de la capacité de la ruche, sont encore
» parallèles entre eux , pendant que ceux qui oceupent
» le reste de la capacité, sont obliques aux premiers,
» et le sont plus ou moins. » Les cellules ou alvéoles
qui composent ces gâteaux , ont, généralement par-
lant, la forme d’un prisme à six pans égaux, terminé
par une pyramide qui lui sert de fond , composée de
trois losanges égaux. L'ouverture de chaque alvéole
est à la superficie du gâteau; elle est coupée droit,
en sorte quele bord entier de cette ouverture touche-
rait au plan de position sur lequel elle serait posée.
Mais les pans, à leur autre bout, ne sont pas taillés
droit; ils le sont tous obliquement, en sorte que
chaque pan d’une même cellule forme d’un côté un
angle rentrant avec son voisin, et de l’autre un angle
sortant avec son autre voisin. Quant aux trois losan-
ges qui composent la pyramide terminale sortante du
fond, deux des côtés de l’un s'adaptent par un angle
et par toute sa longueur à un côté de chacun des
deux autres losanges, et les deux côtés restans s'a-
daptent chacun au bord de l’un des plans du prisme,
de manière que chaque losange bouche l’un des angles
rentrans formés par deux de ces pans.
Chaque gâteau est composé d’un nombre considé-
rable de cellules posées à côté l’une de l’autre, et,
Ë
DES* HYMÉNOPTÈRES. 275
d’après leur forme que nous venons de décrire, si
nous ajoutons qu'il n’y a point de vide entre les pans
de l’une et ceux de ses voisines, il sera aisé de se
figurer que chaque pan est commun à deux cellules ,
et que, par conséquent, dans une cellule considérée
entourée de ses voisines , les six pans qui forment sa
partie prismatique, sont en même temps chacun l’un
des pans de chacune des six cellules, ses voisines immé-
diates. Mais, en outre, chaque gâteau est composé
de deux rangs de cellules, dont les ouvertures sont
opposées et forment les deux superficies extérieures
de chacun de ces gâteaux , tandis qu’elles se touchent
trois à trois par leurs fonds pyramidaux. Ces cellules
des deux rangs ne sont donc pas précisément opposées
l’une à l’autre , mais chacune d’elles a pour fond trois
pièces en losange, dont chacune appartient à une cel-
lule différente du rang opposé. Ildoit être facile de con-
cevoir que les fonds pyramidaux sortans de trois cel-
lules d’une même face du gâteau, laissent entre eux un
fond pyramidal rentrant égal en capacité à chacun
des sommets pyramidaux des trois cellules qui lui
prêtent chacun un de leurs trois losanges. L’inspec-
tion prouve que le bord de cette cavité, composée
comme nous venons de le dire, est formé, au moyen
des fonds des cellules voisines, de six carènes formant
entre elles alternativement un angle rentrant et un
angle sortant. Sur chacune de ces carènes, l’Abeille
élève un plan; elle forme par-là même une cellule de
la seconde face du gâteau. On à vu plus haut qu’elle a
la cire à sa disposition, qu'elle la porte elle-même
jusqu'au moment où elle l’'emploie, et qu'elle com-
mence par la poser en masse sans lui donner une
forme bien régulière. Il nous reste à voir comment
18.
276 HISTOIRE NATURELLE
son ouvrage atteint à cette régularité, et ce qu'elle
doit faire pour cela.
« On suppose peut-être, dit Huber, que les Abeilles
» sont pourvues d'instrumens analogues aux angles
» des cellules ; car il faut bien expliquer leur géomé-
» trie de quelque manière: mais ces instrumens ne
» peuvent être que leurs dents, leurs pattes ou leur :
» tête. Or, il n'y a pas plus de rapport entre la forme
» des dents des Abeilles et les angles de leurs cellules,
» qu'entre le ciseau du sculpteur et l’ouvrage qui sort
» de ses mains. Leurs dents sont effectivement des
» espèces de ciseaux creux , coupés obliquement en
» forme de gouge, portés sur un pédicule court et
» divisé en deux rainures longitudinales par une arête
» écailleuse ; leur tranchant se rencontre en dessus et
» s'applique immédiatement l’un contre l’autre : le
» dessus offre une espèce de gorge divisée par l’arête
» Saillante et bordée de poils longs et forts, qui sont
» probablement destinés à retenir les molécules de
» cire dans le travail des gâteaux. Lorsque les dents
» sont réunies, elles forment un angle curviligne aigu,
» et l'angle rentrant qu’elles présentent, lorsqu'elles
» s'écartent l’une de l’autre, est encore moins ouvert.
» On ne reconnaît point là les angles des rhombes et
» des trapèzes de leurs cellules.
» La forme triangulaire de ieur tête, qui ne pré-
» sente que trois angles aigus, n’explique pas mieux
» le choix de ces figures; car, en supposant que l’un
» d'eux fût analogue à l'angle aigu des losanges, où
» serait la mesure de leurs angles obtus? »
Chercherons-nous aux pattes des Apiarides des rap-
ports avec les ouvrages réguliers que ces Insectes
savent exécuter? Mais nous avons énuméré les parties
DES HYMÉNOPTÈRES. 277
qui les composent, et décrit chacune d'elles, et nous
n’en avons trouvé aucune, qui nous offrit le moule d’un
alvéole, ni des parties qui le composent.
Il était donc intéressant de savoir et curieux de voir
comment la cire, que nous avons vue déposée en cor-
dons gros et irréguliers, était amenée à former une
cellule régulière hexagone, ayant pour fond une py-
ramide également régulière, et l’on a vu plus haut
qu'après ce premier dépôt, le nombre d'ouvrières qui
se mettent à poursuivre l'ouvrage dans les données
naturelles , empêcha Huber de voirla suite du travail.
Cherchant donc un moyen qui prévint un pareil en-
combrement , il inventa l'appareil suivant, et parvint
par son moyen au but de son investigation :
« Comme les Abeilles posent toujours les fonde-
» mens de leurs gâteaux dans le haut des ruches, à
» l'endroit même où est suspendue la grappe formée
» par la réunion de tout l’essaim, il me parut que le
» seul moyen d'isoler les travailleuses, était de les
» amener à changer la direction de leur maçonnerie;
» mais je ne prévoyais pas de quelle manière je pour-
» rais y contraindre des êtres qui ont aussi leurs vo-
» lontés et ne les soumettent pas à nos caprices. Je me
» décidai donc enfin à hasarder une tentative qui ne
» devait rien forcer, puisqu'elle permettait aux Abeilles
» de suivre leur routine ordinaire pour tout le reste,
» et de se dispenser même de bâtir des cellules, si le
» travail , auquel je voulais les astreindre , était trop
» contraire à leurs usages. Je me flattais de pouvoir
» obliger ces travailleuses à construire leurs gâteaux
» en montant, c'est-à-dire à faire l'inverse de ce
» qu'elles font tous les jours, ce qui, au reste, n’est
» pas sans exemple chez elles. Voici l'appareil que j'ai
278 HISTOIRE NATURELLE
>
ÿY
inventé pour cet effet (1) : jefis construire une boîte
carrée , de huit à neuf pouces de haut sur douze de
large, au bas de laquelle on pratiqua une porte : le
fond supérieur pouvait s’enlever à volonté ; je le fis
faire d’une seule glace, montée sur un châssis mo-
bile. Je choisis, dans une de mes ruches en feuillets,
des gâteaux remplis de couvain, de miel et de pol-
len, afin qu'ils renfermassent tout ce qui pouvait
intéresser les Abeilles. Je les coupai en bandes d’un
pied de long sur quatre pouces de haut; je les ajus-
tai verticalement, dans le sens de la longueur, au
fond de la caisse, et j’eus soin de laisser entre cha-
cun d’eux autant d'intervalle qu'il y en a à lordi-
paire entre ceux que ces Insectes arrangent eux-
mêmes. Je recouvris enfin le bord supérieur de
chacun des rayons d’une petite tringle ou baguette
de bois, qui ne la débordait pas, et laissait une
libre communication entre toutes les parties de la
ruche. Ces baguettes reposant sur des rayons de
quatre pouces de hauteur, il restait aux ouvrières
la possibilité de bâtir au-dessus d’elles dans un es-
pace de cinq pouces de haut sur douze de long. Il
n'était pas probable que ces Abeilles posassent les
fondemens de nouveaux gâteaux contre la glace ho-
rizontale qui servait de toit à la ruche, puisqu'elles
ne peuvent pas se tenir en grappe contre la surface
slissante du verre; il fallait donc nécessairement,
si elles étaient disposées à construire des gâteaux
neufs, qu'elles les élevassent au-dessus des tringles,
et je me flattai d'obtenir, par ce nouveau procédé,
(1) Pour rendre plus incontestables les résultats des observations
de M. Huber , je crois nécessaire de décrire l'appareil à l'aide du-
quel il les a faites. On pourra lés répéter. On est porté toujours à
craindre que ce que les anciéns ont vu, n'ait été mal vu.
»
»
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 270
plus de succès que je n’en avais eu précédemment.
» Lorsque cette ruche fut peuplée, l’essaim s’établit
de lui-même, et, comme nous l’avions prévu , entre
les gâteaux dont le fond de la caisse était garni ; on
vit alors les Abeilles à petit ventre (celles qui n’ont
pas actuellement de lames de cire entre les sezmens
de l’abdomen) déployer leur activité naturelle : elles
se répandirent dans toutes les parties de la ruche
pour nourrir les jeunes larves, nettoyer leur loge-
ment et l’approprier à leurs convenances. Les g4-
teaux qu'on leur avait donnés, équarris grossière-
ment pour être assujettis au fond de la caisse, et
endommagés en plusieurs endroits, leur parurent
sans doute diflormes et mal conditionnés ; car elles
s’occupèrent aussitôt à les réparer : ün les vit hacher
la vieille cire, la pétrir entre leurs dents et en for-
mer des liens pour consolider les rayons... Une
moitié de cette nombreuse population ne prit aucune
part aux travaux et résta immobile, pendant que
d’autres remplissaient toutes les fonctions que la
prévoyance semblait exiger d'elles. Celles qui res:
taient immobiles, s'étaient gorgées du miel que nous
avions mis à leur portée, et au bout de vinst-quatre
heures d’une immobilité presque complète, la
cire formée sous leurs anneaux était déjà prête à
être mise en œuvre, et nous vimes, à notre grande
satisfaction , un petit bloc s'élever sur une des ba-
guettes que nous avions préparées pour servir de
base à leurs nouvelles constructions. En cela ces
Insectes remplirent pleinement nos vues, et comme
la grappe était établie entreles gâteaux et au-dessous
des baguettes , ellene mit plus obstacle, par sa masse
et son opacité, aux progrès de nos observations.
280 HISTOIRE NATURELLE
»
» À cette occasion, nous passâmes en revue pour la
seconde fois, et l’entreprise de l’Abeille fondatrice
d’un nouveau gâteau, et les travaux successifs de
plusieurs, pour former ce bloc dont nous avions
concu de justes espérances... Ce fut dans ce bloc,
d'abord très-petit, mais agrandi successivement à
mesure que la progression du travail des Abeilles
l'exigeait, que furent creusés les fonds des pre-
mières cellules. Nous comprimes dès le commence-
ment pourquoi ils étaient entrelacés; les Abeilles
firent devant nous ce premier rang qui donne la clef
de toute l'architecture. »
Elles ne les construisent pas, elles les creusent
dans le bloc, en retranchant avec leurs mandibules,
et principalement avec l’angle apical de celles-ci, les
parties inutiles de ce bloc. Ces fonds sont donc, à
proprement parler , sculptés par nos habiles ouvrières.
« Elles creusèrent grossièrement d’un côté du ! loc,
»
»
»
une petite cavité de la largeur d’une cellule ordi-
naire; c'était une espèce de cannelure , dont elles
rendirent les bords saillans par l’accumulatior. de la
» cire. Au revers de cet enfoncement, sur la face
opposée, elles en pratiquèrent deux autres égaux
et contigus entre eux, à peu près semblables au pre-
mier, mais un peu moins alongés. Ces trois creux,
de même diamètre, étaient partiellement adossés ,
parce que le milieu de celui qui était isolé, répon-
dait exactement au rebord qui séparait les deux au-
tres. Le premier de ces creux étant plus alongé , sa
partie supérieure ne pouvait correspondre sur l’au-
tre face qu’à une portion du bloc encore brute qui
régnait au-dessus des cavités du premier rang, et
cest sur cette portion que l’ébauche du premier
ÿ
DES HYMÉNOPTÈRES. 281
fond pyramidal fut commencée. Ainsi l’on voyait
une seule cannelure, située sur la face antérieure,
répondre partiellement à trois cavités, dont deux
appartenaient au premier rang et une au second.
» Le rebord arqué de ces cannelures ayant été con-
verti par les Abeilles en deux saillies rectilignes,
qui faisaient ensemble un angle obtus, chacune des
cavités du premier rang eut un contour pentagone,
en comptant la tringle même pour un de ses côtés.
Mais la cannelure du second rang, dont la base
» était située entre les côtés obliques des deux fonds
du premier, eut six côtés : deux pris de sa base,
deux latéraux parallèles, et deux autres obliques,
formés sur son bord arqué. Quant à la configuration
intérieure que recurent ces cavités, elle nous parut
dériver aussi naturellement de la position respec-
tive de leurs ébauches. Il semblait que les Abeilles,
douées d’une délicatesse de tact admirable, diri-
geassent , toujours en sculptant, leurs mandibules
principalement là où la cire était la plus épaisse,
c'est-à-dire dans les parties où d’autres ouvrières
avaient accumulé cette matière en travaillant sur le
revers ; ce qui explique pourquoi les fonds des cel-
lules sont creusés angulairement derrière les saïllies
sur lesquelles doivent être élevés les pans des cel-
lules correspondantes. Les fonds des cavités étaient
donc divisés en plusieurs pièces qui faisaient angle
ensemble, et le nombre, comme la forme de ces
pièces, dépendait de la manière dont les fonds
ébauchés sur la face opposée du bloc, partageaient
l'espace qui leur était adossé ; ainsi la plus grande
des cannelures , qui était opposée à trois autres, fut
divisée en trois parties, tandis que, sur l’autre face,
282 HISTOIRE NATURELLE
» celles du premier rang , qui n'étaient adossées qu’à
celles-ci , ne furent composées que de deux pièces
seulement. Par une conséquence de la manière dont
» les cannelures étaient opposées les unes aux autres ,
» celles du second rang et toutes celles qui vinrent
» après, adossées partiellement à trois cavités, furent
composées de trois pièces égales , dont la forme était
celle de rhombe. »
Voilà donc la manière dont les Apiarides construi-
sent les cellules dont l’aggrégation forme les gâteaux
qui remplissent leurs ruches; cependant, comme
celles-ci ont été travaillées de bas en haut, tandis
qu’il est notoire qu'elles opèrent ordinairement de
baut en bas, « nous obligeämes, dit Huber, les
» Abeilles à commencer dans ce sens un grand nom-
» bre de petits gâteaux, dont les ébauches, plus ou
» moins avancées, nous apprirent qu’ils étaient con-
» struits sur les mêmes principes et avec les mêmes gra-
» dations que ceux qui avaient été faits en montant.»
Mais il est des circonstances qui altèrent un peu la
forme régulière des cellules ou alvéoles : de ce nombre
est le voisinage des parois de la ruche; dans ce cas ce
n'est qu'au second, ou même au troisième rang, que
la forme hexagone du tube et la pyramide des fonds
se montrent parfaitement pures. Tous ces alvéoles ne
sont pas non plus égaux en diamètre. Dans les tra-
vaux de la variété de l’Æpis mellifica, multipliée aux
environs de Paris, les uns ont environ deux lignes et
deux cinquièmes de ligne, tandis que d’autres ont sur
un sens environ trois lignes et un tiers, et sur le sens
opposé un neuvième de plus. Il est aussi quelques
autres alvéoles bien plus grands, dont la forme est
tout-à-fait diflérente, ainsi que la position. On con-
ÿ
>
CA
DES HYMÉNOPTÈRES. 283
çoit que l’interposition de l’un de ces derniers, ou
d’une portion de gâteau formé de ceux de la seconde
espèce, doit nécessairement altérer la forme de ceux
de la première , qui en sont voisins et qui sont de
beaucoup les plus nombreux dañs une ruche à son
état naturel.
La profondeur des alvéoles est de cinq lignes et
demie pour ceux à petit diamètre ; ce qui donne au gâ-
teau , composé de cellules opposées , environ dix lignes
d'épaisseur. Les alvéoles à grand diamètre ont quel-
quefois jusqu’à huit lignes, mais souvent moins. Ces
mesures, prises par Réaumur sur lApis domestica ,
ne peuvent convenir, on le sent bien, qu’à la variété
qu'il a observée, et doivent en outre varier selon les
espèces d’Apiarides. Aussi, à la description des autres
espèces connues de cette famille et de celles que l’on
pourra décrire par la suite, il sera trés-utile de join-
dre ces mêmes mesures, lorsqu'on pourrales vérifier.
Les alvéoles servent à deux fins aux Apiarides : à
l'éducation des larves et à serrer les provisions. Celles-
ci consistent en pollen et en miel. « Dans les ruches
» bien fournies de gâteaux de cire, que les Abeilles
ne sont pas pressées d'agrandir, dit Réaumur, et
» lorsque la récolte de pollen est si facile et si abon-
dante qu'il en vient plus à la ruche qu’il n’en peut
être consommé, l’Abeille qui arrive avec deux pe-
» lotes de cette matière, attendrait long-temps avant
» de trouver des compagnes qui vinssent les lui ôter.
» Toutes en sont gorgées ; celle qui en rapporte, s’en
» est probablement aussi rassasiée, mais elle n’a garde
» de laisser perdre le fruit de son travail. Il vient des
temps où il y a disette de poussières d’étamines,
» et même, dans la saison la plus favorable, il y a
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3
>
284 HISTOIRE NATURELLE
»
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»
des jours fâcheux où les Abeilles ne peuvent aller
ramasser celles dont les fleurs sont chargées. Il leur
convient d’avoir, pour de pareils temps, du pollen
en provision... L'Abeille qui arrive chargée de
deux pelotes de cette matière dont |ses compagnes
n'ont pas besoin, s'accroche avec ses deux jambes
antérieures contre le bord d’une cellule vide, ou
plus exactement d’une cellule dans laquelle il n’y a
ni ver ni miel. Elle y fait entrer ses deux jambes
postérieures, celles qui sont chargées de pelotes,
et alors, avec le bout de chacune de ses jambes du
milieu, elle pousse vers le dedans de l’alvéole la
lentille de pollen de chacune des jambes posté-
rieures. Les deux lentilles détachées tombent dans
l’alvéole. Souvent , dès que l’Abeille s’est défait de
ses fardeaux , elle part, soit pour aller sur-le-champ
s'occuper d’un nouveau travail , soit pour se reposer.
Mais à peine les deux lentilles sont-elles tombées
dans une cellule, qu’une autre Abeille entre dans
celte même cellule la tête la première; elle y reste
quelquefois un temps assez considérable, et, quand
elle est sortie, il est aisé de juger ce qu’elle y a fait.
Les deux lentilles sont alors réunies en une même
masse qui a été poussée au fond de la cellule, qui y
a été pressée, et dont la surface a été aplanie de
manière à être rendue parallèle à l'ouverture de
l'alvéole.
» Dès qu'il y a une fois deux pelotes de pollen dans
une cellule, il est décidé qu'elle doit être un petit
magasin destiné à être rempli de pareille matière.
Jusqu'à ce qu'elle le soit, des Abeilles viennent
» l’une après l’autre s’y décharger de leur récolte de
» pollen, que d’autres pétrissent , pressent et arran-
DES HYMÉNOPTÈRES. 285
» gent. Quelquefois celle qui a apporté les deux pe-
» lotes, prend elle-même tous ces soins... L’Abeille
» ne se contente pas de les placer comme elles doivent
» l'être; avec ses dents elle les pétrit et les humecte
» en même temps, elle les imbibe d’une liqueur qui
» ne paraît être autre chose que du miel. Si on tire
» d’une cellule du pollen qui vient d'y être mis, il est
» visiblement plus humide, plus lié; il a plus de
» corps que n’en a celui qu’on a ôté à une des jambes
» postérieures d’une Abeille, et, si on le goûte, on
» lui trouve un goût de miel qui fait assez connaître
» la nature de la liqueur employée à lui donner de la
» liaison. »
Le pollen est un aliment nécessaire aux ouvrières
Apiarides, et il est probable que sa digestion, jointe
à celle du miel, donne lieu à la sécrétion de la cire
sous les segmens abdominaux : aussi leur second esto-
mac en est-il ordinairement rempli, et leurs excré-
mens montrent en tout temps des vestiges de cette
matière. 1l est à remarquer que les mâles qui ne font
pas de cire, ne mangent pas de pollen : Réaumur n’en
a jamais trouvé la moindre parcelle dans leurs voies
digestives. Il entre dans la bouillie qui sert de nour-
riture aux larves, et des expériences multipliées de
Huber prouvent que les ouvrières, privées de pollen,
refusent péremptoirement d'élever les larves qui éclo-
sent dans la ruche, quoique ayant du miel en abon-
dance, tandis qu’elles se mettent de suite à leur
fournir la nourriture, même étant renfermées dans
leur ruche et privées de liberté, dès qu'on leur fournit
conjointement du pollen et du miel.
Quant à la récolte du miel et à son emmagasine-
ment, nous en avons vu le mode : en décrivant la
286 HISTOIRE NATURELLE
trompe et le premier estomac del’Apiaride, nous avons
décrit l’ouvrière dégorgeant cette matière sucrée.
Quoique nous nous permettions de le leur enlever,
« on sait assez, dit Réaumur, que ce n’est pas pour
» nous qu'elles en font des provisions ; qu'il y a des
» jours, même des saisons qui ne leur permettent
» pas d'aller en chercher dans la campagne, où elles
» iraient inutilement, Si leur récolte a été trop petite,
» ou la consommation trop grande et trop prompte,
» elles sont réduites à mourir de faim. »
C'est pour éviter cette famine, qui pourrait finir
par détruire l'espèce, que le Créateur et le conserva-
teur de tous les êtres a donné à nos Apiarides l'in-
stinct remarquable de déposer dans des cellules de
cire, matière presqu'à l'abri de la corruption, le miel
des fleurs, après qu’une digestion, seulement com-
mencée , l’a rendu lui-même susceptible d’une longue
conservation. ( On sait que beaucoup de peuples ont
employé la cire et le miel dans les embaumemens
pour préserver de la putréfaction les corps qu'ils
voulaient conserver, et que ces moyens ont sufli pour
parvenir à ce but.) Les Apiarides ne se bornent pas
à déposer le miel dans ces vases incorruptibles, elles
savent encore adapter à ces vases des couvercles de
même matière. En eflet, « entre les cellules qui ont
» été remplies de miel, les unes sont destinées à four-
» nir celui qui est nécessaire à la consommation jour-
» nalière des Apiarides , et les autres doivent conser-
» ver celui qui servira à les nourrir, dans les temps où
» elles iraient inutilement en chercher sur les plan-
» tes. » Ge n’est que dans les temps de grande néces-
sité, qu elles touchent au miel contenu dans les cellules
fermées. Quant à la construction des couvercles,
DES HYMÉNOPTÈRES, 207
» dès qu'on a vu les ouvrières bâtir des alvéoles, on
» ne doit pas être embarrassé de savoir comment elles
» peuvent faire un tel couvercle, qui n’est qu’une
» lame plate, dont la figure est déterminée par le
» contour de l’ouverture. Elles commencent par met-
» tre une ceinture de cire sur le bord d’un des côtés,
» et ensuite sur tous. L'ouverture est rendue plus
» étroite. Une seconde ceinture, appliquée contre la
» première, réduit l’ouverture à un trou si petit qu'il
» peut être bouché par un seul grain de cire. On voit
» pourtant que ce couvercle ne saurait être fait et
» appliqué sans beaucoup d’adresse de la part de l’ou-
» vrière; car il faut non-seulement appliquer, mais
» construire le couvercle sur la surface de ce miel sans
» toucher au miel etsans qu’il touche la cire qui est
» mise en œuvre. »
Mais ce n’est pas seulement à contenir les provi-
sions de pollen et de miel , que sont destinés les
alvéoles ou cellules; ces espèces de cases reçoivent
aussi les œufs, et chacune de celles qui sont em-
ployées à les loger, n’en reçoit qu’un seul. De cet œuf,
première phase de l'existence isolée de l’individu,
éclot une larve qui prend tout son accroissement
dans la cellule où il a été pondu , sans en sortir.
C'est encore dans l’intérieur de ce même alvéole
que la larve devient nymphe par un second change-
ment de forme, et enfin Insecte parfait, susceptible
seulement alors de remplir les fonctions, auxquelles
est appelé lindividu par les modifications sexuelles
qui lui sont propres. Pour connaître dans sa vie en-
tière l’Apiaride, il faut que nous la décrivions dans
ces états successifs, et que nous y suivionsiles événe-
mens de son histoire, observés par lesavant Réaumur.
285 HISTOIRE NATURELLE
L’œuf laissé, ou pour ainsi dire planté par la mère
Apiaride (appelée reine par les anciens auteurs, seule
femelle féconde qui existe dans la ruche), « a cinq à
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six fois plus de longueur que de diamètre; il n’a
d'appui que par un de ses bouts; il est en l'air, il
s’en faut même de peu qu'il ne soit parallèle à l’ho-
rizon. C’est une position où il ne resterait pas , s’il
n’y était retenu par quelque espèce de colle... Ses
deux bouts sont arrondis; l’un des deux est plus
gros que l’autre ; c’est le supérieur, le plus éloigné
du fond de la cellule , qui est constamment le plus
gros... Sa figure n'est pas droite, il a un peu de
courbure. Ces œufs sont d’un blanc un peu bleuâtre.
Ils n’ont, comme ceux de tant d’autres espèces d’In-
sectes, qu’une membrane flexible ; l’œuf lui-même
est flexible; on peut le plier presqu’en deux et lui
faire reprendre ensuite sa première figure. À la vue
simple, et, avec une loupe de trois à quatre lignes
de foyer, il paraît extrêmement lisse; mais, si on le
considère avec un microscope qui grossisse considé-
rablement , on aperçoit un travail qu’on croit sur sa
surface, et qui est peut-être dans son intérieur.
Swammerdam a dit qu’il paraît alors, comme s’il était
couvert d'écailles. Ce que j'ai vu, c'est que, près de
ses bouts, il y a des traits qui forment des espèces
de losanges très-alongés.
» La mère ne laisse, généralement parlant, qu’un
œuf dans chaque cellule. C’est pourtant une règle
qui souffre exception. Si la mère, pressée par le
besoin de pondre, ne trouve pas autant de cellules
vides qu’elle a d'œufs dans le corps qu’elle n’y peut
plus retenir, il ne lui reste d'autre parti à prendre
que d'en déposer plusieurs dans chaque cellule.
»
C2
DES HYMÉNOPTÈRES. 289
«
Dans une ruche qu’un accident avait mise dans ce
cas, Réaumur vit plusieurs cellules qui avaient deux
œufs, et quelques-unes qui en avaient jusqu’à trois.
Mais une cellule ne peut servir qu’à élever une larve:
deux, et à plus forte raison trois larves y seraient
mal à l’aise. Il vient un temps où l’Insecte, sous la
forme de larve ou sous celle de nymphe, remplit la
cellule en entier. Les ouvrières, qui savent cela,
comme elles savent tout ce qu’elles ont besoin de
savoir, et qui prennent un grand intérêt à la vie des
larves, remarquèrent apparemment les cellules où
trop d'œufs avaient été déposés ; elles n’en laissèrent
qu'un dans chacune. Au bout de vingt-quatre heu-
res, je ne vis plus qu'un œuf dans plusieurs des
cellules où j'en avais vu deux et même trois; et au
bout de deux jours, toutes n’en avaient qu’un seul.
Dans ces deux jours, beaucoup de cellules nouvelles
avaient été construites; mais je ne sais si les ou-
vrières avaient porté, dans quelques-unes des nou-
velles, les œufs qu’elles avaient ôtés aux anciennes.
Se fussent-elles contentées de tirer les œufs surnu-
méraires de chaque cellule, les eussent-elles aban-
donnés à leur mauvais sort, elles eussent toujours
fait une action utile...
» La plupart des auteurs anciens qui ont écrit sur
les Abeilles, sans les avoir examinées avec des yeux
assez éclairés, ont prétendu qu’elles couvaient les
œufs déposés dans les cellules, comme les oiseaux
couvent les leurs. Plusieurs chargent les mâles de
cette fonction ; quelques-uns même ne les désignent
que par le nom de Mouches couveuses..….. D'autres
qui ont fait attention qu'on trouve pendant presque
tous les mois de l’année, soit des œufs, soit des larves
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 19
290 HISTOIRE NATURELLE
ÿY
>
naissantes , dans la plupart des ruches, quoiqueces
rucbes soient dépourvues de mâles pendant huit ou
neuf mois entiers, ont chargé les ouvrières du soin
de couver. M. Maraldi n’a pas cru que les Abeilles
couvassent les œufs à la manière des oiseaux. Il
savait très-bien que l’on ne voit point une Abeille
se tenir constamment dans une cellule où il y a un
œuf. Mais il a cru qu’elles avaient une façon de
couver particulière; que des Abeilles allaient se
poser sur les bords des ouvertures des cellules à
œufs, et qu’en agitant leurs ailes avec vitesse, elles
produisaient une chaleur propre à faire éclore les
larves. Quoiqu'il soit certain que les mouvemens
que se donnent à la fois les Abeilles d’une ruche,
peuvent faire naître assez subitement un grand degré
dechaleur, on ne doit pas croire que celle d’une ruche
soit sensiblement augmentée par l'agitation des ailes
d’un petit nombre d’Abeilles..….. Mais ce qui doit
parfaitement désabuser de l’idée qu’on a eue de
faire couver les Abeilles, c’est qu’on peut observer
que les cellules à œufs sont souvent les plus aban-
données ; elles sont souvent plus à découvert queles
autres ; les Abeilles ne passent dessus que quand
la route qu’elles ont prise, l’exige. Les œufs ne de-
mandent pour éclore que la chaleur répandue dans
la ruche, qui approche fort et souvent de celle
qu’une Poule donne aux œufs, sur lesquels elle reste
constamment posée, et qui la surpasse quelquefois.
» Le moment où la larve sort de l'œuf, n'est pas aisé
à saisir, il a échappé à Réaumur. Ce qu'il y a de
cerlain, c’est qu'au bout de deux ou trois jours
après sa ponte, selon qu'il fait plus ou moins chaud,
on peut trouver la larve au fond de la cellule. Sion
DES HYMÉNOPTÈRES. 291
» attend à l’y chercher quatre ou cinq jours après que
» l'œuf a été pondu, on l'y trouve plus grand qu’on
» aurait cru qu'il devait être. Son accroissement ét
» toutes ses métamorphoses se font assez vite dans
» les saisons favorables.» Huber nous explique ainsi
cette première métamorphose : pour parvenir à en dis-
tinguerles circonstances, il retira les œufs des alvéoles,
où ils avaient été déposés ; il ne les ôta qu'une heure ou
deux avant l'expiration de trois jours révolus, les plaça
sur une lame de verre, au foyer d’un microscope, et
leur conserva la chaleur nécessaire pour éclore, sans
laquelle ils se dessécheraient et périraient. « J'enle-
» vai, dit-il, au mois d'août, quelques cellules dans
» lesquelles étaient des œufs pondus le troisième jour
» auparavant; je retranchai les pans de tous ces al-
» véoles, et fixai sur une lame de verre le fond pyra-
» midal où les œufs étaient implantés. Bientôt eurent
» lieu de légers mouvemens d’inclinaison et de redres-
» sement dans l’un de ces œufs. Au premier moment,
» la loupe ne nous faisait rien apercevoir d'organisé
» sur la surface de l’œuf. La larve était pour nous en-
» tièrement cachée sous sa pellicule ; nous la plaçimes
» alors au foyer d’une lentille très-forte; mais, pen-
» dant que nous préparions cet appareil, la jeune
» larve rompit la membrane qui l'emprisonnait, et se
» dépouilla d’une partie de son enveloppe : nous la
» vimes déchirée et chiffonnée sur quelques parties
» de son corps, et plus particulièrement sur ses
» derniers anneaux. La larve, par des mauvemens
» assez vifs, se courbait et se redressait alternative-
» ment; il lui fallut vingt minutes de travail pour
» achever de jeter sa dépouille. Cette larve provenait
» d’un œuf pondu dans une cellule d’ouvrière , et
19.
2092 HISTOIRE NATURELLE
»
»
4
»
C4
serait devenue une ouvrière elle-même... En
observant semblablement un œuf de mâle, au soleil,
sur une lame de verre, et le regardant avec une
bonne lentille, l'observateur découvrit neuf des an-
neaux de la larve sous la pellicule transparente de
l'œuf. Cette rsembrane était encore eñtière; la larve
élait complétement immobile; nous distinguions
sur sa surface les deux lignes longitudinales des tra-
chées et un grand nombre de leurs ramifications.
Pour cette fois nous saisimes les premiers mouve-
mens de la larve : le gros bout se courbait, se re-
dressait alternativement, et touchait presque le
plan où la pointe était fixée. Ces eflorts opérèrent
d'abord le déchirement de la membrane dans la par-
tie supérieure près de la tête, puis sur le dos, et
enfin successivement dans toutes les parties. La
pellicule chiffonnée restait en paquet sur divers
endroits du corps de la larve, elle tomba ensuite.»
Les œufs des Abeilles n’ont pas besoin, tant qu’ils
restent sous cette forme, du soin des ouvrières. « De-
»
puis que la larve est née, dit Réaumur, jusqu’à ce
que le temps de sa première métamorphose appro-
che , elle est toujours dans une même attitude ; elle
est longue, et elle se tient roulée en anneau, de ma-
nière que sa tête touche son derrière. L’anneau qu’elle
forme est plein ou presque plein ; le milieu en est
rempli parles parties charnues du ventre. On dis-
tingue différentes lignes blanches, qui , des côtés , se
dirigent à peu près vers un centre commun. La larve
est ainsi appliquée presque contre le fond de la cel-
lule.... Si on en retire une, et qu'on examine le fond
de la cellule, on verra que la larve y est posée plus
mollement qu'on ne l'aurait pensé; on y apercevra
DES HYMÉNOPTÈRES. 203
une couche assez epaisse d’une espèce de gelée ou
de bouillie , qui a une couleur blanchâtre ; elle fait,
pour ainsi dire, le lit sur lequel la larve est couchée :
c’est aussi celle dont elle se nourrit. Elle serait inca-
pable de l'aller chercher ; il ne serait pas même en
son pouvoir de se traîner hors de sa loge.
» Les larves d’Abeilles, dit Huber, sont apodes;
cependant elles ne sont pas condamnées à une immo-
bilité complète dans leurs cellules; elles s’y avancent
en tournant en spirale; ce mouvement, si lent dans
les trois premiers jours, qu'il est à peine reconnais-
sable, devient ensuite plus facile à distinguer : on
voit alors ces larves faire deux révolutions entières
en une heure trois quarts. Lorsqu’elles approchent
du terme de leur métamorphose, elles ne sont plus
qu’à deux lignes de l’orifice de la cellule. Ces larves,
dit Réaumur, sont de celles qui sont dépourvues de
pattes. Outre la différence que la grandeur met
entre les plus jeunes et celles qui sont à terme pour
leur changement de forme, il n’y en a guère d’au-
tres, si ce n’est que les premiers segmens sont mieux
marqués, et que, regardés de quelque distance, ils
paraissent d’un blanc bleuâtre , presque ardoisés ; …
mais, en croissant , ils deviennent presque partout
d’un blanc de lait... Leur tête demande qu'on les
place dans la classe des larves qui en ont une de
figure constante..... Leur bouche a de la ressem-
blance avec celle des chenilles (larves des Lépi-
doptères); elle a une lèvre supérieure, et on lui
trouve en dessous une lèvre inférieure composée de
trois parties ;..... et, si l’on considère le dessus de
la tête sous un jour favorable, on trouve deux cro-
chets ou mandibules qui suivent le contour du bord
20 { HISTOIRE NATURELLE
»
»
supérieur de la tête. Elles y sont si exactement appli-
quées qu'on éprouve de l'embarras à les distinguer
et à les écarter l’une de l’autre. Elles sont écail-
leuses, mais très-faibles. En dessous de Ja tête,
comme on vient de dire, on trouve la lèvre infé-
rieure; la partie qui en fait le milieu, s'élève jusqu’à
la lèvre supérieure et même par-dessus ….. Le bout
de cette partie est comme taillé carrément; il a
quelquefois lui-même l'air d’une bouche; on y voit
une ca:ité oblongue formée par des chairs plissées;
quelquefois il sort de cette cavité une petite lame
charnue taillée carrément. Nous prouverons bientôt
que ces larves savent filer, et c'est dans cette lame
charnue que la filière est placée. Les deux autres
> parties de la lèvre inférieure, celles qui en font les
côtés, diminuent insensiblement de grosseur en
s'éloignant de leur base, et se terminent par des
pointes fines, dures et comme écailleuses. Une ca-
vilé se trouve entre les lèvres inférieure et supé-
rieure..... Avant de quitter cette tête, nous devons
y faire observer deux petits globes, dont il y en a
un de chaque côté, environ à distance égale du bout
antérieur et du bout postérieur. Ils sont aussi blancs
que le reste, mais plus luisans. » ( Réaumur croit
qu'on doit les prendre pour des yeux, ce qui ne nous
paraît pas certain); «ils sont l’un et l'autre dans un
»
2
»
»
enfoncement qui leur fait une espèce d'orbite.
» Les larves les plus grosses et les plus blanches
ont, tout du long du dos, depuis la tête jusqu'a
anus, une raie jaunâtre;...... parce que la peau,
par sa transparence, laisse voir le canal des alimens
qui est étendu en ligne droite et rempli d'une ma-
ère d'un jaune fauve... Sous le ventre on croit
DES HYMÉNOPTÈRES. 299
» voir, de distance en distance, des plis plus blancs
» que le reste, disposés parallèlement les uns aux
» autres et transversalement ;.... ce sont des trachées
» qui, pour être d'un blanc argenté, ont plus d'éclat
» que le blanc du reste du corps, et que celui de la
» peau au travers de laquelle ils paraissent... Ces
» trachées, qui sont à l’intérieur, sont faites d’un fil
» cartilagineux, d'une prodigieuse finesse, roulé en
» spirale.
» Les stigmates de ces larves, quoique très-petits
» et quoique dépourvus du rebord qui aide à faire :
» distinguer ceux de divers Insectes, nesont pas dif-
» ficiles à trouver; on n’a qu'a suivre une trachée
» transversale ; elle aboutit de chaque côté tout auprès
» d’un stigmate. On trouve de la sorte la suite des
» stigmates de chaque côté. La ligne sur laquelle ils
» sont rangés, est marquée par une trachée qui va de
» Ja tête à la partie postérieure. C’est sur ces deux
» longues trachées que sont posés immédiatement les
» stigmates. D’auprès de chacun de ceux-ci, part un
» tronc de trachée très-court, mais aussi gros que les
» trachées transversales du ventre; il s'élève vers le
» doset jette deux branches déliées, qui elles-mêmes
» fournissent des ramifications. En dessous de la
» larve, près de sa tête, on voit des irachées qui for-
» ment diverses ondes : on distingue de plus d'autres
» ondes blanchâtres, formées par des parties inté-
» rieures vues à travers la peau. L’anus de la larve est
» à son dernier anneau, et n’est destiné qu'à rendre
» peu d’excrémens. »
Ce sont les ouvrières qui se chargent d'apporter
aux larves cette espèce de bouillie sur laquelle Réau-
mur l’a représentée couchée mollement et prenant
206 HISTOIRE NATURELLE
son repas, et il faut encore ajouter ce soin à leurs tra-
vaux déjà si nombreux que nous avons décrits, ceux
de constructions , de récoltes et de dépôts en magasin.
«ll ya, dit Réaumur, assez de cette bouillie dans
» chaque cellule qui contient une larve, pour en pouvoir
» prendre avec la tête d’une épingle, à trois ou quatre
» reprises, de petites masses de la grosseur de la tête
» de l’épingle, sans ce qui reste trop étendu sur le
» fond de la cellule pour pouvoir être enlevé d’une
» facon si grossière. On peut donc goûter cette ma-
» tière. Prise dans la cellule d’une jeune larve, on la
» trouve absolument insipide, telle qu’une espèce de
» colle de farine » On a été autrefois embarrassé de
savoir où les Abeilles prenaient cette bouillie, Réau-
mur paraît disposé à croire, et les expériences de
Huber ont prouvé, « quele miel et le pollen que les
» Abeilles ont fait passer dans leur corps, y reçoivent
» une préparation , qui les fait devenir l’espèce de
» bouillie qui est l'aliment des larves. » Il faut ajou-
ter que le miel n’y paraît admis en quantité notable,
que lorsque les larves ont déjà quelques jours. « Quand
» j'ai goûté, dit notre auteur français, de la bouillie
» qui était dans les cellules des larves, dont la grandeur
» était au-dessus de la moyenne, je ne l’ai plus trou-
.» vée si insipide que celle des cellules des plus jeunes;
» je lui ai trouvé une légère pointe de sucre ou de
» miel. La matière, tirée de cellules de larves plus
» âgées, avait un goût de miel plus marqué et très-
» sensible. Enfin, dans les cellules des larves presque
» à terme, la gelée avait un goût très-sucré. Je dis
» sucré, car sa douceur n'avait pas le fade du miel,
» une petite acidité y était jointe. Les différences que
» le goût fait apercevoir, ne sont pas les seules qui se
=
DES HYMÉNOPTÈRES. 207
trouvent entre la gelée du fond des cellules des jeu-
nes larves et celles des cellules des plus âgées : des
yeux attentifs peuvent en voir d’autres. Celle des
premières ressemble plus à de la bouillie, elle est
plus blanchâtre; et celle des dernières ressemble
plus à de la gelée; le blanc en a disparu, elle est
transparente, et elle tire tantôt sur le jaunâtre et
tantôt sur le verdâtre. Enfin, la matière des cellules
des larves d’un âge moyen, est d’une couleur moyenne
entre les couleurs de celles des autres. Il semble
que ce soit par degrés que les ouvrières conduisent
les larves à être en état dese nourrir de miel. »
Nous avons vu jusqu'ici la larve roulée en anneau.
Il vient un temps, dit le même auteur, où elle doit
se trouver mal à son aise dans cette position, où
elle doit chercher à s’alonger. Ce temps arrive quand
sa métamorphose en nymphe est proche. C'est aussi
alors que les ouvrières, qui jusque-là lui avaient
apporté des alimens convenables, cessent de lui en
donner qui lui seraient inutiles. Elles connaissent
qu'elle n'a plus besoin de manger, et elles songent
à la mettre hors du risque d’être inquiétée dans son
alvéole, où elle ne doit plus même avoir de com-
munication avec l'air extérieur. Le dernier des soins
qu’elles prennent d'elle, est de la renfermer dans sa
petite loge, d’en murer l’ouverture avec de la cire.
Plusieurs Abeilles travaillent à la fois, ou les unes
après les autres, à faire un couvercle‘de cire à la
cellule, et à l'appliquer exactement sur les bords,
ceux-ci lui servant d'appui. Ainsi la larve se trouve
renfermée dans une espèce deboîte de ciré scelléeher-
métiquement. La façon de ces couvercles est la même
qu’elles ont employée pour ceux des cellules à miel.
298 HISTOIRE NATURELLE
»
»
»
>
» C’est après que la larve a été ainsi renfermée dans
sa cellule, qu’elle se déroule, se redresse et s’allonge.
Jusque-là elle n'avait eu d’autres soins que de man:-
ger : les besoins de son état futur demandent qu’elle
commence à travailler. La peau, qui la couvrira
comme nymphe , est apparemment plus délicate
que celle qui la couvre pendant qu'elle est larve :
elle ne doit pas être exposée, lorsqu'elle est nou-
velle et excessivement tendre, à toucher immédia-
tement les parois de la cellule. La larve les tapisse
de soie : elle sait filer, comme le savent certaines che-
nilles....,. La toile de soie, filée par elle , est extré-
mement fine et serrée; elle suit exactement toutes
les faces et les angles de la cellule, à laquelle elle
sert, pour ainsi dire, de chemise. On pourrait très-
bien ne pas s’apercevoir qu’une cellule est tapissée
de cette toile, si or se contentait de lui ôter son
couvercle et d'en considérer le dedans sans le se-
cours d'aucune loupe. Mais si l’on vient à briser un
gâteau rempli de cellules , dont chacune a une nym-
phe, et fermées de leurs couvercles de cire, les cas-
sures du gâteau font voir plusieurs cellules ouvertes
longitudinalement , et on remarque que la nymphée
de chacune d’elles ne paraît qu'au travers d’urie pel-
licule roussâtre , qui n’a rien de commun avec les
parois de cire qui ont été rompues : plus flexible,
et d’ailleurs forte, elle s’est décoilée de dessus la
portion de la cellule qui a été emportée par le dé-
chirement. »
Chaque larve, qui va devenir nymphe dans une cel-
lule, la tapisse ainsi d’une nouvelle tenture , et comme
dans une année, et à plus forte raison dans l'espace
de plusieurs, bien des larves subissent cette métamor-
DES HYMÉNOPTÈRES. 209
phose dans une même cellule, ces alvéoles reçoivent
successivement bien des toiles de soie. « Mais elles
» sont si minces qu'il en faut un grand nombre, avant
» que le logement en soit rendu sensiblement plus
» étroit... M. Muraldi à cru que chaque pellicule
» était la dépouille que la larve y avait laissée, lors-
» qu’elle s'était transformée. I] n'avait pas assez réflé-
» chi combien il eût été difficile que cette peau se füt
» moulée exactement sur les angles que forment les
» pans del’hexagone : car il n’y aque le fond de la cel-
» lule qui prenne un peu de rondeur , et où les arêtes
» des angles soient eflacées par les toiles. Au reste,
» sil eüt ouvert plusieurs cellules houchées récem-
» ment, il devait parvenir à en observer dont linté-
» rieur eût été tapissé, quoique la larve eût encore
» sa première forme : il aurait même pu surprendre
» la larve à filer. Enfin, si l’on examine au micros-
» cope, ou seulement avec une forte loupe, cette pel-
» licule, malgré son tissu serré, on reconnaît qu'elle
» est faite de fils très-déliés, appliqués les uns contre
» les autres, et que sa structure est toute autre que
» celle d’une peau. » 1
Mais les cellules, dont nous avons jusqu'à présent
décrit la construction, ne servent qu'à l'éducation des
mâles et des ouvrières ou femelles infécondes, ou
comme magasins de provisions. Cependant il en est
d’autres dont ni la situation, ni les dimensions ne sont
les mêmes. Elles sont aussi infiniment moins nom-
breuses, et servent uniquement à l’éducation des fe-
melles fécondes. Or il n’y a ordinairement qu’une
femelle féconde dans une ruche, et lorsqu'il y en a
plusieurs, ou elles sont, excepté une, encore renfer-
mées dans les cellules qui les ont vues éclore, ou si elles
300 HISTOIRE NATURELLE
sont libres, cet état de choses durera à peine quel-
ques heures, et des combats à mort entre elles ramè-
neront bientôt l’état normal , qui ne veut qu’une seule
femelle actuellement pondante ou susceptible de pon-
dre, pour une société d'Abeilles. C’est cette femelle
remarquable qui entretient par sa fécondité la popu-
lation de la ruche, et même fournit celle des colonies
que celle-ci doit produire , et qu’elle produit de fait,
ordinairement tous les ans , au nombre de une à trois,
et quelquefois de quatre, cinq, six et sept. On voit
par-là combien cette mère est précieuse à sa ruche.
Aussi est-elle extrêmement chère aux ouvrières, dès
que sa fécondité leur est prouvée. Les preuves de cet
attachement se trouvent dans les faits suivans : 1° si
l’Abeille féconde sort de la ruche, elle est suivie par
toute la population présente alors dans la ruche, et
susceptible de voler : là où s'arrête cette femelle,
toutes les Abeilles sorties avec elle s’y fixent. Cela est
au point, qu'en saisissant cette femelle et donnant aux
Abeilles le temps de s’apercevoir (probablement par
l'odorat ; il est de fait qu’elles n’ont besoin pour cela
ni de la voir, ni de la toucher) qu'on la porte, on peut
se faire suivre par la colonie entière. Le père Labban
rapporte un fait qui le prouve, dans sa Relation de
l'Afrique occidentale , 3° volume, p. 316, et j'ai ré-
pété moi-même cette expérience, en me faisant suivre
dans un jardin par un essaim, dont je tenais la fe-
melle féconde prisonniere dans une pince de gaze
opaque, après m'en être emparé à sa sortie de la ru-
che. 2° Les ouvrières qui arrivent de la récolte, et qui
passent près de l’Abeille féconde, s'empressent de lui
offrir, au bout de leur trompe, une ou plusieurs gout-
tes de miel frais , qu’elles dégorgent à cet eflet, comme
DES HYMÉNOPTÈRES. JO
nous avons vu plus haut qu’elles en ont la faculté.
3° Elles accompagnent , dans ses promenades à l’inté-
rieur, cette femelle féconde. Il se fait autour d'elle,
lorsqu'elle marche dans la ruche , une espèce de cercle,
composé souvent de plus de trente Abeilles. Celles
vers lesquelies elle se dirige, s'ouvrent à mesure qu'il
en est besoin pour lui laisser le passage libre. Quel-
ques-unes s’approchent davantage et la lèchent avec
leur trompe. Il est rare , lorsqu'on aperçoit cette mère
dans la ruche, qu’on ne la trouve pas accompagnée
d'un pareil cortége, ce qui ne laisse aucun doute sur
la bienveillance, en quelque sorte respectueuse, que
toutes les ouvrières éprouvent pour elle.
Nous avons déjà dit que la mère ou femelle féconde
est plus longue et plus grosse que les autres Abeilles,
et nous verrons que cela était nécessaire pour qu’elle
pût concevoir tous les êtres auxquels elle doit donner
la vie. L’alvéole étant le berceau dans lequel l'individu
devient Insecte parfait, et où par conséquent il doit
prendre toute sa taille, nous nous rendons parfaite-
ment compte de la raison pour laquelle les alvéoles , où
seront élevées des femelles destinées à être fécondes,
seront plus longs et plus grands que ceux construits
pour les ouvrières. Mais nous ne découvrons nullement
pourquoi ils sont d’une autre forme , ni pourquoi leur
direction est opposée à celle des cellules ordinaires.
Celles-ci sont étendues horizontalement ; leur coupe
horizontale parcourt toute leur longueur, tandis que
celles, destinées aux mères, sont perpendiculaires dans
le sens de leur longueur. Elles ne sont hexagones, ni à
l'extérieur ni à l’intérieur, comme doivent l'être toutes
les autres : leur intérieur est une espèce de dé arrondi,
et l'extérieur représente une espèce de tube qui va un
302 HISTOIRE NATURELLE
peu en s’amincissant en s'éloignant de sa base. « La
»
»
LA
»
»
»
cire, dit Réaumur , qui est employée avec une éco-
nomie géométrique dans la construction des cellules
bexagones, est employée avec profusion dans celle
des logemens où les mères doivent être élevées; j'ai
pesé une de ces cellules contre des cellules hexa-
gones, et j'ai vu qu'il en fallait environ cent de ces
dernières pour égaler le poids de l’autre. Cepen-
dant celle-ci n’était pas encore finie, elle n'avait
pas toute sa longueur , et je crois qu’il y en a telle
qui pèse autant que cent cinquante cellules ordi-
» naires..... Les Abeilles ne paraissent pas non plus
»
»
»
chercher à ménager le terrain, quand il s’agit de
placer le berceau d’une mère. C’est quelquefois sur
le milieu même d’un gâteau qu'elles le posent ; plu-
sieurs cellules communes sont sacrifiées à lui servir
de base et de support.
» Le plus souvent les cellules des mères pendent du
bord inférieur d’un gâteau, comme les stalactites
à la voûte des cavernes. D’autres pendent le long
d'un des côtés d’un gâteau qui ne touche pas à la
ruche : ce qui paraît très-constant , c’est que leur
gros bout est en haut, et que leur longueur, leur axe
est dans un plan vertical, de sorte que leur lon-
gueur est presque perpendiculaire à celle des cel-
lules ordinaires. Il s'ensuit de cette position une
singularité : c’est que la nymphe qui doit se trans-
former en femelle féconde, est tout autrement posée
que la nymphe qui doit devenir une femelle ou-
vrière et que celle qui deviendra un mâle. La nym-
phe de la femelle a précisément la tête en bas, pen-
dant que les autres l’ont posée horizontalement et
même un peu en haut. Quand une cellule de mère
DES HYMÉNOPTÈRES. 303
» n’est encore que commencée , elle a assez la figure
d’un gobelet, ou plus précisément celle d’un de ces
calices destinés à contenir un gland , et d’où le gland
est sorti : quelquefois ce calice a un pédicule. Mais
» à mesure que les ouvrières prolongent la cellule,
» elles lui font perdre cette figure. Loin de la tenir
» évasée, elles la rétrécissent de plus en plus, de
A
ÿ
x
» sorte que le bout inférieur est plus mince que le
» supérieur. Elles laissent ce bout inférieur ouvert,
» jusqu'a ce que la larve, qui est dedans , soit prête à
» se métamorphoser. Elles donnent à plusieurs de
» ces cellules jusqu'à quinze à seize lignes de longe.
» La surface de celle qui n’est qu'ébauchée, est assez
» souvent lisse : par la suite elle devient raboteuse :
» il semble que les ouvrières l’aient sculptée en espèce
» de guillochis. Les cordons qui forment ce guillochis,
» sont les fondations grossières des cellules ordinaires.»
C’est donc dans ces cellules, plus longues et plus
solides que les autres et d’une autre forme, que la Mère-
Abeille pond un œuf, dont l'embryon étant du sexe
féminin, produira une larve à laquelle sa nourriture,
fournie journellement par les ouvrières, donnera la
fécondité, c’est-à-dire qui sera elle-même féconde à
l’état parfait, après sa jonction avec un mâle. Réaumur
paraît croire que les œufs d’où proviennent des mères
sont autres que ceux qui produisent des ouvrières ;
cependant il n'indique entre eux aucune espèce de
différence. Des expériences, que nous rapporterons
plus tard, prouveront suffisamment que les œufs, qui
produisent les deux modifications féconde et infé-
conde du sexe féminin, sont les mêmes, et que
les individus qui en proviennent, ne doivent qu’à
la nourriture, pendant l’état de larves, les diffé-
304 HISTOIRE NATURELLE
rences de forme et de facultés qui les distinguent.
Cette nourriture particulière est une espèce de ge-
lée , qu'on ne trouve dans les ruches, que lorsque des
cellules de la forme que nous venons de décrire en
dernier, y ont été construites, et qu'elles contiennent
des œufs prêts à éclore ou des larves qui n’ont pas
encore atteint entièrement la taille à laquelle elles
doivent parvenir. Cette gelée est déposée dans des
cellules particulières. On sait que les ouvrières la
préparent, ou qu’elles la récoltent ; on ignore jusqu'à
présent lequel des deux , et sa composition est incon-
nue. À l’époque où l’on donnait aux Mères-A beilles le
nom de reines, la gelée qui ne sert d’alimens qu'aux
larves de celles-ci, était appelée gelée royale. Nous
l’appellerons seulement gelée prolifique, à cause de
l'effet incontestable qu'elle produit. Dès que l'œuf,
pondu dans une des grandes cellules, est éclos, les
ouvrières entourent la larve nouvelle d’une ample
provision de cette gelée, qu’elles continuent de lui
fournir tout le temps qu’elle peut en avoir besoin, et
pendant lequel elle prend sa croissance. Lorsque la
larve est parvenue à ee terme, les ouvrières ferment
la cellule d’un couvercle de cire, et les larves filent
ensuite leur coque dans cette cellule fermée. Mais, au
lieu de revêtir de soie toutes les parois, comme nous
avons vu que le font les larves des ouvrières et des
mâles , elles ne font que des coques incomplètes, c’est-
à-dire qu’elles n’en garnissent que les parties qui en-
veloppent la tête, le corselet et le premier segment de
l'abdomen. Ge fait est remarquable, et nous aurons
occasion d'en donner l'explication, d’après les expé-
riences de M. Huber, en parlant des circonstances
qui accompagnent et suivent l'émission des essaims.
DES HYMÉNOPTÈRES, 305
Il peut être utile aux naturalistes observateurs, et
même aux économistes qui voudraient faire de nou-
velles expériences sur les mœurs des Abeilles, de
savoir combien chaque sorte dé larves reste de temps
dans chacun de ses premiers états. M. Huber ayant
fait sur ce sujet des observations exactes , nous allons
en rapporter ici le résultat.
»
>
»
»
« Larve d'ouvrière. Trois jours dans l’état d'œuf;
cinq jours dans l’état de larve, au bout desquels
les ouvrières ferment sa cellule d’un couvercle de
cire. La larve commence alors à filer sa coque de
soie; elle emploie trente-six heures à cet ouvrage
Trois jours après elle se métamorphose en nymphe,
et passe sept jours et demi sous cette forme : elle
n'arrive donc à son dernier état d'Abeille parfaite
que le vingtième jour de sa vie, à dater de l'instant
où l'œuf dont elle sort a été pondu.
» Larve de l’ Abeille qui doit devenir féconde. Elle
passe également trois jours sous la forme d'œuf, et
cinq sous celle de larve. Après ces huit jours, les
Abeilles ferment sa cellule, et elle commence de
suite à filer sa coque, opération qui l’occupe vingt-
quatre heures. Elle reste dans uu parfait repos le
dixième et le onzième jour, et même les seize pre-
mières heures du douzième : à cette époque elle
se transforme en nymphe, et passe quatre jours et
un tiers sous cette forme. C’est donc dans le seizième
jour de sa vie qu’elle arrive à l’état parfait.
» Larve méle. Trois jours dans l’état d'œuf, six et
demi sous la forme de larve. Elle ne se métamor-
phose en Insecte parfait que le vingt-quatrième jour
après sa naissance, en datant également du jour où
l'œuf dont elle sort, a été pondu. »
HYMÉNOPTÈRES , TOME I. 20
306 HISTOIRE NATURELLE
Les fonctions de l’Abeille femelle féconde, ou
mère, élant de pondre une immense quantité d'œufs,
pour maintenir toujours en nombre suffisant la popu-
lation de la ruche, et même de fournir un excédant à
cette population, lequel excédant en sort pour former
de nouvelles colonies, nous devons ici décrire les or-
ganes intérieurs qui fournissent à cette surprenante
fécondité, et nous emprunterons à l’exact Réaumur la
description qu'il en a faite d’après une figure emprun-
tée à Swammerdam , et dont il avait revu avec soin les
détails surlanature.On sent que, pour vérifierles objets
que nous allons détailler, il faut avoir recours à la dis-
section et d’abord à l'ouverture del’abdomen ; maisil est
aussi bon de faire tremper cet abdomen pendant quel-
que Lemps dans l’esprit-de-vin, pour donner un peu
plus de solidité aux parties intérieures. On sentira
parfaitement encore que, pour parvenir à distinguer
d'aussi petits objets , l’œil doit être armé d’une forte
lentille. On ouvre les tégumens du ventre, on les
développe sur le côté, l’on écarte doucement le corps
graisseux qui ne présente pas d'organisation particu-
lière, et alors on découvre l'appareil de la géné-
ration.
« Les œufs de la Mère-Abeille, dit notre auteur,
» comme ceux de tant d’autres [nsectes, sont distri-
» hués en deux ovaires, dont l’un est à droite et l’au-
» tre à gauche... Chaque ovaire est un assemblage
» de vaisseaux qui tirent tous leur origine d’un même
» endroit, qui vont tous aboutir à un canal commun,
» et qui tous sont remplis d'œufs dans le temps de la
» ponte. J'ai cru observer une espèce de réservoir
» charnu, un vaisseau extrêmement gros en compa-
» raison de ceux qui composent l'ovaire, d'où tous
LA
LES HYMÉNOPTÈRES. 307
ceux-ci partent. Quand on ouvre une mère dans des
temps éloignés de sa ponte, comme j'en ai ouvert, alors
les vaisseaux de chaque ovaire ne forment qu'une
espèce d’écheveau , ou plutôt de paquets de fil posés
les uns contre les autres... Au moyen d'une loupe
très-forte, on y aperçoit pourtant de petites inéga-
lités, on voit à chaque fil de petits nœuds. Mais
quand l’Abeille est en pleine ponte, son corps semble
être rempli d’un nombre prodigieux de différentes
files d'œufs, qui de l’antérieur du corps se rendent
à la partie postérieure. Les œufs, les plus proches
de celle-ci, sont longs, et tels que ceux qu’on ob-
serve dans les alvéoles ; mais ceux qui sont plus près
de la partie antérieure, sont plus courts. Ceux qui
sont à la base de chaque file, sont très-petits , et on
a besoin de la loupe pour les voir... Enfin, toutes
les files d'œufs , tous les vaisseaux d’un même ovaire
aboutissent par le bout où les œufs sont les plus
longs et les mieux formés, et s’abouchent à un vais-
seau beaucoup plus grand, dans lequel ils se dé-
chargent de leurs œufs. Comme il y a deux ovaires,
il y a donc deux grands canaux ou conduits qui se
rendent à un grand canal commun. À cette cavité,
dans laquelle tous les œufs de la Mère- Abeille se
rendent , tient un petit corps sphérique dont l’usage
n’est pas encore déterminé...
» Ce que chaque ovaire des Mères - Abeilles à de
plus remarquable , c’est le nombre des vaisseaux à
œufs dont il est composé. Swammerdam ayant tenté
inutilement de les compter tous, à cause dela quan-
tilé prodigieuse de trachées qui les tiennent liés,
n'a pas cru courir le risque de se tromper en assu-
rant que chaque ovaire avait plus de cent cinquante
20.
308 HISTOIRE NATURELLE
» vaisseaux destinés à contenir des œufs. Si le nom-
» bre de ces vaisseaux est ici considérablement plus
» grand qu'il ne l'est dans les ovaires de beaucoup
» d’autres Insectes, les vaisseaux sont plus courts.
» Swammerdam a pourtant compté dans chacun de
» ceux d’une Abeille dix-sept œufs. Chaque ovaire
» avait donc cent cinquante fois dix-sept œufs, ou
» deux mille cinq cent cinquante œufs, et les deux
» ovaires en renferment bien cinq mille cent. On ne
» doit plus avoir de peine à accorder qu'une Mère-
» Abeille puisse mettre au jour, en sept à huit se-
» maines, dix à douze mille Abeilles ou davantage,
» lorsqu'on peut lui compter cinq mille cent œufs à
» la fois; car on imagine aisément que le nombre de
» ceux qui ne sont pas visibles, qui grossiront pen-
» dant que les autres seront pondus, et prendront
» leur place dans les vaisseaux de l'ovaire, que le
» nombre de ces œufs, dis-je, qui échappent à nos
» yeux par leur petitesse, surpasse plusieurs fois le
nombre des autres. »
Nous avons suivi l’œuf descendu des filamens de
l'ovaire, jusqu’au grand canal commun, qui les recoit
des conduits particuliers à chaque ovaire; mais là il
n'est pas encore dehors du corps, et Swammerdam
ni Réaumur n'avaient pu découvrir l'issue de la vulve.
Le premier seulement avait remarqué que ce canal
excrétoire des œufs forme un renflement musculeux à
l'endroit où il approche du dernier segment ou anus ;
qu'ensuite il se rétrécit et se dilate de nouveau en de-
venant membraneux. Il ne put le suivre plus loin,
mais il lui sembla que la vulve s'ouvre dans le der-
nier segment sous l’aiguillon. Ce qui avait échappé
à Swammerdam, Huber, mis sur la voie par cet au-
D
A4
DES HYMÉNOPTÈRES, 309
teur, l’a observé, et il en donne ainsi les détails :
« Nous primes dans une ruche une mère très-féconde ;
» la tenant délicatement par les ailes, et renversée,
» tout le ventre était à découvert; elle en saisit l’ex-
» trémité avec les jambes de la seconde paire, et, l’a-
» menant par ce moyen du côté de la tête, elle le
» courba autant qu’elle put et prit la forme d’un arc.
» Cette attitude nous paraissant contraire à la ponte,
» nous la forcâämes, par le moyen d’une paille, à en
» prendre une plus naturelle et à redresser son abdo-
» men. Cette mère, pressée de pondre, ne put rete-
» nir ses œufs plus long-temps; nous lui vimes faire
» un dernier effort et alonger son abdomen. La partie
» inférieure de l’anus s’écartait assez de la supérieure
» pour laisser une ouverture, qui mît à découvert une
» partie de la capacité interne du ventre. Nous vimes
» l’aiguillon dans son étui dans la partie supérieure
» de cette cavité. La mère fit alors de nouveaux efforts,
» et nous vimes un œuf sortir du bout du canal de
» l'ovaire, et s’élancer dans la cavité dont nous avons
» parlé; puis les lèvres se refermèrent, et ce ne fut
» qu'après quelques instans qu’elles se rouvrirent bien
» moins que la première fois, et suffisamment pour
» laisser sortir l'œuf que nous avions vu tomber dans
» cette cavité. » Dans l’action naturelle de pondre,
l'œuf arrive dans la cavité de l’anus, revêtu d’une li-
queur visqueuse, il glisse sur la partie interne de la
lèvre inférieure de l'anus faite en gouttière, et son bout
le moins gros, le moins obtus, sortant le premier, il
reste droit sur ce bout , et fixé par la liqueur gluante.
Mais, pour que les œufs, ainsi pondus, soient fé-
conds, il faut que la mère qui les pond, ait été accou-
plée, et cet accouplement n’est chose si simple qu'il
310 HISTOIRE NATURELLE
n'ait donné matière à plusieurs systèmes sur la fécon-
dation des œufs. Quoiqu'il y ait dans les ruches, au
moment où cet événement doit avoir lieu, plusieurs
milliers de mâles, aucun observateur n’a vu l’accouple-
ment, non pas même Huber, qui cependant a prouvé
d’une manière incontestable qu’il avait lieu, et en a dé-
terminé le lieu et diverses circonstances intéressantes.
« Swammerdam ; qui avait observéles Abeilles avec
une assiduité constante, et qui n'était jamais par-
» venu à voir un accouplement entre un mâle et une
» femelle; se persuada que celui-ci n’était pas né-
» cessaire à la fécondation des œufs; mais, comme
» il remarqua que les mâles exhalent en certains
» temps une odeur très-forte, il s’imagina que cette
» odeur était une émanation de l’aura seminalis, ou
» l'aura seminalis elle-même, qui, en pénétrant le
» corps de la femelle, y opérait la fécondation. 1] se
» confirma dans sa conjecture lorsqu'il vint à disséquer
» les organes de la fécondation dans les mâles ; il fut si
» frappé de la disproportion qu'ils présentent , com-
» parés aux organes de la femelle, qu'il ne crut pas
» la copulation possible. Il y a souvent quinze cents
» ou deux mille mâles dans une ruche; et, suivant
» Swammerdam, il fallait bien qu'ils y fussent en aussi
» grand nombre , pour que l’'émanation qu'ils répan-
» dent, eût une intensité suffisante à la fécondation.
» Pour vérifier ou détruire cette opinion d'une ma-
nière décisive, il fallait enfermer tous les mâles d’une
ruche dans une boite percée de trous très-fins, qui
» donnassent passage à l’émanation de l'odeur, sans
» laisser passer les organes mêmes de la génération ;
» placer cette boite dans une ruche bien peuplée , mais
»“ exactement privée de mâles, et ayant une des
DES HYMÉNOPTÈRES. 311
» Abeilles destinées à pondre nouvellement née, et
» n'ayant pu communiquer avec les mâles. Si celle-ci
» devenait mère et pondait des œufs féconds, l’hypo-
» thèse de Swammerdam acquérait beaucoup de vrai-
» semblance. Huber fit l'expérience telle qu’elle vient
» d’être indiquée, avec toutes les précautions possi-
bles, et la jeune mère resta inféconde. Il est donc
certain que l’émanation de l’odeur des mâles ne suffit
» pas à la féconder.
» Réaumur avait une autre opinion: il croyait que
la fécondité de la mère était la suite d’un accouple-
ment réel ; il enferma quelques mâles avec une mère
L2
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» vierge; il vit cette femelle faire beaucoup d’agace-
» ries aux mâles ; cependant, commeil n’aperçut point
» de jonction assez intime, pour qu'il pût l’appeler
» un véritable accouplement, il ne prononça point et
» laissa la question indécise. Huber répéta cette ob-
» servation à diverses fois ;.. 1l crut même voir entre
» la femelle et un dés mâles une espèce de jonction,
» mais si courte et siimparfaite, qu'il n'était pas vrai-
» semblable qu’elle pût opérer la fécondation. Cepen-
» dant , comme il ne voulait rien négliger, il prit le
» parti d'enfermer dans sa ruche la jeune mère qui
» avait souflert les approches du mâle, et de l’ob-
» server quelques jours, pour voir si elle serait deve-
» nue féconde. Sa prison dura plus d’un mois, et dans
» tout cet espace detemps, elle ne pon{it pas un seul
» œuf : elle était donc stérile. Ces jonctions instanta-
» nées n'opérent pas la fécondation.
» M. de Braw, naturaliste, qui a consigné ses expé-
» riences dans le 67° volume des Transactions philo-
sophiques, favorisé par le hasard, aperçut un jour,
au fond de quelques cellules où il y avait des œufs,
L2
312 HISTOIRE NATURELLE
» une liqueur blanchâtre, en apparence spermatique,
fort distincte, au moins, de la gelée que les ou-
vrières rassemblent ordinairement autour des larves
» nouvellement écloses. Il fut curieux d’en connaître
» l’origine, et, comme il conjectura que c'étaient des
» gouttes de la liqueur prolifique des mâles, il entre-
» prit de veiller, dans une de ses ruches, tous les
» mouvemens de ceux-ci, pour les surprendre au mo-
» ment où ils arroseraient les œufs. Il assure qu'il ne
» tarda pas à en voir plusieurs qui insinuaient la par-
» tie postérieure de leur corps dans les cellules, et
» qui y déposaient leur liqueur. Il renferma aussi un
» certain nombre d’ouvrières, dans des cloches de
» verre, avec une mère et quelques mâles; il leur
» donna des parcelles de gâteaux, où il n’y avait
» que du miel et point de couvain, et il vit cette
» mère pondre des œufs, que les mâles arrosèrent , et
» dont il sortit des larves. Lorsqu’au contraire il ne
» renferma point de mâles dans la prison où il tenait
» la mère, cette femelle ne pondit point, ou ne dé-
» posa que des œufs stériles. Il n’hésita plus à donner
» comme unfait démontré , que les mâles des Abeilles
» fécondent les œufs de la mère à la manière des pois-
» sons et des grenouilles, c’est-à-dire extérieurement,
» et après qu'ils sont pondus..... Il restait une objec-
» tion bien forte, à laquelle l’auteur avait négligé de
» répondre. Il naît des larves dans les ruches, lors-
» qu’il n’y a point de mâles. Depuis le mois de sep-
» tembre, jusqu’en avril, les ruches sont pour l'ordi-
» naire privées de mâles, et, malgré leur absence,
» les œufs que la mère pond dans cet intervalle, ne
sont passtériles : ils n’ont donc pas besoin, pour être
» fécondés , d’être arrosés de liqueur prolifique. Pour
=
LA
LA
>
DES HYMÉNOPTÈRES. 313
découvrir la vérité au milieu de ces faits, en appa-
rence si contradictoires, Huber résolut de répéter les
expériences de M. de Braw, et d’y apporter plus de
précautions qu'il ne paraissait y en avoir mis lui-
même. Il chercha, dans les cellules qui contenaient
des œufs, cette liqueur dont il parle, et qu'il pre-
nait pour des gouttes de sperme. Il trouva plusieurs
cellules dans lesquelles effectivement il y avait une
apparence de liqueur, et, les premiers jours où il fit
cette expérience, il n'eut aucun doute sur la réalitéde
la découverte de M. de Braw ; mais ensuite il reconnut
qu'il y avait ici illusion, causée par la réflexion des
rayons de lumière ; car il ne pouvait apercevoir de
ces traces de liqueur, lorsque le soleil dardait ses
rayons au fond des cellules. Ce fond est ordinaire-
ment tapissé des débris de différentes coques des
larves qui y sont écloses successivement : ces coques
sont assez brillantes, et l’on conçoit que, lorsqu'elles
sont fortement éclairées, il en résulte un effet de
lumière, sur lequel il est facile de se tromper. Il dé-
tacha les cellules qui présentaient ce phénomène,
les coupa en tous sens, et vit alors très-clairement
qu'il n’y avait pas la plus petite trace de liqueur.
Poursuivant la répétition des expériences de M. de
Braw, il baigna une ruche (1); il examina, avec la plus
(1) Dans cette opération, on plonge sous l’eau d’un baquet, une
ruche entière et toute sa population; on l'y retient quelque temps.
Lorsqu'on les en retire, les Abeilles ont toutes l'apparence d'être
mortes. On peut les toucher, les manier à volonté: toutes les fe-
melles ont leur aiguillon sorti, en sorte que l’on distingue facile-
ment ieur sexe. Exposées au soleil et à la chaleur, ces mêmes
Abeilles reprennent la vie et toutes leurs facultés. Cette opération,
employée par Huber, donne beaucoup plus de poids aux résultats
de ces expériences.
314 HISTOIRE NATURELLE
scrupuleuse attention, toutes les Abeilles péndant
qu'elles étaient dans le bain, vérifia qu'il n'yavait
aucun mâle, visita tous les gâteaux, et s’assura qu’il
n'y avait aucune nymphe, ni larve de mâles. Lors-
que les Abeilles furent séchées , il les replaça toutes
avec leur mère dans leur habitation; puis transporta
cette ruche dans son cabinet. Désirant que ces
Abeilles pussent jouir de la liberté, il ne les en-
ferma point : elles allèrent donc dans la campagne;
mais, attendu qu'il fallait s'assurer que, pendant
tout le temps de l’expérience , il ne s’introduirait
aucun mâle dans la ruche, il adapta à son entrée un
canal vitré, tel que deux Abeilles seulement pou-
vaient y passer à la fois; il veilla attentivement sur
ce canal pendant les quatre ou cinq jours que l’ex-
périence devait durer. Il ne se présenta pas un seul
mâle, et cependant la mère pondit, dès le premier
jour, quatorze œufs dans des cellules d'ouvrières,
et toutes ces larves furent écloses quatre jours
après... Puisque ces œufs furent féconds, il est
très-sûr que, pour éclore , ils n’ont pas besoin d’être
arrosés de la liqueur des mâles. Mais on pouvait
objecter que les Abeilles privées de leurs mâles
savent peut-être chercher ceux qui habitent d'au-
tres ruches, leur enlever la liqueur fécondante, et
la rapporter dans leur propre domicile, pour la dé-
poser sur les œufs. Il répéta donc l'expérience pré-
cédente, en prenant la précaution d’enfermer les
Abeilles dans leur ruche si exactement, qu'aucune
d'elles ne put sortir. Il s'était assuré par le bain
qu'il n’y avait aucun mâle. Elles furent prisonnières
penlant quatre jours, et au bout de ce temps, il
trouva , sur léur lit dé gelée , quarante petites larves
DES HYMENOPTÈRES. 315
écloses. Il baigna alors une seconde fois cette ruche,
et s’assura qu'aucun mâle n'y était resté, en exa-
minant une à une toutes les Abeilles. Il n’y en eut
pas une seule qui ne montrât son aiguillon. Ce ré:
sultat, si conforme à celui de la première expé-
rience, démontrait que les œufs de la Mère-Abeille
ne sont pas fécondés extérieurement. M. de Braw
s’est probablement servi de femelles dont il ne con-
naissait pas l’histoire, sans s'assurer si elles s'étaient
ou non accouplées auparavant. Sans le savoir, il
s'était servi de mères qui avaient eu commerce avec
un mâle.
» Les observateurs de Lusace, et en particulier
M. Hattorf, ont cru que la Mère-Abeille est féconde
par elle-même sans le concours des mâles. Voici le
précis de l’expérience sur laquelle ils se fondent :
M. Hattorf prit une jeune mère, sur la virginité de
laquelle il ne pouvait avoir de doute; il lenferma
dans une ruche, dont il exclut tous les mâles de la
grande et de la petite taille (1), et, quelques jours
après , il y trouva des œufs et des larves. Il prétend
que, dans le cours de cette expérience, ilne s’intro-
duisit aucun mâle, et comme, malgré leur absence,
la mère pondit des œufs féconds, il en conclut
qu’elle est féconde par elle-même. Huber répéta,
pour la vérifier, l'expérience de M. Hattorf, en lais-
sant aux Abeilles une entière liberté. Quelques jours
après il visita la ruche et y trouva des larves écloses.
(1) 1] naît des mâles d’une taille plus petite que l’erdinaire dans
les ruches qui ne sont pas pourvues, au moment de la ponte de
ceux-ci, d’an nombre suflisant de cellules à males. A lors la femeile
dépose des œufs de mâles dans des cellules d'ouvrières, où les larves
prennent une moindre taille
316 HISTOIRE NATURELLE
>:
3
>
LA
Mais, pour tirer la même conclusion que cet obser-
vateur, il fallait s'assurer qu'il ne s’y était introduit
aucun mâle. Il baigna la ruche, et examina les
Abeilles une à une, et, après une recherche atten-
tive , il trouva quatre petits mâles. Il ne suffit donc
pas, en disposant l'appareil, d'enlever tous les
mâles , il faut empêcher leur introduction par un
moyen sûr, ce qu'il avait négligé de faire. Voulant
réparer cette omission, Huber prit une jeune mère
vierge, la plaçca dans une ruche, enleva soigneuse-
ment tous les mâles, et, pour être physiquement
sûr qu'il n’en viendrait aucun, il adapta à l’ouver-
ture de la ruche un canal vitré, dont les dimensions
étaient telles que les ouvrières y passaient librement,
mais trop petit pour qu’un mâle de la plus petite
taille püt sy glisser. Les choses restèrent ainsi
disposées pendant trente jours. Les ouvrières,
allant et venant librement, firent tous leurs travaux
ordinaires : mais la jeune mère resta stérile. Au bout
de trente jours, son ventre était aussi effilé qu’au
moment de sa naissance. Il répéta plusieurs fois
cette expérience, et le résultat fut toujours le même.
Ainsi donc, puisqu'une mère qu’on sépare rigou-
reusement de tout commerce avec les mâles, reste
stérile, il est évident qu'elle n’est pas féconde par
elle-même. L'opinion de Hattorf est donc mal
fondée.
» Ainsi, en cherchant à vérifier ou à détruire par
de nouvelles expériences, les conjectures de tous les
observateurs qui l'avaient précédé, Huber avait
acquis la connaissance de nouveaux faits ; mais ces
faits étaient en apparence si contradictoires entre
eux , qu'ils rendaient la solution du problème plus
DES HYMÉNOPTÈRES. 317
difficile encore. Lorsqu’en travaillant sur l'hypothèse
de M. de Braw, il enferma une mère dans une ruche
dont il prit soin d’écarter tous les mâles, cette mère
ne laissa pas d’être féconde. Lorsqu’au contraire,
examinant l’opinion de M. Hattorf, il plaça dans
les mêmes circonstances une jeune femelle, de la
virginité de laquelle il était parfaitement sûr , cette
femelle resta stérile. En y réfléchissant plus atten-
tivement, il crut que ces contradictions apparentes
provenaient du rapprochement qu'il se permettait
de faire entre des expériences, exécutées les unes
sur des femelles vierges, et d’autres sur des femelles
qu’il n'avait pas observées dès leur naïssance, et qui
avaient peut-être été fécondées à son insu. Plein de
cette idée, il entreprit de suivre un nouveau plan
d'observations, non sur des mères prises au hasard
dans ses ruches, mais sur des femelles décidément
vierges, et dont il connaissait l’histoire depuis le
moment de leur sortie de la cellule. Huber avait un
très-grand nombre de ruches; il enleva toutes les
femelles qui y régnaient, et substitua à chacune
d'elles une reine prise au moment de sa naissance;
il partagea ensuite ces ruches en deux classes , enle-
vant dans celles de la première tous les mâles de la
grande et de la petite taille, et leur adaptant un ca-
nal vitré, assez étroit pour qu'aucun mâle ne püt
s’y introduire, mais assez large pour queles ouvrières
pussent entrer et sortir librement. Dans les ruches
de la seconde classe, il laissa tous les mâles, et
même il y en introduisit d’autres , et, ne voulant pas
qu'ils pussent s'échapper, il donna à ces ruches,
ainsi qu'aux premières , un canal vitré, trop étroit
pour le passage des mâles. Ayant suivi cette expé-
318 HISTOIRE NATURELLE
»
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L2
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LA
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»
rience, faite en grand, pendant plus d’un mois, et
avec beaucoup de soins, il fut fort surpris de voir,
au bout de ce terme, toutes ses jeunes mères égale-
ment stériles. 1l est donc parfaitement sûr que les
Mères-Abeilles restent infécondes, même au milieu
d’un sérail de mâles, lorsqu'on prend la précaution
de les tenir prisonnières dans leur ruche.
» Ce résultat le conduisit à soupconner que les fe-
melles ne peuvent être fécondées dans l'intérieur de
leurs habitations, et qu’il faut qu’elles sortent pour
cela, Il était facile de s’en assurer par une expérience
directe. Il savait que, pendant la belle saison, les
mâles sortent ordinairement de leurs ruches à l'heure
la plus chaude du jour. Or il était naturel de croire
que, si les mères étaient obligées d'en sortir aussi
pour être fécondées, elles seraient instruites à choi-
sir le temps même de la sortie des mâles. Il se plaça
donc avec Burnens, son secrétaire, vis-à-vis d’une
ruche dont la jeune mère inféconde était âgée de
cinq jours. Il était onze heures du matin; le soleil
avait brillé depuis son lever, et l'air était très-
chaud; les mâles commençaient à sortir de quelques
ruches. Ils agrandirent alors l'ouverture de la porte
de celle qu'ils voulaient observer , et fixèrent toute
leur attention sur celte porte et sur les Abeilles qui
en sortiraient. Ils virent d’abord paraître les mâles,
qui prirent leur essor, dès qu'ils en eurent la liberté.
Bientôt après, la jeune mère parut à la porte de sa
ruche; elle ne prit pas le vol en sortant, Ils la virent
se promener sur l'appui de cette ruche pendant
quelques instans; elle brossait son abdomen avec
ses jambes postérieures : les ouvrières et les mâles,
qui sortaient de la ruche, ne lui rendaient aucun
>
ÿ
2
ES HYMÉNOPTÈRES. 319
soin, et paraissaient ne lui donner aucune atten-
tion. La jeune mère prit enfin son vol. Quand elle
fut à quelques pieds de sa ruche, elle se retourna,
et s’en approcha, comme pour examiner le point
dont elle était partie : on eût dit qu'elle jugeait
cette précaution nécessaire pour le reconnaître à son
retour. Elle s’en éloigna ensuite, et décrivit en vo-
lant des cercles horizontaux à douze ou quinze pieds
au-dessus de terre. Nos observateurs diminuèrent
alors l'ouverture de sa ruche, pour qu’elle ne pût y
rentrer à leur insu, et allèrent se placer au centre
des cercles qu’elle décrivait en volant, pour être
plus à portée de la suivre et de voir toutes ses ac-
tions. Mais bientôt elle prit un vol rapide, et s’é-
leva à perte de vue : aussitôt ils regagnèrent leur
poste devant la ruche, et, au bout de sept minutes,
ils virent la jeune mère revenir au vol et se poser à
la porte d’une habitation dont elle n'était sortie
qu’une fois. Ils la prirent alors dans leurs mains
pour l’examiner , et ne lui ayant trouvé aucun signe
de fécondation, ils la laissèrent rentrer dans sa de-
meure. Elle y resta près d’un quart d'heure, au
bout duquel elle reparut. Après s'être brossée
comme la première fois, elle partit au vol, se re-
tourna pour examiner sa ruche, et s’éleva de suite
à une telle hauteur, qu’ils la perdirent bientôt de
vue. Cette seconde absence fut bien plus longue
que la première; ce ne fut qu'au bout de vingt-
sept minutes, qu'ils la virent revenir au vol et se
poser sur l'appui de la ruche. Ils la trouvèrent alors
dans un état bien différent de celui où ils l'avaient
vue au retour de sa première excursion : la partie
postérieure de son corps était remplie d’une ma-
320 HISTOIRE NATURELLE
» tière blanche, épaisse et dure; les bords intérieurs
» de sa vulve en étaient couverts ; la vulve elle-même
» était entr'ouverte, et ils purent aisément voir que
» sa capacité intérieure était remplie de la même ma-
» tière. Cette substance ressemblait assez à la liqueur
» dont sont remplies les vésicules séminales des
» mâles; ils les trouvèrent parfaitement semblables
entre elles , quant à la couleur et à la consistance ;
mais il fallait, pour être sûr qu’elle fût la liqueur
» fécondante, qu’elle opérât la fécondation. Ils lais-
» sèrent donc rentrer cette reine dans sa demeure et
» l'y enfermèrent. Deux jours après, ils ouvrirent la
» ruche et eurent la preuve que la jeune mère était
» devenue féconde. Son ventre élait sensiblement
» grossi, et elle avait déjà pondu près de cent œufs
» dans les cellules d’ouvrières. » Huber répéta plu-
sieurs fois de semblables expériences, et elles eurent le
même succès, même lorsque la jeune mère à qui il
donnait la liberté, appartenait à une ruche où il n’y
avait point de mâles. On conçoit qu’il n’était pas difi-
cile à cette femelle de rejoindre en l'air ceux des autres
ruches , lorsqu'on aura remarqué, comme nous l'avons
fait souvent, que les mâles, à l’époque de la chaleur
du jour, sortent tous des ruches, s'élèvent dans l'air
à une hauteur, d’où, sans les distinguer, on entend
distinctement leur fort bourdonnement. C’est dans la
région où ils se jouent, pour ainsi dire, en excitant
ce bruissement, que les jeunes femelles s'élèvent au
moment où Huber perdait les siennes de vue; c’est
à cette hauteur, et dans le vague de l'air, qu’elles
trouvent la fécondité, qu’il ne leur est pas donné d’ac-
quérir, ni sur la terre, ni sur les fleurs, ni même
dans le secret de leur demeure. Nous avons dit plus
>
Y
DES HYMÉNOPTÈRES. 321
haut, que chaque ruche renferme au moins quinze
cents mâles. On en voit la raison et le but de l’Auteur
de la nature. Il n’eût pas été certain, sans cette mul-
tiplicité , que la jeune mère püt, au temps nécessaire
(et nous verrons que ce temps est borné), trouver un
mâle prêt à la féconder, dans le vaste espace de l’air,
qui peut seul être le théâtre de ses amours.
Jusque-là Huber avait pris pour du sperme coagulé
cette masse que la jeune femelle, qui revient à sa
ruche, rapporte dans sa vulve entr'ouverte. Bientôt
cependant la répétition de ces expériences et la dis-
section des mâles lui fit reconnaître que cette masse,
qu'il croyait inorganisée , était une partie des organes
générateurs des mâles, dont Réaumur avait donné une
description exacte, mais imparfaite, parce qu'ayant
employé la pression de l'abdomen, pour en obtenirla
sortie du corps, cet auteur ne les a vus que retournés.
Lorsqu'on ouvre l'abdomen, voici, d'après Huber, ce
que l’on voit de ce système générateur. Après l’ouver-
ture, on aperçoit d’abord un corps lenticulaire, recou-
vert à son bord postérieur par quatre lames écailleuses
convexes , qui semblent devoir faire, dans l’accouple-
ment , l'office de pinces ou de crochets. Ces lames sont
de consistance. écailleuse, et disposées par paire sur
chaque côté du corps lenticulaire. À la partie posté-
rieure de celui-ci s'adapte un canal tortueux : si, sai-
sissant avec une pince la lentille, on la tire faiblement
à soi, les plis du canal s’effacent , le cordon s’allonge
considérablement; mais, si l’on continue à tirer, le
canal se rompt tout auprès de la lentille. Le canal
prend origine à la jonction de deux corps oblongs
assez gros, à qui Swammerdam donne les fonctions
et le nom de vésicules séminales : à chacun de ces
ZIYMÉNOPTÈRES, TOME I. 21
322 HISTOIRE NATURELLE
deux corps est attaché un autre corps plus mince,
appelé par le même , vaisseau déférent , du bout du-
quel part un vaisseau assez délié, qui, après quelques
plis et replis, aboutit à un corps plus gros , mais dif-
ficile à dégager des trachées qui l’environnent.
Connaissant donc par l'anatomie les parties sexuel-
les du mäle, Huber ayant saisi par les quatre ailes
une jeune femelle , qui rentrait avec sa vulve entr’ou-
verte, contenant visiblement les mêmes corps qu'en
semblable cas il avait vus à d’autres dans ses précéden-
tes expériences, celle-ci arracha , avec les crochets de
ses pieds, la masse engagée dans sa vulve, qui fut
recue par l’autre main de l'observateur. Observé atten-
tivement, ce corps fut reconnu pour être le corps
lenticulaire qui termine l'appareil générateur du mâle
décrit plus haut. Cette expérience fut répétée par
Huber nombre de fois. Il reconnut (1), pendant le sé-
jour du corps lenticulaire dans la vulve , « que les pin-
» ces, dont nous avons parlé dans la description de
» ce corps , étaient implantées en dessous du canal ex-
» crétoire des œufs de la femelle : elles pressaient
» entre elles des parties qu'il ne put distinguer à
» raison de leur extrême petitesse : la résistance qu'il
» éprouva , en essayant de les détacher, ne lui permit
» pas de douter que ces pinces ne servissent à rap-
» procher l'extrémité de la lentille de lorifice du va-
» gin, et à l'y tenir appliquée... Avant de déranger
» ces parties , il les plaça au foyer d’un microscope ;
» il vit alors une particularité qui lui avait échappé
» jusque-là : en tirant en arrière le corps lenticulaire,
» il sortit du vagin de la femelle une petite partie
(1) Pour cette obseryation, l'auteur cité tua, sans leur donner le
temps de se débarrasser de leur fardeau , des femelles qui rentraient
chargées des preuves de la fécondité qu'elles venaient d'acquérir.
DES HYMÉNOPTÈRES. 323
» adhérente au bout de la lentille, et placée au-dessous
» des pinces écailleuses. Elle rentre d'elle-même dans
» la lentille comme les cornes d’un limacon : cette
» partie est courte, blanche et paraît cylindrique , et
» est la seule partie, ayant de la consistance, que le
» mâle eût introduite dans le vagin de la femelle. »
Il est donc certain que la Mère-Abeille s’accouple
avec un mâle, puisque, dans les débris de l’appareil
génital du mâle, elle rapporte à la ruche les preuves
de cet accouplement ; il est constant que ce n’est pas
inutilement qu’il existe des mâles dans la ruche, qu'il
était même nécessaire qu'il y en eût un grand nom-
bre ; que cet accouplement ne peut avoir lieu que
hors de la ruche et dans les airs (nous avons déjà vu
qu'il s'opérait ainsi dans les Fourmis); et qu'à la fin
de cette jonction des deux sexes , l'appareil génital du
mâle est rompu à peu près à la base du corps lenticu-
laire , vers l’endroit où le canal tortueux, dont nous
avons parlé, s'abouche avec lui. 1l n’est pas douteux
que cette mutilation ne fasse perdre la vie au mâle.
( Poy. l'histoire du genre Anthophora. )
Jusqu'à l'époque de cet accouplement, la jeune
mère n'avait pas droit et ne participait pas aux pré-
venances des ouvrières , auxquelles sa fécondité seule
lui donne part. De ce moment elle les obtient, et ils
lui sont assurés pour toute sa vie.
La jeune mère commence sa ponte quarante-six
heures après l’accouplement. Ce sont des œufs d’ou-
vrières qu'elle pond en premier et pendantles premiers
onze mois de sa vie : d’abord, jusqu’à l'hiver, cette
ponte n'est pas très-nombreuse ; elle cesse pendant
l'hiver. Mais, dès que la douceur de l’air annonce le
retour du printemps, la ponte de la Mère-Abeille de-
vient plus active, et donne un surcroît de population
21.
324 HISTOIRE NATURELLE
qui fournit à celle de l’essaim, qui peut sortir de la
ruche, dans nos climats, du 20 au 25 mai. Pour y suf-
fire, il faut que la mère ponde , depuis les premiers
beaux jours jusqu’au premier mai, douze mille œufs ,
parce qu'un essaim de force ordinaire doit êtrecomposé
de ce nombre d'individus , et que les individus, pondus
après le premier mai, ne seront pas en état de suivrel’es-
saim , d’après ce que nous avons dit de leurs premiers
états, et puisque, d’un autre côté, lorsque l’essaim
est sorti, il existe encore dans la ruche une popula-
tion un peu plus forte que celle que l’on y voyait, avant
cette ponte si nombreuse. En supposant que la durée
de celle-ci soit de deux mois, il s'ensuivra en terme
moyen que la mère pond chaque jour deux cents
œufs : ce qui donne une idée complète de sa fécon-
dité; mais qui reste cependant plutôt au-dessous
qu'elle ne s'élève au-dessus de la réalité , et dont on
ne doit point s'étonner en se rappelant que nous avons
compté avec Réaumur vingt mille œufs dans ces
ovaires.
Vers le onzième mois de son existence , la mère
commence à pondre des œufs de mâles. Le nombre de
ceux-ci peut se monter de quinze cents à trois mille ;
mais elle ne cesse pas pour cela de pondre en même
temps quelques œufs d'ouvrières.
Tel est l'ordre régulier de la ponte, chaque année de
la vie d’une mère féconde. Mais cet ordre peut être
dérangé. En effet , lorsque l’accouplement de la jeune
mère a été retardé au delà du vingt et unième jour de
son existence, elle commence sa ponte par des œufs
de mâles, et pendant la durée de sa vie elle ne pondra
que des œufs de ce sexe. Ce fait, prouvé par nombre
d'expériences de Huber, quelqu'étonnant qu'il soit,
ne trouvera pas cependant d’incrédules , si l’on a re-
DES HYMÉNOPTÈRES. 325
marqué toutes les précautions que mettait cet obser-
vateur dans toutes ses observations, avant d’en tirer
une conclusion. Lorsque cet accident n’a point lieu,
l’ordre régulier de la ponte se reproduit chaque année
de la vie de cette mère si féconde, sans qu’elle ait be-
soin d’un nouvel accouplement.
Nous avons dit plus haut que c'était la mère qui
déterminait la sortie de l’essaim. C'est à présent des
circonstances qui précèdent, accompagnent et suivent
immédiatement son émission que nous avons à nous
occuper. On comprendra facilement que, si chaque
ruchene donnait annuellement qu'un essaim, les ruches
d’Abeilles seraient d'autant moins multipliées, que
l'usage ancien, qui n'est encore que trop suivi, était
de détruire la population de la ruche pour pro-
fiter du miel et de la cire, fruits des travaux de ces
industrieux Hyménoptères. Mais une ruche donne sou-
vent deux essaims et même trois ; quelquefois elle en
donne quatre ou cinq, et il est encore plus rare qu’elle
n’en donne aucun. Les circonstances qui accompagnent
l'émission du premier de chaque année, différant un
peu de celles qui interviennent aux autres, nous les
traiterons séparément.
L'hiver diminue toujours la population des ruches,
soit parce que telle estl’'époqueoùles Abeilles périssent
naturellement de vieillesse, soit que sa force ou sa du-
rée (une température de quatre à cinq degrés au-dessus
de zéro , au thermomètre de Réaumur, d’après ses expé-
riences, suflit pour engourdir les Abeilles ; la durée de
cet état, ou un degré de froid plus considérable que
l'ordinaire , peut occasioner leur mort), leur aient été
fatales, soit qu'invitées par les premiers beaux jours à
sortir, un changement de temps subit les ait surprises
hors dela ruche et leur ait été nuisible, ce qui arrive
326 - HISTQOIRE NATURELLE
toujours plus ou moins. Après que la ruche s’est re-
peuplée d’Abeilles ouvrières, la mère pond des œufs
de mâles. Lorsque l'éducation de ceux-ci commence,
les ouvrières se mettent à ébaucher les grandes cel-
lules, et la mère y pond des œufs de femelles, avant
même qu'elles soient terminées. Nous avons vu com-
ment les larves, qui en naissent, reçoivent une nourri-
ture particulière, la gelée prolifique. Nous avons dit
que, lorsque la larve à pris toute sa croissance, les où-
vrières couvrent d'un couvercle de cire l’entrée de la
cellule, comme elles le font pour les ouvrières et les
mâles : la larvealors se file une coque imparfaite, qui
n’enveloppe que les parties supérieures de son corps,
sans protéger les inférieures.
Il semblerait naturel de croire que, dès que les mères
élevées dans ces cellules seront écloses , elles sortiront
dans la ruche. Il n’en est pas ainsi : lorsque ces jeunes
femelles , cherchant à sortir, veulent ôter le couvercle,
ét pour cela en rongent les bords, les ouvrières, qui à
cette époque font la garde autour de ces mêmes cellules,
remettent par dehors autant de parcelles de cire pour
les rattacher, que les prisonnières en Ôôtent pour le
détacher. 1] en résulte une grande irritation, une
espèce de colère de celles-ci : leur impatience s’ex-
prime par un bruissement äsez fort, que l’on peut
supposer produit par le frémissement de leurs ailes.
La conduite des ouvrières, dans cette occasion,
peut, au premier coup d'œil, paraître extraordinaire ;
cependant l'expérience prouve qu'il ne peut y avoir,
même pendant le temps assez court de quelques
heures, deux ou plusieurs mères fécondes , ou suscep-
tibles de le devenir par l’accouplement, existant
simultanément en liberté dans la rnche. On conçoit
que la fécondité d'une seule donne déjà assez de tra-
DES HYMÉNOPTÈRES. 327
vaux à exécuter aux ouvrières : elles ne pourraient
suffire à ceux que deux exigeraient. De plus, il existe
une jalousie entre les Abeilles-Méres, qui les porte à
un combat à mort l’une contre l’autre, dès le premier
moment où elles peuvent sé joindre. La garde qui
veille autour des cellules de ces jeunes femelles a donc
pour second objet d'empêcher la mère, qui existe en
pleine liberté dans la ruclie qui va donner un essaim,
de se jeter sur ces cellules, où le bruissement dont
nous avons parlé, et qui est propre et particulier aux
femelles fécondes ; l’avertit qu'il existe des concur-
rentes : si elle y parvenait, elle percerait ävec ses
mandibules la partie supérieure de la cellulé, que nous
avons dit n'être point garnie de là coque qui protége
dans le bas les parties antérieures de la jeuñe femelle ;
puis, amenant à cette ouverture l'extrémité de son
abdomen , elle percerait la prisonnière, qui, n'ayant
pas la liberté des mouvemens, périrait infailliblement.
Si, d’un autre côté , les ouvrières laissaient softir de sa
cellule natale la jeune mère, la mêmeantipathie se trou-
vant en toutes deux , il y aurait nécessairement un com-
bat, et la mort de l’une des deux étant infaillible, ou il
n'y aurait plus d’essaim ; la condition de célui-ci étant
d'être conduit par une mère, seul garant d’un établis-
sement durable, où la rucle s’en trouverait dépouillée.
Les ouvrières doivent donc empêcher, etla sortie des
jeunes mères de leurs cellules natales , et l’approché de
la vieille mère de ces mêmes cellules, jusqu'après la
sortie de l’essaim. Celle-ci se trouvant emjiéchée de
faire sa volonté, s’irriteà son tour ; à la démarche assez
lente, et qu'on pourrait dire grave, qu’on lui avait
connue jusque-là, succèdent des mouvemens brusques ;
elle veut parcourir toute la ruche, et détruire, dans
leurs berceaux, ces jeunes mères dont la liberté met-
328 HISTOIRE NATURELLE
trait sa vie en péril dans un combat plus ésal. Les ou-
vrières partagent cette agilation , et l’augmentent en
formant des phalanges serrées sur le chemin de la
vieille mère. Letumulte devient à son comble , la mère,
dans sa colère , sort de la ruche et prend son vol avec
la plus grande partie de la population. Voilà le pre-
mier essaim, et l'on voit par-là qu'il est toujours
conduit par la vieille mère.
Ilest probable qu'une circonstance qui accompagne
toujours le tumulte dont nous avons parlé, je veux
dire la grande chaleur qu’il occasionne dans la ruche,
est encore une des causes qui force la plus grande
partie de la population d’en sortir. On pourrait croire,
à la première vue, que la multiplicité des individus,
l'accroissement outre mesure de la population est une
des causes de l’émigration de cet excédant. Ceux qui
ont observé, pendant quelques années, des ruches
d’Abeilles, ne partageront pas cette opinion ; ils ont
souvent vu le trop de population d’une ruche, équi-
valant à l’essaim le plus peuplé, se réfugier sous le
plancher de cette ruche ou sous sa couverture ex-
térieure, et cet état se prolonger pendant une grande
partie de la saison chaude, sans qu'il y eût produc-
tion d’essaim. L'expérience prouve que l'irritation de
la vieille mère est toujours la cause de la sortie du pre-
mier essaim.
Il est encore nécessaire, pour la sortie de cette co-
lonie, que le temps soit beau et l’air assez calme. Un
temps chaud, quoique le ciel soit couvert, si les
nuages, qui peuvent même imtercepter les rayons
directs du soleil, ne menacent pas de pluie, n'em-
pêche pas la sortie de l’essaim. Les signes précurseurs
de cet événement, sont le bruissement des jeunes
DES HYMÉNOPTÈRES. 329
mères, qu'on peut entendre du dehors, et celui du
tumulte, qui se renouvellent souvent plusieurs fois
avant la sortie. On à remarqué aussi que quelque
temps avant, une heure, ou plus ou moins, les ouvrières
cessent d'aller aux champs, la surveillance intérieure
étant alors leur principale occupation.
L’essaim se compose d’un très-grand nombre d’ou-
vrières et de mâles; il est conduit, ou du moins ac-
compagné par une mère, et cette mère, pour le pre-
mier essaim , est toujours celle qui existait en liberté
dans la ruche qui a fourni la colonie. Maïs on peut
être inquiet du sort de cette dernière ruche et la croire
dépeuplée ; cependant nous avons dit plus haut que
cette même ruche fournit souvent un second essaim ,
et même quelquefois plusieurs. Celles qui sont sorties
en essaim, n’y reviendront pas; elles seront fidèles à
la mère qu’elles ont suivie. La population cependant
sera assez nombreuse, et les travaux s’y exécuteront
comme avant la désertion ; elle se composera des ou-
vrières et des mâles qui seront sortis de la ruche, avant
l'heure oùila été possible de prévoir l’éruption de l’es-
saim. Dès le matin, beaucoup, surtout des premières,
sont allées à la provision et ne reviennent que lorsque
le mouvement de l’essaim est terminé. Sans s’inquié-
ter de ce qui s’est passé, elles déposent les provisions
qu’elles apportent, et la nourriture est fournie aux
larves comme par le passé. Les individus, nés peu
d'heures avant le mouvement de sortie, étaient encore
trop faibles pour le suivre; ils sont restés dans la
ruche. Les œufs pondus par la mère, qui vient de
quitter son ancienne patrie, depuis vingt jours, ne sont
pas encore Insectes parfaits, mais à chaque instant
ils le deviennent. Une ou plusieurs des jeunes mères
330 HISTOIRE NATURELLE
que nous avons laissées à cette époque enfermées et
gardées dans leurs cellules, sont sorties pendant le
tumulte ; s’il n’y en a qu'une d’éclose, elle sort de la
ruché pour s’accoupler, dès que les forces le lui per-
mettent ; ce qui arrive ordinairement au bout de vingt-
quatre heures après sa sortie de la cellule où elle est
née; s’il y en a plusieurs , elles se battent entre elles ;
la plus heureuse ou la plus adroite reste et devient le
gage d’un rapide accroissement de population, en
commençant à pondre environ quarante-six heures
après son accouplement. La population decette ruche,
qui paraissait presque détruite dans les instans qui
suivirent la sortie de l’essaim , s’'augmente si prompte-
ment que souvetit, de trois à huit jours après, elle
en donne un second. Si cette seconde émigration a
lieu , il est clair, d'après ce que nous venons de dire,
qu’elle sera conduite par la jeune mère, qui seule est
restée libre dans la ruche ; la cause d'irritation, et par
conséquent de sortie, se renouvellera pour élle; mais
il arrive souvent, surtout pour les derniers essaims,
lorsque la sortie des premiers a diminué la popula-
tion de la ruche, d’où ils sont sortis, que pendant
le tumulte qui se fait au moment du départ, plusieurs
jeunes mères, moins bien gardées, sortent de leurs
êellules et suivent le mouvement imprimé à la masse.
On conçoit que celles qui sont écloses depuis quelques
jours; se trouvent aptes à voler, dès qu’elles ont enlévé
le couverele qui les retenait prisonnières. Alors les:
saim se trouvera mené par plusieurs jeunes mères.
Nous avons laissé l’essaim sorti de la ruche, sans
expliquer ce qu'il devenait : il s'élève en tourbillon
au-dessus de la ruche ; il ne s’en écarte pas, tant que
la population, qui doit le composer; n’a pas pris sa
DES HYMÉNOPTÈRES. 331
volée. Les individus qui le composent, n’ont pas envie
de se disperser ; ils étaient unis en société, ils se pro-
posent seulement d'en former une nouvelle. Par les
cercles entrelacés que figure leur vol, il est aussi
probable qu’elles s’assurent de la présence de la mère.
Bientôt celle-ci, accompagnée de celles qui tentent
fortune avec elle, va se poser sur une branche d’ar-
bre : et si ce lieu paraît convenable, elles s’y rassemblent
bientôt toutes, et se posent les unes sur les autres, en
formant une grappe pendante. Dans cette position, les
prémiéres posées ne s’accrochent à la branche ou à ses
feuilles que par les pattes antérieures , les postérieu-
res sont libres et pendantes, et c’est aux crochets des
tarses de celles-ci (qui terminent, comme nous l'avons
dit dans la description des pattes, le cinquième arti-
cle), que les suivantes s’attachent au moyen de leurs
crochets de la paire antérieure : toutes se tiennent
ainsi, et ce mode n’a point les inconvéniens que tout
autre pourrait avoir. En effet, ces crochets, durs et
cornés, sont terminés par une pointe acérée qui pour-
rait pénétrer quelques-unes des membranes, qui
unissent les parties solides composant l'enveloppe du .
corps des Abeilles; ils pourraient aussi déchirer celle
qui compose les ailes. Dans le premier cas, ils feraient
une véritable blessure vraisemblablement mortelle, et
dans le second , ils altéreraient l'organe du vol, si né-
cessaire aux pourvoyeuses.
Nous l'avons déjà dit, nous le rappellerons ici,
l’homme amis l’Abeille sous sa dépendance, il l’a ré-
duite en domesticité. Dans nos propriétés dont elles
font partie, l’essaim arrivé à son premier lieu de ras-
semblement et de repos, ne s'appartient plus à lui-
même. Il est certain que ce n'est pas là qu'il peut
332 HISTOIRE NATURELLE
s'établir, dépourvu qu'il est de tout abri, et exposé
à toutes les variations de l'atmosphère. L'homme denc
lui offre alors un abri qu'il a lui-même fabriqué, et
voici la manière ordinaire de le lui faire adopter : un
homme présente une ruche renversée au-dessous de la
grappe pendante que forme l’essaim ; il tâche d’enga-
ger le plus possible, dans sa cavité, l'extrémité de
cette grape ; ensuite 1l secoue assez fortement la bran-
che, de manière à en détacher les Abeilles ; puis, re-
dressant la ruche dans son sens naturel, il la pose à
terre, sous l’endroit où il vient d'opérer. Il arrive ordi-
pairement que des flots d’Abeilles sont tombés dans
cet endroit hors de la ruche; c’est au centre des tas
qu'elles forment sur la terre qu'il pose la ruche. Bien-
tôt elles viennent rejoindre le gros de la colonie par
les ouvertures qu'on a soin de laisser entre les bords
de la ruche et la terre. L’effort de la secousse en a fait
aussi envoler une partie, qui, en peu de temps, rejoi-
gnent leurs compagnes avec empressement , si la mère
se trouve du nombre de celles qui sont déja dans la
ruche , ou si elle s’y introduit promptement. Dans le
cas contraire où la mère volerait à l’entour sans vouloir
entrer, les Abeilles sortiraient bientôt de la ruche
pour la rejoindre et se poser là ou ailleurs avec elle ;
tant elles lui sont attachées, tant elles sentent la
nécessité de la présence de celle qui assure la force et
la durée de leur population. S'il arrivait que la mère
n’eût pas pu sortir avec l’essaim par une cause telle
qu'elle püt être, tout l’essaim, après avoir volé un petit
nombre d’instans en cercle autour de la ruche, pour
s'assurer de sa présence ou de son absence , rentrerait
dans la ruche sans tenter aucun établissement nouveau.
Nous venons de décrire comment se fait cet établis-
DES HYMÉNOPTÈRES. 333
sement dans notre intérêt; mais il est possible que
l’homme n'ait pas de suite reconnu l'utilité dont les
fruits du travail de ces Insectes pouvaient être pour
lui, qu'il ne les ait pas d’abord réduites à la domesticité,
même, quand il a connu leurs produits (ce que l’on
verra dans l’article des A piarides du nouveau monde);
il est de plus certain que dans certains pays, certai-
nes forêts , certaines montagnes, il existe des Abeilles
qui ne sont pas sous notre main. Il s'échappe même
des essaims de nos ruchers , et ils trouvent à s'établir
sans notre intervention dans des cavités de rochers,
dans les intervalles des pierres d’un vieux mur, ou
dansle trou de quelque arbre excavé par la carie, ou par
des oiseaux, ou par quelques autres Insectes. On doit
donc supposer que, del'endroit de leur premier repos,
où nous les avons vues suspendues en grappe, elles
envoient dans ce cas quelques explorateurs, qui re-
viennent au rassemblement donner la nouvelle de la
découverte et servir de guides à la colonie.
En décrivant l’architecture des Apiarides et les tra-
vaux des ouvrières, notamment la fondation des gà-
teaux , nous avons dit ce qui se passe dans une ruche
après le premier établissement. Nous avons vu ces
femelles infécondes bâtir et travailler à fournir la ruche
de vivres, et à nourrir la postérité de la seule femelle
féconde. Nous avons vu celle-ci soignée, nourrie, es-
cortée et suivie par elles ; mais, comme nous ne l’avons
jamais vue présider aux travaux, ni donneraucunordre,
nous lui avons refusé le titre de Reine qu'on lui don-
nait avant nous , pour lui laisser celui de Mère, bien
préférable au premier, et que la fécondité, qu'elle pos-
sède seule et éminemment , lui donne d’une manière
incontestable. Mais l'attachement filial que les ou-
334 HISTOIRE NATURELLE
vrières ont pour elle, ne les empêche point dene pas
pouvoir tolérer deux mères libres dans une même
ruche. On dirait qu’elles sentent ne pouvoir pas, en
ce cas, suflire aux travaux qu'exigerait cette double
fécondité. ( Nous ne prétendons pas certainement ex-
pliquer les idées des Apiarides, ni même soutenir
qu'elles en aient ; nous voulons seulement dire qu'elles
agissent dans certaines occasions, comme si elles
avaient telle ou telle idée.) Ainsi, si l’on introduit
une femelle féconde dans une ruche qui en est déjà
pourvue, les ouvrières l'empêchent de pénétrer dans
l'intérieur, elles la serrent de tous côtés et même s’en-
tassent sur elle ; elles la tiennent en quelque sorte en
charte privée, et ordinairement elle devient victime
et périt, sans pouvoir s’en tirer, par la longueur de
cette détention. Au contraire, si une ruche est privée
de sa femelle féconde , et que le temps écoulé depuis
cette perte permette qu’elle soit connue de toutes les
ouvrières, une mère étrangère est accueillie par celles-
ci, et obtient promptement d'elles tous les égards
et les caresses ordinaires.
Nous avons dit que, dans le tumulte de la sortie d’un
essaim , il arrive assez souvent que deux ou plusieurs
jeunes femelles, de celles qui occupent les grands
alvéoles, et ont été élevées pour devenir fécondes par
l’accouplement, sortent en même temps de ces alvéoles
et quittent la ruche avec l’essaim. De là il arrive quel-
quefois qu’au lieu de se poser en un seul groupe, la po-
pulation sortie se divise en deux ou en plusieurs, selon
le nombre de ces jeunes femelles, qui se sont posées en
divers endroits. Souvent cependant , malgré cette plu-
ralité, elles se réunissent toutes, et dans tous les cas,
lorsqu'elles sont recueillies, deux ou plusieurs mères se
DES HYMÉNOPTÈRES. 235
trouvent libres dans une même ruche. Dans ce cas, ou
dans tout autre où il y a pluralité de mères, loin de s’op-
poser à la jalousie qui porte ces mères À se détruire
lune l’autre, les ouvrières tendent, par leurs mouve-
menus autour d'elles, à les rapprocher l’une de l’autre :
rapprochement toujours suivi d’un combat auquel,
bien loin de mettre obstacle, elles les forcent en quel-
que sorte , en obligeant de revenir sur ses pas celle qui
se serait enfuie. Voici le récit d’un de ces combats
dont M. Huber fut témoin dans une de ses ruches les
plus minces : « Deux mères sortirent de leurs cellules
» presqu'au même moment. Dès qu'elles furent à por-
» tée de se voir, elles s’élancèrent l’une contre l’autre
» avec l'apparence d’une grande colère, et se mirent
» dans une situation, telle que chacune avait ses an-
» tennes prises dans les mandibules de sa rivale; la
» tête, le corselet et le ventre de l’une étaient opposés
» à la tête, au corselet et au ventre de l’autre; elles
» n'avaient qu'à replier l'extrémité postérieure de ce
» ventre, elles se seraient percées réciproquement de
» leur aiguillon, et seraient mortes toutes deux dans
» le combat. Mais il semble que l’Auteur de la nature
» n’a pas voulu que leur duel fit périr les deux com-
» battantes; on ‘dirait qu'il a ordonné aux mères, qui
» se trouvent dans cette position, de se fuir à l'instant
» même. Cette même circonstance se rencontra dans
» plusieurs combats dont Huber fut témoin, et eut
» toujours la même issue. Quelques minutes après
» que nos deux mères se furent séparées , leur crainte
» cessa et elles recommencèrent à se chercher; bien-
» tôt elles s’aperçurent , et nous les vimes courir l’une
» contre l’autre : elles se saisirent encore comme la
» première fois ; le résultat en fut le même : dès que
336 HISTOIRE NATURELLE
» leurs ventres s’approchèrent, elles ne songérent
» plus qu'à se dégager l’une de l’autre, et elles s'en-
» fuirent. Les Abeilles ouvrières étaient fort agitées
» pendant tout ce temps, et leur tumulte paraissait
» s’accroître , lorsque les deux adversaires se sépa-
» raient. Nous les vimes, à deux diflérentes fois, arrêter
» les mères dans leur fuite, les saisir par les jambes
» et les retenir prisonnières plus d’une minute. Enfin,
» dans une troisième attaque, celle des deux mères
» qui était la plus acharnée ou la plus forte, courut sur
» sa rivale au moment où celle-ci ne la voyait pas ve-
» nir: elle la saisit avec ses mandibules à la naissance
» de l'aile, puis monta sur son corps, et amena l'ex-
» trémité de son ventre sur les derniers anneaux de
» celui de son ennemie, qu’elle parvint facilement à per-
» cer de son aiguillon : elle lächa alors l'aile et retira
» son aiguillon. La mère vaincue tomba, se traïna lan-
» guissamment perdit ses forces très-vite, et expira
» bientôt après. Ces femelles étaient jeunes et vierges.
» Lamêmeanimosité existe entre des mères fécondes.»
Lorsque la saison des essaims est passée, les ou-
vrières, qui avaient jusque-là gardé les grandes cel-
lules, et empêché la mère féconde d'en approcher,
lui permettent alors de les détruire. « Elle se jeta, »
dit Huber d’une mère qu'il observa dans cette circon-
stance, « avec fureur sur la première qu'elle rencontra :
» à force de travail , elle parvint à en ouvrir la pointe.
» Nous la vimes tirailler avec ses mandibules la soie
» de la coque qui y était renfermée ; mais probable-
» ment ses eflorts ne réussissaient pas à son gré, car
» elle abandonna ce bout de la grande cellule , et alla
» travailler à l'extrémité opposée, où elle parvint à
» faire une plus large ouverture; quand elle l'eat
ÿ
ÿ
>
ÿ
>
DES HYMÉNOPTÈRES. 337
assez agrandie , elle se retourna pour y introduire
son ventre; elle fit différens mouvemens en tous
sens, jusqu'à ce qu'enfin elle réussit à frapper sa
rivale d’un coup d’aiguillon mortel. Alors elle s’éloi-
gna de cette cellule, et les ouvrières, qui étaient
jusqu'à ce moment spectatrices de son travail, se
mirent, après son départ, à agrandir la brèche qu’elle
y avait faite, et en tirèrent le cadavre d’une mère
à peine sortie de son enveloppe de nymphe. Pen-
dant ce temps, la mère se jeta sur une autre grande
cellule, et y fit également une large ouverture, mais
elle ne chercha point à y introduire l'extrémité de‘
son ventre : cette seconde cellule ne contenait pas,
comme la première, une mère déjà développée et à
laquelle il ne restât plus qu'à sortir de sa coque;
elle ne renfermait qu'une nymphe de mère: il y a
donc apparence que, sous cette forme , les nymphes
de mères inspirent moins de fureur à leurs rivales ;
mais elles n’en échappent pas mieux à la mort qui
les attend : car, dès qu'une grande cellule a été ou-
verte avant le temps, les ouvrières en tirent ce
qu'elle contenait, sous quelque forme quil s’y
trouve, de larve, de nymphe ou de mère, et la mère
libre ne manque pas de les entamer toutes successi-
vement. Il ne pouvait être permis aux ouvrières de
détruire les mères superflues , parce que, dans une
société composée d'autant d'individus, entrelesquels
on ne peut supposer un concert toujours égal , il
serait fréquemment arrivé qu'un groupe d’Abeilles
se serait jeté sur l’une des mères, tandis qu'un
second groupe aurait massacré l’autre, et la ruche
eût été privée de mère. Il fallait donc que les mères
HYMÉNOPTÈRES , TOME I. 29
338 HISTOIRE NATURELLE
» seules fussent chargées du soin de se défaire de leurs
» rivales.»
Les jours qui suivent la sortie du dernier essaim,
sont, dans les ruches d’Apiarides, des temps de
meurtre et de carnage. Lorsque toutes les jeunes
mères sont accouplées, les mâles deviennent inu-
tiles. Comme nous l'avons dit, ils ne travaillent
point, ils ne récoltent point, et leur anatomie exté-
rieure prouve qu'ils ne le peuvent pas. N’allant pas
même chercher au jour le jour sur les fleurs ce qu'il
leur faut de nourriture, ils prennent celle-ci aux dé-
pens des provisions rassemblées dans la ruche. Dès le
moment qu’ils ne peuvent plus être nécessaires à la fé-
condation des femelles, ils deviennent des êtres inutiles
et même nuisibles par la consommation qu'ils feraient.
Aussi bientôt les ouvrières s’en débarrassent par un
massacre général. Elles les poursuivent sur les gà-
teaux et les en chassent : ceux-ci se réfugient sur la table
où la ruche est posée. Huber ayant mis six ruches bien
peuplées sur une table vitrée, et s'étant placé des-
sous, rend compte des circonstances qui accompagnent
cette extermination. « Cette invention, dit-il, nous
réussit à merveille. Nous vimes les ouvrières faire
» un vrai massacre des mâles, dans les six ruches à la
fois, et avec les mêmes particularités. La table
» vitrée était couverte d’Abeilles qui paraissaient très-
» animées , et qui s’élancçaient sur les mâles, à mesure
» qu'ils arrivaient au fond de la ruche ; elles les saisis-
» saient par les antennes, les jambes ou les ailes, et
» après les avoir tiraillés , ou pour ainsi dire écartelés,
» elles les tuaient à grands coups d’aiguillon, quelles
» dirigeaient ordinairement entre les segmens du ven-
tre: l'instant , où cette arme redoutable les atteignait,
2
Ë
:
DES HYMÉNOPTÈRES. 339
» était toujours celui de leur mort ; ils étendaient leurs
» ailes et expiraient. Cependant, comme si les ou-
» vrières ne les eussent pas trouvés aussi morts qu'ils
» nous le paraissaient, elles les frappaient encore de
» leurs aiguillons , et si profondément qu'elles avaient
» beaucoup de peine à les retirer : il fallait qu’elles
» tournassent sur elles-mêmes pour réussir à les dé. a-
ger. » Le même carnage se renouvelle les jours sui-
vans; car, pendant ce massacre, il s'échappe tou-
jours quelques proscrits de la ruche où ils sont
poursuivis : Ceux-ci cherchent à s’introduire dans
d’autres ruches, où ils ne sont pas mieux accueillis
que dans leur ruche natale. Cependant il est une
exception à la règle, qui veut que les mâles soient
détruits peu de temps après la sortie des essaims,
dans toutes les ruches.
Nous avons dit plus haut que, lorsque l’accouple-
ment d’une jeune mère est retardé au delà du vingt
et unième jour de son existence, elle ne pondra toute
sa vie que des œufs de mâles. Dans les ruches où il
en est ainsi, les mâles ne sont pas poursuivis, ni tués
par les ouvrières; et cette exception à la règle, qui
veut leur destruction, profite non-seulement aux mâles
de la ruche dont la mère a les ovaires ainsi viciés,
mais à ceux qui, poursuixis dans d’autresruches , s’in-
troduisent dans celle-ci sans résistance de la part des
ouvrières. Ils sont reçus, et on les y retrouve même
en nombre jusque dans l'hiver, si la ruche subsiste
encore à cette époque. Mais plus ordinairement le dé-
couragement prend les ouvrières de la ruche qui se
trouvent dans ce cas; elles se dispersent et quittent
un établissement dont la population active et travail-
lante ne peut plus se renouveler et se maintenir en
22.
340 HISTOIRE NATURELLE
nombre suffisant, ni à plus forte raison s’augmenter.
Si le massacre, que nous venons de décrire, peut
paraître cruel, il semble qu'il soit justifié par l'inutilité
dont les mâles seraient pendant les dix moisenviron qui
se passent depuis la sortie des essaims d’une année,
jusqu’à la saison suivante où il s’en prépare d’autres,
par leur incapacité de travailler et de récolter même
leur propre nourriture ; enfin par la dépense qu'un si
grand nombre d'êtres , si long-temps inutiles , feraient
des provisions de la ruche, qui coûtent tant de tra-
vaux aux ouvrières. Mais il est d’autres combats entre
les ouvrières Abeilles de ruches différentes, aussi
meurtriers que ceux que nous venons de décrire, et
qui ne présentent que peu ou point d'excuses. Les
Abeilles ne sont ni hospitalières, ni prêteuses; elles
sont quelquefois pillardes : c’est là, en peu de mots,
la cause des combats dont nous allons parler.
Différens événemens peuvent porter le décourage-
ment dans la population travailleuse d’une ruche ;
nous en avons déjà spécifié un, en parlant des mères
qui ne pondent que des œufs de mâles. Mais il existe
aussi des mères peu fécondes , quoique leurs ovaires ne
soient pas viciés : les mères sont mortelles , et, à leur
mort, iln’est pas toujours possible aux ouvrières de ré-
parer l'immense perte qu’elles ont faite. Des ennemis,
tels queceux quisont connus des cultivateurs d’Abeilles
sous le nom vulgaire de Z'eignes de la cire , et que Fa-
bricius et Latreille décrivent sous le nom de Galleria
cereana et alvearia, peuvent s'être emparés d’une
grande partie des gâteaux, et les braver à l'abri de
leurs longues galeries de soie, qui ne laissent, par
leur tissu serré, aucun passage à l’aiguillon, et dont
la solidité est à l'abri de leurs mandibules. Ces acci-
DES HYMÉNOPTÈRES, 341
dens déterminent, ou l’émigration en masse, ou la dis-
persion de la ruche qui l’éprouve. Alors ces malheu-
reuses abandonnent leurs pénates pour chercher un
asile dans une ruche plus fortunée qu’elles. De gré ou
deforce, elles cherchent à s'établir dans quelque société
voisine dela leur. Repoussées à coups d’aiguillon par
les Abeilles propriétaires , elles se défendent à armes
égales, et succombent toutes, mais non pas sans ven-
geance : elles ont elles-mêmes détruit une partie de la
population dont elles voulaient partager la propriété et
la demeure. Aucune Abeille étrangère, même isolée,
n’est reçue dans une ruche peuplée où elle n’est point
née; elle y est de suite reconnue pour étrangère, et
perd immanquablement la vie, si elle vient à°y pé-
nétrer.
A l’automne ou au printemps, des ruches mal ap-
provisionnées manquent de vivres, et il n’est plus, ouil
n’est pas encore temps des’en procurer, faute de fleurs.
Alors ilarrive qu'une ruche, qui se trouve dans ce cas,
se détermine à en attaquer une autre pour la piller ;
elles se jettent en masse sur celle qu’elles ont choisie
pour victime; le combat commence, et l’on conçoit que
le succès dépend du nombre des combattantes de part
et d'autre ; et de la facilité que donnent les ouvertures
de la ruche pour y pénétrer. Si l'attaque est repoussée
une première fois, il est à craindre qu’elle ne recom-
mence le lendemain. Si elle réussit , elle a pour suite
la destruction de la population attaquée et une perte
notable parmi les vainqueurs ; mais ceux-ci enlèvent
tout le miel de leurs victimes, et vont le déposer dans
leur ruche.
Tels sont les combats des Abeilles entre elles et
les motifs apparens qui y donnent lieu. I nous paraît
342 HISTOIRE NATURELLE
à propos de décrire ici l’aiguillon, cette arme redou-
table dont une seule piqüre donne la mort aux êtres
faibles, et cause même généralement une douleur
poignanté aux animaux les plus sros. L’aiguillon de
tous les Hyménoptères qui sont pourvus de cette arme,
étant essentiellement le même que celui des Apiarides,
après en avoir donné ici la description détaillée, nous
n’aurons dans d’autres genres que de légères différen-
ces à faire remarquer. Nous emprunterons cette des-
cription au célèbre et exact Réaumur.
« Dans lès temps ordinaires , l’aiguillon des Abeilles
» ést caché dans leur corps, dans cette cavité de l’anus
ÿ où nôus avons vu qu'aboutit l'oviducte ; mais, dès
» qu'on en tient une par le corselet entre deux doigts,
» elle ne tarde pas à faire sortir le sien, comme un trait,
» d’un peu au-dessus de l'anus. Bientôt elle le fait
» rentrer pour le darder de nouveau et à bien des re-
» prises. Elle recourbe son corps dans tous les sens et
» cherche à piquer les doigts qui la gênent. Mais,
» pour voir plus long-temps cet aiguillon ; et le mieux
» observer, il faut saisir le corps de l’Abeille et le
» presser près du derrière : on oblige alors l’aiguillon
» à se montrer, et la pression continuée ne permet
» pas aux parties destinées à le ramener en arrière, de
» faire leur fonction. Quand il commence à paraître,
» il est accompagné de deux corps blancs, oblon:s,
» arrondis par le bout, et dans chacun desquels une
» goutlière est creusée. On juge aisément que ces
» deux pièces composent ensemble une espèce de boîte
» dans laquelle l'instrument délicat est logé, lorsqu'il
» est dans le corps de l’Abeille. Aïnsi renfermé; au-
» cune partie de l’intérieur ne peut lui nuire, et, ce
» qui était aussi nécessaire , il ne peut blesser aucune
DES HYMÉNOPTÈRES. 343
partie. À mesure qu'il avance davantage hors du
corps ; les deux pièces qui lui servaient de fourreau
s’eh écartent, et, quand il est entièrement sorti,
elles se trouvent, l’une à droite, l’autre à gauche,
hors de son alignement. Quoique cet aiguillon soit
extrémement délié, on l’aperçcoit néanmoins à la
‘vue simple; elle suffit même pour faire juger que,
quelque fin qu'il soit, et surtout auprès de son ex-
trémité , il est creux, et qu'il l’est jusqu’au bout de
sa pointe; car bientôt une gouttelette d’une liqueur
extrêmement transparente, paraît posée sur le bout
même de cette pointe... On prévoit déjà le fatal
usage auquel une liqueur si claire est destinée. On
soupçonne, malgré sa limpidité, qu’elle est le poi-
son qui doit être porté dans la plaie, et c’est ce que
nous prouverons dans la suite par les expériences
les plus décisives.
» Si l’on donne aux yeux le secours d’une forte
loupe, ils nous apprennent que l’aiguillon n’est pas
un instrument aussi simple qu'il le paraissait. Sa
base est solide et grosse, comparée à la tige qu'elle
porte. À mesure que cette base s'élève, elle devient
plus menue; elle est un peu aplatie, elle a moins
de diamètre d’un côté à l’autre , que de devant en
ariière. Dans l’endroit que l’on peut prendre pour son
bout , il y a une espèce de talon du côté du dos de
l’'Abeille ; c’est de là que part cette tige droite des-
tinée à faire des piqüres si douloureuses... À me-
sure qu’elle approche de son extrémité, elle devient
de plus en plus déliée, et enfin se termine par une
pointe fine. Malgré la finesse dont cette pointe avait
paru, il y a pourtant des circonstances où elle sem-
ble mousse. Nous venons de remarquer que son
344 HISTOIRE NATURELLE
»
CA
bout est percé, qu'il laisse sortir de la liqueur. De
cette même pointe, qui avait semblé très-fine, on
voit quelquefois s'élever une autre pointe qui l’est
beaucoup davantage, et qui s'élève tantôt plus,
tantôt moins, et tantôt rentre en entier dans celle
d’où elle était sortie. C’est surtout alors que la pre-
mière pointe paraît mousse...
» Dès lors on juge que ce corps si délié, qu’on avait
pris pour un aiguillon, n’est que la gaine, le tuyau
d’un autre aiguillon incomparablement plus fin. On
n’a pas cependant encore d'idée juste de la finesse
de ce dernier, quand on en juge par celle de l’étui
dans lequel il est contenu ; car cet étui ne renferme
pas un seul aiguillon , il en renferme deux égaux et
semblables... Si l’on examine mieux que nous ne
l'avons fait jusqu'ici ce corps que nous prenions d’a-
bord pour l’aiguillon, et que nous savons n'être
qu’un étui, on remarquera que sa circonférence est
arrondie et unie vers le dos et sur les côtés, mais
qu’en dessous il y a une espèce de fente, ou du moins
une cannelure , qui va en ligne droite de sa base à
sa pointe. Une observation simple, et qu'on aura
souvent occasion de faire, lorsqu'on étudiera les ai-
guillons, démontre que ce tuyau conique est réelle-
ment fendu dans toute sa longueur. Cette observa-
tion est semblable à celle qui a prouvé ci-dessus que
le bout de ce tuyau est percé. Pendant qu’on le ma-
nie , il arrive souvent qu'on voit suinter de la liqueur
en différens endroits de la rainure, tantôt plus ou
moins éloignés de la pointe, et quelquefois dans des
endroits assez proches de la base; qu'on voit des
souttes s’y former. Quand on examine la base,
on y remarque aisément deux filets écailleux , dont
»
ÿ
ÿ
ÿ
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 345
l'un vient de la gauche et l’autre de la droite, en se
courbant, et qui, arrivés à la base de l’étui , et après
y être devenus parallèles l’un à l’autre, paraissent
s’introduire dans son intérieur. On n’en reste pas au
simple soupçon, si l’on tente de faire passer une
pointe métallique très-fine, sous un de ces filets
écailleux, dans l’endroit où il paraît entrer dans
l'étui ; on y parvient, et, avec quelque patience,
on réussit à soulever et à dégager le filet qu’on atta-
que. Dès qu'on est parvenu à faire passer la pointe
entre le filet et l’étui, si on la conduit vers le bout
de celui-ci, l'aiguillon sort de plus en plus, et il
sort tout entier et achève de se dégager, avant que la
pointe métallique soit arrivée aux deux tiers de la
longueur de l’étui : c’est par la coulisse ou fente de
la face inférieure qu'il sort. On peut de même, et
avec encore plus de facilité, parvenir à retirer le
second filet. Enfin, on ne peut les méconnaître pour
des aiguillons , dès qu’on voit que, depuis leur base
jusqu’à leur extrémité, ils diminuent de grosseur
pour finir par une pointe très-fine, et qu'ils sont de
nature de corne ou d’écaille..….. Il est une époque
de la vie de nos Abeilles où l’on distingue nettement
les deux aiguillons. Lorsqu'elle n’est encore que
nymphe, l’êtui des aiguillons est ouvert, il n’est
presque alors qu'une lame plate dont chaque côté a
un rebord, ou, si l’on veut, une lame cannelée
dans toute sa longueur... Alors les deux aiguillons
sont couchés, l’un à côté de l’autre, dans une cou-
lisse... |
» Près de leur pointe, ces aiguillons ont, chacun
sur un de leurs côtés, des dentelures fines et dont la
partie la plus large est tournée vers la base. Ges
346 HISTOIRE NATURELLE
]
»
»
»
»
dentelures , qui ne permettent pas aux aiguillons de
sortir des chairs où ils ont été introduits, sans souf-
frir beaucoup de frottement, sont cause sans doute
que les Abeilles les laissent souvent, ainsi que leur
étui, dans les piqüres qu’elles ont faites, quand on
les oblige de s'éloigner plus vite qu'il ne leur con-
viendrait... Lorsque nous avons cherché à nous
assurer de l'existence des deux aiguillons, nous
avons vu d'avance qu'ils ont chacun leur base parti-
culière en dehors de l’étui, et qu'elle est courbe.
Celle de l’un se contourne vers la droite , et celle de
l’autre vers la gauche. L'endroit, où chacune d’elles
va s’insérer, n'est pas diflicile à découvrir. Quand on
ouvre le ventre d’une Abeille, on trouve de chaque
côté, près de l'origine de l’étui, une plaque dont la
surface est assez considérable : elle a de la solidité,
on ne peut la manier sans la briser. Elle est compo-
sée de trois pièces cartilagineuses , réunies ensemble
par une membrane flexible , mais qui a beaucoup de
consistance. De ces trois pièces, dont il est bien
inutile de décrire les contours, celle du milieu est
la. plus alongée et la plus étroite. C'est à celle-ci et
à la première, que se réunit la base d’un des aiguil-
lons qui tient à l’une et à l’autre de ces pièces par
deux petits pédicules. De là il est aisé de juger que
chaque aiguillon a des appuis solides contre la pla-
que à laquelle il est attaché, et que la plaque est
faite pour le faire jouer; qu’elle est pourvue de
tous les muscles nécessaires pour le pousser en de-
hors du corps et le retirer en dedans.
» Ce n’est pas assez pour l’Abeille de pouvoir faire
pénétrer dans les chairs ses aiguillons et leur étui :
elle ne manque jamais d’empoisonner la blessure
>
DES HYMÉNOPTÈRES. 347
qu’elle fait ;..... il nous reste donc à faire connaître
le réservoir qui fournit la liqueur vénéneuse. Quand
on a ouvert le ventre de l’Abeille, on parvient aisé-
ment à le trouver en place... Un peu par delà de
la base de l’étui, vis-à-vis le milieu de l’espace
que laissent dans l'abdomen les deux aiguillons en
s’écartant l’un de l’autre ; est une vessie remarqua-
ble par sa transparence qui la fait juger pleine
d’une liqueur très-claire. Elle est encore remarqua-
ble par sa solidité ; car, si on la détache, on peut la
manier, lui faire changer de figure jusqu’à un cer-
tain point en la pressant doucement entre deux
doigts, et cela sans la crever. Dans son état naturel,
elle est oblongue comme une olive; son plus grand
diamètre est dans le sens de la longueur du corps;
On ne saurait la méconnaître pour ce qu’elle est,
dès qu’on est assuré qu'elle est pleine de liqueur , et
qu'on observe qu’elle se termine par une espèce de
vaisseau , qui se dirige entre les deux aiguillons et
qui entre dans leur étui. Swammerdam croit avoir
vu que le bout de ce vaisseau se réunit à l’étui un
peu par delà son plus grand renflement; mais, ce
qui est incontestable , c’est que ce vaisseau est le
canal qui conduit la liqueur vénéneuse du réservoir
dans l’étui des aiguillons. De l’autre bout de ce ré-
servoir part un autre vaisseau ; Swammerdam assure
qu'à une certaine distance ce vaisseau se divise en
deux. Il n’est pas aisé de l'avoir dans toute sa lon-
eueur; mais j'en ai eu de beaucoup plus longs que
ceux que ce célèbre auteur a fait représenter. Il
croit que les deux branches formées par la division
de la tige principale sont des vaisseaux aveugles.
Je serais plus disposé à penser qu’elles s’insèrent
3
»
n»
48 HISTOIRE NATURELLE
quelque part dans le canal des alimens, ou dans
quelque partie où se fait la sécrétion de la liqueur
qui est apportée au grand réservoir... »
Malgré ce que l’examen nous a appris de la multi-
plicité des pièces qui composent l’arme donnée aux
Abeilles, nous en parlerons toujours au singulier,
d'après l’usage ordinaire, et nous l’appellerons aiguil-
lon. « Nous dirons donc que, quand une Abeille
T
irritée a piqué son aiguillon dans notre chair ou
dans quelque corps qui lui a été présenté , si on la
presse de partir, elle l’y laisse, mais elle ne l’y laisse
pas seul, la plupart de ses dépendances y restent
attachées, comme les plaques cartilagineuses, la
vessie à venin et beaucoup de parties musculeuses.
La blessure qu’elle a voulu faire, lui coûte cher...
La blessure qu'elle s’est faite à elle-même, est une
terrible et mortelle blessure à laquelle elle ne sau-
rait survivre long-temps..... Une des meilleures
manières de bien voir la longueur des vaisseaux qui
portent le venin à la vessie, c'est d'offrir un mor-
ceau de peau qu'elle puisse piquer, à une Abeille
qu'on tient de manière à n’avoir rien à en craindre
pour soi-même. Elle croit se venger en enfonçant
son aiguillon dans le cuir. Quand elle l’a bien en-
gagé , si on le retire brusquement , en ne l’éloignant
que de quelques lignes, l’aiguillon et ses dépendan-
ces resteront après la peau, et l’on pourra voir, au
bout postérieur de l’Abeille, un filet blanc qui va
aboutir à la vessie à venin. Qu'on éloigne cette
Abeille de plus en plus, mais doucement, de l’en-
droit où l’aisguillon est demeuré, le filet dont nous
venons de parler continuera de sortir du corps, et
on parviendra aisément à l’avoir long de deux à trois
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 349
pouces. D'où il suit que ce vaisseau fait plusieurs
contours dans le corps de l’Abeille, qu'il y est replié
bien des fois ; mais, étant aussi délié qu’il l’est , il est
très-dificile de voir où il se termine, et je n’y suis
pas parvenu. Une observation qu'on doit faire à ce
moment, c'est que les deux plaques cartilagineuses
sont alors parallèles l’une à l’autre , qu'elles semblent
tendre à s'appliquer l’une sur l’autre, et qu’elles ne
sont séparées que par la vessie à venin qui est pres-
que vide. De là il est naturel de soupçonner que
l'unique usage de ces deux plaques n’est pas de ser-
vir d'appui aux deux aïguillons et de les faire jouer ;
mais qu’elles servent en outre, en s’approchant l’une
de l’autre, à presser la vessie, à obliger son venin
à couler dans le canal, qui le porte dans l’étui, et
que les deux aiguillons en mouvement conduisent
cette liqueur jusqu'au bout de l’étui, et la font sor-
tir par cette ouverture qui leur permet à eux-mêmes
de paraître en dehors. La liqueur est, dans certains
cas , lancée en jet au delà de l'aiguillon..... Nous
avons supposé que cette liqueur si limpide rend
douloureuses des blessures, qui, sans elle, seraient à
peine senties : il est temps de le démontrer par une
expérience très-simple. Je l'ai faite d’abord sur moi-
même, et ensuite sur d’autres amateurs de physi-
que. Avec une aiguille très-fine, je me suis fait deux
piqüres à un doigt proches l’un de l’autre. J'avais eu
soin de me munir d’une Abeille : dès que je me fus
piqué, je lui pressai le ventre, j'obligeai l’aiguillon
de se montrer, et je pris une petite goutte de la
liqueur qui s'était rassemblée à son bout , avec la
pointe de mon aiguille. Alors je la fis entrer de nou-
veau dans une des blessures qu’elle m'avait faite,
350 HISTOIRE NATURELLE
>
»
»
>
où je ne la tins qu'un instant : c'en fut assez pour
qu'elle y laissât du venin. I] n’y fut pas plutôt intro-
duit, que je sentis une douleur semblable à celle
qu'on sent, après avoir été piqué par l’Abeille elle-
même. Au reste , la douleur de la plaie, où l’épingle
a porté de l'irritation , est comme celle des piqüres
d’Abeilles, plus aiguë ou plus modérée, selon la
quantité de liqueur vénéneuse dont la plaie a été
mouillée, et peut-être encore selon la grandeur des
vaisseaux ouverts et selon le plus ou moins de sen-
sibilité des filets nerveux attaqués... Le reste
d’ailleurs égal, il y a des temps où les piqüres des
Abeilles sont plus sensibles que dans d’autres. Celles
faites en hiver, par des individus presque engourdis
de froid, ne sont pas, à beaucoup près, aussi dou-
loureuses, ni douloureuses pendant aussi long-temps,
que celles qui sont faites dans des jours chauds de
l'été, et elles ne sont pas suivies d'autant d’acci-
dens..... La quantité de liqueur venimeuse qu'on
peut prendre avec la pointe d’une épingle, au bout
de l’aiguillon d’une Abeille, est si peu considérable,
qu'on se doit point croire qu'il y ait du risque à
l'appliquer sur la langue : je l'ai fait plusieurs fois.
Sur l'endroit de la langue qui est touché par ce peu
de liqueur, on sent d’abord un goût douceâtre qui
semble tenir un peu de celui du miel; mais bientôt
ce doux devient âcre et brülant. L'endroit de ma
langue, où la petite gouttelette avait été appliquée,
est quelquefois resté pendant plusieurs heures ,
comme s'il avait été brûlé : quelquefois ma langue
a été simplement un peu échauflée..…. Quelquefois
j'ai essuyé le bout d’un aiguillon avec du papier
bleu; l'endroit mouillé n’a point rougi.» Réaumur
DES HYMÉNOPTÈRES. 351
conclut de cette expérience que cette liqueur n’est
point acide, ou qu’elle n'a pas un acide actuelle-
ment développé. Nous pensons cependant que son
analyse, s'il était possible de s'en procurer. une
quantité suflisante de pure , ne s'éloignerait pas beau-
coup de celle de l'acide formique , ces effets sur l’éco-
nomie animale étant les mêmes que ceux produits par
la piqüre ou l’éjaculation des Hétérogynides.
La piqüre des Abeilles et celle de tous les Hymé-
noptères Ovitithers , outre la douleur vive dont nous
avons parlé, produit souvent une forte enflure. J’ai vu,
dans une personne à la vérité très-nerveuse, trois ou
quatre piqüres produire l’enflure de presque tout le
bras et un gonflement sous-axillaire assez fort. Ces
accidens nese dissipèrent qu'après vingt-quatre jours,
mais sans l'emploi d'aucun remède. Jai ouï-dire qu’un
âne avait succombé aux suites des piqüres de plusieurs
milliers d’Abeillesdontil avait renverséles ruches.L’al-
cali volatil , appliqué de suite sur la piqûre, empêche
l’enflure, quoiqu'il produise lui-même , au moment de
son application , une douleur vive, mais peu durable.
Employé en frictions répétées plusieurs fois après
l'enfiure, il la diminue promptement. C'est vérita-
blement le seul remède dont le succès soit constaté,
quoiqu'on ait employé, pour produire le même effet,
bien des sortes d'huiles et diverses espèces de
plantes.
Lorsque la ruche se trouve privée de sa mère fé-
conde , il n'arrive pas toujours que la société se décou-
rage et finisse par se dissoudre. Lorsqu'il existe dans
la ruche des œufs ou des larves âgées de trois jours
au moins, et du sexe féminin, quoique ces individus
fussent originairement destinés à être des ouvrières
352 WISTOIRE NATURELLE
privées de fécondité, il est au pouvoir des ouvrières
d’en élever une ou plusieurs, de manière à en faire
des mères fécondes, et, dans ce cas, elles ne man-
quent jamais de le faire. « Lorsque les Abeilles ont
»
»
v 0 y
>
ÿ
perdu leur mère, dit Huber, elles s’en apercoivent
très-vite, et au bout de quelques heures , elles entre-
prennent les travaux nécessaires pour réparer leur
perte. D'abord elles choisissent les jeunes larves
d’ouvrières, auxquelles elles doivent donner les soins
propres à les convertir en mères , et, dès ce pre-
mier moment, elles commencent à agrandir les
cellules où elles sont logées. Le procédé qu'elles
emploient est curieux. Pour le faire mieux com-
prendre, je décrirai leur travail sur une seule de
ces cellules : ce que j'en dirai, doit s’appliquer à
toutes celles qui contiennent les larves qu’elles ap-
pellent à la fécondité. Après avoir choisi une larve
d’ouvrière , elles sacrifient trois des alvéoles conti-
guës à celle où il est placé; elles emportent de celles-
ci les larves et la bouillie, et élévent autour d'elles
une cloison cylindrique : sa cellule devient donc un
vrai tube à fond rhomboïdal ; car elles ne touchent
pasaux pièces de ce fond ; si elles l’'endommageaient,
il faudrait qu'elles missent à jour les trois cellules
correspondantes de la face opposée du gâteau, et
que, par cons équent , elles sacrifiassent leslarves qui
les habitent, sacrifice qui n’était pas nécessaire et
que la nature n’a pas permis. Elles laissent donc le
fond rhomboïdal , et se contentent d'élever au-
tour de la larve un vrai tube cylindrique qui
se trouve, ainsi que les autres cellules du gâteau,
placé horizontalement. Mais cette habitation ne
peut convenir à la larve, appelée à l’état de mère,
ÿ
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 453
que pendant les trois premiers jours de sa vie;
il faut qu’elle vive les deux autres jours, pendant
lesquels elle conserve sa forme de larve dans une
autre situation : pour ces deux jours, portion si
courte de la durée de son existence, elle doit habi-
ter une cellule de forme à peu près pyramidale, dont
la base soit en haut et la pointe en bas. On dirait
que les ouvrières le savent; car, dès que la larve a
achevé son troisième jour, elles préparent le local
que doit occuper son nouveau logement ; elles ron-
gent quelques-unes des cellules placées au-dessous du
tube cylindrique , sacrifient , sans pitié, les larves
qui y sont contenues, et se servent de la cire qu’elles
viennent de ronger, pour construire un nouveau tube
de forme pyramidale, qu’elles soudent à angle droit
sur le premier, et qu'elles dirigent en bas : le dia-
mètre de cette pyramide diminue insensiblement
depuis sa base, qui est assez évasée, jusqu’à la
pointe. Pendant les deux jours que la larve l’habite,
il y a toujours une Abeille qui tient sa tête plus ou
moins avancée dans la cellule : quand une ouvrière
la quitte, il en vient une autre prendre sa place.
Elles y travaillent à prolonger la cellule à mesure
que la larve grandit, et elles lui apportent sa nour-
riture, qu'elles placent devant sa bouche et autour
de son corps : elles en font une espèce de cordon
autour d'elle. La larve, qui ne peut se meuvoir
qu'en spirale, tourne sans cesse pour saisir la bouil-
lie placée devant sa tête : elle descend insensible-
ment et arrive tout près de l’orifice de sa cellule :
c'est à cette époque qu'elle doit se transformer en
nymphe. Les soins que les ouvrières en ont pris
jusque-là, ne lui sont plus nécessaires ; elles ferment
HYMÉNOPTÈRES, TOME 1. 23
354 HISTOIRE NATURELLE
» son berceau d'une clôture qui lui est appropriée , et
» elle subit, au temps marqué, ses deux métamor=
» phoses. »
Ce fut M. Schirach qui vit le premier ce fait sur les
Abeilles qu'il observait en Lusace ; mais il prétendit,
en publiant cette intéressante découverte, que les
Abeilles ne choisissent jamais que des larves âgées de
trois jours, pour leur donner l'éducation qui en fait
des femelles fécondes. M, Huber, en répétant l’expé-
rience, s’assura qu'elles pouvaient en choisir, dans
cette vue, de plus jeunes, et il réussit également
avec des larves âgées de deux jours, ou même de
quelques heures $eulement, puisque des Abeilles, :
à qui il avait Ôté leur mère et tout le couvain, et
fourni exclusivement d’abord des larves nées sous
ses yeux depuis deux jours seulement, et ensuite
d'âgées de quelques heures, travaillèrent de suite,
sans attendre les trois jours expirés, à la conversion
des cellules d’ouvrières en cellules faites pour l’éduca-
tion des mères. Il résulte cependant comme incontes-
table, des expériences de ces deux observateurs, que,
pour pouvoir devenir féconde, il faut qu'une larve
du sexe féminin recoive dans une grande alvéole faite
exprès, pendant l’espace au moins des deux derniers
jours de sa vie comme larve, la nourriture qui déve-
loppe les ovaires, et que les ouvrières n'entreprennent
jamais sur des larves plus âgées cette étonnante con-
version , qui est sans contredit le fait le plus curieux
de leur histoire, et qui démontre parfaitement com-
bien l’Auteur de toutes choses, des hommes et des
Abeilles, a pris de soins pour conserver les œuvres
de sa création. Les mères, ainsi élevées, éprouvent les
mêmes passions que les autres ; elles sortent de même
nd
DES HYMÉNOPTÈRES. . 355
de la ruche pour s’accoupler, rapportent à la ruche la
preuve de leur fécondité, y reçoivent, dès ce moment,
les mêmes hommages que les autres mères, et jouissent
d’une aussi grande fécondité. Elles ont la même aver-
sion pour toute autre femelle féconde : s’il en naissait
deux à la fois dans la ruche, elles se battraient avec
les circonstances que nous avons décrites, et dès
qu'elles rencontrent des cellules qui renferment des
individus destinés à jouir des mêmes facultés qu’elles,
elles les attaquent et les détruisent de la même ma-
nière dont nous avons donné le détail.
Telle est la force de développement des parties in-
térieures sexuelles, produite par cette nourriture, que,
sous la forme de gelée, fabriquent les ouvrières, et
qu'elles ne se donnent la peine de composer, que lors-
qu'elles ont à élever des larves destinées à être des
femelles fécondes. Telle est, dis-je, cette force, qu’une
très- petite portion de cette nourriture, tombée par
mégarde dans une cellule, quoique petite et habitée
par une larve qui ne deviendra qu’une ouvrière, suffit
pour communiquer à celle-ci une portion de fécondité.
C'est M. Riem qui découvrit le premier que certaines
Abeilles, de taille ordinaire, pondaient, dans cer-
tains cas, des œufs féconds. Cet observateur attri-
buait la ponte de ces œufs à des ouvrières fécondes.
Qu'il les eût appelées de petites mères, cela eût été
absolument égal, puisque les expériences, que nous
venons de rapporter, prouvent, d’une manière incon-
testable, la parfaite identité de l’œuf et de la jeune
larve, de laquelle telle éducation fera une mère de la
grande taille et féconde , ou une ouvrière, Abeille pe-
tite, à ovaires insusceptibles de fécondité. Huber fut
conduit à observer les mêmes faits que M. Riem, et
23.
356 HISTOIRE NATURELLE
à en développer les circonstances par un événement
singulier, qu'il remarqua dans deux de ses ruches,
privées de femelles fécondes depuis quelque temps.
« 1] y trouva des œufs nouvellement pondus, et des
»
»
»
larves de mâles nouvellement écloses. Il y vit en même
temps les premiers commencemens de quelques cel-
lules, de la forme et de la taille de celles où les mères
sont élevées , appendues, en manière destalactites,
sur les bords des gâteaux. Dans ces cellules, il y
avait des œufs de mâles. Comme il était parfaite-
ment sûr qu'il n’y avait pas de mères de la grande
taille parmi les Abeilles de ces deux ruches, il était
clair que les œufs qui s’y trouvaient, et dont le
nombre augmentait tous les jours, avaient été pon-
dus, ou par des mères de petite taille, ou pardes
ouvrières fécondes. Il avait lieu de croire que c’é-
taient effectivement des Abeilles communes qui
pondaient ; car il avait apercu souvent des individus
de cette dernière sorte, qui introduisaient leur partie
postérieure dans des cellules, et qui y prenaient la
même attitude que prend la mère féconde quand elle
va pondre. Mais il n’en avait pu saisir aucune, dans
cette circonstance, pour l’examiner de plus près , et
ne voulait rien affirmer ; sans avoir tenu entre ses
doigts les Abeilles qui avaient pondu.... Mon aide,
ajoute M. Huber, m'offrit alors de faire, sur ses deux
ruches, une opération qui exigeait tant de courage et
de patience, que je n’avais pas osé lui en parler, quoi-
que j'en eusse concu le plan moi-même. Il me proposa
d'examiner vivantes séparément toutes les Abeilles
qui peuplaient ces ruches, pour savoir s’il ne s'était
point olissé, parmi elles, quelque petite mére qui
eût échappé à nos regards... Il employa onze jours à
DES HYMÉNOPTÈRES, 397
cette opération, et, pendant tout le temps qu'elle
dura , il se permit à peine d'autre distraction que
celle qu’exigeait lerepos deses yeux. Il tint vivantes
entre ses doigts chacune des Abeilles qui compo-
saient ces deux ruches ; il examina attentivement leur
trompe, leurs jambes postérieures, leur aiguillon ;
il n’en trouva pas une seule qui n’eût les caractères
d’Abeille ouvrière commune ; c’est-à-dire l’enfonce-
ment triangulaire ou petite corbeille sur les jambes
postérieures , la trompe longue et l’aiguillon droit.
Il avait préparé d'avance des boîtes vitrées , où
étaient placés quelques gâteaux ; c’est dans ces
boîtes qu'il mettait chaque Abeille, après l'avoir
examinée : je n'ai pas besoin de dire qu'illes y re-
tint prisonnières; cette dernière précaution était
indispensable, car l’expérience n'était pas finie
encore. Il ne suflisait pas d’avoir constaté que toutes
ces Abeilles étaient de la sorte des Abeilles ou-
vrières, il fallait voir si quelques-unes d’elles pon-
draient des œufs. Nous examinâmes donc, pendant
plusieurs jours, les cellules des gâteaux quenous leur
avions donnés , et nous ne tardâmes pas à y aperce-
voir des œufs nouvellement pondus , d’où sortirent,
au temps ordinaire, des larves de mâles. Mon aide
était sûr de n'avoir tenu dans ses doigts que des
Abeilles ouvrières : il était donc démontré qu'il y
a quelquefois , dans les ruches d’Abeiïlles, des ou-
vrières fécondes....., Nous replaçcimes toutes les
Abeilles examinées dans des ruches vitrées, fort
minces, qui n'avaient que dix-huit lignes d'épais-
seur, et ne pouvaient contenir qu'un seul rang de
gâteaux : elles étaient ainsi très-favorables à l’ob-
servation...... Nous apercümes bientôt, dans une
358 HISTOIRE NATURELLE
SL
=
cellule, une Abeille qui avait pris l'attitude d’une
femelle qui pond ; nous ne lui laissâmes pas le temps
d'en sortir; nous ouvrimes promptement la ruche,
et saisimes cette Abeille : elle avait tous les carac-
tères d’une ouvrière; la seule différence que nous
pûmes reconnaître, et elle était bien légère, c’est
que son ventre nous parut moins gros et plus efflé
que celui des ouvrières. Nous la disséquâmes en-
suite, et nous trouvâmes ses ovaires plus petits,
plus fragiles, composés d’un moindre nombre d'ovi-
ductes , que les ovaires des mères de grande taille.
Les filets, qui contenaient les œufs, étaient extré-
mement fins, et présentaient de légers renflemens
placés à égales distances. Nous comptâmes onze
œufs, de grosseur sensible , dont quelques-uns nous
parurent prêts à être pondus Cet ovaire était dou-
ble, comme celui des mères de grande taille. » I] fut
fait plusieurs autres dissections d'ouvrières, de ces
ruches, prises dans l’opération de la ponte : elles con-
firmèrent les faits découverts par la première ; aucune
d'elles n’en altéra les résultats.
« Les ouvrières fécondes ne pondent jamais des
œufs d'ouvrières ; elles ne pondent que des œufs de
_mâles. M. Riem avait déjà observé ce fait singulier,
et, à cet égard, toutes mes observations confirment
les siennes. Elles ne sont pas indillérentes sur le
choix des cellules où elles déposent leurs œufs. Elles
préfèrent toujours de les pondre dans les grandes
cellules construites pour les mâles, et ne les placent
dans les petitsalvéoles, que lorsqu'elles n’en trouvent
pas d’un plus grand diamètre ; mais elles ont , avec
les mères dont la fécondation à été retardée, ce
rapport qu'elles pondent aussi quelquefois leurs
»
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 359
œufs dans les grandes alvéoles construits pour l’édu-
cation des mères... Un fait singulier, dans le dou-
ble cas que nous venons d'exposer, vu par Huber,
est que les ouvrières traitent cependant bien diffé-
remment , les nymphes mâles qui proviennent des
mères de grande taille dont la fécondité est incom-
plète , et celles de même sexe venues de la ponte des
ouvrières fécondes. Les cellules des premières sont
par elles guillochées et couvées jusqu’à la parfaite
transformation des mâles qu’elles contiennent. Elles
traitent bien différemment les secondes : elles com-
mencent, à la vérité, par donner tous leurs soins à
ces œufs et aux larves qui en proviennent ; elles fer-
ment ces cellules d’un couvercle : mais, jamais elles
ne manquent à les détruire, trois jours après les avoir
fermées.
» Après avoir heureusement achevé ces premières
expériences, il restait à découvrir la cause du déve-
leppement partiel des organes sexuels des ouvrières
fécondes. M. Riem ne s'était pas occupé de cet in-
téressant problème... Depuis les belles découvertes
de M. Schirach , que nous avons rapportées et que
nos expériences confirment , il est hors de doute que
toutes les ouvrières, ou Abeilles communes, sont
originairement du sexe féminin. L’Auteur de la na-
ture leur a donné les sermes d’un ovaire; mais il à
voulu qu’il ne se développât que dans le cas parti:
culier où ces Abeilles recevraient, sous la forme de
Jarves, une nourriture particulière. Il faut donc
examiner, avant tout, si nos ouvrières fécondes ont
eu, dans l’état de larves, cette même nourriture.
Toutes mes expériences m'ont convaincu qu'il ne
nait des ouvrières capables de pondre que dans les
l
360 ! HISTOIRE NATURELLE
»
ÿ
ÿ
LA
CA
ë
ruches qui ont perdu leur mère. Or, dans ce cas, les
Abeilles préparent une grande quantité de gelée
prolifique, pour nourrir plusieurs larves destinées
à la remplacer. Si donc les ouvrières fécondes ne
naissent que dans ce seul cas , il est évident qu’elles
pe naissent que dans les ruches dont les ouvrières
préparent de la gelée prolifique. .... Cela me fit
soupconner que, lorsque les Abeilles donnent à
quelques larves l'éducation qui en fait des mères,
elles laissent tomber, ou par accident , ou par une
sorte d'instinct dont le principe est ignoré, de pe-
tites portions de gelée prolifique, dans les alvéoles
voisines des cellules, où sont leslarves destinées à
l'état de mères. Les larves d’ouvrières , qui ont recu
accidentellement, ces petites doses d’un aliment aussi
actif, doivent en ressentir plus ou moins l'influence :
leurs ovaires doivent acquérir une sorte de dévelop-
pement; mais ce développement sera imparfait,
parce que la nourriture prolifique n’a été adminis-
trée qu'en petites doses ; et que d’ailleurs les larves
dont je parle, ayant vécu dans des cellules du plus
petit diamètre, leurs parties n’ont pas pu s'étendre
au delà des proportions ordinaires. Les Abeilles qui
naîtront de ces larves, auront donc la taille et tous
les caractères extérieurs des simples ouvrières ; mais
elles auront de plus la faculté de pondre quelques
œufs, par le seul effet de la petite portion de gelée
prolifique, qui aura été mêlée à leurs autres alimens.
Pour juger de la justesse de cette explication, il
fallait suivre, dès leur naissance , les ouvrières fé-
condes , chercher si les alvéoles, dans lesquelles elles
sont élevées, se trouvent constamment dans le voisi-
nage des cellules des mères, et si la bouillie, dont
»
»
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 361
ces larves se nourrissent , est mêlée de quelque por-
tion de gelée prolifique. Malheureusement , cette
dernière partie de l'expérience est fort difficile à
exécuter. Quand cette gelée est pure, on la recon-
naît à son goût aigrelet et relevé ; mais, lorsqu'elle
est mêlée de quelque substance, on ne distingue
plus sa saveur que très-imparfaitement. Je crus
donc devoir me borner à l’examen de l’emplacement
des cellules, où naissent les ouvrières fécondes. »
Voici les détails d’une des expériences que M. Huber
fit à ce sujet :
« En juin 1700, dit-il, je m'aperçus queles Abeilles
d'une de mes ruches les plus minces, avaient perdu
leur reine depuis plusieurs jours, et qu'il ne leur
restait aucun moyen de la remplacer, parce qu’elles
n'avaient pas de larves d’ouvrières. Je leur fis don-
ner alors une petite portion de gâteau , dont toutes
les cellules contenaient une jeune larve de cette
sorte. Dès le lendemain, les Abeilles prolongèrent
plusieurs de ces alvéoles autour des larves qu'elles
destinaient à devenir mères. Elles donnèrent aussi
des soins aux larves placées dans les cellules voisines
de celles-là. Quatre jours après, toutes les grandes
cellules de mères étaient fermées , et nous comptä-
mes,avec plaisir, dix-neuf petites alvéoles qui avaient
également recu toute leur perfection, et qui étaient
fermées d’un couvercle presque plat. Dans ces der-
nières étaient les larves qui n'avaient pas reçu l’édu-
cation de mères ; mais, comme elles avaient prisleur
accroissement dans le voisinage des larves destinées
à remplacer la mère, il était intéressant d’observer
ce qu’elles deviendraient ; il fallait saisir le moment
où elles prendraient leur dernière forme. Pour ne
362 HISTOIRE NATURELLE
»
ë
=
pas le manquer, j'enlevai ces dix-neuf cellules; je
les plaçai dans une boîte grillée que j'introduisis au
milieu de mes Abeilles; j'enlevai également les
grandes cellules de mères ; car il importait beaucoup
que les mères, qui devaient en sortir, ne vinssent
pas compliquer ou déranger les résultats de mon
expérience. I] y avait bien ici une autre précaution
à prendre; je devais craindre qu'en privant mes
Abeilles du fruit de leurs peines, et de l’objet de
leurs espérances , elles ne tombassent dans le décou-
ragement : je leur donnai donc une autre portion
de gâteau , contenant du couvain d’ouvrières, en me
réservant de la leur ôter impitoyablement , quand le
temps serait venu. Ce moyen réussit; les Abeilles, en
donnant leurs soins à ces dernières larves, oublièrent
celles que je leur avais enlevées. Quand le moment
où les larves de mes dix-neuf cellules devaient subir
leur dernière transformation, approcha, je fis visiter
plusieurs fois, chaque jour, la boîte grillée où je les
avais renfermées, et j'y trouvai enfin six Abeilles
exactement semblables aux ouvrières communes,
Les larves des treize autres cellules périrent sans
se métamorphoser en Insectes parfaits. J'ôtai alors
de ma ruche la dernière portion de couvain que j'y
avais placée pour prévenir le découragement des
ouvrières; je mis à part les mères nées dans les
grandes cellules, et après avoir peint d’une couleur
rouge le corselet de mes six Abeilles, et leur avoir
amputé l’antenne droite, je les fis entrer toutes les
six dans la ruche, et elles y furent bien accueillies.
Voici quel était mon projet dans cette suite d'opé-
ralions ; je savais qu'il n'y avait aucune mère, de
la grande ou de la petite taille, parmi mes Abeilles ;
DES HYMÉNOPTÈRES. 363
si donc, en continuant de les observer, je trouvais,
dans les gâteaux, des œufs nouvellement pondus,
combien ne devenait-il pas vraisemblable qu'ils
lauraient été par l’une ou l’autre de mes six
Abeilles ! Mais, pour en acquérir la parfaite certi-
tude, il fallait les surprendre au moment de la
ponte, et par conséquent, afin de les reconnaître,
il fallait les marquer de quelque tache ineffacable.
» Cette marche eut un plein succès. Nous ne tar-
dâmes pas à apercevoir des œufs dans la ruche; le
nombre augmentait même tous les jours : les larves
qui en provenaient étaient toutes des mâles; mais il
se passa bien du temps, avant que nous pussions
saisir les Abeilles qui les pondaient. Enfin, à force
d’assiduité et de persévérance , nous apercûmes une
Abeille qui introduisait sa partie postérieure dans
une cellule; nous ouvrimes la ruche et saisimes
l’'Abeille; nous vimes l’œuf qu’elle venait de dépo-
ser ; et, en l’examinant elle-même, nous reconnûmes
à l'instant, aux restes de la couleur rouge qu’elle
avait sur son corselet, et à la privation de son an-
tenne droite, qu'elle était une des six Abeilles éle-
vées sous la forme de larves dans le voisinage des
cellules royales. Je n’eus plus de doute alors sur la
vérité de ma conjecture; je ne sais cependant si la
démonstration, que je viens d'en donner, paraîtra
aussi rigoureuse qu'elle me le paraît à moi-même (1);
(1) Quelques personnes trouveront peut-être qu'il était suflisant
d'analyser cette expérience, et quelques autres rapportées ici dans
tous leurs détails: mais, outre l'intérêt général qui s'attache aux
faits dont elles sont la preuve, et qui ne seraient pas admis, si ces
mêmes détails ne déposaient pas de l'exactitude des conclusions qui
en sont tirées , il serait possible que quelques-uns de mes lecteurs
364 HISTOIRE NATURELLE
» mais voici comme je raisonne : s’il est certain que
» les ouvrières fécondes naissent toujours dans les
» alvéoles voisines des grandes cellules de femelles fé-
» condes , il n’est pas moins sûr que ce voisinage en
» lui-même n'est qu'une circonstance assez indiffé-
» rente; car la grandeur et la forme de ces cellules ne
» peuvent produire aucun eflet sur des larves qui
» naissent dans les petites alvéoles qui les entourent.
» Il y a donc ici quelque chose de plus : or, nous sa-
» vons que les Abeilles portent dans les grandes cellu-
» les de mères une nourriture particulière ; NOUS savons
» encore que l'influence de cette gelée, sur le germe des
» ovaires, est très-puissante, qu’elle peut seule dé-
» velopper ce germe ; il faut donc nécessairement sup-
» poser que les larves, placées dans les alvéoles voi-
» sines , ont eu part à cette nourriture. Voilà donc ce
voulussent les répéter ou en tenter d'autres, et je les mets, par-là
même, sur la voie de les faire avec succès. J'espère donc qu'on ne
m'accusera pas de prolixité. On pourrait essayer de voir si les ou-
vrières fécondes rapportent à la ruche les mêmes preuves d'accou-
plement que les jeunes mères de grande taille. Il paraît que
M. Huber avait laissé toute liberté à ses Abeilles, puisque l'ana-
logie porte à croire que ces ouvrières, susceptibles de fécondité,
out dû sortir pour s'accoupler en l'air. Cette liberté n'a-t-elle pas
fourni à quelque mère , étrangère à la ruche, l'occasion de s'y in-
troduire? Cette mère n'avait-elle pas pondu l'œuf attribué à l'ou-
vrière dite féconde ? M. Huber ne dit pas avoir vérifié l'état de la
cellule, avant que cette ouvrière y introduisit sa partie postérieure,
pour s'assurer que l'œuf n'y était pas d'avance. Huber, ni aucun
observateur après lui (je n'en connais aucun de postérieur ), ne
distingue pourquoi tous leurs œufs sont mâles. Il ne devine pas
mieux de quelle utilité elles peuvent être dans les ruches. Il n'a
fait aucune recherche sur la manière dont s'opère leur fécondation
par le mâle. Il serait possible que l'accouplement de celles, qu'il a
observées, eût été retardé, et que ce retard eût produit, sur leurs
ovaires, les mêmes effets qu'il produit sur celui des grandes fe-
melles. Je pense que des expériences, dans ces divers buts , seraient
utiles à l'histoire des Abeilles.
,.
DES HYMÉNOPTÈRES. 365
» qu’elles gagnent au voisinage des cellules de mères ;
» c'est que les Abeilles qui se portent en foule vers
» ces dernières, passent sur elles, s’y arrêtent et lais-
» sent tomber quelque portion de la gelée, qu’elles
» destinaient aux larves des mères. Je crois ce raison-
» nement conforme aux règles d’une saine logique. »
Pour faire naître, dans une ruche, des ouvrières
fécondes , il sufit d'enlever la mère de cette ruche. Si
cette ruche contient des œufs ou des larves de l’âge
voulu , ou si on l’en fournit, aussitôt les Abeilles tra-
vaillent à la remplacer, en exécutant les travaux que
nous avons décrits. Il naît toujours alors des ouvrières
fécondes; mais il est fort rare qu’on les y trouve,
parce que la jeune mère, qui sort toujours la pre-
mière, après avoir détruit les autres cellules de mères
et tué ses rivales, se jette aussi sur les petites alyvéoles
qui,les entourent, et massacre tout ce qu'elles con-
tiennent. Il semblerait donc qu'elles savent que les
ouvrières contenues dans ces cellules, participeraient
en quelque chose à cette fécondité, qui doit, dans
l'ordre, être leur attribut, à l'exclusion de tout autre
individu.
On doit avoir remarqué, dans ce que nous avons
dit des travaux des Abeilles, qu’elles agissent avec un
grand accord; ce qui suppose un moyen de s'entendre,
à la portée de toutes sans exception. Nous avons déjà,
à l'occasion des Fourmis, parlé des moyens, employés
par celles-ci, pour se communiquer entre elles leurs
sensations et leurs projets; nous avons désigné les
coups d'antennes et de tête, comme produisant cet
effet. Ces mêmes signes sont ésalement employés par
les Abeilles. Lorsqu'il y a abondance, dans une place
même éloignée de plusieurs lieues, de quelque fleur
366 HISTOIRE NATURELLE
qui leur promet une abondante récolte, on les voit
toutes, dès le matin, se diriger vers le point de l’ho-
rizon où est située cette localité féconde, et il semble
que cet accord soit le fruit du rapport de celles qui
l'ont d’abord découvert. Il en est de même dans leurs
travaux intérieurs ; ils manifestent toujours unité d’in-
tention, sans cependant exclure quelques variétés
dans l’exécution, selon les localités de la ruche et au-
tres circonstances.
Quant aux sens des Abeilles, nous n’en connaissons
pas le siége, plus que celui des sens des autres Ir -
sectes. Le toucher paraît situé sur toute la superficie
du corps, mais il paraît plus perfectionné dans e
bout des antennes : c’est le toucher, exercé par l’ex-
trémité de ces appendices de la tête, qui semble los
diriger, pour leurs travaux de construction, dans
l'obscurité de leur ruche. Il est d'abord certain qu’elles,
tâtent, avec ce bout, l’endroit où elles vont travailler.
Ensuite, celui qui pourrait croire que ce sont leurs
yeux quiles dirigent, dans toutes les opérations qu'’eiles
ont à exécuter, dans des ténèbres presque absolues ,
aura à nous expliquer le phénomène d’yeux égale-
ment propres à distinguer les objets à la clarté du
soleil et dans la nuit, sans être doués d’une membrane
clignotante, et sans rétrécissement de la pupille dans
le premier de ces cas.
« Le goût, dans les Abeilles, dit Huber, paraît être
» le moins parfait de tous les sens ; car, ajoute-t-il, ce
» sens semble, en général, admettre du choix dans
» son objet, et, contre l'opinion reçue, il est certain
» que l’Abrille en met peu dans celui du miel qu'elle
» récolte. Les plantes dont l’odeur et la saveur nous
» paraissent le plus désagréables, ne les rebutent
DES HYMÉNOPTÈRES. 367
» point. Les fleurs vénéneuses ne sont pas exclues de
» leur choix, et l’on dit que le miel récolté dans cer-
» taines provinces d'Amérique est un poison assez
» violent; outre cela, les Abeilles ne dédaignent
» point le suc rejeté par les Pucerons sous la forme
» de miellée , malgré limpureté de son origine ; on les
» voit même peu dificiles sur la qualité de l’eau
» qu'elles boivent : celle des mares et des fumiers les
» plus infects leur paraît préférable à l’eau de la source
» Ja plus limpide et à celle de la rosée même. » Il me
semble que les faits cités par Huber, ne prouvent nul-
lement l’imperfection du goût des Abeilles, mais seu-
lement une différence marquée entre leurs goûts et les
nôtres. Il est vrai , en général, de dire que les répu-
gnances de goût dans l’homme, portent sur des choses
qui altéreraient son tempérament ou sa santé. Si ces
mêmes choses n’altèrent pas la santé de l’Abeille,
pourquoi lui inspireraient-elles de la répugnance? Or,
il est certain qu’il en est ainsi du suc des fleurs fourni
par quelques plantes nuisibles à l’homme, que les
Abeilles des lieux , où elles se trouvent en abondance,
recueillent exclusivement dans certaines saisons : ce
miel, recueilli par elles, ne les incommode pas. Il est,
comme le suc de toute autre fleur, récolté par la trom-
pe , formé comme miel dans le premier estomac, dé-
gorgé ensuite dans les alvéoles ; et, dans la saison de
pénurie,consommé comme provision, il parcourt toutes
les voies digestives sans inconvénient pour leur santé.
Ce même miel peut être très-nuisible à l'homme. Un
trait d'histoire le prouve : celle-ci rapporte que les dix
mille Grecs qui avaient secouru Cyrus, contre son frère
roi de Perse, faisant leur retraite à travers l'Asie mi-
neure, rencontrèrent, dans les environs de Trébizonde,
3658 HISTOIRE NATURELLE
des Abeilles dont ils mangèrent le miel ; que ce miel
leur causa des vertiges et des évacuations violentes
pendant quelques jours , et désorganisa leur armée, au
point que la défense eût été impossible, siles Perses les
eussent attaqués dans cette circonstance.
Xénophon, l’un de leurs principaux chefs et leur
historien, raconte ainsi ce fait remarquable : « Comme
» il y avait plusieurs ruches d’'Abeilles, dit cet auteur,
» les soldats n’en épargnèrent pas le miel : il leur prit
» des évacuations par haut et par bas, suivis de rêve-
ries, en sorte que les moins malades ressemblaient
» à des ivrognes, et les autres à des personnes furieuses
» ou moribondes. On voyait la terre jonchée de corps
» comme après une bataille : personne néanmoins
CA
» n’en mourut, et le mal cessa le lendemain, environ
» à la même heure qu'il avait commencé, de sorte
» que les soldats se levèrent le troisième et le qua-
» trième jour, mais en l’état où l’on est après l'effet
» d’une forte médecine. » Diodore de Sicile, parmi les
anciens, rapporte le même fait. Dioscoride et Aristote
parlent de ce miei, de ses eflets pernicieux, et de la
localité qui le produit. Pline mentionne ce même
miel, lui donne la même patrie et les mêmes elflets ;
mais, de plus, il désigne, sous le nom d’Ægolethron
et de ÆRhododendros, les deux arbrisseaux sur les
fleurs desquels les Abeilles recueillent ce miel si
dangereux. Tournefort , dont le voyage du Levant a
fait faire tant de progrès à la botanique, et même à la
géographie, passant dans les environs de Trébizonde,
à la suite du pacha Numan Cuperli, béglierbey
d'Erzéroux, reconnut que ces deux arbrisseaux étaient
l'Azalea pontica et le Rhododendron ponticum. Dé-
sirant plaire au pacha, son patron, il voulait placer
DES HYMÉNOPTÈRES. 369
dans la tente de celui-ci de gros bouquets de leurs
belles fleurs : « Cependant, ajoute-t-il, je fus averti,
» par son chiaia, que cette fleur excitait des vapeurs
» et des vertiges. Il m'assura qu’il venait d'apprendre,
» des gens du pays, que cette fleur était nuisible au
» cerveau. Ces bonnes gens, par une tradition fort an-
» cienne, fondée apparemment sur plusieurs obser-
» vations, assurent aussi que le miel que les Abeilles
» font , après avoir sucé ces fleurs, étourdit ceux qui
» en mangent et leur cause des nausées. »
Le suc des fleurs de l’Æzalea pontica et du RAodo.
dendron ponticum est donc nuisible à l’homme, et
en même temps du goût des Abeilles, pour lesquelles
il ne renferme aucune mauvaise qualité, puisqu'elles
en fabriquent du miel et qu’elles s’en nourrissent. En
tout cas, l’on ne peut pas dire qu'il y ait chez elles
dépravation de goût , parce qu’elles usent d’un aliment
nuisible à l'homme, et, par conséquent , c’est à tort
que Huber leur reproche l’imperfection de ce sens.
L'odorat est un sens qui paraît très-perfectionné
dans les Abeilles. M. Huber, (je citerai seulement son
expérience la plus concluante), « prit des boîtes de
» grandeur, de couleur et de forme différentes; on y
» ajusta de petites soupapes de cartes, qui répon-
» daïent à quelques trous percés dans leurs couvercles ;
» on mit du miel au fond de ces boîtes, et on les dé-
» posa à deux cents pas de son rucher. Au bout d'une
» demi-heure, on vit arriver des Abeilles près de ces
» boîtes. Elles les parcoururent soigneusement , et
» eurent bientôt découvert l'endroit par où elles pou-
» vaient s’y introduire; on les vit pousser les soupapes
» et pénétrer jusqu’au miel. On peut juger, d’après
» cette épreuve, de l'extrême finesse de l’odorat de
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 24
370 HISTOIRE NATURELLE
» ces Insectes ; non-seulement le miel était bien caché
» à leur vue, mais il ne pouvait répandre beaucoup
» d’émanations , puisqu'il était recouvert et masqué
» dans cette expérience, » Voulant découvrir le siége
de l’odorat, notre observateur fit plusieurs expé-
riences que nous ne rapporterons pas, parce qu'il
en tire une conclusion qui ne nous paraît rien moins
que prouvée. « Elles lui paraissent indiquer, dit-il,
» quel’organe de l’odorat réside dans la bouche même
» ou dans les parties de la bouche. »
Cette présomption nous paraît tout-à-fait anomale.
En eflet, l’air est le véhicule qui porte les odeurs au
siége du sens, fait pour les apprécier dans tous les au-
tres animaux chez lesquels nous le reconnaissons.
L'air, ce fait est constant, n’est attiré par les Insectes
qu’au moyen de leurs stigmates ; la bouche, par elle-
même, n’est pas chez eux un organe de respiration,
et tous les stigmates qui en font l'office, en sont fort
éloignés. Ne pourrait-on pas dire que M. Huber a
pris ici l'effet du goût, qui réside indubitablement
dans la bouche, pour celui de l’odorat. Les odeurs , en
effet, sont une émanation de particules du corps odo-
rant ; et l’on peut croire que ces particules, s'étant
arrêtées sur l’organe du goût, ont été cause de la
fuite des Abeilles ou autres signes de répugnance
donnés par elles, lorsqu'on a approché de leur bouche
certaines odeurs. Au reste, les essais de M. Huber
l’out amené à voir que, sans bouger de place , l’Abeille,
assaillie d’'émanations odorantes qui la génent , peut
s'en délivrer par la ventilation , c'est-à-dire en agitant
fortement, et plusou moins de temps, ses ailes, pen-
dant qu’elle se cramponne sur le sol où elle reste, avec
les crochets de ses tarses. Toute Abeille que des éma-
DES HYMÉNOPTÈRES. 371
nations quelconques gênent , a recours à ce moyen, et
quelquefois, dans l’intérieur d’une ruche, une grande
partie de la population agite ainsi ses ailes en même
temps.
On n’a d’autres preuves que les Abeilles jouissent
du sens de l’ouïe, que leur retraite précipitée de la
campagne dans la ruche, lorsque le tonnerre gronde
au loin. C’est ce bruit que les villageois prétendent
imiter en frappant sur des poêles et des pelles, pour
faire poser les essaims et les empêcher de s’écarter
trop de la ruche. On n'a aucune donnée, à ma con-
naissance , sur le siége de ce sens.
Les Abeilles jouissent de la vue, puisque, dans le
vol le plus actif, elles savent se détourner des obsta-
cles qui s’opposent à leur passage. Les organes de la
vue sont les yeux à réseau et les ocelles.
Les Abeilles ne cherchent querelle à aucune espèce
d'animaux ; attaquées, elles se défendent cependant
vaillamment , et l’on n’en voit fuir aucune, lorsqu'il y
a attaque contre l'existence de la société, quelle que
soit la force ou le nombre des assaillans. Ces Insectes,
si paisibles d'eux-mêmes, ont des ennemis parmi les
Oiseaux, les Quadrupèdes, les Reptiles et les Insectes.
Tous les Oiseaux à bec fin, tels que les Hirondelles,
les Fauvettes , les Gobe-mouches ,les Guêpiers, les
Mésanges , et beaucoup d’autres, se nourrissant d'In-
sectes en grande partie, n’épargnent pasles Abeilles.
Les Mésanges mêmes viennent quelquefois dans l’hi-
ver les manger dans la ruche pendant leur engourdis-
ment. Il est même un oiseau du genre Faucon, que
son nom spécifique nous désigne comme un mangeur
d’Abeilles, et la Bondrée ( Falco apivorus) est accusée
de ne point négliger une si petite proie.
24.
L
372 HISTOIRE NATURELLE
Diverses espèces de Souris s’introduisent dans les
ruches les moins peuplées, ou bien elles y entrent
pendant l'hiver, lorsque le froid a forcé les habitantes
à se réfugier dans la partie la plus élevée de leur ha-
bitation. Elles rongent les gâteaux , et font souvent
un grand dégât dans les provisions ; en sorte que,
lorsque des jours moins froids amènent le réveil de
la population, celle-ci se trouve privée des vivres
amassés par son labeur, sans que la nature lui donne
encore les moyens de réparer ses pertes, en lui offrant
des fleurs nouvelles. Les Lézards, parmi les Reptiles,
au moyen de leur langue gluante, s'emparent de tous
les petits Insectes, pour en faire leur nourriture, et,
dans l’occasion , ils prennent aussi les Abeilles. J'en
ai vu un qui habitait dans un trou de mur près d’une
de mes ruches, et qui , s’étant élancé sur la couverture
de paille, seglissa en dessous jusqu’auprès de la porte,
et enleva plusieurs Abeilles de cette manière, se réfu-
giant chaque fois sous l'enveloppe de la ruche.
Les ennemis les plus dangereux de l’Abeille se ren-
contrent dans la classe naturelle d'êtres dont elle fait
elle-même partie, parmi les Insectes. Nous parlerons
d’abord de deux Lépidoptères qui aiment à se nourrir
de cire. Nous les avons déjà nommés, ( Gralleria ce-
reana et Alvearia Latr.), en signalant leurs dégâts
comme une des causes qui forcent les Abeilles à aban-
donner leur ruche. Réaumur les a décrites , ainsi que
leurs travaux , sous le nom de Fausses-T'eignes de la
cire. Get auteur entendait, par fausses Teignes, les
larves de Lépidoptères , qui allongent en galeriele lo-
gement de soie qu’elles filent pour s’y tenir à couvert ;
tandis qu'il appelait simplement Teignes , celles de
ces larves qui se fabriquent seulement un habit de
DES HYMÉNOPTÈRES. 373
soie qui suit leurs mouvemens, et qu’elles transpor-
tent de place en place à mesure qu’elles en changent
pour chercher leur nourriture. Cette dénomination
de fausses T'eignes de la cire , de Réaumur, qui donne
une première idée des travaux de ces ennemis des
Abeilles, et assez juste et assez claire, a cependant
le défaut d’être une périphrase, et nous le remplace-
rons, avec Latreille, par celui de Galleria cereana
et Galleria alvearia. Toutes deux ne volent que la
nuit, et c'est à cette époque qu’elles s’y introduisent ;
leur petitesse, quoique inégale, (la Cereana,est à
peu près moitié plus grande quel’ Ælvearia), les fa-
vorise encore pour pénétrer jusqu à la cire, ainsi que
la vivacité de leur marche. Réaumur en vit une pour-
suivie par une Abeille qui ne put l’atteindre à la
course, et abandonna la poursuite au bout d’un cer-
tain temps. Une femelle d’une de ces espèces, étant
entrée dans une ruche, dépose ses œufs, qui sont
nombreux, au fond d’une alvéole : les petites larves,
qui sortent de chacun, s'occupent aussitôt de se filer
un logement de soie, qu’elles recouvrent de srains de
cire, détachés à cet eflet de la partie la plus voi-
sine; en même temps elles se nourrissent de cette
cire. Lorsqu'elle a consommé ce qui est à sa portée,
chacune d'elles prolonge son logement pour atteindre
de nouvelle cire. À mesure qu'elle grossit, elle donne
à sa galerie un plus grand diamètre : elle avance ainsi
en perçant les murs des cellules, et assez souvent
aussi leur fond, et, parce moyen, elle passe de l’une
des faces du gâteau à l’autre. La galerie, ainsi conti-
nuée, finit par atteindre quelques pouces de longueur,
et elle est attachée à la cire, sur laquelle elle pose,
dans toute sonétendue. Tout l'intérieur est un tissu de
Le |
374 HISTOIRE NATURELLE
soie blanche assez serré et poli : la grande espèce lui
donne plus d'épaisseur et ne le recouvre pas en entier
de grains de cire; la petite, le faisant moins fort, le
recouvre soigneusement partout de ces grains de cire,
ou même de ses excrémens disposés en plusieurs cou-
ches : chaque grain étant attaché par des fils, les
tuyaux acquièrent une assez grande solidité. Lorsque
ces larves ont atteint leur grandeur, Réaumur dit
qu’elles se construisent une coque dans la galerie
qu'elles ont habitée. J'ai cependant trouvé quelque-
fois lescoques dela grande espèce, la Cereana, placées
à côté les unes des autres à l’extérieur de la ruche, et
attachées au panier, ce qui prouverait qu’elles sortent
au moins quelquefois pour cela de leurs habitations.
Plusieurs de ces Galleria, qui sont nées dans une
ruche , y déposent leurs œufs, après être devenues
Lépidoptères parfaits et s'être accouplées ; en sorte
que le dégât s'accroît très-promptement dans la ruche
quienestune fois attaquée. Latreille range ces Insectes
nuisibles , que l’on sera bien aise de pouvoir reconnai-
tre, ne füt-ce que pour en préserver les Abeilles, dans
les Pyralites, neuvième famille de l’ordre des Lépi-
doptères. Les caractères particuliers du genre Galleria
sont : « Chenilles à seize pates. Ailes de l’Insecte
» parfait étroites, beaucoup plus longues que larges,
appliquées dans le repos sur le dos du corps, ra-
» battues en toit sur ses côtés à l'extérieur. Quatre
» palpes ; les inférieurs les plus grands, appliqués
» l’un contre l’autre, et revêtus d’écailles ; les supérieurs
» peu distincts, cachés par les écailles du chaperon,
» qui sont très - nombreuses et forment une espèce de
» voûte. Les deux espèces de Galleria dont nous par-
» Jons ici ont encore pour caractère commun : les
ÿ
DES HYMÉNOPTÈRES, 375
» palpes inférieurs plus courts ou à peine aussi longs
» que la tête, se courbant en se relevant. Dans la Gal-
» leria cereana, le toit que lesailes forment est écrasé,
» en sorte que la partie rabattue forme un angle avec la
» partie supérieure , et, de plus, le bord postérieur de
» ses ailes est un peu échancré. La Galleria alvearia
» a, au contraire, le dos des ailes régulièrement ar-
» qué, et leur bout ou bord postérieur arrondi. » La
couleur de ces Lépidoptères est le gris, avec un peu
de jaunâtre vers la tête, dans la grande espèce.
Il est étonnant que des Insectes qui semblent mon- .
trer autant de génie dans leurs travaux que les
Abeilles, qui sont si bien armés, et qui sont si har-
dis dans la défense de leurs propriétés, ne viennent
point à bout de se défaire des ennemis que nous ve-
nons de décrire, et qu’au lieu d’avoir, dès le commen-
cement , arrêté le dégât par leur expulsion ou par leur
mort, ils laissent successivement occuper la majo-
rité de leurs gâteaux , au point de n’en avoir plus assez
pour placer le couvain et les provisions, et de se trou-
ver forcés d'abandonner ce qui leur en reste. Il faut
considérer que les tuyaux sont épais, et dérobent aux
Abeilles leurs ennemis, qu’elles ne savent où prendre
pour les attaquer ; que pour prolonger son tuyau , ou
pour manger , la chenille ne sort jamais que sa tête,
revêtue d’une cuirasse cornée, comme celle de toutes
les larves de cet ordre. De plus, les tuyaux de soie des
Galleria sont cuirassés de grains de cire ou des excré-
mens des chenilles , et adhèrent fortement à la cire par
les soies qui les composent. L’Abeille ne sait pas dans
quelle partie du tube est son ennemi , elle craint peut-
être aussi d'embarrasser ses pattes ou son aiguillon dans
les fils croisés qui le couvrent, quoiqu’elle n’hésitât pas
376 HISTOIRE NATURELLE
à se servir de ses armes, si elle y était excitée par la
vue de ce même ennemi.
Les deux Lépidoptères dont nous venons de parler
n’en veulent qu'à la cire des alvéoles, et, par-là, à la
solidité de la ruche et à la disponibilité des cellu-
les. Huber en signale un autre qui, selon lui, vien-
drait piller le miel des ruches , précisément à l'époque
où il devient impossible aux Abeilles de réparer la
perte des vivres qu'elles avaient amassés pour la mau-
vaise saison. C’est l’Æcherontia Atropos, connue sous
nom de Sphinx téte-de-mort, qui est accusé de ce
vol à domicile. J'avoue qu'il m'est impossible de
croire cette accusation comme aussi fondée que paraît
le croire notre observateur. Déjà ce beau Sphinx fut
accusé, en Bretagne, sur l'étiquette du sac, comme
l’on dit, c’est-à-dire, à cause de la figure ressemblant
à une tête de mort que porte le dos de son corselet,
d’être l’avant-coureur , la cause même de maladies
épidémiques et de mortalité. Réaumur défendit alors
l'innocence de l’Æcherontia Atropos , et j'espère dé-
montrer que les faits allégués cette fois-ci contre elle,
non-seulement ne sont pas prouvés , mais même pré-
sentent un caractère d’invraisemblance, qui suffit pour
faire rejeter cette accusation de pillage.
D'abord, dans le chapitre intitulé : Sur un nouvel
ennemi des Abeilles, qui la renferme, je dois faire
remarquer que, contre l'ordinaire, on ne lit nulle
part ces mots : j'ai vu, j'ai observé, j'ai fait, que
M. Huber fils emploie avec raison toutes les fois qu'il
a vu lui-même, observé lui-même, fait lui-même une
experience. « Vers la fin de l'été, dit-il, lorsque les
» Abeilles ont emmagasiné une partie de leur récolte,
» on entend quelquefois, auprès de leur habitation ,
DES HYMÉNOPTÈRES. 377
» un bruit étonnant ; une multitude d’ouvrières sor-
» tent pendant la nuit, et s’échappent dans les airs.
» Le tumulte dure souvent pendant plusieurs heures,
» et le lendemain, lorsqu'on observe l’eflet de cette
» grande agitation, on voit beaucoup d’Abeilles mor-
» tes au-devant de la ruche; le plus souvent celle-ci ne
» renferme plus de miel, et quelquefois elle est en-
» tièrement déserte. En 1804, mes voisins, cultiva-
» teurs pour la plupart, vinrent me consulter sur un
» événement de cette nature; mais je n'avais encore
» rien à leur répondre : malgré ma longue pratique
» de ce qui concerne les Abeilles, je n'avais jamais
» rien aperçu de semblable. Je me transportai sur le
» lieu de la scène; le phénomène se présenta encore,
» et je trouvai qu'on me l'avait dépeint très-exacte-
» ment.»
Ce que M. Huber a trouvé, n’est point ici expliqué.
Est-ce une Æcherontia Atropos dévorant en une seule
nuit les deux ou trois livres de miel que contient une
ruche vers la fin de l'été, époque indiquée par lui ?
Avant que nous puissions trouver, avec lui, de l’exac-
titude dans la peinture du phénomène, il faudrait
admettre qu'une Æcherontia Atropos pût contenir
deux ou trois livres de miel. Autre difficulté : tout le
miel n’est point posé dans les cellules qui bordent la
partie inférieure des gâteaux; ces alvéoles en con-
tiennent même rarement : c’est dans les parties supé-
rieures des gâteaux que sont placées les provisions.
Il faut donc, pour dévorer tout le miel de la ruche,
que l’Æcherontia pénètre entre les gâteaux : or, l’in-
tervalle entre deux gâteaux n’est ordinairement que de
deux lignes et demie, et le corps de l_Æcherontia à de
cinq à six lignes d'épaisseur. Qui décrira les travaux
378 HISTOIRE NATURELLE
d’Hercule de l’Æcherontia une fois engagée entre deux
gâteaux, si l’on suppose qu'au moyen de leur flexibi-
lité, elle ait pu y parvenir? Qui décrira, dis-je, ses
travaux pour parvenir à chaque alvéole, en enlever la
couverture, et avaler le miel? L'opération faite sur
une face du premier gâteau , elle sort avec la même
peine, pénètre apparemment entre ce premier, qu’elle
finit de dévaster sur cette seconde face , et le second,
qu'elle ne peut attaquer à son tour qu’en se retournant
sens dessus dessous , opération tout-à-fait impossible
dans un local si étroit. Si l’on veut qu'elle le puisse,
que l’on se figure ce que deviendront ces ailes si fra-
giles dans tous les frottemens qu’elles doivent subir.
De plus , ce frottement aura froissé les cellules à miel
et en aura fait sortir une partie. Ainsi, notre Æche-
rontia sortira de la ruche à peu près aussi propre à
des mouvemens et au vol, qu'une Fauvette tombée
dans un pot de glu en sortirait après s’y être agitée
sur tous les sens.
Mais peut-être dira-t-on que c’est avec sa trompe
qu'elle pénètre jusqu'aux alvéolespleines de miel, sans
s’introduire entre les gâteaux. On sait que quelques
S phingides ont une trompe beaucoup plus longue que
leur corps, et s’il en était ainsi de lAcherontia Atro-
pos, nous aurions vainement parlé des difficultés in-
surmontables qui lui en défendent l'approche. Mais
notre Lépidoptère n’a qu'un moignon de trompe, long
seulement de deux à trois lignes, qui même a paru,
aux observateurs, impropre à pomper le suc des
fleurs. Certes, il n’est plus possible d'admettre la dé-
vastation indiquée par M. Huber fils.
Il est clair, par la suite du chapitre, que M. Huber
fils n'a point observé lui-même, qu'il s’en est rap-
DES HYMÉNOPTÈRES. 379
porté à des yeux qui ne valaient pas ceux de Burnens
employé à voir par son père. « Je mis donc, dit-il,
» mes gens en campagne, et bientôt ils m'apportèrent
» des Acherontia Atropos , plus connues sous le nom
» de Téte-de-mort. Ces Lépidoptères voltigeaient en
» grand nombre autour des ruches : on en saisit un
» au moment où £/ allait entrer dans l’une des moins
» peuplées ; son intention était évidemment de péné-
» trer dans la demeure des Abeilles, et d'y vivre à leurs
» dépens. De toutes parts on m'apprenait que de sem-
» blables dégâts avaient été commis. Les cultivateurs,
» qui s'attendaient à une récolte abondante, trou-
» vaient leurs ruches aussi légères qu’elles le sont aux
» premiers jours du printemps ; elles étaient réduites
» au poids de la cire, quoiqu’on eût observé, peu de
» temps auparavant, qu’elles fussent très-bien ap pro-
» visionnées ; on surprit enfin , dans plusieurs ruches,
» le gigantesque Lépidoptère, qui avait causé la dé-
» sertion des Abeilles. »
On voit, par les expressions que nous distinguons
dans cette période, que M. Huber n’a rien vu par
lui-même. L’absurdité des faits rapportés , démontrée
par nos objections précédentes, force à rejeter l'accusa-
tion portée contre l’Æcherontia de dépouiller , en une
nuit, une ruche de toute sa provision de miel. Ils
prouvent aussi que l’auteur n’a eu d'autre tort que
d’avoir adopté ces récits un peu légèrement. Du reste,
si nous n’admettons pas la possibilité du pillage , nous
ne nions pas qu'il soit possible que quelques 4che-
rontia Atropos, (ce Sphinx éclot souvent aux appro-
ches de l'hiver, du 20 septembre à la fin d'octobre),
aient cherché un refuge, par hasard, dans quelque
ruche, contre les froids précoces qui peuvent déjà se
390 WISTOIRE NATURELLE
faire sentir. Il faut nécessairement un asile pour l’hi-
ver aux individus de cette espèce éclos avant cette
saison, car ils ne doivent pondre qu'au printemps.
Lorsque le hasard aura présenté à l’un d’eux une ruche
ouverte, il s’y sera retiré, comme il eût fait ailleurs.
Souvent, presque toujours même , l'asile qu'ilchoisira,
ne sera pas approvisionné : ce sera une cavité entre
des pierres, ou un arbre creux; et cependant l’Æche-
rontia y passera son hiver, en grande partie, dans
l’engourdissement que le froid cause à tous les Insectes
parfaits qui ont à le supporter. D'un autre côté, l'in-
troduction d’un être vivant étranger, cause toujours du
tumulte dans une ruche , même dans le jour, et le bruit
entendu la nuit aux environs des ruches , ainsi quela
sortie de quelques Abeilles, ont pu avoir lieu dans ce
cas, probablement très-rare , et voilà à quoi ont dû se
borner les dégâts réels.
Lorsque, vivant ou mort, un corps susceptible de
corruption est introduit, ou s'introduit dans une
ruche, les Abeilles le recouvrent de cire. Il arrive
quelquefois que des Limacons s’y introduisent : j'en
vis un, dans une matinée de printemps fort fraiche,
entrer par la porte d’une de mes ruches, dont le froid
du matin avait écarté les gardiennes. Cependant,
quand il arriva plus avant sur le plancher de cette
ruche , quelques Abeilles se jetèrent sur lui et le pi-
quèrent de leurs aiguillons. La ruche où cela se passa
étant vitrée, je vis ce qui arrivait en ouvrant le
contre-vent. Le pauvre Limacon aussitôt de rentrer
dans sa coquille, en jetant une grande quantité de
celte mousse visqueuse qu'ils emploient toujours pour
éloigner leurs ennemis, quand ils se sentent atta-
qués. Cette mousse se fondit bientôt, ou plutôt se
DES HYMÉNOPTÈRES. 381
coagula. Le Limaçon, qui peut-être était mort des
piqûres, ne bougea point, et le lendemain je le vis
entièrement couvert d’une couche de cire qui, s’éten-
dant en cordon autour de ja base sur laquelle il s'était
posé, l'y fixa d’une manière irrévocable. Je citerai
encore un fait semblable : un de mes amis, entomo-
logiste distingué, vit un Rat, poursuivi à coups de
bâton et déjà blessé, se jeter, en plein jour, dans une
ruche bien peuplée. Aussitôt grande rumeur, et une
foule d'Abeilles, effrayées et irritées, sortant de la
ruche, en écartèrent bientôt les assaillans du Rat.
Celui-ci y mourut : probablement sa mort fut prompte,
et cependant il est probable que les nombreuses pi-
qüres des Abeilles y contribuèrent, autant que ses pré-
cédentes blessures. La ruche ayant été détruite quel-
ques semaines après, mon ami vit que le corps du
Rat resté sur le sol de la ruche avait été recouvert
d’une couche de cire qui s’étendait un peu autour de
lui sur le sol, et était assez épaisse. Ce corps, l’enve-
loppe écartée, paraissait bien conservé et n'était pas
tombé en putréfaction.
Les Guëpes, ( J’espa crabro, Vespa vulgaris, etc.),
attaquent aussi les Abeilles, dans des temps de disette
où d’autres vivres leur manquent ; elles se jettent sur
elles, les piquent de leur aiguillon, et ordinairement
leur coupent la tête avec leurs mandibules, avant de
les transporter dans leur nid. Le Philanthus apivorus
Latr. approvisionne les nids, qu'il creuse en terre
pour y déposer chacun de ses œufs, d’Abeilles do-
mestiques ouvrières, ou de femelles d'Halictus qu'il a
percées de son aiguillon. Il m'a semblé qu'il appor-
tait successivement ; dans chaque trou , trois corps.
Cet Insecte ayant une quinzaine d'œufs à pondre, on
382 HISTOIRE NATURELLE
voit combien la proximité de ses nids serait perni-
cieuse pour les ruches.
La cire et le miel que fournissent les Apiarides,
étant utiles à l’homme , il a trouvé le moyen de rendre
celles-ci domestiques, pour se procurer la facilité
d'en retirer le produit. En ellet, avant que la canne à
sucre fût connue, et par conséquent, probablement
dès l’origine du monde, le miel seul pouvait adoucir
certains fruits, agréables du reste, mais trop acides,
ou trop âpres, ou trop amers pour être mangés avec
plaisir, purs et sans être édulcorés. De plus, la ména-
gère s’aperçut bientôt que beaucoup de fruits, qu’on
ne récolte que pendant une saison très-courte, mélés
convenablement avec le principe sucré, conservaient
long-temps et leur parfum délicat et leur goñt succu-
lent, sans subir la décomposition ni la pourriture :
elle s’empressa donc de prolonger les jouissances de
ceux, aux besoins desquels sa position l’obligeait de
pourvoir ; et d'assurer la subsistance de ses enfans pour
la saison rigoureuse, et même pour un état de santé
qui rendrait dangereux des alimens plus solides. La
cire fut également mise en usage pour éclairer, et les
riches l’apprécièrent bientôt, comme ménageant l'éclat
de leurs lambris dorés , que ternissait la fumée du suif.
Quelques auteurs dérivent le nom de bougie de Bugie,
ville de l'Afrique septentrionale. Il est certain que les
Romains tiraient des chandelles de cire de cette partie
de leur empire. Le mot bougie exprime cette idée dans
toutes les langues de l'Europe méridionale. Pline l'an-
cien ou le naturaliste dit, que les habitans des envi-
rons de Trébizonde payaient leur tribut aux Romains
en masse de cire. La cire et le miel étaient aussi em-
ployés pour embaumer les corps. La première , que la
DES HYMÉNOPTÈRES. 383
chaleur amollit, se prête à recevoir toute sorte d’'em-
preinte , et, mise en fusion par cette même chaleur à
un plus haut degré, elle prend, dans des moules,
toutes les formes que l'artiste veut lui donner : sous
la main de Curtius et de ses successeurs, elle nous
conserve les traits des grands hommes et des personnes
que nous avons admirées ou chéries. Le miel et la cire
sont aussi employés dans différentes préparations phar-
maceutiques , et la découverte du sucre n’a pas détruit
l'usage de la première de ces substances, parce que,
malgré les rapports de leur goût , les propriétés du
miel et du sucre ne sont pas entièrement identiques,
De même, dans les préparations qui servent à la nour-
riture , le peu de cherté du miel le rend utile au pau-
vre , qui l’emploie encore, quand l’homme aisé se sert
de sucre.
La fable poétique, en nous attendrissant avec le
berger, fils d'Apollon et de Climène, sur la perte de
ses Abeilles, nous fait assez connaître combien la cul-
ture des Abeilles est ancienne parmi les hommes, et
quel prix on y mettait dans l'antiquité. Ce soin a tou-
jours été regardé comme une source de richesses, de-
mandant peu de travaux, et pouvant accompagner toute
espèce de culture végétale. Le jardinier fleuriste ou po-
tager peuvent également s’y livrer, leurs jardins étant
également fournis de fleurs où les Abeilles récoltent le
pollen et le miel. Le laboureur le peut, à plus forte
raison , surtout aujourd'hui qu'il sait varier ses cultu-
res presqu’à l'infini , et qu’il a beaucoup de prés artifi-
ciels. Toutes les plantes phanérogames offrent des
récoltes à l’active Abeille, si ce n’est peut-être les
graminées , dont les fleurs ne m'ont jamais paru con-
tenir de miel, et dont je ne les ai méme jamais vues
384 HISTOIRE NATURELLE
récolter le pollen, peut-être à cause de la trop grande
mobilité des anthères. Il faut cependant remarquer
que le miel de certaines fleurs, placé au fond d’un long
tube , ne peut être recueilli par les Apiarides Sociales
Pérennes ; nous verrons qu’il a été réservé pour d’au-
tres dont la trompe est plus longue, ou dont les man-
dibules peuvent entamer la corolle pour parvenir au
dépôt de la liqueur sucrée. Souvent, dans sa récolte,
l'Abeille passe continuellement d’une fleur d’un genre
à une fleur d’un autre genre ; mais, quañd un canton
lui présente une même plante , abondante en miel, en
grande quantité, ce lieu devient le rendez-vous com-
mun de toutes les Abeilles du canton, pendant tout le
temps de la floraison. Ainsi, la foule est grande sur un
pré fleuri de luzerne, de trèfle ou de sainfoin, sur un
champ de sarrasin , sur une allée de tilleuls, sur un
coteau garni de vigne ou paré de bruyère, et, du matin
au soir, le bruissement témoigne , en ces endroits, du
concours d’une innombrable quantité d’ouvrières mois-
sonneuses ; tandis que la porte de la ruche est à peine
assez grande pour celles qui reviennent, faiblissant
sous le poids d’une double charge de pollen et de miel,
et de celles qui, après l'avoir déposée , ressortent pour
utiliser de nouveau le temps où Dieu leur prodigue
ses dons.
Il est donc essentiel, pour qu'un propriétaire retire
de ses ruches tous les produits qu’il en peut obtenir,
que ses ruches soient à la portée de plusieurs de ces
localités ou de ces cultures , que nous avons spécifiées
plus haut. L'endroit précis, où sera placé le rucher,
n'est pas non plus indifférent. En général , l'exposition
où il sera garanti des vents violens, (ils varient suivans
les localités) , qui peuvent renverser les ruches, ou
DES HYMÉNOPTÈRES. 385
précipiter par terre les Abeilles qui rentrent chargées,
sera préférable. Il doit être aussi abrité du nord, dont
le souffle engourdirait trop vite les Abeilles, et pour-
rait occasioner leur mort, en apportant un trop grand
degré de froid. L'ouverture de chaque ruche devra
toujours être tournée dans la bonne saison vers l’ex-
position méridionale, c’est-à-dire vers ce quart de
l'horizon qui est entre le sud-est et le sud-ouest. Ce-
pendant, vers la fin de l’hiver, et dans les jours de
giboulées , il serait utile de tourner cette ouverture
vers le nord, de peur que l'apparence momentanée
du beau temps n’engageit les Abeilles à sortir, en fai-
sant pénétrer par cette porte les rayons du soleil :
apparence trompeuse à laquelle succédera bientôt un
vent froid et violent, souvent accompagné de grêle ou
de neige. Alors toutes , ou la plupart des Abeilles qui
auront volé au travail, impatientes de trouver des
fleurs nouvelles, seront gelées par le froid , et périront
loin de la ruche qui les avait garanties pendant l'hiver.
On remarque habituellement que la population des
ruches décroît sensiblement à cette époque, et nous
avons éprouvé que le moyen proposé réussit ordi-
nairement à diminuer ces pertes, en Ôtant aux Abeilles
. l'envie prématurée de sortir.
La forme de la ruche, en elle-même, est très-variable
selon les usages des différens pays. La plus usitée est
en cloche profonde : cette cloche peut étre construite
avec un cordon de paille tordue, dont les tours suc-
cessifs seront unis par des osiers flexibles passant, tan-
tôt en dessus, tantôt en dessous; alors les bouts supé-
rieurs de ces osiers se réuniront à la sommité de la
cloche, et formeront une poignée, au moyen de la-
quelle il sera facile de manier et de transporter la ruche
HYMÉNOPTÈRES, TOME !. 25
386 HISTOIRE NATURELLE
où besoin sera, Une autre ruche de la même forme est
composée de montans de bois, liés ensemble par un
bout, et écartés l’un de l’autre dans le reste de leur
étendne, de manière à figurer la voûte de la cloche,
que remplissent des osiers flexibles, entrelacés avec de
l’osier refendu qui les réunit. Cette dernière manière,
laissant beaucoup d’intervalles et de trous vides, on
enduit cette carcasse d'un mélange de terre grasse et de
bouze de vache fraiche. Un tronçon d'arbre creux, ou
un petit tonneau, peuvent aussi servir d'habitation aux
Abeilles. T'outes ces formes deruches sont indiflérentes
aux Abeilles, qui s'en accommodent également. La plu-
partexigent, en outre , une coiffe extérieure, qui se
fait avec une poignée de longue paille liée par les
sommités où sont les épis, et se place de manière
que la ruche se trouve entourée par cette paille, pour
écarter du corps de cette ruche la pluie, qui suit natu-
rellement la direction des brins extérieurs. La capacité
de la ruche doit être proportionnée à la force de l’es-
saim, et je crois pouvoir assurer que, pour qu'elle
soit tout-à-fait convenable , il faut que l’essaim, au
moment où l'on vient de l'y placer, et où les Abeïiles
sy sont réunies , en occupe près du tiers de capacité,
ou moins de moitié. Dans ce cas, la population aura
bientôt rempli cette ruche de gâteaux : si elle était en
moindre proportion , il resterait long-temps un espace
vide, difficile à garder pour les Abeilles, par où le
froid ou les Teignes pourraient s'introduire. Si la
ruche avait une moindre capacité, par rapport à sa
population , les Abeilles feraient moins de cire qu’elles
ne le pourraient, et les profits du propriétaire en
seraient amoindris sensiblement. La ruche ne doit pas
être immédiatement posée sur le sol, dont l'humidité,
DES HYMÉNOPTÈRES,. 387
dans bien des temps de pluie, introduirait la moisis-
sure, qui altérerait et la cire et le miel. Ordinaire-
ment, sur trois montans égaux, de bois ou de pierre,
en partie fixés en terre, et s’élevant à peu près d'un
pied, on place, pour chaque ruche, un plateau de la
forme de son ouverture. Ce plateau peut être en bois
ou en pierre ; mais il est utile qu'il ne dépasse pas trop
les bords inférieurs de la ruche, en sorte que la coiffe
de paille, dont nous avons parlé pour recouvrir celle-ci,
conduise l’eau au delà de la circonférence de ce pla-
teau, qui sert de sol à toute l'habitation. Celle ci ne doit
avoir ordinairement qu'une ouverture, assez large pour
le passage simultané d'une demi-douzaine d’ouvrières :
elle doit être pratiquée au bas de la ruche sur le sol.
Mais, il est utile, dans les très-grandes chaleurs et dans
le temps des essaims, d'élargir cette entrée. Dans ce
dernier cas, cet élargissement favorise la sortie de
ceux-ci, et quant à la chaleur, qui peut devenir in-
supportable et nuisible aux Abeilles, il facilite le
renouveilement de l'air. Quelques auteurs même con-
seillent , avec raison, de pratiquer une ouverture à la
partie postérieure de la ruche, qui établisse un cou-
rant d'air. Mais on devra songer à la fermer, lorsque la
chaleur sera diminuée , pour ne pas forcer les Abeilles à
une surveillance à laquelle elles ne sont pas habituées.
Les ruches ont besoin, de la part du propriétaire,
d’une certaine attenticn, qui, sans être de tous les
momens, peut cependant prévenir des pertes qui mé-
ritent considération. Ainsi, à l’époque des essaims,
qui commence quelquefois avec la fin d'avril, pour les
environs de Paris , et qui varie selon les climats, il
faut surveiller leur sortie, et tenir des ruches prêtes
pour les recueillir et nettoyer ces habitations à l’inté-
25.
388 HISTOIRE NATURELLE
rieur, avant de les employer. Nous avons déjà détaillé,
avec les faits qui accompagnent leur sortie , les moyens
de recueillir les essaims : nous y renvoyons les proprié-
taires d’Abeilles. In'arrive pas toujours que les essaims
se fixent sur des branches voisines de la ruche dont ils
sont sortis : quelquefois ils s’éloignent. C’est une cou-
, tume de frapper sur des pelles ou des poëles, au mo-
ment de la sortie d’un essaim. Quelques personnes
croient ainsi intimider les Abeilles, pour ainsi dire,
et les empêcher de s’écarter par un bruit qui parai-
trait à celles-ci les menacer d’un orage prochain. Au
moins ce bruit avertit les voisins de la sortie de cet
essaim : moyennant cet avertissement , on peut suivre
son vol sur le terrain du voisin, et l’y recueillir, sans
répondre d’autre chose que des dégâts qu'on pourrait
occasioner à sa récolte et à ses clôtures. Ceci est un
usage immémorial. La surveillance à donner à la sor-
tie des essaims, doit se continuer depuis neuf heures
du matin jusqu’à quatre heures de l'après-midi. La
présence du soleil sur la partie antérieure de la ruche,
un temps assez calme , ou au moins l’absence d’un vent
violent, sont certainement des circonstances qui favo-
risent les sorties des essaims. Mais, comme les véri-
tables causes déterminantes, que nous avons détaillées
plus haut, se passent dans l’intérieur de la ruche, j'ai
vu plusieurs fois des essaims sortir par un temps cou-
vert, et même lorsque, par un temps chaud et lourd, il
tombait des gouttes de pluie, rares, il est vrai, et peu
sensibles. On doit donc encore surveiller les ruches dans
de semblables jours, tant que dure la saison des essaims.
Celle-ci se termine, dans tous les climats , lorsque les
ouvrières détruisent les mâles. Les ruches , où ils sont
détruits, ne donneront plus d’essaims pendant le reste de
DES HUYMÉNOPTÈRES. 389
l’année, quelles que soient la chaleur et la beauté du
temps. Effectivement , comme chaque essaim est l'effet
de la sortie de la mère féconde qui était libre dans la
ruche que l’essaim abandonne , et qu’il est accompagné
de la naissance d’une jeune reine, encore vierge, qui
a besoin de s’accoupler , il n'y a jamais d’essaim,
lorsque les mâles n'existent plus pour féconder celle-ci.
Lorsque la saison des essaims est passée, et que, soit
chez lui, soit chez ses voisins, les mâles ont disparu
de la plupart des ruches, le propriétaire doit exami-
ner s'il n’en a pas quelqu'une , où les mâles soient en-
core soufferts : ce qui serait un indice certain que la
mère est inhabile à pondre des œufs du sexe féminin ;
défaut physique que nous avons vu être la suite iné-
vitable d’un accouplement trop tardif. Ceci sera d’au-
tant plus facile à constater, que, dans ce cas, les ou-
vrières, dans cette ruche, non-seulement auront laissé
la vie aux mâles nés parmi elles, mais même accueilli
tous ceux qui, chassés d’ailleurs , auront cherché re-
fuge chez elles. Cette ruche ne pouvant plus subsis-
ter, faute du renouvellement de la population femelle,
ilest de l'intérêt du propriétaire de la détruire le plus
-tôt possible, cetteaffluence de mâles devant , en peu de
temps , consommer les provisions.
C'est aussi à cette époque que l'on retire le produit
des ruches, qui consiste dans le miel et la cire. {1 y a
deux manières de le faire. La plus ordinaire est de
détruire les vieilles ruches, c’est-à-dire d'en faire
mourir la population, en introduisant dessous une
mèche soufrée, allumée, et bouchant toutes les issues
extérieures pour y concentrer la vapeur délétère. On
s'empare ensuite, sans danger, de tous les gâteaux.
L'autre méthode, moins suivie, mais beaucoup plus
390 HISTOIRE NATURELLE
humaine, et même plus profitable , consiste à ne pren-
dre aux Abeilles que le superflu de leurs provisions,
et à leur laisser le nécessaire pour la saison où elles ne
récoltent pas. Je dis que cette méthode , visiblement
plus humaine, est en méme temps plus profitable,
parce qu’on ne détruit point de ruches, et que les
mêmes pourront, l'année suivante, donner encore
des essaims et une nouvelle récolte ; tandis que, dans
l'autre, le fond de ruches ne peut s’augmenter que si
la ruche détruite a produit deux ou plusieurs essaims
avant sa destruction. On peut objecter que, en con-
servant toutes ses Abeïllles, le propriétaire peut avoir
à craindre de les multiplier au delà de ce que le pays
peut fournir de provisions. Nous répondrons à cela
que, si l'on s’apercoit de cet inconvénient, il est
certain qu'on doit se défaire d’une portion de ses
ruches, et que le propriétaire qui n'aura pas perdu
les siennes pendant l'hiver, parce qu'il leur aura laissé
des vivres sufhisans pour ce temps de disette, pourra
se défaire avantageusement de la partie superflue , lors
du retour du printemps; car beaucoup de propriétai-
res, choisissant les ruches les plus pourvues de miel
pour les détruire entièrement à l'automne, en perdent
souvent beaucoup de celles qu'ils réservent, et cher-
chent à les remplacer à la nouvelle saison.
Mais, pour juger de ce qu'on peut ôter et de ce
qu'on doit laisser aux Abeilles, il faudrait que les
yeux pussent facilement pénétrer dans l'intérieur de
la ruche, et la forme ordinaire, que nous avons dé-
crite, s'y prête peu. D'abord il est difficile d'opérer,
dans une ruche, sans irriter les Abeilles, qui sont
toujours disposées à défendre leur propriété, et quien
vengent l'enlèvement par des piqûres, dent une seule
DES HYMÉNOPTÈRES. 39:
fait souffrir, et dont le nombre peut devenir dange-
reux. Lors donc qu'on aura quelque chose de sem-
blable à faire, couvert d'habits assez épais, et les
mains protégées par de bons gants, il faudra surtout
défendre sa tête à l’aide d’un ballon de fil d’archal
assujetti autour du cou d'une manière invamiable. La
fumée est aussi un moyen de les écarter; mais, si ce
moyen était poussé à l'excès , il tuerait les Abeilles. Il'
est donc bon de tenir d’une main , pendant l’opératien,
de l'herbe allumée et demi-sèche, de manière à ce
qu’elle donne de la fumée sans flamme, qu'on puisse
diriger sur la partie qu'on veut examiner. Le proprié-
taire, à l’aide de ce procédé, obtiendra bientôt assez
d’habileté, pour retirer de la ruche les parties de gâteau
dont il veut s'emparer, et de plus il servira à modérer
l'irritation des Abeilles,
Il est une forme de ruche qui donnerait beaucoup
plus de facilité : c'est celle inventée par l'observateur
François Huber, que nous avons cité tant de fois.
C'est la ruche en livre ou en feuillets, que représen-
tent les figures 2 et 3 de notre Planche 5. Nous en
donnerons la description en expliquant cette planche.
« Elle est composée de la réunion de douze châssis,
» placés verticalement et paralièlement les uns aux
» autres. La figure 1 représente un de ces châssis : les
» montans f, g doivent avoir douze pouces , et les tra-
» verses ff, gg, neuf ou dix. L’épaisseur des mon-
» tanset des traverses sera d’un pouce, et leur largeur
» de quinze lignes. Il est important que cette dernière
» mesure soit exacte. aa, parcelle de gâteau qui sert
» à diriger les Abeilles dans leurs travaux. On fixera
» une semblable parcelle à chaque châssis, ou au
» moins à un sur deux alternativement : sans cela, les
392 HISTOIRE NATURELLE
» Abeilles pourraient suivre une direction opposée à
» celle des châssis, qui ne permettrait pas de les ou-
» vrir. d, liteau mobile qui sert à supporter la par-
tie inférieure de la parcelle de gâteau ; b,b, che-
» villes qui maintiennent le gâteau dans le plan du
» châssisgIl y en a quatre de chaque côté. On ne peut
» voir, dans la figure, que celles du côté antérieur.
»e,e, chevilles plantées dans les traverses au-dessous
» du liteau mobile, et dans les montans, pour soutenir
» ce liteau.
» La figure 2 représente une ruche en feuillets,
» composée de douze cadres tous numérotés. On voit,
» entre les sixième et septième châssis , deux planches
» avec leurs recouvremens, qui divisent cette ruche
» en deux parties égales , et qui n’y doivent être pla-
» cées que lorsqu'on veut la séparer en deux parties
» (on verra plus bas l'utilité que l'on peut reti-
rer de ce partage). Elles sont désignées par a, a.
» b, b, planches qui ferment les deux côtés de la
» ruche, et qui ont des recouvremens. On voit des
» portes au bas de chacun des cadres de cette ruche.
» On ne doit habituellement tenir ouvertes que deux
» ou trois de ces portes vers le milieu. Mais il faut
» que toutes puissent s'ouvrir et se fermer à volonté.
» La figure 3 fait voir la ruche en feuillets, ou-
» verte en partie, pour faire sentir que les châssis
» dont elle est composée, peuvent être unis par une
» charnière quelconque, et s'ouvrir comme les feuillets
» d’un livre. a, a, sont les recouvremens qui la fer-
» ment par les côtés. »
La simple vue de la Planche, et l'explication que
nous venons d'en donner d’après Huber, à qui nous
l'empruntons ; démontre que , par le moyen de la ruche
DES HYMÉNOPTÈRES. 393
en feuillets, on peut, en tout temps, visiter l’intérieur
d’une sentblable ruche, et connaître son état dans
toutes ses parties. Outre l'avantage qu’on peut en tirer
pour la récolte du miel et de la cire, il est possible en-
core, par son moyen, d'obtenir artificiellement la mul-
tiplication de ses ruches, sans attendre la saison na-
turelle des essaims, et l’on a quelquefois intérêt de le
faire. Il arrive en effet, assez souvent, que des accidens
intérieurs ou extérieurs retardent la sortie d’un essaim
au delà de l’époque où elle serait désirable, pour qu'il
püt ensuite se procurer les provisions d'hiver néces-
saires. J'ai observé de ces accidens par le moyen de
mes ruches vitrées. J'en citerai ici les circonstances.
Une de mes ruches vitrées et à feuillets manqua son
premier essaim , qui devait être très-fort : une grande
partie de sa population, dans les premiers jours de juin,
sortit; et, sans avoir eu le temps de se fixer, une pluie
subite la fit rentrer dans sa ruche. Peu d'heures après
la rentrée, j'ouvris tous les cadres. Je trouvai plusieurs
jeunes femelles écloses et libres (1), et je vis toutes
les cellules, destinées à l'éducation des mères, vides et
ouvertes.
Une seule de ces femelles survécut , d’après la règle
générale; mais elle ne put sortir pour s’accoupler de
manière à obtenir une fécondité entière, parce que les
pluies, qui prennent quelquefois à cette époque dans
notre climat , durèrent jusqu’à la fin du mois. Dans les
(1) Ce que je vis me fit croire que la mère, sortie avec l'essaim
et qui le conduisait, ne rentra point dans la ruche, ayant été
atteinte par la pluie; qu’elle périt dehors par suite de cetaccident',
et que, d'un autre côté, toutes les jeunes mères trouvèrent moyen
dans le tumulte de la sortie et de la rentrée, d'échapper à la sur
veillance des ouvrières, et de sortir de leurs cellules.
394 HISTOIRE NATURELLE
derniers jours de ce mois, je m’assurai qu’ellene pondait
que des œufs de mâles. Alors je résolus deséparer en
deux cette ruche, dont la population était suffisante. Je
commençai par enlever la mère imparfaite, qui seule
y existait, et, lorsque toutes les Abeilles qui étaient
en campagne furent rentrées le soir, je bouchai toutes
les portes.
Sur le matin du lendemain, dès la pointe du jour,
entre les sixième et septième cadres de ma ruche, j'in-
troduisis deux planches minces. Cette ruche se trouva
‘done coupée en deux par une double cloison, dont cha-
cune suffisait à fermer parfaitement le côté qu'elle tou-
chait, et sur laquelle on la fixa, au moyen d'un cordon
serré autour de cette cloison et de la moitié de la ru-
che. Par ce moyen, on put disposer de chacune de ces
moitiés, sans risquer d'être piqué par les Abeilles, ni
de voir celles-ci s'échapper de l'une dans l’autre. L'une
fut emportée assez loin, où je voulais l’établir, A celle
qui resta en place, on ajusta six cadres vides pareils à
ceux enlevés , et de suile on ôta la cloison qui fermait
la moitié, restée en place, de l’ancienne ruche : ainsi,
cette ruche fut recomplétée d’une portion pleine et
d’une vide; ce qui fut également fait pour l’autre
moitié. Il faut ajouter que l'une des parcelles de gà-
teau, ajustées à l'ordinaire (comme nous l'avons dit
en décrivant la ruche à feuillets), dans les cadres
vides, pour diriger, dans le sens des feuillets, le tra-
vail des Abeilles, avait été choisie , et doit toujours,
en pareils cas , être choisie garnie d'œufs du sexe fémi-
nin, ou de vers de ce même sexe ayant moins de trois
jours d’existenee sous cette forme. Ce choix met les
Abeilles à même de donner, à plusieurs individus,
l'éducation qu les rend propres à devenir fécondes
DES HYMÉNOPTÈRES. 395
par l’accouplement. Au bout de trois jours, j'ouvris
les portes et les feuillets de mes ruches , et trouvai que
les ouvrières avaient discerné le cadeau que je leur
avais fait, et commencé à isoler et prolonger des cel-
lules, dans chacune desquelles une larve était couchée
sur un lit de cette gelée qui prépare la fécondité. Mes
essaims prospérèrent et passèrent l'hiver. Ils essai-
mèrent bien l'année suivante. Je remarquerai encore
que cette opération ne peut se faire que pendant la
durée de la vie des mâles, à cause de l’accouplement
nécessaire aux jeunes femelles.
Si je ne me fusse proposé, dans une pareille opéra-
tion, que de m'emparer d'une partie de la récolte
d'une ruche à feuillets, ce que j'ai fait souvent , après
avoir séparé, par le moyen des planchettes, les ca-
dres à enlever et ceux laissés aux Abeilles, et ôté les
premiers, j aurais simplement recomplété la ruche par
l'addition de feuillets vides. Puis on rouvre les portes.
Ensuite onemporte, à quelque distance, l’autre portion,
et après avoir Ôté la planchette, on dirige, sur les g4-
teaux enlevés, de la fumée qui en chasse les Abeilles.
Celles-ci retournent à leur ruche, et l’on dispose ainsi
de ces gâteaux comme l’on veut. Dans une ruche à feuil-
lets , l’on peut tout voir, et par conséquent ne prendre
que le superflu des Abeilles. Si la mère se trouvait
accidentellement sur les gâteaux qu’on veutenlever,rien
de plus facile que de la faire passer dans l’autre partie.
C'est en exprimant les portions des gâteaux qui le
contiennent, que l’on recueille le miel : cependant les
propriétaires, dont la récolte sera assez considérable
pour cela , devront d’abord broyer légèrement ces gà-
teaux, les placer dans une chausse de toile claire,
fermée du bout, ou sur un tamis de crin, à travers
396 HISTOIRE NATURELLE
lequel le miel tombera dans les pots destinés à le con-
server pour l'usage. Si le temps était froid , il serait
bon d'aider l'écoulement du miel par la chaleur artifi-
cielle de l'appartement où se fera cette opération.
Lorsqu'il aura cessé, on réunira les débris des g4-
teaux à miel dans un sac de toile claire, qui sera
fermé et placé sous une presse, dont l’action compres-
sive sera employée à faire écouler le reste du miel. Le
premier miel est consacré aux usages de la bouche , et
même celui de certaines localités devient une frian-
dise. Tel était, pour les anciens , le miel des monts
Hymette, dans l’Attique, et Hybla, en Sicile ; et tel
est encore, pour nous, le miel de Narbonne , en Lan-
guedoc. Le second, moins pur, s'emploie à des usa-
ges moins relevés. Il est bon d’en réserver pour donner
aux ruches, si à l’entrée de l'hiver onles a reconnues mal
approvisionnées ; mais je conseille fortement de n’en
donner que lorsque le besoin est actuel, c’est-à-dire
lorsque la provision est consommée, ayant remarqué
que, sans cela, cette facilité de trouver abondance
de vivres si près d’elles , engageât les Abeilles au pil-
lage des ruches voisines.
Pour faire fondre la cire, après l'extraction du
miel, on jette les gâteaux dans une chaudière d’eau
chaude , et actuellement posée sur le feu, et l'on re-
mue fortement le mélange : ce qui commence à sépa-
rer la cire des ordures qu'elle contient. Lorsque toute
la cire sera fondue, et devenue très-chaude, on ver-
sera tout ce que contient la chaudière sur une toile
assez claire, placée au-dessus d’un récipient, dans
lequel l’eau et la cire (celle-ci seulement en partie}
couleront ensemble ; et la dernière se figera bientôt à
la superficie de l’autre. Comme les ordures, restées sur
DES HYMÉNOPTÈRES. 397
la toile, contiennent encore une partie notable de cire,
on les réunira dans un sac de toile claire, qui sera
fermé et jeté dans de l’eau actuellement bouillante sur
le feu, jusqu’à ce que l’on doive supposer que la cire,
qui est restée unie aux ordures, est bien fondue. Alors,
sans perdre de temps, pour que la cire ne conserve
toute sa fusibilité ,on transporte ce sac sous la presse,
et on le soumet à la compression, qui en fait sortir avec
l’eau le reste de cire qui s'était attachée ou figée, pen-
dant la première opération, sur les ordures. Celles-ci se
composent principalement des coques filées par diffé-
rentes larves qui ont subi leurs métamorphoses dans les
cases des gâteaux de cire. Gomme nous avons expliqué
plus haut que, soit par l’odorat , soit par le goût, les
Abeilles sentent le miel de fort loin, on doit penser
que les issues de la chambre où se fera l'extraction du
miel et de la cire, ainsi que les vases où le premier
sera serré, doivent être bien fermés aux Abeilles,
qui attaqueraient sans cela infailliblement les tra-
vailleurs et le produit de leurs travaux.
Le miel n’a besoin d'aucune autre préparation, que
de celle qui vient d’être indiquée, pour être livré au
commerce. La cire , enlevée de la superficie de l’eau où
nous l’avons laissée , est réunie en pain par une nou-
velle fusion. Sous cette forme, elle est jaune et em-
ployée à donner du lustre au parquet, qui garantit du
froid les pieds du riche, et aux meubles du pauvre le
seul éclat que nos bois indigènes puissent acquérir à
force de soins. La cire entre aussi dans des prépara-
tions pharmaceutiques , telles que les différentes es-
pèces de cérats et quelques onguens. Mais son principal
usage est de servir à la fabrique des bougies et des
cierges, chandelles de cire dont la lumière est bien
398 HISTOIRES NATURELLE
plus pure que celle fournie par les autres corps combus-
tibles gras employés au raême usage. Pour qu'elle serve
à celui-ci, on fait blanchir la cire : à cet effet, on la
réduit en lames assez minces , par une nouvelle fusion
ou par la compression (ce dernier moyen est le meil-
leur), et ces lames, exposées sur un pré à la rosée et
même à la pluie, finissent par blanchir. Il est d’au-
tres moyens chimiques de donner à la cire un blanc
encore plus pur; mais ceux-ci sont plus du ressort du
manufacturier que du cultivateur d’Abeilles.
Les visites que celui-ci fera à ses ruches, doivent
avoir encore pour but de les préserver de leurs divers
ennemis que nous avons signalés , de voir si les Guêpes
et les Philantus, les Hirondelles et les Fauvettes ou les
Mésanges, ne s’habituent pas à venir les enlever de-
vant leurs habitations , pour en faire la nourriture de
leur postérité. Il doit surtout s'assurer que les Galleria
n'ont pas attaqué et minéles gâteaux de cire; dans ce
cas , il doit retrancher toutes les parties qui sont dé-
tériorées , et Ôter cependant le moins possible, aux
Abeilles , le fruit de leurs travaux.
Il serait possible que les traits étonnans du haut
instinct des Abeilles, que j'ai cités en rapportant les
expériences de Réaumur et des deux Huber, engageas-
sent quelques personnes à en faire de nouvelles. Les
ruches à feuillets sont encore les meilleures pour cela.
Mais, si l’on n'avait besoin, pourremplir le but que se
proposerait l'observateur, que d’une faible société
d’Abeilles, de deux mille à peu près, par exemple, on
pourrait les établir, avec encore beaucoup plus d'avan-
tage pour l'observation , dans une ruche vitrée, com-
posée d'un feuillet de quinze lignes d'épaisseur et de
vingt pouces de hauteur et de largeur, fermée de
DES MYMÉNOPTÈRES. 309
chaque côté par un double contre-vent, l’intérieur
vitré en totalité, l'autre entièrement plein ; tous deux
susceptibles de s'ouvrir et de se fermer. Ainsi, il suf-
fira d'ouvrir le contre-vent plein, pour observer à travers
le carreau; et, si quelque opération est à exécuter
dans l’intérieur, l'ouverture de l’un des contre-vens
vitrés en donnera la facilité. C'est avec de semblables
ruches que j'ai revu les expériences de Huber.
En achevant cette histoire de l’Apiaride, je dois
avertir que tous les faits cités appartiennent à l’'Abeille
des ruches ou domestique, Æpis melhfica. Les autres
espèces de ce genre, qui sont exotiques, n’ont pas été
observées; mais leur conformation prouve que leurs
mœurs et leur industrie sont les mêmes que celles de
notre Abeille. Quoique toute espèce d'analogie le pro-
nonce aussi, nous pensons qu'il serait nécessaire que
les voyageurs naturalistes voulussent bien observer les
espèces exotiques des pays où ils passeront.
La famille des À piarides se divise en deux tribus,
les Apiarites et les Méliponites.
ire Trisu. APIARITES,
Caractères. Femelles pourvues d’un aiguillon.
Ailes : toutes leurs nervures fortes et distinctes.
Une radiale resserrée, fort alongée ; son bout posté-
rieur un peu écarté de la côte de l'aile et presquearrondi.
Quatre cubitales ; la deuxième très-rétrécie vers la
radiale , très-élargie vers le disque, recevant la pre-
mière nervure récurrente ; la troisième étroite, obli-
que, recevant la deuxième nervure récurrente; la
quatrième commencée, n'atteignant pas tout-à-fait le
bord inférieur de l'aile. | }
Trois cellules discoïdales complètes.
400 HISTOIRE NATURELLE
Ocelles disposés en triangle , placés sur le front dans
la femelle , et sur le vertex dans les mâles.
Crochets des tarses bifides. Une dent à la base du
premier article du tarse postérieur.
Espèces appartenant à l'ancien continent.
Genre APIS.— APIS.
SYNONYMIE. Apis de tous les auteurs.
Nota. Pourl'histoire du genre, voyez celle de la famille ,et
pour le caractère, celui de la tribu , qui ne renferme que ce
genre.
Le genre Apis de Linné comprenait des espèces bien
différentes entre elles par les formes et par leurs mœurs.
Cependant il y avait entre toutes, à une exception près,
cette espèce d’affinité, que leurs larves sont nourries du
pollen des fleurs et du miel, récoltés et mélés par leurs
mères, ou par les ouvrières qui les remplacent. L’exception
à faire, porte sur la vingt-cinquième espèce du Species
(édition douzième), Apis rostrata, qui est le Bembex
rostrata Latr., Fab., dont les larves sont nourries de
Diptères Athéricères Latr. à l’état parfait.
Réaumur et Degéer, ayant reconnu deux organisations fort
différentes de la bouche des Apis de Linné , partagèrent ces
espèces en deux genres : Abeille et Proabeille.
Latreille ayant particulièrement étudié les mœurs des
Hyménoptères confondus dans ces genres, et examiné leurs
bouches et autres parties, proposa un grand nombre de
coupes génériques. M. Kirby indiqua et figura , dans sa Mo-
nographie des Abeilles d'Angleterre, les caractères de la
plupart des groupes qu'il était utile de faire dans les espèces
qu’il connaissait. Illiger, Jurine , Spinola et Panzer en indi-
quèrent quelques nouvelles , formées sur des espèces pour la
plupart récemment découvertes par eux-mêmes.
Dans le Xe volume de l'Encyclopédie méthodique nous
avons donné , M. Serville et moi, les caractères de plusieurs
genres nouveaux,
DES HYMÉNOPTÈRES. 4oi
Espèces connues de ce genre.
Ire DIVISION. Ecusson de la couleur du corselet.
1. ÂPIS DOMESTIQUE. — Apis mellifica. Tous les auteurs.
F (à).
Nigro-fusca; cinereo-rufo pubescens, pilis in thorace
densioribus , abdominis segmentorum tertii, quarti quin-
tique basi cinereo villosd : alis hyalinis, nervuris piceis.
D'un brun noirâtre, à poils d’un cendré roussâtre, assez
clair-semés , plus nombreux sur le corselet ; base des troisième,
quatrième et cinquième segmens portant une bande étroite de
poils cendrés. Aiïles transparentes ; nervures brunes.
Femelle feconde Dessous des antennes d’un brun rous-
sâtre. Poils du vertex de la tête longs, noirs. Abdomen alongé,
conique, noir, d’un roux brun et assez velu en dessous, ayant
en dessus quelques poils cendrés, plus nombreux à la base des
deuxième , troisième et quatrième segmens. Pattes antérieures
noires, à poils cendrés ; leurs tarses d’un, roux brun; les inter-
médiaires noires, avec le bout des jambes et les tarses roux ;
les postérieures rousses, avec les cuisses noires et les jambes
brunes. Ailes plus courtes que l'abdomen.
Ouvrière, femelle stérile. Bout du dernier article des an-
tennes seul brun roussâtre. Pattes noires ; poils des jambes et
des tarses roux. Ailes dépassant l’abdomen.
Male. Antennes entièrement noires. Cinquième et sixième
segmens de l'abdomen bien garnis de poils noirs. Pattes noires.
Abdomen très-obtus. Aïles plus longues que celui-ci.
Originaire d'Europe , probablement de la Grèce, et peut-être
aussi de la Natolie , elle a été transportée dans toute l’Europe,
l'Afrique septentrionale et même dans l'Amérique du Nord.
C’est l'espèce à qui l’homme donne principalement des soins
pour en retirer de la cire et du miel.
(1) Cette lettre exprime que l'espèce est décrite ex visu.
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 26
402 HISTOIRE NATURELLE
2. ÂPIS CAFFRE. —Apis caffra. * (1) F.
Antennæ nigræ. Caput et thorax nigra, cinereo vil-
lüsa. Abdomèn nigrum vinereo UE Segmenti se-
cundi basi ferrugined. Pedes higri cinereo villosi. Alæ
hyalinæ, nervuris j'uscis. Operaria.
Antennes noirés: Tête et corselet noirs, à poils cendrés.
Abdomen noir, à poils cendrés ; base du second sement fer-
rugineuse, Pattes BE» à poils cendrés., Ailes transparentes ;
nervures brunes. Je n’ai vu que l’ouyrière.
Afrique ; apportée de Caffrerie au Musée royal de F rance.
3. APIs LIGURIENNE. — Apis ligustica. Spin. Ins. Lig.
Latreille , Gen. Crust. et Ins, vol. IV, p. 182. F.
Nigro-fusca. Abdominis segmentis primo, secundo,
tertioque rufo-ferrugineis, margine inferiori nigro.
D'un brun noirâtre. Premier, second et troisième segmens
de l'abdomen d’un roux ferrugineux, avecle bord inférieur noir.
Femelle féconde. Antennes brunes; devant du premier
article testacé. Tête noire, à poils cendrés. Abdomen à poils
cendrés ; les quatre premiers segmens d’un roux ferrugineux,
avec le bord inférieur noir ; le cinquième et Panus noirs. Pattes
d’un testacé brun, à poils cendrés. Ailes transparentes , à ner-
vures testacées, plus courtes que l’abdomen.
Ouvrière. Antennes noires, avec le premier article roux à
ses deux bouts, le boùt du dernier brun. Poils du vertex noi-
râtres. Abdomen plus court que dans l’autre modification
femelle ; les trois premiers segmens colorés de même, mais le
quatrième et suivans noirs. Ailes de Ja longueur de l'abdomen,
(1) Ce signe désigne toute espèce décrite ici pour la première
fois.
UN © NS CE ES
DES HYMÉNOPTÈRES. 403
Mäle. Antennes et pattes entiérement noires. Le reste
omme dans la femelle féconde.
Italie : Piémont. Cabinet de M. Serville.
[. APIS UNICOLOR. — Apis uricolor. Latr. Mém. Ann. du
Musée, 27° cahier, p. 168. F7.
Nigra, abdomine nitido , tarsis-rufo villosis ; alæ hya-
inæ; nervuris lestaceis.
Presque noire , pubescente, Poils d’un gris jaunâtre. Dos du
orselet presque nu. Abdomen ; à partir du second segment,
labre luisant, sans bande d’une autre couleur. Ouvyrière.
Cette espèce est domestique à Madagascar. Apportée de l'ile
le Bourbon, où elle a été introduite, au Musée royal de France.
5. APis INDIENNE. — Apis indica. Fab. Piez. p. 370,
n°4; —Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. p. 169, et Mém.
Ann. du Mus, t. IV, 1804, p. 590, n° 1, PI. 69, fig. r,
2et3, 7.
Nigra, cinereo pubescens. Abdomine subglabro, seg-
mentis primo, secundoque rufo-ferrugineis.
Antennes noires; tubercule radical ferrugineux; bout du
derniér article brun. Tête et corselet noirs, à poils cendrés.
Abdomen noir ; premier et deuxième segmens d’un roux ferru-
gineux; une bande de poils noirâtres à la base des troisième,
quatrième et cinquième segmens. Ouvrière.
Var. Troisième segment de l’abdomen d’un roux ferrugi-
neux à sa base, ou même en totalité, Ouvrière.
Deux fois plus petite que l’Abeille domestique.
Dans l'Inde : Pondichéri. Musée royal.
6. Aprs NIGRIPENNE. — Apis nigripennis. Latr. Mém. Ann.
du Mus. 27° cah. p. 170. F.
Antennæ nigræ. Caput nigrum. Thorax niger. Abdo-
mien nigrum, suprà pilis Stratis pallide rufis densis villo-
26.
404 HISTOIRE NATURELLE
sum, segmento quinto et ano pilis fuscioribus villosis ;
subtüs subnudum , piceo nigrum. Pedes picei. Alæ præ-
sertim in medio fuscæ , violaceo nitentes.
D'un noir un peu brun , pubescente. Poils du vertex de la
tête noirâtres, ainsi que ceux du devant du corselet; ceux du
reste du corps d’un gris roussâtre. Ailes supéricures noirâtres,
avec un reflet violet ; les bords postérieurs moins foncés. Des
sus de l'abdomen couvert d'un duvet roussätre, exzepté 1e
cinquième segment et l’anus qui ont des poils bruns. Ouvrière.
À peu près deux fois plus grande que l'Abeille domestique,
Du Bengale. Musée royal.
Ile DIVISION. Ecusson d'une autre couleur que le eorselet.
7. Apis SCUTELLÉE. — Apis'scutellata. %, F.
Antennæ nigræ. Caput et thorax nigra cinereo vil-
losa , mandibulis testaceis. Abdomen piceum , segmento-
rum basi cinereo villosä. Pedes picei, postici apice pal-
lidi. Alæ hyalinæ, nervuris testaceis.
Antennes noires. Tête noire ; mandibules testacées , les poils
cendrés. Corselet noir, à poils cendrés. Abdomen brun; base
des segmens garnie de poils cendrés. Pattes brunes; bout des
postérieures moins foncé. Ailes transparentes ; nervures testa-
cées, Ouvrière.
Afrique méridionale : de la Caffrerie, Musée royal.
8. Apis socIALE. — Apis socialis. Latr. Mém. Ann. du
Mus. 27° cah. p. 172; Mém. Ann. du Mus. t. IV, 1804,
p- 590, ne 2, PI. Go, fig. 4.
Antennæ nigræ. Caput nigrum, mandibulis labroque
rufo-fuscis. Thorax niger, scutello testaceo. Abdomen
suprà nigrum; segmentis primo, secundo, tertioque pal-
lidè ferrugineis, margine infere solo nigro ; quarto nigro
DES HYMÉNOPTÈRES. 40
basi tenui pallidè ferrugined; subtùs ferrugineum , nigro
marginatum. Pedes nigri cinereo villosi. Alæ hyalinæ.
D'un brun noïrâtre , pubescente. Poils d’un gris obscur ; du-
vet de la face cendré. Levre supérieure, mandibules et écus-
son d’un brun roussâtre. Abdomen presque glabre ; premier,
deuxième et troisième segmens , la base du quatrième et quel-
quefois du cinquième, d’un brun rougeätre ; une petite bande
d’un duvet grisâtre à la base des segmens, Ailes transparentes ;
nervures noirâtres. Ouvrière.
Inde : Bengale, Musée royal.
9. Apis DORSALE. — Apis dorsata. Fab, Piez. n° 7, F.
Antennæ nigræ, articuli primi basi apiceque testaceis.
Caput nigrum. Thorax niger, scutello testaceo. Abdomi-
nis segmentis primo, secundo, tertioque testaceo J'errugi-
neis, maculis laterum triangularibis fuscis, quarto tes-
L
taceo-ferrugineo , lateribus margineque postico fuscis ,
quinto et ano fusco nigris. Pedes nigri. Ale hyalineæ.
Antennes noires ; le premier article testacé à ses deux extré-
mités. Corselet noir ; écusson testacé. Tête noire. Les trois
premiers segmens de l’abdomen d’un testacé ferrugineux, por-
tant sur les côtés des taches triangulaires brunes ; le quatrième
d’un testacé ferrugineux , avec les côtés et le bord postérieur
bruns ; le cinquième et l’anus d’un brun noirâtre. Pattes noires.
Ailes transparentes ; nervures pâles. Ouvrière.
Inde : Bengale. Musée royal.
10. Aris DE PÉrow. — Apis Peroni. Latr. Mém. Ann, du
Mus. 27° cah. p. 193, 7.
Antennæ nigræ. Caput nigrum. Thorax niger, scutello
testaceo. Abdomen segmentis primo, secundoque pallidè
testaceis, margine postico nigro; tertio nigro, basi tenui
pallide testaceä ; quarto, quintoque margine lenuisstno
406 HISTOIRE NATURELLE
subdecolori : ano nigro- Pedes picei. Ale hyalinæ, sub-
nebulosæ , ner vuris LATIS.
D'un brun nôirâtre, avec un duvet gris jaunâtre, mélé de > quel-
ques poils noirs. Abdomen presque glabré ; premier et deuxième
ségmens, et le bas du troisième, excepté leur bord postérieur,
celui du second surtout, d’un roux jauntre ; dessous de Y ab-
domen d’un roux jaunâtre pâle : anus noir, Ailes transparentes :
avec une légèré teinte noire ; nervures noires. Ouvrière.
Inde : île de Timor. Péron dit que son miel est jaune et plus
liquide que celui de V’Abeille domestique. Il ajoute qu'il est
excellent, et porte, dans le pays, le nom de goülar Fani,
sucre d’Abeille. Musée royal.
11. Aris FasciéE. — Apis fasciata. Latr. Mém. Ann. du
‘ Mus. 27° cah. p. 171, F.. ’
Antennæ nigræ, in tuberculo testaceo insertæ. Caput et
thorax nigra ; griseo pubescentia, scutello testaceo. Ab-
domen piceo-nigrum ; segmentis primo testaceo , margine
tenui piceo-nigro ; secundi , tertiique basi testace&, omni-
bus, præsertim ad basim, griseo villosis. Pedes picei,
griseo pillosi. Alæ hyalinæ, nerpuris testaceïs.
D'un brun noirâtre. Duvet d’un gris jaunâtre sur le sommet
de la tête, le corselet et la base des segmens de l’abdomen ;
écusson, les deux premiers segmens de l'abdomen et la base du
troisième rougeâtres; celui-ci, du reste, et les suivans d’un
gris cendré ; bord postérieur de tous d'un brun foncé. Ailes
transparentes ; nervures roussâtres. Ouvrière.
M. Savigny a trouvé cette Abeille soignée par les habitans,
en Egypte, comme l’est ici Abeille domestique. Musée royal
et celui de M. le comte Dejean.
12. Apis pes NÈGRES. — Apis Nigritarum. %, W.
Antenncæ ge 4 tuberculo testaceo insertæ. Caput et
thorax nigra ; griseo villosa , scutello testaceo. Abdomen
Lés À
DES HYMÉNOPTÈRES. 407
nigrum , segrnenti primi testacet margine tenui nigro , se-
cundi bas testaced ; omnibus, præsertim ad basim, griseo
villosis. Pedes nigri, griseo villosi. Alæ hyalineæ.
Antennes noires, insérées sur un tubercule testacé. Tête et
corselet noirs, à poils grisâätres; écusson testacé. Abdomen
noir; premier segment testacé, avec le petit bord inférieur
noir; le deuxième à base testacée ; tous ayant des poils gris ,
surtout sur leur base. Pattes noires, à poils gris. Ailes trans-
parentes. Ouvrière.
Afrique : Congo. Musée du général comte Dejean.
2 Tant. MÉLIPONITES.
Caractères. Femelles dépourvues d’aiguillon.
Ailes : les nervures de la partie inférieure peu dis-
tinctes ou nulles.
Une radiale fort large, s’alongeant en pointe pour
THPRATE la côte (ou nervure extérieure) de l'aile,
près du bout de celle-ci.
Trois cubitales mal tracées, les nervures qui les
séparent étant peu distinctes , la deuxième recevant la
première nervure récurrente ; la troisième n atteignant
pas le bout de l'aile.
Deux cellules discoïdales complètes ; les cellules du
limbe confondues avec la troisième discoïdale qui
est incomplète.
_ Ocelles disposés sur une ligne transversale presque
droite. | ;
| Crochets des tarses simples. Point de dent à la base
du premier article du tarse postérieur.
Espèces appartenant a l'Amérique méridionale e et
aux Îles de la Sonde.
408 HISTOIRE NATURELLE
Histoire des Méliponites.
Aucun des peuples anciens, que l’histoire nous a
fait connaître , n'avait essayé d'amener, par la cuisson,
le principe sucré à l’état de cristallisation. Nul d’entre
eux n’en avait entrepris l'extraction. Cependant, quoi-
que les vastes régions qui entourent la Méditerranée,
et s'étendent à une distance assez considérable de ces
bords, et qui ont été les premiers le séjour de la
civilisation, ne produisent pas la canne à sucre; elles
produisaient néanmoins plusieurs plantes, desquelles,
comme par exemple de la betterave, le sucre pouvait
s’extraire et être amené à la cristallisation. L'Inde et la
Chine n'étaient pas plus avancées sur ce point que les,
pays dont je viens de parler. Il serait plus étonnant que
les peuples de l'Amérique , qui avaient la canne à sucre ,
n’en aient pas été les inventeurs, si la civilisation eût
été plus développée chez eux, qu’elle ne fût trouvée
lors de la conquête. Ceux de ces peuples qui avaient
la canne à sucre, se contentaient d’en sucer le jus
comme chose agréable, et quelquefois de lé mêler à
leurs alimens. Mais tous les peuples paraissent avoir
fait attention au miel, et l'avoir récolté avec soin.
Nous avons vu que les Apiarites ( Genre Æpis) sont
cantonnés dans l’ancien continent , et que leurs espèces
sont assez dispersées dans les parties chaudes et dans
les tempérées pour qu’un grand nombre de peuples
puissent, sans peine, se procurer l'usage de cette
substance sucrée. Je pense que c’est à cette facilité
qu'il faut attribuer le peu d'attention long -temps
apportée aux végétaux saccharifères. Sous ce point de
vue, les Américains de la partie chaude de ce conti-
DES HYMÉNOPTÈRES. 409
nent, surtout de la méridionale, avaient recu le
même bienfait de la Providence, et les Méliponites
(genre Mélipona) remplacent les Apiarites, qui ne
s'y trouvent pas, et même par la multiplicité bien
supérieure des espèces , elles donnent beaucoup plus
de facilité pour la récolte du principe sucré.
Les Méliponites n'ayant point d'aiguillon , il est aussi
plus facile de leur enlever leurs provisions. Cependant
on pourrait induire, de divers récits, que, de même
que certains genres de la tribu des Formicites, les
femelles sont pourvues de glandes vénénifères ; mais
l’on concoit que l’éjaculation de la liqueur, sur la peau
des sauvages, produit bien peu d'effet , et protége mal
leurs provisions contrée ceux-c1, qui savent , au reste,
employer la fumée pour chasser ces industrieuses
Hyménoptères du nid qui leur avait coûté tant de
peines à construire el à approvisionner,
Les Méliponites n'ont point été observées régulière-
ment par des entomologistes. Quelques naturalistes
seulement, plus occupés d’autres parties des sciences
naturelles que de l’'Entomologie, en ont dit quelques
mots, plutôt sur des rapports que d’après leur propre
observation.
Ge qui paraît certain, c’est que la société des Mélipo-
nites est composée, comme celle des Abeilles , de deux
modifications du sexe féminin, savoir une ou plusieurs
femelles fécondes, (je penche à croire à l'unité), d’un
grand nombre de femelles infécondes, et de mâles.
Leurs gâteaux sont composés de deux rangs de cellules
opposés : ceux-là sont placés, comme dans les Apis,
perpendiculairement à l'horizon, et par conséquent la’
longueur de chaque cellule s'étend parallèlement à
l'horizon : ces cellules sont hexagones , et leur fond
410 HISTOIRE NATURELLE
pyramidal. Nous allons rapporter ici ce qu’en disent
quelques naturalistes, plus croyables que les autres,
qui ont parcouru le Brésil, pays où les Mélipones
sont extrémement communes , et connues sous le nom
commun d'Abelhas.
Le prince de Wied Neuwied (1) rapporte les faits
suivans (t.1°*, p. 217) : « Les Pourys, peuple sau-
» vage, habitant entre la mer et [a rive septentrionale
» du Paraïba , et s'étendant jusqu'au Rio Pomba , dans
» le gouvernement de Minas Geraës, apportent fré-
» quemment, pour échange, de grosses boules de cire.
» qu'ils recueillent dans le creux des arbres qui ser-
» vent de ruches aux Abeilles. Ils emploient cette
» cire, de couleur brune noire, à la fabrication de
» ES flèches et de leurs arcs, et en font aussi des
bougies qu ils vendent aux Portugais : elles brülent
» fort bien. » (Même tome, p. 380. ) « On récolte, à
» Ponte de Gentio, beaucoup de miel ; que fournissent
» dés Abeilles ; jaunes dépourvues PURES Pour se
» les procurer, on suspend , sous les toits, des tron-
» cons de branches d'arbres creusées, dont on bouche
» l'extrémité avec de l'argile , et on laisse au milieu
» un petit trou rond. Ce miel est très- aromatique ,
» mais il n’a pas autant de douceur que celui d'Eu-
» rope. On prépare ici une boisson agréable et ra-
» fraîchissante , en mélant ensemble de leur miel
» et de l’eau.» (t. IT, p. 49.) « Un sauvage, Boto-
coudy de nation, ARS nommé Sinam, guérit
» M. Feldner d’une fièvre AATR e avec une écuelle
>
2
(1) hd au Brésil. dans les années aBu5, 1816, Bu : ; par
S. A.S. Maximilien, prince de Wied Neuwied. Traduction
d'Eyriès, ‘ a)
DES HYMÉNOPTÈRES. 4ii
» de miel qu'il alla lui chercher. M. Feldner, après
» l'avoir prise, eut une sueur très-abondante, et fut
» débarrassé de son mal, » (Même tome, p. 5o et 51.)
« Les sauvages Patachos apportaient à vendre, à la
» Villa do Prado, de grosses boules de cire noire. »
(Même tome, p. ere « Le miel sauvage est, aussi
» fréquemment que les fruits , l'objet pour lequel les
» sauvages Botocoudis montent aux arbres les plus
» hauts. Au reste, ils recherchent , dans cette occa-
» sion, non-seulement cette production si abondante
» cr ces forêts, mais surtout la cire, qui leur est
indispensable pour plusieurs de leurs ouyrages. Les
» espèces d’Abeilles sauvages, dont quelques-unes
» n’ont pas d'aiguillon, sont extrêmement nombreuses
» dans les immenses forêts de l'Amérique méridio-
» nale, et donneraient beaucoup d'occupation à un en-
» tomologiste. Le miel n’est pas si doux que celui
» Se , mais le goût en est très-aromatique. Il
» faut des instrumens aigus pour le tirer des branches
» creuses des arbres élevés. » (t. LIT, p. 166.) « Aux
» environs d’ Arragal da Conquesta , de sauvages Ca-
macans véndent du miel, qu'ils recueillent en quan-
tité dans les forêts. Cette substance est un des mets
» qu ‘ils aiment le plus. »
M. Auguste de Saint-Hilaire, à qui la botanique
du Brésil a de si nombreuses obligations ; dans la rela-
tion de son voyage (1), rapporte aussi des faits relatifs
aux Mélipones.
« On prétend (t. IT, p. 370) que les habitans du
» Sertao, qui mangent habituellement du poisson
ÿ
ÿ
CA
G) Voyage dans l'intérieur du Brésil, première partie ; Voyage
dans les proyinces de Rio- Janeiro et Minoës | Géraës.
|
412 HISTOIRE NATURELLE
>
LA
»
LA
»
»
assaisonné avec du mielsauvage, sont très-sujets à la
lèpre. Il ne faut pas s'étonner s'ils emploient le miel
comme aliment. Il existe dans cette contrée, dans la
province des Mines en général, et probablement dans
toutes les parties chaudes du Brésil, un grand nombre
d'espèces différentes d’Abeilles , qui fournissent un
miel très-limpide et exempt de cet arrière-goùt
désagréable qu'a celui d'Europe. On considère ce
miel comme très-médicinal, et il se vend quatre pa-
taques (18 francs) les trois bouteilles. Plusieurs des
Abeilles de la province des Mines font leur nid
dans ja terre : un plus grand nombre le construisent
dans les arbres. Aucune d'elles n’a d’aiguillon; ce-
pendant une espèce qu'on nomme Z'ataira laisse,
à ce qu'on assure, échapper par l'anus une liqueur
brülante, et c’est ordinairement la nuit qu'on lui
enlève son miel. Les espèces appelées Urucu bot,
Sanharo, Bura bravo, Chupé, Arapua et Tuti,
se défendent quand on les attaque ; mais il paraît
qu'elles n'ont pas plus d’aiguillon que les autres, et
qu’elles se contentent de mordre. Ceux qui cher-
chent le miel des Abeilles, abattent ordinairement
les arbres où elles se logent , et détruisent sans pitié
les œufs et les nymphes. Quelques-uns scient la par-
tie de l’arbre où ces Insectes ont fait leur nid, et la
suspendent horizontalement au-dessous du toit de
leur maison. On a imaginé, du côté de Sabara, un
moyen de multiplier ces Abeilles qui a parfaitement
réussi. Pendant qu’elles sont aux champs, on tire de
la ruche quelques-uns des gâteaux qui contiennent
les nymphes et les œufs, et on les met dans une
» ruche nouvelle, qu'on a soin de parfumer avec de
* l'encens. Une partie des Abeilles adopte la nouvelle
=
»
>Ë
»
>
S
4
DES HYMÉNOPTÈRES. 413
ruche, et celle-ci se remplit bientôt de miel et de
cire. Au reste, toutes les espèces d'Abeilles ne peu-
vent pas s'enlever pour être placées près des maisons :
la plupart abandonnent leur demeure , lorsqu'on les
transporte, et il n’en est, m'a-t-on assuré, que trois
espèces qui s'accoutument à cette sorte de domesti-
cité. Les Abeilles de Minas Géraës , et probablement
d'une grande partie du Brésil, sont extrêmement
familières ; elles viennent se poser sur les mains,
sur le visage, et se laissent prendre sans peine. On
verra, dans ma troisième relation, combien je fus
incommodé, sur la route de Goyaz à Saint-Paul, par
une petite espèce d'Abeille, qui était sans cesse sur
mon visage et entrait dans mon oreille. La plupart
d’entre elles ont une odeur agréable qu'elles emprun-
tent des fleurs, sur lesquelles elles vont chercher leur
nourriture. Le plus grand ennemi de ces Insectes , si
innocens et si utiles , est sans doute l’homme ; mais
ils en ont un grand nombre d’autres, principalement
plusieurs sortes d'oiseaux et de petits lézards. Les
Tatous, en particulier, détruisent les espèces qui font
leur nid dans la terre. Les Abeilles connues dans le
Sertao sont les Mandacaia, Jataï, Monduri, Urucu,
Ürucu boi, Bura manso, Bura bravo, Sanharà,
Iraté, Sete-Portas, Mumbuca, Marmelada , Chupé,
Arapua, Tataira, Tubi. MM. Spix et Martius,
qui ont donné quelques détails sur les Abeilles du
Sertao, ne font pas mention de l'espèce appelée
Tubi; mais, en revanche, ils en nomment plu-
sieurs autres dont je n’ai pas entendu parler, savoir :
Mamdubicha, Mondaguira, Cabeca de latao,
Caga fogo, Vamos ombora , Cabiguara, Abelha
de capim, Preguicoso grosso, fino et mosquito. Les
41 4 HISTOIRE NATURELLE
» mêmes $aväns distinguent en outre l'Urucu, en
» Uruçu dc Chäo, de Pao, boi et pequeno ; l’'Abeille
» Jataï, en bunde et pequeno ; Marmelada , en preta
» et branca ; Monduri, én preto, vérmelho, legttimo
» mirim et papaterra. Quant au Pora dés mêmes sa-
» Vans} cé h’est certainement que le Bura, dont la
» prenait allemande aura fait changer l'ortho-
» graphe. Les môts sete portas (sept portes), marme-
» lada (marmelade), cabeca de latao (tête de cuivre
» rouge), caga Jogo (excrément de feu), vamos em-
» bora (allons-nous-en);, preguicoso grosso, fino et
» mosquito (paresseux gros, menu et moustique),
» sont portugais. Les autres sont indiens : Sanharo,
» écrit Canar6 dans le Tesoro de la lingua Garani,
» veut dire Abeille rouge, T'ataira vient évidemment
» de tatard, mot qui désigne aussi une Abeille rouge ;
» Urucu signifie vermillon ; Mondori est simplement
» une Abeille ; ; Träity signifie cire; Mombuca, faire
» sortir une chose; Z'obi, aigu; enfin, Mundubina
» vient peut-être de monbu, percer. » (Je ne rapporte
ici cette liste fastidieuse de noms que pour engager les
entomologistes, observateurs et collecteurs en même
temps , à rapporter ces noms vulgaires aux espèces , en
étudiant leurs mœurs.) « Les Abeilles qui font le
» meilleur miel sont lés Jatäï, Mondura, Mandacaia,
» Marmelada et Urucu; les espèces qui en donnent là
» plus grande quantité sont les Uruçu et Mumbuca.
» La cire des Abeilles du Brésil est noirâtre, et, jus-
» qu'àprésent, on à inutilement essayé de la rendre
» blanche; cependant on l’emploie pour faire de ces
» petites bougies menues qui se plient et se mettent
» dans la poche. On verra néanmoins, dans mon
» Voyage à Goyaz, qu'un homme de Villa Boà a ob-
DES HYMÉNOPTÈRES. 415
» teriu des succès par des blañehMe ns réitérés.
» MM. Spix et Martius disent encore que les divers
» miels du Sertao présentert entre eux de grandes dif-
» férences, et que quelques-uns sont un véritable pai-
» son, tel que celui de l’Abeiïlle Mundubinba , dont la
» couleur est verte, et qui purge violemment. Les
» habitans du Sertao, ajoutent les mêmes savans, ont
» observé que le miel de la même sorte d’Abeille est
» nuisible ou utile dans différentes saisons de l’année,
selon qu’il a été recueilli sur telle ou telle espèce de
plante. »
D'après ce qu’on vient de lire, il est aisé de voir
que les plus savans voyageurs ne nous mettent point
à même de juger, en quoi les habitudes morales des
Mélipones diffèrent de celles des véritables Abeilles.
Aucun d'eux, même M. de Saint-Hilaire, à qui l’on
verra que nous devons la connaissance de plusieurs
espèces qu'il a rapportées du Brésil, ne nous dit si les
sociétés de ces Hyménoptères sont durables ou an-
nuelles ; si cette société ne possède qu'une seule femelle
féconde ou plusieurs ; on ne nousindique pas la forme
ni la situation des gâteaux, ni celle des alvéoles; on
ne nous dit point si les Mélipones multiplient leurs
colonies par essaims. Bien plus, ceux qui nous ont
rapporté des Mélipones, n’ont point rapporté d'espèces
complètes. Nous ne possédons guère que des femelles
infécondes de ce genre ; toutes les femelles fécondes et
la plupart des mâles nous sont inconnus. Puisse un
jour cet oubli être réparé par un observateur attentif !
C’est un fait remarquable, que les Mélipones n’ont
pas, au premier article du tarse postérieur, la dent
à l’aide de laquelle les espèces du genre Abeille reti-
rent les plaques de cire brute des cavités ou loges
>
416 HISTOIRE NATUKELLE
ventrales où elle se forme. Cela suppose de grandes
dissemblances dans les mœurs, quoique, d’après l'ac-
cord des voyageurs, il soit impossible de douter qu’elles
fassent de la cire.
Gewre MÉLIPONA. — MELIPONA.
SYNoNYMIE. Melipona Latr. Reg. Anim. Illig. Klug.—Tri-
gona Latr. Jur.— Apis Oliv. Encyc. Fab.— Centris ? Fab.
Pour l'histoire du genre, voyez celle de la tribu , et pour
le caractère, celui de cette même tribu, qui ne renferme
que ce genre.
Espèces connues du genre Mélipona.
Ire DIVISION. Abdomen convexe en dessus; ventre à peine
. caréné. Melipona Latr.
1. MÉLIPONA À QUATRE BANDES. — Melipona quadrifas-
ciata. X, F..
Antennæ piceæ , anticè subluteæ. Caput nigrum , ni-
gro villosum , mandibulis apice piceis. Thorax niger,
nigro villosus. Abdomen suprà , segmentis primo rufo-
piceo, macul& laterali parvé lute& ; secundo rufo, fasciä
lute& interrupté ; tertio, quarlo, quintoque rufis fasciä
luted; ano rufo: subtus albido villosum. Pedes piceo-
ruft, plis minûs ve nigro-fusci, villosi; tarsis dilutioribus.
Alæ basi præsertim rufo-fuscescentes.
Antennes brunes , un peu jaunâtres à la face antérieure.
Tête noire; ses poils, peu nombreux , noirs ; bout des mandi-
bules brun. Corselet noir ; ses poils noirs. Dessus de l’abdo-
men : premier segment d'un roux brun , avec une petite tache
jaune sur les côtés; le deuxième roux, portant une bande
jaune interrompue ; les troisième, quatrième et cinquième
DES HYMÉNOPTÈRES. 417
roux, portant une bande jaune ; anus roux ; dessous de l’ab-
domen d’un roux brun ; ses poils blanchätres. Pattes d’un roux
brun, plus ou moins mêlé de nuances noires; tarses plus
clairs. Ailes roussâtres , plus foncées vers la base. Ouvrière.
Du Brésil : contrée des Missions. Apportée par M. de Saint-
Hilaire, que nous avons cité plus haut. Musée royal de
France.
2. Mériroxa voisine, — Melipona vicina. %, F.
Antennæ nigro-piceæ, anticè ab articulo tertio testa-
ceæ. Caput et thorax nigra, nigro villosa. Abdomen
nigrum , segmentorum supra , primi maculé parvé late-
rali luted , secundi lineol& utrinque ad dorsum emargi-
natä, subattenuat&, lute& ; tertit, quarti, quintique fus-
cid marginali interrupté luteä; ano testaceo , nigro mar-
ginato. Pedes nigri, nigro villosi, Alæ testaceo-fuscæ.
Antennes d’un roux brun; leur face antérieure testacée, à
partir du troisième article jusqu'au bout. Tête et corselet noirs;
leurs poils noirs. Abdomen noir ; dessus du premier segment
portant de chaque côté une petite tache jaune; celui du
deuxième portant de chaque côté une petite ligne jaune , dont
le bout , vers le dos de l'abdomen, est rétréci et paraît comme
échancré ; dessus des troisième, quatrième et cinquième seg-
mens portant, sur son bord postérieur, une bande jaune inter-
rompue ; anus testacé bordé de noir. Pattes noires; leurs poils
noirs. Ailes d’un testacé brun, Ouvrière.
Du Brésil : contrée de Rio-Grande. De Saint-Hilaire, Musée
de France.
3. MéLipona AxTuImioinE. —/elipona anthidioides. X, F..
Antennæ nigro-piceæ , anticè dilutiores. Caput et tho-
rax niora, nigro villosa. Abdomen supra segmento
primo piceo, maculé utrinque lute&; secundo, tertio,
quarto , quintoque nigris fascid mullum interrupté luted;
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 2
418 HISTOIRE NATURELLE
ano nigro; subtüs piceo-rufum. Pedes piceo-nigri. Alæ
præsertim basi rufo-fuscescenies.
Antennes d'un brun noirätre, plus claires à leur face anté-
rieure, Tête et corselet noirs; leurs poils noirs. Dessus de l’ab-
domen : premier segment brun, avec une tache jaune sur
chaque côté ; les deuxième , troisième , quatrième et cinquième
noirs, portant chacun une bande jaune très-interrompue dans
son milieu}; anus noir; dessous de l'abdomen d’un roux brun.
Pattes d’un brun noirâtre. Ailes roussâtres, plus foncées à
leur base. Ouvrière et mâle. Celui-ci a le sixième segment
de l'abdomen conforme aux précédens,
Du Brésil : capitainerie des Mines. De Saint-Hilaire. Musée
de France.
4. Mércipona À GINQ BANDES. — MWelipona quinque-fas-
Ciata. *, PF.
Antennæ nigro-fuscæ , anticè apiceque testaceæ. Ca-
put piceum, rufo villosum , clypei margine infero lineä-
que perpendiculari et mandibulis testaceis. Thorax suprà
niger, subis piceus, rufo-villosus. Abdomen nigrum ;
segmentorum omnium margine infero luteo, in lateribus
extenso ; ano nigro : subtùs nigrumn, rufo subvillosum. Pe-
des quatuor antici testacei, genubus nigris ; postici duo
similes, Larsorum articulo primo extüs piceo-nigro. Alæ
rufo-subhyalinæ.
Var. Pauld major, F.
Antennes d’un brun noirâtre ; leur partie antérieure testa-
cée , ainsi que le bout. Tête brune, ses poils roux ; chaperon
ayant son bord inférieur et une ligne, perpendiculaire au milieu,
testacés ; mandibules de cette dernière couleur. Corselet noir en
dessus , brun en dessous ; ses poils roux. Abdomen noir, bord
inférieur de chacun des segmens jaune, cette couleur s'éten-
dant sur les côtés ; anus noir : dessous de l’abdomen portant
REC UP ES US US
DES HYMÉNOPTÈRES. : 149
quelques poils roux, Pattes : les quatre dernières téstacées,
avec les genoux noirs ; les deux postérieures semblables aux
précédentes , si ce n’est que la partie externe du premier article
du tarse est d’un brun noirâtre. Aïles assez transparentes,
mais roussâtres. Ouvrière.
Variété. Un peu plus grande. Ouvrière.
Du Brésil : contrée des Missions, — Far. Capitamerie de
Saint-Paul. Musée de France.
5. Mézrpona cuanxcée. — Melipona mutata, .
Melipona favosa ? 1lig.
Antennœ testaceæ , articulo primo supra nigro. Caput
nigrum , rufo villosum , ore pallidè rufo; mandibularum
apice et clypei maculis duabus piceis, line& ad oculos pal-
lidè rufä. Thorax niger, suprà et lateribus rufo villosus.
Abdomen suprà ferè glabrum , nigrum , segmentorum
margine infero albido; ano nigro : subtüs albido subvil-
losum. Pedes nigri, rufo villosi. Alæ hyalinæ, nervuris
testacets.
Antennes testacées ; le premier article noir en dessus. Tête
noire , à poils roux ; bouche d’un roux pâle; bout des mandi-
bules brun ; deux taches de cette couleur sur le chaperon ; une
ligne rousse près des yeux. Corselet noir ; le dos et les côtés
ayant des poils roux ; ceux du dessous blanchâtres ; : anus noir.
Pattes noires, à poils roux. Aüles transparentes ; nervures tes-
tacées. Ouvrière.
Cayenne. Musée de M. Serville,
6. MÉLiIPONA RUCHAIRE. — Melipona favosa. Latr. Gen.
Crust. et Ins. vol. IV, p. 182, 7.
Apis favosa Lat. Mém. Ann du Mus. 27° cah. p. 175,
n° 9; Mém. Ann. du Mus. t. EV, 1804, PI. 69, fig. 6 et 8.
— Fab. Piez, ne 15.
27.
420 HISTOIRE NATURELLE
Trigona favosa Jur. Hymén, p. 246, Encyc. t. X,
p-710,n°1.
Antennæ fuscæ, subtus et apice testaceæ. Caput nt-
grum, rufo villosum ; labro et mandibulis Jerrugineis ,
apice nigris ; clypeo pallido, lineis duabus fuscis, orbit&
oculorum albidä. Thorax niger, rufo villosus. Abdomen
niorum; suprà segmentorum fasci& submarginali albidä
in qué linea utrinque nigra ; subtüs albido villosum ; ano_
albido villoso. Pedes picei, albido subvillosi, tarsis rufo
villosis. Alæ hyalinæ ; nervuris testaceis.
Antennes brunes ; le dessous et le bout testacés, Tête noire,
ses poils roux ; labre et mandibules ferrugineuses, leur bout
noir ; chaperon pâle, portant deux lignes brunes; orbite des
yeux blanchâtre. Corselet noir, ses poils roux. Abdomen noir ;
dessus de chaque segment portant , près du bord inférieur, une
bande blanchätre , de laquelle chaque extrémité contient une
ligne noire, Anus et dessous de l’abdomen ayant quelques poils
blanchâtres. Pattes brunes , ayant des poils blanchâtres ; ceux
des tarses roux. Aïles transparentes ; nervures testacées, Ou-
priere.
Cayenne. Musée de M. le général Dejean.
7. Mécipoxa DE SamwT-Hinaime. — Melipona Sant-
Hilarü. F, %.
Antennæ nigræ, articulo primo baseos testaceo. Caput
nigrum , rufo villosum ; oculorum orbit& anticè clypeique
line perpendiculari luteis. Thorax niger, rufo villosus.
Abdomen subtüs nigrum ; suprä primi segmenti margine
infero tenui luteo ; secundo nigro, parte posticä usque ad
medium luted; tertio, quarto, quintoque luteis, basi
tenui nigrä ; ano nigro. Pedes testacei; antici duo tibia-
rum apice tarsisque externè nigris; poslici quatuor ge-
nubus insupèr nigris. Alæ rufo subhyalinæ.
Antennes noires ; leur premier article testacé, Tête noire,
DES HYMÉNOPTÈRES. 421
à poils roux ; orbite antérieure des yeux jaune ; une ligne per-
pendiculaire de cette dernière couleur sur le chaperon. Corselet
noir, ses poils roux. Abdomen noir en dessous ; en dessus,
premier sesment terminé postérieurement par une ligne étroite
jaune; le deuxième noir dans sa moitié antérieure , la posté-
rieure jaune ; les troisième , quatrième et cinquième jaunes,
leur base occupée par une ligne noire étroite ; anus noir. Pattes
testacées ; les deux antérieures ayant le bout des jambes et la
face externe des tarses noirs ; les quatre postérieures ayant de
plus les genoux noirs. Ailes assez transparentes, roussâtres,
Ouvrière.
Du Brésil : province de Rio-Janeiro. Rapportée, comme la
plupart de ces espèces, par le savant botaniste M. Auguste de
Saint-Hilaire, Musée royal de France.
8. MéLrpona rOUx-vVENTRE. — Melipona rufiventris, V,%.
Antennæ testaceæ, posticè fuscæ. Caput piceum , rufo
villosum , oculorum orbit& anticä, clypei margine infero
limäque perpendiculari medi& testaceis. Thorax niger,
rufo villosus. Abdomen testaceum , supra subtüsque rufo
subvillosum ; ano nigro villoso. Pedes testaceo-fusci, ni-
gro subvillosi. Alæ rufo subhyalincæe.
Antennes testacées; leur partie postérieure brune. Tête
brune; ses poils roux: orbite antérieure des yeux testacée ;
chaperon ayant son bord inférieur de cette dernière couleur,
qui est aussi celle d’une bande perpendiculaire dans son milieu.
Corselet noir ; ses poils roux. Abdomen entièrement testacé ,
avec quelques poils roux ; ceux de l’anus noirs. Pattes d’un
testacé brun , avec quelques poils roux. Ailes transparentes ,
roussâtres. Ouvrière.
Du Brésil. Musée de France,
9. Mézipoxa FAUvE.— MWelipona fulva, F,%.
Antennæ testaceæ suprà fuscæ. Caput testaceum , rufo
42% HISTOIRE NATURELLE
villosum, mandibulis apice nigris. Thorax testaceus ,
suprà et lateribus fulvo villosus, subtus albido villosus.
Abdomen fulvo-testaceum, supra subglabrum , subtüs
rufo subvillosum. Pedes testacei, rufo villosi. Alæ sub-
testaceo-hyalinæ, nervuris testaceis.
Antennes testacées, brunes en dessus. Tête testacée , ses
poils roux ; bout des mandibules noir. Corselet testacé ; les poils
du dos et des côtés fauves; ceux du dessous blanchâtres. Abdo-
men d’un testacé tirant au fauve, presque sans poils en dessus ,
en ayant quelques roux en dessous. Pattes testacées à poils
roux. Ailes transparentes , un peu testacées; nervures testa-
cées. Ouvrière.
Amérique méridionale. Rapportée par le célèbre botaniste
M. Richard. Musée de M. Serville.
10. MÉLIPONA PANACRÉE, — WMelipona mixta, V, %.
Antennæ nigræ, intus testaceæ. Caput nigrum , nigro
villosum , clypeo in medio subpiceo. Thorax niger, nigro
villosus. Abdomen suprà sezmento primo piceo-nigro ,
margine infero testaceo ; secundi testacei basi piced,
cæteris testaceis luteo submixtis ; ano fusciore : subtüs
piceum. Pedes nigri, nigro villosi. Alæ testaceæ sub-
hyalinæ.
Antennes noires , lenr partie intérieure testacée. Tête noire,
ses poils noirs; milieu du chaperon brun. Corselet noir, ses
poils noirs. Dessus de l’abdomen : premier segment d’un brun
noirâtre , avec le bord postérieur testacé ; le deuxième testacé ,
sa base brune ; les autres testacés, un peu mêlés de teintes
jaunes ; anus plus brun : dessous de l’abdomen brun. Pattes
noires ; leurs poils noirs. Ailes transparentes , testacées.
Ouvrière.
Du Brésil : capitainerie de Rio-Janeiro. Musée de France.
tn + état ie dr tdi
DES HYMÉNOPTÈRES. 423
11. MÉcipona sicoLorEe. — Welipona bicolor, F, *%.
Antennæ nigræ, apice præsertim subtus testaceæ. Ca-
put nigrum, rufo villosum , orbitd oculorum clypeique
line& perpendiculari testaceis. Thorax niger, rufo villo-
sus. Abdomen nigrum , pallido subvillosum. Pedes nigri ,
pallido rufoque subvillosi. Alcæ rufo-subfusceæ.
Antennes noires ; leur bout, surtout en dessous, testacé.
Tête noire, ses poils roux; orbite des yeux testacée, ainsi
qu’une ligne perpendiculaire sur le chaperon. Corselet noir, ses
poils roux. Abdomen noir, ayant quelques poils d'un roux
pâle. Pattes noires , leurs poils roux ou blanchâtres. Ailes d’un
roux brun. Ouyrière.
Du Brésil : capitainerie de Rio-Janeiro, Musée de France.
12. Mézrrona noire. — Melipona nigra, V, %.
Antennæ nigræ, apice subpicece. Caput nigrum, oculo-
. ro (4 . ; h
rum orbité clypeique line& perpendiculari testaceis. Tho -
rax niger, rufo villosus. Abdomen nigrum, pallido ru-
ove subvillosum. Pedes nigri, pallido villosi. Alæ
| (=) P
hyalinæ.
Antennes noires, leur bout moins foncé. Tête noire; orbite
des yeux testacée, ainsi qu'une ligne perpendiculaire sur le
milieu du chaperon. Corselet noir , ses poils roux. Abdomen
noir, ses poils, en petit nombre, roux ou pâles. Pattes noires,
leurs poils pâles. Ailes transparentes. Ouvrière.
Du Brésil. Musée de France.
13. Mécirona ENFUMÉE. — Welipona fuliginosa, V, %.
Antennæ pallideæ , fusco posticè lineatæ. Nigra, nioro
villosa; ore pallide testaceo. Abdomen subelongatum.
424 HISTOIRE NATURELLE
Femora duo postica , et tibiæ ejusdem paris nigro-testa-
cea. Alæ hyalinæ, nervuris pallidis,
Antennes pâles, portant une ligne brune sur leur partie pos-
térieure. Noire, ses poils noirs. Bouche d’un testacé pâle.
Abdomen un peu alongé, Les deux cuisses postérieures et les
jambes de la même paire de pattes, d'un testacé brun. Aïles
transparentes ; nervures pâles. Mäle.
De Cayenne. Apportée par M. le docteur Doumerc. Musée
de M. Serville.
14. Méripona BRUNE. — Melipona fuscata , V, %.
Antennæ nigræ , subtùs piceæ. Caput thoraxque nigra,
nigro villosa. Abdomen piceo-nigrum , nigro subvillosum ,
sezmentorum margine inferiort fusco-testaceo. Pedes
piceo-testacei. Alæ subtestaceo-hyalinæ, nervuris tes-
taceis.
Antennes noires , brunes seulement en dessous. Tête et cor-
selet noirs; leurs poils noirs. Abdomen d’un brun noirûtre,
ses poils noirs ; bord inférieur de chacun des segmens d’un
testacé brunâtre. Pattes d’un testacé brunâtre. Ailes transpa-
rentes, un peu festacées ; nervures testacées. Ouvrière.
Du Pérou, Musée de M. Serville.
15. MécipoxaA BORDÉE. — Melipona marginaia, F, *.
Antennœæ nigræ , apice subpiceæ. Caput nigrum, or-
bit& oculorum clypeique line. perpendiculari luteis.
Thorax niger, cinereo villosus, margine laterali scutello-
que luteis. Abdomen testaceum, segmentorum margine
sublutescente. Pedes nigri, tibiis omnibus et femoribus
duobus posticis in medio testaceis. Alæ hyalinæ, nervuris
lestaceis.
Antennes noires , leur bout un peu moins foncé. Tête noire ;
DES HYMÉNOPTÈRES. 425
orbité des yeux jaune ; chaperon portant une ligne perpendi-
culaire, en son milieu, de cette dernière couleur. Corselet noir,
ses poils cendrés ; ses bords latéraux jaunes, ainsi que l’écus-
son. Abdomen testacé; le bord postérieur de chacun des
segmens tirant au jaune, Pattes noires ; toutes les jambes et le
milieu des deux cuisses postérieures testacés. Ailes transpa-
rentes ; nervures testacées, Ouvrière.
Moins velue et deux fois plus petite que la Mélipona roux-
ventre.
Du Brésil. Musée de France.
Ile DIVISION. Abdomen triangulaire, court, caréné en dessous.
Trigona Latr.
16. MÉLiPoNA AMALTRÉE. — Welipona amalthea Latr. Res.
Anim. Crust. et Ins. t. IL, 1829, p. 366, F.
Trigona amalthea Serv. et St.-Farg. Encyc. t. X, p.710,
n° 1, — Jur. Hymén. p. 246.— Latr. Gen. Crust. et Ins.
t. LV :p:193.
Apis amalthea Fab. Piez. n° 8. — Oliv. Encyc. n° 102.
— Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. p. 174, n° 10.
Antennæ basi nigræ, apice testaceæ. Caput, thorax
abdomenque nigra, nigro villosa. Pedes nigri, tarsorum
articulo ultimo piceo. Alæ violaceo-fuscæ, apice dilu-
liores.
Antennes noires à leur base, leur bout testacé. Tête, cor-
selet et ahdomen noirs ; leurs poils noirs. Pattes noires, leurs
poils noirs; le dernier article de tous les tarses bruns. Ailes
enfumées à reflet violacé , leur bout moins foncé. Ouvrière.
Deux fois plus grande que la Mélipona rousses-pattes,
Du Brésil. Musée de France.
D’après des observations du docteur Renaud, communi -
quées à M. Olivier, ces Mélipones vivent en société très-
nombreuses. Leur nid, dont la grandeur varie à raison de la
population, a à peu près la figure d’une cornemuse, et dix-
426 HISTOIRE NATURELLE
huit à vingt pouces de long, sur huit à dix de diamètre : ils
sont appliqués contre les arbres. Les alvéoles sont très-grands,
vu la petitesse de l’Insecte. Le miel est très-doux , fort agréa-
ble et très-fluide ; sa couleur est d’un roussâtre obscur. 11 est si
aqueux qu'il fermente peu de temps après avoir été retiré des
alvéoles , et il fournit alors une liqueur spiritueuse que les
Indiens aiment beaucoup, et qui, lorsqu'elle n’est pas vieille ,
est assez agréable au goût, Pour conserver le miel , il faut le
faire cuire à la consistance de nos sirops.'
17. Méripona ROUSSES-PATTES, — Melipona ruficrus, F.
Trigona ruficrus Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah.
p: 176, n° 11. — Jur. Hym. p. 246. — Serv. et Saint-Farg.
Encyc. t. X, p.710:
Nigra, nigro subvillosa : mandibularum basi pedibus-
que posticis testaceo-ferrugineis. Alæ violaceo-nigreæ ,
apice dilutiores.
Noire, avec quelques poils épars noirs. Base des mandi-
bules d’un testacé ferrugineux. Les-pattes postérieures de cette
dernière couleur. Ailes noires , à reflet violet, moins foncées
vers le bout. Ouvriere.
Du Brésil. Musée de M. Serville.
18. Mérirowa PORTE-ÉCUSSON.—/Melipona scutellata, F, >%.
Antennæ nigræ , subtüs et apice piceæ. Caput nigrum,
rufo villosum; clypeo pallido, maculis duabus fuscis.
Thorax niger, rufo villosus, scutello testaceo densè vil-
loso. Abdomen nigrum, segmentorum margine infero
piceo. Pedes nigri, tibiis apice tarsisque testaceis. Alæ
hyalinæ , nervuris piceis.
Antennes noires , seulement brunes en dessous et au bout.
Tête noire, ses poils noirs ; chaperon pâle , portant deux taches
brunes. Corselet noir , ses poils roux ; écusson testacé , très-
chargé de poils. Abdomen noir, bord inférieur des segmens
DES HYMÉNOPTÈRES. 427
seulement brun. Pattes noires. Bout des jambes et tarses tes-
tacés. Ailes transparentes ; nervures brunes. Ouvprière.
Patrie inconnue. Musée de M. Serville.
19. Méripowa MENUE. — Melipona minuta, V, *%.
Nigra, antennis anticè, mandibularumque basi et tar-
sis testaceis; abdominis segmentorum margine infero
pallido. Alæ subhyalinæ , in parte caracteristicé fuscæ.
Noire : face antérieure des antennes testacée, ainsi que la
base des mandibules. Tarses testacés. Bord inférieur des seg-
mens de l’abdomen pâle. Ailes assez transparentes ; une assez
grande tache brune sur une partie des cellules cubitales et dis-
coïdales. Ouvrière.
Plus petite que toutes les précédentes.
Patrie inconnue. Musée de M. Serville.
20. MéLiPonNa BIPONCTUÉE.— Melipona bipunctata, V, %.
Antennæ piceæ , anticè pallidæ ; articulo primo nigro,
anticè testaceo. Caput nigrum, maculé utrinque lute&
ad clypei marginem exteriorem. Thorax niger, nigro
subvillosus. Abdomen nigrum , nigro subvillosum, segmnen.-
tis quarto quintoque maculé è pilis stralis cinereis vil-
losä. Pedes nigri, nigro villosi. Alæ præsertim ad mar-
ginem extleriorem fuscæ.
Antennes brunes , leur face antérieure pâle; le premier arti-
cle noir, sa face antérieure testacée. Tête noire ; une tache jaune
de chaque côté du chaperon , sur son bord extérieur. Corselet
noir, avec quelques poils noirs. Abdomen noir , avec quelques
poils noirs; les quatrième et cinquième segmens portant cha-
cun sur les deux côtés une tache formée par des poils couchés
de couleur cendrée. Pattes noires ; leurs poils noirs. Ailes un
peu brunes , l’étant un peu plus au bord extérieur. Ouvrière.
Taille de la Mélipona rousses-pattes.
Du Brésil : capitainerie des Mines. Musée de France.
428 HISTOIRE NATURELLE
21. MÉLIPONA? AILES TRANSPARENTES. — Melipona? hya-
linata, V, *%.
Antennæ piceæ, apice anticè subdilutiores. Caput ni-
grum, anticè pilis albis raris stratis villosum. Thorax,
abdomen pedesque nigra, cinereo subvillosa. Alæ hyalinæ,
nervuris Leslaceis.
Antennes brunes; la partie antérieure de leur bout un peu
moins foncée. Tête noire ; la face portant quelques poils cou-
chés de couleur blanche. Corselet, abdomen et pattes noirs,
avec quelques poils cendrés. Aïles transparentes ; nervures tes-
tacées. Ouvrière.
Nota. Ayant décrit cette espèce , il y a bien des années, je
doute aujourd’hui qu’elle appartienne à ce genre. Les cellules
cubitales sont plus distinctes que dans les autres espèces. Elle
est un peu plus petite que la Mélipona rousses-pattes.
Du Brésil : capitainerie de Saint-Paul.
22. MÉLIPONA ARGENTÉE. — Melipona argentata, V, %.
Nigra, nigro subvillosa ; capitis inter oculos pube ar-
gented ; mandibularum basi pedibusque duobus posticis
testaceo-nigris Albæ hyalinæ, nervuris testaceis.
Noire, ayant quelques poils noirs ; la face, entre les yeux,
portant un duvet argenté; base des mandibules d’un testacé
noirâtre , ainsi que les deux, pattes postérieures. Aiïles transpa-
rentes ; nervures testacées, Ouvrière.
Patrie inconnue, Musée de M. Serville.
23. MéLrpona FERRUGINEUSE.—MWelipona ferruginea, P,x.
Antennœæ piceo-nigræ, anticè testaceo-pallidæ. Caput
etthorax nigra, pilis brevissimis albidis argenteo submi-
cantibus villosa. Abdomen ferrugineo-nigrunr. Pedes sub-
Jerrugineo-nigri. Ale hyalinæ , nervuris pallidè testaceis.
ae ti À
DES HYMÉNOPTÈRES. 429
Antennes d’un brun noirâtre ; leur face antérieure d’un tes-
tacé pâle. Tête et corselet noirs ; leurs poils courts, blanchätres,
avant un reflet argenté. Abdomen ferrugineux noirâtre. Pattes
noires, tirant un peu au ferrugineux. Ailes transparentes ;
nervures d’un testacé pâle. Ouvrière.
Un peu plus petite que la Mélipona ailes-transparentes.
Patrie inconnue. Musée de France.
24. Mézipona VEUVE. — Melipona vidua, F, %.
Antennæ piceo-nigræ. Caput, thorax, abdomen pe-
desque nigra, nigro villosa. Alæ fuscæ, apice lacteo
vix hyalino.
Antennes d’un brun noirâtre. Tête, corselet, abdomen et
pattes noirs; leurs poils noirs. Ailes rembrunies ; leur bout
d’un blanc de lait, peu transparent, Ouvrière,
Taille de la Mélipona ferrugineuse.
Ile de Timor. Musée de France.
25. MéLiPonA ANTENNES-TESTACÉES. — Melipona testaceti-
cornis, V, *. )
Antennæ testaceæ. Caput ‘nigrum , mandibulis testa-
ceis. Thorax niger, alarum squamdä et scutelli emargi-
nati punctis apicis testaceis. Abdomen nigrum , nigro
subvillosum. Pedes nigri, tarsis (ut videtur) testacers.
Alæ hyalinæ, apice latè fusco.
Antennes testacées. Tête noire ; mandibules testacées. Cor-
selet noir : écaille des ailes testacée ; écusson échancré, sa
pointe postérieure marquée de points testacés. Abdomen noir,
ses poils noirs. Pattes noires ; tarses paraissant testacés, (ils sont
barbouillés d’arsenic dans l'individu que j'ai sous les yeux).
Ailes transparentes; leur bout brun, presque jusqu'a moitié.
Ouvrière.
Deux fois plus petite que la Mélipona veuve.
{Du Brésil : capitainerie de Goyan, Musée de France.
430 HISTOIRE NATURELLE
26. MéLiPona RayÉE. — Melipona lineatæ, V, *%.
Antennæ nigræ, articulo primo anticè luteo. Caput
nigrum , oculorum orbitä antice clypeique lineä perpen-
diculari luteis. Thorax niger, marginibus antico et late-
rali luteis ; scutello infrà luteo marginatis. Abdomen ni-
grum. Pedes nigri. Alæ hyalinæ, nervuris piceis.
Antennes noires ; face antérieure du premier article jaune.
Tête noire ; orbite antérieure des yeux jaune; chaperon por-
tant dans son milieu une ligne perpendiculaire jaune, Corselet
noir ; ses bords antérieur et latéraux jaunes ; écusson bordé in-
férieurement par une ligne de cette même couleur.Abdomen noir.
Pattes noires. Ailes transparentes ; nervures brunes. Ouvrière.
Taille de la Mélipona antennes-testacées.
Du Brésil : capitanerie de Goyan. Musée de France.
27. MÉciIPONA QUATRE-POINTs. — Melipona quadripunc-
tata, V, %.
Antennæ nigræ. Caput nigrum ; clypei maculé subtri
cuspidat& , parte à clypeo ad oculos accedente et lineolà
sub antennarum basi, luteis. Thorax niger, maculà
utrinque ad scutellum et scutelli lineolis duabus luteis.
Abdomen nigrum, subtüs albido villosum. Pedes nigri.
Alæ subhyalinæ, nervuris testaceis.
Antennes noires. Tête noire ; chaperon portant une tache
jaune terminée par trois pointes courtes ; les parties de la face
entre le chaperon et les yeux également jaunes , ainsi qu’une
ligne qui borde l'insertion des antennes. Corselet noir, por-
tant de chaque côté, près de l’écusson, une tache jaune;
l’écusson lui-même chargé de deux lignes jaunes. Abdomen
noir ; les poils du ventre blanchâtres. Pattes noires. Ailes assez
transparentes ; nervures testacées, Ouvrière.
Taille de la Mélipona veuve,
Du Brésil : capitainerie de Goyan. Musée de France.
DES HYMÉNOPTÈRES. 431
28. Mézrpona Iris. — Melipona Iris, V, %.
Antennæ nigræ, Caput nigrum , clypeo luteo. Thorax
abdomenque nigra. Pedes nigri, cinereo villost ; tarsis
intis rufo villosulis. Alæ hyalinæ, nervuris fuscis, mar-
gine postico æneo subnitente, trisanti.
Antennes noires. Tête noire; chaperon jaune. Corselet et
abdomen noirs. Pattes noires, leurs poils cendrés ; dessous
des tarses velouté de roux. Ailes transparentes , nervures
brunes; bords inférieurs ayant un reflet métallique irisé.
Ouvrikre.
Taille de la Mélipona rousses-pattes.
Du Brésil. Musée royal.
29. Mézipoxa six-points.—Melipona sexpunctata, V, %.
Antennæ nigræ , apice piceæ. Caput nigrum , orbitd
oculorum, clypei lineä perpendiculari punctoque utrin-
que laterali luteis. T'horax niger, scutelli lutei apice
pilis fasciculatis fuscis villoso. Abdomen nigrum ; seg-
menti primi lateribus subius testaceis; secundi, tertii
quartique lineolé utrinque laterali luteä. Pedes nigri,
cinereo subvillosi. Alæ subhyalinæ , nervuris testuceis.
Antennes noires ; leur bout brun. Tête noire; orbite des
yeux jaune ; une ligne perpendiculaire sur le milieu du chape-
ron de cette même couleur, ainsi qu'un point sur ses côtés.
Corselet noir; écusson jaune, son extrémité portant des poils
bruns en faisceau, Abdomen noir ; côtés du premier segment
en dessous testacés ; les côtés des second , troisième et qua-
trième segmens portant de chaque côté une ligne jaune. Pattes
noires ; leurs poils cendrés. Ailes presque transparentes ; leurs
nervures testacées. Mäle.
Taille de la Mélipone rousses-pattes,
Patrie inconnue. Musée de France.
432 HISTOIRE NATURELLE
30. MéziponA PALE. — Melipona pailida.
Apis pallida Latr. Mém. Ann. du Mus. 27° cah. p. 177,
n° 12. Otez le synonyme de Fabricius, par les raisons que
nous expliquons plus bas.
Antennæ testaceæ. Caput, thorax, abdomen pedesque
testacea, rufo subvillosa. Alæ subhyalinæ , nervuris tes-
taceis. |
Antennes testacées. Tête, corselet , abdomen et pattes testa-
tacés ; quelques poils roux. Ailes assez transparentes ; nervures
testacées. Ouvrière.
Taille de la Mélipona veuve.
Nota. Dans le mémoire cité, M. Latreille rapporte son
Apis pallida à une espèce du même nom , de Fabricius. Dans
les ouvrages de Fabricius, je ne trouve pas d’Apis pallida ;
mais dans le Supplément de l’Entomologie systématique , se
trouve une Apis pallens (Ent. Syst. Suppl. 276, 110"),
dont la description ne répugne pas absolument à notre Weli-
pona pallida. Mais ,dans son Système des Piézates, Fabricius
fait de cette espèce une ÆZuglossa pallens ( Fab. Piez. n° 4).
Doit-on rapporter, malgré la dissemblance des caractères géné-
riques , l'Æuglossa pallens Fab. comme synonyme du }e-
lipona pallida Latr.? Fabricius a bien transposé des espèces
d’un genre à un autre ; mais ceux-ci sont trop disparates, pour
qu'on puisse lui attribuer pareille erreur.
Du Brésil et de Cayenne. Musée de France. .
31. Méctroxa mi-parTie. — Melipona bipartita , P, *%.
Antennæ teslaceæ ; articulo primo nigro, sequentibus
posticè fuscis, Caput nigrum , clypeo et lateribus luteis.
Thorax niger, cinereo subvillosus. Abdomen testaceum.
Pedes nigri.
Antennes testacées ; leur premier article noir; les suivans
bruns à leur partie postérieure. Tête noire ; le chaperon jaune,
ainsi que les côtés extérieurs de la tête. Corselet noir, avec
| DES HYMÉNOPTÈRES. 433
quelques poils cendrés. Abdomen testacé. Pattes noires.
Ouvrière.
Taille de la Mélipona rousses-pattes.
Du Brésil, Musée de France.
32. Mézipona variée. — Melipona varia, P, *%.
Antennœæ anticè testaceæ, posticè fuscæ. Caputpiceum,
clypeo et oculorum orbit& luteis. Thorax piceus, rufo
villosus. Abdomen testaceum , segmentorum, primi fasciis
duabus vel tribus luteis, secundi basi et margine infero
luteis, terti, quarti quintique margine infero luteo ; ano
luteo. Pedes testacei, femoribus et tibiis posticis elongatis.
Alæ subhyalinæ, nervuris pallidè testaceis.
Côté antérieur des antennes testacé ; le derrière brun. Tête
brune ; le chaperon jaune , ainsi que l'orbite des yeux. Gorselet
brun, ses poils roux. Abdomen testacé ; son premier segment
portant deux ou trois bandes jaunes; le second ayant sa base
et son bord postérieur jaunes ; les troisième, quatrième et
cinquième n’ayant que le bord postérieur de cette couleur :
anus jaune, Pattes testacées ; les cuisses et les jambes plus lon-
gues que dans les autres espèces. Ailes assez transparentes ;
nervures d’un teslacé pâle. Ouvrière,
Taille de la Mélipona pâle.
Du Brésil. Musée de France.
IIIe DIVISION. Abdomen alongé, presque quadrangulaire,
l'angle dorsal seul étant un peu arrondi. Zrigona Latr. — T'e-
tragona Serv. et Saint-Farg. Encyc. t. X, p. 710.
33. MéLironA ALONGÉE. — Melipona elongata, V, %.
Trigona (Tetragona) elongata Serv. et Sant-Farg.
Encyc. t. X, p. 710.
Antennæ anticè luteo-testaceæ , posticè nigræ. Caput
nigrum ; clypeo, maculé& sub antennis oculorumque or-
bité anticé luteis. Thorax niger, rufo villosus, Abdomen
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 28
434 MISTOIRE NATURELLE
elongatum, piceum, segmèntorum omnium margine infero
luteo ; ano testaceo, rufo villoso. Pedes quatuor antici
testacei, tarsis nigris ; postici duo nigri, tibiarum elon-
gatarum basi testaced. Alæ hyalinæ, nervuris pal-
lidis.
Antennes noires ; leur partie antérieure d’un jaune testacé.
Tête noire ;, chaperon jaune , ainsi que lorbite intérieur des
yeux et une tache sous les antenmes, Corselet noir, à poils
roux. Abdomen alongé, brun ; bord inférieur de chacun des
segmens jaune ; anus testacé ; ses poils roux. Les quatre pattes
antérieures lestacées , leurs tarses noirs ; les postérieures noires,
à jambes alongées, celles-ci testacées à la base. Ailes transpa-
reutes ; nervures pâles. Oubrière.
Du Brésil. Musée de France.
34 Méuwona Lonewrrre. — Melipona longula, F, %.
Antennæ nigræ, articulo primo baseos antice luteo.
Caput nigrum. Thorax niger, cinereo subvillosus. Abdo-
men elongatum piceum. Pedes nigri. Alæ hyalin®æ , ner-
vuris pallide piceis.
Antennes noires ; premier article de la base, jaune à sa par-
tie antérieure. Tête noire, avec quelques poils cendrés. Abdo-
men alongé, brun. Pattes noires. Ailes transparentes ;, ner-
vures un peu brunes. Ouvrière.
Du Brésil. Musée de France.
35. Méripona Quarrée. — WMelipona quadrangula, PF, *.
Antennæ anticè luteo-testaceæ , posticè nigræ. Caput
nigrun ; clypeo, maculé sub antennis, oculorumque orbitä
anticé, luteis, Thorax niger, rufo villosus. Abdomen sub-
elongatum , nigrum; segmentorum omnium basi piceé,
Primi latä, cæterorum tenui. Pedes testacei, femoribus
tibiisque posticis nigro maculatis. Alæ hyalinæ, nervuris
pallidè testaceis.
DES HYMÉNOPTÈRES. 435
Antennes noires ; leur partié antérieure d’un testacé jaunâtre.
Tête noire; chaperon jaune , ainsi que l'orbite antérieur des
yeux et une tache sous les antennes. Corselet noir; ses poils
roux. Abdomen un peu alongé, noir; la base de tous les seg-
mens seulement brune ; cette couleur s'étendant notablement
sur le premier, ne formant sur les autres qu'une ligne fort
étroite. Pattes testacées ; les cuisses et les jambes postérieures
tachées de noir. Ailes transparentes ; nervures d’un tesiacé
pâle. Ouvrière.
Du Brésil. Musée de France.
2° LES SOCIAUX ANNUELS,
Les sociétés d’Hyménoptères, dont nous avons
donné jusqu'ici l'histoire, nous ont étonné, soit par
la perfection des procédés employés dans la construc-
tion de leurs demeures, soit par l'attachement durable
que les individus , qui les composent , ont entre eux,
ét surtout par celui qu’elles montrent à chaque instant
pour la mère qui leur a donné la vie. Là point de ré-
volutions , point de dispersions qui en sont toujours
la suite. L'esprit public a, dans ces sociétés, un
fondement solide, qui les rend susceptibles d'une
longue durée ; la volonté de l’homme, ce maître
impérieux de tous les animaux, peut seule les dis-
soudre. Quel est ce lien si fort qui assure la durée de
l'union? On peut croire que ce sont l’amour filial et
l'amour fraternel ; car le but de tous les travaux des
ouvrières est de fournir aux besoins de leur mère et
dés frères et sœurs qu’elle leur donnera.
Pourquoi donc les sociétés ne sont-elles point dura-
bles dans les familles qui vont suivre? Comméncées
par les seuls travaux d’une mère féconde , les premiers
habitans de ces villes lui doivent leur éducation, et
28
436 HISTOIHE NATURELLE
la reconnaissance semblerait devoir les lui attacher
invariablement. L'homme ne peut point encore s’ex-
pliquer tout cela. Peut-être cependant pénétrera-t-ilici
encore quelques-uns des moyens que le Créateur em-
ploie pour assurer la perpétuité des espèces , à quiila
donné cet attribut, et du moins ce ne sera point sans
admiration qu’il envisagera la variété des moyens em-
ployés pour remplir le même but. Cette variété, qua-
lité que l’homme recherche si avidement dans ses
goûts, ne pourrait-elle point, avec justice, lui pa-
raître une attention du Créateur, qui a voulu lui
rendre agréable l'étude de son ouvrage ?
3° Famixr. LES BOMBIDES.
Caractères. Langue presque cylindrique, pas beau-
coup plus longue que la tête, lorsqu'elle est dans le
repos, c'est-à-dire reployée ; ayant au moins la longueur
du corps dans l’action.
Des femelles fécondes , des femelles infécondes et des
mâles , tous également pourvus d'ailes à l’état parfait.
Antennes vibratiles , filiformes ; le deuxième article
plus court que le troisième, presque globuleux; le
troisième un peu conique.
Jambes postérieures pourvues de deux épines à leur
extrémité.
Premier article des tarses postérieurs dilaté à l’an-
gle extérieur de sa base, en forme d’oreillette pointue.
Radiale assez alongée : son bout intérieur détaché
de la côte ou nervure extérieure de l'aile.
Quatre cubitales : la première presque entièrement
séparée en deux par une nervure, qui descend de la
côte ; la deuxième un peu rétrécie vers la radiale, rece-
nn RS ec
|
DES HYMÉNOPTÈRES. 437
vant la première nervure récurrente ; le troisième ré-
trécie de plus de moitié vers la radiale, recevant la
deuxième nervure récurrente près de la quatrième cu-
bitale : celle-ci n'étant point commencée; les cellules
du limbe confondues avec la quatrième cubitale.
Les trois cellules discoïdales complètes.
Ocelles disposés en ligne droite.
Corps velu.
Nota. M. Latreille, dans tous ses ouvrages,
considéré les espèces de son genre Euglossa (fondé par
lui, et adopté, mais restreint en quelque sorte, par
Fabricius , qui a reporté les espèces velues à son genre
Centris); il les a considérées, dis-je, comme vivant en
sociétés annuelles, aux mêmes conditions que les Bom-
bus. Cela supposerait , dans ces espèces , des individus
de trois sortes, savoir des mâles et deux modifications
du sexe féminin, dont les unes femelles fécondes et
les autres femelles ouvrières. Toutes ces femelles de-
vraient avoir des organes de récolte pour ramasser le
pollen des fleurs, nécessaire à l'éducation des larves.
Il faudrait encore que toutes également pussent a
duire de la cire et pussent PR ne füt-ce qu'à
construire les alvéoles, qui doivent recevoir la provision
de miel et la postérité des femelles fécondes.
Telles sont, en effet, les conditions sociales des
Bombus , dont toutes les femelles ont reçu des palettes
et des corbicules , des loges à cire placées entre les par-
ties inférieures des segmens de l'abdomen, et la pince
nécessaire pour saisir et retirer les lames de cette cire.
L'observation dans les Musées, (elles sont toutes exo-
tiques), des espèces, citées comme appartenant au genre
Euglossa par notre célèbre auteur, et celle de quel-
PER
438 HISTOIRE NATURELLE
ques autres, nous à prouvé que plusieurs d’entre elles
n'ont ni palettes, ni corbicules, n1 pinces pour retirer
la cire des loges du ventre, et que les autres ont seule-
ment des palettes et des corbicules , et point de pinces.
L'observation des espèces , conservées dans les mu-
sées, ne nous a fait jamais rencontrer, dans une même
espèce , deux modifications du sexe féminin.
Quoiqu'il parûüt absolument possible de supposer
que, comme dans les Apiarides, il y eût, dans le
genre Euglossa, des femelles fécondes sans organes
de récolte pour le pollen , il faudrait que celles, qu'on
supposerait les ouvrières, eussent des pinces à cire, et
aucune Euglossa n’en est pourvue : ce qui prouve suf-
fisamment que les individus femelles sans palettes ni
corbicules, observées par nous, ne peuvent être ces
femelles fécondes. Ajoutez à cela qu’elles ont les ca-
ractères des Ovitithers Phytiphages parasites, et que,
dans les collections, nous trouvons des mâles conve-
nant aux deux modifications de femelles observées
par nous.
En rejetant de Ja famille des Bombides, les Eu-
glossa de Latreille, nous ferons remarquer que, dans
un système, la langue très-longue a pu porter'à rap-
procher les deux genres Bombus et Euglossa. Mais,
dans uné méthode naturelle, cette longueur indique
seulement qu'ils sont destinés à puiser tous deux le
miel dans des fleurs profondes et assez étroites ; tandis
que leurs mœurs sont du reste tout-à-fait différentes, ce
qu'indique l’organisation des pattes postérieures.
D'après ces observations , les Euglossa Latr. doivent
être renvoyées en partie dans nos Ovitithers Phyti-
phages parasites, et les autres dans les Ovitithers
Phytiphages Nidifians solitaires.
DES HYMÉNOPTÈRES. 43
de)
Histoire des Bombides.
Cette famille se compose d'un seul genre, celui de
Bombus, Bourdon.
Les sociétés des Bourdons se dispersent vers le mi-
lieu de l'automne. A cette époque, où la gelée com-
mence à se faire sentir et les fleurs à disparaître, les
femelles fécondées se cachent dans des trous de murs,
dans ceux des arbres, où même dans la terre. Les ou-
vrières et les mâles, ainsi que les vieilles femelles ,
ne paraissent pas avoir cet instinct, (peut-être les der-
nières meurent-elles alors de vieillesse ), et périssent
par l’effet du froid, et peut-être aussi par le manque
de nourriture. Les retraites, qui protégent les femelles
fécondes, rendent, pour elles, les effets du froid moins
funestes ; elles tombent seulement dans un sommeil
léthargique, qui, en empèchant le mouvement; la
déperdition de substance et le besoin de nourriture,
maintient la vie pendant la saison qui ne produit mi
miel , ni pollen, alimens nécessaires aux Bourdons et
à leurs larves.
Lorsque le printemps nous ramène la chaleur et les
fleurs , la première pénètre dans les retraites de mos
femelles Bourdons, les rappelle à la vie active, et les
secondes leur fournissent des alimens abondans. En
même temps qu'elles , les germes fécondés enelles, à
l'automne précédent , prennent nourriture ; ils grossis-
segf, et chaque femelle éprouve le besoinde pondre.
Mais , avant de le faire, il faut préparer un domicile à
cette chère progéniture, qui la mette à l'abri de l'incon-
stance de la saison. Les ouyrières, qui existaient l’année
précédente, étant mortes , la besogne regarde entière-
440 . HISTOIRE NATURELLE
ment la mére. Le choix du domicile, l'établissement de
ses abris, les premières récoltes à faire , et le soin des
* premiers nés de sa postérité, sont des travaux qu'elle
ne partage avec personne. Il n'arrive même jamais à
ma connaissance que deux ou plusieurs femelles fécon-
des , se réunissent pour la fondation d’un seul et même
nid. Le choix de l'emplacement, où celui-ci doit être con-
struit, dépend de l'espèce : les unes le placent en terre,
d’autres dans des tas de pierres ou dans des murs, les
autres à la superficie de la terre. Dans le premier et
le second cas, il faut qu’un chemin étroit conduise à
un espace vide assez large, de forme ovale ou arrondie.
La demeure d’une Souris des champs pendant l’année
précédente, si l'hiver ne l'a point dégradée, convient
parfaitement à nos femelles. Les premiers travaux de
celles-ci sont de nettoyer l'espèce de chambre à la-
quelle aboutit le chemin étroit, et d’en rendre les pa-
rois et surtout le plancher aussi unis,ou même lisses ,
que possible. Les espèces, qui établissent leur nid à la
superficie du sol , choisissent un endroit où des herbes
touffues , ou même des buissons, puissent les garantir
des intempéries de la saison ; mais elles ne se bornent
pas , emfait d'abri , au choix d'un lieu ombragé. Lors-
que la femelle a nettoyé et déblayé l’espace qu'elle des-
tine à son nid, elle établit au-dessus une voûte assez
épaisse de mousse, et le chemin, qui conduit à cette
chambre, est également voüté de la même manière.
Nous avons jusqu'ici expliqué en quoi diffèrent
principalement les mœurs des diverses espèces de
Bourdons ; le reste de leurs procédés, pour approvi-
sionner leurs nids et élever les jeunes , sont les mêmes
pour toutes les espèces que nous connaissons.
Lorsque le printemps réveille nos femelles, nées l'au-
tomne précédent , elles trouvent des fleurs ouvertes,
DES HYMÉNOPTÈRES. 441
et recouvrent alors, à l’aide du pollen et du miel qui
font leur nourriture, toute l’activité et la force dont
elles ont besoin. Chacune d'elles cherche un local con-
venable et fonde un nid particulier. Ce local apprêté,
elle y apporte les vivres nécessaires à la nourriture de sa
postérité. C’est du pollen des fleurs qu’elle pétrit avec
du miel, et dont elle forme une boule; dans cette
boule elle dépose des œufs , et par conséquent les larves
qui sortiront de ces œufs trouveront des vivres à leur
portée et disposés tout autour d'eux, de manière à
leur donner en même temps un abri.
Pour la récolte du pollen, les Bourdons du sexe
féminin s’y prennent de même que les Abeilles du
même sexe. Les ouvrières, et même la femelle féconde,
ont leurs pattes postérieures pourvues de palettes et de
brosses, dont nous ne répéterons pas ici la description,
puisque ces parties si utiles, sont, dans ces deux genres,
situées semblablement , et conformées entièrement de
la même manière que dans les ouvrières Abeilles (1). En
outre , la villosité du corps des Bourdons fait que, lors-
qu'ils s’introduisent dans des fleurs, portant un grand
nombre d’étamines alors développées, leurs poils se
chargent d’une quantité de pollen, qui est employée
également à la formation des boules, dans lesquelles
les larves sont nourries. Ils recueillent autour d'eux
ce pollen avec les brosses de leurs pattes.
Pour la récolte du miel , la langue des Bourdons est
organisée comme celle des ouvrières Abeilles , avec
cette différence que celle des premiers est, un peu au-
dessous de son extrémité, garnie d’un grand nombre
de poils assez longs pour former un faisceau, ou, si
(1) Nous avons vu que les femelles fécondes des Abeilles n’ont
pas recu du Créateur, de palettes : en effet, celles-ci leur seraient
inutiles , puisqu'elles n'ont point de récoltes à faire.
442 HISTOIRE NATURELLE
l'on veut, un pinceau, avec lequel elle peut enlever en
même temps une quantité de miel, bien plus considé-
rable que celle que peut amener à la bouche la trompe
presque nue de l'Abeille (1).
L’estomac des femelles Bourdons est double et con-
formé comme celui des femelles ouvrières Abeilles.
Notre femelle Bourdon, fondatrice du nid , peut donc
récolter, apporter au nid et apprêter convenablement
le pollen nécessaire, en dégorgeant le miel, qui en
fait un aliment approprié aux besoins des larves. Les
premiers œufs, qu'elle pond , produisent des femelles
infécondes , ouvrières de petite taille, Nous ne savons
pas exactement combien il faut de temps, pour qu'un
œuf passe à l’état de larve, puis à celui de nymphe, et
devienne enfin Insecte parfait. Mais l’analogie porte à
croire que ces développemens successifs n'exigent pas um
temps plus considérable que dans l'Abeille domestique.
Il arrive donc bientôt que la mère est aidée dans ses
travaux par les premiers nés de sa postérité, qui lui
doivent la vie et l'éducation, c'est-à-dire beaucoup
plus que les ouvrières Hétérogynides et Apiarides ne
doivent à la leur.
Lorsque la larve est éclose, elle se trouve, comme
(1) Lorsque les fleurs ont un long tube, l'Abeille ne peut pas
s'emparer du miel ; qui est toujours placé au fond de ce tube; il
semble que la trompe des Bombides , et de quelques autres Hymé-
noptères, ait été faite sur un autre modèle, pour que ce miel
ne fût pas perdu. Cependant il est encore des fleurs dont le tube
est trop long (les Nyctago, par exemple, transplantées ici de l Amé-
rique), pour que la trompe d'Hyménoptère,mème la plus longue, pt
y parvenir. Les Bourdons cependant parviennent à le récolter. J'a-
vais observé un grand nombre de corolles tabaleuses, portant à leur
base une incisiou transversale, Une suite d'observatious me montra
es Bourdons se posant, non sur le limbe de ces corolles, mais sur Ja
base de leur tube, etÆæmployant leurs mandibules pour faire l'in-
cision dont je parle, par laquelle je leur yis introduire leur
trompe et récolter le miel,
DES HYMÉNOPTÈRES. 443
nous l'avons dit , au milieu d’une nourriture convena-
ble, c’est-à-dire dans une masse globuleuse de pollen,
pétri en quelque sorte avec du miel. Ordinairement
une de ces boules contient plusieurs œufs , et par suite
plusieurs larves. Réaumur y en a trouvé de trois à
trente, Quel que soit leur nombre, chacune d'elles
attaque la nourriture la plus voisine, et rend bientôt
les parois de la masse primitive peu épaisses. Alors la
mère ou les ouvrières ont soin de surajouter de nou-
velle pâte alimentaire à tous les endroits faibles. Ces
additions , comme on le pense bien, changent la forme
de la boule qui contenait primitivement les œufs. Elle
prend la forme d'une truflé, augmentant en même
temps de volume , et se chargeant irrégulièrement de
tubercules arrondis à leur sommet. Les larves conti-
nuant de ronger la pâte à l'intérieur, la cavité s’aug-
mente , et, lorsque le moment est venu où l’une d'elles
a pris tout son accroissement , elle s’y fabrique une
coque complète de soie ; celle qui parvient ensuite à
cette même période de vie, appuie sa coque sur la pre-
mière construite, et ainsi de suite ; mais sans s’as-
treindre à les poser régulièrement ; si ce n’est que le
plus grand diamètre de ces coques ; qui sont ovalaires,
est toujours perpendiculaire à l'horizon.
Lorsqu'un certain mombre d'ouvrières sont nées
dans ce nid, qui ne contenait primitivement qu’une
seule femelle , les espèces, qui couvrent leur nid d’une
voñte de mousse, agrandissent leur enclos. On peut
croire que ce n'était pas imprévoyance de la mère, s'il
se trouve alors trop petit. Pressée de pondre, elle n’a
dü d’abord que protéger ses premiérs nés, et ‘elle l’a
fait d’une manière convenable. Actuellement celles-ci
se mettent plus à l'aise, et quelquefois même plus à
444 HISTOIRE NATURELLE
l'abri des grandes pluies. Réaumur à compté de cin-
quante à soixante ouvrières dans certains nids, et
j'ai lieu de croire qu’il est resté au-dessous de la vé-
rité, ayant observé que beaucoup de Bourdons passent,
en diverses occasions, même au printemps et enété,
la nuit sur les fleurs, et aussi une partie de la jour-
née, lorsqu'ils ont été surpris par une forte ondée;
leur vol lourd les exposant plus que l’agile Abeille à
être culbutés en chemin. Je suis loin de croire que ces
individus, les uns femelles fécondes, les autres ou-
vrières , aient déserté leur nid, pour n’y plus revenir.
Le même observateur a compté cent cinquante coques
vides dans un nid de la population apparente que
nous venons d'indiquer plus haut d’après lui : ce qui
vient à l'appui de mon opinion, que la population
des nids est plus forte qu’elle ne le paraît, et que,
dans aucun instant, cette population entière n'y est
réunie. Ceci est encore prouvé par des expériences
positives : plusieurs fois j'enlevai de nuit, avec une
boîte propre à cet usage, des nids entiers de Bour-
dons , avec leur population présente. Sans qu'aucun
de mes prisonniers se füt évadé, j'ai vu, dans la ma-
tinée du lendemain , à l'endroit où l'enlèvement s'était
fait, un nombre égal à la population dont je m'étais
emparé, ou même la surpassant, d'individus de même
espèce , volant, (quelques-uns chargés de pollen), sur
l'endroit où avait été leur nid, s'y posant, et cher-
chant aux environs à en retrouver les traces. Ces
individus ne pouvaient être que des ouvrières, parties
en récolte le jour précédent.
Outre que les Bourdons, qui couvrent leur nid d'une
enveloppe de mousse, en agrandissent l'enceinte , lors-
que la population est angmentée , ils forment souvent
DES HYMÉNOPTÈRES. 415
une seconde voûte à parois de cire, sous la mousse et
le long des côtés. Quoique la cire, qu'ils y emploient,
soit le résultat d’une opération de la nature, semblable à
celle qui la produit dans les ouvrières Abeilles (1), elle
n'a point toutes les propriétes de celle-ci. La couleur
est un gris jaunâtre , elle se laisse pétrir dans les doigts
sans s’y attacher; son odeur est celle de la cire des
Abeilles. « Mais la chaleur ne peut la rendre liquide,
» même l’amollir sensiblement, nous dit Réaumur
» (Mém. 1, t. VI). Après avoir fait une petite boule
» de cette matière, que j'avais roulée entre mes doigts,
» je l'ai mise dans une cuiller à café, que j'ai posée
sur des charbons ardens; la boule a eu beau chauffer,
» elle n’a point coulé, comme eût fait, en pareil cas,
» la cire des Abeilles. Quand elle se fut échauffée à un
» certain point, elle s’est enflammée , elle a brülé pen-
» dant quelque temps; après que la flamme a été
» éteinte, ilest resté une petite masse de charbon noir :
» ce charbon était pourtant fort différent du charbon
» ordinaire; au bout de deux heures, je l'ai trouvé
» réduit en une poudre humide. »
La voûte de cire est attachée par place à celle de
mousse , plusieurs brins de celle-ci se trouvant enga-
gés dans certains endroits de celle-là, en sorte qu'on
ne pourrait enlever la voùte extérieure de mousse,
sans détruire en grande partie l’intérieure, et que
>
(1) Si l'on se reporte a ce que nous avons dit de la formation de
la cire dans les Abeilles, on se rappellera qu'elle se produit sur
deux aires membraneuses latérales, placées à la base de chacun des
segmens intermédiaires du ventre. Dans les Bourdons, la membrane
n'est pas séparée en deux aires ; mais la cire se forme de même sur
cette membrane. Les Bourdons out à leurs pattes postérieures la
même pince que les ouvrières Abeilles, pour saisir les plaques de
cire. Voyez la description de cette pince dans l'histoire des Apiarides.
cl
446 HISTOIRE NATURELLE
toutes deux, par leurs points de réunion, se prétent
mutuellement de la solidité.
La cire sert encoré aux ouvrières Bourdons à con-
struire de petits godets, où elles déposent du miel.
« Ces petits vases, ( Réaumur, Mém. cité ), sont des
» espèces de gobelets presque cylindriques, qui ne se
» trouvent pas placés constamment dans les mêmes
» endroits... Ils sont toujours ouverts et formés
» d’une cire pareille à celle dont le nid est plafonné.
» Elle n’y est pas employée avec grande économie : les
» parois de chaque pot à miel sont assez épaisses. »
Les Bourdons, comme le soupconnait Réaumur, se
servent du miel de ces pots pour humecter la pâtée
qu'ils mettent à la portée de leurs larves pour les
nourrir. k
Lorsque les larves des Bourdons ont filé leurs coques
dans l’intérieur de la masse de pâtée où elles ont vécu,
les ouvrières enlèvent à l’entour ce qui reste de cette
pâtée, qui recouvre les coques, pour l'employÿer ailleurs
à former de nouvelles masses de cette matière, où de
nouveaux œufs puissent être déposés.
Si l'on découvre un nid assez bien peuplé (1), en
enlevant la mousse qui le recouvre, ôn y voit un ou
plasieurs gâteaux irréguliers ; superposés les uns aux
autres. Quelquefois , ( car souvent les nids que j'ai ou-
verts en manquäient ou n'en avaient qu'un faible
(1) Les Bourdons se prétent bien moins que les Abeilles et les
Fourmis à l'observation ; ils refasent de s'établir dans un appareil
où l'on puisse suivre les détails dé leur vie Sociale, et retournent
à l'endroit d'où on les a enlevés. J'ai donc été obligé, pour suivre
un peu mes observations , de découvrir, à des époques rapprochées
dans la saison, pendarit laquelle ils restent en société, une multitude
de nids, dont j'ai pu seulement apprécier l'état actuel au moment
de l'ouverture.
DES HYMÉNOPTÈRES. 447
commencement), en enlevant la mousse, on entraine
aussi des portions de la voüte de cire. Quant aux gà-
teaux, « leur surface supérieure , comme le dit Réau-
»
ÿ
»
mur, ( Mém. cité), est convexe, linférieure est
concave. La fisure de l’une et celle de l’autre sur-
face sont pleines d’inégalités, et celles de linfé-
rieure sont plus considérables que celles de la su-
périeure. La masse de chaque gâteau est faite de
corps oblongs comme des œufs, appliqués les uns
contre les autres, suivant leur longueur; celle-ci
donne la mesure de l'épaisseur du gâteau. Ces corps
oblongs sont d’un jaune pâle ou blanchâtre; il y en
a de trois grandeurs différentes : le grand diamètre
des uns a plus de sept lignes, et leur petit diamètre
en a environ quatre et demie ; il y en a dont le grand
diamètre n’a pas trois lignes, et dont l’autre est plus
petit à proportion; enfin, il y a de ces corps d’une
grandeur moyenne entre les précédentes. Il est aisé
de juger des inégalités, qui peuvent se trouver dans
l'épaisseur d’un gâteau, fait de ces trois sortes de
corps, posés d’ailleurs les uns contre les autres assez
irrégulièrement. Dans certains temps, ceux qui
composent un gâteau, sont tous fermés par les deux
bouts, et, dans d’autres temps, ils sont ouverts,
pour la plupart, par leur bout inférieur. C’est alors
surtout qu'on est tenté de les regarder comme ana-
logues aux cellules de cire construites par les
Abeilles; mais il est aisé de reconnaître qu'ils ne
sont faits, ni de vraie cire, ni même de cire brute.
Tous ceux qui sont ouverts, sont vidés. Chacun
d'eux est une solide coque de soie filée par une
larve, et dans laquelle elle s’est enfermée, lorsqu'elle
a été prête à subir sa métamorphose en nymphe.
448 HISTOIRE NATURELLE
» Ceux qui sont ouverts par le bout inférieur, sont
» des coques qui ont été percées par le Bourdon, lors-
» qu'après s'être tiré de toutes ses enveloppes, il a
» été en état de paraître avec des ailes. » Chacun de
ces Bourdons, pour sortir, a détaché, avec ses mandi-
bules, la calotte inférieure qui fermait sa coque, dans
laquelle la nymphe est placée la tête en bas.
« Outre les coques, qui font le corps de chaque gâ-
» teau, on ne saurait manquer de remarquer des
» masses de la figure la plus irrégulière, de couleur
» brune, dont plusieurs sont posées en dessus, et
» remplissent non-seulement des vides que les coques
» laissent entre elles, mais s'élèvent assez pour ca-
» cher quelques-unes de celles qui leur servent de
» base. Les plus considérables de ces masses se trou-
» vent sur les bords des gâteaux. » Il y en a quelque-
fois d’aussi grosses que de petites noix. Chacune de
ces masses renferme des œufs ou des larves, et est
composée de pollen, mélé de miel. On voit aussi
quelques pots à miel, tels que nous les avons décrits
plus haut, et qui sont ordinairement les parties les
plus saillantes du gâteau supérieur.
Lorsque la naissance d'un certain nombre d'ou-
vrières a rendu le travail plus facile et l'arrivage des
provisions plus actif, vient l’époque où la Mère-
Bourdon pond des œufs de mâles, et en même temps
des œufs de femelles. Celles-ci, du moins quelques-
unes d’entre elles, acquièrent une taille bien au-
dessus de celles des ouvrières, quoique moindre que
celle de la mère fondatrice du nid. Elles sont, sous
ce rapport, un milieu entre celle-ci et les petites ou-
vrières infécondes, venues au monde les premières.
Comme les ouvrières, elles participent aux travaux
DES MYMENOPTÈRES. 449
communs, et, comme leur mère, elles deviennent fé-
condes par accouplement avec les mâles nés à la même
époque qu'elles. Ces mâles sont aussi plus petits que
les mâles qui naïîtront à la fin de l'été. On pourrait
demander si la fécondité de ces femelles est due à une
nourriture particulière, qui équivaudrait à la gelée
royale des Abeilles. L’analogie répond pour l’affirma-
tive; mais, vu les difficultés qu'opposent les Bour-
dons à l’observation , malgré des recherches assidues,
jen’ai rien pu voir qui répondit péremptairement à
cette question , à moins que ce que le goût nous a fait
prendre pour du miel dans les petits godets dont nous
avons parlé plus haut, ne soit cette même nourriture.
Alors la population augmente en proportion du
nombre de ces jeunes femelles , de taille moyenne, qui
viennent d’éclore; surtout le nombre des mâles paraît
s’'augmenter rapidement , ce qui me porterait à croire
qu’elles ne donnent naissance qu'a des mâles. La
femelle fondatrice continue cependant sa ponte, et,
vers la fin d'août, il s'élève, dans chaque nid, plusieurs
femelles de la plus grande taille (de trois à huit, au-
tant que j'ai pu le voir). Ce sont celles qui passeront
l'hiver, engourdies par le froid , et sont destinées à la
propagation subséquente de l’espèce pour l’année sui-
vante. À vant de gagnerles retraites, où elles doivent hi-
verner, elles s'accouplent, ce qui assure leur fécondité,
avec des mâles de grande taille,nés à peu près à la même
époque qu'elles. J'ai souvent observé cet accouple-
ment. La femelle, qui veut recevoir les approches du
mâle, se pose au soleil, sur le tronc d’un arbre ou le
long d'un mur, les ailes moyennement ouvertes, de
manière cependant à découvrir tout ie dessus du mi-
lieu de l'abdomen. Elle tient celui-ci assez relevé , et
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 29
450 HISTOIRE NATURELLE
le dernier segment, semblable , à l’intérieur et pour
les parties qu'il contient , à celui des femelles Abeilles
que nous avons décrit , est un peu entr'ouvert. Si un
mâle aperçoit en volant une femelle de son espèce
dans cette position , il se jette sur elle avec une cer-
taine impétuosité, et se pose sur son dos; puis, ap-
pliquant l'extrémité de son abdomen sur la même par-
tie de celui de la femelle , il fait sortir des parties, qui
jusque-là étaient restées intérieures, et les introduit
dans la vulve de la femelle. Ensuite, on voit les deux
sexes produire, à plusieurs reprises, un trémousse-
ment -d’ailes, pendant la durée de l’accouplement.
Cbaque reprise de ce trémoussement n'a de durée que
quelques secondes ; mais celle de l’accouplement lui-
même est d’un quart d'heure au moins, Sur la fin de ce
laps de temps, le mouvement des ailes s’affaiblit dans le
mâle, quoiqu'il reste aussi fort dans la femelle ; et lors-
que celui-ci reste tranquille, tandis que la femelle agite
ses ailes, celle-ci le saisit avec ses pattes de derrière
et le repousse fortement. Le mâle tombe à terre pres-
que incapable de mouvement. Il meurt immédiatement
en sortant de l'orgasme du plaisir.
Réaumur a décrit les parties sexuelles des mäles
Bourdons , et nous croyons devoir répéter ici sa des-
cription. « La pression des doigts, dit cet auteur
» (Mém. cité ), fait sortir du derrière de ceux qui sont
» privés d'aiguillon (les mâles }, des parties analo-
» gues à celles des mâles de divers Insectes : elle force
» d’abord à paraître au jour, et séparées l’une de
» l’autre, deux pièces semblables, écailleuses , brunes,
» solides, et propres à saisir le derrière de la femelle.
» Leur base est massive ; en s’en éloignant , elles dimi-
» nuent de diamètre; elles jettent, l’une et l'autre,
» vers les deux tiers de leur longueur, une branche
DES HYMÉNOPTÈRES. 45:
» chargée de poils, et elles se terminent par un bout
» mousse et courbe, qui forme une gouttière : celle
» d’une pièce est tournée vers celle de l’autre. Entre
» ces deux pièces écailleuses, 1l y en a deux autres:
» Ja tige de celles-ci est déliée, à peu près ronde, et
» porte une lame dont la Bale a une sorte de ressem-
» blance avec celle d’un fer de pique. Enfin, la pres-
» sion continuée fait sortir une cinquième partie
» d’entre les quatre précédentes. Cette dernière est
» membraneuse, mais toute couverte de poils roux ;
» sa figure approche de la cylindrique ; elle est pour-
» tant un peu courbe, et n'est pas aussi grosse à son
» bout que près de son origine; elle paraît plus ou
» moins gonflée, plus ou moins longue et plus ou
» moins grosse, selon quela pression, qui l’a obligée de
» se montrer, a été plus ou moins forte, et d’une plus
» longue ou plus courte durée. La dernière des parties,
» que nous venons de faire connaître , est celle qui est
» destinée à féconder les œufs de la femelle... Jai
» appliqué le doigt contre son bout : lorsque je l’en
» ai retiré, il a été suivi d'un filet d’une liqueur vis-
queuse, qui est probablement la liqueur sémina-
le(1).» C'est du 15 septembre au 15 octobre qu'on peut
observer l’accouplement des Bourdons; mais, comme
cen est pas autour des nids qu'il a lieu, on ne peut l’ob-
L2
ÿ
(1) Il m'a paru que la forme des parties génitales des mäles ,
ou au moins de quelques-unes d’entre elles, varie selon les espèces
dans les Bembus, (ainsi que dans les Anthophora et les Osmia),
et je suis porté à croire qu il en est de même dans tous les genres
d'Hyménoptères. Si, comme je dois le penser, cette observation
est confirmée par les anatomistes, l'inspection des parties génitales
pourrait servir trés-utilement à distinguer les variétés des espèces.
Il est donc regrettable que Réaumur n'ait pas désigné l'espèce
qu'il avait sous les yeux , comme il est certain qu'il n’en a observé
qu'une.
29:
452 HISTOIRE NATURELLS
server qu’accidentellement , et , si l’on s’en rapproche
trop, le couple s'envole. Je ne l'ai vu en entier qu'un
petlitnombre de fois, et plusieurs fois je n’en ai point
vu la catastrophe finale.
Nous pensons, comme on le remarquera d’après ce
que nous venons de rapporter, après avoir fait les ob-
servations nécessaires plusieurs fois, que c’est à tort
que M. Dablbom, dans son ouvrage intitulé : Bombi
Scandinaviæ monographicè tractati, p.16, prétend
que des femelles Bourdons sont fécondes en vertu de
l’accouplement de leur mère ; ce qu'il applique aux
ouvrières de grande taille, (opinion qu'il donne
comme étant celle de M. Huber), qui, dit-il, pondent
au printemps, avant la naissance des mäles; ce que
nous n'avons jamais observé. Au contraire, il nous a
paru constant que ces sortes d'ouvrières fécondes
étaient contemporaines des premiers mâles qui éclo-
sent. Ces mâles sont de petite taille.
Les Bourdons ont des ennemis qui les attaquent à
l'état parfait, d’autres qui attaquent leurs larves et leurs
nymphes , d’autres enfin qui les dévorent eux-mêmes
et leurs gâteaux en même temps. Ces derniers sont
des quadrupèdes , tels que les Souris (‘es champs, les
Belettes, les Fouines, les Renards et les Blaireaux. Ces
animaux dédaignent ordinairement les coques vides.
Ils mangent les Bourdons eux-mêmes, leurs larves et
leurs nymphes , ainsi que la pâtée et les pots de miel.
Ceux qui attaquent les gâteaux pour dévorer la pâtée
seulement, ont été observés par Réaumur. « Dans les
» nids de Bourdons, dit-il (Mém. cité), j'ai trouvé
» plus d’une espèce de chenilles qui ont beaucoup de
» rapportavec celles que j'ainommées Fausses-T'eignes
» de la cire ( Voy. notre histoire des Apiarides), au
+ goût desquelles est la pâtée des nids de Bourdons ;
DES HYMÉNOPTÈRES. 453
» elles se métamorphosent en des papillons plus petits
» que les moins grands de ceux qui viennent des
» Fausses-Teignes des ruches de Mouches à miel. »
Réaumur n'ayant donné ni description, ni figure de
ces Lépidoptères, il nous est impossible de décider
s'ils appartiennent au genre Galleria Latr., comme
ceux à qui il les compare; d'autant que nous n'avons
nous-mêmes jamais rencontré , dans les nids de Bour-
dons, ces Insectes dans aucun de leurs états de lar-
ves, de nymphes, ni de Lépidoptères parfaits. Parmi
les ennemis les plus redoutables des Bourdons, sont
quelques espèces de Volucella, dont les larves se
nourrissent de celles de nos Hyménoptères. Ces Dip-
tères, à la faveur de leur costume, si je puis m’expri-
mer ainsi, s’introduisent dans les nids de Bourdons,
et y déposent leurs œufs. Il ya, en effet, une grande
ressemblance entre les espèces dont nous parlons et
les babitans de nos nids, par leur taille, leur villo-
sité et la distribution des couleurs. La Volucella
bombylaus paraît une copie des individus de taille
moyenne de l’'Hyméroptère Bombus lapidarius,
transportée dans la classe des Diptères; et les yeux
mêmes de l’homme, (non sciencé), s'y trompent ha-
bituellement. Il en est de même de la Volucella plu
mata et du Bombus hortorum Linn., ainsi que de la
Volucella tricolor et du Bombus interruptus Kirb.
Ces espèces de Volucella, d’après ce que nous avons
vu nous-mêmes , ne sont pas inquiétées par les Bour-
dons, quand elles entrent dans leur nid. Leurs œufs y
sont déposés et y éclosent. Réaumur trouva leurs larves
dans des nids de Bourdons, etles ayant comparées , de
souvenir, à des larves, écloses chezlui précédemment,
d’une autre espèce de Volucella, ( Folucella inanis
454 HISTOIRE NATURELLE
Auct.), «qui (1), dit-il (Mém. 11, t. IV), ne le
s cède pas en grandeur aux Frélons, ( Vespa crabro
» Auct.), et qu'on ne peut guère manquer de croire
» un Frélon, la première fois qu'on la voit posée sur
» une plante. » Il resarda les larves trouvées dans les
nids de Bourdons , comine étant de même espèce que
celles qu'il avait eues des œufs de la F’olucella inanis :
en cela ce célèbreauteur tomba dans l’erreur ; mais il a
donné une description exacte des larves d’une des
éspèces de Volucella, ennemies des Bourdons , qu'il
në vit point devenir Insectes parfaits.
« Ces larves sont apodes, blanches; leur bout an-
» térieur est assez pointu, mais leur corps devient de
» plus en plus gros, jusqu’auprès du derrière, où il
s à plus de diamètre que partout ailleurs..... Le
» bout postérieur est orné d'espèces de rayons char-
nus , disposés à peu près sur la circonférence d’un
demi-cercle, dont le diamètre est à la partie supé-
» rieure du corps. À peu près au centre de ce demi-
» cercle, sont placés deux tuyaux adossés l’un contre
l'autre, plus courts que les rayons, et dont l'usage
» doit nous paraître plus nécessaire, ou au moins
nous est mieux connu, ce sont deux organes
de Ja respiration, les deux stigmates postérieurs.
» Quoique les) deux stismates antérieurs soient
» moins sensibles, on peut les trouver : il y en a
s un de chaque côté, au second anneau, près de sa
» jonction avec le troisième. Le corps semble composé
» d'un nombre prodigieux d’anneaux, si l'on veut
>
=
3
(1) Nous. verrons, dans l'histoire des Polistides, que cette espèce
vit aux dépens de la Vespa crabro, dans le nid de laquelle je l'ai
trouvée.
tt nm
DES HYMÉNOPTÈRES. 455
» prendre pour autant d’anneaux tous les cordons qui
» l'entourent et qui le font paraître tout silloniné. La
» séparation du dessus et du dessous du corps est
» marquée par deux rangs d'espèces de courts piquans.
» Quand cette larve marche, elle montre deux cornes
» charnues assez courtes, quise touchent toutes deux à
» leur origine, et qui, en s’éloignant , s’écartent l’une
» del’autre. Elles sont fourchues à leur bout. Lorsqu'on
» l’oblige à montrer tous les accompagnemens de sa
tête, et qu'on la considère par-dessous, on voit de
» chaque côté trois parties charnues en forme d’é-
» pines , dont les supérieures sont égales entre elles,
» et la moitié moins longues que l'inférieure, qui est
» du même côté... La bouche est une fente, d’où sor-
tent deux parties analogues aux mandibules qu'ont
» d’autres larves : le bout de chacune est large et re=
» fendu , et forme deux dents brunes et dures .... Ces
» larves percent les masses de pâtée qui enveloppent
» les larves de Bourdons , pour parvenir aux Insectes
qu’elles couvrent ; elles les hachent, les mangent et
» n’en laissent que la peau. Je n'ai point vu que nos
larves voraces soient venues à bout de s'ouvrir une
» entrée dans les coques solides des nymphes. On
» trouve ces larves dans les nids de Bourdons, dans
» le courant du mois d’août. »
En rappelant , dans le Mémoire cité du tome VI,
les dégâts de ces larves, Réaumur ajoute : « Dans les
ÿ mêmes nids, j'ai observé, en assez grand nombre,
» d’autres larves qui se transforment en de plus petites
» Mouches à deux ailes. »
Un fait m'a été cité par M. Garcel, voyageut
éntomologiste, que la mort a enlevé jeune encore à la
science ét à ses amis en Anatolie, bien digne des
CA
ÿ
ÿ
456 HISTOIRE NATURELLE
regrets, ét par son amabilitéet par ses connaissan-
ces, (M. Latreille appréciait bien ce jeune savant,
et l'avait indiqué pour coopérer à la rédaction de cet
ouvrage en donnant l'histoire des Coléoptères). Ce
ait mérite d'étre ici rapporté. On devrait en conclure
que des espèces du genre Conops, sous la forme de
larves, vivraient dans le corps des Bourdons, comme
d’autres larves de Diptères Muscides, et celles des
Ichneumonides dans celui des larves des Lépidoptères
et d’autres Insectes. Voici ce qu'il me communiqua :
dans une excursion qu'il fit en Dauphiné, il collecta
un grand nombre de Bombus, et les ayant tous ras-
semblés dans une même boîte, il la calfeutra avec du
papier collé. Arrivé à Paris, au printemps suivant, en
ouvrant sa boîte, dont la fermeture était intacte, et
où il était bien sûr de n'avoir renfermé que des
Bombus piqués , et de n’avoir laissé aucun corps étran-
ger , il trouva vivans et libres quelques Conops qui
voulurent s'envoler. 11 chercha inutilement dans la
boîte les coques où ces Diptères devaient avoir subi leur
métamorphose. En visitant tous ces Bourdons , il ne
vit rien qui annoncçät desquels d’entre eux ces Conops
pouvaient être sorlis; il ne vit point de coques atta-
chées à ces Bourdons, et il en concluait, je crois
avec raison, que ces Conops avaient parcouru leur vie
de larves et de nymphes, dans l’intérieur du corps de
quelques-uns de ces gros Hyménoptères. J'ai vu des
espèces de Conops s’introduire dans les nids de la
Guëêpe ordinaire ( Vespa vulgaris Auct.). Les Myopa
s’introduisent aussi dans le nid des Bombus et des
Vespa, et probablement avec les mêmes intentions
d'y déposer leur postérité, qui y vivra aux dépens
de ces différens Hyménoptères. Ces faits, dont j'ai
DIS HYMÉNOPTÈRES. 457
été témoin, me semblent confirmer les conséquences,
tirées par M. Carcel, du fait qu'il m'a commnniqué.
La nuée d’ennemis qu'ont les Bourdons, ne se borne
pas à ceux que nous venons de citer : ils sont sujets,
étant Insectes parfaits, à nourrir une espèce d’Aca-
roïde que Réaumur a nommée Poux des Bourdons.
« Ils se tiennent, dit-il, sur leur extérieur : ce sont
» de petits Poux très-vifs et très-actifs, qui sont quel-
» quelois placés à centaines sous le corselet , quelque-
fois autour du cou et quelquefois en d’autres en-
» droits : souvent onles voit marcher avec vitesse sur
» le corps. Je ne sais pourtant si ces Poux tirent
» leur nourriture du corps des Bourdons.» J'ai vu
souvent aussi l’Acaroïde dont parle Réaurmur. Il m'a
paru avoir sa trompe plongée dans le corps de l'A y-
ménoptère , aux endroits où des membranes unissent
les parties crustacées de son tégument.
Le même auteur fait en outre mention d’un ver
intestinal qui vit dans les ovaires des Bourdons.
Ce fut en cherchant à reconnaître l’organisation de
ces parties, « qu'au milieu de leur abdomen il recon-
» nut une masse, qui semble charnue, dont la gros-
» seur égale quelquefois celle d'une petite cerise.
» Quand on a déchiré ses premières enveloppes, pour
» examiner ce que son intérieur renferme, on voit que
» ce n'est qu'un amas d’une infinité de filets courts et
» extrêmement déliés. Quelques mouvemens, qu'il crut
» apercevoir, le déterminèrent à les observer à la
» loupe et ensuite à un microscope. Il reconnut alors
» que chaque filet était plein de vie, qu'il était un
» petit ver blanc de la figure d'une arguille. La masse
» dont il s’agit contient plusieurs millions de ces pe-
» tits vers , etellea un long appendice qui en est éga-
458 HISTOIRE NATURELLE
» lement rempli. Tout le canal des alimens ést la par-
» tiequ’ils occupent. En y croissant, ils en augmentent
» les dimensions au point dele rendre méconnaissable.»
Il est encore un genre d'Hyménoptères qui nuit aux
familles de Bombus , en venant partager les vivres que
ceux-ci ont apportés et préparés pour leur postérité :
c'est celui de Psithyrus. Les Psithyrus sont les Mé-
nechmes des Bombus. Mais, en donnant à ceux-ci des
instrumens pour récolter du pollen, le Créateur en
a refusé aux Psithyres, quoiqu'il voulüt en même
temps que leurs larves eussent les mêmes besoins,
et ne pussent se passer de la même nourriture: Pour
qu'ils eussent la facilité de réussir, ils ont recu la
même taille, li même forme, généralement parlant
les mêmes couleurs et le même habit que les Bombus.
Au moyen decet extérieur trompeur, ils s’introduisent,
quand ils le veulent, dans le nid de ceux-ci. Ce sont,
en nn mot, des parasites : ils vivent dü pain d'autrui.
Les poëtes pourraient leur comparer bien des gens ;
qui vivent aux dépens des autres, et ne s’introdui-
sent dans telle ou telle société que pour la ruiner.
Il me semble qu’en les créant ; la Providence à eu en
vue d'employer un moyen infaillible, qui soppost
à la trop grande multiplication des Bombus. Nous
verrons au genre Psithyrus les étonnantes différences
qui le séparent du genre Bombus , auquel il a si long-
temps été réuni.
GExre BOMBUS. — BOMBUS.
SyNonyMIE. Bombus Fab. , Latr. — Bremus Jur.— Apis
Linn.
Pour le caractère ét l’histoire du genre, voyez ceux des
Bombides.
DES HYMÉNOPTÈRES. 459
Espèces du genre Bombus.
Ire DIVISION. Dernier segment de l'abdomen fauve ou roux
( cinquième dans les femelles, sixième dans les mâles) .
1. Bomsus pe LaromEe: — Bombus Laponicus Fab: Piez.
no 11, — Dahlb. Bomb. Scand. Monogr. p. 4i,
n°16, 77:
Hirsutus ater, thoracis fascid anticä scutellique
margine postico flavis ; abdormine fulvo; alis subhyali-
nis, apice præsertim infuscalis.
Var. Scutello et lateribus primi abdominis segmenti
plus minüsve luteis, aut etiam omnind nigris.
Noir ; dessus du corselet ayant à sa partie antérieure une
bande jaune. Ecusson ayant quelquefois des poils de cette cou-
leur le long du bord postérieur. Dessus de l'abdomen roux ; le
dessous noirâtre. Pattes noires ; jambes et tarses postérieurs
mêlés de poils roux. Ailes un peu enfumées , surtout vers le
bout. Femelle. Long. 14 lig.
Ouvrière. Souvent un faisceau de poils jaunes des deux cô-
tés du premier segment de l’abdomen. Long. 8-4 lig.
Mäle. Ecusson presque entièrement jaune. Face de la tête
jaune. Le faisceau de poils jaunes des côtés du premier seg-
ment de l’abdomen, beaucoup plus distinct. Long. 5 à 6 lig.
Laponie, Pyrénées, environs de Paris, dans les forêts.
Nota. 1° Les couleurs, indiquées dans la description des
Bombus, sont celles des poils qui recouvrent les parties du corps
dénommées : le tégument écailleux , qui est sous ces poils , dis=
paraît ordinairement sous leur nombre , et est le plus souvent
noir. Quand la couleur de ce tégument sera autre que le noir,
alors seulement nous la désignerons sous le nom de couléur
foncière. 2° Il paraît qu'il y a une omission dans la description
de M. Dahlbom, qui ferait attribuer la taille du mâle à la fe-
melle, 3° Nous rappellerons ici, en général, ce qué nous avons
460 (HISTOIRE NATURELLE
dit des ouvrières de grande taille , qu’elles sont fécondes , tandis
que les petites sont stériles. 4° Le dessous du premier article
des tarses postérieurs a toujours ses poils roux.
2. Bomsus Roux. — Bombus rufescens , V, %.
Hirsutus ater, abdominis segmento primo nigro, late-
ribus fulvis; cœteris fulvis.
Noir. Abdomen roux en dessus, si ce n’est le milieu du
premier segment qui est noir ; dessous de l’abdomen noir. Ailes
un peu enfumées, Femelle. Long. 1 pouce.
Les autres modifications sexuelles inconnues.
Rare, Forêt de Saint-Germain-en-Laye. Ma collection. Trou-
vée une seule fois. Musée de M. le général Dejean; un seul
individu.
Ne serait-ce pas une simple variété du Bourdon de Laponie?
3. Bomsus pes pierres. — Bombus lapidarius Fab. Piez.
n° 25. — Dahlb. Bomb. Scandin. Monogr. p. 30, n° 1,
fie. r1,2,3, F.
D
Hirsutus ater, abdominis segmentis quarto quintoque
et ano fulvis ; alis subhyalinis.
Noir. Quatrième et cinquième segment de l'abdomen roux,
ainsi que l’anus. Femelle. Long. 1 pouce.
Ouvrière. Tout-à fait semblable. Long. 7-4 lig.
Var. 1. Un commencement de bande jaune sur le milieu
de la partie antérieure du corselet. Long 7 lig.
Doit-on rapporter ici le Bombus ephippium Dalhb.,
Bomb. Scand. Monogr. p. 37, n° 10, fig. 6, conforme
pour la taille. Le quatrième segment est cependant entière-
ment roux dans nos individus de cette taille , tandis que, selon
la description de l’auteur suédois , il ne serait de cette couleur
que dans sa partie inférieure. Quoi qu’il en soit de l'identité du
nôtre et de celui de M. Dahlbom, le Bombus ephippium
n'est probablement qu'une variété du Bombus lapidarius.
DES HYMÉNOPTÈRES. {61
Var. 2. Une bande jaune bien prononcée sur la partie an-
térieure du corselet. Long. 4 lig.
J'ai en outre, des environs de Paris , deux petites ouvrières
(long. 4 lig.), beaucoup plus petites par conséquent que l'individu
figuré par M. Dahlbom, que nous venons de citer, parfaitement
conformes de couleur avec la description de cet auteur. Ce sont
certainement des sous-variétés du Bombus lapidarius.
Méäles. Partie antérieure de la tête et bande à la partie an-
tériéure du corselet de couleur jaune citron. Long. 6 lig.
Bombus arbustorum Fab. Piez. n° 23 ; Apis arbustorum
Panz. Faun. Germ. fig. 21.
Var. Quelquefois un petit nombre de poils jaunes à la par-
tie postérieure du corselet.
Commun en France ; fait son nid en terre et dans les murs.
4. Bousus De Leresvre. — Bombus Lefebvrei, F, %.
Hirsutus ater, thoracis lateribus anticis subluteis, ab-
dominis segmentis tertio, quarto quintoque et ano fulvis :
alis subhyalinis.
Noir; quelques poils jaunes sur les épaulettes du corselet.
Troisième, quatrième et cinquième segmens de l’abdomen en-
tièrement roux. Ailes assez transparentes. Femelle. Long.
10 lig.
Un seul individu venant de Gray. Ne serait-ce pas encore
une variété du Bombus lapidarius ?
5. Bomgus INTERROMPU. — Bombus subinterruptus Dahlb.
Bomb. Scand. Monosr. p. 45, n° 7,
Sxx. Apis subinterrupta Kirb. Monogr. Ap. Angel. t. Il,
p- 356, n° 99, tab. 16, fig. GE
Hirsutus ater ; fascid thoracis latä anticd, aliäque, in
segmento abdominis sccundo, medio subinterrupt&, citri-
nis : abdominis segmentis quarto quintoque et ano fulvis;
alis subhyalinis.
462 HISTOIRE NATURELLE
Noir. Une bande assez large de couleur jaune citron sur
la partie antérieure du corselet, Second segment de l’abdomen
portant sur son milieu une bande interrompue de la même cou-
leur ; quatrième et cinquième segmens de l'abdomen roux,
ainsi que l'anus, Ailes assez transparentes. Femelle ? Long. 6
a 7 lig,
Ouvrière. Tout-à-fait semblable. Long, 4 lig. ou un peu
moins.
Var. Peu de poils jaunes sur les côtés du second segment
de l’abdomen. Long. 6 lig,
Nota. Les deux auteurs, que j'ai cités, regardent ces indivi-
dus comme une espèce distincte, et ceux de grande taille
comme des femelles fécondes. Je ne serais pas surpris que ceux-
ci ne fussent que des ouvrières de la grande taille , et qu’ils ne
fussent tous des variétés du Bombus lapidarius.
6. Bomeus ne Buerezz. — Bombus Burrellanus Dahlb.
— Bomb. Scandin. Monogr. p. 43, n° 22, F.
Syn. Bombus sylvarum Fab. Piez. n° 27. — Apis syla-
rum Panz. Faun. Germ. fig. 19. — Apis Burrellana Kixb.
Ap. Angl. Monogr, t. II, p. 358 ; n° 1or.
Hirsutus , capite luteo citrino , fronte superd nigré :
thoracis nigri fasci& anticé latiori lute& : abdominis
seymentis primo secundoque luteis, tertio quartique basi
nigris, quarti parte posteriori, quinto sextoque Julvis.
Pedes fulvi.
Poils de la tête jaunes; une bande de poils noirs sous les
ocelles ; ceux de la bouche roux. Gorselet noir, avec une bande
large, jaune, qui en occupe plus de la moitié antérieure en des-
sus. Premier et deuxième segmens de l’abdomen jaunes ; le
troisième et la base du quatrième noirs ; la partie restante de
celui-ci, le cinquième, le sixième et l’anus roux. Poils des
pattes roux, Wäle. Long, 5 lig.
Environs de Paris.
PR
DES HYMÉNOPTÈRES. 463
Nota. On ne trouve que des mâles. Nous sommes tentés
de les prendre pour des variétés du Bombus lapidarius.
7. Bomsus MoNTAGNARD. — Bombus montanus, V, x,
Hirsutus, niger; thorace luteo , fascid inter alas nigr.
Abdominis segmentis primo secundoque luteis, tertio ni-
gro, quarto quintoque et ano fulvis; alis præcipuè ad
apicem subfuscis.
Noir. Corselet jaune en dessus et des côtés ; une bande
dorsale noire entre les bases des ailes. Les deux premiers seg-
mens de l’abdomen jaunes , le troisième noir, les deux derniers
et l'anus roux. Ailes assez transparentes , un peu enfumées vers
le bout. Femelle. Long. 10 lig.
Mäle. Des poils jaunes sur le bas de la face et sur le sommet
de la tête au-dessus des ocelles. Sixième segment de l’abdo-
men roux. Le reste comme dans la femelle. Long. 5 à 6 lig.
Apporté par mon fils des Pyrénées.
8. Bomgus pes Bois, — Bombus sylvarum. Dahlb. Bomb.
Scand. Monoer. p. 44, n, 24, F.
Syx. Apis sylvarum Linn. — Kirb. Ap. Angl. Monopgr.
Cul 30. n°892.
. Hirsutus, griseo-luteus ; thoracis inter alas fascid ni-
grd. Abdominis seomentis primo griseo luteo, secundo
griseo luteo fasciä niedid tenui nigré, tertio nigro, quarto
quintoque fulvis; horum trium margine infero griseo-
luteo ; ano fulvo. Pedes griseo-lutei, fulvo mixti : alis
subhyalinis apice subinfuscatis.
D'un jaune tirant au gris. Dessus du corselet portant une
bande noire entre la base des ailes. Premier et second segmens
de l'abdomen d’un jaune tirant au gris ; celui-ci portant dans son
milieu une bande étroite de poils. noirs; le troisième noir , les
quatrième et cinquième roux : ces trois derniers portant, sur
+
464 HISTOIRE NATUR£LLE
leur bord inférieur, une bande d’un jaune grisâtre : anus roux.
Pattes d’un jaune tirant au gris, mêlé de roux. Ailes presque
transparentes , plus enfumées vers le bout. Femelle. Long.
11 lig.
Ouvrière. Tout-à-fait semblable. Long. 4 à 5 lig.
Male. Sixième segment roux. Le reste comme dans la fe-
melle. Long. 4 à 5 : lig.
Var. Souvent la bande noire du deuxième segment de l’ab-
domen n’existe pas, ou n’est pas bien distincte, surtout dans
les ouvrières, les mâles et les individus femelles âgés.
9. Boueus oporanT. — Bombus fragrans Dahlb. Bomb.
Scandin. Monogr. p. 6, n° 26, fig. 16. Male colo-
rala.
Syn. Bombus pratorum. Fab. Piez. n° 36. — Apis fra-
grans Kirb. Ap. Angl. Monogr. t. II, p. 329, n° 33.
Îlirsutus niger ; thorace supra et lateribus luteo, fasciä
inter alas nigr& ; abdomine supr& luteo- fulvo. Pedes
nigri rufo mixti. Alæ subhyalinæ ; apice præsertim in-
Juscatæ. |
Noir. Dessus et côtés du corselet jaunes , quelquefois un peu
grisâtres, portant une bande noire assez large entre les ailes.
Dessus de l'abdomen jaune roussâtre, surtout vers la base,
Pattes noires, mélées de poils roux. Ailes presque transparen-
tes, plus enfumées vers le bout. Femelle. Long. 10 lig.
- Ouvrière. Semblable. Long. 4 à 5 lig.
Nota. Je ne connais pas le mâle. M. Dahlbom le décrit
ainsi : Jaune brillant, front et côtés de la tête noirs. Pattes et
anus noirs. Le reste comme dans la femelle, Il y rapporte le
Bombus equestris Fab. Piez. n° 22.
£Environs de Paris, Forêts.
DES HYMÉNOPTÈRES. 465
Ile DIVISION. Dernier segment de l'abdomen blanc.
Bowaus PRiNTANIER. — Bombus apricus Fab. Pier.
n° 29, Ÿ-.
Syn. Bombus hypnorum. — Dahlb. Bomb.. Scandin.
Monosr. p. 5o, n° 31, fig. 19.— (Fab. Piez. 33, ex Dahlb.
at dubium synonymum aut mala Descriptio ). — Apis
meridiana Panz. Faun. Germ. 80, 10.
{irsutus, niger ; thorace suprà flavo , abdominis seg-
mentis , quarti parte infer&, quinto et ano albis. Pedes
nigri, rufo mixti. Alæ fuscæ , apice Jüustiores , piolaceo
submicantes.
Noir. Quelques poils roussâtres sur le:vertex de la tête ;
barbe des mandibules de cette couleur. Dessus du côrselet d’un
jaune roussâtre. Moitié inférieure du quatrième segment de
l'abdomen blanche , ainsi que le cinquième segment et l'anus.
Pattes noires ; tarses roux. Ailes brunâtres ; le bout plus foncé,
avec un reflet violet. Femelle. Long. 10 lig.
Ouvrière. Semblable. Long. 5
Mäle. Semblable. Sixième segment blanc.} Dessus des tarses
noir. Face d’un roux pâle. Long. 6 lig,
Forêts des environs de Paris,
11. Bomeus DEs BRUYÈRES. — ( Bombus hypnorum? Linn.
Fab. Piez. n° 33.) — Bombus ericetorum Fab. Piez. n° 12.
— Apis ericetorum Panz. Faun. Germ. 95, 19, #2
Hirsutus, niger, thorace supra et lateribus flaro ; ab-
dorninis segmentis, primo secundoque flavis,tertio quarti-
que basi nigris, quarti margine infero, quinlo sextoque
et ano albis. Pedes nigro albidoque mixti; tarsis supra
nigris, sublüs rufis. Alæ subhyalinæ, subfuscæ.
Noir. Face et vertex d’un roux pâle, Dessus et côtés du cor-
HYMÉNOPTÈRES, TOME I, 30
466 HISTOIRE NATURELLE
selet d’un jaune roussâtre. Les deux premiers segmens de l’ab-
domen d’un roux jaunâtre ; le (roisième et la base du quatrième
noirs ; le bord inférieur du quatrième, le cinquièmeet le sixième
blancs , ainsi que l'anus. Poils des pattes noirs, mêlés de blanc ;
tarses noirs en dessus , roux en dessous. Ailes assez transparen-
tes, un peu enfumées. Mäle. Long. 8 lig.
Nota. 1° Ce mâle est notablement plus grand que celui que
nous trouvons communément avec le Bombus apricus. M. Dabi-
borh paraît lavoir pris pour le mâle de celui-ci. Si cet auteur a
raison , il est étonnant qu il ne cite pas Panzer comme nous, ni
F abricius. Il faut conveñir que les espèces de Bombus sont,
depuis F abricius , rs ne concevait pas l’espèce dans ce genre,
dans une confusion à laquelle M. Dahlbom ne remédiera que
par de nouvelles études, 2° Ce mâle, par sa taille, suppose
une femelle plus grande que celle du Bombus apricus.
Rare. Forêt de Saint-Germain. Trouvé une seule fois.
12. Bomsus DES JARDINS. — Bombus hortorum Linn., F.
Syn. Bombus hortorum. — Dahlb. Bomb. Scandin. Mo-
nogr. p. 38, n° 12, fig. 7, 8, 9.—Fab. Piez. n° 21 (operaria
et mas). — Bombus ruderatus Fab. n° 6 ( fæmina ). —
Bombus schrimshiranus.—Dahlb. n° 13 ut suprà. — Apis
schrimshirana Kirb. Monogr. Ap. Angl. t. II, p. 372,
n° 98. Forsan mera ejusdem varietas. — Æpis hortorum Kirb.
Monogr. Ap. Angl. t. 1E, p. 330, n° o1.
Hirsutus, ater ; thorace anticè , scutello abdominisque
basi flavo fasciatis ; ano albo : alis, præsertim apice, in-
Juscatis.
Noir. Devant du corselet portant une bande jaune ; écusson
de cette couleur. Premier segment de l’abdomen de cette même
couleur ; les second et troisième noirs ; les quatrième et cin-
quième , ainsi que les côtés de l’anus, blancs; le dessus de
celui-ci roux noirâtre. Pattes noires : tarses roux. Ailes enfu-
DES HYMÉNOPTÈRES. 467
mées , surtout vers le bout. Femelle plus étroite que celle du
Bombus terrestris. Long. 1 pouce au moins.
Ouvrière. Semblable. Long. 7 à 5 lig. PE
Mäle. Cinquième segment abdominal entièrement blanc ; le
sixième noir en dessus, blane des côtés comme l'anus.
Nota. L’Apis schrimshirana Kixb. n’est qu’une modifi-
éation, et pas même une variété. On trouve la forme de la tête
plus ou moins alongée ou cerrée , et plus ou moins variable en
cela. Les ailes en vieillissant perdent leur couleur.
Très-commun par toute la France.
13. Bomsus TERRESTRE. — Bombus terrestris, V.
Sxn. Bombus terrestris Fab. Piez. n°4. Dahlb. Bomb:
Scandin. Monogr. p. 34; n° 5, fig. 5, — Apis terrestris
Kirb. Monogr. Ap. Angl. t. IE, p. 350, n° 97.
Hirsutus, niger ; thorace anticè fascié abdomünisque
segmento secundo flavis , quarto quintoque et ano albis :
pedibus nigris ; tarsis subtüs rufis.
Noir. Tête noire ; barbe des mandibules rousse. Corselet
noir, portant vers sa partie antérieure une bande jaune. Pre-
mier et troisième segmens de l'abdomen noirs , le second jaune,
les quatrième et cinquième, ainsi que l'anus, blancs. Pattes
noires ; bout des jambes en dessus, et dessous des tarses roux.
Ailes assez colorées de brun, mais transparentes. Femelle. Plus
large, en proportion, que celle du Bombus hortorum. Long.
11 big.
Ouvrière. Semblable. Long. 6 à 4 lig.
Mâle. Sixième segment blanc. Long. 6 à 4 lig.
Var. Bande jaune du corselet étroite , presque imterrompue
quelquefois. M. Dahlbom parle d’une variété dans laquelle la
bande jaune du deuxième segment de l'abdomen, est inter-
rompue, Il lui rapporte, comme synonyme, le Bombus dissec-
tus Gyllenhall. Ne serait-ce pas vieillesse et frottement des
30.
468 HISTOIRE NATUKELLE
poils sur le dessus de l’abdomen ? On trouve des individus dans
ce dernier cas. Une semblable défectuosité n de. cause e de
la variété que je décris. :
Très-commune dans toute la France, Se trouve à Oran. En-
voyée par:;môn: fils ;\oflicier re au déuxième thässeurs
d'Afrique. 4 rss GO Ul
14. hits DANOIS. — Bombus sorœensts Fab. Hi
n° ‘10, 7.
Svx. Apis soræensis event “Fan Pi LA er sut
Schæff. Icon, Ratisb. tab, 25:, fig. 6.
Nota. Bombus . sorϑnsis Dablb..: Bomb: Scandin.
Monogr. p. 38, n°11, certè diversus; quamvis Fabriciü
sxnony TH afferat, truncatum tamen synonymni& Pan-
cerian& Schæfferianäque. Nec et:am;possumus cum illo
Bombum neutrum:Fab. sorœensi àadjungere, ni utrique
sint, ut credirnis, Bombi terrestris meræ varietates. -
Hirsutus ,.ater ; abdomine apice latè albo.
Noir. Barbe des “lie rousse. Quatriéme ét cinquième
segmens de l’abdomen blanes ; ainsi que l'anus. Pattes noires ;
bout des jambes en dessus, et dessons des tarses roux. Ailes
assez enfumées, mais transparentes. Femelle. Long. 11 lig.
MNota.Ce Bombus, dont cette modification sexuelle est seule
mentionnée par les auteurs, n’est probablement qu’une des
variétés du Bombus terrestris. L'individu décrit sous ce nom
par M. Dahlbom est bien différent. Il ne convient ni à la des-
cription de Fabricius, premier auteur de l’espèce , ni aux figures
citées par cet auteur, que nous rapportôns , comme identiques ba
au nôtre, et que M: Dahlbom à eu raison de retrancher de la sy-
nonymie du sien. C'est aussi à tort qu'il cite le Bombus neuter
Fab., que nous allons décriré, comme synonyme du Soræen-
sis, à moins qu'il ne consenté à les regarder tous deux comme
variétés du Bombus térrestris on de l’Aortortum.
Rare. Musée de M. le conte Déjean. ,
DES -HYMÉNORTÈRES. 469
15, Bownus nEumRE. — Bombus neuter Fab. Piez. n024, F.
Vas. \ t. 91 > «0 de $
Syn. Apis neutra Panz. Faun. Germ. 56, tab. 7.
‘Hirsutus , dter, quinto segmento et ano albo.
Entièrement noir, à l'exception du cinquième segment de
Pabdomen qui est blanc, ainsi que l'anus, et du dessous des
farses qui est roux. Ailes enfumées, mais transparentes.
Ouvrière. Long. 4 lig.
-Wota. Le, Bombus soræensis Dahlb., celui de Fabricius,
son Bombus neuter, et par conséquent les nôtres , et plusieurs
autres espèces. des .différens auteurs ne sont que des variétés,
autant que nous pouvons le soupçonner , du Bombus hortorum
ou du zerrestris. Reste à savoir duquel.
Rare. Deux individus de la forêt de Saint-Germain , dans ma
collection.
- Ille DIVISION. Dernier segment de l'abdomen noir.
16. BomBus QUEUE-NoIRE. — Bombus melanurus, %, V.
Hirsutus, ater, thorace supra et lateribus, abdominis-
que;segmentis duobus primis flavis ; pedibus nigris; tar-
sorum, articulis quatuor extremis intrinsechs rufis.
Noir. Dessus et côtés du corselet jaunes, ainsi que les deux
premiers segmens de l'abdomen. Pattes noires ; poils du des-
sous du premier article des tarses roux ; les quatre derniers arti-
cles de ceux-ci foncièrement roux. Ailes fort enfumées, violä-
tres. Femelle. Long. 1 pouce.
Ouvrière. Semblable. Long. 5 lig.
Syrie. Musée de M::le comte Dejean , ci-devant de M. La-
treille , de la main duquel est écrit sous la femelle le nom spéci-
fique que nous conservons, quoiqu'il ne lait pas décrit; il a
mis aussi sous l'ouvrière l'indication de la patrie.
470 HISTOIRE NATURELLE
17. Bomsus DE Vire. — Bombus Virginicus Fab. Piez.
» Drury Ins. t. I, tab. 43, fig. 1, W.
Hirsutus , ater, thorax supra et lateribus, abdominis-
que primo segmento, sordidè luteis.
Noir. Dessus et côtés du corselet d’un jaune grisâtre, ainsi
que le premier segment de labdomen; quelques poils d’un
jaune grisâtre sur le vertex de la tête. Poils du dessous du
premier article des tarses roussâtres. Ailes un peu enfumées ,
l’étant plus vers le bout , où elles sont un peu violâtres. Fe-
melle. Long. 13 lig.
Amérique septentrionale. Musée de M. le comte Dejean.
8. Bomsus AcTir. — Bombus fervidus Fab. Riu 48, F.
Hirsutus, capite, thorace subtüs et fascià inter alas,
abdominisque segmento quinto et ano RESTES ÿ thorace
antico latè et lateribus , scutello et quatuor primis abdo-
minis segmentis, sordidè flavis ; ; pedibus nigris; alis vio-
laceis.
Tête noire. Côtés du corselet etson dos d’un fauve sale ;
celui-ci portant entreles ailesune bande noire étroite ; dessous du
corselet noir. L'écusson et les quatre premiers segmens de l’ab-
domen d’un fauve sale, ( peut-être jaune sale dans le vivant),
le cinquième et l’anus noirs. Pattes noires. Ailes enfumées!|,
violâtres. Femelle. Long. 13 lig.
Amérique méridionale : Philadelphie. Musée de M. le comte
Dejean. Localité écrite de la main de Latreille.
19. Bomsus RRÉsILIEN. — Bombus brasiliensis, F, %.
Hirsutus ;, ater, thorace anticè, scutello, abdominis-
que sesmentis primo tertioque lutes.
Tête noire. Corselet noir en dessous, en dessus et sur les
côtés jaune, avec une large bande noire entre les ailes. Ecusson
DES HYMÉNOPTÈRES. 471
jaune. Abdomen noir, à l'exception du premier et du troisième
segmens qui sont jaunes. Pattes noires. Aïles enfumées, violä-
tres. Femelle. Long. 1 pouce : large en proportion de sa
taille.
Mäle. Semblable à la femelle. Sixième segment de l’abdo-
men noir. Long. 6 lig.
Brésil. Musée de M. le comte Dejean. Localité de la main
de Latreille. |
20. Bomsus DE CAYENNE.— Bombus Cayennensis F ab. Piez.
n°13, Æ.
Hirsutus, ater ; thorace suprà flavescente, fasciä atré ;
abdomine atro, fascid flavescente ; alis fuscis violaceis;
pedibus nigris, tarsis subtüs rufris.
Tête noire. Corselet noir; en dessus, sa partie antérieure
occupée par une bande jaune. Ecusson de cette même couleur,
ainsi que le troisième segment de l’abdomen. Pattes noires ;
dessous des tarses roussâtre. Ailes très-enfumées, violâtres.
Femelle. Long. 13 lig.
Ouvrière. Semblable. Long. 6 lig.
Mäle. Semblable. Sixième segment de l’abdomen noir. Les
antennes sont plus longues dans tous les mâles Bombus quo
dans les femelles ; mais celui-ciles a plus longues en proportion
que bien d’autres. Long. 7 lig.
Cayenne , Brésil. Musées de MM. Serville et comte Dejean.
21. Bomsus De LiGurtE. — Bombus Ligusticus Spmol. Ins.
Ligur. fascic. 1. p. 29, F.
Syx. Bremus scutellatus Jurime, tab. 12, G° 37.
Hirsutus, ater ; thorace antice scutelloque luteis; tibiis
tarsisque fuscè rufis, suprà nigro villosis , subtùs rufo
hirtis. Alis fuscis , violaceo nitentibus.
Noir. Une large bande jaune, en devant surle dessus du cor-
selet. Ecusson de cetté même couleur. Jambes et tarses fon- :
472 HISTOIRE NATURELLE
cièrement d'un rouge noirâtre; leurs poils en dessus noirs,
ceux du dessous roux; Ailes rembrunies , avec un reflet violet,
Femelle. Long. 10 à 11ig,
Ouvrière. Semblable. Long. 4 lig.
Environs de Gênes, Musées de MM. Serville et Dejcan re]
le mien. Envoyé par M. Spinola.
22. BomBus AMÉnicais. — Bombus Americanorum Fab.
Piez, n° 16, 7.
Hirsutus, ater ; thorace anticè luteo ; abdomine suprà
luteo , segmentis, primi basi, quarto quintoque et ano ni-
gris; tibiis tarsisque fuscè rufis, suprà nigro villosis , sub-
ts rufo hirtis; alis fuscis, violaceo nitentibus.
Noir. Une assez large bande jaune sur le devant du cor-
selet. Abdomen jaune en dessus ; la base du premier segment,
le quatrième ; le cinquième et l’anus noirs. Jambes et tarses
foncièrement d’un rouge noirâtre : leurs poils en dessus noirs ;
ceux du dessous roux. Ailes rembrunies , avec un reflet violet.
Femelle. Long. 10 lig.
Amérique septentrionale. Musées de MM. Serville et comte
pie |
pe FER T ROUGE-VENTRE. — Bombus rubriventris, *X , F.
Hirsutus, ater ; thorace undique griseo hirto, pilis brevi-
bus. Abdominis suprà segmento primo nigro, secundo ,
tertio quartoque rubris, quinto anoque nigris ; tibiis tar-
sisque fuscè rufis, suprà nigro villosis, subtüus rufo hir-
tis. Alis fuscis, violaceo nitentibus.
Nigra si-fuisset hirsuties thoracis ; pro Bombo Carolino
habuissem.
Noir. Corselet éntièrement couvert de poils courts d’un blanc
grisâtre, mêlés de quelques poils noirs. Dessus de l'abdomenayant
son premier segment noir ; les second , troisième et quatrième
rouges; le cinquième et l’anus noirs, Jambes et tarses foncière-
ce
DES HYMÉNOPTÈRES, 473
ment d’un rouge noirâtre; leurs poils en dessus noirs, ceux
du dessous roux. Ailes rembrunies, avec un reflet violet.
Femelle. Long. 11 hig.
. Nota. Si les poils du corselet eussent été noirs, je l'aurais
pris pour le Bombus Carolinus des auteurs.
Brésil. Musée de M. le comte Dejean.
24. Bomsus viozer. — Bombus violaceus, PF, %.
Hirsutus, niger; pedibus nigris, tibiis tarsisque subtus
rufo hirtis : alis fuscis, violaceo nitentibus.
Noir. Pattes noires; poils du dessous des jambes et des
tarses roux. Ailes rembrunies, avec un reflet violet, Femelle.
Long. 13 lig.
Ouvrière. Semblable. Long. de 7 à 5 lig.
Amérique septentrionale, Musée de M. Serville.
25. Bomeus RurIPÈDE. — Bombus rufipes, V, %.
Hirsutus, niger, tarsis omnibus tibiisque duobus pos-
licis rufis , rufoque hirtis ; alis violaceis.
Noir. Tous les tarses fonciérement roux, ainsi que les deux
jambes postérieures ; les poils de ces parties roux en dessus et
en dessous, Ailes rembrunies , avec un reflet violet.
Ouvrière probablement. Long. 6 lig.
Ile de Java, d’après M. Latreille. Musée de M. le comte
Dejean,
4° Fame. LES POLISTIDES.
Caractères. Langue courte, presque en cœur.
Mandibules guère plus longues que larges, tron-
quées obliquement à leur extrémité. Leur bord supé-
rieur plus long que l’inférieur. Quatre dents.
Des femelles fécondes, des femelles infécondes et
474 HISTOIRE NATURELLE
des mâles, tous également pourvus d'ailes à l'état
parfait.
Yeux échancrés.
Antennes vibratiles, légèrement en massue : pre-
mier article long, cylindrique; le second très-petit ,
presque rond; le troisième alongé, conique.
Ailes ployées longitudinalement (1).
Jambes postérieures pourvues de deux épines à
leur extrémité.
Premier article des tarses postérieurs sans dilata-
tion ni oreillette.
Radiale une, ayant son bout postérieur à peu près
aussi rapproché du bout de l’aile que celui de la troi-
sième cubitale,
Quatre cubitales : la première la plus grande de
(1) Ce caractère, qui se retrouve également dans les gevres
Synagiis , Pterochilus , Odynerus et Æumenes , et qui sen: ble aussi
appartenir aux Masaris et aux Célonites, paraît avoir déterminé
M. Latreille à réunir dans une même famille tous ces genres, avec
ceux qui composent pour nous la famille des Polistides ; (il y joignait
même le genre Ceramius , qui a toujours les ailes sans pli longitudi-
nal). Cet attribut ne se retrouve, en effet, que dans les genres que
nous venons de citer et dans les dde Mais quelque commode
qu il soit pour caractériser une famille artificiellement, il ue répond
à aucune modification quelconque des mœurs ou habitudes d'agir de
plusieurs de ces Hyménoptères, puisque leurs différences en cela sont
énormes. 1° Nos Polistides vivent en société et ont deux modifica-
tions du sexe féminin , ce qui entraîne un grand développement des
facultés instinctives, entre autres le talent de l'architecture ; tandis
que ceux des Diploptères Latr., que nous n'y admettons pas, vivent
isolés, ne soignent ni leurs mères, ni leurs sœurs, n’agissent
jamais d'accord , et n'édifient rien. 2° La nourriture des larves des
Sociaux est presque entièrement végétale, et leur est fournie
jouruellement; tandis que celles des autres est entièrement de
proie, c'est-à-dire de larves ou d'Insectes apportés par la mère
dans un trou creusé en terre par elle, ayant la ponte de l'œuf.
Un second caractère, allégué par M. Latreille, est l | ai
des yeux ; mais il n'est pas exclusivement propre aux seuls Diplop-
DES HYMÉNOPTÈRES. 475
toutes ; la deuxième toujours rétrécie vers la radiale,
recevant les deux nervures récurrentes ; la troisième
de forme variable, rétrécie, tantôt vers la radiale et
tantôt vers le limbe; la quatrième souvent commen-
cée, toujours incomplète, c'est-à-dire que le cubitus
n’atteint pas le bout de l'aile.
Trois discoïdales complètes ; la première fort lon-
gue et remontant beaucoup, conjointement avec la
deuxième, dans la partie brachiale.
Histoire des Polistides.
Les Hyménoptères dont nous avons à parler ici,
ont de tout temps partagé, avec les Hétérogynides,
la défaveur qu'attirent aux Fourmis les pillages
tères, et il se retrouve dans des genres de Fouisseurs, dont quel-
ques-uns ont aussi les antennes en massue et le prothorax pro-
longé en arrière, de chaque côté, jusqu'a l’origine des ailes. Cette
modification de quelques parties, signalée par notre célèbre maître,
n'est donc pas propre à caractériser une famille , dans une méthode
rapprochée de la nature, parce qu'elle n'influe pas sur les mœurs
et parce que, ou bien ces caractères n’appartiennent pas à tous les
genres que celle-ci renferme dans ses ouvrages , ou ils les partagent
avec d'autres genres placés à juste titre loin d'eux. Il est, au con-
traire, certain que les caractères pris des mandibules et de la
langue par Latreille, pour séparer ses Diplopteres sociaux de ses
Diploptères solitaires, doivent caractériser deux familles par leur
influence sur les mœurs : ces parties, courtes et fortes dans les es-
pèces sociales , les rendent propres à bâtir, { voir plus bas notre his-
toire des Polistides, où nous en expliquons l’usage ); tandis que la
longueur des mêmes parties, dans les Solitaires, les rend propres a
saisir et à déplacer des proies entières et grosses, en même temps
qu'impropres à une bâtisse réguliére. Les mœurs de ces dernières
me forcent à les reporter aux Fouisseurs Latr., puisque, comme
ceux-ci, elles fouissent la terre, on creusent le bois pour la plupart,
afin de placer leur postérité dans les trous qu'elles ÿ pratiquent,
tandis que les premières formeront une famille dans nos Hymé-
noptères Ovitithers, socianx.
L 14
436 HISTOIRE: NATURE L LE
qu'on leur reproche-.ayec amertume ; tandis que nous
croyons, avoir,démontiré que ces Insectes sont dans
leurs droits naturels, .en s’attribuant le libre usage
des productions, qui, propres à la nourriture de leur
espèce, se trouvent à leur portée. L'homme, généra-
lement parlant , détruirait les Fourmis et les Guëêpes,
s’il était en son pouvoir de le faire. Sans prétendre
l'empécher d'user de son droit de maître de la terre,
nous lui rappellerons ici, sinon au profit des Guépes
(c'est le nom vulgaire qu’on donne en général aux Po-
listides, et le nom particulier à l’un des genres de
cette famille), au moins au profit des hommes, que
la loi de Moïse, en.cela plus sage que nos lois civiles,
permettait au voyageur, pressé de la faim ou de la
soif, de cueillir, poûr satisfaire à son besoin, quel-
ques fruits ou ps grappes de raisin dans le
champ d'autrui, sans être obligé, pour cela, de dé-
dommager le propriétaire. Nos Polistides ont à four-
nir aux besoins de leur postérité.
La nourriture obligée des Guëêpes et de leurs larves
est, comme dans lés genres dont nous avons déja
donné l'histoire, le suc doux et souvent sucré que
renferment et même que distillent certaines parties
des vésétaüx. Le miel est certainement de leur soût ,
et nous verrons, même plus tard qu'il leur devient né-
cessaiïre à l’ époque où elles ont à élever les individus de
leur éspèce, qui sont destinés à là propager. La confor-
mation, de leur langue ne leur donne pas autant de
facilité Pour cette récolté qu'aux Apiaridés. Aussi
est-ce surtout des fruits qu elles retirent les sucs dont,
elles se nourrissent ; et qu'elles dégorgent à l4 progé-
niture qu elles sont chargées d'élever. Comme es
fruits n'existent pas encore au printemps, elles vont
attaquer des Insectes à qui il est plus facile qu
LÉ)
DES HYMÉNOPTÈRES, 497
elles-mêmes de récolter les sucs mielleux : éllés s’en
emparent et les portent à leurs petits, comme une
proie, après les avoir réduits en une espèce de bouil-
lie avec leurs mandibules. Ce sont principalement les
Diptères dont elles se rendent maîtresses à cet éflet,
et, comme ceux-ci se nourrissent ordinairement de
sucs végétaux, ce sont encore ces SuCs qu elles ARE
suivent dans le corps de leurs victimes:
Lès sociétés des Polistides sont basées sur les
mêmes lois naturelles que celles : des Bombides :
elles sont annuelles, et se dissolvent peu ‘après le
commencement des froids. Péu dé temps avant cette
époque, les jeunes femelles fécondes ‘s’aécouplent,
et, lorsque le froid vient, elles se -dispersent et se
retirent dans des trous, soit en terre, soit dans Îles
murs, soit dans les arbres : j'en ai vu chercher un
äsile dans des appartemens, derrière des boiseries ou
des papiers décollés. Lorsque la chaleur du printemps
vient les rappeler à l’activité, elles se répandent sur
les fleurs nouvelles, et commencent à y chercher des
alimens qui réparent leur vigueur. Il n’est pas rare
de les rencontrer à cetle époque, encore assez peu
susceptibles de travaux, sur les fleurs des arbres frui-
tiers précoces dans nos jardins et sur les fleurs encore
plus hâtives du prunier sauvage, ( Prunus spinosus),
dans les haies et les forèts.
Lorsqu’elles ont repris un peu de vigueur ; cha-
cune de ces femelles cherche un local propre à la
construction de son nid. La localité et la forme de ce
nid est variable, selon le genre, et même selon les-
pèce de la constructrice. Quant à la matière première,
qui y est employée, ( je ne puis parler ici avec certi-
tude que des espèces européennes), ce sont des fibres
478 HISTOIRE NATURELLE
de bois mort; et déjà entrant en décomposition, qui
sont employées par la plupart des espèces. Une seule
espèce emploie les fibres d’une écorce vivante, et
principalement cellés de l’aune , des peupliers et des
saules. La plupart de nos Guépes (Vespa) et nos
Polistès (Polistes), sont dans le premier cas; la seule
Guëêpe frélon ( ’espa crabro) est dans le second.
Pour employer ces matériaux à la construction de
leurs cellules, es Guêpes ont recu de l’Auteur de la
nature des instrumens appropriés à leurs différentes
fonctions dans la récolte et le transport pour l'usage
de la bâtisse. Tous font partie de la bouche.
Si l’on considère en avant la tête d’une Guépe à sa
partie inférieure, on aperçoit d'abord deux mandibu-
les dentées à leur extrémité, qui ferment l'entrée de
la bouche : les dents des deux mandibules ne sont pas
opposées parleur pointe ; mais celles d’une mandibule
s’engrènent entre celles de l’autre. Les dents aiguës du
bout sont ordinairement au nombre de trois, et en
outre, sur chaque mandibule, on apercoit, un peu
plus bas, à la partie interne, un tubercule assez ob-
tus. Ces mandibules vont s’articuler avec la tête tout
près des deux côtés de la lèvre inférieure ( ou épipha-
rynx, Savigny ). Au-dessus de ces mandibules, est le
labre, (ou lèvre supérieure), que les premières recou-
vrent en entier, lorsqu'elles sont dans le repos et fer-
mées, et qui est fort étroit. Au-dessus est le chaperon,
grand et un peu convexe.
Pour bien voir les autres parties de la bouche, il
faut écarter, autant que possible, les deux mandibu-
les, ou même détacher la tête de la Guépe et la re-
tourner. Alors on aperçoit, couché entre les parties
inférieures des mandibules, un corps assez alongé,
TO ONE NS PET EE
DES HYMENOPTÈRES. 479
reployé sur lui-même, et cylindrico-comprimé. Si l’on
développe ce corps, la langue se montre à son extré-
mité antérieure. Elle est à peu près en forme de cœur,
sa partie avancée se dilatant en deux lobes, terminés
chacun par une callosité, et la partie inférieure se
rétrécissant en rejoignant un tronc tubuleux, dont
l'ouverture est à la base de la partie que nous venons
de décrire. Vers cette base, et sur ses côtés, parais-
sent insérées deux parties assez aplaties, assez étroites
et se terminant en pointe, que M. Latreille paraît
avoir prises pour des lobes latéraux de la langue;
mais que l'analogie nous force, malgré l’autorité d’un
si grand maître, à considérer comme des mâchoires :
l'extrémité de ces mâchoires est garnie d’une callosité.
J'ai dit que ces parties paraissaient insérées à la base
de la partie cordiforme de la langue ; mais ceci n’est
pas exactement vrai, ce n'est que la seconde articu-
lation des mâchoires, qui commence en cet endroit.
Elle est précédée d’une première, qui, s'appliquant
sur le tronc tubuleux dont nous avons parlé plus
haut , lui sert de fourreau. Près de l'endroit où com-
mence la deuxième articulation, sont insérés les pal-
pes maxillaires, qui paraissent être composés de
quatre articles. À la base postérieure du tronc tubu-
leux , est l'entrée de l’œsophage, protégée par une
lèvre inférieure très-petite, (épipharynx, Savigny),
mais apparemment suflisante pour empêcher les ali-
mens liquides, qui y parviennent, de se repandre
aux environs, et pour les conduire à l’œsophage. La
longueur commune , du tronc tubuleux et de la lan-
gue dans son plus grand développement , ne surpasse
pas, ou peu, la longueur de la tête prise du vertex à
l'extrémité des mandibules fermées. Comme ce tronc
480 HISTOIRE NATURELLE
est inséré vers le milieu postérieur de la tête, la
langue dépasse de près de moitié les mandibules,
lorsqu'elle est en action et celles-ci en repos. Les
parties que nous venons de décrire dans ce dernier
alinéa , sont la trompe de la Guëpe.
Après avoir décrit les parties de la bouche, pas-
sons à leurs usages.
Les mandibules servent aux Guêpes à détacher les
fibriles de bois mort, déjà corrompues, ou celles de
l'écorce vivante. J’ai vu souvent et des Guépes et des
Polistès , posées sur des planchés ou sur desappuis dé
fenêtres qui n'avaient pas été peints, ou bien dont la
peinture, depuis long-temps usée , laïssait à nu des
fibres déjà ramollies par un #rand' “ohBle de pluies
successives, qui les avaient en quelque sorte rouies.
Ces travailleuses ouvrant leurs mandibules, et appe-
santissant en même temps leur tête, pour énfoncer
dans le bois les dents apicales, détaéhaient, en cher-
chant à fermer ces mandibules ; des fibres à peu près
d’une ligne de longueur. Ensuite, en comprimant
ces fibres à plusieurs fois , elles eu diminuaient la
longueur et les divisaient même en plusieurs fi-
briiles, selon leur longueur, comme le fait pour le
chanvre le seranceur. Ensuite, le dégorsement d’une
liqueur gluante donnait une liaison à toute la masse
travaillée, et les mandibules la transportaient au
nid, à l'accroissement duquel elle devait être em-
ployée. Là, pressée de nouveau par les mandibu es,
elle est réduite en une lame, à peu près comme une
masse de métal l’est par les cylindres du Jlaminoir.
Lorsque cette opération première est finie, la langue
achève l'ouvrage, et lui donne une éspèce d'éclat et
de poli, en l’enduisant de la liqueur egluante qui a
déjà été employée pour sa composition.
DES HYMÉNOPTÈRES, 48:
Les mandibules servent donc à détacher la matière
première des nids , à la préparer , à la transporter et
à l’employer à la bâtisse : elles sont en outre utiles à
tous les autres transports. Leur force leur permet de
saisir et d'emporter d’assez gros objets, que leurs
dents assujettissent suffisamment.
Les mandibules des Guëpes leur servent encore à
entamer les fruits dont elles veulent sucer le jus et
couper des morceaux de pulpe, ou à déchirer les In-
sectes dont les parties internes sont succulentes et peu-
vent suppléer les liqueurs sucrées entièrement végéta-
les, qu’elles préfèrent ordinairement pour la nourriture
de leurs larves. C’est surtout lorsque la sécheresse
amène la rareté du miel et de ces liqueurs, que les
Guëpes se jettent sur les Insectes : les Abeilies et les
Diptères qui se trouvent sur les fleurs , ou qui ont été
nourris de la séve extravasée des végétaux , leur offrent
alors un équivalent utile et même nécessaire. Dans
des cas de disette encore plus absolue, j'ai vu des
Polisiès couper en pièces des Locusta piquées sur
une planche de liége et les dépecer encore vivantes.
Des auteurs, et entmg autres Réaumur, affirment
les avoir vues se jeter sur les viandes de boucherie,
et particulièrement sur le foie des animaux, suspendu
à la porte des bouchers.
Lorsqu'une Guêpe s'empare d’un Insecte un peu
gros, ce nest pas en le piquant de son aiguillon
qu’elle le met hors d'état de s'enfuir. Si la proie est
grosse , si, parexemple, c'est une Abeille domestique,
elle la saisit posée , et, l'assujettissant avec ses pattes,
elle lui coupe la têle avec ses mandibules. Il en est de
même des gros Diptères, autant quesj'ai pu l’obser-
ver. Quant aux petits Diptères, elle les mâche, en
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 51
432 HISTOIRE NATURELLE
quelque sorte, avec ces mêmes mandibules; et sans
en rien retrancher, ni en exprimer le jus, ni le sucer,
elle en forme une espèce de boulette qu’elle emporte
au guépier. J'ai souvent vu ce fait sur la Musca do-
mestica, que des Guëpes venaient chercher jusque
sur l’intérieur des vitraux de ma chambre.
Quant aux liquides, tels que le jus des fruits, le
miel des fleurs , la miellée , la séve des arbres et mémé
l'eau ; ils sont ramassés par la langue et avalés, pour
être ensuite dégorgés , par le même mécanisme qué
nous avons admiré dans les Abeïlles. Les Guëpes ne
forment pasordinairement de magasins de provisions ;
cependant il est une époque, celle où elles élèvent les
individus mâles et femelles, qui doivent perpétuer
l'espèce, où l’on trouve, dans un certain nombre d’al-
véoles, une provision de miel. Du moins j'ai souvent
observé que les nids de Polistès, qui avaient des cel-
lules plus larges et plus longues que les autres, les-
quelles, par conséquent , contenaïent les larves les
plus grandes et les plus grosses, (ne pouvant être que
celles des mâles et des femelles fécondes) , conténaient
aussi des cellules pleines de ngel, que j'ai goûté et
trouvé très-agréable. M. Auguste de Saint-Hilaire,
que nous avons déjà cité avec estime et reconnais-
sance, (sentimens motivés par des mœurs irrépro-
chables, par sa communicative bienveillance et par
les progrès que ses voyages et ses ouvrages ont fait
faire à la Botanique et à l’'Entomologie), rapporte un
fait semblable observé sur un Polistide que les Brési-
Liens connaissent sous le nom de Léchéguana. I dit
avoir trouvé, dans le nid de cette espèce, une assez
grande quantité*de miel, dont il mangea, le trouvant
agréable , et dont cependant ik fut incommodé au point
de se croire empoisonné : ce qu’on doit. attribuer aux
DES HYMÉNOPTÈRES. 483
végétaux sur lesquels ce miel avait été recueilli. L’hu-
meur querelleuse et guerrière des Guêpes se prête peu
à observation : cequi m'a empêchéile m'assurer direc-
tement, si les espèces du genre Y’espa en font autant;
cependant l’analogie porte à lecroire, et la conclusion,
que je tire des faits cités, ne pourrait, ce me semble,
être attaquée que par d’autres faits. L'époque à laquelle
j'âi trouvé du miel dans les nils des Polisiès, prouve
que cé miel est un ingrédient nécessaire à la nourri-
ture des larves des individus élevés pour la fécondité
et la propagation.
Ayant actuellement décrit les organes qui servent
aux Polistides, ou vulgairement Guëpes, à construire
leurs nids et à nourrir leur postérité, nous allons en-
trer dans les détails de leurs mœurs et de leur archi-
tecture , qui paraît être variée selon les espèces. Quoi-
qué la Guëpe, en général, passe pour querelieuse et
pottée à attaquer même celui qui ne lui dit rien et
s’arrête près de sa demeure sans intentions hostiles,
elle vit en société ; elle a l’esprit de société, comme
lés familles dont nous avons parlé précédemment. Ses
sociétés sont souvent fort nombreuses, et l'intelligence
et l'accord y rèsnent, de mêmé que parmi les Abeilles,
tant que la viecommune doit durer,cest-à-dire depuis
le printemps jusqu'aux gelées de l'automne. Lorsque
le zéphir a ranimé les jeunes femelles, qui avaient été
fécondées avant les froids de l'hiver précédent, e a-
eune d'elles commence seule à bâtir les fon lemens
d'un établissement, qui deviendra dans quelques mois
une ville très-grande et très-peuplée; elle se met à
l’ouvrage, sans s’effrayer de sa solitude, à laquelle sa
fécondité va bientôt remédier.
Plusieurs espèces de Guëpes construisent sous terre
3r.
484 HISTOIRE NATURELLE
leur nid, et choisissent, pour le placer, une cavité
dont la voûte soit à deux ou trois pouces de la super-
ficie du sol. Cette cavité doit être assez grande pour
contenir une masse à peu près ronde, de huit à dix pou-
ces au moins de diamètre. Mais souvent , lorsque la
jeune mère commence son nid , cette cavité est loin d’a-
voir cette dimension, à laquelle elle ne parviendra que
par les efforts de sa population toujours croissante. Il est
utile à la mère que la voûte supérieure contienne une
racine assez solide, pour servir de base invariable à
ses premiers travaux : car c'est par le haut, par le
toit, à proprement parler , que l'édifice doit être com-
mencé. Quand il sera terminé, il sera composé de
deux parties bien distinctes, savoir, à l'extérieur
d’une enveloppe épaisse de huit à dix lignes, et à
l’intérieur de gâteaux placés horizontalement , com-
posés d’un rang de cellules hexagones, dont l’ouver-
ture est dirigée vers le bas. Le plus élevé de ces gâteaux
est attaché à la vote supérieure de l'édifice, par des
espèces de poteaux ou de colonnes : le second est sem-
blablement suspendu au premier, le troisième au se-
cond , et ainsi de suite. Le nid contient souvent, à
l’arrière-saison , huit gâteaux ainsi disposés , ou même
plus. Aucun d'eux ne tient par ses côtés aux parois de
l'enveloppe; il reste, entre leurs bords extérieurs et
celle-ci, un espace qui permet aux habitantes de pas-
ser d’un gâteau à un autre, et chacun de ces gâteaux
est cloigné des autres, de manière à permettre le
passage simultané de deux Guëpes, l’une parcourant
la face inférieure d’un gâteau, l’autre la face supé-
rieure du gâteau qui est immédiatement au-dessous
du premier mentionné. L'écartement , qui permet ces
mouvemens, est maintenu partout le même par les
piliers dont nous avons parlé. L'enveloppe, Îles
\
DES HYMÉNOPTÈRES. 485
cellules et les piliers sont composés de ces portion-
cules de fibrilles de bois que nous avons vues déta-
chées par les mandihules des Guëêpes. Elles sont
mélées d’une liqueur gluante, et par une nouvelle pré-
paration, elles deviennent une espèce de pâte, et
prennent, sous la pression des mandibules , la forme
d’une sorte de papier. Dans l’état de mollesse, on
conçoit facilement que cette matière adhère aux en-
droits sur lesquels elle est posée, et qu'ensuite elle
s’étende sous la pression des mandibules pour pren-
dre la forme que désire lui donner l’industrieuse
Guëpe. Elle s’y prend pour cela comme l’Abeille, dont
nous avons décrit les procédés, agit pourétendre la cire.
Cependant la première n’a pas de fonds pyramidaux à
construire pour chaque cellule, puisque ses gâteaux
ne contiennent qu'un rang d’alvéoles : elle les fait donc
très-légèrement convexes. Ces fonds sont commede pe-
tites soucoupes ; leur bord a six côtés, dont chacun sert
de base à un côté de la cellule qui s'élève sur ce fond.
Les piliers ou colonnes, dont nous avons parlé
comme altachant les gâteaux supérieurs aux infé-
rieurs, et maintenant entre eux l’écartement néces-
saire à la circulation, ces piliers, dis-je, sont com-
posés de la même matière que les cellules ; mais leur
forme est cylindrique, et ils sont terminés à chaque
bout par un empâtement, qui les rattache fortement
aux gâteaux supérieur ét inférieur. Ces piliers sont
assez nombreux dans l'intervalle de chacun des
gâteaux.
Pour construire l’enveloppe, la même matière, ou
pâte de tibrilles de bois , est formée par la Guëpe en
membranes étendues, minces, à peu près de la forme
de la moitié d’une coquille bivalve, et par conséquent
un peu convexe d’un sens, et concave de l’autre. On
486 HISTOIRE NATURELLE
a comparé avec raison cette préparation des fibres du
bois par les Guêpes, au papier, que tout le monile sait
être composé de fbrilles de linge, et par conséquent
orisinairement vézétales. Ce papier est d'un gris noi-
râtre, et l'enduit gommeux , que lui donne la langue
en le polissant , lui donne, dans la nouveauté, un re-
flet argentin. Il s'ensuit que les Guépes fabriquaient
avant l’homme une espèce de papier. C’est avec ces
membranes superposées les unes aux autres, la con-
vexilé placée en dehors, que la Guêpe forme la eou-
verture de son nid, en les assujettissant entièrement
les unes aux autres par leurs bords, de manière à
laisser entre elles un léger intervalle, que cause la con-
cavité intérieure de chacune d'elles. On doit remar-
quer que la convexité, étant à l'extérieur , cette dispo-
silion tend à écarter l'eau et toute humidité du nd
qu'elle protése. Quatre, cinq ou six membranes, ainsi
superposées et bien jointes par les bords, distinctes
entre elles par leur concavité, forment les parois de
l'enveloppe générale. Chacune de ces membranes peut
avoir, dans ses dimensions de largeur et longueur, de
six lignes à un pouce ou un pouce et demi, et c’est or-
dinairement sur la convexité des intérieures que sont
soudées les bords des extérieures : disposition qui tend
encore à empêcher l'infiltration des eaux.
Lorsque la jeune Guépe qui veut fonder un nid en
terre, et c'est le cas de toutes celles de quelques
espèces qui ont été fécondées à l'automne, a trouvé la
cavité convenable, elle construit un pilier qu’elle
attache à une racire d'arbre de la voûte de cette
cavité. Elle fait ce pilier plus long que ceux qui sépa-
reront un jour les gâleaux, et à son bout inférieur
elle construit une cellule hexayone et d’autres sembla-
bles tout autour de cette première; et même elle
DES HYMÉNOPTÈRES. 487
commence l’enveloppe entre la voûte de terre et la
cellule. Cependant elle pond des œufs dans les cellules
de sa construction , et de nouveaux devoirs lui sont im-
posés par la naissance des larves , ses premières nées.
Elle doit aller chercher de la nourriture, non plus
seulement pour sa propre subsistance, mais pour celle
de ses enfans chéris qui, bientôt devenns Insectes
parfaits, Ja soulageront des travaux qui l'ont d’abord
surchargée. Nous ne savons pas combien de temps
l'œuf met à éclore, ni la durée de la vie de la larve et
de la nymphe. L'insociabilité des Guëpes a éloigné
jusqu'ici l'observation.
Les larves de Guêpes , ayant souvent à manger des
alimens plus solides que celles des Abeilles qui ne
sont nourries que de pâtée fort liquide, c’est-à-dire
devant recevoir de leur mère ou de l’ouvrière des
morceaux de fruits ou même des portions d’Insectes,
sont mieux fournies que celles-ci d'instrumens pour la
manducation, (instrumenta cibaria ). En examinant la
tête en devant avec une bonne loupe, on aperçoit en
haut une espèce de crâne, vers la partie antérieure
duquel sont deux points brillans, qui paraissent être
des yeux ou au moins des ocelles: au-dessous est un
labre, échancré dans son milieu , qui cache en partie
la cavité buccale. De chaque côté de la bouche sont
placées deux mandibules, ou au moins deux corps
assez durs , arqués , bidentés au bout, qui font l’usage
des mandibules en attaquant les corps solides, et les
mettant en état de pénétrer dans la cavité qui est au
milieu d'elles. Plus bas est une espèce &e lèvre infé-
rieure, trilobée, dont le lobe du milieu est un peu
concave et amène les liquides ä la bouche. La mère
elle-même, ou le plus souvent l’ouvrière qui donne
la becquée aux larves, broie un peu avec ses mandi-
488 HISTOIRE NATURELLE
bules, les parties solides de ces alimens , et les avale
même souvent avant de les leur dégorger.
Les premiers œufs, pondus par notre femelle fonda-
trice, produisent des ouvrières, qui, de même que
dans les genres précédens, sont des femelles bien ca-
ractérisées par les parties extérieures de leur sexe,
et même intérieurement par la présence des ovaires ;
mais ceux-ci sont dansun état visible dedétérioration,
qui ne permet à aucun des germes de s’y développer :
aussi ne s’accouplent-elles pas. Aussitôt que leurs
forces le leur permettent, elles s'occupent des tra-
vaux de la ruche. La femelle féconde, dont la ponte
devient de plus en plus nombreuse, n’a plus à se mé-
ler, ni de la bâtisse, ni de la nourriture de sa posté-
rité. Elle-même ne s’absente plus ; car, de l’époque où
l’on commence à voir des ouvrières Polistides allant
aux provisions, on n'apercçoit plus, sur les fleurs, de
femelles fécondes , lesquelles seraient très-reconnais-
sables par leur taille à peu près d’un tiers plus forte
que celle des ouvrières, et il ne s’en rencontre désor-
mais que lorsque les jeunes femelles sont écloses à
l’arrière-saison pour l’année suivante. La mère, restant
au guépier, est nourrie par les ouvrières ses enfans.
À mesure que la ponte augmente, les gâteaux s’a-
grandissent et se multiplient par les travaux assidus
des jeunes ouvrières, qui arrivent à l’élat parfait. La
couverture, qui les enveloppe, se continue, en sorte
que le nid entier prend la forme et le volume que
nous avons indiqués plus haut. Mais, pour lui donner
ces dimensions, les ouvrières sont souvent obligées
de déblayer la terre qui se trouve au-dessous des pre-
miers travaux, et leurs mandibules sont les seuls outils
qui puissent les aider à détacher et à enlever cette terre
superflue : travaux dont j'ai été quelquefois témoin
DES HYMÉNOPTÈRES. 489
pour les transports extérieurs, et qui sont longs et
pénibles, les mandibules ne pouvant quelquefois sai-
sir que quelques grains de terre, et ayant d’autres
fois à porter.de petites pierres assez lourdes pour
des Insectes. Ces matériaux sont toujours portés
à quelques toises du nid , et dispersés.
C’est ordinairement vers le commencement d’août
que l'enveloppe est entièrement terminée. L’ouver-
ture, par laquelle les Guêpes sortent de cette enceinte
et y rentrent, est située vers le bas, et d’un diamètre
seulement à laisser passer le doigt. Alors les gà-
teaux sont bien avancés, et les derniers contiennent
des cellules de deux dimensions différentes. Les plus
grandes vont recevoir des œufs du sexe féminin desti-
nés à recevoir la nourriture et l'éducation, qui les ren-
dront susceptibles d’être fécondées par l’accouple-
ment : les moyennes recevront des œufs de mâles,
dont la taille, el surtout la grosseur, est moyenne entre
celles des deux modifications du sexe féminin ; et les
plus petites enfin, composent à elles seules les sâteaux
précédens. Elles n’ont contenu et ne contiendront
presque toutes que des œufs et des larves de femelles
infécondes, c’est-à-dire d’ouvrières. À cette époque,
la population est beaucoup augmentée, et elle sera à
son maximum du 20 septembre au 10 octobre. C’est
pendant ce dernier laps de temps que l’on trouve sou-
vent, en dehors du guépier, de jeunes mâles et de jeunes
femelles. Ils se recherchent bientôt pour l’accouple-
ment, à la fin duquei nous pensons que le mâle périt,
comme ceux des familles précédentes. Au moment de
l'apparition des œufs de ces individus , qui doivent
engendrer, l’analogie me porte à croire que les Guëpes
souterraines, dont nous parlons, ramassent du miel
dans quelques alvéoles, comme nous l'avons vu nous-
490 HISTOIRE NATURELLE
mêmes dans le genre Polistès, plus facile à observer,
et dont nous parlerons bientôt.
On n'a point encore observé, à notre connaissance,
combien de temps durent les états d'œufs , de larves
et de nymphes, pour les Guêpes; mais on sait que
lorsque la larve a pris toute sa croissance, elle bou-
che l'ouverture de sa celluie et lui fait un couvercle
de soie , et que, lorsqu'elle est parvenue à l’état par-”
fait, elle détache elle-même le couvercle en en cou-
pant les bords avec ses mandibules. Je crois que la
population d’un guépier, à l'époque que nous avons
indiquée pour son maximum, peut atteindre, dans
les espèces qui le font en terre, le nombre de deux à
trois mille individus , dont trois à quatre cents seront
des mâles et des femelles susceptibles de fécondation :
le nombre : es premiers surpasse, mais faiblement ,
celui des femelles, selon qu'il m'a paru.
Il est des Guêpes, certainement du même genre,
mais d’une autre espèce que les précédentes, qui for-
ment un nid semblab'e à celui que nous venons de
décrire, mais qui le placent altaché à une ou plu-
sieurs branches dans la plus épaisse feuillée d'arbres
élevés. Nous ne connaissons pas à quelle espèce ap-
parlient ce nid. Réaumur l'a figuré tom. VI, PL r9,
fig. 1 et 2, sans désigner l'habitante, Peut-être est-ce
la Vespa rufa, Auct.
La plus grosse espèce de nos Guépes , qu'on nomme
vulgairement Frélon, ( Fespa erabro des auteurs),
fait son nid dans les trous d'arbres creux, tels que
sont souvent les saules, les peupliers et les vieux
chënes, dans les trous des murs, ou même dans les
recoins des greniers qui ne sont pas fréquentés. Les
- Frélons ne sont pas plus portés à laisser inspecter
leurs travaux , que les Guépes dont nous avons parlé
DES HYMÉNOPTÈRES. 4or
jusqu'ici , et, lorsque l’entrée du trou, oùilsont établi
leur nid, est trop grange, ils la rétrécissent en la bou-
chant en partie par une cloison, construite de la même
malière que les alvéoles ou cellules de leurs gâteaux,
que nous avons dit plus haut être faite d’écorce d’ar-
bres vivante ,: broyée par les mandibules de nos tra-
vailleuses. Ils en fabriquent, par ce broiement et le
mélange d'une liqueur visqueuse qu'ils désorgent, une
espèce de carton fragile, c'est-à-dire quelque chosede
plus épais que le papier auquel nous avons comparé
les travaux des Guêpes souterraines. Ce dernier est
susreptible de se froisser, et même de se friper, sans
se briser ; au lieu que le carton des Frélons est cas-
sant et se broie facilement sous les doigts. Sa couleur
est fauve, et sa superficie n'a rien de brillant. Si le
nid de nos Frélons ne peut remplir la cavité dans le-
quel il a été commencé, il sera protégé par une enve-
loppe commune , mais celle-ci ne sera pas composée
de plusieurs membranes superposées les unes aux au-
tres, comme dans les nids que nous avons déjà décrits.
Ils la construisent simple , mais plus épaisse que cha-
cune des membranes de l'enveloppe des guépiers sou-
terrains : celle-ci n’a pas plus d’un huitième de ligne
d'épaisseur, la leur peut'avoir près d’une demi-lisne.
Réaumur, (t. VI de ses Mémoires , PI. 18 ), figure un
nid ainsi protégé , qu'il trouva dans une cavité, entre
les pierres d’un mur de terrasse, et j’en ai vu un sem-
blable établi dans un recoin, sous le toit intérieur d'une
grange. Ces deux nids élaient portés sur un pédicule
assez long, et entourés, vers Ja base, par l'enveloppe dont
j'ai parlé, qui s’évasait autour en cornet ; elleétait visi-
blement composée de plusieurs zones concentriques de
ce carton dont nous avons parlé. Le pédicule traver-
sant l'enveloppe, s'évasait en un empätement, sur
492 HISTOIRE NATURELLE
lequel était fondé le premier gâteau. Les gâteaux sui-
vans sont attachés à celui-ci par des piliers analogues
à ceux des nids souterrains ; les cellules sont aussi
construites , leur grandeur et l'épaisseur des cloisons
exceptées, sur le même modèle et les mêmes princi-
pes d'architecture.
L'Amérique méridionale a So de Polistides
qui construisent leurs nids, en les attachant à des
branches d'arbres. Quant à l’enveloppe et à la dispo-
sition à peu près horizontale des gâteaux , leur archi-
tecture suit les mêmes principes que celle des guépiers
de la Guépe frélon : seulement on peut remarquer que
les gâteaux, (au moins dons plusieurs que j'ai vusen
nature ou figurés ), sont soudés par leurs bords avec
l'enveloppe, qu'il n’y a point de piliers pour mainte-
nir l’écartement entre eux, et que la communication
entre tous ces gâteaux est établie par un trou pratiqué
au milieu de chacun d’eux. Un trou de l'enveloppe
correspond à celui des gâteaux, et sert d'entrée gé-
nérale. |
Le genre Polistès, qui emploie à la construction de
son nid les mêmes matériaux que les Guépes souter-
raines, c'est-à dire les fibres de bois mort, mélées à une
matière gommeuse, l’établit à une demi-ombre , mais
toujours dans un lieu très-chaud et fort abrité du
vent, soit sur un arbuste à une branche assez forte,
ou sur une pierre d'un mur exposé au midi. On en
trouve souvent sur les espaliers. Au lieu de construire,
comme le font toutes celles dont nous avons parlé jus-
qu'ici , leurs gâteaux horizontalement, de manière que
toutes les ouvertures des alvéoles occupent la face
inférieure , les Polistés construisent les leurs perpen-
diculairement , et en sorte que les ouvertures des
alvéoles en occupent la face antérieure, c'est-à-dire
DES HYMÉNOPTÈRES. 493
celle qui est opposée au mur ou à la branche, auxquels
le pédicule ou pilier attache le gâteau.
»
»
»
»
« Ces guépiers, dit Réaumur, (Mém.6, t. VI),
sont bien plus faciles à suivre, dès leur origine, que
ceux qui sont toujours cachés sous terre : ils ne
sont composés quelquefois que d’un gâteau qui n’a
point d'enveloppe, et qui est arrêté contre la tige
de quelque plante, ou contre une branche de quel-
que arbuste. Dans un très-grand nombre de ces nids,
qui se sont offerts à mes yeux en divers temps, j'en
trouvai un, il y a bien des années, qui n’avait en-
core que cinq à six cellules : il était attaché à une
tige de gramen. Lorsque je le trouvai à la campa-
gne, la Guêpe, qui avait construit ce qu'il yavait
de fait, était dessus, et je réussis de l'emporter dans
mon jardin , à Charenton, sur son nid même. J'atta-
chai la tige à laquelle il tenait contre celle d’une
autre plante de même espèce. Il était aussi peu
avancé que je pouvais le désirer : aucune des cinq
à six cellules n'avait encore son œuf. Je pris plaisir,
pendant plus de six semaines, à observer ce petit
gâteau, dont le nombre des cellules augmentait peu
à peu. Dans les premiers temps, toutes les fois que
je l'observai , je n’y vis qu’une seule et même Guépe:
elle ne l’abandonnait que pendant quelques quarts
d'heure, de fois à autre , pour aller chercher des
matériaux propres à l’étendre, et, par suite, de la
nourriture pour ses larves. Les premiers œufs ne
parurent que quinze jours après que j eus commencé
à suivre le vâteau ; enfin je vis grossirles larves sor-
leis des œufs, et je vis fermer leurs cellules. La
Guépe n'eut de compagne que quand la première
larve se fut transformée en Insecte parfait. À me-
494 HISTOIRE NATURELLE
‘sure que croissait le nombre dés cellules débouchées,
» je voyais augménter le nombre des Guëpes, ét lé
»
»
»
»
M OS % EE % v C2
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SE BV S »% ve y
gâteau acquérait plus vité des atgmentations d’é-
tendué, là quantité d'ouvrières sé multipliant; à la
fin de l'été cette petite république avait plus de
soixante Guüê pes.
» Dans les guépiers attachés à des lantes! dont les
gâteaux né sont pas cächés sous une enveloppe,
(Réaum. même Mém. ), la larve m’à paru en état dé
clore sa cellule vingt à vingt-un jours après que l'œuf
ÿ avait été déposé, et je sais que les lirves des mêmes
Guépes ne restent au plus que neuf jours dans les
leurs, après les avôir bouchées. Peu après cette clô-
turé, elles se transforment en nymphes, eñ qui l’on
trouve aisément toutes les parties de la Guëjie (1).
Enfin, vers le huitième où neuvième jour, cette
nymphese dépouille de l’enveloppé mince qui tenait
ses pattes ertimäillottées , ét paraît sous la formé
d'Insecte parfait. La Guëpe, dont tous les metn-
brés sont devenus libres, commencé par faie usagé
de ses maändibules : élle s’en sert pour rongéer tout
autour d’elle, le couvercle de soie qui la renfermait.
Quand il à été ainsi détaché, elle le pousse sans
péiné au dehors et sort. Les Frélons au contrairé
rongent d'abord leur couvercle par le milieu, et
agrandisseut le sie jusqu’à ce qu'il puisse les
laisser passer. |
» La Guépe, qui vient de sortir dé sa cellule, n’est
diflérénte de celles de son espèce, qu’en ce quellé
est d’un jaune plus pâle, plus citron. Elle n’est pas
(1) Je dois observer que, dans ces citations de Réaumur, le nom
fulgaire de Guëpe remplace Le nom de Polistès.
DES HYMÉNOPTÈRKES. 495
Li
long-temps sans profiter de la nourriture que les
autres apportent au guépier; et j'en ai vu, dès lé
même jour qu'elles étaient transformées, aller à la
» campagne et en rapporter de la nourriture, qu’elles
» distribuaient aux larves dans les cellules. La cellule,
» d’où est sortie une jeune Güuêpe, ne reste pas long-
» temps vacante ; d’abord qu'elle est abandonnée, une
5 Guêpe plus âgée travaille à la nettoyer, à la rendre
» propre à recevoir ün nouvel œuf, ét la mère, par
» Suile, né manqué pas de venir ÿ ponüre. »
La larve devient àssez grosse pour remplir presque
entièrement sa cellule. Alors, parvenue à tout son
aceroissement ; et prêle à $e métamorphosér en nym-
phe, elle tapisse entièrement de soie cette cellule, etla
ferme d’un couvercle de cetté même soie, couvercle dont
nous avons parlé plus haut. Il arrive qu'au bout de
Fannée, on peut reconnaître , sur les parois des cel-
lules destinées à l’édacation des ouvrières, trois ou
quatre de ces coques de soié, qui prouvent qu'elles
ont servi au logement d’un nombre égal d'individus
de cette modification féminine, qui y ont subi leurs
différentes métamorphoses.
Lorsque la femelle Polistès fondatrice a élevé elle-
même quelques ouvrières, ce sont ces filles, qui doivent
tout à ses soins , qui se mettent à tous les ouvrages du
nid. Elle reste tranquillé elle-même , et $’'abseute peu.
Gelles-ci lui apportent des vivres et les lui présentent
au bout de leur langue, ou entre lés mandibules.
Celles, qui naissent successivément, augmentent le nid
selon les besoins de la ponte de la femelle féconde,
c'est-à-dire qu'à mesure que la mère a pondu des
œufs dans les cellules existantes, elles augmentent le
diamètre du gâteau, en construisant dé nouvelles
x
ÿ
496 HISTOIRE NATURELLE
alvéoles a son pourtour. Lorsque le diamètre du
premier gâteau leur paraît assez grand , elles en com-
mencent un autre sur le milieu de la partie antérieure
du premier. Pour cela elles construisent en premier un
pédicule , au bout duquel elles forment de nouvelles
cellules. Ce pédicule est toujours assez long pour main-
tenir entre les deux gâteaux un écartement sufhisant,
qui permet la circulation. Quand ce second gâteau
augmente notablement de diamètre, plusieurs pédi-
cules ou piliers sont employés pour maintenir l'é-
cartement respectif des deux gâteaux.
J'ai déjà dit que les Polistès des environs de Paris,
dont les nids sont sans enveloppe et les gâteaux per-
pendiculairement posés, se prétaient facilement aux
observations; j'ai pu moi-mêmesuivre les travaux dans
plusieurs nids, posés sur des arbustes ou des espaliers
dans les potagers, ce qui me met à même de garantir
les faits que je rapporte sur ces espèces, soit nou-
veaux, soit déjà cités par les auteurs. C'est ainsi que
je puis aflirmer qu'à l’époque où le gâteau en con-
struction contient des cellules propres à l'éducation
des mâles et des femelles fécondes, les ouvrières Po-
listès commencent à faire des provisions de miel ,
apparemment nécessaires dans la préparation alimen-
taire qui développe dans ces individus la faculté
d’engendrer. J'ai souvent moi-méme goûté ce miel,
dont une douzaine de cellules, vers le bord du gä-
teau, sont remplies, et je l'ai trouvé fort bon. J'ai
aussi souvent vu, dans tous les temps de l'année,
(mais surtout à cette époque), des Polistès et des
Guêépes proprement dites, recucillant , sur les fleurs,
du miel, qui est certainement pour elles-mêmes l’ali-
ment de préférence. L'empoisonnement de M. Auguste
he in tn tte dem Se en. dd
DES HYMÉNOPTÈRES. 497
de Saint-Hilaire au Brésil, que nous avons rapporté
plus haut, occasioné par du miel du Polistide Lé-
chéguana , prouve que nos Polistès ne sont pas les
seuls qui en rapportent à leur nid. Cette récolte ne
pouvant être soupconnée avoir pour but des provisions
d'hiver, au moins dans nos espèces qui certainement
passent cette saison dans la dispersion et l’engourdis-
sement , la circonstance de l'apparition de ce magasin,
accompagnant celle des larves qui doivent donner des
individus féconds, rend ma conjecture d'autant plus
probable , que jai souvent vu les ouvrières aller lécher
un peu de ce miel, et l’avaler, pour aller immédiate-
ment dégorger cette noutriture à ces larves, ce qu'elles
ne pratiquent pas pour les larves d’ouvrières.
Les cellules, destinées aux mâles, sont plus longues
que celles qui ont été construites pour des ouvrières,
et celles qui sont construites pour des femelles fécon-
des, diflèrent en outre de ces mêmes alvéoles par un
diamètre beaucoup plus grand. Ges deux modifica-
tions de grandes cellules composent à elles seules un
ou plusieurs gâteaux, sans mélange de cellules propres
à la nourriture des ouvrières. C’est vers le milieu de
l'été que les Polistès commencent à bâtir de ces gran-
des cellules, et la femelle y pond immédiatement,
quoiqu'elle fasse encore de temps à autre, dans les
petites cellules, des œufs qui ne formeront que des
ouvrières. En cela, elle a le même instinct que la Mères
Abeille, ne confondant pas les sexes, et ne mettant
jamais un œuf de mäle dans une cellule de femelle,
quoique je n'aie pu distinguer de différence entre ces
différens œufs. J'ai aussi observé qu'il n’y en a pas
entre l'œuf d'ouvrière et celui de femelle féconde, et
que la larve de l’une naît aussi petite que celle de
HYMÉNOPTÈRES , TOME I. 32
498 HISTOIRE NATURELLE
l'autre : faits analogues à ce qui a été observé sur les
Abeilles. Les premiers mâles éclosent dix à quinze
jours avant les premières femelles qu'ils auront à
féconder. La population d'un nid de Polistès des en-
virons de Paris peut être portée, en septembre , d’une
soixantaine d'individus, au double, qui m'a paru
n'être jamais outrepassé comme maximum, et même
rarement égalé. Il naît dans un pareil nid de vingt à
trente femelles propres à la fécondation, et peut-
être quelques mâles de plus. |
&. La population des nids de la plus grosse espèce de
Guépe de notre pays, du Frélon, peut s'élever à deux
on trois cents à son maximum, Nous avons dit que celle
des guépiers souterrains s'élève à quelques milles. Elle
n'est donc pas en proportion de la grosseur de l'espèce,
ni même en raison inverse, puisque celle du Frélon,
la plus forte espèce, est intermédiaire sous le rapport
du nombre entre celles des Guêpes souterraines et dés
Polistès, dont la taille est à peu près égale entre
elles et de beaucoup plus de moitié inférieure à
celle des premicrs.
Dans les beaux jours des mois de septembre et d'oc-
tobre, ont lieu les accouplemens entre les jeunes mâles
etles jeunes femelles aux momens les plus chauds
de la journée. J'ai souvent observé de ces femelles
Polistès, posées sur le nid , les ailes un peu écartées
entr'ouvrant de temps en temps les parties supérieure
et inférieure de l'anus, en laissant découvrir la cavité
au fond de laquelle est située l'ouverture de Ja partie
qui caractérise le sexe féminin. « Les mâles qui sont
» en amour, { Réaumur loco citato), marchent avec
» vitesse sur l’extérieur du guépier, et, pour ainsi
» dire, ave: un air inquiet , allant en avant et retour-
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 499
nant ensuite brusquement sur leurs pas: la partie
propre à féconderlafemelle, qui est ordinairement ca-
chée dans le corps, est alors presque toute dehors.
Lorsque l’un d’eux en apercevait une, il courait vers
elle, et même quelquefois il volait dessus avec agi-
lité : il se plaçait sur son dos, de manière quele bout
de son corps allait un peu au delà du corps de la
femelle , et tentait tout ce qui était en lui pour con-
sommer l'œuvre.
» Les mâles des Guêpes ont de commun avec ceux
des Abeilles de n'être pas armés d’aiguillon. Dans
ceux de nos Guëpes soulerraines , la partie qui en
occupe la place est d’une figure singulière. Si on
presse le ventre de l’Insecte (1), on fait sortir cette
partie, comme on ferait sortir l’aiguillon ; elle est
brune et écailleuse comme lui : on ne saurait la
comparer à rien de plus ressemblant qu’à une petite
cuiller à cuilleron rond, tel que celui des cuillers à
pot. Le manche de cette petite cuiller est rond; dans
toute sa longueur, règne un canal, qui s’élargit où
commence la convexité du cuilleron : là ce canal
forme une plus grinde cavité, une espèce de réser-
voir. Si on le presse près de son origine, ou vers le
commencement du manche, on voit une petite par-
tie blanche qui sort de cette cavité. Près de la racine,
près du bout de ce manche, il y a deux pelits cors
lonss et tortueux, que l’on prendra; si l’on veut,
La
pour les vaisseaux spermaliques ou pour les tesLi-
(1) Je crains que, par cette pression, Réaumur n'ait opéré le ren-
versement de quelques-unes des parties. Je rapporte cependant ici
sa description , pour qu'elle soit vérifiée ou infirmée par de nou:
veaux observateurs.
32
500 HISTOIRE NATURELLE
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cules. On ne peut, au plus, avoir que des conjec-
tures sur l’usage de si petites parties; mais il est
plus sûr que la cuiller, avec son manche, est celle
qui caractérise le mâle.
» Outre la partie qui a la forme de cuiller, le mâle
en a encore deux qui lui sont particulières ; elles sont
aussi de matière écailleuse, brunes et neu sensibles
dans les actions ordinaires de l’Insecte, quoiqu'’elles
soient assez grosses : elles ont plus de longueur cha-
cune qu’un des segmens de l'abdomen ; elles sont au
bout du dernier, ou, si l’on veut, elles composent
ensemble le dernier segment , qui est écailleux. Ces
deux parties semblent unies; elles s'écartent cepen-
dant l’une de l’autre comme les deux branches d’une
pince. Dans le tendre accès, le mâle les entr'ouvre
et saisit entre elles le bout du derrière de la femelle,
le prenant alternativement à diverses reprises d’un
côté et d'autre : ce sont là les premiers préludes
amoureux. C’est entre les deux branches de cette
pince qu'est précisément placée la partie faite en
cuiller. Après cela, le mâle tâche d'insérer sa cuiller
dans un trou qui est au-dessous de la base de l’ai-
guillon de la femelle. Je ne sais si j'ai vu l’accouple-
ment complet, mais toutes les fois que j'ai observé
ce pelit manése, le cuilleron est entréseul , et il est
peu resté; la femelle semblait faire quelque résis-
tance; elle marchait même, quoique lentement. Je
ne sais aussi s'il y a de plus longs accouplemens; il
suffit qu'il y ait accouplement.
» Si l'on ouvre le corps des femelles, on le trouve
presque toujours plein de petits corps oblongs,
qu'on ne saurait prendre que pour leurs œufs : ils
ont la figure de ceux qu’elles déposent dans leurs
RÉ ÉTEND
DES HYMÉNOPTÈRES. bot
» cellules ; ils n’en différent que par la grosseur : on
» peut même les reconnaître dans celles qui viennent
» de devenir Insectes parfaits, qui ne sont, pour
» ainsi dire, Guëpes, que depuis un instant; mais ils
» sont beaucoup plus petits et moins oblonss : alors
» ce ne sont presque que des points ronds. Les femelles
» fécondes ont, comme les infécondes ouvrières, un
» aiguillon : les mâles seuls en sont dépourvus...
» L’aiguillon des mères est semblable à celui des ou-
» vrières, mais bien plus long et plus gros... La
» piqüre des Guëêpes est plus douloureuse que celle
» des Abeilles, et porte avec elle dans la plaie une
» liqueur vénéneuse, analogue à celle des Apiarites.
» Vers le commencement d'octobre, il se fait, dans
» les quépiers, un singulier et cruel changement de
» scène. Les Guêpes alors cessent de songer à nourrir
» leurs petites larves : elles font pire, de mères ou
» nourrices si tendres, elles deviennent des marâtres
» impitoyables ; elles arrachent des cellules les larves
qui ne les ont pas encore fermées; elles les portent
hors du guépier : c'est alors la grande occupation
» des ouvrières. Le massacre est général. » En eflet,
le froid les privant subitement de nourriture, elles
savent bien ne pouvoir les élever. Les premiers jours
de gelée, elles ne sortent que quand le soleil a échaufté
l'air. Les femelles, nouvellement écloses, se dispersent
et se cachent, comme nous l'avons dit des Bourdons,
après l’accouplement. Les mâles et les ouvrières pé-
rissent , et les nids sont tout-à-fait abandonnés.
Les personnes qui connaissent l'irritabilité des
Polistides, et qui ont éprouvé les effets de leur
colère pour s'être approchées inconsidérément de
leurs nids exprès ou par hasard, seront probablement
ÿ
5o2 HISTOIRE NATURELLE
étonnées d'apprendre que ces Insectes belliqueux et
bien armés ont des ennemis qui ne sont ni l’un ni
l'autre, et qui cependant peuvent causer un crand
ravage dans leur économie domestique , en attaquant
leurs larves et les dévorant. D'autres s'attaquent, à ce
qu'il paraît, à la personne même de J'Insecte parfait.
Ceux-ci, qui appartiennent à la onzième classe des
Insectes , les Rhipiptères de Latreille , ne tuent point
l'individu aux dépens duquelils vivent. On connaît
au moins deux espèces du genre Xénos, établi par
Rossi dans sa Faune Etrusque, qui prennent leur
accroissement dans l’abdomen des Polistides. Pour se
mélamorphoser en nymphe, la larve des Xénos sort
en partie entre les segmens de l'abdomen, et y de-
meure jusqu'à sa dernière transformation, ayant en-
core une portion de son corps enzagée dans l'intérieur.
J'ai vu des individus, Polistès Françaises, porter
jusqu’à trois de ces nymphes, dont la présence défor-
mait beaucoup leur abdomen, sans que leurs mouve-
mens ui leur vol en parussent beaucoup génés. Ces
nymphes étaient, selon toutes les apparences, celles
du Xénos vesparum Rossi, (Faun. Etrusc. Append.
Mant. p.114, tab. 7, fig. B, b), qui est le Xénos
Rossi, mentionné par Latreille, ( Crust. Arach, et
Ins. t. Il, p. 427, Déterv. 1820 ).
Quelques Diptères vont pondre leurs œufs dans les
guépiers. De ce nombre sont les F’olucella inanis et
zonata, que j'ai vues nombre de fois s'introduire
dansles nids des Frélons. Cesnids, très-communs dans
la forêt de Saint-Germain-en-Laye, et placés souvent
dans les arbres creux vers la base, sont cependant ordi-
nairement fermés par une cloison du papier dont leurs
cellules sont aussi construites, cloison qui ne laisse
GE
ai
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Le AL
Non é
Et
= 4h
DES HYMÉNOPTÈRES. 5o3
qu'un ou deux passages du diamètre du doigt. La Volu-
cellan’hésite pas à venir hardiment se poser à l’ouver-
ture de l’un ou l’autre de ces passages, et à entrer dans
lenid. J'ai trouvé souvent dans ces nids des larves qui
dévoraient celles des Frélons. Elles étaient presque
entièrement conformes à celles que Réaumur a dé-
crites, comme faisant de grands ravages parmi les
larves et les nymphes de Bourdons. Nous avons
vu, dans l’histoire de ceux-ci, que ces larves ap-
partiennent à des Volucella, (Bombylans, Plumata
ou Zricolor ). Ayant de plus arrêté une Folu-
cella zonata à son entrée dans un nid de Frélons,
je l’enfermai, sans la piquer, dans une boîte où
elle se mit presque immédiatement à pondre une
quinzaine d'œufs. Ceux-ci , éclos quelques jours après
la ponte, me firent voir de jeunes larves semblables,
à la grosseur et à la grandeur près , à celles que j'avais
précédemment trouvées dévorant les larves des Fré-
lons. Qui peut donner à ces Diptères l'audace d'aller
déposer leur postérité dans le nid de ces féroces Hy-
ménoptères, qui s'emparent, comme proie, d’un grand
nombre d’autres Diptères, même des plus grosses
espèces? Ici je ne puis m'empêcher de m’écrier :
« Celui qui met un frein à la fureur des flots , » et qui
a soigné également jusqu'aux plus petits détails de sa
création, sait aussi arrêter et contenir dans de justes
bornes la population des espèces dont la trop grande
multiplication serait un véritable fléau, J'ai vu des
Conops chercher et parvenir à s’introluire dans le nid
des Guêpes souterraines, et y réussir sans obstacle de
la part des habitantes qui sortaient en même temps
qu'elles entraient , sans les repousser, Elles paraissent
remplir les mêmes fonctions , au détriment des Guêpes
504 HISTOIRE NATUREZLE
souterraines, que les Volucella à l'égard dés Frélons. Je
soupçonne que les Myopa ont la même destination.
Il est à remarquer que celui qui a donné à tous ces
Diptères désarmés et sans moyens d'attaque ni de
défense , l'impérieux instinct de vivre comme larves
aux dépens des Polistides, leur a donné à l’état par-
fait, pour livrée, le jaune, le noir et le roux, qui
couvrent ésalement les Polistides, et qui leur facilitent
probablement l'entrée dans ces redoutables guépiers ,
dont l’homme lui-même ne saurait s'approcher sans
crainte et sans précaution.
se Genre. VESPA. — WESPA.
SYNONYMIE. Guépe, Réaum. Degéer, 7espa Linn., Fab.,
Oliv. , Latr. , etc.
Caractères. Première dent des mandibules très-courte ,
fort éloignée des autres, obtuse ; leur seconde dent beau-
coup plus large que les deux inférieures , qui sont portées
sur une seule base.
Prolongement du milieu du bord antérieur du chaperon
largement tronqué et presque échancré , avec une dent de
chaque côté.
Abdomen sessile, le premier de ses segmens n'étant pas
aminci en pédicule, ni tuberculé sur les côtés, coupé droit
à sa partie antérieure, et ayant un diamètre presque égal à
celui du second segment, à sa jonction avec celui-ci.
Radiale ne s’avançant pas beaucoup plus près du bout de
l'aile que la troisième cubitale ; seconde cubitale rétrécie
vers la radiale, sans s’y terminer en pointe ; troisième cubi-
tale en carré long, moins large en proportion que dans les
Polistès
Voy. l'histoire des Polistides.
DES HYMÉNOPTÈRES. 50
Espèces du genre Vespa.
1. VEsPA CEINTURE-JAUNE. — fespa cincta @Œab. Pier.
p.253, n° 1. — Oliv. Encyc, tom. VI, p. 676, n° 37,7.
Capite rufo-fusco; antennis fuscis. Thorace nigro,
humeris scutelloque luteo-rufis. Abtdomine nigro; seg-
mento secundo suprà subtüsque luteo, margine anteriori
sinuato nigro. Pedibus nigris. Alis rufescentibus, à basi
ad medium nigro-fuscis.
Tête d'un roux noirâtré ; antennes presque noires. Gorselet
noir; les épaulettes et l’écusson roux, probablement jaunes
dans le vivant. Abdomen noir, le second segment jaune en
dessus et en dessous ; son bord antérieur d’un brun noir; cette
boräure sinuée, beaucoup plus large dans le milieu du dessous
de l’abdomen. Pattes noires. Aïles noirâtres de la base jusque
vers le milieu , devenant alors roussâtres , et s’éclaircissant vers
le bout. Ouvrière. Donnée par M, Léon Dufour, Long. 15 lig.
Chine.
Nota. La collection de mon excellent ami M. Serville,
contient deux femelles fécondes et une ouvrière qui portent le
nom de Vespa cincta Fab. Elles différent de la précédente
en ce que la tête, les antennes, le corselet et l’écusson sont
entièrement noirs. La bordure noire antérieure du premier
segment abdominal , est plus large, moins irrégulière ; le mi-
lieu dorsal de cette bordure émet une ligne dorsale brune, qui
n’atteint pas le bord postérieur du segment, dont les côtés
jaunes roussâtres portent chacun, tant en dessus qu'en des-
sous, un point noir assez distinct. Je les regarde comme une
simple variété de la Vespa cincta Fab. (1). Femelle. Long,
1 pouce 3 lig. Ouvrière. 1 pouce.
Inde : Coromandel, Java,
(4) Dans les Vespa et dans beaucoup d'autres Hyménopteres à
livrée noire, jaune et rousse, le jaune, par l'effet de la dessiccation
506 HISTOIRE NATURELLE
2. VESPA SEMBLABLE. — Vespa affinis Fab. Piez. p. 253,
n° 1; Oliv: Encyc. tom. VI, p. 677, n°58, 7.
Capite fi antennis riufis : thorace nigro, humeris Late
scutellique disco rufis : abdomine nigro, segmentis primo
secundoque supra luteis , subtüs et primi basi fuscescenti-
. bus : pedes nigricantes, genubus anticis rufescentibus ;
alis rufescentibus, à basi ad medium fuscis.
Tête et antennes rousses : corselet noir, épaulettes rousses,
cette couleur s'étendant jusque sous l'insertion des ailes ; écus-
son ayant deux grandes taches rousses sur son disque, Abdomen
noir, dessus des premier et second segmens jaune; leur des-
sous et la base du premier obscurs , peut-être seulement après
la mort. Pattes noirâtres ; genoux des deux antérieures rous-
sâtres. Ailes roussâtres, plus brunes du milieu jusqu'à la
base. Ouvrière probablement. Long. 10 lig.
Indes. Donnée par M. Léon Dufour.
Var. Tache des épaulettes ne s'étendant pas sous les ailes.
Ecusson entièrement noir. L'un des deux individus de la col-
lection de M. Serviile. Long. 11 lig.
Inde.
3. Vespa BRULÉE. — Vespa deusta, V, *.
Atro-carbonaria, velutina : segmenti abdominis se-
cundi suprä maroine lineari infero , in dorso interrupto ,
luteo : alis fusco-rufis, basi fuscioribus.
Entièrement noire , excepté une ligne jaune sur le dessus du
bord inférieur du second segment , laquelle est interrompue sur
le dos. Entièrement vêtue d'un duvet noir extrêmement court,
ayant un léger reflet satiné : ce duvet mêlé, dans certaines
intérieure , se change après la mort souvent en roux, et même,
dans le vivant, les parties rousses et noires s'accroissent aux dé-
pens des parties moins foncées. En général les couleurs sont très-
variables dans les Polistides,
DES HYMÉNOPTÈRES. 507
places, de poils noirs plus longs. Antennes et pattes noires.
Ailes roussâtres, plus brunes vers leur base. Femnelle. Long,
13 lis.
Patrie inconnue. Collection Serville, Donnée par M. Pierret.
4. Vespa vELOoUTÉE. — Vespa velutina De Haan, F
Atro-carbonaria, velutina : capitis ferruginei vertice
atro-carbonario : prothorace, humeris in dorso et abdo-
minis posticè segmentis quatuor prümis ferrugineo margi-
natis : pedum nigrorum tibiis duobus anticis tarsisque
omnibus albidis. Alis rufo hyalinis, cost& fuscd.
Tête ferrugineuse ; vertex et dessus des antennes noirs : cor-
selet noir; prothorax ayant son bord supérieur d’un jaune fer-
rugineux : une ligne de cette même couleur séparant les épau-
lettes de la plaque dorsale du mésothorax. Abdomen noir ; bord
inférieur des quatre premiers segmens avec une ligne étroite
ferrugineuse; cette ligne s’élargissant sur les côtés des troi-
sième et quatrième segmens : dessous du second et des suivans
pâle et comme décoloré ; cinquième segment n'ayant à son bord
postérieur qu'une ligne ferrugineuse à peine percepüble : anus
ferrugineux noirâtre. Pattes noires ; genoux, tarses et les deux
jambes antérieures d’un jaune blanchâtre. Ailes transparentes,
quoique roussäâtres, la côte plus foncée. Toutes les parties
noires vêtues d’un duvet noir, comme dans la précédente,
Femelle? Long 11 Lg,
Inde : Java, Donnée par M. De Haan. Cabinet de M. Ser-
ville.
5. Vespa OntENTALE. — Wespa orientalis Fab. Piez. p. 254,
n° 4.—Oliv. Encye. tom. VI, p. 637, n° 41.— Linn. Syst.
Nat. Mant.p. 540.—Réaum. tom. VI, PI. 17, fig. 2 et 3, 7.
— Vespa turcica Drury, Ins. tom. IE, PI. 39, fig. r.
Ferruginea, segmentorum tertii quartique luteorum
basi valdè sinuatä nigro-ferrugined; alis ferrugineis ,
clypeo maculäque inter antennas triangulari luteis.
508 HISTOIRE NATURELLE
Antennes et tête ferrugineuses; chaperon jaune, et une
tache triangulaire de cette même couleur entre les antennes.
Corselet entièrement ferrugineux. Premier segment de l’abdo -
men ferrugineux , portant à son bord postérieur une ligne jaune
très-étroite et interrompue; le second ferrugineux, avec un
léger reflet glauque; le troisième d’un ferrugineux noirâtre à
sa base, la partie colorée émettant des dents, une de chaque
côté et une dorsale, la partie inférieure jaune, plus ou moins
étendue selon les variétés individuelles ; le quatrième jaune,
ayant quelquefois sa base colorée comme celle du troisième; le
cinquième et l’anus ferrugineux. Pattes ferrugineuses. Ailes
d’un roux ferrugineux, avec un léger reflet violacé sur le bord
postérieur. Femelle. Long. 12 lig.
Ouvrière. Tête entièrement ferrugineuse. Plus de jaune
aux troisième et quatrième segmens , dont la base n’est que fer-
rugineuse. Le reste comme dans la femelle. Long. 9 lig.
Mäle. Plus de jaune sur les troisième et quatrième segmens
de l'abdomen, en sorte qu'on ne voit que trois taches d’un
brun ferrugineux sur ces segmens, et ces taches sont les ex-
trémités des dents que nous avons signalées en décrivant la
femelle. Le reste comme dans celle-ci. Long. 10 lig.
Nota. Les individus décrits par les auteurs, quoique diffé-
rens un peu, he peuvent être que des variétés individuelles de
la même espèce.
Archipel de Grèce, Natolie et Mésopotamie. Musée de
M. Serville.
6. Vespa ANALE. — Vespa analis Fab. Piez, p. 254, n° 6,
— Oliv. Encyc. tom. VI, p. 677, n° 43, 7.
Ferrugineo-nigricans, abdominis primo secundoque
segmentis basi luteo-ferrugineis, ano toto flavo.
Antennes noirâtres ; leur dessous , passé le premier article,
ferrugineux : tête ferrugineuse , sa face un peu plus brune. Cor-
selet d’un brun noirâtre : écusson et épaulettes d’un ferrugineux
DES HYMÉNOPTÈRES. 509
assez clair ; la couleur de celles-ci s'étendant jusque sous les
ailes. Abdomen d’un brun ferrugineux ; base et bord inférieur
des premier et deuxième segmens d’un. jaune ferrugineux ;
celui-ci étroit : une tache jaune de chaque côté du dos sur Îles
second, troisième, quatrième et cinquième segmens ; celle du
second s’unissant à la bande de la base. Anus jaune. Pattes
d'un brun ferrugineux. Ailes ferrugineuses , plus foncées vers
la côte. Femelle. Long. 13 lig.
Île de Java. Donnée par M, De Haan. Musée Serville.
7. Vespa FRÉLON, — Vespa crabro Fab. Piez. p. 255, n° 8.
—Linn Faun. Suec. 1670.—Oliv. Encyc. tom. VI, p. 678,
n° 47.—Geoff. Ins. tom. IT, p. 368, n° 1.— Degéer, tom. II,
2e part. p. 801, PL. 27, fig. 9 Q®, 10 ot. — Réaum. Ins.
tom. VI, p.215, PL. 18, fig. 1, 4, 5, 6, 7,8, 9, 10. —
— Schæff. Icon. Ratis. tab. 53, fig. 5, et tab. 136, fig. 3, 7.
Capite ferrugineo, clypeo, maculé& inter antennas
triangulari mandibularumque basi lat& luteis; thorace
Juscè ferrugineo , humeris, scutello, maculd sub alis,
alarum squamä, dorsique antict lined geminé, dilu-
tius rufis. Abdomen suprà, primi segmenti basi ruf,
medio fusco, margineque tenui postico luteo ; secundi
Jusci margine postico sinuato luteo; tertii lutei basi valdè
sinuaté fuscé ; quarti quintique et ani punclo utrinque
Jusco : subtüs, primo segmento toto, et secundi, tertii
quartique et quinti basi fuscä. Pedes fusco-ferruginei ;
alis rufis.
Tête ferrugineuse ; chaperon, échancrure des yeux, tache
triangulaire entre l'insertion des antennes et base des mandi-
bules jusqu'aux deux tiers de leur longueur, de couleur jaune.
Antennes brunes ; leurs trois premiers articles d’un roux clair.
Corselet d’un brun ferrugineux, quelquefois noirâtre; épau-
lettes, écusson , écaille des ailes et une tache sous leur insertion,
d’un roux clair, ainsi que deux lignes sur la partie antérieure du
dos. Abdomen en dessus : base du premier segment roux clair, le
510 HISTOIRE NATURELLE
milieu brun , et une ligne étroite jaune sur le bord postérieur;
le second brun à sa base , jaune dans sa partie postérieure ; ces
couleurs étant séparées par une ligne extrêmement sinuée, en
sorte que la couleur brune avance en trois pointes sur la jaune;
le troisième jaune, n'ayant que sa base brune, mais aussi
sinuée que dans le précédent ; les deux suivans et l'anus jaunes,
portant de chaque côté un point brun. En dessous, le pre-
mier segment est brun, et les quatre suivans ont leur base de
cette couleur. Pattes d’un brun ferrugineux. Ailes rousses.
Corps assez velu ; poils roux. Femelle. Long. 14 lig.
Var. Quelquefois la couleur rousse des premiers articles
des antennes s'étend sous le dessous des autres, et le dessous
des segmens intermédiaires de l'abdomen n’a de brun qu'un
point de chaque côté.
Ouvrière. Antennes plus claires. Le reste comme dans la
femelle. Long. 11 lig.
Mäle. Couleurs en général un peu moins foncées. Long.
11 big.
Commune en France ; dans les forêts, où elle fait son nid
dans les arbres creux.
8. Vespa DE DecéEr. — Vespa Geerii, F.
Vespa crabro medius Retz. p. 63, n° 230.
Vespa media Oliv. Encyc. tom. VI, p. 679, n° 48. —
Degéer, tom. IE, part. 2°, p. 590, fig. 1-10.
Capite luteo-rufo, vertice ad stemmata fusco. Anten-
nis nigris, subiüs et tertio articulo luteis. Thorace ni-
gricante, humeris, scutello, postscutello, fasciä latà
dorsali ante scutellum anticè fissä, macul& par-& sub
alis alarumque squamd, luteo-rufis. Abdomine suprà ,
tribus primis segmentis basi fusco-nigricantibus, postice
luteo-rufis, cæteris anoque luteis , secundi, tertit quarti-
que utrinque puneto laterali fusco; sublüs luteo rufo,
segments primo omnino , cæteris margine postico fuscis.
Pedibus dilutè rufis. Alis rufescentibus.
DES HYMÉNOPTÈRES. 5r1
Tête d’un jaune roussâtre ; région des ocelles brune. An-
tennes brunes en dessus; le troisième article entier et le dessous
des autres jaunes. Corselet noirâtre; épaulettes , écusson, post-
écusson , une large bande sur le dos attenant à l’écusson, se
bifurquant antérieurement, et une petite tache sous les ailes,
d’un jaune roussâtre, ainsi que l’écaille des ailes, Base des
trois premiers segmens de l'abdomen noirâtre , leur partie pos-
térieure d’un jaune roussâtre; les autres et l'anus jaunes; les
second , troisième et quatrième portant de chaque côté un point
brun : dessous de l'abdomen d'un jaune roussâtre, excepté le
premier et le bord postérieur des suivans, qui sont bruns.
Pattes d’un roux clair. Aïles roussâtres. Corps assez velu ; poils
roux clairs. Femelle. Long. 1 lig.
Var. Quelquefois la base du troisième segment de l’abdo-
men est noirâtre, et les points bruns se réunissent à cette base.
Ouvrière. Les parties rousses dans la femelle, sont ici
jaunes , et les parties brunes décidément noires. Les épaulettes
ne sont que bordées de jaune. Le reste à peu prés comme dans
la femelle. Base des cuisses et un point sur le chaperon noirs.
Antennes entièrement noires en dessus. Long. 9 lig.
Mäle. Antennes noires, le premier article seul jaune en
dessous. Chaperon jaune, taché de noir. Ecusson noir, por-
tant deux taches jaunes ; corselet du reste comme celui de l'ou-
vrière. Abdomen en dessus ayant la base de tous les segmens
et de l'anus noire, et le bord postérieur de ces mêmes segmens
jaune ; ces deux couleurs se joignant par une ligne sinuée,
excepté celle du premier qui est droite : en dessous comme en
dessus, si ce n’est que le premier segment est entièrement
noir.
La Suède et les environs de Paris. Cette espèce peu com-
mune, que Degéer avait décrite, ( Olivier ne fit que le copier),
a été trouvée à Versalles par M. Blondel, qui en a eu un
nid. J’en ai trouvé aussi un individu dans la forêt de Saint-
Germain-en-Laye. Le nid trouvé à Versailles était pyriforme,
comme celui figuré par Degéer, et attaché par le gros bout sous
l’entablement d’un bâtiment.
51a HISTOIRE NATURELLE
9. VESPA MACULÉE. — Vespa maculata Fab. Piez. p. 257,
n° 17. — Oliv. Encyc. tom. VI, p.681, n° 54. — Degéer,
tom. IT, p. 584, PL. 20, fig. 13, 7.
Nigra , capite, thorace abdominisque segmentis quarto
quintoque et ano albido maculatis.
Antennes noires, jaunes en dessous. Tête jaune pâle; le
vertex , la partie postérieure, une ligne perpendiculaire sur le
chaperon et une tache au-dessous des yeux, de couleur noire.
Corselet noir ; épaulettes bordées de jaune pâle; une tache
sous les ailes, et quatre demi-lignes de cette même couleur ;
celles-ci placées transversalement , deux sur l’écusson et deux
sur le post-écusson. Abdomen noir ; les quatrième et cinquième
segmens ayant de chaque côté une grande tache bilobée jaune
pâle ; et l’anus ayant aussi de chaque côté, une tache simple de
cette même couleur. Pattes variées de noir et de jaune pâle ;
cette dernière couleur dominant sur les antérieures, et le noir
sur les postérieures. Ailes transparentes, quoique d’un roux
brun surtout vers la côte. Femelle ou ouvrière. Long. 10 lig.
Philadelphie, Amérique septentrionale. Musée de M. Ser-
ville,
10. Vespa picoLorE, — Vespa bicolor Fab. Piez. p. 257,
n° 15.— Oliv. Encyc. tom. VI, p. 680, n° 53, F7.
Lutea, rufo mixta, capitis vertice thoracisque dorso
nigris.
Corps entièrement jaune, mêlé et comme nuancé de fauve,
avec l'extrémité des mandibules, le dessus des antennes, le
vertex de la tête et le dos du corselet, noirâtres. Ailes transpa-
rentes, un peu roussâtres. Femelle ou ouvrière. Long. 8 lig.
Nota. Fabricius et Olivier donnent aux individus qu'ils
décrivent, l’anus de la même couleur que le dos du corse-
let; dans deux que nous avons sous les yeux, il est jaune
DES HYMÉNOPTÈRES. 513
nuancé de roux. Ces auteurs auraient-ils vu le mâle des fe-
melles, assez probablement ouvrières , que nous avons sous
les yeux.
Chine. Musée de M. Serville,
11. Vespa caroLinoise.—f’espa carolina Fab. Piez. p. 255,
n° 7.— Oliv. Encyc. tom. VI, p. 658, n° 4{.
Antennis nioris, arliculo primo subiüs late, apice ex-
ceplo , luteo-ferrugineo ; Capite thoraceque luteo-ferrugi-
neis, nigro maculatis: abdomine ferrugineo, segmenti
secundi basi nigr&, hujus et cwterorum punclo utrinque
Jusco; pedibus omnind luteo-ferrugineis ; alis nigrican-
tibus.
Antennes noires ; dessous du premicr article, sur une assez
grande largeur et presque jusqu’au bout, d’un jaune un peu
ferrugineux. Tete d’un jaune ferrugineux , avec une large
bande sous les ocelles ; une plus étroite, entre l'insertion des
antennes et le bout des mandibules , de couleur noire. Corselet
d’un jauve ferrugineux , avec trois lignes sur le dos, dont
l'intermédiaire s'étend sur l’écusson en s’amincissant; et des
taches sur les côtés et en dessous, de couleur noire. Abdomen
roux ferrugineux , avec la base du deuxième segment noire, et
quelquefois aussi celle des suivans; les segmens deuxième,
troisième , quatrième el cinquième, ayant chacun , et de chaque
côté, un point noirâtre ou brun, ou d'un ferrugineux plus
foncé. Pattes entièrement d'un jaune ferrugineux. Ailes trans-
parentes, d'un roux noirâtre. Femelle ou ouvrière. Long. 11 lig,
Philadelphie : Amérique septentrionale. Musée de M. Ser-
ville,
12. Vespa PORTE-cRoIx. — Vespa cuneata Fab. Piez. p. 258,
n° 21.
Antennis nigris, articulo primo subius luteo; capite
luteo, faciei cruce verticeque nigris : thorace nigro,
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 33
514 HISTOIRE NATURELLE
lineis luteo-flavis : abdominis nigri segmentorum primi
secundique fasciis duabus, tentii, quarti quintique fas-
cid marginis postici undulatä , [crrugineis : ano nigro,
apice ferrugineo : pedibus luteo-ferruginvis, femoribus
nigro submaculatis : alis hyalinis, vix subfuscis.
Antennes noires, dessous du premier article jaune. Tête de
cette couleur ; chaperon coupé en deux par une ligne perpen-
diculaire noire, qui en atteint une transversaie de même cou-
leur, placée entre les antennes, et forme avec elle une espèce
de croix; vertex noir. Corselet noir, avec des lignes jaunes,
dont deux dorsales, deux latérales sur l’écusson et une trans
versale sur le post-écusson ; une tache sous l'insertion des
ailes, une de chaque côté de l’écusson , et une grande , égale
ment de chaque côté du métathorax. Abdomen noir ; les deux
premiers segmens ayant chacun deux bandes ferrugineuses,
la première du deuxième interrompue ; les troisième , quatrième
et cinquième n’en ayant qu'une sur le bord postérieur, celles-ci
ayant leur bord interne ondulé et sinué: Anus noir , son extré-
mité ferrugineuse. Pattes d’un jaune ferrugineux. Ailes trans-
parentes, peu brunes. Ouvriere. Long. 6 lig. |
Male. Point de ligne noire au chaperon. Les bandes de
l’abdomen jaunes et non pas ferrugineuses. Le sixième segment
semblable aux: précédens. Pattes jaunes ; dessus des cuisses
portant une ligne noire vers la base.
Philadelphie : Amérique septentrionale, Musée de M. Ser-
ville. Male. Musée de France.
Cette espèce est-elle la Vespa cuneata de Fabricius ? Ce
nom cuneala me paraît, au reste, une faute de copiste. Le
mot cuneus (coin) ne se trouvant pas dans la description , je
crois qu'il devrait y avoir cruciata, à cause de la croix faciale
mentionnée par Labricius. C'est la troisième Lande'jaune de
l'abdomen , à partir de la base, êt non la bande du troisième
segment, qui est interrompue.
DES HYMÉNOPTÈRES, 515
13. VESPA GERMANIQUE. — Vespa germanica Fab. Piez.
p. 256, n° 10. —Panz Faun. Germ. 49, fig. 20.
Antennis nigris, articulo primo in mare subtüs luteo ;
capitis lutei vertice latè, mandibularum apice, lined
inter antennas irregulari, clypei maculä unicä aut tri-
plici nigris :thoracis nigri utrinque line& humerali, ala-
rum squamd, maculd sub alis, scutelli et postscutelli lr-
neold, luteis : abdominis segmentis basi nigris,parteposticä
luted in medio emarginaté, utriique nigro punctaté, punc-
tés nunc solitariis, nunc ad marginem basis nigræ con-
fluentibus ; ano utrinque, aut ferè toto, luteo : pedibus
luteis, femorum basi nigrä : alis subhyalinis, nervuris
rufo-fuscis.
Antennes noires. Tête jaune ; tout le vertex et le derrière
de la tête, une ligne fort irrégulière à la hauteur de l’inser-
tion des antennes ct bout des mandibules noirs : un ou trois
points de cette couleur sur le chaperon, ou quelquefois une
ligne courte perpendiculaire sur sa base noire. Corselet noir ;
une ligne bordant l’épaulette, une tache sous l’insertion des
ailes et l’écaille de celle-ci de couleur jaune, ainsi que deux
petites lignes de chaque côté , l’une sur l’écusson , l’autre sur le
post-écusson. Segmens de l'abdomen ayant leur base noire et
la partie postérieure jaune ; celle-ci échancrée dans son milieu
et portant un point noir de chaque côté; ces points tantôt iso-
lés, tantôt confluens avec la base noire; anus jaune des deux
côtés. Pattes jaunes; base des cuisses noire. Ailes transpa-
rentes un peu roussâtres ; nervures roussâtres. Femelle. Long.
12 big.
Ouvrière. Une tache jaune de chaque côté du métathorax.
Anus presque entièrement de cette couleur. Le reste à peu
près comme dans la femelle. Long. 8 lig.
Mäle. Dessous du premier article de Vantenne jaune
Sixième segment et anus presque entièrement jaunes. Long.
10 lig.
33.
516 HISTOIRE NATURELLE
Cette espèce paraît être commune dans toute l’Europe. Elle
n’est pas plus rare ici que la Vespa vulgaire.
14. Vespa VULGAIRE. — Vespa vulgaris Fab. Piez. p.255,
D° 9.— Panz. l'aun. Germ. 49, tab. 10.
Nota. Les auteurs , que nous ne citons ni à la Vespa ger-
manique , ni à la Vespa vulgaire , paraissent avoir confondu ces
deux espèces.
Antennis nigris, articulo primo in mare subtüs luteo :
capitis lutei vertice latè, mandibularum apice tenui,
maculé inter antennas irregulari, clypeique lined per-
pendiculariinfrà subtricuspidatà , nigris : thoracis nigri
humeris et collo luteo marginatis, macula sub alis , ali&-
que in alarum squamdä, luieis : scutello postscutelloque
utrinque luteo lincolutis : abdominis segmentis basi ni-
gris , parle posiicä luted in medio emarginalé, utrinque
misro punciatä, punclis nunc solitariis, nunc ad margi-
ner basis nigræ confluentibus, ano ferè toto luteo. Pedes
lutei, femoribus magnä ex parte nisris. Alæ hyaline,
nervuris rufo-fuscis.
Añûtennes noires, Tête jaune; tout le vertex et le derrière
de la tête, le petit bord des mandibules, et une tache irrégu-
lière entre les antennes, de couleur noire, ainsi qu'une ligne
perpendiculaire du chaperon , dont le bout inférieur porte trois
pointes en manière de hallebarde. Corselet noir, borde de jaune
en devant et le long des éjaulettes : use tache sous les ailes de
celte même couleur, ainsi que la partie antérieure de l'écaille
des ailes : écusson et post-écusson portant chacun, sur leurs
côtés, une pelite Jigne jaune. Seginens de l'abdomen ayant
leur base noire , et la partie postérieure jaune ; celle-ci échan-
crée dans son milieu, et portant un point noir de chaque côté ;
‘ces points Lantôt isolés et tantôt conflnens avec la base noire :
anus presque entièrement jaune. Pattes Jaunes ; cuisses en
grande partie noires. Ailes assez transparentes; nervures d’un
RÉ
DES HYMENOPTÈRES,. 517
brun roussâtre. Femelle. Long. un peu plus petite que la
Vespa germanique.
Ouvrière. Une tache jaune de chaque côté du métathorax.
Le reste comme dans la femelle féconde.
Male. Dessous du premier article de l'antenne jaune. Sixième
segment de l'abdomen de même que les précédens, Le reste
comme dans la femelle.
Mota. La Fespa saxonica Fab. Piez. p. 256, n°11, ne
paraît être qu’une variété de la Vespa vulgaire, dans laquelle
la partie jaune des segmens abdominaux est plus étroite. Je ne
connais que des ouvrières à qui la description de l’auteur puisse
s'appliquer.
Cette espèce paraît être commune dans toute l’Europe;
plus commune dans les champs, tandis quela Vespa ger-
manique se tronvé plutôt dans les forêts. Elles font toutes
deux leurs nids en terre, el la matière dont ils sont construits,
est exactement la même.
15. Vesra Rousse. — Vespa rufa Linn. Faun. Succ. 1672.
Syst. Nat.tom. 11 ,p. 015, n° 5.—Tab. Piez. p.256, n° 13.
Antennæ nigræ. Caput nigrum, mandibulis luters,
margine apicali tenui nigro; clypeilutei margine et lincä
perperdiculari infernè hastiformi, nigris ; orbü& oculo-
rum, in parle inferä emarginaturæ et in vertice luted.
Thorax niger, humcris et collo luteo marginatis, maculé
sub alis et ali& utrinque in scutello luteis. Abdominis
segmenta suprà : primum rufum fascid tenut medi& et
margine infero luteis, cϾterorum lutcorum basi parum
laté nigrd, puncto utrinque in parte luted rufo aut sub-
nigricante : subiùus luteo-rufu, puncto utrinque rufo. Pe-
des luteo-rufi, femoribus magn& ex parte nigris. Alæ
rufo-hyalinæ, ad costam rufescentes , nervuris rufrs.
Antennes noires. Tête noire : mandibules jaunes , les den-
telures noirâtres ; chaperon jaune, bordé de noir , et portant
\
518 HISTOIRE NATURELLE
une ligne perpendiculaire de cette couleur, en forme de halle-
barde par son bout inférieur : une partie de l'orbite des yeux,
dans leur échapcrure , ainsi qu’une autre portion sur le vertex,
jaunes. Corselet noir, avec les épaulettes et le col bordés
de jaune : une tache sous les ailes, de cette même couleur, /
quiest aussi celle de l'écaille des ailes, et d’une tache ovale
de chaque côté sur l’écusson. L’abdomen , en dessus , a le pre-
mier segment roux, avec deux bandes jaunes, l’une étroite
vers le milieu, l’autre sur le bord inférieur ; les autres seg-
mens jaunes , avec une base assez étroite noire ; la partie jaune
de chaque segment échancrée à sa partie dorsale, et portant de
chaque côté un point roux ou noirâtre; en dessous , l'abdomen
est d’un jaune roussâtre , avec des points comme en dessus sur
chaque segment. Pattes d’un jaune un peu roussâtre ; cuisses
en grande parte noires. Ailes transparentes , un peu roussâtres,
surtout le long de lacôte; nervures rousses. Femelle. Plus
petite d’un quart que la Vespa vulgaire.
Ouvrière. Semblable à la femelle féconde ; mais plus pe-
tite , et les cuisses ayant plus de jaune.
Dans les forêts. Trouvée à Villers-Cotterets et à Saint-
Germain-en-Laye. Je pense que cette espèce est celle dont
Réaumur a représenté le nid, tom. VI, Mém. 7,P1. 19, fig. 1
et 2. J'ai vu un nid, trouvé à Saint-Germain-en-Laye , exacte-
ment pareil à celui représenté par notre auteur; mais il était
dépourvu d’habitans, n'ayant été remarqué qu'au milieu de
l'hiver, sur les branches d’un taillis touffu assez élevé. C'était
un enfant qui l'avait recueilli. Il me sembla que l'ouverture
était la partie inférieure , tandis que Réaumur l'a représentée
comme la supérieure. Du reste les figures sont extrêmement
exactes.
2° Gevre. POLISTES. — POLISTES.
Svnoxvmie. Guépe Réaum., Degéer. — Vespa Linn.,
Oliv.— Polistes Latr., Fab., Serv. et Saint-Farg. Encyc.
Caractères, Première dent des mandibules fort rappro-
DES HYMÉNOPTÈRES. 519
chée des autres , courte , obtuse : les trois autres égales entre
elles et également espacées.
Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire 4
l'angle portant une petite dent.
Abdomen sans pédicule distinct; son premier segment se
dilatant en cloche dès sa base, uu peu rétréci à sa jonction
avec le second.
Pattes assez fortes; jambes courtes ; tarses beaucoup plus
longs que les jambes.
Radiale ne s’avancant pas beaucoup plus près du bout de
l'aile que la troisième cubitale.
Deuxième cubitale rétrécie vers la radiale, sans s’y termi-
ner en pointe, assez dilatée vers le disque.
Troisième cubitale presque carrée.
Voyez l'histoire des Polistides.
Espèces du genre Polistès.
1. PoLisTÈs ORIENTALE. — Polistes orientalis , PV, %.
Tota fusco-ferruginea. Caput , thoraxque suprà sub-
tusque punctata ; hujus humeris punctato-substrialis ,
metathorace transverse striato. Abdomen læve, glauco
submicans. Alæ violaceo-nigræ.
Entièrement d’un brun ferrugineux. Tête fortement ponc-
tuée , ainsi que le dos et le dessous du corselet ; les épaulettes
de celui-ci portant des stries ponctuées ; métathorax garni de
stries transversales sans points. Abdomen lisse, assez luisant ,
avec un léger reflet glauque. Ailes noires, surtout. les supé-
rieures , à reflet violet. Femelle féconde (1). Long. 17 lg.
Corps gros.
De la Chine. Musée de M. Serville.
(1) Cen'est que d'après la taille que j'indique ici les modifications
des sexes, les femelles fécondes étant presque toujours plus grandes
que les ouvrières. On doit dons ne regarder cette désignation que
comme probable, puisque, même quand les individus me parais sen
520 HISTOIRE NATURELLE
2. PouisTès REMBaUNIE. — Polistes infuscata, V, %.
Fusco-ferruginea : antennæ fusco.ferrugineæ , articu-
lis primo, secundo terticque et extremis testaceïs : capitis
posticä parte verticeque circa stemmata luteo-testaceis :
thorax opacus, metalthorace transverse striato. Abdomen
læve, glauco submicans , pcdesque ferruginea , atminus
Jusca. Al«æ rufo-nigricantes, anticis à basi ultrà medium
Juscioribus, violaceo sub nitentes.
D'un brun ferrngineux : antennes de cette même couleur ;
leurs premier, sccond ct troisième articles de la base, et le
bout, plus clairs, d’un jaune testacé. Derrière de la tête d'un
janne testacé, ainsi que la partie du vertex sur les côtés des
ocell-s. Corselet opaque ; métathorax strié transversalement.
Abdomen lisse, assez [uisant, avec un léger reflet glauque,
d’un ferrugineux moivs brun que le corselet. Pattes de la cou-
leur de l'abdomen. Ailes d’un roux noirâtre ; les antérieures
plus foncées à partir de la base jusque passé le milieu, ayant
un faible reflet violet. Ouvrière. Long. 14 lig.
De Cayenne; Amérique méridionale, Musée de M. Ser-
ville.
3. PouisTÈs uxicoLore. — Polistes unicolor, F, %.
Tota subfusco-ferruginea, antennarum medio nigro :
thorace tmpunctato, metathorace transverse substriato.
Alæ ferrugineo fuscæ.
Entièrement d’un brun ferrugineux et partout d’une teinte
uniforme. Corselet sans ponctuation distincte ; métathorax
grands, il peut y en avoir de plus grands. Qnand il plaira aux
entomologistes voyageurs de nous apporter des espèces entières, ce
qui, jen conviens, n’est pas toujours facile, la science fera de
grands progrès.
DYS HYMÉNOPTERES. bar
à stries tranversales fines. Ailes d’un brun ferrugineux , plus
foncé vers la base. Milieu des antennes noir. Ouvrière. Long.
12 à 13 lig.
Un des individus que j'ai sous les yeux, porte sous son cin-
quième segment la dépouille de la nymphe d'un Rhipiptére.
Cayenne. Musée de M. Serville. Rapporté par le docteur
Doumerc,
4° PouisrÈs 8IcOLORE. — Polistes bicolor, F7, %.
Nigra , metathorace tenuè striato, abdomine ferrugi-
neo. Alcæ subliyulinæ , rufo-subfuscescentes, ad costam
fuscæ. #
Tête , .antennes, corselet et pattes noirs ; tête ct corselet
sans ponclualion distincte ; mélathorax très - finement et peu
distinctement strié. Abdomen entièrement ferrugineux. Ailes
d'un roux brun et peu transparentes, entièrement brunes le
long de la côte. Ouvrière Long. ir{lig.
Cayenne. Musée de M. Scrville.
bo PoLisTÈs FAGE-JAUXE. — Polistes chlorosioma, V, %.
Caput luteum, mandibulis verticeque ferrugineis ;
antennis ferrugincis, à medio terti articuli ad ultimum
pallescentibus. Thorax ferrugineus, macul& sub alis
utrinque luted, prothoracis et humerorum margine pal-
lido : metathorace transverse striato. Abdomen ferrugi-
neum, segmentorurm margine poslico pallidiore. Peudes
Jferruginei, tarsis posticis palliuioribus. Alæ rufo-fuscæ.
Tête janne , les mandibules et toute la partie au-dessus des
yeux et des ocelles , ferrugmeuses. Antennes ferrugineuses ,
cette couleur allant en diminuant d'intensité à partir du mulieu
du troisième article jusqu’au dernier. Corselet ferrugineux ,
une tache jaune de chaque côté sous l'insertion des ailes; bord
postérieur du prothorax et des épaulettes d’un jaune ferrugi-
522 HISTOIRE NATURELLE
neux : métathorax strié transversalement. Abdomen ferrugi-
neux ; bord postérieur des segmens d’un jaune ferrugineux ; ce
bord beaucoup plus large dans les derniers segmens que dans
les deux premiers. Pattes ferrugineuses , les trois derniers ar-
ticles des tarses des deux paires de pattes postérieures, Jaunes.
Ailes d’un brun roussâtre. Ouvrière. Long. 15 lig.
Cayenne. Musée de M. Serville.
6. PouistTÈs À cEINTURE. — Polistes cincta, VF, %.
Ferruginea; metathorace leviter transverse striato :
primi abdominis segmenti parte inferd tarsisque luteis ;
antennarum medio nigro. “
Ferrugineuse : métathorax légèrement strié transversale-
ment : milieu des antennes noir, Partie postérieure du premier
segment de l’abdomen et tarses jaunes. Ouvrière Long. 12 lig.
Ile de la Martinique. Musée de M. Serville.
7. PouisTès anNULAIRE. — Polistes annularis Fab. Piez.
p. 270, n° 3.
Sy. Vespa annularis Linn. Syst. Nat. 2, 050, n° 9. De-
géer. Ins. tom. III , p. 583, n° 7, tab. 29, fig. 11.
Caput ferrugineum , fronte nigricante : antennæ fer-
ruginecæ, tn medio nioræ. Thorax ferrugineus , dorso
subfusco. Abdomen nigricans , primi segmenti ferruginei
margine postico luteo, secundi nigricantis macul& utrin-
que ferrugined. Pedes ferruginei, posteriorum quatuor
Jemorum apice, tibiarum basi tarsisque luteis. Alæ ni-
gricantes.
Tête ferrugineuse , front noirâtre surtout vers les ocelles.
Antennes ferrugineuses , quelques articles de leur milieu noirs.
Abdomen : le premier segment ferrugineux , son bord posté-
rieur, assez étroit , jauue ; les autres segmens noirâtres ; les
côtés du deuxième portant une tache irrégulière ferrugineuse.
DES HYMÉNOPTÈRES. 523
Pattes de cette dernière couleur ; extrémité des cuisses des deux
paires postérieures, base de leurs jambes et leurs tarses, de cou-
leur jaune. Ouvrière. Long. 14 Lg.
Amérique septentrionale , Pensylvanie, selon Fabricius et
Degéer. Musée de M. Serville.
Nota. Je pense que l’on peut aussi rapporter à cette même
espèce la Polisiès fuscata Fab. Piez. p. 270, n°4.
«+ 8. PoxisTÈs ROUGEATRE. Polistes rubida, VF, %.
Tota fusco-ferruginea , antennarum medio nigro : alis
nigricantibus.
Entiérement d’un brun ferrugmeux uniforme , l’abdomen
seul un peu luisant, soyeux ; milieu des antennes noir. Ailes
d’un noirâtre foncé. A/dle. Long. 13 lig.
Cap de Bonne-Espérance; Afrique méridionale. Musée de
M. Serville.
9+ Pouisrès variée. — Polistes variegata, VF, %.
Caput luteo-subferrugineum , stemmatum regione fer-
rugined : antennu: ferrugineæ, apice subnigricantes. T'ho-
rax luteo- ferrugineus, lineis tribus dorsalibus suibobso-
letis ferrugineis. Abdominis segmentum primum ferrugi-
neum, margine poslico late luteo ; secundum luteum
macul& dorsali repandd ferrugined; cæteris nigris,
margine poslico tenuiore luteo. Pedes ferruginei. Alæ
J'erruginecæ.
LE
Tête d’un jaune tirant un peu au ferrugineux : région des
ocelles de cette dernière couleur. Antennes ferrugineuses , un
peu brunes vers le bout. Corselet d’un jaune ferrugineux , por-
tant sur le dos trois bandes ferrugineuses peu distinctes. Pre-
mier segment de l'abdomen ferrugineux ; son bord postérieur
assez large, de couleur jaune : le deuxième jaune , avec une
tache dorsale ferrugineuse mal terminée ; les autres noirs avec
52.4 HISTOIRE NATURELLE
le bord postérieur extrêmement mince de couleur jaune. Pattes
ferrugineuses. Aïles de cette même couleur. Male. Long.
13 lig.
Cayenne. Musée de M. Serville.
10. PoLisTÈs ROUILLÉE. — Poelistes rubiginosa, F, %.
Caput rubiginosum , stemmatum regione nigré : an-
o D o
tennæ subtüus et apice rubizinosæ , suprà nigro lineateæ.
o
Thorax rubivinosus, metuthorace transv rsè striato, striis
tenuibus. Abdomen ferrugineum, r:f0o sublomentosum.
« Oo «
Pedes ferruginei. Alæ nigricantes, violaceo sub-nitentes.
Tête d’un ferrugineux rougeâtre : région des ocelles nox4-
tre, dessous des antennes et leur petit hont d'un ferragineux
rougeâtre , une ligne noire sur le dessus depuis la base, presque
jusqu’au bout. Corselet d’un ferrugineux rougeâtre : métatho-
rax strié transversalement ; ses stries très fines. Abdomen fer-
rugineux, couvert d’un duvet irès -court de couleur rousse,
Pattes ferrugineuses. Ailes unifcrmément d'un brun noirâtre
avec un reflet violacé. A/ale. Long. 12 lig.
Amérique septentrionale, Philadelphie, Musée de M. Ser-
ville.
11, PoLisTÈs cHARGÉE. — Polistes onerata, VF, %.
Caput luteum , vertice nigro , mandibulis rubiginosis :
antennæ rubiginosæ, à basi fere usque ad medium, nigro
supra lineatæ. Thorax luteo-ferrugineus , dorso sterno-
que nigricanti - ferrugineis : melathcracis line& medid
perpendiculari nigricanie. Abdomen luteo-ferrugineum ,
primi secundique segmentorum basi fuscè ferrugined.
Pedes luteo-ferruginei. Alæ ferrugineo-subhyaline.
Tête jaunâtre ; verlex noirâtre; mandibules couleur de
rouille : antennes de cette dernière couleur , portant en dessus
une ligne noire à partir de la base presque jusqu’au milieu.
LES HYMÉNOPBTÈRES, 525
Corselet d’un jaune ferrugineux, le dos et la poitrine d'un
ferrugineux noirâtre : métathorax portant dans son milieu une
ligne perpendiculaire de cette même couleur. Abdomen d’un
jaune ferrugineux , base des deux premiers segmens d’un brun
ferrugineux. Pattes d’un jaune ferrugincux. Ailes ferrugi-
neuses, mais un peu transparentes, A/ale. Long. 13 Lg.
Patrie inconnue. Musée de M. Serville.
12, PoxisrÈs négraïque. — Polistes hebræa Fab. Piez,
D 2706 n° 21.
Flavo ferrugineoque varia : thorace ferrugineo obsoletè
trilineato : abdominis segmenltis, primo rectà transver,eè
Jerrugineo in medio fuscialo, cæterorum fasciis ferrugt-
neis supra infraque flrxuosis: his fasciis abdominalibus
tenuibus, linearibus : pedibus luteo - ferruginets. Alæ
Jusco-ferruginecæ.
Corps d'un jaune ferrugineux , mélé de nuances purement
ferrugineuses : dessus du premier article des antennes portant
souvent vers son extrémité une petite ligne d'un brun ferragi-
neux : dos du corselet portant quelquefois trois lignes longitudi-
nales ferrugincuses . celle du milieu la plus distincte : épaulettes
quelquefois bordées de jaune plus clair : métathorax strié trans-
versalement, portant trois lignes perpendiculaires ferrugineusces.
Segmens de l'abdomen portant chacun une bande étroite,
linéaire, ferrugineuse; celle du premier transversale , droite;
celles des autres segmens fortement contournées vers le haut
et vers le bas : quelquefois la base de chaque segment jusqu'à
la fascie d’un brun ferrugineux. Pattes d'un jaune ferrugineux,
Ailes brunes, ferrugineuses. Ouvrière. Long. 12 à 13 lig.
Nota, Fabricius Ent. Syst. tom I], p. 274, no 74, décrit les
antennes sans lache, et donne la couleur noire comme celle des
bandes abdominales. Il est possible qu'il soit ainsi dans quel-
ques individus. Ce sont ces bandes fortement contournées vers
le haut et le bas qui sont le véritable caractère de cette espèce,
526 HISTOIRE KATURELLE
dont les parties du corps varient singulièrement pour Jers cou-
leurs locales. r'i4
Inde, selon Fabricius :.île de France. Musée de M. Serville.
13. PozistÈs nE Cusa. — Polistes Cuberses + AE 4
Antennæ articulis duobus primis nigricantibus, cæ-
teris fulvis, mediis suprà nigris. Caput flavum , vertice
latè ad stemmata lincäéque irregulari subantennis ni-
gricantibus. Thorax fusco-ferrugineus, dorsi lined ge-
mind, humerorum margine lato anticè cocunte, macu-
läque sub alis, fulvis : scutelli postscutellique fascid et
metathoracis maculé utrinque bilobä , ejusdem coloris.
Abdomen fusco-ferrugineum , segmentorum margine in-
Jfero flavo, ad latera aucto. Pedes lutei, femorum basi
tibiarumque duarum posticarum apice, nigris. Alæ J'usco-
Jerrugineæ, violaceo nitentes.
Antennes d’un jaune ferrugineux , les deux premiers articles
d’un noirâtre ferrugineux , ainsi que le dessus de quelques-uns
dans le milieu. Tête d’un jaune ferrugineux, la région des
J 5 > 8
ocelles et une ligne irrégulière sous les antennes d'un noirâtre
ferrngineux. Corselet d’un brun ferrugineux ; deux lignes lon-
gitudinales sur le dos, les bords des épaulettes et du prothorax,
et une tache sous les ailes, d’un jaune ferrugineux ; ainsi qu’une
Ligne sur l’écusson, une sur le post -écusson, et de chaque côté
Ce) ? P ’
du métathorax une tache échancrée et comme bilobée dans le
haut. Abdomen d’un brun ferrugineux , avec le bord inférieur
tel 2
des seomens d’un jaune ferrusineux ; ce bord se prolongeant
J s ;
en remontant sur les côtés. Pattes jaunes, la base des cuisses
noire , ainsi que le dessus du bout des deux jambes postérieures.
Ailes d un brun ferrugineux avec un reflet violet. Ouvrikre.
Long. 10 lig.
Amérique Nil île de Cuba. Musée de M. Serville,
DES HYMÉNOPTÈRES. 527
14. Porisrès Française. —Polistes gallica Fab. Piez. p.271,
n° 8. — Panz. Faun. Germ. 49, fig. 22, — Serv. et Saint-
Farg. Encycl. tom, X, p. 192, n° 6.
Caput nigrum , clypeo, macul& sub oculis, ali& utrin-
que in facie ponè oculos,oculorum orbitcæ posterioris parte
et suprà antennas lined undulat& luteis : antennis luteis,
articulis primo , secundo tertioque suprà nigro lineatis.
Thorax niger, luteo lineatus maculatusque. Abdomen ni-
grum , segmentis margine luteis, secundo in parte nigré
luteo maculato. Pedes luter, coxis et femorum basi lat&
nigris. Alæ subhyalinæ , subfusco-ferrugineæ.
Tête noire ; chaperon , une tache sous les yeux, une autre
sur la face de chaque côté près des yeux , une partie de l'orbite
postérieure des yeux, et'une ligne ondulée sur le front au-des-
sus des antennes, de couleur jaune. Antennes jaunes, les trois
articles de la base portant en dessus une ligne noire. Corselet
noir , taché et rayé de jaune. Abdomen noir , le bord inférieur
de tous les segmens jaune, séparé de la partie noire par une
ligne ondulée, Pattes jaunes ; les hanches et les deux tiers
des cuisses noirs. Ailes d’un brun ferrugineux , cependant assez
transparentes. Femelle. Long. 10 lis.
Ouvrière , entièrement pareille. Taille un peu plus petite,
le. Pattes jaunes : hanches et cuisses noires en dessus.
Le reste comme dans la femelle, le sixième segment abdominal
comme les précédens. Long, 10 lig.
Commune en France.
15. Pouistès ne Grorrroy, — Polisies Geoffroyi Sérv. et
Sant-Farg. Encycl. tom. X,p. 173, n° 9. — Geoffr: Ins.
Par. tom. IL, p. 374, n° 5. La femelle seule décrite.
Caput nigrum , clypeo luteo, nigro maculato ; maculé
sub oculis, alid utrinque in facie ponè oculos, oculorum
orbitæ posterioris parte et suprà antennas line4 undu-
528 HISTOIKE NATURELLE
latä, luteis : antennis luteis rufisve, articulis omnibus in
utroque sexu suprà nigro lineatis. Thorax niger, luteo
lineatus maculatusque. Abdomen nigrum , segmentis mar-
gtne tenut luteis, secundo in parte nigrä luteo maculato.
Pedes lutei; coxis et femorum basi lat& nigris. Alæ hya-
linæ, subferrugineo-fuscæ. ;
Tête noire : chaperon jaune avec une tache noire ; une ligné
frontale , base des mandibules, une tache avant cette base , une
autre au bord interne des yeux et une troisième derrière eux, de
couleur jaune. Antennes d’un jaune fauve, noires en dessus
dans les deux sexes. Corselet noir ; son bord antérieur , le bord
supérieur des épaulettes, écailles des ailes, une tache sous
chaque écaille, deux autres sur l’écusson, deux sur le pust-
écusson et deux lignes longitudinales ainsi que deux points laté-
raux sur le métathorax , de couleur jaune. Abdomen noir , tous
ses segmens bordés d'une ligne jauue transversale, ondulée anté-
rieurement ; le second senleinent portant en outre un point jaune
latéral sur la partie noise. Pattes jaunes : hanches noires ;
cuisses aussi noires , avec le bout jaune. Ailes un peu fauves.
Femelle. Long. 11 lg. .
| Ouvrière. Semblable à la femelle féccnde.
Le mäle a tout le front et les mandibules , à l'exception de
l'extrémité, jaunes. Sun corselet a la poitrine el plusieurs taches
latérales de cette couleur. Le premier segment de l'abdomen a
un point jaune latéral. Les palies sont jauues, avec les hanches
et les cuisses rayées de noir en dessus.
Assez commune en {'rance, Musée de M. Serville et le
mien.
16. PorisTÈs DIADÈME. — Polistes d'adema Tatr. Dict.
d'Hist. Nat. Serv. et Saint-Farg. Encycl. tom, X, p. 173,
n°7, F.
Caput nigrum ; clypeo nigro, luteo bilineato; line su-
perä subiüs crenatd, lined aliä in fronte et maculis
tribus, luteis. Antenñæ luteo-rufcæ, suprà nigro lineatæ.
DES HYMÉNOPTÈRES. 520
ce
T'horax niver, luteo lineatus maculatusque. Abdomen
nigrum , seginentis MArotre luteis , primo secundoque in
parte nigré luteo maculutis. Pedes lutei, coxis femorum-
que basi nigris. Alæ hyalinæ, subferrugineo-fusceæ.
Tête noire : chaperon ayant deux lignes jaunes, la supé-
rieure crenelée en dessous ; une autre ligne jaune sur le front,
trois taches de même couleur , l’une avant la base des man-
dibules , une autre au bord interne des yeux et la troisième
derrière eux. Antennes fauves, noires en dessus ; le premier
artiele jaune en dessous. Corselet noir ; son bord antérieur , le
bord supérieur des épaulettes , celui de l’écaille des ailes , une
tache sous cette écalle , deux autres sur l’écusson , deux sur le
post-écusson , deux lignes longitudinales, ainsi que deux points
latéraux sur le métathorax , de couleur jaune. Abdomen noir :
tous les segmens bordés d’une ligne jaune transversale , ondulée
antérieurement ; les deux premiers portant en outre sur la partie
noire, de chaque côté, un petit point jaune. Pattes jaunes ; han-
ches noires , cuisses noires, celles ci jaunes à l'extrémité. Fe-
melle. Long. 11 lig.
Ouvrière. Semblable à la femelle féconde. Un peu plus
petite et surtout plus mince de l’abdonen.
Blale. Derniers articles des antennes entièrement jaunes.
Paites jaunes ; hanches et cuisses noires, seulement en dessus.
Sixième segment abdominal semblable aux précédens. Le reste
comme dans la femelle.
Commune aux environs de Paris. Musée de M. Serville et
. le mien.
17. PoLisTÈs TÉNÉBREUSE, — Polistes tenebricosa De Haan,
F, %.
Caput nigrum; clypeo, oculorumque orbit& et emar-
ginaturé ferrugineis; antennis supra nigris, subtùs fer-
ruginers. Thorax niger ; humeris, alurum squamd u
scutello, postscutello, metathoracisque profundè trans-
verse striali dorso, ferrugineis. Abdomen ferrugineum .
WYMÉNOPTÈRES, TOME I. 34
530 HISTOIRE NATURELLE
segmentis terlio quartoque nigris. Pedes ferruginei. Alæ,
præsertim ad basim, rufo-fusciores.
Tête noire ; chaperon, orbite des yeux et leur échancrure
ferrugineux : antennes noires en dessus , ferruginense en des-
sous. Corselet noir; épaulette, écaille de l’aile et les environs,
écusson et post-écusson ferrugineux , ainsi que le dos du mé-
tathorax , qui est profondément strié transversalement. Abdo-
men ferrugineux ; les bords du dos à la partie postérieure du
premier segment et ceux de la partie antérieure du deuxième
un peu bruns; les troisième et quatrième segmens noirs. Pattes
ferrugineuses. Ailes d’un brun roussâtre, plus brunes vers la
base. Ouvrière. Long. 9 lig.
Ile de Java, Asie méridionale. Musée de M. Serville.
Donnée sous le nom d'Æpipona tenebricosa par M. De Haan.
18. PoListÈs PALLIPÈDE. — Polistes pallipes, F, *%.
Caput nigrum ; mandibulis, clypei apice et basi latä,
oculorum orbit& anticä et Jasciä post-oculos, ferruginvis :
antennæ supra nigræ, subis J errugineæ. Thorax niger,
p'othoruce humerisque luteo malginalis , alarium squamd
Jerrugined. Abdomen fuscè ferrugineum, subnigricans,
rufo submicans, segment primi marzine postico toto,
secundi strigä marginuli in dorso brevi tenuique , lutets.
Pedes ferruginet, Jemoribus nigro maculatis, genubus
tarsisque pallide luteis. Alæ Jusciores, violuceo - ni-
tentes,
Tête noire : mandibules, bout antérieur du chaperon et
une large purtion de sa base, orbte antérieure des yeux et
leur échancrure ; et derrière les yeux, sur les côtés de la tête,
une bande longitudiuale, de couleur ferrugineuse. Antennes
noires en dessus , lerrugineuses en dessous. Corselet noir :
bord postérieur du prothorax et des épaulettes jaune päle :
écaille des ailes ferrugiueuse. Abdoruen noirätre, uno peu ler
rugineux , avec uu reflet un peu roux, occasioné par un duvet
très-court de cette couleur : bord postérieur entier du premier
DES HYMÉNOPTÈRES. 53:
segment jaune pâle , une petite ligne courte très-mince de cette
couleur sur le bord dorsal postérieur du second. Pattes d’un fer-
rugineux assez clair ; les cuisses portant une tache noire irré-
gulière ; genoux et tarses d’un jaune pâle. Ailes fort brunes,
avec un reflet violet. Ouvrière. Long. 10 lig.
Amérique septentrionale. Musée de M. Serville.
19. PoLisTÈs oRNÉE. — Polisites ornata, F.
Polisies marginalis ? Fab. Piez. p. 270, n° 17.
Caput ferrugineum, vertice ad stemmata lat nigra :
antennæ ferrugineæ. Thorax, prothorace ferrugineo ,
dorso et subis nigro, metathoracis fuscè ferruginei li-
neis duabus longitudinalibus luteo-allidis. Abdomen
ferrugineum , segmenti primi nigrt, secundique et terlit
margine postico luteo-albido. Pedes Jerruginet. Alc fer-
rugineo-hyalinæ.
Tête ferrugineuse, une large tache noire au vertex autour
des ocelles. Antennes ferrugineuses. Corselet : prothorax fer-
rugineux ; dessous et dos noir; métathorax d’un brun ferrugi=
neux, portant deux lignes longitudinales d’un blanc jaunûtre-
Abdomen ; son premier segment noir , avec le bord postérieur
d’un blanc jaunâtre ; les autres seymens tous ferrugineux : les
second et troisième bordés postérieurement de blanc jaunâtre.
Pattes ferrugineuses. Ailes transparentes , d’un roux ferru-
gineux. Ouvrivre. Long 3 lis.
Cap de Bonne-Espérance, Afrique méridionale. Musée de
M. Serville.
Cette Polistès a tant de ressemblance avec la Polistes mar-
ginalis Fab. ut supra , que je serais tenté de la prendre pour
elle. Dans la description, ( Ent. Syst. t. 2, p. 264 , n° 42),on
trouve des fautes évidentes : le premier segment y est dit ferru-
giveux, tandis qu'il est noir dans la phrase spécifique : dans
celle-ci le troisième est dit être noir, pourquoi ne serait-il pas
ferrugineux dans la nature ? L’écusson est noir dans la nôtre.
34.
Lu
532 HISTOIRE NATURELLE
x
20. PorisTÈs pe Poe. — Polistes Poeyi, F, *%.
Caput rufo-ferrugineum, orbitis oculorum posticis
mandibulisque subluteolis, facie omni pilis brevissimis
albo-argenteis subsericed : antennœ ferrugineæ , articulis
intermediis supra nigricantibus. Thorax rufo- ferrugi-
neus, prothorace humerisque luteolo marginatis; maculé
sub alis, alarum squamd , scutelli margine antico , post-
scutello , metathorarisque maculis duabus magnis, luteo-
lis. Abdomen ferrugineum, sesmenti primi margine in-
J'ero et lateribus late luteolis, secundi, tertii quartique
margine infero intùs sinualo luteolo. Pedes ferrugineo
luteoque mixti. Alæ hyalinæ, subrufescentes, nervuris
rufis. 4
Tête d’un ferrugineux pâle , orbite postérieure des yeux et
mandibules d'un jaune pâle , face entièrement couverte de poils
soyeux très-courts , d'un blanc argentin. Antennes ferrugineu-
ses, les articles intermédiaires noirâtres en dessus. Corselet
d’un roux ferrugineux ; prothorax et épaulettes bordés de jaune
pâle : une lache sous les ailes, l’écaille de celles ci, bord au-
térieur du corselet et post-écusson entier, de couleur jaune
pâle , ainsi que deux grandes taches sur le métathorax Abdo-
men ferrugineux ; le bord postérieur et les côtés du premier
segment de couleur jaune, ainsi que le bord postérieur des
deuxième, troisième et quatrième; le bord inférieur de la
partie jaune de ces trois derniers est ondulé. Pattes mélées et
nuancées de jaune et de ferrugineux. Ailes transparentes, un
peu rousses , nervures rousses.
lle de Cuba, Amérique méridionale. Musée de M. Ser-
ville. Envoyée par M. Poey.
4 .:
DES. HYMÉNOPTÈRES. 533
3° Genre. POLYBIA. — POLFBIA (à).
Syn. Polistes Fab., Latr. , Serv. et Saint-larg. Encycl.—
Vespa Oliv. Degéer.
Caractères. Première dent des mandibules fort rappro-
chée des autres, courte , obtuse ; les trois autres égales entre
elles et également espacées.
Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire ;
l'angle portant une petite dent.
Abdomen pédiculé : ce pédicule court, à peine composé
du tiers du premier segment, lequel est en massue, à peine
tuberculé latéralement; deuxième segment un peu rétréci à
sa base et s'élargissant ensuite en cloche.
Pattes assez fortes et courtes.
Radiale s’avançant plus près du bout de laile que la troi-
sième cubitale.
Deuxième cubitale rétrécie vers la radiale, mais ayant
encore un pelit côté commun avec elle; étroite et peu dila-
tée vers le disque.
Troisième cubitale carrée.
Ce genre étant entièrement exotique, nous n’avons à ajou-
ter aucune particularité à son histoire.
Espèces du genre Polybia.
1. PoLysiA LILIACÉE. — Polybia liliacea, V.
Polisies liliacea Fab. Piez. p. 271, n° 10. :
Caput et antennæ nigræ, facie subsericeo-argented.
Thorax niger, dorsi limbo exteriori toto, lineisque dua-
bus anticè abbreviatis, post'cè coeuntihus, scutello post-
scutelloque luteolis : metathoracis linets duabus longitu-
Se
*
(1) Vivant plusieurs ensemble.
534 HISTOIRE NATURELLE
dinalibus luteolis ; pleuris sericeo - argenteis. Abdomen
nigrum , segmentorum margine infero luteolo. Pedes
nigri, tarsis subis ferrusineis. Alæ subhyalinæ, ad
costam fuscæ.
Tête et antennes noires ; face garnie d’un duvet soyeux ar-
genté, surtout sur les côtés. Corselet noir ; bord du prothorax
d’&n jaune pâle, et une ligne latérale le long de l’insertion des
ailes, encadrant le dos, qui porte deux lignes d’un jaune pâle ; ces
lignes n’aboutissent pas tout-à-fait au prothorax, et se réunissent
avant d'arriver à l'écusson qu’élles attéignent. Celui-ci d'un
jauné pâle , ainsi qué le post-écusson. Cette couleur est encore
ééllé di bord inférienr dés cinq scgmens de l’abdomen. Le
bord inférieur de cette bordure droit, sans sinuosité : elle
se prolonge en dessous de chacun d'eux , excepté pour le pre-
mier segment Pattes noires; dessous des tarses garni de poils
férrugineux. Ailes asséz transparentes , fort brunes le long de
la côte. Ouvrière. Long. 8 lig.
Amérique méridionale , Cayenne. Musée de M. Serville.
2. Porygra FAsCIÉE. — Polybia fasciata, F.
Polistes fasciata, Serv. et Saint-Farg. Encycl. tom X,
p: 172, n° 4°
Polistes fulvo fasciata Latr. Gen. Crust. et Ins. tom. IV,
p. 142.
Vespa fasciata Oliv. Encyc. tom. VI, p. 676, n° 35.
Vespa fulvo fasciata Vegéer, Mém. Ins. tom. IIT,
p. 581,n04, PLl.29,fig. 8.
: Réaum. Mém. Ins, tom. VI, PL 14, fig. 8?
Caput luteo-ferrugineum , vertice latè nigro : antennæ
ferrugineæ, articulo primo suprà nigro sublineato. Tho-
rax luteus, humerorum utrinque macul& parvä nigré,
dorsi lineis tribus nigris; metathoracis lined longitudi-
nali medid et maculé utrinque laterali fuscè ferrugt-
meis. Abdomen ferrugineum, segmentorum omnium ,
.. cdftite nn. one dcr ddr hd
DES HYMÉNOPTÈRES. 535
margine infero, secundique basi luteolis. Pedes ferru-
ginei. Alæ rufo-hyalinæ, nervuris rufo-fer rugineis.
Tête d’un jaune ferrugineux ; vertex noir, cette couleur s’é-
tendant assez loin derrière les yeux. Antennes ferrugineuses ,
le premier article ayant un peu de noir en dessus Corselet
jaune ; prothorax quelquefois un peu taché de noir en devant :
une tache noire de chaque côié sur les épauleites : trois lignes
de cette couleur sur le dos : milieu de l'écusson ferrugiueux :
métathorax portant dans son milieu une ligne, et de chaque
côté une tache d’un brun ferrugineux. Abdomen ferrugineux ;
bord postérieur de tous les segmens et base du second d’un
jaune päle. Pattes ferrugineuses. Ailes transparentes, un peu
rousses ; les nervures d’un roux ferrugineux. Ouvriere. Long.
7 lig.
Amérique méridionale, Cayenne, Musée de M. Serville.
Apportée par M. Richard.
4 Genre. AGELAIA. — AGELAIA (1).
Caractères. Première dent des mandibules fort rappro-
chée des autres, très-courte, obtuse; les trois autres égales
entre elles et également éspacées.
Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire,
obtus.
Abdomen pédiculé : ce pédicule composé du premier seg-
ment entier, lequel est presque conique, unituberculé laté-
ralement; deuxième ségment faiblement rétréci à sa base,
s'élargissant ensuite en cloche.
Pattes moyennes; tarses assez longs.
Radiale s’avançant considérablement plus près du bout de
l'aile que la troisième cubitale.
Seconde cubitale à peine rétrécie vers la radiale, peu dila-
tée vers le disque.
(1) Vivant en societe.
536 HISTOIRE NATURELLE
Troisième cubitale presque carrée.
Les voyageurs ne nous ont rien fait connaître de l’histoire
’ L U * 1 21 = s. *
de l'espèce que nous rapportons à ce genre.
»
Espèce du genre Agelaia.
1. AGELAïÏA FUSCICORNE. — Agelaia fuscicornis, F, *%.
Caput luteolo-ferrugineum. Antenn® ftrrugineæ , su-
Prà, tribus primis articulis exceptis, nigr'cantes. Thorax
ferrugineus, luteolo mixtus, lined dorsali fusco:ferru-
gincd. Abdomen nigricans, segmento primo secundique
basi latä, ferrugined. Pedes ferruginei. Alæ subhyalinæ,
Jerrigineeæ.
Tête ferrugineuse , un peu nuancée de jaune pâle. Antennes
ferrugineuses, dessus des articles noirâtre, excepté celui des
trois premiers. Corselet ferrugineux, muancé de jaune pâle,
portant une ligne dorsale d’un brun ferrugineux. Abdomen
noirâtre , excepté le premier segment et la base du second jus-
qu'aux deux tiers, qui sont ferrugineux. Pattes ferrugineuses.
Ailes demi-transparentes, ferrugineuses. Ouvrière. Long. 10 lig.
Patrie inconnue. Musée de M. Serville.
5e Gexre. APOICA, — APOICA (à).
Caractères. Première dent des mandibules indistincte ;
les trois autres éga'es entre elles, également espacées.
Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire,
obtus.
Abdomen pédiculé, long , un peu déprimé : ce pédicule
composé de pius de la moitié du premier segment, lequel
la forme d'une massue, et est unituberculé latéralement ;
deuxième segment commencant dès sa base à s’élargir.
2 Te
(1) Colonie, peuplade.
DES HYMÉNOPTÈRES. 537
Pattes grêles ; tarses longs.
Radiale ne s'avançant pas beaucoup plus près du bout de
l'aile que la troisième cubitale.
Deuxième cubitale rétrécie vers la radiale, maïs ayant un
côté commun avec elle, assez dilatée vers le disque.
Troisième cubitale carr e.
Ce genre exotique n’a point été observé dans ses habitudes.
Espèces du genre Apoica.
1. APoïcA LINÉOLÉE. — Apoica lineolata, V. >%.
Caput ferrugineum, mandibularum bas et orbitä ocu-
lorum posticä pallidis : antennæ, basi fusco-ferrugineæ,
in medio, suprà præseriim, nigricantes, apice luteolæ.
Thorax jusco-ferrugineus ; humerorum maculé, alid
sub alis, dorsi lineolä duplici brevi, scutello, postscutello,
ec melathoracis maculd duplici, pallidis. Abdomen fer-
rugineum, primi segmenti margine postico suprà pallido.
Pedes ferruginei. Alæ hyalinæ, cellulé primé brachiali
omnino fusco-ferrugined.
Tête ferrugineuse; base des mandibules pâle, ( peut-être
jaune dans l’Insecte vivant), l'autre portion garnie d'un duvet
court d'un blanc argentin : orbite postérieure des yeux bordée
d’une ligne pâle qui se continue derrière les ocelles. Antennes
d’un brun ferrugineux à leur base; leur bout d’un jaune pâle ;
les articles intermédiaires noirâtres , surtout en dessus. Corse-
let d'un brun ferrugineux : une tache aux épaulettes, une
autre sous les ailes, une double ligne courte sur la partie in-
férieure du dos, écusson, post écusson et deux grandes taches
sur le métathorax, de couleur pâle Abdomen ferrusineux , dos
du premier segment, vers le bord postérieur, de couleur pâle.
Pattes lerrugineuses. Ailes transparentes ; première cellule bra-
chiale seule entièrement d’un brun ferrugineux. Ouvrière?
Long 13 lig.
Buenos-A vres, Amérique méridionale. Musée de M.Serville.
538 HISTOIRE NATURELLE
2. Aroïca PÂLE, — Apoica pallida, F, %—.
Caput ferrugineum , mandibularum basi et orbité ocu-
lorum posticä pallidis : antennæ basi fusco ferrugineæ ;
in medio , suprà præsertim, nigrican'es , apice luteolæ.
Thorax ferrugineus, humerorum margine ; maculé sub
alis , scutello, postscutello , et metathoracis maculd du-
plici, pallidis Abdomen pall:dum, primi segmenti basi,
ceu pediculo, ferrugineo. Pedes ferruginei. Alæ hyalineæ ,
cellul& primé brachiuli omninod fusco- ferrugined.
Tête ferrugineuse; base des mandibules et orbite postérieure
des yeux pâles ; cette couleur se continuant derrière les ocelles.
Antennesd'un brun ferrugineux à leur base ; leur bout d’un jaune
pâle; les articles intermédiaires noirâtres, surtout en dessus.
Corselet ferrugineux ; bord des épaulettes ; une tache sous les
ailes , écusson , post-écusson et une tache double sur le méta-
thorax, de couleur pâle. Abdomen pâle; base du premier
segment , c’est-à-dire le pédicule , ferrugineux. Pattes ferrugi-
neuses. Ailes transparentes ; première cellule brachiale seule
entièrement d’un brun ferrugineux. Ouvrière? Long. 13 : lg.
Sérait-ce une simple variété de la première espèce?
Cayenne , Amérique méridionale, Musée de M. Serville.
6° Gevrr. RHOPALIDIA. — RAOPALIDIA (1).
Caracières. Première dent des mandibules indistincte;
les trois autres très-courtes, égales entre elles , et également
espacées.
Prolongément du bord antérieur du chaperon angulaire ,
l'angle portant une petite dent. |
Abdomen pédiculé : ce pédicule composé du premier
segment qui est en forme de massue, à peine tuberculé laté-
CN PP RRQ PREND ES en En due RP né os ee
(1) Petite massue.
DES HYMENOPTÈRES. 539
ralement ; second segment commencant dès sa base à s’élargir
en cloche,
Pattes moyennes.
Radiale s’avançant plus près du bout de l'aile que la troi:
sième cubitale.
Deuxième cubitale très rétrécie vers la radiale, sans sy
terminer en pointe, moyennement dilatée vers le disque:
Troisième cubitale presque carrée.
Genre exotique. Mœurs inconnues.
Espèces du genre Ahopalidia.
1. RHoPALIDIA CORSELET-ROUX. — RAopalidia rufithorax,
AE
Caput cum antennis nigrum. Thorax ferrugineo-ru-
Jus, sublomentosus. Abdomen nigrum , segmento primo
secundique basi tenui ferrugineis. Pedes ferruginei. Alæ
Jusciores, violaceo subnitentes.
Tête entiérement noire, ainsi que les antennes. Corselet
d’un rouge ferrugineux , garni d’un duvet court, serré. Ab:
domen noir , premier segment et la base du second d’un rouge
ferrugineux ; cette dernière très-étroite. Pattes ferrugincuses.
Ailes très-brunes, surtout vers la base, ayant un reflet violet,
Ousrière ? Long. 6 : lig:
Cayenne, Amérique méridionale. Musée de M: Serville.
2. RHOPALIDIA PÂLE:— Rhopalidia pallens.
Caput pallidum , vertice rufo-fusco. Antennæ nigræ,
articulis primo secundoque pallidis. Thorax pallidus,
Jerrugineo varius; dorso ferrugineo, albido cincto ; scu-
tello, postscutelloque pallidèe ferrugineis. Abdominis
segmenta prünum secundumque pallida, margine infero
tenui allido ; tertium , quartum quintumque et anus ni-
gro. Pedes pallidi. Alæ hyalinæ, nervuris rufis.
4
540 HISTOIRE NATURELLE
Tête pâle, vertex d’un brun ferrugineux. Antennes noires,
leur premier et second articles pâles. Corselet pâle , nuancé de
ferrugineux : le dos ferrugineux , entouré par le bord du pro-
thorax et des épaulettes qui est blauchâtre : écusson et post-
écusson d’un ferrugineux pâle. Premier et deuxième segmens
de l'abdomen pâles, leur petit bord inférieur blanchâtre, les
autres et l’anus noirs. Pattes pâles. Aïles transparentes, nervures
rousses. Ouvrière. Long. 5 lig.
Var. Milieu du dos du corselet plus clair.
Cayenne, Amérique méridionale. Musée de M. Serville.
7° Genre. EPIPONA. — EPIPONA.
SYNONYME. Æpipona Lat. — Polistes Fab.
Caractères. Première dent des mandibules très-distincte,
très obtuse , rapprochée des trois autres; celles-ci pointues,
égales entre elles, également espacées.
Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire,
paraissant un peu bifide.
Abdomen pédiculé : pédicule à peu près de la longueur
du reste de l'abdomen , composé du premier segment, le-
quel est en forme de massue; second segment s 'évasant;, dès
sa base, fortement en cloche. où 7194
v1:9
Pattes moyennes.
Radiale s’avançant beaucoup plus près du bout de l'aile
que la troisième cubitale.
Deuxième cubitale rétrécie assez fortement vers la radiale.
Troisième cubitale fort dilatée vers le limbe.
Ce genre exotique doit se rapprocher en quelques parties
de ses mœurs, des Guëpes cartonnières dont nous allons par-
ler au genre Chartergus.
Espèces du genre Epipona.
1. EPIPONA TATUA, — £pipona tatua, F.
Syx. Polistes morio Fab. Pier. p. 279, n° 45. — Latr,
ES UYMÉNOPTÈRES. 5j
Gen. Urust. et Ins. tom. IV, p. 142.— Serv. et Saint-Farg.
Encyel. tom. X, p.172, n° 2.
Nigra tota, nilens, punctulata : alarum basi costd-
que nigris.
Corps entièrement d’un noir luisant et finement pointillé.
Antennes noires. Ailes en partie transparentes , brunes vers le
bord antérieur, surtout du côté de la base. Ouvrière. Long.
6 lig.
Aläle. Semblable.
Cayenne, où elle est connue sous le nom de Tatua. Amé-
rique méridionale. Musée de M. Serviile.
2. EpiPonA À cEINTURE. — Æpipona cinctu, V, %.
Nigra, punctulata, griseo subiomentosa , prothorace
humerisque pallido marginatis ; abdominis segmenti se-
cundi margine postico luteo. Alæ hyalinæ, costé et ma-
culd in cellulæ radialis apice magnd , nigro fuscis.
Noire , très-ponctuée , chaque point émettant un poil couché
gris. Bord du prothorax et une partie de celui des épaulettes
päles : bord postérieur du second segment de l'abdomen jaune.
Pualtes noires, ponctuées. Ailes transparentes, côte brune,
ainsi qu’une assez grande tache sur le ‘bout de la cellule radiale.
Ouvrière. Long. 6 lig.
Sénégal, Afrique équinoxiale. Musée de M. Serville.
3. EriPoNA BORDÉE. — Epipona marginata , V, %.
Ferruginea, punctulata, albido-rufo subtomentosa ;
antennarum apice , scutello, postscutelloque et abdomi-
nis seginentorum margine infero, pallidis. Pedes pallidè
Jerruginei. Alæ rufo-hyalinæ , maculä in cellulæ radia-
lis apice magnd fusca.
Fcrrugineuse, très - ponctuée, chaque point émettant un
poil couché d’un roux blanchâtre. Bout des antennes, écusson
et post-écusson päles , ainsi que le bord inférieur des segmens
542 HISTOIRE NATURELLE
de l'abdomen, Pattes d’un ferrugineux pâle. Ailes un peu rous-
sâtres , mais transparentes ; une assez grande tache brune sur
le bout de la cellule radiale, Ouvrière. Long. 6 lig.
Male. Tarses plus pâles, tirant au jaune : le reste comme
dans l’ouvrière.
. Inde. Musée de M. Serville.
8e Genre. CHARTERGUS. — CHARTERGUS (1).
Syxonvmie. Vespa Fab.— Polistes Lat. — EpiponaLatr.
Caractères. Première dent des mandibules très-courte,
rapprochée des autres ; celles-ci pointues, égales entre elles,
également espacées,
Prolongement du bord antérieur du chaperon angulaire.
Abdomen sans pédicule.
Paties moyennes.
Radiale s'avançant plus près du bout de l'aile que la troi-
sième cubitale.
Deuxième cubitale pas beaucoup rétrécie vers la radiale.
Troisième cubitale un peu dilatée vers le limbe.
Histoire du genre Chartergus.
Nous avons déjà, dans l'Histoire générale des Po-
listides, dit un mot des travaux des Chartergus par
comparaison avec ceux des Polistides européens. Mais
leur architecture, bien différentede celle de ceux-ci,
mérite bien qu'à la suite de Réaumur, nous y rame-
nions le naturaliste.
« Les différens guépiers de nos Guêpes d'Europe,
» dit notre auteur, tom. VI, Mém., 7 (pour Réaumur
» et les auteurs de son siècle , tous nos Polistides sont
(1) Qui fait du carton.
2
>
»
DES HYMÉNOPTÈRES. 543
des Guëpes), que nous avons trouvés si industrieu-
sement construits , soutiendront mal la comparaison
avec ceux d’une espèce de Guêpes d'Amérique : ils
ne nous paraîtront plus que des ouvrages grossiers.
L’enveloppe de ceux dont nous nous occupons est
une espèce de vase solide qui soutient une forte
pression. Il est d’un carton qui ne le cède en rien
au plus beau, au plus blanc, au plus fort que nous
sachions faire. Qu'on remette ce vase entre les mains
d'un de nos ouvriers ex carton , sans lui dire par qui
celui-ci a été fabriqué, il aura beau le tourner et le
retourner , l’examiner en tout sens et le déchirer, il
ne lui viendra jamais dans l'esprit de soupconner
qu'il puisse avoir été fait par quelqu'un qui n'est pas
de sa profession.
» Les environs de Cayenne sont un des pays de
l'Amérique où on les trouve : ils restent exposés à
toutes les injures de l'air : ils sont suspendus par
» leur partie supérieure, et la plus menue, à une branche
3
ÿ
d'arbre. Au bout de cette partie est une espèce de
long anneau , ou plus exactement un tuyau long de
deux ou trois pouces , dans lequel passe une branche
plus grosse que le doigt ; la branche a été le noyau
sur lequel le tuyau a été construit et fixé. Depuis le
bout supérieur jusqu’à l'inférieur, le diamètre du
nid va en augmentant... Cette espèce de boîte de
carton est de figure conique et fermée par en bas;
elle a un fond de même matière que le reste des
parois, convexe en dehors, et qui s’allonge plus
qu'ailleurs à son milieu. Le trou qui est à sa partie
la plus basse à environ cinq lignes de diamètre. C'est
la seule et unique porte qui donne entrée et sortie
aux Guëépes.
544 HISTOIRE NATURELLE
» Ce nid est occupé en partie, comme celui d’autres
» Guépes, par des gâteaux disposés par étages. J'en ai
» compté onze dans un guépier : il peut s’en trouver
quelques-uns de plus dans d’autres. Comme les gà-
» teaux des autres Guêpes, ils sont remplis de cellules
» hexagones , et seulement sur leur face inférieure ; le
» reste de l'architecture de nos faiseuses de carton est
» d’ailleurs différent de l'architecture de celles qui ne
» font que du simple papier. Les gâteaux des pre-
» mières ne sont point presqûe plats, comme le sont
» ceux des zutres ; ils sont convexes en dessous, comme
» la pièce que nous avons déjà décrite et qui sert à
». fermer la boîte : le dessus est concave et lisse. Ces
» gâteaux ne tiennent pas les uns aux autres ; il n'y a
» point de piliers placés dans les intervalles qui res-
» tent entre eux : ces espaces sont entièrement libres :
» chaque gàteau est fixé dans tout son contour contre
ÿ
» les parois de la boîte. L'union de chaque gâteau avec
» la boîle est si parfaite, qu'il semble que le guépier
. . ’ L ” ? A » . #
entier ait été fait d’une pâte fluide jetée en moule, et
>
» que la boîte et les gâteaux sont venus du même jet.
» 11 suit de la description, queles Guêpes ne trou-
» vent pas de passage pour aller d'un gâteau à l'autre,
» entre ceux-ci et les parois de la boîte : il est dans
» l'endroit où le gâteau a le plus de convexité, dans la
» partie la plus basse.
» Les gâteaux des Frélons, ceux des Guépes sou-
terraines et ceux des Polistes, ne sont précisément
» que des plaques faites de cellules également pro-
» fondes , mises les unes auprès des autres. 11 n'en est
>
pas de même des cartonnières ; elles font d’abord une
» feuille de carton épaisse d'environ une ligne, et de fi-
» gure convenable , c’est ensuite sur cette feuille, qui
DES HYMÉNOPTÈRES. 545
était une table rase, qu’elles bâtissent des cellules les
unes auprès des autres. Elle met à l'abri les larves du
gâteau qui la précède. Cette pièce de fond deviendra
une pièce intermédiaire quand les cartonnières vou-
dront augmenter le nombre des gâteaux de leur
guépier. Pour cela, elles prolongeront la boîte de
carton et la feront descendre par-delà la pièce qui en
fait le fond. Quand la nouvelle pièce sera finie, l’'an-
cien fond se trouvera renfermé dans le guépier ,
comme les premiers gâteaux, et en deviendra un
nouveau, lorsque des cellules auront été bâties sur
sa surface inférieure. C’est ainsi que le nombre des
gâteaux est multiplié, sans que les cellules se trou-
vent jamais à découvert.
» Quand j'aurais été à portée de voir travailler nos
Guëpes , je ne pourrais établir, que l’ordre, dans le-
quel elles font leur ouvrage, est celui que je viens
d'expliquer , par une meilleure preuve que celle que
m'ont fournie plusieurs deleurs guépiers que j'ai ou-
verts. Le dernier gâteau de quelques-uns était tout
couvert de cellules en dessous ; dans quelques autres
il n'avait que la moitié des cellules qu'il devait avoir :
enfin, dans d’autres, ce gâteau n'avait encore que
quelques petites plaques de cellules: ce sont ordinai-
rement les plus proches de la circonférence du gäà-
teau, que les Guêpes bâtissent les premières.
» Ces cellules sont plus petites que celles des Guëêpes
souterraines. Sept de ces dernières occupent une
longueur d’un pouce et demi. La même longueur ne
peut être remplie que par plus de neuf des autres :
ainsi , un pouce et demi carré, qui ne contient que
quarante - neuf des grandes cellules, en contiendra
au moins quatre-vingt-dix de celles de nos carton-
HYMÉNOPTÈRES, TOME I. 35
546 HISTOIRE NATUKELLE
» nières. De là il est aisé de juger que les guépiers de
» celles-ci ne le cèdent pas en population à ceux des
» Guêpes d'Europe. »
Les voyageurs, qui nous rapportent ces Polistides et
leurs nids, ne nous disent rien de particulier de leurs
mœurs ni de leur récolte. La Polistès Léchéguana des
voyageurs au Brésil, qui fait aussi son nid attaché aux
branches d'arbres, doit appartenir aux genres voisins de
celui-ci. Mais personne n'a pris la peine dele décrire,
et je ne l’ai pas vu sous son nom brésilien dans les mu-
sées que j'ai pu visiter, quoiqu'il puisse être l’un des
Polistides que j'ai décrits.
Espèces du genre Chartergus.
1. CHARTERGUS NOIR. — Chartergus ater, V, *%.
Ater, punctulatus, nigro subhirtus ; alis nigris, apice
subhyalinis.
D'un noir mat, pointillé ; de chaque point sort un petit poil
noirâtre , droit. Ailes noires et opaques jusqu'aux trois quarts
de leur longueur : le bout assez transparent. Ouvrière? Long.
6lig. |
Ce Chartergus est sans indication de patrie, dans le Musée de
M. Serville.
2. CHARTERGUS CARTONNIER. — Chartergus nidulans.
Syn. Vespa nidulans Fab. Piez. p. 266, n° 68. —
Coqueb. Illustr. Icon. tab. 6, fig. 5.
Polistes nidulans Latr. Gen. Crust. et Ins. tom. IV,
p- 141. — Serv. et Saint-Farg. Encycl. tom. X, p. 172;
n°5.
Réaum. Mém. Ins. tom. VI, PI. 20 ( excepté la fig. 2),
21 (excepté les fig. 2 et 3), 22, 23 et 24.
DES HYMÉNOPTERES. 547
Nigra, punctulata ; prothoracis line&, post-scutello-
que et abdominis segmentorum margine infero luteolo-
albidis. Pedes nigri. Alæ hyalinæ , nervuris nigris.
Noir, pointillé ; une ligne transversale sur le prothorax , une
sur le post-écusson d’un jaune pâle , ainsi que le bord postérieur
des segmens de l'abdomen. Pattes noires. Ailes transparentes,
nervures noires. Ouvrière. Long. 5 lig.
Amérique méridionale, Cayenne, Musée de M. Serville.
FIN DU PREMIER VOLUME.
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£ Era vbs 10) LE fx 499
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4 Nov
DIVISION DE L'OUVRAGE
et Noms des Collaborateurs. <<
2 —
Zoologie générale (Supplément à
Buffon), par M. H. GEOFFROY ST-HILAIRE,
2 ge de l’Institut, professeur au Mu-
um,
Cétacés, par M.F. Cover, membre
de l'Institut, professeur au Muséum,
meptiles, par M. C. DumÉRriL, mem-
bèe de l'Institut, professeur à Ja Faculté
de Médecine et au Muséum, et M. Bt- :
BRON, aide-natnraliste au Muséum, Pro-
fesseur d'histoire naturelle.
poissons, par M. Aug. DumÉrir,
rofesseur à la Faculté de médecine etau
uséum. ;
Entomologie (Introduction à :l'E-
tude de 1’), par M. Th. LACORDAIRE, pro-
fesseur à l'Université de Liége.
_ insectes Coléoptères,-par M. Th.
LAConDAIRE, professeur à l'Université de
Liège et M. CHapuis, membre de l’Acadé-
mie royale de Belgique.
nsectes @rthoptères, par M. At-
DINET-SERVILLE, membre de la Société
Entomologique.
ansectes Hémiptères, par MM.
Auyor et SERVILLE, membres de la So-
ciété Entomologique. 5 .
. Insectes Lépidoptères, par MM.
BorspuvaL et GUÉNÉE, membres de la S0-
ciété Entomologique.
Ensectes Névroptères, par M.
Ramsur, membre de la Société Entomo-
logique.
insectes Hyménoptières, ar
‘M. LEPELLETIER DE ST-FARGEAU, membre .
de la Société Entomologique, et M. A.
BruLLé, doyen de la Faculté des Sciences
de Dijon.
nsectes Diptères, par M Mac-
QuaRT, recteur dn Muséum de Lille.
Prix du texte (Chaque volume d'environ 500 pages) :
Pour les souscripteurs à toute la collection :
Pour les acquérêurs par parties séparées : Tire
Le prix des, volumes imprimés sur papier grand-raisin (format des
planches) est double de celui des volumes imprimés sur papier carré vergé.
Prix des planches :
Chaque livraison d'environ 10 planches noires :
Les personnes qui veulent souscrire pour toute la Collection peuvent
prendre par partie séparée jusqu'à ce q
qui a paru.
Imprimerie D. BarniN, À Saint-Germain.
Aptères (Arachnides, Scorpions, "
etc.), par M. WALKENAER, membre de
l'Institnt, et M. P. GERVAIS, professen
à la Faculté des Sciences de Paris.
Crustacés, par M. MiLNE-EDWARDS, D
membre de l’Institut, professeur au Mu-
séum, E
Mollusques (Æn préparation).
Helminthes, ne ee | doyen # Î|
de Ja Faculté des Séences de Rennes. ‘0
Annelés marins et d’eau douce, |
par M. DE QuATREFAGES, membre de l’'Ins
tifut, professeur au Muséum, et M. LEON
VAILLANT, professeur d'histoire naturelle. M
Zoophytes Acalèphes, par M.LEs. …
son, correspondant de l’Institut, phar-
macien en chef de la marine, à Rochefort.
Zoophytes Échinodermes, que
M. DusaRDiN, doyen de la Faculté des
Sciences de Rennes, et M. Hupé,aïde-na-
turaliste au Muséum. + #2
Zoophytes Corailliaires, par .
M. Miine-Epwarps, membre de l’Insti-
tut, professeur au Muséum, et M. J.
HAIME, aide-naturaliste an Muséum. #4
Zoophytes infusoires, par M. Di-
\ JARDIN, doyen de la Faculté des Sciences
de Rennes. {00
Botanique (Introduction à l'Etude
de la), par M. DE CANDOLLE, professeur M
d'histoire naturelle à Genève. * 2
Végétaux Phanérogames "25/0
M. Sracu, aide-naturaliste au r En à © ;
Végétaux Cryptogames (Æ£n pré-
paralion). SR el
Géologie, par M. Huor, membre de
plusieurs Sociétés savantes.
Minéralogie, par M. DELAFOSSE,
membre de l'institut, professeur au Mu-
séum et à la Faculté des Sciences de Paris.
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coloriées : Tfr.
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